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Full text of "Revue générale des sciences pures et appliquées"

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SIR WILLIAM CROOKES, D.Sc. FRS. 


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REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


PARAISSANT LE 15 ET LE 80 DE CHAQUE MOIS 


Direcreur : Louis OLIVIER, Docrerr às Scxces 


TOME SIXIÈME 
1895 


AVEC NOMBREUSES FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE 


PARIS 


Georges CARRÉ, Éditeur 


3, RUE RACINE, 3 


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15 JANVIER 1895 


0 " REVUE GÉNÉRALE 


DES 


SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


LE MOUVEMENT BROWNIEN 


ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES ! 


Les questions scientifiques n’ont pas toujours le 
sort qu'elles méritent; parfois elles restent long- 
temps méconnues, presque oubliées, mises en ré- 
serve pour l'avenir. Ilen estainsitrop souventpour 
celles qui touchent à la limite de deux sciences, 
à ces domaines communs où chacun hésite à se ha- 
sarder. C’est de l'un de ces phénomènes, découvert 
par les savants voués à l'étude des êtres vivants, 
observé tous les jours par eux, et qui appartient 
pourtant aux sciences de la nature inanimée, que 
je vais vous entretenir aujourd'hui; bien que 
peu important en apparence, il touche pourtant à 
l’une des questions les plus hautes de la philoso- 


-phie naturelle. 


Il 


Les premiers observateurs à qui il fut donné 
d'appliquer le microscope aux études d'histoire 
naturelle furent saisis de surprise en voyant ré- 
gner partout le mouvement et la vie. Dans une 
goutte d’eau, ils virent se mouvoir entous sens 
des êtres de formes nouvelles et singulières, et, à 
côté d'eux, s’agiter aussi et s’animer en quelque 
sorte les corps dépourvus de vitalité. Les parti- 
cules innombrables, les mille détritus organiques 
ou minéraux qui se trouvent en suspension dans 
les eaux, se montrèrent eux-mêmes animés de 


A CT" 


1 Discours prononcé à la séance de rentrée de l'Université 
de Lyon, le 3 novembre 1894. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4895, 


mouvements singuliers, d'une agitation sur place 
qui simulait, à s’y méprendre, l’aclivité des êtres 
vivants. Ce phénomène fut aperçu d'une manière 
plus ou moins incomplèle par les premiers obser- 
valeurs, qui faisaient usage de la loupe ou de mi- 
croscopes très imparfaits. Lorsque l'invention du 
microscope achromatique, en 1824, ouvrit un 
champ nouveau aux recherches, ces mouvements 
singuliers furent l'objet d’études plus approfondies. 
C'est au botaniste anglais Brown qu’'appartient 
l'honneur d’avoir le premier, en 1827, fait une 
étude systématique de ce phénomène, qu'on dé- 
signe depuis cette époque sous le nom de mouve- 
ment brownien. 

Ces publications ne passèrent pas inaperçues, 
et, dansles années suivantes, le mouvement brow- 
nien fut l’objet de recherches et d'observations 
assez nombreuses. Comme on pouvait s'yattendre, 
ce furent les naturalistes micrographes qui s’en 
préoccupèrent principalement. En effet, il n’est 
pas une seule observation faite sur les organismes 
vivant dans l’eau qui ne donne l'occasion de voir 
ce phénomène ; il y atoujours, en suspension dans 
le liquide, un grand nombre de particules d’ori- 
gines diverses qui se montrent animées de cette 
agitation caractéristique. Ces observations, ainsi 
conduites, mirent en évidence quelques faits inté- 
ressants, mais, en somme, n’aboutirent pas à des 
conclusions suffisamment molivées. On ne sau- 
rail s’en étonner: cephénomène, d'ordre physique, 

1 


ne peut guère être étudié avec fruit que par les 
méthodes propres à cette science, et ne peut être 
interprété qu'en le rapprochant des données ac- 
quises par d’autres expériences ; c’est donc aux 
physiciens qu'appartenait cette étude. Or ceux-ci 
paraissent avoir généralement méconnu ou ignoré 
le mouvement brownien; on ne le trouve presque 
jamais mentionné dans les publications relatives 
à la Physique moléculaire ou à la Théorie méca- 
nique de la Chaleur, bien qu'il s’y rattache de la 
manière la plus naturelle. 

Cette indifférence s'explique en partie par ce 
fait que le mouvement brownien était inexpli- 
cable à l'époque où il fut découvert, et en dehors 
du courant d'idées qui dominait alors sur la struc- 
ture et les propriétés générales de là matière. Les 
physiciens, ayant peu d'occasions de selivrer à des 
observations microscopiques avec de forts grossis- 
sements, condition indispensable pour cette étude, 
furent amenés à regarder ce phénomène comme dû 
à quelque cause accidentelle ou aux illusions du 
microscope, et comme peu digne de leur attention. 

Les naturalistes qui étudièrent le mouvement 
brownien s'attachèrent surtout à un point de vue 
qui le rapproche des phénomènes de la vie, objet 
de leur science. Les êtres vivants que montre le 
microscope sont souvent caractérisés par leurs 
mouvements propres, dont l'existence, bien cons- 
tatée, présente dès lors une grande importance. 
Mais si tous les corps de petites dimensions, en 
suspension dans l'eau, sont animés de mouvements 
divers, que devient ce caractère? Comment dis- 
tinguer les mouvements caractéristiques de la vie 
de ceux qui appartiennent à la nature inanimée? 
C’est cette distinction qui a surtout occupé les mi- 
crographes, et, en effet, elle était fort nécessaire ; 
plus d'un observateur novice a pris le mouvement 
brownien pour une marque de la vitalité, et a cru 
voir des microbes là où il n’y avait que des gra- 
nulations ou des particules dépourvues de vie 
propre, el souvent même des fragments de ma- 
tières minérales ou organiques. 

Un peu d'attention suffit en général pour distin- 
guer les deux ordres de phénomènes. Les mouve- 
ments des êtres vivants, quelque rudimentaire que 
soit leur organisalion, montrent une tendance 
déterminée vers un but, une direction propre, qui 
suffit à leur donner un caractère spécial. Le mou- 
vement brownien, au contraire, parail gouverné 
par le seul hasard; c’est une suile de petites impul- 
sions, orientées dans tous les sens indifféremment, 
une sorte de trépidation sur place qui, pour un 
observateur exercé, se distingue à première vue 
des mouvements propres aux êtres vivants. 

Est-il nécessaire de dire que ce mouvement 
brownien ne peut, dès lors, être attribué à des 


2 G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES 


êtres vivants, trop petits pour être visibles avec 
les plus puissants microscopes, qui, dans leur agi- 
lation incessante, meltraient en mouvement les 
particules visibles que nous observons? Une 
pareille hypothèse est détruite par ce fait que le 
phénomène se produit dans des liquides où aucun 
être vivant ne saurait exister. Les substances les 
plus toxiques, les acides ou les alcalis les plus 
énergiques n'arrêtent nullement le mouvement 
brownien; les températures élevées, qui détruisent 
toute vie, l’accélèrent au lieu de l'arrêter. C'est 
donc bien un mouvement propre à la nature inor- 
ganique; découvert par les naturalistes, il rentre 
dans le domaine des sciences physiques. Il con- 
vient, avant de rechercher les causes qui peuvent 
le produire, de nous faire une idée plus complète 
des diverses circonstances du phénomène, et de 
l’étudier dans ses traits essentiels. 

Cette étude ne présente pas de difficultés bien 
sérieuses; un microscope de puissance moyenne 
suffitpour l’entreprendre, bien que certains détails 


intéressants ne puissent être distingués qu'avec. 


les meilleurs instruments que produit aujourd’hui 
l'art de l’opticien. Une goutte d’eau tenant en sus- 
pension quelque poussière de nature quelconque, 
minérale ou organique, quelques lamelles de 
verre, tel est le matériel nécessaire. La technique 
micrographique nous fournit des moyens assez 
faciles d'éviter les courants liquides, l’'évaporation, 
les causes perlurbatrices qui compliqueraient le 
phénomène. 

L'observateur voit avec admiration, s’iln’est pas 
depuis longtemps blasé sur l'intérêt de ce spectacle, 
que, dans le champ du microscope, tout est en 
mouvement. C'est l’agitation d’une fourmilière ; 
chaque particule en suspension dans le liquide, 
sans en excepler une seule, se meut infatigable- 
mont en tous sens, sans s’écarler beaucoup de sa 
posilion moyenne. Le mouvement est essentielle- 
ment irrégulier; il semble qu'il résulte d'une suc- 
cession rapide d’impulsions agissant en tous sens, 
et sans être assujetties à aucune loi. C’est une sorte 
de trépidation ou d'oscillation sur place, qui peut 
néanmoins,à la longue, produire des déplacements 
d’une certaine étendue, et faire cheminer les parti- 
cules au sein du liquide qui les entoure. Si ces par- 
ticules sont de forme allongée, ou présentent quel- 
que point de repère sur leur surface, on reconnail 
qu'elles tournent aussi sur elles-mêmes avec la 
même irrégularité apparente. Chaque particule se 
meut indépendamment de ses voisines; mais, par 
une circonstance loute nalurelle, l'aspect général 
du phénomène est surtout frappant lorsque ces 
particules sont très nombreuses. Bien qu'à chaque 
instant ces mouvements paraissent n'obéirà aucune 
loi, néanmoins le phénomène, pris dans son en- 


- 


_ semble, est d’une régularitéévidente, et se retrouve 
_ toujours avec les mêmes caractères généraux et la 
même valeur moyenne de ces oscillations irrégu- 
- lières. Il n'y a là aucune contradiction; bien 
_ d’äutres phénomènes, gouvernés par le seulhasard, 
_ montrent, lorsqu'on les considère dans leur en- 
_ semble, cette régularité moyenne qui n’est pas 
détruite par les variations individuelles et résulte 
. du grand nombre des cas observés. 
Un coup d’æil suffit à montrer que la rapidité et 
l'amplitude du mouvement dépendent surtoutde la 
grosseur des particules, etsont d'autant plus grandes 
que ces particules sont plus petites. Au-dessus 
de {rois ou quatre millièmes de millimètre de dia- 
mètre, les oscillations sont rares et faibles; pour 
._ des dimensions quinze ou vingl fois plus petites, 
. qui correspondent à la limite de puissance du mi- 
. croscope, l'agitation est, au contraire, extrêmement 
active et si rapide que l'œil ne peut suivre ces 
points mobiles, et ne les aperçoit que par instants. 
Cet accroissement si rapide des oscillations lorsque 
les dimensions des particules diminuent, est undes 
caractères les plus importants du mouvement 
brownien; ilnous donne à penser que le phénomène 
prendrait un intérêt bien plus grand s’il était pos- 
sible de le suivre plus loin, pour des dimensions 
encoreplusréduites. Par malheur, nos microscopes 
actuels ne peuvent dépasser cette limite, . et nous 
savons aujourd'hui que nos successeurs ne seront 
guère mieux pourvus :lanaturedelalumière oppose 
un obstacle infranchissable aux progrès ultérieurs, 
et nous devons renoncer à l’espérance de voir un 
jour les phénomènes et les êtres que leur petitesse 
dérobe actuellement à nos yeux. 

A part les variations qui résultent des différences 
de grandeur, les particules de diverses natures 
agissent à peu près de même, quels que soient 

. leur substance, leur forme, leur état. On peut expé- 
rimenter avec des particules liquides, telles que 
des globules d'huile en suspension dans l’eau; 

_ celles-ci sont parfaitement rondes, et se compor- 
tent comme les particules solides de forme irrégu- 

_ lière. C'est là un point intéressant, qui nous montre 

_ que cette irrégularité de forme ne joue aucun rôle 

- essentiel dans le mouvement brownien. On peut 

observer de même des bulles gazeuses en suspen- 

- Sion dans l’eau; le phénomène se présente ici dans 
des circonstances particulières qui doivent nous 
arrêter un instant. 

Certains minéraux possèdent, dansleur intérieur, 
des cavités entièrement fermées, contenant des li- 
quides et notamment de l’eau plus ou moins pure. 

- Ces cavités se rencontrentassez fréquemment dans 

- les grains de quartz qui constituent l'un des élé- 

- ments des roches granitiques ; elles sont en géné- 

ral assez petites et très bien appropriées à l’exa- 


G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES #3 


men au microscope, lorsque la roche a été réduite 
en lames minces. On rencontre fréquemment dans 
ces cavités une bulle gazeuse, en suspension dans 
l’eau. Cette bulle fort petite montre avec une net- 
teté remarquable le mouvement brownien, avec 
ses caractères ordinaires. 

Pas plus que la nature des particules en suspen- 
sion, lanature duliquide qui les entoure n'intervient 
dans lephénomène. Un grand nombre d'expériences 
faites avec des liquides très divers et des solutions 
variées, ont mis ce fait en évidence. Ce résultat est 
en contradiction avec des observations anciennes, 
mais la contradiction n’est qu'apparente. Certaines 
substances dissoutes dans l'eau possèdent la pro- 
priété de faire précipiter ou déposer au fond du 
vase les particules en suspension dans le liquide. 
Ces particules, une fois déposées, adhèrent à la 
paroi, etleurs mouvementssetrouventainsi arrêtés ; 
mais il en reste toujours quelques-unes en suspen- 
sion dans le liquide ; celles-là se montrent douées 
de leur activité habituelle. 

Quelquefois les particules sont de telle nature 
que, même déposées sur une paroi solide, elles ne 
contractent avec elle aucune adhérence, et conti- 
nuent à se mouvoir en roulant sur la paroi. Ce cas 
est important, car il montre que ce n'est pas la 
chute des particules à travers la masse liquide, 
chute lente, mais inévitable, qui est la cause du 
mouvement brownien. 

Les liquides présentent cependant, au point de 
vue qui nous occupe, une différence suivant leur 
degré plus ou moins grand de fluidité. Les liquides 
très mobiles, tels que l’éther ou l'alcool, montrent 
le phénomène avecun peuplus d'intensité que l’eau ; 
les liquides visqueux, tels que l’acide sulfurique ou 
la glycérine, montrent à peine quelque vestige du 
mouvement brownien. Ce fait, du reste, était à pré- 
voir et serait assurément d'accord avec toutes les 
explications théoriques que l’on pourrait proposer. 

Pour achever de nous faire une idée d'ensemble 
des caractères du mouvement brownien, il faudrait 
mesurer l’amplitude de ce mouvement. Puisque le 
phénomène est essentiellement irrégulier, il ne 
peut être question que de mesurer une valeur 
moyenne, en faisant un assez grand nombre d’ob- 
servations. Pour desparticules ayant un demi-mil- 
lième de millimètre, la vilesse moyenne peut être 
évaluée à quelques millièmes de millimètre par 
seconde. C’est peu de chose en réalité, mais, grâce 
à l'énorme amplification du microscope, ces dépla- 
cements sont bien au-dessus de la limite des gran- 
deurs perceptibles et mesurables. 


Il 


Ainsi, les particules très petites en suspension 
dans un liquide se montrent toujours animées 


4 - G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES 


d'un mouvement de trépidation caractéristique. A 
quelle cause convient-il de rapporter ce mouve- 
ment? Telest le problème qui se pose maintenant 
pour nous. Remarquons d'abord que celle agita- 
tion dure indéfiniment. Des préparations bien 
closes peuvent êlre conservées plusieurs années, 
sans changement appréciable. Les cristaux de 
quartz contenant des cavités pleines de liquide 
ont été formés à une époque très reculée; depuis 
bien des siècles, rien n’a changé dans leur état el 
leur structure. Le phénomène dont nous avons à 
rendre compte est donc permanent; c’est là le ca- 
ractère singulier el paradoxal qui constitue le 
principal intérêt du problème. 

En effet, dans les phénomènes physiques, le 
mouvement tend sans cesse à se détruire par des 
causes diverses, frottements, résistances passives. 
Il ne peut subsister que s’il est entretenu par des 
causes extérieures. Un corps ou un assemblage 
de corps abandonné à lui-même finit toujours par 
arriver à un repos définitif. D'une manière plus 
générale, les modifications spontanées que subit 
un corps, quelles qu’elles soient, transformations 
physiques ou chimiques, ne peuvent se continuer 
indéfiniment ; si le corps ne subit pas d'actions 
extérieures, il finit toujours par arriver à un étal 
stable, état de repos et d'équilibre, qui demeure 
ensuile invariable. 

Le mouvement brownien semble faire exception 
à cette loi générale : il persiste indéfiniment, sans 
cause extérieure visible. Cette exception est-elle 
réelle, ou seulement apparente ? N’est-il pas pos- 
sible que certaines actions extérieures, qui échap- 
pent à l'observateur, produisent cette agitation 
incessante? Nous voyons dans la Nature bien 
d’autres mouvements, tout autrement considéra- 
bles, qui ne s’arrêlent jamais : la surface des mers, 
l'atmosphère, sont sans cesse agitées ; nous con- 
naissons les causes de leurs mouvements. Un 
examen plus approfondi ne nous montrerait-il pas 
de même quelque cause extérieure qui agile ainsi 
les particules en suspension dans l’eau, dans le 
champ du microscope? A la question ainsi posée, 
on ne peut répondre que par l'étude détaillée du 
phénomène, dans des condilions aussi variées que 
possible, en s’efforçant de réduire ou d'augmenter 
dans les limites les plus étendues les causes exté- 
rieures d’agitation,etexaminant les effets produits. 

La première idée qui se présente à l'esprit est 
d'attribuer le mouvement brownien aux mouve- 
ments du sol, quiinterviennentdans beaucoup d'ex- 
périences de précision, el font le tourmentdesphy- 
siciens el des astronomes. Dans les observaloires, 
on fait usage d'un vase plein de mercure pour 
former une surface réfléchissant la lumière: ce se- 
rait le miroir le plus parfait, exactement plan et 


horizontal, siles frémissements de sa surface n’ac- 
cusaient les moindres mouvements du sol, avec 
une sensibilité extrême; parfois, plusieurs heures 
se passent avant qu'on puisse en tirer parti etdis- 
linguer l'image réfléchie sur le mercure. Dans 
bien d’autres cas, des appareils tout différents 
montrent la mème sensibilité et accusent par leurs 
déplacements irréguliers la mobilité de la surface 
du sol, ‘qui parait si stable à l’observation com- 
mune. Il ne s’agit pas, en général, de mouvements 
d’origine éloignée, véritables tremblements de 
terre en miniature, qui, sans être bien rares, ne 
sont pas assez fréquents pour gêner sensiblement 
les observations. Ces vibrations du sol sont dues 
le plus souvent à la répercussion des mille mouve- 
ments qui constituent la circulation d’une ville et 
son aclivité industrielle. C’est dire que leurs effets 
sont très variables suivant les temps et les lieux ; 
la nuit, en pleine campagne, on aura le plus sou- 
vent uné stabilité à peu près parfaite. On peut y 
ajouter encore par des supports flexibles qui iso- 
lent les appareils du sol et amortissent les vibra- 
tions. Observons le mouvement brownien dansces 
conditions ; plaçons à côté du microscope un vase 
plein de mercure, destiné à servir de témoin; 
nous verrons que le mouvement brownien persiste, 


[avec ses caractères et son intensité ordinaires, 


même dans les instants de calme et de repos par- 
fait, et qu'il ne s’accroit pas sensiblement quand 
les vibrations du sol deviennent appréciables. Ces 
expériences, souventrépétées, nous montrent avec 
évidence que les vibrations du sol ne sont pas Ja 
cause productrice du phénomène. 

On pourrait aussi penser aux différences de 
température existant dans le liquide soumis à 
l'observation : mais il est possible, par des dispo- 
silifs appropriés, de les réduire beaucoup sans af- 
faiblir sensiblement le mouvement brownien. Au 
reste, les courants liquides qui en résultent pro- 
duisent des mouvements d'ensemble, communs à 
toutes les particules voisines, qui ne ressemblent 
en rien à l'agitation individuelle qui constitue le 
mouvement brownien. 

Une autre circonstance mérite une attention par- 
ticulière. La lumière est indispensable pour l'ob- 
servation ; elle peut agir sur les particules en sus- 
pension, ne fût-ce qu'en les échauffant d’une ma- 
nière inégale. On peut concevoir que, de ces diffé- 
rences de température, résultent des mouvements. 
Cette explication rendrait bien compte du carac- 
tère individuel de l'agitation observée; elle mérite 
donc un sérieux examen. 

Pour mettre cette hypothèse à l'épreuve, il con- 
vient de faire varier, autant que possible, la nature 
et l'intensité de la lumière employée pour l’obser- 
valion, et d'examiner s'il en résulte quelque diffé- 


L 


G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES 5 


_ rence. Sans entrer dans le détail de ces expé- 
riences, il suffira de constater que rien ne change 
_ dans les apparences observées, lorsqu'on fait va- 
rier la lumière dans des limites fort étendues. 

D'autres causes hypotbétiques, telles que l'in- 
_ fluence du magnétisme terrestre, des courants 

électriques, ont été examinées et reconnues sans 
. action sur le mouvement browuien, et par suite 
incapables de le produire. 

Ainsi, en dehors de toute cause d’agitation exlé- 
rieure, les particules en suspension dans un li- 
. quide sont animées d'un mouvement de trépida- 

tion permanent. Contrairement à tous les aulres 
_ phénomènes physiques, le mouvement brownien 
- s'entretient et persiste indéfiniment sans cause 
. extérieure connue. Cette conclusion est bien sin- 

gulière : elle serait de nature à nous faire admettre 

l'existence de quelque force nouvelle, que le mou- 

vement brownien mettrait seul en évidence, si les 

idées modernes sur la constitution des corps ma- 
tériels ne nous donnaient une solution plus admis- 
sible du problème. 


III 


Il nous faut maintenant quitter le terrain solide 
de l'observation et de l'expérience pour entrer 
dans le domaine incertain des hypothèses sur la 
conslitution de la matière. On a beaucoup abusé 
des théories et des hypothèses, on en a beaucoup 
médit, et pourtant on ne saurait s’en passer; leur 
importance scientifique est incontestable et elles 
jettent parfois sur tout un ensemble de questions 
une lumière inattendue. L'histoire des sciences phy- 
siques nous montre, en effet, que les spéculations 
théoriques ont été l’origine des plus grands progrès 
et de la plus belle moisson de découvertes. Accor- 
dons leur ce qui leur est dù, la considération que 
méritent des services éminents, et cette confiance 
limitée qui ne s'endort jamais et ne néglige aucun 
moyen de contrôle. 

Le point de départ des théories relalives à la 
conslilution de la matière est l'hypothèse molécu- 
laire. On pourrait concevoir, sans contradiction 
logique, que la matière fût divisible à l'infini sans 
changer de nature. Mais bien des raisons condui- 
sent à penser qu'il n’en est pas ainsi, etquelescorps 
matériels possèdent une structure granulaire, 
qu’ils sont formés d'éléments très petits, égaux 
entre eux, dont l'assemblage forme le corps doué 
des propriétés que nous lui reconnaissons. Ces 
éléments ou molécules peuvent posséder eux- 
mêmes une structure plus ou moins complexe, 
mais ne peuvent être divisés sans changer de 
nature. Ainsi une goutte d’eau peut être divisée 

en parties de plus en plus petites; ce sera encore 
de l’eau, avec ses propriétés essentielles: mais 


cette division ne peut être indéfiniment continuée ; 
il viendra un moment où l’on sera arrivé à la plus 
petite quantité d’eau possible : c’est la molécule. 
Si l'on peut la diviser encore, on n'aura plus de 
l’eau, mais ses principes constituants; le corps 
aura changé de nature d’une manière complète. 

Nous ne pouvons envisager ici, d'une manière 
générale, le rôle qu'a joué, dans le développement 
des sciences physiques, l'hypothèse moléculaire; 
ce rôle est si important que cette étude compren- 
drail le domaine presque entier de la Physique et 
de la Chimie. Pour l’objet aue nous avons en vue, 
la question importante, ce sont les rapports des 
molécules entre elles, la matière qu'elles cons- 
tituent par leur arrangement et leurs relations 
mutuelles, la matière telle que nous la connais- 
sons, telle que nous la montre l’expérience. Au 
siècle dernier, et. jusqu’au milieu du nôtre, les 
idées généralement admises sur ce point sont fort 
simples en principe. Les molécules sont regardées 
comme immobiles, ou du moinsleurs mouvements 
sont considérés comme peu importants. Elles sont 
liées les unes aux autres par des forces dépendant 
de leurs distances ; ces forces sont supposées telles 
que les propriétés de la malière, constatées expé- 
rimentalement, se trouvent satisfaites. Pourun gaz, 
par exemple, qui tend sans cesse à augmenter de 
volume, ces forces sont répulsives; les molécules 
tendent à s'éloigner les unes des autres, avec une 
force qui décroit à mesure qu'elles s'éloignent 
davantage. Sur ces bases, d’intéressantes théories 
partielles ont élé constituées : la théorie des phé- 
nomènes capillaires en est le plus remarquable 
exemple. Leur caractère essentiel est toujours de 
considérer les molécules comme en repos : lors- 
qu'un corps se montre à nous dans un élat inva- 
riable, ses molécules sont aussi en repos et en 
équilibre sous l’action des forces qui les sollici- 
tent. 

Dans cet ordre d'idées, il n'y a évidemment au- 
cure place pour le mouvement brownien ; un mou- 
vement qui se perpétue au sein d'un corps sans 
cause extérieure constitue une impossibilité et une 
contradiction évidente. 

Un élément de grande importance fut introduit 
dans la question lorsqu'on eut l’idée, au premier 
abord bien paradoxale, que les molécules sont 
sans cesse en mouvement et animées de vitesses 
considérables, même dans les corps qui nous pa- 
raissent en repos parfait. Ces mouvements peuvent 
être très divers : pour un corps solide, par exemple, 
chaque molécule est supposée osciller autour d'une 
position moyenne. Comme nous ne pouvors voir 
les molécules individuellement, toute cette agita- 
tion intérieure nous échappe; nous né percevons 
que des effets moyens, résullantes des mouvements 


6 G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES 


d'un grand nombre de molécules. Lorsqu'un corps 
nous parait en repos, c’est que les mouvements de 
ses molécules se compensent les uns les autres; 
ce repos n'est, en somme, qu’une apparence el 
une illusion. Nous sommes dans la situation d’un 
observateur qui verrait de loin une grande foule 
d'hommes, sans pouvoir distinguer les individus 
qui la forment; il ne percevrait que les mouve- 
ments d'ensemble de celte foule, sans reconnaitre 
l'agitation individuelle qui peut y exister, et pour- 
rait croire à un repos complet, quineserait qu'une 
illusion. 

Cette théorie, qui fait jouer un rôle essentiel aux 
mouvements moléculaires, a reçu le nom de Théo- 
rie cinétique de la matière. Ces idées sont bien 
anciennes, mais elles n'ont pris une forme définie 
et n’ont acquis quelque crédit qu'à une date assez 
récente, à la suite des découvertes faites par 
quelques physiciens éminents sur les relations qui 
existent entre la chaleur et le travail mécanique. 

Si nous frappons à coups de marteau un mor- 
ceau de métal, ce métal s’échauffe. Si nous agitons 
de l’eau dans un vase, nous constatons aussi une 
élévation de température. D'une manière générale, 
toutes les fois que nous dépensons ainsi du tra- 
vail mécanique sur un corps, sans lui faire subir 
d'allération sensible, de la chaleur est produite; 
une quantité de travail déterminé produit toujours 
la même quantité de chaleur. Il y a donc une rela- 
tion évidente entre la nature de Ja chaleur et celle 
du travail mécanique ; la chaleur n’est que du tra- 
vailemmagasiné, sous une forme quiéchappeànotre 
vue. 

La théorie cinétique admet que ce travail est 
employé à augmenter les mouvements des molé- 
cules, à accroitre la vitesse et l'intensité de leurs 
vibrations. C'est là une idée fort naturelle ; on sait, 
en effet, que, pourmettre un corps en mouvement, 
ou pour accroitre sa vitesse, il faut dépenser du 
travail mécanique. Un projeclile, un volant de ma- 
chine à vapeur, ne passent pas du repos au mou- 
vement sans exiger un travail considérable, qui 
se trouve consommé ou plutôt emmagasiné sous 
forme de vitesse acquise. La chaleur n’est donc 
autre chose que l'agitation invisible des moléeules ; 
comme un corps n’est jamais dépourvu de chaleur, 
nous devons regarder ses molécules comme sans 
cesse en mouvement. 

Les vitesses de ces mouvements moléculaires 
doivent être regardées comme très considérables : 
il faut, en effet, beaucoup de travail mécanique pour 
produire un peu de chaleur. L'expérience montre 
que, pour échauffer une quantité d’eau quelconque 
de 100°, il faut dépenser autant de travail que pour 
lui imprimer une vitesse de 900 m, par seconde, On 
pe peut donc pas évaluer à moinsde plusieurs cen- 


taines de mètres par seconde les vitesses molécu- 
laires. Les déplacements de ces molécules sont, 
d’ailleurs, fort petits : elles exécutent des mouve- 
ments de va-et-vient, des oscillations plus ou moins 
complexes de forme, avec une rapidité extrême. 

Un autre argument {très sérieux en faveur de ces 
idées nous est fourni parle rayonnement de la 
lumière et de la chaleur. Les corps portés à une 
haute température envoient dans tous les sens des 
rayons de lumière; moins chauds, ils émettent 
encore des rayons de chaleur, analogues aux pré- 
cédents, mais invisibles à nos yeux. Nous savons 
aujourd'hui que ces rayons de lumière ou de cha- 
leur sont constitués par des vibrations extrême- 
ment rapides; il faut donc que quelque chose soit 
en mouvement dans le corps qui les produit; si ce 
corps était absolument en repos dans toutes ses 
parties, la production de ces vibrations lumineuses 
ou calorifiques deviendrait incompréhensible. Le 
corps étant immobile en apparence, il faut que ce 
repos apparent cache en réalité une agitation in- 
térieure extrèmement active. 

La théorie cinétique de la matière a conduit à 
des aperçus fort intéressants sur un certain nombre 
de phénomènes physiques et chimiques, et la part 
qu'elle a prise dans l’œuvre scientifique de notre 
époque est déjà considérable. On doit pourtant re- 
connaitre que, dans la plupart des cas, les déve- 
loppements qui seraient nécessaires pour consti- 
tuer des explications précises des phénomènes, 
présentent de grandes difficultés ; les calculs ma- 
thématiques auxquels donne lieu la théorie ciné- 
tique sont fort complexes, et n'ont pu être menés 
à bien que pour un petit nombre de questions re- 
lalivement simples. La théorie des gaz est, à vrai 
dire, la seule partie de la Physique où les hypo- 
thèses cinétiques aient pu constituer un corps de 
doctrine, encore inachevé et sujet à plus d’une 
difficulté, mais dont la haute valeur ne doit pas 
être méconnue ; plus d’une vérification expérimen- 
tale est venue lui apporter cet appui que rien ne 
peut remplacer. Ces idées théoriques méritent 
donc la plus sérieuse attention, et on est en droit 
d'en attendre de grands services dans l'avenir; 
les difficultés que nous éprouvons actuellement à 
les développer d’une manièrerigoureuse ne doivent 
pas nous décourager, el moins encore nous rendre 
l'hypothèse fondamentale moins vraisemblable : 
la Nature, a dit Fresnel, x redoute pas les difiicullés 
d'analyse. 


ii 
Le mouvement brownien, dont nous nous 
sommes un peu écarté sans le perdre de vue, se 
rattache à la théorie cinétique d'une manière di- 
recle, el ne prend toute sa valeur scientifique qu'à 
la lumière de celle théorie, Comme nous l'avons 


À 
Û 


der A à lèes, dé 1 


G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES 7 


déjà remarqué en passant, ce phénomène est in- 
conciliable avec les idées anciennes, qui admet- 
taient que, lorsqu'un corps: est soustrait à toute 
cause extérieure d’agitation, le repos apparent 
auquel il arrive est un repos réel et complet. Bien 
plus, l'existence même du mouvement brownien 
dément cette affirmation ; le repos apparent 
n'existe que pour les portions du corps que nous 
pouvons distinguer à l’œil nu; le microscope nous 
montre que, lorsque nous arrivons aux millièmes 
de millimètre, il y a, dans les liquides, une agita- 
tion permanente, et non le repos absolu que l’on 
supposait y exister. 

La théorie cinétique pouvail nous faire prévoir ce 
phénomène, et elle nous l'explique dans ses traits 
essentiels. Imaginons, pour un moment, qu'une 
particule solide en suspension dans l’eau ait des 
dimensions comparables à celles d’une molécule 
d’eau. Cette particule se trouvera ainsi en relation 
avec un petit nombre de molécules, animées de 
vitesses de plusieurs centaines de mètres par se- 


_ conde ; sans cesse heurtée par celle-ci, elle doit 


nécessairement se mouvoir en {ous sens, d’une 
manière irrégulière, suivant le hasard de ses ren- 
contres avec les molécules qui l'entourent, et la 
rapidité de ses mouvements sera comparable à 
celle des mouvements moléculaires. C’est bien là 
le mouvement brownien, mais, dans le cas idéal 
que nous avons considéré, sa vitesse et son inten- 
silé seraient incomparablement plus grandes que 
dans le phénomène réel. Si maintenant la parti- 
cule est très grande vis-à-vis des dimensions mo- 
léculaires, elle sera en relation à chaque instant 
avec un grand nombre de molécules; les effets de 
celles-ci, n'étant pas en général de même sens, se 
contrarient et se neutralisent en partie ; de plus, 
la masse à mouvoir étant bien plus grande, le mou- 
vement doit se produire de même que tout à 
l'heure, mais sur une échelle très réduite. Si enfin 
la particule est extrèmement grande et comme 
infinie vis-à-vis des dimensions moléculaires, 
aucun mouvement ne saurait plus exister. 

Les choses se passent de même à nos yeux sur 
une nappe d'eau agilée en tous sens, sur laquelle 
flottent des corps de dimensions diverses. Les plus 
petits de ces corps flottants sont agités comme 
l’eau elle-même ; plus grands, ils n’éprouvent que 
de faibles et rares déplacements; plus grands 
encore, ils demeurent en repos. Nous retrouvons 
ici ce caractèreessentiel du mouvement brownien : 
l'accroissement de l'agitation à mesure que les 
dimensions diminuent. 


Les vitesses que nous observons dans le mouve- 
ment brownien sont de quelques millièmes de 
millimètre par seconde; les vitesses des molécules 
peuvent être estimées à plusieurs centaines de 
mètres par seconde; l’agitation moléculaire est 
environ cent millions de fois plus rapide que l’agi- 
tation visible quiconstitue le mouvement brownien. 
Celui-ci ne nous montre donc qu'une résultante 
bien affaiblie des mouvements moléculaires. On doit 
en conclure que les plus petites particules que nous 
pouvons observer au microscope sont encore bien 
grandes vis-à-vis des dimensions des molécules. 

C’est aussi la conclusion à laquelle sont arrivés 
par d’autres voies les physiciens qui ont essayé 
de se faire une idée des dimensions moléculaires. 

Par des méthodes diverses, assez concordantes 
pour qu’on leur accorde quelque crédit, ils sont 
arrivés à évaluer l'intervalle des molécules dans 
les liquides à la millième partie environ des di- 
mensions des plus petits corps visibles au micros- 
cope. Il faudrait donc environ un milliard de molé- 
cules pour former le poids d’une des plus petites 
particules sur lesquelles nous observons le mou- 
vement brownien. Sans attribuer à ce résultat une 
précision qu'il ne comporte pas, nous pouvons dès 
lors comprendre pourquoi le mouvement brow- 
nien ne nous montre qu'une bien faible image de 
l'agitation moléculaire. 

Il serait bien nécessaire de ne pas nousen tenir 
à ces aperçus, et de serrer de plus près l’explica- 
tions desphènomènes ; mais les notions expérimen- 
tales et théoriques nous font encore défaut : en 
science, il faut savoir attendre. Nous pouvons, du 
moins, conclure qne le mouvement brownien nous 
fournit ce qui manquait à la théorie cinétique de 
la matière : une preuveexpérimentale directe. Sans 
doute, nousne voyons pas et nous ne verronsjamais 
les mouvements des molécules; mais nous voyons 
du moins quelque chose qui en résulte directement 
etsuppose d’une manière nécessaire une agitation 
interne des corps. Il est donc bien à désirer que ce 
phénomène, troplongtempsnégligé comme un acci- 
dent sans importance, devienne l’objet de l’atten- 
tion des physiciens et demeure compris dans la 
sphère de leurs études; j'ai la ferme confiance que, 
grâce à leurs efforts, nous pénétrerons de plus en 
plus avant dans la connaissance des propriétés 
intimes de la matière, déjà si féconde, et si riche 
de promesses pour le développement scientifique 


el industriel de l'humanité. 
G. Gouy, 
Professeur de Physique 
à la Faculté des Sciences de Lyon 


8 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 


LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ 


DANS LES MINES 


Plusieurs causes s'ajoutent pour augmenter, de 
façon continue, les frais d'exploitation d’une mine : 
la profondeur des couches, qui, en rendant néces- 
saires des puits plus coûteux, conduit à les espacer 
davantage et dès lors à percer des galeries plus 
longues, plus chères à construire et à entretenir et 
dans lesquelles l'extraction devient plus onéreuse ; 
le rendement de l’ouvrier, qui diminue à mesure 
que les chantiers s'enfoncent et deviennent plus 
chauds; la main-d'œuvre, dont le prix s'accroit 
tous les jours. 

Dans quelques pays, cette augmentation du prix 

_de revient se complique d'une diminution du prix 
de vente. Cela est particulièrement vrai pour nos 
houilles françaises, dont les produits ont à subir, 
jusque sur nos marchés du Midi, la concurrence 
toujours plus active des houilles anglaises. 

Il est donc urgent d’enrayer cette marche ascen- 
dante des frais d’exploitalion, qui serait falale à 
plus d'une entreprise minière. Or, des facteurs que 
nous avons signalés plus haut, il en est deux, la 
profondeur des couches et le prix de la main- 
d'œuvre, dont il ne faut pas songer à diminuer 
l'influence progressive. C’est donc sur le troisième, 
le rendement, rendement de l’ouvrier etrendement 
des travaux d'aménagement, qu'il faut agir. 

L'un des meilleurs moyens de l’augmenter, c’est 
assurément d’avoir recours, dans les divers tra- 
vaux de l’exploitation, à des engins mécaniques : à 
des perforatrices, qui permettront l'avancement 
plus rapide des travers-bancs, et diminueront la 
durée d'immobilisation des capitaux dépensés pour 
les construire ; — à des haveuses, qui, à égalité de 
front de taille, rendront possible un abatage plus 
intense; — à des locomoteurs, à des treuils, qui, 
en donnant aux galeries et aux plans inclinés une 
capacité de roulage et d’extraclion plus grande, les 
meltront à même de desservir des chantiers plus 
nombreux, — toutes ces machines permeltant 
aussi une réduction connexe du personnel ouvrier. 

Elles peuvent, on le sait, être actionnées par 
les divers modes de force motrice : eau sous pres- 
sion, vapeur, air comprimé, électricité. 

L'eau sous pression perd dans les mines l’avan- 
tage qui la fait, quelquefois encore, adopter pour les 
installations ordinaires : celui de donner par sur- 

croit un liquide utilisable pour divers emplois. Cet 
avantage se changerait même le plus souvent dans 
les travaux souterrains en inconvénient grave, car 
l'exploitant a bien assez d’épuiser les venues d’eau 


qu'il subit. Aussi ce mode de transport de l'énergie 
n'est-il pour ainsi dire pas employé. 

La vapeur, produite par des chaudières instal- 
lées à lasurface,estquelquefois utilisée pour aclion- 
ner des moteurs placés au fond; mais son emploi 
ne peut être avantageux qu'avec de grosses ma- 
chines, qui ne soient pas situées à plus de 
300 mètres des générateurs. Comme il faut prévoir, 
dans les mines d’un développement moyen, une 
distance de transmission de 1.500 à 2.000 mètres, 
on voit combien son emploi est'insuffisant. 

Ces transports d'énergie à 1 et 2 kilomètres, l'air 
comprimé peut très bien les réaliser; et, une fois 
que ce fluide a agi dans les appareils mécaniques, 
il contribue utilement à l’aérage des chantiers. En 
fait, il a rendu et il rend encore de très grands 
services. Mais il offre des inconvénients sérieux : 
comme on ne peut, dans les mines, le réchauffer 
avant son entrée dans la machine, il produit, ense 
détendant, un refroidissement fort préjudiciable à 
la bonne marche de cette dernière; il ne donne 
ainsi qu'un rendement peu élevé, 30 °/, environ. 

Bien autrement avantageux est l'emploi de l’élec- 
tricité, qui permet d'obtenir un rendement plus que 
double avec un prix d'établissement moitié 
moindre !. 

On peut avec elle transporter l'énergie à d'aussi 
grandes distances qu’on le veut; cela permet de 
l'envoyer dans les quartiers les plus excentriques 
d'une exploitation, et d'utiliser des chutes hydrau- 
liques parfois très éloignées. Ce dernier avantage 
est surtout précieux, quand il s’agit d'une mine 
surle carreau de laquelle le combustible n'arrive 
pas facilement ?. 

Les canalisalions électriques, moins coûteuses 
que celles de l’air comprimé, d'une souplesse mer- 
veilleuse, d’une capacité de transmission très 
grande sous un poids relativement faible, four- 
nissent le fluide, aussi bien au service de l’éclai- 


1 Rendement de 65 °/,, pour une transmission de 10 che- 
vaux-vapeur à 2.000 yards de distance (Communication de 
M. Atkinson à la Société des Ingénieurs civils de Londres. 
— Aer février 1891.) 

? Un exemple topique est celui de la mine de Virginius 
Colorado), située à 3.900 mètres d'altitude, dans le rayon 
des neiges perpétuelles : le charbon, qui ne pouvait y arriver 
que l'été par une petite voie de roulage, coûtait 100 francs la 
tonne et faisait revenir la force motrice à 200 000 francs par 
an. Actuellement cette force est empruntée à une rivière 
coulant à 7.500 mètres de la mine, et transportée électrique- 
ment jusqu’à elle dans des conditions à tous les points de vue 
beaucoup plus avantageuses. 


( G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 9 


. rage qu'aux services mécaniques, et donnent ainsi 
la lumière sans échauffer ni vicier l’air des galeries. 
. Les engins électriques, puissants sous un petit 
volume, très faciles à déplacer et à remettre en bat- 
terie, ne nécessitent pas pour leur conduite des 
ouvriers spéciaux, pourvu qu'on ait pris en les cons- 
. {ruisant certaines précautions assez simples, qu'on 
ait notamment rendu impossibles tous accroisse- 
ments de vitesse ou d'intensité de courants au delà 
des allures de régime !. 
- L’électricité n'a même pas, au point de vue de 
. la ventilation, l’infériorité qu'on pourrait lui sup- 
poser sur l'air comprimé. On a, en effet, constaté 
à Blanzy qu'un ventilateur Ser, débitant 113 mètres 
. cubes d’air par minute, consommait, pendant le 
même temps, { mètre cube d’air à 4 atmosphères. 
- Un ventilateur électrique, installé comme le précé- 
dent dansle chantier et actionné par le mêmepoids 
de charbon brûlé au jour, donnerait facilement 
100 mètres cubes d’air de plus. Que devient dans 
ces conditions le petit appoint qu'apporteà l’aérage 
le fluide sortant du moteur, quand ce dernier est 
alimenté par l'air comprimé ? 

L'électricité a cependant certains inconvénients. 

_Le plus grave est de pouvoir enflammer les mélan- 
pes grisouteux, qu'on trouve dès à présent dans 
- beaucoup de mines de houille et qu'on rencontrera 

_probablement dans toutes, à mesure qu'on exploi- 

tera des couches plus profondes. 

Il est évident que les étincelles des collecteurs et 
des interrupteurs produiraient cet effet fächeux, si 
on ne prenait des précautions spéciales pour l’em- 
pécher; mais on peut, en entourant ces organes de 
tissus métalliques analogues à ceux qu’on emploie 
dans les lampes de mines, isoler, aussi sûrement 
que le feu de ces dernières, fes étincelles suscep- 
tibles de se produire. Pour les collecteurs, la récente 

. invention des moteurs à courants polyphasés donne 
le moyen de supprimer radicalementle danger, en 
supprimant la cause elle-même. 

Il faut aussi se prémunir contre les étincelles ré- 
sultant des ruptures ou contacts des cäbles con- 
ducteurs. Avec les premières canalisalions em- 
ployées, on a eu de fréquents mécomptes : mais 
avec celles qu'on fait aujourd’hui, la sécurité est à 
peu près complète. 

Enfin, il ne faut pas oublier que lemeilleur moyen 
de prévenir les accidents dus au grisou, c'est de 
diluer ce gaz dans une grande quantité d'air frais ; 
or, l'électricité, en assurant la ventilation plus éco- 
nomiquement que l’air comprimé, et, d'une façon 
générale, en diminuant le prix d'extraction de la 


———————————————————— 


< 

“à 1 L'exemple des mines d’or de Faria (Brésil), où fonctionne 

— depuis plusieurs années, sous la conduite d'ouvriers indigènes, 

une installation électrique très complète, ne laisse aucun 
— doute à cet égard. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,3 


houille, permettra par cela même de consacrer une . 
plus grande somme aux travaux de sécurité, en tête 
desquels figure le service de l’aérage. 

Quant aux dangers provenant du contact invo- 
lontaire d’un conducteur, ils n’existent pas avec les 
voltages modérés employés dans les mines. 

Tout cela explique le rapide essor pris par les 
applications mécaniques de l'électricité dans les 
mines. Le premier essai, qui a été tenté, d’ailleurs 
avec un plein succès, à Blanzy, pour actionner au 
fond d’un puits de 500 mètres un ventilateur chargé 
d’aérer une galerie de recherches, remonte à peine 
à 1880. Et, en 1893, au Congrès d'Ingénieurs 
de Chicago, M. Blackwell a pu signaler les appli- 
cations de l’électricité dans plus de 300 mines. 
En Amérique, le pays où ces applications se sont 
le plus développées, de nombreuses et importantes 
sociétés se sont créées pour la construction spéciale 
du matériel électrique des mines. Comme le vieux 
monde atout à gagner à suivre l'exemple des États- 
Unis, le moment nous à paru bien choisi pour 
exposer à nos lecteurs l’état actuel de la question. 


Ayant d'étudier les divers modes d'utilisation de 
l'électricité dans les mines, nous allons dire com- 
ment elle est produite, et comment elle est trans- 
mise aux machines qui la consomment. 

Les dynamos génératrices, ordinairement instal- 


lées au jour, sont actionnées, ou par des forces hy- 


drauliques, captées à une distance plus ou moins 
grande de la mine, ou par des machines à vapeur 
installées sur le carreau même de cette dernière !. 
Dans les deux cas, il faut, à cause de la disconti- 
nuité de marche des outils actionnés et des grandes 
variations qui en résultent dans le travail demandé. 
se ménager une grande réserve d'énergie, en don- 
nant aux bassins de retenue, aux générateurs de 
vapeur, aux volants des moteurs, de grandes di- 
mensions. Pour la même raison, il faut munir les 
moteurs de régulateurs sensibles, proporlionnant 
très vite l'énergie fournie à l'énergie demandée, et 
les machines-outils d'appareils de mise en marche 
graduée, notamment de rhéostats puissants. 

Les courants qu'on produit ainsi varient ordinai- 
rement de 220.à 500 volts; c’est bien exception- 
nellement qu'ils atteignent 1.000 volts et plus. 


1 Exceptionnellement, quand on a de l’eau à proximité de 
la mine et qu'on peut l’écouler commodément par üne gale- 
rie inférieure aux chantiers à desservir, on peut la dériver 
dans la mine et utiliser la chute ainsi créée pour actionner un 
moteur commandant des dynamos génératrices. Un exemple 
classique est celui de la mine de Chollard (Nevada) : une 
chute de 500 mètres actionne 6 roues Pelton, couplées avec 
autant de dynamos Brush Compounds de 130 chevaux, 
desservant chacune, par un circuit spécial de 1700 mètres, 
un moteur placé à la surface, actionnant un broyage de mi- 
nerais et divers engins métallurgiques. La force ainsicaptée 
serait «a fortiori utilisable pour les travaux du fond. 

1» 


10 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES | 


Pour les amener aux endroits où ils sont con- 
sommés, on peut employer, comme à Anzin, des 
câbles isolés au caoutchouc, recouverts d’une gaine 
en Loile, etsupportés par des poulies de porcelaine: 
ils donnent de très bons résultats, même dans les 
puits très humides. Dans ceux où l’eau retombe en 
pluie presque continue, des câbles nus, tendus 
verticalement sur des cloches en porcelaine, 
placées lous les dix mêtres, comme à Marles, con- 
viennent mieux. Quand on a spécialement à 
craindre les ruptures, on peut les protéger par 
des. armalures en fer ou acier, ou les placer dans 
des tuyaux en fer, ou des caniveaux au ras du sol. 


toute sécurité, parce que, lors de la rupture du 


conducteur principal, qui précède la fusion du 
plomb secondaire, il est à craindre qu'il se pro- 
duise une étincelle. 

Le système Nolet, caractérisé par la subdivision 
des conducteurs posilif et négalif en seclions rac- 
cordées par des manchons, échappe à ce reproche : 
le découplement du conducteur principal ne peut 
produire d'élincelle, parce que le courant est préa- 
lablement coupé à l’origine de la canalisation par 
un jeu d’électros; el le découplement du fil auxi- 
liaire n’en produit qu’une très faible et à l'intérieur 
mème du manchon, ce qui lui enlève tout danger. 


Fig. 1. — Type d'installation minière électrique. —A, génératrices ; — B,B, centres de distribution; — C,C, treuils de roulage: 
—F,F,pompes; — E, réceptrices ; —D, perforatrices ethaveuses. En général, les réceptrices font partie intégrante dechaque 


machine-outil. 


Dans les terrains ébouleux, des cäbles sous plomb, 
posés de manière à pouvoir glisser sur leurs sup- 
ports et montés très lâches, se comportent bien. 
Dans les mines grisouteuses, on emploie des 
canalisations de Le câble Atkinson est 
composé de deux fils concentriques isolés l’un de 
l'autre : le fil extérieur, constituant le conducteur 


sûreté. 


principal; le fil intérieur, ne conduisant qu’une 
faible dérivalion du courant, et composé de spires 
pouvant s'allonger sans se rompre. Quand, par 
suite de la rupture du premier, le courant passe 
intégralement dans le second, celui-ci est fondu 
sur une partie de son parcours, faite pour cela en 
plomb, et cette fusion occasionne la chute d'un 
poids qui détermine l'interruption du courant. 
Ce système fort ingénieux est appliqué en An- 
gleterre; on peut lui reprocher de ne pas donner 


Mais il nous parait assez compliqué. Il serait dési- 
rable qu'on trouvät un càble à la fois simple et 
sur. 

Ces préliminaires posés, nous allons voir l'élec- 
tricité utilisée dans tous les grands services que 
comporte l'exploitalion d’une mine : travaux de 
recherches, traçage, abalage, roulage et extrac- 
lion, épuisement, ventilation, préparation méca- 
nique. La figure 1 donne le schéma d’une installa- 
tion générale. 


I. — TRAVAUX DE RECHERCHES 


Dans lesmines, particulièrement dans celles dont 
les gites sont irréguliers, il y a un grand intérêt à 
pouvoir s’éclairer vite et économiquement sur la 
position et l’impcrtance des couches. L'électricité 
se prèle très bien à des investigations, non par les 


ns + int tittt/ A 


de lacs mène" mate in ft 


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1 


G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 11 


. sondages au (répan, surtout réservés aux trous de 
grand diamètre, mais par les forages au diamant, 


qui permettent de percer très vite des trous de 
petit calibre et de grande longueur. 

On connait le principe de ces sondages : une 
couronne de diamants noirs est disposée à la péri- 
phérie d’un outil, qui travaille en tournant autour 
de son axe, et détache ainsi un témoin cylindrique 


- qu'on ramène à la surface. Rien n’est plus simple 


que de faire commander cet outil par l’induit d'une 


dynamo; c’est ce qu'a fait M. Taverdon pour- 


sa perforatrice et ce qu'on pratique couramment 
en Amérique, où la cherté de la main-d'œuvre 


IT. — TRAGÇAGE 


Pour l'ouverture des travers-banes, la perfora- 
trice à air comprimé de 8 à 10 chevaux, si commu- 
nément employée jusqu'ici, peut être ulilement 
remplacée par la perforatrice électrique, quand 
celle dernière remplit les conditions suivantes, 
dont nous empruntons l'énoncé à un spécialiste 
bien connu, M. Marlin ! : 1° grande légèreté, pour 
qu'elle puisse être facilement maniée par deux ou 
trois hommes ; 2° grande simplicité, pour qu’elle 
puisse être conduite, entretenue el au besoin répa- 
rée par des ouvriers non électriciens ; 3° grande 


Fig. 2. — Perforatrice rotative Sleavenson. Elévation, plan et vue par bout. — M, dynamo-motrice enfermée dans une enve- 
loppe de bronze parfaitement étanche, pouvant supporter un courant de 20 ampères sous 300 volts. c, barre calée sur 
l'induit. /, roue dentée permettant de faire tourner à la main la barre ce. — sp, train d’engrenages tran$mettant à l’outil le 


mouvement de rotation de la barre c.— D, mèche perforatrice. —R, N, pignon et écrou produisant l’avancement automatique 
de la mèche. L’écrou N est fendu de manière à permettre, quand la vis B arrive au fond de sa course, le retrait rapide de 
l’outil et son allongement. — P, W, engrenages hélicoïdaux permettant d'orienter l’outil dans deux plans orthogonaux. 


impose aux mines une exploitation intensive. 

Il faut citer notamment la machine Sullivan, 
dans laquelle un moteur électrique de 2 ou 3 che- 
vaux actionne, par un renvoi d’engrenages et deux 
pignons d'angle, la tige perforatrice, d’ailleurs 
appliquée contre le fond du trou par l’eau que 
refoule une petite pompe mue par la machine 
elle-même. Cette dernière est disposée pour pou- 
voir faire travailler l'outil dans une orientation 
quelconque par rapport à l'horizontale. Cette ma- 
chine a percé des trous-de 37 à 78 millimètres de 
diamètre, jusqu’à 160 mètres de profondeur dans 
le quartzet le jaspe, jusqu'à 1.000 mètres dans des 
terrains tendres. Dans le calcaire dur, la vitesse 
d'avancement a atteint 5 mètres par poste de 
8 heures, le coût du mètre étant de 10 francs en- 
viron, 


rusticité, pour qu'elle puisse fonctionner dans 
l’eau, la poussière, la boue ; 4 absence, dans sa 
construction, de substances pulvérisables ou com- 
bustibles, telles que les isolants au coton, les mé- 
taux cristallisables ou aigres. 

La plupart des perforatrices électriques appar- 
liennent au type percutant, le seul employé avec 
l'air comprimé. Quelques-unes son! cependant ro- 
tatives. 

Perforatrices à rotation. — Ces dernières, dont les 
outils sont calés sur les induits des dynamos qui 
les conduisent, sont ulilement employées dans les 
terrains relativement tendres, qu'une bonne mè- 
che d'acier peut entamer. La figure 2 repré- 


1 Conférence À l'American Institute of Electrical Engineers 
faite en 1892, 


A 


12 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 


sente l’un des modèles les mieux conçus, la per- 
foralion Sfeuvenson, employée aux mines de fer 
de Clarin How (Cleveland). En absorbanten moyenne 
15 ampères sous 300 volts, soit 6 chevaux électri- 

T heures 80 à 


ques, elle perce par équipe de 7 


100 trous de 1,30 de profondeur. Les mineurs 
gagnant 9 fr. 50 par équipe, 
plus menu qu'à la main, 


tonne. 
Des essais comparatifs, faits dans ces mines sur 
à eau 


le minerai abaltu, 


revient à 8 fr. 75 la 


des perforatrices à main, à air comprimé, 


la Compagnie Sprague ; la perforatrice Jones, dont 
l’électro-moteur est logé dans un cylindre, qui se 
fixe par un patin sur un trépied. L'avancement de 
l'outil est produit par de l’eau sous pression ; à 
cet effet, son axe porte à l'arrière un piston à gar- 
niture étanche, qui roule sur une couronne de 
billes destinées à atténuer le frottement résultant 
de la rotation de ce piston. Une partie de l’eau ra- 
fraichit la mèche. 

Perforatrices à percussion. — Dans les perforatrices 
dece type le mouvement alternatif du fleuret est or- 


& ge _— 
Lei 
NN N 


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KZ 


à 
EN 


A F 


Fig. 3. — Perforatrice percutante à deux solénoïides, syslème Bollon el Mountain. — N, électros. P, armature actionnant 
directement le fourreau Q, dont la course est amortie à ses extrémités par des dash-pots à air à trous S, S. — M, filetage 
sur lequel fait écrou le piston de la tige R, de manière à produire la rotation de l'outil sur lui-même (pour Uniformiser 
l'usure) par le jeu du cliquet G en prise avec le rochet H. — J, J', plaques maintenant à frottement dur le rochet H— 1, 
écrou pour serrer les pl: aques J, J'—K, ressortde l'écrou L. Me vis destinée à produire l'avancement de la perforatrice 


sur son bäti. — On voit à la partie infé ricure de la perforatrice l'embase par laquelle elle repose sur ce bäti. 


sous pression, à pétrole et électriques, ont donné 
l'avantage à ces dernières, qui ont seulement l'in- 
convénient de coûter, comme premier établisse- 
ment, plus cher que les autres, celles à pétrole 
exceptées. Voici le Lableau des résullals obtenus : 


NATURE 


DE 


PAR I 
ABATAGE 


Y 
I 


LA PERFORATRICE 


PRIX D'ACHAT 
TROUS 


À la main (simple 
A la main (méca- 
nique) | 
À air comprimé " 

eau sous pres- 


minutes 
? environ 18 
environ 8 tr.| 100 à 130 


| 

| 

| (1.30 m. en 45 
| 


Electrique \ 
tème Steavenson 


Cilons encore comme perforatrices à rolation : 

Celle de la Compagnie Jeffrey à Columbus (Ohio). 
portée elle- 
qui se 
la perfora- 
trice Atkinson Ravenskau et Mori, qui s'oriente par 


montée sur une glissière verticale, 


même par 
coince contre les parois de la 


une lige à longueur variable, 


galerie ; 


la rotation d'un secteur circulaire que commande 


une vis sans fin ; la perforatrice Storey, adoptée par 
‘ 


dinairement obtenu en le rendant solidaire d’une 
armature, qui oscille sous l’action d’un ou plu- 
sieurs solénoïdes, recevant le courant électrique 
de génératrices extérieures. Très exceplionnelle- 
ment, ce dernier sert à faire tourner une récep- 
trice, dont l’induit actionne l'outil par l'intermé- 
diaire d'une manivelle : 

1° Perforatrices à manivelle. — À ce Lype appartient 
la perforatrice Siemens et Hulslie (X891). Deux res- 
sorts antagonistes, allachés de part et d'autre du 
porte-oulil, régularisent le mouvement! de ce der- 
nier, qui est, d’ailleurs, guidé par une glissière. Les 
deux ressorts pourraient être remplacés par des 
rondelles de caoutchouc, ou des matelas d’air. Un 
mécanisme hélicoïdal à cliquet fait tourner le fleu- 
ret autour de son axe, pour régulariser l'usure de 
l'outil et celle de la roche. Une vis produit le mou- 
vement d'avancement du fleuret, soil aulomali- 
quement, soit à la main. 

29 Perforatrices à deux solénoïides. — Ce sont les plus 
communes : le mouvement de va-et-vient de l’ou- 
til est produit par l’action de deux solénoïdes op- 
posés sur l’armalure solidaire de l'outil. 

L'une des premières perforatrices de ce type est 
celle de Zall, dont l'invention remonte à 1880. Le 
jeu d’un laquet solidaire du fleuret amène suc- 


CP CSP SP PC PRE 


G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 13 


cessivementle courant à passer dans la bobinesupé- | bution du courant est assurée par les oscillations 
rieure, auquelcasle fleurets’élève, et dansla bobine | qu’un taquet imprime à une ancre, communiquant 


Nana tzZzZZ LÉERS 
| ; LS 
K 


LEE 


SKK & ez É. 


Fig. 4. — Perforatrice perculante, à un seul solénoïde, système Birkin (189). — À, gaine en fer doux entourant le sl 
noïde B .—EG, armature du solénoïde, solidaire du fleuret. —H, cadre comprimant le ressort antagoniste F.— R, tige solidaire 
de l’armature chargée d'interrompre le courant en P.— On voit sur la droite une manette destinée à produire l’avancement 
de la perforatrice sur sa glissière, et à la partie inférieure le trépied supportant cette glissière. 


inférieure, auquel cas le fleuret descend. Un dash- | avec le pôle positif du courant, de manière à 
pot, espèce de piston qui comprime de l'air dans | amener cette ancre alternativement sur les deux 


Fig. 5. — Perforatrice percutante Birkin à solénoïde sectionne. — BB'B, sections dusolénoïde. — E, porte-fleuret; e, com- 
mutateur tournant avec la dynamo-génératrice; 4, rainures de ce commutateur au travers desquelles le tuyau g/f envoie 
de l'air comprimé pour éteindre les étincelles. —V,W, rainures, les unes hélicoïdales, les autres droites, en prise respective- 
ment avec les rochets Y et X que les cliquets d et c ne laissent tourner que dans un sens. À l’aller du fleuret, le rochet Y 
tourne sous l'impulsion des rainures V et le rochet X, qui reste fixe, le guide par les rainures W. Au retour, le rochet X 
cède et le rochet Y, immobilisé par d, force le fleuret à tourner par la réaction des rainures V. 


un corps de pompe, amortit, par la résistance de | contacts en relation chacun avec un électro. Une 
cet air, le lancé de l’armature à la montéeet aide | vis permet de régler l'écartement de ces contacts 
au départ du fleuret pour sa course percutante. et du même coup la course de l'outil. 

Dans la perforatrice Philips et Harrison, la distri- La perforatrice Bolton et Mountain (Gg.3) est plus 


{4 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 


récente. L'armature n’est plus solidaire de l'outil, | 


mais d’un fourreau Q, actionnant à son lour, par 
l'intermédiaire d'amortisseurs à air, la tige percu- 
lante KR. 

Dans la perforatrice Z'hrelfall, es enroulements, 
au lieu d’être placés de part et d'autre de l’arma- 
ture, sont superposés et entourent celte dernière, 
qui se meut entre deux pôles loujours de noms 
contraires, mais sans cesse inversés par un COM- 
mulateur tournant, mû par la dynamo chargée de 
fournir le courant aux éleclros. 

La perforatrice Hackay (A892) a son commutateur 
placé entre les deux solénoïdeset manœuvré par un 
bourrelet de la tige du fleuret. Cette tige porte aussi 
un piston, qui souflle de l'air autour du foret pour 
enlever la poussière de la pierre, au percement 
de laquelle cet outil est principalement desliné. 


Fig. 6. — Figure schémalique représentant le système Mar vin 
théorique. 

Dans le modèle Bolton, l'armature en fer doux est 
remplacée par un électro-aimant solidaire du fleu- 
ret, et mobile entre deux autres électros fixes, 
opposés l'un à l'autre par des pôles de même nom. 
Un piston, entrainé par l'électro mobile, bute, à 
fond de course, sur des tampons qui le font passer 
d’une position à l’autre, de manière à renverser le 
sens du courant dans l’électro mobile, de sorle que 
ce dernier est toujours repoussé par l’un des élec- 
tros fixes et alliré par l’autre, lantôt dans un sens, 
tantôt dans le sens opposé. 

3° Perforatrices à un seul solénoile. Le fleuret est 
éloigné du front de taille par l'action du solénoïde 
malgré la résistance d'un ressort anlagonisle, qui, 
lorsque le courant est interrompu, le ramène brus- 
quement contre la roche. La perforatrice Birkin 
(1891) (fig. 4) 

4 l’erforalrices à solénoïdes sectlionnés. Au lieu de 


est de ce type. 


deux solénoïdes ou d’un solénoïde el d’un ressort, 


un seul solénoïde peut suflire, à la condition de le 
seclionner et d'envoyer par le commulaleur le cou- 
rant de la dynamo génératrice dans les sections 
différentes, de manière à faire allirer successive- 
ment le porte-fleuret par les seclions extrêmes. 
C’est une application du principe du moteur élec- 
trique de M. Marcel Deprez. Telest le cas de la 
perforatrice Birkin Mig. 5). 


0 


3° Perforatrices du type Marvin. Prendre la peine 
de redresser, à l’aide d’un commutateur, les cou- 
ranls allernatifs que donnerait sans lui la dynamo 
génératrice, pour renverser ensuile, à l’aide d'un 
nouveau commutateur, le sens de leur trajet pour 
les solénoïdes qui doivent produire le mouvement 
alternatif du fleuret, paraît être une complication 
fort inutile. Aussi M. Marvin a-t-il songé à appli- 
quer le système représenté schématiquement par 
la figure 6 : la dynamo n’a pas de commutateur; 
les extrémités de son armature aboutissent respec- 
tivement à un disque collecteur plein el à un demi- 
disque, et les solénoïdes sont reliés par leurs bouts 
extrèmes au demi-disque, par leurs bouts voisins 
au disque plein. Le fleuret prend alors un mouve- 
ment de va-et-vient synchrone de la rotation de la 


Fig. 7.— Fiqure schématique représentant le système Marvin 
modifié, tel que cel inventeur l'a réalisé dans ses perfora- 
trices. 

dynamo, sans qu'on ait besoin d'avoir recours à un 

mécanisme toujours compliqué pour renverser la 

polarilé de l’armature. 

Mais, pour réaliser ce système tel quel, il faudrait 
ne faire tourner la dynamo qu'à la vitesse de 400 
tours par minute, qu'on ne dépasse pas pour la 
perforaltrice !, et ce serait trop peu. On pourrail 
bien augmenter la vitesse de la dynamo, en lui fai- 
sant commander ses collecteurs par un train d'en- 
srenages réducteur; mais le système serait com- 
pliqué. 

Ilvautmieuxrendrelesdeux vitesses de ladynamo 
et de la perforatrice indépendantes en munissant la 
dynamo d'un commutateur ordinaire (fig. 7), par- 
couru par deux balais tournant B,B,, reliés l'un au 
collecteur entier, l’autre au demi-collecteur. On 
gagne encore la suppression du commulaleur sur 
la perforatrice, et une simplification précieuse dans 
les connexions de l'appareil. C'est le dispositif qu'a 
employé M. Harvin dans la perforatrice que repré- 
sentent les figures 8 et 9. 

M. van Depoële, et MM. Siemens el Halske construi- 
sent aussi des perforatrices, qui sont des variantes 
du même Lype. 


DAT En DL EEE PR he 7 ES 

\ Le nombre de coups varie, dans les perforatrices percu- 
tantes, de 200 à 400 par miaute ; la course du fleuret est d’en- 
viron 450 millimètres. 


EC. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 15 


un treuil à chaîne, mû aussi à bras d’homme. 
Haveuse Michaëlis. — Son outil est mis en mouve- 
ment par une came, espèce d’hélice montée sur 
un tambour creux horizontal, que la dynamo fait 
lourner par un {rain d'engrenages. La tige du porle- 
outil est pourvue d'un piston pris entre deux res- 
sorts : un ressort amortisseur des 


III. — ABATAGE 


Les perforatrices, dans les mines métalliques, 
les haveuses, dans les houillères, tels sont les ou- 
tils de l’abatage mécanique. Nous connaissons les 
premières : ce sont exactement celles que nous 
venons de décrire pour le perce- 


ment destravers-bancs. Leshaveuses 
sont des perforatricesspéciales, dans 
purs nous retrouvons cepen- 
- dantles deux grandes classes de per- 
cutantes et de rotatives. Mais, à l’in- 
_ verse de ce qui se passe pour les 
_ perforatrices ordinaires, surtout 
_ destinées à atlaquer des roches 
- dures, les haveuses, uniquement 
employées pour débiter des blocs de 
houille toujours relativement ten- 
dres, sont surtout rotatives. Et, dans 
les types perculants, le mouvement 
de va-et-vient de l'outil n’est qu'ex- 
ceplionnellement produit, comme 
dans la plupart des perforatrices de celte classe, 
par le jeu d’un ou deux solénoïdes; il l'est habi- 
tuellement par une dynamo dont le mouvement 
rotalif est transformé en mouvement 
rectiligne allernalif. 
Haveuses à percussion. Haveuse Che- 
not. — Son invention est antérieure à 


"ni 


ST 


Fig. 8. — Perforatrice Marvin 
{coupe transversale). 


chocs el un ressort d'impulsion très 
puissant (sa tension peut atteindre 
2200 kilogrammes). Cette haveuse 
est montée sur roues; elle a 2",70 
de longueur, 320 centimètres de 
largeur, 620 centimètres de hauteur ; 
elle pèse 400 kilogrammes; elle 
donne 120 coups à la minute. 

Haveuse Sperry.— Cette haveuse, la 
plus employée de toutes celles de ce 
type, est représentée en détail par 
la figure 10. Elle est montée sur deux 
pelites roues et manœuvrée à l’aide 
des manettes B, B'°. 

Au Lype percutant appartient en- 
core la haveuse van Depoële, établie par son auteur 
sur le même principe que sa perforatrice et, comme 
celle que nous venons de décrire, montée sur deux 
petiles roues, munie de manettes et très légère 
à Mmanœæuvrer. 

Huveuses à rotation. — Dans ces haveuses, 
dont le principe a élé breveté dès 1873 par 


T 


a 1 Π
nt Dr 


Fig. 9. — Perforatrice Marvin. — BB, solénoïdes. Les fils des solénoïdes, en cuivre nu, de section carrée, sont enroulés sur 
e 


s bobines en laiton isolées au mica et sont eux-mêmes isolés au mica à mesure qu’on les enroule : le tout est enveloppé 
de mica, puis d’un tube de laiton relié aux fonds des bobines par une soudure capable de résister à l'échauffement des 
fils. On constitue ainsi un solénoïde parfaitement abrité ctincombustible. — D, armature composée de trois parties soudées 
entre elles, celle du milieu en fer, les deux autres en bronze. Cette armature porte des rainures hélicoïdes destinées à 
assurer sa rotalion automatique, et on voit à sa droite un amortisseur de choc. — C, boite des bornes de prise de courant. 
La vis que l'on voit à la partie inférieure de la perforatrice est destinée à amener à la main l'avancement de l'outil. 

Dans un type plus récent, M. Marvin a remplacé l’armature en fer et bronze par une armature tout en acier; cet engin 


donne 380 coups par minute avec des courses variant de 465 à 190 millimètres. - 


1884. L'axe de la dynamo — laquelle est une 
machine Gramme — commande, par des tambours 
de friction et des poulies, une manivelle dont le 
mouvement est transmis à l’oulil par l’intermé- 
diaire de deux pislons solidaires, mobiles dans 
un cadre cylindrique, qu'ils attirent et repous- 
sent par la compression de matelas d’air. L’avan- 
cement de l’oulil est produit à la main, à l’aide 
d'une roue dentée et d’une crémaillère. La haveuse 


_ se déplace parallèlement au front de taille par | 


M. Taverdon, le mouvement rotalif de la dynamo 
est directement utilisé pour faire tourner une 
barre ou une chaîne sans fin : 

1° aveuses à barre. — La barre peul porter un 
taillant à son extrémité, — alors elle constitue un 
véritable foret qui s'enfonce dans le charbon en 
tournant autour de son axe et qu’on relire, le trou 
fini, pour lui en faire commencer un autre à côté; 
ou des ailettes tranchantes sur toute sa longueur, 
— alors, elle fait une sape continue en se glis- 


16 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 


sant dans la masse parallèlement à elle-même. 

a) Haveuses à foret. Haveuse Brain, Arnot et 
Baler. — Son outil est directement monté en pro- 
longement de l'axe de la dynamo. Elle a l'avantage 


de pouvoir se fixer très 
près du sol, au moyen 
de griffes sur une plaque 
assujettie par un étan- 
çon. 

Haveuse Herculès. — 
Du type à forets multi- 
ples, très employé en 
Amérique. Une douzaine 
de forets sont actionnés 
par des trains d’engre- 
nages, que commande 
un moteur Tesla à cou- 
rants alternatifs. Les 
forets sont disposés dans 
un même plan, perpen- 
diculaire au petit côté 
du cadre, qui supporte 
tout l’ensemble du mé- 
canisme, et qui est porté 
lui-même par un chariot 
monté sur roues et mo- 
bile sur rails. Le cadre 
peut s’incliner sur le 
chariot, de manière à 
obliquer, comme on le 
désire, par rapport à 
l'horizon , le plan de 
sous-Ccave. 

b) Haveuses à barre den- 
tée. Haveuse de Nostel. 
— L'outil est constitué 
par une barre hérissée 
de dents d'acier, calée 
sur le prolongement de 
l'axe de la dynamo ou 
sur un engrenage ac- 
tionné par ce dernier à 
raison de 500 tours par 
minute. 

La barre une fois en- 
gagée dans le charbon, 
on tire par un treuil à 


câble d'acier mû à la main, la haveuse, sur une 
voie parallèle au front de taille. Une barre de 
1220 à 150 a fait, à Normanton, un havage de 
20 à 35 mètres carrés par heure en consommant 
environ 10 chevaux-vapeur; elle a abattu par 
poste 160 tonnes, en économisant sur le travail 
à la main 1 shilling par tonne, et en produisant 
deniers de charbon marchand de plus. 

Haveuse Jeffrey. — La barre dentée est ici paral- 
1 


volant C;; le pignon C,sentraine le bouton D; par un sys- 
tème analogue; on diminue ainsi l'effet des chocs, atté- 
nué encore par les fourrures en caoutchouc F;. Le rende- 
ment de cette haveuse (rapport de son travail de choc à 
l'énergie électrique dépensée) est, d’après son inventeur, 
supérieur à 10 %. 


lèle au front de taille, et commandée par des 
chaînes sans fin; cet ensemble et la dynamo qui 
l’actionne sont montés sur un châssis mobile, qui 
peut glisser sur les longerons d’un chässis fixe pour 


permettre à l’outil de 
s'enfoncer dans le char- 
bon. Ce glissement est 
déterminé par un pi- 
gnon qui engrène avec 
une crémaillère du chàs- 
sis fixe. La sous-cave 
obtenue a environ 010 
de hauteur sur 2 mètres 
de profondeur ; il faut 
6 minutes pour la faire ; 
une minute et demie 
suffit pour riper la ha- | 
veuse parallèlement au 


front de taille. La ha- 
veuse pare ainsi 60 à 
90 mètres carrés en 10 
heures; c’est le travail 
de 10 hommes, qu'elle 
fait avec deux, en con- 
sommantenviron 15che- 
vaux électriques, L'éco- 
nomie quelle réalise 
ainsi sur le travail à la 
main est de 20 à 25°/,.." 
Cette haveuse est l'une 
des plus employées. 
Haveuse Goolden. — La 
barre dentée, de 110 
à 120 de longueur, per- 
pendiculaire au front de 
taille, est reliée par un 
train d’engrenages à 
l'axe de l'induit : elle 
tourne à raison de 400 
à 500 tours par minute, 
pour les charbons durs. 
L’entaille se fait comme 
l'indique la figure 12, 
en faisant pénétrer l’ou- 
til dans le charbon par 
la rotation dela machine 
sur sa table lournante, 


eten remorquant la haveuse sur sa voie. La dy- 
namo consomme 10 à 12 chevaux; il faut 3 hom- 
mes, un au cabestan, un autre à la haveuse, le 
troisième à l'élayage de la sous-cave pour empé- 
cher la chute du charbon sur l'outil. Une sous-cave 
de 100 millimètres de hauteur, de 2 mètres de 
profondeur, 100 mètres de longueur a été faite,avec 
cette haveuse, en 4 heures. 

Citons encore lahaveuse Atkinson, dont l'outil est 


rt. 


» 


:tranchantes, d'abord pa- 


qui est sa position de tra- 


analogue à celui de la précédente, la haveuse 


Carleton et Vallter, à deux barres dentées, l'une 


pour la sous-cave, l’autre pour percer un trou hori- 


_ zontal ou faire une sape horizontale ou verticale. 


2° Haveuses à chaine sans fin. Haveuse New are, 


de la Thomson Van Depoële mining C° (Fig 11). Cette 


machine, particulièrement adaptée au service des 


._ longues tailles, s’avance par touage sur chaîne 
_ fixe. L'outil, une chaine 


G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 


17 


Un inconvénient consiste dans la nécessité de chan- 
ger souvent les couteaux, à cause de leur usure 
rapide : dans les charbons durs, les dents de la 
haveuse Goolden doivent être changées lous les 
3» mètres environ. M. Bain a proposé, pour y remé- 
dier, de former la pointe tranchante d'un grain 
d’iridium, enchässé et soudé à l'extrémité de la 
pointe d'acier. 


sans fin munie d'’ailetles 


rallèle au front de taille, 
prend graduellement, 
sous l’action d'un train 
à vis sans fin, la position 
perpendiculaireàce front, 


vail. 


IV. — RouraAGE ET 
EXTRACTION 


Ce service peul être 
assuré par des treuils et 
des locomoteurs des 
treuils, qui remontent, le 
long des plans inclinés, 
les minerais provenant 
des exploitations en val- 


La haveuse est munie 
dehuitroues, quatre mon- 
tées sur rails, quatre au- 
tres perpendiculaires aux 


premières, qui permettent delaripersanslatourner 


- d'un front de taille à l’autre. Elle consomme 15 che- 


vaux, elle nécessite deux hommes pour la conduire 
et exécule une sous-cave de 10 centimètres de 
hauteur; elle pèse 3 tonnes. Elle fonctionne avec 
succès à la Jead 
Run Mine (Ohio). 

Haveuse Keil el 
Vesterdall. — Sa 
disposition gé- 
nérale est la mê- 
me que celle de 
la Jeffrey; seule- 
ment, l’oulil est 
une chaine sans 
fin, et non plus 
une barre (il 
existe du reste 
des Jeffrey à 
chaine). C'est le pelit côté de la chaine sans fin 
qui attaque le charbon, en restant parallèle au 
front de laille; l'avancement est produit perpen- 
diculairement à ce front par une roue hélicoïdale 
el une vis sans fin. 

A la même catégorie appartiennent la haveuse 
Hirst, dont la chaine peut tourner de 180 degrés 
autour d’un axè vertical ; la haveuse Afkinson dont 
la chaîne sans fin est circulaire, ‘et consiste en une 
sorte de scie à mailles, menée par les dents d’un 
disque mû par la dynamo. 

Une supériorité du havage mécanique sur le 
havage à la main est de pratiquer une sous-cave 
moins haute (010 au lieu de 025), et de diminuer 
ainsi la proportion du menu dansle charbon abattu. 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


Fig. 11. — Haveuse rolalive à chaîne sans fin New-arc. 


Fig. 12. — Haveuse rotalive Goolden. Ensemble du Montage. 


lée, et qui peuvent aussi 
être affectés à un roulage 
horizontal, ou plus acces- 
soirement à une exlrac- 
tion verticale; — des locomoteurs, qui ne peuvent, 
à cause de leur puissance, être utilisés qu'à la 
surface ou dans les galeries aboutissant au jour 
ou au puits d'extraction. 

Treuils. — L'une des premières installations du 
genre es£ celle 
qui a élé faite, 
en 1880, par la 
maison Gramme 
à la 


Péronnière 


(Loire ) elle 
fonctionne en- 
core parfaite - 


ment, bien que 
dans des condi- 
tions difficiles. 
Une machine à 
vapeur, {tournant 
à raison de G5 
révolutions par minute, actionne deux généra- 
trices, siluées au jour et faisant 4.300 tours. 
Quatre càbles conducteurs amènent Je courant à 
deux réceptrices, situées à 1.200 mètres de là, qui 
actionnentelles-mêmes un treuil par l'intermédiaire 
d’une poulie de friction en papier. Pour simplifier 
la partie électrique, les dynamos tournent toujours 
dans le même sens, et les manœuvres du treuil 
s’exécutent par des embrayages et des change- 
ments de marche mécaniques, comme s’il était mû 
par une courroie. En comparant le travail brut de 
la vapeur dans le cylindre au travail ulile en 
houille élevée, on a trouvé 12,2 °/, comme rende- 
ment avec une seule benne, 26,1 °/, avec quatre. 
L'installation, suflisante pour élever 1.900 kilo- 


EC 


18 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 


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grammes de houille en 151 secondes à 40 mètres 
de hauteur, a coûté 25.325 francs, sans compter le 
câble (3 francs par mètre pour les endroits hu- 
mides, 1 fr. 25 pour les endroits secs). 

Aux mines de Æaria (Brésil), un treuil de 10 che- 
vaux, analogue au précédent, mais dans lequel les 
manœuvres sont assurées par une combinaison 
d'embrayage Mégy, fonctionne avec un succès com- 
plet. 

Dans les houillères d'Albercanaïd (pays de Gal- 
les), MM. Crompton et Howell ont installé un 
treuil, que représente la figure 13. La génératrice 
du type Crompton compound marche à 550 lLours, 


au travail indiqué par la machine motrice est d’en- 
viron 50 °/,. 

Ce qu'on recherche maintenant dans les treuils 
de construction récente, c'est une forme aussi 
condensée que possible. On renonce aussi à l’u- 
niformité danslesens du mouvement de la dynamo. 

C'est dans cet esprit qu'a élé conçu, par M. Pi- 
cou, le treuil fabriqué par la Société Edison de 
Paris, pour les mines d’Anzin, où il remonte sur 
un plan incliné un truck porteur d’une berline. La 
dynamo, du type cuirassé, dont les fils et l'induit 
sont bien protégés, dont les balais sont en char- 
bon, actionne par un engrenage hélicoïdal un pre- 


| 


Fig. 13. — Treuil électrique Cromplon el Howell. 


100 ampères, 800 volts. La réceptrice, siluée à 
3.000 mètres de la première, du même type 
Crompton, mais en série, tourne à raison de 600 
tours, avec 450 volts et 80 à 160 ampères. Gette 
installation remplace 27 chevaux, dessert un rou- 
lage de 100 tonnes par jour, avec un rendement 
de 65 °/,, el a coûté deux fois moins qu'une ins- 
lallation équivalente à l’air comprimé ne rendant 
que 30 ? 

Dans les mines de houille de Zlawrnech (Mom- 
montshire), l'électricité est transmise d’une géné- 
ratrice extérieure, par un cäble isolé sous plomb, 
le long d'un puits de 220 mètres et d'une galerie 
de 670 mètres, très humides, à une réceptrice du 
type Immish, qui actionne, par un ancien treuil 
transformé, un roulage de bennes sur rampes de 
1/8 et 1/12, de 270 mètres de longueur. Malgré les 
frottements trop élevés du tambour et de son 
càäble, le rapport du travail de traction sur le câble 


mier arbre, qui attaque celui du treuil par un en- 
grenage à chevrons. Une poulie à gorge recoit le 
câble, qui n'y fait qu'un demi-lour, le poids du 
chariot étant en partie équilibré par un contre- 
poids attaché à l’autre bout du càble. L'appareil 
est manœuvré par un inverseur el un rhéoslat à 
liquide, à l'aide d'un seul levier, qui ouvre gra- 
duellement le circuit avant de faire l’inversion du 
courant : on évile ainsi complètement les élincelles 
et les à-coups. 

Dans le treuil 7komson-Houston, la dynamo ac- 
tionne le tambour par des engrenages simples. Le 
commutateur de changement de marche est com- 
mandé par un levier distinct de celui du rhéostat 
de réglage. Un levier de débrayage permet de 
descendre la charge au frein. 

Locomoteurs. — Le premier appareil du genre 
qui ait circulé dans les mines ne remonte qu’à 
1882 : il a été monté par la maison Siemens el 


ad mr ne 5 mu nc à dut |) dd É MÉ SS 


G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 19 


Halske dans la houillère de Zuukeroda, près Dresde. 
Il est constitué par une réceptrice, reliée par des 
engrenages aux deux essieux qui sont moteurs. 
Le courant, amené d'une génératrice de 15 che- 
vaux, est pris, sur deux rails en fer à T renversé, 
par des frotteurs à ressorts. Les trains, composés 
de 10 à 15 wagons, pe- 
sant vides 250 kilogs. 
et contenant 500 kilogs, 
de charbon, sont remor- 
qués à la vitesse de 9 
à 10 kilom. à l'heure 
en palier. Pour une ex- 
traction de 400 tonnes 
en seize heures, la ton- 


auxquels on n'a pu parer par l'emploi de ressorts 
de suspension, emploi que rend diflicile la rigidité 
de la transmission des dynamos aux essieux. 
Locomoteur Schlesinger. — Ce locomoteur est le 
premier qui ait été appliqué en Amérique; il date 
de 1888, époque à laquelle il a été installé dans 
les houilières de Zykens 
Valley (Pensylvanie). La 
force motrice est four- 
nie par deux machines à 
vapeur Arminglon de 
60 chevaux, actionnant 
une génératrice Thom- 
son-Houston de 50 che- 
vaux sous 220 volts. Le 


ne kilométrique est re- 


courant est amené par 


venue à 0 fr. 2600 avec 


roulage à la main, 
0 fr. 1563 avec roulage 
par chevaux, à 0 fr. 1134 avec l'électricité, L'éco- 
nomie est notable. 

Locomoteur de Marles. — Ce locomoteur est cons- 
truit par la Société Edison, sur les plans de M. Picou. 
L'arbre de la réceptrice, 
parallèle à la voie, porte 
un pignon, qui actionne une 
roue calée sur un arbre in- 
termédiaire; ce dernier, 
par deux engrenages héli- 
coïdaux , commande les 
deux essieux, quisont ainsi 
moteurs. Par-dessus la 
machine se trouve le rhéo- 
stat, dont le volant de 
manœuvre est horizontal, 
ainsi que les leviers d’in- 
terruption 
et dechan- 
gement de 


Fig. 14. — Locomoleur van Depoële, type surbaissé. 


des càbles et un trolley 
à la dynamo réceplrice 
de 40 chevaux, qui 
transmet son mouvement aux deux essieux, d’ail- 
leurs accouplés, par un train d’ergrenages et 
deux manivelles à 90° calées aux extrémités de 
l’armature. Le locomoleur (fig. 15) a 2°90 de long 
sur 160 de haut et 1"60 
de large ; il pèse 6.100 
kilos, y compris un poids 
de 900 kilos, qu'on lui 
a ajouté pour augmenter 
l’'adhérence et avec elle 
la puissance de traction. 
Il circule sur des rails 
de 0*90 d'écartement, à 
joints cuivrés aux éclis- 
ses, pour le retour du 
courant, En cinq heures 
et demie, il roule 700 
bennes 

parcourt 
33 kilom., 


marche.Le | en chan- 
courant k geant 232 
est pris fois de 
par deux marche. Il 
frotteurs est con- 
sur une duit par 
voie aé- ; un hom- 
= die, 45. — Loco ur Schlesinger (houillère de Lykens Valley). G 
rienne for- Fig. 15. — Locomoleur Schlesinger (houillère de Lylens Vattey me, assis- 


mée de vieux rails. 

Le locomoteur, de 2 mètres de longueur, 015 de 
largeur, 0760 d'écartement d’essieux, circule dans 
une galerie de 175 de hauteur, sur une voie de0"60, 
en rails de 10 kilogrammes, à courbes très raides. 
Il remorque jusqu'à 25 berlines de 700 kilogrammes 
chacune, à une vitesse de 8 kilomètres à l'heure 
en palier. Il fonctionne bien, malgré les irrégula- 
rilés de la voie, qui donnent des chocs incessants, 


té d’un gamin pour la formation des trains et la 
manœuvre des aiguilles; il remplace 7 mules 
et 3 conducteurs, qui n'arrivaient à rouler que 
560 bennes en 13 heures. 

Locomoteur Van Depoële (fig. 14). — Sa puissance 
est de 60 chevaux; il est remarquable par sa com- 
pacilé (1 mètre de haut). Son trolley est à bras 
articulés, pour suivre le conducteur malgré ses dé- 
nivellations. On voit, sur les côtés, quatre lampes 


20 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 


\\ NL 
— 


Fig. 16. — Locomoleur Jeffrey (mine de Shawnee). 


électriques à projecteur parabolique, qui éclairent 
parfailement la voie. 
Locomoteur Jeffrey (g.16).— II fonclionne avec un 


Shawnee. W pèse à tonnes, el peut en remorquer 
facilement 30 sur une rampe de 4 °/,, à la vitesse 
moyenne de 10 kilomètres à l'heure. 


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Ce Q 
at 


Fig. 17. — Locomolew: Edison. 


| 


plein succès depuis la fin de 1889, avec une force 
électromotrice de 250 volts, dans les mines de 


Locomoteur Edison. — Laréceptrice de 15 chevaux 
commande les deux essieux accouplés, par une 


nb Leds ct De dé, à ad: 


G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 21 


lransmission suspendue. Il est ordinairement pro- 
tégé par une enveloppe qui n'est pas représentée 
sur la figure 17. 

 Locomoteur Tinmish et Walker. — C'est un locomo- 
teur-toueur, qui se remorque sur un càble, el qui 
peut ainsi développer des efforts de traction très 
considérables à de faibles vitesses: Aux WAarn 
cliffe Silkstone Collieries un locomoteur de 10 che- 
vaux, pouvant en développer 20, remorque environ 
3 tonnes sur une longueur de 450 mètres, à la 
vitesse de 5 kilomètres sur rampe de 1/9. 

Tous cesexem- 
ples prouvent 
combien la trac- 
tion électrique 
s’adapte bien aux 
besoins des mi- 
nes. Étant donné 
le succès de l'é- 
lectricité pour 
les transports à 
la surface. et ses 
qualilés spécia- 
les qui la ren- 
dent encore plus 
propre aux trans- 
ports souler- 
rains , comme 
l'absence de fu- 


Le 
a 


a 


V.— ÉPUISEMENT. 


Pour assurer ce service, on emploie ordinaire- 
ment des pompes foulantes, étagées dans un puits 
spécial, et dont les pistons sont actionnés par une 
tige rigide el massive, qui oscille verticalement, 
sous l’action d'une machine à balancier installée à 
la surface. Comme tout cet ensemble ne peut tra- 
vailler qu'à faible vitesse, il faut racheter le petit 
nombre de coups qu'il donne à la minute par un 
gros débit à chaque course du piston. On est ainsi 

amené à donner 
au corps de pom- 
pe une grande 
hauteur et un 
gros diamètre: il 
en résulte un 
“matériel très 
massif, coûteux 
à installer, difli- 
cile à réparer. 
Pour éviter cet 
inconvénient, on 
a quelquefois re- 
cours à des pom- 
pes plus conden- 
sées, plus rapi- 
des, du type de 
Quillacq, instal- 


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SPLAD V4; 


mée, on pouvait 
prévoir la chose. $ 
En thèse géné- 

rale, nous estimons, pour notre part, qu'une mine, 
ayant sur une voie donnée un roulage important à 
effectuer, doit trouver son avantage à s'adresser à 
l'électricité !. 


1 Comme le dit M. G. Richard (Lumière Électrique, T. XLII, 
p. 21): « La supériorité de l’électricité pour la traction sou- 
terraine sur le travail manuel ou celui des chevaux ne saurait, 
je crois, être mise en doute, tant au point de vue de l’éco- 
nomie qu'à celui de la sécurité de l'exploitation; et il suflira 
de se rappeler la complication, le mauvais rendement et le 
prix d'établissement élevé des grandes tractions par chaines 
et par câbles pour admettre qu'on leur aurait certainement 
préféré l'électricité, si les électro-moteurs avaient existé à 
l’époque de leur établissement.» La traction électrique par 
câbles existe cependant: à la mine de lord Durham (Angle- 
terre), une machine électrique, pouvant développer 40 chevaux 
en faisant 650 tours à la minute, attaque par l'intermédiaire de 
deux couples d’engrenages, une poulie à gorge de 22,50 de 
diamètre, sur laquelle passe un câble sans fin, qu'elle meut 
à une vitesse de 4 milles à l'heure, et auquel on accroche 
les wagons à mesure qu’ils sont prêts. Mais il vaut mieux 
employer les locomoteurs, qui donnent un rendement plus 
grand. 

Les accumulateurs, employés pour alimenter les dynamos 
de certains tramways électriques, sont, en général et fort 
justement, semble-til, considérés comme inapplicables aux 
locomoteurs miniers, en raison de leur poids, de leur encom- 
brement et aussi de leur usure rapide sous l'influence des 
vibrations, inévitables avec les voies souterraines. 


Fig. 18— Pompe Goolden. 


lées au fond, et 
recevant leur va- 
peur de chau- 
dières siluées à la surface. Mais les conduites de 
vapeur, encombrantes, donnant souvent lieu à 
des fuites difficiles à réparer, sont toujours le 
siège d'une condensation et d'une perte de pres- 
sion qu'on peut évaluer à 15°/, pour une pro- 
fondeur de 250 mètres, à 30 °/, pour une profondeur 
double. Sil’on songe qu'une transmission électrique 
très ordinaire donne un rendement de 70 °/, pour 
des parcours incomparablement plus longs, on 
trouvera que l'emploi de l'électricité élait tout 
indiqué, sans compter qu'il devait permettre d’al- 
léger encore beaucoup les pompes, en les faisant 
marcher à leur plus grande vitesse possible. C'est 
effectivement ce qui a été fait, en même temps que, 
pour mêttre le travail des pompes plus en rapport 
avec le travail constant de la dynamo,on a sup- 
primé les points morts, en mullipliant les corps de 
pompe et en calant convenablement les maxi- 
velles sur l'arbre moteur. 

C'est dans cet esprit que sont conçues la pompe 
de la Gould Mining C° Seneca Falls N. Y.etlapompe 
Goollen, chacune à trois pistons plongeurs verti- 
caux. La seconde, employée à la houillère d'A7/ha- 
lows (Cumberland) et représentée parla figure 18, a 


os 


2 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 


sa dynamo complètement enfermée; elle refoule 
540 litres par minute, sous une charge de 180 mè- 
tres, àtraversun tuyau de 1.550 mètres de longueur. 
La dynamo génératrice à une force de 20 chevaux 
électriques ; le rendement (rapport de la puissance 
effective de la réceptrice à la puissance effective de 
la machine à vapeur) atteint 76,5. 

La pompe de la /ubilee Colliery (Mig. 19 a ses deux 
corps de pompe horizontaux. Sa génératrice, du 
système O/dham, donne environ 38 chevaux élec- 
triques: laréceplrice, du même type, à peu près 35. 


Fig. 19. — Pompe de la 


Celte dernière conduil, par une transmission à 
cordes et engrenages, les deux pistons, dont le 
diamètre est de 230 millimètres el la course de 
760, et qui refoulent, à raison de 35 tours par 
minule, 43 litres d'eau par seconde, sous une 
charge de 4270. Dans un essai effectué le 23 jan- 
vier 4891, on a trouvé pour le rendement, défini 
comme plus haut, 85 °/,, ce qui est très beau. 

Sans abandonner la dynamo comme moteur de 
la pompe, on peul avoir recours, pour les petites 
profondeurs, à une pompe centrifuge directement 
attelée sur l'arbre de la dynamo. On y trouve l’a- 
vantage d'avoir un ensemble {rès compact, très 
robuste et donnant un grand débit, sans compter 
que sa grande mobilité le rend très propre à assu- 
rer l’épuisement d’un chantier provisoire, en ren- 


voyant l'eau soit à la surface, si elle n’est pas trop 
haut, soit dans l’un des collecteurs des grandes 
machines fixes. 

On peut actionner la pompe par un solénoïde sec- 
lionné, comme on aclionne une perforatrice. Dans 
le système de M. Van Depoële (fig. 20), qui esl assez 
usité aux États-Unis, l’armature du solénoïde est 
calée sur la tige de la pompe. Le mère électri- 
cien a proposé de faire de cette armature le propre 
piston d’une pompe à double effel; mais nous ne 
croyons pas que le système ait élé appliqué. 


Jubilee Colliery. 


VI. — AÉRAGE 


L'aérage est ordinairement assuré par des ven- 
tilateurs puissants, installés à l’orifice de ‘puits spé- 
ciaux, le plus souvent fort éloignés du centre de 
l'exploilation. Aussi y aurait-il, dans bien des cas, 
avantage à supprimer l'usine de force motrice, 
entretenue près du ventilateur pour l'actionner, et 
à envoyer à ce dernier l'énergie nécessaire, d'une 
stalion centrale ; l'emploi de l'électricité est alors 
tout indiqué !. ‘ 

Indépendamment de ces grands ventilateurs, qui 
donnent l'air à tout un quartier d'exploitation, on 


1 On peut citer, dans le genre, le ventilateur du puits Saint- 
Claude à Blanzy, actionné dès 1881 par deux machines 
xramme 


G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 93 


emploie aussi des ventilateurs moins puissants, 
qu’on installe à l'intérieur dela mine, par exemple 
pour aérer des chantiers en cul-de-sac. Jusqu'à 
présent,ces ventilateurs étaientmus à bras d’homme 
ou par l'air comprimé ; il est préférable de les 
faire actionner par une dynamo. On peut alors 
utiliser les divers ventilateurs électriques : Crooker 
Wheoler motor C° N. Y., Simonds Manufacturing C°, 
Kintner, Lundell, Beers, Bennett, Hill... 

Ces ventilateurs souterrains peuvent parfois 
prendre une importance considérable, Ainsi, dans 
les houillères de Zaukerodu, à 400 mètres de pro- 
fondeur, un ventilateur Shiele, de 0",96 de dia- 
mètre, débitant 178 mètres cubes d'air à la minute, 
à la pression de 20 millimètres, avec une force 
de 1 ch. 66, reçoit son mouvement par l’intermé- 
diaire d'une courroie, d’une dynamo à laquelle le 
courant arrive d’une génératrice Siemens, située à 
157 mètres d’elle, actionnée par une machine à 
vapeur Dolgvrouki faisait 800 tonnes par minute. 


nateurs synchronisés Westinghouse marchant à 
3.000 volts. Pour l'exploitation des placers, la Ben- 
nelt amalyamator C° de Sumint (Colorado) construit 
un excavateur-amalgamaleur mû par l'électricité. 

Cette dernière joue quelquefois, dans la prépa- 
ration mécanique, un rôle plus spécial que celui 
de moteur: c’est ce qui arrive dans les trieurs ma- 
gnétiques. On peut citer : le trieur Æriedrichssegen 
(Allemagne), pour séparer les minerais de fer de 
la blende: le trieur Jaspar, qui permet de traiter 
20 tonnes de matière brute en 10 heures, sans de- 
mander plus de 2 chevaux ; le trieur Westrom, 


TE 


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Fig. 20. — Pompe direcle van Depoële (1891). — D, armature; 4’, tube de bronze. — C, bobine du milieu toujours excitée, qui 
magnétise fortement l’armature D et l’enveloppe en fer du solénoïde. — B1,B2,...C1,C2,... deux séries de bobines latérales; 
—f", 9), touches du commutateur séparées par un isolant F.— G,barre du commutateur. — I, taquet ; t, à, butées du taquet. 


VII. — PRÉPARATION MÉCANIQUE 


Sur le carreau de la mine, le minerai reçoit or- 
dinairement un traitement destiné à le débarrasser 
des impuretés qui seraient transportées en pure 
perte et à le classer en diverses catégories. Les 
opérations de cette préparation mécanique, fort 
diverses avec la nature du minerai, exigent parfois 
une force motrice très considérable. On aura tout 
intérêt à la demander aux forces hydrauliques voi- 
sines, transportées électriquement à l’atelier de 
préparation mécanique. 

A Aspen (Colorado), des broyeurs sont actionnés 
par des dynamos. La Gold King Company de Tellu- 
ride (Colorado) a installé, il y a 3 ans, un bocar- 
deur de 100 chevaux äunealtitude de 3.300 mètres, 
inaccessible aux combustibles, bois ou charbon ; 
la transmission s’opère au moyen de deux alter- 


employé en Suède; le trieur Sith, pour la puri- 
fication du quartz et du kaolin ; les trieurs Ædison, 
Thompson et Sanders… 

Ces applications diverses de l'électricité, dont 
nous venons d'épuiser la liste, se trouvent parfois 
plus ou moins réunies dans une seule mine!, où 
l'électricité peut, en outre, être utilisée sous d’au- 
tres formes (éclairage, téléphones, sonneries, si- 
gnaux) qui sont bien connues, et que nous n'a- 
vons d’ailleurs pas à décrire ici, car elles n'ont pas 
le caractère mécanique de celles que nous nous 
sommes donné pour mission d'étudier. 

Gérard Lavergne, 


Ingénieur civil des mines, 


! A citer notamment les mines de Faria (Brésil), Dalmalia 
Californie), Aspen et Värginius (Colarado), Arizona (Etats- 
Unis), la mine de lord Durham (Angleterre). 


24 D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION 


LES TOXINES 


MÉCANISME DE LEUR ACTION 


Dans le domaine des sciences expérimentales, 
comme, du reste, sur d’autres terrains, tout cher- 
cheur soucieux du progrès a pour devoir, lors- 
qu'un fait d’une porlée générale vient d'être établi, 
de s'attaquer à ce fait, de l’étudier, de l’analyser jus- 
que dans ses moindres détails.Or, à certains égards, 
il ne semble pas que les bactériologistes aient 
loujours rempli scrupuleusement celte obligation. 

Personne ne met plus en doute, et cela depuis 
plusieurs années, les propriélés morbifiques des 
sécrétions microbiennes : on sait, de science sûre. 
que, pour provoquer la maladie, les agents patho 
gènes usent, avant tout, des substances chimiques 
qu'ils fabriquent. On a reproduit des accidents 
caractéristiques en injectant ces substances, au lieu 
d'inoculer les infiniment petits: on a constalé que 
dans l'organisme, aussi bien que dans les milieux 
de culture, les germes donnent naissance à ces corps 
que l’on englobe le plus souvent sous le nom géné- 
rique de /oxines. Le Professeur Bouchard a prouvé 
que ces principes s'éliminent par la voie rénale: 
Charrin el Rüffer les ont décelés dans le sang. De- 
puis lors, en particulier pour le létanos, pour la 
diphtérie, etc., Camara Pestana, Immerwabr, etc., 
ont réalisé des constatations de même ordre. 

Le fait n'est donc plus discutable: il n'est nul- 
lement nécessaire, désormais, de se dépenser en 
efforts pour mettre en évidence la puissance nocive 
des produits kactériens, lorsqu'on se borne à les 
introduire chez un animal jusqu'à ce que mort 
s'ensuive. La donnée générale est acquise : les 
désordres morbides dérivent de la pénétration dans 
les viscères des poisons engendrés par les microbes: 
à cet égard, la cause est entendue, du moins si l’on 
s'en lient, comme, du reste, on le fait habituelle- 
ment, aux phénomènes élémentaires. En répétant 
constamment l'expérience qui consiste à tuer un 
sujet quelconque de laboratoire en lui administrant 
des cullures stérilisées, on s'évertue à marquer le 
pas sur place. 

Il convient cependant de ne point oublier que 
des modifications aussi nombreuses que diverses 
se développent,dès que l'équilibre des forces vitales, 
gage nécessaire de la santé, est rompu; par une 
série d'étapes, on aboutit à la guérison où à la 
terminaison fatale. 

Il importe d'étudier ces étapes, de déceler, dans 
leurs plus pelits délails, les phénomènes qui se 
déroulent. En agissant de la sorte, l'esprit trouve 
une ample satisfaction, la science progresse; en 


outre, on combat plus efficacement les accidents, 
quand on a saisi leur genèse : la pralique comme 
la théorie réclament ces recherches. 


I 


Les désordres causés par l'infection répondent 
à trois catégories principales de fails : les lésions 
des Lissus, les allérations des liquides, les pertur- 
bations fonctionnelles des appareils. A moins de 
revenir aux aclions de présence, on doit admettre 
que les bactéries, au cours des fièvres ou de toute 
autre affection parasitaire, pour créer la maladie, 
modifient la structure des viscères, la composition 
des humeurs, le jeu des systèmes; de là l'obligation 
d'examiner le rôle de ces bactéries ou de leurs 
sécrétions au point de vue de l'anatomie, de la 
chimie, de la physiologie pathologiques. 

Les travaux concernant les changements apportés 
dans la disposilion des cellules par la pénétration 
des toxines sont relalivement nombreux: à cet 
égard, il y a lieu d’atlénuer le reproche formulé à 
l'endroit du défaut d’études détaillées. 

On a établi la part qui revient aux substances 
microbiennes dans la production de l’inflammalion : 
ces substances ont paru susceptibles de se com- 
porter à la façon des agents d'irrilalion: elles font 
naitre l’æœdème ; elles sollicitent la diapédèse:; elles 
allirent ou repoussent les organiles mobiles ou 
mobilisés: elles nécrosent quelques-uns d’entre 
eux, amenant äinsi la formalion du pus: elles font 
dégénérer les épithéliums, pendant qu’elles pous- 
sent à la multiplication directe ou indirecte. 

Siles bactéries elles-mêmes sont présentes, ces 
phénomènes s'accentuent: Ja phagocylose se 
montre: la lésion locale, qui, le plus souvent, n’est 
autre chose que l'indice de la défense de l'éco- 
nomie, se réalise. ; 

Il y aurait beaucoup à dire sur la signifisalion, 
sur la portée générale, sur les causes, sur Le méca- 
nisme, sur les conséquences de cette lésion locale, 
dont la nature a élé si bien comprise, si bien inter- 
prétée par le Professeur Bouchard: toutefois, pour 
la mettre complètement en valeur, l'intervention 
des parasites vivants est à peu près indispensable: 
or, ici, notre but est, avant tout, de placer en évi- 
dence la part qu'il faut attribuer aux sécrétions de 
ces parasites dans la genèse des perturbations 
mulliples dont l'ensemble constitue l’état morbide. 

J'ai pu montrer, dès 1888, l'action de ces sécré- 
lions sur le rein, établissant qu'un viscère donné 


PRE VRP VUE 


nr tube os. nn à. 


D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION 


19 
Qc 


chez un animal déterminé, peut, sous l'influence 
d'un virus unique, offrir les altérations les plus 
disparates : inflammalion aiguë ou chronique, 
désordres interslitiels ou parenchymateux, dégé- 
nérescence graisseuse ou amyloïde, hypertrophie 
où atrophie avec artério-sclérose, thrombose, in- 
faretus, etc.; ces variétés dépendent de la qualité, 
de la quantité des produits microbiens introduits, 
de la réaclion des tissus, de la durée du mal, de la 
porte d'entrée de cesproduits, del'âge dusujet, etc.: 
en tous cas, ici, le mécanisme est simple ; ces corps 
traversent le fillre rénal pour s'échapper par 
l'urine: ils détériorent ce filtre à la manière de la 
cantharide, du mercure, du plomb, elc. 

L'étude des changements offerts par les séreuses, 
péricarde, péritoine, méninges, plèvres, syno- 
viales, etc., n'a pas été oubliée. Au début, on atrop 
insisté sur la nécessité de la présence de l'agent 
pathogène; j'espère avoir récemment prouvé que, 
si ces membranes subissent les eflets des prin- 
cipes dérivés de la vie de nos cellules, comme chez 
les brightiques ou chez les goutteux,elless’altèrent 
par le fait du passage, autravers de leurs différentes 
couches, des éléments extraits des cultures. 

Les toxines, diphtéritiquesou autres, provoquent 
des artérites, des phlébites. — Si les muscles, en 
général, sont assez résistants, le myocarde semble 
offrir plus de délicatesse. Au Congrès de Berlin,au 
cours de la discussion relative aux myocardiles, 
j'ai pu montrer une collection de pièces prouvant 
que ces toxinessont capables d’engendrerces myo- 
cardites. 

En administrant, à plusieurs reprises, des doses 
successives de poisons bactériens, on a fait naitre 
des myélites diffuses ou systémaliques, des né- 
vrites, des bronchiles, descongestions pulmonaires ; 
on a provoqué des hypertrophies de larale, d'après 
Nissen, hypertrophies que l’on considérait comme 
l'expression de la présence des infiniment petits : 
on à placé ainsi la notion loxique à côté de celle du 
parasile actif. 

Cette notion n’est point, du reste, une pure curio- 
sité de l'esprit. Solidement assise, elle conduit à 
favoriser l'élimination, la destruction, la neutrali- 
sation de ces principes nocifs; elle apprend que 
tout n’est pas lerminé, alors même que les germes 
sont morts; il faut encore compter avec leurs sé- 
crélions parfois très lentes à disparaitre; il faut 
Surtout songer à la cellule, à la pathologie cellulaire 
qui, en dépit des découvertes, demeure la pierre 
angulaire de l'édifice. Les microbes, leurs dérivés 
chimiques, constituent, à coup sûr, des agents étio- 
logiques considérables; mais ce qui domine la 
scène, ce sont les perturbations anatomiques ou 
fonctionnelles des tissus, quelles que soient d’ail- 
leurs les causes de ces perturbations. 


Ces causes, infectieuses, chimiques, physiques, 
peuvent intervenir sans réussir à provoquer le 
plus minime dérangement, si elles n’ont pas 
troublé le jeu des appareils ou changé leur struc- 
ture : leur suppression ne mel pas un terme aux 
désordres morbides, quand l'organile lésé n'est 
pas pleinement revenu à l’état normal. 

Si telles altérations, à l'exemple Ge certaines 
hvpertrophies spléniques, semblaient réclamer, 
pour devenir apparentes, l’aclivilé personnelle des 
bactéries, tout au moins dans la majorité des cas, 
il en est qui étaient tenues comme indiquant in- 
failliblement celte activité: cerlaines _entérites 
accompagnées de l’inflammalion des plaques de 
Peyer, étaient de ce nombre. 

J'ai démontré, il y a plus de sepl ans, qu'on 
créait ces lésions en injectant les toxines pyocya- 
miques dans les vaisseaux. J'ai élé heureux de voir 
Sanarelli, dans son important mémoire sur la fièvre 
typhoïde, rappeler cette découverte, en conslalant 
que le bacille d'Eberth, localisé d’abord dans les 
lymphatiques, fabrique des substances qui. en 
franchissant les tuniques inteslinales, les détério- 
rent profondément. Denys, Van den Bergh, ont 
émis, pour le choléra, une hypothèse analogue. 

A diverses reprises, j'ai insisté sur ce rôle d'éli- 
minalion dévolue à cette partie du canal alimen- 
taire; il y alà, en pathologie aussi bien qu’en phy- 
siologie, une importante fonction, d'autant que, 
dans ceconduit de la sortealtéré, la flore habituelle 
prend un développement marqué. 

A la catégorie des modifications anatomiques 
d'originetoxique appartiennent également nombre 
de changements observés du côté du foie ou des cap- 
sules surrénales au cours des infections. Ces deux 
viscères.— Abelous,Langlois,puis Charrin l'ont éla- 
bli pour ces capsules —, jouent un rôle antitoxique ; 
ce rôle, il est à peine besoin de le signaler, ac- 
quiert toute son importance dans des maladies qui 
ne sont, en définitive, que des empoisonnements. 

Il est aisé, en injectant des cadavres microbiens, 
soit dans les voies biliaires, soit dans la veine- 
porte, de déterminer des dégénérescences hépa- 
tiques variées, avec parlicipation du tissu conjonc- 
tif, avec thromboses, artérites, angiocholites, etc. 

Les éruptions culanées, les hémorragies capil- 
laires de la peau, éruptions, hémorragies que font 
apparaitre une foule de poisons d'origine externe, 
peuvent aussi dépendre de la pénétration des sé- 
crétions bacillaires, privées de Lout germe vivant. 
On a là, une fois de plus, la preuve du rôle indé- 
niable de ces sécrétions dans la genèse des lésions, 
dans la production des troubles anatomiques. 

Le progrès solide exige que l'on connaisse le 
mécanisme de ces lésions, de ces troubles: il est, 
en effet, dificile de réparer une brèche faile à une 


26 D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION 


EE ——— ——— —". ———————_—_— a 


muraille, si l’on ignore son siège, ses dimensions, 
les motifs de sa réalisation. 

Il serait facile, sans perdre de vue les autres 
procédés d'intervention propres aux germes, tels 
que les aclions directes, la concurrence vitale, les 
modifications vasculaires, ete., de développer plus 
longuement les propriélés nocives des toxines 
au point de vue histologique. Toutefois, nous l'a- 
vons dil, ces modifications des tissus ont été re- 
lativement assez étudiées; elles sont assez con- 
nues. 

Les changements apportés dans la composition 
des liquides, par le fait de l'introduction de ces 
toxines, sont plus obseurs ; il importe d'établir leur 
réalité, d'autant que les résultats acquis aussi bien 
que les espérances conçues permettent d’entre- 
voir l'intérêt sans égal qui s'attache à ces re- 
cherches. 


Il 


Le sang subit l'influence des produits micro- 
biens et dans ses éléments figurés et dans ses élé- 
ments solubles. 

Les leucocytes Lantôt augmentent de nombre, 
Lantôt diminuent; Rovighi, Biegansky, Pernice, 
Alessi, Chatenay, Everard, Demoor, Massart, elc., 
ont établi cette donnée. Pour Botkin, les corpus- 
cules éosinophiles deviendraient plus abondants ; 
pour Vatkins, les globules rouges apparaitraient 
plus crénelés, plus débiles, pendant que les pla- 
ques hématiques, d'autre part, seraient plus nom- 
breuses: pour Maurel, les cultures stérilisées dété- 
rioreraient ces différents globules; pour d’autres 
leur isotonie serail anomale. 

L'oxygène fléchit de 12, 13, à8, 9° ; je l'ai 
constaté avec Gley, avec Lapicque, comme j’ai vu, 
avec Kaufmann, le sucre tomber de 0,940 à 0,710 
par litre. — Slintzing prétend que l’eau augmente, 
tandis que l’albumine diminue ; l’hydrémie accom- 
pagne l'hypo-albuminose. 

Mais le changement qui prime tous les autres, 
c'est celui qui se développe lorsqu'on injecte des 
matières bactériennes de façon à créer l’état ré- 
fractaire, Il se produit, dans ces condilions, des 
substances peu stables, que la dialyse, que des 
congélations, que la chaleur altèrent, substances 
dont les unes sont peu favorables à l’évolution des 
germes vivants, dont les autres, tout en possédant 
ces qualités réputées bactéricides, agissentsur les 
poisons microbiens pour les neutraliser, pour an- 
nuler leurs effets : ce sont là les principes anti- 
toxiques. 

A la découverte des premiers de ces éléments, 
de ceux qui sont dits bactéricides, se rattachent 
les noms de Flügge, Nussal, Nissen, Fodor, Buch- 
ner, Stern, Zässlein, Gamaleïa, Bouchard, Charrin, 


Roger, Gottslein, Szekely, Klemperer, Vosvinkel, 
Czaplewski, Pekelharing, Nestchajew, Emmerich, 
Fowitzki, Arkharoff, Mosny, Pansini, Kionka, 
Kanthack, ete. À la découverte des seconds de ces 
corps, de ceux qu'on appelle antitoxiques, sont 
liés, avant tout, les travaux de Behring, de Kita- 
salo, puis ceux d'Ehrlich, de Tizzoni, de Cat- 
ani, etc. 

On sait les heureux effets obtenus dans le trai- 
tement de la diphtérie par Behring, Aronsohn, 
Ebrlich, Wasserman, Kossel, plus tard par Roux, 
Martin, Chaillou, elc., ou, dans celui du tétanos, 
de la pneumonie, par des médecins, en particulier 
par des médecins italiens, en injectant ces subs- 
tances ou plutôt le liquide qui les renferme, 
attendu qu’elles ne sont que très imparfaitement 
connues ; elles existent dans le sang, plus spécia- 
lement dans le sérum, comme l’a indiqué le 
P' Bouchard ; de là la dénomination de sérothé- 
rapie qui a remplacé celle d'hémo ou d'hémato- 
thérapie. 

Dans une série de recherches des plus impor- 
tantes, Richet el Héricourt avaient vu que l’on 
combattail certains virus, au premier rang une 
septicémie, puis la tuberculose, en introduisant 
le contenu des vaisseaux de sujets naturellement 
ou arlificiellement vaccinés. 

Depuis lors, nous venons de le rappeler, on à 
beaucoup étudié ce liquide sanguin des individus 
réfractaires; on à vu qu'en administrant des 
toxines, en vaccinant des animaux, on faisait nailre, 
dans ce liquidesanguin, ces composés bactéricides 
ou antitoxiques, gräce à des modifications appor- 
tées dans la nutrition. Il est, en effet, bien établi 
aujourd’hui que ces matières ne sont pas incluses 
dans les cultures employées pour immuniser. 
D'une part, ces matières n'apparaissent que plu- 
sieurs jours après la pénétration de ces cultures, 
alors que ces cultures se sont en partie éliminées ; 
d'autre part, ces cultures subissent, sans perdre 
totalement leurs qualités de préservation, un 
chauffage de 100° et davantage, tandis qu'à 70° 
ces malières bactéricides sont allérées. , 

Ces éléments procèdent done de la vie des cel- 
lules de l’économie que l’on a rendue résistante 
aux virus. À ce point de vue, ils dérivent non pas 
directement, mais bien indirectement des sécré- 
tions bacillaires ; ces sécrétions changent la vila- 
lité de l'organisme, comme le fait le plomb,comme 
le réalise le poison du germe d'Eberth. 

Qu'un ouvrier peintre en bâtiment absorbe des 
sels plombiques : ses Lissus, qui poussaient la des- 
truction des acides jusqu'à l’eau ou CO?, cesseront 
de jouir de cette activité; cet ouvrier deviendra 
goutteux. D'un autre côté, tel individu, très maigre 
avant sa dothiénentérie, après sa maladie marche 


PAPAS RP ED 


D: 3 CHARRIN — LES TOXINES 


: MÉCANISME DE LEUR ACTION 


19 
1 


à l'obésité ; ses organitesnebrülent pluslesgraisses. 

Les corps chimiques, d'origine bactérienne ou 
non, définis ou non, en (raversant un être vivant, 
en séjournant plus ou moins longtemps dans cet 
être, sont donc capables de modifier sa vitalité, 
de ralentir ou d'accélérer sa nutrition. Or, cette nu- 
trition consiste, pour les élémentsfigurés, à puiser 
dans les plasmas ce qui leur convient, à assimiler, 
à retenir ce qui leur est nécessaire, à rejeter le su- 
perflu. Les plasmas sont donc fatalement, forcé- 
ment, ce que les font ces éléments figurés: ils 
sont sous leur dépendance immédiate. 

Aussi est-on surpris d'entendre parler, à propos 
des doctrines de l’immunité, de théories cellu- 
laires opposées à des théories purement humo- 
rales, car on saisit mal une Lhéorie purement humo- 
rale, non cellulaire. Si l’on fait usage de ce mot 
« humoral », c’est pour abréger le discours, en 
supposant que tout le monde comprend. Comment 
concevoir, chez l'animal, des humeurs sans rela- 
lion avec les cellules? Comment dans ces humeurs 
faire apparaître des corps bactéricides ou antitoxi- 
ques, alexines, antilysines ou autres, sans la 
participalion de ces cellules? Aufant vaudrait 
remonter à la génération spontanée! Autant croire 
au quidquid e nihil ! 

Non, il n'y a, à certains égards, que des théories 
cellulaires: les unes expliquent l’immunité par des 
actions d’inclusion, de digestion des parasites au 
sein de ces cellules: les autres imaginent que ces 
cellules font ‘que les plasmas renferment des prin- 
cipes défavorables aux agents infectieux ou à leurs 
produits. 

Ces principes sont surtout nuisibles aux infini- 
ment pelits capables d’engendrer le mal dont on a 
cherché à préserver l'organisme: autrement dit, 
ces principes, s’ils sont nés à la suite d’une vacci- 
nation contre le bacille de Lüffler, seront plus dan- 
gereux pour ce bacille que pour tout autre. Toute- 
fois, il en est dont l’action s’étend à d’autres virus. 

Avec Courmont, j'ai vu le sérum des lapins 
rendus réfractaires au germe du pus bleu atténuer 
la bactéridie charbonneuse. Szekely, Szana, sou- 
tiennent que les humeurs des sujets immunisés 
contre la rage détruisent le B. prodigiosus. Cesaris- 
bemel etOrlandiont fait des constatalionsanalogues 
pour les microbes de la dothiénentérie ou du cho- 
léra; telle anti-toxine agirait sur des venins. 

Quoi qu'il en soil, en ce qui concerne l'origine 
de ces produits protecteurs, on s’apercevra, si l’on 
veut prendre la peine de jeter un coup d'œil sur ce 
que nous avons écril, que notre opinion n’a pas 
varié. On sera bien vite convaincu que nous n’avons 
pas cessé de considérer cette immunité comme une 
propriété cellulaire. C’est là, du reste, la formule 
émise depuis nombre d'années par le Professeur 


Bouchard. 11 serait, d’ailleurs, difficile de com- 
prendre, dans certains cas, l'hérédité, la transmis- 
sion, la durée de ces états réfractaires, en ralla- 
chant ces phénomènes à une simple modification 
des humeurs, c’est-à-dire de ce qui ne vit pas. 

Le sang, sous l'influence des toxines, subit en- 
core d’autres modificalions. D'après Fodor, son al- 
calinité augmenterait. Je n’ai pu réussir, malgré le 
concours éclairé de R, Drouin, à constater, à cel 
égard, des différences très appréciables durant la 
maladie pyocyanique.— Pour Maragliano, les sels 
du contenu vasculaire, le chlorure de sodium plus 
particulièrement, seraient en décroissance. 


III 


D’autres liquides organiques sont également 
soumis à des changements, lorsqu'on injecte des 
sécrétions microbiennes. 

Le volume de la lymphe, à en croire Gaertner, 
Rœmer, est en ascension: or, nul n'ignore l'impor- 
tance considérable de cette lymphe, importance 
bien mise en lumière par les travaux d’Heidenhain 
et de son École. 

L'urée, l'acide phosphorique de l'urine devien- 
nent plus abondants, tandis que le chlore suit un 
mouvement inverse. J'ai nettement enregistré ces 
oscillations, avec l’aide de Chevallier, chez des 
animaux dont la température centrale atteignait 
40°, 41°, à la suite de la pénétration de principes 
d'origineinfeclieuse.— Ces températures prouvent, 
ainsi que nous l'avons élabli, Rüffer et moi, que 
les toxines sont capables de provoquer l'hyperther- 
mie, l'élément le plus saisissant de l’état fébrile. 

Si l’on veut bien se souvenir que, dans l’accès 
pyrétique de l’homme, le plus ordinairement, les 
variations urinaires concordent avec celles que 
nous avons indiquées: si, en outre, on remarque, 
d'une part, que, pendant l’évolution de cet accès, 
l'oxygène fléchit, alors que CO? s’accroit; si, d'autre 
part, on rapproche ces données des expériences de 
Le Noir et Charrin qui ont observé, après Fintro- 
duction de cultures stérilisées, des modifications 
identiques au point de vue de la respiration, on 
reconnaitra aisément que ces cultures stérilisées, 
autrement dit les produits bactériens, engendrent 
la fièvre. 

Trop fréquemment, on confond l'élévation ther- 
mique avec cet état fébrile. Cette élévation n’est 
qu'un seul des éléments de cet état qui, de plus, se 
caractérise par des changements dans les échanges 
nutritifs, dans les déchets de l'urine. Or, ici, ces 
changements existent; l’analyse chimique corro- 
bore l'indication du thermomètre. 

Les indications du thermomètre conduisent 
parfois à des notions inverses: l'hypothermie rem- 
place l’hyperthermie. Le Professeur Bouchard, sui- 


28 D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION 


vant la nature des toxines utilisées, a vu ces deux Cette observation a été le point de départ d’une 


accidents se réaliser. En dehors du choix de la | série d'expériences dont l'importance ne saurait 
sécrélion bacillaire, la dose injectée, la porte d'en- | échapper à personne, attendu que loute cause 
trée choisie, la rapidité de l'opération, constituent | propre à régir les vaso-moleurs est capable de 
des causes de variations. déterminer nombre de phénomènes. | 

D'ailleurs, en collaboration avec d'Arsonval, nous Gley et Charrin ont montré que ces principes 
avons mis en évidence, grâce au calorimètre com- | pyocyaniques élèvent la pression, paralysent les 
pensaleur, les influences diverses exercées par les | centres dilatateurs, retardent la vascularisation 
matières bactériennes sur les sources intimes du ca- | qui survient dans le pavillon de l'oreille du lapin à 


lorique. la suite de l'excitation du nerfauriculaire, accident 
Les substances chimiques, nées de la vie des | désigné sous le nom de réflere de Snellen-Schiff. 
germes, agissent sur les liquides glandulaires. Si l’on remplace ces principes du bacille du pus 


Le plus grand nombre fait baisser, conformément | bleu par ceux du germe de la tuberculose, on 
à ce que j'ai signalé avec Rüffer et Sherrington, le | provoque des perturbations d'ordre opposé; on 
volume de la bile: quelques unes altèrent sa cons- | facilite l'élargissement des capillaires: on abaisse 
litution, diminuent sa richesse, d'après Pisenti, en | la tension. Cet abaissement ne nous donne-t-il pas 
principes solides. Cette notionn’est pas négligeable. | la clef des palpilations des phtisiques? Le cœur, 
car, d’un côlé, tout le monde connait les fonctions | suivant la loi de Marey, n’accélère-[-il pas sa 
antiseptiques de cette bile:; d'un autre côté, le rôle | marche, quand l'effort à réaliser diminue ? 
de la flore du tube digestif s’accroit de jour en jour. Ainsi, gräce à ces travaux de physiologie patho- 
La mydaléine, que fabriquent certains ferments | logique. qui demandent qu'on analyse dans les 
figurés de la putréfaction, agit sur la source des | moindres détails les troubles symptomaliques,- 
larmes; des toxines spéciales jouissent de propriétés | grâce aux méthodes que nous ne cessons de préco- 
identiques, soit à l'égard de la salive, soit vis-à-vis | niser, grâce aux recherches qui exigent que l'on 
des sucs de l'estomac. étudie les corps d'origine bactérienne, comme on 
Les liquides intestinaux tantôt sont en plus petite | éludie, en toxicologie, en pharmacodynamie, le cu- 
quantité, tantôt, au contraire, deviennent plus | rare, la strychnine, par exemple, on arrive à savoir 
abondants. À ce sujet, ainsi que nous l'avons | pourquoi et comment lel désordre, en particulier, 
signalé, il y a lieu de tenir compte des éliminations | apparait: on n'est plus obligé de s'en tenir à la 
qui se font au travers des parois du conduit ali- | formule aussi vague que générale : « Les microbes 
mentaire: parmi les principes formés par lesagents | créent la maladie à l'aide de leurs sécrétions. » 
pathogènes, il en est qui se rendent directement Le plus souvent, que constate-l on au cours de 
du sang dans la lumière de ce conduit. ces pyrexies infectieuses ? On enregistre de la fièvre, 
Les modifications sanguines, lymphaliques, uri- | de l’albuminurie, de la diarrhée, des sueurs, des 
naires, thermiques, glandulaires, respiraloires, | modifications circulaloires ou respiraloires, des 
digeslives, ele., s'accompagnent de désordres cir- | phénomènes nerveux. Or, à la faveur des expé- 
culatoires. riences dontnous proclamons l’ulililé, on saisit les 
Maufredi, Traversa, ont nolé l'accélération car- | raisons de ces symptômes. On n'est plus étonné de 
diaque; Kostiurine, Krainsky, ont enregislré une | voir l'état fébrile S'installer, puisque lon a appris 
pareille constatation, en administrant la tubereu- | que les substances bacillaires favorisent l'élévation 
line ou des corps putrides. — J'ai vu, avec Gley, le | de la température, l’augmentalion de l’urée, de 
cœur changer de volume, se dilater à la fin de l'in- | l'acide phosphorique, la diminution du chlore, im- 
jection, au point de ne plus battre: des phases | primant aux échanges une foule de variations. 
d'arythmie précédaient ces perturbations. — Roger On est à même d'expliquer les différentes classes 
a reconnu la diminution de l'excitabililé tant du | d'albuminurie, allendu que ces substances bacil- 
laires altèrent le rein en le traversant, ouvrant ainsi 
Les produits baclériens agissent donc sur la | la porte aux germes qu'un épithélium intact retient 
fibre cardiaque d'une facon directe; ils inlervien- | longtemps, attendu que ces substances changent 
nent également, dans le jeu de lacireulation, d’une | la constitution du sang ou de la lymphe, atlendu 
manière indirecte, en aclionnant la pression, en | qu’elles accélèrent ou ralentissent la circulation. 
influençant l'appareil nerveux. On reconnait ainsi que ces malières sont propres 
En injectant de la tuberculine à des lapins, le | à engendrer les condilions les plus favorables 
Professeur Bouchard a vu que le fond de l'œil se | au passage des éléments protéiques dans l'urine : 
congeslionnail: il a réussi à substituer l’anémie, la | lésions du tissu rénal, surtout des glomérules ou 
paleur, à celle congestion, en poussant dans les | des tubes contournés, adultérations humorales, 
vaisseaux des loxines pyocyaniques. oscillations de vilesse, de tension; Max Herman, 


myocarde que du pneumogastrique. 


D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION 


29 


Von Platlers, Overbeck, Nussbaum, Zielonko, Ru- 
neberg, etc., en liant tantôt l'artère, tantôt la 
veine du rein, tantôt l’uretère, ont mis en évidence 
le rôle des facteurs circulatoires. 

Les perturbations intestinales dérivent habituel- 
lement soit de l'inflammalion des luniques du ca- 
nal alimentaire, soil de l’arrivée dans ce canal de 
principes irritantis, soit de phénomènes vaso-mo- 
teurs. Or, nous avons établi — est il besoin de le 
rappeler ? — que les Loxines s'éliminent au travers 
de l’intestin, passent de l'intérieur des capillaires 
dans la lumière de cet inteslin, influencent les 
nerfs des vaisseaux, favorisent la flore digestive, 
déterminent enfin des entérites variées. 

Qu'observe-t-on encore durant l’évolution des 
pyrexies ? On observe une rapidité plus grande, 
parfois une irrégularité des mouvements respira- 
loires, des baltements cardiaques précipilés, aryth- 
miques, dans certains cas des hémorragies, des 
sueurs profuses, des manifestations nerveuses, elc., 
etc., toute une foule de désordres que l’on fait appa- 
raitre en injectant des cultures stérilisées. 

Bruschetlini, Nissen ont décelé dans le cerveau, 
dans la moelle, la présence des produits du bacille 
de Nicolaïer, ou B. du télanos ; d’autres auteurs ont 
découvert, dans ces organes, des sécrétions appar- 
tenant à d'autres infiniment petits. Dès lors, on 
comprend la genèse des convulsions, des agilations 
déréglées, des soubresauts, des paralysies préco- 
ces, ete.; ces produits, ces sécrétions agissent à la 
façon de l’alcool, du plomb, de la plupart des subs- 
tances chimiques qui, en imprégnant les cellules 
cérébrales ou médullaires, suscitent l’ensemble 
des accidents réputés nerveux. 

Ferré a montré que le virus rabique, en arrivant 
dans le bulbe, modifie, en impressionnant les 
origines du pneumo-gastrique, le fonctionnement 
du cœur, comme celui des poumons. Courmont, 
Doyon, Autokratoff, etc., ont nettement mis en 
évidence, à propos des contractures du tétanos, 
l'influence des toxines sur les nerfs sensilifs. 


IV 


Quand on connait exactement le pourquoi, le 
comment d'une perturbation organique, on a plus 
de chance de pouvoir s'opposer avec succès à sa 
réalisation ; on est plus apte à mettre en œuvre la 
thérapeutique pathogénique, la seule, ia vraie thé- 
rapeulique. 

Si vous n'avez pas subslilué la notion toxique à 
la notion du germe vivant, agissant en personne, 
vous combattrez ces albuminuries, ces entériles, 
ces symptômes cérébro-spinaux, en persistant à 
xous adresser aux antiseptiques proprement dits. 

Sans doute, ces antisepliques sont uliles ; ils ont 
leur heure; mais il arrive un moment où les mi- 


crobes ont cessé de se mulliplier, ou tout au moins 
un instant où, à côlé de ces microbes, les poisons 
circulent en abondance. Si vous ne favorisez pas 
leur élimination grâce à la diurèse, à l’action car- 
diaque, grâce à la mise en jeu des divers émonc- 
Loires; si vous n’aidez pas à leur destruction, par le 
foie, par les capsules surrénales, la läche ne sera 
que très imparfaitement accomplie. 

Du reste, on veille avec plus de sûreté à la pré- 
servalion des différents appareils, quand on sait 
que leur structure, que leur fonctionnement peu- 
veht être mis en péril par l’action des poisons bac- 
tériens : or, seule l'étude des propriétés physiolo- 
giques de ces poisons permetdeprévoir ces dangers. 

Au cours d’une infection donnée, on s’inquiétera 
médiocrement de l’état de la sécrétion biliaire, si 
l’on ignore que telle toxine allère cette sécrélion. On 
se préoccupera peu d'interroger la pression, si l’on 
n'a pas appris que telle autre toxine la modifie. On 
s’élonnera des congestions, des anémies locales, 
si l'on ne possède pas la notion des attributs vaso- 
moteurs des produits bacillaires: on invoquera 
parfois à Lort le mécanisme des réflexes, dont le 
rôle est limité. 

L'existence de ces attributs, à notre avis, cons- 
titue une donnée de première importance. Qui 
commande aux vaso-moteurs influence, en effet, 
les æœdèmes, les épanchements, les stases, la régu- 
larité de la circulation, la formation des sucs glan- 
dulaires, etc. 

Je sais bien qu'on à nié la réalité de ces attributs; 
toutefois il me sera bien permis de remarquer que 
lesnoms de Morat, Arloing.Gley,enpareille matière, 
dans des questions aussi spéciales, ont une certaine 
autorilé. Or, ces auteurs admettent pleinement 
que les substances d'origine bacillaire actionnent 
la contraction des capillaires; la pathologie fournit 
d’ailleurs une foule de preuves proclamant la réalité 
du fait. Il est juste, d'autre part, de remarquer que 
ces expérimentateurs ont fait de ces problèmes de 
vaso-motricité un objet de recherches sans cesse 
reprises; il s’agit là d’un domaine maintes fois 
exploré par eux. Si done, sur le lerrain de la phy- 
siologie, nous commettons une erreur, nous aurons 
du moins l’excuse de nous lromper en bonne com- 
pagnie, puisque les physiologistes sont avec nous, 

S'il s'agissait dechimiotaxie, je comprendrais les 
hésitations ; j'admettrais même des préférences en 
faveur de l'opinion de Massart et Bordet;la manière 
de voir de ces savants, dans ces études de chimio- 
laxie, pèse, à juste litre, d'un grand poids. 

Mais, à chacun son mélier : la chimie aux chi- 
mistes, la botanique aux botanistes, l'histologie 
aux histologistes, la médecine aux médecins; à ces 
condilions, les inexactitudes en microbiologie se 
feront plus rares. 


; nJ tv k% > RL > LS 
30 D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION 


Il faut savoir combien sont délicates les tenta- 
lives ayant pour but d'interroger la circulation des 
plus petits vaisseaux ; il faut connaitre quelle ingé- 
niosité ont exigée, de la part des Chauveau, des 
Marey, des François-Franck,les appareils destinés 
à ces travaux ! D'ailleurs, puisque le débat pendant 
est d'essence de physiologie pure, je demande qu'on 
le soumette à des physiologistes. Si l’on en découvre 
un, un seul, jouissant d'une autorité indiseutée, 
qui soutienne qu'il convient de procéder suivant la 
méthode de nos contradicteurs, non d’après la 
nôtre, je me déclare vaincu. Je doute même qu’on 
en rencontre un qui considère que l'essai de nos 
adversaires, au point de vue technique, constitue 
une vérilable expérience de vaso-constriction ou 
de vaso-dilatation ! 

On pourrait développer plus longuement encore 
les raisons qui conduisent à introduire l'histologie, 
la chimie, la physiologie dans la bactériologie. 
Pourtant, les considérations énoncées fournissent 
déjà un ensemble de preuves respectables. Les 
résultats acquis, du reste, parlent assez haut. 

La découverte des antiloxines, des principes 
bactéricides, apporte à l'appui de la thèse défendue 
d'excellents arguments. 

Il est encore permis d'indiquer que la mise 
en évidence des propriétés vaso-constrictives de 
certaines toxines a fait utiliser ces toxines, non 
sans succès, par M. Bouchard, à titre d'agents 
hémostatiques. Avec Teissier, je les ai employées 
pour relever les défaillances de la pression; avec 
Gamaleïa, pour ralentir l’inflammation, les exsuda- 
tions, la diapédèse. On peut également rappeler 
que ces toxines, le plus souvent si nuisibles pour 
nos cellules, sont parfois plus dangereuses pour 
des bactéries ; quelques essais heureux de bactério- 
thérapie tendent à le prouver. 

Il n’est pas jusqu'aux activités phagocytlaires, 
activités qui se développent sous l'influence de 
l'injection, au sein de l’économie, des sécrélions 
des germes infectieux, qui ne conduisent à une 
mise en jeu plus raisonnée de la révulsion. 

ÿ 

Ainsi se vérifie, à chaque instant, l’assertion que 
nous avons si souvent formulée, à savoir que, si 
l'on applique à la microbiologie les procédés de 
l'histologie, de la chimie, de la physiologie pa- 
thologique, la théorie aussi bien que la pratique 
y trouvent leur compte. 
| C'est que, comme nous l'avons noté, en dépit de 
l'importance des agents pathogènes, la plupart des 
phénomènes morbides dépendent des modifications 
des cellules. Mises en présence des germes ou de 
leurs sécrétions, elles réagissent, $e plaignent à 
leur manière; dans quelques circonstances, elles 


= 


acquièrent à ce voisinage une vitalité spéciale; elles 
deviennent capables de produire ce qu'elles ne sa- 
vaient pas antérieurement engendrer. 

L'histoire des mécanismes de l’immunité montre 
le bien-fondé de cette aflirmation dernière ; per- 
sonne ne conteste l’origine organique des matières 
protectrices, bactéricides où autres: chacun sait 
qu'elles dérivent de l'activité des tissus, activité 
métlamorphosée par le passage des toxines. 

Pour Courmont el Doyon, la genèse des corps 
morbifiques ne serait pas différente ; ces corps pro- 
viendraient de l’économie elle-même, influencée 
par le contact des produits microbiens. Ce qu'il y a 
de nouveau dans cette théorie, c'est moins la con- 
ceplion, le fait de la création de substances décou- 
lant du fonctionnement des éléments anatomiques 
soumis à l’action des principes microbiens, que 
l'application à un cas particulier de cette donnée, 
absolument établie d’ailleurs au point de vue ab- 
solu. — Reste à justifier cette applicalion. 

Les auteurs remarquent que, malgré les doses, 
certains troubles ne se développent jamais immé- 
diatement; il faut toujours qu'un temps plus ou 
moins long s'écoule entre l'injection des toxines et 
la manifestation de ces troubles: il existe une sorte 
d'incubalion qui, pour eux, correspond à la durée 
exigée par l'organisme pour engendrer la vérilable 
malière nuisible. 

De fait, quand on introduit des cullures stéri- 
lisées, on peut déterminer deux ordres d'accidents. 
Les uns se déroulent, pour ainsi dire, pendant 
celle introduction : les autres, si on a laissé vivre 
les sujets, éclatent au bout d’un nombre d’heures 
variable ; dès 1889, nous avons montré, avec R'fter, 
que des oscillations thermiques spéciales avaient 
lieu deux jours après la pénétration des liquides 
des bactéries. 

Des parlicularités analogues accompagnent la 
mise en jeu d'une foule de produits, surlout des 
produits albuminoïdes; aussi les chercheurs qui 
mesurent la toxicité des humeurs distinguent-ils 
les effets rapides, instantanés, des effets lointains; 
Rummo, plus que tout autre, a mis ces détails en 
évidence. Même avec des composés inorganiques, 
il est possible d'enregistrer des phénomènes de 
celle nature; si vous employez tel sel de cuivre, 
tel désordre ne se révélera que vers la sixième 
heure ; le cyanure de mercure, quelques nitrates, 
le plomb, parfois, donnent lieu à des accidents 
tardifs. Le plomb, par exemple, en dépit des quan- 
tiltés, ne produira l’albuminurie que le lendemain, 
le surlendemain ou au delà. 

C'est qu'il existe des poisons qui, à l’image des 
alcaloïdes, agissent de suite, s’atlaquant de préfé- 
rence au système nerveux; pour ces poisons, les 
symptômes sont proportionnels aux volumes uti- 


D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION 31 


lisés. C'est que d’autres exigent, avant de susciter 
des signes anormaux, que la vitalité des cellules 
soit changée anatomiquement ou fonctionnelle- 
ment, que des décompositions, des transformations 
_ se soient effectuées à leurs dépens; ces composés 
réclament une incubation que les doses influencent 
dans quelque mesure, sans que l’on puisse réduire 
à zéro cette incubation. 

Courmont et Doyon supposent que le corps mor- 
bifique fabriqué par les tissus, à l’instigation des 
toxines, est une diastase: ils invoquent, pour jus- 
lifier cette affirmation, ce fait, que la grenouille, qui 
prend le tétanos en été, ne le contracte pas en hiver; 
faute de température, cette diastase n’est pas engen- 
drée. — On peut répondre qu'il s’agit là d’un ani- 
mal bien spécial, que ces êtres, durant la saison 
froide, deviennent relativement peu sensibles à une 
foule d'agents, liquides tétaniques ou autres, 
on peut répondre aussi que le fait a élé contesté. 

Les expérimentateurs lyonnais prétendent que, 
si la pénétration des cultures stérilisées est impuis- 
sante à provoquer les spasmes tétaniques d’une 
facon immédiate, le sang d’un animal qui areçu ces 
cullures possède cette propriété; ils concluent que, 
sous l’action de ces cultures, les éléments anato- 
miques ont engendré la malière tétanisante. Cette 
démonstration entrainerait laconviction, si elle n'é- 
lait passible de plusieurs remarques. Les troubles 
que ce sang injecté fait apparaitre sont-ils réelle- 
ment le tétanos, ou bien ne constituent-ils, ainsi 
qu on l’a soutenu, que de légères trémulations, ou, à 
la rigueur, des convulsiôns nullement spéciales ? 

Il importe dene pasoublier que ce sang renferme, 
en premier lieu, une partie des toxines introduites, 
en second lieu, une partie des poisons des tissus, 
poisons d'autant plus nombreux, d'autant plus 
actifs, que ces tissus sont ceux d’un sujet malade. 

Nul n’ignore, en effet, comme l’établissent l’étude 
des échanges, l’analyse des urines, celle des gaz de 
la respiration, qu'une affection donnée, toxique, 
infectieuse, etc., perturbe la vie de l’économie, 
conduit les cellules à fabriquer des toxiques inu- 
silés ou des substances normales en proportions 
inouies; ce sont là des faits qui n’ont pas besoin 
d'être prouvés. — Ces poisons, assurément, ajou- 
tent leurs actions à celles des principes micro- 
biens : je l’ai signalé, il y a longtemps. Toutefois, 
ces poisons ne sont pas cette diastase spécifique 
invoquée par Courmont et Doyon; ce sont les dé- 
chets indiqués depuis de nombreuses années. 

Dans ces conditions, le liquide sanguin déter- 
mine fatalement des phénomènes pathologiques, 
quelquefois plus accenlués que ceux qui ont suivi 
l’arrivée des sécrétions des germes ; il n’y a pas lieu 
d'être surpris de ces résullats; seul, le contraire 
serait étonnant. 


Il importe donc de savoir, avec précision, si l’on 
est en présence d’un produit caractéristique; or, 
Conrad Brunner et d’autres, parmi eux un bacté- 
riologue qui s’est avec distinelion occupé du téta- 
nos, déclarent n'avoir pu saisir les preuves de son 
existence ; dans la Semaine médicale allemande 
de 189%, p. 100, on trouvera des expériences con- 
traires à la manière de voir des savantslyonnais. 

Les toxines pyocyaniques produisent, à l'exemple 
des autres toxines, des désordres rapides, tels que 
l'hémostase, la constriction des capillaires; elles 
engendrent également des accidents éloignés qui, 
sans être en rapports mathématiques avec les 
doses, subissent néanmoins leur influence; parmi 
ces accidents éloignés, l’hémorragie est, à coup 
sûr, un des plus marquants. 

Cet accident étant, pour ainsi dire, l'opposé de 
ces arrêts de pertes sanguines, constatés immédia- 
tementaprès la pénétration des cultures stérilisées. 
on pouvait se demander si les Lissus, au contact de 
ces cultures stérilisées, ne sécrélaient pas des ma- 
tières nouvelles, jouissant d’altributs contraires à 
ceux de ces cultures; la théorie de Courmont et 
Doyon paraissait trouver là un argument. — Pour 
achever la démonstration, il était nécessaire de 
faire apparaitre, plus ou moins promptement, des 
extravasations de sang, en injectant, à volume 
moyen, le contenu vasculaire ou les extraits des 
tissus des sujets porteurs de ces hémorragies. 

Or, si on réalise cette expérience, l'on ne déter- 
mine, sauf exception, aucune de ces extravasations, 
du moins dans les quelques heures qui suivent, tan- 
dis que le phénomène aurait lieu, si, à l'instigation 
des corps bacillaires, les éléments anatomiques 
avaient déversé, dans ce contenu ou ces tissus, des 
principes hémorragipares ; ce que l’on enregistre, 
c’estle resserrement des vaisseaux, parfois, Le len- 
demain, des épanchements, hors de ces vaisseaux, 
simplement parce que. en agissant ainsi, on a éga- 
lement administré des composés pyocyaniques. 

Ces hémorragies peuvent. en revanche, s’expli- 
quer par la faligue qui résulte du spasme des ca- 
pillaires, fatigue suivie d'un état prononcé de relä- 
chement ; elles peuvent s'expliquer par des embo- 
lies capillaires, par des variations de pression, par 
des altérations chimiques du sang, etc., toutes 
choses faciles à constater dans ce casparticulier. 

Nul plus que moi ne tient en haute estime les 
travaux de Courmont et Doyon; je crois leur théorie 
possible, probable ', el cela parce qu'elle est basée 


1 L'injection des humeurs des sujets qui ont reçu les toxines 
pyocyaniques produit parfois assez vite un trouble spasmo- 
dique de la marche, trouble que ces toxines introduites ne 
causent pas, du moins immédiatement, trouble qui, de temps 
à autre, s’observe dans cette maladie pyocyanique à forme 
lente; ce fait dépose en faveur de la théorie de Courmont et 
Doyon. 


32 


P.-T. MULLER — L'INSTITUT CHIMIQUE DE NANCY 


sur des phénomènes dont la réalité n'est plus à 
établir, phénomènes que j'ai contribué à mettre en 
évidence dans la mesure de mes forces. 

Que cette lhéorie soit un jour placée hors de 
contestalion, c'est là une chose à laquelle je sous- 
cris par avance. Ce que je dis, pour le moment, en 
demandant qu'on ne me fasse pas aller au delà, 
c'est que les preuves apportées ne sont pas inatta- 
quables, c'est qu'il n'est pas absolument démontré 
que cette pathogénie s'applique à tous les cas. 

Pour l'immunilé, il est juste de noter que les 
toxines, assurément, amènent les cellules à fabri- 
quer des composés inconnus jusque-là, de nature 
albuminoïde: mais il est juste également de retenir 
que ce changement exige des jours, qu'il ne se pro- 
duit pas en quelques heures, comme dans les 


observations des auteurs de Lyon. —D’autre part, 
ces cellules conservent, durant des semaines, des 
mois, des années, le pouvoir d’engendrer les corps 
bactéricides; il serait nécessaire d'admettre, si on 
acceptait la manière de voir en discussion, que, 
pour les substances morbifiques, cette propriété 
est des plus passagères: si cette propriété était 
persistante ou même peu durable, comment 
concevoir ces guérisons qui surviennent au boul 
d'une ou deux journées ? 

Malgré les lacunes, malgré les desiderata de celte 
doctrine si ingénieuse, je ne suis pas éloigné de 
croire que l'heure est proche où il sera élabli 
qu'elle renferme une part de vérité. 

D' A. Charrin, 


Médecin des hôpitaux, Professeur agrégé 
à la Faculté de Médecine de Paris. 


L'INSTITUT CHIMIQUE 


A l'Étranger, les laboratoires universitaires 
fournissent depuis longlemps aux jeunes gens les 
facilités nécessaires pour éludier pratiquement la 
Chimie. Il y a dix ans à peine, aucune de nos Fa- 
cullés des Sciences ne possédait de laboratoire 
bien aménagé où les personnes, voulant faire leur 
carrière de la Chimie, pussent recevoir une solide 
éducation pratique. Heureusement, enfin, cet élat 
de choses commence à se modifier en France, etil 
est ulile d'appeler sur cette urgente innovation 
l'allention de tous ceux qui dirigent, dans notre 
pays, le mouvement scientifique et le mouvement 
industriel. 

Dans l'introduction à son Rapport sur l'Industrie 
chimique à l'Exposition de Chicago, M. Haller ! a 
appelé l'attention sur ceite anomalie et indiqué 
brièvement le but et l’origine de l'Institut Chimique 
récemment créé à la Faculté des Sciences de Nancy 

fig. 1,2 el 3). Dans l'exposé qui va suivre nous 
nous bornerons à donner la description de len- 
semble de cet Élablissement, la distribution des 
laboratoires et des cours, l'esprit qui préside à 
l'enseignement et les épreuves auxquelles sont 
soumis les jeunes gens qui désirent donner une 
sanclion à leurs études. 

Les cours de l'Institut Chimique se divisent en 
cours de Chimie pure et cours de Chimie appli- 
quée. Les cours de Chimie pure comprenrent un 
cours de Chimie physique 
minérale et de Chimie organique (bisannuels) et 
de Chimie analytique annuel. 


annuel), de Chimie 


1 Revue générale des Sciences, 1894, p. 473. 


| 
| 
| 
| 


DE NANCY 


Les cours de Chimie appliquée forment un cycle 
de trois ans, où sont enseignées la Chimie indus- 
trielle (grande industrie chimique, combustibles, 
métallurgie du fer,céramique, couleurs minérales, 
elc.), la Chimie agricole (sucrerie, féculerie, distil- 
lerie, etc.) enfin la Chimie des matières colorantes 
organiques el les notions de teinture et d'impres- 
sion. 

La durée des études des élèves de l'Institut Chi- 
mique est, pour le moment, delrois ans; ces études 
comprennent la fréquentation des cours et les tra- 
vaux pratiques. Les laboraloires sont ouverts tous 
les jours de la semaine du 3 novembre au 31 juillet, 
de 8 heures à midi et de 2 heures à 6 heures. Les 
élèves de première année assistent à tous les cours, 
mais ils doivent porter plus spécialement leur 
allention sur ceux de Chimie pure où on les initie 
aux principes de la science. Ces cours forment, en 
effet, la base de notre science ; ils sont indispen- 
sables à tout chimiste qui veut se faire une ins- 
truction solide et qui veut être, plus tard, dans la 
spécialité qu'il aura choisie, capable de contribuer 
aux progrès de son industrie. Pour atteindre ce 
bul, aucune partie de la Chimie pure n'est né- 
gligée. C'est ainsi qu'on à organisé un cours spécial 
de Chimie physique: la Chimie se sert de plus en 
plus des méthodes el des instruments des physi- 
ciens; il importe d'initier de bonne heure les 
jeunes chimisies aux nouvelles idées, si fécondes, 
qui sont les produits de l'association des deux 
sciences, 

Les manipulations des élèves, failes sous la sur- 
veillance d’un professeur et d’un chef de travaux, 


per 


P.-T. MULLER — L'INSTITUT CHIMIQUE DE NANCY 33 


consistent dans la préparalion de produits miné- 

raux el de quelques produits organiques; cinq 
mois sont ensuite consacrés à l'analyse qualitative 
et aux éléments de l’analyse volumétrique. 

A la fin de juillet les élèves passent un examen 
écrit, oral et appliqué, sur l’ensemble de la Chimie 
pure. En cas d’insuccès, ils ne sont pas admis à 
passer en seconde année. 

Outre l’examen annuel, tous les élèves de l’Ins- 
litut passent un examen oral au bout du premier 

. semestre de chaque année. 
- Les élèves de deuxième année suivent les cours de 
Chimie minérale, organique et appliquée. Au labo- 
ratoire, ils complètent leurs connaissances en ana- 
lyse qualitative et s'occupent spécialement d’ana- 
lyse quantitative. Le professeur de Chimie indus- 
trielle dirige lui-même leurs travaux. Ils subissent, 


j 


licencié ès sciences physiques. Un cours de #athé- 
matiques spéciales a été organisé à la Faculté des 
Sciences; il s'adresse aux étudiants qui veulent 
pousser jusqu’à cette licence physique, laquelle, 
d’après la loi de 1889, permet de ne passer qu'une 
seule année sousles drapeaux. L'étudiant studieux 
peut en cing années ! acquérir avec assez de facilité 
le diplôme de licencié, le diplôme de chimiste et 
faire son année de service militaire, alors qu'il lui 
faut six années pour obtenir le diplôme de chimiste 
et accomplir trois ans de service militaire. 
L'Institut Chimique de Nancy n’a pas été créé 
seulement pour les étudiants qui suivent régulière- 
ment les cours et les travaux du laboratoire; il 
s'adresse à toutes les personnes qui ont fait des 
études chimiques dans d’autres établissements et 
qui désirent perfectionner leurs connaissances 


los NE mur 


4 


Fig, 1. — Institut Chinmique de Nancy. — Entrée principale. 


à la fin de l'année, un examen complet portant sur 
l’ensemble de la Chimie pure !. 

Un examen oral de Chimie appliquée ouvre l’en- 
trée de la troisième année. Dans cette dernièreannée, 
l'étudiant se consacre à la Chimie appliquée; au 
laboratoire ilse familiarise avecla Chimie organique 
dont il apprend les divers procédés analytiques; 
ensuite, il s'occupe de faire soit un travail origi- 

. nal, soit des analyses industrielles. C'est aussi 
pendant cette année que certains élèves, ayant en 
vue une fonction ou une industrie chimique déter- 
minée, sespécialisent et se perfectionnent en répé- 
tant les analyses oules opérations qu'ils auront à 
faire dans la suite. L'examen de fin d'année com- 
prend l’ensemble de la Chimie appliquée. L'Institut 
Chimique confère un diplôme de chimiste aux jeunes 
gens qui l’ont subi avec succès. 

L'Institut Chimique dispense de la première an- 
née d’études les jeunes gens qui ont le diplôme de 


1 A la suite de cette épreuve, les élèves qui voudraient 
quitter l'Ecole recoivent un certificat constatant leurs con- 
naissances en Chimie générale. 


praliques. Les professeurs sont à la disposition des 
jeunes ingénieurs, par exemple, dont l'éducation 
chimique est toujours faite d'une façon trop 
hâtive. Trop souvent, hélas! dans nos usines fran- 
çaises, le laboratoire est relégué au dernier plan; 
s’il ne rend pas tous les services qu'on est en droit 
de lui demander, c’est que l'ingénieur, obligé de se 
livrer aux travaux les plus variés, n'y consacre 
qu'une très minime portion de son temps, celle 
qui correspond à la petite place que les études de 
Chimie pratique ont occupée dans l'ensemble de ses 
études. À ces hommes l’Institut Chimique pour- 
rait être utile; le travail leur serait d'autant plus 
profitable qu'ils ne seraient astreints à aucune 
condition d'assiduité, de cours ou de semestres. 
Moyennant une rétribution proportionnelle à la 
durée de leur séjour, ils pourraient se faire en peu 


1 40 Première année de Chimie et cours de Mathématiques 
spéciales (2 cours par semaine) ; 20 seconde année de Chimie 
et fréquentation de quelques cours de Physique; 3° une année 
complète de Physique; licence; 49 troisième année de Chimie; 
50 année de service mllitaire. 


34 P.-T. MULLER — L'INSTITUT CHIMIQUE DE NANCY 
SSP ER RER OR Re es 


de temps une solide éducation pratique, dontils ne 
larderaient pas à recueillir les fruits. 
Les laboratoires de l’Institut Chimique (fig.4)sont 


livrer à des recherches originales. On y adjoindra 
sous peu un laboratoire de teinture. 
Les sous-sols renferment des laboratoires amé- 


Fig. 2. — Institut Chimique de Nancy. — Cûlé perpendiculaire au bäliment que représente la figure 1. 


assez vastes pour donner l’enseignement pratique à 
80 personnes à la fois !. Les élèves des trois années 
manipulent dans trois laboraloires distinels, spa- 


nagés pour l'analyse des gaz, les recherches physi- 
co-chimiques et thermochimiques (pouvoir calori- 
fique des combustibles), une salle de cristallisation, 


Fig. 3. Institut Chimique de Nancy. — Coupe el élévalion sur cour. 


cieux. bien aérés el bien éclairés. Un laboratoire 
spécial est affecté aux personnes qui veulent se 


1 Des constructions en cours d'exécution permettront, dès 
l'année prochaine, de porter le nombre de places à 120. 


une chambre noire pour les travaux phologra- 
phiques et plusieurs magasins. Un atelier de me- 
nuiserie, un alelier de mécanique, avee sou moleur 
à gaz, complètent l'installation. Une dynamo el 
une bolterie d'accumulateurs permellent l'emploi 


… bricants, on a pu y réunir ely classer méthodique- 

ment un grand nombre de produits qui représen- 

tent synthétiquement la marche d’une industrie. 
Pour fréquenter comme élève tous les cours et 


- 


de l'électricité dans toutes les parties du bàtiment. 

Au premier étage trois vastes salles sont occu- 
pées par la bibliothèque et par les collections, 
complément indispensable des cours de chimie 


appliquée. Grâce aux libéralités de plusieurs fa- 


P.-T. MULLER — L'INSTITUT CHIMIQUE DE NANCY 35 


savoir au service des industriels qui viennent les 
consulter, mais ils se refusent en général à faire 
des analyses ; une sfation ayroromique indépendante 
de l'Institut a spécialement été créée dans le but de 
permettre l'analyse rapide et à peu de frais de 
tous les produits industriels, agricoles et alimen- 
laires. s 

Une Évole de brasserie, également indépendante 
de l’Institut Chimique proprement dit et dirigée 


: BE 
| Û 
: # LT 


comen Me nee manne ommme ne simme unes um m eee e mens moments 


69, 6e Re 2e 


Fig. 4. — Institut Chimique de Nancy. — Plan du Rez-de-chaussée. 


travaux praliques de l’Institut Chimique. il faut être 
pourvu d’un baccalauréat classique ou moderne ; à 
défaut de ce diplôme, le candidat doit subir, devant 
une commission de professeurs, un examen oral 
portant à peu près sur les malières de l'ancien 
baccalauréat ès sciences et montrant qu'il est ca- 
pable de suivre avec fruit les cours de l'École. La 
rétribution annuelle est de six cents francs, à ver- 
ser en deux fois chez le percepteur. L'État accorde 
quelques bourses d’études données au concours. 
Profondément convaincus de la nécessité et de 
l'intérêt qu'il y a d'établir une union étroite entre 
le corps scientifique enseignant el l'Industrie, les 
professeurs de l'Instilut mettent volontiers leur 


par l’un des professeurs, permet d'acquérir en peu 
de tempsles connaissances chimiques et techniques 
indispensables au brasseur. Lelaboratoire de l’Ecole 
se charge également de toutes les analyses qui peu- 
vent intéresser le fabricant de bière. 

En résumé, l'Institut Chimique de Nancy, tel qu'il 
est organisé actuellement, offre toutes ressources 
à ceux qui veulent faire de bonnes études de Chimie 
pratique; nous croyons qu'il peut rivaliser avec 
n'importe quel établissement similaire de l’étran- 
ger. 

P.-Th. Muller, 
Docteur ès Sciences, 


Maitre de Conférences 
à la Faculté des Sciences de Nancy. 


36 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS 
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LA SOUDURE DE L'ALUMINIUM. — LA MESURE DES PETITES RÉSISTANCES EN ÉLECTRICITÉ 


Le problème de la production industrielle de l’alu- 
minium n’a cessé, depuis quelque cinquante ans, d’être 
l'objet des incessantes et patientes recherches des sa- 
vants et des ingénieurs. Leurs efforts ont été, en par- 
tie, couronnés de succès. De métal rare, de métal de 
laboratoire qu'il était, l'aluminium est presque devenu 
un métal usuel. C’est pendant ces dernières années 
surtout que les progrès ont été sensibles. La produc- 
tion avait été en 1890 de 50 tonnes; elle a été en 1894 
de 2,000, D'autre part, le prix du métal a diminué 
dans les mêmes proportions : il était en 1886, de 165 
francs le kilo; en 1889 de 55 francs ; en 1894 de 4 fr. 30. 
Ce dernier prix est encore trop élevé et certains cher- 
cheurs entrevoient la possibilité de l’abaisser de beau- 
coup dans un avenir prochain. 

Pour comparer impartialement le prix de l’alumi- 
nium à celui des métaux ordinaires, il faut se souvenir 
toutefois qu'en moyenne ceux-ci pèsent environ trois 
fois plus que lui, à volume égal. 

Malgré les progrès que nous venons de signaler, 
l'aluminium est encore peu employé. Nous ignorons 
souvent quelles sont les méthodes pratiques de le tra- 
vailler, Par exemple, nous ne savons pas ou nous sa- 
vons mal le souder. Il se ternit rapidement à l’air en 
se recouvrant d’une mince couche d'oxyde. Cette pro- 
priété, précieuse dans beaucoup de cas, en ce sens que 
la couche superficielle protège les parties intérieures 
du métal, rend la soudure excessivement difficile à 
faire. Car, pour exécuter une soudure convenable, il 
faut maintenir parfaitement propres les deux surfaces 
à mettre en contact, C'est là le grand secret dont cha- 
que mois on nous annonce la découverte d’un côté ou 
d’un autre, Les journaux nous ont signalé l’été dernier 
le procédé A, Delécluse. Il y a quelques semaines, 4he 
Electrical Review mentionnait celui de M. Ludwig Oli- 
ven. L'invention comporte un alliage spécial au moyen 
duquel se fait la soudure, et un fourneau qui est destiné 
à maintenir le métal à la température convenable et 
est muni de balaiset autres outils servant à nettoyer et à 
conserver propres les surfaces à mettre en contact. Ce 
fourneaun’est employé que pour les grosses pièces;les 
petites peuvent se souder au chalumeau ordinaire. 

Sur un sujet aussi important, nous eussions désiré 
des termes moins vagues, des explications plus précises 
et au besoin des dessins explicatifs, 

Signalons en passant, d’après le journal cité tout à 
l'heure, qu'aucune usine n’existe actuellement en An- 
gleterre pour la production de l'aluminium; mais 
qu'une Société vient de se former, the British Alumi- 
nium, Company, Limited, qui compte exploiter sur place 
des matières premières qu'elle trouverait dans le nord 
de l'Irlande, 

Il est juste de remarquer à ce sujet que notre pays, 
dont nous avons tendance à médire pour l’exciter à 
surpasser ses voisins, possède depuis quelques années 
d'importantes usines pour l'obtention de l'aluminium 
par électrolyse et la fabrication des bronzes d’alumi- 
nium. Les études industrielles poursuivies en deux ou 
trois de ces établissements font espérer que dans un 
avenir prochain l’aluminium francais saura tenir en 
échec le métal étranger. 


L'Elettricista nous signale une nouvelle méthode de 
mesure des petites résistances électriques due au 
D' Pasqualini. Nous nous contenterons d’en exposer le 
principe sans le discuter. 

On adjoint à un galvanomètre ordinaire G, et de 


manière qu’elle agisse sur son aiguille, une bobine 
double, formée de deux circuits équivalents CC’, com- 
posés d’un très petit nombre de tours. L'un de ces cir- 
cuits est disposé en série avec la bobine du galvano- 
mètre et une boite de résistance R; l’ensemble est en 
dérivation aux bornes de la résistance à mesurer { qui 
est elle-même associée en série avec le second circuit 


| 


Fig. 1, — Schéma de l’installalion du D' Pasqualini pour 
la mesure des peliles résistances. 


de la bobine double et traversée par le courant prin- 
cipal. Les connexions sont disposées de telle sorte que 
les courants GC et C’ agissent en sens contraire sur 
l'aiguille du galvanomètre. Le schéma ci-contre fera 
comprendre la disposition que nous venons d'indiquer 
(fig. 1). On modifie la résistance R jusqu'à ce que les 
actions qui s’exercent sur l'aiguille du galvanomètre 
s’équilibrent et que celle-ci reste au zéro, 

Soient : 

I, le courant principal; 

i, le courant dérivé; 

G, la résistance du galvanomètre G ; 

k, son facteur de réduction; 

r, la résistance commune de G et C'; 

k,, leur facteur de réduction. 

a, x, a”, les angles de déviation dus à C,àCetà G. 

Nous aurons: 


ie nor tr; 
mais : 
a +a + —=0Ù0 
par hypothèse : ' 
Donc, 
1 1 
nee D: VERRE Tee 
QU SAR TORRENT PU 
on 


D'autre part, 


I — i 


GHr+R. 4 1 
LRU l TT EN 
en appelant K une constante. 
Par conséquent, 
l=K(G+r +R). 
La constante K se détermine par une mesure préa- 
lable où la résistance / est une quantité connue. 
A. Gay, 


Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. 


Ce 2 Di 


Hd ÈS 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3 


2 —— 


er 


e 


BIBLIOGRAPHIE 


$ ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Sturm (D: Rudolf), Professeur à l'Université de Breslau. 
— Die Gebilde ersten und zweiten Grades der Li- 
niengeometrie in synthetischer Behandlung. 
1 Theil : Der lineare Complex oder das Straklengewinde 
und der tetraedrale Complex. II Theil : Die Strahlencon- 
gruenzen erster und zweiter Ordnung. (Traité synthé- 
tique des figures du premier et du second degré dans la 
géométrie linéaire. Première partie : Complexes linéaire 
et tetraédral, Seconde partie : Congruences du premier et 
du second ordre.) Deux volumes in-8° de x1v-386 p. et 
x1V-365 p. (Prix de chaque volume, 15 fr.) Teubner, 
éditeur, Leipzig, 1893-94. 

Jusque vers 1820, on s’est surtout occupé en Géométrie 
des figures formées par des points en nombre fini ou 
infini (polyèdres, surfaces, courbes, etc.). L'espace était 
considéré comme .le lieu des points, le point comme 
l'élément générateur de l’espace. Un point est déterminé 
par trois variables, ses coordonnées, dont chacune prend 
un nombre infini œ de valeurs. C’est ce qu'on exprime 
en disant que l’espace contient œ% points. Ce fut la 
géométrie ponctuelle. 

Ensuite, avec Poncelet, Mübius, Gergonne, Chasles, 
Steiner. se fonda la géométrie planaire, où l'élément 
générateur de l’espace fut le plan. Elle est identique au 
fond avec la géométrie ponctuelle et voici pourquoi : il 
y à aussi dans l’espace ® plans qu'on peut faire cor- 
respondre aux æÿ points; chaque théorème «planaire » 
correspond à un théorème « ponctuel » et vice versa. 
C'est là le grand principe de dualité. Sur un plan la 
dualité existe entre les points et les droites. 

Les choses changèrent quand, en 1869, dans son livre 


sur la Neue Geometrie des Raumes, Plücker fonda la 


géométrie linéaire, où la droite apparaît comme l’élé- 
ment générateur de l’espace ; cette géométrie ne se ra- 
mène pas aux précédentes, car il existe non plus os, 
mais bien æ$# droites dans l’espace ; elle est identique 
avec la géométrie sur une surface du second degré dans 
un espace à cinq dimensions, avec la géométrie ponc- 
tuelle à quatre dimensions. On ne s’en est pas tenu aux 
conceptions de Plücker; on a une géométrie sphérique, 
circulaire... en considérant l’espace comme lieu de 
sphères, de cercles. La chose capitale dans chacune 
de ces géométries est le nombre de variables, ou coor- 
données, dont dépend la figure prise pour élément gé- 
nérateur de l’espace. Ne sont pas distinctes au fond, 
grâce à une dualité généralisée, les géométries pour 
lesquelles ce nombre est le même, 

Quoi qu’il en soit, c’est dans la géométrie linéaire que 
nous transporte M. Sturm. Il est un de ceux qui l'ont le 
plus approfondie; ce sont ses propres travaux qu’il 
nous expose ainsi que les recherches des devanciers 
et des contemporains. 

Dans l’espace ordinaire, ponctuel ou planaire, on 
trouve, outre le polyèdre constitué par un nombre fini 
d'éléments, encore la « surface » et la « courbe », 
figures constituées par æ? (points de la surface, plans 
tangents de la même) et © éléments respectivement, 
lieux deséléments assujettis à une ou deux conditions. 

Dans l’espace « réglé » ou engendré par la droite, la 
variété dés formations est plus grande. Outre la 
figure formée par un nombre fini de droites, on trouve 
successivement le « complexe », la « congruence », la 
« surface réglée », figures à 5, œ2et œ éléments res- 
pectivement, lieux des droites assuietties à une, deux, 
trois conditions. Quatre conditions fournissent un 
nombre fini de droites. 

L'ouvrage dont nous rendons compte est un très 


vaste et très complet traité des propriétés afférentes 
aux complexes et aux congruences. Pour justifier son 
titre « in synthetischer Behandlung », l’auteur reste sur 
le terrain strictement géométrique. Il s’interdit tout 
développement relatif aux applications des complexes 
et des congruences faites par différents algébristes 
(MM. Lie, Darboux, Picard, Appell, moi et d’autres) 
aux équations, aux dérivées partielles, à l'équation diffé- 
rentielle du premier ordre, etc, 

Les droites d'un complexe issues d’un point engen- 
drent un cône, ayant ce point pour sommet. Le « de- 
gré » du complexe est celui du cône, c'est-à-dire le 
nombre de points où ce cône est percé par une droite. 
Dans une congruence (m, n), on distingue le nombre m 
de droites issues d'un point et le nombre n de droites 
situées dans un plan; m est l’ « ordre », n la « classe » 
de la congruence : m et n se correspondent par dualité. 

Le premier volume traite du complexe linéaire (pre- 
mier degré) où le cône ci-dessus indiqué est un plan. 
Ce complexe est envisagé successivement comme isolé 
dans l’espace ou comme se coupant avec d’autres li- 
néaires, Les propriétés en sont fort nombreuses, mais 
la complication devient extraordinaire lorsque lon 
aborde le second degré, les complexes quadratiques. 
Aussi se borne-t-on pour ces derniers au complexe té- 
traédral ou de Reye : c'est le lieu des droites coupées 
par les quatre faces d’un tétraèdre dans un rapport 
anharmonique constant, 

Le second volume est consacré aux congruences des 
deux premiers ordres et des sept premières classes, ou, 
ce qui revient au même, à cause de la dualité, des deux 
premières classes et des sept premiers ordres. Signa- 
lons les relations entre la congruence {2, 2) et la sur- 
face du quatrième degré dite de Kummer. 

Grâce à une impression serrée et à un style concis, 
le nombre des faits condensés dans cette monographie 
de 750 pages est énorme; on assiste à un véritable ruis- 
sellement dethéorèmes, Toutes les richesses de la langue 
allemande sont mises à contribution pour établir une 
nomenclature. Aussi le lecteur trouve très indispensa- 
bles les dictionnaires qui terminent les deux volumes. 

Bref, dans cet imposant travail, les mathématiciens 
trouveront un répertoire encyclopédique étendu de nos 
connaissances en géométrie linéaire. Léon AUToNNs. 


Ganter (D' H.), Pr à l'Ecole cantonale d'Aarau, et Kru- 
dio (Dr F.), Pr au Polytéchnikum de Zurich. — Die 
Elemente der analytischen Geometrie der Ebene. 
— 2° édition. 1 vol. in-8° de 168 p. avec 55 fig. dans le 
texte. (Prix: 3 francs.) B. G. Teubner, Leipzig, 1895. 
Dans plusieurs pays, notamment en Allemagne et en 

Suisse, on voit, en général, les éléments de géométrie 
analytique figurer aussi bien dans le programme de 
l’enseignement secondaire classique que dans celui de 
l’enseignement secondaire scientifique. C’est à ces éta- 
blissements-là qu'est destiné l'ouvrage de MM. Ganter 
et Rudio. Les auteurs ont fort bien compris le but d’un 
pareil traité, en écartant, d'un premier enseignement, 
la discussion de l'équation générale du second degré ; 
par contre, ils ont consacré plus de place à une étude 
approfondie des propriétés desconiques.C’esten celaque 
ce livre diffère des ouvrages analogues. Siles limites 
ont été restreintes, l'exposéest cependant d’une grande 
clartéet d’une rigueur scientifique absolue. 

La rapidité avec laquelle a élé épuisée la première 
édition de cet ouvrage est une preuve certaine de son 
succès, La nouvelle édition a recu de nombreuses amé- 
liorations, tout particulièrement dans le choix des pro- 
blèmes qui terminent chaque paragraphe H. Feu. 


2° Sciences physiques. 


Hovwe (Henry Marion). — La Métallurgie de l’Acier. 
(Traduction françuise de Gustave Hock.) — Un vol. in-8° 
(Prie : T5 fr.) Baudry et Cie, Paris, 189%. 

Le Verrier (Urbain), Ingénieur des Mines. — Cours 
de métallurgie professé à l'Ecole des Mines de Saint- 
Etienne. (Métallurgie de la Fonte.) — 1 vol. in-4° de 
240 p. avec 17 planches hors texte. (Prix : 15 fr.) Che- 
valier, Saint-Etienne, et Baudry et Cie, Paris, 1894. 

Billy (E. de), Ingénieur des Mines. — Fabrication de la 
fonte. — Un vol. petit in-8° de 210 p.de l'Encyclopédie 
scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par M. H. Léaute, 
de Pinstitut. (Prix: broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) 
Gauthier- Villars et fils et G. Masson, Paris, 189%. 


La métallurgie de l'acier n'avait fait l'objet d'aucun 
traité étendu et complet depuis la publication de l’ou- 
vrage de Percy qui date de près de vingt-cinq ans. 
Cependant, pendant ces dernières années, cette branche 
de l’industrie a fait des progrès énormes et s’est consi- 
dérablement développée. Les applications de l'acier 
deviennent chaque jour plus nombreuses à mesure 
qu’on le prépare plus facilement,et il tend de plus en 
plus à remplacer le fer pour les pièces forgées, la 
fonte et le bronze pour les pièces moulées; enfin les 
aciers spéciaux au chrome, au nickel, au tungstène, 
atteignent des résistances énormes qui permettront 
d’alléger considérablement certaines pièces métalliques 
et qui ont déjà amené des modifications profondes 
dans le matériel de la guerre et de la marine. 

C'était une tâche ardue que d'entreprendre la rédac- 
tion d’un trailé de métallurgie de l’acier; M. Howe l’a 
accomplie magistralement,et son traducteur, M. Hock, 
a fait une œuvre vraiment utile et qui justifie le travail 
considérable qu'il s’est imposé. 

Le livre de M. Howe est remarquable par la façon 
dont l'équilibre est maintenu entre la partie théo- 
rique et la partie pratique. Les théories et les méthodes 
récentes pour l'étude physique des métaux y sont lon- 
guement indiquées et discutées ; des chapitres spéciaux 
exposent tous les faits connus relativement à l'influence 
des divers éléments sur les propriétés du fer et for- 
ment une chimie complète des alliages du fer. Mais on 
y trouve aussi, outre la description des procédés mé- 
tallurgiques, des chapitres d’un intérêt pratique consi- 
dérable et dont la rédaction nécessitait une grande 
expérience : tels sont les chapitres sur les soufflures, 
les retassures et les moyens de les éviter, le travail à 
froid et à chaud, l'influence de l'écrouissage sur les 
propriétés des mélaux, etc., elc. À 

Ce magnifique ouvrage est surtout remarquable à 
deux points de vue : d'abord par sa richesse en docu- 
ments de toute sorte avec indication des sources, do- 
cuments qui forment de nombreux tableaux presque 
tous interprétés graphiquement; ensuite par la cri- 
tique éclairée que donne l’auteur à la suite de chaque 
question; tous les points douteux, aussi bien dans les 
théories que dans les procédés pratiques, sont soumis à 
une discussion serrée, souvent mordante; il ne fait pas 
bon être d’un avis opposé à celui de M. Howe; il dé- 
coche à ses adversaires une série d'arguments, soigneu 
sement numérotés et développés à part, et qui partent 
comme autant de coups de poing. On sent que l'auteur 
discute avec passion, el si cela le rend parfois un peu 
trop sévère, cela donne un grand intérêt à la lecture 
de certains chapitres. 

En même temps que l'ouvrage de M. Howe sur l'acier, 
la librairie Baudry met eu vente le cours de Métal- 
lurgie de la fonte de M, Le Verrier, complétant ainsi 
l'exposé de l'industrie du fer. Le savant professeur du 
Conservatoire des Arts et Métiers a rédigé, avec sa 
clarté habituelle, une monographie complète de la 
RE — 

1 I1 faut signaler ici que M. Hock a transformé les indica- 
tions numériques des nombreux tableaux de l'ouvrage de 
M. Howe; de facon à les exprimer en mesures francaises, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


fabrication de la fonte en tenant compte des plus ré- 


cents progrès réalisés dans celte industrie, Cet ouvrage 
comprend, après une description des minerais de fer, 
l'étude de la fabrication de la fonte avec une foule de 
détails pratiques sur les dimensions des hauts four- 


|! neaux, les appareils accessoires, la conduite des opéra- 


tions dans les différentes allures; puis viennent les 
procédés de travail de la fonte, différents modes de 
fusion, moulage. Une série de tableaux donne des 
exemples d'analyses de fontes, de minerais, de laitiers, 
de détermination du bilan d’un haut fourneau, etc. La 
discussion, moins agressive que celle de M. Howe, est 
loin de faire défaut dans cet important ouvrage qui 
résume admirablement l'état actuel de la question 
sans négliger aucun point de vue. 

Dans le même ordre d'idées, il faut signaler un ou- 
vrage de dimensions plus restreintes, publié par M. de 
Billy sur la fabrication de la fonte.Le savant ingénieur, 
qui avait déjà publié une remarquable étude sur les 
hauts fourneaux des Etats-Unis et leur comparaison 
avec ceux d'Europe, a su condenser, dans ce petit livre, 
un grand nombre de données théoriques et pratiques 
sous une forme particulièrement claire et métho- 
dique. G. CrarPy. 


Guenez (E.), Chimiste en Chef des Douanes à Lille, 
ancien préparateur des cours de Céramique, Verrerie, 
Teinture au Conservatoire. — Décoration céramique au 
feu de moufie. — Un vol. in-8° de 200 pages de l'En- 
cyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par 
M. Léauté, de l'Institut. (Priæ: broché 2 fr. 50, relié3 fr.) 
Gauthier. Villars et Masson, éditeurs, Paris, 189%. 

Cet ouvrage est divisé en deux parties : dans la pre- 
mière, l’auteur examine successivement la composition 
des pâles céramiques et des couvertes, la cuisson des 

“produits, les propriétés des couleurs vitrifiables et les 
méthodes employées pour les obtenir. La seconde partie 
est consacrée à la pratique; elle comprend l’étude de 
la préparation complète des couleurs, la description 
détaillée des procédés de peinture et de décoration au 
feu de moufle, enfin l'exposé des opérations de dessic- 
cation, de cuisson et de brunissage. 

En suivant ce plan avec beaucoup de conscience et 
de méthode, M. Guenez a pu présenter un traité qui se 
suffit à lui-même pour mettre le lecteur au courant 
d’une branche de l’industrie céramique où les difficul- 
tés sont si nombreuses; grâce à lui, les peintres sur 
faïence et sur porcelaine éviteront les essais sans ré- 
sultats auxquels sont exposés ceux qui se préoccupent 
uniquement de la partie technique et croient inutile de 
posséder certaines connaissances chimiques. 

Paul JANNETTAZ. 


Bourgoin (A.-E.) Professeur à l'Ecole supérieure de 
Pharmacie et à la Faculté de Médecine 
Acides organiques à fonction complexe (2° partie). 
Encyclopédie chimique publiée sous la direction de 
M. Frémy. Tome VIL, 5° fascicule, 3° section. — Un vol. 
in-8° de 950 pages. (Prix : 35 fr.) Vve' Ch. Dunod et 
P. Vicq, éditeurs, Paris, 1894. 

Ce volume, l'un des derniers de l'Encyclopédie, 
comprend tous les acides à poids moléculaire élevé et de 
fonction complexe, depuis l'acide glyoxylique C?2H50*. 
Ces acides sont classés d’après la quantité d'oxygène 
qu'ils renferment, sans distinction entre lasérie grasse 
et la série aromatique. 

L'ensemble est très complet et très consciencieuse- 
ment étudié : la bibliographie relative à chaque corps 
est, comme d'habitude, soigneusement indiquée à la 
fin de sa monographie; mais la plupart des réactions y 
sont encore exprimées en équivalents : il y avait là, 
sans doute, quelque obligation à laquelle M. Bourgoin 
n’a pu se soustraire et qu'il regrette sûrement autant 
que nous, car elle restreint considérablement l’utilité 
de l'ouvrage auprès des jeunes qui, n'ayant jamais fait 
usage de cette notation, n'y verront plus qu'une langue 
morte, incompréhensible pour eux. L, MAQUENNE. 


de Paris. — 


GR dé dla hs à à 4 - 


‘ - 


Ê 


- Andrieu (P.)!, Chimiste-Agronome. — Le Vin et les 
Vins de fruits. Analyse du mott el du vin. Vinifi- 
cation. Suérage. Maladies du vin. Etudes sur les levures 
du vin cultivées. Distillation. — Un vol, in-S° de 
380 pages, avec T8 fig. dans le texte. (Prix : 6 fr.50.) 
 Gauthier- Villars et fils, Paris, 1894. 


Le présent ouvrage est divisé en six parties. Dans la 
première, l’auteur indique la constitution chimique du 
raisin, du moût et du vin. La seconde partie, plus 
longue que la précédente et la suivante, est consacrée 
à la vinification, au traitement de la vendange et du 
vin, La troisième partie traite du sucrage de la ven- 
dange et des vins de sucre. Dans la quatrième partie, 
il est question des boissons alcooliques ou vins 
extraits des fruits, et notamment des cidres. Le rôle 
des levures de vins se trouve expliqué, sous toutes 
ses faces, dans la cinquième partie; la distillation des 
vins et des fruits, en vue de la fabrication de l’eau-de- 
vie, occupe la sixième et dernière. Deux appendices 
terminent le volume : l’un a pour objet le refroidis- 
sement ou le réchauffement des moûts, l'autre signale 
une méthode préconisée par M. Müntz en vue de la 
fabrication des piquettes de marc. 

Dans ces 370 pages, sous une forme très condensée, 
Pouvrage de M. Andrieu résume beaucoup de notions 
utiles intelligemment compilées. De plus, dans la pre- 
mière partie, nous signalerons un passage original : 
celui où l’auteur, à la suite des alambics et des ébul- 
lioscopes, décrit un-nouveau procédé de son invention 
pour doser l'alcool dans les vins. Dans cet instrument, 
appelé par M. Andrieu vino-alcoométre, on a mis à pro- 
fit les variations de solubilité du sulfate d’ammonium 
dans les mélanges d'eau et d’alcool, variations qui 
sont inversement proportionnelles au titre alcoolique 
puisque le sel, assez soluble dans l'eau, ne se mêle 
pas à l'alcool pur. Nous ne pouvons qu'indiquer ici 
le principe de la méthode; si les perturbations, cau- 
sées par les matières extractives incorporées dans le 
vin, ne dérangent pas la régularité du phénomène de 
dissolution, M. Andrieu aura doté les praticiens d’un 
procédé aussi rapide que celui de MM. Malligand et 
consorts et nécessitant un outillage moins coûteux. 

Laissant de côté les descriptions technologiques et 
le matériel des caves, nous ferons simplementressortir 
l'intérêt plus spécial que présente la cinquième parlie. 
Le lecteur y voit exposées des théories et des expé- 
riences ‘encore mal connues du public, et postérieures 
à la publication de la plupart des traités d'œnologie. 
En feuilletant ces pages, on apprend comment les tra- 
vaux déjà anciens de M. Pasteur ont ouvert la voie 
aux recherches microbiologiques de M. Duclaux, puis à 
celles de MM. Martinand et Rietsch, sans parler des 
mémoires publiés par MM. Marx, Rommier, Jacquemin. 
Aux essais en petit dans les laboratoires succèdent 
les tentatives en grand dans les celliers. M. Andrieu 
en discute quelques-unes des plus intéressantes. D’a- 
près ses conclusions, la question, tout séduisant que 
soit son aspect, n’est pas encore complètement mürie 
etne parait pas susceptible d’une solution pratique 
absolument générale et applicable au Midi comme au 
Nord. C’est à chaque groupe viticole qu'il appartient 
de rechercher, par des expériences poursuivies dans les 
caves de la région, quel est le meilleur mode d'emploi 
des levures artificielles comme auxiliaires de la fer- 
mentation. Antoine de Saporra. 


Dumoulin (E.) — Les Couleurs reproduites en 
photographie. — Un vol. in-8° jésus de 60 pages. 
(Priz : À fr. 50.) Gauthier- Villars et fils, Paris, 1894. 


1 Afin d'éviter toute confusion, nous préviendrons le lec- 
teur que le nom d’Andrieu est également porté par un savant 
agriculteur narbonnais : M. Louis Andrieu de l’Etang, inven- 
teur du chromatomètre. Cet appareïl, comme l’on sait, per- 
met d'apprécier la couleur des vins par comparaison avec les 
teintes de la lumière polarisée. Malheureusement le prix 
trop élevé du chromatomètre en restreint l’usage. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


3° Sciences naturelles. 


Sachs (D° H.). — Das Hemisphærenmark des 
menschlichen Grosshirns. 1. Der Hinterhaupt- 
lappen (La substance blanche des hémisphères du 
cerveau humain. 1. Le lobe occipital). Travaux de 
la Clinique psychiatrique de Breslau. Avec une 
préface du Professeur D' C. Wernicke. — Un vol. in- 
folio de 32 p. avec 3 fig. et 8 planches. G. Thicme. 
Leipzig, 1895. ÿ 
Ce beau travail de Sachs inaugure une série de 

monographies qui doivent être consacrées à l'étude 
du cerveau et de ses fonctions à l’état normal et pa- 
thologique. Mais ce premier mémoire, par la rigueur 
scientifique de la méthode et l'importance des faits 
d'anatomie et de physiologie cérébrales pour la pre- 
mière fois conquis à la science, aussi bien d’ailleurs 
que par la hauteur des vues psychologiques, a tout 
de suite attiré et retenu lattention du petit nombre 
des bons juges en pareille matière. 

Le Professeur Wernicke, de Breslau, dans le labo- 
ratoire duquel Sachs a réuni les matériaux de son 
travail, compare très bien, dans la préface, les vastes 
régions du syslème nerveux où il restera toujours 
tant de terra incognitu, au « continent noir ». L'ana- 
tomie de la substance blanche du cerveau en parti- 
culier lui a toujours paru être en clinique Ja première 
condition du diagnostic. Sachs associe au nom de 
Wernicke celui de Lissauer, assistant de la clinique 
de psychiatrie de Breslau, dont le concours amical lui 
a été précieux. 

Il s'agit d’une description des faisceaux de fibres 
nerveuses à myéline de tout un lobe du cerveau, le 
lobe occipital, ainsi que des régions limitrophes des 
lobes pariétal et temporal, de la direction et des con- 
nexions de ces faisceaux, au moyen de la méthode de 
Stilling, perfectionnée par Meynert, celle des coupes 
sériées de 1/10 de millimètre d'épaisseur et colorées 
au Pal. Les faisceaux du lobe occipital peuvent être 
classés, d’après leur mode de terminaison, en deux 
crands groupes, dont l’un comporte trois subdivisions : 
I. les fibres de projection ou de la couronne rayonnante 
(Meynert), en rapport avec les centres nerveux situés 
au-dessous de l'écorce (corps genouillé externe, pul- 
vinar de la couche optique, tubercule quadrijumeau 
antérieur} ; IL. les fibres d'association, qui se terminent 
dans l’écorce, reliant entre eux, soit a) des points de 
l'écorce du même hémisphère cérébral (fibres courtes 
d'association), soit b) l'écorce du lobe occipital avec 
celle d’un autre lobe (fibres longues d'association), soit 
enfin ec) un-hémisphère avec Pautre (fibres calleuses où 
interhémisphériques, qu’elles gagnent toutes l’'hémi- 
sphère opposé ou se rendent en partie aux centres 
sous-corticaux). 

Toute cette puissante masse de fibres du lobe occi- 
pital n’est rien moins qu’un feutrage inextricable. 
Des faisceaux et des couches de fibres, de direction et 
de connexion déterminées, apparaissent qui peuvent 


. être suivis isolément grâce à leur structure différente 


qu'aceusent leurs divers modes de réaction à la ma- 
üière colorante. Après Wernicke, Sachs déduit même 
deux lois de ces rapports anatomiques. Chaque fibre 
atteint son butpar le pluscourt chemin autant que le lui 
permet la structure du cerveau; il en résulte que les 
plus courtes fibres sont situées près de Pécorce, les 
plus longues près de la corne postérieure du ventri- 
cule latéral, et que les fibres qui ont à peu près le 
même but, après un trajet plus ou moins étendu, sui- 
vent la même direction et finissent par se réunir en 
faisceaux. La seconde loi biologique, également géné- 
rale, est celle de la « variabilité ». Il n'y a pas, on le 
sait, deux cerveaux entièrement semblables. Il en va 
de même de l’ordre et du développement des différents 
systèmes de fibres nerveuses : l'écorce et les fais- 
ceaux blancs sont dans un rapport de dépendance réci- 
proque et varient d’une manière concordante. 

La corne postérieure du ventricule latéral est de tous 


, 


. 
— 


côtés environnée par trois couches superposées de 
fibres : 1. La couche des fibres du corps calleux, inter- 
hémisphériques (forceps corporis callosi), qui passent 
d'un hémisphère à l’autre dans la région du bourrelet 
du corps calleux; 2. la couche des fibres de projec- 
tion (stratum sagittale internum), couronne rayonnante 
du lobe occipital, dont les fibres se distinguent de 
celles du forceps parlafinesse deleur calibre ; 3. la cou- 
che des fibres d'association longues, intrahémisphéri- 
ques (stratum sagittaleexternum), à fibres de fort calibre 
comme celles du forceps : issues, semble-t-il, de toutes 
les parties du lobe occipital, elles se rendent à peu 
près toutes à l'écorce du lobe temporal, la plus grande 
partie dans T,, une plus petite dans T,, le reste à la 
pointe de ce lobe, reliant ainsi les deux lobes occi- 
pital et temporal. ve 

De cette troisième couche à l’écorce existe, inter- 
posée, une masse considérable de fibres à myéline 
dont le diamètre égale à peu près celui des trois 
couches internes : elle est constituée par des fibres 
courtes d'association, naissant et se terminant dans le 
lobe occipital. Sachs énumère ces systèmes de fibres 
propres à l'écorce (stratum proprium corticis). Des ré- 
gions supérieures du calcar avis émanent trois sys- 
tèmes qui relient l'écorce du cuneus au reste de l'écorce 
du lobe occipital : 1° le sfratum calcarinum, dont les 
fibres les plus longues relient le cuneus au gyrus lin- 
qualis ; 2 le stratum cunei lransversum, n’appartenant 
qu'au domaine du coin, mais dont les plus longues 
fibres parviennent jusqu'au lobe pariétal supérieur et 
peut-être jusqu'au gyrus angularis où pli courbe; 31e 
stratum proprium cunei, montant verticalement au bord 
de l'hémisphère. Le stratum verticale conveæitatis appar- 
tient également aux fibres propres de l'écorce, ainsi 
que les fibres d'association reliant les circonvolutions 
des trois scissures occipitales. Une quatrième couche 
réunit, à la face inférieure, comme stratum proprium 
sulei collateralis, le gyrus lingualis au gyrus fusiformis. 

L'importance des fibres formant la couche interne 
de la substance blanche sagittale et qui, après avoir 
constitué les deux forceps, passent dans le corps cal- 
leux, a été signalée, on le sait, par Monakow, et, en 
France, pour la première fois, par M. et M®e Déjerine 
(1892). Sachs consacre quelques pages à réfuter une 
doctrine qui semblait reposer sur des observations 
d'Onufrowicz et de Kaufmann, mais qui s’écroule-avec 
ces observations mêmes. Ces auteurs, ayant trouvé, 
dans deux cas d'absence prétendue du corps calleux, 
le tapelum du lobe temporal et occipital (c’est à tort 
qu’on donne quelquefois le nom de tapetum aux fibres 
ealleuses du forceps), en avaient conclu que le fapetum, 
étranger au corps calleux, serait la partie postérieure 
et inférieure d’un grand faisceau fronto-occipital, fais- 
ceau dont l’existence a été ensuite admise dans les 
manuels d'Obersteiner et d'Edinger. Or, il résulte de 
la description et des dessins des publications d'Onu- 
frowiez et de Kaufmann que, dans ces cas, il ne pou- 
vait être question d’une absence véritable du corps 
calleux : les fibres de cette commissure sont toutes 
présentes (au moins dans les préparations de Kauf- 
mann); seulement, au lieu de passer dans l’autre 
hémisphère, elles étaient restées dans le même. De là 
un faisceau fronto-occipital complètement inconnu sur 
les cerveaux normaux. Bref, il s'agissait d’une sorte 
d'hétérotopie du corps calleux. Plus récemment, Min- 
gazzini a décrit un cerveau dont l'absence complète et 
réelle du corps calleux avait entrainé celle des fibres 
du forceps et du tapetum. 

Quant aux fonctions du corps calleux, qui, contrai- 
rement à l’ancienne idée de Foville, reprise ngguère par 
Hamilton, est bien un faisceau de fibres d'association, 
il ne servirait pas, selon Sachs, à relier, comme on 
l’admet, des parties symétriques, mais bien des régions 
«Jocalementet fonctionnellementtout à fait différentes » 
des deux hémisphères cérébraux. Sachs témoigne donc 
adopter la théorie de Schnopfhagen. Contre l'opinion 
courante, il fait valoir le fait que les fibres calleuses, 


40 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


avant d'atteindre la ligne médiane, se mêlent dans une 
sorte de confusion inextricable, si bien que, selon 
toute vraisemblance, ces fibres prennent des directions 
fort diverses en allant d’un point d’un hémisphère à 
un point de l’autre hémisphère. Rien ne prouve, ditl, 
que ces fibres qui, au lieu d’atteindre leur but, comme 
d'ordinaire, par le plus court chemin, gagnent dans la 
plus grande confusion la ligne médiane, arrivent en- 
suite à l’autre hémisphère et s’y disposent dans le même 
ordre qu’elles avaient originairement, 

Dans le forceps, la physiologie postule la présence 
d'au moins deux voies nerveuses. Dans l'hypothèse 
que la région corticale de la vision distincte des deux 
yeux, correspondant à chaque région maculaire réti- 
nienne, est représentée dans les deux lobes occipitaux, 
il doit exister dans le forceps un faisceau qui, comme 
une commissure, relie dans l'écorce les deux points 
de la vision distincte. En outre, le lobe occipital droit 
doit être relié avec le lobe temporal gauche par une 
voie directe permettant,, grâce au réveil de l’image 
auditive verbale, de nommer les objets vus dans la 
moitié gauche du champ visuel, voie qui serait inter- 
rompue dans l’aphasie optique de Freund, Cette voie 
nerveuse se trouve sans doute à droite dans le f'orceps 
et à gauche dans le {apetum. 

Des théories d’une haute portée sur les conditions de 
l’activité psychique dans lhypothèse anatomique des 
voies générales d'association de l'écorce, telle que Mey- 
nert l'avait proposée, terminent la partie critique du 
mémoire de Sachs. Suivant Meynert, on le sait, chaque 
point de l'écorce cérébrale serait en rapport anato- 
mique direct avec chaque autre point, de sorte qu'entre 
deux points quelconques, il existerait des voies d'asso- 
ciation. Présenté ainsi dans sa généralité, cette hypo- 
thèse ne parait pas tout à fait juste à Sachs. Ainsi, le 
lobe occipital ne possède qu’une longe voie d’associa- 
tion, le stratum sagittale externum (faisceau longitu- 
dinal inférieur de Burdach), fibres d’association à long 
trajet intrahémisphérique, qui le relie au lobe tem- 
poral. Peut-être des fibres antérieures du stratum trans- 
versum cunei assurent-elles encore une autre connexion 
entre le cuneus et la portion postérieure du lobe pariétal. 
Mais, ni sur la convexité, ni sur la face interne des hé- 
misphères, il n'existe de connexions connues impor- 
tantes du lobe occipital avec le reste du lobe pariétal ou 
avec le lobe frontal qui, même de loin, égalent celles 
qui relient le lobe temporal à ces parties de l’écorce. 
Si l’on excepte le lobe temporal, le lobe occipital n’est 
donc relié par aucun long faisceau d'association consi- 
dérable aux autres parties du cerveau à fonctions phy- 
siologiques distinctes. Les plus longs faisceaux du lobe 
occipital demeurent dans les limites de ce lobe, à 
l'exception peut-être de quelques fibres isolées (p. 2#). 

Quelle différence avec le Icbe temporal! Outre la 
grande connexion de ce lobe avec le lobe occipital au 
moyen du stratum sagitlale exlernum, il est fortement 
relié au lobe frontal par le fasciculus uncinatus. Le cingu- 
lum, dont les plus longues fibres arrivent peut-être jus- 
qu’au lobe frontal, associe le lobe temporal à l’avant- 
coin (præcuneus), au lobule paracentral et à la portion 
du gyrus fornicatus située au-dessus du corps calleux, 
Le lobe temporal est relié au lobe parièlal par la partie 
postérieure du fasciculus arcuatus, les parties anté- 
rieures du stratum verticaleconveritatis, C’est, enfin, le 
seul lobe qui possède de vraies fibres commissurales, 
la commissure antérieure, dont les fibres, sans s’entre- 
croiser ni se confondre sur la ligne médiane comme 
celles du corps calleux, gagnent dans le même ordre 
les deux hémisphères. 

En regard de cette richesse extraordinaire des voies 
d'association, qui vont dans toutes les directions, la 
couronne rayonnante du lobe temporal est au contraire 
relativement pauvre, Si l’on fait abstraction de la voûte 
et de la connexion avec le corps mamillaire, il ne reste 
qu'un mince faisceau passant par la capsule interne. 

Ces puissantsliens d'association qui presque de toutes 
parts unissent le lobe temporal avec les autres lobes 


À 
| 


AË : BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


AL 


cérébraux, semblent être l’expression anatomique de 
l'importance capitale du langage pour la pensée de 
l’homme. Telle est du moins la conception géniale de 
Sachs. Le mot, l'image verbale auditive, possèdent des 
connexions anatomiques immédiates, directes, avec 
tous les autres centres de perception et d'idéation de 


… l'écorce. Inversement, ceux-ci ne sont reliés entre eux 


> 
+2 
me 
tr 


qu'indirectement par le centre du langage (Sprachcen- 
trum). Toutes les différentes parties constituantes de 
l’idée (Begriff}, formée, en dernière analyse, de résidus 
mnémoniques des perceptions des divers sens, sont 
ainsi essentiellement associées par le médium du mot, 
manifestalion extérieure de l’idée. 

Ainsi l'étude anatomique du cerveau nous révèle les 
causes de l'extraordinaire puissance que le mot exerce 
sur l’homme, dans la vie ordinaire comme dans l’hal- 
lucination de l’aliéné ou la suggestion de l'hypnotisé. 
Dans cette structure anatomique de l'organe de la 
pensée, Sachs voit encore la cause probable de la supé- 
riorité intellectuelle et morale de l'aveugle-né sur le 
sourd-muet. Ii n'est pas rare, en effet, que le premier 
arrive, en dépit de sa cécité, à un développement très 
élevé des facultés supérieures de l'intelligence, « tandis 
que le sourd-muet ne s'élève que rarement beau- 
coup au-dessus d’un animal ». 

Les dernières pages de ce travail sont consacrées à 
la description des photographies, de grandeur natu- 
relle, des coupes sériées du lobe occipital colorées au 
Pal. 

Jules Soury. 


4° Sciences médicales. 


Eaurent (D: E.), ancien Interne à l’infivmerie centrale 

- des prisons de Paris. — Le Nicotinisme. Etude de 
psychologie pathologique. — Un volume in-12 de 
221 pages. Société d'éditions scientifiques, Paris, 1894. 


M. Laurent, après avoir donné sur la plante qui fournit 
le tabac quelques détails botaniques, empruntés au 
manuel d'histoire naturelle médicale de M, de Lanessan, 
parlé brièvement de la fabrication du tabac, plus briè- 
vement encore de la composition du tabac et de l’action 
de la nicotine sur l'organisme, indiqué rapidement les 
usages thérapeutiques du tabac, résumé, d’aprèsle livre 
du D° Depierris, l'histoire de l'introduction du tabac en 
Europe, consacré, pour justifier le titre du livre « Etude 
de psychologie pathologique », six pages à analyser les 
causes qui amènent à fumer, énumère les multiples 
dangers auxquels expose, dit-on, l'abus dutabac et même 
son usage : carie dentaire, stomatite, gingivite, cancer, 
pharyngite, laryngite, bronchite, asthme, gastralgie, 
entérite, affections cardiaques, amaurose, céphalalgie, 
hystérie, neurasthénie, tout y passe; mais loyalement 
le D: Laurent avoue que le tabac, cet ennemi du genre 
humain, est innocent d’une bonne part des méfaits que 
lui attribue le zèle enflammé de ceux qui le pros- 
crivent. 

M. Laurent ne croit pas pouvoir affirmer que le tabac 
entrave le génie, mais, à la suite de M. Maurice de Fleury, 
il incline à le penser; la classification qu’il a faite des 
grands écrivains en non-fumeurs et fumeurs lui paraît 
démonstrative : Balzac, Gœthe, Hugo, Michelet, d’un 
côté; mais de l’autre Byron, Musset, G. Sand, Th. Gau- 
lier, Flaubert, de Goncourt : c’est à la première caté- 
gorie qu'il décerne le premier prix de génie, les autres 
sont tous des déséquilibrés. 

M. Laurent pense également que pour être fumeur il 
faut être atteint d’une maladie de la volonté, que 
l'usage du tabac conduitàla mélancolie, et, parce qu'il 
a connu des dégénérés qui fumaient, que les fumeurs 
ne tardent point à perdre tout sens moral. C’est aussi 
le tabac, paraît-il, qui est pour une bonne part respon- 
Sable de la dépopulation de la France. Ajoutez que tout 
fumeur est mal élevé, et que l'habitude de fumer cause 


un préjudice annuel de plus d’un milliard à Ha fortune 
publique de la France, et vous aurez épuisé la liste des 


griefs de M, Laurent, On trouve encore dans son livre 


un chapitre sur le tabac dans les écoles, un autre surle 
tabac dans l’armée, et quelques pages intéressantes sur 
les habitudes des prisonniers. L'ouvrage se termine par 
quelques observations de suggestions faites à des hys- 
tériques et à d’autres névropathes et qui ont eu pour 
résultat de leur faire perdre l'habitude de fumer; cette 
dernière partie s'intitule: Traitement du nicotinisme. 
M. Laurent conclut en promettant d'accumuler « des 
multitudes de faits pour que la preuve devienne enfin 
aveuglante et éblouisse les yeux les plus obstinément 
fermés. 1] continuera, dit-il, à marcher dans le chemin 
de la vérité, » La Société contre l'abus du tabac a cou- 
ronné cette œuvre d’édification. M. le Dr Laurent nous 
saurait sans doute mauvais gré de la discuter plus lon- 
guement, et de sembler y attacher plus d'importance 
qu'il n’a fait lui-même, L. MAaRILLIER. 


Grasset (Dr Hector), de la Faculté de Paris, Prépara- 
teur au Laboratoire de Clinique chirurgicale de l'Hôtel- 
Dieu. — Etude surle Muguet.— Brochure de 50 pages, 
avec 2 planches. Société d'Editions scientifiques, Paris, 
1894. 

Dans ce travail, l'auteur cite plusieurs faits d’inocu- 
lation positive du champignon du Muguet au lapin et 
au cobaye et esquisse brièvement les lésions microsco- 
piques ainsi provoquées par l’évolution du parasite, De 
tous les modes d’inoculation, l'injection intraveineuse 
est la plus efficace et réussit d'autant mieux que la 
culture est plus récente, et qu’elle est inoculée à dose 
plus massive, Les viscères sont envahis par des granu- 
lations mycosiques et, dans cerlains cas, l'affection 
expérimentale se complique d’une ascite abondante. 

Cliniquement, l'examen microscopique de l’enduit 
buccal, chez le malade, est parfois insuffisant pour 
élucider son origine; la culture sur gélose glycosée est 
seule capable de déceler, avec certitude, la présence 
du champignon. 

La plupart des résultats qui précèdent avaient déjà 
été obtenus par G. Roux et Linossier; dans divers tra- 
vaux, qui sont des modèles d'observation précise et 
minutieuse, ils ont étudié les caractères botaniques 
du champignon du Muguet et même provoqué, chez le 
lapin, des lésions multiples de pseudo-tuberculose 
mycosique, Nous n’aurions pas rappelé ces recherches, 
antérieures à celles de H. Grasset, si ce dernier n’avait 
accusé de « légèreté » les savants lyonnais, en leur re- 
prochant de n'avoir fait que deux inoculations. Des six 
inoculalions relatées par H. Grasset, quelques-unes 
(Obs. v et vi) sont exposées d’une facon vraiment som- 
maire et, sans aller jusqu’à renvoyer à son auteur un 
reproche aussi grave, on peut regretter qu'il n’ait pas 
apporté lui-même, dans les conclusions qui terminent 
son travail, d’autres résullats d’un intérêt plus nou- 
veau et plus décisif, 

D' H. ViNcEnT. 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie. Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, — paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-$° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en couleurs. 
505e et 506€ livraisons. (Prix de chaque livraison, 
1 fr.) H, Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, Paris, 1894. 
Les 505° et 506€ livraisons renferment des articles de 

M, Glasson sur la fonction de juge, sur les juges de paix 

et sur le jugement ; une étude de M, Théodore Reinach 

sur les Juifs, leur histoire politique, littéraire et reli- 
gieuse, l’état présent du judaïsme, son avenir et l’anti- 
sémitisme; des études de M. M. Vernes sur le livre des 

Juges et le livre apocryphe de Judith, dans l'Ancien 

Testament; les biographies du grand peintre flamand 

Jordaens par M. E, Bertaux; du mathématicien francais 

Camille Jordan, membre de l’Institut, parM. L. Sagnet; 

du Père Joseph, l’'auxiliaire de Richelieu, par M. L. De- 

lavaud ; de l’empereur d'Allemagne Joseph II; du géné- 
ral francais Joubert, par M. E. Charavay. 


42 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
RE RER ee MR... Age 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 10 Décembre 1894. 


M. le Secrétaire perpétuel annonce la mort de 
M. Tchebichef, associé étranger, décédé le 8 décembre, 
et celle de M. Ferdinand de Lesseps, membre libre, 
décédé à la Chesnaye (Indre), le vendredi 7 décembre. 
L'Académie présente M. d'Arsonval en première ligne 
et M. Charrin en seconde ligne pour la chaire de Méde- 
cine vacante au Collège-de France. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. S. Newcomb a cal- 
culé les variations séculaires des orbites des quatre 
planètes intérieures par la discussion de 62.000 obser- 
vations méridiennes du Soleil, de Mercure, de Vénus, 
de Mars, et de toutes les bonnes observations des pas- 
sages de Mercure et de Vénus sur le disque solaire. 
Les mouvements des périhélies de Mercure, de Mars, 
de Vénus, présentent une différence bien plus grande 
que les erreurs probables entre la valeur trouvée et la 
valeur calculée. Ces écarts s'expliquent par deux hypo- 
thèses : 19° La loi de Newton n’est pas entièrement 
exacte et la force attractive doit être regardée comme 
2% (0)e8 ler 
variant suivant l'expression 7 QUE . 2° On peut attri- 
buer les écarts à l’action de masses de matières encore 
inconnues; un anneau de planétoïdes, placé entre les 
orbites de Vénus, et de Mercure, ramènerait les écarts 
au-dessous de leurs erreurs probables. — M, R. Perrin 
énonce certaines propriétés non encore signalées des 
suites récurrentes, qui conduisent à un procédé remar- 
quablement simple et net pour la séparation et le calcul 
des racines des équations numériques. — M. X. Stouff 
communique une note sur la composition ‘des formes 
linéaires et les groupes à congruence; il expose un 
procédé pour définirune partie de ces groupes. —M.Ha- 
damard compare entre elles les différentes expressions 
de l’éliminant de trois équations f, (æ&, y) =0(f,,z,y) = 0 
et f, (&, y) — 0, à deux inconnues x et y, et de degrés 
m, n, p, et déduit de là des remarques applicables à 
l'élimination. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Laussedat expose les 
résultats remarquables obtenus par le Service topogra- 
phique du Canada dans la délimitation de frontière entre 
l'Alaska et la Colombie britannique, — M. C. Chapel 
adresse une réclamation de priorité au sujet de la loi 
énoncée récemment par M. Vallier sur la résistance de 
l'air et ajoute quelques observations complémentaires. 
—M.Fremont donne la théorie expérimentale du cisail- 
lement et du poinconnage des métaux; la rupture 
d’un métal par cisaillement, poinconnage et perfo- 
ralion n’est pas le fait d’un glissement, comme on l’ad- 
met généralement, mais d’un travail de traction: Les 
diagrammes du travail nécessaire pour effectuer ces 
opérations sont constitués par des courbes absolu- 
mentidentiques pour un même métal, mais qui sont dif- 
férentes pour le moindre changement dans la qualité 
du métal, — M. Carvallo donne l'intégration des équa- 
tions de la lumière dans les milieux transparents et 
isotropes en supposant que, le milieu partant du repos, 
les forces lumineuses viennent à agir brusquement à 
partir de l’époque { — 0, — M. Hurmuzeseu a repris 
l’étude de la force électromotrice qui se produit entre 
deux électrodes, formées d’un même métal magnétique 
sans force coercitive, plongées dans un liquide suscep- 
tible de les attaquer et entre lesquelles on introduit 
une différenee d’aimantation. Le fer aimanté est tou- 
jours positif par rapport au fer non aimanté. La courbe 
des forces électromotrices en fonction des champs 
magnétiques présente un point d’inflexion, Les courbes 


présentent la même allure avec le nickel sans toutefois 
posséder le point d’inflexion. Avec le bismuth, l’élec- 
trode aimantée est négative par rapport à celle non 
aimantée. — M. Moissan a fait une étude approfondie 
des différentes variétés de graphite préparées soit par 
la cristallisation du carbone sous l’action d’un dissol- 
vant métallique, soit par l’action d’une haute tempéra- 
ture sur le carbone. Quelle que soit la variété de carbone 
mise en expérience, une élévation de température suf- 
fisante l’amène toujours à l'état de graphite; ce gra- 
phite, amorphe ou cristallisé, possède une densité com- 
prise entre ?,10 et 2,25. Sa température de combus- 
lion est voisine de 660°, Il existe plusieurs variétés de 
graphite dont la stabilité et la résistance aux agents 
chimiques augmentent avec la température à laquelle 
elles ont été portées. — M, Albert Trubert donne une 
méthode rapide et précise pour déterminer les propor- 
tions de carbonate de chaux et de carbonate de ma- 
gnésie dans les terres, les cendres, etc, — M. Andouard 
donne les propriétés et la composition du phosphate 
d'alumine naturel de l'ilot du Grand-Connétable, situé à 
27 milles à l’est de Cayenne; ce phosphate est très 
soluble dans les acides et dans le citrate d’ammo- 
niaque et, par conséquent, très assimilable; aussi il est 
supérieur aux divers phosphates de chaux fossiles 
connus, et donne à la végétation une impulsion remar- 
quable. — MM. G. Bertrand et A. Mallèvre ont repris 
l'étude de la pectase et de la fermentation rectique ; les 
auteurs exposent les résultats suivants :1°le ferment ne 
peut à lui seul coaguler la pectine; Zil ne provoque 
cette transformation qu'en présence d’un sel soluble 
de calcium, de baryum ou de strontium; 3° le préci- 
pité formé dans ces conditions n’est pas, comme on 
l'avait cru jusqu’à présent, de l'acide pectique, mais un 
pectate alcalino-terreux. — M. Maumené donne le 
principe d'un procédé nouveau pour épurer les alcools, 
les sucres et un certain nombre d’autres malières orga- 
niques; le permanganate de potasse, le chlore, le 
brome détruisent les impuretés de l'alcool avant d’at- 
taquer ce composé, de sorte que leur emploi en quan- 
tité convenable donne une purification parfaite, On n'a 
pasäcraindre d'ailleurs l’action nocive des sels de man- 
ganèse dont l’innocuité est bien établie par des travaux 
antérieurs de l’auteur. — MM. Hermite et Besançon, 
dans une ascension de 1.500 mètres, ontétudié la varia- 
tion de température et d'état hygrométrique du gaz 
du ballon comparée à celle de air ambiant. La tempé- 
rature du gaz s'est élevée progressivement pour attein- 
dre la température de 46 et 470, avec une température 
initiale de 18°, tandis que celle de. l'air variait seule- 
ment de 43 à 19°; l’aérostat se transforme ainsi en une 
véritable montgolfière. Le gaz se refroidit rapidement 
peudant la descente ; il ne marquait plus que 35°5 tan- 
dis que la température de l'air était de 14°. Les dia- 
grammes barométriques à l’intérieur et à l'extérieur du 
ballon étaient absolument identiques, GC. Marrenox. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Pomel décrit une nou- 
velle grotte ossifère découverte à la Pointe-Pescade, à 
l'ouest d'Alger Saint-Eugène, —M, Millardet : Note sur 
l'importance de l'hybridation pour la reconstitution 
des vignobles, — M. Raoul Pictet étudie l'influence 
du rayonnement aux basses températures sur les phé- 
nomènes de la digestion. Tous les corps dits mauvais 
conducteurs de la chaleur deviennent de plus en plus 
diathermanes, à mesure que la température s’abaisse ; 
au-dessous de 100° toutes les vibrations calorifiques 
traversent les corps les plus mauvais conducteurs, Un 
animal étant soumis à ces basses températures, tout 
son organisme, jusque dans la profondeur de ses tissus 


| 
| 
F 


Lis Lies 


| NET CIS EURE 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


43 


participe à la perte de chaleur ; la respiration, la cir- 
culation augmentent rapidement. Cette combustion in- 
tense se traduit aussitôt par un désir de compensation : 
la faim. — M. Labbé donne la morphologie et la clas- 
sification des Coccidies et pense qu'il est nécessaire de 
se baser sur l’archéspore pour établir une classification 
méthodique des Coccidies. — M. Reyt indique la suc- 
cession des assises inférieures sur le pourtour de la 
protubérance crétacée de Saint-Sever, — M. Repelin 
fournit quelques données sur les calcaires à lithotham- 
nium de la vallée du Chellif, — M. Henry a constaté 
l'influence évidente de la sécheresse de l’année 1893 
sur la végétation forestière en Lorraine. J. MARTIN, 


Séance du 17 Décembre 1894, 


Cette séance est la séance publique annuelle pour 
1894. Après un discours de M. Lœwy, président, 
M. Berthelot fait connaitre les prix décernés en 1894 
et les prix proposés pour 1895, 1896, 1897 et 1898, 
M. Bertrand lit une notice sur P.-L.-A. Cordier, 
membre de l’Institut, 


Séance du 24 Décembre 1894, 


M. le Secrétaire perpétuel annonce la perte que la 
seience vient de faire dans la personne de P. Fran- 
çois Denza, directeur de l’observatoire du Vatican. — 
M. Zeiller prie l’Académie de le comprendre parmi 
les candidats à la place laissée vacante dans la Section 
de Botanique par la mort de M. Duchartre. Plusieurs 
lauréats adressent des remerciements pour les distinc- 
tions accordées à leurs travaux. 

19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Corniel a déter- 
miné les éléments de la planète 1894 BE, qui possède 
la plus petite distance périhélie de toutes les petites 
planètes connues; cet astre est le mieux situé pour 
faciliter la détermination de la parallaxe solaire. — 
M. Capon a calculé les éléments de la planète BI et 
les a reconnus identiques à celle de la planète 369, — 
MM. Rambaud et Sy communiquent leurs observa- 
tions de la comète d’Encke et des planètes BH et BI, 
faites à l'observatoire d'Alger à l’équatorial coudé. — 
M. G. Le Cadet adresse ses observations de la co- 
mète d’'Encke, faites à l'équatorial coudé (0 m. 32) de 
l'observatoire de Lyon. — M. J. Guillaume a fait à 
l'observatoire de Lyon (équatorial Brunner),pendant le 
troisième trimestre de 1894, des observations sur les 
taches solaires, dont il communique les résultats, — 
M. FE. Siacci fait remarquer que la note parue récem- 
ment sur la transformation des équations canoniques 
du problème des trois corps est la reproduction d’une 
note antérieure. — M. P. Staeckel fait quelques re- 
marques au sujet de la réclamation de M. 0. Staude. 
— M. Emile Picard appelle l'attention sur deux nom- 
bres invariants dans la théorie des surfaces algébri- 
ques, — M. R. Perrin continue à développer l’exposé 
de méthodes qui permettent la résolution des équations 
numériques au moyen des suites récurrentes, — 
M. Jules Andrade expose un théorème fondamental 
relatif à la théorie des intégrales multiples, sur lequel 
repose la notion des étendues intérieure-et extérieure 
d’un ensemble à K dimensions et qui s’est trouvé taci- 
tement admis jusqu'ici dans les théories nouvelles : 
théorème établit analytiquement l'association de l’idée 
de quantité à l'idée de contenant et de contenu, 
comme cela doit être fait quand on rattache la notion 
du champ d'intégration à la théorie des ensembles. — 
M. A.Lafay montre qu’en généralisant la théorie des 
abaques, on arrive à l'introduction naturelle d’abaques 
à 16 et 18 variables. 

29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Henri Salomon adresse 
un mémoire relatif à diverses questions de météorolo- 
gie et à l’origine des tremblements de terre, — M. Léo- 
pold Hugo adresse une note sur la vision mentale à 
l’occasion d’un frontispice de Fontenelle, — M. Vaschy 
étend la notion de capacité à un fil parcouru par un 
courant permanent et montre que cette capacité par 
unité de longueur d’un câble a le même sens qu’en 


ce. 


électrostatique. La même notion s'applique au cas où 
le courant, au lieu d’être permanent, est lentement va- 
riable, quoique alors il ne soit pas rigoureusement 
exact; mais lorsque les variations du courant sont très 
rapides, la notion de capacité disparait, — M. Gouré 
de Villemontée a éludié les potentiels électriques 
dans un liquide conducteur en mouvement uniforme 
et reconnu que le mouvement à travers des tubes de 
verre larges, de même section dans toute leur étendue, 
ne produit aucune différence de potentiel appréciable 
entre deux points du liquide. — M. Raoul Pictet a 
effectué des recherches expérimentales sur le rayon- 
nement à basses températures. 1° Entre 170 
et — 70°, l’afflux de chaleur est énorme et très 
supérieur à la courbe de Newton établie pour 0°. 
20 De — 4170° à — 100°, l'influence des enveloppes 
protectrices isolantes parait à peu près nulle ; au 
contraire, entre — 55° et + 11° les courbes obte- 
nues varient avec l'enveloppe ct l'effet des parois pro- 
tectrices semble devenir progressivement proportionnel 
à leur épaisseur entre — 20° et + 10°. 3° La tempéra- 
ture des corps mauvais conducteurs ne semble pas 
avoir d'influence sur leur diathermanéité pour les 
rayons émispar les corps très froids au-dessous de 
— 70°, — M, Dussau adresse un mémoire relatif à un 
procédé pour le traitement des eaux d’égout. — 
M. Henri Moissan a reconnu que le bore et le sili- 
cium déplacent nettement le carbone dans une fonte 
ou dans un carbure de fer en fusion. Ces corps, main- 
tenus à une température suffisante, se conduisent 
exactement comme les solutions aqueuses de certains 
composés, dans lesquels on précipite ou déplace tel 
ou tel corps en solution ou en combinaison, — M. le 
Secrétaire signale deux brochures de M. Adolphe 
Carnot intitulées : « Analyse des eaux minérales fran- 
caises exécutées au bureau d'essai de l'Ecole des 
Mines » et « Minerais de manganèse analysés au bureau 
d’essai de l'Ecole des Mines ». — M. J. Peyrou a fait 
un grand nombre de dosages de l'ozone atmosphé- 
rique par la méthode du papier ozonoscopique ioduro- 
amidonné ; l’auteur a toujours trouvé plus d'ozone au- 
dessus des plantes qu'au-dessus de la terre sans végé- 
tation. La végétation favorise la formation de l’ozone 
atmosphérique, et la quantité d'ozone produite est 
d'autant plus grande que la végétation ambiante est 
plus active. — M. A. Villiers explique la difficulté avec 
laquelle certains sulfures sont attaqués par lacide 
chlorhydrique tandis que les sels correspondants ne 
sont pas précipités par l’acide sulfurique en présence 
d’un léger excès d'acide, en supposant que les sul- 
fures de ces métaux, au moment de leur mise en 
liberté par les sulfures alcalins, se produisent sous un 
état différent de celui sous lequel nous les connaissons. 
— M. Delépine a préparé des combinaisons de l’hexa- 
méthylène-amine avec l’azotate, le chlorure et le car- 
bonate d'argent ayant les formules suivantes : 
C5HI2A71,A7OSAg; C6H12A74, HAgCIl; 
3CO3Ag?, 5C6HI2Azt, 15H20 


— M. Albert Colson, en faisant agir le chlorure de 
cyanogène sur le paraxylène dilué dans l’éther incom- 
plètement sec, a pu obtenir de l’uréthane, un éther 
cyané soluble qui présente la composition du nitrile 
éthyllactique : 

OC2H5 

CHS—CH 
CAz 


et un éther cyané insoluble, isomère avec le premier, 
et dont l’isomérie paraît être de nature physique. — 
M. Charles Lepierre a entrepris l’étude méthodique 
des chromates de fer; il a obtenu treize chromates, 
dont deux seulement sont connus; tous ces sels sont 
doubles et sont. tous ferriques; ils sont en général 
hydratés et tous colorés. Les chromates de fer forment 
une série parallèle à celle des suifates basiques du mé- 
me métal; ils sont susceptibles d'application pour la 


A4 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


peinture sur faïence et sur porcelaine, — M. A. Bach 
indique un nouveau réactif permettant de démontrer la 
présence de l’eau oxygénée dans les plantes vertes; il 
repose sur le fait que l'acide perchromique en solution 
éthérée transforme très facilement, en présence d’un 
acide libre, l’aniline en une matière colorante violette. 
Vingt-cinq espèces végétales examinées ont donné un 
résultat positif en ce qui concerne la présence de l’eau 
oxygénée, — M. Alph. Combes à déterminé la valence 
du glucinium et, par suite, la formule de la glucine en 
déterminant le poids moléculaire de l’acétylacétonate 
de glucinium : GI (C5H702. — MM.L. ZornetH. Brunel 
établissent que, contrairement à l'opinion générale- 
ment admise, le groupe SO?, dans les sulfones aroma- 
tiques, se met en position méta — M, Maumené 
adresse une note sur la constitution des corps orga- 
niques. C. MATIGNON. 
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ranvier, dans un tra- 
vail sur la circulation de la lymphe dans les petits 
troncs lymphatiques, a pu faire apparaitre ceux-ci en 
les remplissant d’un liquide coloré, le bleu de Prusse 
soluble, — M. Millardet donne un extrait de son tra- 
vail sur l'importance de l’hybridation pour la reconsti- 
tution des vignobles. — M, Racovitza présente une 
étude sur le lobe céphalique des Euphrosines, — 
M. Gruvel, étudiant le développement du rein et de la 
cavité générale chez les Cirripèdes, trouve que, contrai- 
rement à ce que l’on voit chez les adultes, il existe une 
communication nette entre la cavité générale et le rein. 
— M. Wedensky signale les différences entre le mus- 
cle normal et le muscle énervé. — M. Prunet indique 
les rapports biologiques du Cladochytrium viticolum 
Prunet avec la vigne, — M, Flahault donne une carte 
botanique détaillée de la France. — M. B. Renault 
signale un mode de déhiscence curieux du pollen de 
Dolerophyllum, genre fossile du terrain houiller su- 
périeur. : J. Martin. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 18 Décembre 1894. 


L'Académie procède au renouvellement de son bu- 
reau pour l’année 1895. En vertu du règlement, le vice- 
président de l’année 1894, M. Empis, devient de droit 
président pour l’année 1895. M. Hervieux est élu vice- 
président pour l’année 1895. MM. Cadet de Gassicourt 
et Caventou sont maintenus par acclamation dans 
leurs fonctions de secrélaire annuel et de trésorier, 
MM. L. Colin et Tillaux sont élus, à l’unanimité, 
membres du Conseil d'administration, — MM.A. Proust 
et H.Bourgès présentent une communication relative 
à une paralysie consécutive à une angine pseudo-mem- 
braneuse, reconnue comme non diphtérique à l'examen 
bactériologique. — M. Vallin présente quelques ob- 
servations sur une communication récente de MM. La- 
veran et Regnard, relative à la pathogénie et au méca- 
nisme du coup de chaleur. Dans des expériences déjà 
anciennes sur le même sujet, il est arrivé à des résul- 
tats différents de ceux de MM. Laveran et Regnard ; mais 
il montre que les conditions dans lesquelles il s'était 


placé n'élaient pas les mêmes. -- M. le D' Teissier 
(de Lyon) lit un mémoire sur le cœur forcé et le surme- 
nage dans les exercices de sport. — M. le D' Doyen 


(de Reims) lit un travail sur les résultats éloignés des 
opérations pour affections non cancéreuses de l’esto- 
mac. 


Séance du 26 Décembre 1894, 


La discussion sur la pathogénie et le mécanisme du 
coup de chaleur continue. MM, Laveran, Vallinel 
Le Roy de Méricourt présentent leurs observations. 
— M. le D° M. Laugier lit une note sur la gangrène 
des doigts à la suite de pansements phéniqués, — M. le 
D' Mougeot présente ses recherches relatives à l’in- 
fluence des courbes météorologiques sur les épidémies 
de choléra en Cochinchine et leur gravité, 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 15 Décembre 1894. 


MM. Gilbert et Cadiot présentent le résultat de 
leurs recherches sur le foie des animaux tuberculeux. 
Dans la presque totalité des cas, cet organe était le 
siège de lésions tuberculeuses; ils ont trouvé quel- 
quefois de la cirrhose et une altération de la cellule 
hépatique. La dégénérescence graisseuse est très 
rare, — M. Surmont et Brunelle (de Lille) montrent 
que le chlorure de sodium introduit en excès dans la 
circulation s’élimine au niveau de lestomac. — M. Ch. 
Richet étudie les propriétés hypnotiques de deux nou- 
velles chloraloses : l’arabino- et la xylochloralose. — 
MM. Pachon et Carvallo ont pratiqué l’extirpation 
totale de l'estomac chez le chat. Toutes les fonctions se 
font régulièrement; tous les aliments, sauf la viande 
crue, sont bien digérés, — MM. Abelous et Biarnès 
étudient le pouvoir oxydant du sang et des différents 
organes. Ils arrivent à celte conclusion que les oxyda- 
tions organiques sont le résultat de l’activité d'un fer- 
ment soluble oxydant. — M. H. Moreau a découvert 
une communication entre les lymphatiques génitaux et 
ceux du rectum chez la femme. — M. Ch. Richet mon- 
tre que l’atropine rend l’asphyxie plus rapide, parce 
qu’elle empêche le cœur de se ralentir. — M. Ausché 
rapporte une série d'observations d’hématémèse due 
à la neurasthénie, 

M. Lapicque est élu membre de la Société par 
39 voix contre 7 données à M. Sanchez-Toledo. 


Séance du 22 Décembre 1894. 


M. Pillet fait remarquer la fréquence de la stéatose 
hépatique chez les oiseaux, les reptiles, les poissons. 
Chez l’homme, le foie n’est généralement pas gras, mais 
l’adipose peut survenir dans certaines conditions pa- 
thologiques, particulièrement à la suite des maladies 
tuberculeuses. — MM. Gaudier et Hilt ont trouvé que 
la toxicité urinaire chez les cancéreux est supérieure à 
celle de l’homme sain. — MM. Bar et Rénon ont ob- 
servé, chez un enfant nouveau-né, le premier stade d’une 
dégénérescence kystique des reins, représenté par l’ec- 
tasie des canalicules biliaires. — M, Durante a observé 
un cas de dégénérescence descendante des faisceaux 
sensilifs, consécutive à une lésion cérébrale, — M.Con- 
tejean présente une série de tracés, pris à l’aide d’une 
pince cardiaque spéciale, qui semblent confirmer la 
manière de voir de Fredericq qui estime que la con- 
traction cardiaque est tétanique et se fait par une sé- 
rie de secousses, — M. Féré cite quelques faits qui 
établissent une ressemblance pathologique entre frères 
jumeaux. — M. Gley rappelle que les physiologistes 
ont signalé depuis longtemps le danger des inocula- 
tions de suc thyroïdien. — M. Guignard décrit un 
nouveau bacille chromogène. — M. Azoulay expose 
une modification qu'il a apportée à la méthode de Golgi 
pour la coloration des coupes des centres nerveux. 


SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du T Décembre 1894. 

M. Maumené expose ses idées sur les lois générales 
de l’action chimique. La seule loi à laquelle obéissent 
les combinaisons est la suivante. Lorsqu'un corps 
simple, dont le volume par équivalent est V, agit sur 
un autre de volume V', le nombre d’équivalents du pre- 
mier qui agissent sur un équivalent du second est égal 
au quotient de V par V’, Cette loi s'applique, quel que 
soit l’état physique des corps, pourvu qu'ils soient 
incapables de se mélanger. Cette loi est la seule qui 
puisse rendre compte du mode d’action du chlore sur 
la chaux hydratée dans la production du chlorure de 
chaux. Dans cette préparation, quel que soit l'excès de 
chlore, il reste toujours dé la chaux vive. La loi précé- 
dente conduit à admettre que le chlore agit sur la chaux 
dans le rapport d’un équivalent et demi de l’un pour 


r-. TIRE sy de HE 


un équivalent de l’autre, et que la réaction doit être 
formulée 


2C1-L3Ca0, HO — CaCl+ CaO, CIO + Ca O (HO 


Ce résultat concorde rigoureusement avec les résultats 
des analyses précises de M. Kolbe, de Lille, De même, 
Ja loi précédente explique pourquoi le phosphure de 
chaux, produit par l’action de la vapeur de phosphore 
sur la craie, doit avoir pour formule Ph(CaO}, Puis, 
cette loi permet d'expliquer pourquoi l’eau a la com- 
position qu'on lui connaît. M. Maumené admet que, 
lorsque l'oxygène et l'hydrogène se combinent à la tem- 
pérature du rouge, ces deux gaz deviennent liquides ou 
solides pour agir l’un sur l’autre. Ils doivent se con- 
denser pour pouvoir s'unir. — M. Ponsot expose l’état 
actuel de la question des cryohydrates et communique 
les résultats de ses expériences personnelles sur cette 
question. De Luc avait remarqué depuis longtemps que 
la température minima, présentée par un mélange de 
glace et de sel, est indépendante des proportions du 
mélange, le sel étant en excès, et que cette tempéra- 
ture est celle à laquelle une dissolution saturée de ce 
sel se congèle. En 1875, M. Guthrie reprend l'étude de 
cette question. Il constate que, si on fait congeler le 
liquide obtenu en mélangeant de la glace et un sel, cette 
congélation se fait à la température minima de ce mé- 
Jlange, qu’elle est invariable pendant toute la durée de 
la congélation, qu’il y à identité de composition du 
liquide et du solide, et que ce dernier est en cristaux 
transparents. Ces trois raisons lui semblent suffisantes 
pour conclure à l’existence d'un composé défini, d’un 
cryohiydrate, auquel, en équivalents, il attribue une for- 
mule, soit pour le chlorure de sodium, Na CI + 10H0. 
Il étudie un grand nombre d'exemples, et trouve, par 
exemple 


KO, AzO5 -L 89,2 HO, KO, SO3 + 114,2 HO. 

Malgré la complexité des nombres d’équivalents d’eau, 
les idées de M. Guthrie furent adoptées par un grand 
nombre de savants, En 1877, Pfaundler émit l'opinion 
que les cryochydrates étaient un mélange de glace et de 
sel. Elle fut partagée par Masotto en 1890, et Schreene- 
makers en 1893, qui étudièrent les mélanges de deux 
sels avec la glace. M. Duhem (1893) démontra théori- 
quement qu'il y a simplement un mélange de glace et 
de sel. Il annonca aussi que la composition des cryohy- 
drates devrait varier avec la pression. Néanmoins, 
malgré ces publications, un certain nombre de savants 
conservent les idées de Guthrie. En 1887, M. Etard 
suppose qu'il obtient des hydrates identiques aux 
cryohydrates de Guthrie. M. Engel, dans une commu- 
nication du 3 novembre 1893, semblait conserver cette 
opinion lorsqu'il recherchait une relation entre le 
nombre de molécules d’eau fixées par la molécule 
saline, et les poids atomiques des constituants de cette 
molécule, Enfin, dans la dernière séance, M. Le Châte- 
lier a dit que ce sont des mélanges d'hydrates mal 
définis, etil pense que certains, tel que celui de bichro- 
mate de potasse, sont amorphes, M. Ponsot montrera 
tout à l'heure que l’expérience prouve le contraire. 
L'auteur expose alors par quelles considérations on 
peut expliquer les phénomènes cryohydratiques. Il 
trace d’abord la courbe de solubilité du chlorure de 
potassium, et remarque que, pour tous les points figu- 
ratifs situés au-dessus, la dissolution est sursaturée. 
Puis il considère une solution très étendue et il la 
refroidit. De la glace se forme et la concentration aug- 
mente. La courbe qui représente cette marche est 
telle que le coefficient d’abaissement croît avec l’abais- 
sement lui-même, sans présenter de maximum; donc 
elle coupe la précédente au point cryohydratique. Toutes 
les solutions, telles que le point figuratif est au-dessus 
de cette courbe, pourront dissoudre de la glace. Au 
contraire, les dissolutions relatives aux autres points 
seront celles pour lesquelles de la glace pourra se pro 
duire. Elles seront sursaturées de glace. Il y a donc une 


DRE", 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


45 


région où les dissolutions seront à la fois sursaturées 
de glace et de sel. Si l’on part d’un point de cette ré- 
gion, et qu'on procède successivement par addition 
d'une parcelle de glace, puis de sel, le point figuratif 
décrit nécessairement une ligne brisée qui s’appuie 
alternativement sur les deux courbes tracées et arrive 
au point cryohydratique, qu’il ne peut dépasser, Ce 
point correspond à la température d'équilibre à la fois 
pour la glace et pour le sel. L'auteur montre alors 
qu'il existe un moyen de séparer la dissolution eryohy- 
dratique en glace et en sel. Si la température ne peut 
s’abaisser au-dessous du point cryohydratique, c’est 
que si, par un mélange réfrigérant, on enlève de la 
chaleur, la formation de glace et de sel en redonne, — 
M. Ponsot expose ensuite les expériences qu'il a entre- 
prises il y a plusieurs années, et qu'il a reprises der- 
nièrement. Il indique d’abord les précautions néces- 
saires pour produire une dissolution avec sa concen- 
tration cryohydratique. Puis, pour rechercher si les 
lamelles cristallines transparentes qui se forment 
renferment des cristaux de glace, il s’est servi du 
microscope. Il décrit le disposiuf auquel il a eu recours 
et qui permet d'observer en lumière polarisée lorsque 
la nature des cristaux se prête à cette étude. Au lieu 
de la platine ordinaire du microscope, se trouve une 
lame de verre sur laquelle on dépose une goutte de 
liquide cryohydratique. Tout autour du cylindre qui 
contient le microscope et la lame de verre, est disposé 
un mélange réfrigérant, Les expériences ont d’abord 
porté sur le permanganate de potasse. Quelques ins- 
tants après qu'on a installé le liquide cryohydratique, 
on voit, sans qu’on ait apporté aucun germe, se pro- 
duire une abondante cristallisation. Dans le cas du 
permanganate, on voit des lignes absolument incolores 
avec bifurcations nombreuses (glace pure), entre les- 
quelles sont des régions d’abord colorées en rose, Ces 
dernières doivent être encore liquides, car, au bout de 
quelques minutes, il se produit une quantité considé- 
rable d’aiguilles cristallines en même temps que l’espace 
intermédiaire devient incolore, Ces cristaux étant de 
très petites dimensions, on peut les faire grossir en 
faisant fondre. partiellement, puis en laissant refroidir 
de nouveau. En répétant ce traitement, les cristaux 
arrivent à être très nets. On peut alors reconnaître 
qu'ils sont bien identiques aux cristaux de permanga- 
nate obtenus par évaporation d’une dissolution saturée. 
M. Ponsot est parvenu à obtenir des photographies de 
ces cristaux; il projette une série de clichés représen- 
tant les différentes phases du phénomène. Il a ensuite 
étudié de la même facon le bichromate de potasse. Mais, 
dans ce cas, il est impossible d'obtenir pour le phéno- 
mène initial des clichés visibles en projection, Au 
microscope, on distingue nettement les lamelles de 
bichromate entre lesquelles se trouvent des lamelles 
de glace non seulement sur le même plan, mais sur 

des plans superposés. Une dissolution cryohydratique 
contenue dans un tube donne d’abord une masse d’ap- 
parence amorphe; mais, en la traitant par le même pro- 
cédé que le permanganate, on arrive à obtenir des 
cristaux très nets. M. Ponsot a étudié aussi les dissolu- 
tions d’azotate de potasse, de sulfate de cuivre et de 
chlorure de potassium. L'ensemble de ses expériences 
confirme bien les vues de Schreenemakers et de 
M. Duhem. Au point cryohydratique, il y a toujours 
séparation de glace. Il n'y a pas de cryohydrate. II n’y 
a qu'un mélange de glace et de sel. Il doit donc en être 
de même dans la partie liquide. À la dénomination de 
cryohydrates, M. Ponsot préférerait celle de cryosels. Il 
existe des cryosels simples formés d’un mélange d’un 
seul sel et de glace, et des cryosels composés. Quand 
deux sels ne peuvent former un sel double, il n'y a 
qu'une température minima unique. Mais s’ils peuvent 
former un sel double, il y a deux cryosels. A l’une de 
ces températures minima, on peut avoir dans la glace 
un mélange de deux sels. Ce résultat montre comment, 
à une même température, peuvent se faire plusieurs 
sels cristallins dans un même dissolvant. De là son 


46 


intérèt pour l'explication de la formation des roches 
éruptives, ou pour les reproductions minéralogiques. 
Enfin, l’abaissement maximum du point de congélation 
dans les dissolvants les plus connus, eau, benzine, 
acide acétique, etc., mérite de prendre rang parmi les 
constantes spécifiques d’un corps. — M. Engel se 
défend d’avoir prétendu que les cryohydrates étaient 
des sels à composition définie. Il les a simplement 
considérés comme des sels avec une quantité d’eau 
déterminée. 11 a pu parler d’une loi entre le nombre de 
molécules d’eau fixées par un sel, tel qu'un chlorure 
alcalin ou alcalino-terreux, et l’abaissement de la tem- 
pérature, puis en déduire une relation entre le nombre 
de molécules d’eau fixées et les poids atomiques du 
métal et du métalloide, sans pour cela prétendre à 
l'existence de combinaisons définies. Il n’a fait que 
grouper un ensemble de résultats expérimentaux, — 
M. Wyrouboff ne croit pas qu'on puisse traiter aussi 
simplement les questions de saturation. On ignore 
pourquoi les corps se sursaturent. On sait simplement 
que les seuls qui puissent se sursaturer sont ceux qui 
forment deux hydrates. Il à fait autrefois des expé- 
riences à ce sujet, etila vu, par les propriétés opti- 
ques, que les cristaux n'étaient pas des cristaux de 
bichromate, mais des cristaux d'hydrates. On ne peut 
dire en bloc qu'il se fait un sel et de Ja glace. Il peut 
se faire un ou plusieurs hydrates. Il doit y avoir beau- 
coup d’'hydrates inconnus à la température ordinaire. 
Yest là ce qu'il serait intéressant d'étudier. — M, Pon- 
sot fait remarquer que ce qu'il a voulu prouver, c’est 
qu'il n'existe pas un sel unique renfermant tout le sel 
et toute la glace, mais que, conformément à la théorie, 
il y a un mélange de glace et de sel : ce dernier est 
anhydre ou hydraté, mais, dans ce cas, c’est un hydrate 
défini, le même qui cristalliserait dans la dissolution. 
si on évaporait l’eau à cette température. 
Edgard HaAunié, 
SOCIETE CHIMIQUE DE PARIS 

189%. 

M. Lindet expose à la Société les derniers perfec- 
tionnements réalisés par l’industrie sucrière au point 
de vue de la concentration des jus, de la double carbo- 
natation, de l'évaporation et de la cuite en grains. — 
M. Maumené a appliqué à la purification du sucre et 
des alcools le permanganate de potasse, déjà employé 
à maints usages de ce genre, Il à obtenu ainsi d’excel- 
lents résultats. E. CHaroN. 


SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE FRANCE 
Séance du 19 Décembre 1894. 


M. Laisant : Sur une propriété {du mouvement d’un 
point matériel dans l’espace, — M. Mannheim : Nou- 
velle démonstration d’une propriété de l’indicatrice. 
— M. Fauret : Addition à une communication précé- 
dente sur un théorème de Mécanique. Paul GENTy. 


SOCIÉTÉ PHILOMATHIQUE DE PARIS 
du 9 Décembre 1894. 


M. Laisant établit une propriété du mouvement 
d’un point dans l’espace lorsque ce mouvement est 
soumis à la loi des aires. — M. Bordas décrit les 
glandes salivaires de l'abeille; il en trouve six paires. 
Ces glandes ne sont pas également développées chez 
les mâles etchez les neutres, 


Séance du 5 Décembre 


Séance 


Séance du 22 Décembre 1894. 


M. le D' Jousseaume : Diagnose de nouveaux Mol- 
lusques de la mer Rouge. — M. Bietrix : Sur une éva- 
luation de la pression dans le cœur des Poissons. 
— M. Brongniart présente son ouvrage intitulé : 
Recherches pour servir à l'histoire des insectes fossiles des 
temps primaires, précédées d'une Etude sur la nervation 
des ailes des insectes, Ch. Biocue, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


1° SGIENGES PHYSIQUES. 

Sir David Salomons, — Sur quelques phéno- 
mènes observés dans les tubes à vide. — Ce mé- 
moire traite des phénomènes connus sous le nom de 
stries ou de bandes dans les tubes à vide. Autant que 
l’auteur a pu l’apprendre par les documents qu'il a 
consultés, personne jusqu'ici n'avait trouvé le moyen 
de produire à volonté un nombre déterminé de bandes 
brillantes et obscures dans un tube. Après des recher- 
ches prolongées, ila réussi à produire ce résultat et, 
dans le présent mémoire il décrit d’abord les méthodes 
qui permettent de produire un nombre déterminé de 
bandes obscures et brillantes dans un tube à videet, 
secondement, un grand nombre de phénomènes inté- 
ressants qui ont trait à-la production des bandes en 
général. Voici quelques-unes des conclusions qui résul- 
tent des expériences : Ces bandes s’obtiennent plus 
facilement dans des petits tubes que dans des grands 
et elles deviennent plus accentuées, probablement par 
suite de l’inégalité du diamètre de ces tubes. Dans la 
production des bandes le verre du tube semble jouer 
un rôle, puisque les bandes sont difficiles à produire 
quand elles ne touchent pas au verre du tube. Un cou- 
rant extrêmement faible produit des bandes qui, dans 
la plupart des cas, disparaissent quand le courant aug- 
mente un peu et redeviennent visibles quand le cou- 
rant continue à croître. L'auteur croit que, dans toutes 
les recherches précédentes, on a trouvé que les bandes 
ne pouvaient être produites que par le passage ‘d'un 
courant intense. Il rappelle les travaux de MM, Warren 
de la Rue, Gassiot et autres. Les expériences prouvent 
cependant le contraire. La raison probable de ces résul- 
tats est le fait qu'avec les appareils employés à cette 
époque, il n'était pas facile de produire des courants 
assez faibles. Quand on augmente l'intensité du courant 
faible et que les bandes semblent disparaître, l'auteur 
pense que cet effetest dû à une illusion d'optique; les 
bandes existent, mais elles sont trop peu nettes pour 
qu'on puisse les voir, peut-être parce que les bandes 
sombres sont assez étroites pour échapper à l’observa- 
tion. Quand une décharge électrique se produit dans un 
grand tube qui contient un diaphragme percé d’un 
trou, il semble se produire souvent un effet de poussée 
(forcing effect). Toutes les bandes brillantes qui sont 
produites au trou du diaphragme peuvent paraitre être 
poussées à travers le trou vers le côté le plus long du 
tube, Ce phénomène est mentionné parce qu'il est 
apte à masquer plusieurs effets, si le courant n’est pas 
réglé convenablement. Après que la première trace de 
lumière est devenue visible dans un tube par suite du 
passage d’un courant très faible, il n’est pas impos- 
sible que les bandes sombres qui succèdent à cette 
phase soientillusoires et qu’elles soient en réalité des 
bandes brillantes; ce qui semble constituer les bandes 
brillantes serait l'effet d’une superposition qui produi- 
rait deux fois plus de lumière que ce qu’on appelle les 
bandes brillantes, En réalité, les bandes brillantes 
indiqueraient la position des bandes sombres, On peut 
produire dansun grand tube des bandes qui n’occu- 
pent qu’une faible portion de la section du tube, au 
moins autant que l'œil peut en juger. En employant 
les tubes de Crookes qui servent aux expériences sur 
la matière radiante, on peut, dans des conditions con- 
venables, produire des stries dans ces tubes. Dans des 
tubes qui ont des électrodes extrêmement petites et 
qui ne semblent pas aptes à produire des stries, on en 
observe toutefois avec des courants très faibles. Le 
tube, quand il agit comme un condensateur, laisse 
passer un courant plus intense. D'après les considéra- 
tions précédentes, il n’est pas impossible que, comme 
on l’a soutenu relativement à l’origine probable des 
bandes, elles consistent en une série de décharges à 
travers le tube; la nature de cette décharge peut être 
modifiée par l'introduction d'accessoires convenables 


+ 


AANT Le 


TPA TT 


-ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 47 


L 


dans les tubes; pour examiner la nature de cette 
décharge dans les meilleures conditions, il faut opérer 
avec des courants très faibles, c’est-à-dire avec l’inten- 
sité de courant minima nécessaire pour produire un 
phénomène lumineux, - 


2° SCIENCES NATURELLES. 


3. Gowland Hopkins, démonstrateur de Physio- 
logie et de Chimie à Guy's Hospital (Londres). — Les pis- 
ments des Piérides ; contribution à l'étude des 
substances excrétoires qui servent à l’ornement 
des animaux. — Voici les principaux faits établis par 
M. Hopkins : La plupart des résultats reposent sur des 
observations originales, consignées dans le mémoire : 
1°Les écailles desailes des Piérides blanches contiennent 
de l'acide urique, qui joue le rôle d’un pigment blanc. 
2° Le pigment jaune qui se retrouve dans FOSpEUe 
des genres est un dérivé de l'acide urique. 3° L'étude 
des propriétés de ce pigment jaune et les résultats de 
Panalyse montrent que les pigments des divers genres 
jaunes sont identiques. 4° On peut produire ce pig- 
ment artificiellement en chauffant de l'acide urique en 
tube scellé avec de l’eau à haute température. Le pro- 
duit ainsi obtenu a été antérieurement décrit par 
Hlasiwetz comme « acide mycomélique », mais l'au- 
teur établit que la substance obtenue était en réalité 
de Purate d'ammonium, coloré par un corps jaune, 
probablement identique au pigment naturel. 5° L'iden- 
tité des deux pigments — naturel et artificiel — est dé- 
montrée par ce fait que, soumis à un même traitement, 
ils donnent tous deux naissance à un dérivé pourpre, 
qui à un spectre d'absorption très net et facile à iden- 
tifier. 6° Le jaune artificiel n’a pu être obtenu à l’état 
pur, mais il à été amené cependant à un degré de pu- 
reté suffisante pour présenter nettement toutes les pro- 
priétés du pigment naturel, 7° Le pigment naturel est 
certainement une individualité chimique. L'auteur en 
discute la constitution probable. 8° La substance jaune 
(« acide lépidotique») etune substance rouge qui lui est 
étroitement apparentée constituent, à elles seules, toute 
la pigmentation chimique des écailles alaires des Pié- 
rides colorées, bien que des modifications puissent se 
produire par des effets optiques surajoutés. Il n'est 
pas question dans le mémoire du pigment noir qui se 
retrouve aussi dans ce groupe. 9° Si ces dérivés de l’a- 
cide urique se retrouvent chez toutes les Piérides, ils 
semblent en revanche ne se retrouver que dans ce 
groupe parmi les Rhopalocères. Cela permet de faire 
l'intéressante observation suivante : lorsqu'une Piéride 
imite (münics) un insecte d’une autre famille, les pig- 
ments sont dans les deux cas chimiquement distincts. 
Le cas est très net pour les genres Leptalis et Mecha- 
nitis, 10° L'existence de pigments distincts des pig- 
ments des écailles est pour la première fois signalée : 
ils se trouvent, par exemple, entre les membranes de 
Vaile et constituent dans certains genres la base de la 
décoration, 11° Ce qui achève d'établir la nature 
excrétoire du pigment des écailles, c’est qu'au moment 
où les Piérides jaunes sortent de la chrysalide, elles 
peuvent rendre par le rectum une certaine quantité 
d’une substance jaune qui ressemble exactement au 
pigment de l'aile. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 


D° J. Larmor : Portée de la théorie de Wiener sur 
la localisation au sujet de l’action photographique 
des ondes lumineuses stationnaires. Dans son mé- 
moire, l’auteur discute la théorie de Wiener .Com- 
parativement à celle de Mac Cullagh. — D° Sidney 
Young : Influence des volumes relatifs d’un corps à 
l'état liquide et à l’état de vapeur sur la tension de va- 
peur d’un liquide à température constante. L'auteur à 
examiné la question étudiée par le P' Batelli qui, dans 
ses recherches sur la tension de la vapeur d’un liquide 
à une température donnée, en relation avec les vo- 
lumes relatifs du liquide et de la vapeur, avait conclu 


que la pression est d'autant plus élevée que le volume 
du liquide est plus grand, Ces résultats opposés à ceux 
obtenus par M. Ramsay et par l’auteur portent ce der- 
nier à croire qu'il y a eu erreur d'expérience prove- 
nant soit de la présence de l’air, soit de l’impureté des 
liquides examinés. M, Sidney Young prouve, par ses 
expériences faites sur l’isopentane liquide, bouillant à 
28° et obtenu à l’état tout à fait pur, que la tension de 
vapeur de ce liquide est tout à fait indépendante de la 
relation qui existe entre les volumes de ce corps à 
l’état liquide et à l’état de vapeur. — M. Burke fait 
une communication sur l'hypothèse du Pr J.-J. Thom- 
son relative à la phosphorescence du verre qui serait 
due aux rayons cathodiques. Beccaria avait déjà ob- 
servé que les ampoules de verre dans lesquelles on a 
fait le vide devenaient lumineuses, lorsqu'on les bri- 
sait, à l’endroit même où se produisait le choc ; il attri- 
buait ce fait au choc de l'air contre le verre. Les 
recherches du P° Thomson sur l'électricité et le magné- 
tisme montrent qu'il est possible de trouver une relation 
entre les faits et la théorie de Crookes se rappor- 
tant aux effets lumineux des tubes de Geissler. L’au- 
teur a toutefois remarqué que les phénomènes lumineux 
se produisaient seulement lorsque le bris de lampoule 
avait lieu par le choc d’un corps solide contre un 
autre corps solide ; ce qui prouverait que ces phéno- 
mènes résultent du choc des morceaux de verre les uns 
contre les autres etnon du choc de l’air contrele verre. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


M. A.-P. Laurie : Etude sur la force électromotrice 
des alliages dans un circuit voltaïique. Dans sa commu- 
nication, l’auteur donne le résultat de ses recherches 
sur la détermination de la force électromotrice de 
seize alliages. Ses résultats confirment ceux obtenus 
par Matthiessen. Dans la plupart des cas, l'addition d’un 
métal à un alliage provoque le déplacement d’un des 
métaux qui le compose. Ainsi le mercure décompose 
l’alliage d’or et d'étain, et le zinc, ajouté à l’alliage de 
cuivre et d’étain, déplace ce dernier, —MM. G. W.Mac 
Donald et Orme Masson : Sur un produit obtenu par 
l’action de l’acide nitrique sur l’éthylate de sodium. 
D’après les recherches de auteur, le produit principal 
qui résulte de cette création serait un corps de for- 
mule : CH?AZ{0H2, corps cristallisé, fortement explosif, 
insoluble dans l'alcool, mais soluble dans l’eau. On à 
obtenu le sel : CH2A7{0‘Co. L'auteur croit que ces 
corps proviennent de l'acide méthylènedihydroxynitro- 
samine qui à pour formule : CH?[Az(Az0)0H 2. — M. w. 
À. Bone et J.-C. Coin : Sur la combustion incomplète 
de quelques gaz des composés du charbon. En faisant 
détoner l’acétylène dans l'oxygène, les auteurs ont 
trouvé que la décomposition se faisait suivant l’'équa- 
tion : 

2C2H2402—2C0+2C+2H2 


Si l’on fait détoner un mélange de cyanogène et d'hy- 
drogène dans de l'oxygène, on remarque un accrois- 
sement considérable de pression en même temps que 
du carbone est mis en liberté, Ilest à remarquer aussi 
qu'il se forme, dans ce cas, du méthane et de l’acéty- 
lène. La quantité formée de ces deux corps est d’envi- 
ron 1,7 °%; la réaction a lieu par suite de l'union di- 
recte du charbon et de l'hydrogène à la température de 
la combustion. D'après plusieurs expériences, les au- 
teurs croient pouvoir conclure que, si l’on opère la 
combustion d’un hydrocarbure contenant » atomes de 
carbone avec n atomes d'oxygène, la réaction qui se 
produit peut être exprimée comme suit : 


Cn He On= n CO + 2 H2. 
M. W.-H. Perkin jun. F. R. S. : Sur les dérivés du té- 
traméthylène. L'auteur a obtenu la tétraméthylène 


amine : 
CH2—CH2 


CH Ên. Aus 


18 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 2 


en traitant par le brome ou la potasse l’amide de l'a- 
cide tétraméthylènecarbonique. IL a obtenu également 
l’hydroxytétraméthylène : 

CH?—CH? 

| 

CH? - CHOH 
en traitant le chlorhydrate de tétraméthylène amine par 
le nitrite d'argent; le chlorotétraméthylène, par lac- 
tion du pentachlorure de phosphore sur l'hydroxyté- 


traméthylène. L'auteura étudiéaussi l’action du brome 
sur l'acide tétraméthylènedicarbonique de formule : 


CH?2-CH,.COOH 
| | 
CH?—CH.COOH 
Cet acide, traité par un excès de brome, en présence du 
phosphore, donne l’acide dibromotétraméthylènedicar- 
bonique : 
CH2—CBr.CO0H 
| 
CH2—CBr.COOH 
qui, traité par l’oxyde d'argent, donne l'acide dioxy- 
tétraméthylènedicarbonique : 
CH?2—C(OH).COOH 


| | 
CH?—C(0H).CUOH. 


Le même auteurdécrit aussi l'acide dibrompentaméthy- 
lènedicarbonique 
CH2—CBr.COOH 


27 | 
\ CH2—CBr.CO0H 


et ses dérivés. — MM. A. V. Crossley et W. H. Per- 
kin jun. F. R.S.: Etude des dérivés de substitution de 
l'acide pimélique ; mode de préparation et les proprié- 
tés de l'acide éthylméthylpimélique : 
COOH.CH (Me) (CH2)3 CH (Et) COOH 


et de ses dérivés, — M. Bevan Léon : Sur les dérivés 
de l'acide butanetétracarbonique et de l'acide adipique; 
l’auteur attribue à ces dérivés la formule suivante : 
HOOC COOH 
NCR—CH?—CH?—RCT 
H00C/ NCOOH 


CH 


M. A. L. Stern : Contribution à la chimie de la cellu- 
lose et principalement de l’action de l'acide sulfurique 
sur la cellulose et les produits de substitution de ce 
corps. — M. J.-J. Sudborough : Action du chlore sur 
une solution d’aniline dans le chloroforme ; à satura- 
tion, on obtient la parachloraniline, ladichloraniline 2.4. 
et la trichloraniline 2.4.6, — MM. Francis R. Japp. 
F. R.S. et B. Davidson : Condensation du benzyl et 
de l'éthylmalonate: Par l’action de l’éthylate de so- 
diur sur un mélange de benzyl et d’éthylmalonate, les 
auteurs ont obtenu l’éther monoéthylique de l'acide 
benzoyImalonique 


COOC2HE 
CH5—C(OH)—CH< . 


( NCOOH 
C5H5—CO 
et l'acide désylènemalonique qui a pour formule : 
C5H5—C—=C—(CO OH)? 
| 
C'H5—CO 
Ce dernier, chauffé à la température de son point de 
fusion, se décompose en acide carbonique et acide dé- 
sylène acétique 
CéHi—C=CH—COOH 
| 
C5He—CO 


dont ils étudient les propriétés, 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE 
Séance du 29 Novembre 1894. 

1° SciENcEs puysiques. — M. Gustav Benischke 
(d’Innsbruck) ? Rôle du condensateur dansles circuits de 
courants alternatifs. — M. J. Finger : Le potentiel des 
forces intérieures, — M, G. v. Georgievics : Sur la 
nature de la teinture. L'étude de la coloration de la 
soie par le carmin d’indigo a conduit l’auteur aux ré- 
sultats suivants : 1° L’acide sulfurique, ajouté au bain de 
teinture, a une double action; il met l’acide colorant 
en liberté et employé en excès, il joue le même rôle 
que le sel de cuisine dans la teinture du coton avec 
les matières colorantes de la benzidine, 2° Le coeffi- 
cient de partage de la couleur entre la fibre et la solu- 
tion n’est pas constant et diminue quand la concentra- 
üon augmente. La loi de Henry, développée par Van'’t 
Hoff et Nerst s'applique exactement dans le cas étudié, 
Le coefficient de partage est plus grand avec les colo- 
rants basiques et faible avec des colorants salins; les 
colorants acides occupent une place intermédiaire. 
L'ensemble de ces faits conduit à envisager l’action de 
Ja fibre sur la couleur comme une action chimique, — 
M.J.Herzig : Sur la quercétine et ses dérivés (10°com- 
munication). La substance regardée par Libermann et 
Hamburger comme Ja tribromquercétine a pour for- 
mule C'#H$Br?0? et doit être regardée comme la quer- 
cétine bibromée. La quercétine tétraéthylée donne, dans 
les mêmes conditions, un dérivé bibromé. — MM. KHer- 
zig et J. Rellak : Action des alcalis sur les dérivés 
bromés de la phloroglucine. Le brome donne, avec 
la diéthyle et la triéthylphloroglucine, un produit de 
substitution tribromé, remarquable par sa stabilité 
vis-à-vis des alcalis. Dans la préparation de la diéthyl- 
phloroglucine par la méthode de Will Albrecht, il se 
forme une quantité abondante de phloroglucide, — 
M. Ernst Rosthner : Sur l’oxyde d’éthylène. 

29 SCIENCES NATURELLES. — MM. Hilber et Richter sont 
chargés de diriger des excursions géologiques, l’un 
dans la Turquie d'Europe, l’autre dans la Scandinavie, 


Séance du 8 Décembre 1894. 


M. le Président annonce la mort de M. Cajetan v. 
Felder, membre de l’Académie, survenue à Vienne le 
30 novembre, 

4° Sciences PHYSIQUES. — M. Karl Brunner : Forma- 
tion de l'acide propyltartronique à partir du dibutyryl- 
dicyanure, Le nitrile de l’acide butyrique normal est 
transformé par l'acide sulfurique en deux amides : 
l'un est identique avec celui de Maritz et fond à 107 ; 
l’autre fond à 150° et possède un poids moléculaire 
double du premier. Bouilli avec la potassé alcoolique, 
le cyanure donne l'acide propyltartronique qui perd de 
l'acide carbonique à 140-150° et fournit l'acide oxy- 
valérianique, Le nitrile de l’anhydride isobutyrique 
fournit aussi deux amides distincts et permet d'obtenir 
l'acide isopropyltartronique décomposable en donnant 
l'acide a-oxyisovalérique. L'auteur discute le méca- 
nisme de ces réactions el propose des formules pour les 
cyanures dimoléculaires, — M, Edouard Hübner : 
Distillation des sels de chaux de quelques acides éthers 
de la série aromatique. L'auteur à généralisé les résul- 
tats signalés par Goldschmiedt et ses élèves et reconnu 
que la position relative des groupes éthéré et carboxyle 
est sans influence sur la marche de Ja réaction. — 
M. Pomeranz à préparé l’éther phénylique de lal- 
déhyde glycolique par l’action du monochloracétal sur 
le phénolate de sodium et décomposition du produit 
obtenu par HÉSO‘ étendu. Ce corps est, en dehors des 
sucres et des corps chlorés, le premier exemple d’un 
composé stable à la température ordinaire contenant 
deux hydroxyles réunis au même carbone. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. Gejza v. Bukowski 
présente la deuxième partie de son travail sur la 
« Faune des Mollusques dans l'ile de Rhodes », 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


6° ANNÉE 


30 JANVIER 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


LES HOVA DE 


Les habilants de Madagascar n’ont jamais eu 
d'appellation collective pour désigner la popula- 
tion tout entière de l’ile. Les innombrables tribus 
ou plutôt familles qui composaient cette popula- 
tion, et que ne réunissait aucun lien politique ni 
commercial, vivaient dans un isolement absolu et 
ne se connaissaient point les unes les autres, 
n'ayant entre elles d’autres relations que les razzias 
et les pillages auxquels se livraient sans cesse les 
voisins immédiats. 
| C’est même assez récemment qu'un certain 
nombre de ces familles se sont groupées dans un 
but d'attaque ou de défense : la grande tribu des 
Sakalava ne s’est formée que vers le milieu du 
xvi siècle, celle des Belsimisaraka au milieu du 
xvin°, et celle des Betsileo au commencement de 
ce siècle. Quant aux habitants du centre de l'ile, 
sur l’origine desquels je veux aujourd’hui donner 
quelques renseignements, c'est Andrianampoini- 
merina qui, Le premier, les a réunis en une nation 
digne de ce nom. En 1787, lorsqu'il succéda à son 
oncle, que ses sujets mécontents de son gouverne- 
ment avaient déposé, il n’élait que l’un des nom- 
breux petits chefs de l’Imerina et, comme tous ses 
pareils, il ne commandait qu'à trois ou quatre vil- 
lages; par son courage, par son intelligence, par 
son esprit politique, on pourrait presque dire par 
son génie, il a soumis à son autorité tous les autres 
chefs de la région centrale et, en mourant en 1810, 
il a laissé à son fils Radama [°° un royaume d’une 
vaste étendue. Ce prince, qui hérita, en même 


MADAGASCAR 


chevaleresque et de ses qualités politiques, con- 
tüinua son œuvre et la mena à bonne fin, plus vite 
qu'il n’eût pu l’espérer, grâce aux conseils des 
Européens. Il mourut en 1828, possédant la moitié 
de l'ile et commandant au moins aux trois quarts 
de la population totale. 


I 


En Europe, on donne le nom de Æova aux habi- 
tants de l’Zmerina ou province centrale de l’île. 
C'est une appellation erronée; leur véritable nom 
est Antaimerinx où Ambanilanitra. Les Hova ne 
sont que l’une des trois castes qui composent la 
population de l’Zmerina *. Le nom d’Antaimerina ou 
par abréviation #/erina veut dire les habitants de 
l'Imerina (litt. : du pays nu, du pays où la vue 
s'étend au loin); celui d'Ambanilanitra signifie les 
hommes qui sont sous le ciel et vient de ce que les 
habitants du massif montagneux se considèrent 
comme plus près du ciel que les habitants des côtes. 

Les Merina se: divisent en trois castes : les 
Andriana ou les nobles, les Æova ou les hommes 
libres et les Andevo oules esclaves. Ces castes n’ont 
pas seulement une signification sociale, comme on 
l’a cru jusqu'à présent, mais encore, comme mes 
recherches me l'ont prouvé, uuesignification histo- 


1 La reine Ranavalona re, ayant un jour reçu une 
lettre d’un capitaine de navire portant la suscription 
« S. M. Ranavalona, reine des Hova », sen montra très 
blessée et ne parla de rien moins que de mettre à mort cet 
impertinent qui ne la reconnaissait pas pour Reine de tous 


temps que du royaume de son père, de sa valeur [ les Merina. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


2 


\ 


50 A. GRANDIDIER — LES HOVA DE MADAGASCAR 


LE ob RP TEE 
rique etethnographique; en effet, les Andriana ou 
nobles, qui se subdivisent en sept sous-castes 15 
sont en réalité les descendants des immigrants ma- 
lais;les Hova ou hommeslibres sont les descendants 
deschefs des Vazimba quiétaientles premiers oceu- 
pants du plateau central et qui, venus également de 
l'Est, mais longtemps auparavant, appartiennent, 
comme nous le dirons plus loin, à la race noire 
indonésienne ?; les Andevo * ou esclaves com- 
prennent, d'une part, ceux des Vazimba qui, après 
avoir vécu côte à côte avec les immigrants malais, 
ont fini par être soumis à leur autorilé dans la 
seconde moitié du xvi° siècle par Andriamanelo, par 
son fils Ralambo et par son petit-fils Andrianjaka, 
d'autre part, soit des Malais et des Hova déchus de 
leur rang pour crimes divers ou pour dettes, soil 
des prisonniers faits dans les guerres avec les 
autres tribus de Madagascar ou volés dans des raz- 
zias, soit enfin des nègres africains apportés du 
continent voisin et vendus par les Arabes. Il ne 
faudrait pas croire que les deux premières castes se 
soient conservées sans mélange; celle des Andrianä 
cependant est encore assez pure, parce que les lois 
interdisaient le mariage entre les femmes nobles 
et les Hova sous peine de déchéance et d'expulsion 
de leur famille et que les enfants d’un Andriana el 
d'une femme hova suivaient la condition de la 
mère. On peut même dire que les usages veulent 
encore aujourd'hui non seulement que les gens de 


1 Ces sept sous-castes sont : 10 l’Andriana par excellence, 
ou le souverain, et sa famille proche, les Zanakandriana où 
princes du sang: 20 les Zazamarolahy, qui appartiennent aussi 
à la famille royale, mais sont à un degré plus éloigné du sou- 
verain que les précédents; 3° les Zanakandriamasinavalona, 
qui descendent d'Andriamasinavalona, roi ayant régné vers 
1667: 4° les Andriantompokoindrindra (Mit. : les vrais maitres), 
descendants d’Andriantompokoindrindra, qui, fils ainé de Ra- 
lambo, était le roi légitime, mais qui céda la place à son frère 
puiné Andrianjaka, parce qu’il préférait jouer au fanorona 
(sorte de jeu de morelle) que de s’occuper des affaires publi- 
ques; 5° les {ndrianamboninolona (litt. : qui sont au-dessus 
des autres hommes); 6° les Andriandranando ; 7° les Zanakra- 
lumbo. descendants du célèbre roi Ralambo par Andrianjaka, 
qui régna au commencement du xvirt siècle. = Les trois 
premières castes possèdent des menakely ou fiefs dont le sei- 
gneur partage les revenus (hajia avec le souverain, 

2 Les deux principales familles de la caste des Hova sont 
les Tsimahafotsy et les Tsimiambolahy d'où sont sortis les 
ministres de Ranavalona Ier et des dernières reines. On peut 
encore citer celle des Za/fimbazaha qui a, parait-il, pour an- 
cêtres mäles des naufragés européens. Celle des Tsiarondahy 
est la dernière de toutes. Les formules de salutation ne sont 
pas les mêmes pour les Hova que pour les Andriana : ces 
derniers ont aussi le privilège de construire leurs tombeaux 
d'une manière différente. 

3 En réalité, le nom d’Andevo ne doit s'appliquer qu'aux 
descendants des prisonniers de guerre ou des individus volés 
dans les razzias; les Andriana ou Hova réduits en esclavage 
pour dettes ou pour crimes ou par suite de Ja condamnation 
à mort du chef de famille, qui entrainait la vente de la 
femme et des enfants, s'appellent Zaza-Hova. Quant aux Afri- 
cains amenés du continent parles Arabes, on leur donne le 
nom de Masombika (Mozambiques; ; cette dernière catégorie 
a été supprimée en 1877 par la reine qui a libéré tous les 
esclaves venus d'Afrique. 


caste différente ne s’entre-marient pas, mais même 
qu'on ne cherche pas sa femme en dehors de son 
clan et que les cousins épousent les cousines afin 
de perpétuer les propriétés dans la famille. Aussi, 
malgré la liberté extrême des mœurs à Madagascar, 
les Andriana ont-ils pour la plupart le type malais 
parfaitement caractérisé. : 

Les Hova, qui sont, comme l'indique leur nom !, 
les descendants des chefs des Vazimba qui occu- 
paient le massif central avant la venue des Malais, 
sont, au contraire, très mélangés ; en effet, les rai- 
sons qui empêchaient l'introduction dans les fa- 
milles nobles d'enfants nés de pères autres que des 
Andriana, n'existaient pas pour eux, et les femmes 
hova ne se faisaient point faule d'accorder leurs 
faveurs aux Andriana, de sorte que, si l’on ne 
trouve pas parmi eux de types malais dans toute 
leur pureté, il y a cependant beaucoup de métis 
qui en présentent cerlains caractères. En réalité, 
comme nous l'avons déjà dit, les Hova appar- 
tiennent à la race noire indonésienne, race qui a 
peuplé l’ile entière el qui forme le fond de toutes 
les tribus du centre, aussi bien que de celles de l'Est 
et de l'Ouest, les chefs et les grands étant seuls 
d'une race différente; car il est remarquable qu'il 
n’y a pas une seule des tribus ou peuplades de 
Madagascar dont les chefs ne soient d’un autre sang 
que leurs sujets. Ce sont ces Hova qui sont cor- 
véables à merci: descendant des vaincus, ils ont 
été naturellement chargés par leurs vainqueurs, 
les Andriana, de tous les travaux pour le service de 
la Reine et du gouvernement ?. 

Quant aux esclaves, qui forment une grande 
partie de la population de l’Imerina, on retrouve 
parmi eux, comme on peut le comprendre facile- 
ment d'après l'énumération que nous avons faite 
des éléments divers qui composent cette caste, des 
types variés où les sangs jaune, mélanésien, afri- 
cain et même blanc se confondent dans des pro- 
portions très variables. 


Il 


A la suite de ces renseignements généraux sur 
l'origine des habitants de la province centrale, il 
n'est pas inulile de dire quelques mots de leur ca- 
ractère, car on a porté sur les Merina (+w/go Hova) 
des jugements contradictoires; certainsauleurs les 


1 Le mot d'Hova signifie chef dans les tribus d'origine 
indonésienne et non point roturier, comme on le dit toujours ; 
dans l’Imerina, il est aujourd’hui synonyme d'homme libre. 

2? La corvée, qui est en somme très dure à Madagascar, est 
toujours obligatoire et gratuite. Tout homme libre (Hova) y 
est soumis etil ne recoit aucune rémunération pécuniaire, ni 
vivres, ni vêtements. L'un d’eux se fait-il remarquer par son 
habileté dans un métier quelconque, il est de suite contraint 
à travailler gratuitement, durant toute sa vie, pour le souve- 
rain, — Les nobles des rangs inférieurs sont aussi astreints 
à quelques travaux publics. 


2] 


k 
b 
F 


ds 


on 
1 
, 


dépeignent sous les couleurs les plus noires et 
les représentent comme ayant tous les vices que les 
hommes, tant civilisés que barbares, ont pu inven- 
ter depuis la création du monde; d’autres, au con- 
traire, leur prodiguent les louanges et leur prêtent 
une foule de qualités. Je ne surprendrai personne 
en disant que ni les uns avec leurs éloges outrés, 
ni les autres avec leurs critiques acerbes n'ont 
pleinement raison, quoique tous exposent leur opi- 
nion en toute sincérité. La raison de ces jugements 
si différents n’est pas difficile à trouver; en etfet, la 
plupart des Européens qui ont voyagé dans l’Ime- 
rina ou qui y ont résidé, ont conservé une rancune 
très compréhensible contre les chefs et gouver- 
neurs Merina si hypocrites et si intéressés, quileur 
ont à tout instant barré la route ou qui les ont 
empêchés de se livrer tranquillement et fructueu- 
sement à leur industrie et à leur commerce; il en 
est aussi qui, nouveaux venus dans ce pays encore 
barbare et ne pouvant par conséquent se rendre 
compte des progrès déjà accomplis, établissent 
entre les Merina et les peuples civilisés qu'ils vien- 
nent de quitter une comparaison naturellement 
toute au désavantage des premiers. Les autres, au 
contraire, généralement des missionnaires établis 
depuis longtemps dans l’Imerina, qui n’ont avec 
ses habitants que des relations amicales et désinté- 
ressées et non commerciales, et qui ont reconnu 
en eux une intelligence remarquable et un fonds 
de qualités sérieuses, les ont pris en amitié et se 
sont attachés aux enfants et jeunes gens qu'ils 
catéchisent et instruisent et qui semblent leur 
témoigner une affection et une reconnaissance 
plus extérieures que réelles, mais en somme assez 
touchantes, quoique peu solides et peu durables; 
ces missionnaires ont tout naturellement sur les 
Merina une opinion très différente de celle des 
voyageurs et des traitants. 

Le caractère des Merina (vw/yo Hova) est, en 
réalité, difficile à saisir et, à plus forte raison, à 
définir. Personne ne peut nier qu'ils ont des dé- 
fauts ou même des vices, mais ces vices sont, pour 
la plupart, inhérents à l’élat social dans lequel ils 
vivent depuis des siècles et non à leur nature propre: 
il faut, en effet, ne pas oublier que des siècles de 
tyrannie les ont faconnés à l’hypocrisie, au men- 
songe et à l’avarice; qu'obéissant à des chefs dont 
le bon plaisir était la seule loi et réduits à une 
servitude des plus oppressives, ils ont naturelle- 
ment toujours dû chercher à sauvegarder leur vie 
par tous les moyens possibles, enfin qu'ils étaient 
régis jusque tout récemment, un quart du siècle au 
plus, par les superstitions les plus fächeuses qui 
leur laissaient toute liberté pour se livrer à leurs 


. passions brutales. Quant à moi, je ne puis m’éton- 


: 
cf 


ner que, vingt-cinq ans après la suppression des 


re 


r 


ce 
ot 


A. GRANDIDIER — LES HOVA DE MADAGASCAR 51 


Ody (talismans), du Sikidy (sorte de jeu au moyen 
duquel on disait la bonne aventure), des jugements 
de Dieu par le Tangena, etce., les Merina aient 
encore les vices dus à leur ancien état social; on 
ne peut pas demander à un jeune homme qui, 
en 1869 — date de la conversion de la Reine et de 
sa Cour au christianisme, — était âgé d'une ving- 
taine d'années par-exemple, et qui par consé- 
quentavait déjà vécu de laviedes razann (ancêtres), 
— d'avoir aujourd’hui, à 45 ans, dépouillé le vieil 
homme et renoncé aux passions dont l’assouvis- 
sement a été plus que partout facile et général. 
Ce n'est point en quelques années qu'on modifie 
le caractère de tout un peuple; le milieu dans 
lequel ils ont vécu, l'hérédilé morale, qui a son 
rôle incontestable, la forme tyrannique du gou- 
vernement ne permettent pas d'espérer qu’un 
changement complet puisse se produire avant 
que plusieurs générations se soient succédé ; mais 
ceux qui, comme moi, ont vu s’accomplir cette 
intéressante et très importante révolution reli- 
gieuse, ne peuvent nier qu'un premier pas, le plus 
difficile, a été fait dans la voie du progrès et que, 
si les Merina (vw/go Hova) ont encore aujourd’hui 
les mêmes défauts qu'autrelois, je ne dis pas les 
mêmes vices, puisqu'ils sont la conséquence de 
leur état social, ils s’en cachent dans une certaine 
mesure el, par leur attitude même, rendent hom- 
mage aux vertus que les missionnaires sont venus 
leur prêcher et dont ils reconnaissent par consé- 
quent la valeur. Je suis persuadé que, — malgré la 
vanité quelque peu enfantine des Merina (vwlgo 
Hova) et leur outrecuidance, que les Européens 
trouvent avec raison fort solte, mais qui n'est 
que le résultat de leur ignorance et de leurs su- 
perstitions, — ils n’en sont pas moins en cemoment, 
de tous les Malgaches, les seuls susceptibles de 
devenir, sous une direction prudente et éclairée, 
une nalion réellement digne de tout notre intérêt, 

Les Merina (vulgo Hova) ont la physionomie 
presque toujours placide et plutôt agréable, la voix 
douce, les gestes efféminés. Ils sont gais et polis ; 
ils sont hospitaliers ; dans leur vie quotidienne 
ils paraissent bons et simples, quoique fort dissi- 
mulés et très rusés, mais ils deviennent cruels 
par superstition ou par intérêt. Victimes, comme 
tous les barbares, de la force brutale et d’une ex- 
ploitation éhontée, contraints, ainsi que nous l’a- 
vons déjà dit, de dissimuler leurs sentiments per- 
sonnels, souvent sous peine de perdre la vie, ils 
n'ont pas et ne peuvent pas avoir les notions de 
justice, d'honnêteté, d’humanilé qui forment la 
base de notre sociélé ; aussi n’ont-ils ni probité, 
ni moralité, et, quoique pleins d’amour-propre, 
sont-ils dépourvus de tout sentiment de dignité 
personnelle; car la fourberie et le mensonge ne 


sont point, à leurs yeux, des vices qu'il y ait lieu de 
flétrir et dont il faille se cacher, mais plutôt des 
qualités dignes d’admiration, puisqu'elles sont 
une sauvegarde de leur vie, comme le montrent, 
du reste, plusieurs contes célèbres !. Ils sont 
avides, et demandent sans honte; ce sont, pour 
la plupart, des maîtres fourbes qui, une fois en 
possession du cadeau convoité, exploitent sans 
scrupule leur bienfaiteur et se font même gloire 
d'abuser de la confiance qu’on leur témoigne. Ils 
sont très sensuels. 

Mais, après avoir énuméré les défauts des Me- 
rina (vulygo Hova), il n'est que juste de recon- 
naître qu'ils ont aussi des qualités: nous avons 
déjà dit qu'ils élaient d'ordinaire doux et affables 
dans leurs relations entre eux et hospitaliers; ils 
aiment les enfants et respectent les vieillards; 
ils ont des manières galantes avec les femmes, 
qui, dit-on, savent aimer, et la jalousie n’est 
pas dans leur caractère. Ils ont un vrai culte pour 
leurs supérieurs et observent scrupuleusement 
la discipline. [ls sont bons patriotes et, lorsqu'ils 
partent en voyage, ils emportent souvent un peu 
de terre prise dans le sol même de leur mai- 
son natale, qu'ils se plaisent à regarder; ils ne 
craignent pas tant la mort que de ne pas être en- 
sevelis dans le tombeau de famille. Le respect 
des ancêtres et des traditions nationales est un 
des traits saillants et intéressants du caractère de 
tous les Malgaches. Les Merina sont d’habiles 
commerçants; très intéressés, ils sont, par contre, 
laborieux, persévérants dans leurs entreprises et 
économes. Ils sont d’un tempérament plus délicat 
que les autres peuplades de l'ile, mais ils sont 
plus adroits et plus spirituels. Ils sont sobres (à 
l'exception de quelques grands personnages), pa- 
tients et ne se plaignent jamais de leur sort. Ils 
ne manquent pas d'un certain courage, et maintes 
fois ils se sont fort bien battus ; Carayon raconte 
que, dans le combat que nous leur avons livré à 
la Pointe-à-Larrée, ils se sont bravement conduits, 
lançant avec adresse et sang-froid leurs sagayes à 
bout portant et laissant sur le champ de bataille 
119 morts! 


1 L'exemple leur venait souvent de haut. Le trait suivant, 
peu connu, donne bien une idée de leur manière de penser 
et de faire. En 1825, un peintre distingué de l'ile Maurice, 
nommé Copalle, fut mandé à Madagascar pour faire le por- 
trait de Radama [er moyennant une somme fixée d’un com- 
mun accord à 1500 arrivant à Foulpointe, il 
trouva une lettre de ce souverain qui ne lui Gfirait plus que la 


piastres; en 


moitié du prix convenu. Indigné de ce manque de parole, il 
se préparait à retourner à l'ile Maurice, lorsque le gouver: 
neur de Foulpointe, Rafaralahy, le voyant décidé à quitter 


Madagascar, lui remit une seconde lettre datée du même jour 


que la précédente, où toutes ses conditions étaient acceptées. 
radama Ier avait pensé que probablement Copalle, ayant fait 
le voyage, aimerait mieux encore toucher 750 piastres que ne 


rien avoir du tout! 


52 A. GRANDIDIER — LES HOVA DE MADAGASCAR 


III 


Les chefs Merina ont toujours fait preuve d'esprit 
desuite dans leur politique, et dès longtempsils ont 
établi dans leur pays un ordre social très supérieur 
à celui des autres peuplades malgaches. C'est sur- 
tout dans l’organisation intérieure de l’Imerina 
que se révèle l'inégalité des races malaise et indo- 
nésienne pure. En 1595, les Sakalava de la baie de 
Saint-Augustin ont reçu la visite d’une floite hol- 
landaise, sous le commandement de l'amiral Cor- 
nélis de Houtman, et, depuis cette époque, il n’y a 
eu guère d'années où de nombreux navires, sur- 
tout anglais, ne soient venus mouiller sur cette 
rade et n'y soient souvent restés plusieurs se- 
maines. Fous les vaisseaux qui allaient dans l'Inde 
ou qui en venaient, y relàchaient, en effet, pour s'y 
ravitailler et surtout pour y prendre de l’eau: car, 
jusqu'à ce siècle, dans toutes les longues traver- 
sées, il fallait faire escale pour renouveler les pro- 
visions de toutes sortes. Or, ces Sakalava, qui, de- 
puis trois siècles, sont en rapports constants avec 
des Européens, n’ont jamais témoigné le moindre 
désir de se civiliser; ils sont aujourd’hui tout 
aussi sauvages qu'ils l’étaient lors de la découverte 
de l'ile, et les fusils, qu’ils ont possédés dès le mi- 
lieu du xvu° siècle, ne leur ont jamais servi qu'à 
piller et à razzier leurs voisins ou à tuer leurs 
ennemis personnels. Les missionnaires catholiques 
qui ont essayé soit à Baly, soit à Tullear, de les ci- 
viliser, ont dû renoncer à leur œuvre charitable; 
les Norvégiens, qui, depuis un quart de siècle, ont 
établi en divers points de la côte occidentale des mis- 
sions et des écoles, n’ont pas encore vu leurs efforts 
produire le moindre résullat appréciable. Ce que je 
viens de dire des Sakalava, qui sont avant tout des 
pasteurs, s'applique aussi, quoiqu’à un moindre 
degré cependant, aux peuplades de la côte orien- 
tale avec lesquelles nous sommes en rapport de- 
puis deux siècles et demi, et qui sont des agricul- 
teurs. Au contraire, les Merina (vw/yo Hova), qui 
n'avaient eu jusqu'à la fin du siècle dernier, aucun 
contact avec les Européens, avaient déjà, à cette 
époque, une organisation sociale remarquable. 
Mayeur, le premier blanc qui ait pénétré dans l'Ime- 
rina, en 1774, el qui avait fait auparavant, par 
ordre du célèbre aventurier Benyowsky, plusieurs 
voyages dans le nord et dans l'est de Madagascar, 
raconte avec admiration qu'il a trouvé établies 
dans celte province centrale de l’ile des indus- 
tries intéressantes, dont les produits s'échan- 
geaient sur des marchés tenus chaque semaine, à 
des jours fixes, dans les divers districts. Ce n’est 
pas, en effet, un spectacle banal dans un pays sau- 
vage que de voir arriver de grand matin, les jours 
de marché, des files interminables de piétons, la 


L. MAQUENNE — ASYMÉTRIE ET FERMENTATION >3 


plupart au pas gymnaslique, tous chargés de mar- 
chandises diverses, tous pressés, les enfants eux- 
mêmes portant une charge proportionnée à leur 
_ force. Voici, du reste, ce que dit Mayeur, l'homme 
… qui a le mieux connu Madagascar, dans le manus- 
… crit où il relate son second voyage fait en 1777 : 
- _« Les Européens qui n’ont fréquenté que les côtes, 
auront de la peine à croire qu'il existe dans l’in- 
- térieur de Madagascar, à trente lienes de la mer, 
dans un pays jusqu’à présent ignoré, qu'envi- 
ronnent de toutes parts des peuplades brutes et 
sauvages, plus de lumières, plus d'industrie, 
une police plus active, des arts plus avancés que 
sur les côtes, dont les habitants sont cependant 
en relations constantes avec les étrangers. Cest 
cependant la vérité! — Aucun peuple, ajoute-t-il 
plus loin, ne joint à plus d'intelligence naturelle 
une plus grande aptitude au travail; les hova, 
en effet, n'épargent pas leurs peines dans leurs en- 
treprises agricoles ou commerciales, el ils y mon- 
trent une constance inébranlable et une activité 
incroyable, déployant un travail continu dans 
une besogne ingrate et pénible, (elle que la culture 
de leurs terres stériles. » 

Dès que les Merina (vu/go Hova) ont été en rapport 
avec les Européens, ils ont cherché de suite à les 
égaler, à s’assimiler leur civilisation; il est vrai 
qu'ils ont commencé par nous copier dans nos actes 
extérieurs, comme aujourd'hui dans la religion, à 
quelques exceptions, ils s’altachent plus aux pra- 
tiques qu’à la morale elle-même ; mais ce désir de 
nous imiter suflit seul pour montrer quelle diffé- 
rence il y a entre eux el les autres tribus, qui n'ont 
jamais convoité que nos marchandises. Certes, les 
voyageurs ont souvent ri de ces Merina (Hova) qui, 


ASYMÉTRIE ET 


en portant notre costume, en imitant notre tour- 
nure el nos gestes, croyaient s'être élevés au ni- 
veau de notre civilisation: il n’en est pas moins 
vrai qu'il y avait là une tendance intéressante. Ces 
hommes si fins et si intelligents, mais ignorants, 
qui se rendaient parfailement comple de la supé- 
riorité des vazaha ou étrangers, et qui étaient dé- 
sireux d'atteindre leur niveau, se sont demandé 
quelle pouvait être la cause de la différence si 
grande existant entre eux et nous, et, notre costume 
étant ce qui les frappait le plus, ils l'ont aussitôt 
adopté, pensant ainsi devenir nos égaux ; l'illusion 
ne dura pas longtemps, et ils se mirent de nouveau 
à chercher la solution du problème qui les intéres- 
sait;ayantreconnu, après de longues délibérations. 
que les bœufs seuls n'avaient pas de religion, ils se sont 
décidés à se convertir en masse au christianisme 
auquel, avec toute raison, ils ont attribué le déve- 
loppement si étonnant de lacivilisation européenne. 
Au point de vue religieux, ils en sont encore, 
comme je l’ai dit, aux pratiques extérieures, et la 
morale des prédications faites journellement par 
les missionnaires n’a point eu sur leurs mœurs tout 
l'effet que l’on pourrait désirer; le germe n’en est 
pas moins déposé dans un terrain que je crois bon 
et où il se développera, donnant, plus tôt peut-être 
qu'on ne le pense, une ample moisson. 

Un changement dans l’élal social des Merina (vw/yo 
Hova), Lel que celui qui sera la conséquence naturelle 
et heureuse de notre protectorat, amènera forcé- 
ment une profonde etpromple transformation dans 
leur état moral et dans leur caractère. au plus 
grand bénéfice d'eux-mêmes et de notre pays. 

Alfred Grandidier, 


de l'Académie des Sciences. 


FERMENTATION 


A PROPOS DES RÉCENTS TRAVAUX DE M. EM. FISCHER 


_ Tout le monde connaît aujourd'hui l'étonnante 
fécondité du principe de l’asymétrie, introduit 
dans la science par M. Pasteur, il y a cinquante 
ans. Né de l'étude cristallographique des différents 
acides lartriques, il conduisait, entre les mains du 
Maitre, d’abord à la notion de l’hémiédrie non 
superposable, qui permet de conclure de la seule 
forme cristalline d’un corps à ses propriétés opti- 
ques, puis, par une extension des plus hardies, à 
cette admirable suite de recherches sur la vie cel- 
lulaire qui constitue maintenant une branche toute 
spéciale de la science et dont la portée est telle 

- que l'imagination se refuse à en voir les limites. 


4 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 
: 


Plus tard, entre les mains de MM. Le Bel et 
van ’L Hoff, le mème principe, passant de la molé- 
cule cristalline à la molécule chimique, devenait la 
base de la stéréochimie moderne ; l’action élective 
de la cellule vivante sur les corps asymétriques 
permettait de dédoubler les racémiques de syn- 
thèse et, en conséquence, de vérifier les prévisions 
de la théorie; voici enfin que M. Em. Fischer, dont 
les travaux sur la structure et la reproduction arti- 
ficielle des sucres sont déjà connus de nos lecteurs !, 


1 Voyez à ce sujet : Maquenne, {4 Synthèse des Sucres, 
dans la Revue du 30 mars 1890, et diverses chroniques dans 
les numéros du 15 avril et du 30 septembre 1890 


2+ 


* nd — es wi La CCE 
5 L. MAQUENNE — ASYMÉTRIE ET FERMENTATION 
vient de signaler une nouvelle relation entre l’a- | et la dulcite 
symétrie des ferments el celle des corps qui sont | 5 ou DE 5 
sensibles à leur influence. CH20H—C—C — C—C—CH0H 
IA ls 
OH H H OH 


L'asymétrie dont nous parlons ici est celle-là 
même à laquelle M. Pasteur faisait allusion dans 
ses premiers travaux, la même aussi qui s’observe 
dans la formule stéréochimique d’un corps aelif, en 
un mot celle qui résulte de la non-superposabilité 
d'une molécule, cristalline ou chimique, à son 
image spéculaire. Je distingue ici entre la molécule 
chimique et la molécule cristalline, parce qu'il me 
semble impossible que cette dernière subsiste 
encore dans les vapeurs actives dont la densité est 
normale et dont, par conséquent, les molécules 
élémentaires sont libres, au même litre que chez 
les gaz parfaits. 

Dans la théorie de MM. Le Bel et van ‘t Hoff, il y 
a asymétrie et pouvoir rolatoire toutes les fois que 
la molécule renferme un atome de carbone lié par 
ses quatre valences à autant d'éléments ou de radi- 
caux monovalents distincts : c’est le cas de l'acide 
lactique : 

H 
| 
CO‘H=C-CH:, 
of 
et du propylglycol: 
H 
CHOC CHF, 
DÉS 


qui sont les plus simples de tous les corps actifs 
connus. 

Lorsqu'un tel corps exerce le pouvoir rotatoire 
dans un sens, son symétrique l’exerce dans l’autre, 
avec la même intensité ; par combinaison molécu- 
laire, stable seulement à l’état solide, deux corps 
opliquement inverses peuvent toujours donner un 
racémique, inactif par compensation et dédoublable 
en ses deux composants actifs; enfin, si la molé- 
cule admet un plan de symétrie, il est toujours 
possible d’y concevoir un arrangement atomique 
tel que son image lui soit superposable : d'où l’exis- 
tence d'une quatrième forme stéréochimique qui 
reste inactive dans toutes les circonstances et ne 
se laisse jamais dédoubler, quel que soit d’ailleurs 
le nombre de groupes asymétriques présents dans 
la molécule. 

L’acide paratartrique 

H H 
| | l 
CO?H—C—C—CO?H, 
OH oH 


en sont des exemples bien connus., 

Il existe donc chez les corps asymétriques : 1° un 
nombre pair 2 n d'isomères actifs, formant # 
groupes de deux termes optiquement inverses, l’un 
droit et l'autre gauche; 2° » racémiques, corres- 
pondant à chacun de ces groupes, et, enfin 3° un 
certain nombre d'isomères inaelifs par constilu- 
tion. Ceux-ci, de même que les racémiques, se dis- 
tinguent aisément les uns des autres et de leurs 
isomères actifs : leurs solubililés, leurs formes 
cristallines, leurs températures de fusion, leurs 
densités, ete., sont nettement différentes; mais les 
inverses optiques se ressemblent à tel point, par 
leurs propriétés physiques et chimiques, qu'il est 
parfois diflicile de les caractériser autrement que 
par le polarimètre ou le sens de leur hémiédrie. 

C'est qu'en effet ils possèdent, l’un par rapport à 

l'autre, la plus grande analogie de structure qu'il 
soit possible de concevoir entre deux corps qui ne 
sont pas identiques. Celle analogie persiste, aussi 
profonde, quand on combine deux corps optique- 
ment inverses avec une même substance inactive; 
elle disparait, au contraire, ainsi que M. Pasteur 
a fait voir dès 1848, quand on les unit à un pro- 
duit actif quelconque : c’est ainsi que les tarlrates 
droits et gauches de cinchonine, de quinine, de 
strgchnine et de brucine, montrent des différences 
notables dans toutes leurs propriétés, que le tar- 
trate droit d'asparagine cristallise aisément, alors 
que son isomère gauche resle loujours sirupeux, 
que l’acide tartrique droit se combine seul au ma- 
late d’ammonium, etc. 

Ces faits résultent évidemment de ce que la plus 
grande dissymétrie des molécules ainsi constiluées 
rend alors leur configuration géométrique plus 
dissemblable; il n’en est pas moins curieux de voir 
qu'il y a là, entre un corps actif déterminé et les 
deux inverses d'un autre corps également actif, une 
sorle de choix, une vérilable élection, qui est sou- 
vent assez nette pour permettre d'effectuer le dédou- 
blement d’un racémique en ses deux composants. 

Une distinelion du même ordre a été faite autre- 
fois par M. Pasteur au sujet de l'attaque des corps 
asymétriques par les micro-organismes : le Pericil- 
lium  glaucum, par exemple, détruit rapidement 
l'acide tartrique ordinaire droit, alors qu'il respecte 
l'acide lartrique gauche; il résulte de là que l'acide 
racémique, combinaison équimoléculaire des deux 
acides lartriques aclifs, prend sous son influence 
un pouvoir rolaloire lévogyre. Le fait est, d'ail- 
leurs, d'une grande généralité, et nombre de com- 


: 
! 
i 


TT TE 


L. MAQUENNE — ASYMÉTRIE ET FERMENTATION 55 


posés racémiques de synthèse ont pu être ainsi 


dédoublés et caractérisés par les moisissures, sous 
les seules conditions de pouvoir être atlaqués par 
_elles et de ne pas entraver leur développement. 
Les levures se comportent de même vis-à-vis 
des sucres, et il y a déjà plusieurs années que 
M. Em. Fischer a vu l'acrose ou lévulose racémique 
prendre, pendant la fermentation, un pouvoir rota- 
toire vers la droite ; par une étude plus approfondie 
- de l’action des ferments sur les sucres, le même 
auteur vient d'arriver à de nouvelles conclusions 
plus précises encore et de nature, il nous semble, 
à rapprocher l'asymélrie vitale, telle que la con- 
çoil M. Pasteur, de l’asymétrie géométrique des 
chimistes. 


IL 


On sait que, parmi les seize aldohexoses 
CH 20° prévues par la théorie, onze sont aujour- 
d'hui connues : ce sont la #annose, la glucose, la ga- 
lactose. la qulose et l'idose ordinaires droites, leurs iso- 
mères gauches et enfin la évlose dextrogyre. Les trois 

premières, c'est-à-dire les trois hexoses naturelles, 

sont seules fermentescibles ; or, si l’on se reporte 
à leurs formules de constilution, il est facile de 
voir que ce sont précisément celles qui offrent la 
plus grande analogie de structure moléculaire : 
on en jugera, d’ailleurs, par les schémas suivants, 
qui expriment, dans la notation stéréochimique ac- 
tuelle, la configuration des trois hexoses fermen- 
tescibles : 


H HOHH H H OH OH 
ele Eeel 
CH20H—C—C—C—C—CHO con 66 (cm0 

(AE EM a 
OH OH H OH = NOMOH EME 


d. glucose d. mannose 


HAOHMOHLE 


lea 
CH20H—C <g —C — CG —CHO 


| le 
OH # H oh 


d,. galactose 


MM. Fischer et Thierfelder concluent de là qu'il 
doit exister, pour que la fermentation se déclare, 
un rapport nécessaire entre la dissymétrie du 
sucre fermentescible et celle des principes actifs 
du ferment ; remarquant, en outre, que ces prin- 
cipes actifs, de nature albuminoïde, dérivent sans 
aucun doute d’hydrates de carbone naturels et 
vraisemblablement de la glucose droite, ils n’hési- 
tent pas à dire que la levure, à l'aide de ses éléments 
dissymeétriques, attaque seulement les espèces de sucres 
dont la structure géométrique n'est pas trop éloignée de 
celle de la glucose ordinaire \. 


1 Em. Fiscmer et THIERFELDER, Ber. der. deuls. chem. Ge- 
sels., t. XX VII, p. 2036. 


< 


L'importance d’un pareil résultat n’échappera à 
personne; cependant, on peut se demander, comme 
à la suite des travaux de M. Pasteur sur le dédou- 
blement des racémiques par les micro-organismes, 
s’il est logique d'étendre à un phénomène d'ordre 
vital, et par conséquent trop complexe pour être 
analysé jusque dans ses détails, les considérations 
d'ordre expérimental ou spéculatif, qui ressortent 
des études stéréochimiques. 

L'action des ferments, en général, n’a du reste 
rien d’absolu : l'espèce de levure employée exerce 
une influence notable sur les résultats : toujours 
la galactose fermente moins activement que ses 
isomères ; elle n’est même pas attaquée par le 
Saccharomyces apiculatus, non plus que le sucre or- 
dinaire ni la maltose ; on ne saurait donc accepter 
la manière de voir de MM. Fischer et Thierfelder 
qu'avec beaucoup de réserve, si elle n’était fondée 
que sur l'étude de la fermentation alcoolique. Tout 
au moins faudrait-il montrer, pour que cette opi- 
nion acquit une valeur vraiment scientifique, que 
les produits actifs indéterminés que sécrètent la 
cellule vivante, jouissent encore, en dehors de 
celle-ci, des mêmes propriétés et sont, comme les 
substances simples de la série tartrique ou l’or- 
ganisme de la levure entière, capables aussi de 
faire un choix entre les différents isomères actifs 
qu'on leur offre. 

C'est ce que M. Em. Fischer vient d'établir dans 
un mémoire tout récent, relatifà l’action des dias- 
tases (invertine et émulsine) sur les glucosides #. 

On sait que les sucres réducteurs C£Ht206 s’u- 
nissent aux alcools de la série grasse, en présence 


d’acide chlorhydrique, pour former des espèces de 


glucosides que l’hydrolyse dédouble en leurscom- 
posants, comme les glucosides naturels. Avec l’al- 
cool méthylique, en particulier, la glucose droite 
donne deux composés stéréo-isomères : 


H—C—0CH3 CH*0—C=H 
/ CHOH /CHOH 
0 à (DÉBTERX 
\ CHOH \ CHOH 

CH et CH 
| 
CHOH CHOH 
| 
CH20H CH20H 


qui possèdent à la fois les fonctions d'alcool, 
d'anhydride et d’éther. 

Le premier a été découvert par M. Fischer lui- 
même, l’autre par M. Ekenstein; tous deux sont 
cristallisés et, ainsi qu'on peut le voir au seul 
examen des formules précédentes, ne diffèrent 
chimiquement que par l'orientation des groupes 
saturant le dernier atome de carbone, celui qui, 
dans la molécule primitive de la glucose, portait 


l Ber. der. deuts. chem. Gesels., t. XX VII, p. 2985. 


/ Gil 


56 


la fonction d’aldéhyde. Appelons-les, avec M. Fis- 
cher. « et£. 

L'expérience prouve que l'invertine de la levure, 
additionnée de chloroforme pour éviter l’interven- 
tion des ferments organisés, dédouble le composé 
« à la façon des acides, c’est-à-dire par hydrolyse 
simple, en glucose et alcool méthylique. Le com- 
posé É, dans les mêmes conditions, n’est pas alla- 
qué, un mélange des deux ne l’est que partielle- 
ment, — de même que les benzyl et glycérylgluco- 
sides bruts, qui renferment à la fois les deux iso- 
mères correspondant aux méthylglucosides zet f. 

Les glucosides de la série gauche, c’est-à-dire 
ceux qui dérivent de la glucose lévogyre, résistent 
tous, ainsi que ceux que l’on obtient en partant de 
la galactose, de la rhamnose et de l'arabinose. 

L'émulsine présente des singularités du même 
ordre et on la voit encore rester sans aclion sur les 
alcoyliglucosides gauches ; mais, à l'inverse de 
l'invertine, elle n'attaque, parmi leurs isomères 
droits, que les composés de la série 6. 


II 


Il y a done, de la part de ces albuminoïdes sin- 
guliers, — si sensibles et si altérables qu'on pour- 
rait dire qu'ils sont presque vivants encore, — 
une action élective semblable à celle que nous 
avions reconnue plus haut entre corps aclifs cris- 
tallisables ou entre ferments et corps fermentes- 
cibles. M. Fischer en tire quelques indications sur 
la structure moléculaire probable des glucosides 
naturels : remarquant, par exemple, que la plupart 
des glucosides aromatiques, salicine, coniférine, 
arbutine ou autres, sont altaqués par l’émulsine 
seule, il les range dans la série 6, c’est-à-dire les 
considère comme présentant la même constitution 
stéréochimique que le 8 méthylglucoside. 

La lactose, qui est aussi dédoublée par l’émul- 
sine, mais résiste à l'invertine, ferait partie du 


__même groupe, tandis que la saccharose et la mal- 


/ 


F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE 


tose, sur lesquelles l’émulsine n’agit pas, seraient à 
classer dans la série 4; enfin l’amygdaline, qui est 
complètement hydrolysée par l’émulsine, mais ne 
perd avec l’invertine que la moitié de son sucre, 
sans dégagement d'aldéhyde benzoïque ni de for- 
monitrile, aurait une structure intime plus com- 
plexe que celle de ses congénères. 

Mais ce ne sont là que des conséquences hypo- 
thétiques et discutables, sur lesquelles nous n’in- 
sisterons pas davantage, d'autant plus qu’elles s’é- 
cartent de notre sujet. Le point capital de toute 
cette étude est, à notre sens, le choix que font 
entre elles les substances aclives de toute prove- 
nance, spécialement celles qui ont pour origine 
le protoplasma vivant. Ce choix n’est sans doute 
qu'un cas particulier des phénomènes d'isomérie 
dont on connait un si grand nombre d'exemples, 
etilne serait pas impossible de rapprocher tous 
ces faits des expériences de M. Menschutkine sur 
l'éthérification des alcools primaires, secondaires 
el Lertiaires; cependant, l’isomérie stéréochimique 
étant celle qui s’observe le plus fréquemment chez 
les principes organiques naturels, il nous semble 
que c’est elle qui doit atlirer davantage notre at- 
tention, toutes les fois qu'on à en vue quelque 
phénomène touchant de près ou de loin à la vie. 

Les dernières recherches de M. Fischer, suite 
naturelle de ses admirables travaux surles sucres, 
nous donnent l'explication rationnelle d’un cer- 
ain nombre de faits restés jusqu'à présent dans 
le domaine dela Biologie; c'est pour cette raison 
que nous avons cru ulile d'en rendre compte ici. 

Remarquons, en terminant, que cette explica- 
tion, — entièrement fondée sur la notion d’asy- 
mélrie, — confirme de la manière la plus heureuse 
les idées que M. Pasteur résumail autrefois en ces 
quelques mots caractéristiques : « La vie est dominée 
« par des actions dissymétriques, dont nous pressentons 
« l'existence enveloppante. » L. Maquenne, 


Docteur ès-sciences, Assistant au Muséum, 


LE ROLE DE LA SCIENCE 


DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE 


D'une époque à une autre, d'un lieu à un 
autre, l'industrie agricole se présente sous les 
formes les plus diverses. Ce ne sont ni les mêmes 
produits, ni les mêmes méthodes de production. A 
quoi tiennent ces différences? Au climat et au Ler- 
rain cerlainement, mais aussi aux débouchés, qui 
décident, en définitive, du choix des opérations et 
de la manière de les conduire. La demande pro- 


voque l'offre et lui sert de régulateur: sans ache- 
teurs, la production s'arrête; elle s’accroit à me- 
sure que le marché s'étend. 


Il 


Quand, dans la deuxième moitié du siècle der- 
nier, Turgot cherchait à déterminer les causes de 
la supériorité de la culture des environs de Paris 


' 


| 
| 
| 


RSS NT EP AR NT UT 


is 


RE A ÉR den Dé D ES tt té ds D ds di en nd nt ne DS 


ur celle du Centre, il n'en trouvait d’autre que le 
oisinage de la Capitale. Suivant lui, les plaines 


depuis Poitiers jusqu'à Angoulême, une partie du 
Berri, de la Tourraine, du Périgord, du Quercy, 
taient, certainement, au moins égales en bonté 
ux terres des environs de Paris, et cependant elles 


‘étaient pas exploitées de la même manière. 


_« La raison s’en présente d'elle-même, disait-il, 
c’est que les denrées n’y ont pas la même valeur. En 
effet, malgré les entraves que notre ancienne police 
mettait au commerce des grains, l'immense consom- 
mation de la Capitale et la concentration des dépenses 
dans cette partie du Royaume y a toujours soutenu un 
prix un peu au-dessus du marché général pour les 
consommateurs, et qui, pour les vendeurs, n'a pas été 
au-dessous, pour que la culture par fermiers n’ait pu 
Se soutenir. Dans les provinces méditerranées, au con- 
- traire, le prix moyen pour les vendeurs a été cons- 
 tamment (rès inférieur au prix du marché général, 
_ c'est-à-dire au prix commun de la Capitale et des ports. 
Dès lors la grande culture ou cullure par fermiers n’a 
pu s’y établir !, » 


2 


La grande culture, appuyée sur le régime du 
fermage, caractérisait à ses yeux la culture riche; 
le métayage, avec la petite cullure, élait le mode 
d'exploitation des pays pauvres. C'était, du reste, 
. l'opinion dominante de son temps, celle que déve- 
. loppait, vers la même époque, Quesnay, le chef de 
l'Ecole des physiocrates, dans les articles Grains 

et Fermiers de l'Encyclopédie. Les pays de grande 
. cullure passaient alors pour avoir le privilège de 
 l'assolement triennal, qui ne comporte qu’une 
- sole de jachères sur trois: on y employait les che- 
- vaux à la charrue, et l'entretien des moutons y était 
- d’un usage général. Dans les pays de petite culture 
- dominait, au contraire, l’assolement biennal, dans 
- lequel les céréales allernaient d'année en année 
avec la jachère; c'était le bœuf qui était occupé 


aux travaux de l'exploitation, et on n’y rencontrait 


pas de troupeaux. Et, entre tous ces éléments ca- 
_ ractéristiques des deux types de culture les plus 
répandus, passaient pour exister des relalions 
étroites de cause à effet. C'était s'avancer bien 
loin par voie de déduction, et le temps a infirmé 
- plusieurs de ces opinions d’autrefois; mais la base 
sur laquelle elles reposaient ne manquait pas 
cependant de solidité. Les difficultés d’écoule- 
ment des marchandises agricoles maintenaient 
alors l’agriculture du Centre dans un état naturel 
d'infériorilé par rapport à celle de l'Ile de France, à 
condilions égales de sol et de terrain. 
Sans doute, c'est le débouché qui agit sur le 
choix des modes d'exploitation, et si l’on sup- 
pose que les autres éléments du problème qu'il 
“s'est posé sont égaux, c’est évidemment la consi- 
kdération du débouché qui prime tous les autres. 


1 Turcor. Lettres sur le commerce des grains, 


F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE 57 


Son action est incontestable, mais il est à remar- 
quer que le débouché s’est généralisé et qu'il n'agit 
pas de même dans tous les milieux. 

Le débouché s’est généralisé: c’est le fait de l’ac- 
croissement de la population et du perfectionne- 
ment des voies de communication ainsi que des 
moyens de transports. 

Le voisinage d’un marché n’a plus les mêmes 
avantages qu'autrefois, ce n’est plus un obstacle 
insurmontable que celui des déplacements de mar- 
chandises ; souvent on a répété que les distances ne 
comptentplus,c'estune exagération. Elles comptent 
encore, et beaucoup pour quelques produils; mais 
elles comptent de moins en moins pour le plus 
grand nombre. S'il y a profit à être rapproché d'une 
ville, iln’y a plus d’inconvénient aussi grand à en 
être éloigné. La vente du lait en nature, la culture 
maraichère, l'échange despaillesetdes fumiers,etc., 
supposent des centres de population peu éloignés, 
bien que le rayon qui comporte ces opérations ait 
pris une grande extension. Nos principales pro- 
ductions agricoles, celles des céréales, des plantes 
industrielles, de la vigne et du bétail sont mainte- 
nant possibles partout chez nous. L'économie qui 
peut résulter des nombreuses dépenses de trans- 
port n’est plus rien, pour ainsi dire, à côté de celle 
qui provient des facilités de la production. On ne 
dédaigne pas les bénéfices d’un emplacement 
favorable, on s’en passe sans trop de peine. Les 
campagnes les plus reculées ont accès au marché 
général; il y a plus, tous les pays du globe s’y ren- 
contrent en dépit des espaces qui les séparent, 

En s'étendant, le débouché rend à chaque mi- 
lieu ses avantages naturels. Aussi, pour s'expliquer 
les différences des systèmes de culture, convient-il 
de plus en plus de faire abstraclion des silualions 
pour s'arrêter de préférence aux conditions de 
climat et de sol. L'influence du débouché n’a rien 
perdu de son importance, c’est toujours elle qui 
domine la silualion, mais elle tend à s'exercer 
indistinetement partout. De fonction variable, elle 
se transforme ainsi en fonction fixe, plus ou moins 
susceptible d'élimination. 

Sollicitée par les demandes, favorisée par l’ac- 
eumulation continue des capitaux, la culture se 
transforme sans cesse, en modifiant ses procédés. 
Ses changements ne lendent pas à des résultats 
toujoursidentiques en apparence :ilsse manifestent 
par des méthodes diverses appliquées à l’accrois- 
sement de productions souvent étrangères les unes 
aux autres. Dans leur évolution cependant, ils pro- 
cèdent de principes généraux qui sont toujours 
les mêmes, et reposent sur le développement con- 
tinu des facultés productrices du terrain. 

C'est de cette conception du progrès continu de 
la fécondité du sol que dérive la théorie classique 


58 


r 


de la succession des périodes culturales de Royer. 
Dans l'esprit de son auteur, elle était destinée à 
servir d'éléments à un mode d'estimation quasi- 
mathématique de la valeur des propriétés fon- 
cières ; ce n'était qu'un travail accessoire, c'est 
cependant tout ce quiestresté du travail d'ensemble 
dont elle faisait partie; on a oublié le reste. Pour 
Royer, les terres les moins fertiles appartiennent 
à la période forestière, et ne peuvent être utilisées 
avec profit que par le boisement. Sous l'influence 
de l'enrichissement graduel du sol occupé par des 
essences de résineux ou de feuillus, à la période 
foreslière succède, après un certain temps, la 
période pacagère, qui conduit elle-mème à la 
période fourragère. La rentrée des fourrages fau- 
chables, avec la stabulation et la production du 
fumier qui en sont les conséquences, prépare de 
nouveaux progrès. On passe ainsi à la période 
céréale et, grâce aux litières qui sont obtenues en 
abondance, les ressources fertilisantes augmentent 
rapidement, si rapidement qu’on finit par en être 
embarrassé. Le blé serait exposé à la verse, si on 
n'introduisait dans les rotations des plantes indus- 
trielles, comme les oléagineuses et les textiles, 
qui sont des plantes essentiellement épuisantes. 
Leur intervention caractérise la période commer- 
ciale, celle qui est la plus riche de toutes, — la pé- 
riode jardinière, plus productive encore, ayant 
une place à part. 

Sous une apparence plus scientifique, le comte 
de Gasparin s’est inspiré de doctrines analogues 
dans sa classificalion des systèmes de cullure. Ce 
sont pour lui les systèmes de culture qu'il appelle 
physiques, ceux qui consistent dans l’utilisation des 
produits spontanés du sol, sans qu'aucun effort ne 
soil fait pour en accroître la masse, qui marquent 
les débuts de la culture. A ce type appartiennent 
le système des forêts et celui des pâturages. Au- 
dessus de ces modes d’exploitation du sol, avec 
lesquels la nalure agit seule, se placent les sys- 
tèmes wndro-physiques qui se distinguent par l'appui 
que prètent les forces mécaniques aux agents na- 
turels de la production. La charrue y joue un rôle 
de plus en plus important. Dans cette classe 
rentrent toutes les combinaisons culturales à base 
de jachère, depuis la culture intermittente ou cel- 
tique, marquée par des cullures séparées par de 
longs intervalles d'abandon du terrain à lui-même 
jusqu'à la cullure normale classique, qui com- 
porte un an de repos sur trois pour les champs 
cultivés. L'emploi des engrais inaugure enfin une 
ère nouvelle, celle des systèmes androcliques, les 
plus avancés de tous. Ce sont lantôt les engrais 
obtenus en dépouillant des surfaces abandonnées 
comme des landes, des bois, des roselières, tantôt 
des engrais obtenus sur les terrains mêmes sou- 


F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE 


mis à la culture, et, dans ce dernier cas, on se. 


trouverait en présence des formules les plus 
élevées de la culture de son temps. 

On en était là en 1850. Le problème cultural 
consistait à accroitre la fertilité du sol par l’aug- 
mentation des fumiers produits sur place. On ne 
cherchait pas ailleurs et on ne le pouvait pas, 
parce qu’il n'y avait pas alors à compter sur les 
matières ferlilisantes de l’industrie. Aussi, se dé- 
baltail-on contre une siluation souvent insoluble, 
et le progrès agricole semblait-il assez étroitement 
limité. Ses horizons se sont depuis considéra- 
blement élargis. 

Au fond, l’évolution de l’industrie agricole est 
guidée par une tendance constante à l’augmen- 
tation des produits du sol, augmentation de ces 
produits en nature, augmentation en valeur aussi. 
C’est à la masse de marchandises que l’agriculture 
met à la disposition de la société que se mesure sa 
puissance ; c’est à son accroissement que tient le 
développement du bien-être au milieu des popu- 
lations rurales. Aussi est-ce dans le chiffre du 
produit brut qu'on a cherché à trouver l'élé- 
ment caractéristique des situations agricotes. C'est 
P.C. Dubost, le regretté professeur d'économie 


rurale de Grignon, qui, dans ces derniers temps, a, 


rappelé l'attention sur cette donnée essentielle, 
déjà signalée par Léonce de Lavergne. Selon lui, 
il n'y aurait d'autre base rationnelle à une classifi- 


calion des systèmes de culture ; elle fournit à coup 


sûr un moyen de comparaison d’une valeur incon- 
testable. ‘ 

L'évaluation des produits bruts d’une exploi - 
talion rurale n'est pas un problème aussi facile à 
résoudre qu'on pourrail être tenté de le croire. 
M.E. Levasseur en à signalé les difficultés, en 18914, 
dans une longue discussion à la Société nationale 
d'Agriculture ; nous en avons nous-même, quelque 
temps après, montré les complicalions à peine 
soupçonnées, dans un mémoire publié dans les 
Annales ayronomiques de M: P. P. Dehérain. L’éva- 
lualion de la production totale de l’agriculture 
française considérée dans son ensemble est bien 
plus ardue encore. Quand on en a étudié et dis- 
culé les bases, on ne peut s'étonner des différences 
que montrent les tentatives d'estimation faites 
isolément, alors même qu'elles reposent sur des 
données à peu près identiques. À la veille de la 


Révolution française, Dupont de Nemours portait. 


à 4 milliards de francs la valeur lotale des produits 
de notre agriculture; selon Lavoisier, qui n'était 
pas seulement un chimiste éminent, mais qui était 
aussi un économiste distingué, elle n’était que de 


2 milliards 700 millions. D'après la statistique. 


décennale de 1852, elle atteignait 8 milliards 700 
millions, et cependant, en 1860, Léonce de Laver- 


ouais -Aloé cat din motéréter as sé tn ÈS 


| 
Ë 


” 


| 


F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE 59 


gne ne la fixait encore qu’à 5 milliards. Elle aurait 
passé, d’après les slalisliques décennales, à 11 mil- 
liards 600 millions en 1862 et à 13 milliards 
400 millions en 1882. C'est là le dernier chiffre 
officiel, mais un chiffre qui, pas plus que les pré- 
cédents, ne saurait être accepté sans observation. 
Les calculs de l'administration peuvent comporter 
des oublis, ils comportent manifestement des 
doubles emplois, dont l’éliminalion ramène les 
chiffres officiels à un peu plus de 10 milliards seu- 
lement. Enfin, suivant M. Le Trésor de la Rocque, 
qui s'est attaché à arriver à un chiffre aussi précis 
que possible, notre production agricole totale ne 
serait pas moindre de 19 milliards. D'un auteur 
à l'autre, les résultats obtenus varient du simple 
au double. 

Quelles que soient les divergences de chiffres 
qu'on puisse relever entre diverses évaluations, l’ac- 
croissement de la production agricole de la France 
dans le cours de ce siècle esl évidente. Elle ressort 
d’une manière précise des estimations même les plus 
discordantes. Si son importance semble s’arrèter et 
dévcroitre depuis quelques années, ce n’est pas 
dans la diminution des produits en nature qu'il faut 
en chercher la cause, mais bien dans la diminution 
des prix. 


IE 


C'est jusqu'à présent sous la sollicitation de 
débouchés toujours plus étendus que s’est accrue 
la force productive de l’agriculture ; l’art de l’ex- 
ploitation du sol a profité de toutes les améliora- 
tions qui ont été apportées dans l'organisation du 
mécanisme social : il a profité des progrès généraux 
qui ont favorisé l’essor de toules lesindustries ; ila 
profité enfin de l'application de méthodes cullu- 
rales nouvelles qui, celles-là, sont exclusivement 
dues aux recherches directes des cultivateurs et aux 
découvertes de la science, dont la pratique réalise 
chaque jour un bénéfice plus considérable. 

L'agriculture a suivi le mouvement général qui 
a amené des transformations continues dans tous 
les milieux: mais elle ne s’est pas contentée de se 
laisser entrainerparles événements, de céder à l'im- 
pulsion qui lui venait du dehors ; elle a marché 
d'elle-même et substitué peu à peu à ses procédés 
anciens de nouveaux procédés plus perfectionnés. 
Jamais, du reste, elle ne s’est désintéressée du pro- 
grès, et, si on veut se donner la peine de regarder les 
choses de près, on s'assure bien vite que la répu- 
talion d'industrie roulinière, qui lui est conservée, 
n'est nullement justifiée. IL y a des cultivateurs 
arriérés, ce n'esl pas douteux, comme il y a eu 
et comme il y a des industriels indolents; mais de 
tout temps l'agriculture a compté des hommes 
d'avani-garde qui ont tracé la voie à leurs succes- 


seurs. Et si, à certaines époques, l’espril d’initia- 
tive a pu paraitre sommeiller chez ses représen- 
tants, il est à coup sûr maintenant aussi éveillé 
que partout ailleurs. 

L’agricultureestune dépendance étroite duclimat 
d’abord et du sol ensuite; son aclion s'exerce par 
la culture des végétaux et le soin des animaux. Ses 
efforts en vue de l'augmentation de la production 
ont porté à la fois sur le climat, sur le sol, sur les 
plantes et sur les animaux. 

Contre le climat l’homme n'a guère d'empire. 
Ceserail lropavancer que de dire qu'il n’en aaucun. 
Sans aller jusqu'aux cultures en serre ou même 
sous abri, qui affranchissent les horticulteurs des 
accidents météorologiques en leur permettant de 
régler, comme à leur gré, la température et l’état 
hygrométrique de l'air, les cultivateurs ne sont pas 
absolument réduits à l'impuissance. On sait, par 
exemple, comment, dans la vallée du Rhône nolam- 
ment, ils savent se défendre contre la violence des 
vents par des haies de cyprès; on sait comment ils 
réussissent depuis quelques années à garantir leurs 
cultures contre les effets du rayonnement nocturne, 
au printemps, en usant des nuages artificiels. Ce ne 
sont là, sans doute, que des procédés d’une appli- 
cation restreinte, mais ce ne sont pas des procédés 
à dédaigner. Les études de météorologie agricole 
n’auraient-elles d’autre résultat que de mettre en 
évidence les condilions atmosphériques que com- 
portela réussite de certains végétaux, qu'elles pour- 
raient éviter bien des fausses opérations. On a es- 
sayé de les déterminer: il reste beaucoup à faire 
utilement dans ce sens. Ce serait rabaisser Ja 
science météorologique que de la ramener à une 
simple question de prévision du temps: elle a bien 
des phénomènes à nous expliquer, et chacune de ses 
explicalions contribuera à rendre l'homme plus 
indépendant du climat. S'il ne peut le modifier 
que dans une faible mesure, il peut du moins l'uti- 
liser plus complètement à son avantage. 

Le cultivateur doit, malgré tout, se plier au 
climat et se conformer, en règle générale au moins, 
à ses particularités; son indépendance du sol est 
beaucoup plus grande. 11 peut, à la rigueur, le 
constituer lui-même, et c'est ce que font dans bien 
des cas les jardiniers; mais c’est là un mode de 
culture comparable à la cullure sous verre, qui 
n’a pas d'application sur de grandes surfaces. 
L'agriculteur ne va pas aussi loin, il sait cepen- 
dant de mieux en mieux adapter le terrain à ses 
besoins. Le bon aménagement des eaux, l'ameu- 
blissement et l’approfondissement de la couche 
arable, l’usage des amendements el des engrais 
permettent d'opérer des transformations considé- 
rables, qui se traduisent généralement par des excé- 
dents notables derécoltes, quand ce n’est pas par la 


A Ai nt. 


60  F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE 


mise en valeur de terres naturellement stériles. 

De tous ces moyens d’aclion, le premier est le 
plus anciennement connu, celui qui produit ordi- 
nairement les résultats les plus remarquables. 
L'origine des irrigations se perd dans la nuit des 
temps. et leur pratique, qui a été partout en hon- 
neur aux premiers àges des civilisalions, n'a jamais 
cessé d’être suivie. L'eau est un des éléments essen- 
tels indispensables de la végétation. Dans les ré- 
gions brûlées par le soleil, elle produit des mer- 
veilles ; sous des climats plus modérés, elle amène 
souvent des résultats considérables. Quand on parle 
d'irrigation, l'attention se porte immédialement 
vers les contrées de l'Algérie, de l'Italie, de l'Es- 
pagne et celles de nos départements méridionaux, 
dont les arrosages ont fait la richesse. Pour ne pas 
avoir, en général, des conséquences aussi impor- 
tantes, d'autres travaux d'utilisation des eaux ont 
permis des cullures très rémunératrices, qui n'ont 
été possibles qu'après leur exéculion. Sans les 
eaux qui les fécondent, l'emplacement qu'occupent 
les riches prairies de la Campine belge serait aussi 
stérile que les dunes qui l’environent. On ne trouve 
guère en France de bons prés naturels sans arro- 
sage, mème sous le ciel brumeux de la Brelagne ; 
la culture maraichère ne peut s'en passer nulle 
part. 

L'eau, qui est un stimulant puissant de la végé- 
tation, est aussi un auxiliaire de l'homme dans ses 
travaux d'amélioration; c'est un agent souvent tres 
économique de transport des particules terreuses. 
On y a eu recours avec profil en plusieurs circons- 
tances, et notamment dans la Crau, pour super- 
poser à un sol ingrat une couche de terre fertile. 

Si l’eau estutile en agricullure à plusieurs points 
de vue, son excès est souvent nuisible, et son éva- 
cualion rend parfois autant de services aux culli- 
valeurs qu'en a rendus son adduction. C'est en se 
débarrassant des eaux surabondantes qu'on à con- 
quis au domaine agricole de vastes espaces sur des 
marais, sur des lacs et jusque sur de véritables 
mers intérieures. Les moëres et les watteringues 
du Nord, les marais de la Vendée n'ont pas d'autre 
origine. Il n’est personne qui ne connaisse les pol- 
ders de la Hollande; bientôt, peut-être, le Zuyder- 
zée sera en partie desséché et gagné à la culture, 
comme l'a été déjà l’ancienne mer de Haarlem. De 
simples assainissements de terres humides ne 
peuvent provoquer des transformations aussi frap- 
pantes, mais ils sont susceptibles d’être appliqués 
à des étendues beaucoup plus considérables, et, 
dans leur ensemble, les eflets n'en sont pas 
moindres. Ce sont des opéralions qui ont pris, 
depuis 1850 surtout, un très grand développemenL. 

La productivité du sol lient à son élat d'humi- 
dilé el au régime des eaux; elle lient aussi à son 


état d’ameublissement. Jusqu'au commencement 
de ce siècle, on ne l'attaquait que superficielle- 
ment, et on né pouvait faire plus avec les instru- 
ments dont on disposait. Les progrès de la méca- 
nique, secondés par la substitution du fer au bois, 
ont amené une révolulion complète dans les pro- 
cédés de culture. Notre matériel agricole s’est 
modifié etcomplété sous toutes ses formes; il per- 
met maintenant d'aborder des entreprises impos- 
sibles autrefois. À la conquête du sol en superficie 
succède sa conquête en profondeur, qui étend 
de plus en plus les limites de sa production en 
augmentant la masse des terres mises à la dispo- 
sition des plantes. c 

La préparation du sol a pour complément sa 
fertilisation méthodique. Les procédés plus ou 
moins empiriques qui ont été longtemps en usage 
disparaissent maintenant devant des procédés de 
plus en plus ralionnels. Ce n’est pas de notre épo- 
que qu'ont élé soupçonnés les lois de la restitu- 
tion; on les a entrevues depuis longtemps, mais 
on ne pouvait arriver à les formuler avec quelque 
précision qu'à la suite de la découverte des pre- 
miers principes de la Chimie moderne. Jusqu'à 
Lavoisier, on était forcément réduit à des hypo- 
thèses sur le phénomène de la nutrilion végé- 
tale. Ses premières études ont élé mises à profit 
par l’agriculture, et, déjà en 1800, on en prévoyait 
les conséquences pratiques. 

« L'analyse chimique des plantes, — lit-on dans le 
traité de la culture des grains de Parmentier, écrit, 
avec la collaboration de labbé Rozier et d’autres 
agronomes de son temps, — démontre jusqu'à l’évi- 
dence la plus palpable et la plus matérielle que l’on en 
retire de l'air, de l’eau, de l'huile, des sels, de la terre, 
Si ces substances existent dans la plante analysée, elles 
existaient donc auparavant dans Ja terre et, en partie, 
dans l'atmosphère, puisque c’est dans ces deux im- 
menses réceplacles qu’elles ont végété. » 

« Tout élait à apprendre », si l'on veut, mais le 
problème élail bien posé et sa solulion se prépa- 
rail. On y a travaillé sans disconlinner, on y tra- 
vaille encore, et s'il reste bien des questions à élu- 
cider, les plus importantes semblent tranchées. Le 
sol est devenu ainsi une manufacture où s’élabo- 
rent les matières fertilisantes qui lui sont confiées 
et dont on est parvenu à escompter les rendements 
probables avec une certaine approximation. 

Les agriculteurs ont accru leur puissance sur le 
sol, ils ont su aussi plier les végélaux et les ani- 
maux à leur domination. Sous ce rapport, la période 
qui a précédé la Révolution française, ainsi que 
celie de la Révolution et de l'Empire, ont élé mar- 
quées par des innovalions si considérables qu'elles 
doivent être complées parmi les plus brillantes de 
l'histoire de notre agriculture. C’est dans les der- 
nières années de l’ancienne Monarchie qu'ont été 


- introduites dans nos assolements les cultures dela 


pomme de terre et des fourrages annuels, qui ont 


. préparé l'avènement de la culture alterne, de la 
- vérilable culture moderne. C’est de l'Empire que 
date la culture de la betterave à sucre, qui est 
_ devenue la base de toutes les combinaisons agri- 
_ coles de la région du Nord; le colza n’a pris d’exten- 
_ sion que depuis ce même moment. C’est pendant 


cette longue période d'années de transition entre 
le régime ancien et le régime nouveau, que s’est 


._ faite la vulgarisation du mouton mérinos. Depuis 


lors on n’a guère ajouté aux ressources acquises : 
lenombre desplantes culturales, celui des animaux 
domestiquesn’ont pas augmenté ;les moutons méri- 
nos, les plantes textiles et oléagineuses sont même 
en voie de diminution, mais plantes etanimaux con- 
servés ont été grandement améliorés. De nouvelles 
races de bétail, de nouvelles variétés végétales ont 
été créées; l’art de la culture s’est avancé, la 
zootechnie a pris naissance. À l'ère des inventions 
a succédé celle des perfectionnements. 

Ce qui complique la profession agricole, c’est 
qu'elle s'exerce, non, comme les industries ordi- 
paires, sur des matières inertes, mais sur des êtres 
vivants, qu'il faut défendre dans la lutte pour l’exis- 
tence contre des accidents et des maladies de 
toutes sortes. Tant qu'on n'a pas su en discerner 
les causes, il a été difficile de s'y soustraire ou d’y 
porter remède. Les progrès de l’entomologie, de la 
botanique cryptogamique, la création de la micro- 
biologie ont assis la pathologie végélale etanimale 
sur des bases solides. Des laboratoires, les procé- 
dés curatifs passent rapidement dans la pratique, 
et l’agriculture y gagne une grande confiance dans 
ses forces. È 


III 


Si incomplète que soil cette revue des progrès 
de l’industrie agricole, elle montre que l’agricul- 
teur n’a cessé de devenir de plus en plus indépen- 
dant des agents essentiels de la production. Il 
subissait autrefois la situation que lui imposait la 
nature, il tend maintenant à s’en affranchir et, s’il 
y arrive dans une assez large mesure, c'est parce 
qu'il connaît de mieux en mieux les éléments sur 
lesquels s'exerce son industrie. 

Certes, les généralions qui nous ont devancés 
ont fait beaucoup, mais elles nous ont laissé beau- 
coup à faire. C'était sur les résullats de Pexpé- 
rience, transmis par la tradition, que reposaient 
autrefois les progrès agricoles; c’est l'observation 
voulue et provoquée, appuyée sur les doctrines 
scientifiques les plus rigoureuses, qui leur sert 
maintenant de base. Jamais, du reste, la sûreté des 
méthodes n’a été plus nécessaire qu'à l'heure ac- 
tuelle. Jusqu'à ces derniers temps, les prix des 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE 61 


| produits du sol les plus importants se maintenaient, 
pour la plupart d’entre eux, si même ils ne s’ac- 
croissaient; il suffisait de conserver la masse des 
denrées obtenues pour maintenir sa posilion éco- 
nomique. Mais à cet état de stabilité, sinon d'élé- 
valion des valeurs, succède maintenant un mou- 
vement de déprécialion qui tend à se généraliser 
et qui inquiète, non sans raison, toutes les per- 
sonnes qui vivent de l’exploitation du sol, que ce 
soient de simples ouvriers, des fermiers ou des 
propriétaires. Pour conserver les chiffres de leurs 
recettes, il faut de toute nécessité qu'elles livrent 
plus de marchandises au marché; elles n’ont à 
compler, pour y arriver, que sur l'augmentation 
des rendements. L'accroissement des produits 
peut seul compenser la diminution de leur prix 
de vente, et sauvegarder à la fois les intérêts de 
l’agriculture et de la société; c’est le but qu'il faut 
viser sous peine de déchéance et le but qu’on ne 
doit pas désespérer d'atteindre. 

Sans doute, on pourrait concevoir une autre 
solution aux difficultés du moment, si on envisa- 


geait l'éventualité de la réduction de la population 
rurale. Il ne serait même pas impossible que la 
situation des personnes qui continueraient à en 
faire partie s'amélioràät concurremment avec un 
abaissement de la production en nature ou en 
argent; il suffirait, pour cela, que la diminution 
des produits fût moins considérable que celle 
du personnel agricole. Chaque individu pourrait 
alors prélenüre à une rémunération supérieure 
à celle qu'il reçoit aujourd'hui; son quantum de 
rétribution augmenterait. Dans quelques cas par- 
ticuliers, ce n’est pas autrement, d’ailleurs, que se 
sont dénouées des situalions agricoles qui sem- 
blaient inextricables. L'histoire de l'Écosse en 
offre un exemple remarquable; alors qu'une popu- 
lation trop dense pour les ressources du pays y 
vivait péniblement, ses habitants, moinsnombreux, 
y jouissent maintenant d’un certain bien-être avec 
des systèmes de culture moins actifs et moins 
pénibles ; les päturages ont remplacé les champs 
de céréales. Peut-être, si on cherchait bien, trou- 
verait-on à citer en France quelques faits du même 
ordre. Après tout, l’idéal d’une industrie quelcon- 
que est moins de nourrir beaucoup de personnes 
que de bien nourrir celles qu'elle occupe. Mais 
l'exode d’une partie de la population rurale, 
qu'elle se produise vers les villes ou vers l'étran- 
ger, ne serait pas sans présenter de très graves 
conséquences, et ce n’est qu'à défaut de mieux 
qu'on pourrait s'y résoudre. Tout commande donc 
de chercher à augmenter la production, et si, pour 
certaines denrées comme le blé, on semble appro- 
cher du maximum de récolte que peut utiliser la 


consommation, on n'est pas encore à prévoir le 


93% 


62 J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 


moment où on atteindra certe limite pour d’autres 
marchandises. 

L'agriculture tend, par la force des choses, à 
devenir de plus en plus scientifique. C’est de cette 
constatation bien établie que dérive l’impulsion qui 
a été donnée en France, depuis 1876, à l’enseigne- 
ment agricole sous toutes ses formes, depuis l’ensei- 
gnement supérieur, nécessairement réservé à une 
élite, jusqu'à l’enseignement élémentaire, acces- 
sible à tous. Son organisation fait honneur aux 
hommes qui en ont eu l'initiative; mais c'est dans 
son utilité qu'il faut en chercher les causes pre- 
mières. Les diverses institutions qu'il comporte, 
issues des circonstances, ontété créées d’abord et 
servies ensuite par des esprits dévoués qui ont été 
des premiers à avoir foi dans leurs résultats. 

La variété des connaissances scientifiques qui 
intéressent les agriculteurs ne laisse pas que 
d'être embarrassante. Si elle donne un grand at- 
lrait aux études techniques, un attrait qui attire 
de plus en plus vers elles la jeunesse studieuse, la 
tâche qu'elle impose n’est pas moins ardue. El la 
science marche si vite que ceux-là mêmes qui ont 


pu se mettre au courant de ses données essen- 
telles sont forcément débordés un jour ou l’autre 
par ses progrès. Il n’y a plus à penser à suivre ses 
modifications continues dans ses mulliples bran- 
ches; l'intelligence la plus remarquable n'y réus- 
sirail pas. On n’est pas à la fois ingénieur, méca- 
nicien, chimiste, naluraliste, économiste, et on ne 
peut pas l'être. Aussi a-t-on dû multiplier les éta- 
blissements de recherches scientifiques pour per- 
mettre aux cullivateurs de venir y puiser les 
indications dont ils ont besoin pour la bonne 
direction de leurs affaires, et ce ne sont pas les 
praticiens les plus instruits qui en profiteront le 
moins. Plus on sait, plus on éprouve le besoin de 
savoir et d’avoir recours aux lumières des autres, 
mieux on est placé pour en profiter. De toutes 
nos industries il n’en est pas qui, plus directe- 
ment que l’agriculture, n'ait à faire appel à la 
science dans ce qu'elle à de plus général et de 
plus élevé. 
F. Convert, 


Professeur d'Economie rurale 
à l'Institut National Agronomique. 


REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE : 


I. — ANATOMIE CÉRÉBRALE. 


Nous inaugurerons celte revue de Psychologie 
physiologique en appelant l'attention sur les plus 
récentes théories de la structure et des fonctions 
du cerveau. Il y a quelques années, Turner (Edim- 
bourg) et Waldeyer (Berlin) avaient montré l'im- 
porlance d'une étude, plus approfondie et vraiment 


1 En raison de la place nouvellement prise, dans le do- 
maine desconnaissances positives, par la psychologie physio- 


logique, cette science, — qui était déjà représentée dans la 
Revue par des articles variés, — y sera désormais, indépen- 


damment de tels articles, l'objet d’une revision annuelle. 
Cette étude, s’inquiétant moins des menues acquisitions de 
la science que du sens général des résultats, s'attachera sur- 
tout à donner la synthèse des travaux récents et à en indiquer 
l'orientation. Limitée à l’évolution contemporainede la psycho- 
logie physiologique, elle laissera complètement de côte, 
comme étant en dehors du programme de la Revue, la partie 
métaphysique de la psychologie. Les deux parties, — positive 
et métaphysique, — sont aujourd'hui tout à fait indépen- 
dantes l’une de l’autre : correspondant à des besoins diffé- 
rents de notre esprit, elles se posent des problèmes différents, 
recourent à des méthodes diflérentes, et, tout en se servant 
quelquefois des mêmes termes, ne parlent pas la même langue. 
C’est ainsi, par exemple, que la conception des facullés de 
l'âme, dont s’occupe la psychologie métaphysique, n’a aucun 
sens en psychologie physiologique. Conformément à cette 
distinction, c'est du point de vue de la science positive que 
seront examinées ici les questions de psychologie. L'interpré- 
tation métaphysique des faits observés échappe à la compé- 
tence de la Revue. 


La DirEcrIoN. 


philosophique, de la morphologie des circonvo- 
lutions cérébrales, non seulement pour la Physio- 
logie el la Pathologie, mais pour la Psychologie. 
Turner avait divisé le cerveau añtérieur des animaux 
inférieurs en manteuu (pallium) et en rhinocephalon, 
auquel appartient, par sa partie inférieure, la fossa 
Sylvi. His, estimant que les anciennes divisions du 
cerveau antérieur el du cerveau postérieur devaient 
être réformées, vient de proposer une nouvelle 
classification ! où, en dépit de l'opposition du cer- 
veau proprement dit (comprenant Le cerveau anté- 
rieur, intermédiaire et moyen) et du cerveau du 
sinus où fosse rhomboïdale (Rhomenceyhalon), com- 
prenant, avec le terriloire du pédoncule cérébelleux 
supérieur, le cerveau postérieur el l'arrière-cer- 
veau, on retrouve d'ailleurs toutes les grandes 
subdivisions. His appelle Talamencephalon et divise 
le cerveau intermédiaire en {halamus, metathala- 
mus et epithalamus (ganglion habenulx, epiphyse) ; 
il divise le cerveau des hémisphères en corps strié, 
rhinencephalon et pallium. 

Mais c’est Flechsig (Leipzig) qui, par le nouveau 
principe de division de la convexité du cerveau 
qu'il apporte, modifie le plus profondément les 
idées analomiques et physiologiques reçues jus- 


l His. Vorschlæge zur Eintheilung des Gehirns. Arch. f. 
Anat. und Phys., 1894. 


4 


k qu'ici. La note préventive que ce savant vient de 
… publier ! ne contient encore que de brèves indica- 
veau antérieur des hémisphères doit être divisé en 
centres de sensibilité et en centres d'association. Les uns 
- et les autres ont sans doule des fibres d'association 
À et des fibres calleuses; mais, seuls, les premiers 
ont une couronne rayonnante, des faisceaux de 
- projection renfermant des conducteurs centripèles 
… et des conducteurs centrifuges : tels sont le faisceau 
sensitif, la voie des pyramides, les radiations 
optiques, le faisceau olfactif, le faisceau auditif, le 
faisceau fronto-protubérantiel, le faisceau des 
pédoncules cérébelleux supérieurs, etc. Ainsi, les 
parlies postérieures des circonvolutions frontales, 
les circonvolutions centrales, la sphère visuelle de 
la scissure calcarine, la sphère auditive de la partie 
postérieure de T,, la sphère olfactive du gyrus hip- 
pocampi et de la partie inféro-postérieure du lobe 
frontal, sont des centres de sensibilité, en rapport 
avec la périphérie du corps. 

Au contraire, les centres d'association n'ont point 
de couronne rayonnante : ils sont exclusivement 
associés à d’autres centres de l'écorce cérébrale et 
doivent par conséquent avoir d'autres fonctions, dit 
Flechsig, que celles des centres de sensibilité. Ils 
forment quatre grands territoires strictement soli- 
daires les uns des autres : le cerveau frontal anté- 
rieur, le lobe temporal, l'insula, le lobule pariétal 
postérieur. Les systèmes d'association qui réu- 
nissent ces territoires à deux ou à un plus grand 
nombre de centres voisins de sensibilité sont beau- 
coup plus nombreux que les systèmes d'association 
qui unissent directement les sphères sensibles 
entre elles. - 

Si l'on prend garde que ces derniers territoires — 
les circonvolutions centrales, les sphères vi- 
suelles, etc. — ne reçoivent pas seulement des 
sensations de la peau, des muscles et articulations, 
des rétines, etc., mais réagissent en déterminant 
des mouvements appropriés des extrémités, du 
tronc et de la face, des yeux, des paupières, etc., 
on inclinera à croire que chacun de ces territoires 
corticaux possède son appareil moteur particulier, 
au moyen duquel il incite les mouvements de 
l'organe périphérique correspondant, mais ces 
mouvements seulement, de sorte qu'il n'existe pas 
en réalité une zone motrice, mais autant de zones 
motrices qu'il y a de centres de sensibilité. Or, ces 
voies nerveuses de projection n'appartiennent 
point aux centres d'association, qui ne peuvent qu'in- 
directement, par l'intermédiaire des neurones d’as- 
sociation, exercer quelque influence sur les mou- 


tions. Mais on y voit déjà que, d'après lui, le cer- 
JS 


1 Ueber ein neues Eintheilungsprincip der Grosshirn-Ober- 
fläche. Neurol. Centralblatt, 1894, 674 sq. et 809. Cf., p. 807, 
la Communication d'A damkiewicz. 


cÈ 


J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 63 


vements. Ces centres d'association, incomparable- 
ment plus développés chez l'homme que chez les 
animaux, sont la marque la plus certaine de la 
supériorité du cerveau humain sur celui des autres 
Mammifères. Ces centres se sont formés aux dé- 
pens de toutes les parties du cerveau. Ce sera 
l’œuvre d’une histoire comparée du développement 
cérébral de suivre, dans la série animale, leur 
apparition successive, et d'acquérir ainsi une me- 
sure exacte qu'il sera possible d'appliquer à la 
comparaison du cerveau de l'Homme et des Verté- 
brés en général. 

Beevor et Horsley (de Londres), dans leurs 
recherches expérimentales sur la zone motrice 
corticale de l’Orang-Outan, chez lequel la distri- 
bubon des centres fonctionnels du cerveau est la 
même que chez l’homme, avaient aussi découvert 
qu'il existe, dans la région motrice de ces anthro- 
poïdes, des ilots corlieaux « complètement inexci- 
tables » : ce fait leur avait paru, avec raison, 
témoigner d'un degré plus élevé de développement 
et de spécialisation fonctionnels. 

C'est ce qui résulte encore de quelques considé- 
rations aussi vraies que profondes de M. le Pro- 
fesseur Pitres (Bordeaux) sur la nature des centres 
corticaux du langage. L'étude des aphasies aura 
plus contribué qu'aucune autre à nous révéler, en 
même temps que les mécanismes de l'association 
des images, la nature propre de l'intelligence. Les 
vues très systématiques et très synthétiques pré- 
sentées par M. Pitres au Congrès de Médecine in- 
terne de Lyon (1894), sont au fond identiques à 
celles de Flechsig. Les deux travaux ont d'ailleurs 
paru presque en même temps, et la rencontre des 
idées, comme il arrive souvent, me semble un sûr 
garant de la solidité des doctrines. À propos de 
l'aphasie sous-corticale, M. Pitres a montré ce qu'il 
y à d’erroné dans la façon dont on conçoit généra- 
lement les rapports des circonvolutions avec les 
centres sous-jacents à l'écorce : On s’imagine à 
tort, dit-il, que toutes les circonvolutions sont 
reliées à ces centres par des faisceaux de pro- 
jection directs passant par la capsule interne. Le 
centre de Broca, par exemple, est surtout relié par 
des faisceaux d'association aux autres centres, voi- 
sins ou éloignés, de l'écorce cérébrale ; une infime 
minorité de ses fibres traverse la capsule interne. 
Le centre de Broca ne serait pas, par lui-même, un 
centre moteur: lorsque ses lésions destructives ne 
dépassent pas en arrière le sillon précentral, on 
n’observe aucune paralysie de la langue, des lèvres, 
du larynx, bref, des organes phonateurs, qu’il n'ac- 
Lionne qu'indirectement. Une lésion destructive du 
piedde la frontale antérieure (FA), où sont les cen- 
tres de l’hypoglosse, du facial inférieur, du larynx, 
du trijumeau, abolira au contraire les mouvements 


64 


J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 


volontaires de la langue, des lèvres, du larynx : 
c'est que ces centres ont des faisceaux de projec- 
tion qui vont directement innerver les muscles 
des organes auxquels ils se distribuent ; ce sont 
les centres de sensibilité de Flechsig, expression qui 
est au fond beaucoup plus exacte, on le sait, que 
celle de centres moteurs. Au contraire, toute lésion 
de déficit du pli de substance grise, comprisentre la 
branche verticale de la scissure de Sylviusetlesillon 
précentral, se manifeste par des altéralions qu'on 
peut appeler, avec Pitres, purement psychiques : 
perte des images phonéliques des mots, absence 
d'incitalion psychomotrice, inertie consécutive, 
sans paralysie vraie des organes de la phonation. 
Quelle différence d'avecles phénomènes de para- 
jysie glosso-labio-laryngée pseudo-bulbaire qui 
suivent les lésions en foyer de la région capsulaire, 
traversée par les faisceaux descendants de l'aire 
corticale du facial et de l'hypoglusse ! La lésion de 
cette partie de la capsule interne ne produit pas 
plus de l’aphasie que celle des fibres de la partie 
postérieure de cette voie nerveuse ne détermine 
de la cécité ou de la surdité verbales. L'une pro- 
voque des phénomènes de dysarthrie ou d’anarthrie 
du langage, de l'hémiplégie, non de l'aphasie; 
l’autre, de l’hémianesthésie, non, encore une fois, 
de la surdité ou de la cécilé verbale. C’est que, 
vraisemblablement, les « centres spécialisés » du 
langage ne sont pas reliés directement par des 
faisceaux de projection aux centres d'exécution 
bulbo-médullaires. Qu'il s'agisse de l'articulation, 
de l'audition ou de la vision des mots, les centres 
respectifs de ces fonctions, F;, T;, P,, devront, 
pour manifester leurs fonctions, emprunter le con- 
cours des centres moteurs et sensoriels auxquels 
ils sont associés par leurs faisceaux d'association. 
Ces centres, que Pitres appelle des organes d’élabo- 
ration psychique, et dont il met en lumière le ca- 
ractère très élevé de spécialisalion fonctionnelle, 
ne sont-ils pas les mêmes que ceux que Flechsig, 
Beever et Horsley ont opposés aux centres de pro- 
jection ? Ce sont bien des centres d'association. Et. 
de fait, Flechsig n’a pas oublié de noter expressé- 
ment que les centres du langage semblent tous 
siéger sur des territoires limitrophes de ses centres 
corlicaux de sensibilité el d'association. 

L’écorce du cerveau n'étant un organe de repré- 
sentations. et partant le siège de l'intelligence, que 
parce qu’elle est un organe d'associations, suivant 
la grande idée de Meynert, devenue aujourd'hui 
le patrimoine des études d'anatomie et de physio- 
logie du système nerveux central, tout essai de 
démonstration des connexions cérébrales est en 
même temps une tentalive d'explication des fonc- 
tions de l'intelligence. C'est dans cet esprit que, 
au cours d’un travail sur le Faisceau sensitif el sur 


la Localisation cérébrale de la sensibilité générale 1, 
nous avons écrit, au sujet des 


ont leur origine dans les organes périphériques de 
la sensibilité générale : « Mais les arborisations 
terminales et les collatérales des prolongements 
cylindraxiles des cellules des autres territoires de 
l'écorce contractent sûrement des rapports de con- 
tiguité, et partant fonctionnels, avec les éléments 
nerveux des lobes frontaux-pariétaux, où rayon- 
nent les fibres du faisceau sensitif. » | 

Nous ne laisserons pas ces considérations d’ana- 
tomie cérébrale sans rendre un légitime hommage 
au magnifique ouvrage de M. le docteur Bris- 
saud sur le Cerveau de l'Homme ?, œuvre d'art et 
de science. Je ne connais aucune analomie du cer- 
veau de l'homme qui ait jusqu'ici permis de péné- 
trer aussi avant, etavec un guide aussi sûr, dans 
le monde cérébral. Des esprits étrangers à ces 
hautes études pourraient seuls méconnaitre Ja 
portée philosophique et surtout psychologique 
d’une lopographie du cerveau : ils ne sauraient 
comprendre que la connaissance des foncelions du 
syslème nerveux central n’a pu avancer et n’avan- 
cera sûrement dans l'avenir qu'autant que l’ana- 
tomie du névraxe a élé et sera plus avancée. La 
doctrine moderne de l’hétérogénéité fonctionnelle 
de l'écorce cérébrale n’a pas de plus sûr fondement 
que la démonstration de l'hétérogénéité corres- 
pondante de structure et de texture du manteau 
des hémisphères. Si la physiologie expérimentale 
el l'observation clinique ont quelquefois affecté de 
ne relever que d’elles-mêmes et ont dédaigné l'ana- 
tomie, ces velléités d'indépendance se sont bientôt 
dissipées comme une courte ivresse. Si la considé- 
ralion de l’élément anatomique ne saurait rien 
nous apprendre sur ce qu'est en soi une sensation, 
une image, un concept, il demeure constant que 
toute représentation ou idée implique non seule- 
ment l'existence d’un substralum anatomique, 
mais varie avec l’élat de ce substratum, avec la 
qualité et la quantité des éléments qui le consti- 
tuent, à n'importe quel moment de la durée de ce 
substratum, dans sa période d'évolution comme 
dans ses phases d’involution. Si une fonction n'est 
que l’aclivité d’un organe ou d'un groupe d'or- 
ganes, il est incompréhensible qu'on prétende 
étudier l’un sans connaitre l’autre, surtout quand 
l'organe est connu ou peut être connu. Malheureu- 
sement, le nombre est grand encore des psycho- 
logues qui croient pouvoir se passer des données 
de l'anatomie dans l'interprétation des fonctions 


Revue générale des Sciences, 30 mars et 30 avril 1894. 
E. Brissaup. Analomie du cerveau de l’homme, mor- 
phologie des hémisphères cérébraux. À vol. in-4° dé texte et 
un atlas in-folio. Paris, Masson, 1894. 


1 
2 


territoires de . 
l'écorce où se terminent les faisceaux nerveux qui | 


du système nerveux central. Ces fonctions, ils 
les considèrent comme des manières d'enlités 
distinctes des organes, à la façon des spirites ou 
des sauvages. Ils parlent ainsi d'intelligence, de 
conscience, de volonté, elc., comme les docteurs 
colastiques parlaient d'humanité et de pierréité 
la remarque est de Spinosa). Que de physiolo- 
sistes et de cliniciens eux-mêmes parlent encore 
celte langue, et combien de philosophes, après 
eux, cruyant avoir élé à bonne école, perpéluent 
-ces erreurs en les vulgarisant dans les livres et 
dans les cours! Je voudrais croire, mais je n'ose 
l'espérer, qu'un ouvrage tel que celui de Brissaud, 
… véritable monument élevé à la science de l’ana- 
. Lomie du cerveau de l’homme, contribuera à ouvrir 
une ère nouvelle dans la manière dont les psycho- 
. logues étudient les phénomènes de l’innervation 
- cérébrale. 


II. — LE PROTOPLASMA ET LES FONCTIONS PSYCIIQUES 


La question de l’origine et de la nature des phé- 
nomènes psychiques est au fond réduclible à celle 

_ de l’origine et de la nature de la vie. C’est le grand 
mérite de la philosophie monisie des deux der- 
niers siècles et du nôtre d'avoir cherché à sup- 
primer l'opposition traditionnelle du corps et de 
l'âme, de la matière et de l'esprit, pour les consi- 
. Jérer comme les deux aspects d'un seul et mème 
fait, comme l'apparence subjective el objective 
d’un seul et même phénomène, comme les modes 
- d’une seule et même substance, qui ne nous pa- 
raissent autres que parce que nous les connaissons 
différemment. Celte doctrine, exclusive du maté- 
rialisme et du spiritualisme, et qui a définitive- 
… ment vaincu l'antique dualisme, c'est le monisme. 
Toutefois, c’est moins le monisme de Spinoza que 
le monisme atomistique de Leibnilz qui domine au- 
jourd’hui chez les naturalistes. Pour expliquer l’ori- 
gine de la vie et deses propriélés psychiques, on a 
dû étendre aux derniers éléments de la matière, 
considérée comme la substance, comme l'être 
unique et universel, les propriétés supérieures que 
manifestent les êtres composés précisément de ces 
mêmes éléments. Si l’agrégal est sensible, c'est 
que la sensibilité élait en puissance dans les par- 
lies qui le constituent. On incline donc à admettre 
que loule malière serait, au moins en puissance, 
capable de sentir, et que, dans certaines condi- 
tions, cette sensibililé latente passe à l'acte. Cette 
obscure tendance à sentir et à se mouvoir d’après 
cerlains choix inconscients, se manifeslerait dans 
les atomes, dans les molécules, et surtout dans les 
plastidules, ou parties élémentaires du proto- 

. plasma. Conçu de cette façon l'atome n'est plus 
cetle masse solide et étendue (et pourtant indivi- 
visible par définition) que les anciens philosophes 


J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 65 


—_—————————— 


ont admise par hypothèse. Puisque, en outre des 
propriélés mécaniques, physiques, chimiques, les 
dernières particules de la matière posséderaient 
aussi des propriétés d'ordre biologique, telles que 
celles de sentir, de percevoir et de se mouvoir, le 
moyen de ne pas songer aux idées de Glisson sur 
la vie de la nature et aux monades de Leibnilz? 
Or, ce dynamisme ne serait que l'aspect subjectif 
du mécanisme de la Nature. Car Leibnitz n'admit 
jamais dans l’organisme l'existence d'un principe 
contraire au mécanisme; il tenait que, dans les 
corps, tout doit s'expliquer mécaniquement. Point 
de corps sans mouvement; point de substance sans 
effort : toute la Nature est pleine de vie. Ni force 
plastique, niarchées ne sont donc nécessaires pour 
animer le vaste mécanisme de l'Univers. 

Or ces imaginalions ne sont pas des rèveries de 
philosophes platoniciens ou panthéistes : parmi 
ceux qui leur ont {trouvé quelque vraisemblance, 
ou même davantage, les noms de Tvndall, de 
W. Thomson, de Naegeli,de Zællner, d'Haeckel,de 
Preyer, de Forel, de Luciani, etc., sont bien con- 
nus des physiciens et des physiologisles. 

Luciani (Rome) et, plus récemment, Auguste Fo- 
rel (Zurich), pour ne rien dire d'un des derniers 
essais de Haeckel (Téna) sur ce sujet, ont repensé 
les mêmes doctrines en méditant sur les plus 
grands problèmes de la vie et les propriétés psy- 
chiques qu'on observe chez les ancêtres des Plan- 
tes et des Animaux, comme chez les Invertébrés 
ei les Vertébrés. Ces propriétés, à quelque degré 
que ce soit, existant toujours el universellement 
dans tout ce qui a vie, les fonctions psychiques 
sont aussi inséparables du protoplasma que n'im- 
porte quelle autre fonction biologique servant à 
définir ce « complexus chimique moléculaire ! », 
Mais il en est de la nature des propriélés psychi- 
ques, considérées dans leur essence, comme de 
celle des autres propriétés de la vie : c'est là un 
ordre de considérations qui, dépassant le domaine 
de l'observation et de l'expérience, ne saurait être 
objet de science; la critique de Kant l’a établi pour 
tous les siècles. Aussi, Luciani ? applaudit-il au 
triple principe de conservation introduit par 
Preyer, c'est-à-dire au principe de conservation de 
la vie, de la matière et de la force dans l'Univers, 
considérées comme éternelles. Ce n’est pas le lieu 
d'exposer les idées de Preyer à ce sujet; je préfère 
insister sur les dernières théories des phénomènes 
psychiques chez les organismes élémentaires. 
L'étude des différents tropismes, c’est-à-dire des 
PE ERP A PE PL PRET". à 


1 Acex. Daxizewsxy, La substance fondamentale du pro- 
toplasma et ses modificalions par la vie. (La Presse médicale, 
1894, p. 107). 

2 I Preludi della vita (Firenze, 1892) et Lo svolgimento 
storico della fisiologia (Roma, 1894). 


66 


J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 


changements de direction des mouvements déter- | 
minés chez les plus anciens ancêtres des Plantes 
et des Animaux, comme chez les Végétaux et les 
Animaux eux-mêmes, sous l'influence des diffé- 
rentes sources d'excilation — mécanique, physi- 
que, chimique et physiologique — du milieu am- 
biant, appliquée aux protoplasmas plus ou moins 
différenciés, aux tissus, aux organes, aux appäa- 
reils et aux systèmes, constitue le plus sûr fonde- 
ment de la Psychologie physiologique. L'intensilé 
de l'excitation étant connue, il est possible de 


mesurer le degré d'excilabilité des différents êtres 
vivants aux mêmes stimuli. 

Or. ils’en fautbien, comme on devail le supposer 
a priori, que le protoplasma soit uniformément 
différencié et réagisse également aux mêmes 
excitations. Certaines sensations des Vertébrés, 
telles que l'audition et la vision, ne paraissent pas 
mème exisler chez certains Protozoaires.Après Max 
Verworn, Luciani écrit que rien n’autorise à croire 
que le protoplasma des Amibes soit sensible à ce 
que nous appelons les ondes sonores aériennes. 
L'étude des organes des sens chez ces organismes, 
dont quelques familles sont déjà pourtant très 
différenciées, a montré que mème les Protozoaires 
capables de distinguer les différences d'intensité 
lumineuse, avec les longueurs d'ondes, ne, sau- 
raient rien reconnaitre à distance. Les stimuli 
acoustiques n'agissent que mécaniquement au 
moyen de la transmission des vibrations commu- 
niquées au milieu par les corps vibrants. Alors que 
le phénomène de l'héliotropisme et du phototro- 
pisme est si manifeste chez les Plantes et les Ani- 
maux, et aussi chez les Bactéries et les Diatomées, 
les Amibes rampent d’une extrémité à l'autre du 
spectre solaire, du violet au rouge, du rouge au 
violet, sans que la vitesse ou la direction de leurs 
mouvements en soit en rien modifiée. La capacité 
de sentir les rayons lumineux, et partant de réagir 
à la lumière, résulterait donc d'une adaptation du 
protoplasma à certaines condilions d'existence ". Il 
est probable, d'ailleurs, que les réactions locomo- 
trices notées chez les autres Protozoaires ou Proto- 
phytes, voire chez les Plantes, chez les Invertébrés 
et chez certains Verlébrés aveugles ou privés 
d'yeux, dépendent bien moins de l'existence de véri- 
tables sensations lumineuses ou chromaliques que 


TT 


1 Cf. pourtant Max Verworn, qui, dans la Physiologie gé- 
nérale qu'il vient de publier (Allgemeine Physiologie, p. 389 
et suiv., lena, G. Fischer, 1895), tient compte des dermatites 
produites par les rayons chimiques de la lumière électrique, 
se demande si toutes les formes cellulaires tenues jusqu'ici 
pour insensibles à la lumière solaire ordinaire, ne réagiraient 
pas à une lumière d’une intensité beaucoup plus élevée. S'il 
en était ainsi, toute matière vivante réagirait à la lumière. 
Le degré d'intensité nécessaire et suffisant pour cette réac- 
tion différerait seulement avec les différentes formes de la vie. 


des effets thermiques ou chimiques des ondes. 
lumineuses. C'est, selon Forel, l'interprétalion la. 
plus probable qu’on doive proposer des expériences 
de prélendues perceptions dermatoptiques obser- 
vées par Graber sur des lombrics décapilés, des , 
tritons aux yeux énucléés, des actinies, des Mol- . 
lusques aveugles et des Protozoaires. Graber attri- 
buait même à cette fonction la perception des 
rayons ultra-violets chez les fourmis; on n'aurait 
pu dire ainsi, avec Lubbock, qu'elles voyaient une 
couleur que nous ne voyons pas. Mais ces sensa- 
tions photodermiques, pour les appeler de leur 
vrai nom, n'ont sans doule rien de commun avec 
des sensations optiques. Outre qu’elles ne pour- 
raient donner qu'une impression générale en rap- 
port avec la nature différente de l'intensité et de 
la qualité de la lumière, sans aucune notion de la 
forme des objets, les faits observés s'expliquent 
suflisamment par sensalions {actiles, par 
celles de chaleur et de froid, de douleur ou de 
plaisir !. Forel ineline pour des sensätions très 
voisines de nos sensations thermiques, tout à fait 
différentes de nos sensations optiques. 

Il n'en reste pas moins que l'étude des phéno- 
mènes de tropisme posilif ou négatif, de suspen- 
sion ou d'arrêt des mouvements, de contractions 
faibles ou fortes, partielles ou totales, du proto- 
plasma amiboïde sous l'effet de stimulations efli- 
caces, constitue un des plus solides fondements de 
la Psychologie physiologique. 

Une première induction légitime, qui résulle des = 
expériences des physiologistes, c'est que les orga- . 
nismes unicellulaires d’où sont sortis par diffé- 
rencialion, au cours de l'évolution organique, les 
Plantes et les Animaux, puisqu'ils réagissent à ces 
stimuli, sont ercitables. Sont-ils sensibles ? Luciani ne 
doute pas que les réactions motrices observées ne 
soient « précédées el accompagnées » de processus 
internes de caractère subjectif, c’est-à-dire psychi- 
que. Ainsi, le caractère psychique des phénomènes 
tropiques, positifs ou négalifs, se manifesterait 
par des mouvements d'approche ou d’éloignement-. 
de la sphère d’action des stimuli ufiles ou nui- 

| 
“4 


les 


sibles, et l'inversion de ces mouvements suivant le 
degré d'intensité du même stimulus correspondrail 
peut-être à des sensations « agréables » ou « désa- 
gréables », encore que ces êtres courent souvent 
à une mort certaine en s’empoisonnant avec des 
substances qui leur sont funestes. N'importe; il en 
va de même pour les organismes supérieurs, el ce 
défaut d'adaptation n'implique pas plus l'absence 
de caractère psychique de ces réactions chimio- 


—————_—_—_—_—— _—_—_—_————….—…—…"…—…— 


1 Foret, Expériences el Remarques critiques sur les sen- 
salions des Insectes. Recueil zoologique suisse, IV, 145 
et suiv. 


CAS Co a Cl 


UT E) 


n 40 Lx (ON Er ee A0 +4 


tropiques qu’il ne ruine le principe de la téléologie 
mécanique. Un nouvel argument en faveur de la 
nature psychique de ces mouvements, c’est que, 


_ chez les Protozoaires, comme chez les Plantes 


= 


CT 


; 


* 


et les Animaux, l’anesthésie chloroformique, par 
exemple, suspend ou abolit la sensibililé. 
Mais les mouvements réflexes et automatiques 


des Protozoaires et des Protophytes, des Plantes 


et des Animaux, dont la nécessité et la fatalité 
organiques ne font point de doute dès que les 
conditions internes et externes de leur production 
sont réalisées, permettent-ils de conclure, comme 
n'hésitent pas à le faire nombre de physiologistes, 
qu'ils sont accompagnés de sensations et de per- 
ceptions, voire de représentations, de conscience 
et de volonté? « Nous affirmons, écrit Edouard 
Heckel (Marseille), que certains végétaux présen- 
tent des apparences de mouvements voulus, et la 
volonté existe en eux certainement, si, comme 
cela ne parait point faire doute peur certains 
naluralistes, on discerne cette propriété dans les 
mouvements complexes propres aux Infusoires. » 
D'autres biologistes, tels que Luciani, après avoir 
bien établi, il nous semble, que sensibilité et exci- 
tabilité expriment la même chose considérée de 
deux points de vue différents, si bien que ce qu'on 
nomme excitabilité ou irritabilité n’est que l'aspect 
objectif de la sensibilité, et que la sensibilité 
est l'aspect subjectif de l'excitabilité, appellent 
excitation et sensation l’état d'activité de ces 
propriétés générales el fondamentales de tout 
protoplasma vivant. Mais dire que les êtres ami- 
boïdes, parce qu'ils ont des sensations, possèdent 
« une âme », c'est-à-dire les propriétés de l’inner- 
vation supérieure qui, chez les Mammifères, 
servent à définir cel antique concept, n'est-ce 
point abandonner le terrain solide de la science 
expérimentale pour s’embarquer sur l'océan sans 
rivage de la métaphysique? A quoi bon appliquer 
ce vocable archaïque aux processus d’excitabilité 
ou de sensibilité non seulement du protoplasma 
des êtres amiboïdes, mais aux plastidules, molé- 
cules vivantes dont ce protoplasma serait élémen- 
tairement constitué? 

Tout psychologue distingue un mouvement vo- 
lontaire, c'est-à-dire un mouvement précédé d'une 
représentation, d'un mouvement rétlexe et auto- 
matique. L'apparence de la finalité intelligente 
de ces derniers n’en impose plus à un esprit réflé- 
chi. Si l'on parle de l « âme » des plastidules, de 
l « àme » des Protistes et des Animaux, il faudra 
parler de l’ « âme » des Plantes. Car la retraite 
des vers de terre dans leurs galeries pendant le 
jour et leur sortie le soir n’impliquent pas plus de 
réflexion et de volonté que les mouvements nycti- 
tropiques ou héliotropiques des Végétaux. Il est 


J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 


x 


67 


douteux que le ver distingue comme tel le jour de 
la nuit, quoique ses ganglions cérébroïdes soient 
particulièrement affectés par la lumière; mais l’en- 
fouissement périodique dans son trou est, pour le 
ver et pour son espèce, une condition de survie 
absolue, puisque, autrement, les animaux diurnes le 
dévoreraient. C'est là, Darwin le dit expressément 
dans sa célèbre monographie, une « action d'ha- 
bitude », issue de variations utiles, fixée par 
l’hérédité et renforcée par la sélection. 

De même, si les feuilles de beaucoup de plantes 
se placent, la nuit, dans des positions très diffé- 
rentes de celles qu’elles occupent dans la Journée, 
le résultat de ce mouvement est la protection des faces 
supérieures des feuilles contre les effets de la ra- 
dialion nocturne. Les expériences de Darwin ont 
montré que les feuilles qu'on force à demeurer 
horizontales, pendant la nuit, souffrent beaucoup 
plus de la gelée que celles qui peuvent prendre la 
position verticale normale !. Le grand naturaliste 
anglais en a-t-il conclu à une « âme » de la Plante 
se protégeant efficacement par des mouvements 
voulus, réfléchis et conscients? Non ; car il a vu les 
feuilles de la plupart des plantes « prendre, le 
matin, leur position diurne caractéristique, bien 
que la lumière fût encore absente, et continuer à se 
mouvoir selon leur habitude dans l’obscurité » : il 
en a inféré que ces mouvements sont simplement 
héréditaires comme ceux des vers de terre. De 
même encore, si les folioles de certaines plantes 
s'élèvent ou s'abaissent lorsqu'elles sont exposées 
à un soleil brillant, c'est, dit Darwin « dans le bul 
spécial d'éviter un éclairage trop intense ». « Il 
est impossible, écrit-il ailleurs, si l'on examine 
les plantes qui poussent sur un talus, ou au bord 
d'un bois épais, de douter que leurs jeunes tiges 
et leurs feuilles ne prennent les positions conve- 
nables pour assurer à ces derniers organes l'éclai- 
rage le plus complet et les rendre ainsi capables 
d'opérer la décomposition de l'acide carbonique. » 
Si la sensibilité géotropique de la plante, localisée 
dans l'extrémité radiculaire, guide dans le sol la 
radicule suivant les lois de moindre résistance, 
cette sensibilité spéciale éveille bien, chez Darwin, 
l'idée d’une comparaison avec les fonctions du 
« cerveau d'un animal inférieur » : car le cerveau, 
dit-il, placé à la partie antérieure du corps, reçoit 


les impressions des organes des sens et dirige les 


mouvements : iln’en conclut pas plus que Steiner, 
Edinger, Ziehen ou Sachs ne l'ont fait pour le cer- 
veau primitif des Poissons, des Amphibies, des 
Reptiles, des Oiseaux ou des Mammifères, qu'une 
« âme » habitel’extrémité radiculaire dela plante. 


1 Ch. Darwin, la Facullé motrice dans les Plantes, p.286- 
8, 410, 452-3, ettout le ch. xur. 


L 2 


68 J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 


LORS EE Ce POSE DATE 


Cette tendance à se mouvoir à certains moments 
déterminés, même indépendamment de toute mo- 
dification dans la quantité de la lumière, Darwin 
l'attribue encore el Loujours, quoique ces mouve- 
ments puissent êlre parfois extrèmement com- 
plexes, à des habitudes héréditaires, nées de va- 
riations uliles à la plante et devenues plus ou 
moins organiques au cours de la lutte pour la vie, 
par le fait de la sélection, de la ségrégation, etc., 
comme les mouvements réflexes et automaliques 
des Animaux. 

Quelle est la part de l'intelligence dans lous ces 
processus psychiques, d'une complexité presque 
infinie, qui ont assuré, avec la survivance des orga- 
nismes les mieux adaptés, laperpéluitédes espèces 
végétales et animales? Elle est nulle. Car l'intelli- 
gence, entendue, avec Meynert, comme la résul- 
tante d'images et de concepts associés, n'existe pas 
encore dans la Plante ni chez l'Animal dépourvu 
de centres nerveux d'association. « Les Plantes et 
les Animaux fonctionnent précisément comme des 
machines, à écrit Preyer, parce qu'ils ne. peuvent 
fonctionner autrement, etils ne le peuvent pas, 
parce que les conditions externes et internes de 
la vie ne sont pas autres qu’elles ne sont ‘.» Avec 
les actions du milieu cosmique, avec les effets de 
l'usage des parties et de l'adaptation, la science 
est capable de rendre raison des phénomènes phy- 
siologiques comme des phénomènes morpholo- 
giques, et la vie et la pensée, étudiées dans leurs 
manifestations, font enfin partie de la conception 
mécanique de l'Univers. « Il n’y a en jeu, dans la 
malière organisée, que des propriétés physico- 
chimiques, réductibles elles-mêmes à des mouve- 
ments moléculaires. Dans tous les phénomènes 
vitaux, il n’y a en jeu que des forces mécaniques 
(physico-chimiques) » (Gley). Le mot « vital » lui- 


même, employé pour désigner les propriétés des : 


êtres vivants qu'on n’a puréduire encore àdes con- 
sidérations physico-chimiques, paraissail provi- 
soire à Claude Bernard. J'ai rappelé ailleurs ? que, 
dans l’état actuel des sciences, il est possible de 
relier directement la Psychologie aux sciences phy- 
sico-chimiques : les fonctions du système nerveux, 
c’est-à-dire des neurones, où les propriétés psychi- 
ques du protoplasma ont subi la plus haute spécia- 
lisalion, ne sont, comme la chaleur et l'électricité, 


qu'une forme de l'énergie; bref, les phénomènes 


psychiques possèdent un équivalent chimique, 
thermique, mécanique, Toutes les forces cosmiques 
aujourd'hui connues, y compris les forces PSYy- 
chiques, sont convertibles lesunes dans les autres, 


1 W. Preyrr, Éléments de Physiologie générale, trad. par 
J. Soury, p. 285. 

? J. Soury, les Fonctions du Cerveau (2° édit. 4892), p. 375 
et suivantes. 


l'énergie est, de tous points, applicable à la méca-. 
nique cérébrale. « D’après cette loi, le mouvement » 


cérébral qui se manifeste au dehors par la con- 


traction musculaire, ne doit pas s’évanouir sans : 


trace quand celte contraction a pris fin:il doit 
agir d’une autre manière. » Et en effet, dans un 
travail récent, M. Sommer (Wurzburg), que nous 


venons de citer !, a démontré que la force qui, au 


moment dela cessation du mouvement volontaire, 
paraît se perdre, bien loin d’être perdue pour le 
mécanisme cérébral, se transforme en un mouve- 
ment inconscient parlant du cerveau qui, dans cer- 
laines circonstances déterminées, arrête la marche 


d'un réflexe, el se propage ainsi, en tout cas, aux. 


appareils de la moelle épinière. C’est là un nouvel 
et très sérieux essai de vérification de la loi de la 
conservation de l'énergie dans la mécanique du 
cerveau. 

Qu’aucun des processuspsychiquesobservés chez 
les Protozoaires ne soit conscient, c'est un point de 
doctrine inébranlable pour Max Verworn comme 
pour moi-même. 

L'idée ou la représentation plus ou moins vague 
d'un moi individuel, condition nécessaire des pro- 
cessus conscients, ne peut, en effet, apparaitre que 
lorsque les sensations et les représentations, pri- 
milivement inconscientes, de chaque partie d’un 
corps organisé, sont subordonnées entre elles et 
rapportées à quelque ordre prédominant de sen- 
salions, organe moleur et sensoriel (Steiner). 
Chez les Protistes, aucun organe des sens ne pré- 
domine encore et ne concentre comme en un foyer 
les autres modes de sensibilité: il n'existe pas 
encore d’organoïdes différenciés de sensibilité spé- 
ciale, sinon de sensibilité générale. Les sensations 
et les représentations restent isolées, sans liens 
associalifs. « Le protoplasma n’a point de #01; il 
n'est jamais individualisé, et pourtant il vit. » 
(Preyer.) Puisque loutes les particules du proto- 
plasma possèdent à peu près la même capacité de 
sentir et de réagir, il est clair qu'aucune représen- 
talion subjective d'un wi, quelque fugace et 
obscure qu'on l'imagine, n’en saurait résulter. 
L'association d'un ou de plusieurs groupes de 
représentations constitue la pensée. Or, aucun de 
ces processus psychiques, avec ses manifestalions 
psychiques correspondantes, n'est nécessairement 
conscient. Il en est ainsi des mouvements dits de 
défense, de fuite, de nutrition et de reproduction. 
La persistance, chez les Mérozoïles anucléés, après 
mérotomie, de tous ces mouvements, le prouve 
d'abondance. « L'absence de centralisation des 


! Sommer, Exacte graphische Darstellung unwillkürlicher 
cerebral bedingler Bewegungen. Wiener medizin. Presse, 
30 sept. 1894. 


- 


À 


J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 


69 


processus psychiques, de différenciation d’un orga- 
noïde, siège de processus psychiques, l'autonomie 
psychique de chaque fragment de protoplasma, 
voilà, à écrit Max Verworn, un argument qui, seul, 
suffirait à ruiner l'hypothèse de phénomènes de 
conscience chez les Protozoaires. » 

Chez les Métazoaires, au contraire, la différen- 


. ciation morphologique et fonctionnelle des parties, 


réalisée surtout par la division du travail physio- 
logique, a réparti et localisé dans différents orga- 
nes et systèmes des fonctions psychiques primiti- 
vement immanentes à chaque particule du proto- 
plasma des Protozoaires. Ces fails, qui forment, en 
quelque sorte, la pierre d'angle de la Psychologie 
nouvelle, ont inspiré à Luciani quelques réflexions 
ingénieuses dont il faut tenir compte. L’éminent 
professeur de Physiologie de l'Université de Rome 
divise et subdivise les aclivités psychiques en in- 
conscientes, subconscientes et conscientes. Les 
premières seraient localisées dans les tissus et 
organes du système végélalif, les autres dans les 
divers segments de l'axe cérébro-spinal. Chez les 
Animaux supérieurs on peut, ainsi que chez les 
Amibes, au moyen de vivisections, diviserl'agrégat 
psychique en une partie consciente et une autre 
inconsciente : il suffit d’une section transversale 
de l’axe spinal en un point intermédiaire entre les 
gonflements cervical et lombaire, ces deux cer- 
veaux accessoires médullaires, comme les nomme 
Luciani. Chez l'homme, un traumatisme, une sec- 
on ou un écrasement de la moelle épinière 
réalisent les mêmes faits. De la partie supérieure 
de l'agrégat psychique on peut, à volonté, élimi- 
ner une ou plusieurs formes d'activité supérieures : 
vision, audition, olfaction, etc., en extirpant tel ou 
tel territoire délimité de l’écorce cérébrale. Enfin 
on peut, comme Goltz, abolir en un temps toutes 
les fonctions psychiques supérieures de l'organe 
d'association, c’est-à-dire du cerveau antérieur, en 
enlevant en une ou deux opérations toute l'écorce 
des hémisphères. Le Mammifère ainsi décérébré 
n’a plus qu'une manière de vie psychique réduite à 
celle d’un amphioxus. L'idiotie et la démence, chez 
l'homme,produisent des automates vivants de mème 
sorte. Aux sensations, perceptions el représenta- 
tions imparfaites de ces derniers êtres correspon- 
dent des mouvements réflexes ou automatiques, 
des impressions plus ou moins inconscientes. 
Chez les organismes les plus rudimentaires 
comme chez les plus complexes, des Prolozoaires 
aux Métazoaires, on peut donc diviser en deux 
ou plusieurs parties l’agrégat psychique : on 
peut détruire une ou plusieurs de ses parties 
en laissant subsister les autres. Seulement, chez 
les premiers, comme chaque parlicule du corps 
cellulaire a ou parait avoir les mêmes fonctions 


psychiques que l’ensemble, ces processus ne sau- 
raient présenter les altérations qu'on observe, 
quant à ces fonctions, chez les organismes à spé- 
cialisalions et à localisations psychiques très déve- 
loppées. Je dis qu'il faut tenir compte de ces idées, 
expression suffisamment exacte de nos connais- 
sances sur les organes et les fonctions de la vie 
psychique dans toule la série des êtres organisés 
(Protozoaires etProtophytes, Végélaux et Animaux). 
Ces faits d'observation et d’expérimentalion 
prouvent, en tout cas, que, contrairement aux idées 
reçues sur la nature de | « âme », l'unité des fonc- 
tions psychiques n'existe jamais ni à aucun degré, 
car l'apparition successive, au cours de l’évolution, 
des organes el appareils de centralisation, de co- 
ordination et de localisation, de plus en plus diffé- 
renciés, n'a pu et ne pourra jamais réaliser qu'un 
semblant d'unité. Même indépendamment des faits 
d'arrêt partiel de développement du système ner- 
veux central, des porencéphalies, des lésions des- 
tructives circonscrites du cerveau, dues à la ma- 
ladie, aux traumatismes ou aux vivisections, un 
grand nombre d'états mentaux dans les psychoses 
etles névroses, dans l'hystérie surtout, semblent 
reposer sur une dissociation où désagrégalion 
mentale donnant lieu à la formation de personna- 
lités différentes et indépendantes. « L'hystérie, dit 
PierreJanet,estune forme de la désagrégation men- 
tale, caractérisée par la tendance au dédoublement 
permanent et complet de la personnalité !. » 


III. — LA THÉORIE DES NEURONES ET LES FONCTIONS 
DE L'INTELLIGENCE. 


La connaissance des connexions anatomiques, 
celle, en particulier, de l’origine et des terminaisons 
des faisceaux nerveux dans les différents centres 
du myélencéphale, nous a toujours semblé la pre- 
mière condition d’une intelligence véritable des 
fonctions de la moelle épinière et du cerveau. De 
grands progrès récents ? en ce domaine de l’ana- 
tomie, dus à des procédés d’imprégnation et de 
coloration des éléments nerveux, surtout aux mé- 
thodes de Golgi et de Ramon y Cajal, d'Ehrlich et 
de Nissl, ont fait apparaitre un monde, jusqu'ici 
inconnu, de formes et de struclures nerveuses. Ce 
n’est pas seulement l’Anatomie, c'est aussi la Phy- 
siologie du système nerveux, et parlant la Psycho- 
logie, qui sortent en partie transformées de ces 
révélations dues à des procédés de technique. La 
ruine définitive des réseaux diflus de Gerlach et de 
Golgi, la fin de l'ère des anastomoses, la théorie 
des neurones, ont inauguré une conception nouvelle 


TP. Janet Etat mental des Hystériques. 1. Les stigmates 
mentaux. II. Les accidents mentaux (1894). Quelques défini- 
tions récentes de l'hystérie. Arch. de neurol., 1893. 

2V. Eugenio Tanzi, 1 falti e le induzioni nell’ odierna 
istologia del sistema nervoso. Reggio-Fmilia. 1893. 


70 J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 


de la nature et des rapports de ces élémentsnerveux 
dont les fonctions, en dernière analyse, sont, chez 
les Vertébrés supérieurs, celles de l'intelligence. 

Nous reparlerons, dans cette Æevue, en nous 
plaçant à un point de vue plus spécial, du grand 
ouvrage de À. van Gehuchten : le Système nerveux 
de l'Homme. Nous avons naguère rendu comple, 
dans le même esprit, des Lecons sur la structure des 
organes du système nerveux central de T Homme et des 
Animaux, d'Edinger (4° édit. Leipzig, Vagel, 1894) !. 
Nous considérons le Leitfaden der physiologischen 
Psychoiogie, de Th. Ziehen (lena, Fischer, 2° édil.), 
comme un des meilleurs livres qu'il soit possible 
de méditer, avec les Beitraege zur erperimentellen 
Psychologie, de Münsterberg, depuis que la doctrine 
de Wundt, avec sa (héorie métaphysique de la- 
perceplion, est décidément tombée, en Allemagne 
comme en France, dans le diserédit qui frappe et 
ruine Lôt ou tard toutes les philosophies de tran- 
silion, incapables de renoncer jamais avec sincé- 
rilé aux idées mystiques de la tradition, alors même 
qu’elles parlent la langue scientifique du temps. 

En France, comme en Allemagne et dans le reste 
de l'Europe, les livres et les monographies de Psy- 
chologie physiologique, conçus et écrits dans le 
meilleur esprit scientifique, et dont les théories 
sont déjà si éloignées de celles des Wundt et des 
Sergi, augmentent chaque jour. Les Vortraege de 
Heinrich Sachs (Breslau) sur /a structure et l'activité 
du cerveau, l'aphasie et la cécité psychique, méritent au 
plus haul point, ainsi que sa monographie sur 
Panalomic du lobe occipital, d'attirer l'attention des 
psychologues. Nous avons peut-être moins de 
livres en France. Mais j'ai eu souvent l’occasion de 
reconnailre l'étendue et l'exactitude des infor- 
malions, la rigueur scientifique des méthodes, la 
hauleur de vues de jeunes psychologues tels que 
Paul Sérieux ?, Marinesco#, Maurice de Fleury‘, 
Armand Paulier *, A. Rueff6. 

Mais, dans celle revue annuelle, nous devons 
plus insister sur l'histoire générale des idées, sur 
celle des théories et des systèmes en Psychologie, 
que sur la description des méthodes et des pro- 


1 Cf. Revue générale des Sciences, 30 juin 1894. 

? Sur un cas d'hallucinations motrices verbales, chez une 
paralylique générale, par le Dr Paul Sérieux, médecin 
adjoint à l'asile d’aliénés de Villejuif. — Arch. de neurol. 1894. 
Marinesco et Paul Sérieux. Lésion lraumaltique du brijumeau 
el du facial avec troubles lrophiques. Arch. de phys., 1893. 

3 Sur la régénération des centres nerveux. C. R. de la Soc. 
de biol., mai 189%. Ueber Veraenderung der Nerven u. des 
Rückenmarks nach Ampulalionen; ein Beilrag zur Nerven- 
trophic. Neurol. Centralbl. 1892. (Cf. A. Goldscheider. Lehre 
von den troph. Centren. Berl. Klin. Wochenschr., 1894. 

4 L'insomnie et son traitement, parle Dr M.de Fleury. Paris, 
1894. Cf. Contribulion à l'élude de l'hystérie sénile (1890). 

5 Recherches sur la nolion de surface en anatomie. Déler- 
minalion de la surface des organes en général el du cerveau 
en particulier, par le Dr Armand B. Paulier. Paris 1892. 

5 Voy. Les Troubles de la parole, par Kussmaul. Traduction 


( 747 DD'ECTCER 


cédés techniques grâce auxquels le progrès de 
celle science a été possible. Un savant et un psy- 
chologue tel qu'Auguste Forel (Zurich), par exem- 
ple, nous semble correspondre le mieux à cet 
ordre de considérations. Aussi bien, c’estun devoir 
pour la critique de saluer dans Forel un précur- 
seur de la révolution dans nos idées sur la struc- 
ture et les connexions des éléments du système 
nerveux : je veux parler de la (héorie des neurones. 

Forel a souvent répélé qu'une anatomie du cer- 
veau sans histologie est un non-sens. Le travail 
qu'il vient de publier, Gehirn und Sbele (Leipzig, 
Vogel, 1894) !, nous fournit l’occasion désirée de 
dire toute notre pensée sur l’éminent psychologue. 
Avec His, eten même temps, il a inauguré la théo- 
rie des neurones. Külliker et Max Schultze avaient 
déclaré, on le sait, à maintes reprises, qu'on ne 
pouvait démontrer l'existence d’anastomoses dans 
le système nerveux central. Mais tous les anato- 
mistes croyaient que ce mode de connexion devait 
exister et que le système nerveux se composait de 
deux éléments : des fibres et des cellules nerveuses. 
His administra la preuve que, chez l'embryon, les 
fibres motrices proviennent des grandes cellules 
des cornes antérieures; les fibres sensitives, des 
cellules des ganglions spinaux intervertébraux. La 
fibre nerveuse n’est done qu'un prolongement de 
la cellule, non un élément indépendant. S'ap- 
puyant sur les résullals anciens de la méthode 
d’atrophie de son maitre Gudden, et sur les faits 
nouveaux d'histologie dus à la méthode de Golgi, 
qui prouvent que les prolongements proloplas- 
miques des cellules nerveuses se terminent 
librement, Forel ne put se persuader de l'existence 
d'un réseau anastomolique, admis par Golgi, for- 
mé des plus fines arborisations des prolongements 
nerveux des cellules ganglionnaires. D'abord, il 
n'avait rien pu constater de pareil sur les prépara- 
hions exécutées d’après la méthode de Golgi; en- 
suite, le faitétaiten désaccord avec les expériences 
de Gudden sur l’atrophie des nerfs sensibles. 
Forel rejeta donc l'hypothèse des anastomoses : il 
soulint que toutes les fibres du système nerveux 
n'étaient que des prolongements des cellules ner- 
veuses se terminant librement par de libres arbo- 
risations (1887). Les éludes bien connues de Forel 
sur les Invertébrés lui avaient appris que, chez 
ces animaux, où n'existe pas de ganglions spinaux, 
ce sontles amas de cellules nerveuses situées sous 
la peau qui sont les cellules d'origine des neurones 
sensitifs, terminés par de libres arborisations dans 
les ganglions de la chaine ventrale. His, avec qui 


française augmentée de notes, par le Dr A. Rueïï, chef de 
clinique adjoint de la Faculté de médecine de Paris. 

1 Gesellschaft deutscher Naturforscher u, Aerzte. Verhand- 
lungen 41894. Allgem. Theil. Cf. Corresp.-Blatt fur Schweizer 
ZÆrite. lahrg xxi1 (1892). Ueber die Theorie der Neuronen. 


À rm dé DÉCRET Sn D déttée mn nt mot bé di —.. D. ds. 


| 


J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 71 


Forel avait parlé de ces faits, exprima l'opinion 
que les ganglions spinaux des Vertébrés devaient 
être les homologues de ces ganglions sensitifs pé- 
riphériques des Inverlébrés. Au cours de l’évolu- 
tion phylogénique, ces ganglions ont reculé dans 
l'intérieur vers les centres nerveux du névraxe, et 
le prolongement périphérique des cellules de ces 
ganglions a finalement formé le nerf sensitif, N'in- 
sistons pas davantage : il est certain que là où, 
comme dans la rétine, il y a, à la périphérie, des 
cellules nerveuses sensibles, iln'existe point de gan- 
glions spinaux sur le parcours des nerfs correspon- 
dants. L'étude deces problèmes complexesexige,on 
le voit, et Forel y insiste loujours avec raison, le 
concours d’un grand nombre de disciplines biolo- 
giques, telles que l’'Embryologie, l'Anatomie com- 
parée, l'Hislologie et la Physiologie expérimentale. 

Issu phylogéniquement des cellules épithéliales 
différenciées, ontogéniquement du feuillet germi- 
nalif externe de l'embryon, le système nerveux 
n’est que la postérité de ces cellules, dont il doit, 
par conséquent, posséder les propriétés générales, 
en outre des propriétés spéciales acquises au cours 
de l’évolution organique par l'effet de la division 
du travail physiologique. Ces dernières propriétés 
consistent surtout, selon Forel, dans la transmis- 
sion des stimulus sous forme d'ondes, qu’il propose 
d'appeler neurocymes (ondes nerveuses), sans pré- 
judice de la nature physico-chimique, encore in- 
connue, de ces mouvements moléculaires. 

A l'hypothèse des réseaux nerveux du système 
nerveux central a succédé la démonstration d'une 
sorte de feutrage résultant des rapports réciproques 
de contiguité des innombrables ramifications, d'une 
longueur et d'une finesse extrêmes, des cellules 
nerveuses : ces ramifications, Forel les compare, 
comme l'avait fait Th. Meynert bien avant ces dé- 
couvertes, à des bras de polypes, ce qui n'est pas 
une simple comparaison et nous parait bien expri- 
mer la nature des choses. La cellule nerveuse avec 
ses prolongements et ses ramifications des deux 
extrémités est un neurone (Waldeyer). Le sys- 
tème nerveux tout entier, central et périphérique, 
n’est qu'un complexus immense de systèmes de 
neurones. On distingue : 1° des neurones centri- 
pètes, sensitifs ou sensoriels : ils transmettent les 
excilalions des sens au système nerveux central ; 
2°desneurones centrifuges, moteurs : ils propagent 
aux muscles l'onde nerveuse partie du système 
nerveux cenlral. Le neurone moteur a sa cellule 
d'origine dans le système nerveux central : ses 
arborisations terminales s'appliquent, « comme 
des serres », sur les fibres musculaires et déler- 
minenl leur activilé contractile ou motrice. Ces 
deux sortes de neurones périphériques sont toute- 
fois subordonnées au prodigieux complexus de 


systèmes de neurones associés constituant le cer- 
veau. La complexité extraordinaire de cet organe 
dépend beaucoup moins du nombre des cellules 
que de la multitude et de la finesse presqueinfinies 
des ramifications desneurones. 

Entre le cerveau et les neurones périphériques, 
la moelle épinière, la moelle allongée, le cervelet, 
le thalamus opticus, elc., représentent des com- 
plexus de neurones intermédiaires, et, après Stei- 
ner el Edinger, Forel remarque que ces derniers 
sont en grande partie plus anciens que le cerveau 
des hémisphères, et que, par conséquent, ils 
doivent posséder, chez les Vertébrés inférieurs, 
des fonctions beaucoup plus importantes que chez 
l'Homme. Steiner, on le sait, a défini le cerveau 
un centre nerveux, parvenu d'homogène quil 
était aux autres métamères, à une sorte d'hégé- 
monie motrice et sensorielle s’exerçant sur les 
autres segments du névraxe: il a démontré expé- 
rimentalement que, chez les Poissonscartilagineux, 
ce n’est pas le cerveau antérieur, mais le cerveau 
moyen, beaucoup plus développé, qui commande . 

Tous ces faits nous sont devenus familiers. Mais 
voici des remarquessingulièrement pénétrantes du 
précurseur de la théorie des neurones. La prin- 
cipale source, dit-il, des erreurs en Psychologie 
vient de l’usage d’un grand nombre de mots qui 
ont élé forgés à une époque où l’on ne savait en- 
core rien de l'Anatomie et de la Physiologie du 
cerveau humair, La Psychologie classique et l’an- 
cienne Physiologie, se croyant d’ailleurs aux anti- 
podes, parlent pourtant également de sensations, 
de perceptions, de représentalions, de sentiments, 
de volonté, etc. Pour Forel, quirepoussela distine- 
tion traditionnelle des phénomènes en somaliques 
et psychiques, et qui déclare défuntes et « enter- 
rées » les facultés de i’âme, la Psychologie et la 
Physiologie cérébrale ne sont naturellement que 
deux études d'un même objet considéré sous deux 
aspects; les deux disciplines se confondent dans 
une synthèse : la Psycho-physiologie. La théorie 
des localisations cérébrales, les expériences sur le 
système nerveux des Animaux, l'étude clinique et 
anatomo-pathologique des lésions en foyer de 
l'écorce, celle des maladies mentales el nerveuses, 
l'Anthropologie criminelle et ses rapports avec la 
Psychiatrie, la théorie de la suggestion, celle du 
sommeil et des rêves, l'étude de l'intelligence nor- 
male ou pathologique des enfants, des aveugles- 


1 Sreixer (Heidelberg), Die Funclionen des Cenlralner- 
vensyslems u. ihre Phylogenese. Ite Abthcilung, Untersu- 
chungen ueber die Physiologie des Froschhirns. [te Abthei- 
lung, Die Fische (1885-88). « Le cerveau des Vertébrés s’est 
développé phylogéniquement du centre olfactif (11, p. 99). » 
Le cerveau est défini par Steiner : « Un centre général des 
mouvements associé aux fonctions d’un au moins des nerfs 
supérieurs des sens (odorat, vue, ouïe). » Cf. surtout page 110, 
24: la phylogenèse du système nerveux central. 


72 J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 


nés, des sourds-muets, etc., voilà qui peut surlout 
nous apprendre comment l'écorce cérébrale fonc- 
tionne, quels troubles, partiels ou généraux, soit 
de nature centrale, soit de cause centripète ou cen- 
trifuge, peuvent l'affecter. 

Quel est le siège des sensations? Dans lecerveau, 
répond Forel, au point d'arrivée de l'onde nerveuse 
née de l’excilation périphérique. Là, et de proche 
en proche jusqu'aux derniers confins de l'organe, 
cette onde nerveuse réveille d’autres ondes ner- 
veuses innombrables, ou neurocymes associés, 
dont les vibrations, plus ou moins affaiblies, som- 
meillaient en quelque sorte dans les neurones de 
l'écorce. Pour variées que soient les associations, 
elles n'en sont pas moins ordonnées entre elles. 
L' « onde d'éveil » (le mot est de Forel) modifie 
en partie toute la chaine de ces neurocymes asso- 
ciés; celle ci réagit à son tour sur d’autres séries, 
soit en arrêtant, soit en propageant à dislance les 
ondes nerveuses. Les ondes qui, dans l'écorce, at- 
teignent une certaine vitesse et s'élèvent à une 
certaine hauteur s’écoulent en quelque sorte dans 
la grande voie centrifuge des fibres des faisceaux 
pyramidaux : ce sont les impulsions volontaires 
des psychologues, qui, en atteignant les organes 
bulbo-médullaires, excitent les cellules d’origine 
des nerfs moteurs et déterminent les mouve- 
ments. Les impulsions « volontaires » qui ne 
sont pas suivies de contractions musculaires, les 
grandes résulltantes centrifuges de l'aclivité cé- 
rébrale qui sont inhibées, réfrénées, avant que les 
neurones de la voie des pyramides aient été ac- 
tionnés ou aient pu l'être, jouent un rôle capital 
dans la vie psychique. Forel ne manquera pas sans 
doute de nous édifier à ce sujet lorsqu'il dévelop- 
pera ces rapides aperçus, car cel anatomiste est 
doublé d’un aliéniste et d’un neurologiste de grande 
marque. Peut-être admet-il, avec Breuer et Freud 
(Nour. Centr. 1893), que ces sortes d’impulsions ren- 
trées, si je puis dire, ces réactions arrêlées sans 
diversions compensatrices, aussilongtemps qu'elles 
n'ont pas perduleur puissance émotionnelle, etchez 
ces dissociés intellectuels qu'on nomme hysté- 
riques, sont une cause persistante de réveils hallu- 
cinatoires plus ou moins inconscients qui se mani- 
festent par les phénomènes moteurs de l'attaque 
convulsive. 

Outre la nature des synthèses d’associalion, la 
durée, la forme, l'intensité du mouvement des 
ondes nerveuses des neurones de l'écorce inter- 
viennent dans le processus de la pensée (Denkpro- 
cess). Car c’est bien des opéralions de la pensée 
qu'il s’agit. L'activité des processus de celle-ci, ou 
est devenue automatique par le fait d'innombrables 
répélilions identiques ou presque identiques, ou 
est restée plastique, créatrice, capable, au moyen de 


combinaisons nouvelles, d'instaurer de nouveaux 
enchainements de neurocymes. 

Dans celte dernière catégorie de phénomènes, 
qui comprend les opérations les plus élevées de la 
raison, les sentiments éthiques et esthétiques, un 
sentiment d'effort plus ou moins considérable, 
l'attention se décèle toujours par des symptômes 
subjegifs et objectifs. Dans la première, celle des 
activités purement automatiques, reproductives, 
héréditaires, des neurocymes, une excitation suffit 
souvent pour provoquer le déroulement de toute 
la chaine : c'est l'instinct. Cet automatisme peut 
être créé, dans l’espèce par l'hérédité, chez l'indi- 
vidu par l'habitude. Ces actes, souvent très com- 
pliqués, par exemple ces instinets des fourmis si 
magistralement étudiés par Forel, n’exigent, pour 
se réaliser, que très peu d'éléments nerveux, Car, 
encore que le cerveau des Fourmis soit relalive- 
ment très gros, il est, en fait, extrêmement pelit. 
Au contraire, les activités plastiques du cerveau ont 
besoin, pour se déployer, de masses considérables 
de substance nerveuse. L'activité plastique de l’in- 
telligence des corneilles comparée à celle de la 
poule, peut expliquer, abstraction faite de la taille, 
le volume relatif du cerveau de ces deux oiseaux. 
Forel ajoute expressément que les propriélés plas- 
tiques de l’activité des neurocymes sont hérédi- 
taires, mais seulement à lilre de dispositions, 
qu'elles soient ou non développées par l'individu 
qui en à hérité. « Ce sont des faits, cela, s’écrie 
Forel, et non des théories. » 

Voilà bien, en eflet, la partie vraiment scienti- 
fique de cette haute profession de doctrine. La 
brève esquisse qu'a donnée Forel des différents 
élats de conscience et d'inconscience, du som- 
meil et des rêves, mérile encore d'être méditée, 
même lorsqu'on a présents à l'esprit les deux cha- 
pitres sur la conscience, qui ouvrent son livre Der 
Hypnotismus (Stuttgart, Enke, 1891). Forel étend 
l'existence de la conscience, non seulement à notre 
cerveau, mais aussi à toutes les autres parlies de 
notre système nerveux, lesquelles nous sont aussi 
bien subjeclivement qu'objectivement inconnues. 
Notre conscience ordinaire, celle de la veille, n’est 
qu'une conscience supérieure : voilà tout. Mais la 
conscience est une propriété générale des neu- 
rones vivants, et parlant du système nerveux de 
tous les animaux. Il en a conclu naturellement que, 
dans l’évolution phylogénique des Animaux, l’acti- 
vilé plastique de l'intelligence doit avoir été pri- 
milive, l’activilé automatique secondaire. 

Ici je me sépare absolument de Forel pour les 
raisons que j'ai dites plus haut. Je crois encore, 
avec Forel, que, siles phénomènes psychiques qu'il 
est possible de noter chez les Végélaux sont si 
nombreux, c’est que les Végétaux, n'ayant point de 


J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 13 


système nerveux, c'est-à-dire de neurones, c'est 
dans les cellules végétales constituant les plantes, 
bien plutôt que dans la plante entière, qu'il faut 
chercher à étudier l'individu véritable. Mais, si le 
monisme peut revendiquer, pour la vie et les pro- 
priétés élémentaires de toute vie, la même éter- 
nité que pour la force et la malière, il ne suit pas, 
selon moi, qu'on ait le droil de mellre la cons- 
cience, ou une conscience quelconque, au nombre 
de ces propriétés primordiales qui sont communes 
aux êtres inorganiques et organiques. Que l'on 
parle, après Haeckel, de l'embryon d'âme d'une 
cellule organique, voire d’un atome, soil, — quoique 
le mot « âme » dût être banni de la science en gé- 
néral comme il l'est de la Psychologie moderne. 

Mais rien ne décèle l'existence d’une conscience, 
quelque rudimentaire qu'elle puisse être, ni dans 
l'Univers sidéral, ni dans la vie des Végétaux, ni 
dans celle des organismes où la division du travail 
physiologique n’a pas encore déterminé l'appari- 
tion d’un groupe de neurones associés. Ce ne sont 
même pas les neurones, c’est l'association des 
neurones qui, seule, réalise les conditions d’ap- 
parilion d’une conscience. Et par ce mot, je n'en- 
tends, pas plus que Forel, une conscience humaine, 
telle qu'elle résulte de l’activité plastique d’un grand 
cerveau aux innombrables neurones, Je ne doute 
pas plus que lui de la conscience et de la plasticité 
de l'intelligence des grands Singes anthropoïdes, 
des Éléphants, des Dauphins, des Lézards, des 
Oiseaux et des Chiens, voire des Invertébrés tels 
que les Fourmis. Mais qu'est-ce que ces rares es- 
pèces dans le gouffre sans fond du monde des vi- 
vants? Une goutte d'eau dans l'Océan. Ni les Pro- 
tozoaires dans leur ensemble, ni les Protophytes, 
ni les Végélaux, au milieu desquels vivent et 
passent presque inaperçus sur celte planèle les 
dominateurs conscients des mers, des airs et des 
continents, n’ont alleint ni réalisé les condilions 
élémentaires de l'apparition de la conscience, et 
cela à quelque degré que ce soit. Les fonctions 
psychiques de ces multitudes presqueinfinies d'êtres 
vivants sont, au fond, absolument identiques aux 
nôtres, puisque les propriétés primordiales du pro- 
toplasma sont partout les mêmes. Mais on peut 
vivre el se survivre dans l’espèce, on peut lutter et 
vaincre dans le combal de la vie universelle, on 
peut s'adapter aux milieux, réagir aux excitations 
internes et externes par des mouvements de dé- 
fense el de protection apparents, sans qu'aucune 
lueur de conscience, j'entends sans qu'aucune re- 
présentation consciente, ne traverse le protoplasma 
amiboïde d'un Protiste ou d’un Végétal. 

Les habitudes ancestrales de ces êtres, ce qu’on 
pourrait appeler leurs instincts héréditaires, sont 
nées, nous l'avons dit, des variations utiles ac- 


quises mécaniquement au cours des longues luttes 
pour l'existence; fixées par l’hérédité, elles sont 
devenues organiques par la sélection naturelle. En 
somme, Descartes avail raison : tous les êtres vi- 
vants ne sont que des automates : son erreur a été 
de tirer l'Homme de la foule innombrable de ses 
frères inférieurs. Inconscients ou conscients, les 
processus psychiques n'en sont pas moins toujours 
automatiques. La conscience n'ajoute rien, quand 
elle existe, à ces processus, pas plus que l'ombre 
au corps. Si la sensation et l'intelligence qui en ré- 
sulte, quand les appareils des sens et les organes 
psychiques ont apparu, ne sont, comme la vie elle- 
même, qu'elles servent en partie à définir, que des 
forces naturelles, elles ne sauraient se soustraire 
aux lois d'airain du déterminisme universel. 

Si les processus de l'intelligence, même la plus 
haute et la plus différenciée, ne sont pas, comme 
ceux d’un mollusque, susceptibles d’être détermi- 
nés, soit avec nos mélhodes actuelles, soit à l’aide 
de méthodes futures plus perfectionnées, bref, s'ils 
échappent au nombre el à la mesure, ils ne sont 
pas objets de science, et Kant a raison contre Her- 
bart et Fechner, qui répétait que « la Psychologie 
ne pourra jamais s'élever au rang d'une science 
naturelle exacte » : il n'ya point de Psychologie. Il 
ÿ à, au contraire, une Psychologie, si l’activité de 
l'intelligence, comme celle de toutes les autres 
fonclions des êtres organisés, se ramêne, avec la 
Physique et la Chimie, à la Mécanique. L'unité 
suprême de la Nature a sa plus haute expression 
dans l'unité de la science. 11 n’y a pas deux Méca- 
niques, une Mécanique céleste et une Mécanique 
cérébrale; deux Chimies, une Chimie inorganique 
et une Chimie organique; deux Physiologies, non 
plus que deux Psychologies, l’une pourles hommes, 
l’autre pour les Végétaux et les Animaux. Partout 
éclate, avec l’infinité de la causalité, la continuité 
des phénomènes naturels. 

Si l’on connaissait mieux les éléments de la Mé- 
canique moléculaire, les phénomènes les plus déli- 
cats des formes supérieures de la vie, les phéno- 
mènes d’innervalion eux-mêmes, pourraient être 
représentés par quelque formule d'ordre cosmolo- 
gique, car les diverses actions nerveuses, les sen- 
sations, les images et les idées, ne sont, considé- 
rées objectivement, que des systèmes de mou- 
vements. Mais les sciences de la vie sont encore 
très loin de la perfection relative à laquelle sont 
déjà arrivées quelques sciences, telles que l'Op- 
tique, et la théorie des mouvements cellulaires est 
infiniment moins avancée que celle des ondulations 
de l’éther. 

Jules Soury, 


Maitre de Conférences de Psychologie physiologique 
à l'Ecole pratique des Hautes-Études. 


—! 


& 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS 
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LES TRANSMISSIONS ÉLECTRIQUES. — SONNERIE ÉLECTRIQUE INDUSTRIELLE DESTINÉE AUX ENDROITS HUMIDES, — 
NOUVELLE BOUÉE DE SAUVETAGE 


M. A. Siemens vient de faire, devant le North of En- 
gland Institute of Mining and Mechanical Engineers, une 
conférence d’un intérêt considérable sur les transmis- 
sions électriques. L’éminent physicien a rappelé les pre- 
mières applications du transport de l'énergie par l’élec- 
tricité faites à Craigside et à Tunbridge Wells par lord 


Armstrong et sir William Siemens. Il fallut, d’ailleurs, 


plusieurs années avant que ces applications fussent 

rises au sérieux et considérées comme réellement in- 
dustrielles, Mais les tramwaysélectriques et leur rapide 
développement — en France, malheureusement, nous 
ne pourrions tenir un tel langage — ont bientôt prouvé 
qu'il était possible de construire des moteurs élec- 
triques fonctionnant parfaitement et sûrement. On 
pourrait en citer qui ont fait plus de 100.000 kilomètres 
avant d’avoir eu besoin d’une réparation quelconque. 

MM. Siemens Bros and C° ont installé, dans leurs 
usines de Woolwich, le système des transmissions élec- 
triques au lieu du système ordinaire qui existait au- 
paravant. Cet exemple mérite-til d’être suivi? Des 
essais de comparaison sérieux entre la vapeuret l’élec- 
tricité ont montré que celle-ci doit être préférée dans 
la plupart des cas s’il s’agit de nouvelles usines. S'il 
faut, au contraire, changer l’ancien système contre le 
nouveau, les solutions varient beaucoup selon les cir- 
constances. En règle générale, la transmission élec- 
trique est la plus économique quand l'énergie doit 
être transportée à de longues distances et à différents 
endroits, dans les mines par exemple !. 

Tel est l'esprit du discours de M. Alex. Siemens. 

Le sujet est important et d'autant plus digne d’at- 
tirer l'attention qu'il a été longtemps négligé. Depuis 
quelques années, cependant, les ingénieurs semblent 
sortir de leur longue insouciance et quelques essais 
se font, mais trop rares et trop timides encore. Car il ne 
s’agit pas d'adopter d'enthousiasme le système élec- 
trique, ni de le rejeter avec parti pris; il s’agit de sa- 
voir exactement et pour ainsi dire mathématiquement 
quel est le mode de transmission le plus avantageux; 
et si les solutions peuvent être différentes, dans quel 
cas l’un ou l’autre de ces modes doit être accepté ou 
repoussé. C'est pour cela que des essais nombreux 
et soignés sont nécessaires. 

M. Selby-Bigge vient, lui aussi, de traiter le même 
sujet devant l’Iron and Steel Institute. « Il y a eu, 
dit-il, une tendance de la part des ingénieurs à 
considérer l'électricité comme applicable seulement 
dans le cas où la puissance doit être transmise à une 
grande distance. Il est nécessaire à présent d’envi- 
sager un cas tout différent, celui où la puissance doit 
être transmise dans un rayon n’excédant pas 300 ou 
400 mètres, mais dans lequel l'électricité ait matière 
à s’employer pour la marche de différentes classes 
de machines, » 

Il arrive souvent dans les anciens établissements que 
la force motrice est produite par un certain nombre 
de chaudières et de machines formant des groupes dis- 
séminés et absolument indépendants. Les transmissions 
par arbres et par courroies sont très longues et très 
nombreuses; la vapeur est conduite quelquefois à de 
très grandes distances du générateur lorsque la néces- 
EE 

1 Voyez à ce sujet la remarquable étude que M. Gérard 
Lavergne a publiée dans le dernier numéro de la Revue. 
(No du 15 janvier 1895, t. VI, p. 8 à 23.) 


sité a imposé un emplacement bien déterminé pour le 
moteur, De cette disposition résultent de graves incon- 
vénients : d'une part, avec des chaudières el des 
machines séparées, la surveillance se fait beaucoup 
plus difficilement, et, d'autre part, on a beaucoup de 
chances d’être obligé d'augmenter le nombre des 
mécaniciens et des chauffeurs. Les machines sont de 
faible force, partant d’un rendement peu satisfaisant; 
elles marchent à basse pression et l’on sait que les 
types de machines à haute pression sont plus écono- 
miques. Dans les longues conduites de vapeur, on 
trouve des pertes énormes par condensation et surtout 
par suite des fuites inévitables dans les soupapes et 
dans les joints. Enfin, les transmissions par arbres et 
par courroies absorbent une quantité de travail dont 
on ne se rend pas toujours compte el qui peut varier 
de 3 à 69 °/, de la puissance transmise !. Nous avons 
supposé jusqu'ici que tous les ateliers étaient en plein 
fonctionnement. Or, ilarrive souvent qu'une bonne par- 
tie des transmissions fourne à vide. Au-dessous de 
quel taux le rendement ne peut-il pas alors descendre? 

Supposons que l’on veuille reconstituer complète- 
ment un de ces anciens établissements en adoptant les 
transmissions électriques. 

La première chose à faire sera de se rendre compte 
de la puissance à fournir et de procéder aux mesures 
nécessaires si, ce qui est le cas général, l'industriel 
n'a pas de renseignements précis sur ce sujet, On di- 
visera la force tolale en deux unités de puissance: 
par exemple, pour 1.000 chevaux, on prendra deux 
machines de 500 chevaux. Evidemment, même dans 
l'esprit de M. Selby-Bigge, cette règle n’est pas absolue 
et l’on peut imaginer des cas où il serait plus avanta- 
geux de diviser la puissance tolale en trois ou même 
en quatre unités. 

L'emplacement des chaudières et des machines sera 
ensuite déterminé. L'on a à cet égard la liberté la plus 
grande ; le choix peut être fait en dehors de toute pré- 
occupation relative à ladisposition des outils à comman- 
der. La force sera transmise aux outils au moyen 
de moteurs de puissance convenable. Voici, par 
exemple, les nombres adoptés aux établissements d’ex- 
traction de zine de la Vieille-Montagne. Ces établis- 
sements ont élé, il y a quelque temps, entièrement 
reconstitués par l'installation d'une importante dis- 
tribution de puissance électrique. La machine généra- 
trice est une Corlis compound de 600 chevaux tour- 
nant à la vitesse de S0 tours par minute, associée à une: 
dynamo-volant multipolaire, construite pour une ten- 
sion de 500 volts. Les moteurs employés sont : 


1ù 1 cheval 

l 2 chevaux 
6 Er 

4 ï 

3 10 % 

fl] 14 

à 45 

1 64 

2 80 


La perte totale dans une installation de ce genre, 
en admettant que le rayon d'action ne dépasse pas 


! Nous rappelons à ce sujet une notice donnant des nom- 
bres à peu près équivalents parue à cette même place dans. 
la Revue générale des Sciences du 30 octobre 1894, page 762. 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 15 


500 mètres, est d'environ 25 °/,, répartie comme suit : 


Perte dans la dynamo génératrier. vl | 
Perte dans les conducteurs. ..... PE LARUMA 3 } 25 
Perte dans les moteurs.......... Na ae sd 15 | 


L'économie journalière de charbon peut être, pa- 
rait-il, de 4 à 7 kilos de charbon par cheval effectif. 

Dans les anciens établissements les pertes dans les 
conduites et dans les transmissions sont constantes, 
que l'outil tourne ou non, Au contraire, dès qu'un 
moteur électrique a cessé de travailler, on le met hors 
circuit; les courroies, s’il y en a, s'arrêtent, et la perte 
dans les cäbles devient rigoureusement nulle, C’est là 
une des causes principales du relèvement du taux 
général de rendement. A la manufacture d'armes 
d’Herstal, il a été reconnu que, pour une certaine 
partie des usines, l'installation électrique a fait tom- 
ber la dépense journalière de charbon de 3 tonnes à 
900 kilogrammes. 

La surveillance et l'entretien d’une installation 
électrique complète et bien comprise demandent très 
peu d'hommes. Il v a de ce fait sur les salaires une 
économie qui est parfois loin d'être négligeable. 

Le tableau ci-joint, dù à M. Félix Mélott, donne, 
d'après le calcul, une comparaison très intéressante 
entre les transmissions mécaniques et les transmis- 
sions électriques pour des charges variables : 


Transmission électrique 


Charge de la ma- 


CHEN OMS Reese ee 1006 |750 500 333 [250 |200 
Perte constante par 

frottement." 50 50 59 50 50 50 
Perte électrique va- 

MADIe RSR eme 50 27 11 Pr5 ea) EU 
Perte totale de la 

CEE 100 71 61 54.51 52.2| 51.2 
Puissance dispo- 

NS 900 1672 |4:39 1278.5/197.8/148.8 
Rendementp. cent..| 90 89.7| 81.6| 85.5] 79.1] 74.4 


Perte dans les con- 
ŒUCIÉUTS.. 5,0 18 10 4 1511000 %8 M0 AË 
Puissance dispo- 
nible aux moteurs| 882 |663 |435 
Perte constante par 


frottements ...... E3 53 53 53 53 5.8 
Perte variable.....| 25 29 CPV A enTAr 
Perte totale dans les s 

MOIeUTER A U LE, 8s 73 61.5| 56.4! 54.7] 54 
Puissance dispo- 

nibler, 23:35 11019 1590%373-51220.41142.3119% 

19: .1| 66.2| 57 41 


Charge de la ma- 
chine... ..[1000 550 
Perte par frotte - 


Puissance utile .... 
Rendement total % 


17.6 


38.1 


Voici, comme exemple, les rendements exacts me- 
surés aux établissements de la Vieille-Montagne : 


Rendement de la machine... .... 90 % 
» dynamo génératrice. 90 là pleine 
» des conducteurs.... 98 charge 
» moyen des moteurs. 86 \ 


Rapport du travail utile au travail indiqué à la ma- 
chine à vapeur 68,5 °/.. 

« En tenant compte de tout ce qui a été établi plus 
haut, conclut M. Selby-Bigse, on verra que la puis- 
sance électrique est appelée à devenir, prochaine- 
ment, un facteur important dans les industries du 
fer et de j’acier et dans les ateliers de construction. 

« Appliquée aux mines pour les transmissions à lon- 
gue distance ou aux usines pour la transmission à courte 


distance et la concentration de puissance, elle sera la 
source d’une grande économie sur les salaires, le com- 
bustible et l'entretien, par rapport aux méthodes em- 
ployées jusqu'ici. D'anciens établissements peuvent être 
reconstitués avec avantage, comme le prouvent les 
exemples de la Manufacture Royale d’Armes, des éta- 
blissements d'extraction de zinc de la Vieille-Montagne 
en Belgique, des établissements de production de l'acier 
de MM. Long et C°, à Middleshorough ; que d'avantages 
ont à leur disposition ceux qui projettent de fonder des 
installations nouvelles ! » 


Les journaux scientifiques anglais s'occupent actuel- 
lement, en y attachant une certaine importance, d’une 
sonnerie électrique susceptible de rendre de véri- 
tables services dans l’industrie et qui présente quel- 
ques détails originaux. Elle est destinée à être em- 
ployée dans les mines, à bord des vaisseaux, et, par- 
tout enfin où l’action de l'humidité peut se faire 
sentir sur les sonneries ordinaires, les endommager et 
les mettre rapidement hors de service. Les électro- 
aimants, les contacts mobiles et toutes les parties déli- 
cates de lappareil sont enfermées dans une boite 
métallique munie d’un couvercle et d’un joint au caout- 
chouc qui la rend absolument étanche (fig. 1). La base 


Fig. 1, — Délails de la sonnerie. 


de la sonnerie qui supporte le timbre de la boîte est 
venue de fonte avec cette dernière. Le contact mobile 
à travers lequel passe le courant se trouve à l’intérieur 
et en regard de prolongements polaires latéraux des 
électro-aimants. Ceux-ci, en outre, passent à travers 
l’un des côtés de la boîte et leurs extrémités débor- 
dent à l’extérieur. En face de celles-ci vient une lame 
métallique supportant le bouton du timbre et retenue 
par un ressort antagoniste. Dès que le courant passe, 
le contact intérieur vibre et détermine des vibrations 
synchroniques de la lame extérieure. 

Il parait qu'il a été démontré par l'expérience que 
cette sonnerie atteint absolument le but pour lequel 
elle a été construite. Elle fonctionnerait même 
lorsqu'elle est complètement plongée dans l’eau. La fi- 
gure { ci-Jointe, reproduite d’après The Electrician, en 
montre les détails. 


L'Allgemeine ÆElekiriciläts Gesellschaft a fait derniè- 
rement paraître sur le marché une nouvelle bouée de 
sauvetage munie d’une lampeélectrique. Destinée à sup- 
porter facilementlepoids de trois hommes, cette bouée 
pèse un peu plus de 50 kilos. Dans son intérieur se trou- 
vent des accumulateurs qui, dit-on, peuvent conserver 
leur charge pendant deux mois et sont capables d’ali- 
menter pendant 6 heures une lampe de 16 bougies. 
Cette lampe est située au-dessus de la bouée et pro- 
tégée par une sorte de cage métallique. Elle est égale- 
ment entourée d’une forte lentille qui rend sa lumière 
visible à une distance de 1 kilomètre et demi à 2,kilo- 
mètres. Un jeu de ressorts convenablement disposés 
maintient le circuit ouvert tant que la bouée est sus- 
pendue et le ferme automatiquement aussitôt qu'on la 


détache, 
A. Gay, 


Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, 


76 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE | 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Darboux (Gaston). — Membre de l'Institut, Doyen 
de la Traculté des Sciences de Paris. — Leçons sur la 
Théorie générale des Surfaces et les Applications 
géométriques du calcul infinitésimal. Troisième 
partie : Lignes géodésiquesetcourbure géodésique. 
Paramètres différentiels. Déformation des sur- 
faces. — Troisieme fascicule. 1 vol. in-5° de T5 payes. 
(Prix : 15 fr.) Gauthier- Villars et fils. Paris, 1895. 

Ce fascicule termine le troisième volume des Leçons 
de M. Darboux, mais non l'ouvrage entier, ainsi que le 
comportait le plan primitif. La théorie de la déforma- 
tion infiniment petite a pris, en effet, un développement 
tel que l’auteur a dù la réserver pour une quatrième 
partie. : 

Le fascicule actuel n’est donc que le complément du 
précédent. Il se compose de deux chapitres bien dis- 
tincts. Le premier contient l'application des méthodes 
antérieurement exposées à la recherche de surfaces à 
courbure constante, et tout d’abord de celles de ces 
surfaces qui ont leurs lignes de courbure planes ou 
sphériques dans un système, d’après la méthode de 
M. Enneper. k : 

Siu est le paramètre d’une telle ligne de courbure, 
les coordonnées &,,% du centre de la sphère corres- 
pondante par rapport au trièdre attaché à la surface 
cherchée sont des fonctions de w seul. En écrivant que 
ce centre reste fixe quand on se déplace sur la ligne 
de courbure, on obtient une équation aux dérivées par- 
tielles, qu'il faut joindre à celle qui caractérise les sur- 
faces à courbure constante : la condition d intégrabi- 
lité du système ainsi obtenue donne deux équations 
différentielles ordinaires en #,,2,. L'intégration de ces 
équations n’a pu être effectuée par M. Enneper : elle 
est due à M. Dobriner. M. Darboux la présente sous 
trois formes différentes, dont la dernière revient à ce 
fait géométrique simple : les sphères qui contiennent les 
lignes de courbure doivent avoir leurs centres en ligne 
droite. 

Avant trouvé des surfaces à courbure constante, on 
eut en déduire une série d’autres par les méthodes de 
MM. Bäcklund et Lie. Les quadratures que nécessile 
l'emploi de ces méthodes peuvent ètre plus ou moins 
réduites. L'intégration d’un certain système d'équation 
de Riccati à deux variables conténant un paramètre 
arbitraire permet de ramener à des calculs algébriques 
l'application des méthodes de transformation. 

Le second chapitre établit un rapprochement entre 
la théorie des surfaces à courbure constante el celle 
des surfaces minima, à l’aide de la géométrie généra- 
lisée de M. Cayley. A MP 

On sait que les relations métriques de la géométrie 
euvent être exprimées sous forme projective par 
l'introduction du cercle imaginaire à l'infini. On ob- 
tient la géométrie de M. Cayley en remplacant ce 
cercle (considéré comme une quadrique dégénérée) 
par une quadrique quelconque. Comme il est indiffé- 
rent de faire subir à la figure une transformation ho- 
mographique, on peut ramener la quadrique fonda- 
mentale, suivant qu’elle est ou non dégénérée, à être 
le cercle imaginaire à l'infini ou une sphère ayant son 
centre à l'origine, le premier cas étant celui de la 
aéométrie ordinaire. ; 

” Unetransformation assez simple relie, d'ailleurs, 1 une 

à l'autre ces deux séométries. Si, à chaque point M de 

l'espace, nous faisons correspondre l’un des points m,m 

qui sont les centres des sphères de rayon nul passant 

par l'intersection de la sphère fondamentale $ et du 


plan polaire de M par rapport àS, à la figure F, com- 
posée des points M, correspondra une figure f, com- 
posée des points m. L'angle cayleyen de deux li- 
unes de la figure F est égal à l’angle ordinaire cor- 
respondant de la figure f. Quant à l'élément linéaire 
cayleyen de la figure F, il est égal à l'élément ordi- 
naire ds de la figure f, multiplié par = 

2 —R° 
respectivement le rayon de la sphère fondamentale et 
la distance du point » au centre. On peut supposer que 
la dénomination de longueur d’un arc de courbe ait été 


D] 
donnée à l'intégrale | : MER 
JPREENS 
arc : les lignes les plus courtes entre deux de leurs 
points ne sont plus alors des droites, mais des cercles 
orthogonaux à la sphère fondamentale. Si lon remarque 
que l’on peut toujours supposer le point m intérieur à 
cette sphère, on reconnaitra, dans la géométrie de la 
figure f, la géométrie non euclidienne indiquée par 
M. Poincaré dans la Revue du 30 janvier 1892 (p. 74). 
Si maintenant lon demande la notion qui, en géo- 
métrie cayleyenne, correspond à celle de surface mi- 
nima, on pourra partir de la propriété qu'ont sur ces 
dernières les lignes de longueur nulle de former un ré- 
seau conjugué. En géométrie cayleyenne, les lignes 
de longueur nulle sont remplacées par les lignes dont 
les tangentes touchent la quadrique fondamentale, Or, 
la recherche des surfaces Ÿ sur lesquelles ces lignes 
forment un réseau conjugué dépend précisément de la 
même équation aux dérivées partielles que celle des 
surfaces à courbure constante. 
On retrouverait, d'ailleurs, les même surfaces X en 
{ranformant une autre définition des surfaces minima, 
par exemple en considérant les surfaces dont les lignes 


,oùR,esont 


prise le long de cet 


ui 
asyraptotiques font un angle cayleyen égal à =, ou 


9? 
celles qui ontleurs rayons de courbure cayleyens égaux 
et de ligne contraire, ou encore celles dont l'aire cay- 
leyenne est minima. 

J. HapamanrD. 


Cantor (Moritz). — Vorlesungen über Geschichte 
der Mathematik. Dritter Band (vom Jahre 1668 bis 
zum Jahre 1759). Krste Abtheilung (Die Zeit von 
1668 bis 14699), — Un volume in-8° de 251 pages avec 
45 fig. dans le texte. (Prix : T fr. 50). B. G. Teubner, 
Leipzig. 1895. 

, 

Le troisième et dernier volume, comprenant l’histoire 
des Mathématiques depuis l'an 1668 à l'an 1759, se 
divise en trois parties, dont la première, la seule parue 
encore, contient un exposé des travaux publiés de 
1668 à 1699. L'auteur nous présente, séparément pour 
chaque branche, les progrès réalisés pendant cette 
période, en attachant une grande importance à l’ordre 
chronologique, afin de bien laisser entrevoir l'influence 
qu'un géomètre a pu exercer sur un autre, Qu'il nous 
suffise, pour montrer le haut intérêt qu'offre le présent 
fascicule, de rappeler que c’est précisément à cette 
époque que remonte la fondation du calcul différentiel 
et intégral, c'est-à-dire que furent publiés les mémoires 
de Leibnitz, de Newton, du marquis de l’Hospital, des 
frères Bernoulli, de Tschirnhausen et d’autres. 

Il serait superflu de faire ici l'éloge d’une œuvre que 
le publie mathématicien a déjà su apprécier à sa juste 
valeur; souhaitons simplement que les deux derniers 
fascicules ne tardent pas à être publiés. 


H, Feun. 


2° Sciences physiques. 


Berthelot (Daniel), Professeur agrégé à l'École supé- 
_ rieure de Pharmacie, Assistant au Muséum. — De 
l'Allotropie des Corps simples. — 1 vol, in-8°, de 
85 p. G. Steinheil, éditeur, Paris, 1895. 


Un corps simple peut se présenter sous plusieurs 
états offrant des propriétés physiques et chimiques si 
. différentes que l’on serait presque tenté de les consi- 
dérer comme constituant autant d'éléments distincts, si 
des masses égales de chacun d'eux ne possédaient la 
faculté de s’unir à un autre corps pour former un com- 
posé identique. C’est là le phénomène de l’ullotropte, 
ainsi désigné pour la première fois par Berzélius. Cette 
notion de l’allotropie a, depuis lors, été l’objet de nom- 
breux travaux ; elle touche aux questions les plus inté- 
ressantes de la Chimie, conduit naturellement aux plus 
hauts problèmes de la philosophie naturelle, le pro- 
blème de l'unité de la matière, par exemple. M. Daniel 
Berthelot présente, dans sa courte brochure, très claire- 
ment, l’état actuel de la question; après une courte 
préface où l'importance du phénomène est bien mise 
en évidence, viennent des monographies très substan- 
tielles où l’auteur passe en revue les divers corps, 
 mélalloïdes ou métaux, qui possèdent des états allotro- 
piques. Cilons particulièrement les études sur le fer, le 

nickel, le cobalt, le soufre, le phosphore, le carbone; 
relativement à ce dernier corps, des résultats d’une 
haute portée ont été obtenusil y a quelques années déjà, 
et M. Daniel Berthelot les expose parfaitement. Une 
question fondamentale se posait : On pouvait se deman- 
der si l’allotropie peut résister à la combinaison, de 
telle sorte que deux états allotropiques fourniraient 
deux séries de composés distincts, tant qu'on ne les sou- 
mettrait pas à des réactions suffisamment énergiques 
pour les ramener à un état identique; on se trouverait 
alors en présence de cas qui approcheraient singuliè- 
rement de la transmutation des éléments. MM. Berthe- 
lot et Brodie ont découvert, sur les graphites et les com- 
posés qui en dérivent, des faits capitaux dans cet ordre 
d'idées : les graphites soumis à l’action d'un agent oxy- 
dant donnent des oxydes graphitiques spéciaux pour 
chaque variété de graphite, et chacun de ces oxydes 
graphitiques produit des dérivés spéciaux qui le régé- 
nèrent et ce nest que par une oxydation beaucoup plus 
profonde qu'on les ramène {ous à l'état d'acide carbo- 
nique. Dans un dernier chapitre, l’auteur résume les 
divers fails connus, montre les résultats acquis, insiste 
sur les conséquences scientifiques ou philosophiques; 
il montre comment le fait que les transformations iso- 
mériques sont accompagnées d’un dégagement de cha- 
leur permet de comprendre comment un même corps 
simple acquiert des propriétés nouvelles sans que sa 
masse se modifie : c’est là le point acquis; quant aux 
modifications internes de structure qui se traduisent 
au dehors par les états allotropiques, on ne saurait les 
expliquer avec certitude,on est réduit à des hypothèses 
qui échappent, presque toujours, au contrôle de l'expé- 
rience direcle. : 

Lucien Porxcané, 


Pionchon (M. ]J.), Professeur de Physique à la Fa- 
cullé des Sciences de Bordeaux. — Electricité indus- 
trielle. Cours fondé par lu Société des Amis de l'U- 
niversité. Première année (1893-94) : Leçons sur les 
notions fonamentales relatives à l'Etude et à la 
Mesure de | Energie électrique. — Un vol. én-8°, de 
300 p. avec fig. J. Laurens, Bordeaux, 1895. 


Dans sa lecon d'ouverture, M. Pionchon expose net- 
tement le programme de celte première année d’ensei- 
gnement (le cours comprend douze lecons). Il veut 
«inilier ses auditeurs à la connaissance des faits-d’où 
procèdent les nombreuses notions impliquées dans 
l’étude et la mesure de l’énergie électrique », C’est 
dire qu'il ne faudra pas chercher encore, dans ce vo- 
lume, de l'électricité industrielle proprement dite, 
bien qu'un appendice renferme des renseignements sur 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 11 


—  —— 


létalonnage des ampèremètres et des voltmètres indus- 
triels, et des données numériques. 

Le développement qu'on peut donner aux principes 
mêmes de la science dans un cours d'électricté appli- 
quée, dépend évidemment du temps dont on dispose. 
M. Pionchon a pu consacrer six lecons à l’électrosta- 
tique. Ce ne sont pas les lecteurs de son livre qui s’en 
plaindront. Les titres des chapitres indiquent bien 
d'eux-mêmes dans quel esprit l’œuvre est concue. No- 
tion de charge électrique ou de quantité d'électricité. — 
Notion detension électrique.—-Notion de potentiel élec- 
trique. — Notion de capacité électrique. — Comment 
nous sommes conduits à l’idée de la grandeur qu'il 
s’agit dedéfinir et de mesurer, à quelle réalité physique 
elle correspond, comment on passe d'une notion pre- 
mière purement qualitative à la véritable définition 
scientifique, c’est ce que l’auteur expose en un langage 
facile et limpide, dans des pages qui peuvent être lues 
par toute personne possédant les premiers. éléments 
de l'algèbre, et qui seront lues avec fruit par tous ceux 
qui ont à enseigner ces débuts de l'électrostatique. 

Les lecons suivantes sont consacrées à l’électrociné- 
tique et aux idées générales sur les générateurs et 
récepteurs d'énergie électrique. Bernard BRüNHES. 


Brunel (Georges). — La Photographie pour tous. — 
1 vol. grand in-8° de 630 pages avec 330 fig. et 18 
planches hors texte (Prix 12 francs.) Geoffroy, éditeur, 
222, boulevard Saint-Germain, Paris, 1895. 

A notre époque, la Photographie est devenue un 
auxiliaire indispensable, aussi bien à l’homme de 
science qu'à l'artiste ou au simple curieux. C’est en 
s'inspirant de ce besoin réel que ‘M. G. Brunel vient de 
publier son ouvrage : La photographie pour tous. Ecrit 
dans un style concis et clair, ce livre est divisé en 
sept parties qui traitent successivement : de la pra- 
tique photographique (appareils, laboratoire, opéra- 
tions, pose, développement, fixage, lavage, préparation 
des positifs, cause des insuccès), du matériel photogra- 
phique (appareils, obturateurs, objectifs, pieds, chàs- 
sis, lampes), de la théorie de la photographie, de son 
histoire, de son application aux sciences, aux arts et à 
l'industrie, Or trouve encore dans ce volume un re- 
cueil de formules photographiques et un index détaillé. 


3° Sciences naturelles. 


Bateson (William), Fellow of St-John's College, Cam- 
bridge. — Materials for the study of Variation 
treated with especial regard to discontinuity in 
the origin of species. — Un vol, in-8° de 598 puges, 
avec 209 figures dans le texte. (Cartonné, 26 fr. 25). 
Macrnillan and Co., Londres et New-York, 1895. 
Convaincu avec raison que l'étude soignée de la 


* variation aidera beaucoup à la solution du problème 


de l’origine des espèces, M. Bateson a entrepris de ras- 
sembler tous les cas connus de variation animale (y 
compris les monstres doubles ou triples viables, qui 
ne sont aussi que des variations), de facon que les 
conséquences découlent d’elles-mèmes de cette masse 
de faits accumulés et coordonnés. D'où le titre modeste : 
Materials for the study of variation. C'est une œuvre 
considérable, de haute portée, qui reprend et complète 
très heureusement les travaux de Darwin devenus 
insuffisants; nous verrons plus loin qu'elle combat 
d’une facon décisive quelques-unes des doctrines les 
plus en faveur, notamment celle de l'atavisme. 

Ce livre se divise naturellement en deux parties : 
1° la collection des cas de variation; 2 les conséquences 
théoriques. 

Un caractère très universel des êtres vivants, 
c’est que tout le corps ou certaines parties du corps 
sont divisés en parties plus ou moins semblables, 
qui se répèlent plus ou moins régulièrement dans un 
ordre donné : ainsi les phalanges d'un doigt, les dents 
d'un Vertébré, les anneaux d’un Insecte, les pétales 
d'une fleur, etc, M. Bateson désigne sous le nom de 


(o 2] 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


mérisme ce phénomène général de la répétition des 
parties. Toutes les variations qui se présentent dans 
ces parties répétées, tous les dérangements de la symé- 
trie habituelle, forment un grand groupe de variation 
méristique (Exemple : fleur de Tulipe tétramère au lieu 
d'être trimère, tarse de Blatte à quatre articles au lieu 
de cinq, femme à mamelles surnuméraires, polydacty- 
lisme, dents supplémentaires ou absentes, elc.). A 
signaler encore dans cette catégorie une variation bien 
singulière que M. Bateson désigne sous le nom d’Ho- 
mwæosis (métamorphose de Gæthe) : un appendice donné 
prend la forme d’un autreappendice de la même série, 
de constitution et de fonction toutes différentes. 
(Exemple : pétales prenant l'apparence de feuilles ou 
d’étamines, œil d’un Crustacé remplacé par une an- 
tenne, antenne d’Insecte transformée en paite, etc.) 
Une seconde sorte de variation, dite substantive, 
groupe provisoirement toutes les variations de subs- 
tance (taille, couleurs et marques colorées, variétés 
dextres ou senestres, poils des mérinos, etc.). Les faits 
rassemblés par M. Bateson, en nombre considérable et 
abondamment illustrés, se rapportent presque tous à 
la variation méristique envisagée chez tous les ani- 
maux, domestiques et sauvages ; et à cette occasion, il 
démontre que les animaux sauvages présentent tout 
autant de variations que les domestiques, contraire- 
ment à l’opinionrecue. Je ne saurais trop louer l'auteur 
pour la méthode et la conscience qu'il à apportées 
dans la collection des faits, épars dans toutes les 
publications et très difficiles à grouper; les chapitres 
relatifs aux vertèbres et aux côtes, aux dents des Mam- 
mifères, aux membres et doigts, aux appendices 
des Arthropodes, sont particulièrement développés et 
complets. Tous ceux qui s'occupent tant soit peu de 
variation trouveront là une mine de renseignements 
précieux et sûrs, rédigés de première main, avec 
toutes les indications bibliographiques désirables. 
J'espère que M. Bateson complètera son œuvre en nous 
donnant un livre semblable sur la variation subslantive, 
encore moins connue que la variation méristique. 
Quant aux conséquences théoriques de son tra- 
vail, M. Bateson en exprime quelques-unes d’une facon 
un peu dubitative et nuageuse (nouvelle conception de 
l'homologie,non-répétition de la phylogénie par l’onto- 
génie, influence de la symétrie sur la variation, etc.); je 
ne résumerai que deux points d’une haute importance : 
{1° Discontinuité de la variation, Comme on sait, 
Darwin avait admis que la varialion spécifique était 
généralement très lente et graduelle, et que c'était 
la sélection naturelle qui, à chaque génération, con- 
servait les petites variations favorables ; celles-ci s’ac- 
cumulaient peu à pen jusqu'à former un type spéci- 
fique distinct, Bateson, reprenant les idées exprimées 
vaguement par Wallace et d’autres auteurs, montre au 
contraire que la variation est presque toujours discon- 
tinue, subite, pour employer l'expression francaise, 
c'est-à-dire que de parents normaux sort brusquement 
une variation notable, parfaite en elle-même, sans 
qu'il y aiteu aucun intermédiaire entre celle-ci et le 
type normal; cela est surtout bien net dans la variation 
méristique, Ainsi, la Tulipe, typiquement à fleur tri- 
mère, peut donner des « sports » qui sont tétramères ; 
iln'yaetil ne peut y avoir aucun intermédiaire entre Les 
deux fleurs, el ilest évident que la Tulipe tétramère est 
aussi parfaite en son genre qu'une Tulipe normale. 
Mème raisonnement dans le cas des mamelles surnu- 
méraires, du polydactylisme ou du syndactylisme, etc. 
La discontinuité de la variation une fois admise, cela 
supprime bien des difficultés; il n'y a plus à se de- 
mander comment la sélection naturelle peut conserver 
des variations très petites et par suite peu ou point 
utiles; il n’est plus besoin d'exiger un temps extrême- 
ment long pour la formation des espèces; enfin cette 
discontinuité de la variation rend parfaitement compte 
de la discontinuité des espèces, qui est un fait absolu- 
ment évident, 
20 Suppression de l’atavisme. On a assez joué de 


l'atavisme ou réversion pour que ce terme soit bien 
connu de tous. Toutes les fois que, dans un organe 
donné, une anomalie rappelait un état existant ail- 
leurs, on la considérait comme un cas d’atavisme, c’est- 
à-dire comme le retour matériel, la réopparilion de 
l'organe tel qu'ilexistait chez l'un des ancèires de l’ani- 
mal considéré ; ainsi une femme a deux utérus séparés 
comme chez un Marsupial, au lieu d’un seul : retour 
atavique de l'utérus d'un ancêtre se rapprochant des 
Marsupiaux actuels; une femme a des mamelles sur- 
numéraires comme un Carnivore : retour atavique d’un 
ancêtre muni de nombreuses mamelles, ete. On a été 
si loin dans celte voie qu'on a cherché des explications 
alaviques pour toutes les anomalies musculaires, ner- 
veuses ou vasculaires de l’homme, et naturellement on 
en a trouvé. Mais, si l’on admet l'atavisme, on crée une 
énorme difficulté à la théorie de l’hérédité : il faut 
absolument que celle-ci rende compte du lien matériel 
qui unitainsi l’animal actuel à tous ses ancêtres, quelque 
éloignés qu'ils soient, même par des milliers de siècles. 

Bateson, et je partage absolument sa manière de. 
voir, nie à peu près complètement l’atavisme., Par 
exemple, le Cheval dont les membres sont terminés 
normalement par un seul doigt muni de sabot, peut 
avoir à litre de variation deux doigts égaux et symé- 
triques comme ceux d’un Mouton, ou bien un grand 
doigt accompagné d’un plus petit muni d’un sabot, ou 
encore trois doigts égaux, Toutes ces variations sont 
également parfaites; or, il est cerfain que les deux pre- 
mières ne peuvent avoir une signification atavique, car 


jamais un ancêtre du Cheval n’a pu avoir deux doigts 


égaux munis de sabots, Si l’on admet que le polydac- 
tylisme, rappelant les nageoires des Poissons, à une 
signification atavique, pourquoi la dénier au syndacty- 
lisme, qui est une variation évidemment du même 
ordre ? Or il est impossible que les ancêtres de l'homme 
aient eu à la fois moins et plus de cinq doigts. Si l'on 
interprète comme ataviques certaines varialions mus- 
culaires de l'Homme, rappelant ce qui existe chez divers 
Mammifères, Reptiles ou Oiseaux (!), on est forcé 
d'étendre cette interprétation à toutes les anomalies 
musculaires, ce qui amène à l'absurde. Rien n'autorise 
à diviser les variations en ataviques et non alaviques : 
car toutes les variations constituent évidemment une 
seule classe de phénomènes inséparables. 


* 


d'à 


| 


! 


E 


Il n'y à donc pas d'alavisme, au moins pour les 


ancètres éloignés; il n'y a que des variations plus ou 
moins profondes, plus où moins parfailes, qui peuvent 
s'exercer dans tous les sens. Cela simplifie considéra- 
blement la théorie de l’hérédité. 

En terminant cette analyse, je ferai remarquer, bien | 
que M. Bateson n'ait pas touché ce point, combien les 
faits qu'il expose sont d'accord avec la récente théorie 
de Weismann sur le processus du développement; les 
cas d'homæosis et un grand nombre d'anomalies mul- 
liples en constituent presque la preuve expérimentale. 
Mon seul regret, après avoir lu ce livre, c’est de cons- 
tater notre infériorité vis-à-vis des Anglais et des Alle- 
mands dans le magnifique développement de la doc- 
trine transformiste: il n’est peut-être pas suffisant de 
vivre sur la réputation de Lamarck et de Geoffroy 
Saint-Hilaire 1. L. Cuénor. 


l Cete prétendue infériorilé des Francais est-elle bien 
réelle” Nous ne le pensons pas : s’il est vrai qu’en ces der- 
nières années Anglais et Allemands ont émis beaucoup d’hy- 
pothèses sur le mécanisme de la variation et de la descen- 
dance, c'est aussi bien en France qu'en Angleterre eten Alle- 
magne que les faits les plus propres à éclairer ces difficiles 
problèmes ont été établis, Est-il besoin de rappeler les beaux 
travaux de notre compatriote Léon Guignard? Ce sontles ob- 
servations de ce savant, celles de Strasburger et de Flemming, 
qui ont apporté un commencement d'explication anatomique 
(et non pas hypothétique) au phénomène biologique de l’hé- 
rédité. Quoi qu'il advienne, d'ailleurs, des vuss que de tels 
travaux peuvent sugsérer, ils n'en constituent pas moins le 
premier apport posilif que la science ait eu à enregistrer sur 
ces questions. Cet apport vaut, à nos yeux, plus que toutes 
les théories. (Note de la Direction.) 


is 


4° Sciences médicales. 


Baudron (D: Emile), Ancien interne, — De l'hysté- 
rectomie vaginale appliquée au traitement chirurgi- 
cal des lésions bilatérales des annexes de l'utérus. (Opé- 
ration de Péan). (Etude basée sur les observations du 
D: P. Segond, prof. agrégé, médecin de la maison mu- 
nicipale de Santé). -— Un vol. in-8° de 400 p. avec 38 fig. 
(Prix : 10 fr.). Société d'éditions scientifiques. Paris, 1894. 
Le livre de M, Baudron, écrit en vue de faire l’apo- 

logie de la voie vaginale appliquée au traitement des 

affections des annexes, est intéressant en ce qu'il nous 
donne l’exposé complet de la pratique d’un chirurgien 
expert, de son maitre P, Segond. On y trouve la descrip- 
tion des divers manuels opératoires préconisés. Malgré 
son vif désir d'arriver à poser en conclusion que «Phys- 
térectomie vaginale est indiquée dans tous les cas de 
lésions annexielles bilatérales », M. Baudron donne 
quelques statistiques de chirurgiens opérant par l’abdo- 
men, ce qui nous a permis de constater que, contraire 
ment aux conclusions de l’auteur, il est actuellement 
plus prudent pour les femmes de se faire opérer par le 
ventre que par le vagin. Nous y voyons, en effet, que, 
tandis que la voie vaginale, avec ses derniers perfec- 
tionnements, donne entre les mains de M. Segond une 
mortalité de 6,60 0/0, la voie abdominale entre les 
mains de mon maître le professeur Terrier ou entre 
les miennes ne donne que 2,70 0/0 de mortalité, dans 
les cas suppurés. Aussi ne comprenons-nous pas l’aveu- 
glement de l’auteur, N'empêche que cette thèse est des 
plus intéressantes à lire pour les partisans de la voie 
abdominale : car elle leur montre, à eux qu’on a quelque 
peu accusés, dans des conciliabules d'opinion rétro- 
grade, que leur méthode estencore défendable. 1] était 
intéressant de le constater à la lecture d’un travail qui 
certes n'avait pas été écrit pour l’établir. 

D' HENRI HARTMANN. 


Bérenger-Féraud (L-J.-B.), Ancien Président du 
Conseil supérieur de Santé de la Marine. — Leçons 
cliniques sur les Tænias de l'Homme. — 2° édition, 
4 vol. in-8° de 560 p. avec 51 fig. (Prix : 12 fr.). O. Doin, 
éditeur. Paris, 1894. 

Nous assistons à un réveil de l'helminthologie : 
depuis dix à douze ans, on l'enseigne dans nos écoles 
de médecine, sinon d'une facon officielle (puisqu'elle 
n’est encore consacrée par aucune chaire!, malgré lim- 
portance considérable qu'elle a prise) tout au moins 
d’une facon officieuse : les cours où on l'enseigne atti- 
rent des auditeurs nombreux et attentifs et, chose 
plus rare, les livres qui lui sont consacrés ont un 
assez grand succès de librairie pour voir se lever l’au- 
rore de la deuxième édition. Tel est le cas pour le pré- 
sent ouvrage, Faut-il conclure de là qu'il ait une valeur 
ou une importanceexceptionnelles ? qu’il soit le fruit de 
longues et patientes observations personnelles? qu'il 
nous renseigne avec précision sur l'état présent de la 
science? qu'il ait coûté à son auteur de pénibles 
recherches bibliographiques? Rien de tout cela. 

Sans doute, cet ouvrage a bien son mérite, mais la 
partie vraiment originale tiendrait en peu de pages : 
elle consiste essentiellement en tableaux montrant la 
fréquence du Ténia dans les hôpitaux des armées de 
terre et de mer, tant en France qu’en Algérie, pendant 
les années 1881 à 1890; la Tunisie et le Sénégal sont 
aussi passés en revue. Ces statistiques, dressées avec 


1 Depuis que ces lignes sont écrites, il a été créé à la Fa- 
culté de Médecine de Lille, une chaire d’histoire naturelle des 
arasites : c'est la première chaire de parasitologie fondée en 
France. Nous saluons ävec une vive satisfaction celte inno- 
vation, qui, nous l’espérons du moins, dans l'intérêt de la 
science, devra étre appliquée tôt ou tard aux autres Fa- 
cultés de Médecine, et notamment à celle de Paris. Nous pen- 
sons toutefois qu'il vaudrait mieux dédoubler purement et 
simplement les chaires d'histoire naturelle en chaires de zoo- 
logie (comprenant la parasitologie) et de botanique. 
(Note de la Rédaction.) 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


—1 
© 


grand soin, sont très instructives; elles ont malheu- 
reusement le tort de n’établir aucune distinction entre 
le Ténia inerme et le Ténia armé ; mais le reproche ne 
saurait en être adressé à l’auteur, qui, lirant ses ren- 
seignements des registres des hôpitaux militaires, n’a 
pas eu la possibilité de contrôler la nature des Vers 
énumérés. 

L'impartialité me fait un devoir de dire que la partie 
zoologique de ce livre ‘et elle est importante, puisqu'elle 
en occupe à peu près la moitié) n’est guère au courant 
de la science actuelle. l’auteur méconnait l'identité 
des Tænia cucumerina el elliptica ; il admet, sur l’insuf- 
fisante affirmation de Vital, l’existence du Tænia ser- 
rata chez l'Homme ; il ignore totalement les observa- 
tions faites, ces années dernières, par M. Leuckart et 
par moi-même sur le Tænia madagascariensis ; il énu- 
mère comme espèces distinctes le Ténia algérien, le 
Ténia du Cap de Bonne-Espérance, le Tænia abietina, 
le Ténia nègre, qui ne méritent aucunement cette qua- 
lification, ainsi que tous les helminthologistes s’accor- 
dent à le reconnaître, De même encore, il admet le 
Tænia tenella, le T. lophosoma etle Ténia des tropiques, 
qu'il range avec le T. flavopunctata parmi les « types 
indéterminés ». Or, rien n’est mieux déterminé : on 
sait que les deux premiers types sont des anomalies, 
que le troisième est identique au Tænia saginata et que 
le dernier rentre dans le genre Hymenolepis. 

Je n’insiste pas sur un nombre considérable de fautes 
d'impression, intéressant presque exclusivement les 
noms d'auteurs, el montrant ainsi que M. Bérenger- 
Féraud n’est guère familiarisé avec la lecture de ceux- 
ci. En effet, quand un ouvrage récent expose avec 
détails et de facon soigneuse une revue complète des 
auteurs, anciens et modernes, nationaux et étrangers, 
à quoi bon se donner la peine de recommencer un 
semblable travail, qui exige des années d'un labeur 
assidu, qui ne va pas sans la connaissance d’un certain 
nombre de langues vivañtes et dont la fastidieuse mo- 
notonie pourrait décourager les plus zélés? N’est-il pas 
plus simple de « s’assimiler » la besogne déjà faite, de 
la découper en tranches et de l'éparpiller dans un livre 
dont, de la sorte, le nombre de pages peut doubler sans 
trop de difficulté, d’une édition à l’autre ? J'aurais mau- 
vaise grâce à insister sur ce détail, qui n’a guère d’in- 
térêt que pour deux personnes, l’assimilateur et l’assi- 
milé, La seconde moitié du livre est consacrée à l'étude 
symplomatologique de l’helminthiase. C’est la partie la 
plus originale, encore que Davaine nous ait donné, 
dans son Traité des Entozoatres, des chapitres analogues 
qui ne le cèdent à ceux-ci ni par la précision des 
démonstrations ni par l’heureux choix des vbservations 
mentionnées. Les chapitres consacrés à l'écorce de 
racine de Grenadier, à l'extrait éthéré de Fougère mâle, 
au Cousso et à la graine de Courge, sont intéressants 
et résultent évidemment d'une longue et fréquente pra- 
tique. Mais pourquoi étudier si longuement, en plus 
de cent pages, une foule de ténifuges douteux ou notoi- 
rement inefficaces? Il eût mieux valu développer le 
chapitre trailant de la ladrerie, qui nous semble tout à 
fait insuffisant. Dr R. BLANCHARD. 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie. Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, — paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-5° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en couleurs. 
507e et 508° livraisons, (Prix de chaque livraison, 
1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, Paris, 1895. 
A signaler dans les 507° et 508 livraisons des articles 

sur la planète Jupiter par M. L. Barré; sur la chaine du 

Jura et sur le département du même nom; sur le ter- 

rain jurassique, sa faune et sa flore, ses principaux 

facies et ses subdivisions, par notre distingué collabo- 

rateur M. Emile Haug; sur la juridiction, par M. E. 

H. Vollet et sur la jurisprudence, par M. E. Glasson ; 

sur le Jute, par M. L. Knab. 


80 ACADÉMIES ET SOCIETÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 31 Décembre 1894. 


M. Richthofen est nommé Correspondant pour la 
Section de Minéralogie en remplacement de M. Kok- 
scharow, — M. V. Damato prie l'Académie de le com- 
prendre parmi les candidats à une place de correspon- 
dant pour la Section de Médecine et de Chirurgie, — 
M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de 
M. Stietljes. — Plusieurs lauréats adressent leurs 
remerciements pour les distinctions accordées à leurs 
travaux. 

19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M.H.Deslandres com- 
munique le résultat de ses observations de l'étoile & Her- 
cule; ces résultats confirment le mouvement considé- 
rable de cette étoile par rapport au soleil, — M. Picard 
lit un rapport sur un mémoire de M. Riquier « sur 
l'existence des intégrales dans un système différentiel 
quelconque et sur la réduction d’un semblable système 
à une forme linéaire et complètement intégrable de 
premier ordre ». Le rapporteur conclut à l'insertion 
de ce travail dans le Recueil des mémoires des savants 
étrangers. — M. Walther Dyck adresse un travail 
important relatif à la détermination du nombre des 
racines communes à un système d'équations simulta- 
nées et sur le calcul de la somme des valeurs d’une 
fonction en ces points. — M. R. Perrin expose un 
ensemble de remarqnes qui permettent de simplifier 
notablement la résolution des équations numériques 
au moyen des suites récurrentes, — M. N. Bougaïef 


considère l'intégrale définie suivant les diviseurs 
à D 

\1 . : 

N 9 (d) qui est une somme des fonctions 6 (d) 
a, (n) 


prises pour tous les diviseurs d du nombre entier n 
entre les limites à et b inclusivement, et montre que la 
théorie de ces intégrales, intimement liée avec la 
théorie des intégrales numériques suivant les diviseurs, 
donne des lois numériques nouvelles pour la théorie 
des fonctions discontinues. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Colson, par l'étude 
de la propagation el des interférences d'ondes électri- 
ques de basse fréquence, est arrivé à des conséquences 
importantes relatives à l'emploi des courants alterna- 
tifs et du téléphone pour la mesure des résistances ; 
l’auteur signale les erreurs graves auxquelles est sujet 
ce procédé de mesure, et met en évidence les précau- 
tions qui permettent de s’en affranchir, — M. Henri 
Moissan à étudié les conditions de formation du gra- 
phite dans le fer, en faisant varier la température et 
la pression: il tire les conclusions suivantes : 1° à la 
pression ordinaire, le graphite est d’autant plus pur 
qu'il est formé à une température plus élevée; 2 ce 
graphite est d'autant plus stable, en présence d’acide 
nitrique et du chlorale de potassium, qu'il a élé pro- 
duit à plus haute température ; 3 sous l'influence de 
la pression, les cristaux et les masses de graphite 
prennent l'aspect d’une matière fondue; 4° la petite 
quantité d'hydrogène contenue diminue quand la 
purelé augmente : un graphite chauffé dans le vide ne 
donne pas d’eau par sa combustion; 5° l'attaque de la 
fonte par les acides donne des composés hydrogénés et 
oxygénés qui résistent à la température du rouge 
sombre et se détruisent par la combustion. — M. Vil- 
liers montre que le sulfure de nickel, au moment de 
sa formation, se comporte, vis-à-vis le sulfure de so- 
dium, autrement que le sulfure précipité; la différence 
des propriétés s'explique par une modification molécu- 
laire. Le sulfure de cobalt donne lieu aux mêmes re- 


marques quand on le prépare avec des solutions très 
diluées, — M. de Forcrand a étudié l’action du carbure 
de calcium C?Ca sur l'alcool absolu en tube scellé à 
180° ; il semble qu'il devrait se former de l’acétylène 
et de l’éthylate de calcium ; mais, en réalité, l’auteur 
a obtenu de l’acétylène, un carbure éthylénique et 
plusieurs centièmes de formène, en même temps que 
certaines combinaisons du type nCaO + n'C2H0, dont 
lune serait 3CaO + 4C?H60, et l’autre CaO + C2H60, 
— MM. E. Jungfleich et E. Léger donnent les résultats 
de l'étude de l’oxycinchonine-$; ils font connaitre son 
mode de préparation, ses propriétés physiques et 
chimiques, celles de ses sels, de ses dérivés alkylés 
ainsi que de ses éthers acétique et benzoïque et de 
leurs dérivés, — M. A. Brochet a étudié l’action du 
chlore sur les alcools secondaires en opérant sur les 
alcools isopropylique et octylique secondaire ; la réac- 
tion esttrèssimpleetdonne, avecles alcools R.CHOH.CH3, 
des acétones de forme R.CO0.CCP, où le radical se chlore 
d’après ses affinités propres. — MM. H. Parenty et 
E. Grasset ont pu réaliser industriellement la prépara- 
tion de sels cristallisés de la nicotine; ils ont surtout 
fait l'étude physique et chimique du quadroxalate 
2 (201) H#,CI0HN Az? et comparé son action physiolo- 
gique à celle de la nicotine. Ce sel est huit fois moins 
vénéneux que la nicotine caustique, tout en conservant 
dans ses effets physiologiques les mêmes caractères 
généraux. — M. Adolphe Renard a trouvé dans les 
produits de la distillation du goudron de pin passant 
au-dessus de 300°,un mélange de bitérébenthyle C204%, 
bouillant à 332-338°, et de bitérébenthylène C20H38, 
bouillant à 340-345°; ces deux hydrocarbures sont 
facilement séparés par un traitement à l’acide sulfu- 
rique ; les produits ultimes de la distillation contien- 
nent le rétène, qu'il est facile d'isoler par expression et 
cristallisation dans l'alcool, Enfin, la créosote de pin 
présente, au point de vue de sa teneur en gaïacol, 
une composition intermédiaire entre la créosote de 
hêtre et celle du chêne. — M. Foveau de Courmelles 
adresse une note intitulée : « Contributions à l'étude 
de l’ozone. » C. MATIGNoN, 

39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Perrin présente 
quelques remarques sur les muscles et les os du 
membre postérieur de l’Halleria punctata; ils appar- 
tiennent bien au type saurien, mais présentent néan- 
moins quelques caractères spéciaux qui rappellent 
qu'on est en présence d’une espèce ancienne peu 
modifiée; la présence de cinq farsaliens rapproche ce 
genre du Palæohatteria, — M.Le Dantec fait des études 
comparatives sur lesRhizopodes lobés et réticulés d’eau 
douce, Les observations ont portésurtout sur l'Amoeba 
proleus et la Gromia fluviatilis. Il conclut que le milieu 
protoplasmique est très peu différencié et très peu sé- 
paré du milieu extérieur chezles Gromies ; il enest, au 
contraire, séparé fortement, chez les Amibes, par une 
couche externe à tension superficielle considérable, — 
M. Charles Janet a observé, sur les nids de la Vespa 
crabro L., l’ordre d'apparition des premiers alvéoles, — 
MM. Haug et Kilian ont examiné les lambeaux de re- 
couvrement de l'Ubaye, et ont constalé que ce sont les 
témoins d’ungrandpli couché de terrains à faciès brian- 
connais, refoulé vers lesud-ouest sur un soubassement 
de terrains à faciès dauphinois; sa racine est cachée 
sous la zone du Flysch. — M. Renard a observé quel- 
ques conditionsde propagation dela fièvre typhoïde, du 
choléra et du typhusexanthématique dansl’armée. Lors- 
que les {troupes sont abreuvées en eau de source ou en 
eau filtrée, la mortalité due à ces maladies diminue 
considérablement. J. ManriN. 


dette it tnt de Mar te, dns pe à pt à 


Séance du T Janvier 1895. 


M. Cornu est élu vice-président pour l’année 1895. — 
MM. Fizeau et Daubrée sont élus membres de la com- 
mission administrative pour l’année 1895. — M. Mau- 
rice Lœwy, président sortant, fait connaître à l’Aca- 
démie l’état où se trouve l'impression des recueils 
qu'elle publie et les changements survenus parmi les 
membres et les correspondants pendant le cours de 
l'année 1894. — M. Matheron est nommé correspondant 
de la Section de Minéralogie en remplacement de 
M. Scacchi. — La Section de Minéralogie présente la 
liste suivante des candidats, pour la place laissée va- 
cante par le décès de M. Mallard : 1° M. Hautefeuille; 
2° MM. Barrois, Marcel Bertrand, de Lapparent, Michel 
Lévy. — L'Ambassade impériale de Russie adresse à 
M. le Président une lettre remerciant l’Institut, au nom 
de S.M. l'Empereur Nicolas IT, de la part qu'il a prise au 
deuil de la Russie à la suite de la mortdes,. M. l'Empe- 
reur Alexandre III. — M. le Ministre de l’Instruction 
publique adresse une lettre relative à la cérémonie 
célébrée récemment en l'honneur de M. de Helmholtz. 
M. Berthelot annonce qu'une souscription est ouverte 
à Berlin pour l'érection d’un monument à M. de Helm- 
holtz. — MM. Blanc, Le Châtelier, Willotte, adress- 
sent des remerciements pour les distinctions accordées 
à leurs travaux. — Mr veuve Elliot demande l’ouver- 
ture d'un pli cacheté déposé par son mari, feu M. El- 
liot. Ce pli contient une analyse du travail de M. Elliot, 
qui a été honoré d’une mention dans la dernière 
séance publique. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. le secrétaire perpé- 
tuel signale, patmi les pièces imprimées de Ja corres- 
pondance, la 30° année du « Journal du Ciel », publié 
par M. Joseph Vinot. — M. H. West adresse une note 
intitulée : « Pourquoi les chats retombent-ils toujours 
sur leurs pattes? » — M.A. Gaiïllot, après avoir reconnu 
que les tables du mouvement de Saturne, construites 
par Le Verrier et fondées sur les résultats que lui a 
donnés la méthode d'interpolation, représentent impar- 
faitement les observations antérieures à leur publica- 
tion, et plus imparfaitement encore celles qui ont été 
faites dans les années suivantes, a cherché l’explication 
de cette anomalie et trouvé une omission grave dans 
les formules utilisées par Le Verrier. L'auteur énumère 


-les modifications qu'il convient de faire subir à la 


partie des tables représentant les perturbations dues 
aux actions réciproques de Jupiter et de Saturne, en 
même temps qu'il introduit de nouveaux termes cor- 
rectifs pour tenir compte des perturbations dues à 
l’action directe d’Uranus ou aux actions combinées 
d'Uranus et de Neptune, et d'Uranus et de Jupiter. — 
M. N. Coculesco continue l’exposé des raisonnements 
qui le conduisent au développement approché de la 
fonction perturbatrice. — M. Walter Dyck applique 
sa méthode exposée dans la dernière séance à la réso- 
lution de quelques problèmes et en particulier à la 
détermination des racines communes à plusieurs 
équations. — M. A.-J. Stodolkievitz expose quelques 
considérations sur la théorie du système des équations 
différentielles et applique ses résultats à la résolution 
du système : 


=, Xi dr; + X:,2 des + Xi dt 
dr: = Xos dr, + Xe dis + Xs3 dr3 
= X31 dr, + X3, das + X3,3 das. 


— M. Demeczky cherche la condition nécessaire et 
suffisante pour que deux substitutions A et B, échan- 
geables entre elles, de forme quelconque, d'ordre n et 
n', soit des puissances d’une même substitution R:; il 
faut, et il suffit que les membres } et u soient premiers 
entre eux (à et & sont les exposants entiers des pre- 
mières puissances de A et B qui sont en même temps 
des puissances de B et A); il y a alors ? (N) substitu- 
tions R entre les subtitutions de forme A7 By, N dési- 
gnant le plus petit multiple commun d’ordres n et”. 
2° Sc:ENCES PHYSIQUES, — M, Th. Moureaux donne la 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 81 


valeur absolue des éléments magnéliques au 1* jan- 
vier 1895, déterminée aux observatoires du parc Saint- 
Maur et de Perpignan. — M. Raoul Pictet a constaté 
que des traces d’impureté suffisaient pour faire varier, 
dans des limites très étendues la température critique. 
Cette dernière s’élève dix à soixante fois plus que la 
température d'ébullition du même liquide dans les 
mêmes conditions, mais la variation a toujours lieu 
dans le même sens pour ces deux températures. L'ob- 
servation directe du point critique d’un liquide est 
donc une méthode des plus sensibles pour constater la 
pureté de celui-ci. — M. A. Delebecque a continué ses 
recherches par les lacs français dans les Alpes, l'Aubrac 
et les Pyrénées, en determinant leur profondeur, leur 
altitude, la quantité de matières dissoutes, la transpa- 
rence des eaux et la nature des terrains environnants. 
— M. Henri Moissan a reconnu qu'une élévation de 
température assez grande amène une variété quel- 
conque de carbone à la forme de graphite foisonnant 
ou non foisonnant; certains composés, en particulier 
les corps iodés, peuvent déterminer cette transformation 
à plus basse température, comme M. Berthelot l’a dé- 
montré; mais ces réactions permettent simplement, 
comme celle de l’iode sur le phosphore, de produire le 
phénomène de polymérisation à une température plus 
basse sans en changer le sens général. Le graphite est 
la variété de carbone stable à haute température. — 
M. A. Villiers utilise les différences très nettes cons- 
tatées dans l’action de l'hydrogène sulfuré sur les sels 
de nickel et sur les sels de cobalt pour rechercher qua- 
litativement en quelques minutes les plus petites quan- 
tités de nickel en présence d’un grand excès de cobalt. 
Mais la séparation du sulfure de cobalt déterminant 
l'entraînement d'une fraction de nickel, cette réation 
ne peut être utilisée jusqu'ici pour une séparation 
quantitative des deux métaux. C. MATIGNON. 

3 SCIENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier présente 
un travail sur les nerfs vaso-moteurs des veines, et 
montre expérimentalement que celles-ci sont soumises 
à ceux-là. — Le Prince Albert 1‘ de Monaco fournit 
quelques renseignements sur les premières campagnes 
scientifiques qu'il à faites, avec M.J. de Guerne, sur 
la « Princesse-Alice ». — M. Armand Sabatier fournit 
de nouvelles contributions sur quelques points de la 
spermatogenèse chez les Sélaciens. — M. Et. de Rou- 
ville étudie la genèse de l’épithélium intestinal; il ré- 
sulte des observations de l’auteur que le tissu conjonc- 
tif ne paraît pas uniquement destiné à relier entre eux 
les différents tissus, mais est aussi capable de jouer 
un rôle éminemment aclif, le rôle de tissu formateur. 
— M. Piéri a effectué quelques recherches physiolo- 
giques sur les Lamellibranches (Tapes decussata et Ta- 
pidés), telles que résistance à l’asphyxie, énergie mu- 
sculaire et action du milieu extérieur. 

J. MARTIN. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 8 Janvier 1895, 


M. le D' V. Babes (de Bucarest) adresse une note 
dans laquelle il réclame la priorité de la découverte de 
la transmission des propriétés immunisantes et cura- 
tives par le sang des animaux immunisés. Dès 1889, 
avant MM. Behring et Kitasato, Richet et Héricourt 
(1890), il a montré, en effet (Ann. de l'Inst. Pasteur), 
que l’on peut transmettre aux animaux susceptibles 
l'immunité contre une maladie infectieuse au moyen 
du sang des animaux fortément immunisés contre cette 
maladie, et qu’en outre cette méthode empêche l'éclo- 
sion de la maladie même chez les animaux auxquels le 
virus a été inoculé antérieurement. 


Séance du 15 Janvier 1895. 


MM. les D'S Imbert, Leduc, Denigès, Carles et Ba- 
rillé se portent candidats au titre de Correspondant 
national dans la Division de Pharmacie, Physique et 


82 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Chimie médicales, — M. Motet est élu membre titu- 
laire dans la Section d'Hygiène publique, Médecine 
légale et Police sanitaire. — M. A. Pinard présente 
une note destinée à servir à l'appréciation de la valeur 
comparative des différents procédés employés dans le 
but de ranimer les enfants nés en état de mort appa- 
rente. Dans un grand nombre de cas observés à l’hô- 
pital Baudelocque, l'insufflation et la flagellation ont 
suffi à ramener les nouveau-nés à la vie; ce n’est que 
dans quelques cas où cette méthodes ’est trouvée insuf- 
fisante qu'on a dû employer les tractions rythmées de 
la langue. — M. G. Colin (d'Alfort) présente plusieurs 
critiques au sujet des dernières expériences de MM. La- 
veran et Regnard sur la pathogénie du coup de chaleur. 
Il croit que les conditions dans lesquelles les auteurs se 
sont placés ne peuvent être assimilées aux conditions 
dans lesquelles se produit, en général, le coup de cha- 
leur chez l'homme,—M le D: Clozier (de Beauvais) litun 
travail sur les zones histérogènes et les zones histérocla- 
siques. —M. le D' Backerlil un mémoire surles proprié- 
tés inhérentes à certains ferments figurés purs. — M. le 
D'° Mouchet (de Sens) lit un travail sur l’élongation 
des nerfs dans les paralysies post-traumatiques. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 29 Décembre 1894. 


M. Charrin aobservé l’action des injections desucthy- 
roidien comme traitement de lobésité. L'amaigrisse- 
ment ne se produit que dans quelques cas, —MM, Au- 
ché et Jonchère communiquent le résultat de leurs 
recherches sur la toxicité urinaire dans la variole; elle 
augmente notablement pendant la défervescence, — 
MM. Henriquez et Hallion étudient sur le chien l’em- 
poisonnement par les toxines diphlériques et éta- 
blissent l'existence d’une période d’incubation. — 
M. Lion à observé un malade atteint d'hémoglobinurie, 
et d'hémoglobinhémie ; la cause de la maladie était due 
à une infection par le pr oteus vulgaris. — MM. Dastre, 
Gley et Malassez présentent quelques observations, — 
MM. Widal et Besançon ont produit expérimentalement 
chez un cobaye, une cirrhose tuberculeuse généralisée, 
parinjection d'un produitde tuberculose humaine pré- 
sentant un degré de virulence très atténuée. — M, Mosny 

étudie l'influence sur le pneumocoquede sonassociation 
avec le staphylocoque pyogène doré. — M. Retterer a 
étudié embryogéniquement la formation des cavités arti- 
culaires, — MM. Hallion et Comte ont observé, par 
une nouvelle méthode, les réflexes vasculaires qui se 
manifestent dans les extrémités, à la suite des exécra- 
tions sensitives et psychiques. — M. P. Bonnier pré- 
sente une note sur la tension des liquides céphalo-ra- 

chidien et labyrinthique. 

Séance du 12 Janvier 1895. 

MM. Richet et Héricourt présentent une nouvelle 
série d’expériences sur la sérothérapie dans la tuber- 
culose, qui confirment absolument leurs premiers es- 
sais, Des injections de sérum immunisant, pratiquées 
sur une malade gravement atteinte, ont amené une 
amélioration profonde dans l’état général. Les au- 
teurs poursuivent activement leurs expériences. Ils 
disent aussi quelques mots d'un essai de séro- 
thérapie antisyphilitique. — M. Féré à observé la 
persislance, après la mort, des mouvements du cœur 
chez des embryons monstrueux, Il aégalement observé 
qu'en injectant dans l'œuf, à dose excessivement 
faible, des substances qui, à dose 6 élevée, sont térato- 
gènes, le développement de l'embryon n’est plus dévié, 
mais accéléré. — M. Kaufmann expose de nouvelles 
expériences relatives à la pathogénie du diabète. — 
M. Gley présente quelques observations. — M. Mathias- 
Duval à observé deux anastomoses artério-veineuses 
des fémorales; cette anomalie doit être considérée 
comme la persistance d’un état embryonnaire très re- 
culé. — M. Josué communique une observation de 
ligature du canal thoracique, suivie d'infection d'origine 
intestinale, 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 21 Décembre 1894. 


M. Lippmann montre comment sa méthode interfé- 
rentielle pour la photographie des couleurs permet de 
reproduire, sous une forme tout aussi démonstrative et 
beaucoup plus simple, l'expérience fondamentale de 
M. Otto Wiener sur l’ interférence de deux ondes lumi- 
neuses polarisées rectilignement, se croisant à angle 
droit !, Gette dernière est, en effet, délicate à répéter et 
exige une assez grande habileté, car elle nécessite la 
préparation d’une couche sensible dont l'épaisseur ne 
soit qu'une faible fraction des longueurs d'ondes lumi- 
neuses, M. Lippmann peut opérer avec une couche d’é- 
paisseur ordinaire. Il est nécessaire seulement qu'elle 
soil sans grains comme les couches employées pour 
la photographie des couleurs. Comme M. Wiener, il 
fait tomber sur celte couche sensible, sous une inci- 
dence de 45°, un faisceau parallèle de lumière, Pour 
cela, la Due est fixée, la couche sensible à l’exté- 
rieur, sur la face hypoténuse d'un prisme rectangle 
isocèle, l'intervalle entre le prisme et la lame étant 
rempli par de la benzine. Le faisceau, qui tombe nor- 
malementsur la face d'entrée du prisme, subit la ré- 
flexion totale sur la face externe de la couche, sans 
qu'il soit besoin d’interposer du mercure en arrière, et 
l'interférence entre le rayon incident et le rayon ré- 
fléchi se produit comme dans lexpérience de M. Wie- 
ner. Mais le faisceau n’est plus formé par une lumière 
monochromatique unique; c'est un spectre complet, 
De plus, il a été polarisé par un prisme biréfringent 
de sorte qu'on obtient côte à côte sur la plaque photo- 
graphique deux spectres, l’un provenant du faisceau 
dont les vibrations sont normales au plan d'incidence, 
l’autre, du faisceau dont les vibrations sont dans le 
plan d'incidence. De ces deux sortes de vibrations, Les 
premières seules sont susceptibles d’interférer, et par 
suite capables de donner une photographie colorée, 
L'expérience confirme ces prévisions. Après dévelop- 
pement, on constate qu'un seul des deux spectres est 
coloré, et c’est bien, conformément aux idées de Fres- 
nel, celui qui provient du faisceau polarisé dans le plan 
d'incidence. M. Lippmann montre combien M. Wiener 
a passé près de la découverte de la photographie des 
couleurs. E lle ne lui à échappé qu à cause de son ha- 
bileté mème, que parce qu'il a réussi à préparer des 
vvuches extraordinairement minces. Enfin cette nou- 
velle expérience de M, Lippmann prouve irréfutable- 
ment que sa méthode de photographie des couleurs 
est bien réellement due à la production des ondes sta- 
lionnaires, L'auteur signale en terminant que les phé- 
nomènes ne sont plus les mêmes avec le papier sen- 
sible Poitevin préparé au sous-chlorure d'argent violet. 
C'est ce même corps avec lequel Becquerel ‘avait obte- 
nu des couleurs fugitives. Les spectres sont alors tous 
deux colorés, Leur variation d'intensité avec l'incidence 
et leur aspect par transparence n’offrent plus les 
mèmes caractères. Certainement ils ne sont pas dus à 
des phénomènes d'interférence. — M. Raveau présente 
une observation relative à l'interprétation de lexpé- 
rience de M, Wiener. La théorie électromagnétique con- 
duit à considérer dans la lumière deux quantités dirigées 
ayant chacune un sens physique concret. Dans l'igno- 
rance absolue où nous sommes du mécanisme des 
actions photochimiques, onest en droit de se deman- 
der si toutes les substances sensibles à la lumière sont 
influëncées par la même action et si, en particulier, 
pour les sels mapnetiques, ce ne serait pas la force 
magnétique qui agirait, Si cette hypothèse élait vérifiée, 
l'expérience de M. Lippmann donnerait des résultats 


1 Voir : 40 le compte rendu de la Société de Physique du 
6 février 1891, Revue du 15 février 1891, et 20 les numéros 11 
et 12, avril-mai 1891, du Bulletin des Sciences Physiques, qui 
contiennent la traduction in extenso du mémoire de M. Wie- 
ner, par M. B. Brunhes, avec la planche originale, 


Pr 


chti tdi 


| 
| 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


inverses. — M. Lippmann reconnait que l’expérience 
est possible à tenter, car un papier à la gélatine, im- 
prégné de sels de fer, est sensible, — M. P. Janet 
montre que la nouvelle méthode d'étude des courants 


. alternatifs, fondée sur l'inscription électrochimique, 


et qu'il a exposée dans la séance du #4 mai dernier, 
permet de déterminer la forme du courant périodique 
en fonction du temps. Laseule méthode connue jusqu'iei 
est la méthode du contact instantané, due à M. Joubert. 
M. Janet a déjà montré, en mars 1891, que cette pre- 
mière méthode peut être perfectionnée par l'emploi de 
la méthode stroboscopique, en rendant mobile le con- 
tact. Avant d'entrer dans Fexposé de sa méthode, 
M. Janet signale d’abord deux expériences curieuses. 
Lorsqu'on ramène au point de départ le cylindre sur 
lequel a déjà élé produite une inscription et qu’on l'in- 
troduit sur le circuit d’une pile et d'un téléphone, on 
entend dans celui-ci, lorsqu'on fait tourner de nouveau 
le eylindre, un son musical qui reproduit la fréquence. 
Peut-être y a-til là le germe d’un nouveau phono 
graphe? En second lieu, lorsqu'on éclaire le cylindre 
sur lequel s'inscrit un courant alternalif, au moyen 
d'un tube de Geissler dont la bobine est alimentée par 
le même alternateur, les traits bleus que tracent les 
styles paraissent immubiles. S'il n’y avait pas identité 
de périodes, les tracés auraient un déplacement stro- 
boscopique en avant ou en arrière. — M. Janet aborde 
alors l'exposé de sa méthode. La pointe en contact avec 
le cylindre marque une trace rectiligne, parallèle à 
l'axe de la courbe sinussoïdale, pendant tout le temps 
que le potentiel reste supérieur à une valeur déter- 
minée 4. Supposons uneseconde pointe reliée au même 
point du circuit, mais présentant sur son trajet un ac- 
cumulateur de force électromotrice e. Cette seconde 
pointe sera portée à un potentiel supérieur à celui de 
la première de la quantité e, et le trait qu’elle inscrira 
sera plus long que le précédent, et correspondra, pour 
la courbe du mouvement périodique à étudier, à toute 
la partie de la période pour laquelle le potentiel est 
supérieur à a—e. De là deux moyens d'obtenir le tracé 
_ de la courbe périodique. D'abord on peut faire varier e 
et obtenir un tracé de la courbe par points. Mais on 
peut aussi obtenir directement l'image du courant pé- 
riodique sur le papier en multipliant le nombre des 
styles, et faisant varier d’une quantité constante le po- 
tentiel entre les styles consécutifs. Cette méthode ne 
rête qu'à une légère objection que l’auteur signale 
ui-même : il peut se produire de légères dérivations 
d’une pointe à l’autre par le cylindre et le papier. 
Séance du 5 Janvier 1895. 

M. Guillaume étudie la question du couplage élas- 
tique des moteurs à gaz, dont les avantages, au point 
de vue de l’atténuation des variations de vitesse du 
moteur, sont fort discutés. Il étudie le cas où un mou- 
vement vibratoire se communique à une masse par 
l'intermédiaire d’un fil élastique. Dans le cas où 
l'énergie s'emmagasine à l’état potentiel dans le fil, il 
y a régularisation, tandis qu'il n'en est plus de même 
si elle se transmet à l’état cinétique à la masse ; dans ce 
cas, au contraire, il y à résonance. Le calcul montre 
que le mouvement vibratoire se transmet avec la même 
période, mais l'amplitude est multipliée par un coeffi- 
cient variable avec la vitesse du moteur. M. Guillaume 
a construit un appareil propre à mettre en évidence 
ces variations. Il consiste en une masse suspendue à un 
fil de caoutchouc dont l'extrémité supérieure est reliée 
à une bielle de manière à recevoir un mouvement 
sinussoïdal, Pour de faibles vitesses de la bielle, l’am- 
plitude de la masse est la même que celle de la bielle. 
Si la vitesse augmente progressivement, l'amplitude de 
la masse augmente d’abord notablement, puis décroit 
régulièrement pour devenir presque nulle dans le cas 
de grandes vitesses. Un second dispositif consiste en 
une planchette folle sur un axe de rotation, et auquel 
elle est reliée seulement par un ressort en spirale. 
L'amplitude du mouvement transmis présente encore 


83 


les mêmes particularités. L'amortissement, dans le cas 
de la liaison avec du caoutchouc, est dù à ce que la 
vitesse de transmission dans le caoutchouc est assez 
lente et ne dépasse pas 30 à 40 mètres par seconde. 
Incidemment, M. Guillaume signale que, si la vitesse 
de transmission de la gravitation n’est pas infinie, une 
roue qui tourne dans le champ de la gravitation doit 
arriver au repos. It signale enfin une nouvelle forme 
de l'expérience précédente, Une masse suspendue par 
un fil élastique est reliée en dessous par un autre fil 
élastique passant sur une poulie, à la bielle de l’appa- 
reil précédent. On constate encore que, suivant les 
valeurs de la vitesse, il y a régularisation ou réso- 
nance; mais ces circonstances ne concordent pas avec 
celles de la planchette reliée par un ressort. Enfin, 
M. Guillaume présente un abaque permettant de sim- 
plifier les calculs. Il est formé d’une série de fils de 
caoutchouc suspendus entre deux tringles. Sur les 
fils, on a tracé une sinussoide., En exercant une trac- 
tion sur l’une des tringles, on modifie l'amplitude, — 
La sirène ordinaire de Cagniard de Latour présente l’in- 
convénient que l’organe producteur du son est en même 
temps le moteur. De plus, le son ne devient pur que 
pour les notes aiguës En outre, à cause des différences 
de timbre, il serait bon, pour plus de précision, lors- 
qu’on compare le son de la sirène à celui d'un autre 
appareil, de pouvoir faire taire alternativement chacun 
des deux sons. M. Pellat a réalisé une nouvelle 
sirène dans laquelle les trous sont percés normale- 
ment au plateau, et dont le mouvement est produit 
par un petit moteur électrique. Un rhéostat permet 
de faire varier la vitesse. Le petit moteur atteint très 
rapidement une vitesse uniforme, et, par suite, déter- 
mine rapidement un son constant. Le bruit de souffle 
relatif aux sons graves dans la sirène ordinaire, est 
presque complètement éliminé. La pression d'air né- 
cessaire pour actionner la sirène est très faible. D'ail- 
leurs, la hauteur du son parait sensiblement indépen- 
dante de la pression du courant d'air. — M. Arnoux 
signale, comme un bon moyen pour avoir une vitesse 
parfaitement régulière, et, par suite, un son très 
soutenu, de mettre sur le moteur un amortisseur, tel 
qu'un disque de cuivre rouge. — M. Pellat fait une 
autre communication relative à l’aberration astrono- 
mique. Les astronomes de Greenwich ont trouvé que la 
valeur de laberration est la même quand la lunette 
est pleine d'air ou pleine d'eau. L’explication, fondée 
sur l'entrainement de l’éther, semble à M. Pellat avoir 
été présentée jusqu'ici sous une forme trop vague. On 
peut donner à cette démonstration une forme beaucoup 
plus rigoureuse que l’auteur développe. Elle repose sur 
l'application dela formule de Fresnel pour la vilesse 
d'entrainement de l’éther, Fresnel ne l’a établie théo- 
riquement que dans le cas où le mouvement de la 
matière a lieu dans la direction de la propagation de 
la lumière, et M. Fizeau ne l'a aussi vérifiée que dans 
ce cas. Cependant, M. Pellat l’applique ici dans le cas 
où les deux mouvements n’ont plus la même direction. 
Or, cette extension conduisant à une explication rigou- 
reuse du phénomène, il semble que le résultat trouvé 
par les observateurs de Greenwich démontre la légiti- 
mité de l'extension de la formule de Fresnel. — 
M. Guillaume rappelle que M. Michelson à vérilié la 
formule de Fresnel avec une approximation plus 
grande que M. Fizeau. — Enfin, M. Guillaume signale 
une expérience d'acoustique offrant quelque analogie 
avec la découverte de M. Lippmann pour la photogra- 
phie des couleurs. M. Pierre Chappuis a remarqué que, 
lorsqu'on frappe le long d'une palissade ou d’une 
balustrade, on n'a plus un bruit confus, mais un son 
pur d’une longueur d'onde déterminée. M. Lauriol a 
fait la même observation au pied de l'escalier de la 
cathédrale de Bourges. Aussi, M. Guillaume pense-t-il 
que, si on suspend au-dessus les uns des autres une 
série de filets à mailles larges, et si l’on produit au- 
dessous un bruit confus, on devra percevoir un son 
d'une hauteur bien déterminée. Edgard HaUDiÉ. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ PHILOMATIHNIQUE DE PARIS 
Séance du 12 Janvier 1895. 


M. Laisant expose les projets de congrès mathéma- 
tiques internationaux proposés par divers savants. 
M. Bioche donne les définitions géométriques des di- 
verses espèces de surfaces réglées qui admettent pour 
lignes asymptotiques des cubiques ganches. 
Ch. Biocne. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 
19 SCIENCES PHYSIQUES. 


A. Schuster, F, R,S.,. et William Gan- 
non. — Détermination de la chaleur spécifique 
de l’eau en fonction des unités électriques inter- 
nationales. Le principe de la méthode est 
très simple. Le travail électrique produit dans un 
conducteur est mesuré par / EGdt, E étant la diffé- 
rence de potentiel entre les extrémités du con- 
ducteur, CG le courant et # le temps. On maintient 
la force électromotrice constante et on mesure / Cdt 
directement à l’aide d’un voltamètre à argent. Il n’est 
alors pas nécessaire de connaitre la résistance du 
fil, et on évite ainsi la difficulté qu'il y a à évaluer 
l’excès de Ja température du fil sur celle de l’eau dans 
laquelle il est placé. On a aussi l'avantage de ne pas 
avoir à mesurer le temps et, par suite, de pouvoir effec- 
tuer les expériences plus rapidement qu'il ne serait 
commode de le faire, si l'on devait mesurer avec 
précision le temps pendant lequel passe le courant. 

La valeur finale trouvée est : 

J — 41804 Joules sur l’échelle du thermomètre à mercure en 
verre francais dur, 

sur l’échelle du thermomètre à azote, 

sur l'échelle du thermomètre à hydrogène 


4,1905 — 
EANT — 
à une température de 19°,1. 

Dans la comparaison avec les résultats des autres 
observateurs, il faut considérer d'abord la valeur que 
M. Griffiths a obtenue dans une excellente série de me- 
sures. Son résultat final (Roy. Soc. Proc., LV, p. 26) 
est: 

J — 4,1982 (1 — 0,00266 0 — 15) X 107. 

Ceci se rapporte au thermomètre à azote. A une lem- 
pérature de 190,1, la valeur serait réduite à 4,1936, qui 
correspond ici à #,1905 à la même température. La 
valeur de M, Griffiths doit être légèrement augmentée, 
par suite du fait qu’il mesure réellement la différence 
entre les chaleurs spécifiques de l’eau et de l'air. 
Cette correction élèverait la valeur de J de 0,0011 en- 
viron, ce qui donnerait, à 190,1, 4,1947 X 407, soit une 
valeur plus grande de _ exactement que celle donnée 


par les auteurs. La différence est faible, mais doit être 
due à quelque erreur systématique, la concordance 
des diverses valeurs obtenues dans chacune des deux 
séries étant trop complète pour qu'on puisse admettre 
que des erreurs accidentelles ordinaires aient causé 
une différence aussi grande. La partie la moins satis- 
faisante d’une mesure calorimétrique est toujours 
l'application de la correction de refroidissement, et 
les auteurs ont considéré comme très important de 
réduire cette correction autant que possible. L'incerti- 
tude de la correction de refroidissement ne dépend 
pas nécessairement de sa grandeur; ainsi, on peut la 
diminuer beaucoup en parlant, comme on l’a fait dans 
la troisième série d'expériences, d’une température 
initiale du calorimètre qui soit inférieure à celle de 
l'enveloppe d'eau d’une quantité égale à celle dont la 
température finale lui est supérieure; toutefois l'incer- 
tiltude de la correction ne semble pas être diminuée 
par ce procédé. On peut estimer raisonnablement lin- 
certitude due à la correction du refroidissement en 
calculant quelle erreur doit s'être produite dans l’obser- 
vation de la vitesse de refroidissement, soit au début, 
soit à la fin de l'expérience, pour produire une diffé- 


rence d’un millième sur le rés:l'at final. On trouve - 


dans les expériences actuelles que l'erreur aurait dù 


s'élever à plus de 15 ‘/;. Les auteurs considèrent 


comme improbable qu'une erreur aussi forte ait pu se | 


produire toujours dans le même sens. À part la cor-. 
rection de refroidissement, toutefois, il est difficile de 


voir comment une différence d'un dixième ‘/, ait pu se. 


produire, sauf par l’accumulation d’une série de pe- 
tiles erreurs. 

La différence entre la valeur actuelle et celle de 
M. Grifliths a toutefoismoins d'importance que la diffé- 
rence qui existe entrecelles-ci et l'équivalent déterminé 
directement par Joule, Rowland et M. Miculescu. La 
dernière valeur de Joule, qui doit seule être prise en 
considération, est 752,65 livres-pieds à 644,7 F. Ce 
nombre se rapporte au degré mesuré par le thermo- 
mètre à mercure de Joule. Rowland laugmente de 3 
pour le ramener au thermomètre à air, et une petite 
correction relative à la variation de la chaleur spéci- 
fique de l'appareil donne 776. La correction thermo- 
métrique a été déduite d’une comparaison faite par 
Joule lui-même avec un des thermomètres de Row- 
land. M. Schuster a exéculé une comparaison précise 
entre les thermomètres de Joule et les thermomètres 
modernes, Le résultat montre que la correction est 
moindre que celle qu'a admise Rowland et qu’elle 
fournirait seulement 775 à la température indiquée. 

On doit considérer comme très bonne la détermina- 
tion de Rowland, qui, à la température des expériences 
de Joule, donne 776,1, Voici la comparaison : 

Équivalent en livres-pieds à Greenwich, à 4901, 
rapporlé au thermomètre à azole « de Paris ». 
Joule Rowland Griffiths Schuster et Gannon 
114 116,1 719,1 718,5 

M. Miculeseu a déterminé l'équivalent par une série 
d'expériences qui semblent très bien conduites. Le 
résultat est #,1857 x 107. Pour effectuer la compa- 
raison avec les valeurs précédentes, il faut effectuer 
une correction de température assez incertaine. Mais, 
en prenant la moyenne des valeurs de Rowland et de 
M. Grifliths comme la plus probable actuellement, on 
trouve à 19°: 

Joule Rowland Miculescu Griffiths Schuster et Gannon 

715 118,3 716,6 780,2 719,1 

Si l'on remarque que le nombre de Rowland, rap- 
porté au thermomètre à azote de Paris, serait proba- 
blement diminué d’une unité, on est frappé de la con- 
cordance qui existe, d’une part, entre les trois 
premiers nombres et, d'autre part, entre les deux der- 
niers. La comparaison semble indiquer l’existence 
d’une différence entre les valeurs obtenues par la mé- 
thode électrique et la méthode directe. La cause 
exacte de cette différence reste à déterminer. 


20 SCIENCES NATURELLES 


Henry EH. Dixon. BB. A., Assistant du Professeur 
de Botanique, Trinity College, Dublin et 3. Joly. M. A. 
Sc. Æ. IR. S. — Sur l'ascension de la sève. — Les 
expériences entreprises par les auteurs les ont conduits 
à croire que l'appel de sève qui se produit dans la 
feuille pendant la transpiration, qu’il faille ou non le 
considérer comme un phénomène purement capillaire, 
est seul capable de déterminer l’élévation de la sève 
par tension directe dans les grands arbres, Les princi- 
pales expériences des précédents observateurs et quel- 
ques expériences nouvelles les ont amenés à penser 
que l'ascension se fait principalement par la lumière 
du vaisseau et non par la paroi. La tension peut se 
transmettre dans la sève ascendante sans rupture de: 
la colonne liquide, en raison de la condition stable du 
liquide ; cet état résulte : 1° de la stabilité interne des 
liquides, lorsqu'ils sont soumis à une tension méca- 
nique, qu'ils contiennent ou non des gaz en dissolu— 
tion; > de la stabilité additionnelle que confère la 
structure du tissu conducteur au liquide soumis à la: 
tension, même en présence des gaz libres. Des expé— 


à “ii 


POPPIPET 0 PORN TR ER 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


85 


riences directes sur de l’eau contenant de grandes 
quantités d’air en dissolution ont permis d'étudier la 
stabilité interne. De plus, en scellant, dans les vaisseaux 
où l'eau était soumise à la tension, des copeaux de bois 
de Tuvus baccata, les auteurs ont pu constater que leur 
présence ne donnait lieu en aucun cas à une ruplure 
du liquide en tension, et qu'elle se produisait de pré 
férence partout ailleurs et d'ordinaire sur les parois de 
verre, La seconde condition de stabilité résulte direc- 
tement de la propriété des membranes qui sectionnent 
les cavités vasculaires de s'opposer au passage des gaz 
libres, tandis qu'elles sont perméables aux liquides. Les 
relations d'énergie que la feuille doit soutenir avec son 
milieu, dans l'hypothèse que l’évaporation aux surfaces 
aqueuses capillaires est la cause principale de l'éléva- 
tion de la sève, peuvent être mises en lumière par des 
expériences où est utilisé le pouvoir bien connu d’un 
vase poreux rempli d’eau, de faire monter le mercure 
dans un tube auquel ce vase est scellé. Les auteurs 
décrivent un machine où l’énergie, entrant sous forme 
de chaleur par les surfaces capillaires, peut être en 

partie employée pour faire un travail mécanique : une 
batterie de douze pelits vases poreux, exposée à l'air 
libre, détermine la rotation continue d’un volant. Si 
on remplace les vases poreux par une branche en trans- 
piration, la roue continue à tourner. Les auteurs suggè- 
rent que, si la tension de la sève se transmet à la racine, 
il doit se former, dans les capillaires de la surface 
radiculaire, des ménisques capables de condenser rapi- 
dement l’eau du sol ambiant. Ils montrent, par une 
expérience, le pouvoir que possède même une racine 
enlevée du sol de condenser de la vapeur dans une 
atmosphère humide. Ils ont imaginé, pour éclairer plus 
complètement les faits, un appareil composé de deux 
vases poreux, réunis par un tube et remplis d’eau: 
lun, « la feuille », est exposé à l’air et émet de la va- 
peur ; la « racine », entourée de terre humide, satisfait 
aux « demandes » de la « feuille », et un courant de 
bas en haut s'établit dans ce tube. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 


M. Womack : Modification de la méthode du galva- 
nomètre balistique pour la détermination de la capa- 
cité électro-magnétique d’un condenseur. Un des avan- 
tages de la méthode indiquée par l’auteur résulte de ce 
que l’on n'a pas besoin de connaître la résistance du 
galvanomètre ou batterie. Elle peut rendre service au 
cas où l’on a à déterminer simultanément la résistance 
et la capacité électrique d’un câble sous-marin ou la ré- 
sistance d’une ligne télégraphique ou téléphonique. — 
MM. S.-P. Thomson et Miles-Walker : Images ma- 
gnétiques. De même que l’on a fondé la théorie des 
images électriques produites par les conducteursisolés, 
de même on peut fonder la théorie des images magné- 
tiques produites par les corps possédant une grande 
perméabilité magnétique. Dans cette dernière théorie, 
on remplace la charge électrique par le pôle magné- 
tique, et le conducteur isolé est remplacé par un corps 
d'une perméabilité magnétique infinie. — M. Ayrton 
montre et décrit un appareil d'étude pour la vérifica- 
tion des lois de Ohm. — M. le Pr W. E. Ayrtonet 
EH. C. Haycraft ont imaginé un appareil très simple, 
destiné aux manipulations faites par les étudiants et 
servant à la détermination de l'équivalent mécanique de 
la chaleur. Cet appareil donne des résultats assez 
précis pour permettre de se passer des tables de correc- 
tion. Les résultats obtenus par les étudiants ne diffèrent 
pas entre eux de plus de 1/2 à { °/,. —MM.le P'Ayrton 
et E. A. Medley cherchent à déterminer la force 
électro-motrice maximum à laquelle une lampe à 
incandescence peut atteindre, Selon eux, il est plus éco- 
mique de rejeter une lampe qui commence à se détério- 
rer que d'attendre qu'elle se brise complètement. On 
doit se servir d’accumulateurs qui maintiennent autant 
que possible constante la force électro-motrice, 


* 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE LONDRES 


MM. F. Stanley Kipping et William J. Pope 
ont continué l'étude des dérivés sulfoniques des bro- 
mures et chlorures de camphre; ils ont plus spécia- 
lement étudié le bromure camphorosulfonique droit 
C10H'50.S0?Br et le chlorure camphorosulfonique qui 
est isomorphe et a la même constitution que le premier. 
Ils ont aussi préparé les combinaisons racémiques de ces 
deux corps. — Les mêmes auteurs font une communi- 
cation surles dérivés halogénés du camphre, dont ils ont 
obtenu septnouveaux composés; le chlorocamphre droit 
et le chlorocamphre inactif : C'CHWOCI; le bromocam- 
phre droit et le bromocamphre inactif : C'CH#OBr?; 
le dichlorocamphre : C'CH!OC1, le dibromocamphre : 
CHSOBr?et le chlorobromocamphre C'°H'*OCIBr; tous 
ces corps présentent des particularités remarquables 
au point de vue du dimorphisme et du polymorphisme. 
— M. Stanley Kipping a continué l’étude des acides 
diméthylpiméliques. — MM. William Goodwin et W.-H. 
Perkin junior F, R.S. : Recherches sur l'acide hexahy- 
dro-stoluique ; d’après ces auteurs, cet acide existe 
sous deux formes stéréoisomères auxquelles on peut 
attribuer les formules suivantes : 


CHA? CH2 
AS ADR 
CH? HC—CH3 CH?2CH3CH 
| | | 
CH? HC.COOH CH? al. coo 
NZ Ne 
CH? CH? 
Acide cis Acide trans 


Cette opinion est appuyée encore par le fait de la dé- 
couverte, par Baeyer et Rassow, de l’acide paraphé- 
nylhexahydrobenzoïque : 


CH2.CH2 
C6H5.CH£ \CH.CO00H 
NCH2.CH2/ 


qu'ils ont obtenu sous les formes cis et trans. — 
MM. W. A. Bone et W. H. Perkin jun. F. R.S. : Ac- 
tion des dérivés sodiques du malonate d’éthyle sur le 
triméthylène dicarboxylate d’éthyle, Dans ce cas, il se 
produit une simple addition représentée par l'équation : 


2 


/ CE 
(COOC:H5}.C{ | -CH2(COOC2H5)? — 
NCEH: 


= (COOC2H5)2.CH.CH2 .CH2.CH(COOC?H5)2. 


— MM. W. H. Perkin jun. F.R.S.etJ.-J.Sudborough 
ont trouvé que l’on pouvait préparer les aldéhydes et 
les alcools en faisant réagir le sodium sur les chlorures 
d'acides en solution dans l’éther humide, Ils ont pu 
ainsi préparer les corps suivants : l’aldéhyde n-butylique 
et l'alcool n-butylique en partant du chlorure n. de bu- 
tyryle; l’aldéhyde isoamylique et l'alcool isoamylique 
en partant du chlorure d’isovaléryle; l'alcool benzilique 
en partant du chlorure de benzoyle; enfin l'alcool o-to- 
lylique en partant du chlorure de l’acide o-toluique. — 
M. W. H. Bentley : Acide 8. &. éthylméthylpropio- 
nique. L'auteur donne la description des propriétés 
et de la préparation du corps qui a pour formule: 
C2H$CH (CH°)CH?2COOH et dont il a étudié plusieurs dé- 
rivés entre autres : l’éther éthylique, l’anilide et la p-to- 
luide. — MM.James J. Dobbie et Alexander Lauder : 
Sur les alcaloïdes de la corydaliscova; étude de la cory- 
bulbine. Les mêmes auteurs font une communication sur 
la corydaline dont ils ont obtenu le dérivé chloré 
C22H?8C1A70*. En oxydant l’acide corydalique avec le 
permanganate de potasse ils ont obtenu une substance 
qui a pour formule C!!H13A703 qui contient deux groupes 
métoxy et qui est probablement un oxydérivé de la di- 
métoxyisoquinoline. — M. William H. Oates : Re- 
cherches pour la détermination des composés du soufre 
dans l'air, 


86 ACADÉMIES ET SOCIETÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ ROYALE D'ÉDIMBOURG 
Séance du 27 Novembre 1894. 


P' M'Kendrich présente le compte rendu de ses 
études sur le phonographe, et fait à ce sujet d’intéres- 
santes projections. Il a, par ses recherches, contribué à 
perfectionner beaucoup cet instrument. Il se sert de 
résonnateurs métalliques coniques, et il a pu, par ce 
moyen, arriver à supprimer le son nasillard qu'avait cet 
instrument etàle faireentendre à un grand nombre d'au- 
diteurs réunis dans une vaste salle, Au moyen de pro- 
jeclions, il montre les photographies de plusieurs 
plaques ayänt déjà servi et sur lesquelles on peut 
voir la manière dont les différentes notes vocales les 
impressionnent, 


Séance du 3 Décembre 1894. 


D' John Smith signale plusieurs particularités de la 
dentition chez les Mammifères. La forme générale de 
la dent chez les Mammifères est la forme conique, 
aplatie sur un certain point et s’enroulant surson axe 
en spire plus ou moins accusée ; si la courbe est for- 
tement accentuée, il n’est pas facile d’en trouver l'axe, 
L'auteur montre, en outre, qu'il y a toujours une partie 
caractéristique dans la spire que présente la dent du 
Mésoptodon, décrite par sir William Turner dans les 
Comptes rendus de l'expédition de Challenger; cette 
partie est toujours reconnaissable dans la dent hu- 
maine. — M.Gregg Wilson fait ensuite une communi- 
cation sur le développement du conduit de Müller chez 
les Amphibiens. Il conclut que, chez ces animaux, ce 
conduit se développe de la même manière que le con- 
duit de Müller chez les Mammifères d’un ordre élevé. 
— D' George Hay soumet une nouvelle méthode pour 
régler la marche en mer. Son appareil consiste en 
deux compas de mer superposés, dont les points nord 
sont placés à une distance angulaire égale à la variation 
magnétique. La direction réelle étantlue sur le premier, 
on n’a qu’à lire le point auquel elle correspond sur le 
second pour avoir la vraie marche à suivre. Cet appa- 
reil, quoique très simple, n’a pas encore été employé 
jusqu'ici, — P° Tait lit une note sur la constitution 
des liquides volatils. Son équation, reliant pressions, 
volumes et températures, est déduite de la théorie cin- 
nétique des gaz. Elle s'applique aussi avec beaucoup 
d’exactitude aux liquides tels que l’eau qui ne sont pas 
volatils à la température ordinaire. On ne peut l’appli- 
quer avec autant de précision aux liquides ayant un 
point d’ébullition plus bas; elle ne s'applique pas du tout 
aux corps tout à fait volatils, Le Pr Tait croit que 
cela provient de l'existence de gaz ou de vapeurs dans 
le liquide. — Le même auteur fait une deuxième com- 
munication sur les points isothermes de l’éthylène. Il 
a calculé, avec la plus grande exactitude et au moyen 
de son équation, la pression de ce corps à une tempé- 
rature donnée et son volume à un point voisin de l'état 
critique d'après les observations d'Amagat. Le volume 
de l’éthylène à une température donnée et sa pression 
près du point critique ne peuvent pas être calculés di- 
rectement au moyen de l’équation avec une aussi 
grande exactitude, cela à cause de la grande rapidité 
avec laquelle la différence desvolumes du corps liquide 
et à l’état de vapeur diminue lorsque s'accroît la tem- 
pérature en approchant du point critique.  W. PEpntE. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 
Séance du 29 Décembre 1894. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : Sur les 
configurations dans l'espace, L'auteur part de la confi- 
guration (8%, 8) de Moebius (Journal de Crelle, t, 3, 
p. 273), étudiée en détail par M. Neuberg en 1884. En 
composant deux ef. (8%, 8,), il trouve une cf. (165, 16.), 
décomposable de cinq manières différentes en deux cf. 
(84, 8,). Il démontre que cette cf. (165, 16,), trouvée par 
M. C. Andréeff (Comm. de la Soc. math. de Kharkow, t. 2, 
p. 95), et toutes les cf. [(2—1}*, (2n—1),] qui s’en dédui- 


sent, sont des configurations régulières, — M, W. Kap- 
teyn présente un mémoire qui forme un trait d'union 
entre la géométrie vectorielle et la géométrie du 
triangle, Un des sommets et un des côtés adjacents du 
triangle forment l'origine et l’axe réel des vecteurs. 
Dans cet ordre d'idées, un point est déterminé par la 
valeur correspondante du vecteur complexe, et les 
équations des lieux géométriques présentent la parti- 
cularité qu'elles ne changent pas quand on y remplace 
simultanément la variable et les constantes par leurs 
valeurs conjuguées. Comme introduction, l'auteur 
applique le système de coordonnées à l'étude de la 
droite, du cercle et des sections coniques. Ensuite, il 
déduit des formules de transformation permettant de 
trouver le vecteur complexe d’un point dont on connaît 
les coordonnées normales et réciproquement, et la 
relation entre les vecteurs complexes de deux points 
inverses. Après cette introduction, il calcule les vecteurs 
des points remarquables et s'occupe des équations des 
droites, des cercles et des coniques remarquables. La 
comparaison des résultats entre eux conduit à une 
foule de relations en partie connues, en partie nou- 
velles. Démonstration que les points de Brocard sont 
les points Hessiens des points de Lemoine et des points 
Hessiens du triangle. Transformation des points con- 
jugués harmoniques par rapport aux points Hessiens. 
— M. C. Easton: Sur la distribution des étoiles dans la 
Voie lactée. Comparaison détaillée de l’œuvre de 
l’auteur (voir Revue gén. d, Sc., t. 4, p. 684) avec la 
Durchmusterung d’Argelander. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H.-A. Kamerlingh Onnes 
lit un mémoire sur le laboratoire cryogène de Leyde, et 
sur la production des températures les plus basses. Il 
a commencé ses recherches, il y a dix ans, avec l’inten- 
tion de faire circuler l'oxygène suivant la belle mé- 
thode de M. Pictet, et d’en faire usage pour des expé- 
riences, comme MM. Olszewski et Wrobleski, marchant 
sur les traces de M. Cailletet, avaient fait usage de 
l'éthylène.Il se proposait, en particulier, de déterminer 
de cette manière les isothermes de l'hydrogène aux 
températures les plus basses. Quant à la manipula- 
tion de l’oxygène liquide, le but a été atteint complète- 
ment, Les moyens mis en œuvre sont aussi petits que 
possible; le laboratoire cryogène, comme il était à 
désirer, ne forme donc qu’une partie du laboratoire, 
assez bien équipé encore pour d’autres genres nouveaux 
de recherches. L’oxygène liquide est versé dans un 
appareil de verre, propre à laisser suivre les expériences 
et à permettre les observations et les mesures. La 
vapeur de l'oxygène est continuellement comprimée, 
liquéfiée et versée de nouveau dans l'appareil. Avec 
une petite quantité d'oxygène en circulation, on peut 
maintenir indéfiniment un bain d'oxygène liquide 
d’un quart jusqu’à un demi-litre, L'auteur ne se sert 
pas des verres vides à double paroi de Dewar. Le bain 
liquide est protégé contre la convection de la chaleur 
par sa propre vapeur, qui refroidit une caisse spéciale 
avec des fenêtres, construites de telle ‘sorte qu’elles 
restent toujours libres de givre et permettent la for- 
malion d'images nettes dans une lunette, La liqué- 
faction de l'oxygène s'obtient par une chute de 
températures obtenue dans deux circulations. Le ser- 
pentin de condensation pour l'oxygène est noyé dans 
l'éthylène bouillant au vide, dans un flacon de cuivre à 
paroi mince, protégé efficacement contre l’afflux de 
chaleur. Les vapeurs de l’éthylène retournent, par une 
pompe pneumatique et un compresseur conjugués, dans 
un condenseur et, de là, dans le flacon de cuivre. Le 
condenseur de l’éthylène est refroidi par une cireula- 
tion de chlorure de méthyle, et l'auteur signale que 
l'emploi des deux derniers gaz, pour la liquéfaction de 
l'oxygène, a été inauguré par M. Cailletet. Les circula- 
tions sont arrangées, et le flacon de cuivre a été cons- 
truitde manière à permettre d'opérer avec un minimum 
de gaz condensés. En opposition avec les expériences 
de Dewar, où il est question de très grandes quantités 
d’éthylène (50 kilos), la circulation d’éthylène de 


* 
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NOTICE NÉCROLOGIQUE 87 


1 


l'auteur ne demande que 1 1/2-kilog. C'est avec cette 
petite quantité d'éthylène et avec une force motrice qui 
ne s'élève pas à plus de 6 ou 8 chevaux-vapeur, qu'il 
obtient le bain permanent d'oxygène liquide décrit plus 
haut. L'auteur a voué quelques années à surmonter 
les difficultés qui restent dans l'emploi du compresseur 
à plongeur de mercure de M. Caïlletet; il a réussi à 
réaliser cette belle idée d’une manière plus parfaite, 
- de sorte qu’il a obtenu un compresseur de laboratoire 
. auquel on peut se fier pour comprimer les gaz purs et 
_ précieux. Il en fait aussi usage pour préparer des gaz 
purs par la distillation fractionnée à basse température. 
Enfin, l’auteur fait quelques remarques sur l’emploi du 
. formène, recommandé par MM. Cailletet et Dewar pour 
_ la liquéfaction de l'oxygène et sur d’autres travaux en 
voie d'exécution au laboratoire de Leyde pour préparer 
la liquéfaction et peut-être la manipulation de l’hydro- 
gène. — M. H.-A. Lorentz présente un mémoire : « Ver- 
such einer Theorie der electrischen und optischen Ers- 
cheinungenin beweglen Kürpern; (Essai d’une théorie des 
phénomènes optiques et électriques dans les corps en 


mouvement). — M. H.-W. Bakhuis Roozeboom {raite 
des expériences de M. Spring, à Liège, sur la conver- 
sion du sulfure de mercure noir en sulfure rouge. Il 
démontre que ce cas appartient à la catégorie des 
transformations d'une modification labile en un état 
stable. Pour de telles transformations, il n'existe pas 
une pression limite à température donnée comme 
M. Spring a cru pouvoir le déduire des densités, — 
M. A. P. N. Franchimont présente un mémoire de 
M. P. van Romburgh, à Buitenzorg (Java), intitulé : 
« Over eenige vluchtige bestand deelen vande op Java 
gekweekte Cocabladen » (Sur quelques matières vola- 
tiles des feuilles de Coca cultivées à l'ile de Java). 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. J.-L.-C. Schroeder van 
der Kolk : « Contribution à la construction de cartes 
des terrains sablénneux ». — M. H. van Cappelle : 
« Etude du diluvium du sud-ouest de la Frise ». — 
M. Th.-H. Mac Gillavry fait connaître les résultats 
obtenus par M. D. Mac Gillavry au laboratoire 
Bærhaave, à Leyde, dans ses recherches sur la faculté 
de locomotion des germes de la phtisie P. ScHouTe. 


CORRESPONDANCE 


SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DES COURANTS DE GRANDE FRÉQUENCE 


Dans la Revue du 30 décembre dernier, nous avons 
résumé d’ingénieuses expériences de MM. Oliver Lodge 
et Gotch touchant l’action qu’exercent sur les nerfs et 
les muscles les courants de haut potentiel et de grande 
fréquence. M. le D' Stéphane Leduc, professeur à l’E- 
cole de Médecine de Nantes, nous fait remarquer à ce 
sujet qu'en 1893; avant MM. Lodge et Gotch, il avait 
découvert qu’au voisinage d’une bouteille de Leyde 
commandée par une machine à frottement, la patte 
galvanoscopique répond par une contraction unique à 
chaque étincelle qui éclate entre les boutons de la 
machine !. 

. M.S. Leduc a montré, de plus, que non seulement 
la grenouille, mais l’homme lui-même est sensible à 
ce champ d'influence. A cette occasion, il a précisé les 
conditions nécessaires pour rendre l’homme sensible 


aux variations du champ électrique. Il a électrisé à 
distance des personnes qui, par le simple approche- 
ment des doigts, provoquaient l'apparition, dans l’in- 
tervalle, d’étincelles de plus d’un centimètre de lon- 
gueur. Il à pu ainsi à distance, c’est-à-dire sans aucune 
communicalion conductrice avec les appareils électri- 
ques, exciter les nerfs sensibles et moteurs de l'homme 
et déterminer des contractions musculaires. 

Les oscillations électriques ainsi produites à dis- 
tance dans le corps de l’homme lui permettent à son 
tour de faire contracter à distance, — et jusqu'à plu- 
sieurs mètres, — la patte galvanoscopique, et cela 
rien qu'en la montrant du doigt comme pour lui don- 
ner l’ordre de se contracter. 

Nous nous faisons un plaisir de porter ces faits à la 
connaissance du lecteur. 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 


PIERRE DUCHARTRE 


Le 5 novembre 1894, s’éteignait brusquement, à l’âge 
de 83 ans, l’un des hommes qui ont le plus honoré 
l'enseignement des sciences naturelles en France 
depuis un demi-siècle. Mais si une longue série de 
travaux scientifiques poursuivis sans interruption pen- 
dant près de 60 ans, si une érudition profonde et une 
remarquable précision d'esprit ont assuré à M. Du- 
chartre une place à part parmi les naturalistes de ce 
siècle, il a été aussi et surtout un de ces hommes 
rares dont les vertus honorent l'humanité. 

Fils de ses œuvres, M, Duchartre avait trouvé dans 
les plus hautes situations scientifiques la récompense 
d’une vie de labeur ininterrompu et la sanction d’une 
œuvre considérable: il y avait gardé le souvenir des 
efforts de sa jeunesse, des difficultés sans nombre 
qu’il avait surmontées, de la constance avec laquelle 
il avait lutté ; non pour en tirer vanité, — sa modestie 
était extrême, — mais pour encourager les débutants, 
pu les soutenir, pour les aider de ses conseils et de 

autorité qu'il avait acquise. Nous avons eu la conso- 


——_————— 


1 DrS. Leouc : Excitation électrique des nerfs sans élec- 
trode et sans conducteur. Extrait des Archives d’'Electricité 
médicale, n° de juillet 1893. — Courants alternatifs de haute 
tension produits à l’aide de machines électrostatiques (Mé- 
moire présenté à la Société française de Physique et à la 
Société de Biologie). 1 broch. in-8° de 8 pages. Imprimerie 
Centrale, Nantes, 1893. 


lation de le voir une semaine avant sa mort; nous 
l'avons trouvé alors tel que nous l’avions vu il ya de 
longues années, supportant allègrement le poids des 
ans, malsré des apparences délicates, travaillant tou- 
jours, animé toujours de la même bienveillance, d’une 
égalité d'humeur que rien n’altérait, comme il convient 
à ceux dont la vie a élé tout entière vouée au bien. 
Pierre-Etienne-Simon Duchartre est né le 27 octobre 
4811, à Portiragnes, près de Béziers: l’un des aînés 
d’une nombreuse famille, à laquelle la fortune ne 
paraît pas avoir accordé toutes ses faveurs, il commenca 
à Béziers des études qu'il termina à Toulouse, Le Droit 
et les intérêts agricoles, qui se partageaient Ja vie de 
son père, ne semblent pas l'avoir attiré jamais. C’est 
en vain que, plus tard, il sera inscrit à la Faculté de 
Droit de Toulouse par un père désireux de voir son fils 
lui succéder dans ses fonctions d'avocat. Il n'avait 
pourtant pas trouvé sa voie dès l’enfance, comme tant 
d’autres. Ayant achevé ses études classiques avant 
l’âge de 16 ans, requis pour subir les examens du 
baccalauréat ès lettres, il eut l’idée d'occuper ses 
loisirs en suivant les cours de sciences, Lauréat de la 
ville de Toulouse en 1828, honoré l’année suivante d’un 
prix unique de botanique qui lui valut des éloges spé- 
ciaux, il résolut dès lors de se consacrer tout entier à 
l'étude des plantes. Dès lors, rien ne put le détourner 
de son but. Ni les efforts de sa famille, ni la privation 
des ressources scientifiques, nile manque de direction, 


88 NOTICE NÉCROLOGIQUE 


ni trente années de labeur, ni les déboires et les dé- 
ceptions ne purent le décider à changer de voie, 

Aidé des conseils de Moquin-Tandon, alors profes- 
seur à la Faculté des Sciences de Toulouse, il se mit à 
explorer les Pyrénées et le Languedoc, dans l'espoir 
de lever les doutes au sujet d'un certain nombre de 
plantes décrites par Lapeyrouse et de faire connaître 
la distribution géographique des plantes méridionales. 
IL semblait alors devoir être l’un des continuateurs de 
De Candolle et de Lamarck; il présenta à l'Académie 
des Sciences, sur la géographie botanique des environs 
de Béziers, un mémoire dont un long extrait fut inséré 
aux Comptes rendus des séances. 

Mais il fallait vivre; il fallait même trouver des res- 
sources pour la famille, que le malheur éprouvait. Du- 
chartre donna des lecons, à Toulouse d'abord, puis, à 
partir de 1837, dans un pelit village de la vallée du 
Lot, à Monsempron, près de Fumel. Privé des ressources 
scientifiques qu'il avait eues jusqu'alors à sa disposi- 
tion, n'ayant plus les livres et les riches herbiers, il 
dut changer la direction de ses études. Pour se passer 
de livres, il aborda un genre de travaux à peu près 
nouveau; s'engager dans une voie nouvelle, c'était le 
moyen de n'avoir pas à compter avec la bibliographie. 
IL s'occupa donc d'anatomie, de morphologie et d’orga- 
nogénie florales, se fit connaître bientôl par de bons 
travaux qui furent imprimés aux Annales des Sciences 
naturelles et recueillit les matériaux d'un grand travail 
sur la Clandestine, qui fut présenté à l’Académie des 
Sciences en 1843 et inséré au Recueil des Savants étran- 
gers, sur un rapport favorable d’Ad. Brongniart. En 
même temps il subissait les examens de la licence, 
puis soutenait ses thèses pour le doctorat ès sciences. 

Vers la fin de cette même année, le jeune Duchartre 
arrivait à Paris, plein: de bonne volonté, mais sans 
argent et sans autre appui que les travaux par lesquels 
il venait de se faire remarquer. Decaisne l'y accueillit 
comme il savait accueillir ceux qui luttaient avec 
énergie; les deux jeunes savants furent bientôt des 
amis dévoués. Decaisne, qui connaissait les difficultés 
de la vie, aida Duchartre de son influence naissante, le 
présenta à d’Orbigny qui l’admit, pour la botanique, à 
la rédaction du Dictionnaire d'Histoire naturelle. Du- 
chartre prit aussi une part aclive à la rédaction de 
l'Echo du Monde Savant, de l'Encyclopédie du XIX®° siéele 
et de plusieurs autres Revues. Pendant deux années, il 
rédigea seul la Revue Botanique, recueil mensuel publié 
sous le patronage de Benjamin Delessert; la mortimpré- 
vue de ce protecteur des sciences vint interrompre cette 
précieuse publication, Ce travail incessant n’absorbait 
pas l’activité de Duchartre. Il trouvait encore le moyen 
de résoudre les problèmes qu’il rencontrait au cours 
de ses études bibliographiques, alliant toujours l’étude 
personnelle et la critique de l’observation à l’érudition 
la plus étendue. 

Agrégé des Facultés des Sciences en 1848. il fut, 
l’année suivante, à la suite d’un brillant concours, 
nommé professeur de Botanique et de Physiologie vésé- 
tale à l’Institut agronomique. Jusqu'à la fin de 1852, 
époque de la suppression de cet établissement, il con- 
sacra tout son temps à l’enseignement, alors nouveau, 
de la Botanique appliquée à l'Agriculture et à la créa- 
tion d’un jardin botanique agricole. En même temps, 
ses recherches personnelles prirent nécessairement 
une direction nouvelle; le jardin de l'Institut agrono- 
mique lui fut un champ d'expériences; c’est là qu’il 
élablit l'efficacité de la fleur de soufre pour combattre 
l’'Oidium de la vigne, Il fut appelé, en 1853, à suppléer 
A. de Jussieu dans l’enseignement de la Botanique à la 
Sorbonne ; mais l’Institut agronomique cessa d’exister; 
l'agrégation et les suppléances étaient alors considé- 
rées comme des honneurs auxquels les rémunérations 
paraissaient superflues, Duchartre reprit sa vie d’autre- 
fois, vivant au jour le jour d’un travail assidu, Il ne se 
décourageait pas pourtant; nous le trouvons en effet, 
en 1854, parmi les fondateurs de la Société Botanique 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


1 
: 


de France, fondateurs dont il est resté le dernier sur- À 


vivant. Jusqu'en 1861, il en rédigea seul le bulletin 
bibliographique avec un soin et un talent remarqua- 
bles. Il devint aussi secrétaire-rédacteur de la Société 
centrale d'Horticulture et garda cette charge jusqu'à sa 
mort, se faisant un devoir de mettre au service de ses 
confrères une érudition qu’on ne prenait jamais en 
défaut. 

L'année 1861 mit un terme à ses peines. Il était 
appelé à la chaire de Botanique de la Sorbonne, en 
remplacement de Payer, dont il occupait depuis deux 
mois le fauteuil à l’Académie des Sciences. Il avait 
alors cinquante ans. Tout autre que M. Duchartre eût 
pu croire que trente années d’incessantes études le 
préparaient assez à l’enseignement de la Sorbonne, et 
qu'il pourrait maintenant mettre simplement à la dis- 
position de ses étudiants les trésors d’une science 
acquise au prix d'efforts si soutenus. Pour lui, ses titres 
nouveaux n’entrainaient que de nouveaux devoirs. Il se 
recueillit, condensa en faveur des élèves de la Sorbonne 
les résultats de trente années de travail et produisit un 
livre aussi remarquable par la clarté de l'exposition 
que par la masse des renseignements qu'on y trouve. 
IL avait la difficile mission d’enseigner la botanique 
générale en une série annuelle d'environ trente lecons; 
les Eléments de Botanique lui permirent de décharger 
son enseignement de l'exposé historique, des discussions 
et des renseignements bibliographiques. Nous y trou- 
vions le complément nécessaire des lecons claires, 
précises et méthodiques du professeur, qui se plaisait 
à nous signaler le point précis où l’on était arrivé, les 
lacunes qui restaient à combler, les problèmes qu'il 
restait à résoudre. 

D'ailleurs, travailleur infatigable, M. Duchartre con- 
tinuait sans interruption sa double tâche; professeur 
toujours au courant de l’état présent de la science, 
avec un sens critique qui n’atténuait pas sa bienveil- 
lance, il s’attachait à résoudre les problèmes dont il 
réunissait les données. Plus de 150 notes ou mémoires 
publiés depuis 1861 jusqu’à la veille de sa mort prou- 
vent qu'il ne se reposait pas, 

Ses fonctions lui donnaient chaque jour l’occasion de 
mettre sa science au service des autres. Nous aimons 
à nous rappeler avec quelle inaltérable obligeance il 
accueillait les jeunes gens dans son cabinet de travail, 
avec quelle bienveillante attentionil nous écoutait,com- 
ment il tirait d'un carton toute la bibliographie du 
sujet en nous disant : « Jai quelques petites choses 
là-dessus », Nous n'oublions pas surtout avec quel sou- 
rire de satisfaction il entendait la confidence de nos 
premières espérances, de nos premières observations 
heureuses, et combien elle était encourageante cette 
poignée de mains si franche qui nous révélait, au 
départ, l'émotion de son grand cœur. Le dévouement 
a rempli sa vie; à la Sorbonne, il ne vit que ses de- 
voirs de professeur et les accomplit sans défaillance 
jusqu’au Jour où l’âge le fit descendre de sa chaire; à 
l'Académie, ils'est faitjusqu'au dernier jour un devoirde 
présenter les travaux qu'on aimait à lui confier; il se 
plaisait à les faire valoir et les exposait avec une clarté 
remarquable. 

Quelques semaines avant sa mort, que rien d’ailleurs 
ne faisait prévoir, il offrit à l'Institut de Botanique de 
Montpellier l'herbier qu'il avait formé pendant la pre- 
mière partie de sa vie scientilique. Cette précieuse 
collection, comprenant surtout les éléments de la flore 
pyrénéenne el du Languedoc, révèle l'esprit méthodique 
de M. Duchartre. 

Tous ceux qui ont eu le bénéfice de son enseigne- 
ment ont apprécié les qualités de son esprit; tous 
ceux qui l'ont approché ont connu la générosité de 
son caractère el conservent son souvenir comme celui 
d’un ami aussi discret que dévoué. 

Cu. FLAHAULT, 
Professeur de Botanique 
à la Faculté des Sciences de Montpellier, 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


N°3 15 FÉVRIER 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


LES COMMUNICATIONS ORALES ET MANUSCRITES 
SUR L'ARGON 


Paris, 14 Février 1895. College où M. Ramsay professe la Chimie. Le Président 
de la Société Royale, lord Kelvin (Sir William Thom- 
Le 30 Aoùt 189%, nous annoncions, dans le Supplé- | son) y avait convoqué tous les membres, non seule- 
ment de la Revue, la découverte d’un nouvel élément de | ment de l’illustre Compagnie, mais aussi des Socitiés 
l'atmosphère par lord Rayleigh et notre éminent colla- | de Chimie et de Physique de Londres, et toutes les 
borateur le Professeur Ramsay. Le 30 Décembre 1894, | notabilités scientifiques du Royaume-Uni. 
M. A. Etard exposait ici même les faits d'expérience qui 
avaient conduit ces savants d’abord à supposer, puis à Grâce à la bienveillance dont la Société Royale ho- 
établir l’existence, dans l’air, d'un gaz confondu jusqu’à | nore cette Revue, nous avons la bonne fortune de 
présent avec l’azote. M. Etard, décrivant la marche | donner aujourd’hui à nos lecteurs la traduction com- 
Suivie par les auteurs de la découverte, indiqua la facon | plète des manuscrits lus à cette occasion, manuscrits 
dont ils avaient isolé le nouveau gaz et déterminé plu- | que la Société Royale n’a pas encore publiés dans ses 
sieurs propriétés caractéristiques de ce corps. En | Proceedings. Ces mémoires sont ceux : 


même temps, il appelait l'attention sur la révolution 1° De Lorn Rayzeien et du Professeur Ramsay sur 
que cette découverte inattendue allait produire dans le | l'Argon, nouvel élément de l’Atmosphère ; 

Système de la Chimie. La portée d’une telle révélation 2° De M. Wiccram CRooKkEs sur les spectres du nouveau 

n'échappa à personne, et l'article, très commenté dans | gaz;  , 

le monde scientifique, fit sensation à ce point que les 3: De M. K. OLszewski, professeur de Physique à 


feuilles quotidiennes elles-mêmes en parlèrent. Cepen- | l’Université de Cracovie, qui est venu rendre compte, 
dant, il était alors difficile de donner les preuves des | à la Société Royale, de ses recherches sur {4 liquéfac- 
faits affirmés, car les savants auteurs s'étaient bornés | tion et la solidification de l'Argon. 
à énoncer leurs conclusions d'une facon très som- A la suite de ces communications, nous publions ]s 
maire. Pour des raisons que nous espérons pouvoir | discussion, si remarquable, à laquelle de tels travaux 
indiquer prochainement, ils n'avaient consacré à l’ex- | ont donné lieu, 
posé de leurs recherches qu’une brève communication Nous croyons utile aussi, pour achever de faire con- 
ürale. Si extraordinaire semblait leur découverte, que, | naître au lecteur tout ce que l’on sait aujourd’hui sur 
malgré leur haute notoriété, malgré leur habileté et | l'Argon, d'insérer, dans la présente livraison, le Mé- 
leur perspicacité bien connues, des doutes s'élevaient | moire que le Professeur JAMES Dewar vient de sou. 
dans l'esprit des chimistes. Beaucoup se refusaient:à | mettre à la Société de Chimie de Londres, sur un point 
admettre qu'un gaz, existant dans l'atmosphère à la | particulier de ce grand sujet. 
dose relativement énorme de 1 °/,, ait constamment Nos lecteurs ont certainement lu dans les Comptes 
échappé à la multitude des chercheurs qui, depuis | rendus de l'Académie des Sciences parus dimanche der- 
Gavendish, se sont occupés de l'analyse de l'air. | nier, 40 Février, la Note dans laquelle M. Berthelot à 
Grande fut donc l'émotion du monde savant lorsqu'il | résumé la découverte des savants anglais. Il serait su- 
ya deux semaines, lord Rayleigh et le P° Ramsay | perilu de la reproduire ici. Mais, en raison de l'impor- 
exprimèrent à la Société Royale de Londres le désir | tance exceptionnelle qu'offre, pour la philosophie chi- 
de luicommuniquer Les résultats deleurs investigations. | mique, la découverte de l'Argon, nous consacrons 
La Société décida qu’une séance particulière serait | toute la première partie de ce numéro à ce grand évé 
consacrée à l’audition de leur Mémoire et aussi à la | nement scientifique. Le lecteur trouvera dans les pages 
lecture des travaux faits par deux de leurs amis sur | suivantes la traduction in extenso de tous les manus- 
leur nouveau gaz. Cette séance a eu lieu le 31 Janvier | crits et travaux originaux qui viennent d’être soumis 
dernier, et, par dérogation à l’usage, s’est tenue dans | aux Sociétés savantes sur l’'Argon. 
le grand amphithéâtre et le laboratoire d’University La Direction. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 3 


90 J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON 


L’ARGON 


NOUVEL ÉLÉMENT DE L'ATMOSPHÈRE 


I. — DENSITÉ DE L'AZOTE DE PROVENANCES DIVERSES. 


Dans une communication antérieure ! nous avions 
reconnu que l'azote extrait des composés chimiques 
est de 1/2°/, environ plus léger que l'azote atmos- 
phérique. 

Voici les nombres moyens trouvés pour les poids 
de gaz contenus dans le ballon dont nous faisions 


usage : 


Azote du peroxyde.................... 2,3001 
Azote du protoxyde........:..4........ 2,2990 
Azote du nitrite d’ammonium.......... 2,2987 
Pour l'azote extrait de l'atmosphère nous trou- 
vions : 
Azote obtenu par l'action du cuivre au rouge (1892). 2,3103 
_ = fer 27011893). 2,3100 
— l'hydrate ferreux....... (1894). 2,3102 


Sur les conseils du Professeur Thorpe, nous avons 
entrepris des expériences sur l'azote obtenu par 
l’action de l'hypobromite de soude sur lurée. 
L'hypobromite fut préparé avec les produits com- 
merciaux combinés dans les proportions habituel- 
lement indiquées pour les dosages de Purée. La 
réaction fut très bien conduite, et le gaz pulse 
dégager aussi lentement qu'on le désirait. 

Dans la premièreexpérience, le gaz ne fut soumis 
à aucun traitement, il traversait de la polasse el 
de l'anhydride phosphorique. On reconnut bientôt 
que cet azole était impur. Le gaz soi-disant inerte 
et inodore attaquait fortement le mercure de la 
trompe el avait une odeur de rat mort. Quant à 
son poids, il était plus élevé que celui de: l'azote 
atmosphérique. L'action sur le mercure el la mau- 
vaise odeur de ce gaz disparurent, en grande par- 
lie. en le faisant passer sur un métal chauffé au 
rouge. On lui fit traverser un tube contenant du 
cuivre en fil fin chauffé par des becs Bunsen, puis 
un tube de fer rempli de fil de ce méial au rouge 
vif, et, enfin, un tube à oxyde de cuivre. 

On supprima même ensuite le passage sur le fer 
en faisant seulement subir au gaz l'action du 
cuivre au rouge vif. Le résultat moyen, rapporté 
aux chiffres déjà donnés, fut : 2,2985. 

Sans l'emploi de la chaleur, on ne peut empè- 
cher l'attaque du mercure. Même lorsque l'on n'em- 
ploie pas l’urée, mais que l’on fait barboter de 
l'air à travers la solution d'hypobromite, on re- 
connait encore que l'azote passant sur du mercure 


1 RayLxiGn. Sur une anomalie reconnue dans la détermi- 
nation de la densité de l'azote. Roy. Soc. Pro.,vol. LV, p. 340. 
1894. 


contenu dans des tubes en U ternit bientôt la sur- 
face de ce métal. 

Il était intéressant de comparer les résultats | 
obtenus avec l'azote de l’urée à ceux obtenus avec. 
les autres composés azotés. Le but que nous vis 
sions ainsi ne put cependant être atleint par ce. 
procédé : on ne pouvait, en effet, obtenir un gazs 
pur en supprimant le traitement par un métal au 
rouge. Cependant l'azote du nitrite d'ammonium 
peut êlre préparé sans employer les tubes au rouge. 
Son poids concorde avec les chiffres donnés pré- 
cédemment, Le gaz sent, il est vrai, un peu l’ammo- 
niaque, mais ce dernier est facilement séparable 
par l'acide sulfurique, qui arrête aussi probable= 
ment un peu de composés oxygénés de l'azote. Le“ 
poids moyen du gaz ainsi obtenu est 2,2987. 8 

Nous reconnûümes que, malgré la faible odeur ni- 
treuse, il n’y avait pas de différence appréciable 
entre les densités du gaz préparé avec le nitrite 
d’ammonium.avecousanstraitementparles métaux » 
au rouge. Ce résultat est intéressant, car il montre * 
que l'accord entre les nombres oblenus pour l'azote 
préparé chimiquement, ne dépend pas de l'usage 
de la chaleur pour sa purification. 

Les cinq résultats obtenus par des procédés plus 
ou moins distincts sont les suivants : 


Azote du peroxyde........... ,......t.. Ag 2.3001. 
Azote du protoxyde...................... ..:....2. 2.2990 
Azote du nitrite d’'ammonium (purifié au rouge)... 2.2987 
Azote del'urée Rec Le: -rerio ie 2,9985 
Azote du nitrite d'ammonium (purifié à froid)....... 2.298 
En MOYENNE... eee 2.2990M 


Ces nombres, aussi bien que ceux déjà donnés 
pour l'azote atmosphérique, doivent subir une ré- 
duction de 0,0006 pour la contraction du ballon 
lorsqu'on y fait le vide ?. 

Si on les multiplie par le ) on ob- 
tient le poids en grammes du gaz par litre. En pre- 
nant ainsi les nombres moyens,nous trouvons que, 
dans les condilions précédentes, le poids par litre 
de l'azote des composés chimiques est 1,2505, celui. 
de l’azote atmosphérique étant 1,2572. 

11 est intéressant de comparer la densité de 
l'azote chimique à celle de l'oxygène. Nous 
avons : 


Pa al 
rapporl 


Az?  9,2984 
D TT AA 
O7  2,6276 


1 Ravumien. Sur les densités des principaux gaz. Roy. Soc. 
Pro., vol. LILI, p. 134. 1893. 


È J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON 91 


Donc si O0? — 16, on a : Az° — 13,9954. 

Ainsi, dans le cas de l’azote extrait des combi- 
naisons, le rapport est très près de 16 à 14; dans le 
cas de l’azote atmosphérique ce rapport est nota- 
blement différent. 

A la liste précédente on peut encore ajouter 
l’azote préparé par d’autres procédés. De l’azote 
fut extrait de l’atmosphère au moyen du magné- 
sium. L’azote ainsi séparé fut alors transformé en 
ammoniaque par l’action de l’eau sur l’azoture de 
magnésium et ensuite mis en liberté au moyen 
de l’hypochlorite de calcium. La purification fut 
opérée, comme d'habitude, par le passage du gaz 
sur du cuivre au rouge vif et sur de l’oxyde de 
cuivre. Le résultat fut le suivant : 


Tare du ballon vide (30 oct.-5 nov.)..... 2.82313 
— plein (31/oct.)..--:.".0. 0.52395 
POAS AU pAZ men nerviec mers one oioie ont 2.29918 


Ce nombre diffère d’une façon inappréciable de la 
moyenne des autres résultats 2,2990; on doit d’ail- 
leurs noter soigneusement que ce gaz a fait primi- 
tivement partie de l'atmosphère. 

D’autres déterminations, faites avec des appareils 
diflérents, de la densité de l'azote provenant 
de la même source, c’est-à-dire de l’azoture de 
magnésium préparé par l'action de l'azote atmos- 
phérique sur le magnésium chauffé, peuvent être 
encore notées ici. L’échantillon différait de celui 
que nous venons de citer en ce qu'il n'avait pas été 
traité par le cuivre au rouge vif. Après avoir traité 
l’azoture par l’eau, l'ammoniaque fut chassée par 
distillation et recueillie dans l'acide chlorhyärique ; 
la solution fut évaporée, le chlorure d’ammonium 
sec redissous dans l’eau et sa solution concentrée 
traitée par une solution fraichement préparée 
d'hypobromite de soude. L’azote fut recueilli dans 
une cloche sur l’eau préalablement bouillie pour 
en expulser l'air. L’azote passait dans le ballon vide 
en traversant une solution d’hydrate de potasse et 
deux tubes secs, dont l’un contenait de la chaux 
sodée et l’autre de l’anhydride phosphorique. 

A 18°,38 centigrades el sous la pression de 
154%» % de mercure, 162°°,843 de cet azote pesaient 
0<,18963 ; donc le poids du litre à 0° sous 760%" est 
172521. 

Le poids moyen d’un litre d'azote chimique est 
14#,2505; donc l’azote chimique provenant de l'azote 
atmosphérique sans avoir été traité par le cuivre au 
rouge, possède la densité normale. 

On reconnut aussi que l’ammoniaque provenant 
de l’azoture de magnésium est identique à l'am- 
moniaque ordinaire el ne contient pas d'autres 
composés à caractères basiques. Pour cette déter- 
mination, l'ammoniaque fut convertie en chlorure 
_d'ammonium, et le chlore fut titré par le nitrate 
d'argent préalablement dosé lui-même à l’aide de 


chlorure d’ammonium pur sublimé. La solution 
argentique était d’un titre tel que 1® précipitait le 
chlore de 0%,001701 de chlorure d’ammonium. 

1. — Le chlorure d’ammonium provenant d’un 
échantillon orangé d'azoture de magnésium con- 
tenait 66,35 °/, de chlore. 

2. — Le chlorure d’ammonium d’un échantillon 
noirâtre d'azoture d'ammonium en contenait aussi 
66,35 °/.. 

3. — Le chlorure d'ammonium provenant d'azo- 
ture contenant une grande quantité de magnésium 
non attaqué, contenait 66,30 °/, de chlore. 

Prenant pour les poids atomiques de l'hydrogène 
1,0032, de l'azote 14,04, et du chlore 35,46, le 
contenu théorique en chlore du chlorure d'ammo- 
nium est 66,27 °/,. 

Nous voyons que l'azote obtenu par l’azoture de 
magnésium préparé lui-même en faisant passer 
l'azote atmosphérique sur du magnésium au rouge 
blanc, a la même densité que l'azote chimique, et 
que le chlorure d’ammonium obtenu par l’azolure 
de magnésium a le même titre en chlore que le chlo- 
rure d’ammonium pur. On peut donc conelure: quele 
magnésium au rouge vif ne sépare de l'azote atmos- 
phérique aucune autre substance que l’azote capable 
de former un composé basique avec l'hydrogène. 


IT. — RAISONS POUR SUPPOSER L'EXISTENCE DANS L'AIR 
D'UN ÉLÉMENT JUSQU'ICI INCONNU. 

La différence des poids étant bien établie, il 
était indiqué de rechercher si elle ne provenait 
pas d'impuretés connues. Parmi celles-ci la pré- 
sence de l'hydrogène dans le gaz, malgré son pas- 
sage sur de l'oxyde de cuivre chauflé au rouge 
blanc parut la plus probable. Mais on reconnut 
que l'introduction intentionnelle de l'hydrogène 
dans le gaz le plus lourd ne modifiait pas son poids 
lorsqu'on le traitait comme précédemment avec 
l’oxyde de cuivre. Cette explication fut donc aban- 
donnée et il devint clair que la différence ne pou- 
vait être attribuée à la présence de quelque autre 
impureté connue. 

D'autre part, il était possible que la légèreté du 
gaz provenant de composés chimiques fût due à 
une dissociation partielle des molécules Az? en 
atomes. Pour contrôler cette supposition, les deux 
espèces de gaz furent soumises à l’aclion de l’effluve 
électrique ; toutes deux conservèrent leur poids 
inaltéré. Les caractères chimiques de l’azote sont 
tels qu’on pourrait penser que les atomes de l'azote 
dissocié possèdent un caractère d'activité plus 
grand, et que, même au cas où ils pourraient être 
mis en liberté tout d'abord, ils ne tarderaient pro- 
bablement pas à se recombiner. Leurs propriétés 
présenteraient donc une analogie partielle avec 
celles de l'ozone. 


92 J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON 


EEE EEE ES CUT EU GO 


Pour contrôler cette hypothèse, un échantillon 
d'azote chimique fut conservé pendant huit mois; 
au bout de ce temps, la densité n'avait pas aug- 
menté, elle était restée exactement la même. 

Regardant comme élabli que l'un ou l’autre de 
ces gaz peut être un mélange contenant un corps 
beaucoup plus lourd ou beaucoup plus léger que 
l'azote ordinaire, nous avons considéré les diffé- 
rentes interprélations possibles. Excepté dans le 
cas de l'hypothèse déjà rejetée de la dissociation, 
il était difficile de concevoir comment le gaz d'ori- 
gine chimique pouvait être un mélange. 

Cette supposition conduirait à admettre deux 
espèces d'acide azotique, faits inexplicables d’après 
les travaux de Stas et de différents chimistes sur 
le poids atomique de cette substance. L'explication 
la plus simple était d'admettre l'existence d'un 
nouveau corps dans l’air débarrassé d'oxygène, de 
vapeur d'eau et d'anhydride carbonique. La pro- 
portion n’en élait probablement pas très grande. 
Si la densité du gaz supposé était double de celle 
de l'azote, l'air en contiendrait 4/2 °/, seulement 
en volume; si elle n'était qu'une fois et demie 
cette dernière, il y en aurait alors 1 °/,; mais, en 
acceptant cette explication même provisoirement, 
il fallait admettre qu'un gaz, nous entourant de 
toutes parts, existant en énorme quantité, élait resté 
aussi longtemps sans même être soupçonné. 

La méthode généralement appliquée pour recon- 
naitre si un gaz est pur ou constitué par un mé- 
lange de composants de différentes densités, est 
celle de la diffusion. Par cette méthode, Graham 
est parvenu à séparer partiellement l'azote el 
l'oxygène de l’air, malgré la différence très petite 
de leurs densités. Si l'atmosphère contient un gaz 
inconnu de densité voisine de celle que nous lui 
supposons, il sera possible de reconnaitre ce fait 
par l'application de la diffusion à l'air ordinaire. 
Ces expériences prouvèrent dès le début que l'at- 
mosphère contient bien le gaz inconnu que les 
résultats déjà donnés permettaient de prévoir. 

Quoique celte méthode de la diffusion puisse 
convaincre l'esprit tout d'abord, elle ne permel 
pas d'isoler le nouvel élément de l'atmosphère : il 
fallait donc chercher une méthode plus stricte- 
ment chimique. 

L'identification de l'azote (air phlogistiqué) avec 
un des éléments constituants de l'acide azotique, 
est due à Cavendish. Ce savant trailait par l'étin- 
celle électrique une courte colonne de gaz renfer- 
mée dans un tube recourbé et disposé sur le mer- 
cure, L'air contenu dans ce lube élait en contact 
avec une petite quantité de polasse. 

En opérant ainsi sur des quantités très faibles 
de matière, Cavendish a résolu un des problèmes les 

l Roy. Soc. Proc., LV, p. 344. 1894. 


plus importants de la chimie, et a le premier donné 
la solution de la question actuellement posée. Voici 
ses propres paroles : 


« Tout ce que nous savons sur la partie phlogistiquée 
de notre atmosphère (azote) se résume en ceci : Elle 
n’est pas absorbée par l’eau de chaux ou par les alcalis 
caustiques, elle ne se combine pas à l'air nitreux 
(bioxyde d'azote), elle n’entretient pas la combustion 
et la vie; son poids spécifique est un peu plus faible 
que celui de l'air ordinaire. 

« L’acide azotique, par son union au phlogistique 
(hydrogène), est transformé en un gaz ayant les pro- 
priétés de l'air phlogistiqué (azote); aussi est-il raison- 
nable de supposer qu'une partie au moins de Pair 
phlogistiqué (azote) de l'atmosphère provient de cet 
acide uni au phlogistique; mais il est douteux que le 
tout soit de cette nature. N'y a-t-il pas là un grand 
nombre de substances comprises par nous sous cette 
dénomination d’air phlogistiqué (azote)? 

« J'ai fait diverses expériences pour voir si tout ou 
seulement une partie de l'air phlogistiqué de l’atmos- 
phère pouvait se transformer en acide nitrique, s’il n'y 
avait pas là un corps de nature différente refusant 
d'entrer en combinaison. Ces expériences démontrent 
que la plus grande partie de l'air traitée comme je Pai 
déjà dit, est absorbée; mais il y a un résidu non fixé. 
Est-il de même nature que le reste? Pour m'en rendre 
compte, j'ai traité comme ci-dessus un mélange d'air 
ordinaire et d’air déphlogistiqué (oxygène) jusqu'à ce 
qu'il ne restât plus qu'une très faible partie de gaz non 
combiné. 

« Pour enlever autant que possible l’air phlogistiqué 
(azote), j'ai additionné le gaz restant d'air déphlogis- 
tiqué (oxygène) et continué l’étincelle, jusqu’à ce que 
je ne constatasse plus d'absorption. Ayant ainsi con- 
densé autant que possible l'air phlogistiqué (azote), je 
lai abandonné sur une solution de sulfure de potasse 
pour absorber l'excès d’air dépklogistiqué (oxygène). 

« Il me resta alors une petite bulle d’air non ab- 
sorbée, environ _. de la quantité de gaz primitivement 
traitée, Il y a done une partie de l'air phlogistiqué 
(azote), de notre atmosphère qui diffère du reste et ne 
peut être transformée en acide nitrique. Elle constitue 


tout au plus x du tout !. » 


Quoique Cavendish fût satisfait de ce résultal 
el n'ait pas déterminé si le petit résidu qu'il avait 
obtenu élait pur, les expériences déjà citées per- 
mettent de croire que ce résidu élail réellement 
différent de l'azote el contenait le gaz maintenant 
appelé argon. 


III. — MÉTHODE POUR COMBINER L'AZOTE LIBRE. 


Pour éliminer l'azote de l'air afin d'en isoler 
quelque autre gaz, nous pouvons uliliser divers 
absorbants. Les éléments qui se combinent direc- 
tement avec l'azote sont : le bore, le silicium, le 
Lilane,le lithium, le strontium, le baryum, le magné- 
sium, l'aluminium, le mercure, et, sous l'influence 
de la décharge électrique, l'hydrogène en présence 
des acides et l'oxygène en présence des alcalis. Un 


—_——___—_———————— 


: Cavexnisn : Phil. Transact., vol. 18, p. 271. 1188. 


J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON 93 


mélange de carbonate de baryum et de charbon à 
haute température jouil aussi de cette propriété. 
Parmi ces produits le magnésium est certainement 
le meilleur absorbant. Quand l'azote passe sur ce 
métal chauffé dans un tube de verre porté au rouge, 
le magnésium brûle avec incandescence; cette in- 
candescence commençant à l'extrémité du tube par 
lequel arrive le gaz, se propage peu à peu et régu- 
lièrement jusqu'à ce que tout le métal soit converti 
en azoture. 7 à 8 litres d'azote peuvent être absor- 
bés dans un seul tube; l’azoture formé est une 
substance poreuse, sèche, orangée. 


IV. — PREMIÈRES EXPÉRIENCES POUR CGMBINER L'AZOTE 
A L'OXYGÈNE PAR L'ÉTINCELLE EN PRÉSENCE DES 
ALCALIS. 


Dans le but d'isoler, par la méthode de Cavendish, 
le gaz supposé, nous avons employé d’abord une 
bobine de Rumkorff, de grandeur moyenne, ac- 
tionnée par une batterie de à éléments Grove. 
Les gaz étaient contenus dans un tube disposé sur 
une grande quantité d’alcali faible, et le courant 
était transmis par des fils isolés dans des bâtons 
de verre courbés, traversant le liquide et venant se 
terminer sous la cloche. On reconnut que les étin- 
celles de 5 millimètres étaient préférables à un are 
plus long. Quand les gaz mélangés étaient dans la 
proportion normale, l’absorplüion était d'environ 
30 centimètres cubes par heure, dix fois plus rapide 
que dans les expériences de Cavendish. 

Pour prendre un exemple, une expérience de 
celte espèce fut faite avec 50 centimètres cubes 
d'air, et cetair fut graduellementadditionné de nou- 
vel oxygène jusqu’à ce que, ce dernier étant en ex- 
cès, il n’y eut plus de contraction perceptible mal- 
gréle passage del’étincelle durantune heure. Le gaz 
restant fut alors transvasé dans-une petite éprou- 
vetle graduée dans laquelle le volume fut reconnu 
être de 1 centimètre cube. Trailé par un pyrogal- 
late alcalin, il resta L°%°,32 de gaz. Ce petit résidu 
ne peut être de l'azote, car, par l’action prolongée 
de lélincelle, il ne se combine pas, quoique mêlé à 
l'oxygène dans les proportions les plus favorables. 

Le résidu fut alors réintroduit dans le tube pri- 
mitif avec addition de 50 centimètres cubes d'air 
et le Lout traité comme précédemment. Le résidu 
fut de 2°%° 2 et, après l'enlèvement de l'oxygène, de 
0°%°,76. Quoiqu'il paraisse presque impossible que 
ce résidu puisse être de l'azote ou de l'hydrogène, 
on pouvait cependant remarquer qu’à la fin de 
l'expérience, l’étincelle se produisait dans des con- 
ditions anormales. L'espace était très restreint et 
la température plus élevée. Mais les doutes pos- 
sibles disparaissaient quand on opérait sur une 
toute pelite quantité. 

En faisant agir l'étincelle sur un mélange de 


> centimètres cubes d'air et de 7 centimètres cubes 
d'oxygène pendant 1 h. 1/4, le résidu était de 
0°®°,AT et, aprèsenlèvement de l'oxygène, de 0°%°,06, 
Les expériences répétées ayant donné des résul- 
tats similaires, il était clair que le résidu final ne 
dépendait pas du passage de l’étincelle dans un 
volume réduit, mais était dans un rapport relative- 
ment constant avec la quantité d’air employée. 

Un examen du résidu refusant de s’oxyder ne 
pouvait être fait sans en préparer une plus grande 
quantité. La solubilité du gaz dans l’eau permet- 
tait d'expliquer les différences obtenues, ainsi du 
reste que cela a été confirmé depuis. On put ce- 
pendant rassembler dans un tube spécial, construit 
exprès, une certaine quantité du gaz permettant la 
comparaison de son spectre avec celui de l'azote 
dans des conditions similaires; on reconnut que le 
gaz n'était pas de l’azote. Tout d'abord on n'aper- 
çoit pas trace des lignes principales de l’azote, 
mais après avoir conservé le gaz pendant une heure 
ou deux, ces lignes deviennent apparentes, de 
l'azote aÿant pénétré dans le tube. 


V. — PREMIÈRE EXPÉRIENCE POUR SÉPARER L'ARGON 
DE L'AIR PAR LE MAGNÉSIUM AU ROUGE VIF. 


Une expérience préliminaire, effectuée par 
M. Percy Williams sur l'absorption de l'azote 
atmosphérique exempt d'oxygène au moyen du 
cuivre au rouge vif, le gaz ne passant pas sur ce 
dernier, mais restant simplement à son contact, 
donna comme résidu de densilé : 14,88. Ce ré- 
sultat, quoique non concluant, était encourageant. 
Un essai fut fait sur une plus large échelle en fai- 
sant passer de l'azote atmosphérique sur du ma- 
gnésium chauffé au rouge dans un tube plus large, 
dans des conditions de contact plus intime, pour 
obtenir une quantité plus considérable du gaz 
pésant. En 10 jours on en réunit 1500 centimètres 
cubes. — Recueilli sur le mercure, le gaz passa 
sur de la chaux sodée,sur l’anhydridephosphorique, 
sur du magnésium chauffé au rouge, puis sur de 
l'oxyde de cuivre, de nouveau sur de la chaux 
sodée et de l’anhydride phosphorique, et enfin fut 
recueilli sur le mercure. Au bout de quelques 
Jours le gaz était réduit à 200 centimètres cubes. 
Sa densité était alors de 16,1. Par une absorption 
plus considérable le volume fut encore réduit. La 
densité du résidu devint 19,09. L’étincelle passant 
pendant quelques heures à travers un mélange 
d’une petite quantité de ce gaz et d'oxygène, son 
volume fut encore plus réduit. La densité, déter- 
minée par le calcul, devint alors 20. 

Le spectre du gaz de densité 19,09, quoique 
montrant les raies de l'azote, présentait quelques 
autres lignes qu'on ne put identifier à celles de 
quelque élément connu. 


9% J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L’ARGON 


NI, — PREUVE DE LA PRÉSENCE DE L'ARGON DANS L'AIR 
AU MOYEN DE LA DIFFUSION. 


Si l'azote atmosphérique contient deux gaz de 
densités différentes, il sera possible de démontrer 
ce fait par la méthode de diffusion. 

L'appareil pour cetessai fut préparé suivant la mé- 
thode de Graham, en réunissant un certain nombre 
de tuyaux de pipe. On employa tout d’abord 12 de 
ces tuyaux en 3 groupes, chaque groupe étant com- 
posé de 4 tubes réunis en séries. Les 3 groupes 
furent alors placés parallèlement dans un large 
tube de verre fermé de façon qu’on pût maintenir 
un vide partiel, à l’aide de la trompe, dans l’es- 
pace compris entre les tuyaux. Une extrémité 
était ouverte à l'air, l’autre extrémité réunie à un 
aspirateur primitivement plein d’eau et disposé pour 
attirer 2 °/, de l’air qui entrait à l’autre extrémité. 

Le gaz réuni ainsi représentait une petite partie 
de celui qui passait à travers le diffuseur. Il devait 
être relativement riche en argon. Le courant de 
l’eau de l'aspirateur ne pouvait être maintenu très 
constant, mais la quantité de 2 °/, ne pouvait être 
beaucoup dépassée. 

L'air ainsi obtenu fut traité exactement comme 
l'air ordinaire l'avait été pour la détermination de 
la densité de l’azote atmosphérique, l'oxygène en- 
levé par le cuivre au rouge vif et l'oxyde de cuivre, 
l’ammoniaque par l'acide sulfurique, l'eau et l'a- 
eide carbonique par la potasse et l’anhydride phos- 
phorique. 

Pour un poids total d'environ 2“3, l'excès de 
poids de l'azote traité sur l'azote atmosphérique 
ordinaire fut, dans quatre expériences, 0%',0049, 
0%°,0014, 0%,0027, 0:",0013. L'excès moyen des 
4 déterminations est 0#,00262. Si l’on supprime le 
premier essai, où le vide fut maintenu pendant 
deux mois, on trouve 0f,00187. 

Le gaz, ainsi préparé avec l'air, était dans chaque 
cas plus lourd que celui de l’air non traité et cela 
beaucoup plus que les erreurs possibles de l’expé- 
rience auraient permis de le supposer. L’excès 
cependant était moindre que celui auquel on 
aurait pu s'attendre et l'arrangement de l'appareil 
pouvait être transformé. 

Les expériences furent reprises avec des tuyaux 
disposés en séries. La surface poreuse, en opérant 
ainsi, était réduite, mais ce fait était partiellement 
compensé par l'augmentation du vide. Deux expé- 
riences, faites dans les nouvelles conditions, don- 
nèrent un excès de : 4° 05,0037, 2° de 05,0033. 

L'excès était plus grand que précédemment et 
dû, sans aucun doute, à une plus grande action de 
l'appareil de diffusion. On pouvait encore conclure 
que l'azote atmosphérique est un mélange et non 
un corps simple. 


VII. — EXPÉRIENCES NÉGATIVES POUR PROUVER 
QUE L'ARGON NE DÉRIVE PAS DE L'AZOTE CHIMIQUE. 


L'existence de l'argon dans l'atmosphère esl 
démontrée d’une façon très évidente par la compa- 
raison des densités de l’azote chimique et atmos- 
phérique, et par les expériences de diffusion que 
nous venons de citer. Cependant, on pouvait com- 
pléter ces recherches en étudiant au même point 
de vue l'azote chimique. Dans ce but, 3 litres 
d'azote chimique, dérivant du nitrite d'ammonium, 
furent trailés par l'oxygène et en usant du procédé 
qui avait donné un résidu avec l'azote atmosphé- 
rique. Le gaz restant fut traité par Pétincelle 
jusqu'à ce que son spectre montràt seulement des 
traces très faibles des raies de l'azote. Le résidu 
refroidi était de 4 centimètres cubes. On le passa 
dans une autre éprouvette, on le traita par le 
pyrogallate de potassium pour enlever l'oxygène. 
On obtint un reste de 3°%,3. Si l’on avail opéré 
avec l'azote atmosphérique, le résidu aurait dû 
être de 30 centimètres cubes. Sur les 3°%,3 res- 
tants, une part est peut-être le fait d’un accident; 
le résultat de l'expérience n’en montre pas moins 
que l’argon ne résulte pas du passage de l’étincelle 
à travers un mélange d'oxygène et d'azote chi- 
mique. 

Dans une seconde expérience identique, 
5.660 centimètres cubes d’azote extrait du nitrite 
d’ammonium donnèrent un résidu final de 323,5 
qui consistait principalement en argon. 

La source de l’argon restant doit être attribuée 
à l’eau employée pour la manipulation d’une aussi 
grande quantité de gaz (6 litres d’azote el 11 litres 
d'oxygène). L’acide carbonique recueilli d’une 
manière identique et ensuite absorbé par la po- 
tasse, donne des résultats semblables. On y trouve 
toujours de l’argon. Des expériences négatives 
furent aussi faites à l’aide de l'absorption de l’azote 
par le magnésium. Dans une première expérience, 
3 litres d'azote provenant du traitement du chlo- 
rure d’ammonium par l’hypochlorite de soude et 
réduit à 4°%3,5 par le magnésium, puis à 3 cenli- 
mètres cubes par l’étincelle en présence d’oxy- 
gène, donnèrent comme résidu un corps parais- 
sant être l’argon. 

Une autre expérience identique, effectuée avec 
15 litres, donna un résidu de 3°"°,5 seulement. 

Dans ce cas, Pazote atmosphérique donnerait un 
résidu de 150 centimètres cubes: la quantité 
trouvée n’en est que le quarantième au plus. On 
peut considérer que les fuites de l'appareil ont 
permis l'entrée d'environ 200 centimètres cubes 
d'air pendant l'opération. D'autre part, l'azote 
élail recueilli sur l’eau, qui pouvait aussi céder un 
peu d'argon. Des expériences de cette nature, 


dr: 
LA 
# 
À 
Æ 
% 


\bsolument négatives, sont extrêmement difficiles 
exigent un temps fort long pour arriver à une 
conclusion certaine. 


VIII. — SÉPARATION DE L'ARGON EN GRAND. 


. Pour préparer l’argon en grand, l’air esl débar- 
assé d'oxygène par le cuivre chauffé au rouge. Le 
ésidu passe alors d’une éprouvette dans un tube à 
‘ombustion chauffé et contenant du cuivre, de facon 
enlever toute trace d'oxygène. 
- Le gaz restant est ensuite séché sur de la chaux 
odéeet sur de l’anhydride phosphorique, après son 
passage à travers un étroit tube en U à acide sulfu- 
rique servant à suivre la marche de l'opération. Il 
est alors dirigé dans untube àcombustion contenant 
le la tournure de magnésium fortement tassée et 
chauffée en rouge. De ce tube, il passe à travers un 
second tube témoin etse rend dans une éprouvette 
de 3 à 4 litres; un seul tube garni de magnésium 
absorbe de 7 à 8 litres d'azote. La température 
doit être presque celle de la fusion du verre, et le 
courant de gaz doit être soigneusement réglé; 
sinon, la chaleur développée par la réaction de 
l'azote sur le magnésium déterminerait la fusion 
du verre. 
Le résidu du traitement de 100 à 150 litres 
d'azote atmosphérique fut d'environ 4 à 5 litres. 
On le fit passer à l’aide d’une pompe Sprengel à 
“travers un tube contenant dans sa première moilié 
“du cuivre et dans la seconde de l’oxyde de ce 
-métal ; puis, à travers un second tube renfermant 
de la chaux sodée et de l’anhydride phosphorique 
disposés comme les deux absorbants précédents. 
nil passait de là dans un réservoir de 300 centimè- 
tres cubes de capacité, d'où on pouvait le chasser 
“dans une éprouvette à l’aide du mercure. Il passait 
“ensuite à travers un tube contenant de la tour- 
-nure de magnésium chauffée au rouge brillant. Le 
-gaz est ainsi débarrassé de toute trace d'oxygène, 
d'hydrogène et d'hydrocarbures, et l'azote est ab- 
sorbé peu à peu. 
_ Le gaz diminue progressivement en pnee 
finalement l'appareil estrempli d’argon pur; il est 
réuni, d’ailleurs, à une pompe à mercure, pour 
ne pas perdre de. gaz quand on change le tube à 
magnésium. Avant de laisser refroidir le tube à 
magnésium, on pompe soigneusement le gaz, que 
l’on recueille dans une éprouvette. Tout l’argon est 
ensuite transvasé du réservoir à mercure dans une 
seconde éprouvette pleine d’eau saturée d’argon. 
Pour empécher l'entrée d'oxygène ou d’azote, il est 
préférable de recueillir sur le mercure. L'enlève- 
_ ment total de l'azote se fait lentement, cependant 
on y parvient habituellement en deux jours. 
 L'objection principale à la méthode de prépa- 
ration de l'argon par l'oxygène est son extrême 


J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON 


lenteur. Nous pouvons cependant remarquer que 
M. Crookes a appelé tout récemment l'attention 
sur les aigrettes existant à l'extrémité des élec- 
Lrodes en platine, entre lesquelles s'effectue la dé- 
charge électrique alternante à haute tension. D'a- 
près lui, elles proviennent de la combustion de 
l'azote et de l’oxygène de l'air. 

L'appareil employé consistait en un alternateur 
de Méritens, actionné par un moteur à gaz, et les 
courants étaient transformés en courants à poten- 
tiel élevé par une bobine de Rumkorff. L'absorp- 
tion la plus considérable à laquelle on puisse arri- 
ver, est d'environ trois litres par heure, soil 
3.000 fois plus rapide que dans l'expérience de 
Cavendish. Il est nécessaire de refroidir l’appa- 
reil, et il y a, de plus, maintes causes d’insuccès. 

Dans une expérience de cette espèce, l'air total 


| traité pendant sept jours s'élevait à 7.925°%, on y 


avait ajouté 9.137 pour l’oxygène du chlorate de 
potasse. Les septième et huitième jours, on fit arri- 
ver de l’oxygène seul, environ 500! furent absor- 
bés. Il restait dans le vase un résidu de 700. Donc 
l’airet l'oxygène s’étaient combinés dans le rap- 
port es Pe temps en temps an suivait au spec- 
troscope la disparition graduelle de l'azote. Cette 
dernière devint très lente vers la fin. Enfin la ligne 
jaune caractéristique de l’azote disparut, et on ne 
constata plus d'absorption en deux heures de 
temps. Il est important de noter que, au fur et à 
mesure de la disparition de l'azole, l’élincelle 
changeait d'aspect, devenant plus étroite et plutôt 
bleue que verte. 

Le traitement final des 700° restants fut iden- 
tique aux opérations déjà citées. Malgré des addi- 
tions successives d'oxygène et d'hydrogène élec- 
trolytiques, on ne peut réduire le volume au delà de 
65°, Ce résidu ne s’ox yde plus, ilne présente plus la 
ligne jaune de l’azote, même dans les conditions 
les plus favorables. Quand le gaz a séjourné quel- 
ques jours sur l’eau, les lignes de l'azote réappa- 
raissent dans le spectre, et on ne peut les faire dis- 
paraitre qu'en traitant de nouveau par l’étincelle, 
pendant quelques heures. 

IX. — DENSITÉ DE L'ARGON PRÉPARÉ PAR L'OXYGÈNE. 

Une première estimation de la densité de 
Vargon préparé par l'oxygène découle des faits 
déjà connus nous donnant le volume du nou- 
veau gaz contenu dans l’air. En admettant que 
la différence de densité entre l’azote atmosphé- 
rique et l'azote chimique soit la conséquence de la 
présence de l’argon dans le premier, et que pen- 
dant le traitement par l'oxygène rien nesoitoxydé, 
à part l'azote, si : 


— densité de l’azote chimique 
D'— densité de l'azote atmosphérique 


96 J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON 


d = densité de l'argon 
a = volume proportionnel de Vargon dans 
l'azote atmosphérique, 


la loi du mélange des gaz nous donne : 
ad + (1 — à) D = D' 
d’où 
d= D + (D'— D) 

a 

Dans cette dernière formule (D'—D) et « sont 
tous deux petits, mais ils sont connus avec une 
grande approximalion. Par ce qui précède ‘nous 
savons que : 


donc si : 
— 2,2990 
D'=— 2,3102° 


on trouve : 

d = 3,318. 
Ainsi, si Az? — 14, O0? 
sera 20.6. 

Une détermination directe par pesée doit être 
faite; mais iln’a pas élé encore possible de re- 
cueillir par ce moyen une quantité de gaz suffisante 
pour remplir le ballon employé pour ces détermi- 
nations. 

Un mélange d'environ 400 centimètres cubes 
d'argon avec un exeès d'oxygène pur à donné 
comme poids 2,7315 ; le même volume d'oxygène 
seul pesait 2,6270. L'excès de la première pesée 
est de 0,1045. 

Si «a est le rapport du volume de l'argon 
au volume Lolal, le nombre pour ce gaz sera : 


01045 


— 16 et la densité de l'argon 


2,6270 + 


La valeur de « étant déterminée par un excès de 
poids sur le poids de l'oxygène, on ne peut la con- 
avec une très grande approximation. 

Des analyses suffisamment concordantes par 
deux méthodes donnent « — 0,1845; d'où, pour le 
poids du gaz, nous obtenons 3, 193: done, si O?=— 16, 


nailre 


la densité du gaz, par rapport à l hydrogène, sera 
19,45. Si on admet la présence d'un peu d'azote dans 
le gaz, une correction conduit à la densité 19,7 pour 
l'argon pur. 

X. — DENSITÉ DE L'ARGON PRÉPARÉ AU MOYEN 
DU MAGNÉSIUM. 


On a déjà donné celte densité : elle est de 19,09, 
et, après traitement par l'oxygène et l’étincelle, elle 
s'élève à 20. Les meilleurs résultats d'une série 
de déterminations ont comme moyenne 
19.90. La difficulté réside dans l'enlèvement total 
de l'azote. L'échantillon de densité 19,90 ne mon- 
trait plus le spectre de ce gaz. La densité la plus 
haute obtenue fut 20,38. Mais va a pu faire une 
erreur en raison du poids élevé du ballon. 


donné 


XI. — SPECTRE DE L'ARGON. 


Le spectre de l'argon consiste en un grand nombre. 
de lignes distribuées sur la presque totalité du 
champ visible. Deux lignes sont spécialement 
caractéristiques. Elles sont moins réfrangibles que 4 
les lignes rouges de l'hydrogène ou du lithium et 
permettent d'identifier ce gaz. On trouvera ci- des- 
sous une communication de M. Crookes sur ce 
sujet. Ce physicien et M. le Professeur Schuster ont. 
identifié, par l'étude spectrale, l’argon provenant de 
l'azote atmosphérique traité par le magnésium, ct. 
celui que l’on DEARÊte par l’étincelle en présence. 
de soude. 


XII. — SOLUBILITÉ DE L'ARGON DANS L'EAU. 


L'eau à 12° dissout 3", 94 °/, d'argon préparé par. 
l'étincelle ; à 13°,9 elle dissout 41,05 °/, du même 
gaz préparé par le magnésium. Ce corps est done. 
deux fois et demi plus soluble que l'azote etpresque 
autant que l'oxygène. Ce fait nous amène à à remar= 
quer que les gaz provenant de l'eau pure renfer= 
meront une Toner d’argon plus grande que 
celle de l'atmosphère. L'expérience confirme celte 
remarque. On a pesé l'azote provenant du gaz de. 
l'eau d'une citerne. Les poids furent 2,3221 gr. et 
2,3327 gr., soit un excès de 24 milligrammes sur le 
poids de l'azote pur et de 11 milligrammes sur 
celui de l'azote atmosphérique. 


XIIT. — CARACIÈRES A BASSE TEMPÉRATURE. 


Des expériences préliminaires entreprises pOur 
liquéfier l'argon à — 90° sous 100 atmosphèress 
échouèrent. On ne constata pas trace de liquéfac- 
lion. M. Olszewski reconnut que le point critique de. 
ce gaz elson point d'ébullilion sont situés plus bas 
que ceux de l'oxygène. Il a obtenu l'argon en cris 
Laux blancs en opérant sur un échantillon très pur 
préparé par le magnésium et ne renfermant pas 

trace d'azote appréciable au spectroscope. 


XIV. 


Pour déterminer si ce gaz est un élément ou un 
corps composé, NOUS avons entrepris une série de 
recherches sur la vitesse de propagalion du sons 
dans ce milieu. Rappelons à ce sujet que, de lan 
vilesse du son dans un gaz, on peut déduire lem 
rapport de la chaleur spécifique à pression cons=. 
tante à celle à volume constant, d’après l'équation: 


— RAPPORT DES CHALEURS SPÉCIFIQUES. 


le 
n=U—= \ 5 (+ œl) — 


où 
n est le nombre de vibrations. 
À la longueur d'onde. 
v la vilesse. 


. sieurs termes disparaissent, et le rapport des cha-. 
. leurs spécifiques de l’un des gaz peut être déduit 


Le ed RE PAR e ee PNR EPP EL LUE AN OT 


J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON 


497 


-:_-e le coefficient d’élasticité isothermique. 


-d la densité. 
(1 + at) le binôme de température. 
C la chaleur spécifique à pression constante. 
e la chaleur spécifique à volume constant. 


-_ En comparant à la même température deux gaz 
-obéissant avec une approximation suffisante à la 


loi de Mariotte et en employant le même son, plu- 


de celui de l’autre, si ce dernier est connu, par la 
proposition suivante : 

xd 1,4 

NEC 


è où, par exemple, À et d se rapportent à l'air pour 
_ lequel ce rapport est 1,41 d’après Rôntgen, Wül- 


ner, Kayser, Jamin et Richard. 

Deux séries complètement différentes d'expé- 
riences, — une dans un tube de 2 millimètres 
de diamètre, l’autre dans un tube de 8 millimètres, 
faites avec des échantillons de gaz complètement 
différents, — ont donné comme rapport pour la 
première série 1,65 et pour la seconde 1,61. 

Des expériences de contrôle exécutées avec le 
premier tube ont donné pour l'acide carbonique 
1,276, au lieu de 1,288, moyenne des détermina- 
lions faites jusqu'à ce jour. 

La demi-longueur d'onde du son dans l'hydro- 
gène a été trouvée de 73,6 au lieu de 74,5, moyenne 
antérieure, et le rapport des chaleurs spécifiques 
de l'hydrogène fut 1,39 au lieu de 1,402. 

L'argon donne comme rapport des chaleurs spé- 
cifiques 1,66. C'est done, comme on le verra plus 
loin, un gaz dans lequel toute l'énergie est de trans- 
lalion. s 

Le seul gaz donnant des résultats semblables est 
la vapeur de mercure à haute Llempéralure. 


XV. — Essais POUR PRODUIRE DES COMBINAISONS CHI- 
MIQUES DE L'ARGON. 


Nous avons fait de nombreuses expériences pour 
faire entrer l'argon en combinaison. Ces essais ont 
été négatifs jusqu'à maintenant. Sous l'influence de 
l'étincelle, l’argon ne se combine ni avec l'oxy- 
gèneen présence des alcalis, ni avec l'hydrogène en 
présence des acides ou des bases, ni avec le chlore 
sec ou humide. Il ne réagit pas sur le phosphore ct 
le soufre au rouge vif. On peut distiller le tellure 
dans un courant de ce gaz; dans les mêmes con- 
dilions le potassium et le sodium conservent leur 
éclat métallique. IL n’est pas absorbé en passant 
sur de la soude caustique ou sur de la chaux sodée 
chaulfée au rouge blanc. 

Le nitrate de potassium, le peroxyde de sodium, 
à la même température, ne réagissent pas sur ce 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895 


<orps. Il en est de mème des persulfures de sodium 
et de calcium, dans les mêmes condilions. ll n’est 
absorbé ni par le noir, ni par l'éponge de platine; 


il n’est pas transformé par les oxydants, l’eau ré- 


gale, l'eau de brome, les alcalis, l'acide chlorhy- 
drique, le permanganate de potassium. Nous 
essayons en ce moment l'action du fluor; les diffi- 
cultés matérielles à surmonter sont considérables ; 
nous essaierons aussi l’action de l'arc électrique. 

Un mélange de sodium et de silice et de sodium 
et d'anhydride borique sont aussi sans action; 
l'argon résiste donc à l’action du silicium ou du 
bore naissant. 

XVI. — CONCLUSIONS 

Il reste à discuter la nature du gaz ou du mé- 
lange de gaz dont nous venons de considérer les 
propriétés. 

La présence de ce corps dans l'atmosphère est 
nettement démontrée par l'augmentation de la 
densité de l’azote atmosphérique par rapport à 
celle de l'azote chimique. Si cette densité est 20, 
l'air doit en contenir environ 1 % ; c’est, en effet, 
ce que l’on constate approximalivement. 

On peut aussi augmenter par diffusion la pro- 
portion de ce gaz dans l'air; on constate ce fait, 
comme nous l'avons vu, par l’augmentation de 
densité. 

La solubilité de l'argon dans l’eau permet aussi 
de démontrer sa présence dans les gaz de l’eau en 
excès par rapport à l'air. 

Enfin, préparé par deux procédés différents, 
d'une partpar le magnésium, d'autre part par 
l'oxygène et l’étincelle, ce gaz est, aans les deux 
cas, identique, ainsi qu'on le reconnait par l'étude 
du spectre, par la densité et par la solubilité dans 
l’eau. 

L'argon est-il un élément ou un mélange d’élé- 
menis ? 

Clausius a montré que si K est l'énergie de trans- 
lation des molécules d’un gaz et H leur énergie 
cinélique, on à : 

K S (CE c) 

TRS ES 
C et « élant respectivement les chaleurs spéci- 
fiques à pression et à volume constants : 

Donc, si pour l’argon, comme pour la vapeur de 
mercure, le rapport des chaleurs spécifiques 

C 2 
Fee 
il s'ensuit que K— H ou que l'énergie cinétique 
totale du gaz est employée au mouvement de 
translation de ses molécules. 

Dans le cas du mercure, l'absence d'énergie 
inter-atomique est regardée comme une preuve du 


caractère mono-atomique de la vapeur de ce corps. 
3* 


58 


Cette conclusion doit être également acceptable 
pour l'argon. La seule hypothèse possible serait 
d'admettre, si la molécule de l’argon est di- ou 
poly-atomique, que les atomes n’acquièrent aucun 
mouvement relatif même de rotation, conclusion 
extrêmement improbable en elle-même et suppo- 
sant la sphéricité d'un semblable complexus 
d’atomes. Comme un gaz mono-atomique ne peut 
être qu'un élément ou un mélange d'éléments, il 
s'ensuit que l'argon ne peut être considéré comme 
un corps composé. D'après la loi d’Avogadro, la 
densité d'un gaz par rapport à l'hydrogène est la 
moilié de son poids moléculaire. Comme la densité 
de l'argon est 20, son poids moléculaire doit être 40. 
Mais ici la molécule est identique à l'atome, donc 
le poids atomique ou, si nous avons affaire à un 
mélange, la moyenne des poids atomiques du mé- 
lange doit être 40. (Les gaz étant pris, bien en- 
tendu, dans les mêmes proportions que dans le 
mélange.) 

Il y a deux arguments, un pour et un contre 
l'hypothèse que l’argon est un mélange. Nous cite- 
rons, comme appuyant l'hypothèse de la com- 
plexité de ce corps, les expériences de M. Crookes 
sur la dualité de son spectre; eomme la combat- 
Lant, les recherches de M. Olszewski. Ce dernier a, 
en effet. constaté l'existence d’un point de fusion 
et d'un point d’ébullilion constants, d'une lempé- 
rature et d’une pression critique définies. Si on 
comprime le gaz en présence du liquide, la pression 
reste sensiblement constante jusqu'à ce que tout le 
gaz soit liquéfié. Ces dernières expériences cons- 
tituent un critérium bien connu de la pureté d'une 
substance; celles de Crookes ne caractérisent pas 
d'une facon certaine une nature complexe. Pour 
conclure avec certitude, il est évident qu'il faudra 
apporter de nouveaux faits. Cependant on peu 
pencher, pour le moment, à considérer l'argon 
comme un corps simple. 

Il nous reste à discuter les relations d’un élé- 
ment de poids atomique 40 avec les autres élé- 
ments. 

Tout d'abord, nous avions cru que l’argon est 
un des éléments accompagnant le fluor dans la 
‘lassificalion périodique; done, avec son poids ato- 
mique 20, il devait prendre place entre le fluor 19 
el le sodium 23. La découverte de la nalure mono- 
atomique de sa molécule oblige à rejeter cette hypo- 
thèse. La série des éléments possédantun poids ato- 


mique voisin de 40 est la suivante : 


Chl #4 Hi] 
Potassiüm 29.1 
Calernm à 10.0 
Scandium... a ie TE 


Il n’y a pas de doute que le potassium, le cal- 


cium et le scandium sont sériés à juste litre dans 


(J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON 
PO M RTE 


les colonnes verticales avec le lithium, le gluci- 
nium et le bore, et qu'ils présentent aussi certaines 
relations avec le rubidium, le strontium et l'yt- 
trium (pour ce dernier, ce n’est pas très cer- 
ain). 

Si l’argon est un élément simple, alors ce serait 
une raison de douter que la classification des élé- 
ments soit complète, et qu'il ne puisse exister 
d’autres éléments que ceux que prévoit cette clas- 
sificalion. 

D'un autre côté, si l’argon est un mélange de 
deux éléments, il pourrait trouver place dans le 
huitième groupe l'un après le chlore, l’autre après 
le brome. 

Nouspouvons supposer que 37 (moyenne approxi- 
malive entre les poids atomiques du chlore et du 
potassium) est le poids atomique de l’élément le 
plus léger. Alors, 40 étant le poids atomique 
moyen du mélange des deux corps inconnus, si 
nous supposons que le second élément a un poids 
atomique compris entre ceux du brome 80 et du 
rubidium 85,5, soit 82, le mélange devrait contenir 
93,3 °/, du corps le plus léger et 6,7 °/, du corps 
le plus lourd. 

Mais alors il est fort improbable que 6,7°/, d’un 
élément à poids atomique aussi élevé aient pu 
échapper à l'observation durant la liquéfaclion. 

Si nous supposons que l’argon appartient au hui- 
tième groupe de Mendeléeff, alors ses propriétés ca- 
dreront bien avec ce que nous pouvons supposer. 
On peut, en effet, admettre que la série qui contient 

IV IL et V I à vi 


SP PR TES et CI 


an 4 Sà2 2 


Là vu 


peut parfaitement se terminer par un élément à 
molécule monatomique et sans valence, incapable 
de donner de composés, ou, s'ilen donne, formant 
des composés octatomiques. Ce corps sera, d'autre 
part, une forme de transilion nous amenant au 
polassium monovalent. 

De telles conceplions sont purement spécula- 
lives, elles sont cependant excusables : car elles 
permettront peut-être de trouver un fil conducteur 
et de porter la lumière dans les anomalies de cet 
élément curieux. 

Pour conclure, il n'y a rien d'étonnant que l'ar- 
gon soit aussi indifférent vis-à-vis des autres corps. 
Le mercure, en effet, quoiqu'également mono- 
atomique, donne des composés qui, par aucun 
moyen, ne sontstables à haute température à l’état 
gazeux. Essayer à la température ordinaire de pro- 
duire des composés de l'argon, c'est exactement 
comme si l’on essayait de combiner le mercure 
gazeux à 800. 

Si nous considérons maintenant l'élat physique 
de l'argon, pourquoi est-ce un gaz, malgré son poils 


| 
| 


AN 


| 
| 


LA 
“ 
r 


Ace 


RU Te + PS) 


: 


W. CROOKES — LES SPECTRES DE L'ARGON 99 


- atomique 40 ? Nous ferons remarquer que nous ne 
- savonsnullement pourquoi le carbone, dontle poids 


‘atomique est faible, est un solide.alors que l’azote 
est un gaz. Nous expliquons ce fait en assignant 
au premier une complexité moléculaire considé- 
rable par rapport à la simplicité moléculaire rela- 
tive du second. On doit s'attendre à ranger l’argon 
parmi les gaz, en raison de sa densité relativement 
faible et de sa molécule simple. 


L'inertie de l'argon, d’où dérive son nom, nous 
explique pourquoi il n'a pas encore été découvert 
parmi les éléments composés. 

On peut lui attribuer le symbole A si on le con- 
sidère comme un corps simple t. 


J.-W. Rayleigh et 
Secrétaire perpétuel 
de la Société 
Royale de Londres. 


W. Ramsay 

deAa Société 
Royale de Londres, 
Prà University College, 


LES SPECTRES DE L’ARGON 


Grâce à l'amabilité de Lord Rayleigh et du 
Professeur Ramsay, il m'a été permis d'examiner 
le spectre de l’argon dans un très bon spectroscope, 
et aussi de prendre des photographies de ses 
spectres au moyen d’un spectrographe muni d'un 
système optique entièrement en quartz. 

L'argon ressemble à l’azote en ce qu'il donne 
deux spectres distincts, suivant l'intensité du 
courant d’induction employé. Mais, tandis que les 
deux spectres de l'azote sont de caractère différent, 
l'un présentant des bandes estompées et l’autre 
des raies fines, les deux spectres de l’argon sont 
constitués l’un et l’autre par des raies fines. Il est 
toutefois très difficile d'obtenir de l’argon contenant 
assez peu d’azoie pour ne pas présenter d'abord les 
bandes de ce dernier gaz superposées à son système 
propre de lignes. J'ai employé de l’argon préparé 
par Lord Rayleigh, le Professeur Ramsay et moi- 
même, et. si pur d’azole qu'il parût être, j'ai tou- 
jours pu apercevoir les bandes de l'azote dans le 
spectre. Toutefois, ces bandes disparaissent bien- 
tôt quand l’étincelle d'induction a passé dans le tube 
pendant un cerlain temps, qui varie de quelques 
minutes à quelques heures. Les tubes à vide qui 
conviennent le mieux pour montrer les spectres 
sont de la forme ordinaire de Plücker et ont-une 
partie capillaire au milieu. Pour pholographier les 
‘radialions très réfrangibles qui sont arrètées par le 
verre, j'ai employé un tube semblable présentant 
une feuètre de quar!z à une extrémité. 

La pression de l’argon qui donne la plus grande 
luminosité et le spectre le plus brillant est 3 milli- 
mètres. La couleur de la décharge est alors rouge 
et le spectre est riche en radialions 
rouges; deux particulièrement intenses ont des 
longueurs d'onde de 696,56 et 705,64. En faisant 
passer le courant, les traces des bandes de l'azote 


orangé, 


disparaissent bientôt et on voit le spectre absolu- 
ment pur de l’argon. À cette pression le platine des 
pôles est projeté sur les verres des lubes, par suite 


de ce que j'ai appelé « évaporation électrique » ? 
et je pense que l'azote résiduel est absorbé par le 
métal finement divisé. Des absorptions semblables 
sont fréquemment remarquées par ceux qui se ser- 
vent beaucoup de tubes à vide. 

En diminuant encore la pression et intercalant 
une bouteille de Leyde dans le circuit, on voit la 
couleur de la décharge lumineuse passer du rouge 
à un beau bleu d'acier et le spectre présente un en- 
semble de lignes presque entièrement différent. Il 
n’est pas facile d'obtenir la couleur et le spectre 
bleus entièrement privés de rouge. On obtient fa- 
cilement le rouge en employant une grosse bobine ? 
mise en marche par un courant de 3 ampères sous 
6 volts. La couleur n’a alors aucune tendance à de- 
venir bleue. 

On peut obtenir la couleur bleue avec la grande 
bobine en la mettant en marche par un courant 
de 3, 84 ampères sous {1 volts et intercalant une 
bouteille de 50 pouces carrés de surface. L’inter- 
rupteur doit être réglé de façon à vibrer aussi 
rapidement que possible. La lueur rouge est pro- 
duite par l’étincelle positive et la bleue par l'étin- 
celle négative. 

J'ai pris des photographies des deux spectres de 
l'argon partiellement superposés'. On peut ainsi 
constater facilement leur dissemblance. Dans le 
spectre de la lueur bleue, j’ai compté 119 raies et, 


1 Ce mémoire, que la Sociélé Royale de Londres n'a pas 
encore publié, à élé traduit, à l'intention de nos lecteurs, par 
notre collaborateur M. E. Charon. (N. de la Direction.) 

2 Roy. Soc. Proc. vol. 1, p.88, juin 1891 et Revue générule 
des Sciences, numéro du 15 août 1891, t. Il, pase 497. 

3 La bobine employée a environ soixante millesde fil secon- 
daire, et quand elle fonctionne à plein débit,-elle dônne un tor- 
rent d’étincelles de 2% pouces de long. La bobine la plus 
petite donne des étincelles de 6 pouces quand on l'entretien 
avec six éléments Grove d’une demi-pinte: 

{: Des photographies des différents spectres de l’argon ct 
d'autres spectres gazeux pour faire la comparaison ont été 


projetées, 


100 


W. CROOKES + LES SPECTRES DE L'ARGON 


ms 


dans celui de la lueur rouge, 80 raies, ce qui fait 
en tout 199 ; 26 d’entre elles paraissent être com- 
munes aux deux spectres. . 

_ J'ai dit que l'azote résiduel est éliminé quand on 
fait passer l’étincelle dans le tube pendant quelque 
temps après avoir soudé les extrémités de platine. 
Ce n'est pas la seule facon de purifier l’argon. 
Le Professeur Ramsay a eu l’amabilité de me 
permettre d'apporter quelques tubes à vide dans 
son laboratoire, pour les y remplir de son argon 
le plus pur. À cette occasion j'ai simultanément 
rempli, vidé et scellé deux tubes de Plücker, dont 
l’un avait des extrémités de platine et l'autre des 
extrémités d'aluminium. En étudiant le gaz immé- 
diatement après les avoir scellés, j'observais dans 
chaque tube le spectre de l’argon, souillé par un 
veslige des bandes de l'azote. Le lendemain Île 
tube à électrodes de platine n'avait pas changé, 
mais celui quiavait des électrodes d'aluminium pré- 
sentait lespectre pur de l'argon, les faibles bandes 
de l'azcte ayant entièrement disparu pendant la 
nuit. Après avoir fait passer l’étincelle pendant une 
heure et laissé reposer le tube à extrémités de pla- 
tine pendant plusieurs jours, j'obtins de nouveau 
le spectre pur de l’argon. Quand on fait passer 
l'élincelle à travers de l’argon contenu dans un 
tube de quartz pur fondu sans extrémités métal- 
liques intérieures, les bandes de l'azote ne dispa- 
raissent pas du spectre de l’argon, les spectres de 
l'argon et de l’azote continuent à être vus simulta- 
nément. 

J'ai rempli un tube à vide d'argon pur, et l'ai 
maintenu en communication avec la pompe en 
faisant les observations sur le spectre du gaz pen- 
dant qu'on produisait la raréfaclion. J'employais 
la grande bobine avec un courant de 884 ampères 
sous 41 volts, sans interposer de bouteille de Leyde. 

A une pression de 3 millimètres, le spectre élail 
celui de la lueur rouge fine. Ce spectre persistait 
pendant que la raréfaction augmentait jusqu'à ce 
que, sous une pression d’un demi-millimètre envi- 
ron, apparussent des lrainées de lumière bleue. 
Sous un quart de millimètre, la couleur du gaz 
incandescent élait bleu pur, et le spectre ne mon- 
trait aucune trace de la lueur rouge. 

On a fait alors une expérience pour voir si la 
faible quantité normalement 
dans l'atmosphère pouvait être décelée sans con- 
centralion préalable. J'ai préparé de l'azote extrait 
de l’atmosphère par la combustion du phosphore, 
et on l'a purifié par la méthode habituelle. Ce gaz, 
bien desséché sur l'anhydride phosphorique, fut in- 
troduit dans un tube à vide, qu'on lava d'air en le 
remplissant et le vidant deux fois, et le tube fut fina- 
lement scellé à une pression de 


d'argon contenue 


52 millimètres. Je 
l'employai pour pholographierle spectre des bandes 


de l'azote à plusieurs reprises, et je l'exposai aueote 
rant d’induction de la bobine pendant huit heures 
en tout, sans remarquer aucun changement. La 
dernière fois que je photographiai son spectre, 
j'éprouvai de Ja difficulté à faire passer l’étineelle, 
de sorte que j'augmentai l'intensité du courant et 
que j'intercalai une petite bouteille. La couleur 
passa immédiatement du jaune rougeàtre de l’a- 
zote au bleu de l’argon, et, eninterposant le spec- 
troscope, je vis les raies de l’'argon presque sans 
aucun mélange des bandes de l’azote. Avec beau- 
coup de difficulté eten employant une bouteille très 
petite, je réussis à prendre une photographie de 
ce spectre pour la comparer à celle du spectre de 
Pargon fourni par le .P' Ramsay, les deux étant 
prises sur la même plaque; mais bientôt le tube 
cessa d'être conducteur, el je ne pus contraindre 
l'étincelle à y passer qu'en emplovant un courant 
d’une intensité dangereuse. Chaque fois qu'une 
lueur passait, elle était d’une couleur bleue foncée. 
En supposant que l'absorption contienne 4 ?/, 
d’argon, les 3 millimètres d'azote, introduits d'a- 
bord dans le tube, conliendraient 0,03 millimètres 
d'argon. Après l'atmosphère de l'azote par le pla- 
tine volatilisé, cette pression de l’argon serait voi- 
sine de celle où la conduelibilité disparait. 

Dans tous les cas où l’argon a été obtenu de 
cette facon, le spectre a été celui du gaz bleu à 
l'incandescence. On ne peut voir qu'un petit 
nombre de raies rouges. Le passage du rouge au 
bleu dépend surtout de la force et de la tempé- 
rature de l’élincelle, en partie aussi du degré de 
vide. [n'est pas improbable et je comprends que 
des observalions indépendantes aient déjà con- 
duit ceux qui l'ont découvert à la même concelu- 
sion : que le gaz argon n'est pas un corps simple, 
mais un mélange de deux éléments au moins, dont 
l'un présente les lueurs rouges el l’autreles bleues, 
chacun ayant son spectre distinct. 

L'hypothèse que ce serait un gaz simple peut 
toutefois s'appuyer sur l’analogie avec les autres 
gaz, Ainsi, l'azote a deux spectres distincts : l’un ou 
l'autre se produisent quand on fait varier la pres- 
sion et l'intensité de l'élincelle. J'ai fait des tubes 
à vide contenant de l'azote raréfié, qui présentent 
successivement les bandes estompées ou le spectre 
de raies fines quand on tourne simplement la vis 
de l'interrupteur, exaclement comme on peut pas- 
ser d'un spectre de l'argon à l’autre. 

J'ai préparé des tubes contenant d'autres gaz 
aussi bien que de l'azote à différentes pressions, el 
j'ai étudié leurs spectres à la fois par l'observa- 
lion directe et par la photographie. Le spectre 
de raies fines de l'azole est loin d’être aussi re- 
marquable par l'éclat, le nombre et la netlelé des 
lignes que le sont ceux de l’argon, et une compa- 


_ dications d’un manomètre à mercure, 


K.OLSZEWSKI — LIQUÉFACTION ET SOLIDIFICATION DE L'ARGON 


101 


raison soignée ne montre pas plus d’une ou deux 
coïncidences apparentes entre les raies des deux 
spectres. Entre les deux spectres de l'argon et le 
spectre de bandes de l'azote, il y a deux ou trois 
lignes très rapprochées; mais, en projetant une 
image agrandie des deux spectres partiellement 
superposés, on voit que deux au moins d’entre 
elles ne sont pas des coïncidences réelles. 

J'ai recherché s’il y avait une indication de raies 
dans les spectres de l’argon correspondant à la 
raie de la couronne de longueur d’onde 531,7, à la 
raie de l'aurore 557,1.et à la raie de l'hélium 587,5; 
mais je n'ai pas réussi à découvrir de raies de l’ar- 
gon suflisamment voisines de ces positions pour 


coïncider dans les limites des erreurs expérimen- 
tales.Jen'aipastrouvé d'autre gaz ou vapeur donnant 
un spectre, qui fournissent des spectres entièrement 
semblables à ceux de l’argon, etles coïncidences 
apparentes dans quelques-unes des raies, qu'on à 
remarquées dans un ou deux cas, ont élé très rares 
et disparaitraient probablement si on employait 
une dispersion plus forte. Autant donc qu’on peut le 
conclure de l’étude du spectre, le verdict doit être 
que lord Rayleigh et le P° Ramsay ont ajouté un 
membre nouveau, sinon deux, à la famille des 
corps simples !. 
William Crookes, 


de la Société Royale de Londres. 


LA LIQUÉFACTION ET LA SOLIDIFICATION 
DE L’ARGON 


Ayantrecu, de l’amabilité du Professeur Ramsay 
un échantillon du nouveau gaz, l’argon, j’ai exécuté 
des expériences sur la facon dont il se comporte à 
basse température sous de hautes pressions, pour 
contribuer, au moins en partie, àla détermination 
des propriétés de ce corps intéressant. 

La quantité d’argon envoyée par le Professeur 
Ramsay étaitde 300 centimètrescubes. Le gaz était 


. contenu dans une ampoule de verre scellée, cons- 


truite de telle facon qu'il pouvait être aisément 
transvasé, sans perte appréciable, dans l'appareil 
vide etsoigneusement desséché où l’on devait exé- 
cuter les expériences projetées. L’argon qui m'avait 
été fourni avait été, comme l’a indiqué le Profes- 
seur Ramsay, desséché par l’anhydride phospho- 
rique ; sa densité était 19,9 (H—1) ; mon ami pensait 
qu'il pouvait contenir comme impureté 1 ou 2 °/, 
d'azote, bien qu’on n'observàt pas le spectre de 
l'azote en l’examinant dans un tube de Plücker. 

On a fait en tout quatre séries d'expériences, 
deux dans le but de déterminer la température 
critique et la pression de l’argon, aussi bien que 
de mesurer sa tension de vapeur à plusieurs autres 
températures basses, tandis que deux autres séries 
ont servi à déterminer ses points d’ébullition et de 
solidification sous la pression atmosphérique aussi 
bien que sa densité au point d’ébullition. 

Une description détaillée de ces expériences 
sera donnée plus lard; je donnerai seulement ici 
une courte description de la façon dont elles 
étaient conduites. 

Pour les deux premières expériences, j'ai em- 
ployé un appareil Cailletet. Le manomètre mé- 
tallique avait été préalablement comparé aux in- 
Comme 


agent refroidissant j'ai employé l’éthylène liquide 
bouillant sous une faible pression. Le tube de 
verre de l'appareil Cailletet était disposé de telle 
facon que la partie immergée dans l’éthylène li- 
quide avait des parois relativement minces (ne 
dépassant pas 1 millimètre), de façon à égaliser 
les températures extérieure et intérieure aussi 
rapidement que possible. 

Dans les deux autres expériences, l'argon était 
contenu dans une burette, fermée aux deux extré- 
mités par des robinets de verre. En réunissant 
l'extrémité inférieure de Ja burette à un réservoir 
à mercure, on transvasait l'argon dans un tube 
de verre étroit soudé par sa partie inférieure à la 
partie supérieure de la burette et dans lequel on 
liquéfiait l'argon et on mesurait son volume à 
Vétat liquide. Dans ces deux séries d'expériences 
l'oxygène liquide, bouillant sous la pression atmos- 
phérique ou sous une pression réduite, était em- 
ployé comme agent refroidissant. J'ai fait usage 
d’un thermomètre à hydrogène dans toutes ces 
expériences pour mesurer les basses températures. 


I. — DÉTERMINATION DES CONSTANTES CRITIQUES 
DE L'ARGON. 


Aussitôt que la température de léthylène li- 
quide avail été abaissée à — 128°6, l'argon se 
condensait aisément en un liquide incolore sous 
la pression de 38 atmosphères. En élevant lente- 
ment la température de l’éthylène, le ménisque de 
l’argon liquide devenait de moins en moins distinct, 


1 Traduction faite, pour la Revue, par notre collaborateur 
M. Raveau. (N. de lu Direction.) 


102 K. OLSZEWSKI — LIQUÉFACTION ET SOLIDIFICATION DE L'ARGON 


et, finalement, s’évanouissait aux températures 
suivantes et aux pressions correspondantes : 


EXP. TEMPÉRATURE PRESSION 
Tteneeute —121.20 50.6 atmos. 
Des des —121.6 50.6 
SANS OO Care —120.5 50.6 
BE hieire —121.3 50,6 
Départ —121.4 50.6 
(das avouoss —119.8 50.6 
FAN AN: 2 —121.3 50.6 


Dans les sept déterminations la pression cri- 
tique trouvée a été de 50,6 atm.; mais les déter- 
minations de la température critique présentent 
de légères différences. Dans les expériences n° 3 et 
Gil y avait moins d’argon liquide dans le tube que 
dans les cinq autres: dans celles-ci le volume du 
liquide dépassait celui du gaz. 

En déterminant les tensions de vapeur de l’argon 
dont on trouvera plus bas un tableau, j'ai re- 
marqué de légères différences de pression suivant 
qu'on produisait plus ou moins de liquide à la 
même température. Cela prouve que l'échantillon 
d'argon contenait une quantité appréciable d'un 
autre gaz, plus difficile à liquéfier; c’est sans 
aucun doute la trace d’azole dont on a parlé plus 
haut. La moyenne des sept déterminations de la 


température critique ést — 121° et ce nombre 
peut être pris comme température critique de 
l'argon. 


A des températures plus basses on a observé 
les tensions de vapeur ci-dessous : 


EXP. TEMPÉRATURE PRESSION 
BE Tate —128.6° 38.0 atmos, 
Dre —129.6 39.8 

OMAN —129.4 35.8 
EE 151300 —129.: 35.8 
17 129.6 35.8 
1 see —134.4 29.8 
14.. —135.1 29.0 
RE —136.2 21.3 
Teste ere —138.3 25.3 
17 —139.1 23.1 


Dans les expériences 9, 10 et 17, l'argon liquéfié 
élait en quantité très pelile, car il ne s'élevait qu'à 
une hauteur de 3 à 5 millimètres, et, dans les au- 
tres expériences, la colonne d’argon liquide attei- 
gnait ou dépassail 20 millimètres. 


IT. — DÉTERMINATION DES POINTS DE FUSION 
ET D'ÉBULLITION ! 


200° d'oxygèneliquide, préparés dans mon grand 
appareil, sont versés dans un vase de verre à qua- 
druple paroi de facon à isoler le liquide de la cha- 
leur extérieure. Lorsque le liquide a élé versé, 
sous la pression atmosphérique une grande partie 
s'évapore, mais il en reste encore 70 environ, 


bouillant sous la pression atmosphérique. On 


1 Bulletininternationalde l'Académie de Cracovie, juin 189 ; 
et Wicdemann’s, Beibläller, XV, p. 29. 


plonge dans l'oxygène bouillant un tube calibré, 


préparé pour recevoir l’argon qu’on veut liquéfier 
et le thermomètre à hydrogène.A cette température 
(—182°,7)l'argon introduitne présente aucunindice 
de liquéfaction, même quand on le comprime en 
augmentant d'un quart d'atmosphère la pression 
qu'il subit. Ceci prouve que son point d’ébullition 
est au-dessous de celui de l'oxygène. Mais, en abais- 
sant la température de l’oxygène ! liquide au-des- 
sous de — 187°, la liquéfaction de l’argon devient 
manifeste. Lorsqu'elle se fut produite, je ramenai 
la pression de l’argon à être exactement celle de 
l'atmosphère, et je réglai la température jusqu'à 
ce que l'équilibre pût se maintenir longtemps. Ce 
procédé donne le point d'ébullition de l’argon sous 
la pression atmosphérique. Quatre expériences ont 
donné les nombres — 186°,7, — 186°,8, — 187° el 
— 187,3. La moyenne est — 186°,9, que je consi- 
dère comme étant le point d'ébullition sous la pres- 
sion atmosphérique (740,5 millim.). 

La quantité d’argon employée dans ces expé- 
riences, ramenée à la pression et à la température 
normales, était de 95,5 ; la quantité de liquide 
correspondant à ce volume de gaz était approxi- 
mativement 0°,114. Par suite, la densité de l’ar- 
gon à son point d'ébullition est approximative- 
ment 1,5. Deux autres déterminations de la den- 
sité de l’argon liquide, pour lesquelles j'aiempioyé 
des quantités de gaz encore plus faibles, ont donné 
des nombres encore plus bas. Par suite de la faible 
quantité d'argon employée dans ces expériences, 
les nombres donnés ne peuvent prélendre à une 
grande exactitude ; cependant ils prouvent que la 
densité de l’argon à son point d'ébüllition (— 187°), 
est beaucoup plus forte que celle de l'oxygène, 
que j’ai trouvée, dans des conditions semblables, 
égale à 1,124. 

Sil'on abaisse la température de l'oxygène à 
— 191° en faisant le vide lentement, l’argon se so- 
lidifie en une masse cristalline, ressemblant à de 
la glace; en abaissant encore la température, il 
devient blane et opaque. Quand on élève la tem- 
pérature, il fond; quatre observations que j'ai 
faites pour déterminer son point de fusion ont 
donné les nombres : — 189,0, — 190°,6, — 189°,6 
et — 489°,4. La moyenne de ces nombres est 
— 189°,6; et on peut prendre ce nombre pour le 
point de fusion de l'argon. 

Voici un lableau de comparaison des constantes 
physiques dans lesquelles celles de l’argon sont 
rapprochées de celles des autres gaz dits « perma- 


1 J'ai déterminé à nouveau le point d'ébullition de l'oxy- 
gène, en employant de grandes quantités d'oxygène, et un 
thermomètre à hydrogène de dimensions beaucoup plus 
grandes qu'auparavant. Latempérature en degrés est de 19,3 
inférieure à celle que j'avais donnée précédemment. 


Le 
À 
5 

2 


à-dire qu'il vient entre l’oxyde de carbone et l’oxy- 
gène. La façon dont il se comporte pendant la 


DISCUSSION SUR L’ARGON A LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


103 


nents ». Au point de vue de la difficulté qu’il y a | quesaliquéfaction se produirait à une température 
à le liquifier, il occupe la quatrième place, c'est- 


plus élevée que celle de la liquéfaction de l’oxy- 
gène. La température critique et son point d’ébul- 
lition, beaucoup plus bas qu'on ne l'aurait prévu, 


Tableau 


TEMPÉRATURE 
CRITIQUE 

AU-DESSOUS 
DE ZÉRO 


—220.0 
—146.0 
—139.5 
—121.0 
—118.8 


PRESSION 
CRITIQUE 
ATMOS, 


Hydrogène (H°) 
- Azote (Az) 

Oxyde de carbone (CO) 

Argon (Al) 

Oxygène (0?) 

Bioxyde d'azote (AzO 

Méthane (CH4).............. Hoe 


Loaouwee 


liquéfaction le rapproche beaucoup de l'oxygène, 
mais il en diffère entièrement par la propriété qu'il 
possède de se solidifier; on sait que l'oxygène n'a 
jamais été amené encore à l’état solide. 

La grande densité de l’argon rendait probable 


DENSIÎTÉ 

DU LIQUIDE | COULEUR 
AU POINT DU 

D'ÉBULLITION| LIQUIDE 


POINT PRESSION 
DE DE SOLIDI- 
SOLIDI- | FICATION 
FICATION M.u 
me | 
? fe 
—9214. 60 
—207. 100 
—189. ? 
2 


DENSITÉ 
DU GAZ 


incolore 


» 
bleu 
incolore 


» 


EE 
—485. 


he he ne 
DUR LOR RE 
SSS0S0©C© 


semblent être en relation avec la simplicité éga- 
lement imprévue de sa constitution molécu- 
laire. 

K. Olszewski, 


Pr de Physique à l'Université de Cracovie. 


DISCUSSION SUR L’ARGON À LA SOCIÉTÉ ROYALE 


Après la lecture des trois Mémoires qu'on vient de lire 
el qui ont suscité l'enthousinsme de l'illustre assemblée, 
les Présidents de la Société Royale, de la Société de 
Chimie, de la Société de Physique, et plusieurs membres 
de ces savantes Compagnies ont pris la parole pour te- 
moigner à Lord Rayleigh et au Professeur Ramsay l'ad- 
imiration que provoque, chez tous les amis de la science, 
cette grande et mémorable découverte de l'argon. 

À ve propos, plusieurs remarques d'une extrême im- 
portance ont été émises au sujet des propriétés que les 
faits d'expérience semblent assigner à l'argon. 

Grâce à la bienveillance de AT. le Président et de 
MO. les Secrétaires perpétuels de lu” Société Royale, la 
Revue « la bonne fortune de pouvoir faire connaître à 
ses lecteurs l« discussion qui « clos cette yrande journée. 


He-P: Ramsay présente deux tubes de verre 
scellés qui, dit-il, contiennent de l’argon et les 
fait passer de main en main. Il dit que plusieurs 
de ses amis l'ont prié de leur montrer le gaz. 
Cependant ce gaz est tout à fait invisible. 

Lorn KELvIN (Président de la Société Royale). — Ce 
sera une satisfaction, j'en suis sûr, pour toutes les 
personnes présentes, de lenir dans leurs mains un 
de ces tubes et d’avoir réellement manié un tube 
de verre contenant de J’argon. 

D° ArMSTRONG (Président de la Société de Chimie). — 
Je suis sûr que toutes les personnes présentes 
aujourd'hui qui sont capables de juger une commu- 
nication de celte espèce et toutes les autres au de- 
hors s’uniront joyeusementau chœur queM. Crookes 


aproposé de chanter. Mais je voudrais, parlant spé- 
cialement au nom des chimistes, — et je sais que le 
P' Ramsay se joindra à moi à cet effet et se disso- 
ciera de son collaborateur, — je voudrais dire que 
nous nous sentons parliculièrement obligés en cette 
occasion vis-à-vis de Lord Rayleigh, non seulement 
à cause de l'intérêt extraordinaire des détails 
qu'il nous a fournis, mais plus particulièrement 
à cause de l'exemple qu'il nous a donné. Vous 
avez, Monsieur le Président, dans votre discours 
de cette année, fait une excellente allusion à la 
patience avec laquelle Lord Rayleigh a suivi à la 
trace ce nouvel élément jusqu'à la découverte. Je 
suis persuadé que les paroles que vous avez 
prononcées rencontreront la plus vive approba- 
tion partout où l’on pourra comprendre ce travail 
(Applaudissements). La question agitée dans ce mé- 
moire est certainement très grave. Je pense qu'il 
sera parfaitement clair pour tous ceux qui ont 
écouté les lectures qu'il y a un ensemble solide 
de preuves démontrant qu'il existe dans l’atmos- 
phère un élément qui à été longtemps inconnu et 
un élément qui présente les propriétés les plus 
extraordinaires. Ce mémoire n’est pas de ceux qui, 
au point de vue des faits expérimentaux, peuvent 
être discutés ici. Il n’est pas douteux qu'il soulè- 
vera d'immenses discussions dans le monde entier, 
On ne se contentera pas d'accepter tous ces résul- 
tats comme élablis, sans les avoir vérifiés, et je ne 
doute pas un instant que nous n’ayons bientôt de 
nombreuses confirmations de l’exactitude de la 


104 


découverte. Mais, en mettant à part les faits exposés 
dans ce mémoire, il y a une partie qui est entière- 
ment, on pourrait presque dire, s’il est permis 
d'employer cette expression ici, d'un caractère 
furieusement spéculalif; c'est la partie qui traite de 
la nature probable de cet élément. Le P' Ramsay, 
dans ses remarques, a supprimé en quelque sorte 
la difficulté d'une facon qui n'apparait pas quand 
on lit le mémoire, parce qu'il est parfaitement clair 
que, somme toute, les auteurs de la communication 
ne sont pas bien convaincus de la légitimité d'une 
applicalion de la méthode de Clausius à la déter- 
mination de l'atomicité des gaz. Je pense qu'il 
n'ont pas suflisamment tenu compte, dans cette 
démonstration, des propriétés extraordinaires que 
possède ce gaz. 

L'azote, que nous connaissons, est une forme 
très inerte de la matière ; mais on sait que le ca- 
ractère de l'azote déduit de son étude dans l’atmos- 
phère est un caractère tout à fait inexact. On sait 
parfaitement que, considéré en tant qu’élément el 
traité en tant qu'atome, l’azote est probablement 
une des formes de la matière les plus actives que 
nous connaissions, et que la grande difficulté qu'on 
éprouve à réaliser sa combinaison avec d'autres 
éléments, quand on étudie ce gaz, résulte de son 
extrême affinité, de son extrême amour de soi- 
même. Si nous pouvons déduire quelque chose des 
propriétés que nous connaissons pour l'appliquer 
à l'élément nouveau, l'argon, c'est, je crois, qu'il 
a le même caractère que l’azote, mais à un degré 
beaucoup plus élevé. Le P' Ramsay a indiqué que 
si on rejette la conclusion que semblent adopter 
les auteurs, il ne reste qu'une seule interprétalion ; 
mais celle-ci est parfaitement admissible. Il est 
très vraisemblable que les deux atomes existent, si 
enserrés dans leur étreinte mutuelle qu'il leur est 
absolument impossible de se rendre compte de ce 
qui se passe au dehors, et qu'ils sont parfaitement 
contents de continuer à rouler ensemble, sans rien 
emprunter de l'énergie introduite dans la molécule. 
Il y a beaucoup à dire en faveur d’une vue de ce 
genre. Naturellement on ne peut pas la discuter in- 
dépendamment de ce qui a été dit, que le gaz pouvait 
être un mélange; mais il est très clair, d'après la 
marche de la discussion, que les résultats indiqués 
dans le mémoire ne sont pas aussi complètement 
acceptés qu'on pourrait le croire. M. Crookes est 
évidemment indécis au sujet de l'existence de 
deux éléments, el la même impression est pro- 
duite par l'exposé du P' Ramsay. Si l’on considère 
comme prouvé par le spectroscope que nous avons 
affaire à deux gaz, il n'y a pas de raison de ne pas 
tirer la même conclusion pour l'hvdrogène et l'oxy- 
gène. L'oxygène a, je crois, trois ou quatre spectres, 
de sorte que la preuve spectroscopique, après 


DISCUSSION SUR L'ARGON A LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


tout, bien qu'elle soit à coup sûr intéressante, ne: 
semble pas justifier une pareille conclusion. La 
grande difficulté qu'il y a, certainement, à accepter 


la conclusion que nous avons affaire à un élément » 


ayant un poids moléculaire de 40 et un poids ato- 

mique de 40, provient de la difficulté de placer un 
élément de cette espèce, ce qui me semble, en fait, 

avoir amené les auteurs à la conclusion qu'il s’agit 
peut-être d'un mélange. La difficulté disparaitrait, 
naturellement, s'il s'agissait d'un corps complexe, 

el je crois que c'est ce qu'a voulu dire le P° Ram- 

say, quand il à rapporté l'un des nombres de 

M. Olszewski. Cette valeur faible, — si grande en 

comparaison de celle de l'azote déduite de la den- 
sité du liquide, — est une raison qui nous amènerait. 
à placer le corps plus haut dans l'échelle des élé- 

ments, et à lui donner un poids moindre. Naturel- 

lement, toutes ces questions devront être discutées 

complètement plus lard : il y a des questions qui 

ne peuvent ètre disculées que graduellement, à 

mesure que nos Connaissances sur ce corps s'éten- 

dront. Quant à son activité, il est possible qu'elle 

ait été exagérée. Il est très difficile, dans un cas 

comme celui-ci, de découvrir les meilleures condi- 
tions dans lesquelles il faut se placer. Nous savons 

parfaitement que, si nous n'élions pas en posses- 
sion de l'étincelle électrique, nous ne pourrions 
guère avoir découvert que l'azote peut se combiner 
à l'hydrogène pour former directement l'ammo- 
niaque. Nous savons que nous ne pouvons pro- 

duire lacombinaison des deux que si nous sommes 

en mesure d'enlever en même temps le corps pro- 

duit; et celle condition peut bien jouer un rôle, 

dans un cas comme celui-ci. On sait très bien qu'il 

y a relativement peu de substances qui puissent se 

combiner directement avec l'azote. Il est très vrai- 

semblable que nous avons ici un élément quia des 

affinités encore plus rares, mais il n’en résulte 

nullement, — et les auteurs n'ont, d'ailleurs, pas 

affirmé que tel fût le cas, — que nous ayons un 

élément entièrement inactif, même sous la forme 

sous laquelle il se présente à nous. Ge n'est pas ici 
le moment de discuter la question complètement, 
mais ces points méritent certainement d'être con- 
sidérés, et ils sont au nombre de ceux qui donnent 
au corps une telle importance, pour nous, chi- 
mistes. En concluant, je ne puis que remercier 
cordialement les auteurs de nous avoir fait cette 
communication. 

P' Rucrer (Président de la Société de Physique). 
— Je crois qu'il est très important qu'en cette 
occasion nous nous rappelions que nous assistons 
à une réunion contradictoire de la Société Royale, 
réunion qui va immédiatement faire connaitre 
dans le monde le résultat exact de la discussion. 
Il est, je pense, extrêmement important de dis- 


Ê DISCUSSION 


SUR L'ARGON A LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


105 


tinguer aussi clairement que possible entre les 


_ différents points douteux qui peuvent encore sub- 


sister relativement au nouvel élément qui a été 


décrit aujourd’hui et le fait certain qui résulte 
. indubitablement des fails qui nous ont été expo- 


sés, à savoir qu’en dépit des doutes qui ont pu se 
manifester sur la question depuis quelques se- 
maines ou quelques mois, il est maintenant hors 
de toute discussion —- et je cite, en m'’exprimant 
ainsi, les termes dont s’est servi le Président de 
la Société chimique — que nous avons ici un 
nouvel élément de l'atmosphère. L'importance 


de ce résultat a déjà été indiquée; mais je vou- 


drais une fois de plus insister sur le fait que 
ce point fondamental est définitivement acquis, 
sauf la question de savoir s'il y en a un ou 
deux, et aussi abstraction faite de celle de savoir 
si les diverses quantités physiques qui nous sont 
indiquées aujourd’hui ont été mesurées avec la 
précision qu'on pourra alteindre plus tard. Mais il 
y a un point particulier sur lequel je voudrais ap- 
peler l'attention. Il me semble que l’un des résul- 
tats les plus importants qu'on ait obtenus au point 
de vue physique est le fait que le gaz est mono- 
atomique. Quelques-uns d’entre nous ont eu l'oc- 
casion de voir le mémoire avant qu’il fût lu au- 


-jourd'hui et connaissent peut-être un ou deux faits 


qui, Je pense, n’ont pas élé actuellement mention- 
nés par le Professeur Ramsay. Un de ces faits est 
que les expériences nécessaires pour déterminer 
le rapport des deux chaleurs spécifiques, qu'elles 
aient été répétées deux fois ou plusieurs fois, ont 
été, je le sais, exécutées par deux méthodes diffé- 
rentes. Elles ont été faites dans un tube étroit et 
elles ont été faites dans un tube large; de nou- 
velles expériences de contrôle ont été exécutées 
dans lesquelles d’autres gaz ont été comparés au 
nouvel élément. Il n’y a plus de place possible 
pour un doute sur un résultat de cette espèce, 
quand les expériences ont été exécutées par deux 
hommes tels que Lord Rayleigh et le Professeur 
Ramsay. La question est de celles qui ne peuvent 
supposer aucune erreur quand elle est traitée de 
cette facon, et on doit accepler comme certain que 
l'élément possède ce rapport particulier des cha- 
leurs spécifiques. Alors se pose la question : Qu'en 
résulte-t-il ? Je pense qu’on n’a peut-être pas sufli- 
samment indiqué qu'il est nécessaire, pour qu'on 
puisse obtenir ce rapport, en se basant sur la 
théorie mécanique ordinaire des gaz, que l'atome 
étudié soit considéré comme sphérique. Naturelle- 
ment, je sais très bien que nos images des atomes 
sphériques et autres ne sont, sans doute, qu’ap- 
prochées de la vérité; mais si nous sommes ame- 
nés à concevoir cel atome comme composé de 
deux autres qui sont intimement unis l’un à l’autre, 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


nous devons néanmoins supposer, en partant de 
ce point de vue, qu'ils sont réunis de façon à 
constituer une sphère. Il n’y a qu'une facon de 
réaliser cette condition, mais néanmoins elle crée 
une difliculté, qui, je pense, n’a pas encore été 
soulevée.Je puisseulement, pourconclure,direque, 
quelles que soientles conséquences pour la grande 
généralisation chimique de Mendeléeff, cette géné- 
ralisation n’est, après tout, qu'une loi empirique 
qui n’est basée actuellement sur aucune théorie 
dynamique. Si elle tient bon aujourd'hui, cela for- 
tifiera notre confiance en elle; mais, d'un autre 
côté, je ne pense pas qu’elle soit sur le pied de ces 
grandes généralisations mécaniques qu'on ne 
peut détruire sans détruire immédiatement l’en- 
semble de nos notions fondamentales sur la 
science. 

LE PRÉSIDENT. — Parmi les personnes présentes, 
je pense que celles qui sont compétentes sur l’en- 
semble du sujet, doivent désirer vivement prendre 
la parole. Je prie chacune de faire des remarques 
et surtout de poser des questions. 

P' ROBERTS-AUSTEN. — Je voudrais dire que, 
quand cette belle découverte a été communiquée 
à l'Association Britannique, j'ai pris la liberté d'in- 
diquer qu'il n'était pas prématuré de considérer ses 
relalions avec la grande industrie métallurgique 
où l'air est employé en quantités considérables. 
Dans le seul procédé Bessemer, on prend environ 
10 tonnes de fer, eton les met dans une cornue 
appelée convertisseur. On fond le fer eton fait passer 
de l'air dans sa masse pour enlever le carbone, le 
silicium, le phosphore et autres impuretés. Cela 
suppose qu'il ne passe pas moins de 100.000 pieds 
cubes d’argon à travers le métal. Par conséquent, 
1.000 pieds cubes d’argon ont passé quelque part. 
Or, j'ai pris du métal Bessemer traité par le ferro- 
manganèse el j'en ai extrait quarante fois son vo- 
lume de gaz, dont un vingtième était de lazote. 
Dans cet azote, je n'ai pas pu découvrir d’argon 
qui n’ait pu venir de l’eau employée nécessairement 
dans cette manipulation. J'ai pris une petite quan- 
tité d'air, j'en ai extrait l’argon et j'ai obtenu exac- 
tement la proportion indiquée par les auteurs, de 
sorte que je suis parfaitement sûr que la manipu- 
lation est correcte. Mais il reste à voir si l'argon 
pénètre dans le fer, comme le fait certainement 
l'azote, et, dans le cas où il le ferait, s'il y reste; 
il y a certaines particularités qui différencient le 
métal Bessemer des autres espèces d'acier, et il 
serait du plus haut intérêt de réussir à les attribuer 
à quelques-uns de ces mille pieds cubes d'argon 
qui a passé, soit dans l'air, soit dans le fer, Je 
voudrais indiquer qu'il eût été peut-être dési- 
rable que les auteurs du mémoire aient dialysé 
l'air à travers le caoutchouc au lieu d'employer 

ah 


106 


exclusivement des pipes d'argile. Ayant été long- 
temps associé avec Graham, je ne puis que dire 
quel plaisir il aurait éprouvé s’il avait su que sa 
méthode serait employée par les auteurs de ce 
mémoire, dont l’un occupe la propre chaire de 
Graham à University College. 

Lorp RAYLEIGH. — J'ai très peu de chose à ajou- 
ter à l'exposé que mon collaborateur le P° Ramsay 
a fait de-nos recherches. Les recherches ont été, 
sous beaucoup de rapports, très difficiles. Je ne 
suis pas sans connaître les difficultés expérimen- 
tales, mais certainement je ne les ai jamais ren- 
contrées sous une forme qui fût en rien aussi pé- 
nible et compliquée que dans ces recherches. 
Chaque expérience qu'on essaie demande dix ou 
quinze jours pour arriver à une conclusion défini- 
tive, et le résultat a été nécessairement un progrès 
beaucoup plus lent que nous n'avions espéré ; 
beaucoup de questions sont restées ouvertes que 
nous aurions désiré résoudre. L'une de ces ques- 
tions a élé posée par le P' Roberts-Austen, à 
savoir le caractère du gaz qui a traversé le caout- 
chouc. Cette expérience était dans notre pro- 
gramme, je dirai presque dès l'origine, mais jus- 
qu'ici nous n'avons pas trouvé le temps de l'exé- 
cuter. Les difficultés de la partie des recherches, à 
laquelle j'ai été plus particulièrement mêlé, ont 
été très grandes. La préparation de ce gaz, en 
quantité suffisante pour pouvoir l'étudier, n’a pas 
été facile, et quelques-uns des résultats, par 
exemple ceux qui se rapportent à la densité du 
gaz, ne sont, par suile, pas aussi satisfaisants el 
aussi complètement établis qu'on aurait pu le dé- 
sirer. Un point qui a été indiqué a trait à l'argu- 
ment fourni en faveur de la mono-atomicité du 
gaz. Naturellement, ce que prouve l'expérience, si 
elle est bonne, c'est que la lotalité ou la presque 
totalité de l'énergie qu'on fournit au gaz quand 
on l’échauffe, est consacrée à augmenter l'énergie 
du mouvement de translation et qu'il ne reste rien 
qui puisse, comme dans le cas des autres gaz, êlre 
attribué à un mouvement inter-moléculaire ou 
inter-atomique. À première vue il semble assez 
élrange qu'il ne doive y avoir aucune rotation dans 
les molécules du gaz. Comment cela peut-il se faire? 
Peuvent-elles être sans rotation, ou l'énergie de 
leur rotation peut-elle être assez faible pour être 
négligeable en comparaison de l'énergie totale du 
mouvement? C'est unc difficulté qui, je pense, n'a 
pas encore élé examinée par les savants qui s’oc- 
cupent de la théorie dynamique des gaz; mais il 
semble bien qu'ici nous devions admettre que celle 
énergie n'existe pas ou qu'elle n'existe pas en pro- 
portion appréciable. 

Naturellement cette condition est comprise dans 
l'idée qui a été suggérée el qui nous a été aussi 


DISCUSSION SUR L'ARGON A LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


communiquée par le P° Fitzgerald, de Dublin, qui 
nous écrit ce qui suit : 

« La raison pour laquelle on admet qu'un rap- 
port de1,66 entreles chaleursspécifiques prouvela 
mono-atomicité d’un gaz, estque, dans un gaz mono- 
atomique, il n’y a pas de mouvements internes de 
quelque importance. Si donc les atomes dans une 
molécule sont liés entre eux de telle façon qu'il ne 
se produise presque pas de mouvements internes, 
ce gaz se comporterait, en ce qui concerne la cha- 
leur spécifique,comme un élément mono-atomique. 
Que les atomes de l’argon soient unis très intime- 
ment, cela semble probable, d’après sa très grande 
inertie chimique. Par suite, la conclusion à Lirer du 
rapport de ses chaleurs spécifiques est, peut-être, 
non pas qu'il est mono-atomique, mais que ses 
atomes sont reliés entre eux dans sa molécule de 
telle façon que la molécule se comporte dans son 
ensemble comme sielle était mono-atomique. » 

Cet argument est sans doute parfaitement juste; 
mais la difficulté subsiste de savoir comment on 
peutimaginer deux moléculesreliées l’une àl’autre, 
ce qu'on se représente grossièrement dans l’espril 
et, je crois, d’une facon qui n’est pas très inexacte, 
par cette image de sphères réunies et se touchant 
l’une l’autre. Comment serait-il possible pour un 
atome de forme aussi singulière que celui-là de se 
déplacer sans acquérir une énergie de rotation 
considérable? Cela est diflicile et, à mon avis, 
la seule interprétation est que le gaz est mono- 
atomique. Sans doute, tout ce sujet est de ceux sur 
lesquels nous savons extrêmement peu de chose, la 
vapeur de mercure étant le seul autre gaz connu 
qui présente une propriété semblable. Je ne-suis 


pas sûr qu'aucun autre point ait été discuté, mais 


si on nous pose des questions, le P' Ramsay et moi 
sommes {out près à donner de nouvelles explica- 
tions, autant qu'il sera en notre pouvoir de le faire. 

LE Présinexr. — Je désire faire une remarque, 
comme président, mais relativement à la question, 
actuellement agitée, de savoir dans quelles condi- 
tions le rapport des chaleurs spécifiques pourrait 
être exactement 1,66. Je n'admets pas qu'un atome 
sphérique puisse remplir ces conditions. Un atome 
sphérique ne serail pas absolument poli. En d’autres 
termes, il doit être un point de Boscowich. Je ne 
veux pas non plus admettre qu'une connexion 
excessivement rigide entre deux atomes pourrait 
leur donner la propriété de ne pouvoir prendre 
aucun mouvement vibratoire relatif. Il faudrait des 
liens absolument rigides pour donner la propriété 
de ne prendre aucun mouvement vibratoire relatif, 
els'il y avait des liens absolument rigides, l’union 
des deux corps serait indissoluble et ils ne forme- 
raient qu'un. En fait, je crois que la seule espèce 
d'atomes que nous puissions concevoir comme 


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J. DEWAR — LES ANOMALIES DANS LA LIQUÉFACTION DE L'AZOTE 


107 


… donnant, dans la théorie dynamique de la chaleur, 
rigoureusement le rapport 1, 2/3 est le point mathé- 
_matique idéal de Boscowich, doué d'inertie et 
. présentant aussi la propriété d'agir sur des points 
voisins suivant une force dépendant de la distance. 
à encore à demander s’il y a d'autres marques. 
- Je ne désire pas clore cette très intéressante dis- 
 cussion. J'espère que nous aurons encore une dis- 
_ eussion el de nouvelles questions. 
._. iln'y a plus de remarques ou de questions à 
. poser, je désire maintenant, au nom de la Société 
À Royale, remercier le Sénat de l’Université de 
Londres pour son hospitalité en cette occasion, 


hospitalité qui, j'en suis sûr, nous a procuré à tous 
une grande jouissance. J'éprouve un granä plaisir 
à me joindre au Président de la Société de Chimie 
el au Président de la Société de Physique pour 
féliciter Lord Rayleigh et le P' Ramsay du brillant 
succès qu'ils ont déjà obtenu (Vif applaudisse- 
ments). à 

Je me joins à mes confrères à la Présidence 
pour leur souhaiter de plus en plus de succès dans 
la continuation de leur travail et en les remerciant 
cordialement au nom de la Société Royale pour la 
communicalion qu'ils nous ont faite aujourd'hui 
(Applaudissements). 


LES ANOMALIES 


DANS LA LIQUÉFACTION DE L'AZOTE 


Lorsqu'on prépare à l’état liquide de grandes 
quantités de gaz tels que l’azote, l'oxygène ou l'air 
atmosphérique, les impurelés inhérentes à ces 
corps ou entrainées par leur passage à travers les 
pompes ne lardent pas à s’accumuler. Si on en- 
ferme alors ces fluides dans des récipients où l'on 
fait le vide, les impuretés se séparent en passant à 
l'état solide. Si, prenant de l’air liquide, on en sé- 
pare la matière solide et sion laisse le corps fluide 
s'évaporer lentement, les dernières gouttes de li- 
quide sont de l'oxygène presque pur. 

Le gaz azote contenant 3 à 4 ,/° d'oxygène se 

comporte de même à la liquéfaction. 

En se servant d’un appareil spécial, on peut 
éludier de faibles quantités de gaz pur el sec à 
l'état liquide. Ces quantités peuvent s'élever de 
100°° à un ou plusieurs litres, et le même échan- 
tillon de gaz peut servir à répéter l’expérience au- 
tant de fois qu'on le désire. 

L'appareil très simple, que représente la figure 
ci-jointe (fig. 1), permet d'observer la condensa- 
tion du gaz à l’état liquide et l’évaporalion d'une 
partie de ce liquide. Un tube de faible ouverture 
et un peu effilé à son extrémité est placé dans 
un ballon à distiller et plonge jusqu'au fond. On 
scelle ensuite le col du ballon aux parois ex- 
térieures de ce tube, qui est courbé deux fois à 
angle droit et dont l’autre extrémité forme une 
chambre close. La parie extérieure du col du bal- 
lon porte une tubulure latérale par laquelle on 
introduit du gaz parfaitement pur et sec en mème 
temps que du peroxyde de phosphore, sous une 

pression el à une température parfaitement déter- 
… minées. On scelle ensuite cette tubulure. On intro- 


duit alors avec précaution l'extrémité fermée du 
petil tube dans une éprouvette renfermant de l'air 
ou de l'oxygène liquides; cette éprouvette, fermée à 
sa partie supérieure, porte un tube de dégagement 
qui permet, au moyen d'une pompe à air, de dimi- 
nuer graduellement la pression de la vapeur sur le 
liquide qu’elle contient. On peut ainsi amener à l'é- 


FF 


F PRE REELE TN 


7 ï L., 


Kis. 4. — Appareil pour observer la condensation du guz. 


lat liquide le gaz qui se trouve dans la partie du 
tube qu'entoure l'éprouvette. Cette disposition per- 
met d'observer facilement le point où le liquide 
commence à former différentes couches gazeuses, 
lorsque la température du bain d'air liquide com- 
mence à s'élever; il est facile aussi d'observer le 
point exact où les dernières gouttes de liquide 
renfermées dans le petit tube prennent la forme 
gazeuse. 

Au moyen de cet appareil, j'ai pu comparer 
l'azote de l'air atmosphérique à l'azote extrait de 
l’oxyde d'azote. Je n'ai pu lrouver entre eux au- 


108 J. DEWAR — LES 


ANOMALIES DANS LA LIQUÉFACTION DE L’'AZOTE 


cune différence de propriétés. Toutefois, l’azole at- 
mosphérique qui a passé sur du magnésium 
chauffé, ne se comporte pas comme l'azote non 
soumis à ce traitement. Bien que son point de con- 
densation ne soitpas très éloigné de celui de l'azote 
non traité, on peut se rendre compte que son point 
de volatilisalion est plus élevé. Liquide, il s'évapo- 
rera plus lentement. 

L'azote préparé chimiquement a, après avoir 
subi le traitement au magnésium, présenté les 
mêmes modifications que l'azote atmosphérique. 
Il se liquéfie et s’évapore à une température plus 
élevée. Par conséquent, les effets produits par le 
passage sur du magnésium chauffé sont les mêmes 
pour l'azote atmosphérique el pour l'azote préparé 
chimiquement. 

Il se peut toutefois que, dans l’azole passé sur 
du magnésium chauffé, il se trouve des impuretés 
dont le point d’ébullition soit à peu près le même 
que celui de l’azote primitif, ou encore que cette 
quantité soit assez faible pour l'empêcher de se 
liquéfier à — 200°. 

On doit considérer, en effet, que le ballon de 
150° contient les impuretés concentrées de 
10 litres d'azote et que la pression de petites quan- 
tités de matières étrangères peut être assez consi- 
dérable pour empêcher la liquéfaction de s'opérer 
à une température de — 200°. Soumis à des tem- 
pératures encore inférieures, l’azotequi a passé 
sur le magnésium donne des cristaux transparents, 
mélangés à de l’azote liquide, tandis que l’azote non 
soumis à ce traitement reste fluide. Tous les échan- 
tillons d'azote liré de l’air et ceux d'oxygène, d’a- 
bord purifiés, puis liquéfiés de la manièreindiquée, 
se présentent sous forme de liquides transparents ; 
la matière solide qui se sépare loujours lorsqu'on 
liquéfie de l'air, de l'azote ou de l'oxygène en 
grandes quantités, est formée d'impuretés. 

Si l’on fixe un manomètre dans le ballon conte- 
nant le gaz el si le tube condensateur est bien cali- 
bré, cette méthode peut donner des résultats quanti- 
talifs,attendu que l’on peut observer simultanément 
la pression dans le ballon et le volume du liquide. 

De plus, si l’on se sert de l'oxygène liquide pour 
refroidir, on peut observer la pression de la vapeur 
de deux ou plusieurs substances à la même lempé- 
rature, et ces pressions peuvent être exprimées 
par les chiffres de la pression de l’oxygène.On peut 
done, parce moyen, comparer tous les liquides très 
volatils à l'oxygène comme unité. Si l'on 
connail avec une assez grande approximation la 


pris 


pression de la vapeur des substances renfermées, 
on peutalors calculer exactement la pression fournie 
»s formules sui- 


par le gaz pour la liquéfaction. ? 
vantes sont suffisamment approchées pour per- 
meltre ce calcul ; Az et O y représentent les pres- 


. 


sions respeclives de l'azote et de l'oxygène 
exprimées en centimètres de mercure, T représente 
la température absolue : 


: 583,8 
Log Az — 9,07 2; 
616,8 
Log O = 8,5681 — ——; 
k T 
d’où : 
Az 33 
Log — — 0,5 —. 
065 = 05081 + 


D'après cette formule, si, dans le bain d'oxygène, 
la pression est réduite à 2°, la pression dans 
le ballon d'azote est de 178, de sorte qu'en- 
viron les trois quarts de la masse primitive de 
gaz apparaît à l’élat liquide. On doit remarquer 
que ces expériences ont été simplement faites dans 
un but qualitatif et non pas dans le but de séparer 
un nouvel élément de l’air ou de l’azote. Leur objet 
était surtout d'observer les points de condensation 
et l’évaporation des gaz liquéfiables entre — 180° 
et — 200°, à une pression moindre que la pression 
almosphérique. Plusieurs causes d’impuretés peu- 
vent donner des différences dans les quantités de 
substance qui se liquéfie, en partant de volumes 
égaux de gaz soumis à des traitements identiques. 
Ainsi, une trace consistant probablement en hydro- 
gène, et se trouvant dans un échantillon d'azote 
soumis au traitement indiqué plus haut, a donné 
seulement, comme liquide, un tiers du volume de 
celui fourni par de l’azote chimiquement pur. Cette 
différence est due à la concentration de l'hydrogène 
ou autre substance non liquéfiable dans le tube 
élroit où s'opère la liquéfaction. 

Ce procédé peut servir à rechercher si, dans 
l'air, la liquéfaction de l’azote et celle de l'oxygène 
se font simultanément. On ne peut résoudre une 
semblable question en liquéfiant l’airsous pression. 
Toutefois, si deux ballons, semblables à ceux 
décrits plus haut, sont remplis l'un avec de l'azote à 
une pression de 0,79 de la pression atmosphérique, 
l'autre avec de l'oxygène à 0,21 etpris tous deux à 
la même température, on peut, en les mettant l’un 
à côté de l’autre, observer l'instant précis où, dans 
chacun d'eux, s’opérera la liquéfaction. On re- 
marque que toujours l'oxygène se liquéfie quel- 
ques secondes avant l'azote et reste liquide après 
que ce dernier aété lolalement évaporé. Les points 
d'ébullilion sont les mêmes pour l’azote et l'oxy- 
gène pris sous des pressions respectivement égales 
à celles où ils se trouvent dans l'atmosphère !. 


James Dewar. 
de la Société Royale de Londres, 
Professeur de Philosophie naturelle 
à l'Institution Royale. 


1 Ce mémoire à été traduit, pour la Revue, par notre col- 
laborateur M. J. Fayollat. (N. de la Dir.) 


bec" ra Li 


G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES 


109 


L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE 


DES PÈCHES MARITIMES 


Industrie extraclive, la pèche maritime, dans 
quelque région et par quelque méthode qu’elle 
s'exerce, a toujours pour but de ravir à la Nature 
la plus grande quantité possible des produits que 
celle-ci peut fournir. Les seuls perfectionnements 
dont elle ait été l’objet dans ces dernières années 
ont d’ailleurs été l'augmentation du tonnage, de 
la puissance et de la vitesse des bateaux pêcheurs 
et l’augmentation des dimensions des engins de 
capture. Au lieu de se localiser au voisinage des 
côtes, en effet, la pêche maritime s’étend aujour- 
d'hui très au large et, tous les jours, les efforts de 
la plupart des marins qui l’exercent tendent vers 
l'exploitation de terrains demeurés jusqu'ici en 
dehors de l’action de leurs engins. 


I 


Comme la chasse, la pêche ne procède d'aucun 
principe scientifique dans sa technique. Une expé- 
rience, acquise empiriquement depuis de longues 
années et transmise à nos pêcheurs par les géné- 
rations qui ont précédé la leur, est la base même 
des méthodes employées de nos jours encore dans 


_ l'exploitation des eaux marines. Variables suivant 


les espèces zoologiques comestibles qu'elles per- 
mettent de capturer, suivant les régions où vivent 
ces espèces et suivant les conditions morales et 
économiques de la population maritime qui les 
emploie, ces méthodes peuvent être groupées 
théoriquement de la façon suivante : pêche aux 
pièges, amorcés ou non amorcés, fixes ou mobiles; 
pêche à la main et pêche par dragage. 

Ainsi, dans certains cas, spéculant sur la vora- 
cilé des animaux qu'il veut capturer, le pêcheur 
disposera un appät approprié dans un casier (une 
nasse) ou sur un hamecon qu'il immergera dans 
les eaux ou sur les fonds marins. C'est avec des 
casiers ainsi appatés, par exemple, que seront pris, 
sur nos côtes de l'Ouest, le homard, la langouste, 
parfois la crevelte rose, et, dans les lagunes de la 
Méditerranée, l’anguille. 

Les hamecons amorcés sont montés isolément 
ou en petit nombre sur des lignes, que les pê- 
cheurs jettent du bord d'une embarcation immo- 
bile, ou réunis par centaines et même par milliers, 
sur des lignes qui sont placées sur les fonds ma- 
rins (pêche aux palangres en Méditerranée, aux petites 
el grandes cordes dans la Manche, aux harouelles à 
Terre-Neuve). Dans d’autres cas, les hamecons ap- 
pâtés sont trainés dans les eaux par les embarca- 


lions qui se laissent dériver sous voiles (pêche de lu 
morue à Islande), ou filent avec une vitesse qui, sui- 
vant les animaux, varie de 3 à 7 nœuds (pêche du 
maquereau breton et du germon). 

Un certain nombre d'animaux marins comesti- 
bles sont pêchés, à certaines époques de l’année, 
avec des filets coulés au fond des eaux, de façon 
que leurs nappes. se maintiennent verticales, 
convenablement orientées par rapport aux cou- 
rants marins et dissimulées dans les enrochements 
et le milieu liquide {filets fixes). Au voisinage de la 
côle encore, sur la partie du rivage qui découvre à 
marée basse, on dispose des filets tenus fixes et 
verticaux au moyen de pieux (Aauts et bas parcs); on 
complète avec de petites murailles certains enro- 
chements naturels, de façon à former des réser- 
voirs n'ayant qu'une bouche d'écoulement, que 
l'on munit d’une nasse dans laquelle, à la marée 
descendante, se font prendre les animaux qui sont 
montés avec le flot de la marée montante (écluses à 
poissons). Des haies d'épines disposées comme des 
enrochements permettent d'atteindre le même but 
(pêcheries de Cuncale et de l'Arguenon). D'ailleurs, 
dans la zone littorale qui ne découvre pas à marée 
basse et que fréquentent à certaines époques des 
bancs de poissons, sont disposés aussi des pièges 
compliqués, en filets ou en roseaux, dans lesquels 
ces animaux s'engagent sans en pouvoir sorlir 
(madraques, trabacs, esturies, bordiques, etce.). 

Pour certaines espèces qui, périodiquement, se 
trouvent en banes serrés dans les couches superfi- 
cielles des eaux marines, des filets, maintenus flot- 
tants et verticaux (filets dérivants ou flottants), obéis- 
sant au mouvement des flots ou fixés à des bouées 
ancrées, ayant une longueur de quelques dizaines 
à plusieurs milliers de mètres, étendent leurs nap- 
pes en travers du passage de ces animaux, qu'ils cap- 
turent dans leurs mailles (pêche de : surmulet, maque- 
reau, boque, hareng, sardine, anchois, etc.). Parfois, 
l'usage de ces filets est facilité par l’essaimage, de 
chaque côté de leur nappe, d’un appt vers lequel se 
précipitentlesanimaux et qui leurdissimulele piège 
(sardine océanique). Des bancs entiers de poissons 
peuvent être entourés par d’autres filets manœu- 
vrés de telle facon qu'ils finissent par former un 
réservoir flottant, dont les pêcheurs diminuent 
progressivement les dimensions et dans lesquels 
les animaux sont capturés comme au moyen d’une 
grande épuisette (senne à morue à Terre-Neuve; lam- 
paro, relz volant en Algérie). 


110 


G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES 


Si un grand nombre d'êtres marins peuvent être 
ainsi pèchés avec des pièges de fond ou de surface, 
fixes ou mobiles, placés dans les eaux litlorales, à 
l'embouchure des fleuves et dans les lagunes ou à 
plusieurs milles des côtes, d'autres ne sauraient 
ètre capturés qu'avec des engins qui les viennent 
brutalement arracher aux lieux qu'ils habitent. 
Aussi bien, dans certaines régions et à une certaine 
distance des côtes, les procédés de capture que 
nous venons de passer rapidement en revue sont, 
soit impraticables, soit incapables de fournir des 
récoltes d'une facon suivie dans des conditions 
suflisamment rémunératrices pour les gens de 
mer. 

A la côte, les pêcheurs au ràteau (ou à la grapette) 
détachent des rochers d'innombrables mollusques; 
les pêcheurs au Laveneau (ou havenet) qui, à pied, 
raclent le fond des flaques d'eau que laisse entre 
les enrochements la mer qui se relire, ou promè- 
nent leurs engins sous les rouleaux de grève, sur 
les longues plages de sable, capturent les cre- 
vettes ; les pêcheurs à la senne, dans l'Ouest, au 
bourgin où à l’eissaugue en Méditerranée, après avoir 
décrit, en partant du rivage avec leur filet dont 
une extrémité est fixée à lerre, un large circuit en 
mer, ramènent l’autre extrémité vers la plage et, 
halant sur les deux bouts, atlirent à eux, enraelant 
le fond, tous les animaux qui se trouvent sur le 
passage de l’engin. 

En mer, des plongeurs vont sur les fonds arra- 
cher l'éponge ou le corail, qui sont recueillis d’ail- 
leurs par d’autres procédés. Avec une drague que 
remorque une embarcation, on enlève l’huitre sur 
les bancs naturels où elle vil, tandis que, traînées 
par des bateaux el dans certaines conditions sur 
les fonds marins, des poches en filets, maintenues 
béantes sous les eaux par divers moyens, englou- 
tissent en raclant le sol les êtres qu’elles rencon- 
trent dans leur course (chalul, bœuf, ganqui. ete.). 


Il 


Après avoir ainsi examiné dans son ensemble, 
au point de vue de sa lechnique générale, l’indus- 
trie des pêches maritimes, nous allons essayer de 
nous rendre compte maintenant de son impor- 
tance en France au point de vue des hommes 
qu'elle emploie, du matériel qu'elle utilise et de 
la valeur vénale des produits qu’elle fournit. Sui- 
vant les régions côlières, lous ces éléments va- 
rient d'importance, 

Pour assurer le recrutement régulier de la flotte 
de guerre, Colbert fil décider que tous les marins 
français employés à la pêche ou à la navigation 
commerciale 
une période 


devaient obligatoirement accomplir 
d'instruction militaire à bord des 
navires de la marine royale el que, — avant comme 


après cette période, — tout en se livrant aux occu- 


pations de leur profession, ils demeuraient à la 


disposition du souverain qui pouvait les lever … 
instantanément pour compléter les équipages de 


ses navires el les envoyer guerroyer contre les 
flottes étrangères. Comme compensation aux obli- 


gations que leur imposait la loi, les marins furent 


admis, quelques années plus fard, à jouir d’une 
pension de retraite (la demi-solde) pour laquelle 
il leur fallait avoir cinquante ans d'âge et justifier 
de trois cents mois de navigation, tant au service 
de l'État qu'à la pêche ou au commerce. Ainsi fut 


instituée, presque en mème temps que le régime 


de l'inscription maritime, la Caisse des invalides 
de la marine, destinée à assurer le paiement de la 
demi-solde aux gens de mer et alimentée : par une 
retenue faite sur les salaires des marins, par une 
part des prises de guerre, par le produit de la 
vente des épaves, par des dons particuliers, ete... 

Au milieu des changements considérables sur- 
venus depuis deux siècles aux institutions fran- 
çaises, l'inscription maritime s’est maintenue sen- 
siblement identique à ce qu'elle était lors de sa 
fondation. La loi garantit, en outre, aux inscrits, 
le monopole de l’exploilation des eaux marines. 
Nul ne peut, en effet, pratiquer — pour en tirer 
profit — la pêche en mer, dans les étangs salés, 
ainsi que dans les fleuves et rivières jusqu’au point 
de cessation de salure des eaux, s’il n’est inscrit 
maritime. En pratique, depuis déjà de longues an- 
nées, le capilal que représente le matériel d’ex- 
ploitation est, dans un cerlain nombre de points 


et pour certaines pêches, fourni aux inscrils par . 


des armateurs. 

L'exercice des pêches marilimes esl soumis à 
une réglementation spéciale. Pouvant être levés 
subitement pour le service de l'État, d'une part, et 
devant, d'autre part, justifier d’un lemps déter- 
miné de navigalion pour jouir de la demi-solde, il 
faut que les gens de mer soient placés, à bord des 
bateaux qu'ils arment, sous une sorte de régime 
militaire que nécessite encore leur isolement par 
petits groupes, loin de toute autorité administra- 
live. Sans doute, le matelot-pêcheur, qui seul 
doit nous occuper ici, a la latitude de changer de 
bateau, comme l'ouvrier change d'atelier, mais 
ses mutations sont enregistrées par l'Administra- 


tion qui doit loujours savoir exactement où le. 


trouver, en cas de mobilisation, et qui ne doit lui 
faire compter, pour son admission à la retraite, 
que le temps où il est régulièrement embarqué. 
Enfin, le nombre de marins dont peut ainsi dis- 
poser l'autorité militaire, étant fonction, en 
quelque sorte, de la prospérité des industries 


océaniques, une réglementation particulière (à 


l'examen de laquelle nous consacrerons quelques 


Fox MR A a éd tit dm à 


+ 


RC ERA PENSE AT EAT OT T 
SOAIRNT Da EL EN 


G, ROCHÉ — L'INDUSTRIE 


lignes) a été prévue pour maintenir aux eaux une 
productivité convenable qui, assurant aux inscrils- 
pêcheurs un travail rémunéraleur, les empêchât 
d'abandonner leur métier pour se livrer à d'autres 
professions, sans rapports directs ou indirects 
avec le milieu marin. 

Vis-à-vis des gens de mer, l'État témoigne donc 
d’une sollicitude particulière qui a été expliquée 
pendant long- 


FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES 


ai 


côte, etc., une plus ou moins grande étendue et 
un nombre variable de ports de toutes importances. 
Chaque quartier est subdivisé en syndicats !, ad- 
ministrés par des agents subalternes (syndics), et 
fait partie, d'autre part, d'une des grandes subdi- 
visions militaires, ayant leurs chefs-lieux dans nos 
cinq ports de guerre : les arrondissements mari- 
times ?. La haute administration des services qui 

concernent les 


DÉS TER 
temps par le W—=-— intérêts  mo- 
. ,+ EE —— 
besoin qu'il a- TN = — raux et écono- 
. E——— : 
vait de leursap- P=E—— miques des gens 
titudes spécia- 1 de mer (dont 
= d Min — 
les. En fait, a — nous nous oc- 
l'administra- == cupons en ce 
tion de la Ma- D — EE — moment) esl 
rine assure non Et É— faite au Minis- 
seulement les #2 E— tère de la Ma- 
vieux jours de # —=— == ===] rine, à Paris, 
sesinseritscon- EE — M=== E——)) Où, d'ulleurs 
re NE E—— ere 
tre la misère = — HTÈEE à —_ Comité spé- 
qui étreint la GE FEES ii cial — le Co- 
:  — QE = 
plupartdestra- = 6 Se 2 ù FE “HE mité consulla- 
< Re D —— Me : 
vailleurs âgés 55 = k ee u F- se nee =} tif des pêches 
Pre 2 50  — ME te 4 
d autres pro à É === M— == — E maritimes 
fessions, mais EE, ee AE==---h ee — E composé de 
elle les aide à Ë == 4 É=== ME Mie — = membres du 
reconstituer EE : === JÉREE d2E Parlement , de 
leur matériel 2 EE 3 a. HA 2 a — 2 savants, d’ad- 
A 2 ==: ES: BEST = Rs 
che,quand SES N 2HEEREEN 2 = lé ’ 
depê LE : = === ea : LE ministrateurs 
il a été perdu === ppe- "Ni "0 A “= et de représen- 
DEEE L'ÉÉÉSES\ ES 10 A = x 
ou avarié par == EEE) : = = i= tants des in- 
suite d'événe- ol 777 PA | | ë P2Yz2 EE P B 22 Ë Ë dustries mari- 


ments de mer; = 


nes, est destiné 


récemment en- Bios . Fig. 2. Hig-"3: Fig. 4 Fig. 5. à fournir, dans 
corepellevient Fee. fe Ronde nt Lontoede dd fiauednite Certains cas 
de provoquer horizontale représente { personne). — Fig. 2. Nombres totaux des inscrits (chaque ressortissant à 
D a ts Net a compétence, 
de subvention- (chaque division représente 100.000 tonneaux). — Fig. 5. Tonnage moyen des Jesavisqui per- 


ner) dans le 
mème but,des mutualités entre pêcheurs; enfin, 
elle doit soumettre au Parlement un projet de loi 
pour l'institution de l'assurance des marins sur la 
vie et sur les accidents de leur profession. Ajou- 
tons qu'elle fait étudier pour les pêcheurs l'organi- 
sation d'un service d'assistance et de crédit mutuel. 

Pour assurer le fonctionnement des différents ser- 
vices qui ont trait au recrutement des équipages 
de la flotte, à la mobilisation des gens de mer et 
aux institutions de prévoyance qui les concernent, 
aussi bien qu'à l'application des règlements affé- 
rents à la pêche et à la navigation, le littoral est 
divisé en un certain nombre de quartiers, admi- 
nistrés par un officier du Commissariat de la 
Marine et comprenant, suivant la densité de la 
population maritime, la configuration de Ja 


bateaux (chaque division représente un quart de tonneau de jauge). 


mettent au Mi- 
nistre de prendre des décisions motivées sur les 
questions d'ordres scientifique, économique ou 
administratif concernant les pêches. 


1 Les quartiers de la côte métropolitaine de la Méditer- 
ranée et de la Corse sont pourvus, en outre, de prud’hom- 
mies, sortes de tribunaux professionnels où les conflits qui 
peuvent surgir entre pêcheurs, sont jugés rapidement et 
sans frais par les élus des pêcheurs eux-mêmes. Ces prud’- 
hommies ont d’ailleurs le droit de provoquer, de la part de 
l'Administration, des mesures de police pour les pêches dans 
leurs régions respectives. 

2 Ces arrondissements maritimes sont ceux de : 

4° Cherbourg : de la frontière franco-belge à Portbail. 
Sous-arrondissements : Dunkerque, le Havre, Cherbourg. 

20 Brest : de Portbail à Concarneau. Sous-arrondissements : 
Saint-Servan, Brest. 

30 Lorient : de Concarneau à Noirmoutier. Sous-arrondis- 
sements : Lorient, Nantes. 


4° Rochefort de Noirmoutier à la frontière franco- 


G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANCAISE DES PÊCHES MARITIMES 


EEE te TRE EE EE PE LC Se CE ain rh PR  ] 
riennes sont moins lucratives et que les eaux 


Il océaniques, comme le régime des côles, se prê- 


(ent mieux à l'exploitation des produits ma- 


La population pêcheuse française compte envi 
montant 22.000 bateaux de 


rins. 


ron 90.000 hommes t, 


dimensions très va- 
riables et jaugeant 
dans leur ensemble 


La production to- 
tale de la pêché 
francaise est d’en- 


200.000 tonneaux. viron 96 millions 
En outre 60.000 de francs, dont 87 
hommes, femmes pour la pêche en 


et enfants prali- 
quent la pèche à 
long des 


pied le 
grèves. (Fig. 4 à 5. 

Si, dans cerlaines 
régions, comme le 
Boulonnais, la pê- 
che maritime estde- 
venueune industrie 
considérable, ana- 
logue dans son fonc- 
lionnement aux in- 
dustries similaires 
de la côte anglaise, 
on peut dire, d'une 
facon générale, que 
l'activité de la po- 
pulalion est d’au- 


Fig. 


6. — Valeurs comparées des rendements annuels de La péchie en 
baleau dans les cinq arrondissements maritimes. 


! 


bateau et 9 pour la 
pêcheàpied (fig. 7). 
Ces 87 millions sont 
fournis par les di- 
verses pèches dans 
les proportions in- 
diquéesparlafigure 
8 et peuvent seré- 
partirentre les cinq 
arrondissements, 
comme l'indique la 
figure 6. 

Nous devons, dès 
maintenant, distin- 
guer deux groupes 
danslespêchesfran- 
çaises : 1° la pêche 
côtière ; 2° la grande 


baleau (2709 


Les cercles représentent 


tant plus employée à la pêche que l’agriculture 


Comparaison des valeurs annuelles de : la pêche 


l'ostréicullure (61°), la pêche à pied {290 | 
la production totale. | 
| 


régionale est plus ingrale, que les professions ter- 


Fig, 8. — Comparaison 


dements marins. 


g. des valeurs 
produils de la pêche en baleau. — 1, Poisson frais. II, 
Morue. III, Sardine. IV, Hareng. V, Maquereau. VI, Ho- 
mard et Langouste. VII, Thon et Germon,Crevettes, et Amen- 


annuelles des divers 


pêche. Celle-ci, qui a pour objectif immédiat la cap- 


espagnole. Sous-arrondissements : PA de he ; ] à 
So Toulon RUN SEE re fi ee re ture el la salaison de la morue, s'exerce dans les 
franco-italienne, plus la Corse. Sous-arrondissements : Mar- | eaux de Terre-Neuve, d'Islande et de lamer du Nord. 
seille, Toulon. | ? d. 
Les quartiers d'Algérie sont placés sous l’autorité du con- 12.000 ; région bretonne, 41.000 ; région vendéenne ct sainton- 
tre-amiral commandant la marine dans l4 colonie. eoise, 1.500; région gasconne et basque, 5.000; région cata- 
1 Les inscrits-pécheurs sont ainsi répartis sur les côtes : lane et languedocienne, 7.900; région provencale, 4.500 ; région 
résion flamande et boulonnaise, 10.000 révcion normande, corse S00; récion algérienne, 3.500. 


G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES 


113 


IV 


: Grande pêche. — Ayant pour théâtre de ses travaux 
. des parages très éloignés des côtes de France, s'exer- 
cant dans des conditions particulièrement difficiles 
et pénibles de technique, la grande pêcheest l'objet 
_ d’encouragements particuliers de la part de l’État. 
Il trouve en elle, en effet, une aide puissante, four- 
nissant aux marins qu'il ne peut conserver dans sa 
_ flotte de guerre une école très rude de navigation. 
| Aussi, cette industrie rapportant annuellement 
. 13 millions environ, les primes qui facilitent son 
exercice el qui lui sont accordées suivant l’impor- 
lance des armements et la quantité des produits 


FRS 
FT 


\r? 


Fig. 9. — Terrains de pèche à Terre-Neuve. 


pêchés atteignent-elles le chiffre de trois millions. 
- A Terre-Neuve, en vertu dutraité d'Utrecht et de 
conventions postérieures qui ont confirmé nos 
droits, nous jouissons du privilège de pêcher les 
animaux marins dans les eaux littorales de l'ile, 
du cap Saint-Jean au cap Raye (en passant par le 
Nord), et d'installer à Lerre, entre ces deux points 
(French Shore), des bâtiments en bois (chauffauds. 
temporary buildings) dans lesquels ces animaux su- 
bissent les diverses manipulations que nécessile 
leur conservation. Ce droit d’usufruit, qui est borné 
à la pêche et à la préparation du poisson, dans des 
eaux et sur une terre étrangère, est absolu (fig. 9. 
La morue pêchée, rapportée à terre, est en effet, 
… sur le rivage, préparée pour subir une conserva- 
_ Lion définitive. 


- 


€ 


>: REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 
- 


Cependant, la plupart de nos pêcheurs se ren- 
dant dans les parages de Terre-Neuve exploitent 
plus particulièrement les eaux marines qui surmon- 
tentles hautsplateaux sous-marins, les Bancs, situés 
entre la colonie anglaise et les îles Saint-Pierre 
et Miquelon (Grand Banc, Banc à vert, Banc Suint- 
Pierre, ete.).Le poisson est là simplement soumis à 
une salaisonlé- ! 
gère et entassé | 


dans lacaledes | ne £ | 
navires (salai- DOGGER'S BANK. 
son en grenier). 
Cette conser- : 
vation préven- 
tive, dite en TERRE 
vert, permet 
seulement d’a- NEUVE 
mener le pro- 
duit, soit à St- A 
Pierre, soit 
dans des cen- EE 


tres déterminés de la métropole, où il subit, dans 
des conditions convenables, les diverses manipula- 
tions qui doivent assurer saconservaltion définilive, 


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RS SSSR ESS IS 

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8 5 À 6 5 4 & S SUÉÈRÉS 
Fig. 41 


C’est en vert, également, que se fait la salaison 
de la morue pêchée dans les mers d'Islande. Les 
Bretons pratiquent, là encore, le mode de salaison 
dit en grenier ; les Normands et les Flamands sa- 
lent en barils. Les centres métropolilains dans les- 
quels la morue subit ses préparations conserva- 
trices définitives sont : Saint-Nazaire, la Rochelle, 


Bordeaux, Cette, Port-de-Bouc. 
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cheurs el des baleaux employés à la pêche côtière dans les différents quartiers 


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de France et d'Alg 


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la page 115) représente la rép 


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100 hommes). 


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ique inférieur (s'étendant de la 


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nombre total des bateaux 


e division horizontale reprè- 
e 10 bateaux). 


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de chaque quartier (chaque division horizontale représent 


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Suile aux graphiques de la page précédente 


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& 
tonnage moyen des bateaux employés dans cha 


G. ROCHE — E'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÈCHES MARITIMES 


116 


centaine de tonneaux et sont montés par un équi- 
page de vingt à vingt-cinq hommes. 

Neufs et tout armés, ils coùlent environ 
60.000 francs. Leur armement annuel revient à 


La pêche dans les mers d'Islande débute au mois 
de mars et se termine en septembre ; celle à Terre- 
Neuve débute en avril et finit en août. Pour obte- 
nir les primes qui leur sont allouées, les armateurs 
doivent jusüifier, d’ailleurs, de ce que leurs bateaux 


UE 
Avril 


— 


US 


27 


IWäight 
| É 
= Noy-Janvier | 
| 


À srart-Point 


x CN 27 
C.de la Hague IN dHanrg 
- CHR 


“de la Hague 


Fig. 13. — Terrains pour la pêche haulurière du Hareng el du Maquereau, d'après le Dr Eugène Canu. 

Neuve ont une jauge plus forte (125 à 300 Lon- 
neaux). Quelquefois ils transportent, outre leurs 
propres équipages, soit le personnel des saleries 
du French Shore, soit des marins destinés à 
armer des goéletles hivernant à Saint-Pierre. 


ont stationné un temps déterminé, variable sui- 
vant les régions, sur les lieux de pêche. 

Le rendement général de la grande pêche est 
d'environ 13 millions de francs, ainsi réparuis : 
Islande, 5 millions; Terre-Neuve, 8 millions, 
(fig. 10). La figure 11 représente les importances 
comparées, en bateaux, des divers ports français di 
où l’on arme pour Terre-Neuve, l'Islande et la Pêche côtière. — L'expression « pêche côlière » 
esl un terme générique qui est appliqué à l’ensem- 
ble des pêches exercées aux abordsdes côtes ou au 


large, dans les mers qui avoisinentla France, Elles 


mer du Nord. 
Les bateaux qui vont en Islande sont générale- 
ment, aujourd'hui, gréés en goélette, jaugent une 


pére. 2 U HS re “4 


G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES 


117 


ne nécessitentpas, comme la grande pêche, pour les 
marins qui les pratiquent, de longs mois de séjour 
loin de leurs foyers; mais quelques-unes, cepen- 
dant, exigent une navigalion assez longue et diffi- 
cile; d’autres, qui ont pour théàtre les régions 
voisines du littoral, semées de récifs et parcourues 
par des courants de marée variables et violents, 
sont d'autant plus périlleuses qu'elles ne peuvent 
utiliser que de faibles bateaux; quelques-unes, 
enfin, sont exemples de dangers d’une façon gé- 
nérale et, n'exigeant que de courts déplacements, 
constituent des métiers qui, s'ils ne sont pas tou- 
jours très rémunérateurs, ne sont jamais pénibles 
comparativement aux autres industries maritimes. 

On comprend donc sous cette appellation, en 
même temps que la pêche des Boulonnais dans la 
mer du Nord et celle des Grésillons dans l'Océan : 
la pêche de la crevette sur les fonds littoraux, 
celle du saumon à l'embouchure des rivières et 
celle des poissons d’eau saumâtre dans les lagunes 
de la Méditerranée. 

La figure 12 montre la répartition des inscrits de 
la pêche côtière suivant les quartiers, ainsi que 
celle des bateaux qu'ils arment avec le tonnage 
moyen de ces bateaux !. 

Nous ne saurions examiner en détail, ici, les 
industries ressortissant aux pêches dans les di- 
verses régions de la France maritime. Nous nous 
bornerons à indiquer la valeur de chacune des 
principales, ainsi que les régions qu’elles ont pour 
théâtre et les ports qu’elles intéressent. 

La pêche du hareng, par exemple, exercée sur tout 
le littoral de la Manche, de Dunkerque à Cherbourg, 
par les marins de toute celte région, est faite par 
les pêcheurs de Boulogne, de Saint-Valery-en- 
Caux et de Fécamp, dans la mer du Nord, des 
Shetlands au Pas de Calais (fig. 13), à partir du 
mois de juin jusqu'au mois de février. Elle produit 
annuellement 10 millions de francs, dont 4 mil- 
lions pour la seule pêche hauturière des ports du 
Boulonnais et de la Seine-Inférieure, 

Ces mêmes ports arment les mêmes bateaux 
pour la pêche du maquereau, en mars et avril, dans 
les eaux avoisinant l'Irlande et le pays de Galles. 
Le maquereau est d'ailleurs capturé dans les eaux 
littorales françaises de Dunkerque au Croisic et 
sur les rives méditerranéennes avec filets flottants 
el à la ligne. La pêche du maquereau (fig. 13) pro- 
duit la somme annuelle de 4.500.000 franes. 


! La figure du tonnage moÿen comparé des bätiments 
pécheurs permet de comprendre comment certains quartiers 
où se trouve une nombreuse population maritime ne dispo- 
sent que d’un nombre d’embarcations inférieur à celui de 
quartiers moins populeux. Quelques ports, en effet, celui de 
Boulogne par exemple, n’arment presque uniquement que 
des bateaux de forttonnage, montéspar un nombre d'hommes 
relativement grand et destinés à la pêche en haute mer. 


Comme le hareng et le maquereau, /« sardine, 
qui est pêchée dans les eaux côlières, de Lannion à 
Saint-Jean-de-Luz, de Banyuls à Menton et de 
Nemours à la Calle, est surtout destinée à fournir 
des conserves alimentaires. Son exploitation la 
plus active se fait entre Douarnenez et les Sables- 
d'Olonne. En dehors des côtes bretonnes et ven- 
déennes, ce poisson n’est guère utilisé que pour la 
salaison, concurremment avec l'anchois. La pêche 
de la sardine n’emploie que de faibles bateaux 
montés par cinq ou sixhommes d'équipage. Elle pro- 
duit, bon an, mal an, une douzaine de millions de 
francs — encore que, sans qu'on en connaisse les 
causes naturelles, ce chiffre soit soumis à d'assez 
considérables variations. 

La pêche du germon au large, dans le golfe-de Gas- 
cogne, emploie de juin à octobre deux cents ba- 
teaux d’une trentaine de tonneaux de jauge montés 
par cinq hommes et trainant leurs lignes des côtes 
d'Espagne aux côtes d'Irlande. Elle produit 2 mil- 
lions et demi de francs par année, répartis surtout 
entre les ports de Groix, du Croisic, des Sables, de 
l'ile d’Yeu et de la Rochelle. 

Les grands crustacés, homards et langoustes, 
sont capturés au casier dans presque toutes les 
régions rocheuses du liltoral, mais surtout depuis 
l’'Aberwrac’h jusqu'à l'ile d'Yeu. Les pêcheurs de la 
pointe du Finistère vont même poser leurs engins 
jusqu'à plus de 20 milles au large. Produisant 
en France (Corse et côtes méditerranéennes com- 
prises) 3.500.000 francs, cette pêche n'est faite 
(sauf à Hœdicel Houal) qu'avec de faibles bateaux. 

Le saumon, quiest pris dans quelques rivières de 
Normandie et de Bretagne, est pêché activement 
à l'embouchure de la Loire, dans la Dordogne, l’A- 
dour el la Bidassoa. Dans son ensemble, cette 
pêche produit annuellement un million de francs. 

La pèche purement littorale de la crevette (grise 
ou rose) est très développée sur les côtes de la 
Somme, dans la baie de Seine el sur les côtes ven- 
déennes. Exercée au petit chalut et aux casiers 
spéciaux, celte industrie fournit un rendement an- 
nuel d'un million environ. 

Enfin le poisson destiné exclusivement à être con- 
sommé à l'état-frais, pèché au chalut ou aux cordes de 
fond, au large ou à la côte, fournit aux pêcheurs 
français uu rendement annuel de 36 millions de 
francs. Boulogne et Trouville envoient pour cette 
pêche leurs bateaux jusque dans la mer du Nord; 
les chalutiers du Nord, de la Somme, de Normandie 
(carton de la figure 13) draguent dans la Manche 
jusqu'en vue des côtes anglaises; ceux du golfe 
de Gascogne vont de Groix au fond du golfe de 
Biscaye, trainant leurs engins à des profondeurs 
variant de 30 à 150 mètres (quelquefois à plus 
de 40 milles au large). Près de mille bateaux de 


GRANDE PÈCHE 


Doader Bank eu RER 
IsiAh de ni Es 
Terre-Neuve -- EEE — 


Pêche au grand Chalut 
dans fa Manche RS 
et la Mer du Nord 


Pêche du Hareng 
sur les côtes d'Ecosse 
et d'Angleterre 


Pêche du Maguereau .—: 
d'Irlande 


Pêche aux 
grandes cordes 


A 
Centres principaux 
>} pour l'industrie des 
/| conserves de poissons 


Er Pêche de la Crevette rose 
LC: ORochefort au petit Chalut ‘ 
( 
b Marèpnes 
à Saintes 


Pêche du ; j A nr 
Germon / e 2 


Pêche 
hauturière 2 (== 
du Poisson frais = 


5 


\ { FT 
MECS RE 


Perg 
2 Bayonne 
SA ean de Lux 


| 
ÆEd.Oberlin Gr. 

: | 
Fig. 44. — Carle de la Distribulion des diverses industries ressorlissant aux pêches maritimes sur le littoral de la Manche 4 
et de l'Océan. — Les grosses lignes, qui entourent tout ou partie des côtes, encadrent chacune les ports armant pour : 
les pêches qu’elles indiquent. — Les pêches spéciales, na forment chacune une grande industrie, sont mentionnées, en | 

divers points de la carte, par des légendes iaol68e. Les lignes fines et ponctuées qui émanent de chacune de ces légendes 
indiquent, pou chaque pêche, les ports qui la pratiquent. — Les légendes inscrites vers le haut de la carte se rap- | 

sortent à la grande pêche et indiquent les ports qui arment respectivement pour Terre-Neuve, l'Islande et le Dogger- 

3ank (bancs de la mer du Nord). Les noms de localités portés sur cette carte sont, non pas ceux de tous les ports, mais | 
ceux des quartiers et des principaux syndicats. | 


D pdt 


14 à 45 tonneaux, montés par cinq ou dix hommes, 
font cette pêche, sur le plateau continental de nos 
côtes de l'Ouest et du Nord. 

En Méditerranée, la pêche au bœuf (analogue 
à celle au grand chalut) est exercée 
par des inscrits de Collioure, Agde, 
Gette, Aigues-Mortes et Martigues, 
en France, et par ceux d'Oran, Ar- 
zew, Cherchell, Alger, Bougie, Phi- 
lippeville et Bône,en Algérie (fig. 16). 
Travaillant dans le golfe de Lion, les 
pêcheurs de nos côtes métropoli- 
taines ne font d’ailleurs pas de long 
séjour en haute mer et viennent à 
terre tous les matins, pour vendre 
le produit de leur travail. Sur les 
côtes de la Manche, de l'Océan et 


DU 


[HU 


on 


-G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANGAISE DES PÈCHES MARITIMES 


119 


soit que les sociélés qui en ont pris l'initiative 
n'aient pas été administrées d’une facon suflisam- 
ment rigoureuse, soit que les types de moteurs 
fussent trop coûteux dans leur fonctionnement. 
L'avenir nous réserve-t-il cepen- 
dant de voir les fonds du large ex- 
ploités au moyen de bateaux à va- 
peur, ou tout au moins de bateaux 
aménagés comme ceux de Boulogne 
et s’adjoignant des chasseurs à va- 
peur? On ne le saurait dire, mais ce 
perfectionnement industriel servi- 
rait, il faut le reconnaitre, les inté- 
rêts du recrutement de la flotie na- 
tionale — qui a bien plus besoin 
aujourd’hui d'un très nombreux per- 
:  sonnel de chaufferie que de mate- 


même d'Algérie, les bateaux tien- 


lots de pont. 


nent la mer de quatre à dix jours 
(fig. 14). 
Les Anglais et les Allemands em- 


CTI 


La pêche littorale du poisson frais, 
faite au moyen de faibles bateaux, 
est surtout active sur les côtes mé- 


ploient aujourd’hui une grande 
quantité de vapeurs pour la pêche 
au large. Les seuls bateaux de ce 
genre utilisés dans ce but, en 
France, sont au nombre de 23, dont: 
2 à Boulogne, 3 à Dieppe, 7 à Arca- 
chon, 3 à Saint-Jean-de-Luz, 4 à 
Agde, 2 à Oran et 2 à Alger. De plus, 23 chaloupes 


Fig. 15. — Comparaison de la va- 
leur totale des baleaux et des en- 
gins de pêche dans les cinq arron- 
dissements. (Chaque division ho- 
rizontale représente 1000 francs.) 


A TENTE || 
LR AN OMINNNNNITTT NL 


tropolitaines de la Médilerranée. 
D'ailleurs, de Marseiile à Menton, 
le plateau continental est si étroit, 
les eaux deviennent rapidement si 
profondes qu'il est impossible de 
pratiquer là autre chose que celte 
petite pêche littorale, aux cordes, 
aux casiers, aux filets flottants et même aux 


également mues par la vapeur (dont 17 à Bou- filets trainants. Outre le maquereau, la sardine 


t4 Nouvelle ù 


“) 


Port Ven reg. 
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(Ce Cerbera 


. 


pl 
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Grasse ë 


Fig. 16. — Principaux ports de péche des côles métropolitaines de la Méditerranée. 


logne et 6 à Dieppe) font la pêche aux cordes dans 
la Manche. Enfin, tous les voiliers boulonnais sont 
pourvus d’un cabestan à vapeur pour le halage 
des engins à bord. Bien d’autres tentatives ont 
été faites sur nos côtes pour généraliser l'usage de 
la vapeur dans la pratique de la pêche hauturière ; 
ces tentalives n'ont pas été couronnées de succès, 


et l’anchois qui sont pêchés dans les eaux en- 
vironnant le rivage, en Catalogne, dans le Lan- 
guedoc et en Provence, avec des filets flottants 
ou de grandes sennes, ces animaux, ainsi que 
le thon et surtout les poissons destinés à être 
consommés à l’état frais, sont encore pêchés 
avec des engins dérivants, trainants ou fixes, ap 


120 (, ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES 


propriés aux habitudes spéciales de ces êtres. 

Tous les pêcheurs qui, en France, travaillent 
dans les eaux littorales doivent avoir, en effet, 
une connaissance approfondie du régime des êtres 
qu'ils veulent capturer et des conditions — océa- 
nographiques en quelque sorte — du milieu où 
ils posent leurs engins. Pour être empiriques, ces 
notions n'en sont pas moins précises, el, sui- 
vant les espèces de poissons, suivant l'époque 
de l'année et même l'heure de la journée, les 
pêcheurs varient la nature, la position et la ma- 
nœuvre de leurs filets. Il n’est pas, dans les limites 
des eaux qu'ils exploitent, un enrochement, un 
haut-fond, une prairie sous-marine, ete., dont ils 
ne connaissent la configuration et l'étendue. Au 
surplus, les produits de leur travail ont une valeur 
marchande supérieure à celle des produits de la 
pêche au large qui ont subi l'action du glaçage. 
Malheureusement, quelle que soit la fécondité des 
eaux marines, l'exploitalion intensive des régions 
littorales en a amené en grande partie une stérili- 
sation qu'accentue la guerre acharnée faite avec 
des engins trainants aux animaux comestibles qui 
s’y rencontrent. 

Les pêches littorales ne sont donc que de « petits 
métiers ». En Méditerranée, elles sont l'occupation 
des trois quarts des inscrits. Cet élat de choses 
peut être bien figuré par la comparaison des va- 
leurs totales des bateaux et des engins dans les 
cinq arrondissements maritimes (fig. 15) et par 
l'inspection des tableaux comparatifs de la répar- 
tilion des bateaux et des inscrits dans ces mêmes 
arrondissements (fig. 1, 2, 3, 4). 

La figure 15 nous montre, notamment, que sur 
les côtes métropolitaines de la Méditerranée la 
valeur des engins est double de celle des bateaux 
qui servent à leur manœuvre. 


VI 


Ramené à terre, le poisson, destiné à êlre con- 
sommé à l’état frais, est vendu à des écoreurs (des 
mareyeurs) dans les petits ports. Dans les ports 
plus importants existent des criées, où les repré- 
sentants des marchands de l'intérieur des terres 
viennent acheter ce poisson, et dont la créalion a 
souvent procuré de sérieux avantages pécuniaires 
aux gens de mer. Du reste, les municipalilés ont 
trouvé pour leur compte de sérieux profits dans 
l'installation, par elles, de ces poissonneries, puis- 
qu’elles perçoivent sur le montant de la vente des 
produits marins un droit proportionnel à ce chiffre 
de vente (3 à 5 Z) et qu'elles exigent, en outre, 
une rétribution pour la place occupée sur le carreau 
par le butin du pêcheur. 

Quant aux animaux destinés à ! industrie des 
conserves alimentaires, ils sont vendus dans les 


poissonneries ou — plus généralement — achetés 
directement sur les quais des ports et même sur 
les lieux de pêche par les usiniers. 

Parmi les animaux pêchés, les uns, en raison de 
leur constitution spéciale, peuvent être expédiés 
vivants vers les points de consommation (ho- 
mards, langoustes, huîtres, etc.), les autres doi- 
vent être prolégés contre une décomposilion fata- 
lement rapide, — et pour une plus ou moins longue 
durée, — par divers moyens qui varientsuivant les 
animaux et l'éloignement de leurs lieux de capture 
de la région où ils sont consommés. Si, dans 
quelques ports de notre côte, on se borne (parti- 
culièrement en hiver) à expédier le poisson dans 
un emballage de paille ou de varech, il faut, le 
plus généralement, pour ces expéditions, mettre 
les produits marins dans des conditions telles que 
les micro-organismes susceplibles de leur faire 
subir une fermentation putride ne puissent s'y 
développer. Naturellement, ces procédés, en 
modifiant plus ou moins la substance comestible, 
modifient également sa sapidilé. 

Pour les produits de la pêche côtière (hauturière 
ou littorale) destinés à être consommés à l’état 
frais, leur conservation est assurée par le glaçcage. 
La glace employée par les pêcheurs est importée 
de Norvège ou fabriquée directement dans les 
ports du littoral. Elle paralyse, tout le temps que 
dure l’abaissement de température, l’activité des 
levures ou des microbes et empèche leur sporula- 
tion. 

D'autres animaux doivent être l'objet d’une 
conservalion plus longue. Ainsi l'on recourt, sui- 
vant les cas et pour assurer celle-ci, à la dessicca- 
lion (morue sèche), à la salaison (morue, hareng, sar- 
dine, anchois, maquereau salés), où au fumage du 
poisson (Aareng saur, saumon fumé); enfin, au lieu 
dé les soumettre à l'action d’antiseptiques, on peul 
stériliser définitivement les produits marins en les 
soumellant à l'influence d'une haute température, 
sous pression (sardine et thon à l'huile, hareng et ma- 
quereau marinés, conserves de homard). 

Certaines de ces opérations font, à proprement 
parler, partie intégrante des opéralions de la 
pêche et sont pratiquées à bord même des bateaux, 
lors de la capture des animaux marins (glacage du 
poisson frais); d'autres, commencées à bord des 
embarcalions, ne sont achevées qu'à terre, en des 
points avoisinant les lieux de pêche — où se trou- 
vent des installations rudimentaires aménagées à 
cet effet (morue salée de la côte de Terre-Neuve, sardine 
et anchois salés de la Méditerranée) — ou dans de 
grandes manufactures très éloignées parfois des 
régions de capture (morue salée en vert à Terre- 
Neuve et Islande et définitivement préparée en France, 
hareng sulè d'Ecosse, maquereau d'Irlande). Enfin, 


D 
“ 


G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES 


121 


certains procédés de conservation nécessitent des 
manipulations mulliples et conséquemment une 
installation compliquée avec une main-d'œuvre 
considérable qui ne peuvent être réunies que dans 
des usines bien aménagées sur le littoral (hareng 
saur, sardine et thon à l'huile, hareng et maquereau ma- 
_ rinés). 

Les pèches maritimes donnent donc naissance à 
de véritables et très importantes industries secon- 
daires, employant un personnel nombreux, faisant 
fructifier un capital énorme et semant dans la 
nation une richesse d'autant plus considérable que 
le travail des marins-pécheurs est plus fructueux. 

VII 

Ayant ses débouchés dans l'alimentation publi- 
que, l’industrie des pêches maritimes est directe- 
ment influencée par la facilité et la rapidité des 
moyens de transport. Bien qu'un grand nombre 
de marchés de l’intérieur reçoivent aujourd'hui 
dans de bonnes conditions les produits marins, de 
grands perfectionnements peuvent être apportés 
aux conditions d'écoulement de ces produits. 

Dans létat actuel des choses, la situation éco- 
nomique des pêcheurs n’est pas absolument fonc- 
tion de la productivité des eaux qu'ils exploitent, 
de la quantité de poissons qu'ils capturent. La 
consommalion est parfois inférieure à la produc- 
tion ; suivant l'époque de l’année — et mème le 
jour de la semaine — le cours marchand des pro- 
duits de la mer varie dans des proportions consi- 
dérables ; enfin, entre le pécheur et le consomma- 
teur, ces produits passent par des intermédiaires 
si nombreux (encore que quelques-uns soient né- 
cessaires) que les marins qui ont eu la peine de les 
récolter, dans des conditions qu'il est inutile de 
retracer, n’en recueillent qu’un salaire minime, eu 
égard à la valeur des transactions commerciales 
auxquelles ils donnent lieu. 

Cependant, si nous devons désirer que le per- 
fectionnement de notre réseau de voies ferrées, la 
réduction des tarifs de transport et celle des droits 
d'octroi permettent de livrer rapidement, en 
grandes quantités et à bas prix, à l'ensemble de 
la population française, un produit qui n'entre 
aujourd’hui, il faut le dire, que pour une faible 
part dans son alimentation, — iln’est pas que l’in- 
suffisance de la consommation qui oppose un 
obstacle au développement industriel des pêches 
maritimes et spécialement de la pêche du poisson 
frais. Si l’industrie des conserves exploite, en 
effet, des poissons qui s’offrent aux pêcheurs en 
masses serrées (variables d'importance, il est 
vrai, suivant les années, mais fournissant parfois 
des captures abondantes qui font compensation 
aux mauvaises pêches), l'industrie du poisson 


frais exploite des animaux qui, vivant sur les 
fonds marins, sans opérer généralement de grands 
déplacements, paraissent devoir permettre aux 
engins un travail toujours fructueux. Or, en ce 
moment même, une rumeur qui va grandissante 
court non seulement sur nos côtes, mais sur les 
côtes étrangères. C’est la plainte des pêcheurs qui 
accusent une diminution progressive dans les ren- 
demenis relatifs de leurs eaux. En fait, l'expan- 
sion de l’industrie des pêches maritimes se trouve 
donc limitée encore par la productivité des mers 
qui est très nettement influencée par une exploi- 
{ation toujours plus intensive des mêmes régions. 

Cependant, ainsi que nous l'avons dit, nos pê- 
cheurs se sont ingéniés à corriger cette producti- 
vilé insuffisante des eaux, en recherchant auloin des 
terrains d'exploitation vierges des investigations 
humaines, et ont ainsi modifié profondément les 
conditions économiques de leur industrie. Les em- 
barcalions peu coûteuses, l'outillage précaire 
dont ils se servaient, sont remplacés par des ba- 
teaux et des engins assez puissants pour permet- 
tre un travail difficile en haute mer. Le capital que 
représentent de pareils armements est devenu 
assez considérable pour que le patron ne puisse 
plus, dans beaucoup de cas, être propriétaire — 
armateur — du bàliment qu’il commande. Bien 
plus, dans certains ports, le matelot-pècheur est, 
depuis quelques années, et sur sa demande par- 
fois, salarié au mois, au lieu d’être rémunéré à la 
part de pêche qui représente mieux la valeur de sa 
contribution de travail !. Est-ce l’aurore d'un nou- 
veau régime de rétribution pour les gens de mer et 
devons-nous nous attendre à voir s'établir sur notre 
littoral, chez les pêcheurs, le prolétariat qui existe 
dans d’autres industries et qui existe chez les pê- 
cheurs d’autres nations? Le salariat au mois fera-t-il 
place au salariatà l’'embarquement ou mème au sala- 
riat à la journée de travail ? Si l'emploi d’un capital 
plus considérable devait provoquer ce résultat, il 
aurait une fàcheuse influence sur la situation mo- 
rale et économique de la population maritime. La 
concurrence vitale ne saurait manquer, en effet, d’a- 
mener, d'une part, l’avilissement des gages, tan- 
dis que, d'autre part, l'endurance proverbiale du 
pêcheur, sa connaissance pratique du métier qu'il 
exerce, son courage qui va jusqu’à la témérité, 
toutes les qualités enfin qu'il possède et qui pro- 
viennent, en grande partie, de ce qu'il sait ne 
devoir être payé qu’au prorata de l'énergie qu'il 
dépense individuellement, ne sauraient être le fruit 


1 La part de pêche attribuée comme salaire au marin est 
calculée d’après le montant de la vente des produits péchés, 
ce chiffre étant divisé en un certain nombre de fractions dont 
un nombre (variable suivant les ports et les industries) est 
attribué à l’armateur, au patron et à l'équipage. 7 


122 G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÈCHES MARITIMES 


d’un métier où l'initiative personnelle du marin ne 
pourrait modifier le taux de son salaire. Dans ce 
cas, le pêcheur ne serait plus qu'un manœuvre 
quelconque, travaillant sur un chantier spécial, 
fournissant sa besogne sans goût, sans espérance 
et sans bul, 

Cependant les résultats de la pêche sont tou- 
jours incerlains, et pour des gens qui ne peuvent 
disposer d’avunces, on conçoit que la rémunération 
au salaire fixe semble devoir être préférée, à pre- 
mière vue, à la rémunération à l« part de pêche. 
Peut-être serait-il possible de faire une juste 
moyenne entre ces deux modes de rétribution du 
travail des pêcheurs. A Arcachon, les marins de 
la Société des pêcheries de l'Océan recoivent, en effet, 
un salaire fixe et une part de pêche, mensuelle- 
ment. En calculant convenablement le taux des 
deux salaires, il ne parail pas impossible de rétri- 
buer chacun suivant ses besoins essentiels, tout en le 
rétribuant aussi sxivant ses œuvres. 


VII 


Comme nous l'avons dit, les pèches maritimes 
sont soumises à une réglementalion spéciale, non 
seulement pour prévenir les accidents qui peuvent 
résulter pour les inscrits de leur condition d'exis- 
tence à la mer, mais encore pour maintenir aux 
eaux leur produclivité. Ces règlements généraux 
qui concernent l'exercice des pêches sont soumis 
dans leur application à des variations considéra- 
bles suivant les régions. 

Jusque dans ces dernières années, la capture, 
en quelque abondance que ce soit, des animaux 
marins comestibles adultes — et notamment de 
ceux qui apparaissent, en bancs épais, à certaines 
époques de l'année, à la surface des mers — n'a 
jamais paru devoir influencer défavorablement la 
productivité des eaux. Si l'administration a, pour 
la pêche de ces animaux, réglementé l’usage des 
engins très puissants, c’est que, très coûteux, ils 
ne sont susceplibles d’être employés que par un 
petitnombre d'inscrits et que, pouvant jeter sur les 
marchés d'immenses quantités de poissons, leur 
usage amène fatalement un avilissement des prix 
de vente fort préjudiciable aux intérêts des marins 
qui ne les possèdent pas (sennes Belot, relz vo- 
lant, ete.). 

Cependant, aujourd’hui où, comme nous l'avons 
dit, les fonds de pêche s’appauvrissent, l’on sait 


que la destruction des animaux reproducteurs qui 
n'ont pas encore frayé est un des facteurs des plus 
considérables de cel appauvrissement. D'autre 
part, et de tout temps, le législateur s’est juste- 
ment préoccupé d'empêcher, autant que possible, la 
destruction des jeunes animaux, — dont la vente 
ne saurait procurer de profils sérieux aux pêcheurs 
el qui sont l'espoir des pêches à venir. Il a done 
prévu des dimensions minima pour la maille des 
filets {rainants et une taille minima pour la mise 
en vente du poisson: enfin il a interdit, d’une façon 
générale, la pêche aux filets trainants remorqués 
par des bateaux sur les fonds côtiers, qui sont les 
lieux de stabulation pour d'innombrables jeunes 
individus. 

Malheureusement, les Lolérances successives, 
nécessitées par les inlérèls immédiats de la popu- 
lation maritime et consenties en raison de la difli- 
cullé d'assurer un service sérieux de surveillance, 
ont rendu inefficaces les dispositions prescrites 
pour la police des pêches maritimes. Aujourd’hui 
donc, la France — comme les nations étrangères, 
du reste — se préoccupe d'assurer, par une régle- 
mentation assise sur d'indisculables bases scien- 
tifiques, le maintien de la densité d'empoissonne- 
ment des mers, tout en ménageant à la partie de 
la population riveraine qui ne peut disposer que 
de faibles bateaux, la facilité de gagner sa vie — 
au jour le jour. 

Les travaux exécutés par les naturalistes sur les 
conditions de la reproduction et de la vie larvaire 
des poissons marins comestibles aussi bien que 
les résultats fournis en Norvège, à Terre-Neuve et 
en Ecosse par la pisciculture marine, permettent 
de pressentir la solution de ce difficile problème. 

[Il parait démontré que la création de réserves 
marines et l’applicalion dans nos eaux des mé- 
thodes aquicoles, dont la lechnique est précise, 
assureront la fertilité de nos eaux, en n'exigeanl 
qu'un minimum de restrictions pour l’industrie de 
nos pêcheurs et en ouvrant, au contraire, un large 
horizon aux perfectionnements qui pourront se 
produire dans les procédés intensifs d'exploitation 
des mers. Or, il faut le reconnaitre, ce sera là une 
conclusion pratique des travaux de tous les 
naturalistes qui se sont consacrés aux recherches 
de science pure sur la biologie marine, 

Georges Roché, 


Inspecteur principal des Pêches maritimes. 


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2 


A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL ET LA DIVISION CELLULAIRE 


125 


LE CORPUSCULE CENTRAL 


ET LA DIVISION 


La découverte, que firent il y a quelques années 
Van Beneden et Neyt, d'un corpuscule de moins 
d’un y. (5 de mm.) de diamètre, situé dans le pro- 
toplasma cellulaire, changea la face de la morpho- 
logie et de la physiologie cellulaires. Le noyau, 
jusque-là considéré comme le primum agens dans la 
cellule, comme l'organe directeur de son évolution, 
fut deslitué de ce rôle prédominant, rôle qui dès 
lors fut attribué au corpuscule. Bien qu'il n'y ait 
pas de petites découvertes dans le domaine des 
infiniment petits, nous avons à nous demander 
cependant si cette trouvaille a l'importance que 


CELLULAIRE 


« lache polaire », « corpuscule aréolaire » ete., se 
présente sous la forme d’une petite masse ronde, 
formée d'une substance qui toujours est plus colo- 
rable par les réactifs que le protoplasma dans 
leauel elle est plongée et qui souvent se colore 
d’une manière spéciale, élective, par l’emploi de 
certaines méthodes récentes de coloration. On 
avait cru, d’abord, le corpuscule central simple. 
Puis une foule d'auteurs ont montré qu'il est 
souvent double (fig. 4) et qu'il existe alors deux 
granules juxtaposés pour le représenter. Quelques- 
uns enfin, dans ces derniers temps, l'ont trouvé 
a 


Fig. 1. — Cellule séminale de la Scolopendre, Fig. 2. — Cellule géante de la moelle des os du Lapin, d’après Her- 


avec un corpuscule central formé de deux 
grains inégaux, duquel partent plusieurs fila- 
ments radiés. 


DENHAIN. — Le noyau, annulaire et irréguliérement bosselé, entoure un 
espace central où l’on voit un microcentre principal ou groupe principal 
de corpuscules centraux, cp. Dans les infractuosités du contour de ce 


noyau, plusieurs groupes ou microcentres secondaires, bien moins nom- 
breux en corpuscules (C, C, C, C). 


l’on veut bien dire, si la destitution partielle du 
noyau et l'attribution donnée au nouvel élément 
découvert sont légitimes, dans quelle mesure le 
corpuscule central joue dans la cellule un rôle pré- 
dominant et en quoi consiste ce rôle. Hälons-nous 
d'ajouter que jusqu’à présent, bien que, de l'avis à 
peu près unanime, une fonction importante soit 
certainement dévolue au corpuscule central, cepen- 
dant on en est encore réduit à des conjectures 
quant à la nature exacte de cette fonction. 


Î 


Le corpuscule central, appelé aussi centrosome. . 


nommé plus anciennement « corpuseule polaire ». 


multiple, formé de la réunion de grains en nombre 
variable, de trois à une centaine (fig. 2). Dès lors, 
l'expression de corpuscule central devient fautive. 
Il convient de la remplacer par une autre ne pré- 
jugeant pas du nombre de grains el s'appliquant 
tout aussi bien au corpuscule simple ou double qu'à 
l’ensemble des grains nombreux existant dans 
d’autres cas. Le terme de »wcrocentre, proposé par 
M. Heidenhain !, paraît heureusement choisi; 
c’est, en effet, un centre autour duquel, comme 
nous allons le voir, toutes les parties de la cellule 
sont orientées, et c'est un microcentre, puisque 


1 Martin Heimexaax. Neue Untersuchungen uber die Cen- 
tralkorper, etc. Archiv fur mikr. Anal. Bd. XLIIT, 1894. 


124 


les grains qui le composent ont un micron el 
moins de diamètre. 

Dans le cas de deux ou plusieurs corpuscules 
constitutifs d'un microcentre, on crul d'abordqu'ils 
étaient de volume égal, et il en est souvent ainsi en 
effet. Plus souvent cependant ils sont inégalement 
volumineux (fig. 1). Heidenhain admet qu'alors 
le plus gros est le plus ägé, et que les plus pelits 
ont été formés par bourgeonnement du plus gros. 
* Dans le cas aussi de deux ou plusieurs corpus- 
cules juxtaposés dans une même cellule et formant 
ensemble un même microcentre, on peut constater 


ce 


Fig. 3. — Cellule séminale du Cobaye. — Microcentre à deux 
corpuscules inégaux reliés par un pont de substance liga- 
menteuse c e (centrodesmose). 


habiluellement que ces corpuscules ne sont pas 
sans connexion entre eux, et qu'ils sont réunis par 
une substance différente de celle qui les constitue 
eux-mêmes, quoiqu’étant vraisemblablement de 
même origine. Cette substance forme entre eux 
une sorte de petit pont ligamenteux appelé par 
M. Heidenhain centrodesmose (ligament du centre) 
(fig. 3). Au début de la division de la cellule cette 
centrodesmose grandit et devient un petit fuseau 
clair, fibrillé, connu déjà depuis plusieurs années. 
Ce petit fuseau s’accroil à son lour en un fuseau 
central, qui fera partie dela figure de division de la 
cellule. 

Il est aujourd'hui reconnu, par les observations 
de différents auteurs, qu'il peut exister dans une 
même cellule plusieurs microcentres, composés 
chacun d’un ou de plusieurs corpuseules centraux. Il 
en est ainsi dansles cellules géantes, à noyau po- 
lymorphe et irrégulier, de la moelle des os du 
lapin; outre un microcentre principal occupant le 
milieu de la cellule, on en trouve d’autres acces- 
soires situés dans les dépressions de la face externe 
du noyau (fig. 2). 

Quant à la constitulion intime du corpuscule 


A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL ET LA DIVISION CELLULAIRE 


central, on comprend que cette question soit à 
peine ébauchée, puisque le corpuscule est, par sa 


petitesse, à la limite de nos moyens optiques d'in 4 


vestigation. Tandis que la plupart des auteurs. 
n'ont trouvé aucune structure au corpuscule cen- 
tral et l'ont vu formé d'une masse homogène, d'au-. 
tres ont décrit et figuré en son centre un grain plus 
coloré; un autre auteur même (Brauer) lui a attri- 
bué une structure analogue à celle du noyau. 
Avant de quitter la question de morphologie, il 
est utile de remarquer que les cas de corpuscule 
double où multiple, avec centrodesmose, peuvent 
recevoir deux interprétations différentes. Il est 
avéré que deux corpuscules naissent d'un seul, en 
d'autres termes qu'il y a division du corpuscule, 
Il est d'autre part cerlain que l’état bicorpusculaire 
peut se rencontrer tantôt dans des cellules qui sont 
en voie de division, tantôt dans des cellules qui 


Fig. 4. — Sphère altractive el corpuscule central, dessinés 
d'après une image artificielle oblenue suivant le procédé 
de HENKING. — C, corpuscule central, avec un grain cen- 
tral; ZC, zone centrale ou médullaire; ZM, zone moyenne 
ou corticale; ZP, zone périphérique ou irradiée de la 
sphère attractive. 

sont en repos absolu. Si donc, dans nombre de cas, 

l’état bicorpusculaire du microcentre peut être 

considéré comme lié à la division de la cellule, 
ailleurs il est au contraire indépendant de celle-ci. 

Une dernière observation est nécessaire. Quand 
on à constalé dans l’intérieur du protoplasma cel- 
lulaire l'existence d’un corpuscule coloré d’une 
facon spéciale, est-on autorisé à le considérer 
comme corpuscule central? Il est certain que la 
cellule peut loger d’autres corpuscules que le cen- 
trosomeetse présentant avec les mêmes caractères. 
Quel sera done le critérium qui permettra de 
mettre l'éliquette de centrosome sur le corpuscule 
observé ? Ce critérium, qui ne fera le plus souvent 
pas défaut, consistera dans la présence autour du 
corpuscule d'une zone de protoplasma constitué 
d'une manière spéciale, à laquelle van Beneden et 
Neyt ont donné le nom de sphère attractive. 

Bien que nous n'ayons pas ici l'intention d’en- 
visager la sphère attractive en elle-même, il est 
nécessaire cependant, en raison des relations in- 
times qui la lient au corpuscule central, de donner 
quelques indications sur sa constitution. La sphère 
attractive se présente sous deux aspects principaux 


v- 


A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL EN LA DIVISION CELLULAIRE 125 


très différents l’un de l’autre. En premier lieu, elle 
figure autour du corpuscule central une aire diffé- 
_ renciée, composée elle-même de plusieurs zones 
(fig. 4) En second lieu, elle apparait sous la 
forme de filaments qui irradient autour du corpus- 
cule central et se continuent, d'autre part, avec les 
_fibres du réticulum dont la cellule se compose. On 
_a admis généralement, bien que cette opinion ne 


soit pas absolument justifiée, que la première forme. 


est celle de la sphère à l’état de repos et n’appar- 
tient qu'aux cellules quiescentes ; la seconde 
caractériserait l’état de mouvement de la sphère 
et se trouverait exclusivement dans les cellules en 
division. 
Il 

. Il nous reste, maintenant que nous sommes ren- 
seignés sur la constitution morphologique du cor- 
puscule central, à nous demander quelle est son 
origine : question qui commande celle de la nature 
de cet élément et de laquelle dépend à son tour la 
question de la signification morphologique et phy- 
siologique du corpuscule. Sur la genèse du corpus- 
cule central trois opinions sont en présence. 

Pour E. van Beneden et ses successeurs immé- 
diats, le corpuscule central dérive d’un corpuscule 
central préexislant, par division de ce dernier; 
l’adage omnis nucleus « nucleo est applicable au cen- 
trosome en changeant les termes. C’est sur le ter- 
rain même qu'il habite, c’est-à-dire dans le corps 

 protoplasmique de la cellule, que le corpuscule 
central se divise. Il en résulte que le corpuscule 
central et ses descendants se maintiennent dans le 
protoplasma à travers toutes les générations cel- 
lulaires. IL est donc un élément de la cellule 
constant et permanent: toute cellule le possède et 
à tout moment de son existence. 

Plus récemment, a surgi une autre opinion, 
émise d’abord par O. Hertwig. Le corpuscule 
central n’est peut-être pas constant et n’est 
certainement pas permanent : il y 4 en effet des 
cellules où son existence est encore inconnue, 
et il y a des phases de la vie cellulaire où il dis- 
parait aux yeux de l'observateur. Un corpuscule 
central ne dérive pas nécessairement d'un élément 
semblable, mais peut se former dans le noyau, sa 

| substance étant empruntée soit au nucléole, soit 
aux chromosomes nucléaires. Le centrosome, 
lorsqu'il s’individualise, quitte lenoyau et vient ha- 
biter le protoplasma pendant la division cellulaire; 
c'est là qu'on l'a découvert et qu’on le trouve géné- 
ralement, La division faite, la substance du corpus- 
cule central redevient partie intégrante du noyau. 

Dans une troisième opinion, moins catégori- 
quement posée que les précédentes, le corpuscule 
central est un produit de l'élaboration du proto- 
plasme et devient un élément sui generis, qui mé- 


-rile d’être placé à côté du noyau et du protoplasme 


comme élémentconstituant de lacellule (Waldeyer). 

On conçoit que, avec les deux premières opi- 
nions précédentes comme bases, deux points de 
vue différents peuvent exister, quant à la nature 
du corpuscule central. Comme conséquence de la 
théorie de van Beneden, ce corpuseule est aulto- 
nome, de nature spéciale. Les auteurs, au con- 
traire, qui, avec O. Hertwig, le font provenir du 
noyau, lui attribuent nécessairement une nature 
semblable soit au nucléole, soit aux chromosomes 
nucléaires. Ces deux manières de voir s'appuient 


d’ailleurs sur des réactions de coloration. Herlwig, 


Henneguy et d’autres observent que le corpuseule 
central, à la suite de certains procédés de colo- 
ration (procédé de Flemming, par exemple), prend 
la même couleur que le nucléole ou les chromo- 
somes. Au contraire, Heidenhain, se servant d'une 
méthode inventée par lui, trouve des différences 
entre le centrosome d’une part, les chromosomes 
et le nucléole d'autre part, quant à la facilité avec 
laquelle ces divers éléments, une fois colorés, se 
décolorent. La conclusion est que, dans le premier 
cas, la substance du centrosome offre une parenté 
chimique avec celle du nucléole (pyrénine) ou 
celle des chromosomes (nucléine); dans le second 
cas, au contraire, elle est chimiquement spéciale. 

Reste maintenant à débattre la question la plus 
grave, celle de la signification morphologique et 
physiologique du corpuscule central, qui domine 
peut-être toute la biologie cellulaire. 

Au point de vue physiologique, quel est le rôle 
du microcentre? Ce microcentre est-il un centre 
principal, qui commande toutes les parties du 
protoplasma cellulaire ou même de la cellule tout 
entière, orientée autour de lui ; ou bien n'est-il que 
l'effet secondaire du centrage de ce protoplasma, 
dont la cause doit être cherchée ailleurs ? Faut-il 
voir en lui le déterminant de la structure cellulaire, 
ou bien n'est-il, suivant l'expression de Bürger, 
qu'un « phénomène » de cette structure? En un 
mot, est-il cause ou effet ? 

Boveri et d’autres se sont placés au premier 
point de vue. Pour Boveri, le corpuscule central 
exerce une « suprématie matérielle » sur la cellule 
et particulièrement sur le protoplasma cellulaire, 
qui prend nécessairement autour de lui une dispo 
silion caractéristique. 

Van Beneden et plusieurs autres ont soutenu 
une manière de voir qui s'écarte passablement de 
la précédente, dans laquelle le corpuscule central 
n’est la cause ni de la structure cellulaire ni des 
modifications de cette structure, mais n'en es 
pas non plus le simple effet. Pour lui et les par- 
tisans de sa théorie, le corpuscule n’est qu'un 
point central d'insertion pour les fibres du proto- 


126 


A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL ET LA DIVISION CELLULAIRE 


plasma cellulaire, qui sont les seuls agents des 
mouvements intracellulaires. 

Avec Henking, Bütschli, Bürger et même 
C. Schneider, le corpuscule central n’est plus un 
élément de la cellule, un organe qui y remplit une 
fonction; il n'a pas de valeur morphologique, et, 
au point de vue physiologique, n’est qu'un aspect 
particulier du plasma cellulaire. Bütsehli et Hen- 
king ont illustré leur manière de voir de schémas 
qu'il est intéressant de connaitre. Bütschli, dont 
les efforts se sont loujours portés vers la création 
artificielle des structures cellulaires, a montré que 
dans des écumes oléo-gélatineuses, imitant la subs- 
tance protoplasmique, de même que dans des 
écumes d’albumine coagulée, les bulles d’air sont 
souvent entourées d'une irradiation caractéristique, 
et figurent ainsi autant de centrosomes. Irradiation 
et centrosomes se produiraient grâce à ce que les 
bulles d’air se contractent dans les écumes lors du 
refroidissement et exercent ainsi de toutes parts 
une traction dirigée vers le centre des bulles, qui 
transforme la structure écumeuse et l’ordonne 
radiairement. Le centrosome serait de même le 
point de concentration des forces de diffusion 
existant dans la cellule. Le schéma de Bütschli 
pourrait être dit schéma des forces de traction. 

L'interprétation change avec Henking et le 
schéma aussi; mais l’idée fondamentale demeure 
la même. Au lieu d'invoquer pour la production du 
centrosome et de la sphère irradiée une force de 
traction vers un centre, l’auteur fait intervenir une 
force de pression s'exerçant à partir de ce centre. 
Il réalise expérimentalement son schéma de la 
façon suivante. Si on laisse tomber sur un carlon 
enfumé une goutte de liquide d’une hauteur con- 
venable, on constate au point de chute du liquide 
un grain noir et autour de celui-ci une aire formée 
de deux ou trois zones alternativement noires 
et blanches, de laquelle partent dans tous les 
sens de nombreux rayons blancs. En un mot, 
l'image obtenue est très fidèlement celle du cen- 
trosome et de la sphère avec son irradiation 
(fig. 4). C'est là un schéma dit des forces de 
pression, parce que l’auteur admet qu'à partir du 
point de chute de la goutte liquide, il se fait une 
pression centrifuge, de laquelle résulte le schéma 
avec ses parties noires chargées de noir de fumée, 
parce que la pression y était nulle, et ses parties 
blanches dépourvues de parcelles de charbon, 
parce que la pression en a chassé ces parcelles. 

En somme, dans la pensée des derniers auteurs 
que nous avons cilés, le corps central n’est plus 
qu'une formation contingente, le résultat d'une 
modification physique éphémère el inconstante 
de la substance de la cellule ; c’est, par exemple, 
une sorte de comprimé cellulaire. 


HIT 


Voici maintenant l'hypothèse que je me permets 
d'émeltre sur l’origine et la signification du cor- 
puscule central, et à laquelle j'ai été conduit parce 
que les faits que j'ai observés ne sont pas en 
harmonie avec la théorie de la permanence du 
centrosome non plus qu'avec celle de sa prove- 
nance nucléaire. 

Le corpuscule central ne dérive pas nécessaire- 
ment d’un élément semblable, préexistant dans le 
protoplasma. Il n’est pas non plus une partie 
nucléaire éliminée et émigrant dans le corps pro- 
toplasmique. Il se forme dans le protoplasma d’une 
cellule, lorsque cette cellule est arrivée par la voie 
nutritive à son apogée, el qu'en conséquence elle a 
alteint le coefficient de la masse chromatique qui 
lui revient !. C’est un fait d'observation devenu 
banal que tout organisme cellulaire bien nourri se 
divise ; la division esl la conséquence immédiate 
d’une nutrition abondante et se produit comme 
pour prévenir une nutrition trop abondante et une 
hypertrophie consécutive de la cellule. Comme 
maintenant la division cellulaire est précédée et 
sans doute déterminée par celle du corpusecule 
central, ainsi qu'on le sait bien aujourd'hui, la 
outrition de la cellule devra avoir pour suite immé- 
diate la division du corpuscule central, et avant 
tout sa formation, s'il n'est pas préformé dans la 
cellule. D'après cela, le corpuscule central serait 
un excédent chromatique qui, faute de trouver 
place dans le noyau, tabernacle de la matière 
idioplasmique (spécifique de la cellule et hérédi- 
ture), et ne pouvant se surajouter à cette matière 
qui est déjà au complet dans le noyau, demeure- 
rait dans le protoplasma; ne pouvant prendre part 
à la constitution de l’idioplasme, il servirait, on 
va le voir, à assurer la transmission de ce dernier. 
Silôt done l'équilibre nutritif de la cellule atteint, 
etla masse nucléaire chromatique portée au quan- 
tum caractéristique, il y aurait, comme premier 
symptôme del’hypertrophiecommençante dela cel- 
lule, hyperplasie chromatique, idioplasie excessive, 
d'où apparition, dans le corps cellulaire, d'une par- 
celle chromatique d'idioplasme, qui estle microcen- 
tre. L'apparition de cette parcelle dans le protoplas- 
ma cellulaire met la cellule en état de mouvement, 
de cinèse, celte parcelle agissant comme irrilant 
sur la cellule, soit en tant que simple corps étranger 
et à la facon d'un micro-organisme intracellulaire, 
soit en lant qu’excitant physiologique, spécilique, 
de la cellule et fonctionnant comme microcentre. 


1 On sait en effet que, pour chaque espèce animale, le 
nombre des éléments chromatiques du noyau et par consé- 
quent sans doute aussi la masse de chromatine y contenue 
paraissent être fixes dans une cellule au repos. 


A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL ET LA DIVISION CELLULAIRE 


La division du microcentre se produit ensuite. 
Cette division s’effectue d’elle-même ou n’est que 
l'effet d'une cause existant d'autre part. Elle est sa 
cause à elle-même si l’on admet, par exemple, 
qu'elle consiste en une séparation physique des 
éléments de nom contraire du microcentre (élé- 
ments mâle et femelle, je suppose) en deux micro- 
centres-fils. Elle ne sera qu'effet si l’on ne veut 
voir dans cette division qu’une disjonction méca- 
nique, due à une cause prochaine telle que la con- 
traction des filaments du protoplasma cellulaire, 
produite elle-même sous une influence éloignée 
encore inconnue. La division du microcentre 
(centrokinèse et centrodiérèse) précède celle du 
noyau (karyokinèse et karyodiérèse), qui en est la 
conséquence; la parcelle surnuméraire d’idio- 
plasme donne l'impulsion à la cellule, qui agit sur 
la masse totale de l’idioplasma pour la diviser et 
la transmettre aux cellules-filles. e 

Cette hypothèse, on le voit, est plus qu’un com- 
promis entre la théorie du centrosome autonome 
dans le protoplasma et celle du centrosome de 
provenance nucléaire. Elle a une place à part à 
côté de ces deux théories; elle fait du corpuscule 
central une formation d’origine protoplasmique, 
mais de nature nucléaire. Elle procède en partie 
de l'hypothèse de Waldeyer, qu'elle complète et 
surtout qu'elle détaille et précise. 

Comme la théorie protoplasmatique de van Bene- 
den, elle explique la présence du corps central 
dans des cellules au repos, mais cependant déjà 
aptes à se diviser. En raison de la nature qu'elle 
attribue au centrosorne, qui serait un élément 
idioplasmique, elle peut, mieux que cette théorie, 
fournir l'explication du primum movens de la divi- 
sion cellulaire, puisqu'elle. donne la suprématie 
matérielle au centrosome. Contrairement à la 
théorie de van Beneden, qui veut la permanence 
et la constance du corps central, elle s’accorde 
avec les faits négatifs concluant à l’absence de cet 
élément et avec les faits positifs prouvant sa 
dégénérescence. 

Comme la théorie nucléaire d’Henking, elle 
explique la coloration analogue que prennent les 
chromosomes et le centrosome. Elle permet aussi 
de comprendre pourquoi la division du microcentre 
présente des aspects semblables à celle du noyau : 
entre autres, de même qu'il apparait entre les deux 
centrosomes-fils une centrodesmose qui se trans- 
forme en pelit fuseau, de même il se forme entre 
les chromosomes des deux noyaux-fils des fila- 
ments connectifs formant une chromodesmose. 

En somme, un pelit noyau (micronucléus) paraît 
dans le protoplasma et s’y divise à côté du grand 
noyau (macronucléus) : c’est le microcentre. La 
division du premier est comme la maquette du 


127 
second ; le microcentre se comporte en cela comme 
un « caryoïde » (xäpvsy, noyau; etèoç, image). 
Faut-il maintenant donner à ces expressions de 
micronucléus et de macronucléus une autre va- 
leur que celle qu’elles ont au sens littéral? Faut-il, 
comme on l’a fait de plusieurs côtés, leur donner 
une signification phylogénétique, et comparer le 
microcentre et le noyau des Métazoaires aux mi- 
cronueléus et macronueléus des Infusoires ciliés ? 


Les essais qui ont été faits dans ce sens ne sont 
guère encourageants, parce que les auteurs (Hen- 
neguy, Julin, M. Heidenhain) qui ont tenté de 
semblables homologies, sont arrivés à des résul- 
tats tout à fait discordants, puisque l’on a homo- 
logué avec un égal suceès le micronucléus au micro - 
centre et le macronucléus à ce même microcentre. 

La règle que nous avons supposée exister tout à 
l'heure serait donc que la cellule se fait un micro- 
centre nouveau avec l’appoint nutritif qu'elle reçoit 
pendant la période de repos. Cette règle parait 
souffrir deux exceptions au moins, dans lesquelles 
le corpuscule central dérive d’un corpuseule pré- 
existant, conformément à la loi de van Beneden. 
Ces exceptions s'expliquent du reste facilement. 

Il est connu que dans certaines cellules (surtout 
des cellules embryonnaires) plusieurs divisions 
du noyau se succèdent sans interruption, précé- 
dées chaque fois de la division du microcentre. Il 
n’est pas impossible, dans ce cas, que la masse de 
substance existant dans le microcentre de la 
cellule-mère initiale soit supérieure à la quantité 
nécessaire pour une division cellulaire, et que 
l'énergie du corpuscule central ne soit pas épuisée 
au bout d'une division. 

Une seconde exception est celle des cellules 
sexuelles, spécialement des cellules mâles, où la 
division du microcentre se répèle deux fois sans 
interruption, suivie de la division non interrompue 
aussi du noyau. Il est possible, ainsi qu'Henking 
déjà a été amené à l’admettre, qu’il se fasse ici 
une réduction de la substance du microcentre 
semblable à celle qu'on admet pour le noyau. On 
sait, en effet, pour le noyau des cellules mâles, que, 
par suite de la bipartition réitérée de la cellule 
sans stade de repos interposé, la masse chroma- 
tique du noyau est réduite au quart. 


IV 


Voyons à présent ce que devientnotre hypothèse 
dans le cas spécial de la fécondation. On est d’ac- 
cord pour admettre que les deux éléments con- 
joints, le spermatozoïde et l’œuf, apportent dans 
la fécondation une quantité égale de chromatine 
nucléaire. Mais on diffère sur la question de savoir 


si l'un et l’autre y apportent son centrosome. Les 
| observations de Platner, Fol, Guignard et H. Blanc 


128 


A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL ET LA DIVISION CELLULAIRE 


RASOIR 


sont pour l'affirmative, celles de Guignard étant 
surtout démonstratives et. absolument inatla- 
quables. Au contraire Boveri, Vejdovsky, Bühm, 
Oppel, R. Fick, admettent que l'œuf mûr, au mo- 
ment de la fécondation, est dépourvu de corps 
central : Balbiani et Henneguy arrivent, d'une fa- 
con un peu différente, à la même conclusion. C'est 
Boveri qui le premier a développé cette idée que 
le spermatozoïde fournit seul le centrosome pré- 
posé à la conjugaison sexuelle et à la première di- 
vision de l’œuf. « L’œuf mr, dit-il, possède tous 
les organes et toutes les qualités nécessaires à la 
division, à l'exception du centrosome, qui pourrait 
inaugurer la division. Le spermatozoïde, au con- 
traire, est pourvu d'un tel centrosome... » On a 
montré depuis (R. Fick, Hermann) que ce cen- 
trosome n'est autre que la « pièce d'union » du 
spermatozoïde, c'est-à-dire cette partie qui réunit 
la tête et la queue de cet élément, 

Ainsi, dans cette deuxième manière de voir, que 
nous accepterions volontiers, n'étaient les obser- 
vations décidément contraires de Fol et de Gui- 
gnard, le spermatozoïde et l'œuf sont bien, l'un 
comme l’autre, des supports de la substance héré- 
ditaire, des « porte-hérédité » (Vererbungsträger de 
Hermann) : ils logent, en effet, dans leur noyau, 
qui est la tête du spermatozoïde et la vésicule 
germinative de l'œuf, une quantité équivalente de 
subslance héréditaire. Mais le spermatozoïdeserait 
le seul support de la substance fécondante, le seul 
« porte-fécondant » (Befrüchtungsträyer de Her- 
mann). L'œuf, par contre, en outre de sa fonction 
dans l'hérédilé, n’est, en raison des matériaux de 
réserve qu'il emmagasine, qu'un substratum 
de matière nutrilive, un « porte-nourriture » 
(Nährungsträqer). Au spermatozoïde il appartient 
donc d'apporter la substance irritative (centro- 
some. cause déterminante de la conjugaison des 
noyaux sexuels. A l'œuf est dévolu de fournir les 
matériaux de réserve (vitellus), capablespeut-être, 
en fournissantun alimentaux premières cellules de 
l'embryon,de régénérer aussi, en l’absence de tout 
apport nutritif venu du dehors, la substance 
irritative des premières divisions de la cellule 
embryonnaire. 

Il nous reste à examiner dans quelle relation 
notre hypothèse, sur l’origine et la nature du cen- 
trosome, se trouve vis-à-vis de la conception de 
Weismann sur l'hérédité. On sait que le plasma 
germinatif, idioplasma hérédilairement transmis- 
sible, a pour siège la chromatine nucléaire. Comme 
nous admettons dans notre hypothèse l'identité de 
nature de la substance chromatique du noyau el 
de celle du centrosome, nous nous trouvons dans 
l'obligation de penser que l’une comme l’autre est 
essentiellement formée par le plasma germinatif. 


Or, comme le plasma germinatif est continu 
et transmissible par la voie héréditaire, il ÿ au 
rait en apparence quelque difficulté à admettre 
que le centrosome fût en même temps cons- 


titué par le plasma germinatif et créé à nouveau | 


dans chaque cellule; les termes de plasma ger- 
minalif et de création nouvelle semblent con- 
tradictoires. Il ne faut pas oublier cependant que 
c'est pour la théorie du plasma germinatif une 
nécessité inéluctable, à laquelle n'a échappé 
aucun de ceux (Weissmann, Külliker, O. Her- 
twig) qui l'ont soutenue, que d'admettre la ré- 
génération du plasma germinatif. Le double- 
ment du plasma germinatif par voie de nutrition 
est, en effet, un corollaire inévitable de la bi- 
partition même de ce plasma lors de la division 
cellulaire, puisque, de par la division, chaque cel- 
lule-fille ne vient au monde qu'avec la moilié de la 
substance chromatique qu'elle doit posséder. Nous 
admettons, comme on l'a vu plus haut, que, cé 
doublement effectué, l'élaboration du protoplasme 
qui change le produit d'absorption de la cellule 
en dépôt nucléaire, la nourriture en plasma ger- 
minatif, continue à se faire. L’excédent de cet idio- 
plasme (histogène ou germinatif proprement dit), 
cette particule élémentaire de plasma germinatif, 
cet ide surnuméraire, comme on pourrait dire 
d'après Weissmann, est le centrosome. 

En résumé, le corpuscule central est un organe 
de la cellule, comme l'a exprimé van Beneden, 
mais c'est un organe habituellement transiloire et 
non permanent. Il est le produit de l’activité sécré- 
toire d'une cellule abondamment nourrie, et c’est 
le produit de sécrétion spécifique de la cellule. 
C'est de l'idioplasme qui, ne pouvant fonctionner 
comme un plasma germinatif, dont la cellule est 
saturée, fonctionne en tant que plasma divisant, 
De même que le cristal ajouté à une solution 
saturée ne se dissout plus, mais provoque la 
cristallisation de la solution, de même la parcelle 
idioplasmique surnuméraire ne s’ajoule pas à l'i- 
dioplasme du noyau, mais provoque la division de 
celui-ci. La substance de l’héréditéest à elle-même 
sa substance divisante. 

Voilà pour les cellules somatiques. 

L'œuf est une cellule où cette sécrétion ne se 
fait pas, l’activité du protoplasma étant détournée, 
absorbée par l'emmagasinement des malériaux de 
réserve (substance nutritive). Le spermatozoïde est 
une cellule où cette sécrétion (substance fécondante) 
s'opère, au contraire, à l’exclusion de toute autre. 
Nous savons quelles réserves comporte pour le 
présent celte schémalisation du cas des cellules 


sexuelles et de la fécondation. 
A. Prenant, 


Professeur d'Embryologie et d'Histologie 
à la Faculté de Médecine de Nancy. 


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DE CHEMIN DE FER. 


Au moment où l'attention de la population parisienne 
est si vivement attirée par la question du chemin de 
fer métropolitain, il est intéressant de considérer la 
solution que vient de réaliser, pour le passage des 
tunnels sous la ville de Baltimore, la Baltimore and 
Ohio Railroad Company. 

Dans la traversée des longs tunnels, la fumée des 
locomotives à vapeur est une gène depuis longtemps 
ressentie par tous les voyageurs, Même quand la voie 
souterraine n’atteintpas la longueur de celle du Saint- 
Gothard ou du Mont-Cenis, la fumée tend à rendre 
irrespirable l'atmosphère qu'elle pollue. C'est pour 
parer à cet inconvénient, dont la gravité augmente de 
plus en plus avec la longueur croissante des parcours 
en galerie, que la Bal- 
timore and Ohio Rail- 
road Company s'occupe 
en ce moment de cons- 
truire des locomotives 
électriques d'un type 
nouveau. Ces machines 
seront destinées à trai- 
ner sous le tunnel de Ho- 
ward-Street les trains 
de voyageurset de mar- 
chandises. 

On sait qu’en géné- 
ral lesvoitures longues 
des chemins de fer, 
par exemple nos wa- 
gons-salons, sont mon- 
tées sur des trucks. On 
appelle ainsi les sup- 
ports de la cage, com- 
posés chacun d'un ca- 
dre reposant sur qua- 
tre roues. La cage d’un 
wagon-salon est ordi- 
nairement fixée sur 
deux trucks indépendants l’un de l’autre : cette dis- 
position a pour but de permettre à toutes les roues 
d’une voiture très longue d’épouser le mieux possible 
la forme de la voie, 

C'est ce système qui vient d'être appliqué, en raison 
de la grande longueur que leur impose leur matériel, 
aux nouvelles locomotives que nous décrivons. Cha- 
cune comprend deux trucks ayant deux axes et quatre 
roues motrices (fig. 1 et 2), A chaque axe corres- 
pond un moteur de 300 chevaux supporté par le chàs- 
sis du truck au moyen d’un ressort à boudin. L’ar- 
mature du moteur est montée sur un arbre creux, à 
l'intérieur duquel passe l'axe correspondant, La liaison 
entre ces deux pièces est faite au moyen d'un accou- 
plement élastique particulier permettant de donner au 
moteur des mouvements dans n'importe quel sens. La 
locomotive peut ainsi être employée indifféremment à 
tirer ou à pousser. Elle est munie d’un frein et d'un 
sifflet fonctionnant par l'air comprimé au moyen d’un 
petit moteur électrique auxiliaire. L'abri du mécanicien 
est percé de fenêtres de tous les côtés, de manière que 
la vue ne soit obstruée dans aucune direction. Dans cet 
abri sont placés tous les instruments de contrôle et de 
commande nécessaires à la protection et à la conduite 
de la machine. 


Les figures 1 et 2 montrent de deux côtés différents 


V'ig. 4. — Truck des nouvelles locomolives électriques de la Baltimore 
and Ohio Railroad Company. Vue d'une extrémité. 


= 
19 
Ce, 


HAS ACTUALITÉS 
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ES LOCOMOTIVES ÉLECTRIQUES DU BALTIMORE AND OHIO RAILROAD. — TROUBLES CAUSÉS SUR DES LIGNES TÉLÉPHONIQUES 
PAR UNE DISTRIBUTION A COURANTS ALTERNATIFS. — COMMUNICATIONS TÉLÉPHONIQUES ENTRE LES TRAINS ET LES STATIONS 


un truck isolé, La locomotive complète pèse environ 
100 tonnes et est capable de développer 1.200 chevaux. 
Elle recoit le courant d’un câble extérieur au moyen 
d'un trolley, La vitesse maximum qu'il est possible 
d'obtenir est de 90 kilomètres à l'heure. La vitesse 
moyenne des trains sera de 55 kilomètres environ, 
égale, par conséquent, à celle que donnentles locomo- 
tives à vapeur. Les essais préliminaires, faits il y a 
quelque temps, ont été des plus satisfaisants, et le 
nouveau service commencera très prochainement à fonc- 
tionner !, 

Nous signalons cet exemple avec plaisir. La traction 
électrique à trolleys n’a, dans les souterrains, aucun | 
des inconvénients qui la font quelquefois rejeter pour 
les voies situées au ni- 
veau du sol. Elle a, 
d'autre part, sur la 
traction à vapeur, l'im- 
mense avantage de ne 
pas vicier et rendre ir- 
respirable l’atmosphè- 
re des tunnels, Puisse 
la démonstration de 
Baltimore marquer un 
progrès dans les appli- 
cations de l'électricité 
et dans la question des 
métropolitains ! 


Certains troubles, qui 
se sont produits à 
Odessa l'été dernier, 
causés par des phé- 
nomènes d'induction, 
nousmontrent decom- 
bien de précautions il 
est nécessaire de s’en- 
tourer, lorsque l’on 
construit des lignes té- 
léphoniques à proximité de circuits parcourus par des 
courants alternatifs ?. 

Les lignes téléphoniques d'Odessa sont aériennes, 
Les dynamos de la station centrale sont de deux types : 
les unes marchent à 40 périodes et à 1.800 volts; les 
autres marchent à 125 périodes et à 2.000 volts. Jusqu'à 
ces derniers temps, l'éclairage du théâtre était fait par 
des machines du premier type, avec une différence de 
potentiel de 60 volts aux bornes du circuit secondaire : 
l'énergie consommée était d'environ 80 kilowatts. On 
pouvait percevoir un peu d'induction sur les lignes 
téléphoniques voisines; mais l'effet produit était insi- 
anifiant et incapable de troubler les communications 
en quoi que ce soit. Il n’en fut plus de même lorsqu'on 
brancha le circuit du théâtre sur le réseau alimenté 
par les machines à 125 périodes, 

On pensa d’abord que l'induction était due aux 
càbles primaires; mais les lignes les plus influencées 
les coupaient à angle droit, la distance au point de 
croisement étant d'environ 7 mètres. On fit l'expérience 
suivante : le réseau à basse tension, alimentant le 
théâtre, fut remplacé par des rhéostats à liquide, aux 
bornes des transformateurs, quifonctionnèrent dans ces 


1 D'après The Electrical World, n° du 5 


janvier 1895, 
2 The Electrician, n° du 28 décembre 4894. 


130 


conditions. H fut alors impossible de déceler le moindre 
courant induit. 

L'examen des cireuits secondaires montra qu’un 
grand nombre d’entre eux formaient ce qu'on appelle la 
distribution en boucle, Ce système alavantage d'assurer 
un voltage plus uniforme aux bornes des lampes, mais 
présente l'inconvénient, quand il s'agit de courants 
alternatifs, que les deux câbles voisins sont parcourus 
par des courants de même sens, de manière que le 
réseau complet forme une sorte de bobine gigantesque. 
On explora le champ magnétique produit par cette 
bobine au moyen d’une couronne de 100 mètres de fil 
isolé, qui était enroulé sur une circonférence d'environ 
1%,20 de diamètre et dont les extrémités aboutissaient 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


câbles primaires, les coupait alors à angle droit. On 
supposa que ceux-ci étaient en communication d’une 
manière quelconque avec les fils de ligne; mais un 
examen attentif qu'on leur fit subir montra que l’un 
d’eux, par négligence, avait été laissé détaché. L’induc- 
tion cessa aussitôt que la connexion fut faite. L'isole- 
ment des lignes était parfait; l'effet était purement 
électrostatique. A la suite de cette observation, on fit 
des expériences destinées à reproduire franchement 
ces mêmes effets; on altacha à l’un des pôles de la 
dynamo un circuit se dirigeant d’un certain côté de la 
ville ; à l’autre pôle, un circuit se dirigeant dans le sens 
opposé. Toute communication téléphonique fut impos- 
sible. L'induction, très faible quand un seul circuit 


à un récepteur téléphonique, En promenant celte cou- 
ronne à travers le théâtre et en lui donnant en chaque 
point diverses inclinaisons, on put y déterminer la 
direction des lignes de force avec une rigueur suffi- 
sante, L'induclion était particulièrement sensible près 
du sol et à côté du foit, Ce toit, construit en fer, con- 
centrail les lignes de force et semblait agir à la facon 
des pièces polaires des champs magnétiques. 

Dans un autre théâtre, où le système en bouele avait 
élé appliqué, des troubles identiques se produisirent, 
Aucun doule ne put.donce subsister. 

La même ville d'Odessa à fourni un exemple remar- 
quable d’induction électrostatique. Des troubles se 
manifestèrent brusquement dans un quartier épargné 
jusque-là. On venait d'installer une nouvelle ligne pri- 
maire, courant parallèlement aux lignes téléphoniques 
sur une distance d'environ 350 mètres. câbles 
primaires élaient placés sur des poteaux en bois à 
7 mèlres du sol; les fils téléphoniques, également sur 
des poleaux en bois, élaient à {1 mètres du sol, et de 
l'autre côté de la rue, large d’au moins 20 mètres. Il 
n'y avail en cet endroit aucun branchement de trans- 
lormaleur. L'effet fut d'abord signalé sur une ligne 
téléphonique qui, parallèle pendant 30 mètres aux 


Les 


2. — Truck des nouvelles locomotives électriques de la Baltimore and Ohio Railroad Company. Vue du profit. 


était attaché, devenait très forte quand on atfachait le 
second. Les longueurs des doubles lignes de ces cir- 
cuits étaient, l’une, de 8 kilomètres; l’autre, de 5 kilo- 
mètres. Leur isolement, y compris les transformateurs, 
était d'environ 300.000 ohms. Les ampèremètres les 
plus sensibles ne décelaient pas le moindre courant. 


Un correspondant du New South Wales Railway Bud- 
get signale un exemple de communications télépho- 
niques établies entre les trains et les diverses stations 
du Wellington and Manawater Railway. Le procédé 
employé est d’ailleurs des plus simples. Un fil télépho- 
nique court tout du long de la ligne et communique 
avec un poste à chaque station. Dans le fourgon du 
conducteur a été également établi un poste auquel est 
allachée une bobine de fil terminée à son autre extré- 
milé par une agrafe en fer, Supposons qu'un (rain 
soit forcé de s'arrêter entre deux stations : le conduc- 
teur accroche son agrafe au fil téléphonique et sonne; 
les roues et les rails servent de retour, Son appel est 
entendu à toutes les stations qui peuvent alors y répondre 
et communiquer avec Jui, 

A. GAY, 


Ancien Elève de l'Ecole Polytechnique 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


1317 


BIBLIOGRAPHIE 


1° Sciences mathématiques. 


Tannery (Jules), Sous-Directeur des Etudes scienti- 
fiques à l'Ecole Normale Supérieure, — Introduction 
à l'Etude de la Théorie des Nombres et de l'Al- 
gèbre Supérieure. — Conférences faites à l'Ecole Nor- 
male, rédigées et complétées par MM. E. Borel et 
J. Drack,— 1! vol. in-8° de 350 p. (Prix : 10 fr.). 

“Nony et Cie, éditeurs. Paris, 1895. 

La première partie de cetouvrage (Théorie des nombres), 
rédigée par M. Borel, traite d'abord des congruences 
numériques : a = b (mod. »#) qui expriment que les en- 
tiers a et b différent d’un multiple de l’entier m, puis 
de la résolution des congruences algébriques, pour 
lesquelles on peut édifier une théorie analogue à celle 
des équations entières à une inconnue ; pour attribuer 
des racines à toutes ces congruerces, on est conduit à 
introduire des symboles, dits imaginaires de Galois, dé- 
finis par la condition de satisfaire à certaines d’eñtre 
elles : cette introduction est faite du point de vue où 
s’est placé Kronecker. L’ouvrage se poursuit par une 
étude élémentaire des congruences binômes et de 
la théorie des indices, étendue aux imaginaires de Ga- 
lois, puis par celle de la congruence du second degré 
qu'on ramène à la congruence binôme x? — D suivant un 
module premier p ; quand un entier x vérifie cette con- 
gruence, l’entier D est dit résidu quadratique du nombre 
premier p : d'où la détermina'ion de l’un des nombres 
p ou D, connaissant l’autre ; en particulier, quand D 
est donné, on a le difficile problème résolu par Le- 
gendre, à l’aide de la loi dite de réciprocité, et qui établit 
une distinction essentielle entre les nombres premiers 
des formes 4n + 1 et ën + 3; cette distinction se re- 
trouve au chapitre suivant, qui traite de la représenta- 
tion des entiers par des formes quadratiques, et, en 
particulier, par des sommes de carrés : la propriété, 
exclusive parmi les nombres premiers, de ceux qui ont 
la forme 4#n + 1 d’être une somme de deux carrés, 
conduit à ne plus les regarder comme premiers dans 
l’ensemble des entiers lant réels qu'imaginaires, tels 
que Gauss les a considérés. 

La seconde partie (Algébre supérieure), rédigée par 
M. Drack, est dominée par l’idée de mettre en évidence 
l'introduction logique des symboles algébriques, comme 
extension du groupe formé par les entiers positifs, re- 
lativement à leurs modes de composition additif et 
multiplicatif; d'où l'apparition des entiers négatifs, 
puis de tous les nombres.rationnels, et enfin des 
nombres a'gébriques, comme racines d’une équation 
entière à coefficients entiers, wréductible à d’autres 
équations à coefficients entiers et de degré moindre; si 
l'équation est de degré n, n symboles apparaissent 
ainsi à la fois, qu'on peut déterminer par les relations 
symétriques élémentaires entre les coefficients et les 
racines ; on est ainsi amené à considérer plus généra- 
lement n symboles introduits simultanément par un 
système d'équations, et l’on élablit que leur calcul re- 
vient à un calcul de polynômes suivant un module R (x) 
(c'est-à-dire effectué à des multiples près de R), R dé- 
signantun polynôme à coefficients entiers qu'on nomme 
le résolvant du système simultané; ces considérations 
permettent d'établir la possibilité logique de l’intro- 
duction des nombres algébriques, telle qu'elle a été 
faite, et amènent à l'étude des relations qui existent 
entre les fonctions rationnelles de n indéterminées : 
cette étude entraine celle des groupes de substitutions, 
dont la théorie est appliquée aux équations résolubles 
algébriquement, et à la démonstration du célèbre théo- 
rème d’Abel sur l'impossibilité de résoudre ainsi l’é- 


ANALYSES ET INDEX 


quation générale de degré supérieur au quatrième, 
L'ouvrage se termine par des applications aux équa- 
tions dites normales et abéliennes et des notes complé- 
mentaires. 

Dans la préface, M. Tannery insiste sur la grande 
part de ses deux collaborateurs à l’œuvre commune : à 
leur tour, MM. Borel et Drack s'associeront à nous pour 
reconnaître ce qui revient à leur éminent maître des 
qualités de clarté, d'élégance et de méthode, qu'on 
trouve dans ce remarquable ouvrage. 

M. LELIEUVRE. 
Painlevé (Paul), — Mémoire sur la Transformation 
des Equations de la Dynamique. — (Journal de 

Mathématiques, 1894), 92 pages. Gauthier-Villars et 

fils, éditeurs, Paris, 189%. 


On ne saurait prétendre, dans une notice de quelques 
lignes, faire un compte rendu circonstancié de 92 pages 
remplies de calculs et de raisonnements serrés. Expli- 
quons seulement en peu de mofs de quoi il est ques- 
tions dans le Mémoire de M. Painlevé. 

Soit S un système matériel dont la position est défi- 
nie par R variables g. Les forces ne dépendent ni du 
temps, ni des vitesses, mais seulement de la position 
de S. La force vive ne dépend que de la position de S et 
des vitesses, mais non du temps. On oblientalors les q 
en fonction du temps, c’est-à-dire le mouvement du sys- 
tème S, par l'intégration d’un système (A) d'équations 
différentielles dit « système de Lagrange ». 

Rien n'empêche d'imaginer un point $ ayant, dans 
un espace E à R dimensions, les q pour coordonnées. 
Alors s parcourt dans cet espace une mulplicité à une 
dimension ou courbe trajectoire g. Le mouvement de 
S est connu dès que l’on connait la nature géométrique 
de g ainsi que la loi du déplacement de s sur g. 

M. Painlevé cherche les systèmes de Lagrange « cor- 
respondants » de (A), c’est-à-dire tels que la courbe y 
soit la même que pour (A}, la loi du déplacement de 
s sur g pouvant changer. Cette propriété doit, dans une 
certaine mesure, resler inaltérée par un changement 
de coordonnées effectué dans l’espace E. F 

On obtient d’abord une intinité de systèmes corres- 
pondants en changeant l'unité de temps. La nouvelle 
unité peut être imaginaire, ce qui permet d'interpréter 
en dynamique le femps imaginaire. Il y à aussi une 
infinité de correspondants, signalés par M. Darboux, 
lorsque les forces du système (A) proviennent d’un 
potentiel. En dehors de ces correspondants ordinaires, il 
n'en existe pas d’autres, à moins de sujétions spéciales 
à imposer au système (A). 

M. Painlevé étudie ces sujétions, Ure conséquence 
intéressante est celle-ci : une certaine fonction qua- 
dratique des vitesses (analogue à la force vive, mais 
distincte) doit, à chaque instant du mouvement, dépen- 
dre seulement de la position du système matériel et 
uon du temps. 

Quand il s'agit d’un savant comme M. Painlevé, les 
épithètes louangeuses ne sont plus de mise. Bornons- 
nous à signaler la grande importance que me parais- 
sent avoir pour les progrès de la Mécanique rationnelle 
le Mémoire présent ainsi que les travaux antérieurs de 
MM. Darboux, Appell, Goursat... dont M. Painlevé 
réclame souvent. Tout cela consiste, en effet, à étudier 
les solutions des problèmes de Dynamique en elles- 
mêmes, indépendamment du procédé de résolution. 
C’est le premier pas vers une théorie des Invariantis eu 
Mécanique. On sait combien cette notion d'invariance 
a déjà transformé l'Analyse et la Géométrie. 

LÉON AUTONNE, 


se 


132 


2° Sciences physiques. 


Maréchal (H.), Ingénieur des Ponts et Chaussées et du 

Service municipal de la Ville de Paris. — L'Eclairage 

à Paris. Etude technique des divers modes d'éclairage 

employés à Paris. — 1 vol. gr. in-8° de 500 pages avec 

241 fig. dans le lexte. (Prix, retié : 20 fr.). Baudry 

et Cie, Rue des Saints-Pères, 15. Paris, 1895, 

L'éclairage public et privé d’une grande ville pré- 
sente, parmi tous les problèmes de l’industrie moderne, 
un haut degré d'intérêt. La variété des procédés mis en 
œuvre, la multitude des questions scientifiques, écono- 
miques, sociales même, soulevées par ce problème, 
l'intérêt immédiat que chaque habitant, à quelque 
classe qu'il appartienne, doit attacher à tout progrès 
réalisé dans cette voie, tout cela contribue à donner un 
caractère attrayant à une étude au premier abord un 
peu aride, et justifie la nécessité de l'important travail 
d'ensemble que M. Henri Maréchal nous présente au- 
jourd'hui sur l'éclairage de la Ville de Paris. 

L’éclairage artiliciel, sous un climat tempéré où, 
comme dans le nôtre, la longueur des nuits hibernales 
dépasse de beaucoup le temps nécessaire au sommeil, 
est un des besoins les plus impérieux de l’homme 
civilisé; et l'abondance de cet éclairage constitue, on 
peut le dire, le premier etle plus justifié des luxes qu'il 
puisse se permettre, À ce point de vue, nous ne 
pouvons omettre de signaler, en passant, les véritables 
bienfaits que la lumière électrique a dès maintenant 
répandus, en procurant à tous nos plus petits villages 
des régions montagneuses un éclairage abondant et 
économique. Il faut penser à cela, considérer en même 
temps les grandes artères de nos villes si brillamment 
éclairées, pénétrer aussi dans nos intérieurs où la veil- 
lée se prolonge souvent fort avant dans la nuit pour 
comprendre les merveilleux progrès qui ont été réali- 
sés dans cette branche de l’industtie, Et si, à côté de 
ce tableau tout moderne, on essaie de se représenter 
l'obscurité traversée seulement par quelque mince 
filet de Jumière tombant d'une lampe fumeuse ou 
d’une mauvaise chandelle dans laquelle, il y a deux 
cents ans seulement, vivaient nos pères, on est frappé 
du contraste saisissant qui existe entre ces deux 
époques relativement si rapprochées l’une de l’autre. 
C'est ce contraste qui évidemment a inspiré à l’auteur 
le premier chapitre de son ouvrage où il retrace à 
grandes lignes le très curieux historique de l'éclairage 
publie à Paris, depuis la mémorable chandelle que 
Philippe V fit installer en 1318 à la porte du Châtelet, 
jusqu'aux derniers développements du gaz et de l'élec- 
tricilé. 5 

C’est aujourd'hui entre ces deux agents que se par- 
tage l'éclairage de Paris; aussi, à part un court cha- 
pitre consacré aux « éclairages divers », ce sont eux 
qui forment les deux grandes divisions de l’ouvrage. 

Les chapitres IT, IT et IV sont consacrés à la produc- 
tion, à la distribution et à l'utilisation du gaz. 

Le principe de la fabrication du gaz est bien connu; 
les détails le sont moins, et la description précise 
qu’en donne l’auteur sera précieuse à consulter pour 
les spécialistes; un des points à signaler est lPemploi 
des fours à récupération dans la distillation de la 
houille; les lecteurs de la Revue n'ont pas oublié l’in- 
téressant article que M. Damour à récemment consacré 
à ce sujet !. 

La distribution du gaz est, en théorie, très simple : 
une série de conduites se ramifiant à partir de l'usine 
amène le gaz jusqu'au lieu d'utilisation sous une pres- 
sion qu'on ne s'attache pas à rendre constante et qui, 
en tous cas, est toujours supérieure à la pression mi- 
nima de 20%® prévue par le Cahier des Charges : le 
robinet est, chez le consommateur, le seul organe de 
régulation, Toute difficulté de principe étant ainsi 
écartée, l'auteur se consacre uniquement aux détails 
techniques de Ja distribution (pose des tuyaux, raccor- 


a 


1 Voir la Revue du 30 juin 1894. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


dements, branchements, etc.). Gette latitude laissée 
aux producteurs de gaz de ne pas chercher à régula- 
riser la pression chez leurs abonnés est la véritable. 
cause qui rend en principe la distribution du gaz 
beaucoup plus simple que celle de l'électricité : il est. 
pourtant curieux de constater quelques points d’ana- 


logie entre les deux systèmes; c'est ainsi que l’auteur … 
signale l'existence à Paris de grosses conduites, tout à » 


fait analogues aux feeders des compagnies d'électricité, » 
allant, directement et sans faire de service en route, de- 


puis l'usine jusqu’au centre de l’agglomération qu’elles n 


doivent desservir ; c'est ainsi également que les ré-. 


seaux des divers usines à gaz communiquent tous entre 


eux, de sorte que l'éclairage d’un point est toujours. 
assuré, même si une usine vient à manquer. Des chiffres, « 


très intéressants au point de vue statistique et écono- 
& 


mique, sur le prix de revient du gaz produit et du 
distribue, complètent ces renseignements. 

Le chapitre relatif à l’utilisation du gaz est surtout … 
intéressant par la description des procédés 
fectionnés et modernes d'éclairage au gaz (becs à récu- 
pération, becs Auer, etc.). On y verra combien l’an- 
tique papillon était imparfait et utilisait mal le gaz 
dépensé. Il est complété par la reproduction 
instructions de Dumas et Regnault pour la vérification 
du gaz et par des tableaux contenant la durée de 
l’éclairage à Paris aux diverses époques de l’année, 

Deux causes contribuent à rendre les distributions 
électriques plus compliquées que les distributions du 
gaz : la première que nous avons signalée plus haut, 
provient de la nécessité qu'il y a à fournir le courant 
aux consommateurs sous une pression constante; la 
deuxième, des efforts qui sont faits en vue d’écono- 
miser le plus possible le cuivre immobilisé dans les 


gaz 


canalisations. De là une variété très grande de sys- « 


tèmes, sinon dans les machines, au moins dans le 
mode d'emploi de ces machines. Tandis que toutes 
les usines à gaz sont semblables, ou à peu près, et. 
mettent simplement en commun le gaz produit dans 
une canalisation qui couvre tout Paris, les usines élec- 


triques, elles, sont toutes très différentes, et ne des- … 


servent chacune qu'une portion de la ville, un secteur, 
partant en général de la Seine pour aboutir aux forti- 
fications, Ces secteurs (non compris le réseau muni- 
cipal des Halles) sont au nombre de cinq sur la rive 
droite; la rive gauche, qui constituera un seul secteur 
de grande étendue, est encore à peine desservie. Les 
chapitres VI et VII sont consacrés à la description des 
grandes stations centrales et des sous-stations de cha- 
cun de ces secteurs : leur forme etleurétendue ont, pour 
ainsi dire, imposé les systèmes de distribution adoptés, 
et il suffit de jeter les yeux sur un plan des secteurs 
électriques de Paris pour reconnaitre que les deux sec- 
teurs extrèmes (s. des Champs Elysées, s. de la C!° Pa-. 
risienne de l'air comprimé) doivent être alimentésà 
haute tension. Cette description complète et met au 
courant l'étude que Frank Géraldy avait consacrée à ce. 
sujet, il y a quelques années, dans la Lumière Electrique. 
Toutes lesstations centrales, quel qu’en soit le système, 
comportent un certain nombre d'éléments communs 
(chaudières, machines à vapeur, dynamos, etc.). On 
trouvera, aucommencementdu chapitre VI, un substan- 
tiel résumé de ce que la pratique a appris de plus gé- 
néral à ce sujet. 

Les chapitres VIT et IX sont consacrés à l'étude des. 


per- 


es 


canalisations, le chapitre X à la distribution et à la 
vente de l'énergie électrique; enfiu dans le chapitre XL 


on trouvera des détails sur les différents modes d’é- 
clairage électrique, ainsi que sur les installations 
particulières, encore nombreuses, indépendantes des 
secteurs et produisant elles-mêmes l’énergie électrique 


dont elles ont besoin (gares, théâtres, grands maga- 


sins, elc.). #. ï 
Le problème de l'éclairage publie d'une grande ville 
revient en définitive à ceci :produire, en chaque point 
d'une chaussée supposée horizontale, un éclairement 
ne descendant pas au-dessous d’un minimum déter- 


x - 


” © 


miné, Quelle est cette limite ? Jusqu'ici on n'avait guère 
de données à cet égard, et c'était un peu empiriquement 
que l’on disposait les foyers destinés à produire cet 
éclairement : d’ailleurs, c’était là la meilleure marche 
à suivre, eten pareille matière on ne peut songer à 
une solution à priori du problème. Aujourd'hui que la 
pratique a amené dans les grandes villes des résultats 
déjà très satisfaisants, il est bon d'en faire pour ainsi 
dire la synthèse et d'en tirer, pour l'avenir, tous les 
enseignements possibles, À ce point de vue, le dernier 
chapitre de l'ouvrage contient des renseignements fort 
utiles sur l’éclairement des diverses rues de Paris; il 
complète ainsi par des données pratiques nombreuses 
et récentes le chapitre correspondant de l'ouvrage au- 
jourd’hui classique de M. A. Palaz, intitulé Photometrie 
industrielle. 

Tels sont, rapidement résumés, les points techniques 
que l’auteur à examinés, à propos de l'éclairage de 
Paris. A côté de cette partie technique, une partie im- 
portante de l'ouvrage est consacrée au côté économique 
et juridique du sujet, et l'on y trouvera tous les 
règlements, cahiers des charges, modèles de soumis- 
sion, etc., soit en ce qui concerne le gaz, soit en ce 
qui concerne l'électricité. 

Il semble done qu'on ne pouvait traiter d'une ma- 
nière plus complète un sujet aussi étendu ; aussi l’ou- 
vrage de M. H. Maréchal restera un document essentiel 
que devra consulter quiconque s'intéresse à l'éclairage 
d’une grande ville. 

P. JANET. 


3° Sciences naturelles. 


Broilliard (Ch.), Ancien Professeur à l'Ecole Fores- 
tière. — Le Traitement des Bois en France.— Esti- 
malion, partage et usufruit des foréts. — Nouvelle édition, 
1 vol. in-8° de 700 pages. (Prix : 7 fr. 50). Berger-Le- 
vrault et Cie, éditeurs. Paris et Nancy, 1894. 

La nouvelle édition de ce volume est, dit l’auteur dans 
sa préface, mieux qu'un livre nouveau, c'est un livre 
renouvelé et forlilié; il en reste cependant un ou- 
vrage pralique, que liront aisément et avec grand 
prolit, tous les propriétaires de forêts. 

Ils y trouveront d’abord des renseignements très 
précis sur le cubage et l'estimation des bois, et les di- 
vers modes de vente. Un chapitre important est con- 
sacré à l'étude des différents régimes. M. Broilliard, 
grand partisan de la méthode d'observation, décrit, 
sans parti pris et d’après leur importance économique, 
tous les modes de traitement des bois, mème les 
plus modestes, taillis simples, taillis furetés, pineraies 
du Midi ou de Champagne, oseraies même. 

La mise en valeur par le reboisement, des terrains 
incultes ou abandonnés, intéresse tous les déten- 
teurs du sol. Enfin, des deux dernières parties de l’ou- 
vrage, l’une est consacrée à l'examen de la structure 
des bois, de leurs propriétés et de leurs usages; l’autre, 
accompagnée de nombreux tableaux, traite, d’une facon 
très claire, les questions délicates de l’estimation des 
forèts, de partage et d’usufruit, 

RARPENR 

Ellenberger (D' W.), Professeur, et B&aum (D° H.), 
Prosecteur à l'Ecole vétérinaire supérieure de Dresde. — 
Anatomie descriptive et topographique du Chien. 
Traduit de l'allemand par M. J. Denirer, Docteur ès 
Seiences. — 1 vol. gr. in 8 de 666 p. avec 208 fig. dans 
le texte et 31 planches lithographiées. (Prix : vartonné, 
35 fr.) C. Reinwald et Cie, éditeurs, Paris, 1895. 
Jusqu'à ce jour, il n’existait aucun travail d’ensemble 

sur l'anatomie du chien. Or on comprend de quelle 

utilté peut ètre une pareille monographie pour le 
vétérinaire et l’éleveur d'une part, et, d’un autre côté, 
pour le zoologiste, le physiologiste et le biologiste. En 
effet, si le chien est un de nos animaux domestiques 

— le plus aimé de tous, — il est en même temps un 

des sujets auxquels on a constamment recours dans 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


133 


les études de Physiologie et de Médecine expérimentale. 
Le livre de MM. Ellenberger et Baum est le fruit de 
plusieurs années d’études. Des centaines de chiens ont 


‘été disséqués par eux, chaque détail anatomique a été 


contrôlé sur plusieurs sujets. On pouvait craindre qu’il 
y eût quelque difficulté à constituer une anatomie du 
chien-type, étant donnée la variété des races canines, 
Mais il n’en est rien : la différence de race n'a aucune 
influence notable sur les variations dans les rapports 
des muscles, des vaisseaux, des nerfs et des vis- 
cères. : 

En revanche, le système osseux présente des varia- 
tions dues aux différences de races. C’est ainsi que cer- 
tains chiens à pattes tordues, par exemple les bassets, 
offrent des déviations du type général dues surtout à 
la torsion des os des membres et se manifestant par 
des changements dans l’orientation des différentes faces 
des os. Mais c’est surtout dans la conformation de la 
tête et la disposition des dents que s’impriment les 
différences de races. On peut, à ce point de vue, dis- 
tinguer deux grands groupes de races canines : 

Les races à tête étroite et allongée, dolichocéphales, 
comprenant le dogue, le chien d'arrêt, le lévrier, le 
chien de cour ou d'attache, le chien de berger, le ca- 
niche, le Saint-Bernard et le Terre-Neuve. Dans toutes 
ces races, la largeur de la tête n’est que des deux tiers 
de sa longueur. Dans les races suivantes, dites brachy- 
céphales, la largeur de la tête atteint les sept huitièmes 
de la longueur : ce sont le carlin, le boule-dogue et 
l’épagneul. Enfin, il y a des races intermédiaires, telles 
que le chien-loup, le griffon et le basset. 

On consultera avec le plus grand intérêt le tableau 
où l’auteur indique, pour les diverses races de chiens, 
le rapport entre la longueur et la largeur de la tête et 
celui entre la longueur de la boîte crànienne et celle 
de la face. Ces variations des rapports du crâne et de 
la face entraînent des modifications de la forme de la 
voûte palatine, des crètes osseuses, etc., qui sont dé- 
crites avec détails. 

L'ouvrage est concu sur le plan ordinaire des livres 
d'anatomie, et les différentes parties qui constituent 
cette science sont trailées avec un luxe de détails que 
lon n’est habitué à rencontrer que dans les traités 
d'anatomie humaine. Le style de l'ouvrage, ainsi que la 
terminologie employée, sont clairs et en facilitent 
beaucoup la lecture. Des tableaux synoptiques très 
complets résument la distribution des artères et des 
nerfs dans les différentes parties du corps du chien. 

L'ouvrage est illustré de nombreuses figures origi- 
nales dans le texte et de 37 planches lithographiques, 
dont un grand nombre en couleurs. Ces dernières, 
accompagnées chacune d’une page de texte explicatif, 
servent à l'étude de la topographie des régions. Elles 
ont été obtenues par des coupes faites sur des cadavres 
de chiens congelés. Quelques-unes ont été faites sur 
des chiennes pleines et indiquent les rapports des 
fœtus avec les viscères. Toutes seront de la plus haute 
utilité tant pour les recherches de laboratoire que pour 
le vétérinaire qui entreprend une opération. 

En résumé, on ne peut que féliciter M. J. Deniker, le 
savant bibliothécaire du Muséum, d’avoir mené à bien 
la tâche ardue de la traduction de cet ouvrage et 
d’avoir ainsi présenté aux lecteurs français une mono- 
graphie qui répond réellement à un besoin de la science 
moderne. 

L'ouvrage est édité avec un soin tout particulier : 
papier et impression ne laissent rien à désirer; les 
figures sont remarquablement bien tirées. Cette édition 
fait honneur à la maison Reinwald, qui ne s'arrête 
devant aucun sacrifice quand il s’agit de publications 
sérieuses et qui sont appelées à rendre service à la 
science pendant de longues périodes, Ce n’est pas là, 
en effet, un de ces ouvrages éphémères qui s’oublient 
aussitôt parus; c’est un véritable livre de fonds, indis- 
pensable à toute bibliothèque scientifique bien orga- 
nisée, 

Dr L. Laroy. 


134 


4° Sciences médicales. 


Reclus (D' Paul), Chirurgien de l'Hôpital de la Pitié, 
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, —- 
Cliniques chirurgicales de la Pitié. —1 vol. grand 
in-8° de 589 pages avec figures dans le texte. (Prix : 
10 francs.) G. Masson, éditeur. Paris, 189%. 

M. Paul Reclus aurait pu donner au troisième vo- 
lume de ses Cliniques le titre de Lecons de thérapeutique 
chirurgicale. Car l'analyse des signes morbides, la dis- 
cussion du diagnostic tiennent en réalité peu de place 
dans ce livre d’ailleurs intéressant, et écrit dans cette 
forme élégante, avec cette érudilion sûre, qui caracté- 
risent l’aimable chirurgien de la Pitié. 

Mais, si M. Paul Reclus a sacrifié à l’esprit de la plu- 
part de ses contemporains, en traitant la séméiologie 
et le diagnostic en quantités négligeables, il s’est du 
moins affranchi de ses tendances en jugeant que tous 
les sujets fournis par les hasards de l'hôpital étaient 
au même degré dignes d'attirer l'attention de ses audi- 
teurs et d’être le but de sesétudes. Cela veut d'autant plus 
être remarqué à un moment où la Clinique parait se 
proposer seulement pour tâche de recueillir des faits 
inédits ou extraordinaires, de dresser des statistiques 
ou d'exposer des recherches de laboratoire, Voilà pour- 
quoi nous sommes disposé à louer sans réserve les 
excellents chapitres que l’auteur a consacrés au Traite- 
ment des grands écrasements, aux Phlegmons du cou, aux 
Abcès de la région ano-rectale, au Cancer de la lanaue, à 
la Cure de l’Hydrocèle vaginale, au Varicocèle, etc. Les 
élèves y trouveront les éléments nécessaires pour 
éclairer leur jugement, et guider leur conduite dans les 
cas les plus ordinaires de leur pratique. 

A côté de ces sujets d'utilité courante, M. Reclus a 
groupé quelques observations curieuses. Lune de 
celles-ci est un cas de Tératome du scrotum observé 
chez un homme de trente et un ans. Malgré l’âge du 
malade, la tumeur, du volume d’une grosse pomme de 
terre, fut facilement séparée du testicule et du cordon, 
sans qu'il fùt possible de trouver « un seul point où un 
pédicule quelconque ait paru exister ». Une autre variété 
de ces inclusions fætales, celle-ci plus rare encore — 
il s’agit d’un kyste ermoïide du raphé périnéal et du sero- 
tum — fait l’objet d’une autre kecon. Relevons encore 
l’histoire complète d’un Cancer de la tête du pancréas, 
traité par l’entérostomie biliaire et pris, même après 
examen direct au cours de l'intervention, pour un 
calcul du canal cholédoque. 

D'autres cliniques sont consacrées à la discussion des 
sujets qui ont le plus passionné en ces derniers temps 
la Société de Chirurgie : valeur comparée de la lapa- 
rotomie et de lhystérectomie dans les suppurations 
pelviennes et traitement des perforations intestinales. 
Sur ces deux questions l’auteur reproduit purement et 
simplement les déclarations qu'il avait faites devant 
ses collègues et que nous connaissions déjà. 

Mais deux chapitres méritent de retenir plus long- 
temps notre attention : l’analgésie cocaïnique et la ma- 
ladie kystique de la mamelle. M. Reclus a repris, en 
effet, dans ce troisième volume l'apologie et la défense 
de la cocaïne. Il a cherché à la laver de toutes les ac- 
cusations dont elle a été l’objet; il va jusqu’à contester 
les cas de mort inscrits au passif de la méthode, ou 
du moins il les explique fort naturellement. Il décrit 
avec soin le manuel opératoire (injection intra-der- 
mique), et pose des règles précises relatives au titre de 
la solution (1 °/,), et aux précautions qui doivent en- 
tourer l’opéré, 

Cet habile plaidoyer n’entraïnera guère, je le crains, 
les convictions hésitantes, Le chirurgien de la Pitié 
parait avoir obtenu le maximum en faisant adopter sa 
méthode par quelques-uns de ses collègues pour les 
interventions de courte durée. Mais je crois que pas un 
de ceux-ci ne se risquerait à faire, comme M. Reclus, 
une laparotomie, une taille hypogastrique ou une am- 
putation avec le seul secours de la cocaïne! Le chloro- 
forme, malgré des dangers que réduit, d’ailleurs, au 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


minimum un emploi prudent, ne paraît pas être prêt. 


à être détrôné en France par un aucun autre anes- 
thésique. 

Quant à la maladie kystique de la mamelle, nous 
ne faisons pas de difficulté pour reconnaitre à M. Reclus 
l'honneur de l'avoir le premier isolée et décrite. La 
description d’Astley Cooper, n’est vraiment pas « su- 
perposable » à celle qu'a donnée M. Reclus dès son 
premier mémoire sur la question. Mais combien il a 
modifié la rigueur de ses principes antérieurs, en vertu 
desquels les mamelles kystiques étaient frappées 
sans pitié : les recherches de Quénu, de Rochard, de 
Toupet et de Delbet l’inclinent aujourd'hui à regar- 
der comme d’origine purement inflammatoire cette 
affection, qu'il avait crue au début de nature épithé- 
liale. 

Quand nous aurons signalé une étude fort docu- 
mentée de l’Ainhum — que l’auteur, gagné à des idées 
nouvelles, sépare maintenant nettement des amputa- 
tions congénitales des orteils — et la très intéressante 
lecon sur les applications de l’eau chaude en Chirurgie, 
nous aurons donné à peu près la substance de ce livre, 
où l’on retrouve les habituelles qualités, solides et 
brillantes, du maître qu'est M. Paul Reclus. 

D' Gabriel MAURANGE. 


Aubeau (D'), — Applications de la Micrographie 
et de la Bactériologie à la précision du Diagnostic 
chirurgical. — 1 vol. gr. in-8° de 40 pages avec 
24 figures hors texte en photogravure. (Prix: 5 francs.) 
Société d'éditions scientifiques. Paris, 1895. 


L'idée d'appliquer la micrographie et la bactériologie 
au perfectionnement du diagnostic chirurgical mérite 
évidemment toute approbation. Mais, s’il faut féliciter 
M. le D' Aubeau de l'avoir eue, on doit regretter la 
facon dont il a essayé de la réaliser. Toute personne 
tant soit peu initiée à la bactériologie, qui ouvrira son 
livre, demeurera stupéfaite des commentaires qui 
accompagnent ses photogrammes. Exemples : une 
préparation de globules du sang humain déformés est 
l’objet de cette désignation : « Globules rouges à noyaux 
(dans l’empoisonnement par le chlorate de potasse). » 
Or, de noyaux, nulle trace ; l’auteur a sans doute pris 
pour de tels organites deux simples taches, bien visibles 
sur la photographie. La planche suivante, intitulée : 
« Cristaux d’'Hématoidine dans le sang », montre tout ce 
qu'on voudra, excepté des cristaux. Etc., etc. 

La tentative de M. Aubeau demande à être reprise 
avec toutes les ressources dont disposent aujourd’hui 
l’anatomie pathologique et la bactériologie. F0 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie. Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, —paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en couleurs. 
509, 510° et 511: livraisons. (Prix de chaque livrai- 
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, 
Paris, 1895. 

On trouvera dans les 509°, 5108 et 511° livraisons la 
biographie du grand philosophe allemand Kant et lex- 
posé de ses doctrines, par M. E. Boutroux; celle du 
général Kellermann, par M. Ch. Grandjean; celle du 
célèbre astronome Képler, par M. L. Sagnet; celle des 
rois de Perse qui ont porté le nom de Khosroës, par 
M. E. Drouin; celle du grand empereur Khang-Hi, le 
Louis XIV de la Chine, par M. E, Chavannes. A signaler 
ensuite un article de M. Trouessart sur le Kangourou, 
illustré de dessins; une étude sur le massif monta- 
gneux des Karpathes, la description des îles Kerguélen, 
possession francaise de l'Océan Indien, par M. Ch. De- 
lavaud ; un article historique de M. P, Ravaisse sur les 
Khalifats arabes et les différents princes qui s’y sont 
succédé ; enfin, une étude géographique et historique 
sur le Khanat de Kiva. 


Es 


RES 


PRIME ETC 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 5 


Fe. = ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


: 5 DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


“ ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
< 2 Séance du 14 Janvier 1895. 


_ M. Hautefeuille est élu membre de l’Académie, 
Section de Minéralogie, en remplacement de M. Mal- 
lard. — La Kœnigliche Gesellschaft der Wissens- 
chaften de Gôttingue invite l’Académie à envoyer des 
délégués à Innsbrück pour la recherche des rapports 
entre les variations de la pesanteur et la constitution 
de l'écorce terrestre. — M. le Ministre des Affaires 
étrangères adresse la traduction d’une étude de M.Lo- 
renzo Sundt sur le lac Titicaca. — MM. von Richthofen 
ét Matheron, nommés correspondants pour la Section 
de Minéralogie, adressent leurs remerciements. — 
MM. J. Coniel, Meslans, Sappin-Trouffy, adressent 
leurs remerciements pour les distinctions accordées à 
leurs travaux. — MM. H. Baïllon et Ed. Bureau prient 
l'Académie de les comprendre parmi les candidats à 
la place vacante dans la Section de Botanique. — 
M. J. Carpentier prie l’Académie de le comprendre 
parmi les candidats à la place d’académicien libre, 
laissée vacante par la mort de M. de Lesseps. 
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. J. Janssen présente 
à l’Académie l'Annuaire du bureau des longitudes. — 
M. Poincaré adresse un procédé de vérification appli- 
cable au calcul des séries de la mécanique céleste. — 
M. Raoul Bricard présente un appareil qui résout le 
problème de la transformation du mouvement circu- 
laire en mouvement rectiligne au moyen de cinq tiges 
articulées, et indique une proposition qui permet d’ob- 
tenir un nombre infini de solutions du problème au 
moyen de systèmes articulés. — M. Jules Drach in- 
dique comment on peut étendre la méthode de Gallois 
- à des systèmes différentiels très généraux et obtenir, à 
aide de résultats dus à M. Lie, tous les types distincts 
de transcendantes nécessaires pour les intégrer. — 
M.E. Vessiot montre que la détermination des équa- 
tions finies d’un groupe continu fini, dont on connait 
les transformations infinitésimales, se ramène à l’inté- 
gration d'une équation de Lie : 


L'éns r 


dfir; 


dd T 
ét: F1 


6e (4) Xk f 0, 


pour laquelle on connaît les équations finies du groupe 
correspondant, au moins toutes les fois que le groupe 
considéré est transitif. Cette proposition entraine la 
conséquence suivante : l'intégration de toute équation 
de Lie, dont le groupe correspondant est transitif, 
dépend uniquement de l'intégration d'équations li- 
néaires auxiliaires, — M. G. Koch adresse un mémoire, 
écrit en allemand, sur le vol des oiseaux. 

29 Sarences PysiQuEes. — M. Vaschy calcule quel est 
le flux d'énergie qui entre par chaque élément dS de 
la surface S, dans le volume V d’un cireuitconducteur 

. maintenu dans un champ électrique stable, c’est-à-dire 
parcouru par un courant permanent; ce flux est per- 
pendiculare aux vecteurs Let h' considérés par l’auteur 
et égal au quotient par4r de l'aire du parallélogramme 
construit sur ces vecteurs comme côtés. — M. Joseph 
de Kowalski a réalisé plusieurs dispositifs nouveaux 
pour la production des rayons cathodiques; ses expé- 
riences démontrent que ces rayons jouissent des pro- 
priétés suivantes : 4° leur production n'est pas due 
à la décharge des électrodes métalliques à travers le 
gaz raréfié; 2° ils se produisent partout où la lueur 


nommée primaire atteint une intensité assez considé- 
rable, autrement dit, partout où la densité des lignes 
du courant est assez considérable; 3° la direction de 
leur propagation est celle des lignes du courant dans 
la partie où les rayons se produisent, dans le sens du 
pôle négatif au pôle positif. — M. G. Foussereau 
généralise la démonstration de la formule de Fresnel 
relative à l'entrainement des ondes lumineuses par la 
matière pondérable, en supposant l’ébrantement quel- 
conque et sans admettre que la direction de propasa- 
tion coïncide avec celle du mouvement d'entrainement. 
— M, E. Carvallo démontre le principe d'Huygens 
dans les corps isotropes, en supprimant certaines 
hypothèses qui le rendent applicable, dans toute sa 
généralité, au type d’équation auquel conduit l'étude 
de la dispersion et de la double réfraction, — M. Raoul 
Pictet a effectué des recherches expérimentales sur le 
point critique des liquides tenant en solution des 
corps solides. Quand le liquide s'évanouit au-dessus 
de la température critique, on ne constate aucun dépôt 
solide dans le tube de verre qui reste transparent; la 
variation de température critique est notablement plus 
élevée que celle du point d’ébulition. — M. P.-P. De- 
hérain insiste sur les avantages que présentent les 
cultures dérobées d'automne; elles empêchent les pertes 
considérables de nitrates que subissent à l’automne les 
terres dépouillées de leurs récoltes en supprimant 
l'infiltration, daus les couches profondes, des eaux 
qui ont traversé le sol; en outre, enfouies comme 
engrais vert, elles laissent réapparaitre au printemps 
suivant, sous la forme éminemment assimilable des 
nitrates, l'azote qu’elles se sont assimilé lPautomne 
précédent. L'auteur calcule que l'extension des cultures 
dérobées d'automne serait susceptible de doubler la 
somme des matières fertilisantes distribuées chaque 
année dans le pays. — M. Marsden Manson adresse, 
de San Francisco (Californie), un mémoire intitulé : 
« Les climats terrestres et solaires; leur causes et leurs 
variations, » — M. J. Richard présente un nouvel 
anémomètre à indications électriques multiples et 
orientation automatique, qui est destiné au nouvel 
observatoire érigé à l'ile de Jersey par le R. P. Deche- 
verens, — M. A. Ditte, par une analyse minutieuse 
de l’action de l’eau sur la dissolution de sulfure d’ar- 
gent précipité, est arrivé à obtenir le sulfure cristallisé 
par voie humide ; les petits cristaux obtenus sont gris 
noirs et doués de l’éclat métallique comme ceux de sul- 
fure naturel, — M. Vigouroux a recherché les condi- 
tions les plus favorables à la formation du silicium 
amorphe en réduisant la silice par le magnésium; 
la décomposition se produit exactement, suivant l'é- 
quation : Si0? + 2Mg = Si + 2M40; on ajoute seule- 
ment un quart de magnésie au mélange pour éviter 
une trop grande élévation de température. Le silicium 
obtenu se présente sous la forme d’une matière puru- 
lente, de couleur marron, parfaitement homogène. — 
M. A. Villiers a étudié l’état protomorphique des 
sulfures de zinc et de manganèse, c’est-à-dire l’état sous 
lequel ils existent au moment de leur formation, état 
différent de celui sous lequel nous les connaissons et 
dans lequel ils se transforment souvent immédiatement. 
— M. Oechsner de Coninck fait connaître les réac- 
tions sensibles des hypochlorites, hypobromites et 
hypoïodites alcalins, de l’hypochlorite de calcium et du 
perchlorure de fer en solution aqueuse très étendue 
sur les acides amidobenzoïques., — M. Albert Colson 
a remplacé, dans les nitriles des oxyacides x, l'hydro- 
gène de l'oxhydrile par un radical acide, et obtenu 
des composés tel que l’acétate de cyanal : 


136 


/9(CH#CO) 
CH5—CH 
NCaAz 


que la potasse et l’eau ne dédoublent plus immédiate- 
ment en acide cyanhydrique et qui possède au contraire 
beaucoup de stabilité vis-à-vis des réactifs. — MM. R. 
Cambier et A. Brochet proposent la formule suivante 
pour la constitution de l’hexaméthylènetétramine qui 
se forme dans l’action du gaz ammoniac sec sur le 
trioxyméthylène : 
/ CH?—A7z=—CH? 
Az—CH2—Az—CH? 
\ CH2—Az— CH? 


— M. Louis Henry montre que le produit obtenu par 
MM. Trillat et Cambier dans l’action du trioxyméthy- 
Jène sur le glycot éthylénique n’est pas le dérivé 
méthylénique de ce glycol, comme l’admettent les 
auteurs, mais bien le méthylal éthylénique : 


O—CH? 
CHOMAAE 
O—CH? 
— MM. G. Bertrand et A. Mallèvre montrent que la 
transformation de la pectine en pectate alcalino-terreux, 
sous l'influence de la pectase, n'est réalisable qu’en 
milieu sensiblement neutre, l'action des alcalis sur la 
fermentation pectique étant considérable et cette fer- 
mentation dépendant des proportions relatives de fer- 
ment, de sels de calcium et d'acides libres. La pectase 
existe en dissolution aussi bien dans le suc cellulaire 
des fruits acides que dans celui des racines de carotte ; 
mais l'acidité du milieu masque sa présence, et son 
action n'apparaît qu'après neutralisation. 
C. MATIGNON. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M, Kaufmann a éludié 
l'influence exercée par le système nerveux et la sécré- 
tion pancréalique interne sur l'histolyse et fourni 
aussi quelques faits éclairant le mécanisme de la gly- 
cémie normale et du diabète sucré. — MM. Révil et 
Vivien fournissent une élude du Pléistocène de la 
vallée de Chambéry; à la Boisse, les auteurs ont pu 
relever la série suivante, de haut en bas : #° Glaciaire 
formé de marnes bleuàtres;3° graviers avec lentilles 
de sables ; 2° marne de couleur gris cendré avec débris 
de végétaux ; 1° sables fins fortement lassés, mais non 
cimentés, Toutes ces assises sont d’une horizontalité 
parfaite. — M. Harlé signale des restes d’hyènes 
rayées qualernaires de Bagnères-de-Bigorre-(Hautes- 
Pyrénées). — M. Ch. Depéret a étudié les phospho- 
rites quaternaires de la région d'Uzès. Ces formations 
sont tout à fait analogues aux phosphorites oligo- 
cènes du Quercy, mais elles dätent seulement du début 
du quaternaire. J. MARTIN. 

Séance du 21 Janvier 1895. 

M. Herrgott est élu correspondant pour la Section de 
Médecineet de Chirurgie en remplacement de M, Rollet. 
— MM. Bertrand, Hermite, Tisserand, Berthelot, 
Daubrée, van Tieghem, Marey, sont chargés de pré- 
senter une liste de candidats pour la place d’associé 
étranger laissée vacante par le décès de M. Kummer. 
— MM. L. Guignard et Dangeard prient l’Académie 
de les comprendre parmi les candidats à la place 
vacante dans la Section de Botanique. — M, F. de Ro- 
milly prie l’Académie de le comprendre parmi les 
candidats à la place d'académicien libre laissée va- 
cante par la mort de M, de Lesseps. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. L. Hugo adresse 
une note sur le rôle de la puissance cinquième dans le 
système du monde. — M. F. Tisserand s’est proposé 


de donner l'explication de l’irrégularité systématique, 
constatée par M. Chandler, que présentent les époques 
des minima d'éclat de l'étoile variable 8 de Persée 
(Algol). Le calcul montre que l'existence d'un seul 
satellite obscur, l’ellipticilé de son orbite et un faible 
aplatissement de l'étoile principale & suffisent pour 


ACADÉMIES ET SOCIETÉS SAVANTES 


rendre compte de l'inégalité; l'aplatissement ferait À 
tourner le grand axe de l'orbite d’un mouvement direct 
et uniforme. — M. P. Tacchini donne le résumé des 
observations solaires faites à l’Observatoire royal du 
Collège romain pendant les 2°, 3° et 4e trimestres 1894. 
Le phénomène des taches solaires et celui des protu 
bérances sont en diminution par rapport aux observaës | 
tions précédentes. — M. H. von Koch établit trois | 
lemmes sur la convergence des déterminants d'ordre. 
infini et les applique à la recherche des conditions de 
convergence des fractions continues. — M. E. Vallier 
a reconnu que l'énergie balistique des projectiles Es, 
acier durei (type Holtzer) perforant des plaques en acier. 
24. 


doux, doit être représenté par l'expression : 
E — KR? 4 


où € représente l'épaisseur de la plaque évaluée en. 
millimètres, K une constante spéciale à la plaque, etR. 
la fonction suivante du diamètre a du projectiles: 
AMEN CS LL EL 
Avec les plaques surcémentées superficiellement 
le procédé Harvey, l'expression E doit être multiphiée 
par le facteur : 


À 1,885 — 0.001148. ‘4 
LL 


La vitesse de perforation doit répondre aux deux con | 
ditions suivantes : 1° fournir une énergie suffisant à 
la perforation totale de la plaque etcorrespondant sen 
siblement à l'expression : £ 


À KR?e; à 
à à 
2° fournir une quantité de mouvement assez forte pour | 
que la pointe du projectile ait traversé la couche surcé» y 
mentée avant le bris de l’ogive par cette dernière, =) 
M. Sarrat adresse une suite à son précédent mémoire 
concernant la démonstration du théorème de Fermat, 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Berrubé adresse une 
note sur le plano-aérostat ou ballon dirigeable, = 
M. Charles Henry s'est demandé si les successions 
d'éclats, à des intervalles rythmiques, déterminent une” 
diminution de la sensibilité lumineuse et les succes 
sions à des intervalles non rythmiques une augmenta=" | 
tion, en appelant rythmiques les nombres des formes ! 


On, 9On-L 1, 2m (2n+ 1) (2»+ 1). 


L'auteur conclut de ses expériences qu'il est possible 

d'augmenter la portée lumineuse d’un signal en ordons } 
nant les successions d'éclats suivant une loi non 
rythmique suffisamment complexe. — M. F.-S. de. 
Touchimbert adresse le résultat de ses observations 
sur les variations diurnes de l'aiguille aimantée de” 
déclinaison. — M. A.-F. Noguës signale le tremble” 
ment de terre chilo-argentin du 27 octobre 189%, re | 
marquable par son intensité d'ébranlement, la longue 
durée de la secousse, l'amplitude des oscillations ebn 
l'absence des bruits souterrains, L'auteur, en analy= 
sant les caractères présentés par cette secousse, fait" 
remarquer que la Cordillère des Andes n’a pas opposé” 
une barrière infranchissable à la propagation du 

sisme. — MM. H. Moissan et G. Charpy ont préparé, 
un acier contenant près de 0,6 °/, de bore; ils 

ont reconnu que le bore communique au fer la pro= 

priété de prendre la trempe, mais une trempe spéciale 
correspondant à une élévation de la charge de rupture. 
sans augmentation sensible de la dureté. — M. A. Vil- 

liers continue l'étude des transformalions spontanées 

des sulfures par l'examen de l'influence de la tempé=. 
rature sur la transformation du sulfure de zine, | 
amorphe. Il existe une température de transformation. | 
au dessus de laquelle la modification se produit ins=" | 


tantanément; cette température est variable suivant 
les conditions de formation du sulfure. — M. Délépine. 
montre que la méthode de Kjeldahl est insuffisante 


n 


| 


| 
| 
| 
| 
| 
k 
à 
j 
{ 


a — 


Miel nc a 


ACADÉÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


137 


RETHE + 


pour doser l'azote dans les chloroplatinates, et que les 


} erreurs peuvent atteindre les 2/3 de la teneur en azote. 


— M. Hanriot a combiné l’arabinose et le xylose avec 


le chloral pur en présence d’une trace d’acide chlorhy- 
) drique et obtenu deux 
 CHSCFOS et un xylochloral auxquels il attribue la 


arabinochlorals isomères 


constitution suivante : 


et CCE 
27 | 
£9 CH 
; 0/ \C.OH—CH20H 
# HO.HC CH 
s CH-0 


M:M. Delacre a fait la synthèse de l’anthracène en fai- 
sant agir/le trichloracétate de benzyle sur la benzine en 


| ‘présence du chlorure d'aluminium; il se forme un 


composé éthéré décomposable par la chaleur en anhy- 
dride et anthracène. 20 gr. d'éther benzylique donnent 
9 grammes d’anthracène pur. — MM. Ph.-A. Guye et 
J. Fayollat ont étudié le pouvoir rotatoire des éthers 
tartriques, dérivant du tartrate d’éthyle ou du tartrate 
d'isobutyle par introduction d’un seul radical acide 
dans un des oxhydriles alcooliques. Les auteurs con- 
eluent : 1° les éthers sont caractérisés par des pou- 
voirs rotatoires positifs, algébriquement inférieurs à 
celui du tartrate non substitué; 2° ces pouvoirs rota- 
toires passent par un minimum algébrique atteint 
dans la série isobutylique. — M. Duponchel adresse 
trois mémoires portant pour titres : 1° Application des 
rincipes de la nouvelle théorie atomique aux faits 
ere de la thermochinie; 2° Sur l'interpréta- 
tion à donner à la loi de Gay-Lussac concernant la con- 
densation des atomes gazeux; et 3° Note sur l'interpré- 
tation des formules des combinaisons bialomiques, 
dans l'hypothèse de la nouvelle théorie cosmogonique. 
C. MArTIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier expose la 

morphologie du système lymphatique et traite de l’ori- 


 gine des lymphatiques dans la peau de la grenouille. 


— M. Gruvel a rencontré un acarien parasite du Lam- 
pyris splendidula qui se place entre les Gamasidés et 
les Ptéroptinés. Il propose de lui donner le nom de 
Stylogamasus Lampyridés. — M. B. Renaut a observé 
quelques bactéries du Dinantien (Culm). Ce bacille, le 
plus ancien décrit, rappelle celui de de Barÿ, Bacillus 
megatheriun, mais d’une taille plus grande, d’un plus 
grand nombre d'articles et de spores sphériques. Le 
nouveau bacille, désigné sous le nom de Bacillus voraæ, 
provoque la destruction des tissus de diverses manières. 
— M. Chauveaud a étudié le développement des tubes 
criblés chez les Angiospermes. Dans la vigne, les pre- 
miers tubes ont présenté un développement direct, et, 
d'ailleurs, dans le même faisceau (blé), on peut rencon- 
trer les deux modes de développement, direct et indi- 
rect ; de plus, la présence de cellules compagnes ne 
caractérise pas absolument les tubes criblés des An- 
giospermes. — M. Daïille adresse de nouvelles notes 
concernant l’Uredo viticola. 
J. ManTIN. 


ACADEMIE DE MÉDECINE 
Séance du 22 Janvier 1895 

M. Le Roy de Méricourt présente un rapport sur 
un mémoire du D Mougeot, relatif à l'influence des 
courbes météorologiques sur les épidémies de choléra 
en Cochinchine et leur gravité. — M. Péan a pratiqué, 
avec le concours du D° Fauvel, chez un malade atteint 
d'un carcinome du larynx et du pharynx, l’ablation 
totale du larynx, de la portion supérieure de l’æso- 
phage et de la moitié inférieure du pharynx, puis la 
restauration de ces organes avec un appareil prothé- 
tique construit, sur ses indications, par le D'Michaels. 
Grâce aux nouvelles méthodes imaginées par MM, Péan 
et Fauvel, ces sortes d'opérations sont devenues moins 


meurtrières qu'autrefois, et, en outre, ce qu'aucun 
chirurgien n'avait encore prévu, la restauration, par 
les appareils prothétiques, des parties enlevées, permet 
l'émission des sons vocaux, la respiration parles fosses 
nasales et le passage des liquides de la bouche dans 
l'estomac. — Une discussion s'engage au sujet de la 
récente communication de M. Pinard sur la valeur com- 
parative des différents procédés employés dans le but 
de ranimer les enfants nés en état de mort apparente. 
M. Laborde, analysant les faits invoqués par M. Pi- 
nard, regrette qu'ils soient, en même temps, si peu 
nombreux et si incomplets. Il conclut que, dans un 
grand nombre de cas qu'il a réunis, les tractions ryth- 
mées de la langue, bien appliquées, ont ranimé des 
nouveau-nés en état de mort apparente quand tous les 
autres procédés, y compris l’insufflation, avaient échoué. 
— M. Guéniot croit que l'insufilation représente un 
procédé beaucoup plus puissant que les tractions lin- 
guales pour réveiller le réflexe assoupi de la respi- 
ration, car il stimule l'appareil aérien tout entier, — 
M. le Dr Poncet (de Lyon) lit un mémoire sur l’acti- 
nomycose humaine à Lyon. 
Séance du 29 Janvier 1S95 

M. Babes a présenté récemment une réclamation de 
priorité au sujet de la première constatation de la 
transmission des propriétés immunisantes par le sang 
des animaux immunisés. MM. Richet et Héricourt 
font observer que, dès 1888, ils ont vacciné des lapins 
avec du sérum sanguin de chiens qui avaient été préa- 
lablement inoculés et que, par conséquent, la réclama- 
tion de M. Babes n'est pas fondée. — M, P. Berger 
présente un rapport sur une observation communiquée 
par le Dr C. Monod et relative à un anévrisme de la 
sous-clavière (3° portion), guéri par la ligature simul- 
tanée de Ja sous-clavière, immédiatement au-dessus de 
la clavicule et de la carotide primaire, C’est un nou- 
veau succès à ajouter au revirement d'opinion qui s’est 
opéré, dans ces derniers temps, en faveur de la mé- 
thode de Brasdor dans le traitement des anévrismes 
des gros troncs artériels siégeant à la base du cou, — 
M. H. de Brun (de Beyrouth) fait une communication 
sur le pneumo-paludisme du sommet, sur les symp- 
tômes, la marche, le diagnostic et le traitement de 
cette maladie, — M. le D' Pozzi lit un mémoire sur 
un cas d’épispadias traité par la méthode de Thiersch. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séunce du 19 Janvier 1895. 


M.- Guépin, se basant sur de nombreux faits cli- 
niques, conclut que l’hypersécrétion prostatique avec 
spasme de l’urèthre est accompagnée de stagnation ou 
rétention des produits sécrétés dans les glandes et 
qu'il faut tout d’abord chercher et combattre le spasme 
uréthral, — M. Gley a cherché les plus petites doses 
d'ouabaïine capables d'arrêter le cœur :elles n’atteignent 
pas un centième de milligramme. — M. Lapicque a 
dosé le fer dans le foie et la rate d’un fœtus à terme, 
mort accidentellement. La quantité était faible et s'é- 
cartait des chiffres observés chez les jeunes animaux. 
— M. Marinesco présente une observalion de polyurie 
essentielle chez deux frères. — M. Colombo a constaté, 
dans des recherches faites sur des chiens, que le mas- 
sage, appliqué localement sur la région correspondant 
au siège de diverses glandes, active la fonction des 
épithéliumns sécréteurs et augmente la quantité totale 
des sécrétions. — M. Legrain a constaté que des injec- 
tions sous-culanées de sérum des convalescents du 
typhus, pratiquées sur des malades atteints de cette 
affection, paraissent devoir apporter une amélioration 
notable dans les cas graves. — M. Lion rapporte une 
observation de transformation de la lymphadénie en 
tumeurs disséminées dans les organes. 


Séance du 26 Janvier 1895. 


.MM. Wurtz et Hudelot ont trouvé que, pendant la 
vie, sous des influences diverses, mais déterminant 


138 


toutes de la congestion intestinale (intoxication alcoo- 
lique aiguë), les microbes de l'intestin pénètrent dans 
le péritoine et dans le sans de la veine porte. — 
MM. Hanot et Meunier ont observé que la cirrhose 
hypertrophique avec ictère chronique s'accompagne 
d'une leucocytose, laquelle constitue un nouvel argu- 
ment en faveur de sa nature infectieuse et un nouveau 
caractère qui la différencie des cirrhoses alcooliques. 
— M. Ausset (de Limoges) donne des indications sur 
la technique d’un examen bactériologique rapide des 
eaux, — Claude Bernard a montré que la section de la 
moelle provoque une diminution de la quantité de 
glycogène contenue dans le foie. M. Kaufmann à 
trouvé que le glycogène ainsi disparu se retrouvait 
presque complètement dans les muscles du train pos- 
térieur. — M. Trouessart présente ses recherches sur 
la reproduction des chauves-souris et sur l’état des 
organes génitaux pendant l'hivernage, — M. Lapicque, 
ayant cherché à doser le fer dans l'urine, n’en à jamais 
trouvé que des traces impondérables. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 18 Janvier 1895. 


Dans la dernière séance, M. Pellat rappelait que la 
formule de Fresnel, relative à l'entrainement de l’éther, 
n’a pas encore été démontrée dans le cas où la direc- 
tion du déplacement de la matière ne coïncide plus 
avec la direction de propagation de la lumière, Dans le 
cas où ces deux directions sont les mêmes, une pre- 
mière démonstration a été donnée par M, Potier; mais 
elle n’est pas générale. Depuis !, M. Foussereau en a 
publié une nouvelle, applicable à un ébranlement 
quelconque, et tout à fait générale, M. Foussereau 
montre que sa démonstration s'étend au cas où la 
direction de propagation ne coïncide plus avec celle du 
mouvement d'entrainement, et il précise les conditions 
nouvelles de la propagation. L'ébranlement primitif se 

ropage comme s'il avait pour origine un point d'un 
milieu fictif animé par rapport à l’éther libre d’un 
mouvement de translation uniforme de vitesse déter- 
minée et dirigée dans le même sens que la matière. 
Une onde plane se déplace en restant parallèle à elle- 
même, mais la direction des rayons lumineux dans 
l’éther libre n’est pas normale au plan de l'onde. La 
vitesse de propagation de la lumière par rapport à 
l'éther libre s'obtient en composant géométriquement 
la vitesse de propagation de la lumière dans le cas du 
repos avec la vitesse du milieu fictif, Puis la vitesse 
relative, par rapport au milieu en mouvement, par 
suite par rapport à l'observateur, est la résultante géo- 
métrique de la vitesse dans le cas du repos et d’une 
vitesse dirigée en sens contraire du mouvement de 
translation, Lorsqu'on à déterminé ainsi les conditions 
de la propagation, il est aisé d'en déduire les consé- 
quences relatives à la réflexion et à la réfraction, — 
M. Curie expose les recherches de M. de Kowalski sur 
la production des rayons cathodiques. L'auteur à 
cherché à préciser la manière et les conditions dans 
lesquelles ces rayons se produisent. Beaucoup de phy- 
siciens en sont arrivés à penser qu'il s'agit là de radia- 
tions analogues à celles de la lumière. Ainsi, on admet 
généralement que les rayons cathodiques se produi- 
sent nécessairement à la cathode elle-même et qu'ils 
se propagent ensuite en ligne droite, M. Goldstein à 
montré qu'il n’en est pas nécessairement ainsi. Il 
prend un tube de Geissler séparé en deux par une 
paroi en forme d’entonnoir, la cathode étant du côté 
de la partie évasée de l’entonnoir; il voit, en outre de 
ceux de la cathode, des rayons cathodiques s'épanouir 
à la sortie de l’entonnoir. Ces rayons ne se produiraient 
donc pas nécessairement à l'électrode elle-même, 
M. de Kowalski à cherché à élucider cette question. Il 
emploie un ensemble formé de deux tubes larges reliés 
par un tube capillaire. L'appareil a la forme d’un H. 


1 Journal de Physique, 3° série, t. I, p. 144. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Avec un vide convenable, on voit des rayons catho 
ques dans tout l’intérieur et aussi dans le tube capils 
laire, ce qui est en contradiction avec la propagatio 
rectiligne. L'auteur pense que les rayons cathodiqu 
prennent naissance partout où apparaît la lueur, qu'il 
appelle primaire, produite par le courant lui-même, 
pense donc qu'il faut une certaine densité du courants 
mais la présence d’électrodes métalliques n’est pas 
nécessaire, En effet, il a pu faire naître encore ces 
rayons daus un tube sans électrodes. Ce tube, large aux 
deux bouts, présente au milieu une partie resserrée 
Parallèlement au tube et à peu de distance est dispo 
un excilateur dans lequel on fait passer des courants 
de Tesla. En définitive, ces rayons se produisent par= 
tout où le courant a une densité suffisante, Ils sont 
dirigés tangentiellement au flux de courant, mais em 
sens contraire, dans le sens du pôle négatif au positifs 
etil n'y a émission de rayons cathodiques que dans 
cette direction contraire. Le fait est très visible quand 
on intervertit les pôles. M. Curie présente l'expérience 
relative au tube en H, Il a fait construire un tube sem 
blable à celui de M. de Kowalski, et a fait ménager, 
de plus, deux renflements dans la région des gro 
tubes qui se trouve en regard du tube transversal, Le 
faisceau des rayons est dirigé normalement aux gros 

tubes, et détermine sur la paroi en regard une vive 
fluorescence. De plus, il montre avec quelle facilité les 
rayons sont déviés par aimant, et réalise des dévia- 
tions qui atteignent 90°. — Personnellement, M. Curie 
a cherché si ses rayons ne sont pas effectivement des 
rayons lumineux de petite longueur d'onde. Pour cela, 
il a cherché si la lumière ultra-violette n’est pas déviée 
par un aimant. Bien qu'il ait opéré avec un aimant 
très puissant, et qu’il se soit adressé successivement» 
aux ondes planes et aux faisceaux convergents et qu'il 
ait fait porter ses recherches sur différents milieux, 
l'air, le sulfure de carbone chargé de soufre, etc.…, les 
résultat a toujours été négatif. Bien qu'un résultat 
négatif puisse toujours être attribué à un défaut de 
sensibilité, cependant d’autres considérations font 
qu'il! n’est guère possible d’assimiler ces rayons à des: 
rayons lumineux. Par exemple, on ne comprendrait 
pas que ces rayons ne présentent pas de double réfrac-" 
tion. — M. Guillaume signale à ce propos que M. J.-J. 
Thomson a mesuré leur vitesse. Il a trouvé 200 kil. par 
seconde, ce qui serait incompatible avec une vitesse de 
radiations. Mais cette mesure prête à des critiques 
sérieuses, car la durée d’où on déduit la vitesse est 
d'un demi-millionième de seconde. E. HAUDIÉ. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 14 Décembre 189%. 


M. Combes a appliqué à la détermination du poids 
moléculaire du glucinium, le procédé qui lui a déjà 
permis de confirmer la trivalence de Paluminium, Il à 
préparé l’acétylacétonate de glucinium en traitant une 
solution aqueuse d'acétylacétone par l’acélate de glu- 
cinium. Le corps obtenu fond à 108°, bout très bien,. 
sans trace de décomposition, à 270°, Très soluble dans 
l'alcool, il eristallise dans le système orthorhombique. 
La densité de vapeur conduit à lui attribuer la formule M 
(C#H702) GI. L'auteur, en effet, a trouvé comme résul- 
tats expérimentaux 7,26 et 7,12. Le chiffre théorique 
est 7,16. La formule à appliquer si le glucinium était 
trivalent conduirait à la densité 10,75. Donc le poids 
atomique du glucinium est 9, la glucine doit être for- 
mulée GI0, et le glucinium est bien à sa place dans la. 
classification de Mendeléelf, — M. Wyrouboff, en pré=. 
sence des résultats obtenus avec les silicotungstates, 
conclut qu'il y a lieu de voir si l’on doit, pour la déter-. 
mination de la valence, faire passer au premier rang 
les propriétés et les réactions chimiques, ou les pro- 
priétés physiques dont la valeur est déduite de lhypo- | 
thèse d'Avosadro, — M. Thomas Mamert a préparé le 
dérivé aminé de l’éther acétylacétique et l'aminoiso- 
crotonate d’éthyle, ce dernier à l'aide de l’acide chlori- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


139 


- socrotonique fondant à 59°. Ces deux corps sont iden- 
… tiques. Il en conclut que l'acide isocrotonique répond 
_ bien à la formule de M. Wislicenus et non à celle de 
“ M. Fitlig. — MM. Bertrand et Mallèvre ont reconnu 
“ que la pectase seule ne peut coaguler la pectine, et 
à qu’elle ne provoque cette transformation qu'en pré- 
“ Sence des sels solubles de calcium, qui l’accompagnent 
- dans les végétaux. On peut d’ailleurs remplacer le dé- 
- rivé calcique par un sel identique de baryum ou de 


4 strontium. Il est douteux que le magnésium puisse 


= jouer le même rôle. Le coagulum gélatineux obtenu 
» n'est pas, comme on l’admettait, de l’acide pectique, 
# -mais un pectate alcalino-terreux. — M. René Drouin 
- aobtenu le thymol-glucoside et l’xnaphtol-glucoside par 
la méthode de Michaël (réaction de l’acétochlorhydrose 
sur les dérivés sodés des phénols). Le thymol-sluco- 
side cristallise en paillettes incolores, nacrées, fondant 
à 100, L'« naphtol-glucoside est grisàtre, en aiguilles 
microscopiques; il s’altère par la chaleur et fond à 1#7°, 
Ces deux composés sont solubles dans Palcool froid et 
dans l’eau chaude, beaucoup moins dans l’eau froide. 
Ils n’agissent pas à froid sur la liqueur de Fehling; trai - 
tés par l'acide chlorhydrique étendu ou par l’émulsine, 
ils dégagent une odeur très nette de thymol ou de 
naphtol et les liqueurs deviennent réductrices, — 
M. Friedel présente une note de M. Barthe sur le-do- 
sage volumétrique du zinc. 


ï 
$ 


Séance du 28 Décembre 189#. 
M. Delépine propose pour l’hexaméthylène-tétra- 
mine la formule suivante : 
Az CH? Az 
27 x )H2 
< CH ü 3H . 
AZ CH? ——————Az 
Il a, en effet, cryoscopé ce corps et obtenu des ré- 
- sultats qui lui permettent de lui attribuer le poids mo- 
… léculaire 140. Les faibles différences constatées sont 
dues à une décomposition partielle, On comprend très 
bien la décomposition du dérivé nitrosé de Griess d’a- 
près la réaction : 


7 \cEe 
CH )CH 


“# Az CH?——A7—A70 
# CN 2 2/ : 
CH CH CH — 
Az CH2————— A; —A70 
= A7 =CH2 = 2: 
2{ : \ŸCH? 2 Az2+9CH20. 
s CH ee ©CH + 2 A7249C 
LE 


à Il se forme de l’hexaméthylène-tétramine avec mise 
en liberté d'azote et d'aldéhyde formique. L'hydrogé- 
nation, contradictoirement aux faits annoncés, donne 
.de la triméthylamine et de l’ammoniaque. La formule 
de M. Delépine permet de se rendre parfaitement 
comple du mécanisme de cette réaction. — M.Cambier 
en son nom et au nom de M. Brochet, attribue à l’hexa- 
méthylène-tétramine la formule suivante : 

CH°?—A7=CH? 
Az—CH?—A7z—CH? 
NCH2— A7 CH? 

D'après les auteurs, cette formule répond aux prin- 
-cipaux dérivés de ce corps. Cette base se transforme en 
mono-,di-et triméthylamine et cette réaction, contrai- 
rement aux affirmations de MM. Delépine et Trillat, 
-aurait lieu par simple dédoublement avec départ d'a- 
cide carbonique et non par l’hydrogénation. — M. Vil- 
_liers expose nos connaissances sur l’état naissant et 
discute les conditions calorifiques des réactions. C’est 
sous cet état que les éléments doivent exister dans les 
-corps composés, Il est d’ailleurs possible, dans cer- 
tains cas, de constater la persistance de cet état et 
- d'isoler des produits, relativement instables, il est vrai, 
- que l’on peut considérer comme ayant conservé une 
certaine quantité d'énergie correspondant à leur trans- 
formation. M. Villiers se réserve de revenir sur ces 


faits et d'apporter des résultats expérimentaux. — 
M. Haller présente une communication de M. Arth sur 
les gaz des hauts fournaux. Les eaux de lavage de ces 
gaz donnent un résidu salin renfermant °/, : 


Tode.. Mere PR RE 1,43 
CHOLET ERA ARR RE RE PCR LR 45.9% 
POtASSIUNE ASE ER METRE 13.12 
CalGQ REP M PR PS RE 2e 4.62 


On pourrait récupérer 100 kilogrammes de ces sels 
par 100 tonnes de fonte produite, soit 45,869 d'iodure et 
24592 de chlorure de potassium. — M. Haller présente 
aussi une note de M. Guntz sur les fluorures acides 
de potassium et d'argent. Enfin, il communique en 
son nom les résultats de l'oxydation du benzylidène- 
camphre, On obtieut ainsi de l'acide camphorique. — 
M. Ferrand a obtenu par la méthode de M. Friedel 
trois sulfophosphures : les thiohypophosphates de zinc 
Ph?S6Zn?, jaune, hexagonal; de cadmium : Ph?S@Cd?, 
jaune orangé, en lamelles biaxes, et de nickel, Ni*S5Ph?, 
noir, hexagonal. On obtient ce dernier en chauffant, 
non du nickel, mais du sulfure de nickel, du soufre et 
du phosphore. — M. Brochet a obtenu, par l’action 
du chlore sur l'alcool isopropylique, l’acétone tétra- 
chlorée dissymétrique CH?CI — CO — CCF. Ce produit, 
traité par les alcalis, donne du chloroforme et un mé- 
lange de mono et de trichloracétone. Cette réaction en 
établit la constitution, Avec l'alcool octylique secon- 
daire on obtient une pentachloracétone octylique, pro- 
bablement de formule : C*H!1, CC—CO—CCH, 


Séance du 11 Janvier 1895. 


M. Maquenne, collaborateur de la Revue, est nommé 
président pour 1895; MM. Béchamp et Sulliot, vice- 
présidents pour deux ans. E. CHaroN. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


MM. Wyndham, R. Dunston F.R.S. et Henry Gar- 
nett : Sur les principes constituants du Piper ovatum. 
Cette plante médicinale de l'Inde, dont les principaux 
effets sont de procurer une excessive salivation et une 
anesthésie locale temporaire, est constituée par une 
résine renfermant une substance appelée par les auteurs 
piperovaline, de formule CIGH?21Az202. Les mêmes 
auteurs en examinant la pariétaire officinale (anacyclus 
pyrelhrum) ont trouvé une substance active analogue. 
Ils l'ont appelée pellitorine. Ces deux corps semblent 
être des dérivés de la pyridine ; mais ni l’un ni l’autre 
ne possèdent de propriétés basiques. — MM. C. T. 
Heycoch etF.H. Neville. Les expériences précédentes 
des auteurs qui avaient porté sur les points de solidifi- 
cation des alliages où le sodium, l'étain, le bismuth, le 
cadmium, le thallium, servaient de dissolvants aux mé- 
taux, ont été complétées et faites à des températures 
supérieures à celles indiquées par les thermomètres à 
mercure ; cela en se servant de pyromètres en platine. 
Voici les résultats obtenus : 


CORPS POINTS DE SOLIDIFICATION 
AD OR ES CONTE 419 
AMNIMOIRE de 20e ire 62€ 
Marnés UM ec 633 
AT ON  RER EP E rae 653 
ADDED Se Resa 957 
Cuivre: FE Prons 1081 
Carbonate de sodium........ 848 
Sulfate de sodium........... 883 
Sulfate de potassium........ 1066 


M. Walter H. Ince discute les procédés de prépara- 
tion de l'acide adipique et décrit l'acide monobro- 
madipique qui a pour formule : 


CH2—CHBrCOOH 
| 
CH?—CH2—COOH 


obtenu en chauffant? moléc.de brome et 1 moléc. d'acide 
adipique en tube scellé à 160°. Chauffé avec la potasse 


140 


il donne l'acide hydroxyadipique : C*H*OH(CLOHR. — 
M. H. Veley F. R.S. : Action de l'acide chlornydeique 
sur les oxydes de calcium, baryum et magnésium. — 
M. Holland Crompton établit que la chaleur latente 
de fusion pour l'unité de poids d’un métal, multipliée 
par le poids atomique de l'élément et divisée par la 
température absolue de fusion, donne comme résul- 
tante une valeur proportionnelle à la valence du métal. 
Dans le cas de corps composés, la chaleur latente de 
fusion moléculaire divisée par la température absolue 
de fusion est également proportionnelle à la somme 
des valences des atomes composant la molécule. Dans ce 
cas toutefois on doit tenir compte du mode de liaison 
des atomes dans la molécule. — MM. G. G. Henderson et 
A.R. Ewing ont pu préparer, en dissolvant l'acide arsé- 
nieux dans des solutions chaudes de tartrates acides 
alealins, les sels suivants : les tartrarsénites de sodium : 
CHiO6ASONa+-22H20 :; d'ammonium, de potassium, de 
baryum : (C*H‘05AsO)?Ba+H20, de strontium et de cal- 
cium. Ces sels dérivent probablement de l'acide tar- 
trarsénieux : C‘IH'OSASOH non isolé qui doit être un 
dérivé de l'acide arsénieux de formule : 
CiH405 


S 
SOH 


ou un dérivé éthéré de l'acide tartrique qui aurait pour 
formule : COO—CHO(AsO)CHOH—COOH., — MM. Pat- 
tison Muir et Edwin M. Eagles Note sur les 
réactions de l'hydrogène sulfuré et des composés halo- 
gènes du bismuth: le chlorure de bismuth et l'hydrogène 
sulfuré produisent un thiochlorure de bismuth : BiSCI ; 
le bromure de bismuth réagit de même, mais non 
l'iodure. Ces composés (BiSCL et BiSBr) peuvent aussi 
être obtenus en faisant passer un courant de chlore ou 
de brome sur du sulfure de bismuth. Le thioiodure est 
obtenu par l'action à haute température du sulfure de 
bismuth sur l’iodure de bismuth. 


SOCIÉTÉ ROYALE D'ÉDIMBOURG 
Séance du 17 Décembre 189%. 


M. Patrick Murray annonce la mort de M. Donald 
Beilth. — M. H.B. Guppy rend compte de ses recher- 
ches sur la germination des plantes daus les étangs et 
les rivières. {l discute et établit les effets exercés par 
l’action de la température et de la lumière, — M. J. C. 
Beattie : Note sur l'annulation des effets de Hall dans 
certains échantillons de bismuth. — M. G Romanës : 
Note sur les avantages de la représentation graphique. 


A 


Séance du T Janvier 1895. 


M. W. Peddie fait une communication sur un cas 
d’extinctions du bleu et jaune et sur ses rapports avec 
les théories de la lumière dichromatique. Il fait d’abord 
l'historique de la théorie de Young et Helmholtz. — 
1. Young, dans sa théorie sur l'extinction des couleurs, 
admet l'hypothèse du manque de sensation, cette hypo- 
thèse lui semblant plus simple que toute autre. Mais il 
a soin de dire que l’on devra rejeter cette théorie si plus 
tard on la trouve en désaccord avec les faits expérimen- 
taux. — 2. Helmholtz ajoute ses vues à cette hypothèse en 
étudiant la nature du mécanisme et, en adoptant impli- 
citement les réserves de Young, il établit que, dans le cas 
où ses idées seraient fausses, elles ne peuvent en rien 
affecter la théorie de Young. — 3. Se basant sur les faits 
antérieurs, E. Rose montra le premier la justesse des 
observations de Helmholtz qui indiquait aussi la voie 
dans laquelle on pouvait modifier les données théori- 
ques. — #, Plus tard, les élèves de Helmholtz, Künig et 
Dieterici, reprenant ces études, prouvèrent qu'il était 
absolument nécessaire d'abandonner l’idée du manque 
d'une sensation fondamentale. — 5, Künig trouva pour 
différentes parties du spectre l'erreur moyenne de lon- 
eueur d'onde qui peut être faite par l'addition de lu- 
mière en quantités égales et provenant de parties voi- 
sines du spectre, — 6, Helmholtz denna l'expression 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


——_—_—_—_—_———— 


des termes de ce principe fondamental en raison du- 
quel la sensation totale varie avec la longueur d'onde. 
IL établit alors trois équations exprimant les trois sen- 
sations fondamentales avec les termes choisis (arbi- 
trairement jusque-là) par Künig et Dieterici. Les der- 
niers termes étaient connus par les expériences de ces 
deux savants ; et il restait à trouver les coefficients in- 
connus qui serviraient à établir les principes fonda- 
mentaux de la longueur d'onde. Une hypothèse alors 
facile à établir est celle-ci : l'erreur moyenne de la 
longueur d’onde qui peut être faite en ajoutant deux 
bandes très étroites provenant chacune de deux spec- 


tres semblables, correspondent, pour une égalité appa- 


rente, à une différence constante dans la sensation 
totale, Helmholtz fit cette hypothèse dans le but de 
déterminer les coefficients inconnus en se servant des 
observations de Künig sur l'erreur moyenne. La pre- 
mière justification de cette hypothèse, fut la démons- 
tration de la concordance marquée entre les erreurs 
moyennes trouvées par Kônig et les erreurs moyennes 
calculées d’après l'hypothèse sur la différence cons- 
tante de sensation. Ainsi donc les nouveaux principes 
fondamentaux, donnés d'abord par Helmholtz comme 
provisoires, peuvent être regardés comme vérifiés par 
l'expérience et sans l’aide d’autre hypothèse que l'hy- 
pothèse première des trois sensations fondamentales. 
Toute cette étude est un bel exemple de circonspection 
dans le développement scientifique d’une théorie. — 
Dans le violet ou le jaune bleu, à l'extinction, ces deux 
couleurs du spectre sont rouges et bleu gris, et le 
spectre est diminué vers la zone bleue qui présente 
une limite bien tranchée voisine de la ligne G. Une telle 
extinction est rare. Le cas cité ici présente cette par- 
ticularité de ne pas présenter de diminution du spectre 
dans une autre ligne, Lesraies s'étendent entre la ligne « 
vers la limite rouge et la ligne H vers la limite du 
violet. Le point neutre est près de la ligne D sur la 
partie la plus réfrangible, Le maximum d'intensité de 
la couleur rouge se trouve en un point près de G sur la 
partie la moins réfrangible, et le maximum d'inten- 
sité de la couleur verte est situé sur un point à peu 
près égale ment distant de B et de F, mais plutôt plus 
près de F. Ce phénomène ne paraît pas facilement 
explicable si l’on se sert de la théorie de Hering, 
tandis qu'on peut s’en rendre bien compte en lui ap- 
pliquant la théorie de Ycung et Helmholtz. — D' Noël 
Paton : Maladie résultant de l'usage du corps thyroïde 
comme nourriture. — Dr Richard Berry fait une 
communication sur l'anatomie de l'appendice vermi- 
forme et du eæcum. — M. le P° Tait rend compte de 
ses études sur l’état final résultant du choc des molé- 
cules. W. PEDDIE. 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE 


L'Académie a récemment reçu : : 

Jo SCIENGES PHYSIQUES. — M. P. Czermak, de Graz : 
Répartition de la température dans un fil fin parcouru 
par un courant constant, — MM. Boltzmann el G. H. 
Bryan donnent la deseription d'un phénomène méca- 
nique présentant, l’analogie la plus complète avec l'é- 
quilibre de température qui se produit entre deux corps 
en contact, — M. Th. Fuchs : Sur la nature et la pro- 
duction de la stylolithe, — M. Skraup : Aflinité de 
quelques bases en solution-alcoolique. — M. Ratz : 
Sur la einchotenine. — M Heinrich Gintl a constaté 
que l'éthylglycolate de calcium se comporte à la distil- 
lation sèche comme lacétate et fournit l’éther diéthy- 
lique de la diacétone C2H50 — CH? — CO — CHÈ—C?H0. 
__ M. Berthold Jeiteles a pu obtenir un nitrile et un 
acide carboxylique en partant de l’isoquinoline. 

20 SGIENCES NATURELLES. — M, Auton Fritsch présente 
son ouvrage sur la Faune des charbons et des calcaires 
de la Bohème, — M. Julius Pohl : Sur l'étendue et la 
nature des transformations subies par l'OEnothera La- 
marckiana, — M. Carl Attems : Les Myriapodes. 


Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER. 


| 


N° 4 


28 FÉVRIER 1895 


| REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


L'ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION 


EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


Le remarquable essor pris en ces dernières an- 
nées par la viticulture en Algérie et en Tunisie 
constitue un phénomène économique d’une grande 
importance. Du 1* janvier 1879 au 31 décem- 

_ bre 189%, l'étendue du vignoble algérien a 
passé de 20.000 hectares à 114.887, soit une aug- 
mentation d'environ 95.000 hectares en seize ans!. 

Celle énorme extension coïncide avec la destruc- 
tion d'une partie du vignoble francais par le phyl- 
loxera. 

Pendant cette période, les capitaux et les colons, 
atlirés par les bénéfices réalisés par les premiers 
viliculteurs, ont afflué dans la colonie. La culture 
de la vigne a donc donné une impulsion énorme à 
la colonisalion en la faisant sortir du marasme 
dans lequel elle végétait. Le débouché du vin à un 
prix très rémunérateur était assuré et les colons 
pouvaient gagner beaucoup d'argent. 

Aujourd’hui, les conditions économiques se sont 
modifiées : les vignes de la Métropole sont en 
grande partie reconstituées, et la produclion tend 
à remonter vers le chiffre qu’elle atteignait avant 
l'invasion phylloxérique. Il en est résulté une 
baisse de prix considérable pour les vins. 

La crise viticole qui a sévi l’année dernière, 
aussi bien en France qu’en Algérie, par suite de 
l'abondance de la récolte du vinet du cidre et de 


———————— 


- ! La superficie du vignoble tunisien est seulement de 
1.188 hectares. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


la mévente qui en est résultée, est venue montrer 
le danger de la situation. 

I ne faut cependant pas trop s'alarmer, parce 
que le rôle du vignoble algérien, réduit à celui d'ap- 
point du vignoble de France, est encore assez im- 
portant pour que l’écoulement de ses produits soit 
assuré. Nous pouvons facilementsoutenir la concur- 
rence, parce que nous sommes placés dans de bien 
meilleures condilions que beaucoup de vignobles 
de France, où les gelées précoces, la pluie, la grêle, 
détruisent souvent une partie de la récolte et où 
l’on est encore souvent obligé de vendanger les 
raisins imparfaitement mûrs par suite du manque 
de chaleur. Les vignobles voisins de ladimite sep- 
tentrionale de la culture de la vigne disparai- 
tront au profit des pays mieux favorisés par le 
climat. 

D'autre part, nous pouvons produire les vins 
alcooliques, corsés et riches en couleur que le com- 
merce va actuellement chercher en Espagne, en 
Italie, en Hongrie ou ailleurs. 

Enfin, il faut avouer que l'Algérie et la Tunisie 
ont jusqu’à cette heure produit beaucoup de mau- 
vais vins ; que le commerce a pris l'habitude de 
vendre les bons vins d'Algérie avec l'étiquette de 
vins de Bordeaux et de Bourgogne, réservant la 
dénomination de vins d'Algérie aux produits infé- 
rieurs de toutes les provenances. Ces diverses cau- 
ses ont contribué à déprécier nos vins et à en avilir 
les cours. 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


La première de ces causes n’existe plus : nous 
sommes en mesure, comme nous le verrons plus 
loin, de produire régulièrement des vins parfaite- 
ment réussis ; quant à la seconde, elle disparaitra 
par voie de conséquence. 

En résumé, nous constatons, d'une part, un en- 
combrement progressif du marché par les vins 
des vignobles reconstitués ; d'autre part, une amé- 
lioration sérieuse dans la qualité des vins algériens 
et tunisiens. 

Cette tendance marquée à obtenir des vins de 
bonne qualité répond donc bien aux conditions 
économiques. C’est en produisant des vins solides 
et bien constitués que les colons pourront soute- 
nir avantageusement la lutte, et non seulement 
conserver la place acquise, mais encore se créer 
de nouveaux débouchés. 

Dans les conditions économiques actuelles, la 
culture des céréales ne peut être rémunératrice 
qu'à la condition de bien cultiver le sol et d’em- 
ployer les engrais. La production du bétail exige 
la culture de plantes fourragères variées. 

Sans doute, il serait désirable de voir la produc- 
tion des céréales et celle de la viande prendre une 
place plus importante dans l’agriculture de la co- 
lonie ; mais on peut se demander si les bénéfices 
que peuvent procurer ces deux spéculations sont 
bien en rapport avec l'effort à faire. 

Il ne faut pas oublier que, si les colons sont arri- 
vés à faire de la vigne la culture principale, — on 
a dit improprement « monoculture » puisque, 
concurremment avec la vigne, on a toujours fait 
des céréales, du bétail et des cultures arbustives 
dans une proportion plus ou moins grande, — c'est 
qu'ils y trouvaient leur avantage. 

Eh bien, malgré la baisse des prix du vin, € ’est 
encore la vigne qui donne les bénéfices ES plus 
élevés, et tout fait prévoir qu'il en sera encore ainsi 
pendant longtemps, si les colons continuent avec 
constance et ténacité à poursuivre l'amélioration 
de la qualité de leurs produits, dont la quantité 
s'élève aujourd'hui à environ 4 millions d’hecto- 
litres. — Ces préliminaires étant posés, nous allons 
aborder la vinification en Algérie el en Tunisie. 


Il 


La vigne se trouve en Algérie et en Tunisie (carte de 
la page 144) dans les conditions les plus favorables : 
la végélationestexubérante, lesraisinssuperbes, et, 
quant aux rendements, ils sont très salisfaisants. 

Grâce à la quantité de chaleur et de lumière dont 
le soleil nous gratifie, à la rareté des pluies, les 
raisins peuvent toujours acquérir une maturité 
parfaite. Le siroco seul vient parfois dessécher 
partiellement les raisins, et diminuer la récolte. 

Nous sommes donc dans d'excellentes conditions 


comme producteurs de raisin eton peut se deman- 
der comment, avec de tels éléments, les vins d’Al- 
gérie et de Tunisie sont souvent défectueux. 

C'est que l'abondance de chaleur, qui est l’élé- 


ment essentiel d’une bonne maturité, est aussi un 


obstacle pour la vinificalion. 

La fermentation est d'abord très active, puis se 
ralentit et demeure inachevée par suite d’une tem- 
pérature trop élevée ; le vin reste douceâtre, puis 
devient acide et se perd. Mais nous verrons dans la 
suite de ce travail que rien n’est plus facile que de 
vaincre la difficulté inhérente à la température et 
de produire régulièrement de bons vins. 

La vinification en Algérie et en Tunisie est sur- 
tout caractérisée par l'élévation de la température 
qui se produit dans les cuves ou foudres pendant 
la fermentation. Nous étudierons donc spéciale- 
ment les circonstances qui influent sur la marche 
de la température et les moyens employés pour la 
maintenir dans les limites les plus favorables à 
la transformation complète du sucre en alcool. 


Vendange. — La récolte des raisins a lieu depuis 
le 15 août jusqu'au 15 octobre, suivant les loca- 
lités et les cépages. Quand le siroco souffle avec 
violence, il est prudent de suspendre la vendange, 
si l'on n’est pas organisé pour refroidir les raisins 
ou le moût. 

C'est seulement à la maturité complète que le 
grain atteint tout son développement et le maxi- 
mum de sa richesse en sucre. Cest aussi le 
moment où le bouquet est le plus développé et où 
la coloration est la plus intense dans les cépages 
rouges. 

C'est donc à la maturité parfaite qu'il faut ven- 
danger; mais il ne faut pas attendre plus tard, 
parce que, lorsque les acides ont disparu, l’oxyda- 
tion se porte sur la glucose. 

La courbe ci-jointe (fig. 1), qui est la représenta- 
tion graphique des résultats que nous avons 
obtenus dans nos recherches sur la maturité, 
montre l’accumulalion progressive du sucre dans 
le grain de raisin. 

Le procédé le plus habituellement employé par 
les viticulteurs pour se rendre compte du degré 
d'avancement de la maturité consiste dans la 
délermination de la densité du jus à l’aide du 
mustimètre. 

Pour se servir de cet instrument, il suffit d'écra- 
ser un certain nombre de grappes représentant, 
autant que possible, l’élat moyen de développe- 
ment, de filtrer le jus au travers d’un linge el d'y 
plonger successivement le mustimètre et un ther- 
momètre. Avec ces indications, les tables qui 
accompagnent chaque instrument permettent de 
trouver immédiatement la richesse du moût en 


PR LT 


ARS OF 


= tnurtbarr HUE Mr EE it 


lu  nS | SAN 


sucre et le degré alcoolique du vin qu’on obtiendra. 


On peut vendanger quand le mustimètre reste 


_ stationnaire. 


La maturité est généralement indiquée par la 
lignification plus ou moins complète du pédoncule 


et sa coloration brune; les grains se détachent 


facilement, sont savoureux et possèdent un goût 
bien sucré. 

Pratiquement, la vendange se compose de la 
plus grande parlie des raisins arrivés à la matu- 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


143 


rieur, diminue la perte de chaleur et permet d'at- 
teindre plus vite le maximum de température. La 
fermentation s'arrête un peu plus tôt, voilà toute 
la différence, 

Ce que l'on doit chercher avant tout, c'est un 
bâtiment simple, solide et disposé de telle façon 
que les manipulations puissent être exécutées le 
plus économiquement possible et avec la main- 
d'œuvre minimum. Il faut de larges ouvertures 
pour élablir une bonne ventilation quand le besoin 


rité parfaite, mélangés avec une certaine quantité 


d’autres qui ne sont pas arrivés à cet état, et 


d’autres qui l'ont dépassé. 

Les raisins, placés dans des corbeilles, des 
banastes, des comportes ou des bennes, sont 
transportés au cellier sur une charrette attelée de 
chevaux ou de bœufs. 


Cellier. — Il faut des locaux simples et de gran- 
deur proportionnée à l'importance du vignoble. Il 
est tout à fait inutile de faire des murs d’une 


_ grande épaisseur, d’enterrer le bâtiment sur une 


ou plusieurs faces et de le munir de doubles portes 
pour éviter l’action des rayons du soleil, puisque 
la source de chaleur est à l’intérieur. 

Les variations de la température du cellier sont 
sans effet sensible sur la température des cuvées, 
ainsi que nous l’avons maintes fois observé. Cela 
tient à ce que la production de chaleur dans l’inté- 


-rieur de la cuve est rapide et que sa déperdition 


à travers les parois est très lente. Il suffit de com- 
parer les graphiques de la fig. 5 (page 149) pour s’en 
rendre compte. Le siroco, en échauffant l'air exté- 


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Fig. 4. — Courbe de la richesse saccharine du jus. Echelle : 5 divisions horizontales correspondent à 1 gr. °/, de sucre. 
C4 J | 


s’en fait sentir. En résumé, il faut éviter les dé- 
penses inuliles, mais ne rien négliger au point de 
vue de la commodité des diverses opérations que 
nécessite la vinification. 

Dans les grands vignobles, les instruments 
nécessaires aux différentes manipulations (monte- 
charges, fouloirs, pompes, pressoirs, etc.) sont ac- 
lionnés par la vapeur ou l'électricité. La figure 2 
(page 145) représente la pompe rotative mue par 
l'électricité qu'emploient MM. Baudoin et Pech, au 
domaine d’Abziza, pour le remontage du moût. Il 
suffit d’accrocher le conducteur au càble principal 
pour mettre l'appareil en mouvement. Si l’on veut 
refroidir le moût en même temps qu'on le brasse 
e tl’aère, on intercale un réfrigérant dans le circuit 


Cuves et foudres. —-: Les cuves et les foudres sont 
en bois; les cuves sont tronconiques, ouvertes ou 
fermées. Les cuves se font aussi en fer et ciment, 
avec ou sans revêtement de carreaux de verre; 
elles sont à section elliptique ou cylindrique. 

Si les cuves en fer et ciment, ainsi que les an- 
ciennes cuves en maçonnerie à parois épaisses. 


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Régions vilicoles de l'Algérie. 


Chemins de fer. — —+—+— Càble télégraphique. — ---- Ligne de navigation. — Ouadis ou rivières temporaires. — 


+—+—+ Limites des provinces. — £ 


© Centres des principales régions viticoles de l'Algérie. 


L J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


conviennent pour la fermentation et pour la con- 
servation des vins faits, elles ne conviennent pas 
du tout pour loger le vin pendant le temps qui 
s'écoule depuis le décuvage jusqu'au commen- 


dépouiller et perdre 
sa verdeur. Il en est 
ainsi pour les im- 
mensesfoudres qu’on 


145 


successivement se refroidir au contact des parois 
de la cuve, il faut brasser la masse, les courants 
qui s’établissent à l’intérieur étant insuffisants à 
produire ce résultat. Le remontage à la cuve 
(fig. 2), en établissant une circulation du moût, 

= permet de réaliser 
en partie ce deside 
ratum. Du reste, pour 
que la surface évapo- 
rante de lacuve fonc- 


rencontre parfois: 
l'air qui filtre d’une 
manière conlinue à 
travers les douelles 


tionne dans de bon- 
nes conditions, il faut 
de l'air sec en mou- 
vement, circonstance 


est en trop faible 
quantité par rapport 
à la masse du liquide 
qu'ils renferment. 
Les récipients en 


qui ne se rencontre 
pas toujours. 

Pour le moment, 
et en attendant que 


bois etencimentavec 
treillis en fil d’acier 
répondent donc à des 
besoins différents et 
doivent êlre em- 
ployés concurrem- 


des expériences pré- 
cises nous aient ren- 
seignés à ce sujet, il 
vaut mieux s’en tenir 
au refroidissement 
par l’eau #. 

Quelle que soit la 


ment. Ce qu'il faut 


nature des vaisseaux 


éviter pour les fou- 
dres ou les cuves en 


employés pour la fer- 
mentation, il est né- 


bois, c’estdeleur don- 
ner de trop grandes 
dimensions. Leur ca- 
pacité ne devrait 
guère dépasser une 
centaine d'hectoli- 
tres. 

L'année dernière, 
M. Toutée, viticulteur 
en Tunisie, a préco- 
nisé l’emploi des cu- 
ves en tôle émuaillée 
et recouvertes d’une 
toile qu’on maintient 
humide. Au point de 
vue de la maturité du 
vin, elles présentent 
les mêmes inconvé- 
nients que les cuves une dynano. 
en fer et ciment ou en maçonnerie, mais elles 
ont l’avartage de permettre le refroidissement de 
la vendange, gräce à la conductibilité de leurs 
parois. 

Théoriquement, leur emploi semble préférable 
à celui des réfrigérants, que nous étudierons plus 
loin, parce que, dans la cuve Toutée, le calorique 
disparait au fur et à mesure de sa production. 

Mais, pour que toutes les parties du vin viennent 


Fig. 2. — Pompe rotative employée pour le’ remontage du moût. — 
La pompe est montée sur un chariot qui parcourt le cellier et qu'on 
arrête successivement devant chaque foudre. Un ouvrier, ouvrant le 
robinet inférieur du foudre, provoque l’écoulement du jus dans un 
récipient extérieur; la pompe, puisant le jus dans ce récipient, le 
remonte dans la cuve.— La pompe est commandée sur le chariot par 


cessaire de les munir 
d'un dispositif per- 
mettantde maintenir 
le chapeau immergé. 
Cette immersion 
s'obtient avec une 
claie ou avec un fi- 
let. 

Lorsque la matu- 
rité des cépages n’est 
pas trop inégale, il 
est bon de les mélan- 
ger dans la cuve. Il 
serait intéressant de 
connaitre les raisins 
qui doivent être as- 
sociés ensemble et 
dans quelle propor- 
lion. 

Dans les grands vignobles, pour ne pas entrave” 
les travaux, on fait cuver les raisins à part et on 
mélange les vins le plus tôt possible, au décuvage 
si l'on peut, ou, tout au moins, dès que la vinifi- 
calion est terminée. 


EE — 


1 L'observation faite par M. Rcos, au cours d'une mission 
en Algérie, nous apprend seulement qu'avec des températures 
initiales ayant un écart de 4°,5, la différence entre les maxima 
a été de 9°,5, soit un abaissement de température de 5 degrés. 


146 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


Il 


Égrappage. — Dans certains celliers, on procède 
à l’égrappage. Dans d’autres cas, on introduit la 
vendange telle quelle dans la cuve. 

Les partisans du fout à la cuvedisent que la grappe 
apporte du tanin, des acides (bitartrate et acide 
malique), qu'elle divise la masse et favorise ainsi 
la fermentation. Ceux qui prônent l’égrappage 
prétendent que la rafle introduit dans le vin des 
matières albuminoïdes qui contribuent plus tard à 
son altération, qu'il n’est rien moins certain qu’elle 
apporte des acides, que la quantité de tanin 
qu’elle peut céder au vin est minime et qu'enfin 
elle absorbe une partie de l'alcool, de la couleur 
et de l'acidité si la macération est prolon- 
gée. 

Deux éléments sont surlout à prendre en consi- 
dération pour élucider cette question : la nature 
du cépage et le degré de maturité de la raîfle. 

Si la rafle est encore verte, elle contient une no- 
table quantité de crème de tartre et peut contri- 
buer à corriger le manque d’acidité du moût. 
Lorsque la rafle est devenue brune, sa composition 
est différente : elle contient moins de tanin, des 
traces d’acidité, et son addition à la cuvée a moins 
d'influence. Done, si la rafle est très verte, il faut la 
rejeter; si sa proportion est élevée, il faut au moins 
un égrappage partiel. Toutes les fois qu'on laisse 
cuver longtemps, il vaut mieux égrapper. 

D'un autre côté, bien que la plus grande partie 
du tanin soit fournie par les pépins, il n’en est 
pas moins vrai que la rafle en contient souvent 
assez pour que son appoint ne soit pas inutile. 
Quant à avancer que la rafle peut constituer un 
milieu astringent, impropre à la fermentation, 
c'est une exagération évidente, le moût ne conte- 
nant jamais une quantité de principes astringents 
capable d'empêcher l’évolution du ferment alcoo- 
lique. 

Il en est de même en ce qui concerne l'apport 
de matières albuminoïdes, qui n’est pas à craindre, 
parce qu'elles n'existent qu'en très petite quan- 
tité au moment de la vendange. 

Ainsi que l'a judicieusement fait observer 
M. Bouffard, la perte d’alcool provient de ce que 
la rafle contient une certaine proportion d'eau 
(cette proportion peut varier de 35,5 à 81,3 ?/,, 
d’après nos expériences) qui se met en équilibre 
de composition avec le liquide qui la baigne et 
devient du vin. Or, comme la rafle représente en 
moyenne 3 à 4°/, du poids de la vendange — (d’a- 
près nos recherches, cetle proportion peut varier 
entre 1,7 et8,5 °/,),— on voit que la perte peut être 
sensible et s'élever, dans les conditions favorables, 
à près de !/, degré. Il en est de même pour les 


autres éléments du vin: acidilé, couleur, etc. Il 
faut remarquer que ces éléments ne sont pas per- 
dus : nous les retrouverons sous forme de piquette 
en épuisant les marcs par des lavages métho- 
diques. 

C’est bien à tort que M. Dessoliers cite une expé- 
rience de cuvage où l'acidité a été en diminuant, 
pour montrer que la rafle absorbe l’acidité du vin. 
Il y a des causes d’enrichissement et de perte indé- 
pendantes de la présence de la rafle, causes qu'il 
est utile de signaler ici. L'analyse ne révèle que la 
résultante de ces causes qui agissent en sens 
inverse, résullante qui se traduit tantôt par une 
augmentation, tantôt par une diminution de l’aci- 
dité totale. 

Supposons un moût contenant 25 ‘/, de sucre, 
ce qui n'est pas rare en Algérie. Nous savons, 
d'après M. Pasteur, que 100 grammes de sucre de 
raisin donnent en fermentant 05,6 d'acide succi- 
nique, soit O gr. 15 °/, pour le cas qui nous oc- 
cupe. Cet acide succinique correspond à une aci- 
dité totale de 1 gr. 90 par litre, évaluée en acide 
tartrique. Il y a, en outre, la dissolution des prin- 
cipes lanniques et la formation d’une petite quan- 
tité d'acides volatils pendant la fermentation. 
Voilà pour le gain. 

D'autre part, la faible solubilité du bitartrate de 
potasse dans l’eau alcoolisée est une cause de 


TABLEAU I — Crème de Tartre 


; Solubilité dans l'alcool 
TEMPÉRATURE 
à 10 ©, à 15 % 
ee | een | on, 
15 2.49 115 
20 2.85 1.86 
25 3.10 2219 
30 4.08 2.70 
40 2.95 4.00 


QD——…"…"…"”-_—_—…— 


perte. Le tableau ci-dessus (tableau 1) montre que la 
solubilité de la crème de tartre diminue lorsque 
la teneur en alcool augmente, et croit avec la tem- 
pérature. Il y a bien d’autres causes qui intervien- 
nent pour modifier l'acidité. Dans les nombreuses 
expériences de vinification que nous avons faites 
en Algérie, nous avons toujours constaté une aug- 
mentation de l’acidité. 

Lorsque les raisins ont subi l'influence du siroco, 
la rafle retient non seulement le moût qui la 
mouille, mais aussi les nombreux grains partielle- 
ment desséchés qui restent adhérents au pédon- 
cule. Dans cette circonstance, les rafles peuvent 
être utilisées à faire du second vin. 

On voit qu'il n’est guère possible actuellement 
de fixer des règles précises sur l'influence de 
l'égrappage. L'égrappage, comme le mélange des 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


147 


———————————"—"—"—"—""— —”—”…"…"”…”—”…”…”…” "—"—…""——_———…—…"…"…"—"—"————————————————— 


raisins à la cuve, sont des questions qui demandent 
à être étudiées expérimentalement. Dès notre 
arrivée en Algérie, nous avions fait planter les 
variétés de vignes les plus méritantes pour entre- 
prendre l'étude de ces questions; mais, devant 
l'indifférence de ceux qui auraient pu nous faci- 
liter notre tâche, nous avons dû abandonner ces 
études. 


résultats peu encourageants; mais cela tient à ce 
qu'ils ont été faits, pour la plupart, dans des con- 
ditions telles qu'il est impossible d’en tirer le 
moindre renseignement précis. 

Les industriels qui ont lancé prématurément 
cette méthode dans la pratique sont parvenus à 
la discréditer. Il faut attendre de connaître mieux 
la biologie des diverses levures pour pouvoir les 


Fig. 3. — Fouloirs-égrappoirs. — La vendange, venant du vignoble, est élevée, à l'extérieur du cellier, jus- 
qu’à la hauteur du deuxième étage. Là elle est, au moyen du tonneau oscillant visible sur la droite de cette 
figure, déversée à l’intérieur du bâtiment. Des ouvriers, armés de râteaux, la dirigent dans de grands enton- 
noirs, au-dessous desquels se trouvent les cylindres égrappeurs et broyeurs. Ceux-ci séparent la grappe et 
laissent tomber la vendange foulée dans les wagonets qui circulent au premier étage du cellier ; ces wago- 
nets, passant successivement au-dessus des divers foudres du rez-de-chaussée, y déversent leur contenu. 


La figure 3 montre les fouloirs-égrappoirs ins- 
tallés au second étage (cellier de MM. Pech et 
Baudoïin, à Abziza). Sur le plancher du premier 
étage, des wagonets reçoivent la vendange foulée 
etla conduisent au-dessus des foudres ou des cuves 
à fermentation situés au rez-de-chaussée. Cette 
disposition permet d'exécuter très économique- 
ment les diverses opérations mécaniques à faire 
subir à la vendange. 


III 


Levures sélectionnées. — Les essais tentés jusqu’à 
présent pour opérer la fermentation à l’aide des 


levures pures ou sélectionnées, ont donné des : 


utiliser avec des avantages sérieux dans la pra- 
tique de la vinification. 

Il semble toutefois se dégager des expériences 
entreprises avec les levures plus ou moins pures 
fournies par le commerce qu'elles ont le plus 
souvent une action favorable sur l'allure de la 
fermentation et la nature des produits obtenus. 

En ce qui concerne le bouquet, la nature des 
raisins et les caractères qu'ils tiennent des condi- 
tions de milieu ont une telle prépondérance que 
l'influence de la levure est nulle. 


Amélioration du moût. — Nous n'avons pas, comme 
en France, à nous préoccuper du défaut de sucre 
dans les raisins ; nos vendanges sont plutôt trop 


148 


r——— 


sucrées. À cet excès de sucre correspond souvent 
un manque d'acidilé, que nous devons essayer de 
corriger. 

Contrairement à ce qui a été affirmé, l'acidité 
décroit constamment avec l’accroissement de la 
maturité. Pour s’en convaincre, il suffit d'examiner 
la courbe de la figure 4 qui est la représentation 
graphique des résultats obtenus dans nos recher- 
ches sur la maturation. 

Si nous comparons cette courbe à celle du sucre 
(fig. 1, page 143), nous voyons qu'elles sont inver- 


26, 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


insuffisante lorsqu'elle ne dépasse pas ce chiffre; 
les vins obtenus sont plats et manquent de frai- 


cheur. Il se peut toutefois que ce défaut n'existe pas 


chaque année : cela dépend des conditions météo- 


rologiques dans lesquelles s'effectue la maturité. 
On à reconnu qu'un certain degré d'acidilé est 


+. 
nécessaire pour oblenir une coloration vive et 


brillante, une prompte clarification du vin, et se. 
montre favorable au développement du ferment al-. 


2e: +: 
2 4 H: 
a 
- & 
S 
18 
Se 
16 x 
Ë : Hs : 
14 . 
1 5 Ë 
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= re] = 2 D w Die: 
2 3 DE N- Es 
2 _ a _ 
= 5 = 


Fig. 4. — Courbe de l'acidité totale du jus (en H?S0i). 5 divisions horizontales correspondent à 1 gramme d'acidité parlitre. 


sement proportionnelles.Si la proportion de sucre, 
dans une certaine mesure, est fonction de l'inten- 
sité de la lumière et de l'élévation de la tempéra- 
ture, la désacidification est également favorisée par 
ces deux facteurs. 

L'acidité totale décroit brusquement à partir 
de la véraison, puis de plus en plus lentement. 

Si l'acidité persiste longtemps dans les raisins 
de certains cépages, elle devient bientôt trop 
faible dans d’autres. 

Les nombreuses analyses des moûts de Carignan, 
de Mourvèdre, d'OEillade, de Clairette et de Chas- 
selas, que nous avons faites l’année dernière au 
moment de la vendange, nous ont donné une aci- 
dité totale voisine de 2,6 °/,, (tirée en SO‘H?). Cette 
acidité, évaluée en acide tartrique, représente seu- 
lement 4 grammes par litre. 

Nous ne savons pas quelle est l'acidité totale 
minima nécessaire pour la vinification des diffé- 
rents cépages, mais on peut affirmer qu’elle est 


(1) Cette courbe fait partie d'un ensemble de recherches 
sur la maturation que nous avons faites en collaboration avec 
M. Foussat, préparateur à la Station, et que nous publierons 
prochainement. 


par 100 kilogr. de vendange ou 50 à 100 grammes 


ajoutant 200 à 250 grammes de phosphate de chaux 


d’acide lartrique. Indépendamment de l’augmen- 
tation d’acidité, le phosphate de chaux produit 
une défécation analogue à celle du plâtre et aug- 
mente la proportion d'acide phosphorique dans le 


vin (phosphate de potasse et phosphate de chaux) … 


d'environ 0 gr. 8 par litre. 


Remarquons que l'acidité totale du moûtne nous 


renseigne qu'imparfaitement sur l'influence de 
l'acidité sur la fermentation et la qualité du vin 
qu'on obtiendra. Il faudrait connaitre la propor- 
tion de chacun des corps acides (acide tartrique, 
bitartrate, acide malique, etc.) qui entrent dans la 
somme acide et comment ils se comportent séparé- 
ment. Quelques essais ont élé tentés avec l'acide 
malique, mais les résultats obtenus ne sont pas 
assez nets pour en parler ici. 

On doit, avant d'introduire la vendange ou le 
moût dans les foudres, les cuves ou les futailles, 
s'assurer qu'ils sont dans un état de propreté ri- 
goureux et exempts de germes de maladies. Ce 
résullat est obtenu en nettoyant soigneusement 
les vases vinaires dès qu'ils sont vides; puis, après 


“ 


+ 


x 


F 
| 
* 


REP PR T  L'UNTAIU E Re 


4 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


149 


ae RU DL SU ie 


les avoir séchés, on les mèche. On recommence 
le méchage dès que le besoin s'en fait sentir, de ma- 
nièreà maintenir une atmosphère d'acide sulfureux, 


IV 


Fermentation. — Nous arrivons à la transforma- 
lion du moûten vin, c'est-à-dire à la fermenta- 
tion. La fermentation est un phénomène exother- 


SAMEDI 22 Sept. DIMANCHE LUNDI. 


MARDI 


et, pendant qu’elle dure, la levure utilise une par- 
tie de la chaleur pour vaincre l’afinité chimique 
des atomes de la molécule de sucre et pour cons- 
tituer les principes immédiats dont elle a besoin. 

Il y a ensuite l'acide carbonique, qui emprunte 
au liquide la chaleur nécessaire à son dégagement. 
D'autre part, 5 parties environ du sucre initial 
sont employées à d’autres usages que la production 


MERCREDI JEUDI VENDREDI 


40 


Tate se tasneres metals reswMesosnllereswMeresrdleresnetcerMercsrwMete see seswMetcs 
1 : : à 


CUVÉE 


35 


30 RSS: 


MPÉRATURE 


25 


D 


UE 


Fig. 5.— Courbes des températures pendant la fermentation; série avec moùt non refroidi. — A, Température de la cuvée. 
— B, Température du cellier !. 


mique : la levure transforme en chaleur et en force 
vive l'énergie potentielle accumulée dans le sucre. 
Les résultats calorimétriques de M. Berthelot nous 
ont appris qu'une molécule de sucre de raisin 
(CSH:206) peut (exprimée en grammes) donner, en 
brûlant, 713 petites calories. D'autre part, nous sa- 
vons que, des deux corps que le sucre fournit, l’un, 
- l'alcool, peut encore dégager 642 petites calories en 
brûlant. La différence, 71, représente donc la chaleur 


d'alcool et d'acide carbonique. En quatrième lieu, 
il y a l'échauffement des parois du foudre ou de la 
cuve. Il y a également toute la masse des pellicules 
et des rafles (environ la moitié du poids du moût) 
qui s’échauffe. Il y a, enfin, le refroidissement dû 
au rayonnement etau contact de l'air. 

Il résulte des expériences que nous poursuivons 
depuis deux ans avec des appareils enregistreurs, 
que, dans les conditions ordinaires, la tempéra- 


TABLEAU II. — (CARIGNAN). 


en 


22 septembre 6 h. 1/2 soir (mise en 
3 = 


Alcool ce}, 
volume 


Rapport de 
l’Alcool ‘ en 
V au Sucre en 

poids 


Acidité 
totale en 
SO‘H? 


Rotation 


Sucre °/o 
é tube de 0.22 


en glucose 


TSSSeSSoe 
D Dr Gr Oro Ur CE 


bb bi CE 19 


1.5 
5.5 
CHE 
929 
0.5 
0.7 
0.8 
2:9 


hp 


mise en liberté dans le dédoublement d'une mo- 
lécule de sucre de raisin, ou 180 grammes, en alcool 
et en acide carbonique, Avec un moût contenant 
18 °/, de sucre, la chaleur spécifique étant 1, l’élé- 
valion de la lempérature atteindrait 71°. Si les 
raisins, au moment de la cueillette, avaient une tem- 
péralure de 29°, la tempéralure de la cuvée serait 
portée à 71 + 29— 100"; elle entrerait en ébullition. 

C'est là la tempéralure théorique qu’on obtien- 
drait si, comme le dit M. Duclaux, « on pouvait 
réaliser instantanément la transformation du sucre 
sans employer de levure et sans perte de chaleur ». 


Ces conditions ne sont pas réalisables dans la 


pratique. La transformation n'est pas instantanée, 


REVUE GÉN ÉRALE DES SCIENCES, 1805 


ture maxima pendant la fermentation ne dépasse 
jamais 40 à 45°. Quand la température a atteint 40°, 
si les causes de refroidissement sont impuissantes 
à faire baisser la température de la cuvée, la 
levure reste bientôt inerte et la fermentation s’ar- 
rête net. 

L'expérience que relate le tableau IT est tout à 
fait démonstrative. La température du cellier est 
donnée par le diagramme inférieur de la figure 5, 


1 Ce diagramme et le tableau qui l'accompagne, ainsi que 
ceux qui vont suivre, font partie d’un ensemble de recherches 
sur la fermentation que nous publierons plus tard. 

2 Une erreur s’est glissée ici, par suite de la non-homo 
généité des échantillons. 


150 


celle de la cuvée par la courbe supérieure. Quant 
aux résultats analytiques, ils sont inscrits dans le 
tableau IE (page 149). 

On le voit, dès le 26, la fermentation est très 
lente : elle s'arrête complètement le 27, et ne re- 
prend qu'après quele vina été soutiré en trans- 
ports de 4 ou 5 hectolitres de capacité. D’autres 
cuvées nous ont donné des résultats absolument 
semblables. 

Lerefroidisse- 
ment dans la cu- 


MARDI 18 Sept MERCREDI 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 
PARUS Re 


Ge e recnMei serre rover est es Met este Le + 6 s7X]2 5 6! 
Æ : 


la figure 6 et les résultats analytiques sont consi- $ 
gnés dans le tableau HT ci-dessous : 4 
Remarquons de suite que la fermentation est ici 4 
bien plus active que dans l'expérience précédente, 
à cause de la plus faible proportion de sucre. Cette f 
activité de la fermentation se traduit par une élé- 
valion rapide de la température. Avec les moûts … 
très sucrés, la courbe de la température est plus 
allongée. 
Examinés au … 


"SAMEDI : 
microscope, les , 


JEUDI VENDREDI 


globules de le- 


ve n'estniassez ES — SEE | 
sensible ni assez EEE = pese vure se montrent « 
rapide pour que #2 ===. = vigoureux, tur-, 
la levure repren- = RE gescents et très # 
ne son aclivilé. réfringents. 

C'est un fait qui 5 Dans les moûts 
avait déja élé 22% = riches en sucre 
remarqué par nt === === 5 ils sont moins 
beaucoup de vi- % x gonflés et se ra: 
liculleurs. mais Fig. 6. — Courbe de la température de la cuvée non refroidie. tatinent dès que 
qui n'avait pas la température 
encore été démontré expérimentalement. s'élève notablement. Sous l'influence de l'ac-, 


L'élévation de la température dans la cuvée est 
done limitée par les exigences de la levure, qui 
n'agil plus au delà de 40°. 

La température initiale de la vendange étant 
comprise entre 20 et 25°, la chaleur sensible qui 
reste dans la cuve varie entre 15 et 20°. 

Toutes les fois que la richesse du moût en sucre 
est telle qu'avecles conditions naturelles de refroi- 


TABLEAU III. — (ARAMON). 


tion osmotique du liquide, le protoplasma de la M 
levure se contracte. 1 

Voici maintenant (fig. 7 et tableau IV) les ré- 
sullats obtenus avec une cuvée dont le moût a été 
passé au réfrigérant. La fermentation s’est effec- 
tuée entre 25 el 30°. Nous ne croyons pas nous, 
tromper en disant que c'est la première expérience 
suivie qui ait été faite pour déterminer l'influence M 


| Alcool te), Sre ele Rapport de rs Acidité 
DèRES e ç : L&e | l'Alcool®/, en à ; totale en 
| en volume | en glucost Lau Sierre tube de 0.22 SOIHE 
rm | || eee | See | SSI 
18 septembre, 6 h. 1/2 soir (mise en cuve)........ #. » 16.92 » 2 a 
DÉSERT NTI ET 14.66 5 xs" 


dissement, la température maxima ne dépasse pas 
10° avant la transformation totale du sucre, la fer- 
mentalion complète du moût est possible. 

L'expérience montre qu’en Algérie celte propor- 
{ion de sucre ne doit pas s'élever au-dessus de 18 
à 20 ©/,. Théoriquement les vins produits de- 
vraient contenir 11 à12°/, d'alcoolenviron, mais en 
pratique on oblient seulement des vins de 10 à 
Aa) 

Voici une expérience qui montre bien qu'une 
cuvée abandonnée à elle-même peut fermenter 
complètement lorsque le moût n’est pas trop sucré. 
La c‘zrbe de la température es£ reproduite dans 


de la réfrigération du moût sur la fermentation. 

Il ressort de la comparaison de ces deux expé- 
riences que l'allure de la fermentation est sensi-… 
blement la même dans le moût réfrigéré el dans 
celui qui ne l'est pas.Ilen est toutautrement quand 
on opère sur des moûts très sucrés. è 

Nous avons vu que, lorsque la température s'é-4 
levait au-dessus de 40°, la levure passait à l'état 
de vie latente et ne manifeslait plus son pouvoir de 
ferment. Chaque levure possède ainsi une tempé- 
rature critique, variable avec la composition du 
milieu. 

D'un autre côté, nous savons que la chaleur 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


RC 
| dégagée croit avec la richesse en sucre du moût, 
et, par là même, l’élévation de la température. 
Ainsi un moût contenant 24 °/, de sucre peut 
… mettre en liberté 941,5 au lieu de 71, soit une 
. différence de 23°1,5 par litre. 

- Il résulte de ces considérations que c'est la 
… Chaleur qui joue le rôle de régulateur ct arrête la 
. décomposition du sucre en suspendant l’action de 
. la levure ; ce qui revient à dire que, toutes les fois 
_ que les moûts sont très 
_ sucrés, la fermentation 


JEUDI 13 Sept VENDREDI 


#0 10X7e + o 8 0}f2 4 e s10ÂI2 + os wMf2+t con: seswlfz2rtesrfste 


que °° de cette liqueur sont incomplètement dé- 
colorés par 10° de vin, il reste moins de 2 grammes 
de sucre par litre, et la fermentation est terminée. 


à: 


Atténuation des effets de la chaleur. — On est arrivé 

à atténuer l’influence de l'élévation de la tempé- 

rature de différentes manières, que nous allons 
examiner. 

Quandla fermentation 


SAMEDI : à 
devient trainante, le re- 


DIMANCHE 


reste inachevée. EE == = montage à la cuve per- 
Dans la majeure par- ‘ Ë === === mel souvent de ranimer 
= — = , RCA d . 
lie des cas, les moûts à TOURS De = MISES: l’activité de la levure. 
des bons cépages ont , = = = : = Dans d’autres cas, on 
— =——: É NS 
uue teneur en sucre su- = == = fait barboter, dans le 


périeure à 20 °/, en Al- 
gérie. La plupart de 
ceux que nous avons exa- 
minés cette année en 
renfermaient 24 à 25 °/,. Cette proportion peut 
encore s'élever davantage, comme le montre la 
courbe de la figure 1 (page 143). ; 
D'autre part, nous savons que, si on rencontre 
rarement les organismes étrangers en quantité 
notable dans le vin en fermentation régulière ou 
bien fini, le vin incomplètement fermenté est rapi- 
. dement envahi parles ferments de maladies qui le 
rendent bientôt imbuvable. 


Fig. 1. — Courbe de la tempér 6e 
fermentation. Série avec moût refroidi. 


moût en train de fer- 
menter, de l’airfinement 
divisé. Le premier mode 
opératoire a l'avantage, 
tout en brassant et aérant la masse, d'abais- 
ser de un ou deux degrés la température et 
d'éliminer une grande partie de l'acide carbo- 
nique. Mais ce procédé a l'inconvénient d'augmen- 
ter la perte d'alcool, qui a varié entre 4 et 3 
dixièmes de degré dans les essais que nous avons 
pu faire. Cela tient à la tension élevée de la vapeur 
d'alcool, qui est déjà de 44,5 millimètres à 20°. de 
18,5 à 30°, et de 134 à 40°. 


ature de la cuvée pendant la 


TABLEAU IV. — Refroidissement du moût. — (Perrr-Bousouxr). 


Alcoo! |, Sucre 0}, ; = Acidité totale 
en volume en glucose Anne er en SO#H? 
S lo 
| À 
AS Septembre! {mise en CUVE. ......:.....:...... eee ce » 18.00 » 3.30 
4 Es LOGO CPP RC 


Rapport de 


On peut donc dire que, dans la vinification, l’es- 
sentiel est d'obtenir une fermentation complète; 
et, par vin fini, il faut entendre celui qui ne con- 
tient pas plus de 2 grammes de sucre par litre, 
environ. l 

La diminution de la densité, qu’on apprécie avec 

le mustimèêtre, permet de constater l'arrêt de la 
fermentation ; mais cet instrument ne donne pas 
toujours des indications précises sur la quantité 
de sucre qui reste. Il vaut mieux avoir recours au 
dosage du sucre par la liqueur de Fehling. On se 
sert pour cela d’une liqueur dont 5° correspondent 
exactement à 05,020 de glucose. Toutes les fois 


| 
| 
| 
| 
| 
| 
! 


Dans les conditions ordinaires, les pertes d’al- 
cool par entrainement ne sont pas importantes, 
parce que le dégagement gazeux qui se produit 
par l'ouverture du foudre ou de la cuve cesse 
d’être abondant lorsque la température est très 
élevée. 

Dans toutes les cuvées que nous avons pu sui- 
vre, le rapport entre l'alcool en volume formé et 
le sucre disparu a varié entre 0,55 et 0,58. Le ren- 
dement théorique étant 0,61, il n'y a donc pas une 
énorme disproportion entre le titre alcoolique des 
vins et la richesse saccharine des moûts qui les pro- 
duisent. Ces rapports sont du même ordre que ceux 


observés en France. L’affaiblissement du rende- 
ment en alcool se manifeste lorque l’action du 
ferment alcoolique est annihilée,lorsque la fermen- 
tation s’arrète en laissant le champ libre aux or- 
ganismes étrangers qui se développent aux dé- 
pens du sucre restant. 

De plus, il y a longtemps que M. Pasteur à fait 
remarquer que l'équation de la fermentation 
alcoolique est essentiellement variable avec les 
conditions dans lesquelles elle s'accomplit. 

Il y a donc lieu de croire que la proportion d’al- 
cool formé diminue au-dessus d’une certaine tem- 
pérature et est également influencée par la ri- 
chesse saccharine du moût, le degré alcoolique et 
les autres variations qui se produisent dans la 
composition du moût. Elle varie également avec 
la nature des levures qui ont présidé à la décom- 
position du sucre. 

Ces pertes d'alcool, qui sont inévitables, ne 
semblent pas être beaucoup plus importantes en 
Algérie qu'en France, lorsque la vinification est 
faile avec soin. 

M. Dessoliers prétend que l'aération « a pour 
effet de faciliter le développement des ferments 
de maladies et d’accroitre l'acidité des vins ». 
C'est le contraire qui est vrai. Pour que son expé- 
rience fût démonstralive et autorisät ces conclu- 
sions, il aurait fallu comparer des bordelaises aé- 
rées à des bordelaises non aérées, sans les mécher. 

Le repompage du moût est surtout utile après 
la fermentation tumullueuse : car, l'aéralion 
praliquée avec modération est une pratique re- 
commandable, il serait dangereux de l’exagérer. 

On arrive encore à pallier l'influence de la tem- 
péralure en employant des foudres ou des cuves 
de petites dimensions. On comprend, eneffet, qu’au 
fur et à mesure que la capacité s'accroit, le rap- 
port entre l'excès de Lempérature et la surface de 
refroidissement augmente, puisque la capacité {et 
par suite la quantité de chaleur dégagée) croit 
comme le cube des dimensions linéaires, tandis 
que la surface de re 
comme le carré. 


froidissement croil seulement 


C'est ainsi que le vin de la cuvée mentionnée 
au tableau If, qui renfermait 34 gr. 2 de sucre par 
litre au décuvage, a été logé en transports. Là, la 
fermentation est repartie, et le vin, examiné à 
nouveau au 26 novembre, ne contenait qu’une pro- 
1 gr. #4 par litre. 
D'autres cuvées qui contenaient de 30 à 60 gram- 


portion de sucre normale : 
mes de sucre par litre au décuvage ont également 
pu achever leur fermentation après avoir élé tirées 
en transports. 

I faut avoir soin de procéder au décuvage (tig.8 
dès que lafermentalion menace de s’arrèéter l’action 
de la chaleur sur la levure étant fonction du temps. 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


Il arrive cependant dans certains cas que, dans 
les vins renfermant encore une notable quantité 
de sucre indécomposé, la levure se développe dif- 
ficilement ou ne se développe pas du tout, même | 
si on ajoute un levain formé de ferments en pleine i 
activité. Le vin est devenu un milieu impropre à 
l’évolution de la levure, parce qu'il renferme sat 
doute des produits d’excrélion toxiques provenant” 


lui ont succédé après l’arrêt de la fermentation. 4 
Enfin, on s’est appliqué à retarder l'élévation de 
la es du mouût per le roses 


sous une faible ane, au FE een noc- : 
turne, et, s’il y à siroco, de les arroser, pour ob= 4 
tenir un refroidissement notable, Ce moyen, qui est 
excellent pour les petites et les moyennes exploi- 
tations, ne saurait convenir aux vignobles impor- 
lants. Pour ces derniers, les raisins sont arrosés et 
placés dans un courant d air artificiel. | 

On peut ainsi encuver les raisins à une tempéss | 
ralure voisine de 20 degrés, ce qui permet de faire 
partir la fermentation plus lentement et d’ac” 
croitre la quantité de sucre décomposé avant que 
le maximum de température soit atteint. Le re 
froidissement des raisins est suffisant pour les 
moûts dont la richesse en sucre ne dépasse pas 18 
à 20 °/,; mais, pour les moûts plus sucrés, il est 
souvent insuflisant. Cependant, même dans ce der M 
nier cas, il n’est pas à dédaigner. Combiné avec les 
tirage en transports trois jours après la mise en. 
cuve, il permet d'atteindre plus sûrement le but 
Si l'influence du siroco sur les fermentations en 
cours est négligeable, il n’en est pas de même de 
son action sur les raisins attachés aux ceps, dont la 

empérature peut s'élever notablement. Cet échaufz 

fement préalable de la vendange a pour effet de 
faire partir brusquement la fermentation, si on n'a 
pas soin de refroidir les raisins avant de les encu= | 
ver. Le dégagement de chaleur estalors rapide, et, 
comme l'écart entre la température initiale el celle 
à laquelle les levures ne peuvent plus travailler es 
faible, il en résulte que la fermentation s’arrêle 
court quand la quantité de sucre reslant à trans= 
former est encore considérable. 

Un dernier moyen consiste à ajouter de l’eau au 
moût pour le ramener au degré voulu. Pour éla= 
blir cette influence de la dilution du moût, nous 
citerons l'expérience d’une cuvée dont la fer- 
mentation s’est effectuée dans les mêmes condi- 
Lions que la cuvée du tableau IV. Après la mise en 
cuve, le moût contenait 24,12 °/, de sucre: on lui a 
ajouté environ 12 ‘/, d’eau, ce qui aréduit la 
teneur en sucre à 21 °/.. Dans ces conditions la 
fermentation a pu se lerminer à peu près complè- 
tement; il ne restait que 3 gr. 37 de sucre par 


x 


j 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUMISIE 153 


litre au décuvage. Les cuvées faites sans addition | loppement et la maturité des raisins pour l’an- 
d'eau sont restées avec une proportion de sucre | née 1894. Si l’on compare ce graphique à la courbe 
va riant de 30 à 60 grammes par litre. du sucre (fig. 1), on voit que, sous l'influence de la 


Fig. 8. — Décuvage à la lumière électrique. — Le vin ayant été soutiré par la partie supérieure de la cuve, le row d'homme 

g q que. À par la par I 

(béant sur le tonneau de droite de la figure) sert à enlever tout le dépôt qui s’est accumulé au fond de la cuve. 

Le mouillage à la cuve est tout indiqué lorsque | chaleur excessive (plus de 43°) qui s’est fait sentir 
les raisins ont été plus ou moins flétris par le | à la fin d'août et au commencement de septembre, 
Siroco. Les raisins exposés au siroco peuvent faci- | le sucre s'est notablement aceru ; la proportion à 
lement gagner 2 à 3 °/, de sucre. Si une pluie sur- | dépassé 27,5 °/,. Puis, la pluie étant survenue 


0 


452 


É 
Hi É 
HE HT HE H 
& SAGE £ SRE PAT PE NE = ESS 
= Û E 5 
S - = 
Fig. 9. — Courbe de la lempéralure maxima observée à Alger du 21 juin au 1er octobre. 


vient, ils peuvent réabsorber l'eau qu'ils avaient | dans les premiers jours de seplembre, les raisins 
perdue sous l’action d’une température élevée et | qui n'avaient pas trop souffert ont pu récupérer 
d'une sécheresse prolongée, l’eau perdue, et le taux du sucre a diminué. L'ad- 

La courbe ci-contre (fig. 9) représente les varia- | dition d’eau à la cuve ne présente done pas ici le 
tions de la température maxima pendant le déve- | caractère frauduleux qu'on attache généraiement 


154 


au mouillage, puisqu'on se borne à remplacerl’eau 
qui à été enlevée prématurément par le siroco et 
qui pourrail être reprise naturellement si les cir- 
constances climatériques venaient à changer avant 
la vendange. Cette addition d’eau a lieu à la cuve, 
au lieu d’avoir lieu au vignoble : voilà toute la dif- 
férence, 
VI 

Réfrigération des moûts. — Nous venons de passer 
en revue les divers moyens employés par les vi- 
liculteurs pour préserver la vendange d’une trop 
grande élévalion de température et permettre à la 
levure de se développer dans des conditions nor- 
males et d'achever la transformation du sucre. Il 


MERCREDI. JEUDI * 


MARDI 18 Sept 
Le 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGERIE ET EN TUNISIE o 


VENDREDI 


& 
le plus fort rendement en alcool. Les différentes 
variétés de levures ne se comportent pas de la + 
même manière vis-à-vis de la température, et leur 
résistance individuelle est variable avec la compo- { 
sition du milieu. Il est done impossible de fixer la 
température optimum d'une manière précise, en 
ce qui concerne la vinification ; mais l'expérience 
montre que c'est entre 25 et 30° qu'on obtient les 
meilleurs résultats. C'est donc dans cet intervalle 
qu'il faut faire [a fermentation; mais nous pour- 
rons sans inconvénient nous en écarter de quelques 
degrés en dessus ou au-dessous. Toutes les fois 
que cela sera possible, il vaudra mieux descendre « 

au-dessous de 25 que de laisser Le moût s’échauffer 
au-dessus de 30. 
SAMEDI 


DIMANCHE LUNDI 


we + 0872 + 6 s 10M2 + 9° 8 10X]2 + e a 10Me # 6 s 10Â]2 # à a10M2 + 6 8 roXMe + o & 10e ss s 102 #6 810 


BESSESI 


£ £ 


Fig. 10. — Courbe de la température de la cuvée pendant la fermentalion; série avec moût refroidi. 


nous resle à nous occuper du refroidissement des 
moûts par les réfrigérants. C’est la méthode la plus 
rationnelle, la plus pratique et la plus efficace. 
C'est M. Brame qui parait avoir été Le premier à 
utiliser le réfrigérant de brasserie pour refroidir 
le moût de raisin; mais c'est à M. Dessoliers que 
revient le mérite d’avoir employé cette méthode 
d’une manière rationnelle. L'idéal serait d'enlever 
le calorique au fur et à mesure de sa production 
et d'effectuer la fermentation à une température 
constante. En réalité, nous sommes obligés de 
procéder autrement. Nous abaissons la tempéra- 
ture du moût à un certain degré, elle remonte 
ensuite; lorsqu'elle atteint l'élévation voulue, 
nous la faisons redescendre, et ainsi de suite. 
L'essentiel est de maintenir les oscillations au- 
tour d’un certain degré de température. Quel est 
ce degré et à quel moment faut-il réfrigérer ? 
Pour la levure, comme pour les autres cellules 
vivantes, il y a trois températures à considérer. 
Ce sont : 1° une certaine limite inférieure au- 
dessous de laquelle la vie ne se manifeste plus; 
2 une cerlaine limite supérieure au-dessus de 
laquelle la vie s'arrête également; 3° quelque part 
dans l'intervalle, une température où la vie se 
manifeste avec loute son énergie et toute sa force : 
c’est l'oplimum de température. Dans le cas qui nous 
occupe, celoplimum de température a lieu lorsque 
la levure remplit le mieux les conditions que l’on 
cherche, à savoir la transformation du sucre avec 


Icise pose une autre question : c’est celle de sa=" 
voir quelle est la quantité de calories qu'il faut 
soustraire au moût pour quela fermentation puisse 
se poursuivre et se terminer entre 25 et 30°. Le 
nombre des calories qu'il faut enlever au moût" 
s'accroil avec l'augmentation de la richesse du 
moût en sucre. Les expériences que nous avons” 
faites nous ont montré qu'avec des moûls conte- 
nant 2% à 25 °/, de sucre, dans les conditions ordi- 
naires, il fallait enlever 20 petites calories par 
litre à la masse de la vendange. C’est suffisant, 

Voici un exemple qui nous est fourni par une F 
cuvée de notre série d'expériences avec les moûts. 
réfrigérés. Le graphique de la figure 10 représente 
la marche de la température, et les résultats analy= 
tiques sont consignés dans le tableau V (page 155), 

Cette expérience montre que, lorsqu'on refroidil 
le moût, il n’y a pas arrêt dans la fermentation, 
comme nous l’avons vu précédemment avec une 
cuvée abandonnée à elle-même. La fermentation 
a dù être terminée le 24, la quantité de sucre r'es= | 
tant à décomposer n'élant que de 7,14 par 
litre, alors que 13%°,46 avaient disparu dans les. | 
dernières 24 heures. e. 

Remarquons, en passant, que la fermentation 
devient de plus en plus lente au fur et à mesure | 
qu’elle avance. Il y a plusieurs causes qui con-. 
courent à produire ce résullat, notamment l'aug= 
mentation de la proportion d’alcool. 

D'autre part, le graphique de la figure 10 établit 


… qu'il faut passer trois fois le moût au réfrigérant 
- pour empêcher la température de s'élever au-dessus 
de 30°. Comme le moût seul traverse l'appareil et 

- qu'il ne représente que les 2/3 environ de la masse 
totale, il s'ensuit qu’il faut lui enlever 30 petites cal. 
par litre. En réalité, cenombre est un peu supérieur, 
parce que nous ne tenons pas compte des calories 

… dégagées pendant le temps de la réfrigération. 
…_ La vitesse du refroidissement élant proportion- 
- nelle à l'écart de température entre l’eau et le vin, 
_ la méthode généralement suivie el qui consiste à 
- recevoir, dans la même cuve, le vin que l’on vient 
d'en extraire, pour le passer au réfrigérant, est 


J. DUGAST — LA VINIFICATION 


EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 155 


cessives pour chaque cuvée, si on ne veut pas laisser 
le vin s’échauffer au-dessus de 30°, il en résulte que 
le volume d'eau fraîche nécessaire est de 3 à 4 fois celui 
du vin à produire. 

Les réfrigérants ont pour organe commun une 
série de tubes dans lesquels circule le moût à re- 
froidir. Ils se distinguent, d’ailleurs, en plusieurs 
catégories suivant que les tubes sont horizontaux 
ou verticaux, suivant que l’eau coule dans des 
tubes concentriques ou est distribuée en pluie sur 
la surface des tubes qui renferment le vin. 

La plupart de ces instruments fonctionnent assez 
bien, lorsque le débit de l’eau et celui du vin sont 


TABLEAU V. — Moût réfrigéré. — CarIGNan. 


DATES 


— Le MÉRÉCES RSNE EE 


défectueuse, même si l’on prend soin de répandre 
le moût refroidi en pluie à la surface du mare, 
ainsi que cela avait lieu dans nos expériences, 
L'’eflet utile baisse de plus en plus. 

Il faut alimenter le réfrigérant avec le moût ini- 
tial, régler le débit de manière à obtenir la tempé- 
rature cherchée après un seul passage et conduire 


- le moût refroidi dans une cuve spéciale, d'où il 
sera ensuite dirigé dans la cuve d’origine. Dans 
ces conditions, c’est donc un abaissement de tem- 
pérature du moût de 10° qu'il faut produire à 
chaque réfrigération, 

D'un autre côté, comme il n’est pas avantageux 
de chercher à obtenir l’échange intégral de tempé- 
rature et qu'il est préférable de s’en tenir à un 
écart de deux ou trois degrés, on voit qu'il y a plu- 
tôt avantage à augmenter le nombre des réfrigé- 
rations. Pour les moûts très sucrés, pouvant donner 
1%à15°/, d'alcool, il faut compter sur 3 ou 4 réfri- 
géralions successives à l’eau ordinaire. 

Ce qui importe le plus pour pratiquer la réfrigé- 
ration, c'est d'avoir de l’eau à sa disposition en 
quantité suflisante. Avec les réfrigérants acluelle- 
ment en usage, la température des eaux de source 
variant de 20 à 22, il faut, pour que le refroidisse- 
ment se fasse assez rapidement, disposer d’un vo- 
lume d’eau égal à celui du vin. 

Comme il faut trois ou quatre réfrigérations suc- 


Es SODIOROPP (NS ER ER LOVE). 2eme rte | 


& Rapport de es: 
Alcool! °/, Sucre ‘lo , RE : Acidité totale 
en volume en un lalconlo en vol. en SO‘H! 
ne mens ne ns 
» 23.65 » PE 
8.8 1.857 0.56 4. 
bo _— TA ES A Te net id mes Lo 10.0 4.076 0.55 4.5 
22 — TU 6 VER EE POP TELE ETROe - 10.9 2.39 0.58 4. 
22 — RDS DIRE ES RE MA nee ASS creR -RU 11.10 2.06 0.60 4.5 
22 — SE ET CO SCT DO ON Por 11.32 1.833 0.60 4. 
23 — GRETA RAR ER SAR RO ER R  n Rrol dites de 11.40 1.693 0.57 UP 
23 — NE Re A ES ce fd ape 20 fe hate too ee 0 AAC TS 1.12% 0.61 k. 
23 — SN OS DIE TO reed nue dde deal Me dore 12.00 0.71% 0.60 4. 
» 


convenablement réglés. Les constructeurs pour- 
ront cependant facilement les modifier, afin d’aug- 
menter l'effet utile el de diminuer le temps de la 
réfrigération. Ils devront également les munir 
d’un dispositif permettant de placer des thermo- 
mètres à l'entrée et à la sortie du vin. 

Lorsque le volume d’eau fraiche dont on dis- 
pose pour alimenter le réfrigérant est insufi- 
sant, on pourra se servir de la même eau après 
l'avoir préalablement refroidie par évaporation. 

On peut imaginer divers moyens pour obtenir le 
refroidissement de l'eau. M. H. Dessoliers emploie 
une cheminée en briques creuses disposées en 
chicanes. L’eau qui sort du réfrigérant est distri- 
buée en pluie au sommet de la cheminée et des- 
cend lentement sur les parois des canaux ; un ven- 
tilateur placé à la base refoule l’eau en sens inverse. 
M. Wohlhüler se-sert d'une tour en fer garnie de 
balais de bruyère !. L'eau ainsi refroidie par évapo- 
ration est recueillie au bas de l’appareil et renvoyée 
dans leréfrigérant.La quantité d’eau perdue est mi- 
nime, puisqu'elle se réduit à la quantité vaporisée 
pour rafraichir celle qui reste. Ainsi, pour abaisser 
de 30 à 20° la température de 100 hectolitres d’eau, 


1 On pourrait encore faire circuler l'eau dans un système 
de tubes poreux où elle serait refroidie par l’évaporation de 
celle qui suinte par les pores. 


156 


il faut évaporer environ 460 litres d'eau, soit 
4,60 °/,. Dans la pratique, les pertes s'élèvent de 
SEEUD PER | 

En résumé, les conclusions pratiques qui décou- 
lent des recherches et des considérations que nous 
venons d'exposer sommairement, peuvent être 
résumées ainsi qu'il suit : 

1° La vüufication en Algérie el en Tunisie se dis- 
tinque de celle de la Métropole par l'élévation de la tempé- 
rature qui se produit pendant la fermentation. 

2% Toutes les fois que la richesse en sucre du moût ne 
dépasse pas 48 à 20 °/,, la fermentation peut s'effectuer 
complètement sans le secours des réfrigérants, à la condi- 
tion qu'on ait soin d'encuver les raisins à une température 
inférieure à 259. 

3° Lorsque la proportion de sucre est supérieure à 
20 0/ 

a) Türer le vin en transports lorsque la tempérarure 


0 À faut employer l'un des trois moyens suivants : 
atteint A0. Dans ces conditions, l& fermentation recom- 
mence el se termine doucement; 

b) Ajouter de l'eau au moût pour ramener la propor- 
lion de sucre entre A8 et 20 °/,; 

c) Passer le moût au réfrigérant el maintenir sa tem- 
pérature entre 24 et 30° pendant toute lu durée de la fer- 
mentation. 

VII 

Seconds vins. — En présence de la faveur crois- 
sante dont jouissent les vins blancs, beaucoup de 
viticulleurs emploient une partie plus ou moins 
grande de leurs raisins rouges à faire du vin blanc. 
Le moût qui s'écoule librement après le foulage 
est utilisé à faire du vin blanc, tandis que le reste 
de la vendange est entonné dans un foudre pour 
faire du second vin, après addition d'eau. 

Lorsque la quantité d'eau a été convenablement 
calculée, on obtient des «seconds vins » suflisam- 
ment alcooliques, colorés et riches en extrait qui 
ont la plus grande analogie avec les vins ordi- 
naires. Ces vins sont, du reste, vendus pour ce qu’ils 
sont. Ces produils ne ressemblent donc pas aux 
seconds vins de France si bien étudiés par M. A. 
Girard et qui sont obtenus en ajoutant au mare 
une cerlaine quantité d'eau et de sucre. 


Vins de liqueur. — Pour oblenir des vins liquo- 
reux,iliaut des moûts très sucrés. La fermentation 
se développe lentement et, bientôt, grâce à l'alcool 
formé et au sucre qui reste encore non transformé, 
elle s'arrête tout à fait. Le vin est alors doux et 
alcoolique. Pour en assurer la conservation, on 
ajoute de l'alcool de vin de manière à porter sa 
richesse à 18 °/, environ. 


1 11] semblerait plus rationnel de refroidir directement le 
moût en le faisant circuler dans des tubes recouverts d'une 
toile mouillée, mais ce procédé n'« pas encore été essayé 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 


Si l'on veut conserver dans le vin une plus. 
grande proportion de sucre indécomposé, on mute 
à l'alcool plus tôt, au commencement de la fer- 


l'alcool doit être suivie d’une forte agitation du 
liquide pour que le mélange soit bien fait. 4 

L'Algérie et la Tunisie pourraient facilement" 
produire des vins de liqueur similaires à ceux qui 
nous viennent d'Espagne ou d'ailleurs, el approvi=" 
sionner le marché français. 


Piquettes. — 11 est avantageux d'extraire des 
marcs tout le vin qu'ils reliennent encore malgré 
les plus fortes pressions. Voici comment on pro- 
cède : On prend le marc, que l’on émietle avec 
soin avant de l’introduire dans Ja cuve et on le 
tasse couche par couche. On remplit ainsi cinq 
cuves. On verse ensuile de l’eau sur la cuve n° 1 e 
ayant soin de la répartir sur toute la surface du 
mare, jusqu'à ce que le vin commence à couler par 
le robinet du bas de la cuve. Le petit vin qui coule 
est porté sur la cuve n° 2 el ainsi de suite. Après 
addition d'un volume d'eau représentant environs 
3.5 fois le poids du marc et distribué en cinq arro- 
sages successifs, le marc de la cuve n° 1 est com 
plètement épuisé et le liquide qui sort de la cuves 
n° 5 a une composilion voisine du vin restant dans: 
le marc, La cuve n° 1, vidée et rechargée, devient 
la cuve n° 5, et la cuve n° 2 passe au n° 4. Ce la= 
vage méthodique des mares par déplacement 
permet de les épuiser d'une façon complète. 

Il est préférable, lorsqu'on le peut, de faire com=. 
muniquer les cuves par un luyautage disposé de 
manière à faire sortir le liquide déplacé, qui est 
plus léger que l’eau, à la partie supérieure. 

Les procédés de fabrication des piquettes en 
France, soigneusement éludiés par M. Müntz, ne 
différent pas de ceux employés en Algérie depuis 
plusieurs années. 


Mais, sinous sommes parvenus à oblenir des 
vins sains et de bonne garde, il ne s’ensuit pas ques. 
nous devions nous contenter de ce résullal. Nous 
devons. au contraire, nous efforcer d'améliorer nos 
produits en perfectionnant nos méthodes de fabris 
cation. La vinification est tellement complexe que. 
beaucoup de points importants restent encore obs 
curs. Nous travaillerons à les éclairer et à porter l& | 
fabrication du vin à ce degré de perfectionnement 
que tous les viticulteurs soubaitent d'atteindre. : 


} Pour faciliter notre tàche, il serait très ulile 

d'annexer à la Station Agronomique une cave d'ex- 
_ périences. On trouverait facilement un proprié- 
aire qui se chargerait de fournir les moyens ma- 
ériels pour exécuter ces sortes de recherches, à la 
condition de l’indemniser des dépenses supplé- 
_mentaires qu'elles exigent. Grâce à ce concours 
| Simultané, on réaliserait presque sans frais l'éla- 
. blissement d'une station œnologique. 

Ce qu’il faut chercher, ce n'est pas à multiplier 
les stations expérimentales, comme cela a été con- 
Seillé quelque part par un auteur évidemment 
_élranger aux recherches agricoles; c'est à doter 
convenablement celles qui existent pour leur per- 
mettre de travailler dans de bonnes conditions. 

Nous éltonnerons certainement nos lecteurs en 
+ leur apprenant que le Conseil Général d'Alger, seul, 
| nous alloue une petite somme pour les essais de 
vinification. C'est grâce au concours gracieux des 
viliculteurs, parmi lesquels il convient de citer 
M. Nelson Chierico, directeur de la Banque d’'Algé- 
rie, et MM. Pech et Baudoin, que nous pouvons 
chaque année entreprendre quelques expériences. 

VIII 
… JL nous reste maintenant à indiquer l'importance 
commerciale de la vinification dans notre colonie. 
les conditions sociales et économiques qui lui sont 
particulières, et à formuler à ce point de vue 
| quelques desiderata. 


Statistique. — Le tableau suivant indique l'éten- 
“due du vignoble algérien et sa production pendant 
| les quinze dernières années : 


2 TABLEAU VI 


Production 
en hectolitres 


Nombre d'hectares 
plantés en vigne 


.899 
51.949 
63.847 

3.011 


Si l'on exceple de ce tableau l’année 1891, qui a 
été tout à fait extraordinaire, on voit que, depuis 
l'origine, le vignoble algérien et son produiten vin 
n'ont cessé de s’accroilre d'une facon régulière. 

Le Lableau montre aussi que le rendement en vin 
par hectare s’est aussi accru. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGERIE ET EN TUNISIE 157 


————_—_—_—_—_—_—_—_—_— —— 


Muin-d'œuvre. — 1 y a deux catégories d'ouvriers 
employés pour la vendange et la vinification : les 
Européens et les indigènes. Parmi les premiers, 
les Français sont malheureusement en trop petit 
nombre. Le meilleur ouvrier étranger est, sans 
contredit, l'Espagnol. Il est travailleur, économe 
et àpre au gain. On le rencontre en très grand 
nombre dans le département d'Oran et dans une 
partie de celui d'Alger. Il est remplacé dans le dé- 
partement de Constantine par l'Italien, en Tunisie 
par le Maltais, qui ont surtout de la valeur pour 
les travaux à la tâche. 

Sans nourriture, le prix de la journée de l’ou- 
vrier européen varie entre 2 fr. 50 et 4 fr., suivant 
les localités et la nature des travaux, avec un tra- 
vail effectif de 12 à 13 heures pendant l’élé et de 
9 à 10 heures pendant l'hiver. Il y a enfin la main- 
d'œuvre pénitentiaire qui rend des services dans 
les environs des pénitenciers militaires. La journée 
d’un pénilencier revient à environ 1 fr. 75. 

Les ouvriers indigènes sont Arabes ou Kabyles. 
Le Kabyle serait préférable à l’Arabe comme fond, 
activité el intelligence ; cependant ce dernier, bien 
conduit, est très utilisable: il est intelligent, fort, 
mais paresseux : son fatalisme le porte à mener 
une existence contemplalive et lui interdit Lout 
progrès; il demeure réfractaire aux améliorations 
qui se produisent autour de lui. Il vit, procrée et se 
soucie peu du reste. Le Kabyle est plus énergique, 
industrieux et agricole, et parait susceptible de coo- 
pérer, dans une certaine mesure, à la colonisation. 

Il y a encore les Marocains qui, tous les ans, à 
l’époque des vendanges, arrivent en foule dans la 
province d'Oran. 

Numériquement, les ouvriers indigènes domi- 
nent. La main-d'œuvre indigène ne vaut générale- 
ment pas, comme qualité dans l'exécution, la main- 
d'œuvre européenne, mais elle est plus nombreuse 
et plus économique. Le prix de la journée varie 
entre 1 fr. 50 et 4 fr., suivant les saisons et la na- 
ture des travaux, 

Toutes les fois que l’ouvrier indigène n’éprouve 
pas un pressant besoin de gagner de l'argent, il 
devient exigeant et exagère ses prélentlions. 

L'emploi des machines et des instruments aclion- 
nés mécaniquement permet de réduire le nombre 
des ouvriers et sert de contrepoids économique à 
l'élévation du prix de la main-d'œuvre. 

Quoi qu'il en soit, les indigènes forment un 
appoint indispensable à l’époque des grands tra- 
vaux. Si, abandonnés à eux-mêmes, ils ne font 
preuve d'aucune initiative, ils s’acquittent parfai- 
tement des travaux que le colon leur apprend à 
exécuter chez lui. Quelquefois la main-d'œuvre in- 
digène est même employée exclusivement. Ces 
ainsi que cela se passe chez le colonel Follet. Mais, 


gx 


158 J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE % 


dans la plupart des cas, on utilise concurremment 
les ouvriers européens et les ouvriers indigènes. 


Syndicats agricoles. — Quoiqu'on ne puisse nier 
l'utilité des sociétés d'agriculture et des comices 
agricoles, leur rôle, limité à la vulgarisation des 
bonnes méthodes, nerépond pas complètement aux 
nécessités actuelles. L'avenir est aux syndicats 
agricoles, parce qu’ils peuvent rendre des services 
immédiats et palpables. Ceux-ci ont pour but l’a- 
chat en commun des engrais, soufre, sulfate de 
cuivre,instruments et, en général, de toute matière 
ulile à l’agriculture. Ils ont l'avantage de suppri- 
mer autant que possible les intermédiaires coû- 
teux et inutiles. 

Il n'existe pas encore beaucoup de syndicats 
agricoles en Algérie; ce genre d'association n'a pas 
recu l’accueil qu'il mérite parmi les colons, sans 
doute parce que nous sommes dans un pays de 
grande culture et à population mélangée. 

Il y a à Constantine le Syndicat Agricole du 
département de Constantine; dans la province 
d'Oran, le Syndicat d'Oran et celui de Constantine: 
dans la province d'Alger, le Syndicat de Rouïba. Il 
y en à également quelques autres. 

En raison du grand intérêt qui s'attache en ce 
moment à l'écoulement prompt et facile des pro- 
duits, les syndicats ont tout intérêt à organiser à 
côté du service des achats un service des ventes. 

Ils peuvent arriver à réaliser une économie dans 
les frais de transport en obtenant des Compagnies 
de navigation des conditions plus avantageuses que 
les prix habiluels. Les transports par chargements 
complets coûtent bien moins cher et présentent de 
sérieux avantages pour l'expéditeur. 


Moyens de transport. — Ya longueur du réseau al- 
gérien exploité, divisé en cinq Compagnies, est de 
2.905 kilom.Il faut ajouter à ces lignes les chemins de 
fer sur route établis par le Conseil Général d'Alger. 

Les vins représentent une marchandise encom- 
brante et donnent lieu à un trafic considérable que 
les Compagnies devraient favoriser. Or, on peul 
remarquer,en jetant un coup d'œil sur la carte in- 
sérée dans cette étude (page 144), que les vignobles 
sont surtout silués près du littoral, à proximité 
d'un port d'embarquement, ou sur le parcours des 
chemins de fer. Avec le système actuel, tel qu'il 
résulte des contrats consentis par l'État, les Com- 
pagnies n'ont pas intérêt à développer le trafic. Des 
efforts sont faits depuis longtemps par les repré- 
sentants de l'Algérie pour obtenir la réduction des 
larifs qui entravent non seulement l'exportation 
des vins, mais aussi celle de tous les autres produits 
agricoles. Il faut cependant reconnaître que quel- 
ques Compagnies ont déjà amélioré certains tarifs. 

Les transports par eau, sur le littoral, sont plus 


économiques que les transports par voie ferrée, 
mais ils sont moins rapides et plus rés + 
Quoi qu'il en soit, voici quelles sont, à l'heure 
actuelle, les éditions auxquelles les différentes 
Compgities transportent les vins en fûts : 3 


I. — TARIFS DES CHEMINS DE FER DU P.-L.-M. ALGÉRIEN 
Troisième série du larif général, quel que soil le tonnage. 


De 1 à 100 kilom...... 0 fr. 12 par tonne et par kilom. 
101 à 200 — .....… 0 fr. 11 — — 
201 à 300 — ...... 0 fr. 09 — — 

Au delà de 300 kilom.... 0 fr. 07 — — 


Les expéditions sont axées d’après le tarif cor-" 
respondant au parcours maximum. Les frais de 
chargement et déchargement sont compris. Î 

La Compagnie possède, en outre, des tarifs com-" 
binés, qui sont les suivants : 


1° D'une gare quelconque du P.-L.-M. 
San à une gare quelconque du 


P.-L.-M. FrAICAIS Se Re atee 15 fr. par bordelaise. 
o D’ Alger à une gare quelconque du 
Ÿp -L.-M. français............... . 14 fr. par bordelaise. 
30 D'Alger à Paris-Bercy, par char- ; 
gement des A0 tonnes... .. 35 fr. la tonne. 
II. — TARIFS DES CHEMINS DE FER DE L'EST ALGÉRIEN 


1° Tarif général, sans conditions de tonnage : 0 fr. 43 par 
tonne et par kilom., plus 4 fr. 50 par tonne pour frais de M 
chargement, de déchargement et de gare. 

20 Tarif par chargement” d'au moins 3.000 kilog., 
pour ce poids : 
De 1 à 300 kilom........ 0 fr. 10 par tonne et par kilom. 
Au delà de 300 kilom...." 0 fr. 08 

Les frais de chargement et dé chargement af fr. 
sont à la charge re de l expéditeur, 


ou payant 


50 par tonné) 


III. — TARIFS DES CHEMINS DE FER DE BÔNE-GUELMA 
19 Tarif général, sans condi- 
tions de tonnage ........ 0 fr. 43 par tonne et par kilom. 
20 Par wagon chargé d’au L 
moins 4.000 kilog...... - UML. M2 = a 
30 Tarifs d'exportation : 
Dear mSnikilon--tee 0 fr. 09 — — 
51 à 100 — ...... 0 fr. OS = = 
101 à 200 — ...... ON —= = 
201 à 300 — ...... 0 fr. 06 = == 
300 et au delà...... . A0 fr 409 — — 
Les frais de chargement el déchargement M 
(1 fr. 50 par tonne) sont à la charge de l'expéditeur. 
IV. — TARIFS DES CHEMINS DE FER DE LA C2 FRANCO-ALGÉRIENNEN 
10 Tarif général, sans con- 
ditions de tonnage SES 0 0 fr. 43 par tonne et par kilom. 


99 Tarif spécial, par wagon chargé d'au moins 5.000 kilog. 4 


DA lilomer-e 0 fr. 43 par tonne ct par kilom. 
HO A MOURE E EA OMfr 42 — — 
151 à 250. — .....… 0 fr. 11 — — 
254 à 350 — .....…. 0 fr. 10 — — 


Au-dessus de 350 kilom. 0 fr. 09 — — 
Les frais de chargement, déchargement et de 
gare (1 fr. 50 par tonne) ne sont pas compris dans … 

ces tarifs. 

V. — TARIFS DES CHEMINS DE FER DE L'OUEST ALGÉRIEN 
19 Tarif pénéral sr. #.e. 0 fr. 13 par tonne et par kilom. 
29 Tarif spécial (pour la prorince d'Oran) 


De 0 à 100 kilom........ 0 par tonne ct par kilom.. 
Au-dessus de 100 kilom. 0 fe. — = 


Les frais de chargement et de déchargement 
(4 fr. 50 par Lonne) sont à la charge de l’expéditeur. 
Quant aux tarifs de fret, d'Alger à Marseille, ils 


sont compris entre 9 et 10 fr. la tonne. 
J. Dugast, 


Directeur dé la Station Agronomique d'Alger, 


Pa 


PA 2 


C.-A. 


LAISANT — LES MATHÉMATIQUES AU CONGRÈS DE 


ARS 


Les Présidents et Secrétaires des Sections du 
dernier Congrès de l'Association française, tenu à 


. Caen, ayant achevé de réunir les Mémoires soumis 


aux diverses Sections, nous donnons ci-après, 
grâce à leur concours, l'analyse des travaux les 
plus importants qui ont été présentés. 

(LA DIRECTION.) 


I. — SECTIONS DE MATHÉMATIQUES, MÉCANIQUE, 
ASTRONOMIE ET GÉODÉSIE. 


_ Les travaux de ces Sections ont été très nom- 
breux et très suivis, au Congrès de Caen. La 
plupart des membres qui y assistaient ont pré- 
senté des communications sur les sujets les plus 
variés, et il y a eu, en outre, plusieurs mémoires 
transmis par correspondance. On trouvera plus 
loin la liste des uns et des autres. Ces études, par 
leur nature spéciale, ne se prêtent guère, en géné- 
ral, à une analyse, qui risquerait forcément d’être 
obscure. Mais il y a lieu de signaler la part prise 
aux travaux mathématiques par des hommes pra- 


- Liques, tels que MM- Raffard et R. Arnoux; leurs 
. communications sont de nature à intéresser aussi 


bien les savants s'occupant de science pure que 


. les ingénieurs ayant à appliquer chaque jour les 


principes de la Mécanique dans l'exercice de leur 
profession. 

On notera aussi la très remarquable invention 
présentée par M. Genaille sous le nom de Calcula- 
teur. C’est un appareil d’une extrême simplicité, 
qui permet d’effecluer rapidement les multiplica- 
tions ou les divisions les plus pénibles, pourvu 
qu on sache simplement additionner trois nombres 
d'un seul chiffre. Le prix de revient de cet appa- 
reil, s’il était construit industriellement, serait des 
plus modiques, et il parait difficile d’aller plus loin, 
au point de vue pratique, dans la voie des perfec- 
tionnements. Voilà, du reste, une vingtaine d’an- 
nées que M. Genaille poursuit patiemment ses tra- 
vaux et ses recherches; et son nom est bien connu 
de tous ceux qu’inléresse la question des machines 
à calculer. : 

En dehors des communications individuelles, il 
y avait, avant l'ouverture du Congrès, à l’ordre du 
jour des séances des première et deuxième sec- 
lions, trois questions dominantes, formulées de 
la manière suivante : 


Première question. — Étude des moyens qui seraient 


LES TRAVAUX DU DERNIER CONGRÈS 
DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE 
POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES 


de nature à assurer un échange d'idées plus facile et plus 
suivi entre les mathématiciens des diverses nations, et qui 
pourraient contribuer ainsi aux progrès des sciences ma- 
thématiques et au perfectionnement des méthodes. 

2° Question. — Exposé de l'état d'avancement des tra- 
vaux du répertoire bibliographique des seienees mathéma- 
tiques, à l'époque du Congrès. 

3° Question. — De l'utilité qu'il y aurait à essayer de 
mettre plus complètement les mathématiques pures au ser- 
vice des Sciences d'application, notamment en ce qui con- 
cerne la mécanique. 


La deuxième question ne comportail pas de 
discussion ni de sanction. Le président, qui est en 
même temps secrétaire de la Commission perma- 
nente du Répertoire, a présenté un exposé duquel il 
résulte que ce travail considérable est en très 
bonne voie d'exécution, grâce aux concours em- 
pressés et dévoués que cette entreprise a rencon- 
trés dans tout le monde mathématique. 

Sur la troisième question, les sections ont pris 
une résolution par laquelle elles émettentle vœu que 
des publications prennent pour tâche spéciale d'ex- 
traire des travaux de Mathématique pure, et sur- 
tout de Mécanique analytique, tout ce qui peut 
présenter un intérêt au point de vue des sciences 
d'application. 

Sur la première question, qui est restée à l’ordre 
du jour de plusieurs séances, de très nombreuses 
observations ont été échangées. Elles ont abouti à 
une importante résolution, un peu trop étendue 
pour trouver place ici dans son texte entier, mais 
dont nous voulons au moins reproduire le premier 
paragraphe : 

« Les première et deuxième sections donnent, en 
« principe, l'adhésion la plus complète au projet de 
« création de Congrès mathématiques internationaux, 
« et se déclarent dès à présent disposées à appor- 
« ter tout leur concours aux efforts qui seront faits 
« dans cet ordre d'idées. » 

La résolution contient, en outre, une chaleureuse 
approbation des tentatives qui se font de toutes 
parts, en Allemagne, en Italie, en Hollande, en 
France, etc., sous des formes diverses, pour créer 
une certaine unité dans l’amoncellement des pu- 
blications mathématiques, et permettre aux tra- 
vailleurs de guider leurs pas. 

Ce n’est sans doute pas sans un peu d'élonne- 
ment que plus d’un lecteur apprendra que les 
congrès internationaux, si nombreux dans toutes 
les autres sciences, et dans un grand nombre de 


160 
= 
professions, sont encore à créer en ce qui concerne 
les Mathématiques. Le mouvement qui commence 
à se créer autour de cette question ne peut man- 
quer d'aboutir. 

Voici maintenant la liste complète des commu- 
nications individuelles faites dans les diverses 
séances : 


FonranEau : Sur l'équilibre d'élasticité des corps 
isotropes. 

Coruienox : 1° Exemples de surfaces et de con- 
tours pour lesquels la recherche du point de 
passage de la résultante des pressions normales 
également réparties sur chaque élément super- 
ficiel, ne conduit à aucun résultat ; 

20 Questions de mécanique et de géométrie : 
Sur l'emploi très fréquent d'un procédé élé- 
mentaire. 

D'Ocacxe : Sur les surfaces de révolution, appli- 
cables sur la sphère. 

Gummaraes : Note sur les sections planes des cônes 
quelconques du deuxième degré, 

Lemoine : Suite de notes de géométrie. 

Decannoy : Sur les arbres géométriques et leur 
emploi dans la théorie des combinaisons chi- 
miques. 

G. Canton : Vérification, jusqu'à 
rème empirique de Goldbach. 


MM. 


1000, du théo- 


R. W. GENESE : Sur une inégalité trigonométrique. 
DevonrerrAno : Calendrier perpétuel. 
Vascax : Sur les actions en raison inverse du 


carré des distances. 
Figre : 1° Développement en série des racines 
d’une équation; 
20 Développement en série des intégrales des 
équations différentielles linéaires ; 
3° Étude sur la construction des courbes 
planes. 
Commt Coccoz : Note sur la construction des car- 
rés magiques avec des nombres non consé- 


cutifs. 

G. Tarry : Géométrie générale dans l’espace. 

D. GRAvÉ : Sur une question de Tchebychef. 

Maizcarp : Contribution à l'étude du problème 
cosmogonique. 

Manuel : Sur une transformation du conoïde de 
Plücker. 

Laisanr : Sur l'extension de l'expression de la dé- 


rivée logarithmique d’un polynôme entier. 

Fonrës : Sur quelques particularités de la suite de 
Fibonacci. 

Rarrarb : Mouvements louvoyanls, comme moyen 
de vérification de l'équilibre des pièces de mé- 
canique par rapport à leur axe de rotation. 

R. VW. GENESE : Sur l’enseignement des méthodes 
de Grassmann. 

G. Péano : Notions de logique mathématique. 

P, Cousin : Sur une extension de la formule d’in- 
terpolation de Lagrange. 

FroLov : Sur les polygones circonscrits et inscrits. 

En. Maiccer : 1° Sur une propriété des nombres 
présentée dans un système de numération quel- 
conque ; 

2° Sur les carrés latins d'Euler, 

G31 PARMENTIER : Chronologie des marches du ca- 
valier aux échecs conduisant à des carrés semi- 
magiques, 


E. GOSSART — LA PHYSIQUE AU CONGRÈS DE CAEN 


MM. R,. Arnoux : Sur une théorie générale et 1 


“ee He Fégunnee des appareils industriels. 


par À M. C. ne dans l’Intermédiaire, 
P. H. Scnoure : Sur trois divisions régulières a 
l’espace à # dimensions. 
NeuserG : Notes diverses. 
R£v. Simmons : Application de la géométrie il 
résoluÉ on d'une classe de problèmes relatifs au 
calcul des probabilités, 
I. GEXAILLE : Calculateur pour faciliter les grands. 
calculs arithmétiques. 
Raour : Résolution des équations des- 2°, 3e el 
4° degré, en prenant pour point de départ 
l'équation identique de Cayley sur les motrices. 
Lecornu : 4° Sur une équation différentielle du 
2e ordre ; 
2 Sur les aires des podaires; 
3 Sur la théorie de l’escarpolette. 
A. Go : Transformation d'un quadrangle. 


Nous mentionnerons, pour terminer, la présence. 
de M. de Saint-Germain, doyen de la Faculté des 
Sciences de Caen, qui a très assidûment suivi les. 
séances des première etdeuxième Sections, et qui a. 
présenté fréquemment des observations d’un grand M 
intérêt. Les auditeurs lui ont témoigné tout le prix 
qu'ils attachaient à cette marque de courtoisie et 4 
de bonne confraternité. L 

Enfin, les Sections de Mathématiques, à l'unani- 
mité, ont élu comme président pour le Congrès de 
Bordeaux, en 1895, M. Rayet, doyen de la Faculté. 
des Sciences de Bordeaux et directeur de l'Obser-. 
vatoire astronomique de la même ville. C'est un 
choix qui garantit pour l’année prochaine un suc- 
cès égal au moins à celui qu'on a pu constater au 
Congrès de Caen!. 

C.-A. Laisant, 


Docteur ès sciences, 
Président des 11° et 2° Sections. M 


IT. — SECTION DE PHYSIQUE, 


A suivre les travaux de la Section de Physique, - 
on pouvait continuer de vérifier la conclusion du - 
magistral discours d'ouverture de M. Mascart : . 

Le xix° siècle, qui va finir, s’appellera à juste 
titre le siècle de l'Electricité. » Mais de brillantes. 
communications des plus jeunes congressistes 
apporlaient aussi cetespoir que la voie des grandes 
découvertes du xx° siècle s'orientera vers la Phy=. 
sique physiologique. L 

Je voudrais, dans ce rapide exposé des séances 
de la Section, mettre en lumière cette double. 


l Puisque l'occasion m'en est offerte, la direction de la 
Revue générale des Sciences voudra bien me permettre d’en 
profiter pour remercie. très sincèrement les mathématiciens 
qui, par leur présence ou leurs envois, m'ont rendu la täche 
si facile et si agréable, comme président des première et 
deuxième Sections au Congrèsde Caen, La meilleure part de 
l’heureux résu'tat obtenu revient surtout à M. E. Perrin, qui 
avait bien voulu accepter la tâche pénible de secrétaire. 


E. GOSSART — LA PHYSIQUE AU CONGRÈS DE CAEN 


161 


_ tendance, la physionomie des séances et les ef- 
forts accumulés en quatre jours à Caen, malin et 
soir, pour l'avancement de la Physique. 

M. LE Roy : Pendule de temps moyen et de temps 
sidéral. — M. Le Roy présente un régulateur, dont 

- l'axe des aiguilles à temps moyen est associé à 
un rouage qui conduit l’axe d’un planisphère cé- 
leste et lui fait opérer sa révolution en 23 heures, 

. 56 minutes, 4 secondes; en sorte qu'on a ainsi, 
devant les yeux, à toute heure, une représentation 
permanente du ciel étoilé visible et la démons- 
tralion pratique de la différence qui existe entre le 

temps moyen et le temps sidéral. 

M. Van DER MENSBRUGGRE : Tension superficielle et 
évaporation des liquides. — M. Gossart analyse un 
mémoire de M. Van der Mensbrugghe ! sur «la 
cause commune de la tension superficielle et de 
lévaporation des liquides ». L'auteur part de cette 
idée que, dans l’évaporation d’un liquide qui a 
sa couche libre sans cesse renouvelée, ce qui 
préside continüment au nouvel arrangement mo- 
léculaire de cette couche libre, c’est l’ensemble 
des forces moléculaires auxquelles est due la co- 
hésion intérieure. Il fait donc d’abord l'analyse 
des forces qui créent cette cohésion autour d’un 
point à plus grande distance de la surface libre 
que le rayon d'activité moléculaire. Cette ana- 
lyse montre que, près de la surface libre, dans 
toutes les directions autres que celles de cette sur- 
face, le degré de cohésion est moindre qu'au sein 
du liquide et que, dans ces directions diverses, les 
molécules superficielles éprouvent des écartements 

. d'autant plus marqués qu'elles sont plus près du 
niveau. Le double effet de cet écartement est une 
force élastique de traction tangentielle (tension su- 
perficielle résultante) et dans le sens normal une 
force élastique, qui, lorsque la cohésion jointe à la 
pression ambiante ne compense plus la répulsion, 
détermine le dégagement des molécules hors de la 
couche. Cette élasticité, développée continüment 
dans la couche superficielle, sans équilibre stable, 
exige un travail qu’effectue sans cesse l'ensemble 
des forces intérieures, avec perte de chaleur liée à 
ce travail. Les forces figuratrices dérivent ainsi du 
degré de cohésion intérieure. L'espace me manque 
pour citer les applications et vérifications expéri- 
mentales souvent inattendues de cette théorie très 
explicite. 

M. E. Gossarr : Analyses chimiques par homéotropie. 
— M. Gossart indique le degré de sensibilité que 
peut donner sa méthode d'analyse chimique par 
roulement de gouttes ou par homéotropie, et les 
précautions à prendre pour l’atteindre, dans les 
trois cas éludiés par lui jusqu'ici : dosage de 
SE RS ed: 1. 


! Extrait du Bulletin de l'Académie Royale do Belgique. 


l'alcool dans les boissons spiritueuses, dosage des 
impuretés alcooliques, dosage des falsifications 
dans les essences végétales. Il décrit la marche à 
suivre pour appliquer.cette même méthode à une 
foule d’autres mélanges liquides. 

M. CASALONGA : Principe de Carnot. — M. Casa- 
longa fait une communication sur ce sujet : « Le 
principe II de la Thermodynamique et le coefti- 
cient des machines thermiques. » La discussion a 
dû nécessairement prendre une allure animée entre 
l'ingénieur M. Casalonga critiquant l'énoncé du 
principe de Carnot et la non-influence du corps 
qui recoit la chaleur transformable en travail, et 
le physiologiste M. Broca, qui allait nous donner de 
belles applications de son credo formel : « Les lois 
de l’Energélique sont absolues. » 

M. DEMERLIAC : Chaleurs spécifiques et de fusion de 
la benzine. — Comme point de départ de tout un 
ensemble de travaux sur les variations de la tem- 
pérature de fusion des corps avec la pression, 
M. Demerliac présente un mémoire où il décrit 
avec soin toutes les précautions opératoires qu'il a 
prises pour déterminer à nouveau avec précision 
la température de fusion 4,95 et la chaleur de 
fusion 28°,346 de la benzine chimiquement pure, 
sous la pression normale. Ce travail a exigé, en 
outre, la détermination de la formule empirique 
donnant la chaleur spécifique de la benzine liquide 
de + 5° à HE 30 et, pour obtenir la dilatation con- 
sidérable de fusion, la loi des densités entre 0° et 20°. 

M. Cu. ZENGER : L'électricité. Mouvement hélicoïdal. 
— C’est avec un regret tout particulier que nous 
sommes forcé de restreindre à un court résumé la 
longue et importante causerie dans laquelle 
M. Ch. Zenger, membre de l’Académie Impériale 
d'Autriche, nous expose sa théorie sur la nature 
du mouvement électrique et son système électro- 
dynamique des mouvements planétaires. 

On sait que, d'après l'éminent physicien de 
Prague, l'électricité en mouvement ne serait autre 
chose qu'un mouvement tourbillonnaire, en héli- 
coïdes dextrorsum et sinistrorsum (hélices sur sur- 
faces coniques) qui se rencontrent etse détruisent 
au milieu de leur passage entre les deux pôles de 
la décharge d'une machine quelconque. Des élec- 
trogravures et des photographies de phénomènes 
naturels accompagnateurs d'une trombe complètent 
les démonstralions orales. Captivés par le sujet, 
auteurs et auditeurs oublient les projections pré- 
parées ; mais cependant, pour traduire expérimen- 
talement son système électrodynamique des mou- 
vements planétaires, M. Zenger nous fait assister à 
un mouvement produit dans un champ électrique, 
mouvement d’induction qui est rotatoire et orbital 
tout à la fois. Un pendule conique, à boule creuse 
de cuivre, installé au-dessus d’un électro-aimant, 


162 


E. GOSSART — LA PHYSIQUE AU CONGRÈS DE CAEN 


prend ce double mouvement bien déterminé, dès 
qu'on lance le courant. 

M. Becoc: Formation de l'arc électrique. — M. Belloc 
nous répèle ses expériences d’allumage de l'arc 
électrique avec l'étincelle. L'arc électrique peut être 
provoqué entre deux électrodes distantes de plu- 
sieurs centimètres par le passage de l’étincelle 
d'une machine électrostatique, cet allumage se 
généralisant d’ailleurs pour toutes les électrodes 
intercalées dans un long circuit qui parcourt toute 
la Faculté. M. Belloc explique par là certains cas 
de foudre qui se sont produits simultanément sur 
des lignes de distribution électrique et il donne 
quelques indications sur les variations de la dis- 
tance d'allumage, suivant la nature des électrodes 
en présence, la capacité et le potentiel de la ma- 
chine et le sens du courant formant l'arc. 

M.G. Becroc : Ærpérience de Grove. — M.Belloc fait 
part de l'examen très consciencieux auquel il s’est 
livré de l’échauffement électrique d’un fil métallique 
plongé dans différents gaz. Il a fait varier la nature 
et les dimensions des fils, la nature et la pression 
des gaz, toutes les données du courant électrique. 
Ses principales conclusions sont que : le pouvoir 


refroidissant des gaz décroit toujours avec leur 


masse ; mais la variation de ce pouvoir, lorsqu'on 
fait varier la masse et que l’on part de températures 
successivement croissantes, est constante pour 
l'acide carbonique et croît beaucoup avec l'hydro- 
gène. 

M. RENÉ ArNoux : Appareils portatifs de mesures 
électriques. — M. Arnoux présente à la Seclion un 
nécessaire pour mesures électriques aussi robuste 
que portatif. L'organe essentiel est un galvanomètre 
toujours en installation dans toutes les positions 
et mouvements brusques de la boîte, si ingénieu- 
sement associé à un système de rhéostats, shunts 
et interrupteurs qu'il se prête immédiatement à 
toutes les mesures de grandeurs électriques et pour 
tous usages, tant médicaux qu'industriels. 

M. Snoozpren : L'industrie électrique en Angleterre. 
— Cette intéressante conférence avait pour but 
de prouver, à Caen, ville éclairée par des dynamos 
Ferranti à courants discontinus de 2.200 volts, 
que, d’après l'expérience anglaise, les machines 
à courants continus valent mieux industrielle- 
ment. Aussi, la démonstration a été faite par de 
nombreuses courbes lapissant tous les murs de 
la salle et qui avaientpour abscisse la grandeur 
temps et pour ordonnée la grandeur monnaie. A 
la demande de M. Zenger, M. Shoolbred nous com- 
munique aussi ses expériences sur l'application 
des accumulateurs, dits de Genève etdu type Tudor. 

Puis M. Lecornu veut bien nous résumer les in- 
téressantes explications qu'il avait déjà données 
dans son usine. 


—, 


M. PescraRD : Les orques électriques. — M. Pes- 


chard, avocat à Caen, dont la plupart des con- 
gressistes ont admiré les belles collections ethno- 
graphiques, après avoir fait l'historique des pre-. 


mières applications de l'électricité aux grandes 


orgues en France, entre dans la description détail- 
lée du système électro-pneumatique, que, de- 
puis 1860, il a perfectionné avec la collaboration 
du célèbre organier Barker et qui fut adopté en. 
particulier pour l'orgue de l’église Saint-Augustin 
à Paris en 1868. Privé de ce concours depuis 1870, 
M. Peschard a profondément modifié les soupapes. 
électro-magnéliques destuyaux, qu'il nous montre. 
ainsi que le moteur, qui consiste maintenant en un 
soufflet placé à l'intérieur de la laye et qui fonc-. 
tionne avec une seule petite soupape à double effet. 

Après des lenteurs causées par l’antagonisme 
d'étrangers venus s'instruire chez nous, l'applica- 
tion industrielle commence à se développer et tout 
fait espérer qu'elle restera française. 


M. Tarry : La plume Edison. — M. Tarry montre 


un exemplaire du journal hebdomadaire d'un émir 
arabe, qui, n'ayant pu se procurer de caractères 
d'imprimerie, a eu recours avec avantage à la 
plume électrique perforante d'Edison. M. Tarry. 
fait observer que le procédé est très rapide pour 
l'impression jusqu’à plus de 2.000 exemplaires. 

D: Broca : Surface focale dans les systèmes centrés. 
— Par une étude théorique des systèmes centrés, 
le D' Broca s’est proposé de remédier à ce défaut 
commun des objectifs de chambre noire et de mi- 


croscope, quin’ont pas la même mise au point pour. 
le centre etle bord de l’image, l’image du plan que . 


l'on observe étant une surface à courbure notable. 

Étant donnée la possibilité de réaliser un système 
centré de dioptres jouissant de points aplanétiques 
au 4%° ordre près sur l’axe du système, on trouve 
qu'ils sont, sur cet axe, les sommets d’une surface 
pour les points de laquelle les droites de Sturm 
sont confondues. L'image d’un plan est alors celte 
véritable surface focale indépendante du dia-- 
phragme. L'auteur établit la relation qui doit lier 
les indices des verreset les rayons de courbure des 
dioptres, pour que le rayon de courbure de cette 
surface focale soit infinie; il trouve que ce résultat 
a lieu si la puissance Lotale du système de lentilles 
de même indice, supposé comprimé jusqu'à une 
minceur infinie, est nulle. Il a pu faire construire 
un objectif, vérifiant loutes les conséquences par- … 
ticulières des principes démontrés, l'existence de 
points aplanétiques au 4%° ordre près, l'absence 
d’astigmatisme sur les bords, l’aplanéité de la sur- 
face focale, et il compte remplacer ce premier 
instrument d’essai par un autre donnant tous les 
résultats pratiques que promet la théorie. 

Dr Weiss : La puissance des systèmes centrés. — 


TL Lt FT TT 


M. Broca, au nom du D° Weiss, nous montre les 
_ avantages que présenterait une Aouvele définition 
L: - de la puissance d’un système centré. Si, au lieu de 


ps 


# produit par l'indice du dernier milieu, on peut alors 
étendre à un système de lentilles et de dioptres 

. ce théorème commode d'après lequel la puissance 

Ein système infiniment mince est la somme des 
_ puissances des composants. De plus, la nouvelle 
. définition a une signification physique importante : 
c’est le diamètre apparent de l'image fournie par 
. l'unité de longueur placée au foyer, ou bien le 
. nombre par lequel il faut diviser le diamètre appa- 
. rent d'un objet infiniment éloigné, pour avoir la 
- grandeur de son image dans le plan focal. 

M. Vérick : Présentation d'un microscope. — La 
présentation de l'excellent microscope de M. Vé- 
rick est faite par le D' Broca, qui en a fait à la Fa- 
culté de Médecine de Paris uneétude approfondieet 
qui répond à toutes les questions des naturalistes, 
venus se joindre aux physiciens, comme particu- 
lièrement intéressés à constater tous les avantages 
que présente cet instrument de fabrication fran- 

_ çaise sur les microscopes allemands des types les 
plus réputés aujourd'hui. Le seul petit inconvé- 
nient à citer serait le manque de profondeur de 

_ foyer, qualité qui, du reste, est de moins en moins 
recherchée aujourd'hui et ne s'obtient qu'aux dé- 
pens de toutes les autres. 

- M. Ricuarn : Le Vérascope. — M. Richard nous 
apporte son vérascope, dont il a réservé la des- 

- cription écrite pour les lecteurs de cette Revue !. 

M. MaLnINEY : mage latente photographique. — 

Le bromure de polassium modérateur. — M. Maldiney 

- nous décrit les patientes recherches et délicates 
expériences, quelques-unes poursuivies par la mé- 

_thode de Becquerel, qui lui font rapporter à une 
cause électrique l’image latente photographique, et 
il nous intéresse aussi, en nous faisant part. 

. comme à la Section de Chimie, de ses études sur 
l'action du bromure de potassium, modérateur 
dans le développement -des plaques photogra- 
phiques. 

D° Broca : Fonctionnement de l'appareil nerveux vi- 
suel. — La célèbre loi de Fechner : « Lasensationest 
fonction logarithmique de l'excitation, ou = » 
n'est-elle qu'une loi psychique ou bien est- elle, 
dans le cas de la vision, une loi expérimentale ? Tel 
est le problème que le D' Broca résout dans le 
second sens. 

Tous ceux qui ont essayé de l’asseoir sur des 
bases expérimentales se sont appuyés sur celle 


ee OR NENASRRE 


} Voyez la Revue du 15 septembre 4894. 


1 
l'inverse de la distance focale, on considère son 
: dl 


EE E. GOSSART — LA PHYSIQUE AU CONGRÈS DE CAEN 163 
———————————————————— TT 


hypothèse de Fechner plus ou moins voilée : «L'œil 
perçoit une différence entre deux plages quand la 
différence des sensations a atteint une certaine 
valeur indépendante de l’éclairement commun, » 

Or, cette hypothèse, qui entraine la loi, est-elle 
exacte ? M. Broca prouve qu'elle est très sensible- 
ment exacte, par la crilique des mesures astropho- 
tométriques d’Herschell, de Stenheil, des mesures 
spectrophotométriques de MM. Macé dé Lepinay el 
Nicali et ses propres expériences. 

Or, cette hypothèse entraîne mathématiquement 
la nécessité de l'addition simple des sensations 
binoculaires, seconde relation qui commande d’ail- 
leurs aussi la première. Une expérience bien simple 
du D° Broca intervient ici : Soit un disque rotatif 
de Masson, présentant un trail noir interrompu ; 
quand le disque tourne, on a des couronnes noires 
et blanchesentre lesquelles la différence d'intensité 
est inversement proportionnelle à la distance au 
centre. Quel que soit l'éclairement, si avec l'œil 
droit on distingue la p"° couronne, et avec l'œil 
gauche la g%°, avec les deux yeux la dernière cou- 
ronne distinguée est toujours la (p Lg)". Par 
application de la loi de Fechner et une analyse 
mathématique aussi simple que son expérience. 
l’auteur conclut que la sensation due aux deux 
yeux est la somme des sensations dues à chaque 
œil séparé. 

Quelle est alors la cause de la diminution du 
rendement de l'œil, quand l'intensité lumineuse 
augmente, et qui se traduit par ce fait que la sensa- 
tion croit comme le logarithme de l'excitation? La 
cause est-elle psychique? Non, les sensations des 
deux yeux s’ajouteraient avec déchet. Elle réside 
dans la loi de conservation de l'individu, qui se 
présente ici sous deux formes : contraction pupil- 
laire et migration du pigment. C’est là que l’auteur 
voit l’affaiblissement du coefficient de rendement 
de notre organe visuel, quand l'énergie excitatrice 
croit. 

La loi logarithmique est donc due ici à de mul- 
tiples phénomènes de l'organisme, d'effet total 
complexe; c’est une loi empirique comme celle de 
la compressibilité des gaz. 

D' Broca : Zmuyés accidentelles sur fond obscur. — 
Pour justifier son essai de théorie, l’auteur expose 
les faits incompatibles avec la théorie d'Helmholtz, 
qu'il a longuement constatés et vérifiés en fixant 
les corps éclairés avec un obturateur de chambre 
noire s’ouvrant sans secousse. 


7 


Pour des fixations du Soleil, variant de 100 à 4", 


le temps pour l'apparition de l'image est constant 
etde 7",le temps pour le maximum d'intensité 
de cette image également constant et de 15”; la 
durée totale de l'image est au contraire variable 


161 


L. TEISSERENC DE BORT — LA MÉTÉOROLOGIE AU CONGRÈS DE CAEN 


avec le temps de pose, depuis 4' jusqu'à 24 heures, 
accompagnée dans ce dernier cas d’une véritable 
neurasthénie pour l'observateur. Dans le cas 
d’une surface faiblement éclairée, le temps pour 
l'apparition diminue avec l'éclairage; quant aux 
changements de couleur de l’image, l’auteur n’a pu 
rencontrerces phasesfixes signalées par Helmholtz. 

Tous ces faits excluent, comme explication, la 
théorie basée sur la persistance des impressions 
lumineuses: ils ne peuvent être dus à une réserve 
d'énergie aceumulée pendant l’action de la lumière 
et restiluée quand l’action cesse. 

L'auteur cherche alors, dans la rétine qui vient 
de travailler, une source d'énergie qui puisserendre 
compte des particularités du phénomène. Après 
l'action de la lumière, il y a une action inverse, 
reconstitution de l'organe usé au moyen de maté- 
riaux apportés par le sang. Les capillaires de la 
membrane de Jacob, après l'impression lumineuse, 
vident leur sang usé dans les veines et en reçoivent 
du neuf, ce qui dure d'autant plus que l'impression 
aura été plus forte. On a donc sur les terminaisons 
nerveuses même une transformation d'énergie 
qui se produit et qui doit exciter ces terminaisons. 

La sensation lumineuse qui nous donne ces 
images accidentelles sur fond obseur serait ainsi 
due à un déchet que subit l'énergie potentielle 
apportée par le sang, source extérieure, quand 
s'opère le travail de reconstitution de la rétine. 

D' GuéguarD : Aypothèses sur la physiologie de 
la vision. — L'intérêt de ces communications se 
trouve encore accru par une autre théorie très 
explicite de la vision, basée sur deux hypothèses 
physiques, qui nous est apportée ensuite par le 
D' Guébhard, La place nous manque malheureuse- 
mentpour reproduire ici la courloise discussion 
entre les deux physiciens-physiologistes qui cons-. 
latent nombre de points communs entre leurs deux 
manières de voir, et le D' Guébhard rentre ensuite 
dans la physique pure en nous expliquant : «Pour- 


quoi les lointains viennent trop en photogra- 
phie ». 
M. E. Gossart donne une démonstration géomé- 


trique élémentaire de la règle qui sert aux minéra- 
logistes pour connaitre les directions d'extinction 
des lames cristallisées en lumière polarisée paral- 
lèle. 

M. NEYRENEUr : Sur la réfraction du son. — Le Con- 
grès se termine sur le mémoire de M. Neyreneuf, 
qui. en sa qualité de Président de la Section, avait 
voulu céder à tout le monde jusqu’au dernier mo- 
nent son tour de parole. 

Pour l'identification des lois de la réfraction du 
lumière, M. Neyreneuf s'est 
servi comme organe réfringent d’une grande len- 
tille d'eau formant la paroi d'une caisse sourde, 


son à celles de la 


qui contient un limbre comme source sonore. Un. 
cylindre de 36 centimètres de diamètre et 15 cen- 
timètres d'arête, armé de tubulures, a pour bases … 
concaves des lames de caoutchouc. Malgré les per- s 
tes d'intensité dues aux réfractions sur les sur-. 
faces air-eau, l’auteur peut trouver l'image sonore 
avec sa Hu sensible. Les résultats les plus nelss 
s'obliennent par tension et courbure considéra-# 4 
bles des membranes, qu'on réalise en faisant écou- 
ler l'eau, jusqu'à ce que les membranes viennent» 
en contact sur un cercle central bordé par la sur- 
face convergente. Quoique les expériences ne se. 
prêtent pas à des mesures précises de longueurs 
focales et d'indices de réfraction, elles sont réelle-" 
ment coneluantes pour la constatation des points 


focaux. 
E. Gossart, 


Maitre de Conférences ; 
à la Faculté des Sciences de Bordeaux 


IT. — Secriox nE MÉTÉOROLOGIE. 


Cette Section s’est occupée de plusieurs des. 
questions qui préoccupent le plus les météorolo- 
gistes à notre époque. à 

Il faut, en particulier, signaler les recherches. 
faites pour améliorer nos méthodes de prévision du 
temps. Un météorologiste persévérant, M. Guil-. 
bert, qui habite le Calvados, a montré comment la 
méthode de prévision, basée presque exclusivement 
sur l'étude de la forme des lignes isobares, leur 
espacement plus ou moins grand, peut être beau- 
coup améliorée par l'observation critique des 
nuages, ou mieux des successions, différentes de 
nuages. L'observation des cirrus, préconisée bien. 
souvent, donne, lorsqu'elle est interprétée avec. 
soin, de très précieuses indications sur la position 
des centres de dépression barométrique silués à. 
plusieurs centaines de kilomètres de l'observateur. 
Pour prévoir l’arrivée des orages ou la pluie, il faul. 
prendre en considération l’épaississement progres- 
sif des nuages qui, de cirro-stralus, passent à 
l’allo-stratus plus ou moins cumuliforme, c’est-à-. 
dire à un nuage de texture un peu fibreuse, mais M. 
assez épais el légèrement mamelonné; ce sont les. 
masses filamenteuses de M. Guilbert servant de pré- 
curseurs de la pluie. L'auteur a pris l'excellente 
habitude d'adresser, par carte postale, au prési-… 
dent de la Commission météorologique de Caen, les 1 
prévisions qu'il établit d’après l'étude de la situation 
générale de l’atmosphère indiquée par le Bureau È 
Météorologique et d'après les nuages. On peut ainsi. 
vérifier par la suite si ses avertissements se sont 
réalisés. C'est ce qui se produit dans la grande ma- 
jorité des cas el, chose remarquable, tandis que le … 
temps semble être au beau stable, M. Guilbert peut 
annoncer avec succès l’arrivée d'une tempête qui a % 


. pour avant-coureurs des nuages caractéristiques. 


… - ILest hors de doute qu'il y a beaucoup à faire 


- dans cet ordre d'idées ; aussi on s’atlache à mieux 


connaitre les nuages, et on demande à la photo- 
graphie d'en fixer les apparences pour arriver 
à une classificalion raisonnée de divers types. 


- M. Angot, qui se livre depuis plus de deux ans à 


des recherches sur la photographie des nuages, a 


… 


présenlé à la Section de belles épreuves (13-18) des 
cirrus et de leurs dérivés, ainsi que des cumulus 
orageux : ces épreuves sont obtenues en interpo- 
sant entre le ciel et la plaque sensible un écran 
formé d'une auge à faces parallèles renfermant une 
solution de bichromate de potasse ; on peut aussi 
remplacer cette auge par un simple verre jaune 
choisi avec soin, ou par des plaques de gélatine 
colorées à l’éosine, comme M. Garnier, de Boulogne, 
l’a fait il y a quatre ans. 

La photographie rend bien d’autres services: elle 
permel de fixer l'image si fugilive de l'éclair et en 
a révélé les innombrables ramifications. 

La vue d'un cliché comme ceux que présente 
M. Marriott, secrétaire de la Société méléorolo- 
gique de Londres, ou de ceux qui sont dus à 
M. Zenger, le professeur bien connu de Prague, 
permet de comprendre pourquoi des corps assez 
voisins d’un paratonnerre sont souvent frappés par 
la foudre qui se divise en branches nombreuses. 

Sur une des vues prises à l'École Polytechnique 
de Prague, on voit l'ombre de plusieurs monuments 
se projeter au moment de l'éclair sur le fond du 
ciel illuminé par le reflet des gigantesques étin- 


_celles de la foudre. 


On peut encore reproduire par la photographie 
l'aspet si curieux du givre, du verglas sur les végé- 
aux, l'aspect instantané d’une portion de l’atmo- 
Sphère traversée par une chute de grêlons, ainsique 
cela a été fait à la Sociélé météorologique de 
Londres. 

M. Zenger, qui pense que le Soleil joue un 
rôle très prépondérant, par voie d’induction 
électrique, dans les perturbations mécaniques, 
tempêtes, orages, etc., qui se produisent au 
Sein de notre atmosphère, a trouvé dans la 
photographie un puissant auxiliaire pour suivre 
ce qu'il considère comme les effets da Soleil sur 
notre enveloppe gazeuse. En employant des plaques 
sensibles chlorophyllées pour la photographie du 
Soleil, il trouve que l’image de cet astre est entou- 
rée à certains jours de zones blanches qui sont 
généralement d'autant plus accusées que la tem- 
pète est plus imminente. Par un beau temps fixe, 
l'image du Soleil est bien circulaire et ne s'entoure 
que d'une teinte plus ou moins foncée, mais uni- 
forme, produite par la lumière du ciel. Mais si les 
zones blanches apparaissent, on peut être assuré 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


L. TEISSERENC DE BORT — LA MÉTÉOROLOGIE AU CONGRÈS DE CAEN 


que le beau temps sera de courte durée. Dans la 
pratique, le diagnostic n’est pas aussi certain, 
parce que le trouble atmosphérique que la photo- 
graphie permet de soupconner peut s’atlénuer ou 
se produire loin de l'observateur, mais il reste 
cependant acquis qu’il y a une corrélation directe 
entre les divers aspects des images du Soleil et 
l'état de notre atmosphère ; l'interprétation de 
cette corrélation peut être très différente suivant 
les vues de chaque savant. M. Zenger voit, dans ces 


_zones, la projection des mouvements tourbillon- 


naires d'origine électrique se transmettant du 
Soleil à notre atmosphère ; d'autres peuvent y voir 
un effet oplique dû à la présence d’eau sous forme 
solide, liquide ou même gazeuse dans les hautes 
régions de l'atmosphère, pénétrant plus haut à l’ap- 
proche des dépressions barométriques qui sont le 
siège de vastes courants ascendants. Quoi qu'il en 
soit, ces phénomènes, signalés il y a plus de dix 
ans pour la première fois par M. Zenger, méritent 
d'être étudiés et suivis en divers lieux du globe. 

Comme on le voit, le rôle de la photographie en 
météorologie est multiple. Elle a permis de repro- 
duire l’aspect d’une de ces trombes violentes dési- 
gnées sous le nom de Tornado en Amérique, de 
photographier des grêlons, des arcs-en-ciel, ainsi 
que l’a montré M. Mariott, secrétaire de la Société 
météorologique de Londres : en France M. Richard, 
pour rendre la reproduction des aspects de ces phé- 
nomènes encore plus frappante, vient de construire 
un petit appareil stéréoscopique, le vérascope, qui 
permet de corriger les défauts dus à l’imperfection 
des lentilles en ,regardant les clichés positifs à 
travers les mêmes lentilles qui ont servi à obtenir 
les négalifs. 

Dans un ordre d'idées tout différent, la Section a 
entendu avec grand intérêt la lecture d’un mémoire 
de M. Vidal, professeur d'Hydrographie, sur le 
mirage marin à Bastia. 

Les recherches de M. Vidal ne s'appliquent pas à 
la théorie du mirage, mais aux circonstances où il 
se produit et à ses effets sur la dépression de l’ho- 
rizon. Tandis qu'on croit généralement quele mirage 
ne peut persister que par un temps calme, M. Vidal 
montre, par des exemples, qu’à Bastia, pendant la 
saison froide, le mirage est à peu près permanent 
etse maintient par coup de vent, probablement à 
cause de la différence de température entre l’eau 
et l'air. 

L'effet de ce mirage est de produire un aspect 
inverse de celui de la réfraction atmosphérique 
quand le déeroissement des densités est normal. 

Lestables des dépressions apparentes de l'horizon. 
dont les marins se servent journellement,sontcons- 
truites dans l'hypothèse d’une surélévation de l'ho- 
rizon géométrique. Or, d'après la théorie de Biot, 


LL 


166 


quandil y a mirage, l'horizon est abaissé, la dépres; 
sion apparente est plus grande que la dépression 
vraie. Pour le phare du nouveau port de Bastia, visé 
à une hauteur de 19 mètres au-dessus du niveau 
de la mer, la dépression causée par le mirage esl 
d'environ 40 secondes d’arc en moyenne. Comme on 
suppose ordinairement un relèvement à peu près 
équivalent, on voit que l’erreur commise dépasse 
1 minute d’are, elle atteint même parfois 2 ou 
3 minutes. Ces erreurs peuvent produire sur les 
calculs qui servent à régler les chronomètres, quand 
on ne prend pas la précaulion de descendre à terre 
pour cette opération, des différences de temps 
assez sensibles et par suite de grosses erreurs dans 
les longitudes. Aussi M. Vidal a-t-il fait œuvre utile 
en signalant ces faits aux marins et aux savants. 

Les mouvements généraux de l'atmosphère on 
fait l'objet de persévérantes recherches de la part 
de M. Garrigou-Lagrange. Reprenant l’ordre d'idées 
développé il y a quelques années par M. L. Teisse- 
rence de Bort, à savoir qu'il existe à la surface du 
globe un certain nombre de grandes aires de hautes 
et de basses pressions qui sont en nombre limité, 
se retrouvant d’une façon persistante et jouant un 
rôle tel qu'on doit les considérer comme les grands 
centres d'action de l'atmosphère, M. Lagrange a cherché 
à préciser les transformations que subissent les 
isobares de chaque jour sur l'hémisphère nord, sui- 
vant les déplacements des grands centres d’action 
de l'atmosphère. Jusqu'ici les lois de ces transfor- 
mations sont à peu près inconnues, bien qu’elles 
aient fait l'objet de plusieurs mémoires publiés 
par d’autres auteurs. M. Lagrange a pensé que l’in- 
fluence luni-solaire devait jouer un rôle dans la 
répartition des isobares, puisque la marée lunaire 
influe sur l'étendue des alizés, comme M. Poincaré 
l'a démontré. Ces recherches n’embrassent pas 
encore une période suflisante pour permettre de 
définir les formes que présentent ces actions ; mais, 
d'après les premiers résultats obtenus, on peut en 
espérer de précieuses indications pour la prévision 
du temps à longue échéance. 

Les mouvements tourbillonnaires de l'air onl 
motivé quelques remarques de la part de M. Guil- 
bert, qui a observé plusieurs trombes dans le Cal- 
vados; ces trombes ont toujours présenté un mou- 
vement tourbillonnaire bien marqué, elles ont 
coïncidé avec l'existence de ces nuages orageux de 
forme intermédiaire entre le cirrus et le stratus dési- 
gnés par M. Guilbert sous le nom de musses filumen- 
euses; enfin, elles ont été (oujours suivies d’une 
hausse du baromètre, ce qui veut dire qu'elles se 
produisent d'ordinaire à l'arrière des dépressions 
barométriques. À propos de leurs effets, plusieurs 
membres ont fait remarquer combien sont nettes 
les preuves du mouvement aspiratoire produit par 


L. TEISSERENC DE BORT — LA MÉTÉOROLOGIE AU CONGRÈS DE CAEN 


les trombes. M. Teisserenc de Bort, qui a observé 


plusieurs de ces météores en Algérie et a comparé. 
leurs caractères à ceux des trombes de Dreux et de 


Maisons-Lalfilte, a insisté sur l’analogie qui existe 
entre ces tourbillons atmosphériques et ceux qu'on 


peut produire sur une petite échelle à l’aide des … 
appareils de M. Weyher. Dans ces derniers comme « 
dans la Nature, le mouvement vient d'en haut, mais. 


l'air est ascendant el converge vers la base de la 
trombe pour s'échapper vers le haut. Il a combattu 
aussi celte opinion que les nuages sont nécessaires 
à la formalion des trombes; dans les déserts il y a 
constamment des trombes sans nuages. 

À propos des courants ascendants, M. Garrigou- 
Lagrange à présenté un appareil qu'il vient de 
construire el qui donne d’intéressants résultats. 
C'est une sorte de tube de Piteau dont les branches 
communiquent avec un manomètre différentiel 
analogue à la boite élastique d’un baromètre ané- 
roide. Cette boîte porte un miroir qui réfléchit un 
rayon lumineux et permet d’accuser ainsi sur un 
écran toutes les variations de pression causées par 
l'aspiration de l'air. 

L'étude de la température des eaux dans le 
Sahara a conduit M. Rolland, l'ingénieur des mines 
bien connu, à quelques déductions curieuses sur 
l'accroissement de la température avec la profon- 
deur, Il trouve que, dans le Sahara algérien, entre 
35 el 30 degrés de latitude, la température des 
couches terrestres croit réellement en profondeur 
d’au moins 1 degré pour 20 mètres et souvent plus 
rapidement encore. Dans l'esprit de l’auteur, ce 
fait intéressant ne doit pas être trop généralisé 
avant qu'il ait pu être vérifié en dehors du bassin 
artésien de l’Ouèd Rhir. 

On se plaint souvent avec raison du peu d'éten- 
due de la période pour laquelle on possède des 
observations météorologiques : c’estàcombier celte 
lacune dans une certaine mesure que se sont alta- 
chés quelques chercheurs, parmi lesquels il faut 
citer tout particulièrement M. l’abbé Maze.En com- 
pulsant les vieux ouvrages et lisant des centaines 
de chapitres traitant de choses diverses, il est 
arrivé à retrouver des notes précieuses sur le temps 
pendant l'hiver rigoureux de 1767-68. Le 1° dé- 
cembre 1767, rapporte la chronique, les arbres 
avaient encore leurs feuilles ; le 13 il n'y en avait 
plus. Le froid s’accentua et en janvier le cidre fut 
gelé, le rhum converti en une sorte de gelée: sur la 
côtenormande des milliers d'huitres furent englo- 
bées dans un bloc de glace. — Un observateur de 
Caen a, du reste, fait des observations détaillées 
pendant les années 1765-1769; celle série est très 
instructive.— Dans le même ordre d'idées, M. Sieur 
présente un relevé d'anciennes observations faites 
à Niort depuis 1802 jusqu'à nos jours. — M. Angot 


vaobtatmitest nn bre deth ati nsihontadan thai ahes duc dot dat et D nr 


t > 


7 


… naissance du passé porte avec lui de grands ensei- 


+ 


ORNE EL TO OP EE TR Bu cire 


rappelle la série de Poitiers qui s'étend de 1774 à 
2 1819. 
…_  Toutescesrecherches, — assezingrates, car elles 


. ne satisfont pas l’imaginalion par des aperçus bril- 

. Jants, — offrent au point de vue scientifique un réel 
intérêt et méritent d’être encouragées. 

C’est par ces patients labeurs qu’on arrive à re- 


. constituer l’histoire de l'atmosphère, et, s’ilest vrai 


- que, dans le domaine des choses humaines, la con- 


 gnements, combien pouvons-nous espérer de 
- l'étude de la succession des phénomènes de l’at- 
mosphère régis par des lois bien plus fixes que 
_ celles des phénomènes sociaux dont l'élément prin- 
cipal, l'Homme, est toujours en progrès. 
L. Teisserenc de Bort, 


Météorologiste 
au Bureau Météorologique de France. 


IV. — SECTION DE CHIMIE. 


Malgré le [petit nombre de membres qui ont 

assisté aux séances de la Section de Chimie, les 
_{ravaux intéressants n’ont pas fait défaut. 

M. Friedel a décrit une série de sulfophosphures 
nouveaux, dont la formule générale serait P*S°M?, M 
représentant-un métal diatomique tel que le fer, le 

cuivre, le mercure, l’étain, le plomb, etc. Ces sulfo- 
phosphures ou thio-hypophosphates s’obtiennent 


. aisément en chauffant en vase clos des quantités 


équivalentes de soufre, de phosphore et du métal 


… correspondant. L'opération devant être effectuée à 


… haute température, M. Friedel a dû employer un 


dispositif spécial pour permettre aux tubes de ré- 


- sister. Ce dispositif consiste à remplir de sable sec 


la gaine métallique dans laquelle on introduit le 


- tube scellé. Ce dernier doit occuper seulement la 


partie médiane de la gaine, de façon que les 


extrémités de celle-ci puissent être fermées par 
un bouchon de liège, et qu’on n'ait pas à les chauf- 


. fer. Le tout est placé sur une grille à combustion. 


Les divers sulfo-phosphures que M. Friedel a 
obtenus sont presque tous cristallisés, mais plus 
ou moins allérables, suivant la nature du métal 
- qu'ils renferment. L’acide azotique et le chlorate 
de potasse les attaquent très facilement. La po- 
lasse et l'eau en décomposent quelques-uns. Ils 
sont donc sensiblement moins stables que les 
sulfo-arséniures et les sulfo-antimoniures connus 
et semblent avoir une constitution un peu diffé- 
rente. 

Mentionnons ensuite une communication de 
M. Despierres sur un composé renfermant du phos- 
Phore lié à l'azote, et auquel il attribue la formule : 


CHPÇ : 
AzHC5H5 


CH. FREUNDLER — LA CHIMIE AU CONGRÈS DE CAEN 


167 


Ce corps a été obtenu en traitant le chlorure de 
phosphocrésyle C'HTP CP par l’aniline. Il présente 
un certain intérêt, en ce sens qu'on pourrait le 
transformer, par perte d’une molécule d’aniline, en 
une sorte de diazoïque dans lequel un atome 
d'azote serait remplacé par un atome de phos- 
phore : 

C7H.P — AzC6Hÿ. 

M. Despierres a perfectionné, d'autre part, le 
procédé de préparation du chlorure de phosphé- 
nyle. Ce dernier se prépare en chauffant du mer- 
cure phénylé avec du trichlorure de phosphore. 
L'opération ne fournit un bon rendement que 
lorsqu'elle s'effectue sous pression réduite. 

L'action du chlorure d'aluminium ou deschlorures 
métalliques anhydres sur les divers composés or- 
ganiques (carbures, acétones et chlorures, etc.) a 
donné lieu, comme on le sait, à un grand nombre 
de synthèses très intéressantes qu'on a expliquées 
par la formation intermédiaire de composés d'ad- 
dition. Cette explication, fort plausible, du reste, 
n'avait guère été appuyée par des faits d’expé- 
rience; nous sommes redevables à M. Perrier, pré- 
parateur à la Faculté de Caen, d’avoir entrepris 
l'étude de ces réactions compliquées, et d’avoir 
isolé un très grand nombre et une très grande va- 
riété de ces combinaisons intermédiaires. Men- 
tionnons, entre autres, celles du chlorure d’alu- 
minium avec les acétones grasses ou aromatiques, 
les carbures aromatiques, le cyanogène, ete. Ce 
sont des matières très bien cristallisées, mais ex- 
trêmement instables. L’eau et les divers réactifs 
les décomposent instantanément, en donnant nais- 
sance aux mêmes composés que l’on obtient par 
l'action directe du chlorure d'aluminium sur les 
deux substances mises en réaction. L'analyse de ces 
composés a prouvé que ce sont de véritables pro- 
duits d’addition. 

M. de Rey-Pailhade a continué ses recherches sur 
le philothion. Le philothion serait une partie consti- 
tuante de la plupart des matières organisées végé- 
tales et jouirait de la faculté de dégager de l’hy- 
drogène sulfuré, lorsqu'on triture ces matières avec 
du soufre. La chaleur, l'alcool et certains réactifs 
lui enlèvent celte propriété. Sans mettre aucune- 
ment en doute les résultats présentés par M. de 
Rey-Pailhade, il nous semble que les propriétés 
qu'il adécrites ne sont pas suffisamment caractéris- 
tiques pour faire du philothion une substance spé- 
ciale, différente de la chlorophylle ou des sucs 
végétaux déjà connus. 

Parmi les travaux les plus intéressants qui aient 
été présentés à la Section, nous citerons celui de 
M. Barral, préparateur à la Faculté des Sciences 
de Lyon. L'action prolongée du chlore sur le phé- 
nol fournit, entre autres produits, un kerachloro- 


168 


phénol x dont la constitution était douteuse. M. Bar- 
ral l'a élucidée complètement en traitant cel hera- 
chlorophénol par le perchlorure de phosphore; il à 
obtenu ainsi un dichlcrure de benzène hexachloré CSCI® 
que l'acide azotique transforme en quione tétra- 
chlorée CSCI‘O?. Il résulle de cette réaction que le 
chlorure C°CIF possède la constitution : 

CP 
CAN CI 
al, IL 

ne 


puisque la quinone tétrachlorée a pour formule : 
Cl |” 


all CIN 
Ô 


L'hexachlorophénol & est lui-même une quinone 
chlorée : 
(0) 
DAT 
dE 


ce qui explique sa facile transformation en chlora- 
nile en présence de l’eau et des acides. 

En chlorurant le phénol à saturation, en pré- 
sence de perchlorure d'antimoine, M. Barral 
obtenu un mélange d’octochlorophénols CSCISO très 
difliciles à séparer; il a isolé l’un d’eux, qui fond 
à 89,5-90° et que l'acide sulfurique fumant trans- 
forme en un corps G5CIS0 à odeur camphrée et iso- 
mère de l'hexachlorophénol &. 

M. Desgrez, docteur ès sciences, a fait part à la 
Section de ses intéressantes recherchessur l’Aydra- 
lation des carbures acétyléniques, vrais ou substitués, 
par l’eau sous pression et à haute température. 
L'acétylène a fourni ainsi de l’aldéhyde, et les 
autres carbures des acétones. L'opération se fait 
dans des sortes d'autoclaves de forme tubulaire, 
qu'on chauffe à 325° pendant quelques heures. 

L'hydratalion de l’acétylène présentait certaines 
difficultés, étant donnée la nécessilé d'opérer sur 
des quantités un peu considérables de gaz. M. Des- 
grez a résolu le problème d'une façon fort ingé- 
nieuse, en employant, au lieu de charbon de bois 
ou de chlorure de calcium saturé d’acétylène, de 
l'acide acélylènedicarbonique, qui se décompose 
sous l’action de la chaleur en acétylène et acide 
carbonique dont la présence ne gêne pas. 

Disons enfin que M. Desgrez a constaté la for- 
malion des deux acétones isomères chaque fois que 
la théorie le prévoyait, c'est-à-dire dans le cas de 
l’hydralalion d’un carbure asymétrique RG — CR. 

Une deuxième communication à élé faite par 


CH. FREUNDLER — LA CHIMIE AU CONGRÈS DE CAEN 


M. Desgrez sur des expériences qu'il a entreprises 
récemment pour frer le cyanogène sur divers carbures « 
aromatiques, en présence de chlorure d'aluminium. 
Il a oblenu ainsi avec le benzène le nitrile ben- … 
zoïque ; avec le toluène il se forme principalement. 
du nitrile para-toluique. M. Desgrez se propose … 
d'essayer la même réaclion sur d’autres corps que 
les carbures, sur le benzonitrile, etc. Ë 

La Chi physique n'a fait le sujet que d’une 
seule communication. M. Freundler, docteur ès. 
sciences, a rappelé brièvement les résultats qu'il a 
obtenus en- étudiant l'influence des dissolvants 
halogènés et des carbures aromatiques sur le pou- 
voir rotatoire des éthers tartriques tétrasubslitués. 
Des mesures cryoscopiques, effectuées simullané- 
ment avec les mêmes dissolvants, lui ont permis de 
formuler une relation qui semble être générale et » 
qui est la suivante : 

Lorsqu'un dissolvant allère le pouvoir rotaloire 
d’un corps dissous, il se passe dans la solution un. 
phénomène quelconque (combinaison moléculaire, 
polymérisation, dissociation) dont l'existence est 
révélée par des anomalies cryoscopiques. De plus, … 
le chiffre: du pouvoir rolatoire varie avec la con= | 
centration; il ne varie pas sensiblement, el les 
chiffres cryoscopiques sont normaux lorsque le . 
dissolvant n'influe pas sur la valeur de (4) D. 

Ces relations peuvent servir de confirmation 
générale à la loi de Biot; elles ont de plus, une 
utilité pratique, en ce sens qu'elles permettront de 
connaitre le pouvoir rotatoire réel d'une substance 
solide. 

Mentionnons encore deux courtes communica- 
Lions : la première de M. Maldiney, préparateur à 
la Faculté des Sciences de Besançon, sur un #ro- 
mure double d'argent et depotassium AgBr.2KBr.3H°0, 
qu'il a obtenu en exposant un plaque phologra- 
phique à l’action d’une solution de bromure de … 
potassium à 2 %. Le point intéressant est que ce. 
composé, qui est soluble dans l’eau,se forme même … 
lorsque le bromure d'argent a élé exposé à la lu-. 
mière; on peut donc sauver par ce moyen une … 
plaque qui a été surexposée. 

Enfin M. Brissonnet, préparateur à la Facullé 
de Besançon, a présenté à la Section quelques. 
recherches sur les alcaloïdes des quinquinas, en 
particulier sur la transformalion de la cinchonine 
en quinine, par l'intermédiaire de la cupréine.. 
Cette transformation se fait, soil: par voie chi-. 
mique (action de l'alcool iodé sur la bromo-cincho- 
nine), soit par voie microbiologique. M. Brissonnel 
pense avoir obtenu déjà le terme de passage, la 
cupréine, et cela sous l'influence de certains fer- 
ments. 

Avant de clore ses travaux, la Section a émis un … 
vœu pour obtenir la mise en discussion, au Con- 


A. BIGOT — LA GÉOLOGIE AU CONGRÈS DE CAEN 


É grès de Bordeaux (1895), d’une question assez im- 


portante : celle de la fixation du genre des diverses 


fonctions chimiques, aldéhyde, aldose, oxime, etc. 


. 
C 


On sait qu'il règne sur ce point un grand désaccord 


- dans le monde scientifique. Dans le cas où ce vœu 


. serait pris en considération par le Conseil, la sous- 
_ commission française de la nomenclature serait 


chargée de préparer un rapport sur la question. 

La Section a enfin procédé aux élections d'usage : 
M. Ch. Lauth a été réélu membre du Conseil d'ad- 
ministration, M. Grimaux, délégué à la commis- 
sion des subventions, et M. Alph. Combes, maitre 
de Conférences à là Faculté de Paris, président de 
la 6° section pour le Congrès de Bordeaux. 


Et Ch. Freundler, 


Docteur ès sciences, 
Secrétaire de la Section de Chimie. 


V. — SECTION DE GÉOLOGIE. 

La Section de Géologie a été vivement émue en 
apprenant au début de ses séances la mort de 
M. Cotteau, evrrespondant de l'Institut, un des 
membres les plus fidèles des Congrès de l’Associa- 
lion francaise, plusieurs fois président de la Sec- 

tion de Géologie. L'on sait que M. Cotteau s'était 
fait une spécialité de l'étude des Échinides fos- 
siles, que notamment il a fait connaitre presque 
loutes les espèces françaises et qu'il mettait avec 
la plus grande affabilité à la disposition de tous 
ses connaissances si vastes sur un sujel si spé- 
cial. 

Avec M. Cotteau disparait l'un des derniers re- 
présentants du Comité fondé pour continuer la Pa- 


: léontologie française de d'Orbigny, et il est à crain- 


dre que cette importante publication ne vienne à 
disparaitre. Cependant combien reste-t-il encore 
de formes fossiles à faire connaitre ! En Normandie 
seulement, M. L. Brasil signale et décrit un certain 
nombre d'Ammonites nouvelles ou peu connues du Ju- 
russique inférieur. Dans un premier fascicule de ses 
Contributions à la Faune jurussigue de Normandie, 
M. Bigot avait fait connaitre les espèces du genre 
Triyonia : le deuxième fascicule, présenté à la Sec- 
tion, donne la description des espèces du genre 
Opis ; dans le troisième, MM. Bigot el L. Brasil font 
connaitre la faune très variée d'un riche gisement 
Aslartien qui leur a été signalé par M. Moisy, et 
dont les fossiles, ensevelis dans des sables, dans 
des conditions de conservation qui valent celles 
des meilleurs gisements tertiaires, permettent 
d'augmenter notablement le nombre des espèces 
des sables de Glos décrites depuis longtemps par 
Ziltel et Goubert. — Parmi les communications 
relatives à la Paléontologie, citons encore les 
notes de M. Péron sur les Brachiopodes du Crétacé 


169 


supérieur de Ciply (Belgique), de M. Cossmann, sur 
quelques formes nouvelles ou peu connues des faunes du 
Bordelais, de M. Lennier, sur les ossements quater- 
naires recueillis aux environs du Havre. 

La géologiestraligraphique comprenaitlerésumé 
des études de géologie sur le bassin de Paris, résultant 
des recherches effectuées par M. Ramond plus spé- 
cialement sur de grands travaux publics en cours 
d'exécution. M. Bourgeat a cherché à appliquer à 
la classification du carbonifère du Nord la théorie des 
faciès coralligènes. — M.le D° Guebhard a fait con- 
naître la disposition octogonale des plissements 
dans la région de Suint-Vallier. 

Les études de M. Emile Belloc sur la formation des 
lacs glaciaires et de M. Ferray sur les rivières souter- 
raines du département de l Bure touchent à la géologie 
actuelle. Lors de l’élaboration du projet d’adduc- 
tion des eaux de l’Avre à Paris, on se souvient, sans 
doute, des enquêtes auxquelles donna lieu la re- 
cherche des points de réapparition de cette ri- 
vière qui possède en parlie un cours souterrain. 
M. Ferray s’est occupé de déterminer, surtout avec 
l'aide des matières colorantes, les points de réap- 
parition de cette rivière, de celles de l'Eure et de 
l'Iton qui présentent le même phénomène ; il a pu 
constater aussi que la disparition de ces cours 
d'eau ne se faisait pas d’une façon brusque, que 
leur débit s’affaiblissait peu à peu, qu'elles s'é- 
taient creusé un véritable court souterrain, avec 
lit de gravier, et enfin qu’elles sont certainement 
alimentées en profondeur par de véritables af- 
fluents dont l’apportaugmente notablement le dé- 
bit du cours d’eau à sa sortie. M. Bigot a rappelé 
d'autres exemples de rivières de la Basse-Nor- 
mandie ainsi bues par le sous-sol et fait ressortir 
l'intérêt de la coupe donnée par M. Ferray pour 
montrerl'importance du travail chimique des eaux 
souterraines, amenant la formation en profondeur 
de véritables argiles à silex semblables à celles des 
plateaux. 

Dans le domaine de la géologie appliquée M. David 
Levat a fait connaitre les gisements de phosphate de 
chaux el de calamine de la Tunisie ; M. Pallary, les 


formations de phosphates de chaux du quaternaire algé- 


rien et le phosphate d'alumine du territoire de la com- 
mune de Misserghin (Algérie). 

Une des communications les plus importantes au 
point de vue de l'intérêt général de la population 
des villes est celle de M. Lennier. En présentant 
la carte géologique de lu ville du Havre, M. Lennier a 
montré quel rôle joue dans la conservation des 
germes épidémiques la nature du sous-sol. Le 
Havre est bâti en partie sur le flanc d’un coteau 
formé par des éboulements crétacés, et surtout sur 
une plaine d’alluvions, déposée en arrière du cor- 
don littoral sur lequel s'élève le quartier du Perrey. 


LL Le < WE Ce : à CR Pre 


 ATÙ E. DE ROUVILLE — LA ZOOLOGIE AU CONGRÈS DE.CAEN 


Au Perrey, habité par une population pauvre, 
entassée dans des habitations insalubres, les mala- 
dies épidémiques sont à peu près inconnues. Par 
une autre anomalie dont M. Louis Olivier a con- 
tribué à faire connaitre les causes, les quartiers 
hauts, en dépit des prévisions théoriques, se pré- 
sentent dans la pratique comme des plus favorables 
au développement des maladies épidémiques. La 
raison en est que, par suite de l'impossibilité d’un 
drainage nalurel, le sous-sol est contaminé, tandis 
qu'au Perrey la mer, pénétrant facilement entre 
les galets de l’ancien cordon littoral, assure la pro- 
preté du sous-sol par un lavage quotidien. On 
comprend dès lors de quelle importance est pour 
l'hygiène d’une ville la connaissance de son sous- 
sol et que la Section, sur la proposition de M. Len- 
nier, ait émis le vœu qu'il soit procède à l'établissement 
de la carte géologique détaillée des villes et que, pour 
faciliter ve travail, chaque fois qu'une ercavation sera 
faite sur le territoire d'une ville, avis en soit donné à la 
personne chargée de l'établissement de la carte. 

En dehors des séances consacrées aux commu- 
nications, la Section, dans une excursion à May-sur- 
Orne el Bretteville-sur-Laize, a pu en une seule 
journée se rendre compte de l'intérêt que présen- 
tent pour les études géologiques les environs de 
Caen, avec leurs terrains si variés, leurs récifs juras- 
siques, leur richesse fossilifère. Les membres ont 
pu admirer dans les collections de la Faculté des 
Sciences et dans la collection Deslongchamps les 
riches séries locales, avec leurs fossiles si bien con- 
servés, et surtout les Vertébrés, Poissons et Rep- 
tiles, recueillis dans le Bathonien et le Lias supé- 
rieur des environs de Caen. 


A. Bigot. 
Professeur de Géologie 
à la Faculté des Sciences de Caen. 
VI. — SECTION DE Z00LOGIE. 


M. Armand Sabatier a fait une communication 
sur quelques points obscurs de la spermatogenèse 
des Sélaciens. Il démontre que les capsules dans 
lesquelles se formeront les spermatozoïdes sont le 
résultat de la multiplication amitotique des noyaux 
et cellules constituant non un épithélium propre- 
ment dil, mais une bande de tissu conjonctif plus 
ou moins épaisse. 

Chaque noyau acquiert une zone protoplasmique 
propre, et alors commencent les divisions mito- 
Liques. Chaque cellule ainsi constituée subit deux 
divisions successives : les petites cellules résultant 
de la dernière division formeront les spermato- 
zoïdes. 

Ces spermatozoïdes une fois formés, une nouvelle 
généralion de spermatozoïdes tendrait à se pro- 
duire. C'est alors que prennent naissance la « cellule 


basale » et le « corps problématique », qui ne se- 
raient pas autre chose que les deux noyaux résul 
tant d'une première division amitotique d’une 
nouvelle généralion de spermatozoïdes. Cette gé- … 
nération s'arrête là, d’ailleurs, car la capsule sper- 
malique va se détruire peu à peu. 04 

M. Jourdain expose le résultat de l'étude qu'il a 
entreprise du Trombidion. 11 insiste partieulière- … 
ment sur deux organes (organes de l’olfaction el 
de l’audition?) situés vers l'extrémité antérieure 
de cet Acarien. Il signale les différences très inté- ” 
ressantes qui existent entre la larve et l'adulte, 
différences portant sur le nombre des pattes, la 
forme et le nombre des ongles, la structure des 
mandibules et des mächoires. 


M. Henri Gadeau de Kerville entretient la Sec- ” 


tion de la triplicité du cæcum chez les Oiseaux ; il 
a observé la présence de trois cæcums de dimen- 
sions presque égales, de même structure, el dé- 
bouchant à la même hauteur dans l'intestin par 
un orifice spécial, chez deux canards domestiques 
adultes et chez une poule domestique, également 
adulte. Ces trois animaux étaient atteints de pygo- 
mélie, monstruosité relativement peu rare chez les 
Oiseaux. 

M. Gadeau de Kerville pense qu'il s’agit là d'un 
de ces cas fréquents d'anomalies par augmentation 
du nombre des parties; peut-être aussi peut-on sup- 
poser que ce cæcum Surnuméraire est un carac- 
tère ancestral, produit par atavisme. 

M. Fauvel signale quelques cas d’asymétrie chez 
les Insectes coléoptères.Ilcite, à ce propos, comme 
présentant une asymétrie spécifique : trois Osorius 
de Madagascar, deux ?/alydema, lune de Ceylan, 
l’autre de l'ile Damma (Timor); un Diwmerus, de 
Guinée; enfin une Doubledayu Au Japon. M. Fau- 
vel cite aussi un cas d’asymétrie générique, offert 
par le genre ?hylolinus du Japon, et quatre cas 
d’asymétrie dans les genres Amblystomus, Badister, 
Orescius et Licinus, qui forment la tribu des Licini 
dans la famille des Carabides. 

Dans tous ces cas, l’asymélrie constitue un ca- 
ractère fixe et invariable des espèces, du genre et 
de la tribu, et n'a rien de commun avec les phéno- 
mènes tératologiques. 

M. Sirodot présente des photographies d’un 
squelette de Zophius pisealorius de grande taille 
qu'il a fait préparer en conservant les ligaments. 
Il formule quelques considéralions intéressantes 
sur la signification desdiverses parties du squelette,” 
et notamment : de Ja face, de l'appareil opercu- 
laire, des tentacules supérieurs et des nageoires 
pectorales,. 

M. Künckel d'Herculais, assistant au Muséum 
d'Histoire nalurelle de Paris, fait deux communica- 
tions : l’une sur l'histoire biologique des Insectes 


— 


diptères qui vivent en Algérie aux dépens des Oro- 
-banches ; l’autre, sur les invasions des sauterelles 
dans l'Afrique du sud. 
. M. Joyeux-Laffuie entretient la Section de Zoolo- 
- gie des observalions failes par lui sur deux Æyper- 
: oodon (H. rostratus) échoués à Beuzeval (Calvados). 
M. Joyeux-Laffuie a surtout étudié le squelette et 
” les dents de ces Cétacés, sur lesquels il fournit de 
_ précieux renseignements. 
. M. Adrien Dollfus signale des cas de dimor- 
_ phisme sexuel chezles Crustacés Isopodesterresires 
- (G. Hemilepistus et Mesoponathus). I présente en- 
_ suite une nole sur les Idoteidæ des côtes de France : 
les espèces des côtes françaises appartiennent, 
. d'après lui, à trois coupes génériques : Zeplosonn, 
… Tdotea, Zenobia; elles sont basées sur le degré de 
. coalescence des segments du pléon avecle telson. 
_ Dans une dernière communication, M. Adrien 
Dollfus donne la liste des Crabes et des Bernard- 
l'Ermite de la faune européenne qui, provenant en 
majeure partie des collections E. Simon et Dollfus, 
se trouvent actuellement au Muséum du Havre; il 
_ cite 90 espèces, plus une vingtaine de formes non 
_ encore déterminées. 
-  M.J. de Rey Pailhade se demande comment et 
… où se fait la combinaison chimique de l'oxygène 
avec les malières constitutives de l’être vivant. Pour 
- lui, les matières avides d'oxygène proviennent des 


L 
: 


à 


tion des éléments anatomiques; soit 2° au sein 


_ même de ces éléments. 


ne: 
= 


Il se fait aussi, d’après l'auteur, une fixation 

Due par les parties internes de la cellule, 

— ct cela, au moyen du philothion, substance qui exis- 

 terait abondamment dans tous les éléments ana- 

_(omiques ; ce philothion serait, comme l’hémo- 

. globine du globule rouge vivant, insoluble dans le 

plasma sanguin ; il se combine à l'oxygène libre à 

… latempérature physiologique des êtres vivants. 

__ M. Calvet a étudié les Bryozoaires marins de la 
région de Cette, située entre Agde et Palavas. Il 
donne la liste de 105 espèces, nombre qui dépasse 
de beaucoup le chiffre qui a été publié dans les 
catalogues établisjusqu'ici,surles différents points 
des côtes françaises. 

Parmi ces espèces, quelques-unes n'avaient pas 
encore été signalées dans la Méditerranée. Celle 
liste, encore incomplète, renferme plusieurs espèces 
qui n'ont peut-êlre pas encore été décrites. 

M. Calvet se propose de compléter ce travail 
dans le courant de l'année. 

M. A. Villotadresse à la Section de Zoologie une 

note sur « le Polÿmorphisme des Gordiens ». 

- L'auteur étudie en détail le phénomène de la chi- 

_ tinisation des téguments ; il montre que, sous son 

— influence, la forme des diverses parties du corps se 


cellules et sont combinées soit : 1° dès leur excré- | 


E. DE ROUVILLE — LA ZOOLOGIE AU CONGRÈS DE CAEN 171 


modifie, et relève de nombreuses erreurs commises 
par les naturalistes qui avaient pris pour des 
caractères spécifiques de simples différencesd’äge. 

M. A. Caraven-Cachin adresse le catalogue des 
Poissons des eaux douces du département du Tarn; 
cette liste contient 22 espèces. 

M.Etienne de Rouville présente un Siphonæcetes 
nouveau (Siphonœæcetes Sabatieri) pèché dans l'étang 
de Thau, à une profondeur de 4 mètres. Celte es- 
pèce est caractérisée par des différences de struc- 
ture du rostre, du flagellum, de l’antennule, des 
gnathopodes et des uropodes (les extrémités pé- 
donculées des deux dernières paires d'uropodes 
étant découpées en dents de scie); de plus. seule 
des espèces des Siphonæcetesactuellementconnues, 
elle seloge dans une coquille {Bitéium paludosum : B. 
seabrum ; Rissoia ventricosa. À. subventricosa, R. mur- 
ginata) avec un prolongement artificiel, un tube 
formé de fragments divers et allongeant la coquille. 

Dans une seconde communication, M. de Rou- 
ville étudie le mode de remplacement des cellules 
épithéliales de l'intestin moyen de l'Æydrophilus 
piceus et du Dytiseus marginalis. Contrairement à 
l'opinion de Rizzozero, il croit à une origine con- 
jonctive sous-épithéliale de ces cellules de rempla- 


| cement, ces jeunes cellules se divisant d’ailleurs, 


directement (amitotiquement). 

Avant de se séparer, la Seclion de Zoologie, 
frappée des inconvénients graves qui résultent du 
retard apporté parles formalités à remplir avant la 


|! vente et la prise de possession des Cétacés échoués 


sur la plage, a émis à l'unanimité le vœu suivant : 

« Qu'il soit fait auprès des ministères compétents 
(ministère de la Marine, et ministère de l’Instruc- 
tion publique) des démarches pour que les délaisré- 
glementaires soient très raccoureis ou même sup- 
primés, et que les hommes officiellement compé- 
tents soient mis en mesure de se livrer immédia- 
tement à l’étude et à la préparation des Cétacés 
échoués, en vue des intérèts de la Science et de la 
conservation de pièces qui deviennent de plus en 
plus rares et précieuses », 

La Section de Zoologie nomme Président de la 
Section pour le Congrès de l’Association française, 
qui se tiendra en 1895 dans la ville de Bordeaux, 
M. le Professeur J. Pérez, de l’Université de Bor- 
deaux. - 

Pendant le coursdelasession, plusieurs membres 
de la Section de Zoologie ont répondu aux invila- 
tions de MM. les Professeurs Edmond Per- 
rier, du Muséum, et Joyeux-Laffuie de Caen, el ont 
visité les laboratoires maritimes de Saint-Vaast-la- 
Hougue et de Lue-sur-Mer. 

Etienne de Rouville, 


Chef des Travaux zo0ologiques 
à la Faculté des Sciences de Montpellier. 


172 


VII — SECTION DE BOTANIQUE. 


M. Rapaïs signale dans le tégument des graines 
de Sapins, de Cèdres et de Ginkgo deux faisceaux 
libéro-ligneux longitudinaux, opposés l’un à l’autre, 
analogues à ceux qui ont déjà été signalés chez les 
laxoïdées, mais à structure concentrique. Une in- 
léressante discussion s'engage au sujet des consé- 
quences à tirer de ce fait relativement à la valeur 
morphologique du Légument ovulaire et aux affi- 
nilés desConifèresetdes Gymnospermes.Y prennent 
part MM. Poisson, M. Cornu, Léger, Lignier. 

M. Baitandier cherche à reconnaitre par l'étude 
de l'aire des plantes actuelles les modifications 
qu'a subies la flore d'Algérie, aux époques récentes, 
sous l'influence des variations climatériques et de 
l'extension du Sahara. Ses observations le mènent 
à penser qu'en général les plantes, soit indigènes, 
soit d'origine européenne, ont émigré vers le nord 
à mesure de l'extension du Sahara. Toutefois cer- 
laines autres, européennes ou orientales, semblent 
au contraire avoir pénétré vers le sud. C’est avec 
la flore d'Espagne que la flore algérienne présente 
le plus d’affinités. 

MM. B. Renault et C.-Eg. Bertrand ont trouvé 
dans les schistes bitumineux d’Autun, dans des 
coprolithes rapportés à l’Actinodon Frossardi, une 
bactérie très abondante qu’ils dénomment Bacillus 
permiensis. Ge bacille est très poly morphe : il peut 
prendre les formes suivantes : bacille rectiligne, 
isolé ou couplé en diplobacille, bacille en virgule 
ou même spirille, chainelle de grains arrondis ou 
streptobacille. 

M. C.-Eg. Bertrand décrit une plante à structure 
conservée du houiller moyen. Son stipe dorsiven- 
lral porte deux rangées de petites frondes, dont 
les inférieures plus grandes. Chaque fronde sup- 
porte une petite ligule. Le stipe ne renferme qu'un 
seul faisceau qui est médian, bipolaire, à lame 

_ligneuse horizontale; les faisceaux frondaires s’en 
délachent obliquement de chaque côté des pôles 
trachéens. Tous ces caractères sont ceux des Séla- 
ginelles ; cependant l'auteur donne à cette plante 
le nom de Æiadesmiu membranacea, parce qu'il ne 
connait ni les porte-racines ni les sporanges. 

M. Queva a étudié des galles formées par l’#e- 
terodera radiciolu sur des racines el des tubercules 
de Dioscorea illustratu. Le némalode se tient tou- 
jours à la périphérie du faisceau libéro-ligneux et sa 
présence amène la formation de certaines particula- 
rilés anatomiques, parmi lesquelles la formation de 
cellules géantes etplurinucléées.semblables à celles 
quiontété signalées dans des cas analogues. L'action 
de l’AÆolerodera ne se montre ni nuisible ni utile à 

la Dioscorie. 

M. Radais présente el explique un nouveau mi- 


rité, réalise certainement un grand progrès sur 
ceux déjà connus. 

M. Guignard signale l'existence, chez le Manihot, 
d'émulsine capable äe dédoubler l'amygdaline. De 
même que la papaïne des Papayers, ce ferment est " 
localisé dans le latex. L. 

M. Radais expose une nouvelle méthode de pré- 
paration du carmin boralé qui permet de traiter 
ensuile les coupes par l'alcool absolu, sans amener 
la formation d'un précipité du carmin. K: 

M. Cornu montre que, dans la noix de Kola du 
Congo, l'embryon possède ordinairement 4 à 5 co- 
Lylédons, tandis que dans celles du Niger il n’en a. ; 
que deux. En outre, de jeunes plantes, nées de 
ces deux sortes de noix, ont montré des feuilles 
différentes el différemment distribuées. Les deux « 
espèces doivent donc être distinguées : il propose # 
pour celle du Congo le nom de Æol« Bulluyi. L? 

M. Blanc expose les merveilleux résultats obte- 
nus par les Russes dans la culture du coton au 
Turkestan; la cause en est dans le choix de l’es- … 
pèce et dans le mode d'arrosage. Il croit que la T 
même espèce et les mêmes procédés pourraient » 
admirablement réussir au Sénégal. L 

M. Lignier a reconnu que la nervation dichoto- 1 
mique n’est pas, comme on le croit ordinairement, 
exceptionnelle chez les Cycadacées, mais qu’elle 
est au contraire la règle. C’est là un nouveau point 
de rapprochement des Cycadacées avec les Fou- 
sères archéoptéridées. 


Autres Notes communiquées ou analysées. 


MM. Barrannier: Considérationssurles plantesréfugiées … 
ou en voie d'extinction de la flore algérienne. 
BezLoc: Note sur la flore algologique d’eau douce 
d'Islande, : 
DaneL : Etude anatomique sur les débuts de la 

soudure dans la greffe. 

Queva : Anatomie de la tige de la Vanille (Vanilla 
planifolia, Andr). 

Nez: Remarques sur la végétation des vases de la 
Seine. 

Durour : Influence du sol sur les parties souter- 
raines des plantes. 

Ga : Influence de la sécheresse sur la propaga- 
tion et la multiplication de l'espèce chez les vé- 
gétaux herbacés. 

BLanc : Sur une plante textile de l'Asie centrale. 

Jorer : Pereisc et Charles de l’Ecluse, 

He: Organogénie florale du Dispo ge 

Han: Sur les genres Euplelea et Eucontmia. 

PARMENTIER : Histologie comparée de Magnoliacées. 

Gaueneny : Note sur un hybride obtenu expéri- 
mentalement entre le Papaver Rhæas et le P: 
dubium. à 

Gexrau DE Lawaruière: Sur l’état œcidien du Cr0= MA 
narliun flaccidum. 

Russes : Contribution à l'étude de l'influence du … 
climat sur la structure des feuilles. 


E. ROUSSEAUX — L'AGRONOMIE AU CONGRÈS DE CAEN 


MM. Ed. Bonxer : Recherches historiques, bibliogra- 
phiques, etc., sur quelques Doronicum. 

Eug. Mesxarn : Recherches sur le mode de déga- 

gement des odeurs en présence des agents 


extérieurs. EE 
0. Lignier, 
Professeur de Botanique 
à la Faculté des Sciences de Caen 
VIII. — SECTION D'AGRONOMIE. 


Les travaux de la Section d'Agronomie, présidée 

… par M. Houzeau, directeur de la Station agrono- 
mique de la Seine-Inférieure, ont présenté un très 
grand intérêt, tant par la diversité des communi- 
calions qui y ont élé faites, que par l'importance 
des sujets à l’ordre du jour. Nous nous bornerons 
à un très court aperçu des travaux soumis à la 
Section. 

M. Künckel d'Herculais présente l'ouvrage inti- 
tulé : Le Pays du Mouton, les conditions d'existence 
des troupeaux sur les Hauts-Plateaux et dans T Ertrême 
Sud. Ce livre considérable, publié par ordre de 
M. J. Cambon, Gouverneur général de l’Algérie, 
est la synthèse d'une grande enquête, qui permet 
de se rendre compte des problèmes multiples que 
soulève la question du mouton. L'ouvrage com- 
prend, entre autres, une description fidèle des 
immenses régions du Sud où se pratique l'élevage 
et où vivent les lroupeaux des tribus nomades, 
avec des photogravures complétant la description ; 
puis viennent la représentation orographique, 
l'énumération des ressources que ces pays offrent 

-en pâturages et en eau; les points d'eaux sur les 
routes que suivent les troupeaux sont indiqués, 
et l’auteur a fait ressortir l'intérêt qu'il y aurait à 
les aménager et à les multiplier. L'ouvrage com- 
prend, en outre, des chapitres consacrés à l'étude 
des maladies parasitaires les plus graves du mou- 
ton d'Algérie, à l'énumération et à lareprésentation 
des plantes croissant sur les Hauls-Plateaux et le 
Sahara Algérien et jouant un rôle dans l’alimen- 
talion des troupeaux, à l'emploi des laines chez les 
indigènes pour leurs usages personnels. 

M. Sagnier insiste sur l'importance capitale de 
ce travail: la grande préoccupation doit être de 
multiplier les réserves d’eau qui, une fois établies, 
rendront la vie possible aux moutons qui sont une 
des richesses du pays; les réserves éviteront ces 
pertes considérables qui se produisent dans cer- 
laines années. Ce n’est pas tant la nourriture qui 
manque, c'est surtout l’eau, dont l'ouvrage établit 
les prises, la géologie ayant servi à déterminer les 
points où des forages ou des retenues peuvent 
permettre d’avoir de l’eau en quantité suffisantc. 

M. Formigny de la Londe, président de la Société 
d'Horticulture du Calvados, donne lecture de rap- 
ports de plusieurs Sociétés d’horticulture de la 


173 


région, sur de nombreuses questions théoriques, 
pratiques et commerciales, qui concernent l’arbo- 
riculture, la culture maraichère et la floriculture. 
Ces intéressants rapports montrent que ces bran- 
ches de l’agronomie s'étendent de plus en plus et 
vont sans cesse se perfectionnant en Normandie. 
Simplement effleurée dans cette communication, 
la cullure du pommier à cidre a spécialement fait 
l’objet d’un long entretien de M.le docteur Travers, 
qui a exposé l'historique et l'état actuel de cette 
culture. 

Une des questions qui ont le plus attiré l'atten- 
tion, en ces derniers temps, est celle de l'utilisa- 
tion de la tourbe. M. Weber a donné sur l’emploi 
de cette substance les détails pratiques suivants, 
auxquels l'expérience et la compétence de l’auteur 
donnent une haute valeur. Comme litière, elle est 
moins propre que la paille, à moins de soins spé- 
ciaux; en outre elle est froide, elle ramollit les 
fourchettes ; lorsque les animaux ne reçoivent 
qu'une ration médiocre, ils vont chercher les grains 
d'avoine dans la tourbe et prennent quelquefois 
l'habitude d'en manger, ce qui, chez quelques su- 
jets, a produit des entériles et des indigestions 
graves; mais cela est rare et, dans certains cas, au 
contraire, on a pu préserver de coliques des che- 
vaux gourmands de litière en les mettant sur la 
tourbe. Par contre, la tourbe constitue un excellent 
couchage, elle est de beaucoup plus absorbante 
que la paille et d’un prix peu élevé, faits qui plai- 
dent en sa faveur. 

La tourbe a une teneur en azote supérieure à 
celle de la paille et constitue un très bon engrais, 
après avoir servi comme litière. Les cultivateurs 
des environs de Paris n'ont pas paru partager 
celte opinion; mais, peut-être doit-on tenir compte 
de ce fait qu'ils sont, avant tout, producteurs de 
paille. 

L'industrie a fait des applications très utiles de 
la ouate de tourbe : couvertures pour absorber la 
sueur des chevaux après le travail, étoffes absor- 
bantes, ouates qui remplacent avec avantage, pour 
les pansements vétérinaires, les étoupes de chan- 
vre, etc. Il est bon d’ajouter que les qualités des 
tourbes, au point de vue absorbant et au point de 
vue de leur composition, varient avec les pro- 
venances. 

M. Xambeu présente quelques notes sur l’Agri- 
culture en Saintonge avant 1789. M. Xambeu a su 
tirer des Archives des documents qui indiquent 
la situation de l'Agriculture en Saintonge avant 
1789 et la statistique des récoltes à différentes 
époques. 

L'état des personnes de la classe agricole, les 
conditions économiques de la propriété rurale, 
les méthodes employées en agriculture avant 1789, 


méritent d'être étudiés. 11 est possible de se pro- 
curer des documents de bonne valeur dans les car- 
tulaires, les archives. les registres paroissiaux, les 
actes des notaires, les livres de raison et de 
famille, etc. Un travail semblable dans les autres 
régions pourrail apporter des renseignements 
utiles non seulement pour l'histoire de l'Agricul- 
ture, mais aussi pour celle de tous les faits géné- 
raux qui ont modifié lentement et successivement 
l'état économique de la nation française, 

Dans un autre ordre d'idées, M. Xambeu commu- 
nique des analyses comparatives faites en 1893, sur 
les feuilles de chêne et sur le foin, d’après lesquelles 
la valeur alimentaire des feuilles de chêne, récem- 
ment tombées, serait approximativement la moitié 
de la valeur alimentaire du foin. M. Xambeu attire 
l'attention sur la présence du tanin, substance 
astringente qui paraît nuisible à la digestion. Pour 
la consommation ordinaire, il est nécessaire de 
mêler les feuilles de chêne à de la paille ou à 
d'autres substances alimentaires. 

M. Levat donne communication d’une étude sur 
l’état actuel de la production et de la consomma- 
lion des phosphales, en insistant sur les causes du 
développement de cette consommation : diffusion 
des connaissances agronomiques, constitution des 
syndicals agricoles, apparition sur le marché des 
scories de déphosphoration, découverte récente 
des phosphates riches de la Floride et de la Tu- 
nisie, etc. L'auteur fournit, avec de nombreux 
lableaux à l'appui, la statistique de la production 
et de la consommation des principaux pays, ainsi 
que les échelles de prix actuelles. 11 conclut que 
les réserves de phosphate actuellement assurées 
par les gisements connus, suffisent pour satisfaire, 
au fur et à mesure de leur accroissement, aux be- 
soins de l'Agriculture. 

M. Bernard entretient la Section des relations 
entre les cartes géologiques el les cartes à courbes 
d'égal calcaire, montrant la constance minérale 
que présente chaque formation géologique, chaque 
fois qu'on ne sort pas d’une même région naturelle. 
Il a vérifié le fail par de très nombreux dosages 
de calcaire effectués à l'aide de son calcimètre. II 
traite aussi de la variation du pourcentage du 
calcaire suivant sa lénuité el sa vitesse d'attaque. 

M. Magnien donne des résultats d'expériences 
relalives à la culture du blé en 1893-94. M. Ma- 
gnien s’est atlaché, depuis 1886, à instituer dans 
différentes siluations climatériques et géologiques 
de la Côte-d'Or, des expériences ayant pour base 
l'emploi d'engrais chimiques et de semences de 
choix. Les résultats qu'il a obtenus dansses champs 
de démonstration, établis dans les conditions les 
plus diverses, ont mis en évidence l'excellence du 

procédé. 


F. JAYLE. — MÉDECINE ET HYGIÈNE AU CONGRÈS DE CAEN 


Signalons enfin les communicalions : de M. Dou- 
met Adanson sur la Persicaire Géante; de M. Gain 
sur l'influence de la sécheresse sur les tubercules 
de pomme de terre; de M. Gurnaud sur l’ancienne 
sylviculture et la nouvelle; de M. Auriol sur l’uti- 
lisation du vent comme force motrice des instru- 
ments agricoles. 

En cours de session, la Société d'Agriculture de 
Caen, présidée par M. le comte de Saint-Quantin, 
a tenu un concours départemental d'animaux 
reproducteurs de la race bovine normande, ce 
qui a permis aux membres de la Section d'Agro- 
nomie d'admirer une fois de plus les efforts de 
l'Agriculture du Calvados et de lui rendre un nou- 
vel hommage. 

Eugène Rousseaux. 


Ingénieur Agronome, 
Préparateur à l'Institut National Agronomique. 


IX. — Section pE MÉDECINE ET HYGIÈNE. 


La Section n’a donné le jour à aucune commu- 
nication retentissante, mais une série de ques- 
tions fort intéressantes y ont été étudiées et discu- 
tées. 

M. Charrin est venu soutenir à nouveau l'origine 
infectieuse de certains cas de rlumatisme chronique. 
Chez deux malades, observés récemment, il a vu 
survenir, au cours d'amygdalites subaiguë et aiguë, 
des manifestations articulaires aiguës qui ont 
laissé à leur suite des déformations persistantes 
des jointures atteintes. Dans un cas, l’amygda- 
lite était suppurée et le pus contenait des strep- 
tococcus et des staphylococeus albus; or, dans la 
sérosité péri-articulaire, on a trouvé de l’albus. 
Dans 21 autres cas publiés antérieurement, l’albus 
a été rencontré 11 fois, le streptocoque 4 fois, 
l'aureus 2 fois, le colibacille 2 fois ; deux fois enfin 
l'ensemencement est demeuré stérile. Ces recher- 
ches ont pour but de démontrer que certaines 
arthropathies chroniques reconnaissent manifes- 
tement une origine infectieuse. Ce n'est pas à dire 
d’ailleurs que des causes chimiques, toxiques, 
humorales ou physiques, traumaliques,soil encore 
nerveuses ou trophiques, ne puissent produire des 
altérations plus ou moins similaires. 

Le même auteur attire encore l'attention sur la 
fréquence de l'entérite pseudo-membraneuse, affection 
extrêmement commune, mais dont l'intensité et la 
marche clinique sont des plus variables. Une 
forme en particulier mérite d'êlre signalée : la 
forme cachectique, qui dure de longues années, 
amène un amaigrissement considérable et donne 
aux malades un aspecttelqu'on ne peut se défendre, 
en les voyant, de songer soit à un carcinome, soil 
surtout, tant à cause de la durée de la lésion qu'en 


tibatihi sie aan: 


de 0, tnt tué dires 


F. JAYLE. — MÉDECINE ET HYGIÈNE AU CONGRÈS DE CAEN 


raison du teint qui assez souvent conserve quelque 
coloration, à la tuberculose intestinale. La ma- 


 Jadie se caractérise surtout par des crises d'enté- 


rile qui sont fréquentes et très douloureuses, el 
s’accompagnent d’évacuations alvines, partie so- 
lides, partie liquides, ressemblant parfois à de la 
lavure de chair mélangée de glaires et de fausses 
membranes. Le meilleur traitement consiste dans 
l'administration d'acide lactique, l'usage de lave- 
mentsrectaux au nitrate d’argentet la prescription 
d’un régime sévère. 

Non moins intéressantes sont les recherches de 
Hallopeau et Tesse qui ont découvert des wlcaloides 
phlogogènes dans l'urine d'un malade atteint d'une pous- 
sée aiguë de dermatite herpétiforme. Dans l'intervalle 
des crises de dermatite, les urines sont normales, 
mais au moment des poussées leur quantité dimi- 
nue beaucoup; elles se troublent en formant un 


. dépôt très abondant, constitué presque exelusive- 


ment par des urates. L'analyse de ce dépôt y 
révèle également la présence d’alcaloïdes qui, in- 
jectés à des cobayes, ont déterminé des phéno- 
mènes inflammatoires locaux intenses, mais sans 
grande réaction générale. 

Avec Cuutru nous tombons dans cette question 
si difficile du #railement des dyspepsies par les agents 


- physiques, et par le massage en particulier. Pour l'au- 


teur, le traitement diffère suivant qu'il s’agit d'hy- 


- popepsie ou d’hyperpepsie. Contre l'hypopepsie, 


on doit employer le massage après le repas, pen- 
dant la digestion même; ce massage excite lente- 
ment le muscle de l'estomac et réveille l’activité 
sécrétoire endormie. Cependant dans la forme 
grave de l'hypopepsie, alors que les glandes sont 
atrophiées, le muscle alltéré, les fermentations 
abondantes, il vaut mieux pratiquer le massage à 
jeun, qui sert à tonifier l’estomac et à activer l’éva- 
cuation retardée des résidus alimentaires. Dans 
l'hyperpepsie, le massage donne de moins bons 
résultats. Il faut toutefois distinguer l'hyperpepsie 
générale ou chlorhydrique de l'hyperpepsie chloro- 
organique. Celle-ci s'améliore par le massage pra- 
tiqué à jeun, tandis que l’autre doit engager le 
médecin à s'abstenir de toute manipulation. Quant 
aux autres agents physiques, hydrothérapie, élec- 
lrisation, etc., les conditions d'application en va- 
rient avec les individus. 

C'est encore le massage abdominal que vante Ché- 
ron dans les ptoses viscérales (entéroptose, dilatation 
de l'estomac, abaissement de l'utérus). Le décubi- 
tus renversé et le massage abdominal pratiqué 
dans cette position ramènent, en un temps très 
court, les viscères à leur situation normale, et mo- 
difient la dilatation de l'estomac en même temps 
que le chimisme de cet organe. 

Moins importante pour le praticien est la com- 


175 


munication de wrayliano (de Gênes) qui nous donne 
le résultat de ses recherches sur la pigmentation du 
sérum sanquin et sur l& pigmentation des ersudats : il 
arrive à conclure que la pigmentation du sérum 
sanguin, normal ou pathologique, et celle du sé- 
rum des exsudats, proviennent de l'hémoglobine 
des globules rouges que ce même sérum détruit. 

Viennent ensuite une série de faits cliniques ou 
anatomo-pathologiques : ; 

Hallopeau et Jacquinet:à propos d’ux cas de dermo- 
graphisme intense, s'attachent à démontrer que le 
dermographisme n’est pas nécessairement d'ori- 
gine toxique et que la saillie ortiée commence à se 
produire sous l'impression lactile, avant que les 
sensalions pénibles ne se manifestent. 

Nepveu, de l'erumen histologique de pièces de béribéri, 
conclut que cette affection est, au point de vue 
anatomo-pathologique, d’ordre infectieux, qu'elle 
détermine une karyokinèse leucocytique considé- 
rable et cause la proliféralion de jeunes cellules 
dans le tissu conjonctif des principaux organes des 
centres nerveux. 

Jeanselme rapporte l'observation d'une fenvme atteinte 
à la fois de selérodermie et de goilre exophtalmique, et se 
demande si les deux affections dérivent d'une 
même cause sans qu'il existe entre elles aucune 
subordination, ou s’il y a une relation de cause à 
effet entre l’altération thyroïdienne et la sclérose 
cutanée. 

Le (rendre attire l’attention sur les bons effets 
qu'il a obtenus, dans un cas de sewrlatine compliquée 
d'accidents cérébraux, par des eaveloppements frouls, 
et dans un autre de bronchopneumonie compliquée 
de néphrite aiguë avec hématurie, par l’adminis- 
tration, toutes les trois heures, de bains à 18° d’un 
quart d'heure de durée. 

Regnault et Azoulay étudient l'influence de l'effort 
sur les diverses espèces de tremblements et donnent un 
moyen pratique d'exagérer ces derniers. 

Tison rapporte une observation de purpura infec- 
tieux dont le diagnostic avec le typhus exanthé- 
matique a été difficile. 

Bouffé velate onze cas de psoriasis traités el quéris 
par l'yection de liquides oryaniques et particulière- 
ment de liquide testiculaire; il pense que le pso- 
riasis est une maladie éosinophile. 

Hallopeaun'admetpaslanature tropho-névrotique 
de l'affection et reste sceptique à l'endroit du trai- 
de Bouffé. 

Prioleau cite un cas d'orchite, probablement à pneu- 
mocoques, survenue chez un vieillard, quatre jours 
après une pneumonie. 

Guelpa émet l'idée que, dans la diphtérie, la fausse 
membrane est une barrière qui empêche la résorption 
des toxines sécrétées par le bacille de Klebs, d'où 
la nécessité de respecter la fausse membrane. 


170 


Hallopeuu fait remarquer que les assertions de 
Guelpa contradiction avec toutes les 
données actuelles. 


sont en 


Ces différents points de médecine, quel que soit 
leur intérêt particulier, sont loin d’avoir l'impor- 
tance des questions d'Hygiène qui ont été abordées 
et traitées au Congrès, et au premier rang des- 
quelles nous devons citer celle des dangers que peut 
offrir l'abus des exercices de sport. 

M. Le Gendre, dans un rapport remarquable, 
montre qu'à l'époque de la croissance et de la 
puberté, l'organisme se trouve dans des conditions 
physiologiques loutes particulières, qui le prédis- 
posent à un certain nombre d’affections, Or, entre 
la prédisposition et l’état morbide, la distance est 
faible et peut être aisément franchie par l'excès 
des exercices physiques. Il faut reconnaitre, en 
outre, que chaque exercice physique met plus spé- 
cialement en jeu tel ou tel appareil ; on comprend 
dès lors que, si l'appareil surmené par l'exercice se 
trouve en élat de moindre résistance, des accidents 
puissent apparaitre. Le médecin hygiéniste, qui a 
noté chez un adolescent que tel appareil s’est déve- 
loppé avec excès et que tel autre est insuffisant, 
peut tirer parti de tel ou tel exercice. Mais il est 
rarement consulté, et c’est la mode ou la fantaisie 
individuelle qui tiennént lieu de conseillers. On ne 
saurait donc trop protester contre ce défaut de 
choix et aussi contre l'abus et contre le défaut 
d'entrainement qui transforment promptement un 
exercice utile en une source d'accidents. Il faut 
enfin faire remarquer qu'en donnant trop d’impor- 
Lance aux exercices physiques, on tend à déplacer 
l'idéal des enfants et des jeunes gens. L'idéal des 
anciens élait le culte du corps et de l'esprit, l'idéal 
moderne doit être le culte de l’esprit. L’engoue- 
ment passionné pour les sports risque d'aboutir à 
accélérer la décadence morale et intellectuelle de 
notre race sans la reconsliluer physiquement. Si 
l’on veut développer sainement les exercices phy- 
siques el éviter en même temps les accidents qui 
peuvent en résuller par suite de l'abus ou d’une tare 
organique, il est bon : 1° de faire examiner chaque 
enfant par un médecin, avant de le laisser se livrer 
à tel ou tel exercice physique; 2° s’il y a quelque 
tare des appareils circulatoire, locomoteur, diges- 
tif ou du système nerveux, d'interdire les exer- 
cices qui peuvent l’aggraver; 3° d'exiger toujours 
un entrainement progressif; 4° d'encourager l’exer- 
cice, mais de faire la guerre au sport dans les 
élablissements scolaires. 

Le Prof. Bouchard n'est pas moins opposé que 
Legendre à l'abus de lout exercice physique. On 
ne saurait trop combattre loute espèce de concours 
y compris ceux de médecine), mais les concours 


F. JAYLE. — MÉDECINE ET HYGIÈNE AU CONGRÈS DE CAEN 


sportifs sont en particulier à surveiller. Les exer- 
ciees physiques ont en effet des dangers de deux 
sortes. Les uns procèdent de l'acte physique qui 
s'effectue dans tout travail musculaire, les autres 


des actes chimiques qui sont réalisés dans ce même 


travail. 

Au point de vue physique il y a une éléva- 
tion de la température du corps pouvant atteindre 
39°, 40° et même 41°. La mort peut s'ensuivre, 
comme dans le coup de chaleur ; si tel n’est pas le 
résultat de cette élévation de température, celle-ci 
n’est pas cependant exempte de tout danger. Ainsi, 
elle provoque la dyspnée, inoffensive pour quel- 
ques-uns, mais mal supportée par ceux qui présen- 
tent la moindre lare antérieure, la moindre défec- 
luosilé du côté du cœur ou des poumons. Le 
surmenage transforme de simples troubles fonc- 
tionnels en lésions organiques définitives. 

Au point de vue chimique, il y a excès de des- 
truclion de matières à la suile d'abus des exercices 
physiques; de cet excès de destruction résulte un 
affaiblissement de l'organisme, une prédisposilion 
à l'éclosion de loutes les maladies infectieuses. 

On ne saurait, en outre, trop insister sur ce 
fait qu'une fatigue physique ne repose pas d’une 
fatigue intellectuelle et vient simplement se sura- 


| jouter à celle-ci. 


Il faut donc surveiller les exercices physiques, 
les limiter et en combaltre énergiquement les 
abus. Quant aux concours, si on veut absolument 
les maintenir, il faut empêcher d’y prendre part 
tous les enfants qui, après une épreuve, accusent 
160 pulsations à la minute. 

Alglave, de Coubertin, Tissie sontégalement d'avis 
qu'il faut éviter tout abus dans les exercices phy- 
siques. Dekhterew ajoute qu’en Russie les concours 


sont absolument bannis de l'éducation physique, et. 


que les exercices violents ne sont permis qu'après 
un examen médical rigoureux. 

L.-H. Petit, en s'appuyant sur des faits Lirés de sa 
pratique personnelle, insiste à son lour sur l'in- 
fluence facheuse que peuvent avoir les exercices 
physiques sur le développement des affections car- 
diaques, si l'on pralique ces exercices trop tôt ou 
trop violemment à la suite de maladies infec- 
lieuses. Après la scarlatine, la variole, la Lyphoïde, 
etc., il faut surveiller de très près l'appareil cir- 
culatoire des enfants, si l'on veut éviter le déve- 
loppement d'affeclions persistantes. 

L'auteur n’est d’ailleurs nullement ennemi de 
l'exercice physique elsignale même, en passant, les 
bons effets de la gymnastique médicale sur la dilatation 
de l'estomac dont sont souvent atteints les scolio- 
tiques. De ses recherches sur ce point, il conelul: 
1° que la dilatalion de l'estomac est fréquente 


dans la scoliose ; 2 que les exercices de gymnas- 


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U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE 


177 


lique raisonnés s'adressant à la scoliose ont un 
retentissement favorable sur la dilatation de 
l'estomac; 3° qu'il y a une relation entre la di- 
latation de l'estomac et la scoliose. 

Toujours àpropos de sport, Bergonié et Tissié ont 
étudié sur un même coureur,le premier lesréactions 
électriques des muscles et des nerfs après les grandes 
épreuves de sport, l’autre la variation des déchets orqu- 
niques dans les exercices sportifs. 

Bergonié et Bordier rapportent encore une obser- 
vation de névrite périphérique secondaire chez un 


homme habitué à marcher avec des échasses. 

Hallopeau fait remarquer à ce sujet que les 
échasses ne sont pas seules à donner des névriles : 
plusieurs des appareils mécaniques en usage pour 
la locomotion et autres mouvements coordonnés 
peuvent en effet donner lieu à des complications 
nerveuses : tout récemment il en a vu un exemple 
chez un homme qui faisait usage de la machine à 
écrire. ù 

F. Jayle, 


Interne à l'Hôpital Broca. 


REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE 


Il est très difficile en métallurgie d’être rensei- 
gné sur les innovations les plus récentes. Ce n'est 
en général qu'au bout d'un assez long temps d’ap- 
plicatiôn, que les procédés nouveaux sont divul- 
gués, en tant que l’on peut avoir à leur sujet des 
renseignements un peu précis. En pareille matière, 
une revue est forcément très incomplète et en 
retard sur la marche réelle de l’industrie. 

Je n'ai donc pas la prétention, dans cet article, 
de signaler tous les progrès intéressants qui ont 
pu être accomplis pendant ces dernières années, 
ni de netraiter que des sujetstout à fait nouveaux. 
Je me bornerai à examiner quelques questions qui 
offrent un certain intérêt d'actualité et à indiquer 
les derniers progrès réalisés, à ma connaissance, 
dans quelques-unes des branches les plus impor- 
tantes de la métallurgie. J’ai cru devoir faire entrer, 
dans le cadre de cette étude, des procédés et des 
appareils qu'on ne peut pas qualifier de récents, 
mais qui son{ encore peu connus en France et dont 
on ne trouverait mention dans aucun des traités 
généraux publiés jusqu’à ce jour. 

Je ne parlerai pas des études théoriques très in- 
téressantes qui se poursuivent, depuis quelques 
années, sur la structure et les propriétés des mé- 
laux. Ce sujet demande à être traité avec plus de 
détail, et je me propose d’y consacrer un article 
spécial. 


I. — ACIER. 


Les procédés de fabrication du fer et de l’acier 
n'ont pas recu, depuis plusieurs années, de perfec- 
tionnements essentiels. 

La production de l'acier déphosphoré (procédé 
Thomas ou fusion sur sole basique) devient sans 
cesse plus importante. Le procédé Thomas-Gil- 
christ permet de fabriquer des métaux très doux. 
qui peuvent remplacer avec avantage le fer forgé 
dans tous ses emplois. Le prix de revient en est 


diminué par la valeur des scories employées 
comme engrais, qui procurent un bénéfice de 
quatre à cinq franes par tonne d'acier. Aussi 
voit-on se produire une révolution dans le com- 
merce des minerais : aujourd'hui on recherche 
les minerais phosphoreux, et même on y paiele 
phosphore. 

Les fontes peu phosphoreuses ne peuvent se trai- 
ter que sur sole. Dans quelques aciéries améri- 
caines, on à cherché à diminuer le prix de revient 
de ce traitement en augmentant la production des 
fours. On a construitdes fours de cinquante tonnes. 
où le chargement se fait par des appareils méca- 
niques. Quelques-uns de ces fours monstres ont la 
forme d'un berceau, et peuvent osciller sur des 
galets pour faciliter la coulée. Les charges sont 
coulées dans des lingotières de dix tonnes, et les 
lingots laminés dans ur train universel, où les deux 
paires de cylindres sont actionnées chacune par un 
moteur : les plaques sont ensuite coupées, puis 
laminées pour tôle. 

Le procédé Talbot, essayé récemment en Amé- 
rique, consiste à activer l’affinage en mélangeant 
chaque charge de fonte avec les scories oxydées 
de l'opération précédente, qui agissent comme un 
décarburant énergique, et restiluent une partie du 
fer scorifié. 

La recarburation de l'acier par le charbon, 
d'après le procédé Darby, que j'ai signalé dans 
cette Revue !, est aujourd'hui pratiquée couram- 
ment dans beaucoup d'usines. 

Après avoir cherché bien des combinaisons pour 
donner aux blindages à la fois la dureté superti- 
cielle qui permet d'arrêter le projectile, et la dou- 
ceur intérieure qui empêche la plaque de se fissu- 
rer, on est revenu au procédé classique de durcis- 
sement à la cémentation. 


1 Voyez à ce sujet la Revue du 30 septembre 1891, p. 593 


à 600. 


178 U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE 


——————_—_——— 


Les Américains ont osé appliquer à des masses 
énormes ce système par lequel on durcit depuis 
longtemps les petites pièces comme les limes, les 
coins, les enclumes, etils ont parfaitement réussi. 
Les plaques Harvey sont cémentées sur leur surface 
extérieure, en les plaçant sur la sole d'un four à 
réverbère chauffé par un grand nombre de foyers 
latéraux, et les recouvrant d’une couche de char- 
bon de bois : puis on les trempe par aspersion 
d’eau sur les deux faces. Les usines françaises 
ont obtenu des résultats encore plus remar- 
quables en appliquant ce traitement à leurs blin- 
dages en acier spécial, où il entre environ 3 °/, de 
nickel et de chrome. 

Le nickel donne à l'acier la structure fibreuse el 
lui enlève loute aigreur. Le chrome contribue à 
augmenter la dureté, sans rendre le métal cassant 
comme le ferait un excès de carbone. 

A ce progrès dans la cuirasse a répondu un pro- 
grès dans l’art de la perforation. C’est en brisant 
la pointe de l’obus que le blindage durci l’arrète : 
on arrive à éviter cette rupture en coiffant l’obus 
d'un capuchon en acier relativement doux, qui 
s'écrase et amortlit le chac: la pointe du projec- 
tile est ainsi préservée et peut pénétrer dans la 
plaque. Toutefois, il n’est pas encore bien dé- 
montré que les bonnes plaques harveyées ne puis- 
sent résister même à ces obus nouveaux. 

Un progrès qui intéresse toutes les industries el 
qui peut être l’origine d’une véritable révolution 
dans la métallurgie du fer, c’est la fabrication des 
aciers riches en nickel, — On sait depuis plusieurs 
années, par les travaux de MM. Hadfield, Riley, ete, 
que si on force beaucoup la dose de certains mé- 
laux ajoutés d'ordinaire en petite quantité à l’acier, 
comme le manganèse et le nickel, on obtient des 
alliages dont les propriétés sont toutes nouvelles : 
ils ne sont pas magnétiques, et la trempe agit sur 
eux tout autrement que sur l'acier. 

Le ferro-nickel à 95 °/ parait être le plus inté- 
ressant de ces composés. Recuit, il possède déjà 
des qualités remarquables. La trempe augmente 
sa résistance, mais elle augmente en même temps 
son allongement: au lieu de l’aigrir, elle l'adoucit. 
On arrive à 50 °/, d’allongement avec 35 à 40 kil. 
de limite élastique, 70 à 80 de charge de rupture. 
Si l’on veut durcir ce métal à la manière de l'acier 
trempé, c’est-à-dire rapprocher sa limite élastique 
de sa charge de rupture, il faut l’écrouir par le 
travail à froid, ou encore le refroidir au-dessous 
de —15°, température à laquelle ilredevient magné- 
tique. La charge de rupture monte alors à 120 kil.: 
la limite élastique est de 80. Le métal ne devient 
pas aigre, il possède encore 10 à 20 °/, d'allonge- 
ment. Dans les constructions, il pourrait supporter 
un travail double de celui qu’on admet pour l'acier. 


Cel alliage présente encore l'avantage de se 
mouler facilement. 

Le prix de ce métal nouveau est élevé (4 fr. 50 
le kilogramme); il pourra baisser par une utilisa- 
tion plus judicieuse de nos gisements de nickel, 
D'ailleurs, l'inconvénient en est diminué par ce 
fait que les riblons, riches en nickel, conservent 
une grande valeur. Il est probable que ces métaux, 
qu’on étudie aujourd’hui activement dans plusieurs 
usines françaises, ne tarderont pas à jouer un rôle 


important dans l’industrie: on parle déjà de re-. 


faire avec eux le matériel d’artillerie ; ils pour- 
raient rendre de grands services dans les cons- 
tructions navales. 

En ajoutant, avec le nickel, un peu de chrome 
ou de tungstène, on augmente beaucoup la dureté; 
on arrive ainsi à fabriquer des aciers dont la ré- 
sistance dépasse 200 kilogrammes. 


IT. 


D'après ce que nous venons de dire, on voit 
quelle importance pourrait prendre le nickel sil 
était à des prix abordables. On en consommerait 
facilement dix ou vingt fois plus que la quantité 
produite aujourd'hui, qui n’a guère dépassé 
6.000 (onnes par an. Malheureusement sa métal- 
lurgie présente encore bien des difficultés. Pour 
les minerais silicatés de la Nouvelle-Calédonie,on 
en est encore aux anciens procédés longs et péni- 
bles : fonte pour mattes, affinage progressif de 
ces mattes en plusieurs opérations pour obtenir 
du sulfure pur, transformer le sulfure en oxyde, 
réduire ce dernier, et enfin fondre le métal. La 
découverte des gisements du Canada menace de 
déplacer le centre de cette industrie dont notre 
colonie avait le monopole. Ge sont des filons puis- 
sants de pyrites avec lesquelles on peut obtenir à 
très bas prix des matles de nickel et de cuivre: la 
séparation de ces deux métaux est diflicile; on ne 


NICKEL. 


connait pas encore de bon procédé chimique; mais 


on applique, dit-on, depuis peu en Angleterre un 
procédé électrolytique qui permettrait de livrer le 
nickel pur à 2 francs le kilo. Le prix, qui s’élait 
longtemps maintenu au-dessus de 5 francs, était 
déjà tombé récemment à 3 fr. 50. 

Les mines de Nouvelle-Calédonie ne peuvent 
plus lutter qu’à condition de perfectionner les 
moyens de traitement. M. Manhès à fait à ce sujet 
des essais fort intéressants : il a montré qu’on 


peut, en traitant les mattes au convertisseur, 


comme on traite la fonte de fer au Bessemer, en- 
lever {rès facilement la totalité du fer et même une 
grande partie du soufre. Il a aussi trouvé des pro- 
cédés nouveaux pour affiner le métal ainsi préparé. 

Le traitement deviendrait presque aussi simple 
que pour l'acier. Je ne puis que signaler ce sys- 


‘2 
La 


_tè me dont les essais ne sont pas entièrement ter- 
_- minés, mais dont l'application aurait une impor- 
tance extrême pour notre industrie. 


III, — MÉTAUX RÉFRACTAIRES. 


# Jusqu'à présent, pour préparer les alliages du 
… fer, on se sert, comme matière première, de fontes 
% riches, telles que le ferro-manganèse, le ferro- 
Done, fabriquées au haul fourneau ou au creu- 
D: elles contiennent toujours beaucoup de car- 
Eboe et souvent du silicium. Il y aurait un grand 
# intérèt à disposer de métaux purs qui permet- 
… traient de préparer des ferroïdes exempts de 
—. carbone : ces alliages posséderaient sans doute 
— des propriétés remarquables, car onsait que, dans 
- les alliages de cuivre comme le laiton, de très 
- faibles traces de corps étrangers suffisent à dimi- 
nuer beaucoup la malléabilité. 
On connait trois méthodes générales pour ob- 
tenir à l’état de pureté les métaux réfractaires : 
1° Réduction par le carbone et l'affinage dé la 
fonte en la chauffant avec l’oxyde pur du même 
métal. C'est l’ancienne méthode de Deville : très 
pénible avec les tempéralures insuffisantes que 
développent les fourneaux ordinaires, elle est 
devenue pratique par l'emploi du four électrique 
- de M. Moissan, qui a préparé ainsi tous les mé- 
_ aux très mal connus jusqu'à ce jour. La réduction 
… se fait dans un creuset ouvert au milieu de l’arc 
 voltaïque ; l’affinage, dans un creuset fermé, plein 
… d'oxydes et chauffé de la même manière. Le pro- 
ra cédé est encore trop coûteux pour l'industrie. 
a: 2 L'emploi d’un réducteur métallique. C’est 
… aussi Deville qui a fait autrefois la première appli- 
- cation industrielle de cette méthode pour l’extrac- 


… rivés à obtenir le manganèse pur en chauffant le 
- protoxyde intimement métangé avec de la poudre 
d'aluminium : le protoxyde est préparé en rédui- 
sant dans un courant de gaz le minerai préala- 
blement débarrassé de fer par digestion dans 
l'acide sulfurique. On consomme 33 °/, d'alumi- 
nium : au cours actuel, on pourrait préparer le 
- manganèse à moins de 2 francs le kilogramme. Ce 
. procédé réussirait sans doute pour d’autres corps, 
Surtout en employant le sodium, qui ne serait plus 
d’un prix inabordable avec les nouveaux procédés 
d'extraction par voie électrolytique. 
3° L’électrolyse de dissolutions ou de sels fon- 
.dus. M. Placet a obtenu des dépôts galvanoplas- 
tiques de chrome pur en employant comme bain 
une dissolution d'alun de chrome. MM. Kænigswater 
et Ebell (à Linden) annoncent qu'ils fabriquent du 
manganèse électrolÿtique et des alliages de man- 
ganèse. L'électrolyse des chlorures et des fluo- 
rures fondus, qui est devenue le procédé courant 


Et D'ÉSNTS LE ET te ‘ttes dre ie 1:18 


U. LE VERRIER REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE 179 


de fabricalion de l'aluminium, réussirait certai- 
nement pour les autres métaux : la principale dif- 
ficulté serait de préparer économiquement des 
bains assez fluides. 


IV. — ALUMINIUM. 

L’aluminium, qui a excité une si vive curiosité 
dans l'industrie, n’y a pas encore pris une place 
importante. La production est encore très faible: 
peut-être ne dépasse-t-elle pas en tout 1.000 tonnes 
par an. Après avoir considéré comme un résultat 
merveilleux de le produire à cinq francs, on s’aper- 
çoit qu'il faudrait arriver encore bien plus bas 
pour lui trouver des débouchés sérieux. 

La fabrication n'a pas fait de progrès essentiel 
depuis que les procédés d’Heroult et Kiliani et 
ceux de M. Minet onl été installés. C’est toujours 
par l’électrolyse du fluorure double d'aluminium 
et de sodium fondu qu'on opère, et elle se fait à 
peu près partout dans les mêmes conditions. On 
est obligé d'alimenter le bain avec de l’alumine 
pure, et, par suite, de soumettre d’abord les 
bauxites à un traitement chimique très coûteux, 
car le silicium et le fer qu'elles contiennent se 
réduiraient aussi, et on ne possède aucun moyen 
d'affiner le métal impur. 

Le prix de revient actuel de l'aluminium parait 
être dans les environs de trois francs. On pourrait 
l'abaisser à 2, peut-être même à 1 fr. 50. Mais on 
aura de la peine à descendre plus bas avec les 
procédés électriques. Dans l’électrolyse même, il 
n’y a que des perfectionnements de détail à es- 
pérer. Le principal objectif serait de produire 
d’abord l’alumine à bon marché. Il vaudrait en- 
core mieux s’en passer et traiter la bauxite direc- 
tement, M. Minet a fait à ce sujet des expériences 
fort intéressantes. Son procédé d'électrolyse en 
deux temps, consistant à épurer d’abord le bain 
par une fusion rapide dans une cuve où le courant 
précipite d’abord les corps étrangers, donnera 
peut-être bientôt la solution du problème. 

On a essayé un grand nombre d’alliages pour 
augmenter la résistance de l'aluminium. Ceux qui 
sont entrés dans la pratique industrielle sont les 
alliages avec le euivre. Le métal à 3 °/,, bien la- 
miné, donne 20 à 25 kil. de résistance et 15 à 20 os 
d’allongement ; mais sa limite élastique est très 
faible, défaut grave pour la construction. Le métal 
à 6°/., d'un maniement moins facile, et qui ne se 
travaille qu'à chaud, est plusraide, et conviendrait 
peut-être mieux à ce genre d'emploi, quoique la 
somme R + À (à laquelle on attache une impor- 
tance exagérée) y soit un peu plus faible. Le wol- 
framinium (alliage au tungstène et au cuivre) est 
d'une préparation délicate; mais, bien travaillé, 1l 
donne des résultats remarquables : il commence à 


180 


U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE 


——_—_—_—_————————— 


être employé en Angleterre et en Allemagne. 

On n’emploie guère l'aluminium et ses alliages 
que laminés. Les moulages sont difliciles à obtenir 
sains. Cependant M. Roman parait avoir réussi à 
surmonter ces obstacles. Il fabrique des pièces 
coulées qui ont une résistance satisfaisante, nolam- 
ment des tubes que l’on peut finir au tourou au 
banc à lirer et qui reviendraient bien moins cher 
que les tubes emboutis. 

Si on examine ses applications actuelles dans 
l'industrie, il faut reconnaitre que l'aluminium n'a 
pas encore réalisé toutes les espérances qu'il avait 
fait naître. Maïs ce n'est pas lout à fait sa faute; on 
l'a peut-être mal pris; on veut, par exemple, lui 
faire remplacer purement et simplement l'acier, 
sans se rendre compte que, pour tirer parti d'une 
malière nouvelle, il faut chercher le régime qui lui 
convient, le mode d'emploi qui s'adapte à son lem- 
pérament, et non vouloir la plier à un programme 
qui a été fait pour d’autres. 

Par sa nature, l'aluminium n’est pas fait pour 
lutter avec l'acier : c'est le zinc, la fonte de fer, le 
bois, parfois le cuivre qu’il pourrait remplacer avec 
avantage, eL qu'il remplacera certainement dès 
qu'il ne coûtera plus trop cher. 

IL y aurait une combinaison forl intéressante à 
essayer pour un constructeur entreprenant : c’est 
l'emploi simultané du ferro-nickel et de l’alumi- 
nium. Tous les deux contribueraient à diminuer le 
poids par des moyens différents : l’un parce qu'il 
est très résistant, l’autre parce qu'il est léger. Le 
premier conviendrait pour les ossalures, les pièces 
qui travaillent et dont on pourrait diminuer les di- 
mensions; le second pour les pièces de remplis- 
sage, les cloisons, et autres organes quinefatiguent 
guère, dont on a déjà réduit l'épaisseur au mini- 
mum,etqui, en acier, offrentunluxe de résistance. 
Il serait sans doute facile de donner à une telle 
construction un poids moitié moindre que le poids 
actuel. Malheureusement ces deux métaux sont 
encore trop chers. 

[I n’ya,ensomme, aujourd'hui que deux applica- 
tions imporlantes bien acquises à l'aluminium et 
qui se développeront même sans baisse de prix : 
c'est l'équipement militaire, et la fabrication des 
embarcations portalives et démontables : dans ces 
deux cas, l'avantage de la légèreté est assez grand 
pour faire admettre les prix actuels. Il y a une 
troisième application, plus vaste, qu'on peut con- 
sidérer comme acquise au point de vue technique : 
c'est la fabrication de tout ce qui dans un navire 
la 
même la 
coque. À ce point de vue, l'adoption du métal n’est 


ne joue pas un rôle Capital au point de vue de 
résistance : cloisons, superstruclure, 
qu'une question de prix. 

Il y a cependant encore une difficulté, c'est son 


attaque facile par l’action combinée de l'air et de 


l'eau salée. Cette attaque se produit d’une façon - 
très capricieuse : cerlaines plaques se comportent … 


bien, d’autres se piquent et se percent très vite. Il 
est probable qu'on arrivera à démêler la cause de 
ces différences, et à y remédier. L’impureté de l’a- 


luminium, les inclusions étrangères qu'il relient 


quand on le coule, paraissent être le principal fac-. 


teur qui hâte l'attaque. Les peintures ordinaires 
tiennent mal sur l'aluminium; M. Guillaux est ar- 
rivé à trouver un revélement qui donne déjà des 


résultats salisfaisants; ce genre de difficultés est. 


donc bien près d'être levé. 

En dehors de ces grandes industries, l'aluminium 
pourrait trouver des débouchés importants dans 
bien des petites fabrications, comme les boites de 
montre, les éluis, les boutons, ete. Il n'y a là 
qu'une question d'habileté commerciale pour sa- 
voir lancer de nouveaux produits. 

Aussi, tout en constatant que les progrès de 
l'aluminium sont lents, suis-je persuadé qu'ils ne 
s'arréteront pas, et qu'il serait facile, avec des 
études rationnelles et suivies, de lui trouver assez 
d'emplois pour absorber une production bien supé- 
rieure à celle que les usines actuelles pourraient 
assurer. Il faut reconnaitre qu’à ce point de vue, 
la France, patrie première de l'aluminium, s’est 
laissé distancer. Cette industrie est loin de s'y 


être développée autant qu'en Amérique, en Angle- 


terre et surtout en Allemagne. Ce devrait être tout 
le contraire, car notre pays est mieux dolé que 
tout autre par la nature pour produire ce mélal, et 
c’est lui qui fournit en grande partie aux étrangers 
la matière première : les bauxites, dont laProvence 
a des gisements inépuisables, el que nous savons 
si peu uliliser pour nous-mêmes. 


V. — TRIAGE MAGNÉTIQUE, 


Le lriage magnétique a reçu des applications 
importantes, surtout en Amérique. Il peut servir 
dans trois cas différents : 

1° Pour enrichir les minerais de fer magnétiques 
en les séparant de leur gangue ; 

2 Pour séparer des mêmes minerais la blende, 
qui y est souvent mélangée; 

3° Pour séparer la pyrile de la blende. 

C'est la première de ces opérations qui a passé 
surtout dans la pratique courante. La moilié des 
minerais de fer du Lac Supérieur sont enrichis de 


cette manière. Il suflit de les pulvériser, puis de 


les passer au trieur magnélique. On peut étendre 
ces procédés à tous les minerais de fer en les 
chauffant (mélangés d’un peu de charbon) dans 
une cornue où passent les gaz d'un gazogène : 
l'oxyde de carbone les transforme en produits 
magnétiques. — Pour trier la pyrite, il faut la 


CET AT 


U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE 


181 


griller de manière à la sulfatiser, tout en la désa- | vation dans les grillages qui exigent une haute 


ul 


grégeant; elie se brise alors plus facilement que la 
blende, qui n’est pas attaquée par un grillage mo- 
déré; une pulvérisation, suivie d'une préparation 
mécanique complète, les sépare. 


M. Blake a consiruit, pour réaliser ce grillage” 


partiel, un four spécial où l’on fait arriver, entre 
les flammes du foyer, de l’air chauffé dans des 


 régénérateurs. En présence de l'air chaud et pur, 


ro 


la pyrite se grille plus vite et à plus basse tempé- 


. rature. La blende n’est pas oxydée, mais elle a une 


tendance à décrépiter, ce qui diminue beaucoup 


l'efficacité du traitement. 


VI. — PROCÉDÉS DE GRILLAGE. 


Le grillage des minerais esl une des opérations 
les plus importantes, et qui intéresse un grand 
nombre d'industries. On cherche de plus en plus à 
utiliser les gaz pour la fabrication de l'acide sül- 
furique, ce qui est le meilleur moyen de les rendre 
inoffensifs. Aujourd'hui, en Belgique et en Alle- 
magne, les blendes sont presque partout grillées 
dans de grands fours à moufle desservant des 
chambres de plomb : il faut, en effet, pour cet 


. usage, que les gaz ne soient pas mélangés à ceux 


des foyers. 
En Europe, où l'on cherche surtout la perfection 
du grillage, cette opération se fait, ou tout au 


- moins s'achève dans des fours (à réverbère ou à 


moufle) allongés, où l'on brasse le minerai à la 
main en le poussant peu à peu le long de la sole 
jusqu’à la partie la plus chaude. 

En Amérique, où il y a grand intérêt à économiser 
la main-d'œuvre, on voit employer, surtout pour 
les minerais d'argent où il faut passer de grandes 
masses de matières pauvres, les types les plus 
variés de fours mécaniques. 

Le type le plus simple est celui des fours ey- 
lindriques tournants : dans les modèles les plus 
récents, on leur donne une grande longueur et une 


légère inclinaison qui permet à la matière de des- 


cendre lentement de l’extrémité jusqu’au foyer : 
on est arrivé ainsi à réaliser un grillage très com- 
plet. — Les fours à sole, où la charge est brassée 
par des agitaleurs, sont peut-être plus eflicaces pour 
hâter l'oxydation : la difficulté est ici l'entretien du 
mécanisme et des organes mobiles placés dans le 
four. Parmi les appareils les plus récents, il en est 
deux qui paraissent donner de bons résultats : 

Le four Pearceaunesole circulaire et des râteaux 
reliés à un arbre vertical creux, refroidi par un 
courant d’air : cet air chauffé est injeclé sur le 
minerai. 

Dans le four Frash, l'arbre est refroidi par 
un courant d'eau, ce qui assure mieux sa conser- 


température. La construction particulière du four 
Blake, ceù la sole circulaire, au lieu d’avoir une 
pente régulière. est formée par une série de gradins, 
est de nature à seconder le brassage, par l'effet des 
chutes successives du minerai, qui chaque fois se 
trouve baigné par l'air. 

Dans beaucoup de fours récents, on envoie sur la 
charge de l'air pur, chauffé soit dans des régéné- 
rateurs spéciaux, soit par circulation dans les parois 
creuses. C'est un moyen très efficace de hâter 
l’oxydalion, car,dans les fours anciens, l’air venant 
du foyer était trop pauvre en oxygène, l’air entrant 
par les portes trop froid pour agir énergiquement 
sur les sulfures. 

Il est un mode de grillage spécial, difficile à 
conduire, qui intervient dans la métallurgie du 
cuivre et dans celle du plomb. C’est le rôtissage, 
où l’on cherche à griller partiellement, pour faire 
réagir ensuite l’oxyde sur le sulfure restant, de 
manière à produire du métal et de l’acide sulfureux 
(PS HE 2 PhO — 3 Ph SO). Cette opéralion se 
fait en général très lentement, et les réactions sont 
toujours incomplètes. MM. Nicholls et Christopher 
James l'ont simplifiée en la dédoublant. Ils com- 
mencent par griller complètement une partie de la 
matte de cuivre dans un four approprié: puis ils 
mélangent cet oxyde, préalablement essayé, en pro- 
portion convenable avec du sulfure cru : on chauffe 
la charge dans un four à réverbère, il se produit 
une réaction très vive et on obtient rapidement 
presque tout le métal réduit. Les réactions sont 
beaucoup plus rapides et plus nettes parce que le 
mélange estintime, et qu'on peut réaliser exacte- 
ment le dosage voulu de soufre et d'oxygène. Ce 
procédé est employé avec succès à la Cape Copper 
Company (Wales): le grillage se fait dans de longs 
cylindres tournants inclinés, où la matte pulvérisée 
descend par son propre poids : il est très écono- 
mique el très complet. 


VII. — TRAITEMENT DES MINERAIS ZINCIFÈRES. 


Le traitement des minerais complexes de zine est 
une question toujours à l'étude ; il n'existe aucun 
procédé pratique pour séparer ce métal du plomb; 
on a fait beaucoup d’essais industriels en Amé- 
rique. Tantôt, comme dans le procédé Emmons, on 
dissout le zine à l’état de sulfate (par le sulfate de 
sesquioxyde de fer, l’acide sulfurique) ; tantôt on 
cherche à le volatiliser à l’état d'oxyde, en rédui- 
sant dans des fours à cuve à allure chaude : dans 
ce dernier cas, le plomb se volatilise en partie ou 
en totalité, on ne sépare donc bien que le fer et le 
cuivre, et il faut encore traiter les résidus par voie 
humide pour isoler le zinc à l’état de sulfate so- 


182 


TT ANT EP er DIE Ne) 


U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE 


luble. Pour extraire le zinc métallique de ces dis- 
solutions, on ne connait d'autre procédé que l’é- 
lectrolyse, moyen difficile et coûteux ; cependant 
la pureté du zinc obtenu est une compensation qui 
pourrait, dans certains cas, rendre l’électrolyse 
abordable. M. Choale a proposé de verser directe- 
ment dans les bains électrolytiques l'oxyde de 
zinc obtenu par volatilisation, qui les neutralise- 
rait en se combinant à l'acide sulfurique mis en 
liberté près de l’anode. 


VIII. — ÉLECTROLYSE. 


Le raffinage électrolytique du cuivre est mainte- 
nant une opération courante; il est indiqué lorsque 
le métal brut contient des quantités notables d’ar- 
gent ou d'or, ou lorsqu'on veut avoir des cuivres 
de pureté exceptionnelle. Il se pratique en Amé- 
rique sur une vaste échelle, et les produits sont 
vendus à si bas prix qu'il est bien difficile aux 
usines de lutter, si elles ne traitent pas des cuivres 
riches en métaux précieux. La fabrication directe 
des tubes en cuivre électrolytique, par le procédé 
Ellmore,donne des produits tout à faitremarquables 
comme qualité, mais elle est sans doute coûteuse. 

Depuis longtemps on cherche à traiter directe- 
ment les mattes par l’électrolyse 
essais connus en Europe semblent établir l'insuccès 
définitif de ces tentatives. Dès que les anodes ne 
sont plus en cuivre assez pur, on n’évite pas leur 
désagrégation ; le bain s’altère, se polarise, la pro- 
duction baisse ou on obtient du cuivre impur. A 
plus forte raison les difficultés deviennent-elles 
insurmontables quand on essaie d'électrolyser les 
minerais : le procédé Siemens, où on dissolvait le 
cuivre en traitant les minerais par du sulfate de 
peroxyde de fer, et où on électrolysait les dissolu- 
lions avec des anodes en charbon, n'a pas réussi 
davantage. 

On applique aujourd'hui dans quelques usines le 
raffinage électrolytique du zine argentifère, obtenu 
par la désargentation du plomb : il permet d'en 
extraire du zinc très pur, recherché pour la fabri- 
cation du plomb. Le bain est une dissolution de zinc 
et de chlorure de magnésium : on emploie aussi 
le sulfate de zinc mélangé au sulfate de potasse. 

Dans l'installation des cuves électrolytiques, on 
peut signaler deux dispositifs nouveaux qui permet- 
tent d'augmenter le rendement ou de diminuer la 
quantité de métal immobilisé. Au lieu d'employer 
comme autrefois une série de couples disposés en 
quantité et comprenant chacun une anode en mé- 
Lal brut et une cathode en métal pur, on place dans 
chaque cuve une série de plaques isolées que le 
courant traverse toutes : l’une de leurs faces joue 
donc le rôle d'anode, et l’autre celui de cathode : 
chaque plaque se dissout d'un coté pendant qu’elle 


les derniers | 
| qui provoquent la séparation de croûtes d'alliage 
-triple (plomb, argent et zinc), et on revivifie le 
zinc en distillant cet alliage dans des cornues en 


se nourrit de l’autre avec le métal pur provenant 
de la plaque précédente. Dans quelques ateliers les 
plaques fixes ont été remplacées par des disques 
tournants, dont une moitié seulement plonge dans 
le bain, tandis que l’autre frotte sur des brosses 


et est neltoyée d'une manière continue. On dimi- . 


nue ainsi les effets de polarisation. Les études 
faites dans cette voie par M. Tomasi permettront 
peut-être d'aborder, avec plus de chance de succès, 
le problème du traitement direct des minerais ou 
des composés métalliques. 


Pour la fabrication de la soude, M. Hargreaves a 


construit un appareil très original : la cathode est 
constituée par la paroi latérale de la cuve, qui est 
formée d'une toile métallique recouverte à l'inté- 
rieur par un diaphragme d'amiante. Le transport 
des ions se fait à travers ce diaphragme, et l’élé- 
ment qu’on veut isoler se trouve amené à l’exté- 
rieur de la cuve, et par suite soustrail aux réac- 
tions secondaires. Il serait intéressant d'essayer ce 
système pour l’électrolyse des métaux sujets à se 


| réattaquer. 


IX. — DÉSARGENTATION. 


La désargentation du plomb se fait aujourd’hui 
à peu près partout au moyen d'additions de zinc 


graphite où il reste du plomb riche. On a obtenu, 
dit-on, de très bons résultats en ajoutant au zinc 
quelques millièmes d'aluminium : l’alliage serait 
plus riche et les séparations bien plus nettes. 


X. — DISTILLATION DES MÉTAUX. 


La volatilisation des métaux dans les fours à 
cuve est souvent une cause de perte el d'ennuis. 
On est parvenu, dans certains cas, à en tirer parti 
et à en faire un moyen d'extraction. Depuis long- 
temps, on prépare en Amérique le blanc de zine et 
oxyde de plomb employé en peinture par la 
réduction directe des minerais chauffés dans des 
foyers soufflés : le métal se volalilise et se dépose 
à l’état d'oxyde dans les conduits. Ce système 
permet de traiter certains minerais impurs, comme 
la franklinite, qui seraient inutilisables dans les 
fours à zinc ordinaires. Il est assurément bien 
préférable aux errements suivis en Europe, où l'on 
prépare les mêmes composés en prenant pour 
matière première des métaux purs dont l’extrac- 
tion et l'élaboration ont nécessité des dépenses 
bien inutiles dans ce cas. 

Une application fort intéressante de ce principe 
a été faite en Auvergne, aux minerais d’antimoine, 
par M. de Châtillon. Depuis plusieurs années, on 
y traite les sulfures pauvres par grillage et réduc- 


* 


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Y: 
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E 


U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE 


183 


tion dans des cubilots chauffés à assez haute tem- 
pérature pour volatiliser tout l’antimoine. Les 
fumées aspirées par des injecteurs à vapeur dans 
des chambres de condensation laissent déposer 
de l'oxyde assez pur, qu’on peut vendre aux phar- 
macies ou réduire au creuset pour extraire le 
métal. On utilise ainsi des minerais à 10 °/,, tandis 
que les anciens procédés ne permettaient d’em- 
ployer que des sulfures très riches. 

Dans une série d’essais fort intéressants, M. V. 
Hempel a montré qu'il n'est pas impossible de 


. recueillir du zinc métallique en chauffant un mé- 


lange intime d'oxyde et de charbon dans un eubilot 
soufflé à l’air chaud. Il faut que les matières char- 
gées soient complètement sèches. Les gaz sont 
aspirés par un ventilateur centrifuge qui les pro- 
jette contre les parois d'un tambour en tôle. On 
recueille une poudre qui contient la plus grande 
partie du zinc à l’état métallique. Après l'avoir 
comprimé, on peut liquater le mélal ou le distiller 
en vase clos presque sans perte. 


XI. — EXTRACTION DE L'OR. 


L'industrie de l’or, si à la mode en ce moment, 
s'est enrichie depuis quelques années d’un nou- 
veau procédé : la cyanuration. On lessive les mi- 
nerais avec une dissolution contenant en moyenne 
1°/, de cyanure de potassium. 

L'or dissous est précipité de la liqueur par du 
zinc très divisé. Le lessivage doit se faire sans 
agitation, par suite de la tendance du cyanure de 


. potassium à se décomposer; pour la même rai- 


son, il faut saturer les liqueurs avec de la chaux 
quand les sulfures s’effleurissent et donnent des 
dissolutions acides. La consommation de cyanure 
est d'environ 500 grammes par tonne de minerai, 


* etles frais de traitement peuvent se monter à 


20 ou 30 francs. Dans quelques usines, on est 
arrivé à les réduire à 10 francs. 

Ce traitement a été adopté dans le Transvaal 
pour les résidus d’amalgamation (Failings) : il 
permet d'extraire environ 75 °/, de l'or contenu et 
remplace avantageusement la chloruration, plus 
coûteuse. Il n’est pas démontré que le eyanure 
agisse sur l’or combiné, mais il dissout très bien 
l'or nalif en parcelles ténues, ou l’or rouillé qui 
échappe à l'amalgamation pour des raisons phy- 
siques (parce qu'il surnage ou qu'il ne touche pas 
le mercure). La cyanuration convient donc aux 
minerais pyriteux ou ferrugineux ; mais on obtient 
de mauvais résultats avec ceux qui contiennent 
des sulfures de plomb et de zinc. 


XIT. — COLLECTEURS DE POUSSIÈRE. 


Le dépôt des poussières conLenues dans les gaz 
des fourneaux a une grande imporlance au point 
de vue économique quand on traite des minerais 
argentifères ; il a toujours son utilité au point de 
vue hygiénique. Autrefois, on se contentait de les 
faire circuler dans les longs conduits : aujour- 
d’hui on cherche à multiplier les surfaces de con- 
tact refroidies, et à contrarier le mouvement des 
gaz. Les conduits sont faits en parois minces (tôle, 
ciment à ossature métallique, briques creuses, etc.); 
on les coupe par des plaques de tôle placées de- 
bout. À Tarnowitz les gaz traversent : 1° des fours 
où se trouvent des serpentins ou des jeux d'orgue, 
fermés par des tuyaux où circule un courant d’eau; 
2° des chambres à fils, formées par de longs con- 
duits voûtés, où l’espace est obstrué par une 
forêt de fils de fer pendant d'un treillis placé sous 
la voûte; ces conduits sont divisés par une cloison 
longitudinale qui force les gaz à monter, puis à 
redescendre en traversant deux fois cette espèce 
de filtre. Dans certaines usines américaines, les 
gaz, appelés par un ventilateur, se filtrent, ausortir 
des conduites, dans des sacs de mousseline fer- 
mant l'orifice d'un jeu de tuyaux. 

Pour les manipulations des produits plombeux, 
on a adopté une série de mesures hygiéniques : les 
portes de travail, les trous de coulée, sont sur- 
montés de holtes en tôle, avec appel d'air par un 
ventilateur ; on les dispose, autant que possible, 
de manière à faire tomber directement les produits 
dans des récipients couverts. Pour la désargenta- 
tion, le soutirage du plomb liquide se fait avec des 
pompes, dans des appareils complètement fer- 
més, etc. 

Cette question a aussi son intérêt pour les hauts 
fourneaux, où les gaz combustibles doivent être 
bien épurés pour ne pas encrasser les appareils où 
on les brûle. Dans les usines récentes, on a mulli- 
plié les tambours en tôle sur Le trajet des conduites 
de gaz. À Hayange on fait, en outre, filtrer les gaz 
à travers des couches de paille de fer. 

Les essais faits jadis pour provoquer la con- 
densation des fumées par des décharges alterna- 
lives paraissent abandonnés. Ce système, très 
efficace dans un espace confiné, aurait beaucoup 
moins d'action sur un courant d'air en mouve- 
ment. 

U. Le Verrier, 


Professeur de Métallurgie 
au Conservatoire National des Arts et Métiers. 


ACTUALITES SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


18/4 
ACTUALITES 
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 
LE RELÈVEMENT DES CABLES SOUS-MARINS. — NOUVEAU TYPE DE LOCOMOTIVE MINIÈRE. — UNE NOUVELLE FORME DE TROLLEY 


Depuis quelques années, depuis surtout que l'énorme 
développement donné par la Grande-Bretagne à son 
réseau de lignes sous-océaniques nous met, à l’égard 
de nos voisins, en état de si manifeste infériorité, notre 
commerce d'outre-mer, aussi bien que la défense de 
nosintérèts politiques en 
Afrique, en Asie et dans 
le monde entier, récla- 
ment la création et la 
multiplication de servi- 
ces télégraphiques ap- 
partenant exclusivement 
à la France. Au moment 
où l'attention du Parle- 
mentet du paysse porte 
sur ces grandes entre- 
prises, il est ntile d’exa- 
miner tous les perfec- 
lionnements techniques 
qui rendent de tels tra- 
vaux plus pratiques et 
moins coûteux, De ce 
nombre sont les progrès 
récemment réalisés en 
Amérique pour réparer 
les câbles quand ceux-ci 
setrouventendommagés 
en quelque point de leur 
parcours. 

La réparation com - 
prend plusieurs opéra- 
tions bien distinctes : 

1° La recherche et la 
localisation du défaut ; 

2 Le relèvement du 
càble ; 

3° Lu réparation pro- 
prement dite. 

De la première et de 
la troisième partie, nous 
ne dirons rien en ce mo- 
ment. 

Relever un cäble, c’est 
le saisir et le hisser à 
bord, Dans ce but, on 
attache à l'extrémité d’un 
long cordage un grappin 
avec lequel on racle, 
pour ainsi dire, le fond 
de la mer. Le grappin, 
dans sa forme la plus 


menacant de l’étaler, où bien encore les branches, trop 
faibles pour résister, se brisent et l’on risque alors de 
trainer longtemps un objet devenu inutile, 

Pour remédier à ces inconvénients, on utilise des 
grappins perfectionnés. Nous citerons, parmi les an- 
ciens modèles, le grap- 
pin Jamieson (fig. 2). Sa 
tige centrale T présente 
une partie filetée V, sur 
laquelle se visse une 
boîte en fer ou acier B 
portant les branches G 
par l'intermédiaire d’un 
pivot p. Les branches G 
présentent un prolonge- 
ment g qui vient buter 
contre une sorte de pis- 
ton P maintenu dans sa 
position par un fort res- 
sort d'acier. Lorsque le 
grappin rencontre un 
obstacle, les branches 
tournent autour de leur 
pivot et compriment le 
ressort R par lequel elles 
sont ramenées à leur 
première posilion une 
fois l'obstacle passé. En 
vissant plus ou moins la 
boîte B sur la tige T, on 
règle à volonté la tension 
du ressort et la force 
pour laquelle les bran- 
ches peuvent pivoter. 

Le modèle Johnson et 
Phillips qui nous est si- 
gnalé par the Electrical 
Review !, est un perfec- 
tionnement du grappin 
Jamieson. Nous y retrou- 
vons (lig. 3) les organes 
précédemment décrits : 
le pas de vis V, le res- 
sort R,le pivot p, etc. La 
boite B est considéra- 
blement agrandie et ca- 
pable de recouvrir et de 
protéger les branches G 
lorsqu'un obstacle les 
fait pivoter, On évite 
ainsi les ruptures qui 


AUUAMAUUAEL 
CLLES 


CA 


. n sn LA 

DPI SNR sorte d’é Fie. 2. Fie, 3 peuvent encore se pro- 

norme hamecon pesant ……. Kate Ê Es ee : duire avec le grappin Ja- 
. s o+ :i . Lio. 4, — ) le Û n EL NPD RE? DORE . > ICÉ 

AIR le écart Fig. 1 Modèle de qrappin. Fig. 2 Grappin Jamieson. T, mieson, En outre, avec 


de 3 à 6 branches (fig. 1). V 
Lorsque le câble est sai- 
si, il augmente par sa 
résistance la tension sur 
le cordage, tension qui 
est indiquée à bord par un dynamomètre. Il ne reste 
plus alors qu'à relever doucement, 

La recherche du câble au moyen de tels engins pré- 
sente de nombreuses difficultés. Supposons, par 
exemple, que le fond de la mer soit rocailleux, Si le 
grappin vient à rencontrer une roche qu'il ne puisse 
soulever, il fait courir quelque danger au navire en 


ge de fer; B, boite en fer ou en acier; R, fort ressort d'acier: 
, vis de la tige; G, branche du grappin; g, prolongement de la 
branche; P, piston; p, pivot. — Fig. 3. — Grappin Johnson el 
Phillips. T, tige de fer; B, boîte en fer ou en acier; R, fort res- 
sort d'acier; V, vis de la tige; G, branche du grappin. 


ce dernier modèle, les 
branches làchent le cà- 
ble dans leurmouvement 
de rotation si elles l'ont 
déjà saisi, Au contraire, 
avec le nouveau système, les branches sont suscep- 
tibles de conserver le câble même lorsqu'elles sont 
repoussées sous la boite. 

Les mêmes inventeurs ont aussi produit un modèle 
de grappin destiné aux terrains mous, dans lesquels 


! Numéro du 4 janvier 1895. 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


le câble s'enfonce et devient insaisissable pour les grap- 
pins ordinaires. Ce nouveau type se compose essentiel- 
lement d’un corpsetde deux branches (fig. # et 5)qui sont 
tous les trois de forme plane : le plan du corps est perpen- 
diculaire au plan des branches. Lorsque ce grappin est 
en service, c’est le corps qui repose sur le fond de la 
mer et glisse, de sorte que l’une des branches, grâce à 
sa faible épaisseur, pénètre : 
facilement et fouille les cou- 
ches boueuses dans lesquel- 
lesle câble se trouveenterré. 


Chaque sorte de travail 
exige des instruments d’une 
forme qui lui soit particu- 
lière. Une machine destinée 
à fonctionner dans des gale- 
ries souterraines peut avoir 
un aspect absolument difré- 
rent de celui que possède 
une machine construite dans 
un but analogue, mais fonc- 
tionnant à la surface du 
sol. Par exemple, la loco- 
motive minière que nous 
représentons ci-contre ! ne 
ressemble guère auxlocomo- 
tives ordinaires, pas même 
à celles qui sont mues par 
l'électricité. Cette locomotive, tout récemment cons- 
truite par la Jeffrey Manufacturing Company, remplit 


Fig. 4. 


Fig. 6. — Nouveau lype de locomotive minière. 


des conditions foutes spéciales de solidité et de 
simplicité, et ses différentes parties en sont faci- 
lement accessibles, bien qu’elles soient protégées 
très soigneusement par une forte carcasse extérieure. 

Cette machine peut développer en moyenne 80 che- 
vaux. Mais l’élasticité de ses moteurs permet d'augmen- 
ter considérablement cette puissance. Elle a traîné en 
palier, et à une vitesse de 45 kilomètres à l'heure, 65 
wagons pesant chacun à peu près 550 kilos et portant 
une tonne et demie de charbon, soit, en tout, en- 


? D’après Electrical Industries. Janvier, 1895. 


Fig. 4. — Grappin Johnson et Phillips projeté sur un plan 
perpendiculaire au plan des branches. — Fig. 5. — Grap- 
pin Johnson et Phillips projeté sur un plan parallèle au 
plan des branches. (, corps du grappin; B, branches. 


185 


viron 136 tonnes. Son poids total n’atteint pas 10 ton-. 
nes. Elle est surtout précieuse par l’exiguité de ses 
dimensiéns : sa longueur ne dépasse guère 3 mètres, sa 
largeur est de 1 m. 50 environ pour des voiesde1m.10, 
et sa hauteur au-dessus des rails, de 0 m. 85. 
Le rapprochement de ses roues lui permet d’abor- 
der des courbes très prononcées el des galeries 
très étroites. Elle peut donc 
passer par des chemins 
inabordables pour les mu- 
lets ou les chevaux. Elle 
procure, rien que de ce chef, 
une très notable économie 
et mérite à ce titre d’être 
signalée à nos ingénieurs. 


Les tramways électriques 
à cäble aérien prennent 
le courant qui leur est néces- 
saire au moyen d'une pe- 
tite poulie métallique qui 
roule le long du câble, et que 
l’onappelle généralementde 
son nom américain, le trol- 
ley, ou encore le &olly. l’un 
des ennuis de ce système 
est que le trolley glisse 
parfois hors du càble. Le 
tramway, séparé alors de 
sa source d'énergie, reste en panne, et il faut quel- 
quefois, pour remettre les choses en bon élat, une 


Fig. 5. 


Fig. 7. — Nouveau système de Trolley. 


lutte assez longue entre le mécanicien et le trolley 
récalcitrant. ë 
Dans la nouvelle forme detrolley(fig.7)quenous signale 
the Street Railway Review, un guide, retenu par un res- 
sort, est placé de chaque côté de la poulie. Ces guides 
maintiennent le système dans sa position régulière et 
l'y ramènent si le trolley a réussi à sauter hors du 
cäble, Quand on atteint un croisement de fils, les res- 
sorts cèdent etil n’y a aucune interruption de courant ; 
l'obstacle passé, les ressorts ramènent les guides à leur 
place. APNGASS 
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Lallemand (Ch.), Ingénieur en Chef des Mines, Direc- 
teur du Service du Nivellement général. — Rapport 
présenté à la Commission extra-parlementaire 
du Cadastre, sur l'état actuel du Bornage des 
propriétés en France. — 1 vol. in-4°, Imprimerie 
Nationale, Paris, 1895. 

Les fraudes et les contestations sur la contenance 
des propriétés foncières ont élé de tout temps fort nom- 
breuses, facilitées trop souvent par l’incertitude qui 
règne sur les héritages. Le cadastre actuel n’a pas tenu 
_ses promesses : comme il a été fait d’après la jouissance 
du moment, et sans que les limites des propriétés eus- 
sent été préalablement et contradictoirement fixées, il 
est vite descendu à l’état de simple document pour las: 
siette de l’impôt, et n’a pas tardé à se trouver aussi 
dépourvu d'autorité que les livres terriers conservés 
encore aujourd'hui dans quelques communes. Aussi 
sa réfection est-elle urgente. 

Le décret du 30 mai 1891 a institué, au Ministère des 
Finances, une Commission extra-parlementaire pour 
préparer la réforme. Le premier soin de cette Commis- 
sion a été de se renseigner exactement sur l’état de 
choses existant. La Commission a provoqué sur tout le 
territoire une enquête pour déterminer la valeur de 
nos plans cadastraux et la facon dont sont actuelle- 
ment bornées les propriétés. Ce sont les résultats de 
la seconde partie de cette enquête, confiée à des 
Comités départementaux, que M. Ch. Lallemand a 
condensés dans un fort intéressant Rapport. 

Après avoir défini le bornage en général (que l’on 
confond trop souvent avec la délimitation, alors que le 
premier n’est que l'indication sur le terrain, à l’aide de 
signes matériels, des lignes divisoires fixées par la se- 
conde), et en particulier les diverses sortes de bornage, 
l’auteur étudie chacune de ces dernières. Le bornage 
continu est fort usité dans l’ouest; le bornage discon- 
tinu est, au contraire, le plus employé dans le nord et 
surtout dans l'est de la France. Comme type de bornage 
discontinu bien compris, le Rapport décrit celui auquel 
on procède actuellement en Alsace-Lorraine, où l’on 
refait le cadastre ; c’est, à peu de chose près, le système 
appliqué en Prusse et dans le grand-duché de Bade. 

Dans l’est de la France, on emploie beaucoup, sous 
le nom d’abornement général, un système de délimitation 
collective des propriétés qui, en même temps qu'il fixe 
les limites par des bornes, favorise le redressement de 
celles qui sont sinueuses ou irrégulières, les échanges 
de parcelles en vue du remembrement des héritages, 
et la création des chemins d’exploitation. Cette opéra- 
tion, décrite en détail par M. Lallemand, w’a d'autre 
base légale que l'article 646 du Code civil; comme elle 
mérite d’être encouragée, il serait désirable qu’elle fût 
comprise parmi celles que notre législation consacre 
comme exécutables par voie de syndicats agricoles. 

L’enquête a prouvé qu'il existait en France 
61.746.120 propriétés, d’une contenance totale ‘de 
52,798.336 hectares, et d’une contenance moyenne de 
85 ares, Plus de la moitié de ces propriétés et près des 
deux tiers de leur superficie sont matériellement dé- 
limités; mais les divers modes de bornage employés 
sont loin de définir avec une certitude complèle les 
parcelles. Ce qui le prouve bien, c’est l’'énormité de la 
charge que les contestations relatives aux limites font 
annuellement peser sur la propriété foncière. Une en- 
quète parallèle à celle des Comités Aépartementaux, 


TO Cd D Re Ÿ à 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


vf 


faite par les procureurs généraux, et dont les résultats 
sont aussi consignés dans le travail en question, per- 
met d'affirmer que cette charge n’est pas inférieure à 
un million et demi de francs. Ilest donc bien désirable 
que la réfection de notre cadastre ne se fasse plus 
longtemps attendre. Le Rapport de M. Lallemand est 
certainement fait pour hâter la réalisation de celte ré- 
forme. Gérard LAVERGNE. 


HKraft (F.), Privat-docent à l'Université de Zurich. — 
Abriss des geometrischen Kalküls, nach den 
Werken des Professors D. Herman Günther Grass- 
mann bearbeitet (Précis de calcul géométrique 
rédigé d’après les théories de Grassman), 1 vol. in-8° de 
vir, 256 p. Teubner, Leipzig, 1895. 

Lelivre de M. Kraft est un exposé élémentaire des 
idées de Grassmann en matière de calcul géométrique. 
Le professeur Hermann Günther Grassmann (1809-1877) 
est bien connu des géomètres par ses nombreux tra- 
vaux sur la « mathématique générale », sur la généra- 
tion des courbes planes, ete, 

Le calcul géométrique a pour but de représenter par 
les notations de l'algèbre les constructions mêmes de la 
géométrie, Il diffère de la géométrie analytique en ce 
qu'il s'attaque directement aux figures, sans passer par 
l'intermédiaire des coordonnées, Il est évident qu'au 
fond les deux procédés ne sont pas distincts; mais le 
calcul géométrique offre ses résultats sous une forme 
plus condensée, tout en étant, à notre avis du moins, 
moins suggestif, moins propre à l'invention et plus à 
la démonstration. 

Quoi qu'ilen soit, les principes du calcul géométrique 
sont très simples, Le « vecteur » est un segment de 
droite défini en longueur, direction etsens. La « com- 
position » des vecteurs concourants par la règle du pa- 
rallélogramme ou du parallélipipède est représentée par 
l'addition algébrique. Le « produit » de deux ou trois 
vecteurs concourants esf l'aire du parallélogramme ou 
le volume du parallélipipède construits sur ces vec- 
teurs... Pour indiquer les rotations, on fait usage de 
coefficients symboliques, lesquels affectent les lettres 
représentatives des vecteurs, Par exemple la rotation 
à 90° d’une droile dans un planest indiquée par l’ima- 
ginaire ordinaire à — {/—1. En effet, deux pareilles ro- 
tations ne changent que le sens du vecteur, 2=— 1; 
quatre rotations replacent le vecteur sur lui-même, 
it — 1. Tout cela mène droit à la notion des quater- 
nions, qui sont fournis par une sorte particulière des: 
multiplications symboliques. 

Les conceptions de Grassmann, telles qu'elles sont 
développées par M. Kraft, ont bien des affinités avec 
les travaux de Chasles, Cauchy, Poncelet, de Jon- 
quières, Bellavitis, Hamilton, Saint-Venant, Môbius et 
bien d’autres. Nous ne chercherons pas à délimiter la 
part exacte de chacun de ces savants, encore moins 
discuterons-nous avec M. Kraft sur les mérites du 
« mathématicien de génie » Grassmann. Nous nous 
permettrons une seule remarque : l’auteur aurait pu, 
croyons-nous, insister davantage sur les faits nouveaux 
fournis par les procédés expliqués (son maitre Grass- 
mann en a découvert beaucoup sur la génération des 
cubiques planes, etc.) au lieu de s'attacher à retrouver 
lagéométrieetla trigonométrie classiques, les propriétés 
des déterminants, etc. 

Il résulte de là que le livre, d’ailleurs intéressant, a 
un caractère un peu indécis, bien abstrait pour un ma- 
nuel d'étudiant, bien élémentaire pour un traité de 
haute science, Léon AUTONNE. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


187 


8° Sciences physiques. 


ÆColson (R.), Capitaine du génie, Répétiteur à l'Ecole 


Polytechnique. — La Perspective en Photographie. 
— Un vol. in-18 avec fig. (Prix 1 fr. 50). Gauthier- Villars 
et fils, éditeurs. Paris, 1895. : 


La photographie tend de plus en plus à devenir un. 
moyen graphique capable de produire des œuvres d'art. 


Elle a mème sur les autres le grand avantage de pou- 
voir donner facilement la fidélité dans la perspective. 
Mais, pour que la sensation procurée à l’œil par l’image 
obtenue ne déforme pas la perspective, et produise un 
effet exact, il est nécessaire d'appliquer certains prin- 
cipes. Ce sont ces principes que M. Colson expose très 
clairement dans sa brochure, dont nous recommandons 
la lecture à tousles photographes, amateurs ou pro- 
fessionnels, qui désirent produire de véritables œuvres 
d'art. La théorie est réduite aux notions indispensables 
rendues aussi élémentaires que possible ; aussi cet ou- 
vrage est-il d’un accès facile à tous ceux qui s’occupent 
de photographie. Gaston-Henri NIEWENGLOWSKkI. 


Minel (Pol), Ingénieur des Constructions navales. — 
L'Electricité appliquée à la Marine. — Un volume 
petit in-8° de 200 pages, de l'Encyclopédie scientifique 
des Aide-Mémoire dirigée par M. Léauté, membre de 
Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 francs.) 
— Gauthier- Villars et fils, G. Masson, Paris, 1895,7 
M. Minel a déjà écrit dans l'Encyclopédie des Aide- 

Mémoire deux petits livres intitulés : Introduction à 

l'électricité industrielle, tomes I et I. 

Sa nouvelle étude « l’Electricité appliquée à la Marine » 
apporte à ces ouvrages un complément qui sera très 
apprécié de toutes les personnes qui s'occupent des 
applications de l'électricité à la Marine. L'auteur a 
réuni dans un nouveau volume un ensemble très com- 
plet de renseignements relatifs aux installations d’éclai- 
rage électrique à bord des navires et au matériel spé- 
cial qui leur est affecté. 

M. Minel, en sa qualité d'ingénieur de la Marine, a pu 
apprécier le personnel d'élite qui aide les ingénieurs 
dans leur tàche et qui cherche toutes les occasions de 
s’instruire, C’est à ce personnel que sont destinés les 
premiers chapitres de son livre, dans lesquels il décrit 
rapidement la dynamo Gramme et la dynamo Desroziers, 
dont les applications sont très nombreuses dans notre 
marine; les divers modes d’excitation des dynamos à 


courants continus ysont décrits avec une grande clarté. 


Une étude toute particulière est consacrée au fonc- 
tionnement des dynamos conduites directement par 
des moteurs à vapeur dans les diverses conditions de 


. régime imposées à ces derniers. On se rend compte 


que l’auteur a eu l’occasion d'approfondir les questions 
relatives à la régularisation des moteurs des machines 
électriques. Les principes sur lesquels est établi le 
fonctionnement des moteurs électriques sont l’objet de 
quelques développements assez étendus, 

Le chapitre VI traite spécialement des accumulateurs 
et résume les principales notions relatives à ces appa- 
reils, dont les applications acquièrent dans la Marine, 
de jour en jour, plus d'importance, notamment en ce 
qui concerne les sous-marins. 

L'auteur étudie ensuite les diverses lampes élec- 
triques en usage dans la Marine en insistant d’une 
facon spéciale sur les particularités du fonctionnement 
des foyers à are dont la puissance atteint des valeurs 
élevées dans les projecteurs installés soit à bord des 
navires, soit à terre pour la défense des rades. 

Les derniers chapitres sont plus spécialement con- 
sacrés aux installations proprement dites d'éclairage, et 
aux dispositions prises pour établir à bord la canalisa- 
tion des divers appareils. 

Quelques exemples empruntés à divers navires en 
service terminent cette intéressante étude, qui pré- 
sente certains aperçus originaux et qui renferme en 
peu de pages un grand nombre d’utiles renseignements. 

A. CRONEAU, 


Held (Alfred), Professeur à l'Ecole de Pharmacie de 
Nancy. — Les Alcaloïdes de l'Opium. — 1 vol, in-8° 
de 238 p. (Prix : 6 fr.). Rueff et Cie, éditeurs. Paris, 1895. 


A l'heure actuelle, — c’est presque une banalité de le 
répéter, — il y a peu de sciences qui soient l’objet de 
recherches aussi suivies et aussi variées que la science 
chimique. Le nombre d'hommes qui la pratiquent peut 
s'appeler légion, et les usines qu'elle alimente se 
comptent par milliers, tant sur le continent européen 
qu’en Angleterre, en Amérique et dans les autres par- 
ties du monde. 

Les corps que la nature élabore, ‘ont été les pre- 
miers à être soumis aux investigations des chercheurs. 
Pendant une assez longue période, les savants se sont 
bornés à étudier les meilleurs procédés d’extraction 
des principes actifs contenus dans les corps organisés, 
et àenétudier les applications. Les progrès de la science 
aidant, l'apparition des méthodes synthétiques a natu- 


rellement élargi le champ d'étude et provoqué l’ambi- 


tion légitime d’une reconstitution systématique de tous 
les corps qui sont à notre portée. Dans cette poursuite, 
pour ainsi dire fébrile, de la recherche, dans ce labeur 
incessant, l’ouvrier de la science n’est pas toujours 
guidé exclusivement par l’idée spéculative, et l’es- 
poir de tirer quelque profit matériel de son travail le 
hante souvent. Il est superflu de rappeler que le labo- 
ratoire de l'industriel a, en effet, réussi à remplacer, 
dans bien des cas, celui de la Nature. Or, ces longues, 
patientes et minutieuses recherches, entreprises par 
les savants de toutes les régions du globe, publiées dans 
des recueils de langues variées, nécessitent un travail 
bibliographique assujettissant et pénible. Aussi sommes- 
nous heureux de constater que, depuis quelque temps, 
il se manifeste une tendance à recueillir, sous la forme 
de monographies, tous les faits concernant une série, un 
chapitre ou même un groupe de corps bien déterminés. 

C’est dans cet esprit que MM. Daremberg et Charles 
Girard ontentrepris la publication d’un certain nombre 
de volumes de leur Bibliothèque de Chimie pratique, édi- 
tée par MM. Rueff et C* avec un soin, et je dirai même 
un luxe que peu d'ouvrages de ce genre ont encore 
atteint. 

Un des premiers de la série est celui sur les Alca- 
loïides de lOpium, rédigé par M. A. Held. En raison de 
ses fonctions, l’auteur, qui connaît à fond le sujet, non 
seulement l’a traité en chercheur désireux d’épargner 
aux hommes de laboratoire le laborieux travail biblio- 
graphique ; mais il a encore songé aux praticiens, aux 
pharmaciens, en leur indiquant, dans un premier 
chapitre, la composition de l’Opium, l'extraction, la 
séparation des alcaloïdes qu'il contient, le titrage et 
les principaux usages de cette drogue précieuse. 

Les douze chapitres suivants sont consacrés chacun 
à un alcaloïde important contenu dans l’Opium. C’est 
ainsi que sont traitées la morphine, la codéine, la pseudo- 
morphine, la thébaïne, la codamine, la papavérine, la 
méconidine, la narcotine, l’oxynarcotine, l’hydrocotar- 
nine, la gnoscopine, la méconine. Chacun de ces alca- 
loïdes est étudié dans sa composition, sa constitution, 
dans les réactions qui le caractérisent et dans ses déri- 
vés. Les propriétés physiologiques mêmes sont esquis- 
sées. — L'ouvrage se termine par la toxicologie de 
l’'Opium. 

En résumé, cette monographie de l’Opium sera utile 
non seulement au savant qui désire continuer l’étude 
des principes contenus dans cette substance, mais en- 
core au praticien, qui y trouvera des renseignements 
précieux à tous les points de vue, l'ouvrage étant au 
courant des recherches les plus récentes. 

A. HALLER, 


Correspondant de l'Institut, 
Directeur de l'Institut chimique de Nancy. 


Soret (A.), Professeur de Physique au Lycée du Havre. 
— Cours théorique et pratique de Photographie. 
Tome II.— 1 vol. in-18° de 320 p. avec 52 fig. (Prix : 
5 fr.). Société d'Edilions Scientifiqu es. Paris, 1895 


> FR 


188 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


8° Sciences naturelles. 


Gastine (G.). — Sur la résistance au Phylloxera 
des Vignes américaines.Moyens dela mesurer.— 
Une brochure de 16 pages. Aux bureaux du « Progrès 
agricole et viticole », Montpellier, 

Le nom de M. G. Gastine impose la lecture de ce travail 
à tous ceux que préoccupe l'avenir de la viticulture 
francaise. Ils ytrouveront l'exposé d’un plan métho- 
dique d'observations à l'effet d'apprécier la résistance 
de chaque cépage aux attaques du Phylloxera. 
Cuéënot (L.), Chargé de cours à la Faculté des Sciences 

de Nancy. — L'influence du Milieu sur les Ani- 

maux. — Un vol. petit in-8°, de l'Encyclopédie scien- 
tifique des Aide-Mémoire, dirigée par M. H. Léauté, de 
l'institut. (Prix : Broché, 2 fr. 50; Cartonné, 3 francs). 

Gauthier- Villars et fils et G. Masson, Paris, 1895, 

Le milieu, les influences extérieures, agissent sur les 
animaux à des degrés variables, et, si l’un des facteurs 
vient à être modifié, il se produit chez les êtres vivants 
des changements plus ou moins profonds. L'étude de 
ces modifications, de leur importance, de leur durée, 
de leur transmission par hérédité, etc., offre aux natu- 
ralistes un vaste champ d'observations et elle donne 
l’occasion d'aborder une quantité de questions d’une 
haute portée philosophique. Mais les données relatives 
à l'influence du milieu sur les êtres vivants se trouvent 
disséminées dans un grand nombre de mémoires et 
n'avaient jamais fait l’objet d’un travail d'ensemble. 
M. Cuénot s’est donné la tâche de réunir les princi- 
pales observations relatives à celte étude, de les coor- 
donner et de les résumer pour les faire rentrer dans le 
cadre d’un Aide-Mémoire. 

L'ouvrage est divisé en trois parties. La première 
traite de l'influence sur les animaux des facteurs pri- 
maires : nourriture, température, lumière, pression, 
espace, sels minéraux, humidité, etc. ; elle se termine 
par une étude de l'adaptation des animaux marins à 
l’eau douce et des animaux d’eau douce à l’eau salée. 
Dans la deuxième partie intitulée : Influence du milieu 
sur la sexualité, la reproduction et le développement, 
M. Cuénot étudie d’abord l’action des circonstances 
extérieures s.r la formation des sexes; cette action est 
fort curieuse : les circonstances favorables, nutrition 
abondante, optimum de température et de lumière, etc. 
déterminant la production de femelles. Il passe ensuite 
à l'influence du milieu sur la stérilité et sur les diffé- 
rents modes de reproduction asexuelle, et à l’étude de 
la néoténie ou prolongation de la vie larvaire. Le der- 
nier chapitre, consacré à l’étude de l'adaptation aux 
différents milivux, traite surtout des modifications pro- 
duites chez les animaux par les phénomènes de conver- 
gence, la dessiccalion, les facteurs cosmiques, puis par 
l'adaptation à la vie dans les îles, dans les grands fonds, 
ainsi qu’à la vie pélagique. 

De cette étude M. Cuénot conclut que, lorsque les 
conditions de milieu d’un individu changent, il arrive 
souvent (mais pas toujours) que cet individu (ou sa 
progéniture) se modifie, et, si les produits peuvent con- 
tinuer à vivre dans le milieu nouveau, il en résultera 
la production d'une variété ou d’une espèce nouvelle, 
Mais il faut se garder d’exagérer, comme le font les 
néo-Lamarkistes tels que Cope et Semper, la part qui 
revient au milieu dans la formation des espèces : le 
rôle principal revient à la sélection, ainsi que le veulent 
les Darwinistes. 

Le livre de M, Cuénot est intéressant et rempli de 
faits. Il sera lu avec plaisir par tous ceux qui s’inté- 
ressent aux sciences naturelles et aux problèmes 
philosophiques qu'elles soulèvent, On peut, en parti- 
culier, le recommander aux jeunes naturalistes, qui 
pourront se convaincre, en le lisant, qu'il ne suffit pas 
de s’enfermer dans un laboratoire pour faire de la z00- 
logie; de plus, ils se rendront compte de l'intérêt que 
présente l'étude des animaux dans la Nalure même et 
dans le milieu où ils évoluent, D' R. KœuLer, 


Parona (C.), Professeur de Zooligie à l'Université de 
Gênes. — L'’elmintologia italiana da’ suoi primi 
tempi all  anno 1890. Storia, sitematica, coro- 
logia e bibliographia. — Un vol. in-4° de 734 pages 
avec une carte, (Priæ : 25 francs). Genova, 1894, 


M. Corrado Parona, professeur de Zoologie à l'Uni- 
versité de Gênes et auteur de travaux d’helminthologie 
très appréciés, vient de consacrer à l’histoire de l’hel- 
minthologie italienne un véritable monument, Dans 
un fort beau volume, publié par ordre et aux frais du 
municipe de Gênes, il nous donne un historique très 
complet de cette branche spéciale des sciences médico- 
naturelles en Italie, depuis l'Antiquité latine jusqu'à 
l’année 1890. Il distingue trois périodes successives : 
la première s'étend de l’époque romaine à Francesco 
Redi ; la seconde ya de Redi (16261694) à F, de Fi- 
lippi (1814-1867); la troisième, ou époque moderne, 
commence avec de Filippi et Ercolani (1819-1883). Cette 
division en trois périodes est très rationnelle et cor- 
respond assez exactement aux trois grandes étapes 
parcourues par les sciences naturelles, L'œuvre de 
chaque auteur est résumée brièvement ; les résultats 
essentiels en sont mis en lumière, sobrement, mais 
avec précision. 

La seconde partie est un catalogue des helminthes 
rencontrés chez les animaux d'Italie. C’est, si l'on veut 
me permettre celte expression, un « von Linstow ita- 
lien », c'està-dire un compendium d’helminthologie 
qui ne tient compte que des observations faites en 
Italie, Dans une première liste, les helminthes sont 
classés suivant leur ordre zoologique ; dans une seconde 
liste, qui renvoie à la précédente, ils sont énumérés 
suivant l’ordre zoologique de leurs hôtes, 

La troisième partie traite de lachorologie, c’est-à-dire 
de la « distribution des helminthes dans les diverses 
résionsetprovinces italiennes.» L'auteur énumère, avec 
rélérences bibliographiques à l'appui, les helminthes 
observés jusqu’en 1890 dans chaque province : on passe 
ainsi successivement en revue le Piémont, la Lom- 
bardie, la Sicile, etc., puis le Tessin, le Trentin, Trieste, 
Nice et Malte ! Vraiment, cette introduction de l'irré- 
dentisme dans une question purement scientifique 
est faite pour nous surprendre : elle ne s'explique par 
aucune raison plausible, et M. Parona (qu'il nous per- 
mette cette réflexion toute amicale, sur le sens de 
laquelle ilne saurait se méprendre) a cédé trop facile- 
ment à un courant d'idées qui entraine malheureuse- 
ment, faut-il croire, jusqu'aux meilleurs esprits. Que 
viennent faire ici le Tessin, qui depuis des siècles ap- 
partient à la Suisse; Trieste et le Trentin, qui depuis 
des siècles appartiennent à l'Autriche? J’admets que 
M. Stossich, de Trieste, soit cité pour ses travaux sur 
les helminthes de Vénétie; j'admets encore, à la grande 
rigueur, qu'il soit fait mention de ses intéressantes 
études surleshelminthes d'Istrie et de Croatie, puisque 
M. Slossich écrit en italien. Mais je ne comprends pas 
la raison qui a pu déterminer l’auteur à citer aussi les 
travaux de Wedl et de Pintner, faits à Trieste, mais 
publiés à Vienne, en langue allemande, les observa- 
tions de Marston, faites à Malte, mais publiées à Lon- 
dres en langue anglaise, 

La quatrième partie, qui comprend près de 300 pages, 
est un index bibliographique très complet de tous les 
travaux publiés en langue italienne ou sur des helmin- 
thes d'Italie, en comprenant cette expression géogra- 
phique dans le sens irrédentiste, comme il vient 
d'être dit. Chacun des 1146 travaux cilés est analysé 
succinctement. 

Enfin, l’ouvrage se termine par une liste alphabétique 
des 894 espèces d’helminthes citées dans la seconde 
partie, ainsi que par diverses tables. 

Les critiques qui précèdent ne touchent pas, on le 
comprend, au fond même de l'ouvrage. Celui-ci s'a- 
dresse sans doute à un petit nombre de spécialistes ; il 
leur sera fort utile et on doit louer sans réserve 
M. Parona d’avoir concu et exécuté ce livre, qui lui à 


4 


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s 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


189 


coùté de longues recherches bibliographiques. Il 
montre d'une facon saisissante dans quelle mesure 
considérable l'Italie a contribué aux progrès de l’hel- 
minthologie, fondée par Francesco Redi, l’un de ses 
plus illustres savants. 

R. BLANCHARD. 


4° Sciences médicales. 


Marfan (D'), Professeur agrégé, Médecin des Hôpitaux. 
— La Péritonite tuberculeuse chez les Enfants. 
Lecons faites à l'Hôpital des Enfants-Malades. — 1 vol. 
in-8° de 100 pages (Prix : 2 fr.) G. Carré, Paris, 1895. 
M. Marfan a réuni sous ce titre les lecons qu’il fit sur 

ce sujet à l’hôpital des Enfants Malades. C’est d’une 

œuvre de clinique pure qu'il s’agit. L'auteur s’est guidé 
sur ses propres observations. 

Chez l'enfant, la péritonite chronique est presque 
toujours tuberculeuse. Mais il s’en faut que l'invasion 
du péritoine par le bacille de Koch donne toujours lieu 
au même complexus symptomatique. La tuberculose 
revêt des formes variables. Elle peut être localisée ou 
généralisée. Localisée, elle porte son action vers un ou 
plusieurs des organes abdominaux; généralisée, elle 
envahit tout le péritoine, soit d’une facon aiguë, soit 
en suivant une marche chronique. 

Aiguë, la péritonite tuberculeuse fait partie de la 
bacillose miliaire aiguë, généralisée presque d'emblée 
dans l’universalité des organes, ou bien elle représente 
un des épisodes de celte forme de tuberculose qui 
frappe particulièrement les membranes séreuses. Dans 
ces deux cas, l'attention ne se porte pas uniquement sur 
le périloine. 

Chronique, la péritonite est plus intéressante en soi- 
même, parce que le péritoine est le point capital de la 
localisation morbide. 

C’est à cette étude que M. Marfan consacre la plus 

grande partie de ses lecons. 

La péritonite tuberculeuse chronique est fréquente 


. dans la seconde enfance, surtout entre. sept et douze 


ans. Diverses voies servent au bacille tuberculeux pour 
gagner le péritoine. L’intestin, les ganglions mésenté- 
riques iliaques, les organes génitaux, sont indiqués 
par de sérieuses observations comme point de départ 
de la tuberculose péritonéale. Mais M. Marfan, tout en 
reconnaissant la possibilité de ces faits, ne croit pas 
que ce soit là le moyen ordinaire de la pénétration du 
bacille. La propagation au péritoine d’une bacillose 
pleuro-pulmonaire antérieure n’estelle-même acceptable 
que dans la moitié des cas environ. C’est à une conta- 
mination par la voie sanguine que s'arrête de préfé- 
rence M. Marfan pour établir le mécanisme habituel de 
cette infection. 

La tuberculose chronique du péritoine se traduit par 
trois formes : l’ascite tuberculeuse chronique, la péri- 
tonite fibro-caséeuse, et la péritonite fibro-adhésive. 
Toutes trois, à des degrés divers, sont susceptibles de 
guérir. 

L’ascite tuberculeuse est la plus curable. Elle débute 
par des douleurs vagues, des Coliques suivies de selles 
faciles, quelquefois pâles, mal colorées par la bile, et 
un appareil fébrile modéré. L’ascite apparait insidieu- 
sement, sans développement des veines sous-cutanées 
abdominales. Les signes fugaces de pleurésié s'obser- 
vent souvent aux bases du poumon, Puis, tout s’efface, 
et il ne reste plus que l’ascite, Celle-ci peut disparaître 
totalement ou bien laisser quelques noyaux indurés 
disséminés dans le ventre. 

La péritonite fibro-caséeuse est d'ordinaire la suite de 
la précédente. L’ascite diminue, s’enkyste. On trouye 
des zones irrégulières de malité et de sonorité. Le 
ventre est inégal, bosselé, présente ces masses appe- 
lées gâteaux péritonéaux, quelquefois rassemblées 
dans l’épiploon, qu'elles transforment en corde épi- 
ploïque. On percoit, par la palpation, des frottements 
qui déterminent parfois un bruit particulier, le cri 
intestinal, Les troubles digestifs, la fièvre, l’'amaigrisse- 


ment s'accentuent et aboutissent à la cachexie. Les 
signes pulmonaires et les symptômes douloureux sont 
inconstants. à 

Le péritoine est souvent ici transformé en une cavité 
multiloculaire par les adhérences nombreuses qui 
relient les divers viscères et les anses du paquet intes- 
tinal. IL s’ensuit des kystes, des collections purulentes, 
quelquefois même stercorales qui, limitées et traitées 
chirurgicalement, peuvent guérir. Le phlegmon péri- 
ombilical en estune variété, En outre, des phénomènes 
de compression sont la conséquence .de la répartition 
irrégulière des masses caséeuses dans l'abdomen. Elles 
rétrécissent le calibre des anses et provoquent une oc- 
clusion plus ou moins complète ; elles compriment les 
veines et déterminent des œdèmes; elles englobent les 
nerfs et amènent des névralgies rebelles. Enfin, les 
lésions péritonéales peuvent être l’origine d’une tuber- 
culisation généralisée, 

La péritonite fibro-adhésive est encore l’aboutissant 
de la tuberculose. Il se produit une sorte de symphyse 
intestinale. Elle est en général apyrétique; progressi- 
vement, elle produit de graves désordres nutritifs, 
l'atrophie des annexes digestives et la consomption. A 
cette forme appartiennent encore les complications 
dues à la compression, à la sténose des divers segments 
du tube digestif. É 

En terminant l'exposé clinique des formes de la péri- 
tonite tuberculeuse, M. Marfan entre dans quelques 
détails sur l’occlusion intestinale au cours de cette 
affection. Puis, il donne les indications du traitement 
médical et du traitement chirurgical. 

D'une lecture facile, d’une compréhension aisée, 
systématiquement débarrassées des obseurités théori- 
ques pathogéniques, ces lecons constituent une mono- 
graphie claire, où M. Marfan à mis au point l'étude 
d'un sujet important de pathologie infantile. 

D' A. LÉTIENNE. 


Nicolas (D' Ad). — Manuel d'Hygiène coloniale. 
— Un vol. in-8° de 100 pages (3 fr.). Félix Alcan, 
éditeur, 108, boulevard Saint-Germain. Paris, 1895. 


En 1893, la Société francaise d'Hygiène avait mis au 
concours la rédaction d’un manuel d'hygiène coloniale. 
Une Commission avait été instituée pour étudier les 
mémoires envoyés, et c’est en recueillant tous les do- 
cuments adressés à la Société que M. Nicolas a rédigé 
le présent ouvrage. Déjà le D' Nicolas, qui avait dirigé 
le service sanitaire d’une des grandes entreprises du 
canal de Panama, et avait pu juger, sur les chantiers 
d'Emperador et de la Culebra, de l'importance de l’hy- 
giène dans les travaux conduits en pays tropicaux, 
avait écrit un livre fort intéressant sur les chantiers, 
en pays paludéen. Il était donc particulièrement dé- 
signé pour composer ce manuel. 

Le livre débute par l'étude du campement, ti est 
exposée avec beaucoup de précision. Les conditions 
hygiéniques d’un premier établissement influent con- 
sidérablement sur l’avenir d'une colonie nouvelle ; 
le choix d’une eau potable, l'enlèvement des nuisances, 
la mise en culture des terrains ayvoisinant les chantiers 
sont autant de mesures sanitaires qui peuvent modifier 
rapidement un pays. 

La seconde partie est consacrée à l’étude des condi- 
tions de résistance du colon aux influences débilitantes 
et pathologiques qui l'entourent, Quand il s’agit des 
pays malariens, il faut malheureusement reconnaitre 
que, pendant les premières années, alors que les ter- 
rains ne sont pas encore assainis, 1l est presque im- 
possible d'éviter les attaques. La race nègre elle- 
même, si elle est moins atteinte par les accès de 
fièvre intermittente, est éprouvée fortement par la 
cachexie, M. Nicolas insiste avec raison sur ce fait 
constant, quoique bien peu connu, que les troupes 
indigènes paient presque toujours à la maladie un 
tribut plus lourd que les troupes européennes. Mais, 
quand il s’agit d’entreprise industrielle, il est néces- 
saire encore de tenir compte des aptitudes de chaque 


190 


———————_—_— 


race, modifiée souvent par les mœurs. J'ai souvent en- 
tendu nos ingénieurs du canal de Panama se louer des 
nègres de la Jamaïque, alors que les nègres de la Mar- 
tinique, citoyens français, étaient des travailleurs in- 
supportables, indisciplinés et par suite moins résistants. 
Les conseils que donne le D* Nicolas à propos des 
blanes sont excellents et ils sont certainement inspirés 
par son séjour à ce canal interocéanique. Et quand il 
écrit : « Le rapatriement est toujours notre pierre d’a- 
choppement », peut-être at-il dans l’esprit cette dé- 
pêche d’un agent supérieur de la Compagnie du Canal 
auprès de qui un ingénieur demandait un rapatriement 
pour un de ses employés français : « Un enterrement 
coûte moins cher qu'un rapatriement, » Trop souvent, 
nos colous qui s’exilent n'ont pas obéi en France aux 
règles banales de l'hygiène, et le lourd tribut qu'ils 
payent ensuile est souvent du aux tares organiques 
ou nouvelles qu'ils emportent avec eux. Puisse ce 
livre éclairer les uns et arrêter les autres ! 
D: P. LaANGLois. 


5° Sciences diverses. 


Rebière (A.), Examinaleur d'admission à l'Ecole Spé- 
ciale militaire de Saint-Cyr. — Les Femmes dans 
la Science, Conférence faite au cercle Saint-Simon. — 
1 vol. in-8° de 86 pages. (Prix. 1 fr. 50.) Nony, éditeur, 
Paris, 189% 

M. A. Rebière, à qui l’on doit l’intéressant ouvrage 
intitulé Mathématiques et Mathématiciens, a fait, au cercle 
Saint-Simon, une conférence sur un sujet aussi curieux 
qu'ignoré : Les Femmes dans la Science. 

Le savant conférencier a passé successivement en re- 
vue les six mathématiciennes les plus célèbres ; Hypatie, 
Emilie du Châtelet, Marie Agnesi, Sophie Germain, 
Marie Somerville et Marie Kowalewski. Nous en 
extrayons les intéressants passages qui suivent : 

Hvyearig était la fille de Théon, mathématicien, natu- 
raliste, professeur de l'Ecole d'Alexandrie. Aucune 
femme peut-être n’a réuni autant de gloire, de beauté 
et de sagesse qu'Hypatie: on vantait son éloquence; 
sa voix était qualifiée de divine; sa beauté était célé- 
brée partout; on lui écrivait : à la Muse, à laphilosophe, 
à Alexandrie. 

Exue pe BReTEuIL, plus tard marquise du Châtelet, 
qui savait, outre le français, le latin, l'anglais, l'italien, 
eut pour maires de sciences Maupertuis, Clairaut, Jean 
Bernoulli, Kænig, et le P. Jacquier. Nous citerons cette 
appréciation de Voltaire, dont elle fut l’amie pendant 
quinze ans : Une femme qui a traduit et éclairei Newton 
est vraiment un grand homme, et cette autre d'Ampère : 
Madame du Châtelet est un génie en géométrie. 

Marie AGNest, l’oracle des sept langues, savait, outre 
l'italien, sa langue maternelle, le latin, l'hébreu, l’alle- 
mand, l'espagnol, le grec et le français. A dix-neuf ans 
elleavaitsoutenu dans son salon cent quatre-vingt-onze 
thèses philosophiques. Pour obéir à son père, Marie 
Agnesi passe de la philologie et de la philosophie aux 
sciences proprement dites, pour lesquelles elle se pas- 
sionne bientôt. Le pape Benoît XIV félicita la mathé- 
maticienne et lui donna une couronne de pierres pré- 
cieuses et une médaille en or. 11 la nomma lectrice 
(professeur) de sciences à Bologne. 

Sopnre GERMaAIN, née en 1776, indignée et épouvantée 
par la Terreur, n’osant plus sortir, se plongea dans 
l'Histoire des Mathématiques de Montucla et se sentit 
attirée irrésistiblement vers les sciences. Elle lut Be- 
zout, malgré sa famille, la nuit, enveloppée dans ses 
couvertures, tandis que l'encre gelait dans l’encrier. 
Elle étudia principalement la Physique mathématique, 
les Mathématiques générales, puis la Philosophie. 
Voici quelques opinions compétentes sur Sophie Ger- 
main : C'est probablement la personne de son sexe qui a 
pénétré le plus profondément dans les mathématiques, car 
ici il n'y a point de Clairaut. (Biot.) « Elle fut plus pro- 
fonde mathématicienne que la marquise du Châtelet et que 
Marie Agnes, dont elle eut l'esprit philosophique. » 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


(Chasles). De Prony l'appelle « l’'Hypatie du XIX° siéele. » 

Mary SOMERVILLE avait pour père l'amiral écossais 
Fairfax, Enfant, elle faisait des collections, observait 
les astres, étudiait la chimie, avait un maitre à danser 
et faisait quatre heures de piano par jour. Elle confec- 
tionnait ses habits elle-même et apprenait la cuisine 
chez un pâtissier, quand elle apercut un jour, pendant 
une visite chez une amie de sa mère, à la fin d'un jour- 
nal de modes, une espèce de problème avec des æet des 
y. On lui dit que c'était de Palgèbre, et dès ce jour elle 
ne cessa de s'occuper des sciences. 

Elle est morte à 92 ans comblée d’honneurs : la reine 
d'Angleterre lui accordait une pension; Victor-Emma- 
nuel lui avait donné une grande médaille d’or; elle 
faisait partie de la plupart des Académies. 

Sopnie KowaLevsrt descendait de Mathias Corvin, roi 
de Hongrie, protecteur des lettres et des sciences; elle 
était fille du général d'artillerie Krukowski, commandant 
l'arsenal, et petite-fille du général Schubert, mathéma- 
ticien et topographe. Elle apprit à lire seule et com- 
menca l'étude des mathématiques à 14 ans. Elle suivit 
des cours à Berlin, où l'éminent géomètre Weierstrass 
consentit à lui donner pendant trois ou quatre ans des 
lecons de mathématiques. L'Université de Gœættingue 
lui donna le titre de Docteur en philosophie et de Mai- 
tresse des arts libéraux, sans oral, sur la production de 
trois thèses originales très remarquables. 

Sophie Kowalewski mourut jeune (41 ans) d’une at- 
taque de pleurésie foudroyante, Elle fut, suivant Kro- 
necker, «une des plus rares investigatrices dans les ma- 
thématiques». 

Le conférencier se propose de nous apprendre quelles 
sont les femmes qui ont travaillé aux progrès des 
sciences (les savantes professionnelles, les simples cu- 
rieuses, les collaboratrices, les protectrices), etil recevrait 
avec reconnaissance les documents, notes ou indica- 
tions sur ce sujet. Nous joignons notre demande à là 
sienne en priant nos lecteurs d'adresser les rensei- 
gnements à M. Rebière (librairie Nony,17,rue des Ecoles, 
à Paris). -L. BarRé, 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en couleurs. 
509e, 5129 ef 513° livraisons. (Prix de chaque livrai- 
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, vue de Rennes, 
Paris, 1895. 

Les 512° et 513° livraisons renferment : une mono- 
graphie de la ville et du gouvernement de Kiew (Russie), 
illustrée de magnifiques dessins, par M. Th. Volkrow ; 
une description de la ville et du gouvernement de 
Houang-Toung (Canton); un article sur la race des 
Khirgis, son habitat, ses mœurs; une description, due 
à la plume d’un de nos collaborateurs, M. E, Haug, de 
l'étage jurassique qui porte le nom de Kiméridgien, 
avec ses divisions, ses principaux faciès el les fossiles 
caractéristiques qu'on y rencontre ; une curieuse étude 
du Dr Saury sur la Kleptomanie (monomanie du vol); 
deux articles d’un de nos collaborateurs, M. le Dr P, Lan- 
glois sur la noix de Kola et ses propriétés physiolo- 
giques et sur le Koumis (lait de jument fermenté); 
l'histoire de la dynastie chinoise des Kin, par M. E. Cha- 
vannes; enfin de nombreuses biographies, en parti- 
culier celle de Kirchhoff, physicien allemand, par M. A. 
Joannis; celle de Klaproth, chimiste allemand qui a dé- 
couvert etétudié plusieurs terres rares; celle du grand 
général francais Kléber, par M. E, Charavay; celle du 
patriote polonais Kosciuszko, par M. Trawinsky;celle du 
célèbre homme d’Etat et orateur hongrois Kossuth, par 
M. E. Sayous; celle d’un autre homme d'Etat, le prince 
Kong, qui vient d'être remis à Ja tête des affaires de la 
Chine, par M. Ed, Chavannes; celle du grand réforma- 
teur écossais John Knox, par M. Ch. Langlois; celle de 
trois grands littérateurs allemands : Klopstock, par M. E. 
Bailly; Kleist, un des grands romantiques du commence- 
ment du siècle, et F, de Kotzebue. 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


191 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 28 Janvier 1895. 


M. le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux- 
Arts adresse une ampliation du décret par lequel le 
Président de la République approuve l'élection de 
M. Hautefeuille dans la Section de Minéralogie. — 
M. le Secrétaire perpétuel annonce à l’Académie Ja 
perte qu’elle vient de faire dansla personne de M. Gas- 
ton de Saporta. — M. Xergott, nommé Correspon- 
dant pour la Section de Médecine et de Chirurgie, 
adresse ses remerciements. MM. Prillieux et 


- Cornu prient l’Académie de les comprendre parmi 


les candidats à la place vacante dans la Section de Bo- 
tanique. 

4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Le Roy montre 
que la méthode d’approximations successives, au moyen 
de laquelle M. Poincaré a résolu le problème de Diri- 
chlet, ne réussit pas seulement pour l'équation de 
Laplace, mais s'applique encore au refroidissement 
d’un corps solide par communication. — M. le G*! Ve- 
nukoff communique les principaux résultats du nivel- 
lement de précision récemment fait en Russie; le plus 
important d’entre eux est l'identité bien établie des 
niveaux des trois mers : Baltique, Noire et d’Azof. 

20 ScreNcEs PHYSIQUES. — M. S. Millet adresse un pro- 
jet de communication avec la planète Mars. — M.R. 
Pictet adresse une note intitulée : Etude de la consti- 
tution des liquides etde leurs vapeurs aux températures 
voisines du point critique par les dissolutions de corps 
solides dans ces liquides, — M. le Ministre des Affai- 
res étrangères transmet une lettre de Santiago du 
Chili, relative au tremblement de terre du 27 oc- 
tobre 1894, — M. l'Inspecteur général de la navi- 

ation adresse les états des crues et diminutions de 
‘la Seine observées chaque jour au pont Royal et au 
pont de la Tournelle pendant l’année 1894. — M. P. Vil- 
lard rapporte certaines expériences qui établissent 
nettement la dissolution des solides dans les vapeurs, 


- sans qu'il soit nécessaire pour cela d’invoquer l’exis- 


_tence, au delà du point critique, de vésicules liquides 
en suspension dans la vapeur. — M. Jules Garnier 
tire les conclusions suivantes de l'examen de l’action 
d'un courant électrique sur une série de métaux sul- 
furés en fusion. 1° Le soufre combiné aux métaux, à 
Pétat fondu, à l’abri de l’air et traversé par un cou- 


moins l’anode, s’élimine peu à peu. 2° Dans un mélange 
de sulfures métalliques fondus, à l'abri de l'air, tra- 
versé par un courant électrique, la conductibilité du 
mélange reste homogène à chaque instant, augmen- 
tant peu à peu par suite de l’élimination successive du 
soufre; les métaux et le soufre restant se groupent 
entre eux de facon que chaque tranche élémentaire du 
bain, prise perpendiculairement au sens du courant, 
ait la même conductibilité électrique, — M. Moissan a 
préparé un borure de fer cristallisé par l’action du 
chlorure de bore sur le fer réduit ou par l’action du 
Dore sur le fer. Ilest constitué par des cristaux brillants 
de densité 7,15 à 489, attaquables par le chlore au rouge 
et susceptibles de brûler dans l'oxygène; leur véritable 
dissolvant est l’acide nitrique et, par conséquent, l’eau 
régale. —M. P.-P. Dehéraïn présente, au nom de l’Asso- 
ciation des anciens élèves de M. Fremy, une brochure 
intitulée : « Edmond Fremy, 1814-1894»,— M. Dupon- 
chel adresse deux nouvelles notes concernant l'adapta- 
lion des principes de la nouvelle théorie cosmogonique 
à l'interprétation des formules dans les combinaisons 
chimiques. —M. A. Ditte examine en détail l’action du 


. rant électrique, les électrodes étant du charbon, au 


monosulfure de potassium sur le sulfure de bismuth 
amorphe et déduit de là un procédé permettant d’ob- 
tenir ce sulfure bien cristallisé. —M. A. Villiers étudie 
l'influence des divers facteurs qui interviennent dans 
la transformation du sulfure de zinc amorphe en sul- 
fure cristallisé, savoir : la dilution, l’alealinité de la 
liqueur, les sels étrangers, le mode de lavage. — 
M. A. Besson a préparé le chlorobromure et le bromure 
de carbonyleen faisant agir le bromure de bore BoBr* 
sur l’oxychlorure de carbone; ce sont deux liquides, 
très dilatables sous l’action de la chaleur, dont la va- 
peur irrite les yeux et les voies respiratoires en provo- 
quant une suffocation suivie d’oppression; ils sont len- 
tement décomposables par l’eau froide et beaucoup 
plus rapidement à 100° au contact du mercure. — 
M. A. Rosenstiehl a reconnu que la soude, agissant sur 
une solution alcoolique de violet cristallisé : A=C,CI, 
donnait naissance à des corps de la forme géné- 
rale A5=C, OR qui sont des dérivés du méthane-oxy- 
méthane CH3.0.CH; leur existence et leur mode de 
formation font ressortir à nouveau la fonction alcoo- 
lique des rosanilines. — M. C. Tanret s’est demandé 
si l’action de l’anhydride acétique sur les alcools don- 
nait les mêmes résullats en présence de l'acétate de 
soude fondu ou du chlorure de zinc; les sucres stables 
se comportent de la même facon, les saccharoses et 
les polysaccharides fournissent des résultats différents ; 
le glucose ordinaire donne naissance à trois éthers 
pentacétiques cristallisés que l’auteur appelle les pen- 
tacétines «, 8 et y et dont il expose les propriétés, — 
M. Delépine a déterminé le poids moléculaire de 
l’hexaméthylène-amine et étudie son action sur les 
acides minéraux, la nature de sa fonction basique, la 
formation des dérivés de substitution, et les produits 
de l'hydrogénation. — MM. H. Lecomte et A. Hébert 
ont fait l'étude botanique du Koumounou ou Coula du 
Congo francais et l’étude chimique de ses graines et 
de l'huile qu’on en retire. L'huile de Koumounou, qui 
est de la trioline presque pure, offre le curieux exemple 
d’une matière grasse contenant un seul acide. —M.An- 
toine de Saporta expose un nouveau procédé pratique 
de dosage du calcaire dans les terres arables, qui 
n’exige, comme matériel, qu'un bon densimètre, un 
thermomètre du genre de ceux de l’alambic Salleron 
et un matras jaugé. C. MATIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Kaufmann établit de 
nouveaux faits relatifs au mécanisme de l’hyperglycé- 
mie et l'influence du système nerveux sur la glycoso- 
formation et l'histolyse, — M. Sabatier donne encore 
quelques points de la spermatogenèse chez les Séla- 
ciens et montre qu'il y a un parallélisme de pro- 
cessus extrêmement frappant entre la spermatogenèse 
chez les Sélaciens, chez les Crustacés décapodes, et 
plus spécialement chez les Carides,chez les Locustides. 
— M.Boutan a étudié le mode de fixation des Acéphales 
à l’aide du byssus. L'auteur montre que les Arches 
sont obligées, pour se fixer, de rejeter l’ancien byssus, 
lorsqu'un décollement a eu lieu, pour en sécréter un 
nouveau. Les jeunes peuvent se fixer à l’aide de l’an- 
cien organe conservé. — M. Le Dantec éludie l’adhé- 
rence des Amibes aux corps solides et expose que 
l’adhérence se produit par attraction moléculaire. — 
M. J. Chatin fouruit de nouvelles observations histo- 
logiques sur les adaptations fonctionnelles de la cel- 
lule épidermique chez les Insectes. — M. B. Renault 
a découvert quelques Micrococcus dans le Stéphanien, 
terrain houiller supérieur. Ce sont de petites sphères, 
libres ou soudées par deux, de 2,2u de diamètre. Ge 
M. hymenophagus complétait l’action destructive du 


192 


M. Guignardi. — M. Sipière traile le _mildew par un 
procédé nouveau, le lysolage. La solution à 5 p. 1000 
de lysol est pulvérisée, comme le sulfate de cuivre, 
mais produit une économie annuelle de 28 ©°/0. IL faut 
faire 3 opérations par an : 4° du 20 au 30 avril; 2 du 
jer au 8 mai; 3 du ΰr au 8 juin. — M.Prunet a étudié 
la chytridiose du Mürier. — M. Stanislas Meunier a 
effectué des recherches expérimentales sur les condi- 
tions qui ont déterminé les caractères principaux de 
la surface lunaire. 
J. MARTIN. 


Séance du # Février 1S95 


M. le Secrétaire perpétuel annonce la perte doulou- 
reuse que l’Académie vient de faire dans la personne 
de M. Arthur Cayley, correspondant de la Section 
d'Astronomie depuis 1863. — La Section de Botanique 
présente la liste suivante de candidats pour la place 
laissée vacante par le décès de M. Duchartre : 1° M. L. 
Guignard ; 2° MM. Baïllon,G.Bonnier, Ed. Bureau, 
Maxime Cornu, Prillieux, B. Renault, Zeiller. 

49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Hermite lit une 
notice sur M. Cayley; il rappelle qu’il a fondé la théorie 
des formes et donné à l’art analytique les notions 
d'invariants et de covariants qui ont franchi les bornes 
de l'algèbre et jouent maintenant un rôle considérable 
dans la théorie des équations différentielles. — M. H. 
Poincaré généralise certaines propriétés des fonc- 
tions abéliennes par la considération des fonctions 
spéciales, c’est-à-dire de celles qui doivent leur origine 
à une courbe algébrique de genre p, p étant le nombre 
de variables de la fonction abélienne, — M. Arnau- 
deau soumet un travail portant pour titre : « Table 
des nombres triangulaires de 1 à 100,000, suivie d’une 
table des tangentes naturelles de 0° à 90°, pour des 
angles variant de 30" en 30° avec textes explicatifs. » — 
M. le Secrétaire signale un ouvrage de M. Charles 
Henry intitulé : « Abrégé de la théorie des fonctions 
elliptiques. » — M. Brocard adresse une note sur le ca- 
talogue des travaux mathématiques annoncés ou pu- 
bliés dans les Comptes rendus hebdomadaires des 
séances de l’Académie, — M. J. J. Landerer commu- 
nique le résultat de l'observation du passage de l'ombre 
du quatrième satelliste de Jupiter, qui a eu lieu le 
25 janvier, pour une distance du satellite au périjove 
de son orbite de 10°23 seulement, en même temps 
qu’il était éloigné de 84°59° du nœud le plus voisin, ce 
qui constitue un ensemble de circonstances qui ne 
doit se reproduire qu'après un espace de deux siècles. 
Les résultats de l'observation s'accordent avec ceux 
prévus par les calculs de M. Souillart. — M. J. Guil- 
laume adresse ses observations du soleil faites à 
l'observatoire de Lyon (équatorial Brunner) pendant 
le quatrième trimestre de 1894; le nombre des taches 
diminue ainsi que celui des facules. — M. Eugène 
Laye expose une méthode analytique et graphique 
pour le calcul des poutres droites continues solidaires 
avec leurs piliers; cette méthode nouvelle s'applique 
quelles que soient les liaisons des piliers avec leur 
fondation, que ceux-ci soient encastrés à leur base ou 
reposent sur rotule. — M. Guyou présente un nouveau 
modéle de propulseur dont lidée lui a élé suggérée 
par les expériences de M. Marey sur la natation des 
poissons. Une manivelle, calée sur l'arbre moteur, 
conduit, par l'intermédiaire d'un mécanisme quel- 
conque, un point sur une courbe fermée dont le plan 
est parallèle à la quille; une deuxième manivelle, 
faisant avec la précédente un petit angle, imprime à 
un second point un xnouvement identique sur une 
courbe placée un peu en arrière de la précédente : 
ce second point est en retard sur le premier d’un intér- 
valle constant, et lorsque le rapport de la vitesse du 
navire à celui de la machine sera tel que l’espace par- 
couru dans cet intervalle soit celui qui sépare les deux 
courbes, le second point décrira la même trajectoire 
que le premier dans le liquide. 

20 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Vañchy établit que, 


ACADÉMIES ET SOCIETÉS SAVANTES 


h 
dans le langage de Maxwell, le vecteur est le dé- 
À +T/h 
placement électrique; sa dérivée est la densité du cou- 


h 
rant de déplacement, etle vecteur —est la densité du 


courant de conduction. Le técleue résultant de ces 
deux densités est la densité du courant total. Il en 
résulte ce fait que les propriétés admises par Maxwell 
à titre d'hypothèses sont mathématiquement exactes; 
seuls le langage et les idées sur la nature des phéno- 
mènes sont à modifier, — M. G. Moreau introduit 
dans les équations du mouvement lumineux une force 
constante pour le cas des milieux absorbants; l'appli- 
cation de cette théorie à l'étude d'un corps cristallisé 
dans le système rhomboédrique et qui présenterait le 
pouvoir rotatoire le conduit à prévoir l'existence d'une 
dispersion rotatoire anormale identique à la disper- 
sion de la fuchsine. — M. Georges Meslin montre que 
si l’on tient compte des chemins réellement parcourus, 
on trouve, pour le biprisme de Fresnel, un retard nul 
en chaque point, si l'on suppose négligeable l’épaisseur 
de verre traversée; le retard en un point provient 
donc, non de la différence géométrique des deux che- 
mins, mais bien de la différence des deux retards im- 
primés par les épaisseurs de verre traversées dans l’ap- 
pareil qui se comporte, en un mot, comme formé de 
deux lamelles de verre d'épaisseur différente et dont 
la différence varie avec le point où l’on étudie l’action, 
L'expérience confirme ces conclusions du calcul, — 
M. Raoul Pictet a éludié l'influence des basses tem- 
pératures sur la puissance d'attraction des aimants 
artificiels permanents et reconnu que cette attraction 
ausmente sensiblement quand la température diminue, 
— M,Ducla adresse un mémoire intitulé : « Contraction 
au moment de la formation d'un corps composé; clas- 
sifications faites d’après ces contractions, — M. Ber- 
thelot communique les résultats obtenus par lord Ray- 
leigh et M. William Ramsay et la découverte de 
l’argon, nouveau gaz constitutif de l’atmosphère !. La 
solubilité du gaz s'élève à 40 centimètres cubes par litre 
vers 12 à 14°; M. Olszewski le liquéfie et trouve que son 
point critique està —121°,sous une pression de 50 atm.6; 
son point d’ébullition est à —187° sous une pression de 
740 millimètres. Le rapport des chaleurs spécifiques à 
pression et à volume constants conduit à regarder la 
molécule comzie monoatomique. — M. A. Rosen- 
stiehl montre que l’iodure de méthyle forme, avec les 
triamines complexes A#%==C—R, deux séries de combi- 
naisons incolores : {° La première renferme un seul 
atome d'azote totalement saturé. Les composés de celte 
classe échangent le radical R avec un radical d'acide 
et se transforment en matières colorantes, 2 La 
deuxième série, formée par l'addition de 3 molécules 
d'iodure de méthyle, renferme trois atomes d'azote 
totalement saturés, Le groupe R, dans ce cas, ne s'é- 
change plus contre un radical d'acide et ne se colore 
plus. — M. G. Bertrand montre que la laccase, subs- 
lance diatasique contenue dans le latex de l'arbre à 
laque du Tonkin, est un agent provocateur de l’oxyda- 
tion, L'hydroquinone et le pyrogallol s’oxydent rapide- 
ment en présence de l’air et d'une trace de laccase; il 
y a formation de quinone dans le premier cas et de 
purpurogalline dans le second. — M. Battandier a 
reconnu que tous les phénols en solution sulfurique 
donnent avec la chélidonine une belle coloration d’une 
intensité et d’une pureté extraordinaires,dont la teinte 
varie d’un phénol à l’autre, — M. A, Michel-Levy à 
étudié la réfringence des auréoles polychroïques des 
minéraux; lorsque les auréoles sont bien développées, 
à contours francs, à teintes foncées, la réfringence de 
la partie pigmentée est nettement supérieure à celle 
du corps non modifié et la différence entre les indices 
de réfraction similaires peut dépasser, notamment dans 
la cordiérite, une décimale du deuxième ordre. 
C. MATIGNON. 
1 Voir cette Revue : 1894, p. 958, et 1895, p. 89 à 107. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


193 


3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ed. Bureau présente 
l’état actuel des études sur la végétation des colonies 


* françaises, des pays de protectorat francais, et montre 


les heureux résultats acquis et les desiderata pour 
certains pays. — M. L. Roule, dans un travail sur le 
développement du corps chez la Crevette et l’Ecrevisse, 
Montre que le développement terminé et le corps achevé, 
ce dernier est courbé en deux dans l’œuf. Cette courbure 
s'établit d'emblée par la formation d’une fente de cli- 
vage qui pénètre dans la cicatricule, la divise en deux 
plans et grandit avec ces derniers.—M. Perez a observé 


la production des femelles et des mâles chez les Méli- 


ponites.—M.Em. Mer établit l'influence de l'état clima- 
térique sur la croissance des arbres. — M. Cayeux 
signale l'existence de nombreux débris de Spongiaires 
dans les phtanites du précambrien de Bretagne; les 
Spongiaires rencontrés appartiennent aux ordres des 


_Monactinellidæ, Tetractlinellidæ, Lithistidæ et peut-être 


des Hezxuctinellidæ. — MM. Sayn et Lory montrent 
l'existence d'un Delta sous-marin dans le Crétacé su- 
périeur,près de Châtillon-en-Diois.— M.Oustimovitch 
adresse une note sur les phénomènes de la nutrition 
dans l'organisme animal. 
J. MARTIN. 
Séance du 11 Février 1895. 

M. L. Guignard est élu membre dans la Section de 
Botanique, en remplacement de feu M, Duchartre. ” 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Faye présente les 
tomes IV et V des Annales de l'Observatoire de Nice 
qui contiennent les inégalités du premier ordre de la 
planète Vesta produites par l’action de Jupiter, un ca- 
talogue de 505 nébuleuses très faibles, observées au 
grand équatorial de Nice, les observations météréolo- 
giques faites sur le versant nord du mont Gros et les 
observations magnétiques suivies d’une étude des per- 
turbations des éléments. — M. J. W. Rasch adresse 
un mémoire intitulé : Le mesurage du cylindre. — 
M. Emile Borel considère un développement de 

À, | ER 
Taylor: À 5. z", où À, et B, sont des entiers réels et 
n 

complexes, premiers entre eux, et démontre qu’en sup- 
posant B, < M où Mest un nombre déterminé, B, ren- 


ferme des facteurs premiers dont le module augmente 


indéfiniment avec n,si le développement représente 
une fonction méromorphe. — M. J. Beudon montre 
que la méthode de M. Darboux permet de ramener à 
l'étude d'équations différentielles ordinaires l’intégra- 
tion d’un système complètement intégrable, tel qu'à 


. partir d’un certain ordre p, les dérivées d'ordre p S p, 


sauf l’une d’entre elles, s'expriment en fonction de 
cette dernière et des dérivées d’ordre inférieur. — 
M. Wickersheim adresse une démonstration du pos- 
tulatum d’Euclide. — M. Drillon présente une note re- 
lative à un bélier horizontal. 

2° Sciences PaysiQues. — M. J. Cauro établit qu'ilne 
faut employer les bobines à double enroulement que 


. pour des résistances faibles ; si la résistance augmente, 


on introduit une erreur de capacité qui peut être plus 


jade que celle que l'on veut éviter. La capacité se 
a 


it sentir dans les bobines à enroulement simple; elle 
peut devenir prépondérante si la résistance est assez 
grande, de facon à donner une self-inductionapparente 
négative; enfin, ces effets de capacité sontnégligeables 
dans les mesures faites avec les ponts de Wheatstone 
ordinaires, — M. A. Blondel, après avoir établi la no- 
tion du flux lumineux, en donne une idée concrète, 
indépendamment de la cause qui le produit, par l’indi- 
cation d’une méthode générale et directe de mesure de 


ce flux, reposant sur les propriétés de la diffusion par 


transmission. — M. Ch. Fabry montre que les formules 
ordinaires des lames minces s'appliquent sans modi- 
fication au phénomène du passage de la lumière à tra- 
vers une lame mince dans le cas de la réflexion totale. 
— M. A. Ponsot a étudié l’abaissement du point de 
congélation des dissolutions étendues de chlorure de 


sodium et reconnu que, pour des dissolutions trèséten- 
dues, cet abaissement est toujours proportionnel au 
poids de sel existant dans 100 grammes de dissolution, 
ce qui contredit les résultats énoncés par Jones, Arrhé- 
nius, Loomiset Pickering. —M. C. Fitzgerald adresse 
un mémoire sur une nouvelle théorie de la précipita- 
tion atmosphérique de l’eau. — M. Cornu lit un rap- 
port sur un travail de M. Hardy relatif à l'application 
des vibrations sonores à l'analyse de deux gaz de den- 
sités différentes et en particulier à la recherche du gri- 
sou. La méthode repose sur la variation de la hauteur 
du son rendu par un tuyau sonore alimenté par un 
gaz dont on fait varier la densité; cette variation de- 
vient très sensible pour la production de battements. 
— M. Jacquiot-Constant adresse une note relative à 
un projet de téléphotoscope. — M. Garrigou-La- 
grange établit des relations nouvelles entre les mou- 
vements barométriques sur l'hémisphère nord et les 
mouvements en déclinaison du Soleilet de la Lune. — 
MM. Berthelot et André ont étudié la répartition de 
l’alumine dans les plantes ; elle peut exister dans les 
plantes annuelles pourvues de racines abondantes et 
profondes, mais elle n'arrive aux feuilles qu’en dose 
infinitésimale. — M. Henri Moissan, en faisant agir 
la chaleur produite par un arc électrique dont l'in- 
tensité est variable, sur un mélange d'acide titanique 
et de charbon, a obtenu : 1° le protoxyde bleu de ti- 
tane, 2° l’azoture de titane fondu, Ti2Az?, 3° le titane 
fondu ou un carbure cristallisé Ti C. Le titane fondu est 
le corpsle plus réfractaire obtenu jusqu'ici au four 
électrique ; il est plus infusible que le vanadium; on ne 
peutle préparer qu’au moyen de l’arc produit par une 
machine de 100 chevaux. L'ensemble de ses propriétés 
le rapproche nettement des métalloïdes et en particu- 
lier du silicium. — MM. A. Haller et A. Guyot ont pré- 
paré quelques dérivés de la phénolphtaléine et parti- 
culièrement la diéthylphtaléine, soit par l’action du 
chlorure de phtalyle surle phénétol en présence du 
chlorure d'aluminium, soit par celle de l’iodure d’éthyle 
sur la dissolution d’une molécule de phtaléine dans 
deux molécules d’éthylate de sodium. — M. A. Ditte 
analyse les diverses actions de l’acide sulfhydrique sur 
les dissolutions d'or et celles d’un sulfure alcalin sur 
le sulfure d'or. — M. A. Villiers indique une méthode 
générale pour déterminer la cristallisation des préci- 
pités qui consiste à congeler complètement le dissol- 
vant où le précipité se réunit dans la partie centrale 
du bloc de glace en subissant une pression considé- 
rable. L'auteur applique sa méthode aux sulfures de 
zinc et de manganèse et à l'hydrate d'oxyde de cuivre. 
— MM. E. Jungfleisch et Léger ont constaté que la 
cinchonigine est dimorphe; cette base fournit le pre- 
mier exemple d’un corps dimorphe possédant le pou- 
voir rotatoire moléculaire spécifique. Les deux formes 
se changent facilement l'une dans l’autre; la forme 
clinorhombique est stable à la température ordinaire, 
la forme orthorhombique l’est vers 35°. — M. Etard 
expose ses idées sur la pluralité des chlorophylles et 
donne la description d'une deuxième chlorophylle 
isolée dans la luzerne, à laquelle il donne le nom de 
médicagophyile 8; ce nouveau composé répond à la 
formule C#? H63 Az O!i, — M. A. Rosenstiehl compare 
les formules des dérivés colorés et celles des dérivés 
incolores de l'hexaméthyl-triamidotriphénylméthane 
et déduit quelques remarques générales sur leur cons- 
titution, — M. Louis Henry donne le mode de prépa- 
ration et les propriétés d’un éther d’un genrenouveau : 
le lactate de méthylène, à la fois éther d’acide et éther 
d'alcool. — M. A. Andouard a comparé la valeur agri- 
cole du phosphate d’alumine du Grand-Connétable à la 
valeur des principaux phosphates de chaux fossiles 
connus et reconnu que son assimilation était plus ra- 
pide et qu’il donnait les meilleurs résultats. 
C. MATIGNON. 


3° SCIENCES NATURELLES. — M. E. Sans adresse une 
note sur un procédé de destruction du phylloxera. — 


19% ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


M. F. Le Dantec étudie le rapport de la forme géné- 
rale à la composition du corps chez les Protozoaires ; 
il résulte que les fonctions de la vie individuelle s’accom- 
pliraient dans le protoplasma, en l'absence du noyau, 
si lon supposait maintenue constante, par un procédé 
quelconque, la composition de ce protoplasma; des 
expériences de M. Balbiani, on peut d'ailleurs conclure 
que chaque forme d’'Infusoire est caractéristique d’une 
composition chimique déterminée, ne se maintenant 


constante qu'en présence du noyau. — M. Audouard 
fait une étude de la valeur agricole du phosphate 
d’alumine du Grand-Connétable, — M, A. Lacroix 


rend compte des phénomènes de contact de la Iherzo- 
lite des Pyrénées, Les roches sédimentaires modifiées, 
appartenant au jurassique inférieur, sont des calcaires, 
des marnes calcaires et des grès. J. Marrix. 


ACADEMIE DE MEDECINE 
Séance du 5 Février 1895. 

L'Académie procède à l'élection de deux correspon- 
dants nationaux dans la Ir Division (Médecine). 
MM. Liégeois (de Bainville-aux-Saules, Vosges) et 
.Teissier (de Lyon) sont élus. 

M. Laveran présente un rapport sur deux mémoires 
du D' Bonnal concernant la chaleur de l’homme pen- 
dant le mouvement, et le mécanisme de la mort sous 
l'influence de la chaleur, — M. J.-V. Laborde continue 
sa communication sur la valeur comparative des diffé- 
rents procédés employés dans le traitement de la 
mort apparente en étudiant les procédés d’insufflation. 
Il montre que, dans l’insufflation bouche à bouche, 
l'air ne pénètre presque pas dans les voies respiratoires 
et n’agit que comme simple excitant réflexe sur la 
muqueuse buccopharyngée et laryngée. Dans l’insuffla- 
tion à l’aide du tube laryngien, l'air pénètre en plus 
grande quantité dans le poumon, mais y agit surtout 
comme excilant de la muqueuse broncho-pulmonaire, 
et non comme aliment respiratoire et hématosique. 
D'ailleurs, cet air, qui est de l’air expiré par le prati- 
cien, contient une notable quantité d’acide carbonique 
qui exerce plutôt une action nocive Sur le sang. Aussi, 
linsufflation laryngée ne devrait-elle être pratiquée 
qu'avec la poire à insufiler. Le procédé du soufflet est 
le meilleur de tous, mais il est difficilement applicable 
dans le cas de l’asphyxie des nouveau-nés. — M. Je 
D' Galezowski lit un mémoire sur les affections ocu- 
laires qu'il a observées en Perse. 

Séance du 12 Février 1895. 

Le Président annonce à l’Académie la mort de 
M. Regnault, ancien président, et lève la séance en 
signe de deuil. Il annonce également la mort de 
M. Farge (d'Angers), Correspondant dans la 1° Divi- 
sion. 

L'Académie procède à l'élection de deux correspon- 
dants nationaux dans la Il° Division (Chirurgie). 
MM. J. Boekel et Combalat sont élus. 


SOCIETE DE BIOLOGIE 
Séance du 2? Février 1895. 

M. Mathias-Duval expose une théorie histologique 
des actes cérébraux, basée sur les travaux anatomiques 
de Golgi et de Ramon y Cajal, qui ont montré qu'iln'y 
avait pas continuilé dans toute l'étendue du système 
nerveux, mais simple contiguité des prolongements 
des cellules nerveuses. M. Mathias-Duval considère les 
extrémités des cellules nerveuses comme douées de 
mouvements amiboides leur permettant de s’allonger 
ou de se rétracter, de s’approther ou de s'éloigner. 
Pendant le sommeil, ces extrémités sont rétractées et 
éloignées les unes des autres; la transmission des 
excitations ne peut plus avoir lieu, d’où impossibilité 
de percevoir des sensations. — MM. Courmont et 
Doyon ont trouvé que l’intoxication diphtérique expé- 
rimentale produit, après une période d’incubation plus 
ou moins longue, une forte hypothermie. Dans une 
seconde note, ils étudient le: lésions intestinales 


produites par la toxine diphtérique; celle-ci donne 
lieu à une vaso-dilatation intense, puis à la formation 
d’une entérite pseudo-membraneuse, — MM. Surmont : 
et Gaudier (de Lille) ont étudié les inflammations 
chroniques de la mamelle et reconnu qu'elles étaient 
dues au staphylocoque blanc, — M. Marinesco a 
observé des connexions entre le corps strié et le lobe 
frontal, — M. P. Masoin a dosé l’oxyhémoglobine dans 
le sang de trois myxædémateux. — M. Retterer a 
étudié le développement des synoviales tendineuses et 
des bourses muqueuses chez le lapin, — M. de Sil- 
vestri présente quelques observations sur l’étiologie 
de la dysenterie. 
Séance du 9 Février 1895. 

M. Nocard a constaté la présence fréquente de 
microbes dans le sang, même normal, En outre, les 
microbes peuvent passer de l'intestin dans les chyli- 
fères, surtout après le repas et à la faveur des globules 
graisseux. — M. Rénon à étudié la résistance des 
spores de l’Aspergillus fumigatus. — M. Contejean, 
continuantsgs études sur l’incoagulabilité du sang après 
une injection intra-veineuse de peptone, a trouvé que 
cette incoagulabilité devait être attribuée à une subs- 
tance formée dans l'organisme sous l'influence de la 
peptone, et que celte substance se formait dans le 
foie et les masses intestinales. — M. Noé a étudié 
l'élimination des médicaments dans les néphrites et 
les crises urinaires, — M. Lépine (de Lyon) envoie une 
réclamation de priorité au sujet de la théorie émise 
dans la séance précédente par M.Mathias-Duval.Ceder- 
nier réplique que ses idées sont plus générales et plus 
compréhensives que celles de M. Lépine, — M. Galippe « 

{ 


pau 


rare 


pr bou 07 aile fi ion 


a 2.3? ruines ge À pa de 


démontre qu'un grand nombre de calculs formés dans 
l'organisme sont d’origine microbienne. — M. Azoulay 
montre les dessins de coupes de la substance corticale 
du cervelet. À 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 1° Février 1895. 


M. Hurmuzesceu éludie la force électromotrice 
d’aimantation., C’est de {8$1 que date la première expé- 
rience dans laquelle on ait pu manifester l'influence 
de l’aimantation sur les phénomènes chimiques. Si on 
verse du sulfate de cuivre dans une cuvelte de fer 
mince posée sur les pôles d’un électro-aimant, le cuivre w 
se dépose suivant des lignesnormales aux lignes de force, \ 
par suite suivant des lignes équipotentielles. Dépuis, 
de nombreux expérimentateurs ont repris cette ques- 
lion, mais ils sont en désaccord sur le sens de la force n 
électromotrice d’aimantation, Les uns trouvent que le 
fer aimanté est négatif par rapport au fer neutre, c’est 
à-dire que le premier est plus attaquable par l'acide { 
que le fer neutre, D'autres concluent à un résultat 
opposé. Les recherches théoriques de MM. Duhem et. 
Janet confirment la seconde opinion. M. Hurmuzesecu a 
repris cette étude, Il à substitué l’électromètre capil-. 
laire au galvanomètre, De cette facon, il peutemployer 
des liquides très résistants contenant très peu d'acide 
et produisant une attaque plus régulière. Puis il s’af- 
franchit des phénomènes de polarisation des sels den 
fer et aussi des variations de résistance du sel suivant. 
son orientation dans le champ. Il prend des électrodes 
à la Wollaston dont le fil a une section notable, bien. 
plane, et d’une orientation déterminée par rapport au 
champ, Ces électrodes plongent dans les deux branches 
verticales d’un tube de verre en U qui contient la dis- 
solution à étudier, Une seule des deux branches est 
placée. dans le champ d’un fort électro-aimant, Le 
liquide employé a été uné dissolution faible d'acides 
acétique ou d’acide oxalique, et les électrodes ont élén 
formées tantôt d’un métal magnétique comme le fer 
ou le nickel, tantôt d’un métal diamagnétique, comme 
le bismuth., Les résultats se partagent en deux groupes, 
suivant que l’électrode est disposée normalement au 
champ magnétique, ou, au contraire, dans la direction 


UE R 


dE eo 


du champ. Dans le premier cas, quel que soit le sens 
“de l’aimantation, le fer aimanté est toujours positif 
par rapport au fer non aimanté. La courbe qui repré- 
cs ente la force électromotrice d’aimantation en fonction 
. de l'intensité du champ s’élève constamment, en pré- 
- sentant un point d'inflexion pourun champ de 2.400 uni- 
tés. La courbe du nickel a la même allure que celle du 
fer, mais les valeurs de la f.e.l m. sont beaucoup 
plus faibles. Avec le bismuth, ces valeurs sont telle- 
ment faibles qu’on ne peut que caractériser le sens du 
phénomène. L'électrode aimantée est négative par rap- 
pot à celle qui ne l’est pas. L'auteur s’est alors proposé 
. Vobtenir théoriquement l’expression de la force élec- 
-fromotrice d’aimantation. Le principe de la conserva- 
_ tion de l'énergie lui fournit, sous certaines hypothèses, 
- une expression en harmonie avec les résultats de l’ex- 
_périence. M. Hurmuzescu signale en passant qu'il à 
observé parfois une contraction de volume des sels de 
fer. Il aborde ensuite l’étude du second cas dans lequel 
_Pélectrode est disposée suivant la direction du champ. 
Lorsque l’électrode placée dans le champ magnétique 
plonge dans une dissolution exempte de sel de fer, 
c'est-à-dire non magnélique, on rencontre encore une 
. force électromotrice de même sens que dans le cas 
précédent, mais beaucoup plus faible. L’électrode 
placée dans le champ est donc encore positive par 
rapport à l’autre. Mais, lorsque dans la dissolution i 
sé forme un sel de fer, on voit la force électromotrice 
diminuer et même changer de signe lorsque la disso- 
lution devient riche en sel de fer. C’est probablement 
la divergence des résultats obtenus suivant le degré de 
_ concentration qui est la cause du désaccord entre les 
travaux des expérimentateurs précédents. — M. Janet 
rappelle les résultats qu'il a démontrés en 1887 sur 
cette même question et montre comment il avait 
. cherché à les vérifier expérimentalement, Il a démontré 
par l'application du principe de l’équivalence, indépen- 
damment de toute hypothèse, que la chaleur de com- 
- binaison du fer dans un champ magnétique est néces- 
Sairement plus petite qu’en dehors du champ. Ce 
point, difficile à vérifier par le calorimètre, il a cherché 
-à le contrôler indirectement par la force électromo- 
ice. Celle-ci doit diminuer quand on prend une pile 
dont le pôle négatif est formé par du fer ou du nickel, 
et qu'on place la pile dans un champ magnétique. Bien 
que lessdéterminations n'aient pas présenté une con- 
cordance assez parfaite pour que l’auteur ait pu les 
publier, cependantles valeurs trouvées pour laf.e.l.m. 
: d’une pile, d’abord non aimantée puis aimantée, onttou- 
jours différé dans le sens prévu. — M. Broca présente, 
au nom de M. Weiss, un focomètre s'appliquant à la 
-mesure de la puissance d’un système centré quel- 
conque. Son principe est le suivant. On place dans l’un 
des plans principaux du système à étudier un objet de 
. dimension connue a, Appelons # l’angle sous lequel cet 
objet est venu du point nodal correspondant. On a la 
relation a — ftso, d'où on peut tirer f si l'on me- 
_Sure 9. Pour cela, on observe l’image de a dans un 
objectit étalon de distance focale connue, et au foyer 
duquel se trouve un micromètre qui servira à mesurer 
. Ja grandeur de l’image. De cette mesure on déduira 
Je diamètre apparent + de l’image à travers le système. 
On vérifie que l’objet est dans le plan focal du système 
en constatant qu'il n’y a aucune parallaxe. D'autre 
part, pour obtenir un objectif de distance focale déter- 
minée, par exemple 10 centimètres, on accole l’une 
contre l’autre deux lentilles ayant chacune une dis- 
tance focale d'un peu moins de 20 centimètres, de 
_sorte que le système est un peu trop convergent. Puis 
on écarte progressivement les deux lentilles l’une de 
_lautre jusqu’à ce que l’image d’une mire éloignée ait 
exactement la dimension correspondant à la distance 
focale assignée. L'appareil ainsi décrit suppose néces- 
sairement le plan focal réel, pour que l’objet puisse 
y être placé. Mais il est facile de le compléter pour le 
cas d’un plan focal virtuel. 


Edgard Haunté, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 195 


SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE FRANCE 
Séance du 23 Janvier 1895. 


. M. Païnlevé : Sur la transformation des équations 
de la mécanique. — M. Desaint : Sur quelques appli- 
cations de considérations mécaniques à la théorie des 
fonctions. — M. Humbert étend à la surface de 
Kummer les théorèmes'de Poncelet en prenant pour 
côtés des polygones inscrits des droites appartenant à 
deux des complexes du second ordre dont la surface de 
Kummer est la surface singulière. -— M, Fouret pré- 
sente une remarque sur une communication de 
M. Mannheim, relative aux lignes de courbure des 
ellipsoides. — M. Humbert ajoute quelques observa- 
tions à la communication précédente. 
Séance du 6 Février 1895. 

M. Bioche donne des propriétés caractéristiques des 
surfaces du troisième ordre qui admettent comme 
ligne asymptotique une cubique gauche; il fait égale- 
ment connaitre la condition pour qu'un faisceau de 
coniques soit composé des projections d'une cubique 
gauche. — M. Goursat expose une démonstration nou- 
velle d’une formule de la théorie des fonctions ellip- 
tiques dont il fait l’application au problème de lin- 
version, — M. Balitrand adresse une note sur le 
développement des coordonnées d’un point dans le 
mouvement relatif et sur la courbure des lignes ortho- 
gonales. M. D'OcaGne. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


SCIENCES NATURELLES 


BL. Enill M., B., Professeur adjoint de physiologie, 
University Collège Londres. — Influence de la pesan- 
teur sur la circulation. — L’auteur, après avoir 
présenté une critique des travaux de Blumberg et 
Wagner sur la question et établi qu’on ne pouvait dé- 
terminer le point d’indifférence par leur méthode, ex- 
pose ses expériences qui ont porté sur un malade tré- 
pané, et ensuite sur des chiens. La pression générale 
normale devenait chez eux négative lorsqu'ils avaient 
les pattes tournées vers la terre; positive, lorsqu'ils 
avaient les pattes tournées enl’air. L’auteur a construit 
un porte-animal qu'on peut faire tourner autour d’un axe 
horizontal. La canule en relation avec le vaisseau en 
observation était toujours placée dans cet axe, et en 
rapport avec un manomètre hydrostatique fixe. Les 
moments hydrostatiques et dynamiques ont été re- 
cherchés et isolés en observant soigneusement les 
effets de la section et de l'excitation des nerfs va- 
gues et splanchniques et de la moelle épinière, ainsi 
que l’action des anesthésiques du curare, et de las- 
phyxie. Les expériences ont porté sur des lapins, des 
chats, des chiens et des singes; dans toutes les expé- 
riences, les animaux étaient anesthésiés et placés sur 
une planche avec les membres étendus dans la même 
direction que l’axe longitudinal du corps. Les pressions 
veineuses ont été prises au moyen d’un manomètre 
rempli d’une solution saturée de Mg SO, et en relation 
avec un délicat tambour ou piston enregistreur. La 
pression veineuse cérébrale a été prise au pressoir 
d'Hérophile par la méthode décrite par l’auteur au 
tome LV des Proc. of the N. Soc. Les tracés respiratoires 
ont été pris au moyen d’une large bande de cuir passée 
autour du thorax et en relation à chaque extrémité 
avec un tambour de Paul Bert. Les tracés obtenus ont 
permis d'arriver aux conclusions suivantes : (1) La pe- 
santeur doit être resardée comme un facteur cardinal 
en ce qui concerne la circulation du sang. (2) L’impor- 
tante fonction de compenser les simples effets hy- 
drostatiques de la pesanteur dans les changements de 
position, doit être attribuée au mécanisme vaso-moteur 
splanchnique. (3) Les effets du changement de position 
constituent un critérium très délicat de l’état du méca- 
nisme vaso-moteur. (4) La proportion de la compensa- 
tion dépend largement des différences individuelles. 


196 


(5) La compensation est beaucoup plus complète chez 
les animaux qui se tiennent debout, comme le singe, 
que chez les lapins, les chats ou les chiens, et, par con- 
séquent, probablement beaucoup plus complète chez 
l’homme, (6) Chez certains singes anormaux, il se pro- 
duit une compensation qui surpasse les effets hydrosta- 
tiques. (7) Chez le singe normal et l’homme, la pesan- 
teur ne détermine que de légères perturbations en 
raison de la perfection du mécanisme compensateur. 
{8) Lorsque le pouvoir compensateur est entravé par la 
paralysie des vaso-constricteurs splanchniques, l'in- 
fluence de la pesanteur devient d’une importance capi- 
tale. (9) La position les pieds en bas est beaucoup plus 
grave que la position les pieds en l'air, parce que, 
lorsque le pouvoir de compensation à disparu, le sang 
passe dans les veines abdominales, le cœur se vide et 
la circulation cérébrale cesse. (10) La position les pieds 
en l’air n’a, d’une manière générale, aucun mauvais 
résultat. (11) Les positions horizontales et les pieds en 
l'air font disparaitre la syncope produite par la position 
les pieds en bas en faisant agir la pesanteur dans le 
même sens que le cœur et en rétablissant ainsi la cir- 
culation cérébrale, (12) Le bandage énergique de l’ab- 
domen a le même résultat, tant que le cœur deméure 
normal; aussi longtemps qu'une pression mécanique 
est exercée sur les veines abdominales, la pression 
sanguine ne tombe point, (13) Lorsque le cœur est at- 
teint (empoisonnement par le chloroforme ou le cu- 
rare, etc.), la pression n'est qu'incomplètement res- 
taurée et il peut s'arrêter subitement par l’irruption 
d'une grande quantité de sang déterminée par une 
compression trop rapide de l'abdomen. On impose au 
cœur plus de travail que dans son état d’affaiblisse- 
ment il n’en peut accomplir. (14) L'inhibition sympa- 
thique et l'accélération cardiaque sont des mécanismes 
compensaleurs subsidiaires dans les positions les pieds 
en l'air et les pieds en bas respectivement. (15) Le 
chloroforme paralyse rapidement le mécanisme vaso- 
moteur compensateur et agit sur le cœur, (16) L’éther 
ne paralyse le mécanisme vaso-moteur compensateur 
que très lentement, et seulement à des doses énormes, 
(17) La paralysie vaso-motrice produite par ces anes- 
thésiques dure longtemps après qu'on a cessé de les 
appliquer. (18) Le chloroforme peut, en faisant dispa- 
raître la compensation pour la pesanteur, tuer l’ani- 
mal, s'il est placé de telle facon qu'il ait l'abdomen à 
un niveau inférieur à celui du cœur. (19) L'élévation- 
ou la compression de l'abdomen compense immédiate- 
ment la paralysie vaso-motrice produite par le chloro- 
forme. (20) La compression ou l'élévation de l'abdomen, 
unie à la respiration artificielle et à la compression du 
cœur à travers les parois thoraciques, est le meilleur 
moyen de faire sortir un animal du collapsus chloro- 
formique. Ces résultats concordent entièrement avec 
ceux de Mac Williams, et sont en opposition avec ceux 
de la commission d'Hyderahad. (21) La position les 
pieds en bas inhibe la respiration; la position les pieds 
en l’air l’accélère. (22) Ces phénomènes respiratoires 
résultent probablement de l'excitation des terminai- 
sons des nerfs sensitifs par les changements de tension 
déterminés par les changements de position. La section 
des nerfs vagues le fait en effet disparaitre. (23) Dans 
la position les pieds en bas, la respiration est thora- 
cique et l'abdomen rétracté ; dans la position les pieds 
en l'air, la respiration est diaphragmatique, et l'ab- 
domen se dilate librement. {24) Ces types de respi- 
ration tendent à compenser les effets de la pesan- 
teur sur la respiration, car la rétraction de l'abdomen, 
dans la position les pieds en bas, vient en aide 
mécaniquement aux veines abdominales, tandis que 
les inspirations thoraciques aspirent le sang dans le 
cœur. Dans la position les pieds en l'air, la libre expan- 
sion de l'abdomen enlève tous les obstacles à la dilata- 
tion compensatrice des veines abdominales. 

La dernière partie de ce mémoire est consacrée à 
l'étude des applications médicales, L'auteur suppose 
que la syncope émotionnelle est due à la paralysie de 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


l'aire splanchnique, et il cite un cas où la syncope a 
disparu immédiatement à la suite de la compression de” 
l'abdomen. Le même traitement ou celui de l'élévation 
de l'abdomen peut être appliqué dans le shock, le col: 
lapsus chloroformique, et après les hémorrhagiess 
graves. L'auteur rapproche les résultats auxquels il. 
est arrivé de ceux qu'a obtenus sur l’homme le. 
D: George Oliver en mesurant le diamètre de l'artère 


radiale avec l’artériomètre, : 
SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 11 Janvier 1895. ÿ 


M. le P' Ramsay et M!e Dorothy Marschall, pour. 
étudier les chaleurs de vaporisation de divers liquides 
organiques, se sont servis de petits tubes laissant pas 
sage à un fil de platine, qui permettait ainsi de fairem 
arriver un courant électrique dans le liquide, et, par“ 
ce moyen, de lui communiquer la chaleur nécessaire à4 
sa vaporisalion. Ce petit tube est enfermé à son tour 
dans un manchon plus vaste renfermant de la vapeur 
du même liquide. Avant de lancer le courant, on 
amène le liquide à une température voisine de som 
point d'ébullition, mais qui ne détermine pas encore 
une vaporisation appréciable, Aussitôt que le courant 
passe dans ce liquide, il détermine la vaporisation, ebl 
toute la chaleur produite par le courant est employée 
pour vaporiser le liquide, Pour deux liquides, la quan: 
tité de chaleur totale dépensée, divisée par les quan=" 
tités de liquide réduites à l’état de vapeur, est égale àl 
la quantité de leur chaleur latente de vaporisations 
Comme liquide témoin, les auteurs préfèrent l'alcool à 
l’eau à cause de son point d’ébullition qui est moins” 
élevé et se produit plus uniformément. — M. Eumor- 
fopoulos : Sur la détermination de la conductibilité eb 
de l'émission de la chaleur. — M. A.-W. Porter : In 
fluence exercée par les dimensions d’un corps sur 
l'émission de chaleur exercée par sa surface. On croit 
généralement que, pour un corps placé dans le vide ou 
dans l'air, son pouvoir émissif est indépendant de ses” 
dimensions, Les résultats expérimentaux obtenus par, 
Péclet pour le cylindre et la sphère de différentes di=n 
mensions démontrent bien, toutefois, que l’on doit 
tenir compte des dimensions dans l’évaluation du pou: 
voir émissif pour la chaleur, Dans ses expériences sur 
des barres de métaux, l’auteur est arrivé à la même 
conclusion que Péclet, Ayrton et Kilgour, et il a pun 
établir que ce pouvoir émissif pouvait être représenté 
par la formule : 


e = h + 


c 
a (logR — loga) 


dans laquelle e est le pouvoir émissif; 4, le rayon der 
la barre ; R, le rayon du cylindre creux entourant cette 
barre et dont on a calculé l'excès de température; À ebn 
e sont des constantes. — M. G.-U Yule : Sur le pas: 
sage d’une onde électromagnétique tombant en incis 
dence normale sur une plaque conductrice diélectrique: 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


M.J. Y. Buchanan F. R.S. : Sur l'usage de la sphère 
dans les études cristallographiques, L'auteur montre 
que dans les études cristallographiques on peut, comme 
dans les études astronomiques, se servir d'une sphère. 
suc laquelle on peut tracer et mesurer des figures) 
et des ares. Cette application peut servir dans tous 
les cas où on a d'habitude recours. à la trigonométrie. 
sphérique, — M. H. J. H. Fenton : Sur une nouvelle, 
méthode de préparation de l'acide dihydroxytartrique 
et de l'emploi de cet acide comme réactif pour les come 
posés du sodium, Ce réactif est très sensible pour le 
sodium et ses composés et ne réagit pas avec les sels 
de potassium ou d'ammonium. — M. Alfred C. Clap- 
man : Sur une huile essentielle du goudron, —1 
MM. Francis, R.JappF.R.S.: Réactions des dikétones 
1,2, sur les amines primaires de la formule générale 


G H2. Az H, (2° communicalion). La benzyle et l'é- 
lamine réagissent entre elles suivant l’équation : 
Hs.CO CSHS.CAz(C2H5) 
nn |+2C°H5AzH?— I 
B6H5.CO C5H*.C Az 
ï produisant une N éthyl-diphénylw méthylimidazol. 
L'iodure d’éthyle fournit un dérivéde l’iodure d’ammo- 
nium quaternaire : 


Dc.cH5-+2H°0-+H: 


C6HS.C.AzI(C2H°} 
I > C.CHS 
C5H5.C—— A7 
. méthylamine donne avec la phénanthrènequinone 
a N méthyl-diphenylène imidoazol. 
* Enfin la phénanthrènequinone etla benzylamine réa- 
_gissent suivant l’équation : 


| CSH4.CO CSH5.C. O\ 
je | -- CSH°CH2AzH? — |  C.CcH5+ H20 + H° 
 CHt.CO CSH4.C.Az/ 


en même temps qu'il se forme un composé plus soluble 
ayant un point de fusion plus élevé et qui a probable- 
à ment pour formule : C?# H!7 Az 0. — M. R. Meldola 
 F.R.S.et F. W. Streatfield : Sur les isomères du dini- 
trodiazobenzène etleurs points de fusion. — M. Edward 
 Schunck EF. R.S. : Sur la matière colorante jaune de la 
| Saphora Japonica. e 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE 
] 


Séance du 18 Janvier 1895. 


L 
4° SciENcES PHYSIQUES. — M, G. Jaumann : Varialion 
du potentiel donnant des élincelles. — MM. Boltzmam 
et Bryan : Analogie mécanique de l’équilibre de la 
chaleur entre deux corps au contact. — MM. Elster et 
H. Gestel : Observations électriques faites au sommet 
du Sonnblick. — M. Wilhelm Kaiser : Appareil simple 
pour soumettre à l’électrolyse les corps examinés au 
microscope, et applicable particulièrement à l'étude 
électro-physiologique des infusoires et des bactéries. — 
M. Frenkna : 1° Sur une relation étroite entre l’excen- 
 tricité des orbites des huit planètes principales et 
l'excentricité des orbites de laiTerre et de la Lune; 
29 Lois générales des aplatissements des ellipsoïdes de 
rotation et relation particulière entre les aplatisse- 
ments de la Terre, de Jupiter et de Saturne.— M. Adolf 
-Kratshemer : Les mouvements cachés dans la nature. 
Mémoire contenant les bases d’une nouvelle chimie. 
— M. Wenieck adresse plusieurs reproductions pho- 
tographiques parlielles de la Lune, obtenues en gros- 
sissant les épreuves de MM. Lœwy et Puiseux, au 
grand équatorial coudé de Paris, et supérieures aux 
épreuves antérieures provenant de l’observaloire de 
Eick. — M. Konrad Natterer : Examen chimique de 
Veau de la mer de Marmara, prise à des profondeurs 
variées, Expédition faite à bord du Taurus, — MM. Lipp- 
mann et Fleissner : Sur l’apoquinine et son éther, 
— M. Philipp Heberdey : Etude des cristaux artificiels 
de bismuth et d’antimoine formés dans certaines opé- 
 ralions métallurgiques. — M. Léon Donciu : Action du 
chloresur l’éthylène glycol. A 140-180° il passe la chlo- 
rhydrine correspondante et il reste un mélange de deux 
composés : l’un C2H?(0?C?H'} est un acétate, l’autre est 
un alcool polyéthylénique. — M. Rudolf Andreasch a 
: préparé l'acide diméthylviolurique par l’action de l’hy- 
; droxylamine sur le diméthylalloxane et prépare tous 
ses sels, qui sont d’une beauté remarquable. L’oxyda- 
tion fournit l'acide diméthyldiliturique dont les sels 
eristallisent bien et ont une couleur jaune verdâtre. 
20 SCIENCES NATURELLES. — M. Haberlandt : Re- 
cherches anatomiques et physiologiques sur les feuilles. 
Organes absorbant etéliminant l’eau (2°communication). 
— M. Fuchs : Etudes sur les fucoïdes, — M. Rudolf 
:Sturany : Liste de la détermination des mollusques 
recueillis par M. Natterer lors de son expédition sur la 
mer de Marmara à bord du Taurus, — M. V. Ebnor : 
Anatomie des Cyclostomes. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 197 


ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM 


Séance du 26 Janvier 189+. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H.-G. van de Sande 
Bakhuyzen s'occupe des marées au Helder, à Ymui- 
den et au hoek van Holland. D’après la méthode de 
l'analyse harmonique, développée par M, Darwin (Report 
ofthe British Association, 1883), il décompose les varia- 
tions irrégulières des angles horaires du soleil et de 
la lune en une série de mouvements à termes périodi- 
ques, dépendant d’arcs proportionnels au temps et de 
coefficients constants. La somme de ces termes pério- 
diques, connue sous le nom de marées astronomiques, 
fait connaitre la hauteur des marées, si cette hauteur 
est une fraction insignifiante de la profondeur de la 
mer; en des eaux peu profondes, la hauteur des ondes 
est modifiée considérablement, D'abord, la forme si- 
nusoïdale des ondes varie en une courbe représentable 
par une série de termes périodiques dont l’accroisse- 
ment des arcs dans l’unité de temps est un multiple 
de celui de l'onde originale; ces ondes portent le nom 
de marées accessoires. Ensuite, l’interférence de deux 
ondes, pour lesquelles l’accroissement des ares est 
différent, fait naître des ondes nouvelles pour les- 
quelles l'accroissement des arcs est la différence et la 
somme des accroissements des ondes originales; on 
les appelles marées composées. Et enfin, on parle de 
marées météorologiques causées par des variations an- 
nuelles régulières de la pression atmosphérique, de la 
température et de la force du vent. Les résultats dé- 
posés dans des tables sont représentés graphiquement 
dans le tableau suivant (fig. 1): 


Æ É È 


. — Tubleau de diverses marées. 


ch = 
# | _ 


Ce tableau fait ressortir le caractère particulier des 
marées au Helder, Après avoir atteint une hauteur 
maximum, le flux s'abaisse pendant une heure et 
regagne un second maximum après deux heures. L’au- 
teur réfute l’opinion courante qui voit dans cette par- 
ticularité l'effet de l’interférence de deux marées dif- 
férentes qui se propagent de l'océan Atlantique vers 
la mer du Nord et dont l’une prend sa course par la 
Manche, tandis que l’autre vient de la frontière sep- 
tentrionale de l’Ecosse. II démontre que le phénomène 
est causé par l'influence des marées accessoires de la 
lune. A Ymuiden et au hoek van Holland, ces mêmes 
marées accessoires, au lieu de causer deux maximums, 


198 


font naître des courbures anormales de la courbe ascen. 
dante ou descendante, — Ensuite, M. Bakhuyzen pré- 
sente un mémoire de M. H.-J. Zwiers intitulé : « Re- 
cherches sur l'orbite de la comète périodique d'Holmes 
et sur les perturbations de son mouvement elliptique. » 
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals : 
Sur la signification cinétique du potentiel thermody- 
namique. D’après la thermodynamique, Les trois quan- 
tités, température, pression, potentiel thermodyna- 
mique, ont la même valeur dans chacune des deux 
phases d’une même matière qui se trouvent en équi- 
libre l’une avec l’autre dans un même espace. Quand 
le système est influencé par des forces extérieures, la 
pression varie dans l’intérieur des masses de chaque 
phase; néanmoins, elle acquiert les mêmes valeurs, 
de part et d'autre de la surface de contact, D’un autre 
côté, la théorie cinétique à démontré la nécessité de 
l'égalité des températures et celle des pressions, même 
dans des cas plus généraux. Elle fait voir que l’état 
stationnaire exige que la force vive moyenne ait la 
même valeur par tout l’espace. Bien qu'à présent la 
démonstration ne porte que sur l'état gazeux raréfié, 
la théorie cinétique a le mérite d’avoir traduit la 
condition de l’égalité des températures par la condition 
plus intuitive de l'égalité de la force vive moyenne, 
Au contraire, elle s’est peu occupée de la condition de 
l'égalité des potentiels thermodynamiques. Pourtant, 
cette égalité a une signification évidente dans le 
langage de la théorie cinétique. L'égalité des tempé- 
ratures et celle des pressions sont des conditions 
d'équilibre pour chacune des deux phases consi- 
dérées séparément. La nouvelle condition pour 
qu’elles soient en équilibre l’une en contact avec 
l’autre, s'exprime par l’égalité des nombres de molé- 
cules qui traversent une partie de la surface de con- 
tact de part et d'autre. Donc, il faut que légalité des 
potentiels thermodynamiques, üéduite de considéra- 
tions thermodynamiques, mène à des équations qui 
exprimentl’égalité des nombres de molécules échangées 
par les deux phases (voir Kamerling Onnes, Mém. 
d'Amsterdam, 1881). L'auteur démontre cette thèse, 
d'abord pour le cas d’une matière unique, ensuite 
pour un mélange de deux matières. Enfin, il fait 
voir que, dans le cas du mélange, la matière dont la 
transmission dans la seconde phase exige le plus 
grand travail, est en abondance dans la première phase. 
— M. van der Waals présente encore un mémoire de 
M. P.-H. Dojes intitulé : « Sur la théorie de la radia- 
tion en rapport avec la représentation de Fourier. » 
M. H. Kamerlingh Onnes fait un rapport relatif aux 
mesures de M. L.-H. Siertsema sur la disper- 
sion rotatoire magnétique dans l’oxygène, faites au 
laboratoire de physique de Leyde, L'appareil, décrit 
dans une communication antérieure (voir Rev. génér., 
t. IV, p. 519), est perfectionné à plusieurs points de 
vue; il a servi à mesurer les rotations magnétiques 
de l'oxygène à une pression de 100 atmosphères. 
L'oxygène est préparé par l'électrolyse. Les mesures 
se font d’après une méthode connue en analysant, à 
l’aide d’un prisme de verre, la lumière qui vient de 
traverser le polarisateur, le tube d'expérience et l’ana- 
lyseur. Alors, on observe un spectre et une bande 
noire, Un courant, d’une intensité comprise entre 35 et 
65 ampères, donne des rotations d'environ 3 à #. Le 
résultat, représenté dans la fig. 2, s’exprime très bien 

par la formule : 
u)  —= 


LE 


868,028 0,07202 
ne Gros 


où À représente la longueur d'onde en millièmes de 
millimètre; w à une erreur moyenne de 17,5. Cette 
formule se déduit de l'équation : 


C Dh) 
w = — (r— ns) 
À DÀ 


de Mascart. La rotation du violet est à peu près le 


ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES à 


M 


2: 
\ 


double de celle du rouge, contrairement au résultat 
donné par M. H. Becquerel. Ensuite, des mesures sont 
faites sur l’air, et la dispersion rotatoire de l'azote 
en est déduite par extrapolation. Cette dispersion | 
s'exprime par la formule : | 


560,41 
= (: 


D —= 


+) 
À 


)2 


avec une erreur moyenne de 19,1. — Ensuite, M. Ka- 
merlingh Onnes fait deux communications de la pa 


= 
© 
= 
= 


Rotations 


#00 #50 500 550 800 650 100 
Longueur d'onde. 
Fig. 2. — Rotalions magnétiques de divers gaz. 


de M. P. Zeeman : {° Mesures sur le phénomène del 
Kerr dans la réflexion polaire normale sur le fer et le 
cobalt. D'une série de recherches antérieures, il résul- 
terait qu’on peut déterminer la phase dans le phéno- 
mène de Kerr au moyen de la théorie de M. Lorentz 
en ajoutant à la phase calculée une quantité à peu 
près constante dans de très grandes limites de l'angle 
d'incidence, la phase S, dite de Sissingh. Néanmoins, 
une discussion graphique des résultats obtenus sur le 
nickel semblait indiquer que S diminue avec l’angle 
d'incidence, Mais, avant de décider cette question, il. 
fallait combler une lacune, Le domaine des angles 
d'incidence de 50° à 0° pour le fer, de 43° à 0° pour le 
cobalt et de 25° à 0° pour le nickel, restait à explorer. 
L'auteur à réussi à mesurer la phase à des angles d'in- 
cidence très petits à l’aide du procédé de Sénarmont” 
avec une plaque de quartz taillée parallèlement à l'axe, 
la méthode des rotations à zéro et au minimum n'étant. 
plus applicable. Par les formules de E. Wiedemann-* 
Kirchhoff, l'épaisseur optique de la plaque peut êtres 
éliminée. De cette manière, l’auteur trouve, en dehors 
des limites antérieures, une valeur plus petite de S* 
pour le fer et le cobalt. En somme, on ne saurait affir- 
mer qu'une des théories proposées explique complète- 
ment le phénomène de Kerr. D’ailleurs une théorie 
complète aura à expliquer pourquoi la succession des 
valeurs de $S pour le fer, le nickel, le cobalt, et proba-" 
blement la magnésite, coïncide avec celle des maxima-! 
de leurs magnétisations, 2 Détermination des cons-" 
tantes optiques de la magnésite, — Enfin, M. Kamerlingh 
Onnes présente une note préliminaire de M. A. Le 
bret sur la variation du phénomène de Hall avec la! 
température, En opposition aux résultats de MM, Drude 
et Nernst, l’auteur trouve une relation à peu près 
linéaire entre la température et l'effet de Hall, —"\ 
M. G. van Diesen : Marée orageuse à Scheveningues 
le 23 et le 24 décembre 1894. — M. A.-P.-N. Franchi- 
mont fait une communication sur une nouvelle classe) 
de dérivés de l’urée, Aidé par M. van Brenkeleveen,… 
l'auteur a commencé à préparer et à étudier les uréo-\ 
alcools ou uréols, dont on ne connaissait jusqu'ici aucun 


CHRONIQUE 


199 


exemple. Pour cela, il a transformé le 2 chloréthanol 
(cklorhydrique du glycol), en le chauffant avec un 

- grand excès d’une solution alcoolique d’ammoniaque, 
en chlorhydrate de 2 amino-éthanol, qui fut traité 
avec l’isocyanate de potassium. L'uréo-éthanol 2, ainsi 
obtenu, recristallisé par l’alcool absolu ou par lalcool 

- isobutylique, forme des cristaux incolores fondant 
- à 95°. Il est très soluble dans l’eau, les alcools méthy- 
lique et éthylique, peu soluble ou insoluble dans les 
alcools plus élevés et dans la plupart des dissolvants 

- organiques ordinaires. Sa combinaison avec l'acide 
- azotique est très soluble dans l’eau; portée dans 
« l'acide azotique pur, refroidi par de l’eau, elle dégage 
resque immédiatement un mélange de protoxyde 

…— d'azote et d’acide carbonique sans aucune trace de 
LS vapeurs rutilantes, et la solution, rendue alcaline par 
… du carbonate de sodium, cède à l’éther un corps 
. liquide qui, chauffé avec la potasse pure, fournit un 
… azotate. Gette réaction prouve que le corps possède la 
… fonction d'urée et aussi celle d'alcool, comme l’in- 
dique la formule : CH?0H—CH?—AzH—CO—AzH?. 


L’uréo-éthanol donne, par le chlorure de berzoyle et 
la soude en solution aqueuse, un benzoate qui, cristal- 
lisé par le benzène, fond à 129. Il possède, très 
probablement, la fonction d’urée, tandis que celle 
d'alcool s’est transformée en benzoate, Chauffé avec 
l’anhydride acétique et l’acétate de sodium fondu, 
l'uréo-éthanol fournit un dérivé diacétylique se fon- 
dant à 102°. L'auteur est en train de préparer un 
autre membre de cette série de corps, l’uréo-propanol 3. 
— M. S. Hoogewerff montre un appareil pour le 
jJaugeage des cornues, des pipettes et des burettes, 
inventé par M. J. Boot et construit dans l’atelier Kobb 
à Stützerbach,en Thuringe. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Th.-W, Engelmann 
présente un mémoire de M. H.-J. Hamburger intitulé : 
« Ueber die Reglung der osmotischen Spannkraft von 
Flüssigkeiten in Bauch-und Pericardialhôhle » (Sur 
la régularisation de la tension osmotique dans les 
cavités ventrale et péricardiale). — Rapport annuel de 
la Commission géologique. 

P. SCHOUTE. 


CHRONIQUE 


L'ARGON ET LE SYSTÈME DES ÉLÉMENTS 


La découverte de l’argon, dont nous avons publié 
tous les détails !, suscite la revision d’une des ques- 
tions les plus élevées de la philosophie chimique : la 
relation que l’on soupconne exister entre les poids 
atomiques et les propriétés des corps simples. Deux 
savants chimistes, le D° Gladstone et notre éminent 

. compatriote, M. Lecoq de Boisbaudran, viennent de 
… publier, à ce sujet, des remarques d’un haut intérêt, 

que nous croyons utile de reproduire ici. 
…_  Rappelous d’abord, pour permettre de suivre leur 
. critique, la loi de Mendeléeff, Si l’on écrit les noms 
- des éléments à la suite les uns des autres selon l’ordre 
crvissant de leurs poids atomiques, on observe, dans 
… cette succession linéaire, des séries de corps où les 
_ propriétés se reproduisent régulièrement après un 
… certain accroissement de poids. En disposant ces sé- 
… ries sous forme de rangées horizontales situées les 
… unes au-dessous des autres, de telle sorte qu’elles con- 
… tinuent de se suivre dans l’ordre croissant des poids 
… atomiques, on peut grouper dans des colonnes verti- 
… cales les corps similaires des diverses séries ou pé- 
… riodes. On obtient ainsi la table de Mendeléef(page 200). 
_ . Si cette table résume effectivement une loi de la 
Nature, les lacunes qu'elle présente doivent corres- 
pondre à des éléments encore inconnus, dont elle 
prédit les poids atomiques et les propriétés domi- 
nantes. Depuis de longues années, cette idée n’a cessé 
de guider les chimistes, Doit-elle encore élairer la 
marche de la science, ou convient-il, dans ce but, de 
la modifier? Tel est le grave problème qui se pose 

_ actuellement. 

Sans voulcir traiter un tel sujet d’une facon com- 
get MM. Gladstone et de Boisbaudran lui consacrent, 

e premier dans le journal anglais Nature, le second 
dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, les 
importantes considérations que voici : 


Remarques du D° Gladstone. — « L’admirable découverte 
de l’argon par lord Rayleigh et le Pr W. Ramsay fait surgir 
une foule de questions, principalement la suivante : L’argon 
est-il un corps simple ? Si oui, quels sont ses rapports avec 
les autres éléments? 

« Certains inelinent à le considérer comme un état allo- 
tropique de l’azote, de même que l'ozone est un état allo- 
tropique de l'oxygène. Mais, jusqu'à constatation d’une 


! Voyez dans le dernier numéro de la Revre le Mémoire 
de Lord Rayleigh et du Pr W. Ramsay, et ceux de MM. W. 
«Crookes, Olszewski et Dewar, et la discussion qui a suivi 
à la Société Royale de Londres. 


telle transformation de l'azote, l’argon a tous les droits de 
figurer sur la liste des éléments. 

« Au premier abord, le fait de donner naissance à deux 
spectres, suivant les circonstances, semblerait militer en fa- 
veur de l'hypothèse de deux corps compris dans le gaz aujour- 
d'hui nommé argon. Mais cet autre fait que les deux 
spectres offrent 36 lignes communes qui ne comptent pas 
toutes parmi les plus fortes, me parait constituer un argu- 
ment en faveur de l’unité fondamentale du corps. 

« Si l’argon est un élément, quelle est sa place dans la 
table de Mendeléeff? C'est là une grosse question qui va pas- 
sionner physiciens et chimistes. La densité de l’argon lui 
assignerait 20 comme poids atomique ; mais, puisque la 
détermination de la vitesse du son dans ce gaz semble con- 
duire à doubler ce chiffre, les problèmes suivants se posent : 

« Dans l'hypothèse où le poids atomique serait 20 : 

« 19 L’argon remplirait une place actuellement vacante 
dans la table de Mendeléeff, à l'extrémité de la série hori- 
zontale qui va de l'hydrogène au fluor, et au sommet de la 
huitième colonne verticale, séparé du fer par une série hori- 
zontale ; 

«29 L'argon suivrait.la loi périodique quant à son point 
de fusion. Ce point serait à très basse température comme 
pour l'azote, l’oxygène et le fluor; or, tel est le cas; 

« 39 L'argon suivrait aussi Ja loi au point de vue de son 
volume atomique. Ce volume serait petit, et il semble en 
être ainsi ; 

« 40 Un trait saillant de l’argon est de ne pas former de com- 
posés stables à température élevée aux environs de son point 
d’ébullition; c’est là une propriété commune aux éléments 
de la huitième colonne; 

« 50 Le poids atomique 20 (ni 21, ni 22) s’accorde bien 
avec la loi de périodicité dans la colonne où se rangerait 
l’argon. 

« D'autre part, si le poids atomique devait être fixé à 40, 
on se trouverait en présence des sérieuses diflicultés que 
voici : : 

« 1° On ne saurait où le ranger; le placer juste avant ou 
juste après le calcium dérangerait toutes les séries subsé- 
quentes ; 

« 20 La périodicité relative au point d’ébullition serait 
rompue ; 

«30 La loi périodique serait aussi atteinte au point de 
vue du volumé atomique ; 

« 4° L’inactif argon se trouverait rapproché des métaux 
des terres, métaux qui forment des combinaisons d’une 
remarquable stabilité; 

«59 Les poids atomiques de trois éléments : potassium (39), 
calcium et argon (39,9 environ) différeraient entre eux de 
moins d’une unité, ce qui serait une anomalie. 

« À l’encontre de ces considérations se dresse le puissant 
argument tiré du rapport des chaleurs spécifiques de l'ar- 
gon. Pour apprécier les valeurs respectives de ces hypo- 
thèses, je n'attends rien des raisons à priori ci-dessus, sur- 
tout en l'absence de détails relatifs aux expériences sur la 


200 


CHRONIQUE 


vitesse du son, et avant que nous ayons quelques notions 
sur les composés de l’argon. Aucune conclusion sûre n’est 
possible auparavant. Il ne s’agit pas d'opposer en une telle 
question la Physique à la Chimie, car la vraie théorie de la 
place de l’argon parmi les éléments devra s'accorder avec 
tous les faits que le physicien et le chimiste s'appliquent 
l’un et l’autre à relever. » 


Voici maintenant les considérations que développe 
M. Lecoq de Boisbaudran : 
Remarques sur les poids atomiques. — « Depuis bien long- 


temps, je m'occupe de chercher des relations entre les poids 
atomiques des éléments et, si je n'ai pas encore publié mon 


« Les corps 20,0945 et 36,40 doivent être relativement 
abondants dans la Nature ; mais le corps 84,01 cet surtout le 
corps 132,71 y doivent être rares. 

« L'élément 36,40 doit être plus volatil que le soufre et 
l'élément 20,0945 plus volatil que l'oxygène. Enfin, les élé- 
ments 84,01 et 132,71 doivent être respectivement plus vola- 
tils que le sélénium et le tellure. k 

« Au moment de présenter cette Note à l'Académie, je-ls, 
dans la Revue générale des Sciences, le mémoire de MM. Ray- 
leigh et Ramsay, et j'y vois que ces savants ont peusé à 
rattacher l’argon à une famille qui viendrait prendre le hui- 
tième rang dans la classification de M. Mendeléeff. Il me 
semble qu'ils ont parfaitement raison. Les considérations 


Table de Mendeléeff 
VII VII 
H Li G1 (?} Bo (Ce Az O0 FI 

Poids atomriques............. 7 9.3 11 2 1% 16 19 
DIHéLENCE SEE eee ce 16 14.7 16.5 16 17 16 16.5 

Na Ma Al Si Ph S CI 
Poids atomiques............. 23 24 27.5 28 J1 32 39.0 
ERFODENCLS Aer ape eniieee 16.1 16 20 20.3 20.4 419257 

K Ca Se Ju V Cr Mn Fe Co Ni 
Poids atomiques............. 39.1 40 4% (?) 48 5178 52.4 55.2 56 5 59 
Diners rein De 24.4 | 25 2 ( 21.7 | 25.6 | 24:8 

Cu Zn Ga (?) (?) As Se Br 
Poids atomiques............. 63.5 65 68 71 75 18 s0 
Différences etre ceree NÉE) 22.5 19 17.8 19 

Rb Si A(H(L) Zr Nb Mo (?; Ru Rh Pd 
Poids atomiques............. 85.4 87.5 $9.6 9) 9% 95.8 99 103.5 104.1 105.2 
DiTÉTeNCeS- cesse 22.5 24.5 23.4 28 28 322 

Ag Cd In Sn Sb Te I 
Poids atomiques... ....""".. 107.9 112 113 118 120 128 127 
Différences.2e 2er 24.7 25 24 21 19 

Cs Ba Ce La Di 
Poids atomiques eue crce 132 6 137 157 139 147 » 

(?). (& Er (?) C2) Ta W (?) Os Ps Pt 
Poids-atomiques............. 165(?) | 469 (?) | 470.6 175 (?) | 182 18% 198.6 195.7 196.7 
Poids atomiquesi.=#"...... 


essai de classification des corps simples, c’est que cette étude 
présente de grandes difficultés et que les erreurs sont aisées 
à cornmettre. On trouve parfois des relations intéressantes 
en classant les éléments suivant des systèmes non seulement 
différents, mais incompatibles. 

« Telle qu’elle était il y a quelques années, cette classi- 
fication a donné le poids atomique du gallium avec une 
exactitude très satisfaisante et m'a permis de modifier assez 
heureusement le poids atomique du germanium, alors déter- 
miné provisoirement par M. Winkler sur une matière encore 
impure, 

« Ces deux petites réussites seront, je l’espère, mon excuse 
auprès de l’Académie, si j'ose lui transmettre aujourd'hui 
certaines déductions de ma théorie qui semblent pouvoir se 
rattacher à la question de l'argon. 

« Le corps si brillamment découvert par MM. Rayleigh et 
Ramsay vient peut-être, en effet, prendre place dans une fa- 
mille d'éléments dont aucun terme n’était encore connu. 

« Cette famille, dont ma classification parait permettre de 
supposer l'existence, serait de nature métalloïdique et com- 
prendrait des éléments ayant pour poids atomiques : 

36,40 + 0,08; 84,01 + 0,20 ; 132,71 +0,15, 
si l'on prend arbitrairement 0 = 16, 

« L’atomicité de la nouvelle famille serait théoriquement 
paire (octo-atomique), mais les éléments qui la composent 
semblent devoir être privés de Ja faculté de se combiner aux 
autres éléments. 


20,0945 ; 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


d'après lesquelles j'ai présupposé l'existence d’une nouvelle 
famille métalloïdique et octo-atomique ne sont point les 
mêmes que celles qui ont conduit M. Mendelteff à sa classi- 
fication, mais elles ne leur sont point contraires; loin de là. 
Ce sont des points de vue différents qui permettent, je le 
crois, de voir différents côtés d’une mème vérité et dont cha- 
cun présente des avantages spéciaux. Ma classification se 
réclame de l'avantage de permettre le calcul, exact ou très 
approché, des poids atomiques. » 


On voit combien les recherches dont l'argon va être 
l'objet dans tous les laboratoires de Chimie promettent 
d'être intéressantes. Nos lecteurs se rappellent que 
lord Rayleigh et le Pr Ramsay ont réservé la question 
de savoir si, leur gaz étant formé de molécules mono- 
atomiques, tous les atomes qu'il contient se rapportent, 
à un seul élément ou à deux, Si la justesse de la se- 
conde hypothèse venait à être établie, les poids ato- 
miques des deux éléments seraient peut-être très dif- 
férents l’un de l’autre et donneraient lieu, dans ce cas, 
à une tout autre revision de la table de Mendeléeff, 

Louis OLIVIER. 


Erratum. — Dans le dernier numéro de la Revue, 
p. 131, le nom de M. J. Drach a été imprimé Drack au 
lieu de Drach,. 


Le  Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER. 


6° ANNÉE 
L 


a —— 


Ê 

à 
£. 
: 


N° 5 


re 


15 MARS 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENC 


# 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE À L'ÉTRANGER 
LABORATOIRES NOUVEAUX 


Dans un travail publié à l’occasion de l’Exposi- 
- tion de Chicago !, nous avons exposé, d'une facon 
très succincte, les réflexions que nous a suggérées 
- l'état actuel de l'Industrie chimique dans l’ancien 
- el le nouveau monde. Nous avons fait voir, en 
$ nous appuvant sur des documents aussi précis que 
le comporte la matière, la situation respective des 
. diverses nations rivales de l'Europe, etavonsenfin 
… insisté sur les causes principales de la supériorité 
“incontestable et incontestée de l’industrie chi- 
- mique de l’une d’entre elles. 
Notre exposé ? s’adressait non seulement aux 


1 Rapport fait à M. le Ministre du Commerce et de l’In- 
dustrie. Paris, Imprimerie nationale. 2° édition en cours de 
publication chez MM. J.-B. Baillière, Paris.— Revue générale 
des sciences du 15 juillet 1894, p. 473. 

? Qu'il nous soit permis de faire remarquer que le cri d'a- 
larme jeté par M. Haller a été entendu beaucoup plus qu'il 
ne se le figure. Les articles qu’il a publiés ici-méme et celui 
que M. Moissan a consacré, dans cette Revue, à son Rapport, 
ont vivement ému, en France, les pouvoirs publics, le corps 
enseignant et les chefs de la grande Industrie. 

Les nombreuses lettres, les demandes de reproduction que 
nous avons reçues à ce sujet, l'importance que la presse, 
française et étrangère, a accordée à ces articles, ne laissent 
aucun doute sur le grand retentissement qu'a eu dans le 
monde entier et surtout en France la patriotique angoisse de 
M. Haller. La campagne de réformes qui se prépare en ce 
moment en vue du relèvement de notre industrie par la 
science, campagne à laquelle la Revue tient à honneur de coo- 
pérer, a eu pour point de départ la courageuse initiative de 

- notre éminent collaborateur. I] est de notre devoir de le dire, 
“alors que sa modestie et son ardent désir de progrès lui dis- 
Simulent les résultats naïssants, mais pourtant très nets, de 
ses efforts. Louis Orivier. 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


Pouvoirs publics, mais encore aux Industriels et 
aux particuliérs, et avait pour but d'appeler l’at- 
tention de tous les hommes soucieux de l'avenir 
de notre pays, sur l'organisalion et l'esprit de nos 
Ecoles, partant, sur la nécessilé, qui s'impose, 
de différencier les études suivant les aptitudes qui 
se révèlent chez les intelligences appelées à servir 
d'auxiliaires à l'Industrie. 

Résumons, à nouveau, en quelques mots, l’es- 
prit qui préside, chez les différentes nations envi- 
sagées, à l'éducation de cette parlie de la jeunesse. 

Il 

De toutes les nations de l'Europe, l'Allemagne est 
celle où la spécialisalion a été poussée le plus loin, 
dans toutes les branches du domaine intellectuel. 
Cette éducation, que nous ne pouvons nous empê- 
cher de considérer comme défectueuse, au point 
de vue de la haute culture et quand il s'agit de 
former des esprits synthétiques, a, jusqu’à pré- 
sent, produit les meilleurs résultats dans la pra- 
tique industrielle, grâce à une conception très 
pette et à une organisation très judicieuse de la 
division du travail. Lechimiste ne franchit la porte 
d’une usine qu'après avoir fréquenté les Universités 
oules Ecoles polytechniques et leurs laboratoires, 
y avoir fait ses preuves, et s'être assimilé de la 
science théorique tout ce dont il pourra avoir be- 
soin dans la suite. Aussi le peuple allemand, té- 
moin des succès obtenus avec son système d'ins- 


5 


202 


truction, est-il fier de ses Écoles et de ses savants, 
et ne leur marchande-t-il ni les subventions ni la 
considération. 

En Angleterre, les mœurs sont tout autres : 
futur chimiste éntre dans l'Industrie sans pré- 
paration préalable, se familiarise avec les pro- 
cédés en usage dans les usines et s’inilie plus 
lard, quand il en a le temps et le courage, aux 
parlies de la science qui peuvent lui être dequelque 
ulilité dans le cours de sa carrière. 

A part quelques esprits éclairés, et en dehors des 
milieux scientifiques, la population, comme les 
pouvoirs publics, se désintéresse du haut ensei- 
gnement, s’il n’est purement classique. Constatons 
cependant qu'un revirement semble se produire, 
depuis que l'Industrie anglaise est si vigoureuse- 
ment malmenée par sa rivale allemande". 

En Amérique, où l’adage lime is money hante les 
cervelles dès l'enfance, où les efforts de toute la vie 
tendent vers la conquête des richesses, le futur chi- 
miste ou ingénieur, après avoir fait des études aussi 
sommaires que variées dans les 4iy4 schools, va de- 
mander aux Universités la science strictement né- 
cessaire pour pouvoir tirer parti de la richesse que 
lui offre lesol et de celle qu'une industrie naissante 
peut lui fournir. Il ne se soucie guère dela haute 
culture, et, confiant dans son énergie, il ne consi- 
dère ses acquisitions intellectuelles que comme des 
armes auxiliaires dans la lutte pour l'existence. 

Dans ce pays d'initiative, où l’on a cependant, 
dans certains milieux, une juste intuition des 
ressources que recèle la science, la générosilé pri- 
vée offre des millions de dollars par an pourfonder 
et doter les Universilés, et le peuple contribue à 
leur succès, par l’intérét moral qu'il leur Bone et 
le respect dont il les entoure. 

En France, notre centralisalion à outrance a fait 
de la Capitale la grande éducatrice de tout ce qui, 
intellectuellement, doit contribuer au progrès de 
la Science et de l'Industrie. Nos écoles de Paris ont, 
pourainsidire, gardéle monopole del’Enseignement 
supérieur, el se considèrent encore, dans une cer- 
laine mesure, comme les dispensatrices de toute 
Le même 


le 


vraie science. 
faire l'ingénieur, le mécanicien, l'artilleur, le phy- 
sicien, le chimiste, le professeur, ete. 
élant que l'élève sortant de ces Ecoles ait une forte 
qu'il soit avant tout un 
esprit dislinqué, un esprit encyclopédique. W est cela, en 
effet, etnous pouvons dire, sans exagération, que, 
par la variété et l'élévation des connaissances ac- 
quises, nos Ingénieurs et nos Professeurs tiennent 


ioule sert d’aillèeurs pour 
I 
l'essentiel 


éducation mathématique, 


1 Ce revirement est, depuis quelques années, très prononcé 
et mérite toute notre attention. La Revue lui consacrera un 
article spécial. (N. de la Direction.) 


A. HALLER — L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE A L'ÉTRANGER 


une place des plus honorables, sinon la première, … 


parmi leurs confrères internationaux. Mais cette 
éducation à outrance des polytechniciens et des 
normaliens en particulier, a étouffé tout esprit d’i- 
niliative, et, par suite du monopole inflexible dont 
nee les premiers et des privilèges qui at- 
tendent les autres, l'effort intellectuel produit à 
20 ans est un litre suffisant à toutes les situations 
qu'ils peuvent briguer dans le cours de leur exis- 
tence. À moins de se révéler comme un génie, 
dès le début de la carrière, les travaux person- 
nels, originaux, sont considérés par beaucoup 
d'entre eux comme des passe-temps inutiles. C’est 
le maudarinat implanté systématiquement, et on 
sait où il mène les peuples qui en sont affligés. A 
ces Ecoles, on peut appliquer ce que M. Liard dit 
avec beaucoup de justesse des anciennes Univer- 
sités !: « Les corps qui ont un long passé sont in- 
duits volontiers à penser qu'ils doivent durer lou- 
jours, et leur foi en eux-mêmes, ou leur longue 
habitude de vivre lesempêche de se transformer, » 

Quant à nos Industriels, confiants dans l'État- 
Providence el dans les hommes de science que 
celui-ci leur fournit, 
cercle et se gardent de faire le moindre effort, le 
plus petit sacrifice pour subventionner une œuvre 
quelconque ou pour aider à donner uneorientation 
nouvelle à notre enseignement national. 

L'accueil fait récemment, aux Chambres, à la pro- 
position aussi timide que trop modeste de M. Denys 
Cochin en vue de la ecréalion d’un laboratoire de 


ils tournent dans le même. 


+ 


chimie industrielle à Paris, la réserve aussiaveugle. 
que persistante des ile de la fortune qui, 
à l'instar des Américains, pourraient s'intéresser 


- aux choses de l’enseignement, nous font un 0 


de continuer à metlre sous lee yeux de nos 1e 
teurs les efforts individuels et collectifs qui se pro-* 
duisent hors de France, dans la voie qui nous 
occupe. 


Il 


Angleterre. — Indépendamment de l'Institut * 
chimique nouvellement créé à Londres et sur 
lequel nons avons appelé l'attention dans notre 
Rapport déjà signalé, la Cité vient d’être dotée d’un 
élablissement no et qui fait le plus grand. 
honneuràl'homme généreux et éclairé qui l'aconçu. 
M. L. Mond, l'industriel auquel la grande Industrie 
chimique anglaise estredevable denombreux per 
fectionnements, — se souvenant des projets for— 
mulés, dès 1843, par Faraday et Brande en vue del 
création d’un Institut Chimique destiné non seule= 
ment à l'Enseignement pratique, mais aussi à de 
travaux originaux, — a formé le projet d'org anise 


1 L'Enseignement supérieur en France. T, Il, p. 85. 


… et d'entretenir, à ses frais, un vaste établissement 
_ consacré à des recherches systématiquement originales , 
- dans l’ordre des sciences chimiques et physiques. 

Dès l’année dernière, M.Mond afait l'acquisition, 

- dansle voisinage dela Royal Institution, de bâtiments 
qui seront aménagés suivant les progrès les plus 
récents. Au point de vue financier, cet Institut, — 

… placé sous le haut patronage et la direction de la 
- Royal Institution et dont le nom sera Znstitut Davy- 

. Faraday, — sera largement doté, tant pour subve- 
nir au traitement du corps des savants appelés à le 
diriger, que pour faciliter les recherches. Les labo - 
ratoires seront ouverts gratuitement non seule- 
ment aux nationaux des deux sexes, mais encore 
aux étrangers. 

Cet établissement, destiné, nous le répétons, aux 
recherches exclusivement originales, dépassera 
comme importance et comme ressources tout ce 
qui a élé créé dans cet ordre d'idées en Grande- 
Bretagne, depuis de longues années. $ 


Belgique. — Dans un pays aussi pratique que la 
Belgique, où les esprits sont loin d’être pénétrés 
des bienfaits que peut procurer la science pure, la 
tâche de créer un établissement comme celui au- 
quel M. le Professeur Spring vient de consacrer 
plusieurs années d’un travail laborieux, n’a pas été 
facile. 

_ L'Institut Chimique de l'Université de Liège, 
exécuté d’après des plans choisis parmi les 84 qu'a 
conçus M. Spring, est un modèle du genre. L'établis- 
sement comprend trois subdivisions : la première 
. estconsacrée à la Chimie générale, la deuxième à 
- laChimieanalytique et la troisième àla Technologie. 
- Sont de plus distincts les laboratoires destinés 
aux médecins, pharmaciens et ingénieurs, pour 
qui l'étude de la Chimie est secondaire, et ceux 
destinés aux jeunes gens qui veulent faire de la 
Chimie leur carrière. L'ensemble de ceslaboratoires 
comprend 200 places pour les exercices pratiques. 
Deuxamphithéâtres, dont l’un peut recevoir 242 per- 
sonnes et l’autre 52, des laboratoires de Chimie 
physique, une chambre obscure, une installation 
_ électrique avec moleur de cinq chevaux, une bi- 
bliothèque, des salles de collection, et enfin un 
logement au premier étage pour le directeur, font 
de cet Institut l’un des plus complets et des mieux 
organisés du Continent. Les sommes affectées à la 
construction et à l'aménagement s'élèvent à plu- 
sieurs centaines de mille francs. » 


Allemagne. — Pour donner l'instruction aux deux 

ou frois mille chimistes qu’elle peut offrir an- 

_ nuellement à l'industrie, l'Allemagne se trouve 
dans l'obligation de renouveler souvent ses labo- 
ratoires et de les agrandir. Fel est le cas de l'Ins- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1825 


A HALLER — L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE A L'ÉTRANGER 


F 


203 


litul Chimique de l'Université de Halle, Bien que 
cet établissement ne date que de 30 ans environ, 
en raison de son exiguité, le Gouvernement prus- 
sien a dû le reconstruire à nouveaux frais et 
n'a pas hésité à dépenser 300.000 mares, soit 
315.000 fr. 

Dans le pays où lés laboratoires de chimie sont 
de véritables usines, où l’enseignement pratique 
de cette science à été inauguré il y a plus de 
60 ans, et où la recherche est organisée systéma- 
tiquement depuis de longues années, il est facile 
de comprendre que l’aménagement des différentes 
pièces destinées aux manipulations, est fait aussi 
soigneusement que possible. Les moindres détails 
sontminutieusementétudiés,et,suivantleursavoir, 
les élèves ont à leur disposition des tables plus ou 
moins perfectionnées, des places où ils peuvent se 
livrer aux opérations les plus délicates. — L'Ins- 
tilut renferme naturellement une installation élec- 
trique et mécanique, un ventilateur et des loge- 
ments non seulement pour le directeur, mais encore 


| pour ses assistants et les garçons de laboratoire. 


Russie, — La distance qui nous sépare de cette 
vaste contrée, la difficulté que nous éprouvons à 
nous inilier à sa langue, font que nous ignorons, 
dans une certaine mesure, lesefforts considérables 
que font les Russes pour se mettre scientifique- 
ment à la hauteur des peuples occidentaux. 

Il y à peu d'années, on inaugurait à Charkoff, — 
qui possédait déjà une Université florissante, —une 
École Technique qui n’a pas sa pareille en France. 
Outre l’enseignement de la Mécanique, on y pra- 
tique celui de la Chimie en vue de la formation 
de chimistes industriels. Sont annexées à cette 
Ecole de véritables pelites usines, où l'étudiant 
peut assister à la fabrication de l'alcool, des bois- 
sons fermentées, du sucre, de la céramique, des 
ciments, etc., aux opérations de teinture et d’im- 
pression. Une usineà gazmodèle permet de suivre 
toutes les phases de la fabrication du gaz et de 
l'utilisation des sous-produits. L'état n’a pas dé- 
pensé moins de 4 millions de francs pour l'érection 
de ce vaste établissement. 

Enfin, tout récemment, l’Université de Saint- 
Pélersbourg à inauguré des laboratoires gran- 
dioses et où rien n’a été négligé pour donner l'ins- 
truction théorique et pratique à 230 élèves à la 
fois. Laboratoire de Chimie générale, laboratoires 
de Chimie organique, laboratoires distincts d’ana- 
lyse qualitative et d’analyse quantitative, labo- 
ratoires de technologie, laboratoires de recher- 
ches, laboratoires spéciaux pour les professeurs el 
pour les déterminations physico-chimiques, instal- 
lation mécanique, bibliothèque, logements du di- 
recteur, des assistants et des hommes de service, 


5* 


204 E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


tout a été prévu dans ce vaste Établissement, qui a | l'édification et l'aménagement des laboratoires. | 


deux étages et qui ne compte pas moins de 95 mè- Ainsi, de quelque côté que nous tournions nos 
tres de longueur sur 20 de largeur en moyenne. | regards, nous pouvons constater que nation 


L'État y a consacré près de 900.000 fr. grandes et petites n'hésitent pas à faire les plus. 
lourds sacrifices dans le but de doter leurs Unive 2 
Roumanie. — La Roumanie, de son côté, s’ef- | sités de laboratoires destinés à former des auxi- 
force de prendre part à ce mouvement qui porte | liaires pour l'Industrie, des professeurs et des, 
toutes les nations civilisées à s'organiser pour | chimistes pour laboratoires d'analyses ou stations" 
faire jouir leurs enfants des bienfaits de l’ensei- | agronomiques. Liège, avec ses 82.000 âmes; Halle, 
gnement supérieur. Sous impulsion éclairée de | avec ses 42.000 âmes, Bucarest ont des Etablisses 
M. le Professeur Istrati, la Faculté de Bucarest | ments que non seulement nos principales Univers 
va bientôt être pourvue d'un Institut de Chi- | sités françaises, mais encore la plupart de nos 
mie modèle, dont les plans ont, en partie, élé | grandes Ecoles de Paris peuvent leur envier. 
inspirés par ceux de l'Institut Chimique de À Halter 
Nancy. Une somme d'un million et demi et Correspondant de l'Académie GE Sciences 
huit hectares de terrain sont demandés pour Directeur de l'Institut Chimique de Nancy. 


ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE 
EN FRANCE 


#4 

La fabrication du sucre (saccharose) employé à | actuellement appliquées, en même temps qu'il # 
l'alimentation s'opère dans deux sortes d'usines : | crit l'outillage employé et les opéralions pratiquée 
les sucreries et les rufineries. Les premières pro- | dans les usines. Le deuxième article, essentiel 
duisent du sucre brut, c’est-à-dire insuffisamment | ment crilique, a pour but, étant connus les procé- | 
purifié, et l’extraient soit de la canne, soit de la | dés de fabrication, de rechercher comment ils se! 
betterave. En France, la sucrerie ne recourt qu'à | sont transformés, sous quelles influences, d'ordre | 
la betterave. La raffinerie met en œuvre les sucres | scientifique ou économique, l’industrie sucrière à 
des deux provenances, pour les livrer ensuite à la | évolué, enfin dans quelles voies l’état actuel de la 
consommation sous la forme marchande que tout | science et de la législation semblent l'engagers 


le monde connait. _[ M. L. Lindet, un maitre en ces matières, a bien 
Les deux arlicles suivants traiteront uniquement | voulu se charger de cette importante et très déli= 
de la sucrerie indigène. Le premier, dû à M. E. Ur- | cate étude. 2 
. . . 7 2 
bain, expose les bases scientifiques des méthodes La DIRECTION. 


I. — PROCÉDÉS DE FABRICATION 1 

L'industrie du sucre de betterave est de beau- | du sucre épuré ne date donc que de la seconde 
coup postérieure à la fabrication du sucre. Celle-ci ! moitié du xvr° siècle. Jusqu'à la fin du xvn° cet 
remonte à une haute antiquité et semble avoir eu | substance fut exclusivement retirée de la canne: } 
l’Inde pour berceau. Importé en Europe au temps Cependant notre célèbre agronome Olivier del 
d'Alexandre le Grand, le sucre indien, comme on | Serres avait dès 1605 signalé la présence du sucre) 
l’appelait alors, s’y répandit peu jusqu’au x | dansla betterave. Cette observation ne pouvait créer 
siècle. Pendant les Croisades, les Vénitiens, frappés | tout de suite la grande industrie que nous avon$ 
du port tout spécial de la canne à sucre et de | à décrire : il fallait inventer des procédés d'extra€-| 
l'usage qui en était fait en Orient, entreprirent de | tion donnant des rendements suffisants; ces procéz| 
la propager; gràce à leurs efforts, celte plante fut | dés ne commencèrent à apparaitre qu’en 1747 à] 
bientôt cultivée en Egypte, en Arabie, en Nubie, à 4 cette époque un pharmacien allemand, Margr 
Malte, à Chypre et à Candie. Vers 1420 les Portu- | obtint de la belterave blanche de Silésie 6,2 °/, 
gais l’apportèrent aux îles du Cap-Vert et aux | sucre, et de la variété rouge 4,5. C'était un grand 
Açores. C'est alors que l’on apprit à pratiquer, | progrès. Cinquante ans plus tard, Achard, petit-fils | 
d’une façon rationnelle, l'extraction et le traite- | de réfugié français à Berlin, améliora la méthode au 
ment du jus sucré. Il fallut encore un siècle d’ef- | point de la rendre susceptible d'application pra=! 
forts pour fonder le ruffinage. L'obtention courante " Lique. Ce beau résultat inouiéta les Anglais : ils! 
4 


4 


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| 


a # = 


1 E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL 


nn Le re CN ef RO PP VE LR, | at 
CE vs te) 


DE LA SUCRERIE EN FRANCE 205 


EE. 
| une menace au commerce de leurs colo- 


ni s, et résolurent d'étouffer dans l'œuf l’industrie 
naissante. Dans ce but, ils offrirent à Achard, nous 
ditL. Walkhof, 600.000 francs pour prix de sa dé- 
couverte, sous la condition de la leur céder com- 
plètement et de ne divulguer ses procédés à per- 
sonne. Achard refusa. 

Ses essais et ceux de ses imitateurs se trouvè- 
rent néanmoins entravés, en raison du bas prix du 


SE % 
2 


Mig |. — Miqure schématique représentant l'aspect moyen 
des anciennes belteraves à sucre. 

sucre colonial. Mais, en 1810, un événement extra- 
rdinaire en détermina la reprise : le blocus conti- 
tental Supprima tout d’un coup l'arrivée du sucre 
n France. Conseillé par Chaptal, Napoléon résolu 
{le tenter, en vue de la production du sucre, la 
ulture de la betterave : 32.000 hectares de terre 
urent immédiatement affectés à cel essai et un 
aillion de francs distribué à titre d'encouragement 
lux chercheurs. Benjamin Delessert, de glorieuse 
némoire, réussit à monter une usine où fut, pour 
ja première fois, pratiquée, dans des conditions 
\cceptables de rendement et de prix, la fabrica- 
Jion du sucre de betteraves. 


Depuis lors, cette industrie n’a cessé de grandir, 
sous l’influence des travaux de Chaptal, Payen, 
Crépel-Delisle, Derosne, Mathieu de Dombasle, 
Champenois, Dubrunfaut. La production qui, en 
France, était de 4 millions de kilogrammes en 1825, 
s’est élevée au chiffre énorme de 699:300 tonnes 
pour la campagne 1889-1890, et on l'estime à 
800.000 tonnes, soit 800 millions de kilogrammes, 
pour la campagne 1894-1895. 

Peu d'industries offrent l'exemple d'un aussi 


rapide développement. Si, depuis ses débuts, ses 
méthodes générales sont demeurées, dans ce 
qu'elles ont d’essentiel, à peu près les mêmes, elles 
n'ont cependant cessé de s’affiner; les opérations 
où se trouvent appliquées ces méthodes, se sont 
grandement perfectionnées, et graduellement l’ou- 
tillage lui-même a changé. Nous nous altacherons 
surtout, dans les pages qui vont suivre, à en ex- 
poser l’état actuel. 


Fig. 2. — Bellerave blanche de Silésie à collel vert, actuel- 
lement cultivée en vue de la sucrerie, 


I, — ACHAT DES BETTERAVES. 


La première opération de la sucrerie consiste à 
bien choisir la betterave. Le choix des races à em- 
ployer à varié suivant la façon dont a été perçu 
l'impôt sur le sucre. Quand cet impôt frappait uni- 
quement le sucre fabriqué, sans tenir compte de 
la richesse saccharine de la plante, on cultivait la 
betterave blanche à collet rose et les races voisines, 
dont la figure 1 rappelle l’aspect moyen. Ces races 
étaient beaucoup plus pauvres en sucre que la bet- 
terave actuellement cultivée. Aujourd’hui, en effet, 
que l'impôt est perçu, en majeure partie, sur le 
poids de matière première (plante effeuillée) intro- 
duite dans l'usine, le fabricant a tout intérêt à faire 


entrer chez lui la plus grande quantité de sucre 
possible sous forme de betterave. C'est pourquoi 
l’on cultive actuellement en France, en vue de la 
sucrerie, la betterave blanche de Silésie, notamment la 


206 E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE ï 


race silésienne à collet vert, acclimatée en France 
par MM. de Vilmorin (fig. 2). On voit que les races 
aujourd'hui cultivées en vue de la sucrerie sont 
beaucoup plus petites, plus coniques, plus effilées 
que les anciennes, leur forme se rapprochant un 
peu de la forme du navet. Cette obtention de varié- 
tés très riches en sucre a été le résultat d’une sélec- 
tion patiemment et méthodiquement pratiquée. 

Toutes les races susceptibles de grande richesse 
saccharine sont loin de convenir également bien 
aux diverses régions. Le rendement de chacune 
d’elles en sucre dépend, dans une large mesure, de 
l'appropriation de la race au terrain. Le fabricant 
se trouve don£ inléressé à déterminer lui-même la 
graine à cultiver : aussi est-ce lui qui, dans la plu- 
part des cas, la fournit à l'agriculteur. Ce choix de 
la graine est extrêmement important: mais, comme 
il requiert un examen physique et chimique très 
soigné, on compte en France les industriels qui le 
pratiquent. 

Pour l’effectuer, on prend, parmi les betteraves 
destinées à fournirles graines, celles qui offrent le 
meilleur aspect, la forme la plus régulière et un 
poids en rapport avec leurs dimensions. À l’aide 
d'une sonde, on prélève une certaine quantité du 
jus de la racine, et l’on en détermine ensuite 
au polarimètre la richesse saccharine !, Quand on 
a ainsi fait, en janvier, le choix de la racine. on 
la plante, vers la fin de mars ou le commencement 
d'avril; la blessure qu'elle a reçue est insignifiante 
et ne l'empêche pas de pousser : la même année, 
généralement en octobre, on en recueille la graine. 
Certaines sucreries des environs de Paris, craignant 
de ne pas trouver dans leur voisinage les meilleu- 
res terres pour la culture des porte-graines choisis, 
envoient ceux-ci chez des cullivateurs du Nord de 
la France. 

A la sucrerie de Chevry-Cossigny, gràce un 
laboratoire parfaitement outillé et à un personnel 
suffisant, il a été fait, à la fin de la campagne 1894- 
1895, jusqu'à quinze cents examens de porte- 
graines par jour, et cela pendant un mois. Ainsi 
faite chaque année, la sélection des graines assure 
la régularité des rendements. On ne saurail trop 
engager les industriels à adopter cette pratique. 

La richesse saccharine de la betterave élant 
fonclion non seulement de la race, mais encore du 

node de culture, le fabricant doit aussi se préoccu- 
per de la manière dont seront cultivées les graines 


à 


RES R RCE RE RE | 7 SNS an 

1 C'est la méthode de diffusion aqueuse à froid de Pellel. 
On prélève 46r05 de jus, que l'on introduit dans un ballon 
jaugé de 50 centimètres cubes avec i gramme de sous-acétate 
de plomb. On ajoute de l'eau, on abat la mousse au moyen de 
quelques gouttes d’éther, et on complète le volume à 50 centi- 
mètres cubes. Le liquide, bien agité, est filtré, puis soumis à 
une mesure saccharimétrique, dans un polarimètre dont le tube 
interne a 20 centimères de longueur. Le résultat multiplié 


par 2 indique directement la teneur en sucre de la betterave, 


qu'il confie à l’agriculleur. Dans ses traités avec ce | 
dernier, doivent donc être déterminés les engrai { 
les soins et les facons qui seront donnés à 
plante. Sans entrer dans les détails que requiert] 
partie agronomique du sujet!, nous devons cepe 
dant en indiquer quelques points : 4 

Se basant sur la fixité des rapports entre les 
éléments fertilisants et le sucre dans le ju 
M. Pellet a rangé les constituants minéraux des 
engrais dans l'ordre d'importance que voici : 


Acide phosphorique, 
Magnésie, 

Chaux, 

Potasse el soude, 
Ammoniaque. 


Suivant cette classification, on a intérêt à em* 
ployer comme engrais de la betterave les super: 
phosphates, ainsi que les phosphates fossiles. 

On doit aussi chercher à entretenir dans le sol 
70 à 80 kilogrammes de sels de potasse à l'hectare 
l'addition de chlorure de potassium est très prati 
quée en Allemagne. 

Le fabricant doit enfin tenir compte, dans ses 
traités, de ce fait que les betteraves donnent un 
rendement plus éleyé en sucre lorsqu'elles son 
semées sur un défoncement que lorsqu'elles son 
cultivées sur labour ordinaire (par exemple, elles 
peuvent donner 17°/, de sucre au lieu de 40) ? 

En général, l'industriel paie la betterave — sui= 
vant les régions et l'éloignement de l'usine — : 
raison de 18 à 25 francs les mille kilos, pour 1 
division 7° du densimèêtre#. Au-dessus de cette den: 
silé, il accorde au cultivateur de 0 fr. 40 à O0 fr. 6 
par 1.000 kilogrammes de betteraves et par dixième 
de degré; mais, si la densité estinférieure à 7°, I 
fabricant retient de 0 fr. 60 à 0 fr. SO dans les 


1 Un article spécial sera consacré, dans la Revue, à la cul 
ture de la betterave. (N. de la Direction.) 

? M. Pagnoul a déterminé, dès 1869, l'intluence de l'écart 
ment des plantes et a montré que les betteraves, en cultuk 
serrée, sont plus riches en sucre et contiennent moins 
sels. Il a démontré également que la diminution de poid 
qui se produit est largement compensée par la plus grand 
proportion de sucre et la qualité du jus. 

Parmi les savants qui ont le plus contribué à définir ce 
diverses conditions de sélection et de culture, il est juste d 
citer en première ligne Violette et H. Pellet. Leurs procédés 
actuellement employés, permettent de porter courammenti 
16 ° /o la richesse en sucre de la betterave, 

8 M. de Vilmorin à établi qu'il y a un rapport fixe entre A 
teneur saccharine du jus et sa densité. 

Le petit appareil flottant qui sert à déterminer cette der 
sité est ainsi gradué : plongé dans l’eau pure à 4° de temp 
rature, il s’y enfonce presque entiérement; au point d'afileu 
rement il marque 0, ce qui correspond à une densité di 
1000. Les divisions suivantes 19, 20, 3°, 4° correspondent 
des densités de 1010, 1020, 1030, etc. Ces degrés sont divis 
eux-mêmes par dixième 401, 192 2, etc., représentant des d 
sités de 1011, 1012, 1013. — La vérification et le poinconna] 
du densimètre ofliciel ont été rendus obligatoires par la, 
de juillet 1889. 


mêmes conditions. Enfin, lorsque le sucre atteint un 
prix convenu à l'avance, — généralement 35 francs 
les 100 kilogrammes, — il est attribué au cultiva- 
teur une majoralion dans le prix d'achat. C’est là 
une sorte de participation dans les bénéfices et un 
encouragement pour l’agriculteur à apporter tous 
es soins à la culture de la betterave et à obtenir 
L. produits riches en sucre. 

A leur arrivée à l'usine, les betteraves sont 


Il 


PEL UNE TR EE NS 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 
= _ 


207 


de petits trous et tournant avec une vitesse de 
quinze lours par minute dans une caisse remplie 
d'eau courante. Le tambour est légèrement incliné 
pour permettre aux betteraves de tomber dans un 
épierreur muni de bras verticaux qui, soulevant les 
betteraves, les jettent dans le monte-charge qui 
les porte au coupe-racines, tandis que les pierres, 
plus lourdes et plus petites, tombent au fond du 
bac, d’où on les retire d'heure en heure. 


Big. 3. — Magasin de betteraves el silos 


pesées, on procède à la détermination de leur jus, 
puis les racines sont placées en silo (fig.3), ou en 
magasin ; là elles attendent leur mise en œuvre. 
Le silo doit être bien aéré, avec des cheminées, 
de distance en distance, pour éviter 
les fermentations qui ne manqueraient 


pas de se produire au détriment du 
sucre (fermentation lactique). 
L 


Il, — OPÉRATIONS PRÉLIMINAIRES 
DE LA SUCRERIE, 


A la surface des racines adhèrent 
MHoujours de l’humus, de l'argile im- 
pure ou du sable qui, s'ils n'étaient 
enlevés, mettraient rapidement hors 
de service les couteaux des coupe- 
racines. C’est pourquoi la première 
opération de la sucrerie est le lavage. 
Les betteraves sont amenées à l'ap- 
pareil laveur au moyen soit de brouet- 
ies poussées à bras, soit d'un transporteur hy- 
lraulique (fig. 3 bis), si l'usine est à proximité 
lun cours d’eau. Quand ce dernier mode de trans- 
port est possible, il y a, en général, avantage à 
employer ; il est peu coûteux et diminue considé- 
‘ablement la main-d'œuvre. 

|: Le lavageet l'épierrage se font dans un tambour 
le trois mètres de longueur, percé d’une infinité 


Figure 3 bis. — Délail du 
transporteur 
— Coupe verticale. — Le 
transporteur est constitué 
par un caniveau en maçon- 
nerie où de l'eau coule avec 
une certaine vitesse. 
s’en servir, on enlève le 
couvercle, et on laisse tom- 
ber, par petites quantités, 
les betteraves, dans le cani- 
veau. Elles sont entrainées 
par l'eau jusqu’au laveur. 


établis au-dessus du caniveau (transporteur hydraulique) où elles sont déversées, 
puis entraïnées par un courant d'eau. 


Le coupe-racines est constitué par un disque 
portant un cerlain nombre de couteaux disposés 
horizontalement ; les betteraves sont découpées en 
lanières très minces appelées cossettes et, ainsi 
divisées, tombent, par un canal appelé 
nochère (fig. 6) dans les vases diffuseurs. 
La fabrication proprement dite com- 
mence à ce moment. 


IIT. — EXTRACTION DU JUS SUCRÉ. 


Les opérations précédentes ont uni- 
quement pour but de préparer la ra- 
cine de la betlerave aux opérations 
ultérieures d'extraction. Cette partie 
de la plante, qu’on appelle communé- 
ment la racine, formée en réalité par 
une racine véritable et une tige tubé- 
riforme étroitement unies, renferme, 
après la première année de son exis- 
tence,une abondante réserve de sucre. 
Cette réserve s’épuise au cours de la seconde 
année quand on laisse le végélal évoluer dans 
les conditions naturelles, c’est-à-dire fleurir et 
monter en graine. Elle existe à l’état de disso- 
lution dans les vacuoles des cellules parenchyma- 
teuses.On cherchait autrefois à exprimer le suc de 
ces vacuoles en räpant la betterave et en la pres- 
sant au moyen d'une presse hydraulique ou conti- 


hydraulique. 


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Fig. 4 — Diffuseur fixe à bayonnelle des Anciens Elablissements Cail. — La partie supérieure de la 
ligure représente, en coupe verticale, un diffuseur muni de son calorisalewr. Un diffuseur voisin (non 
figuré ici) déverse son jus, par la partie supérieure, dans le calorisateur. Le serpentin de ce calorisateur 


réchauffe le jus, lequel ensuite, passe, par la partie inféricure, dans le diffuseur figuré ici. Ce diffu- 
seur, rempli de cossettes, enrichit le jus qui y accède. Après une série d’épuisements de cette sorte, le 
Jus est enlevé, et les cossettes épuisées sont, au moyen de la porte de vidange,ä bayonnette quitfomme le 
fond du diffuseur, déversées dans la fosse au lion située au-dessous. 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


U 


209 


nue. Mais, depuis un certain nombre d'années, les 
procédés de cette sorte ont été remplacés, dans la 
lupart des fabriques, par la diffusion. Cette opé- 
ation consiste à faire macérer dans l’eau la bette- 


autres. En réalité, dans le procédé de la diffusion, 
le phénomène est un peu plus complexe : le coupe- 
racines a, en effet, sectionné quantité de cellules, 
lesquelles mettent par suite en liberté dans le 


fes ve 
} 


l'eau. 


Lurs d'eau. 


hydrautiques 


et de 1 calurisateur, 
plancher. 


rtauçhor, 


P Calorisateur. 


Eu 


LÉGENDE: À 
LAS LES Dilusurs, 16 Rabluec de we À 
ff D Faiscran triple do 


ÿ aaupapes. saur. 
£ Tuyauteric circulaire 4 T Robinet du joint bhydra: 
lique. 


#_F Tuyautoris cirealaire au jus 1 Robinet de priso de vapeur. 
G Tuxauterie circulaire Als va- V Robinet de jaugo du diffuseur 


peur. 
Æ Tuvauterie cireulaire des re- ‘Y Contropoids de ls porte. 
1 lusautedie cirealaire pour joints 


J l'urgceur automatiquedes retours 
1] K Plyque d'assise de 2 diffuseurs 


L Cercle intérieur iportant le 
M Cercle ostérieur portsot lo 


*N fMlancher d'égouttazs. 
N 9 Céaducteur à cosseues. 


Q iwlinot- de vapeur 


ange d'air du diffu- 


ZX Porte du bas du difluseur. 


Z Pattes d'assiso du diffuseur. 

1 Crochets d'appui de porte. 

? Élévatour 4 cossettes. 

3 Coupe d'un diffuseur et calori- — 


sateur. 

4 Tige "ouvrant la porte ot les 
crochets. 

5 Écrou-support do celle Ugo. 

6 Vis crouse. 

7 Biellettes d'attelage dela porte 

8 Nœud d'amarre de biel- 
leutes. 

9 Chappo d'attelago déta 
tningle des crochets . 

10 Tubulure pour . 


Fig. 5. — Ballerie de diffusion. — Dans l'angle droit inférieur de la figure est représenté en élévation un diffuseur et son 
calorisaleur. Quatorze couples de cette sorte sont reliés l’un à l’autre et disposés en cercle, comme le montre la partie cen- 
trale de la figure (projection horizontale de la batterie). Le plan vertical, qui se trouve au-dessus, représente la coupe ver- 
ticale de trois vases de diffusion peu éloignés et montre, au-dessous de chacun de ces appareils, les fosses où tombent les 
cossettes épuisées. Ces cossettes sont recueillies à l’aide d’une vis d'Archimède située horizontalement. Cette vis les porte à 


un élévateur extérieur, — Sur la gauche de la figure et vers le bas est représentée la commande des robinets adaptés 
aux diffuseurs. 


rave sectionnée en tranches minces par le coupe- 
racines. Elle repose sur le principe de la dialyse de 
. Graham, les membranes cellulaires laissant passer 
au travers de leur propre substance les corps sus- 
 ceptibles de crislalliser, à l'exclusion de tous les 


liquide ambiant une grande partie de leur contenu 
colloïde aussi bien que cristalloïde !, 
Pour se rendre compte de la variété de matières 


LU RS RP D ee 


1 Cet apport est évalué à 4 °/o. 


210 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


que la macération des tranches de betteraves peut 
ainsi entrainer dans le liquide ambiant, il est ulile 
de remarquer que ces tranches renferment en 
moyenne (s'il s’agit de la betterave blanche de 
Silésie à collet vert) : 


[TL 


Le tableau de la page 211, emprunté à Schei- 
bler !, précise le détail de cette composition. Cha- 
cune des matières comprises dans ce tableau joue 
dans la fabricalion un rôle, soit utile, soit nuisible, 


que l'industriel doit connaitre. Voyons d'abord la 


TU TNT 


DT 
DIT 


ni 
il 


| | | 


il 


ll 
l 


Fig. 6. — Ballerie de 42 diffuseurs avec porle de vidange à bayonnelle, système Dujardin. — A la partie supérieure se 
trouve le coupe-racines qui déverse les cossettes au moyen d’une glissière (nochère) dans les vases diffuseurs. Au-des- 
sous de ces appareils se trouve la « fosse au lion » qui recoit les cossettes épuisées. 


1: Has iuca re RL TR UE 83.5 
DASUCLO eme etre nee Ne L CLR 10.5 
3. Cellulose, pectose et pectine OS. 0.8 
4. Albumine, caséine, asparagine et autres 
matières neutres et azotées.......... 1.5 
5. Acides malique, pectique; substances 
gommeuses; matières grasses, aro- 
matiques et colorantes ; huiles essen- 
tielles ; oxalates, sels minéraux, 
notamment phosphates, chlorures, 
sulfates de potassium, sodium et cal- 
Cum, etc: OC ce. mec ape 3.7 
MoLal AE Mod PE. IE 100,0 


facon dont ces substances se comportent pendant 
la macéralion. 


Batteries de diffusion. — L'appareil où s'accomplit 
ce travail s'appelle la batterie de diffusion. IL se 
compose (fig. 5) de 8, 10, 12 et même 14 difu- 
seurs. Chaque diffuseur,représenté en coupe par 


1 Scnetgcer. Manuel-agenda des fabricants de sucre, 
1 vol, in-8°, Gallois et Dupont, 1895. 


{ 


dernier est chauffé soit par un serpenlin, 
4 
- par un système de tubes repliés, où circule de 


(as 


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diffuseur et un calorisateur, 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 211 


la figure 4 (page 208), est un vase d’une capacité 
variable, qui est souvent de 20 hectolitres. Il est 
formé d’un cylindre en tôle ; sur le couvercle se 
trouve une porte de remplissage et sur le fond 
inférieur une porte de vidange, rendue étanche 
au moyen d'un tube de caoutehouc et d'un joint 
hydraulique. 

Chaque diffuseur est, par le haut, chargé de cos- 
settes de betteraves et d’eau (fig. 6), puis coiffé 
d’un couvercle que l’on sertit. Il est, comme le 
montre en coupe la figure 4, raccordé à un appa- 
reil de forme cylindrique nommé ralorisateur. Ce 
soit 


à la sortie de chaque diffuseur versle haut et chasse 
le liquide vers le calorisateur, puis vers le diffuseur 
suivant. 

La figure 6 représente un mode un peu différent 
d'association des diffuseurs. 

Quand les jus ont une densitésuffisante, ils sont 
soutirés etenvoyés au bac mesureur. Nous ne pou- 
vonsici entrer dans lesdétails delamiseen marche; 
ce qu'il importe de bien fixer, c’est que la diffusion, 
phénomène d’osmose, s’opère en épuisant la cos- 
selle par des lavages méthodiques. 

Les cossettes épuisées sont destinées à la nour- 
riture du bétail et constituent une alimentation 
très estimée. Mais il faut, avant de les lui donner, 


Tableau schématique de la composition de la betterave. 


11.5 à 17 % de | 
matières s0- 
lubles 
l’eau 


Jus | Du non sucre 
dans 


= 


5.5 à 21.0 % 
de matières 
. sèches de la 
betterave... 


Des cendres 


Des matières 


Des matières 


4.0 à 5.0 % de matières insolubles dans l'eau 


Du sucre 


Potassium, sodium, rubidium. 

Calcium, magnésium, fer et man- 
ganèse en combinaison avec le 
chlore, acide sulfurique, phos- 
phorique, silicique et nitrique. 


Des sels incom- 
bustibles 


Mèmes métaux en combinaison avec 
des acides oxalique, citrique, ma- 
lique, succinique, pectique, etc. 


formés (par la 
combustion) en 
carbonates 


| 
Des sels el 
| 


{ Protéiques (albumine, etc.). 
Plasmatiques. 

Asparagines et acides divers. 
Bétaïne. 


azotées.... 


Dextrane. 

Matières pectiques solubles. 
Chlorophylle, 

Chromogène. 

Graisses, etc. 


Arabinose. 


non azotées...,., | 


Cellulose,pectose et matières colorées 


… la vapeur. Tous ces couples, constitués par un 


sont associés en 


série circulaire (fig. 5, plan horizontal) et reliés 


- l'un à l’autre, de telle sorte que deux diffuseurs 
_ voisins communiquent entre eux par l'intermé- 
… diaire d’un calorisateur. On détermine dans tout 


. bas et, 


ce système une circulation des jus. Suivons le 
trajet du liquide, en partant d’un diffuseur (fig. 5 
et 6). La solution sucrée sortant de ce vase 
entre, par le haut, dans le calorisateur du couple 
suivant et s'y trouve portée à une température 
d'environ 85°, puis, continuant sa descente dans ce 
cylindre, esl refoulée dans le diffuseur auquel il 
est raccordé; elle pénètre dans ce diffuseur par le 
à mesure qu'elle s’y élève, s'y enrichit en 
sucre. Après quoi, elle se déverse dans un autre 
calorisaleur, puis dans un autre diffuseur, et ainsi 
de suite, jusqu'à ce qu'à force de s'enrichir, elle 
atteigne la densité convenable. 

Le passage du jus d’un diffuseur à l’autre s'opère 
gràce à la pression d’une colonne d’eau, qui s'exerce 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


exprimer l'eau qu’elles renferment; on se sert à 
cet effet des presses Klusemann, que représentent 
les figures 7 et 8. 


Conduile de la diffusion. — Le travail de la diffu- 
sion a principalement pour objet : 1° l'épuisement 
maximum de la cossette ; 2° l'obtention du jus à 
son maximum de densité. La pratique a démontré 
que l’on pouvait arriver à limiter la perte de sucre 
à 2 °/,, du poids des betteraves. Le fabricant a évi- 
demment un grand intérêt à produire des jus à leur 
maximum de densité, parce que, dans la suite du 
travail, il y aura moins d’eau à évaporer. Du reste, 
enconduisantla diffusion d'une manièrerationnelle, 
on obtient un jus dont la densité est sensiblement 


égale à _ de la densité initiale du jus de la bette- 
rave. 

L'expérience démontre que la température 
maxima à laquelle on peut chauffer le jus dans la 
diffusion varie de 80° à 90° C. Lorsqu'on chauffe 
trop, le jus devient impur; certaines matières or- 

ge 


nn 2 \ fe EU ORLIEATENT 
4 / À IBERGREEN 


10 on 


1,6 


2 METLI8 


4 , e _e 5 Fig. 8. — Presse à cosseltes, système Klusemann. — Les cossettes, versées dans la 
Fig. 7. — Presse Klusemann pour enlever l’excès d’eau que renferment les cossettes RE fret desc en dont dns M'A ne Teil, dos 
épuisées et les rendre ainsi propres à l’alimentation du bétail. — Un élévateur PRE PRES ’ : Bxea ressent. l settes dep ss DIE 
à godet monte les cossettes épuisées dans l’entonnoir de la presse, dont la É Ê 


e e i contre les planchers des divers compartiments dé pareil. L'eau sort par la par 
ig.8 montre la coupe verticale. tie latérale perforée et les cossettes descendent suivant la vis formée par les bras. 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


ganiques se dissolvent : il peut y avoir formation 
d'acide mélapectique, —- véritable fléau de la fa- 
bricalion, tous les métapectates étant solubles. 
Voici, pour fixerles idées, unexemplede l'échelle 
des températures aux calorisaleurs pour une bal- 
terie de douze diffuseurs dont dix sont en activité, 
en commençant par le diffuseur qui doitêtre vidé : 


Diffuseurs Températures 
TE TE een 45 
Ze run État Re os 60 
DANS esse - decor e 85 
Déeeete 23000 Me MA RTE 85 
DR PR. ii. are 85 
(EE 2 tn LA ONE 85 
HSE to SEE 85 
Ra DA un 85 
SLR ES ec 0e 70 

AO et er 50 


L'épuisement est d'autant meilleur que la durée 
du contacl entre les cossettes et le liquide est plus 
considérable ; cependant il importe de travailler un 
peu vite, parce que le Lemps provoque des altéra- 
lions du jus. 

Le contrôle de la diffusion se fait, dans les su- 
creries, au moyen d’un bac jaugeur qui mesure les 
quantités de jus entrant en travail, et surtout par 
les analyses répétées du chimiste. En laissant, 
par-exemple, 0,5 de sucre pour 100 de betteraves 
dans les cosseltes, on perd inutilement de 3.000 à 
3.500 kilogrammes de sucre par million de kilo- 
grammes de betteraves, c'est-à-dire une somme 
très importante. On conçoit alors toute l'utilité in- 
dispensable d’un contrôle chimique, et cependant 
certaines sucreries françaises ne l'ont pas encore 
chez elles. 


IV. — CHAULAGE DES JUS ET CARBONATATION. 


La diffusion ayant extrait de la betterave le jus 
sucré el l'ayant dissous dans l’eau, la dissolution 
obtenue renferme à la fois du sucre et à peu près 
toutes les substances solubles qu'énumère le tableau 
(page 211): matières azotées, sels minéraux et orga- 
niques, acides organiques, etc. Elle est d’abord un 
peu colorée et légèrement trouble : à l'air, sa colo- 
ration augmente et son état trouble s’accentue en- 
core: ils’y forme de gros flocons noirs. Si la solution 
élait quelque temps abandonnée à elle-même, son 
sucre ne tarderait pas à s'altérer : il serait vite in- 
verli parles acides organiques etsubirait, en partie, 
la fermentation laclique. Aussi importe-t-il de dé- 
barrasserle plus rapidement possible la solution des 
principes autres que le sucre. La méthode employée 
à cet effet consiste dans l'emploi de l'hydrate de 
chaux et consécutivement, de l'acide carbonique : 
la chaux forme avec certains acides organiques 
et minéraux des composés à peu près insolubles 
et, avec le sucre, un sel, le‘saccharate de chaux, 
qui reste dissous dans l’eau. L'acide carbonique 
agissant sur ce sel, lui prend la chaux pour former 


213 


du carbonate de chaux insoluble, el isole le sucre, 
lequel demeure à peu près seul en solution. 


Défécation. — Dans un certain nombre de fabri- 
ques on ne chauffe pas les jus au sortir de la bat- 
terie de diffusion, et l’on se contente d'y ajouter, 
en une seule fois, {oute la quantité de chaux néces- 
saire pour faire ensuite la carbonatation. Ce pro- 
cédé nous semble défectueux, et nous pensons qu'il 
y à lieu d'opérer un chauffage et une addition 
fractionnée de la chaux. Cette pratique, observée 
dans le plus grand nombre des fabriques, donne 
les meilleurs résultats. 

Donc, les jus sortant des diffuseurs, on les addi- 
tionne d'un litre de lait de chaux à 20° Baumé 
pour 8 hectolitres de jus, et on les porte, /e plus rapi- 
dement possible, à + 95° C; c'est là ce qu’on appelle 
la défécation ; on envoie ensuite les jus désignés aux 
bacs d’altente de la première carbonatalion:; ils y 
reçoivent un dixième de leur volume de lait de 
chaux à 20 ou 25° Baumé, soit 2 kilos à 2 k. 5 de 
chaux anhydre par hectolitre de jus. 

L'avantage de cetle méthode est celui-ci : La pe- 
tite quantité de chaux employée est suflisante 
pour saturer les acides organiques en liberté, 
acides qui, sans cetle précaution, intervertiraient 
la saccharose à la température où il est nécessaire 
de porter le liquide sucré pour coaguler une cer- 
laine quantité de l’albumine végétale dissoute dans 
le jus. D'autre part, er procédant comme nous 
venons de l'indiquer, on facilite considérablement 
le passage des jus carbonatés dans les filtres- 
presses, opération que nous décrirons plus loin. 


Principe des carbinitations. — Le jus sucré qui a 
subi une première défécation contient encore une 
grande quantité de matières organiques et de sels 
minéraux, dont il importe de se débarrasser. À cel 
effet, on n'emploie plus actuellement que le pro- 
cédé dit de la double carbonatalion, imaginé, il y a 
quelque quarante ans, par Périer et Possoz : Le 
jus étant addilionné de la quantilé de chaux néces- 
saire, il se forme, au sein du liquide, des com- 
posés organiques à base de calcium, du sulfate de 
chaux peu soluble et des saccharales de chaux 
solubles : 

CI2H22011Ca0 
el 

C'2H120112Ca0 
En agissant sur ces saccharales, l'acide carbo- 
nique les décompose ; le carbonate de chaux forme 
entraine, en se précipitant, les composés insolu- 
bles que les matières précédemment citées forment 
avec la chaux. 

La pratique a démontré qu'il y a tout avantage 
à répéter cette opération. Avant d’en décrire la 
technique, ilest ulile d'indiquer comment se prépa- 


214 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


rent, dans les sucreries, la chaux et l'acide carbo- 
nique destinés au chaulage et àla carbonatation. 


Préparation de la chaux et de l'acide carbonique. —- 
Pour produire cet acide carbonique et la chaux né- 
cessaire à la défécation, les sucreries possèdent un 
four à chaux. Ce four (fig. 9) est continu, muni, vers 
le bas, de plusieurs foyers extérieurs dont la flamme 
débouche dans le four par une série de canaux; 
des ouvertures, placées à la base, permettent de 
retirer de temps en temps la chaux vive. Le haut 
du four est rétréci et clos par un couvercle qui 


ji 


il 


ca 


& 


S SE 


quise forme. Le four étant chargé au préalable avec 
du calcaire, on allume un feu de coke surles foyers 
extérieurs. La température s'élève et bientôt la dis- 
socialion du carbonate de chaux se produit : on 
oblientlachaux vive d’une part et, de l’autre, l'acide 
carbonique qui vient s'ajouter à celui qui est pro- 
duit par la combustion du coke. 

Dans ces condilions il se forme un mélange 
gazeux qui contient généralement de 25 à 32 
de son volume en gaz carbonique. Toutes les deux 
heuresonintroduit,parl'orificecirculaire supérieur, 
des charges composées de 1 volume de coke contre 


qi 


Fig. 9. — l'our à chaux avec monle-charge hydraulique. — A gauche, vue de l'extérieur: à droite, coupe 
du four et du monte-charse. — Le monte-charge élève et transporte à la gueule du four le calcaire et 
le coke. — La coupe montre, à la partie supérieure du four, l’orifice du tuyau circulaire qui recueille les 
gaz du four. — Sur les côtés, trous d’air et trous pour passer les ringards. — Sur la gauche de la coupe 


est figuré un foyer. 


porte un orifice circulaire, également fermé, et que 
l'on n’ouvre que lorsqu'on introduit les charges de 
calcaire et de coke. Au-dessous du couvercle se 
trouve un canal circulaire où viennent se rassem- 
bler les gaz du four; un tuyau latéral en fer y est 
fixé, par lequel les gaz s'échappent et se rendent 
au laveur, où ils sont épurés et refroidis. 

Des ouvertures, fermées par des bouchons en 
fonte, sontpraliquées dans la maçonnerie el servent 
à surveiller la marche du four; elles permettent 
également d'introduire une barre de fer, avec la- 
quelle on fait descendre le calcaire après avoir 
retiré une certaine quantité de chaux vive; elles 
donnent encore le moyen d'introduire une terlaine 
quantité d'air destiné à brûler l'oxyde de carbone 


volumes de calcaire. Le Lirage énergique du four 
est assuré par une pompe aspirante et refoulante, 
d'une grande puissance, qui aspire le gaz du four, 


puis Île refoule dans les chaudières à carbonater. 


Le lait de chaux se prépare dans des bacs ma- 
lareurs au centre desquels se trouve un agitateur 
constitué par un axe vertical muni de bras hori- 
zontaux. 


Première carbonatation. — Le jus, déféqué et chau- 
lé, est introduit dans les chaudières de première 
carbonatation (fig. 10). Ces chaudières, au nombre 
de trois, sont de grandes caisses en forte tôle, 
d’une contenance de 45 hectolitres, à fond un peu 
incliné afin d'en permettre la vidange ; elles ontun 


Lo héie pl maire FN etat sn le ad be A Te à ab 


4 
£ 
| 
| 
ul 


don Lébdes in lé ni rt dé DÉS LS ad dé pe à à 


tuyau est placé un serpen- 


 glent l’arrivée du gaz carbo- 


l'introduction 


dans le ser- 
. pentin, tandis 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


215 


couvercle léger pour empêcher les projections, et 
présentent en avant une ouverlure qui permet 
d'observer la marche de l'opération. Sur le fond de 
la chaudière se trouve, disposé en forme de carré, 
le tuyau d'arrivée du gaz carbonique ; ce tuyau 
est percé d’une infinité de petits trous par lesquels 
le gaz se dégage. Autour du 


tin réchauffeur à trois circon- 
volutions, dans lequel circule 
la vapeur; deux robinets rè- 


série de boîtes (fig. 12) constituées comme suit : 
chacune comprend un fort cadre en fonte de 
forme quadrangulaire. De part et d'autre de ce 
cadre sont fixées, sur ses montants, deux plaques 
de fonte perforées, qui se trouvent, par consé- 
quent, être parallèles l’une à l’autre et séparées 
seulement par l'épaisseur du 
cadre. Ces plaques perforées 
sont revèlues d’une toile de 
lin, au travers de laquelle se 
fait, comme nous allons l’indi- 
quer, la filtration. 


nt EN 


nique, ainsi que celle de la 


Les boîtes, constituées com- 


me il vient d'être dit, sont 


vapeur. L'introduction du jus 


se fait par un tuyau latéral 


placées debout à côté les unes 


desautresAB ABABABAB.. 


venant d’un monte-jus qui en- 


voie le jus de la défécation à 


(fig. 11), et c'est dans l'inter- 


la carbonatation. Le travail 
s'opère de la manière sui- 
vante: on commence à chauf- 
fer pendant que l’on fait arri- 
ver le gaz carbonique. Il se 
produit, à la suite, des bulles qui soulèvent la 
masse et forment une mousse volumineuse; l'on 
abat cette mousse en l’arrosant de temps en temps 
avec quelques cuillerées de graisse fondue. Toul 
en carbonatant, on continue de chauffer jusqu'à ce 
que le jus soit 
à la tempéra- 
ture de 7; 
on cesse alors 


de la vapeur 


qu'on laisse 
l'acide carbo- 
nique se déga- 
ger jusqu’à ce 
qu'il ne reste 


ju] 


Fig. 10. — Chaudière à carbonater (coupe) repré- 
sentée à toute petite échelle. — A la partie infé- 
rieure se trouve le tuyau formant carré et per- 
foré de trous qui distribue l'acide carbonique. 
— A l’intérieur et sur le côté, thermomètres. 


valle qui sépare deux boites 
consécutives qu’ arrive le li- 
quide boueux. Il entre par le 
robinet D et est distribué par 
une canalisation à tous les in- 
tervalles compris entre les boites. Le jus, filtrant 
au travers de leurs toiles, pénètre dans toutes les 
boites. Chacune de celles-ci porte, à sa partie in- 
férieure, un robinet R par où s'écoule le jus 
filtré. Ce jus est recueilli dans la bassine D. 


Deuxième 
carbonatation. 
— Le jus est 
ensuite en- 
voyé à la deu- 
xième carbo- 
natalion. Les 
chaudières 
employées à 
cet usage sonL 
au nombre de 
deux et sem- 


_ plusqu’uneal- blables, en 
_ calinité égale toutes façons, 
à 1 gramme 20 aux chaudiè- 
de CaO par li- res de pre- 
tre”, mière carbo- 
On a REES" Fig. 11. — Filtre-presse. — _ ABA AB. , boîtes filtrantes. Te liquide boueux entre par le natation. Le 

que partout robinet D; le jus filtré sort par les robinets R. Les robinets C et C! servent à faire pas- jus y est ad- 


supprimé la 
décantation qui suivait les carbonatations. Cette 
manière d'opérer est plus rapide et donne un 


. jus plus clair. Il a fallu, par contre, augmenter le 


Ta 


nombre des filtres-presses et en faire deux bat- 
teries. 


- Le filtre-presse (fig. 11 et 13) se compose d’une 


————————————— 


! En sucrerie, l’alcalinité est toujours, quel que soit l’al- 


cali ou l'alcalino-terreux quila donne, exprimée en chaux. 


ser un courant d’eau destiné à nettoyer le filtre. 


ditionné d’un 
lait de chaux de manière qu'il y ait environ 
0,7°/, de chaux, et carbonate dans les mêmes 
nr tre On arrête la carbonatation lorsque le 
jus possède encore une alcalinité de 0, 45 10,20 
par litre. Cette alcalinité est généralement due 
aux alcalis naturels de la betterave : la soude et 


la potasse. 
Le jus est envoyé à la deuxième batterie de 


216 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


filtres-presses, filtré dans les mêmes conditions et | procédé, actuellement à l'étude, donnera peut-être 


réchauffé dans des chaudières analogues à celles 
de la carbonatation, mais ne possédant pas natu- 
rellement de tuyau d'arrivée du gaz carbonique. 
Le jus qui sort de ces 
chaudières est filtré dans 


d'excellents résultats. Le lecteur nous pardonnera 
de ne pas lui donner de détails à ce sujet, puisque 
l'application induslrielle n'en a pas été encore 
faite en dehors des usines 
où elle s'étudie. 


des filtres à cadres, garnis 
de toiles (ces filtres suf- 
fisent à arrèter les der- 
nières substances insolu- 
bles qui n'auraient pas 
été enlevées après les 
passages aux fillres-pres- 
ses), puis envoyé aux ap- 
pareils d'évaporation ‘. 
Indépendamment 
deux carbonatations, cer- 
taines usines traitent les : | “à 
jus par le gaz sulfureux. 
On salure ainsi cerlaines 


des 


ui 


bases, on précipite aussi l'ig. 
quelques matières élran- 


gères, et l’on produit ainsi une décoloration assez : 


marquée du sirop. 
On a proposé aussi, pour supprimer les earbona- 


12, — Elément de fillre-presse. 


V. — ÉVAPORATION ET 
CUITE DES JUS 

La solution sucrée élant 
débarrassée de la plu- 
part des malières étran- 
gères provenant des cellu- 
les de la plante, il con- 
vient d'isoler le sucre de 
la solution. 

Pour lui permettre de 
cristalliser, il faut con- 
centrer fortement le jus 
carbonaté et filtré. Cette 
concentration comporte 
deux phases bien dis- 


tinctes : la première, évuporation ou concentration, 


consiste en la réduction du liquide à peu près à la 


moilié du volume primilif du jus. qui sera trans- 


Fig. 13. 


lalions, un traitement électrolvtique des jus. Ce 


1 Dans presque toutes les sucreries on a supprimé les 


filtres à noir qui ne produisent pas un effet actif proportion- 
nel à leur prix d'achat et d'entretien. 


— Autre système de fillre-presse à lavage. 


formé en sirop; la seconde, dite cuite de sirop, com- 
prend une nouvelle concentration jusqu'à la eris- 
lallisalion du sucre. 


Concentration du jus. — Par l'évaporalion de 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 217 


14 kilogrammes d’eau, 100 kilogrammes de jus 
fournissent approximalivement, en sirop, 26 kilo- 
grammes qui, par la cuite, se réduisent eux-mêmes 
à 14 kilo- 
_ grammes de 


M. Rillieux, en Amérique, employa la vapeur dé- 
gagée par les sirops et les jus en ébullition pour 
l’évaporation d'une autre partie de jus moins con- 


centré. Enfin, 
en Europe, 


masse brute - Degrand, 
cristalline. Cail,Derosne, 
Le chauf- Robert, Roth, 
fage à la va- Fischbein, 
peur est Walkhoff, A- 
moins dan- ders, de See- 
gereuxetplus lowits, etc., 


, économique 
que le chauf- 
fage à feu nu 
employé pré- 
cédemment. 
Pendant lon- 


etc., inven- 
tèrentou per- 
fectionnèrent 
des appareils 
basés sur le 
même prin- 


glemps, l’é- cipe. 

vaporation du L'appareil 
jus se faisait aujourd'hui 
dans des employé à 


chaudières à 


peu près par- 


air libre; 
mais la tem- 
pérature d'é- 
bullition,é- 
tant trop éle- 
vée, amenail 
fatalement et 
une  colora- 


tout, à quel- 
ques varian- 
tes près, est 
le système, 
dit à triple 
effet (fig. 14), 
dû à MM. Cail 
et Cie,ouune 
variété de ce 


tion du liqui- 


Fig. 14. — Triple effet, système Cail. 


de en brun et 


type, l'appa- 


une transfor- 


reil Dujardin 


mation d’une 


(fig. 13). Cet 


parlie du su- 
cre cristalli- 
sable en su- 
cre incristal- 
lisable. Onre- 
courut enfin 


appareil se 
compose de 
trois chaudiè- 
resoucaisses, 
situées à côté 
les unes des 


autres sur le 


à la concen- 


tration dans 


même plan, 


le vide, où 


et communi- 


l'ébullition a 
lieu à une 
température 
assez basse; 
et la différen- 
ce entre la 
température de la vapeur dans les tubes chauf- 
feurs et celle du liquide étant plus considérable, 
on obtient, à surface de chauffe égale, plus d'effet 
utile et, par suite, une concentration plus rapide. 
En 1812 Howard construisit la première chau- 
dière à évaporation dans le vide; plus tard, 


quant de telle 
sorte que la 
vapeur émise 
par le liqui- 
de, pendant 
qu'onchauffe, 
puisse être employée à vaporiser le jus contenu dans 
la suivante. L'évaporation est facilitée par un vide 
relatif que produisent, d’une part, une pompe à air 
et à eau, d'autre part, la condensation des vapeurs 
sortant des chaudières. Chacune de celles-ci 2st 
constituée par un cylindre à parois de fonte, dirisé 


218 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


en trois compartiments superposés. Le comparti- 
ment inférieur renferme un système de tubes ver- 
ticaux, visible sur la partie gauche de la figure 15 : 
chaque tube débouche dans le compartiment 
moyen. Le jus à concentrer remplit, d’une part, 
tous ces tubes, d'autre part, le fond du comparti- 
ment moyen. L'espace compris entre ces tubes esl 
occupé par la vapeur servant au chauffage. 

La chaudière de gauche est chauffée par la va- 
eu  d’échap- 
pement des 
machines de 
l'usine; sous 
l'influence de 
celte vapeur, 
le jus est 
rapidement 
porlé à l’é- 
bullition : les 
vapeurs qu'il 
émet se ren- 
dent entre les 
tubes de la 
seconde chau- 
dière, échauf- 
fent le jus 
qu'ils renfer- 
ment el le 
portent à l'é- 
bullition : ce 
dernier agit 
demême à l’é- 


de la seconde, et 28° à 30° en quittant l’appareil. 
M. Horsin-Déon construit actuellement, sur le 
même principe, des appareils à quadruple, quin- 
tuple et même sextuple effet. Le jus, dans ce der- 
nier cas, est réchauffé dans les deux premières 
caisses, Les vapeurs produites dans ces caisses 
servent au chauffage de l'appareil à cuire, ainsi 
qu'à celui des chaudières à carbonater. L'économie 
de chauffage réalisée dans ces conditions est de 
30 % sur le 
combustible 
utilisé par le 
triple effet 
ordinaire. 
Les sirops 
sortant du tri- 
ple effet sont 
filtrés méca- 
niquemenl 
dans les mê- 
mes  condi- 
tions que les 
jus qui y en- 
trent. Les fil- 
tresemployés 
sontde même 
sorte (filtres 
Puvrez, Da- 
neck, elc.). 
Quel que 
soit le filtre 


gard du jus de 
la troisième 


Fig. 15. — Appareil à triple effet pour la concentration du jus sucré. — La chauditre 
de gauche montre la disposition interne des trois chaudières : chacune est divisée par 


conomie réa- 
lisée par la 


chaudière. deux cloisons horizontales, en trois compartiments superposés. Les deux chaudières suppression 
ns se de droite montrent, vers la base de leur dôme, des orifices, trous d’homme, ete., lale d ER 
Ce système servant à introduire à l'intérieur des trois chaudières de l'acide chlorhydrique pour totale du noir, 
réalise une les nettoyer. — Suivant une génératrice de leur surface cylindrique on voit des varie de O fr. 
= lunettes en cristal permettant d'observer du dehors le niveau du liquide à l'intérieur, re 
importante Ces chaudières possèdent un revêtement de bois destiné à diminuer la déperdition de 75 à 4 fr. 50 
économie de Chaleur. par 1.000 ki- 
combustible , log. de bette- 


puisque la vapeur envoyée dans la première chau- 
dière chauffe indirectement les deux autres. 

Le degré de vide n'est pas le même dans ces 
trois caisses : si nous représenlonsla pression dans 
la dernière chaudière par une colonne mereurielle 
de 11 centimètres, la pression sera 38 centimètres 
dans la deuxième, et 65 centimètres dans la pre- 
mière, à + 96° C., dansla seconde à 82 C, dans 
la troisième à + 54° C, Le jus qui arrive dans la 
première caisse en vertu du vide relatif qui existe 
dans l'appareil, passe done successivement dans 
les deux autres et sort d'une manière continue de 
la troisième. À 

Les robinets sont réglés de facon que le jus ait 
une densité correspondant à environ 10° Baumé 
en sortant de la première chaudière, 18° en sortant 


raves, soit environ de O fr. 50 à 1 franc par 100 ki- 
log. de sucre. À l'heure où nous écrivons ces 
lignes, le bas prix du sucre brut (24 fr. 75 les 
100 kilog.) a forcé les industriels à faire des réfor- 
mes et à diminuer considérablement leur main- 
d'œuvre. 

On s'était aperçu, depuis longtemps, que l'in- 
fluence de la décoloration sur la pureté du sucre 
de premier jet est secondaire, el que la principale 
aclion du noir se réduit à une purification méca- 
nique; dans ces conditions, la suppression de la 
filtration sur noir s'imposait. 


Cuile du jus. —- Le sirop filtré est ensuite concen- 
tré jusqu’à cristallisation. Cette concentration s’ef- 
fectue dans la chaudière à cuire (fig.16, 17 et18). C'est 


employé, l'é-. 


Eeh 


Natyairetsn À sofa COUPER ENS Pr à: { 


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Gedhpg à 


CN 


- Enfin, quand la hauteur 


+ 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 949 


————————————……—…——………—…——…… —…—— ._"————————————————————————————______——_——.—_____—__————_—_—_— 


une chaudière cylindrique, chauffée par trois ser- 
* penlins intérieurs (fig. 17), munis chacun d’un robi- 
net placé extérieurement, adapté sur le tuyau qui 
amène la vapeur directe des générateurs. Les ser- 
pentins sont superposés; on peut donc, suivant la 


hauteur du sirop, chauffer 
d'abord par le serpentin 
inférieur, puis par le pre- 
mier el le second réunis. 


du sirop dépasse le ser- 
pentin supérieur, on in- 
troduit la vapeur dans 
les trois serpentins. Les 


sirops arrivent par un 


tuyau à robinet, appelés 
par le vide de lappa- 
reil. Ce tuyau débouche 
dans la chaudière à la 
hauteur du deuxième ser- 
pentin. 

Comme dans l'appareil 
précédemment cilé, la 
chaudière est pourvue de 
lunettes en cristal per- 
metlant d'observerlasur- 
face du sirop en ébulli- 
tion, ainsi que la façon 
dont s'opère la cuite. La 
chaudière à cuire est mu- 
nie,à sapartie supérieure, 


: d’un manomètre et d’un 


thermomètre, et sur le 
côté se trouve un enton- 


lition tumul- 
lueuse ne 

manque pas 
de former. Au 
sommet se 
trouve un dû- 
me ; un large 
luyau s'y a- 
dapte, par le- 
quel s'échap- 
pe la vapeur 
résullant de 
l’évapora- 
tion. Cette va- 


peur est aspi- Fig. 17 et 18. — Chaudière à cuire avec condenseur latéral. — La figure 17 repré sente la 
coupe verticale intérieure de la chaudière. On y voit les trois serpentins où circule la 


rée, en mère vapeur qui chauffe la chaudière, 


temps que 


l'air, au moyen d’une pompe à air et 


Conduile de la cuite en grains. — On commence à 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


Fig, 


16. 


noir à robinet permettant l'introduction d'un peu 
de graine destinée à abattre lamousse qu’une ébul- 


— Chaudière à cuire avec grand condenseur de 
vapeur supérieur. 


faire le vide dans la chaudière, puis on ouvre le 
robinet qui commande l’arrivée du sirop filtré. 
Lorsque le niveau dusirop dans la chaudière s’ap- 
proche de la première lunette, on ferme ce robinet 
et on commence à chauffer par le premier serpen- 


tin. On chauffe jusqu'à ce 
que le sirop soit concen- 
tré de manière à don- 
ner la preuve au crochet. 
Pour cela, une goutte de 
sirop prise entre le pouce 
et l'index doit donner 
lorsqu'on écarte ces deux 
doigts, un filet qui se 
rompt en formant deux 
crochets. À ce moment, 
on introduit une nouvelle 
charge desirop, et bientôt 
après on commence à 
apercevoir de petits cris- 
taux. On règle alors l’ar- 
rivée du sirop, et, la 
cristallisation se conti- 
nuant, les cristaux aug- 
mentent progressivement 
de volume. 

En observant sur une 
lame de verre un échantil- 
lon prélevé de temps en 
temps, le cuiseur suit Ja 
marche de l'opération et 
s’assure que le grain se 
nourrit régulièrement. 

Lorsque le niveau du 


sirop parvient à la partie supérieure de la chau- 
dière, l’ouvrier ferme l’arrivée du sirop et continue 


à cuire jus- 
qu'à ce que le 
grain soit ar- 
rivé à son dé- 
veloppement 
normal (en 
terme de mé- 
tier cette o- 
pération se 
nomme le 
serrage de la 
cuite). 


Lorsque la 
cuile est ter- 
minée, On ar- 
rêle le jeu de 
la pompe; on 


eau. | ouvre le robinet à air adapté un peu au-dessous 


du dôme, 
contenu 


puis la soupape du fond, et tout le 
la chaudière, ce qu’on appelle la 


a 
ER 


220 E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL 


DE LA SUCRERIE EN FRANCE ER 


masse cuite du premier jet, tombe dans un enlon- 
noir auquel est adaptée une goullière en pente, 
qui conduit cette masse grenue et épaisse dans de 
grands bacs rectangulaires où on la laisse refroidir 
pendant une heure ou deux. 

La masse cuite de premier jet estensuile turbinée. 


VI. SÉPARATION MÉCANIQUE DU SUCRE. 

Pour opérer la séparation du sucre et du sirop, on 
peut se servir des formes, des caisses ou des turbines 
(fig.19 et 20). Depuis l'emploi des chaudières à cuire 
dans le vide, on n'utilise plus que les turbines. Elles 
sont formées d'un tambour en toile métallique fine, 
ouvert à sa partie supérieure el 
consolidé de toutes parts par 
des bandes de fer. Le tambour 
est fixé à un axe vertical repo- 
sant sur un coussinel; cet axe 
porte à son extrémité supérieure 
un cône de frottement, auquel 
un cône semblable, fixé sur un 
axe horizontal, portant une 
poulie motrice, imprime un 
mouvement très rapide de ro- 
lation, qui se transmet au tam- 
bour et lui communique une 
vitesse de 1.200 tours à la mi- 
nule. 

La masse cuite, en se re- 
froidissant, à pris une certaine 
consistance. Il est nécessaire di 
la désagréger avant de la por- 


I 


Il 


| 


ïl 


aux cristaux ; enfin, pour produire une épuration 
plus complète, on dirige un jet de vapeur pen dati 
quelques instants sur les cristaux, et on arrête en 
suite la turbine. 4 

Au moyen d'une pelle en cuivre à manche court, 
on relire le sucre de la turbine, on le met en sacs, 
que l'on porte ensuite dans un magasin spécial. 
Le sucre est étendu là sur le plancher et on favo- 
rise sa dessiccation en entretenant dans celle pièce 
une température propice. 

Le sucre ainsi oblenu {sucre de premier jet) forme 
de pelits cristaux réguliers, parfaitement blancs, 
susceplibles d’être immédiatement livrés au com- 
merce : cependant la majeure 
partie est livrée à la Raffinerie, 
quijn’a d'autre travail qu'à le 
meltre en pains el le livrer en-. 
suite à la consommation. 


: VIT, — EXTRACTION DES SUCRES 
DE ®% ET 3° JETS. 


Le lurbinage quenous es 
de décrire a séparé du sucre 
cristallisé des jus très com- 
plexes, en général assez trou 

bles, appelés mmélasses, et qui 
retiennent, malgré les opéra 
tions précédentes, de grandes. 
quantités de sucre. Il est indis- 
pensable d'extraire ces quanti= 
tés. À cel effet, la mélasse 
résullant du premier lurbi- 


ter aux turbines. On se sert à 


uage est parlagée en deux par= 


cet effet d'une malureuse, caisse 
quadrangulaire à l'intérieur de 
laquelle se meut un cylindre 
armé de dents. La caisse est surmontée d’un enton- 
noir dans lequel on jette, à l’aide d’une pelle, le 
contenu des cristallisoirs. La masse cuite est réduite 
en bouillie homogène; un tiroir, fixé à la base 
de la caisse, permet de recueillir la masse lorsque 
celle-ci à acquis la fluidité voulue. On la recoil 
dans une boite en tôle et on la porte rapidement 
aux turbines. 

Lorsque la masse est introduite dans le-tambour, 
on met celui-ci en mouvement. Sous l'influence de 
la rotation, le sucre se distribue verticalement au- 
{our des parois. La mélasse qui entoure les cris- 
Llaux traverse seulela toile métallique, et est lancée 
contre la paroi d’un réservoir en fonte qui entoure 
le tambour; cette mélasse se rassemble dans le 
fond du réservoir, et un Luyau en permet l'écoule- 
ment dans un bac destinéà cetusage. Afin d'obtenir 
un produit plus pur, on laisse le sucre dans le tam- 
bour, en y ajoutant une certaine quantité d’un 
sirop pur, qui déplace la mélasse restant adhérente 


Fig. 19. — Turbine à mouremuntstpérieur pour 
séparer du sucre crislallisé les mélasses. 


Lies : 
1° Égouts pauvres, produits 
depuis le commencement du 
turbinoge jusqu'au moment où l'on clairce; M 
2% Égouts riches, produits à partir du moment où 
l'on commence à elaircer jusqu'à la fin du turbi 
nage; un dispositif, imaginé par M. Thomas, peræ 
mel la séparation automalique des égouts. 
Les égouts riches, relativement purs, rentrent 
dans le travail à la deuxième carbonalalion. 
Les égouts pauvres sont concentrés à nouveau 
et fournissent les sucres des 2° el 3"° jets. ; 
En effet, ces égouts contiennent beaucoup de su 
cre, qu'il importe de recueillir ; mais, comme il 
contiennent une forle proportion de malièress 
élrangères, la cuite en grains ne peut pas être ems 
ployée. On cuil seulement jusqu'à l'épreuve dilè 
du filet el on envoie cette masse cuile dans de 
crislallisoirs très profonds de forme quadrangu 
laire, où le refroidissement est retardé par un 
température de 40° à 45°, que lon mainlient dan 
la salle où se trouvent les bacs cristallisoirs (em 
plis. Au bout de quelques jours la cristallisation 


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& 
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42 


“ 
F 


E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 221 


estterminée, on vide alors les cristallisoirs et on | dans peu de sucreries en raison du prix de son 
urbine la masse. Le sucre produit est brun clair, | installation. Voici, brièvement, en quoi il consiste : 
ét doit être épuré par le raffinage avant d'être li- | À mesure que le grain se forme dans la chou- 
vré à la consommation. Les égouts du turbinage | dière à cuire, le sirop s’appauvrit au point de se 
du 22° produit sont concentrés à nouveau, et la | rapprocher de la constitution finale de la mélasse. 
masse cuite (3°° jel) ainsi formée est envoyée aux | Au lieu d'introduire du sirop pur, on fait seule- 
“emplis. Mais la cristallisation est longue, demande | ment des charges avec du sirop de même pureté 
au moins 4 à 5 mois. Le sucre lurbiné (3%° jet) est | que celui qui reste après la formation du grain. Il 
d'une couleur plus foncée que le précédent et est | restera donc au turbinage du sucre blanc, d'un 
livré dans les mêmes conditions que le 2° jet au | côté, et de la mélasse marchande. 

raffineur. Pour obtenir ce résultat, voici, d'après M. H 
- Le sirop dégagé du 3"° jet forme les mélasses | Déon, comment M. Steffen opère : 


Fig, 20. — Turbine à mouvement inférieur. — H, tambour dans lequel on introduit le sucre à turbiner, — J, cylindre 
en fonte contre lequel est projetée la mélasse. — EÆ, axe central porté sur coussinet. 


-qui ne donnent par concentralion que peu ou mème « Les masses cuites, retroidies méthodiquement el 

- pas de sucre cristallisable. Elles sont vendues aux | en mouvement sont recues dans des bacs ayant un 

isti ; Fa ; double fond formé d’une toile métallique. Une su- 
istillateurs et employées par ceux-ci à la fabri- 


; ; Te 0 6 cette aspire l'égout qui souille le grain et celui-ci reste 
calion de l'alcool, ainsi qu'à l'extraction des sels | seul dans le bac. Pour nettoyer ce grain qui retient 


potassiques des vinasses formant le résidu de la | encore de la mélasse interposée, on le lave avec une 
distillation alcoolique. clairce un peu moins impure, que l’on suce de la même 
s 4 : anière: puis avec une troisième plus pure, ef ainsi 

La mélasse de betterave est noirâtre, visqueuse, | © USE È plus pure, 


un goût lutô è a de suite, jusqu’à ce que l’on clairce avec du sirop pur. 
un goût repoussant, plutôt salin que sucré; elle | Gn obtient ainsi dans le bac du sucre tout à faitblanc. 


marque généralement de 42° à 45° Beaumé. « Les clairces successives servent à traiter les 
- Sa composition moyenne est la suivante : masses cuites suivantes, et l'excédent est introduit 
ne méthodiquement dans l'appareil à cuire, » 
è 0] 
ps Le sucre est alors turbiné pour enlever les 


Es : . € à dernières traces de clairce, et séché ensuite dans 
—. M. Steffen a proposé, pour évier le travail des 

” me Qnme :h “6dé : 1 : 

“2% e{ 3% jets, un procédé de crislallisation en 1 Horsix-DEow, Bulletin de la Société Chimique de Paris 


mouvement, très élégant. qui n’a été installé que | (25 janvier 1895). 


9922 E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


des cylindres tournants où circule de l'air chaud. 
Ce procédé ne s’est pas encore généralisé. D'ail- 
leurs, il reste encore de la mélasse dont nous avons 
déjà donné la composition, et qu'il importe de 
traiter. 
VIII. — DÉSUCRAGE DES MÉLASSES. 


La forte proportion de sucre cristallisable con- 
tenu dans les mélasses a naturellement conduit les 
industriels à chercher les moyens d'extraire ce 
sucre. Il en est résulté un grand nombre de mé- 
thodes dont nous n’éludierons que les principales : 


. Osmose imaginée par DUBRUNFAUT. 

. Osmose calcique (DuBRUNFAUT, SCHOLVIEN). 

. Désucrage par la baryte (DUBRUNFAUT. 

Désucrage par la strontiane (DUBRUNFAUT, STAMMER. 
SCHEIBLER). 

5. Désucrage par la chaux (STEFFEN). 


+ co ho 


6. Désucr: igepar le saccharocarbonate dechaux (MM.Borvis | 


et LoisEAU). 


LLC EL 


il 


Tous les cadres sont percés à la partie inférieure. 
et à la partie supérieure de deux séries de trous; 
qui forment quatre canaux. Deux de ces canaux 
servent au passage de la mélasse, etles deux autres” 
servent au passage de l’eau pure. L'appareil est 
monté de Lelle façon queles deux canaux à mélasse 
(le canal supérieur et le canal inférieur) commu 
niquent avec les chambres paires, tandis que les. 
canaux à eau pure, disposés de la même façon, 
communiquent avec les chambres impaires. 

Lorsque l'osmogène est prêt à fonctionner, on 
envoie la mélasse dans les chambres paires, et on 
fait circuler de l’eau chaude dans les chambres” 
impaires. À travers la membrane, il s'établit un. 
double courant. Les sels et RES principes très 
diffusibles passent dans l'eau plus rapidement que. 
le sucre. La mélasse se trouve en même temps di 


D cé DEN À Lau alé 


MN ik ll 


. Ve 


cs 


- 1 
Li | 


Fix 21 — Osmogène. 


Nous n'entrerons pas dans les détails des dif- 
férentes opérations, el n'indiquerons ici que les 
principes qui les guident. 


Osmose. — La présence d'une partie de sel 
(chlorures de potassium et de sodium) empêchant 
la cristallisation de 4 parties de sucre, ona cherché 
à éliminer la majeure partie dessels que renferment 
les mélasses. À cet effet, on soumet la mélasse à 


une dialyse. L’osmose ou dialyse repose sur ce prin- | 


cipe que la mélasse enfermée dans un vase à parois 
poreuses (membrane animale, papier-parchemin, 
terre cuite non vernissée), qu’on plonge dans l’eau 
pure, abandonne, par diffusion, les sels minéraux 
qu'élle renferme bien plus rapidement que le sucre. 
L'osmogène employé à cet effet (fig. 21) se com- 
pose d’une série de cadres en bois dur, entre les- 
quels on interpose, de deux en deux, une feuille 
de papier-parchemin. Ces cadres sont serrés les 
uns contre les autres au moyen de tiges en fer et 
de boulons à écrous; on assure l'étanchéité du 
système au moyen de garnitures de caoutchouc. 


y 
ad Vpn er 


" 


luée ; et on fait sortir cette mélasse de l'osmogènen 
avant que le sucre ne diffuse lui-même. Les mé 
lasses osmosées sont recuites, et, après un séjour 
de quelques semaines dans les cristallisoirs,aban= 
donnent de 20 à 25 kilog. de sucre par hectolitren 
de masse cuite, Ce qui reste est soumis à unes 
nouvelle osmose, et ainsi de suite. S 
Osmose calcique. — On prépare le saccharale 
monocalcique en ajoutant un lait de chaux à la 
mélasse, on osmose ensuile; le saccharate monos 
calcique, comme tous les sels de chaux, ne diffuse 
que fort lentement. Onélimine ainsi presque toutes" 
les matières étrangères ; le saccharate monocal= 
cique est ensuile carbonaté, elle sirop repasse pal 
toutes les phases des opérations décrites plus hauls 
Ces procédés nous semblent destinés à céder | 
la place aux procédés de désucrage par les agents. 


« 


chimiques. 


Désucrage par la baryle. — Peligot a étudié less, 
différentes combinaisons que forment les alcalino= 
terreux avec la saccharose. Il résulte de ses travaux 


: 


d’autres sont insolubles. Le principe sur lequel 
Slappuie le désucrage des mélasses est donc celui- 
à : Entrainer le sucre dans une combinaison inso- 
luble, que l’on puisse recueillir et laver, et dépla- 
cer ensuite le sucre de cette combinaison par un 
réactif convenable (CO? ou SO?). 
“ Si l'on dissout dans trois parties. égales d'un 
même sirop des quantités de baryte, strontiane et 
chaux proportionnelles à leurs poids moléculaires 
espectifs, de telle façon qu’il existe une molécule 
e la base par molécule de saccharose, on obtient 
des précipités suivants à l’ébullition : 
“ CH°2011Ba0........... Saccharate monobasique 
DA CLEH20M2Sr0.......... » bibasique 
= C'2H220'13Ca0...... ... » tribasique. À 

‘On voit que dans la première liqueur tout le 
sucre est entré en combinaison; elle est à peu près 
désucrée, tandis que laseconde contient au moins 
la moitié du sucre primitif, et la troisième les 
deux tiers. 

Le procédé de désucrage à la baryte serait donc 
“excellent, n'était la difficulté de récupérer la baryte, 
— qui coûte d’ailleurs fort cher, — et le carbo- 
nate de baryte retrouvé à la fin de l'opération 
étant difficilement caustifiable. 


» 


… Désucrage par la strontiane. — I semblerait que la 
cherté encore plus considérable de la strontiane 
ait dû rendre impossible l'emploi de cet agent 
11 Cependant, les conditions du travail 
“ainsi que la facile récupération du carbonate de 
Strontiane, fontreconnaitre au procédé Scheibler 
par la strontiane de nombreux avantages. Le point 
“nouveau et le plus intéressant de ce procédé est 
%e suivant : 

*: Le saccharate bistrontique, précipité à chaud, se 
-dédouble, au contact de l'eau froide, en hydrate de 
“strontiane et en un saccharate monostrontique 
soluble. 

En projetant dans la liqueur quelques cristaux 
d'hydrate de strontium, on détermine la cristallisa- 
lion de l’hydrate : Sr (0H)? + 8H?0, tandis que, 
Si l’on ajoute à la liqueur quelques parcelles 
de monosaccharate, c’est ce dernier qui cristal- 
lise C'H2011Sr0 + 5H20. 

Les principes scientifiques qui touchent aux pro- 
priétés des solutions sursaturées trouvent ici une 
très intéressante application. En comparant l’an- 
cien procédé à la baryte et le procédé actuel à la 
-Strontiane, on reconnait à ce dernier les avantages 
suivants : 

1° Étant donné que BaO — 153 et SrO — 103,5, 
on voit que, pour séparer une même quantité de 
sucre, il faut moins de lérre alcaline, puisque, des 

trois molécules de Sr0O employées primitivement, 


deux repassent à l’état d'hydrale cristallisé, propre 
à de nouvelles opérations. 

2 Le carbonate de strontiane repasse à l’état de 
strontiane caustique par euisson à + 800° dans les 
fours à chaux ordinaires, tandis que la baryte 
demande l’emploi du charbon et une température 
de + 1100°. 

Cependant, on emploie généralement la chaux, 
qui n’a presque pas de valeur, dont on trouve le 
carbonate partout, tandis que la withérite ou la 
strontianite sont peu répandues. 


Désucrage par la chair. — On prépare le saccha- 
rate tricalcique en ajoutant à une solution de sac- 
charate monocalcique, provenant de la mélasse en 
traitement, de petites quantités de chaux vive fine- 
ment divisée. Il se produit à froid du saccharate 
tricalcique; la chaux n'entre pas en dissolution, 
elle attire le sucre de la liqueur et le fixe à l’état 
de 

C'2H220113Ca 0. 


Le saccharate tricalcique est grenu, facile à fil- 
trer et à laver à froid (on se sert pour ces opéra- 
tions de filtres-presses). 

Au lieu de chauffer le saccharate et de le décom- 
poser ensuite par carbonatalion, un certain nombre 
d'usines s’en servent pour le chaulage des jus, qui 
sont en même temps enrichis. (Procédé Steffen.) 

Le sucre isolé du saccharate tricalcique est d’une 
pureté qui n’est pas sensiblement inférieure à 
celledes sucres traités par la baryte et la stron- 
tiane. 


Désucrage par le saccharo-carbonate de chaux. — 
MM. Boivin et Loiseau précipitent le sucre de la 
mélasse sous forme desaccharo-carbonate de chaux, 
insoluble dans l’eau de chaux. Ils traitent la mé- 
lasse par la chaux, en faisant passer un courant de 
gaz carbonique. Il faut éviter dans cette opération 
que la température dépasse + 25° C. 

Le saccharo-carbonate de chaux est une masse 
pâteuse, qu'on lave à l'eau de chaux ou par exos- 
mose : il se débarrasse de toutes ses impuretés. Sa 
composition serait : 


SUCRE ee er ee Cr lii e 43 % 
CAO PEER ee EEE: 39 
COLLE MANIA Tee ne CETTE 18 


IL est dédoublé par la chaleur et saturation en 


sucre et carbonate de chaux !. 
Edouard Urbain, 


Chimiste industriel. 


1 Les clichés des figures 3, 3 bis, 6, 10, 12, 13, 14 et 20 ont 
été obligeamment mis à la disposition de la Revue par 
M. J. Fritsch, éditeur, 30, rue du Dragon, à Paris. Nous 
devons la figure 4 aux anciens établissements Cail et les 
figures 5, 11, 15, 16, 18, 19 et 21 à la Sucrerie indigène el 
coloniale. 


19 
19 
EE 


II. — ÉVOLUTION RÉCENTE DE LA SUCRERIE 


La sucrerie française, sollicitée par la crainte 
de la concurrence étrangère, encouragée par des 
lois sagement étudiées, a, pendantces dix dernières 
années, accompli une évolution des plus intéres- 
santes, réalisé de très grands progrès. Ces progrès 
n'ont peut-être pas profité toujuurs à ceux en 
faveur desquels ils avaient été conçus. Les fabri- 
cants ont vu diminuer le nombre de leurs usines, 
et ont fait de lourds sacrifices, de puissants ef- 
forts, sans qu’un bénéfice suffisant vint les en ré- 
compenser; les cullivateurs ont peut-être gagné 
un peu au nouvel état de choses ; mais les ouvriers 
de sucrerie travaillent moins nombreux qu’autre- 
fois, travaillent pendantun temps pluscourt, ettou- 
chent un salaire moins élevé; le consommateur lui- 
même paie au même prix le sucre de son ménage. 
Seul, le Trésor a profité de la surproduction. 

Si nous pouvons, à cerlains points de vue, 
regretter les conséquences de ces progrès, nous ne 
saurions regretler le principe qui a présidé à 
leur accomplissement. Il fallait que ces progrès 
fussent réalisés quand même par la culture et par 
la fabrication. Déjà les nations voisines avaient 
subi la révolulion à laquelle la France sucrière 
se préparait; nous ne pouvions rester en arrière, 
sous peine de voir, malgré les droits de douane, 
le sucre, produit à meilleur compte à l'étranger, 
envahir nos marchés, et notre commerce d’expor- 
tation anéanti. La sucrerie de cannes elle-même, 
si longtemps abandonnée à sa routine, se préoc- 
cupait de modifier son outillage et sa fabrication. 

L'évolution dont nous parlons plus haut est 
aujourd'hui accomplie. Elle a amené une surpro- 
duction considérable et que l’on ne pouvait pas pré- 
voir. Nos marchés regorgent de sucre, et la valeur 
du sucre brut, en dix ou douze ans, a diminué de 
moitié. A partir d'aujourd'hui, la criseestouverte,et 
il faut nous attendre à assister maintenant à des 
bouleversements dans l’industrie du sucre, qui 
seront les conséquences des progrès accomplis. 

Nous ne voulons pas, dans cet article, présager 
de l'avenir et prévoir ces bouleversements ; nous 
voulons faire simplement de l'histoire el voir com- 
ment les modifications apportées tant à la légis- 
lation spéciale, tant à la culture de la betterave, 
qu'à la fabrication du sucre, ont été de nature à 
amener la sucrerie à la silualion dans laquelle elle 
se trouve aujourd’hui. 


I. MODIFICATIONS DANS LA LÉGISLATION DES SUCRES 
ET LEURS CONSÉQUENCES 


En 1884, le 29 juillet, fut votée une loi dont le 


principe fixail l'impôt sur la betterave entrant dans | 


L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


. année el portée, de 6 k. 250 pour la campagne 


la sucrerie, au lieu de le faire porter sur le sucre 
extrait; elle obligeait les fabricants à exiger des 
cullivateurs des betteravesriches, et à ne travailler 
qu'au moyen des appareils et des procédés lesplus 
perfectionnés. 4 

Cette loi du 29 juillet 1884 ne frappait pas d’une v 
façon brutale la sucrerie : établissant un impôt pro- 
gressif, elle laissait le temps à la sucrerie nouvelle M 
de s'organiser. L'organisation fut si rapide que 
l'État se crut autorisé à modifier, trois ans plus: 
lard, par la loi du 4 juillet 1887, les dispositions « 
édictées par la loi de 1884. : 

La loi du 29 juillet 1884 fixe à 50 franes le droit * 
à percevoir sur 100 kilog. de sucre, et autorise les 
fabriques à s'abonner, moyennant une prise en 4 
charge, qui est, par 100 kilog. de betteraves mises 
en œuvre, de 6 kilog. quand la fabrique emploie 
la diffusion, de 5 kilog. quand elle emploie les 
presses, l'excédent de rendement étant libéré d'im- 
pôt; elle alloue aux fabriques non abonnées un 
déchet de 8 ?/, sur le montant total de leur fabri- « 
calion. Mais cette disposition ne doit durer que. 
trois ans, el à partir du 1% septembre 1887 toutes 
les fabriques devront être abonnées. 

La prise en charge, à partir de cette époque, 1 
doit être relevée progressivement d'année en 


1887-88, à 7 kilog. pour la campagne 1890-91. Mais," 
comme nous le disions plus haut, le rendement" 
était tel déjà que l'État intervint. La loi du 27 
mai 1887 impose les excédents de 10 franes par 100 
kilog.; celle du 4 juillet 1887 porte le rendement" 
légal à 7 kilog. pour 1887-88, à 7 k. 250 pour 1888-« 
89, à 7 k. 500 pour 1889-90, à 7 k. 750, où il est 
encore aujourd'hui, pour 1890-91. De plus, les 
droits sur les sucres sont portés à 60 francs. La loi 
du 24 juillet 1888 relève de 10 à 20 francs, celle 
du 5 août 1890 relève de 20 à 30 francs la taxe des 
sucres considérés comme excédents de rendement. 
L'impôt a donc été progressif ; il s’est élevé au 
fur eLà mesure que les perfectionnements s'accom- 
plissaient, et ne s'est arrêté que le jour où l'on a 
senti qu'ils étaient suffisants. C’est donc sous ce 
régime, qui consiste à prendre en charge les bette-m 
raves entrant à l'usine, comme si le fabricant de-" 
vait en retirer 7,75 °/, de sucre (imposable à 60 fr. 
les 100 kilog.) el à ne faire payer que 30 francs par 
100 kilog. de sucre excédant, que la sucrerie se 
trouvait placée en 1890. De plus, une disposition 
de la loi du 4 juillet 1887 déchargeait d'impôt, à 
raison de 44 ‘/, de leur poids, les mélasses sor-M 
lant des fabriques et destinées à être expédiées en 
distillerie ou à l'étranger (Art. 6). : 


L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


Ce régime est encore celui sous lequel la sucrerie 
fonctionne aujourd’hui. Mais la loi du 29 juin 1892 
utorise les fabricants qui, au 1° novembre, crai- 
gnent de ne pas atteindre pour la moyenne de 
leur campagne le rendement légal, à renoncer aux 
dispositions ci-dessus el à payer l’impôt sur le 
sucre produit ; elle leur alloue sur toute leur fabri- 
cation un déchet de 15 °/, imposable, comme les 
excédents, à 30 francs les 100 kilog. Le calcul 
démontre que, si le fabricant prévoit obtenir, 
comme moyenne, un rendement inférieur à 9,12, 
il a avantage à demander ce régime, mais qu'il aau 
. contraire avantage à prendre l'abonnement quand 
ilprévoit un rendement supérieur.— De plus, cette 
même loi porte à 45 francs la taxe des excédents 
- obtenus au-dessus de 10,5 

Ha 30 francs ceux Cblenus de 7,7 

. chiffre. 

C'est à cette législation spéciale qu'il faut atlri- 
buer surtout l’augmentalion de rendement que les 
fabricants ont obtenu. Leurs betteraves étaient plus 

- riches, les procédés de travail plus parfaits; mais, 
c'est que 
à les fabricants, soucieux de profiter des avantages 
… que la loi leur offrait, faisaient tous les sacrifices 


15°/, jusqu'à ce 


C 


E si ces nditone se trouvaient réalisées, 


»°/, tout en maintenant | 


! 


… pour les remplir. Le tableau I donne, en même | 


Le que la production du sucre (compté en raf- 


-liné, y compris le sucre des mélasses), les ren- | 


EE obtenus dans les dernières campagnes : 


‘4 Tableau I 


Sucre produit 


Rendement 0/0 
(en raffiné) 


ANNÉES 
des betteraves 


1881-82... 
1882-83 
1883-84 
1884-85. 
1885-86. 
1886-87... 
1887-88 
1888-89 


1890-91... 


800. 


1894- 95 (estimation)... 


Cette législation permettait également aux fabri- 
cants de bénéficier des excédents de fabrication 
et de diminuer d'autant le prix de revient de leur 
sucre fabriqué. 

Nous avons dressé le tableau Il, 
… la quantité de sucre en excès du rendement légal, 
obtenu depuis 1884-85, en même temps que le gain 

‘ réalisé de ce fait par le fabricants, en établissant 
- les calculs sur les bases des différentes lois aux- 
- quelles il a été fait allusion plus haut : 


qui indique | 


225 
Tableau II 
Sucro Bénéfice Bénéfice 
représentant | réalisé par les rapporté à 
ANNÉES l'excédent fabricants sur 100 kg. 

de fabrication | les excédents de sucre 
en tonnes en francs en francs 

LE fr. fr. 
1884-85..... 22.700 11.350.000 4,16 
1885-86..... 78.800 39.400.000 14,82 
1886-87.....| 152.100 16.050.000 179% 
1887-88..... 94.000 47.000 000 13,99 
1888-89.....| 106.400 42,560.000 10,31 
1889-90.....| 200.000 80.000.000 10,00 
1890-91... ... 111.200 33.360.000 5,42 
1591-92.....| 140 800 42,240 .000 7,38 
1892-93... 99.000 29.700.000 5,67 
1893-94... 107.700 32.310.000 6,27 


On comprend, en examinant surtout la dernière 
colonne de ce tableau, que l'État ait cru légitime, 
pour restreindre le sacrifice qu'il faisait, d’aug- 
menter successivement la taxe des excédents, de la 
fixer à 10 francs en 1887-88, à 20 francs en 1888- 
89, à 30 francs en 1890- O1, et en même {temps 
d'augmenter le rendement légal, de 5 à 6 °/, qu'il 
élait en 1884-85, à 7,79 °/, en 1890-91. 

Le bénéfice de certains fabricants exportateurs, 
du fait des excédents est encore plus considérable : 
car les sucres vendus à l’exportation sont libérés 
d'impôt, et l'impôt de 60 francs par 100 kilog. est 
remboursé aux fabricants sur des sucres qui ont 


pu ne payer que 30 francs. 


L'État a profité lui-même de cette surproduction 
qu'il avait déterminée ; le rendement des contri- 
butions indirectes sur les sucres a augmenté, en 
effet, de la façon suivante ({ableau I) : 


Tableau III 


LOST NE ME Re ee 92.600.000 
TOOL TE PRE vues Re À 108.500 .000 
18820 ITA TER NE F 109,100,000 
LS OU. cr A AR nee 133.100.060 
RSOU NE ARR RE LA 153.900.000 
AS DRE Te A ane 163.000 .000 
QE 
II, — MODIFICATIONS DANS LA CULTURE 


ET LEURS CONSÉQUENCES. 


La substitution des betteraves riches aux bette- 
raves pauvres a eu pour effet d’abaisser le rende- 
ment cultural par hectare dans la proportion de 
33.000 à 25.000 kilog.; c’est chose connue, en effet, 
que le rendement des espèces riches est inférieur 
à celui des espèces pauvres. Maïs la betterave a été 
payée à un prix plus élevé, comme l'indique le ta- 
bleau ci-après (IV), en sorte que, si l’on caleule la 
somme d'argent payée à la culture par hectare, on 
voit que le cultivateur reçoit par hectare autant 
d'argent qu'autrefois. La nouvelle culture ne l’a pas 
entrainé à plus de frais ; l'élévation du prix des 
graines est insignifiant ; il emploie plus de nitrate 


226 L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


et plus de superphosphate, mais moins de fumier. 
Ses labours ne sont pas plus profonds et ses 
binages ne sont pas plus fréquents; sa situalion ne 
s’est donc pas à ce point de vue sensiblement mo- 
difiée : 


Tableau IV 
| Rendement Prix Somme payée 
ANNÉES à des 1000 kg. | à la culture 
l'hectare de betteraves | par hectare 

1881-82...... 33.800 kg. 20,90 fr. 706 fr. 
1882-83..... 34.900 21,00 733 
1883-84...... 35.300 20,60 727 
1884-89 ...... 31.300 19,10 298 
1885-86...... 29.500 22,10 670 
1886-87......| 31.900 24,00 765 
1887-88 ..... | 22.500 26,00 585 
1888-89...... 24,500 Oo! 27,50 674 
1889-90...... 32,300 31,00 1001 
1890-91......| 29.300 24,80 727 
1891-92......| 25.200 26,30 663 
1892-93......| 25.600 27,00 691 

L 


Le cultivateur a réalisé cependant un certain bé- 
néfice au détriment du fabricant, en payant les 
pulpes moins cher que par le passé. Au moment 
où la diffusion s’est établie en France, le culti- 
vateur n’a accepté qu'avec une grande défiance les 
pulpes fournies par ce procédé, qui sont beaucoup 
plus aqueuses que les pulpes de presses. Il en est 
résulté une dépréciation, dont la culture ressent 


la betterave riche, se trouve accentuée encore par 


l'économie réalisée sur le prix d'achat. Il est facile, 
en effet, de se rendre compte par le tableau ci-des- 
sous (VI) que 100* de sucre extrait sont payés à la 
betterave moins cher aujourd’hui qu'autrefois : 


Tableau VI 


Somme payée 
à la betterave 
déduction faite 

de la pulpe, rapportée 


Prix de 1000 kg. 
de betteraves 
déduction 


faite du prix à 
des pulpes 


à 100 kg. 
de sucre extrait 


1881-82 
1882-83 
1883-84 
1884-85 
1885-86 
1886-87 
1887-88... 
1888-89 
1889-90 
1890-91 
1891-92 
1892-93 


29.50 fr. 
36.75 
32.85 
.00 
),79 
3.95 
25.00 
.00 
.10 
.10 
.80 
.10 


Le graphique ci-contre (fig. 1) montre la diminu- 
tion du prix que le fabricant à eu à payer à la bette- 
rave par 100* de sucre extrait; il montre en même 
temps comment le prix des 1000% de betteraves s’est 
rapproché insensiblement du prix des 100% de 
sucre, au fur et à mesure que le rendement s’est 
élevé à 10 °/,. 


Tableau V 


om, 
Prix Prix Somme payée 
Rendement Prix de la pulpe de la pulpe à la culture par h. 
ANNÉES en pulpe de 100 kg. de 1000 kg. de 1000 kg. fournie déduction faite 
de betteraves de pulpe de betteraves par un hectare des pulpes 
ASSIS IE RM PR 24,1 10,16 fr. 2,85 fr. 96 fr 610 fr 
ASS BR RE remet ne 25,2 9,91 2,90 87 646 
ABS Lines cena le ei 24,2 9,59 2,31 82 645 
RRECES MR STE DOUÉ 26,5 8,61 2,21 71 527 
1880-86 5e Pal enetr 29,6 8,65 2,56 76 591 
RESC= BTE RER CN AS 39,7 119 2,76 88 677 
LOST DB NE rl ete 34,8 6,36 2,21 50 D930 
ASRBE BE RAR era 39,1 6,02 215 53 621 
ET ER Ne Er ACTE 36,6 513 1.98 64 937 
(ICTDE Eee RO AE 38,1 4.84% 1,74 o1 676 
CREUSE M De 39,4 4.81 1,89 48 611 
1002209 Ne er ie 40,1 4.96 1,99 51 6#1 


a ——EEZEZEZ———————————Z————————Z—————_————— — —" " ———— EEE NM OT AR 


les heureux effets. Si l’on calcule, comme nous 
l'avons fait dans le tableau ci-dessus(V), le prix de la 
pulpe fournie par un hectare, on voit que ce prix 
a diminué de moitié, tandis que le rendement en 
betteraves à l'hectare n’a diminué que de 30 °/,. 
Le cultivateur a donc profité un peu de la situa- 
tion nouvelle, mais les bénéfices qu'il a obtenus 
ne sont rien en comparaison de ceux du fabricant. 
L'économie de main-d'œuvre etde frais de fabrica- 
tion que le sucrier réalise du fait de l’adoption de 


III. — MODIFICATIONS DANS LA FABRICATION ET LEURS 
CONSÉQUENCES. 


Contrôle chimique. — De tous les progrès réalisés 
en sucrerie, le plus nécessaire est sans contredit, 
comme l'a fail dernièrement remarquer M. Hor- 
sin-Déon dans une communication faile à la 
Société Chimique, l'établissement du contrôle chi- 
mique. Ce contrôle a pris d’autantplus d'importance 
dans ces dernières années que la fabrication est 


En a 


ve 


ed iris 


+ 


Panne he ge xs 


vive 


CE ée Eh 


abipais tte aiaia € € 


 geante; elle ne doit 
laisser, en effet, dans 
les pulpes, dans les 
écumes, dans les mé- 


tés de sucre reconnues 


_ pratique industrielle ; 


| sucre à l'évaporation 


_ à obtenir en premier 
. jet le plus de sucre 20f 


SRE PUS de 
- aujourd'hui dans les 27 € © 
. . . œ Le) 
sucreries des chimis- © % & 
4 tes d'une compétence Fig, 1, — Prir 


Ë simples manœuvres; 29 
2 


… instruction technique 


£ dehors d'elle, au mo- 


FE 


ï 


1# 


possible; elle ne doit 
faire usage que de 
bonnes eaux, de bon ; 
calcaire et de bon char- 
bon. Nous possédons 


absolue, qui suivent, 
nuit et jour, au labo- 2 
_ ratoire, la fabrication, -500 


jamais des conditions 
qui lui permettent 
d'obtenir de hauts % 
_ outre, analysent cons- 6 
‘tamment les matières 4 
premières, eaux,char- 2 
bons et calcaires em- 30 
. ployés dans le travail. 

Les chimistes de su- 
crerie ne sont plusde , 


a 


il leur faut une instru- 8 
ction générale el une 


très développées afin 
de résoudre les difré- 
rents problèmes qui : 
se posent lantaucours 4 
de lafabricationqu'en 2 


ment où ils sont ap- 
pelés à surveiller les 
cultures, donner des 
conseils sur la nature 


Ve 


_ afin qu'ellene s’écarte 80 


rendements, etqui,en gg 


1881-82k 


devenue plus exi- 38 


36 


_lasses que les quanti- % 


comme minima par la 30f 


elle doit pousser aussi 2 
loin que possible l'é-_ 
_puration des jus, évi- 

ter d’entrainer du 


et à la cuite, chercher 22 


L-] 


Legs 


ENT NL 


L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


D 


_ des sols, l'emploi des engrais, etc. 
Ils ont le mérite de s'être faits seuls; car 


1883-8 


F 


nes 


as: sssss: 
10 eo œ œ 
10 ] œ - 
co œ œ L=°] [==] Lee] 


d'achat de la betterave en fonclion du 


œ 


œ o o 
x 10 7) œ - 

a a Fa 2 A ÉA 
LE o œ ze a œo 


Diffusion. 


1890-91 


1891 92 


Es 


1892-93 


sucre. 


1892-93 


227 


nous ne possédons que 
depuis deux ans l’E- 
cole Nationale des in- 
dustries agricoles de 
Douai, où l’on étudie 
la sucrerie d’une fa- 
con complète. A l'E- 
cole Centrale, à l’In- 
stitut National Agro- 


nomique, à l'Ecole de : 
Physique et de Chi-: 


mie, les cours de su- 


crerie ne sont pas: 
assez étendus pour 
qu'un élève puisse 


rendre immédiate-. 


ment, au sortir de ces 


écoles, ces nombreux 
services qu'on doit lui : 
demander ensucrerie. 


L'enseignement de la 
sucrerie est donc, en 
France, insuffisant, 
surtout si on le com- 
pare à ce qu'il est en 
Allemagne et dans 
d’autres pays produc- 
teurs. Espérons quela 
création de l'Ecole de 
Douaisera suivie de la 
création d'autres éco- 
les spéciales, et que 


les fabricants ne se-: 


ront plus désormais 
obligés de faire faire 
aux chimistes leur 
instruelion technique 
avant d'obtenir les 


conseils qu'ils en at-. 


tendent. — Il existe 
une association des 


chimistes de sucrerie, : 


qui, par les commu- 
nications et les tra- 
vaux de ses membres, 
contribue largement 
à l'instruction géné- 
rale; et c'est dans 
son bulletin comme 
au cours de ses séan- 
ces que beaucoup de 
chimistes de sucrerie 
sont venus parfaire 
leur instruction. 


- Mais le chimiste, malgré son activité 


TT CL 


el son habileté, ne parviendrait pas à obtenir ces 
hauts rendements si les appareils qu’il est chargé 
de contrôler élaient défectueux. Ces appareils se 
sont aujourd'hui beaucoup perfectionnés, et, pour 
réaliser les progrès dont nous allons parler, il a 
fallu en grande partie renouveler le matériel. 

Le changement le plus radical auquel le matériel 
de la sucrerie a été soumis a consisté dans la sub- 
stitution des appa- . 
reils de diffusion , 
aux anciens appa- 
reils de ràpage el 8 


de pressurage, — 60 
ce qui a permis 
d'obtenir une ex- 2 

: : 500 
traction de jus plus 7 


complète etplusra- à 
pide, et de dimi- #9 
nuer la main-d'œu- 2 


vre dans des pro- 400 
porlions considé- 8 
rables. Aujourd’hui D 
toutes les sucre- . 
ries possèdent ces 39 


appareils; les seu- gg 
les usines qui aient 60 
conservé des pres- 40 
ses continues sont 20 


les sucreries-distil- 200 
leries, parce qu’el- À 
> P q 60 


les sont soumises à 
une législation spé- 
ciale. Nous donnons 
ci-contre (fig. 3) un 80 
graphique qui indi- 6 
que avec quelle ra- 40 
pidité s’est faite, de 


rt sh. 6 ados 


Ë - : FH 


L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


entre lacourbe qui représente les usines existantes 
et celle qui nous montre les usines employant 
les anciens procédés de purification, en même 
temps que de l'horizontalité de la courbe des 
usines employant la double carbonatation, et l’on 
est amené à penser que ce sont les premières, 
celles dont tout l'outillage imparfait étail en rap-- 
port avec les procédés d’épuration suivis, qui ont 
été sacrifiées dans 
« la lutte de centra- 
lisation et ont dis- 
paru. Leur outil- 
lage, et vraisem- 
blablement- leurs 
capitaux ne leuront 
pas permis de résis- 
ler. 

L'épuration phy- 
sique et chimique 
des jus a fait l'objet 
des études les plus 
attentives. Le chau- 
lage des jus, leur 
carbonalation, la 
surveillance des 
températures pen- 
dant les carbona- 
talions, l'examen 
du gaz acide carbo- 
nique, le dosage de 
l'alcalinilé que l’on 
doit laisser dansles 
jus après la 1" el 
la2° cerbonalalion, 
le passage immé- 
diat des jus aux fil- 

Ë tres-presses, sans 


1881/4802 la sub- MS MEME NES NS INS ONE EE RCE décantation préala- 
slitution de ladifum 3 3 2 $ % 2 = 2 2 2 2 >? ble, ont permis de 
sion à l’anci CNRS M D Nr ee Ce D eu ane ; 

DOIERPIO Fig. 3. — Extraction du jus. Usines et râperies employant les presses RORPSES très loin 


cédé des presses, 
aussi bien dans les 
usines que dans les postes nommés improprement 
ràaperies. 


Épuration des jus. — Dans toutes les usines, le pro- 
cédé de la double carbonatalion a été substitué au 
procédé de la défécation et à celui de la carbona- 
tation simple. Le graphique de la figure 2 montre 
de quelle façon l’un et l’autre de ces deux derniers 
procédés ont disparu de 1881 à 1888. II montre 


également que le nombre des fabriques a passé | 


de 497 (1882-83) à 368 (1891-92) : la sucrerie s'est 
centralisée et tend à s'exercer aujourd'hui dans un 


nombre restreint d'usines; mais on ne peut s'em- | 
pêcher d'être frappé de la coïncidence qui existe | 


hydrauliques, les presses continues et la diffusion. 


la purificalion. La 
substitution aux 
anciens filtres-presses, dont les dimensionsétaient 
restreintes, de grands filtres-presses à nombreux 
el larges plateaux, a diminué la main-d'œuvre: 
l'adoption des lavages ralionnels, des purgeages 
à l'air comprimé, a donné des écumes mieux épui- 
sées. 

D'autres progrès ont été réalisés, tels que la 
séparation de la pulpe folle des jus verts, au moyen 
de tamis, tels que la séparation de l’albumine 
coagulée par la chaleur, avant chaulage, tels que 
l'emploi de la chaux vive ou de la chaux en poudre, 
pour remplacer l'emploi du lait de chaux et éviter 
d'étendre d’eau le jus qu'il faut évaporer; mais ces 
modifications du travail n'ont pas élé suivies d'une 


L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


_ les rendements et les prix de revient. 
Il n’en est pas de même de la sulfitation des jus 
_ et des sirops, qui s’est faite dans un grand nombre 
_ d'usines etqui a permis d'améliorer le travail dans 
_ une certaine proportion. 

_ Une mesure radicale a été prise par nos fabri- 
_ cants: celle de substituer la filtration à travers 
_ des tissus de coton à la filtration à travers le noir 
_ animal; la sucrerie comptait en 1884-85 environ 
._ 3.000 fillres à noir; à cette époque sont apparus 
| les filtres à tissus, fil- 

_ tres à poches, ou fil- 5995: HE 


_ tres mécaniques, et go 
_ l’économie de matière  60Ë 
40 


_ première, d'appareils, 
de main-d'œuvreetde 2 


1 charbon nécessaire à 
la revivilication, que se 
les fabriques ont réa- 49: 
lisée du fait de cette 29 
innovalion, a élé ju- 300% 


_  gée considérable; car 8 


# façon assez générale pour qu’elles aient influé sur | évaporantel cuisant à l’air libre ont dû disparaitre 


au fur et à mesure que la fabrication tendait à se 
centraliser. 
Dans une dizaine de fabriques, on a employé, 


. pour l’évaporalion des jus, des appareils à qua- 


druple effet et à chauffage multiple ; ces appareils, 
imaginés par M. Rillieux et construits par M. Hor- 


sin-Déon, permettent, gràce à leurs dispositions el 


à la disposition des réchauffeurs de jus et de 
sirops qu'ils alimentent, de réaliser une économie 
de combustible qui peut s'élever à 30 °/.. 

Dans ces appareils, 
en eflet, la première 
caisse est alimentée 
par de la vapeur di- 
recte etle jus, qui bout 
à 105°, fournit de la 
vapeur non seulement 
à la deuxième caisse, 
mais aussi à des ré- 
chauffeurs dans les- 
quels circulent conli- 
nüment des jus qui 


_ des filtres à tissus 
_ s'estélevé de 0, en 1884-85, à 1950 en 1892-93. 
Les filtres les plus communément employés sont 
les fillres dits mécaniques. Ceux-ci sont formés 
. d’une série de poches en tissus de coton, main- 
tenues sans cesse gonflées au moyen d’une carcasse 
métallique ; les poches sont placées dans une caisse 
autoclave et la filtration du jus ou du sirop s'y fait 
de l'extérieur à l'intérieur pour sortir ensuite de 
la caisse. Les filtres les plus répandus sont ceux 
de Kasalowski, de Daneck, de Philippe, etc. 


at dile 02 


Evagporalion des jus et cuisson des sirops. — Les 
fabriques sont toutes pourvues aujourd’hui d'ap- 
pareils à triple effet pour l’évaporation des jus 
dans le vide, toutes pourvues également de chau- 
dières à cuire dans le vide. Là encore, comme l'in- 
dique le graphique ci-dessus (fig. 4), les usines 


> 
w 


H À POPEIPUE LM D di, ri, isa 


ut 


| 


les fabricants n'ont pe doivent subirletravail 
pas cru devoir s’'arrè- : de la carbonatation 

. ler aux inconvénients »99 ou de l'évaporation, 
que ces filtres présen- gg ou des sirops qui doi- 
- Laient au point de vue 60 vent entrer dans la 
de la purification des 40% chaudière à cuire; on 
_ jus, bien moins com- a prend aussi sur la se_ 
plète que par l'emploi 80 conde caisse de la va- 
desfiltres à noir,etils bi e HE peur pour chauffer les 
les ont adoptés d’une 4 jus de première car- 

J 
facon générale. Le 20% bonatation, pour ali- 
RAD OC CE MONITOR Semen ele SAC AIO IS AE 
See œ “e S S D nr Se GR R e Feb £ : 
noir n'était plus que + $ © $s & © © æ æœ © Z à teurs delabatterie de 
DAS D done f oDAe et 2 ed EU (Os ON up à 

HER A0 en 41809 0 EN MER + = (diffusion; \ensorte-que 
tandis que le nombre Fig. 4. — Evaporalion du jus el cuisson du sirop. la vapeur entrantdans 


la première caisse 
travaille en quadruple effet dans l’appareil d’éva- 
poration, et en double effet dans les réchauffeurs 
el détermine, par conséquent, une économie consi- 
dérable de combustible. — M. Horsin-Déon cons- 
truitégalement des quintuple et sextuple effets 
à chauffages mulliples dont le fonctionnement est 
encore plus avantageux. 

En dehors de l'emploi de ces appareils, on a pu 
réaliser, avec les anciens appareils à triple effet, 
de sérieuses économies de vapeur, et de combus- 
tible par conséquent, en faisant précéder la pre- 
mière caisse d’une chaudière, dite circulateur, qui 
recoit la vapeur direcle, et dans laquelle passe le 
jus qui se rend à celle première caisse; la vapeur 
du jus qui bout dans le circulaleur alimente des 
réchauffeurs. En faisant ruisseler le liquide le long 
des parois des tubes de la chambre de chauffe, 


230 


L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


——————…—…—…—…"—"—"—"—…"—"…"…"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"— …—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—….…—…—…—…—…—…—…"…—…——…——…—…"…—…—…—"…—…—…—…—_—_—…—…—…———— 


en plaçant dans ces tubes mêmes des Liges de 
bois, de façon à diminuer le volume occupé par 
le liquide, en remplissant les tubes incomplète- 
ment, on est parvenu à mieux utiliser la surface 
de chauffe, et à rendre, au moyen d'une même 
quantité de vapeur, l'évaporation plus active. 

Des dispositifs spéciaux, dits ralentisseurs, dé- 
sucreurs, ont été interposés dans le triple effet et 
dans la chaudière à cuire sur le trajet des vapeurs, 
de façon à récolter avec plus de soin que jamais 
les gouttelettes sucrées que l’évaporation entraine. 


Cristallisation, turbinage, travail des 2° et 3° jets. — 
Les fabricants s'attachent aujourd'hui à obtenir 
en 1° jet le plus de sucre possible, de façon à 


immobiliser moins de sirop d'égout, et à rentrer 


plus vite dans l’argent qu'ils ont payé à la culture. 

Plusieurs, dans ces dernières années, ont fait 
rentrer les siropsd'égoutsoitdans la carbonatation, 
soit dans la cuite, en commençant par les plus 
purs, ceux qui proviennent du clairçage à la va- 
peur, et continuant par ceux qui proviennent du 
purgeage. Ces sirops, comme l’a montré M. Steffen, 
nourrissent les cristaux de sucre et s’appauvrissent. 
Ce procédé, dit de la cuite méthodique, permet de 
diminuer l'importance des bas produits et de 
nourrir les petits cristaux, qui, sans celte précau- 
tion, traverseraient les Lloiles de la turbine et 
seraient perdus pour les premiers jets. 

Certains fabricants ont adopté le système de 
cristallisation en mouvement et de refroidissement 
lent, qui consiste à loger la masse cuite chaude 
dans des bacs cylindriques, munis d'une double 
enveloppe et d'agilateurs puissants. On envoie 
dans la double enveloppe de l’eau froide, on met 
les agitateurs en mouvement, et on fait descendre 
lentement, en 24 ou 36 heures, la température de 
la masse à 30-35° C. ; ce procédé permet aux cris- 
taux de sucre de s’accroitre encore aux dépens 
du sucre contenu dans le sirop qui les baigne, et 
est encore de nature à permettre au fabricant 
de bénéficier immédiatement du sucre qu'il peul 
retirer en premier jet. 

D'autres, dans le même but, ont muni les chau- 
dières à cuire d'agilateurs et ont faitde la cuite en 
mouvement. Le travail est plus régulier et on évile 
la formation des petits cristaux, 

Dans un grand nombre de fabriques, on a di- 
minué d'une façon notable la main-d'œuvre néces- 
sitée par le turbinage, en adaptant au-dessous des 
bacs de cristallisation un système de nochères et 
de distributeurs automatiques. 

Le travail des 2* et des 3°* jets n’a pas été sensi- 


blement modifié, et l'on n’a pas adopté sérieu- | 


sement le système de cristallisation en mouvement 
pour ces masses cuites. Le seul progrès que l’on 


! 


ait cherché à réaliser dans ce travail, consiste à 
cuire en grains les seconds jets en amorçant la 
cristallisation dans la chaudière même au moyen 
de sucre déjà formé. Cette pratique est loin d'être 


générale, et l'on se contente de les cuire en cuite 


claire dans des appareils à vide, qui ont rem- 
placé presque partout les anciennes bassines à 
air libre. 

Quant à l'extraction du sucre des mélasses, elle 
est limilée à deux ou trois usines. Les autres pré- 
fèrent profiter de la loi du 4 juillet 1887 dont nous 
avons parlé et vendre leurs mélasses à la distillerie. 


Outillage général. — L’outillage général de la su- 
crerie est meilleur qu’autrefois ; les générateurs 
semi-tubulaires et tubulaires ont remplacé les 
générateurs à bouilleurs. Les machines utilisent 
mieux la vapeur et ont un rendement supérieur. 
Les pompes à eaux, à écumes, sont plus perfec- 
tionnées; les monte-écumes, qui employaient beau- 
coup de vapeur, ont fait place à des pompes. 

Le four à chaux s’est perfectionné ; la prépa- 
ration du lait de chaux se fait, en général, au 
moyen de malaxeurs mécaniques qui suppriment 
une partie de la main-d'œuvre. 


Les modifications que nous venons de résumer 
ont eu pour conséquence de rendre la fabrication 
plus économique et d’abaisser d’une façon consi- 
dérable le prix de revient. 

Tout d'abord, comme nous l'avons dit, le travail 
a été plus soigné, les pertes ont été évitées dans 
tous les postes ; le contrôle chimique s’est exercé 
partout ; et, dans ces conditions, la fabrication 
a pu réaliser de fortes économies. 

Elle en a réalisé encoreensubstituant la fillration 
sur les toiles à la filtration sur le noir, en poussant 
plus loin la purification par carbonatation et sulfi- 
tation, en rendant plus rapide l'évaporation, en 
faisant rentrer les égouts dans le travail de pre- 
mier jet, en améliorant l'outillage général. 

Elle en a réalisé enfin en centralisant la fabri- 
cation. La diffusion permettait de travailler une 
plus grande quantité de betteraves en 24 heures ; 
les appareils d'évaporation élaient plus puissants ; 
aussi a-t-on vu le nombre des fabriques, malgré 
l'élévation de la quantité de sucre produit, dimi- 
nuer en dix ans de 28 °/,, en même lemps que 
diminuait le nombre des journées de travail; com- 
mencée vers le 20-25 septembre, la fabrication est 
terminée aujourd'hui entre le 15 décembre et le 
1 janvier. Il n'en fallait pas davantage pour dimi- 
nuer les frais généraux et abaisser le prix de 
revient. 

L’estimation de cet abaissement du prix de 
revient, imputable aux modifications citées plus 


me s'est abaissée 


29 millions à13mil- 


IE DE VENT Es PP TT 


L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


231 


D — ———  — 


_ haut,estimpossible à établir; elleéchappeau calcul, 


mais ceux qui connaissent l’ industrie verrontimmé- 
diatement que l'abaissement est considérable. 
Nous pourrons plus facilement, et grâce aux 
chiffres fournis chaque année par l'Administration 
des Finances, calculer la part qui, dans cet abais- 
sement du prix de revient, est imputable à la dimi- 
nution de main-d'œuvre, et à l’économie réalisée 
sur le combustible. 
Si l'on calcule la 
somme d'argent 
payée aux hommes, 6f 
femmes et enfants, 
par campagne, On 5f 
voit que cette som- 


7fr 


4fr 


progressivement de 


3fr 


lions de francs. Cet »$, 
abaissementrésulte 
de ce que les ou- if 
vriers, les femmes 
et les enfants sur- 


a eo r 10 L‘°} œ 

CRE : FLE æ F a 

toutontétéde moins = S 9 £ £ % 

. F œ œ œ œ œ œo 

en moins occupes a + Fe — S _— 
Fig. 5 


à la sucrerie, qu’en 
1881-82, 49 mille 
hommes, 8.500 femmes, 8.000 enfants travaillaient 
pendant la période de défécalion, et que, pendant 
la même période de 1892-93, la sucrerie ne de- 
mandait plus que le concours de 42.500 hommes, 
3.800 femmes, 3.000 enfants. Cet abaissement ré- 
sulte encore de ce que chacun d'eux a travaillé 


1887-88 
1888-89 
1889-90 
1890-91 

1891-9 
1892-93 
1893-94 


. — Prix du charbon et de la main-d'œuvre en fonction 
du sucre extrait. 


l'indique la dernière colonne du tableau VII. 
Nous pouvons calculer également la diminution 
du prix de revient du fait des économies de char- 
bon que les appareils mieux compris ont permis de 
réaliser (voir tableau VIII, page 232 et fig. 5). 


IV. — ÉTAT ACTUEL DU COMMERCE DES SUCRES. 


Importations, exportations, consommation. — L'a- 
baissement du prix de revient, qui résulte des 
faits exposés plus 
haut (bénéfices sur 
les excédents, dimi- 
nution du prix des 
100 kilos de sucre 
extraits payé à la 
betterave, diminu- 
tion de la main- 
d'œuvre et de la 
quantité de charbon 
brûlé, fabrication 
plus économique et 
plus soignée, etc.), 
aeupourrésultatun 
abaissement pres- 
que proportionnel 
du cours du sucre. 

La consommation 
n'en à guère profité : car elle a vu la taxe aug- 
menter au fur et à mesure que la production lui 
offrait du sucre à meilleur marché. Cette Laxe, qui 
était de 40 francs en 1881, a été élevée à 50 francs 
par la loi du 29 juillet 1884, et à 60 francs par 
celle du 27 mai 1887; en sorte que le prix du 


Tableau VII 


oo 


NOMBRE DE JOURNÉES 
DE TRAVAIL 


ANNÉES 
hommes femmes enfants 
1881582: 4.975.000 707.000 658.000 
1882-83....... 5.521.000 807.000 135.000 
1883-84....... 5.226 ,000 745.000 611.000 
1884-85...... 3.592.000 436.000 400 000 
1885-86....... - 3.335.000 356.000 334,000 
1886-87..,.... 4.280.000 440.000 383.000 
1887-88....... 3.227.000 293.000 255.000 
1888-89....... 3.604.000 320.000 258.000 
1889-90..,.... 4.988.000 464,000 315.009 
1890-04... :. 4.812.000 413.000 329.000 
1891=92:5:2 7: 4.110.000 320 .000 248.000 
1892203250: 3.849.000 297.000 231.000 
1893-94.,..... 3.900.000 274.000 214.000 


SALAIRE JOURNALIER ; : 
TE = —  |SOMME PAYÉE|MAIN-D'ŒUVRE 
aux ouvriers par 100 kg. 
hommes femmes enfants des deux sexes |de sucre ext. 
3,97 fr 2,00 fr 1,76 fr.|21.300.000 fr.| 6,34 fr. 
3,91 2,00 1:18 |23.689.000 6,53 
4,05 2,01 1,78 22.346.000 5,00 
3,90 1,92 1,73 [15.117.000 5.33 
3,12 1,89 1,67 13.884.000 529 
3,68 1,92 1,68 17.712.000 4,08 
3,70 1.86 1,67 14.378.000 & A7 
3,69 1,92 1,71 14.719.000 3,91 
3,65 ra 1,47  |20.444.000 2,92 
3,66 1:76 148 |19.596.000 3,18 
3,72 1,81 158 |16.624.000 2,87 
3.66 1,76 152 [15.539.000 2 07 
» » » 13.443.000 2,61 


moins longtemps et résulte enfin de ce que le sa- 
laire moyen des ouvriers a subi une diminution 
regreltable. La somme payée à la main-d'œuvre, 
rapportée aux 100 kilog. de sucre extrait, s'est 


abaissée alors de 6 fr. 50 à 2 fr. 60, comme 


sucre, chargé de son impôt, esl resté sensiblement 
constant. 

On a reproché aux raffineurs d’avoir maintenu 
le cours du sucre raffiné à un prix trop élevé, en 
augmentant d’une façon exagérée leurs bénéfices; 


232 L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


A ——_—_—_—_—_— © 


ce reproche est peut-être fondé en face des cours | de modifier l’état actuel, de diminuer le stock 
des deux dernières années ; mais c’est bien plutôt | énorme de sucre que nous avons accumulé, el 
à l'augmentation de l'impôt que l'on doit d'avoir | d'éviter la crise qui est ouverte aujourd'hui. 3 
vu le cours du raffiné se maintenir. La différence 


TUE - . 
qui existe entre les chiffres de la première et ceux \. IMPORTANCE ACTUELLE DE LA FABRICATION. 
de la deuxième colonne du tableau IX représente Les chapitres qui précèdent nous permettent 
le prélèvement du raffineur. d'être bref sur l’état actuel de la fabrication; ils 


Cet abaissement progressif du prix du sucre a | nous ont montré les modifications apportées aux 
été encore plus accentué en 1895: le cours esl | appareils et aux procédés par les fabricants sou- 


aujourd’hui de 25 francs les 100 kilos, et l'on est 
Tableau 1X 


Tableau VIII 


Cours 


Cours 
dusucreblanc| du raffiné Cours 


SES du raffiné 


Charbon emploÿè |, 22 fr. la tonne) | 
employé par 100 kg. 
de sucre extrait 


N°3 (impôt déduit) 


ANNÉES par 100 kg. 
de sucre extrait 


a 


extérieur, ceux également qui sont relalifs à la | main-d'œuvre 2 fr. 60, paie au charbon la somme 
consommation, on voit qu'il n'y a rien à espérer. | de 3 fr. 60; nous avons vu comment les fabricants 
L'importation, sous le coup de la surtaxe de | ont su profiter du bénéfice des excédents, comment 
8 francs imposée par la loi de douane de 1889 | ceux-ci leur ont permis de toucher par sac de 


68,39 fr. | 143,120fr: 

6,22 fr. 64,09 3 114,31 

6,44 59,00 5 105,62 

5,94 45,97 104,33 

6,02 45,58 104,64 

ST 35.83 É 96,45 

5,15 35,17 43,55 98,55 

308 40,08 106,88 

4,48 SEE] PCA 55 115,43 

4,20 . | 35,9% 106,18 

4.07 Æ ...| 36,89 107,05 

3.65 38.64 : 105,16 

3,30 42,63 6 113,78 

3.61 32,46 105,11 
amené à se demander si les conditions du marché | cieux de diminuer le prix de revient; nous avons 
extérieur et intérieur sont capables d'amener bien- | vu qu'aujourd'hui la fabrication, pour obtenir 
tôt une modification de prix. Malheureusement, | 100 kilos de sucre, paie à la culture environ 
quand on étudie les tableaux de notre commerce 23 francs (déduction faite des pulpes), paie à la 

| 
| 


Tableau X 
mm 
| 1MPORTATIONS EXPORTATIONS CONSOMMATION 
: QT ro] ST ge = 
ANNÉES | Sucre Sucre Sr brut Sec Sucre consommé Sucre destiné 
| des colonies étranger È fi s ee raffiné tonnes) {en raffiné) au sucrage des vins 
| tonnes) (tonnes) re, 7 ve : (tonnes) et des cidres (tonnes! 
ee ee 
SRE ..| 420.200 89.300 43.800 | 106.500 389.000 39.000 
CSC SEMRURT es 107.200 51.400 127 700 | 134.000 372,000 20.600 
SIDE Re 111.700 31.300 194.700 143.409 410.000 33.400 
OUT BE RSR EE 106.600 59.500 158.509 111.300 409.700 34.200 
FÉERIES 106.690 65.400 95.300 117.300 425.800 28.900 
1893 : 7.21 °410.200 33.600 153.200 103.700 380.000 16.600 
EEE SET RE SU 
aux sucres raffinés étrangers, a peut-être un peu | sucre environ 6 francs quand ils n'exportent pas, 
baissé: mais l'exportation ne se déveioppe pas, et | 12 francs quand ils livrent le sucre à l'étranger. 


la consommation reste la même; la quanlité de Il nous reste, pour terminer cet article, à exa- 
sucre employé au sucrage des vins, des mares et | minerde quelle façon se trouve répartie en France 
des cidres. et qui, d'après la loi du 27 mai 1887, ne | la fabrication, et quelle importance elle possède 
paie que le droit réduit de 24 francs, tendrait à | par rapport à la fabrication du sucre dans le monde 
diminuer {lableau X): on n’apercoit donc pas, dans | entier. 

les six dernières années, un mouvement capable La fabricalion du sucre est, en France, localisée 


| 
| 


e dans vingt-deux départements. C'est dans la 
. région du Nord, surtout dans le Nord, l'Aisne, le 
_ Pas-de-Calais, la Somme, elc., que l’on produit la 


quelques années, des essais fort heureux ont élé 
faits daus le Centre et dans le Midi, et tout porte 
à croire que la région du Nord ne conservera pas 


LR 
HTSEIRE 


NréRieuRe 
SERRE 
EX 


2 
Fig. 6. — Carte indiquant les départements producleurs de sucre. — L'intensité des teintes est proportionnelle à la 
- quantité de sucre fabriqué. ? 


1re teinte 2e {einte 3e teinte 
Seine-Infèrieure Eure Ardennes 
Aube Loiret Marne 
Haute-Marne Vaucluse Seine-et-Oise 
Yonne : Eure-et-Loir 
Côte-d'Or Puy-de-Dôme 
Cher 
Indre 


Saône-et-Loire 


majeure partie du sucre. Le climat y convient spé- 
cialement bien à la culture de la betterave. Depuis 


1 Cette carte a été faite sur le canevas d’une carte 


muette, mise obliseamment à la disposition de la Revue par 


la maison Eh. Delagrave. 


+ teinte 5e leinle 6° teinte 
Oise Somme Nord 
Seine-et-Marne Pas-de-Calais Aisne 


toujours le monopole exclusif de la fabrication. 
Le tableau XI indique les chiffres auxquels s'est 
élevée la production de 1893-1894. 
La France, tant par sa sucrerie indigène que 
par sa sucrerie coloniale, donne environ 7 °/, du 


23% 


sucre produit dans le monde entier. On estime, en 
effet, que la betterave et la canne ont, en 1893- 
1894, livré à la consommation la quantité énorme 
de 7.346.000 tonnes. 

La figure 7 représente la production du sucre 
en France et dans nos colonies comparée à la 


production totale dans les cinq parties du monde. 


Tableau XI 


.200 tonnes 
.400 
5.000 
.000 
.700 
.200 
.200 
Ardennes.... .000 
Marne, Eure-et-Loir, Puy-de- 
Dôme, environ 
Eure, Loiret, Vaucluse, environ 
Seine-Inférieure, Aube, Haute- 
Marne, Yonne, Côte-d'Or, 
Cher, Indre, Saône-et-Loire, 
environ 


5.000 
.000 


La France a perdu malheureusement en Europe 
le premier rang qu'elle occupait autrefois. Elle est 
devancée par l'Allemagne, par l'Autriche-Hongrie 
et par la Russie, et ne fabrique que 15 °/, du sucre 
produit en Europe. 


L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


duites sous l'influence de la loi de 1884 ont eu 
pour effet de déterminer une crise qui est loin 
d’être encore résolue, et nous serions disposé à 
examiner la situation à l'étranger, comme nous le 
conseille le programme qui préside à la rédaction 
de ces revues des grandes industries, si nous pou- 
vions trouver dans cette situation un remède à la 
nôtre. 


Mais il n'en est rien. La surproduction que - 


Tableau XII 


Amérique (Guadeloupe, Martinique, 


Marie-Galante, etc... "71% 77.000 t. 
AS1e{Cochinchine eee tree. 30.000 
Afrique(Réunion, Nossi-Bé, Mayotte) 37.000 


Total, 144.009 L. 


nous avons constatée en France, nous pouvons la 
constater dans loute l'Europe. De tout côté, on a 
réalisé les mêmes progrès, diminué de la mème 
façon la main-d'œuvre,et augmenté le stock. Grâce 
aux relations quiexistent entre les savants et les 
fabricants du monde entier, tous les pays produc- 
teurs possèdent les mêmes appareiis, font usage 
des mêmes procédés; grâce au jeu des droits de 
douanes et des primes à l’exportalion, les cours du 


À N ù k 
| 


Î 
| NN 
2", 
| Î 
L NS 
Guadeloupe 
Marünique 


Fig. 7. 


Aux colonies, notre sucrerie est assez prospère : 
mais sa prospérité est loin d'atteindre celle des 
colonies anglaises et espagnoles. Le Lableau XII 
indique, d’ailleurs, les chiffres de production des 
colonies francaises pour l’année 1893-1894. 

En se reportant aux chiffres qui indiquent la 
quantilé de sucre importée des colonies françaises 
chaque année, on voitque la presque Lotalité du sucre 
fabriqué aux colonies est destinée à la métropole. 


Nous venons de voir que les améliorations pro- 


AMERIQUE 


IR 
NASNE 


7: 
k 


| 
LE VVIVI\IQO È S LR 
Cochinchime Réunion etc 


7. — Tableau représentalif de la produclion française, indigène el coloniale et de la production étrangère. 


sucre se sont équilibrés; le monde entier possède 
le même sucre, fabriqué de même, vendu au même 
prix ; la crise est donc générale, et il est probable 
que chacune des nations productrices de sucre, 
après en avoir longtemps souffert, la résoudra de 
la même facon en diminuant ses emblavements el 
en sacrifiant une partie de ses fabriques. 


L. Lindet, 


Docteur ès Sciences, 
Professeur de Technologie 
à l'Institut National A gronomique 


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A cet exposé si complet de l’état actuel de la su- 
-crerie en France, nous voudrions ajouter quelques 
remarques relatives au rôle de la science et aux 
| conditions sociales du travail dans cette industrie. 
. Voici les renseignements que nous avons recueillis 
à ce sujet: 


- Rôle de la science. — Bien que les articles précé- 
. dents n’aient pu entrer dans tous les détails tech- 
niques de la fabrication, ils nous la montrent 
directement tributaire de la Mécanique, de fa 
Physique et de la Chimie. Des ingénieurs sont né- 
cessaires pour monter les machines, en régler la 
manœuvre, en diriger la marche, en Do 
sans cesse l agencement. Non moins indispensables 
sont les Chimistes pour effectuer, au cours de toutes 
les opérations, les nombreuses analyses sans les- 
quelles il serait impossible d'apprécier la qualité 
du travail. Jour et nuit, ils doivent suivre, pas à 
pas, toutes les phases de la fabrication, consignant 
. leurs analyses sur un registre que consulle cons- 
-tamment, à titre de guide, le directeur de l'usine. 
- IL est, par exemple, nécessaire d’être sans cesse 
renseigné sur la densité exacte des jus de diffu- 
sion, leur teneur en sucre, leur coefficient salin et 
leur Chcfcient organique. Il faut connaïlre, toutes 
| “les deux heures, la teneur en acide Morte du 
| gaz fourni par le four à chaux ; on doit se préoccu- 
- per de l’alcalinité des jus de Hours et deuxième 
» carbonatation de chaque chaudière, et, par l’exa- 
. men des analyses de masse ne s'assurer de 
 l'épuration des sirops et des jus, A etc. 
- D'autre part, le chimiste a encore pour mission 
“très importante de rendre possible le contrôle 
- chimique de la fabrication dont a parlé M. Lindet. 
Le problème est le suivant : On à introduit sous 
forme de betteraves une certaine quantité de 
sucre dans l'usine; à la fin de la fabrication, on 
doit retrouver cette quantité en additionnant : 
1° le sucre obtenu à l’état cristallisé ; 2 le sucre 
immobilisé dans les mélasses ; 3° le sucre que l’on 
sait, par de nombreuses analyses, perdu dans les 
résidus de fabrication : cossettes épuisées, eaux de 
vidange des diffuseurs, écumes de carbonatation, 
- eaux de lavage des filtres-presses. Si la fabrication 
s’est opérée dans de bonnes conditions et si le 
contrôle a été bien fait, la balance s'établit à peu 
de chose près. La différence qui existe toujours 
représente les pertes indéterminées ou inconnues; dans 
un bon travail, ces pertes ne doivent pas dépasser 
0,2 du poids de la betterave; elles résultent des 


ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 235 


— REMARQUES SUR L'INDUSTRIE DU SUCRE 


fuites de jus aux serpentins, des entrainements de 
sirops dans les appareils à cuire, de la destruction 
du sucre dans ces mêmes appareils. 

Privé de contrôle, le fabricant ne sail com- 
ment il travaille, puisqu'il ignore la valeur indus- 
trielle de sa matière première, les pertes qu'il 
subit en cours de fabrication. Il se trouve ainsi 
dans l'impossibilité de remédier à un travail défec- 
tueux. 

Or, disons-le, quoi qu’il nous en coûte : tandis 
que toute la sucrerie allemande est pourvue de ce 
contrôle et, pour l'exercer avec précision, en- 
tretient un personnel de chimistes versés dans la 
pratique de leur art, —la moitié au plus de nos 
sucreries françaises possèdent un laboratoire ; en- 
core, dans cetle quantité, un certain nombre em- 
ploient pour leur contrôle non pas un chimiste, 
mais des ouvriers à qui on a appris à se servir 
d’un polarimètre et à délerminer une densité. 

La facon tout à fait défectueuse dont sont me- 
nées beaucoup de petites sucreries résulte, sans 
aucun doute, de la maigre estime où elles liennent 
le travail scientifique et de leur parcimonie en- 
vers l'homme de science. 


Il 


Situations faites aux Ingénieurs et aux Chimistes. — 
La plupart des sucreries sont la propriété de so- 
ciétés qui gèrent elles-mêmes leurs affaires finan- 
cières, mais confient la direclion de l'usine à un 
administrateur. Celui-ci peut être, en même temps, 
le chef technique de la fabrication ou attribuer cet 
emploi à uningénieur, plus rarement à un chimiste, 
placé sous ses ordres. Suivant l'étendue de leurs 
fonctions et l'importance des manufactures, ces 
directeurs reçoivent des traitements très variables : 
dans les grandes sucreries, leurs appointements an- 
nuels atteignent quinze mille francs et, dans quel- 
ques cas, s'élèvent jusqu'à vingt-cinq mille. Dans 
les usines de moyenne importance, leur rétribution 
annuelle est souvent de six mille francs ; elle des- 
cend à trois mille six cents francs dans les petites 
sucreries. 

Les chimistes qui ne sont pas chefs de fabrica- 
tion, sont beaucoup moins rémunérés. Quand ils 
ne font que surveiller le travail, régler la marche 
de l'usine par leurs analyses et assurer la compta- 
bilité du contrôle chimique, ce qui est d'extrême 
importance, ils sont, en général, peu payés. Il 
est, par exemple, {rès rare que le chimiste en chef 
gagne six mille francs par an; les autres chimistes, 
attachés comme lui d’une facon continue à l’éta- 


236 


blissement, ne recoivent guère que deux ou trois 
mille francs; mais, ainsi que leur chef, ils sont 
logés à l'usine et chauffés gratuitement. Les ap- 
pointements des débutants logés toute l’année à l’u- 
sine ne sont que de dix-huit cents francs. 

Indépendamment de ces employés attachés à 
demeure aux sucreries, les directeurs engagent 
chaque année, pour la durée dela campagne, c'est- 
à-dire de septembre à janvier, de jeunes chimistes 
rétribués au taux maximum de deux cents francs 
par mois. Il existe même beaucoup de sucreries qui, 
pourvues d'un directeur, n’entretiennent des chi- 
mistes que pendant la période de fabrication; cer- 
laines n’offrent pas plus de deux cents franes par 
mois au technicien qu’elles chargent de conduire 
toute la fabrication; elles rétribuent à un taux 
moins élevé ses aides, petits chimistes qui savent 
seulement faire les mesures polarimétriques et 
les analyses vulgaires du métier. 


all 


Mode de recrutement des Ingénieurs et des Chimistes. 
— Le personnel dirigeant des sucreries se recrute 
le plus souvent parmi des administrateurs, ingé- 
nieurs ou chimisles ayant déjà occupé, dans la 
mème industrie ou des industries similaires, des 
positions moins élevées et y ayant donné des 
preuves de capacité. Beaucoup ont commencé par 
entrer dans les usines avec des petits traitements 
et, progressivement, se sont élevés aux situations 
importantes. Il est intéressant de considérer leurs 
origines. | 

On peut dire, d’une façon générale, que les 
grandes sucreries, celles qui consomment au moins 
deux cent mille kilos de betterave par jour, sont 
pourvues d'un excellent personnel scientifique. 
L'Ecole Centrale des Arts et Manufactures leur a 
fourni beaucoup d’administrateurs et d'ingénieurs 
et un certain nombre de chimistes. Plusieurs direc- 
teurs ou chefs de fabrication d'usines importantes 
sont ingénieurs civils des Mines, sortis ou non de 
l'Ecole Polytechnique, ou anciens élèves de nos 
Écoles d'Arts et Métiers. Ces Écoles ont, en outre, 
produit des ingénieurs occupant, dans diverses 
sucreries, des positions moyennes. 

Parmi les très nombreux jeunes gens qui ont 
fait au Laboratoire Frémy, au Muséum, l'appren- 
tissage de la Chimie, beaucoup sont actuellement 
placés dans les sucreries el certains y ont conquis 
de belles situations, soit comme chimistes, soit 
comme directeurs. Plus récemment l'École Natio- 
nale d'Agriculture de Grignon, l’Institut National 
Agronomique et quelques Stations Agronomiques 
ont aussi fourni au personnel dirigeant et spécia- 
lement chimique des sucreries de très utiles 
recrues, 


ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


D'autres chimistes, pourvus, pour la plupart, de 
situations moyennes ou médiocres, sont anciens 
élèves des écoles industrielles et des cours insti- 
tués, dans les grandes villes, par les municipalités 
ou diverses sociétés d'enseignement profession- 
nel; quelques étudiants des Facultés des Sciences 
ou plutôt préparateurs non bacheliers des labo- 
ratoires de chimie de ces Facultés, sont actuelle- 
ment engagés dans l’industrie sucrière. 

L'École des Industries Agricoles, fondée à Douai 
il y a deux ans, l'École Industrielle de Saint- 
Quentin préparent actuellement à la sucrerie un 
personnel de chimistes capables d'en diriger 
toutes les opérations. 

De son côté, l'École de Physique et de Chimie de 
la Ville de Paris a, depuis quelques années, com- 
mencé de fournir à l’industrie sucrière des jeunes 
gens connaissant d'une façon suffisante les prin- 
cipes généraux de la Chimie et, d’une facon très 
précise, la technique de leur future profession d'a- 
nalystes. On sait que ces jeunes gens, sortis, pour 
la plupart, des écoles primaires supérieures de 
Paris, entrent à l'École de Physique et de Chimie à 
la suite d’un examen largement équivalent, pour la 
partie scientifique, à l'examen du baccalauréat ès 
sciences. L’excellent enseignement qu'ils recoivent 


et les travaux de laboratoire très soignés qu'ils font : 


à l'École Les préparent à devenir de bons chimistes 
industriels. Mais ilconvient de remarquer que peu 
sont munis de cette culture générale de l'esprit 
sans laquelle les notions spéciales apprises dans 
l'exercice d'un mélier — chimique ou autre — fruc- 
tifient si difficilement. 

Pour le perfectionnement de la sucrerie, souhaitons 
que dans les écoles techniques quila concernent on 
se préoccupe de donner aux élèves, indépendam- 
ment de la connaissance du métier, une instruction 
générale suflisante. 

La facon dont beaucoup de petites sucreries 
recrutent leurs chimistes temporaires estpour elles 
une cause manifeste d'infériorité. Ne les engageant 
que pour quelques mois, elles risquent de ne trou- 
ver, quand vient l'époque de la fabrication, que des 
jeunes gens non pourvus d’une situation, ceux que 
la concurrence des capacités a déjà éliminés soit des 
usines, soit du personnel enseignant des écoles. La 
modicité des appointements qu'offrent les fa- 
briques pour les quatre mois de la campagne 
sucrière ne leur permet pas, d’ailleurs, de s’adres- 
ser à de fins chimistes, d'une notoriété bien établie. 
Le recrutement s’en ressent. 

Il est vrai que la répugnance des autres indus- 
tries à bien rétribuer les gens de science diminue 
la concurrence que les sucreries pourraient ren- 
contrer et laisse parfois dans l'attente d'une situa- 
tion tolérable de jeunes savants ayant vraiment de 


A gendre bag Mate 2 


“eva af 


a 


“ la valeur et ne trouvant pas, malgré cela, dans les 
anulfactures un débouché acceptable. 

Il est regrettable que nos lois ou nos mœurs uni- 
érsitaires ne permettent pas aux professeurs, 
maitres de conférences et préparateurs de Chimie 
- de la Faculté des Sciences de Lille de ne commen- 
cer leur enseignement qu'après la fin de la cam- 
» pagne sucrière (commencement de janvier). S'il en 
était ainsi, les sucreries pourraient, sans dépense 
- exagérée, obtenir pendant la période de fabrication 
le concours constant de vrais savants. Sans doute, 
- plusieurs jeunes maitres éprouveraient, le jour de 
. leur entrée à l'usine, un réel embarras; au début, 
tous auraient à apprendre la technique spéciale du 
- métier. Mais, après un court apprentissage, ils ne 
- Larderaient pas à devenir, de par la supériorité de 
leur savoir, des collaborateurs infiniment précieux, 
capables de tourner les difficultés imprévues qui 
se présentent si souvent au cours des opérations 
industrielles, el de perfectionner les procédés de fa- 
brication. Ilest, au contraire, presque chimérique 
d'attendre le progrès de petits employés à œillères,. 
ne connaissant guère que les opérations courantes 
de la sucrerie, le dosage au polarimètlre ou par les 
liqueurs titrées, etne pouvant par conséquent faire 
œuvre que de manœuvres. 

Si nos professeurs et préparateurs des Facultés 
étaient appelés plus souvent dans les fabriques, 
nul doute que, rentrés dans leurs laboratoires, ils 
s’efforceraient d'y résoudre, au moyen de toutes 
- les ressources que l’État mel à leur disposition, les 
problèmes rencontrés à l’usine.De leur côté, les in- 
dustriels, ayant appris le chemin des laboratoires, 
. sauraient à qui aller soumettre, avec chance de 
succès, les desiderata de leur mélier. 

L'utilité des recherches scientifiques pour faire 
progresser l'industrie est, en l'espèce, particu- 
lièrement évidente: nousn'’en voulons pour preuve 
que les amélioralions récemment apportées aux 
procédés de la sucrerie et qui sont principalement 
dues à des savants. Il n’est que juste de rendre. 
à ce propos, hommage à la science de MM. Pellet, 
Siderski, L. Lindet et Horsin-Déon. 


— 


IV 


Siluation des Ouvriers. — Nous avons parlé des 
chimistes, occupons-nous maintenant des ouvriers. 
Dans les environs de Paris, dans la Beauce et 
dans la Brie, il est impossible de constituer, avec 
les gens du pays, les deux équipes que requiert 
le travail de jouret le travail de nuit des sucreries. 
D'une part, la besogne de nuit répugne à l'ou- 
.vrier français qui, dans la plupart des autres in- 
dustries, n’y est pas habilué; d'autre part, dans 
les diverses usines, si abondantes aux environs de 


ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 237 


= 


Paris, l'ouvrier est en général occupé toute l'an- 
née. Dans toute cette région, dans la Beauce et 
dans la Brie, la sucrerie n’emploie guère que des 
ouvriers belges. Ceux-ci sont le plus souvent 
d'excellents travailleurs. S'ils sont dénués d'initia- 
tive, ce qui, en l'espèce, n’est pas un défaut, ils se 
montrent, par contre, pleins de qualités très 
utiles : ils sont soumis, respectueux, parfailement 
tranquilles, et la dure besogne ne les effraie pas. 
Presque tous sont payés à la tâche et gagnent au 
moins cinq francs par jour. Seuls, les chefs de bat- 
teries de diffusion, les cuiseurs et les surveillants 
sont rémunérés au mois. Tous trouvent, en gé- 
néral, dans les usines, cet avantage facultatif, dont 
profitent la plupart, d’y être logés et nourris au 
prix d’un france vingt-cinq centimes par jour (!. 

Dans les sucreries du Nord, des gens du pays 
et un certain nombre de Belges forment le per- 
sonnel ouvrier. Presque tous sont rétribués à la 
tâche : on prend pour base du calcul le nombre 
des chaudières de première carbonatalion qui 
ont été carbonatées dans la journée et la nuit: 
ce nombre est.à peu près, de 49 : la chaudière étant 
payée vingt-cinq à trente centimes, chaque 
ouvrier d'une équipe de douze heures gagne au 
moins cinq francs. Les ouvriers rétribués au mois 
touchent de cent vingt à cent cinquante francs et 
sont, en général, chauffés. 

Quand se termine la campagne sucrière (janvier), 
les ouvriers demeurent plusieurs mois sans travail : 
beaucoup se trouvent alors plongés dans une 
affreuse misère. Quelques-uns — mais c’est une 
infime minorité — exercent, dans la région, les 
méliers de maçon et de menuisier. 

En mai, ils sont employés, par les cultivateurs 
des régions sucrières, aux plantations de bette- 
raves: en juin, les binages les retiennent encore 
aux champs. Puis vient la moisson des céréales qui 
les occupe en juillet et août, d’abord dans nos dé- 
partements du centre, finalement dans le nord de 
la France. Cette migration les ramène, en sep- 
tembre, dans les sucreries. 

En résumé, bien que les salaires soient, dans les 
sucreries, sensiblement égaux à ceux de beaucoup 
d'industries, les ouvriers qu'elles emploient se 
rouvent souvent dans une situation pénible. Est- 
il possible d'améliorer leur condition? 

Avant de répondre à cette question, il convient 
d'examiner diverses obligations que la loi impose 
aux patrons et les bénéfices que leur laisse le sys- 
tème actuel. 


(4) Le tableau des salaires dressé par M. Lindet {tableau 
VII, page 231) indique la paie quotidienne, déduction faite 
du logement, du chauffage et de la nourriture. 


238 


W 


Surveillance des fabriquespar l Elal. — Lans chaque 
sucrerie l'État entretient des employés, au moins 
trois, qui, jour el nuit, à tour de rôle, contrôlent 
la fabrication. Ils pèsent les betteraves, s’assurent 
qu'aucune quantité de sucre ne sort de l'usine sans 
passe-debout, tiennent compte du nombre des dif- 
fuseurs remplis et vidés, prélèvent des échantillons 
de sucres turbinés et de mélasses et les envoient 
au Laboratoire des Contributions indirectes du Mi- 
nistère des Finances. Ces échantillons y sont ana- 
lysés, de sorte que l'État est continuellement ren- 
seigné sur les quantités de sucre fabriquées par 
chaque usine et passibles de l'impôt. 

Ce service régulier semble s'exercer à la satisfac- 
lion générale. Nous ne saurions en dire autant du 
contrôle des densimètres dont l'Élatimpose l'usage 
pour toutes les transactions de la sucrerie. Partout 
on se plaint de la mauvaise graduation de ces ins- 
truments. La négligence aveclaquelleils sontéprou- 
vés avant d’être livrés au public cause un véritable 
préjudice au commerce. La réforme d'un tel état 
de choses est urgente. 


VI 

Bénéfice des Patrons. — Le raffinage, qui suit im- 
médiatement la sucrerie, se compose de quelques 
opérations peu compliquées et qu'il y à avantage 
à faire subir simultanément à de très grandes 
quantités de sucre. Une raflinerie emploie, pour 
cette raison, beaucoup plus de sucre que ne peut 
en produire une grande sucrerie : elle collecte le 
plus souvent tout à la fois la production de beau- 
coup de ces établissements et celle d'usines colo- 
niales de sucre de canne. 

Indépendamment de cette circonstance, qui 
empêche les sucreries de monter chez elles la raf- 
finerie, la façon dont l'impôt est appliqué au sucre 
entraine aussi cette division du travail. Dans le 
but de ne pas prendre l'argent du fabricant avant 


ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 


qu'il ait lui-même réalisé la vente de son sucre, … 


l'État n’exige le paiement de l’impôt qu'au moment 
de la vente, donc après raffinage. Jusqu'à ce mo- 
ment le raflineur est, dans une large mesure, 


garant de l'impôt à payer, et obligé, de ce fait, à « 
des dépôts considérables. La raflinerie exigeant : 


donc, tant pour l'achat du sucre que pour la 


garantie de l'impôt, d'énormes capitaux, il n’y à 


qu’un tout petit nombre de raffineurs en France : 28, 
— tandis que les fabricants de sucre sont environ 
350. De cette situation résulte pour les raffineurs 
la possibilité, dont ils usent, de se syndiquer etde 
maintenir, on pourrait presque dire au taux de 
leur choix, le prix du sucre rafliné. Tandis que, 
comme le montrentles graphiques de M. Lindet, 
le prix du sucre brut ne cesse de s'avilir, le con- 
sommateur continue de payer au même prix le 
sucre qu'il achète chez l’épicier. Les modifications 
apportées à la législation de 1884 frappent dure- 
ment le fabricant sans profiter au consommateur. 
Ne dirait-on pas que la loi a été faite par les rafli- 
neurs el comme pour eux-mêmes ? 

A l'heure actuelle, la sucrerie française non seu- 
lement ne gagne pas d'argent, mais en perd : un 
grand nombre d'usines vont se trouver cette année 
dans la nécessité de fermer. Comment, dans ces 
conditions, demander aux fabricants d'accueillir 
plus libéralement les savants, d'augmenter les 
traitements des ingénieurs et des chimistes et les 
salaires des ouvriers qu'ils emploient ? 

Deux remèdes au mal actuel semblent cepen- 
dant devoir surgir prochainement : beaucoup de 
fabricants de sucre, désireux de se soustraire à la 
tyrannie du raffineur, se préoccupent de chercher 
un procédé pratique de raffinage applicable dans 
leurs usines, — et c'est là un sujet d'investigation 
que nous devons signaler aux hommes de science. 
D'autre part, un grand nombre de sucriers nt en 
ce moment la pensée de se syndiquer pour opérer 
le raffinage. Là est le salut de leur industrie et 
l'intérêt du public, si nos lois ne changent pas. 


Louis Olivier. 


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ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


239 


. Laligne souterraine allant de la gare de Sceaux au 
jardin du Luxembourg sera très prochainement inau- 
gurée. Cette ligne nous paraît doublement intéres- 
“sante. D'abord, au point de vue pratique, elle était 
d’une incontestable utilité, La gare de Sceaux se trou- 
vait trop éloignée, et les Parisiens, ne pouvant s'y 
_ rendre assez facilement, délaissaient volontiers la par- 
-tie de banlieue qu'elle dessert, cependant très jolie et 
- très digne d’être un but favori pour leurs promenades 
- dominicales. Et puis, ce petit bout de souterrain est 
un avant-goùt du métropolitain dont la construction 

est de plus en plus retardée; c'est un premier pas fait 
- en avant; il faut nous en contenter, faute de mieux. 


2 


È lautre part, au point de vue scientifique, la construc- 
… tion de la ligne est à citer : elle a soulevé beaucoup de 
F difficultés que les ingénieurs ont complètement réso- 
- lues. Nous allons en exposer rapidement les princi- 
à pales 1. 


…—…. La ligne part de Fancienne gare de Sceaux et passe 
… sous la rue Denfert-Rochereau et le boulevard Saint- 
Michel pour finir près du jardin du Luxembourg, à 
… l'angle de la rue Gay-Lussac, Ce sont là des voies très 
 fréquentées, et le Conseil municipal de Paris, qui n’é- 
- tait que médiocrement favorable au projet, imposa Ja 
- dure condition que la circulation ne devrait pas être 
interrompue. D'un autre côté, un important tramway, 
celui qui va de Montrouge à la gare de l'Est, suit abso- 
lument le même trajet, Il ne fallait pas songer à sup- 
primer un seul jour son service ni même à diminuer 
Son parcours. Enfin, les nombreux égouts et les multi- 
ples conduites qui courent sous les trottoirs de Paris 
contribuaient à accroître les obstacles, en même temps 
que les catacombes qui se trouvent en grande quantité 
dans ce quartier et dont les arches menacaient parfois 
de se rompre sous le moindre effort. Nous pouvons 
ajouter encore que la voie longe l'Observatoire; aussi 
les savants astronomes de cet établissement concurent- 
ils Ja crainte que le passage des lourds convois ne vint 
troubler leurs mesures précises et délicates. Il fallut 
prendre les précautions suffisantes pour les rassurer : 
une épaisse couche de sable fut introduite entre les 
- murs du tunnel et le sol des jardins de l'Observatoire. 
SE 0 7 OR 
! Les détails qui suivent ont été, en partie, empruntés à 
Engineering. N° du 25 Janvier 1895. 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LE PROLONGEMENT SOUTERRAIN DE LA LIGNE DE SCEAUX 


D’ailleurs, pendant le cours des travaux, de nombreux 
trains de ballast ont parcouru ce chemin sur une voie 
provisoire, et nous ne croyons pas que l’on ait eu à 
leur reprocher le moindre méfait contre le calcul des 
trajections astrales. Nous pouvons donc avoir bonne 
confiance en l'avenir. 

A son départ, la ligne a été construite à ciel ouvert. 
La présence du square (marqué sur le plan, figure 1, 
près de la station Denfert) rendait cette solution facile. 
Un tablier métallique porte la chaussée qui traverse la 
place entre le square et l’ancienne gare de Sceaux. A 
la sortie du square, le peu de profondeur du niveau de 
la voie n’a pas permis de creuser un tunnel propre- 


STATION OÙ 
LUXEMBOURG 


Fig. 1. — Plan du trajet de la ligne souterraine du Luxembourg. 


ment dit. On a eu recours, pendant environ 90 mètres, 
au système de couverture très souvent employé dans 
les métropolitains anglais. Il comprend deux poutres 
longitudinales reposant sur des colonnes en fer ayant 
une section à double T et réunies par des traverses 
d'environ 9 mètres. Ces traverses sont supportées à 
leurs extrémités par des murs de soutènement (fig. 2). 
Entre elles, sont construites des arches en briques qui 
forment la voûte. 

En cet endroit, la voie présente une courbe d'environ 
220 mètres de rayon et pénètre sous la rue Denfert. A 
l’angle de l'avenue de l’Observatoire et du boulevard 
Saint-Michel se trouve la station de Port-Royal. Comme 
on disposait, en cet endroit, d’un espace considérable, 
la partie attenante à cette station est restée découverte 
sur une longueur d’environ 80 mètres. Au delà, se 
trouve un pont oblique par rapport à la voie et suppor- 
tant l'extrémité du boulevard Saint-Michel. Ce pont est 
fait de deux poutres longitudinales réunies par des 
traverses entre lesquelles se trouvent, comme tout à 
l'heure, des arches en briques. Ces traverses sont sou- 
tenues par une pile centrale, et, à leurs extrémités, 
par des murs de soutènement. Après le pont, le tunnel 
ordinaire recommence. La figure 3 donne une demi- 
coupe de ce tunnel. Un peu avant d'arriver à la station 
du Luxembourg, la formation des quais a nécessité son 
élargissement, et sa forme a été modifiée ainsi que 
l'indique la figure 4. A la hauteur même de la station, 
la chaussée est portée par un pont formé de 6 poutres 
de près de 17 mètres de long et de 1%,50 de hauteur, 
réunies par des traverses entre lesquelles ont été 
construites de petites voûtes. On voit que le même 
système se retrouve dans toutes les constructions en 


240 


fer qu'a nécessitées la ligne, Au delà du pont a été 
creusé un bout de tunnel destiné aux manœuvyres de 
machines, 

Lorsqu'elle quitte l’ancienne ligne, la voie a une 
pente de 1,6 pour cent. Au bout de 300 mètres, cette 
pente est de 2,1 pour cent. Au-dessous de la rue Den- 
fert, elle redevient égale à4 ,6 pour cent. C'estd’ailleurs 
le chiffre moyen 
pendant tout le par- 
cours. Lesrails sont, 
au départ, à 4,50 
au-dessous du sol. A 
la station de Port- 
Royal, ils atteignent 
plus de6®,30 et près 
de 41 mètres au 
bout de la ligne, Une 
telle profondeur n'é- 
tait pas exigée pour 
le parcours actuel ; 
mais elle a été adop- 
tée en vue du raccord 
avec le futur métro- 
politain, Dans le pe- 
tit tunnel qui suit la 
station du Luxem- 
bourg, la voie a été 


rendue horizontale 
IOEE DURE couche de Fig. 2,— Voie à couverture 
ballast, L’inclinaison mélallique. 


nécessaire pourrait 
être facilement rétablie en cas de prolongement de la 
ligne. s 1 AR 

Pendant les travaux, avons-nous dit, les ingénieurs 
ont été constamment gênés par les égouts, par les 
multiples canalisations qui se trouvent sous les rues 
de Paris, et surtout par la présence des anciennes car- 
rières et des catacombes, Les voûtes de ces excavations 
se trouvent de 
12 à 20 mètres 
au-dessous du 
niveau desrails. 
Mais leur pré- 
sence était à 
considérer avec É 
attention, ainsi 
que le prouvè- 
rent de nom- 
breux  affaisse- 
ments de mai- 
sons du quar- 
tier. Aux en- 
droits où le toit 
de la carrière 
avait  subsisté, 
on construisit, 
pour soutenir le 
mur latéral du 
tunnel, un autre 
mur allant du 
sol au sommet 
de la voûte de cette carrière. Au 
les cas de l’écroulement du toit, on 
allant jusqu’au niveau de l'ancien sol. Les parois 
en furent faites en solide maconnerie sur laquelle on 
placa une forte voûte soutenant directement les murs 
du tunnel. La figure 5 montre un exemple de cette 
dernière disposition. Nous avons vu, d'autre part, com- 
ment on a donné satisfaction aux astronomes de l’Ob- 
servatoire en ce qui concerne la partie du tunnel qui 
longe les murs de leur jardin. Quant aux égouts et aux 
conduites diverses, ce fut plutôt un ennui continuel 
qu'une véritable difficulté, 

Les travaux de construction de la ligne devaient, 4 
priori, satisfaire à trois conditions importantes : 

1° Etre menés le plus rapidement possible ; 

2° Exiger le minimum de dépenses; 


Trottoin 


Chaussee 


< 


\ 
\ 

Egout 
Î 


des quais, 


contraire, dans 
creusa un puits 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


Fig. 4. — Tunnel élargi pour la formation 


3° Ne point interrompre la circulation publique. 
Voici quelle fut la solution adoptée : , 
Les deux voies du tramway Montrouge-Gare-de-lEst 
furent transportées près de chaque trottoir. Les voi- 
tures continuèrent à être autorisées à circuler dans lan 
rue Denfert et le boulevard Saint-Michel, excepté aux: 
endroits où il existe des rues parallèles, D'autre part, 
on laissa toujours. 
libre au moins une 
moitié de la chaus-… 
sée : une tranchée. 
était ouverte où mê- 
me une série de fos- 
ses dans lesquelles … 
on élevait les piles … 
sur une certaine lon-. 
gueur. Cela fait, le. 
niveau de la rue 
était abaissé suivant 
la forme de l'arche 
du tunnel et sur une 
largeur correspon-. 
dant à la moitié de 
celui-ci, Là-dessus, 
on coulait une cou-. 
che de plâtre qui 
servait de fondation 
à la maconnerie de 
la demi-arche. Le … 
travail était achevé . 
de cette facon, puis 
le niveau de la rue rétabli, et on recommencait pour 
Pautre moitié du tunnel. La circulation resta done 
absolument libre pendant les fouilles et l'enlèvement 
des terres. Cette méthode, quoique un peu lente, a 
donné d'excellents résultats. 
Trois types différents de construction ont élé em- 
ployés dans les proportions suivantes : tunnel en ma- 
1 connerie, 19,1 
pour cent; cou- 
verture en bri- 
queset fer, 15,2. 
pour cent; voie. 
à ciel ouvert, 
5,1 pour cent. 
La figure3 mon- 
tre une section … 
du tunnel. Sa. 
largeur est de 9. 
mètres ; la hau-. 
teur des murs 
latéraux de 3 
mètres, leur é-" 
paisseur de 1 
m. #0. Ils com- 
prennent des vi- 
des destinés au 
Fig. 5. — Exemple d'un mur du Lunnel Passage descon-m 
soutenu parla voûte d'un puits infé- duites de drai= 
rieur. nage, et, de 15 
mètres en 15, 
mètres, des refuges pour les hommes qui travaillent 
sur la voie, Un petit chemin de 0,44 de largeur leur 
est, en outre, réservé le long des murs, Nous avons 
vu que la forme du tunnel change aux environs de la 
station du Luxembourg; en cet endroit, la largeur to: 
tale est de 16,80, l'épaisseur des murs latéraux de 
3 mètres, la largeur des quais de mètres, et la dis- 
tance entre quais de 6,80 (fig. 4). Lorsque la voûte est 
faite en briques et en fer, l'épaisseur des murs de 
soutènement est portée à 1",50. s 
Dans le cas d’une ligne telle que celle qui nous oc= 
cupe, c’est-à-dire presque entièrement souterraine, la 
question du renouvellement de l'air était de premières | 
importance, Sans précautions spéciales, l'atmosphère 
viciée, tant par le passage des locomotives que par la 
présence des hommes, deviendrait rapidement irresple 


Le 


Ê 


| 


= ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 241 


- rable; car, si nous en jugeons par ce qui passe, à cer- 
- tains jours, sur les lignes de banlieue, la ligne de Vin- 
- cennes, les lignes de la Compagnie de l'Ouest, par 
… exemple, il faut s'attendre à voir parfois sur la voie du 
“ Luxembourg une circulation considérable, et dans ses 
- stations le séjour continu d’une foule sans cesse renou- 
; 


velée. Aussi a-t-on construit de distance en distance 


des puits qui débouchent dans le tunnel par des ouver- 
- tures pratiquées soit dans les murs latéraux, soit à la 


. 


. Jair vicié dans une chemi- 


. gares, 


partie supérieure des voûtes. En outre, une sorte de 
canal qui coule tout le long 
du tunnel, est en commu- 
nication avec un puissant 
. ventilateur installé dans le 
sous-sol de la station du 
Luxembourg et poussant 


née construite tout près 
de là; il est mü par l’élec- 
tricité. La génératrice de 
courant se trouve à la sta- 
tion Denfert qui contient 
aussi des dynamos destinées 
à l'éclairage des autres ga- 
reset de la ligne, ainsi qu’à 
la manœuvre des monte- 
charges. 

Nous dirons, avant de 
terminer, quelques mots 
sur la disposition des trois 


Pour la première, place 
_ Denfert, le vieux bâtiment 
circulaire a été conservé, Le niveau des rails se trouve 
à 5 ou 6 mètres au-dessous du sol de la salle d’enre- 
gistrement des bagages. Un pont en fer a été jeté au- 
- dessus de la voie. Il donne accès par trois passages 
au quai de départ, au quai d'arrivée et au monte- 
charges pour les bagages. Deux escaliers, situés de 
chaque côté du pont, servent, l’un à l’arrivée, l’autre 
au départ. Les murs de cette station, ainsi d'ailleurs 
que ceux des deux autres, ont été recouverts de tuiles 
vernissées blanches, et les arches, situées entre les tra- 
- verses en fer, de briques également blanches. Il y a là 
un supplément de dépenses qui est largement com- 
pensé par la qualité de la lumière obtenue. La largeur 
-des quais est de 5 mètres. Conformément à l’usage 
généralement adopté en Angleterre, ils sont au niveau 
du marche-pied des wagons; on sait que chez nous ils 
sont placés plus bas. On pourrait toutefois trouver 
des exemples du contraire : la ligne de Vincennes 
nous en offre plusieurs. 
La station de Port-Royal est à cheval sur la voie, Elle 
a environ 140 mètres de hauteur et est portée sur 
8 colonnes en fonte. La figure 6 en montre le plan 
général. La salle des bagages est au niveau de la rue; 
en face de l'entrée, se trouve un escalier divisé en trois 
parties. La partie centrale sert à la descente, et les 
deux autres à la montée, On arrive ainsi à une salle 
d'attente et de distribution des billets d’où partent 
deux groupes d’escaliers aboutissant aux quais de la 
voie. Le premier groupe est destiné à la descente, le 
second à la montée. Les flèches marquées sur la figure 
indiquent le sens dans lequel marchent les voyageurs. 


J'alle 


d'attente 


Fig. 6. — Plan de la station de Port-Royal. 


On sait qu'aucune construction spéciale n’a été 
faite pour la gare du Luxembourg, qui est la station 
terminus. La Compagnie n’a pu obtenir l’autorisation 
de bâtir dans le jardin, et, comme il était impossible 
de songer à occuper une portion quelconque du boule- 
vard, elle a été obligé d'acheter une maison privée dont 
elle utilise le rez-de-chaussée et les caves. Cette maison 
est située à l'angle de la rue Gay-Lussac et du boule- 
vard Saint Michel. Dans les caves, se trouve la machi- 
nerie nécessaire aux monte-charges ; au rez-de-chaussée, 
la salle d'attente et la dis- 
tribution des billets, De là, 
on passe par un escalier à 
une plate-forme placée à 
4 mètres au-dessus des 
rails d’où partent d’autres 
escaliers aboutissant aux 
quais. Comme dans les 
deux premières stations, 
les passages donnant accès 
à la voie ont élé divisés en 
deux parties bien distinc- 
tes : la première destinée 
aux voyageurs qui partent, 
la seconde aux voyageurs 
qui arrivent, Ces derniers 
sortent directement dans 
la rue. 

M. Barclay Parsons, in- 
génieur en chef de The 
Board of Rapid Transit Com- 
missioners of New-York, à 
écrit dernièrement un rap- 
port sur les Moyens de communications rapides dans les 
grandes villes. Il y dit quelques mots de la ligne du 
Luxembourg, qu’il regarde «comme l'exemple le plus 
important, en Europe, de construction souterraine: 
car c'est le seul cas où l’on se soit efforcé de pro- 
duire une œuvre réellement élégante ». 

M. Parsons ajoute que les difficultés nombreuses 
qui se sont présentées ont été remarquablement vain- 
cues. Il donne aussi les conclusions auxquelles ont été 
conduits les ingénieurs francais. Ils ont reconnu qu'il 
était préférable : 

1° D’employer autant que possible la maconnerie au 
lieu du fer; 

20 D’éviter dans la maconnerie l’emploi des pierres 
de trop grandes dimensions; 

3° D’amener et d’enlever les pierres au moyen de 
trains se mouvant sur la partie de la voie déjà cons- 
truite ; 

4 De placer les rails aussi près que possible de la 
surface du sol, car la dépense à faire croit consi- 
dérablement avec la profondeur à laquelle on tra- 
vaille, 

Quant au prix de revient de cette intéressante 
petite ligne, il est encore impossible de l’évaluer exac- 
tement, mais il a, paraît:il, certainement dépassé celui 
qui avait été prévu. Le devis s'était élevé à près de 
9.000.000 de francs, et la maison dans laquelle se trouve 
la station du Luxembourg a déjà coûté, à elle seule, 
1.450.000 francs. 


A. Gay, 


Ancien élève de l'École Polytechnique 


249 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 
BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 
1° Sciences mathématiques. Denfer (J.), Architecte, Professeur à l'Ecole Centrale. 
Ë — Charpenterie métallique. Menuiserie en fer et 
Bachmann (Paul). — Zahlentheorie. Versuch Serrurerie. Tome I. (Généralités. Résistance du fer, 


einer Gesammtdarstellung dieser Wissenschaft in ihren 

Haupttheilen. Zweiter Theil. Die analytische Zahlen- 

theorie —1 vol. in-8° de 500 p. (Prix : 15 fr.) B.G. Teub- 

ner, éditeur, Leipzig. 1895. 

Dans la Revue du 45 novembre 1893, M. Hadamard a 
rendu compte du premier volume de l'ouvrage con- 
sacré par M. Bachmann à l’Arithmétique supérieure, Le 
second volume, objet de la présente notice, traite des 
questions relatives à la théorie des nombres entiers, 
mais où interviennent les procédés et notions de l’ana- 
lyse infinitésimale, notamment les quadratures, les 
séries, les produits infinis, etc. 

La majeure partie du livre (dix chapitres sur treize) 
est consacrée à la résolution, en nombres entiers x et 
y, de l'équation indéterminée à deux inconnues : 


f(x, y)= ax? + 2bxy + cy?=m, [a, b, ce, m— entiers], 


ou, si l’on veut, à la représentation d’un entier m par 
la forme quadratique binaire arithmétique f (æ, y). 

On convient, ce qui est naturel dans la matière, de 
ne pas considérer comme essentiellement distinctes 
les formes f (x, y) et f (Ax + By, A'zx + B'y), les 
quatre entiers A, B, A’, B' étant assujettis seulement à 
la relation AB°-— BA" = 1. Toute la théorie est alors 
dominée par la proposition suivante, à la démonstra- 
tion de laquelle ont travaillé beaucoup de géomètres et 
surtout Dirichlet : « À une valeur numérique donnée 
« pour le discriminant b?— ac, correspond un nombre 
« fini de formes quadratiques que l’on saura toutes 
«construire. » Les formes quadratiques sont aussi 
étudiées au point de vue de leur genre (matière trop 
compliquée pour être développée ici) et de leurs rap- 
ports avec la théorie des fonctions elliptiques.Citons 
aussi cette importante proposition : Toute progression 
arithmétique fournit une infinité de nombres premiers. 

Les trois derniers chapitres sont consacrés aux 
fonctions arithmétiques (zahlentheoretische), c’est-à- 
dire à celles qui n’ont de sens que pour les valeurs 
entières de la variable n. C’est par exemple le cas des 
fonctions qui indiquent : 

Combien un entier n a de diviseurs, 

Quelle est la somme de ces diviseurs, 

Combien il y a de nombres premiers ou premiers 
avec n, non supérieurs à n, etc., etc. 

L'étude des fonctions arithmétiques est extrèmement 
ardue. On se contente le plus souvent de calculer leurs 
valeurs moyennes, Ou bien on substitue à ces fonctions 
d’autres plus simples (valeurs asymptlotiques), telles 
que lerreur commise s’évanouisse pour » infini. Les 
valeurs asymptotiques ont une grande importance dans 
le calcul des probabilités, à cause de la loi dite des 
grands nombres. 

Je citerai aussi ce curieux résultat : la probabilité 
pour que deux entiers, pris au hasard, soient premiers 
entre eux est =. x étant 3, 1415926... 


Bref, le livre de M. Bachmann fournit les indications 
les plus précieuses sur l’état actuel de l’arithmétique 
supérieure, science si attrayante par sa difficulté 
même. Léon AUTONNE. 


Vislicenus (D, W. F.), Professor an der Universität 
zu Strasburg. — Astronomische Chronologie. — 
4 vol. gr. in-8° de 160 p. (Prix : Cartonné, 6 fr. 25.) 
B. G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1895, 


2 


de Pacier et de la fonte. Assemblages. Planchers en fer. 
Supports métalliques.) — 1 vol. grand in-8° de 584 pages 
et 479 figures, de l'Encyclopédie des Travaux Publics. 
(Prix : 20 francs.) Gauthier-Villars et fils. Paris, 1895. 
On a souvent dit de notre époque qu’elle porterait 
dans l’histoire le nom de siècle du fer. Celui de siècle 
de l'acier lui conviendrait mieux encore, si une périvde 
un peu plus longue nous séparait de l’année 1900; car 
l'acier, plus élastique et plus résistant que le fer, et ne 
coùtant guère plus que ce dernier, se substituera cer- 
tainement à lui, le jour prochain où on saura le fabri- 
quer avec des qualités constantes, faciles à reconnaître 
et à garantir, Qu'on emploie pour les édifier le fer ou 
l'acier, un ouvrage sur les charpentes métalliques est 
assuré de traiter une question qui restera longtemps à 
l’ordre du jour, et ce n'est pas le plus mince éloge qu'on 
puisse faire d'un livre. Celui de M. Denfer est du reste 
concu de manière à être longtemps consulté avec fruit. 
A côté de tous les renseignements pratiques dont le 
constructeur a journellement besoin, se trouvent, fort 
complètement et fort clairement traités les problèmes 
théoriques que l'architecte et l'ingénieur peuvent avoir 
à résoudre. Aussi ne pouvons-nous analyser, en quel- 
ques lignes, un ouvrage aussi technique, nourri: de 
détails et de chiffres, et nous devons nous borner à une 
nomenclature, forcément un peu sèche, des chapitres. 
Dans le premier, sont exposées les'xénéralités rela- 
tives aux métaux ferreux: fers, fontes, aciers, et sont mi- 


nutieusement décrites les formes commerciales des fers. 


Dans le second, plus théorique que le précédent, 
sont étudiées les questions relatives à la résistance des 
métaux. 

Le troisième chapitre est consacré aux assemblages 
des éléments métalliques, en relation si intime avec la 
solidité des constructions, Le suivant traite des chaïi- 
nages, linteaux et poitrails. 

Dans le quatrième chapitre est étudiée, avec tous les 
détails qu’elle mérite, l’importante question des plan- 
chers en fer. 

Dans l2 cinquième chapitre on trouvera groupées 
toutes les notions qui se rattachentaux supports verti- 
caux (colonnes en fonte, poteaux et piliers en fer). 

Cette liste montre assez par elle-même quele volume 
en question n’est que le tome premier de l'ouvrage 
complet. Celui-ci donnera, daus tous leurs détails, les 
moyens d'édifier rationnellement les constructions 
métalliques. Déjà, dans une simple page d’une haute 
importance pratique, il rappelle les moyens trop sou- 
vent négligés d’accroitre la durée de ces constructions. 

On oublie, en effet, trop généralement, que ces ou- 
vrages, parus immenses et alors élevés au prix de 
frais et de labeurs énormes, sont voués, dans un avenir 
relativement proche, à une ruine certaine. Le fer périt 
fatalement par l'oxydation; celle-ci, lente sur les sur- 
faces planes qui sèchent vite, est rapide sur les parties 
qui restent longtemps mouillées, et s'accélère d’autant 
plus que la rouille déjà produite fait éponge etconserve 
l'humidité favorable à une corrosion plus profonde, 
Quand l'oxydation attaque un assemblage, elle donne 
lieu à une augmentation de volume irrésistible et arra- 
che les meilleurs éléments de jonction. 

On n’a pas oublié l'émotion produite par les résultats 
de l’enquête à laquelle, sous la pression de catas-. 
trophes récentes, on a procédé pour se rendre compte 
de l’état des ponts de nos chemins de fer, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2, 


D 
[9 


Et pourtant les précautions qu'il suffirait de prendre 
pour rendre bien longuement durables les constructions 
métalliques sont d’une simplicité élémentaire et d’un 
prix presque nul. Elles consisteraient à peindre conve- 
nablement les fers avant de les assembler, à ne jamais 
jonctionner deux pièces sans interposer une matière 
molle capable de durcir, à remplacer dans les joints 
rivés le mastic libre par une bande d’étoffe mince en- 
duite de ce mastic à l’état presque frais, à procéder à 
la peinture définitive avec un soin minutieux et à la re- 
nouveler assez souvent, enfin à disposer les fers sou- 
mis aux intempéries de manière que l’eau de pluie ne 
séjourne pas à leur surface, 

Pourquoi faut-il que des précautions aussi élémen- 
taires, qui ne majoreraient que d'un ou deux francs le 
prix des cent kilos du métal employé, et qui décuple- 
raient facilement la durée des ouvrages, soient si rare- 
ment observées ! Espérons que les constructeurs, mieux 
avertis par l'appel aussi désintéressé qu'éclairé que 
leur adresse M. Denfer, seront à l’avenir plus soigneux, 

Gérard LAVERGNE. 


2° Sciences physiques. 


Henry (A.), Ingénieur en Chef des Mines, Ingénieur en 
Chef du Matériel et de la Traction à la Compagnie P.-L.-M, 
— Etude expérimentale de la Vaporisation dans 
les Chaudières de locomotives, faite dans les ateliers 
du chemin de fer P.-L.-M. — (3° fascicule des Annales 
des Mines de 1894.) Vue Ch. Dunod et Vicq. Paris, 1895. 


L’essai des chaudières et des machines motrices n’est 
pas un métier; c’est un art pour lequel il faut à l’expé- 
rimentateur, en plus des ressources matérielles indis- 
pensables à une opération de ce genre, un grand 
dévouement, un profond savoir et un véritable tempé- 
rament scientifique. Un essai bien fait a une portée 
considérable quand il aboutit à des conclusions nettes 
et précises; la théorie y trouve un appui et un contrôle, 
la pratique en retire des données sûres et indiscuta- 


- bles. Il n’est donc pas étonnant qu'on attache tant 


d'importance à une étude expérimentale signée d’un 
nom connu et estimé, et exécutée dans les conditions 
voulues, pour qu'on ne puisse en contester les résultats, 

Le travail des ingénieurs de la Compagnie du P.-L.-M., 
que viennent de publier les Annales des Mines, mérite 
d'être classé parmi les meilleurs de l'espèce, Commencé 
sur l'initiative et sous la direction de M. Henry, avec 
la collaboration de MM. Chabal, Foucher, Trudon et 
Mottet, cet essai a duré cinq ans; M. Henry en avait 
communiqué partiellement les résultats au Congrès des 
chemins de fer de 1889, mais la mort l'empêcha d'en 
tirer toutes les déductions, et M. Marié fut obligé de 
coordonner les données recueillies et d’en présenter 
l’ensemble au public, 

Le but de ces recherches était de mettre en lumière 
l'influence de la longueur des tubes à fumée des chau- 
dières de locomotives, tant sur la puissance de produc- 
tion que sur le rendement économique de l'appareil; 
on se proposait aussi de déterminer les meilleures 
conditions d'établissement à adopter relativement aux 
différences de tirage, aux changements de forme du 
foyer (foyer ordinaire, foyer avec voûte en briques ou 
avec bouilleur Tenbrinck), à l'étendue des grilles, au 
nombre et au diamètre des tubes. Ce programme fut 
élargi dans la suite et étendu à l'épreuve des tubes 
à ailettes, système Serve, qui furent substitués aux 
tubes lisses, 

Le mémoire inséré aux Annales des Mines décrit 
d’abord longuement les divers appareils employés au 
cours de ces recherches, appareils de mesure de l’eau 
d'alimentation, de pesage du combustible, de mesure 
du tirage, de mesure des tem ératures, de détermina- 
tion de l’eau entraînée, d’ana yse des gaz, etc. 

Un second chapitre trace le programme et relate la 
marche des expériences. Vient ensuite le calcul des 
résultats, et l’exposé de ces résultats. 

Tout cela ne peut être analysé, et nous renvoyons le 


lecteur au lumineux exposé de M. Marié, Signalons 
seulement les conclusions de ce remarquable travail : 

Pour le foyer, les grandes surfaces de grille sont 
avantageuses; les longs tubes améliorent le rendement, 
mais limitent la puissance de production; une longueur 
de 4,50 paraît, à tous égards, la plus avantageuse. 
L'influence du tirage sur la puissance est considérable; 
mais il convient de prendre des dispositions pour en 
faire varier l'intensité dans les plus larges limites 
possibles : c’est le meilleur moyen de donner à la 
puissance de la locomotive l'élasticité dont elle a 
besoin et de permettre de régler cette puissance sur le 
travail à développer à tout instant. On doit chercher à 
multiplier le plus possible le nombre des tubes. 

Un fait d'une grande importance pratique se dégage 
de cette étude : on voit que le rendement d’une chau- 
dière déterminée, d’un type donné, peut varier consi- 
dérablement avec les dimensions relatives de ses 
diverses parties (grille, surface de chauffe, car- 
neaux, etc.), et avec les conditions de son fonctionne- 
ment (tirage, activité du feu, qualité du charbon, etc.). 
En. particulier, une chaudière du type locomotive peut 
donner de 7,0 à 10,5 kilog. de vapeur par kilogramme de 
charbon, c’est-à-dire qu’elle est, pour ainsi dire à 
volonté médiocre ou excellente. 

L'étude expérimentale faite par les ingénieurs du 
P.-L.-M. contribuera grandement au perfectionnement 
des locomotives : l'initiative des promoteurs de cet 
important travail n’a pas été stérile, et ils ont, de plus, 
le mérite d’avoir produit une œuvre vraiment scienli- 
fique. A. Wirz. 


Heen (P. de) et Dwvelshauvers-Dervy (EF. V.). — 
Etude comparative des isothermes observées par 
M.Amagat et des isothermes calculées par la for- 
mule de Van der Waals.— Une brochure de 12 p.et 
d planches, extraite du Bulletin de l’Académie Royale 
de Belgique, 1894. 


Si l’on applique la formule de Van der Waals au cal- 
cul des expériences de M. Amagat sur les isothermes 
de l'acide carbonique, on obtient une concordance mé- 
diocre pour l'isotherme de 198, et mauvaise pour celles 
qui correspondent à des températures inférieures à 100°, 
à tel point que les valeurs calculées de p et de pv, pour 
un volume spécifique donné, dépassent le double des 
valeurs observées lorsqu'on atteint 500 atmosphères ; 
la concordance devient beaucoup meilleure si l’on 
suppose le covolume et la pression interne variables 
avec la température (voir à ce sujet la communication 
faite par M. Amagat à la Société francaise de Physique, 
le 16 mars 1894). En prenant, pour chaque isotherme, 
une valeur particulière de ces quantités, la concor- 
dance entre les résultats du calcul et ceux de l’expé- 
rience est assez satisfaisante. Les divergences qui 
subsistent conduisent les auteurs à la conclusion 
que l’on devrait introduire un terme de condensation 
interne, pour tenir compte des écarts aux faibles pres- 
sions, La variation du covolume qui donne la meilleure 
concordance entre le calcul et l'expérience conduit à 
attribuer à cette quantité une valeur qui augmente 
de 0,001 environ par degré, entre 30° et 258°, Cette va- 
riation n’est autre que la dilatation ‘cubique moléculaire, 
que l’on trouverait ainsi, pour l’acide carbonique, sen- 
siblement égale à la dilatation cubique d’un grand 
nombre de liquides organiques. Ch.-Ed. GuiLcaume. 


Fourtier (H.). — Les Lumières artificielles en 
Photographie. — 1 vol. in-8° de 160 pages avec 19 fig. 
et 8 pl. (Prix : 4 fr. 50). Gauthier- Villars et fils, édi- 
teurs. Paris, 1895. 

Celivre,admirablement édité comme toutes les publi- 
cations de la maison Gauthier-Villars et fils, contient 
des spécimens d'illustrations vraiment remarquables. 
Ce sont des reproductions de photographies dues à di- 
vers amateurs, et qui, faites au moyen des lumières 
décrites dans l'ouvrage, permettent d’apprécier les 
mérites des méthodes qu’il préconise. 


1O 
rad 
pa 


8° Sciences naturelles. 


Congrès géologique international. Session de Was- 
hington. — 1 vol. gr.in-8° de 530 p. et 40 figures avec 
nombreuses planches et cartes hors texte. Imprimerie du 
Gouvernement. Washington, 1895. 


Le gros volume dans lequel sont résumés les travaux 
du Congrès de Washington est, pour la plus grande 
partie, consacré à la géologie des Etats-Unis, et il nefaut 
point trop se plaindre que les discussions sur des sujets 
qui sont le but du Congrès semblent sacrifiées à l’ex- 
posé des faits siintéressants dela Géologie américaine. Il 
semble prématuré,en effet,de vouloir établirune classifica- 
tion génétique des dépôtspléistocènes, alors qu'onn'est pas 
fixé en France et en Angleterre sur la position relative 
des deux faunes quaternaires et qu'on discute encore 
la réalité d’une phase interglaciaire; des discussions de 
ce genre ne peuvent aboutir qu'à montrer l'incertitude 
des données qui sont la base de la discussion. D'un 
plus grand intérêt est l'exposé des principes qui doivent 
servir à établir la corrélation chronologique des roches clas- 
tiques, On trouvera dans les notes de MM. Gilbert, Mc 
Gee et Lester Ward des choses excellentes sur ce sujet. 

La fin du volume est consacrée au compte rendu des 
excursions géologiques auxquelles le Congrès a donné 
lieu. M. Mc Gee, avecle concours de MM. G. H. Williams, 
Bailey Willis, N. H. Darton, y a résumé la géologie des 
environs de Washington, et M. C, Van Hise l’histoire de 
la région précambrienne du lac Supérieur dont il a 
donné une excellente petite carte d’ensemble et des 
cartes de détail. L’excursion finale aux montagnes 
Rocheuses a été l’occasion pour M. Emmons de donner, 
avec la collaboration de nombreux géologues, un véri- 
table Guide (221 p.13pl1.28 fig.) danslarégion parcourue. 
Cette excursion a été une des plus grandes attractions 
du 5° Congrès, dont les membres, dans un parcours de 
plus de 9,000 kilomètres accompli en 25 jours, ont 
traversé deux fois la distance qui sépare la côte de 
l'Atlantique du bord ouest du grand bassin du Colorado. 

Nous trouvons dans les procès-verbaux du Congrès 
l'annonce de la création d’une Commission internatio- 
nale de bibliographie géologique, On jugera de l’impor- 
tance et de Putilité du travail que se propose d’exé- 
cuter cette Commission par le programme exposé par 
M. de Margerie. Il s’agit : 4° de dresser la liste des 
bibliographies géologiques qui existent déjà; 2 de 
faire l'inventaire des parties de la littérature spéciale 
qui n'ont pas été l’objet de ce dépouillement, de ma- 
nière à arriver à la mise au clair, une fois pour toutes, 
de la bibliographie rétrospective ; 3° de procéder à 
l'enregistrement périodique de la bibliographie cou- 
rante, Souhaitons que la Commission mène son projet 
à bonne fin et que la bibliographie géologique rétros- 
pective avance plus rapidement que la carte géologique 
d'Europe, entreprise par le Congrès et dont nous at- 
tendons toujours les premières feuilles, promises pour 
4891 et 1892. Mais il est probable que l’exécution de 
cette bibliographie comporte de solides difficultés, car 
elle n’a pu paraitre, comme on l'avait projeté, à la suite 
du voiume du Congrès de Washington. 

A. Bicor, 


Mesnard (Eugène), Préparateur à la Sorbonne. — 
Recherches sur la formation des Huiles grasses 
et des Huiles essentielles dans les Végétaux. 
(Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de 
Paris). — 4 broch, in-8° de 142 p. avec 3 pl. @. Mus- 
son, éditeur. Paris, 1895. 

L'état où nous voyons la physiologie des plantes 
depuis un quart de siècle n'est pas fait pour encou- 
rager, On à bien découvert quelques lois, précisé des 
phénomènes, groupé certains faits, mais en si petit 
nombre qu'on peut se demander s'il ne fauf pas 
regrelter tant d'efforts appliqués à des problèmes qui 
paraissent encore insolubles, La somme des faits éta- 
blis n’est pas en rapport avec l’activité déployée. Où 
faut-il chercher la cause de cette impuissance ? M. Mes- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


nard nous le dit : il déclare en commençant que l'étude 
du contenu de la cellule n’est pas suffisamment faite, 
qu’il est encore impossible d'établir les grandes lignes 
de l’histoire de la biologie cellulaire; sans doute, aussi, 
il appartient à la technique microchimique de définir 
les relations qui peuvent exister entre les différentes 
substances renfermées dans la cellule végétale et 
d'établir des équations chimiques qui résument les 
principaux faits; mais, nous dit plus loin M, Mesnard : 
« Les réactions microchimiques, on le sait, ne fournis- 
sent pas toujours des résultats absolus. Elles laissent, 
lorsqu'on à fait de longues observations, certaines 
impressions qui prennent dans l’esprit la force de la 
vérité, mais qu'il est prudent, néanmoins, de ranger 
jusqu'à nouvel ordre dans la catégorie des hypo- 
thèses, » Après cet aveu d’impuissance, il nous dé- 
clare que son travail est exclusivement basé sur des 
réactions microchimiques; nous le regrettons; la 
microchimie est d'un puissant secours, mais elle ne 
saurait révéler à elle seule le mode de production et 
l'origine des huiles grasses ou essentielles, pas plus 
que des autres substances qui gravitent autour d’elles; 
elle a pu aider l’auteur à « examiner les principaux 
points de l’histoire d’une cellule à protoplasme chlo- 
rophyllien »; mais elles n’ont pu lui donner la solution 
des problèmes qu’il rencontrait. Aussi, en dehors des 
transformations chimiques au sujet desquelles il 
annonce des faits positifs, nous trouvons surtout dans 
ce travail des hypothèses émises, sans essai de confir- 
mation, sur des points d’un intérêt réel pour la ques- 
tion qu'il s’est posée. Une opinion personnelle, fondée 
sur l’observation de la cellule, aurait sa place dans le 
débat. Le physiologiste ne doit pas, ce nous semble, 
négliger la morphologie cellulaire, dont la connais- 
sance exige des qualités si rares! 

Si toutefois M. Mesnard a tenu à ne se révéler que 
comme chimiste, ne lui demandons pas autre chose. 
Dans ce domaine, il nous donne de précieux rensei- 
gnements; son mémoire sera lu avec profit. Il ne croit 
pas, contrairement à l'opinion courante, qu’une dias- 
tase intervienne, d'ordinaire, dans la mise en œuvre 
des réserves oléagineuses; il pense que les matières 
albuminoïdes hydratées sont les agents de la disloca- 
tion des matières grasses, et qu’elles les entraînent 
dans les parties où elles-mêmes vont se déposer à la 
maturation de la graine. En dehors des graines, l’huile 
se forme dans toutes les parties vertes de la plante. 

Les réactions microchimiques permettent de déter- 
miner sans peine le lieu d'élection des essences dans 
les pétales des fleurs et ailleurs; elles sont toujours 
un produit de transformation du protoplasme chloro- 
phyllien; elles n'apparaissent que lorsque l'activité 
chlorophyllienne est amoindrie; l'huile essentielle 
n’est pas le seul produit de désassimilation de la 
cholorophylle; il faut encore considérer comme tels 
les tanins, des matériaux constitutifs du latex, des 
pigments colorés, etc. 

Si M. Mesnard n’abandonne pas les études où il s’est 
engagé, les Algues et les Champignons Phycomycètes 
lui fourniront certainement d'utiles sujets d'observa- 
tion et d'expérience. 

Ch. FLAHAULT, 


Massart (Jean), Assistant à l'Institut Botanique de 
Bruxelles. — La Récapitulation ét l'Innovation 
en Embryologie végétale. Ontogénie de la plan- 
tule. Organogénie de la feuille. — Un volume in-8° 
de 100 pages, avec figures et quatre planches. Imp. An- 
noot-Bræckmann, Ad. Hoste successeur. Gand, 1895. 
Le développement de l'individu représente-t-il, sous 

forme condensée, les diverses phases de l’évolution de 

la race? M. J. Massart étudie deux chapitres particuliers 

de cette grande question, limitant ses recherches à 

l’évolution de la plantule et de la feuille. Sa conclusion 

est que les exemples de récapitulation sont rares chez 
les Végétaux et ne portent guère que sur des carac- 
tères provenant d’ascendants peu éloignés. 


et remit ii le One dem Cl Ds à M ai 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 24 


Qt 


4° Sciences médicales. 


Letulle (D' M.), Professeur agrégé à la Faculté de Mé- 
decine de Paris, Médecin de l'Hopital Saint-Antoine. — 
Pus et suppuration. — Un vol. petit in-8° de l'Encyclo- 
pédie scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par M. H. 
Léauté, de l’Institut. (Broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) 
Gauthier- Villars et fils et G. Masson, Paris, 1895. 
Comme son titre l’indique, l'ouvrage est divisé en 

deux parties principales : l’une où sont exposés les 

caractères physiques, chimiques et histologiques du 


pus ; l’autre, relative à la suppuration, à ses causes, à 


son mécanisme, à son évolution, 
M. Letulle commence par établir les caractères des 
divers liquides purulents, leur aspect, les indications 
w’on en peut tirer, les raisons de leur coloration va- 


riable, suivant la proportion de leucocytes, de granu- 
lations graisseuses, d’hématies qu’ils renferment. Le 


pouvoir chromogène des microbes pyogènes influe sur 
les colorations du pus, qui devient lactescent avec le 
staphylocoque blanc, jaunâtre avec le staphylocoque 
doré, bleu avec le bacille pyocyanique. La densité du 
pus oscille entre 1021 et 1040. Sa consistance va de la 
fluidité extrême des sanies à la solidité caséeuse du 
pus mastic. L’odeur douceâtre ou presque nulle des 
abcès développés à l’abri de l’air prend un caractère 
infect, fécaloide auvoisinage des voies digestives, am- 
moniacal dans les voies urinaires, putride dans les lé- 
sions gangréneuses. La quantité du pus est très faible 
dans les abcès miliaires, énorme dans certaines col- 
lections pleurales ou péritonéales. 

M. Letulle insiste avec raison sur la nécessité d’exa- 
miner le pus issu d’un abcès quel qu'il soit. Dans la 
présence de corps étrangers grossiers, de fragments 
d'étoffe, de projectiles, d’esquilles osseuses, de cail- 
lots, de détritus alimentaires, de calculs urinaires ou 
biliaires, d'urine, de bile, de lait, on trouve desenseigne- 
ments positifs sur la nature et l’origine de la maladie, 
Il en est de même pour la constatation de parasites, hel- 
minthes, hydatides, grains d’actinomycose, etc. 

Le pus en général se compose d’une partie solide 
contenant des éléments figurés cellulaires ou autres et 
d'une partie fluide, séreuse. Elles sont dans le rapport 
de 4 à9 dans les pus séreux ossifluents ; de 2 à 7 ou 
3 à 8 dans les autres cas. Le pus est le plus souvent 
alcalin. Sa composition chimique est très complexe, 
dépendant de nos humeurs, de nos tissus et des orga- 
nismes étrangers qu’il contient. 

L'examen microscopique du pus y montre des glo- 
bules purulents de divers ordres : leucocytes mono- 
nucléaires, leucocytes éosinophiles, leucocytes polynu- 
cléaires neutrophiles, granulations graisseuses, cellules 
fixes conjonctives ou endothéliales, lymphocytes et 
éléments embryonnaires, noyaux libres, En outre, on 
peut rencontrer, suivant la qualité du pus, des corps 
étrangers extrêmement variables et qui sont invisibles 
à l'inspection macroscopique tels que des corpuscules 
métalliques ou autres et des corpsorganiques. Ces der- 
niers sont soit des cellules provenant de l’organe qui 
a fait les frais de la suppuration, soit des fibres con- 
jonctives ou élastiques, soit des cristaux d’hématoïdine, 
des cristaux d'acides gras, de cholestérine, des con- 
crétions biliaires ou urinaires, soit des agglomérations 
de cellules cancéreuses. On y découvre des parasites 
divers comme l’échinocoque, le cysticerque, la filaire 
de Médine, la bilharzia hematobium, des amibes, etc. 
Le pus renferme encore parfois des sporozoaires, coc- 
cidies ou des champignons, saccharomyces, aspergillus, 
penicillium, etc. Enfin, suivantle cas, toutes les va- 
riétés des microbes pyogènes peuvent y être décélées, 

La deuxième partie de l'ouvrage débute par une des- 
cription magistrale du foyer de suppuration. Les di- 
vers stades de la nécrose liquéfiante des tissus y sont 
exposés avec une fougue entrainante, toujours main- 
tenue par une rigueur analytique poussée jusqu'aux 
confins de nos connaissances histo-chimiques, Il y a là 
une dizaine de pages de pathologie générale qui font 


honneur au remarquable auteur de L’« Inflammation ». 

L'étude des causes de la suppuration est justement 
réduite par M. Letulle à celle des microbes pyogènes. 
Ces causes sont, en effet, de deux ordres : chimiques ou 
infectieuses, Or celles-ci se confondent pour ainsi dire 
en une seule, car la colonie microbienne n’agit en 
somme que par les substances pyogéniques, chimiques 
qu’elle produit. Dans la plupart des cas observés en 
clinique, la suppuration est d'origine infectieuse. Les 
microbes sont pyogènes accidentellement ou habituel- 
lement. M. Letulle dresse une liste détaillée des espèces 
les plus communes de ces deux catégories. 

Les substances pyogéniques, produits vitaux des mi- 
crobes, déterminent de la part des tissus conjonctif et 
vasculaire les réactions essentielles du phénomène 
morbide. Introduits dans l'organisme par effraction, à 
la faveur d’un traumatisme minime, souvent ina- 
percu, les agents pathogènes se propagent le long des 
conduits naturels; ils peuvent être transportés au loin 
par les canaux sanguins ou lympathiques suivant le 
mode embolique. Arrêtés en un point quelconque de 
organisme, les germes se développent, pullulent tandis 
que les clasmatocytes se mobilisent et prolifèrent et 
que les leucocytes sortent des vaisseaux. Pendant ce 
temps la phagocytose a lieu, mais sous l'accroissement 
continu des microbes, sous la production constante de 
leurs toxines, les éléments fixes des tissus se détruisent, 
La masse des leucocytes disloque les lignes cellulaires ; 
les appareils cellulaires se morcellent; l’action des 
ferments diastasiques complète la nécrose, la liqué- 
faction des éléments ; des poisons organiques se pro- 
duisent, tels les leucomaines et ptomaines du pus que 
l’on commence à connaître. 

Dans cette action complexe, le terrain où évolue le 
germe morbide joue un grand rôle. Suivant l'orga- 
nisme envahi, suivant l’organe atteint, le même mi- 
crobe n’aura pas les mêmes effets. La fonction pyo- 
gène qui est elle-même facultative, n’est pas une preuve 
de virulence exaltée. 

Le livre de M. Letulle comprend, en outre, des dé- 
tails techniques précis sur les méthodes d'examen du 
pus, la coloration des éléments histologiques ou des 
micro-organismes. Toute une partie est réservée, avec 
figures à l'appui à l'étude de quelques pus spéciaux 
(actinomycose, helminthiase, tétanos, etc.). 

C’est, en somme, un traité sur un point capital de la 
pathologie générale. Modestement présenté sous pré- 
texte d’aide-mémoire, l’ouvrage, par la clarté de l’ex- 
position, l'allure du style, la netteté et la précision 
scientifiques, donne au lecteur la plus entière salis- 
faction et témoigne du goùt de son auteur pour les 
études auxquelles il se voue, Dr A. LÉTIENNE. 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-8 colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en cou- 
leurs. 514° et 5152 livraisons. (Prix de chaque livrai- 
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, 
Paris, 1895. 

Les 514° et 515e livraisons renferment les biographies 
de l'écrivain polonais Kraszewsky, par M. Trawinsky ; 
du philosophe allemand Krause, par M. Cramaussel; 
du révolutionnaire russe Kropotkine, par M: Charnay ; 
de Mme de Krüdener, par M. Debidour; de l'écrivain et 
moraliste français La Bruyère, par M. P. Souday; du 
naturaliste français Lacépède, par M. L. Harn; un 
article de M. Léon Sagnet sur la famille, les usines et 
les canons Krupp; une étude de M. Larbalétrier sur le 
labour, son but, ses conditions et les différentes espèces 
de labour aujourd’hui usitées; deux notes de M. Ch. 
Vélain sur les roches appelées Labradorites et sur les 
masses éruptives désignées sous le nom de laccoli- 
thes ; enfin une description du Labrador, due à M. L. 
Didier. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 18 Février 1895. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Paul Tannery, qui 
a prêté son concours au déchiffrement de l'inscription 
astronomique de Keskinto, montre quelles conclusions 
importantes on peut en tirer sur l'état de la théorie 
des planètes immédiatement avant Hipparque. — 
M. H. Poincaré montre que la méthode de Neumann 
s'applique encore à la résolution du problème de 
Diriclet, lors même que la surface sur laquelle ôn 
suppose répandue une couche double de matière atti- 
rante n’est pas convexe, pourvu que la densité y de 
l'électricité en équilibre sur la surface satisfasse à 
l'équation / bydw — 0, L'auteur développe en outre 
certaines propositions auxquelles il fut conduit par 
l'extension du problème précédent, — M. Resal fait 
l'historique des diverses formes proposées pour l'in- 
trados des voûtes en anse de panier; il détermine en 
outre une forme analogue à la forme primitive de 
Huyghens dont la construction est commode, mais de 
manière qu’elle soit plus agréable à l'œil. — Le même 
auteur fait hommage du tome [ de la seconde édition 
de son « Traité de mécanique générale, comprenant les 
lecons professées à l'Ecole polytechnique ». — M. Ap- 
pell présente un ouvrage intitulé : Théorie des fonctions 
algébriques et de leurs intégrales, dont il est l’auteur, en 
collaboration avec M. Edouard Goursat. Le but des 
auteurs est d'exposer la conception de Riemann pour 
la représentation des fonctions algébriques et de leurs 
intégrales sur une surface formée de feuillets super- 
posés, et de faire connaître les principales découvertes 
auxquelles ont donné lieu les travaux du grand géo- 
mètre dans la voie ouverte par Abel, Cauchy, Puiseux 
et Jacobi. — M. G. Humbert démontre l’existence 
d’une surface du sixième ordre, liée aux fonctions 
abéliennes de genre trois, 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Prompt adresse un mé- 
moire relatif à la congélation de l’eau. — M. Kilian 
signale une secousse seismique constatée à Grenoble 
le 3 février, à 6 heures 240” du matin. — M, V. Ducla 
adresse une classification générale des corps simples 
d’après les quantités de chaleur absorbées par 1 déci- 
mètre cube de chaque corps, à l’état solide, pour une 
élévation de température de 4°, — M. Arm. Gautier 
rappelle qu'en 4877 il remarquait que la chlorophylle 
des épinards, qu'il venait d'obtenir cristallisée, diffé- 
rait de celle d’autres végétaux par sa pauvreté en azote, 
sa plus grande richesse en oxygène et ses propriétés 
spéciales, et qu'il établissait ainsi la preuve de la 
pluralité des chlorophylles. — Le même auteur adresse 
une note sur la valeur agricole des phosphates d’alu- 
mine, où il montre que la facilité d'assimilation de 
ces phosphates ne saurait s'appliquer qu'aux phos- 
phales indirectement issus des fermentations des 
matières azotées, animales ou végétales, phosphates 
généralement amorphes ou indistinctement et partiel- 
lement cristallisés. — M. Aimé Girard revient sur sa 
méthode de dosage des composés tanniques par la 
fixalion de ces corps par une membrane animale de 
composition délinie et constante, et établit que l’opé- 
ration, conduite avec des fils convenablement apprêtés, 
conduit à des résultats précis et concardants avec les 
autres méthodes. — M. Lecoq de Boisbaudran fait 
remarquer que l’argon, dans sa classification des poids 
atomiques, viendrait prendre place dans une famille 
d'éléments dont aucun terme n’était encore connu, 
éléments dont l’atomicité serait théoriquement paire, 
mais qui devraient être privés de la faculté de se 


combiner aux autres éléments. — M. Vigouroux 
énonce les propriétés du silicium amorphe obtenu en 
réduisant la silice par le magnésium; il paraît se 
rapprocher du silicium cristallisé et n'a rien de com- 
mun avec les variétés amorphes « et B décrites par 
Berzélius. — M, Lindet établit que c’est à l’action d’une 
diastase, renfermée dans le tissu de la pomme et ap- 
partenant au type des laccases, qu’est due l’oxydation 
du tanin de ce fruit; cette diastase produit directe- 
ment l'oxydation, ou dédouble le tanin en molécules 
plus oxydables, — M. X. Rocques, à la suite d’un grand 
nombre d'analyses d’eaux-de-vie, conclut que, dans 
leur examen, les éléments d’appréciation les plus 
nets paraissent être la quantité totale des substances 
volatiles étrangères à l'alcool éthylique, les teneurs en 
éthers et en alcools supérieurs et le rapport de ces 
deux substances. Si, à ces données chimiques, on joint 
la dégustation faite par des personnes exercées, on à 
en main des éléments suffisants pour établir, dans 
beaucoup de cas, la nature des eaux-de-vie,. — M. H. 
Dufet expose l'étude comparée des cristaux de ferro- 
cyanure, ruthénocyanure et osmiocyanure de potas- 
sium ; ces cristaux biaxes présentent un isomorphisme 
parfait tant au point de vue cristallographique qu’au 
point de vue optique. 
C. MATIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES. — MM. H. Lecomte et A. Hé- 
bert ont étudié les graines de Moäbi au point de vue 
botanique et chimique. C’est une plante de la famille 
des Sapotacées dont l’écorce, très épaisse, contient 
dans un système de laticifères articulés un latex 
abondant, épais, et fournissant par coagulation un 
produit assez riche en gutta-percha. — M. Lafon a 
observé les modifications du sang par le traitement 
thermal de l’eau de la Bourboule, source Choussy- 
Perrière. Il résulte de trois années d’observations que 
les globules rouges augmentent de nombre dans le 
cas de chloro-anémie; dans la leucocytémie, le nombre 
des globules blancs diminue. — M. A. Labbé étudie le 
noyau et la division nucléaire chez les Benedenia, 
coccidies polyplastidées, parasites de la Sepia offici- 
nalis. — M. Ch. Janet a observé la ponte de la Vespa 
crabro et indique le mode de conservation de la chaleur 
dans le nid par l'enveloppe générale. — M. Reyt 
complète ses observations sur l'étage Tongrien supé- 
rieur ou Stampien dans la Chalosse, et démontre 
l'influence de mouvements généraux post-tongriens, 
indépendant des grands mouvements post-éocènes qui 
les ont précédés, — M. A. Lacroix présente quelques 
considérations sur le métamorphisme de contact 
auxquelles il à été amené par l'étude des phénomènes 
de contact de la Iherzolite des Pyrénées. — M.Cayeux 
étudie la composition minéralogique et la structure 
des silex du gypse des environs de Paris. | 

3. Marti. 
25 Février 1895. 

M. le Ministre de l’Instruction publique, des Beaux- 
Arts et des Cultes adresse ampliation du décret par 
lequel le Président de la République approuve l’élec- 
tion de M. Guignard dans la Section de Botanique. — 
M. Weierstrass est élu associé étranger en remplace- 
ment de feu M. Kummer, — MM. Bertrand, Fizeau, 
Berthelot, Schlæsing, Larrey, Damour, sont chargés 
de préparer une liste de candidats pour la place d’aca- 
démicien libre, vacante par le décès de M. de Lesseps. 
— M. Linder prie Abd ie de le comprendre parmi 
les candidats à cette place, 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Resal étudie Ja 


Séance du 


: ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


19 
5 
a | 


pénétration d’un projectile dans les semi-fluides et les 
solides et donne une nouvelle expression de la résis- 
tance à la pénétration, en faisant intervenir les notions 
que nous possédons maintenant sur la cohésion des 
semi-fluides et la résistance au cisaillement des solides. 
La profondeur de la pénétration est représentée par 
une expression de la forme : A log. vulg. (1 + n V,),où 
V, représente la vitesse du mobile au moment de la pé- 
nétration. — M. Emile Picard indique une classe bien 
délimitée d'équations dont la théorie parait susceptible 
d’être approfondie avec détails et dont l'intégrale géné- 
rale est une transcendante uniforme jouissant de pro- 
priétés intéressantes, — M. de Jonquières énonce la 
propriété suivante. Le produit II (a) de n nombres en- 
tiers différents a, b, c,.… multiplié par le produit IT (a-b) 
de leurs différences deux à deux, a pour valeur un 
multiple } des n premières factorielles, c’est-à-dire : 


m{a).m(a— b) =A.n!(n—1)!...3!2! 

ilen indique en outre quelques conséquences concer- 
nant les dépendances mutuelles des déterminafions 
potentielles. — M. Bardes adresse un mémoire relatif 
aux lois fondamentales d’une synthèse algébrique. — 
M. Humbert arrive à la conception d'une surface du 
sixième ordre se rattachant à la surface de Kummer 
par les considérations suivantes : Une sécante issue, 
d’un point O (x, 0,,#,, æ) coupe une surface de qua- 
trième ordre K (x,, æ,, &,,) — 0 en quatre points 
d, @, 4, &, qu'on peut répartir en deux couples de 
trois manières. Si 4,, a, et &,, a, est un de ces groupe- 
ments, les couples 4,, &,, et ,, a,, déterminent sur la 
sécante une involution du second ordre, dans laquelle 
le point O à un conjugué m. Cette construction donne 
trois points #%# sur toute sécante issue de O et le lieu 
des points »%, quand la sécante varie, constitue la sur- 
face du sixième ordre annoncée, — M. Leau énonce 
un théorème relatif à l’existence de solutions holo- 
morphes pour un système d'équations ‘fonctionnelles 
d’un type très général, et étend, sur certains points, 
au cas de plusieurs variables, la théorie développée par 
M, Kœnigs, — M. Tresse applique sa méthode géné- 
rale de la recherche des invariants différentiels d’une 
multiplicité analytique soumise aux transformations 
d’un groupe continu de Lie, à l'équation particulière ; 


dy (: : dy 
FF NN EL 
et indique les résultats très simples obtenus, — M. N. 


Bougaief énonce quelques théorèmes reliant entre eux 
le nombre et la somme des diviseurs du nombre # qui 
ne surpassent pas n. 

20 ScieNCES PHYSIQUES. — M. Deslandres a fait l'étude 
spectrale de la planète Jupiter au point de vue des va- 
riations spéciales de longueur d’onde ou des déplace- 
ments que la rotation impose à la lumière. L’expé- 
rience montre que, lorsqu'un corps est éclairé pardiffu- 
sion, sa lumière subit le déplacement, non seulement 
par rapport à l’observateur, mais aussi par rapport à la 
source. — M. Poincaré était arrivé à la conclusion 
précédente par le calcul ; la lumière réfléchie par la 
planète a subi une triple absorption : par l'atmosphère 
Solaire, par l'atmosphère planétaire et par l’atmo- 
sphère terrestre. Les raies dues à ces différentes absorp- 
tions ont subi des déplacements différents, — M. C. 
Flammarion montre l'usage que l’on peut faire de la 
photographie pour la détermination exacte de la posi- 
tion du pôle, en laissant les étoiles marquer, par leur 
mouvement autour de ce point, leurs trainées sur la 
plaque destinée à enregistrerce mouvemént.— M. Lipp- 
mann fait connaître un dispositif qui ne fait interve- 
uir, dans la mesure du temps, que des instruments de 
précision inanimés et supprime par conséquent l’équa- 
tion personnelle dont l'erreur résiduelle demeure 
toujours voisine de 5 de seconde. — M, d’Abbadie 


annonce que M. Bréguet lui avait fait voir autrefois un 
dispositif qui permettait d'arriver au même résultat, 


— M. de Malherbe adresse une note relative à l'emploi 
d’un ballon captif pour les explorations au pôle Nord. 
— M. Schubert adresse une note concernant un projet 
de traversée de la Manche au moyen d’un canal tubu- 
laire immergé. — M. Carvallo demande l'ouverture 
d’un pli cacheté relatif à l'établissement théorique des 
lois de l'absorption cristalline : 4° pour le rayon ordi- 
naire, l'indice de réfraction et le coefficient d’absorp- 
tion sont constants, quel que soit l'angle du rayon lumi- 
neux avec l'axe; 2° la loi de l'indice de réfraction 
extraordinaire n’est pas altérée sensiblement par l’ab- 
sorption ; 3 l'absorption du rayon extraordinaire est 
représentée par la formule : 
k ko 


ke 
— = — cos?0 + = sin? 4 


n° n°? ne 


où k, n, 6 représentent le coefficient d'absorption. l’in- 
dice de réfraction et l'angle de la normale à l’onde 
plane avec l’axe cristallographique. — M. A. Ponsot 
établit des relations nouvelles relatives à l’abaissement 
du point de congélation et à la diminution relative 
de la tension de vapeur dans les dissolutions étendues ; 
il conclut que la croissance de l’abaissement molécu- 
laire à partir d’une dissolution convenable n’entraine : 
pas nécessairement la dissociation en ions dans les 
dissolutions étendues, ni une constitution spéciale 
de ces dissolutions. — M. A. Leduc s’est proposé 
d'étudier les abaissements moléculaires des dissolu- 
tions très diluées en remplacant la mesure de varia- 
tions de températures très faibles par celle de pres- 
sions relativement considérables, Il établit la relation 
qui existe entre l’excès de pression et la concentration 
de la dissolution en s'appuyant sur la loi de van t’Hoff : 
Sp RTE RE 
100 (u=—= ul) M 
ou u etu' sont les volumes spécifiques du dissolvant pur 
à l’état solide et à l’état liquide, — M. Paul Charpen- 
tier donne la description d’un pressomètre sensible, 
pour la mesure des pressions des fluides et qui peut 
être utilisé pour déterminer les tensions de vapeur, 
saturées dans le vide, ou en présence d’un gaz étranger 
pour la densimétrie ou l’alcoométrie. — M. Georges 
Lemoine mesure l'intensité de la lumière par l’action 
chimique produite, en opérant avec des mélanges de 
chlorure ferrique et d'acide oxalique; il fournit les ré- 
sultats d'expériences faites avec la lumière directe du 
soleil et avec des lumières colorées. — MM. Haller et 
Th. Muller ont effectué l'étude ébullioscopique de 
certains colorants du triphénylméthane et reconnu 
que les chlorhydrates des matières colorantes du 
triphénylméthane amidé ne sont pas dissociés, tandis 
que les chlorures d'ammonium et le chlorhydrate de 
nitrosodiméthylaniline le sont de la facon la plus nette. 
— M. de Koninck adresse une réclamation de priorité 
concernant les propriétés signalées dans les sulfures 
de nickel et de cobalt, — M. A. Mosnier à préparé 
quelques combinaisons nouvelles de l’iodure de plomb 
avec d’autres iodures métalliques ou organiques, les 
iodures d'ammonium, de sodium, de lithium, des mé- 
taux alcalino-terreux, — M, V. Thomas signale 
quelques combinaisons formées par le bioxyde d'azote 
et les chlorures de fer soit directement, soit à l’état de 
dissolution : 


re2CI5AzO; 2Fe2CI6,AzO; Fe CI, AzO + 2H° 0. 


MM. A. Brochet et R. Cambier ont étudié l'action de 
l’aldéhyde formiquesurle chlorhydrate d hydroxylamine 
et le chlorhydrate de monométhylamine; il se forme, 
dans le premier cas, l'oxyme correspondante en quan- 
tité calculée et, dans le second, la triméthyltriméthy- 
lène-triamine (CH3 Az CH?), — MM. Ph. A. GuyeetL. 
Chavanne ont recherché si la position du maximum 
{x}? dans la série des éthers amyliques dérivés des 
acides gras de la série normale était modifiée par une 
élévation de température entre 60 et 70°; ce maximum 


248 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ET TT TT TT TT TT TT em 


ne change pas. Les mêmes auteurs ont trouvé aussi une 
valeur maxima dans une série d’éthers oxydes dérivés 
de l'alcool amylique actif. Ces maxima du pouvoir rota- 
toire correspondent avec ceux qu'indique la formule 
du produit d’asymétrie, — M. Timiriazeff établit : 
4e que la protochlorophylle de M. Monteverde est 
identique avec sa protophylline naturelle; 2° quil 
n'existe pas de différence notable entre les protophyl- 
lines artificielle et naturelle. C. MATIGNON. 


3° SCIENCES NATURELLES. — M. Sappey présente à 
l'Académie un atlas d’anatomie descriptive de 
M. Laskowski, — M. Milne-Edwards présente le pre- 


mier fascicule du « Bulletin du Muséum d'Histoire 
naturelle ». —M. Koubanoff adresse un travail sur les 
champignons du paludisme, — M. Laulanié fournit 
de nouvelles recherches sur les variations corrélatives 
de l'intensité de la thermogenèse et des échanges 
respiratoires. En faisant intervenir certaines condi- 
tions (inanition, contraction musculaire, tonte et 
hydrothérapie), on constate que la valeur des caracté- 
ristiques biologiques, le coefficient respiratoire en 
CO?, par exemple, subit des fluctuations considérables. 
— M. Raphaël Dubois démontre que le sommeil hi- 
vernal de la marmotte est une auto-narcose carbonico- 
acétonémique. Les principes somnifères, toxalbumines, 
toxines et autres produits semblables n’existent pas 
chez la marmotte en hibernation ; mais lauteur a 
trouvé de l’acétone dans le sang, de telle sorte qu’en 
injectant 5 centimètres cubes de ce liquide dans le tissu 
cellulaire d’une grosse marmotte, il s’est produit une 
torpeur prolongée, mais sans hypothermie, — M. L. 
Vaillant, dans une étude sur le Rhinatrema bivittatum 
Cuvier, de l’ordre des Batraciens Péromèles, montre 
que ce batracien n’est pas un Ichthyophis glutinosus, 
comme le faisait Peters, mais que le genre Epicrionops 
Boulenger est identique au genre Rhinatrema. — 
M. Pizon, dans une étude sur l’évolution du système 
nerveux et de l’organe vibratile chez les larves d’As- 
cidies composées, montre que chez les larves de 
Fragarium et d'Amaroucium, l'organe vibratile est une 
portion de la vésicule endodermique primitive, Le 
ganglion définitif est une production du système ner- 
veux larvaire, — M. Racovitza montre que le rôle 
des Amibocytes, chez les Annélides polychètes, est de 
déposer du pigment excrétoire dans l’épiderme et de 
digérer au profit de l’organisme entier les substances 
de réserve qui s’y sont accumulées. — M. Thoulet 
indique quelques applications de locéanographie à la 
Géologie. J. MARTIN. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 19 Février 1895. 


M. le Président annonce la mort de M. Dujardin- 
Beaumetz, membre de l'Académie. 

M. Panas fait un rapport sur un mémoire de M, le 
Dr Kalt, intitulé : Traitement de l’ophtalmie des nou- 
veau-nés, — Il présente ensuite un deuxième rapport 
sur un travail du D' Malgat (de Nice), relatif au trai- 
tement de la conjonctivite granuleuse par l’électrolyse. 
— A propos des récentes réclamations de priorité sur 
la constatation de la transmission des propriétés immu- 
nisantes par le sang des animaux immunisés, M. Babes 
(de Bucarest) fait savoir qu'il est le premier qui ait 
annoncé des résultats certains (1889). MM. Richet et 
Héricourt, en 1888, n'avaient parlé que de probabilités. 
— M, Laborde poursuit sa communication sur la va- 
leur comparative des différents procédés employés 
pour ranimer les enfants nés en état de mort appa- 
rente. Il démontre que, en principe physiologique, fa 
méthode des tractions rythmées de la langue est 
supérieure aux autres procédés. — M. Tarnier prend 
la défense de l'insufflation; il fait remarquer que, 
contrairement à l'opinion de M, Laborde, l’air insufflé 
à l'enfant par le praticien ne contient pas d’acide 
carbonique. Il conclut en disant que les procédés 
d’insufflation, qui ont fait leurs preuves, doivent rester 


dans la pratique. — M. Kelsch présente quelques 
remarques à propos du coup de chaleur; il montre 
qu'une partie des troubles fonctionnels graves, qui 
portent l'étiquette coup de chaleur, ressortissent à des 
facteurs individuels, à des dispositions morbides, na- 
lives ou acquises, à des lésions latentes, en un mot à 
des tares pathologiques silencieuses jusqu'alors, qui, 
sous le coup d'efforts trop longtemps soutenus, se 
démasquent brusquement et se déploient en manifes- 
tations plus ou moins tumullueuses, pouvant aboutir à 
un dénouement fatal. 


Séance du 26 Février 1895. 


M. le D' Gross (de Nancy) se porte candidat au titre 
de correspondant national dans la Ie Division (Chi- 
rurgie). — MM. Bergonié (de Bordeaux) et Hugou- 
nenq (de Lyon) sont élus correspondants nationaux 
dans la IV° Division (Physique et Chimie médicales, 
Pharmacie). 

M. le Président annonce le décès de M. Alphonse 
Guérin, ancien président, et lève la séance en signe 
de deuil, après que M. Lucas-Championnière a eu 
donné lecture du discours qu’il a prononcé au nom de 
l’Académie aux obsèques du défunt. 


SOCIETE DE BIOLOGIE 
Séance du 17 Février 1895. 

M. Morat (de Lyon) envoie une note à propos des 
idées nouvelles sur le système nerveux; il estime qu'il 
faut distinguer nettement les phénomènes #rophiques 
des phénomènes fonctionnels; le corps de la cellule 
représenterait le centre trophique, tandis que le rôle 
fonctionnel serait échu au chevelu cellulaire. Il croit, 
en outre, qu'il ne faut pas accepter sans réserves les 
hypothèses de M. Mathias Duval sur la contractilité des 
prolongements cellulaires. M. Dastre soutient les 
idées de M. Morat. M. Mathias Duval défend son 
hypothèse et n’admet pas la distinction entre centre 
trophique et centre fonctionnel. — M. Foveau de 
Courmelles fait une communication sur la distribu- 
tion de l’ozone atmosphérique et ses rapports avec les 
épidémies ambiantes, — M, Féré présente quelques 
remarques sur l’évolution de l'instinct chez les jeunes 
poussins, — M. Garnault a recherché des relations 
entre la forme du crâne et la topographie du rocher. 
— M. Girard (de Toulouse) a trouvé dans un kyste de 
l’épididyme une substance albuminoïde que ni la 
chaleur, ni l’acide acétique n’ont pu précipiter, — 
M. Oechsner de Coninck envoie une note sur les 
réactions des urines pathologiques. IL montre que la 
réaction avec le nitroprussiate de soude n’est pas 
spéciale à la créatinine, mais peut provenir aussi de 
l'acétone. 

Séance du 23 Février 1895. 

M. Marmorek est parvenu à préparer du sérum anli- 
streptococcique doué d’un pouvoir préventif et curalif 
assez intense. On avait jusqu'alors échoué dans ce genre 
de recherches parce qu’on n'avait pas pu obtenir des 
microbes et des toxines assez virulents. — M, Roger 
rappelle qu'il a entrepris depuis quatre ans des expé- 
riences analogues, — M. Mouret décrit une lésion 
expérimentale du pancréas provenant d’une injection 
d'huile aseptique dans le canal de Wirsung, suivie de 
la ligature de ce dernier, — MM, J.-B, Charcot et 
Marineseo relatent l’observation, chez un malade de 
treize ans, d’une paralysie bulbaire supérieure subaiguë 
à type descendant, — M. Hayem présente une série de 
coupes de l'estomac montrant qu'il est possible d’étu- 
dier la muqueuse stomacale avant le début de l’auto- 
digestion de l'estomac, — M. Mathias Duval présente 
quelques observations sur la reproduction des chauves- 
souris et sur leurs embryons, — M. Bonnier, par 
l'étude physiologique de l'oreille, est arrivé à consi- 
dérer le limaçon, non comme un résonnateur, mais 
comme un appareil enregistreur, 


| al dt sb dés ind he Dé dirt létttmstent dit dit à 


un 


sd, 


. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


249 


SOCIÉTÉ PHILOMATHIQUE DE PARIS 


Séance du 26 Janvier 1895. 


Ch. Bioche donne la condition pour qu’un faisceau 
de coniques soit constitué par les projections d'une 
cubique gauche. — M.Franchet présente un important 
mémoire sur les Ombellifères de la Chine. 


Séance du 9 Février 1895. 


M. Biétrix présente quelques considérations sur les 
notions de la cime et l’endothélium à propos du réseau 
branchial des poissons. 

Séance du 23 Février 1895. 

M. André fait une communication sur des théorèmes 
empiriques d’arithmétique. — M. Biétrix présente 
quelques observations complémentaires sur une com- 
munication précédente. Il indique la différence qu'il y 
a lieu d'établir entre des formations non semblables 
portant en anatomie générale le nom de lacunes. — 
M. Bioche donne un procédé élémentaire pour cons- 
truire, avec une grande approximation, la longueur 
d’une circonférence de rayon donné. — M. André fait 
remarquer que la formule du pendule peut ètre rem- 
placée par la formule { —\e très rapprochée. 

Ch. Brocne. 


SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE FRANCE 
Séance du 20 Février 1895. 


Elections : Sont élus membres de la Société : MM.Lé- 
meray, Fontès, Maillet, Emile Borel. 

M. Rafy fait une communication sur certaines équa- 
tions différentielles du premier ordre. I indique le moyen 
de former des équations dont l'intégrale générale s’ob- 
tient en remplacant la dérivée de la fonction inconnue 

par une constante arbitraire, et qui ne se présentent 
pas sous la forme considérée par Clairaut. 11 pose le 
problème général qui consiste à trouver toutes les 
équations jouissant de cette propriété, — M. Goursat 
présente quelques observations sar le même sujet, 

, M. »'OcAGne. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


1° SCIENCES PHYSIQUES 


F. Newall, — Note sur le spectre de l'argon. 
— Au cours de recherches spectroscopiques qui eurent 


. lieu en mai et juin 1894, l’auteur remarqua la présence 


fréquente, sur ses photographies, d’un spectre de 
_ lignes qui lui sembla avoir été ignoré jusqu'alors. 
Les conditions dans lesquelles ce spectre se montra 
pour la première fois, le conduisirent à lui donner le 
nom de « spectre à basse pression »., Ayant choisi les 
meilleures photographies qu’il avait obtenues, M. Newall 
y mesura 61 lignes; il reconnut que 17 étaient complè- 
tement nouvelles et faisaient partie du nouveau spectre, 
- tandis que les autres lignes appartenaient aux spectres 
du mercure, de l’azote, de l'hydrogène et de différents 
hydrocarbures. Depuis, M. Newall prit connaissance 
des communications faites à la Société Royale de 
Londres et dans lesquelles lord Rayleigh et W. Ramsay 
ont exposé le résultat complet de leurs recherches sur 
l'argon, et il est arrivé à la conviction que les lignes 
nouvelles de son spectre à basse pression étaient les 
lignes du spectre de l’argon. Voici les conditions dans 
lesquelles le spectre de l’argon est apparu dans les 
recherches de l’auteur : Un tube de verre est scellé her- 
métiquement à une pompe pneumatique à mercure 
(du type Tôpler-Hagen), dans laquelle une couche 
d’acide sulfurique concentré flotte à la srface du mer- 
cure. On fait le vide dans le tube jusqu'à la dernière 
limite possible, puis on laisse rentrer l'air. On refait 
le vide, et la pression est réduite jusqu'à d’at- 
mosphère (— 0,14 mm.) ; si, suivant la méthode du P* 


J.-J. Thompson, on entoure alors le tube d’une bobine 
de fil traversée par un courant alternatif de haute fré- 
quence, produit par la décharge d’un condensateur, 
un brillant effluve se produit à travers le gaz restant 
dans le tube. L'auteur fit passer ainsi la décharge pen- 
dant 30 minutes, pendant lesquelles il prit une photo- 
graphie du spectre produit. Pendant ce temps, la pres- 


" 1 
sion du gaz dans le tube tomba de la valeur de —— 
112 


d’atmosphère (0,13 mm.) à (0,085 mm.). Le spectre 


montra fortement les bandes de l’azote, ainsi que les 
lignes du mercure et du cyauogène, faiblement les 
lignes de l'hydrogène ; on ne trouva ni les lignes de 
l'oxygène, ni celles de l’argon. La décharge passa de 
nouveau pendant 30 minutes, et une nouvelle photo- 


graphie fut prise; la pression tomba de ee d’at- 
mosphère (0,076 mm.) à = (0,015 mm.). Le spectre 
de l’azote s’effaca considérablement, et il apparut un 
certain nombre de fines lignes qui, malgré toutes les 
recherches, ne purent être identifiées avec celles d’au- 
cune substance connue. La nature de la méthode d’in- 
vestigation du spectre de M. Newall est telle qu'il 
n'est pas difficile de trier, parmi les nombreux spectres 
qui apparaissent superposés sur la plaque photogra- 
phique, les lignes qui appartiennent à l’un quelconque 
de ces spectres. Jusqu'à présent, l’auteur a pu mesurer 
72 lignes de son spectre à basse pression, mesures qui 
sont données dans letableau de la page 250. Côte à côte, 
on trouvera les mesures des longueurs d’onde détermi- 
nées par M. Crookes pour les lignes de l’argon. La 
concordance de ces mesures montre d’une manière 
concluante qu'il s’agit, dans les deux cas, du même 
spectre. Entre H, et la longueur d'onde 370, l'accord 


est tout ce qu’on doit espérer, étant donné le fait que 
les mesures de l’auteur ne sont que préliminaires et 
qu'il ne pourra donner que plus tard une série de va- 
leurs absolument exactes; entre H, et He, il ya,entre 


les deux séries de mesures, une différence systéma- 
tique de trois dixièmes de mètre qu'il a été jusqu’à 
présent impossible d’expliquer. En tous cas, la concor- 
dance du groupement et de l'intensité ne laisse aucun 
doute quant à l'identité du spectre de lignes à basse 
pression de M. Newall et du spectre de l’argon. L’au- 
teur a réduit ses mesures d’après l’échelle de lon- 
gueurs d’onde de Rowland, et il conclut, d’après la 
ligne Hg (F), que c’est l'échelle d’Augstrom dont 


M. Crookes s’est servi pour réduire ses mesures. Mais 
la différence entre les échelles n’est pas suffisante 
pour qu'on lui attribue les différences citées plus haut. 
M. Newall a répété plusieurs fois ces expériences avec 
de légères variantes ; les résultats obtenus ont été 
constants en ce qui concerne le spectre de l’argon. IL 
faut seulément noter/que, si on continue à faire passer 
la décharge dans le tube, la pression s’abaisse jusqu’à 
une certaine valeur minimum, après quoi elle remonte 
lentement et d'une faible quantité jusqu’à une valeur 
qui se maintient à peu près fixe, Il est intéressant de 
voir ainsi l'existence de l’argon s'affirmer dans des 
circonstances tout à fait nouvelles, qui constituent 
pratiquement un nouveau mode de séparation de 
largon d’avec l'azote, séparation qui consiste à se 
débarrasser de l'azote en faisant passer la décharge 
électrique au travers en présence d'hydrogène ou d’hu- 
midité et d’un peu d’acide. 

Capstick,— Sur le rapport des chaleurs spéci- 
fiques de quelques gaz composés. — Ce rapport a été 
déduit de la mesure de la vitesse du son dans les gaz 
en question, mesure pour laquelle on a employé la 
méthode de Kundt, Voici quelques résultats : 


Ÿ 
Chlorure de méthylène.......... CHACLEAPAES TRE. 1,219 
Goroforme 2120 ee CHGPMAN Mee 1,154 
Tétrachlorure de carbone....... (HUE SEM 1,130 
Chlorure d'éthylène............. CHAINE EE 1,137 


250 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Tableau des longueurs d'onde 


H. F. NEWALL 


SUR 
LA PHOTOGRAPHIE 
songueur ss. 
Longueur! Ltensité 
d'onde 
4579.8 
4847 
808. 
4766,6 


12 


4482. 
#460. 
4431. 
4426. 
4421. 
#14. 
4401. 


4400 . 


DPI ve 


Quoique l'intensité fût 
seulement de 5, le 
groupe CAz a ef- 
facé cette série de 
lignes. 


415.8 
130.9 
10%. 
1082, 
075,8 
072.4 
1069. 


œ 


CS = © Œ RO CI ET LS 


oo &e Qt et 


DRE 
MESURE DES LIGNES 


WILLIAM CROOKES, — 2% Janvier 1895 


_ Les déux spectres de l'argon 


BLEU 


Longueur 
d'onde 


Intensité 


ROUGE 


œ ; FA 
Longueur | tensité 
d'onde 


487.9 L 


Chlorure d’éthylidène........... C?H?CI2...... he; 
Ethylène........ re rene ner 1,26% 
Bromure d’acétylène........,... CHSBL A EEE 1,198 
Chlorure d’allyle.….. b 14 4 
Bromure d'allyle. 2/0 ee ; 5750047088 
Formiate.d’éthyle:-1. 9000 HCOOC2H5. ...-. 1,194 
Acétate:de méthyle: M". CH$COOCH®... . 1,137 
Hydrogènessulfure 221 H?S.... 

Anhydrie carbonique te AOUA 

SUMUTEITeNCATDONELE LEE ES CS? 


On voit que les corps isomères ont sensiblement le 
même rapport y. L'auteur donne une démonstration de 
la formule : ; 


PEN 


pour calculer 8, rapport des deux coefficients d’acerois- 
sement avec la température, de l'énergie intérieure de 
la molécule et de l’énergie de translation. Le rap- 


port RES 


7 estconstant pour les paraflines etleurs déri- 


vés halogènes monosubstitués, ce qui prouve que 
pour ces corps le rapport de l'accroissement de l’énergie 
totale à l'accroissement de l'énergie cinétique detrans- 
lation de la molécule est proportionnel au nombre d’a- 
tomes de la molécule. 


20 SCIENCES NATURELLES 


E.-F, Blackman (B. Sc. B. A.), Démonstratewr de 
Botanique à l'Université de Cambridge. — Recherches 
expérimentales sur l'assimilation et la respira- 
tion chez les végétaux. — I. Sur une nouvelle mé- 
thode pour étudier les échanges d'acide carbonique dans 
les plantes. — II. Sur les voies que suivent les échanges 
gazeux entre les feuilles aériennes et l'atmosphère. 


I — M. Blackman donne dans ce mémoire la descrip- 
tion d'un appareil qui permet d'apprécier exactement la 
quantité de CO? exhalée par une graine en germina- 
üon ou une portion de feuille, et cela d'heure en 
heure, sans interruplion, pendant un temps aussi long 
qu'on le désire, et aussi d'évaluer l’absorption de CO? 
la plus active, même pour des périodes qui ne dépas- 
sent pas 15 minutes, par la même surface foliaire; 
grâce à cet appareil, on peut apprécier simultanément 
et séparément les quantités de CO? absorbées par les 
deux surfaces foliaires. Un courant d'air, contenant 
une quantité de CO° aussi petite qu'on la peut désirer, 
peut être constamment amené à une partie du tissu 
considéré, tandis que simultanément on fait des do- 
sages du CO? exhalé par la respiration d’une autre 
partie de ce tissu dans un courant d’air, exempt de CO?, 

Le dosage du CO? se fait par la méthode bien connue 
de l’absorption par une solution de baryte qu’on titre 
par l'acide chlorhydrique, L'innovation consiste en ceci 
qu’une petite quantité de la solution de baryte (infé- 
rieure à 15 c. ce.) est employée dans chaque expérience, 
et qu'après l'absorption toute la quantité dont on s'est 
servi est titrée dans le tube mème où l’absorption a 
eu lieu. Les burettes contenant les solutions types sont 
toujours en communication avec le tube où se fait 
l'absorption par des voies où l’air ne peut pénétrer, et 
il ne pénètre pas d'air dans la chambre d'absorption 
qui ne soit purgé de CO?, à l'exception du courant 
soumis à l’examen, Les deux courants d'air qui traver- 
sent constamment l'appareil sont produits par deux 
aspirateurs d'un type spécial qui, construits sur le 
principe de la bouteille de Mariotte, fournissent un 
écoulement goutte à goutte pratiquement constant, 
quel que soit le niveau de l’eau à leur intérieur, et sont 
adaptés à fonctionner régulièrement avec une vitesse 
d'écoulement très faible de 50 à 100 c. c. par heure. 
Les courants qui traversent l’appareil n'ont jamais à 
traverser une couche de liquide et sont si exactement, 
lorsqu'ils atteignent la plante, à la pression atmosphé- 
rique, que fout risque est évité d’extraire mécanique= 
ment des g az de la partie soumise à l’examen. L’air est 
privé de CO? au moyen d’une tour pleine de grains de 
| verre où coule constamment un courant de solution 


ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


25£ 


forte de potasse. Le générateur de CO? se compose 
. d’un grand tube contenant des fragments de marbre, 
où le courant d'air passe à une vitesse constante, tandis 
que de l'ACI, très dilué, ruisselle sur ces fragments 
à une vitesse très lente, que des arrangements spéciaux 
rendent constante et indépendante des variations exté- 
rieures de température. Lorsque la quantité de CO? 
- produite reste au-dessous de 2 °/,, le générateur fonc- 
fionne très régulièrement, Les récepteurs où sont 
placés les fragments de plante à étudier sont aussi petits 
que le permet la nécessité de garder en bon état ces 
fragments de plante, pour que les changements de 
* composition du gaz soient aussitôt que possible sensi- 
bles dans le courant d'air qui va de ces récepteurs aux 


les dosages sont faits, et que le courant d’air ne passe 
plus à travers les chambres d'absorption, il passe à 
travers une colonne d’eau qui présente une résistance 
. égale à celle de la solution de baryte dans la chambre 
. d'absorption, ce qui permet à la vitesse du courant de 
À demeurer constante, On arrive à une approximation 
» suffisante dans les recherches dont il s’agit par l’em- 

loi de solutions normales au 20°, On se sert conne 

e réactif coloré de la phénolphtaléine, et des réactions 
- spécialement délicates peuvent être obtenues pour 
marquer la fin du titrage, puisqu'on s’est débarrassé 
de tout le CO? atmosphérique. Les burettes, étroites et 


A 1 à 1 
graduées en & de c. c., peuvent être lues au c. c. 


avec un dispositif simple pour éviter la parallaxe. Des 
séries de dosage de contrôle ont été souvent faites 
avec des erreurs qui ne dépassaient pas 0.1 °/. Cela 


correspond à _ c. c. de CO®. Dans des expériences de 
courte durée, = c. ce. de C0? peut être dosé avec assez 
 d’exactitude pour qu'on tire des conclusions fermes. 
IH, L'acide carbonique pénètre-t-il dans la feuille et 
en sort-il parles stomates ou à travers la cuticule? C’est 
là une question que les traités récents de botanique 
- résolvent de la manière la plus diverse. Les travaux de 
Graham, de Frémy, de Barthélemy, de Boussingault, 
avaient amené à penser que c'était à travers la cuti- 
cule que se faisaientles échanges gazeux ;lesexpériences 
de Mangin (1888) sur la cuticule isolée ont établi, en 
revanche, que cette diffusion est impuissante à rendre 
compte de la totalité des échanges gazeux de la feuille. 
Grâce à l'appareil décrit plus haut, on à pu évaluer 
les quantités de CO? émises ou absorbées par les deux 
faces de la même feuille, placées dans les mêmes con- 
ditions. De nombreuses expériences sur la respiration 
de diverses feuilles épaisses et minces, n'ayant des 
… stomates que sur une de leurs faces, ou des stomates 
… diversement distribuées sur les deux faces, s'accordent 
à montrer que les stomates sont le siège de l'exhala- 
-tion du CO?, Quand il n’y a pas de stomates à la face 
supérieure d’une feuille, elle n’exhale pas par cette 
surface de CO?, ou, du moins, n’en exhale que des 
traces. Quand il y a des stomates sur les deux faces, les 
quantités relatives de CO? sont proportionnelles au 
nombre de stomates sur chaque face. Les expériences 
sur l'absorption du CO? donnent les mêmes résultats. 
Une expérience très simple montre que les stomates 
sont, pratiquement, la seule voie par où le CO*° pénètre 
dans la feuille. Si l’on enduit de cire une partie de la 
face inférieure d'une feuille dont la face supérieure ne 
porte pas de stomates, il ne se forme pas d’amidon dans 
cette partie de la feuille, tandis qu’il s’en forme dans 
les parties avoisinantes, La théorie de l’échange cuti- 
culaire avait trouvé son appui le plus solide dans les 
expériences de Boussingault, qui avait montré que,dans 
des conditions identiques, des feuilles de Nerium Oleander 
- assimilaient moins de CO? quand la face supérieure, 
qui ne porte pas de stomates, avait été couverte d’un 
enduit, que lorsque cet enduit était appliqué sur la 
… face inférieure qui est stomatifère, Mais il faut remar- 
… quer que Boussingault placait les feuilles dans une 
… atmosphère coutenant 30 °/, de CO2. Or, l'assimilation 
du CO? ne se fait bien, pour cette feuille, que dans une 


- de Mis! 


w 


chambres d'absorption par des tubes étroits. Lorsque 


atmosphère qui en contient de faibles quantités, de 
sorte que si, lorsque les stomates restaient ouverts, la 
décomposition €u C0? était moins active, c'était non 
pas parce qu'il pénétrait dans la feuille une moindre, 
mais, au contraire, une plus grande quantité de ce gaz. 
Dans une atmosphère qui ne contient qu'une faible 
proportion de CO, la feuille dont les: stomates sont 
ouverts décompose une plus grande quantité de ce gaz 
que celle dont les stomates sont bouchés. L'auteur 
est arrivé à la conclusion que, dans les conditions nor- 
males, les stomates sont pratiquement la seule voie 
par où le CO? pénètre dans la feuille ou en sort. Puisque 
l'oxygène diffuse plus facilement que le CO? à travers 


‘les petites ouvertures, le même fait se vérifie probable- 


ment pour l'oxygène et pour tous les échanges gazeux. 


‘Dans des conditions anormales, lorsque les stomates 


ou espaces intercellulaires sont bouchés et que la ten- 
sion du C0? dans l’atmosphère qui environne la feuille 
est assez grande, le CO? peut passer par osmose à 
travers la cuticule. La fermeture des stomates, qui se 
produit dans l'obscurité, n'empêche pas la distribution 
des échanges gazeux de concorder avec celle des sto- 
mates. L’exhalaison de CO? par une branche feuillue 
placée en pleine lumière {expérience de Garreau) n’est 
due qu'aux imperfections des conditions, à l’existence 
de parties non encore mûres, de tissus qui ne sont pas 
suffisamment verts ou qui ne sont point suffisamment 
éclairés. Des feuilles vertes, mûres, isolées des autres 
parties de la plante et complètement éclairées assimi- 
lent tout leur CO? respiratoire et n’en exhalent jamais, 
en si faible quantité que ce soit. 


SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 25 Janvier 1895. 

M. Medley a fait une étude des lampes à incandes- 
cence, dont voici les principales conclusions. Les 
lampes actuellement employées donnent un nombre 
de bougies qui augmente à mesure que la lampe sert 
depuis plus longtemps; une lampe Edison-Swan, qui 
est marquée 100 volts,S bougies, donne à 100 volts un 
éclairement moyen de 10 bougies (anglaises), et la 
puissance moyenne dépensée par bougie est environ 
43 watts; de sorte que la lampe consomme 43 watts; 
avec Les lampes de ce type, il ne devient jamais éco- 
nomique d'enlever une lampe et de la mettre de côté 
avant que le filament n’ait brûlé; on n’a pas d'économie 
notable en les poussant, M. Ayrton attribue l’amélio- 
ration des lampes à l’usage, à ce fait que le vide y de- 
vient de plus en plus parfait. 

MM. Anderson et, Me Clelland: Sur le maximum de 
densité de l’eau et son coefficient de dilatation au 
voisinage de cette température. On a employé le ther- 
momètre à liquide(le dilatomètre) contenant une quan- 
tité de mercure telle que, dans l'intervalle de tempé- 
rature étudié, le volume intérieur occupé par l'eau 
reste bien constant. On observe dès lors la dilatation 
réelle et non la dilatation apparente. On a fait des 
expériences à diverses pressions, Pour la température 
du maximum de densité : 

A ! atmosphère, on a trouvé........ 

Alm — Ps rise 4°,1823 

A 2 — — esse 40,1756 
M. Rhodes estime qu'on n'a pas pris des précautions 
suffisantes pour le calibrage du thermomètre, et ne 
croit pas que la température soit connue dans ces 
expériences, à moins d'un dixième de degré. 

Séance du 8 Février 1895. 


On procède au renouvellement du Bureau. M. le ca- 
pitaine Abney est nommé président. 

M. Croft présente quelques appareils à banc d'op- 
tique, polariscopes, ete. — M. Skinner : Sur la pile 
à étain et chlorure chromique. C’est une pile qui a été 
étudiée par M. Case, de New-York : elle a été pré- 
sentée comme ne donnant pas de f, é.m. à la tempéra- 
ture ordinaire, mais en ayant une notable à 1009. 
L'auteur a trouvé que, directement reliée à un galva- 
nomètre, elle ne donne rien en effet à la température 


252 


ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES D. 


ordinaire, et donne quelque chose à 100°; mais sa 
f. 6. m., mesurée par la méthode de Poggendorff, est 
0 volt 4% à 15° C, et 0 volt 40 à 97°, La pile primitive 
consistait en une lame d'élain et une de platine plon- 
gées côte à côte dans une solution de chlorure chro- 
nique; les piles étant reliées, on a la réaction : 


Cr?CI5 E Sn = 2CrCl° + Sn CR 


Quand on détache les pôles, et que la pile se refroidit, 
il se produit la réaction inverse. L'auteur a substitué 
à l’étain un amalgame d’étain, 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


MM. Arthur L. Linget Julian L. Baker ont étudié 
l'octacétylmaltose CH (0OC2H30)03, qu'ils ont pré- 
parée par l'action de l’anhydrique acétique et de 
l'acétate anhydre de sodium sur la maltose portée à 
l’état d’ébullition. Ils en décrivent les propriétés et 
donnentson pouvoir rotatoire :(x)o — + 62,22 pour le 
corps dissous dans le chloroforme, et (4), = + 59,84 
pour le corps dissous dans l'alcool. — Les :nêmes au- 
teurs communiquent leurs recherches relatives à l’ac- 
tion de la diastase sur lamidon, L'analyse et les déter- 
minations cryoscopiques attribuent au corps ainsi 
obtenu la formule C2H2#01; son pouvoir rotatoire esl 
(4)n = 143. Toutefois, d'après l'examen des; autres 
propriétés de celle substance, on peut lui donner pour 
formule : C2H20010 EL H20. — M. Martin O. Forster 
a étudié laction de l'acide azotique fumant sur les 
dérivés du dibromocamphre. Dans cette réaction, il y 
aurait départ de deux atomes d'hydrogène que rem- 
placerait un atome d'oxygène. Le corps obtenu, soumis 
à l'analyse, correspond à la formule C!'H:2Br202 — 
M. E. Diners, F.R.S , a préparé le sulfate acide d'hy- 
droxylamine AZH20HH?S0* par l’action du chlorhydrate 
d'hydroxylamine cristallisé sur l'acide sulfurique pris 
en quanti é calculée. Le produit est ensuite chaufré 
plusieurs heures à 100° pour chasser l'acide chlorhy- 
drique, puis abandonné sous le dessiccateur jusqu'à 
cristallisation. — M.S, Hada, en traitant un nitrate 
de mercure par l’hypophosphite de potassium, à 
obtenu un précipilé instable d'un sel double de nitrate 
et hypophosphite de mercure HgH?PO2?,Hg4A703,H20. 
Ce sel fait explosion à 1000, De la même manière, il à 
pu préparer l’hypophosphite de bismuth Bi(H?PO2“H°0. 
— M. A.-G. Perkin fail une communication sur le 
Kamala, — M. Mac-Laurin, dans ses recherches rela- 
tives à l’action du cyanure de potassium en solution 
aqueuse sur l'or et l'argent en présence de l'oxygène, 
a trouvé que les quantités d’or et d'argent dissoutes 
par une solution donnée de cyanure sont proportion- 
nelles aux points atomiques de ces métaux. Les 
grandes variations de solubilité de l'or et de l'argent, 
dans une solution de cyanure, peuvent s'expliquer par 
le fait que la solubilité de oxygène dans les solutions 
de cyanure diminue à mesure qu'augmente la concen- 
tration. — M. William J. Pope est arrivé, par 
l'étude des formes cristallines, à caractériser les iso- 
mères de l'acide diméthylpimélique que l’on avait pu 
distinguer déjà par l'étude de leurs propriétés chimi- 
ques. — MM. W.-R. Hodgkinson et A.-H. Coote ont 
fait réagir le magnésium en poudre sur quelques 
composés de Ja phénylhydrazine et plus spécialement 
sur l’acétylphénylhydrazine el la benzoylphénylhy- 
drazine. Ce dernier corps donne, lorsqu'on le traite 
par le magnésium et qu’on le chauffe dans une cornue, 
une série de produits de décomposition parmi les- 
quels on à trouvé l’hydrogène, l'azote, l’ammo- 
niaque, du benzène, de l’aniline et du benzoate d’am- 
monium, — M. R.-M. Delley : Nelation entre les équi- 
valents de réfraction et éléments, et la loi périodique. 
— M.J, Normann Collie à éludié l’action de la cha- 


Paris. — Imprimerie K. Leve, rue Cassette, 17 


leur sur le 8 amidocrotonate d'éthyle. En distillant ce. 
corps, le produit qui se forme le plus abondamment 
est léthoxylutidine : L: 
2C6H11Az02—CH13Az0-+ AzH3-LCO+CO+C2+ CHE, 
La réaction donne également naissance à une petite 
quantité de diméthylpyrrol et à un dérivé de la série 
pyridique. On n'a pu diazoter le 8 amidocrotonate par 
l'acide chlorhydrique et le nitrite de sodium; toute 
fois, l'action des vapeurs nitreuses a fourni un produit 
d'addition : 
CSHSAz20 + A702-LH20=C5H10A750%. 
M. M. Haya et Y. Osaka communiquent leurs tra-M 
vaux sur l’acidimétrie de l'acide fluorhydrique. — 
Mile C. Wulker, à la suite de ses recherches sur les 
anciens objets d'art en argent provenant du Pérou, « 
croit pouvoir déduire qu'ils étaient faits avec de l'ar- 
gent natif, — Mile F -T. Litleton à étudié les change- 
ments moléculaires subis par l'argent lorsqu'on en 
fait l’amalgame. — M. W.-H. Perkin junior a préparé 
les principaux dérivés de l'acide sulfocamphylique ; il 
en décrit les propriétés et les modes de préparation. M 
% 


— M. W. Mac-Callum junior a pu préparer plusieurs 
nouveaux dérivés de l’éthylorthotoluidine, — MM. Wyn- 
dham R. Dunstan, F.R.S., el Francis H. Carr ont 
continué l'étude des dérivés de la benzoconine et de 
l’aconitine; ils communiquent les résultats relatifs à » 
la diacélyLl et à la triacétylaconitine, au bromhydrate » 
de pyraconitine et à l’aconine, — MM. Wyndham 
R. Dunstan, F.R.S., et H.-A.-D. Jowet : Sur quel- 
ques chlorures d’or de l’aconitine; les auteurs attri- 
buent à ces corps la formule : C**H#A70* AuCI. 


ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE 
Séance du 24 Janvier 1895. 

M. le vice-président annonce que M. Jos. Treik a ins- 
titué l’Académie des Sciences sa légalaire universelle." 

1° Sciences puysiques. — M. Weisaek envoie les 
photographies partielles de la lune représentant Linné 
et Triesnecker. — M. R. Wegscheider a déterminé les 
constantes d’affinité des acides polybasiques et de leurs 
éthers non acides, Le même auteur communique ses 
recherches sur les constantes physiques de l'acide 
hémipinique et la formation de ses éthers, il discute” 
l’asymétrie des deux fonctions acides de ce corps. —M 
M. Félix Pollak : Sur l’éther éthylique de l'acide 
nicolique et sa transformation en f-amidopyridine, 
CSHGAz? + 2 HCI. 

20 ScIENCES NATURELLES. — M. Alfred Nalepa : Nou-l 
veaux microbes de la bile {11° communication). 

Séance du T Février 1895. 

1° Sciences PnysiQuEs, — M. Victor Schumann : Sur 
la photographie des rayons de petite longueur d'onde. 
— M. Fortner Notice sur la ecinchotenine, — 
M. &. Pum : Action de l'acide iodhydrique sur la cin-M 
chotine et l’hydroquinine. — M. Skraup : Sur la cin- 
chotine et la cinchotenine. Traitée par PC, la cin- 
chotenine donne un chlorure d'acide correspondant 
à un acide carboxylique; la cinchonine contient un 
groupe vinyle, — M. K. Brünner : Nouveau mode de 
formation du 2,3 diméthylindol par l'acide isobuty- 
rylformique et préparation de son dérivé nitrosé et 
du picrate, — M. Haiser : Etude de l'acide inosique. 
L'auteur attribue à cet acide la formule C'OHISAZPO? ; il 
possède trois fonctions acides distinctes auxquelles 
correspondent des sels mono et bibasiques bien cris- 
tallisés. L'étain et l'acide chlorhydrique le dédoublent 
en sarcine, acide phosphorique et acide trioxyvaléria-m 
nique. — M. Liebermann : Formule des dérivés de la 
quercéline, — M. Paul Cohn : Sur quelques dérivés du 
phénylindoxagène (2° communication) et sur la forma- 
Lion de l'oxyde de cyclophénylenbenzylidène. 


Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVER M 


+ 


N° 6 


NS QE) ee SCT niet US 


30 MARS 1895 


É REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


- L’excitation des nerfs est certainement un des 
hénomènes les plus curieux de la physiologie ; 
étude de cette question se présente dès l’abord 
s deux aspects. Il faut rechercher quels sont 
divers excitants d’un nerf déterminé et voir 
l'effet produit varie avec la nature de l’ex- 
on ; cette considération a conduit Jean Muller 
a doctrine de l'énergie spécifique des nerfs, 
èslaquelle l'excitation d'un nerfproduit, àune 
tion de degré près, toujours le même effet. 
r que cet énoncé soit rigoureusement exact, 
t ajouter : « en admettant que le nerf soit 
s ses connexions normales. » Dans ces con- 
lions, un nerf moteur excité d’une facon quel- 
ue produil toujours la contraction musculaire, 
erf auditif, la sensation sonore, le nerf optique, 
nsation lumineuse, etc. En second lieu, il faut 
mander si tous les nerfs, quels qu’ils soient, 
vent être excités par les mêmes procédés. En 
ral, un nerf quelconque est sensible aux ac- 
S mécaniques, électriques, chimiques, calori- 
iiques; il n’y à d’un nerf à un autre qu'une question 
degré. Au premier abord, les nerfs de sensibilité 
iale semblent échapper à cette loi ; outre les 
tants ordinaires applicables à tout nerf, cha- 
in d'eux entre en jeu sous une action spéciale : 
nerf auditif sert à percevoir les sensations so- 
res, le nerf optique la lumière, etc. ; mais, en y 
dant de plus près, on constate que l’action du 
npeul être purement mécanique etque les causes 
s sensations olfaclives ou gustatives sont très 
aloguesaux excitations chimiques. —Reste donc 
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 


le nerf optique qui seul paraît sensible aux radia- 
tions lumineuses ; nous allons voir ce qu’il faut 
penser de cette exception. 

Faisons d’abord remarquer que l'exception n’est 
pas aussi absolue qu’on pourrait le croire. Il ré- 
sulte, en effet, de certaines expériences de d’Arson- 
val que les radiations lumineuses peuvent, dans 
certaines conditions, influencer l’excilalion des 
nerfs moteurs. Mais, de plus, ilsemble que lalumière 
n’excile pas directement le nerf optique. En tout 
cas, elle n'agit pas sur ses fibres en un point quel- 
conque de leur trajet ; car la papille, qui est formée 
par leurentrée dans le globe oculaire, correspond 
précisément à une lache aveugle dans le champ de 
la vision. Il y a plutôt lieu de se demander si, entre 
l'arrivée de la lumière sur la réline et l'excitation 
du nerf optique, il n'y aurait pas quelque action 
intermédiaire ramenant l'excitation à l’un des 
modes précédents !, 


! Les anatomistes assignent dix couches à la rétine: la plus 
interne est formée par l'épanouissement des fibres du nerf 
optique, les plus externes par la terminaison de ces fibres et 
un revêtement cellulaire. L'épaisseur de la rétine de l’homme 
estd’environ 0 millimètre 4 au pôle postérieur de l'œil; delà elle 
diminue régulièrement jusqu’à l’orra serrala, où elle n’est plus 
que de Omillimètre 1. L’orra serralalinite la rétine un peu en 
avant de l'équateur de l'œil. Le nerf optique, en entrant‘dans le 
globe oculaire en dedans et un peu en dessous de son pôle 
postérieur, traverse toute l'épaisseur de la rétine, puis ses 
fibres s'épanouissent en formant la couche interne de 10 y 
d'épaisseur environ. Les fibres se recourbent ensuite vèrs 
l'extérieur et, par une série d’intermédiaires, vontse terminer 
dans la couche des cônes et des bätonnets, membrane de 
Jacob, épaisse de 50 y environ. C’est la neuvième couche: 
elle est revètue par des cellules pigmentaires dans lesquelles 

6 


D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISIQN 


Ï 


Déjà, en 1842, Moser avait comparé l'action de 
la lumière sur la rétine à l'impression de la plaque 
photographique ; les travaux de Niepce et de 
Daguerre venaient de paraitre, et Île vapproche- 
ment élait trop séduisant pour ne pas êlre tenté. 
Cependant Moser n'apportait aucun argument sé- 
rieux à l'appui de son idée. Talma, élève de Don- 
ders, fit de vains efforts dans une voie analogue, 
supposant dans la rétine une ou plusieurs sub- 
slances susceptibles d'être modifiées sous l'action 
de la lumière, et qui, par leur décomposilion ou 
leur recombinaison, exciteraient les terminaisons 
du nerf optique. Héring admellait les deux pro- 
cessus produisant, comme nous le verrons plus 
loin, des effets complémentaires. Mais toutes ces 
théories manquaient de base: on cherchait en vain 
la substance qui se modifiait. 

Depuis longtemps, les anatomistes avaient at- 
tiré l'attention sur diverses productions colorées 
de la rétine ; outre les granulations des, cônes des 
Oiseaux, dès 1839 Krohn avail signalé un pigment 
rouge dans les bätonnets des Céphalopodes; Leydig 
avait observé des fails analogues chez les Insectes 


les terminaisons du nerf optique sont plus ou moins en- 
foncées. Ces cellules ont un noyau dans leur portion externe 


Fig. 1. — Coupe schématique de la rétine passant par la 
papille et la fosse centrale. 


incolore, et du pigment dans leur portion interne se prolon- 
geant par des filaments entre les bätonnets. Puis vient la 
choroïde. Au pôle postérieur de l'œil il se produit une mo- 
dification remarquable de la 
rétine. Les bâtonnets dispa- 
raissent peu à peu, tandis 
que les cônes s’allongent et 
diminuent d'épaisseur. Fina- 
lement la membrane de Ja- 
cob a doublé, en même temps 
les autres couches ont dimi- 
uué, de sortequ’à la face in- 
terne de l'œil ilen est résulté 
une dépression, c'est la fosse 
centrale ou fovea centralis ; 
elle ne contient que des cô- 
nes. Cette fosse centrale se trouve au milieu d’une région 
pigmentée jaune, portant pour cela le nom de tache jaune 
ou macula lutea. L'entrée du nerf optique forme la papille, 
tache blanche très visible à l’ophtalmoscope, insensible à la 
lumière et nommée punclim cæcum. La fovea centralis, au 
contraire, est l'endroit où l’acuité visuelle, c'est-à-dire la fa- 
culté de percevoir les détails, est la plus parfaite. Cette 
acuité va en diminuant jusqu’à l'orra serrala. 


Fig. 2. — Cüne, bâlonnets el 
cellules pigmentaires. 


bätonnets de la réline étaient parfois rouges, 
Leydig trouva que la rétine fraiche du même anis 
mal présentait parfois des reflets salinés rouges 
(1857). Enfin Schullze signala la mème couleur chez 
un Mammifère, le rat, et dansles cônes du hibow 
Mais ces faits isolés n’élaient connus que de fort | 
peu de savants; ils n'avaient pas cours dans | 
science ; aussi Boll fit-il une véritable découverte 
lorsqu'en 1876 il signala dans les bâtonnets de la 
grenouille une couleur rouge qui se modifiail souk 
l'influence de la lumière. Ce qui fit entrer la ques 
Lion dans une phase nouvelle, c’est qu'il établit que 
cette couleur était constante chez les grenouilles 
tenues à l'obscurité. La rétine des animaux reslés 
à la lumière était plus pàle, elle était incolore chez 
ceux tenus au soleil. On pouvait d’ailleurs suivrt 
la décoloration sur des rélines extirpées à des 
grenouilles conservées à l'obscurité ; car chez ces 
animaux le phénomène peut mettre plusieurs mi 


| 
| 
| 


rapide et a lieu dans l'œil même, quelques instants 
après la mort. | 

Le fait capital établi par Boll fut que chez les 
grenouilles ensoleillées la couleur se reproduisail 


mènes étaient dus à une matière colorante ; il fül 
plutôt porté à l’attribuer à la structure lamellaire 
des bàtonnets, et, en fait, il ne se prononça pasi 
catégoriquement. 

En 1871, Holmgreen avait observé qu'en applis 


curilé; les années suivantes Dewar avait fait ur 
étude assez complète de ces phénomènes éle 
triques, étudiant l’effet des diverses radiations 
variant les conditions de l'expérience. 

En rapprochant ce fait de ceux découverts p 


servé à Kühne de trancher la question après l'avoir 
éludiée sous toutes ses faces, dans les années q 
suivirent immédiatement la découverte de B 

Pour faire cette démonstration, Kühne cherchæà 
isoler cette substance !; il y parvint au moyen 
d’une solution de bile ou de cholate de soude, Me 
ci le manuel opératoire qu'il recommande: 


ex 
1 Pourpre rétinien, Pourpre visuel. Sehpurpur. Rhodo- 
psine. Erythropsine, À 


| 


# 


Res ee a 


D' G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 


19 
© 
© 


bœuf cristallisé ; au moment de faire une expé- 
rience, on en prend une certaine quantité, on 
“chasse l'alcool au bain-marie et on fait une solu- 
ion aqueuse du résidu de 2 à 5 °/,. Ge liquide 
jouit de la propriété de dissoudre le pourpre ré- 
Minien; il ne se conserve pas comme la solution 
alcoolique. Cela fait, il faut choisir judicieusement 
Panimal qui servira à l'expérience. La grenouille 
convient particulièrement; son pourpre, étant 
moins sensible à la lumière que celui des Mammi- 
fères, nécessitera moins de précautions, et son 
observation à la lumière du jour sera plus facile. 
Il faut, d’ailleurs, se tenir en garde contre une 
source d'erreur : toutes les rétines ne donnant pas 
des solutions exemptes d’hémoglobine, celles de 
la grenouille, du crapaud, de la salamandre, du 
Hhibou, sont très favorabies, les globules du sang 
\de ces animaux ne se disolvant pas facilement dans 
la bile. Le lapin et le cheval peuvent aussi servir, à 
la condition d’exciser l'aire vasculaire : car, en de- 
hors d'elle, la rétine ne contient pour ainsi dire 
pas de vaisseaux. Ilimporte, bien entendu, de main- 
tenir ces animaux à l'obscurité et de n'employer 
que des rétines aussi fraiches que possible. 
“ Supposons que l'on ait choisi la grenouille; 
om algré la moindre sensibilité de son pourpre réli- 
nien, il faudra éviter la lumière du jour. Le mieux 
ést de se placer dans une chambre noire, et de 
IStéclairer avec un brûleur de Bunsen contenant un 
agment de chlorure de sodium; la lumière jaune 
qui en résulle, quoique n'étant pas absolument 
inactive, agit assez peu pour permettre de faire 
toutes les expériences dont nous parlerons dans la 
suite. On enlève les rétines; pour cela, il suffit de 
Maire une section circulaire de l'œil suivant un plan 
perpendiculaire à l'axe optique et d'exciser la 
papille. On saisit ensuite ces rétines par le bord 
avec une petite pince et on les place dans la solu- 
tion indiquée plus haut. Kühne recommande de 
prendre 1 centimètre eube de liquide pour 20 à 
30 rétines. De temps-en temps on agite doucement ; 
lau bout d’une heure on laisse reposer quelques 
“heures, et on passe sur un filtre très fin en décan- 
| tant. Le résidu sera lessivé, ce qui donnera des 
| Solutions plus étendues, utiles pour certaines 
| études. Si l’on veut des solutions plus concentrées, 
‘on ne peut les obtenir-en augmentant le nombre 
des rétines, mais en évaporant dans le vide en pré- 
Isence de l’acide sulfurique. La solution est géné- 
ralement transparente ; parfois cependant des corps 
en suspension la rendent légèrement louche. 
Portée à la lumière du jour, elle a une belle cou- 
leur rouge, puis passe au jaune et devient finale- 
iment incolore comme de l’eau. Si la concentration 
\dars le vide est poussée assez loin, il se dépose 
june espèce de vernis très hygrométrique, ayant la 


couleur du carmin ammoniacal, et dans lequel le 
microscope permet de reconnaitre des particules 
violettes presque noires. 

En étendant d’eau les solutions, il ne se produit 
pas de décomposition; car, par concentration dans 
le vide, on peut leur rendre toutes leurs propriétés 
primitives. En concentrant ainsi, on voit la couleur 
virer de plus en plus au pourpre violet ; cela permet 
d'expliquer en partie la différence de teinte de la 
rétine des divers animaux, la longueur des bâton- 
nets variant avec les espèces, ce qui correspond à 
une variation de concentration. Cependant, il y a 
encore une autre cause, car chez le mouton et chez 
l’homme où les bätonnets sont très courts, la rétine 
üre cependant fortement sur le violet; tous les 
pourpres ne sont pas identiques entre eux. 

Les solutions de pourpre rétinien ne se conser- 
vent pas, elles moisissent et se putréfient rapide- 
ment sans perdre leur couleur. On peut retarder 
ces effels par l'addition de 2 à 3 °/, de benzoate de 
soude, mais jusqu'ici on n’a pu les éviler complè- 
tement. Cela tient évidemment au manque de pré- 
cautions; aujourd’hui on arriverait certainement à 
conserver les solutions inaltérées en les recueillant 
d’une façon aseptique et maintenant leur stérilité. 
Par dialyse, la solution biliaire passe incolore ; il 
reste sur le diaphragme un magma rouge aussi 
sensible à la lumière que la rétine elle-même. 

Kühne a fait une étude très complète de l’action 
des divers réactifs sur le pourpre rétinien ; les uns 
retardent sa transformation, les autres le fixent 
plus ou moins, mais, ces propriélés n’ayant qu’un 
intérêt secondaire au point de vue où nous nous 
plaçons, je signale le fait sans insister davantage. 
Nous verrons cependant plus loin que la possibilité 
de cette fixation a permis de faire certaines expé- 
riences importantes. 

Les lransformations du pourpre rétinien sont 
accompagnées de phénomènes de fluorescence, 
qui pendant longtemps ont paru d'un intérêt se- 
condaire. Nous verrons plus loin que, suivant Pari- 
naud, ils jouent, au contraire, un rôle de premier 
ordre dans certains actes de la vision. 


IT 


Voyons maintenant d'un peu plus près comment 
le pourpre rétinien se comporte vis-à-vis de la 
lumière. Nous avons déjà dit que la solution rouge 
passe au jaune, puis se décolore. Ce passage du 
rouge au jaune par des teintes intermédiaires ne 
résulte pas d’une moindre teneur en pourpre réti- 
nien par suite de la décoloration d’une partie de 
celui qui se trouvait dans le liquide; car, si à l’obs- 
curité on fait des solutions de plus en plus éten- 
dues, et qu'on vienne à les examiner au jour, on 
leur trouve une couleur pourpre, rouge, carmin, 


256 


rose, lilas. Elles passent par toute la gamme des 
rouges et des roses ; jamais elles ne virent à l’orangé 
ou au jaune. Il y a donc formation d'un produit 
intermédiaire, le jaune rélinien (SeAgelb). 

Pour se rendre un comple plus exact des pro- 
priétés optiques de ces deux corps, le pourpre et le 
jaune rétiniens, Kühne fit une étude spectrosco- 
pique de leurs dissolutions. Pour cela, il plaçait le 
liquide devant la fente du collimateur dans une 
petite cuve d'épaisseur décroissante de haut en 
bas; il avait ainsi dans le champ l'absorption pro- 
duite par diverses épaisseurs de solution. Le résul- 
tat de ces observalions est représenté dans la 
figure 3. 


Fig. 3. — Spectres d'absorption du pourpre et du jaune 
réliniens. — PR : Courbe d'absorption du pourpre réli- 
nien. — SS : Spectre solaire, raies de Frauenhôfer. — 


JR : Courbe d’absorption du jaune rétinien, 


On voit que l’on n’a pas de bandes caractéris- 
tiques comme celles que présentent les solutions 
d'hémoglobine, par exemple. Au début de l'expé- 
rience, alors que le liquide ne contient encore que 
du pourpre, le spectre d'absorption peut être sen- 
siblement représenté par la première courbe ; la 
lumière agissant, on passe peu à peu à la deuxième : 
à ce moment la solution est jaune franc. Puis tout 
disparait, la décoloratior se produisant. 


Le pourpre rélinien en place sur la rétine se 


comporte-t-il comme la solution? Pour s'en assu- 
rer. Kühne formait un spectre dans une chambre 
noire, et promenait, dans les diverses régions de 
ce spectre, unerétine de grenouille couverte de son 
pourpre, qu'il observait par transparence. Ou bien, 
ce qui permettait certainement mieux la compa- 
raison, il plaçait dans les différentes régions du 
speclre des rélines de grenouille aussi semblables 
que possible, et, à côlé de chacune d'elles, il met- 
lait une goutte de la solution de pourpre comprise 
entre deux lames de verre. L'effet produit par le 
pourpre, en place sur la rétine ou en solution, était 
sensiblement le même, autant du moins qu'il est 
possible de le juger dans une expérience de ce 
genre. 

Un fait très important est que la décomposition 
du pourpre se produit d'autant plus rapidement 
que l'absorption est plus grande. 

Voici les chiffres approximatifs que donne Kühne 
pour la rapidité de décomposition du pourpre 
dans les diverses régions du spectre. 


D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 


Du Jaune verdätre à l'Indigo. 2 à 10 minutes, 
20 


JAUNE ee re re 2 — 
Orangé "et Violet. 17.7 £ 30 ee 
Ultya-violot 2eme. * 45 — 
ROUPES CENTRE ere encore plus. 


De même, la loi de décomposition du jaune réli- 
nien est sensiblement la même que la loi d'absorp= 
tion ; ici l'observation est plus facile que pour la 
décomposilion du pourpre : car, dans ce dernier 
cas, dès l'apparition des premières traces de jaune, 
on a affaire à une superposilion de deux phéno- 
mènes qui ne suivent pas la même loi. Il suffit de 
jeter un coup d'œil sur les courbes tracées plus haut 
(fig. 3), pour voir que certaines radiations agissent 
exclusivement sur le pourpre, d’autres sur le jaune 
d'autres enfin sur les deux substances à la fois 
Lors de l’action de radiations complexes, l'effet 
lotal doit être égal à la somme des effets dus à 
chaque radialion, et Kühne fait remarquer que 
l'on esttenté d'admettre, à l'inspection des courbes 
que la sensation de lumière blanche provient de 
la décomposition simultanée du pourpre et du* 
jaune. En effet, en prenant des radiations complé 
mentaires, on voit qu'en général l’une au moins 
agit sur le pourpre, l’autre sur le jaune ; aucuné& 
des deux substances n'échappe. Mais il y a des 
combinaisons complémentaires qui font exception: 
à cette règle, par exemple rouge et vert bleu; em 
rouge n'agit sur aucune des deux substances, par 
conséquent le vert bleu seul et le blane qui résulte 
de son mélange avec le rouge agissent de la même 
facon sur les deux substances rétiniennes. Il 
faut renoncer à celte explication de la perception 
du blanc. 


HI 


Après celte élude, il y avait tout lieu de suppo 3 
ser que le pourpre rélinien jouissait, dans l'œil 
vivant, des mêmes propriétés que celles décrites 
pour les solutions ou les rélines extirpées, et que; 
comme Moser en avait émis l'hypothèse, lors de læ. 
vision, le pourpre se décomposait dans les parties! 
éclairées de la rétine, qui se comportait, au moins 
d’une facon passagère, comme une plaque photo 
graphique; c'est ce que Kühne mit en évidene 
par une série d'expériences d'une élégance extrême 

Si, après avoir exposé à la lumière pendant um 
temps plus ou moins long une grenouille ou un 
lapin, on vient à enlever la réline à la lumière d 
sodium, comme nous l’avons dit plus haut, on lui 
trouve des nuances variant depuis le pourpre 
jusqu'au blanc en passant par des (ons orangé | 
chamois, jaune. Si maintenant, au lieu d'éclairer! 
toute la rétine, on ménage certaines régions, il 
pourra se produire sur cette réline de véritables. 
photographies. * 

Voici le manuel opératoire indiqué par Kühneï 


-On extirpe, à la fumière du sodium, l'œil d’un 
pin conservé à l'obscurité, et on le fixe, la pu- 


iètres de hauteur. La boîte est couverte par un 
rre dépoli sur lequel on figure avec du papier 
le dessin à reproduire; par exemple, on col- 
parallèment les unes aux autres des bandes 
à5 centimèlres de largeur espacées d’autant. 
-dessus la plaque de verre on met un couvercle 
ir. On porte l'appareil au grand jour, de préfé- 
ce à cielouvert, el, suivantlalumière, —ceciest 
question d'expérience, — on le découvre pen- 
tun temps variable de 2 à 7 minutes. L’œil, placé 
s l'eau salée, est ouvert à la lumière du sodium 
examiné au grand jour. Pour bien enlever la 
ine, l'œil est coupé en deux suivant l'équateur; 
puis on le place sur une lame de plomb, et on dé- 
coupe la papille à l’aide d’un emporte-pièce d'en- 
wiron 3 millimètres de diamètre. Au moyen d’une 
pelite pince, la rétine s’enlève facilement. On la 
dépose sur une petite bille de marbre collée sur une 
ame de verre. Pour rendre l'examen plus facile, 
on peut, avant d'enlever la réline, placer pendant 
gt-quatre heures dans une solution d’alun à 4°/, 
Pœil partagé en deux, puis, la rétine étant sur la 
e de marbre, laisser sécher à l’obscurité pendant 
semaine environ. La sensibilité au jour est 
s considérablement diminuée : l’optogramme, 
cest le nom donné par Kühne à ces sortes de 
hotographies, — est fixé. 
our obtenir de bons optogrammes chez les ani- 
ux vivants, il faut disposer d’ane chambre noire 
lumière venant d'en haut par un manchon 
scendant jusqu'à 30 centimètres environ de la 
e de travail. 
ur la partie inférieure de ce porte-lumière on 
‘ra meltre une plaque en verre dépoliportantun 
in, des verres de couleur ou une planche noire 
que. Dans l'installation de Kühne, l'ouverture 
ieure avait 45 centimètres de largeur sur 55 de 
gueur avec cinq espaces clairs el quatre noirs 


ée que par la lumière du sodium; à 25 centi- 

1èlres au-dessous de son ouverture inférieure, il 
ya un repère pour la position de l'œil de l'animal. 
Pour le maintenir immobile, on pourra employer le 
e avec respiration BSCIE ou fixer l'œil à 
a ide de fils passés dans la conjonctive et la sclé- 
rolique. On pourra aussi dilater la pupille par 
tropine, on évitera ainsi en même temps les 
ariations d'accommodation. Après un temps con- 
| d'exposition, 10 secondes à 7 minutes, on 

capite l'animal et on opère comme plus PERTe 
… L'expérience réussit aussi sur la grenouille; 


D' G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 257 


outre l'avantage qui en résulte au point de vue 
économique, on peut, pour certaines recherches, en 
tirer des renseignements intéressants, cet animal 
ayant de très grands bâtonnets; mais il se pré- 
sente quelques difficultés. Entre autres, il faut dans 
ce cas un éclairage fort long, et il est très difficile, 
après l’action de la lumière, d'enlever la rétine 
sans entrainer, avec la couche des cônes et des bà- 
tonnets, des cellules pigmentaires, dont la couleur 
sombre est fort gênante. L’éclairage au soleil, qui 
permettrait d’abréger l'opération, ne donne pas de 
bons résultats; on n’oblient que des images dif- 
fuses : il faut se résigner à opérer à la lumière 
indirecte et à allonger le temps de pose. D'ail- 
leurs, pour éviter les entrainements de pigment, 
il faut un éclairage le plus doux possible. Un pro- 
cédé qui réussit aussi assez bien consiste à produire 
un œdème artificiel ; la couche des cellules pigmen- 
taires est alors moins adhérente à la membrane de 
Jacob ; il suffit pour cela de curariser la grenouille 
et de la maintenir dans l'eau un certain temps. 
Parfois l'entrainement du pigment aux endroits 
impressionnés produit des optogrammes très nets; 
mais, même sans cela, dans les cas bien réussis, ces 
figures peuvent supporter des grossissements de 
100 diamètres et rester visibles, 

Les images que l'on obtient ainsi sont forcé- 
ment petites, mais cependant très visibles à l'œil 
nu ; ainsi les bandes de 5 centimètres de largeur 
placées à 25 centimètres d’un œil de lapin donnent 
sur la rétine des lignes de 1%*,5: chez la grenouille, 
placées à 15 centimètres, elles ont 0®#,6. Lorsque 
l'opération a été bien conduite, les clairs sont 
égaux aux noirs ; un excès de pose donne des traits 
sombres plus minces, qu'on a même parfois peine 
à trouver. La rétine du lapin offre une bande hori- 
zontale plus riche en pourpre rétinien. C'est là une 
disposition favorable : car, par la différence entre 
cette zone et les zones voisines, on juge très bien 
de l'influence plus ou moins grande exercée par 
la quantité de cette subslance. Pour avoir des 
images très régulières, Kühne recommande de 
choisir de préférence pour point de formation de 
ces images la région située au-dessous de la banda 
dont nous venons de parler, parce qu'elle est plus 
homogène que la partie supérieure. En examinant 
les couleurs produites dans ces oplogrammes avec 
divers temps de pose, on trouve que le pourpre 
rétinien, dans l'œil vivant, se décolore comme il le 
fait sur la rétine isolée ou dans la solution biliaire 
On constate dans tous les cas qu'au cours de la 
décoloration il résulte du mélange du pourpre el 
du jaune rétiniens les teintes rouge, rouge brique, 
orange, chamois, jaune. 

Au lieu d'employer la lumière blanche dans ces 
expériences, on peut faire usage de radiations 


RE 


19 
(9 


Dr G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 


colorées. Après ses premiers travaux, Boll croyait 
que chaque lumière monochromatique colorait la 
rétine d’une facon spéciale, que la lumière blanche 
seule la décolorait complètement. Mais on constata 
bientôt, et Boli lui-même le reconnut, que le vio- 
let, le bleu et le vert pouvaient agir comme la 
lumière blanche; le jaune et le rouge parurent 
d’abord inactifs. En réalité, même le rouge, la 
moins aclive des radiations, peut, à la condilion 
d’être assez intense, complètement blanchir la ré- 
tine. Ainsi, une grenouille placée en élé sous des 
verres rouges, en plein soleil, perd tout son pourpre 
rétinien en deux heures environ; quand on enlève 
la rétine, elle est noire de pigment, mais le micros- 
cope permet de constater que les bàätonnels sont 
incolores. On a même pu faire des optogrammes 
en lumière rouge: il faut beaucoup de temps, et 
aux endroits atteints par la lumière la rétine est 
rouge, orange, chamois ou jaune. Si, au contraire, 
on se sert de radiations très réfrangibles, on 0h- 
tient plus rapidement tous les phénomènes précé- 
dents, avec cette différence que les stades de déco- 
loration se composent de la gamme des roses. 

De celte étude, Kühne tire les deux conclusions 
suivantes très imporlantes : 

1 — Dans larétine vivante ou isolée, il n'y «, par suite 
de lu décomposition du pourpre rélinien, formation que 
d'un seul produit coloré, le jaune rélinien, qui, avec le 
+ pourpre non encore décomposé, donne à la rétine ses di- 
verses couleurs. 

2 — Dans laréqion duspectretrès réfrangible, le jaune 
rétinien est décomposé aussi rapidement que le pourpre ; 
la rétine se decolore alors par la gamme des roses, landis 


que, dans la région moins réfranaible, elle passe par 


lorangé, le chamoïs et le jaune. 

Ces deux conclusions du beau travail de Kühne 
sont irréfutables, elles ne font pour ainsi dire que 
résumer les résultats des expériences. 

IV 

Mais, quelle est l'influence de ces transforma- 
tions du pourpre rélinien sur la vision? Est-ce bien 
par l'intermédiaire des modifications apportées 
par la lumière dans le pourpre ou le jaune rélinien, 
que le protoplasma des cellules visuelles est excité? 
Ce qu'il y a de certain, c’est que la décomposition 
du pourpre rélinien n’est pas consécutive à l’exci- 
tation. Elle n’est pas, par exemple, comparable à 
l'acidité des muscles après la contraction; car le 
phénomène se produit sur le pourpre isolé en 
solution. La propriété d'être sensible à la lumière 
ne suflil pas pour qu'une substance puisse être 
considérée comme visuelle, il faut au moins 
encore qu'elle soit située au bou endroit. Ainsi, 
le pigment jaune de la #ueulu, qui est sensible 
à la lumière, ne peut cependant être considéré 


comme substance visuelle, car il se trouve dan: 
les couches antérieures de la rétine et n’est pa 
en rapport avec la membrane de Jacob. Voyoni 
donc où se trouve le pourpre rétinien. 

Le pourpre rétinien se trouve seulement sur les 
bätonnets des Vertébrés; par conséquent, che 
tous les Invertébrés etchez les Vertébrés n'ayant 
que des cônes, la vision se fait sans que cette 
substance inlervienne; c’est ce qui arrive, pa 
exemple, chez les serpents. Mais, de plus, chez 
l'homme, c’est la fovea surlout qui donne la vision 
la plus parfaite : or, elle ne contient que des cônes: 
ct, par suite, pas de pourpre, même après un long 


| 


# 


admettre que dans certains cas cette substances 
peut être incolore. 1 
S'il est vrai que chez certains animaux celle 

L 


substance soit le pourpre rétinien, la vision doib 
% 


n'ont jamais les grenouilles aveugles; elles n’onl 
que des bâätonnets décolorés, peut-être leurs cônes 


ces constatations démontrent qu'ils ont gardé 
faculté de voir. 


rélinien ne puisse être une substance visuelle. Il 
est d’ailleurs difficile d’en supposer une seule, pa 
suite des impressions si complexes que doit pe 
cevoir l’œil, comme intensité lumineuse et eomm 
variété de coloration. 

Aussitôt les conclusions de Kühne connues, le 
pourpre rélinien perdit une grande partie de sa! 
valeur. L'enthousiasme provoqué par la découverte 
de Boll avait élé trop grand: une réaction se pro 
duisit. Le fait qui parut le plus fâcheux fut l'absence 
du pourpre dans la fover; certes, celte substance | 
avait des propriélés remarquables, pouvait jouer 
dans l’œil un rôle peut-être important, mais com= 
ment en faire une substance visuelle, puisque 
c'était précisément là où elle manquait que la, 
vision était le plus parfaite? D'ailleurs le travail | 


259 


de. Cependant les propriétés de cette sub- 


citer à nouveau la sagacité des anatomistes et 
es physiologistes. Certains d’entre eux persis- 
ent à en faire une subslance visuelle, sans 
river à établir l'accord entre les divers phéno- 
nes cités par Kühne; Beauregard émit une idée 


Mes plus réfrangibles. 

Le Professeur Charpentier, de Nancy, et M. Pari- 
naud méritent une mention spéciale pour leurs 
recherches sur la sensibilité des diverses parties 
de la rétine. Ces travaux, publiés dans divers 
mémoires depuis plus de dix ans, quoique conte- 
nant parfois des opinions hypothétiques, mettaient 


en évidence des faits remarquables permettant de 


discuter sur de nouvelles bases les objections de 
Kühne. ; 

jé D'après Charpentier, il y aurait lieu de distinguer 
nettement la sensation purement lumineuse de la 
sensation chromatique. Lorsqu'on présente à l'œil une 
face lumineuse de plus en plus intense, on passe 
la première sensation à la seconde; ce passage se 
| rès rapidement dans la fovea, et l'écart auq- 
te en dehors d'elle. La fovea est moins sensible 
sensations, aussi bien lumineuses que chromatiques, 
o ses environs immédiats ; cet effet est surtout accusé 


artant delà, un élève de Charpentier, Bernardy, 
fait une tentative d'explication du rôle joué parle 
jourpre rélinien. Pour lui, ce pourpre servirait à la 
ceplion des sensations purement lumineuses ; 
is il se demande s’il intervient dans les effets 
omatiques. Encore il n'émet la première propo- 
ition que comme unehypothèse.Ilest d’ailleurs fort 

né par l'absence de pourpre dans la fovea, et sur 
ce point ne peutserallier à l’opinion de Kühneetde 
nders. Bernardy fait remarquer que le pourpre 
linien peut être à un état de plus grande insta- 


1 TR ner * LE Fe 
bilité dans le voisinage du pôle postérieur de l'œil, 


| où un réseau vasculaire très riche fait prévoir une 
| grande activité dans les échanges, et que, si le 
| pourpre est très rare dans la fovea, par contraste 
) avec les régions voisines, cette partie peut sembler 
t incolore; d'autant plus que la teinte rose trèsclaire 
qu'elle aurait, serait masquée par la couleur jau- 
nâtre des couches rétiniennes en avant de la foveu. 
Un fait qui viendrait à l'appui de cette hypothèse, 
| c’est que Kühne n’a jamais pu voir de pourpre dans 
les bätonnets du voisinage de la foveu. Peut-on 
\ admeltre une telle différence entre ces bâtonnets 


reprendre l'étude du rôle du pourpre rétinien et de | 


et ceux qui se trouvent à faible distance 1? 


y 


Trois auteurs viennent de faire paraitre les 
résultats de leurs méditations et de leurs travaux 
sur le rôle du pourpre rétinien ; cesont : Ebbinghaus 
(de Hambourg), Kænig (de Berlin) et Parinaud (de 
Paris). 

Le premier n'apporte aucun résultat expé- 
rimental nouveau ; il se serl de ceux des autres, 
cherchant à en tirer des conclusions. Kænig, au 
contraire, inspiré par la lecture du Mémoire 
d'Ebbinghaus, entreprend une série de mesures sur 
l'absorption des radiations par le pourpre et le 
jaune rétiniens et cherche à interpréter leur rôle. 
A cet effet, il adopte la théorie de la vision des 
couleurs de Young-Helmhollz, tandis qu'Ebbin- 
ghaus utilise celle de Hering ?. 

Quant à Parinaud, ses expériences sont orientées 
dans une voie peu explorée jusqu'ici; sa manière 
de voir sur l'utilité du pourpre rélinien et sur la 
vision des couleurs est absolument différente de 
celle des auteurs antérieurs, comme nous le verrons 
plus loin. 

Mais examinons ces {rois mémoires d'un peu 
plus près : 

Celui d'Ebbinghaus, intitulé « Théorie de la Vi- 
sion des couleurs », paru en 1893, est divisé en 
quatre parlies, dont la troisième seule nous inté- 
resse directement pour le sujet qui nous occupe. 


1 Je néglige en ce moment les travaux de Parinaud, cet 
auteur les ayant rapportés avec leurs conclusions dans un 
Mémoire de la plus haute importance, dont je parlerai plus 
loin. 

2 Théorie de la perception des couleurs. — On peut s’expli- 
quer l'impression différente produite par les diverses radia- 
tions colorées par une différence dans l'excitation des termi- 
naisons du nerf optique; mais cette hypothèse a paru, 
à la plupart des physiologisies, contraire à la doctrine de l’é- 
nergie spécifique des nerfs de Jean Muller, et ils ont préféré 
voir une différence dans l'élément anatomique lui-même ; nous 
verrons cependant que telle n’est pas l'opinion de Parinaud. 
En tout cas, il n'est pas nécessaire de supposer autant de ter- 
minaisons nerveuses que de couleurs ; l'expérience démontre 
que l'on peut produire toutes les impressions chromatiques 
à l'aide d’un petit nombre de radiations simples. 

Théorie de Young-Helmholtz. — 1] 3 a trois perceptions 
élémentaires, le rouge, le vert et le violet (bleu pour Kæœnig). 
Une perception lumineuse quelconque, celle d'une autre 
radiation simple par exemple, provient de la superposition de 
ces trois perceptions élémentaires dans un rapport déterminé. 
Helmholtz a tracé trois courbes correspondant à ces trois 
couleurs et donnant pour chaque radiation simple du spectre 
la quantité de rouge, de vert et de violet, qu’il faut prendre 
pour produire le même effet. C’est ce que l'on appelle les 
courbes de répartition du rouge, du vert et du violet dans le 
spectre. 

Théorie de E. Hering. — Hering admet aussi trois éléments 
de perception élémentaire, mais donnant lieu chacun, suivant 
le sens du phénomène, à des impressions complémentaires, 
blanc-noir, rouge-vert et jaune-bleu. Les deux sens du phé- 
nomène sont ce qu’il appelle l’assimilation et la désassimila- 
tion, la première donnant lieu au noir, au vert et au bleu, la 
seconde au blanc, au rouge et au jaune. 


260 


D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 4 


—_— 


Après avoir examiné la {héorie de Young-Helm- 
holtz et celle de Hering, Ebbinghaus opte pour 
cette dernière et admet que le pourpre rélinien 
est la substance visuelle correspondant à la per- 
ception jaune-bleu, et voici comment il justifie 
cette hypothèse: 

Le pourpre rétinien existe sous deux formes: 
une forme rouge, bien éludiée, existant chez la 
grenouille et le lapin ; une deuxième forme, plus 
violette, se trouvant chez l’homme et les Vertébrés 
supérieurs. L'une et l'autre absorbent les radia- 
tions du milieu du spectre solaire et laissent 
passer celles des extrémités. Le spectre d’absorp- 
tion occupe sensiblement l'espace compris entre 
les raies G et F de Frauenhofer; pour la forme 
violette, il s'étend un peu plus du côté des radia- 
tions à grande longueur d'onde, et en sens inverse 
pour la forme rouge. Les maxima correspondant 
à ces deux courbes d'absorption partagent l’es- 
pace D-E en trois parties égales. 

L'un et l’autre pourpre, éclairé par les radiations 
qu’il absorbe, se transforme en un jaune rétinien 
unique, dont le spectre d'absorption se trouve 
dans la région à courte longueur d'onde à partir 
de E-F environ, où les deux spectres chevauchent 
un peu l’un sur l’autre, comme cela résulte de la 
figure tirée du mémoire de Kühne. 

Pour rechercher les relalions existant entre ces 
faits el la perception des couleurs, Ebbinghaus 
s'adresse à un cas simple : au dullonien, pour lequel 
il n’y a dans le spectre que deux couleurs : le jaune 
et le bleu. 

L'endroit de plus grande intensité d'action du 
jaune dans le spectre solaire est entre les raies 


Det E ; chez lés uns il se trouve plus près de D, 


chez les autres il est voisin de E, etil n’y a pas de 
cas de transition; le maximum d’insensité du bleu 
est entre les raies F et G. Cela conduit à cette 
conclusion remarquable : 


| 


| 

| 1 

F G 

Fig. 4. — Courbes el spectres d'absorplion des deux variétés 
de pourpre rétinien et du jaune rélinien. — Les courbes 
indiquées sur la figure résultent des recherches de Kœnig 
et Dieterici; les spectres représentés au-dessous sont dé- 
duits des travaux de Kühne; le tout a été rapporté aux raies 
de Frauenhofer pour permettre la comparaison. Bien en- 
tendu, les courbes variant avec la nature de la source 
lumineuse, cette comparaison ne peut être qu'approxima- 
tive. 


Les endroits auxquels les deux groupes de daltoniens 


voient le marimum d'intensité du jaune dans le spectre 


| 


solaire, coëncident très exactement avec les régions où, se 
trouvent les maxima d'absorption pour les deux va- 
riétés de pourpre rétinien. Plus loin, le point où, pour 
les deux groupes de dalloniens, le bleu est le plus lumi- 
neux, correspond au maximum d'absorption du jaune 
rétinien. 4 

Ebbinghaus ne peut admettre que ces coïnci 
dences soient fortuites : aussi il n'hésite pas à en 
conclure que le pourpre rélinien est destiné à 
perception du jaune et le jaune rétinien à la pers 
ception du bleu. ‘21 

Voici finalement quel rôle il 
stances visuelles : 

Dans l'œil des daltoniens, ces substances vi 
suelles sont au nombre de deux: une blanche etle 
pourpre rélinien. La première, par sa transformas 
tion, donne lieu à la perception du blanc et du gris: 
L'influence de la longueur d'onde des diverses 
radiations sur cetle transformation peut se dé 
duire,si cette hypothèse est vraie, de la répartilions 
de l'intensité lumineuse dans le spectre pour les” 
achromatiques totaux, ou de l'étude du minimum 
d'excitation, les sensations élant alors uniquement 
lumineuses et nullement chromatiques. Quant au 
pourpre rétinien, sa transformation en jaune donnes 
lieu à la perception des radiations jaunes et cette 
deuxième substance joue le même rôle pour le 
bleu. Quand on a des radiations complexes, là 
décomposition simultanée du pourpre et du jaune 
réliniens peut donner la sensation blanche. 

Enfin, Ebbinghaus admet chez l'individu à vision 
normale une troisième substance, dont une pre 
mière transformation donne lieu à la perception 
du rouge, et une deuxième à la perception du vert, 
etil se demande si ce n’est pas cetle substance 
qui donne un aspect verdàtre à certains bätonnelss 
de la grenouille au lieu de la coloration rouge dun 
pourpre rélinien. — En somme, on voit que le més 
moire d'Ebbinghaus est surtout composé d'hypo# 
thèses. à 

Kœnig se proposa de reprendre d’abord l'étudés 
des coefficients d'absorption du pourpre et du jaune 
rétiniens de la grenouille; puis, après s'être fa 
miliarisé avec ce genre d'expériences, d'arriver à 
l'œil humain. Mais, l’occasion s’élant présentée : 
dès le début, d’avoir une rétine humaine dans de” 
très bonnes conditions, il en profila, ses appareilsn 
étant montés, pour faire une série d'observations" | 
C'est Le résultat de ce travail effectué en collaboï 
tion avec Mile Kôtigen qu’il vient de publier !, et 
est assez important pour être rapporté avec détail 


| 


attribue aux sub 


1 Pror. A. Kœxic et Mile KE. Kürrcex : Uber den men 
schlichen Sehpurpur und seine Bedeulung für das Sehens 
Sitzungsberichte der Küniglich Preussischen Academie de 
Wissenschaften zu Berlin. Classe vom 21 Juni 1894. 3 


D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 


261 


4 
; Y 
. La partie expérimentale du travail de Kœnig 
- comprend la détermination des coeficients d’ab- 
| sorption du pourpre et du jaune rétiniens pour 
- toute l'étendue du spectre lumineux. L'appareil 
J destiné à ces mesures était un spectrophotomètre 
- dérivé de celui de Vierordit et éclairé à l’aide d'un 
| bec Auer. Les substances soumises à l’expérience 
étaient dissoutes dans le liquide préconisé par 
* Kühne et, pouréviter. autant que possible, leur dé- 
composition par la lumière, elles n'étaient traver- 
-sées que par la région du spectre sur laquelle on 
-opérait. Le coefficient d'absorption fut déterminé 
« pour 12 longueurs d'onde équidistantes comprises 
- entre 640 py et 420 up; et la détermination de 
- chacun de ces coefficients résulte de la moyenne 
d'au moins 15 observations. 

L'œil employé fut énucléé par M. Schüler pour 
un mélano-sarcome de la grandeur d’une lentille, 
siégeant près de l’orra serrata. Dans toute la por= 
tion de rétine non lésée, l’acuité visuelle était 
| normale. Vingt heures avant l'opération, un ban- 
peu opaque fut appliqué sur l’œil ; on ne le sou- 
« leva que quelquefois, presqu'à l'obscurité, pour 
Praire des instillations de cocaïne. L'œil fut enlevé 
à la lumière du sodium, et porté à l’obscurité 


40 


près filtration, le lendemain on put, avec le 


liquide, remplir deux fois la petite cuve d'absorp- 


Men plus de ces premiers coefficients, on rechercha 
Mceux d’un mélange de pourpre et de jaune. Le 


ration, la solution n'était pas complètement 
impide, et la décoloration à la lumière du jour 
Jui laissait une teinte jaunâtre ; il fallait, par con- 
}Séqueni, tenir compte de l'absorption après déco- 
 loration. 

Les résultats de ces expériences sont consignés 
dans un tableau donnant les chiffres obtenus pour 
thaque solution et la valeur moyenne, plus la valeur 
de l'erreur probable dans chaque cas. Pour la lon- 
gueur d'onde 420 y, on trouve, au premier rem- 
plissage et à la moyenne, une valeur impossible 
du coefficient d'absorption. Nous ne donnerons pas 
| REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


ce tableau, il vaut mieux se reporter à la figure 5 
(page 262) sur laquelle ces résultats sont repré- 
senlés par une courbe. 


Absorption par le jaune rétinien. — Lors du 
deuxième remplissage de la petite cuve d'absorp- 
ton, la solution ne fut pas, après détermination de 
l'absorption par le pourpre rélinien, portée immé- 
diatement au grand jour, maisplacée dans un grand 
appareil spectral où on l’exposa aux radiations 
vertes, dont la longueur d'onde était environ 
520 py. Celte lumière ne produisit pas la déco- 
loration, mais la transformation en jaune réli- 
nien, puis on fit la même détermination que pour le 
pourpre. Celte solution, portée au grand jour, au 
lieu d’avoir la couleur rouge de la précédente, était 
d'un jaune ambré très intense; son spectre d’ab- 
sorption étail surtout prononcé du côté du bleu. 
Nous verrons plus loin si elle pouvait être consi- 
dérée comme ne contenant que du jaune rétinien 
ou s’il fallait y supposer un restant de pourpre. 

Cette partie du mémoire de Kænig, purement 
expérimentale, ne se discute pas; je regrette seule- 
ment que l’auteur n’ait donné aucun détail sur la 
facon dont il déduit les coeflicients d'absorption de 
ses expériences, 

VI 

Nous arrivons maintenant à l'interprétation du 
rôle joué par le pourpre et le jaune rétiniens. Ici 
Kühne est obligé d'introduire des hypothèses plus 
ou moins légilimes ; en tout cas, ses raisonnements 
sont très ingénieux el très séduisants. 

Occupons-nous d’abord du pourpre. Dès le pre- 
mier abord, une personne au courant de ces ques- 
tions, peut remarquer une grande analogie dans la 
répartition de l'absorption par le pourpre rétinien 
et celle de l'intensité lumineuse dans le spectre 
pour les achromatiques de naissance. D'après les 
recherches de Hering et celles de Kænig, c’esl 
encore la loi de répartition de l'intensité lors de 
l'excitation minima chez les dichromatiques et les 
trichromatiques !. IL est donc probable que l’ab- 
sorplion par le pourpre rétinien et la valeur de 
l'excitation produite par la lumière incidente sont, 
dans ces conditions, deux phénomènes variant dans 
le même rapport. Mais, pour pouvoir faire unecom- 
paraison exacte, il ya lieu d'observer queique chose 
de très important. 


1 Les trichromatiques sont les personnes ayant la sensation 
complète des couleurs : elles percoiventles trois couleurs fon- 
damentales dela théorie Young-Helmholtz;les dichromatiques 
sont ceux auxquels il manque le rouge ou le vert. Les achro- 
matiques n’ont aucune sensation colorée. Pour des lumières 
extrêmement faibles, les trichromatiques et dichromatiques ne 
percoivent que des sensations lumineuses nullement chroma- 
tiques. 

ç* 


262 


D' G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 


Supposons qu'effectivement l'impression lumi- 
neuse résulte de l’absorption de la lumière par 
le pourpre rélinien. Comme cette quantité de 
lumière dépend : 1° de l'intensité du faisceau inci- 
dent, 2° du coefficient d'absorption, il faut, pour que 
l'impression lumineuse soit proporlionnelle au 
coefficient d'absorption, qu’elle ne dépende que de 
lui, c'est-à-dire que l'intensité du faisceau incident 


ë.040 


0.14 
0.035" 

O.12 
0.030 

0.10 
©.025 

0.08 
0.020 .| 

0.06 
U.015 ; 
© 010 0.04 
©.005 0.02 

640 620 600 580 560 540 500 480 460 440 420 400 
Fig. 5. — Courbes montrant la proportionnalité de l'impression lumineuse à l'absorption par le pourpre rétinien. 


soit toujours lamême pour les diverses radiations. 
De plus, à quel moment cette intensité doit-elle 
être la même pour toutes les radiations? Au moment 
où elle tombe sur la couche de pourpre rélinien, 
c’est-à-dire après qu'une partie du faisceau incident 
aura été absorbée par les milieux quise trouventen 
avant. Il faut donc déterminer un spectre tel que 
chacune de ses radiations, après avoir traversé les 
milieux transparents de l’œil, tombe sur la couche 
de pourpre rélinien avec la même intensité, c'est- 
à-dire lamême énergie ; puis il faut tracer la courbe 
des impressions qu'éprouverail en regardant un tel 
spectre un achromatique lolal de naissance, puis 
celle d’un dichromalique ou un trichromatique 
lorsque l'intensité est assez faible pour être au 
minimun d’excitation. Si réellement la perception 


Coefficients d'absorption du pourpre rétinien. 

— + — Courbe des impressions lumineuses chez l'achromatique total. 
—++— Courbe des impressions lumineuses déduites de l'excitation minima. 
— —— Coefficients d'absorption du jaune rétinien. 

....... Répartition du bleu dans le spectre. 


de l'intensité lumineuse est proportionnelle à l’ab- 
sorptlion par le pourpre rélinien, les deux courbes 
ainsi déterminées doivent avoir leurs ordonnées 
proportionnelles à la courbe des coeflicients d’ah- 
sorptlion du pourpre !. Pour faciliterla comparaison, 
on a, sur la figure 5, choisi l'unité de longueur 
pour les ordonnées de chaque courbe en sorte 
qu'elles aient toutes la même ordonnée maxima. 


0.16 


L'analogie qui existe entre ces trois courbes, 
est, à mon avis, des plus remarquables, quand on 
songe à la complexité de la question. Dans l'in- 


1 Pour faire le calcul des ordonnées des courbes, Kœnig a 
utilisé les résultats de divers expérimentateurs ; voici quelles 
sont les sources auxquelles il a puisé : 

Pour la répartition de l'intensité lumineuse dans le spectré 
solaire chez lachromatique total : mesures de Donders, 
E. Hering, A. KϾnig cet C. Dicterici, en particulier ces der= 
nières sur un homme de 55 ans. 

Répartition de l'énergie dans le spectre solaire : S. P. Lan- 
gley. 

Absorption par le pigment de la macula lulea : chiffres 
déterminés par Sachs, dont on a pris la moyenne, faute d'au" 
tres indications. 

Absorption par le cristallin chez l’achromatique total # 
expériences faites spécialement sur un cristallin analogues 

Grandeur de l'excitation minima dans un spectre avec égale 


D' G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 


tervalle de 500 py. à 600 pp, elles se coupent plu- 
sieurs fois et il est impossible d'avoir une coïn- 
cidence plus parfaite. De 500 pp: à 400 pp. la courbe 
des coefficients d'absorption du pourpre est trop 
haute ; mais il ne faut pas perdre de vue que la lu- 
mière solaire, pour laquelle Langley a déterminé 
la répartition de l'énergie, était probablement 
plus riche en radiations très réfrangibles que la 
lumière définie comme donnant le spectre solaire 
et pour laquelle Les courbes ont été calculées. Il est 
aussi vraisemblable qu'il y ait eu quelque erreur 
sur l'absorption dans la macula. La petite diffé- 
rence, entre la courbe de l’achromatique total et 
celle des dichromatiques et trichromatiques, tient 
certainement à ce que, chez ces derniers, on a né- 
gligé l’aclion du cristallin. Mais, même en n'ad- 


- meltant aucune de ces raisons, la similitude des 


trois courbes est suflisante pour qu'on puisse con- 
sidérer l'absorption par le pourpre rétinien comme 
proportionnelle à l'impression lumineuse chez les 
achromatiques totaux, et chez les dichromatiques 
et lrichromaliques lors d’une intensité assez faible 
pour ne pas encore donner lieu à la sensation co- 
lorée. Il n'ya qu'une objection, qui reste Loujours : 
l'absence du pourpre dans la fovea signalée par 
Kühne; nous verrons plus loin ce qu'il faut en 
penser. 

Mais, arrivons à l'absorption par le jaune réti- 
nien. Immédiatement, on voit que le maximum 


- d'absorption de lasolution se trouve dans la région 


bleue du spectre, de sorte qu’en admettant que le 
pourpre serve à la perception des sensations lumi- 
neuses proprement dites, on peut se demander s’il 
n'y a paslieu de considérerle jaune rétinien comme 
jouant le même rôle pour le bleu. 


À 
… Pour vérifier cette hypothèse, Kœnig a construit 
F la courbe représentative du bleu dans le spectre 
… d’après des expériences failes par C. Dieterici et 


Kœnig sur des dichromaliques et des trichro- 


d matiques, où les résultats furent les mêmes. Cette 
£ courbe fut déterminée comme les précédentes, 


—… mais en négligeant l'absorption par les milieux de 


… l'œil, faute de données. 


—. En regardant les courbes tracées de cette façon, 


“on remarque immédiatement qu'à gauche de l’or- 
— donnée maxima la courbe de répartition du bleu 
“est trop haute. En second lieu, une ondulation très 


- répartition de l'énergie : recherches de A, Kænig en collabo- 
ration avec R. Ritter. 

Dans ce second cas on n'avait pas encore la valeur de 
l'absorption par le cristallin, aussi on n’a tenu compte que 
de celle de la macula lutea. 

Enfin, il fallait tenir compte de la différence d'épaisseur du 
pourpre dans la rétine et la solution ; pour cela, on a supposé 
le pourpre également réparti sur cette rétine. Tous ces chifres 
sont donnés dans un tableau ou l'on trouve aussi les valeurs 
des ordonnées des courbes. 


263 


nette vers la longueur d'onde 500 py fait voir que 
certainement il reste encore dans la solution du 
pourpre non transformé. Pour en tenir compte, 
Kænig fait à cet égard des suppositions absolument 
arbitraires ; il me semble bien plus logique d’indi- 
quer simplement la cause probable de l'erreur sans 
chercher à l'évaluer numériquement, ce qui est 


impossible. 


On peut aussi ajouter que le fait d'avoir négligé 
l'absorption par les milieux de l'œil, en parti- 
culier par le pigment jaune de la macuta, peut 
donner des écarts assez notables. 

Kœnig admet done que le jaune rétinien est la 
substance visuelle pour la perception du bleu; 
voyons comment cette hypothèse et la précédente 
vont se concilier avec d’autres faits expérimen- 
taux. 

Le point le plus important, celui devant lequel 
toutes les théories de la vision basées sur l'utilité 
du pourpre rélinien sont tombées, est la vision 
dans la Jovea centralis. Kœnig se propose de 
démontrer que ce qui a paru un écueil aux autres, 
vient à l'appui de sä théorie. Mlle Franklin, travail- 
lant dans le laboratoire de Kænig et se livrant à 
des recherches sur le minimum d’excitation des 
diverses régions de la rétine par les radiations 
simples, avait remarqué que, dans certains cas, un 
point lumineuxsitué au-dessous du point defixation 
disparaissail. Cette observation, vérifiée par plu- 
sieurs personnes, mérilait une étude plus appro- 
fondie de la vision au niveau de la fovea et de son 
entourage immédial. 

Si l’on regarde une lumière monochromalique 
d'intensité croissante, on a d’abord la sensation 
achromatique grise de l’excitation minima; ce n’est 
que plus tard que la perception colorée se produit. 
La lumière rouge fait exception, les deux phéno- 
mènes étant presque simultanés. Prenons, au con- 
traire, un point lumineux dont l’image rétinienne 
se fasse tout entière dans la /ovea ; lors de l’inten- 
sité croissante, il présentera immédiatement son 
caractère coloré, sauf pour un certain jaune de 
500 py environ. Il y a donc une très grande diffé- 
rence pour les perceptions lumineuses en dehors 
et en dedans de la fovea. Ce même phénomène 
peul se mettre en évidence d’une autre manière, 
encore plus instructive peut-être. La tête élant 
bien appuyée, on fixe un point monochromatique 
d'intensité décroissante. À un moment donné, il 
disparait sans perdre son caractère coloré. Si, à 
ce moment, on déplace légèrement l'œil, un point 
rouge continue à rester invisible, un point vert 
reparait comme point achromatique; un point 
bleu reparait avec sa couleur, puis devient achro- 
matique et enfin disparait. Les points jaunes dont 
il a été question plus haut deviennent presque 


264 


incolores avant leur disparition dans la fovea et 
ne semblent pas reparaitre par le déplacement. 

Voici les propositions émises par Kœnig pour 
expliquer ces phénomènes : 

1° Dans la fovea centralis à n'y « pas de pourpre 
rétinien : 

29 La sensation lumineuse achromatique se produisant 
lors de l'excitation minima, est due à la décomposition 
du pourpre rétinien ; 

3° La décomposition du jaune rélinien, résultant du 
pourpre, produit lu sensation du bleu. 

4° Les substances visuelles encore inconnues pour le 
rouge el le vert sont plus difiicilement décomposubles que 
le pourpre et-le jaune rétiniens. 

Si cela est vrai, la /oveu est aveugle pour le bleu, 
et les personnes dichromatiques ou trichroma- 
tiques ont une foveu monochromatique et dichro- 
matique. On peut déterminer la grandeur de la 
région jouissant de celte propriété, en regardant 
une série de points bleus d'intensité lumineuse 
convenable ; certains points disparaissent. Kænig 
a trouvé que, pour son œil droit, l'angle ausommet 
du eône de champ aveugle pour le bleu étail d’en- 
viron 70'; plus que le diamètre apparent de la 
lune. Aussi, tenant un bon verre bleu devant l'œil, 
arrive-t-il à faire disparaitre l'image de la lune 
dans la fovea. Il y a, bien entendu, quelque difli- 
culté à maintenir la fixation du regard, carinstinc- 
tivement on se sert du bord de la fovea: mais, avec 
un peu d'habitude, l'expérience réussit très bien. 
On peut se demander comment ce fait ne frappe 
pas tout lé’ monde; mais il suflit de se rappeler 
que la suppléance d'une tacheaveugle sur la rétine 
par les régions voisines se fait avec une perfection 
telle qu'il faut des procédés spéciaux pour mettre 
cette lacune en évidence. C'est le cas des parties 
cachées par les vaisseaux de la rétine, et surtout 
celui de la papille, punctum cæcum de Mariotte, qu'il 
est impossible de percevoir sans une expérience 
bien faile; ce n’est donc pas un argument à invo- 
quer. 

Kœnig, en faisant des études de couleurs com- 
plexes, a pu s'assurer de la parfaite cécité de sa 
fovez pour le bleu, et, en poursuivant son raison- 
nement, il arrive à une confirmation nouvelle de 
ses hypothèses. Si réellement le pourpre rétinien 
est la seule substance donnant lieu à la perception 
lumineuse, le reste servant aux phénomènes chro- 
matiques, les achromaliques totaux doivent être 
aveugles dans la fovea. C'est ce que l'expérience a 
prouvé sur un sujet amené chez Kœnig par M. Si- 
mon; aussi il n'hésite pas à formuler la proposi- 
tion suivante : 

D° Chez les achromutiques totaux, le pourpre rétinien 
est la seule substance visuelle, et le jaune qu'il fournit 
est indécomposable. 


Dr: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 
| 


Une observation venant à l'appui de celte ma- 
nière de voir, est que, chez les achromaliques, on 
trouve toujours une faible acuité visuelle, et sou- 
vent du nystagmus, le sujet se servant pour voir 
non pas de la fovea, mais des parties voisines; s'il 
ne s'y forme pas de point de fixation, il pourra se 
servir d'un point variable et il en résultera de 
petites oscillations du globe oculaire (rystiymus). 

Enfin, que doit-il se passer dans la vision avec 
les régions pourvues de pourpre rélinien, au voisi- 
nage de la fovea? Le pourpre rélinien se transfor- 
manten jaune donne lieu à une sensation purement 
lumineuse ; puis, lors d’une intensité plus grande, 
le jaune se décompose à son tour en donnant la 
perception du bleu; par conséquent, lors d'une 
source lumineuse croissante, on doit voir cette 
lumière virer au bleu. Ce fait a été étudié par 
M. F. Tonn chezles daltoniens pour le rouge, etchez 
les daltoniens pour le vert ; on n’a pas d'observations 
pour les trichromatiques. Cependant cette lacune 
a moins d'importance qu'il ne semble ; car on à vu 
que, pour les uns et les autres, la répartition de 
l'intensité lumineuse dans le spectre lors de l’ex- 
citation minima est la même, ainsi que la réparti- 
tion du bleu pour les grandes intensités: les résul- 
tats trouvés par M. Tonn peuvent done être 
considérés comme applicables aux lrichroma- 
tiques. 

Cet expérimentateur a étudié la répartition du 
bleu dans le spectre pour une! intensité lumineuse 
variant dansla proportion de 1 à 240 (fig. 6). Lors de 
faibles intensités, la courbe correspondante con- 
corde avec la courbe de perception lumineuse chez 
les achromaliques totaux; par transformation gra- 
duelle, l'intensité lumineuse allant en croissant, 
elle se rapproche de la courbe de répartition du 
bleu, déjà citée. Dans la figure 6, on a tracé cinq de 
ces courbes pour les intensilés relatives, 1, 10, 30, 
60 et 240 : le phénomène est nettement mis en évi- 
dence. Les différences entre ces courbes font voir 
qu'il y a décomposition du pourpre rétinien el 
décomposilion proportionnellement croissante du 
jaune. Les ordonnées ont été choisies en sorte que 
la surface comprise entre la courbe et l'axe soit 
toujours la même, c’est-à-dire qu'il y ait toujours 
la même quantité tolale de bleu dans le spectre. 

M. Tonn a aussi étudié la répartilion spectrale 
du rouge et du vert et a trouvé qu’elle ne variait 
pas avec l'intensité de la lumière employée; les 
courbes correspondantes sont représentées sur la 
figure (fig. 6). 

On conçoit que l'impression produite par un 
mélange de couleurs varie avec l'intensité totale 
du faisceau incident, quoique le rapport entre les 
intensilés des diverses radialions composantes 
reste le même ; il en résulte des perturbations 


(ns Lé 


; 
É 


u 


n. 


D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 265 


dans les lois du mélange des couleurs de Newton. 
De plus, si l’on prend deux faisceaux complexes ou 
simples de couleur différente, lorsqu'on aura pro- 


_duit approximativement l'égalité d’intensité, cette 


égalilé ne subsistera plus toujours quand l’inten- 
sité des deux faisceaux sera amplifiée dans la 
même proportion : c’est le phénomène signalé par 
Purkinje. Kœænig émet donc encore les deux pro- 
positions suivantes : 

6° Les exceptions à la loi du mélange des couleurs de 


= 


D ; 7 7 T T 
730 650 630 610 590 570 3550 530 510 


490 470 450 430 


une très bonne explication ; elle revient à peu près 
à celle de Kænig, mais elle est indépendante de 
toute hypothèse sur le pourpre ou le jaune réti- 
niens. Charpentier s'appuie simplement sur ce fait, 
qu'il a établi, que la courbe représentative des im- 
pressions en fonction de l'intensité ne suit pas la 
même loi pour les diverses radiations simples. 

En admettant ces interprétations de Kænig, il 
resterait, pour avoir une théorie chimique complète 
de la vision, à trouver les substances visuelles du 


Fig. 6. — Courbes montrant la répartition du rouge, du vert et du bleu dans le spectre. — 1, 10, 30, 60, 240 : 
Courbes représentatives de la répartition du bleu dans le spectre pour des intensités de ce spectre variant 
proportionnellement au chiffre marqué. — R : Courbe de répartition du rouge, la même pour tous les spectres. 
— G : Courbe de répartition du vert, la même pour tous les spectres. 


Newton et le phénomène de Purkinje s'expliquent par 
ce fuitque, lors de l'augmentation d'intensité du faisceau 
incident, le rapport des valeurs d'excitation pour les sensa- 
tions produites par la décomposition du pourpre rétinien 
et du jaune rétinien changent ; 

T° Le phénomène physiologique correspondant à la sen- 


…— sation du blanc n’est pas une augmentation du processus 


Fe 


produisant lu sensation grise de l'excitation minima. 
Hering avait cherché ailleurs la cause des excep- 


_tions à la loi de Newton, et l’attribuait à la diffé- 


rence d'absorption par les différentes zones de la 
macula ; il avait remarqué, en outre, que, pour des 
surfaces éclairées très petites, ces exceptions ne se 
produisent plus. Mais il suffit de remarquer que 
l'on tire de la théorie de Kæœnig une explication 
très simple du fait: pour de grandes surfaces lumi- 
neuses l'intervention du pourpre explique l’excep- 
tion à la loi de Newton; pour de petites surfaces 
l’image tombe entièrement dans la fovea, où il n’y 
a pas de pourpre et par suite pas de cause d’ex- 
ception. Charpentier a donné de ces phénomènes 


rouge et du vert. D'après certains faits observés 
par Kænig et Zumft, le lieu de perception de ces 
radiations serait dans l’épithélium pigmentaire. 
Des recherches récentes de Somya viennent aussi 
à l'appui de cette hypothèse : il paraïitrait que, lors 
de la perception du vert, on constate dans la cho- 
roïde de fines modifications; or la choroïde est 
tout contre l’épithélium pigmentaire. 

Quant aux cônes, Kænig leur attribue des pro- 
priétés absolument différentes qu'aux bàlonnets; 
ce seraient des appareils dioptriques destinés à 
concentrer la lumière en des points déterminés où 
se produit la perception du rouge et du vert; mais 
les arguments apportés par Kœnig à l'appui de 
cette manière de voir sont très faibles. Il faut tout 
de même signaler les faits observés par van Gen- 
deren Stort, Angelueci et Engelmann: sous l'in- 
fluence de la lumière, les cônes se raccourcis- 
sent, leur foyer se déplace par conséquent, et la 
perception du rouge et du vert se fait moins 
bien. 


266 


VII 

J'arrive maintenant à l'important mémoire de 
Parinaud. Le but que s’est proposé cet auteur, c’est 
de déterminer la sensibilité des différentes régions 
de la rétine pour les diverses radiations, et d’étu- 
dier comment cette sensibilité varie avec l'éclairage 
ambiant. L'instrument employé est un spectroscope 
dont la lunette a été remplacée par un tube portant 
un écran en verre dépoli, sur lequel il se formera 
un spectre. En superposant à cet écran un papier 
noir, percé d'un trou d’épingle, on aura un point lu- 
mineux très pelit, permettant d'éludier la sensi- 
bilité de régions très limitées de la rétine pour une 
radiation quelconque. En remplaçant le trou par 
une fente, on fera la même étude pour des régions 
plus étendues. L’intensité lumineuse se règle au 
moyen d'un diaphragme à ouverture variable, placé 
contrelalentille du collimateur,eLilestévident que. 
pour une radiation donnée, la sensibilité de la 
réline est en raison inverse de l'ouverture du dia- 
phragme. Les recherches ont porté sur les radia- 
tions correspondant aux raies de Frauenhofer. 

Dans une première série d'expériences, Pari- 
naud a éludié la sensibilité de surfaces assez 
étendues de la rétine pour les différentes radia- 
tions: 

1° Après un séjour de vingt à trente minutes à 
l'obscurité absolue: c’est ce que l’auteur appelle 
réline adaptée ; 

2° L’expérimentaleur recevant, sans que son œil 
soit protégé, la lumière diffuse ambiante dans les 
conditions où la vision s'exerce ordinairement : 
rétine non adaptée. 

Prenant comme unilé la sensibilité correspon- 
dant aux raies E et F de Frauenhôfer, voiei celles 
pour les autres radiations d'un bec Auer; il est 
évident que les résultats varient un peu suivant 
la source lumineuse employée : 


Rétine adaptée....... 


Raies de Frauenhôüfer À B C D EIRE CRE 
1 
= — — { 
400 AUD 1 
l 1 


étine non adaptée. RE ee _ 
100 100 60 4100 500 1500 

Les mesures pour la réline non adaptée devien- 
nent très difficiles dans larégion violette. 

Ces résultals, traduits en courbes (fig. 7), 
encore plus frappants. 

On voilneltement sur ces courbes qu'il estimpos- 
sible de déterminer la répartition de l'intensité 
lumineuse dans un spectre, ni même le point où 
cette intensité passe par un maximum, car l’adap- 
tation plus où moins grande de la réline conduit, 
suivant les cas, à des résultals différents. L’in- 
fluence de celte adaptation, nulle pour les radia- 
lions rouges, vaen augmentant : mesure qu’on se 


sont 


D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 


déplace vers le violet: mais il y a un fait des plus 
remarquables. L'accroissement de sensibilité ne 
porte pas sur la sensation chromatique, mais seu- 
lement sur l'intensité lumineuse de la couleur, qui, 
tout en paraissant plus lumineuse, semble moins 
salurée, c'est-à-dire que ladaptation produit la 
même impression que si l’on ajoutait de la lumière 
blanche à la radiation colorée. Finalement, sous 
une très faible intensité, la sensibilité pour la sen- 


A BC D E F G h 


1500 


Fig. 7. — Courbes de la sensibilité de la réline. — La courbe 
supérieure donne la sensibilité de la rétine adaplée, la 
couche inférieure celle de la rétine non adaplée. 

sation lumineuse l'emporte si bien que la radia- 

ion colorée la plus pure parait blanche. Bien 

entendu, cet effet ne se produit pas pour le rouge, 
qui, n'étant pas influencé par l'adaptation, aura 

toujours son caractère chromatique. On arrive à 

ce fait que, l’excitant restant le même, la sen- 

salion varie. 

Une seconde série d'expériences a pour but la 
comparaison de la sensibilité de la fovea avec les 
régions voisines, et le résullat de celte étude est 
que la modification fonctionnelle créée par l'adap- 
lation est nulle dans la fovea. Il y a pour la rétine 
adaptée la même différence entre la fovea et les 
parties voisines que celle qui existait, dans les expé- 
riences précédentes, entre la rétine nonadaptée el . 
la rétine adaptée. A la lumière il n’y a pas de dif- 
férence entre la fovea et les parties voisines; aussi 


D' G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 


267 


toujours, dans cette fovea, a-t-on immédiatement 
la sensation chromatique, quelle que soit intensité 
du point lumineux soumis à l'expérience. 

Cette étude n’est pas aisée, car, lors de la rétine 
adaptée, la fovez étant moins sensible que les 
parties voisines, il est très difficile d'y maintenir 
l'image d’un point; instinctivement on l'amène sur 
le bord plus favorable à la vision : dans ces condi- 
tions, il faut un véritable exercice pour arriver à 
faire de bonnes observations. 

La mise en évidence de l'adaptation de la rétine 
a, à mon avis, une importance de premier ordre, 
outre les déduclions qu'en tire Parinaud. Elle 
permet, en effet, de se rendre compte du désaccord 
existant entre les divers observateurs et des excep- 
tions se produisant lors du minimum d'excitation 
- pourlerouge. 

Nous voilà done en présence de trois faits : 
1. Influence inégale de l'adaptation pour les 
diverses radialions ; - 
2. Influence sur la sensibilité lumineuse seule- 
M menti; 
| 3. Influence nulle dans la fovea. 

On en conclut immédiatement que les cônes sont 
étrangers à l'accroissement de sensibilité causé 
par l'adaptation, et que cette fonction ne peut ap- 
partenir qu'aux bâtonnets et au pourpre rétinien. 
L'action de la lumière est donc différente pour les 
cônes et pour les bätonnets. Voyons à quelles mo- 
difications elle peut correspondre. 

Nous connaissons : 

1. Les transformations du pourpre rétinien (Boll, 
Kühne, etc.) ; 

2. Des déplacements du pigment, connus sous 
le nom de migration du pigment (Brücke, Boll, 
Czerny, Angelucci, Kühne, etc. !); 

3. Des variations dans la forme des cônes (An- 
gelucci, van Genderen Stort, Engelmann). 

Mais il y a une différence considérable entre la 
première de ces modificationset les deuxsuivantes : 
elle seule ne se produit que sous l'influence de la 
lumière, les autres peuvent être obtenues par des 
excitations quelconques, électriques, calorifi- 
. ques, etc. Le pourpre rélinien a donc un rôle 
prépondérant comme élément spécifique. Si on se 
- rappelle ses propriétés et qu'on cherche à les 
rapprocher des résultats expérimentaux de Pari- 
naud, comme lui, on arrive fatalement à cette 
conséquence que c'est l’impression des cônes par les 
radiations simples qui nous donne la sensation de cou- 
leur, tandis que, les bâtonnets et le pourpre ne don- 
nent qu'une sensation lumineuse achromatique. 

Parinaud fait remarquer que la perception des 
—. sensations lumineuses pures n'appartient pas ex- 


6 


1 Voir le détail à la fin de l’article. 


clusivement aux bâtonnets ; elle se fait aussi au 
moyen des cônes, l’action des bâtonnets étant sim- 
plement surajoutée principalement pour la vision 
nocturne. La fonction chromatique est cérébrale ; 
il n’est pas nécessaire de supposer dans la rétine 
des organes de perception et dans le nerf optique 
des conducteurs spéciaux pour diverses radiations, 
les fibres optiques ayant un pouvoir analogue à 
celui du fil du téléphone, qui transmet indistinc- 
tement tous les sons quels que soient leur hauteur 
et leur timbre !. 

Les bätonnets et le pourpre étant principale- 
ment destinés à favoriser la vision nocturne, les 
individus chez lesquels cette substance fera défaut 
seront atteints d’'héméralopie. Cela se présente, ac- 
cidentellement chez certains hommes et normale- 
ment chez certains animaux, la poule par exemple. 
Chez les oiseaux de nuit, au contraire, on devra 
trouver une rétine (rès riche en pourpre rélinien ; 
on sait que c’esteffectivement lecas chez le hibou.Je 
ferai cependant observer que, d’après Kühne, chez 
certaines espèces de chauves-souris, les bälonnets 
seraient dépourvus de pourpre. 


VIII 


Enfin, Parinaud aborde une question extrème- 
ment délicate : Par quel mécanisme le pourpre ré- 
tinien produit-il l'augmentalion de sensibilité de 
la rétine? 

L’excilabilité des terminaisons du nerf optique 
devient-elle plus grande ou y a-t-il accroissement 
de l'intensité de l'excitation ? 

La première hypothèse explique difficilement 
l'énorme différence qu'il y a, pour certaines radia- 
tions, entre la rétine adaptée et la rétine non 
adaptée ; de plus, pourquoi le rouge et le jaune ne 
bénéficieraient-ils pas de la même action ? 

Comment peul-il y avoir accroissement dans 
l'intensité de l'excitation ? Helmholtz, Setchenow, 
Becquerel, étudiant la vision du spectre ultraviolet, 
avaient déjà cherché à expliquer cetle visibilité 
par la fluorescence de la rétine. Ils avaient élé 
obligés de renoncer à cette hypothèse, les phéno- 
mèênes de fluorescence observés étant beaucoup 
trop faibles pour pouvoir être invoqués. D'ailleurs, 
à quoi élaient-ils liés? Ewald et Kühne ont dé- 
montré qu'ils étaient dus au pourpre rélinien et 
qu'ils variaient beaucoup suivant les cas. Le 
pourpre rélinien donne lieu à une fluorescence 
blanche ; pour le jaune provenant du pourpre mo- 
difié, la lueur est verte et elle s’accentue lors de la 


1 Je me demande si cette «explication des perceptions chro- 
matiques ne rencontre pas quelques difficultés, en présence 
de certains cas d’altération unilatérale de la vision des cou- 
leurs. 


268 


décoloration du jaune sur une rétine isolée. La 
fluorescence de la rétine blanche est bien plus 
faible lorsque la décoloration s’est produite sur 
l'animal vivant. L'on conçoit dès lors que Helm- 
holtz et Setchenow,ayant observé des rétines extir- 
pées à des animaux n'ayant pas subi l’obseuration 
préalable, ne devaient pas trouver le phénomène 
bien accusé. 

Lorsque la rétine, par suite de l'adaptation, s’est 
fortement chargée de pourpre, elle peut donner 
lieu à une fluorescence blanche très intense; mais, 
comme on le sait, cette action ne se produira que 
sous l'influence des radiations à courte longueur 
d'onde. Divers auteurs ont fait voir, en effet, que la 
partie la moins réfrangible du spectre ne produi- 
sait pas la fluorescence ; le pourpre n'aura donc au- 
cune action sur laperceplion des radiations à grande 
longueur d'onde, ce que l'expérience a fait voir. 

Parinaud ne pense pas que celte fluorescence 
soit d'ordre purement physique, mais il la consi- 
dère comme analogue à celle que présentent les 
pyrophores, c’est-à-dire d'ordre physico-chimique 
et donnant lieu à une mise en liberté d'énergie, 
car, en même Lemps qu'elle se produit, il y a dé- 
veloppement de forces éleclro-motrices variables 
suivant l’état de la rétine el son éclairement, ainsi 
que l'ont fait voir Holmgreen, Dewar, J. Chatin. 

Le phénomène de Purkinje, dont j'ai déjà parlé, 
trouve dans celle théorie son explication loute 
naturelle ; les différences observées lors de la va- 
rialion d'intensité des lumières soumises à l’expé- 
rience tiennent simplement à une adaptation plus 
ou moins grande de l'œil. 

On voit que, si la théorie de la vision des cou- 
leurs n'est pas encore bien établie, certains points 
paraissent au moins très vraisemblables. Les 
auteurs récents dont nous venons de rapporter les 
travaux paraissent s’accorder pour assigner au 
pourpre rélinien un rôle important dans la per- 
ceplion des sensalions lumineuses ; c’est d’ailleurs 
la seule chose sur laquelle ils s'entendent à peu 
près. Quant à ce qui est de la perception des effets 
chromatiques, il y a déjà désaccord entre Ebbing- 
haus et Kœnig, le premier adoptant la théorie 
de Hering et faisant des dérivés du pourpre rélinien 
des substances pour la perception du bleu et du 
Jaune, le second se ralliant à la théorie de Young- 
Helmholtz, les dérivés du pourpre ne servant qu'à 
percevoir le bleu. Parinaud s'écarte complètement 
des autres auteurs: les bâlonnets elles dérivés du 
pourpre ne jouent, pour lui, aucun rôle dans les 
phénomènes chromatiques : il rejette toute théorie 
basée sur la perceplion de trois ou quatre couleurs 
élémentaires à l’aide de substances visuelles et de 
terminaisons nerveuses distinctes ; l’effet d’une 
radiation quelconque peut être perçu par un 


D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 


cône quelconque et transmis par la fibre optique 
correspondante aux centres où se développe la 
sensation chromatique. Pour moi, c'est à la théorie 


de Parinaud que je me rallie de préférence, au 


moins pour l’ensemble des faits ; mais il n’y a pas 
lieu ici de rapporter toutes les objections que l’on 
pourrait faire à Ebbinghaus et à Kænig. 


IX 


Pour compléter celte étude, il y aurait un der- 
nier point à élucider : comment se produisent les 
transformations inverses de celles quenous venons 
d'étudier? Le pourpre rétiniense forme-t-il à l’aide 
de matériaux nouveaux pour donner le jaune ré- 
tinien, puis un produit incolore, ou la transforma- 
lion exactement inverse peut-elle se produire sous 
certaines influences ? On conçoit l'importance de 
cette question à propos de la théorie de Hering. 


Un fait remarquable semble appuyer cette dernière 


manière de voir: des solutions biliaires de pourpre 
rétinien, bien débarassées d'alcool et d'éther,après 
décoloration à la lumière du jour, peuvent dans 
l'obscurité reprendre quelque couleur. Au bout de 
40 minutes environ on peut arriver au jaune clair, 
au bout de deux heures au rose pâle. Ce phénomène 
peul se reproduire plusieurs fois, mais il est tou- 
jours peu accentué. Voyons ce qui se passe sur la 
rétine. Une rétine de grenouille reprend sa couleur 
à l'abri de la lumière au bout de 4 à 2 heures lors- 
qu’elle est en place ; séparée, elle reste décolorée 
ou présente les phénomènes que nous venons de 
signaler pour la solution des pourpres réliniens. 

De même, une réline en place ne se décolore 


qu'au bout de 3 minutes, alors que, danslesmèmes M 
conditions, une rétine séparée ne demande qu'une 


demi-minute pour être blanche : il y a donc dans 
les couches sous-jacentes à la rétine une cause 
puissante de régénéralion. On ne peul altribuer 
cette action à la nutrition par la circulation dans 
le réseau vasculaire choroïdien ; voici, en eflet, une 
expérience de Kühne très probante à cet égard. On 
expose une grenouille à la lumière vive : enlevant 
un œil et l'ouvrant, on vérifie quela rétine est déco- 
lorée ; on extirpe alors l’autre œil; il est, par cela 
même, dépourvu de circulation et, malgré cela, la 


régénération du pourpre rétinien se produil à peu 


près aussi rapidement que sur l'animal vivant, 
c'est-à-dire en une ou deux heures. On peut, du 


reste, varier l'expérience : détachonslaréline d'une « 


grenouille avec Loutes les précautions indiquées 
précédemment, portons-la à la lumière, puis, une 
fois décolorée, remettons-la en place, à l'obscurité; 
elle aura repris sa couleur en moins d'une demi- 
heure. Ce temps, moindre que dans l'expérience 
précédente, peutsembler étonnant :c’estqu’icinous 


avons seulement détruit le pourpre rélinien; les . 


É: : 


V.-B. LEWES — LA SYNTHÈSE INDUSTRIELLE DES HYDROCARBURES 269 


RE —————————— 


_ matériaux de réserve des couches sous-jacentes 

ont été ménagés. Dans le premier cas, au contraire, 

. sur l'animal vivant la décoloration n’était produite 

que lorsque les couches élaient provisoirement 

_épuisées. Je n’indiquerai pas les autres variantes 

de cette expérience, qui d’ailleurs peut aussi se 

. faire sur des Mammifères, mais plus difficilement. 

. C’est donc dans la couche des cellules pigmen- 

_laires qu'il faut chercher la matière première du 

. pourpre rélinien. Mais quelle est-elle ? Capranica 

considérait qu'elle consistait en une substance 

- jaune colorant des globules très réfringents qui se 

trouvent dans ces cellules pigmentaires; cette opi- 

_ nion n'a pas obtenu la faveur des biologistes. 

Aujourd'hui on attribue ce rôle au pigment qui se 

… trouve à la partie interne et dans les prolongements 

- protoplasmiques de ces cellules, et sur lequel la 
- lumière à une action évidente. 

J'ai, en effet, déjà dit, lors de la descriplion des 

optogrammes, que les parties de rétine exposées à 


la lumière avaient une grande tendance, lorsqu'on 
les enlevait, à entrainer avec elles le pigment sous- 
Jacent. Cela tient à ce que, sous l'influence de J'ex- 
citation lumineuse, le protoplasma pousse de véri- 
tables jets entre les cônes el les bâtonnets, et le 
pigment suit la même marche. Ce fait est connu 
sous le nom de migration du pigment ; il ne peut se 
mettre en évidence qu’à l’aide de préparations his- 
tologiques délicates, dont la technique est exposée 
dans les traités d’anatomie microscopique, entre 
autres dans celui de M. Ranvier. Pourquoi le pig- 
ment se déplace-t-il ainsi? C'est ce que l’on ne 
peul pas dire encore : c’est à des recherches ulté- 
rieures à décider si ce phénomène est, comme 
beaucoup de physiologistes tendent à le penser, en 
relation avec la régénération du pourpre rétinien. 
C'est un des points importants à élablir mainte- 
nant. D' G. Weiss, 
Professeur agrégé de Physique 
à la Faculté de Médecine de Paris. 


‘La combinaison directe du charbon et de l'hydro- 
- gène dans l'arc électrique est une véritable syn- 
+ thèse, et, si nous pouvions former, de celte façon, 
de l’acétylène en quantité suffisante, il serait très 
facile d'obtenir, en partant de l’acétylène, tous les 
; autres carbures d'hydrogène qui peuvent être em- 
—… ployés pour l'éclairage. Si, par exemple, on fait pas- 


“à peine visible, il se convertit rapidement et facile- 
ment en benzol; à une plus haute température on 
obtient de la naphtaline, tandis que, par l’action de 
l'hydrogène, il peut se former de l'éthylène et de 
léthane. Du benzol nous Lirons facilement l’ani- 
line el toute cette série de magnifiques substances 
“colorantes qui, depuis vingt-cinq ans, font les 
“délices du beau sexe, tandis que l’éthylène, ob- 
“tenu de l’acétylène, peut facilement être converti 
en alcool éthylique par l'acide sulfurique et l’eau; 
“on peut, à nouveau, tirer de l'alcool une riche 
“variété d’autres nee organiques, de sorte 
que l’acétylène peut, sans exagération, être con- 
“sidéré comme une des grandes clefs de voûte de 
l'édifice organique, et, une fois qu'on aura trouvé 
pue méthode peu coûteuse et pratique de le pré- 

_ parer, il est difficile de prévoir tous les résultats 
“quil sera possible d'eblenir par la suite. 
… En 1836, on reconnut que, lorsqu'on prépare le 
“potassium en distillant du carbonate de potasse 
3 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


ns 


* LA SYNTHÈSE INDUSTRIELLE DES HYDROCARBURES 
EMPLOYÉS À L'ÉCLAIRAGE 


uni à du carbone, il se forme de petites quantités 
d’un produit accessoire, composé de potassium et 
de carbone, que l'éau décompose avec dégagernent 
d'acétylène; en même temps, Wôühler, en faisant 
fondre un alliage de zinc et de calcium avec du 
carbone, obtint un carbure de calcium, el vit dans 
ce corps la source d’où l’on pourrait obtenir de 
l’acétylène par l’action de l’eau. 

Aucun autre résultat ne fut obtenu jusqu’à l’an- 
née 1892: cette année-là, L. Maquenne prépara du 
carbure de baryum en chauffant à une haute tem- 
pérature un mélange de carbonate de baryte, de 
magnésium en poudre et de charbon de bois; le 
produit, traité par l’eau, dégageait de l’acétylène. 
Un peu plus tard, Travers fit du carbure de cal- 
cium en chauffant ensemble du chlorure de calcium, 
du carbone et du sodium. Toutefois, aucun de ces 
procédés ne promettait de donner des résultats 
pratiques au point de vue commercial, car le 
prix naturellement élevé du potassium, du sodium, 
du magnésium, ou du mélange calcium-zine qu'il 
fallait employer, rendait {rop coûteuse la produc- 
tion de l’acétylène au moyen des carbures. 

Par l'emploi du four électrique, M. €. L: Wilson 
a récemment remarqué qu'un mélange contenant 
de la chaux et de l’anthracite en poudre, se trans- 
forme, en fondant sous l'influence de la Llempéra- 
ture de l'arc, en une masse lourde, semi-métal- 

ç** 


270 


V.-B. LEWES — LA SYNTHÈSE INDUSTRIELLE DES HYDROCARBURES 


lique. Il examina celte masse; comme elle n'étail 
pas ce qu'il cherchait, il la jeta dans un baquet 
d'eau: le bouillonnement violent de l'eau qui en 
résulla indiqua le dégagement rapide d’un gaz, 
dont l'odeur intense força l'attention de l’expéri- 
mentateur ; au contact d’une flamme, le gaz brüla, 
donnant une flamme fumeuse, mais cependant 
lumineuse. 

M. L.T. Wilson, en étudiant la cause de ce phé- 
nomène, vitbientôt que, dans un four électrique con- 
venablement construit, de la craie ou de la chaux 
broyée menu, mélangée avec du carbone en poudre 
sous une forme quelconque, que ce soit du charbon 
de bois, de l’anthracite, du coke, du charbon ou 
du graphite, peut se fondre on formant un composé 
connu sous le nom de carbure de calcium, conte- 
nant 40 parties en poids de l'élément calcium, 
base de la chaux, et 24 parties de carbone; si l'on 
y ajoute de l’eau, une double décomposition se 
produit : l'oxygène de l'eau se combine avec le 
calcium du carbure pour former de l'oxyde de 
calcium ou chaux, tandis que l'hydrogène s’unit au 
carbone du carbure pour former de l’acétylène. Le 
coût du gaz ainsi produit permet non seulement de 
l'employer directement dans le commerce, mais 
encore de s'en servir pour produire une grande 
quantité d’autres composés. 

La production du carbure de calcium au moyen 
de la chaux et de toute espèce de carbone nous 
rend pratiquement indépendants du charbon de 
terre et de l'huile, et met dans nos mains le pre- 
mier agent par lequel la Nature produit vraisem- 
blablement ces grands emmagasinements souler- 
rains de combustible liquide si largement utilisés 
aujourd’hui. 

Le carbure de calcium est une substance gris 
foncé, ayant un poids spécifique de 2,262; lorsqu'il 
est pur, une livre anglaise de cette substance pro- 
duira, en se décomposant, à pieds cubiques, 
3 pouces (un mètre cube 60) d'acétylène. Mais, à 
moins qu'il ne soit très frais, et qu'on ait pris des 
précautions pour le préserver de l'air, la surface 
extérieure est légèrement attaquée par l'humidité 
atmosphérique, de sorte que, dans la pratique, la 
production ne dépassera pas cinq pieds cubiques 
(un mètre cube et demi). Toutefois, la densité el 
la dureté de la masse la garantit beaucoup contre 
l'action atmosphérique, de sorte que, lorsqu'elle 
est en morceaux, elle ne s'altère pas très vite; au 
contraire, à l’état de poudre, elle est influencée 
rapidement. 

L'acétylène qu'on en tire, lorsqu'on dose ce gaz 
en l’absorbant avec le brome, — et, à litre de con- 
trôle, par l'argent, — donne 98 °/, d'acélylène el 
2 0/, d'air, et des traces d'hydrogène sulfuré, la 
présence de celle impureté élant due à des traces 


de sulfate de chaux —- gypse — existant dans la 
chaux employée à sa fabrication, et à des pyrites 
qu'on rencontre dans le charbon employé. 

L'acétylène est un gaz clair, sans couleur, à 
odeur extrémement pénétrante, ressemblant un 1. 
peu à celle de l'ail; son odeur forte offre une très 3 
grande sécurité quand on l'emploie, puisque la … 
moindre fuite se perçoit de suite; il est certains 
que son odeur est tellement forte qu'il serait abso- LA 
lument impossible de pénétrer dans une chambre 
contenant une quantité dangereuse de ce gaz. Î 

Cela est un point très important à signaler, car M 
les recherches de Bistrow et de Liebreich montrent 
que le gaz est toxique: il se combine avec l'hémo- 
globine du sang pour former un composé similaire « 
à celui que produit l'oxyde de carbone; mais le 
grand danger de ce dernier gaz, c'est que, n'ayant | 
pas d'odeur, sa présence ne se révèle qu'aux pre- 
miers symptômes d'empoisonnement, tandis qu'on 
n'a point à craindre un pareil danger avec l’a- 
célylène. 5 

L’acétylène est soluble dans l'eau et dans la 
plupart des autres liquides, et, à la température - 
et à la pression ordinaires de 60° Fahrenheit et ” 
30 pouces de mercure (76 em.), 10 volumes d'eau - 
absorberont 11 volumes du gaz; mais, dès quele gaz 
est dissous, l'eau, étant saturée, cesse de l'absorber. # 
De l’eau déjà saturée de gaz de houille Le 
pas l’acétylène si facilement, tandis que le gaz est 
pratiquement insoluble dans de l’eau salée saturée, 4 
—. 100 volumes d’une solution de sel saturée ne 
dissolvant que 5 volumes du gaz. Le gaz est bien 
plus soluble dans l'alcool, qui, à la pression et à 
la tempéralure normales, absorbe six fois son 
propre volume d’acétylène, tandis que 10 vo- 
lumes de parafline, dans les mêmes conditions, 
absorberont 26 volumes du gaz. C’est un gaz lourd, 
ayant un poids spécifique de 0,91. 

Lorsqu'on approche une lumière de l'acétylène, 
il brûle avec une flamme lumineuse et très fameuse ; 
et lorsqu'un mélange d'un volume d'acétylène « 
et d’un volume d'air est allumé dans un cylindre, « 
une flamme d’un rouge terne descend le long dun 
cylindre, en laissant derrière elle une masse de“ 
suie, et en répandant une épaisse fumée noire. 
Lorsque l'acétylène est mélangé avec une fois 
etun quart son propre volume d'air, le mélange | 
commence à être légèrement explosif, la violence 
explosive augmentant jusqu'à ce qu’elle atteignem 
un maximum avec environ douze fois son volume 
d'air, et elle diminue graduellement jusqu'à ce 
que, avec un mélange d’un volume d'acélylène pour 
vingt volumes d'air, ce gaz cesse d'être explosif. 

Le gaz peut être condensé en liquide par la pres: 
sion ; Andrew admet qu'il se liquéfie à une pression 
de 21,5 almosphères, à une température de 0° C., 


hs AI 


+ « 


LM ER Las pote 


- landis que Cailletet avance qu'à 1° C. il a besoin 
- d’une pression de 48 atmosphères. Le liquide ainsi 
produit est mobile, et extrêmement réfringent ; 
- quand on le répand dans l'air, le passage du liquide 
-à l'état gazeux absorbe tant de chaleur qu'un peu 
- du liquide qui s'échappe est converti en un solide 
semblable à la neige, qui prend feu quand on y 
applique une lumière, et brûle jusqu'à ce que le 
“solide se convertisse en gaz et soit consumé. 
. Dans mes recherches sur le pouvoir lumineux de 
“a flamme, j'ai fait voir que tous les carbures 
d'hydrogène présents dans le gaz de houille el 
- autres flammes lumineuses sont convertis en acé- 
“iylène par la cuisson qui a lieu dans la zone 
intérieure non lumineuse, avant qu'aucun effet 
«lumineux se soit produit, et que c’est l’acély- 
- lène qui, par sa décomposition rapide à 1200° LÉ 
fournit la flamme lumineuse avec ces parcelles de 
carbone qui, chauffées à l’incandescence par des 
agents divers, donnent à la flamme le pouvoir 
d'émettre de la lumière. L'acétylène apparaissant 
ainsi comme une source de lumière, on croirait 
- que nous avons dans ce gaz le plus puissant des 
- hydrogènes carbonés gazeux éclairants, et l'expé- 
. rience montre que tel est le cas. 
“_ Par suite de sa richesse intense, l'acétylène peut 
seulement être consumé dans de petits becs à 
“flamme plate, mais, dans ces conditions, il émet une 


D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


19 


11 


lumière plus grande que celle donnée par tout 
autre gaz connu, son pouvoir éclairant, calculé 
pour une consommation de à pieds cubiques (1"50) 
à l'air, n'étant pas au-dessous de 240 bougies. 


POUVOIR ÉCLAIRANT DES CARBURES POUR UNF CONSOMMATION 
DE 5 PIEDS CUBIQUES (150) DE GAZ 


Bougies 
Méthane terme 5e 
DEN NO EREPERRRE = 39.7 
PrOpPANE ee... 06,7 
Bthylènet 70.0 
Buthylene st ne 123,0 
Acélyleness. 1" 240.0 


Il est établi que le carbure peut être produit à 
environ £ # (100 fr.) la tonne; on en déduit que 
ce produit aura un grand avenir devant lui, car 
une tonne produira 11.000 pieds cubiques de gaz 
(environ 4.000 mètres cubes). La chaux délaissée 
comme un produit accessoire coùterait 10 shil- 
lings (12 fr. 50) la tonne, et le gaz coûterait ainsi 
6 sh. 41/2 d. par 1000 pieds cubes (8 fr. par 330 mè- 
tres cubes, soit 2 fr. 40 par 100 mètres cubes), et, 
en pouvoir éclairant, il serait égal au gaz de houille 
de Londres à 6 pence (0 fr. 60) les mille pieds 
cubiques. Sa production facile le rendrait propre à 
l'éclairage à la campagne, tandis que son grand 
pouvoir éclairant le rendrait utile pour enrichir les 
gaz de houille pauvres ‘. 

Prof. Vivian B. Lewes, 


de la Society of Arts de Londres. 


Le nombre des travaux et mémoires qui parais- 


logie que dans n'importe quelle branche des 
sciences, et il est superflu d'insister sur la difficulté 


“et il demande à la Société Zoologique de France 
“détudierun projet qui présenterait de grands avan- 
“ages. Il propose de réunir les différents recueils de 
bibliographie zoologique en une seule publication 
| qu'un bureau central, international, placé par 
exemple près d'une grande bibliothèquezoologique, 
à Londres ou à Naples, serait chargé de préparer. 
En outre, et c’est là ce qui constitue l'originalité 
du projet, ce bureau confectionnerait des fiches 
dont chacune porterait le titre de l’ouvrage avec 
Vindication très brève du sujet traité. Ces fiches 


1 Mém. Soc. Zool. France, 1894. 


REVUE ANNUELLE 


DE ZOOLOGIE 


seraient classées dans un index 44 hoc et pour- 
raient être envoyées aux abonnés. Ce bureau de- 
xrait, en outre, informer sans retard chaque abonné 
de la publication de tout ouvrage touchant à l'ob- 
jet de ses recherches. Il suffirait d'indiquer au bu- 
reau les points sur lesquels chacun veut être ren- 
seigné et de s'abonner aux fiches correspondantes. 
Lesindications portées sur les fiches pourraient être 
très courtes. Field donne comme exemple : Nitsche, 
Studien über das Eichwild. Zool. Auz. XI. p. 181-191, 
qu'on pourrait caractériser ainsi : Anatomie, Dents, 
Ramure (Tératologie) ; jambe (squelette). 

Ce système offrirait des avantages que chacun 
peut apprécier, et sa réalisalion ne parait pas pré- 
senter de bien grandes difficultés, car il ne serait 
pas plus difficile de faire, pour la science, ce que 
font certains bureaux qui découpent, dans les 
journaux politiques, les articles intéressant leurs 
abonnés et les leur envoient. 


1 Résumé d’un travail que l’auteur vient de présenter à la 
Society of Arts de la Grande-Bretagne et de publier dans le 
journal anglais Nature (n° 1317). 


212 


C’est en grande partie afin de faciliter ou de sup- 
primer des recherches bibliographiques très 
longues et très pénibles que la Société Zoologique 
d'Allemagne a conçu un projel vraiment considé- 
rable : la publication d’un ouvrage qui s'inli- 
tulerait Das Work Species Animalium recentium, sorte 
de catalogue raisonné de toutes les espèces ani- 
males actuellement vivantes ou connues aux temps 
préhistoriques, décrites jusqu'à ce jour ‘. Le nom 
de chaque espèce serait suivi de la synonymie, de 
données bibliographiques, d'une description suf- 
fisante et d'indications géographiques. Une Com- 
mission, composée de MM. Brauer, Carus, Düder- 
lein, Ludwig, Môbius, Schulze et Spengel, s'occupe 
actuellement de cette importante queslion el s’est 
déjà entendue avec différents zoologistes pour faire 
paraitre, le plus tôt possible, trois premiers vo- 
lumes comprenant un grand groupe de Vertébrés, 
d'Arthropodes et d'animaux inférieurs. M. Büttger 
s'est engagé à faire les Anoures ou un groupe de 
Reptiles, M. Ortmann un groupe de Crustacés 
Décapodes, et M. Ludwig, les Holothuries. Déjà, à 
la réunion de la Société Zoologique qui s’est tenue 
à Munich, du 9 au 11 avril 1894, M. Orlmann a pré- 
senté le manuscrit relalif au genre Palinurus et 
M. Ludwig celui des Molpadides. 

IL y a donc lieu d'espérer que cette grande entre- 
prise ne reslera pas à l’état de projet. Mais, pour 
que cette publication remplisse son but et four- 
nisse aux Zzoologisies des documents vraiment 
uliles, il faut qu'elle fixe l’élat de la science à un 
moment donné; il faut qu'une fois commencée, 
elle se continue activement et soil rapidement ter- 
minée. Quoi de plus inutile, dans leur ensemble, et 
de plus grotesque, que ces ouvrages commencés 
il y a trente ans el qui ne sont pas encore achevés 
aujourd’hui, dont les premiers volumes, vérilables 
fossiles de la science, n'ont de commun que le 
nom avec ceux qui paraissent maintenant! Il est 
donc nécessaire quele nombre des collaborateurs 
soit assez élevé pour que chacun puisse lerminer 
le groupe dontil s'est chargé dans un laps de 
temps très court, quelques années au plus. Les spé- 
cialistes ne manquent pas qui pourraient se parta- 
gerla besogne, etla Société Zoologique d'Allemagne 
trouverait, si son œuvre doit être internationale, 
des collaborateurs assez nombreux pour que tous 
les manuscrits lui fussent remis en temps utile. 

Cette publication constiluerail un monument 
impérissable à l’usage des zoologistes du siècle 
futur, auxquels elle transmettrait l'état de la z00- 
logie à la fin du xix° siècle, qui, pendant ces trente 


1 Senurze, Bericht d. Commiss. f. die Species Animaliumn 


recentium. Verhdl. d. Deults. zool. Gesell. auf, d. vierste Jah- 
resversammlung, 1894. 


D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


“et 2. et b) pourvu d’un granule nucléinien qui 
; Il 5 


dernières années, a vu éclore lant de travaux im- 
portants. k 

Afin d'établir un certain ordre dans cette Revue, 
où je ne puis effleurer que quelques sujets, j'exa- 
minerai suctessivement, autant que cela est pos- 1 
sible, les travaux relatifs à l'organisation et au . 
développement des Animaux, puis ceux qui se. 
rapportent à la Zoologie pure, à l'étude des Faunes 
et à la Géographie zoologique. 1 


I. — PROTOZOAIRES. 


Depuis 1880, époque où Laveran découvrit les. 
parasites endoglobulaires qui causent l'impalu- … 
disme, ces êtres et quelques formes voisines ont 
été beaucoup étudiés, mais à peu près exelusive- 
ment par des médecins, qui, n'ayant en Zoologie 
que des connaissances très vagues, avaient émis 
sur l'évolution de ces organismes les idées les plus 
invraisemblables. Labbé! a repris l'étude des pa-. 
rasites du sang des Vertébrés, qui passent, soit 
leur existence entière, soit une partie au moins, 
à l'intérieur des globules, en laissant de côté les « 
questions de clinique ou de pathologie, et en se. 
plaçant au point de vue purement zoologique. 
Envisagé de celte manière, le sujet était presque 
complètement neufet l'auteur est arrivé à des ré- 
sultats fort intéressants ?. Il a été amené à dis- 
linguer chez ces êtres deux groupes très nelte- 
ment dislinets. Les Æ:emosporidies où H:æmogréqu- 
rines (fig. 4, 2 el 3), qui forment le premier 
groupe, se développent dans l'intérieur d’un glo- 
bule de Vertébré à sang froid. Ils s'y présentent 
d'abord sous forme d'un organisme allongé (fig.1.4 


s’entoure d'une membrane, acquiert une forme 
grégarinienne et sort du globule (fig, 4, 4, et 2, c) 
pour mener, dans le sérum, une existence libre, au: 
cours de laquelle des conjugaisons (fig. 1, «) pour- 
ront même avoir lieu. Lareproduction est toujours 
intraglobulaire. Les parasites rentrent par l’extré- 
mité pointue dans un globule, s'y recourbent de 


1 Arch. Zool. Exper., 3° série, t. IL. 

2 D’après Labbé, le nombre des espèces animales hébergeants 
des parasites endoglobulaires est relativement restreint. Less 
Invertébrés n’en ont jamais présenté, pas plus que les Pois- 
sons. Parmi les Batraciens, on n'en trouve que chez la Gre 
nouille (R. esculenta) qui est fréquemment infestée par plu= 
sieurs espèces différentes. Parmi les Reptiles, c’est chez les 
Lézards et les Tortues d'eau douce qu’on en rencontre le 
plus souvent. Il n’est pas rare d'en observer chez les Oiseaux, 
mais il est curieux de constater que, tandis qu'en Italie la 
plupart des espèces sont infestées, à Paris et dans le Nord de 
la France, quelques espèces seulement (Alouette, Pinsonÿ# 
Etourneau, Geai) renferment des parasites. Enfin, parmi less 
Mammifères, l'homme est le seul qui présente, dans les cas 
d'impaludisme, des parasites endoglobulaires. ; 

Tout récemment, A. Billet (C. R. Soc. Biologie, 1895) a cons 
taté l'existence de ces parasites chez les Ophidiens. 


D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZUOLOGIE 


213 


façon à faire coïncider leurs deux bouts et devien- 
_ nent sphériques: ils s’entourent d'une membrane 
et forment un kyste ou eyloryste (fig. 3, a), qui 
_ donne naissance à des sporozoïles (fig. 3, db, e, d) 
renfermant chacun une partie du noyau divisé (il 
. ya toujours un nucléus de reliquat »). Les spo- 
rozoïtes, mis en liberté par la rupture du kyste et 


= ; 


“Diverses phases de la reproduction du Drepanidium 
Fig. 4. — Halleridium du sang de l'Alouette : p 
mwæba du sang de l'Homme ; 4, parasite endoglob 
eos du sang du Pinson; parasite endo 


globulaire (a 
du globule, pénétreront dans un nouveau globule 
recommenceront le cycle d'évolution que je viens 
. de résumer. ; 

Les Gymnosporidies (Gig. 4, 5 et 6) passent toute 
eur existence dans l’intérieur d’un globule, géné- 
lement d'animal à sang chaud. Le parasite qui 
pénétré dans le globule, y prend, soit une forme 
aæ@boïde, soit une forme en croissant (fig. 4, 5el 


: kyste, se divise en un ecerlain nombre de sporo- 
I20ïles (fig. 4,c, d, —5, 6, —et 6, c, d)avecnucléus de 
reliquat. Il y a des formes disporées (Halteridium du 


d 
| 


a), puis se transforme en spore qui, sans donner | 


sang de l’alouette, fig. 4) et monosporées (H:emamaæba 
de l’homme, fig. 6). Quant à la forme flagellée, ou 
polymitus (fig. 7.), considérée par les auteurs 
comme un stade de développement, ce n’est qu’un 
produit artificiel dû au refroidissement du sang 
quand il sort de l’animal : c'est une forme #ou- 
ranle; elle prend naissance dans les préparations. 


Fig. 3 Fig. 6 Fig. 7 
e. Fig. 1-7. — Parasiles endoglobulaires du sang des Vertébrés, d'après Labbé. 
US. 1. — Drepanidium du sang de la Grenouille; 4, parasite endoglobulaire dans son globule ; b, parasites libres: €, con- 
ugaisons, — Fig. 2. — Danilewska du sang du Lézard; à, b, phases endoglobulaires; €, parasites libres. — Fig. 3. — 


3,4, Cytocyste; b, ce, division du contenu du cytocyste; d, sporulation. 
arasites endoglobulaires (4,b) et sporulation (c,d) 
ulaire ; b,c et 4 


. — Fig. 5. — Hæma- 
, différentes phases de la sporulation. — Fig, 6. — Pro- 


et sporulation (b). — Fig. 7. — Polymitus d'Halleridium. 


Les aflinités des parasites endoglobulaires sont 
fort intéressantes. Les Hæmosporidies ne diffèrent 
des Grégarines que par leurs kystes, qui ne sont 
Jamais intracellulaires chez ces dernières, et des 
Coccidies que par leur phase libre: elles relient 
donc ces deux groupes de Sporozoaires. Comparées 
aux Grégarines, les Hæmosporidies offrent une 
infériorité incontestable: la dégradation parasi- 
taire est encore plus sensible chez les Gymnospo- 
ridies : celles-ci sont des Coccidies acystiques à 
phase adulte amæboïde et dégradées par une 
| Sporulation intracellulaire. 


2714 


D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE ; 


Aussi Labbé divise-t-il les Sporozoaires en : 
Cytozoaires, qui, pendant une période au moinsde 
leur existence, ont une vie intracellulaire (Gréya- 
rines, H:emosporidies,  Coccidies, Gymnosporidies) et 
Hislozoaïires, qui n'ont pas de stade d’accroissement 
intracellulaire (Hyxosporidies, Microsporidies, Sar- 
cosportdies). 

Les autres travaux qui se rapportent aux Pro- 
tozoaires ne présentent point l'importance du pré- 
cédent : je ne signalerai que ceux qui traitent de 
la division chez ces êtres. Les phénomènes s'y pré- 
sentent souvent avec des caractères étranges, bien 
différents de ceux que l’on est habitué à rencontrer 
chez les Métlazoaires. 
Ainsi Blochmann!, chez 
les Euglènes, et Schau- 
dinn ? chez les Fora- 
minifères, ont décrit 
des modes de division 
très particuliers. Rom- 
pell * a observé les cen- 
trosomes chez un Infu- 
soire parasite des Ve- 
balia : c’est la première 
fois qu'onles rencontre 
chez les Infusoires, el 
Ischikawa * a reconnu 
que, chez les Noctilu- 
ques, ces corps se for- 


——— 


ponges siliceuses, appartenant aux familles des 
Homorhaphidés, Hétérorhaphidès, Desmacidonidés et 
Azxinellidés, et en suivre l'évolution dès les pre- 
miers stades de la segmentation et de la forma- | 
tion des feuillets, dont l'étude n'avait pas été abor- 

dée par Delage. Voici, d’après Maas, comment 
s'opère la métamorphose : La larve présente une 
couche de cellules externes flagellées, recouvrant 
une masse cellulaire centrale. Lorsque la fixation 
est opérée (fig. 8), les cellules externes perdent 
leurs flagella (et) et s'enfoncent dans la massse 
centrale, dont les cellules subissent en même 
temps une différenciation : les unes (e) s'aplatis- 
sent et, se portant vers 
la périphérie, s’étale- 
ront en une couche con- 
Linue, qui est l’ectoder- 
me définitif, où lapisse- 
ront les cavités sous- 
dermiques; les autres 
(ñ) resteront en place et 
constilueront les divers 
éléments du parenchy- : 
me de l'Eponge. Pen- 
dant ce temps, les cel- 
lules primitivement ex- 
ternes qui s'étaient in- 
vaginées, s'organisent | 
par pelits groupes; cha- 


ment aux dépens du Fig. 8. — Coupe d'une larve de Clathria Coralloïdes, wne sons deviendra nee 
protoplasma. minute après sa fixation, d'après Maas. — ect, cellules ec  beille vibratile, dont la 
todermiques flagellifères de la larve s’invaginant dans la + Rarege AR 4 
DR 4 masse des cellules centrales m; certaines de ces dernières  SENÈSE est inter prélée 
IT. — SPONGIAIRES. le Vo MEN ES 7 Ù Fe | 
cellules (e) se portent sur la pe riphérie et se constituent en d'une manière un peu 
“ couche externe continue, qui deviendra l’ectoderme définitif me, 
Les recherches les de l'Eponge; sp. spicules. différente par Delage et 


plus récentes sur le dé- 

veloppement des Eponges ont abouli à des résul- 
lats qui renversent complètement les idées an- 
ciennes sur la signification de l'organisme chez 
ces animaux. Il y a deux ans à peine qu'à la suite 
de ses recherches sur l'embryologie de quel- 
ques Eponges siliceuses, Delage est arrivé à cette 
conclusion surprenante que l’épiderme de l'Éponge 
adulte est constitué par des cellules primitive- 
ment internes, tandis que les cellules externes de 
la larve rentrent à l’intérieur après la fixation. 
Ces résultats étaient en désaccord formel avec les 
Opinions courantes et ils avaient été admis avec 
quelques réserves par les zoologistes. Ils viennent 
d'être confirmés tout récemment par Maas, dont le 
travail offre le plus grand intérêt. Ce savant a pu 
étendre ses recherches à un certain nombre d'E- 


1 Biol. Centralblatt. Bà XIV. 

2? Zeils. f. wiss. Zool. Ba LVII. 

3 Zeils. f. uiss. Zool. Bd LVIII. 

4 Journ. Coll. Sc. Japan. vol. VII. 

5 Zool. Jahrbücher. (Abth. f. Anatomie) Bd VIT. 


par Maas. 
Nüldecke! a confirmé, chez la Spongille, la pé- « 
nétration, dans l'intérieur de la larve, des cellules . 
externes flagellées ; mais il admet que ces cellules 
se résorbent complètement et ne sont l'origine 
d'aucune formation. Ces divergences d'opinion ne 
larderont pas, sans doute, à être expliquées: mais 
le fait important, et désormais acquis à la science, 
qui se dégage de ces recherches, c'est qu'il n'est 
plus possible de considérer les Eponges comme « 
des animaux à trois feuillets, dont l’'endoderme 
formerait les corbeilles vibratiles. Les deux feuil-. 
lets primaires s'établissent, chez la larve, par les. 
procédés ordinaires, mais c'est là le seul carac- 
tère que les Eponges partagent avec les Méta- 
zoaires, car, dès que les deux feuilletssont formés, w 
le développement prend une allure toute particu-. 
lière. Il se produit une véritable inversion des 
feuillets, une partie de l’endoderme produisant les 
cellules de recouvrement de l'Éponge adulte, 


! Ibid. Bd, VIII. 


D' R. KŒHLER — REVUE 


ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


bo 


rh) 


dis que l’ectoderme s’enfonce dans les tissus 
profonds et fournit probablement les éléments des 
corbeilles vibratiles. 


= 


IT. — VERS. 


Les recherches entreprises par Jammes! sur 
Nématodes montrent que certains organes 
de ces êtres ont une structure plus simple qu'on ne 
dmettait jusqu'à maintenant. Ainsi, pour cet 
auteur, les dispositions fort complexes, qui ont élé 
crites avec beaucoup de détail dans le système 
veux des Ascaris en particulier, n'existent pas. 
e système nerveux et la couche granuleuse cons- 
tuent un seul et même tissu résultant de la trans- 
| formation de l’ectoderme après qu'il a sécrété la 
 cuticule. La plupart des cellules de cet ectoderme 
_se transforment, comme on sait, en fibrilles anas- 
| fomosées: les autres conservent leur forme et 
persistent au sein de la couche de fibrilles; on les 
| retrouve chez l'adulte, en différents points : elles 
sont particulièrement nombreuses autour du pha-- 
px ef au voisinage des orifices génital et anal. 
L Mais on ne saurait voir, dans ces amas de cellules, 
des ganglions distincts : encore moins peut-on 
parler de xefs à trajet compliqué. Le système 
nerveux ne s’est pas séparé de l’ectoderme chez 
es Nématodes parasites, et ce caractère parait dû 
: la présence d’une cuticule, car il semble d'autant 
plus accentué que l'adaptation au parasitisme est 
“plus marquée. En effet, chez les formes libres où 
Ia cuticule est très mince, les cellules qui entourent 
Vœsophage se différencient en un collier nerveux 
distinct ?. $ 
L'étude du développement a conduit le même 
auteur à des résultats très intéressants. La seg- 
m_omentation de l’œuf, régulière, aboutit à la for- 
mation d'une morula pleine qui, par délamination, 
e partage en une couche ectodermique et une 
masse centrale de protendoderme; un nouveau 
clivage sépare ensuite le mésoderme, qui s’écarte 
de l’endoderme, tout en conservant avec lui des 
communications sous forme de ponts protoplas- 


m_offre donc un caractère mésenchymateux et se 
“présente comme un schizocèle comparable à celui 
des Plathelminthes ; seulement,tandis que.chezces 
- derniers, le caractère mésenchymateux du méso- 
derme s’accentue de plus en plus, chez les Néma- 
odes, ce feuillet, en se régularisant, prend la dis 


1 Recherches sur l’organisation et le développement des 
Nématodes. Thèse de doctorat ès sciences naturelles, Paris. 
1894. 

ë. 2 Villot a déjà reconnu que, chez les Gordius, le cordon 
nerveux ventral ne peut pas être séparé de l'hypoderme, avec 
les éléments duquel il est en continuité; ses observations 
sont confirmées par Jammes. 

= 


$, 


pe 


-miques traversant la cavité générale. Ce feuillet 


position épithéliale que l'on connait et limite une 
cavité générale spacieuse. Cette . ressemblance 
dans le mode de formation du feuillet moyen chez 
les Plathelminthes et les Némathelminthes doit 
être notée avec soin, car elle établit entre ces deux 
groupes un lien de parenté qu'on n'avait pas en- 
core soupçonné. 

Je suis obligé de passer très rapidement, mal- 
gré l'importance qu'ils présentent, sur les nom- 
breux travaux dont les Plathelminthes ônt été l’ob- 
jet: beaucoup de ces travaux sont surtout descrip- 
tifs, tout en renfermant des données anatomiques. 
Tels sont les mémoires de Loos ‘sur les Distomes 
des Poissons et des Batraciens d'Allemagne, de 
Monticelli ? sur les Trématodes endoparasites {avec 
une étude anatomique d’un Distome qui vit dans 
les canaux gastrovasculaires du Beroe ovata et qu’à 
cause de la forme de sa ventouse l’auteur a appelé 
D. calyprocotyle), de Will * sur le Caryophyllæus, de 
Stiles { sur l'appareil excréteur des Tænias, d'Ols- 
son * sur les Cestodes de Suède, de Goto ÿ sur les 
Trématodes ectoparasites du Japon. Ce dernier au- 
teur a discuté avec beaucoup de talent les homolo- 
gies des différentes parties del’appareil génital des 
Plathelminthesetil montre en particulier quele ca- 
nal de Laurer des Endoparasites et le canal vitello- 
intestinal des Ectoparasites sont des formations 
homologues. Jesignalerai également plusieurs mé- 
moires sur la Bilharzia hæmatobia, dont l'étude pa- 
rait être à l’ordre du jour et qui a fait l’objet des 
recherches de Sonsino ‘, de Loos $, et de Lortetet 
Vialleton *. Les deux savants français viennent de 
publier uneimportantemonographie de ce Distome: 
mais, malgré leurs efforts, ils n'ont pu découvrir 
l'hôte intermédiaire de la Bilhareia. 


IV. — ARTHROPODPES. 


Le mémoire que Roule ‘ vient de publier sur 
le développement du Porcellio est un des rares 
travaux où le développement d’un Crustacé soil 
suivi, sans idée préconçue, depuis les débuts de 
la segmentation jusqu'à la formation des organes. 
Les données que nous possédions sur cette ques- 
tion élaient très incertaines, soit par suite du 
manque de renseignements surles premiers stades, 
soit à cause de la préoccupation constante que les 


1 Bi_lioth. Zool. Bd. XVI. 

2 Zool. Jahrbücher, Bd. VII. 

3 Zeits. f. wiss. Zool. Bd. LVI. 
1 Centralblatt f. Bakler. u. Parasitk. Bd. XI. 

5 Svenska Vel Acad. Handl. Bd. XXV. 

6 Journ. Coll. Sc. Japan; vol. VIT. 

7 Atti Soc. Toscan. Sc. Nat., vol. IX. 

8 Loos ir Læeucxarr. Die Parasilen des Menschens. Bd. 
, p. 519-5928. 

% Annales Univers. Lyon. T. IX. 

10 Ann. Sc. Nat. Zool., Te série, t. XVIII. 


= 


276 


auteurs avaient de retrouver les indices d’une 
gastrulation. D'après les observations de Roule sur 
différents types, la gastrula n'’existerait pas chez 
les Crustacés et l’on aurait toujours confondu avec 
une invagination gastrulaire la formation du s/o- 
modeur qui fournit une portion importante de l'ap- 
pareil digestif. N’est-il pas étrange, en effet, qu'on 
décrive une gastrula par embolie précisément chez 
des Crustacés, tels que l'Écrevisse, qui sont des 


D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


= end 
L 
EX 4 Fast 
Fig. 9. — Formalion des feuillets embryonnaires chez les Crustacés Edriophthalmes, d'après Roule : coupes 


transversales d'embryon de Porcellio à dif{érents stades : 


ect, ectoderme; p, protendoderme se différen- 


ciant en endoderme end et en mésoderme »;n, chaîne nerveuse. 


types très modifiés ‘et dont l'embryogénie est con- 
densée ? 

Roule s'est donc proposé de revoir très atlen- 
tivement les premières phases du développement 
des Crustacés et il a commencé par les Edrioph- 
thalmes. Ila choisi deux types, le Porcellio seaber et 
V’'Asellus aquaticus, qui peuvent servir d'exemple 
pourmontrer l’uniformité génétique du blastoderme 
malgré les différences dans le mode de segmenta- 
tion. L'œuf de l’Asellusest, en effet, petit, relative- 
ment pauvre en vitellus et il subit une segmenta- 
tion totale, mais inégale; chez le Porcellio, au con- 
traire, il est gros, riche en vitellus et offre une ci- 
catricule qui seule subit la segmentation. Malgré 
cette différence, l'œuf se convertit dans les deux 
cas en une planulr formée d’un blastoderme à une 
seule couche entourant une masse centrale de vi- 
tellus (fig. 9). Des cellules nées par division sur la 
face interne de ce blastoderme (#t) pénétreront 
dans le vitellus et donneront naissance à un tissu 


| files régulières de cellules qui s’enfoncent dans le 
vitellus, qu’elles découperont comme à l'emporte- : 
pièce (fig. 9, e, end); puis, se recourbant par leur » 


bord libre, ellesiront à la rencontre l’une de l’autre 
pour se réunir et se souder (fig. 9, d). Le tube ainsi 
formé est l’entéron, limité par des cellules endo- 
dermiques ; il est tout d’abord rempli de vitellus, 


derme. 
Ce mode de formation du blastoderme et des 
feuillets. embryonnaires s’observerait, d’après 


Roule, non seulement chez la plupart des Crusta- 


cés, mais encore chez beaucoup d’autres Arthro- 


podes, el il serait assez disposé à le considérer 


comme caractéristique de ce groupe. J'aurai sans 
doute l'occasion de revenir plus tard sur ce sujet, 
car cel auteur annonce une série de mémoires sur 
le développement des Arthropodes. 

Il ne peut pas être question, bien entendu, d’é- 


; a 
mésenchymateux (y) qui représente le protendo-. 


a 


4 
derme. Ces cellules émeitent des expansions pseu- | 


dopodiques et se nourrissent du vitellus à la ma-. 
nière de phagocytes. Elles naissent d'abord sur 
toute l’étendue du blastoderme, mais leur forma=si 
tion ne tarde pas à devenir plus active dans deux" 
régions symétriques (fig. 9, b), parallèles à l'axe 
longitudinal de l'embryon, de chaque côté de la“ 
future ligne médiane ventrale; il en résultera deux 


qui sera résorbé ; quant aux cellules mésenchyma- 
teuses restées en dehors, elles deviendront le méso- 


tent quelque peu du type observé chez les 
driophthalmes, on peut citer les Cirrhipèdes. 
après les récents travaux de Groom !, le seg- 
entation de l’œufest totale et inégale et lespetites 
cellules ectodermiques entourent une grosse cel- 
lule centrale chargée de vitellus, comme chez l'A- 
lus. Au pôle opposé au pôle germinatif, cette 
ernière fournira un certain nombre de cellules 
ésodermiques, puis elle se divisera en cellules 
“endodermiques qui perdront leur vitellus pen- 
dant que l'intestin se faconnera. Il y a ici un rac- 
courcissement du développement qui n’a rien d'é- 
tonnant chez des êtres aussi modifiés que les 
irrhipèdes. 
2 Ces mêmes Crustacés ont aussi fait l’objet des 
recherches de Gruvel?, qui aétudié différents points 
de l’organisation des Balanes et des Lépadides 
- adultes. Il s'est rendu compte du mode de forma- 
tion du test des Balanes, dont la partie interne est 
“sécrétée par le manteau, landis que la partie ex- 
“terne est formée par des glandes particulières. Il 
“démontre l'absence d'un cœur, déjà nié par moi- 
_même , mais dont l'existence était admise tout der- 
Miérement encore par Nussbaum, et il prouve quela 
“circulation du liquide nourricier dans le capitu- 
lum et dans le pédoncule des Lepadides s'effectue 
räce aux contraclions du corps. Il confirme mes 
“observations sur la structure des éléments ner- 
veux et il a pu s'assurer que l'œil, loin d’être, 
“omme le prétendait Nussbaum, un organe atro- 
phié et inutile, peut recevoir les rayons lumi- 
neux et être impressionné par eux. Le même au- 
“eur nous donne des renseignements très précis 
Sur les appareils d'excrétion des Cirrhipèdes. Les 
brganes rénaux, découverts par Hoeck, sont des 
Sacs clos ne s’ouvrant pas à l'extérieur chez l’a- 
…lulte : ce sont des reins d’accumulation, ainsi que 
je l'ai déjà indiqué; toutefois, les produits qu'ils 
éxcrèlent peuvent passer, par osmose, dans la ca- 
Nité générale qui communique avec l’extérieur. 
lest du moins ce qui arrive chez l’adulte, car pen- 
dant le jeune âge les reins s'ouvrent au dehors, 
mais les orifices externes s’oblitèrent dans la suite 
du développement 3. Les glandes cémentaires et 
kiles cellules épithéliales pigmentées du manteau 
“ont aussi des appareils excréteurs. 
- En injectant des matières colorantes dans la ca- 
xité générale d'après la méthode de Kowalevsky, 
Gruvel a observé que ces cellules pigmentées éli- 


ge 


gi 


Eu 1 Philosoph. Transact., vol. CLXXXW. 
I Arch. Zool. Exp., 3° série, t. I. 
“© C.R. Acad. Sc. Paris. t. CXIX. 


19 
—! 
—! 


minaient l'ehtroth et le carmin d'indigo, tandis que 
les reins excrétaient le carmin. Il y a donc, dans 
les appareils excréteurs des Cirrhipèdes, une di- 
vision de travail comparable à celle qui a été dé- 
couverte par Kowalevsky chez d'autres Arthro- 
podes. 

Je ne voudrais pas passer sous silence une inté- 
ressante observation, faite par Hofer ‘, d'une Écre- 
visse dont l’un des pédoncules oculaires était trans- 
formé en un appendice biramé ayant la constitu- 
tion typique d'un appendice de Cruslacé. Ce fait 
fournit un argument de grande valeur à opposer aux 
naturalistes qui, à l'exemple de Claus, considèrent 
les pédoncules oculaires des Podophthalmes comme 
une simple portion de la tête, et elle confirme au 
contraire l’opinion de ceux qui leur attribuent la 
valeur de véritables appendicgs ?. 

La question doit d’ailleurs être élargie et la so- 
lution qu'elle comporte doit être étendue à tous 
les Arthropodes. La plupart des zoologistes fran- 
çais, suivant l'exemple de Perrier, accordent à la 
région de la tête des Arthropodes qui porte les 
yeux la valeur d'un segment, d'un méride. L’ana- 
tomie comparée confirme cette manière de voir. 
Ainsi Bordas #, qui vient d'étudier les nombreuses 
glandes salivaires des Hyménoptères, rapporte les 
différents groupes glandulaires à chacun des six 
mérides qui constituent la tête d'un Insecte. Les 
glandes salivaires thoraciques et post-cérébrales 
correspondent au méride oculaire; les glandes 
supracérébrales, sublinguales, mandibulaires, ma- 
xillaires et linguales répondent respectivement 
aux mérides des antennes, du labre, des mandi- 
bules et des màchoires supérieure et inférieure. 

J'aurai l'occasion d'analyser tout au long dans 
cette Revue le travail de Bordas sur l’appareil glan- 
dulaire des Hyménoptères et je prie le lecteur de 
vouloir bien se reporter au compte rendu que j'en 
ferai. 

Kowalevsky #, dont j'ai déjà cité le nom toul à 
l'heure, a poursuivi les recherches qu'il a com- 
mencées depuis quelques années sur l'appareil 
glandulaire, et en particulier sur les reins et les or- 
ganes formateurs des globules sanguins des Ar- 
thropodes. Il a imaginé une méthode très élé- 
gante consistant à injecter, chez les animaux en 
expérience, des cultures de bactéries pathogènes 
afin d'observer comment celles-ci se comportent 
vis-à-vis des phagocytes. C’est au cours de ces re- 


1 Verk. Deuls. Zool. Gesell. 1894. 

: On peut citer, à l'appui de cette manière de voir, une 
disposition remarquable observée chez les Coccides mâles, 
dont l’ouverture buccale est oblitérée et qui, à la place des 
pièces masticatrices atrophiées, portent des yeux. 

3 Ann. Sc. Nat. Zool., t. XIX. 

i C. R. Acad. Sc. Paris et Bull. Acad. Imp. Sc. Péters- 
bourg {%), t. XXXNTI. 


D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


cherches, faites surtout à un point de vue physio- 
logique, qu'il découvritchez différents Orthoptères 
{Acridiens et Locustiens) un fait nouveau et abso- 
lument inattendu: c’est la pénétration, dans le 
cœur, de tubes de Malpighi qui y décrivent plu- 
sieurs replis, puis passent dans la chambre péri- 
cardiale. 

L'étude anatomique des Insectes ménage rare- 
ment de ces surprises, car leur organisation est 
assez uniforme; en revanche, l'observation alten- 
live du genre de vie et desconditionsd’existence de 
cerlaines espèces fournit souvent des résultats fort 
intéressants. Tels sont ceux que Künckel d'Her- 
culaïs, dont l’autorité est grande en cette malière, 
a résumés, l’an dernier, dans diversesnotes !. Cest 
d’abord une étude sur la phase dite pseudochrysalide 
des Insectes vésicants à évolution retardée, où il 
établit que la prétendue hypermétamorphose 
est comparable à un enkystement et ne s’ac- 
compagne jamais de phénomènes d'histolyse ou 
d'histogenèse : aussi Künckel propose-t-il de rem- 
placer ce terme, très impropre, par celui d'yp- 
noilie, qui exprime d'une manière plus exacte l’ar- 
rêt de développement subi, C’est ensuite une série 
de travaux sur les Diptères parasites des Criquets 
d'Algérie. L'un de ces Diptères, un Bombylide. 
rappelle, dans son développement, les Coléo- 
ptères vésicants, car il passe l'hiver en hypnodie. 
La proportion de ces Diptères parasites est plus 
élevée dans les gisements du Tell (38 °/,) que dans 
ceux des Hauts-Plateaux {8 °/,); et, comme ils 
jouent un rôle considérable dans la destruction 
des Sauronotus, on s'explique pourquoi le Tell est 
la région subpermanente et temporaire, et les 
Hauts-Plateaux, la région permanente d'habitat 
de ces Acridiens. D'autres Diptères, tels que le 
Sarcophaga clathrata, se développent à l'état de 
larve dans l'intérieur même des Criquets ; en ab- 
sorbant l'oxygène, en dévorant le tissu adipeux de 
leur hôte, ces larves amènent une insuffisance gé- 
nérale de la nutrition qui produit l’atrophie des 
organes génilaux. C’est un nouvel exemple de cas- 
tralion parasitaire. Il est inutile d'insister sur l'in- 
térêt que nous avons à connaitre exactement le 
genre de vie de ces parasites qui pourraient être 
des auxiliaires très précieux dans la lutte contre 
les Criquets. Les Anthony et les Tdiu. qui ont la 
propriété de fouir la terre pour y déposer leurs 
œufs, détruisent également un grand nombre de 
sauterelles grâce à leurs larves oophages. Or, 
Künekel a observé que, si ces Diplères sont capa- 
bles de pénétrer dans les terres fortes. ils sont 
impuissants à traverser les sols légers. D’où il ré- 
sulte que les œufs de Criquets placés dans les ter- 


\ C. R. Acad. Se. Paris, t. CXNIII. 


. loppement extérieur de cet animal. 


utilisent surtout leur respiration pulmonaire, qui 


res fortes pourront être détruits par les parasites, À 
tandis qu’il importe de surveiller attentivement … 
les gisements d'œufs situés dans les terrains sa- 
blonneux, qui seuls produisent de véritables ar 
mées de sauterelles, | 


V. — VERTÉBRÉS. 

Semon ! vient de faire paraitre le premier 
fascicule d'un ouvrage consacré à l'étude des 
matériaux recueillis par lui en Australie et" 
dont la partie la plus importante comprendra 
l'exposé au développement du Ceratodus, de V Hat- 
lerir, des Monotrèmes et des Marsupiaux. Tous ces » 
types sont, en effet, très anciens et Hæckel a pu, à 
Juste titre, lesappeler des/ossiles vivants : aussile plus 
grand intérêt s'attache-{-il à la connaissance de leur * 
embryologie. ; 

Le premier fascicule qui vient d’être publié est 
relatif au Ceratodus, type intermédiaire entre les 
Batraciens et les Cyclostomes, et traite du genre 
de vie, de la segmentation de l'œuf et du déve- 


Contrairement à l'opinion générale, il n'y à 
qu'une seule espèce de Ceratodus, le C. Forsteri, car 
le Barramunda, qu'on croyait être une deuxième 
espèce, est un Osteoglossum. Actuellement les Cera-. 
lodus sont localisés dans deux cours d’eau du 
Queensland et ne se trouvent nulle part ailleurs en. 
Australie. Ces cours d’eau, qui, au moment des 
pluies, charrient d'énormes masses de liquide, sont 
presque à sec pendant une partie de l’année; les 
Ceratodus se réfugient alors dans les trous où l'eau 
stagne. Ils ne s’enfoncent jamais dans la vase, 
comme on l’admettait, et c’est à ce moment qu'ils. 


$ 


leur permet de vivre pendant très longtemps dans 
de l’eau non renouvelée et même souillée par des 
malières organiques; mais ils meurent très rapi- 
dement hors de l'eau et ils ne partagent pas du 
tout avec les ZLepidosiren la propriété de passer l’élé Fe 
hors de l’eau, enfouis dans la vase: Vienne une È 
année de sécheresse exceptionnelle, qui dessé-« 
cherait complètement les deux seuls cours d'eau " 
où on le trouve maintenant, et le Ceratodus dis- ‘ 
parailra pour jamais, ainsi qu'il a déjà disparu, # 
sans doute pour la même raison, des autres cours + 
d'eau d'Australie. 4 

L'œuf du Ceratodus est entouré d’une mem-" 
brane gélatineuse résistante. La segmentation 3 
qu'il subit rappelle, dans ses grands traits, celle de | 
l’œuf des Ganoïdes et surtout des Batraciens. Il sé 4 
forme une invagination gastrique et le blastopore 
se prolonge sur la face dorsale de embryon, vers 


! Zool. Forschungsreise in Australien und dem Malaischen | 
Archipel. Bal. 


fermant, pour le moment, que des données sur le 


développement extérieur du Ceratodus, la partie la 


lus; c, embryon au moment où il sort de l'œuf. 


plus importante de son travail est réservée pour 
ün autre fascicule. Néanmoins, on peut déjà en re- 
lenir cette conclusion très importante, que, d’une 
manière générale, le développement du Ceratodus 
séloigne de celui des Ganoïdes, tandis qu'il pré- 
te des affinilés très étroiles avec celui des Ba- 
raciens, d’une part, el avec celui des Cyclostomes, 
de l'autre. 
“ Semon ! vient de résumer, dans une note préli- 
Minaire, ses recherches sur les membranes fœtales 
des Monotrèmes et des Marsupiaux. Je crois préfé- 
able d'attendre, pour en parler, la publication de 
on travail définitif et je me contenterai de signaler 
disposition des membranes chez le Phascolarctus 
creus, dont l’allantoïde, lrès développée et vas- 
ularisée, sert à la respiration, disposition bien 
différente de celle qu'on a observée chez d'autres 


1 Verh. deuts. Zool. Gesell. 1894. 


Fig. 10. — Développement du Ceratodus Forsteri d'après Semon. — a, formation des replis médullaires 
“on apercoit une ligne onduleuse 0 qui prolonge le blastopore; b, embryon, dont l'extrémité céphalique est dégagée du vitel- 


Marsupiaux et qui rappelle le type des Placentaires 
inférieurs. 


- VI. GÉOGRAPHIE ZOOLOGIQUE ET ÉTUDE DES FAUNES. 


On sait que la division proposée par Wallace en 
six grandes régions zoologiques a été quelque peu 


critiquée et qu’en particulier certains naturalistes 


se sont élevés contre la séparation des régions 
Palæarctique et Néarctique qu'ils réunissent en 


md 


nn LE CCE É 


(m) entre lesquels 


uue seule région appelée Holarclique. C'est pour 
répondre à ces critiques que Wallace ! a examiné 
de nouveau la distribution des Oiseaux et des 
Mammifères dans les régions en question. Il 
trouve que, pour les Mammifères, les régions 
Palæarctique et Néarctique renferment respecti- 
vement 58 °/, et 56 °/, des genres qui n'existent 
pas dans l’autre région. Pour les Oiseaux, il y a 
plus des 2/3 des genres Palæarctiques et un peu 
moins des 2/3 des genres Néarctiques qui ne se 
trouvent pas dans l'autre région. Ces chiffres 
justifient suffisamment, d’après lui, les divisions 
qu'il a établies. 

A la vérité, ces chiffres sont exacts, mais Wallace 
a négligé d'indiquer que beaucoup des genres pro- 
pres à la région Néarctique s’y trouvaient localisés 
dans une portion restreinte. C'est ce que n'a pas 


Nat. Sc., vol.-IV. 


280 


manqué de faire ressortir Carpenter ! qui, repre- 
nant une idée déjà émise par Merriam *, démembre 
la région Néarctique en deux parties : l’une, qu'il 
appelle Poréale, comprend le Canada et la partie 
septentrionale des Etats-Unis, et l’autre, qu'il ap- 
pelle Sonoréenne, s'élend jusqu'aux limites de la 
région tropicale. Or il y a une très grande analogie 
entre la faune septentrionale de l'Amérique du 
Nord et celle de l'Europe et de l'Asie tempérées, 
tandis que la région sonoréenne possède une faune 
tout à fait à part. Les chiffres suivants, donnés par 
Carpenter, font neltement ressortir celte diffé- 
rence : 


MAMMIFÈRES [OISEAUX 


D'autres groupes d'animaux, les Reptiles par 
exemple, fournissent des résultats analogues, et 
j'ajouterai que l’élude de la répartition des Scor- 
pions a également conduit Pocock * à admettre 
l'indépendance de la région Sonoréenne. Aussi 
Carpenter propose-l-il d'appliquer le nom d’Holare- 
tique, ou de Grande région septentrionale, à l'ensemble 
desrégions Palæarctique et Boréale, et de faire de la 
région Sonoréenne une deuxième grande région 
ayant la même importance et la même indépen- 
dance que la première. Celle division très ration- 
nelle sera évidemment adoptée de préférence à 
celle de Wallace. 


Faunes marines. — Les progrès réalisés depuis 


quelques années dans la laxonomie des Eponges et 
qui sent dus en grande partie à l'étude des formes 
rapportées par le Challenger, sont tels que celui 
qui s'occuperait aujourd'hui de ces animaux en 
suivant les travaux de Bowerbank, de Haeckel et 
d'O. Schmidt, ne serait plus compris et semblerait, 
comme le dit Topsent, parlerune langue morte. L'ou- 
vrage de Bowèrbank se trouvant dans toulesles bi- 
bliothèques et servant encore aujourd'hui de base à 
la détermination des Eponges de nos côtes, il faut 
savoir gré à Hanitsch * et àTopsent* d’avoir cherché 
à le rajeunir en publiant, en regard des anciennes 
dénominalions, les noms conformes à la nomencla- 
ture actuelle. Topsent a fait, en particulier, une 
revision complète des espèces de Bowerbank : il a 


D' KR. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


supprimé les noms inuliles et établi la synonymie 
des autres. LE: 

Ce même auteur commence la publication d'une 
monographie des Spongiaires de France ‘. il admet 
la classification des Eponges en Cwrarea, Triden 
norix, et Désmospongia, ces dernières divisées elles=M 
mêmes en Zetraclinellida, Monasconida, Curnosa @lM 
Monoceratinu. La monographie des Tétractinellidésm 
vient de paraitre. En publiant la série de mono 
graphies qu'il annonce el pour la rédaction des= 
quelles il possède une compétence toute spéciale, 
Topsent comblera une grosse lacune et son œuvré 
sera appréciée à sa valeur par les zoologistes de 
profession, auxquels elle permettra d'aborder le 
détermination, si difficile, des Eponges de nos 
côtes. 

J'en pourrai dire autant des travaux du baron de 
Saint-Joseph? qui poursuit, depuis de longues 
années, l’étude des Annélides des côtes de Bre 
tagne et qui a publié successivement en 1887, 1888» 
et 189%, trois mémoires renfermant de nombreuses 
observations sur les formes observées par lui. C'eslk 
peut-être le dernier mémoire qui renferme les | 
parties les plus neuves et les plus originales. Je 
veux parler des chapitres consacrés aux Polychètes 
sédentaires dont la classification a élé complètes 
ment remaniée. De Saint-Joseph a ulilisé, pour 
l’établir, les caractères Lirés des plaques unciales M} 
dont l'application avait élé tentée récemment par 
Marenzeller; lestableaux qu'il donne permettront 
aux zoologistes d'arriver facilemént à la détermina 
lion de ces Annélides. 

Je signalerai encore, en parlant des travaux rela 
tifs à la faune de nos côtes, l'excellent ouvrage de 
Joubin * sur les Némertes qui est, comme les pré- 
cédents, un travail de Zoologie pure. C'est le pre 
mier volume d’une collection qui, sous le titre de 
Faune Francaise, comprendra une série de mono: 
graphies où chaque spécialiste trailera un groupé 
d'animaux, et qui parait sous les auspices de Raphi 
Blanchard et J. de Guerne. Le livre de Joubif 
inaugure cette série de la manière la plus brillante 

Les publications relatives aux grandes exploras 
lions marilimes continuent à se succéder, moins 
nombreuses peut-être que les années précédentes! 
je n’en citerai que quelques-unes. Quelques fasck 
cules de l’'Expédition du ?/unklon ont paru; ils se 
rapportent notamment aux Salpes ‘ el aux Méduses 
Craspédotes *. Des notes préliminaires sur les 
Hydraires, les Turbellariés, les Schizopodes, les 
Alcyonnaires, les Pantopodes, les Opisthobranches" 


1 Nat. Sc., vol. Y. 

? 1b., vol. III. 

3 Ib., vol. IV. 

1 Transact. Liverpool Biologic. Soc., vol. VIL. 
5 Rev. Biol. Nord de la France, t. IN. 


1 Arch. Zool. Exp, 3° série, t. IL. 

2 Ann. Sc. Nat. Zool., 4e série, t. XVII. 

5 Les Némertiens, Faune Française, Paris 1894. 
i Ergebnisse der Plankton Expedilion, Bd. IT, 1894. 
5 Ib, 


PNR LE) PT, TR DSP PA On, TE pre, di die te à À ts ml Mic fs 
Mi TANT Eng DEP À us ÊRS AS  a 
: 


D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


PIN 


LS 


et les Mollusques recueillis par l'A/batross ont été 
publiées par Clarke, Woodworth, Ortmann, Studer, 
Schimkewitsch, Bergh et Stearns !. Les Crustacés 
cueillis par lZnves- x 
tigator dans l'océan 


sques par Schmidt * 
les Echinodermes 


- des mers polaires ter- 
mine la série des pu- 
blications de l'Expé- 
. dition Norwégienne 
au Pôle Nord *. Les 
_ Crustacés de l’Æiron- 
delle, étudiés par Mil- 
_ne Edwards et Bou- 
_vier, font l'objet du 
_ seplième fascicule des 
Résullats des campa- 
“ges scientifiques du 
Prince de Monaco, 
publication toujours 
“éditée avec le plus 
grand luxe. La place 
me manque pour fai- 
re une revision de ces 
différents travaux, el 
je ne puis faire une 
mention spéciale que 
pour un petit nom- 
bre d’entre eux. 
- Ayant eu entre les 
mains les échantil- 
lons des Crustacés re- 
eillis par le Blake, 
le Æassler, le Travail- 


ont pu entreprendre 
Sur les Galathéidés 
in travail d'ensemble 
ui renferme des do- 
uments fort intéres- 
Sants ©. L’anatomie montre que les trois fa- 
illes (Gutatheidés, Diptycinés et Æyléinés) com- 
4 Bull. Mus. Comp. Zool. at Harward College, vol. XXY. 
> Ann. Mag. Nat. Hist. (6), vol. XII et XIII. 

8 Jb. 

va Journ. Asiatie Soc. Bengal, vol. LXII. 

Den Norske Nordhavs Expedilion,t. XXII. 

© Ann. Sc. Nat. Zool., % série,t. XVI. 


m 


prises dans cet ordre ne dérivent pas l'une de l’au- 
tre, mais proviennent chacune d’une forme macrou- 
rienne primitive, qui s’est séparée des Pagures 
pour donner les Ga- 
lathées. Boas a déjà 
montré que cette for- 
me commune devait 
se rattacher aux As- 
taciens. . 

LesGalathéidésont 
des représentants à 
tous les niveaux, de- 
puis les Porcella- 
riens qui sont exclu- 
sivement côliers et 
les Galathées litto- 
rales, jusqu'aux for- 
mes des grandes pro- 
fondeurs. C’est dans 
les régions moyen- 
nes, vers 1.000 ou 
1.500 mètres, que le 
groupe parail avoir 
trouvé son niveau de 
prédilection; c’est là 
qu'habite le genre 
Galatheu, qui est le 
type le plus primitif. 
Cette zone moyenne 
semble avoir été le 
point de départ des 
Galathéidés, départ 
qui s’esteffectué dans 
deux directions difré- 
rentes : en rétrogra- 
dant vers les côtes,les 
Galathées ont donné 
les Porcellaniens ; en 
s’enfonçant dans les 
profondeurs, elles 
sont devenues les 
Munidés qui passent 
aux formes aveugles 
des grands fonds. Il 
est curieux de cons- 
taler que cette évo- 
lution est différente 
de celle des Pagu- 
riens : car c’est dans les grands fonds qu’on trouve 
les Pagures les plus primitifs, voisins des Ma- 
croures !. 

L'étude de la répartition géographique des Gala- 
théidés nous apprend que ces Crustacés sont 


t; (d'après Ludwig.) 


è en avan 


A 


œ 
Le] 


. — Pelagothuria natatrix. — En a le disque natatoire est reployé en arrière; en à il est diri 


Fig. 11 


! Report Results of Dredying by the U.S. Steamer « Blake ». 
Mém. Mus Comp. Zool., vol. XIV. 


282 


D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


représentés par les mêmes genres dans les deux 
grands bassins océaniques Atlantique et Indo- 
Pacifique; la séparation de ces deux bassins, c’est- 
à-dire la formation de l’isthme de Panama, s’est 
donc effectuée à une époque récente où tous les 
genres de l’ordre étaient déjà disséminés et elle ne 
remonte pas à l'époque précrélacée, comme le 
croyaient d'abord Milne Edwardset Agassiz. Une fois 
cette barrière élevée, des différences très sensibles, 
mais purement spécifiques, se sont produites. Ce 
sont également des différences de même ordre 
qu'on observe entre les Galathéidés des côtes 
E. et O. de l'Atlantique. 

Dans la Revue de Zoologie de 1894, j'ai dû me 
borner à indiquer la découverte d’un genre très 
curieux d'Holothurie pélagique que Ludwig avait 
rencontré parmi les Echinodermes recueillis par 
Agassiz dans le Pacifique. Le travail complet de 
Ludwig sur les Holothuries de l’'A/batross venant 
de paraitre !, je puis donner quelques détails sur 
ce singulier animal. La Pelagothuria natatrix (fig. 11 
ressemble extérieurement à une Méduse ; son corps 
proprement dit, cylindrique, a une longueur de 
> centimètres environ; en avant, il s’aplatit et 
s'élargit en un grand disque ayant 8 ou 9 centimé- 
tres de diamètre, soutenu par un cerlain nombre 
de rayons qui se prolongent en dehors du disque 
comme autant de filaments. 

Ludwig s'est assuré que ce sont les vésicules 
ambulacraires des tentacules péribuccaux qui, fai- 
sant hernie à travers les téguments, se prolongent 
au dehors et s'allongent corsidérablement pour 
constituer ces rayons. L'organisation interne esl 
très simple et l’on pourrait être embarrassé sur la 
place à attribuer à cel être singulier, si la forme 


du tube digestif, qui offre deux courbures, et la 


présence d'un système aquifère, très reconnais- 
sable, quoique réduit, n’indiquaient ses affinités. 
Ludwig admet que les Pélagothuries sont des 
Élasipodes devenus pélagiques et qui ont perdu 
les tubes ambulacraires, l'anneau calcaire pharyn- 
gien et les corpuscules des téguments, dès que le 
disque nalatoire s’est constitué. 

Les exemplaires de Pelagothuria ont été capturés 
entre Panama et les iles Galapagos, par des pro- 
fondeurs variant entre 700 mètres et 2.000 mètres : 
ce sont donc des pélagiques profonds. 

Les travaux d’Apstein? sur les Thaliacés et de 


1 Ib., vol 
? Loc. cit. 


XVIL: 


Maas!' sur les Craspédotes de l’Expédition du 
Planklon, fournissent des renseignements sur la” 
répartition bathymétrique et géographique de ces ! 
animaux, Le courant de Floride et le Gulf Stream, 
forment une barrière naturelle divisant l'Océan em 
deux grandes régions distinctes : une région froide 
au Nord, el une région chaude au Sud de celte 
ligne. Les Salpes sont presque exclusivement desM 
habitants des mers chaudes; quand elles s’aventul 
rent jusqu'aux régions seplentrionales, c’est tou 
jours dans des courants chauds. Ce sont aussi des 
animaux de surface. Les observations de Chun etl 
de Dohrn, qui ont trouvé en Méditerranée des 
Salpes à des profondeurs de 600 à 1.300 mètres, nés 
sont qu'en contradielion apparente avec cette as 


Le 


ne descend pas au-dessous de 13° en Méditerranée 
lundis qu'elle s’abaisse bien au delà de ce chiffre 
danslesocéansouvertsoüules zones profondes, etpan 
conséquent froides, ne peuvent pas abriter des 
animaux qui recherchent les eaux chaudes. 


sensibles que les Salpes aux changements de tems= 
péralure et elles peuvent s’enfoncer à plusieurs 
centaines de mètres, bien qu'on les trouve assez 
rarement dans les profondeurs. Mais la faune des 


eaux froides est toujours très distincte de celle des 


par le Rhopalonema velatum et divers Liriope. 

Les Appendiculaires et les Alciopides offrent 
dans leur répartition des différences de même 
ordre. D'autre part, on observe que telle espèces 
qui, dans les mers froides, vil à la surface, se rens, 
contre à 200 ou 300 mètres de profondeur dans les 
mers tropicales. Aussi Maas?, qui s'est particuliè= 


asserlion, peul-être exacte, semble un peu prém 1 
turée et elle n’est pas basée sur un nombre sufss 
fisant de faits pour qu'on puisse l'accepler dèsi 
maintenant sans réserve. 

D' R. Kœhler, 


Professeur de Zoologie 


1 Loc. cit. LA 
2 The effect of temperature en the distribution of marine, 
animals. Nat. Se., vol. V. à 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


283 


C'est un problème bien difficile et bien digne d'exci- 
7 sans cesse l’insatiable curiosité de l’homme que le 
ioblème de l'électricité, Aussi n’est-il point de phéno- 
ènes plus étudiés et, en même temps, plus utilisés 
que ceux qui s’y ratiachent, Nous employons l'électri- 
ité à tous les usages. lei, elle nous donne la lumière 
ou la chaleur; là, elle fait tourner nos machines et tra- 
“ailler nos outils; là encore, elle transmet à travers 
Pespace, à travers lesmers mêmes, nos pensées etnos pa- 
roles. Nous lui attribuons aussi, parfois avec un peu trop 
enthousiasme, il faut l'avouer, la faculté de guérir un 
n nombre de maux, Les chercheurs, mettant à profit 
s merveilleuses propriétés, torturent, avec son aide, 
a matière et l’obligent à former des composés inconnus 
usqu’à nous ou à nous livrer des corps nouveaux. Et, 
ose étrange, cet agent dont nous avons fait notre do- 
le et continuel auxiliaire, nous est absolument in- 
manu. Nous ignorons sa nalure et c’est vainement que, 
squ'à ce jour, nous nous sommes demandé par 
uciles mystérieuses aclions il produit les effets que 
nous utilisons, Mais notre espoir en la science esl 
nace ; sans être jamais découragés, les savants. con- 
uent à chercher obstinément; ils serutent les 
moindres détails dans les manifestations des phéno- 
ènes et leur demandent sans relâche le mot de la 
belle énizme. Nous suivons ces recherches d’un œil 
entif et patient, persuadés qu’elles seront Lôt outard 
buronnées de succès. 
‘Une conférence faite par le Pr J.-J. Thomson devant 
Royal Intitution of Great Britain est, à ce point de vue, 
rticulièrement intéressante. Elle traite des décharges 
ectriques à travers les gaz; or, les phénomènes qui 
ous permettent le mieux de préciser l’action de l’élec- 
Bicité sur l'infiniment petit de la matière, sur la molé- 
aile, semblent devoir être surtout d’une très grande 
Hécondité. 
Les expériences citées peuvent se diviser en deux 
ties : celles qui ont rapport au passage de l’électri- 
du gaz à l’électrode ou réciproquement, et celles 
sont destinées à montrer les propriétés de l’effluve 
quand le phénomène se produit dans un milieu entière- 
ment gazeux. : 
Prenons un tube à décharge, long d'environ 14 m. 50 
bobservons, au moyen d’un miroir tournant, le pas- 
Sage d’une étincelle due, par exemple, à la rupture du 
cuit primaire d’une bobine d’induction. Nous cons- 
läterons ainsi que l’illumination suit, à travers le tube, 
direction du courant, c'est-à-dire qu'elle prend 
Maissance à l’électrode positive et se dirige avec une 
sse énorme vers l’électrode négative. Mais, arrivée à 
te dernière, elle semble rencontrer un obstacle. 
ne disparait pas brusquement dans cette électrode 
mme un lapin dans son trou, dit M. J.-J, Thomson 
Au contraire, elle hésite un moment avant d'y entrer. 
ar suite de ce retard, il y a accumulation d'électricité 
iSitive autour de l’électrode négative et la chute de 
tentiel peut y atteindre 200 ou 300 volts. L'électricité 
mble donc avoir beaucoup de difficultés pour passer 
Un gaz dans un métal: Quelques expériences peuvent! 
montrer plus clairement encore : soit un long tube à 
harge en travers duquel est fixéeune mince feuille 
platine (fig. 1); un petit canal semi-circulaire en 
communication avecun tube barométrique relie les deux 
ions séparées par la feuille de platine. La décharge, 
laulieu de passer à travers celle-ci, prend la route beau- 
Coup plus longue du tube auxiliaire. Si nous élevons la 


# 


ACTUALITÉS 
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LES DÉCHARGES ÉLECTRIQUES A TRAVERS LES GAZ, — L'EFFICACITÉ DE L'ELECTROCUTION 


cuvelte inférieure de manière à fermer par un bourre- 
let de mercure ce tube auxiliaire, la décharge est 
obligée de traverser soit la 

lame de platine, soit le bour- < T > 
relet de mercure, ou encore \ ) 

de traverser l’un et l’autre; Dé 
aussi la voyons-nous refluer 
totalement ou en partie vers 
le tube principal. 

Remplacons le diaphragme 
métallique par une mince 
feuille de mica; la cuvette 
étant baissée, la décharge 
passera encore par le tube 
auxiliaire. Mais, quand celui- 
ci est obstrué par du mercure, 
elle traverse le mica plutôt que 
le métal. 

Une autre expérience metlra 
le même phénomène en évi- 
dence. Deux longues électro- 
des rectilignes sont fixées à 
un vase sphérique (fig. 2), de 
telle sorte que lextrémité 
d’une électrode soit à une 
grande distance de son point m 
de jonction avec le verre. Si, partiments sont reliés 
après le vide partiel, nous ÿ l’un à l'autre par un 
faisons passer uncourantaller-  ‘Jutage A er 

if l’effluv lieu de iail- que support un tube 
natif, EOUMES Gr HE EE barométrique vertical. 
lir entre les extrémités des Ce dernier tube plonge 
deux électrodes, ira de l’extré- dans une éprouvette 
milé de l’une à l'endroit où remplie de mercure. 
l’autre entre dans le verre, 
préférant à un chemin métallique un chemin beaucoup 
plus long à travers le gaz. 

Une observalion intéressante faite, dans le même 
ordre d'idées, par les Professeurs Liveing et Dewar est 
que la lumière produite par une décharge qui passe à 
travers un gaz contenant 
des poussières métalli- 
ques n’en présente nulle- 
ment les raies lorsqu'on 
l'examine au spectros- ec: 
cope, ce qui prouverait 
que les ondes électriques 
et lumineuses évitent de 
contourner le métal. 

La difficulté que l’élec- 
tricité positive rencontre 
pour passer du gaz à l’é- 
lectrode dépend, comme 
il fallait s’y attendre, de 
la nature du gaz et de 
celle de l’électrode; elle 
varie selon leur position relative au point de vue 
électro-chimique. Prenons, par exemple, une ampoule 
contenant deux électrodes fixes et une électrode mo- 
bile reliée à un électromètre, ampoule que nous 
pouvons remplir de différents gaz. Employons d’abord 
des électrodes métalliques et de l'oxygène. L'élec- 
trode mobile recoit une charge positive, en quelque en- 
droit de l’ampoule que nous la placions. Si, au con- 
traire, nous employons de l’hydrogène à la pression 
atmosphérique, la charge de l’électrode mobile sera po- 
sitive dans les parties de l’ampoule éloignées de l'arc 


Fig. 1.— Tube à décharge. 
— Le tube est horizon- 
tal et séparé en deux 
compartiments égaux 
par une mince cloison 
verticale de platine ou 
de mica. Les deux com- 


Fig. 2.— Ampoule à décharge. 
— Les deux électrodes sont 
rectilignes. Les lignes cour- 
bes représentent les trajec- 
toires de l’effluve. 


284 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


et négative dans les parties qui en sont rapprochées. 
Quand la pression diminue, la région négative se con- 
tracte et disparait complètement vers un tiers d’atmo- 
sphère. Si, dans ces conditions, nous remplacons les 
électrodes métalliques par des électrodes en cuivre 
oxydées à la surface, nous obtenons dans toute l’am- 
poule une charge positive. 

Considérons, maintenant, non plus une décharge pas- 
sant d'un gaz à une électrode ou réciproquement, mais 
une décharge restant, pour ainsi dire, emprisonnée 
dans le milieu où elle a pris naissance. L'ingénieuse 
disposition employée par le P' Thomson pour produire 
une telle décharge est représentée schématiquement 
par la figure 3. Les deux pôles d’une machine de 

Zimshurt sont en communi- 

ur, + 15 cation avec les armatures in. 

térieures de deux bouteilles 

de Leyde (parties droite et 

gauche de la figure) dont les 

LE | armatures extérieures sont 

| [bus | E reliées par un fil métallique 

l'A LA) formant bobine. On charge 

| la machine de Wimshurt jus- 

\ qu'à ce que l’étincelle Jail- 

ee lisse entre ses pôles. La dé- 

= charge des bouteilles de Ley- 

Fig. 3. — Dispositif pour de est, on le sait, oscillatoire, 

produire dans une äm- et la bobine métallique est 

poule à, décharge un \arcourue par des courants 

ie intérieur. — À Sinusoidanx excessivement 

voient deux électrodes Tapides. Le nombre des pé- 

terminant chacune une riodes que l’on produit ainsi, 

bouteille de Leyde. Par quoique moins grand que ce- 

leur armature extérieure Jui donné par la disposition 

ces bouteilles sont re- de Hertz, est au moins égal 

liées l'une à l'autre au à plusieurs millions par se- 
moyen d'un fil enroulé, 
en un point de son par- 
cours sous forme de bo- 
bine. A l’intérieur de la 

bobine se place une am- 

poule à décharge, non 

représentée ici. 


conde. Si, dans la bobine, 
nous placons une ampoule 
remplie de gaz raréfié, elle 
jouera le rôle du circuit se- 
condaire d’untransformateur, 
et des courants, dont la direc- 
tion sera perpendiculaire à 
l'axe de la bobine, y prendront naissance, Ces cou- 
rants sont décelés par un auneau cireulaire brillant. 
Si le gaz est de l’air, le spectre de l'anneau change 
complètement avec la pression. M. Newali, qui a fait 
quelques travaux sur ce sujet, a trouvé que vers 0, 12» 
de pression, le spectre était celui de l’azote, puis, au- 
dessous, celui du mercure, et ensuitevient une couleur. 
verlt-pomme qui semble due à un composé sulfuré pro- 
venant de l’acide sulfurique qui a servi à dessécher le 
gaz!, Le spectre du mercure s'explique par l'emploi de 
la pompe à mercure, A une pression intermédiaire 
entre celle qui révèle le mercure et celle qui révèle le 
composé sulfureux, on trouve un mélange des deux 
spectres; mais le dernier semble mieux caractérisé près 
de la surface de l'anneau. 

Si ampoule contient de l'oxygène pur, l'anneau est 
remplacé par une sorte d'incandescence totale de cou- 
leur variable donnant un spectre continu coupé de 
raies brillantes. Le cyanogène produirait des effets 
analogues, ainsi d’ailleurs que tous les corps capables 
de se polymériser. Y aurait-il, d’une part, formation, 
sous l'effet de la décharge, dela modification polymé- 
rique, et, d'autre part, retour graduel à l'état primitif? 
Et cette action chimique produirait-elle une lumière 
phosphorescente? Peut-être ; en tous cas, l’incandes- 
cence de loxygène disparait aux températures où 
l'oxygène ne peut plus exister. 

Il est possibleencore de montrer que ladécharge élec- 
trique est très mal conduite par les métaux. Au lieu 
d'une bobine métallique, on en dispose deux, côte à 


1 Ce spectre vert-pomme est en réalité celui de l'ergon. 
Voir Revue générale des Sciences du 15 mars 1894, p. 249: 
NEwaALL : Spectre de l’argon. 


nl 
côte (fig. #). Une ampoule à gaz raréfié, placée dans l’'u 
d'elles, sert de galvanomètre: En effet, l'éclat de la dé” 
charge est une fonction de l'intensité du courant qui. 
parcourt la bobine. Si nous placons une ampoule dans! 
la seconde bobine, elle absorbe une portion de l’éner=1 
gie due à la décharge; cette absorption amène une dimisi 
nution dans l'éclat de la première ampoule. L'effet 
dépend de la conductibilité du corps placé dans la se 
conde bobine, quoique ne lui étant pas directement\ 
proportionnel : en effet, un conducteur parfait ne de= 
vrait pas produire de diminution d'éclat, pas plus qu’un | 
Corps qui serait absolument non-conducteur. Pouru 
périodicité et des dimensiens données, il y a une cons. 
ductibilité qui produit l'effet maximum, Un morceau dt 
laiton, c'est-à-dire d’excellent conducteur, placé dan 
la seconde bobine, n'a presque pas d'effet sur la pre= 
mière; un conducteur médiocre peut, au contraires 
faire disparaître presque complètement l’illuminalio L. 


: . | 
AGE 
h C9 
9 o 
o 
| / 
WE AN + 
{ ( 
KT RE 
Fig. 4. — Modification du Fig.5. — Dispositif pour. 


disposilif précédent. — 
Le fil reliant les bouteilles 
de Leyde forme deux bo- 
bines. 


monter les varialions 
de conductibilité élec- 
lrique d'un gaz sui « 
vant la pression. 


Comparons les effets dus à une ampoule à gaz raréfiéw 
et à une ampoule remplie d’une solution d'acide sul 
rique, Celle-ci produit un effet plus petit que la pres 
mière, Ce phénomène peut être dù a une conductibrlités 
plus grande ou plus faible. C’est la dernière hypothèse 
qui est bonne; car, si nous augmentons le degré de la 
solution sulfurique, la conductibilité croit, ainsi que | 
l'effet produit. À 

La conductibilité d’un gaz raréfié augmente jusqu'à 
une certaine pression limite, pour diminuer ensuite 
Une expérience très simple le prouve. L'appareil em 
ployé est représenté par la figure 5. Il se compose ded 
deux ampoules, dont l'une est intérieure à lautr à 
L'ampoule intérieure est remplie d'air à basse pres=M 
sion, tandis que, dans l’espace compris entre les deux 
ampoules, on a fait un vide aussi parfait que possiblem! 
L’ampoule extérieure contient un peu de mercure. La 
pression due aux vapeurs de ce métal est excessivement 
faible aux températures ordinaires, mais augmente, 
considérablement dès qu'on chauffe. Nous sommes» 
donc maitres de produire un degré quelconque de vides 
L’ampoule extérieure est entourée par la bobine de las 
figure 3. Quand l’espace compris entre les deux am 
poules est conducteur, il forme écran relativement aux 
courants de la bobine, c’est-à-dire que les courants. 
qui y prennentnaissance annulent l'effet d’induction sur 
l’ampoule intérieure. Au contraire, des courants d’in=\ 
duclion peuvent y prendre naissance si le milieu inter 
médiaire n'est pas conducteur, Nous pouvons ainsi 
observer que, lorsque le mercure est froid, le milieun 
intermédiaire est mauvais conducteur, mais que s& 
conductibilité augmente avec la température, | 

On trouve encore que, dans un champ magnétique 
la décharge est aidée lorsqu'elle marche dans le sens. 
des lignes de force et retardée dans le cas contraire. 

Que conclure de l’exposé de ces phénomènes? Pau», 
vons-nous en donner une explication satisfaisante? Le 
Professeur Thomson l'a partiellement tenté. Voici, par 4 
exemple, celle qu'il propose à la suite de ses expé- 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 28 


OC 


ences relatives à l'influence exercée sur l’effluve par 
nature du gaz et des électrodes : 
- « L’explication la plus probable de ces résultats me 
semble être l'hypothèse que le passage de l'électricité du 
#az à l’électrode ouréciproquement est facilité par la for- 
Mmation d’une sorte de composé chimique entre le gaz et 
e métal, Dans tous ces composés, le métal est l'élément 
Jectro-positif et se charge positivement ; le gaz est l’élé- 
nent électro-négatifet se chargenégativement. Considé- 
ons maintenant le cas où la charge négative est sur le 
Saz et la charge positive sur le métal; alors le gaz et le 
métal possèdent les charges qui leur sont propres et 
Sont parfaitement prêts à se combiner, c’est-à-dire 
ils favorisent, dans ce cas, le passage de l'électricité 
gaz au cuivre. Supposons, au contraire, que le gaz 
t électrisé positivement, le gaz et le métal ont alors 
les charges contraires à celles qui leur sont propres 
lürsqu'ils se combinent, et, avant que leur union puisse 
Jonner autre chose qu'un composé excessivement in- 
Stable, il faut qu'un phénomène auxiliaire ait lieu : c’est 
échange des charges. Ainsi, les conditions de la com- 
binaison du gaz et du métal sont plus complexes si le 
Léaz est électrisé positivement que s’il l’estnégativement, 
, par conséquent, en admettant que le passage de l’é- 
lectricité implique une sorte de combinaison chimique, 
nous voyons que l'électricité négative passera plus fa- 
cilement du gaz au métal que l'électricité positive, 
onsidérons maintenant le cas où le gaz était de l'hy- 
drogène, el les électrodes du cuivre oxydé, L'hydrogène 
combine alors, non avec le métal, mais avec l’oxy- 
ne pour former de l’eau, corps dans lequel lhydro- 
ne est l'élément électro-positif : c’est, dans ce cas, 
Phydrogène électrisé positivement qui est le plus 
propre à la combinaison. La conséquence est que la 
fœharge positive sera plus facilement abandonnée et la 
arge négative plus facilement conservée, ce qui est 
actement le contraire de ce qui se passe quand les 
électrodes sont en métal nu. » : 
Sans en discuter le fond, nous nous permettrons de 
ritiquer cette explication, L'emploi des termes élec- 
ricité positive et électricité négative ne nous satisfait 
bas. Ces termes correspondent à des hypothèses an- 
ennes qui ont rendu compte d’un certain nombre de 
its, mais qui ont dù ensuite être abandonnées, parce 
qu'elles étaient impuissantes à expliquer de nouvelles 
découvertes. Pourquoi donc les faire renaitre ici ? On a 
coutume, il est vrai, de les employer encore dans l’en- 
gnement; mais c'est beaucoup plus pour faciliter 
Pexposé des phénomènes que pour en donner une expli- 
ation véritable, Ce que nous aurions désiré comme 
sonclusion de ces intéressantes expériences, c’est une 
théorie large et élevée, ou tout au moins un essai de 
théorie, capable de rendre compte de tous les résul- 
lats connus et non point une explication partielle, sa- 
faisante seulement pour quelques-uns d’entre eux. 
est là le véritable et grand problème auquel, pen- 
ant plus d’un siècle, ont vainement travaillé les sa- 
ts et les penseurs depuis Franklin jusqu'à Maxwell 
ët Hertz. Sans doute, l’œuvre de ces deux derniers phy- 
Ciens marque un pas immense dans les conquêtes de 
a science. Mais Ja Nature détient encore une bonne 
tie de son secret. Non seulement nous ignorons le 
stérieux mécanisme des phénomènes électriques; 
is nous ne connaissons même pas de loi générale 
où nous les déduirions avec précision. Nous entre- 
“\oyons à peine quel rôle jouent dans la propagation 
de l'énergie électrique les corps que nous appelons 
ons conducteurs et ceux appelés diélectriques. 
Cependant, quelles que soient les difficultés que 
importe l’étude d’un tel problème, il importe d’avoir 
onfiance. L'histoire des sciences, bien qu'aucune 
d'elles ne soit encore parfaite, nous y autorise par de 

ümbreux exemples. Les astres semblèrent longtemps 


j 
| 
Û 


| 
; 
| 
| 


| 


hos ancètres décrire dans l’espace des courbes capri- 
ieuses et compliquées que de nombreuses et étranges 
Ypothèses pouvaient à peine représenter grossière- 
hent. Nous savons aujourd'hui à quelles lois simples 


ils obéissent; nous tracons leur route avec une telle 
sûreté que Le Verrier à pu, les yeux fixés sur ses 
seules équations, dévoiler au monde étonné la présence 
dans le ciel d'une planète encore inconnue et détermi- 
ner sa position, ses dimensions et sa trajectoire. 

Les phénomènes dus à l’interférence ou à la polari- 
sation des rayons lumineux ne paraissaient-ils point, 
eux aussi, incompréhensibles? Fresnel, couronnant 
l'œuvre d’illustres devanciers, nous a doté d’une théo- 
rie rationnelle et féconde; nous expliquons les expé- 
riences anciennes, nous en prévoyons de nouvelles et 
la nature semble se conformer docilement aux résul- 
tats de nos calculs, Un jour viendra certainement où, 
à son tour, la science électrique, encore si confuse, 
s'illuminera d'une merveilleuse clarté. .Pour faire 
jaillir la lumière, il suffit de l’heureuse inspiration 
d'un homme de génie et, pour provoquer cette 
inspiration, de l'événement le plus futile en appa- 
rence, d'une pomme tombant aux pieds d’un Newton. 


On connaît la théorie qui a été émise par M. d’Arson- 
val sur l’effet du foudroiement. M. Louis Olivier l’a 
exposée ici même l'an dernier ! : il a décrit la série 
des phénomènes qui se produisent dans l'organisme 
soumis aux courants de haut potentiel et de grande 
fréquence, et il a montré, d’après les observations de 
M. d’Arsonval, que le mécanisme de la mort entraînée 
par ces courants peut être très complexe : il y a 
d’abord contraction rapide, puis contracture des mus- 
cles : les mouvements cessent, et, les poumons ne se 
dilatant plus, il y a asphyxie; au début de la période 
d'immobilité qui engendre l’asphyxie et avait fait 
croire à la mort réelle, l'organisme peut être rappelé à 
la vie par la respiration artificielle. Mais si, pendant 
qu'on pratique cette opération, on continue d’électriser 
l'animal en expérience, ce traitement élève la tempé- 
rature du corps au point de coaguler l’albumine du 
muscle cardiaque, et la mort ne peut plus être évitée. 
Aussi M. d’Arsonval nous dit-il : « Dans beaucoup de 
cas, la mort due au choc électrique n’est qu'apparente ; 
traitez le foudroyé comme un noyé, il y a beaucoup de 
chances pour que vous le rappeliez à la vie ». Pour 
cette raison l’éminent physiologiste mettait en doute 
l'efficacité de l’électrocution pour produire instantané- 
ment la mort. Comme ce mode d’exécution des crimi- 
nels était, depuis quelque temps déjà, employé dans 
l'état de New-York et tenu par les Américains pour un 
procédé élégant, une sorte de raffinement de civilisa- 
tion, Popinion de notre savant compatriote provoqua 
une véritable émotion aux Etats-Unis. Les Journaux 
s’en mêlèrent et organisèrent une longue campagne les 
uns pour soutenir l’électrocution, les autres pour la 
combattre.« Afin d’en finir avec un aussi peu attrayant 
sujet, dit un correspondant de l’Electrician ?, le gouver- 
nement de l'Etat résolut de nommer un Comité qui 
assisterait à une exécution par l'électricité et dont le 
rapport ferait foi vis-à-vis du public; M. A. E. Kennelly 
et le D' À. H, Goelet furent désignés pour cette mission, 
qu'ils accomplirent le 28 janvier dernier, Les résultats 
de leurs observations sont décisifs quant à l'efficacité 
de cette manière de déterminer la mort. Leur rapport 
dit que la mort vint « instantanément et sans dou- 
leur ». Nous ne mettons aucunement en doute lexac- 
titude des observations de MM. Kennely et Goelet: 
mais avaient-ils bien le droit de généraliser ? Il nous 
souvient d’un accident dont on parla beaucoup l’an der- 
nier : un ouvrier atteint par un courant alternatif à 
haute tension fut rappelé à la vie bien qu'ayant recu 
très tardivement les soins nécessaires et présenté pen- 
dant plusieurs heures tous les symptômes de la mort. 
On ne saurait donc être trop réservé quand il s’agit 
d'apprécier les effets immédiats de l'électrocution. 

A. Gay, 


Aucien élève de l'Ecole Polytechnique. 


1 Revue générale des Sciences, 1894, t. V, pages 313 à 324. 
2 No du 22 février 1895, 


BIBLIOGRAPHIE , 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Le Roux (J.), Professeur de Mathématiques spéciales 
au Lycée de Brest. — Sur les intégrales des équa- 
tions linéaires aux dérivées partielles du second 
ordre à deux variables indépendantes. Thèse pour 
Le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol. 
gr. in-8 de 96 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs. 
Paris, 1895. 

La thèse de M. Le Roux est un des meilleurs travaux 
qui aient élé présentés comme thèses dans ces der- 
nières années à la Faculté des Sciences de Paris. Elle 
fait le plus grand honneur à son auteur, qui, parti d’un 
modeste échelon dans l’enseignement primaire, avait 
cru bon de conquérir d’abord le titre d’agrégé et avait 
obtenu le premier rang au concours de 1889. C’est là 
pour nos jeunes travailleurs un encouragement et en 
mème temps un bel exemple de travail ordonné et per- 
sévérant qui, du reste, n’est point isolé dans notre 
Université. Ë k 

On sait quelle place tiennent aujourd'hui dans la 
science les équations aux dérivées partielles du second 
ordre et particulièrement celles qui ont la forme étu- 
diée par Laplace, Leur rôle dans les théories phÿsiques 
est déjà ancien et il s'affirme chaque jour ; MM. Dar- 
boux et Ribaucour leur ont rattaché quantité de ques - 
tions géométriques, et l’on sait que les belles Lecons 
de M. Darboux sur la Théorie des Surfaces roulent en 
grande partie sur ces célèbres équations. Malheureu- 
sement, le nombre de celles que l’on sait intégrer est 
assez restreint, ce qui fait que nombre de problèmes 
qui se ramènent en dernière analyse à ces équations 
restent en suspens, attendant chacun une solution 
nouvelle de chaque équation nouvelle que l'on saura 
intégrer. É . 

C’est donc vers cette intégration que doivent se 
porter actuellement les efforts. On connait les beaux 
résultats dus à M. Picard et notamment sa méthode des 
approximations successives qui est devenue, dans ses 
mains habiles, un instrument théorique des plus élé- 
gants. M. Le Roux fait servir cette méthode à la repré- 
sentation de l'intégrale générale au moyen de certaines 
intégrales particulières qui dépendent d’une constante 
arbitraire et qu'il appelle principales; si z (æ, y, à) est 
une intégrale principale par rapport à la variable x, 
l'intégrale définie à limite variable x, 

TC 

2= f 


To 


Î (x) z (x, y, à) da 


est une solution nouvelle de l'équation, quelle que 
‘soit la fonction arbitraire f (x). Il y a de même des 
intégrales principales par rapport à la seconde va- 
riable y. Les variables x, y sont les paramètres des 
caractéristiques. ne : j 
Toute intégrale de l'équation différentielle proposée 
admet ainsi une représentalion au moyen de deux 
intégrales définies dont elle est la somme ; il suffit de 
connaître une intégrale principale pour chacune des 
variables æ, y. Dans certains cas, la fonction z(æ, y, &) 
est principale à la fois pour les deux variables, et sa 
connaissance suffit alors pour l'intégration complète 
de l'équation, Tel est le cas de la fonction w, introduite 
par M. Darboux. L'auteur étudie avec détail les déve- 
loppementsen séries des solutions de l’équation, ainsi 
que leurs singularités, qu'il distingue en propres, acci- 
dentelles, mobiles. Les premières dérivent exclusivement 
des coefficients de l'équation différentielle ; les secondes 
dépendent au contraire des conditions aux limites ; les 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


dites mobiles. L'auteur élablit diverses propriétés de 
ces lignes critiques; il prouve, entre autres, ce théo-M 
rème que certaines intégrales, qu'il appelle normales, 
ne peuvent admettre d’autres lignes criliques acciden= 
telles que des caractéristiques. À: 
La troisième partie de la thèse de M. Le Roux a pour 
objet l'application des considérations théoriques des: 
deux premières parties à des exemples particuliers. Las 
célèbre équation d’Euler et de Poisson est la première 
à laquelle il s'attache. Mais les travaux de M. Appell 
et de M. Darboux ont déjà complètement résolu las 
question en ce qui concerne celle équation. Aussi 
M. Le Roux a-t-il tenu à montrer que sa méthode 
générale pouvait donner des résultats plus nouveaux, 
et c’est ce qu'il a fait de la facon la plus heureuse en 
intégrant complètement l'équation différentielle : 


où ÿ (y), 2 (æ) sont des fonclions quelconques de y et 
de x respectivement. Un aussi beau résultat clôt digne 
ment le remarquable travail. de M. Le Roux. Tous les 
géomètres lui sauront gré d’avoir donné une méthode 
générale véritablement capable de conduire à de 
résultats nouveaux. G. Kœxtes. 


Seguier (J.-A, de), — Sur deux formules fonda 
mentales dansla Théorie des formes quadratiques 
et de la multiplication complexe d'après Kronec-… 
ker. Thèse pour le doctorat ès sciences mathémathique 
de la Facullé des Sciences de Paris. — 1 vol. in-8°, 
Gauthier- Villars et fils. Paris, 1895. 


Quatre parties différentes dans le vaste domaine des 
Mathématiques ont, pour le moment, le privilège pres. 
que exclusif de fournir les candidats docteurs de sujets 
de thèse. Ce sont : 

La géométrie (d’après le traité de M. Darboux sur les 
surfaces), les équations différentielles, les propriétés 
générales des fonctions (d'après MM. Poincaré, Picard,. 
Appell, Painlevé); les groupes continus de M. Lie. i 

Cesthéoriesont,eneffet, recu des maîtres de la science 
des accroissements considérables et récents. Cela les à 
mises à l’ordre du jour et, pour ainsi dire, à la mode. 
Rien de plus naturel et de plus légitime que les préfé-s 
rences des candidats. Mais, par contre, il est équitable 
de marquer d’une facon spéciale les thèses où le sujet 
est moins d'actualité. C’est Le cas pour MM. Padé (Revue. 
du 30 mai 1892), Auric (Revue du 15 septembre 1894), 
enfin pour M. de Seguier. À 

L'Arithmétique supérieure etses liens intimes et pro-l 
fonds avec les fonctions elliptiques passent à juste titre 
pour une des parties les plus ardues de la science. Lan 
matière a exercé la sagacité des plus illustres géo=u 
mètres et notamment de Kronecker. La publication" 
des œuvres du savant berlinois ne fait que commencer 
(voir dans la Revue du 30 novembre 1894 ma notice sur. 
la théorie des intégrales définies d’après KroneckerM) 
publiée par M. Netto). M: de Seguier semble avoir eux 
pour but de faire, pour la portion arithmétique de las, 
théorie des fonctions elliptiques d’après Kronecker, 1e 
même travail de coordination, avec perfectionnements 
partiels, que M. Netto pour les intégrales définies, 

La matière de la thèse a beaucoup de portions com 
munes avec l'ouvrage de Bachmann sur la théorie des, 
nombre (voir Revue du 15 mars 1895); mais M. de Seguiem 
approprie l'étude des formes quadratiques aux idées | 
plus récentes et plus profondes de Kronecker, Les rap: 


as 


FA : 


ea rés nr 


fo 


ports des formes quadratiques avec les fonctions ellip- 


tiques sont particulièrement mis en lumière à propos 
de la multiplication complexe. Gette opération consiste 
à construire les fonctions elliptiques de l'argument vu 
à l’aide des fonctions elliptiques de l'argument w, le 
multiplicateur # étant un nombre complexe, c’est-à- 
ire imaginaire. 
Voilà, à mon grand regret, tout ce que je puis dire, 
sur la très intéressante thèse de M. de Seguier, sans 
dépasser le cadre d’une simple notice. Les discussions 
de l’arithmétique supérieure sont peut-être les choses 
u monde qui se prêtent le moins à être résumées et 
analysées. On n’a guère que le choix entre une repro- 
duction presque intégrale et une espèce de table de 
matières, comme celle que je viens de dresser pour la 
présente thèse. LÉON AUTONNE. 


2° Sciences physiques. 


Ear1 (Alfred), Late Scholar of Christs College at Cam- 
_ bridge. — Practical Lessons in physical Measu- 
rement (Lecons pratiques sur les mesures physiques.) 
— 1 vol. in12° de 350 p. avec 145 fig. (Prix : Relié, 

6 fr. 25). Macmillan and C°, éditors. London and New- 

York, 1895. 

11 est peu de physiciens, parmi ceux qui ont oublié 
leurs propres débuts, qui n'aient été plus d’une fois sur- 
pris en voyant l'embarras d’un candidat aux grades 
universitaires se trouvant pour la première fois en con- 
tact direct avec un appareil d'expérience. Cela tient à 
ce que l’enseignement ne ménage aucune transition 
entre les cours uniquement théoriques, où le travail 
manuel est entièrement sacrifié au travail purement 
intellectuel, et le laboratoire, dans lequel on applique 
Ses cinq ou six sens à l'étude de problèmes qui dépas- 
sent déjà les éléments. 

C’est cette transition que l'auteur a voulu ménager, 
et l'ouvrage qu'il offre à ses confrères est le résultat 
des essais qu'il a tentés dans son enseignement pour 
combler une lacune qui l'avait aussi frappé. 

L'ouvrage part des premiers éléments pour s'élever 
graduellement aux notions plus complexes de la con- 
naissance, non seulement des méthodes de travail, mais 
surtout des idées en elles-mêmes. 

La méthode suivie d’un bout à l’autre de l’ouvrage 
est plus que simplement pratique; elle est philoso- 
phique en ce sens que l’auteur insiste, chaque fois 
qu'il introduit une notion nouvelle, sur le procédé 
sensoriel et intellectuel qui nous en donne la connais- 
sance. Cette voie ne peut être assez recommandée, dès 
que l’on possède les premiers éléments de la science, 
que l'on s’habitue trop à considérer comme une suite 
d’axiomes, ou tout au moins de faits acquis et indiscu- 


tables. 


Quelques exemplesferontbien comprendre la manière 
suivant laquelle l’auteur procède dans la plupart des 


cas. S'agit-il des méthodes d'observation considérées 


dans toute leur généralité, il montre que « la mesure 
directe n’enseigne rien de plus que l'égalité ou l'inéga- 
lité de deux quantités ». Plus loin, à propos de la défi- 


nition du temps. il fait observer que « des grandeurs 


différentes par leur nature peuvent posséder des points 
de ressemblance, qui permettent de les expliquer l’une 
par l’autre, ou, plus ordinairement, l’idée qui nous est 
le plus familière, en raison de notre expérience quoti- 
dienne, nous sert à mieux comprendre la notion la 
moins usuelle ». Le temps lui-même ne devient une 
notion nette que mis en rapport avec des changements 
qui surviennent dans les objets qui nous entourent, et 
fous ces changements doivent être comparés à une autre 
variation, de laquelle on a pu démontrer qu'elle s’ef- 
fectue avec une grande régularité. La discussion rela- 
tive au choix de cette variation nous fait parcourir de 
nouveau le chemin qu'ont dù franchir nos devanciers, 


ces génies trop oubliés, auxquels nous devons nos ins- 


truments de travail, et, avanttout, — je dirai même 
parmi ces derniers — une connaissance exacte d’une 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


PINOT TS 


287 


foule de choses si usuelles aujourd’hui que nous 
croyons en avoir apporté la notion en naissant. 

Tout cela est bon à dire au moment où l'étudiant 
va commencer à apprendre par lui-même; l’auteur 
aurait pu, sans doute, le dire en moins de mots, 
et il aurait dù éviter de tomber dans des erreurs 
comme celle que contient la phrase .suivante : « Des 
masses égales ne sont nécessairement égales que par 
l'égalité d'attraction que la Terre exerce sur elles. » 

Si nous passons à la païlie pratique de l’ouvrage, 
mêlée, du reste, pour chaque sujet, à la partie pure- 
ment didactique, nous aurons surtout à reprocher à 
l’auteur d’avoir perdu un peu trop de temps en exer- 
cices que l’on doit posséder absolument au sortir 
de l’école primaire; nous voulons parler du calcul 
des superficies et des volumes des figures les plus 
simples, comme le carré ou le cube, à moins toute- 
fois que l’usage du système britannique de mesures 
ne réussisse à rendre difficiles à saisir des notions qui 
nous paraissent évidentes. 

Ces quelques réserves faites, il nous parait que les 
exercices vraiment pratiques sont choisis et gradués de 
manière que l'élève qui les aura exécutés en y 
appliquant son intelligence et ses soins, en tirera le 
plus grand profit, aussi bien pour la connaissance des 
relations des grandeurs, que pour son habileté ma- 
nuelle. 

Par exemple, les figures géométriques sont évaluées 
non plus seulement en déplacant fictivement certaines 
de leurs parties de facon à simplifier le problème; on 
les découpe en réalité, et les dispose de manière à pou- 
voir les mesurer aisément. Un cercle est divisé en sec- 
teurs, que l’on rapproche ensuite pour figurer approxi- 
mativement un quadrilatère, dont la superficie est 
aussitôt estimée. Pour que la notion du plan entre dans 
l'esprit des élèves par deux sens à la fois (sans parler 
du sens olfactif), l’auteur recommande de distribuer à 
toute la classe de petits blocs de craie que chacun des 
élèves devra roder de facon à obtenir trois plans s’ap- 
pliquant exactement l’un sur l’autre; le procédé ne 
diffère pas en principe de celui que l’on emploie en 
optique, et, du même coup, les élèves y apprendront un 
tour de main. 

Les mesures plus complexes, que l'on peut exécuter 
avec des appareils d’une construction élémentaire, sont 
décrites dans un chapitre qui constitue comme le 
résumé de l’ouvrage entier. 

Nous avons dit en passant ce qui nous paraissait être 
des imperfections de cet ouvrage; il ne nous reste plus 
qu'à souhaiter de voir l’idée qui la fait naître de 
mieux en Inieux comprise. 

Ch.-Ed GuiLLaAuME. 


Preston (Thomas), Professor of natural Philosophy, 
University College, Dublin. — The theory of Heat (La 
théorie de la Chaleur). -— Un vol. in-8° de 7C9 pages. 
Macmillan and C°, Londres, 1895. 


L'auteur a voulu écrire un traité sur la chaleur com- 
prenant aussi bien les questions théoriques que les faits 
expérimentaux; mais il a tenu avant fout à rester à la 
portée de tous ceux qui n’ont qu'une éducation scien- 
tifique moyenne ; son livre ne s'adressant pas à une 
classe spéciale de personnes, telle que des candidats 
à un examen particulier, il avait toute liberté de déter- 
miner lui-même son plan, n’élant assujetli à suivre 
aucun programme, Il a pu ainsi laisser de côté cer- 
taines théories, ne pas insister sur la description 
d'expériences inutiles pour ceux qui désirent surtout 
avoir un tableau d’ensemble. Le livre commence par 
une partie consacrée aux diverses théories sur la nature 
de la chaleur, à l'exposé des propriétés générales de 
la matière ou de l'énergie; on pourrait peut-être pré- 
férer que cette introduction fût au contraire reportée à 
la fin de l’ouvrage, mais elle est très clairement écrite, 
très intéressante à lire. Viennent ensuite plusieurs 
chapitres consacrés à la thermométrie, la calorimétrie, 
les changements d’état, la propagation de la chaleur. 


288 


On trouvera consignés là les résultats les plus récents, 
décrites les méthodes de mesures les plus perfection- 
nées. La dernière partie est réservée à la thermodyna- 
mique ; elle constitue un traité élémentaire particuliè- 
rement soigné de cette science : elle renferme une 
exposition claire des principes fondamentaux et de 
leurs conséquences; des notions succinetes sur la 
fonction caractéristique de M, Massieu et le potentiel 
thermodynamique de M. Duhem. Lelivre du savant pro- 
fesseur de Dublin est, sans contredit, l’un desmeilleurs 
traités élémentaires que l’on ait écrits sur la chaleur ; 
il aura en France le succès qu'il a déjà obtenu en 
Angleterre. 
< Lucien Porxcaré. 


Ostwald (W.), Professeur de Chimie à l'Université de 
Leipzig. — Die wissenschaftlichen Grundlagen der 
analytischen Chemie. (Les bases scientifiques de la 
Chimie analytique.) — 1vol. de 187 pages, W. Engel- 
mann, Leipzig. 1895. 

On a trop souvent considéré la Chimie analytique 
comme une science plutôt empirique, faite de procédés 
plus ou moins perfectionnés, à tel point qu’un traité de 


chimie analytique n’est souvent apprécié qu’autant. 


qu'il fournit le plus grand nombre de solutions, — on 
pourrait presque dire de-recettes, — donnant la marche 
à suivre dans tel ou tel cas compliqué. M. Ostwald a 
cherché à réagir contre cette tendance et à montrer 
que les méthodes de Ja Chimie analytique, bien que 
nées exclusivement de l’expérience, sont la confirma- 
tion des principes de la Chimie théorique tels qu'ils ont 
été développés en ces dernières années, 

L'ouvrage comprend deux parties : la première, toute 
théorique, est relative aux opérations les plus géné- 
rales de laChimie analytique : le lavage des précipités, 
leur agglomération par Île repos, les méthodes de 
séparation par distillation fractionnée, les extrac- 
tions par des dissolvants, ete. Un chapitre spécial 
est consacré à la théorie des dissolutions, aux équilibres 
chimiques, aux réactions chimiques; l’auteur insiste 
avec raison pour montrer que ces conceptions peuvent 
souvent guider le praticien dans les opéralions que 
comporte la Chimie analytique. 

La seconde partie, relative aux applications, ne com- 
prend que des généralités sur les diverses méthodes 
qui servent à doser les bases et les acides ; toute cette 
partie est traitée au point de vue spécial de la disso- 
ciation électrolytique. Ce n’est évidemment qu’un lan- 
gage nouveau pour représenter des choses anciennes. 
Cette manière de faire, à coup sûr originale, ne man- 
quera pas de soulever quelques objections. Elle est 
cependant très suggestive, et, au point de vue purement 
didactique, elle a certainement des avantages dont tout 
lecteur impartial se rendra compte en étudiant l’ou- 
vrage de M. Ostwald. 

Les méthodes expérimentales n’élantesquissées qu’à 
grands traits, ilne faudra pas chercher dans cet ouvrage 
un traité complet de Chimie analytique; cela n’a du 
reste pas été l'intention de l’auteur. Cet intéressant petit 
manuel s'adresse surtout au praticien désireux d’étu- 
dier de plus près les principes sur lesquels on peut 
édifier aujourd’hui la Chimie analytique, ainsi qu'aux 
personnes curieuses de suivre de près le mouvement 
des idées en ce qui concerne l’enseignement de cette 
science. 

Ph. A. GUY£. 


3° Sciences naturelles. 


Planchon (Louis), Docteur en médecine, Chargé du 
cours de Matière médicale à l'Ecole supérieure de Phar- 
marie de Montpellier. — Produits fournis à la ma- 
tière médicale par la famille des Apocynées. — 
1 vol. yr. in-8° de 360 p. avec 25 fig. Imprimerie Hame- 
lin frères. Montpellier, 1895. 

Le travail que M. Planchon a présenté comme thèse 
au concours d’agrégation est une étude de matière 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


médicale; peu de familles naturelles fournissent plus 
de médicaments et de poisons que celle des Apocynées; 
mais la plupart des espèces appartiennent aux régions 
tropicales; elles nous arrivent difficilement, les pro- 
duits perdent leur efficacité en peu de temps, et sont 
assez mal connus pour que les fraudes (dont la phar- 
macie n’est pas exempte) s’yintroduisent facilement, Il 
en résulte que la thérapeutique, déroutée parfois par 
des insuccès attribués à une substance qu’elle n’a pas 
réellement entre les mains, abandonne l'emploi des 
substances les plus actives et les plus utiles, Ajoutons 
que l'analyse chimique n’est pas encore poussée assez 
loin pour qu'on sache tout le parti qu’on pourra tirer. 
des glucosides contenus dans les diverses parties de 
ces plantes. La famille fournit, en outre, à l’industrie 
des bois, des textiles, des matières colorantes, des 
caoutchoucs, etc. On y trouve des aliments à côté de 
poisons redoutables; il arrive même que, grâce à des 
phénomènes particuliers de localisation, diverses par- 
ties de la même plante aient des propriétés très diffé- 
rentes. Ajoutons encore que ces plantes sont répan-- 
dues dans presque toutes les régions intertropicales : 
l'Inde, la Malaisie, l'Amérique, les Antilles, l'Afrique 
centrale, Madagascar et les Mascareignes en possèdent 
un grand nombre. 

Il y a évidemment quelque mérite à tenter de mettre 
de l’ordre dans le chaos ; on ne refusera pas ce mérite 
à M. Planchon. Fidèle à son sujet, il a adopté pour 
cette étude un ordré arbitraire, le plus commode quand 
on ne se préoccupe pas de connaître le développement 
et l’évolution des objets étudiés. Il se trouvait en pré- 
sence d'une foule de produits qu'il se proposait de 
grouper. Il les a rapprochés d’abord suivant les organes 
qui les fournissent; il reconnait bien que cet ordre a 
l'inconvénient de séparer des espèces voisines, de 
scinder parfois en deux ou plusieurs fragments l'étude 
d'une même plante; mais cet inconvénient est inévi- 
table, Chacun des chapitres, consacrés aux fruits et 
graines, aux organes végétatifs, au latex et à ses pro- 
duits, etc., subit une nouvelle division d’après la dis- 
tribution géographique des végétaux dont il est 
question. Un index bibliographique et une table alpha- 
bétique étendue permettent de s'orienter au milieu du 
dédale des faits etdes descriptions dans lequel devront 
nécessairement s'engager, à la suite de M. Planchon, 
tous ceux qui s’occuperont de la matière médicale des 
Apocynées. 

Ch. FLartauzr. 


4° Sciences médicales. 


Chareot, Bouchard, Membre de l’Institut, Profes- 
seur de Pathologie générale à la Faculté de Médecine de 
-Paris, et Brissaud, Professeur agrégé à la Faculté de 
Médecine de Paris, Médecin de l'Hôpital Saint-Antoine. 
— Traité de Médecine. Tome VI. — 1 vol. yr. in-8° 
de 1400 pages avec 220 figures. (Prix : 25 fr.). G. Masson, 
éditeur, Paris, 1895. 

Avec ce volume finit le Traité de Médecine, A son 
début en 1891, la publication de ce grand ouvrage avait 
remporté auprès du monde scientifique médical le 
plus légitime succès, Ses volumes successifs ont été 
accueillis avec une faveur croissante et attendus avec 
impatience, Le sixième tome clôt avec grand honneur 
cette publication. Entièrement consacré aux maladies 
du système nerveux, il est dû à la collaboration des 
plus estimés des élèves de Charcot. Chacun d'eux y à 
apporté le fruit de ses recherches favorites et la compé- 
tence qu'il s’y était acquise. ; : À 

C’est ainsi que M. Brissaud a écrit les chapitres im- 
portants des localisations cérébrales et les pages rela- 
tives aux questions générales : apoplexie, aphasie, . 
hémorrhagie cérébrale, ete. La pathologie du bulbe 
rachidien a été exposée par M. Guinon, à qui l'on doit 
aussi les méningites, les compressions médullaires et 
la syringomyélie, M. Pierre Marie a traité les myélites 
infectieuses et toxiques et les scléroses médullaires; 


hé it dé 


dd à mod à nie mt ddate, alle —. nés tit 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 289 


M. Lamy, la syphilis cérébrale et spinale et la paralysie 
agitante. Les névrites, de M.. Babinski, les psychoses, de 
M. Ballet sont de véritables traités. Les névralgies et 
paralysies ont été décrites par M. Hallion. 

Les monographies sur l’acromégalie, le myxædème 
ont été rédigées par M. Souques. Les chorées par 
M. Blocq et les névroses, neurasthénie, épilepsie et 
hystérie, par M. Dutil, terminent le volume. 

On ne saurait, vu l'importance de ce livre et sa grande 
étendue (il contient près de 1400 pages), entrer ici dans 
des développements d'analyse. Le Traité de Médecine 
prend d’ailleurs place parmi les ouvrages classiques. 

D' A. LÉTIENNE. 


Ollier (L.), Professeur de Clinique chirurgicale à la 
Faculté de Lyon, Correspondant de l'Institut. — Régé- 
nération des os et Résections sous-périostées. 
— 1 vol. in 8° de 180 p. de l'Encyclopédie scientifique des 
Aide-Mémoire, dirigée par M. H. Léauté, de l'Institut. 

. (Prix : broché ? fr. 50; cartonné, 3 fr.) G. Masson et 
Gauthier- Villars, éditeurs, Paris, 1895. 

La collection des Aide-Mémoire Léauté, dans laquelle 
ont déjà été publiés tant de livres utiles, vient d'ajouter 


à leur série un abrégé du Traité des Résections du Pro- 
 fesseur Ollier. C’est le maître lui-même qui a résumé 


dans ce petit volume de 180 pages ses recherches sur 
la régénération des os et leur application aux résec- 
tions sous-périostées : il a dressé ainsi, dans une forme 
concise et claire, Le bilan de son œuvre chirurgicale, qui 
est l’une des plus considérables du siècle. 

Après un {très rapide exposé de l’origine et de Fhis- 
toire des réseclions, l’auteur rappelle d’abord les expé- 
riences physiologiques qui ont servi de base à la mé- 
thode chirurgicale qu'il a préconisée. Ces expériences 
ont successivement et définitivement démontré les pro- 
priétés ostéogéniques du périoste et spécialement de sa 
couche profonde, la possibilité d’en réveiller la vitalité 
par des irritations appropriées, l'importance de l’inté- 
grité du canal périostéo-capsulaire pour la reconstitu- 
ion des néarthroses, enfin le rôle joué par le cartilage 
de conjugaison dans l’accroissement des os longs. 

De ces fondements physiologiques l’auteur a déduit 
la technique des résections sous-périostées qu'il pra- 
tique depuis plus de trente ans déjà. Les résultats sont 
connus de tout le monde : ils ont entrainé l’unanime 
adhésion des chirurgiens de tous les pays. Le Pr Ollier 


les a résumés dans le présent Aide-Mémoire, dont le 


but est de donner une idée synthétique de la méthode 
opératoire à laquelle son nom est attaché, 
D' Gabriel MAuRANGE. 


5° Sciences diverses. 


Binet (Alfred), Directeur adjoint du Laboratoire de 
Psychologie physiologique des Hautes Etudes à la Sor- 
bonne. — Psychologie des grands Calculateurset 
Joueurs d'échecs. — Un vol. in-16 de 364 p. (Prix : 
3 fr. 50.) Hachette et Cie, Paris, 1895. 

L'ouvrage de M. Binet comprend, comme le titre 
l'indique, deux parties distinctes. Dans la première, 
l’auteur rend compte des observations qu'il à faites 
sur deux calculateurs prodiges, Inaudi et Diamandi. 
La seconde est le résumé d’une enquête à laquelle il 
s’est livré sur les plus forts joueurs d'échecs, en parti- 
culier sur ceux qui jouent « sans voir ». L'unité du 
livre est pourtant réelle : calculateur ou joueur, le 
sujet est surtout étudié au point de vue de la mémoire 
des images. Les observations de M. Binet sont d’une 
précision extrême; il en expose le résuliat en suivant 
d'aussi près que possible le contour des faits. De ce 
compte rendu impartial se dégagent cependant des 
idées intéressantes, qui nous présentent sous un jour 


- assez nouveau certains phénomènes de la mémoire. 


Parlons d’abord des calculateurs. L'opinion généra- 


- lement admise est que les calculateurs prodiges visua- 


lisent leurs opérations. Mondeux, Colburn, ele., étaient 


calcul de tête, qui implique la présence simultanée, 
dans la mémoire, d'un grand nombre de chiffres sur 
lesquels on opère sans en laisser échapper aucun 
tandis qu'on passe aux autres, implique une espèce 
d'hallucination visuelle, une vision intérieure, Tel 
n’est pas le cas d’Inaudi. Il entend les nombres; c’est 
son oreille qui les retient; les chiffres « résonnent à 
son oreille avec son propre timbre de voix », Ajoutons 
que ses lèvres remuent pendant qu'il travaille, qu'il 
prononce intérieurement les noms des chiffres, et que 
l’image auditive se renforce, dans son cas, d’une image 
motrice, M. Binet a étudié cette mémoire auditive de 
très près; il en a mesuré l'étendue et les limites. 
L’ensemble de ces observations est intéressant, moins 
intéressant cependant, à notre avis, que les trois cha- 
pitres qui suivent et qui concernent le calculateur 
Diamandi. C’est un visuel que Diamandi, du moins 
pour ce qui touche au calcul mental, et, par là, il res- 
semble à la plupart des calculateurs connus. Mais 
l'étude de ce calculateur a conduit M. Binet à des 
conclusions assez inallendues sur la mémoire visuelle 
des chiffres. On pourrait croire, en effet, que, si un 
calculateur du type visuel retient par cœur, après 
l'avoir regardée un moment, une série souvent consi- 
dérable de chiffres tracés sur le papier, c’est qu'il en 
a tiré une espèce de photographie mentale. Il rever- 
rait alors cette photographie tout d’un coup, et retrou- 
verait les chiffres en les lisant, un à un, sur la feuille 
de papier imaginaire que lui représente sa mémoire, 
Ce n’est pourlant pas ainsi que les choses se passent, 
et M. Binet a imaginé des expériences ingénieuses pour 
le démontrer, D'abord, si la mémoire visuelle n’est 
que la lecture d’une photographie mentale, le sujet 
reverra mentalement les chiffres avec la couleur qu'ils 
avaient sur le papier; il ne lui faudra donc pas un sur- 
croît de travail pour se rappeler que tel chiffre est en 
rouge, tel autre en bleu. Ensuite, si l’acte de visualisa- 
tion est chez lui une reproduction photographique de 
la vision réelle, il n’aura pas plus de peine à retenir 
la position exacte des chiffres sur le papier que ces 
chiffres eux-mêmes, puisqu'il ne les répète jamais 
qu’en les revoyant. Or, l'expérience a montré qu'il 
faut trois fois plus de temps à M. Diamandi pour ap- 
prendre à la fois les chiffres et leurs couleurs (quand 
ces couleurs sont différentes), que pour apprendre les 
chiffres seulement. Et en ce qui concerne les posi- 
tions, il s'en faut également que M. Diamandi voie tout 
le tableau qu’il a confié à sa mémoire : l’expérience 
établit qu'il ne peut pas énoncer les chiffres avec la 
même rapidité ni avec la même exactitude dans tous 
les sens; il y a des directions que son attention suit 
plus facilement que les autres, et ces directions sont 
justement celles que son attention à suivies en appre- 
nant ces chiffres. Ainsi, dans £e cas particulier au 
moins, l'image visuelle ne s'imprime pas, d'elle-même, 
dans une mémoire qui la recevrait passivement; l’ac- 
livité mentale joue un très grand rôle. M. Binet ne 
nous parait pas avoir dégagé cette conclusion assez 
neltement; l’idée est pourtant importante, et même, 
en y regardant de près, on verrait qu'elle est ce qui 
fait l'unité du livre; elle pourrait servir de transition 
entre la première partie de l'ouvrage et la seconde, 
celle qui traite des joueurs d'échecs. 

M. Binet étudie, chez les joueurs d'échecs, cette 
mémoire spéciale qui leur permet de jouer une partie, 
et même plusieurs parties, sans voir l’échiquier. Que 
cette mémoire se rencontre chez beaucoup de‘forts 
joueurs, cela n'a rien d'étonnant, puisqu'elle est im- 
pliquée en parlie dans l’aptitude même à jouer aux 
échecs. Le jeu n’est guère possible, en effet, sans la 
prévision d’un nombre plus ou moins considérable de 
coups, qui modifieront chaque fois l'aspect général de 
l’échiquier et, par conséquent, de la partie, Même, la 
force de combinaison aux échecs consiste, au fond, 
dans la faculté de se représenter simultanément un 
plus ou moirs grand nombre de parties possibles résul- 


des visuels. Il semble, d’ailleurs, assez naturel que le ‘ tant d’un coup donné, pour suivre ce coup jusque dans 


290 


_ses conséquences les plus lointaines. Mais en quoi 

consiste ici la représentation mentale? Les auteurs 
qui ont traité du « jeu sans voir » admettent tous que 
ce tour de force repose sur la mémoire visuelle. Taine 
a écrit sur ce sujet une page bien connue : « Il est 
clair, dit-il, qu'à chaque coup la figure de l’échiquier 
tout entier, avec l'ordonnance des diverses pièces, esl 
présente, comme dans un miroir intérieur ; sans quoi 
l’on ne pourrait prévoir les suites probables du coup 
qu’on vient de subir et du coup qu'on va commander. » 
Et Taine décrit le cas d’un de ses amis qui, « les yeux 
contre le mur, voit simultanément tout l’échiquier et 
toutes les pièces telles qu’elles étaient en réalité au 
dernier coup joué». 

Tel n’est pas du tout le résultat des recherches de 
M. Binet, Il s’est adressé aux meilleurs joueurs d'échecs, 
à ceux surtout qui sont répulés pour jouer sans voir; 
il a recueilli leurs témoignages; il les a confrontés 
entre eux, et de cette enquête parait se dégager la 
nécessité d'admettre une forme nouvelle de la mémoire 
visuelle, que l’auteur appelle « la mémoire visuelle 
géométrique ». Essayons de caractériser cette mémoire, 
telle que les joueurs eux-mêmes la décrivent, 

Tous s'accordent d’abord à dire que, pour arriver à 

se passer de léchiquier, il faut le connaître à fond : un 
bon joueur sans voir est toujours un fort théoricien. 
C'est qu’on n'arriverait pas à se graver dans la mé- 
moire une série de coups et de positions « si on ne 
savait pas donner aux coups et à la position une signi- 
fivution précise ». Comme le dit très bien M. Binet, 
celui qui ne comprendrait pas le sens des coups aurait 
autant de peine à les retenir qu'un illettré à se graver 
dans l'esprit une ligne imprimée. Il suffit, au contraire, 
à celui qui sait lire et qui comprend le sens des mots, 
de jeter un coup d’œil sur la ligne pour savoir repro- 
duire, au besoin, la succession des lettres qui la com- 
posent. Si le joueur peut se rappeler les coups joués 
dans cinq et même dix parties, ce qui fait un total de 
plus de 300 coups, « c’est qu'il a conscience des raison- 
« nements qui ont amené ces coups et qu'il se rend 
« compte de la genèse psychologique de la partie; c’est 
« parce que, pour son esprit, la partie n’est pas une 
« lutte entre des poupées de bois, mais une lutte entre 
« des idées ». Parmi les joueurs consultés par M. Bi- 
net, il en est qui expriment ce fait sous une forme sai- 
sissante : « Je suis souvent porté, dit l’un d'eux, à ré- 
sumer dans une épithète générale le caractère d’une 
position, Je la saisis comme le musicien saisit dans son 
ensemble un accord... Une partie vous à l'air simple, 
familier, ou bien original, excitant, suggestif, et l’on 
éprouve du plaisir à voir cela comme si l’on revoyait 
une ancienne connaissance. » On s'explique ainsi que 
le « joueur sans voir » s'arrange de manière à orienter 
différemment chacune de ses parties, de manière à 
leur donner à chacune sa direction particulière, La 
difficulté ne commence pour lui que lorsque des posi- 
tions à peu près identiques donnent à deux parties 
simultanées la même physionomie. 

Mais, dira-t-on, la mémoire visuelle ne joue-t-elle 
ici aucun rôle? Si le joueur se représente la physio- 
nomie et la marche d’une partie dans son ensemble, 
encore faut-il qu'il la voie à un moment donné, qu'il 
imagine la position de chaque pièce ainsi que l’en- 
semble, Tous les joueurs s'accordent en effet sur ce 
point; mais ils s'accordent aussi à peu près tous à 
déclarer qu'ils réduisent ici à son strict minimum le 
travail de visualisation. D'abord, ils ne voient pas 
l'échiquier en entier, mais seulement la région de 
l'échiquier sur laquelle le combat est actuellement 
engagé; ils évoquent de l’échiquier, tour à tour, les 
‘diverses parlies dont ils ont besoin. Puis, la-forme des 
pièces ne leur apparaît que d’une manière très vague ; 
quelques-uns seraient incapables de dire à quel type 
appartiennent les pièces avec lesquelles ils jouent 
mentalement. C'est donc qu'ils ne se représentent 
pas l’image de chaque pièce elle-même, — Pourtant, il 
faut bien qu'ils se représentent quelque chose; sinon, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


comment auraient-ils l’idée de l’ensembie? — C'est sur 
ce point que l'enquête de M. Binet-aboutit à une con- 
clusion véritablement curieuse, et qui s'accorde d’ail- 
leurs avec tout ce qui précède : ce que le joueur se 
représente de chaque pièce, ce n’est pas, à proprement 
parler, sa forme, c'est sa puissance, c’est-à-dire ses 
mouvements possibles. Les figures ne se répartissent 
pas pour lui selon leurs couleurs; elles se divisent en 
hostiles et alliées. Il en oublie les contours exté- 
rieurs; il ne se souvient que de leur action et de 
leur portée. C’est ainsi que la tour représente «une 
marche en ligne droite », le fou « une force oblique ». 
Un novice seul, dit un des joueurs consultés, 
verra l’échiquier et la forme particulière des pièces, 
parce qu'il ne saisit pas leur signification intérieure. 
Ainsi, ce que le « joueur sans voir » se represente 
surtout, à un moment donné, d'une partie qu'il joue, 
c'est un double système de forces, chacune douée d’un 
pouvoir propre, et dont les unes sont commandées 
par lui, les autres combattues. Ce qu'il retient de l’en- 
semble de la partie, c’est surtout la variation de ces 
forces dans leurs rapports réciproques. La faculté de 
voir mentalement, telle qu'on l'entend d'ordinaire, est 
accessoire; elle intervient seulement pour remplir, 
pour colorer un schème par lui-même incolore et 
purement géométrique. 

M. Binet propose de nommer mémoire visuelle géomé- 
trique cette forme nouvelle de la mémoire. C’est, si je 
ne me trompe, la faculté de retenir virtuellement des 
images visuelles en leur substituant un schème abstrait 
de mouvements possibles qui permettrait au besoin de 
les reconstituer, mais qui permet surtout de se passer 
d'elles. Dans le cas particxlier des échecs, ce schème 
est celui de la direction et de l’action respectives de 
chaque pièce, et des rapports variables que ces forces 
entretiennent entre elles dans tout le cours d’une 
partie. C'est la signification de chaque pièce, et aussi 
celle de la partie, qu'on se fixe dans l'esprit. La partie 
d'échecs étant envisagée comme un ensemble, on en 
démèêle les articulations, on l’organise dans son imagi- 
nation : ce sont, pour ainsi dire, les progrès de cet 
organisme qu'on suit à travers la partie entière. Ne 
vaudrait-il pas mieux appeler cette mémoire « mémoire 
visuelle d'organisation »? 

Mais le mot n'importe guère. 11 faut savoir gré à 
M. Binet d’avoir mis en lumière une forme de la mé- 
moire qui n'avait guère été étudiée. De quelque nom 
qu'on l'appelle, le psychologue devra en tenir compte. 
Et de l’ensemble du livre de M. Binet se dégage, à 
notre avis, la très intéressante conclusion que la 
mémoire des images est chose moins simple qu'on ne 
pense, et que l’activité du sujet y joue un très grand 
rôle, 

H. BerGson. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-S° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en cou- 
leurs. 516° et 517° livraisons. (Prix de chaque livrai- 
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, 
Paris, 1895. 

Les 516° et 517° livraisons renferment des articles sur 
l'acide lactique et la lactose par notre collaborateur 
M. C. Matignon; sur la laine, son industrie et son 
commerce, par MM. Larbalétrier, Goguel et Knab; sur 
le lait, sa formation, sa composition, sa digestibilité, 
les microorganismes qu'il renferme, par notre colla- 
borateur le D' Langlois; sur le laiton et sur les sco- 
ries qu'on appelle laitier en métallurgie, par M. L. Knab; 
sur les deux genres de mammifères qui ont pour type 
le lama et le lamantin, par M. E, Trouessart; les biogra- 
phies du grand prédicateur Lacordaire, par M. E. H. Vol- 
let; de La Fontaine, par M. FE. Brunetière; de Mme de 
la Fayette, par M. Asse; du général La Fayette, par 
M. E. Charavay; du célèbre naturaliste Lamarck, par 
M. le D' Hahn; de Lamartine, par M. E. Tourneux, 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 4 Mars 1895. 


M. Guyou lit une notice sur la vie et les travaux de 
M. l'amiral Pâris, membre de la Section de Géogra- 
phie et de Navigation. 

4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Résal donne une 
famille de lignes, qu’il appelle axoïdes, telles que deux 
segments de sa normale, limités par deux lignes don- 
nées (directrices), soient égaux; ces lignes résolvent le 
problème qu'on est amené à se poser en mécanique 
appliquée quand on se donne le profil d’un tuyau dont 
la section est variable, ou bien l’intrados et l’extrados 
d'une voûte en berceau. — Le P. Repin rectifie 
quelques théorèmes énoncés antérieurement par le 
théorème suivant : Un seul carré pair devient un cube 
lorsqu'on lui ajoute 47, savoir le carré de 500, lequel 
devient alors le cube de 63. — M. le Secrétaire per- 
pétuel signale les Lecons autographiées surl'intégration 
des équations différentielles de la Mécanique et ses 
applications de M. P. Painlevé, et un Essai de Géogra- 
phie générale de M. Christian Garnier, —M. Rosard 
communique ses observations de la planète Wolf BP, 
faites à l’observaloire de Toulouse(équatorial Brunner). 

2° ScExcEs pHysiQues. — M. Amagat examine et dis- 
cute les valeurs de ia pression intérieure et du viriel 
des forces intérieures dans les fluides en s'appuyant 
sur les résultats fournis par l'étude de la com- 
pressibilité des principaux gaz. La pression inté- 


: d Tam : 
rieure:r— T T — p, est une fonclion manifestement 


différente de la quantité +’, appelée aussi pression inté-* 


rieure et définie par l'équation de Clausius : 
3 3 
KT —;:(Pp+x)v 


quand on y a remplacé le viriel des forces intérieures 
par 3 7 y. En outre, on ne vérifie pas l'hypothèse de 
M. Sarrau, à savoir que le travail moléculaire relatif à 
la variation de volume dv serait représenté par 7'dv 
dans le cas où le volume des molécules et l'amplitude 
des mouvements stationnaires seraient très pelits rela- 
tivement aux distances intermoléculaires. — M. E. 
Renou donne l’ensemble des observations météorolo- 
giques faites pendant le mois de février au parc de 
Saint-Maur. Ce mois particulièrement froid donne une 
moyenne de basse température qui n’a pas été cons- 
tatée depuis 1740. — M. J. Carpentier présente un 
certain nombre de vues panoramiques obtenues par 
agrandissement de clichés 4 1/2 X 6 fournis par la 
photojumelle à répétition. L'emploi de préparations 
orthochromatiques et d’un verre compensateur à teinte 
jaune foncé donne à ces photographies des finesses de 
détail remarquables. — M. V. Ducla adresse un mé- 
moire relalif aux constantes calorimétriques des divers 
corps, rapportées à l'unité de volume. — M. Léopold 
Hugo adresse une note sur l’analogie entre le gâteau 
d'argent fin, après expulsion de l'oxygène, etles régions 
volcaniques de la lune. — M. A. Villiers a reconnu 
que les deux fonctions acide et alcali, que peut rem- 
plir le sulfure de zinc, n’appartiennent pas à un même 
corps, mais à deux variétés distinctes par leurs pro- 
priétés physiques et chimiques et non susceptibles de 
se transformer directement l’une dans l’autre entre 


. O0 et 100°. La théorie de M. Jungfleisch sur la constitu- 


tion des cinétiques rend compte de ces faits et en re- 
coitelle-même une nouvelle vérification, — M. E. Mou- 
net a fait l’étude des chaleurs de dissolution et de 


dilution de l’acétate de soude, en prenant comme 
abscisses les concentrations et comme ordonnées les 
chaleurs de dilution; il obtient à 150 une courbe 
presque rectiligne montant rapidement de la concen- 
tration 0 à la concentration 10, puis une courbure très 
nette entre les concentrations 5 et 17,5; enfin, à partir 
de cette dernière concentration, la courbe tend à de- 
venir asymptotique à une droite parallèle à l'axe des 
abscisses. — M. Délépine signale l’action des acides 
sur les iodures d’ammonium de l’hexaméthylène 
amine comme un nouveau mode de formation des 
amines primaires ; ilindique aussi l'utilité de l'emploi 
du réactif bismuthique qui permet de séparer les 
amines d’avec l’'ammoniaque; même au cas relatif à 
l’amylamine, il permet de séparer cette base de la base 
insoluble dans l’eau, laquelle donne un bismuthate 
très soluble. — M. Jacques Passy établit que toute 
production d’odeur s'accompagne de la diffusion 
dans l’atmosphère et de l’apport à la muqueuse olfac- 
tive d’une substance odorante, dont la présence peut 
être décelée par l'emploi d'un agent chimique appro- 
prié, qui, détruisant cet individu chimique, détruit en 
même temps l'odeur correspondante. — M. A. Müntz 
déduit des recherches sur les exigences de la vigne les 
conelusions suivantes : 1° l’absorption de l'azote et de 
la potasse est beaucoup plus considérable que celle de 
l'acide phosphorique ; 2" l'azote est absorbé en grande 
quantité par la vigne, et, contrairement à des idées 
très répandues, les famures azotées doivent intervenir; 
3° dans le Midi, Pazote est absorbé en plus forte pro- 
portion que la potasse; dans les régions plus sep- 
tentrionales, c’est la potasse au contraire qui est 
absorbée plus abondamment ; # la vigne du Midi, 
beaucoup plus productive, n’exige pas une somme de 
matériaux nutritifs notablement supérieure à celle des 
vignes des climats plus tempérés; 5° la quantité des 
éléments fertilisants mise en jeu par la vigne pour 
produire un hectolitre de vin est trois ou quatre fois 
plus considérable dans les pays plus septentrionaux 
que dans le Midi. 
C. MATIGNON. 

3° SctENCES NATURELLES. — M. d'Abbadie indique un 
remède prophylactique des fièvres paludéennes; c'est 
l'emploi d’une fumigation journalière de soufre sur le 


corps. — M. Lechappe adresse une note relative à 
l'emploi de l’alun dans le traitement des maladies de 
la vigne, — M. Balland fournit certaines données sur 


la composition de quelques avoines francaises et 
étrangères de la récolte de 1893, qui permettent de 
les distinguer des principaux types. — M. Durand(de 
Gros) donne de nouvelles considérations sur l’ana- 
tomie comparée des membres, surtout en ce qui con- 
cerne les caractéristiques morphologiques du bras et 
de l’avant-bras chez les Vertébrés supérieurs (torsion, 
flexion. etc.) et désirerait que les variations de la con- 
formation des membres fussent indiquées dans la no- 
menclature morphologique de la Zoologie. — M. Ed. 
Perrier, à l’occasion de la communication de M. Du- 
rand (de Gros), rend hommage à ce savant qui, un des 
premiers, chercha à établir cette proposition : « Les 
Vertébrés ne sont pas des animaux simples, mais bien 
des animaux composés résultant de l'association d'un 
certain nombre d'individualités, dont les vertèbres, qui 
se répètent régulièrement d'une extrémité à l’autre du 
corps, sont les indicationslesplus nettes, » — MM.E.L. 
Bouvier et G. Roché ont étudié une maladie qui a 
sévi sur les langoustes à la fin de l'année dernière, 
mais qui à disparu très rapidement. Cette maladie 
était due à un cocco-bacilleet se manifestait à l’exté- 


19 
de} 
19 


rieur par des plaques œdémateuses sur les premières 
articulations des pattes. — M. Moynier de Villepoix 
présente quelques rectilications sur la formation de 
la coquille des Mollusques. -- M. Guébhard fournit 
de nouvelles données sur les partitions anormales des 
Fougères, 

J. MARTIN, 


Séance du 11 Mars 1895. 


La Commission chargée de préparer uneliste de can- 
didats pour la place d'académicien libre laissée va- 
cante par le décès de M. F. de Lesseps, présente en 
première ligne M. Adolphe Carnot, en seconde ligne 
MM. Lauth, Linder,de Romilly, Rouché — M. G. 
Darboux présente la médaille exécutée en l'honneur 
du cinquantenaire de l’entrée de M. Joseph Bertrand 
dans l'enseignement. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Rayet adresse 
ses observations de Ja planète BP (M. Wolf, 23 fé- 
vrier 4895), faites au grand équatorial de l'observatoire 
de Bordeaux. — M. Emile Picard présente quelques 
remarques sur les courbes définies par une équation 
différentielle du premier ordre ; en particulier, il dé- 
montre qu'il n'existe pas de courbe intégrale se rap- 
prochant indéfiniment d’un point singulier, correspon- 
dant à une équation différentielle du premier ordre, 
sans y arriver avec une tangente déterminée, — M. E. 
Goursat précise certains points de la méthode de 
M. Darboux pour l'intégration des équations aux déri- 
vées parlielles du second ordre, méthode qui ramène la 
détermination de l'intégrale à l'intégration d'un sys- 
tème d'équations différentielles ordinaires (E). En gé- 
néral, ce système, variable avec la fonction arbitraire 
2 (v) dont dépend l'intégrale intermédiaire nécessaire, 
ne peut être intégré que si l’on a particularisé cette 
fonction ; il n’en est plus de mêmie lorsque deux ‘sys- 
tèmes de caractéristiques de l'équation aux dérivés 
partielles du second ordre sont confondues; si l’équa- 
tion admet une intégrale intermédiaire d’un ordre 
quelconque, renfermant une fonction arbitraire, il 
suffit d'intégrer un système unique d'équations diffé- 
rentielles ordinaires, pour pouvoir en déduire sans 
aucune intégration nouvelle Pintégrale générale qui 
appartient à la première classe d'Ampère, — M.E. 
Cartan énonce le théorème suivant, relatif à certains 
groupes algébriques : Si un groupe transitif n’admet 
pas de transformation distinguée et que son plus grand 
sous-groupe invariant intégrable soit de rang zéro, on 
peut toujours, au moyen d'un changement de variables 
et de parametres convenable, faire en sorte que les 
coefficients des transformations infinitésimales de ce 
groupe soient des fonctions rationnelles des variables 
elles équations finies dépendent alsébriquement des 
variables et des paramètres. — M. Desaint démontre 
quelques théorèmes : 19 La fonction inverse arithmé- 
tique de la fonction eulérienne de seconde espèce 
admet une dérivée dont les zéros sont tous réels. 
2° Les fonctions entières de genre pair «w, dont le 
multiplicateur exponentiel du produit mfini de facteurs 


primaires de M. VWeierstrass est de la forme : 


,0+2 Fe 


Aë” 
où A est une constante, x, réels et x positifs, jouissent 
de celte propriété que si leurs zéros sont réels, les 
zéros de leur dérivée sont tous aussi réels. — M. de 
Jonquières donne la démonstration d’un théorème 
énoncé récemment sur les nombres entiers. 

2° SCIENCES PHSIQUES. — M. J. Janssén insiste sur 
l'intérèt des observations des éclipses de lune, obser- 
vations qui peuvent éclairer la constitution des hautes 
régions de l'atmosphère, — M, Lecoq de Boisbaudran 
communique un travail documenté sur les volumes des 
sels dans leurs dissolutions aqueuses; il en conclut que 
pour obtenir des solutions laissant cristalliser à leur 
sommet, et non plus sur le fond, des substances solides 
plus lourdes qu'elles, il faut prendre, comme subs- 


pr CIS 


ACADÈMIES ET SOCIETES SAVANTES 


lances montantes, des corps donnant une contraction 
notable par cristallisation en solution sursaturée et 
comme substances auxiliaires des corps n’agissant 
pas chimiquement sur les substances montantes, non 
isomorphes avec elles et fournissant des solutions 
lourdes, de facon que la substance montante soit seu- 
lement un peu plus dense que la solution complexe, 
— M. A. Blondel expose une méthode pour la mesure 
directe de l'intensité lumineuse moyenne sphérique 
des sources de lumière et donne la description de l’ap- 
pareil nouveau, le lumen-mètre, utilisé par cette mesure. 
Le lumen-mètre permet de faire des mesures compa- 
ratives ou des mesures cn valeurs absolues. — M. de 
Montessus de Ballore donne une évaluation appro- 
chée de la fréquence des tremblements de terre à la 
surface du globe en s'appuyant sur la constance des 
rapports qui existent entre les observations historiques 
sismologiques el sismographiques faites à des époques 
différentes dans une même région. — M. Mayencon 
adresse une nole sur la perméabilité du platine à l'hy- 
drogène et à l’oxysène. — M. Berthelot a reconnu 
que l’argon pouvait entrer en combinaison avec cer- 


tains composés organiques, et notamment avec la va- 


peur de benzine., — M. Schlæsing a étudié les pertes 
d'azote entrainé par les eaux d'infiltration en profitant 
de l’abaisse ment de témpérature qui s’est maintenu 
pendant quelques semaines, abaissement qui per- 
mettait d'être assuré que les rivières ne recevaient au- 
cun apport d’eau de ruissellement et s’alimentaient 
uniquement par des eaux souterraines provenant des 
infiltrations de la pluie dans le sol, en même temps 
que la végétation aquatique bien alanguie ne consom- 
mait guère de nitrates. Le dosage de l'acide nitrique 
dans les cours d’eau donnait ainsi les titres nitriques 
moyens des eaux d'infiltration de leurs bassins. L’au- 
teur en conclut que les pertes d'azote par infiltration 
ne sont pas aussi grandes qu'on le pense ; la nitrifica- 
Lion est sous la dépendance de la matière organique, 
aclive ou lente, selon la proportion de cette matière, 
en sorte que la perte d’azole est comme un impôt pro- 
portionnel, qui pèse peu sur les terres pauvres et ne 
grandit qu'avec la richesse des champs. — MM. Cha- 
tin et Muntz ont repris l'analyse détaillée des co- 
quilles d’huitres et appliquent leurs résultats pour 
donner l’explication de l'emploi des écailles d huitres 
en agriculture et dans l'ancienne thérapeutique. — 
M. Vigouroux expose ses méthodes d'analyse du sili- 
cium amorphe titrant 99,60 2/, : lasilice est dosée par 
le chlore, le silicium est attaqué par les carbonates 
akcalins et les métaux sont recherchés dans le produit 
du traitement par un mélange des a:idesfluorhydrique 
et azotique. —MM. Brochet et Cambier ont élendu l’ac- 
tion de l’aldéhyde formique sur les sels ammonia- 
caux en faisant varier les conditions de proportion 
relative et de température; à froid, le chloraydrate 
d'ammoniaque donne l’hexaméthyiène-amine avec une 
série de composés intermédiaires ; à chaud on obtient 
du chlorhydrate de monométhylamine en quantité (héo- 
rique, —M. Paul Rivals a fait l’élud: thermique des 
dérivés chlorés du chlorure d'ac‘tyle dans le but de 
comparer leur chaleur de formation à celle des al- 
déhyde chlorés isomériques : problème intéressant à 
cause de la différence des fonctions des deux séries 
d'isomères et des groupements subslitués, — MM:P.-A. 
Guye et Ch. Jordan ont effectué le dédoxblement de 
l'acide «-oxybutyrique de synthèse en ses deux com- 
posants dextrogyre et lévogyre en passant par l’inter- 
médiaire des sels de brucine suivant la méthode de 
M. Pasteur. — M, E. Gérard expose toutes les rai- 
sons d'ordre physique et chimique qui caractérisent 
nettement l'acide daturique découvert par lui comme 
une espèce chimique bien déterminée et non comme 
un mélange, suivant l'opinion de M. Arnaud. 
C. MarTIGNON. 

3° SciExers NATURELLES., — M. Kaufmann dans ses 
recherches sur la présence du glycogène dans le sang 
des animaux normaux et diabétiques montre que la 


1 


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ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


293 


matière glycogène est un élément constitutif du sang 
normal, et que le sang des animaux rendus diabétiques 
par l’extirpation du pancréas renferme une quantité de 
glycogène beaucoup plus considérable que celui des 
animaux sains. — M. Tissot montre que la quantité 
totale de CO? dégagée par un musele placé dans Pair, 
n’a aucun rapport avec les phénomènes d’activité phy- 
siologique dont le muscle isolé est encore le siège; 
seule la quantité d'oxygène absorbée est en relation 
avec les phénomènes physiologiques du muscle. — 
M. Vuillemin, dans une étude sur la structure et les 
affinités des Microsporon, montre qu’ils s’éloignent des 
Saccharomyces dont ils n’ont même pas les bourgeons 
pour se rapprocher des algues du groupe des Cénobiées. 
— M, E. Caustier a étudié le développement embryon- 
naire d’un Dromiacé du genre Dicranodromia et a pu 
constater les relations étroites qui existent entre ce 
Dromiacé et les Anomoures et les Macroures. 
M. Wallerant a observé une nouvelle combinaison de 
formes présentée par des cristaux de quartz recueillis 
dans les dépôts tertiaires des environs de Paris, Ils 
présentent une disposition analogue à celle observée 
dans l’améthyste. 


J. MARTIN, 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 5 Mars 1895. 
M. Renaut (de Lyon) expose le résultat de ses re- 


- cherches sur les cellules nerveuses multipolaires et 


leurs prolongements protoplasmiques etexplique, d’une 
facon nouvelle, découlant de l'observation directe des 
faits, comment s'opère leur articulation, — MM. Cornil 
et Durante citent plusieurs accidents cérébraux cu- 


- rakles dus à la grippe. — M. Lancereaux résume les 


effets comparés des boissons alcooliques chezl’homme 
et leur influence prédisposante sur la tuberculose. Il 
montre les progrès croissants de la consommation des 
boissons avec essences qui sont particulièrement nui- 
sibles et il fait voir la nécessité d’en interdire le débit. 
— Suite de la discussion sur la valeur comparative 
des tractions rythmées de la langue et de l’insulflation. 
— M. Richelot lit un mémoire sur un procédé défi- 
nitif d'hystérectomie abdominale totale pour fibromes 
utérins. 


Séance du 12 Mars 1895. 


M. le Président annonce la mort de M. Marjolin, 
associé libre, — M. L. Collin, au nom de M. Debaus- 
saux, cite de nouveaux faits relatifs aux accidents cé- 
rébraux dus à la grippe. — M. Magitot résume ses 
recherches sur le phosphorisme : les ouvriers employés 


sont susceptibles d’absorber par les voies respiratoires 


$ 
à Ja fabrication des allumettes au phosphore blanc 


des vapeurs phosphorées qui provoquent une intoxica- 
tion lente, le phosphorisme. Ce dernier se manifeste 
par un certain nombre de phénomènes, en particulier 
une déchéance dans la nutrition, qui se traduit surtout 
par un accroissement considérable de la déminérali- 
‘sation de l'organisme. Il en résulte une modification 
. profonde du système osseux qui imprime une gravité 
. inusitée aux accidents qui peuvent l’atteindre., Il se 
produit généralement, mais cependant seulement dans 
le cas d’une lésion préalable, une nécrose spéciale 
des mâchoires, dite nécrose phosphorée, qui entraine 
la mutilalion ou la mort. La thérapeutique consiste 
dans un régime lacté exclusif, l'emploi de l’oxygène, 
- de l’essence de térébenthine, l'exercice, Le remède 
radical serait l'interdiction légale de l’emploi du 
phosphore dans la fabrication des allumettes. — 
. M. Panas cite un empyème du sinus maxillaire, com- 
pliqué d’ostéopériostite orbitaire, avec perforation de 
la voûte; abcès du lobe frontal et atrophie du nerf op- 
tique ; mort. — M. Folet (de Lille) cite une grossesse 
 utérine gémellaire avec rétention, pendant 15 ans, d’un 
fœtus mort à terme ; laparatomie, extirpation du sac 
et de son contenu ; guérison. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 2 Mars 1895. 


, M. Vaquez cite de nouveaux faits qui prouvent 
l’augmentation du nombre des globules rouges dans 


la cyanose chronique. — M. Lapicque a constaté le 
même phénomène. — MM, Guinard et Artaud font 


une communication sur la période latente dans les 
empoisonnements par les toxines microbiennes, — 
M, Kaufmann a constaté qu'après la section du bulbe 
la quantité d’urée qui se trouve dans le sang augmen- 
tait notablement. — M. Chassevant montre que cer- 
tains sels métalliques accélèrent la fermentation lac- 
tique. — M. R. Dubois envoie un travail sur le som- 
meil hibernal de la marmotte. 


Séance du 9 Mars 1895. 


M. Kaufmann a constaté la présence constante du 
glycogène dans le sang normal de l’homme et des ani- 
maux. — MM. Déjerine et Mirallié font une commu- 
nication sur les troubles trophiques et vaso-moteurs 
dans la syringomyélie, — M. Charrin présente un ap- 
pareil, dù à M. Chaussey, qui permet de recueillir 
du sérum absolument pur et exempt d'hémoglobine., — 
MM. Chauveau et Tissot ont étudié le dégagement 
gazeux d'un muscle séparé du corps. — M. Lefèvre 
envoie une note sur l'action des bains froids. 
M. Dastre montre que la fibrine est parfaitement di- 
gérée par des solutions salines faibles et aseptiques. 


SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 15 février 1895. 

M. Camichel a fait une élude expérimentale de 
l'absorption de la lumière par les cristaux. Les spectro- 
photomèires employés jusqu'ici ne conviennent qu’im- 
parfaitement, Les uns ne se prêtent guère à l'étude des 
cristaux. D’autres conviennent très bien à ce cas, mais 
ne réalisent pas les conditions nécessaires pour l’appli- 
cation rigoureuse de la loi de Malus. M. Camichel a 
réalisé un appareil qui en permet une application 
rigoureuse, De plus il donne des plages monochroma- 
tiques très étendues et permet de ne se servir que d’une 
portion très faible du cristal. On peut ainsi utiliser soit 
les cristaux de petites dimensions, soit ceux qui ne 
sont homogènes que dans une faible étendue. Enfin la 
comparaison ne porte plus, comme dans les appareils 
ordinaires, sur deux points différents du cristal; on 
utilise le même point. Dans cet appareil les deux parties 
du faisceau qui tombe sur le spectroscope proviennent 


- l’une d’un faisceau réfléchi par la partie supérieure 


argentée d’une glace; l’autre a traversé la partie infé- 
rieure, non argentée, de la glace. C’est sur le trajet du 
faisceau transmis qu'est placé le cristal, derrière la 
fente d’un collimateur muni d’un nicol mobile au centre 
d’un cercle divisé. Le faisceau réfléchi, éclairé par la 
même souree que le précédent, est fourni par un colli- 
mateur contenant deux nicols, dontle secondest mobile. 
Entre les deux est un compensateur Soleil, dont l’un 
des prismes se déplace devant l’autre au moyen d'une 
vis micrométrique. Le spectroscope ne porte pas d’ocu- 
laire. Dans le plan focal où se peignent les deux 
spectres est une fente parallèle à l’arête du prisme. En 
y placant l'œil, on voit deux demi-cercles lumineux de 
mème couleur, exactement juxtaposés, provenant des 
deux parties du faisceau. En agissant sur le compensa- 
teur, on amène les deux demi-cereles au même éclat; 
et, lorsque l’égalité des deux plages est obtenue, la ligne 
de démarcation disparaît complètement. Pour mesurer 
avec cet appareil un coefficient d'absorption, il suffit 
de déterminer les deux rotations 4 et « imprimées aux 
rayons jaunes par le compensateur, d’abord sans inter- 
position du cristal, puis après avoir amené le cristal 
derrière la fente. Le coefficient de transmission est 
donné par le carré du rapport des sinus, puis par une 
exponentielle; on en déduit le coefficient d'absorption, 
M. Camichel a étudié diverses questions. Il a d’abord 


294 


montré que les deux vibrations principales d'un cristal 
ne s’influencent pas mutuellement pendant leur pas- 
sage à travers le cristal. Puis il a prouvé que, de même 
que pour les corps isotropes, une seule exponentielle 
suffit bien pour représenter la loi de l'absorption en 
fonction de l’épaisseur. IL s’est ensuite demandé si la 
théorie de l’ellipsoide d'absorption suffisait pour tous 
les systèmes cristallins, Pour les quatre premiers sys- 
tèmes elle s'applique en toute rigueur, et de plus les 
axes de cet ellipsoïde coïncident avec les axes d’élas- 
ticité optique. Ces résultats ont été vérifiés en parti- 
culier sur la tourmaline, En ce qui concerne les 
systèmes dissymétriques, les cristaux clinorhombiques, 
tels que l'épidote, présentent encore un ellipsoide dont 
l’un des axes coïncide avec l’axe binaire du cristal, Les 
deux autres sont dans le plan de symétrie et rectangu- 
laires, mais distincts des axes optiques. Quant aux tri- 
cliniques, le phénomène est encore représenté par un 
ellipsoide, mais sans aucune coïncidence entre les axes, 
Cette obliquité des axes d'absorption par rapport aux 
axes optiques a déjà été signalée par MM. Laspeyres et 
Ramsay, et M. Becquerel. L'auteur l’a confirmée en 
reprenant l'étude de l’épidote (clinorhombique), puis 
étendant cette étude à l’axinite (triclinique) et aux 
cristaux colorés chimiquement ou accidentellement 
tels que le sulfate double de potassium et de cobalt 
(clinorhombique), et le sel de Sénarmont, Enfin M. Las- 
peyres et M. Ramsay (1887) ont cru tous deux observer 
que les maxima et minima d'absorption n'étaient pas 
rectangulaires. Mais leurs expériences, relatives à l’épi- 
dote, sont trop peu précises et sujettes à caution. 
M. Camichel a abordé des expériences quantitatives sur 
l'épidote qui est le seul cristal clinorhombique qu’on 
puisse étudier, et il a contrôlé ses résultats par une 
seconde méthode.Les phénomènessontrisoureusement 
représentés par la théorie de l’ellipsoide et les axes 
sont parfaitement rectangulaires. — M. Carvallo con- 
firme les conclusions précédentes, en rappelant que 


M. Becquerel, par l'absorption précisément, avait déjà : 


constaté la rectangularité des axes. Mais la pénurie de 
cristaux clinorhombiques est fâcheuse, car il est à 
penser que les axes ne seraient pas rectangulaires pour 
tous, par exemple pour ceux qui sont doués du pouvoir 
rotatoire. Quant à la règle de l’ellipsoïde, elle est, en 
effet, suffisammentexacte lorsqueles indices principaux 
sontpeu différents, comme dans les cas étudiés par 
M. Camichel, mais, avec des indices assez différents, 
il y aurait des divergences notables. Ce sont là des 
conséquences forcées des équations de Ia lumière, si 
ces équations sont bien des équations aux dérivées 
partielles dont les termes principaux sont du second 
ordre, et si les termes relatifs à labsorption et à la 
polarisation rolatoire sont des termes d'ordre impair. 
— M. Janet présente un thermomètre à zéro inva- 
riable dù à M. Marchis. C’est un thermomètre dont 
le réservoir est en platine et directement soudé à la 
tige de verre, Le réservoir est protégé à l'extérieur 
par quatre baguettes de verre. Le remplissage exige 
des précautions particulières, car il ne faut chauffer le 
mercure qu'au-dessous de 150°, sinon il y aurait amal- 
gamation.: Le thermomètre de M. Marchis est bien 
exempt de toute bulle d’air et de toute trace d'oxyde. 
L'invariabilité du zéro a été contrôlée en faisant par- 
courir au thermomètre un grand nombre de cycles. Le 


zéro est absolument invariable à rs de degré près. 
L'appareil a en outre l’avantage de se mettre très rapi- 
dementen équilibre de température. — M, Guillaume 
craint que, à la longue, l’amalgamation ne se produise 
dès 1009, D'autre part, les baguettes qui protègent le 
réservoir doivent empêcher de tasser suffisamment la 
glace pour obtenir le zéro. Néanmoins, bien que les 
thermomètres en verre dur présentent aussi au bout de 
quelques années un zéro presque invariable, la fixité 
du zéro de ce nouveau thermomètre est digne d’attirer 
l'attention, De plus l'étude des coefficients de pression 
extérieure et intérieure présenterait quelque intérêt. 


ACADÉMIES ET SOCIETES SAVANTES 


Il serait curieux de savoir si la relation entre ces deux 
coefficients est encore satisfaite. Enfin la grande rapi- 
dité de ses indications le rendrait précieux dans cer- 
tains cas en météorologie, Et ce procédé de soudure du 
platine au verre pourrait avec avantage être utilisé pour 
la construction des lampes à incandescence, — M, Caïl- 
letet et M. Gariel signalent successivement qu'ils 
avaient, chacun de leur côté, fait, il y a plusieurs 
années, de nombreux essais pour obtenir des thermo- 
mètres à réservoir de fer ou de platine, qui, par la rapi- 
dité de leurs indications, rendraient de grands ser- 
vices comme thermomètres médicaux. 
Edgard Haupté. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 25 Janvier 1895. 


M. Villiers présente une série de faits venant ap- 
puyer l'hypothèse déjà ancienne d’après laquelle les 
éléments entrant dans la constitution des corps com- 
posés, ne sont pas dans le même état de condensation 
que celui sous lequel nous les connaissons (état proto- 
morphique). M. Villiers montre que certaines proprié- 
tés des sulfures de cobalt, de nickel, de platine, de 
zinc, cadrent très bien avec cette hypothèse. Dans cer- 
tains cas, ces corps, fraîchement préparés, n’ont pas 
les propriétés qu'ils présentent au bout de quelque 
temps. On peut admettre que primitivement, venant 


d’être précipités, ils sont à cet état que l'auteur appelle . 


protomorphique. -- M. Tanret a étudié la formation 
des éthers des sucres à l’aide de l’anhydride acétique 
en présence soit d'acétate de soude fondu, soit de chlo- 
rure de zinc, Les résultats obtenus dans les deux cas 
avec le glucose sont différents, comme on l'avait déjà 
reconnu, M. Tanret a réussi à obtenir 3 pentacétines 
du glucose cristallisées. Le dérivé à fond à 130° et est 
légèrement dextrogyre («= + 4°); le dérivé B fond à 
850 (at — + 59°); le dérivé y fond à 1140 (ai — 101°,75). 
La pantacétyldextrose de Kænigs et Erwig fondant à 
1119 est un mélange des composés 4 et 8. On peut 
d’ailleurs en opérer facilement la séparation grâce à 
leurs solubilités différentes dans l'alcool et l’éther, — 
M. Delépine a répété l'hydrogénation de l’hexaméthy- 
lèneamine par le zinc et l'acide chlorhydrique. Opérant 
à froid, il faisait passer les gaz dégagés dans l’eau de 
baryte. IL n’a obtenu que des traces d’acide carbo- 
nique etil a bien obtenu, comme il l’avait annoncé 
antérieurement, de la triméthylamine; aussi, après ses 
expériences, il maintient que l'hydrogénation est bien 
la cause de la formation de la triméthylamine, — 
MM. Friedel et Chabrié ont obtenu les séléniophos- 
phures correspondant aux sulfophosphures décrits an- 
térieurement par M. Friedel. Ils prennent naissance au 
rouge par réaction de leurs éléments constituants, mis 
en présence dans les proportions voulues, Les auteurs 
ontainsi préparé les séléniophosphures d'argent, de fer, 
de plomb, de cuivre et d’étain, répondant aux for- 
mules : PSe#Agi, PSesFe?, PSeCu?, P2Se6Pb?, P?SefSn ; 
les dérivés argentiques et cupriques sont en aiguilles 
visibles à l’œil nu. Dans leurs dosages, pour recueillir 
le précipité de sélénium, MM. Friedel et Chabrié ont 
obtenu des résultats satisfaisants en se servant de 
filtres en terre poreuse. On lave le filtre à lalcool, on 
le sèche à 110° avantet après la filtration; la différence 
de poids dans ces deux cas donne le poids de silénium. 
— La Société a recu une note de M. Prud'homme sur 
les matières colorantes sulfonées et une note de 
Léon Lefèvre sur la constitution du vert à l’iode, 

SOCIETE MATHEMATIQUE DE FRANCE 

Séance du 6 Murs 1895. 

M. Laisant, à propos d’une équation différentielle 
linéaire du quatrième ordre, signale un produit continu 
composé avec l'unité imaginaire dont la valeur est 
réelle, — M, Bioche signale une valeur approchée de x 


qui permet de trouver par une construction très 
simple la longueur d’une circonférence de rayon donné 


L 


Caù La 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


295 


ou le rayon d'une circonférence de longueur donnée, 


— M. Picard étudie les courbes intégrales de l’équa- 
tion différentielle du premier ordre et du second degré. 
— M. Carvallo donne une démonstration simplifiée des 
équations de Lagrange qui permet d'éviter le change- 
ment de variables par lequel on passe des coordonnées 
des x points aux paramètres dont dépend la position 
de la figure. On applique le théorème des travaux vir- 
tuels directement au moyen de ces paramètres. — 
M. Rafy signale une classe d'équations linéaires 
d'ordre quelconque dont on obtient l'intégrale générale 
en y remplacant chaque dérivée par une constante arbi- 
traire. M. D'OCAGNE. 


SOCIETE ROYALE DE LONDRES 
SCIENCES PHYSIQUES 

E. N. Griffiths, — Chaleur latente de vapori- 
sation de l’eau. — Etude de la chaleur latente de ya- 
porisalion entre 10° et 60°; les nombres trouvés con- 
cordent bien avec ceux de Regnault et de Winkelmann. 
Il résulte de la comparaison de ces nombres que la 
chaleur latente, entre 0 et 100° peut être très bien re- 
présentée par la formule : 


L = 596,73 — 0,600 6. 
La densité de vapeur de l’eau, déduite de la formule de 
Clapeyron : 
De À 
J Ÿ ar 
où l’on remplace Let J par les nombres de M. Griffiths, 
est la même que la densité obtenue directement par 
l'expérience tant qu'on reste à une pression inférieure 
à 440 m/m; au-dessus, la densité réelle est environ 
1,02 fois la densité théorique. 


SOCIETE DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 21 Février 1895. 

M. A.-P. Laurie, M. A., rend compte de ses expé- 
riences sur la force électromotrice d’un courant tra- 
versant une solution d’iode dans l’iodure de potas- 
sium. Il a remarqué que la force électromotrice devient 
plus faible à mesure que diminue la quantité d’iode 
dissoute. Par exemple, pour une solution conte- 
nant 0,1 °/, la force électromotrice est de 1,460 volts; 
pour une solution à 0,001 °/, elle devient 1,369 volts. 
Si la solution d’iodure de potassium est tout. à fait 
exempte d’iode, cette force électromotrice est égale à 
4,172 volts. Si l’on prend comme dissolvant de l’iode 
l’iodure de cadmium, les résultats sont à peu près 
identiques. — MM. C.-F. Cross, E.-J. Bevan et 
C. Beadle : Contribution à l'étude des propriétés chi- 
miques de la cellulose. Ces auteurs ont examiné les 
réactions des sels doubles de la cellulose avec les sels 
de zinc et l’action des composés de la cellulose et de 
l’acétate de zinc sur le chlorure d’acétyle à froid (30°). 
Le mode de décomposition de ces acétates de la cel- 
lulose semblerait leur donner comme formule 
C6H6O (OAc)'. — MM. Holland Crompton et Miss A. 
Vhitteley ont continué leurs recherches sur la déter- 
mination des points d’ébullition de différents mé- 
langes organiques. — MM. Joseph Reddrop et Huggh 
Ramage décrivent une nouvelle méthode pour la dé- 
termination volumétrique du manganèse. Ils ontrepris 
la méthode proposée par L: Schneider, qui consiste à 
oxyder les sels de manganèse par le peroxyde de bis- 
muth en présence de l’acide nitrique. Ils remplacent 
le peroxyde par le bismuthate de sodium préparé 
exempt de chlore et ils sont arrivés ainsi à des résul- 
tats plus précis. — M. P. Stanley Kipping continue à 
étudier l'acide bromocamphorique et les produits 
d’oxydation d’un dibromocamphre, — MM. Horace, 
T.BrownF.R.S.etG.Harris Morris font unecommu- 
Bication sur l’action de la diastase sur une pâte froide 
d’amidon, — M. H.-W. Perrin F.R.S.: Surla rotation 
magnétique de quelques hydrocarbures non saturés. 


ne 


ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE 
Séance du 1% Février 1895. 

1° SctENCES PHYSIQUES. — M. D. Geitler : Etude des 
oscillations électriques dans le résonnateur de Hertz, 
— M. Bachmetjew : Distribution du magnétisme dans 
les fils de fer. — M. Klemencic : Observations sur le 
magnétisme circulaire et le magnétisme axial. — 
M. Carl Hlawapch : Nouvelle combinaison naturelle 
de cuivre et d’antimoine : ce minéral, cristallisé en 
forme de tables, renferme du plomb, du bismuth, un 
peu de soufre et d’argent, et le composé Cu? Sb qui n’a 
pas encore été observé. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. Becké lit un long mé- 
moire relatant les travaux géologiques et minéralo- 
siques accomplis sous la direction de la Commission 
des études pétrographiques de la chaine centrale 
des Alpes de l'Est. 

Séance du 20 Février 1895. 

1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F1. Mertens : Sur 
la composition des formes linéaires quadratiques. 

99 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ad. Lieben : Réduction 
de l’acide carbonique à la température ordinaire, L’a- 
cide en solution aqueuse est transformé par l’amal- 
game de sodium uniquement en acide formique et 
avec un rendement presque théorique; la réaction se 
passe en présence ou en l'absence de la lumière, ou 
même en solution acide, mais le rendement est dimi- 
nué. Le zinc, l'aluminium ne réduisent pas CO* en pré- 
sence des acides, ni les amalgames d'aluminium et 
de magnésium, àmoins d'opérer en liqueur alcaline. — 
— MM. Knoll et Paul Cohn ont préparé l’o. bromo- 
phénylnaphtylcétone par la condensation de Portho- 
bromochlorure de benzoyle en présence de AlCL; 
c'est un corps cristallin fondant à 89°; on le caractérise 
facilement par un dérivé sulfuré (point de fusion 1#3°) 
et üne oxime (fusion 1552). 

32 SCIENCES NATURELLES, — M. Papavasiliu. La tem- 
pète de Lokris du 20 au 27 avril 1894. 


ACADEMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM 
Séance du 23 Février 1895. 

4° SCIENCES MATHÉMAT:QUES. — Rapport de MM. J. C. 
Kapteyn et H. G. van der Sande Bakhuyzen sur le mé- 
moire de M. H. J. Zviers, intitulé : « Recherches sur 
l’orbite de la comète périodique d'Holmes et sur les 
perturbations de son mouvement elliptique ». In- 
troduction (combinaison des développements de 
MM. Gibbs et Fabritius en un ensemble utile au calcu- 
lateur), définition de l'orbite provisoire, définition des 
éléments définitifs de l'orbite, calcul des perturba- 
tions (jusqu’au 26 juillet 1890). En 1899, la comète se 
rapprochera de la Terre une seconde fois. 

20 SciENCES PHYSIQUES. — Rapport de MM. van der 
Waals et H. A. Lorentz sur le mémoire de M. P. H. 
Dojes intitulé : « La théorie du rayonnement en rap- 
port avec les idées de Fourier ». La recherche de l’au- 
teur a trait aux sujets auxquels Kirchhoff, Clausius, etc. 
ont appliqué la seconde loi de la théorie mécanique de 
la chaleur. A côté du principe de l’équilibre de la tem- 
pérature, il s’est servi de l'hypothèse du rayonnement 
particulaire de Fourier. Ainsi il admet que chaque 
élément de volume d’un corps émet des rayons vers 
toute direction, et que ces rayons, absorbés en partie 
par les couches enveloppantes, arrivés à la surface 
unie, obéissent, à leur passage dans le milieu envi- 
ronnant, aux lois ordinaires de la réfraction. Pour un 
corps terminé par un plan perpendiculaire à une di- 
mension assez considérable, il calcule l'énergie émise, 
pendant l'unité de temps, par un élément de la sur- 
face en des directions limitées. L'expression contient 
deux constantes qui ne dépendent pas de la tempéra- 
ture et de la durée des vibrations; l’auteur les appelle 
les coefficients d'émission et d'absorption spéciliques 


296 


du corps. De plus l'expression contient l’angle du 
rayon réfringé, l'indice de réfraclion et un coefficient 
qui détermine la partie de l'énergie qui est réfléchie, 
Quant à l'influence du milieu environnant, l'équation 
est d'accord avec un résultat connu de Clausius. En- 
suite, l’auteur s'occupe du cas de deux matières rayon- 
nantes et absorbantes, siluées de part et d’autre d’un 
plan. L’égalisation des quantités d'énergie émises fait 
voir que le quotient des deux nouveaux coefficients 
mulliplié par le carré de la vitesse de propagation, à la 
même valeur pour les deux matières. Enfin l’auteur 
étudie un corps rayonnant en contact avec un milieu 
diathermane comme l’éther. Il trouve que la densité 
de l’énergie rayonnante dans l’éther ne dépend que de 
la température des corps et que deux milieux diather- 
manes en équilibre avec le même corps rayonnant 
admettent la même quantité d'énergie en des cubes 
dont les arêtes sont égales aux vitesses de propaga- 
tion, etc. — Communication de M. H.J Oostineg, faite 
par M. H. Kamerlingh Onnes : « Sur les différences 
de phase des vibrations forcées transversales et longi- 
tudinales de fils tendus de caoutchouc, » Dans sa 
thèse (Groningue, 1889) intitulée: « On der houden tril- 
lingen van sespannen draden » (Vibrations continuées 
de fils tendus), l’auteur a augmenté la connaissance 
des vibrations continuées et forcées par l'emploi de 
cordes de caoutchouc et par la construction d’un ins- 
trument nouveau qui imprime un mouvement circu- 
laire à l’un des bouts de la corde, l'autre bot: restant 
fixe. Dans la dernière partie de cette thèse, la corde 
est tendue dans la direction d'un diamètre du cercle, 
de manière qu'on imprime, au point d'attachement, à la 
fois une vibration transversale et une vibration longi- 
tudinale, de même période, et d’une différence de 
phase égale à un quart de la période. Dans ce cas, la 
corde peut présenter à la fois des nœuds des deux vi- 
brations, qui, en général, ne coïncident pas, la vitesse 
de propagation n'étant pas la même pourles deux vi- 
brations. Alors les points de la corde décrivent des 
ellipses ou des lignes droites. La note présentée con- 
tient une extension de l'étude expérimentale par l’em- 
ploi de la photographie. Les trajectoires de points 
marqués blancs se montrent sur les photogrammes ; de 
plus, on apris soin de pholographier une échelle de 
comparaison à côté de la corde vibrante. L'auteur s’est 
servi encore d'un second instrument à l’aide duquel il 
était à même d'imprimer au bout mobile de la corde 
une vibration rectiligne sous un angle de 459 avec l’axe 
de la corde. Ainsi il a pu contrôler à maints points de 
vue, ce qu'il avait trouvé auparavant. L'auteur dé- 
montre que le rapport entre les vitesses de propaga- 
tion des vibrations longitudinale et transversale varie 
æec la tension, — M. A.-P.-N, Franchimont lit deux 
conmunicalions de M. P. van Romburgh. La pre- 
mière se rapporte à quelques produits par addition du 
trinitrobenzène symétrique. D’après M. Hepp, le trini- 
trobefzxène symétrique forme des produits colorés, par 
additi %ux amines aromatiques. Maintenant l’auteur 
a obst que d'autres corpsazotés se comportent d’une 
ficon : salogue. Ainsi la brucine qui forme des aiguilles 
d’un br à rouge, fondant à 1580, tandis que la stry- 
chnine xe S'y combine pas dans les mêmes circons- 
‘ind! fournit des aiguilles d'un jaune d'or 
fondant à 1 le skatol des aiguilles d’un rouge 
orange fondantäM820, le pyrrol des aiguilles jaune d’or 
fondant à 95° et perdant le pyrrol en quelques heures à 
Vair, à 25°, Toutes ces combinaisons se composent 
d'une molécule sur une molécule de trinitrobenzène. 
La pyridine et la quinoléine ne s'y combinent pas; au 
contraire le trinitrobenzène cristallise dans la pyridine 
en cristaux compacts. Avec la pipéridine, la nicotine et 
la phénylhydrazine, on obtient bien des colorations 
rouges, mais pas de produits cristallisés, Enfin 
quelques autres corps nitrés tels que : 


ta . an. L’ind 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
RE NN RS PR M A 


CHE, Az(CH3,2 (1).(AzH2) (3).(AzO2) (4), 
C5H5.Az(CHE)2 (1). AzHCH3(3).(AzO?) (4), 


donnaient, par addition d’une molécule àune molécule 
du trinitrobenzène (1.3.5), des produits d’un rouge 
cramoisi fondant à 130 et 144%, Dans la seconde com- 
munication, M. Romburgh s'occupe de quelques déri- 
vés nitrés de la diméthylaniline. Tant par la nitration 
de la diméthylaniline dissoute dans beaucoup d’acide 
sulfurique que par celle de la métanitrodiméthylaniline 
avec l'acide azolique faible, Pauteur obtint un dérivé 
dinitré dont Pun, qui est jaune, fond à 176, et l’autre, qui 
est rouge, fond à 112°, Le composé jaune contient un 
groupe Az0? facilement remplacable par nitration ulté- 
rieure ; il se forme deux corps trinitrés, un jaune fon- 
dant à 154° el un orangé fondant à 196°. Le composé 
rouge ne fournit que le dernier dérivé trinitré orangé. 
Tous sont transformés dans le même produit tétranitré, 
c’est-à-dire la tétranitrophénylImonométhylnitramine : 


C'H(Az02)(2.3.4.6) (AzCHS.AzO2) (1). 


Les transformations diverses que l’auteur a fait subir 
aux dérivés dinitrés et trinitrés susdits le conduisent à 
leur assigner les formules suivantes : 


Trinitrodiméthylaniline 
= C6H?.A7z(CH3)2{1).(Az02)3(2.3. 
C'H?. Az(CH3)2(1).(Az02)3(3.4 


(LB4S) 


(1960) 


\ 


Dinitrodiméthylaniline 
(1760) = CSHS. Az(CHS)2(1).(Az02)2/3 ,4), 


(1120) = C6HS. Az CH3)2(1).(Az02)2(3.6): 


3° SCIENCES NATURELLES. — M. A.-A.-W, Hubrecht 
offre un mémoire intitulé « Die Phylogenese des Amnions 
und die Bedeutung des Trophoblastes » (la philogénèse 
de l’amnion et la signification du trophoblaste), 11 ré- 
sume ces résullats dans lesthèses suivantes. Les expli- 
cations courantes de la philogénèse de l’amnion sont 
inexactes. Il est improbable qu'on trouve le dévelop- 
pement le plus primitif de l’amnion chez les Oiseaux. 
La manière dontse forme l'amnion de Sorex, explique 
celle de Cavia, Pteropus, Mus et Arvicola. En partant 
de ces formes, il devient possible de réunir, quant à la 
formation de l'amnion, les autres Mammifères et les 
Sauropsides. D'un autre côté, le trophoblaste de Sorex, 
qui donne naissance à l’amnion, peut être comparé à 
la couche ectoderme extérieure des Amphibies. De là, 
la possibilité de déduire, par hypothèse, l’amnion des 
Amuniotes de formations qu'on trouve déjà chez les 
Anamniotes. S'il #st nécessaire de distinguer les trois 
divisions Ornithodelphes, Didelphes, Monodelphes 
comme d'origine indépendante l’une de l’autre, les 
nouveaux résultats de la paléontologie sont favorables 
au point de vue de l’auteur. — M. W.-F.-R. Suringar 
« Sur les relations de parentage dans le règne végétal ». 


— Rapport de MM. Th.-W. Engelmann et Th. Place sur le 


mémoire de M. H.9J. Hamburger « Ueber die Reglung 
der osmotischen Spannkraft von Fliüssigkeiten in Bauch- 
und Pericardialhühle » (Sur la régulation de la tension 
osmotique des fluides dans les cavités ventrale et péri- 
cardiale), Examen expérimental systématique du mé- 
canisme de la résorption des fluides comme l'urine, la 
bile, ete, Des fluides introduits dans la cavité ventrale 
de lapins et de chiens sont résorbés par les vaisseaux 
capillaires de la circulation du sang en un quart 
d'heure ; les vaisseaux lymphatiques ne s’en occupent 
pas. Cette résorplion, au lieu d’être un phénomène 
vital, comme le croient MM. Heidenham, Starling et 
Tubby, est démontrée être de nature exclusivement 
physique. L'auteur a obtenu en effet des phénomènes 
analogues de résorption et de régulation de la force 
osmotique par l'intermédiaire de membranes artifi- 
cielles. 
P.-H. ScHouTE. 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11 
= 


Le  Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER 


» 6° ANNÉE 


NP 7 


15 AVRIL 1695 


tel. à dé 


REVUE GÉNÉRALE 


ES SCIENCES 


| 
| 
| 
| PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS 


OLIVIER 


LES NOUVELLES RECHERCHES DU PROFESSEUI 


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SUR L'ARGON ET L’'HÉLIUM 


l'étude du corps isolé par Lord Rayleigh et lui- 
même, a fait, le 29 mars 1895, devant la Société Chi- 
mique de Paris une conférence dans laquelle il a 
exposé ses plus récents résullats, dont quelques- 
uns sont de la plus haute importance. 

L'un des points qui restaient à éclaircir, ainsi qu'il 
ressort des mémoires publiés dans la Æevue du 
15 février 1895, est celui de savoir si l’argon est un 
corps simple ou bien un mélange de deux corps. 

Certaines raisons, notamment la dualité du 
spectre de l’argon signalée par M. Crookes, tendent 
à faire considérer l’argon comme un mélange !. 
M. Ramsay a cherché si cette hypothèse était en 
contradiction avec les autres propriétés de l'argon 
et il a procédé à une nouvelle série de détermina- 
lions des constantes physiques. La densité de l’ar- 
gon n'avait été déterminée que d'une façon appro- 
chée; une série de déterminations a fourni les 
chiffres réunis dans le tableau I ci-contre. 

La moyenne de ces déterminations est 19,901. Si 
l’on admet en même temps la nature mono-ato- 
mique du gaz, le poids atomique sera 39,8. Il n’y a 
“pas de place pour un tel corps dans la classifica- 
tion de Mendeleeff; tandis qu’il y a une lacune, 


1 L'existence de deux spectres est facile à constater même 
sans spectroscope. Un tube d’argon, apporté par M. Ramsay 
| au laboratoire de M. Cornu. à l'Ecole Polytechnique, montrait 
muunc lueur qui passait du rouge au bleu quand on introdui- 
sait dans le circuit une résistance supplémentaire. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


Le Professeur Ramsay, qui poursuit avec activité | dans la huitième colonne correspondant à un corps 


dont le poids atomique serait approximalivemenul 


38, placé entre le chlore 35,5 et Le potassium 39,1. 
On se trouverait donc d'accord avec la loi pério- 


Tableau I 


DATE POIDS D'UN LITRE DERBURE 
DE L'EXPÉRIENCE EN GRAMMES RP RECRUE 

DU 

| 
(1) 26 nov. 1894. 1.7184 19.904 
(2) 27 nov. 1894. 1.173 19.825 
(3) 22 déc. 1894. 1.770% 19.814 
(4) 16 févr. 1895. 1.7534 19.959 
(5) 19 févr. 1895. 1.1842 19.969 
6) 24 févr. 1895. 1.7810 19.932 


dique en admettant que le véritable poids alo- 
mique de l’argon est 38 et que sa densité est légè- 
rement augmentée par la présence d'une petite 
quantité d’un corps plus lourd; on peut remarquer 
que dans la huitième colonne du tableau de Men- 
deleeff il y a encore une lacune correspondant à un 
corps ayant pour poids alomique environ 82. 

Le rapport des deux chaleurs spécifiques a fait 
aussi l’objet de nouvelles expériences de la part de 
M. Ramsay. Les nombres oblenus sont résumés 
dans le tableau IT (page 298). 

La moyenne de ces déterminations est 1.645. Le 
résultat primitivement obtenu se trouve donc con- 
firmé; mais il faut remarquer que la valeur théo- 
rique pour un gaz monoatomique est 1,666; la va- 


À 


298 G. CHARPY — RECHERCHES DU P" 


RAMSAY SUR L'ARGON ET L’'HELIUM 


leur plus faible trouvée pour l’argon pourrait être 
attribuée à la présence d'un petit nombre de mo- 
lécules diatomiques. 

Si l’on se place à ce point de vue, on peut sup- 
poser que les molécules d’argon, généralement 


Tableau II 


RAPPORT 
DES 
CHALEURS 
SPÉCIFIQUES 


DENSITÉ [LONGUEUR D'ONDE TEMPÉRATURE 


DE = 
dans 
l’argon 
——— 


—— 
de 
l'argon 
ns 


dans 
l'air 


, EX È 
L'ARGON de l'air 


92 19.59 41705 1.653 
9.96 33.173 31. j. 6.5 1.641 
oi 34.10 3l.c He 8.6 1.629 
94 34.932 31.: 11.5 1.659 


mono-atomiques, sont susceptibles de s'associer et 
de former un petit nombre de molécules diato- 
miques. On serait dans un cas analogue à celui 
qui se présente pour la vapeur d’iode, dont les mo- 
lécules se dédoublent à mesure que la température 
s'élève. M. Ramsay a considéré celte hypothèse, et, 
pour la contrôler, il a étudié la loi de dilatation de 
l'argon. Il a comparé les indications d'un thermo- 
mètre à argon et d'un thermomètre à hydrogène et 
a obtenu les résullats suivants {tableau IIT) : 


Tableau III 


QG T7 FN 10 a 
TEMPÉRATURE | NS LONSEN AM vozume | 2° —R 
DE MERCURE At 
Thermomètre à hydrogène 
497.3 0.9976 2.6735 
763.6 1.000% 2.6705 
992.6 1.0028 2.6797 
1073.8 1.0036 2.6713 
1218.5 1.0052 2.672$ 
1385.1 1.0070 2.6833 
Thermomètre à argon (1l'° série) 
— 87.44 455.6 0.9976 2.493 
+ 14.15 701.7 1.000% 2.44%6 
+ 14.40 702.6 1.000% 2.4162 
+ 14.27 699.7 1.000% 2.4366 
+ 99.96 906.5 1.0028 2.4379 
+-100.06 904.8 1.0028 2.4322 
Thermomètre à argon (2° série 
+130.39 1060.0 1.0027 2. 
185.25 1200.3 1.0052 2. 
Thermomètre à argon (3° série) 
+ 12.05 760.9 1.000% 2.6698 
—+-248.01 1384.0 1.0070 2.6750 
— 87.44 495.7 0.9976 2.6613 


Comme on le voit en examinant les chiffres de la 
dernière colonne, la quantité R est constante pour 
un même thermomètre avec les mêmes écarts que 
pour l'hydrogène; c'est-à-dire que, entre — 87° et 
+ 240", l'argon suit aussi exactement que l'hydro- 
gène les lois des gaz parfaits. On doit donc écarter 
l'hypothèse d’une associalion des molécules et 
considérer que, si l'argon est un mélange, il est 


formé de deux corps différents dont l'un est mo- 
no-alomique et l’autre existe en très petite quantité. 

Dans un autre ordre d'idées, M. Ramsay a 
cherché quel est le rôle de l’argon dans la Na- 
ture ; il s'est demandé, en particulier, si ce gaz 
existe dans les Animaux et les Végétaux. Les 
essais ont porté d'une part sur des souris, d'autre 
part sur des petits pois. 

Les animaux ou végétaux étaient d’abord dessé- 
chés, puis brûlés au moyen du chromate de plomb ; 
on recueillait les gaz produits; ils renfermaient 
une quantité d'azote égale à environ 11°/, du 
poids de substance employée. Cet azote, soumis à 
l’action de l’étincelle électrique en présence d’une 
solulion alcaline, n’a pas laissé de résidu appré- 
ciable ; il ne contenait donc pas d’argon. 

Ne trouvant pas d’argon dans les corps orga- 
nisés el ne pouvant le combiner à aucun élément !, 
M. Ramsay eut l’idée de le chercher dans les mi- 
néraux susceptibles de donner des corps gazeux 
par leur décomposition. L'un de ces minéraux, la 
clévite, minerai d'urane découvert par Nordenskiold, 
donne, d’après Hillebrand, environ 2°/, d’azote 
quand on le traite par l’acide sulfurique.M.Ramsay, 
ayant rempli du gaz de la clévite un tube de 
Geissler, vit que le spectre avait un grand nombre 
de lignes communes avec le spectre de l'argon. 
L'analyse montre que ce gaz ne contient qu’une 
faible quantité d'azote, qui peut être éliminée par 
l’étincelle électrique. Le gaz restant donne comme 
spectre d'abord un certain nombre de lignes de 
l'argon, mais pas toutes : il faut peut-être voir là 
la démonstration de la nature complexe de l’argon 
retiré de l'atmosphère, mais il faut attendre les 
résullats d’une étude approfondie des différents 


- spectres. En outre, le gaz de la clévite montre un 


cerlain nombre de lignes, parmi lesquelies une 
jaune très brillante, distincte des raies du sodium 
el dont la longueur d'onde correspond exactement 
à celle de la raie D, du spectre solaire. Celle raie 
D, avait élé observée souvent jusqu'ici dans le 
spectre des protubérances, dans la région où le 
spectre de l'hydrogène commence à s’affaiblir 
notablement. On était donc porté à l’attribuer à un 
gaz dont la densité serail moindre que celle de 
l'hydrogène : l’hélium. 

Tout semble indiquer que ce gaz vient d’être 
obtenu par le Professeur Ramsay et que l'un des 
auteurs de cette merveilleuse découverte de 
l'argon vient encore ajouter sur la liste des élé- 
ments un nouveau corps dont l’étude promet 


d'être féconde en résultats. 
Georges Charpy, 


Docteur ès sciences. 


! On a vu que M. Berthelot, en faisant agir l’eflluve élec- 
trique sur un mélange d'argon et de vapeurs de benzine, est 
parvenu à combiner ces deux corps. 


: 6 rl Ein Css de, NE APS - ee Tien 
s . 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 9299 


ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE 


DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS 
EN FRANCE 


- Jusque dans les premières années du xIx° siècle 
. on ne connaissait d’autres mortiers hydrauliques 
| que les mélanges de chaux grasse et de pouzzo- 
- lane; la chaux était labriquée sans règles et aucune 
| explication satisfaisante n'avait été donnée du dur- 
- cissement des mortiers. On reconnaissait bien que 
- certaines chaux présentaient des qualités remar- 
- quables, mais sans savoir à quoi les attribuer: on 
- fabriquail aussi quelques ciments naturels à prise 
rapide, tels que ceux de Parker, en Angleterre, de 
Guéthary et de Boulogne en France; ces ciments 
étaient très irréguliers et leur emploi restait très 

limité. 
I. —- HISTORIQUE - 


- Il appartenait à Vicat de découvrir les causes de 
- l'hydraulicité des chaux et de faire voir que tout 
calcaire contenant une certaine quantité de si- 
lice et d'alumine peut donner, après cuisson et 
exLlinction, un produit susceptible de durcir sous 
Veau. Non seulement Vicat indiqua que l'on peut 
“transformer en chaux hydraulique certains cal- 
_caires argileux, mais il montra que, par des 
«mélanges en proportions déterminées de chaux 
grasse et d'argile, on peut obtenir les mêmes 
résultats qu'avec les calcaires naturels. Ces décou- 
“vertes fondamentales ont véritablement donné 
naissance à l’industrie des chaux et des ciments, et 


méthodiques de l’illustre ingénieur que cette fabri- 
cation doit son rapideessor; on s’en fera une idée si 
l'on songe aux nombreuses usines qui produisent 
actuellement, en Europe seulement, plusieurs mil- 
Jions de tonnes de produits hydrauliques. Ainsi, 
lœuvre de Vicat a été des plus fécondes, et l'on 
ne rappellera jamais trop souvent combien elle a 
contribué à la grandeur et à la prospérité de notre 
pays par le mouvement industriel considérable 
“qu'elle a déterminé. 


…srande. La raison en est très simple : Vicat avait 
“parcouru la France en tous sens et avait examiné 
tous les gisements propres à être exploités pour la 
fabrication des chaux ou des ciments. Ces indi- 


c’est aux recherches patientes, aux observalions 


cations précieuses, qui furent publiées dans les 
Annales des Ponts et Chaussées, ne tardèrent pas à 
être utilisées, et de nombreuses usines de chaux 
hydrauliques se fondèrent de tous côtés; la fabri- 
cation de ces chaux naturelles étant beaucoup 
moins coûteuse que celle de la chaux artificielle, 
celle-ci ne pouvait plus soutenir la lutte que dansles 
cas très rares où les prix de transport lui laissaient 
un avantage sur les produits naturels. C'est ainsi 
que les usines établies aux environs de Paris ont pu 
exister jusqu’en ces dernières années; actuellement 
une seule de ces usines, montée sous la direction 
de Vicat en 1826, continue de fabriquer des chaux 
hydrauliques dont les qualités sont appréciées; 
elle est située aux Moulineaux et appartient à 
MM. Deschamps et Fauh. 

Les conditions de fabrication des ciments arti- 
ficiels sont toutes différentes : ces ciments doivent 
être surcuits, et, comme ils ne sont pas soumis à 
une extinction après cuisson, il faut que leur com- 
position soit très régulière pour éviter la présence 
de la chaux en excès; leur teneur en chaux et en 
argile doit être comprise entre des limites très 
étroites. On trouve très rarement dans la Nature 
des calcaires contenant précisément ces éléments 
en proportions convenables et se présentant en 
masses assez considérables pour permettre une 
exploitation économique. Les calcaires à chaux 
grasse et l'argile sont, au contraire, abondants et 
il est possible, dans bien des cas, de les mélanger 
intimement pour en faire du ciment artificiel. Ce 
produit présentant de nombreux avantages, no- 
tamment dans les constructions à la mer, et son 
prix étant resté pendant longtemps très élevé, c’est 
surtout de ce côté que se sont tournés les efforts des 
industriels, et la fabrication du ciment à prise lente, 
ou ciment Portland, est celle qui est actuellement 
la plus répandue, surtout à l'étranger. Quant aux 
ciments naturels à prise rapide, qui ne peuvent être 
produits que par des calcaires d’une composition 
spéciale, leur fabrication est restée limitée aux 
régions où l’on a pu trouver des gisements exploi- 
tables de ces calcaires. 

A côté des ciments Portland et des ciments na- 
turels se placent d’autres produits, tels que les ci- 
ments de grappiers, fabriqués avec les refus de 
l'extinction des chaux; leur production, qui date 
d’une trentaine d'années, a suivi celle des chaux 
hydrauliques. Les ciments de laitier ont fait leur 


“4 


300 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


apparition depuis quelques années seulement et 
se fabriquent principalement dans la région de 
l'Est, à proximité des hauts fourneaux qui four- 
nissent une partie de leurs matières premières. 


II. — TuÉORIE DES CHAUX ET CIMENTS 


Avant de parler de la fabrication et des usines 
qui produisent les chaux el les ciments, nous 
croyons devoir résumer en quelques lignes le côté 
théorique de cette question. 

Les chaux etles ciments sont composés essentiel- 
lement (tableaux I et Il] de silice, d'alumine, de 
peroxyde de fer et de chaux ; on y rencontre encore 
de petites quantités de magnésie, d'acide sulfu- 


cédé sans apporter aucune sôlution sérieuse. Les 
recherches de M. H. Le Chatelier ont permis d'ar- 
river enfin à des connaissances exactes sur la cons- 
titution des produits hydrauliques. L'importance 
des travaux de ce savant a été considérable, parce 
qu'ils ont fourni au chimiste et à l'industriel des 
bases scientifiques indiscutables pour poursuivre 
de nouvelles études ou pour donner à la fabricalion 
des règles précises. Voici, résumées très briève- 
ment, les données principales établies par M. H. Le 
Chatelier : 

L'élément constitutif essentiel des chaux est le 
silicate de chaux Si0?, 3Ca0 ; il se forme sous l’in- 


fluente d’une température élevée par la réaction 


TABLEAU I. — Composition chimique des principales chaux hydrauliques 


PEN Re ee ; | OXYDE : _.. |Pacine PERTE [|NONDOSÉ| , 

DÉSIGNATION DES CHAUX SILICE |ALUMINE) LE Len | CHAUX IMaGNésie| ur | au FEU leregrres| TOTAL 
ES NE RE SNSSERRENE A EEMNnE EEE AE CONNECTE CONNUE CEE CNE CNRS 

Chaux du Teil (Pavin de Lafarge).| 23.60 1.40 0.80 64.70 1.40 0.50 1.60 » 100.00 

5 4.30 1.35 60.40 0.50 0.60 9.85 0.15 100.00 

4295 2.85 62.95 1.05 0.50 10.15 » 100.00 

5.09 1.80 57.00 3.90 1.40 15.80 » 100.00 

: 5.94 2.31 61.28 4205 » 15.25 0.32 100.00 

11° 4.60 2.30 59 1.40 » 20.80 » 100.00 

28.1: 215 1.10 0.80 0.40 6.80 0.45 100.00 

21.6 1.60 1.30 1.70 » 12.70 » 100.00 

b 2.05 1.30 6.65 » 19225 » 100.00 

Befte TT TE on 0 SDS 16.30 5.41 2.09 A5 0.90 14.90 0.35 100.00 

Societé | Seilley HSE db 00e 18.90 6.23 1.87 1.29 0.54% 12.10 0.32 100.00 

des chaux { Saint-Bernard......| 17.80 5.51 1.39 0.50 0.65 13.88 0.17 100.00 

de l'Aube. | Ancy-le 20.50 4.70 1.30 1.00 | 0.50 10.80 | 0.20 10000 

XGUIIIEY 2.0 - se ee eee meer 15.40 Tee 2.18 1.18 0.93 18.03 » 100.00 

Vitry-le-Francois Vve 20Ze- | 

ed Ne RNA EE 14.70 6.10 2.30 62.65 0.73 0.53 12.60 0.29 100.00 

us “ { Chaux légère..| 22.40 5.15 2.10 56.10 1.50 1.00 10.55 » 100.00 

| Virieu-le-Grand. } Chauxlourde..| 26.65 6.50 2.85 51.80 1.40 1.30 9.50 » 100.00 

Chaux artificielle des Moulineaux.| 21,85 5.00 3:45 51.80 0.55 0.75 10.90 » 100.00 


rique, quelquefois de la potasse et de la soude, 
de l'acide titanique, du manganèse. Enfin, dans 
les produits fabriqués, on trouve de l’eau et de 
l'acide carbonique provenant de l’extinction pour 
les chaux. de l’éventement pour les ciments. 

La théorie des chaux et des ciments n'est pas 


encore parfaitement connue, malgré les travaux 
scientifiques considérables qui ont élé entrepris sur 
ce sujel. Mais s’il reste encore bien des points 
obscurs. du moins est-on fixé aujourd’hui sur les 
phénomènes principaux qui produisent le durcis- 
sement des gangues hydrauliques. 

Sans indiquer nettement les réactions qui s'o- 
pèrent pendant la cuisson et au moment de la 
prise, Vicat avait élabli d’une manière irréfutable 
que le durcissement des chaux hydrauliques esl 
dû à la combinaison de la silice et de l’alumine 
avec la chaux. le rôle de l’alumine étant toutefois 
secondaire. 

Jusqu'en ces dernières années on en élait resté 
au même point; bien des hypothèses avaient été 
émises, les théories les plus divers:s s'élaient suc- 


de la silice, quand celle-ci est à un état extrême 


-de division, sur la chaux: il reste une certaine 


quantité de chaux non combinée qui servira plus 
tard à déterminer la réduction de la masse en 
poudre par son extinction. 

Dans les ciments Portland il existe, en outre du 
silicate de chaux, de l’aluminate de chaux et un 
silico-aluminale de chaux qui sert de fondant pour 
faciliter la combinaison de la silice avec la chaux. 

Les ciments à prise rapide contiennent une plus 
grande quantité d’aluminale de chaux: ils ren- 
ferment aussi du ferrile de chaux. 

Quand les produits hydrauliques en poudre fine 
sont mis au contact de l’eau, les réactions suivantes 
prennentnaissance : l'aluminate de chaux s'hydrale 
rapidement et crislallise : 


A120%, 3Ca0 + Aq = Al203,3Ca O, 12H°0. 


Le silicate de chaux se dédouble en chaux, qui" 


se lransforme en hydrate, et en silicate mono- 
calcique : 


Si0?, 3Ca0 + Aq = Si 0?, CaO, 25H20 + 2Ca0, H* 0. 


+ SE is Ma adm mie Gent 


+ ere 


| 
É 
: 
$ 
F 
4 ] 
; 


22 


F RU Dares 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 301 


La prise proprement dite est produite par l'hy- 
dratalion rapide de l’aluminate de chaux; les 
ciments à prise prompte, riches en aluminate, 
doivent à ce sel leurs propriétés spéciales. Le sili- 


- cate de chaux se combine plus lentement avec 


l’eau; c’est à la cristallisation du silicate mono- 
calcique que l’on peut attribuer surtout le durcis- 
sement lent et progressif des mortiers. Le rôle de 
l’aluminate de chaux est nul dans les chaux hy- 
drauliques, puisque, s’il existe, il est détruit par 
l'extinction !. 


favorables pour produire une masse de plus en 
plus dure et résistante. 

La prise des mortiers est souvent accompagnée 
de réactions plus complexes que celles dont nous 
venons de donner un aperçu très sommaire: le 
sulfate de chaux, les sels contenus dans l’eau de 
gächage, les matières qui se trouvent mélangées 
aux agglomérants, soit accidentellement, soit par 
suite de défauts de fabrication, peuvent intervenir ; 
tantôt ils modifient simplement la prise et ils 
peuvent avoir une influence utile; et concourir 


TABLEAU II, — Composition chimique des principaux ciments artificiels et naturels 


DÉSIGNATION DES CIMENTS SILICE 


Portland 
Boulogne … 
Frangey (Quillot frères) ................ 
Vicat 
Ciments naturels 


\ 


ASS NE Ne ne de ee mere alretante | 
l 
Porte ({ Prompt 
de France } Portland naturel 
f“Prompt....-.-.. bo Lee 
| Portland naturel 
Valbonnais, très lent 
7: { Uriage, demi-lent 
DnceE | Grande-Chartreuse, lent 
{ Valentine 
| Roquefort 


Voreppe 


Marseille. 


Ciments de grappier 
Virieu-le-Grand (Jurron et Cie). 
Pavin de Lafarge. Le Teil 
Seilley 
Saint-Bernard 


Ciments de lailier 


Donjeux 
Saulnes...... LÉO 


ALUMINE 


PERTE 
AU FEU 


ACIDE 
SULFUR. 


OXYDE 
DE FER 


CHAUX |MAGNÉSIE TOTAL 


CEE 
RUSSE 


be be Q9 19 I æ IN IN C9 C5 CS 19 


de QE de C9 


Il ne suflisait pas de faire connaître les combi- 
naisons des éléments constitutifs des ciments et 
des chaux pour donner une explication complète et 
satisfaisante de la solidification des gangues hydrau- 
liques; il fallait faire voir le mécanisme même des 
crislallisations des sels formés en présence de 
l’eau. M. H. Le Chatelier y est parvenu {rès heureu- 
sement en démontrant que la prise el le durcis- 
sement sont dus à des phénomènes de sursatura- 
tion; c’est en se déposant de solutions sursaturées 
que l’aluminate et le silicate de chaux peuvent 
cristalliser en longues aiguilles qui s’enchevètrent 
et se trouvent ainsi dans les conditions les plus 


1 L’aluminate de chaux parait cependant avoir une action 
assez sensible dans certaines chaux qui renferment 5 à 6 % 
d’alumine; à indice d’hydraulicité égal, ces chaux prennent 
beaucoup plus vite que les chaux siliceuses. L’aluminate de 
chaux peut, d’ailleurs, subsister après l’extinction ou bien ètre, 
pour ainsi dire, régénéré par la chaleur souvent considérable 
maintenue dans les tas d’efflusement. 


même à la résistance: tantôt leur rôle est nuisible 
etilest quelquefoisassezimportantpour déterminer 
la destruction des mortiers. Il en est de même des 
conditions dans lesquelles se trouvent conservées 
les gangues ; l’étude des actions physiques et chi- 
miques auxquelles elles sont soumises et des 
transformations qu’elles subissent offre un champ 
de recherches très étendu et présente un intérêt de 
premier ordre. 

La fabrication des chaux et des ciments est basée 
sur la composition chimique et la constitution 
physique des matières qu’elle met en œuvre. La 
proportion relative des éléments qui composent 
ces matières a une importance capitale; c’est ainsi 
que Vicat avait été amené à classer les chaux d’après 
leur indice d'hydraulicité, c’est-à-dire d’après le 
rapport de la silice, de l’alumine et de l’oxyde de 
fer d’une part, à la chaux d'autre part. D'après 
cette classification, les chaux faiblement hydrau- 


302 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


liques ont un indice compris entre 0,10 et 0,16; 
entre 0,16 et 0,31 on a les chaux moyennement 
hydrauliques ; les chaux hydrauliques proprement 
dites ont un indice variant de 0,31 à 0,42; l'indice 
des chaux éminemment hydrauliques est de 0,42 
à 0,50; au-dessus de 0,50 on a des ciments à prise 
lente et à prise rapide. 

Cette classification n'est certainement pas très 
précise; on l'utilise cependant encore aujourd’hui, 
mais pour les chaux seulement; celles-ci toutefois 
se classent surlout d'après le temps qu’elles 
mettent à faire prise sous l’eau. 

Les recherches de M. H. Le Chatelier lui ont 
permis de formuler des règles plus rigoureuses, 
surtout pour les ciments. Dans les chaux hydrau- 
liques il faut un excès de chaux pour produire 
l'extinction, mais il ne doil pas être trop élevé. 
Dans les ciments à prise lente, qui sont surcuits et 
qui ne sont pas modifiés par l’extinction, la com- 
position peut être précisée très exactement. 

La limite supérieure de la teneur en chaux est 
donnée par la formule suivante : 

Ca 0, Mg0O 
Si0? + ALOS = 

C'est-à-dire que la chaux, et la magnésie qui 
existe toujours en faible quantité dans les ciments, 
doivent être saturées complètement par la silice et 
l’alumine. 

Si l'on diminue la quantité de chaux au delà 
d'une certaine proportion, la silice est en excès et 
il se forme du silicate dicalcique qui se pulvérise 
spontanément après la cuisson, et donne un ciment 
de qualité très médiocre; il faut donc éviter la for- 
mation de ce silicate, et la quantité de chaux devra 
être suffisante pour que, le silico-aluminate étant 
formé, il en reste assez pour que le silicate trical- 
cique puisse se produire. On a ainsila formule qui 
donne la limite inférieure de la teneur en chaux : 

Si0:—(AI2 05, Fe203)., , 


Ca O,Mg 0 æ 


à 


Les ciments à prise rapide contiennent moins de 
chaux que les ciments Portland, mais leur cuisson 
est poussée beaucoup moins loin et ils renferment 
une assez grande quantité d’alumine. Il n'y a pas 
de règle absolue indiquant quelle est la meilleure 
composition à rechercher pour ces ciments. Les 
calcaires naturels employés pour la fabrication de 
ces produits peuvent être de composition assez va- 
riable, tout en donnant des résultats satisfaisants. 
La valeur du ciment est donc liée essentiellem ent 
à celle du gisement exploité, et le fabricant ne peut 
que s'efforcer d'utiliser seulement les bancs que 
l'expérience indique comme supérieurs aux autres. 


La fabrication des chaux et des ciments peut 


se diviser en trois grandes classes : fabrication des 
chaux hydrauliques, des ciments naturels et des 
ciments artificiels; nous passerons en revue succes- 
sivement chacune d'elles en indiquant les princi- 
paux centres de production et en décrivant quel- 
ques-unes des installations les plus intéressantes. 


IT. — FABRICATION DES CHAUX HYDRAULIQUES 


Les chaux qui résultent d’un mélange fait à l’u- 
sine sont dites artificielles ; les autres, qualifiées de 
naturelles, proviennent d'un mélange naturel de 
calcaire et d'argile. 


$ 1. — Chaux hydrauliques artificielles. 


Comme nous l’avons dit plus haut, la seule 
usine qui fabrique encore de la chaux artificielle 
est située aux Moulineaux, près de Paris; créée 
en 1826 par MM. Brillant et de Saint-Léger, elle 


commença à fonctionner sous le contrôle de Vicat, 


et les procédés employés alors sont restés à peu 
près les mêmes aujourd'hui. La craie, extraite en 
galeries, est mélangée avec de l'argile dans des 
malaxeurs verticaux; le mélange sort de l'appareil 
en pâle ferme, qui est découpée en pains et séchée 
sur les fours dans lesquels la cuisson s'opère en- 
suite à la manière ordinaire. A la sortie des fours, 
les morceaux cuits sont arrosés largement et mis 
en tas; l'extinction s'opère pendant 10 à 15 jours; 
après quoi la chaux est blutée; les parties les plus 
cuitesrésistentà l’exlinctionetrestenten morceaux, 
que l’on broie à l’aide de meules horizontales; on 
obtient ainsi du ciment à prise lente. 

L'usine, dirigée actuellement par M. Fauh, pos- 
sède dix fours, et la production est de 15 à 20:000 
tonnes par an environ. 


S 2. — Chaux hydrauliques naturelles. 


Les usines qui fabriquent de la chaux hydrau- 
lique sont lrès nombreuses en France: on peut 
affirmer que, dans aucun autre pays, la produc- 
tion de la chaux n’est aussi considérable. L’énu- 
mération de toutes les usines serait beaucoup trop 


L 


RE ft Se 0 D 


PE ENT PARENT 


PACE NTT 


eng hate 


longue et ne présenterait pas d'intérêt. Nous nous . 


bornerons à celles qui ont une certaine importance. 


À. Région du Midi. — Le département qui vient en 
première ligne est celui de l'Ardèche, dans lequel 
on produit presque autant de chaux que dans le 
reste de la France, gràce aux usines du Teil, dont 
la production dépasse 300.009 Lonnes par an. 

La chaux de la Société Pavin de Lafarge, du Teil, 


est trop connue pour que nous ayons à insisler sur … 


ses qualités; il nous suflira de dire qu'elle est em- 
ployée dans toutes les parties du monde. 

Fondée en 1830, l'usine de Lafarge au Teil prit 
un rapide essor, et sa prospérilé n'a fail que.s’ac- 


très remarquables 


_ gueur sur 100 mè- 


sente en bancs de 


S 
chant de grosses a 
_ masses à l’aide de (y 


Néons sé mnité ts ie) SSS 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 303 


EEE EEE EL EL 


croître par suite de l'absorption d'établissements 
concurrents existant dans les environs. 

La réputation si méritée de la chaux du Teil est 
due, non seulement à une direction éclairée et aux 
soins constants qui entourent la fabrication, mais 
aussi aux gisements 
exploités, qui sont 


comme puissance el 
homogénéité. 
L'extraction se 
fait à ciel ouvert el 
le front de laille 
présente un déve- 
loppement de 7 à 
800 mètres de lon- 


tres de hauteur; le 
calcaire fait partie 
des marnes né0co- 
miennes et se pré- 


très grande puis- 
sance variant de 20 
à 40 mètres d'épais- 
seur. Pendant long- 
temps onaexploité ?! 
la carrière en déla- { 


-- hauteur 1717 


mines très fortes : SÙ 
celles-ei ont atteint » 
jusqu'à 10.000 ki- 
los: on débilait en- 
suite les gros blocs 
avec des mines à 
acide. On préfère 
maintenant em- 
ployer uniquement 
des mines de moin- 
dre importance. 
Les usines du Teil 
pouvant être con- 
sidérées comme le 


de calcaire et de charbon; la cuisson est continue, 
et, à mesure que l'on met de nouvelles charges de 
calcaire, on extrait, à la partie inférieure, de la 
chaux cuite. La chaux est reçue directement dans 
des wagonels ou des tombereaux,et elle est portée 
aux chambres d'ex- 
linction. Étalée d'a- 
bord sur une plale- 


Plate forme 


forme, où elle est 
arrosée avec une 
quantité d’eau dé- 
= ___ Briques ET = 
nes terminée, elle est 
LAN mise immédiate- 
a ment en las sur 2 
NS mètres environ de 
LS à hauteur dans de 
grands hangars soi- 
fe LES sérceuurx eneuse t l 
este us de briques D semen CIos. 
Yefractatres, sco- np: < 
° res, etc, mélanges ( Fig. 3.) 
RES IL est, en effet, 


très important d'é- 
vilter que la chaux 
se refroidisse pen- 
dant l'extinction : 
la chaleur favorise 
l'hydratation de la 
chaux et sa réduc- 
tion en poudre. A- 
près un temps qui 
varie de 8 à 15 
jours, la chaux est 
considérée comme 
À suffisamment élein- 
te, elLelle est prête 
à être blutée. On là 
fait passer d'abord 
à travers une grille 
dont les ouvertures 
ont O0 m. 06 de côté, 


Æaçonnerie 


a jpriques f 
il 74 actaires 


LS  Manchon aertifère , 
#4 auto -distributeur 


\ puis dans des blu- 
Leries garnies de 
nie poor le toiles métalliques 


ES 5 char, rgement de læ 
—. chaux cuite en 
_crottes dans les 


du numéro 40. Les 
morceaux qui res- 


type le plus parfait ÆTE 0 TE Cas FC tent sur la grille 
des fabriques de TS ENS sont des incuits el 
chauxhydrauliques, des surcuits; les 
nous les décrirons Fig. 1. — Coupe verticale schématique d'un four pour la cuisson des premiers sont ren- 


plus spécialement; 
cette fabrication est, d'ailleurs, très simple. 

Les pierres à chaux, une fois cassées en morceaux 
aussi réguliers que possible, sont portées aux fours ; 
ceux-ci ont une forme ovoïde (fig. 1); les anciens 
fours avaient 12 mètres de hauteur, les nouveaux, 
dont la figure 2 représente l'extérieur, en ont 18. 

Le chargement se fait par couches alternatives 


chaux hydrauliques. 


voyés aux fours ; les 
seconds sont, après avoir été concassés el 
broyés, mélangés au ciment de grappier. Le 
refus des bluteries est composé de grappiers 
proprement dits, entourés de chaux en poudre et 
de parlies éteintes, mais qui sont restées agglo- 
mérées; on fait passer le tout entre des meules 
horizontales écartées de 10 à 14 millimètres; il 


304 


“4 


E. CANDLOT -— INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


s'opère une sorte de décorticalion qui laisse intacte 
les grappiers el réduit en poudre fine les parties 
tendres. Après blutage, on a une chaux lourde, qui 
est mélangée avec les produits du premier blulage. 
Les grappiers, qui élaient autrefois rejetés, sont 
ulilisés maintenant à la fabrication d'un ciment à 
prise lente ou ciment de grappiers. À la condition 
d’être contrôlé très soigneusement, ce produit pos- 
sède des qualilés qui lui permettent de rivaliser 
avec les ciments Portland. Le ciment de grappiers 
est toujours conservé longlemps en silos avant 
d’être expédié. 


Fig. 2. — Usines de la Sociélé J. et A. Pavin de Lafarge, au Teil 
hauteur, Des wagonets chargés de chaux cuite sortant 


Telles sont, en général, les principales opérations 
que l’on renconlre, avec quelques variantes, dans 
toutes les usines de chaux. Les principales diffé- 
rences viennent de la forme des fours; du traite- 
ment des grappiers, de l'extinction; dans beaucoup 
d'usines on mélange à la chaux les grappiers qui 
ontélé éteints et réduits en poudre ; on augmente 
ainsi la résistance du produit; c'est ce que l’on ap- 
pelle réincorporerles grappiers. Enfin, nous verrons 
plus loin que l'on fabrique quelquefois, avec les 
mêmes produils des fours, en les séparant simple- 
ment par des blulages, de la chaux légère, de la 
chaux lourde et du ciment, 


Les dimensions des fours varient beaucoup, mais 


le même mode de cuisson est employé partout. 
Pour le broyage des grappiers, on se sert, au Teil, 
de broyeurs spéciaux, dits broyeurs Lubac; dans 
d'autres usines on utilise les meules ou les broyeurs 
à boulets, système Morel. 

La chaux du Teil est essentiellement siliceuse ; 
bien que, d'après son indice d'hydraulicilé, qui est 
de 0,39, elle ne rentre que dans la catégorie des 
chaux hydrauliques proprement dites, elle peut 
être considérée comme chaux éminemment hy- 
draulique : sa prise s'effectue en 24 heures et elle 
pèse, au mètre cube, 800 kilos. 


\ its ET 


D 
di} 


Ardèche). — Massifs des grands fours à chaux de 18 mètres de 


des fours se dirigent vers les chambres d’extinction. 


La Société Pavin de Lafarge possède plusieurs 
usines au Teil et à Cruas; dans ces usines réu- 
nies on compte 100 fours. 

Le nombre des ouvriers est de 1.800 et, comme 
nous l'avons dit plus haut, la production dépasse 
300.000 tonnes par an. 

Dans le même département, on peut ciler encore, 
comme usine importante, celle de MM. Valelte, 
Viallard, à Cruas, qui fabrique environ 20 à 25.000 
tonnes par an el emploie des procédés analogues 
à ceux du Teil. 

Après les usines du Teil, la plus importante de 
la région du Midi pour la fabrication de la chaux 
hydraulique est celle de Gontes-les-Pins, à peu de 


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SCIENCES, 1895 


REVUE GÉNÉRALE DES 


306 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX 


HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


distance de Nice (figure 4); elle a été créée en 
1867. La carrière a 150 mètres de longueur sur 
40 mètres de hauteur; le calcaire appartient au 
terrain crélacé. Les fours sont au nombre de 12: 
ils ont 10 mètres de hauteur. L'exlinction et le 
blutage se font comme au Teil, les grappiers sont 
broyés à part el vendus comme ciment. L'indice 
d'hydraulicité de la chaux de Contes-les-Pins est 
assez élevé : il varie de 0,42 à 0,50; c’est donc une 
chaux éminemment hydraulique. La production 
annuelle est de 25.000 tonnes !. 

À Marseille quelques usines produisent de la 
chaux hydraulique ; mais elles fabriquent principa- 
lement des ciments naturels, sur lesquels nous au- 
rons occasion de revenir. 


2. Region du Sud-Ouest. — Dans le Sud-Ouest nous 
trouvons d'assez nombreuses usines : dans le Lot- 


| soulie el, un peu plus tard, une autre usine à 


Puyonem: elles sont devenues la propriélé de la 
Sociélé Dordognaise, qui fabrique environ 7.000 à 
5.000 tonnes. 

Une autre usine, construite par M. Malleboy, à 
Saint-Astier même, produit 4 à 5.000 tonres 
par an. 

Enfin, l’année dernière, M. Eymery, qui exploi- 
tait déjà une usine depuis 1883, a fait construire, à 
Saint-Aslier,une usine qui est actuellement la plus 
importante de la région : elle possède 10 fours et 
sa production est de 10.000 lonnes par an. 

Les carrières exploitées à ciel ouvert ont une 
hauteur variant de 15 à 35 mètres; celle de M. Ey- 
mery a une longueur de 200 mètres sur une hau- 


teur moyenne de 30 à 35 mètres. 


3. Région de l'Ouest. — Dans les départements de 


Fig. 4. — Fabrique de Chaux hydraulique de Conles-les-Pins, près Nice (Alpes-Maritimes). 


et-Garonne, à Sauveterre-la-Lémance, à Libos, à 
Castelfranc; dans le Lot, à Cahors. Ces usines pro- 
duisent aussi des ciments naturels et nous en 
parlerons à propos de ces ciments. À Sauveterre, 
l'épaisseur du gisement de pierres à chaux atteint 
36 mètres: l'indice d’hydraulicité des calcaires 
varie de 0,05 à 0,38. La chaux contient un peu de 
magnésie, mais elle est, malgré cela, très estimée 
dans la région. 

Les usines de Saint-Astier (Dordogne) ont pris 
depuis quelques années une assez grande exten- 
sion. La première usine de cette région a élé créée, 
en 1833, par M. Mounel, au village de Laborie; elle 
appartient aujourd'hui à M. Lestiboudois el sa 
production est de 6.000 tonnes par an. 

La Société générale des Chaux de Saint-Astier 
date de 1873 et 7.500 
tonnes. 


M. Mallet a établi en 1876 une usine à La Mas- 


produit annuellement 


1 Cétte usin briquer du ciment Portland 
irtificiel: elle m ge, par voie sèche et par voie humide, les 
calcaires trop riches en argile de la carrière avec des craies 


presque pures qui l'on trouve dans les environs. 


l'Ouest les seules usines intéressantes sont celles 
de Marans (Vendée) ; elles sont au nombre de 


quatre; la principale est exploitée par M. Nivet. 


Les calcaires utilisés pour la fabrication de la 
chaux appartiennent au terrain oxfordien ; ils sont 
extraits à ciel ouvert et se présentent par couches 
de 2 à 3 mètres d'épaisseur sur une hauteur de 
6 à 8 mètres; le découvert alteint 4 mètres en- 
viron. À 

L'usine Nivet possède 13 fours produisant 60 à 
710 mètres cubes de chaux par 24 heures; on prévoitun 
agrandissement de l'usine qui porterail le nombre 
des fours à 45. 

L'extinclion se fait très soigneusement et dure 
15 à 30 jours ; les grappiers ne sont pas ulilisés. 
La densité de la chaux est peu élevée, le poids du 
litre est de 0 k. 500 environ; malgré cela, elle 
donne des résistances satisfaisantes, qui altei- 
gnent, en pàle pure, près de 4 kilos par centimètre 
carré après un mois, el 13 à 14 kilos après un an. 

M. Nivel à imaginé un appareil très ingénieux 
pour l'essai des chaux et des ciments, qui permet 
de faire, sur la même éprouvelle, des essais à la 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 307 


traction, à la compression, à la flexion el au cisail- 
lement. 

À Echoisy (Charente), six usines exploitent des 
calcaires analogues à ceux de Marans ; l'indice 
d'hydraulicité de ces chaux est de 0,28 seulement ; 
la produclion 
de ces usines 
est peu impor- 
lante. 


… A. Région du 
Centre. — L'u- 
. sine la plus an- 
. cienneet la plus 
. renommée 
_ dans celte ré- 
_gion est celle 
de Paviers (In- 
dre-et-Loire). 
_ Sa construction 
remonte à l’an- 
née 1841; elle 
_est exploitée 
_ actuellement 
par M. Huguet. 
 L'extraction du 
calcaire se fait 


+ 


-engaleries aux- 


couches de 1 mètre à 1 mètre 50 d’épais- 
5 x x 

seur; elles sont très homogènes. Les fours 
ont au nombre de 12: la chaux est 


“éteinte et blutée par les moyens ordi- 


sentent rien de particulier; l'extraction se fait à 
ciel ouvert ; les bancs sont assez nombreux et leur 
composition est variable ; l'indice d'hydraulicité 
est généralement plus élevé dans les couches in- 
férieures. 


Les grappiers provenant du blutage 
sont broyés séparément et sont vendus 
comme ciment. 

Les usines de Beffes trouvent leur 
principal débouché à Paris, où elles ex- 
pédient chaque année des quantités de 
plus en plus considérables; la chaux 
arrive à Paris par eau, et le prix de 
transport est très réduit. 

La chaux de Senonches (Eure-et-Loir 
est l'une des plus anciennes de France: 
bien avant que l’on connût les proprié- 
tés des chaux hydrauliques, elle était 
estimée et on l'employait presque ex- 
clusivement dans tous les grands tra- 
vaux de Paris et des environs. Comme 
à Paviers, le calcaire s'extrait en gale- 
ries auxquelles on accède par des 
puits de 30 mètres de profondeur: on 
exploite trois banes de 0,50 à 4 mètre 

d'épaisseur. 
La composi- 
tion de la chaux 
de Senonches 
Canal dela est à peu près 
Memeau  ]a même que 
celledelachaux 
du Teil ; sonin- 
dice d'hydrau- 


ée : elle atteint jusqu'à 28 °/,. L'usine 
uguet produit annuellement environ 
20.000 tonnes de chaux. 

Il existe dans les environs, à Trogues, 


ique; ces usines sont relativement ré- 
“centes, les plus anciennes sont celleside 


sine de Louvières (Vibry-le-Francois) pour as- 
surer la succession continue des opérations de- 
puis l'extinction de la chaux jusqu'au charge- 
ment du produil fabriqué. — En À circulent les 
wagoncts apportant la chaux cuite et arrosée. 
La matière est dèversée dans la grande chambre 
d'extinction B, où elle séjourne quelque temps. Au 
bas de cette chambre une hélice H amène la chaux, 
au travers de la trémie D, dans le blutoir I.La chaux 
blutée tombe dans une trémie E, et de là dans 
l'empochoir F qui sert à l'ensacher. Les 
sont transportés par le pont P G dans le bateau. 
— M, M, M, magasins ; C, chemin de service ; 
K, K, calcaire ; O’, O’, O, argile, 


sacs 


naires: les grappiers sont réincorporés. £ LL LLOOLDA licité atteint 
a chaux est lourde, elle pèse 0 kil. 800 dre 0,40 ; elle peut 
au litre ; sa teneur en silice est très éle- Fig. 5. — Schéma de la disposilion adoptée à l’u- donc être clas- 


sée parmi les 
chaux éminem- 
ment hydrauli- 
ques. Toutefois 
depuis quel- 
ques années, la 
qualilé le cette 
chaux parait se 
modifier el sa 
réputalionn'est 


MM. Picardeau et Daumy. Actuellement, la fabri- 


le chaux par an. Puis viennent les usines de 
“MM. Polliet, Baillot et Villevielle, de M. Lan- 
+ et plusieurs autres de moindre impor- 
_lince. | 


— Les procédés employés dans ces usines ne pré- 


e] 
| 


E 


plus aussi grande qu'autrefois. 

A Laigle (Orne), on trouve quelques fours à chaux ; 
les calcaires sont de même nature et s’exploitent 
de la même facon qu'à Senonches, mais l'indice 
d'hydraulicité de la chaux est moins élevé. 


5. Région de l'Est. — L'usine de Louvières (fig. 5), 
près Vitrv-le-François, a été 1574. 
Me V'° Roze-Robert exploite celte usine, qui esl 


créée en 


» 


æ AZ 


RAT me. 


s Chaux de l'Aube. 


actuellement une des plus importantes de la 
région. 

_ Les calcaires appartiennent au terrain crétacé 
supérieur ; 
longueur de 500 mètres et ont, en totalité, 50 me- 
tres d'épaisseur. 

Les fours, au nombre de 8, ont 11 mètres de 
hauteur ; l'extinction est très soignée ; les grap- 
piers sont réincorporés à la chaux. 


par an. La chaux de Louvières a un indice d'hy- 
draulicité de 0,33 à 0,35; elle est caractérisée par 
une proportion Saaire assez élevée, environ 
6 à 7°/,, et se rapproche ainsi be de Ja 
composition des chaux de Tournai. La prise de 
cette chaux est assez rapide. 

A Vitry-le-François même, la Société Pavin de 
Lafarge a établi une usine où elle fabrique du 
ciment de laitier et de la chaux hydraulique ana- 
logue à celle de Louvières. 

La Société des Chaux de l’Aube, dont le siège 

. social est à Troyes, exploite plusieurs usines à 
Ville sous-la-Ferté et Mussy-sur-Seine (Aube), à 
Côtes-d'Alun (Haute-Marne), et à Ancy-le-Franc 
(Yonne). 
L'usine la plus importante est celle du Seilley à 
Ville-sous-la-Ferlé (fig. 6). Les calcaires appar- 
- tiennent à l'étage oxfordien; le front d'abatage de 
la carrière a 30 mèlres de hauteur.sur 100 mètres 
de large ; les bancs sont très nombreux ; leur épais- 
seur varie de 0",20 à 0",70. 


Les fours sont au nombre de treize. L'extinction 
dure 10 à 45 jours; les grappiers sont réincorporés 
à la chaux; seuls, les grappiers ayant résisté à 
deux extinctions successives sont broyés à part et 
endus comme ciment. 

Comme la chaux de Vitry, celle du Seilley con- 
ient une assez forte proportion d'alumine; son 
indice d'hydraulicité est de 0,41. 

La production annuelle de cette usine est de 
10.000 tonnes. 

L'usine de Saint-Bernard à Clairvaux est à peu 
près de même importance que celle du Seilley; elle 
possède quinze fours (fig. 9). 

A Mussy-sur-Seine se trouve l’usine de la Gra- 
ière, qui possède dix-huit fours et produit environ 
8.000 tonnes par an (fig. 7) 

A Côtes-d’Alun, il n'existe que quatre fours pro- 
duisant 3.000 Lonnes (fig. 8). 

L'usine d'Ancy-le-Franc (Yonne) est de créalion 
plus récente. 

La carrière, ouverte dans le terrain oxfordien, a 
ne hauteur de 50 mètres sur 70 mètres de lon- 
ueur. Les bancs sont au nombre de douze ; ceux 
Mu haut sont seuls exploités; 25 ont une épaisseur 
de 20 mètres. 


LES 2 


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PET TTIN. 


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les bancs exploités s'étendent sur une. 


La production de l'usine dépasse 26.000 tons: 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 309 


Les fours ont 9 mètres de hauleur et cubent 
45 mètres. L'extinetion est faile à la manière ordi- 
naire ; les grappiers sont réincorporés entièrement 
à la Rire 

Cette chaux est un peu moins alumineuse que 
celles de Ville- sous- “la: Ferté; son indice d'hydrau- 
licilé est de 0,41, sa ire apparente est de 
06,650. 

ha production annuelle de l'usine est de 
5.000 tonnes. En raison de sa situation avantageuse 
sur le canal de Bourgogne, et à proximité du che- 
min de fer, cette usine est TRS à se développer 
rene 

A Xeuilley Mosanes -et-Moselle) se trouve une 
usine importante de chaux hydraulique; les car- 
rières, ouvertes au sommet d’une colline, sont 
situées au-dessus du gueulard des fours; cé ci 
sont au nombre de vingt-six. L'extinction se fait 
dans de grandes chambres; les grappiers sont 
réduits en poudre très fine à l'aide du broyeur 
Morel, et ils sont réincorporés entièrement à la 
chaux. | à 

La chaux de Xeuilley se rapproche des chaux de 
l'Aube et de la Haute-Marne par sa composition; 
elle renferme une assez forte proportion d’alumine; 
elle est classée parmi les chaux éminemment hy- 
drauliques, bien qué son indice d'hydraulicité soit 
seulement de 0,35 à 0,37. La production est de 
15.000 tonnes environ par an. 


6. Région du Sud-Est. — Dans le département de 
l'Ain, plusieurs usines fabriquent de la chaux 
Es denlique: la plus importante est celle de 
MM. jurron et C*, à Virieu-le-Grand. 

Les calcaires, appartenant à l'étage oxfordien, 
sont extraits à A ouvert sur une hauteur de 35 à 
45 mètres. La composition des bancs est assez 
irrégulière : elle varie de 18 à 2 95 1) , d'argile; aussi 
produit-on des chaux de div erses natures et aussi 
des ciments à prise lente et à prise rapide. 

La fabrication diffère un peu de celle des autres 
usines. À la sortie des fours, après avoir retiré les 
incuits, on arrose la masse et on la relève en Las; 
après 6 à 7 jours, on blute, el on a ainsi la chaux 
légère; il reste une grande quantité de morceaux 
non éteints qui sont plus ou moins vitrifiés ; on les 
fait passer dans des meules, auxquelles on laisse un 
écartement de 10 à 15 millimètres. Les parlies 
tendres sont seules réduites en poudre; on les 
passe aux bluloirs et on obtient la chaux lourde: 
enfin, les parties les plus dures rejetées par les 
bluloirs sont pulvérisées finement et constituent 
le ciment à prise lente. C’est, comme on le voit, le 
traitement des grappiers comme au Teil; l'usine de 
Virieu a été la première, il yalrente-cinq ans en- 
viron, à pratiquer ainsi l'utilisation des grappiers. 


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312 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


Les chaux de Virieu se distinguent par une prise 
très rapide et une densité apparente élevée; la 
chaux légère pèse 0,750 au litre, et fait prise en1à 
à 18 heures; la chaux lourde pèse 16000 à 4,100 
el prend en 6 à 8 heures. 

L'usine de MM. Jurron et Ci‘ possède vingt fours 
à feu continu; la force motrice cest donnée par une 
chute d'eau de 120 mètres pouvant développer 
600 à 700 chevaux, mais dont on n'utilise qu'une 
partie. = 

La production est de 25 à 28.000 tonnes, dont 
20 à 30°/, en chaux légère, 60 à 70 °j, en chaux 
lourde et 21) °/, en ciments. 

Les autres usines de la région se trouvent à 
Béon (Culoz), à Bons, el à Buséal, près Virieu. 

Dans la région du Sud-Est, on peut encore 
classer les usines de l'Isère dont nous aurons à 
parler principalement à propos des ciments natu- 
rels; la fabrication de la chaux, dans ce dépar- 
tement, est relativement peu importante; les 
principales usines sont celles de Montalieu et de 
Bouvesse: elles possèdent vingt-neuf fours et pro- 
duisent 30.000 tonnes de chaux légère, de chaux 
lourde et de ciment de grappiers. 


IV. —— FABRICATION DES CIMENTS ARTIFICIELS 


Il y a deux sortes de ciments artificiels : les ci- 
ments du type Portland et les ciments de lailier. 


$ 1. — Ciments du type Portland 


1. Région du Boulonnais. — C’est dans la région 
du Boulonnais que se fabrique la plus grande partie 
du eimeut Portland produit en France; la produc- 
tion totale étant de 350.000 Lonnes environ, les 
usines du Boulonnais livrent, en effet, à elles 
seules, près de 300.000 tonnes par an à la consom- 
malion. 

La plus ancienne usine est celle de Boulogne, 
dont la création remonte à l'anaée 1845; à cette 
époque, M. Demarle trouva les procédés convena- 
bles pour trailer les marnes argileuses de Neuf- 
chàtel, dont les gisements avaient élé découverts 
par Vical. Ces procédés sont encore suivis dans 
toutes les usines de la région, el on n'y a fait que 
des modificalions de délail peu importantes. 

Les marnes crélacées employées par les usines 
du Boulonnais forment un puissant gisement qui 
est exploité à Dannes, Camiers, Neufchätel, Samer, 
Desvres, Lumbres, elec. 

L'exploilalion des carrières se fait à ciel ouvert: 
le découvert est généralement très faible; le cal- 
caire est lendre, friable et s’extrait facilement à 
la pioche sans qu'il soil nécessaire de recourir à 
la mine. 

La carrière de l'usine de Boulogne, exploitée 
actuellement par la Société des Cimenls francais, 


est située à Neufchatel; la même Société possède 
une autre usine à Desvres. Ces usines réunies for- 
ment un des établissements les plus importants 
qui existent pour la fabrication du ciment Port- 
land; on ne peut lui comparer que les grandes 
usines de MM. White brothers, en Angleterre, et 
celles de MM. Alsen et Sohne et Dyckerhoff, en 
Allemagne. Leur production atteint 430.000 tonnes 
par an, el pourrait être plus grande encore. 

Les procédés employés pour la fabrication du 
ciment Portland sont à peu près les mêmes dans 
toutes les usines du Boulonnais: les marnes sont 
délayées fig. 12) avec 50 à 60 % d'eauet réduites ainsi 
en bouillie claire; comme elles contiennent une 
proportion d'argile un peu inférieure à celle qui 
est nécessaire, on ajoute une pelite quantité d’ar- 
gile du Gault qui, à Boulogne, est extraile des fa- 
laises situées à l’ouest du port. 

A la sorlie des délayeurs, la pâle est envoyée 
dans les bassins doseurs; ce sont de grandes cuves 
dans lesquelles des agilaleurs mélangent intime- 
ment la pâte; des échantillons, destinés à faire con- 
naître si la composilion de la pâle est normale, 
sont prélevés dans ces bassins et analysés rapide- 
ment; selon que l’on a trouvé trop ou trop peu 
d'argile, on introduit dans le bassin une quantité 
déterminée de pâle plus calcaire ou plus argileuse. 
La pâte n’est considérée comme bien dosée que si 
la proportion d'argile ne s'écarte pas de plus d'un 
demi pour cent du dosage normal, qui est généra- 
lement 20 à 22 %. 

Après avoir élé dosée, la pâte doit être desséchée 
complètement: ce résullat est obtenu de différentes 
façons. Tantôt la pâte est envoyée dans de grands 
bassins, d'une contenance de 2.000 à 3.000 mètres 
cubes, où elle reste plusieurs semaines: quand 
elle est suflisamment ferme, on la lransporte sur 
des séchoirs constitués par des aires chauffées par 
le gaz de fours à coke. Tantôt la pâle est envoyée 
directement sur les fours où s'opère la cuisson; 
elle est alors séchée par la chaleur perdue de ces 
fours. Dans le premier cas, la pâle sèche est cuite 
dans des fours ordinaires, semblables aux fours à 
chaux, mais surmontés d’une cheminée très élevée 
qui détermine un lirage énergique; la cuisson est 
intermittente. Quand Ja cuisson doil avoir lieu 
dans les fours Hoffmann, la pâte, à la sortie des 
grands bassins de repos, est mise en briques et 
séchée dans des séchoirs spéciaux. Les fours Hoft- 
mann sont analogues à ceux qui sont employés 
pour la cuisson de la brique; ils ont généralement 
18 compartiments. 

Les fours qui sèchent la pète venant directement 
des bassins doseurs sont appelés fours anglais ou 
fours-séchoirs: ils sont groupés au nombre de 10, 
12 ou même davantage, et les produits de la com- 


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REVUE GÉNÉRALE 


5. 


DES SCIENCES, 189 


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1 


314 E. CANDLOT — J! DUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


bustion sont envoyés par de larges 
conduits horizontaux à une chemi- 
née unique; c'est dans l'intérieur el 
sur le dessus de ces conduits que la 
pâte liquide est envoyée et se dessè- 
che pendant que la cuisson s'opère 
dans le four. Les fours-séchoirs (fig. 
10) sont intermittents. 

Une quatrième espèce de four est 
aussi employée, mais seulement à 
Boulogne : c’est le four à étage ou 
four Dietzch; il ressemble à un four 
ordinaire dans lequel la partie supé- 
rieure serait transportée, parallèle- 
ment à elle-même, à peu de distance 
de la partie inférieure el raccordée 
à celle-ci par un conduit horizontal. 
Les pâtes sèches sont introduites 
dans la cheminée à 3 mèlres environ 
au-dessus du conduit horizontal; cette 
partie s'appelle le réchauffeur. La 
pâte, en effet, est porlée à une tem- 
pérature élevée par les gaz produits 
par la cuisson el qui la traversent. 
La cuisson s'opère dans la zone su- 
périeure du four proprement dit, le 
réchauffeur formant la cheminée; à 
cel endroit, des portes pratiquées de 
côté et d'autre du four permettent de w 
venir, avec de longues pelles, faire « 
tomber la pète du réchauffeur dans 
le creuset et, en même temps, d'y ré- 
pandre le charbon nécessaire pour la 
cuisson. Le feu est très vif jusqu'à 
2 à 3 mètres au-dessous des portes, 
puis, à mesure qu'il descend, le ci- 
ment cuit se refroidit et il sort du 
four tout à fait froid. Des regards, 
ménagés à quelque distance au-des- 
sous du creuset, permettent de ringar- 
der pour faire descendre la masse si 
elle est restée collée contre les pa- 
rois du four. La partie inférieure du 
four à élage a 7 à 8 mètres de hau-. 
teur et la partie supérieure 45 à 25 
mètres. Ce four, très employé en 
Allemagne el en Suisse, n'a pas été 
adoplé par les usines françaises mal- 
gré tous ses avantages; il n’en existe 
plus qu'un aux usines de Bou- 
logne. 

Le ciment, à la sortie des fours, esL 
trié soigneusement; les morceaux 
bien euits sont noirs, lourds, {rès 
durs; les incuits sont jaunes ou 
gris, mais toujours légers et peu 


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E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 315 


résistants; on les met de côté pour les repasser 


aux fours. 


“ La réduction du ciment en poudre s'opère à 
l’aide de concasseurs à mâchoires, de cylindres la- 


mineurs, qui ré- 
duisent les roches 
en fragments de 
à 8 millimètres, 
et de meules ho- 
rizontales. Le pro- 
duit des meules 
est passé dans des 
bluteries, et tou- 
tes les parties en- 
core trop grossiè- 
res retournentaux 
meules; la pou- 
dre fine est en- 
voyée dans les 
magasins où elle 
est mise en ba- 
rils ou en sacs. 


Telle est, dans ses grandes lignes, le mode d’opé- | 
rer employé par les usines du Boulonnais; il y a 


très peu de variation d’une usine à l’autre, et les 


seules différences viennent des soins apportés à la 


Fig. 41. — Emploi de la locomotive électrique pour remorquer les wagon- 
nels de marne dans la carrière de MM. Darsy, Lefebvre el Lavocal, à 
Neufchälel (Pas-de-Calais). — Le courant est envoyé à la locomotive au 
moyen d’un cäble aérien sur lequel glisse un trolley. 


fabrication. À Boulogne, les fours sont, en majorité, 
des fours ordinaires intermittents; il existe aussi 


un certain nombre 
de fours-séchoirs,. 
système Johnson, 
deux fours Hoff- 
mann four 
coulant 
Dietzth. 


et un 
syslème 
La mou- 
ture s’opêre à l ai- 
de de 

seurs, de 


concas- 

lami- 
noirs et de meules 
horizontales; il en 
existe 58 paires 
dans les usines de 
la Sociélé. 

Le nombre des 
ouvriers 
1200. 


est de 


La plus ancienneusine du Boulonnais, après celle 
de Boulogne, a été fondée en 1860 à Neufchâtel par 


Big. 12.— Fabrique de ciment de MM. Darsy, Lefebvre el Lavocat. — Délayeurs réduisanten bouillie claire les marnes calcaires 
employées à la fabrication du ciment, 


310 


"1 


: 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


MM. Darsy et Lefebvre: elle est exploitée aujour- 
d'hui par MM. Darsy, Lefebvre et Lavocat (fig. 12 
el 1%). La carrière est située à côté de celle de la 
Société des Ciments francais et à 1500 mètres envi- 
ron de l'usine. Le transport des marnes de la car- 
rière aux délayeurs se fait à l’aide de wagonets 
remorqués par une locomotive électrique (fig. 11) 
construite par M. Hillairet: c'est la première ap- 
plication de l'électricité, comme force motrice, 
dans les usines du Boulonnais. 

Le traitement des malières premières s'opère 
comme à Boulogne: les fours sont à séchoirs, el on 
emploie, pour la mouture, des cuncasseurs, des la- 
minoirs et des meules. L'usine occupe 150 ouvriers 
et produit 25.000 tonnes par an. 

Viennent ensuite les usines de MM. Sollier et C° 
fondées, en 1869, à Neufchàätel également, où l’on 
trouve les mêmes procédés de fabrication. Ces 
usines possèdent 19 fours ordinaires intermittents, 
dits à dôme (fig. 13), 12fours anglais et 17 paires de 
meules ;la production est de 30.000 tonnes par an. 

On trouve encore, à peu de distance de Neufchà- 
tel, l'usine créée par M. Dupré et exploitée actuel- 
lement par M. Basquin; sa production est de 10.000 
à 45.000 tonnes par an. 

L'usine de la Société des Ciments de Dannes, 
à Dannes fig. 10), et celle de MM. Delbende et Cie, à 
Desvres, ont été construites à peu près à la même 
époque, vers 1882; ces usines possèdent des fours- 
séchoirs et produisent chacune 20.000 {onnes envi- 
ron annuellement. 

La Compagnie Nouvelle des Ciments Portland du 
Boulonnais à Desvres est une des dernières sociétés 
élablies dans la région de Boulogne; sa production 
est la plus importante après celle de la Société des 
Ciments français. Les fours, au nombre de 25, sont 
du système Johnson: elle peut fabriquer 40.000 à 
90.000 Lonnes par an. 

Il existe encore quelques peliles usines à Samer, 
à Lumbres, à Lothingen, à Camiers. 

En dehors de la région du Boulonnais, mais dans 
le Pas-de-Calais cependant, nous devons ciler en- 
core l'usine de MM. E. Cambier et Ci située à 
Pont-à-Vendin. Les matières premières employées 
par MM. E. Cambier et OC" sont, comme dans 
toutes les usines anglaises, la craie pure el l'argile 
mélangées par voie humide en proportions conve- 
nables. Les mélanges se font à l’aide d'appareils 
semblables à ceux des usines du Boulonnais, les 
fours sont du système Johnson : la production est 
de 15.000 lonnes par an. 

Il existe encore une usine de création plus ré- 
dans le Pas-de-Calais. 
Celle usine emploie la voie sèche el produit an- 


cente à Perne-en-Artois, 


nuellement 5.000 à 6.000 tonnes: elle est dirigée 
par M. Parsv. 


v 


Le succès des usines du Pas-de-Calais est dû 
surtout à leur régularité de fabrication assuréepar … 
des procédés très parfails de dosage des matières 
premières. Les grands travaux maritimes exécutés … 
en France depuis une quinzaine d'années ont con- - 
tribué puissamment à développer leur essor, et, si 
le port de Boulogne permettait d'expédier au loin 
à des prix avantageux, il n’est pas douteux que ces 
usines trouveraient dans l'exportation un débou- = 
ché qui pourrait augmenter encore dans des pro-" 
portions importantes leur production. Les ciments * 
français sont, en effet, justement appréciés à l’é- 
tranger, et leur prix élevé en restreint seul la 
vente dans plusieurs pays où on les préférerait 
certainement aux ciments anglais ou belges. 


2. Région du Sud-Est. — Le fils de Vicat, 
M. J. Vicat, a créé, en 1858, une usine pour la 
fabrication du ciment Portland arlificiel à Vif, 
près de Grenoble. La préparation des matières. 
se lait d’une manière toute différente de celle 
qui est employée däns les usines du Boulonnais. 
On emploie un calcaire argileux, qui est cuit 
modérément et donne, après mouture, un ciment 
prompt; ce ciment est mélangé dans un malaxeur 
avec de la chaux grasse éteinte et blutée; le mé-. 
lange se fait en proportions déterminées de ma- 
nière à obtenir toujours la même composition; lan 
päte ainsi obtenue est mise en briquelles qui se 
solidifient rapidement; après un certain lemps de 
séchage à l'air, les briques sont enfournées et lan 
fabrication est ensuite la même que dans les autres 
usines.— Les fours sont du type ordinaire à cuisson » 
intermittente ; ils sont au nombre de 42. L 

La Société J. Vicat et Gi, actuellement dirigée“ 
par M. Merceron-Vical, produit 20.000 tonnes de 
ciment Portland par an; elle crée en ce moment” 
près de Marseille, en collaboration avec M.Armand, # 
une nouvelle usine qui présentera des procédés den 
fabrication intéressants et qui produira 15.000 à 
20.000 tonnes par an. 1 

Plusieurs autres usines de l'Isère fabriquent du 
ciment Portland artificiel, mais en quantité relali- | 
vement restreinte, et nous aurons surtout à parler, 
de ces usines à propos des ciments naturels. 

M. Romain-Boyer, à Marseille, fabrique aussi du 
ciment artificiel depuis quelques années; il emploie 
le procédé des mélanges de poudres à sec; la cuis- à 
son s'opère dans des fours ordinaires intermittents. ! 


3. Région de l'Yonne. — Dans l'usine de MM. Quil= 
lot frères, à Frangey (Yonne), on trouve le pro=" 
cédé du traitement des matières premières dit pars 
voie sèche. Les calcaires, appartenant à l'étage 
oxfordien, se présentent par bancs dont la teneur 
en argile varie de 14 à 30 °/,; après dessiccalion, 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 317 


cils sont broyéstrès finementet mélangésinlimement 
à sec; la poudre est finalement humectée légère- 
ment et mise en briques comprimées fortement, Ces 
diverses opérations s’exécutent à l’aide de moyens 


L'exploilation de la carrière se fait à ciel ouvert 
et par gradins. La cuisson s'opère dans un four 
Hoffmann à 20 compartiments. C’est la seule usine, 
avec celle de Boulogne, qui emploie ce genre de 


Fig. 13. — Fabrique de ciment de MM. Sollier et Cie à Neufchätel (Pas-de-Calais). — Carrière et plan 
incliné remontant la marne aux délayeurs. — Batterie de 11 fours intermittents avec grandes cheminées, 
dits fours à dôme. (Types des fours de ce genre employés dans les usines du Boulonnais.) 


très ingénieux dont la description dépasserait le 
cadre de cette étude; elle a été donnée par M. De- 
bray, ingénieur en chefdes Ponts et Chaussées, dans 
un Rapport à la Commission des Ciments en 1888. 


four pour la cuisson du ciment ; elle a, d’ailleurs, 
pleinement réussi, etles résullats qu'elle oblient 
sont de tous points satisfaisants. La production an- 
nuelle est de 20.000 à 25.000 tonnes. 


Fig. 14. — Fabrique de ciment Portland de MM. Darsy, Lefebvre et Lavocal à Neufchälel (Pas-de-Calais). 


318 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


Dans lemême département, l'usine Chantemille, à 
Moulot, produit quelques milliers de tonnes et tra- 
vaille par voie sèche ; mais elle emploie des fours 
ordinaires intermittents. 


4. Région Parisienne. — Enfin une usine a été 
créée récemment par la Compagnie Parisienne des 
Ciments Portland à peu de distance de Mantes, sur 
la Seine; les matières premières employées sont 
la craie pure et l'argile plastique traitées par voie 
humide. Les procédés de mélange el de dosage 
sont semblables à ceux des usines du Boulonnais; 
l'usine est construite pour produire 15.000 {onnes 
par an. 


Telles sont les seules régions dans lesquelles on 
fabrique actuellement du ciment Portland artificiel, 
dont la production est, comme on le voil, encore 
assez restreinte. Gette industrie n’a pris un cerlain 
développement que depuis une quinzaine d'années. 
En 1880 la quantité de ciment fabriqué en France 
dépassail à peine cent mille tonnes; maintenant 
elle atteint le chiffre de 350.000 tonnes environ. 
Dans le même espace de temps la production du 
ciment Portland en Allemagne est passée, de 100 à 
200.000 lonnes, à près de 1.800.000 tonnes; 
dans plusieurs autres pays tels que la Russie, le 
Danemark, la Suède, la Belgique, la fabrication du 
ciment, qui existait à peine, est devenue très im- 
porlante et prend chaque année plus d'extension. 

Les causes de lä progression si lente du ciment 
en France viennent de ce que l'emploi de ce pro- 
duit n’est pas général comme en Allemagne, en 
Angleterre, en Danemark, en Russie; la grande 
quantité de chaux hydrauliques, de ciments nalu- 
rels, de ciments de grappiers et de-produils divers 
vendus sous le nom de Portland empêchent aussi 
la fabrication du ciment artificiel de se dévelop- 
per. Des progrès importants réalisés dans la fabri- 
cation ont cependant permis d'abaisser très sensi- 
blement les prix de revient, et les prix de vente 
tendent à se rapprocher de plus en plus de ceux 
des ciments naturels ; quand les ciments artificiels 
se vendront à des prix relativement réduits, leur 
usage se généralisera cerlainement davantage, et 
on peut prévoir que leur production augmentera 
alors très rapidement. 


$ 2. Ciment de laitier. 


Depuis quelques années un nouveau produit 
hydraulique à fait son apparition et a pris un 
certain développement dans la région de l'Est 
nous voulons parler du ciment de laitier. La fabri- 
introduite en Alle- 
magne il y a une dizaine d'années, mais elle ne 


calion de ce ciment a élé 


parail pas avoir prospéré dans ce pays. En France, 
la première usine a été montée par M. Henry à 


donnent des résullals moins satisfaisants pour ce 


Saint-Dizier: puis est venue celle de MM. Raty 
et Ci° à Saulnes (Meurthe-et-Moselle); il en existe 
maintenant d'autres à Neuves-Maisons (Meurthe- 
et-Moselle\ et à Vilry-le-François ; cette dernière … 
dirigée par MM. Gonod et Girardot, anciens as- 
sociés de M. Henry, et établie par la société Pavin 
de Lafarge. Enfin M. Henry a installé une nouvelle 
usine dans le Cher, à Bourges. La Société générale 
du Portland laitier, dont le siège social est à Gre- 
noble, a exploité plusieurs usines à Saint-Ismier M 
(Isère), à Laudun (Gard), au Boucau(Pyrénées-Orien- 

tales). Celle dernière a été détruite par un incendie. 

La fabrication du ciment de laitier est très simple 
et nécessile une installation relativement peu im— 
portante. Les malières premières sont, d’une part," 
le laitier de haut-fourneau préparé spécialement, 
et, d'autre part, de la chaux éleinte en poudre. Le. 
laitier de composilion convenable ne se rencontre 
pas partoul: il doit avoir une certaine teneur en 
silice, en alumine et en chaux; de plus, il est indis- 
pensable qu'immédiatement après la sorlie du 
haut-fourneau il ait été soumis à un refroidis-s 
sement brusque. On réalise généralement cette 
condilion en le faisant tomber dans de grands 
bassins pleins d’eau ou dans un courant d’eau 
froide. Le laitier ainsi traité a l'aspect d'un sable 
à grains poreux, boursouflés: on l'appelle Zaitier 
granulé. 

Après être resté à l'air pendant un certain temps, 
le laitier granulé est desséché complètement dans 
des appareils de diverses sortes; il est ensuite 
réduiten poudre fine à l’aide d'appareils de broyage 
appropriés; ce sont les broyeurs Morel ou less 
meulelons à meules verticales qui sont employés 
le plus souvent; les meules horizontales ordinaires 


travail. 

La chaux éteinte et blutée finement est mélangéen 
alors avec la poudre de lailier en proportion con=… 
venable, indiquée par l'expérience. Ce mélange est 
introduit dans un appareil appelé homogénéisateur ; 
il consiste généralement en un cylindre cannelé, 
dans lequel roulent des boulets en fonte de di- 
verses dimensions. L'appareil, fermé hermélique- 
ment, est mis en marche el tourne pendant un 
temps plus ou moins long, variant de {1 heure 
3 heures. A la fin de l'opération, le mélange de lam 
chaux et du lailier est absolument intime et les 
ciment est prêt à être employé. Dans d’autres ap= 
pareils, l'opération est continue; le cylindre es 
alors assez long et les matières, introduites à un 
des extrémités, sont entrainées par le mouvement 
de rotation et sortent de l’autre côté, après avoir 
élé sur leur parcours mélangées par l’action des 
boulets. (4 

Le ciment de laitier, pour être de bonne qualité," 


5 


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LA 12 2 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 319 


doit être extrêmement fin; ce sont les opérations 
de séchage et de broyage du laitier qui sont les 
plus onéreuses dans cette fabrication. 

Les usines de S'-Dizier, de Saulnes et de Vitry 
ont une imporlance à peu près égale: elles peuvent 
fabriquer chacune 10 à 15.000 tonnes par an. 


V. — FABRICATION DES CIMENTS NATURELS. 


Les ciments nalurels à prise rapide sont de tous 
les produits hydrauliques ceux qui ont été connus 


elle a élé remplacée par l'usine de M. Dumarcet 
à Provency qui, étant la dernière créée, a été 
installée avec tous les perfectionnements in- 
diqués par l'expérience (fig. 13 et 16). Elle 
est située à 400 mètres de la gare de Provençy 
et à 150 mètres des carrières: celles-ci, comme 
toules les carrières de la région de Vassy, s'ex- 
ploilent à ciel ouvert; le découvert est de 2"50 
environ, puis on trouve 7 bancs ayant chacun 
une épaisseur de 1 mètre à 1,50 m.; entre les bancs 


Fig. 15. — Carrière de M. Dumarcet, fabricant de ciment de Vassy, à Provençy (Yonne). 


les premiers; Vical, dans un ouvrage publié en 
1898. parle, en effet, des ciments de Guéthary, de 
Boulogne, qui étaient alors fabriqués avec des 
galets, de Pouilly-en-Auxois. Les usines qui pro- 
duisaient ces ciments étaient très modestes, et elles 
ont presque toutes disparu depuis longtemps. 

Les régions où la fabricalion des ciments nalu- 
rels a pris lé plus d'extension sont l'Yonne, la Côte- 
d'Or, l'Isère et les Bouches-du-Rhône, On trouve 
encore des usines produisant ces ciments dans le 
Lot, le Lot-et-Garonne et la Dordogne. 


4. Région de Vassy. — Les principales usines de 
l'Yonne se trouvent groupées aux environs de 
Vassy. Ce fut vers 1830 que l'on commença à uli- 
liser pour la fabrication du ciment à Vassy les 


… calcaires du Lias supérieur, abondants à cet en- 


droit (fig. 15)!. MM. Gariel et Garnier fondaient, 
à cetteépoque, uneusine qui n'a disparu qu'en 1887; 


1 Les marnes calcaires de Vassy sont trèsriches en fossiles, 
en débris de squelettes d’animaux prébistoriques; M Millot, 


setrouveune matièreschisteuse quiest inulilisable. 

Les calcaires propres à la production du ciment 
sont reconnaissables à leur teinte et à leur dureté. 
La fabrication des ciments naturels est très 
simple: la cuisson s'opère dans des fours continus 
de capacité assez restreinte et semblables aux 
fours à chaux ; à Provencey, les fours n’ont pas de 
cheminée ; dans d’autres usines, ils sontsurmontés 
d’une cheminée de peu de hauteur, en forme de, 
trone de cône. La cuisson est modérée; il suffit 
d'enlever l'acide carbonique des calcaires et l’on 
doil éviter de les vitrifier; les pierres cuites sont 
légères, spongieuses, de couleur jaune-clair. La 
mouture s'opère à l'aide de broyeurs verticaux el 
de meules horizontales. Après blulage, le ciment 
est mis en sacs ou bien il est conduit aux silos 

La production de l'usine Dumarcet est de 14.000 
à 45.000 tonnes par an. 


notamment, en a trouvé dans ses carrières des spécimens re- 
marquables. 


Fig. 17. — Transvort des pierres à ciment du Mont Jalla à l’'Usine de Ciment de la Porte de France. — Gare d'arrivée. 


_: lesusines de 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 321 


Par rang d’ancienneté, viennent ensuite les 
usines de MM. Millot, à Marsy et à Sainte-Colombe ; 
l'importance de ces usines est à peu près la même 
que celle de M. Dumarcet; puis, les usines Faure, 
actuellement Joudrier et Ci, créées vers 1854. 
L'usine Pré- 
vost date de 
1871 ,etcelle 
de M. Bou- 

gault de 
1884. Ces 
usines pro- 
duisent de 
8.000 à 10 
mille ton- 
nes, et les 

procédés 
qu'elles em- 
ploient ne 
présentent 
rien de par- 
liculier. 


2. Région 
de la Côte- 
d'Or. — Une 
des usines 
les plus an- 
ciennes de 
la Côte-d'Or 
est celle de 
M. Landry à 
 Venarey-les- 
Laumes. 

L'exploita- 
tion de la 
carrière est 
conduile de 
la même fa- 
con que dans 


Vassy; les 
* bancs utili- 
- sables sont 
au nombre 
deseize; leur 


épai Fi an ci N re d'arrivé s aéri à >orte-de-France, montrant le 
épaisseur est Fig. 18.— P) ofil de la gare d'arrivée des bennes aériennes à la Po ë g ss LS nc 
déchargement des pierres à ciment dans les cheminées de descente. 


en moyenne 
de 0,30 à 0®,40, la teneur en argile varie de 25 à 
30 °/,. La pierre s'extrait à la pince ou à la mine; 
elle est assez tendre dans les bancs supérieurs et 
dure dans les bancs inférieurs; après un certain 
temps de séjour à l'air, elle s’effrite et finit par se 
réduire en petit fragments, La cuisson s'opère dans 
des fours continus ordinaires, sans cheminée; pour 
la mouture, on emploie des meules. L'usine de 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


Venarey produit 8.000 à 10.000 tonnes par an. 

M. Journault a élabli, il y a peu de temps, une 
usine à Marigny-le-Cahouët; cette usine est bien 
outillée et dispose d'une force motrice assez con- 
sidérable: elle est éclairée à la lumière électrique : 
Sa produc- 
lion est de 
6.000 à8.000 

lonnes et 

Pourrait 
êlre facile- 
ment aug- 
mentée, 

Les usines 
Tripier, si- 
luées à Ve- 

narey el 
dans les en- 
vIrons. pro- 

duisent 

10.000 à 
15.000 ton- 
nes. 

A Pouilly. 
l'usine Dé- 
lang . fabri- 
que environ 
6.000 tonnes 
par an. 


3. Région 
de l'Isère. — 
La fabrica- 
lion du ci- 
ment nalu- 
rel a pris 
dans l'Isère 
une impor- 
tance consi- 

dérable ; 

c'est une 
des indus- 
tries les plus 
prospèresde 
ce départe- 
ment. 

Les prin- 
cipales usi- 
nes sont groupées autour deGrenobledans un rayon 
de 40 kilomètres; elles sont au nombre de sept: 
Grenoble (Porte-de-France), Seyssins, Voreppe, 
St-Laurent-du-Pont, Vif, Valbonnais,St-Ismier. 

La Société Delune et Ci°, qui exploite les produits 
réunis des maisons Dumollard et Viallet, Carrière 
et C°, Dupuy de Bordes et C*°, sous le nom de 
Société Générale et Unique des Ciments de la 


7: 


322 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


Porte-de-France, est la plus importante de toute 
la région: elle produit, en effet, à elle seule, à peu 
près autant que toutes les autres usines réunies. 

Le gisement de la Porte-de-France a été décou- 
vert en 1842 par le capitaine du génie Breton; il 
appartient au lerrain néocomien. Remarquable par 
son homogénéité et sa constance de composition, ce 
gisement présente dès difficultés d'exploitation 
assez sérieuses: la Société Delune et Ci° a réussi à 
les vainere cependant, grâce à des procédés très 
ingénieux. L'un des plus intéressants, qui à déjà 
élé décrit plusieurs fois, est le câble de 600 mètres 
de portée qui permet de descendre le calcaire du 
mont Jalla à l'usine. (Fig. 17, 18, 19.) 

Comme au Teil, les usines Delune et Ci‘ doivent 
aux carrières qu'elles exploitent leur réputation et 
leur prospérité. Le ciment prompt de la Porte-de- 


France est, en effet, très supérieur à tous les au-. 


tres produits similaires, el, pour cerlains travaux, 
son emploi se recommande d'une manière exclu- 
sive : aussi est-il connu non seulement en France, 
mais à l'étranger, et les ouvrages exécutés avec 
ces ciments sont innombrables. La Société Delune 
exécute elle-même des travaux, et elle a su tirer 
un excellent parti des qualités remarquables de 
ses produits, notamment pour les canalisations 
d'eaux libres ou sous pression, les pierres factices, 
le cimentage des rues, etc... 

Outre le ciment prompt, la Société Delune fa- 
brique du ciment demi-lent, du ciment Portland 
naturel, et du ciment artificiel. 

La fabricalion des ciments naturels de l'Isère ne 
diffère pas de celle qui est usitée généralement ; le 
calcaire est cuit dans des fours coulants, et la 
moulure s'opère à l'aide de concasseurs et de 
meules; dans quelques usines, on emploie le 
broyeur à boulets système Morel. À la sortie des 
fours, le ciment est trié soigneusement; les mor- 
ceaux vilrifiés forment le ciment à prise lente et 
demi-lente ; ceux qui n'ont pas atteint un commen- 
cement de ramollissement sont mis de côté pour 
la fabrication du ciment prompt : leciment à prise 
lente et à prise demi-lente est conservé en silos 
pendant plusieurs semaines; le ciment prompt ne 
doit pas être mis nécessairement en silos et s'ex- 
pédie souvent immédiatement. 

Les usines Thorrand et Ci, à Voreppe, datent 
de 4874; l'exploitation des calcaires, qui terminent 
la série jurassique, se fait en galerie. MM. Thorrand 
et C° fabriquent des ciments naturels à prise 
prompte, demi-lente et lente; ils produisent égale- 
ment une cerlaine quantité de ciment artificiel. 

La Société Vicat et C, dont nous avons déjà 
parlé, a ouvert en 1876, à Saint-Laurent-du-Pont, 
près de la Grande-Chartreuse, une exploitation de 
ciment naturel dans le lerrain néocomien; elle 


produit dans cetle usine des ciments à prise 
prompte et à prise lente. En 4869, la mème Sociélé 
avait élabli une usine à Uriage, près Grenoble, 
dans laquelle elle fabrique du ciment naturel à 
prise rapide. L’extraclion se fait à ciel ouvert, 
tandis qu'à Saint-Laurent-du-Pont elle s'opère en 
galeries; les terrains d'Uriage appartiennent au 
Lias. 

La Société Guingat et C* exploile de nombreuses 
carrières dans la région de Grenoble, à Vif, à Com- 
boire, Claix, Crolles, Siéroz. 

A Vif,se trouvent encore des carrières exploilées 
par l'usine Berthelot. 

L'usine de MM. Pelloux el C*, à Valbonnais, 
date de 1869; la pierre appartient au Lias et s’ex- 
ploite en galeries. 

La Société Générale du Portland-laitier possède 
les carrières de Saint-Ismier, découvertes en 1853, 
et appartenant au terrain oxfordien. L'extraction 
se fait par galeries. 

On estime à 180.000 tonnes la quantité de ci- 
ment fabriquée par les usines de l'Isère. Ces 
ciments avaient un imporlant débouché en Italie 


+ 


PPT UT 


et en Suisse, mais la vente à l'exportation a di- = 


minué depuis l'élévation des droits de douane et 
la création d'usines dans ces contrées. La plus 
grande partie des ciments de l'Isère est employée 
en France même, principalement dans les dépar- 
tements du Sud, du Sud-Est et du Centre. 


4. Régionde Marseille.— L'industrie des ciments à 
été créée dans les Bouches-du-Rhône par M. H. de 
Villeneuve, ingénieur des Mines, qui, sur les indi- 
cations de Vicat, produisit le premier le ciment 
de Roquefort. Bien que les usines actuelles soient 
toutes à la Bédoule, les produits qu’elles fabri- 
quent en grande partie ont conservé le nom de 
Ciment de Roquefort. 

C’est encore à M. de Villeneuve que l'on doit la 
découverte du ciment de la Valentine, en 1853; ce 
ciment, fabriqué avec des calcaires argileux du 
crélacé supérieur, qui se trouvent sur tout le bassin 
d'exploitation du lignite de Valdonne, est à prise 
demi-lente; l'extraction des pierres se fait en ga- 
leries. Ces ciments sont fabriquésactuellement par 
la Société À. Armand et C*, qui possède quatorze 
fours coulants et produit 30.000 tonnes par an. 

La plus importante des usines de la Bédoule est 
celle de MM. Romain-Boyer et C! (fig. 20, page 324); 
située au pied d’une colline élevée, cette usine a 
élé disposée très heureusement en vue d'une 
exploitation rationnelle et économique; la coupe 
des terrains et celle de l'usine, que nous devons à 
l'obligeance de M. Romain-Boyer, permettent de 
se rendre compte très facilement des diverses 
phases de la fabrication (fig. 21, page 325). 


L 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 323 


Les couches exploitées, au nombre de sept, ont 
des épaisseurs comprises entre 11 à 68 mètres; 
leur composition est très variable et, par un choix 
judicieux et un contrôle constant, on peut ainsi 
trouver dans ces calcaires les éléments de la fabri- 
cation du ci- 
ment prompt, 
du ciment de- 
mi-lent, du 
Portland na- 
turel et de la 
chaux hy- 

draulique. 
Enfin, en mé- 
langeant les 
produits de 
certaines cou- 
ches, on peut 
fabriquer du 
ciment arli- 
ficiel de très 
bonne £ qua- 
lité. 

La fabrica- 
lion des ci- 
ments natu- 
rels nc pré- 
sente rien de 
particulier : 

le ciment 
Portland ar- 
Lificiel est pré- 
paré par voie 
sèche ; les 
calcaires sont 
séchés, puis 

réduits en 

poudre fine et 
mélangés en 
même temps 
intimement 
en proportion 
convenable. 

La poudre est 
mise en bri- 
ques compri- 
mées  forte- 
ment ; celles- 
ci, après avoir été desséchées à l'air, sont cuites 
dans des fours ordinaires intermittents; la suite 
de la fabrication s'opère comme dans les autres 
usines. — La production la plus importante est 
celle du ciment prompt. 

MM. Romain-Bover et C° fabriquent en totalité 
10.000 tonnes de produits par an. 

Les usines de MM. Rastoin frères, situées à la 


Fig. 19. — Vue générale du système des cäbles métalliques tendus du sommet du mont 
Jalla (Isère) au débarcadère des pierres à ciment à la Porte-de-France. 


Bédoule égalenient, produisent environ 20.000 
tonnes, dont 12.000 tonnes de ciment dit de Ro- 
quefort. Les ciments sont analogues à ceux dont 
nous avons parlé plus haut; l'extraction se fait 
aussi à ciel ouvert. Ces usines possèdent 13 fours 
coulants à 
feu continu 
et douze pai- 
res de meu- 


Les pro- 
duits des usi- 
nes de Mar- 

seille sont 
destinés 
presque ex- 
clusivement 
à l’exporta- 
tion. Le ci- 
ment de Ro- 
quefort se 
vend à très 
bas prix par 
suite du peu 
de frais que 
nécessile sa 
fabricat lt Mn ; 
l'extraction 
des pierres 
est très faci- 
le ; la cuis- 
son est mo- 
dérée, et la 
mouture de 
ces roches 
tendres et 
spongieuses 
est des plus 
simples.Aus- 
si, ce ciment 
trouve-t-il 
un débouché 
facile dans 
les pays où 
le bon mar- 
ché est sur- 
tout appré- 
cié ; depuis 
quelque Lemps on peut constater une tendance au 
développement de la fabrication du ciment arti- 
ficiel ; déjà nous avons fait voir que MM. Romain 
Boyer et Ci° produisent ce ciment avec suc- 
cès. L'usine en construelion de MM. Vical et 
Armand à Valdonne, dont nous avons parlé égale- 
ment,viendra augmenter encore,dans une propor- 
tion importante, la fabrication de ce ciment; enlin, 


1 U9 JIN9 JUOUTO 


324 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


ooo!'r 


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d'autres usines, qui n'avaient produit jusqu’à pré- 


sent que des ciments naturels;ont aussi l'intention 


de fabriquer du Portland artificiel. La région de 
Marseille parait ainsi destinée à devenir, dans 
quelques années,un centre très important de fabri- 
cation des ciment{s naturels et artificiels. 


5. Regions du Lot, de Lot-et-Garonne et de la Dor- 
done. — Après les trois régions dont nous venons 
de parler, on ne trouve plus d'exploitations impor- 
tantes de ciments nalurels que dans le Sud-Ouest: 
dans les départements du Lot, du Lot-et-Garonne 
et de la Dordogne. Les usines sont assez nom- 
breuses: il en existe à Cahors, à Castelfranc, à 
Libos, où 4 usines produisent environ 8.000 tonnes 
de chaux et de ciment par an. Les plus importantes 
sont celles d’Allas-de-Berbiguières (Dordogne et 
de Sauveterre-la-Lémanse (Lot-et-Garonne). A 
Allas, on produit uniquement du ciment naturel à 
prise prompte et à prise lente: la production 
atteint 14.000 {onnes par an. 

A Sauveterre, il existe cinq usines qui fabriquent 
de la chaux et du ciment à prise lente. D'après 
M. Gipoulou, qui a bien voulu nous donner des 
renseignements sur ces usines el qui est fabricant 
lui-même, la production est de 20.000 tonnes de 
chaux et de 5.000 tonnes de ciment. 

Les calcaires appartiennent à la formalion juras- 
sique ; ils sont un peu magnésiens el assez riches 
en alumine. Les produils sont généralement esti- 
més, ils s'emploient exclusivement dans la région. 


VI. — ESSAIS DES CHAUX ET CIMENTS 


A la suite des indications générales que nous 
avons données sur la fabrication des chaux et des 


_ciments, il nous parait utile de dire quelques mots 


des essais qui servent à contrôler la qualité des 
produits soit à l'usine, soit sur les chantiers. 

Les essais exéculés couramment sontlessuivants: 
détermination de la prise, de la densilé apparente, 
de la finesse de mouture, de la résistance à la 


{raclion. Quand on veut se livrer à un examen plus. 


approfondi, on a recours à l'analyse chimique, à 
l'essai de l’invariabilité du volume, à la délermi- 
nalion du poids spécilique, de la résistance à la 
compression, à la flexion, etc. 

L'essai de prise est indispensable pour les chaux, 
et, très souvent, on n'en fait pas d'autre sur ces 
produits, bien qu'à lui seul il soit insuffisant pour 
permettre d'apprécier leur valeur : il est également 
très utile pour les ciments à prise rapide ; en ce 
qui concerne les ciments à prise lente, on lui de- 
mande seulement une indicalion sur la manière 
dont se comportera le mortier au moment de son 
emploi sur le chantier. L'expérience se fait à laide 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET 


de l'aiguille Vicat, qui est composée essentielle- 
ment d’une tige cylindrique, dont la base, limée 
carrément, présente une surface de 1 millimètre 


4 nr 

- carré et dont le poids Llotal est de 300 grammes. 3 à ÉRÈE 
| On est convenu d'admettre que la prise commence ÿ 3 IS let 
. à se produire quand l'aiguille ne peut plus traver- 1 à ra] 

- ser complètement la pâte de chaux ou de ciment, JS | Ÿ È 
et qu'elle est complète, quand l'aiguille ne peut DE ù) 

à plus pénétrer d'une manière appréciable dans cette ÿ | à [Ès 

. pâte. Pour faire l'essai, on gâche à consistance | È TES 

; plastique la chaux ou le ciment et on introduit la là à) ÿ 

. pâte dans un récipient cylindrique de 0",08 de dia- ESS 

; mètre et de 0%,04 de hauteur. Ce récipient est con- 1 | 8 TE 
- servé dans l’eau quand il s’agit des chaux et à A RETIRE 
. l'air si l’on essaie des ciments. APRES 


- 


Les chaux font prise en 24 à 48 heures ou même 
. davantage selon qu’elles sont plus ou moinshydrau- 
_ liques. Les ciments Portland prennent dans un 
temps qui varie entre une heure et six à huit 
heures; la prise des ciments prompts est de 3 à 
10 minutes. 
L’essai de la densité apparente consiste à dé- 
terminer le poids d’un litre du produit en poudre. 
- Celui-ci est introduit dans la mesure à l’aide d’un 
_ entonnoir muni d’un tamis qui permet à la poudre 
- de tomber lentement et d’une manière uniforme 
- sans qu'elle puisse se tasser. Cel essai est utile 
- pour les chaux: il l’est moins pour les ciments, et, 
- dans tous les cas, il n’a de valeur que si l’on cen- 
- naît la finesse de mouture du produit examiné, 
- celle-ci ayant une très grande influence sur la 
densité apparente. 
- La finesse de mouture se détermine en faisant 
passer l’agglomérant à travers trois tamis ayant 
. respectivement 324, 900 et 4.900 mailles par centi- 
- mètre carré; pour les chaux on remplace ce der- 
»nier tamis par un tamis de 2.025 mailles par 
- centimètre carré. La finesse de la poudre est con- 
sidérée comme satisfaisante quand il ne reste 
aucun résidu sur le tamis de 324 mailles; les chaux 
ne laissent généralement que 2 à 3 °/, sur le tamis 
de 900 mailles et 15 à20°/, sur celui de 2.025 mailles. 
Les ciments ne sont pas aussi fins ; le résidu sur le 
lamis de 900 mailles atteint 5 à 6 °/, et 25 à 30 °/, 
sur celui de 4.900 mailles. Il faut faire une excep- 
po pour les ciments de laitier, qui sont extrême- 
- ment fins et ne laissent parfois que 10 °/, de ré- 
. sidu sur le {amis de 4.900 mailles. 
… Les essais de résistance se font sur les produits 
— gächés en pâte pure ou sur des mortiers composés 
- d'une partie d'agglomérant pour trois de sable 
- normal, en poids. On place la pâte dans des moules 
— en forme de 8; quand elle a fait prise, on la retire 
- des moules et on conserve dans l’eau les briquettes 
ainsi formées. Au bout de sept jours, on fait un 
premier essai en rompant, à l’aide d'un appareil 


Raprin 


2,000 


1aà 


dde 


Zrhelle «de 


1 2 pubés ns tS er S 


Marta viclatson des couches 


DES CIMENTS EN FRANCE 395 


| 


| 9465| 


us de 


osilion et la composilion des gisements utilisés pour la fabrication des cm 


p 


la région de Marseille. 


montrant la dis 


1, — Coupe des lerrains exploites par l'Usine Romain-Boyer el Cie, 


Lo] 


326 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


spécial une série de briquettes; le deuxième essai 
se fait après vingt-huit jours. Quelquefois on com- 
mence à rompre des briquettes deux jours après 
leur fabrication! 

Le sable normal employé pour la confection des 
mortiers est un sable spécial dont les grains fins 
ont été éliminés par un tamis de 144 mailles par 
centimètre carré et les gros grains par un lamis 
de 64 mailles par centimètre carré: on oblient 
ainsi un sable bien calibré et très régulier. 

Les essais de résistance à la traction ne deman- 
dent qu'un matériel très simple et peu coûleux el 
peuvent être faits partout. Il n'en est pas de même 
des essais à la compression, qui nécessitent l'em- 
ploi d'appareils encombrants et d’un prix très 


TABLEAU 


altéralion etaucun changement de forme, on con- 
sidère que le produit essayé ne contient pas de 
malière susceptible de déterminer de gonflement : 
son volume est invariable. 

Les gonflements sont accélérés et augmentés 
considérablement par l’action de la chaleur ; aussi 
a-l-on songé depuis longtemps à maintenir les 
éprouvettes dans l’eau bouillante pour déceler 
plus rapidement la présence de la chaux libre. Ge 
procédé, préconisé par M. H. Le Chatelier, est loin 
d'être admis généralement: les fabricants y voient 
de nombreux inconvénients et ne le considèrent 
pas comme concluant: bien des raisons pour el 
contre ontélé données, el il est encore assez diffi- 
cite actuellement de se prononcer sur la valeur de 


III, — Résistance des Chaux et Ciments. 


RÉSISTANCE PAR CENTIMÈTRE 
= > — 


Traction 


CARRÉ 


Compression 


PATE PURE 


en Sn 
1 jours | 28 jours 
—  — 
k. K. 
Chaux hydraulique... ..:...:......... 2: 5.0 
Ciment naturel (prompt) ............ UE 12.0 18.0 
Cinentrarifciel ANSE RES EEE 28.0 38 0 


MORTIER 1 : 3 PATE PURE MORTIER 1: 3 


. 
Tjours | 28 jours || 7 jours | 28 jours | 7 jours | 28 jours 
K. k. Ko k. k. k. 
2.0 5.0 30.0 40.0 40.0 60.0 
8.0 12.0 100.0 150.0 80.0 120,0 
15.0 20.0 300.0 450.0 180.0 250.0 


élevé ; aussi sont-ils exécutés seulement dans des 
laboratoires possédant un outillage complet. On 

crase Lantôt les briquettes qui ont été utilisées 
pour les essais à la traction ou bien des cubes de 
#0 centimètres carrés de surface. 

Les résistances des divers produits hydrauliques 
sont très variables: le tableau II ci-dessus indique 
les résultats que l’on peut obtenir avec des chaux 
ou des ciments de bonne qualité. 

Il est très important de savoir si le produit à 
employer ne gonfle pas après avoir fait prise; ce 
défaut très grave, dû à la présence, dans la chaux 
ou le ciment, de chaux non combinée et anhydre et 
provenant soit d'une extinction incomplète, soit 
d'un mauvais dosage, est presque loujours la 
cause des accidents qui se produisent dans les 
maçonneries, souvent très longtemps après leur 
confection. 

L'essai destiné à renseigner sur ce point s'appelle 
essai d'invariabilité de volume où essui de déformation : 
il s'exécute de diverses facons: le procédé le 
plus employé consiste à faire des galettes de 
pale pure qui sont conservées sous l’eau: si, 
après 28 jours, ces galettes ne présentent aucune 


) Par suite de leur forme, les briquettes se rompent tou- 
jours : à l'endroit où leur section est la De petite; celle-ci 
est exactement de cinq centimètres carrés 


cet essai; il est à remarquer, d’ailleurs, qu'il n'a 
été adopté dans aucun pays jusqu’à présent. 
On peut reprocher aux essais que nous venons 


d'exposer brièvement de manquer de précision et 
de fournir des éléments de comparaison plutôt 
que des données positives. À part quelques es- 
sais, tels que la détermination de la finesse de 
mouture, du poids spécifique, l'analyse chimique, 
dont les résultats ne dépendent pas de l’habilité 
de l'opérateur, le tour de main joue trop souvent 
un rôle important, el c'est un inconvénient très 
sérieux, car les chiffres trouvés diffèrent souvent 
considérablement d’un laboratoire à un autre. La 
Commission d'Unification des Méthodes d’Essai des 
Matériaux de Construstion, instituée par le Ministre 
des Travaux publics, a décrit minutieusement la 
manière d'exécuter les essais; indications 
seront très utiles et conduiront à une plus grande 
régularité et à une interprétation plus facile et 
plus juste des expériences sur les chaux et les 
ciments. Il est certainement à souhaiter que l’on 
trouve un procédé qui puisse donner sur la valeur 
des produits hydrauliques des renseignements 
précis et indiscutables; il y aurait aussi avantage 
à restreindre le nombre des essais, car aujourd'hui 
on ne peul arriver à se faire une opinion sur la 
qualité d’un produit qu’en réunissant les résultats 


ses 


de plusieurs essais et en les comparant entre eux. 


- Cependant, malgré toutes leurs imperfections, 


PNEU 


les moyens de contrôle que l’on possède actuelle- 
ment peuvent rendre de grands services aux fa- 
bricants, en leur permettant d'assurer la régularité 
de leurs produits et, à ce titre, ils doivent s’atta- 
cher à les suivre et à les appliquer avec méthode. 


VII. — CONSIDÉRATIONS SUR LES CONDITIONS D'EXPLOI- 
TATION DES USINES — COMPARAISON AVEC L'ÉTRANGER. 


Par le rapide exposé que nous avons fail 
des principales usines, et malgré des omissions 
certainement très nombreuses, on aura pu se 
rendre compte de l'importance de l’industrie des 
chaux et des ciments. Nous avons à examiner 
maintenant de quelle manière les usines sont diri- 
gées et à rechercher si les fabricants se préoccu- 
pent des progrès à réaliser et s'inspirent des 
recherches scientitiques faites sur leurs produits. 
La fabrication des chaux élant très simple et une 
usine pouvant se constituer à peu de’frais, il en ré- 
sulle que, très souvent, l'expérience acquise par la 
pratique, en dehors de toute connaissance tech- 
nique, suflit pour diriger une usine de chaux quand 


‘la production n'est pas très grande. Mais, dès que 


l'installation prend une certaine extension, le 
fabricant a besoin de posséder des connaissances 
plus sérieuses; la nécessité de livrer des produils 
réguliers, tout en opérant sur des masses considé- 
rables, exige en même temps une grande expé- 
rience et des connaissances techniques assez 
étendues. La chaux, même lorsqu'elle est de qua- 
lité supérieure, se vend à un prix très réduit; il 
faut donc que l’iudustriel veille avec soin à éviter 
les manœuvres inutiles, à exécuter les transforma- 
Lions subies par le calcaire, depuis la carrière jus- 
qu'à l’expédition de la chaux, avecle minimum de 


. main-d'œuvre et avec des moyens simples et peu 


coûteux; il doit être, en outre, chimiste, pour pou- 
voir suivre la composition de la carrière et expéri- 
menter les produits fabriqués, et mécanicien, pour 
entretenir el perfectionner son outillage. 

Les fabriques de ciment naturel se trouvent à 
peu près dans les mêmes conditions que les usines 
de chaux, avec cette différence que l'exploitalion 
des carrières est généralement plus difficile et doit 
être suivie de plus près; les installations méca- 
niques sont également un peu plus compliquées. 

Dans les usines de ciment artificiel les difficultés 
Sont plus grandes : il faut un personnel plus nom- 
breux, un outillage plus compliqué, une force 
motrice beaucoup plus puissante: les mélanges 
demandent des soins tout parliculiers, la cuisson 
et la mouture également: des connaissances appro- 
fondies de Chimie et de Mécanique sont ici indis- 
pensables. Dans les grandes usines de chaux, la 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 327 


direction est éclairée, et on ne néglige rien de ce 
qui peut assurer une fabrication irréprochable: les 
usines du Teil offrent à cet égard le meilleur 
exemple que l'on puisse citer. Maisil existe encore 
beaucoup trop d'usines où l'empirisme règne en 
maitre et où les seulespréoccupations sont d'éviter 
des dépenses de perfectionnements et d’arriver au 
plus bas prix de revient possible, sans s'inquiéter 
de la bonne qualilé des produits. ILest vrai de dire, 
comme nous l’avons déjà fait remarquer, que les 
chaux ont une valeur marchande très réduite, ne 
laissant pas une grande marge aux bénéfices et 
obligeant à réduire au strict nécessaire les frais de 
personnel. Mais il suflirait que les fabricants, au 
lieu de repousser systématiquement loute idée de 
progrès, cherchassentäserendre compte desamélio- 
rations qu'il leur serait possible de faire: celles-ci 
sont en général très simples et, sauf dans le cas 
d'installation tout à fait défectueuse, très faciles à 
appliquer. L'exlinetion, par exemple, est de loutes 
les opéralions celle qui demande le plus de soins et 
qui, au contraire, est presque Loujours peu soignée. 
Il y a longtemps que M. H. Le Chatelier a attiré 
sur ce point l'attention des fabricants en signalant 
les dangers d’une extinction imparfaile; à plusieurs 
reprises, il a indiqué la méthode à suivre pour 
améliorer cet élat de choses et fait voir que l’on 
peut arriver à des résultats parfaits sans aug- 
menter sensiblement les frais de fabricalion. 

Les fabricants de ciment, surtout de ciment ar- 
üficiel, ont fait depuis quelques années des efforts 
très réels pour améliorer leurs usines et leurs pro- 
duits; mais il y aurait beaucoup à faire encore de 
ce côté; il y a surtout une tendance fâcheuse de 
beaucoup de fabricants à lutter contre la concur- 
rence à l’aide d'expédients plus ou imnoins heureux: 
ils ne paraissent pas se rendre compte que la con- 
fiance inspirée aux consommateurs par une fabri- 
cation soignée et régulière est le plus sûr élément 
de succès. C’est donc vers une perfeclion toujours 
plus grande des produits fabriqués, tout en s’effor- 
çant d’abaisser normalement le prix de revient, 
que doivent tendre les fabricants qui se soucient 
moins de réaliser des bénéfices immédiats, mais 
éphémères, que d’assurer l'avenir deleur industrie. 
Pour cela, des études patientes sont nécessaires; il 
faut un personnel éclairé, se lenant au courant 
des recherches scientifiques et des progrès tech- 
niques de toutes sortes, réalisés soit en France, 
soit à l'Etranger. 

Aucun exemple ne justifie mieux cette manière 
de voir et n’est plus concluant que l'extension prise 
par l'industrie du ciment en Allemagne. Nous 
avons dit que cette fabrication était encore peu 
développée il y a vingt ans à peine, tandis qu'au- 
jourd’hui il exisle en Allemagne plus de cent 


328 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


usines produisant près de deux millions de tonnes 
de ciment. Non seulement les usines se sont mul- 
tipliées, mais leurs produits sont, en général, ex- 
cellents, ei, sur plusieurs marchés d'exportation, 
ils font prime et prennent la place des ciments an- 
glais. Mais, danslesusines allemandes, le directeur 
est toujours un spécialiste ayant des connaissances 
techniques très étendues ; à côté de lui, même 
dans les usines de moyenne importance, il y a un 
chimiste ayant à sa disposition un laboratoire bien 
outilié. Dans les grandes usines, on trouve, en 
dehors du chimiste, des ingénieurs chargés spécia- 
lement des fours, d’autres des appareils de mou- 
ture : les contremaitres eux-mêmes sont instruits 
et n'ont pas, comme dans beaucoup d'usines 
françaises, un profond mépris pour lout ce qui est 
science et théorie. 

A côté de cette organisation puissante desusines, 
l'Association des fabricants allemands vient centra- 
liser, pour ainsi dire, les recherches, et, tous les 
ans, des rapports sur les questions les plus inté- 
ressantes, étudiées par divers fabricants, sont lus 
à la réunion de l'Association. Ces travaux, mis 
ainsi en commun, ont contribué beaucoup à la 
prospérité de celte industrie et lui ont permis de 
faire des progrès rapides. 

En raison du grand nombre d'usines, il s'est créé 
un personnel d'ingénieurs et de docteurs qui, à la 
sortie de l'École ou de l'Université, ont étudié spé- 
cialement la fabrication du ciment soit dans les 
usines, soit chez les techniciens qui s'occupent 
exclusivement de celte industrie et qui possèdent 
des laboratoires d'essais et de recherches. 

Si nous comparons aux usines allemandes les 
usines anglaises, nous ferons encore davantage 
ressortir la supériorité de la direction scientifique 
sur la routine. En Angleterre, aucun progrès sé- 
rieux n’a élé réalisé dans la fabrication du ciment: 
quelques grandes usines ont bien fait des ten- 
talives pour apporter des améliorations soit dans 
les fours, soit dans les appareils de mouture; mais, 
en ce qui concerne la qualité du produit fabriqué, 
on s’en soucie fort peu, et l’on estime que le ci- 
ment élait trouvé très bon il y a vingt ans et qu'il 
n'y à aucune raison de chercher à faire mieux 
maintenant. Aussi les fabricants déclarent-ils eux- 
mêmes qu'ils n’ont pas besoin de laboratoire: au 
lieu d’un essai chimique qui, en moins d'une heure, 
leur donnerait un résulat précis, ils préfèrent re- 
courir, quand ils doivent déterminer les propor- 
tions des mélanges de craie et d'argile, à un essai 
de fabrication à pelite échelle qui leur demande 
huit jours. 11 n’est pas nécessaire de démontrer les 
résullats funestes de pareils errements : la dépré- 
cialion des ciments anglais en a été la conséquence; 
l'importance des usines diminue, les prix s’avilis- 


sent, les débouchés se ferment, et les usines alle- 
mandesenlèventaux Anglais leürs meilleursclients. 

Nous ne saurions trop insister sur ces exemples, 
car ils sont de nature à éclairer les fabricants et à 
leur faire voir nettement de quel côté ils doivent 
diriger leurs efforts. Les guides, d’ailleurs, ne 
manquent pas: les travaux si remarquables de 
M. H. Le Chatelier ont donné, sur la constitution et 
les propriétés des produits hydrauliques, des indi- 
calions précises; les recherches poursuivies dans 
les laboraloires de l'Administration des Ponts el 
Chaussées peuvent fournir des renseignements très 
uliles. Est-il nécessaire de rappeler que les décou- 
vertes de Vicat ont eu pour point de départ des 
essais de laboratoire? Des expériences exécutées 
avec méthode et des déductions purement théo- 
riques des phénomènes observés ont suffi pour 
créer une grande industrie, et, er quelques années, 
Vicat à pu obtenir un résultat que la pratique seule 
pendant des siècles avait lé impuissante à laisser 
même entrevoir. 

La place est encore grande pour les perfection- 
nements, bien des questions restent douteuses, et, 
dans bien des cas, on en est réduit aux hypothèses: 
des recherches sur la cuisson, la mouture, l'extine- 
tion, l'influence du silotage, etc., peuvent conduire 
à de nombreuses améliorations : la résistance des 
mortiers à l'eau de mer, aux variations de tempé- 
rature, les phénomènes de prise, la constance de 
volume, sont aulant de sujets d’études présentant 
le plus grand intérêt. 

A côté des efforts que l’on est en droit de de- 
mander aux industriels, il ne faut pas oublier que 
tous ceux qui utilisent, dans les constructions, les 
produits hydrauliques, doivent avoir sur les pro- 
grès de la fabrication des chaux el des ciments une 
influence non moins importante. Aiguillonnés sans 
cesse par la concurrence, les fabricants peuvent 
être entrainés à sacrifier la qualité de leurs pro- 
duits à l'abaissement du prix de revient; il appar- 
lient aux Ingénieurs des Ponts et Chaussées, des 
Chemins de fer, aux Officiers du Génie, aux Archi- 
tectes, de réagir contre ces tendances en exerçant 
sur les livraisons un contrôle constant et éclairé. 
Les conditions de réception, tout en ne soumettant 
pas le fabricant à des exigences qui ne seraient 
pas justifiées, doivent l'obliger à suivre de très 
près sa fabrication. L'absence de contrôle laisse 
le champ libre aux produits de qualité inférieure 
qui, à la faveur du bas prix, envahissent le marché 
et paralysent les fabricants soucieux de bien 


faire. Si les fournitures sont surveillées attentive- e 


ment, il en résulle une émulation salutaire entre 
les usines concurrentes qui, sachant que leurs 
efforts peuvent être appréciés, n'hésilent pas à 


faire des sacrifices pour maintenir leur réputation. 


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Ce contrôle des produits fabriqués nécessite des 
études sérieuses et ne peut être réellement efficace 
que si les constructeurs ont la possibilité de 
s'adresser à des laboratoires bien outillés et bien 
dirigés. lei encore, c'est à l'Étranger que nous 
devons chercher des exemples. En Allemagne, en 
Suisse, en Autriche, en Russie, des laboratoires 
officiels sont à la disposition des fabricants et des 

ingénieurs ; tous les essais sur les produits hydrau- 

liques peuvent y être exécutés; on y fait, en outre, 
des recherches spéciales destinées à éclairer les 
fabricants et les consommateurs. Le Lype le plus 
parfait de ces laboratoires est celui de M. Tetmayer 

à Zurich; c’est à lui que l’on doit en grande partie 

le grand développement pris par la fabrication du 

ciment en Suisse depuis une dizaine d'années. 

En France, il.existe bien de nombreux labora- 
toires établis principalement par des Ingénieurs 
des Ponts et Chaussées qui ont eu à diriger de 
grands chantiers; des recherches extrêmement 
intéressantes y ont été faites, et les travaux de 
MM. Alexandre à Dieppe, Coustolle à la Rochelle, 

-  Guérard à Marseille, pour n’en citer que quelques- 
uns, ont élé d'une utilité incontestable. Les labo- 
ratoires de Calais et celui de Boulogne, dirigé 
actuellement par M. Feret, et créés par MM. Guil- 
lain et Vétillart, ont donné à la fabrication du 

- ciment dans le Boulonnais une impulsion décisive; 

le cahier des charges type, élaboré par M. Guillain, 

a eu sur cette industrie l’influence la plus heu- 

reuse. Enfin, MM. Durand-Claye et Debray se sont 
attachés à maintenir le laboratoire de l'École des 

Ponts et Chaussées au niveau de tous les progrès 

et à perfectionner sans cesse les procédés d'essais ”. 

Nous devons encore mentionner le laboratoire de 

la Ville de Paris, qui exerce un contrôle constant 
sur les ciments et les chaux employés dans les 
travaux de la Ville, et le laboratoire établi par le 

Service du Génie militaire à Boulogne-sur-Mer. 


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3 Mais tous ces laboratoires ne rendent pas les 
14 mêmes services à l’industrie que ceux de Zurich, 
à de Berlin ou de Vienne; ils sont, en effet, destinés 


à éclairer les administrations qui les ont instilués, 
et ils se trouvent fermés aux industriels qui, 
généralement, ignorent les recherches que l'on y 
fait et ne connaissent même pas toujours les résul- 
Lats des essais exécutéssur leurs propres produits. 

Un laboratoire central auquel tous les fabricants 
pourraient avoir recours, soit pour demander des 
conseils, ou enfin pour trancher des différends 
dans la réception des livraisons, rendrait des ser- 
vices considérables à l'industrie des chaux et des 
ciment(s. 


1 M. Debray a beaucoup contribué à faire connaitre l'état 
; d'avancement de ces questions à l'étranger, notamment par 
ses études sur les conférences de Dresde, Berlin et Munich, et 

sur les laboratoires de Berlin et de Zurich. 


F 


PP RUSSE. PCR PR 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAUTLIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 329 


On devrait évidemment demander le paiement 
des essais, comme cela se pratique à l’Étranger; 
mais les intéressés l’accepteraient d’autant plus 
volontiers qu'ils se sentiraient ainsi plus à l’aise 
pour s’adresser au laboratoire. 

Le laboratoire de l'École des Ponts et Chaussées, 
par l'autorité et la compétence de ses directeurs, 
par l'oulillage très complet qu'il possède déjà et 
par sa situation, est tout indiqué pour remplir ce 
rôle de Station Centrale d'Essais, dont la création 
serait certainement accueillie avec la plus grande 
salisfaction. 

S'il nous était permis de formuler un vœu à ce 
sujet, nous l’adresserions à M. Guillain, qui a 
rendu à l'industrie des chaux ei des ciments les 
plus éminents services, el qui aurail ainsi un nou- 
veau litre à la reconnaissance des fabricants. 

Comme conséquence de l’instilution d’un Labora- 
toire Central, on pourrait espérer que les fourni- 
tures de ciment et de chaux seraient soumises à 
un contrôle plus sérieux. Dans la plupart des 
grands chantiers, les livraisons sont examinées 
avec attention, et des cahiers des charges précis 
indiquent les essais à exécuter: mais il est loin d’en 
être ainsi dans une foule de constructions publi- 
ques ou parliculières qui, sans avoir l'importance 
des travaux des ports, par exemple, exigent cepen- 
dant l'emploi de matériaux de bonne qualité. 
Généralement, l'ingénieur ou l'architecte se con- 
tentent d'imposer des produits dont la réputation 
est bien établie, à l'exclusion de tous autres, ce 
qui les dispense de tout examen; très souvent 
même, on se borne à indiquer la provenance sans 
indication de marques. Les inconvénients de pa- 
reils procédés n'ont pas besoin d’être démontrés; 
la renommée d'une usine, bien qu’elle constitue 
une garantie, n’est pas suflisante pour négliger de 
contrôler ses fournitures. D'autre part, des usines 
plus récentes, mieux outillées et fabriquant dans 
de meilleures conditions, peuvent se voir dans 
l'impossibilité de placer leurs produits si l'on se 
refuse à priori à les examiner, sous prétexte qu'ils 
ne sont pas connus, et l’on paralyse ainsi la con- 
currence, l'initiative et le progrès; enfin, des ci- 
ments ou des chaux ne sont pas nécessairement 
de bonne qualité s'ils proviennent d'une région où 
il existe des usines réputées, et, si l’on soumettail 
bien des produits acceptés comme bons à un 
examen sérieux, on serait certainement frappé du 
grand nombre de ceux qui devraient être consi- 
dérés comme absolument défectueux. 

Cet élat de choses ne pourra se modifier que le 
jour où les produits hydrauliques seront mieux 
connus; il faut reconnaitre, en effet, que bien peu 
de directeurs de travaux ont des notions exactes, 
mêmes sommaires, sur les chaux et les ciments, et 


330 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


peuvent, par conséquent, apprécier leur valeur. 
Quelques essais simples, mais suffisants dans bien 
des cas, permettraient d'éliminer beaucoup de 
produits de mauvaise qualité, et l'on verrait bientôt 
la fabrication s'améliorer très sensiblement, sur- 
tout pour les chaux, qui re sont, pour ainsi dire, 
jamais soumises à la moindre épreuve. Ce résultat 
serait atteint rapidement si, dans l’enseignement, 
on attachait plus d'importance aux matériaux de 
construction et si, dans les cours et dans les exa- 
mens, Gn donnait une place plus grande aux pro- 
duits hydrauliques, trop délaissés actuellement. 


Dans ce qui précède, nous avons eu en vue sur- 
tout les moyens propres à donner aux produits 
fabriqués une plus grande perfection: il est évident 
que cette préoccupalion, bien qu’elle doive con- 
server la première place, ne fera pas négliger au 
fabricant lout ce qui peut simplifier son outillage 
et diminuer ses frais de fabrication. Dans cet ordre 
d'idées les points sur lesquels des économies sont 
à réaliser dans les usines actuelles sont : la main- 
d'œuvre, le combustible et la mouture. La main- 
d'œuvre sera d'autant plus réduite que l’on évitera 
les transports inutiles, que l’on emploiera des ap- 
pareils mécaniques, vis, courroies, élévateurs, etc., 
toutes les fois que cela sera possible; l'agence- 
ment général de lusine a ici une importance capi- 
tale. Il y aurait, en général, beaucoup d'amélio- 
rations à faire dans la cuisson des chaux et des 
ciments, et c’est sur les fours que les études peuvent 
être surtout fructueuses. En Allemagne, cette 
question à été l’objet de recherches approfondies 
qui ont conduit à des résultats pratiques très inté- 
ressants ; la consommation de combustible pour la 
cuisson el le séchage, qui était de 409 à 500 kilos 
par tonne de ciment, il y a quelques années, a été 
réduite à 200 et 250 kilos; certaines usines même 
ne dépensent que 160 à 180 kilos. 

Les bénéfices à réaliser sur la mouture ne 
peuvent pas être aussi élevés, car les procédés 
actuellement employés sont assez perfectionnés, 
au moins dans les grandes usines. Dans les fa- 
briques de ciment, on utilise à peu près exclusi- 
vement les meules: dans les usines de chaux, le 
broyeur Morel est employé assez fréquemment 
pour la mouture des grappiers. A l'étranger il y a 
une tendance à supprimer les meules pour les 
remplacer par des broyeurs à boulels, mais ceux- 
ci sont encore très discutés. 


VIIT. — CONDITIONS ÉCONOMIQUES. 


4. Production, Débouchés el Concurrence étrangère. 
— Le développement de la fabrication des chaux et 
des ciments en France est dû principalement aux 
grands travaux exécutés depuis une cinquantaine 


d'années pour la construction des ports, des ca- 
naux, des chemins de fer, ete. Les nombreux 
gisements de pierres propres à la fabrication de 
la chaux hydraulique, indiqués par Vicat, ont 
permis de maintenir cette industrie constamment 
en mesure de suflire à tous les besoins. Sauf dans 
la région du Nord et du Nord-Est, aucune chaux 
étrangère n'a été importée en France: les chaux 
belges de Tournai sont employées dans les dépar- 
tements du Nord et jusqu’à Paris et Rouen: fabri- 
quées dans des conditions toutes particulières 
permettant d'obtenir un prix de revient extrème- 
ment réduit, ces chaux arrivent par canaux el se 
vendent à très bon marché: les usines de la Marne 
et de l'Aube ne peuvent pas lutter contre elles, 
bien que leurs produits puissent être, bien sou- 
vent, considérés comme supérieurs. 1{l est regrel- 
table que, dans les grands travaux de l'État, tout 
au moins, on continue à employer les chaux belges ; 
il y aurait certainement une augmentation de 
dépenses en réservant ces fournitures à l'industrie 
française, mais elle serait largement compensée 
par le surcroit d'activité donné à nos usines. 

Si, dans le Nord, nous recevons de la chaux de 
l'étranger, par contre, dans le Midi, nous en expor- 
tons de grandes quantités. Les expéditions se font 
principalement par les ports de Marseille et de 
Cette. Les usines de celte région trouvent d'impor- 
tants débouchés dans les colonies françaises, puis 
en Orient, dans l'Amérique du Sud et jusqu’en 
Australie. 

Dans toute l'Europe, c’est la France qui produit 
le plus de ciment naturel à prise rapide, et, pen- 
dant longtemps, elle a eu pour ainsi dire le mono- 
pole de cette fabrication; aussi, l'exportation de 
ce ciment a-t-elle élé toujours assez aclive. Les 
prineipaux débouchés étaient la Suisse el l'Italie, 
l'Allemagne, puis l'Orient. Mais, depuis quelques 
années, la Suisse et l'Italie produisent aussi des 
ciments naturels, et, grâce à des droits excessifs, 
mettent des obstacles sérieux à l'entrée des ci- 
ments français; l'exportation n’a pas élé atteinte 
encore très sérieusement, mais elle a diminué 
dans des proportions assez sensibles, et il est à 
prévoir qu'elle continuera à décroitre: le marché 
d'Orient reste ouvert aux ciments de Marseille, qui 
s'expédient aussi en Tunisie, en Égyple, dans 
l'Amérique du Sud. 

Ily a peu d'années que nous ne sommes plus 
tributaires de l'étranger pour les fournitures de 
ciment Portland. Jusqu'en 1880, on peut dire que 
les usines anglaises fournissaient la plus grande 
partie du ciment consommé en France. Ce fut seu- 
lement en 4885 que, sur l’iniliative de M. Guillain, 
les usines anglaises ne furent plus admises à sou- 
missionner pour les travaux de l'État ; dès lors, les 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 331 


usines françaises purent se développer et elles 
prirent rapidement de l'extension. Les ciments 
étrangers ont maintenant disparu à peu près com- 
plètement et les ciments du Boulonnais com- 
mencent às’exporler. Les débouchés sont toutefois 


En ce qui concerne la concurrence étrangère sur 
les marchés d'exportation, les usines françaises ne 
se tronveraient pas, en général, dans des condi- 
tions défavorables si les difficultés de transport ne 
les mettaient trop souvent dans un état d’infériorilé 


ANÇGLETERR 


| 


A] 
fl 


| 


Hi] 
ÉRA 


RER HR CRUE RL O Chaux hydrauliques 


=, = 
LORS 
À Anvers. 


gAtaroue à 
_ & Bruxelles 


er Len 
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j À 


NS 


Il 


| 


Fig. 22. — Réparkhtion de l'Industrie des Chaux hydrauliques et des Ciments en France, avec indicalion de son impor- 
tance relative suivant les régions. — Dans chaque cercle, le demi-millimêtre carré correspond à uné production annuelle 
de 140.000 tonnes. (Sur cette carte est aussi représenté le système des canaux susceptibles de servir au transport). 


assez restreints; les principaux sont maintenant 
les colonies francaises et surtout l'Indo-Chine. 
puis l'Espagne et le Portugal, l'Amérique du Sud. 
Les Etats-Unis, qui importent chaque année près 
de 500.000 tonnes de ciment Portland, reçoivent 
très peu de ciments français : il y aurait là, pour 
nos usines, un champ très vaste à exploiter; on 
peut en dire autant pour le Canada. 


manifeste. Les usines allemandes et belges bénéfi- 
cient d'une main-d'œuvre un peu moins élevée et 
de prix de charbon très bas, mais leur grand 
avantage sur nous consiste surtout dans les faci- 
lités qu’elles trouvent à l'expédition de leurs pro- 
duits. Tarifs très réduits de chemin de fer vers les 
ports, voies navigables bien outillées, ports fré- 
quentés par de nombreux steamers de lignes régu- 


332 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX 


re AS Nr YU 


HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


lières el par des voiliers ayant besoin de fret de 
sortie, tout se trouve réuni, en Allemagne el en 
Belgique, pour favoriser l'exportation. 

En France, nous n'avons guère que le port de 
Marseille qui permelte d'exporter dans des condi- 
lions avantageuses ; les porls de la Manche et de 
l'Océan sont de présenter les ressources 
suffisantes pour que nous puissions lutter contre 
les usines étrangères. Les grandes lignes françaises 


loin 


TABLEAU IV. — CHAUX. — Quantités de chaux 
importées et exportées en 1891. 


IMPORTATIONS 


Pays de provenance 


AT R A PO Se ee ee rise re A 25.073 
Bélier mere me ee 2re 191.940 
D'ISS CEA FR ever one 3.192 
BILLES PAYS RC e Or EC TEE 106 

220.851 


EXPORTATIONS 


Pays d'entrée 


ANEMACT EE EE CE CE .569 
Belrique se eee ee cceete .163 


Portugal" 
Espagne........ 
SUISSE eee 
Grèce... 


2) 
AT 
427 
1951 


= 


l'O NE RS HE 00 


Turquie ..… .128 
Enyple tea A cree tee .080 
MEXIQUO SERRE ST Tree .436 
AUSÉDIE RME eee #1. 1IS 
RUTISIE RE Eee eee ent ee cr TR ee .007 


.910 
.107 


Ce 


de navigation demandent des prix inabordables 
et ne peuvent être utilisées que dans des cas par- 
ticuliers ; il faut, presque toujours, s'adresser en 
Angleterre pour avoir du fret par vapeur à des 
TABLEAU V.— CHAUX. — Importations et Expor- 

tations avec indication des points par où les 


chaux sont entrées en France ou en sont sorties 
(voir fig. 23). 


Æ 1893 1894 
POINTS 
D'ENTRÉE ir D TES 
OU DE SORTIE EXPOR- | IMPOR- || EXPOR- | IMPOR- 
TATIONS | TATIONS||TATIONS | TATIONS 


Hazebrouk à Charle- 
VAL. ee ere ee 1.508 
Longwy à Pontarlier. 8.35: 


183.649 


3| 54.522 


1.365| 188.429 
9.318] 59.071 


Bellegarde à Modane.| 35.452 80]! 41.351 100 
Nice à Perpignan...| 107.532 21] 115.708 13 
3ayonne à Saint-Na- 
LAALR, ; Aa cree Cie 1.654 28 3.085 » 
Brest à Dunkerque... #60 413] 445 #42 
| 
LATAUX.. 7e. Grece 154.959! 238.730|| 171.272] 248.115 


L 


prix raisonnables ; mais les vapeurs doivent faire 
escale dans les ports français et demandent des 
suppléments de fret, que n'ont pas à payer les 
usines anglaises. Dans les ports d'Anvers, de 


Rotterdam, de Hambourg, outre les vapeurs des 
lignes régulières, qui sont très "nombreuses, on 
trouve de grandes quantités de voiliers qui ar- 


Fig. 23. — Imporlalion el exportalion des Chaux en 1894. — 
4 m/m correspond à 10.000 tonnes. (Les carrés les plus 
foncés se rapportent à l'exportation.) 


rivent de lous les points du monde et qui ac- 
ceptent des frets extrèmement réduits,parce qu'ils 
prennent le ciment comme lest. Les tableaux IV à 
VIL, et les figures 23, 24 et 25 résument les mou- 
vements des importations et des exportalions 
depuis quelques années. 

L'examen des chiffres de ces tableaux fait voir 
que, si les importations de ciment diminuent légè- 
rement, nos exportations diffèrent peu en 1894 el 
en 1891; il y a une légère augmentation pour les 
chaux. Mais le fait le plus frappant est la quantité 
considérable de chaux importée en France, quan- 
lité dont l'accroissement parail suivre chaque 
année une marche constante. Ainsi, nous voyons 


que, fabriquant moins de ciment que plusieurs 
pays voisins, nous en exportons cependant autant 


TABLEAU VI. — CIMENTS. — Importations et 


Exportations avec indication des pays qui im- 
portent leurs produits en France et de ceux qui 
reçoivent nos ciments. 


IMPORTATIONS 
PAYS DE PROVENANCE Ain Se À 
1891 1892 | 1893 | 4894 
— | —— ——— — 
tonnes | tonnes | tonnes | tonnes 
Belgique .... ...... 14.072] 12.658| 10.548 » 
ARPIETeRLO Re 7.845 3.472 3.492 » 
Espagne...... are 1.535 895 768 » 
SUISSBE Mere Crus » » 281 » 
Aufres pays... 2.090 1.14 ae » 
ODA UL Eu do Le 26.005| 18.1611 16.801! 1%.23à 
PAYS D'ENTRÉE EXPORTATIONS 
RUSSIE" deu 5.487 4.530 » 
Allemagne...... 2 6.139 4.675 » 
Portugal -...... da 9.586 4.281 » 
Espagne...... 28-049) 32-918 » 
Étahe "5-2: : 22.943 18. » 
SUISSE... -: | NL 90) SU » 
Roumanie... .. .. » 45 =}; 
Burquiescr. ON Po LE CO IE » 
Egypte ...... Hire. » Ex » 
BROSSE. PAT 6.1 » 
AIDERIC Sr 00 2932056 |416: » 
HUMISIE-.- 20 5.893 6° » 
Indo-Chine ..... : » 5 » 
ATITESINETS ee ere 38.411! 15.2 » 
— 
RONA Eee 181.413] 152.915] 174.848] 185.128 


que de la chaux, dont la production est chez nous 
beaucoup plus importante que dans aucune autre 


TABLEAU VIL — CIMENTS. — Importations et 
exportations avec indication des points par où 
les eiments sont entrés en France ou en sont 
sortis (Voir fig. 24 et 25). 


- 1893 1894 
POINTS 

D'ENTRÉE Te MR 

OU DE SORTIE EXPOR- | IMPOR- || EXPOR- | IMPOR- 
TATIONS | TATIONS || TATIONS | TATIONS 
——__——————— | | | | | 
tonnes | tonnes || tonnes | tonnes 

Hazebrouk à Charle- 

VAUT NP à Re de out 1.472 | 10.546 6.612 | 10.320 
Longwy à Pontarlier.| 6.906 383 7.569 295 
Bellegarde à Modane.| 22,090 18 || 27.210 16 
Nice, Marseille, Cette, 

Perpignan........ 100.571! 203 |1116.2782 135 
Bayonne à Saint-Na- 

ACIE DO nte den 3.987 1.256 4.1%% 1.393 
Brest à Dunkerque..| 39.8225%| 5.804 || 23.2481| 2.077 

MOTAUX AS ARR l134.848 | 18.210 [185.121 | 14.234 


1 Marseille, 86.276 tonnes. 
2 Marseille, 103.101 tonnes. 
# Boulogne, 36.617 tonnes, 
4 Boulogne, 20.742 tonnes. 


contrée, et, tandis que l'importalion du ciment est 
très restreinte, celle de la chaux dépasse de beau- 


E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 333 


coup l'exportation. Comme résultat économique 
de cette situation, nous pouvons constater que, 
d'après la statistique de 1891, la valeur des chaux 
exportées s’est élevée à 3.171.495 francs, tandis 
que nous en avons achelé à l'Étranger pour 
6.294.285 francs; la même année, nous avions 
vendu pour 8.708.995 francs de ciment à l'expor- 
lation, et la valeur du ciment importé n'était que 
de 1.248.336 francs. Ces chiffres doivent être à peu 
près les mêmes en 189%; le commerce des ciments 


Fig. 24, — Exportation de Ciments dans la région 
du Pas-de-Calais. 
parait donc être beaucoup plus prospère que celui 
des chaux; toutefois, il faut remarquer que le 
ciment exporté est, en très grande majorilé, du 
ciment naturel à prise rapide, l’exportation tolale 


Fig. 25, — Exporlalion des Ciments du Dauphiné et 
de la Provence. 

étant de 185.121 tonnes en 1894; les sorties par les 
ports de Marseille et de Cette sont, à elles seules, 
en effet, de 110.901 tonnes; or celle région pro- 
duit très peu de ciment Portland: celui-ci s'exporte 
à peu près uniquement par le port de Boulogne, et 
on voit que les sorties par ce port n'ont jamais 
alteint 40.000 tonnes par an. 

La stalistique des importalions et des exporla- 
lions donne des indications intéressantes sur les 
résultats du nouveau régime douanier; si l'impor- 
lation du ciment diminue depuis 1891, les drails 
de douane y sont pour peu de chose; l’abaissement 
des prix de vente éloigne beaucoup plus les ci- 
ments étrangers. Par contre, ces droils n'ont eu 
aucune influence sur l'importation considérable 


334 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 


des chaux belges en France; la conclusion serait 
donc que les droits devraient être augmentés sur 
les chaux; mais peut-être serait-il préférable de 
renoncer à toute protection et de chercher à ob- 
tenir la diminution des droits qui frappent nos 
produits à leur entrée dans certains pays el qui 
sont, pour n'en citer que quelques-uns, de 20 francs 
par tonne en Russie, de 12 francs en Ilalie, de 
7 francs en Suisse. On pourrait donner ainsi à 
notre commerce d’exporlation une plus grande 
extension et favoriser d’une manière certaine le 
développement de cetlte branche de l’industrie 
nationale. 

La nécessité pour nos fabricants de rechercher 
des débouchés à l’exportation commence d'ailleurs 
à se faire sentir; l'excès de production a déterminé 
dans certaines régions un abaissement très sen- 
sible du prix de vente. Il y a quinze ans à peine, la 
chaux se vendait 20 à 30 francs à l'usine, et le 
ciment Portland 50 francs la Lonne. Aujourd'hui, 
les prix des chaux les plus estimées varient de 
12 à 15 francs à l'usine, et les ciments Portland 
valent 30 à 35 francs. Les ciments naturels se ven- 
dent 15 à 20 francs dans la région de Vassy, et 
25 à 30 france dans l'Isère. On conçoil d’ailleurs 
que celte industrie soit soumise à des fluctuations 
nombreuses, la consommalion étant très variable 
selon qu'il y a pénurie de travaux ou que plusieurs 
grands chantiers viennent à s'ouvrir. L’exportalion 
serait le régulateur qui permettrait l'écoulement 
des produits pendant les années de crise en évi- 
tant l’avilissement des prix. 


2. Voies de transport. — Les transports des ci- 
ments et des chaux se font généralement par la 
voie ferrée. Les usines du Boulonnais et de l'Isère 
ne peuvent pas uliliser les canaux ; par contre, les 
ciments de Boulogne s'expédient par mer sur 
toutes les côtes de l'Océan et de la Manche à des 
prix très réduits. 

Les transports par eau sont employés surtout 
par les usines du Teil, celles de Beffes, de l'Aube, 
de la Marne; par les usines de ciment de Vassy, 
de Pouilly, par celles de Frangey et de Pont-à-Ven- 
din (voir la carte, fig. 22). 

Il existe peu d'usines utilisant l'eau comme 
force motrice, presque toutes se servent de mo- 
Leurs à vapeur. Les combustibles employés, aussi 
bien pour les machines que pour la cuisson, sont 
en très grande majorité de provenance française. 
Autrefois, les usines du Boulonnais s’approvision- 
naient en parlie en Angleterre el en Belgique: 
mais, depuis quelques années, grâce aux réduc- 
lions de prix des tarifs de chemin de fer, les 
mines du Pas-du-Calais fournissent à peu près 
xclusivement les usines du Boulonnais. 


Le combustible employé pour la cuisson est le 
coke ou le charbon maigre. On peut estimer à 
300.000 tonnes au moins la quantité de combus- 
tible consommée par les fabriques de chaux el de 
ciment. 


3. — Situation des Ouvriers. — Les ouvriers em- 
ployés dans les usines de chaux et de ciments 
sont, en majorité, des manœuvres; les ouvriers 
spéciaux sont peu nombreux : quelques chefs cui- 
seurs et quelques meuniers suflisent, même dans 
les usines très imporlantes. Bien que les ouvriers 
soient exposés presque constamment à la pous- 
sière, ils n'en sont pas très incommodés ; la pous- 
sière de chaux présente cependant quelques incon- 
vénients el tous les ouvriers n’y résistent pas très 
bien. La poussière de ciment ne paraît avoir au- 
cune influence sur la santé des ouvriers et, dans 
cerlaines usines, ou en voil qui depuis vingt ou 
trente ans passent toute la journée dans une al- 
mosphère saturée de poussière, et ne s'en ressen- 
tent nullement. , 

Il serait avantageux, surtout dans les fabriques 
de chaux, de débarrasser les ateliers de la pous- 
sière ; le bien-être des ouvriers doit être recherché 
non seulement dans un but humanitaire, mais 
dans l'intérêt même du travail produit, qui est 
plus considérable si l’ouvrier se trouve dans de 
bonnes conditions hygiéniques. En Allemagne, les 
usines sont toujours pourvues de ventilateurs qui 
enlèvent les poussières. 

Dans toutes les usines les ouvriers sont assurés 
contre les accidents,soit par le fabricant lui-même, 
soit par des compagnies. Aux usines du Teil on 
s'est préoccupé depuis longtemps d'améliorer les 
conditions matérielles et morales des ouvriers et 
diverses inslitutions de prévoyance ont été créées. 
La sollicitude de MM. Pavin de Lafarge pour leur 
personnel à eu les plus heureux résultats et il est à 
désirer que cet exemple soit suivi par toutes les 
grandes usines, dans lesquelles on devrait s'inté- 
resser davantage aux ouvriers en multipliant les 
mesures qui peuvent les mettre à l'abri des chô- 
mages. Les ouvriers sont d’aulant plus dignes 
d'intérêt qu'ils sont presque tous dociles el assidus 
au travail ;les grèves sont extrêmement rares dans 
les fabriques de chaux et de ciment. 


L'étude que nous venons de faire sur l'état de la 
fabrication des chaux et des ciments en France est, 
nous le craignons, bien incomplète ; nous espérons 
cependant avoir fait voir que cette industrie, par 
le nombreux personnel qu’elle occupe, par Îles 
malières premières qu'elle met en œuvre, par ses 
transaélions, contribue dans une large part à la 
prospérilé nationale. Auxiliaire des ingénieurs 


D' P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME 335 


qui, depuis le commencement de ce siècle, ont 
exécuté tant de travaux remarquables,son histoire 
est liée au développement de nos ports, de nos 
canaux, de nos chemins de fer ; par les services 
qu'elle a ainsi rendus, par la valeur qu’elle donne 
aux produits de notre sol, par son origine, c’est une 
industrie essentiellement française. Elle a encore 
bien des progrès à réaliser, el nous y avons insisté 
longuement ; il est permis cependant d’espérer 
que, dans un avenir prochain, elle pourra être com- 
parée , comme précision el perfection , à nos 
grandes industries métallurgiques et chimiques. 
Mais la marche en avant ne peut se maintenir 
que si les débouchés restent assurés, et si la lutte 
sur le terrain économique ne vient pas retarder 
des perfecltionnements qui ne sont possibles que 
dans les périodes de prospérité. Les fabricants 
doivent, avant tout, compter sur leur initiative et 
leurs efforts pour ne pas laisser péricliler leurs 
usines ; il n’est pas toutefois inutile de demander 
aux pouvoirs publics de leur venir en aide en ac- 
tivant l'ouverture des grands chantiers et en faci- 
litant tous les moyens propres à développer 1'ex- 
porlation. E. Candlot. 


Principaux ouvrages à consulter sur les chaux 
hydrauliques et les ciments. 


H. Le Cuarecter, — Recherches expérimentales sur 
la constitution des produits hydrauliques. Annales des 
Mines, mai-juin 1887. 

H. Le CHaATELIER. — Procédés d’essais des maté- 
riaux hydrauliques. Annales des Mines, septembre- 
octobre 1893. 

H. Le CaareLier. — Constitution chimique des Pro- 
duits hydrauliques. Revue génér. des Sciences, janvier 94. 

Catalogue des échantillons de matériaux de construc- 
tion réunis par les soins du Ministère des Travaux pu- 
blics (Exposition universelle de 1878).Paris, Dunod 1878. 

A. GoBin. — Etude sur la fabrication des chaux hy- 


drauliques dans le bassin du Rhône, Annales des Ponts 
et Chaussées, octobre 1887. 

A. GoBix. — Etude sur la fabrication et les proprié- 
tés des ciments de l'Isère, Annales des Ponts et Chaus- 
sées, juin 1889. | 

Prost. — Note sur la fabrication et les propriétés des 
ciments de laitier, Annales des Mines, juillet-août 1889. 

CasranHEIRA pas NEvVES, — Estudos sobre cimentos 
estrangeros imporlados em Portugal. Revista de obras 
Publicas Minas, juillet-août 1894. 

R. FÉREr. — Notes sur diverses expériences concer- 
nant les ciments. Annales des Ponts et Chaussées, 
mars 1890, 


. R. FéRer. — Sur la compacité des mortiers hydrau- 
liques. Annales des Ponts et Chaussées, juillet 1892. 
CAMERMAN. — Les ciments Portland et les ciments 


de laitier, Gand, A. Hoste, 1892, 
Duranp-CLaye. — Chimie appliquée à l’art de l’ingé- 
nieur. Paris, Baudry et Cie, 1885, 


TurGAn. — Les grandes usines, Société J, et A. Pa- 
vin de Lafarge, août 1889. 
P. ALEXANDRE. — Recherches expérimentales sur les 


mortiers hydrauliques. Annales des Ponts et Chaussées, 
septembre 1890, 

H. Boxxami. — Fabrication et contrôles des chaux 
hydrauliques et des ciments. Paris, Gauthier-Villars et 
fils, 1888. 


E. Canpcor. — Ciments et chaux hydrauliques. Pa- 
ris. Baudry et Cie, 1891. ; 
P. DéBray. — Laboratoires de l'Ecole des Ponts et 


Chaussées. Note sur leurs origines, leurs installations, 
les appareils et méthodes d'essai employés et leurs 
travaux. Paris, Imprimerie Nationale, 1891, 

P. Degray. — Institut royal d'essais mécaniques 
techniques de Berlin, Charlottenbourg. Rapport dressé 
à l’aide de renseignements communiqués par M. le 
Pr Martens, directeur de cet Institut, Paris, 1891, 

P. Desray. — L'Institut fédéral Suisse d’essais sur les 
matériaux. Rapport dressé à l’aide des documents et 
des renseignements communiqués par M. le Pr Tet- 
mayer, directeur de cet Institut. Paris, 14891. 

P. DeBray. — Note sur les conférences tenues pour 
l'unification des méthodes d'essais des matériaux de 
construction à Munich, les 22, 23 et 27 septembre 1884, 
à Dresde les 20 et 21 septembre 1886; à Berlin les 19 
et 20 septembre 1890, Paris, 1891. 

P, ALEXANDRE. — Commission des méthodes d’essai 
des matériaux de construction. Rapport général sur les 
matériaux autres que les métaux. Paris, Roths- 
child, 1894. E. C. 


LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 
DE LA MARCHE DE L’il0MME 


Un homme qui marche fait mouvoir ses jambes 
de manière à placer alternativement ses pieds l'un 
devant l’autre sur le sol. 

Si l’on veut mettre quelque clarté dans une étude 
sur la marche, il faut d'abord nettement définir ce 
qu'on entend par pas, la marche, après tout, n'étant 
qu'une succession de pas. Or, qu'est-ce qu'un pas? 
Littré nous dit qu'un pas, c’est l’action de mettre 
un pied l’un devant l’autre pour marcher. On dé- 
signe aussi par pas, l'espace qui se trouve compris 
d’un pied à l’autre quand on marche. Ainsi, dans 

de langage ordinaire, un pas est constitué par la 


série des mouvements qui se produisent entre le 
déplacement d'un pied et celui de l’autre pied. 
M. Marey a fait très justement remarquer qu'au 
point de vue scienlifique, celte définition devait 
être étendue, et qu'il fallait désigner par pas la 
série des mouvements qui s'exécutent entre deux 
positions semblables d'un même pied, de sorte que 
le pas de M. Marey correspond à deux pas du lan- 
gage ordinaire : c’est un double pas (fig. 1). J'accepte 
la définition de M. Marey; mais je crois préférable 
de conserver le nom de double pas, qui a l'avantage 


de ne rien changer à la signification généralement 


386  D' P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME 


admise, et par suite ne saurait prêter à aucune 
confusion. 

Donc, c’est le double pas que nous devons con- 
sidérer. 

Le double pas est exécuté par chaque membre 
non plus successivement, mais simultanément, de 
manière que le double pas droit, par exemple, 
empièle sur le double pas gauche de la moitié de 
sa longueur ou d'un pas, et réciproquement 
(fig. 1). 

Il est nécessaire, pour la commodité de la des- 
criplion, de distinguer plusieurs phases dans le 
double pas : 

Il est un moment où, les deux jambes étant 
écartées à la manière d'un com- 
pas, les deux pieds reposent à 
la fois sur le sol, l’un par le 
talon, l'autre par la pointe. C’est 
la période de double appui (fig. 2). 

Puis, le pied qui est en ar- 
rière quitte le sol pour se por- 
ter en avant. À ce moment le 
corps ne repose plus que sur un 
pied; c’est la période d'appui uni- 
latéral. Gelte période est beau- 
coup plus longue que la pre- 


or 


a — 


la jambe portante est oblique en sens inverse, 
c'est-à-dire en haut et en avant, et la jambe oscil- , 
lante est antérieure. 

Ainsi done, ces diverses phases du double pas se 
succèdent dans l'ordre suivant (fig, 2) : 

1° Période du double appui; 
2° Pas postérieur ; 
° Moment dé la verticale; | 
° Pas antérieur ; 


Période 
de 
l'appui unilatéral. 


co 


rs 


Ces distinctions nous seront d'un grand secours 
dans les descriptions qui vont suivre. 

Nous éludierons successivementles mouvements 
des membres inférieurs, du torse et des membres 
supérieurs, 


I — MOUVEMENTS DES 


INFÉRIEURS. 


MEMBRES 


1° Période du double appui. — 
Pendant cette période, les deux 
pieds portent à la fois sur le sol, 
mais ils ne le touchent jamais 
de toute leur longueur en même 
temps. On peut même dire qu'il 
est fort rare qu'un seul pied pose 
sur le sol dans toule son éten- 
due, alors que l’autre y touche 


2e Pas simple Pas simple PR TE 3 
miere. postérieur. antérieur. encore sl légèrement que ce SOIL, 
La marche se compose donc RE À ou, si cela se produit, c'es = 
; il ë À se | 0 SDS ae se P À ES Le 
a une succession de doubles ap- aan emps extrememen 
re etide SE TAteraux à Fig. 4. — Un double pas. — La. jambe court 
puis et d’appuis unilatéraux al-  émante est figurée par des traits pleins. COUrl. 


ternalivement droits et gauches. La jambe 
Dans la phase d'appui unilaté- 
ral, une des jambes, celle qui porte sur le sol (ou 
jambe portante), exécüle dans son ensemble un 
mouvement de rotalion dont le centre est au pied 
et la circonférence à la hanche, pendant que la 
jambe qui se meut (ou jambe oscillante) décrit un 
mouvement analogue, mais en sens opposé, le 
centre de rotation se trouvant à la hanche. Mais 
il faut ajouter que ce dernier centre subit en 
même temps un déplacement en avant, consé- 
quence du mouvement de la jambe portante. 
Dans ce double mouvement qu'exéculent simul- 
tanément la jambe portante et la jambe oscillante, 
il arrive un moment où la jambe porlante passe 
par la verticale, la jambe oscillañte la croisant, 
vers ce même moment, pour devenir antérieure, 
de postérieure qu'elle élait. Ce moment, que je 
désignerai sous le nom de moment de la verticale, 
nous servira pour diviser la période d'appui uni- 
latéral en deux phases : une première phase, ou 
pas postérieur, est celle qui précède le moment de 
la verticale. Dans celle phase le membre portant 
est oblique en haut et en arrière, le membre oscil- 
lant est postérieur. La deuxième phase, ou pas an- 
dérieur, est celle qui suit le moment de la verticale : 


oscillante est 
par un trait pointillé. 


représentée En effel, au moment où le pied 
qui est en avant va loucher le 
sol par le talon, le pied qui est en arrière s’est 
déjà soulevé partiellement, et le talon s'est dé- 
taché du sol. Au milieu de la période de double 
appui, tout le corps porte de manière très mani- 
feste sur le talon d'un pied et sur les doigts de 
l'autre. Puis, le pied qui est en avant abaisse sa 
pointe et prend contact avec le sol dans toute son 
élendue, en même temps que le pied qui est en 
arrière se fléchit progressivement dans ses articu- 
lalions mélalarso-phalangiennes et que la surface 
d'appui diminue de plus en plus, de telle manière 
que, lorsque l'appui sur le pied antérieur est com- 
plet, c'est-à-dire lorsque les doigls reposent aussi 
fortement sur le sol que le lalon, le pied postérieur 
est bien près de s'en détacher, si ce n’est déjà 
chose faile. 

En résumé, dans la période du double appui, les 
deux pieds se déroulent sur le sol, du lalon à la 
pointe, l'un pour le quitter, l’autre pour s'y appli- 
quer, avec celte particularité que ces deux mouve- 
ments ne sont pas absolument simultanés et que le 
premier a déjà commencé lorsque le dernier se 
produit. 

Pendant cette période, les deux jambes ne sont 


nant dede : 


D' P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME 337 


pas en extension complète ; elles sont très légère- 
ment fléchies, mais la jambe postérieure l’est à un 
degré plus marqué. 


1° Période de l'appui unilatéral. — La jambe por- 
tante arrive au contact du sol par le talon et en 
extension complète. Plus tard, lorsque le pied est 
complètement appuyé, le genou se fléchit légè- 
rement, puis ils’étend à nouveau progressivement 
de manière à se rapprocher de l'extension, qui est 
presque complète au moment de la verticale. En- 


_ suite cette extension s’exagère pendant tout le pas 


antérieur et ne cesse que tout à la fin, de manière 
à se transformer en légère flexion pendant la pé- 
riode du double appui. Cette flexion ne fait que 


Pas postérieur. 


Moment 


de la marche. M. Marey a montré que la vitesse de 
ce mouvement n’est pas uniforme et subit une 
accélération vers la fin de chaque double pas. 

Ce mouvement se combine avec d’autres qui sont 
les suivants : 


1° Oscillations verticales. — À chaque pas le torse 
tout entier subit un soulèvement suivi d’abaisse- 
ment, et les deux mouvements constituent une os- 
cillation dans le sens vertical, dont l'amplitude est 
de 3 à 4 centimètres. Il se produit une oscillation 
pour chaque double pas, de telle manière que 
chaque point du torse ou de la tête décrit dans 
l'espace,pendantlamarche, unelignerégulièrement 
ondulée. Les minima correspondent aux périodes 


Pas antérieur. 


de la verticale. 
——— 


Double appui. 


Appui uniletéral. 


Double appui. 


Fig. 2. — Différents temps d'la marche, 


s’exagérer pendant le double appui jusqu'au mo- 
ment où le membre va devenir oscillant. 


Jambe oscillante. — Au moment où la jambe va 
devenir oscillante, le genou est donc fléchi, et celte 
flexion s’exagère pendant toute la durée du pas 
postérieur pour diminuer au moment de la verti- 
cale, et pendant tout le pas antérieur, à la fin du- 
quel elle arrive en extension, pour se transformer 
de nouveau en jambe portante. 

Si nous considérons, à un même moment, les 
altitudes respectives des deux membres inférieurs, 
nous voyons que, pendant le pas postérieur, les 
deux jambes sont fléchies, mais à un degré bien 
différent, la jambe portante l'étant fort peu. Au 
moment de la verticale, la jambe portante est en 
extension et la jambe oscillante qui la croise 
est fléchie. Pendant le pas antérieur, le contraste 
persiste dans le même sens jusque tout à la fin, où, 
pendant un court moment, la jambe oscillante 
s'étendant complètement avant que le talon touche 
le sol, les deux membres sont en extension 
complète. 

IT. — MOUVEMENTS DU TORSE. 


Le mouvement le plus important est le mouve- 


de double appui et sont la conséquence forcée de 
l’obliquité qu'affectent à ce moment les deux 
membres inférieurs. Les maxima se produisent 
au moment de la verticale, c'est-à-dire au moment 
où le membre inférieur portant, d’oblique qu'il 
était au double appui, devient perpendiculaire 
au sol. 


2° Oscillations transversales ou horizontales. — En 
même temps que le torse se soulève et s’abaisse, il 
se porte d'un côté sur l’autre, et ce mouvement de 
va-et-vient latéral constitue ce qu'on appelle les 
oscillations transversales ou horizontales. Elles 
sont la conséquence du transport du corps du côté 
de la jambe portante, dont le but est de rappro- 
cher le centre de gravité de la base de sustentation. 
C'est donc au milieu de l’appui unilatéral que se 
produit le maximum d'amplitude de l’oscillation. 
Ces oscillations transversales sonten nombre double 
de celui des oscillations verticales. 


3° Mouvements d'inclinaison en avant ct en arrière. — 
Bien que fort peu marqués dans la marche ordi- 
naire, ces mouvements n’en existent pas moins. Si 
l'on considère l’axe du torse aux différentes phases 
du pas (fig. 3), on voit que, pendant le pas posté- 


ment de translation, qui est, en définilive, le but | rieur, le corps est penché en arrière, qu'il l'est en 


338 D' P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME 


avant pendant le pas antérieur, et qu'au moment 
de la verticale et des doubles appuis il est sensi- 
blement vertical. 


4° Mouvements de torsion. — Ces mouvements sont 
la conséquence des mou- 
vements contrariés des 
épaules et des hanches, 
qu'il est opportun d'étu- 
dier maintenant. 


D° Mouvements du bassin. 
—En outre de la transla- 
tion et des oscillalions ver- 
licales et horizontales déjà Li 
étudiées à propos des mou- = 


ment de ce côté, puis se relève et devient presque 
horizontal au moment de la verticale, puis enfin 
encore redescend toujours du même côté jusqu’à 
ce que le double appui se reproduise et le ramène 
à l'horizontale. Le centre du mouvement serait 
encore l’une des articula- 
tions coxo-fémorales, celle 
du côté de la none por- 
tante. Ces divers mouve- 
8e ments du bassin s’observent 
très nettement sur des pho- 
tographies qui représen - 
tent l'homme marchant vu 
de face. : 
En somme, jamais le côté 
oscillant du bassin ne s'élève 


vements du tronc dans son Fig. 3. 
ensemble, le bassin est 
soumis à deux sortes de 
mouvements qui se pas- 
sent autour de deux axes 
rieur et l’axe verlical. 

A. Rolation autour d'un axe vertical. — Dans le pas 
postérieur, la face anté- 
rieure du bassin est tour- 
née du côté de la jambe 
oscillante, pour se porter 
du côlé opposé lors du 
pas antérieur. Au mo- 
ment même de la verti- 
cale, le bassin est par- 
faitement perpendiculai- 
re à la ligne de marche 
(fig. 4}. Ce mouvement 
est une conséquence iné- 
vilable de l'écartement 
des deux membres 
rieurs, 


quels la méme 
(traits pleins), 
tante (traits pointillés). 


: l'axe antéro-posté- 


Moment de la verticale. 


Moment de la verticale. 


Moment de la verticale, 


infé- 
celui qui est en 
arrière relenant la han- 
che à laquelle il est atla- 
ché, celui qui est en a- 
ant entrainant 


Moment de la verticale. 


avec lui 
la hanche qui lui corres- 
pond. 

Le centre de ce mouve- 


Fig. 4. 


ment parail êlre à l'articulation coxo-fémorale de 
la jambe portante, pendant que l'articulation de la 
jambe oscillante occupe la périphérie. 

B. Rotation autour d'un axe antéro-postérieur. — A 
la période de double appui, alors que, comme nous 
venons de le voir, l'axe transverse du bassin est le 
plus oblique par rapport à la ligne de marche, le 
même axe parail bien horizontal, c'est-à-dire que 
les deux articulations semblent 
Mais aussitôt que la 
le bassin 


coxo-fémorales 
situées à la même hauteur. 


jambe quitte le sol, incline manifeste- 


— Deux doubles pas successifs, pendant les- 
jambe est portante, puis oscillante 
ou inversement oscillante, puis por- 


— Projection sur plan horizontal de l'axe des 
hanches aux différents temps de la marche. 


—: 


au-dessus du niveau du côlé 
portant. Il ne fait que bais- 
ser très nettement dans le 
pas postérieur, un peu moins 


nettement dans le pas antérieur. 


° Mouvements des épaules. — Les mouvements de 
rolalion du bassin autour 
d'un axe verlical, quenous 
avons signalés il n’y à 
qu'un inslant, entraine- 
appui. raient forcément tout le 
lorse dans le même sens, 
si un mouvement de rola- 
lion des épaules en sens 
inverse ne venait le con- 
trarier el maintenir la rec- 
lilude du torse. 

Il existe donc entre la 
ligne des épaules et la li- 
gne des hanches un dé- 
faut de parallélisme aux 
différents temps de la 
marche, se produisant de 
la facon suivante ! : 

C'est à la RE du 
double appui que l'angle 
formé par l'axe des épau- 
les el par celui des han- 


Appui unilatéral droit. 


Double 


Appui unilatéral gauche, 


Double appui. 


Appui unilatéral droit. 


Double appui. 


Appui unilatéral gauche. 


ches est le plus considérable. 

Au moment de la verticale ils sont parallèles. 

Si l’on songe que ces deux axes ne sont pas dans 
le même plan vertical, mais que le plan des épaules 
es£ toujours postérieur à celui des hanches, on voit 
de suite comment leur rotation en sens inverse à 
pour effet de rapprocher l’une de leurs extrémités 


1 J'appelle ligne ou axe des épaules ou des hanches, la 
ligne qui joindrait le centre des deux articulations scapulo- 
humérales ou coxo-fémorales. 


D: P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME 


339 


en éloignant l'autre, de telle sorte que, dans le 
pas postérieur, la plus grande ouverture se trouve 
du côté de la jambe portante, pendant que du côté 
de la jambe oscillante le plan des épaules se rap- 
proche de celui des hanches. C’est l'inverse dans 
le pas antérieur (fig. 5). Le mouvement de rota- 
lion de l'axe des épaules est la conséquence des 
mouvements de balancement des membres su- 
périeurs. 


1° Mouvement d'inclinaison latérale. —- Enfin, il 
faut encore signaler, au nombre des mouvements 
qu'exécute le torse pendant la marche, un mouve- 
ment d’'inclinaison lJaté- 
rale qui penche le haut 
du torse du côté de la 
jambe portante. Cette in- 
clinaison latérale a pour 
effet d’'abaisser l'épaule 
correspondante pendant 
que l'autre épaules’élève. 
Elle atteint son maxi- 
mum d'amplitude au mo- 
ment de la verticale. Le 

redressement s'opère 
pendant la phase du dou- 
ble appui. Puis lincli- 
naison se reproduit de 
l'autre côté. Ces mouve- 
ments d’inclinaison la- 
térale ne sont pas sans 
analogie avec ce qui a 
lieu pendant la slation 
hanchée. 


Moment de la verticale. 


Moment de la verticale. 


Moment de la verticale. 


. 
Moment de la verticale. 


III. —— MOUVEMENTS DES MEMBRES SUPÉRIEURS. 


Les mouvements des membres supérieurs s'o- 
pèrent en sens inverse de ceux des membres in- 
férieurs. Quand la jambe droite, par exemple, est 
en arrière, le bras droit est en avant et vice versa. 
Ils consistent en des oscillations pendulaires dans 
le plan antéro-postérieur. 

Au moment du double appui, ils subissent leur 
plus grand écartement. Au moment de la verticale, 
ils se rapprochent tous deux du même plan trans- 
versal, alors que leur direction se croise. 

Dans la moitié postérieure de son oscillation, le 
membre supérieur est complètement étendu ; dans 
la moilié antérieure, il se fléchit légèrement au 
coude. 


IV. — ACTION MUSCULAIRE. 


On a cru longtemps, sur la foi des frères Weber, 
que toute l'action musculaire pendant la marche 
se concentrait sur le membre portant destiné à 
soutenir seul toute la charge du torse, et que le 


Fig. 5. — Projection sur plan horizontal de l'axe des hanches 
el de celui des épaules aux différents temps de la marche. de 


membre oscillant exécutait son oscillalion sous la 
seule influence de la pesanteur, à la manière d’un 
pendule. Il est bien démontré aujourd'hui, depuis 
les travaux de M. Marey, de Carlet, de Duchenne 
de Boulogne et de Boudet, de Paris, que la jambe 
oscillante est essentiellement active el que ses 
mouvements ne sauraient s’exéculer sans Île con- 
cours de la contraction musculaire. Il suffit de 
regarder un homme qui marche pour s’en con- 
vaincre. 

Nous examinerons l'action musculaire sur le 
membre inférieur au moment où il touche terre 
du talon pour devenir membre portant, et nous 
suivrons les modifications 
qu'elle subit pendant les 
diverses phases du pas, 
pour continuer notre élu- 
de sur le même membre 
au moment où il va de- 
venir oscillant, puis pen- 
dant toutes les phases 
de son oscillalion. 


Appui unilatéral droit. 


Double appui. 


Appui unilatéral gauche. 


Double appui. 

1. —- Membre portant. — 
Projeté en avant par une 
action musculaire que 
nous étudierons plusloin, 
Double appui. le membre oscillant re- 
tombe pour ainsi dire sur 
le sol par le seul effort de 
la pesanteur. À ce mo- 
ment il est dans un état 
relächement muscu- 

laire à peu près complet. 

Mais aussitôt qu'il commence à supporter le 
poids du corps, avant même que le pied ne touche 
le sol dans toute son étendue, la contraction mus- 
culaire s’y révèle. Le moyen fessier commence à 
se contracter, et sa contraction énergique se main- 
tiendra tout le temps de l'appui unilatéral, pour 
empêcher le bassin auquel est suspendu le membre 
qui oscille de basculer latéralement (fig. 6, n° 4, 
2, 3, 4, 5, 6, 7). Le moyen fessier el probablement 
aussi le petit fessier situé au-dessous du moyen 
sont les agents directs qui s'opposent à la chute 
latérale du bassin. Leur action est secondée par 
la contraction simullanée de deux autzes muscles 
qui sont la partie supérieure du grand fessier et le 
tenseur du fascia lata. 

Le grand fessier, d’ailleurs, se contracte dans son 
entier pendant toute la durée du pas postérieur et 
empêche ainsi le tronc de basculer en avant. Mais 
son action cesse généralement au moment de Ja 
verticale et ne se produit pas pendant le pas anté- 
rieur. La contraction du grand fessier est bien 
plus évidente, si l’on marche le corps penché en 


Appui unilatéral droit. 


Appui unilatéral gauche. 


340 D° P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME 


a 


avant. Elle devient inutile si l’on marche le corps 
renversé en arrière. 

Le gros muscle de la cuisse, le quadriceps, est 
également un des premiers muscles qui se con- 
tractent sur la jambe portante (fig.6, n° 2, 3, 4) 
Il maintientl’extension du membre qui, sans lui, 
fléchirait sous le poids,mais sa contraction ne dure 
que pendant le pas postérieur, elle diminue au 
moment de la 
verticale pour 
cesser complè- 
tement ensuite 
pendant la du- 
rée du pas an- 
térieur. AM ICe 
moment, en ef- 
fet, la ligne de 
gravilé du tor- 
se passant bien 
en avant de 

l'articulation 
du genou, la pe- 
santeur suflit 

à maintenir 
l'extension de 
l’article. 

Quant aux 
muscles de la 
jambe, ils sont 

tous légère- 

ment tendus 
pendant Lout le 
pas postérieur. 
Mais à peine la 


la jambe aussitôt que celle-ci a quitté le sol. 


2. — Membre oscillant. — Noici donc que la 
jambe, de portante qu'elle était, devient oscillante. 
A ce moment, le muscle gastrocnémien et les pé- 
roniers se relächent (fig. 7, n°9), et en même temps 
les extenseurs des orteils et le jambier antérieur 
se contractent pour soulever la pointe du pied 
et l'empêcher, 
dans lemouve- 
ment d’oscilla- 
tion qui va se 

produire, de 
heurter le sol. 

À la cuisse, 
les fléchisseurs 
de la jambe 
sont contractés 
pour maintenir 

la jambe en 
flexion. Le tri- 
ceps fémoral 
estrelàché,ain- 
si que les fes- 
siers. Mais les 
fléchisseurs de 
la cuisse sur le 
bassin, parmi 
lesquelsle cou- 
turicretle droit 
antérieur, se 
contractent 
dans le but de 

ramener la 


verticale  est- A 6 cuisse et toul 
elle franchie, Fig. 6. — Figures demi-schémaliques représentant douze posilions successives le membre en 

que les mus- d'un homme qui marche (d'après les séries- chronophotographiques obtenues avant. La jam- 
î Se avec le concours de M. Albert Londe). — De 1 à 7, double pas avec la jambe 6 

cles postérieurs droite portante et la gauche oscillante ; de 7 à 12, double pas suivant avec la be oscillante 


et latéraux se 
contractent vi- 


jambe droite devenue oscillante et la gauche portante. Nos 4 et 7, double 
appui; 2 et 8, fin du double appui; 3 et 9, pas postérieur; 4 et 10, moment de 
la verticale; 5, 6, 11 et 12, pas antérieur; du n° 12 l’homme revient à la posi- 
tion du n° 1, de sorte qu'avec ces douze figures le cycle de la marche est 


exécute ainsi le 
pas postérieur, 


goureusement 
el leur contrac- 
lion augmente d'intensité jusqu'à la fin (fig. 6 el 7, 
n' 048). 

Le muscle du mollet soulève énergiquement le 
talon qui quitte le sol, et pousse en même temps 
tout le corps en haut et en avant. C'est lui le véri- 
table agent de propulsion. Mais dans ce mouve- 
meut la voûte du pied tendrait à s’affaisser si elle 


complet. 


n'élail maintenue par l'action des muscles péro- 
niers latéraux. 

Les muscles postérieurs de la cuisse, quisont les 
fléchisseurs de la jambe, commencent à entrer en 
contraction sur la jambe portante pendant le pas 
antérieur (fig.6et7,n%5,6,7,8,9). Leurcontraction 
s’accentue de plus en plus et a pour effet de fléchir 


passe la verli- 
cale ets’avance 
pour accomplir le pas antérieur. C'est à ce mo- 
ment fig. 7, n° 10) qu'une contraction éner- 
gique du quadriceps élend vigoureusement la 
jambe sur la cuisse. Mais cette contraclion est ra- 
pide et cesse brusquement avant même que le 
membre soit en extension complète. Le gonfle- 
ment que l’on observe sur le n° 11, fig. 7, est l'in- 
dice non de la contraction, mais du relächement 
du muscle, comme nous le montrerons tout à 
l'heure. 

Nous retrouvons là un de ces exemples de con- 
traction balislique que nous avons étudiés plus 
haut. Lors donc que l'extension est produite, le 
quadriceps et les autres muscles du membre sont 


D: P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME 


dans le relâchement. Le membre descend alors de 
son propre poids jusqu'à la rencontre du talon 
avec le sol. 

D'autres actions musculaires se montrent sur le 
reste du corps.Je signalerai seulement les spinaux, 
qui entrent en contraction du côté de la jambe os- 
cillante seulement, et le deltoïde, dont la contrac- 
tion des faisceaux antérieurs et postérieurs tien- 
nent sous leur dépendance les mouvements des 
membres supérieurs. 


V. — FoRMEs 
EXTÉRIEURES 


Les actes mus- 
culaires si nom- 
breux el si variés 
que nous venons 
d'étudier ne sont 
pas sans influer 
grandement sur la 
forme extérieure. 

Nous étudierons 
successivement la 
forme des fesses. 
des cuisses, des 
jambes et des 
pieds. 


4. Formes des 
fesses. — Ce qui 
caractérise la for- 
me des fesses dans 
la marche, c'est 
la saillie consti- 
tuée du côté de la 
jambe  portante 


341 


centualion du sillon latéral externe de la cuisse et 
la séparation fort nette des masses charnues du 
droit antérieur, du vaste externe et du vaste in- 
terne (fig. 6, n°3, et PI. I, n° 1,n° 5). Cette contrac- 
tion est, en somme, une contraction statique; elle 
maintient le membre en flexion légère et résiste à 
l’action de la pesanteur, qui entraineraitla flexion 
complète sur un membre abandonné à lui-même. 
Cette contraction dure tout le temps du pas posté- 
rieur. Elle cède peu à peu pour faire place au relà- 
chement complet 
où qui existe pendant 
RES : 
PRET toule la durée du 
pas antérieur. Ce 
| relàächement du 
[RN quadriceps se tra- 
Ù duit  extérieure- 
EN | ment par la pro- 
duction du bour- 
-) | relet sus-rotulien 
occasionné par la 
saillie de l'extré- 
milé inférieure du 
vaste interne relà- 
ché. L'extrémité 
inférieure du vas- 
te externe relà- 
ché amène aussi 
) US la production du 
GUESS relief caractéris- 
IN tique (fig. 6, n° 6, 
\ et PI. I, n°8, 9et 
720) 10). Mais toute la 
masse musculaire 
est refoulée laté- 
ralement par la 


par le moyen fes- 
sieret la partie su- 
périeure du grand 
fessier, saillie qui occupe toute la moitié supé- 
rieure de la fesse de ce côté et qu'accentue la dé- 
pression rélro-trochantérienne qui l'accompagne. 
La fesse du côté de l'oscillation est au contraire 
aplalie dans toute son étendue (fig. 6 et 7). 


2. Formes des cuisses, — Les deux cuisses pendant 
la marche offrent un contraste frappant, dû en par- 
üiculier aux élats physiologiques différents du 
muscle quadriceps sur les deux jambes à un même 
moment. 

D'autre part, il y a dans les formes de chaque 
membre même opposition complète entre le pas 
postérieur et le pas antérieur. 

Sur le membre portant, au moment où il a pris 
franchement contact avec le sol, la contraction du 
triceps fémoral est énergique. On remarque l'ac- 


Fig. 7. — Suile des phases de la fiqure 6. 


12 tension du fascia 
lata et dela ban- 
delette ilio-fémo- 

ro-tibiale. En somme, la cuisse à ce moment est 

étroite transversalement et ressemble assez à la 
cuisse de la jambe portante de la station hanchée. 

Pendant que le musele quadriceps se relàche, on 
voit progressivement s'accentuer le relief des 
muscles postérieurs de la cuisse, dont la contrac- 
lion commence pendant le pas antérieur. 

Lorsque le membre a quitté le sol, on constate, 
dès le début de son oscillation, les reliefs formés 
par les muscles fléchisseurs de la cuisse, droit an- 
térieur, couturier et tenseur du fascia lata, en 
mème temps qu'à la partie postérieure de la cuisse 
les fléchisseurs de la jambe forment une saillie 
fort distincte. Ces formes sont,en somme, celles du 
membre oscillant pendant le pas postérieur. Mais 
les choses changent au moment de la verticale 
et pendant le pas antérieur, les formes de la 


342 


TS FPT 


D° P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME 


cuisse sont extrêmement curieuses à étudier. 

C'est le moment où la contraction des fléchis- 
seurs de la jambe cesse, el des muscles postérieurs 
de la cuisse, la contraction passe au muscle anlé- 
rieur, au muscle quadriceps qui lient sous sa dé- 
pendance l'extension de la jambe qui se produit 
alors. Mais celte extension de la jambe est rapide 
et soudaine. Elle est produite par une contraction 
musculaire brusque cessant aussitôt. Celle contrac- 
Lion a lieu au moment dela verticale alors que, la 
jambe se trouvant fléchie, le musele est distendu, 
circonstance éminemment favorable à l'énergie de 
l'effort musculaire. Elle cesse vers le milieu du pas 
antérieur, bien avant que la jambe ait achevéson 
mouvement d'extension. La photographie instan- 
tanée nous a permis de saisir le moment où cesse 
celte contraction (fig. 7, n° 11, et PI. I, fig. 2). La 
forme de Ja cuisse est saillante en avant, fortement 
bombée, mais le modelé uniforme du muscle 
montre bien que le relâchement musculaire s'est 
déjà produit. Nous avons donc sur celte image un 
muscle reläché, mais soulevé, projeté en avant 
pour ainsi dire, à la manière d'une masse fluc- 
tuante, par le mouvement même du membre. D'ail- 
leurs, cette masse inerte, pour ainsi dire, subissant 
la loi de la pesanteur, retombe bientôt sur elle- 
même, ce que la photographie instantanée nous 
montre au moment d'après (PI. I, fig. 3), alors 
que l'extension de la jambe s’est complétée en 
vertu de l'impulsion acquise et de l'inertie du 
membre et que le talon ne touche pas encore le 
sol. À ce moment, en effet, la cuisse est considéra- 
blement aplatie, son diamètre antéro-postérieur, 
{ant accru tout à l'heure, a beaucoup diminué. 
ar contre, la cuisse s'est élargie transversalement 
par suite du refoulement ou plutôt de la chute des 
masses musculaires en bas et sur les côtés. 

Nous saisissons ici, grâce à ja chronophologra- 
phie, deux phases très distinctes du relàchement 
musculaire du quadriceps, qui impriment à la 
cuisse une forme toute différente , bombée en 
avant ou aplalie, large d'avant en arrière ou {rans- 
versalement. 

A l'œil nu, ces phénomènes musculaires se {ra- 
duisent sous la forme d'un vérilable ballottement 


du muscle. 


3. frormes de la jambe et du pied. — C'est sur 
la jambe portante, au moment où la jambe oscil- 
lante l’a dépassée,c’est-à-dire pendant le pas anté- 
rieur, que l'on voit la contraction des jumeaux 
accentuer les plans du mollet, en même lemps que 


s'aceuse le relief du soléaire et que se raidit le 
tendon d'Achille. Ces formes s’atcentuent de plus 
en plus jusqu'au moment où le pied quitte le sol. 
Elles sont accompagnées de modifications de la 
face externe de la jambe marquée de sillons lon- 
gitudinaux dus à la contraction des péroniers 
fig. 6, nos 5, 6, 7). 

Toutes ces formes s’éteignent alors que la jambe 
est devenue oscillante, le triceps sural devient 
mou et comme flottant. Les surfaces qui répon- 
dent aux péroniers sont plus uniformes ; mais, au 
même moment, de nouvelles saillies se montrent 
à Ja face antérieure du cou-de-pied et sur le dos 
du pied. Elles sont dues aux cordes tendineuses 
des muscles extenseurs du pied et des orteils. 


VI. — CONCLUSIONS 


De tout ce qui précède sur la marche type, on 
peut tirer les quelques conclusions suivantes fort 
curieuses, si on les rapproche des idées ayant gé- 
néralement cours : 


Le corps dans son ensemble n'est jamais penché en 
avant de façon manifeste. | 

Les deux pieds ne portent jamais en même temps sur 
le sol sans toute leur étendue. On peut même dire que 
l'instant pendant lequel le pied touche le sol entièrement 
en même temps que l'autre pied appuie sur les orteils, 
passe avec la rapidité d'un éclair: si même il existe fran- 
chement. 

La jambe placée en avant el dont le pied louche 
terre n'est que très légèrement fléchie et se trouve toujours 
placée bien en avant de la ligne de gravité du torse. 

On voit combien nous sommes loin de cette fi- 
gure que tout le monde a dans l'œil et qui esl 
comme le schéma artistique de la marche : tout le 
corps fortement penché en avant est soutenu par 
un des membres inférieurs notablement fléchi et 
dont le pied fortement appuyé sur le sol forme la 
base de sustentation, par laquelle passe la ligne de 
gravité du corps. L'autre membre inférieur égale - 
ment fléchi est rejeté en arrière el touche le sol 
par les orteils. 

Mais ne nous hätons point d’incriminer les ar- 
Listes : dans certaines condilions données, l’homme 
qui marche se rapproche bien du type dont nous 
venons de parler !. 

D' Paul Richer, 
Chef de Laboratoire 
à l'Hospice de la Salpétrière. 


1 Cet article sera reproduit dans un ouvrage de l’auteur qui 
paraîtra prochainement à la librairie Doin sous ce titre: lPhy- 
siologie artistique de l'homme en mouvement. 


PR  — 


PLANCHE Ï. — VUE LATÉRALE DE LA MARCHE SUR TERRAIN HORIZONTAL 


34 


L'EMPLOI 


L'emploi des courants alternatifs tend à se répandre 
de plus en plus, sous la forme de courants alternatifs 


simples, ou sous la forme de cou- 
rants polyphasés. Les premiers 
présentent de nombreux avanta- 
ges au point de vue de l'éclairage 
des grands secteurs; mais ils se 
prêtent plus mal à la distribution 
de la force motrice, Les seconds 
sont préférables sous ce dernier 
rapport, mais ils donnent parfois 


qu'ils servent à alimenter des 
lampes; aussi, adoptés dans les 
installations privées pour les 
transports de force, ils étaient, 
en général, rejetés dans les Sta- 
tions centrales. Cependant, à bien 
examiner la question, c'est sur- 
tout une affaire de pratique et 
d'expérience que d'obtenir un 
bon réglage de la tension; il est 
donc à présumer, vu la tendance 
logique qu'ont les Compagnies 
électriques à favoriser l'installa- 
tion des moteurs sur leurs ré- 


/ 

ä | 27 

lieu à des ennuis de réglage lors- | J ? 
| 


seaux, que les courants polyphasés jouiront, le temps | 
aidant, d’une vogue de plus en plus grande. 


La ville de Chemnitz 


DES COURANTS TRIPHASÉS A 


* 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LÉ 
NE: AOL LE D @ N 
ATAT KA 


Fig. 4. — Schéma de l'induil des allernateurs. 


— À,, B;, C;, A», bobines induites. 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LA STATION CENTRALE D'ÉLECTRICITÉ DE CHEMNITZ. 


régulateur, dont on peut, du fableau de distribution, 
modifier à volonté la position, C’est là un arrangement 


nouveau, dont on trouve un autre 
exemple à Ja stalion des tramways 
de Dresde. Un petit moteur à cou- 
rants continus, excité en série par 
un courant que fournit l’une des 
excitatrices, peut tourner dans 
les deux sens ; à cet effet, un 
commutateur permet de changer 
à volonté la direction du courant 
qui traverse l'armature. Ce mo- 
teur, dans son mouvement de ro- 
tation, élève ou abaisse, par l’in- 
termédiaire d'une vis sans fin, un 
poids additionnel du régulateur. 

Les dynamos sont du type R 
Siemens et Halske à courants tri- 
phasés. Ce sont des machines de 
180 kilowatts, accouplées directe- 
ment, et pouvant fournir, sur 
chaque conducteur, 52 ampères 
sous une différence de potentiel 
de 2.000 volts. Elles sont à induit 
fixe et inducteur mobile. L’induc- 
teur se compose de 40 pièces po- 


laires réunies en forme d'étoile. La vitesse, étant de 
150 tours par minute, correspond à 50 périodes. L’in- 


duit est formé d'un cer- 


— _ 
n’a pas craint d'entrer ré- (Vi) (V2 tain nombre de minces 
solument dans les voies Sr 1 plaques de fer serrées 
nouvelles. Etant appelée (a Ç s sur une carcasse en fonte. 
à fournir à ses clients, dis- () L Le tout forme un vaste 
persés sur un très grand \ anneau, à la surfacein- 
rayon, non seulement lé: térieure duquel se trouve 
clairage, mais aussi la CES une série de fentes, au 
force motrice, elle à a, nombre de trois par pôle. 
adopté les courants tri- Dans ces fentes sont lo- 
phasés à haut voltage avec gées les bobines induites. 
sous-stations de transfor- Voici quel est est le 
mateurs!.Le marché pour mode d’enroulement de 
l'installation complète È ces bobines. Supposons, 
fut passé avec MM. Sie- Ts 2 [ pour plus de simplicité, 
mens et Halske en 1893. I MES | que la machine soit seu- 
Les travaux furent com- (Nil | lement à 8 pôles : nous 
mencés au mois d'août — —— | aurons donc 24 fentes, 
de cette même année; à EC =: numérotées, sur la fi- 
la fin du mois de mai (are gure 1, de 1 à 24. Un fil 
suivant. ils étaient com- | | de l'induit vient d’arrière 
plètement terminés. | | en avant à travers la 
Trois chaudières Stein- | | fente 1, par exemple, re- 
nuiller sont employées ; | | tourne en arrière par la 
elles marchent à 13 kilos fente 4, pour revenir en 
de pression environ, et | avant par la fente 1, el 
sont munies de char- | ainsi de suite autant de 
geurs automatiques MMM MMM fois qu'il est nécessaire. 
Leach, actionnés chacun Fig. 2 Schéma de L = , as PR DE PL TT NES Les fentes 23-?, 3-6, 
par un petit moteur à € nn ARE UNE RES CAR [lampe témoin, d'$ etc., sont associées 
: 13002 s. 9, 9, commutateurs. :, lampe témoin. k À me 
champ tournant. Les ma-  __’C; "D, commutateurs. — 4, Ci, Ci, Co, Co, etc., bornes des de la mème facon. 
chines, également au commutateurs C et D. — «, b, a, b', barres métalliques des com- Les bobines ainsi for- 
nombre de trois, sont à  mutateurs C et D. — G, G', glissières des commutateurs C et D. mées peuvent être, dans 
triple expansion etäcon- —M;, M, M;, M"... câbles venant des alternateurs. chacun des trois groupes, 


densation. 


Leurs tiroirs sont réglés automatiquement par le 


1 D’après l’Elekbrolechnische Zeitschrift et The Electrician. 


bobines A,, 


A,, À 


VE 


HE 49 


réunies en série où en 


quantité selon la tension que lon désire obtenir. Par 
exemple, dans le cas où l'on veut un haut voltage, les 


puis B,, B,, B,, B,, et enlin G,, 


hs L ié 


C,, C;, C,, sont associées en série. Trois des extrémilés 


sont réunies et les trois autres attachées aux bornes de 
la machine. 

Le couplage des alternateurs de la Station de Chem- 
nitz se fait au moyen d’une disposilion assez originale. 
Les petits transformateurs ordinairement employés sont 
ici supprimés, chaque alternateur étant pourvu d’un 
circuit auxiliaire, aux bornes duquel on à un voltage 
égal à la 80° partie de celui du circuit principal. Les 
càbles M,,etM, (fig.2), parlant du circuit auxiliairede la 
première machine, aboutissent aux bornes C, C;', D, D; 
de deux commutateurs G et D. Les cäbles venant des 
autres machines aboutissent aux bornes C, C' et D, D, 
d'une part, C, €, et D, D," d'autre part.Le commutateur 
D possède en outre une borne complémentaire d. Deux 
glissières G, G' mettent en communicalion chacune 
des bornes C, C,, elc., avec celle des barres circulaires 
a, a, b, b', qui lui est contiguë, Les barres b E' sont 


. reliées d’une manière permanente. Les barres « a’ sont 


deux commutateurs g, g'. 
auxquels aboutissent les 
. deux bornes d’une lampe L, 
d’un voltmètre V, et une 
borne d’un second voltmè- 
tre V,, dont l’autre borne est 
en communication avec d. 

Si l’on veut avoir le vol- 
tage fourni par la ma- 
chine 1, on place la glis- 
sière-GASure Cet 0 la 
glissière G surdet l’on met 
le voltmètre V, en circuit 

Pour coupler en parallèle 
deux machines, 2 et 3 par 
exemple, on commence par 
s'assurer, au moyen de la 
manœuvreprécédente,qu’el- 
les donnent le méme vol- 
tage, puis on met le volt- 
mètre V, hors circuit. La 
glissière G est placée surC, 
C;’, la glissière G sur D, D,', 
puis la lampe L et le volt- 
mètre V, sont réunis par 
l'intermédiaire de g, g' aux 
barres a et b. Quand le 
voltmètre arrive au zéro et 
que la lampe s'éteint, la 
coïncidence de phases 
existe, il ne reste qu'à cou- 
pler les allernateurs. 

Les câbles allant des ma- 
chines au tableau de distri- 
bulion sont souterrains. Ils 
aboutissent, par l'intermé- 
diaire des coupe-circuits fu- 
sibles et des instruments de 
mesure, à trois barres hori- 
zontales qui peuvent être 
séparées dans leur longueur 
Fig. 3. — Elévalion el demi- en plusieurs parties au 

coupe d'une sous-slalion de moyen d’interrupteurs. Il 


en communication avec 


transformaleurs.— À, base est ainsi possible de tra- 
en fonte. — C, con vailler à une partie du ta- 
Don none Due bleau pendant que l’autre 
= = En “ Farc rie 

roi. — B, appareils divers. partie est en service. 


Les conducteurs sont cal- 
culés pour transporter le 
courant nécessaire à 10 000 lampes de 16 bougies brû- 
lant en même temps. Les câbles de haute tension sont 
du type biconcentrique de Siemens et Halske, sous 
plomb et armés de rubans de fer. Leur section varie de 
3 X 16m? à 3 X 50 "2 Ils forment une longueur 
totale de 10 kilomètres environ, Le réseau à basse ten- 
sion comprend à peu près 20 kilomètres de câbles bi- 
concentriques armés, dont les sections varient de 
3 X 25 à 3 X 70 "m2 ef 7 kilomètres de conducteurs 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


Ja ventilation tout en 


345 


isolés ordinaires de 35 à 40m? de section. Le point 
central du réseau se trouve à 1.800 mètres de lastation, 
le point le plus éloigné à 3,600 mètres. 

La tension est abaissée par les transformateurs de 
2.000 volts à 120. Ces transformateurs, qui élaient pri- 
mitivement au nombre de 19,sont maintenant au nombre 
de 24 et représentent une puissance totale de plus de 


Fig. 4. — Diagrammes des connexions failes dans une sous- 
station de transformateurs. — HT, câbles à haute tension. 
— C, et C», interrupteur et plombs fusibles. — BT, cäbles 
à basse tension. — CA, câbles aériens, 


500 kilowatts. Ils sont placés dans des colonnes en fer 
de 4 mètres de haut et de 1",20 de diamètre. La figure 
3 représente l’une de ces colonnes: la partie gauche à 
été coupée pour en montrer l'intérieur. Elles reposent 
sur une base en fonte A et sont formées de deux 
cylindres superposés séparés par une cloison CG, qui 
sépare en deux parties I et II l’intérieur de la colonne. 
En outre, une couver- 
ture E est disposée de 
manière à permettre 


100 172 


empêchant la pluie ou ! 
la neige de pénétrer. ; : i 
La partie supérieure I ! 
est munie de trois por- i 

teset contient le trans- 

formateur.Ses noyaux, 


au nombre de trois, o HE GE 
sont formés de feuilles 3 

de fer isolées et dispo- Fiw.5. — Courbe du courant d'ex- 
sées verticalement de citation. — T, durée de la pé- 


riode du courant produit par 
l'alternateur. 


manière à dessiner un 
prisme dont la base 
serait un triangle équi- 
latéral. Ils sont réunis haut et bas par des plaques de 
fer qui ferment les circuits magnétiques. Les bobines à 
basse tension sont placées à l’intérieur des bobines à 
haute tension, Entre elles, on à réservé un espace vide 
pour la ventilation, de même qu'entre les premières et 
les noyaux intérieurs. Une marche continue à pleine 
charge n’élève pas la température de plus de 50 degrés. 
Les bobines sont montées en étoile, 


340 


La partie inférieure I de chaque colonne comprend 
tous les appareils accessoires, coupe-circuits fusibles, 
attaches de câbles, interrupteurs, etc. La figure # montre 
le diagramme des connexions, qui est d’ailleurs exces- 
sivement simple. 

Les mesures d'isolement du réseau ont donné les 
résultats suivants : 

I. — Cübles pour basse tension, essai fait à 109 volts. — 
Résistance d'isolement du conducteur intérieur, les 
deux autres élant à la terre : 446 mégohms. 

Résistance d'isolement du conducteur du milieu, les 
deux autres étant à la terre : 208 mégohms. 

Résistance d'isolement du conducteur extérieur, les 
deux autres étant à la terre : 172 mégohms. 

Longueur soumise à l'essai : environ 18 kilomètres. 

En mettantles transformateurs en circuit, l'isolement 
par rapport à la terre était de 210.000 ohms. 

II. — Cübles pour haute tension, essai fait à 960 volts. — 
Résistance d'isolement du conducteur intérieur, les 
deux autres étant à laterre : 301 mégohms. 

Résistance d'isolement du conducteur du milieu, les 
deux autres étant à la terre : 150 mégohms. 

Résistance d'isole- 
ment du conducteur 
extérieur, les deux au- 
tres étant à la terre: 
114 mégohms. 

Longueur totale sou- 
mise à l’essai:environ 
10 kilomètres. 

En mettant les trans- 
formateurs en circuit, 
l'isolement par rap- 
port à la terre était de 
#01.000 ohms. 

Les capacités du ré- 
seau de haute tension, 
non compris les trans- 
formateurs, sont de 
0,47 microlarad entre 
le conducteur inté- 
rieur d'une part, les 
deux autres conduc- 
teurs et la terre d’au- 
tre part ; 

1,06 microfarad en- 


tre le conducteur du 2004 

lieu, d'une part, les 

deux autres conduc- VA 
: Ë 

teurs et la terre d'au- E 

tre part ; 7 


2,12 microfarads en- 
tre le conducteur ex- 
térieur d'une part, les 
deux autres conduc- 
teurs et la terre d'autre part, 

A la fin du mois de novembre 189%, la Station fournis- 
sait le courant à 5.220 lampes à incandescence de 
16 bougies, à 152 lampes à arc et 29 moteurs d’une 
puissance tolale de plus de 29 chevaux. Le prix est 
de 87 cent, 5 le kilowatt-heure pour l'éclairage et de 
22 cent. 5 pour la force motrice, On peut aussi traiter 
à forfait quand il s’agit de courant à fournir à des 
moteurs, Le tarif est alors de 17 cent. 5 le cheval- 
heure. 

Les moteurs à champ tournant de la maison Siemens- 
Halske ont un inducteur fixe construit de la même 
facon que l'induit des alternateurs. L'induit à tambour 
est fermé sur lui-même, Ces moteurs auraient, dit-on, 
des rendements très élevés, On trouverait, par exemple, 
pour un moteur de # chevaux, 50 °/, à la charge de 
demi-cheval, 87 0/, à la charge de 4 chevaux, 86 ?/, à la 
charge de 7 chevaux. ; 

Des essais excessivement intéressants ont été faits 
dans le but de déterminer les courbes de courant pour 
la machine d'excilation, l’alternateur à vide et en 
charge. 


Fig. 6. — Courbe donnée par l'al- 
lernaleur marchant à vide. 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


1472 


L'appareil employé est un pelit moteur à champ 
tournant présentant quelques dispositions spéciales : 
son armalure n'est pas en court circuit; elle est tra- 
versée par le courant de la machine d’excitalion, IF 
tourne alors synchroniquement : son arbre porte des 
anneaux el des contacts qui, à un moment arbitraire- 
ment choisi de la révolution, relient d'abord un con- 
densateur avec le cireuit à étudier, puis déchargent ce 
condensateur à’ travers un galvanomètre. Quand la 
vitesse du moteur est suffisamment grande, la dévia- 
tion du galvanomètre reste constante: elle est alors 
proportionnelle à la différence de potentiel des arma- 
tures du condensateur et par suite à l'intensité du cou- 
rant au moment de la phase qui correspond au con- 
tact. 

La figure 5 montre la courbe du courant d'’exci- 
lation. On y remarque une fluctualion, qui est due 
aux réactions d’induit et dont la période est six 
fois celle de lPalternateur. Si T est la période de 
celui-ci, { le temps, la courbe de la figure 5 est re- 
présentée approximativement par la formule (1) ei- 
dessous. 

La courbe du cou- 


rant de l'alternateur 
000 tournant à vide est 
L | donnée par la figure 6. 


Elle est à peu près 
symétrique par rap- 
port à l'axe des abs- 
cisses et par rapport 
aux ordonnées des 
maxima et des mi- 
nima. Sa formule est 
approximativement la 
formule (2) ci-dessous. 

Entin, la figure 7 
donne la courbe du 
courant de l'alterna- 
teur travaillant à plei- 


Ê ne charge. Elle est sy- 
| métrique par rapport 
le à l'axe des abscisses, 


mais non par rapport 
aux ordonnées des mi- 


C nima et maxima. Elle 
Su correspond à la for- 
2000 ‘ CE 

Ë mule (3) ci-dessous. 

Ë On voit que les deux 


dernières courbes dif- 
fèrent relativement 
peu de la fonction si- 
nus, qui est la fonction 
théorique, Que signi- 
lient exactement Îles 
légères déformations 


& 2e 
Va 


Fig. 7.— Courbe donnée par l'aller- 
nateur marchant à pleine charge. 


Il PET TT 

Ro LE ee 

+ G% in ( T 

dl 10r/ . /Bnl 
2) sin = + 0,087 sin ( E +=)+ 0,032 sin (= x). 
\ 
À , 2x t 1 ? 107 / 
(3) sin DUR 15 Sin (+ 


qu'elles montrent et quels en sont les effets? Nous 
sommes encore très inexpérimentés sur ce sujet; 
mais c'est qu'il y a bien peu de lemps que nous sa- 
vons enregistrer fidèlement les courbes des courants 
alternatifs, et il nous semble permis de penser que 
nous parviendrons à lire, sur ces courbes, les détails de 
construction et de fonchonnement de nos alternateurs, 
de mème que nous lisons aujourd'hui les détails cor- 
respondants sur les diagrammes des machines à va- 
peur. 
A. Gay, 
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


341 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Méray (Ch.), Professeur à la Faculté des Sciences de 
Dijon. — Leçons nouvelles sur l'Analyse infinité- 
simale et ses Applications géométriques. Pre- 
mière purtie. PRINCIPES GÉNÉRAUX. — Ün vol. gr. in-8° 
de xxu1-405 p. Prix : 13 fr. Gauthier-Villars et fils, 
éditeurs. Paris, 1895. 

L'espace nous manque pour analyser comme nous 
le voudrions une publication de cette importance, que 
tout le monde, au surplus, voudra lire: nous passe- 
rons donc sous silence l'indication détaillée de son 
contenu et nous nous bornerons à dire en gros le bien 
que nous en pensons, le but que l’auteur veut at- 
teindre. 

Dans ce magnifique ouvrage, qui sera un véritable 
monument de la science francaise, M. Méray ne veut 
emprunter au monde extérieur que les notions que 
notre esprit en tire relativement aux nombres entiers 
et aux combinaisons les plus simples «que l’on peut 
effectuer sur ces symboles ; il déduira de là les règles 
du calcul algébrique ainsi que la notion complète du 
nombre fictif de l'analyse moderne; il ne s’appuiera 
sur aucune considération infinitésimale proprement 
dite ; l’idée d'infini n'y figure à proprement parler que 
sous sa forme la plus accessible, qu'après tout nombre 
entier il y en a d'autres, et l'idée de limite est ratta- 
chée à celle-ci d’une facon très simple. C’est avec ce 
bagage peu encombrant et dénué de toute métaphy- 
sique que l’auteur édifie sa théorie générale des fonc- 
tions. 

Celle vaste exposition de ce qui constitue à propre- 
ment parlér toute la science mathématique ne repose 
que sur des calculs algébriques relativement simples. 
Le premier volume contient l’exposé des généralités et 
des propriétés communes à toutes les fonctions analy- 
tiques; les suivants renfermeront l’étude des princi- 
pales fonctions particulières aujourd’hui connues et les 
premières applications de l’analyÿse infinitésimale Dans 
ce premier volume, il n’est jamais fait appel aux pre- 
priétés d'une fonction particulière, si simple qu’elle 
soit, et cependant l’auteur s’élève graduellement des 
propositions les plus élémentaires jusqu'à la théorie 
des équations différentielles totales et partielles. Il ne 
fait usage d'aucune considération géométrique ; il ne se 
sert que de la représentation graphique habituelle des 
nombres imaginaires, dans le simple but de faire 
image et de simplifier les énoncés relatifs à la théorie 
des fouctions. 

On concoit qu'avec un pareil objectif, et voulant dé- 
gager le plus possible l'Analyse de toute considération 
relative au monde extérieur, l’auteur ait repris l’idée de 
nombre à son origine même, le nombre entier, et qu’il 
ait édifié sans autre secours que l’idée de nombre entier 
et celle d’addition de nombres entiers, l'ensemble com- 
plet des nombres fictifs que l'analyse emploie. Les trois 
premiers chapitres sont consacrés à ce travail ; ils sont 
admirablement ordonnés, d’une logique absolue, et je 
ne vois aucune critique à faire à cette partie du volume. 
Je dois rappeler d’ailleurs, en passant, que M. Méray 
est le premier qui ait résolu ces questions passable- 
ment difficiles. Depuis quelque temps, on a beaucoup 
écrit sur ce sujet et beaucoup prêté aux Allemands, 
comme d'habitude; mais, en comparant les dales de 
publication et en tenant compte de l’enseignement 
public de M. Méray, il est facile de fixer son opinion à 
ce sujet. Au reste, l’idée de variante qu’emploie l’au- 
teur pour parvenir au nombre incommensurable, bien 
qu'à peu près identique à celle de suite rationnelle et 


infinie, me parait donner à celte exposilion sa forme 
la plus simple et la plus lumineuse. 

Viennent ensuite les séries. Elles sont un objet de 
prédilection pour l’auteur, qui en fait la base de tout 
son système et la représentation naturelle de toutes 
les fonctions dignes de ce nom. Celte théorie, bor- 
née aux choses essentielles et débarrassée du fatras 
qui l'accompagne dans plus d’un ouvrage, est ici 
magistralement exposée. Sans insister sur des règles 
de convergence plus ou moins menues, en tout cas 
utiles seulement pour l'étude des fonctions particulières, 
l’auteur s'occupe d’abord des propriétés générales des 
séries : la comparaison de deux séries; la transfor- 
mation d'une série par le groupement et le déplace- 
ment des termes; l’addition, la soustraction et la mul- 
tiplication des séries. Puis il passe à l'étude des sé- 
ries entières à variables en nombre quelconque, dans 
laquelle il débute par la progression géométrique à 
plusieurs raisons, et par la recherche des aires de 
convergence. Ensuite viennent diverses propriétés 
dont il sera fait grand usage dans la théorie des fonc- 
tions : le développement d'une série entière où l’on 
met à la place de chaque variable une somme de nou- 
velles variables; la continuité ; le théorème d’Abel, 
relatif aux valeurs des variables situées sur les cercles 
de convergence ; les valeurs que peut atteindre ou dé- 
passer le module de la somme d'une pareille série, etc. 

L'idée de fonction est alors introduite d’une facon 
définitive, Sans se soucier à ce moment de l’origine 
que peut avoir une fonction à étudier, point sur le- 
quel il s’appesantira très soigneusement plus tard, 
M. Méray dit que cette fonction est olotrope dans les 
aires Sr, Sy, -.., avec les olomètres ër, êy, -.-, quand, 
pour tout système %, Y,, ... de nombres pris dans les 
aires en question, on peut développer la fonction en série 
entière et convergente par rapport à &—%o,% — Yo, :+.» 
pourvu que les modules de ces différences soient 
moindres respectivement que ër, y, .... Les aires con- 
sidérées sont quelconques d’ailleurs, à contours sim- 
ples ou multiples. 

C'est cette notion de l'olotropie que M. Méray subs- 
tiltue aux anciennes propriétés primordiales altribuées 
aux fonctions, d’être uniformes et pourvues de dérivées 
de tous ordres dans les aires en question, Pour Jui, 
cette notion est inséparable de l’idée de fonction utile 
et maniable; il rejette des calculs courants toute fonc- 
tion qui n’est olotrope dans aucun groupe d’aires, et 
son système ne lui attribue aucune propriété de carac- 
tère général. 

Nous ne voulons pas entamer ici de discussion avec 
l’auteur sur le point de savoir si son idée est la seule 
qui se prête à l'étude des propriétés des fonctions. Nous 
ferons simplement observer qu'il est le seul à pos- 
séder un système complet d'analyse, et que toutes Les 
démonstrations qu'il donne sont uniformes, théori- 
quement très simples, et rigoureuses comme celles de 
l’Algèbre la plus vulgaire; au reste, les autres auteurs, 
dans beaucoup de questions, emploient aussi les sé- 
ries et font, sans le dire, les mêmes hypothèses que 
M. Méray. 

Les dérivées des divers ordres s’obtiennent sans con- 
sidération d’infiniment pelits, d’une facon purement 
algébrique, en quelque sorte, en développant la sé- 
rie f(æ + À, y + k, .… ) et en la mettant sous la 
forme f (x, y, ...) + hfz + kfy, ..., les quan- 
tités fx, fy, étant d'autres séries convergentes. 
L'auteur montre que ces coefficients sont des fonc- 
tions olotropes de æ, y, dans les aires considérées. 
Il est alors amené tout naturellement à chercher com- 


348 


ment, de l'existence d'une série entière et convergente, 


donnée à priori, on peut tirer, dans certains cas, l’exis- 
tence d’une fonction olotrope dans certaines aires, et 
sous quelles conditions cela a lieu. Il est évident déjà 
que loute série entière et convergente dans les cercles 
ex, ey, … est une fonction olotrope dans les cercles plus 
petits ôr, y, . avec les olomètres px — ôæ, py — dy, .. On 
s'appuyant sur l'idée si importante du cheminement, 
l’auteur traite de cette question dans le cas le plus gé- 
néral, en supposant toutefois les aires obtenues par 
raccordement, Sr, Sy, ..., imperforées. 

M. Méray déduit alors de la théorie des séries les 
propriétés les plus importantes des fonctions olotropes, 
puis il passe au calcul inverse des dérivées, 

Dans ce chapitre, qui traite de ce qu'on entend com- 
munément par intégralion d’une différentielle totale 
exacte d'ordre quelconque, l’auteur part de l’idée de 
fonction primitive; il n'y est question ni de quadrature, 
ni de somme d'infiniment petits. D'ailleurs, nulle 
part dans son ouvrage, l’auteur ne cherche l'origine de 
nouvelles fonctions dans ces opérations autrefois 
mystérieuses de différentiation, d'intégration... ... 
Il n’y est, à proprement parler, question ni d’infini- 
ment petits ni d’infiniment grands, quantités vagues 
dans bien des cas, fantômes numériques mal définis, 
qui laissent Le doute si souvent après eux, tant que les 
démonstrations auxquelles ils servent de support n’ont 
pas été entourées de précautions parfois délicates, 
longues et minutieuses. Les raisonnements de M. Méray 
portent sur des nombres déterminés, sur des êtres 
numériques précis. 

IL n’est pas dans notre but, avons-nous dit, de faire 
ici une analyse complète et détaillée de l'ouvrage de 
M. Méray. Nous espérons en avoir assez dit pour en- 
gager nos lecteurs à étudier attentivement la construc- 
tion de l’auteur. Seuiement, qu'ils y prennent garde, la 
lecture d’un livre pareil n’est pas aussi commode que 
celle d’un roman; malgré tout le soin que l’auteur à 
apporté à l'exécution de son œuvre, toute la clarté qu'il 
y à mise, il est difficile à suivre dans cette longue suite 
d’abstractions profondes où il se joue des plus grandes 
difficultés, et plus d'une fois le lecteur, après avoir pris 
une idée générale de quelques chapitres, devra revenir 
en arrière, approfondir chaque point, se résoudre à 
n'avancer que lentement dans la théorie. Mais qu'il se 
console : le véritable étudiant en mathématiques ne 
saurait mieux employer son temps qu'en le consacrant 
à se pénétrer profondément des doctrines du grand 
analyste, E. Huugerr. 


Scott (C. AÀ.), Professor of Mathematics in Bryn Maur 
College. Pensylvania. — An introductory Account of 
certain modern ideas and methods in plane ana- 
lytical Geometry.—- 1 vol. in-8° de 288 p. avec 64 fig. 
(Prix : relié, 12 fr. 50). Macmillan and C9, éditeurs, 
London et New-York, 1895. 

Le livre de M, Scott est divisé en 13 chapitres dont 
les principaux traitent des sujets suivants : coordon- 
nées ponctuelles et linéaires et leur transformation, 
principe de dualité, propriétés et tracé des courbes, 
homographie et involulion, transformation projective 
et linéaire, théorie de la correspondance. 

Dans cet ouvrage, l’auteur, supposant de la part du 
lecteur une connaissance assez approfondie de la Géo- 
métrie cartésienne et du Calcul différentiel, cherche à 
présenter d'une facon systématique certaines idées et 
méthodes, familières dans les Mathématiques supé- 
rieures, mais qu'on a rarement l’occasion d'acquérir dans 
des livres d'ordre moins élevé, Il évite toutefois d’em- 
piéter sur ce qui est, à proprement parler, la théorie des 
courbes planes supérieures, dont l'ouvrage peut d’ail- 
leurs être considéré comme une introduction. 

Jusqu'à un certain point, le champ que M. Scott s’est 
fixé coïncide avec celui des derniers chapitres du 
Traité des sections coniques de Salmon, mais les deux 
livres ne font pas double emploi, la manière dont ils 
sont traités diflérant notablement, LB: 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


MWitz (Aimé), Docteur ès sciences, Ingénieur des Arts 
et Manufactures, Professeur à -la Faculté libre des 
Sciences de Lille. — Les Machines thermiques (à 
vapeur, à air chaud et à gaz tonnants). — Un vol. 
petit in-8° de l'Encyclopédie scientifique des Aïide- 
Mémoire, dirigée par M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : 
broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier - Villars et 
fils et G. Masson. Paris, 1895. 

« L'objet de ce livre est d'établir un parallèle entre 
« les diverses machines thermiques, et de les rappro- 
« cher dans un tableau d'ensemble. de manière à faire 
« mieux ressortir le caractère spécial de leurs cycles 
« respectifs. » C'est ainsi que l’auteur, dans la préface, 
définit le but qu'il s'est proposé et qu'il réalise magis- 
tralement. 8 

Les cycles de Watt, de Stirling, d’Ericson, de Joule, 
sont examinés avec soin et discutés. M. Witz consacre 
plusieurs pages à l'importante question des régénéra- 
teurs et à celle, qui lui est connexe, des isodiabatiques 
de Rankine, 

Assurément l’un des plus compétents en ces matières, 
le savant professeur de Lille expose en termes fort 
clairs les avantages particuliers des moteurs à vapeur 
d’eau et des machines à gaz tonnants; et, de leur com 
paraison, il conclut au grand avenir de ces dernières, 
appelées, pense-til, à supplanter les premiers dans 
beaucoup d'applications. 

Il est certain que les machines à gaz de gazogène arri- 
vent à donner aujourd'hui des consommations infe- 
rieures à ce que dépensentles meilleures machines à va- 
peur; mais, quoi qu'on ait dit, celles-ci nous paraissent 
encore susceptibles de perfectionnements importants, 

D'abord, l'emploi des isodiabatiques permet d'aug- 
menter un peu le rendement générique, en éle- 
vant la température moyenne de la source supérieure, 
Cette idée a été mise en pratique par M, Normand sur 
plusieurs torpilleurs. L'eau d'alimentation est en partie 
réchauffée avant son entrée dans la chaudière avec la 
la vapeur qui a déjà travaillé. Il est sans doute pos- 
sible de faire mieux encore. 

Ensuite, l'entrée en scène des turbines à vapeur, 
sérieusement cette fois, nous parait devoir limiter 
l'essor des machines à gaz, Avec l'air comme fluide 
évoluant, Les turbo-moteurs ne peuvent devenir prati- 
ques à cause de la difficulté qu'il y aurait à réaliser 
la compression préalable de ce fluide, tandis qu'avec 
les liquides vaporisables il en est tout autrement. La 
turbine à vapeur, outre ses avantages au point de vue 
de la disposition mécanique, pourrait aussi procurer, 
nous en avons la conviction, de très faibles consomma- 
tions. Sans user de liquides spéciaux, vaporisables à 
plus de 200° centigrades, le rendement pratique pour- 
rail alteindre environ 0,20, ce qui correspondrail à 
une dépense de 0 kg. 450 seulement de bonne houille 
quelconque par cheval et par heure. 

Quoi qu’il en soit de cette discussion, le petit livre 
de M. Wilz présente un réel intérêt. La lecture en 
est facile, agréable même, oserions-nous dire, malgré 
les nombreuses formules qu'il à fallu inévitablement 
y mettre, On trouve aussi dans l'introduction et dans 
quelques chapitres un historique sommaire de l'inven- 
ton des divers moteurs thermiques. 

Nous pouvons ajouter que l’exécution typogra- 
phique en est soignée, comme pour les autres vo- 
lumes de | « Encyclopedie des Aiïde-Mémoire ». 

Comme erratum, signalons principalement une 
transposition de nombres qui s’est glissée (p. 71) dans 
l'évaluation du rendement théorique du cycle de 
Stirling, A. RATEAU. 


Bôcher (Maxime), Privat-Docent an der Harward Uni- 
versity zu Cambridge (Massachusetts). — Ueber die 
Reihenentwickelungen der Potentialtheorie (Sur 
les développements en séries dans la théorie du poten- 
tiel). Avec une préface de F. Klein. — 1 vol. in-8° de 
260 pages avec 113 figures. (Prix : 10 francs.) B. G. 
Teubner, Leipzig, 1895. 


De - Léa D ap, ) + dE de 


é 


349 


2° Sciences physiques. 


Du Bois (H.) — Magnetische Kreise, deren Theo- 
rie und Anwendung. — { vol. in-8°, de 385 p. avec 
94 fig. (12 fr. 50). Springer. Berlin, 1895. 


L'idée d’assimiler les systèmes magnétiques à un 
circuit fermé a été émise, pour la première fois, sans 
doute, par Euler, dans ses célèbres Lettres à une prin- 
cesse d'Allemagne; 11 admet, pour expliquer les phéno- 
mènes dont l’espace environnant est le siège, l'exis- 
tence d’une matière sublile, décrivant, avec une grande 
vitesse, des circuits fermés, en passant de préférence 
dans les corps magnétiques. Toutelois, cette idée ne 
reposait pas encore sur une base expérimentale assez 
solide pour être généralement acceptée ; les expériences 
de Coulomb vinrent ensuite, magistralement dévelop- 
pées dans leurs conséquences par Poisson, et la théo- 
rie des pôles magnétiques fut établie. Telle est la puis- 
sance de persuasion de tout ce dont la forme est très 
parfaite, que la théorie de Poisson survécut aux tra- 
vaux de Faraday et aux commentaires de Maxwell; il 
fallut que l’industrie s’en mêlàt, que les recherches 
faites en vue de perfectionner la machine dynamo mon- 
trassent tout le parti que l’on pouvait tirer, au point de 
vue de la pratique, de la considération d’un circuit ma- 
gnétique fermé, pour que cette idée prit, dans la Phy- 
sique moderne, la place à laquelle elle a droit, 

Jusqu'ici, les auteurs qui s'étaient occupés du circuit 
magnétique s’élaient contentés d’en développer un 
aspect particulier. Lord Kelvin, Gisbert Kapp, Caba- 
nellas, Hopkinson, Ewing, à qui l’on doit beaucoup. 
avaient apporté chacun sa pierre à l'édifice, Mais leurs 
mémoires épars étaient d’un accès difficile, qui devait 
rebuter plus d’un chercheur; c’est dans le but d'en 
faciliter l’étude, que le Congrès des Electriciens, tenu 
à Francfort en 1891, émit Le vœu qu'un ouvrage didac- 
tique, consacré exclusivement au cireuit magnélique, 
vit bientôt le jour. M. du Bois, dont les recherches sur 
la question sont bien connues, était tout désigné pour 
entreprendre ce travail. 

La méthode suivie par l’auteur est le développement 
progressif de la théorie, avec le contrôle permanent de 
l'expérience. Un tore uniforme est entouré d’une spi- 
rale parcourue par un courant électrique ; on n’observe 
aucune action magnélique à l'extérieur, et cependant 
l’état particulier du tore est révélé par divers phéno- 
mènes mesurables; son diamètre est légèrement dimi- 
nué, un faisceau de lumière réfléchi sur säa surface 
change de caractère au point de vue de la polarisation, 
la conductibilité électrique et thermique est modifiée, 
ainsi que le pouvoir thermo-électrique. 

Mais, vient-on à introduire une irrégularité quel- 
conque dans le circuit magnétique, aussitôt certaines 
lignes de force, qui étaient auparavant entièrement en- 
fermées dans le milieu magnétique, aboutissent à sa 
surface, ou, tout au moins, à un point où elles subissent 
une réfraction, et ce point devient un centre d'action 
a l'extérieur (nous évitons ici d'employer l’expression 
d'action à distance, qui a le sens précis d’une action 
sans l'intervention d’un milieu intermédiaire), 

En ouvrant complètement le lore, de manière à le 
remplacer par un barreau, placé cependant dans un 
circuit magnétisant fermé, on arrive au cas typique où 
les actions à l'extérieur sont le phénomène le plus ap- 
parent ; c’est là que la force démagnétisante devient, 
pour la première fois. évidente; on y reviendra plus 
d’une fois au cours de l'ouvrage, et dès le début, pour en 
donner la valeur dans le cas d’un ellipsoide, qui contient, 
comme cas parliculiers : sphère, barreau, disque, etc, 

Quant au magnétisme permanent, il est envisagé 
comme une hystérèse de très longue durée, assimila- 
tion un peu hardie, mais qui est confirmée par un ordre 
de phénomènes tout différent : la variation du zéro des 
thermomètres, et ses déplacements quasi-permanents, 
qui peuvent être expliqués d’une manière analogue. La 
théorie des aimants permanents exige, du reste, pour 
être comprise dans toule sa généralité, la connaissance 


de certaines notions qui ont fait leur apparition dans 
les sciences mathématiques avec les quaternions:; l’au- 
teur les passe en revue dans le troisième chapitre, con- 
sacré à la répartition lamellaire ou solénoïdale des 
vecteurs dans l’espace; la théorie des aimants s’en dé- 
duit par une simple adaptation. 

. Après une théorie générale de l'induction magné- 
lique, on revient à l'étude approfondie du toroïde dans 
un champ magnétique, et, comme préparation aux cas 
de la pratique, on étudie les tores sectionnés une ou 
plusieurs fois,on calcule l'attraction des pôles el la force 
portante des aimants 

Ayant ainsi préparé le lecteur à létude pratique du 
Circuit par une théorie très complète, l’auteur aborde 
l'étude expérimentale des propriétés générales du cir- 
cuit. Puis, dans un chapitre qui aurait pu, logiquement, 
ètre classé dans la première partie, il montre l’analo- 
gie des phénomènes magnétiques avec ceux que l’on 
peut envisager comme se produisant dans un circuit, 
ou qui, tout au moins, dépendent d’un potentiel; tels 
sont les phénomènes de filtration, de diffusion, de 
conduction de la chaleur et de l'électricité, enfin la 
polarisation diélectrique. Le circuit des machines dy- 
namos sous les formes les plus ordinaires est trailé 
dans un chapitre spécial, auquel il faut ajouter, comme 
complément très instructif pour la pratique, le cha- 
pitre suivant, consacré à divers électro-aimants et trans- 
formateurs. Le rôle de l’entrefer, l'action des disconti- 
nuités même très faibles, étudiées par Ewing et Low, 
l'action de la pression et l'influence du poli des sur- 
faces en contact, étudiées dans ce chapitre, conduisent 
à celle conclusion que, lorsqu'un cireuit magnétique 
est composé de plusieurs parties, les pièces doivent 
être polies et fortement pressées entre elles, si l’on ne 
veut pas s’exposer à diminuer beaucoup son aclion. 

L'ouvrage se termine par la description des procédés 
de mesure du champ et de l’induction magnetique ; on 
n'avait pas allendu jusque-là, bien entendu, pour don- 
ner une idée de ces mesures, dont il-était nécessaire de 
connaitre au moins le principe pour comprendre la 
base expérimentale des théories, mais dont la descrip- 
lion détaillée élait subordonnée à la connaissance 
des phénomènes, 

Nous voudrions relever, dans cette dernière partie, 
plus d’un progrès auquel l’auteur a contribué; mais 
ce que nous avons dit suffira pour montrer que l'ouvrage 
de M. du Bois comble, de la manière la plus heureuse, 
une grosse lacune, et sera bien accueilli par tous ceux 
qui, élevés dans les anciennes théories des forces ma- 
gnéliques, voudront se mettre, sans un (travail déme- 
suré, au courant des idées modernes, sur un sujet d'un 
haut intérêt pratique, et auquel le physicien ne peut 
rester étranger. Ch.-Ed. GuiLLAUME. 


Helm (G.) — Grundzüge der mathematischen Che- 
mie.— 1vol.in-S°de135p.W. Engelmann. Leipzig, 1895, 
Sous le titre de Chimie mathémalique, M. Helm étudie 

successivement ce qui concerne l'énergie en général, 
l’entropie, l'intensité chimique et ce qu'il appelle la 
liberté des phénomènes physiques, terme par lequel il 
faut plus spécialement comprendre les règles des phases 
énoncées par M Gibbs et leurs applications aux phéno- 
mènes chimiques. Ce sont évidemment là des nolions 
fondamentales, que l’on a raison de faire entrer dans le 
cadre de l’enseignement de la Chimie théorique, A ce 
point de vue, le petit ouvrage de M, Helm, qui fait une 
large part aux travaux de MM. Gibbs, Helmholtz, Horst- 
mann, Ostwald,donne, sous une forme condensée, une 
idée nette de la facon dont cet enseignement est com- 
pris à l'étranger; il serait évidemment désirable que 
ces principes fondamentaux fussent envisagés partout 
de Ja même manière. Si tel n’est pas encore le cas, 
c'est une raison de plus pour les spécialistes de se tenir 
au courant des divers ouvrages publiés sur ces ques- 
tions, et c'est à ce titre que nous croyons bien faire en 
signalant aux lecteurs de la Revue l'intéressante bro- 
chure de M. Helm. Ph. A. Guyg. 


390 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


3° Sciences naturelles. 


Lavergne (Gaston), Déléqué du Ministère de l'Agricul- 
ture, et Marre (Eug.), Professeur départemental d'A- 
griculture de l'Aveyron. — Le Black-rot et son trai- 
tement pratique. — Une broch. in-18° de GO pages 
avec fig. et planches. (Prix : 0 fr. 80). Féret et fils, édi- 
teurs à Bordeaux ; A. Bru, éditew' à Rodez. 1895. 

La redoutable maladie de la vigne, connue en Amé- 
rique sous le nom de Black-rot, s'est montrée en 
France pour la première fois en 1885 et a été étudiée 
par MM. Viala et Ravaz. On chercha d’abord à la dé- 
truire en arrachant, puis brûlant les souches malades ; 
mais on reconnut bientôt le procédé impossible à con- 
tinuer, car la maladie s’étendait toujours. Actuelle- 
ment, le Black-rot est répandu à peu près dans tout le 
Midi de la France; on le traite comme le Mildiou par 
l'emploi du sulfate de cuivre, et l'on réussit à limiter 
et à prévenir ses dégâts. Mais, en 1894, il a causé d'im- 
menses ravages dans VlAveyron. C'est pourquoi 
MM. Lavergne et Marre, qui l'ont étudié et suivi sur 
place dans ce département, convaincus de l’efficacité 
des traitements préventifs, ont voulu en vulgariser 
l'emploi parmi les vignerons dans un petit livre d'un 
prix modique. Ce livre est écrit sans aucune prétention; 
les auteurs s'y appliquent à rendre justice à leurs 
devanciers, MM, Viala, Ravaz, Prillieux, etc., il nous 
paraît répondre au but qu’ils se sont proposé, et 
rendra service à ses lecteurs. C. SAUVAGEAU. 


Van Gehuchten (A.), Professeur à la Faculté «le Mé- 
decine de l'Université Catholique de Louvain. — Le sys- 
tème nerveux de l'Homme. — 1 wol, gr. in-8° de 
XVI1-707 p. Uyspruyst-Dieudonné. Louvuin,. 1895. 


Ce premier essai de synthèse des résultats des ré- 
centes découvertes touchant l'histologie du système 
nerveux, tels qu'ils ont pu être réalisés au moyen des 
méthodes de Golgi et d'Ehrlich, est à tous égards une 
œuvre considérable, Rien de plus justifié que l'accueil 
favorable qu'il a recu du public dans l’Europe entière, 
Grâce à la clarté de l'exposition et au nombre des 
figures, il est aujourd’hui relativement facile de se re- 
présenter cette structure de l’axe cérébro-spinal qui 
nous parait la condition même de l'intelligence des 
fonctions du système nerveux central, La connaissance 
des connexions anatomiques, celle en particulier de 
l'origine, du trajet et des terminaisons des voies ner- 
veuses dans les différents territoires du myélencéphale, 
voilà le fondement de toute conception scientifique 
des fonctions de la moelle épinière et du cerveau. Les 
derniers progrès en ce domaine sont dus à de purs 
procédés de technique microscopique, à des méthodes 
d'imprégnation mélallique etde coloration, qui ont fait 
apparaitre un monde jusque-là inconnu de formes et 
de structures. Et, comme l'événement l'a prouvé, ce 
n’est pas seulement l'anatomie, c’est la physiologie du 
système nerveux, je le répète, qui est sortie transfor- 
mée de ces révélations, A côté de Golgi, de Ramon y 
Cajal, de Kôlliker, dé van Lenhossek et de Retzius, le 
nom de van Gehuchten figurera parmi ceux des réfor- 
mateurs de l'anatomie du système nerveux. 

Dans lelivre que nous annoncons, comme dans l'é- 
tude magistrale de van Gehuchten que nous avons sous 
les yeux, sur la structure des lobes optiques chez l'em- 
bryon de poule!, on acquiert sans peine la conviction 
que l'esprit de synthèse n’a point, quoi qu'on dise, 
fait tort à ce savant histologiste. J’estime, au contraire, 
qu'il n'a montré dans tous ses ouvrages autant de pé- 
nétration et de crilique que parce qu’il domine la ma- 
tière si vaste de l'anatomie, entièrement renouvelée, 
du système nerveux. 

Voici l'économie de ce grand corps des doctrines 
contemporaines sur l’analomie du système nerveux de 
l'homme. Le livre s'ouvre par sept lecons consacrées 
à la morphologie macroscopique de l’axe cérébro-spi- 
nal, Suit une lecon sur les méninges. La deuxième 
partie, précédée de deux lecons sur lhistologie géné- 


rale, sur la structure interne des éléments histolo- 
siques entrant dans la constitution du système nerveux 
central, ainsi que sur la signification physiologique de 
ces éléments, traite de l'anatomie topographique de 
l’axe cérébro-spinal étudié successivement par régions: 
moelle épinière, arrière-cerveau, protubérance annu- 
laire, cerveau moyen, cervelet, cerveau intermédiaire, 
cerveau antérieur. Chacune de ces régions forme le 
sujet-de plusieurs chapitres où l’auteur étudie : 4° la 
structure interne de la région au moyen de séries de 
coupes transversales ; 2° la circulation artérielle et vei- 
neuse ; 3° la description des nerfs périphériquesappar 
tenant à la région. Enfin, la troisième partie, et laplus 
importante à lire et à relire (lecons XXXII-XXX VII), 
résume sous forme de vue générale ou de synthèse les 
faits et la doctrine de l'œuvre entière. 

L'auteur y étudie la division des faisceaux nerveux 
du névraxe en voies longues et en voies courtes. Les 
premières, reliant l'écorce cérébrale avec les organes 
périphériques, soit par voies centripètes, soit par voies 
centrifuges, comprennent la voie motrice ou des pyra- 
mides, la voie sensitive ou des fibres du ruban de Reil, 
les fibres des pédoncules cérébelleux inférieurs et supé- 
rieurs, y compris le faisceau corlico-protubérantiel. Les 
secondes, formées d'éléments nerveux à prolongement 
cylindraxile relativement court, soit ascendant, soit 
descendant, ne sortent pas de l'axe cérébro-spinal. 
Placés à tous les niveaux du névraxe, moelle épinière, 
moelle allongée, protubérance annulaire, cerveau 
moyen,ces neurones comprennent les fibres du faisceau 
fondamental des trois paires de cordons de la moelle 
épinière (antérieur, latéral et postérieur), et celles du 
faisceau longitudinal postérieur, les fibres commissurales 
du corps calleux, de la commissure blanche antérieure, des 
fibres d'associalion, longues et courtes, des hémisphéres 
cérébraux. Van Gehuchten se demande si ces éléments 
des voies courtes sont des neurones moteurs ou des neu- 
rones sensitifs. « Ce sont peut-être, écrit-il, des neu- 
rones miles, des neurones neutreï, ayant pour fonction 
de relier entre eux soit des éléments moteurs soit des 
éléments sensitifs, — ou bien de relier des éléments 
moteurs à des éléments sensitifs, et de répartir ainsi 
sur une étendue un peuplus considérable l'ébranlement 
recueilli par leurs prolongements protoplasmiques. » Les 
proiongements cylindraxiles de ces neurones neutres 
constituent les fibres commissurales, soit les fibres com- 
missurales longitudinales, qui existent en nombre incal- 
culable dans la moelle épinière, la moelle allongée, 
la protubérance annulaire et le cerveau moyen, soit les 
fibres commissurales transversales, qui forment une par- 
tie notable de la substance blanche du cerveletet du 
cerveau antérieur. 

La dernière lecon, très sommaire, traite du système 
nerveux sympathique. 

Le point cardinal de ce livre, comme de toute élude 
actuelle sur la structure du névraxe, c'est la théorie 
des neurones. Le principe de la contiguité substitué 
partout à celui de la continuité dans les rapports des 
éléments du système nerveux, voilà qui a fermé l'ère 
des anastomoses, comme fa dit Ramon y Cajal. Le 
réseau nerveux diffus, de nature protoplasmique ou 
cylindraxile, de Gerlach ou de Golgi, révoqué en doute 
presque en même temps par Forel (1887) et par His, a 
élé définitivement dissocié en individus organiques 
indépendants dont les extrémités se terminent libre- 
ment, et donnent bien plutôt l'aspect d'un feutrage que 
celui d’un réseau au système nerveux, La dualité de la 
fibre et de la cellule nerveuse n'existe plus. La cellule 
nerveuse el son prolongement cylindraxile, apparu 
avant son prolongement protoplasmique ou dendrite 
(His), ne font qu'un seul et unique élément nerveux, 
qu'il s'agisse du système nerveux cérébrospinal ou du 
système sympathique. Ces unilés nerveuses, ce sont 
les neurones. 

Van Gehuchten insiste avec raison sur la modifica- 
lion profonde que, avec Ramon y Cajal et Külliker, il 
a fait subir à la théorie de Golgi et de ses élèves, voire 


ét na de. put fé 


de Nansen, touchant le rôle physiologique des prolon- 
gements protoplasmiques. D’après Golgi, le prolonge- 
ment cylindraxile est seul de nature nerveuse; tous les 
autres prolongements cellulaires ne constituent que 
des appareils de nutrition destinés à puiser dans les 
vaisseaux les éléments nutritifs nécessaires à la vie de 
la cellule. Or, ces rapports des dendrites avec les vais- 
seaux sanguins ont été contestés par « tous les auteurs 
qui ont appliqué la méthode au chromate d’argent à 
l'étude de la structure des centres nerveux ». Ce qui 
démontre, avec la nature nerveuse des prolongements 
protoplasmiques, leur fonction de conductibilité, c'est, 
par exemple, que, dans le bulbe olfactif des mammi- 
fères, les prolongements protoplasmiques des grandes 
cellules mitrales recoivent directement l’ébranlement 
nerveux que leur transmettent les prolongements 
cylindraxiles des fibres olfactives, et que, dans les 
lobes optiques des oiseaux, les arborisations terminales 
des fibres du nerf optique transmettent également 
l’'ébranlement nerveux aux dendrites des cellules de 
ces ganglions. 

La seule différence, non quant à la nature nerveuse 
des prolongements cylindraxiles et protoplasmiques, 
mais quant au mode de conduction nerveuse, c’est que 
le sens ou la direction de cette conduction est inverse 
dans les deux espèces de prolongements cellulaires. 
Dans les prolongements protoplasmiques, l’ébranle- 
ment nerveux est toujours transmis des ramifications 
terminales ou dendritiques à la cellule du neurone; 
dans les prolongements cylindraxiles, il est transmis 
de la cellule nerveuse aux arborisations terminales "du 
cylinäraxe. Là, la conduction est cellulipète, ici celluli- 
fuge. « Cette hypothèse, dit van Gehuchten, que nous 
avons émise le premier d'une facon quelque peu dubi- 
tative en 1891, et que nous avons développée dans nos 
recherches ultérieures, à été défendue également par 
Ramon y Cajal sous le nom de théorie de la polarisation 
dynamique des éléments nerveux. » Or, cette hypothèse, 
contre laquelle Golgi a dirigé de sévères critiques, est 
en parfait accord avec les faits. 

Ainsi, le sens suivant lequel s'exerce la conductibilité 
varie dans les deux espèces de prolongements d’un 
neurone. Le contact utile entre éléments nerveux, 
l'articulation (Ramon y Cajal) entre neurones super- 
posés, bref, la transmission d’un élément nerveux à un 
autre élément nerveux, a lieu exclusivement entre les 
arborisations terminales du prolongement cylindraxile 
d’un neurone et les ramifications terminales des pro- 
longements protoplasmiques, peut-être aussi le corps 
cellulaire, d’un autre neurone. Le prolongement cylin- 
draxile (quelquefois un même neurone peut avoir deux 
et mème plusieurs prolongements cylindraxiles) ne 
recoit jamais l’'ébranlement nerveux des prolongements 
protoplasmiques, ni des arborisations cylindraxiles 
avec lesquelles il entre en contact : il ne propage que 
l’'ébranlement nerveux qui lui arrive de sa cellule 
d’origine et il ne le transmet qu'aux ramifications pro- 
toplasmiques ou au corps cellulaire d’autres neurones. 
Demème,un prolongement protoplasmique ne transmet 
jamais à sa cellule d’origine que l’ébranlement ner- 
veux qui lui est communiqué par des arborisations 
cylindraxiles. On concoit que le principe d'unité rela- 
tive de conduction nerveuse puisse être désormais 
invoqué, ce qui était impossible (Golgi l’a noté) dans 
la théorie des anastomoses du réseau nerveux 
diffus. M. van Gehuchten aurait pu insister sur ce 
point. 

- Quant au corps cellulaire du neurone (mais quelles 
des parties constituantes de ce corps?), il conserve sa 
haute importance physiologique : c’est à lui qu'arrivent 
les ébranlements nerveux recueillis par les dendrites 
ou recus directement par le contact d’arborisations 
cylindraxiles d’autres neurones voisins; c’est de lui 
que partent les ébranlements nerveux que propagent 
le prolongement cylindraxile et les ramifications col- 
latérales. de ce prolongement, à la suite soit d’une 
excitation transmise par les ramifications dendritiques, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


soit d’une « modification spéciale survenue directement 
dans la cellule elle-même ». 

C'est encore, il nous semble, avec toute raison, que 
van Gehuchten a établi comme criterium de la nature 
fonctionnelle d’un prolongement nerveux, abstraction 
faite des caractères morphologiques, qui sont loin 
d’être toujours distincts, le sens ou la direction suivant 
laquelle il conduit l'ébranlement nerveux. Pour les cel- 
lules nerveuses unipolaires des animaux inférieurs, les 
prolongements protoplasmiques seraient remplacés par 
le corps cellulaire lui-même. C’est ainsi que les prolonge- 
ments périphériques des cellules des ganglions cérébro- 
spinaux doivent être tenus pour des prolongements 
protoplasmiques. Enfin, la cellule nerveuse, centre 
fonctionnelle du neurone, est aussi le eenlre génétique 
et le centre trophique de cet élément nerveux. L'action 
trophique de la cellule s'exerce non seulement sur le 
prolongement cylindraxile, mais sur le prolongement 
protoplasmique : tout nerf périphérique de sensibilité, 
qu'on doit considérer comme un prolongement proto- 
plasmique, dégénère après une section qui le sépare 
de sa cellule d’origine dans un ganglion spinal. 

11 me faut, à regret, fermer ce grand livre de van 
Gehuchten, où tant d’autres problèmes de la vie des 
neurones sont indiqués et discutés avec profondeur, 
sans que la considération de l’élément anatomique soit 
jamais un seul instant perdue de vue. C'est la seule 
méthode qu'on doit suivre dans rétude des fonctions 
du système nerveux. Tout semble indiquer que les 
conquêtes de l’histologie du névraxe vont être aussi 
rapides qu’elles ont été éclatantes. Jules Soury. 


4° Sciences médicales. 


Soulier (Henri), Professeur de Thérapeutique à la 
Faculté de Médecine de Lyon. — Traité de Thérapeu- 
tique et de Pharmacologie, suivi d'un Memento 
formulaire des médicaments nouveaux. — 2 grands 
vol. in-8°, de 1000 p. chacun (Prix : 25 francs). 
G. Masson, éditeur, Paris, 1895. 

L'ouvrage de M. Soulier représente six semestres de 
lecons professées dans notre grand centre universitaire 
de Lyon. On y remarque la préoccupation constante de 
tenir le lecteur aussi bien au courant des travaux 
étrangers que de ceux qui se font chez nous; ces der- 
niers y occupent une place honorable, qui leur est 
malheureusement trop souvent refusée dans les publi- 
calions francaises. 

Les praticiens verront avec satisfaction qu'une large 
part a été faite à la pharmacologie proprement dite, 
à la description des médicaments, à leurs formes chi- 
miques et pharmaceutiques : l’auteur n'a pas pour cela 
négligé la pharmacodynamique ou action physiologique 
des substances toxiques médicamenteuses, constituant 
la partie, sinon la plus pratique, du moins la plus inté- 
ressante et la plus savante. ,: 

Après avoir montré toute l'importance que lon doit 
attribuer à l’expérimentation, M. Soulier met, avec 
raison, le praticien en garde contre la tendance que lPon 
a trop généralement à conclure de l'organisme sain à 
l'organisme malade. C'est ainsi que la précieuse pro- 
priélé fébrifuge de la quinine n'aurait pu être décou- 
verte par l’analyse physiologique. 

Pourtant il serait injuste de ne pas reconnaitre que 
la découverte de quelques merveilleux agents thérapeu- 
tiques est due exclusivement à lexpérimentation : tout 
ce qui est resté d’utile dans la pratique des anesthé- 
siques est sorti des laboratoires : il est vrai qu'il s'agit 
ici d'organismes sains, ou considérés comme tels, et 
que l’anesthésie chirurgicale est, pour celle raison, 
purement physiologique, 

Très judicieusement, le savant maitre lyonnais 
insiste pour que le praticien ne se dessaisisse pas pré- 
maturément de la thérapeutique empirique, basée sur 
l'observation et sur la clinique, tant que la physiologie 
et la pathologie expérimentales ne seront pas plus 
avancées. 


Fan Rs in eur à 


Il examine les rapports de la thérapeutique avec la 
bactériologie et critique, avec raison, ceux qui s’obsti- 
nent à vouloir tuer des parasites souvent plus résis- 
fants que les organismes qu'ils habitent : il aurait pu 
citer le cas de ce médecin qui avaitentrepris de rendre 
le sang acide pour empêcher le développement des 
sermes de la tuberculose ! 

L'examen des méthodes microbicides directes ou indi- 
recles, de: l'asepsie et de l’antisepsie, et, en un mot, 
de toute la bactériothérapie, occupe une place impor - 
{ante et donne lieu à une analyse critique des plus 
approfondies. 

A propos des alcaloïides végétaux, des ptomaïines et 
des leucomaïnes, l'auteur se livre à des incursions 
très instructives dans le domaine de la physiologie 
des centres nerveux, et montre qu'aucune des acquisi- 
lions nouvelles de la science ne lui est étrangère on 
indifférente. 

La transfusion du sang etses dérivés, tels que le lavage 
interne de l'organisme par la méthode de Dastre et Loye, 
Jui suggèrent des réflexions et des remarques impor- 
tantes, 

L'étude des régimes, si négligée dans la plupart des 
ouvrages de thérapeutique, se montre ici plus déve- 
loppée qu'ailleurs, mais, à notre sens, d'une manière 
encore insuffisante ; pourtant on lira avec intérêt les 
chapitres consacres à la diète carnée, au végélarisme, 
aux diverses cures, au régime antidiabélique, etc. 

Dans certains cas, il est indispensable de fournir à lor- 
wanisme des éléments constituants qui lui font défaut, 
et au sujet des idées de Schultz sur l’importance du 
soufre dans certaines chloro-anémies, M. Soulier rap- 
pelle à propos les recherches de M. Louis Olivier sur le 
rôle respiratoire de ce métalloïde et la théorie du philo- 
thion de M. de Rey-Pailhade. 

Après laydrothérapie, c'est la kinésithérapie qui four- 
nit une étude originale de l'influence de l'exercice et 


des diverses théories contradictoires relatives aux 
rapports de la chaleur et de la contraction muscu- 
laire. 


l'action du froid, de la chaleur, de la 
lumière, Vaéropiézothérapie, la climatothérapie. sont 
trailés d'une manière très pratique. Notons encore 
l'électricité et ses applications : le médecin le moins 
familiarisé avec la physique actuelle pourra très rapi- 
dement se meltre au courant des idées el des procédés 
nouveaux en lisant les quelques pages d’une grande 
clarié consacrées à la technique. 

La médicution antithermique el particulièrement Je 
rôle de l'eau froide dans la méthode balnéaire, si 
bien étudié par Weill, Roque, Tripier et Bouverel, S'y 
lrouvent largement traités. 

La précision, la netteté et l'absence de tout verbiage 
inutile ont permis à l’auteur de réunir, sous un volume 
convenable, une grande quantité de documents dont 
l'assimilation est considérablement facilitée par un 
style élégant, parfois humoristique et souvent relevé 
d'henreuses citations littéraires. 

Nous ne saurions trop féliciter M. Soulier d'avoir 
évilé toute vue d'ensemble systématique et de s'être 
laissé guider plutôt par la méthode naturelle qui con- 
siste à grouper où rapprocher les choses qui offrent le 
plus de points communs ou d'analogies. 

Le nouveau Traité de Thérapeutique et de Pharmaco- 
loqie sera certainement apprécié par tous les praticiens 
soucieux de se rendre compte de ce qu'ils font ou doi- 
vent faire, et dont les connaissances thérapeuliques ne 
se borneront pas à savoir consulter un formulaire de 
poche ou à collectionner des annonces de spécialités 
pharmaceutiques. On ne saurait trop en recommander 
aussi la lecture aux expeclants exclusifs, serviteurs 
infidèles de la « Natura medicalrix », qui dissimulent 
mal leur ignorance sous le mépris qu'ils affichent pour 
les médications empiriques ou rationnelles, dont les 
bons effets ont été prouvés par la clinique. 

Dr Raphaël Dusors, 


Professenr à la Faculté des Sciences de Lyon. 


Le massage, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


5° Sciences diverses. 


Préville (A. de) — Les Sociétés Africaines. Leur 
origine, leur évolution, leur avenir. — Un vol. 
in-8° de 342 p. avec cartes en couleurs dans le texte, 
(Priæ : 6 fr.) Firmin-Didot et Cie, Paris, 1895. 


M. de Préville expose lui-même de la facon suivante 


l'intention qu'il a eue en écrivant cel ouvrase sur les 


Sociétés africaines : « Je me suis proposé comme ob- 
jectif spécial d'examiner, dans leur constitution essen- 
lielle et dans les modifications qui naissent de leur 
contact réciproque, les diverses formes de société sous 


lesquelles se trouvent groupés les habitants du conti 
nent africain, » 


La première « zone sociale » qu'étudie l'auteur, est. 


celle des déserts du Nord. Il y distingue « quaire ré>= 


sions : celle des pasteurs cavaliers, celle des chame- 
liers, celle des chevriers et celle des vachers ». Un 


paragraphe est réservé aux habitants sédentaires des 


oasis. : 

La seconde zone examinée est celle des montagnes 
de l'est, la troisième celle des déserts du sud. Le 
quatrième chapitre est consacré aux Boers de l'Afrique 
australe, le cinquième à la zone équatoriale, le sixième 
à la région du dourah et des pasteurs du Nil Blanc, 
L'auteur termine par la recherche de l'origine des 
races africaines, et des condilions de régénération 
sociale de la race noire. 

Telles sont les grandes lignes de cel ouvrage. 

On ne peut qu'applaudir au. dessein de M. de Pré- 
ville. Réunir les innombrables détails rapportés par 
les explorateurs sur la vie sociale des peuples africains, 
depuis quatre-vingts ans, et en former une vaste syn- 
thèse, voilà certes une entreprise digne d’encoura- 
gement, On sait que c’élait le projet de Robert Hart- 
mann, et qu'il l'a partiellement exécuté en publiant 
le premier volume de Die Nigrilier. Mais ce premier 
volume date de 4879; le second est attendu en vain, 
depuis seize ans, et le sera vraisemblablement toujours. 
Nous éprouverions donc une certaine satisfaction à voir 
la science française aboutir, là où la science germa- 
nique, d'habitude si pleine de confiance en elle-même, 
hésite ou même se montre impuissante, Mais nous ne 
sommes pas certain que les études antérieures de 
M. de Préville l’aient suffisamment préparé à la tâche 
immense qu'il a entreprise. On est quelque peu étonné 
de ne pas le voir faire meilleur usage des observations 
des grands voyageurs qui ont parcouru l’Afrig”.… uepuis 
quarante ans, Pourquoi ne s’estil pas davantage 
servi des relations de Barth et de Nachtigal, de Rohlfs 
et de Wissmana? Comment n’a-til pas tiré meilleur 
parti dans son premier chapitre des travaux d’'Henry 
Duveyrier? 

Cet ouvrage ne nous parait donc pas suffisamment 
documenté, et, d’un mot, l’exécution ne répond pas 
aux intentions de l’auteur, qui, nous le répétons, 
étaient excellentes. HD: 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand tn-5° colombier, avec nombreuses 

figures intercalées dans le texte el planches en cou- 
leurs. 18° et 519° livraisons. (Prix de chaque livrai- 
son, À fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, vue de Rennes, 

Paris, 1895. 

Les 518° et 319° livraisons renferment des articles 
très intéressants sur le laminage, sur Îles différentes 
sortes de lampes, par M. L. Knab; sur le lancement des 
navires par M. Kerlero du Crano; sur la langue aux 
points de vue anatomique, physiologique et patholo- 
gique, par M.le DFA. Cab; sur l’enseignement des 
langues vivantes, par M. A. Bossert; une monographie 
du département des Landes, due à M. A. M. Berthelot, 
et illustrée d’une magnifique carte en couleurs ; 
la biographie de l'abbé de Lamennais, par Ch. Adam et 
celle du grand géomètre Lamé, par M. L. Sagnet, 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


393 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 18 Mars 1895. 


M. le ministre de l'Instruction publique, des Beaux- 
Arts et des Cultes adresse ampliation du décret par 
lequel le Président de la République approuve l’élec- 
tion de M. Weierstrass comme Associé étranger. — 
M. Adolphe Carnot est élu Membre libre en rempla- 
cement de feu M. de Lesseps. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. O. Callandreau a 
continué l’étude du problème des lacunes dans la zone 
des petites planètes d’après les méthodes exposées 
antérieurement; il donne les résultats des calculs 
poussés jusqu'aux termes du troisième degré et en te- 
nant compte du carré de la petite quantité n —2n,. — 
M. Darboux présente une réimpression fac-similé de 
l'ouvrage de Néper : Mirifici logarithmorum canonis 
construclio et eorum ad naturales ipsorum numeros 
habitudines. — M. F. Gonessiat à continué ses re- 
cherches sur le déplacement du pôle ; de l’ensemble de 
ses observations, poursuivies pendant dix années, l’au- 
teur conclut que la correction de la latitude se com- 
pose d’un premier terme indépendant de l’oscillation 
annuelle, et de deux autres termes dépendant de deux 
périodes nouvelles : l’une de 650 à 660 jours, l’autre de 
9 à 10 ans. — M. A.-J. Stodolkievitz montre que les 
coefficients X doivent satisfaire à certaines conditions 
d’inlégrabilité dont la forme est autre que celle des 
conditions connues dans le cas où le système donné 
des équalions différentielles : 


dirty = Xrs dei + Xr2 die + Xys des + Xrs dry, 
équivaut au système relatif: 
dtrzs = Ar1 d®, + Aro das 


M M9), (04 2 6,» — 14,9, ... n —4). 

— M. Paul Païinlevé donne une définition générale du 
frottement, d’après laquelle le théorème de Gauss sur 
l'écart prend la forme suivante : Pour que l'écart d’un 
système soit constamment minimum, il faut et il suffit 
que le système soit sans frottement. — M, Le Roy 
expose des considérations mathématiques qui per- 
mettent de résoudre, avec une entière rigueur, le pro- 
blème du refroidissement d’un corps solide parrayon- 
nement, c'est-à-dire trouver une fonction continue 


V (&, y, z, t) jouissant des propriétés suivantes : 
M= g (5 y 2) 


pour { — 0. Les résultats précédents s'étendent au cas 
où il y a des sources de chaleur intérieures au corps, 
où le pouvoir émissif n’est pas le même en tous les 
points de la surface, où le milieu ambiant n'est pas à 
une température uniforme, enfin où la conductibilité 
varie avec la température. 

29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Moreau déduit de la 
théorie de l'absorption de la lumière dans les cristaux 
uniaxes les conclusions suivantes : 1° L’onde ordinaire 
qui vibre perpendiculairement à l'axe a un coefficient 
d'absorption constant, et la réfraction de l’onde n’est 
pas sensiblement modifiée par l'absorption quand le 
cristal est peu absorbant. 2° L’onde extraordinaire sera 
absorbée suivant une seule exponentielle et le coefficient 
d’absorplion variera avec l’inclinaison de l'onde sur 
l'axe du cristal. 3° Les formules obtenues représentent 
bien les résultats obtenus par M. Camichel dans l’é- 
tude de l'absorption de plusieurs variétés de tourma- 


line, — M, Jules Andrade reprend la question de la 
discontinuité de la couche électrique ; il établit l’exis- 
tence de cette discontinuité par une démonstration 
rigoureuse. La raison analytique de cette disconti- 
nuité de la force est de même nature que celle que la 
Géométrie indique dans le cas d’une densité À cons- 
tante. — M. Edm. Fouché expose un appareil imitant 
les mouvements exécutés par certains animaux pour se 
retourner sur eux-mêmes, sans appuis extérieurs ; 
abandonné à lui-même, il exécute certains mouve- 
ments et change en même temps son orientation de 
près de 1809. — M. Ch. V. Zenger montre qu’en com- 
binant deux miroirs de même rayon de courbure, et en 
disposant les surfaces symétriques de manière que le 
miroir convexe soit placé au milieu de la distance 
du grand miroir concave et de son foyer, il est pos- 
sible de diminuer l’aberration sphérique au point que 
les images soient absolument exemptes de toute aber- 
ration de forme, — M. Lucien Poincaré établit qu'en 
combinant le mercure avec les sels alcalins des ha- 
loïdes, et particulièrement avec l’iodure de sodium, on 
constitue des piles secondaires liquides où les deux 
électrodes restent, après la charge, entièrement métal- 
liques, le sodium se combinant avec le mercure pour 
former un amalgame. Ces piles fournissent un nouvel 
exemple de la possibilité de remplacer, en principe, les 
accumulateurs à plomb par d’autres combinaisons. — 
M. Bernard Brunhes a étudié l’effet d’une force élec- 
tromotrice alternative sur l’électromètre capillaire et 
reconnu que l’électromètre se comporte de la même 
facon vis-à-vis d’une force électromotrice constante ou 
d’une force électromotrice alternative, à partir de la 
position du maximum de la constante capillaire. L'ex- 
périence s’interprète simplement comme par compa- 
raison avec la charge d’un électromètre idiostatique 
pour une force électromotrice alternative. — M. Désiré 
Korda s’est demandé si, lors de la réduction des 
oxydes métalliques par le charbon, une partie de l’é- 
nergie chimique mise en jeu ne se manifeste pas aussi 
sous forme d'énergie électrique. Les bioxydes de 
baryum et de cuivre donnent nettement une force élec- 
tromotrice, une fois arrivés à une température élevée, 
l’un directement avec le charbon, l'autre indirecte- 
ment, c’est-à-dire par interposition d’un carbonate 
alcalin en fusion. — M. Baux adresse une note rela- 
tive aux procédés employés pour essayer les robinets. 
— M. J. Thoulet signale l'application de la photo- 
graphie à la détermination exacte du plan de certains 
bains de sable dont la positionet les contours varient 
fréquemment et dont le levé est rendu ainsi à peu près 
impossible. La connaissance du plan exact à des 
époques et dans des conditions déterminées rendrait 
service à la navigation. — M. Berthelot développe ses 
expériences d'essais pour faire entrer l’argon en com- 
binaison, Sur 100 volumes du nouveau gaz, 83 ont été 
condensés successivement à l’état de combinaison chi- 
mique, produite sous l'influence de l’effluve, en pré- 
sence de la vapeur de benzine, — MM. Paul Sabatier 
et J.-B. Lenderens ont étudié l’action de l’oxyde 
azoteux sur les métaux et sur les oxydes métalliques ; 
les oxydations réalisées par l’oxyde azoteux diffèrent 
peu de celles que donne l’oxyde azotique étudié de 
même au-dessous de 500. — M. Raoul Varet à déter- 
miné la chaleur dégagée dans la combinaison du mer- 
cure avec les éléments chlore, brome, iode et oxygène; 
les nombres obtenus sont très voisins de ceux obtenus 
par M. Nernst dans des conditions différentes. Le 
même auteur a reconnu que la transformation de 
l’'oxyde jaune de mercure en oxyde rouge ne donne 


394 


lieu à aucun effet thermique sensible, tandis que celle 
des iodures dégage 3cal. — M. H. Le Châtelier a dé- 
terminé la chaleur de formation de quelques oxydes 
calcinés insolubles dans les acides, en les faisantentrer, 
au moyen de la bombe calorimétrique, dans certaines 
réactions vives donnant un état final bien déterminé; il 
a opéré sur le protoxyde, le sesquioxyde, le carbonate 
et le silicate de fer, — M. Paul Rivals donne l'étude 
thermique des aldéhydes chlorés, l’aldéhyde mono- 
chloré et l’aldéhyde trichloré ou chloral; il compare 
leur chaleur de formation et leur chaleur de substitu- 
tion à celles des chlorures d'acides chlorés isomères. 
Le même auteur a trouvé que la transformation de 
l’aldéhyde monochloré en son polymère cristallisé 
correspond à un phénomène thermique de 4414, — 
M. G. Denigès signale une combinaison du sulfate de 
mercure et du thiophène dont la facilité de formation 
et l'insolubilité rendent l’emploi très précieux, non 
seulement pour déceler des traces de thiophène, mais 
encore pour doser et extraire ce dernier dans les ben- 
zènes commerciaux. — M, G. Tanret, à propos de son 
étude des éthers acétiques des sucres, fait quelques 
remarques sur l’état des corps primitivement cristal- 
lisés que la fusion a rendus amorphes ; il fait observer 
que le passage de l’état amorphe à l'état cristallisé se 
fait avec un dégagement de chaleur très notable, l'état 
cristallisé correspondant au système le plus stable, 
— MM. Ph.-A, Guye et Ch. Jordan ont entrepris l'é- 
tude des principaux éthers actifs de l’acide oxybuty- 
rique actif; leur pureté à été constatée par l'égalité 
des valeurs observées et calculées de la réfraction mo- 
léculaire, qui donne une précision du même ordre que 
l'étude analytique. Les pouvoirs rotatoires dans la 
série passent par un maximum, conformément aux 
prévisions de la théorie. C. MATIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES, — M. Dastre présente un 
mémoire sur les transformations de la fibrine par 
l’action prolongée des dissolutions salines faibles, Cette 
substance albuminoïde se conduit envers ces disso- 
lutions faibles comme envers les solutions concentrées, 
c’est-à-dire qu'elle se délile, se résout en poussière et 
se dissout partiellement si l’on a éloigné tout micro- 
organisme, On trouve dans la solution une fibro-albu- 
mine «, analogue au fibrinogène coagulable vers 55°; 
une fibro-globuline $, analogue à la sérum-globuline 
coagulable au-dessus de 75°; enfin des propeptones, des 
propeptoses et des traces de peptones, — M. Müntz, 
dans une note sur les rapports qui existent entre la pro- 
duction du vin et l’utilisation des principes fertilisants 
par la vigne, montre à quel point les exigences de ce 
végétal sont indépendantes de la quantité de vendange. 
— M. Balland compare quelques procédés de décorti- 
cation des blés, — M. Tissot, continuant ses recherches 
sur l’acide carbonique dégagé par les muscles isolés 
du corps, démontre que cet acide provient de deux 
sources : 1° d’un phénomène physique : dégagement de 
l’acide carbonique préformé, contenu dans le muscle 
à l’état de dissolution ou de combinaison très instable ; 
2° d'un phénomène physiologique : produ:tion de CO? 
sous l'influence de l'activité vitale du muscle, — 
MM. Apostoli et Berlioz fournissent les résultats d'un 
an de recherches sur l’action thérapeutique des cou- 
rants alternatifs à haute fréquence (auto-conduction de 
M. d’Arsonval), leur influence sur l’état sénéral et dans 
les manifestations pathologiques les plus diverses. 
Pour cela, les malades soumis à ce traitement étaient 
placés chaque jour, pendant 15 ou 20 minutes, dans le 
grand solénoïde de M, d’Arsonval. Les effets ont été nuls 
chez certaines hystériques et dans plusieurs cas de 
névralgies localisées; par contre, les arthritiques, les 
goutteux, les rhumatisants, les glycosuriques, etc., ont 
retiré de ce traitement un réel bénéfice. L'état général 
de ces malades s'améliore dès les premières séances 
par la restauration des forces, le réveil de l'appétit, le 
retour du sommeil, etc.; puis, les troubles locaux, dou- 
loureux ou trophiques, s’'amoindrissent, et enfin, paral- 
lèlement à cette amélioration symptomatique, la diu- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


rèse devient plus satisfaisante, Les combustions aug- 
mentent : car, à lanalyse, le- rapport entre l'acide 


urique et l'urée se rapproche du rapport moyen _. Les 


auteurs ont, de plus, constaté une diminution considé- 


rable de sucre chez trois diabétiques également soumis 


à ce seul traitement, Comme on le voit, ces courants 
ont doncsurtoutune influence puissante surles troubles 
fonctionnels provoqués par un ralentissement ou une 
perversion de la nutrition, — M. M. Léger continue 
ses recherches histologiques sur le développement des 
Mucorinées et trouve une structure commune à un 
certain nombre de genres, mais variable avec l’âge de 


ces Champignons. — M. Traverso fait la description 
géologique de l’Ossola (Alpes Lépontines). 
J. MARTIN. 


Séance du 25 Mars 1895. 


M. le ministre de l’Instruction publique adresse am- 
pliation du décret par lequel M. le Président de la Répu- 
blique approuve l'élection de M. A. Carnot comme 
Membre libre en remplacement de feu M. de Lesseps,. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Baïillaud et Ros- 
sard adressent leurs observations de la planète BV 
(Charlois), faites au grand télescope de l'observatoire 
de Toulouse, — M, H. Petit communique les observa- 
tions de la planète BT (M. Wolf, 16 mars 1895) faites à 
l'observatoire de Besancon (équatorial droit), — 
M. Emile Picard établit le théorème suivant sur la 
théorie des surfaces et des groupes algébriques. Lors- 
qu'une surface algébrique dans un espace à n dimen- 
Sions : 

SCA EAN 000 0) = 
admet un groupe G continu et fini de transformations 
birationnelles, si le groupe G est à » paramètres, on 
peut s'arranger de manière que les coefficients des 
fonctions rationnelles des æ qui donnent le groupe, 
soient des fonctions uniformes des > paramètres 
s’exprimant au moyen des transcendantes de la théorie 
des fonctions abéliennes ou de leurs dégénérescences. 
-- M. A. Mannheim énonce une propriété générale des 
axoides : Les développées successives d’un axoïde sont 
des axoïdes par rapport àdes courbes engendrées de la 
même manière. — M, Thomas Craig généralise une 
formule établie par M. Darboux. — M. Wladimir 
de Tannenberg indique une classe assez étendue de 
systèmes d'équations aux dérivées partielles, pour la- 
quelle le problème de l'intégration comporte une sim- 
plification. — M. Emile Borel énonce le théorème 
suivant: Elant donnée une équation linéaire aux déri- 
vées partielles à coefficients analytiques, toute intégrale 
analytique de cette équation est donnée par la formule : 


2 
EN | 18 (DL 
0 


où æ,, æ&,... æ* sont les variables ; 6 une intégrale par- 
ticulière dépendant de n + 2 constantes &, &, ..., 
An, , &; / (x) une fonction réelle arbitraire de la va- 
riable réelle 4. — M, Chapel établit des équations du 
mouvement des projectiles dans l'air en tenant compte 
de la loi de la résistance-de l’air, vérifiée expérimentale: 
ment entre 300 et 1100 m; ces équations donnent la s0- 
lution complète du problème pour le tir de plein fouet. 
— M. Alfred Grandidier offre la feuille Nord de la carte 


de la province centrale de Madagascar : l'Ime- 


Los 1 CC Qose.; Gn sn LR) 


à 20,000 
rina, 

29 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Delaurier adresse une 
note ayant pour titre : Indication d’un procédé facile 
pour faire le vide parfait, même dans un très grand 
récipient, sans aucun mécanisme, — M. Berthelot 
annonce que M. Ramsay a découvert l’argon dans un 
minéral naturel, la clévite ou clévéite, à côté de l'hélium, 
élément hypothétique contenu dans le Soleil. — 
M. Berthelot signale une fluorescence magnilique, jaune 
verdâtre, produite dans une de ses expériences sur l’ar- 


. 
‘s 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 353 


RE —"—"—"———"———— ——"———""———"—"—"—— — —————…— — 


gon ; cettefluorescence, étudiée au spectroscope, porte à 
regarder l’aurore boréale comme produite par un dérivé 
fluorescent de l’argon ou de ses congénères. — 
M. Schutzenberger a effectué des recherches sur les 
métaux de la cérite dans le but de préciser les poids 
atomiques de ces métaux. Les méthodes fondées sur la 
transformation du sulfate en bioxyde ou inversement 
. sur la conversion du bioxyde en sulfate, manquent de 
base fixe. — M. Dubois a appliqué à la magnésie et à 
la glucine la méthode qui, avec l’alumine, lui avait 
donné la cryolithe potassique et la leucite; il a pu 
ainsi obtenir des fluorures doubles de magnésium et 
de potassium, ainsi qu'un silicate de magnésie et de 
-potasse bien cristallisés. — M. Léon Pigeon indique 
un nouveau mode de préparation commode de l'acide 
chloroplatineux et de ses sels : il consiste à réduire l’a- 
cide chloroplatinique par la quantité calculée de dithio- 
nate de baryte cristallisé ; la réaction se passe suivant 
l'équation : 
PICISBa + S205Ba + 2H20 — PICUH? + 2HCI + 2S0Ba. 


— M. de Forcrand a déterminé la chaleur de formation 
de l’acétylure de calcium en se basant sur sa décom- 
position par les acides; ilest formé, comme l’acétylène 
lui-même, avec absorption de chaleur à partir de ses 
éléments. — MM. J. Ville et Ch. Astre ont étudié 
Vaction de l’acide o.-aminobenzoïque sur la beuzoqui- 
none. Cet amine-acide se comporte à la facon des 
amines primaires à fonctions simples et présente cer- 
taines propriétés communes avec les diacétones — 
M. E. Petit a suivi les variations des matières sucrées 
pendant la germination de l'orge. La proportion de 
sucre réducteur augmente constamment jusqu’au neu- 
vième jour; l'accroissement est maximum du deuxième 
au troisième jour. Le saccharose augmente aussi d’une 
facon continue, mais avec une période d’accroissement 
très lent du troisième au sixième jour. il y a une rela- 
tion entre les quantités de sucre réducteur et de sac- 
charose existant dans l’orge pendant la germination. 
— MM. F. Bordas et Ch. Girard recommandent l’em- 
ploi du permanganate de chaux dans l’épuration 
chimique des eaux ; l’eau traitée par ce corps ne con- 
tient plus de matières organiques et se trouve privée de 
tous microorganismes; elle ne contient que de faibles 
quantités de carbonate de chaux et des traces d’eau 
oxygénée qui continue à assurer l’asepsie du liquide. 
C. MATIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Kunckel d'Herculais 
adresse un mémoire intitulé : « Recherches sur la 
structure intime des organes tactiles chez les Insectes 
diptères; différenciation de ces organes en vue de la 
gestation, » — MM. Berthault et Crochetelle ont exa- 
miné un blé provenant d'un terrain salé en Algérie. 
Les sels, en pénétrant dans la plante, provoquent un 
ralentissement de l’activité végétale; puis les très 
fortes chaleurs amènent le dépérissement. — M. E. 
Olivier conteste l'opinion de M. Guebhard sur la for- 
mation des frondes anormales des fougères. — 
MM. Van der Stricht et Walton ont pu étudier l’ori- 
gine et la division des noyaux bourgeonnants des 
cellules géantes sarcomateuses. J. MARTIN. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séunce du 19 Mars 1895. 


M. Le Dentu lil un rapport sur deux communications 
de M. le D° Duret (de Lille), la première relative à la 
gastropexie, la seconde à la néphrolithotomie et à la 
néphrectomie dans les calculs ramifiés du rein. — 
M.P. Cazeneuve décrit un nouvel appareil permettant 
de stériliser le lait à la température de l’eau bouillante 
et d'assurer sa conservation indéfinie, — M. Magitot 
émet le vœu que l’Académie désigne une Commission 
chargée de rechercher les voies et moyens capables de 
conjurer ou d’atténuer les dangers du phosphorisme 
chez les ouvriers des fabriques d’allumettes. — A pro- 


sume ses recherches sur la nécrose phosphorée, — 
M. Colin lit un travail sur la pathogénie du coup de 
chaleur. Il établit que le moyen par lequel l'organisme 
se débarrasse de l'excédent de calorique venant de 
l'exercice ou d’une source extérieure est la double 
transpiration. Pour combattre l’hyperthermie, il im- 
porte donc de favoriser la transpiration. 

Séance du 26 Mars 1895. 

L'Académie procède à l'élection de deux correspon- 
dants étrangers dans la Il° Division (Chirurgie). MM. Mo- 
risani (de Naples) et Julliard (de Genève) sont élus. 
— M. Lagneaulit unrapport sur un mémoire du D° J. 
Bertillon, relatif au surpeuplement des habitations et 
à son influence sur la validité et la mortalité. — 
MM. G. Linossier et G. Roques font une communica- 
tion sur la glycosurie alimentaire; ils concluent que 
l’on doit se montrer très réservé dans l'interprétation 
de ce symptôme, car ils l’ont observé chez des gens très 
bien portants, 

Séance du 2 Avril 1895. 

L'Académie procède à l'élection d’un Correspondant 
national dans la IV® Division (Physique et Chimie mé- 
dicales, Pharmacie), M. Bleicher (de Nancy) est élu. — 
— M. P. Berger fait un rapport sur un cas d’épispa- 
dias complet, opéré et guéri par le D° Pozzi, au moyen 
de la méthode de Thiersch ; il avaitété traité auparavant 
par un autre chirurgien au moyen du procédé de Du- 
play, mais le résultat fut nul. — M. Laborde fait un 
rapport sur un mémoire du D° Camus, relatif à un cas 
de goître suffocant, avec dyspnée paroxystique et mort 
apparente, guéri par les tractions rythmées de la 
langue. — M. Péan fait une communication sur un Cas 
d'hermaphrodisme; il s’agit d’un enfant dont on ne 
put déterminer définitivement le sexe qu'après avoir 
ouvert l'abdomen et recherché les organes génitaux au 
dedans. — M. Le Dentu fait une communication sur 
l’ostéotomie du maxillaire supérieur, qui, combinée 
avec la section de la cloison nasale, peut servir de 
temps préliminaire à certaines uranostaphyloraphies. 
— M. H. Leloir fait connaître un certain nombre d’af- 
fections cutanées peu connues qui se produisent à la 
suite de l’influenza. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 16 Mars 1895. 


M. Déjerine rapporte deux cas d’atrophie muscu- 
laire progressive par polyomyélite chronique. — 
MM. d’Arsonval et Charrin ont étudié les effets d’un 
mélange de 96°/, d'acide sulfureux et de # % d'acide 
carbonique, indiqué par Pictet comme très diffusible ; 
à cause de cette propriété c'est un désinfectant puis- 
sant. — M. Rénon rapporte un cas de tuberculose 
aspergillaire ayant évolué vers la guérison et amené 
la formation de tubercules fibreux.— M.Berdal donne 
une méthode pour la coloration des coupes de la 
moelle. — MM. Apostoli et Berlioz envoient une note 
sur l’aclion thérapeutique des courants de haute fré- 
quence ; ils augmentent l’activité nutritive et doivent 
être employés dans les maladies dites par ralentisse- 
ment de la nutrition. — M. Linossier adresse une 
note sur l’absorption cutanée de l'acide salicylique. — 
M. Féré rapporte un cas de cri réflexe chez un hémi- 
plégique. 

Séance du 23 Mars 1895. 


M. Gley a recherché les modifications de structure 
de glandules thyroïdiennes après l’extirpation de la 
glande thyroïde. — M. L. Meyer montre que les trau- 
matismes influent sur la localisation des substances 
solubles injectées dans l’organisme. — M. Masoin a 
trouvé que l’oxyhémoglobine diminue dans le myxæ- 
dème et se relève après la guérison, sans atteindre 
toutefois la normale. — MM. Langlois et Guilbaud 
ont étudié l’action de l’antipyrine sur les centres ner- 


pos de la communication de M. Magitot, M. Péan ré- { veux; elle agit d’abord et surtout sur les centres 


cérébro-bulbaires et n’atteint la moelle qu’en dernier 
lieu, — M, Tissot établit une double origine au gaz 
carbonique exhalé d'un muscle séparé du corps: déga- 
gement purement physique de gaz préformé, et forma- 
lion due à l'exercice des propriétés physiologiques sur- 
vivantes du muscle. 


Séance du 30 Mars 1895. 


MM. Roger et Charrin ont continué leurs recher- 
ches sur le pouvoir thérapeutique du sérum antistrep- 
tococcique et ont obtenu plusieurs guérisons dans des 
cas de fièvre puerpérale et d’érysipèle. — M. Mar- 
morek a obtenu, par ce même sérum, de nombreuses 
guérisons dans des cas d’ érysipèle. — M. Thiroloix 
communique le résultat de ses expériences sur la sec- 
tion des nerfs du foie chez les animaux normaux ou 
rendus diabéliques par l’extirpation du pancréas. — 
M. Dastre a décelé la présence du glycogène dans la 
lymphe, mais il ne le croit pas à l'état libre. — 
M. Gaube a déterminé les sels minéraux dominant 
d'un certain nombre de ferments albuminoïdes. — 
M. et Mme Déjerine signalentles connexions du noyau 
rouge avec la corticalité cérébrale. — M. Mirallié a 
étudié le mécanisme de |’ agraphie dans l’aphasie mo- 
trice corticale, — M. Marinesco à observé les lésions 
de la moelle épinière à la suite des amputations; il à 
trouvé une hémiatrophie portant sur la substance grise 
et sur la substance blanche du côté de l'amputation, 
— M. Roussy donne quelques indications sur l’action 
d'une diastase qu'il a isolée. 


SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 1° Mars 1895 


M. Amagat poursuit ses études sur la pression inté- 
rieure elle viriel des forces intérieures dans les fluides. 
Il à déjà montré antérieurement que la fonction qui 
représente la pression intérieure dans l'équation gé- 
dp 
CT 
Pour des pressions suffisamment grandes, celte pres- 
sion alleint un maximum positif, puis décroit, et peut 
même, dans le cas de hydrogène, prendre des valeurs 
négalives. L'idée de pressions intérieures négalives a 
paru difficile à admettre, Cependant il n’est nullement 
nécessaire que la pression intérieure soit essentielle- 
ment positive, car, par un pur artifice d’algèbre, on 
peut à volonté faire passer une portion ‘de L'effet 
du covolume dans la pression intérieure et réciproque- 
ment, D'ailleurs, tout ce qui va suivre est indépendant 
de la forme particulière adoptée pour l'équation des 
fluides. On appelle encore pression intérieure une 
autre fonction + telle que W = 3ur, W étant le viriel 
des forces intérieures, défini par Clausius, et qui n’esl 
nul que pour les gaz parfaits. M. Amagat calcule les 
valeurs numériques du viriel pour les principaux gazet 
en déduit les valeurs correspondantes de cette nou- 
velle pression intérieure. Elle suit une marche ana- 
logue à la première, mais prend des valeurs entière- 
ment différentes et devient bien plus rapidement 
négative. Or M. Sarrau à démontré que les fonctions 
r et deviennent égales à condition de supposer que 
le volume des molécules et l'amplitude des mouve- 
ments stationnaires sont petits par rapport aux dis- 
tances des molécules, Il à d’ailleurs prévu que cette 
hypothèse ne doit guère pouvoir être appliquée aux 
fluides, mais qu'elle doit plutôt concerner les solides, 
Les déterminations de M, Amagat démontrent bien que 
la constitution des fluides ne répond nullement à cette 
hypothèse. D'ailleurs, M. Amagat démontre directement 


nérale des fluides doit être de la forme x — 


: rie : dp . 
que, si le coeflicient de pression — est fonction du 


T 
dt 
volume seul, retr sont des fonctions très différentes. 
Il passe ensuile à la représentation graphique du 
viriel, Les valeurs de W se lisent très facilement sur 
les isothermes représentant les produits pv en fonction 
de p, et on obtient de plus le lieu des points qui 


ACADÉMIES ET SOCIETES SAVANTES 


séparent les deux régions où les valeurs du viriel 
sont de signes contraires. Ces considérations mon- 
trent que “les deux fonctions x et x, quoique dis- 
tinctes, devraient cependant s ’annuler en même 
temps. Par suite, l'hypothèse que l'énergie intermo- 
léculaire est fonction de la température seule et qui a 
fourni l'expression de la fonction x; ne peut pas être 
considérée comme suffisamment exacte. L'auteur se 
propose d'entreprendre une nouvelle étude sur ce 
point. — M. Broca éludie la forme des surfaces focales 
dans les systèmes optiques centrés. IL est rare qu'un 
objectif photographique ou de microscope soit au point 
à la fois sur le centre et aux bords, même quand il ne 
présente pas d’astigmatisme. Lorsque, dans un instru- 
ment, l’astigmatisme n’est pas complètement corrigé, il 
est très difficile de définir le plan focal conjugué ‘d’un 
plan perpendiculaire à l'axe; il faut faire intervenir la 
position du diaphragme. Mais la difficulté disparait 
pour Jes points où l’astisgmatisme est nul ou mini- 
mum.M. Broca a fait, il y a plusieurs années, 
étude de la position de ces points, dont le nombre est 
forcément limité. L'étude des propriétés des transfor- 
mées cptiques permet de résoudre le problème proposé. 
M. Broca énonce les propriétés les plus remarquables 
de ces transformées. L'ordre des contacts de deux 
courbes est conservé dans leurs transformées. La 
transformée optique d'un cercle ne dépend nullement 
de la position du centre du cercle sur l’axe. Puis l’au- 
teur établit les conditions pour que la transformée 
optique d’un plan soit un plan. Il à fait construire un 
objectif photographique remplissant ces conditions. Cet 
instrument présente à peine d'astigmatisme aux bords, 
et il est réellement impossible de trouver une diffé- 
rence de mise au point entre le centre et les bords. IL 


justifie donc les calculs théoriques de l’auteur. Cepen- 


dant ilne pourrait être utilisé pratiquemement, car il 
présente une grande distorsionet est très peu lumineux. 
— À propos de la communication précédente, M. Fous- 
sereau expose un point qu'il a été amené à étudier et 
qui l’a conduit à des considérations très ingénieuses 
sur l'explication de la netteté des images rétiennes. Il 
s’est proposé de déterminer, dans le cas des lentilles 
infiniment minces, la forme des surfaces focales cor- 
respondant à un plan. Ce problème correspond au cas 
ordinaire où la partie centrale de la lentille (pour lais- 
ser de côté l’aberration des rayons marginaux) est 
éclairée à la fois par des faisceaux venant des diffé- 
rents points duchamp. L'image d'un pointsecomposant 
de deux droites focales, il existe deux surfaces focales 


-différentes P' et P/ correspondant à une surface donnée 


P. Lorsque P est un plan, P' est une surface de révolu- 
tion du second degré dont la convexité est toujours 
tournée vers le sens de la propagation de la lumière. 
P" a une forme analogue, mais sa courbure est une 


peu moins prononcée. P' et P’ sont d’ailleurs tangentes 


entre elles en un peint S situé sur l'axe principal. Au 
voisinage de S, P° et P" diffèrent assez peu, et on a des 
images assez nettes. M. Foussereau étudie ensuite le 
cas des images virtuelles, et le cas des lentilles diver- 
gentes, Ilse demande ensuite s’il n’y a pas une rela- 
tion entre la forme des surfaces focales et celle de l'é- 
cran rétinien, On sait que la fosse centrale a une cour- 
bure plus prononcée que celle du reste du cristallin. 
La courbure de la fosse centrale ne correspond-elle pas 
justement à la courbure des images données par le 
cristallin? Ainsi s’expliquerait la netteté des images 
percues par l’œil, M. Foussereau signale ensuite les 
Fe relatifs aux miroirs sphériques. L'une des sur- 
faces focales est un plan, et au voisinage du points les 
deux surfaces sont plusécartées que pour une lentille, 
les images sont donc moins nettes. Enfin les résultats 
précédents s'appliquent à l’ensemble d'un nombre 
quelconque de lentilles infiniment minces situées à des 
distances finies, pourvu que le faisceau les traverse 
toutes en leur partie centrale, sinon les phénomènes 
d’aberration de sphéricité viendraient s y ajouter, 
Edgard HAUDIÉ. 


une. 


1 
4 
L 
| 
. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 6 Février 1895. 


M. Delhotel présente un filtre à sable facilement 
nettoyable, permettant, malgré son petit volume, de 
filtrer sous pression de grandes quantités d’eau bour- 
beuse. L’encrassement de la surface du filtre est com- 
battu par un tourbillonnement produit par le courant 
d’eau à filtrer. Avec ce filtre, on a pu clarifier à grand 

. débit des eaux chargées de précipités chimiques très 

. fins. Des eaux difficilement filtrables sont rendues 
limpides grâce à un collage au sulfate d’alumine. L’ap- 
pareil comporte, en outre, un distributeur automa- 
tique des réactifs : sulfate d’alumine, carbonate de 
soude, chlorure de baryum, permettant d'opérer les 
transformations voulues du liquide à filtrer. — M. Ber- 
lemont présente, au nom de M. Etienne, un régulateur 
de température à mercure, automatique, sans mem- 
brane de caoutchouc. Cet appareil donne un écart 
maximum de à degrés pour les hautes températures et 
de 2/10 de degré pour les températures voisines de 30°. 
Il a été, en outre, adressé à la Société un mémoire de 
M. Julliard sur l’acide dioxystéarique et sur la syn- 
thèse de l’huile de ricin, et une note de M. A. Colson 
sur les éthers cyanés et nitriles d'alcool. 


Séance du 8 Février 1895. 


M. Hanriot a préparé, en faisant réagir le chloral, 
en présence d'acide chlorhydrique, sur le xylose et 
sur l’arabinose, des composés correspondants aux pro- 
duits similaires du glucose qu’il a précédemment étu- 
diés. Ces nouveaux dérivés renferment un groupe 
CHOH de moins que leurs homologues. Ils donnent, 
par les mêmes procédés, des éthers acétiques et 
benzoïques. Le prunose de M. Garros paraît fournir un 

. composé différant de l’arabinochloral. Cette formation 
de chloralose permet de reconnaitre facilement une 
quantité très faible d’arabinose, même en présence de 
xylose ou de glucose. — M. V. Thomas à obtenu, par 
action du bioxyde d'azote sec à froid sur le chlorure 
ferrique, une poudre brune répondant à la formule 
2 Fe?Ul5, AzO. À chaud, au-dessus de 40°, la poudre 
obtenue est rouge. Le corps brun donne le corps rouge 
sion élève sa température à 60° dans le bioxyde 
d'azote. En chauffant fortement ces composés, un cou- 
rant de bioxyde les réduit, et on obtient du chlorure 
ferreux. C'est aussi Le résultat trouvé en traitant direc- 
tement le chlorure ferrique par le bioxyde d'azote à 
chaud, — M. Lapicque a essayé de doser le fer de l’u- 
rine humaine, On considérait que ce liquide en ren- 
fermait des quantités très faibles, mais appréciables. 
Si on opère ce dosage par des procédés différents, on 
ne trouve pas de fer appréciable. En additionnant 
l'urine d’une quantité de fer faible mais bien déter- 
minée, M. Lapicque a pu retrouver 90 à 95% du fer 
ajouté. On peut donc conclure que l'urine normale ne 
renferme pas de fer en quantité dosable, — M. Ma- 
quenne a étudié la maturation des betteraves et lac- 
cumulation du sucre dans leurs racines. Si on mesure 
la pression osmotique par l’abaissement du point de 
congélation, on reconnait qu’elle est sensiblement 
la même dans le système aérien et dans le système 
souterrain. Dans ce dernier cas, la pression osmotique 
correspond sensiblement à la quantité de sucre qui se 
trouve dans lesystème. On peut en conclure que, dans 
le suc cellulaire, le sucre est à l’état de liberté et 
non en combinaison avec quelque autre principe im- 
médiat. L’accumulation du sucre dans cette partie de 
la plante parait due à une tendauce à l'équilibre de 
pression osmotique entre Les feuilles et les racines. 


Séance du 22 Février 1895. 
M. Villiers a étudié les différences existant entre 
les sulfures de zinc basique et acide obtenus par pré- 
cipitation, par l'hydrogène sulfuré, d’un zincate alcalin 


ou d'un sel de zinc. Ces produits, chimiquement et 
physiquement différents, n’ont pu être transformés l’un 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


307 


dans l’autre entre 0 et 1007. Certains oxydes et sulfures 
sont ainsi susceptibles de présenter des propriétés dif- 
férentes, variables d’après leur mode de préparation ; 
mais, en général, ces formes sont aisément transfor- 
mables les unes dansles autres. En congelant certaines 
solutions ou plutôt certains corps, M. Villiers a pu 
aussi reproduire des transformations que l’on n'obtient 
généralement que por une élévation de température 
quelquefois considérable. En traitant ainsi le sulfure 
de zinc amorphe, très soluble dans le sulfhydrate de 
sulfure de sodium, on obtient un sulfure insoluble dans 
les mêmes conditions. Le sulfure rose 4e manganèse 
donne un sulfure vert. L’oxyde de cuivre bleu, hydraté 
amorphe et instable, est transformé en oxyde bleu, 
cristallisé, stable. Les sesquioxydes n'ont pas été 
obtenus cristallisés par cette méthode : cependant, l’a- 
lumine ainsi traitée perd sa solubilité dans les acides 
et présente quelques indices de cristallisation, — 
M. Et. Barral, en traitant par le chlore le pentachlo- 
rophénol suspendu en poudre fine dans l'acide chlor- 
hydrique concentré, a obtenu de l'heptachlorophénol 
CSCHO. Ce corps, fusible à 98°en gros prismes opaques 
blancs, se décompose à 130° d’après l'équation : 
CSC HO—HCI+CiCI0, 

en acide chlorhydrique et hexachlorophénol «, qui 
donne à son tour du chlore et du dioxydiphénylène 
d'après l'équation : À Ÿ j 


2C5CI50—C12CIS02+2C12. 


L’hexachlorophénol «x peut aussi s’obtenir en chlorant 
le phénol en présence du perchlorure de fer anhydre 
ou en traitant par le chlore à 90° le pentachlorophé= 
nol tenu en suspension dans l'acide chlorhydrique 
M. Barral dépose, en outre, les mémoires suivants : 
1° Formation d'éthers du pentachlorophénol par action 
des chlorures d'acides sur l’hexachlorophénol en pré- 
sence du chlorure d'aluminium ; 2 Action du chlorure 
d'aluminium sur l’hexachlorophénol; % Sur le parabi- 
chlorure de benzène hexachloré. Constitution de l'hexa- 
chlorophénol et de la quinone. — M. G. Bertrand, en 
opérantà l'abri des micro-organismes, a constaté que la 
laccase, ferment soluble de la sève de l'arbre à laque 
oxyde directement les corps sur lesquels elle agit. fl ÿ 
à dégagement d'acide carbonique dans cette action: ce 
phénomène est surtout très net avec l'acide gallique et 
le tanin. Ces réactions doivent jouer un rôle très im- 
portant dans la respiration végétale, — M. Lindet a 
trouvé dans la pomme à cidre un ferment soluble dont 
les propriétés oxydantes sont identiques’ à celles de la 
laccase. C’est à cette réaction que serait due la colo- 
ration que prennent les pommes broyées, par action du 
ferment sur le tannin du fruit. L'action de la chaleur 
détruit ce ferment, mais on peut foujours obtenir la 
réaction en additionnant aux pommes cuites ou au jus 
bouilli, le précipité obtenu dans un jus frais non 
chauffé et traité par l'alcool. — MM. Brochet et Cam - 
bier décrivent quelques nouveaux dérivés de l’hexamé- 
thylène-amine et les bases résultant de l’action de 
l’aldéhyde formique sur les chlorhydrates d'hydroxy- 
lamine, de méthylamine et d’ammoniaque — M, Mo- 
reigne à reconnu que, dans les dosages d'azote par 
le procédé Kjeldahl, l'emploi du perchlorate de 
potasse pour favoriser l’oxydation donne lieu à une 
perte d'azote. Celte‘perte est proportionnelle à la quan- 
tité d'azote de l’essai, la quantité de perchlorate em- 
ployé restant fixe. Si cette dernière quantité varie, la 
perte est proportionnelle à celte variation jusqu'à une 
certaine limite maxima, elle-même variable d'après la 
richesse en azote de la substance à analyser. Cette perte 
peut atteindre au quart de l'azote total, — M. Rosens- 
tiehl présente une note sur l'instabilité du tétraméthyl- 
diamidodiphénylhydrol, et une notesurla tétraméthyl- 
benzidine, produit de l'oxydation du tétraméthyldiarmi- 
dodiphénylhydrol. — M. Lescœur adresse une note sur 
le dosage volumétrique des métaux, 
E. CHaron. 


308 


CORRESPONDANCE 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 7 Mars 1895. 


M. F. Stanley Kipping a obtenu, en distillant le sel 
de calcium de l'acide «x -ux diméthylpimélique avec 
de la chaux sodée, une huile dont il a pu isoler le 
diméthylkétohexaméthylène à l’état de pureté. En trai- 
tant ce produit par l'hydroxylamine, il a préparé une 
oxime CS H15 Az 0 facilement cristallisable de l’alcool, 
— M. R.T. Plimpton et J. C. Chorley emploient pour 
titrer les solutions d’iode, l’hyposulfite de baryum 
Ba S03H,0, préparé par BaCË et l’hyposulfite de 
soude. —MM. F.Stanley Kipping et William J.Pope 
ont étudié les points d’ébullition des modifications ra- 
cémiques du II monobromocamphre et du II mono- 
chlorocamphre dextrogyres et ont remarqué que ces 
modifications racémiques ont le même point d’ébulli- 
tion que les autres isomères jouissant de l’activité 
optique. — MM. E. Howorth et H. Perkin junior 
F. R.S. ont préparé les éthers phényliques des glycols 
méthyléniques et éthyléniques. L’éther diphénylique 
du glycol méthylénique a été obtenu en faisant 
digérer du chlorure de méthylène dans une solution 
alcoolique de phénate de sodium. Il a pour formule: 
CSH5.0CH2.0.C6H5, L'éther phénylique du glycol éthylé- 
nique C5H°0.CH2.CH20H se forme par l’action de la 
chlorhydrine du glycol sur le phénate de sodium. Les 
mêmes auteurs ont pu réaliser la synthèse de l’x méthyl- 
butyrolactone. En faisant digérer l’éther éthylique du 
méthylmalonate de sodium dansune solution alcoolique 
de l’éther phénylique de la bromhydrine du glycol, ils 
obtiennent le ÿ-phénoxyéthyl-a-méthyl-malonate éthy- 
lique : (COOC:H*}2.C(CH*).CH?.CH2.0.C5H5 qui, par sa- 
ponification, se convertit en acidey-phénoxyéthyl-2-mé- 


thylmalonique :(COOH)2.C{CH:).CH2.CH2.0.C6H5. En trai- 
tant cet acide par l'acide bromhydrique et en faisant 
digérer le produitde la réaction avec du carbonate de so- 
dium, il se forme du phénol et l« méthylbutyrolactone. 
— MM. H. Bentley et W. Burrow ont préparé l'acide 
méthylisobutylacétique : (CH3/?CH.CH?CH)CH3)COOH). 
Ils sont partis du bromure d’isobutyle qu'ils ont 
chauffé avec le dérivé sodique du méthylmalonate 
éthylique ; ils ont obtenu ainsi le méthylisobutylma- 
lonate éthylique : (CHS)?.CH.CH2C(CHS)(COOC?)He)2 qui 
leur à fourni l'acide par saponification. Ils en ont pré- 
paré les dérivés avec l’aniline et la p. toluidine. 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE 
Séance du T Mars 1895. 


419 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M.Wilhelm Wirtinger: 
Théorie des fonctions @. L'auteur montre que les 
propositions relatives à ces fonctions, énoncées récem- 
ment par M. Poincaré, se déduisent comme cas parti- 
culier d'un théorème plus général, — M. Mahler : 
La chronologie des Babyloniens. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. O. Tumlirz : La chaleur de 
solidification des solutions. — M. Weineck envoie une 
nouvelle collection de photographies de la lune, photo- 
graphies qui sont des agrandissements de clichés faits 
à l'Observatoire de Paris en utilisant le nouvel équa- 
torial coudé, — M. Carl Œttinger : Transformation 
du triamidophénol dans le 1, 2, 3,5, phentetrol par 
hydratation; ce produit nouveau donne une combinai- 
son acétylée et un chlorhydrate caractéristiques. 

39 SCIENCES NATURELLES, — M. Gejza v. Bukowski : 
Faune des Mollusques de l'ile de Rhodes (2° article). — 
M. V. Hauer : Sur deux Crustacés peu connus. 


CORRESPONDANCE 


SUR L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE EN FRANCE 


Au sujet de léducation scientifique des chimistes 
qui se destinent à l’industrie, nous indiquions tout 
récemment! que les idées émises ici-même par M. A. 
Haller semblent sur le point de recevoir un commen- 
cement de réalisation, M. Ch. Friedel, membre de 
l'Institut, professeur à la Sorbonne, nous fait remar- 
quer, à ce propos, l'importance des efforts tentés de- 
puis quelques années dans le même but par un groupe 
de chimistes et d'industriels, et nous fait l’honneur de 
nous adresser la lettre suivante, que nous nous em- 
pressons d'insérer : 

L. O. 


« Monsieur le Directeur, 


« Dans la note dont vous accompagnez le très inté- 
ressant et très utile article de M. Haller sur l’enseigne- 
ment chimique à l'étranger (Revue générule des Sciences, 
6° année, n° 5), vous attribuez à votre éminent colla- 
borateur l'initiative « de la campagne de réforme qui 
se prépare en ce moment pour le relèvement de notre 
industrie par la science ». 

«Je ne voudrais diminuer en rien la part qui revient 
à mon savant ami M. Haller dans cette campagne, à la 
fois par la création de l’Institut Chimique de Nancy et 
par les publications clairvoyantes et courageuses qu'il 
a faites depuis l'exposition de Chicago, 

« Mais il pourrait paraître singulier à ceux que ces 
questions imporlantes intéressent que le besoin de 
perfectionner notre outillage scientifique et de le 
mettre davantage au service de l'industrie nationale 
fût resté jusqu'à ce jour inapercu de ceux sur lesquels 
pèse la responsabilité de l’enseignement chimique. 


1 Voir Revue générale des Sciences, 1895, t. VI, page 236. 


«Il n’en est rien: c’est sous l'impression très vive de 
ce qu'il était indispensable de faire que deux chimistes, 
un industriel et un professeur, provoquèrent la création 
de l'École municipale de Physique et de Chimie, qui 
rend de si grands et bons services sous la direction de 
mon cher confrère M. Schützenberger. 

. «Plus tard, lorsque, par suite de circonstances mal- 
heureuses, la chaire de Chimie minérale du Muséum 
d'Histoire naturelle allait être supprimée, plusieurs 
membres de la Section de Chimie de l’Académie des 
Sciences, M. Schützenberger, M. Gautier et le signataire 
de ces lignes firent une démarche auprès du Ministre 
de l’Instruction publique pour obtenir le maintien de 
la chaire, ou tout au moins celui du laboratoire fondé 
par M. Frémy et qui élait à Paris la seule école ouverte 
à tous pour l’enseignement élémentaire de la Chimie. 

Le ministre, — c'était alors M. Léon Bourgeois, — 
frappé des arguments sérieux qui lui furent présentés, 
promit que le laboratoire ne serait fermé que quand il 
aurait été remplacé par un autre. Mais les ministres 
passent et leurs promesses avec eux. Le laboratoire fut 
supprimé, Il n’est pas encore remplacé. 

« Depuis lors, tous les ministres de l’Instruction pu- 
blique ont été saisis de la question et vivement solli- 
cités à la fois par les professeurs de chimie et par les 
industriels. M, Poirrier a posé, il y a deux ans, au Sénat, 
des questions pressantes, sur ce sujet, à M. Dupuy, et 
obtenu de lui les meilleures promesses. 

M. Denys Cochin a si bien plaidé la cause de la 
science à la Chambre qu'il a obtenu d’elle plus que des 
promesses: la preuve d'une grande bonne volonté dans 
des circonstances vraiment difficiles. 

Un deuxième vote de la Chambre semble avoir rendu 
momentanément stérile le premier; mais la question 
est posée; elle devra maintenant être résolue. Il ne 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 


faut pas que l'on puisse dire, alors qu’il se crée partout 
des laboratoires nouveaux, qu’à Paris on détruit ceux 
qui avaient été organisés à grand’peine. Il importe de 
rouvrir ceux-ci en les mettant dans les meilleurs con- 
ditions possibles et en leur donnant le développement 
nécessité par les besoins actuels à la fois de l’ensei- 
gnement scientifique et de l’enseignement industriel, 
ont les éléments se confondent,. 

« Vous voyez, Monsieur le Directeur, que l’état actuel 
de l’enseignement pratique élémentaire de la Chimie 
est un sujet de préoccupation depuis des années pour 


les intéressés, savants ou industriels. J'aurais pu citer 
encore la Chambre syndicale des Produits chimiques 
et la Société Chimique qui y ont cherché des remèdes, 
stimulées par M. Adrian, vice-président de l’une et 
président de l’autre. 

« Les articles de M. Haller sont venus ajouter des ar- 
guments plus précis et plus pressants à ce qui avait été 
dit dans le même sens. On ne peut que lui en être très 
reconnaissant. 

« Veuillez agréer, etc. Ch. FRIEDEL, 

de l'Institut. 


La nouvelle de la mort du marquis de Saporta a été 
douloureusement ressentie par tous ceux qui s’intéres- 
sent aux sciences naturelles : son nom était, en effet, 
connu de tous, en raison de la haute portée de ses tra- 
vaux, qui, bien que très spécialisés dans leur objet, 
s’élevaient aux questions les plus hautes, aux plus 
grands problèmes de l'histoire de la vie à la surface du 
globe. Loin de se confiner dans une sèche observation 
des faits, il s'était efforcé de les interpréter, de saisir 
les liens qui les rattachent les uns aux autres, et, 
“frappé des rapports qu'il constatait entre les types de 
plantes observés par lui à l’état fossile et ceux qui 
vivent aujourd'hui, il s'était fait, en ce qui concerne le 
monde végétal, le champion résolu des doctrines évo- 
lutionnistes. A plusieurs reprises, soit dans des ou- 
vrages de vulgarisation, soit dans des articles publiés 
dans les revues les plus répandues, il avait exposé ces 
doctrines, et s'était attaché à faire ressortir les enchai- 
nements qu’il avait reconnus entre les flores anciennes 
et la flore actuelle, à montrer par quelles séries de 
transformations s'était constituée cetie dernière. La 
peine qu'il avait prise ainsi pour faire connaître à tous 
les esprits cultivés cette partie de l’histoire de la Terre 
. n'était pas demeurée stérile, et ses lecteurs avaient 
apprécié la forme élégante et facile sous laquelle il sa- 
yait présenter, de manière à les rendre accessibles à 
tous, des connaissances aussi spéciales. 

Ce précieux talent d'exposition, M. de Saporta l'avait 
appliqué tout d’abord à des travaux delittérature et d’his- 
toire, qui l’avaientseuls occupé jusqu’au delà de sa tren- 
tième année, car il n'avait pas trouvé tout de suite la voie 
dans laquelle son om devait briller d’un si vif éclat, 

Né à S'-Zacharie (Var)le 28 juillet 1823, Louis-Char!es- 
Joseph-Gaston de Saporta avait vu dans sa jeunesse son 
père, et surtout son aïeul maternel, Boyer de Fonsco- 
lombe, s’occuper de sérieuses études d’entomologie; ce 
dernier notamment a laissé un nom bien connu dans 
cette branche des sciences naturelles, Toutefois, si 
de Saporta avait puisé auprès d’eux le germe des 
goûts qui devaient plus tard l’entraiîner vers la bota- 
nique fossile, il n’en avait pas eu conscience et ce 
germe était resté latent. Une impulsion fortuite devait 
suffire à son développement. Frappé de la ressem- 
blance avec certains végétaux vivants d'empreintes de 
Conifères et de Nymphéacées, les unes d’Aix, les autres 
de Manosque, qui étaient arrivées entre ses mains, il 
se mit en rapport avec Ad. Brongniart, pour lui signa- 
ler ces empreintes et lui offrir de se livrer sur ces gise- 
ments à des récoltes suivies, afin de lui envoyer les 
échantillons qu'il pourrait trouver. L’illustre fonda- 
teur de la paléontologie végétale, frappé de la sagacité 
des remarques qui lui étaient soumises, s’empressa 
d'encourager son correspondant à entreprendre l’ex- 
ploration des riches gisements qu'il avait à sa portée, 
mais le poussa à en étudier lui-même la flore, en lui 
promettant l’aide de ses conseils. La tâche n’était 
certes pas sans attraits, mais elle était singulièrement 
—ardue et la voie à parcourir était loin d'être frayée 

…. les premiers jalons de l'étude des Dicotylédones fossiles 
| | venaient à peine d’être posés en Autriche par Unger et 


j six Ml 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 


LE MARQUIS DE SAPORTA 


par M. C. d’Ettingshausen, Heer commençait seule- 
ment ses travaux sur la flore tertiaire de la Suisse, et 
pour la France le terrain était absolument vierge : car 
Ad. Brongniart n'avait guère touché aux plantes de 
l’époque tertiaire et semblait avoir reculé devant la 
masse rapidement croissante des documents, d’uneinter- 
prétation particulièrement délicate, fournis par les ter- 
rains récents. Plus d’un eût hésité à se lancer à la 
conquête d’un domaine aussi vaste et d’abord aussi 
difficile ; mais de Saporta avait le tempérament 
enthousiaste et résoiu du pionnier, il comptait sur 
appui qui lui était promis, et, libre de toute entrave, 
il n'avait pas à craindre de se voir détourné de son 
chemin. Tout autour de lui, à peu de distance des trois 
lieux de résidence, Aix, Saint-Zacharie, Fonscolombe, 
entre lesquels se partageait sa vie, se trouvaient 
répartis des dépôts appartenant à toute une série de 
niveaux successifs, à l’'éocène supérieur, à l’oligocène, 
au miocène, au quaternaire, qui devaient lui fournir 
les plus riches éléments d'étude : il se mit aussitôt à 
l'œuvre et se consacra dès lors tout entier à la paléon- 
tologie végétale, 

Au bout d’un très petit nombre d’années, il avait 
recueilli une quantité considérable d'échantillons, et il 
en avait, grâce à de patientes recherches comparatives, 
mené l'étude à bonne fin. Dès 1860, il faisait connaître 
les premiers résultats de ses recherches dans une 
courte note, à laquelle succédait l’année suivante un 
exposé méthodique, plus développé, de la constitution 
de la flore de chacun des niveaux qu'il avait explorés. 

En 1862, il commencait la publication de ses admi- 
rables Etudes sur la végétation du Sud-Est de la France 
à l’époque tertiaire, et depuis ce moment pas une année 
ne s’est écoulée qu'il n'ait marquée par de nouveaux 
travaux, par de nouvelles découvertes, s’attachant à 
perfectionner sans cesse son œuvre, n’hésitant jamais 
à signaler et à rectifier les quelques erreurs inévitables 
qu'il avait pu commettre dans un premier examen de 
matériaux encore incomplets. De ces flores tertiaires 
qu'il avait tout d’abord étudiées, il en est deux dont il 
a toujours continué à s'occuper avec une prédilection 
toute particulière, à savoir la flore éocène supérieure 
d'Aix, et la flore aquitanienne de Manosque. Grâce à 
lui, la flore d’Aix est aujourd’hui la mieux connue de 
toutes les flores fossiles spéciales à une localité unique, 
et l’étude approfondie qu'il en a faite l’a amené, entre 
autres résultats intéressants, à faire justice des inter- 
prétations trop hâtives qui avaient fait croire à la pré- 
dominance des types australiens dans la flore éocène 
européenne. Il a montré, d'autre part, comment, de 
cette flore des gypses d'Aix, on est passé peu à peu, 
par élimination de certains types tropicaux, à la flore 
oligocène, en particulier à la flore aquitanienne telle 
qu’on l’observe à Manosque, et il a fait voir que cer- 
taines espèces de cette dernière, directement dérivées 
d'espèces éocènes reconnues à Aix, représentent mani- 
festement la souche d'espèces vivant encore aujour- 
d’hui dans la même région. 

Remontantà l’origine de lasérie tertiaire, ila étudié de 
même la flore fossile de Sézanne, et, avec la collaboration 


260 


de M. Marion.celle de Gelinden, il a pu constater l’exis- 
tence, dans les dépôts paléocènes, de bon nombre des 
types habituels des couches tertiaires plus récentes. 

Il a suivi ainsi de proche en proche les transforma- 
tions de la flore depuis le début jusqu'à la fin de 
Pépoque tertiaire, où l’élude des tufs de Meximieux et 
des cinérites du Cantal lui a permis de reconnaitre les 
différences que présentait alors la flore de nos pays 
suivant l'altitude et l'exposition, les types subtropicaux 
occupant les stations les moins élevées, tandis que sur 
les montagnes vivait une flore de Conifères et d'arbres 
feuillus voisine, à beaucoup d'égards, de celle qu'on 
observe aujourd'hui sur les mêmes points. 

Avec ses recherches sur la flore quaternaire, de 
Saporta a complété de la facon la plus heureuse cette 
histoire si intéressante des modifications graduelles par 
lesquelles a passé le monde végétal, ainsi que des con- 
ditions climatériques qui ont présidé aux phases suc- 
cessives de son évolution. 

Cette élude des flores tertiaire et quaternaire 
semblerait, tant les matériaux en sont nombreux et 
tant elle a élé féconde en résultats, avoir dû occuper la 
vie entière de son auteur; elle a été loin cependant de 
suffire à son activité, et à peine avait-il terminé la 
troisième partie de ses Etudes, que, tout en préparant 
déjà la revision, sur de nouvelles séries d'échantillons, 
de la flore d'Aix, il entreprenait, pour le recueil de la 
Paléontologie francaise, la description des végétaux 
jurassiques de la France, à peine connus encore, et qui 
allaient faire de sa part, pendant une série d'années, 
l'objet des observations les plus intéressantes. 

Bien qu'il se soit à peine occupé de la flore paléo- 
zoïque, de Saporta a porté cependant ses investiga- 
tions, en ce qui concerne certains types particuliers, 
jusqu'aux premiers âges du globe : lorsque les travaux 
de M. Nathorst remirent en question l'attribution de 
bon nombre d’Algues fossiles, en particulier des Bilo- 
bites, il prit une part active à la discussion qui venait 
de se rouvrir, et, reprenant l’examen détaillé de quel- 
ques-unes de ces empreintes problématiques des for- 
malions les plus anciennes, ils’efforca, par de nouveaux 
arguments, d'en démontrer la nature végétale. Si le beau 
travail qu'il leur a consacré n’a pas porté la conviction 
dans tous les esprits, il a prouvé du moins qu'il restait 
encore plus d'un point obscur à éclaircir, et il à puis- 
samment contribué, tant par lui-même que par les 
nouvelles recherches qu'il a suggérées, aux progrès de 
nos connaissances sur ce sujet encore litigieux. 

Il s’est attaché, en outre, à rechercher, dans les 
couches houillères et permiennes, les premiers repré- 
sentants de certains groupes de Gycadées el de Coni- 
fères, et il a fourni notamment à l'histoire des Salisbu- 
riées des documents nouveaux du plus grand intérèt. 

Enfin, la flore crétacée a été à son tour l’objet de ses 
travaux; malgré la pauvreté de la plupart des dépôts 
crétacés de notre pays, il a pu en faire connaître 
quelques types remarquables, mais c’est dans ceux du 
Portugal qu'il a trouvé les éléments les plus précieux : 
les explorations de la Commission géologique portu- 
gaise ayant amené la découverte de riches gisements 
d'empreintes, c’est à lui que l'étude en fut confiée, et 
peu de mois avant sa mort il avait eu le plaisir de voir 
arrivée au terme de son exécution cette magnifique 
Flore mésozoique du Portugal à laquelle il travaillait de- 
puis plusieurs années et qui vient d'enrichir la science 
de faits d’une si haute importance, Il à notamment 
constaté l'existence des Dicotylées à des niveaux aux- 
quels on ne les avait pas encore observées en Europe, 
etila pu en faire remonter la première apparilion 
jusqu'à la base même du crétacé, où il semble qu'on 
assiste en quelque sorte à leur éclosion, dans des 
couches succédant immédiatement aux dépôts néoju- 
rassiques à flore encore composée exclusivement de 
Cryptogames et de Gymnospermes, 

De Saporta a ainsi exploré dans son entier toute 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11 


_c’est en même temps celle d'un ami. Pour la science 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 


la série des couches de l’écorce-terrestre, etil a su tirer 
des docuirents qu'il a étudiés les résultats les plus re- 
marquables au point de vue philosophique. Il en a 
augmenté l'intérêt par la facon dont il a su les mettre « 
en lumière, et par les essais de synthèse qu'il s’est ef= 
forcé d'en déduire : si parfois, comme dans son ouvrage F 
en collaboration avec M. Marion sur l’évolution du 

règne végétal, il a fait une large place à des hypothèses, : 
d’ailleurs nullement dissimulées, et aussi séduisantes 
qu'ingénieuses, le plus souvent les déductions qu'il " 
présente découlent si naturellement du rapprochement 
des faits observés, que la conviction s'impose et qu'on 
ne peut se refuser à admettre des filiations en faveur 
desquelles il fait valoir des arguments si probants; à M 
cet égard son étude sur l’Origine paléontologique des « 
arbres cultivés où utilisés par l'homme peut être citée « 
comme un modèle. î 

Le marquis de Saporta était, depuis 1876, Correspon- M 
dant de l’Académie des Sciences, et l'Académie royale U 
de Belgique avait tenu également à l'inserire au nombre 
de ses membres, à titre d’Associé étranger. Bien qu'il 
eût dépassé sa soixante-dixième année et qu’il eût res- 
senti déjà quelques atteintes du mal qui devait l’em- 
porter, il avait conservé, avec une merveilleuse saga- 
cité de jugement, une vivacité d'esprit, un enthousiasme 
pour les recherches, que peu d'hommes, même à leurs 
débuts, ont possédés au même degré et que peuvent 
seuls apprécier ceux qui avaient la bonne fortune d’être 
en relations avec lui, Travailleur infatigable, il avait, 
vers la fin de 1894, fait connaître ses dernières obser- 
vations sur les Nymphéinées crétacées et tertiaires, et 
l’année 1895 devait être consacrée par lui à de nouveaux # 
travaux ; mais, le 26 janvier, la mort, en le frappant 
subitement, venait mettre à néant ces projets, dont la 
réalisation nous eût encore apporté tant de précieuses 
révélations. 

Toujours prêt à répondre aux appels qui pouvaient 
lui être adressés par ses confrères en botanique fossile, 
même par les plus jeunes, à les faire profiter de sa 
science, à entrer avec eux en échange d'idées, à leur 
communiquer avec une inépuisable générosité les vues 
nouvelles qui lui venaient à l’esprit, à se prêter à des M 
discussions dans lesquelles il apportait à la fois une M 
conviction passionnée et une merveilleuse courtoisie, « 
il laisse à tous le souvenir d’un maitre profondément M 
respecté et il emporte les regrets de tous. Pour 
quelques-uns, qu'il honorait d’une bienveillance plus M 
intime, sa perte est particulièrement douloureuse, car 


paléontologique, c’est celle. d’un des savants les plus 
éminents, d’un des plus lumineux esprits qu’elle ait 
comptés parmi ses adeptes. R. ZEILLER, 
Ingénieur en chef des Mines, 
Chargé de cours à l'Ecole des Mines. 


Erratum. — Lans le récent article de M. Lindet sur 
l'Evolulion récente de l'Industrie du Sucre (Revue du 
15 mars dernier) trois coquilles ont altéré l’exactitude 
de deux tableaux et de deux phrases. Il convient de 
les corriger ainsi : 

P, 225, 2° colonne : Supprimer le 2° alinéa, : 

P.232,2° colonne: Supprimer la 7° avant-dernièrelig. 

Le bénéfice des fabricants exportateurs n’est pas 
plus considérable que celui des fabricants qui livrent 
à la consommation intérieure. Le bénéfice que les uns 
et les autres tirent des excédents consiste à obtenir 
60 francs sur des sucres qui n’ont été soumis qu'à un 
droit de faveur de 30 francs. C’est l'Etat ou la raffine- 
rie qui rembourse ces 60 francs, et le bénéfice du fa=m 
bricant ne se traduit que par une somme de 30 francs. 

P. 232, {re colonne, à lire : « Sous le coup de la sur- 
taxe de 7 francs imposée aux sucresbruts el de 8 fr 
aux sucres raffinés, l'importation des sucres étrangers 
a un peu baissé, » 


= 


Le  Directeur-(férant : LOUIS OLIVIER 


6° ANNÉE Ne 


8 30 AVRIL 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


- DES SCIENCES : 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


L'OXYGÈNE EST-IL UN CORPS SIMPLE? 


La découverte de l’argon par Lord Rayleigh et le 
Professeur W, Ramsay ramène, d’une facon particu- 
lière, l'attention des chimistes sur l’éternel problème 
des éléments. Les corps actuellement réputés simples, 
et provisoirement tenus pour tels, ne contiennent-ils 
en réalité qu’une matière unique, spécifique et irré- 
ductible à toute autre? Ont-ils, d'autre part, été étudiés 
à l’état d'absolue pureté, et peut-on arriver à déceler 


en certains d'entre eux, à côté de l'élément dominant, | 


quelque impureté, passée inapercue, qui trahirait 
l'existence d’un corps nouveau ? 
Beaucoup de chimistes se posent actuellement ces 


questions. L’un des plus autorisés pour examiner de 


tels sujets, M. E. C. C. Baly, préparateur du P' Ramsay 
à University College (Londres), vient de présenter, à 
ce propos, à la Société Royale de Londres, une Note 
importante, dont nos lecteurs trouveront ci-après 
(page 399) la traduction littérale. L'auteur s’est demandé 
ce que signifient les deux spectres de l’oxygène. Ré- 
sultent-ils des vibrations différentes d’une seule et 
même molécule, ou bien, ce qui serait tout à fait 
étrange, correspondent-ils à deux gaz dus à la disso- 
ciation de la substance actuellement appelée oxygène? 

M. Baly indique à ce sujet quelques expériences im- 
portantes. Mais il les rapporte d’une facon si sommaire 
qu'il est aujourd’hui impossible de discuter ses résul- 
tats. Il ne nous renseigne aucunement sur l’origine 
de l’oxygène sur lequel ses recherches ont porté. Ce 
gaz a-t-il été extrait, dans des conditions convenables, 
des composés oxygénés, ou a-t-il été pris à l'air, et, 
si oui, représente-t-il simplement de l’air privé d’azote, 
d'argon, d'acide carbonique, de vapeur d’eau...? La 
distinction serait intéressante : car, dans ce dernier 
cas, il ne semble pas & priori impossible qu'un parent 
chimique de l'oxygène véritable ait été confondu avec 
lui. IL paraïtrait beaucoup plus extraordinaire que 
l'oxygène extrait des combinaisons püt être dédoublé, 
Mais M. Baly est muet sur ce point. Son silence est 
probablement volontaire, et nous devons, en attendant 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


un complément d’information, lui faire crédit de la 
correction de ses démonstrations, Le fait qu’il annonce 
est celui-ci : Si l’on soumet l'oxygène à l’effluve élec- 
trique, le gaz qui se porte à la cathode offre, après 
l'expérience et tout en restant de l'oxygène (0°), une 
densité sensiblement différente de celle de l'oxygène 
non électrisé. Dans le cas des étincelles longues, la 
densité est moindre, C’est l'inverse quand on fait agir 
des étincelles courtes. Serait-ce à dire que la densité 
ordinaire de l’oxygène représente simplement la ma- 
jeure partie des densités des molécules du gaz, et que 
leffluve ait pour effet de trier ces molécules, en ras- 
semblant celles qui sont de même poids? 

Encore unefois, il est impossible de rien discuter Y 
a-f-il eu formation d’ozone (05 au lieu de 0?)? Les 
électrodes de platine employées ont-elles été, avant 
l'expérience, privées des gaz ordinairement occlus dans 
le métal ? La pureté de l'oxygène primitif a-t-elle été 
suffisamment établie pour écarter l'hypothèse du trans- 
port d’un corps étranger vers une des électrodes? Nous 
n’en savons rien, — Quant à la dualité du spectre de 
l'oxygène, nous devons aussi, pour ne pas être, outre 
mesure, enclins à y chercher l'indication d’une dualité 
chimique, nous souvenir que les spectres de quelques 
corps, celui du cadmium par exemple, varient suivant 
les conditions de l’effluvation, suivant que l’étincelle 
est plus ou moins condensée, 

Quoi qu'il en soit de ces doutes, permis en attendant 
une description plus détaillée, on ne peut s'empêcher 
de penser que M. Baly a évidemment dù en être, tout 
le premier, assailli; s’ils ne l’ont pas arrêté, c'est selon 
toute vraisemblance qu'il a cru les avoir écartés par 
l'expérience, Le seul fait que l’auteur a poursuivi ses 
investigations dans le laboratoire et sous la direction 
du Professeur Ramsay, semble constituer, à ce sujet, 
la meilleure des garanties, et impose aux chimistes 
l'examen minutieux de ses conclusions. Il nous a paru, 
pour cette raison, utile de les signaler tout particu- 
lièrement au lecteur, Louis OLIVIER, 


8 


302 


L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 


L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L’'OR ET DE L'ARGENT 
CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES 


Il y a environ undemi-siècle, quand, vers 1848, on 
découvrit les grands gisements d'or de Californie, 
puis ceux d'Australie, ce fut, parmi les économistes, 
un cri d'alarme : l'or allait baisser de prix, l'argent 
allait être drainé en Europe pour les besoins de 
l'Asie el disparaitre de la circulation; il fallait à 
tout prix éviter celte calastrophe, et la crainte fut 
poussée si loin qu'en Belgique et en Hollande no- 
tamment, pour se protéger contre l'invasion de 
l'or qu'on redoutait, on cessa un moment de l’ad- 
mettre dans les caisses publiques. 

Cinquante ans environ ont passé, el voici qu'un 
nouvel âge de l'or semble commencer, mais salué, 
tout au contraire, comme le prélude possible et 
impatiemment attendu d’un réveil industriel et 
commercial ; c’est avec joie que l'on voit, depuis 
deux ou trois ans, la production de l’or augmenter 
d'une facon remarquable, et personne, croyons- 
nous, n’est plus atteint de frayeur à l’idée que ces 
masses d’or, chaque jour jelées dans la circulation, 
puissent devenir surabondantes; au contraire, on 
aperçoit là un moyen de sortir de la crise qui sévit 
actuellement sur le monde entier, en ramenant le 
métal précieux dans les pays à change déprécié, 
en facilitant partout, avec la circulation monétaire, 
les relations d'échange, etc., ete. Pourquoi cette 
différence d'appréciations? C'est que, dans l'inter- 
valle, un fait capital s’est produit, que l’on n'avait 
pas suprévoir el qui, cependant, nous parait, malgré 
des ressauts momentanés tels que celui auquel nous 
assistons présentement, destiné à s'accentuer en- 
core dans l'avenir : l'argent s’est de plus en plus dé- 
précié par rapport à l'or: son prix, qui était d'en- 
viron 218 francs le kilo vers 1848, qui étail même 
monté à 226 de 1860 à 1863, est lombé à près de 
100 francs pendant l’année 1893; en conséquence, 
tous les peuples, pris de panique, ayant cherché à 
se débarrasser du métal avili pour se précipiter sur 
l'or, ce dernier s'est fait de plus en plus rare, le 
mouvement s'est accéléré par ses conséquences 
propres, et dans les pays où l’on a essayé d'y ré- 
sister isolément, par mesures fiscales inconsidérées, 
comme aux États-Unis, on s’est trouvé acculé à la 
crise intense que supporte actuellement ce pays. 

L’essor récent de la production aurifère ne fait 
done que tempérer, dans une faible mesure, un état 
de choses que l’on considérait généralement comme 
un malheur; il faudrait un tout autre dévelop- 
pement des mines d'or que celui auquel on s'al- 
tend aujourd'hui pour renverser cel élal en sens 
contraire. 


Mais, dans ces conditions, il est permis de se 
demander — el la question se pose, en ce moment 
mème, de tous côtés dans les congrès des bimétal- 
listes — si ces changements de valeur des mon- 
naies, lellement nuisibles au commerce général, 
ne sont pas la conséquence logique d'un phénomène 
nalurel et géologique, et s'il n'existe pas, entre 
les prix de l'argent et de l’or, un certain rapport 
rationnel vers lequel on doit tendre falalement de 
plus en plus à mesure que la conquête de la Terre 
par l’homme sera plus avancée. Nous ne proposons 
assurément pas de fixer d'avance ce rapport par 
une loi; car, outre qu'il est impossible de Le prévoir 
exactement d'avance, l'intervention de la loi hu- 
maine ne peul être que funeste lorsqu'elle essaie 
de fausser momentanément les lois naturelles qui 
la dominent de si haut: mais il serait certainement 
bon de faire entrer celte loi dans nos prévisions 
d'avenir pour régler, en conséquence, toutes ces 
graves questions de choix d’un élalon moné- 
taire, d'achat de métaux précieux à l'Étranger, de 
constitulions de réserves métalliques, ele., ec. 
C'est ce rapport dont la Géologie va nous permettre 
d'apprécier, — sinon la valeur, qui nous esl abso- 
lument inconnue, — du moins, ce qui est déjà 
beaucoup, la tendance. 

Nous allons donc, avant tout, chercher à nous 
faire une idée des quantités relatives de métaux 
précieux qui peuvent être encore à notre dispo- 
sition dans l'écorce lerrestre. 


Il 


Ces quantités, disons-le lout d’abord, sont très 
loin d'être inépuisables. L'homme a été singuliè- 
rement gàlé depuis un siècle environ, depuis un 
demi-siècle surtout, par lessor extraordinaire qui 
s'est produit dans ses connaissances scientifiques, 
dans son aclivilé industrielle, dans sa prise de 
possession de la Terre. Le commencement du 
xx° siècle ne fera, sans doute, qu'accentuer et 
accélérer les tendances du xIX°; mais il faut bien 
se rendre comple que ce développement extraor- 
dinaire de la puissance humaine ne durera pas 
toujours ni même très longtemps: l’époque dans 
laquelle nous vivons peut bien, sans illusion 
d'oplique, être considérée comme une époque 
spéciale, comme une phase particulière et critique 


dans l'histoire de l'humanité. Nous agissons tous: 


aujourd'hui plus ou moins comme ces mineurs de 
l'Ouest américain qui, cherchant uniquement le 
minerai riche, le « minerai payant», gaspillent à 


ont tlto nest nt. té dire un era) Le 


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L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 


363 


jamais les ressources en minerai plus pauvre qui 
peuvent se trouver à côté; que leur importe! Le 
premier gite une fois épuisé, ne trouvent-ils pas 
bien vite un filon voisin qui leur prodiguera ses 
nouvelles richesses? mais, avec la fièvre de l'or 
qui travaille le monde entier, il n’est pas besoin 
que l’homme blanc soit depuis bien longtemps 
installé dans un pays pour que tous les filons riches 
qui s'y trouvent soient découverts et, une fois 
découverts, rapidement taris et vidés; alors les 
prospecteurs repartent plus loin vers les pays 
vierges ; oui, tant qu'il y a des pays vierges; mais, 
du train dont nous allons, la richesse minière 
de la Terre tout entière sera connue et mise en 


- valeur d'ici à bien peu de temps, et alors les 


années de disette succéderont aux années d’abon- 
dance. 

Il est trop évident que le nombre des gisements 
d’or et d'argent qui existent à la surface du globe, 
est absolument limité; mais il n’est peut èlre pas 
inutile de dire que ce nombre, limité en théorie, 
est également très réellement restreint en pra- 
tique. Surlout lorsqu'il s’agit de l'or, cette rareté 
apparait aussitôt quand on observe combien, dans 
Lous les pays de civilisation un peu ancienne, en 
Europe particulièrement, ces gisements d’or, qui 
ont pourtant existé jadis là comme ailleurs, nous 
en avons la preuve, ont disparu, ayant été lous 
épuisés. Suivantune vieille remarque, souventcitée, 
de de Humboldt, l'or, à toutes les époques, est venu 
des confins de la civilisation, des étapes les plus 
récentes de celle-ci en pays barbare, de ce que l’on 
pourrait appeler ses Marches. 

Sans doute, si l’on examine une liste des gise- 
ments de métaux divers existant dans un pays 
quelconque, on pourra s'étonner, surtout après 
cette observation, de voir combien ceux d’or sont 
nombreux, presque aussi nombreux souvent sur 
le papier que ceux de tel métal infiniment plus 
commun, comme le plomb, par exemple; mais 
cela tient à ce qu’on classe comme gisements d'or 
des roches qui parfois ne renferment que quelques 
grammes d’or à la tonne, ‘une teneur de 0,0005 ?/,, 
par exemple, alors que lateneur d'un gite de cuivre 
sera lout au moins de 2 ou 3 ‘/, el celle d’un gite 
de plomb de 8 ou 10 °/,.Il y a, dans cet ordre d'idées, 
un élément psychologique qui nous parait appelé 
àäavancer, dans une large mesure pour l'or, l’époque 
où tous les gisements auront été reconnus : c’est 
l'attraction extraordinaire qu'exerce ce métal sur 
l'esprit humain. Si le nombre de tous les filons d’or 
exploitables encore à découvrir à la surface de la 
terre est À, celui des filons d'argent B, il serait 
assez logique de supposer que, chaque année, les 
nombres des filons mis en valeur pour chacun des 
métaux sont dans un rapport se rapprochant de 


A : 
F et alors cette proportion devrait se maintenir 


jusqu’au dernier jour; mais en réalité, le rapport 
est certainement et a toujours été beaucoup plus 
grand qu'il n’aurait dû l'être; d’où cette conclusion 
nécessaire que tous les filons d’or auront été re- 
connus et épuisés longtemps avant les filons d’ar- 
gent; et de même, ceux-ci avant les filons de 
plomb, etc.,etil en est ainsi parce que, séduits par 
le prestige de l'or, le prospecteur au début aussi 
bien que l'actionnaire plus tard se précipitent 
vers les mines du noble métal qui leur fait espérer 
des fortunes énormes, même lorsque ces mines 
sont, en réalilé, destinées à un échec prochain. 
L'histoire des mines du Farwest américain en a 
donné une preuve typique: ce n’est que lorsque 
l'or a manqué qu'on s’y est rabattu sur l’argent, 
puis sur le cuivre et le plomb. A ce propos, on a pu 
affirmer sans invraisemblance que, si l’on faisait 
la somme de tous les capitaux engagés aujourd’hui 
dans les mines d’or, le nombre de celles qui font 
des pertes est tel que le capital total ainsi calculé 
serait loin d’être rémunéré. Une mine, par hasard, 
dont les actions auront décuplé en quelques jours, 
produit, à cet égard, le même effet démoralisant 
qu'un gros lot gagné par un ouvrier àla loterie : aus- 
sitôt tous ses compagnons s’empressent de prendre 
des billets. Nous en voyons aujourd'hui un exemple 
notable avec le succès de quelques mines d’or du 
Transvaal, dont certains financiers sans scrupule 
ont immédiatement profilé pour écouler dans le 
public des actions de mines d’or de toutes sortes, 
placées dans Lous les pays,sans aucun rapport avec 
celles qui ont réussi et vouées, pourla plupart, à une 
faillite certaine. 


Il 


Nous venons d'indiquer, en passant, une diffé- 
rence entre les filons d'or el d'argent au point de 
vue de ce qu’on peut appeler le coefficient psycho- 
logique d’altraclion: et, comme ce coeflicient psy- 
chologique a exercé son influence depuis l'origine 
de l'humanité, comme, en outre, les minerais d'or 
d’affleurement se présentent sous une forme beau- 
coup plus frappante, beaucoup plus facile à recon- 
naître que ceux d'argent, souvent à l’état d’or 


natif au lieu de terres argentifères chlorurées ou 


bromurées, semblables à des boues quelconques, il 
est bien certain que l'extraction de l’or disponible 
est beaucoup plus avancée que celle de l'argent 
et, par suite, que le terme de cette extraction est 
plus proche. 

Nous n'avons, d’ailleurs, pas besoin de remar- 
quer que l'or est une substance singulièrement 
plus rare que l'argent; cette rareté relative est la 
cause première de la différence de valeur considé- 


364 


L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L’'OR ET DE L'ARGENT 


rable qui existe entre les deux métaux; et l’on 
peut même essayer d’en indiquer la cause géolo- 
gique. Tout se passe, en effet, dans l'écorce ter- 
restre comme si, à la suite de la fluidité première 
que nous supposons à notre planète, les éléments 
s'élaient groupés, dans ce bain fondu, suivant leur 
densité, par couches concentriques d’autant plus 
rapprochées du centre qu'ils étaient plus lourds; 
en sorte que nous rencontrons aujourd'hui à la 
surface une majorité d'éléments chimiques à faible 
poids spécifique, tels que la silice, les alcalis, les 
métaux alcalino-terreux, tandis que la partie cen- 
trale présente, d'après les mesures astronomiques, 
une densité de deux à trois fois plus forte. Les 
mélaux lourds, qui se sont accumulés au début 
vers le centre, ne se sont donc élevés vers la sur- 
face, qui seule nous est accessible, que dans des 
circonstances rares et sous l'influence, par exemple, 
de minéralisateurs spéciaux, en sorte que la fré- 
quence des métaux dans les couches superficielles 
est une conséquence de deux facteurs : d’une part, 
leur faiblesse de densité; de l’autre, leur affinité 
plus grande pour les minéralisateurs. L'or, dont 
la densité est 19,26, landis que celle de l'argent 
est 10,5 et qui, en outre, est tellement rebelle à 
tous les agents chimiques, se trouve tout naturel- 
lement en quantités beaucoup plus faibles dans 
l'écorce superficielle. 

En résumé, le nombre des gisements d'or et 
d'argent existant à la surface du globe est loin 
d'être pratiquement illimité; ce nombre est beau- 
coup plus grand pour l'argent que pour l'or, et la 
découverte des gites d’or est, pour des causes psy- 
chologiques, toujours très en avance sur celle des 
gites d'argent. 

Mais, dans la production minière, le nombre des 
gisements exploités n’est qu’un élément d'évalua- 
tion qu'il faut compléter par la teneur totale de 
chacun d'eux. Or, cette teneur dépend essentielle- 
ment de la profondeur à laquelle on peut des- 
cendre, ainsi que de la façon dont le gite se mo- 
difie en profondeur. En ce qui concerne les limites 
d'extension verticale des mines, l'homme, malgré 
sa seience et son orgueil, se heurte encore à des 
limites infranchissables qui lui ont élé imposées 
par la Nature et que toute son énergie, toute son 
avidité du gain ne peuvent lui permettre de dé- 
passer, car elles dépendent de sa propre constitu- 
tion physique. Ces limites liennent à l’accroisse- 
ment de température bien connu qui se produit 
lorsqu'on s'enfonce. En général, dans la plupart 
de nos mines, où l'on est au plus descendu jus- 
qu'ici à 1.100 ou 1.200 mètres de profondeur, cette 
élévation de température n’est pas un obstacle in- 
surmontable; mais, dans certaines mines où l’aug- 
mentalion de chaleur se produisait plus rapide- 


ment, par suite de circonstances spéciales, notam- 
ment par le contact avec des roches éruplives, au 
Comstock, par exemple, on a pu se rendre compte 
de la nature des difficultés qui en résultaient. 

Dans le filon du Comstock, la température était 
arrivée à 32° à 400 mètres, 38° à 500 mètres, 40°,5 
à 600 mètres, 41° à 700 mètres; dans ces condi- 
tions, on a eu beau renouveler les postes des mi- 
neurs toutes les trois heures, inonder d'eau les 
chantiers, fournir à chaque ouvrier jusqu'à 50 li- 
vres de glace par poste, des hommes sont tombés 
frappés d’apoplexie, et il a fallu renoncer à la lutte 
dans les chantiers les plus profonds. 

Cette limite qui, dans ce cas spécial, a été at- 
teinte particulièrement vite, le serait, suivant 
toutes probabilités, à peu près partout au plus 
tard à deux kilomètres de la surface, et, de ce côté- 
là également, le champ d'investigation du mineur 
est absolument restreint, étant réduit à une très 
mince croûte superficielle de l'écorce terrestre. 

D'ailleurs, longtemps avant d'arriver à cette 
limite absolue, le mineur est interrompu presque 
toujours par l'accroissement des frais d'extraction, 
d’épuisement, etc., qui finit par supprimer abso- 
lument son bénéfice. Mais on peut répondre à 
cette dernière restriclion qu'en ce qui concerne 
les frais, un accroissement notable dans la valeur 
de la substance extraite, telle qu’il peut s’en pro- 
duire un pour l'or, reculerait immédiatement cette 
limite pratique et parfois permettrail de reprendre 
le travail dans une mine que l’on considérait 
comme devenue inexploitable. 

Ces considérations générales, relatives aux li- 
mites d’exploitabilité en profondeur, sont com- 
munes à toutes les catégories de filons d’un métal 
quelconque; au contraire, il est un ordre de phé- 
nomènes qui varient essentiellement suivant la 
nature du métal exploité et qui introduisent une 
grande diversité dans l’histoire industrielle des 
divers gisements : ce sont les modifications de ces 
gites en profondeur. Pour l'or et l'argent, en par- 
ticulier, les conditions sont absolument différentes, 
et c'est sur celte quesliof, dont l'étude a évidem- 
ment une importance de premier ordre pour l'a- 
venir des deux mélaux, que nous nous proposons 
maintenant d'insister. 


III 


Quand il s’agit de l'or, les premiers gisements 
que l’on découvre en pénétrant dans une région 
nouvelle sont toujours des alluvions; ces alluvions 
sont plus ou moins récentes et l’homme com- 
mence, en remontant la pente des vallées à la re- 
cherche du métal précieux, par rencontrer des al- 
luvions de plus en plus anciennes jusqu’à ce 
qu'enfin il soit amené à passer de ces alluvions 


| il. de 


L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 365 


aux gisements dont la destruction par les cours 
d’eau a fourni les placers, c’est-à-dire aux filons 
(exceptionnellement, comme dans le Transvaal, 
aux couches sédimentaires anciennes). Dans ces 
filons eux-mêmes, la partie qu'il aborde au début 
est nécessairement l’affleurement, le chapeau du 
filon, et ce n’est que progressivement qu'il arrive 
à exploiter ce filon dans la profondeur. Or, en sui- 
vant cet ordre d’investigations, c'est absolument 
comme s'il repassait en sens inverse la série des 
étapes successives que la Nature a franchies dans 
la préparation mécanique et chimique à laquelle 
elle a soumis ces minerais, les enrichissant peu à 


- peu, pour nous les présenter enfin dans les pla- 


cers sous leur forme la plus facile à aborder et la 
plus concentrée. 

La Nature, en effel, dans les aclions métamor- 
phisantes qu’elle a exercées sur le gisement d’or 
primitif par l’action continue des eaux superfi- 
cielles, a commencé par avoir affaire à un filon 
constitué dans toute sa hauteur par des groupe- 
ments minéralogiques analogues à ceux que nous 
n'y rencontrons plus aujourd'hui qu’en profondeur, 
c'est-à-dire, le plus souvent, par du quartz associé 
avec des sulfures divers, parmi lesquels le sul- 
fure de fer, plus ou moins arsenical, domine et 
contenant l’or à l’état de fines inclusions dissémi- 
nées. Cette forme de gîtes de profondeur, soumise 
à l'influence oxydante des eaux, a subi une trans- 
formalion essentielle, due à l'altération du sulfure 
de fer, qui s'est dissous en sulfate et reprécipité 
parliellement en sesquioxyde. Pendant ce temps, 
l'or qui n’entre en dissolution qu'avec une diffi- 
culté extrême-et se précipite aussitôt sous la 
moindre aclion réductive, est passé, de l'élat de 
combinaison complexe où il était d’abord, à l’état 
libre, en même temps que, par suite de la dispari- 
lion des sulfures associés, la teneur en or du mi- 
nerai subsistant se trouvait augmentée. C'est aux 
affleurements de filons aurifères que l’on trouve 
ces beaux quartz cariés, plus ou moins ferrugi- 
neux, où l'or a l'air de suinter par tous les pores, 
et ces hématites aurifères, minerais riches, qui, 
dans la profondeur, font place à des composés 
plus difficiles à traiter ou même absolument réfrac- 
laires à nos procédés de traitement actuels. 

Les affleurements de filons, où l'or avait déjà 
subi cette première concentration chimique et cet 
enrichissement, sont la partie qui, soumise ensuite 
à l’action destructive des eaux torrentielles, ont 
produit, par une vérilable préparation mécanique 
analogue à celle qu’on reproduit artificiellement 
dans la méthode hydraulique, les alluvions auri- 
fères, c’est-à-dire les placers, où l’or est non seu- 
lement à l’état libre, mais encore rassemblé en 
une couche relativement mince près du fond du 


lit de l’ancien torrent, contre ce que l’on appelle 
le bedrock. 

La conséquence bien simple, c’est que la grande 
phase de prospérité d’une région aurifère corres- 
pond à la découverte des alluvions; c’est lorsque 
l'on se trouve mettre la main sur un champ nou- 
veau d’alluvions aurifères qu'il se produit soudain 
une brusque augmentation dans la production au- 
rifère; mais ces placers ne durent pas bien long- 
temps, et les affleurements des filons que l’on at- 
taque ensuite sont également, après une première 
phase prospère, rapidement épuisés; alors on 
entre dans les gisements de profondeur, beaucoup 
moins riches, donnant des minerais beaucoup plus 
difficiles à traiter métallurgiquement, mais qui, 
eux, sauf les variations purement accidentelles 
inhérentes à tous les filons, ont des chances pour 
conserver à peu près la même teneur moyenne en 
s’approfondissant. 

Là encore, cependant, il y a une restriclion à 
faire; car nombre de filons d’or, au lieu d’être de 
grandes fentes de dislocation continues en profon- 
deur, peuvent être assimilés à des fissures de re- 
trait causées par le refroidissement d'une roche 
éruptive dont l’or est plus ou moins directement 
émané, et ce genre de fissures se coince très vite 
quand on s'enfonce; non seulement la teneur du 
minerai diminue, mais les dimensions géométri- 
ques elles-mêmes se réduisent el peuvent arriver 
à zéro. 

La conclusion, c'est que, pour toutes les causes 
possibles, une région aurifère doit s'appauvrir peu 
à peu et, après quelques années d'exploitation, ne 
plus donner que des minerais à basse teneur. Avec 
quelle rapidité ces faits se produisent, c’est ce que 
l'exemple de la Californie et de l'Australie nous 


montre aussitôt. 


En Californie, la production d’or s’est élevée en 
1853 à 336 millions ; en 1860, elle est tombée à 233; 
en 1868 à 114; en 1880, à 91 ; en 1891 à 63,2; ces 
chiffres, sans commentaire, sont assez éloquents. 

En Australie, la statistique brute est moins con- 
cluante, si l'on prend l’ensemble du pays, parce que 
l’immensité des territoires inexplorés à fait jus- 
qu'ici qu'aussitôl un centre épuisé, on en trouvait 
un nouveau équivalent ; mais, si l’on prend un dis- 
trict restreint, l'épuisement se fait sentir en 25 ou 
30 ans au plus. En outre, même pour le pays en- 
üer, la proportion de l'or d’alluvion diminue 
chaque année par rapport à celle de l'or de filons. 
Eu 1868, des alluvions donnaient 65 °/, de l'or 
dans la province de Victoria, les filons 35 °/,; en 
1891, c'est juste l'inverse, les filons arrivent à 
67 °/,, les placers à 33 °/.. 

Un calcul du même genre, étendu au monde en- 
tier, donne, suivant M. Suess [tableau I) : 


366 
Tableau I 
1848-75 1876 | 1890 
ANINVIONS ES. cart ad tt ere 81.78 % 65.28| 44.2 
AMIONS- certe -rombelt 12.02 34.16| 47.8 
Sédiments (conglomérats du 
Kransvaall er ictere 2 » » 8.0 


De même, si l’on prend un gisement dont l’ex- 
traordinaire fortune attire en ce moment tous les 
regards, celui du Witwalersrand, dans l'Afrique 
australe, découvert en 1887, il a donné en 1888 
22 millions d'or; en 1889, 36 millions; en 1890, 
44,5; en 1891, 78; en 1892, 129; en 1893, 140; en 
1894, 213; il est probable qu’on arrivera, en 1896, 
à un chiffre de 250 ou 300 millions, qui sera un 
maximum; mais la merveilleuse régularité de ces 
gites permet de calculer, dès à présent, à peu de 
chose près, la quantité d'or qu'ils renferment, et, 
en supposant même qu'il n'y ait aucune déception, 
on voit que, d'ici à 25 ou 30 ans, ces gites entreront 
à leur tour dans la période d’épuisement après 
avoir fourni peut-être sept ou huit milliards. 

Si l’on réfléchit que la production aurifère ac- 
tuelle est, comme nous le dirons bientôt, à peine 
suffisante pour les besoins de la consommation, 
on ne peut dès lors se défendre d’une certaine in- 
quiétude (qu'il ne faudrait pourtant pas exagérer, 
ainsi que nous le verrons) à l’idée de ce qui arri- 
vera dans un avenir {rès prochain, quand la Terre 
aura élé entièrement occupée par l'homme, du 
moment que même des gisements aussi exception- 
nels que ceux de Californie, d'Australie ou du 
Transvaal ont à peine une existence précaire d'un 
quart de siècle ou d’un demi-siècle. 


IV 


C’est ici le lieu de se demander quelles sont les 
ressources géologiques en or sur lesquelles les siè- 
cles prochains peuvent encore compter. Ces res- 
sources sont de deux catégories différentes : il y a 
d’abord les gisements situés dans lés pays encore 
inconnus; puis, dans les pays anciens, ce qu'il 
reste à prendre de minerais el surtout de minerais 
ayant été jusqu'ici rebelles à nos procédés de trai- 
tement métallurgiques. Dans le premier ordre 
d'idées, il est évident que l'Afrique et l'Asie cen- 
trales, l'Amérique du Sud, les territoires vierges 
des Montagnes Rocheuses, l’intérieur du continent 
australien nousréservent encore bien des surprises, 
etil est assez probable que ces surprises vont se 
mulliplier d'ici à quelques années, en raison même 
de la remarquable poussée d'expansion coloniale 
qui se produit partout à la fois; il n'y a done pas 
lieu de craindre une disette d'or dans un avenir 
immédiat et il est parfaitement possible, probable 


L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 


même que, pendant un certain nombre d'années, 
les économistes pourront se moquer des géologues 
qui annoncent uneraréfaction future de l'or. Néan- 
moins, quand lous les pays encore inconnus auront 
été parcourus et « prospectés », les gisements ainsi 
découverts se tariront en un laps de temps qui ne 
dépassera guère un demi-siècle; alors il faudra 
bien se relourner vers la seconde catégorie de mi- 
nerais aurifères qui copslilue peut-être laressouree 
la plus assurée pour l'avenir. 

Il y a, en effet, une proportion considérable de 
minerais aurifères où l'or est dans des combinai- 
sons telles, notamment avec l'arsenic, qu’il est 
actuellement impossible de l'en extraire avantageu- 
sement. Les filons à minerais de ce genre sont, ou 
bien complètement négligés, ou, s'ils en renferment 
d'autres moins réfractaires, exploités pour ces der- 
niers, — les minerais rebelles étant rejetés avec les 
gangues dans les résidus, les haldes, ce que les 
anglais appellent les lailings. 

Or, si nous avons insisté plus haut sur les 
bornes imposées par la Nature aux investigations de 
l’homme, en ce qui concerne le développement des 
procédés chimiques ou des méthodes métallurgi- 
ques, il nous semble qu'il n’existe aucune limite 
à l'ingéniosité humaine et, surtout si un commen- 
cement de raréfaction de l'or vient en augmenter 
le prix, il est infiniment probable que les minerais 
aujourd'hui rebelles pourront être traités fructueu- 
sement. Il arrivera alors ce qui s'est produit quand, 
récemment, on à repris avec des connaissances 
nouvelles les mines de plomb, d'argent, de cuivre, 
où les Anciens avaient travaillé pendant des siècles : 
les seules parties qu'ils avaient négligées au Lau- 
rium {en Atlique), en Sardaigne, dans la province 
de Carthagène et à Rio-Tinto, en Espagne, etc.., ont 
suffi à alimenter des industries très fructueuses. 
De ce chef également, l’époque où l’or manquera 
aux besoins humains nous parait devoir être con- 
sidérablement retardée ; ce qui n’empêche pas que, 
si l’on veut faire des prévisions à longue échéance, 
cette disette de l'or est à prévoir, non seulement 
d’une facon absolue, mais surtout relativement à 
l'argent. 

En ce quiconcerne le métal blanc, les conditions 
de gisement sont, en eflet, très différentes de ce 
qu’elles sont pour l'or, et sa raréfaction doit être 
infiniment moins rapide. Les gisements d’argent 
appartiennent à deux catégories bien distinctes : 
ceux à minéraux d'argent proprement dits et ceux 
à sulfures divers argentifères, dont on retrouve sou- 
vent l'équivalent dans la profondeur des premiers. 

Il y a, tout d'abord, entre l'or et l'argent une 
différence bien tranchée : c'est que la forme allu- 
vionnelle, source pour l'or des richesses les plus 


grandes, en même temps que les plus précaires, 


us dt mudtiitden ets «than detente 1e) dÉRCRRETÉ sd) Ge de GUÉ  SSS  S  dn Dbaies dé nt dé note) bn de sé de d'é néibé di bé 


L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 


307 


ne se présente pas pour l'argent. La raison en est 
que les sels d’argent, et notamment le sulfate qui 
tend à se produire par l’oxydation des sulfures 
plus ou moins complexes existant dans les filons, 
présentent une certaine solubilité, en sorte que, 
dans l’action métamorphisante des eaux, l'argent, 
au lieu d’être trituré et concentré mécaniquement 
comme l'or, se dissout et disparait. Il y a bien des 
gites d'argent sédimentaires, tels que les schistes 
cuivreux et argentifères du Mansfeld ; mais l'argent 
qui y est contenu est de l’argent précipité chimi- 
quement d’une dissolution, non de l'argent rema- 
nié mécaniquement. D'où cette conclusion qu’une 
région argentifère ne donne pas au début les 
mêmes grandes espérances, bientôt décues, qu'une 
région à placers aurifères et, par suite, ne parait 
pas s’appauvrir aussi rapidement. 

Quelque chose de comparable se produit pour les 
affleurements des filons où, par suite de la solu- 
bilité du sulfate d'argent, une partie de l'argent a 
disparu, en sorte qu'on tombe, tout au début d'une 
exploitation filonienne, non sür une partie excep- 
tionnellement riche comme pour l'or, mais sur une 
partie plutôt légèrement appauvrie qui, il est vrai, 
compense cet appauvrissement par des facilités de 
traitement toutes spéciales. 

Cette zone d’affleurement desfilons d'argent com- 
prend des chlorures et bromures d’argent, ayec un 
peu d'argent natif, les autres métaux, tels que le 
fer, le manganèse, etc., qui pouvaient exister à 
l'état de sulfures en profondeur ayant passé à l’état 
oxydé, le sulfure de plomb lui-même étant par- 
tiellement à l’état carbonaté. 

Au-dessous de cet affleurement, on trouve, sur 
une hauteur qui peut varier de quelques mètres à 
plusieurs centaines de mètres, suivant le relief du 
Lerrain, jusqu'au niveau hydrostatique qui marque 
la séparation entre la zone où les eaux superficielles 
circulent dans le sol et, par suite, renouvellent 
leur oxygène et celle où ces eaux sont à l'état sta- 
tionnaire, une forme de gisements d'argent allérés 
qui, par un phénomène cette fois comparable à ce 
que nous avons vu pour l'or, est exceptionnelle- 
ment riche. 

Là une grande partie des sulfures de fer, cuivre, 
zinc, elc., ayant été dissous, la teneur en argent du 
minerai s'est trouvée augmentée en même temps 
qu'une certaine proportion d'argent enlevée à la su- 
perficieetentrainée par leseaux descendantes venait 
encore l’accroître ; en outre, les combinaisons com- 
plexes où l’argent était engagé en profondeur se 
sont trouvés simplifiées; souvent une partie de 
l’antimoine et de l’arsenic a disparu; bref, l'argent 
a passé à l’état de sulfures tel que l'argyrose, de 
sulfo-antimoniures, tels que lesargents rougeset les 
argents noirs, et se présente sous des formes excep- 


tionnellement riches et facilement amalgamables. 

Au-dessous du niveau hydrostatique, tout cela 
change et l'on n'a plus que des minerais maigres 
à sulfures complexes: en sorte que, là encore, 
comme pour l'or, le début des exploitations donne 
souvent des résultats qu'on ne retrouve plus ensuite 
et qu'un certain épuisement se fait sentir après 
qu'on a traversé la zone riche, appelée au Mexique 
la zone de la bonanza. 

11 y a toutefois, avec l'or, même en se bornant 
aux filons, cette différence capitale que la chute est 
infiniment moins brusque et moins complète : cer- 
taines mines d'argent, comme celle de Kongsberg, 
notamment, gardent même jusqu’à 600 et 700 mè- 
tres leurs minéraux d'argent (argent nalif et argent 
sulfuré) semblables à ceux de la superficie ; puis, la 
période de la bonanza manque complètement dans 
une très nombreuse catégorie de gites, tels que 
ceux de galène argentifère où, par suite, aucun 
appauvrissement ne se fait parfois sentir; en 
outre, les combinaisons de minerais rencontrées en 
profondeur sont, à de rares exceplions près, trai- 
tables assez aisément par des procédes métallur- 
giques déjà connus et expérimentés. 

Il en résulte que la production d’argent ne subit 
pas, lors de la découverte d’une région argentifère 
nouvelle, ces brusques à-coups qui sont si sensibles 
pour l'or; on peut donc infinimert plus compter sur 
l'avenir des gisements jusqu’à de grandes profon- 
deurs. La preuve bien simple en est que, tandis 
que l’or a depuis longtemps, sauf en Hongrie, dis- 
paru d'Europe, l'argent continue à y ètre exploité 
fructueusement dans nombre de mines, et le serait 
immédiatement en proportion beaucoup plus forte 
s'il se produisait le moindre relèvement de son 
prix. Il existe des mines, telles que celles de 
Bohême ou de Saxe, où les exploitalions se pour- 
suivent paisiblement depuis quatre ou cinq siècles, 
parfois jusqu'à plus de 1.000 mètres de profondeur, 
et où, jusqu'à ces profondeurs extrêmes, on a trouvé 
des parties riches alternant irrégulièrement avec 
des parties pauvres, comme au débutdes exploita- 
tions. L'époque où les mines d'argent du monde 
seront épuisées est donc tellement lointaine qu'il est 
toul à fait inutile d'y songer et il est bien certain 
que le dernier filon aurifère aura été abandonné 
depuis longtemps alors qu'on extraira encore des 
quantités considérables d’argent. 

Les graphiques ci-joints (fig. 4, 2 et 3) et le lLa- 
bleau IT indiquent : la production de l'or et de l'ar- 
gent en millions de kilogrammes (fig. 1); les prix 
annuels moyens de l'or et de l'argent en francs ‘ 


D 

1. La valeur normale d’un kilogramme d’or fin est de 
3431 fr. et celle d’un kilogramme d'argent de 218 fr. 89 (le prix 
de 218,89 est le prix ofliciel, loi du 6 juin 1803, alors que le 
prix réel, déduction faite des frais de monnayage, est de 
920 fr. 55 ou, sans ces frais, de 222,22). 


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L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 


(fig. 2); les rapports des prix et des productions 


comme le montrent le graphique de la figure 2 
et poids des deux métaux précieux (fig. 3). 


=“ 


el le tableau IT. L'une des raisons en est que l’on a 


2500 


2000 


2500 


2000 - EEE T te Lou 
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RS NS NS SDS RSS OS PAS nee LS ANNE © LR NORER ES SE DROLE 


Fig. 3. — Rapports des prix et des productions (en poids) de l’or et de l’argent. 


Cette pléthore future qu'on doit prévoir pour 


mis en pratique de nouveaux procédés métallurgi- 
l'argent relativement à l'or vient déjà de s’annoncer 


ques, au moyen desquels toute une catégorie de 


Tableau II 
EEEZEZEZEZ————aEaELELEaLaLaLaLpLuLuau 
oR ARGENT 
| —  —— 
ANNÉES Production Pri Production | p. ESPEORE RADAR 
annuelle LS annuelle SRE DER DES 
1.000 kilogs | francs | 1.600 kilogs | francs | PRODUCTIONS PRIX 
2 Em RSS LEE EE RSS EME CCE Ge NUS ENCRES 0 RNSENEEERE DSREEESE D 
18 #1 à 1859 55 3437 130 218.89 14.19 15.73 
1851 198 886 221.31 4.41 15.56 
1856 206 905 223.69 4.39 15:39 
1861 198 1,101 223.12 5.56 15.47 
1866 192 1.339 221.16 6.97 15.53 
171 1.969 211.31 44001 15.84 
172 2.450 193.20 14.24 17.36 
161 2.593 190.43 16.10 18.12 
Hscc oo Et 20 MORE OO A 0 155 2.169 189.67 17.86 18.11 
135 2.896 185.17 19.97 18.61 
146 2.957 175.22 20.25 19.67 
163 2.994 178.42 18.36 19.31 
160 2 901 166.50 18.30 20.70 
159 2.990 164.14 18.80 21,00 
166 3.885 157.51 23.40 21.89 
186 3.139 156.22 20.10 22.07 
179 3.922 174.55 21.91 19.79 
197 4.266 466.09 21.62 20.75 
een = note aietainitereie Ie aie me a iele 9/0 3 sente ue ete ee LS 220 4.751 145.70 21.62 23.67 


Le 
e 
= 
Lo] 


129.72 21.41 26.59 


depuis vingt ans, par une surproduction telle que | minerais abandonnés jusqu’à ces derniers temps 
le prix du métal blanc a baissé de près de moitié, | ont pu être traités, et le prix de revient du métal 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 8* 


370 


s'est abaissé par là de telle sorte qu'il est 
encore resté sensiblement au-dessous du prix 
de vente. Mais on peut se demander si ce 
prix de vente tellement abaissé ne va pas se 
relever, et c’est ce que quelques personnes ont 
cru pouvoir affirmer en remarquant qu'il était 
arrivé à être bien voisin du prix de revient, estimé 
au minimum, il y a quelques années, à 80 francs 
le kilo (25 pence 1/2 l’once). A coup sûr, le prix 
de revient évalué lui-même, non pas par rapport 
à l'or, qui n’est qu'un instrument d'échange, mais 
par rapport aux principales substances indis- 
pensables à la vie, est une limite minima que le 
prix de vente ne peut franchir; mais il nous 
semble qu’en supposant le prix de revient inca- 
pable de varier lui-même, on est dupe d’une illu- 
sion; car il suffit qu'un procédé de traitement 
nouveau intervienne pour que ce prix diminue. 

En ce moment, les dernières nouvelles qui nous 
parviennent de l’Ouest américain nous apprennent 
que les mineurs d'argent, après avoir été un 
moment découragés par la baisse du métal blanc, 
ont installé en grand de nouveaux appareils per- 
mettant de traiter les minerais de seconde classe 
jusque-là délaissés, notamment par la concentra- 
tion aux rue vanners et le combination process, ou par 
les procédés de lexiviation, et que la produc- 
tion d'argent, un instant décrue aux États-Unis 
dans les deux dernières années, va très probable- 
ment remonter au moins à son chiffre antérieur. 

Au Mexique, on s’habitue de plus en plus à uli- 
liser les minerais maigres, dont une grande par- 
tie passe la frontière, à la faveur de tarifs doua- 
niers bien compris, pour aller se faire traiter par 
mélange avec d'autres minerais aux États-Unis. 

Si, en outre, une légère hausse de l'argent vient 
à se manifester, comme c’est possible, soit par 
suite des grands arrivages d’or actuels, soit en 
conséquence des mesures légales prises aux États- 
Unis, la production de l’argent augmentera faci- 
lement encore dans des proportions considérables, 
et il en résultera fatalement, au bout d’un temps 
plus ou moins long, une baisse nouvelle de ce 
mélal, qui pourra, il est vrai, être retardée de 
quelques années, mais qui n'en finira pas moins, 
croyons-nous, par se produire un jour avec une 
force irrésistible. 

\ 

Ce sont les conséquences économiques de cette 
prévision que nous voudrions maintenant exa- 
miner ; el, pour cela, il nous faut sortir du do- 
maine géologique pour étudier, si sommairement 
que ce soit, la contre-parlie de la production des 
deux métaux, c'est-à-dire leur consommation et 
notamment leur emploi monétaire. 


L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 


La consommation des métaux précieux se divise 
en deux parties : l’une qui, bien que destinée 
surtout au luxe, est naturelle et nécessaire, c’est 
leur utilisation dans la bijouterie, l’orfèvrerie, ete., 
et jusqu'à un certain point, dans les monnaies; 
l’autre, tout artificielle et dépendant de la vo- 
lonté du législateur, correspond aux détermina- 
tions légales prises dans le choix de l’étalon moné- 
taire, dans les achats opérés par l'État, ete. 

Logiquement ce devraient être la première et ses 
rapports avec la production qui régleraient la 
seconde ; mais c'est trop souvent l'inverse qui se 
produit. 

La consommation industrielle de l'or et de l’ar- 
gent est beaucoup plus considérable qu’on ne le 
croit, et présente cette particularité qu'elle n’est pas 
influencée, autant que celle d’autres substances 
plus nécessaires, par les variations de prix du 
métal. Son évaluation est assez difficile. Cepen- 
dant quelques chiffres, que nous emprunterons 
à M. Suess, permettent de s’en faire une idée. 

Aux États-Unis, en 1890, d’après la Direction 
des Monnaies, 23.000 kilos d’or environ ont passé 
dans l’industrie. À Birmingham, la consommalion 
industrielle a pu être évaluée à 11.300 kilos ; en 
Suisse, à 9.800 kilos d’or fin, dont 7/9 pour l'hor- 
logerie et 2/9 pour la bijouterie ; en Allemagne, 
à 15.500 kilos. Si l’on tient compte de tous les 
autres pays ; si l’on réfléchit, en outre, que l'or 
étant au pair, les orfèvres se contentent souvent 
de fondre de la monnaie d’or, qui échappe ainsi à 
toute statistique, on voit que, sur 186.000 kilos 
d’or produits en 1890, 90.000 au moins ont passé 
dans l'industrie de l'Europe et des États-Unis. La 
consommalion de l'Inde sous forme de bijoux 
arrive, en outre, à un chiffre qu’on peut apprécier 


-en addilionnant les importations et la produclion 


du pays, chiffre d'environ 35.000 kilos, — ce qui, 
avec 90,000, donne 125.000. 

En ajoutant à cela les pertes par l'usure, les 
sinistres, etc., on arrive à s'expliquer ce fait, en 
apparence paradoxal et néanmoins bien conslaté, 
que le stock monélaire du monde civilisé, malgré 
les 27 ou 28 milliards d’or qui sont sortis de 
terre depuis 1848, soit à peine aujourd'hui d'une 
vingtaine de milliards en or. 

Pour l'argent, la consommation industrielle est 
également grande, mais reste, au contraire, très 
en dessous de la production. 

Nous avons classé, en partie, l'emploi monétaire 
des mélaux précieux parmi les emplois qui sont. 
l'effet d’une loi naturelle. Cela demande une expli- 
cation : car il est évident qu'à priori on aurait pu 
choisir comme monnaie, c'est-à-dire comme ins- 
trument d'échange, loute autre substance que les 
métaux précieux, ou bien encore l’un d'eux exclu- 


re 


L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 3 


—] 
= 


sivement au détriment de l’autre. Mais, pour être 
adoptée en des pays éloignés par des inconnus, il 
fallait que cette monnaie eût une valeur propre 
bien déterminée et constante, qu’elle fût inalté- 
rable, toujours identique à elle-même et facile- 
ment divisible : ce qui a immédiatement restreint 
le choix à quelques métaux, parmi lesquels l'or et 
l'argent, entre lesquels s’est divisée, à peu près 
par parties égales, la faveur de l'humanité. 

En restant toujours sur le domaine des néces- 
silés naturelles et sans empiéter encore sur le rôle 
de la loi dans cette question, on voit également 
qu'un seul métal peut difficilement suffire pour 
tous les usages qu'on réclame d’une monnaie : il 
y a,eneflet, des limites maxima et minima de poids 
et de dimensions qui règlent très étroitement 
l'emploi pratique des monnaies ; il nous suffira de 
remarquer combien la pièce de 5 francs d'argent 
alteint déjà la taille extrème au delà de laquelle une 
pièce serait tout à fait incommode à manœuvrer el, 
d'autre part, la pièce de 5 francs en or était à la 
fois trop légère et trop petite. Il en résulte que, 
dans l'usage courant, chaque métal a son æppli- 
cation bien distincte ; il faut un métal inférieur, 
cuivre ou nickel, pour l’appoint; puis de l’argent 
pour les très pelites sommes, les achats cou- 
rants, etc.; de l’or pour les valeurs comprises 
entre 5 et 100 francs et, au delà, la monnaie de 
crédit, sous forme de billets de banque, chèques 
ou virements. C’est ainsi, toutes les enquêtes mo- 
nétaires failes en France l'ont bien montré, que 
se répartissent les choses en pratique, et, dès que 
les paiements deviennent un peu forts, l’usage 
de plus en plus général est de les opérer en papier 
ou par écritures commerciales. La conséquence, 
c’est que, même pour l'emploi monétaire, il ne 
dépend pas autant qu'on le croit de la volonté du 
législateur de substituer l'or à l'argent ou l'argent 
à l'or et, d'autre part, qu'en raison de l'emploi 
déjà très généralisé du papier pour les fortes 
sommes, la quantité de numéraire nécessaire, en 
laissant de côté les règlements internationaux, 
tend à être beaucoup moins forte qu’on ne le 
croit souvent et surtout n’est nullement propor- 
tionnelle à l’activité commerciale d’un pays. 

Il y a, d'ailleurs, un élément sur lequel M. des 
Essarts a appelé l'attention, et qui importe autant 
que la quantité de numéraire : c’est sa vitesse de 
circulation ; il est certain qu'une pièce de monnaie 
changeant trois fois de mains dans un temps 
donné produit autant d'effet utile que trois pièces 
se déplaçant une seule fois. 

En résumé, l'or et l'argent ont, aussi bien dans 
leur rôle monétaire que dans la consommation 
industrielle, des emplois de premier ordre et abso- 
lument distincts, où il ne dépend de la volonté de 


personne de les substituer l’un à l’autre, et la con- 
séquence logique et fatale, c’est que ces métaux 
précieux sont, au même titre que deux substances 
quelconques, réglés par la loi générale de l'offre 
et de la demande, sans qu'il soit aucunement pos- 
sible d'empêcher l'augmentalion de prix de celle 
qui sera la plus recherchée où une diminution de 
celle qui sera produite en quantité surabondante, 
VI 

C'esl en face de cet élal de choses que les Congrès 
des Bimétallistes viennent proposer aux grands 
Etats d'établir artificiellement un équilibre entre 
les deux mélaux en se faisant, eux, consommateurs 
du surplus de production qui entrainerait une 
baisse de l’un d’eux et en relevant par leurs achats 
le prix de cette marchandise dépréciée; suivant 
eux, il n’y aurait là aucun risque à courir, car des 
oscillations en sens inverse seraient appelées à se 
produire entre les deux mélaux sans jamais s’é- 
carter beaucoup dans un sens ou dans l’autre d'un 
rapport fixe, en sorle que l'Etat, jouant simple- 
ment le rôle de régulateur ou de volant, achèterait 
alternativement de l'or et de l'argent et se trou- 
verait finalement dans la même situation qu'au 
début. Par là, disent-ils, on remédierait au manque 
de numéraire, qui serait, à leur avis, la cause pre- 
mière de la crise industrielle et commerciale par 
laquelle passe le monde entier; en outre, les agri- 
culteurs de France et d'Allemagne trouveraient, 
dans un relèvement du métal blanc, un remède à 
la prime d'exportation que touchent actuellement 
les agriculteurs concurrents de la République Ar- 
gentine, de l'Inde ou d’autres pays à étalon d'argent, 
le blé ou la viande produits dans ces pays étant 
payés en argent ayant conservé toule sa valeur 
d'achat, tandis qu’exporté en or il esi soldé en or 
échangeable contre une quantité d'argent à peu 
près double. La solution bimétalliste serail donc 
une entente entre tous les grands Etats ayant pour 
effet de régler d’une façon définitive le rapport de 
l'or et de l'argent. 

11 n’est pas besoin de montrer — on l’a fait assez 
de fois — combien est illogique et irrationnelle 
l’idée de fixer légalement le rapport entre deux mar- 
chandises, alors que le législateur est incapable 
d'agir ni sur leur production, ni sur la majeure 
partie de leur consommation, qui sont les véritables 
éléments déterminants du prix. Mais peu importe 
à des esprits hantés de ces idées socialistes qui 
tantôt prennent l'étiquette du protectionnisme, el 
tantôt celle du bimétallisme; suivant eux, il suffit, 
pour arrêter une marée montante, de placer en 
face des vagues un bout de muraille avec une pan- 
carte portant : « De par la loi el la volonté de l'Etat 
sacro-saint, défense à la mer de monter. » Nous ne 


372 


ar cn 


L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 


nous arrêterons done pas au côté théorique de la 
question, etnous essaierons seulement de faire voir 
que pratiquement leur solution esl aussi irréali- 
sable que dangereuse pour notre pays. 

Irréalisable, elle l’est assurément; car, en sup- 
posant même conclue par impossible celte espèce 
d'association dont ne veut aujourd’hui à peu près 
aucune des parties appelées à être contractantes, 
nous croyons avoir assez montré que cela n'empé- 
cherait pas les oscillations dans le cours des deux 
métaux et surtout la baisse future à prévoir pour 
l'argent; il en résulterait, dès lors, que chacune des 
parties, dans l'attente d’une rupture toujours pos- 
sible de l'acte international, chercherait à accumu- 
ler la majeure partie du métal le plus cher, c'est- 
à-dire presque toujours de l'or, et que la lutte pour 
l'or, au lieu de s’atténuer, deviendrait de plus en 
plus aiguë. 

Quant au danger que présenterait la solution 
pour la France aussi bien que pour l'Angleterre, il 
est, ce nous semble, encore plus évident. Ces deux 
pays sont, en effet, créditeurs du monde entier; 
leur balance commerciale, toujours défavorable, 
n’est compensée que par les intérêts des emprunts 
contractés vis-à-vis d'eux par le reste du monde; 
on peut les comparer à des rentiers qui vivent, 
non seulement de leur travail acluel, mais aussi du 
produit du travail ancien de leurs ancêtres. Or, le 
jour où lous les pays étrangers, qui ont des mil- 
lions à nous payer par an, pourraient le faire à leur 
choix en argent ou en or, ils le feraient assuré- 
ment en argent dont la valeur réelle ne pourrait 
manquer de rester inférieure à la valeur nominale, 
et, très rapidement, le stock d’or, qui fait la situa- 
tion de ces deux grands pays si forte, serait drainé 
et remplacé par du métal déprécié. Ce n'est pas 
une légère augmentation dans la valeur de notre 
stock d'argent, déjà beaucoup trop grand, qui 
compenserait cette perte. Ces inconvénients sont 
tellement manifestes que le retour au bimétal- 
lisme, préconisé comme une panacée universelle, 
nous parail singulièrement peu probable. Les in- 
convénients contraires, auxquels on croirait remé- 
dier par là, sont, d’ailleurs, ou très exagérés ou 
dus à de tout autres causes. 

En premier lieu, est-il vrai que la disette du 
numéraire et la rareté de l'or, qui tend à devenir 
en Europe l’étalon unique, soient les vraies causes 
de la crise industrielle actuelle? Comme nous le 
remarquions plus haut, la quantité de numéraire 
n'est nullement proportionnelle à l’activité com- 
merciale, el l'Angleterre, qui en a beaucoup moins 
que nous, fait pourtant beaucoup plus d’affaires: 
il suflil que ce numéraire circule plus vite et sur- 
tout qu'on y supplée par le crédit, par les vire- 
ments, les chèques, les billets, ete., comme on 


tend à le faire de plus en plus dans les pays civi- 
lisés. Sans doute, un certain nombre de pays dans 
l'Europe méridionale sont actuellement très gênés 
par le manque de métaux; mais leur malaise, 
comme celui du monde entier, lient à des causes 
beaucoup plus complexes et, en particulier, 
croyons-nous, à l'état d'insécurité profonde où 
nous vivons par suite de l’ingérence abusive des 
doctrines socialistes. 

Quant à l'appui que le bimétallisme apporterait 
à nos agriculteurs, outre que ce serait une appli- 
calion nouvelle de la méthode trop généralement 
usilée qui consisle à venir au secours de quelques 
producteurs bien visibles et réclamant fort au dé- 
triment de l’universalité des consommateurs, nous 
croyons que, si on laissait la maladie suivre son 
cours normal, elle trouverait son remède en elle- 
même. On se fonde, en effet, sur ce que, dans les 
pays à monnaie dépréciée qui sont nos concur- 
rents, cette dépréciation constitue une prime pour 
l'industrie locale,pourlesexportateurs du pays,ete., 
et il est certain qu’un phénomène de ce genre 
commence par se produire; mais, à moins que ce 
pays n'ait contracté aucune dette à l'Étranger el 
ait, en outre, une balance commerciale favorable, 
ce qui est un cas tout à fait hypothétique, il arrive 
bientôt que la nécessité de faire à l'Étranger les 
règlements en or constitue une gêne destinée à 
s'accroilre de jour en jour et pouvant même 
amener une banqueroute analogue à celle de la 
Grèce ou du Portugal, qui alors paralyse singuliè- 
rement l'essor de l’industrie nationale. En outre, 
si, au début, la monnaie dépréciée conserve à peu 
près dans le pays son ancien pouvoir d'achat pour 
les substances diverses et pour la main-d'œuvre, 
cet état de choses ne dure généralement pas bien 
longtemps; peu à peu, les prix de ces substances 
s'élèvent à leur tour, finissent par atteindre l’équi- 
libre primitif et souvent même le dépassent, sur- 
tout si le change vient à s'améliorer légèrement; 
alors les exportateurs, au lieu de toucher une 
prime, ont une perte à subir. 

VI 

Le danger le plus réel de la situation actuelle, 
c’est que l’on peut arriver à manquer de monnaie 
d'or, et, pour y remédier, on a pu, avec quelque 
raison, préconiser le monométallisme argent. En 
se fondant sur cette disette de l’or altendue, les 
Bimélallistes disent que, seule, la somme des deux 
métaux, or et argent, peut suffire à nos besoins. 

Mais ce danger même ne nous parait pas telle- 
ment grave et surtout imminent ; en effet, pour le 
moment du moins, la production d’or paraît desli- 
née à augmenter très sensiblement ; quant à sa 
consommalion, les Etats-Unis, qui auraient pu de- 


L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 


373 


—————_———————— —……——…—…—…—…………………_……’“__““—…—êaêapapapapaEaEaE 


venir des concurrents redoutables sur le marché ! le prix de toutes les autres substances payables en 


de l'or, s'ils l'avaient adopté comme étalon unique, 
paraissent disposés, tout au contraire, à pousser 
jusqu’au bout leur périlleuse expérience en adop-- 
tant, pour le plus grand plaisir des silvermen, la 
frappe libre de l'argent ; enfin, les quantités consi- 
dérables de métaux précieux qui, depuis des siè- 
cles, ont été s’accumuler en Asie, ne sont peut-être 
pas destinées à y rester indéfiniment immobilisées à 
l'état de trésors et de bijoux. L’humanité tout 
entière a connu jadis cet état de crainte et 
de suspicion réciproque où chacun cherche 
à rassembler sa richesse sous la forme la plus 
réduite, la plus palpable et la plus facilement dis- 


simulable, c'est-à-dire à l’état de lingots d'or et de 


bijoux; puis la possession de la terre, qui est 
encore une chose matérielle et tangible, a sem- 
blé assurée assez complètement par les lois et les 
contrats pour qu'on adoptät une forme plus pro- 
ductive de fortune : les placements territoriaux ; 
enfin, l'usage des valeurs mobilières, d’abord 
redouté, s'est répandu de plus en plus en raison 
de ses commodités spéciales pour les échanges, 
les partages, les transmissions, de son revenu 
plus considérable au moins au début, etc. ; nous 
avons vu, rien que dans le dernier demi-siècle, ce 
goût des valeurs mobilières se répandre en France, 
jusque dans les couches les plus profondes de la 
population, avec une intensité qui n’est pas sans 
danger. Semblable évolution peut fort bien finir 
par se produire en Asie, et la victoire actuelle du 
Japon sur la Chine qui va, sans doute, provoquer 
en Chine un mouvement dans le sens européen, 
ne sera peut-être pas sans y contribuer. Ce jour-là, 
une grande quantité d'or et d'argent viendrait 
aussitôt alimenter notre consommation. 

Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, nous avouonsne pas 
comprendre le grand danger qu'il y aurait, sauf une 
période de crise passagère, à ce que la valeur de 
l’or augmentàäl peu à peu, commeelle nous parait, 
en effet, appelée à le faire un jour fatalement; et 
le mal serait assurément beaucoup plus grand si, 
au lieu de laisser les choses suivre leur cours nor- 
mal, on essayait d'arrêterle flot par une digue qui, 
brusquement, céderait en produisant des désas- 
tres. 

Quelles peuvent être, en effet, les conséquences 
d’une raréfaction de l’or? Supposons que la valeur 
de l'or vienne à doubler, ce qui revient à dire que 


or diminuerait de moitié, comme le rapport des 
prix de ces substances entre elles n’en serait pas 
modifié, on ne s’en apercevrait qu'à une chose : 
c'est que le pouvoir d'achat de l’or anciennement 
accumulé se trouverait deux fois plus grand. C’est 
là le fait dont il faut envisager les conséquences 
pratiques et sociales. 

Pratiquement, on dit : La monnaie d’or manque- 
rait; mais, si la pièce de 10 franes valait demain 
20 francs, il en faudrait nécessairement deux fois 
moins pour un paiement égal, et c’est à cela que 
la chose reviendrait. Si l'on voulait, en raison de 
ses commodités pratiques, garder à la pièce de 
20 francs ses dimensions en même temps que sa 
valeur ancienne, il suflirait d'y introduire moitié 
de cuivre : ayant moitié moins d’or à un prix 
double, on aurait une monnaie identique. 

Quant aux conséquences sociales, elles se résu- 
ment en ceci que la puissance du capital se trou- 
verait augmentée par rapport à celle du travail ; 
mais Lant de causes morales et légales influent en 
sens contraire qu'elles contrebalanceraient sans 
doute, et au delà, cet inconvénient. Déjà le Laux de 
l'intérêt est si réduit, la difficulté de placer son 
argent avec sécurité est telle qu'à la vieille écono- 
mie française se substitue peu à peu, au grand détri- 
ment de la fortune publique qui est, au fond, la 
somme de celle des particuliers, l'habitude de 
mangerson revenu jusqu'au bout,souvent même le 
capital avec le revenu, de placer en viager, etc. 
Le jour où ces habiludes seraient généralisées, 
le conflit actuel entre le capital et le travail se 
résoudrait de lui-même parla destruction du capital. 

En tout cas, il ne faut pas oublier — et c’est, 
croyons-nous, le point essentiel à considérer pour 
nous, Français, dans la solution à adopter — que, 
parmi ces rentiers et ces capitalistes si décriés, 
notre pays lui-même tient la première place, en ce 
sens qu’il possède aujourd'hui une très forte partie 
de l'or du monde entier. Il est donc de notre intérêt 
général de voir ce stock d’oraugmenterde valeur; 
l'échanger contre de l'argent destiné à se dépré- 
cier de jour en jour serait une folie si insigne que 
l'intérêt mal entendu d’un groupe quelconque 
d'individus ne pourra certainement pas décider à 
l’'accomplir. 

L. De Launay, 


Professeur à l'École Supérieure des Mines, 


374 


CH.-ED. GUILLAUME — L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


SÉANCES DE PAQUES, 16 ET 17 AVRIL 4895 


L'exposition de la Société de Physique a été, 
celle année, exceptionnellement brillante, et d’un 
caractère particulièrement artistique. En lui don- 
nant ce dernier qualificalif, nous ne pensons pas 
seulement aux magnifiques photographies, qui ne 
seraient déplacées dans aucune exposition d’art 
décoratif; nous voulons parler de l’ensemble, fort 
bien ordonné, de beaux el bons appareils que nous 
avons pu admirer dans ces deux soirées. 

Chaque science ne peut pas revendiquer annuel- 
lement une grande découverte. La chimie absorbe 
en ce moment l'attention, depuis que lord Rayleigh 
el le Professeur Ramsay ont ouvert un sillon nou- 
veau et qui s'annonce d’une inépuisable richesse ; 
ne nous montrons pas jaloux : notre tour viendra 
une autre année. 

L'exposition révèle une grande somme d’efforts 
couronnés d’un légitime succès. Dans les années 
de recueillement, l'outillage se perfectionne; il 
sera prêt lorsqu'on en aura besoin. 


C’est encore la Photographie qui, cette année, 
s'est montrée la great attraction. Depuis l'an der- 
nier, les progrès ont été importants, et nous allons 
tâcher de les résumer. Un signe de la grande 
extension que prend cet art, mis hier seulement à 
la portée du simple amateur, c'est la fascination 
qu'il exerce sur les constructeurs ; il en est peu 
qui ne lui aient sacrifié peu ou prou et plusieurs 
sont allés au-devant du succès. 

La maison Carpentier, qui avaitouvertla marche, 
n’est pas restée slalionnaire. L’excellente jumelle 
qu'elle a lancée il y a trois ou quatre ans a fait 
ses preuves, el est devenue partie intégrante de 
l'outillage du voyageur. De nouveaux modèles ont 
élé créés, avec un plus grand champ ou un foyer 
plus long, afin de remédier au plus gros défaut de 
ce genre d'appareils : la pelitesse des épreuves. 
Mais celle pelilesse cesse d’être un défaut lorsqu'il 
s'y ajoute l'extrême finesse permettant un fort 
agrandissemen! : ainsi, lesclichés pris par M.J. Val- 
lot, du sommet du Mont-Blanc, tout auprès de son 
observatoire, donnent une idée bien nelle de 
l’admirable panorama que l’on contemple de ces 
hauteurs. Il est difficile d'obtenir, sans le secours 
du stéréoscope, un relief plus accentué. 

C'est dans la même voie des appareils à répéti- 
tion que se sont engagées les maisons Duboscq, 
Échassoux et Richard. Nos lecteurs connaissent, 
par la description qui en a été faite dans cette 


Revue! l'appareil réversible de ce dernier conslruc- 
teur, qui donne des effets d’une frappante réalité. 

La loi des contrastes nous amène aux admirables 
résullats obtenus, à l'Observatoire de Paris, par 
MM. Loewy el Puiseux, qui ont dépassé, du pre- 
mier coup, tout ce qui avait été fait jusqu'ici 
comme photographies lunaires. La faible durée de 
la pose, la stabilité de l’appareil et sa grande dis- 
tance focale (18 mètres) sont autant d'éléments de 
leur succès. Les clichés, très nets, permettent un 
agrandissement considérable. Dans les derniers, 
le disque entier de notre satellilte serait repré- 
senté par un cercle de 4 mètres de diamètre, 

Les agrandissements sur papier gélaliné ob- 
tenus par MM. Auguste et Louis Lumière, les 
coryphées de l'industrie photographique, ont 
beaucoup attiré l'attention; il s’agit d'épreuves 
instantanées (rès rapides, du format 13 >< 48, 
agrandies jusqu’à 2 mètres dans leur plus grande 
dimension, el ayant conservé, dans cette lransfor- 
malion, une grande nelteté. Leur cinématographe 
(appareils chronophotographiques de M. Marey el 
de M. Demeny, kinétographe d'Édison)leur a permis 
d'obtenir la reproduction, par projection sur un 
écran, de scènes animées. 

Le stéréoscope, auquel la photographie a donné 
une grande importance, a subi, dans ces dernières 
années, quelques perfectionnements représentés, 
dans l'exposition par le stéréochromoscope de 


Fig. 4. — Sléréoscope de précision de M. L. Cazes. 


M. Léon Vidal, construit par M. Nachet, et le sté- 
réoscope de précision, de M. L. Cazes, réalisé par 
M. Pellin. Dans le premier de ces instruments, on 


1 J, Ricmarp : La perspective photographique et la per- 
spective oculaire (le Vérascope). Revue gén. des Sciences, t. Ne 
pages 649 à 654, 189%. 


Te 


CH.-ED. GUILLAUME — L’'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


379 


a... ———————————]— |" —]]] "| | 


place trois photographies d’un même objet, vues 
au travers d'écrans qui leur communiquent les 
trois couleurs fondamentales. Deux de ces épreuves 
sont vues à l’aide de l’œil gauche, et sont des 
épreuves gauches; la troisième se présente devant 
l'œil droit. En combinant convenablement les par- 
lies claires et sombres des clichés, on favorise 
plus ou moins les trois couleurs, et on obtient, en 
même temps que le relief stéréoscopique, la colo- 
ralion exacte de toutes les parties de l’objet. 
L'instrument de M. Cazes, décrit dans un opuscule 
auquel nous empruntons la figure 1, consiste en 
deux miroirs M et M', montés sur deux tringles A 
et B à angle droit, et qui renvoient sur deux petits 
miroirs #% et »', que nous nommerons miroirs 
oculaires, les images gauche et droile placées 
devant eux. Le tout est monté sur un pied CG à 
douille D. La mobilité des quatre miroirs sur 
leurs supports permet de chercher la position qui 
donne les meilleurs résultats, el d'étudier les 
variations de l'impression d'ensemble qui accom- 
pagnent leurs déplacements. L'emploi de déux 
miroirs pour chaque œil éleud indéfiniment les 
limites de dimension des épreuves utilisables. 
Signalons enfin les photographies de l’arc élec- 
trique obtenues par M. Violle. Si nous les mettons 
à part, c'est parce qu'elles sont, croyons-nous, 
une première réalisation d’un plan de travail con- 
sistant à faire, à l’aide de la photographie, la pho- 
tométrie de l’arc électrique. Cette tentative répond 
à une préoccupation actuelle, celle d'ouvrir à la 
photographie une place plus large dans la Photo- 
mélrie, à laquelle les récents travaux de M. Picke- 
ring ont apporté une importante contribution. 


2 Il 


La Photographie ne pouvait être mise ailleurs 
qu’en têle de cet article. La classification logique 
en a souffert, mais nous allons en reprendre le fil. 

La Cinématique et la Mécanique appliquée nous 
ont offert plus d'un dispositif intéressant. 

Les mécanismes articulés de M. Delaunay, pro- 
fesseur à l’Université de Saint-Pélersbourg, nous 
montrent la continuation de l’œuvre du grand ma- 
thématicien Tchébichef. Le duplicateur, appareil 
qui transforme un mouvement de rotation en un 
autre de vitesse angulaire #oyenne double, le trans- 
metteur pantographique, l'hyperbolographe sont 
d'une grande ingéniosité, et pourraient (les deux 
premiers surtout) rendre de réels services dans la 
construction des machines. Nous voudrions nous 
étendre plus longuement sur deux mécanismes 
très simples, l’un qui remplacerait peut-être avec 
avantage le parallélogramme de Watt, l’autre, que 
son inventeur appelle ellipsographe, et qui, en réa- 


_lilé, résout automatiquement le problème plus 


général de la projection orthogonale. Ces deux 
mécanismes sont représentés dans les figures 2 et 3. 
Dans le premier{fig.2), le point A est fixe, ainsi que 
le point E; le triangle CDE est assujetti à se dé- 


tie 
[NX 
(SN 
| < 
{ N à 
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C! 4l \ & 
| sb: 
| ; 

A 

Fig. 2. — Schéma d'un mécanisme articulé de M. Delaunay, 


susceplible de remplacer le parallélogramme de Watt. 


placer de telle sorte que les points Cet D tournent 
respectivement autour des points À et B. Dans 
ces conditions, le point E décrit une courbe de 
sixième ordre, dont une portion assez longue est 
pratiquement confondue avec une droite. M. Delau- 
nay a modifié ce disposilif en enchaïnant quatre 
triangles en un circuit fermé; le sommet libre de 
chacun d’eux décrit une portion de droite, corres- 
pondant à un même mouvement du point moteur. 

Les tringles AB, BC de la figure 3 sont assujet- 


_E 
NC 
\ 

Q— QUE = . 
A\ j (GC 
D*X de 

IN CL É 
Code 
B 


Fig. 3. — Schéma de l’ellipsographe de M. Delaunay. 


lies à la condition que les points A et C parcourent 
deux segments de droites situées dans le prolon- 
gement l’un de l’autre. Ces tringles en entraînent 
d’autres, DE et EF, qui forment un losange avec 
les premières. On voit immédiatement que tous 
les mouvements de gauche à droite effectués par le 
point B seront imités par le point E. Les mouve- 


376 CH.-ED. GUILLAUME — L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


ments de haut en bas seront réduits dans une pro- 
portion qui dépend de la position des points D 
et F sur les premières tringles. Si l’on assujettit le 
point B à se mouvoir autour d’un point fixe G, 
on réalise l’ellipsographe. 

C'est encore un problème du même ordre qu'a 
abordé M. Amet dans sa réglette, construite par 
MM. Benoist et Berthiot, el qui sert à donner une 
valeur approchée des foyers des lentilles dont la 
courbure est connue. Il suffit, pour cela, de placer 

un curseur sur un point 
| d’une échelle divisée indi- 
quant le rayon d'une des 


LA faces, d'amener un autre 

| curseur en contact avec le 
| À premier, etde tendre un fil 
| entre l'extrémité du pre- 


mier et un point du se- 
cond marquant le rayon 
de la seconde face. Le fil 
coupe, sur une division, 
l'indication de la distance 
Z \ focale pour une valeur dé- 
terminée de l'indice. 

La maison Digeon a ex- 
posé plusieurs appareils 
intéressants : 


un sphéromè- 
| tre, complétant un appareil 
de M. U. Le Verrier, et des- 
| | {iné à déterminer les varia- 
| | tions de .dimension des 
sphères soumises à une 
pression préalable; un sclé- 
| romètre, du système Mah- 
ler-Digeon, consistant, en 

| une molette que l’on pres- 

| 

| 

| 

| 

| 

| 

| 


144474 


se, avec une force mesura- 
ble, contre la matière dont 
on veut déterminer la du- 
reté: en donnant un mou- 
vement à la molette, on 
cherche la pression né- 
cessaire pour marquer une 
trace visible; enfin, un ap- 
pareil destiné à l'essai des 
papiers à la traction et à la 
flexion, dans lequel la bande de papier à es- 
sayer, 


Fig. 4. — Pince de l'appa- 
reil pour l'essai des pa- 
piers. — d, noyau ser- 
rant automatiquement la 
bande de papier contre 
les joues de la pince. 


maintenue par la pince à noyau repré- 
sentée ici (fig. 4),est soumise à des efforts allant en 
augmentant d'une manière continue,et donnés par 
un poids agissant sur une came à bras de levier 
variable. Au moment de la rupture, le système est 
maintenu en place par un système de cliquets. 

Il faut nous limiter, et nous ne pouvons malheu- 
reusement que mentionner en passant le loch élec- 
trique à hélice système Baule, le gyroscope de M. l’a- 


miral Fleuriais, la règle typographique et la boussole 
directrice de M. le capitaine Delcroix, construits par 
M. Demichel; le vélomètre de M. le capitaine de 
Place et quelques autres appareils des maisons 
Noé, Gautier, Berlemont, Pillon et Velter; nous 
espérons pouvoir y revenir à une autre occasion. 

Nous ne voudrions toutefois pas quitter ce sujet 
sans nommer le bélier hydraulique de M. Decœur, 
construit par MM. Rouart frères, et permettant 
d'élever l’eau à une grande hauteur en se servant 
d'une faible chute. Les perfectionnements apportés 
à ce vieil appareil sont de nature à lui donner un 
regain de jeunesse. Le bélier en lui-même est fort 
instructif, parce qu'il nous donne une image du 
principe très général dont celui de Carnot est le 
cas particulier le plus important, et qui consisteen 
ce que l'on peut augmenter le potentiel en consen- 
tant à une perte compensatrice. 


III 


Nous ne quittons qu'à moilié la Géométrie et la 
Mécanique en disant quelques mots des mesures 
de précision. 

Les ingénieux appareils installés à l'Observa- 
toire de Paris par M. Maurice Hamy, et les travaux 
préliminaires de M. Macé de Lépinay, dans le but 
de déterminer de nouveau la masse spécifique de 
l’eau, rentrent dans cette catégorie. 

M. Hamy s’est proposé de mesurer les défauts 
des tourillons d'une lunette. Dans ce but, il place, 
sur le cylindre à étudier, une petite fourche qui 
remplace ici le support du tourillon : cette fourche 
fait partie d'un équipage monté pour la mesure 
des déplacements par la méthode de M. Fizeau qui, 
depuis trente ans qu'elle a été imaginée par l'il- 
lustre doyen des physiciens français, a déjà rendu 
lant de services divers. 

M. Macé de Lépinay a entrepris une nouvelle 
détermination de la masse du décimètre cube 
d’eau. Ce travail comprend deux opérations con- 
sistant dans la mesure d'un corps de forme géo- 
métrique simple et sa pesée dans l'air et dans 
l'eau. Le corps choisi est un cube de quartz, dont 
l'étude détaillée a été entreprise par un procédé 
optique. Les courbes d’égale épaisseur ont été 
déterminées, et il ne reste plus, pour connaitre 
exactement son volume, qu'à mesurer l'épais- 
seur sur quelques points des bords par le procédé 
des franges de Talbot, que M. Macé de Lépinay a 
élaboré. Ce procédé ne permet d'atteindre les der- 
nières limites de la précision compatible avec les 
données du problème que si l'on connaît, avec une 
grande exactitude, la valeur de la longueur d’onde 
de la lumière employée. Les mesures faites par 
M. A. Michelson sur les raies du cadmium, me- 
sures exécutées au Bureau international des Poids 


n 


__et Mesures, fournissent les données nécessaires 


au calcul de ces expériences. Les recherches de 
l'éminent professeur de Chicago augmentent ainsi 


- considérablement la valeur des mesures par les 
._ procédés interférentiels. 


IV 


Passons maintenant en revue quelques appa- 


_ reils de laboratoire. Le thermomètre à réservoir 
+ enplatine, combiné par M. Marchis et exéculé par 
- M. Hémot, se distingue par l’invariabilité de son 


échelle et la rapidité de ses indications; mais il 


. présente peut-être quelques inconvénients qui se 


révéleront à l'usage; ils ont élé discutés dans une 
séance de la Société, et nous n'y reviendrons 
pas ici, nous réservant de reprendre la question 
lorsque la pratique de cet instrument aura fixé sa 
valeur. Il y a, dans sa construction, plus d'une 


- difficulté vaincue, qui témoigne de l’habileté du 


constructeur. 

C’est dans la même voie, de la soudure du verre 
sur le platine, et même sur le cuivre (cette derrière 
par l'intermédiaire d'un émail) que M. Chabaud 
nous a montré les nouveautés les plus intéressantes 
de sa construction: il est parvenu à résoudre ce 
problème réputé presque désespéré, de souder di- 
rectement au verre dur, des tubes de platine dont 
le diamètre atteint 2 centimètres. Les plus pe- 
tits tubes ont été soumis à une pression de plu- 
sieurs centaines d’atmosphères, et se sont déchirés, 
mais sans se détacher du verre. 

Les nouveaux procédés étudiés par M. Chabaud 
lui ont permis de construire un calorimètre de 
Bunsen, entièrement soudé, et dont le tube ré- 
cepteur est en platine. Ce détail, qui, à première 
vue, peut paraître insignifiant, n’en est pas moins 
d'une grande importance, puisqu'il permellra 
d'employer, sans précautions spéciales, le calo- 
rimètre de Bunsen à l'étude des chaleurs spéci- 
fiques pour de grands intervalles de température, 
et même des chaleurs de combustion. 

La soupape de sûreté pour trompe à eau, 
construite par M. Chabaud, ainsi que celle de 
M. Berlemont, rendront des services aux physiciens 
distraits. 

Les nouveaux thermomètres à petit réservoir, 
qu'expose M. Chabaud, sont les plus rapides que 
nous ayons vus jusqu'ici; ils rendront, croyons- 
nous, des services partout où l'on voudra mesurer 
des variations très rapides de la température, sans 
abandonner l'instrument idéalement simple, le 
thermomètre à mercure, qui, il faut le dire, est 
resté bien loin en arrière, au point de vue de la 
faible masse durécepteur, des appareils électriques, 
bolomètres et radiomèlres divers. Les mesures en 
ballon, l'étude des variations de la température 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 18905. 


CH.-ED. GUILLAUME — L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


311 


de l'air dans certains cas, par exemple durant 
le foehn, tireront un grand profit de ces thermo- 
mètres minuscules. 

Les tubes qui ont servi à M. Villars pour l'étude 
des gaz très purs, étude dans laquelle il a obtenu 
des résultats remarquables, le calorimètre de 
M.Junkers, construit par MM. Ducretet et Lejeune, 
le chalumeau pour lumière oxyéthérique de M. Mol- 
téni, utilisant l'oxygène et la vapeur d’éther pour 
la chauffe d’un morceau de craie, complètent la 
série des appareils divers, à l'usage des labora- 
toires, qui ont vu le jour pendant l’année écoulée. 

y 

L'Électricité fait encore très bonne figure à l'ex- 
position, bien que les beaux temps des inventions 
retentissantes s’éloignent déjà de nous. La Société 
Cance, avec ses lampes à arc de faible consomma- 
tion, la maison Bisson et Bergès, qui exploite les 
brevets Brianne, et la Société de l'Éclairage holo- 
phane, rivalisent par les flots de lumière dont elles 
égaient l'exposition. L’avènement de la lampe à 
arc de 2 ampères, construite à la fois par les deux 
premières maisons que nous avons cilées, marque 
un progrès dans l'éclairage par l'arc, qui était ré- 
servé jusqu'ici aux cas où l’on pouvait s’en tirer 
par un petit nombre de foyers puissants. Les globes 
mignons exposés par M. Cance diffusent parfaite- 
ment la lumière de l’are en un disque de 3 ou 4 
centimètres de diamètre. 

Nous ne pouvons quilter l'arc électrique sans 
rappeler les importantes applications auxquelles 
il a donné lieu dans ces dernières années : les pro- 
cédés Cailletet, le procédé Cowles pour la prépa- 
ration de l'aluminium, et, d’une manière générale, 
toute la métallurgie de cet élément, enfin, la pré- 
paration en grand de certains mélaux, tels que le 
chrome et le titane, que l’on n'avait possédés jus- 
qu'ici qu'en très petites quantités, marquent une 
étape dans la chimie minérale. Les tra vaux les plus 
importants dans cette voie sont dus à M. Joly et, 
plus encore, à M. Moissan. L'éminent chimiste 
avait exposé divers échantillons de ces métaux, 
que l’on peut qualifier de nouveaux au point de 
vue de leur utilisation dans l’industrie. Une autre 
application de la chaleur de l’arc a été faite au 
graphitage des charbons. On sait que toutes les 
variétés de charbon, le diamant lui-même, soumis 
à la température très élevée qui s'établit entre les 
électrodes d'un four électrique, se transforment 
en graphite. Ce principe a été utilisé par MM. Gi- 
rard et Street pour donner aux crayons de char- 
bon une plus grande conductibilité. Cette propriété 
devient précieuse dans l’électrolvse à l’aide d'’élec- 
trodes en charbon, en usage dans l’industrie. 

Les appareils de mesures ont subi quelques per- 


g** 


378 CH.-ED. GUILLAUME — L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


fectionnements. L'électromètre absolu de MM. Abra- 
ham et Lemoine, construit par M. Carpentier, et 
le galvanomètre de M. P. Weiss rendront des ser- 
vices dans les laboratoires. Dans ce dernier instru- 
ment, l'équipage aslalique consiste en deux ai- 
guilles verticales parallèles, formant un circuil 
magnétique presque fermé, et possédant un mo- 
ment d'inertie très faible, comparé à leur moment 
magnétique. Le galvanomètre très sensible a pris 
une importance considérable depuis l'extension 
des travaux au bolomètre, et c'est à ce genre de 
recherches, si magistralement développées par le 
Professeur Langley, que l’on doit les derniers per- 
fectionnements de cet instrument. Le dispositif de 
M. Weiss permettra, sans doute, de pousser plus 
loin la précision de ces mesures. 

Le compteur de quantité d'électricité, construit 
par MM. Ducretet et Lejeune, d'après les plans de 
M. E. Grassot, utilise de la façon la plus heureuse, 
l'idée, déjà ancienne, d'employer l’électrolyse à 
cette mesure. Un fil d'argent, vertical, plonge dans 
un creuset du même métal, rempli d’une solution 
de nitrate d'argent. Il est en dérivation sur le cir- 
cuit principal, et le courant qui le traverse l'use 
peu à peu par le bas. Il descend dans le creuset, 
en entrainant, à l’aide d’une crémaillère, une roue 
actionnant un mécanisme d’horlogerie; la trans- 
formation est, on le voit, d’une simplicité idéale. 

Le magnétomètre de M. Hospitalier, et l'appareil 
de M. Pellat pour la mesure des pouvoirs induc- 
teurs spécifiques, construits par la même maison, 
répondent chacun à un problème important de 
Physique pratique. Ces appareils seront présentés, 
sans doute, à la Société de Physique, dans le cou- 
rant de l'été, et nous préférons laisser à l'excellent 
chroniqueur de la Revue, le soin de les décrire en 
détail, avec la compétence que chacun luireconnail. 

Nos lecteurs connaissent les ingénieux procédés 
par lesquels M. Janet détermine les constantes des 
courants interrompus ou alternatifs, à l’aide de la 
méthode électrochimique. Les recherches déjà cé- 
lèbres de M. d’Arsonval sur les effets physiolo- 
giques des courants de haute fréquence, ont êlé 
aussi exposés très en détail dans cette Revue. Ces 
derniers travaux ont donné à plusieurs construc- 
teurs, — MM. Ducretet et Lejeune, M. Figueras, 
M. Gaiffe, — l'occasion de combiner d'intéressants 
dispositifs. Les appareils de ce dernier construc- 
teur se distinguent par leur forme compacte el 
leurs dimensions peu encombrantes. 

Dans le même ordre d'idées, l'ozonateur statique 
de M. Bonelti répond à une préoccupation actuelle : 
celle d'employer l'oxygène, ainsi transformé par 
l’effluve, au traitement des affections des organes 
respiratoires. | * 

Les phénomènes complexes, dont les lignes télé- 


graphiques sous-marines sont le siège, peuvent 
dificilement être étudiés sur ces lignes elles- 
mêmes, qui sont employées jour et nuit à partir de 
l'instant où elles sont posées; mais on peut les 
remplacer par des lignes artificielles ayant même 
résistance et même capacité. C’est dans un but 
d'études de cette nalure, que la Direction générale 
des Postes et Télégraphes a fait construire un mo- 
dèle du càble Marseille-Alger. L’exécution en est 
fort élégante, et la mise hors cireuil des résistances 
et des capacités se fail avec la plus grande facilité, 
et sans erreurs possibles. 

Les càbles souterrains à circulation d'air sec 
sont, croyons-nous, une nouveaulé. Le toron de 
fils isolés est enveloppé par un tube, dans lequel 
on fait passer un courant d'air chaque fois que le 
besoin s'en fait sentir, c'est-à-dire lorsque l’isole- 
ment tombe au-dessous d’une certaine valeur, On 
enlève ainsi l'humidité, et on arrive à décupler 
l'isolement. Ce système, inventé par M. Barbarat, 
et les actinomètres et relais de MM. Maréchal et 
Rigollot ont été adoptés par l'Administration des 
Télégraphes. 

L'actinomètre électro-chimique est fondé sur un 
phénomène découvert par Becquerel, et dont 
MM. Gouy et Rigollot ont trouvé la forme la plus 
sensible. Une plaque de cuivre oxydée, plongée 
dans une solution de chlorure, bromure ou iodure 
métallique, se charge d'électricité sous l'action de 
la lumière, el fait naître un courant dans un circuit 
fermé sur une autre plaque plongée dans la même 
solution. Cette transformation de l'énergie rayon- 
nante en énergie électrique, peut servir de mesure 
à la première, depuis que les détails du phénomène 
ont été étudiés par MM. Maréchal et Rigollot. 

Parmi les applications diverses de l'électricité, 
signalons encore les belles reproductions galvano- 
plastiques de M. Ch. Rivaud, et les clichés en nickel 
d’une grande durelé, obtenus par M. Boudréaux. 


VI 


L'Optique est toujours représentée par de très 
beaux appareils qui ont valu aux maisons Duboscq 
et Pellin leur réputation universelle. Le stéréos- 
cope médical du D' Parinaud, le miroir à foyer va- 
riable de M. Piltchikoff, l'hématospectroscope, ap- 
pareil imaginé par le D° Maurice de Thierry pour 
déceler des traces infimes d’hémoglobine dans une 
solution, le spectrophotomètre de M. Melander, 
enfin le focomètre de M. G. Weiss sont les princi- 
pales nouveautés exposées par cette dernière mai- 
son. On voit figurer pour la première fois, à l’ex- 
position, les glaces platinées transparentes, cons- 
truites par le procédé Dodé, modifié par MM. Pil- 
lon et Veller. Le spectre artificiel, ou, plus exac- 
tement, la toupie pour l'obtention du spectre par 


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CH.-ED. GUILLAUME — L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


une illusion d'optique, a été introduit en France 


_ par la maison Ducretet. Cette curieuse expérience, 


de M. Ch.-E. Benham, a donné lieu, en Angleterre, 
à une discussion qui n'est pas encore close; en 
réalité, on n’est pas fixé sur cette genèse des cou- 
leurs par la rotation d’un disque blanc et noir, et 
il se pourrait bien que la théorie en dût être cher- 
chée dans les phénomènes oscillatoires découverts 
par Young et décrits plus récemment par M. Aug. 
Charpentier et M. Shelford Bidwell. 

La mesure de l'intensité lumineuse des sources 
doit à M. Blondel de sérieux progrès. Nous avions 
déjà vu son photomètre exécuté en commun avec 
le D° Broca. Son lumen-mètre (fig. 5 et 6), construit 
par la maison Sautter Harlé, est la réalisation de 


Fig. 5. — Vue générale du lumen-mètre de M. Blondel. 


la méthode des écrans diffuseurs qu’il a préconisée. 
La source L que l’on veut étudier, est placée au 


centre d’une sphère opaque SS(fig. 6) qui n’en laisse 


échapper que deux fuseaux de lumière //f" limités à 
deuxplans diamétraux verticaux. Les flux lumineux 
sont réfléchis par deux zones Z et Z' d’un miroir 
en forme d’ellipsoïde de révolution, dont les foyers 
sont respectivement le centre de la sphère SS, et 
un point situé à 3 mètres de distance; on place à 
ce second foyer l'écran diffuseur, qui tient lieu 
alors de source éclairante. L’angle du fuseau est 
de 18, et, dans le cas tout à fait général, il faut 
dix mesures pour étudier complètement la source; 
mais, lorsque celle ci est de révolution autour d’un 
axe vertical, on peutse contenter de deux mesures 


379 


la tache, donne immédiatement une valeur pro- 
portionnelle à l'intensité moyenne sphérique. 


VII 


Il nous reste à dé- 
crire quelques appa- 
reils et deux ou trois 
expériences qui ont 
échappé à notre clas- 
sification. Mention- 
nons la sirène à mo- 
teur indépendant, 


: He Fig. 6. — Représentation sché- 
imaginee par M. Pel- malique du lumen-mèlre de 

__ M. Blondel. — L, source lumi- 
lat, et que nos lec neuse. — SS, sphère opaque ne 


laissant passer que deux fais- 
ceaux de lumière ff. —Z Z, 
miroir ellipsoidal. 


teurs connaissent par 
la présenlalion qui 
en a élé faite dans 
une séance de la Société ; l'audiomètre de 
M. Ch. Henry, construit par M. Radiguet, et des- 
tiné, à déterminer l’acuité de l'oreille. Les vibra- 
tions émanées de la source sonore sont con- 
duites aux deux oreilles simultanément par des 
tuyaux portant des diaphragmes iris, montés de 
telle sorte qu'ils ne puissent pas recevoir d’ébran- 
lement par l'intermédiaire des parties métalliques 
de l'appareil. La surface libre du diaphragme se 
substitue ainsi à la source, et l’énergie perçue par 
l'oreille est proportionnelle à cette surface. 

Sur les confins de l'Optique et de l'Électricité se 
trouvent un grand nombre de phénomènes décou- 
verts récemment, et qui attirent de plus en plus 
l'attention des philosophes. Le mystère qui enve- 
loppe encore les rayons cathodiques, malgré les 
splendides expériences de M. Lenard, celles de 
M. Goldstein, de MM. Wiedemann et Ebert, les 
mesures de M. J.-J. Thomson, ne semble pas près 
d’être dévoilé. Aucune expérience ne parait par- 
faitement décisive pour choisir entre les diverses 
théories émises en vue d'expliquer ce singulier phé- 
nomène. M. de Kowalski a apporté à la discussion 
un élément nouveau, en montrant que ces rayons 
se forment non seulement sur la cathode, mais en- 
core en tout point du tube qui présente un élar- 
gissement brusque sur le parcours du flux allant 
de la cathode à l’anode. L'expérience, montée par 
les soins de M. P. Curie, est parfaitement nette. 

Le phénomène électro-statique de Kerr, à l'étude 
duquel M. J. Lemoine a apporté quelques contri- 
butions, a été présenté à la Société par ce dernier. 
Il consiste dans la double réfraction que subit la 
lumière dans un milieu transparent tel que le sul- 
fure de carbone, placé dans un champ électrique. 

Les phénomènes, découverts par Ira Remsen, 
sur la stabilité plus ou moins grande des sels de 
fer suivant l'intensité du champ magnétique au- 


à angle droit. La mesure photométrique, faite sur ! quel ils sont soumis, a fourni à M. Hurmuzescu 


380 


F, TISSERAND — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 


l’occasion d’un curieux travail sur la force électro- 
motrice d'aimantation, c’est-à-dire la différence 
de potentiel qui se manifeste entre deux lames 
plongées dans la même solution el diversement 
aimantées : c’est un des plus curieux cas de réver- 
sibilité qu'il soit possible d'observer. 

Enfin, la purification extrême à laquelle M. Bi- 
det a soumis certains composés organiques l’a 
conduit à trouver que la coloration, prise par ces 
derniers sous l’action de la lumière, est due le plus 
souvent aux traces d'impuretés qu'ils contiennent. 
Quelles sont ces impuretés, en quantité infime, et 
qui, cependant, caractérisent souvent une subs- 
tance? On ne saurait le dire encore, mais, en rap- 
prochant ce fait, suivant l'exemple de M. Curie, 
de la conductibilité de certains corps due tout en- 
tière à une cause du même ordre, on trouve, dans 
cette analogie, une confirmation frappante des 
vues de Maxwell. Le pouvoir absorbant pour les 
radiations, qui produit à la longue la coloration, 


est connexe de la conductibilité. Si l’on envisage 
ces curieux phénomènes à un autre point de vue, 
on est surpris de voir le rôle très important que 
jouent, dans les phénomènes les plus ordinaires, 
les causes qui sembleraient, au premier abord, 
n'avoir aucune action. Les recherches de la nature 
de celles qu'a exécutées M. Bidet sont pénibles, 
et demandent, en même temps que des soins 
minutieux, une très grande persévérance. 

Ces recherches valent-elles les peines qu'elles 
coûtent? Le spectateur, étranger aux luttes pour la 
recherche de la vérilé, eût pu émettre un doute à 
ce sujet il ya quelques mois à peine ; la découverte 
de j’Argon, qui a dû le jour à un long travail de 
patience el de mesures précises, est le meil- 
leur argument en faveur de semblables recher- 


- ches. 


Ch.-Ed. Guillaume, 
Docteur ès Sciences, 
Physicien au Bureau international 
des Poids et Mesures. 


REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE 


L'Astronomie a fait des progrès importants dans 
l'année qui vient de s’écouler; pour les retracer 
tous, il faudrait plus d'espace que je n’en dispose, 
et je devrai me borner aux faits les plus saillants. 


ÏJ. — DÉCOUVERTES DE COMÈTES 


En 1894, on a découvert trois comètes nouvelles, 
et retrouvé deux comètles périodiques. 


41.— Comète de Denning.— Cet astre, très faible, a 
été découvert le 26 mars par M. Denning. Avec un 
intervalle d'observations de quatre jours seule- 
ment, M. Schulhof a calculé une orbite parabo- 
lique, el trouvé, entre ses éléments et ceux de deux 
anciennes comètes, une ressemblance qui lui a 
permis d'annoncer que la nouvelle comète était 
probablement périodique. L'événement a justifié 
celle prévision : au bout de dix jours, l'orbite 
parabolique était notoirement insuflisante. Une or- 
bite elliptique, calculée à l’aide d’un mois d’obser- 
valions, assigne à la comète une durée de révolu- 
tion d'environ sept ans. M. Hind et M. Lamp 
pensent que ce serait la comète de Brorsen, qui 
n'a pas été revue depuis 1879. Il est probable que, 
si les deux astres ne sont pas identiques, ce sont 
du moins deux fragments d’une même comète. 


9. — Comète de Gale. — Découverte le 1% avril à 


Sydney par un astronome amateur, avec un téles- ; 


cope de trois pouces d'ouverture, elle est devenue 
visible à l'œil nu pendant quelques jours. Une 


photographie prise à l'Observatoire de Paris par 
MM. Henry révèle la présence d’une queue assez 
longue. Avec une pose de deux heures, M. Bar- 
nard a obtenu une belle épreuve qui montre l’a- 
vantage de la photographie pour l'étude des dé- 
lails des queues de comètes. 


3. — Comète de Tempel (1873 IT). — Cette comète 
a été retrouvée par M. Finlay au Cap de Bonne- 
Espérance, presque exactement (à moins de 3° de 
distance) à la position calculée par M. Schulhof, 
ce qui est un beau résullat, quand on songe que 
la comète n’avait pas été revue depuis 1878; le 
moment du passage au périhélie avait élé prédit 
par M. Schulhof à quelques heures près. 


4. — Comète d'Encke. — Cette comète célèbre, 
qui est la seule à témoigner de la résistance d’un 
milieu interplanétaire, a été retrouvée simullané- 
ment le 31 octobre, par M. Perrotin à Nice et par 
M. Wolf à Heidelberg. Elle à fait pendant vingt 
ans l'objet des profondes recherches de M. Back- 
lund. Malheureusement, cet astronome a renoncé 
à poursuivre ces études absorbantes. Le monde 
savant regrette sa déterminalion, tout en la com- 
prenant, car M. Backlund vient d’être appelé 
à la direction du bel Observatoire de Poulkovo, 
où il continuera à rendre de grands services à 
la science. 


5. — Comète de E. Swift. — Gelte comète, d’un 


éclat très faible, a été découverte le 20 novembre 
- dernier en Californie par M. E. Swift, qui se pré- 
pare, comme on voit, à suivre dignement les 
traces de son père. A la simple lecture de la dé- 
pêche faisant connaître la découverte, M. Schulhof, 
constatant le sens direct du mouvement de l'astre 
et sa faible vitesse, eut le pressentiment que la 
comète devait être périodique. M. Perrotin a bien 
oulu nous envoyer télégraphiquement deux ob- 
-servalions faites à Nice les 22 et 29 novembre; en 
-y joignant une observation obtenue à Paris par 
M. Bigourdan, M. Schulhof put calculer une orbite 
parabolique qui mit en évidence une très grande 
ressemblance de la nouvelle comète avec une co- 
- mète découverte à Rome en 1844 par de Vico, qui 
avait été cherchée à plusieurs reprises, mais sans 
- succès, et que l’on considérait comme perdue. 
- L'identité des deux astres a été confirmée par les 
observations et les calculs ultérieurs. 
. A la fin du siècle dernier, on disait de Messier 
- que c'était un véritable furet pourla découverte des 
- comèles. On en pourrait dire autant de M. Schul- 
hof, à cause de son flair particulier pour pres- 
sentir leur périodicité, d'après certains indices qui 
échapperaient à des calculateurs très habiles. 
Cette découverte de la comète de de Vico est un 
événement astronomique important, et il est bon 
d'y insister. La comète était très belle en 1844, 
ar on put mème l’apercevoir à l'œil nu durant 
quelques jours. M. Faye avait calculé à cette 
époque une orbite parabolique reposant sur un 
intervalle de cing jours d'observation seulement. 
Quelques jours après, la comète se refusait nette- 
ment à suivre la parabole. M. Faye détermina une 
orbite elliptique et annonça que la comète devait 
revenir tous les cinq ans et demi. Elle a manqué 
sept fois au rendez-vous, et s’est décidée à y pa- 
raitre la huilième fois; c'est un beau succès pour 
la science, et, en particulier, pour le doyen res- 
pecté des astronomes français qui, dans sa verte 
vieillesse, voit confirmer brillamment les calculs 
qu'il faisait il y a un demi-siècle. 

On peut trouver surprenant que la comète ait 
échappé si longtemps aux recherches, car elle n’a 
pas cessé d'occuper les positions qui lui avaient 
été assignées. Mais il faut remarquer que, si on 
a revue en 1894, c'est qu'on disposait d’un ins- 
ment puissant, ce qui n'avait pas eu lieu dans 
es retours antérieurs. On en doit conclure seule- 
ment que la comète, qui était très brillante en 
84%, a perdu depuis presque tout son éclat; elle 
est contentée d’un beau moment dans son exis- 
ence. Ce fait parait devoir se généraliser. C’est 
dinsi que La comète Holmes de 1892, qui a été très 
lumineuse pendant quelques jours, est devenue 
bientôt invisible dans les plus fortes lunettes, 


F. TISSERAND — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 


381 


sans que, pour cela, son éloignement de la Terre 
et du Soleil ait varié beaucoup. Il semble donc 
qu'à certaines époques, sous l'influence de causes 
encore inconnues, sans doute de crises intérieures, 
les comètes se présentent sous un éclat excep- 
tionnel qu'elles sont impuissantes à maintenir, et 
retombent ensuite dans une extrême faiblesse. 


Il. — DÉCOUVERTES DE PETITES PLANÈTES 


Ces découvertes en 1894 ont été au nombre de 
23, dont 11 faites à Nice, 6 à Heidelberg, 2 à Bor- 
deaux, 1 à Paris et 4 à Marseille. On en avail 
compté 31 en 1892 et 40 en 1893. A la fin de 1894, 
le nombre des petites planètes était juste de 400. 
Du 2% mars au 1° décembre, on n’en a trouvé au- 
cune, et cependant de nombreux clichés photogra- 
phiques ont été obtenus et examinés, notamment 
à Nice. Bien que les mois d'été soient moins favo- 
rables aux découvertes, parce que les nuits sont 
plus courtes, et que la région moyenne dans la- 
quelle se meuvent les petites planètes est moins 
élevée sur l'horizon dans nos latitudes, on peut 
en conclure que le nombre des astres qui restent 
à découvrir, du moins ceux qui sont assez bril- 
lants, décroit très sensiblement. 

Parmi les planètes de 1894, il s’en trouve une, 
BE, qui a excité un vif intérêt : la rapidité de son 
mouvement dans le sens perpendiculaire à l'équa- 
teur céleste avait fait penser que son orbite devait 
être fortement inclinée sur l'écliptique, au moinsau- 
tant que celle de Pallas. Cette induction n’a pasété 
confirméeentièrement:l’inclinaison, quiestnotable, 
avait été exagérée parce que la planète était rela- 
tivement très voisine de la Terre, presque autant 
que Mars dans son plus grand rapprochement. 
C'est, de toutes les petites planètes connues actuel- 
lement, celle qui passe le plus près de la Terre, et 
elle est appelée à fournir une détermination très 
précise de la distance qui nous sépare du Soleil. 

Les découvertes de ces dernières années ont 
beaucoup étendu les dimensions de l'anneau des 
petites planètes, du côté de Marset de celui de Ju- 
piter. On sait que, dans l'intervalle de ces limites 
extrèmes, la distribution des astéroïdes est loin 
d’être régulière. On avait signalé depuis longtemps 
des zones dépourvues de petites planètes, consti- 
tuant de véritables lacunes dans l’ensemble. Un 
assez grand nombre de ces lacunes ont été com- 
blées par les découvertes récentes, et ne doivent 
être regardées désormais que comme des régions 
de pauvreté relative: il n’en reste plus que deux 
principales, qui correspondent à des mouvements 
angulaires deux fois ou trois fois plus rapides que 
celui de Jupiter. Nous sommes heureux de signaler 
à ce sujet les recherches de M. le général Parmen- 
tier, qui tient une comptabilité scrupuleuse des 


382 


astéroïdes suivant leurs distances au Soleil, et ins- 
crit chaque nouveau venu à sa place, heureux de 
voir respectées les deux zones encore vierges. 
M. O. Callandreau a fait des éludes théoriques sur 
les lacunes en question. 

Il serait lrès intéressant de connaître exacte- 
ment les diamètres des petites planètes: on y 
arriverait en mesurant les angles sous lesquels on 
les voit de la Terre. Mais ces angles sont malheu- 
reusement bien petits, et disparaissent dans les 
diamètres factices que les meilleures lunettes don- 
nent à tous les astres indistinctement. C'est tout 
juste si l’on peut résoudre le problème pour les 
quatre anciennes petites planèles, qui sont cer- 
tainement les plus grosses. On avail cru jusqu'ici 
que Vesta, qui se présente avec le plus grand 
éclat, et peut même devenir visible à l'œil nu dans 
des conditions favorables, avait aussi le plus fort 
diamètre, M. Barnard, utilisant la puissante lunette 
de l'Observatoire Lick, a montré que le plus gros 
des astéroïdes est Cérès, dont le diamètre de 
850 kilomètres est à peu près le È de celui de la 
Terre ; viennent ensuite Pallas et Vesta, avec des 
diamètres de 500 et de 400 kilomètres. Ses obser- 
valions ne laissent aucun doute sur l’ordre de 
grandeur de Cérès et de Vesta: car la première 
planète se présentait sous un angle deux fois plus 
grand que la seconde, el cependant elle était plus 
éloignée de la Terre au moment des observations. 
Il faut en conclure que Vesta réfléchit beaucoup 
mieux que Gérès la lumière du Soleil. 

Ilsemble qu'on ne fasse pasune hypothèse tropin- 
vraisemblable en fixant à130 kilomètres le diamètre 
moyen des astéroïdes, jusqu'à la douzième gran- 
deur; c’est à fort peu près le _ du diamètre de la 
Terre. En supposant que les densités soient les 
mêmes, on voit que la masse de chacun de ces 
petits astres ne serait que la millionième partie de 
celle de la Terre. M. Perrotin a d’ailleurs conjec- 
turé d'une facon plausible que leur nombre ne 
serait guère que de 700 ou 800. Soyons plus large, 
et mettons en 1000. L'ensemble ne fera que la mil- 
lième partie de la masse de la Terre; c’est bien peu 
de chose dans l’ensemble du système planétaire. 


III, — RECHERCHES DE MÉCANIQUE CÉLESTE 


Planèles. — Nous avons cette année à signaler 
quantité de résullats inporlants. On sait que Le 
Verrier a consacré de longues années à calculer 
les positions des planètes, en prenant pour base 
la loi de Newlon, et à confronter le résullat 
de ses calculs avec l'observation. Il à trouvé un 
accord satisfaisant pour toutes les planètes, sauf 
deux. Mereure a présenté une petite anomalie qui 
a conduit Le Verrier à admettre l'existence 
d'une ou de plusieurs planètes intra-mercurielles ; 


F. TISSERAND — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 


mais Saturne a montré des irrégularités bien 
nettes, quoique faibles, dont la cause était en- 
core ignorée. Cette difficulté a été éclaircie par 
M. Gaillot, chef du Bureau des Calculs à lOb- 
servatoire de Paris; par une longue collaboration 
avec Le Verrier, il était, mieux que personne, 
à mème de discerner les points où les calculs 
de l’illustre astronome demandaient à être com- 
plélés. Il a reconnu quelques oublis, très excusables 
dans d'aussi longs calculs, et, en les réparant, il a 
eu la satisfaction de voir que Saturne rentrait dans 
l'ordre, et obéissait exactement à la loi de Newton. 
C'est un beau travail, qui assure à M. Gaillot la. 
reconnaissance des astronomes. À 

M. Newcomb, astronome américain, placé à la 
tête de la science, à entrepris de reprendre les « 
théories de Mercure, Vénus, la Terre et Mars, en 
tenant compte de toutes les observations laissées 
de côté par Le Verrier, ou faites après lui, et en … 
introduisant des données uniformes quimanquaient » 
à son illustre prédécesseur, On jugera de l'étendue * 
du travail en considérant que M. Newcomb n'a pas … 
discuté moins de 62.000 observations. 

Cette discussion l’a conduit à des conclusions 
importantes : en premier lieu, l'excès du mouve-…, 
ment du périhélie de Mercure, mis en évidence par = 
Le Verrier, a élé pleinement confirmé et même 
un peu augmenté. Mais, en outre, de légères ano- | 
malies ont été constatées dans le mouvement de 
Vénus. M. Newcomb pense que l'on pourrait les 
expliquer en admettant un anneau de petites pla-" 
nètes, non plus entre le Soleil et Mercure, mais 
entre Mercure et Vénus. Il reconnait, loutefois, 
que cette hypothèse soulève une difficulté sérieuse, 
car il n’est guère admissible que ces petites pla- 
nètes aient échappé jusqu'ici à l’attention des ob= 
servateurs. M. Newcomb a proposé une autre so=, 
lution, qui consiste à modifier très légèrement lan, 
loi de Newton; les astronomes ne s’y résignerontw 
pas sans peine; ils attendront encore des lumières. 
nouvelles des observations et des spéculations 
{héoriques ultérieures avant de formuler un juge- 
ment définitif. Plus que jamais les observations de 
précision conservent leur importance pour con= 
trôler sans cesse la solution approchée des pertur- 
bations planétaires, dont on doit se contenter en 
l'absence d’une solution mathématique rigoureuse 
reconnue impossible. 


Satellites. — Les mouvements des planètes n’ont 
pas été seuls l'objet de recherches théoriques im= 
portantes; les études failes sur les satellites ont 
présenté aussi de l'intérêt. Ainsi, la discussion de 
l'ensemble des mesures faites sur les satellites de 
Mars a mis en évidence un mouvement de rotation 
de leurs orbites, qui est causé par l'attraction du 


- renflement équatorial de la planète, et conduira à 
la détermination de l’aplatissement de Mars, élé- 
ment dont la faiblesse a échappé jusqu'ici aux 
mesures directes. Le même effet se produit pour 

. le cinquième satellite de Jupiter; il n’était pas dou- 

> teux à l'avance. Seulement, l'orbite est presque 

exactement cireulaire ; néanmoins, les observations 
ont révélé la trace de la rotation qui avait été pré- 
dite. Enfin, le satellite de Neptune continue à mani- 
fester des dérangements dont la cause était restée 

- énigmatique, et que nous avons attribués à l’action 

du renflement équatorial de la planète. On peut 

. même se faire une idée de la grandeur de l’apla- 
tissement de Neptune, que les plus puissantes lu- 

- nettes ne mettront sans doute jamais en évidence, 
tant le disque de la planète nous parait pelit. 


Comètes. — « Le ciel, disait Képler, est plein de 
comètes, comme la mer de poissons. » S'il en est 
ainsi, la pêche de 5 comètes en 1894 n'a guère été 
fructueuse; mais il faut remarquer que nous ne 
voyons qu'une faible partie des comètes, celles 
qui viennent à passer assez près du Soleil pour 
réfléchir une lumière suffisamment intense, per- 
mettant de les apercevoir. 

- Quelle est l’origine des comètes? C’est une ques- 
- tion qui a été très controversée parmi les aslro- 
3 nomes, les uns pensant qu’elles décrivent aulour 
du Soleil des ellipses dont l’extrémité la plus éloi- 
gnée est beaucoup plus voisine de nous que les 
“étoiles; les autres les regardant volontiers comme 
-venant des régions stellaires. Cette dernière opi- 
nion soulève une difficulté insurmontable : à cause 
“du mouvement rapide du système solaire, une 
comète qui y pénètre, à moins d’avoir exactement 
la même vitesse en grandeur eten direction, devrait 
décrire généralement une hyperbole bien caracté- 
risée, el non pas une parabole ou une ellipse. Or, 
on n’observe pour ainsi dire pas de comètes hy- 
perboliques; il y en a bien quelques-unes, en très 
etit nombre, et encore, pour l’une d'elles, une 
comète de 1886, M. Thraen a reconnu que c’étaient 
es perturbations des planètes qui l'avaient rendue 
yperbolique : auparavant, elle était parabolique. 
lest donc nécessaire d'admettre que les comètes 
ue nous chbservons font partie intégrante du sys- 
ème planélaire. M. Fabry, astronome de Marseille, 
a exposé dans une thèse importante, les raisons 
qui militent en faveur de cette manière de voir. 


IV. — PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE 


… Carte photographique du Ciel. — L'entreprise in- 
ernationale de la Carte photographique du Ciel 
«Se poursuit dans des conditions satisfaisantes. On 
“sait que le travail a été réparti entre dix-huit 
“observatoires situés dans les deux hémisphères. 


F. TISSERAND — REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE 


383 


Dans l'Amérique du Sud, les événements poli- 
tiques ont causé un retard qui n’est que mo- 
mentané, nous en sommes convaincu. L’entre- 
prise comprend deux parties distinctes : d’abord 
un calalogue de toutes les éloiles jusqu'à la 
onzième grandeur inclusivement, qui renfermera 
les positions précises d'environ deux millions d’é- 
toiles. On peut dire que, quand il sera terminé, 
ce sera une œuvre grandiose, à laquelle demeu- 
rera attaché le nom de l'amiral Mouchez. Chaque 
observatoire devait obtenir de 1.000 à 1,500 clichés 
photographiques. Dans trois de ces établisse- 
ments, cette partie du travail est aujourd’hui ter- 
minée; dans d’autres, elle est faite aux deux tiers 
ou à la moitié. Il y avait lieu de se demander si, 
dans ces conditions, il n'était pas opportun de 
réunir à Paris un Congrès pour préparer la publi- 
calion définitive. Cette proposition, formulée par 
M. Gill, le savant directeur de l'Observatoire du 
Cap de Bonne-Espérance, va être soumise aux 
membres du Comité international, el si, comme il 
y a lieu de s’y attendre, les réponses sont favora- 
bles, le quatrième Congrès astro-photographique 
se réunira au mois de mai 1896. 

La seconde partie du travail comprend l'exéeu- 
tion de la carte proprement dite, contenant toutes 
les étoiles jusqu'à la quatorzième grandeur inclusi- 
vement; on estime qu'il y en aura environ 30 mil- 
lions. Cette partie est moins avancée que le Catalo- 
gue, parce que les 1.000 ou 4.500 clichés attribués 
à chaque observatoire doivent être faits avec des 
poses d’une heure, tandis que cinq minutes suffi- 
sent pour les clichés du Catalogue. L'intervention 
du Congrès serait encore ici très utile. 

Un crédit annuel vient d’être voté pour per- 
mettre aux observatoires d’Alger, Bordeaux, Pa- 
ris et Toulouse, de publier la région de la carte 
qui les concerne. 


Photographies lunaires de MM. Lœwy et Puiseux. — 
MM. Lœwy et Puiseux ont fait à l'Observatoire, 
avec le grand équatorial coudé, de belles photo- 
graphies de la Lune. Les images directes sont les 
plus grandes que l’on ait obtenues jusqu'ici ; elles 
ont 018 de diamètre, En les agrandissant ensuite 
vingt-cinq fois avec une source de lumière artifi- 
cielle, on obtient une image de la Lune de 4"30 
de diamètre, sur laquelle on distingue une quan- 
lité de détails, jusqu’à la dimension de 1 à 2 ki- 
lomètres !. Il convient de rappeler les belles 
épreuves obtenues antérieurement par MM. Henry. 
Il est curieux de mettre en regard une série de 


0 

1 À une récente réunion de la Société Astronomique de 
France, un certain nombre de ces clichés ont été mis par 
projection sous les yeux du public par M. Puiseux, qui a fait 
sur la géographie lunaire une conférence très intéressante, 


384 


dessins de la Lune faits sous la direction de Do- 
minique Cassini vers 1671 ; le rapprochement est 
instructif et fait saisir tous les progrès réalisés. 


V. — ATMOSPHÈRE DE MARS 


C'est une question intéressante au plus haut | 


degré de savoir si cette planète a une atmosphère, 
si cetle atmosphère est composée des mêmes gaz 
que la nôtre, et si, en particulier, elle contient 
de la vapeur d’eau, car on sait quel rôle impor- 
tant joue cet élément à la surface de la Terre. 
Cette question doit être abordée par le spectros- 
cope; mais elle est très diflicile à résoudre, car 
tout porle à penser que l’atmosphère de Mars 
doit être très peu dense; de plus, les rayons lumi- 
neux qui nous viennent de la planète n’ont tra- 
versé qu'une faible épaisseur de son atmosphère, 
et ne peuvent rapporter que des traces légères du 
séjour qu'ils y ont fait. 

Le spectroscope ne donne que la somme des 
effets produits par l'atmosphère de la Terre et par 
celle de Mars. Le premier de ces effets est d’ail- 
leurs beaucoup plus intense que le second; il est 
donc très diflicile de les séparer et de les compter 
chacun à sa juste valeur. M. Janssen a pensé que 
le meilleur procédé consistait à faire les observa- 
üons dans une station élevée et par une tempéra- 
ture très basse, car on diminuerait ainsi beaucoup 
l'intensité du spectre tellurique, sans toucher au 
spectre de Mars. Il a réalisé ces conditions sur 
l’Etna en 1867, pendant des nuits très froides, de 
sorte que les rayons réfléchis par la planète Mars 
n'avaient à traverser que des parties très rares de 
notre atmosphère, et presque entièrement dé- 
pouillées de vapeur d’eau. M. Huggins et M. Vogel 
ont suivi une méthode différente, en comparant à 
plusieurs reprises, et quand ces astres avaient la 
même hauteur, le spectre de Mars et celui de la 
Lune ; ce que le premier avait en plus devait être 
attribué à l'atmosphère de Mars. Toutes ces obser- 
vations ont montré que Mars possède une atmos- 
phère de constitution semblable à la nôtre. 
M. et M°° Huggins ont cru apercevoir une bande 
qui n'a pas sa correspondante dans le spectre 
tellurique et indiquerait la présence d'un gaz 
différent de ceux de notre atmosphère. Cependant, 
un astronome américain très connu, M. Campbell, 
a Cru pouvoir affirmer que le spectroscope n'in- 
dique pas la présence d'une atmosphère. Cette 
contradiction tient sans doute à ce que l'effet 
qu'il s'agit de constater est très faible, et que la 
moindre différence dans les instr uments emplovés 
suflilt à le masquer. Les fails constatés par 
MM. Janssen, Huggins et Vogel ne paraissent pas 
pouvoir être mis en doute. Ajoutons que les obser- 
vateurs, qui se sont voués à l'étude de Mars, ont 


F. TISSERAND — REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE 


- que, si la distance de ces nébuleuse n’est pas plus 


remarqué, à de certains moments, dans la visibi- 
lité des détails de la surface, des différences M 
qui ne peuvent guère s'expliquer que par la pré- 
sence de nuages dans l'atmosphère de la planète; 
c'est une nouvelle preuve qui a bien sa valeur, 


VI. — VITESSE RADIALE DES NÉBULEUSES 


Nous connaissons les distances qui nous séparent 
d'un certain nombre d'étoiles, vingt-cinq environ; M 
elles sont comprises entre trois cent mille fois et 
trois millions de fois la distance de la Terre au So- 
leil, Les nébuleuses sont, sans doute, plus éloi- 
gnées; toutes les tentatives faites pour évaluer leurs 
distances ontéchoué jusqu'ici; aucune d’elles n’est 
connue, même grossièrement. Si l'on veut bien 
considérer que plusieurs nébuleuses occupent sur 
la voûte céleste des étendues considérables, on est # 
conduit à leur attribuer des dimensions réellement « 
prodigieuses. L'intérêt qui s'attache à ces astres 4 
augmente encore, quand on songe que la plupart 
sont des mondes en voie de formation, et que le. 
système solaire tout entier est sorti de l’une d’entre. 
elles. Un astronome américain, M. Keeler, est par- 
venu à déterminer les vitesses avec lesquelles un. 
certain nombre de nébuleuses, une quinzaine, se 
rapprochent ou s'éloignent de nous. En défalquant " 
l'effet apparent produit parle mouvement de trans- ÿ: 
port du système solaire, il reste la vitesse réelle, M 
ou plutôt la composante de celte vitesse suivant M} 
le rayon visuel. Or, ces vitesses réelles atteignent M 
50 et même 60 kilomètres à la seconde pour cer- 
taines nébuleuses. Ce beau résultat, qui transporte 
notre petit kilomètre à des distances immenses, 
repose en grande partie sur les travaux d’un by 
sicien français, M. Fizeau. On en peut conclure 


1 


dress 


grande que vingt millions de fois la distance dun 
Soleil, au bout d un siècle on les aura vues se en 
ess légèrement sur la voûte céleste, à peu près 
de l'épaisseur d’un des fils aa tendus au | 
foyer de nos lunettes. Sielies sont encore plus loin 4 
on attendra deux siècles, dix siècles s'il le faut. 
On finira par savoir le ee de leur éloignement. 4 
On voit que la patience et l'abnégation doi-" 
vent être des verlus astronomiques par excel=h 
lence. Mais les astronomes les pratiquent depuis | 
longtemps ; ils ont pris l'habitude de travailler. 
pour leurs successeurs, trop heureux quand ils”. 
peuvent attacher leur nom à l'une des pierres de, j 
l'édifice scientifique qui grandit tous les jours, eb 
ne sera jamais terminé !. bi 
F. Tisserand, 2 


de l’Académie des Sciences, 
Professeur d’'Astronomie à la Sorbonne, 
Directeur de l'Observatoire de Paris. 


1 Ce travail a été lu à la Société Astronomique le3 avril 1895: 


Fi ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


| ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


. LES PROPRIÉTÉS MAGNÉTIQUES DU FER SONT-ELLES INFLUENCÉES PAR DES RENVERSEMENTS FRÉQUENTS DE POLARITÉ? 


Si nous aimantons un barreau de fer doux, l’induc- 
tion magnétique % est représentée, en fonction de 
l'intensité du champ 3, par une courbe semblable 


1 dépensé dans l’aimantation est exprimé par l’inté- 
… grale: 


1 1 û ma 1 
JR 4% ou, en notation anglaise Se JUH dB: 


Si, maintenant, nous prenons un barreau soumis à 
uñe force 3€, et que nous le soumettions à des forces 
décroissantes jusqu'à — JC pour revenir ensuite à %, 
la courbe 


est une courbe cyclique de la forme de celles que re- 
- présente la figure 2. Le travail dépensé pour faire par- 
… courir un tel cycle au barreau de fer, n’est pas nul; il 
a pour valeur : 


1 fe a 8, 
47 


ou bien encore : 
JR 45, 


ces intégrales étant prises le long du contour fermé. 

Ce travail est ce qu'on appelle la perte par hystérésis. 
» C'est, avec les courants de Foucault, l'une des causes de 
dépense d'énergie dans les transformateurs, dépense 
d’ailleurs remarquablement faible, puisque l’on sait 
- que les transformateurs industriels atteignent facile- 

ment des rendements de 96 °/,. 

M. Partridge, dans The Electrician du 7 décembre 
dernier, fit remarquer que cette perte d'énergie est 
généralement plus forte quand le transformateur a 
déjà un certain temps de service que lorsqu'il est 
neuf. À quoi tient cette différence? Estelle due à une 
sorte de fatigue moléculaire du métal qui lui donne- 
rait une certaine paresse et ferait qu'il exige plus de 
travail pour obéir à la force du champ alternatif qui 
le sollicite? C’est dans le but de jeter un peu de lumière 
sur cette question que lé professeur Ewing a procédé 
aux expériences dont il nous expose les résultats dans 
The Electrician du 11 janvier, 

II a tout d’abord tenu compte de deux observations 
faites dans le même journal, le 14 et le 21 décembre, 
par M. Blathy et M. Mordey. M. Blathy remarqua que, 
si l’on chauffe un transformateur à 150° pendant quel- 
ques heures, la perte dans son noyau augmente de près 
de 25 °/,. M. Mordey constata les mêmes effets par suite 
d’un échauffement modéré, mais long. Pour se mettre 
à l’abri de ces causes d’erreur, M. Ewing employa des 
noyaux de petit volume et d’une grande surface de 
refroidissement, Ces noyaux étaient au nombre de trois, 


1 Dans les ouvrages francais, l'induction magnétique, l’in- 
tensité d’un champ d’aimantation et l'intensité d’aimantation 
“sont généralement représentées par les symboles 93, 3,3; 
dans les ouvrages anglais par B, H, L 


à celle de Ja figure 1, et on démontre que le travail - 


formés de vingt disques plats de transformateur de 
0 mm. 345 d'épaisseur, 

Les bobines magnétisantes étaient faites chacune 
d’une seule couche de fils et comprenaient 141 
tours. 

Si l’on soumet un fer absolument doux à l'action 
d’une force alternative d’aimantation, les premiers 
renversements de polarité affectent, en effet, les pro- 
priétés magnétiques du fer, etil faut plusieurs douzaines 
de renversements pour obtenir la courbe cyclique 
régulière dont nous avons parlé. Il ne s'agissait donc 
pas, dans le cas du professeur Ewing, d’un cycle 
parcouru un nombre restreint de fois; il s'agissait, au 
contraire, d'une action répétée très souvent et très 
longtemps. En fait, après avoir étudié préalablement 


sur les trois noyaux de fer la courbe 93 —f(3€) (c'est- 
à-dire la perméabilité), et les valeurs [3€ d 3, on relia 
les bobines de ces noyaux au réseau de la Cambridge 
Electric Supply Company, depuis le 29 novembre jusqu’au 
10 décembre; elles étaient en série avec une lampe 
qui servait en même temps de résistance et d'indica- 
teur de courant, Le nombre des périodes était de 80 
par seconde, A la suite de ces 11 jours, les trois an- 
neaux furent soumis aux mêmes essais qu'au début 
des expériences. Le résultat fut contraire à toutes les 
prévisions : on ne put trouver la moindre trace d’alté- 
ration dans les propriétés magnétiques du fer. Nous 
reproduisons d’ailleurs ci après (Tableau 1) les nom- 
bres obtenus dans les expériences précédentes. - 


Fis. 1. — Perméubilité magnélique d’un noyau de avant 
el après les renversements. — (Les valeurs Hde lintensité 
du champ sont portées en abscisses; les valeurs de l'in- 
duction magnétique B, en ordonnées.) — Les états de 
perméabilité avant les renversements sont marqués par le 
signe 0; les états de perméabilité après les renversements 
sont marqués par le signe X. 


Ces nombres ont servi à construire la courbe de la 
figure 4, où le signe 0 correspond à une mesure faite 
au début, et le signe X à une mesure faite à la fin des 
expériences. On voit que tous les points, quels qu ils 
soient, appartiennent bien à une seule et même 
courbe, 


386 


TABLEAU I 


donnant les valeurs correspondantes de 33 el de JC 


MESURES FAITES AU DÉBUT 
DES EXPÉRIENCES 


MESURES FAITES A LA FIN 
DES EXPÉRIENCES 


— —— — 


JC 33 JC D) 
0.79 780 0.93 1200 
444 1930 1.27 2630 
1.62 4270 1.87 5200 
2.30 6610 2.65 7480 
2.94 8100 3.81 9540 
3.12 9360 


La figure 2 représente en groupe les courbes cycli- 
ques obtenues par suite des premières et des secondes 


Fc. 2. — Courbes cycliques oblenues avant et après les ren- 
versements. — (Mèmes abscisses et mêmes ordonnées que 
dans la figure 1.) — Les courbes tracées en traits pleins 
(—) ont été obtenues avant les renversements; les courbes 
tracées en tirets (-- -) ont été obtenues après les renver- 
sements. 


mesures. Les unes sont représentées par des traits 
pleins, les autres par des petits tirets. Ilest absolument 
impossible de ne pas les réunir en un groupe uni- 
pue: Ces courbes ont donné les nombres suivants (Ta- 
eau I). 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


TABLEAU II 


donnant les différentes valeurs de la perle par hystérésis 


MESURES FAITES AU DÉBUT 
DES EXPÉRIENCES 


MESURES FAITES A LA FIN 
DES EXPERIENCES 


He) He] 


JISOTLE) 


780 1200 140 
1950 2630 510 
4270 5200 1470 
6610 1480 2590 
8100 


Si, de ces nombres, nous formons une courbe, nous 
obtenons la courbe de Ja figure 3, qui présente absolu- 
ment le même caractère que celle de la figure 1.Les va- 
leurs de la perte par hystérésis sont exprimées en ergs. 

Ainsi, le résultat des expériences a été absolument 
négatif, et cependant la période d'essai était assez 
longue pour déceler un changement quelconque, si 
l'effet signalé par M. Patridge avait eu pour cause 
une fatigue moléculaire du fer. 


3000 


(e) 2000: 4000 6000 
Fic. 3. — Perle par hyslérésis avant el après les renverse- 
ments. — (Les valeurs de l'induction magnétique B ont 


été portées en abscisses; les valeurs de la perte par hysté- 
résis ont été portées en ordonnées et exprimées en ergs.) 
— Les signes 0 et X sont ceux de la figure 1. 


Il serait intéressant de procéder à des expériences 
analogues relativement aux effets signalés par M. Blathy 
et M. Mordey. C’est peut-être à l'élévation de tempéra- 
ture qu'est due la variation des propriétés magnétiques 
des noyaux des transformateurs. 

A. Gay, 


Ancien élève de l'École Polytochnique. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 387 


| BIBLIOGRAPHIE 


… be is nl. (2 ns | 4 


1° Sciences mathématiques. 


“Lacour (E.), Professeur de Mathématiques spéciales au 
…. Lycée Saint-Louis. — 1° Surdes fonctions d’un point 
analytique à multiplicateurs exponentiels ou 
+ à périodes rationnelles ; — 2° Sur l'équation de 


bai Du Du du. He Dan 
_ la chaleur : <> +3 A ses pour le Doc- 
torat de la Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol. gr. 


in-8° de 75 pages. Gauthier-Villars et fils, éditeurs. 
Paris, 1895. 


4. — Dans son célèbre Mémoire sur les Fonctions 
abéliennes, Riemann fonde la solution du problème 
de l’inversion sur les propriétés de la fonction @ dans 
laquelle on a remplacé les variables par les intégrales 
de première espèce correspondantes. La fonction ainsi 
formée est uniforme sur la surface de Riemann af- 
fectée de coupures : elle ne change pas quand la va- 
riable franchit une des coupures 4; elle se reproduit 
multipliée par une exponentielle, dont l’exposant est 

tune intégrale de première espèce, quand la variable 
franchit une des coupures b. Il est évident que la dé- 
rivée logarithmique de cette fonction croît de fonc- 
lions rationnelles du point analytique (x, y), quand ce 
“point franchit une coupure b : on peut donc dire que 
les modules de périodicité de cette fonction sont ra- 
“lionnels en x et y. 
“ M. Lacour a étudié deux catégories générales de 
jonctions qui comprennent, comme cas très particu- 
lier, cette fonction de Riemann et sa dérivée logarith- 
-mique. 
w Dans une première partie, M. Lacour étudie une 
“onction qui n’a que des pôles et dontles valeurs, aux 
deux bords d’une coupure, diffèrent par un facteur 
exponentiel ayant pour exposant une fonction li- 
néaire donnée des p intégrales de première espèce. Il 
montre que les coefficients de ces fonctions linéaires 
une peuvent pas être pris arbitrairement et sont assu- 
jettis aux conditions suivantes : lorsqu'on a ramené à 
.J'unité tous les mulliplicateurs qui correspondent aux 
coupures 4, ce qui est toujours possible, l’un des coef- 
cients doit être entier dans chacune des fonctions 
“linéaires qui forment les exposants des multiplicateurs 
relatifs aux coupures b. Ces coefficients entiers inter- 
“viennent quand on cherche l’excès du nombre des 
éros de la fonction sur le nombre de ses infinis. La 
“considération de certaines intégrales curvilignes 
“ouruit d'importantes propositions qui relient, les uns 
“aux autres, le théorème d'Abel, son extension aux 
fonctions à multiplicateurs constants, et le théorème 
“de Riemann sur les zéros de la fonction @ transformée, 
“comme nous l’avons dit, en fonction d’un point ana- 
lytique. 
« Dans la deuxième partie, M. Lacour étudie des fonc- 
“tions n'ayant que des pôles et admettant sur les 2 p 
“coupures, 2 p modules de périodicité formés de fonc- 
lions ralionnelles données arbitrairement. I] montre qu’il 
existe toujours des fonctions répondant à la question; 
pour cela, il établit d’abord ce fait que les pôles et 
Jes résidus de la fonction sont liés par p relations 
Qui, dans certains cas, peuvent se réduire à des iden- 
lités. Puis, et c’est là un résultat des plus remarqua- 
bles, il donne l'expression générale de la fonction 
pen on connaît les pôles et les résidus. Cette expres- 
sion est fournie par une somme d’intégrales définies 
“dans lesquelles la variable figure comme un para- 
“mètre. La vérification de la propriété fondamentale de 
“la fonction ainsi formée résulte, d’une part, des théo- 


ANALYSES ET INDEX 


rèmes donnés par M. Hermite sur les intégrales défi- 
nies affectées de coupures et, d'autre part, des rela- 
tions précédemment établies entre les pôles et les 
résidus. 

Dans une troisième et dernière partie, M. Lacour 
montre que les fonctions nouvelles qu'il introduit dans 
l'analyse se présentent nécessairement comme inté- 
grales de certaines équations linéaires à coefficients 
algébriques, avec second membre. 


2. — M. Lacour donne d’abord un résultat élégant, 
analogue au théorème connu de Thomson, sur l’inver- 
sion, dans la théorie du potentiel : il détermine les 
transformations réelles qui ramènent l’équation à la 
mème forme; en laissant de côté les transformations 
évidentes résultant des considérations d’homogénéité 
et des formules du changement d’axes coordonnés, il 
trouve qu'il n’y a qu’une transformation répondant à 
la question: c’est une certaine transformation homo- 
graphique pour les coordonnés. Ce résultat, qui se 
rattache aux travaux de M. Lie, permet de déduire de 
la solution d’un problème sur la chaleur la solution 
d’un autre problème. 

L'auteur établit ensuite une formule analogue à celle 
de Green, par la considération de l'équation adjointe. 
Il fait deux principales applications des résultats qu'il 
obtient : 

1° En étudiant les polynômes qui vérifient l’équa- 
tion et en montrant qu'ils sont exprimables à l’aide de 
ceux que M. Hermite a déduits de la différentiation 
d’une exponentielle du second degré en x et y; 

20 En établissant, par une voie purement analytique, 
relativement à une fonction w existant entre deux 
plans parallèles au plan des y, des formules que les 
physiciens avaient été conduits à admettre d’après les 
propriétés de la chaleur. 

P. APPELL, 
de l’Académie des Sciences. 


Caspari (E.), Ingénieur hydrographe de la Marine, Ré- 
pétiteur à l'Ecole Polytechnique. —Les Chronomètres 
de Marine. — 1 vol. petit in-S°de 200 p. avec fig., de 
l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par 
M. H. Léauté, de l'Institut. (Priæ : broché, 2 fr. 50; 
cartonné, 3 fr.) — Gauthier- Villars et fils et G. Masson, 
éditeurs. Paris, 1895. 


Le véritable titre de cet ouvrage serait : Quelques 
mots sur l’étude des marches chronométriques et leur 
détermination. C’est qu'en effet l’auteur, négligeant à 
peu près complètement la description matérielle des 
chronomètres, leur construction, leur histoire, etc., 
nous offre l'étude ou plutôt un résumé de l'étude de 
leur mouvement. Nous ne nous enplaindrons pas, car ce 
n’est certes pas là le sujet le moins intéressant et le 
moins instructif de tous ceux que l’on pouvait traiter 
à propos des chronomètres. 

Un court chapitre est consacré à rappeler le nom et 
le rôle des principales parties de leur mécanisme. Nous 
abordons ensuite leur théorie. 

La durée des oscillations du régulateur doit être in- 
dépendante : 1° de leur amplitude (condition d’isochro- 
nisme), 2° de la température. L'isochronisme s'obtient 
soit par un choix rationnel des points d'attache de la 
virole du balancier (méthode de Pierre Le Roy), soit 
par la modification de la forme circulaire des extré- 
mités du spiral (méthode de Phillips). On annule les 
effets dus à la température par l’emploi des balanciers 
compensés (balanciers bimétalliques, par exemple). 
En pratique, l’isochronisme et la compensation ne sont 


388 


jamais irréprochables; d'autre part, de nombreuses 
causes accidentelles d'erreurs viennent ajouter leurs 
effets à l'imperfection inévitable de Ja construction : 
influence de la masse du spiral, déformation deslames 
du balancier sous l'effort des forces d'inertie, frotte- 
ments des pivots, résistance de l'air, humidité atmos- 
phérique, électricité et magnétisme, mouvements des 
navires, etc., etc. Il est donc tout naturel de rechercher 
les moyens de corriger les indications des chrono- 
mètres. On admet généralement que leurs marches 
peuvent se représenter par une formule algébrique 
simple. Suivant M. de Cornulier, la marche est une 
fonction du premier degré du temps et de la tempéra- 
ture, de la forme 


m = Mo + al + b0. 
Lieussou a proposé la formule 


m = Mo + alt + ce (O — 0)? 
© étant la température de réglage. 

D'après Yvon Villarceau, la marche est une fonction 
continue du temps et de la température qu’il a déve- 
loppée par la série de Taylor en bornant le développe- 
ment aux premières et deuxièmes puissances des va- 
riables, ce qui donne, en égalant les dérivées à des 
constantes, une expression de la forme : 


M = My + al + al + b6 + c0? + dé0. 


On peut admettre à priori la formule et déterminer 
un certain de marches qui serviront à en calculer les 
coefficients. Les déterminations des marches se font 
par des observations d'état (méthode graphique de 
M. Mouchez, méthodes algébriques de Daussy, Vincen- 
don-Dumoulin, etc.). Pour le calcul des coefficients, 
nous avons les méthodes de Lieussou, Yvon Villarceau, 
Cauchy, etc. Il est encore possible, au lieu de calculer 
la formule des marches, de représenter graphique- 
ment le phénomène par une courbe (constructions de 
MM. Mouchez, Rouyaux, Fleuriais,de Carfort, etc). Enfin 
un certain nombre de méthodes sont là la fois graphi- 
ques etalgébriques : par exemple, celle de M. de Serres. 

M. Caspari nous donne ensuite quelques détails sur 
l'application des chronomètres à la détermination des 
longitudes (méthodes de Daussy, Vincendon-Dumoulin, 
Ploix, etc.) et termine par l’exposé rapide des épreuves 
et concours auxquels sont soumis ces instruments, en 
France, en Allemagne, en Angleterre, en Hollande. 

Ce petit ouvrage est digne d’être lu avec grand inté- 
rèt par ceux que n’effrayent point les équations algé- 
briques les plus simples etla construction de quelques 
courbes. Les savants et les marins devront se souvenir, 
en le consultant, qu'il n’est qu'un mémento et n'y 
point chercher une étude absolument complète des 
mouvements chronométriques, ni la discussion appro- 
fondie des diverses méthodes et formules qui se ratla- 
chent à cette étude, 

Nous nous permettrons de regretter que l’auteur 
n'ait pas intercalé dans ses exposés des exemples et 
des applicaticns numériques. L'esprit du lecteur 
(nous parlons du lecteur profane, curieux d'apprendre 
et de connaitre) s'y serait reposé de la sécheresse des 
formules purement algébriques en même temps qu'il 
aurait trouvé une facilité de plus pour comprendre 
et juger. A. Gay. 


Hollzmüller (D°G.), Direktor der Gewerbeschule zù 
Hagen i, W. — Methodisches Lehrbuch der Ele- 
mentar-Mathematik. — 3 wol.in-8° (Prix: 10 fr. 
B. G. Teubner, Leipzig. 1894-95. 

Ce livre de mathématiques élémentaires, quiest des- 
tiné aux éièves des écoles réales et professionnelles de 
l'Allemagne, ne pouvait être écrit avec plus d'autorité 
que n’en possède le Dr G. Holzmüller, à qui ses 21 an- 
nées de directorat de la Grande Ecole professionnelle 
de Hagen ont donné une grande compétence dans la 
matière. Cet ouvrage est précieux par le grand nombre 
d'applications et de problèmes pratiques qu'il renferme 
et qu'on a rarement l’occasion de trouver. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


2° Sciences phyÿsiques. 

Lavenir (A.). — Sur les variations des propriétés . 
optiques dans les mélanges de sels isomorphes. 
— Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de 
Paris, — Imprimerie Chaix, Paris, 1894. 6 
La thèse présentée par M. Lavenir à la Faculté 

des Sciences-de Paris est remarquable à [un double 

point de vue : par la précision des méthodes expéri- 
mentales et par l'analyse minutieuse et savante des 
résultats. 

Dans son introduction, l’auteur passe en revue les 
diverses formules et hypothèses à l’aide desquelles on. 
explique les propriétés optiques des cristaux mixtes 
formés du mélange de sels isomorphes. 

Lorsqu'on envisage les indices de réfraction, deux 
formules sont en présence. D'une part la formule publiée 
en 1876 par Mallard !, donnant l'indice moyen N, d'un 
sel mixte, lorsqu'on connaît les indices n et n'des sels” 
composants et la composition chimique du mélange. 

Cette formule est, comme on sait : ; 

1 KR 
NE Ts ho (1) 
n n° n 


K et K'désignant les nombres de molécules de chaques 
composant qui entrent dans une molécule du cristal 
composé ; | 
D'autre part, la relation trouvée expérimentalement 
par M. Dufet? et établie plus tard théoriquement par 

Mallard 3 : | 
N = Kn+ Kr/. (ID) 


Jusqu'à ce jour, dans la limite des erreurs, ces deux 
expressions rendaient compte des résultats expérimen- 
taux obtenus par M. Wyrouboff et M, Dufet, Il était donc 
impossible de trancher en faveur de l’une ou de l’autre, 
car la différence calculée N — N, atteignait à peine une 
unité du quatrième ordre décimal. 

Ce n’est qu'en employant, avec beaucoup de pré-M 
cautions, la méthode très sensible de réflexion totale 
de M. Pulfrich que M. Lavenir est parvenu à résoudre 
cette intéressante question. La marche, très scienti- 
fique, qu'a suivie l’auteur dans ses recherches, mérites 
une attention spéciale. s 

Ilaexpérimenté sur les sels de Seignette (tartrate potas 
sique, tartrate ammonique et tartrate mixte de potas 
sium et d’ammonium). Après avoir mesuré séparément 
les neuf indices principaux, il a cherché à relier ces 
indices par des relations, indépendamment de la compo 
sition chimique, déduisant ainsi des mesures optiques 
mêmes les valeurs des coefficients K et K’. L'analyse chi 
mique, effectuée ensuite sur les cristaux mêmes, a mon 
tré que les valeurs K et K', calculées par la formule de 
MM. Dufet et Mallard, étaient dans la limite des erreurs 
identiques aux valeurs déduites de l'analyse chimique ;. 
tandis qu'il n’en est plus de même si l’on déduit K et K\ 
de la première formule de M. Mallard. La relation (I). 
se trouve donc confirmée par cette étude délicate, dont 
les résultats peuvent se résumer dans les trois propos 
sitions suivantes : + 

1° Dans un mélange de cristaux isomorphes, un indië 
quelconque est fonction linéaüre des deuæ indices corres 
pondants des sels composants. 

2 Cette fonction est la même pour les trois indices. 

3° Les deux coefficients de cette fonction représentent 
fraction de molécule de chacun des cristaux composants qi 
entre dans une molécule du cristal composé. à 

Ch. Eug. Guye. 
Mullin (A.), Professeur de Physique au Lycée de Gre 

noble. — Instructions pratiques pour produire ee à 

épreuves irréprochables.— 1 vol. in-12 de 210 pages 

avec fig. Gauthier-Villurs et fils, éditeurs, 55, Quai des 

Grands-Augustins, Paris, 1895. 


‘ Ann. des Mines, 6° série, 1876. * 
? Bull. Soc. Min., 1878, t. 1, p. 58. 
5 Bull. Soc. Min., 1881, p. 71, et Ann. des Mines, 1881. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


389 


_ Appert (L.) et Henrivaux (J.), Ingénieurs. — La 

. Verrerie depuis vingt ans. — { vol. in-8° de 150 p. 

- avec fig. (Prix :6 fr.). Bernard et Cie éditeurs, 53 ter, 
quai des Grands-Augustins, Paris, 1895. 

> M. Appert, le maître de verrerie bien connu, et 

M. Henrivaux, directeur de la Manufacture de glaces 
de Saint-Gobain, viennent de publier un ouvrage : La 

Verrerie depuis vingt ans, auquel les progrès accomplis 

pendant ce laps de temps, et le développement inces- 
sant des branches artistiques de l’industrie du verre, 
donnent une réelle actualité. 

Le nouveau livre n’est — son titre l'indique — ni un 
ouvrage didactique ni un ouvrage d'ensemble ; son but 
-est de présenter tous les progrès scientifiques ou indus- 

triels touchant de près ou de loin à l’industrie du verre. 

Les auteurs commencent par la verrerie artistique et 
décorative, dans un chapitre qui n’est qu'un compte 
rendu fort long de l'Exposition de 1889. Ils y donnent 
des renseignements intéressants, et des descriptions 
- parfois séduisantes des belles œuvres exposées par les 
touts francais, italiens, hongrois, etc. Regrettons 
seulement, avec les auteurs eux-mêmes, la forme 
donnée à ce compte rendu, qui, suivant l’ordre d’un 
catalogue que le lecteur ne connait pas, n’est pas assez 
synthétisée, et exige un véritable effort pour com- 
prendre les nouveaux procédés et suivre les progrès 
réalisés. La plupart de ces procédés : superposition de 
verres diversement colorés, émaillage à chaud sur 
paraison, émaillage à froid, suivi de cuisson, décora- 
tion galvanique, taille, gravure, colorationsnouvelles par 
l'or, l’urane, l'argent, sont cependant indiqués en 
général au cours de ces descriptions, auxquelles un 
- spécialiste pourra trouver de l'intérêt, 

- Les auteurs passent ensuite en revue les fabrications 
-de la grande industrie verrière : Le verre à vitres, avec 
Ro de détails, la glacerie avec moins de détails encore, 

la bouteille, en insistant surtout sur les travaux de 
M. Salleron, relatifs à la résistance, et une série d’ap- 
»plications nouvelles ou déjà anciennes du verre : dalles 
et tuiles, rideaux, cuves et tuyaux. Signalons dans 
cette nomenclature, comme intéressant, les vitres per- 
forées, cette récente fabrication de M. Appert, dont on 
nesaurait troprecommander l'application aux problèmes 
de ventilation et d’aérage; les cuves et tuyaux de 
erre, découverte également nouvelle de M. Appert, 
“enfin le soufflage mécanique, installé à Clichy par le 
même maître de verrerie, perfectionnement bien connu, 
mais sur lequel, en raison de son intérêt, nous regret- 
tons que l’auteur n'ait pas donné un peu plus de 
détails. 

La seconde partie de l'ouvrage de MM. Appert et Hen- 
rivaux est consacrée à l’étude de la fusion du verre et 
spécialement des fours de verrerie ; c’est un exposé 
d'ensemble de la question du chauffage, exposé que 
’on trouve rarement complet dans les ouvrages didac- 
tiques ou spéciaux. Malheureusement, nous sommes 
obligé de faire quelques réserves, et de ne pas partager 
toutes les idées des auteurs sur cesujet ; le reproche que 
nous leur adressons, est d’avoir reproduit sans discus- 
sion les opinions des inventeurs de fours, exposant 
avec une égale fidélité les idées vraies et les idées 
ausses : c’est ainsi qu'ils semblent attribuer une 
wrande importance à la radiation de Siemens, qui, 
Sans doute, a correspondu à une amélioration dans la 
construction des fours de verrerie, mais n’est, selon 

ous, qu'une formule commerciale trouvée par l’inven- 
teur pour prolonger la durée de brevets périmés 
en 1882, formule consacrée, il est vrai, par la jurispru- 
dence, mais qui n’en est pas moins dénuée de portée 
cientifique. Sans pouvoir aborder ici une discussion, 
bservons seulement que la dissociation sur laquelle 
iemens échafaude sa théorie n’a rien à voir en la 
atière, attendu qu'il résulte des travaux de Mallard 
t Le Châtelier, que le phénomène est nul à 1500° et 
nsignifiant à 20000; cela seul suffit à infirmer la pré- 
endue radiation, 

Plus grave encore à notre sens est la reproduction 


du raisonnement de Siemens qui prétend réaliser une 
économie de 50 °/, par l'emploi des produits brûlés 
dans son four Biedermann : la fausseté de ce raisonne- 
ment, spécieux, en vérité, mais qui contientune pétition 
de principe, a été démontrée; il est donc regrettable 
de voir ainsi reproduite une assertion de nature à jeter 
la confusion dans les esprits et à induire en erreur les 
industriels qu'intéresse la question des fours. 

En résumé, le lecteur trouvera, dans le chapitre, une 
description complète des nouveaux procédés de chauf- 
fage, mais il ne devra pas accepter sans examen les 
idées théoriques qui y sont émises : ces idées, n'étant 
autres que celles des inventeurs de fours, sont néces- 
sairement sujettes à caution, 

La suite de l'ouvrage passe en revue-les appareils 
dont disposent les ingénieurs pour contrôler la marche 
des fours, Dans cet ordre d'idées, les plus grands pro- 
grès ont été accomplis depuis vingt ans : le problème 
de la pyrométrie est résolu, la bombe calorimétrique 
de M. Mahler a rendu industrielle la mesure du pouvoir 
calorifique des combustibles solides ; enfin, les analyses 
de gaz sont devenues un moyen pratique et courant de 
réglage des fours. Les auteurs décrivent très soigneu- 
sement ces différents progrès; une seule omission 
importante est à signaler : la burette à analyser le gaz 
du Dr Bünte, dont il n’est nullement question, bien 
qu’elle soit usitée en France depuis plusieurs années, et 
que, complétée par uu eudiomètre de Bunsen ou de 
Riban, elle soit actuellement l'appareil le plus simple, 
le plus industriel, que nous possédions. L 

L'ouvrage se termine par un examen des défauts de 
verre, étude très complèle, mais à notre sens trop 
scientifique, car, s'il est bon de savoir ce qu'est un 
défaut de verre, il serait plus utile encore de pouvoir 
l’'éviter, et, à cet égard, les indications sont un peu 
vagues. Ce reproche ne s'adresse d’ailleurs pas à ce 
seul chapitre : l'ouvrage de MM. Appert et Henrivaux 
est d’un bout à l’autre trop descriptif, trop dépourvu 
d'esprit critique. Un maître de verrerie y trouvera bien 
les progrès accomplis depuis vingt ans, mais ne devra 
pas y chercher les moyens d'améliorer sa propre fabri- 
cation. 

Emilio Dawour, 


3° Sciences naturelles. 


Travaux du laboratoire de M. Charles Richet, Pro- 
fesseur à la Faculté de Médecine de Paris. Tome 1. Sys- 
tème nerveux. Chaleur animale. 1 vol. in-8° de 
590 pages avec 96 fig. dans le texte (Prix : 12 fr). — 
Tome II. Chimie physiologique. Toxicologie. 
1 vol. in-8° de 570 p. avec 129 fig. (Prix : 12 fr.) — 
Tome III. Chloralose, Sérothérapie, Tuberculose, 
défense de l'organisme. 1 vol. in-8° de 580 p. avec 
25 fig. (Prix : 12 fr.). — Félix Alcan, éditeur, 108, boul. 
St-Germain, Paris. 1893-1895. 

Tous les physiologistes connaissent déjà la plupart 
de ces mémoires, fruits d’une expérimentation patiente 
et rigoureuse, dans lesquels ils ont trouvé nombre de 
faits nouveaux et importants, des méthodes nouvelles 
et ingénieuses; mais ils sauront gré à M. Richet d’avoir 
réuni dans un même recueil des études disséminées 
dans des publications différentes et de leur permettre 
de les consulter plus facilement. Aussi bien, ainsi 
groupées suivant la nature du sujet, elles forment par- 
fois, par les développements successifs qu’elles appor- 
tent à une question, une véritable monographie, basée 
sur des recherches originales, de certains chapitres de 
la physiologie. Telles sont, par exemple, celles qui 
traitent de la chaleur animale, des échanges respira- 
toires, des mécanismes régulateurs de la calorification. 
Quant à l’esprit dans lequel ces travaux ont élé exécu- 
ter, il suffit d’en parcourir quelques-uns pour s'assurer 
que M. Richet et ses élèves se sont toujours fidèlement 
conformés à la règle qu'il trace lui-même au physiolo- 
giste : « Il faut serrer de près les faits, expérimenter, 
expérimenter toujours, en variant les conditions du 


390 


problème et ne faire d’hypothèses que lorsqu'on ne 
peut plus s’en dispenser. » : 

Il n’est pas possible d'analyser même succinctement 
les nombreux mémoires réunis dans ces trois volumes : 
il faudra nous borner à signaler, très en gros, les ré- 
sultats expérimentaux les plus saillants. 

Le T, 1 (Système nerveux, chaleur animale) débute 
par un travail intitulé « Contribution à la physiologie 
des centres nerveux et des muscles de l’écrevisse », qui 
a enrichi la physiologie générale du muscle de données 
nouvelles sur la durée du temps perdu, sur l'addition 
latente, le tétanos rythmique, la contraction initiale, la 
contracture, l'onde secondaire. 

Les « Recherches de calorimétrie » ont été faites 
avec un appareil imaginé par l’auteur, le calorimètre 
à siphon, fondé sur le principe de la calorimétrie à air. 
L'air est amené à la surface d’un vase clos, rempli de 
liquide et communiquant avec un siphon amorcé ; l’é- 
coulement du liquide par le siphon mesure la dilata- 
tion et par conséquent l’échauffement de l'air. M. Ri- 
chet passe en revue les diverses influences qui modi- 
fient la calorification, taille, nature du tégument, 
température extérieure, De nombreuses expériences 
résumées sous forme de tableaux montrent bien qu'avec 
l'augmentation de volume de l’animal, la quantité de 
chaleur produite par kilogramme de son poids dimi- 
nue, qu'au contraire les chiffres deviennent concor- 
dants si on les rapporte à l'unité de surface : si l’on 
lient compte de la nature du tégument, le nombre de 
calories produites par l’unité de surface diminue ou 
augmente suivant que le tégument est plus ou moins 
bien protégé. Relativement à l'influence de la tempé- 
rature extérieure, M. Richet trouve que la radiation ca- 
lorique atteint son maximum chez le lapin vers 149. 
Dans ce même travail il rapporte les bellesexpériences 
par lesquelles il a montré que les lésions du cerveau 
réagissent sur la calorification. 

Dans sa « Contribution à l'étude de la calorimétrie 
chez l’homme », M. P. Langlois applique le calori- 
mètre à siphon à l’étude de la radiation calorique chez 
l'enfant et constate, entre autres résultats, chez ses 
sujets, un optimum de radiation pour une température 
extérieure d'environ 18°. 

Une série de mémoires traite ensuite des échanges 
respiratoires. —«Échangesrespiratoires chezl’homme », 
par MM. Hanriotet Ch. Richet. « Mesure descombustions 
respiratoires chez le chien. » « Mesure des combustions 
respiratoires chez les Mammifères. » « Mesure des com- 
bustions respiratoires chez les Oiseaux » par M. Ch. Ri- 
chet. La méthode qui a servi à ces recherches à déjà 
été exposée sommairement dans la Revue générale des 
Sciences, 1890, p. 554, On trouvera dans ces travaux une 
quantité considérable de déterminations et de chiffres, 
utiles à consulter : les principales conclusions qui s’en 
dégagent, c’est que les combustions respiratoires sont 
proporlionnelles à l'étendue de la surface cutanée, loi 
qui se vérifie pour les diverses espèces animales, et que 
la quantité de GO? produite par unité de surface est 
sensiblement la même chez les animaux à sang chaud. 

L'étude des phénomènes physico-chimiques de la res- 
piration et de la calorification amène une autre ques- 
lion du plus haut intérêt : c'est celle de leur régulation 
par le système nerveux. M. Richet s’est occupé à diffé- 
rentes reprises de ces curieux mécanismes qui mettent 
en harmonie l’activité fonctionnelle avec les différents 
états, et en quelque sorte avec les besoins de l’orga- 
nisme. C’est ainsi qu'il montre que si, par le chloral,on 
supprime l'influence régulatrice du système, les com- 
bustions deviennentproportionnelles au poids du corps, 
et non plus à la surface tégumentaire. « De l'influence 
du chloral sur les actions chimiques respiratoires chez 
le chien, » — Quand un animal est soumisà une ltempé- 
rature élevée, sa respiration devient extrêmement fré- 
quente. La polypnée thermique active lévaporation 
pulmonaire, laquelle empêche l’animal de s’échauffer : 
mis sur une balance, il subit une perte de poids due 
presque uniquement à cette exhalation aqueuse. « Ré- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


gulation de la température par la respiration, » « Expé- 
riences sur le poids des animaux. »— La polypnée ther- 
mique était déjà bien connue sous le nom impropre de 
dypsnée thermique; mais M. Richet en a mieux déter- 
miné le mécanisme et fait voir que la fonction hypo- 
thermisante ou physique du bulbe est distincte de sa. 
fonction chimique ou respiratoire, À ce même ordre 
d’études il faut rattacher le « frisson, comme appareil. 
de régulation thermique », travail inséré dans le t. HE 
Le frisson produit par la sensation du froid est aussi. 
un moyen de lutter contre le froid, puisqu'il meten jeu. 
par une série de contractions rapides et simultanées. 
l’ensemble des muscles du corps. Re 
Du travail de M. Saint-Hilaire : « Influence de la TS 


pérature organique sur l’action de quelques substances. 
toxiques », il résulte en particulier que l’élévation de la 
température à pour effet d'accélérer les réactions (oxi= 
ques. C’est aussi une des conclusions d’un mémoire de 
M. Rallière : « Recherches sur la mort par hyperthermie 
et sur l’action combinée du chloral et de la chaleur ù 
d’un autre de M. Richet : « Influence de la pression et". 
de la température sur l’asphyxie des poissons (t. Il). ù 
Dans un travail qui figure dans le t. II : « De l’influence” 
de la température interne sur les convulsions », 
MM. Langlois et Richet ont cherché à donner la théorie, 
de ces rapports entre l’activité.des poisons el la tem- 
pérature. 

IL reste encore à citer, dans le t. 1 : « Mouvements 
de la grenouille consécutifs à l’exciltation électrique », 
par M. Ch. Richet. — « Influence de la durée et de Pin- 
tensité de la lumière sur la-perception lumineuse », 
par M. Ant. Bréguet et Richet. — « Expériences sur le 
cerveau des Oiseaux. » — « Cécité psychique péri 
mentale chez le chien. » — « Durée des phénomènes. 
réflexes dans l’anémie chez les animaux à sang froid. », 
— « Deux expériences d’inhibition sur la grenouille »,, 
par M. Ch. Richet. — « Sensibilité musculaire de lan 
respiration », par MM. P. Langlois et Richet. | 

Le t. IT est plus particulièrement consacré à la Chimie 
physiologique et à la Toxicologie. Les « Recherches 
expérimentales sur la polyurie », par MM. Moutard-" 
Martin et Richet, ont trait à l'influence des injections 
d’eau, de substances salines ou sucrées sur la sécrétion 
urinaire et au mécanisme de leur action. MM. Etard et 
Richet ont exposé un « Procédé nouveau de dosage des, 
matières extractives et de l’urée de l’urine » qui repose, 
sur la comparaison de l’action du brome sur l'urine en 
solution acide eten solutionalcaline. D'autre part, l’uréem 
est dosée, non pas en mesurant le volume du gaz azote 
dégagé, mais en dosant par différence l’hypobromiten 
décomposé dans la réaction :le titrage de l'hypobromiten 
se fait avec une solution de protochlorure d’étain dans, 
l'acide chlorhydrique. Ce dernier procédé a été employé 
également par MM. Gley et Richet pour le « Dosage den, 
l’azote total de l'urine ». M. Richet a recherché 1e 
moment précis où se fait « l’Elimination des bois-M 
sons. » à 

Un mémoire très important et très. documenté de 
toxicologie générale, de M. Richet, sur « l'Action phy- 
siologique des métaux alcalins », montre qu’il faut étu-M 
dier les rapports de la toxicité, non avec le poids absolu 
des substances employées, mais avec le poids molécu- 
laire, et que, pour des subsiances chimiques similaires; 
les doses toxiques sont proportionnelles au poids molé=« 
culaire. On trouvera dans le t, HI un autre travail quim 
traite du même sujet : « Vie des poissons dans divers 
milieux, et action physiologique des différents sels den 
soude. » 

Les intéressantes expériences de MM. Abelous el 
Langlois sur les « Fonctions des capsules surrénaless 
de la grenouille », et les « Fonctions des capsules sur 
rénales chez les cobayes », ont déjà été résumées danse 
ce journal. | 

Dans un travail intitulé «Poids du cerveau,de la rates 
du foie chez les chiens », M. Richet cherche à établis 
que la pesée des organes peut fournir des renseignés 
ments sur leur fonctionnement. C'est ainsi que le poids 


TR 


Rires 


Y 


_du foie et la surface cutanée suivent une même courbe, 


c’est-à-dire qu'ils vont en augmentant par rapport à la 
taille, à mesure que l’animal devient plus petit, sans 
doute parce que le foie a des fonctions chimiques, 
liées à la déperdition de calorique qui se fait par la 
surface. Le poids de la rate est sensiblement propor- 
tionnel au poids du corps. Pour le poids du cerveau, il 
semble qu’il y ait un élément fixe servant à l’intelli- 
gence, et un autre élément, variant avec le poids ou la 
surface. Dans le t. II, on trouvera sur le même sujet : 
« Poids du cerveau, du foie et de la rate chez l'homme, 
chez les Mammifères, » 

Le t. II renferme encore : « Expériences sur le rôle 


du cerveau dans la respiration », par M. Pachon. — 


« Notes de technique physiologique. » — « Faits relatifs 
à la digestion des Poissons. » — « Diastases des Pois- 
sons », par M. Richet. — « Sur la vie des animaux en- 
fermés dans du plâtre », par MM. Richet et Rondeau, 
— « Influence des pressions extérieures sur la ventila- 
tion pulmonaire », par MM. Langlois et Richet, — 
« Sensibilité gustative aux alcaloïdes », par MM. Gley 
et Richet. — « De l’élimination des iodures », par 
J. Roux. — « De la cocaïne », par Delbosc. 

Parmi les travaux publiés dans let. IT, il faut d'abord 
signaler ceux de MM. Hanriot et Richet sur « l'Action 
physiologique du chlorose », sur les « Effets thérapeu- 
tiques et hypnotiques du chloralose »; de M. Féré sur 
« Le chloralose chez les épileptiques, les hystériques 
et les choréiques ». Ce corps, obtenu par MM. Hanriot 
et Richet, en faisant agir le chloral anhydre sur Ja 
glucose, jouit de la propriété, précieuse pour le physto- 
logiste, de supprimer la perception des excitations 
douloureuses, tout en laissant persister les réflexes et 
même en exagérant le pouvoir excito-moteur de la 
moelle. La thérapeutique a utilisé, avec d’heureux 
résultats, ses effets hypnotiques dans diverses affec- 
tions. 

M. Heim a étudié « l'action physiologique de la Pa- 
risette », MM. Langlois et Varigny « l’action de quel- 
ques poisons de la série cinchonique sur le Carcinus 
Mænas », M. Langlois : « La toxicité des isomères de la 
cinchonine dans la série animale », et la radiation calo- 
rique après traumatisme de la moelle épinière » 
M. Triboulet : « La chorée du chien ». 

De MM. Carvallo et Pachon, nous trouvons de très 
intéressantes expériences sur « la Digestion pancréa- 
tique dans le jeûne, et sur la digestion chez un chien 
sans estomac » ; de M. Richet, des études sur « l'Exci- 
tabilité réflexe des muscles dans la première période 
du somnambulisme », sur « Quelques faits relatifs à 
l’excitabilité musculaire », sur « les Paralysies et anes- 
thésies réflexes ». 

Une grande partie de ce volume est consacrée aux 
recherches de MM. Héricourt et Richet sur l’hematothé- 
rapie, la vaccination contre la tuberculose, et la tuber- 
culose expérimentale en général. 

« Etude physiologique sur un microbe pyogène et 
septique. — Immunité conférée à des lapins par la 
transfusion peritonéale de sang de chien ». — Effets 
des injections du sang d'animaux tuberculosés, » 
« Technique des procédés pour obtenir du sérum. » 
« De la vaccination contre la tuberculose humaine par 
la tuberculose aviaire. » « Tuberculose expérimentale 
du chien : influence de la doseet des substances so- 
lubles. » « Tuberculose aviaire et tuberculose humaine 
chez le singe » par MM. Richet et Héricourt, «Le sérum 
du chien dans le traitement de la tuberculose » par 
M. Héricourt, « Etudes chimiques sur le bacille de la 
tuberculose aviaire » par M. Bouveault. 

Dans un chapitre intitulé e de l’'Hématothérapie en 
sénéral, qui sert d'introduction à cette série de 
mémoires, M. Richet remonte à l’origine de la question 
et établit ses droits et ceux de son collaborateur à la 
découverte du principe de l'hématothérapie, devenue 
depuis lors la sérothérapie. Sans doute, comme il le 
reconnaît, l'expérience première a été modifiée et 
remarquablement perfectionnée. Mais le lecteur impar- 


) 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


991 


tial conviendra, eneffet, que, dès 1888, les deux expéri 
mentateurs avaient nettement défini le but à atteindre, 
ainsi que le principe de la méthode, lorsque, trans- 
fusant du sang de chien au lapin pour rendre ce 
dernier animal réfractaire à un micro-organisme par- 
ticulier, le Staphylococcus pyosepticus, et se servant, à 
cet effet, soit du sang d’un chien intact, soit du sang 
d’un chien qui avait subi auparavant desinoculations de 
ce staphylocoque, ils disaient : « Cette influence du 
sang de chien donnant aux lapins une sorte d’immu- 
nité pour les maladies auxquelles résiste: le chien, 
s'étend peut-être à d’autres micro-organismes (le char- 
bon, la tuberculose). » C’est donc bien une méthode 
générale d'immunisation que MM. Héricourt et Richet, 
cherchaient äès lors dans la transfusion du sang d’ani- 
maux réfractaires ou immunisés. Leurs tentatives pour 
l'appliquer à la vaccination contre la tuberculose sont 
exposées dans les mémoires énumérés plus haut. 

On lira encore avec intérêt dans les deux derniers 
volumes des lecons professées à la Faculté de Méde- 
cine par M. Richet sur la « Physiologie et la Médecine », 
le « Rythme de la respiration», « J'Inanition », « les 
Défenses de l’organisme », 

E. WERTHEIMER, 


4° Sciences médicales. 


Bertrand (L. E.), Médecin en chef de la Marine et 
Fontan (J.), Professeur de Chirurgie à l'Ecole de Mc- 
decine Navale de Toulon. — Traité médico-chirurgi- 
cal de l'Hépatite suppurée des pays chauds. 
Grands abcès du foie. — Un vol. in-8° raisin de 
732 pages avec tracés et fiqures. (Prix : 13 fr.). Société 
d'Editions scientifiques. Paris, 1805. 

Cet important ouvrage de plus de 700 pages, que 
MM. Berirand et Fontan, familiarisés avec la pathologie 
des pays chauds, étaient mieux autorisés que personne 
à entreprendre et à mener à bonne fin, est Le traité le 
plus complet qui ait paru sur la matière. Concu dans 
un esprit essentiellement clinique, ce travail substan- 
tiel, fortement documenté, renferme, outre de nom- 
breux tableaux statistiques, une série de 133 observa- 
tions, dont un grand nombre personnelles et inédites. 

Bien que les auteurs aient mis à contribution tous les 
documents ayant trait à ce sujet épars dans la littéra- 
ture médicale francaise et étrangère, ce n’est pas une 
compilation aride et indigeste; mais, au contraire, une 
œuvre très personnelle, où ils apportent les précieux 
résultats de leur pratique et de leur expérience, et 
éclairent quelquefois d’un jour nouveau les points 
encore obscurs de l’histoire de cette affection. Après un 
rapide historique où nous voyons comment, à la suite 
des recherches des médecins anglais dans les Indes, les 
remarquables travaux des médecins militaires de 
l'Algérie et des médecins de la marine ont peu à peu 
fixé d’une facon définitive la pathologie actuelle dans 
ses grandes lignes, viennent quelques considérations 
sur la distribution géographique de l'hépatite suppurée : 
endémique dans tous les pays intertropicaux, et même 
dans quelques contrées d'Europe, cette affection a une 
prédilection spéciale pour certaines régions (Indes, 
Egypte, Sénégal). 

L'anatomie pathologique est traitée d’après les travaux 
les plus récents; après avoir décrit en détail les nom- 
breuses variétés d’abcès du foie et les lésions histolo- 
giques qui les caractérisent, les auteurs arrivent à 
cette conclusion personnelle que toutes les formes 
peuvent se réduire à une seule variété anatomique, ayant 
toujours le même processus : nécrobiose par embolie 
microbienne. Un important chapitre est consacré à 
l'étude des causes multiples qui entrent en jeu dans 
la genèse de cette affection. La dysenterie domine 
l'étiologie; elle est notée dans 80 °/, des cas envi- 
ron. Des tableaux instructifs conceruant la répar- 
tition saisonnière de l'hépatite et de la dysenterie 
montrent que la plus grande fréquence de l’hépatite 
coïncide non avec le maximum des grandes chaleurs 


392 


atmosphériques, mais avec l'époque des plus grandes 
variations thermiques. Malgré de nombreuses recher- 
ches, la pathogénie reste encore le point obscur que des 
études bactériologiques plus approfondies ne tarderont 
pas sans doute à élucider. Tous les auteurs admettent, 
sous peine d’être en contradiction avec les saines tra- 
ditions de la bactériologie, que la cause essentielle de 
la suppuration du foie est la pénétration et la pullula- 
tion de microbes dans cet organe, Mais où commence 
la divergence, c'est quand il s'agit d'interpréter la 
nature de ces micro-organismes. L'examen bactériolo- 
gique (qui a surtout porté sur des abcès hépatiques 
dysentériques) a révélé tour à tour la présence de 
staphylocoques, de streptocoques, de l’amæba coli 
(amibe), par laquelle Kartulis explique la genèse de la 
dysenterie et de l'hépatite qui la complique, du bacille 
spécial découvert par Ghantemesse el Widal, et consi- 
déré comme le microbe spécifique de la dysenterie, 

Contrairement à l'opinion généralement acceptée, 
MM. Bertrand et Fontan considèrent la dysenterie, non 
comme une affection spécifique, mais comme une af- 
fection polybactérienne banale, dans la pathogénie de 
laquelle ils attachent plus d'influence aux associations 
microbiennes qu’à l’action isolée et exclusive de tel où 
tel microbe. Ils sont logiquement amenés à soutenir, 
dans l'hépatite suppurée, la cause du microbisme pyogé- 
nique banal. Leurs expériences sur les animaux, leurs 
recherches bactériologiques, les nombreux faits clini- 
ques qu'ils ont pu observer à l'hôpital Saint-Mandrier, 
les conduisent, en effet, à cette conclusion que tous les 
abcès du foie, quelle que soit leur nature, sont dus 
uniquement à l'intervention des microbes pyogènes 
ordinaires (le staphylococcus albus serait le plus fré- 
quent). . A 1 

Au contraire de la théorie du parasitisme spécifique, 
leur doctrine « ramène au même mécanisme toutes les 
« variétés d’abcès du foie, avec cette condition différen- 
« tielle que la voie suivie par les microbes est tantôt le 
« système biliaire, tantôt les artères hépatiques si 
« l'entrée microbienne s'est faite par la circulation 
« générale, tantôt les vaisseaux portes si c’est par l’in- 
« testin que l'infection a commencé. » L'étude clinique 
occupe une large place, et est faite, pour ainsi dire, au 
lit du malade. De nombreuses observations judicieuse- 
ment distribuées nous montrent les diverses formes 
que peut revêtir cette affection ; les moindres symptô- 
mes sont analysés en détail. Cette étude est d'autant 
plus importante que l’.épatite se présente rarement 
avec un appareil symptomatique complet; le diagnostic 
est l’un des points les plus délicats de son histoire, et 
cependant il importe d’être fixé le plus tôt possible sur 
la présence du pus dans le foie, car tout retard dans 
l'intervention peut aggraver le pronostic déjà si redou- 
table. Après quelques observations sur le traitement 
médical, qu'on devra instiluer avec confiance, mais 
sans s’obstiner à perdre un temps précieux, et qu'on 
reléguera au second plan dès que- la suppuration de- 
vient probable, les auteurs abordent la question de 
l'intervention chirurgicale, Les indications sont nette- 
ment posées, et toutes les phases de l'opération minu- 
tieusement décrites; le curettage proposé, et mis plus 
de vingt fois en pratique par l’un-d’eux, peut être con- 
sidéré comme un perfectionnement notable, 

Les conclusions suivantes qui terminent le chapitre 
nous paraissent résumer très heureusement la conduite 
à tenir : 

jo La présence constatée du pus dans le foie fournit 
une indication impérative de lui donner issue; 

20 L’évacuation faite de bonne heure améliorant 
singulièrement le pronostic, il faut rechercher le pus 
par la ponction exploratrice hâtive et répétée, toutes 
les fois qu’il y a présomption de suppuration ; 

3° La ponction exploratrice étant inoffensive, et 
mème parfois profitable, doit être répétée un certain 
nombre de fois sans aucune crainte; 

4° Quand le pus est trouvé, l'indication d'ouvrir étant 
urgente, il faut renoncer à tous les procédés de lenteur; 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


! 
de 
5° L’évacuation par les canules de trocart étant for- &e 
cément incomplète, on doit écarter les ponctions avec 
ou sans drainage ; - 
6° L'incision directe, vraiment large, est seule capa- 
ble de guérir les grands abeès du foie; ; 
1° La résection d’une côte, les sutures pleurales ou 
péritonéales, le curettage, le double drain constituent 
les derniers perfectionnements de cette méthode et M 
transforment le pronostic des abcès du foie. 
D' H. ALVERNHE. - 


Hartmann (H.) et Morax (V.). — Note surla péri- 
tonite aiguë généralisée aseptique. — Quelques. 
considérations sur la bactériologie des suppura- 
tions péri-utérines.— In Annales de Gynécologie et” 
d'Obstétrique, 1894. 


MM. Hartmann et Morax poursuivent, dans les An- 
nales de Gynécologie et à la Société de Chirurgie leurs 
intéressantes études sur la bactériologie du péritoine 
et des suppurations annexielles. Reprenant les re- 
cherches de Schrüder et Blumm, auxquelles manquait. 
la démonstration anatomique, ces auteurs prouvent par 
deux faits l'existence de la péritonite aiguë généralisée 
aseptique. Dans les deux cas, l'examen bactériologique 
du liquide recueilli directement au cours de l'opération M 
sur la séreuse, est demeuré négatif. Cette péritonite, . 
dont le pronostic est relativement bénin, n’a pas de 
caractères cliniques pathognomoniques, Seule, son M 
évolution peut permettre de la séparer du processus » 
infectieux. 

MM. Hartmann et Morax ont noté la même absence 
de micro-organismes dans tous les cas de salpyngites 
catarrhales ou parenchymateuses et d’hydrosalpyngites, 
de même que dans trois faits de grossesse tubaire avec 
hémosalpynx et deux d'hématocèle pelvienne. 

Dans 33 collections suppurées formées aux dépens. 
des annexes, 13 fois le pus était stérile ; dans les 
20 autres cas, il contenait des gonocoques à l’état pur » 
ou associés au Bacterium Coli, des streptocoques, des 
pneumocoques, et une seule fois le Bacterium Coli à 
l'état pur, Comme pour la péritonite aseptique, les 
commémoratifs, la marche de la température, les 
autres signes cliniques ne renseignent que très insuffi- 
samment sur la nature septique ou non septique des 
suppurations péri-utérines. Aussi, dans la pratique, vaut- 
il mieux se prémunir toujours contre les dangers de la 
contamination possible du péritoine et admettre dans. 
tous les cas la virulence du pus. C’est le seul moyen de 
se mettre à l'abri de tout accident, 

Dr Gabriel MAURANGE. 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des, 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-8 colombier, avec nombreuses æ 
figures ‘intercalées dans le texte et planches en cou-n 
leurs. 520e et 521€ livraisons. (Prix de, chaque livrai- 
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, 
Paris, 1895. | 
Les 520: et 521e livraisons renferment une mono-M 

graphie de la Laponie, due à MM. A. M. Berthelot pour 4 

ce qui concerne la géographie proprement dite et à 

M. Zaborowski pour ce qui concerne l’ethnographie 3 

une étude sur le lapin, au point de vue de l’économie 

rurale, par M. Larbalétrier; un article sur la sécrétion, 
des larmes, par le Dr P, Langlois; des articles sur le“ 
larynæ au point de vue anatomique par M. J. Flamma= 
rion, sur la pathologie et la chirurgie du larynx et sul 
la laryngoscopie par M. G. Coupard, sur les nerfs laryn= 

gés et leur fonction par le Dr P. Langlois ; sur la luté 
rite, terre’ rouge chargée d'oxyde de fer, provenant dem 
la désagrégation des roches, par M. Ch. Vélain; sur la} 
latitude, au point de vue astronomique, par M. Ch. de] 

Villedeuil;enfin la biographie du grand mathématicien} 

francais Laplace, par M. L. Sagnet. 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
» Séance du 127 Avril 1895. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Tacchini transmet 
les résultats obtenus relativement à la distribution en 
latitude des phénomènes solaires observés pendant les 
e, 3° et 4° trimestres de 189%. Depuis quelque temps, 
lactivité solaire se manifeste de préférence au sud de 
'équateur. — M. E. Goursat énonce le théorème sui- 
vant, relatif à la théorie des équations aux dérivées 
artielles du second ordre : Soit S—F(æ, y, z, p, q,?, t) 
une équation de second ordre où le second membre 
# holomorphe dans le voisinage des valeurs : 


£ os or F0» Pos Jo l'or Co» 


des variables correspondantes ; soient # (x) et 4 (x), 
deux fonctions holomorphes dans le domaine des points 
*, et y, respectivement, et telles que l’on ait : 


® (To) = os CA (To) = Po» go" (to) = To 
Do) = 20 ? (Yo) = Jo Ÿ” (Yo) = b. 


Si, en outre, les deux dérivées partielles DFADF sont 


Dr Dé 
nulles pour ces valeurs initiales, l'équation admet une 
intégrale holomorphe dans le voisinage du point 
0 Yo) Se réduisant à + (x) pour y =, et à Ÿ (y) pour 
— 4, . — M. Désiré Andre établit un ensemble 
e propriétés des séquences des permutations circu- 
laires, qui rappellent les propriétés énoncées pour les 
permutations rectilignes, mais sont en général beau- 
coup plus simples. — M. Maurice d'Ocagne applique 
la théorie générale de la probabilité des erreurs au cas 
particulier des nivellements de haute précision, 

20 ScIENCES PHYSIQUES. — M. J, Rué adresse une 
hote sur les courbes des chemins de fer et sur les 
moyens pratiques à employer pour les vérifier ou pour 
les rectifier. — M. H, Deslandres expose le résumé 
omplet et définitif des expériences relatives au rayon- 
nement ultra-violet de la couronne solaire pendant 
Péclipse totale du 16 avril 1893. Les observations anté- 
rieures, limitées à la partie la plus intense du spectre 
Jumineux, ont été étendues à une portion trois fois 
plus grande, s'étendant jusqu'aux longueurs d'ondes 
pour lesquelles x = 295. L'auteur donne la liste des 
aies nouvelles appartenant à la couronne. — M. Ch. 
Péry indique un procédé permettant d'obtenir, par la 
Hhotographie de réseaux dans des conditions particu- 
ières, des réseaux quadrillés résolvant complètement 
& problème de la photogravure avec des demi-teintes. 
établit une formule permettant de déterminer rapi- 
ément les meilleures conditions d'emploi du réseau 
ans les conditions les plus diverses. — M. A. Aignan 
ablit qu'il n’y a pas lieu de substituer à l'expression 


A pouvoir rotatoire spécifique de Biot : GQ=R= un 
expression nouvelle et inexacie introduite par 


* Guye sous le nom de déviation moléculaire : 


re 7 
Q) 0 Æ : 

quelle est une quantité variable qui diminue à me- 
re que la dilution augmente et que l’on dissout le 
pps actif dans un dissolvant plus léger. — M. G. Se- 
guy donne la description d’un radiomètre de cons- 
uction symétrique, tournant sous l’action d'un éclai- 
ment dissymétrique.— MM. H. Abraham et J. Le- 


ioine présentent un nouvel électromètre absolu pour 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


De cet MU é DÈT RTE RS Pr LE Enr +, 1e "ai 


la mesure des hauts potentiels ; c’est un électromètre- 
balance à disque plan et anneau de garde analogue à 
celui que M. Baille a construit sur le principe bien 
connu donné par lord Kelvin ; ils présentent aussi un 
modèle simplifié. Avec le modèle étalon, on a le mil- 
lième pour des potentiels dépassant 40.000 volts ; avec 
le modèle simplifié on mesure au centième, et toujours 
en valeurs absolues, des potentiels qui atteignent 
100.000 volts. — M. Pierre Weiss a modifié le type 
habituel du galvanomètre astatique de Thomson et 
réalisé un nouveau galvanomètre beaucoup plus sen- 
sible et beaucoup plus sûr dans ses indications. Le 
système astatique est formé de deux longues aiguilles 
verticales, parallèles à l'axe de rotation et dont les 
pôles de nom contraire sont en regard, de facon à réa- 
liser un circuit magnétique presque fermé ; la sensi- 
bilité, définie d’après MM. Mather et Sumpner, dépasse 
4.500; l’aimantation est d’une grande constance. — 
M. l'abbé Maze communique une première note sur 
les plus anciennes observations thermométriques et 
météorologiques faites à Paris par le prêtre astronome 
Ismaël Boulliau, et une seconde note pour établir que 
le premier thermomètre à mercure n’a pas été employé 
par Fahrenheit, mais bien par Ismaël Boulliau, 62 ans 
avant lui, — M. P. Déhérain conclut de l’ensemble de 
ses observations sur les eaux de drainage que le rap- 
port de la pluie au drainage a été, en 1893, de 6,5 et 
la perte d'azote de 51 k. à l’hectare, de sorte que, pen- 
dant une année de mauvaises récoltes, une terre de 
qualité moyenne perd une quantité notable d’azote 
nitrique, et cette quantité croît avec l'étendue de la 
jachère; en 1894, le rapport de la pluie au drainage est 
de 61,2 et la perte à l’hectare de 1 k.96 ; une récolte 
luxuriante de cètte dernière année, qui a été proba- 
blement la plus forte que nous ayons jamais eue pour 
le blé, n’épuise pas plus le sol qu’une récolte médiocre. 
En outre, les pertes des terres nues sont infiniment 
plus fortes que celles des terres emblavées, d’où luti- 
lité de maintenir le sol couvert de végétaux le plus 
longtemps possible, et par suite, de faire suivre toutes 
les fois qu’on le pourra, la récolte du blé d’une culture 
dérobée d'automne, — M. Ramsay donne quelques 
développements sur les résultats qu'il à récemment 
transmis au sujet de l’argon. — M. Tassilly donne les 
procédés de préparation et l'étude thermique des 10- 
dures anhydres de baryum et de strontium. — M. de 
Koninck adresse en son nom et au nom de MM. Le- 
crenier et Ledent une réclamation de priorité .rela- 
tive aux propriétés des sulfures de nickel et de cobalt. 
— M. de Forcrand a fait l'étude thermique de l’al- 
coolate de calcium (C2H60)' (Ca0)*, obtenu par l’action 
de l'alcool éthylique absolu sur l'acétylure de cal- 
cium. Il établit, en outre, que l’éthylate de baryte est 
une combinaison d'addition de formule (C2H50) (BaO, 
de sorte que l’action des alcools sur les oxydes alcalino- 
terreux ne donne pas de véritables alcoolates métal- 
liques, mais des combinaisons d’addition. — M. A. 
Rosenstiehl donne les résultats de son étude des 
bases ammoniées, dérivées de l’hexaméthyltriamido- 
triphénylméthane. Ces bases sont trivalentes, c’est-à- 
dire contiennent leurs trois atomes d'azote à l'état 
d'ammonium:; elles sont d'une alcalinité comparable à 
celle de l’hycrate de tétréthylammonium; elles déco- 
lorent les solutions de fuchsine et précipitent leurs 
carbinols quand ceux-ci sontinsolubles.—M Delépine 
a étudié les combinaisons de l’hexaméthylène-amine 
avec les chlorure et iodure mercuriques,ainsi que l’ac- 
tion du chlorhydrate de phénylhydrazine. Il se forme 
divers chloro- et iodomercurates, tousbien cristallisés, 


39% 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


dans le premier cas, et l'anhydroformaldéhyde phé- 
nylhydrazine dans le second. : 
C. MATIGNON. 


3° SCIENCES NATURELLES. — M. Leroux adresse une 
note ayant pour titre : Recherches sur l’éclosion de 
l'œuf des sexués du Phylloxéra de la vigne. — M. 9. 
Richard fournit les résultats d'analyses des gaz de la 
vessie nafatoire des poissons, faites à bord du yacht 
Princesse-Alice. Les recherches ont porté sur trois 
espèces de poissons : Serranus cabrilla,Conger vulgaris, 
Simenchelys parasiticus, pris respectivement à 60, 175 
et 1674 mètres de profondeur; malgré ces différences, 
la quantité d'oxygène trouvé est voisine de 87 % même 
pour les cas extrèmes. — MM. Camus et Gley étu- 
dient l’action du système nerveux sur les principaux 
canaux lymphatiques. Les auteurs ont réussi à enre- 
gistrer les mouvements de la citerne de Pecquet et du 
canal thoracique, et démontrent que les vaisseaux 
lymphatiques recoivent, comme les artères, des nerfs 
qui président à leurs mouvements, Les expériences 
prouvent aussi l'existence dans le nerf splanchnique 
des fibres vaso-dilatatrices. — M. Vesque étudiant le 
genre Eurya de la famille des Ternstræmiacées, 
montre que la situation de la fige est constante dans 
ce genre qu'il divise, à la suite de l’étude florale, en 
# sections : Eueurya, Euryodes, Gynandra et Meristo- 
theca. — M. A. Lacroix présente une note sur les ro- 
ches basiques constituant des filons minces dans la 
lherzolithe des Pyrénées. J. MARTIN. 


ACADEMIE DE MEDECINE 
Séance du 9 Avril 1895, 

M. Dieulafoy présente, au nom de M, Collin, un ap- 
pareil destiné au tubage du larynx. — M. Debove 
communique un rapport sur deux mémoires du 
Dr Clozier, intitulés : 1° Des zones hystérogènes et hysté- 
roclasiques, et 2 De l’origine gastro-intestinale des hysté- 
ronévroses, — M. Hallopeau présente à l’Académie un 
androgyne. 

Séance du 16 Avril 1895. 

L'Académie procède à l'élection de deux correspon- 
dants nationaux dans la 1re Division (Médecine), 
MM. Testut (de Lyon) et Bertrand (de Cherbourg) 
sont élus, — M. G. Lagneau signale deux cas d’her- 
maphrodisme qu'il a eu l’occasion d'observer et montre 
que les cas de ce genre ne sont pas si rares qu’on le 
croit généralement. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 6 Avril 1895. 


M. Kauffmann, reprenant l'étude de l’une des ques- 
tions les plus discutées de la physiologie contempo- 
raine, cherche à élucider le problème de la formation 
et de l’origine du glycogène. IL rappelle les idées de 
M. Dastre. Ce dernier estime que le glycogène se ren- 
contre dans tous les tissus, mais qu'il est lié à la cel- 
lule qui l'a produit et qu’il ne peut être entraîné par 
le ‘orrent circulatoire. En outre, le glycogène ne peut 
exister dans le plasma, car celui-ci renferme une dias- 
tase qui le transformerait aussitôt en glycose. M.Kauff- 
mann estime, au contraire, que le foie est le grand 
producteur de glycogène et que, si on trouve cette 
substance dans les différents tissus, c’est qu’elle y a 
été transportée et déposée par le courant sanguin. 
Quant à la diastase dont on proclame l'existence dans 
le plasma, personne n'a encore pu la trouver chez l’ani- 
mal vivant. — MM. Richet et Héricourt onf guéri ra- 
pidement, par des injections de sérum d’un âne ino- 
culé expérimentalement, un cas de syphilis tertiaire 
avec sommes ulcérées, rebelle à tout traitement, — 
MM. Guinard et Artaud ont étudié les modifications 
cardio-vasculaires produites par l’injection de malléine 
et de tuberculine., — M. et Mme Déjérine ont examiné 
ee rie du ruban de Reil avec la corticalité céré- 
brale. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 15 Mars 1895. 


M. Leduc expose une nouvelle méthode pour me- 
surer l’abaissement moléculaire du point de congéla- 
tion des dissolutions très diluées. Cet abaissement a 
donné lieu à des recherches nombreuses qui se par- 
tagent en deux groupes, Le premier comprend les 
expériences de Rüdorf, de Coppet et de M, Raoult, Ces 
auteurs n’ont pas cherché à étudier les dissolutions 
très étendues. Les abaissements sur lesquels ils opé- 
raient étaient de l’ordre de 1°, Le second groupe se 
rapporte au cas des dissolutions extraordinairement 
étendues, où les abaissements sont de l’ordre du 
centième de degré. Ces expériences ont été entre- 
prises à la suite de l’hypothèse d’Arrhénius, que 
les sels dissous pourraient bien être décomposés en 
leurs ions. Mais les résultats obtenus présentent de 
grandes divergences. Ainsi, dans le cas du chlorure de 
sodium, M. Arrhénius et M. Pickering trouvent des 
courbes entièrement discordantes. Tout récemment, 
M. Ponsot, par des déterminations très soignées, a 
trouvé une courbe toute différente des deux premières, 
M. Leduc à songé à mesurer les abaissements de tem- 
pérature avec une précision beaucoup plus grande en 
se fondant sur l’abaissement de la température de 
fusion d’un mélange d’eau etde glace lorsqu'on exerce 
une compression, Cet abaissement étant de 0°,0076 par 
atmosphère, une variation de pression de 1°% de mer- 


à - LS ë 
cure correspond à un abaissement de +=, de degré. 


La mesure des excès de pression peut donc donner les 
abaissements de température avec une précision sura- 
bondante, La méthode consistera, dans le cas d’une 
dissolution aqueuse, à introduire la partie de l’éprou- 
vette contenant la dissolution au milieu d'un récipient 
qui renferme un mélange d’eaupure et de glace ràpée, 
sur lequel on exercera différentes pressions. Un regard 
portant un microscope permettra d'examiner à chaque 
instant la dissolution. On fera varier la pression dans 
lerécipient, et, par suite, la température du mélange 
d eau et de glace, jusqu’à l’ameneràla température de 
congélation de la dissolution étudiée, Il est possible 
de saisir exactement cette température, car, tant qu’elle 
n'est pas atteinte, des parcelles de glace introduites 
dans la dissolution y fondent; si elle est dépassée, des 
aiguilles se forment. La seule difficulté de la méthode 
consisterait dans les dosages nécessaires pour déter- 
miner les abaissements absolus moléculaires. Cette. 
détermination, en valeur absolue, a d’ailleurs moins 
d'intérêt que l'étude beaucoup plus facile de la forme 
exacte de la courbe. M. Leduc établit ensuite la for- 
mule qui donne l’expression de l’augmentation de 
pression en fonction de la pression osmotique, et des 
volumes spécifiques du dissolvant à l’état solide et à 
l'état liquide. Elle peut se démontrer par un raisonne- 
ment direct, indépendant de toute formule théorique. 
Puis, au moyen de la formule de Van t’Hoff, des va- 
leurs de l’augmentation de pression, on pourra déduire 
la valeur du coefficient isotonique qui fixe la fraction W 
du sel décomposée en ses ions. Bien que lintérèt soit 
moiudre, ces formules sont applicables aux dissol- 
vants autres que l’eau, Enfin, M. Leduc montre qu’on 
peut déduire facilement et directement des formules 
précédentes l’expression, dont M, Ponsot a déjà donné 
une première forme, de la différence entre la pression 
maxima de vapeur de la glace et de l’eau en surfusion 
à la même température. Cette formule donne une | 
valeur de 0®%,0%% pour un abaissement de température 
de 14°. C’est bien le nombre trouvé expérimentalement | 
par Dieterici, — M. Wyrouboff trouve que les écarts 
de la loi de Raoult sont trop grands pour qu'il y ait 
lieu de songer à y appliquer la précision des méthodes 
purement physiques, — M. Leduc montre que ce sera 
précisément un moyen d'éviter une grande partie des | 
erreurs et de diminuer beaucoup les écarts. — M. P. 
Charpentier décrit un pressomètre sensible pour la 


r 


mesure des pressions des fluides. C’est essentiellement 
un baromètre à siphon dans lequel le mercure de la 
branche ouverte est surmonté d’une colonne d’un 
liquide plus léger, huile ou eau, contenue dans un 
tube de section plus faible que la surface libre du 
mercure. Les variations de niveau dans ce tube, par 
Suite des variations de la pression atmosphérique, 
Sont beaucoup plus grandes que celles du mercure. 
Dn peut les rendre environ dix fois plus grandes, 
est-à-dire qu'on peut obtenir une décimale de plus 
dour la mesure de la pression atmosphérique. L'auteur 
ose le tarage de l'appareil et établit la formule 
où se déduit la hauteur barométrique. Il se propose 
Pappliquer ce dispositif à d’autres usages, notamment 
pour la densimétrie, — D'après M. Pellat, il y aurait 
lieu de rechercher si les déformations du ménisque du 
liquide n’introduisent pas des erreurs appréciables. 
1e Edgard Haunié. 


SOCIÈTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 6 Mars 1895. 


« M. Hébert a analysé les matières grasses extraites 
de quelques graines oléagineuses du Congo francais. 
La graisse des graines de Penza contient 70 °/, d’acide 
oléique et 30 °/, d'acides gras solides{acides arachique 
et stéarique); la matière grasse de Moabi renferme 
50 °/, d'acide oléique et 50*/, d'acides gras solides 
acides myristique, palmitique, stéarique et peut-être 
nargarique); l'huile de Koumounou est constituée par 
de la trioléine à peu près pure. M. Hébert donne les 
endements des graines en matière grasse, les carac- 
ères des huiles qu’on en extrait et la composition des 
bureaux, — M. Jay décrit en son nom et au nom de 
M. Dupasquier une nouvelle méthode d'obtention du 
hosphate de potassium. On utilise la réaction connue 
lu phosphate monocalcique sur le sulfate neutre de 
potassium ; il se forme du sulfate de calcium et du 
hosphate monopotassique. Mais, au lieu de passer 
omme actuellement par la préparation de lacide 
hosphorique, on fait agir directement sur le phos- 
hate tricalcique une solution de sulfate dans l'acide 
ulfurique. Le phosphate de potassium est ensuite 
éparé en lessivant la masse, produit de la réaction. 
H Joffre conclut de recherches poursuivies pendant 
ois années que les végétaux paraissent absorber la 
hatière organique de la terre arable, — M. Lescœur 
présente une note sur le mouillage du lait. 


Séance du 8 Mars 1895. 


Le perchlorure de fer en solution éthérée est réduit 
ét transformé en protochlorure par le bioxyde d’azote, 
insi que l’a reconnu M. Thomas. De plus, on obtient 
Me combinaison du protochlorure et du bioxyde ré- 
bondant à la formule : 


FeC, AzO,2H?20, 


n évaporant la solution éthérée et en abandonnant le 
oduit sirupeux obtenu à cristalliser. Cet hydrate est 
n'eristaux noirs.Si l’on évapore la solution à 60°-100, 
n obtient le sel anhydre : FeCl2,4z0 en cristaux 
unes. Ces deux composés se dissolvent dans l’eau 
Sans dégagement gazeux. Le fer qu'ils renferment doit 
re au minimum, car lesulfocyanure ne produitaucune 
bloration et le ferrocyanure donne un précipité blanc. 
M. Delépine a préparé les produits d’addition sui- 
ants de l’hexaméthylène-amine : le bismuthate : 


4 5(CSH12AzHI), 3 (Bil5, HI, 4 H20) 


2chloromercurates : 
CSH1?Azi, 2 HgC/2, H?0, 


o C5H12Az4, HCI, 2HgCI2H20, 
iodomercurate : 
CSH1?A71,2 Hgl?, H20, 


- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


395 


l'iodamylate : 
C6H12A74, CSH!1] 


les triiodures d'iodamylate et d'iodométhylate, le triio- 
dure d’iodhydrate trihydraté : 


CSH12Az4, HI, I°+3H20. 


En traitant par les acides l’iodométhylate et l'iodamy- 
late, il a obtenu de l’éthylamine et de l’amylamine, 
plus une autre base qu'il étudie. Traités par l'oxyde 
d'argent, ces iodalcoolates donnent des ammoniums 
quaternaires extrêmement alcalins. Ces ammoniums, 
traités par les iodures alcooliques, donnent des iodal- 
coolates différents des composés primitifs. Le chlorhy- 
drate de phénylhydrazine donne avec l’hexaméthylène 
amine, un composé cristallisé, fondant à 100, et parais- 
sant identique au produit obtenu en faisant réagir la 
phénylhydrazine sur l'aldéhyde formique. M. Delépine 
a essayé d'appliquer à la séparation des méthylamines 
une réaction déjà signalée par Henry. C'est celle de 
l’aldéhyde formique, qui se combine avec ces bases en 
donnant des produits différents. La triméthylamine ne 
se combine pas à cet aldéhyde et peut, par conséquent, 
être très facilement séparée de la combinaison avec la 
diméthylamine, bouillant à 66°-67%, En traitant aussi 
par l’aldéhyde formique les amines obtenues par l’ac- 
tion de l’ammoniaque à froid sur l’azotate de méthyle, 
on n'obtient pas ou très peu de triméthylamine ; mais 
on obtient surtout le composé CH?= Az-CH, bouillant 
à 166°,déjà signalé par Henry,et du bisdiméthylaminomé- 
thane bouillant à67°, Ge derniercomposé se combine aux 
iodures de méthyle, de méthylène, d’éthyle, d’amyleetau 
bromure d’éthylène. — M. Simon afaitréagir les amines 
aromatiques sur un certain nombre de composés céto- 
niques dissymétriques. Il a étudié notamment dans ces 
conditions, l'acide pyruvique, ses éthers, l’acide phé- 
nylglyoxylique, son éther éthylique. L’acide pyruvique 
donne 3 produits distincts. Mais on n’a obtenu ni sté- 
réoisomères, ni isomères de structure. L’aniline, l’or- 
tho et la paratoluidine, la métaxylidine, la 8 naphtyla- 
mine se comportent dela méme manière. Seules les 
proportions relatives des différents produits diffèrent. 
Une base fait exception : l’, naphtylamine, en effet, ne 
donne rien à froid en solution éthérée,-même au bout 
de plusieurs jours. Cette réaction à froid a donné les 
trois produits obtenus par Bottinger pour l’aniline 
dans des conditions différentes, —M. Villiers, par re- 
froidissement intense et prolongé de l’alumine préci- 
pitée et en suspension dans l’eau, a obtenu de l'alu- 
mine cristallisée hydratée renfermant,comme Palumine 
de la bauxite, 4 molécules d’eau de cristallisation. — 
MM. Verneuil et Wyrouboff se sont proposé d’ex- 
traire du cérium absolument exempt de didyme soit 
de la cérite, soit d'un mélange en n'importe quelles 
proportions de cérium, lanthane et didyme. Ils ont 
aussi cherché une méthode de dosage aussi exacte que 
possible du cérium en présence du didyme ou du lan- 
thane. En se basant sur une réaction connue, mais mal 
interprétée, ils ont pu parvenir à un procédé simple et 
expéditif de séparation du cérium. Le nitrate céroso- 
cérique se dissocie en présence d’azotate d'ammonium. 
Pour réussir cette séparation, on dissout à chaud les 
oxydes de cérium, lanthane et didyme, provenant de la 
calcination des oxalates, dans de l’acide azotique fort. 
On concentre à consistance sirupeuse de facon à laisser 
un léger excès d'acide, On ajoute un poids de nitrate 
d'ammonium égal au poids des oxydes employés. On 
dissout dans 20 fois le poids d’eau et on fait bouillir. 
On obtient un précipité jaune très clair qu’on filtre et 
lave avec une solution d'’azotate d'’ammonium à 5 °/°. 
Par calcination, on obtient l’oxyde Ce30, tout à fait 
exempt de didyme. La réaction n’est pas quantitative : 
l’acide azotique agit sur Ce Of — Ce 0?,2Ce0, le réduit 
en donnant un composé d’oxydation moindre qu’on 
peut représenter par Ce0?, (2 + n) CeO. Ce produit, 
traité par l’eau et l’azotate d’ammonium, donne bien 
CeO?, 2CeO, qui se précipite, mais il reste nGeO en solu- 


396 


tion. Cette réaction, qui a échappé aux chimistes jus- 
qu'alors, rend illusoires les procédés de séparation 
fondés sur l’insolubilité des nitrates basiques de cé- 
riumet les explications théoriques admises jusqu'alors, 
notamment celles de M. Auer. Pour arriver à une pré- 
cipitation complète pour un dosage, on ne peut em- 
ployer ce procédé. On pourrait répéter les précipita- 
tions d'oxyde cérosocérique; mais il reste toujours une 
partie du protoxyde de cérium dans la solution et, de 
plus, l’oxyde Ce*0* semble se réduire de plus en plus 
au fur et à mesure qu'augmente le titre en bases plus 
fortes : DiO et LaO. On peut tourner la difficulté : à la 
liqueur contenant les trois métaux à l'état de protoxy- 
des et une grande quantité d'ammonium, on ajoute en 
excès de l'eau oxygénée, puis, goutte à goutte, de l’am- 
moniaque très diluée (1/10). Il se forme un précipité 
rouge oransé de peroxyde CeO*, qui disparait petit à 
petit à l’ébullition et fait place à un corps analogue à 
l’oxyde cérosocérique., On le lave avec une solution de 
nitrate d'ammonium à 5 °/,, on arrête la précipitation 
par l’ammoniaque lorsqu'une prise d'essai, traitée par 
l’eau oxygénée et l’ammoniaque, donne un précipité 
parfaitement blanc. On ne peut empêcher la précipita- 
tion d'un peu de didyme. Néanmoins ce procédé est 
bien supérieur aux procédés proposés jusqu'ici el 
mérite toute notre attention à une époque où la 
chimie des terres rares semble sur le point d'opérer 
une véritable révolution industrielle. — M. Engel a 
reconnu jadis que le palladium précipité par l'acide 
hypophosphoreux décompose cet acide et les hypo- 
phosphites en hydrogène et acide phosphoreux. Le 
composé connu sous le nom d’hydrure de cuivre 
réagit de la même facon, même après avoir été 
lavé avec l’eau bouillante et l'acide chlorhydrique 
dilué. A lébullition il décompose indéfiniment l’hypo- 
phosphite de baryum. — M.Chabrié,en soumettant un 
mélange d’aldéhydate d’ammoniaque et d’éther à lac- 
tion de l'hydrogène sulfuré, a obtenu un corps cristal- 
lisé, fondant à 60°-63° et se:décomposant au-dessous de 
100°, On peut lui donner la formule développée : 


CHE CH 
SH ON | 
| —4zH—/ | 
H H 


Il a bien,en effet,les propriétés des sulfures et des aldé- 
hydes ; on reconnaît qu'il est bien différent de la thial- 
dine, produit de la réaction de l'hydrogène sulfuré sur 
l'aldéhydate d’ammoniaque sec. — M. Baubigny à 


envoyé une note sur les caractères analytiques d'un 


mélange de sels de baryum, de strontium et de cal- 
cium. 
Er. CHaroN. 


SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE. FRANCE 
Séance du 20 Mars 1895. 


M. D. André : Sur les permutations quasi-alternées, 
— M. d'Ocagne : 1° Sur l'influence des erreurs toujours 
de même sens dans les nivellements de précision. 
2° Rectification approchée du cercle. — M. Laïisant : 
Relation entre les cercles de courbure et les asymp- 
totes. — M. G. Humbert : Génération géométrique 
des asymptotiques de Ja surface de Kumner, — 
M. Raffy : Sur une classe d'équations différentielles du 
premier ordre, dont on obtient l'intégrale générale en 
y remplacant Ja dérivée par une constante arbitraire. 
— M. Goursat fait connaître une classe étendue de 
solutions du problème dépendant de deux fonctions 
arbitraires. 

Séance du 3 Avril 1895. 


M. D. André : Sur la structure des permutations 
circulaires. — M. Lecoruu : Sur une équation fonction- 
nelle, — M, Fleury : Sur un paradoxe du calcul de 
l'infini, M. D'Ocacxe. 


ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


SCIENCES PHYSIQUES 


Lord Kelvin, P.R. S., Magnus Maclean, EF, 
R.S.E., et Alex, Galt, F.R, S. E, — Electrisa- 
tion de l'air et d’autres gaz par leur passage à 
travers l'eau et d'autres liquides. — Les expériences 
suivantes ont été exécutées dans le cours de juillet 
1894 et sont la continuation d'expériences commencées 
en 1868 au Laboratoire de Physique de l'Université de 
Glasgow, qui furent interrompues pour diverses raisons 
avant qu'aucun résultat décisif eùt été obtenu, À 

4. — Un tube de verre en UV, avec des branches ver- 
ticales (fig. 1), chacune mesurant environ 18 pouces de 
longueur (0 m. 45) et {1 pouce de diamètre (0 m. 025 ),, 
est fixé à un support non isolé (non représenté sur la. 
figure). La moitié supérieure de l’une des branches est 
enduite, extérieurement et intérieurement, d’un vernis 
blanc ; l’autre branche est remplie de petits fragments, 


de pierre ponce imprégnée d'acide sulfurique con= 
centré ou d’eau. Un fil de platine, touchant la pierres 
ponce par une de ses extrémités, la met en reJatio 

avec l’électrode isolée d’un électromètre à quadrant E 
Un vase de métal M entoure les deux branches du 
tube en U sans les toucher et les protège des influences, 
électriques extérieures; ce vase est mis en communi= 


OINEE 


Fig. 1. — Disposilif employé pour montrer l'électrisation del 
l'air lorsqu'on lui enlève l'humidilé qu'il contient. — MA 
vase de métal entourant les deux branches d’un tube en U 
dont l’une est remplie de fragments de pierre ponce im 
prégnée d'acide sulfurique. — LE, électromètre à qua 
drants. À 


calion par un fil métallique avec l'enveloppe extérieure 
de l’électromètre. La partie du fil de platine à décou= 
vert entre le tube en YU et l’électromètre est si courte: 
qu'il n’est pas nécessaire de la protéger contre les! 
influences extérieures, Le tube de dégagement d’une 
soufflerie ordinaire est lié à l'extrémité non isolée du! 
tube en U. On souffle alors de Pair à travers le tube 
pendant une heure environ, sans arrêt. Lorsque lal 
pierre ponce est imprégnée d'acide sulfurique, l’élecz 
tromètre accuse, dansle cours de3/4 d'heure, une élec- 
trisation positive d'environ 9 volts; quand la pierre 
ponce est imprégnée d’eau, on n'observe aucun effet.} 
La première expérience montre clairement que lair, 
en passant à travers le tube en LU, abandonne del 
l'électricité positive à l'acide sulfurique; l'air dessé» 
ché, qui s’échappe du tube, doit, par conséquent, êtres 
chargé d'électricité négative, Une expériénce analogue 
dans laquelle la pierre ponce imprégnée d'acide sulfu=1 
rique élait remplacée par des grains de chlorure d&l 
calcium anhydre, donna le même résultat. On nota 
toutefois que l’électrisation ne commence à se produire! 
que lorsqu'on entend un bruit de barbotement, dù au 
passage de l'air à travers un liquide rassemblé dans la 
courbure du tube (provenant probablement de la con-| 
densation de l'humidité de l'air par H?S0 ou Ca CP). 
On a depuis vérilié que, s'il ne se produit pas d'effet) 
électrique quand la pierre ponce est imbibée d’eau} 
pure, c’est parce qu'il ne se rassemble aucun liquide} 
dans la courbure du tube, — Lorsqu'on remplace le 
tube en U par un tube droit, afin d'empêcher une, 


AE OS Pa re Te de - 


accumulation de liquide dans le tube, et lorsqu'on fait 
passer l'air à travers le chlorure de calcium ou la 
pierre ponce imprégnée d'acide sulfurique, on n’observe 
plus aucune électrisation définie, excepté dans le cas 
où le chlorure de calcium a été chauffé, avant l’expé- 
ience, à 480 ou 200° et introduit encore chaud dans le 
tube : l’électrisation est alors positive et très forte. 

2. — Les expériences ont été continuées avec l'ap- 
pareil représenté dans la figure 2. Un vase métallique 
protecteur M est mis en communication au moyen 
d’un fil mécanique avec l’une des paires de quadrants 
d’un électromètre E. De l’eau, placée dans un vase 
intérieur de verre ou de métal À, est également reliée 


2. — Disposilif montrant l'électrisalion de l'air lorsqu'il 
arbote à travers l’eau. — A, vase intérieur contenant de 
l'eau reliée par un fil métallique à l'électromètre à qua- 
drants E. 


par un fil de platine avec l’autre paire de quadrants 
de l’électromètre. Pour isoler l'appareil, on supporte 
le vase A par un bloc de paraffine; le tube de verre qui 
plonge dans l’eau est ajusté dans un second bloc de 
paraffine, percé d’un canal à l’autre extrémité duquel 
-s’emboîle le tube servant à l’entrée de l’air venant de 
a soufflerie. Si l’on souffle de l'air à travers l’eau, on 
observe que le vase À se charge d'électricité positive !. 
Pour prévenir l’éclaboussement de l’eau hors du vase, 
ou peut adapter un couvercle de papier à l’orifice; ou 
bien on incline le vase comme le montre la figure 3, 
de facon que les bulles d’air viennent crever contre la 
‘paroi intérieure du vase. La moyenne des résultats de 


Mig: 3. — Légère modification du dispositif représenté dans 
& fiqure 2, el destinée à empécher l’éclaboussement des 
gouttes d’eau hors du vase. 


trois expériences donna üne électrisation positive d’en- 
viron 6 volts en un quart d'heure. 

3: —_ Puisque le vase s’électrise positivement, l’air, 
sil est entré à l’état neutre, doit être électrisé négati- 
ement après son passage. Pour le prouver, on se 
sert de l’appareil représenté dans la figure 4. Il con- 
Siste en un grand vase de fer-blanc VV, de 123 centimètres 
de diamètre et 70 centimètres de hauteur, renversé sur 
un baquet en bois revêtu de plomb, supporté par trois 
morceaux de bois. En remplissant d’eau le baquet 
on confine une certaine quantité d’air dans le vase 
PO RC ER 2 


4 En soufflant de l'air dans le vase sans que le tube plonge 
dans l’eau, on n’observe aucune électrisation, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


a ————_——_——— 


397 


VV. CC est un écran métallique, en communication 
avec le vase VV et l’électromètre E. L'écran entoure 
l'électromètre et l'appareil figuré à sa droite qui est 
destiné à laisser tomber de l’eau goutte à goutte dans 
le vase VV; l'écran empêche ainsi toute influence 
électrique extérieure qui pourrait altérer les résultats 
des expériences, Cette protection de l’électromètre est 
absolument nécessaire, surtout si d’autres expériences 
électriques se font à proximité ou si des câbles servant 
au transport de l'électricité passent dans la salle. En 
faisant marcher l'appareil à écoulement d’eau et en 
soufflant de l’air ordinaire du laboratoire à travers le 
vase VV, on trouve que l'air s’électrise négativement 
et d’une quantité égale à environ 5 volts en une heure; 


L- == & 7 
SN a —— fus) 
LTTLIIITTITTTTTTTITT TITI IT IT TITI IST ALT T LITE TILL LITTLE IL 


Fig. #4. — Appareil destiné ‘à montrer que l'air s'électrise 
négativement lorsqu'on fait tomber de l'eau goutte à goutte 
au travers. — VV, vase en fer-blanc retourné sur un ba- 
quet rempli d’eau. — CC, écran métallique entourant l’élec- 
tromètre à quadrants E et le récipient, figuré à sa droite, 
duquel l’eau tombe goutte à goutte à travers l’air confiné 
dans le vase VV. 


on a vérifié en même temps un phénomène déjà re- 
connu auparavant : c’est que plus l’air est exempt de 
poussières, moins il s’électrise négativement par la 
chute des gouttes d’eau. La courbe 6 montre l’électri- 
sation d’un air assez riche en poussières; on obtient la 
courbe 7 après avoir laissé tomber pendant 16 heures 
des gouttes d’eau à travers l’air ayant servi pour obte- 
nir la courbe 6; on voit que cet air, ayant été débar- 


o ES 10 15 20 25 
ï I = 

Temps en minutes 
| 


Fig. 5. — Courbes montrant l'électrisation de l'air au tra- 
vers duquel on a laissé tomber des gouttes d’eau. — La 
courbe 6 a été obtenue après avoir laissé tomber les gouttes 
d'eau pendant quelques instants seulement; la courbe 7 
après que l’eau eut coulé pendant 16 heures et que l'air eut 
été ainsi débarrassé de la majeure partie de ses poussières. 
— Les abscisses représentent le temps en minutes; les or- 
données les volts négatifs. — Les signes X indiquent le 
moment où chaque goutte d’eau est tombée. 


rassé par ce moyen d'une grande partie de ses pous- 
sières, s’électrise beaucoup moins fortement. A Ja place 
d’une soufflerie, on peut se servir d’un aspirateur qui 
extrait l'air du vase; on filtre l'air qui entre dans le 
vase au moyen d’un tube rempli de ouate. Les courbes 
4 à 5 ont été obtenues successivement en faisant mar- 


398 


cher l'aspirateur de plus en plus longtemps, et, par 
conséquent, en filtrant l'air de plus en plus; on voit 
que l’électrisation diminue à mesure que les poussières 
sont éliminées. 


| 
( 


| 
| 
e 50 60 ol 


6 di = À 


Fig. 6. — Courbes montrant l'électrisation de l'air au hravers 
duquel on a laissé tomber @es gouttes d'eau. — L'air dont il 
s’agit a té auparavant filtré à travers de la ouate pour le 
débarrasser de ses poussiéres. La courbe { provient de l'air 
le moins bien filtré et contenant le plus de poussières; la 
courbe 5 provient de l'air qui a été le plus complètement 
débarrassé de ses poussières. — Les abscisses représentent 
le temps en minutes, les ordonnées le degré d’électrisation 
en volts. 


— Si on prend de l'air presque complètement débar- 
rassé de poussières et ne donnant plus qu'une faible 
électrisation quand on laisse tomber des gouttes d’eau 
au travers, et si on le souffle dans un tube débouchant 


o 1] 10 25 20 
(Zemps en mhnutes | 


Fig. 7. — Courbe montrant l'électrisation de l'air qui a bar- 
boté dans l'eau avant d'entrer dans le vase NV. — Les 
abscisses représentent le temps en minutes, les ordonnées 
l'électrisation en volts négatifs. 


sous l’eau à l'intérieur du vase VV, de façon que l'air 
barbote dans l’eau, on observe, en 12 minutes, une 
électrisation négative moyenne de 5 volts. De même, 
si l'on interpose, entre la soufflerie et le vase VV, un 
tube en U renfermant, dans la courbure, de l’eau à 
travers laquelle l'air devra barboter, on trouve que 
l'air du vase VV s’électrise négativement d'environ 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


EE 


8 1/2 volts en 25 minutes, La courbe 8 montre l’électri- 
sation de l’air qui a barboté dans l’eau du tube en Y 
avant d'entrer dans le vase VV. 

— La figureS montre en coupe longitudinale et trans- 
versale un dispositif intercalé soit entre la soufflerie 
et le tube en U, soit entre le tube en U et le vase VV. 
Ce sont des toiles métalliques placées entre de petits” 
bouts de tuyau de plomb, maintenus ensemble par un 
tuyau de caoutchouc. Douze toiles métalliques, placées 
entre la soufilerie et le tube en UJ, avec ou sans ouate 
entre elles, n’ont aucun effet sur l'électrisation subsé-" 

Toile metalli Plo 


ER M MT TT ET 
RENNES É 


tallique, 


FSSSSSSSSRENNNNINEEESENNSIENNNNNT 
Z LPO Dr 


CSL SS SSII STI IS ISS ASS ITL LILI SSII SL 4 
Æbonite; 
Fig. 8. — Coupe longitudinale el b'ansversale d'un disnones 1 
inlercalé entre la soufflerie et le lube en UV ou entre le 


tube en W el le vase VV (lg. 4) et destiné à montrer l'in- 
[luence des toiles métalliques sur l'électrisation de Pair. 


quente de l'air par le barbotement dans l'eau; mais, 
placées entre le tube en Yet le vase VV, elles désé- 
lectrisent presque complètement l'air, même sans 
ouate. Une seule toile métallique n’a qu'un petit 
effet. 4 

4. — Après avoir exécuté les diverses recherches, 
précédentes, les auteurs firent une série d'expériences 
quantitatives dans lesquelles ils utilisérent l'appareil 
représenté dans la figure 2; on mesure alors l’électrie\ 
sation du liquide et non directement celle du gaz ayant 
barboté au travers. À 3 centimètres au-dessus de lan 
surface du liquide dans le vase A, on placa un écran, 
composé d’un mince disque de cuivre, d'un diamètre. 
inférieur de 6 millimètres à celui du vase, et destiné à 
éviter la projection de gouttes d’eau au dehors du 
vase, — Si l’on place dans le vase A 200 cc. d’eau d’ap-, 
provisionnement de laville de Glasgow (venant du Loch 
Katrine), et qu'on fasse passer de l'air au travers, la 
moyenne de 17 expériences montre une électrisation « 
de l’eau égale à 4 volts positifs. — Si l’eau renferme 
une goutte d’une solution saturée de sulfate de zinc 
l'électrisation positive est la moitié de celle qu'on 
obtient avec de l’eau pure; si l’eau renferme 5 gouttes, 
de la solution, l’électrisation est presque nulle. Avec 
de plus fortes proportions de sulfate de zinc, jusqu'à. 
saturation, l’électrisation devient légèrement négalive.n 
_— Avec l’ammoniaque on observe les mêmes faits, | 
mais l'électrisation reste toujours positive. — 7 expé- 
riences avec l'acide sulfurique montrèrent une faible 
électrisation positive qui alla en décroissant de 1/4 volt, 
en 10 minutes, pour 0,5 °/, d'acide dans l’eau, jus 
qu'à 1/16 volt, dans le mème temps, pour l'acide con- 
centré, — 7 expériences avec l'acide chlorhydrique 
montrèrent une faible électrisation négative, qui alla 
en croissant de 1/2 volt, en 10 minutes, avec 4/30 076 
d'acide en soiution dans l’eau, jusqu'à 4 1/# volt, dans 
le même temps, pour une solution, — Le chlorure de 
calcium ajouté à l’eau produit à peu près les mêmes 
résultats. — 10 gouttes de benzène ou d’huile de paraf: 
fine réduisent l’électrisation à 1/2, 30 gouttes de ben 
zène à 1/3 de celle obtenue avec de l'eau pure. = 
Moins de 40 °/, d’une solution saturée de phénol ajous 
tée à l’eau n’a aucun effet sur l’électrisation ; avec 
25 0/,, l'électrisation est réduite au 1/3 ; avec 100 °/s 
elle est réduite au 1/6, — En faisant barboter de l'air 
pendant 10 minutes à travers 200 ce. d’eau contenant | 
les proportions suivantes d’une solution saturée de sel 
marin, on obtient les électrisations ci-dessous : 


«)-0,004 % de solution saturée de sel dans l’eau 2,4 volts positifs 
, 70 k 


b) 0,02 » » » 4 » 


ue 
ci 0,1 »” » » 0.6 » | 
d) 0,5 » » » 0,# » | 
e) 2,0 » , » 0,15 » , 
[) 4,0 » » » 0,0 » 


10 gouttes d'alcool absolu dans 200 c.c. d’eau w’ont 
as d'influence sur l’électrisation ; 50 gouttes la ré- 
duisent à 1/2, 100 gouttes à 1/4; 25 à 50 % d’alcool 
dans l’eau ne donnent plus qu’une électrisation posi- 
M tive négligeable. 
| 5. — En faisant barboter de l’anhydride carbonique 
# àtravers de l’eau pure dans le vase A, on obtient 
une électrisation positive de 8 3/4 volts en 10 mi- 
> nutes. — Dans le même temps, de l'oxygène donne 
une électrisation positive de 1/2 volt. — L'’hydro- 
gène produit des effets différents suivant les cas. 
Si, avant d'être employé, il a séjourné dans un gazo- 
mètre, la moyenne de l’électrisation produite par son 
passage à travers l’eau est de 2 volts positifs en 10 mi- 
-nutes. Si l'hydrogène passe directement des flacons où 
on le prépare dans l’eau du vase A, l'effet obtenu est 
plus grand; quand l'hydrogène est préparé au moyen 
de zinc et d'un mélange d'acides sulfurique et chlor- 
hydrique et d’eau, l’électrisation se produit en 30 se- 
 condes et on enregistre plus de 10 volts; quand Phy- 
drogène est préparé avec du zinc et de l’acide sulfu- 
rique dilué, lélectrisation positive est de 6 volts en 
7 minutes. - Lorsqu'on produitl’hydrogène directement 
dans le vase À en y mettant de l’eau, un peu de zinc 
granulé et en y laissant tomber quelques gouttes 
d'acide sulfurique pur, on observe, lorsqu'il n’y à pas 
d'écran pour empêcher l’éclaboussement de l’eau, une 
\ électrisation négative au bout de quelques minutes 
| (environ 9 volts). Lorsqu'on place un écran en cuivre à 
“ 7 centimètres au-dessus de la surface du liquide, l’élec- 
trisation est de 2 volts négatifs en 2 minutes, puis 
l’électromètre revient au zéro en 5 minutes, et enfin, 
dans les 6 minutes suivantes,.il arrive à marquer 6 volts 
positifs. L’électrisation produite parle bouillonnementne 
commence généralement à être perceptible qu’à la fin de 
la première minute de l'expérience, et elle continue à 
augmenter faiblement une minute ou plus après que le 
barbotement a cessé. L'interprétation de ces expé- 
riences est difficile et devra, sans doute, être cherchée 
dans les propriétés de la matière. 


E.C. Baly. A.I. C.—A quoi correspond le double 
spectre de l'oxygène ? (Note communiquée par le Pro- 
fesseur W. Ramsay F. R. S.) — Les deux spectres de 
l'oxygène semblent être de nature différente. Ils se 
comportent différemment, et il y a des raisons de sup- 
poser qu'ils se rapportent à deux gaz vraiment dis- 
tincts. Plusieurs hypothèses peuvent d’ailleurs être 
faites à ce sujet : ou ils résultent de vibrations diffé- 
rentes de la même molécule, ou bien ils correspon- 
dent, soit à deux modifications différentes de Voxy- 


- gène, soit à deux gaz nés de la dissociation de ce que 
| 


4 


; 
4 


nous appelons actuellement l'oxygène. Il m’a paru 
utile de faire des expériences en vue d’éprouver cette 
dernière hypothèse. J'ai fait éclater l’étincelle dans 
de l'oxygène contenu dans un appareil semblable à 
celui employé par le professeur J. J. Thomson pour 
ses expériences sur l’électrolyse de la vapeur. J'ai em- 
ployé des électrodes de platine creuses, reliées cha- 
cune. à une pompe à mercure de Sprengel. Dans mes 
premières expériences, la distance entre les électrodes 
était de 35 millimètres et la pression de 380 millimè- 
tres : c’est la plus haute pression qui permet d'obtenir 
les deux spectres. J’eus soin de déterminer la densité 
de l'oxygène avant de faire passer les étincelles ; cette 
densité servit, en quelque sorte, de témoin de la pu- 
reté du gaz. A la suite de quoi, les portions de gaz re- 
cueillies à l’anode et à la cathode furent pesées; le 
tableau ci-joint indique les densités ainsi obtenues. 
Les résultats de ces expériences sont conformes à 
ceux que J, J, Thomson a obtenus avec des étincelles 
de longueurs inégales : avec les longues, il obtenait à 
la cathode un gaz plus léger qu'à l’anode; c'était l’in- 
verse avec les étincelles courtes, Les gaz de l’anode 
n'étaient pas si bien définis que ceux de la cathode, 
quoique la différence fût dans le même sens. L'erreur 
maximum probable de la pesée était 0 gr, 0001. Cette 


ACADÉMNIES ET SOCIETÉS SAVANTES 


399 


erreur portait exactement sur la seconde décimale des 
densités. On peut juger de l’exactitude des résultats 
en les comparant aux densités de l'oxygène non sou- 
mis à l’effluve : 


DENSITÉ DU GAZ 
recueilli 
à la cathode avecde 
courtes étincelles 


DENSITÉ 
DE L’OXYGÈNE 
non soumis 
à l’eflluve 


DENSITÉ DU GAZ 
recueilli 
à la cathode avec de 
longues étincelles 


15.78 2.88 16 
15.79 ÿ.87 16. 
15 80 5.89 16 
15.79 ».88 16 
5.88 : 16 

16.0: 


Moyenne des résultats obtenus par d’autres expéri- 
mentateurs — 15,887. La densité de l'oxygène à la 
cathode après trois jours d'exposition aux courtes 
étincelles était : 15,75. 

Je continue ces expériences, 


SOCIÉTÉ PHYSIQUE DE LONDRES: 


Séance du 8 Mars 1895 


M. Naber: Nouvelle forme de voltamètre à gaz. Dans 
cet appareil, oxygène et l'hydrogène peuvent être re- 
cueillis séparément, et le niveau du liquide à l’exté- 
rieur et à l’intérieur de la burette peut être le même. 
— M. Johnston Stoney : Héliostat local. Dispositif 
pour sidérostats. L’héliostat local est un héliostat 
réglé pour un lieu donné, pouvant seulement être 
réglé par des latitudes assez peu différentes (par 
exemple, un appareil pourra servir par toutes les îles 
Britanniques). L'auteur indique des perfectionnements 
apportés à l'appareil qui sert pour les observations de 
spectroscopie sidérale et au réglage du sidérostat. — 
M. G. Yule : Forme simple d’analyseur harmonique. 
C’est une modification de l'appareil d'Henrici. — 
M. Minchin : Mouvements de l'énergie dans le milieu 
qui sépare des particules électrisées, en l’attirant en 
vertu de la gravitation. Entre autres remarques, signa- 
lons que l'énergie du milieu est à la surface du 
soleil de 16 chevaux-heures par centimètre cube ; à la 
surface d’Arcturus, elle serait 8.100 fois plus grande. 


Séance du 22 Mars 1895 


MM. Rücker et Edser: Réalité objective des sons 
résultants. La question de la réalité objective des sons 
résultants d’addition et de soustraction a donné lieu à 
des discussions ; les auteurs ont mis en évidence cette 
réalité dans certains cas, en montrant que ces sons 
mettent en vibration des corps susceptibles de ré- 
sonner, Comme résonnateur, ils ont employé un dia- 
pason ; à l’un des bras de la fourche est fixée une 
pièce de bois mince, d’environ ÿ centimètres carrés, 
tandis qu'un miroir argenté est fixé à l’autre, et la 
hauteur est réglée avec beaucoup de précision, à 
64 vibrations doubles par seconde. Pour déceler un 
mouvement dû à la résonance de l'appareil, le miroir 
fait partie d’un système de miroirs destiné à produire 
les franges d’interférence de Michelain. Si l'extrémité 
de la verge se déplace de = de pouce (£ longueur 
d'onde lumineuse), les bandes d’interférence dispa- 
raissent. Comme source sonore, on emploie une sirène, 
dont on règle la hauteur en observant la disparition 
des battements avec un diapason dévié ou par la mé- 
thode stroboscopique. Un large cône de bois, placé 
entre la sirène et le diapason résonnateur, sert à ren- 
contrer le son sur le disque de bois qu'il porte. La 
sensibilité de ce dispositif est telle que, lorsqu'un 
grand diapason de Kænig, donnant 64 vibrations par 
seconde, est frappé, mais trop légèrement pour qu'un 


400 


observateur qui a son oreille contre le diapason ne 
puisse pas entendre la note fondamentale, les franges 
d’interférence disparaissent instantanément. L’appa- 
reil n’est pourtant pas sensible à d'autre note que celle 
qui à 64 vibrations par seconde. On a fait de nom- 
breuses expériences en employant divers jeux de trous 
de la sirène et, dans tous les cas, lorsque le son ob- 
tenu par addition ou soustraction des nombres de 
vibration correspond à 64 vibrations par seconde, les 
franges d'interférence ont disparu. On a essayé aussi 
de voir si le son résultant inférieur de Kœnig, quand 
l'intervalle est plus grand qu'une octave, est objectif : 
dans ce cas, les auteurs n’ont pu mettre en évidence 
l'existence objective d'aucun son. 
ACADEMIE DES SCIENCES D’A 
Séunce du 30 Mars 1895. 
1° SCIENCES PuysiQues. — M, Bakhuis Roozeboom 
fait une communication relative à ses expériences sur 
l'absorption de l'hydrogène par le palladium, faites en 
commun avec M. le D' Hoitsema. A leur opinion, les 
expériences de MM. Troost et Hautefeuille n’ont pas été 
poursuivies assez loin pour permettre une conclusion 
quant à l'existence de Pd?H. Les auteurs ont poursuivi 
ces recherches de 0° à 190° et dans un intervalle de 
pressions de 0 mill. à 6 atm. Si l’on désigne parp la 
pression de l’hydrogène gazeux et par C la quantité de 
gaz absorbé, exprimée en atomes pour {atome de Pd, on 
obtient en général une courbe delaformeci-jointe (fig. 1.) 
Aux tempéralures inférieures, la partie Il est presque 
horizontale ; aux températures élevées, elle disparaît à 


ISTERDAM 


1 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 


peu près. Les raccords de cette partie avec les deux 
autres sont toujours graduels, Les valeurs C! et C2 qui 
correspondent aux changements de direction les plus 
forts, se déplacent avec la température, La dernière 
peut passer par 0.5 à une température déterminée, 
mais variant avec l’état du 
palladium.1l résulte de tout 
ceci qu’on ne peut accepter 
l'existence d’une combinai- 
son Pd*H, qui disparaitrait 
dès que la concentration de 
l'hydrogène absorbé aurait 
dépassé la valeur de C!, De 
mème la conception de la 
coexistence de deux sortes 
de solutions solides ne s’ac- 
corde pas avec la totalité des 
phénomènes. Et ainsi il ne 
reste qu'une seule conception 
possible, celle d'une seule - de 
solution, dont la teneur en hydrogène s'enrichit gra- 
duellement avec la pression. Cependant la partie presque 
horizontale de la courbe donne à cette absorption un 
caractère spécial, qu’on pourra peut-être expliquer enat- 
tribuant à l'hydrogène, absorbé dans le Pd; les qualités 
que ce même gaz à l’état libre acquerrait aux environs 
de sa tempéralure critique, située beaucoup plus bas. 

2° SCIENCES NATORELLES, — M. G. M. van Bemmelen 
présente, au nom de la Commission géologique, un 
mémoire du Dr Vogel intitulé : Les fossiles des Pays- 
Bas dans le Musée de Leyde, 


Fig. 1. 


P. H. Scnoure. 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 


BAYLE 


M. Bayle, ancien professeur de Paléontologie à l'École 
des Mines, est mort récemment, après une longue car- 
rière entièrement consacrée à la Science et à l'Ensei- 
gnement. M. Douvillé a pronencé son éloge funèbre 
dont nous extrayons la notice suivante : 


Bayle est né à la Rochelle en 1819. Dès son enfance 
ses relations avec la famille d’un illustre naturaliste, 
d'Orbigny, développèrent en lui un goût des plus mar- 
qués pour l'histoire naturelle; mais sa vive intelligence 
n’en élait pas moins ouverte à tous les sujets 
d'étude. 

Recu à l'Ecole Polytechnique en 1838, il en sortit 
dans les premiers et fut classé dans le corps des 
Mines. Ses professeurs à l'Ecole des Mines surent vite 
discerner quels services on pouvait attendre -de ses 
aptitudes spéciales: : il fut nommé bientôt professeur de 
Géologie à l'Ecole des Ponts et Chaussées, et peu après, 
en 1845, Elie de Beaumont le chargeait d’inaugurer à 
l'Ecole des Mines l’enseignement de la Paléontologie. 

Aucun choix ne pouvait être plus heureux : aux qua- 
lités du naturaliste, Bayle joignait la rigueur du rai- 
sonnement et l'esprit de méthode du mathématicien: 
aussi combien de fois la justesse de son coup d'œil, la 
précision de son jugement n'ont-elles pas provoqué 
l'admiration de ceux qui venaient le consulter, 

En 1855, ses premiers travaux sur les Rudistes mon- 
trèrent qu'il était dès ce moment en pleine possession 
de son talent, Doué d’une habileté manuelle étonnante, 
il était arrivé à préparer d’une manière complète des 
pièces dont on soupconnait à peine l'existence et, par 
cela même, il tranchait définitivement une discussion 
longtemps pendante entre les savants de cette époque. 

Les qualités solides du naturaliste ne doivent pas 
nous faire oublier le professeur; tous ceux qui ont eu 
l'honneur d’être au nombre de ses élèves se rappellent 
sa parole claire et précise, avec quel art il savait rendre 
attrayantes les descriptions les plus arides! Dessina- 
teur hors ligne, il excellait à faire revivre sous les yeux 
de ses auditeurs émerveillés les antiques créatures 


disparues. Rarement il a été donné d'entendre un pro- 
fesseur plus brillant, et les applaudissements de ses 
auditeurs ne lui étaient pas ménagés. < 

Tout à coup, son activilé parait se ralentir; son 
œuvre, son œuvre écrite, du moins, s'arrête presque 
brusquement. Et cependant jamais il n'avait autant 
travaillé : tous les jours on pouvait le voir dans son 
laboratoire depuis le matin jusqu’à la nuit, occupé à 
préparer et à classer ses chers fossiles, donnant à ses 
élèves l'exemple de l’assiduité et du travail. C’est que, 
renonçant à ses travaux personnels, il venait d’entre- 
prendre une œuvre considérable, et il sentait qu'il Jui 
restait juste assez de temps pour la mener à bonne fin. 
JI avait résolu de constituer à l'Ecole des Mines une 
collection äe Paléontologie qui püt rivaliser avec les 
plus belles. Tout était à créer; aussi, rien ne lui coûte 
pour atteindre ce but, ni son temps, nises démarches. 
Séduits par son rôle et son ardeur, des géologues lui 
apportent ou lui lèguent des collections importantes ; 
en 1861 il fait acheter la collection Deshayes, et les 
nombreuses séries de coquilles vivantes qu'il y trouve, 
lui permettent de rapprocher pour la première fois 
dans une collection publique les formes vivantes des 
formes fossiles, Aiïdé par le regretté Bayan, il inaugu- 
rait le classement zoologique qui seul peut mettre en 
évidence les modifications que les animaux disparus 
ont éprouvées dans la série des temps. j 

La collection qui, à son arrivée à l'Ecole des Mines, 
ne se composait que de quelques vitrines, occupe 
maintenant 17 salles et plus de mille mètres carrés ; et 
encore ces chiffres ne donnent-ils qu'une bien faible 
idée de la tâche accomplie; il faut parcourir pas à pas 
ces longues rangées de tables et de vitrines pour se 
rendre compte de la grandeur réelle de l’œuvre. 

Aussi le nom de Bayle ne périra pas : la collection 
qu'il a si patiemment créée, cet admirable instrument 
de travail qu'il a mis à la disposition de tous, restera 
comme un exemple et comme un témoignage de ce 
qu'une volonté ferme peut réaliser dans une vie 
entière consacrée à la science. 


TT ——————— — —"…"—"—.— —"—"—_——— 
Le  Directeur-(férant : LOUIS OLIVIER 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11 


2 


* 


SR dé des 2-1 


14 


=” 


és. dd. à it clin te mémodint : : fuit. ul sus À ) die fete, és 


sut daté 


6° ANNÉE 


9 15 MAI 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENC 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE 


Lorsque Regnault fit connaitre les résullats de 
ses mémorables expériences sur la loi de Mariotte, 
ce fut pour la majorité des savants une vraie décep- 
tion d'apprendre que cette loi, d'une expression 
mathématique sisimple, n’était qu'une approxima- 
tion. Pour un peu, l’on aurait considéré cette con- 
naissance plus exacte des phénomènes comme un 
recul de la Science, jusqu'au jour où ces perturba- 
tions ouvrirent aux chercheurs des aperçus nou- 
veaux sur la Physique moléculaire. Si les lois de 


 Képler étaient rigoureuses, comme peuvent le 


souhaiter les amis de la symétrie, sans doute le 
calcul des éphémérides en serait facilité; mais il 
nous manquerait, entre autres, un moyen d'évaluer 
les masses des planètes dépourvues de satellites, et 
tout un côté de la Physique céleste demeurerait 
dans l'ombre. 

Ces considéralions sur le rôle éminent des per- 
turbatons dans la science s'appliquent tout parti- 
culièrement aux recherches sur la Pesanteur. Il 
peut sembler, à première vue, que les récentes 
études sur le pendule, qui arrivent à peine à ajouter 
une décimale à celles sur lesquelles on pouvait 
compler depuis longtemps, aient nécessilé une 
somme de travail hors de proportion avec les résul- 
iats acquis. Mais ce sont précisément les dernières 
décimales qui contiennent les données gràce aux- 
quelles on peutpénétrer plusavantdanslanature des 
choses. C'est la mesure des fractions de milligramme 
et de micron qui nous mettra sur la trace de lois 
nouvelles que nous ne soupconnons pas encore. 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


Là Géodésie en est arrivée à ce point où les irré- 
gularités visibles de la surface de la Terre commen- 
cent à influer sur la forme de l’ellipsoïde idéal par 
lequel on se plait à représenter le niveau également 
idéal des mers, et où les nouvelles mesures vien- 
nent déformer cet ellipsoïde de quantités supé- 
rieures à celles que permettaient de prévoir les 
erreurs probables des mesures antérieures. 

Dès lors, l'objet de la science va se modifier. 
Considérant les grandes lignes acquises comme des 
lois asymptotiques, l’altention se portera de pré- 
férence sur les déviations elles-mêmes : bien loin 
de chercher à les atténuer ou à les éliminer, on 
s’efforcera de les mettre en pleine lumière, et de 
rattacher la Géodésie à la Géographie. Et comme 
la surface n’est que l'enveloppe d’un noyau inconnu 
dont elle dépend, il faudra solliciter le concours 
des géologues et des physiciens. 

Le rôle des observations du pendule dans celte 
circonstance est de tout premier ordre. M. Helmert 
va jusqu à leur attribuer, en ce qui touche à l’é- 
tude du Sphéroïde, un degré de certitude supérieur 
à celui qu’il accorde aux mesures directes d’ares 
de méridien ou de parallèle. Et de fait, si la 
science n'a plus affaire à la baguette divinatoire 
et au pendule explorateur, elle trouve pourtant 
dans cet admirable appareil de physique un organe 
nouveau pour pénétrer les mystères des profon- 
deurs du Globe. 

Cela était d’autant plus opportun que les der- 
nièresannées, en développant dansunelarge mesure 

9 


402 


"+. MN CVS CN dd. 
“ + _ ke , "k + te D, 


E. CASPARI — LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE 


notre connaissance du monde sidéral par l’appli- 
cation de la spectroscopie et des autres méthodes 
optiques, avaient moins fait pour l’obscur sous-sol 
de notre propre demeure. Il n’est pas facile, au 
premier abord, de concilier la classique hypothèse 
d'un noyau fluide avec les déductions de Lord 
Kelvin qui attribuent à l'ensemble de la Terre une 
rigidité supérieure à celle de l'acier, et bien des 
points d'interrogation se posent. En présence des 
températures et des pressions qu’on est amené à 
supposer dans les profondeurs, nos idées courantes 
sur la Physique sont en défaut, el l’on n’a encore 
aucune notion netle sur l'étal possible de la ma- 
tière dans de semblables conditions. 

Mais, même abstraction faite des résultats de cet 
ordre qu'on peut en attendre, le pendule est fait 
pour intéresser vivement les physiciens, par la 
précision que comporte son observation, par les 
détails ingénieux des expériences, par ses relations 
avec la métrologie, etc. C'est par son moven que 
Newton, et après lui Bessel, ont établi que la pesan- 
teur agit de la même manière sur tous les corps, 
quelle que soit leur nature ou leur densité. On se 
rendra compte de l'infinie variété des recherches 
auxquelles se prête cet appareilsisimple,en consul- 
tant les deux volumes que M. Wolf a consacrés à 
l'historique du Pendule et qui ont été publiés par 
la Société française de Physique (tomes IV et V); 
il suffit de lire les noms qui y figurent depuis Ga- 
liée : Newton, Huyghens, les Bernoulli, Clairaut, 
Euler, d'Alembert, Laplace, Poisson, Bessel, Fou- 
‘aull, pour ne citer que les plus illustres parmi les 
morts. On remarquera d’après cela que cette bran- 
che de la Physique a élé traitée avec succès dans 
notre pays. Sans doute, c'est à Galilée que revient 
l'honneur d'avoir établi d’abord les lois de la gra- 
vité, à Newton celui de les avoir rattachées à l'at- 
traction universelle, à Huyghens la découverte du 
centre d’ocillation et l'application du régulateur 
aux horloges. Mais c'estau P. Mersenne et à Picard 
que l’on doit la première détermination de la 
pesanteur. Celui-ci trouve encore la mème lon- 
gueur à Cetle, Paris, Uraniborg: mais peu après 
Richer observe que le pendule à secondes est plus 
court à Cayenne que sous nos latitudes. Puis, les 
Académiciens du xvur° siècle, Bouguer et La Conda- 
mine, portent le pendule en Amérique ; Borda exé- 
cule la première mesure avec un appareil très 
précis ; de Prony propose le pendule réversible, 
qui sera repris plus tard par Bohnenberger et 
Kater; Du Buat étudie la résistance de l'air au 
mouvement, et Poisson en fait la théorie. Après cet 
essor, il faut bien convenir que c’est à l'Étranger 
que se font les plus importants travaux de la pre- 
mière moilié du siècle, et que, jusqu'à la mémo- 
rable expérience de Foucault, et malgré Biot, Frey- 


cinet et Duperrey, nous n'avons pas beaucoup de 
résullats à mettre en parallèle avec ceux de Kater, 
Sabine, Foster, Baily, Bessel. Mais ces dernières 
années ont vu un revirement dont la science fran- 
çaise à droit d'être fière, et les travaux de M. le 
commandant Deforges sont la digne continuation 
d'une grande tradilion scientifique ‘. Nous nous 
proposons d'en donner un aperçu dans ce qui suit.’ 


[ 


Au premier abord, rien n’est plus simple que la 
théorie du pendule ; on peut l'établir presque 
sans calcul, et les musiciens savent qu'un fil d’un 
mètre avec une petite balle de plomb bat la se- 
conde. Mais la formule élémentaire n’est vraie que 
pour un point matériel, suspendu par un fil 
inextensible et sans masse à un support abso- 
lument fixe, exécutant dans un milieu sans résis- 


tance des oscillations infiniment pelites. Huyghens 


(1673) fit voir comment on peut trouver le pen- 
dule simple synchrone d’un pendule matériel 
ou composé ; il détermina le centre d’oscillation 
et sa réciprocité avec l’axe de suspension. Daniel 
Bernoulli (1747, donna la formule de réduction à 
l'arc infiniment petit. 

On pouvait donc ramener au pendule idéal les 
observations d'un pendule matériel quelconque. Les 
premiersobservateurs, Bougueret LaCondamine, et 
aprèseux Borda, s’efforcèrentnéanmoins dese rap- 
procher le plus possible du pendule simple. Mais le 
pendule de Borda, si perfectionné qu'il fût, restait 
un appareil d’observaloire, et les éléments de ré- 
duction élaient susceplibles d'erreurs et difficiles à 
vérifier. Le pendule réversible fournit un appareil 
facilement transportable et dont la longueur pou- 
vait se mesurer avec précision. De la réciprocité 
des axes de suspension et d'oscillation il suit que 
si l’on échange ces axes, en faisant osciller lependule 
alternativement sur les deux couteaux qui les 
matérialisent, el si l’on arrive à égaliser la durée 
de ces oscillations, leur distance sera précisément 
la longueur cherchée. Kater réalisait cette égalité 
par le réglage des couteaux, ce qui était délicat : 
Bohnenberger se contentail d'en approcher en 
donnant aux couteaux une posilion fixe, el fit voir 
qu'on pouvait calculer la durée théorique de l'os- 
cillation d'un pendule de celte longueur, pourvu 
que le centre de gravité ne fût pas au milieu de la 
distance de ces deux axes. C'est sur ces principes 
que Repsold construisil un appareil d’après les 
indications de Bessel, et c’est celui qui est univer- 
sellement adopté de nos jours. 


1 Voir : Séances de la Société francaise de Physique, année 
1888. Mesure de l'intensité absolue de la pesanteur, etc. (Pro- 
cès-verbaux du Comité international des Poids ét Mesures 
pour 4891). Mémorial du Dépôl de la Guerre, tome XV: 
1er fascicule, 1894. 


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E. CASPARI — LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE 


403 


L'effet du milieu dans lequel a lieu le mouve- 
ment, est complexe. D'abord, la perte de poid 
hydrostalique entraine un accroissement de la lon- 
gueur du pendule synchrone, qu'on peut calculer. 
La résistance proprement dite du fluide se tra- 
duit par une communication de force vive à celui- 
ci; dans un fluide parfait, cette perte est considérée 
comme une fonction de la vitesse, qui fait décroitre 
les amplitudes sans affecter les durées. Mais il res- 
sort précisément des expériences du pendule que 
l'air n'est pas un fluide parfait et qu'il est néces- 
saire d'avoir égard au frottement interne de ses 
moléeules. La détermination expérimentale de ces 
effets est due à Bessel, et leur théorie mathéma- 
tique à M. Stokes. Bessel a montré, de plus, qu’on 
peut éliminer l'effet total de l’air par la réversion, 
pourvu que le pendule soit symétrique dans sa 
forme extérieuré, et que les observations aient 
lieu sur les deux couteaux dans les mêmes limites 
d'amplitude. Il ya, dureste, un moyen excellent de 
se mettre à l'abri de cette cause d'erreur : c’est 
d'opérer dans le vide. 

On voit comment on est arrivé peu à peu à sub- 
stituer au pendule presque simple une pièce” plus 
compliquée et plus lourde, pouvant se retourner. 
Mais, par une étrange aberration, comme l’observe 
M. Wolf, on donna à ce pendule massif un sup- 
port formé d'un frêle trépied, composé de minces 
tubes en laiton. De là des perturbations nouvelles, 
qui déroutèrent d’abord les observateurs, mais 
qui, finalement, ont conduit le commandant Def- 
forges aux derniers perfectionnements et à une 
précision supérieure. 

L'effet de la suspension comprend deux ordres 
de faits : d’une part, le roulement et le glissement 
du couteau de suspension; d’autre part, l'entraine- 
ment du support. Le couteau le plus parfait n'est pas 
une arête rectiligne, mais un cylindre dont la cour- 
bure est appréciable, et sur lequel l'appareil roule 
au lieu de pivoter. Bessel apprit à éliminer cet 
effet par l'échange des couteaux. Il avait, ainsi 
qu'Oppolzer et Peirce, pressenti que ce roulement 
devait être accompagné d'un glissement ; le com- 
mandant Defforges a eu le mérite de mettre ce glis- 
sement en évidence et de mesurer cette quantité 
excessivement petile à l’aide d’un appareil très déli- 
eat dont le principe lui avait été suggéré par M. Cor- 
nu:ilse fonde sur l'observation du déplacement des 
franges d’interférence produites par la réflexion de 
la lumière sur deux glaces parallèles, dont l’une 
est fixe et l’autre suit le déplacement du couteau. 
Ce procédé est tellement sensible qu'il rend visi- 
bles des déplacements d’un centième de micron. 
C'est sur le même principe qu'est basée l'étude 
faite par M. Defforges de l'entrainement du sup- 
port par le pendule en mouvement. Peu sensible 


pour les anciens pendules, assez légers el oscil- 
lant sur des supports très résistants, cet effet à 
pris une grande importance avec le pendule Rep- 
sold. Il est dû à la composante horizontale de la 
réaclion du pendule sur le support, et consiste en 
un déplacement latéral de celui-ci, synchrone avec 
l'oscillation du pendule ; MM. Peirce, Cellérier et 
Plantamour en ont fait la théorie. Ce déplacement 
peut être évalué soit par l’observation de la défor- 
mation statique, soit par celle qui se produit 
réellement quand le pendule est en mouvement ; 
les deux coefficients, statique et dynamique, ne 
sont pas égaux, et, chose très curieuse, l’observa- 
tion a conduit à préférer le premier. Le comman- 
dant Defforges explique ce fait paradoxal en le rat- 
tachant au glissement même du couteau. 

Mais, en présence des incertitudes qui peuvent 
encore subsister sur la vraie valeur de cette cor- 
rection, le savant officier a cru préférable de 
l’éliminer, au moins dans les mesures absolues ; il 
y arrive par l'emploi de deux pendules de même 
poids et de longueurs différentes, oscillant alterna- 
tivement sur le même support avec les mêmes 
couteaux. La différence seule des longueurs 
des pendules intervient dans le résultat final, 
et l’on a de plus l'avantage d'éliminer aussi 
l'effet inconnu de l'écrasement du couteau dans 
le mouvement, et surtout celui de l'équation per- 
sonnelle sur le pointé de l’arête, quand on mesure 
la distance des couteaux. Cette mesure se fait 
au moyen d'un comparateur muni de deux micros- 
copes, dont chacun pointe alternativement une des 
arêtes et une division d’une règle étalon. Kater, 
qui employa le premier ce procédé, remarqua avec 
surprise que les résultats différaient notablement 
selon qu'on pointaitlecouteauobseursurle fond clair 
oule couteau éclairé sur fond noir. Cette questionn’a 
été complètement élucidée que par M. Defforges, 
qui a montré que, dans le second cas, toute la partie 
courbe de l’arête devientinvisible dans le micro- 
scope, et qu’il faut pointer l’arète sombre sur fond 
blanc, en l’amenant entre deux fils parallèles du 
micromètre ; mais on sait que ces poinlés dissy- 
métriques sont sujets à des erreurs assez impor- 
tantes. 


Il 


C’est d’après les principes qui viennent d’être 
exposés qu'a été conçu l'appareil du Service géo- 
graphique pour la mesure de l'intensité absolue 
de la Pesanteur, construit par Brunner. Il com- 
prend : 

1° Deux pendules de même poids (à kilogr.) 
ayant respectivement 1 mètre et 0",50 entre les 
arêtes de leurs couteaux communs; 

2° Un plateau en bronze servant de support et 


40% 


E. CASPARI — LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE 


destiné à être scellé à deux piliers en maçonnerie : 
à ce plateau est fixée une cloche en cuivre rouge 
qui enveloppe le pendule, munie de regards fer- 
més par des glaces, et dans laquelle on peut faire 
le vide : 

3° Un appareil pour mesurer l'entrainement du 
support; 

4° Un appareil pour mesurer le glissement du 
couteau ; . 

3° Un appareil destiné à l'observation des coïn- 
cidences : 

6° Un comparateur pour la mesure de la dis- 
tance entre les arêtes. 

La durée des oscillations s'évalue par la mé- 
thode des coïncidences : le commandant Defforges 
a notablement modifié celle de Borda, en lui subs- 
lituant une méthode stroboscopique, c'est-à-dire 
basée sur la persistance des impressions très lumi- 
neuses d'une faible durée. Elle permet de noter 
les coïncidences aussi bien quand les vitesses sont 
de sens contraire que lorsqu'elles sont de même 
sens : d'où une vérificalion précieuse. Elle permet 
encore d'atteindre une grande précision en peu de 
temps, d'autant plus vite que l'amplitude est plus 
grande; mais, méme avec des amplitudes de deux 
minules d'arc, on obtient encore l'approximation 
de a dans lFobservalion des äurées en 34 mi- 
nutes. La pendule des coïncidences est elle-même 
réglée par des observations astronomiques, ou 
comparée à une pendule sidérale dont là marche 
est exactement connue. 


La série d'observations la plus importante a été 
faite à Breteuil, au pavillon du Bureau internatio- 
nal des Poids et Mesures, en 1888. Les détails des 
opérations ont élé consignés dans les procès-ver- 
baux du Comité international, publiés en 4891, On 
trouvera dans celte publication l'exposé des pré- 
cautions minulieuses qui ont été prises pour élimi- 
ner les différentes causes d'erreur : délerminalion 
exacte de la durée. réduction à la température 
moyenne, à une pression constante et à l'arc infi- 
niment pelit; mesure de la longueur, détermina- 
tion du centre de gravité. Les observations ont été 
faites par MM. Defforges et Benoît, à la pression 
atmosphérique et dans le vide partiel à 10 milii- 
mètres de mercure. 

M. Defforges admet que le résullat calculé est 
exact à ie près de la valeur de / ou de celle de 9, 
soit environ à microns sur la longueur du pendule 
à secondes, bien qu’« priori le calcul de l'erreur 
probable par la méthode ordinaire semble donner 
mieux. Nous pensons que celle réserve, appuyée 
sur l'étude détaillée des perturbations, est très 
sage. M. Helmert évaluait à Lu l'erreur des meil- 
leures déterminations. Si l'on réfléchit aux inéga- 
liés de marche des meilleurs régulateurs, à celles 


que comportent les observations astronomiques, à 
la difficulté d'évaluer exactement la lempérature, 
on se convaincra que ce résultat est déjà fort beau. 
Observons encore, d'après M. Defforges, que le 
glissement du pendule sur son support qui, me- 
suré direclement, équivaut à un déplacement de 5 
de micron seulement, a pour effet d'allérer la lon- 


gueur du pendule de 58 microns, c'est-à-dire 


10 fois l'erreur probable de la détermination. 
D'autres séries ont élé failes de 1887 à 1891, à 

Nice, Paris (Observatoire), Greenwich, Rosendaël- 

lès-Dunkerque, Alger, Marseille et Rivesaltes. 


I 


Ces observalions sont encore assez longues. En 
effet, l'emploi de deux pendules avec échange des 
couteaux conduit à faire 8 séries d'observations, et 
16 si l’on retourne les pendules sur leur plan de 
suspension de façon à échanger entre eux les deux 
bouts du couleau, d’après le précepte de Baily. Un 
pendule à couteaux échangeables n'est d’ailleurs 
pas un pendule invariable, et nécessite de fré- 
quentes mesures au comparateur. Cet appareil se 
prêle donc malaisément aux délerminalions ra- 
pides et nombreuses en des points différents, qui 
sont nécessaires pour éludier à fond la répartition 
de la pesanteur sur le globe. 

Les délerminations absolues n’ont pas besoin 
d'être fort multipliées, et, pourvu qu'on trouve à 
s’y rattacher, des observations relalives suffisent. 

Freycinet et Duperrey ont employé dans ce but 
le pendule invariable. Mais il est difficile qu'il 
reste absolument invariable pendant un long voyage, 
el la vérification dépend du retour au point de 
départ : si un changement s’est produit, celte in- 
certitude affecte toutes les observations. 

Le commandant Defforges a trouvé le moyen de 
réaliser un pendule invariable à deux axes, en 
rendant les couteaux fixes : on pourra encore lui 
appliquer le principe de la réversion en faisant 
occuper successivement au centre de gravilé deux 
positions symétriques par rapport au centre de 
figure, à quoi l’on arrive par le déplacement d'une 
masse intérieure : c'est ce qu'on a appelé le pen- 
dule énversable. Le commandant Defforges a pu, de 
plus, tirer des observations mêmes un crilérium de 
l'invariabilité de la distance des couteaux. En 
opérant dans le vide, mesurant à chaque stlalion 
l'élasticité du support etse servant de la méthode 
des coïncidences, on oblient des résultats très pré- 
cis. M. Defforges proscrit l'emploi du chronomètre, 
el cette exclusion parait justifiée par la difliculté 
de conserver la régularité de marche dans le trans- 
port par terre : il n’en serait pas de même si le 
chronomètre voyageait à bord d'un navire, l'ex- 
périence ayant montré qu'un bon garde-lemps, 


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E. CASPARI — LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE 405 


————————————————————.—. 


bien compensé el à spiral isochrone, ne présente 
pas d'irrégularités dans sa marche diurne, si la 
fusée est bien faite, et c'est là le cas des montres 
modernes. 

Huit séries d'observations suflisent avec le pen- 
dule inversable, et le comparateur est supprimé : 
lês observations peuvent donc être menées rapide- 
ment et l'inventeur l’a prouvé tout dernièrement 
dans ses voyages aux États-Unis et dans le Turkes- 
tan russe : il avait déjà fait vingt-six stations entre 
Edimbourg el Biskra de 1890 à 1892. L'appareil 
s'est montré pratiquement invariable, puisqu'à 
deux ans de distance, à Alger et à Paris, les durées 
d’oscillations ont été trouvées les mêmes, à —— et 


400.000 

1 ", ms. x 
à x de leur valeur près. La différence de pesan- 
teurs absolue et relative, en quatre stations où les 


deux avaient élé mesurées, est en moyenne de 


’ roximat: d ré 
: l’approximation de semble assurée. 


150.000 
IV 
Après avoir décrit la méthode d'observation, il 
convient d’en examiner les résultats. Les premiers 
observateurs du pendule avaient pensé à en faire 
un élalon de longueur. Cette application fut pro- 
posée, dès 1674, par Picard, qui avait trouvé 
cette longueur constante dans toute l'Europe : 
plus lard, quand on en connut la variation entre le 
pôle et l'équateur, on proposa dans ce but le pen- 
dule à secondes équatorial. Mais, comme le remar- 
quèrent les commissaires de l’Académie en 1791, 
l'adoption de cet étalon fait intervenir dans la 
fixation de l'unité de longueur deux considéralions 
qui lui sont étrangères : celle du temps et celle de 
l'intensité de la pesanteur. Aujourd'hui que nous 
savons, par les expériences de Breteuil, que, malgré 
les plus grands soins, l'approximation de la lon- 
gueur en un point bien précis est de at et que 
nous connaissons les incertitudes auxquelles donne 
lieu la réduction à l’équateur, nous trouverions 
que cet étalon n’est pas assez exact, surtout à côté 
des admirables mesures de MM. Michelson et 
Benoit, qui ont établi la longueur du mètre à moins 
e ee, près, en le rapportant à une longueur 
d'onde lumineuse. Ajoulons qu'en choisissant pour 
unité de longueur une fraction du méridien, on ne 
fut guère plus heureux : comme l’a fort bien dit 
M. Faye, le mètre est la longueur d'une règle de 
platine déposée aux Archives, à quoi l’on peut 
ajouter comme renseignement qu'il est sensible- 
ment Er de la longueur d’un méridien terrestre. 
Au point de vue de la Physique, le pendule a 
servi à Newton et à Bessel à démontrer que la 
pesanteur agit de la même manière sur toute ma- 
tière, quelle qu’en soit la nature : M. Wolf pense 
qu'on pourrait reprendre ces expériences avec des 
appareils plus précis. 
REVUE GÉNÉRALR DES SCIENCES 1895. 


Une des applications les plus intéressantes du 
pendule est celle qu'on en a faite à la détermina- 
tion de la figure du Globe. Peut-il servir à trouver 
l’aplatissement de la Terre avec une précision 
comparable à celle qui résulte des meilleures me- 
sures d’arcs de méridien ou de parallèle? Des sa- 
vants éminents l’ont pensé. Ils remarquaient no- 
tamment qu'il est beaucoup plus facile de répartir 
les stations du pendule sur la surface entière de 
la Terre, tandis que les mesures géodésiques n’ont 
que les continents pour champ d'exploration. Le 
théorème de Clairaut donne une relation linéaire 
approchée entre l’aplatissement, la force centri- 
fuge à l'équateur et la différence relative de pesan- 
teur entre l'équateur et les pôles, et, pourvu que 
la figure de la Terre soit sensiblement celle d’un 
ellipsoïde de révolution faiblement aplati aux 
pôles, cette formule ne dépend d'aucune hypothèse 
sur la distribution des masses dans l’intérieur. 
M. Helniert s’est basé là-dessus pour admettre 
que, dans l'espèce, les observations du pendule 
ont plus de valeur probante que celle des longueurs 
de degrés. Mais, pour tirer des observalions une 
conclusion relative à la forme du niveau des mers 
prolongé sous les continents, il est nécessaire de 
les réduire à ce niveau. La formule de Bouguer, qui 
exprime celte réduction en fonction de l'altitude 
du point d'observation déduite du nivellement, a 
le grave inconvénient de contenir la densité aux 
alentours du point considéré et la densité moyenne 
de la Terre : elle n’est donc plus indépendante de 
la distribution des masses atlirantes. Son applica- 
tion aux observations failes à Quito par son auteur 
lui-même, comparées à celles faites sous la même 
latilude au voisinage du niveau de la mer, a révélé 
ce fait singulier qu'il faudrait, selon l'expression 
de M. Faye, traiter les continents comme s'ils 
n'existaient pas; Laplace en avait même conclu 
que la densité moyenne du continent américain au 
voisinage de Quito élail presque égale à celle de 
l’eau, ce qu'il expliquait en admettant l'existence 
de vastes cavités souterraines dans ce pays émi- 
nemment volcanique. Mais cette observation n’est 
pas unique, el toutes les fois qu’on à opéré à de 
grandes altitudes continentales, le résultat a été 
le même : défaut de pesanteur sur les continents, 
excès de pesanteur sur les mers. M. Faye a pro- 
posé pour ce fait paradoxal une explication très 
ingénieuse, en faisant remarquer que la tempéra- 
ture du fond des grands Océans communiquant 
avec les mers polaires est très voisine de zéro, 
qu'ainsi le refroidissement doit marcher plus rapi- 
dement sous les mers; que là, par conséquent, la 
croûte solide est plus épaisse et plus dense que 
sous les continents. Nous trouverons la confirma- 
tion de cette loi dans les observalions du comman- 


So 


106 E. CASPARI — LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE 


dant Deflorges: M. Stokes a essayé de faire voir 
par la théorie même que, dans la formule de Bou- 
guer, il fallait faire abstraction des masses sons- 
jacentes jusqu'au niveau de la mer, au moins 
quand on recherche l'allure générale du phéno- 
mène : car, pour ce qui concerne des accidents lo- 
caux importants, tels que des montagnes isolées, 
l'expérience a montré que leur attraction doit 
entrer en ligne de compte. M. Faye admet qu'en 
gros il s'établit ainsi une compensation. 

M:Helmert a proposé une méthode de réduetion, 
qui consiste à supposer les masses voisines de la 
surface physique condensées sur une surface inté- 
rieure à la Terre, dont on peut calculer le potentiel, 
et il a élabli des relations entre ce potentiel fictif 
el le potentiel vérilable dont dépend la forme de 
la surface de niveau : il a ensuite appliqué ces 
formules à la revision de toutes les observations 
du pendule publiées jusqu'en 1880. Il est arrivé 
ainsi à réduire la grandeur des écarts, mais 
sans les faire disparaitre, el il reconnail que la 
différence de pesanteur entre les continents et 
les mers est très réelle. Nous sommes donc ici en 
présence d’une anomalie bien démontrée, et, dès 
lors, sans exclure les observations du pendule de 
celles qui peuvent concourir à fixer la forme du 
sphéroïde, nous serons conduits à penser que la 
précision avec laquelle elles nous renseignent sur 
l'aplatissement est très inférieure à celle qu'on 
pouvait attendre dela valeur des résultats par- 
iels. 


V 


Mais, par cela même, si l’on ne peut guère espérer 
perfectionner le résultat d'ensemble, le pendule 
prendra un rôle éminent dans la détermination de 
la marche de ces anomalies et de leur distribution 
à la surface du géoïde. C’est là le point de vue 
auquel se place la science actuelle, et l'adjonction 

_ projetée de géologues à l'association des géodésiens 
en est la caractéristique. Ces études représentent 
comme des coups de sonde : plus ceux-ci sont mul- 
lipliés, mieux on connait le relief sous-marin. 
L’éxactitude absolue des résuitats n’a plus le même 
intérêt : une erreur constante sur la longueur n'al- 
térera pas plus les résultats relatifs qu'une erreur 
sur le zéro de réduction ne change la forme d'un 
banc de sable. M. de Sterneck a entrepris un grand 
nombre de déterminations très serrées au moyen 
d'un pendule invariable : pour opérer plus vite, ilse 
sert d'un chronomètre, ce qui, nous l'avons déjà dit, 
peut prêter à des objections pour les voyages sur 
lerre ferme. Ces objections ne peuvent plus être 
opposées aux observations que MM. le commandant 
Defforges et le capitaine Bourgeois ont faites avec 
le pendule inversable. La première série comprend 


24 slalions choisies dans le voisinage du méridien 
de Paris entre les latitudeside 55257! N.(Édimbourg 
et 34 51'N. (Biskra). On y a ajouté un certain 
nombre de déterminations antéricures du Service 
géographique, et on a tout réduit au niveau de la 
mer au moyen dela formule de Bouguer. Cette rédue- 
tion à d’ailleurs été calculée pour trois valeurs dif- 
férentes (2,0 — 2,4 — 2,8) de la densité superli- 
cielle, avec la densilé moyenne de 5,53 (Cornu et 
Baille). On a ensuite calculé pour les mêmes points 


la pesanteur théorique par la formule de Clairaut, 


avec l’aplatissement de Clarke, en partant de la 
valeur y = 9,81000 trouvée pour Paris. Les résidus 
ou différences des deux séries, généralement très 
supérieurs aux erreurs possibles d'observation, et 
très peu influencés par les hypothèses différentes 
sur la densité, sont la confirmalion de ce que nous 


avons dit plus haut, 


M. Defforges, ayant eu plusieurs stations com- 
munes avec les anciens observateurs, a pu déter- 
miner les corrections à appliquer à leurs résultats 
pour les rendre comparables aux siens. IL a pu 
uliliser ainsi les observalions de Kater, Foster, 
Sabine, Biot, Freycinet, Duperré, Lutke: il a réduit 
de la même manière les observations de Bessel, el 
celles de Basevi et de Heaviside aux Indes. Lui- 
même a naguère porlé son pendule aux Elats- 
Unis, de Washington à San Francisco, avec cinq 
stations intermédiaires !, et, tout dernièrement 
encore, dans le Turkestan russe et au Caucase. 
M. Collet, professeur à la Faculté des Sciences de 
Grenoble, a observé un pendule du Service géogra- 
phique dans la région des Alpes Dauphinoises. 
Parlout et toujours s’est vérifiée la loi que le 
commandant Defforges formule ainsi : 

« La pesanteur est distribuée très inégalement 
«_ sur le Globe. La loi de Clairaut, vraie dans 
« l’ensemble, est presque partout masquée par des 
« anomalies locales importantes. 

« Les lilloraux des diverses mers paraissent 
« caractérisés par des anomalies faibles el presque 
« constantes, variables d'une mer à l’autre. 

« Lesiles présentent un excès considérable de 
« pesanteur; sur les continents, la pesanteur est 
« en défaut, et ce défaut croit généralement avec 
« l'altitude du sol et la distance de la mer?, » 
Voici (tableau [) quelques chiffres particulièrement 
caractéristiques; l’anomalie de la pesanteur y est 
exprimée en unilés de la 5° décimale, et lesigne + 
est affecté au cas où la pesanteur observée est plus 
grande que la pesanteur théorique déduite de la 
formule de Clairaut, et réduite avec celle de 
Bouguer. 


1 Comples rendus, t. CXVIII, p. 229. 
2 Mémorial du Dépôt de la querre, 4. IV, Observations du 
Pendule, 12° fascicule, 1894. 


PONT 


Lé c'e tr; Vie Lo Lune db, à pts À A 
' : 7 7 


: 


£ 


ÉT. JOURDAN — LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


7,7 ner: Lee, 22 7 


407 


Tableau I 
Spilzbere ee... alutude 6” anomalie + 88 
Clermont. 2. 25 406 — 63 
La Bérarde (Oisans 1738 —121 
ÉCOSSAIS 20 + 93 
Bad erreur ee 1050 —126 
Sainte-Hélène... ....... 9 +225 
Bonin-Sima .….....-... 2 +-326 
CAPOT. mer 12 + 39 
Calcutta 6 26 
Moré (Himalay 4696 —198 
San Francisco 114 1 
Salt Lake City 1284 —-243 


Pour apprécier l'importance de ces inégalités, il 
suffit de considérer que celle de Moré est de plus 
du dixième de la variation totale entre l'équateur 
et le pôle. 


Tableau II 


L = 0m993827 


g = 9"”S0870 


Biot (1808-24... 0.993859 9.80889 
Sabine (1827)......... 0.993860 9.S0890 
Helmert (calcul). ..... 0.993S82 9.80922 
Peirce (1875)... ...... 0.993950 9.80989 
Defforges (1890)...... 0.993960 9.80999 


Il n’est pas sans intérêt de donner ici (tableau Il) 
les résultats oblenus successivement, depuis un 


siècle, à Paris. La différence entre Borda et le com- 
mandant Defforges est de 129, à peu près égale à 


ILest fort difficile de donner des éléments mus- 
rulaires une définition basée sur les caractères 
morphologiques de ce système organique et em- 
brassant toutes ses formes. Cette opinion, qui 
est exacte lorsqu'on ne considère que les Ver- 
tébrés, s'impose encore davantage si l'on tient 
compte des connaissances qui résultent de l'étude 
des tissus des animaux inférieurs; aussi nous pen- 
sons que la contractilité, c'est-à-dire la manifes- 
tation de la propriété essentielle de l'élément 
musculaire, est le seul caractère qui soit commun 
à Lous les lissus de ce groupe. 

Mais est-il possible de distinguer toujours et 
facilement la contractilité musculaire des mouve- 
ments protoplasmiques que manifeste le sarcode 
de toute cellule vivante ? Faut-il comprendre sous 
la dénomination de fissu musculaire tous les élé- 
ments doués du pouvoir de changer de dimension 
ou de forme, ou bien faut-il faire un choix parmi 
eux, et quel est alors le signe qui nous autorise à 
les distinguer avec certitude ? 

Le protoplasma des cellules vivantes peut se 
mouvoir avec lenteur et en totalité dans sa masse ; 
c'est là un phénomène général, une simple mani- 


l’anomalie observée dans le massif du Pelvoux, la 
plus grande de France. 

M. Helmert avait été conduit à exclure le résul- 
tat de M. Peirce comme ne cadrant pas avec l’'en- 
semble : on voit combien ce nombre se rapproche 
de celui de M. Defforges. 

D'autres méthodes on! été proposées pour l'étude 
de la pesanteur ou de ses variations. M, Mascart a 
empleyé un gravimètre à hydrogène, tant pour la 
mesure de la gravité en divers lieux que pour celle 
de ses variations en un même point, et M. Berget 
a utilisé le même appareil pour déterminer la 
constante de l’atiraction. MM. d'Abbadie et Bou- 
quet de la Grye ont fait, par d’autres moyens, 
l’étude des variations de la pesanteur en un même 
lieu, et M. de Jolly a employé la balance ordinaire 
à la recherche des variations le long d'une même 
verticale. 

Nous n’avons pas fait entrer ces intéressants 
travaux dans le cadre de notre élude, parce que 
seules les observations du pendule fournissent 
une série assez étendue de résullats comparables 
entre eux pour permettre d'établir un ensemble de 
conclusions. 

E. Caspari, 


Ingénieur-hydrographe de la Marine. 
Répétiteur à l'Ecole Polytechnigne. 


LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


festation d'une propriélé des éléments anatomi- 
ques. Il peut aussi émettre des prolongements sous 
la forme de pseudopodes, de flagellums ou de «its, 
Ces derniers deviennent même l'apanage d'un 
groupe de cellules épithéliales que l’on a appelées 
cils vibratiles et auxquelles on donne aussi quel- 
quefois le nom d'épifhélium moteur. À cause de la 
similitude des propriétés, ce dernier groupe est 
celui qui estle plus difficile à distinguer des cel- 
lules musculaires. 

Les caractères qui distinguent les épithéliums 
moteurs à cils vibraliles des épithéliums moteurs à 
fibrilles musculaires et des tissus musculaires en 
général sont les suivants : L'apparition d’un appen- 
dice moteur, pseudopode transitoire, flagellum ou 
cil, n’a pas entrainé de modification essentielle 
dans la forme de la cellule, qui appartient toujours 
au type épithélial. Cette partie motrice du proto- 
plasma cellulaire ne se distingue pas par ses pro- 
priélés optiques, par ses réactions histologiques 
du reste du protoplasma cellulaire; elle peut même 
se rétracter et se confondre alors avec le reste du 
protoplasma de la cellule. Enfin, si l'on réfléchit à 
la distribution de ces cellules à eils vibraliles dans 


408 


le règne animal tout entier et à la nature des mou- 
vements auxquels ils peuvent donner naissance, 
on voit qu'il n'existe plus aucun lien entre les épi- 
{héliums moteurs etles épithéliums musculaires et 
qu'il est impossible de faire dériver les seconds des 
premiers. Les mouvements auxquels les battements 
des cils vibratiles donnent naissance, s'effectuent 
toujours à la surface d’un organe ou à la surface d'un 
organisme ; ils peuvent entrainer un déplacement 
de la cellule ou de l'association cellulaire à laquelle 
ils appartiennent: ils peuvent aussi déplacer les 
corpuscules qui se trouvent à sa surface; mais, par 
leurs mouvements. ils ne changent ni la forme ni 
les dimensions des organes ou des organismes 
dont ils font partie. Au point de vue physiologique 
la distinction est ainsi complète. 

Le role des cellules à cils vibratiles tend à s’ef- 
facer de plus en plus à mesure que l'on s'adresse 
à des êtres plus haut placés dans la série. Il semble 
que le but atteint par les cellules à cils vibratiles 
soit réalisé par d’autres éléments anatomiques qui 
tendent à les suppléer d’abord, à les remplacer 
ensuite, el qui sont les cellules musculaires. 

Le lissu musculaire apparail sous forme de cel- 
lules du type épithélial dispersées en surface au mi- 
lieu des éléments adaptés aux fonctions sensilives 
ou glandulaires dans les couches ectodermiques ou 
endodermiques des Cælentérés. A cel élat il est ca- 
pable de modifier la surface du corps, il peut y faire 
apparaitre des plis; il peut aussi raccourcir un tube, 
modifier son calibre. Les manifestations les plus 
élémentaires de son pouvoir nous sont offertes par 
les changements d'état que peut présenter l'Hydre 
d'eau douce. Ce n’est que plus lard, et par suite 
d'une adaptation de plus en plus parfaile à une 
fonction déterminée, que ces cellules se groupent 
en organes spéciaux, en muscles qui serviront à 
des changements de forme des organes ou à la loco- 
motion de l'animal. — soil que, faisant partie du 
derme comme chez les Mollusques, ils permettent 
à ces animaux des déplacements lents ebréguliers, 
soil que, en rapport avec des leviers, comme chez 
les Arthropodes et les Vertébrés, ils facilitent des 
mouvements plus actifs et des eflorts bien plus 
robustes. La cellule musculaire en accomplissant 
mieux ses fonctions s'écartera davantage de la 
forme de la cellule épithéliale d'où elle procède; 
elle prendra de plus en plus le cachet de son rôle : 
elle deviendra une fibre musculaire. 

Nous ne commencerons pas l'étude du tissu mus- 
eulaire par un lableau de classification des diffé- 
rents étals morphologiques sous lesquels il peut 
se montrer. Nous préférons suivre les modificz- 
Lions successives que la cellule de contraction pré- 
sente chez les différents types de la série animale ; 
nous verrons ensuite s'il est possible de les ralla- 


ÉT. JOURDAN — LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


cher à un certain nombre de formes fondamen- 
lales. - 


Si l'on considère l'élément musculaire à ses 
débuts, c'est-à-dire lorsqu'il apparait à l’état de 
simple essai chez les types inférieurs de la série 
ou lorsqu'il se montre dans les premiers stades de 
l’évolution des Vertébrés, on voit que, dans les deux 
cas, le Proloplasma non différencié de la cellule 
l'emporte en volume sur la brille musculaire à 
peine ébauchée. L'élément qui plus tard deviendra 
un faisceau musculaire strié de Vertébré n'est 
représenté alors que par une cellule à noyau mul- 
tiple, dite #yoformative. Le protoplasma de cette 
cellule produit une fibrille à laquelle plusieurs 
autres ne Lardent pas à s'associer jusqu'à ce que le 
protoplasma formateur ne soit plus représenté que 
par quelques traits granuleux accompagnés de 
noyaux. Ces élats évolutifs peuvent rester perma- 
nents chez différents types d'Invertébrés. 

Le lissu musculaire des Cœlentérés dérive toul 
enlier de la cellule ectodermique à prolongements 
contracliles que Kleinenberg avait dénommé cel- 
lule neuro-musculaire et qui à élé appelée depuis 
cellule épithélio-musculaire (P1., fig. 1). Cet élément 
musculaire se compose d’une cellule qui porte à son 
extrémité profonde des prolongements en forme 
de fibres. Une élude attentive démontre que ces 
prolongements sont dus à l'existence d’une fibrille 
fusiforme qui s’est formée au sein du protoplasma 
de la cellule ectodermique. L'élément musculaire 
semble ainsi provenir de l'association d’une cellule 
et d’une fibrille, et, suivant l'importance relative de 
l'une ou de l’autre de ces parties, la forme générale 
de l'élément variera. La cellule est lantôt haule, 
cylindrique, munie même d’un cil, tantôt courte el 
pavimenteuse. Le pied de ces cellules s'étale sur 
un corps fusiforme dont la longueur est des plus 
variables et qui se distingue Loujours de la masse 
non différenciée du protoplasma cellulaire par une 
homogénéilé plus grande, par un élat physique 
différent, par la forte coloration qu'elle prend sous 
l'influence des réaclifs histologiques. 

Ces cellules épithélio-musculaires peuvent rester 
éloignées les unes des autres, dispersées à la base 
des couches épithéliales ectodermiques. Elles res- 
lent bien dislineles, ne se confondent pas en fais- 
ceaux, conservent leur individualité anatomique et 
forment une nappe musculaire dont l'activité el lim- 
portance physiologique peuvent s’aceroilre par l'ap- 
parilion de plis de plus en plusprofonds à sa surface 
(PL, fig. 2). Quelquefois la partie épithéliale de la 
cellule s’atrophie,landis que les fibrilles musculaires 
s'accalent else soudent avec celles des cellules voi- 
sines, cle façon à constiluer une forme cellulaire nou- 


L 
| 


ÉT. JOURDAN — LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


109 


elle composée de plusieurs éléments agrégés. Elles 
réalisent alors l'aspect que l’on rencontre dans les 
muscles des cloisons mésentériques desActiniaires, 
où elles sont très répandues. Mais cel état n'est 
que secondaire et ne correspond pas à un véritable 
stade de l’évolution du tissu musculaire. La plu- 
part de ces fibres sont lisses. Les stries transver- 
sales apparaissent chez les formes pélagiques. On 


. Lrouve, dans les appendices du vélum des Méduses, 


des cellules épithélio-museulaires à fbrilles striées 
en travers, landis que, dans la forme hydraire des 
mêmes espèces, on ne rencontre que des éléments 
musculaires lisses. Oa remarquera que l’apparilion 
des stries correspond à une activilé plus grande 
du tissu musculaire. 

Les fibres musculaires des Vers sont aussi va- 
riées que les différents Lypes dont la réunion cons- 
litue cet embranchement. Chez les Turbellariées,. 
elles se rapprochent par leur aspect de la cellule 
conjonclive : elles sont ramifiées et forment sous 
les couches épithéliales et dans le parenchyme du 
corps un plexus de fibrilles qui émanent de ces 
cellules et qui sont difficiles à débrouiller. Elles 
réalisent ainsi une autre forme d’élément muscu- 
laire, la fibre mésenchymateuse de Hertwig, qui 
peut exister seule ou être annexée aux cellules 
épithélio-musculaires dans d'autres organismes, 
chez lesquels elle sert aux mouvements des appa- 
reils de la vie de nutrilion. 

Les Hirudinées possèdent des fibres musculaires 
semblables. Les éléments contractiles des Néma- 
todes sont comparables à ceux des Cœlentérés. 

Chez les Vers annelés nous rencontrons un élal 
d'évolution plus avancé du tissu musculaire, qui 
résulte d’une différenciation plus complèle de la 
cellule épithélio-musculaire. Les fibres qui cons- 
tituent les [uniques musculaires des parois du corps 
de ces animaux varient de forme dans des limites 
assez grandes. On peut cependani les rapporter 
à deux types : les unes sont à peu près cylin- 
driques, les autres sont nettement lamelleuses. 
Mais entre ces deux extrèmes il existe une série 
intermédiaire d'éléments. plus ou moins ruba- 
nés, qui permettent de passer de l’un à l'autre. 
Ces fibres musculaires sont lantôt fusiformes el 
courtes : elles sont alors visibles dans toute leur 
étendue dans le champ du microscope. D'autres 
fois elles prennent des dimensions longitudinales 
beaucoup plus grandes : leurs extrémités sont rom- 
pues, et il est fort diflicile d'apprécier exactement 
leur longueur. On peut distinguer comme parlie 
constitutive de ces fibres une substance contrac- 
tile remarquable à sa coloration intense el à son 
aspect homogène, et-un noyau accompagné d'un 
corps protoplasmique plus ou moins abondant. 
L'existence d’une membrane d'enveloppe semble 


douteuse : nous pensons même que dans la plupart 
des cas elle n'existe pas ; c'est tout au plus si au 
niveau du noyau on aperçoit une mince pellicule 
hyaline qui semble maintenir le nucléus en contact 
avec lélément auquel il appartient; mais celte 
membrane rudimentaire ne tarde pas à disparaitre 
dès que l’on s’écarte du noyau. 

Lorsque ces fibres sont lamelleuses, elles mon- 
trent toujours un bord plus épais que l’autre; le 
bord épais porle même une arèle de renforcement, 
le bord mince est déchiqueté et garni de prolonge- 
ments irréguliers. 

La substance contractile de ces fibres est le plus 


: souvent parfaitement homogène, et un examen 


attentif de pièces bien fixées montre qu'il est 
impossible d'y découvrir des stries tranversales ou 
longitudinales. On remarque, il est vrai, quelque- 
fois un aspect spécial qui pourrait faire croire à 
l'existence d'une grossière strialion transversale. 
Les réaclifs colorants, et en particulier l’héma- 
toxyline, font voir, en effel, des segments alterna- 
Lifs, clairs et sombres, qui donnent à la fibre une 
apparence plutôt zébrée que striée; ilest facile de 
remarquer que ces fausses sirialions correspon- 
dent, à de vérilables épaississements de la sub- 
slance musculaire et doivent êlre considérées 
comme des ondes de contraction n'ayant rien de 
commun avec les slries transversales des muscles 
des Arthropodes et des Vertébrés (PL, fig. 3). 

Les éléments musculaires sont cependant striés 
chez quelques Vers annelés. On en trouve un trèsbel 
exemple chez la Protula intestinum (PT. fig. 4). Les fi- 
breslamelleuses dela région postérieure du corps de 
cette espèce offrent une véritable striation, tantôt 
transversale, Lantôt oblique, loujours bien régu- 
lière et bien indiquée surloul dans les régions 
sombres de la fibre. Ces stries sont très fines, ne 
se distinguent bien qu'avec l'aide de forts grossis- 
sements. On remarque que, ici encore, la présence 
de cesstries correspond à une contraction brusque, 
Les Annélides Lubicoles du type des Protules sont, 
en effet. remarquables par la vilesse avec laquelle 
elles contractent leur abdomen et s'enfoncent dans 
leurs tubes. 

Cel exemple de striation transversale n’est pas 
unique chez les Vers ; nous rappellerons celui des 
fibres musculaires longitudinales des Chétogna- 
thes, où l'on trouve des strialions transversales 
aussi netles et aussi fines que les précédentes. IL 
s’agit ici encore d’un groupe dont les représen- 
tants appartiennent à la faune pélagique et mènent 
par conséquent uae vie aclive. 

Les fibres musculaires des Annélides ont tou- 
jours des directions parallèles; il en résulte 
qu'elles ont beaucoup de tendance à former des 
lames ou des étuis contracliles, dont l'épaisseur 


410 


e 


ÊT. JOURDAN — LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


peut s’accroitre par l'apparition de plis, qui finis- 
sent par décomposer la couche primitive en grou- 
pes distincts, qui deviennent tout autant de mus- 
cles. Le plus souvent la fibre s’est complètement 
dégagée de la cellule épithéliale génératrice ; sa 
nature et sa filiation sont donc difficiles à établir 
chez l'adulte. Elle peut aussi contracter avec l’épi- 
thélium des parois du corps, dans certains cas du 
moins, des rapports curieux et difficiles à expli- 
quer ; les extrémités libres des fibres museulai- 
res peuvent se continuer avec les pieds des cel- 
Inles épithéliales, soit directement par la base 
effilée de la cellule, soit par l'intermédiaire d'un 
renflement creusé en calice, dans lequel la cel- 
lule est implantée. Cette disposition a été décrite 
chez plusieurs Vers annelés et chez les Arthro- 
podes. 

Enfinle groupedes Syllidiensest remarquablepar 
les fibrilles striées qui garnissent la paroi dela 
trompe de cette famille : il est encore difficile de 
bien comprendre la nalure exacte de ces éléments 
et la place qu'il est possible de leur assigner dans 
les Lissus musculaires. 


Il 


Chez les Mollusques, le système musculaire n’est 
pas constitué par des fibres arrangées parallèle- 
ment, mais par des éléments disposés en réseau 
formant dans le derme une couche musculaire 
dificile à dissocier. Ces fibres sont cylindriques, 
fusiformes, très longues, et, au lieu de se terminer 
en pointe, elles se pénicillent à leur extrémité, 
indiquant ainsi leur structure fibrillaire. Elles sont 
unicellulaires et sont formées d'une gaine épaisse 
et réfringente de substance contractile disposée 
autour d'un axe sarcodique granuleux, riche en 
glycogène el où se trouve logé le noyau. La sub- 
stance contractile tantôt entoure le noyau, tantôt 
occupe un seul côté de la fibre. La disposition des 
fibrilles peut aussi se modifier d'une autre facon ; 
au lieu d’être disposées en faisceaux parallèle- 
ment à la direction générale de la fibre, elles pren- 
nent quelquefois une direction oblique, de sorte 
qu'elles décrivent autour de l'axe de véritables 
tours de spire, tantôt läches el dessinant, sur 
la fibre des stries obliques, tantôt serrées au 
point quel'élémentmusculaire offre l'apparence des 
faisceaux musculaires striés (PL, fig. 5). Elles réali- 
sent ainsi un lype particulier de lissu musculaire 
à fibrilles spiralées qui est assez répandu chez les 
Lamellibranches, où, dans plusieurs genres, il con- 
stitue les muscles adducteurs des valves, et 
aussi chez les Gastéropodes etles Céphalopodes. Le 
véritable lissu musculaire strié est donc rare chez 
les Mollusques; on le rencontre cependant dans les 
muscles du Perten jarobeus, où la finesse de la stria- 


tion transversale égale celle des mêmes tissus chez 
les Mammifères. 

La strialion (transversale, qui est exceptionnelle 
dans les formes précédentes, devient la règle chez 
les Arthropodes. Dans les tuniques musculaires de 
l'intestin des Insectes, les éléments de contraction 
sont représentés par des fibres en forme de ban- 
delettes striées en travers, qui se divisent à leurs 
extrémités et vont s'anastomoser avec des prolon- 
gements semblables de fibres voisines, formant 
ainsi une sorte de réseau musculaire, Ces fibres 
sont pourvues d'un noyau placé en dehors de la 
substance contractile dans une masse protoplas- 
mique qui accompagne l'élément. Les muscles de 
la vie de relation sont constitués chez les Arthro- 
podes par de grosses fibres qui correspondent en- 
tièrement par leur structure aux faisceaux striés 
primilifs des muscles des Vertébrés. Leur étude 
peut donc se confondre avec celle de ces derniers. 
. Le tissu musculaire des Vertébrés se divise en 
deux groupes bien distinets suivant qu'il appartient 
aux organes de la vie de nutrition ou qu'il fait 
partie des muscles de la vie de relation. Dans le 
premier cas, les éléments conslilutifs de ce lissu 
se laissent facilement ramener à la forme cellulaire ; 
dans le second la cellule myoformative primitive 
a proliféré, son noyau s’est mulliplié et les indivi- 
dualilés nucléaires qui ont résulté de sa proliféra- 
lion sont restés réunis sous une même enveloppe 
cellulaire, constituant ainsi une cellule volumi- 
neuse polynucléée, qui est devenue le faisceau 
strié primilif. | 

Les éléments musculaires à un seul noyau sont 
représentés parlesfibres de la tunique intestinale et 
par celles qui font partie du myocarde (PI., fig. 6). 
La cellule musculaire des parois de l'intestin est 
fusiforme ; elle offre des stries longitudinales qui 
correspondent à des fibrilles disposées autour du 
noyau à la façon d’une enveloppe corticale. Les 
éléments du muscle cardiaque dérivent de cette 
forme cellulaire, mais ils en diffèrent par la 
présence d'une striation transversale des plus 
neltes. Les fibres musculaires du cœur de la gre- 
nouille peuvent servir de forme de passage; elles 
sont fusiformes, composées de fibrilles qui tendent 
à se dissocier, à se diviser en pinceau à chacune de 
leurs extrémités. Ces fibrilles sont de longueurs 
inégales el disposées irrégulièrement chez les 
autres Vertébrés; il en résulte que l'aspect de 
l'élément peut être complètement changé sans que 
sa constitution essentielle soit différente. 

Le système musculaire de la vie de relation se 
présente chez les Vertébrés avec des caractères 
tellement différents que, si l’'embryogénie ne nous 
venait pas en aide, il serait fort difficile de ratta- 
cher les grosses fibres qui le constituent aux élé- 


D ne, À 


PIE 


ti 


Fc. 3. 


Fic. 8. 


LÉGENDE 


: L2 

F1a. 1. Cellules épithélio-musculaires des tentacules de Sagastia parasitica (d’après Hertwig). — Fio. 2. Deux cellules 
musculaires de l’ectoderme du plateau buccal d’Anthea cereus (d’après Hertwig). — KFic.3. Fibres musculaires de l’'Her- 
mione hystrix : À, vue d’ensemble de la fibre avec ses épaississements au niveau des ondes de contraction; B, un des nœuds 
de contraction montrant la fausse striation transversale. — Fic. 4. Fibre lamelleuse de Protula intestinum : A, ensemble 
de la fibre; B, striation vraie que cette fibre présente lorsqu'on l'observe à un fort grossissement. — Fic. 5. Segment d’une 
fibre musculaire à fibrille spirallée de Sepiola Rondeletüi (d’après Baïlowitz). — Fic. 6. Fibre musculaire lisse ou fibre- 
cellule montrant le noyau central et La striation longitudinale (d'après Ranvier). — Fie. 1. A, Faisceau strié primitif 
des muscles de l'Homme (fragment montrant les stries transversales) : a, stade anisotrope ou disque épais; à, strie isotrope 
montrant, au milieu, le disque mince g; #, noyau. B, Faisceau musculaire de la Grenouille, divisé en fbrilles : k, noyau 
(d'après Ptôhr). — Fi. 8. Fibrille de laile de lHydrophile, dissociée par la demi-dessiccation après un séjour .de vingt 
quatre heures dans lalcool au tiers; coloration à l'hématoxyline : c, disque épais; m», disque mince; @, espace clair; 
h, strie intermédiaire. Gross. : 2.000 diam. (d’après Ranvier). 


LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


(Article de M. Ét. Jourdan) 


REVUE GÉNERALE DES SCIENCES, t. VI, no 9. Imp. phot. Alfred ARON, 30, rue Lebrun, Paris. 


ÉT. JOURDAN — LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE FAT: 


ments dérivés des cellules que nous venons de 
décrire. Ici, comme chez les Arthropodes, le 
faisceau strié primitif provient de cellules dites 
myoformatives dont le protoplasma édifie des 
fibrilles très fines, qui se présentent, dès qu'elles 
apparaissent, avec des stries transversales très 
nettes. Ces fibrilles restenten contact, et, à mesure 
que les dimensions de la cellule augmentent, le 
nombre des noyaux s’accroil aussi par division du 
noyau primitif, de telle sorte que l'élément muscu- 
laire finit par être constitué par une grosse fibre à 
noyaux multiples encombrée de fibrilles muscu- 
laires. Get élément nouveau a pris le nom de fuis- 
ceau strié primitif (P1., fig. 7). Ces fibres diffèrent des 
éléments des autres tissus par leur volume consi- 
dérable, puisqu'on avait même admis que dans 
certains muscles elles allaient d’une extrémité à 
l’autre de l'organe. On leur accorde aujourd’hui 
des dimensions moins considérables, et l'opinion 
précédente n’est plus admise que pour les muscles 
courts ne dépassant pas 3 à 4 centimètres; lors- 
qu'ils constituent des muscles plus volumineux, les 
faisceaux striés se terminent dans la masse muscu- 
laire par des extrémités en pointe; mais ces dimen- 
sions longitudinales peuvent aussi dans ce cas 
s’accroitre et aller, d’après quelques auteurs, 
jusqu'à 12 centimètres. Leur épaisseur, bien moins 
grande, varie également entre 15 et 150 millièmes 
de millimètre. 

On décrit à ces faisceaux striés une membrane 
d’enveloppe qui porte ici le nom de swrcolemme. On 
rencontre dans leur épaisseur des noyaux nom- 
breux dispersés au sein de l’élément ou situés 
immédiatement au-dessous du sarcolemme. Le 
protoplasma édificateur de la fibre a presque com- 
plètement disparu et la substance musculaire est 
constituée par des fibrilles qui donnent au faisceau 
primitif une situation longitudinale bien nette. 
Chacune de ces librilles est composée de tranches 
qui ont des propriétés optiques différentes. Les 
parties également réfringentes de chaque fibrille 
occupant les mêmes niveaux dans l'élément, il en 
résulle que le faisceau tout entier est zébré de 
stries transversales alternativement claires et 
foncées. Ce dessin se montre àvec beaucoup de 
netteté chez les Arthropodes, à cause de la grande 
épaisseur des stries, On a pu alors, en appliquant 
à leur étude les matières colorantes et la lumière 
polarisée, distinguer des bandes transversales 
foncées, très sensibles à l’action des teintures em- 
ployéesenhistologie, et d'autres claires, réfractaires 
aux mêmes agents. Ces stries se succèdent régu- 
lièrement d’une extrémité de la fibre à l’autre dans 
l'ordre suivant (Pl.,fig.8): à une bande foncée, appelée 
aussi disque épais succède une üande claire, divisée en 
deux par un petit espace qui offre les mêmes ca- 


ractères que le disque épais ; ces le disque mince. 
Enfin, des lentilles suffisamment puissantes lais- 
sent distinguer, au milieu du disque épais, un mince 
espace clair appelé série intermédiaire. On a pu 
ainsi établir la succession suivante : un disque 
mince, une bande claire, un demi-disque épais, une 
bande claire ou strie intermédiaire, un demi-disque 
épais, une bande claire, un disque mince, et ainsi de 
suite. La substance musculaire se trouve ainsi 
divisée à l'infini et les moindres changements de 
forme de chacune de ces particules entraine des 
modifications immédiates de la totalité de l’élé- 
ment. 

Les faisceaux striés primitifs des Arthropodes 
et des Vertébrés représentent sans doute le degré 
ultime d’adaptation du protoplasma cellulaire aux 
fonclions motrices. 


IT 


Si nous voulons maintenant établir une classifi- 
cation des tissus musculaires, nous voyons qu’une 
division naturelle semble s'imposer à l'esprit 
comme conséquence du travail d'analyse que nous 
venons de faire. 

Les tissus de contraction peuvent se rattacher de 
près ou de loin à la forme cellulaire du type épithé- 
lio-musculaire ; ils représentent ainsi un premier 
groupe de Llissus musculaires. Ces éléments peu- 
vent aussi réaliser d'emblée le type fibrillaire : 
la cellule myo-formative évolue alors rapidement 
chez l'embryon, elle est difficile à saisir ou échappe 
même complètement chez l'adulte ; ils forment le 
second groupe dans cette première catégorie d'é- 
léments musculaires. 

Si nous considérons maintenant les origines-de 
ces tissus, nous voyons que, lorsque la cellule mus- 
culaire prend naissance chez l'embryon aux dépens 
de l’ectoderme ou de l’endoderme, ou même du 
mésoderme épithélial, elle a conservé souvent de 
son origine un cachet qui l'éloigne de la cellule 
conjonctive et qui en fait quelque chose de spécial : 
elle se rattache directement à l'élément épithélio- 
musculaire, soit que ces caractères se montrent 
chez l'adulte, par exemple chez les Cœlentérés, les 
Echinodermes et les Annélides, soit que l’onarrive 
àasaisir lesstades decette évolution chez l'embryon : 
la substance contractile de l’élément se présente 
alors comme une parlie surajoutée au protoplasma 
de la cellule, annexée à lui, pour ainsi dire, au 
début, finissant par l’encombrer ensuite. 

Lorsque la cellule musculaire dérive des élé- 
ments migrateurs qui se sont séparés hätivement 
des feuillets épithéliaux de l'embryon, le proto- 
plasma tout entier de la cellule a acquis la facullé 
musculaire sans que nous voyions se séparer de 
lui, au moins dans la plupart des cas, une partie, 


412 F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES 


s 


UIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 


d’où la 
difficullé de distinguer ces éléments des cellules 
lixes du tissu conjonclif; il suffit, pour adopter 
celle opinion, de penser aux fibres musculaires des 
Mollusques, à celles des parois des artères el de 
l'intestin des Vertébrés. 

Que l'on adopte ou non les idées de Hertwig en 
embryologie, on est bien obligé de reconnaitre 
qu'elles facilitent la classificalion des Lissus mus- 
culaires, et que ceux-ci peuvent présenter un /ype 
épilhélinl où un /ype conjonctif : d'où la classification 
admise par plusieurs zoologistes, qui divisent les 
tissus musculaires en lissus musculaires épitheliaux 
el lissus musculaires mésenchymateux. Nous voyons 
seulement des phénomènes secondaires d’adapta- 
lion à des fonclions semblables faire converger 
vers une forme commune des éléments bien dis- 


une fibrille plus spécialement contractile : 


linels à l’origine: c'est ainsi que Jes stries trans- 
versales qui décomposent la substance contractile 
en particules susceptibles de changer de forme 
plus rapidement, se montreront en même temps 
que nous verrons se manifesler des contractions 
brusques. 

Ces striations apparaissent dans les fibres mus- 
culaires, d'une facon tout à fait indépendante de 
leurs origines ; leur existence est liée à la vigueur 
el à la rapidité de la contraction : eiles ne sont en 
rapport ni avec la forme, ni avec les relations de 
parenté de l'élément qui les possède, mais elles 
nous en révèlent les propriétés physiologiques el 
sont l'indice d'une adaptation plus parfaite. 


Et. Jourdan, 


Professeur à la Faculté des Sciences 
et à l'Ecole de Médecine de Marseille. 


L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 


L'industrie des suifs se rapporte au groupe des 
industries dites préparatoires, dont le but principal 
estde fournir à d’autres industries, plus spéciales, 
leur matière première. Les divers produits que les 
fondeurs de suif livrent au commerce sont des- 
linés à la fabrication des chandelles et des bou- 
gies, à la savonnerie, à la parfumerie et à la cor- 
roierie, au graissage des essieux de voiture et des 
grosses pièces mécaniques, enfin à la fabrication 
du beurre artificiel. 

Ces produits dérivent des substances vulgaire- 
ment désignées sous le nom de corps gras. Ges corps 
sont des glycérides ou éthers de la glycérine. 

La glycérine élant représentée par la formule 


C3H5 (OH), 


on peut remplacer chacun deses 3 groupes OH par le 
radical monoatomique d'un acide.Si, par exemple, 
on introduit ainsi trois fois dans la molécule de la 
glyvcérine le radical C6 H#0?de l'acide palmilique, 
on oblient un éther gras : le lripalmitate de glv- 
cérine : 

CHS(CI6H3102)?, 


Cet éther existe dans la graisse du bœufetcelle 
du mouton. Cette graisse est, en réalité, un mélange 
de plusieurs éthers constitués semblablement par 
la combinaison de la glycérine avec un acide par- 
liculier. Les acides qui, dans le suif, se trouvent 
unis à la glycérine, sont 

1° l'acide 
2° l'acide 
3° l'acide 
4° l'acide 


CI6H?20? 
CUH5#102 
Ct8H3%07 
C'SH31G2 


palmitique: 4..." 
margarique 
SIÉATIQUE,. 
oléique, .... 


Ils forment respectivement : 


1° le tripalmitate de glycérine ou  tripalmiline 
29 le margarate de glycérine ou margarine 
3° le stéarate de glycérine.. .. ou stéarine 

4° l’oléate de glycérine........ ou oline 


Le suif est donc un mélange de tripalmitate, de 
margarale, de stéarate et d'oléate de glycérine. 

Tandis que la constitution des acides palmitique, 
stéarique et oléique semble aujourd’hui bien fixée, 
il ne semble pas permis d'affirmer que l'acide 
margarique représente un composé du même 
ordre; peut-être la malière ainsi appelée et qui 
correspond à la formule brute C'TH%0? est-elle, en 
réalité, un mélange de plusieurs acides voisins. 

La margarine, quiest le glycéride de cette subs- 
lance, est solide à la température ordinaire; il en 
est de même de la tripalmiline et de la stéarine. 
L'oléine pure est, au contraire, liquide : c'est elle 
qui conslilue la majeure partie des huiles, no- 
lamment de l’huile d'olive. Plus sa proportion est 
grande dans un suif, plus ce suif est mou. 

C'est sur le phénomène dela saponification que re- 
posent toute la chimie et l'industrie des corps gras; 
ce phénomène consiste en ceci : Quand on traite 
ces substances par un alcali, on unit à cet alcali 
l'acide qui élait combiné à la glycérine et l'on met 
celle-ci en liberté. 

On peut aussi, en faisant agir un acide minéral 
sur les corps gras, l’unir à leur glycérine et mettre 
en liberté les acides gras. 

Ce sont là les réactions fondamentales utilisées 
dans toute l'industrie qui sera décrite ici. 

(LA DIRECTION). 


: 
| 


F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 


13 


J. — HISTORIQUE 


L'emploi du suif des amimaux pour l'éclairage 
est fort ancien. La candela des Romains était une 
sorte de torche que l'on obtenait en plongeant dans 
du suif fondu la moelle de certains végétaux. Les 
Celtes et les Gaulois savaient faire des chandelles 
de suif avec mèche de lin ou de chanvre; vers le 
milieu du x1° siècle, ces fibres furent remplacées 
par la mèche de coton. L'éclairage par la chandelle 
constituait déjà un progrès sur l'éclairage par 
l'huile et par les Lorches de résine. Les statuls des 
chandelliers de Paris et une ordonnance du 


. x siècle concernant leur corporation l(émoignent 


de l'importanee qu'avait alors la fabrication des 
chandelles et montrent qu'à cette époque on savait 
préparer la chandelle plongée et la chandelle roulée. 

En 1815. Braconnol et Simonin tentèrent de faire 
des chandelles plus dures et moins sujeltes à cou- 
ler,en employant seulement la partie la plus solide 
du suif, qu'ils arrivaient à séparer de l’oléine au 
moyen de l'essence de térébenthine. Cette tenla- 
tive n'eut pourtant aucun succès industriel. 

En dehors de son emploi pour l'éclairage, le 
suif trouvait quelques débouchés dans les savon- 
neries du Nord; mais il n’a pris réellement de l'im- 
portanee, au point de vue industriel, que vers 1836, 
grâce aux beaux travaux de Chevreul sur les corps 
gras, vérilable point de départ de l'industrie 
sléarique: et il est à remarquer que toules les 
découvertes, tous les perfectionnements qui ont 
été réalisés dans cette industrie sont dus à des 
savants français : Chevreul, Gay-Lussac, Camba- 
cérès, de Milly et Motard, Frémy, Bouis, Dix. 
Hugues, Michaud. L'industrie stéarique, créée en 
France, fut très florissante jusque vers 1873: mais 
ensuite elle n’a pu se développer comme à l'Étran- 
ger, par suile el des condilions économiques qui 
pèsent sur notre industrie en général et d’une légis- 
lation spéciale qui affecte lastéarinerie depuis 1874. 

L'acide oléique et la glycérine, produits secon- 
daires de la fabrication des bougies stéariques, ont 
lrouvé (le premier dans la savonnerie) de nombreux 
débouchés, quiont contribué à maintenir la valeur 
commerciale du suif. Il faut néanmoins reconnaitre 
que des causes nombreuses el puissantes tendent à 
diminuer l'importance de l’industrie du fondeur de 
suifetla valeur de lamatière première qu’ilemploie. 
La bougie stéarique, qui constituait un progrès 
très notable sur la chandelle de suif, voit, en effet, 
sa consommalion se restreindre de plus en plus par 
suite du développement qu'a pris l'éclairage par 
le gaz, par l'électricité, et surtout de l'importation 
de plus en plus considérable deshuiles minérales, 
américaines et russes, destinées à l'éclairage. 

Dans le domaine industriel, la découverte de la 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


| Saponification sulfurique, permeltant d'employer, 


pour la fabrication des bougies, les huiles de 
palme concurremment avec le suif, l'emploi en 
savonnerie des huiles de koprah, l'extraction de la 
glycérine des lessives des savonniers et l'invention 
de nouveaux explosifs resfreignant les débouchés 
que trouvait la glycérine dans la fabrication des 
dynamites, pèsent lourdement sur le cours du suif. 

Si la dépréciation de la valeur du suif ne s’est 
pas manifestée d’une facon plus désastreuse en 
présence de tant de facteurs défavorables, il faut 
en chercher la cause dans la découverte de la mar- 
garine par Mège-Mouriès (1869), découverte qui a 
ouvert au suif des débouchés extrémement impor- 
tants, en créant l'industrie des suis comestibles 
et de la margarine, et qui seule peut s'opposer à 
l'extrème abaissement du prix du suif. 

Lôin de protéger cette industrie de la margarine, 
de ce beurre de bœuf, qui rend tant de services à 
l'alimentation, on a vu les Pouvoirs publics, incités 
par la coalition des intérêts agricoles, chercher à 
entraver le développement de cette industrie, espé- 
rant ainsi relever les prix des produits de la laite- 
rie, el par suile, la valeur des fermages. 

Sans cesse menacée dans ses intérêts, toujours 
sous le coup de projets liberticides, l'industrie de 
la margarine n’a pu se développer en Francecomme 
elle l'a fait au delà de nos frontières : les fabriques 
les plus importantes ont pris le parti de se trans- 
porter à l’Étranger, d'autres ont fermé. et cette in- 
dustrie, qui, tout en consommant une grande quan- 
tité de lait, ouvrait à la partie la plus importante 
des abats, — le cinquième quartier, — des débou- 
chés grace auxquelsle prix du suif de boucherie pou- 
vaitse maintenir à un Laux rémunérateur pour l'agri- 
culteur et l'éleveur, tend de plus en plus à péricli- 
ter dans le pays même où elle avait pris naissance. 

La fabrication des saindoux composés, pouvant 
concourir par leur bon marché avec les lards 
compounds des Américains, était devenue assez 
imporlante en France et avait ouvert de nouveaux 
débouchés aux suifs comestibles. Les droits.de 
48 francs par 100 kilogrammes qui frappent les 
graisses alimentaires addilionnées d'huiles végé- 
tales à leur entrée dans Paris arrêteront le dévelop- 
pement de cette industrie, et le cours du suif, qui 
ne pouvait se relever qu'en raison directe de l’im- 
portance des débouchés du suif comestible, coni- 
nuera à baisser {il est aujourd'hui à 55 francs. 

La découverte de Mège-Mouriès, en créant l'in- 
dustrie de la margarine et des suifs comestibles, 
a modifié notablement l'industrie du fondeur de 
suif. Jusqu'en 1886 les fondeurs de suif {exception 
faite pour quelques-uns) se bornaient à préparer 
sous le nom de Suif aux cretons, Suif à l'acide. 
Suif de place, petits Suifs, etc., la malière pre- 


F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES 


AA 


SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 


mière destinée à la stéarinerie el à la savonnerie. 
La découverte de la margarine, la baisse continue 
du cours du suif à fabrique décidèrent les fondeurs 
de suif à s'outiller pour la fabrication des suifs 
comestibles, de l’oléo et de la margarine. 

Le moment était-d'autant plus propice que le 
prix élevé du beurre leur permellaitd'écouleravan- 
tageusement leurs produits, le prix du suif en 
branches, réglé sur le cours du suif à fabrique, 
élant tombé à un prix incroyable de bon marché. 

La même transformation de l’indusirie du fon- 
deur de suif eut lieu à l'Étranger, notamment en 
Hollande, el aux États-Unis, mais sur une échelle 
beaucoup plus vaste: car cetle industrie n’a pas 
eu à compter avec les tracasseries qui, Sous pré- 
texte de protéger l’Agricullure, sont faites en 
France aux fabricants de margarine. 

Nous prendrons comme lype, pour la descrip- 
tion de l'industrie du fondeur de suif, un fondoir 
produisant le suif comestible et le suif à fabrique. 


II. — SUIFS COMESTIBLES 


Les Suif$comestiblescomprennentun ensemble de 
dérivés du Suif de boucherie, dit suif en branches : 
les premiers jus, l'Oléo-Margarine el la Margarine. 
$ IL. — Fremier traitement du Suif en branches. 

Le suif en branches provient de l’abatage des ani- 
maux de boucherie et fait partie du cinquième 
quartier, constitué par la peau, la tête, les cornes 
et le suif. Les lieux de production du suif en bran- 
ches sont: 1° les abattoirs municipaux: 2° les 
abattoirs particuliers; 3° les boucheries. 

On distingue deux sortes de suif en branches: 
celui qui provient directement de l'abattoir et celui 
qui est fourni par les étaux des bouchers. Le pre- 
mier est généralement en gros morceaux, d'une 
couleur blanc-rosé, opalin, d’odeur franche et de 
saveur fraiche: il est supérieur au suif d’étal, tani 
au point de vue de la fraicheur et de la qualité que 
du rendement; mis de suite en fabricalion, il n'a 
pas le temps de prendre le goût de suif: il con- 
vient pour la production des suifs comestibles de 
première qualité. 

Le suif d'étal est en petits morceaux; il est or- 
dinairement inférieur comme fraicheur au suif de 
l’'abaltoir, parce qu’il séjourne chez les bouchers 
avant le ramassage par les voitures des fondeurs. 
Dans les grandes villes, le suif des élaux est re- 
cueilli tous les jours par les garçons fondeurs: 
dans les villages ou centres peu importants, le suif 
n’est enlevé qu'une ou deux fois par semaine. 

Le fondeur paie le suif en branches à raison de 
70 °/, de rendement sur le cours ofliciel du suif 
frais fondu; le suif en branches donnant en 
moyenne un rendement en suif fondu de 80 °/,, cet 


écart de 10 °,, constilue la rémunération des frais 
de fabrication et le bénéfice du fondeur. Ainsi, le 
suif fondu étant coté 56 fr. 50 les 100 kil., et le 
rendement accordé élant de 70 °/,, le prix du suif 
en branches ressort à 39 fr. 55. 

Le fondeur fabricant de margarine se base géné- 
ralement, pour établir son prix d'achat du suif en 
branches, sur les prix auxquels il a vendu ses pro- 
duils le mois précédent, défalcation faile de ses 
frais généraux, ainsi que de ses frais de main- 
d'œuvre et d'enfûlage. 

Dans les centres où l'industrie des suifs comes- 
libles a une certaine importance, l'organisation du 
fondoir à pour base la participalion des bouchers, 
qui s'engagent à livrer leurs suifs moyennant un 
prix approximalif fixé à l'avance. A la fin de l’an- 
née, défalcation faite des frais généraux, des inté- 
rêls payés aux actionnaires et de 5 °/, des béné- 
fices attribués au personnel, les bénéfices nets 
résultant des opérations du fondoir sont répartis 
entre les bouchers participants, el ce au prorala de 
leurs fournitures de suif pendant l’année. Cette 
organisalion es{ celle du Fondoir Central de Paris. 
L'industrie du fondeur de suif est représentée par 
le Syndical Général des Corps Gras, qui compte 
quatre cents adhérents.'et il existe une société de 
secours muluels pour les ouvriers fondeurs de suif. 


Fontoirs. — Le suif en branches, après avoir élé 
épluché à l'abatloir, est porté au fondoir, où l'on 
procède au triage des morceaux el à la sélection 
des différentes sortes de suif. 

Le suif de mouton, ayant une odeur swi yeneris 
trop prononcée, el le suif de veau, s’allérant trop 
facilement, n'entrent pas comme matière première 
dans la fabrication de la margarine.Ces deux sortes 
de suifs éliminées, on choisit les morceaux prove- 
nant de la loile, du ratis, du nillet, destinés à fournir 
une qualité supérieure. Les autres morceaux, mé- 
langés avec les belles parties du suif d’étal, ser- 
vent à fabriquer une qualilé également fraiche, 
mais secondaire comme finesse de goût. 


Fubrication du premier jus. — Sous le nom de pre- 
mier jus, on désigne le suif obtenu par fusion, à 
basse température, des suifs en branches frais. 
Cette dénominalion est réservée aux suifs débar- 
barrassés de tripalmiline et de stéarine et desli- 
nés à l'alimentation et à la fabrication de l’oléine. 

Les morceaux de suif, une fois triés, sont por- 
tés dans un atelier spécial, fortement aéré, où ils 
subissent une dessiccation partielle, qui à pour 
effet de conserver le suif frais jusqu'au moment 
de la mise en fabrication. En Amérique el dans 
quelques fondoirs francais, le suif, après triage, 
est jeté dans des bacs d’eau glacée, el lavé à plu- 


F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS AS 


sieurs reprises pour enlever le sang et les impu- 
retés. 
Au moment de sa mise 
_à la fonte, le suif est di- 
visé en pelits fragments 
par une machine à ha- 
cher, puis soumis à un 
broyage qui réduit le suif 
en une sorte de pulpe, de 
_sorle que la graisse peut 
se séparer des cellules 
graisseuses el des mem- 
branes, par la fusion. 

La figure 1 représente le système de hacheur- 
broyeur le plus usité. Cet appareil, placé au-dessus 
des cuves de fusion, est monté sur une boile en 
fonte et formé de qua- 
tre cylindres superpo- 
sés; les deux cylindres 
supérieurs sont armés 
de grosses dents ai- 
guës ; les cylindres in- 
férieurs ont une den- 
ture plus fine; ils sont 
animés d'un mouve- 
ment de rotation diffé- 
rentiel. Le suif, déchi- 
queté et écrasé par son 
passage entre les ev- 
lindres, estdélachépar 
des raclettes et tombe 
dans la cuve à fondre. 

La fusion du suif 
broyé s'opère dans une 
cuve en bois de sapin 
blanc munie d'un ser- 
pentin - barboleur en 
fer étamé reposant sur le fond. Un robinet- 
genouillère, pourvu à son extrémité d’une crépine, 
et une bonde complètent l'appareil (fig. 2, récipient 
supérieur). | 

La cuve, élant remplie d’eau jusqu’au liers de sa 
hauteur et chargée du suif provenant des broyeurs, 
est chauffée au moyen du barbotteur de vapeur. 
Afin d'éviter la surchauffe de la graisse et d'activer 
la fonte, l’ouvrier fondeur remue continuellement 
la masse du suif au moyen d'une sorte d’aviron en 
bois. Sous l’action de la chaleur, la graisse fond et 


Fig. 1. — Hacheur-broyeur. 


Modèle de 
frères. 


MM. Boyer 


Fa 


Æ 


vient surnager, tandis que les cellules et les mem- 


branes se déposent. 

Dans quelques usines on procède, durant la fonte, 
à un lavage de la graisse, en changeant l’eau de la 
chaudière à plusieurs reprises. La graisse fondue 
est décantée, au moyen de la genouillère, dans un 
bain-marie placé au-dessous de la cuve de fusion, 
comme le représente la figure 2. Ce bain-marie est 


Fig. 2, — Appareil pour la fonte des premiers jus. 
Modèle de M. Bréhier. 


formé d’une cuve en fer étamé munie d’un robinet 
de vidange fixé un peu au-dessus du fond, pour 
permetlre l’écoulement de la graisse. Cette cuve 
est placée dans une double enveloppe en bois for- 
mant bain-marie, chauffé, au moyen d’un barboteur 
de vapeur, à environ 60 degrés. 

Pour aider à la séparation et à la précipitation 
des débris de membranes et des impuretés rete- 
nues dans la graisse fondue, l’ouvrier y projette 
soit du sel marin, soit des mélanges de sels alca- 
lins et de sel marin. Après deux heures de repos, 
environ, la graisse étant bien clarifiée, on la fait 
s’écouler par le robinet situé au-dessus du fond du 
bain-marie, soit dans des jalots, soit dans des fûts 
préalablement déodorisés par la vapeur, si elle est 
destinée à la vente comme premier jus. Les impu- 
relés sont évacuées par 
le robinet de vidange 
fixé au fond de l’appa- 
reil, et mises de côté 
pour servir à la fabri- 
cation du suif indus- 
triel. 

Afin d'éviter l’entrai- 
nement, par le barbo- 
leur, des corps étran- 
gers’tels que l'huile et 
le mastic provenant 
des joints du généra- 
teur, tels aussi que les 
gaz provenant des ma- 
tières en décomposi - 
tion de l’eau de la chau- 
dière , M. Bréhier a 
construit un système 
de cuve chauffée au 
moyen d'un courant 
de vapeur circulant dans une double enveloppe 
(fig. 3). La fonte du suif en branches se fait directe- 


Fig. 3. — Cuve Bréhier chauffée par un courant de vapeur 
d'eau circulant dans une double enveloppe. 


ment sans eau, on évite ainsi les pertes de graisse 
qui, dans le système précédent, se produisent pen- 
dant l'écoulement de l’eau. La fonte au moyen de 


416 


celle cuve ne supprime pas l'emploi du bain-marie 


reposoir. 

Pour les belles qualités de premier jus, la tem- 
pérature de fusion ne dépasse pas environ 60 de- 
grés: pour les qualités secondaires, la température 
peut être portée jusqu'à l'ébullition de l’eau. 

Quel que soit le système de cuve à fondre em- 
ployé, la fonte des suifs comeslibles ne se fail 
jamais à feu nu, afin d'éviter un goût de cuit qui 
rendrait la graisse impropre à lalimentalion. 

Lorsque le premier jus doit servir à la fabrica- 
ion de l'Oléo. il est, au sortir du bain-marie de 
repos, réparti dans des bacs d'une contenance 
d'environ 50 kilos, que l’on porte immédiatement 
dans une chambre chauffée à 38 degrés et Lenue à 
l'abri de tout courant d’air. 

On l’abandonne au repos, dans ces conditions, 
pendant 48 heures ; la malière grasse cristallise, 
c’est-à-dire que la stéarine se solidifie, landis 
que l’oléine, fluide à la température de la chambre 
chaude. reste englobée dans les particules con- 
crètes de stéarine. La masse prend alors un aspecl 
grenu tout différent du suif refroidi brusquement: 
dans cet état, le premier jus est apte à subir la 
pression, qui à pour but de séparer l’oléine de la 


sléarine. 


Usaye des premiers jus. — Les premiers jus sont 
grenus, de couleur jaune, ils ont la saveur agréable 
de la graisse fraiche; ils ne laissent pas à la dégus- 
Lalion la saveur sui generis du suif. Ils trouvent des 
débouchés importants dans la fabricalion de l'o- 
Jéine et des saindoux factices, surtout en ce qui 
concerne les premiers jus de mouton. 

Depuis quelques années, les Américains, ayant 
besoin de trouver des débouchés pour les quantités 
considérables d'huile de coton comestible qu'ils 
produisent, ont, en effet, employé les premiers jus 
de mouton et de bœuf pour-solidifier celle huile, 
qu'ils sont parvenus à blanchir. Ce mélange, addi- 
tionné de saindoux, constitue le lard compound, 
qui, grâce à son bon marché, a trouvé des débou- 
chés considérables, soit comme saindoux artificiel, 
soit comme graisse à friture. En France, la pro- 
duetion des saindoux étant peu importante, on 
emploie également les premiers jus de mouton pour 
fabriquer, par mélange avec des sean lards et des 
huiles de coton, de sésame ou d'arachide, des sain- 
doux factices vendus sous les dénominalions de 
«saindoux de fabrique », « graisse ménagère ». 

Le rendement du suif en branches en premier 
jus est variable. Il est en fonelion de l'état de 
l'animal abattu, de l'état de siceité du suif. Le 
rendement moyen est environ de TÙ °/, pour le 
suif de bœuf; il est un peu moins élevé. pour le 
suif de mouton et de veau. 


F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 


Lage de la presse doit être fait rapidement: l’opé- 


$ II, — Fabrication de l'Oléo. 


Le premierjus est constitué par deux glycérides, 
l'un concret, la stévrine, autre liquide à 38 de- 
grés, huileux, loléine, qui se sont déjà séparés 
par le fait de la cristallisation du premier jus. Ce 
mélange ayant un point de fusion trop élevé pour 
convenir à la fabrication de la margarine, il faut 
en retirer la partie huileuse qui constitue l'oléo !. 

Par ses propriétés physiques el organoleptiques, 
l’oléo offre une grande analogie avec la graisse du 
beurre ; el c’est la seule partie du premier jus qui 
convienne pour la fabrication du beurre artificiel : 
on l'isole de la stéarine au moyen de la presse. 
hydraulique. A cet effet, le premier jus venant de 
la chambre chaude où il a cristallisé, estréparti, à 
raison d'environ un kilo, dans des servielles de | 
forte toile, que l'ouvrier plie de façon que la ma- 
lière grasse enfermée dans le tissu forme un gà- 
teau de 18 centimètres >< 20 et d'environ 4 cenli-, 
mètre d'épaisseur. Les servielles ainsi garniessont 
disposées par 4 où 6 sur une forte plaque de tôle 
élamée, chauffée préalablement à 50 degrés, qui 
recouvre le plateau de la presse. 

Sur chaque rangée de 4 ou 6 gäleaux, l’ouvrier 
place une plaque de tôle élamée, qu'il sort d'un 
bain d'eau maintenu à 50 degrés. Lorsque la 
presse est montée, elle comporte 160 à 200 gâteaux. 
qui sont maintenus entre les plaques chaudes par 
des guides passant entre des glissières. Le mon- : 


ralion exige le concours de trois ouvriers. 

La séparation de l’oléo commence au cours du 
chargement: sous l'action de la chaleur et du 
poids des plaques detôle, l’oléo filtre à travers les 
serviettes et s'écoule dans un récipient placé sous 
la gouttière du plateau de la presse. E 

La presse hydraulique est mise lentement en 
action, au début, et la pression est poussée pro- 
gressivement jusqu'à 150 kilos. Quelques margari- 
niers pressent alors rapidement jusqu'à 175 kilos, 
puis laissent brusquement tomber la pression. 

Au cours du montage de la presse et durant la 
pression, la température des plaques, qui au début 
élait de 50 degrés, s’est abaissée, de sorte que la 
pression finale ne se fait qu'à environ 40 degrés. 
température à laquelle l'oléo, encore liquide, se. 
sépare de la stéarine, qui reste emprisonnée dans 
les servielles sous forme de gàäleaux durs, semi- 
transparents, constituant le swf pressé. 

Le lravail de la presse donne un faible rende- 


ts med 10 D dd 


1 L’oléo est, comme on voit, le nom industriel d'une subs- 
tance constituée fondamentalement par de l'oléine dans la- 
quelle sont dissous certains des autres principes immédiats 
du suif. 


» à À 
share sa ruée ddr 2e. 


FA 


(Note de la Direction.) 


, 


DONNE Ter ee ep 


F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 


ment, il est fort pénible pour les ouvriers; aussi 
emploie-t-on, dans les margarineries importantes, 
des presses à doubles chariots permettant de pré- 
parer une presse sur un chariot pendant que le 
second subit la pression; on gagne ainsi un temps 
fort appréciable. Pour diminuer la main-d'œuvre 
el la fatigue occasionnées par le montage des pla- 
ques chaudes, M. Moranne a construit un système 
de presse à doubles chariots et à plaques mobiles 
sur les colonnes de la presse et pouvant être sus- 
pendues, au moyen de taquels, pendant le mon- 
tage ‘et le démontage de la presse. Ces plaques 
sont chauffées par circulation d’eau chaude à Lem- 
péralure convenable pour la pression. 

L'oléo refroidie lentement se présente sous un 
aspect grenu, de couleur jaune; sa saveur rap- 
pelle celle du beurre fondu; elle est entièrement 
fusible dans la bouche. 

Certains fondeurs, ne transformant pas eux- 
mêmes l’oléo en margarine, vendentleurproduction 
aux margariniers. Les oléos destinées à la vente 
sont enfülées au sorlir de la presse et mises à re- 
froidir lentement pour provoquer la cristallisation. 

On trouve dans le commerce différentes marques 
d’oléos, dont les prix varient suivant qu'elles sont 
extra, premières ou secondes. 

L'unique emploi de l'oléo est dans la fabrication de lu 
mugarine; Son principal marché est Rotterdam, où 
les Américains en expédient régulièrement des 
quanlilés considérables (fig. 7). Le marché de Pa- 
ris est beaucoup moins important. 

La sléarine ou suif pressé provenant de la fabri- 
calion de l’oléo comestible sert à la préparation 
des saindoux artificiels, et le suif pressé industriel 
est recherché en stéarinerie en raison de son ren- 
dement en acides concrets. 


$ 8. — Fabrication de l'Oléo-Margarine 
et de la Margarine. 


En 1869. M.Mège-Mouriès entreprit, à l’insligation 
de Napoléon IT, des recherches ayant pour but de 
procurer à la classe peu aisée de la population, une 
graisse alimentaire saine, pouvant remplacer éco- 
nomiquement le beurre. Après une série d'essais el 
de recherches sur les conditions physiologiques 
dans lesquelles se forme le beurre chez les Mam- 
mifères, M. Mouriès prit en 1869 un brevet pour la 
fabrication d'un beurre artificiel qu'il dénomma 
oléo-maryarine. Une première fabrique de marga- 
rine fut installée à Passy et fonctionna jusqu'en 
1870. Elle fut détruite par l'invasion allemande. 
Une nouvelle usine fut installée en 1872 à Poissy. 

D’après le procédé Mège-Mouriès, on obtenait la 
transformation du suif en oléo-margarine en faisant 
digérer pendant deux heures à une température 
de 45° la graisse de bœuf fraiche, préalablement 


417 


broyée, avec de l’eau additionnée d'une pelite 
quanlité de carbonate de soude et d'estomac de 
mouton ou de porc. Sous l’action de la pepsine de 
l'estomac, les membranes subissaient une sorte de 
digestion artificielle favorisant la séparation de la 
matière grasse, qui, clarifiée, mise à cristalliser et 
soumise à l’action de la presse hydraulique pour en 
séparer la stéarine, fournissait l’oléo. 

L’oléo, fondue à basse température, lavée, puis 
malaxée, opérations par lesquelles la pâte devenait 
lisse et homogène, conslituait la graisse de ménage 
ou de conserve, produit neutre de goût, résistant 
d'une facon remarquable à la rancidité et convenant 
aux préparations culinaires. 

Pour transformer l’oléo-margarine en margarine 
ayant la pâte, la couleur et l’arome du beurre de va- 
che, Mège-Mouriès émulsionnait l'oléo avec du lait 
et de l'eau dans laquelle avaient macéré des frag- 
ments de mamelle de vache. Il obtenait ainsi une 
sorle de crème épaisse, qui ressemblait à celle du 
lail et qui, séparée de l’eau et du petit lait par ba- 
rattage, colorée en jaune, puis soumise aux opéra- 
tions de malaxage, lissage, etc., usitées dans la fa- 
brication du beurre, fournissait un produit ayant 
les plus grandes analogies avec le beurre de vache. 

Le 12 avril 1872, le Conseil d'Hygiène, sur un rap- 
port favorable de Boudet, autorisa la fabrication et 
la vente de l’oléo-margarine. 

Il se forma aussitôt une « Société Anonyme d’Ali- 
mentation » au capilal de 800.000 francs, pour 
l'exploitation des brevets Mouriès. Celle Société 
réussil à faire adopter la margarine par la consom- 
malion et à ouvrir au simili-beurre des débouchés 
importants. 

En France, la fabrication de la margarine n'a 
acquis une réelle importance qu'à partir de 1886, 
époque à laquelle les fondeurs de suif transforme- 
rent leur industrie et s’outillèrent pour la fabrica- 
tion des suifs comestibles. 

Depuis le brevet Mège-Mouriès, la préparation de 
l’oléo et de la margarine s’est sensiblement modi- 
fiée ; grâce aux perfectionnements apportés à l'ou- 
tillage mécanique des margarineries, on a pu sup- 
primer la digestion du suif avec la pepsine dans la 
préparation du premier jus, ainsi que l’émulsion 
de l'oléo avec la mamelle de vache, sans pour 
cela nuire à la qualité des produits. 

Actuellement, la fabrication de la margarine con- 
siste à baratter l'oléo, provenant du traitement 
des premiers jus, avec du lait et une petite quan- 
tité d'huile végétale (de coton, sésame, ou arachide) 
destinée à modifier la pâte de la margarine, trop 
courte et trop cassante lorsqu'elle n’est formée que 
de graisse animale. 

L’oléo, fondue à environ 45 degrés, est introduite 
dans une barette-tonneau (fig. 4) ou dans une 


418 F. ET J. JEAN — L’INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 


baralte à double effet, avec du laitet de l'huile | loppent dans le lait resté entre. les particules de 


végélale portés à la même (empérature. malières grasses, que la margarine prend l’arome 
Sous l'action du baratlage, l'oléo se trouve | du beurre. 
émulsionnée avec le Une fois égouttée, 


on soumet la matière 
grasse au travail du 
malaxeur-lisseur, a- 
fin d'en chasser le 
pelil lail el de don- 
ner à la pàle l’homo- 
généité du beurre. 

Elle est souvent 
passée, avec une pe- 
lite quantilé de beur- 
re pur, au malaxeur 
horizontal (fig. 5), 
d’où la pàte sort prête 
à être emballée pour 
les expéditions. 


laivel l'huile, les par- 
ticules grasses se di- 
visent de plus en plus 
et se mélangent inti- 
mement avec l'huile 
et le beurre du lait. 
Le baratlage dure 
environ deux heures: 
au cours de l'opéra- 
lion, la température 
du mélange s’est a- 
baissée graduelile - 


ment, de sorte qu'à 


la fin elle est infé- 
rieure au point de 
fusion de l’oléo. On La margarine se 


vend en molles, ou 


sépare alors, par vi- 


dange, le pelit-lait de en pains d'une livre. 
la crème, que l'on fait Fig. 4. — Baralle à oléo-margarine. Pour l'exportation 
tomber dans un bac elleestemballéedans 


ou caisses de 25 à 50 kilos. 


d’eau glacée, où, sous l'action d'un refroidissement | des cuveaux de cinq kilos ou de 25 kilos ou en füts 
brusque, les parties grasses sont concrétées en 


pelites masses grummeleuses retenant, interpo- La qualité de la margarine dépend de la frai- 
sée, une certaine quantité de lait. cheur du suif ayant servi à fabriquer l'oléo, de la 


Au moyen d'une sorte de panier à claire-voie, la | qualité du lait et de l'huile employés pour le 


Fig. 5. — Malaxeur horizontal pour le mélange de lu margarine et du beurre 


matière grasse concrète est retirée immédiatement | barratlage et de la quantité de beurre pur dont on 


du bain d’eau froide et versée dans des wago- | l'adilionne souvent pour augmenter son parfum ; 
nets perforés, où elle séjourne pendant un temps | les qualités extra peuvent soutenir la comparaison 
variable suivant la température de l'atelier. | avec les beurres de bonne marque. 

C'est au cours de cet égoultage et de ce repos, Les margariniers atlachent une grande impor- 
el sous l’action des ferments lactiques qui se déve- | lance à la qualité du laiteL à sa mise en œuvre au 


hT8 


F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 


419 


moment précis où il a acquis tout son parfum 
sous l’action de certains ferments. C'est là le point 
délicat de la fabrication des margarines extra. 

Quant aux margarines de qualités secondaires, 
obtenues par barattage avec des laits coupés ou 
des petits-laits, comme elles sont neutres de goût, 
on cherche à leur donner l’arome du beurre en 
les additionnant d'une petite quantité de compo- 
sitions à base d'eau de laurier-cerise, d'essence 
d'amandes amères, d’éther butyrique, etc. 

Le procédé Hansen, appliqué avec succès, en 
Suède et en Danemarck, pour le mürissement du 
lait destiné à la fabrication du beurre, lrouvera 
certainement son applicalion en margarinerie et 
permettra de donner au simili-beurre le parfum si 
recherché des beurres de Normandie, sans que 
l’on ait recours à ure addilion de beurre nalurel. 

La margarine a trouvé des débouchés importants 
dans l’alimentation de la population ouvrière. Les 
Syndicats et les Sociétés coopératives de consom- 
mation achèlent des quantités considérables de 
margarine, principalement dans le nord de la 
France et dans les pays houillers. 

Depuis 1885, la France exporte ses margarines 
en Angleterre; nous résumons dans le tableau 
ci-joint les quantités de Margarines importées 
de France, comparativement aux Margarines de 
provenance élrangère et aux quantités de beurre 
d'origine francaise. 


Cette diminution dans notre chiffre d'exporla- 
tion tient à ce que l’industrie de la margarine, 
toujours sous le coup de projets de lois prohibitifs, 
n'ayant pas {rouvé en France la sécurilé indispen- 
sable au développement de toute industrie, plu- 
sieurs margariniers ont créé en Anglelerre et en 
Belgique des usines travaillant spécialement pour 
l'exportation. Le suif en branches indigène a donc 
vu ses débouchés se restreindre de ce chef au profit 
des suifs étrangers. 

Les adversaires de la margarine attribuent la 
mévente des beurres à la concurrence que fait au 
beurre nalurel le beurre artificiel. 

Sans nier que ce dernier, de plus en plus accepté 
par la consommalion, qui trouve dans la marga- 
rine un produit sain! et bon marché, fasse une 
certaine concurrence au beurre naturel, dont le 
prix n’est pas à la portée de toutes les bourses, il 
suffit de consulter les statistiques rapportées plus 
haut pour reconnaitre que la cause principale de 
la mévente de nos beurres en Angleterre tient à la 
concurrence des beurres étrangers. 

La valeur de nos beurres de Normandie exportés 
en Angleterre est, en effet, restée sensiblement la 
même depuis 25 ans, malgré la terrible concur- 
rence qui leur a été faite parle Danemark {en 1889, 
cet Elat exportait pour 70 millions de couronnes 
de produits de laiterie), puis par l'Australie et la 
Nouvelle-Zélande. 


Tableau I. — Exportations de la margarine et du beurre de France en Angleterre 


MARGARINE BEURRE 
LNNGES | INPORTATIONS TOTALES IMPORTATIONS DE FRANCE IMPORTATIONS DE FRANCE 

À —" à 

Anbtés 4 prix SE É prix antilés fe , prix 
quantités valeur moyen quantité valeur moyen quantités valeur moyen 

ÎTe fr. kgs fr. fr. fr. ÿ 
Dre 76.366.975! 1.80 64.466. 2.90 

4.30 74.056.600! 1.66 56.000,52 2 81 
ABS TES 63.807.000! 97.008.175] 1.52 | 2.: 2090 18505 06,041.9 2.72 
1888. “6.987.190! 81.707.825] 1.43 | 2. 3.723.02à| 12469 59.471 .72: 2,70 
1889. 62 08% 500! 91:3:6.525| 1.47 | 2.0 5.188 650! 1.95 16.836.825! 2:71 
1890. 99.992.300! 79.581.025] 1.47 | 2,5 4.384.575| 1 97 11.138. PAT 
1891 61.711.500! 88.955.075] 1.44 | 3. 6.589.390| 1.90 HD 05107282 
1892 63.267.500! 92.822.100! 1.42 | 2, : 4.816.873] 1.85 15.692: 2.19 
1893... ..| 65.001.650! 91.405.600! 1.40 | 2.065.100! 4.009.425| 1.99 66.976.875| 2.84 


On voit que, si l'importation tolale de la marga- 
rine à augmenté en Angleterre, l'importation des 
margarines françaises y a diminué. 

Les quantités de margarines et graisses simi- 
laires exportées par la France, qui-étaient, pour les 
neuf premiers mois de l’année 1892 de 7.590.600 
kilos et de 5.999.000 en 1893, sont tombées en 1894 
à 181.700 kilos pour la même période de temps. 


Il ressort, en effet, du tableau ci-dessous (p. 420 
que l'Australie et la Nouvelle-Zélande,qui n'expor- 
laient, pour ainsi dire, pas de beurresen Angle- 


1 1] résulte d'un important travail de M. A. Jolles, direc- 
teur au Laboratoire Chimique à Vienne, que vient de publier 
la Revue Inlernalionale des Falsificalions, la preuve qu’au 
point de vue de la digestibilité, lamargarine a la méme valeur 
que le beurre naturel. 


420 


Lerre avant 1888, ont augmenté leurs exportalions 
d’une facon formidable depuis cette époque : 


En 1889 les exportations decepaysontété  815.750kg. 


180 acer 1 BÉitbsn on don ir 1e . 2.024.900 
A PSS SNS ane de AE …. 2.120:900 
1892, Rte cn ee CCR. 4.376.000 
1593 SR Eee Loco SCENE TA 8.482.450 


Les exportations de ces pays, annoncées pour 
1894, seront de 75 ‘/; plus importantes que celles 
de 1893, comme l'indique le relevé ci-dessous don- 
nan! les quantités de beurres entrées en Angleterre 
el venant de ces contrées, pendant les mois de 
janvier 1893 et janvier 4894. 

JNVICTMSOS ER ER e LELCRT es 


2.057.1450kg. 
Janvier 1894... 


3.494.250 

Voilà donc, avec le Danemark, les véritables et 
dangereux concurrents de nos cultivateurs beur- 
riers. Ceux-ci, pour le plus grand nombre, se sont 
endormis sur les lauriers qu'ils avaient conquis à 
une époque où ils étaient à peu près les seuls sur 
le marché anglais : ils ont dédaigné d'appliquer les 
nouveaux procédés découverts par la science pour 
la fabrication de leur beurre, qu'ils auraient pu 
améliorer beaucoup, ainsi que l'ont fait quelques 
Sociétés coopéralives de laiterie, installées suivant 
les règles et lois du progrès : en Vendée, en Bre- 
tagne, etc. Ces Sociétés, en effet, obtiennent pour 
leur beurre des prix de beaucoup supérieurs à 
ceux que les cullivateurs de ces mêmes provinces 
obtenaient auparavant avec leur mode primitif et 
routinier de procéder. 

La question de la réglementation, de la fabrica- 
Lion et de la vente de la margarine doit venir pro- 
chainement devant le Parlement. Si l'on en juge 
d'après la volonté nettement exprimée par la 
Chambre en 1892, le projet de la Commission saisie 
de la question est beaucoup trop radical pour avoir 
chance d’être adopté. L'économie de ce projet 
vise l'exercice des fabriques de margarine, l'inter- 
diction de baratter l’oléo avec du lait, de la mé- 
langer avec du beurre et la séparation absolue du 
commerce du beurre de celui de la margarine. 

Les fabricants de margarine sont tout disposés 
à accepler l'exercice el la surveillance de leurs 
usines el toute réglementation ayant pour objet 
d'empêcher la fraude des beurres par la margarine. 
Ils estiment que ces mesures ne peuvent que con- 
Lribuer à éclairer le publie sur la qualité et l’inno- 
cuilé des produits qu'ils fabriquent et à développer 
la consommalion de la margarine, trop souvent 
offerte au public, par les fraudeurs, sous le nom 
de beurre el vendue comme telle à un prix trop 
élevé. 

Maisils considèrent comme équivalente à la prohi- 
bition de la margarine l'interdiction de baratter 
l'oléo avec du lait et la séparation commerciale 


F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 
————————————— e 


qui serait imposée aux débitants, lesquels devraient 
opter entre la vente exclusive du beurre et celle 
de la margarine. 

Le développement de l’industrie de la margarine 
est une des conséquences d'une évolution indus- 
trielle el économique qui ne va pas, évidemment, 
sans léser des intérêts parliculiers, mais qu'une 
société démocratique doit accepter et favoriser dès 
qu'il s'agit de intérêt général; il faut done laisser 
au consommaleur la liberté d'acheter tel produit 
qui lui convient, à la condition cependant que sa 
bonne foi ne puisse être surprise: que le beurre 
qui luiest vendu soit bien du beurre pur, et que la 
margarine lui soil vendue pour ce qu’elle est. 


LIT. — Surrs A FABRIQUE. 


Les suifs qui ne conviennent pas à la fabrication 
des graisses comestibles et les résidus de la fabri- 
cation des premiers jus servent à la fonte des 
suifs industriels désignés sous le nom de Suif aux 
cretons, Suif à l'acide ou Suif de place. 

A côté de ces suifs, qui ont leurs débouchés en 
stéarinerie el en savonnerie, on trouve des suifs 
de colle, de boyauderie, d'équarrissage, des suifs 
d'os, ete. Ces sortes de graisses, qui trouvent leur 
emploi dans la savonnerié ordinaire, sont produites 
par des usines spéciales el ne rentrent pas dans 
les opérations des fondoirs de suif proprement 
dits. 

La préparation du swf «ur crelons n'exige pas 
l'emploi des produits chimiques. Le suif, haché et 
broyé par des machines, est chauffé dans des 
chaudières à feu nu ou mieux à la vapeur libre, ou 
circulant dans une double enveloppe. La graisse 
dégagée sous l’action de la chaleur est séparée 
par décantation, et le résidu de la fonte est sou- 
mis à lPaclion de la presse pour en extraire la 
graisse emprisonnée dans les membranes. Les 
pains ou cretons, résidus de celle pression, sont 
vendus comme engrais azolés. 

Le suif aux cretons est employé par la savonne- 
rie fine et la corroierie: sa fabrication a diminué 
d'importance depuis que beaucoup de savonniers- 
parfumeurs se sont outillés pour fondre dans leurs 
usines le suif en branche destiné à leur fabrica- 
tion, et que Amérique fournit des quantités con- 
sidérables de suifs fondus sans acide, par la va- 
peur directe, comme les suifs Plata, Prim City, 
Western, ele. 

Le principal marché des suifs américains et aus- 
traliens est Londres: en raison de leur qualité el 
de leur prix, ces suifs sont assez recherchés par la 
sléarinerie el la savonnerie et font concurrence 
aux suifs français sur le marché anglais. 

La fonte aux crelons étant d'un faible rendement 
parce que, malgré la pression, on n'arrive pas à 


| 
1 
À 
à 
À 
s 


F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE 


DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 


421 


extraire la totalité des matières grasses retenues 
dans les cretons, le swif de place ou suif à l'acide est 
préparé suivant le procédé indiqué par d’Arcet. 
Après avoir élé hachées et broyées, les graisses 
sont soumises à une ébullition prolongée avec de 
l’eau additionnée d’acide sulfurique à 66 Baumé, 
dans la proportion de un kilogramme par cent ki- 
los de graisse. Sous l’action de l’acide et de la cha- 
leur, les membranes et les cellules graisseuses 
sont dissoutes complètement et la totalité de la 
graisse vient surnager. Elle est décantée dans des 


en acide stéarique et en acide oléique des suifs 
mis en fabrication. 


IV. — IMPORTANCE ET FLUCTUATIONS 
DE L'INDUSTRIE DU SUIF 


Le nombre des fondoirs importants est de 428 : 
mais, si l'on doit comprendre comme fondeurs les 
épiciers en gros, qui fondent eux-mêmes le suif en 
branches et fabriquent la chandelle pour leur elien- 
tèle, le nombre total des fondeurs existant en 
France est un peu supérieur à 4.000. 


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Fig, 6. — Cours moyen annuel du suif de place \. 
jalots en bois, où elle forme, par refroidissement, Nos grands fondoirs, comme les usines de 


des pains de suif pesant 25 kilogrammes ; c’est 
sous celte forme que le suif de place est ordinaire- 
ment livré à la stéarinerie et à la savonnerie, tandis 
que le suif de province est expédié en fûts. 

Le suif de place est vendu sous la garantie du 
titre, qui doil être de 44°,5; la tolérance pour la 
teneur en humidité et impuretés est de 1/2 °/,; 
une teneur plus élevée donne lieu à une réfaction 
sur le prix de vente en faveur de l'acheteur. 

L'introduction de la garantie du titre dans les 
contrats de vente a eu pour effet d'empêcher la 
fraude du suif par addition de graisses inférieures 
dont le titre est toujours plus bas que celui du suif 
de boucherie: c’est ordinairement d’après le titre 
du suif que les stéariniers évaluent le rendement 


MM. Tricoche, Pellerin, le Fondoir Central, ete., ne 
peuvent ètre comparés comme importance aux 
usines similaires établies en Amérique el en Aus- 
tralie. La maison Armour et C°, de Chicago, qui - 
produit la margarine et le suif industriel et les 
peaux pour tannerie et mégisserie, n’a pas son 
égale au monde; son chiffre d’affaires pour l’année 
1893 était de 673 millions de francs. 

Les usines de Swift, Nelson Morris, quoiqueayant 
un chiffre d’affaires moins considérable que la 
maison Armour, sont encore, et de beaucoup, plus 


‘importantes que nos usines européennes. 


! Graphique communiqué par M. Maurice Duclos, courtier 
assermenté. 


Tierçons Frances 


000 


30,000 


29,000 


28,000 


27,000 


26,000 


25,000 


24000 


23,000 


22,000 


21,000 


20,000 


19,000 


18,000 


17,000 


16,000 


15,000 


14,000 


13,000 


12,000 


11,000 


10,000 


9,000 


8,000 


7,000 


6,000 


5,000 


4,000 


3,000 


200 


190 


18 0 


17 0 


60 


50 


#0 


30 


Fig. 7. — Jnporlalions el ventes mensuelles d'oléo-margarine américaine à Rollerdam. 


1883 


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188% 


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1885 


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42% F. ET J. JEAN — L’INDUSTRIE DES 


SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS 


La production de ces fabriques, françaises et 
étrangères, a traversé depuis cinquante ans el 
traverse encore des crises accusées par les varia- 
tions de cours que résume le graphique de la 
figure 6. L'étude des causes qui ont influencé ces 
cours, permet de présager l'avenir réservé à celte 
industrie. 

C'est en 1843 que fut établie la cote officielle du 
cours du suif de place ; son prix moyen était alors 
de 114 francs les 100 kilos. 

À parlir de 1818, le prix du suif, qui avait atteint 
137 francs en 1847, baisse d’une facon continue, 
par suite de la créalion des stéarineries travaillant 
par saponificalion sulfurique et distillation, pro- 
cédé permellant d'utiliser les huiles de palme con- 
curremment avec le suif pour la fabrication des 
bougies stéariques. 

A cette cause de baisse vinrent s'ajouter les im- 
portalions d'huiles de coprah, qui ont trouvé, à 
partir de 1851, des débouchés importants dans les 
savonneries, qui employaient auparavant exclusi- 
vement le suif, 

De 1851 à 1855, les cours augmentent d'une 
façon continue pour atteindre leur maximum, soil 
148 francs(fig. 6). Durant cette période, les cours se 
sont élevés sous l'influence de la spéculation et de la 
guerre de Crimée; puis ils ont subi un mouvement 
de baisse, qui s’est continué et accentué par suite 
des importations de plusen plus considérables des 
huiles minérales, américaines et russes, des huiles 
de palme et de coprah. 

À parlir de 1863, l'importalion des pétroles, qui 
était de 6.000.000 de kilogrammes, va en pro- 
gressant pour atteindre en 1889 le chiffre de 
165.000.000 kilos. En 1864, commencent les em- 
plois industriels de la glycérine, et le cours du 
suif remonte l’année suivante à 114 francs pour 
retomber, en 1869, à 100 francs (fig. 6. 

En 1870, il revient à 114 francs; mais alors 
interviennent, en 1873, les d’accise de 
30 francs sur la bougie stéarique. Les effets de ce 
droit se font sentir d’une facon désastreuse pour 
celte industrie, et, sur 50 stéarineries existant à 


droits 


celte époque, 19 cessent leur fabricalion, el le 
cours du suif descend à 92 francs. 

En 1875, la spéculation fait remonter le cours à 
100 francs: mais il ne larde pas à descendre à 
S1 francs sous lPimportalion des pétroles, qui 
atteint à celte époque 63.000.000 de kilogrammes, 
alors qu'en 1873 elle n'était que de 45.000.000 de 
kilos. 

A la suite du dégrèvement du droit de à francs 
sur les savons (mars 1878), de la diminulion mo- 
mentanée de l'importation des pétroles et de l’ex- 
tension considérable prise par les emplois indus- 
triels de la glycérine, notamment dans la fabrica- 


lion de la dynamite, le cours du suif remonte à 
102 francs, el le prix de la glycérine, produit 
secondaire de l'industrie stéarique, s'élève de 90 à 
205 francs. 

C'est à celle époque que l'industrie stéarique 
atteint son maximum de production, soil 30.116.000 
kilogrammes (fig. 6); la production de la glycé- 
rine augmente également el son exportation aux 
États-Unis atteint 3.500 tonnes. 

A partir de 1885, le cours du suif descend gra- 
duellément pour arriver à 56 francs, sous l'influence 
de la crise commerciale, de l'importation des 
pélroles, qui s'élève à 126.000.090 de kilogrammes, 
et du développement de la consommation de la 
bougie de paraffine à l'étranger ; aussi la produc- 
duction de l'industrie sléarique descend-elle à 
27.000.000 de kilogrammes après avoir élé de 
30.000.000 en 1882. 

En 1886, les fondeurs, devant la baisse continue 
du suif industriel, s’oulillent pour la fabrication 
des suifs comestibles et paient le suif frais un prix 
plus élevé ; d'où relèvement des cours du suif à 
fabrique qui remonte en 1888 à 66 francs (fig. 6et8). 

En 1892 et 1893, les cours remontent d'une façon 
continue jusqu à 90 francs ; cette reprise, due à des 
causes passagères, lelles ‘que le drainage du suif 
comeslible, ramassé par les Américains pour la 
fabrication des saindoux faclices, de la grande 
sécheresse de l'année 1893 et de la diminution des 
imporlalions d'huiles de palme et de coprah, ne se 
maintient pas longtemps, et en 1894 Île cours 
retombe à 56 francs pour ne plus se relever, la pro- 
duction de la stéarine ayant diminué d'un tiers par 
rapport à l’année 1893. 


L'octroi de Paris ayant décidé, en ces derniers 
temps, d'imposer les graisses comestibles conte- 
nant des huiles végétales au larif de la matière la 
plus imposée, soit 48 francs les cent kilogrammes, 
comme pour les huiles comestibles, la fabrication 
de ées produits se trouve singulièrement entravée. 
Ces graisses à bon marché ne peuvent, en effet, 
supporter des droits aussi élevés, et les fabricants 
seront contraints de renoncer à loule addition 
d'huile, si cette application des droits estmaintenue 
et s'étend aux villes qui ont prévu des droits d’oc- 
troi sur les huiles comestibles. Celte question ne 
laisse pas d'être fortennuyeuse pour les fabricants ; 
car si on supprime l’addilion d'huile dans la mar- 
garine, onoblient une pâte cassante, el le produit 
ne répond plus aux désiderala du consommateur. 

Ces nouveaux droits sont une source de contes- 
tations continuelles entre la Ville et les fabricants, 
qui prétendent qu'on les oblige à payer des droits 
pour des produits ne contenant pasd’huile végétale, 
alors que, par contre, le Laboratoire Municipal 


k 
“ 


déclare ces mêmes produits huilés : d'où gros 

_ procès. Un fabricant de margarine a actuellement 
un procès de 98.000 francs avec la Ville, et un 
fabricant de saindoux a dû verser 50.000 francs 
pour droits en litige. 

La crise que subitactuellement l'industrie du suif 
est certainement la plus grave qu'elle ait supportée 
depuis 1843. Les cours du suif tombent d'une 
façon effroyable; le suif de place, coté 56 francs 
en mars, est tombé en avril à 51 francs; on prévoit 
même des prix encore plus bas pour les mois 
suivants, et rien ne fait présager un relèvement 
ultérieur des cours. 


Comme en France, l'industrie du fondeur de suif 
subit, en Amérique, une crise fort grave, crise due 
à la surproduction du suif à fabrique; et surtout 
due à la mévente des oléos. 

Les oléos américaines expédiées à Rotlerdam 
trouvaient, jusqu'en 1893, des débouchés considé- 
rables sur notre marché; mais les droils protec- 
teurs de 20 francs par 100 kilos qui ont été établis 
- lors de l'élaboralion du nouveau régime douanier, 
ont eu pour effet de fermer le marché français aux 
oléos américaines; d’où surproduction sur le mar- 
ché hollandais, et malgré les bas prix pratiqués, 
le stock d'oléos américaines s'’augmente d'une 
façon formidable (fig. 7 et 8). 

Les droits de surtaxe de 3 fr. 50 sur le poids brut 
{ce qui fait 5 francs sur le poids nel) des suifs ne 
venant pas, en France, directement de leur pays 
d'origine, n'ont pas élé sans porter un préjudice 
sérieux aux suifs américains, dont le principal 
marché est à Londres. Si ces droits ont eu pour 
effet de protéger un peu notre suif indigène, ils 
ont une influence néfaste pour la savonnerie fine, 
qui s’approvisionne à Londres. On ne trouve pas, 
en France, des suifs ayant les qualités des suifs de 


REMARQUES SUR L'INDUSTRIE DU SUIF 425 


La Plala, tant au point de vue de la régularité de 
la qualité, que des prix. Les suifs américains et 
australiens ont un prix de vente différent selon 
qu'ils sont beaux, ordinaires, elc.: ainsi, le meilleur 
mouton est coté 62 fr. 50; le beau, 58 fr. 75: l’ordi- 
naire, 7 francs. 

Il en est de même pour les suifs de bœuf; ainsi 
le « meilleur bœuf » vaut 57 fr. 80, alors que le 
« bon » vaut 54 fr. et l «ordinaire » vaut 53 fr. 


De cetle élude des fluctuations subies par le 
cours du suif, il ressort que, depuis 50 ans, la valeur 
commerciale du suif de place, qui sert de base aux 
transactions qui se font sur les malières grasses, a 
diminué de un franc par kilogramme. Les princi- 
paux facteurs qui ont contribué à abaisser la valeur 
commerciale de celte matière première sont : le 
dégrèvement des droits sur le pétrole (février 93), 
l'extension de plusen plus grande qu'a prise l’éclai- 
rage par le gaz, l'électricité, les bougies de paraf- 
fine et l'huile minérale, l'emploi des huiles de 
palme, des suifs végétaux de Chine dans l'industrie 
stéarique, des huiles de coprah dans la savonnerie. 
et la surproduction de la glycérine, résultant du 
traitement des lessives de savonnerie, 

Si l’on ajoute qu'à la suite de la guerre de 1870-71 
des stéarineries importantes se sont créées à l'Etran- 
ger, là où la France exportait de la stéarine et des 
bougies, et que les droits de 30 franes qui pèsent 
depuis 4873 sur la bougie stéarique sont absolument 
néfastes pour cette industrie, on voit que la dépré- 
ciation de la valeur commerciale du suif ne peut 
être enrayée que par le développement de l’indus- 
trie des suifs comestibles, qui ouvre au suif frais 
des débouchés importants à des prix rémunéra- 
Leurs pour Péleveur. 


Ferdinand el Jules Jean. 


REMARQUES SUR L'INDUSTRIE DU SUIF 


Depuis que les recherches de Chimie organique, 
qui ont fondé la théorie des fonctions, ont établi la 
constitution de la glycérine et de ses éthers, ces 
corps semblent peu attirer l'attention des savants. 
Après avoir retracé l’histoire, justement célèbre. 
de ces composés, les professeurs ne leur accordent, 
dans les cours, qu’une descriplion sommaire, et 
les jeunes gens qui préparent des thèses de Chimie 
organique en vue du doctorat ès sciences semblent 
dédaigner ce groupe de substances si communes. 
Lacomplexité de ces corps donne pourtantà penser 
qu'ils sont encore loin d’avoir livré leurs derniers 
secrets. Mais on dirait que la science subit, comme 
la vie mondaine, les caprices de la mode; celle-ci 


détourne aujourd'hui les chercheurs dessubstances 
vulgaires, au grand détriment de nos indusliries, 
nécessairement fondées sur l'emploi de malières 
très répandues. Oublierail-on l'immense intérêt 
qu'ont eu pour la philosophie chimique ces.admi- 
rables travaux de Chevreul qui, nousmontrant des 
mélanges dans les graisses naturelles. ont introduil 
dans la science la notion de principes immédiats, el 
créé, du mème coup, l'industrie stéarique ? 

MM. F. et J.Jean ontrappelé, dansl'article qu'on 
vient de lire, les savantes investigationsde Darcet, 
qui ont conduit au procédé de fonte à l'acide, el 
les idées qui ont guidé Mège-Mouriès dans la pré- 
paralion de la margarine. On ne saurait trop allirer 


426 


REMARQUES SUR L’INDUSTRIE DU SUIF 


les savants vers ces grands problèmes del'industrie, 
qu'ils ne pourront éclairer sans réaliser, en même 
temps, un grand progrès scientifique. 

Peut-être les professeurs de nos Facultés porte- 
raient-ils davantage sur ces questions leur alten- 
tion et celle de leurs élèves, siles programmes de 
la licence ès sciences physiques exigeaient, dans 
une plus large mesure, la connaissance des opéra- 
tions industrielles tributaires de la Physique et de 
la Chimie. Il est regrellable, #ême pour la science 
pure, que l’on puisse obtenir le diplôme de licencié 
en n'ayant étudié que dans les livresla fabrication 
du savon, des bougies, du gaz, du phénol, des ma- 
tières colorantes, du verre, de l'acier, etc. La vi- 
site des usines, l'étude, sur place, des procédés de 
fabrication, sont éminemment suggessives el 
devraient, à notre avis, s'imposer aux candidats 
comme conséquence indirecte du détail et de la 
précision des questions inscriles au programme 
de l'examen. 

Quoi qu'il advienne de ces vœux, il ne semble 
pas inulile, — limitant nos observalions au sujet 
particulier qui vient d’être traité ici, — de faire 
remarquer le haut intérêt que présenterait, sans 
aueun doute, pour lu Science et pour l'Industrie, V6- 
tude méthodique des questions suivantes : 

Quiconque a un peu éludié la Chimie aura été 
frappé, à la lecture de l’article de MM. F. et J. 
Jean, de l'écart qui semble exister entre certains 
produits industriels et les principes immédiats 
qu'on à coutume de montrer dans les cours. Si 
nous ne nous trompons, nos manuels classiques 
ne mentionnent pas l'oléo. La description qu'en 
donnent MM. Jean indique bien que celte subs- 
tance se rapproche beaucoup de l'oléine ou oléate 
de glycérine. Mais quels sont, au juste, les rapports 
de ces deux matières? La Science et l'Industrie 
seraient, au même titre, intéressées à le savoir. 
Il ne serait pas moins important de définir chimi- 
quement l’oléo-margarine, d'en fixer la nature et 
le procès chimique de formation. 

Ajoutons qu'à l'heure actuelle or ignore la cons- 
titution exacte de la margarine. On ne sait si la 
substance qualifiée d'acide margarique el qui 
parait répondre à la formule brute CH*0°, re- 
présente un seul acide où un mélange de subs- 
tances voisines. Les phénomènes chimiques qui 
se produisent dans la fabrication de la margarine 
sont encore entourés d’obseurité. 

Le mécanisme intime des réactions qui, au cours 
des opérations industrielles, conduisent des acides 
stéarique, oléique et palmitique à leurs dérivés 
poly etory, est très mal connu. Dans les transactions 
commerciales il est nécessaire de tenir compte de 
ces derniers acides ; on y parvient au moyen de la 


cool, dont ils décolorent une quantité proportion- 
nelle aux lacunes (ou désaturations de carbone) 
qu'ils contiennent; mais, outre celte indicalion, 
facile à obtenir, il serait très utile de préciser les 
relations de réaction de ces divers composés et 
la façon dont ils se comportent sous l'influence du 
traitement industriel. On n'a sur ce sujet que de 
vagues aperçus. 

Signalons enfin les services que rendrait à l'in- 
dustrie des conserves alimentaires l’étude chimi- 
que et microbiologique dessuifs etdeleurs dérivés. 
On sait quels soins tout spéciaux imposent à cette 
industrie les graisses unies aux viandes à conserver. 
Les points de fusion, en général très peu élevés, 
des corps gras exigent des condilions particulières 
de préparalion, et entrainent cette conséquence 
fâcheuse de la fonte spontanée de la graisse à l’in- 
térieur de la boite de conserve dans les pays chauds, 
Ne pourrait-on oblenir des principes immédiats 
du suif quelque dérivé à point de fusion relative- 
ment élevé ? j 

Cette question du rôle de la graisse dans les con- 
serves est extrêmement importante, en raison de 
la facilité avec laquelle la saponifient d'une part 
diverses levures et moisissures, d'autre part les jus 
abandonnés par les viandes et les légumes. L'ac- 
lion même des graisses sur les parois de la boîte 
ou du vase de conserve mérite toute attention : les 
boites mélalliques contenant du cuivre, les pote- 
ries vernissées au sulfure de plomb décomposent 
lentement les graisses; il se forme des stéarates 
el des oléates de cuivre et de plomb, lrès vénéneux. 


Indépendamment de ces questions qu’il impor- 
terait de mettre à l'étude, il semble intéressant de 
considérer la facon dont la science intervient ac- 
tuellement dans l’industrie du fondeur de suif. 

Les transactionssurles matières grasses reposent 
sur la détermination du /i/re, d'après le procédé 
du chimiste Bouis, et les tables dressées par Dalican 
et EF. Jean permettent aux sléariniers de se rendre 
compte du rendement de leurs suifs en acides 
sléarique et oléique et en glycérine. 

Les fondoirs n’occupent pas de chimistes; les 
contremaitres sont, en effet, au courant des opé- 
“ations nécessitées pour la déterminaison du titre: 
et vendeurs et acheleurs font eux-mêmes cette 
délermination. Ce n'est qu'en cas de désaccord 
entre vendeur et acheteur que les fondeurs ont 
recours à des chimistes acceptés par le Syndicat 
des Corps Gras et de la Stéarinerie ?. 

Depuis que l’oléo a pris une grande extension, 


1 Les laboratoires qui s'occupent spécialement de recher- 
ches sur les corps gras sont ceux de MM. d’Eudeville, Mil- 
lian et Jean (d'Eudeville à Paris, Jean à Paris, Millian à 


liqueur de Hubl, solution litrée d'iode dans l’al- | Marseille). 


PPTT TR 


REMARQUES SUR L’INDUSTRIE DU SUIF 


par suite de son emploi en margarinerie, il se 
produit une énorme quantité de suif pressé, à 
haut titre, que l’on mélange souvent avec des 
graisses de qualité inférieure pour les ramener au 
litre du suif de place, soit 4%5. Ces suifs n’ont 
plus la composition du suif pur de la boucherie; 
bien qu'ils en aient le titre; et il arrive fréquem- 
ment que leur emploi en sléarinerie donne lieu à 
de graves mécomptes. D'autre part, dans les mo- 
ments où la glycérine atteint des prix élevés, on 
peut livrer à la stéarinerie des suifs déglycérinés 
en parlie, sans que l'acheteur soit mis en garde 
contre cette manœuvre, puisque le titre ne l’indique 
pas. Nous estimons donc, —- d’après les renseigne- 
ments qui nous ontété fournis à ce sujet —, que la 
stéarinerie aurait grand intérêt à exiger le contrôle 
du titre par d’autres méthodes, au lieu de s’en rap- 
porter uniquement au titrage, quine donne qu'une 
garantie relative ”. 

_ Les falsifications des suifs se font avec du sel 
marin, du plàtre, de l'alun, de la chaux, du carbo- 
nale de soude, de la fécule. L'analyse chimique 
etl'examen microscopique servent à les déceler. 

L'industrie recourt aussi aux chimistes pour 
dépister les fraudes relatives à l'emploi de la 
margarine dans la falsification des beurres. 

En 1887 fut promulguée la loi réglementant 
la vente de la margarine, loi qui oblige le ven- 
deur à éliqueler ses produits el à ne vendre 
la margarine que pour ce qu'elle est. (Loi du 
1% mars 1887. 

Cette loi ne peut ètre appliquée qu'avec le 
concours du chimiste. À Paris, le Laboratoire 
Municipal est chargé du contrôle des beurres: en 
province cette tâche est dévolue soit aux labora- 
Loires municipaux, soit aux Stations agronomiques. 
Les laboratoires particuliers sont généralement 
chargés des contre-expertises. Certains chimistes 
se sont spécialisés pour cette question ?. 

Jusqu'en ces derniers temps (1890), l'analyse 
des beurres et la recherche des falsifications étaient 


1 La détermination du titre a une grande importance pour 
estimer la valeur du suif; voici, à ce sujet, l'indication que 
nous communique un spécialiste très autorisé : selon qu’un 
suif titrera plus ou moins de 44°5, le vendeur subira une 
réfaction de 0 fr. 50 par 100 kilogr. ou une augmentation équi- 
valente, sison suif titre plus de 4405; un suif titrant 4405 
vaut 53 fr. 70, un suif titrant 45 degrés vaut 55 fr. 60, un 
suif titrant 46 degrés vaut 56 fr. 50. 

2 MM. Lhôte, Magnier de la Source, Jean, pour Paris; 
M. Lescœur à Lille, 


te 
19 
à) 


choses peu aisées. Il résulte, en effet, de très nom- 
breuses recherches poursuivies en France et à 
l'Etranger, que la composition des beurres peut 
varier dans des limites assez larges selon leur 
origine, et il est bien. établi, maintenant, que. 
selon la race des vaches, le genre d'alimentation, 
la date de parturition, etc., les beurres renferment 
des quantités d'acides gras fixes et volatils, qui se 
traduisent à l'analyse par des maxima et minima: 
l'expert est donc exposé à déclarer purs des 
beurres fraudés, et vie versa, lorsque la fraude 
a été praliquée assez habilement pour que le 
mélange donne des résultats restant compris dans 
les limites observées pour des beurres naturels. 
ainsi que cela a élé démontré par les travaux de 
MM. Helnner, Angel, Bachmeyer, Reichardt, Ma- 
gnier dela Source. Jorissen, Wauthers, Jean, Zune. 

Depuis 1890, la question de l’analyse des beurres 
anotablement progressé.et lechimiste,en effectuant 
les déterminations indiquées par le Congrès inter- 
national de Chimie de Bruxelles, telles que celle 
de la densité, l'examen au microscope, la déter- 
mination de la réfraction à l'oléoréfractomètre de 
MM. E. H. Amagat et F. Jean, de l'indice de sapo- 
nification, du chiffre d'acides volalils, peut aujour- 
d'hui reconnaitre la fraude, dans la très grande 
majorité des cas. 

En outre des méthodes chimiques mises en 
œuvre pour dépister les falsificalions du beurre 
naturel par la margarine, on a quelquefois signalé 
la possibilité de distinguer, au moyen du micros- 
cope, la margarine naturelle du beurre et la mar- 
garine artificiellement introduite dans cet aliment. 
Les cristaux des deux sortes de margarines seraient 
un peu différents. 


On voit par là combien de recherches d'ordre 
scientifique s'imposent à l’industrie et au com- 
merce du suif, pour en assurer le progrès et le 
développement. L’associalion syndicale des fon- 
deurs lui rendrait évidemment un service inesti- 
mable en prenant l'initiative de tels travaux : il 
lui appartient d'instituer plus qu'un service régu- 
lier d'analyse et d'inspection : l’organisation sys- 
tématique de travaux de science pure qui, portant là 
lumière sur la chimie des suifs et de leurs produits 
d'extraction, auraient pour conséquence le per- 
fectionnement industriel. 


Louis Olivier. 


128 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


DEUX NOUVEAUX EXPLOSIFS DE GRANDE PUISSANCE — LE FREIN A AIR GENETT — LE SÉPARATEUR SWEET 


L'arsenal des substances explosives vient de s’enri- 
chir de deux composés dont la puissance de destruction 
semble incomparable. Ces corps dérivent, lun et 
Pautre, du nitrométhane. 

On sait que le gaz des marais ou méthane, CH#, en 
échangeant l’un de ses quatre atomes d'hydrogène 
contre le radical AzO? de l'acide nitrique, produit le 
nitrométhane : CH3AzO?., Ce corps, formé avec ab- 
sorption de chaleur, ainsi que la plupart des composés 
de l'azote, se décompose comme eux en reslituant au 
monde extérieur l'énergie accumulée dans sa molé- 
cule, Il se rattache ainsi à la classe des substances 
qualifiées d’explosives, Or, récemment, l’un des répré- 
sentants les’plus éminents de la science chimique en 
Allemagne, le Pr Victor Meyer, a obtenu, à l’état de 
purelé, un dérivé sodé du nitrométhane ! dont le pou- 
voir détonant parait dépasser tout ce que l’on avait 
jusqu'à présent pu concevoir. Ce dérivé vient d'être 
étudié par M. Zelinsky, professeur de Chimie à l'Uni- 
versilé de Moscou ?. 

Le nouveau corps résulle de la substitution d’un 
atome de sodium à l’un des trois atomes d'hydrogène 
du nitrométhane : 

CH“ CHSAzO? 
Méthane Nitrométhane 


CH?NaA70? 


Nitrométhane sodé 


Pour le préparer, M. V. Meyer dilue dans de l’éther 
ordinaire une certaine quantité de nitrométhane, puis 
ajoute, en solution alcoolique, le corps qui résulte de 
l’action du sodium sur l'alcool (éthylate de sodium). 11 
se forme un précipité, qu'on lave à l'éther, puis qu'on 
dessèche ensuite au moyen de l'acide sulfurique 
concentré, La composition centésimale de ce corps 
répond à la constitution moléculaire CH?NaAzO® citée 
ci-dessus. Ce composé, comme on voit, est anhydre. 
L'emploi de la soude alcoolique, au lieu d’éthylate de 
sodiam, ne conduit, au contraire, qu'au dérivé hydraté. 

Mème sous cette dernière forme, le nitrométhane 
sodé est un corps délonant. Chauffé au bain-marie sur 
un verre de montre, il perd son eau d’hydratation, et 
tout à coup le composé déshydralé explode avec une 
grande violence. Si, à l’aide d’une baguette de verre, 
on vient à toucher une parcelle du composé anhydre 
déposée dans une éprouvette légèrement chauffée, 
l'explosion est telle qu'elle pulvérise l'éprouvette. 

M. A. E. Tutton rapporte, dans un récent numéro du 
journal anglais Nature *, l'expérience suivante, faite 
par M. Zelinsky: On prend un verre de montre de 
grande dimension ou une forte plaque de métal; on 
arrose ce verre ou celte-plaque de minuscules gouttes 
d’eau, puis on y laisse tomber un très petit morceau de 
nitrométhane sodé, Au bout de quelques secondes, si 
la quantité d’eau n’a pas été excessive, il se produit 
une détonalion assourdissante avec flamme et épais 
nuage de fumée. Onatteint aussi ce résultat sans recours 
à l’eau, en frappant le corps à l’aide d’un objet dur sur 
Ja plaque tout à fait sèche, 

M. Nef, à qui l’on doit quelques dérivés des nitropa- 
raffines, avait déjà, comme le remarque M. Tutton, 
signalé l'instabilité du dérivé sodé et l'éventualité de 
l'explosion spontanée de ce corps #, M. Zelinsky vient 


1 Berichle der Deulschen 
n° 1610. 
2 Ibidem. E 
3 Numéro 1318, vol. 51, 1895. 
5 Annalen der Chemie, 280, n° 273. 


Cliemischen Geselschaft, 27, 


aujourd'hui compléter celte indicalion, en constatant 
que l’explosion résulte {toujours du contact du composé 
anbydre avec une toute petite quantité d’eau. Par mé- 
sarde, nous dit le savant chimiste auquel nous ‘em- 
pruntons ces détails, un des aides de M. Zelinsky avait 
placé environ 5 grammes de nitrométhane sodé dans 
un récipient de verre dont les parois étaient un peu hu- 
mides. Il en résulla soudain une explosion lerrible qui 
brisa tous les appareils placés sur la table; la vague 
atmosphérique ainsi produite éteignit du coup tous les 
becs du laboratoire. 

Le procédé imaginé par M. V.Meyer, pour infroduire 
le sodium dans la molécule du nitrométhane, peut servir 
aussi à y faire entrer, au lieu de sodium, du potas- 
sium. En employant, à cet effet, l’éthylate de potas- 
sium, M. Zelinsky a obtenu un dérivé potassique du 
nitromélhane, dont la conslitution est exprimée par la 
formule CH?2KA70°. 

Ce corps est encore plus instable que le dérivé sodé, 
Quand on l'isole, il explode spontanément à la tempé- 
ralure ordinaire. À mesure que, pour le préparer, on 
verse la solution alcoolique d’éthylate de potassium, on 
voit le nitrométhane potassique se précipiter en cris- 
taux parfaitement définis. Mais la forme cristalline ne 
tarde pas à disparaitre, et le corps devient amorphe. 
Si l’on essaie de le séparer du liquide par filtration, 
une explosion se produit invariablement dès que le 
composé à perdu la plus grande partie de la solution- 
mère. 

En résumé, les expériences de M. Zelinsky nous 
montrent, dans les dérivés sodique et potassique du 
nitrométhane, deux corps dont la puissance explosive 
paraît tellement formidable qu'elle empêchera peut-être 
de les utiliser dans l'industrie ou à la guerre. Comment 
oser manier, autrement qu'au laboratoire et avec d’in- 
finies précautions, des corps dont le moindre choc 
provoque la rupture avec un tel dégagement d'énergie ? 


Pour toutes les voitures et notamment pour celles 
des. tramways, pour les véhicules comme pour les 
monte-charges et les élévateurs, qu'on met en mouve- 


ment sans en surveiller la marche, la question des: 


freins est devenue de première importance. On de- 
mande à ces appareils d’abord d'assurer la sécurité du 
système, ensuite de n'être que très peu compliqués. 
Le frein que la Genett Air Brake Company vient de 
créer mérite à ce titre d’être décrit ici. k 

Ce frein, destiné surtout aux tramways, peul, avec 
quelques légères modifications, s'appliquer aussi aux 
ascenseurs, Une pompe à air, portée par le châssis de 
la voiture, est actionnée par un excentrique placé sur 
l'un des essieux (1 et 2, fig. 1) !. A la partie inférieure 
de cette pompe 1 et sur le côté, se trouve un petit 
cylindre régulateur dont le piston intérieur (et non vi- 
sible sur la figure) est sollicité par deux forces : l’une, 
due à Pair comprimé, s'exerce de bas en haut; l'autre 
est produite par un ressort antagoniste dont on règle 
la force à volonté au moyen d’une vis. Ce cylindre régu- 
lateur est en communicalion avec un réservoir inter- 
médiaire (6). Tant que la pression de Pair n°y a pas 
atteint une valeur déterminée à l'avance, la pompe 
fonctionne; au contraire, dès que l’on dépasse celle 
pression-limite, le ressort antagoniste cède et le piston 


1 La description est faite d'après Lngineering, auquel nous 
avons emprunté nos figures. 


 d'étèn dt 


hat ls de dns int bé 


CNRS PEN CR 


: 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 129 


s'élève, entraînant avec lui, au moyen de sa tige, un 
étrier et deux soupapes placées à la partie supérieure 


de la pompe-à air. Celle-ci cesse alors de fonctionner, 


La Genett Air Brake Company a récemment intro- 
duit dans sen frein quelques perfectionnements qui 
sont représentés dans la figure 2. Le principe et le 


Fig. 1. — Délails du frein à air Genetl. — 1. Pompe à air. — 2, Excentrique actionnant la pompe 1. — 
3. Robinet de frein. — 4. Cylindre de frein. — 5. Réservoir principal. — 6. Réservoir intermédiaire. 


son piston se mouvant, pour ainsi dire, dans l’air libre. 
L'action du régulateur est assez sensible pour que le 
moindre abaissement de la pression dans le réservoir 
intermédiaire remette la pompe en action, même 
quand il ne faut qu’un seul coup pour atteindre de 
nouveau la pression-limite. Au commencement d’un 
voyage, la pression est celle de l'atmosphère; mais, 
après une centaine de mètres de parcours, elle atteint 
15 kilos, et lorsque, après un arrêt, cette pression est 
diminuée de { ou 2 kilos, il ne faut pas plus de 12 mè- 
tres pour la rétablir. 

Le robinet de frein (3) est susceptible d’être mis en 
communicalion : 

1° Avec le réservoir intermédiaire (6); 

2 Avec le réservoir principal (5) ; 

3° Avec le cylindre de frein (4); 

4° Avec un tuyau d'échappement (nou visible sur la 
figure). 

L’énumération des quatre positions que ce robinet 
est susceptible d'occuper fera comprendre aisément son 
fonctionnement : 

La première position met encommunication le réser- 
voir intermédiaire et le réservoir principal et permet à 
la pompe de les remplir d’air à la pression désirée. 

En tournant le robinet à sa seconde posilion, on re- 
lie le réservoir principal au cylindre de frein, dont on 
provoque ainsi le fonctionnement, En même temps, le 
réservoir intermédiaire se trouve isolé et conserve sa 
pleine pression. 

Pour désarmer le frein, on tourne le robinet à sa 
troisième position : on intercepte ainsi toute commu- 
nication avec les réservoirs et on relie le cylindre de 
frein au tuyau d'échappement. Comme jusqu'ici le ré- 
servoir intermédiaire est resté à la pression normale, 
la pompe à air ne fonctionne pas, ce qui évite de don- 
ner à la voiture un supplément de charge au moment 
du démarrage. C’est seulement après celui-ci, que le 
conducteur ramène le robinet à sa première position. 

Enfin, pour enlever la poignée du robinet, il faut l’a- 
mener à sa quatrième position, qui rompt absolument 
toutes les communications. 


fonctionnement de l'appareil restent les mémes; mais 
la tige d’excentrique est excessivement réduite, et ce- 
lui-ci est enfermé dans une caisse que l’on remplit 


Fig. 2. — Elévation el plan du frein à air Genell 
perfeclionné. 


d'huile. On a ainsi l'avantage de préserver l'appareil 
de la poussière et d'assurer un graissage parfait. 


La vapeur qui arrive dans les cylindres des machines, 
contient toujours un peu d’eau entraînée avec elle. Cette 
eau, s'accumulant dans les cylindres, occasionne, en 
raison de son incompressibilité, le phénomène dit du 
coup d'eau. Ce coup d’eau, véritable choc sur le fond du 


130 ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


cylindre, porte une atteinte constante à la solidité des 
organes. Aussi a-t-on, depuis longtemps, cherché à 
supprimer celte adduction d’eau liquide, lors de l’ad- 
nussion de la vapeur, Les appareils imaginés dans ce 
but portent le nom de séparatewrs Celui que représen- 


subit de direction et se sépare de la vapeur pour 
tomber au fond de la cage de l'instrument. 

D'ailleurs, pendant tout le trajet de la vapeur, les 
choses sont arrangées de telle facon que l'eau soit 
entrainée aussitôt après sa séparation. Toute celle qui 


Fig. 1. 


— Séparalew: d'eau pour machines à vapeur. 


Fig: Aret:2: 


A, support du cylindre; -B, cylindre de la machine: 


tent les figures 4 et 2 ! a extérieurement la forme du 
cylindre, et est construit de telle facon que la section 
de passage offerte à la vapeur soit toujours égale à 
celle de la conduite d'arrivée. Ainsi qu'on le voit par 
É s flèches ble anches de la figure 2, la vapeur arrive par 
la partie supérieure et pénètre d’ abord en descendant, 
puis fait une courbe brusque. La puissance de sé para- 
tion, si nous pouvons nous exprimer ainsi, semble être 
en raison inverse du rayon de ce coude. L’ eau entrainée 
se refuse, par suite de son inertie, à ce changement 


1 American machinist. N° du 20 décémbre 1894. 


— À gauche (fig. 1), 
C, bäti entourant la 
forme de cylindre vertical, le séparateur D, pourvu de ses accessoires. — A droite (fig. 
sur lequel s'écoule l'eau de la surface intérieure de la conduite d'arrivée ; 


Fig. 2. 


appareil complet 


placé sur un cylindre . 
glissière ; 


sur le cylindre B est monté, sous 
2), coupe du séparaleur. À, cône 
B, crible recouvrant le toit C. 


est contenue à la surface intérieure de la conduite 
d'arrivée s'écoule sur le cône A et se rend directement 
à la chambre à eau, 

Le courant de vapeur, à son entrée dans le séparateur, 
frappe un toit conique formé d’une plaque de métal C, 
recouverte d'une sorte de crible B, que l’eau traverse 
dans un seul sens; par conséquent, il est impossible à 
toute goutte d'eau séparée de la vapeur de venir S'y 
mêler une seconde fois. La surface intérieure du sépa- 

rateur est recouverte d’un crible semblable à celui du 

petit toit supérieur. Une fois qu'une goutte à traversé 

ces cribles, elle s'écoule directement à la chambre à eau. 
À. Gay, 


Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, 


4 es 


TD ET) M 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 431 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


11 Sciences mathématiques. 


Niewenglowski (B.), Professew: de Mathématiques 
spéciales au Lycée Louis-ie-Grand, membre du Conseil 
supérieur de l’Instruction publique. — Cours de Géo- 
métrie analytique, à l'usage des élèves de la Classe de 
Mathématiques spéciales et des candidats aux Ecoles du 
Gouvernement. Tome I. Sections coniques. — 1 vol. 
grand in-8° de 483 pages (Prix : 10 fr.). Gauthiers- Vil- 
lars et fils, Paris, 1895. 

Le nouvel ouvrage de M. Niewenglowski n'est que le 
premier volume d’un cours de Géométrie analytique qui 
en occupera {rois. À en juger par l'étendue de ce vo- 
lume, on se figure aisément le degré de développement 
qu'atteindra le cours complet, qui comprendra non 
seulement les connaissances exigées des candidats à 
l'Ecole Polytechnique ou à l'Ecole Normale, mais da- 
vantase encore, l'auteur n’entendant pas se limiter aux 
seules théories prescrites par les programmes, Les 
queslions étrangères sont, d’ailleurs, distinguées par 
une impression en caractères plus petits. La géométrie 
plane fait l’objet des deux premiers volumes; le.troi- 
sième sera consacré à la géométrie à trois dimensions. 

Le tome I, seul paru, est divisé en vingt chapitres et 
est intitulé « Sections Coniques ». A vrai dire, il contient 
la ligne droite, le cercle, la partie essentielle de la 
théorie des coniques, la théorie des tangentes et celle 
des enveloppes, la transformation par polaires réci- 
proques. On y trouve, et au delà, ces notions, ces 
aperçus qui, sans appartenir vraiment aux programmes, 
ouvrent des horizons à l'élève laborieux et contribuent 
si souvent à en faire un lauréat. Des applications choi- 
sies et de nombreux exercices proposés permettent 
l'assimilation rapide des théories. Les questions sont 
fréquemmment résolues par plusieurs méthodes. Le 
dernier chapitre, qui est l'étude des sécantes com- 
mures à deux coniques, est concu d’après les idées 
développées par M. Kænigs dans ses lecons de l’agré- 
gation mathématique : c’est dire que l'ouvrage est au 
courant des derniers progrès. 

Une place importante a été réservée aux coordon- 
nées trilinéaires et aux coordonnées fangentielles. L'au- 
teur introduit ces dernières avec toute la discrétion 
que comporte un pareil cours : les considérant à peine 
dans la théorie de la droite et dans celle des tangentes, 
c'est seulement après la transformation par polaires 
réciproques qu'il en donne les principales applica- 
tions, alors que cette transformation en permet une 
interprétation lumineuse. 

L'ordre adopté est celui qui convient le mieux aux 
débutants, Mais, comme le déclare l’auteur lui-même, 
cet ordre n’est pas nécessaire, et rien n’empêchera 
d'étudier, avant les coniques, les généralités relatives 
aux courbes planes, 

Les définitions sont posées avec netteté et précision, 
à commencer par celles qui concernent les questions 
de sens, d'orientation, souvent troublantes pour les 
commençants. Les procédés sont symétriques, l'exposi- 
tion très méthodique. Si j'ajoute que MM. Gauthier-Vil- 
lars ont imprimé l'ouvrage avec leurs soins habituels, 
j'aurai dit, je pense, qu’il constitue an bon guide pour 
s'acheminer vers l'Ecole Polytechnique, vers l'Ecole 
Normale, ou même vers des examens d’ordre supé- 
rieur. G. FLoQuer. 


Eberhard (D V.), Professor au der Universität zu Ko- 


nigsberg in-8°. — Uber die Grundlagen und Ziele : 


der Raumlehre. — 1 broch. de XXX pages. B. G. 
Teubner, éditeur, Leipzig, 1895. 


Cartan (Elie), Préparateur à l Ecole Normale supérieure. 
— Sur la Structure des Groupes de transforma- 
tions finis et continus. Thèse pour le doctorat de Wu 
Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol. in-8° de 156 p. 
Librairie Nony et Cie, 17, rue des Ecoles. Paris, 189%. 


On sait l’analogie profonde qui existe entre un 
groupe l, (groupe de M. Lie) de transformations fini 
et continu, et un groupe Fl; (groupe de Galois et de 
M. Jordan) de substitutions, La structure de F, c’est-à- 
dire la facon dont se comportent vis-à-vis les uns des 
autres les sous-groupes contenus dans F', fournit l'i- 
mage exacte des propriétés : 


pour [;, d’un système S d'équations aux dérivées par- 
tielles du premier ordre ou aussi d’une équa- 
tion différentielle linéaire (recherches de 
MM. Picard et Vessiot); 

pour le, d’une équation algébrique E. 


Par exemple, si l se ramène à des sous-groupes de 
moins en moins compliqués, S est intégrable et E so- 
luble par radicaux. En pareil cas, M. Jordan dit 
que l est résoluble; et M. Lie que F, estintégrable, Tels 
sont encore les groupes F, simples, demi-simples, non 
simples, qui correspondent aux groupes l, simples et 
corn posés. 

La structure de l, se reconnait à des caractères assez 
faciles. Le groupe étant engendré par des transforma- 
tions infinitésimales, le symbole de chaque pareille 
transformation-produit est une fonction linéaire et 
homogène à coefficients constants des symboles des 
transformations infinitésimales du groupe, La structure 
ne dépend que des valeurs choisies pour ces coeffi- 
cients. Intervient aussi une certaine équation algé- 
brique À, dite caractéristique, entièrement analogue à 
celle qui se présente dans la réduction des substitu- 
tions linéaires à leur forme canonique. Sur les racines 
et les coefficients de A se reflètent les propriétés essen- 
tielles de F, celles qui sont indépendantes du choix 
des variables. À indique aussi l'intégrabilité, la sim- 
plicité ou la non-simplicité de FL et fournit même un 
élément de classification plus compliqué, le rang. 

La thèse est consacrée à l’exposé et à l'application 
de certaines règles pour la construction effective des 
groupes, règles fondées sur les caractères ci-dessus 
indiqués. 

Les résultats finaux que l’on entrevoit sont les sui- 
vants : 4° Tout F,, qui n’est pas intégrable, provient 
de l'association de sous-groupes intégrables avec des 
sous-groupes simples; 2° le nombre de types distincts 
pour les groupes simples est très restreint, dix ou 
douze. 

La proposition est de la plus haute importance en 
Analyse : l'intégration des systèmes S d'équations aux 
dérivées partielles, dans leur immense variété, se ra- 
mène à un très petit nombre de problèmes distincts, à 
traiter directement chacun par les procédés du calcul 
intégral. 

Le fond de cette très intéressante thèse appartient à 
M. Lie et à ses continuateurs MM. Engel, Umlauf, 
Killing.., dont M. Cartan se réclame d’ailleurs expli- 
citement. Mais l'auteur a complété et précisé beaucoup 
de démonstrations et même rectifié des erreurs de 
“M. Killing. Le tout constitue donc un très honorable 
travail de doctorat. 

Léon AUTONNE. 


132 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


2° Sciences physiques. 


Edward Nichols, Professeur de Physique à l'Univer- 
silé Cornell, Ithaca, New York. — A laboratory ma- 
nualof Physics and applied Electricity.— Vol. 1,Ju 
nior Coursesin général Physies ; Vol.H, Senior Courses and 
outlines of avanced work. — Deux volumes de XIV-294% 
et IV-444 pages, avec 108 et 245 fiqures. dans le teæte el 
quatre planches. (Prix : 30 fr.) New-York et Londres, 
Macmillan et C°, 1895. 

IL existe aujourd'hui un bon nombre de traités de 
manipulations de Physique, rédigés en vue des divers 
examens universitaires ou adaptés aux besoins tech- 
niques spéciaux des ingénieurs, des électriciens, des 
médecins, des pharmaciens, etc. ; à la grande pénurie 
d'autrefois a succédé l’état actuel, qui n’est pas encore 
la pléthore, mais qui paraît largement suffisante. 

On doit se féliciter du développement de ce genre 
de littérature, car il témoigne des grands progrès réa- 
lisés par l’enseignement de la Physique théorique et 
appliquée : sans travaux pratiques, les élèves ne sau- 
raient s'intéresser à la Physique comme il convient, et 
ils Papprendraient mal; aussi fait-on aujourd’hui par- 
tout des exercices de laboratoire. 

Les divers ouvrages relatifs à l’école pratique de phy- 
sique ont une physionomie toute particulière, suivant 
le genre de lecteurs auxquels ils s'adressent et suivant 
le pays dans lequel ils ont été publiés; ils ont con- 
servé une certaine originalité, qu'on ne retrouve plus 
du tout dans les traités de Physique, qui ne changent 
suère que de langue et d’éditeur en traversant le Rhin 
ou la Manche; les premiers présentent à cet égard un 
grand intérêt, parce qu'ils reflètent les méthodes spé- 
ciales d'enseignement des maitres et des écoles, avec 
le caractère propre des hommes et le génie particulier 
des professions et des races pour lesquels ils ont été 
écrits. 

L'analyse du Manuel de Physique appliquée de 
M.Edward Nichols nous fait connaître la méthode d’en- 
seisnement adoptée dans les universités américaines. 
A la lecture de la table des matières, on s’apercoil 
immédiatement de la tendance essentiellement pra- 
lique des programmes : la Mécanique physique, la 
Chaleur et l'Electricité, voilà les préoccupations domi- 
nantes de celui qui enseigne; l'Acoustique et 
l'Optique sont mises au second plan et l'Optique phy- 
sique est écartée presque totalement. L’Electricité est 
le plus largement développée : dans le volume même 
destinéaux commencants (Junior course), on aborde 
des questions d'électricité relevées, telles que la me- 
sure des forces électromotrices, la recherche des sur- 
faces équipotentielles dans un liquide conducteur, la 
détermination du décrémentlogarithmique d’une oscil- 
lation, la mesure des capacités, l'étude de l'induction 
mutuelle, etc, Un grand emploi est fait des procédés 
graphiques, qui donnent des résultats plus suggestifs 
que les méthodes de calcul. Le commentaire des opé- 
rations et le rappel de la théorie est très concis et fort 
bref : il s'adresse à des élèves avancés déjà, auxquels 
il est même possible de proposer quelques intégrales 
faciles. A certains égards, nos candidats à Ja licence 
auraient donc avantage à suivre le Junior course des 
universités américaines : par contre, ils trouveraient 
superflu de démontrer expérimentalement le théorème 
du parallélogramme des forces et le principe des mo- 
ments, etils témoigneraient peu de goût pour la véri- 
fication des lois de la pesanteur par la machine d’At- 
wood, et divers autres exercices du premier chapitre. 

Le second volume diffère essentiellement du premier 
par sa rédaction aussi bien que par son programme ;il 
convient d'exposer les questions et de les discuter 
d'une manière spéciale quand on s'adresse à des audi- 
teurs déjà formés par une longue fréquentation des la- 
boratoires et par la pratique des instruments clas- 
siques; ce sont. d’ailleurs, des travaux d’un autre genre 
qu'il faut leur proposer. M. Nichols les emprunte à la 
chaleur, à la photométrie et à l'électricité; les exer- 


| cices relatifs à cette dernière branche de la Physique 


sont les plus développés et ils forment deux chapitres, 
consacrés séparément aux courants continus et aux 
courants alternatifs. Cette partie du second volume 
présente un grand intérêt, parce qu'elle renferme des 
indications réellement originales : elle s'adresse évi- 
demment à des physiciens désireux d'approfondir l'é- 
tude de l'électricité pour devenir des ingénieurs élec- 
triciens habiles et:compétents. Plus de cent expériences 
sont indiquées, fort brièvement il est vrai, mais avec 
assez de détails pour permettre aisément leur réalisa- 
tion, et avec un commentaire suffisant pour suggérer 
souvent d'intéressantes variantes dans l'exécution, 

Le second volume se termine par une esquisse de 
travaux et de recherches (outlines of avanced work in 
general Physics); ce programme s'applique à l'étude de 
l'influence de la température sur diverses constantes, à 
la détermination du rendement des sources de lumière 
et de leurs courbes d'intensité, à la spectro-photomé- 
trie, à la composition du spectre invisible, à l'optique 
physiologique, et enfin à l'exploration du champ ma- 
“nétique terrestre. Bien que l'utilité de cette partie de 
l'ouvrage soit contestable, attendu que les savants qui 
s’adonnent aux recherches originales n’ont guère besoin 
de puiser des idées dans un livre de ce genre, il faut 
reconnaître néanmoins que les jeunes physiciens, 
enfin débarrassés du souci des examens proprement 
dits, pourront lire avec profit ces monographies, qui 
leur serviront de modèles et de guides. Ce ne sont as- 
surément pas des modèles de thèses de doctorat, mais 
ce sont du moins des types de mémoires dans lesquels 
des débutants trouveront des indications profitables, 

En somme, ce traité américain de manipulations 
présente un réel intérêt pour un lecteur francais. 

L'exécution typographique est parfaite et les figures 
sont gravées avec une remarquable netteté. 

Nommons enfin les collaborateurs de M. le Pr Ni- 
chols, qui se sont partagé avec lui la rédaction des 
différentes parties de l'ouvrage : ce sont : MM. Moler, 
Bedell, Hotchkiss et Matthews ; ils ont signé les cha- 
pitres qui leur ont été confiés. A. Wirz. 


ERenard (Ad.), Docteur ès sciences, Professeur de Chimie 
à l'Ecole supérieure des Sciences de Rouen. — Diction- 
naire d'analyse des substances organiques in- 
dustrielles et commerciales. — 1 vol, in-8° de 
440 p. avec 28 fig. (Prix relié 10 fr.) Baudry et 
Cie, éditeurs. Paris, 1895. 


L’essai des produits organiques, industriels, pharma- 
ceutiques ou alimentaires est, comme on le sait, par- 
liculièrement délicat: Le dosage de leurs éléments 
utiles, la recherche des impuretés qu'ils renferment 
toujours, soit naturellement, soit par fraude ou falsifi- 
cation, exigent l'emploi de méthodes spéciales, dont la 
plupart des traités de chimie ne font même pas men- 
Lion. 

Ces méthodes sont, par suite, peu connues, et il nous 
arrive quelquefois d'être réellement embarrassés, lors- 
qu'une pareille question se présente dans nos labora- 
toires, où une routine, regrettable autant pour la 
science que pour l'industrie, nous oblige à rester 
constamment dans le domaine de la la chimie pure. Il 
uous manquait un manuel de lessayeur des matières 
premières organiques. 

Un tel ouvrage ne pouvait être mené à bien que par 
quelque spécialiste dûment autorisé ; par sa situation, 
par ses relations et par ses profondes connaissances 
en chimie générale et industrielle, M. Renard était, 
mieux que personne, en état de le faire; en le faisant, 
il nous rend service et nous l’en remercions. 

Dans son petit volume, le savant professeur de Rouen 
passe en revue les principales substances industrielles 
de nature organique; pour chacune d'elles il indique 
sommäairement la marche à suivre pour déterminer sa 
composition qualitative ou quantitative; l'analyse des 
alcools, du beurre, des huiles, des matières colorantes, 
des essences, du lait, du pétrole, des sucres, du 


BIBLIOGRAPHIE — : 


‘vin, etc., est l'objet d’une étude toute spéciale; des 
tableaux intercalés dans le texte donnent les princi- 
paux résultats analytiques nécessaires à la compa- 
raison; de nombreux index bibliographiques permet- 
tent, s’il y a lieu, de remonter aux publications origi- 
nales des auteurs cités; enfin, l’ordre alphabétique des 
matières rend les recherches aussi faciles que possible, 
tellement faciles même que l’auteur a pu se passer de 
table. 

C'est sans doute ce mode d’arrangement qui a con- 
duit M. Renard à donner à son livre le nom de Dic- 
lionnaire; peut-être eût-il été préférable de choisir un 
titre qui fit mieux ressortir le but de louvrage et 
n’obligeàt pas à le lire pour en apprécier la valeur pra- 
tique. 

Cette valeur est grande, et nous espérons que le 
succès permettra à l’auteur, avec de nouvelles éditions, 
de nous tenir au courant des progrès accomplis dans 
l'analyse des matières organiques industrielles; son 
livre prendra alors certainement place à côté des 
recueils qui, comme le Fresénius, restent en perma- 
nence sur la table des laboratoires. 

L. MAQUENNE. 


3° Sciences naturelles. 


Geddes (P.), Professeur de Botanique à l'Université dE- 
dimbourg. — Chapters in modern Botany. — 1 vol. 
in-8°, Crown de 201-x11 pages avec S fig. — Londres, 
J, Murray, 189%, 

Dans ce livre, tout à fait au courant des derniers 
progrès de la science, le savant professeur d'Edim- 
bourg traite des points les plus captivants de la bio- 
logie végétale. Les chapitres qui concernent les plantes 
inseclivores et le mouvement végétäl mérilent surtout 
d'être signalés. L'auteur passe en revue les genres 
Nepenthes, Cephalutus, Sarracenia, Darlingtonia, Drosera, 
Dionæa, etc., et cite Les célèbres expériences qui con- 
duisirent Charles Darwin à écrire son ouvrage sur les 
plantes carnivores. M, Geddes rappelle ensuite les re- 
cherches d’après lesquelles le D Raphaël Dubois, le 
distingué professeur de physiologie de la Faculté des 
Sciences de Lyon, tout en constatant chez les plantes 
à urnes, et notamment chez les Nepenthes, la présence 
indéniable d'un ferment digestif, affirme que, dans le 
cas où le liquide de l’urne est stérilisé de facon à sup- 
primer l’action des bactéries, il ne se produit pas la 
moindre indication du phénomène de digestion. D’a- 
près M. Dubois, il ne faudrait donc voir dans le pré- 
tendu carnivorisme ou inseclivorisme des plantes à 
urnes qu'un phénomène de putréfaction, dû à l’action 
des bactéries. En admettant que l’on doive laisser de 
côté l'interprétation de Ch. Darwin, comment expli- 
quer la présence de la substance visqueuse et déli- 
quescente ? Faut-il y voir une relation avec la transpi- 
ration? Cette substance aurait-elle pour but d'empècher 
ou tout au moins de ralentir l’évaporation, si active 
dans les régions tropicales? Serait-elle capable de 
puiser la vapeur d'eau dans l’atmosphère à la facon 
des racines aériennes des Orchidées, ou bien encore 
aurait-elle pour but de faciliter, en vertu de l’osmose, 
la circulation du courant transpiratoire indispensable 
dans le processus de la vie végétale ? Ici s'ouvre un in- 
téressaut champ d’investigation pour les physiologistes. 
Quoi qu'il en soit, en supposant qu'on trouve là l’ex- 
plication de ce qui se passe chez les plantes à «scidies, 
M. Geddes estime qu'il est impossible de l’invoquer 
dans le cas des mouvements si remarquables, avec 
augmentation de sécrétion, des Drosera et surtout des 
Dionées, Et même, si, au point de vue théorique, l’in- 
sectivorisme n’est réellement que la seconde partie du 
processus, au point de vue du bénéfice acquis par ta 
plante, il joue incontestahlement le premier rôle, 

Passons maintenant aux mouvements plus généraux. 
Pour Ch. Darwin, la circumnulation modifiée est la 
‘source principale de tous ces mouvements. Elle est 
ntodifiée, dans son amplilude et sa direclion, par 


[ 


GA À nd 


NALYSES ET INDEX 433 


un stimulus interne ou externe, de facon que la 
plante se trouve toujours dans les meilleures condi- 
lions possibles. Grâce à cette explication, une diffi- 
culté considérable pour la doctrine de l'évolution se 
trouve écartée en partie. On pouvait, en effet, se de- 
mander comment ces différents mouvements se pro- 
duisaient tout d’abord. Wiesner, l'éminent professeur 
de Botanique de l'Université de Vienne, ne croit pas 
la circumnutation aussi fréquente que le prétend 
Ch. Darwin. Il objecte que certaines tiges ou feuilles 
croissent selon une ligne droite parfaile, Il ajoute que 
certaines courbures, telles que celles dues au géotro- 
pisme et à l’héliotropisme, ne peuvent pas être inter- 
prétées comme étant des modificalions de la cireum- 
nutation ; certaines parties de plantes chez lesquelles 
on n'observe pas de circumnutation, sont cependant 
capables de courburès géotropiques. Francis Darwin, 
qui assistait son père dans ses recherches sur les 
mouvements végétaux, déclare ne pouvoir abandonner 
l’idée de la généralité de la cireumnutation, en admet- 
tant même que cé phénomène ne soit pas aussi ré- 
pandu qu'on le croyait d’abord. Du reste, la question 
peut encore êlre envisagée à un autre point de vue, si 
l’on admet, avec Vochting, la rectipétalité, force régu- 
latrice par laquelle les irrégularités inhérentes à la 
croissance seraient réprimées au bénélice de l’accrois- 
sement rectiligne. La circumnutation serait la mani- 
festation extérieure de ce phénomène. 

Signalons enfin le chapitre où il est traité de la 
symbiose, et dans lequel M. Geddes cite les expé- 
riences de Stahl, récemment répétées par M, Gaston 
Bonnier, professeur à la Sorbonne. 

En somme, le petit volume de M. Geddes est d’une 
lecture bien attrayante et mériterait certainement les 
honneurs de Ja traduction. 

Edmond BorDAGE, 


Directeur du Muséum d'Histoire naturelle 
de la Réunion (Bourbon). 


Chatäin (J.), Professeur adjoint à la Faculté des 
Sciences de Paris, Membre de L Académie de Médecine. — 
Organes de nutrition et de reproduction chez les 
Vertébrés. — Unvolume petit in-S° de 1T6 pages, fai- 
sant partie de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mé- 
moire dirigée par M. H. Léauté, membre de l'Institut. 
{Prix : broché, 2 fr. 50 ;‘carlonné, 3 francs ) Gauthier- 
Villars et fils et G. Masson, éditeurs, Paris, 1895. 


M. Chatin a précédemment publié dans l'Encyclopédie 
des Aide-Mémoire deux volymes d'anatomie comparée 
sur les organes de relation chez les Vertébrés et chez 
les Inverlébrés (voy. Revue générale des Sciences. 
15 mai 1894, p. 338, et 20 août 1894, p. 625) ; le présent 
volume traite des organes de relation et de reproduc- 
tion chez les Vertébrés, et est rédigé dans le même es- 
prit, au point de vue del’anatomie comparée pure. 
M. Chatin étudie successivement pour chaque groupe 
de Vertébrés (Mammifères, Oiseaux, Reptiles, Batra- 
ciens, Poissons et Acràniens) : l’apparen digestif (ca- 
vité buccale. tube digestif, foie et pancréas, thymus 
el corps thyroïde); l'appareil circulatoire (cœur, vais- 
seaux, lymphatiques, rate); lappartil respiratoire, 
(larynx, trachée, poumons, branchies, vessie natatoire); 
l'appareil excréteur (reins et capsules surrénales) et 
les organes de reproduction, 

C'est un résumé suceincet ef clair, malgré l'absence de 
fizures, des connaissances anatomiques indispensables 
à l'étudiant, la physiologie et le développement étant 
complètement laissés de côté, sauf à propos des reins 
où l'organogénie est indispensable pour bien com- 
prendre les faits. Une courte bibliographie termine le 
volume. 

L. CuÉxor. 


Pelseneer (P.), Professeur agrégé à la Faculté des 
Sciences de Bruelles. — Introduction à l'étude des 
Mollusques. — 1 brochure in-8° avec figures. H. La- 
mertin, éditeur. Bruxelles, 1895, 


134 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


4° Sciences médicales. 


Nocard (Ed.), Professeur à l'Ecole Vétérinaire d'Alfort. 
— Les Tuberculoses animales; leurs rapports 
avec la Tuberculose humaine, — { vol. pelit in-8° de 
210 pages, de l'Encyclopédie scientifique des Aide-mé- 
moire, dirigée par M. H. Léauté, de Pinstitut. (Prier 
2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) — Gauthier-Villars et fils et 
G. Masson, éditeurs. Paris, 1895, 

Il n'est pas de maladie qui frappe un aussi grand 
nombre d'espèces animales; pas un de nos animaux 
domestiques n'y est complètement réfractaire; il 
n'existe entre eux que des différences de réceptivité : 
ceux qai, dans les conditions naturelles, échappent à 
la contagion, ne résistent pas aux inoculations expé- 
rimentales; nos basses-cours elles-mêmes sont fré- 
quemment dépeuplées par la tuberculose; l’homme, 
enfin, lui paie un si lourd tribut qu'à Paris les der- 
nières statistiques évaluent à plus de 23 °/, le nombre 
des décès qui lui sont dus. 

C'est ainsi que débute le nouveau livre que M, le 
Pr Nocard vient de faire paraître dans l’Encyelopédie 
des Aide-Mémoire. Personne mieux que le savant 
professeur d’Alfort ne pouvaitécrire ce volume, où il 
parle d’une maladie, vérilable panzoolie universelle, 
entretenue dans l'espèce humaine par toutes les causes 
de contagion qui nous viennent des animaux. 

Il énumère d'abord les espèces atteintes. Les bovidés 
le sont très souvent dans certaines régions, il en est où 
l'on estime à 25 °/, de la population totale le nombre 
des tubereuleux. Le chapitre premier est consacré à 
l'étude de la tuberculose des bêtes bovines. On {rouve 
dans ce chapitre un véritable historique de la maladie. 
Il décrit les lésions, l'histologie de ces lésions, l'histo- 
rique de la découverte de Ja spécificité de la tubercu- 
lose, celle du bacille, la techniquè pour sa recherche, 
sa culture. Dans la partie clinique, il énumère les 
symptômes, puis Le diagnostic clinique, le diagnostic 
bactériologique, le diagnostic expérimental, enfin le 
diagnostic par la tuberculine. Cette partie de l'ouvrage 
est des plus intéressantes, c’est un exposé historique de 
la tuberculine et de son utilité dans le diagnostic de 
la tuberculose bovine, On devait s'attendre à voir cette 
partie magistralement traitée par celui qui s’est fait 
l'apôtre de l'application de la tuberculine. : 

Le paragraphe suivant est consacré à l'étiologie et à 
la pathogénie, 

Il-débute par des anecdotes qui le rendent attrayant 
et nous raconte que depuis longtemps on croyait dans 
certains pays que la phtisie était contagieuse et qu’on 
y prenait des mesures de désinfection. Puis, les tra- 
vaux de Villemin, de Chauveau, de Koch, défilent sous 
les yeux du lecteur, Au point de vue de Pétiologie de 
la tuberculose dans Les étables il faudrait citer toutes 
les pages, qui sont toutes des plus intéressantes. 

A propos de l’hérédité, l'auteur termine ainsi : « En 
résumé, s’il est vrai que le bacille de Koch puisse par- 
fois passer de Ja mère au fœtus, il n'est pas moins vrai 
que ce passage est chose absolument exceptionnelle ; 
ce que la mère malade transmet à ses produits, ce n’est 
pas la maladie elle-même, c’est la prédisposition, l’ap- 
titude à la contracter; en d’autres termes, on naît tu- 
bereulisable, on ne naît pas tuberculeux. » 

Résistance du bacille aux causes de destruction, 
action des antiseptiques: tel est le titre du paragraphe 
suivant. On y voit, à propos de l’action de la chaleur, 
que le lait tuberculeux n’est plus dangereux après 
ï minutes de chauffage à 85°. 

A propos de la transmission expérimentale de la tu- 
berculose, l’auteur passe en revue les divers modes 
d’inoculation, injection intra-péritonéale, sous-cutanée, 
intra-veineuse, dans la chambre antérieure de l'œil, 
sous l’épiderme par piqûres ou scarification, linha- 
lation ou l’ingestion de matières tuberculeuses. 

Il arrive ensuite à établir l'identité de la tuberculose 
des animaux et de celle de l’homme; il n’y a plus de 
doute que pour la tuberculose aviaire, 


Dans la partie consacrée aux produits virulents il 
parle de l’usage de la viande et du lait des animaux 
tuberculeux. I s'élève contre la gravité des mesures 
excessives qui affirment la nécessité de la saisie totale, 
quelle que soit la bonne qualité apparente de la viande, 
si limitées que soient les lésions tuberculeuses; et il 
approuve les prescriptions adoptées en Allemagne en 
1892, et qui sont bien plus modérées, en ce sens qu’elles 
ue proscrivent pas l'usage de la viande des animaux 
tubereuleux, s'il n'existe pas de tuberculose géné- 
ralisée, 

A propos du lait, il cite ce fait qu'en Danemark on 
emploie aujourd’hui la pasteurisation du lait pendant 
15 minutes à 65°, ce qui non seulement permet de 
conseiver le lait et de ne pas l’'employer de suite, mais 
pratique qui offre encore le grand avantage de sup- 
primer à peu près tout le danger de l’usage du lait el 
de ses dérivés, le beurre et le fromage. 

Enfin, arrivent la police sanitaire et la prophylaxie ; 
l’auteur nous y montre les services que la (uberculine 
peut rendre pour aider à la prophylaxie. 

Le chapitre 11 est consacré à la tuberculose du pore, 
moins fréquente que celle du bœuf, Le chapitre ut à la 
tuberculose du cheval qui est relativement rare. 

Le chapitre 1v, à la tuberculose des petits ruminants, 
le mouton et la chèvre, qui sont très rarement tuber- 
culeux, mais à qui on peul inoculer artificiellement la 
maladie, 

Le chapitre v traite de la tuberculose du chien et 
du chat. Il cile des cas de tuberculose donnés par le 
chien et le chat à l'homme, et inversement, Aussi con- 
seille-t-il d’éloigner des appartements les animaux qui 
toussent, comme étant dangereux surtout pour les 
enfants, leurs habituels compagnons de jeu. 

Au chapitre viet dernier, il se déclare partisan de 
l'identité de la tuberculose des oiseaux avec la tuber- 
culose humaine, La cause de la tuberculose aviaire 
n'est pour lui qu'une variété de bacille de Kock. Il 
s'appuie sur ce que, par passages nombreux par lé 
cobaye, on arrive à obtenir des lésions identiques à 
celles produites par la tuberculose humaine et quelle 
que soit la provenance du bacille, il est impossible de 
noter une différence entre les aclions produites par 
les tuberculines préparées par l’un et par l’autre. 

Il recommande en terminant l'usage de la tubercu- 
line pour le diagnostic chez les oiseaux, précieuse pra- 
tique qui permet d'édicter les mesures de prophylaxie. 

En somme, ce livre est une véritable et courte mono- 
graphie de la tuberculose, car il touche à toutes Les 
questions intéressant l'histoire de cette maladie et, au 
point de vue de la prophylaxie, il est destiné à rendre 
les plus grands services en permettant à tous, méde- 
cins, vétérinaires, hygiénistes, de se meltre au courant 
de la question de la tuberculose. 

Dr Loin, 
Directeur de l’Institut Pasteur de Tunis. 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-S° colombier, avec nombreuses 
fiqures intercalées dans le texte et planches en cou- 
leurs. 522° et 523° livraisons, (Prix de chaque livrai- 
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, 
Paris, 1895. 

Les 522 et 523e livraisons renferment une étude 
sur la détermination de Ja latitude en mer par M. Ker- 
lero du Crano ; une monographie géographique et his- 
torique du Latium par M. À. M. Berthelot; un article 
sur le genre botanique Laurier, l'histoire des conciles 
tenus dans la célèbre basilique de Latran, à Rome ; la 
biographie du grand chimiste francais Lavoisier avec 
une étude sur son œuvre par M. Marcelin Berthelot, 
membre de l’Institut; la biographie du cardinal La- 
vigerie, par M. E. Krüger, celle d’E. Lavisse, par M. C« 
Langlois, et celle du financier Law, par M, H. Monin. 


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pe ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


435 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 8 Avril 1895 


M. Agassiz adresse une leltre sur la formation, par 
la Société des Chimistes américains, d’un Comité pour 
la souscription au monument que l’Académie a pro- 
posé d'élever à Lavoisier, 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. M. Zochios énonce 
un certain nombre de théorèmes sur les substitutions. 
— M. Mirinny adresse une note ayant pour titre: 
Etude sur la synthèse mathématique et sur la résolu- 
tion générale des équations. — M. H. Faye présente 
à l'Académie, au nom du président, M. Cruls, le travail 
de la Commission chargée de déterminer les localités 
du Brésil qui offriraient les plus sérieuses garanties 
de suecès pour la translation de la capitale de cet 
empire dans une région plus saine et plus sûre; il 
donne la siluation géographique du district proposé 
pour la capitale future. — M. Cruls, dans une lettre 
adressée à M. Faye, résume les opérations essentielles 
exéeutées par la Commission d'exploration du plateau 
central du Brésil, dans le but d'y transférer la capi- 
tale. 

2° SciENCES Pnysiques. — M. le Secrétaire perpétuel 
signale, parmi les pièces imprimées de la correspon- 
dance, un ouvrage de M. Houette ayant pour titre : 
Les courants de la Manche. — M. Alfred Basin adresse 
un mémoire intitulé : Le paquebot insubmersible. — 
M. A. Poincaré présente une nouvelle note sur les 
relations entre les mouvements atmosphériques et les 
mouvements de la lune, il signale les déplacements 
en latitude moyenne des lignes de maxima baromé- 
triques de la zone tempérée avec les mouvements en 
déclinaison de la lune, et montre que les conditions 
atmosphériques sont puissamment et régulièrement 
influencées par la lune à chaque révolution tropique 
el à chaque révolution du nœud. — M.J, Macé de 
Lépinay discute les expériences encore inacheyées 
. qu'il a entreprises pour la détermination de la masse 
du décimètre cube d’eau distillée à 4° : d’après l’ordre 
de la grandeur possible de l'erreur finale, l'erreur sur 
la détermination de cette masse correspondra à 6 mil- 
ligrammes. — M. H. Poincaré expose les considéra- 
lions qui ont fait contester la signification de l’expé- 
rience de M. Fizeau sur le spectre cannelé, pour mettre 
en évidence la permanence du mouvement lumineux 
pendant un très grand nombre d’oscillations. Une ana- 
lyse plus complète conduit aux mêmes conséquences 
que la clairvoyance de M. Fizeau avait devinées d’a- 
vance, — M. de Thierry décrit un nouvel appareil dit 
héma-spectroscope comparateur, spécialement desliné 
à la recherche des quantités infinitésimales de sang 
dans un liquide quelconque et à déceler sa présence 
dans les taches, etc. D’après lauteur, cet appareil 
pourrait rendre des services à la Médecine légale, à la 
Chimie et à la Physique, par l'étude comparée des 
spectres d'absorption de liquides quelconques exa- 
minés sous une grande épaisseur, — M. Pellat déerit 
uu appareil permettant de déterminer avec une grande 
précision le pouvoir inducteur spécifique des diélec- 
triques solides ou liquides; il expose son mode d’em- 
ploi pour les solides. — M. A. de Gramont a déjà 
exposé une méthode d'analyse spectrale directe qui lui 
permet actueliement de reconnaitre le sélénium dans 
les minéraux, IL donne la longueur d'onde des raies 
dont la présence a été observée d’une manière certaine 
dans les minéraux et qui offrent un caractère analy- 
lique ; il cite plusieurs minéraux qui donnent facile- 
ment les raies du sélénium, — M, Guntz a observé 


que le lithium pur absorbe l'azote à une température 
inférieure au rouge sombre: cette propriété permet de 
montrer facilement la présence de l’argon dans l’azote 
retiré de l'atmosphère et même de préparer ce gaz. — 
M. Victor Delahaye adresse une note : Sur l’argon 
considéré comme un azoture de carbone, — M. E. Mau- 
mené à reconnu que le sesquioxyde de manganèse 
provenant de la réduction du permanganate de potasse 
est soluble dans les eaux sucrées; il a pu en dissoudre 
05,500 dans 15 grammes de sucre et 30 grammes 
d’eau. De l'étude des composés formés et de l’action 
sur l'alcool et un grand nombre de matières orga- 
niques, l’auteur conclut que Mn20# doit être mis au 
rang des oxydants dont la réduction est lente, — 
M. G. Deniges indique comment on peut utiliser la 
combinaison de sulfate basique du mercure et de thio- 
phène qu'il a signalée, pour le dosage quantitatif du 
thiophène ; il indique un second mode de dosage plus 
facile que le précédent en profitant de la formation 
d'un autre composé peu différent, — M. L. Vaudin 
rend compte de ses expériences sur le phosphate de 
chaux du lait et formule ainsi ses conclusions : 1° Le 
lait contient de l'acide citrique à l’état de citrate al- 
calin, qui contribue à maintenir en dissolution le phos- 
phate de chaux qui est contenu dans cette sécrétion. 
2 Cette dissolution n'a lieu que grâce au rôle impor- 
tant que joue, dans ce phénomène, la lactose en pré- 
sence des citrates alcalins. 3° Toutes les influences 
qui peuvent modifier ou détruire l'équilibre molécu- 
laire des sels dissous dans le lait, tendent à précipiter 
du phosphate tricalcique avec excès de chaux à l’état 
de citrate, C. MATiGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. de Seynes présente un 
mémoire sur la structure de l'hyménium chez un 
Marasmius. Les éléments de cet hyménium n’offrent 
aucun des caractères d’un baside: il montre une ten- 
dance très nette à prendre les caractères d’un revète- 
ment épidermique. — MM. Dupare et Ritter ont 
entrepris une monographie géologique et pétrographi- 
que du grès de Taveyannaz, dans ses rapports avec de 
flysch. Ce grès est plutôt un conglomérat à petits 
éléments, constitué par de très petits galets de roches 
éruptives diverses et d'éléments détritiques, Ces ro- 
ches ont beaucoup d'analosie avec celles du Vicentin. 
Le grès de Taveyannaz est donc probablement formé 
au détriment des projections volcaniques de cette 
région qui auraient été amenées par des courants 
marins. — M. André Delebecque envoie une note sur 
le carbonate de chaux de l’eau des lacs. La quantité de 
carbonate de chaux dissoute varie suivant la profon- 
deur et suivant les saisons. M. Delebecque attribue ces 
différences, en partie à la décalcification par la vie 
organique, en partie aux variations de la tension de 
l'acide carbonique de l'air qui influe sur la quantité 
de bicarbonate de chaux dissous, 

J, MarTiX. 


Séance du 16 avril 1895. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, G. B. Guccia s'est 
demandé quel était l’abaissement produit dans le rang 
nn (n+ n- 2) de la courbe gauche C suivant laquelle se 
coupent deux surfaces algébriques d'ordre n et n, 
quand les surfaces possèdent en un même point de 
l’espace des singularités quelconques. — M. Petro- 
vitch donne deux formules relatives à la sommation 
des séries a l’aide des intégrales définies. — M. R. Le- 
vavasseur, en raison de l'importance qui s'attache à la 
recherche de tous les types de groupes desubstitutions 


136 


ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES 


dont l’ordre égale le degré, a indiqué tous les types 
correspondants aux ordres p°, p? q, pq?, pq ?, p,qetr 
étant trois nombres premiers différents tels qu'on ait 


p >gq=>7r. — M. Stodolkievitz donne les conditions 
d’intégrabilité pour le système général : 
(IE AO XL 4 dx, c'e X,, dx, ROC x dr 


dans le cas particulier où entre les variables ai il y à 
deux variables indépendantes et toutes les autres sont 
variables dépendantes. — M. C. Maltézos remplace la 
règle de Rondelet sur les bois et les pièces chargées 
debout par la formule très simple : 


N 


S 


55.200 É) AO MS0 2e 113,4, 


4 


qui concorde parfaitement avec la précédente, La 
courbe des charges limites pour les bois, fer et fonte, 
entre des limites assez étendues du rapport de la lon- 
sueur de la pièce au plus petit côté de la section trans- 
versale, se rapproche beaucoup et peut au besoin se 
remplacer par un arc d'une parabole unique. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M, J. Janssen donne les 
résultats de diverses observations de températures mi- 
nima faites cet hiver au sommet du mont Blanc etdans 
diverses stations intermédiaires, Le minima relevé au 
sommet à été trouvé de — #30, — M. Alexis de Tillo, 


pour étudier la variation séculaire de la direc- 
tion de l'aiguille aimantée, a coordonné systlé- 
matiquement les meilleurs cartes magnétiques, 


21 cartes isogoniques et 7 cartes isocliniques. L'en- 
semble du phénomène séculaire est représenté pardes 
courbes irrégulières qui forment des 8 ou, en trails 
généraux, des lemniscates à boucles de différentes 
srandeurs. Le sens de la marche dépendde Ja partie de 
la courbe. M.N.Gréhants'estproposé de rechercher 
quels sont les gaz qui se dégagent des charbons main- 
tenus incandescents par l'arc électrique; il a reconnu 
qu'il se dégage de l’oxyde de carbone en petite quan- 
lité. Si éclairage a lieu dans des salles qui sont de 
faibles dimensions, comme certaines salles contenant 
des machines productrices d'électricité, le dégagement 
du gaz toxique dans l'air confiné peut contribuer à pro- 
duire, chez les ouvriers, les maladies souvent très 
graves qui ont été constatées. — M. Edouard Branly 
a étudié la déperdition électrique par Pillumination de 
corps médiocrement conducteurs; l'observation du 
bois, du marbre, du verre chauffé, conduit à quelques 
résultats intéressants, Avec une illumination produite 
par un corps chauffé au rouge sombre, le phénomène 
dépend surtout de la surface du corps incandescent, la 
nature du conducteur illuiainé parait èlre sans -effet ; 
au contraire l’éclairement par des rayons réfrangibles 
donne une déperdition qui dépend de la nature des sur- 
faces. — M. Daniel Berthelot propose une nouvelle 
méthode pour prendre la température d'un milieu par 
le simple examen d’un rayon lumineux qui l'a tra- 
versé. Elle est fondée sur les propriétés des gaz, indé- 
pendante de la nature de l'enveloppe thermométrique 
et même de sa forme el de sa dimension; elle permet 
d'opérer sur les gaz contenus dans l'intérieur des 
hauts fourneaux du four électrique, ete. La méthode 
est particulièrement recommandable pour l'évaluation 
des hautes températures. — M. L. Teisserenc de 
Bort signale l'existence de varialions anormales de 
pression avec la hauteur : 1° l’écart entre la pression 
mesurée et la pression calcülée présente une variation 
diurne bien marquée; les écarts négatifs augmentent 
de valeur et de fréquence pendant la journée ; 2° lPam- 
plitude de la variation croit, dans une certaine mesure, 
avec celle de la température; elle est aussi maximum 
en été el minimum en hiver, — M. Berthelot à éludié 
le spectre de fluorescence de l’argon chargé de vapeurs 
de benzine el soumis à l’action modérée de l'effluve, 
dans certaines conditions où la dose de gaz absorbé ne 
dépasse pas quelques centièmes, L'apparition des raies 
par fluorescence, dès la pression àtmosphérique 


semble indiquer l'existence d’une combinaison hydro- 
carbonée de l’argon, de l’ordre de lacétylène ou plu- 
tôt de l'acide cyanhydrique, de même à l’état de disso- 
ciation électrique. La fluorescence et les raies de 
l’'argon présentent des relations frappantes avec la 
fluorescence et les raies de l’aurore boréale et de la 
lumière zodiacale. — M. Pagnoul a effectué des re- 
cherches sur l'azote assimilable et sur ses transforma- 
tions dans la terre urable : 1° les pluies, lorsqu'elles 
sont abonaäantes, peuvent donner lieu, sur les terres 
riches, à un entrainement considérable d'azote ni- 
trique ; 2° les plantes qui recouvrent le sol peuvent 
empècher cette déperdilion, comme Pa déjà établi 
M. Dehérain ; 3° le sulfure de carbone, sans tuer le fer- 
ment nitrique, arrêle momentanément son action; 
4° la forme ammoniacale parait être un état transitoire 
que prend l'azote organique pour passer à la forme 
nitrique, el le sulfure de carbone ne fait que l’arrèter 
momentanément dans cette période de sa transforma- 
lion ; 5° la forme nitreuse serait aussi un état transi- 
toire et instable de l’azote passant de la forme orga- 
uique à la forme nitrique. — M. P. F. Clève a reconnu 
la présence de l’hélium dans le gaz retiré d’un échan- 
tillon de clévéite. — M. H. Le Châtelier a préparé et 
étudié un certain nombre de combinaisons définies des 
alliages métalliques, les composés Sn Cu, Zn? Cu, AlCu; 
tous ces corps sont durs et cassants comme les phos- 
phures, les sulfures, les carbures et ne participent en 
rien à la malléabilité des métaux constituants, — 
M. Louis Henry a reconnu que les Fases amidées 
Cn Hn AZ I réagissent avec énergie sur les aldéhydes 
aliphatiques ; le résultat final apparent consiste dans 
l'élimination d'une molécule d’eau et dans la forma- 
tion d’une imine aldéhydique monosubstituée, selon 
la formule : : 
00 V JA1X 
RC 1 H,47 -X=H:0-LR—0Q 
H al 

L'imine formée se polymérise en général. La réaction 
est d'autant plus intense et plus énergique que le poids 
moléculaire de l’aldéhyde et celui de lamine sont 
moins élevés, c'est-à-dire que les composants COH et 
AzH? représentent une fraction plus considérable du 
poids des molécules totales, L'aplitude à la polymé- 
risalion des imines obtenues dépend à peu près des 
mêmes circonstances, — M. H. Cousin à préparé deux 
dérivés halogènes nouveaux de la pyrocatéchine, la 


pyrocatéchine trichlorée CSHSCIO? et une pyrocaté- : 


chine bibromée CéHiBr°20?, — M. Livache établit que 
la distinction des huiles végétales en huiles siccatives 
et en huiles non siccalives est exacte, sous la réserve 
que l’oxydalion des huiles ne s'effectue qu’à la tempé- 
rature ordinaire. Les expériences montrent que la 
transformation en un produit élastique analogue à 
celui fourni par les huiles siccatives peut s'effectuer 
pour loutes les matières grasses sans exception, à 
condition de les soumettre à une température conve- 
nable. La transformation sera plus où moins longue, 
mais le produit formé restera solide, et présentera, 
outre la transparence et lélasticité, des propriétés 
chimiques identiques à celle de la linoxine, 

39 SCIENCES NATURELLES., — MM.Chauveau et Phisalix 
fournissent une contribution à l'étude de la variabilité 
el du transformisme en microbiologie, à propos d’une 
nouvelle variété de bacille charbonneux (Bacillus 
anthracis elaviformis). Cette nouvelle race qui s'obtient, 
en faisant passer le B. Anthr dans un ganglion 
lymphatique du cobaye, est caractérisée par une ab- 
sence totale de virulence, mais elle à perdu tout elfet 
immunisant, — M. Balland, en rapprochant la compo- 
sition de queiques avaines francaises de 1893 et 1894, 
montre que si le poids des grains, des cendres et de 
amande par rapport à la balle, n'a pas sensiblement 
varié pour les avoines de méme provenance, il n'en 
est pas de même des matières azotées, des malières 
grasses et de la cellulose résistante, 


J, Manrix. 


4 


: 


Ÿ 
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] 
e! 


SE ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 16 Avril 4895. 


M. Hallopeau fait une communicalion sur la signi- 
fication des mots androgyne et gynandre, — M, le D' 
Lemaistre lit un travail sur l'influence des poussières 
de porcelaine sur la santé des ouvriers et la fréquence 
de la sclérose suivant l'âge. — M, le D' Saint-Philippe 
lit un mémoire sur les bons effets de l'antipyrine dans 
certaines diarrhées de l'enfance. 


Séance du 23 Avril 1895. 


M. Dieulafoy établit que les amas lymphoiïdes des 
trois amygdales offrent, surtout chez les jeunes sujets 
prédisposés, une porte d'entrée et un asile sûr au 
bacille de la tuberculose. Il en résulle une forme de 
tuberculose parfois presque latente, souvent larvée, 
qui prend Le masque de la vulgaire végélation adénoïde 
ou de la vulgaire hypertrophie amygdalienne. Cette 
tuberculose peut guérir; mais elle peut aussi envahir 
les réseaux lymphatiques et les ganglions lymphatiques 
du cou, en produisant des adénopathies cervicales tu- 
berculeuses. Enfin, de ganglions en ganglions, de ré- 
seaux en réseaux, le bacille peut aborder la grande 
veine lymphatique ou le canal thoracique, être lancé 
par la circulation veineuse dans le poumon, et y cons- 
tituer la tuberculose pulmonaire. — M. Le Dentu cite 
un cas de pneumalocèle consécutive à une fracture du 
crâne, guérie par la trépanation; il donne quelques 
indications sur le traitement de la pneumatocèle. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE = 
Séance du 27 Avril 1895. 


M. Kauffmann a décelé nettement la présence du 
glycogène dans le plasma du sang d'un animal rendu 
diabétique par l’extirpation du pancréas, — M. Dastre 
ne croit pas qu'on puisse en conclure que le glycogène 
soit à l’état libre dans le sang d'un animal à l’état nor- 
mal, — M. Garnault expose ses recherches sur l'or- 
gane de Jacobson. — MM. Rénon et Sergent décrivent 
un cas de tuberculose aspergillaire chez l’homme, 
caractérisé par des lésions de pneumonie chronique 
seléreuse et par la disparition des bacilles. — M, Z. 
Lévy décrit l’ædème dela substance cérébrale, tel 
qu’on le constate par l'examen microscopique. — 
M. P. Richer présente des photographies montrant sur 
un sujet en marche la contraction qu'il a appelée ba- 
listique. — M. Noé étudie l'influence de la tension 
artérielle sur l'élimination. 


SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 5 Avril 1895, 

M. Charpy expose ses recherches sur la trempe de 
l'acier. Il résume d’abord l’état de la question. Les 
premières recherches précises ne datent que de 1868. 
C'est alors qu'on reconnut que l'acier ne prend la 
trempe que s’il a été chauffé au delà d’une certaine 
température voisine de 700°, et qui est celle à laquelle 
de l'acier, qu'on laisse refroidir lentement, manifeste le 
phénomènede larecalescence.Il se produit àce moment 
un dégagement de chaleur qui suffit pour reporter l'a- 
cier au rouge clair. En même temps, il y a variation 
de la plupart des propriétés physiques. Ce phénomène 
thermique a ensuite été étudié avec plus de précision 
par M. Osmond avec le couple platine — platine rhodié 
de M. Le Châtelier, M. Osmond a découvert, en outre, 
deux autres dégagements de chaleur plus faibles vers 
740° et 860°. M. Chärpy étudie ces dégagements de 
chaleur en chauffant électriquement un échantillon 
d'acier, puis le laissant refroidir, et en tracant par 
inscription photographique Ja courbe des variations 
de température en fonction du temps, aussi bien pen- 


dant léchauffement que le refroidissement. La courbe 
8 


d'un acier très dur (à —— de C) manifeste par un res- 


saut brusque l'absorption de chaleur à 700° pendant 


4131 


l'échauffement, et le dégagement correspondant pen- 
dant le refroidissement. La recalescence et les autres 
dégagements de chaleur plus faibles sont encore 
plus visibles si, à l'exemple de M. Osmond, on con- 
struit la courbe correspondant aux dérivées de la pré- 
cédente, c'est-à-dire la courbe qui représente les va- 
rialions de la vitesse d'échauffement ou de refroidis- 
sement, Pour des aciers moins durs, c’est-à-dire moins 
riches en carbone, la recalescence devient moins accu- 
sée, mais les autres dégagements de chaleur à7409 et 
S60° deviennent plus sensibles. Ces divers dégagements 
dechaleur se manifestent dans un refroidissement lent, 
mais dans le refroidissement brusque de la trempe 
ils n'ont plus lieu. La trempe semble done consister 
dans la suppression de certains dégagements de cha- 
leur, et cetle suppression empèche'en même temps 
certains changements d'état, La trempe maintient 
l'acier hors de son état normal. Le métal ne peut y 
revenir que si on le chauffe. M. Charpya cherché à 
découvrir et à préciser le rôle des trois dégagements 
de chaleur principaux dans la variation des propriétés 
dumétal. Le point A,, relatif à 7009, est altribué depuis 
longtemps à une transformalion du carbone. Un acier 
normal recuit contient un carbure Fe’C, qui se dé- 
compose au-dessus de 7009. La (trempe empêche la 
recombinaison du fer et du carbone, le carbone reste 
à L'état de dissolution. On en à une confirmalion dans 
le traitement par l'acide azotique étendu. La dissolu- 
tion d’un acier dans cet acide produit une coloration, 
due au carbure, et d'autant plus grande que là teneur 
en carbone combiné est plus grande, C’est là un mode 
de dosage rapide utilisé dans l'industrie; après la 
trempe, la coloration est beaucoup plus faible, car le 
carbone non combiné ne produit pas de coloration. 
Le point A, relatif à 740° correspond à un changement 
d'élat caractérisé par la possibilité de déformations 
sous pression conslante. Voici comment M. Charpy 
l'a démontré. En élirant un acier non trempé, la courbe 
des allongements en fonction des charges présente à 
un moment une partie recliligne, c’est-à-dire qu'il se 
produit à un moment un allongement sous pression 
constante. Cette partie rectiligne se retrouve dans les 
courbes d’écrasement, de flexion, de torsion. Elle n’a 
plus lieu quand l'acier est trempé. Sil s'agit bien là 
d’un changement d'état comme la liquéfaction, la 
série des courbes pour diverses Lempératures doit 
présenter des modifications analogues aux isothermes 
d’Andrews pour l'acide carbonique. Effectivement le 
palier horizontal se produit sous des charges plus 
faibles et à une étendue moindre à mesure que la 
température augmente. Ce changement d'état est 
encore confirmé par la varialion rapide des propriétés 
magnétiques pendant l'allongement sous charge cons- 
tante. Quant au point A, relalif à 8400, il semble, 
d’après M. Charpy, n'avoir aucune influence sur les 
propriétés mécaniques. Mais il correspond à une 
variation des propriétés magnétiques signalée par 
M. Curie. — MM. Abraham et J. Lemoine pré- 
sentent deux modèles d’électromètres absolus, des- 
tinés aux potentiels très élevés, Ce sont des électro- 
mètres-balance. L'un est un appareil de précision 
destiné à donner le en et capable de mesurer jusqu'à 
45,000 volts. L'autre est un modèle simplifié permet- 
{ant d’atleindre 100.000 volts; il donne encore le cen- 
tième, Dans le modèle de précision, le plateau attiré à 
un diamètre de 6 centimètres et est au centre d'un 
anneau de garde de {1 centimètres. Il est suspendu à 
l'extrémité du fléau d’une balance de précision à 
court fléau, portant un contrepoids à l’autre extré- 
mité. Il est maintenu centré dans le plan de l'anneau 
par des cordons légers à peine tendus. La balance, le 
plateau et l'anneau de garde sont reliés au sol. L'autre 
plateau, qu'on fait communiquer avec le conducteur 
dont il s’agit de mesurer le potentiel, est porté par 
une genouillière montée sur un pied à crémaillère et 
ses déplacements peuvent être mesurés au centième 
de millimètre. La genouillère sert à réaliser le paral- 


lélisme des deux plateaux. C'estavec l'œil qu'on règle, 
el avec une grande précision, le plateau central par 
rapport à l'anneau de garde, Les plateaux ont été tra- 
vaillés par le procédé de retouches locales et sont 
dressés au centième de millimètre. On peut opérer 
en équilibre instable en soulevantle plateau inférieur 
jusqu'à ce que laltraction équilibre la surchage. La 
balance culbute alors, Les mesures se font ainsi très 
neltement. On peut aussi opérer en équilibre s'able, 
car le fléau porte au-dessous du couteau central un 
quatrième couleau auquel on peut suspendre un poids 
variable. Les mesures d'un même potentiel pour 
des distances diflérentes entre les deux plateaux 
confirment Ja sensibilité du millième, Dans le 
modèle simplifié, le réglage des plateaux se fait 
en fléchissant légèrement les tiges de support qui 
sont en cuivre doux ; d'autre part, l'isolement a été 
renforcé, — M. Fierre Weiss a modifié d’une ma- 
nière ingénieuse le galvanomètre astatique de Thom- 
son à quatre bobines, et en a beaucoup accru la sen- 
sibilité. Le syslème astatique est formé de deux 
longues aiguilles verticales parallèles à l’axe de rota- 
tion et dont les pôles de noms contraires sont en re- 
gard, Ces deux petits barreaux sont collés sur une 
bande de mica. Les avantages de ce disposilif sont fa- 
ciles à apercevoir. La sensibilité d’un système asta- 
tique est d'autant plus grande que le moment magné- 
tique est plus grand par rapport au moment d'inertie. 
Aussi, dans la disposition ordinaire, a-ton avantage 
à prendre dés barreaux aussi courts que possible et à 
en disposer parallèment plusieurs dans chaque paire de 
bobines. Mais on est limilé dans cette voie par la force 
démagnétisante que les aimants voisins exercententre 
eux. Au contraire, le nouveau dispositif formant un 
circuit magnétique presque fermé, la force démagné- 
üsaute est presque nulle, et on peut donner à l'acier 
le maximum d’aimantation permanente. Puis, en rap- 
prochant les deux aiguilles, on augmente à volonté le 
rapport du moment magnélique au moment d'inertie. 
On à également avantage à rapprocher Les deux paires 
de bobines jusqu’au contact et à prendre leur diamètre 
extérieur aussi petit que possible. On peut res- 
treindre ce diamètre : car M. Weiss démontre qu'on 
à intérêt à diminuer la valeur généralement adoptée 
pour le rapport du diamètre extérieur au diamètre in- 
térieur et à la prendre égale à 3. En appelant, avec 
MM. Ayrton Mather et Sumpner, sensibilité d’un galva- 
nomèlre, le nombre de divisions qu'il indique pour 
1 microampère divisé par la racine carrée de la résis- 
tance, l'échelle étant à une distance du miroir égale à 
2000 divisions, et la durée de l’oscillation simple étant 
de 5 secoudes, l’auteur à pu, avec un instrument d’es- 
sai, grossièrement réalisé, sans le secours d'un côns- 
tructeur, obtenir une sensibilité égale à 1500 alors que 
le premier galvanomètre bolométrique de Langley ne 
donnait que 31, et que le galvanomètre le plussensible 
qui soit connu, l'appareil récent de M. Wadsworth, ne 
donne que 1300, el encore cette valeur n’a-t-elle été 
atteinte qu’en construisant des bobines suivant le pro- 
fil théorique et avec du fil de cinq grosseurs difré- 
rentes, Enfin le dispositif de M. Weiss a encore l’avan- 
lage d’assurer une grande constance à J’aimantation ; 
l'amplitude de Pimpulsion est bien proportionnelle à 
la quantité d'électricité induite, l’astalicité est plus 
facile à réaliser, et le système est moins sensible aux 
{répidalions, — M. Pellat présente, au nom de M. Mol- 
teni, un nouveau chalumeau pour la lumière oxyéthé- 
rique. Dans ce modèle, la carburation de l'oxygène 
par l’éther ou la gazoline se produit sans danger, car 
l'appareil est bourré- de laine d'amiante imbibée, et 
l’espace offert au mélange détonant est très petit. 
L’oxygène ainsi carburé peut remplacer le gaz d'éclai- 
rage pour alimenter un bec Drummond. M. Moltenia 
combiné aussi un nouveau modèle de régulateur à 
main pour arc électrique eten a rendu commodes les 
divers mouvements de déplacement. 
Edgard Haunié. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 22 Mars 1895. 


M. Engel à reconnu qu'à la température de 15° à 16°, 
l'acide chlorhydrique attaque le. cuivre jusqu’à une di- 
lution représentée par HCI-10H°0. L'attaque rapide avec 
l'acide concentré, surtout si l’on a ajouté un peu de 
chlorure de platine, devient extrêmement lente, même 
pour des concentrations de beaucoup supérieures à 
HCI + 10H20, lorsque l'acide setrouve saturé de chlo- 
rure cuivreux, Il faudrait plusieurs années pour attein- 
dre la limite où s'arrête la réaction. — M. Simon a 
reconnu que, dans la condensation des bases aroma- 
tiques primaires avec les éthers de l'acide pyruvique 
il se forme, pour chaque (erme, un produit blane, 
bien cristallisé, insoluble dans l’eau, soluble dans 
l'alcool chaud, un peu dans l’éther, le benzène et le 
chloroforme, Ces composés n’ont aucun rappwrt avec 
les produits résullant de la condensation de l'acide 
pyruvique avec les bases. Leur équation de formation 
serait : 

CHÈ—CO—CO!R+CH3—CO—CO?2R+2C5H5AzHE — 
CH3—C—CO—CH?2—C—CO?R 
Î | + 2H20+ROH. 
Az—C6H° Az—C°H5 


I y aurait soudure de deux chaines carbonées ; on au- 
rait une condensation analogue à celle observée par 
Classen et Wislicenus en présence du sodium, ou à 
celle réalisée par Miller et Plochl avec l’aldéhyde en 
présence d’aniline, — M. Tanret a reconnu que les 
pentacétines du glucose ou les hexacétines des inosiles 
actives fondues dans un tube effilé restent amorphes 
en se solidifiant, À cet élat, leur point de fusion est 
notablement abaissé : la pentacétine « fond à 52° (pri- 
mitivement 1302), la pentacétineg fond à 350 (primiti- 
vement 86°). Mais ces corps amorphes portés, « à 4009 
pendant quelques secondes, 8 à 60° pendant 7 à 
8 heures, recristallisent et reprennent leurs points de 
fusion primitifs 1409 et 86°, La même transformation 
s'accomplit aussi en solution. On observe au moment 
de la transformation un dégagement de chaleur très 
notable, Il y a donc une grande analogie entre ces 
phénomènes et ceux que présente le soufre. M. Tanret 
a pu, en maintenant fondu à 1059 du glucose anhydre, 
l'obtenir cristallisé. Le glucose ainsi cristallisé aurait 
en solution récente un pouvoir rotatoire moindre que 


remonte &p — + 52. Le glucose posséderait donc la 
trirotation, — M. Maumené applique sa théorie gé- 
nérale à un borure de fer signalé par M. Moissan. — 
M. Rosenstiehl, répondant à une communication anté- 
rieure de M. Prudhomme, démontre qu'il a nettement 
défini ce qu'il ya de spécial dans la fonction chimique 
des rosanilines : ces corps sont à la fois alcools et 
amines. Il répond aussi à une objection de M. Prud- 
homme qui se refuse à voir dans les fuchsines des 
éthers, que cette fonction est la conséquence de leur 
constitution, Ces corps sont à la fois éthers et amines. 
Ils ressemblent aux sels. Ce caractère, très net pour 
les dérivés triamidés, s’atténue pour les dérivés dia- 
midés. Au 
s’accentuant dans les dérivés du triphénylméthane 
entre deux extrêmes, d’une part, le triplénylcarbinol 
à caractères voisins des acides et, d'autre part, son 
dérivé triamidé nettement basique, — M, Prudhomme 
a reconnu que, relalivement à la propriété de former 
des laques solides avec l’alizarine dans leau distillée, 
la glucine se conduit comme les protoxydes. On sait 
que, dans ces conditions, les sesquioxydes ne donnent 
ces composés qu'avec le concours de la chaux. — 
M. Causse a adressé une note sur le dosage de l'azote 
. # 4 r: 1 . , 3 
organique par le procédé de Kjeldahl. Il a étudié d’a- 
bord l'influence des doses variées de mercure ou de 
son oxyde, puis celle du sulfure de sodium, enfin celle 
de la soude, sur le pourcentage en azote. 
E. CHaron. 


le glucose ordinaire. En quelques heures ce pouvoir | 


contraire, le caractère alcoolique va en: 


Les 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Séance du 21 Mars 1895. 


M. Zdenek Peske propose, pour la détermination 
volumétrique du sucre, de se servir d’une solution 
cuprique ammoniacale, Sa méthode n’est qu'une 
modification de celle de Pavy. IL empêche la rapide 
oxydation de la solution cuprique réduite en recou- 
xrant cette solution d'une couche d'huile de parafline 
à point d’ébullition élevé. L'auteur a essayé aussi de 
faire passer dans la liqueur un courant de gaz indiffé- 
rent, mais n’est point arrivé par ce moyen à des ré- 
sultats satisfaisants. — M. Otto Bosek a repris l’étude 
de l’action de l'hydrogène sulfuré sur les solutions 
d'acide antimonique ; un excès d’une solution aqueuse 
d'hydrogène sulfuré sur une solution d’acide antimo- 
nique, à la température ordinaire, produit du penia- 
sulfure d’antimoine, ce qui est d'accord avec les 


résultats obtenus par Bunsen. Si l'on fait agir l'hydro- 


gène sulfuré sur des solutions d’acide antimonique, 
la quantité de pentasulfure d'antimoine formé aug- 
mente si l’on abaisse la tempéralure et si l’on accroît 
la force du courant d'hydrogène sulfuré. Mais, au con- 
traire, il y a augmentation de la quantité de trisulfure 
si l’on élève la température ou si l’action de l'hydrogène 
sulfuré devient moins vive. — M. B. Brauner : Action 
de lhydrogène sulfuré sur les acides antimonique, 
arsénique et tellurique. L'auteur représente cette 
action par les équations suivantes : 


(1) 2H3SbO! + 5H2S — Sb?S5 + SH20 
(2 2HSSbO Æ 5H2S — Sb?S3  S2 + 8H°0. 


IL Il 


Il se forme probablement en premier lieu une modi- 
fication du pentasulfure, à laquelle on peut attribuer 
la formule : H#SbS'. Si l’on chauffe de l'acide antimo- 
nique avec de l'hydrogène sulfuré en solution contenant 
de l'acide hypochloreux ou de l’acide sulfurique, on a 
un précipité de pentasulfure d’antimoine ; on n'obtient 
pas d'acide oxysulfoantimonique ni d’oxysulfoanti- 
moniate, comme cela est le cas pour l'acide arsénique. 
A la lumière solaire le pentasulfure d’antimoine est 
converti en trisulfure et en soufre comme lorsqu'on 
le chauffe à 220°. — M. Bohuslav Brauner a continué 
ses recherches relatives à la détermination du poids 
atomique du tellure et a trouvé pour ce corps le 
chiffre 127,71, différent de 0,86 de celui attribué à 
l’iode (126,85). La position occupée par ce corps dans 
le système périodique ne lui assigne pour poids ato- 
mique que 123-125. L'auteur incline à croire que le 
tellure n’est pas un corps simple. — M. G. Harvis 


CHRONIQUE 


439 


Morris : Sur l’hydrolyse de la maltose par le ferment. 
— M. Gérold T. Moody fait une communication sur 
l'acide éthylbenzène-sulfonique dont il étudie les sels 
et les modifications isomériques.— MM. A.-G., Perkin 
et J.-J. Hummel ont trouvé que les principes colo- 
rants qui se trouvent dans la Todalia aculeata et l'Edo- 
via meliæfolia sont dus à la présence de la berbérine. 
— MM. F. Stanley Kipping et William J. Pope 
décrivent une nouvelle série de chlorures sulfoniques 
dérivés du camphre et isomères des chlorures sulfo- 
niques ayant pour composition C'0H!/CISO?CI; ils 
proposent de nommer ces corps chlorures de chloro- 
camphènesulfonique. Ils ont préparé le chlorure d’# 
chlorocamphènesulfonique : l’x chlorocamphènesul 
fonamide C'OHCISO?AzH? ; l'2 dichlorocamphèn® 
CI0H!CP ; le chlorure de 6 chlorocamphènesulfonique 
et la 8 chlorocamphènesulfonamide, 


ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE 
Séance du 14 Mars 1895. 

1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Suen fait voir deux 
photographies de la Lune faites par MM. Lœwy et Pui- 
seux à l’aide du grand équatorial coudé et fait une 
longue communication sur les conclusions qu'il est 
possible d’en tirer. — M. v. Hepperger adresse un mé- 
moire sur la quantité de lumière envoyée par la Terre 
à la Lune. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. Carl Diener : Sur les 
céphalopodes de certaines parties de la Sibérie, parti- 
culièrement du côté de Wladiwostok. — M, Czapek : 
Sur l'héliotropisme et le géotropisme.— M. K. Budlay : 
Sur l’ostéogénésie. 


Séance du 21 Mars 1895. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Victor v. Dauts- 
cher : Ellipses passant par trois puints donnés et assu- 
jJetties à certaines conditions. — M. Eduard Weyr : 
Théorie du mouvement d’un système soumis à un cer- 
tain nombre de liaisons. — M. A. Wassmuth : Sur 
les transformations et les changements de coordonnées. 
— M. Leonhard Fleischmann : Réparlition du cou- 
rant électrique à la surface d’un corps animé d'un 
mouvement de rotation. 

20 SGiENCES PHYSIQUES. — MM. G. v. Georgievies et 
E. Lowy : Sur la théorie de la teinture. L'étude de 
l'équilibre qui se produit entre le bleu de méthylène, 
l’eau et la cellulose satisfait aux lois énoncées précé- 
demment par l’auteur; les résultats sont indépendants 
de la structure de la matière teinte. Quand la tempé- 
rature varie, les effets varient avec cette matière. 


CHRONIQUE 


L'EMPOISONNEMENT DES RIVIÈRES EN AUSTRALIE 


Que les progrès de la civilisation soient surtout | 


marqués par les perfectionnements successifs apportés 
à tous les engins de destruction, ce n’est une idée nou- 
xelle pour personne : chacun sait, au moins en gros, 
à quels résultats on est aujourd'hui parvenu à cet 
égard ; et qui donc n'a jamais rêvé aux forces nou- 
xelles dont la science disposera demain ? 

Mais le point de départ, les armes, les moyens plutôt, 
dont l’homme ausé d'abord soit pour sauvegarder sa 
sécurité, soit pour assurer sa subsistance, ne voilà-t-il 
pas un sujet vers lequel on tourne moins souvent ses 
Yeux et sa pensée? IL ne peut s'agir pour nous que 
d'en montrer un très petit côté; encore l'intérêt en 
est-il piquant, car nous voulons parler de peuplades 
considérables qui, à notre époque et sur la mème terre 
qu'une race très avancée, encadrées pour ainsi dire 
par cette race, vivent encore d’une existence qui ne 
doit rien qu'à la nature, à peu près comme aux pre- 
miers âges de l'humanité, 


Il n’y a guère plus d’un siècle que l’Europe se préoc- 
cupe de l'Australie. En 1750, Cook y plante le pavillon 
britannique ; en 1788, le gouverneur Philipp y amène 
un millier de condamnés, des convicts, qui sont les 
premiers colons de ce continent aussi vaste que l’Eu- 
rope. D'autres y viennent après ceux-là !; l’élevage 
prend des proportions incroyables; la prospérité se 
développe rapidement; enfin, vers 1860, l'existence de 
gites aurifères étant soupconnée, puis confirmée, c'est 
de toutes les parties de l'univers que se précipitent en 
foule des explorateurs avides. 

Bien que-tout le monde sache cela aujourd'hui, ces 
souvenirs sont bons à rappeler pour rendre invraisem- 


1 Depuis longtemps déjà l'Australie n'est plus le centre de 
déportation que l'on s’imagine trop souvent. La colonie de 
Victoria n'a jamais laissé aborder sur sa rive la lie de la 
métropole; la Nouvelle-Galles du Sud n'a subi ces importa- 
tions pestilentielles que jusqu'en 1840, et, depuis 1850, la 
Tasmanie elle-même ne recoit plus de convicts. 


blable ce fait que, au centre d'une population totale 
de plus de quatre millions d'habitants, se maintiennent 
encore des aborigènes étrangers ou réfractaires à 
toute tentative de culture sociale : auprès d’eux passe, 
sans les entrainer, le grand courant économique qui, 
chaque jour, depuis un siècle, a rapproché davantage 
leur pays des nations civilisées. 

Naturellement ils échappent à la statistique encore 
plus qu'à la civilisation. Le recensement de 1891 ne 
donne comme exacts que les chiffres relevés dans la 
Nouvelle-Galles du Sud (8,280) et dans Victoria (565), 
On est réduit à des conjectures pour le Queensland 
(70,000), pour l'Australie du Sud (23,700), pour l'Aus- 
tralie du Nord, Au total on parle ordinairement de 
200,000, 

Ces aborigènes vivent uniquement de leur chasse et 
de leur pêche. Contre les oiseaux, ils ont, en plus de 
leurs flèches rapides, cette arme non moins sûre, le 
boomerang ‘, dont le maniement est resté pour tous les 
voyageurs un objet d'étonnement et d’admiration. 
Contre les poissons, ils ont recours à des procédés plus 
primitifs encore etauxquels s'attache pour nous comme 
un renom de barbarie : avec la belle insouciance de 
nomades qui peuvent dévaster une région, quitte à se 
transporter ailleurs où les appellent des ressources 
nouvelles, ils empoisonnent les rivières et les étangs. 

Le problème se pose de savoir à quels végétaux sont 
empruntés des poisons tels que la chimie la plus 
savante hésiterait peut-èlre à en citer d'aussi actifs. 
C'est précisément le point-sur lequel ont attiré l’atten- 
tion les recherches du D' Greshoff, attaché au fameux 
jardin botanique de Builenzorg (Java). A son tour, 
M. H. Maiden, de Sydney, en a fait l'objet de ses 
études, et, dans un numéro de l’Agricultural Gazette of 
New South Wales ?, tout en sollicitant les renseigne- 
ments dont pourraient profiter ses travaux, il publie 
Ja liste des plantes que les noirs utilisent, à sa con- 
naissance, pour prendre du poisson. 

« D'une manière très générale, dit en substance 
M. Maiden, les écorces ou les feuilles que l’on jette dans 
les cours d’eau pour tuer, ou au moins pour engourdir 
le poisson, renferment des éléments tanniques; mais, 
sans rien affirmer, j'incline à penser que l'agent vrai- 
ment acuf est une saponine analogue à celle qui donne 
à l'écorce de nos acacias, par exemple, son goût persis- 
tant d’amertume. Quoi qu'il en soit, nul doute que 
l'analyse chimique des plantes qui nous occupent ne 
puisse fournir la matière d'une étude originale et 
féconde, » 

Voici comment procèdent à l’ordinaire les nègres de 
la Nouvelle-Galles du Sud. Dans la largeur d’un cours 
d'eau, ils plantent des pieux destinés à retenir des 
claies d'écorce ou des paquets, des bolles de feuillage. 
En très peu de temps le poisson effaré, éperdu, comme 
enivré, vient se henrter contre la digue, et les noirs 
postés à proximilé s'er emparent facilement, Cette 
sorle d'ivresse ne se prolonge guère au delà d’une 
heure environ ei ne laisse après elle aucune trace 
fâcheuse au point de vue de l'alimentation. 

Sir W. Mac Arthur, en ces derniers temps, aurait 
élabli que, dans les comtés de Cumberland et de 
Camden (Nouvelle-Galles du Sud) les aborigènes em- 
ploient l'écorce de l’acacia faleata,un petit arbre qui se 
rencontre dans les districts côtiers, connu quelquefois 


! Nous avons eu entre les mains un boomerang rapporté 
par M. le Dr Adrien Loir, ancien directeur de l'Institut Pas- 
teur australien. C’est une sorte de latte assez mal dégrossie, 
ct recourbée, dont les deux branches, de 30 centimètres en- 
viron, forment un angle de 110 à 1200. Cet engin, lancé avec 
force, suit d’abord, à un pied du sol, une ligne horizontale, 
puis brusquement se redresse à 20 ou 50 mètres du chasseur, 
et, dans son tr jet vertical, va frapper la proie visée. 

2H, Mainex : Fish-poisons of the Australien aboriyenes, in 
Agricullural Gazelleof New: South MW ales, n° du 4er juillet 1894. 


PATES Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11 
ES 


CHRONIQUE s 


sous le nom de nickory (noyer d'Amérique) etvulgaire- 
ment désigné dans le pays par le mot de weetjellan. 
Chose curieuse : les noirs font aussi usage de cette 
écorce pour des pansements dans le cas de certaines 
maladies cutanées. 

Tout à fait au sud de la mème colonie, on se sert de 
l'écorce et des feuilles d’un autre nickory où « bois 
noir » (acacia penninervis). è 

Les nègres de l’intérieur du Queensland emploient 
dans les petits lacs l'écorce du « goobang » ou « cooba », 
saule indigène (acacia Salicina), Au contraire, dans le 
Queensland du nord, la préférence est pour le manglier 
aquatique frais (Barringtonia racemosa), vulgairement 
« Yakooro », dont l'écorce est d’abord débitée en petits 
morceaux, puis martelée sur la pierre. Quant à une autre 
variété, le Barringlonia speciosa, qui croit aussi dans 
le Queensland, les Australiens le dédaignent; mais il 
est, dit-on, très apprécié pour le même usage par les 


indigènes des îles Fidji; seulement on se sert de l’enve- 


loppe extérieure du fruit, et non pas de l'écorce à pro- 
prement parler, = 

Avec le Careya australis, autre précaution : pour des 
raisons isnorées, les noirs emploient lécorce de la 
racine dans les eaux salées et l'écorce de la tige dans 
les eaux douces. 

Ailleurs on préfère l'écorce broyée du Cupania pseu- 
dorhus ; ailleurs encore, les feuilles pilées de la Derris 
uliginosa. 

La Derris elliptica est plus en faveur à Java et, semble- 
til aussi, dans l’îile de Bornéo. Examinée par le 


Dr Gresholf, elle a révélé des propriétés extrêmement. 


vénéneuses : une décoction de racine, au 300.000, est 
fatale à un poisson. Le seul élément actif que l’on ait 
pu isoler, mais non à l’état de pureté, est une subs- 
lance résineuse, nommée derrid, qui ne contient pas 
d'azote el n’est pas une glucose, A peine soluble dans 
l’eau, elle se dissout au contraire avec facilité dans 
l'alcool, dans l’éther, dans le chloroforme; mêlée à de 
la potasse, elle donne des acides salicylique et protoca- 
téchique; une solution dans l’alcoo! produit un réactif 
légèrement acide qui entraine pour des heures l’in- 
sensibilité partielle de la langue. Au 500,000, la solu- 
tion est presque instantanément mortelle pour le 
poisson. 

Quant à l'eucalyptus, pourtant si répandu, on ne voit 
pas qu'il soit d’un grand usage ; à peine esl-il nommé 
par quelques voyageurs, Sir Thomas Mitchell dit, par 
exemple, en parlant du Lachlan : « La rivière offre 
des endroits profonds et nous complions sur une bonne 
pèche; mais notre guide nous apprit que le lit avait été 
récemment empoisonné, d'après la coutume adoptée 
par les indigènes pendant la saison sèche, En effet, 
tous les-trous étaient remplis de branches fraiches 
d’eucalyptus, et le courant en prenaitune teinte noire, » 
[ s’agit probablement de l'Eucalyptus microthecu, que 
M. E. Palmer dit avoir vu employer de la même façon 
dans l'intérieur du Queensland. 

Signalons enfin, comme servant au même but, d’a- 
près divers témoignages : le Tephrosda purpurea, 
nommé en quelques endroits Jerril-jerry ; le Bujfa 
ægyptiaca à l'état vert, une variété de courge dont le 
nom est bun-bun; un Polygonum, probablement le 
Polygonum orientale, qui agit si bien que les poissons 
ne tardent pas à apparaitre mourants, le ventre en 
l'air, à la surface de l’eau, sans rien perdre d’ailleurs 
de leurs qualités alimentaires, ele., ele, 

Tels sont, ajoute en terminant M. Maiden, quelques- 
uns des très nombreux végélaux actuellement connus 
comme employés contre le poisson. Si incomplète que 
soit l’'énumération, encore vaut-il la peine de recher- 
cher scientifiquement à quelle substance est due leur 
action. C’est évidemment par hasard que les abori- 
gènes l'ont découverte ; aux savants de l'expliquer. 

Achille LAURENT. 


Le  Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER 


; 


D VAMOMEATEP 


6° ANNÉE 


N° 10 


30 MAI 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


UNE SCIENCE NOUVELLE : LA BIOMÉCANIQUE 


Le but del'Embryogénieest, comme on sait, de dé- 
couvrir les phases successives que parcourt le jeune 
être, depuis l’état d'œuf jusqu’à celui de plante par- 
faite ou d'animal complètement développé. Les 
naturalistes de tous les pays se sont appliqués, 
avec un zèle admirable, à cette tâche ; d'innom- 
brablestravaux, portant sur tous les types d’ani- 
maux et de végétaux, ont fait la lumière sur pres- 
que tous les points, et l’on peut dire qu’il ne nous 
reste rien de bien essentiel à apprendre sur ce 
chapitre. L’Embryogénie descriptive, c'est-à-dire 
le comment de l'autogenèse est à peu près connue. 

Par contre, le pourquoi de l'ontogenèse reste dans 
une obscurité presque complète. Par le pourquoi, il 
faut entendre ici non pas la raison finale, mais la 
cause immédiate des phénomènes. On sait très 
bien que l'œuffécondé est une simple cellule, que, 
pendant le développement, il sedivise et que toutes 
les cellules nées de sa division font de même, 
toujours dichotomiquement, jusqu'à ce que le 
matériel llulaire qui forme la substance de l'être 
ait été produit en totalité. On connait les arran- 
gements successifs que prennent toutes cellules 
jusqu'à ce que la forme définitive ait été enfin 
réalisée. Mais on ne sait pas pourquoi les cellules 
prennent les places et les dispositions qu’on leur 
voit prendre, pourquoi elles s’arrangent suivant 
les groupements si variés que nous montrent les 
stades successifs de la vie embryonnaire. On sait 
aussi quelles formes, quels caractères histologiques 
revêtent les cellules à chaque stade; mais on ne 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


sait pas pourquoi l’une devient cellule nerveuse, 
l’autre fibre musculaire, une troisième élément 
glandulaire, une autre enfin, élément conjonctif. 
En un mot, on sait le comment de la différencia- 
tion anatomique et histologique, on n'en connait 
pas le pourquoi. EL, chose singulière, cette question, 
importante entre toutes, semble avoir, moins que 
beaucoup d’autres, excité la sagacité des -natura- 
listes. La cause en est sans doute qu'il fallait bien 
connaitre les phénomènes avant de chercher leur 
interprétation; sans doule aussi cela tient, pour une 
part, à ce qu'il est plus facile de décrire une chose 
que de l'expliquer. Toujours est-il que, pour cent 
travaux d'embryogénie descriptive, ilen est à peine 
un relatif aux causes de l’évolution ontogénétique. 

Encore la plupart de ceux qui ont tenté d'ex- 
pliquer l’ontogenèse ont-ils eu recours à l'hypo- 
thèse plutôt qu’à l'expérience. Le problème semble 
si ardu, si diflicilement accessible à l’expérimen- 
tation, et, d'autre part, la tendance est si forte de 
devancer par l'imagination le progrès si lent de 
l'observation et de l'expérience, qu’il n'en pouvait 
être autrement.. 

Notre but ici n’est pas de résumer même briève- 
ment ces théories ni de les criliquer !. Rappelons 
seulement que les théories les plus en honneur 


! Cette étude et cette critique ont trouvé place ailleurs, 
avec tous les développements qu’elles comportent dans l'ou- 
vrage suivant qui sort de presse en ce moment : 

Yves Derace, La structure du Protoplasmeet les Théories 
sur l'Hérédilé et les grands problèmes de la Biologie générale. 
In-8°, xvi-815 pages, avec figures. Paris, Reinwald, 1895. 

19 


412 Y. DELAGE — UNE SCIENCE NOUVELLE 


LA BIOMÉCANIQUE 


aujourd'hui demandent l'explication de tous 
les phénomènes à la prédéterminalion des varur- 
lères. Tous les caractères et propriétés de l'or- 
ganisme futur seraient représentés dans l'œuf 


fécondé par autant de germes distincts, qui n’au- 


raient qu'à se développer pour éelore et se montrer: 


au point et au moment voulus, el qui, contenant 
en eux-mêmes toutes les raisons de leur évolution 
ne demanderaient rien aux conditions ambiantes 
que ces forces banales, chaleur, lumière, humidité, 
aliments, partout également nécessaires à l'entre- 
tien de la vie. 

Ur, ces théories sont condamnées par les faits. 
L'isotropie de l'œuf, démontrée par les travaux de 
Pflüger, de Drieseh et de O.Hertwig, leur est fatale, 
el les phénomènes de régénération, de dicho- 
génie, ele., leur portent le dernier coup. 

Pour qui veut raisonner d'après les données 
posilives de l'expérience, iln'y a pas dans l'œuf 
de yermes prédestinés. D'autre part, l'hérédilé n'est 
point, comme quelques-uns semblent le croire, 
une force de l'évolution: elle n'esl 
qu'une calégorie de phénomènes: elle n'explique 
rien el demande elle-même à ètre expliquée. En 
sorle que la question se pose ainsi : Comment 
l'œuf, — simple cellule de constilution physico-chi- 
nique déterminée, mais non composé de germes 


directrice 


prédestinés, — abandonné à lui-même, sans le se- 
cours de forces évolutrices spécialement chargées 
de le conduire, peut-il parcourir les phases succes- 
sives de son développement ? 

Il s'agit done de chercher s'il n'existe pas de 
forces qui, agissant sur l'œuf pendant son dévelop- 
pement, déterminent, pour chaque cellule, au 
moment voulu, sa position dans l’ensemble et le 
sens de sa diflérencialion histologique. Car tout, en 
somme, dans les êtres organisés, quels qu'ils soient, 
se réduil à ces deux facteurs : l’arrangement des 
cellules et leur différenciation histologique: tout le 
problème de l'ontogenèse se ramène à ces deux 
questions posées à chaque cellule : Comment es-tu 
venue ici? Comment es-tu devenue cela? 

Évidemment, il ne saurail êlre queslion, à 
l'époque actuelle, d'aborder ainsi la question dans 
loute sa généralité, el ce sera beaucoup si nous 
arrivons à montrer qu'il existe, indépendam- 
ment de germes prédestinés et de tendances héré- 
dilaires quelconques, des forces agissant sur l’ar- 
rangement des cellules et sur leur différenciation 
histologique. Or, ces forces existent et il est facile 
de le montrer. 


1. —— ACTEURS DE LA DIFFÉRENCIATION ANATOMIQUE. 


Les principaux facteurs de la différenciation 
anatomique sont les /ropismes el les laclismes, €'est- 
à-dire les déplacements des cellules et des organes 


sous l'influence des agents mécaniques, physiques, 


chimiques ou physiologiques. On‘dit qu'il y à 


tropisme lorsqu'une partie se déplace par torsion 
ou flexion, sans que les relalions des cellules, les 
unes par rapport aux autres, soient modifiées, par 
exemple lorsqu'une fleur se tourne vers la lumière 
ou qu'une racine s’infléchit vers le sol; il y a 
lisne, au contraire, quand des cellules libres se 
déplacent et contraclent de nouveaux rapports, 
ainsi lorsque des leucocytes se porlent sur un 
point pour attaquer el détruire des tissus morli- 
liés. D'une manière générale, on peut dire que 
tous les agents exercent sur tous les éléments un 
tropisme ou un tactisme fort ou faible, parfois si 
faible qu'il parait nul, positif ou négatif, c'est- 
à-dire atlirant les cellules vers la source d'in- 
fluence ou les repoussant loin d'elle. 

Cilons, entre autres, la pesanteur, le contact, la 
pression, la chaleur, la lumière, l'électricilé, l'hu- 
midité, les agents chimiques de toute nature, enfin, 
les éléments cellulaires eux-mêmes qui exercent 
les uns sur les autres, et selon leur nature, des 
altraclions ou des répulsions. 

La plupart de ces tropismes sont bien connus, 
surlout des botanistes qui, chaque jour, observent 
les effets du géotropisme posilif sur les racines, 
négatif sur les liges, du thermotropisme, du pho- 
totropisme, ele. etc., sur la plupart des plantes. 
Mais ces phénomènes ne se montrent d'ordi- 
naire que sur les plantes développées: il reste à 
prouver qu'ils se manifestent également pendant 
l’ontogenèse sur les éléments nés de la division 
de l'œuf, exercent leur influence sur les dispositions 
relalives que prennent ces éléments, et détermi- 
nent ainsi leurs groupements en tissus, et l’arrange- 
ment des organes d’où résulte la forme du corps. 

Pfeffer 1888) a montré que des cellules animales 
ou végétales, isolées ou plus ou moins libres (Bac- 
téries, Flagellates, Volvoces, sont sensibles à une 
grande variété d'excilants chimiques, se rappro- 
chant des uns, s'écartant des autres, selon leur 
nalure, chacune ayant en quelque sorte un coelli- 
cient chimiotactique propre. 

Roux (189%) ‘, en isolant les blastomères d'un 
œuf segmenté et en examinant leurs mouvements 
dans un liquide indifférent, a constaté que les uns 
s’alliraient et les autres se repoussaient, eLil à 
donné le nom de rytotropisme à ce phénomène. II 
eùt mieux fait de dire cylolurtisme. Ces forces 


lac 


allractives el répulsives existaient aussi dans 
l'œuf intact etne pouvaient manquer d'exercer une 
influence sur la position relative des éléments el 
sur la forme de l’ensemble. L'action altractive de 
l'oxygène sur les leucocytes et sur les divers élé- 
PR RE TR er 

| Avant lui, Hartog avait décrit sous le nom d’adelpholarie 
des phénomènes très semblables. 


Edit 


Ds ‘oo. #1, ie Es 


ments est bien connue. Aussi, loutes les fois que 
l'on voit, dans un embryon, des éléments libres se 
porter vers les points où l'oxygène a un plus facile 
accès, on est en droit d’attribuer leur déplacement 
à un chimiotactisme dont ce corps est l'agent. 
Herbst (1894) attribue à cette cause la migration 
des blastomères dans l’œuf de l'insecle, du centre, 
où ils prennent naissance, vers la surface où ils se 
rendent tous. D'ailleurs, ce chimiotactisme n'est 
pas égal pour tous les éléments; il est plus grand 
pour certains, moindre pour d’autres, négatif pour 
d’autres encore, chacun selon sa nature se rendant 
au point où la proportion d'oxygène est oplima pour 
lui. Je ne doute pas que, dans les Éponges, la sortie 
des cellules ectodermiques, d’abord internes chez 
la larve libre, puis externes après la fixation, et la 
rentrée des cellules ciliées qui suivent une marche 
inverse, ne soient dues à ces causes. Lorsque l’on 
voit, dans la plupart des larves, les cellules méso- 
dermiques, libres entre les deux feuillets princi- 
paux, se porter, les unes sous l’épiderme pour 
former le derme et les muscles du corps, les autres 
contre l'endoderme pour former son chorion, le 
parenchyme de ses glandes et les muscles de la 
vie végétalive, il est naturel d'attribuer ces mou- 
yements à un cytolactisme émanant des cellules 
endodermiques et ectodermiques, ou à un chi- 
miotactisme ayant pour agent l'oxygène plus 
abondant à la surface du corps que dans la cavité 
digestive, plutôt qu’à une évolution de gemmules 
que personne n'a vues, ou à une tendance héré- 
ditaire métaphysique. 

L'action déterminante de l'oxygène sur la forme 
du corps se montre d'une facon évidente chez cer- 
lains champignons. Le mucor à -grappes forme 
dans l'air un thalle filamenteux,comme font d’ordi- 
naire toutes les moisissures. Si l'on diminue la 
proportion d'oxygène, ce thalle s’égrène, et la 
plante s’émielte à la manière d’une levure, Elle 
n'en végèle pas moins sous cette nouvelle forme, 
et, dès qu’on lui rend l'oxygène, reforme un thalle 
filamenteux. Ici donc, l'oxygène est la cause immé- 
diale de la solidité d'union des cellules nées de 
la division d'une même cellule-mère, union d'où 
résulte la forme entière du végétal. 

La température a une action morphogène non 
moins énergique. Driesch (1893) a pu, en élevant à 
30° des embryons d’oursin, obtenir des larves chez 
lesquelles les cellules endodermiques, au lieu de 
S'invaginer, se dévaginaient au dehors, produisant 
ainsi un type embryologique tout à fait nouveau, 
l'exogastrula où gastrula chez laquelle le sac digestif 
pend hors de la bouche comme une hernie. Si une 
modification de la température peut, à elle seule, 


_ renverser le sens d’une invagination, pourquoi 


serait-il impossible que celte même température, 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


Y. DELAGE — UNE SCIENCE NOUVELLE : LA BIOMÉCANIQUE : 443 


combinant son action à celle des autres agents du 
tropisme, soit une cause déterminante effective de 
l'invaginalion normale, au lieu d’être, comme on 
l’admet, une simple condition banale nécessaire à 
sa production comme à l'entrelien de toutes les 
autres manifestations vilales ? 

On sait aujourd'hui que les nerfs ne se forment 
pas tout entiers dans les tissus, mais que leur cy- 
lindre-axe émane des centres et pousse dans les 
tissus comme fait une racine dans le sol. Leur 
gaine de Schwann et leur enveloppe protectrice 
de myéline, au contraire, est formée d'éléments 
empruntés sur place aux tissus embryonnaires 
qu'ils traversent. Si l’on s’en tient à la théorie des 
germes prédestinés où des tendances héréditaires loca- 
lisées, est-il possible de concevoir que ce fila- 
ment axile du nerf, aille passer, sans la moindre 
erreur, précisément là où l’attendent les cellules 
qui devront former sa gaine et aille se jeter préci- 
sément dans les fibres musculaires qu’il doit in- 
nerver et dans les cellules périphériques qui doi- 
vent former les éléments des organes des sens 
corréspondauts ? Cela devient tout simple, au con- 
traire, si l'on admet avec Herbst (1894) que le fila- 
ment nerveux exerce une attraction newrotactique 
spécifique qui fait arriver à lui les éléments capa- 
bles de former sa gaine, et qui le dirige lui-même 
vers les terminaisons sensilives et musculaires 
auxquelles il doit aboutir. Et cela n’est pas spécial 
aux nerfs. C'est sans doute par suite d'actions ana- 
logues que les colonnes sanguines, endiguées par 
un simple endothélium, se renforcent d'éléments 
conjonctifs, musculaires et élastiques, que les mus- 
cles se forment leur périmysium, les épithéliums 
glandulaires leur parenchyme, etc. En sorte qu'au 
neurotactisme de Herbst nous pouvons en ajouter 
une foule d'autres et les réunir sous la dénomina- 
lion générale de biotactisme. 

En somme, et sans insister sur des exemples 
qu'il serait facile de multiplier, nous pouvons dire 
que l’on a le droit de concevoir l’arrangement des 
cellules d’où résulte la forme du corps et des 
organes comme la résultante des pressions, trac- 
tions, refoulements, dus à un cloisonnement inégal 
en les divers points et d'une multitude de tro- 
pismes- et de lactismes, ayant pour causes les 
agents mécaniques, physiques, chimiques, et les cel- 
lules elles-mêmes, chaque cellule prenant, sous l’ac- 
tion des forces multiples quiagissent surelle de toute 
part, la position d'équilibre pour laquelle toutes 
les forces se neutralisent en une résultante nulle, 


[l, — LA DIFFÉRENCIATION HISTOLOGIQUE. 


3ien plus encore que la précédente, la diffé- 
renciation histologique se montre soumise à 
l'influence de forces indépendantes des /erdanres 


10* 


444 


Y. DELAGE — UNE SCIENCE NOUVELLE : LA BIOMÉCANIQUE 


héréditaires et des yermes prédestinés. ei nous 
n'avons plus seulement des raisons de croire, nous 
avons des preuves formelles de l'existence de 
ces forces organiques. Si la prédestination des 
parties était réelle ou s’il y avait vraiment une 
tendance héréditaire de chaque partie à ressembler 
à la partie correspondante des parents, on ne 
pourrait voir un même élément subir, selon les 
circonstances, des évolutions toutes différentes. 
Or, c’est ce qui a lieu cependant. 

Hüter a montré que, dansles luxations anciennes, 
les parties enduites de cartilage se dénudent de 
ce revêtement sur les points où elles cessent de 
frotter et que du cartilage se développe là où une 
surface osseuse, munie de son périoste, est soumise 
à des frottements répétés. Si donc le cartilage arti- 
culaire ne peut se maintenir que là où un frotte- 
ment s'exerce; s’il se développe là où il ne devrait 
pas exister sous la simple influence du frottement, 
— n'est-il pas démontré que des éléments, non pré- 
destinés par des germes ou par des tendances 
héréditaires à former du cartilage, sont capables 
d’en former; et n'est-il pas légitime d'admettre que, 
là où cette substance se forme normalement, 
l'hérédité et les germes spécifiques n'y sont pour 
rien, et qu'enfin le frottement est la cause déter- 
minante de leur production ? 

Les exemples de ce genre abondent; nous allons 
en citer quelques-uns parmi les plus frappants : 

Lorsqu'une fracture n'est pas convenablement 
immobilisée, les plaies osseusesse cicatrisent sans 
se souder : les fragments restent mobiles et, à Ja 
longue, il s'établit une pseudarthrose. Or, ces 
pseudarthroses, bien qu’elles soient moins par- 
faites que les articulations normales, n’en ont pas 
moins tous les organes qui se rencontrent dans 
celles-ci. Il se forme des surfaces articulaires 
polies, revêtues de cartilage, des ligaments péri- 
phériques contenteurs et même un rudiment de 
synoviale. Il n’y avait point là cependant d'articu- 
lation chez les ancêtres et aucune tendance héré- 
ditaire n'a pu intervenir; d’autre part, s'il y avait 
eu une prédestination cellulaire, elle n'eût pas 
permis cette formation d'organes nouveaux aux 
dépens de cellules non destinées à les former. C’est 
qu'il n'y a rien de tout cela, il y a simplement des 
cellules banales qui se sont transformées ici en 
cartilage sous l’action des frottements répétés, 
là en ligaments sous l’action de tensions éner- 
giques, ailleurs en synoviale sous l'influence de 
frottements plus doux. 

On sait que, dans les épiphyses des os longs, la 
cavité centrale est comblée par des tissus spon- 
gieux, formés de lamelles osseuses. Ces petites 
lamelles donnent plus de solidité à l’os sans aug- 
menter sensiblement son poids. En outre, on a re- 


marqué que leur orientation n'élait pas quel- 
conque; elles sont presque toutes dirigées dans le 
sens des plus fortes pressions que l'os a à subir. 
On pourrait croire qu'il y a là une disposition 
héréditaire introduite dans l'espèce par la sélee- 
tion naturelle parce qu'elle est avantageuse. Or, 
W. Roux a montré qu'il n’en était rien, et en voici 
la preuve : il arrive parfois qu'une fracture se 
cicatrise en position vicieuse, les deux fragments 
de l'os étant réunis par un cal oblique. Ce cal 
oblique se creuse à la longue d’une cavité qui 
reste occupée seulement par du tissu spongieux. 
Eh bien, dans ce tissu, les trabécules osseux se 
montrent disposés suivant les lignes de plus grand 
effort, c'est-à-dire obliquement par rapport à 
l'axe de l'os et par conséquent d'une manière qui 
ne s’est j'amais rencontrée dans aucun ancêtre de 
l'individu. Donc, sans germes, sans lendances 
héréditaires, les actions mécaniques exercées sur 
l'os ont suffi à déterminer l'orientation la plus 
avantageuse de ces petites lamelles, 

On a remarqué que, lorsqu'un vaisseau se 
ramifie, les branches de divisions’écartent d'autant 
plus de la direction primitive du vaisseau qu'elles 
sont plus petites, el, si la division comporte deux 
branches, une grosse el une pelite, la première 
continue à peu près la direction du vaisseau primitif, 
tandis que la seconde s’en écarte presque à angle 
droit. Ces dispositions sont avantageuses, car elles 
facilitent l'admission du sang dans la branche 
qui doil en recevoir la plus grande quantité el 
réduisent au minimum les pressions contre ies 
parois et le travail du cœur. En outre, on pourrait 
les croire déterminées par l’hérédité ou par des 
germes contenus dans l'œuf, puisqu'elles se 
retrouvent semblables chez l'enfant et chez les 
parents. Celle opinion est ruinée par l'observation 
suivante : voici une artère qui se divise en deux 
branches égales, formant un angle égal avec la 
direction primitive; liez en une : au bout d’un 
temps suffisant, l'autre branche se sera d’elle- 
même placée sur le prolongement du tronc el le 
vaisseau lié formera un angle droit avec celui-ci. 
La pression du sang aura accompli d'elle-même, 
à l'encontre des tendances héréditaires, la dispo- 
silion organique la plus avantageuse suivant les 
lois de l’hydrodynamique. 

On pourrait multiplier beaucoup ces exemples. 
Pour ne pas allonger cet article, je n’en citerai 
plus qu'un, mais qui est vraiment bien frappant : 

S'il est une disposition organique qui semble 
déterminée par les tendances héréditaires de l’es- 
pèce ou par la prédestination des parties char- 
gées de la constiluer, c'estassurément le placenta. 
Sans la muqueuse ulérine avec toutes ses disposi- 
tions merveilleuses, sa vascularité énorme, ses 


erypies profondes, son aptitude à l’hypertrophie, 
le placenta parait impossible. Or, c'est un fail 
connu que, dans les grossesses extra-utérines, sous 
l'influence de l'irritation produite par l'œuf fé- 
condé, la paroi abdominale développe un placenta 


si parfait qu'il permet au fœtus de parcourir jus- 


qu'au bout les phases de son développement. Il 
n'y avait pas là, cependant, de tendances hérédi- 
taires, et s’il y avait une prédestination quelcon- 
que dans les tissus de la paroi abdominale, elle ne 
pouvail qu'empêcher la formation d'un organe si 
différent. Mais il n’y a ni tendances héréditaires, ni 
germes prédestinés; chaque élément fait et de- 


vient, en chaque point, ce qu'il peut, selon sa 


nature et selon les conditions auxquelles il est 
soumis. 

On a donc le droit d'admettre qu'il en est de 
même dans le placenta normal. 

La cause de cette adaptation remarquable des 
tissus aux nécessités normales ou accidentelles de 
l'organisme n’est autre que l'excitation fonctionnelle. 
C'est W. Roux qui, le premier, a attiré l'attention 


_ sur ces phénomènes; c'est lui qui, le premier, a 


tenté d'en donner une explication physiologique 


en montrant que partout chaque organe, chaque 


tissu, chaque cellule, chaque élément de cellule 
même se développe dans le sens où il travaille et 
s'adaple sans cesse à sa fonction. De là résulte une 
automorphose générale de toutes les parties de l’or- 


 ganisme, et une autoréqulation constante de l’en- 


semble et de ses parties. Il a donné à la science de 
ces phénomènes le nom de Mécanique du développe- 


ment, auquel je propose de substituer celui de 
 Biomécanique, plus large, plus compréhensif et plus 


rai, car ce n’est pas seulement pendant la période 
de formation du corps, c'est pendant toute la vie 
et dans tous les phénomènes de la vie que ce 
mécanisme développe ses eflets. 


Il està remarquer que la plupart des faits sur 
lesquels s'appuie la théorie biomécanique sont 
connus depuis longtemps. Les tropismes, les Lac- 


. tismes, les pseudarthroses, les placentas extra- 
“utérins ne sont point des nouveautés. La chose 


n'en est que plus intéressante. Ce qui est nouveau, 


c'est leur groupement, le jour sous lequel on les 


envisage et surlout le fait que l'on trouve en eux 
une conception toute nouvelle de l’évolution et une 
explication de phénomènes que l'on attribugit à des 
enlilés métaphysiques, comme l’atavisme ou l'héré- 
dité, ou à des germes représentatifs qui n'existent 


. que dans certaines imaginations. 


D'ailleurs Roux n'a pas été, tant s’en faut, jus- 
qu'au bout de la conception qu'il a si puissam- 
ment contribué à édifier. Il n’abandonne point sa 
théorie de La mosaique ; il laisse à l'hérédité la plus 


Y. DELAGE — UNE SCIENCE NOUVELLE : LA BIOMÉCANIQUE 445 
ne nn D 


grande part dans l’explication des phénomènes évo- 
lutifs et persiste à croire à la prédestination des di- 
verses parlies de l'œuf. Il faut mettre de côté ces 
vieillesnotionsruinées par lesfaits, et considérer les 


. choses comme je vais tenter de l'expliquer en ter- 


minant. 

L'œuf n’est rien autre chose qu'une simple cel- 
lule et il ne contient ni germes spécifiques ni ten- 
dances quelconques. Il a une constitution physico- 
chimique déterminée, quelque peu différente dans 
chaque espèce et dans chaque individu, mais qui 
n'est que l’une des innombrables conditions indis- 
pensables au développement des caractères de 
l'organisme qui naïîtra de lui. Les cellules nées de 
sa division sont loutes dans le même cas que lui. 
Aucune ne sait ce qu'elle a à faire, ni ne tend à le 
faire en dépit de tout. Toutes sont soumises à des 
forces, tactismes et tropismes, venant du milieu ou 
des cellules voisines; toutes se nourrissent, s’ac- 
croissent et se multiplient selon les conditions 
qu’elles rencontrent; toutes ainsi s'étendent, se 
tassent, se poussent, et chacune enfin occupe à 
chaque instant, dans l’ensemble, la position 
qu'exige la résultante des forces qui agissent sur 
elles. Mais, par le fait qu'elles augmentent de 
nombre, qu’elles s’accroissent selon leurs natures 
diverses, avec des vitesses différentes, cette résul- 
tante change à chaque instant; et, par suite, à 
chaque instant, change aussi la forme de l'agrégat 
qu'elles constituent par leur réunion. Puis inter- 
vient l'excitation fonctionnelle, d'abord faible el 
indécise, presque semblable pour toutes, puis de 
plus en plus pressante et de mieux en mieux déter- 
minée à mesure que se précisent les organes qu’elle 
a contribué à former. Et ainsi, peu à peu, se déve- 
loppe l'organisme jusqu'à son complet achève- 
ment. 

L’hérédité, c'est-à-dire la ressemblance du pro- 
duit aux êtres qui l’ont engendré, est un résultat 
nécessaire et nullement mystérieux. Comment 
cette” ressemblance pourrait-elle faire défaut 
quand le point de départ, l'œuf, est semblable et 
que les routes suivies sont semblables aussi? Cela 
n’est pas plus étonnant que de voir dans un fleuve 
les tranches d’eau, qui se succèdent loujours de 
nouveau, se précipiter à la cascade, s’étaler dans 
le lac, se rétrécir dans la plaine, s’engouffrer dans 
le tourbillon, ronger les mêmes rives, élargir le 
même delta et se perdre au même endroit dans la 
mer. 

Mais ce qui est spécial aux êtres vivants, c'est 
que chezeux l'hérédité est obligatoire par un simple 
effet de la délicatesse de leur structure: car l’eau 
n’en sera pas moins de l’eau si, au lieu de circuler 
dans le fleuve, elle se perd dans les profondeurs 
de l'Océan, se congèle dans les glaces du pôle ou 


446 


E. URBAIN — UNE RÉVOLUTION DANS L’'ÉCLAIRAGE AU GAZ 


s'élève sous forme de nuages dans l'air. Elle a 
mille manières d'être, et son histoire peut changer 
tous les jours sans qu’elle cesse d’être de l’eau. 

L'œuf, au contraire, est, comme je l’écrivais déjà 
il y a trois ans, une structure extraordinairement 
délicate qui est prise dans ce dilemme: rencontrer 
à chaque instant des conditions identiques à celles 
qu'a rencontrées l'œuf du parent à la phase cor- 
respondante, el réagir à ces influences identiques 
par une modification identique et, par suite, suivre 
un développement identique, ou... périr désor- 
ganisé. Si done il a véeu, c'est qu'il a rencontré, à 
chaque moment voulu, ces conditions identiques, 
et il n’est pas étonnant que, identique à l'origine à 
l’œuf maternel et ayant suivi la même évolution, il 
soit arrivé au même bul. 

Cependant l'identité n’est pas parfaile : entre 
l'identité absolue, qui produirait l’'invariable, et la 
différence grave, qui entrainerait la destruction, 
il y a place pour la vwrivtion quand les différences 


sont faibles, pour la dchogénie quand elles sont 
plus fortes, pour la fératogénie quand elles attei- 
gnent leur maximum. 

Ainsi, à la place de l'hérédité, — qui n'est pas une 
force évolutive et qui n'explique rien, — à la place 
des germes prédestinés qui ne sont qu'une hypo- 
thèse impossible !, il faut mettre les facteurs po- 
sitifs de l’ontogenèse, c'est-à-dire des forces ac- 
tuelles, toutes réductibles à des effets mécaniques, 
physiques, chimiques ou physiologiques simples. 
Notre connaissance de ces forces est encore extré- 
mement incomplète, Nous en savons assez cepen- 
dant pour être convaincus que là git la véritable 
explicalion des phénomènes, mais il reste énormé- 
ment à faire encore. Aussi devons-nous, sans nous 
rebuter devant les diflicultés extrêmes du pro- 
blème, aborder avec courage l'étude de la science 
nouvelle : la Biomécanique. 

Yves Delage, 


Professeur à la Sorbonne. 


UNE RÉVOLUTION DANS L'ÉCLAIRAGE AU GAZ 


UTILISATION COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE DU CARBURE DE CALCIUM 
POUR LA PRODUCTION DE L'ACÉTYLÈNE 


Un article de M. le P°B. Vivian Lewes, paru 
ici-même le 30 mars dernier, faisait connailre une 
récente et très importante découverte de M. T, L. 
Wilson relative à la synthèse industrielle de l'acé- 
tylène au moyen du carbure de calcium. Sur ce 
même sujet, le D° Suckert a fait récemment, de- 
vant les membres du Franklin Institute, de Philadel- 
phie, une conférence qui donne d'intéressantes 
indications praliques sur cetle industrie nouvelle '; 
il la montre prête à transformer d’une manière 
profonde la fabrication et l'emploi du gaz de 
l'éclairage et à absorber une part considérable des 
forces motrices naturelles. 

Ces renseignements complémentaires permel- 
tent aujourd’hui d'apprécier, en connaissance de 
cause, les conditions matérielles du nouveau pro- 
cédé d'éclairage, et, en particulier, d'en calculer 
exactement le prix de revient. Ce prix est telle- 
ment bas qu'il menace d'apporter une véritable 
perturbation dans notre vieille industrie du gaz 
de houille, depuis longlemps si prospère. 

[ 
M. T. L. Wilson, dont M. Lewes a exposé ici 


mème les intéressants travaux, a reconnu qu'un 


EE 
\ Journal of Franklin Institule, 15 mai 1895. 


mélange intime de chaux et de charbon, soumis à 
la haute température d’un four électrique, analogue 
à celui que M. Moissan avait imaginé, fournit, 
après fusion, un carbure de calcium de formule 
CaC? capable, au contact de l’eau, de dégager des 
quantilés considérables d’acétvlène pur, d'après la 
réaction : 

‘ CaC? L 92H20 = Ca(OH}? + C°H2. 

Ses premières recherches, qui datent de 1888, 
furent faites avec une machine dynamo qui four- 
nissait un courant de 150 ampères sous 60 où 70 
volts. Le four se composait{fig.{, p.447) d'un creuset 
de graphite B reposant sur la partie centrale d’une 
plaque de charbon carrée, de O0 m. 30 de côté el 
0 m. 025 d'épaisseur, encastrée dans des briques 
À, qui entouraient le creuset, et munie, sur un de 
ses côtés, d'une tige de fer #b prolongée au delà du 
revêtement extérieur du four, pour être mise en 
communication avec l’une desbornes de la dynamo 
D, l’autre borne / étant reliée à un crayon de char- 
bon mobile C qui pénétrail à l'intérieur du creuset. 

Pour mettre le four en marche, on plaçait le 
crayon de charbon en contact avec le fond du creu- 
set; on l'en écarlait ensuite à mesure qu'aug- 
ut nie EURE ES ENT NON PURE RENE ne 

i Je crois en avoir donné la preuve dans l'ouvrage cité 


j plus haut. 


_ goudron (rai); la pâte était 


mentait la force électromotrice de la dynamo len- 
tement excitée. L'arc jaillissait et fondait la 
substance à traiter, que l’on introduisait par une 
ouverture ménagée dans le couvercle E du creuset. 
Ce couvercle était constitué, soit par une substance 
isolante, soit par du graphite, qu’un lutisolait du 
creuset. Le crayon de charbon, de 30 centimètres 


_ de longueur et3 centimètres de diamètre, était 


recouvert exlérieurement d’un dépôt de cuivre 


électrolytique, pour augmenter sa conductibilité, 


et percé, dans toute sa lon- 
gueur, d’un canal, non visi- 
ble sur la figure, qui per- 
mettait l'introduction de gaz 
réducteurs. 

Les résultats que donna 
ce premier four justifièrent 
la reprise des expériences 
sur une plus grande échelle : 
la Wason Aluminium Com- 
pany fut fondée, et une pre- 
mière installation établie à 
Spray (Nouvelle-Colombie). 
La Gynamo dont on y dispo- 
sait fournissail un courant 
de 2.000 ampères sous 
35 volts, et représentait une 
puissance d'environ 100 che- 
vaux-vapeur. 

Le premier carbure de cal- 
cium préparé dans ce four 
s'obtenait en mélangeant 
30 kilogrammes de chaux 
pulvérisée avec 50 litres de 


préalablement chauffée jus- 
qu'à siccilé. 

D'autres essais furent faits 
enmélangeant, à poidségaux, 
de la chaux et du charbon 
finement pulvérisés. Le car- 
bure obtenu, presque pur, 
représen{ait en poids le tiers 
du mélange employé. 

Depuis ces premiers essais, des résullats plus 
concluants vinrent prouver que, particulièrement 
à l’aide des courants alternatifs, il était possible 
d'obtenir économiquement un carbure de calcium 
d'une pureté remarquable, si bien qu'une usine 
fonctionne aujourd'hui et produit le carbure en 
quantités dépassant une tonne par jour. 


tampon d’argile e. 


cée par un volant 4. 


II 


Examinons maintenant dans quelles conditions 


économiques il est possible de réaliser cette fabri- 
calion. 


E. URBAIN — UNE RÉVOLUTION DANS L’'ÉCLAIRAGE AU GAZ 447 


Les proportions théoriques nécessaires à la pro- 
duction de 100 kilogrammes de carbure sont 87,5 
kilogrammes de chaux pour 56,25 de charbon, 
dont deux tiers se combinent au calcium et Île 
troisième sort du four à l'état d'oxyde de carbone 
d'après la réaction : 

CaO + 3C — CaC? + CO 
87.5 + 56:95 — 100 + 43.75. 

Il est nécessaire d'employer une proportion de 
charbon plus considérable, une notable partie de la 
houille employée disparais- 
sant sous forme de produits 
volatils. Les proportions les 
plus convenables corres- 
pondent à des poids égaux 
de chaux et de charbon. 


Fig. 1. — Four électrique employé par M. Wülson. 

A, maconnerie extérieure du four. B, creuset de char- 
bon ou de graphite. C, crayon de charbon consti- 
tuant l’électrode mobile. D, dynamo. Le fil w, qui 
part de la dynamo, est relié à une tige de fer & 
fixée à une plaque de fer b, qui supporte le creu- 
set; le fil w'est réuni à une douille métallique €, qui 
entoure la partie supérieure du crayon de charbon. 
Le revêtement A est fait de briques cuites iso- 
lantes, et le four est recouvert de deux plaques de 
charbon munies d'un trou central par lequel le 
crayon C pénètre dans le creuset. — d, trou de 
coulée, qui, pendant l’opération, est fermé par un 

— Les plaques de charbon E 
reposent sur le bord supérieur du revêtement A 
qui s'élève au-dessus des bords du creuset, lais- 
sant un intervalle / entre B et E. 

Le déplacement vertical du crayon de charbon est 
obtenu au moyen d'une vis g qui peut être dépla- 


Le calcaire et la houille, 
matériaux nécessaires à cette 
fabrication , peuvent être 
obtenus à très bon compte 
par une usine située à pro 
ximité de gisements impor- 
tants, d'autant plus qu'on Y 
peut utiliser le poussier de 
houille et que les sous-p11- 
duits, d’une grande impor- 
tance industrielle, que donne 
aujourd'hui l'industrie du 
gaz de l'éclairage (goudrons, 
sels ammoniacaux, elc.), en 
pourraient être extraits par 
une distillation préalable. Il 
y a,ên effet, avantage à n'in- 
troduire dans le mélange de 
chaux et de charbon que du 
coke, carbone presque pur. 

De plus, l'hydrate de chaux 
obtenu dans l’action de l'eau 
sur le carbure ne manquerait 
pas d'emplois, soit qu'on le 
fasse rentrer dans la fabri- 
cation ducarbure de calcium, 
soit qu'on l'utilise pour la 
production de ciments, elc. 

Un dernier élément du prix de revient est la pro- 
duction de la chaleur dans le four au moyen du 
courant électrique. On a pu jusqu'ici oblenir 
10 kilogrammes de carbure par cheval-vapeur et 
par vingt-quatre heures ; mais il est très probable 
qu'avec des fours alimentés automatiquement, bien 
isolés au point de vue calorifique et dont on utili- 
serait la chaleur perdue pour échauffer les matières 
premières avant leur introduction dans le four, 
une installation de quelque importance pourrait 
accroître cette proportion jusqu'à 15 kilogrammes 
environ par cheval-vapeur et 24 heures, 


] 


148 


E. URBAIN — UNE RÉVOLUTION DANS L'ÉCLAIRAGE AU GAZ 


Le D" Suckert donne, à titre de renseignements, 
les chiffres suivants, établis par un industriel 
dont l’usine se trouve à proximité de dépôts impor- 
tants de calcaire et de houille, et relatifs à la pro- 
duction de 150 tonnes de carbure de calcium : 


Tableau I 


7 


LA PRIX 
TONNE | EN FRANCGS 
| 
Extraction de 270 tonnes de eal- | 
CALE A Rem ae RE Mens LS 6,25 SE 
Transport de 270 tonnes de cal- \ np250 
Caire as eus ARS .. AND2UDD 
Frais de broyage de 150 tonnes 
derChaux dre mie 0e 6.25 937 50 
Extraction de 200 tonnes de 
Roule a enr 18275 DAT ETES 
Travail de fusion du carbure. . 3.150 » 
Prix de 150 tonnes..... 12,500 00 


Cela met la Lonne de carbure au taux de 83 fr. 35 
en tant que malière première et force motrice; 
ajoutant la main-d'œuvre et les frais généraux, on 
peut ne pas dépasser 100 francs par tonne. On ne 
tient pas compte ici de la vente des produits. 

Un traité s’élabore en ce moment entre l’Ælectro- 
Gas Company de New-York et la Niagara-Falls 
Power Company qui permettra d'employer immédia- 
tement une puissance de 1.000 chevaux-vapeur 
pour la nouvelle fabrication, et bientôt 5.000 che- 
vaux ; et M. Suckert ne doute pas de voir prochai- 
nement employer de la sorte la majeure partie de 
la puissance dont dispose cette Compagnie. 


I 


Voyons maintenant dans quelles conditions 
pourra se faire l’utilisation de la substance ainsi 
produite. 

Sa principale application, — la seule réalisée 
jusqu'ici, — est la préparation du gaz acétylène ; 
mais tout fail croire que ce ne sera pas la seule; 
ce gaz se prêlerait fort bien à la fabricalion des 
cyanures et d’autres produits azotés; son pouvoir 
réducteur permettrait de l'utiliser dans la métal- 
lurgie du fer, de l'acier et d’autres métaux. Il pour- 
rail enfin servir à la synthèse de composés orga- 
niques variés, 

100 kilogrammes de carbure de calcium pour- 
ront donner pratiquement 30 mètres cubes de gaz 
acétylène, doué d’un pouvoir éclairant 40 à 12 fois 
supérieur à celui du gaz d'éclairage ordinaire. Les 
chiffres précédemment indiqués donnent, par suile, 
un prix de revient d'environ 30 centimes par mètre 
cube pourle nouveau gaz, 


Le carbure de calcium peut être aisément trans- 
porté du lieu de production à celui d'utilisation : 
il ne subit au contact de l'humidité atmosphérique 
qu'une altération superficielle et se recouvre d'une 
enveloppe protectrice de chaux. 

Deux procédés se présentent pour la production 
de l’acétylène: ou bien le consommateur peut, au 
moyen du carbure, produire lui-même son gaz en 
quantités aussi petites qu'il le voudra, ou bien une 
usine centrale peut liquéfier l’acétylène et le dis- 
tribuer sous cette forme dans des réservoirs spé- 
ciaux. 

Deux méthodes ont été expérimentées pour la 
production directe de l'acétylène en petites quan- 
tités : dans l’une, le carbure est contenu dans une 
jarre fermée, où l’on peut introduire de petites 
quantités d’eau d'une manière intermittente. Le 
gaz produit se rend dans un gazomètre, d'où il 
peut être extrait pour l'utilisation (fig. 2, p. 448). 

L'autre méthode dispense d'un gazomètre el 
permet la. production de quantités grandes ou 
pelites de gaz, d'une manière continue, par un 
dispositif semblable à celui connu des chimistes 
sous le nom de Briquet de Gay-Lussac. On submerge 
partiellement dans l’eau un récipient en forme de 
cloche, ouvert à sa partie inférieure, el contenant 
le carbure suspendu sur un crible à la partie supé- 
rieure de la cloche; le gaz produit est extrait au- 
dessus du carbure. Tant que dure lPutilisation, l’eau 
reste en contact avec le carbure et la production 
d’acétylène est continue; dès que le gaz cesse de 
sorlir, il s'accumule dans la cloche et oblige par sa 
pression l’eau à descendre au-dessous du carbure. 
La production s’arrèle pour reprendre dès qu'une 
quantité suflisante de gaz sera sortie. L'appareil - 
est automatique et très régulier dans son fonction- 
nemen£. 

Tableau II 
a 
C2H2 Co? 

LP ES RE 


PRESSION TEMPÉRATURE PRESSION 


a 
atm. 


el De 


9 ©: 


RCE 


Ainsi, le transport du carbure de calcium se fe- 
rait à domicile comme se fait aujourd’hui celui du 
charbon, et une manipulation très simple suflirail 
pour charger l'appareil et renouveler la provision 
de carbure épuisée. 


E. URBAIN — UNE RÉVOLUTION DANS L'ÉCLAIRAGE AU GAZ 


449 


IL semble cependant que le transport de l’acéty- 

_ lène sous forme liquide serait préférable. L’acéty- 
lène se liquéfie plus facilement que l'acide carbo- 

_ nique. Le tableau II indique, aux diverses tem- 

_ pératures, les pressions nécessaires pour liquéfier 

_ les deux gaz. 

_ Sa densité, à l’état liquide, à la température or- 


l’acétylène se trouve dans sa forte leneur en car- 
bone : pour 100 parties en poids, il renferme 92,5 
de carbone et 7,7 d'hydrogène, et cette grande 
quantité de carbone, en suspension dans la flamme 
de l’acétylène, lui donne un éclat merveilleux, 
d’une très grande blancheur, quand il est brûlé en 
flamme assez mince pour permettre la combustion 


j 
| 
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\ 
e RÉ ENE e 
L [| Il (| 
LABS Mass EL ENRE 
D 
| 


:; 
ont 


se rendre, par le bas de ce vase, au brüleur. 


. dinaire, serait environ 0,50, de sorte qu'un mètre 
cube d’acétylène, à l’état liquide, occuperait un 
volume un peu supérieur à 2 litres, et posséderail 


. celui de 12 mètres cubes de gaz ordinaire ou de 
… 5litres de pétrole ". 
-_  Laraison du pouvoir éclairant considérable de 


—_—_ .———————————_—_———_—_—_—_—_—a—aZaZaZaZLZLELR 


# 1 Au sujet de ce pouvoir éclairant, voyez l’article de M. V. 
— BL: Lewes dans la Revue du 30 mars dernier, 


r 
* 


ï » 


sous ce faible volume un pouvoir éclairant égal à 


Fig. 2. — Production minime et intermittente el mise en réserve de l'acétylène. 
A la partie inférieure et à gauche se voit la jarre qui contient le carbure de calcium : l'eau arrive par un 
entonnoir latéral; le gaz sort par un tuyau latéral qui l'amène dans le gazomètre contenant de l’eau. 
À la partie moyenne du gazomètre débouche un tube dans lequel le gaz de ca récipient s'engage pour 


complète. Sa flamme devient, en effet, facilement 
fuligineuse, en raison même de sa grande richesse. 

C'est ainsi que, brûlé à raison de 5 pieds cubes 
(LA litres) à l'heure, il donne un pouvoir éclairant 
de 250 candles anglaises (25 carcels environ), alors 
que le gaz ordinaire ou le gaz à l'eau dépasse 
rarement 20 candles. 

Un fait très remarquable est que la lempérature 
de cette flamme d’acétylène, qui semble devoir être 
très élevée, est en réalité bien inférieure à celle de 


450 


E. URBAIN — UNE RÉVOLUTION DANS L'ÉCLAIRAGE AU GAZ 


la flamme du gaz ordinaire : des expériences ré- | mins de fer, voitures, bateaux, bicycles mêmes. II 


centes ont montré quelle 
ne dépasse pas 900°, tan- 
dis que la température du 
gaz ordinaire dépasse 1.400?. 
Pour une même quantité de 
lumière émise, la quantité 
de chaleur dégagée par la 
combustion du gaz acéty- 
lène dépasse très peu celle 
dégagée par la lampe à in- 
candescence. 

Une usine centrale peul 
liquéfier des quantilés con- 
sidérables de gaz acéty- 
lène et l'expédier dans 
de petits réservoirs analo- 
gues à ceux des figures 3 
el 4. L'acélylène liquéfié s’y 
vaporise sous une pression 
de 14 atmosphères, si bien 
que, pour une installation 
un peu importante, il sera 
nécessaire de faire passer 
le gaz dans un réducteur de 
pression placé à la partie 
inférieure des réservoirs, 
que l’on construit aujour- 
d'hui d'après un brevel pris 
en Amérique le 19 mars 
dernier: la pression peut 
être ainsi abaissée jusqu'à 
quelques centimètres d'eau. 


IV 


Voici donc un gaz doué 
d'un pouvoir éclairant con- 
sidérable, que son prix de 
revient main{(e- 
nant plus économique que 
le gaz ordinaire, transpor- 
table sous un 
restreint 


rend dès 


volume très 
soit sous forme 
solide, à l'état de carbure 
de calcium, soit sous forme 
liquide, doué d'une odeur 
pénétrante qui permet d’en 
déceler facilement les plus 
minimes quanlilés . 
geant 


déga- 


moins de chaleur , 


et consommant moins d’o- 


xygène pour une égale 


quantité de lumière produite, 


— Appareils contenant 


3 et 4. portatifs 
l'acétylène liquide et permettant de le brûler à la 
partie supérieure. ; d 

La partie supérieure de ces appareils, partie qui 
constitue le brüleur et sa tige, peut être indépen- 


Fig. 


dante du récipient; elle se visse sur lui, de facon 
à servir pour une série de réservoirs. 


permet d’alimenter ainsi 
des lampes portatives, cha- 
que lampe pouvant avoir 
ainsi son réservoir particu- 
lier. 

Enfin, signalons une der- 
nière application, qui per- 
met de employer de concert 
avec celui du gaz d'éclai- 
rage ordinaire : le prix de 
revient de ce dernier gaz 
est considérablement aug- 
menté par la nécessité de 
lui donner un pouvoir é- 
clairant déterminé ; de là 
l'emploi de houilles très ri- 
ches et chères (cnnel-coal, 
boyhead). 11 serait possible 
de distribuer un gaz moins 
riche en carbone, ‘mieux 
approprié au chauffage et à 
la force motrice, et qui 
pourrait être enrichi, pour 
ses applications à l'éclai - 
rage, au moyen d'un ré- 
servoir d’acétylène liquide. 
Il y aurait là, croyons- 
nous, une économie vérita- 
ble. 

Des recherches sont d'ail- 
leurs poussées activement 
du côté des applications de 
l'’acétylène au chauffage el 
à la force motrice. Sous 
sa forme liquide, il serail 
très précieux pour la force 
motrice, pouvant être uti- 
lisé et comme gaz com- 
primé et comme combus - 
lible. 

Il nous a paru que celle 
importante applicalion de 
découvertes chimiques ré- 
centes mérilail d’être 
gnalée sans relard aux lec- 
teurs de la Aeyue : elle cons- 
lilue, en eflet, plus qu'un 
essai industriel intéressant, 
el il est évident que, dès 
à présent, il y a moyen d’en 
faire, sur notre sol, l'ob- 


si- 


jet d'une {rès grande et très prospère industrie. 


De plus, ce gaz se prête merveilleusement, sous 


sa forme liquide, à Lous les éclairages isolés 


, che- 


Édouard Urbain. 


Chimiste-Industriel. 


E 


he # 
+ 


» Z4 


a CP ARR + te ne “di: à + MÉDRÉS 


454 


REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 


EAMVITESSE, — LA COMBUSTION MIXTE AU CHARBON 


ET AU PÉTROLE. — LES NOUVEAUX MATÉRIAUX. — 


PLAQUES DE BLINDAGE. — PROJECTILES A COIFFE. — OBUS A GRANDE CAPACITÉ D'EXPLOSIF. — LES NOUVEAUX 


NAVIRES CONTRE LES PROJECTILES A EXPLOSIF. — 
BATAILLE 


I. — LA VITESSE. 


Il n'y a guère de nation maritime où le nombre 
de navires rapides ne se soit pas accru dans une 
forte proportion au cours de ces deux dernières 
années. Les flottes des différents pays sont, au point 
de vue de la vitesse, plus homogènes à l'heure 
actuelle qu'il y a deux ans; les escadres modernes 
seraient plus mobiles que leurs devancières. C'est 
une très grande supériorité que de pouvoir grouper 
un ensemble de navires filant un ou deux nœuds 
de plus que ceux de l’ennemi : la bataille de Yalu 
l'aurait nettement prouvé si c'était là un fait qui 
eùl eu besoin d’être démontré. £ 

Nous ne pouvons, dans cette courte revue des 
progrès accomplis, donner la liste des nouveaux 
navires rapides dont se sont enrichies les flottes 


TUBES LANCE-TORPILLES, — LES ENSEIGNEMENTS DE LA 


DE YALU. 


essais, tandis que le ZLancier, auparavant le plus 
rapide de nos torpilleurs, avait filé 25 n. 79. 

Parmi les contre-torpilleurs, les nombreux petits 
navires anglais du type Æavock ont donné d’excel- 
lents résultats; le Zavock a filé 27 n.177;, le Hornet 
27 n. 313, le Ferret 27 n. 519, le Daring, 27 n. 706; 
l’Ardent, qui est un Daring allongé de 5 m. et élargi 
de 30 cm., a atteint 27 n. 94 en développant une 
puissance de 4.360 chx. 

Si l’on passe ensuite aux navires de plus grande 
dimension, on trouve le croiseur japonais Yoskino, 
sorte de Piemonte agrandi, qui a filé 23 n. 03, et les 
grands croiseurs américains à {rois hélices, Columbia 
et Minneapolis, qui ont atteint, le premier 22 n. 87, 
le second 23 n. 07. Enfin, le cuirassé italien Surdeyna 
a donné aux essais une vilesse de près de 20 nœuds, 
bien que ne marchant pas à toute puissance. 


Tableau des vitesses maxima obtenues dans les essais récents 
7e pgegogoeogeogqeoeOOOOOO OO 


NOMS DATE |LONGUEUR TIRANT | épra- |[PUISSANCE | NOMBRE 
DES CLASSE NATIONALITÉ DE A LA LARGEUR | D'EAU BRENT EN DE VITESSE 
BATIMENTS L'ESSAI FLOTTAISON DTEE CHEVAUX | TOURS 
me | ne | ns | ne ; Es ———_ 
mèt mèêt met. tonn chevaux nœuds 
Chevalier... torpilleur francais 1894 4% 4.50 2.08 123 2100 » 27.92 
Daring ..... contre-torpilleur| anglais 1894 56 5.5 1.89 220 463% 387 271.106 1 
Ardent ..... fd. d. 189% 61 5.8 1293 250 4361 396 27.94 
Yoshino.…... croiseur japonais 1893 116 14.2 6.00 | 4220 15000 2 » 23.03 
Minneapolis croiseur américain 1894 125 18 7.10 | 7500 20630 132 23.07 
Sardegna..…. cuirassé italien 1894 125 23.45 9.50 [13760 16440 4 » 19.64 


des différents pays: nous nous bornerons à men- | 


lionner ceux d’entre ces navires qui ont dépassé 
P 


- leurs anciens et tiennent aujourd'hui, au point de 


vue de la rapidité, la première place parmi les 
navires de leur classe. 

Le torpilleur de haute mer le Chevalier, construit 
au Havre par M. Normand, a atteint 27 n. 22 aux 


1 Nous donnons ici le chiffre de l'essai officiel; pour le Da- 
ring, comme pour quelques autres contre-torpilleurs de cette 
Série, on indique quelquefois des vitesses plus élevées, qui 
ont été atteintes, paraît-il, aux essais préliminaires faits par 
les fournisseurs (près de 29 n. pour le Daring); il nous pa- 
rait préférable de nous en tenir aux résultats de l’essai ofliciel 
fait dans les conditions du marché. 

? Chiffre prévu. 

3 Le, déplacement peut atteindre 14,120 tx., les soutes à 
charbon supplémentaires une fois remplies. 

ñ La machine de la Sardegna est faite pour développer 
une puissance maximum de 21.070 chevaux. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


Parmi les résultats que nous venons de citer, 
ceux donnés par la Columbia et le Minneapolis sont 
les plus instructifs. La vitesse dépasse, en effet, 
notablement celle qu’on aurait été en droit d’at- 
tendre au cas où l’on aurait employé deux hélices 
seulement. L'avenir montrera si l’utilisation très 
supérieure de ces deux navires est ou non un fait 
isolé pour les navires à trois hélices ; en tout cas, 
comme rien n'empêche de faire des navires sem- 
blables, comme forme et comme disposition d’hé- 
lices, aux grands croiseurs américains ou dérivés 
de ceux-là, la supériorité des trois hélices à l’allure 
maximum reste un fait bien acquis dont il convient 
de profiter.Il est probable que cette année on sera 
également fixé sur la question d'économie de 
charbon à l'allure de route; selon toute vraisem- 
blance, la consommation doit être moindre sur 


10** 


452 


les navires de guerre à trois hélices que sur ceux à 
deux hélices jumelles. Les essais du Dupuy-de-Lôme 
et de nos cuirassés à trois hélices permettront 
d'ailleurs d’élucider cette importante question. 

En ce qui concerne les navires à deux hélices, 
le Re Umberto à donné 18 n. 2 pendant trois 
heures, en faisant 17.000 chx avec des machines 
calculées pour en fournir 19.800, et la Sardegna à 
filé 19 n. 6% avec 16.440 chx, tandis que les 
machines sont prévues pour 21.070 chx au lirage 
forcé, ce qui permettrait de dépasser notablement 
la vitesse alleinte aux essais. Le procédé qui con- 
siste à ne pas pousser les essais, de peur de fatiguer 
les machines et les chaudières, est sans doute 
plus justifié quand on opère, comme le font 
les Anglais, sur une série de bâtiments semblables: 
l'habitude en Angleterre est alors de ne faire 
les essais complets, avec mesure de vilesse sur les 
bases, que pour un seul bâtiment du type; on ne les 
recommence pas pour les autres, et l’on se contente 
de s'assurer du bon fonctionnement de l'appareil 
moteur et évaporaloire. Lorsque les navires sont 
dissemblables, il parait prudent de procéder à des 
expériences comportant des essais aux plus fortes 
allures. Néanmoins, dans le cas particulier du Xe 
Umberto et de la Sardegna, les résultats obtenus 
sont assez beaux pour donner moins de poids aux 
critiques que soulèvent, à juste titre, des expé- 
riences incomplètement poussées; car il s’agit de 
navires ayant déjà réalisé des vitesses très supé- 
rieures à celles des autres bâtiments de leur classe, 
et, quand bien même on ne pourrait leur faire 
développer la puissance prévue, ils sont certains 
de pouvoir à volonté forcer au combat les grands 
navires qu'ils rencontreront ou leur échapper. 
Dans ces conditions il importe moins de s'assurer 
que les machines fonctionneront sans échauffe- 
ments, chocs ou avaries, quand on les poussera aux 
très grandes allures. 

Parmi les nouveaux paquebots transatlantiques, 
il y aurait à citer le Saint-Paul et le Saint-Louis, 
encore en construction chez M. Cramp pour 
FZnlernational Navigation Company. Ces navires 
doivent entrer en service cette année; on compte 
qu'ils feront la traversée d'Amérique en Angleterre 
à 20 nœuds de vitesse environ. 


Il. — LA COMBUSTION MIXTE AU CHARBON 
ET AU PÉTROLE. 

Lors des essais de la Surdegna, on s’est servi 
avec plein succès de la combustion mixte au char- 
bon et au pétrole. Les bons résultats de l'emploi 
du combustible liquide sur les torpilleurs et les 
croiseurs italiens avaient déjà attiré très juste- 
ment l'attention et amené d’autres pays, la France 
entre autres, à expérimenter la combustion mixte. 


A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 


Les essais de la Surdegna montrent le parti que 
les Ilaliens comptent tirer du pétrole sur leurs 
navires de guerre. 

Il est à remarquer que les Lentalives faites pour 
injecter des résidus de pétrole sur le charbon 
qu'on brûle dans les chaudières marines sont à 
peu près localisées dans le bassin de la Méditer- 
ranée., Cela tient à ce que les pétroles russes four- 
nissent des résidus de distillation très peu coù- 
teux et facilement utilisables; le pétrole améri- 
cain, dont la décomposition par la chaleur donne 
des produits plus volaltils, ne se prête pas aussi 
bien à un emploi de ce genre. 


III. — LES NOUVEAUX MATÉRIAUX. 


La recherche de la légèreté avait conduit, il y à 
déjà deux ans, à employer aluminium pour la 
construction du FVendenesse. On sait que M. Nor- 
mand fait en aluminium certaines pièces secon- 
daires du lorpilleur de haute mer /e Forban. 

Le métal qu'on emploie dans ce cas est un al- 
liage à 3 °/, de cuivre. Les résultals d'essais sont 
de plus en plus satisfaisants, el il n'est pas rare 
aujourd'hui de trouver des éprouvettes qui cas- 
sent sous une charge de 25 à 26 kil. en donnant 
un allongement de 16 °/;, environ. Aussi a-t-on, au 
cours de ces dernières années, construit en alumi- 
nium des baleinières, des chalands et de pelils 
torpilleurs-vedettes. L'exemple donné par la 
France parait d’ailleurs devoir être suivi, car FA- 
miraulé anglaise a commandé plusieurs tubes 
lance-torpilles en aluminium qui seront mis en 
essai sur des torpilleurs; les accessoires de coque 
des torpilleurs de première classe anglais pèsent 
environ à tonneaux ; leur poids s’abaissera à 4 EL à 
lorsqu'on aura substitué l'aluminium au bronze; il 
en résultera donc une économie de poids fort im- 
porlante. 

En un mot, on voil que, si l'introduction de l’a- 
luminium dans les constructions navales se fait 
lentement, les expériences se multiplient de divers 
côtés, et il est certain que l'emploi des alliages 
d'aluminium est appelé à se développer. 

L'aluminium permet de diminuer le poids des 
pièces à cause de sa grande légèreté; il a été sur- 
tout employé jusqu'ici pour celles auxquelles on 
ne demande pas une très grande solidité. En par- 
liculier, pour les pièces de machines, ilne faudrail 
s'en servir qu'avec une extrême prudence, parce 
que ces alliages se recuisent vers 100° et devien- 
nent mous vers 220°, Mais on peut réduire le poids 
des pièces de machines en substituant à l'acier or- 
dinaire de l'acier au nickel. Il y a différentes va- 
riélés de ces aciers; on en a essayé qui conlien- 
nent jusqu'à 25 °/, de nickel et qui ont donné en 
France et en Amérique des résultats surprenants, 


FICTENTVTT SE 


A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 


453 


mais coûtent très cher; celui qu’on emploie aux 
États-Unis pour les canons et pour quelques pièces 
de machines est un alliage à 3,25 °/, qui, après 
trempe et recuit, a une résistance à la rupture de 
60 kilos avec un allongement de 23 °/, et au-dessus 
et une limite élastique de 35 à 38 kilos. 

Ilyale plus grand intérêt pour les pièces de 
machines à employer des aciers mi-durs, amé- 
liorés par la trempe ou la double trempe. La ca- 
racléristique la plus importante pour toutes les 
pièces mobiles est une limite élastique élevée, qui 
parait le plus sûr garant contre les chances de 
rupture; c'est grâce à l'emploi de semblables 
aciers à haute limite élastique qu'on pourra dé- 
passer les vitesses de piston de 4",80 à 5,10 à la 
seconde, usitées aujourd'hui avec l'acier doux sur 
la plupart des navires étrangers, et l’on sait que 
c’est de la vitesse du piston que dépend le poids 
de la machine. D'ailleurs, même pour les pièces 
fixes, l'acier à haute limite élastique ne présente 
que des avantages, surtout si ces pièces compor- 
tent des surfaces de frottement. C’est pourquoi 
l'emploi d'acier au nickel ou de métaux similaires 
nous parait correspondre à un progrès très impor- 
tant dans la construction des machines des nou- 
veaux bätiments. 


IV. — PLAQUES DE BLINDAGE. 


Il ressort des essais récents de plaques de blin- 
dage que la supériorité des aciers spéciaux fran- 
cais ne s'est pas démentie et que le procédé de 
surcémentation Harvey présente des avantages 
inconteslables. 

Dans différentes circonstances, des plaques en 
acier spécial de Suint-Chamond, dont la face anté- 
rieure n'avait pourlant pas été surcémentée, se 
sont très bien comportées. Néanmoins, presque 
toutes les usines qui fabriquent des plaques de 
blindage ont fait l'acquisition du procédé Æurvey, 
et les usines francaises les plus importantes, telles 
que Swint-Chamond, Rive-de-Grier, Châtillon, Suint- 
Etienne et enfin le Creusof, traitent aujourd’hui par 
ce procédé les excellents aciers spéciaux qu’elles 
produisent afin d'ajouter à la puissance défensive 
de leurs plaques. Là où l’on avait tenté de recourir 
pour la surcémentation à l'emploi de carbures 
d'hydrogène, on n’a pas obtenu des résullats aussi 
Salisfaisants qu'avec le procédé Æurvey proprement 
dit, et on emploie maintenant parlout ce procédé 
tel que nous l’avons décrit il y a deux ans ‘. 

Ce mode de surcémentalion, au moyen de char- 


- bon d'os très riche en phosphore, a pour effet de 


transformer la face antérieure de la plaque en une 


L A. Croxeau : Les progrès récents de la marine. Rev. gén. 
des Se., t-IV, page 450. 


sorte de fonte très phosphoreuse. La modification 
n'est que superficielle; le tableau suivant, dressé 
par HW. Weuver d’après le dosage de rails surcé- 
mentés, montre comment la teneur en carbone 
varie depuis la surface jusqu'au point où la surec- 
mentalion cesse de produire son effet : 
Distance à la surface 

m/m 1,6 3,2 4,8 6,4 9,5 12,7 16 19 25,4 32 38 
Dosages 0,76 0,42 0,32 0,30 0,30 0,29 0,29 0,29 0,27 0,26 0,26 


L'épaisseur de la couche durcie n'étant pas pro- 
portionnelle à l'épaisseur de ia plaque, on voit 
que l'augmentation de résistance est moins grande 
pour les plaques très épaisses que pour celles 
d'épaisseur moyenne ou faible. 

Lorsque les projectiles sont animés de lrès 
grandes vitesses, le procédé Harvey ne denne pas 
des avantages bien marqués. En compulsant un 
grand nombre d'essais, M.le Directeur des Construe- 
lions navales Bertin est mème arrivé à cette conclu- 
sion que, lorsque le projectile n’est pas brisé, il 
parait y avoir plus de chance pour qu'il perfore 
complètement que si la plaque était en acier doux: 
cela s'expliquerait, d’ailleurs, en considérant que. 
si la surface est améliorée par la surcémentation. 
le reste du métal doil êlre loin de bénéficier du 
traitement qu'on lui fait subir. Cela n'est nulle- 
ment une critique des plaques Harvey, c’est la 
simple constatation d’un fait. 

Quand on se battra, il est probable que l'ennemi 
ne viendra pas offrir le flanc à petite distance; les 
projectiles qui tomberont sur les plaques ne frap- 
peront pas, à coup sür, à la- fois normalement et 
avec une très grande vitesse au choc. Le fait que 
nous refatons est intéressant à connaitre, mais il 
n'a pas, à notre avis, de portée pratique plus 
grande qu'un autre fait également curieux et ins- 
tructif au point de vue du travail de rupture du 
projectile : en examinant le mode de fragmenta- 
tion, on voit que les plaques Harvey n’ont pas non 
plus de grands avantages aux faibles vitesses aux- 
quelles le projectile est brisé en gros fragments 
comme aux vitesses forles, mais un peu inférieures 
à celles pour lesquelles il y a pénétration. Ce qu'il 
faut retenir, c’est qu'aux vilesses intermédiaires, 
pour lesquelles il y aurait eu pénétralion ou dislo- 
cation de la plaque avec de l'acier ordinaire, le 
projectile se brise en petits fragments, et qu'aux 
très grandes vilesses il perfore, car on esb ainsi 
amené à cetle conclusion pralique que, pour tirer 
eflicacement contre les plaques Harvey, il faut 
communiquer aux projectiles une force vive plus 
grande qu'il n’est nécessaire pour avoir simple- 
ment perforalion : les obus de rupture nécessite- 
ront désormais des canons à lrès grande vitesse 
initiale. 

On parle en ce moment en Amérique d’un nou- 


154 A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 


——————…—…—…—…—…———…——…——…—.—.—.—.——.—————————]—]—]—]— — —— ————]—— — —  — 


veau perfectionnement qui aurait été apporté à la 
fabrication des plaques de blindage par l'usine 
Carnegie ; voici les renseignements que nous avons 
trouvés à ce sujet dans certains journaux améri- 
cains : 

Les ingénieurs de Pitisbury auraient eu l'idée 
de prendre une plaque traitée par le procédé 
Harvey et de la soumettre, après réchauffage, à 
un laminage énergique; puis ils lui auraient fait 
subir la trempe ordinaire à l’eau glacée. 

Une plaque de 432 millimètres harveyée aurail 
élé réduite par ce traitement à une épaisseur de 
356 millimètres. Au polygone d'Indian-Head, elle 
fut soumise à l'essai réglementaire pour les pla- 
ques de cette épaisseur, essai qui se fait avec le 
canon de 254 millimètres. Le premier coup fut 
Liré avec”une vitesse au choc de 567 mètres. La 
pointe pénétra de 178 millimètres et s'aplalit, le 
projectile élant brisé en pelits fragments; il n'y 
eut pas la plus légère fente dans la plaque. Celle- 
ci étant intacte, on eut l’idée de la soumettre à 
l'essai des plaques de 381 millimètres, et on tira 
sur elle, avee le même canon, un projectile pesant 
297 kilos, de manière à avoir une vitesse au choc 
de 581 mètres, ee qui correspond à la puissance 
maximum du canon américain de 24 millimètres; 
l'obus fut tiré sur la même verticale que le précé- 
dent et tout près du premier point d'impact. Le 
projectile fut brisé en tout petits fragments et ne 
laissa sur la plaque qu’une empreinte sans pro- 
fondeur; il n'y eut aucune fente. On se décida 
alors à faire subir à la plaque un tir dans les con- 
ditions exigées pour les plaques de 432 millimè- 
tres (canon de 305 millimètres, vilesse au choc 
581 mètres). Le projectile tomba aussitôt après 
avoir traversé la plaque, dans laquelle il découpa 
un trou net sans causer de fentes rayonnantes, 

Il serait téméraire de tirer des conclusions d'une 
expérience unique, sur laquelle on ne possède que 
les renseignements fournis par quelques journaux ; 
cependant ces résullats nous ont paru assez inlé- 
ressants pour mériter d'être relatés ici, d'autant 
plus qu'ils ont déjà attiré l'attention d'un certain 
nombre d'industriels européens. 

On remarquera, en passant, les conditions régle- 
mentaires assez rigoureuses imposées pour les es- 
sais et dont les chiffres précédents permettent de 
donner une idée. 


V. — PROJECTILES A COIFFE, 


A chaque progrès de la défense correspond un 
progrès des moyens d'atlaque: à l'apparition des 
plaques Harvey ont répondu les tentatives faites 
dans divers pays pour munir les projectiles de 
coiffes en fer ou en acier doux. La coiffe enacier 
doux a environ 12 mm. d'épaisseur à la pointe el 


épouse la forme de la pointe de l'ogive (fig. 1). Le 
mode de tenue est variable. Danstes premiers essais 
faits à Okhta en juin et juillet 1894, la coiffe était 
maintenue simplement par aimantation; dans 
l'expérience du 5 octobre 1894 d’Zndian-Head, la 
coiffe, tenue par aimantaltion, élait, en outre, fixée 
par trois vis équidistantes placées à 38 mm. de la 


404 .— " 


Fig. 1. — Projectile à coiffe. 


base de la coiffe el mordantsur l’obus. Les construc- 
teurs francais assujettissent leurs coiffes par pose à 
chaud età froid, le refroidissementamenant ainsiun 
certain degré de serrage comme pour les freltes. 

Les essais faits à Okhtaet à Zndian-Head aux dates 
relatées plus haut ont été décrits d'une manière 
détaillée dans une très intéressante étude de M. le 
chef d'escadron d'artillerie Fallier, publiée dans 
la Revue d'Artillerie !. Les résultats sont très nets: 
jusqu'à l'incidence de 20° sur des plaques d’épais- 
seur égale au calibre, jusqu'à celle de 10° sur des 
plaques de 1,67 fois le calibre, l’obus à coiffe 
s’est montré très notablement supérieur au projec- 
tile sans coiffe. L'obus à coiffe, lorsqu'il ne traverse 
pas, a une perforation très supérieure à l’obus sans 
coifle, el il traverse, tiré dans des conditions où 
l'obus sans coiffe est arrèlé. Sous des incidences 
supérieures aux précédentes, la supériorité dispa- 
rail, l'obus à coiffe el l’obus sans coiffe deviennent 
équivalents, la coiffe ne protégeant plus l'obus. 

Si, pour les incidences voisines de la normale, la 
supériorité de l'obus à coifle est démontrée, il 
convient cependant de remarquer que de nouvelles 
expériences sont indispensables avant qu'on puisse 
admettre ce nouveau dispositif en toule sécurité. 
Il faut êlre sûr que la coiffe est assez solidement 
tenue pour ne passe détacher de l'obus au moment 
du tir, quand le projectile estencore dans le canon. 
Lors des expériences que nous avons citées plus 
haut, le détachement d’une coiffe tenue par simple 
aimantalion a causé à O/hla la rupture d’un canon ; 
l’arrachement de la coiffe d’un obus, tenue à la 
méthode américaine par aimantalion el vissage, à 
occasionné à /adian-Head un Ur irrégulier, après 
lequel on a constaté de fortes dégradations dans 


1 Revue d'Arlillerie, Janvier 1895, p. 330. 


A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 


455 


l'âme ‘de la pièce. Bref, l'adoption du dispositif à 
coiffe doit dépendre avant tout de la sécurité qu'of- 
frira le mode de lenue; nous devons reconnaitre, 
d’ailleurs, que celui adopté par les industriels fran- 
cais a donné jusqu'ici toute satisfaction: 


VI. — PROJECTILES À GRANDE CAPACITÉ D'EXPLOSIF. 


Toute étude sur les progrès accomplis dans la 
marine de guerre doit avoir pour base les résultats 
obtenus avec les obus. La protection, qu'elle soit 
fondée sur l'emploi d’une cuirasse de ceinture ou 
d'un pont et d’une tranche cellulaire, avec ou sans 
cuirasse de flancs, joue sur les navires de guerre 
modernes un rôle trop prépondérant pour que 
toutes les autres qualités du navire ne se trouvent 
pas grandement influencées par elle. Devra-t-on 
demander cette protection à un blindage épais 
voisin de la flottaison? à une tranche cellulaire 
surmontant un pont blindé ? faut-il accepter le 
sacrifice d'argent etde poids que coûte l’apposition 
d’une cuirasse mince sur les flancs des croiseurs? 
Dans ce cas, quelle épaisseur convient-il de donner 
à cette cuirasse pour qu’ellesoit efficace? Cela dépend 
uniquement du genre d’obusquel'ennemiemploiera 
et de ses effets destructeurs. 

Or, aujourd’hui, on a le choix entre deux espèces 
d’obus : l'obus plein et l’obus à grande eapacité 
d’explosif; et par obus à grande capacité d’explosif 
nous entendons un obus en acier à parois sufli- 
samment épaisses, mais contenant cependant une 
très forte quantité d’explosif et dont le dispositif 
d’inflammation est placé à l'arrière. 

De tels obus peuvent être tirés de plein fouet à 
des vitesses de 500 mètres, grâce aux faibles pres- 
sions que développent les nouvelles poudres lentes, 


. et donnent alors un groupement assez dense pour 


fournir beaucoup de coups au but. Tandis que 
lobus plein ne causera le plus souvent que des 
dégâts de peu d'importance, l’obus à grande capa- 
cité d’explosifoccasionnera, en éclatant, des avaries 
telles que le navire qui en aura recu un très petit 
nombre, peut-être un seul, sera probablement hors 
de combat. La puissance destructive de ces engins 
est trop connue pour que nous ayons besoin d’in- 
sister. Le commandant qui aura dans ses soutes 
des obus pleins et des obus à grande capacité 
d’explosif n’hésitera pas, et, suivani les règles qui 
ont été posées par M. le chef d’escadron d'artillerie 
Vallier, auquel on estredevable d'excellentes études 
sur ce sujet, dès qu'il sera à trois mille mètres envi- 
ron de l'ennemi, il devra cesser d'employer des obus 
de rupture pour recourir uniquement aux obus à 
grande capacité d’explosif. 

Ceci posé, il y aurait le plus grand intérêt à 
Savoir quels sont les engins que possèdent les 
diverses nations maritimes et quelles épaisseurs 


d'acier traverseraient ces obus. Malheureusement, 
s’il est hors de doute qu'il est possible de fabriquer 
des obus à grande capacité capables de percer des 
plaques compound ou des plaques d’acier d'épais- 
seur moyenne et d’éclater ensuite, s’il est certain 
qu'il existe de semblables projectiles dans diffé- 
rents pays, il est difficile d’avoir sur ces obus des 
renseignemen{s précis; car Ceux qui les possèdent. 
ont le plus grand intérêt à maintenir secrète 
l'existence d'une catégorie d'engins gui doit leur 
assurer une supériorité écrasante contre ceux qui n'en 
posséderaient pas. Néanmoins, en compulsant les 
renseignements peu nombreux qu'on peut recueillir 
sur ce sujet, le plus intéressant de tous aujourd’hui, 
le seul presque qui ait une importance capitale, on peut 
conclure que plusieurs d’entre les nations euro- 
péennes doivent posséder de ces terribles engins. 


L'Allemagne s'esi approvisionnée depuis plu- 
sieurs années, pour son matériel de siège, d’obus de 
15 centimètres, qui contiennent 15 kilos 600 
d’explosif; étant donnée l'unité de direction qui 
existe dans ce pays, il nous parait évident que de 
semblables engins doivent se trouver sur les navires 
de guerre. Ce n'est d’ailleurs pas une simple pré- 
somption quand on se rappelle que, dès le mois de 
mars 1888, les représentants de l’Amirauté alle- 
mande, du Ministère de la Guerre prussien et des 
Ministères de la Marine et de la Guerre d'Italie, 
procédaient à Rübeland à des expériences avec des 
obus à fusée de culot système Wo/f et CŸ et von 
Fôrster, fusée percutante avec retard réglable à 
volonté. Ces expériences ont été faites avec des 
obus à moins grande capacité que le projectile en 
usage actuellement; mais il faut tenir compte qu’il 
s’agit là des premiers essais qui ont dû servir de 
pointde départ etpermettre le perfectionnement que 
représente la charge de l'obus actuel. À Rübeland, 
le but se composait d'une plaque compound de 
12 centimètres appuyée sur un matelas en bois de 
chêne de 60 centimètres, formé de deux rangs de 
madriers. La plaque avait 2" 25 de longueur sur 
1% 70 de hauteur. Derrière la muraille, à une dis- 
tance de 5" 60, se trouvait la chambre d’éclatement 
destinée à recevoir les projectiles. On tira quatre 
coups sur cette plaque avec un canon du calibre 
de 21 centimètres; les projectiles étaient des obus 
Krupp en acier avec ogives massives, pesant 
98 kilos et contenant 1 kilo de pyroxyle humide 
en grains. On les tira de manière à avoir une 
vitesse au choc de 420 mètres. Pour le premier 
coup on remplaca la charge d’explosif par du lest, 
l'obus traversa la plaque, le matelas et la chambre 
d’éclatement malgré le double revêtement en 
troncs de sapin placé au fond de cette dernière. 
Les trois autres coups furent tirés avec des obus 


A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 


chargés et amorcés: le premier de ces obus 
traversa la plaque, la muraille, le revêtement de 
la chambre d’éclatement, le massif en terre de 
2 mètres d'épaisseur environ faisant suite à ce 
revêtement, — et éclata en l'air. Les deux autres 
obus traversèrent les mêmes obstacles et éclatè- 
rent dans le massif en terre. 

A l'arsenal de Pol en Autriche, il y a plusieurs 
années déjà, un obus de rupture en acier du calibre 
de 15 cm., armé d’une fusée au culot, a traversé, 
à la vitesse au choc de 475 mètres, deux plaques 
en fer laminé de Styrie, de 12 em. chacune, ados- 
sées à un matelas en bois et a éclaté au delà. 

Nous avons vu que le Ministère de la Guerre et 
le Ministère de la Marine d'/{ulie étaient représentés 
aux essais faits à Pübeland; d'ailleurs, on sait que la 
maison Armstrong, un des fournisseurs allitrés de 
l'Italie, est depuis longtemps en possession de la 
lyddite et d’une fusée de culot; il est donc assez 
vraisemblable que l'Italie doit être en mesure de 
se servir d'engins analogues à ceux que parait 
posséder l'Allemagne. 

Aux États-Unis, on a fait depuis quelques années 
des expériences sur des projectiles chargés soit 
d'emmensile, soit de coton-poudre, et on a 
employé dans ce but des projectiles du calibre de 
152 millimètres el au-dessus, armés d’un détona- 
teur, On est, dit-on, salisfait des résultats; cepen- 
dant ils paraissent inférieurs à ceux qui ont été 
obtenus avec les obus à grande capacité d'explosif 
essayés en Allemagne, car il suffirait de 5 à 8 centi- 
mètres d'acier pour faire détoner le projectile même 
sans fusée à cause de la chaleur développée par le 
choc et le passage du projectile. Voici, d’ailleurs, le 
résumé des expériences récentes faites avec des 
projecliles chargés de coton-poudre humide, munis 
d’un détonaleur avec amorce de coton-poudre sec. 
Un obus de 36 kilos 3, ainsi chargé et Liré avec 
une vitesse de 430 mètres, produit dans de la terre, 
par exemple sur les flancs d’une colline, une 
énorme excavalion; mais contre une plaque de 
177 millimètres il détone au dehors en produisant 
assez peu de dégàts. En accroissant la charge de 
poudre derrière l’obus de manière à lui donner 
une vitesse de 550 mètres, l’'obus se brise dans le 
irou percé à travers la piaque el éclate en ouvrant 
une énorme brèche. D'ailleurs, pour bien apprécier 
ces résultats, il convient de dire que les parois de 
l’'obus n'avaient comme épaisseur que 7 mill. 6; 
on se propose actuellement de confectionner des 
obus de 254 millimètres contenant 31 kilos 7 de 
coton-poudre el qui seront Lirés avec une vitesse 
initiale de 520 mètres, 

En résumé, on voit que si en Amérique on ne 
parait pas encore arrivé à avoir un obus à grande 
capacité d’explosif traversant des plaques d'acier 


d'épaisseur moyenne el détonant seulement à 
l’intérieur, on a compris toute importance de ce 
problème, et on n’a pas hésilé à se lancer dans 
une série d'expériences pour ne pas resler en 
retard sur quelques grandes marines européennes. 

Quant à l'Angleterre, à la suile d'une série d’es- 
sais qui ont été faits sur le Welle à Portsmouth, 
l’'Amirauté a décidé l'emploi dans la marine d’un 
nouvel obus qui servira pour lous les canons se 
chargeant par la culasse depuis le calibre de 
9 millimètres jusqu'à celui de 152 millimètres. 
Le nouveau projectile est en acier fondu. Dans le 
but d'augmenter sa pénétration, sa fusée, au lieu 
d'être, comme jusqu'ici, à l'avant du projectile, 
sera disposée à l'arrière. Le projectile du canon 
de 413 millimètres pèsera 726 kilos, vide, et re- 
cevra une charge d’éclatement d'environ 91 kilos. 
D’après le Naval and military Record, cette charge 
serait constituée par de la poudre à canon; mais il 
est bien invraisemblable qu'ayant à sa disposition 
des explosifs tels que la /yddite *, la marine anglaise 
remplisse des nouveaux projectiles aussi perfec- 
lionnés avec de la poudre ordinaire; ce qui nous 
confirme encore dans celle opinion qu'il s'agit 
effectivement d’obus à grande capacité d’explosif, 
c'est qu'il a été annoncé qu'au courant de cette 
année, avant même que les projectiles ne fussent 
prêts à être livrés, il serait fait des installations 
spéciales pour leur arrimage el leur manipulation 
à bord de tous les bâtiments; et, s'il s'était agi 
uniquement du remplacement d'obus à poudre par 
d'autres obus à poudre d'un système nouveau, il y 
a Lout lieu de penser qu'on n'aurait eu à faire que 
des modifications sans importance el non pas à 
procéder à des installations spéciales. Enfin, nous 
avons une autre raison plus sérieuse de croire que 
les Anglais possèdent un obus à grande capacité 
d’explosif : leurs nouveaux cuirassés, type Wagni- 
licent et Renown, sont lotalement différents des 
anciens au point de vue de la protection; la posi- 
tion du pont blindé dans la partie centrale et, par 
suite, sa forme, l'épaisseur et la hauteur de la cui- 
rasse de flancs, ont été choisies de manière à 
combiner une protection eflicace contre les obus à 
explosifs puissants. Le HMagnificent, le Renown, ne 
sont pas seulement des cuirassés nouveaux consli- 
tuant, avec des modifications de détail, un nouvel 
anneau d'une longue chaine; ils sont, pour la 
construction anglaise, quelque chose sortant tout 
à fait de l'ordinaire. Dès que les journaux anglais 
ont donné quelques indications sur le Waynificent, 
celle transformalion radicale nous a sauté aux 


1 Comme utilisation officielle de la lyddite, nous ne con- 
naissons qu’un mortier de 305 millimètres de 13 calibres seu- 
lement de longueur, destiné à armer un croiseur de première 
classe en projet. 


hé ds in non états: 7e 


A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 457 


veux el nous a remis en mémoire cette phrase par 
laquelle, il y a deux ans, en rédigeant le second tome 
denotre «Cours de Construction pratique des Navires 
deguerre»,nousrésumions des chapitresécrits avec 
l'impression très vive de la révolution que devait 
entrainer à brève échéance, dans la protection et 
l'attaque des navires, l’apparition des obus à 
explosifs puissants : « Nous avons tàché de mon- 
trer que les navires de guerre devaient être atta- 
qués par des obus à explosif et qu'ils devaient à 
l'avenir être éludiés en vue de résister à ces obus; 
cela conduit à des navires analogues aux cuirassés 
italiens et aux grands croiseurs cuirassés anglais, 
américains, russes, espagnols, etc... » Eh bien, 
notre avis de constructeur, c'est que, pour les An- 


- glais, le Jagnificent est le type du navire destiné à 


résister aux projectiles à explosif puissant. Et, 
comme on ne se défend que contre les projectiles que 
l'on a, la simple vue de la coupe au milieu des 
cuirassés, type Maynificent, suffirait pour nous per- 
suader que les Anglais ont des obus en acier à 
grande capacité d'explosif, capables de traverser 
des plaques d'acier d'épaisseur moyenne. : 


VII. — LES NOUVEAUX NAVIRES 
CONTRE LES PROJECTILES A EXPLOSIFS. 


La flotte anglaise va s'enrichir d'ici quelque 
temps de neuf nouveaux cuirassés d’escadre 
Magnificent, Victorious, Illustrious, Majestic, Prince 
Georges, Mars, Jupiter, Cæsar, Hannibal. Les Anglais 
onttrès justement qualifié le premier de ces navires 
de bâtiment qui marque une époque (ax epoch 
marteing ship). Le mot cuirassé est un de ces Lermes 
génériques dont onse sert pour désigner les navires 
les plus dissemblables comme protection: il suffit 
qu'un navire ait une cuirasse verlicale pour qu'on 
emploie ce mot. Les nouveaux bâtiments sont, à 
ce titre, des cuirassés comme les navires précé- 
dents, comme l’Znflexible, la Devustation, le Tra- 
falgar ou le Royal Sovereign, et pourtant du ÆRoyal 
Sovereign au Magnificent, il y a un abime. Le Royal 
Sovereign est cuirassé contre les projectiles de rup- 
Lure, le Maynificent el ses frères sont étudiés en 
vue de résister aux projectiles à grande capacité 
d’explosif. 

Les Anglais ont renoncé, par un brusque revire- 
ment, à un type que l'Amirauté jugeait excellent, il 
ya moins de {rois ans, et adopté une protection 
basée sur de tout autres principes. Rien ne saurait 
mieux le montrer que la comparaison de la coupe 
au milieu du Royal Sovereign et de celle du Jagni- 
ficent placées en regard l’une de l’autre (fig.2 et 3). 

Sur le Royal Sovereign (fig.2), on a établi, à la hau- 
leur de la flottaison, une bande cuirassée haute de 
2%,59 environ, régnant sur les deux tiers de la 
longueur du navire; l'épaisseur de ce blindage de 


ceinture varie de 457 millimètres au milieu à 
355 millimètres aux extrémités de la ceinture: le 
can supérieur monte à 0,915 au-dessus de l’eau, 
le can inférieur descend à 1",677 au-dessous: des 
cloisons transversales cuirassées complètent la 
ceinture; un pont en acier de 76 millimètres 
d'épaisseur la recouvre. 

Au-delà de ces traverses, à l'avant et à l'arrière, 
la protection des fonds est assurée par un pont 
blindé à 76 millimètres qui part de chacune des 
traverses et s'abaisse en allant vers les extrémités 
et en abord. Ce pont, entièrement au-dessous de 
l'eau, est recouvert par une tranche cellulaire très 
compartimentée. 

L'œuvre morte au-dessus de la ceinture est pro- 
tégée sur une hauteur de 2",90 au-dessus de l’eau: 
et sur une longueur de 44,195, par un blindage de 
127 millimèlres d'épaisseur appliqué sur les 
flanes ; des cloisons blindées obliques s'étendent 
sur le pont p+otecteur des extrémités de cetle mu- 
raille blindée aux redoutes des tourelles, épaisses 
de 432 millimètres, et ferment la batterie blin- 
dée. 

Sur le Wagnificent (fig.3), tout est changé : il n'y a 
plus de cuirasse de ceinture à proprement parler : 
la cuirasse épaisse de flottaison, destinée à résister 
aux obus de rupture, a fait place à une cuirasse de 
229%/% harveyée, capable, dans bien des cas, de 
résister aux projecliles de rupture, mais à coup 
sûr d’arrèter les projectiles à grande capacité d’ex- 
plosif, et, comme on a probabiement reconnu la 
nécessité de renforcer la cuirasse d'œuvres-mor- 
tes pour éviter qu'un des projectiles ne traversät le 
blindage mince et n’éclatàt derrière, on a assigné 
la même épaisseur à celte cuirasse, si bien qu’au- 
dessus de la floltaison comme au-dessous la pro- 
tection des flancs est fournie par une cuirasse 
épaisse de 229%/" ; alors on a donné à ce blindage 
une hauteur de 4.788 : 3,205 au-dessus de l’eau et 
1*,83 au-dessous. Cette bande cuirassée, de 67 mè- 
tres de long, est terminée aux deux bouts par des 
cloisons inclinées sur l’avant et sur l'arrière, de 
manière à aller rencontrer la base des barbettesen 
forme de poire, cuirassées à 356"/" au maximum, 
comme les parties les plus épaisses des cloisons. 
On à ainsi constitué une haule citadelle cuirassée 
d'un peu plus de 91 mètres de long de sommet en 
sommet. Le pontblindé, qui, dans la partie cen- 
trale, se trouvait placé à la hauteur du can supé- 
rieur de la cuirasse épaisse sur les cuirassés pré- 
cédents, est remplacé, sur le Magmficent, par un 
pont en dos d'âne qui monte dans l'axe à 91 c/m 
au-dessus de la flottaison afin de permettre de 
loger les machines et les chaudières, mais redes- 
cend en abord à 183 au-dessous de la flottaison 
de manière à rejoindre le can inférieur de la cui- 


458 A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 


rasse !. Le cofferdam triangulaire limité par le pont 
blindé en question, la muraille des flancset la 
plate-forme horizontale, qui prolonge le pont prin- 
cipal, forme un cofferdam destiné à être rempli 
de matières obturantes. Le pont blindé a 64%/" 
d'épaisseur au milieu et 102*/" dans la partie qui 
forme talus. 

En résumé, Sù William While est arrivé à des 
navires analogues aux cuirassés italiens et aux 
grands croiseurs 
américains en à- 
doptant les é6- 
paisseurs de cui- 


combattu la mise en chantier du Royal Severeiqn. 
Le point que nous avons tâché d’élucider a une 


telle importance que c'est à peine si nous osons . 


parler incidemment des autres perfectionnements 
qu'on trouve sur le Z/agnificent, de crainte d'affai- 
blir l'impression qui se dégage du paragraphe 
précédent. Il convient pourtant de signaler la 
diminution du calibre de la grosse artillerie ; au 
lieu des canons de 342 "/" du Royal Sovereign, le 
MWagynificent rece- 
vra des canons 
de 0305. Toute 
l'artillerie sera 


rasse qui, avec 
les derniers per- 
feclionnements 
dus au harveya- 
ge, lui ont paru 
nécessaires pour 
soustraire le na- 
vire aux projec- 


du nouveau mo- 
dèle adopté en 
Angleterre el se 
composera de 
canons  frellés 


construits sui - 
vant l'excellent 


tiles à grande 
capacité d'explo- 
sif; c'est exacte- 
ment la transfor- 
mation que nous 
avions prévue, 
comme nous le 
rappelions un 
peu plus haut. 
Les circonstan- 
ces dans lesquel- 
les cette transfor- 
mation radicale 
de la défense 
s’est accomplie 


système préconi- 
sé en Angleterre 
par Longridge !, 
en France par 
Schullz et actuel- 
lement par le ca- 
pitaine d'artille- 
rie Hoch. 

Le service des 
munitions pour 
la moyenne et la 
petite artillerie 
est diflicile sur 
les navires mo- 
dernes dès que 


sont également lessoutesne peu- 
curieuses à men- ventpasèêtre pla- 
lionner. Lors de cées directement 
la miseen chan- Fig.2. — Coupe au milieu du « Royal Sovereign», protégé principalement au-dessous des 
s : contre les obus de rupture. : 
lier du Royal canons; aussi ä- 


Sovereign, les plans ont été discutés pour ainsi dire 
publiquement ; la discussion portait sur le plus ou 
moins de hauteur à donner à la cuirasse de flancs, 
question intéressante sans doute, très intéressante 
même, mais bien peu importante comparée à une 
modification du tout au tout comme celle que nous 
venons de voir. 

Lors de la mise en chantier du Hagnificent, les 
plans de M. White n’ont pas été communiqués, et 
ce n’est que longtemps après qu'on a connu cette 
véritable révolution qu’il avait accomplie, et qui 
n’a soulevé, à notre connaissance, aucune cri- 
tique de la part de ceux-là mêmes qui avaient 


1 La flèche du pont, en dos d’âne, est donc de 2,74. 


t-on imaginé, en adoplant une disposition pro- 
posée d’ailleurs en France en 1891, d'installer 
un long couloir qui règne en abord sous le pont 
blindé et permet de desservir des pièces nom- 
breuses sans que les soules soient immédiate- 
ment à l’aplomb. Enfin, le Wagnificent aura un 
approvisionnement de charbon considérable ; dans 


1 Tous les nouveaux canons de calibre supérieur à 76 m/w 
et notamment ceux de 305 — 203 T. R. et 152 T. R. sont bien 
des canons Longridge comme construction; si nous disons 
« préconisé », c'est qu'à notre avis le vrai canon Longridge 
serait un canon court à volée renforcée, étudié pour utiliser 
le mieux possible les pressions que peuvent développer les 
poudres actuelles; or le nouveau canon anglais a 45 calibres, 
A propos du canon de 305, les essais de Woolwich montrent 
une précision vraiment surprenante. 


ROC à 


en fil d'acier, - 


DT à à 


_ 3"05 de hau- 


Contre un en- 


A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 


459 


les lignes d’eau du plan il contient 800 tonnes de 
charbon, mais ilpossède des soutes de réserve 
_ qui permettent de loger un approvisionnement 


double, si bien qu'il pourra marcher pendant 
28 jours à la vitesse de 10 nœuds, ayant ainsi une 
vitesse franchissable de 6.700 milles environ. Avec 
le mode de protection du Wagnificent une telle dispo- 
sition est tout à fait logique ; en effet, quand on a 


œ—r— 


TT — 


encore sur des navires qui viennent à peine d'être 
achevés, comme le Centurion et le Barfleur. Le Re- 
nown, tout différent des précédents, est construit 
exactement d’après les mêmes principes que le 
Magnificent. Ia sur les flancsune cuirasse en deux 
virures, dont la plus élevée a 452"/" d'épaisseur 
etla plus basse 203"/%, Cette haute cuirasse de 
flancs forme une citadelle terminée à ses extré- 
mités par des 


teur au-dessus : 
de l'eau, peu | 
importe que | 

l'immersion |. 


cloisons de 254 
à A59%)/EY vez 
| nant buter con- 
| tre les barbet- 


augmente de 


tes blindées à 


045 ou 050: 
la protection 
garde la même 


152%/", Le pont 
qui a la même 
forme que celui 


valeur; il n’en 
est pas de mé- 
me lorsqu'on à 
simplement 
0*90 au-dessus 


du Wagnificent, 
est cuirassé à 
16"/" dans le 
talus et à 51"/" 
dans la partie 


de l’eau, com- 
me sur le Xoyal 
Sovereign et mé- 
me moins, Car 
alors la surim- 
mersion com- 
promet grave- 
ment le bäti- 
ment s'il ren- 


horizontale. Le 
Renown est un 
bätiment dou- 
blé en bois de 
42.550 ton - 
neaux destiné 
àfiler18 nœuds 
environ. 
Ainsi, lesAn- 
glais pensent 


nemiavant d'a- | que, dans les 
voir consommé | / mers les plus 
7 . . : 
unegrandepar- : AC lointaines, ils 
. A . 
tie de son char- L a OÙ pourront avoir 
eee. affaire à des 
Voici, pour Eh adversaires 


terminer , les 
données prin- 


cipales de ces intéressants navires : 


Longueur à la flottaison............ 149 m. 97 
LRO RE RE DEC SR CEE 22 m. 86 
Hirant.d’eau moyen......:.......... 8 m. #1 
Différence ....... DA CRE Ds 0 m. 30 
LEH ESA ARE PRE environ 15150 tx. 
Puissance en chevaux au tirage naturel 10130 chx. 
Puissance en chevaux au tirage forcé. 12160 chx. 
Vitesse maximum au tirage naturel.. 16 n. 5 
Vitesse maximum au tirage forcé... 31 n. 5 


Armement : 4 canons de 305"/" dans deux tou- 
relles barbeltes blindées à 356"/": 12 canons de 
152®/® à tir rapide; 6 canons de 66 tir rapide: 
12 canons de 47 et 8 mitrailleuses Maxim. 

Si les Anglais ont changé le type de leurs cui- 
rassés destinés au service des mers d'Europe, ils 
ont également renoncé pour les stations lointaines 
à l’ancien système de protection que l’on retrouve 


Fig. 3. — Coupe au milieu du « Magnificent », protégé contre les obus 
à grande capacité d’explosif. 


possédant des 
obus à grande 
capacité d'explosif, et nous ne pouvons nous empè- 
cher d'admirer la décision, l'esprit de suite et la 
rapidité avec lesquels ils sont en train d'accomplir 
le renouvellement de leur flotte cuirassée, qui s’en- 
richira à bref délai d’une escadre fort importante 
de bâtiments à la hauteur des derniers progrès. 
Les Italiens avaient, dira-t-on, précédé les 
Anglais dans cette voie ; nous le reconnaissons, 
et nous tenons le Re Umberto et la Sardegna pour 
d'excellents cuirassés, tout en faisant, comme pour 
les précédents, nos réserves sur le décuirassement 
des extrémités et surtout de l’avant ; mais,lors de 
l’adoption de ce type de bâtiments, les conditions 
de la lutte étaient tout autres qu'aujourd'hui ; les 
principes sur lesquels était basée la protection 
étaient sujets à discussion, et, tout en reconnaissant 


160 A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRESYDE LA MARINE] 


la grande valeur de ces navires, on pouvait ne pas 
se rendre compte que, contrairement à ce qui à 
lieu en général pour les bâtiments de guerre, ils 
deviendraient plus modernes en vieillissant; tout 
ce qu'on peut leur reprocher aujourd'hui est, en 
eflet, d’avoir une cuirasse un peu mince s'ils se 
trouvaient avoir à lutter contre un ennemi pourvu 
de projectiles à explosif puissant, capable de tra- 
verser des plaques d’acier d'épaisseur moyenne. 
Les Ilaliens ont eu la chance de devancer le pro- 
grès : Les Anglais, qui pouvaient faire de plus grands 
sacrifices pour leur flotte, se sont bornés à le sui- 
vre, mais ils ont agi résolument et sans perdre de 
temps. 

Toutefois, si les renseignements qui ont été pu- 
bliés à propos des derniers cuirassés mis en chan- 
tier en Italie sont exacts, les cuirassés Aamraglio 
di Suint-Bon et Emanucele Filiberto montrent que les 
[taliens surveillent attentivement tous les progrès 
de l'artillerie ; notre impression est qu’ils doivent 
avoir des résultats d'expérience leur permettant 
de savoir ce qu'ils font et ou ils vont. Depuis long- 
temps ils ont renoncé à la ceinture épaisse, qu'ils 
considéraient, étant donné son peu de hauteur, 
comme une protection illusoire: à un moment où 
les projectiles de rupture étaient les plus redou- 
tables, ils ont eu recours à un pont blindé sur- 
monté d'une tranche cellulaire : de celte idée sont 
sortis l'Ztalia el le Lepunto lancés en 1880 el 1883. 
Puis la petite artillerie à tir rapide ayant fait son 
apparilion, ils ont fait le Xe Umberto, la Surde- 
gna, la Sirilia lancés de 1888 à 1891, où la protec- 
tion précédente est combinée avec une cuirasse de 
flancs de 100 millimètres ne régnant que sur une 
partie de la longueur. Aujourd'hui, ils s'inquiètent 
des dégats que pourrait faireun projeclile à grande 
capacilé d'explosiftraversantcette épaisseur d'acier 
ou mêémerencontrant les parties décuirassées de 
l'avant et de l'arrière, et alors ils meltent en 
chantier des navires cuirassés de bout en bout sur lu 
presque lotalité des œuvres mortes et dont l'épaisseur 
varie de 25 centimètres au milieu à 10 centimètres 
aux extrémités, le ponten dos d'âne, appelé à jouer 
le rôle de pare-éclats, étant blindé à 40 millimètres 
dans la partie horizontale et à 75 millimètres dans 
le talus. Notons en passant qu'ils n'ont pas sacrifié 
la vilesse, qui doit être d’au moins 18 nœuds. Mais 
on sent que tous leurs efforts Lendent à avoir une 
protection eflicace, et que, à leur avis, elle consiste 
dans l'apposition sur les flancs d’une haute cui- 
“asse, de bonne épaisseur moyenne, avec un pont 
blindé placé aussi bas que possible. 

Nous altachons tellement d'importance à l'emploi 
des projectiles à grande capacité d’explosif, el 
aux moyens qu'on à imaginés dans les divers pays 
pour s’en garer, qu'il nous parait utile de résumer 


ce qui précède en quelques lignes. On a trop de 
tendance en France à appeler croiseurs les navires 
qui n’ont pas un blindage de ceinture épais, sans 
réfléchir que, quand il s'agira de se battre, il n'y 
aura ni cuirassés, ni croiseurs, mais des navires «le 
combat, el que, pour résisler à des projectiles donnés, il 
est logique d'employer le même mode de protection, à 
moins qu'il ne s'agisse d'un destructeur de paque- 
bots ou de petits bateaux rapides protégés par leur 
grande mobilité. Nous ne détestons rien tant que 
d'employer des termes anglais quand on peut se 
servir de mots français; mais chez nous le mot 
cuirasse de ceinture, qui devrait être réservé uni- 
quement au cas où il n'existe qu'une bande étroile 
de cuirasse à la flottaison, a recu une telle exten- 
sion que nous croyons utile de mettre en regard 
les termes anglais et français pour donner toute 
sa portée à l'expression de notre pensée : le mode 
de protection des nouveaux navires anglais et ita- 
liens est caractérisé par l'apposition d'une exirusse 
dé flancs (side protection) au lieu de l'ancienne cuirasse 
de ceinture (bel) absolument condamnée par ces 
marines. Voici ce qu'on peut lire dans un numéro 
du Times d'un des mois derniers : « The Hajestic 
« shows a very large area of side protection; — in 
« fact, the ship may bé described as side-armou- 
« red in contradistinetion to Che term belted. The 
« change bears evidence lo the growing apprecia- 
« Uon of {he value ofrapid fire and high explosive 
« shells. » — « Le Majestic a ses flancs protégés 
« par un blindage sur une très grande surface. — 
« En fail ce navire peut être dépeint comme un 
« bâtiment cuirassé sur les flancs, par opposilion à 
« ceux qui ont une cuirasse de ceinture. Cette ré- 
« volution montre le cas de plus en plus grand que 
« l’on fait de la valeur du tir rapide et des pro- 
« jectiles à explosifs. » Aucune phrase ne serait 
capable de mieux exprimer nolre opinion sur les 
nouveaux cuirassés des deux grandes marines an- 
glaise el italienne. 


VIII. — TUBES LANCE-TORPILLES. 


Les navires de combat modernes sont presque 
tous armés de tubes lance-torpilles. I y aune ten- 
dance générale à substituer aux anciens tubes 
tirant au-dessus de l’eau des tubes sous-marins. 
Avec certaines espèces de Lorpilles, la disposition 
des tubes au-dessus de l’eau peut présenter quel- 
que danger pour le bâtiment qui reçoit cette 
installation: d'autre part, le lancement des tor- 
pilles parait beaucoup plus efficace avec des tubes 
sous-marins bien inslallés qu'avec les anciens 
lance-lorpilles situés au-dessus de la flottaison. 
Les essais faits sur le Royal Sovereiyn ont confirmé 
pleinement ceux du Vulean et du PBlenheim. Le 
Royal Sovereign a sept tubes fixes, deux au-dessous 


Rés. sn %é | 


| 
| 
| 


de l’eau, dont on a décrit sommairement l'instal- 


_ lation! et cinq au-dessus, deux de chaque bord, 


un dans l’axe à l'avant. L’essai fut fait, le bâtiment 
marchant à 12 nœuds de vitesse environ, en tirant 
sur un but formé par trois cadres et figurant un 
navire de 9144 de long. Les trois torpilles de tri- 
bord, lancées à 550 mètres de distance à peu près, 
frappèrent le but ; les torpilles furent alors sorties 
de l'eau, mises dans les tubes de bàbord et tirées 
d'une distance un peu plus grande; dans ce nou- 
veau tir, celle lancée au-dessous de l’eau donna 
seule un bon résultat. Quant au tube de l'avant, 


A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 161 


lors de la mise en chantier du Royal Sovereign, en 
se réservant la faculté de pouvoir se servir des 
tubes au-dessus de la flottaison, dans le cas où ceux 
que l’on essaiera pour tirer au-dessous de l’eau ne 
donneraient pas de suite des résultats parfaits. 
Tout à l'heure, à propos des tubes du Royal 
Sovereign, nous avons mentionné qu'ils étaient 
tous fixes. Il semble que, dans certaines marines, 
il y ait tendance à supprimer la faculté de pointer 
les tubes au-dessus de l'eau, sans doute, entre 
autres raisons, parce qu'il est plus facile de pro- 
téger un tube fixe. Au-dessus de la flottaison, le 


TIR LR TEEN QN Y 
NINQKKK 


Fig. 4 — Dispositif Lloyd et Hulchinson pour Lubes lance-torpilles 


son coup ne valut rien, comme il arrive d'ordinaire 
avec cette disposition de tube. A la suite des excel- 
lents résultats obtenus avec leurs tubes au-dessous 
de l’eau, les Anglais ont multiplié sur les nouveaux 
bâtiments les tubes lance-lorpilles sous-marins; 
c'est ainsi que, sur les cuirassés type Maynificent, 
qui recevront seulement cinq tubes lance-torpilles, 
il y en aura quatre au-dessous de la flottaison ; le 
cinquième, placé au-dessus, est à l'arrière dans une 
partie où il n’est pas possible d'en mettre un au- 
dessous de l’eau. 

En France, on prévoit sur les nouveaux bàti- 
ments, les installations nécessaires pour disposer 


les tubes lance-torpilles, soit au-dessus, soit au- 


dessous de l’eau ; autrement dit,on prend la même 
précaution qu'avaient sagement prise les Anglais, 
| Revue gén.des Sciences pures el appliquées (1° août 1893). 


lancement se fait presque toujours aujourd'hui 
avec de la poudre ou des substances similaires. En 
France, on se sert de poudre; en Angleterre, les 
expériences récentes ont conduit à remplacer la 
poudre ordinaire par la cordite, à laquelle on attri- 
bue la faculté de donner une pression plus uni- 
forme sur l'arrière de la lorpille et des vitesses 
plus régulières, tout en salissant moins les tubes; 
la cordite ne donne d’ailleurs pas plus de fumée 
que la poudre dont on se sert actuellement pour les 
canons. En Italie, on a abandonné la ballistite, pour 
revenir à la poudre à canon, qui corrode moins 
les tubes et donne des pressions plus régulières. 

À ce dernier propos, nous signalerons un per- 
fectionnement récent du mécanisme des tubes 
lance-torpilles, qui a été inventé et brevelé par 
MM. Lloyd et Hutchinson, des chantiers Zl{swick. Ce 


462 


A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 


perfectionnement consisie à pourvoir l'arrière du 
tube d’une chambre de combustion dans laquelle 
commencent à se détendre les gaz provenant de la 
détonation de la charge explosive. Ces gaz passent 
ensuite dans l’intérieur du tube lance-torpilles à 
travers des orifices étroits qui s'opposent à l’en- 
trainement dans le tube de parcelles incomplète- 
ment brûlées, eten mème temps retardent suffisam- 
ment l’échappement des gaz afin de produire, dans 
la chambre, une pression capable d'assurer une 
combustion rapide et uniforme, tout en ne laissant 
passer les gaz dans le tube de lancement qu'à une 
pression assez modérée afin de ne pas risquer 
d’abimer la Lorpille . Cet appareil peut consister en 
une porte creuse À (fig. 4) fixée sur l'arrière du 
tubelance-{orpillesetrenfermantles deux chambres 
Det B. La petite chambre D sert à recevoir la car- 
touche, la chambre B constitue la chambre de com- 
buslion. Étant donné le petit volume de cette 
chambre et la difficulté qu’éprouvent les gaz à s’en 
échapper, la pression et la température s'élèvent 
dans l’espace D B, et l'explosion se fait bien com- 
plètement. Les gaz ne peuvent passer de la chambre 
B dans le Lube lance-torpilles G que par les petits 
trous F; ils se détendent alors de manière que 
la pression atteigne la valeur qu'on s’est assignée. 


IX. — LES ENSEIGNEMENTS DE LA BATAILLE DE ŸALU. 


Les flottes de guerre font assez-justement à 
beaucoup de personnes l'impression de superbes 
machines dont on ne saurait bien apprécier la 
valeur, tant qu’elles ne sont pas appelées à fonc- 
tionner. Et comme, sur toutes les questions rela- 
tives à la guerre navale, les avis les plus différents 
trouvent des partisans, l'attention est naturelle- 
ment attirée sur le moindre engagement livré sur 
mer avec des engins modernes et dans des condi- 
tions à peu près analogues à celles où l’on se trou- 
verait dans une grande guerre maritime. Les 
guerres du Chili et du Pérou, la guerre civile du 
Chili, la guerre civile du Brésil ont donné lieu à de 
nombreux comptes rendus et à d'ardentes contro- 
verses. Il devait « fortiori en être ainsi des combats 
livrés sur mer pendant la guerre sino-japonaise et 
surtout de la grande bataille de Yulu; comme les 
premiers renseignements sur les circonstances 
d'un combat ne peuvent manquer d'être insufti- 
sants et même un peu contradictoires, et qu’il est 
dans la nature humaine de chercher à interpréter 
les faits de la façon la plus conforme aux idées 
qu'on s’est habitué à tenir pour bonnes, les ensei- 
gnements qu'on à cherché à tirer de la bataille de 
Yalu s'appliquent à toutes les branches de l'art 
naval et conduisent aux conclusions les plus dis- 


! On sait que, dans ce but, on ne dépasse guère une pres- 
sion de 2 k. 800 par centimètre carré. 


cordantes. Nous n'avons pas l'intention de faire ici 
un exposé des renseignements certains que l'on 
peut posséder dès à présent, mais seulement de 
meltre en garde contre des conclusions trop géné- 
rales ou un peu hätives, et de montrer quels sont 
les points qui nous paraissent devoir mériter d'atti- 
rer réellement l'attention. 

On a dit que la bataille de Yalu avait révélé la 
nécessité de proscrire le bois à bord des navires, 
même pour les emménagements. Cette nécessité 
était si connue des marins ou des ingénieurs qui 
ont assisté à des expériences de polygone que, sur 
certains navires français, le Æoche entre autres, on 
avait, il y a déjà six ans, proscrit le bois et fait en 
tôle d’acier tous les meubles dont on n'aurait pas 
pu se débarrasser au moment du combat. Il en est 
de même pour les superstructures hautes et non 
protégées et les hunes militaires ; la bataille de 
Yalu n'arien appris de nouveau aux personnes dont 
l'attention avait déjà été appelée sur ces sujets. 

Au point de vue de la défense, les deux princi- 
paux cuirassés chinois, le 7ng-Yuen et le Tschen- 
Yuen, sont reslés au feu pendant près de cinq 
heures sans que leur cuirasse ait été entamée; les 
quelques empreintes de projectiles de gros calibre 
que l’on a relevées sur l’un d'eux montrent que 


-l’obus n'a pas pénétré de plus de 8 centimètres. 


Pour bien apprécier ce résultat, il faut songer que 
l’escadre japonaise, maitresse de la distance, grâce 
à la supériorité de sa vitesse, s’est, pendant la plus 
grande partie du combat, tenue à 2.000 ou 3.000 mè- 
tres de l’escadre chinoise et que, d'autre part, elle 
ne possédait qu’en très petit nombre les obus en 
acier chromé en usage dans les principales ma- 
rines ; si les cuirasses des navires chinois étaient 
faites avec des plaques compound d’ancienne fa- 
brication, d'autre part, il ne faut pas négliger de 
dire qu'elles n'ont été à peu près frappées que par 
des obus en fonte. Nous avons d’ailleurs entendu 
dire que les Japonais n’avaient d'ailleurs tiré pen- 
dant cette longue bataille qu'une faible quantité 
de coups de gros calibre. Tout cela nous semble 
de nature à expliquer comment, avec des pièces à 
peu près équivalentes comme puissance aux meil- 
leures pièces des plus forts calibres en usage dans 
les marines européennes, les Japonais n'ont pas 
réussi à perforer des cuirasses un peu démodées, 

D'ailleurs, les pièces de gros calibres des navires 
japonais ont fait leur office, puisqu’un seul obus 
de rupture a suffi pour faire sombrer le croiseur 
cuirassé chinois Æing-Yuen. Ce navire, atteint à 
l'arrière à la hauteur de la floltaison, s'enfonça 
d’abord de l'avant, puis bascula pour couler par 
l'arrière. Le coup avait vraisemblablement perforé 
le pont blindé et, en allant sortir dans les fonds, 
peut-être en déterminant une explosion sur son 


| 


k 


A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 


163 


lrajel, a suffi pour causer la perte du navire. En 
constatant que ce croiseur cuirassé et que le croi- 
seur protégé Zschi-Yuen avaient été coulés, landis 
que les gros cuirassés T'schen-Yuen et Ting-Yuen 
avaient pu fuir, on a tiré cette conclusion que la 
protection assurée par le cuirassement était bien 
supérieure à celle fournie par une tranche cellu- 
laire et un pont blindé. Nous sommes tout à fait 
d'avis que rien ne vaudrait; comme protection, 
une cuirasse suffisamment haute et suffisamment 


épaisse, régnant de bout en bout, s'il était pos- 


sible de l'installer; mais, pour nous en tenir à la 
flotte en question, il suffit de jeter un coup d’œil 
sur les plans des grands cuirassés chinois pour se 
rendre compte qu'étant défendus aux extrémités 
exactement comme des croiseurs, ainsi que le sont 
tous les cuirassés anglais et américains, le même 
coup qui a envoyé un croiseur cuirassé par le fond 
les y aurait envoyés également. Le seul enseigne- 
ment à tirer de ce que les croiseurs n’ont pas som- 
bré dans ces conditions, c’est qu’ils ont eu la chance 
de ne pas recevoir un projectile aussi mal placé. 

-Ce qui est certain, c’est que la flotte japoñaise, 
qui a élé victorieuse, avait une protection d’un 
poids moindre que la flotte chinoise. 

Il est très intéressant d’examiner l'artillerie des 
deux flottes. Nous tirons d’une élude très intéres- 
sante de M.le Capitaine d'artillerie Rollin! les indi- 
cations suivantes. Si l’on récapitule l’ensemble 
des divers vaisseaux de la flotte chinoise, on trouve 
pour la totalité de l'artillerie : 


25 canons de gros calibre Soit 185 
29 canons de moyen calibre ‘(ou171) bou- 


131 (ou 117) de petit calibre dont 81 mitrailleuses| ches à feu. 


L'ensemble de l'artillerie japonaise comprenait : 


13 canons de gros calibre ) Soit 250 
91 canons de moyen calibre et : bouches 
146 canons de petit calibre dont 54 mitrailleuses) à feu. 


M. Rollin ne donne pas ces nombres comme ab- 
solument exacts, mais il fait avec raison remar- 
quer que les quelques inexactitudes qui pourront 
plus tard être relevées sont de peu d'importance, 
et ne sont point, en tout cas, de nature à modifier 
le caractère très tranché et nettement différent des 

- deux artilleries opposées. Les Japonais avaient 
des pièces de gros calibres très puissantes et très 
perfectionnées, mais en nombre moitié moindre 
que celles des Chinois; très inférieurs à cet égard, 
ils avaient une artillerie moyenne bien supérieure, 
triple de celle des Chinois, et une très forte pro- 
portion de canons à tir rapide. Les pièces de petit 
calibre étaient à peu près en nombre égal dans les 
deux flottes. On compare souvent l'artillerie en 
mettant en regard les poids de la salve que peu- 
vent lancer deux flottes; ce poids s'élevait, d’après 
le Militar Wochenblutt, à 7.067 k. 5 pour la flotte 
DA Revue d'Artillerie, & livraison, janvier 189. 


chinoise et à 5.844 kil. pour la flotte japonaise. 

En résumé, l'artillerie japonaise pourrait pa- 
raitre très inférieure comme puissance si on ne 
lenait pas compte de l'avantage que lui donnait le 
lir rapide; c’est à celte supériorité de leur arme- 
ment, dont ils ont su profiter, que les Japonais sont 
redevables de la victoire, comme l'a constaté le Ca- 
pitaine von Hannelen|Rev.du Cerclemilit.). Les canons 
à tir rapide ont donné aux Japonais un immense 
avantage en semant partout des pluies d’éclats, en 
mettant souvent le feu aux navires chinois et en cri- 
blant tout ce qui n’était pas abrilé contre leur tir. 

Le rôle prépondérant joué parle canon à tir ra- 
pide est un fait qui se dégage nettement de l’étude 
de la bataille de Yalu ; afin de tirer de leur arme- 
ment le meilleur parti possible, il semble que les 
Japonais aient eu soin de se tenir le plus souvent 
à une distance suflisante de l’ennemi pour que 
l'armement de la flotte chinoise en pièces de gros 
calibres ne devint pas dangereux pourleurs navires. 
En un mot, c’est gràce à sa vitesse supérieure que la 
flotte japonaise a pu profiter de sa supériorité d'ar- 
mement en pièce de moyens calibres à tir rapide. 

Nous pensons, comme M. le Capitaine Æollin, 
« que la bataille de Yalu n’est qu'une image impar- 
faite de ce que pourrait être actuellement une 
grande bataille navale. » Nous avons la ferme con- 
viction que les obus à grande capacité d'explosif 
joueront désormais un rôle prépondérant, et, à 
Yalu, iln'y avait ni obus à grande contenance d'ex- 
plosif ni même à petite. Mais ce qui nous semble 
à retenir, c'estque, pourbienutiliser ses munitions, 
suivant l'armement que l’on possédera, il est in- 
dispensable d’avoir la supériorité comme vitesse. 
Le combat de Yalu aduré cinq heures, une bataille 
livrée avec les nouveaux explosifs sera terminée 
beaucoup plus vite, mais ilimporte que, pendant 
la première période qui décidera, du reste, de la 
journée, on soit mailre de ses distances ; on ne le 
restera peut-être pas quand de part et d'autre des 
navires auront été endommagés, mais à ce moment 
le sort de la journée sera réglé. 

En résumé, les caractéristiques de la flotte japo- 
naise étaient une protection moindre, une force 
offensive plus grande comme artillerie de moyen 
calibre à tir rapide et comme vitesse, et, toute 
question de personnel à part, c'est à cela que nous 
attribuons son succès. 

Ce sont des enseignements dont il convient de 
profiter, mais avant toutil ne faut pas oublier ceci : 
Dans lu prochaine querre navale européenne, là victoire 
appartiendra à celui qui aura des obus en acier à forte 
capacité d'explosif avec fusée de culot retardée. 

A. Croneau, 


Ingénieur des constructions navales, 
Professeur à l'Ecole d'Application du Génie maritime. 


164 ACTUALITES SCIENTIFIQU 


ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


L'ÉLECTRICITÉ EMPLOYÉE COMME MOYEN DE 


L'emploi de l'électricité comme moyen de chauf- 
fage est encore tout à fait exceptionnel. Sans doute, 
elle conserve dans ce cas les qualités de souplesse et 
de commodité qui lui sont propres. Mais son prix de 
revient est beaucoup trop élevé, et la chaleur qu’elle 
produit beaucoup trop coûteuse. Cependant, ce serait 
une erreur grossière de comparer les prix de revient 
immédiats de la calorie qu'ils produisent pour obtenir 
la valeur relative de deux moyens de chauffage. Par 
prix de revient immédiat, nous entendons le prix de 
revient unitaire de la matière ou de l'agent employé au 
chauffage divisé par le nombre de calories produites 
par unité. Une telle comparaison serait souvent tout à 
fait fausse. Voici 
un exemple em- 
prunté, il est vrai, 
à l'éclairage, mais 
qui peut facile- 
ment avoir son 
correspondant 
quand il s’agit de 
chauffage : un 
commercant pos- 
sède une arrière- 
boutique assez vas- 
te, qui était éclai- 
rée primitivement 
par plusieurs becs 
de gaz. Il ne s’y 
tient pas d’une 
manière conti - 
nuelle; mais il à 
très souvent be- 
soin d'aller y pren- 
dre ou y porter 
quelques objets. 
Aussi, quand il a- 
vait l'éclairage au 


) 


RE 
RO eut 12 NS 
tammentses becs, 


sinon à pleine 
pression,au moins 
en veilleuse, 

L’électricité, au contraire, lui à permis d'annuler 
complètement la dépense de lumière aux moments où 
celle-ci est inutile, et il s’est trouvé que, par ce fait, 
la dépense totale est devenue moins forte avec l’élec- 
tricité qu'avec le gaz, Ce sont surtout des cas semblables 
qui peuvent rendre le chauffage électrique plus écono- 
mique que ses rivaux. 

Il en est ainsi, parait-il, au Vaudeville-Theatre à 
Londres, où l’on vient de l’installer avec succès !. Pre- 
uons donc l'exemple d’un théâtre, puisqu'il nous est 
offert, el voyons quels peuvent être les frais accessoires 
supprimés par l'électricité. Elle ne demande point de 
chaudière spéciale, et par conséquent point d’empla- 
cement pour celle chaudière, ni d’ouvrier pour la sur- 
veiller et la conduire, Il en résulte une diminution de 
main-d'œuvre, une augmentation de l’espace dispo 
nible, considération qui n’est pas à dédaigner dans les 
théâtres de nos grandes villes, et, en même temps, une 
augmentation de sécurité au point de vue des incendies 
et explosions. Les compagnies d'assurances sont loin 
d’être indifférentes sur ce sujet. Quant aux appareils 


Fig, 1. — Radiateur Cromplon fixé à un mur. 


CHAUFFAGE — UNE SABLIÈRE POUR TRAMWAYS 


de chauffage proprement dits, ceux qu'emploie lé- 
lectricité sont moins coûteux et moins difficiles à 
entretenir, Is tiennent moins de place et peuvent être 
répartis dans une salle d’une manière plus rationnelle. 
N'offrant aucun danger d'incendie, il est possible de 
les poser en des endroits où l’on n'aurait jamais songé 
à poser d’autres appareils. Il résulte de ce fait une 
économie, en ce sens qu'il n'y a point de parties de la 
salle surchauffées au détriment des parties voisines, el 
par conséquent pas de chaleur perdue, Enfin, les appa- 
reils électriques ne demandent aucune préparation 
préliminaire avant leur emploi, ni aucune surveillance 
particulière pendant celui-ci, Un bouton à tourner au 
moment convena- 
ble, voilà tout le 
travail qu'ils ré- 
clament.C'est peu, 
en vérité, et cela 
se traduit par une 
diminution de 
main-d'œuvre, 

Ajoutons qu'au 
moment où les 
théâtres s’éclai - 
raient au gaz, 
beaucoup d'entre 
euxn'élaientpour- 
vus d'aucun mo- 
ven de chauffage ; 
le gaz, en brülant, 
ARRET ANEEE produisait la cha- 
1 | leur nécessaire. Il 

en résultait une 
économie Consi- 
dérable pour le 
directeur, en mé- 
me temps qu'un 
fort mal de têle 
pour les specta- 
teurs , au moins 
pour ceux des é- 
tages supérieurs. 
Les Anglais a - 
vaient adopté une 
expression pour désigner ce mal de tête: ils l’appelaient 
le theatre head-ache, Quand vint la suppression obliga- 
toire de l'éclairage au gaz, le mal de tête disparut en 
même temps que la chaleur produite par les becs; il 
fallut songer à établir des moyens de chauffage qui 
n'existaient pas jusqu'alors. 

Des installations non prévues dans les plans primi- 
tifs et faites ainsi après coup sont toujours gênantes, 
Aussi mest-il point étonnant qu'on ait cherché à utii- 
ser l’électricité que, pour l'éclairage, on était obligé 
d'introduire dans la salle et qui, de plus, avait avantage 
d'offrir des appareils peu encombrants el inoffensifs 
pour la santé des spectateurs. La direction du Vaude- 
ville-Theatre entreprit des essais dans ce sens, Elle 
installa quatre grands radiateurs du type Crompton- 
Dowsing de manière à chauffer les parties les plus im- 
portantes du théâtre et les fit fonctionner pendant une 
semaine, Ces radiateurs ont chacun une surface d’en- 
viron 0®8# et prennent 12 ampères sous une tension 
de 100 volts, Les essais ayant été trouvés satisfaisants, 
on a installé dix-huit radiateurs fixes d'environ 18 à 
19 décimètres carrés de surface et prenant chacun 
3 ou # ampères sous la mème tension de 100 volts, On 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 465 


continue à employer en même temps deux grands | — pour aider à l’action du frein et obtenir un arrèl 


radiateurs mobiles. 

L'intensité totale ainsi u- 
tilisée est d'environ 90 am- 
pères. ce qui correspond, 
en admettant que le chauf- 

_fage dure quatre heures, 
à 360 hectowatts-heure. 
Admettons 0 fr. 12, pour 
prix de l’hectowatthenre, 
nous obtenons une dépense 
de 43 fr. 20 par représen- 
tation. Mais nous devons 
ajouter que le prix de 
0 fr. 12 pour l’unité élec- 
trique est excessivement 
élevé et que, dans beau- 
coup de cas, on peut sans 
grande erreur le réduire de 
moitié au moins, 

On atteint aisément, au 
Vaudeville-Theatre, la tem- 
pérature très suffisante de 
15 à 16° C., température 
que l’on règle naturelle- 
ment avec une extrême fa- 
cilité. Les radiateurs ne 
peuvent, d'autre part, se 
surchauffer: ils sont munis 


plus rapide. L'encombrement des rues de nos villes et 
la nécessité d'éviter des ac- 
cidents qui, sans précau- 
tions spéciales, se produi- 
raient à chaque instant, font 
de cette question de Ja 
promptitude de l'arrêt une 
question de première im- 
portance. 

Notre figure 3 représente 
une nouvelle sablière due à 
M. Emil Heiïz, Bell Building, 
Paterson, N.-J. 1 Elle a pour 
but d'obtenir, quand cela 
est nécessaire, un arrêt 
aussi rapide que possible. 
tout en limitant la dépense 
de sable au strict néces- 
saire. La sablière ne se 
vide ainsi que partiellement 
et peut fonctionner un grand 
nombre de fois avant que 
l'on ait besoin d'y tou- 
cher et de renouveler son 
approvisionnement. Elle se 
compose de la sablière pro- 
prement dite, ou boite de 
sable S, d’une boîte inté- 


decoupe - circuits fusibles Fig. 2. — Modèles divers de radialeurs Cromplon mobiles. rieure C, d'un ressort à 


qui empêchent le courant - 
de dépasser une intensité donnée. 


Leur installation complète n’a pas coûté plus cher 


que l'installation du chauffage à eau chaude, par 
exemple. Les frais d'entretien et de surveillance sont 
pour ainsi dire nuls. 
Si l'on ajoute à cela 
les avantages parli- 
culiers qu'ils offrent 
au point de vue de la 
sécurité et de la com- 
modilé, on voit que 
leur adoption se com- 
prend parfaitement à 
tous les points de vue. 

Nous reproduisons 
deux dessins repré- 
sentant : l’un (fig. 1), 
un radiateur fixe 
Crompton attaché au 
mur par des oreilles 
et des écrous, l’autre 
(fig. 2) un certain 
nombre de radiateurs 
mobiles du même ty- 
pe. Ils donneront une 
idée de l’aspect de ces 
appareils; nous re- 
grettons de ne point 
pouvoir fournir; faute 
de les avoir, quelques 


boudin O, d'un tampon 

P, d'une soupape V, d’un pivot D et de deux tiges A 
et B. Ces deux tiges sont solidaires et mues par une 
pédale, que manœuvre le conducteur. Une pression sur 
la pédale abaisse le tampon P et ouvre la soupape V. 
Le diamètre du tam- 

pon est plus petit que 

—_ celui de l'ouverture 

inférieure, de sorte 

> qu'il reste un vide 

V4 circulaire à travers 
PAA lequel s'écoule le 


{/ sable, dont le débit 


est ainsi parfaite- 
ment réglé. Aussitôt 
que la pression sur 
la pédale cesse, sous 
l’action du ressort O, 
le (tampon P se relève 
etlasoupape se ferme. 
Le tampon, par 
son mouvement de 
descente, aide à dé- 
gager l’ouverture des 
\ matières étrangères 
: qui auraient pu s’y 

NC accumuler., En outre, 
si lon donne sur la 

ie __ pédale plusieurs pe- 

7 tits coups successifs, 
il peut jouer le rôle 


détails sur leur mode pis, 3. — Sablière pour lramway.— À et B, Tiges de commande de la d agitateur ct déter- 
particulier de cons- Soupape et du piston. — €, Boîte intérieure contenant le ressort 0. — miner, s'il en est 
truction et de fonc- P, Tampon, — V, Soupape. — D, Pivot de la soupape. — S, Boite conte- besoin, l’écoulement 
tionnement. nant le sable, — Derrière la sablière se trouve la roue. du sable. D'autre part, 


Les voitures roulant sur rails, locomotives, tramways, 
etc., portent très souvent des sablières, c'est-à-dire des 
boîtes remplies de sable, destiné à être projeté sur ces 
mêmes rails dans les moments opportuns. La projection 
du sable à pour but d'augmenter le coefficient de frot- 
tèment soit pour empêcher le patinement des roues, 
soit, — et c’est le plus souvent le cas pour les tramways, 


la soupape, par sa po- 

sition, préserve l'ouverture inférieure de la boue qui, en 

raison de la proximité du sol, a tendance à s'y accumu- 

ler, et qui, sans cette précaution, pourrait, surtout par 

les temps de gelée, en bouchant complètement la sa- 
blière, empêcher son fonctionnement. A. Gay, 

Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, 


L Asnerican Machinist. N°9 4. Vol. 18, 1895, 


466 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Bourlet (C.), Docteur ès sciences, Professeur au Lycée 
Henri IV. — Traité des bicycles et des bicy- 
clettes, suivi d’une application à la construc- 
tion des vélodromes, — 1 vol. petit in-8° de 230 
pages avee 33 fig. de l'Encyclopédie scientifique des 
Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté, 
de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50 ; cartonné, JT) 
Gauthier-Villars et fils et G. Masson, Paris, 1895. 

Cet ouvrage est dû à la collaboration d'un habile 
mathématicien et d’un cycliste consommé réunis dans 
la personne de l’auteur; il en est résulté une œuvre 
très originale et d’une saveur particulière, où le lan- 
gage propre au nouvel exercice (1 auteur ne nous en 
voudra pas de dire « l'argot ducycle ») s allie aux déve- 
loppements mathématiques, et s’insinue au milieu des 
formules. Presque tout était à faire, du moment où 
l’on voulait donner une théorie complète des diverses 
actions qui entrent en jeu dans le mouvement du 
bicycle ; les quelques mémoires déjà parus sur cette 
question très à l’ordre du jour se bornent, en effet, à 
traiter des aspects particuliers où à résoudre quelques 
questions de détail. ; < 

Ce traité est divisé en trois parties, relatives respec- 
tivement au problème cinématique et mécanique de 
l'équilibre, à la dépense d'énergie dans la propulsion, 
et sa consommation dans les divers frottements, enfin 
à la construction d’un vélodrome, 

La courbe que décrit le vélocipède se calcule aisé- 
ment, à l’aide d'une intégrale double, lorsqu'on con- 
naît l'angle variable que forment entre elles les tan- 
gentes aux trajectoires des deux roues; cette équation 
tout à fait générale, que l’auteur établit tout d’abord, 
sera utilisée plus tard, lorsque les conditions d’équi- 
libre auront montré quelles relations doivent être sa- 
tisfaites entre la vitesse de la machine, le rayon de 
courbure de la ligne parcourue et son inclinaison sur 
l'horizontale, L’inclinaison maxima dépend, du reste, 
du coefficient de frottement avec le sol, et c'est la 
valeur plus ou moins grande de ce dernier qui fixe, 
dans chaque cas, le rayon minimum que l’on peut 
décrire à une allure donnée. Cette question est traitée 
très à fond dans le premier chapitre. L'auteur montre 
comment, lorsque l'équilibre est rompu, on peut le ré- 
tablir par un mouvement du guidon. Il nous enseigne, 
entre autres, que l’aisance du rétablissement croit 
comme le carré de la vitesse. Lorsque le guidon n’est 
plus maintenu, il faut, pour que l'équilibre soil pos- 
sible, que la roue directrice tourne d'elle-même du 
côté de la chute; cette condition n’est pas réalisée 
dans toutes les machines, et l'on n’est guère parvenu à 
la satisfaire à coup sûr que par des tàätonnements suc- 
cessifs : l’auteur donne, comme condition essentielle, 
que la fourche soit légèrement recourbée en avant à 
sa partie inférieure. Nous reproduisons ces détails, 
parmi beaucoup d'autres, pour montrer la nature des 
résultats auquel l’auteur arrive, par une analyse ri- 
voureuse. Si nous avions un reproche à adresser à 
cette première partie de l’ouvrage, c’est précisément 
que le calcul y est parfois un peu trop serré. Les habi- 
tudes de rigueur du professeur l'ont entraîné à donner 
la démonstration complète de certains théorèmes assez 
évidents. Le défaut, si tant est que cette tendance 
puisse être ainsi qualifiée, est de ceux dont on se cor- 
rige trop aisément. 1 

Si les questions d'équilibre peuvent être traitées 
d'une facon complète avec les seules ressources du 
calcul, il n’en est pas de même de la propulsion et de 


la consommation d'énergie. lei, le raisonnement n’est 
plus qu'un guide, mais l'expérience doit, avant tout, 
être consultée, et, malheureusement, les expériences 
dans ce domaine sont peu nombreuses et pas très con- 
cordantes, Les résultats sont donnés par l’auteur avec 
une réserve dont on ne saurait trop le louer; mais 
cette synthèse qu'il a faite du peu que l’on sait en 
cette matière aura le grand mérite de montrer la 
nature des expériences à faire et les lacunes à com- 
bler. La discussion conduit à adopter une formule 
contenant une constante et les deux premières puis- 
sances de la vitesse, Les constantes de cette formule 
peuvent être déterminées par l'expérience, pour un 
cycliste donné, et pour une route de qualité connue, 
Nous ne parlons pas de la machine, que l’on suppose 
n’absorber qu'une portion infime du travail total, Le 
travail à la montée s'ajoute à celui que l’on vient de 
calculer et l’on peut établir un abaque donnant, pour 
toutes Les vitesses et toutes les pentes entre certaines 
limites, la puissance à dépenser pour soutenir sa 
vitesse. On pourrait penser, au premier abord, que 
toutes les combinaisons de-vitesse et de pentes, con- 
duisant à la même puissance totale, seront équiva- 
lentes pour le cycliste. C'est une grave erreur, contre 
laquelle l'auteur met en garde, fort judicieusement. 
La puissance moyenne est un critérium insuffisant des 
efforts du cycliste ; l'effort maximum sur la pédale en 
donne une plus juste idée. Ce résultat de l'expérience 
conduit à une intéressante dissertation sur les deux 
qualités du cavalier, la force et l'endurance, qualités 
bien différentes l’une de l’autre, et qui classent les 
coureurs en cyclistes de vitesse et de fond. Nous som- 
mes heureux de voir, dans ce chapitre, faire bonne jus- 
tice de certains préjugés concernant le poids de la ma- 
chine, que l'on allège souvent d’une facon ridicule. 
Le rôle des vibrations comme source de consommation* 
est bien mis en lumière ; c’est là que l’on doit cher- 
cher la vraie raison pour laquelle il est avantageux de 
démonter les pièces mobiles, frein et garde-crotte. 

Il nous paraît que la formule à trois termes, à la- 
quelle on s’est tenu jusqu'ici, est encore trop simple, 
si l'on cherche à ébaucher une théorie analytique du 
pneumatique; il semble que, pour les terrains rabo- 
teux tout au moins, on doive faire intervenir des puis- 
sances négatives de la vitesse; le fait, tout paradoxal 
qu'il paraisse, se fonde sur ce que, aux faibles 
vitesses, le caoutchouc suit les dénivellations et les 
fait partager à la machine, tandis que, aux allures 
plus vives, l’obstacle s'imprime tout entier dans le 
caoutchouc et le mouvement se fait sensiblement en 
ligne droite. C’est là, disons-le, une opinion person- 
nelle, qui ne repose pas sur des expériences systéma- 
tiques, mais seulement sur un embryon de théorie, 

La plupart des vélodromes ont été construits d’une 
facon très irrationnelle ; ils se composent, en général, 
de deux lignes droites, parallèles, raccordées par des 
demi-circonférences. Il en résulte que, lorsque le 
cycliste passe brusquement de l’une à l’autre de ces 
sections, il devrait donner brusquement à la machine 
une inclinaison correspondant au nouveau rayon de 
courbure de la piste. Mais alors, comme le rayon des 
tournants est le plus souvent assez restreint, il est 
nécessaire de les incliner vers l'intérieur, afin que 
l'angle de la machine avec la voie ne tombe pas au- 
dessous de l'angle de frottement, et que le cycliste 
ne dérape pas. On serait donc conduit, rationnelle- 
ment, à construire la voie de telle sorte qu'une section 
en pente vers l’intérieur succède à une piste de niveau. 
Ces deux sections seraient séparées par une tranchée, 


: 


s, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


ce qui condamne le système. On a cherché un palliatif 
en raccordant les deux parties par une section très 
courte formant bosse, sur laquelle on cherche tant 
bien que mal son équilibre ; il en est résulté de nom- 
breux accidents, comme on eùt dù s’y attendre, Le re- 
mède très simple, indiqué par M. Bourlet, consiste à 
adopter une courbe de raccordement telle que le cycle 
reste en équilibre en se penchant d’un mouvement 
gradué au moment où il quitte la section rectiligne, 
En admettant, comme condition, une vitesse d'inclinai- 
son constante, on arrive, pour déterminer la courbe, 
aux deux intégrales de Fresnel, qui donnent une 
* spirale nommée par l’auteur la courte de Cornu. Si la 
vitesse aux virages était toujours la même, le raccor- 
dément des deux droites parallèles par deux portions 
symétriques de courbes de ce genre serait parfait; 
mais il faut compter avec certaines limites de vitesse 
et avec des dimensions souvent restreintes de la piste; 
c’est pourquoi il faut éviter les plus faibles rayons de 
courbure et relier les deux segments de courbes de 
Cornu par un arc de cercle. Un tableau calculé par 
M. Bourlet donne les constantes de ces courbes pour 
des vitesses déterminées, et des dimensions connues 
de la piste. La surface ainsi calculée est une surface 
d'équilibre, mais on peut la parcourir à des vitesses 
assez différentes si le frottement sur le sol est sufli- 
sant. Lorsque la piste a une largeur assez grande, la 
section du virage doit, naturellement, présenter une 
forme convexe, puisque, pour une même vitesse 
linéaire, la force centrifuge diminue à mesure que le 
rayon de courbure augmente. - 
Cette troisième partie de l'ouvrage est, en quelque 
sorte, la plus inattendue et, sinon la plus documentée, 
du moins celle qui conduit au plus grand nombre de 
résultats pratiques. Nous ne doutons pas que, lorsque 
le traité de M. Bourlet sera connu comme il le mérite, 
il ne contribue sérieusement à l'amélioration des 
pistes vélocipédiques. CH.-Ep. GUILLAUME. 


Henry (Ch.). — Abrégé de la théorie des Fonctions 
elliptiques, à l'usage des candidats à la licence mathé- 
inatique. — 1 vol. in-8°, de 126 pages. Nony, Paris, 1895, 
La théorie des fonctions elliptiques passe, à juste 

titre, pour l’une des plus ardues dans l'étude des 

mathématiques supérieures. Il existe plusieurs ou- 
vrages qui ont pour objet d’en présenter un exposé 
'complet; mais aucun, du moins en France, n’offrait 
aux candidats à la licence les éléments esséntiels qui 
leur sont nécessaires pour l'examen. C’est cette lacune 
que M. Ch. Henry s’est proposé de combler, en prenant 
pour base de son travail la méthode d'exposition que 
l’on trouve dans la dernière édition du Cours d'analyse 
de M. Jordan. « Mettre en relief, dit-il, les idées prin- 

« cipales, signaler nettement l’cbjet qu'on se propose, 

« éviter les longues transformations algébriques qui ne 

« servent qu'à la masquer, telle est la pensée qui a 

« présidé à la composition de cet opuscule, d'ailleurs 

« purement didactique. » 

L'ouvrage, fort bien ordonné, répond à ce pro- 
gramme modeste, mais d’une exécution difficile en rai- 
son même de cette modestie. IL se divise en quatre 
parties : Généralités concernant les fonctions elliptiques ; la 
fonction pu; les fonctions snu, enu, dnu; les fonctions 6. 

Il est certain qu'après l'étude de l'excellent volume 
de M. Ch. Henry, on ne peut pas se flatter de posséder 
à fond et complètement la théorie des fonctions ellip- 
tiques. Mais on en sait les éléments essentiels, néces- 
Saires pour l'examen de la licence, etl’on est par cela 
‘même préparé à l’étude des mémoires et des ouvrages 
spéciaux, si l’on désire s'initier à ces belles et difficiles 
Spéculations de la haute analyse mathématique. 

M. Ch. Henry a donc rendu à la science et à l’ensei- 
gnement des mathématiques supérieures un grand 
service, par la publication de ce petitmanuel, précieux 
Instrument entre les mains des candidats, et introduc- 
lion utile pour les mathématiciens qui veulent pousser 
plus avant leurs études ultérieures. C.-A, Latsanr. 


2° Sciences physiques. 


Monod (Ed.-G.). — Stéréochimie. (Exposé des 
théories de Le Bel et van't Hojf, completées par les tra- 
vaux de MM. Fischer, Baeyer, Guye et Friedel, avec une 
préface de M. Ch. Friedel.) — 1 vol. in-8° de 164 pa- 
ges avec fiqures. (Prix : 5 francs). Gauthier-Villars et 
fils, éditeurs. Paris, 1895, 

Voici un petit volume qui sera, j'en suis sûr, consi- 
déré comme le bienvenu par la plupart de nos jeunes 
chimistes français, car, depuis que l’on parle de la 
stéréochimie et des travaux qui s’y rattachent, per- 


. sonne n’avait eu l’idée, dans notre pays, de réunir les 


principaux faits acquis à ce sujet et d’en constituer 
un ensemble doctrinal. utilisable à la fois par le mai- 
tre et par l'étudiant. L’essai de M. Monod est réussi 
et son exposition est aussi claire que pouvait le per- 
mettre le cadre restreint qu'il s'était tracé. 

Après avoir établi la symétrie parfaite du groupe 
CR'etfondé sur cette symétrie l'hypothèse du tétraèdre, 
l'auteur examine d’abord les cas les plus simples de 
dissymétrie, au point de vue géométrique comme aux 
points de vue optique et cristallographique. Il est 
peut-être à regretter qu'ici M. Monod n’ait pas suffi- 
samment mis en lumière l'importance des recherches 
mémorables de M. Pasteur sur l'acide tartrique, qui 
sont, en définitive, le point de départ et la base fonda- 
mentale de toute notre stéréochimie moderne; à re- 
gretter aussi, pour les commencants, qu'il n'ait pas 
eu recours, à propos des isomères opliques, à la com- 
paraison si simple d'un objet avec son image dans un 
miroir plan. 

L'auteur étudie ensuite, dans différents chapitres, 
les corps à deux, trois, quatre, n atomes de carbone 
asymétriques simplement liés ; à ce sujet il rappelle 
les derniers travaux de M. Em. Fischer sur la confi- 
guration des sucres, puis il passe aux composés éthy- 
léniques, examine l’isomérie fumarique et enfin, par 
l’intermédiaire des acides muconique et hydromu- 
coniques, essaie de passer logiquement des corps à 
chaîne longue aux composés cycliques, cyclohexane 
ou benzène. Ici une observation me parait nécessaire, 
qui d’ailleurs ne tcuche aucunement aux doctrines 
stéréochimiques : M. Monod nous dit que les tétraè- 
dres s'ajoutent les uns aux autres toujours de Ja 
même manière, à mesure que leur chaine s'allonge; 
il en conclut que forcément ils donnent naissance à 
un contour polyzonal lorsqu'on ajoute un seul atome 
de carbone, convenablement placé, à une molécule 
en C, et il nous montre à l'appui un schéma renfer- 
mant cinq tétraèdres simplement liés, dont les deux 
extrêmes attendent, pour former un cycle, qu'on 
complète la figure par un sixième atome de carbone, 
alors qu'ils devraient presque se toucher, puisque 
l’angle intérieur du pentagone régulier est celui qui 
répond le mieux à l'angle des arêtes de deux tétraë- 
dres dont le sommet commun est sur la droite qui 
joint leurs centres de gravité. 

Ce sixième atome de carbone est une carte forcée ; 
puis, pourquoi nous dire que l’on peut étre bien certain 
que les schémas sont tels que le dessin les montre, alors 
qu'on n’en sait absolument rien ? Et, s’il est vrai que 
l’on peut calculer les angles faits par les faces de télraèdres 
consécutifs, quand ceux-ci sont réguliers, quelle est donc 
la valeur de ces angles dans l'acide caproïque, l'acide 
laurique et Pacide mélissique ? 

L'auteur aurait certainement mieux fait de passer 
directement au benzène, dont la stabilité, infiniment 
plus grande que celle de ses hydrures, s'explique, 
dans le même ordre d'idées, par l'absence, dans sa 
molécule, de toute tension ou déformation notable de 
chaque système de tétraèdres simplement ou double- 
ment liés; la condensation de l'acétylène était encore 
ici le meilleur moyen de passer de la série grasse à la 
série aromatique. 

M. Monod examine donc successivement les dérivés 
du cyclohexane et ceux des chaînes fermées à liaisons 


168 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


simples et doubles; l'exposition est un peu rapide et 
nous recommanderons à ceux qui ne sont pas encore 
familiarisés avec les notions d'isomérie dans l’espace 
de ne pas s’en tenir à une seule lecture : ils pourraient 
croire qu'un dérivé cyclique tel que (CH GXY (cyclo- 
hexane bisubstitué 1.1) peut évidemment exister sous 
deux formes isomériques cis et trans (page 94) ou qu'il 
y a quelque différence fondamentale entre l'inosite, 
l’hexachlorure de benzène et l'acide hydromellique. 
On ne voit pas, en effet, pourquoi l’auteur termine ce 
chapitre en disant : l'étude des dérivés de l'inosite con- 
duit au benzène ; au contraire, les constitutions des heæa- 
chlorures et de l'acide hydromellique dérivent de l'étude 
du benzène; sans doute, veut-il dire par là que, pour 
établir la constitution des hexachlorures de benzène, 
on à suivi une marche inverse de celle qui a conduit à 
la » formule de l’inosite ; mais, si l’on avait raisonné à 
leur égard de la même manière, ce qui eût été, au 
fond, plus simple et même plus logique, si l’on s’était 
fondé, par exemple, sur leur transformation bien 
connue en trichlorobenzène, ne serait-on pas arrivé 
à des schémas différents de ceux que l’on admet au- 
jourd'hui? Et dès lors pourquoi être aussi affirmatif ? 

L'auteur donne ensuite les formules stéréochimiques 
des neuf inosites possibles (à signaler quelques fautes 
d'impression dans les schémas), celles des acides 
hydrophtaliques de M. Bæyer et enfin celles des deux 
hexachlorures de benzène, d’après M. Friedel. 

L'ouvrage se termine par un exposé succinct des 
travaux de M. Ph, Guye sur les variations du pouvoir 
rotatoire et le produit d’asymétrie; pas un mot sur la 
stéréochimie des composés de l'azote ni sur la position 
favorisée de M. Wislicenus. 

En résumé, la stéréochimie de M. Monod rend 
compte, aussi nettement que possible, des doctrines 
actuelles relatives à l’isomérie dans les trois dimen- 
sions des corps carbonés ; les observations que nous 
avons cru devoir faire sur quelques points ont simple- 
ment pour objet de prévenir les commencants de ce 
qu'ils pourraient y voir de {rop absolu ou de trop 
dogmatique ; en l’étudiant ils ne devront jamais oublier 
que l'hypothèse du tétraèdre n'est aucunement néces- 
saire à la chimie de l’espace et qu'elle n’est qu'un 
moyen commode de matérialiser la notion fondamen- 
tale de dissymétrie. 

Sous sa forme actuelle, le livre de M. Monod peut 
déjà rendre de grands services ; il deviendra excellent 
quand l’auteur, encouragé par le succès que nous 
lui souhaitons, l'aura étendu un peu davantage. 

: L. MAQUENNE. 


Moreau (G.), Ancien élève de l'Ecole polytechnique 


et de l'Ecole Nationale supérieur des Mines. — Etude 
industrielle des Gites métallifères. — Un vol, gr. 


in-8° de 450 p. avec SO fig. dans le texte. (Prix,relié 20 fr.) 

Baudry et Cie. Paris. 189#. 

M. Moreau déclare, dans sa préface, qu’il a supposé 
connus les faits relatifs aux gites métalliffères et s'est 
seulement attaché à mettre en évidence les caractères 
permettant d’apprécier-la valeur d’un gîte. C’est donc 
une sorte d’aide-mémoire du prospecteur que cet ou- 
vrage, el il a les avantages et les inconvénients de ce 
genre de publication, Il contient l'indication d'un très 
srand nombre de faits, de résultats utiles à connaître, 
mais il ne peut suffire à faire disparaître l'ignorance 
ordinaire des prospecteurs, que déplore M. Moreau. Il 
est surtout intéressant en ce sens qu’il montre comment 
se relient ensemble les diverses parties de l'éducation 
de l'ingénieur des mines. Cet enchaïnement nécessaire 
n'est généralement pas indiqué dans les traités spé- 
ciaux non plus que les très sages conseils que donne 
l'auteur dans le chapitre intitulé « Etudes minières », 


G. C. 
Legros (C! V.) — Description et usage d’un appa- 
reil élémentaire de Photogrammétrie. — 1 vol. 


in-8° écu, de 87 pages (Prix: 
tions scientifiques. Paris, 1895. 


1 fr. 50), Société d’Edi- 


3° Sciences naturelles. 


Berthault (F,), Professeur à l'Ecole Nationale d’Agri- 
culture de Grignon. — Les Prairies ; prairies natu- 
relles, prairies de fauche. — Un volume petit in-8° 
de 223 pages, de l'Encyclopédie scientifique des Aide- 
Mémoire, dirigée par M. Léauté, membre de l'Institut. 
(Priæ : broché, 2 fr. 50; relié, 3 francs). Gauthier- 
Villars et fils et G. Masson, éditeurs, Paris 1895. 

Denaifre {Clément et Henri). — Manuel pratique 
de culture fourragère. — Un volume grand in-8° de 
316 pages, orné de 107 figures. (Prix : 5 francs.) 
G. Carré, 3, rue Racine, Paris. 

Par la situation qu'il occupe à l'Ecole de Grignon, 
par les nombreux voyages agricoles qu'il a exécutés, 
M. Berthault se trouvait tout désigné pour rédiger 
l'ouvrage que nous signalons aujourd'hui, Dans ces 
pages, en effet, l’auteur ne se contente pas seulement 
de décrire les divers systèmes d'exploitation des prai- 
ries suivant leur situation et les conditions dans les- 
quelles elles sont placées, mais il fait, en outre, pro- 
liter le lecteur d'une quantité de détails intéressants 
qu'il a recueillis dans les divers centres des pâturages 
de notre pays. Toutes les personnes qui s'occupent 
d'agriculture et d'élevage prendront connaissance de 
cet aide-mémoire avecle plus grand fruit, M. Berthault 
y étudie uniquement les prairies naturelles et parti- 
culièrement les prairies de fauche, dont il démontre 
l'importance dans ses considérations générales. Il 
laisse de côté les prairies artificielles et temporaires. 
Dans les prairies naturelles, l’auteur distingue les 
prairies de fauche, qui sont fauchées ‘et fanées, les her- 
bages destinés à engraisser les bestiaux qui les paissent 
et les päturages qui nourrissent les animaux sans 
pouvoir les engraisser. 

Après avoir indiqué la classification des prairies de 
fauche suivant leur situation : hautes, basses ou 
moyennes, ou suivant leur régime: arrosées par dé- 
bordement, par l’eau des rivières ou étangs ou simple- 
ment par la pluie, l'ouvrage aborde l'étude des prairies 
dans les divers étages géologiques, donnant ainsi, avec 
juste raison, dans le sujet traité une grande part aux 
considérations d'ordre agrologique. 

Sont ainsi passés en revue : les terrains primitifs et 
granitiques, volcaniques, les terrains de transition, 
les étages permien et triasique, jurassique, le lias, le 
système oolithique, les régions crétacées, tertiaires, 
les contrées du miocène lacustre et du pliocène. 
M. Berthault indique les diverses parties de la France 
correspondant à chacun de ces terrains, la composition 
générale du sol, les engrais à y apporter, les modes 
d'irrigation appliqués, enfin la composition botanique 
des fourrages récoltés; partout l’auteur montre l'étroite 
relation qui existe entre la végétation des prairies el 
la couche géologique qui les porte, 

La seconde partie est consacrée à l'étude de Ia créa- 
tion des prairies, de leur exploitation et de leur défri- 
chement, Après l'exposé des inconvénients que l’on 
rencontre dans Ja création spontanée des prairies, qui 
à pour risques le développement d'espèces peu avan- 
lageuses, vient l'examen des exigences de la production 
du foin en éléments fertilisants. A propos de la com- 
position des sols des prairies, M. Berthault rappelle 
leur enrichissement en azote, étudié il y a déjà long- 
temps par M. Dehérain à Grignon et dont le méca- 
nigme biologique est expliqué aujourd’hui, grâce aux 
travaux de savants éminents. 

L'auteur aborde ensuite la préparation mécanique du 
sol à mettre en prairies : nivellement, formation de 
pentes pour la bonne répartition de l’eau, labours ou 
défoncement, etc., et la préparation chimique de ce 
même sol par le fumier et, si l'analyse de la terre l’in- 
dique, par les phosphates ou superphosphates, le 
chlorure de potassium, la chaux; M. Berthault montre 
le bon eflet produit par le nitrate de soude répandu au 
printemps; il discute la composition des graines des- 
tinées à l'ensemencement des prairies et étudie ces 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


469 


graines et la pratique de leur semis. La destruction des 

Jantes nuisibles, le fauchage;, le fanage, la valeur des 

_ foins sont l’objet d’autant de courts chapitres, 

Enfin l'ouvrage se termine par quelques considé- 
rations sur le défrichement des prairies, qu’on doit exé- 
cuter quand leur altération est arrivée à un certain 

_ point; on peut ainsi mettre en utilisation pour les cul- 

_ tures suivantes l’azote accumulé dans le sol. 

Le plan du second livre que nous signalons res- 
semble beaucoup à celui du précédent ouvrage, mais 
on peut constater qu'il a été écrit dans un ordre d’idées 
plus spécial et plus immédiatement pratique; grâce 
aux dimensions de ce manuel, MM. C. et H. Denaiffe 
ont pu développer certaines parties de leur sujet, 

. notamment l'étude des plantes de prairies, bien plus 

. que ne le pouvait faire M. Berthault, limité dans le 
cadre des Aide-Mémoire de la collection Léauté. Les 

diverses plantes fourragères : graminées, légumineuses 

. ou autres, les principaux végétaux nuisibles aux prai- 

_ries sont présentés avec grands détails au point de vue 

historique, botanique, agronomique et cultural; un 

assez grand nombre de figures et de tableaux com- 
plètent ces renseignements; les auteurs s'occupent 
aussi de l’ensilage et de la sidération. 

Quant au reste de l'ouvrage, nous aurions à répéter 
presque textuellement ce que nous avons dit à propos 
des « Prairies » de M. Berthault. MM. Denaiffe arrivent, 
du reste, d'une facon générale aux mêmes conclusions. 
En résumé, leur manuel est écrit d’une facon très 
consciencieuse et pourra rendre de grands services 
aux cultivateurs et propriétaires intelligents, qui sont 
heureusement de plus en plus nombreux et qui aban- 
donnent les procédés routiniers pour suivre la voie 
plus rude, mais plus féconde tracée aujourd’hui par la 
science agronomique. A. HÉBERT. 


4° Sciences médicales. 


Sigaud (D°C.). — Ancien Interne des Hôpitaux de 
Lyon. — Traité des troubles fonctionnels méca- 
niques de l'Appareil digestif. Evolution naturelle 
de la Dyspepsie. — | vol in-8° de 240 pages. (Prix: 
6 francs.) O0, Doin, éditeur. Paris. 1895, 

Ce livre a une double origine, dit l’auteur : l’appli- 
cation d’une méthode et l'observation d’une certaine 
classe de malades, La méthode, c'est la palpation uab- 

. dominale….; les malades appartiennent exclusivement 

à la clientèle de cabinet, seule susceptible de donner les 

renseignements nécessaires sur l’histoire de la mala- 

die, les conditions d’hérédité, seule capable d’intro- 
spection. 

C’est dans les premières années dela vie qu’on trouve 
les accidents qui sont le point de départ de toute dys- 
pepsie : nourrices, sevrage, maladies éruptives, coque- 
luche, etc. Plus tard apparait La stase gastro-cæcale, 
préparée de longue date, puis favorisée par les con- 
ditions anti-hygiéniques de la vie; vers trente ans les 
signes de gonflement, renvois, oppression, congestion 
de la face, etc , considérés seuls jusqu'ici comme ca- 
ractéristiques de la dyspepsie, ne sont que l'indice de la 
maladie confirmée, installée et rarement modifiable. 

Donc l'intestin joue un rôle prédominant dans la 
dyspepsie; on le trouve toujours malade dans les an- 
técédents du dyspeptique : c’est à la phase intestinale 
de la digestion que répondent les symntômes les plus 
en vue ; lastase au niveau du côlon et de l’estomac, la 
première prédominante et antécédente, sont de règle; 
la dyspepsie se réduit à une insuffisance de la péri- 
staltique gastro-intestinale. 

Telle quelle, cette dyspepsie domine toute a patho- 
logie, comme la gastrite de Broussais : on la retrouve à 
l'origine du plus grand nombre de nos maladies, chro- 
niques ef aiguës : « Les relations pathogéniques sont 
immédiates avec les états chroniques et médiates avec 
les pyrexies, » et la connaissance de ces faits « dis- 
pense absolument d’avoir recours à certaines abstrac- 
lions, comme l’arthritisme, l’herpétisme, etc. ». 


Ces troubles, purement mécaniques, se manifes- 
teront sous un aspect très différent suivant que le ma- 
lade est anatomiquement vigoureux, de forte consti- 
tution, ou, au contraire, un sujetde charpente délicate, 
de faible constitution : chez les forts, la résistance de 
l'appareil mécanique est considérable, ce qui explique 
une période latente très prolongée, pendant laquelle 
les troubles de nutrition générale, seuls signes appré- 
ciables, sont pris pour les causes de la dyspepsie; 
chez les faibles, les paroïs cèdent tout de suite et pro- 
gressivement, la dyspepsie s’épuise en troubles loca- 
lisés, peu ou pas de manifestations viscérales éloignées. 

On a affaire à un processus tout à fait analogue au 
cœur forcé : suivant l’état du myocarde, il y a une pé- 
riode de lutte, de compensation plus ou moins pro- 
longée, puis l’asystolie éclate, progressivement rapide 
pour les uns, retardée et subitement extrême pour les 
autres. 

Que deviennent là dedans les ploses ? La stase cæcale 
prédominante rompt l'équilibre de la statique du tube 
digestif, produisant une surcharge pour les ligaments 
suspenseurs, en même temps que la tension abdomi- 
nale diminuée favorise l’entéroptose : « L'entétoropse 
devient ainsi une simple complication dela dyspepsie et 
se trouve déchue de la dignité d’entité morbide à la- 
quelle les travaux de Glénard tendent à l’élever. » 

L’estomac joue un rôle très effacé dans cette ma- 
uière de comprendre la dyspepsie : beaucoup plus ré- 
sistant que l'intestin, il ne se laisse compromettre que 
très tard, obéissant à la longue aux lois de la tension 
abdominale, et se laissant forcer alors parallèlement 
aux parties subjacentes du tube digestif. 

Dès lors, la dislocation est complète, la dyspepsie 
est constituée, entrainant à sa suite la déchéance de la 
nutrition générale, et livrant l’organisme sans défense 
aux maladies occasionnelles ‘et aux {ares chroniques. 

Des sécrétions stomacales ou intestinales, il n’en est 
pas question : il faut donc croire qu’elles ne jouent 
aucun rôle dans la dyspepsie; le tube digestif est un 
grand tuyau d'évacuation, son seul trouble de fonc- 
lionnement est l'engorgement avec les conséquences 
de cette obstruction dans la partie située en amont, 

Mais alors, qu'est ce que c’est que la digestion? 

Nous ne pouvons que souscrire à cette conclusion de 
auteur : « Les vrais dyspeptiques ne sont pas toujours 
ceux qu'on pense, » : Dr Ray. Duranp-FARDEL, 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en cou- 
leurs. 524° et 525° livraisons. (Prix de chaque livrai- 
son, 1 fr.) H, Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, 
Paris, 1895, 

Les 524 et 525° livraisons renferment des articles 
sur les légats du pape par M.E.-H. Vollet; sur les 
légations en droit international, par M. E. Lehr; sur 
le legs, en droit romain par M. G. Regelsperger, et en 
droit actuel par M. Ch, Strauss; sur les légions ro- 
maines, par M. A.-M. Berthelot; sur la légion étrangère 
en France; sur l’ordre de la Légion d'honneur; une 
étude numismatique sur les légendes gravées sur les 
monnaies, par M. Prou; une étude musicale sur le 
leitmotiv par M, Alfred Ernst; enfin les biographies 
de Ledru-Rollin, par M. A. Debidour, celle du poète 
Leconte de Lisle, par M. Ph. Berthelot; celle de l’auteur 
dramatique et critique littéraire Jules Lemaitre par 
M. Ph. Berthelot; enfin une étude très complète et très 
consciencieuse sur le grand mathématicien et philo- 
sophe Leibnitz : dans la première partie, M. E. Boirac 
nous donne sa biographie, la liste de ses œuvres, sa 
doctrine, sa métaphysique, sa psychologie, sa théodi- 
cée, sa morale; dans une seconde partie, M. Tannery 
nous fait voir l'œuvre de Leibnitz dans l'histoire des 
mathématiques, : 


470 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 22 Avril 1895, 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. G. Kœnigs donne 
une démonstration rigoureuse du théorème suivant, 
énoncé par Sylvester : Toute surface algébrique peut 
être déerite par le moyen d’un système articulé. — 
M. G. Humbert énonce un certain nombre de proprié- 
tés des courbes de quatrième classe de la configuration 
de Kummer, Ces propriétés correspondent, en partie, à 
celles de la surface du sixième ordre qu'il a précédem- 
ment étudiée. 

29 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Lecoq de Boisbaudran 
vérifie expérimentalement que les substances qui pos- 
sèdent la propriété de se dilater notablement par cris- 
tallisation de leurs solutions très sursaturées et de se 
contracter par dissolution dans des liqueurs très char- 
gées d’autres substances convenablement choisies, 
peuvent cristalliser au fond de solutions plus lourdes 
qu'elles, — M. Stéphane de Lannoy montre qu'il est 
possible, en augmentant les précautions expérimen- 
tales, d'établir avec exactitude la dilatation de l’eau, 
sans apporter de modifications sensibles aux appareils 
en usage aujourd'hui, En éliminant certaines causes 
d'erreur, faciles à faire disparaitre, il arrive à déter- 
miner les volumes de l’eau à 0°,1 près pour toutes 
les températures. — M. J. Violle à déterminé la cha- 
leur spécifique du carbone sur un morceau de gra- 
phite. Au-dessus de 10009, la chaleur spécifique meyenne 
du graphite croît linéairement avec la température sui- 
vant la formule : 

= 0,355 + 0,00006 L. 
M. Violle a montré, en outre, que la chaleur cédée par 
1 gramme de graphite solide depuis sa température de 
volatilisation jusqu'à 0° est 2050 calories. Il déduit de 
là la température d’ébullition du carbone : 3600°, — 
M. Edouard Branly montre que, dans certains cas, la 
surface de contact de deux métaux différents oppose une 
résistance aux courants électriques qui la traversentnor- 
malement, et que cette résistance peut être importante. 
Nulle pour certains couples, celte résistance a pour d'au- 
tres une valeur dépendant d’une foule de circonstances. 
— M. Pionchonindique une méthode optique permettant 
d'étudier les courants alternalifs qui présentent, au 
moins pendant quelquesinstants, une parfaite régularité 
d’allure. Cette méthode repose sur l'examen strobosco- 
pique des images produites dans un saccharimètre à 
pénombre ; entre le polariseur et l’analyseur de cet 
instrument, on place un solénoïde muni, suivant son 
axe, d’un tube de verre plein de sulfure de carbone 
ou de liqueur de Thoulet. — MM. Auguste et Louis 
Lumière présentent une note sur la photographie en 
couleurs naturelles par la méthode indirecte. Ils s’at- 
tachent à vaincre les difficultés que présentent deux 
points de la méthode de MM. Cros et Ducos du Hauron : 
le triage des couleurs et la superposition des mono- 
chromes, — M. Ph.-A. Guye, à propos d’une note 
récente de M. Aignan, fait remarquer qu'il n'a pas pro- 
posé de substituer à la rotation spécifique de Biot, la 
déviation moléculaire, Il ajoute que, pour tous les 
corps actifs qu'il a fait étudier dans son laboratoire, 
la loi de Biot s’est trouvée en défaut : la quantité (x) 
dépend de la température, du dissolvant, de la con 
centration. — MM. J. Ville et Ch. Astre étudient quel- 
ques dérivés de l'acide quinone-di-o-aminobenzoïque. Ils 
montrent que l’action des réducteurs et du chlorure de 
benzoyle sur cet acide décèle dans ce composé la per- 


sistance de la fonction quinone. Ils terminent en don- 
nant la formule de constitution de l'acide quinone-di-o- 
aminobenzoiïque. C. MATIGNON. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. Nordenskiold rend 
compte des résultats qu'il a obtenus en perforant les 
roches granitiques littorales de la Suède dans le but 
d'obtenir de l’eau douce, A 35 mètres, on a rencontré 
une nappe d’eau située dans les fentes de glissement 
des roches, ayant pu arriver à 3 mètres au-dessous 
du niveau du sol, et pouvant fournir 20,000 litres d’eau 
douce par jour. — M. Daille adresse une nouvelle 
note relative à l'Uredo viticida. — M. Cannieu, en 
présentant quelques remarques sur le nerf intermé- 
diaire de Wrisberg, montre qu’il existe chez les Ron- 
geurs et qu'il a des homologues chez les Poissons 
osseux. — MM. Pousson et Sigalas cherchent à éta- 
blir le pouvoir absorbant de la vessie chez l’homme. 
Ils concluent de leurs expériences que l’épithélium 
sain est imperméable ; que l'absorption a lieu : 
1° lorsque le sujet, quoique ayant la vessie saine, 
éprouve le besoin d’uriner, lPurine baignant alors la 
portion prostatique de lurètre ; 2° lorsque l'épithé- 
lium vésical est altéré, — M. J. Chatin montre que le 
siège de la coloration chez les huîtres brunes réside 
dans des cellules spéciales, les macroblastes, situées 
presque exclusivement dans les branchies.,  J. Marrix. 


Séance du 29.Avril 1895 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. le secrétaire perpé- 
fuel signale les Formules ou Propositions extraites du 
cours de M. Weierstrass. — M. G. B. Guccia traite 
la question suivante : En supposant qu'un faisceau de 
surfaces algébriques d’ordre x possède, en un point O 
de l’espace, une singularité base quelconque, exprimer 
l’abaissement uw, que le point O produit dans le nombre 
4 (n —1} des points doubles du faisceau. — M. R. Le- 
vavasseur cherche les types de groupes à de substi- 


tutions, dont l’ordre p® égale le degré, en distinguant 
le cas p = 2 du cas p premier impair, précédemment 
examiné. — M. Beudon applique la méthode de 
M. Darboux pour mettre en évidence un type d'équa- 
tions aux dérivées partielles de deuxième ordre, ad- 
mettant une intégrale intermédiaire du troisième 
ordre. — M. R. Liouville signale un, cas particulier 
de l'étude du mouvement d'un solide soumis à la pe- 
santeur et fixé par l’un de ses points, l’ellipsoïde d’i- 
nertie demeurant quelconque ; sans obtenir jusqu’à 
présent la solution générale, il arrive à calculer une 
solution dépendant de cinq constantes arbitraires au 
lieu de six, — MM. Perchot et J. Mascart ont abordé 
le problème de la recherche des solutions périodiques 
dans le cas d’unepetite masse attirée par deux masses 
égales décrivant une circonférence autour de leur 
centre de gravité commun, supposé fixe; ils appli- 
quent à cette question la théorie de M, Poincaré et 
obtiennent des résultats ne différant pas sensiblement 
de ceux de M. Carl Burrau. — M. Edouard Monet : 
Sur les poutres à treillis reposant sur deux appuis. 
— M. Lothar de Kœppen envoie une note sur la mul- 
tisection des angles par la voie mathématique. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. S. M. Andrée expose un 
projet d'expédition en ballon aux régions arctiques, 
remplissant les conditions suivantes : 1° le ballon 
aura une force ascensionnelle capable de porter trois 
personnes, tous les instruments des observations, des 
vivres pour # mois et le lest, le tout évalué à 3000 k.; 
20 Je ballon offrira une imperméabilité suffisante pour 
rester trente jours en l'air; 3° le remplissage du ballon 
s'effectuera dans les régions polaires ; 4° le ballon sera 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 4 


— 
= 


dirigeable dans une certaine mesure. — M. Emile 
Blanchard expose les raisons qui le conduisent à ad- 
mettre l'existence d’une mer polaire. — M. G. Def- 
forges rend compte des mesures de l'intensité de la 
pesanteur qu'il vient d’effectuer en Russie dans cinq 
stations distinctes : l’anomalie positive de la pesan- 
teur au bord de la mer et l’anomalie négative conti- 
nentale sont nettement mises en évidence. —M. Louis 
Bruner donne les résultats de ses recherches expéri- 
mentales concernant la détermination de la chaleur 
spécifique des liquides surfondus. Cette quantité ne 
varie que faiblement avec la température et se rap- 
- proche de la chaleur spécifique du liquide non sur- 
fondu, en restant tout à fait distincte de la chaleur 
spécifique du corps solide pour les mêmes tempéra- 
tures. — Le mème auteur a remarqué que l’hydrate de 
bromal immédiatement cristallisé ne revient que peu 
à peu à son état primitif; il présente l’anomalie si- 
gnalée par M. Berthelot sur l'hydrate de chloral; le 
thymol, le menthol n’éprouvent pas le mème phéno- 
mène. — M. Gouy, à propos de la note récente de 
M. Poincaré, revient sur la production des franges 
d'interférences au moyen du spectroscope, laquelle, 
d'après la théorie de M. Gouy, n'implique pas la régu- 
larité du mouvement lumineux incident.-— MM. Gin 
et Leleux ont déterminé les résistances spécifiques 
des solutions de saccharose dans l’eau distillée ; voici 
leurs conclusions : 1° la résistance varie avec la con- 
centration, elle présente un minima pour une dilution 
un peu supérieure à une molécule-gramme pour 
10 litres de solution; ?° elle est fonction de la tempé- 
rature et, pour une densité de courant déterminée, 
représentée par une expression de la forme : 
y = À — Bt + CE; 3° la résistance est représentée 
T 
par la formule y — x — $ (1 + =) en fonction de la 
densité æ du courant. — M. Ch. V. Zenger donne des 
détails sur la catastrophe de Laiïbach du 14 avril der- 
nier; il en montre la coïncidence avec les ouragans, 
les chutes abondantes de météorites et d'étoiles filantes, 
les perturbations magnétiques, coïncidences qui ne 
laissent aucun doute sur leur origine commune : l’ac- 
tion éiectrodynamique du soleil et les passages d’é- 


toiles filantes. — M. Maumené adresse une note sur 
les alliages de cuivre et d'aluminium. — M. Raoul 


Varet a recherché les chaleurs de combinaison du 
mercure avec les éléments par deux méthodes dis- 
tinctes : 1° en faisant agir sur le sel mercureux mis en 
“uvre un excès d’iodure de potassium dissous; 2° en 
employant la même solution d’iodure alcalin, mais 
additionnée diode. — M. Granger a étudié l’action 
des combinaisons halogénées du phosphore sur le 
cuivre métallique, il a pu isoler un biphosphurede cuivre 
CuP? et le phosphure CuÿP?. — M. Charles Lepierre a 
poursuivi l'étude de l’action du sulfate d’ammonium 
fondu sur les différents sels métalliques par les sels 
de manganèse ; il se forme, suivant les conditions, les 
composés : ZS01 Mn. SO' Am? ; SO* Mn, SO' Am?, 6 H20et 
{SO*#Mn?.S05Am?. — M. A. Béhal a repris l'étude et 
la purification des amides campholéniques ; il en existe 
deux seulement, fusibles respectivement à 86° et à 13695. 
La seconde, chauffée avec l'acide chlorbydrique en 
présence d’alcool étendu, donne la première; elle est 
susceplible de fixer deux molécules d'acide iodhy- 
drique. Le diiodhydrate obtenu donne, dans des con- 
ditions convenables, l’olide campholénique sous deux 
états distincts. L'auteur a pu passer de l’acide campho- 
lénique liquide à l'acide solide; leur isomérie ne pa- 
rail pas se rattacher à l’existence du pouvoir rotatoire. 
— M. G. Perrier a pu obtenir des combinaisons cris- 
tallisées, formées par l'union du chlorure d'aluminium 
anhydre avec les composés nitrés appartenant à la 
série aromatique, le nitrobenzène, le paranitrotoluène, 
le nitronaphtalène «, le paranitranisol. — M. Ph. La- 
fon signale la réduction de la liqueur de Febling par 
le sulfonal et l'erreur en résultant que l’on peut com- 
meéllre dans la recherche du sucre dans les urines des 


personnes soumises à son traitement, — M. James 
Chappuis montre que la diastase du blé est détruite 
par l’eau oxygénée, de sorte qu’on peut faire du pain 
blanc avec des farines de toutes qualités; en particu- 
lier, on peut incorporer aux farines premières 20 pour 
100 de farines secondes et obtenir un pain blanc. — 
M. Léon Boutroux tire les conclusions suivantes 
d’une étude sur Les causes produisant la couleur du 
pain bis : le gluten peut donner de la couleur au pain 
par dessiccation, mais non par fermentation. Le son 
peut donner de la couleur par l’action de l'oxygène de 
l'air en présence de l’eau, mais non par fermentation. 
L'acidité du levain, loin d’être à craindre à ce point 
de vue, est une protection contre le brunissement, 

-C. MATIGNON. 

39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Giard fournit une 
contribution à l’étholosie du genre Thaunaleus Krôyer 
(famille des Monstrillidæ) et apporte un nouvel argu- 
ment en faveur de la théorie parasitaire au moins chez 
les jeunes, car l’auteur a trouvé un Copépode de ce 
genre sur une annélide : Polydora Giardi Mesnil. Les 
adultes menaient une existence pélagique., — M, Ch. 
Janet présente quelques observations sur les Frelons. 
— M. Debray fait de nouvelles recherches sur la bru- 
uissure et donne le nom de Pseudocommis au champi- 
gnon qui produit ces enduits d'apparence gommeuse 
que l’on rencontre quelquefois à la surface des tissus 
des végétaux. — M. Bordier étudie l’aclion des étin- 
celles statiques sur la température locale des régions 
soumises à ce mode de franklinisation. La température 
de la peau s’accroit lorsqu'elle est soumise à létin- 
celle ; elle continue de s’accroitre après que les étin- 
celles ont fini de jaillir. — MM. Héricozurt et Richet 
ont trailé un cas de sarcome par la sérothérapie, La 
guérison est survenue. J. MARTIN, 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 7 Mai 1895, 


M. le Président annonce la mort du D' Marchand 
de Fécamp), associé national, — M. R. Blanchard lit 
un rapport sur un mémoire du D' Ch. Wardell Stiles 
(de Washington), intitulé : De la rareté du tænia solium 
dans l’Amérique du Nord. — MM. Cornil et Durante 
communiquent un nouveau cas de méningite grippale 
chez une femme, qui s’est terminé par la mort, — 
M. Dieulafoy termine sa communication sur la tuber- 
culose larvée des trois amygdales. Il expose les moyens 
prophylactiques qui doivent avoir pour but d'empêcher 
la pénétration du bacille de la tuberculose, d’une part 
par la respiration, d'autre part par l’alimentation, — 
M. le Dr Lagrange (de Bordeaux) lit un travail sur 
l’électrolyse dans le traitement des rétrécissements des 
voies lacrymales. — M. le D' Elevy (de Biarritz) lit un 
travail sur les phénomènes électriques des bains, 

Séance du 1% Mai 1895, 

M. A. Fournier lit un rapport sur un travail du 
D' Régis, concernant la paralysie générale juvénile 
d'origine hérédo-syphilitique. L'auteur conclut d'un 
grand nombre d’observations que la paralysie générale 


juvénile est presque toujours le résultat d’une syphilis 


héréditaire, tout comme la paralysie générale de l’a- 
dulte procède, en général, d’une syphilis acquise, — 
M. Le Roy de Méricourt rend compte d’un ouvrage du 
D' Brenning, concernant les empoisonnements par les 
serpents. — M. J. Lucas-Championnière cite un cas 
d’acné hypertrophique du nez qu'il a enlevé simple- 
ment avec le thermocautère, et qui a été suivi d’une 
réparation parfaite sans aucun traitement. — M. Cor- 
nil discute la communication de M. Dieulafoy, sur la 
tuberculose larvée des trois amygdales. II montre que 
les amygdales hypertrophiées sont très rarement dues 
à un processus tuberculeux. Les végétations adénoïdes 
sont quelquefois le siège de tubercules, mais dans une 
proportion moindre que celle indiquée par M. Dieula- 
foy, 


472 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 4 Mai 1895. 


M. Sergent a produit expérimentalement une tuber- 
culose des voies biliaires en injectant le bacille de 
Koch dans le canal cholédoque, -— MM. Pocher et 
Desoubry établissent la présence de microbes dans le 
sang du cœur, mais en plus grande quantité dans le 
cœur gauche que dans le cœur droit; il semble donc 
qu’en passant dans le poumon, le sang s’y débarrasse 
de ses microbes, — M. Féré a trouvé qu'en greffant des 
portions de blastoderme sous la peau d’un poulet 
adulte, les greffes prolifèrent et forment de pelites 
tumeurs dans lesquelles on trouve du cartilage. — 
M. Dastre présente un appareil destiné à recueillir le 
sang et à en extraire la fibrine à l’abri de l'air, — 
MM. Josué et Hermary ont guéri, avec le sérum antis- 
treprococcique de Roger et Charrin, une femme atteinte 
de fièvre puerpérale, — MM. Langlois et Abelous ont 
constaté chezdes rats blanes auxquels on avaitenlevé les 
capsules surrénales, la présence de capsules accessoires. 
— M, Raillet présente une douve du foie provenant 
du bœuf du Sénégal, et trouvée aussi chez l'homme, 


Séance du 11 Mai 1895. 


M. Jacquot adresse une note sur un cas de septicé- 
mie puerpérérale, traité et guéri par le sérum antistrep- 
tococcique. — M. Monod envoie une note sur Îles mi- 
crobes trouvés dans le foie d’une femme morte 
d’éclampsie puerpérale après avoir présenté des acci- 
dents infectieux. — M. Bonnier fait une communica- 
tion sur les rapports de l'appareil ampullaire de 
l'oreille interne et les centres oculo-moteurs. — 
MM. Courmont el Doyon envoient une note relative à 
l'action de la toxine diphtérique sur le système ner- 
veux de la grenouille, — M. Guinard adresse un tra- 
vail sur l'action excito-sécréloire de la morphine. — 
M. Lefèvre envoie une nouvelle note relative à l’in- 
fluence des mélanges réfrigérants sur l'organisme, — 
M. Soulié communique une note sur la migration des 
testicules dans les bourses, 


SOCIÈTE CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 26 Avril 1805. 


M. Béhal avait préparé quatre campholénamides, 
ainsi qu'il l’a communiqué antérieurement. Il a reconnu 
depuis que deux de ces produits étaient des combinai- 
sons moléculaires et non des isomères. D'une part, la 
camphoroxime, déshydratée par l'acide chlorhydrique, 
fournit l’amide campholénique fondant à 86°. D'autre 
part, cette même camphoroxime, traitée à froid par le 
chlorure d’acétyle ou le chlorure de thionyle, ne donne 
que l’amide fondant à 130°,5. Les amides fondant à 
106 et à 92, qu'avait préparées M. Béhal, sont des 
combinaisons moléculaires, dissociables par l'alcool 
à 60°. On passe de l’amide fondant à 130,5 à l’amide 
fondant à 86°, par l’action de l’acide chlorhydrique en 
solution alcoolique, ou par l’acide iodhydrique en 
solution benzénique, L’amide fondant à 130°,5 fixe 
deux molécules d'acide iodhydrique; le produit de 
cette réaction, neutralisé en solution aqueuse, donne 
en abondance une campholénolactone fondant à 30», 
bouillant à 2380. On obtient en même temps l’amide 
fondant à 86°. L'acide campholénique solide, fusible 
à 50°, dérive de l’amide fusible à 869, L’amide isomé- 
rique donne l'acide campholénique liquide, bouillant à 
1529 sous 1302, On passe de l’acide liquide à l’isomère 
solide par un procédé identique à celui qui a servi à 
passer d’une des amides à son isomère. On éthérifie 
l'acide liquide par l'alcool en présence d’acide chlorhy- 
drique, et on saponifie l’éther formé. Si on éthérifie 
l'acide liquide par l’action de son sel de soude sur 
l’iodure d’éthyle, on obtient un éther qui, saponifié, 
régénère l'acide liquide. L’acide solide, le nitrile cor- 
respondant et l’amide fondant à 86° sont inactifs; 
l’acide liquide, son nitrile et son amide, sont lévo- 


gyres. On pouvait considérer les dérivés inactifs comme 
des racémiques; un essai de dédoublement à l’aide des 
sels de strychnine et de cinchonine n’a pas donné de 
résultats. — M. Le Bel présente un appareil évitant 
certains calculs dans les recherches cristallographi- 
ques et fournissant les indices d'une face quelconque, 
— M. Maumené présente quelques observations sur 
l’action du permanganate de potasse en présence du 
sucre. Il présente aussi un alliage parfaitement cris- 
tallisé et très homogène, renfermant une partie d’alu- 
minium pour sept parties de cuivre, et un autre alliage. 
également cristallisé, renfermant une partie d’alumi- 
nium pour trois de cuivre. — MM. Auger et de Bois- 
sieu ont préparé la vanilline à l’aide du méthylène- 
eugénol. Ce composé est transformé par la potasse en 
dérivé iso, fondant à 519-529, et distillant dans le vide 
vers 4720-1730, Le méthylène-isoeugénol ainsi obtenu, 
oxydé en solution acétique par l'acide chromique, 
fournit la méthylène-vanilline, fondant à 155°-156°, On 
peut passer de ce dernier produit à la vanilline. — 
M. Maquenne communique, au nom de M. Prud- 
homme, le résultat de ses recherches sur le bleu pa- 
tenté, sel calcique du métaoxytétraéthyldiamidotriphé- 
nylcarbinol disulfoné. Cette couleur n’est décolorée 
par la soude caustique concentrée qu'après plusieurs 
jours d'action, La solution incolore, obtenue à froid, 
présente les propriétés suivantes : traitée par un 
acide, elle se recolore lentement à froid, rapidement 
à l'ébullition, en redonnant le bleu primitif. On obtient 
la recoloration même après addition d’ammoniaque ou 
d’un carbonate alcalin à la solution neutre. On obtient 
le leuco-dérivé du bleu en chauffant avec de la poudre 
de zinc cette solution décolorée par la soude. Acidifiée 
par l’acide acétique en excès et oxydée par l’oxyde puce 
de plomb PbO?, on obtient de la tétraéthylbenzidine. 
Le produit non sulfoné, soit le métaoxytétraéthyldia- 
midotriphénylcarbinol, traité par la soude en solution 
alcoolique, réagit de même. De ces réactions, M. Prud-- 
homme conclut qu'en présence de soude caustique à 
froid, il se forme un anhydride par réaction d’un hy- 
droxyle en méta dans un des noyaux benzéniques sur 
l'hydroxyle du carbone central. — M. Rosenstiehl à 
étudié l’action de l’iodure de méthyle sur le triphényl- 
méthanetriamidohexaméthylé, sur son carbinol et sur 
les éthers mixtes de ce dernier. D'après lui, la formule 
de MM. E. et O. Fischer représente bien la constitution 
du triamidotriphénylcarbinol. Ce corps est à la fois al- 
cool et triamine. Tant que deux des azotes sont en- 
core trivalents, la fonction alcool entre en jeu d’abord 
en présence des acides. Lorsque les azotes sont sa- 
turés complètement et à l’état d’ammoniums, la fonc- 
tion alcool ne réagit plus sur les acides, mais seule- 
ment sur les alcools. On n'obtient plus que des éthers 
mixtes avec les dérivés de cette classe. Ces corps am- 
moniés sont très fortement alcalins; ils agissent 
comme la soude caustique et décomposent les fuch- 
sines en les saponifiant. De plus, ces réactions per- 
mettent d'interpréter ce qui se passe dans la fabrica- 
tion du « vert méthyle ». Les composés incolores 
obtenus en méthylant la rosaniline ne sont pas des 
dérivés de la leucobase, comme le croyaient A.-W. Hof- 
mann et Ch, Girard, mais des dérivés de carbinols el 
très probablement d’éthers mixtes. Ces corps, en effet, 
se forment de préférence en milieu alcoolique. Si on 
traite par la soude une solution alcoolique de violet 
cristallisé, on obtient non le carbinol, mais l’éther 
mixte correspondant. La base du violet hexaméthylé, 
traitée par l’iodure de méthyle, ne donne pas de vert, 
mais, de suite, le carbinol triiodométhylé des produits 
contenant de l'azote secondaire, donne du vert. Les 
azotes secondaires s'opposent à la saturation totale de 
l’azote qui conduirait à des matières incolores. Enfin, 
M. Rosenstiehl conclut : Les fuchsines, les rosanilines 
sont amidées au mème degré que les leucobases dont elles 
dérivent. Si ces dernières sont trois fois aimidées en para, 
on retrouve intacte la fonction triamine dans les fuch- 
sines el dans les rosanilines correspondantes.  E, CHarow. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


#13 


——————— TT 


Tableau II 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


SCIENCES PHYSIQUES 


M. Frank Clowes. —Composition des atmos- 
phères extinctives produites par les flammes. — 
Dans un travail précédent, l’auteur a déterminé les 
proportions d'azote et de gaz carbonique qui, ajoutés à 
l'air, forment des atmosphères 
artificielles éteignant les flam- 
mes, Il a énoncé les résultats 
généraux suivants : 1° Les flam- 
mes obtenues à l’aide de mèches 
s’éteignent dans des atmosphè- 
res de composition à peu près la 
même, tandis que les flammes 
formées par les gaz exigent des 
compositions différentes, 2° Pour 
éteindre une même flamme, il 
faut des doses bien plus consi- 
dérables d'azote que de gaz car- 
bonique. 3° La proportion mini- 
ma de gaz inerte qui produit 
l'extinction, ne dépend pas du 
volume de la flamme, Dans une 
nouvelle série de recherches, 
l’auteur s’est proposé de déter- 
miner quelle est, au moment où 
a lieu l'extinction, la composi- 
tion de l’atmosphère produite 
par chaque flamme brûlant dans 
un volume limité d’air à la pres- 
sion normale. Des essais préli- 
minaires ayant démontré la né- 
cessité d'opérer à l’abri de l’hu- 
midité et à pression constante, 
on a fait usage de l'appareil re- 
présenté sur la figure 1. La com- 
bustion se produit dans une clo- 
che de verre dont la base plonge 
dans le mercure d’une éprou- 
vette à pied assez profonde. Au 
sommet de la cloche est un tube en U contenant du 
mercure et servant de manomètre, et un tube de verre 


Fig: 1. — Appareil 
servant à détermi- 
ner la composition 
des atmospheres ex- 
linclives produites 
par les flammes. 


à robinet permettant d'extraire les gaz pour faire l’a-. 


nalyse. Pendant la combustion on maintient la pres- 
sion invariable en élevant ou abaissant la cloche sur 
le mercure. Le tableau I indique les résultats des 
analyses ; les nombres représentent la moyenne de 
deux et souvent trois expériences : 


Tableau I 


COMPOSITION % 
de l'atmosphère 
résiduelle 
produisant 
l'extinction 
A 


02 | Az? | CO: 


COMPOSITION % 
de l'atmosphère 
artificielle 
SUBSTANCES produisant 
l'extinction 


COMBUSTIBLES BRULÉES 


pe 


Alcool absolu 

Alcool méthylique 
Paraffine 

Colza et paraffine 
Chandelles......,..... 


Cr QE 


pa 


Cr Où Or Hs 
JR 


C9 QD O9 bn en 
De © 02 


ræ 


CO IO He O9 


L'auteur compare en outre ces résultats, à la com- 
position des gaz expirés par les poumons; il fait usage 
du tableau I donné par le D° Haldane : 


ANALYSES DE L'AIR EXPIRÉ 


Air expiré aussitôt après l'inhalation| 11.4 | 78.4 4.2 
Air expiré 40°” après l'inhalation. ...| 14.9 | 84.4 3.1 


ER A TT EUR MEN A 
Composition moyenne.............. 


Les conclusions générales qu'on peut tirer de ce 
travail sont les suivantes : 1° Les flammes provenant 
des combustibles gazeux ou liquides; soumis à l’expé- 
rience produisent, dans une atmosphère limitée, une 
diminution de la dose d'oxygène de manière à la ra- 
mener à la proportion contenue dans les atmosphères 
artificielles extinctives. 2° Les flammes des chandelles 
ou des lampes qui s’éteignent dans une atmosphère 
limitée, produisent une atmosphère de composi- 
tin à peu près identique à celle des gaz expi- 
rés par les poumons. 3° Les atmosphères extinctives 
obtenues après combustion d’une lampe ou d’une bou- 
gie et l'air expiré par les poumons après une inspira- 
tion d'air pur sont respirables sans danger. 4° L'extine- 
tion de la flamme d’une lampe ou d'une bougie 
n'indique pas nécessairement l'impossibilité de la vie 
dans une atmosphère, 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 21 Mars 1895 (suite) 


M. A. Lapworth a repris l'étude des acides 8 étoxy- 
naphtalènesulfoniques, précédemment entreprise par 
MM. Armstrong et Amphlett et par M. Percival. Ce der- 
nier avait déjà remarqué qu’en sulfonant une solution 
de $ méthoxynaphtalène, on obtenait deux acides cor- 
respondants dont l’un pouvait facilement s’isoler. Arms- 
trong et Amphlett avaient supposé qu’en traitant une 
solution de $éthoxynaphtalène dans du sulfure de car- 
bone au moyen de chlorure de sulfonyle, il se formait 
principalement l'acide 8 éthoxynaphtalènesulfonique 
2 : 1°. M. Lapworth confirme cette hypothèse; en effet, 
en éthylant l’acide 2 : 1’ naphtolsulfonique, il a obtenu 
un acide dont les dérivés ont une constitution sem- 
blable à ceux de l'acide instable produit par sulfo- 
nation du g éthoxynaphtalène. Il a préparé, en outre, 
le chlorure de l'acide 2 : 1° 8 éthoxynaphtalènesulfo- 
nique CH7(OEt)SO?Cl; l'acide mononitrosulfonique 
en nitrant le 2: 1’ 8 éthoxysulfonate de potassium, et 
enfin toute une série de composés des acides 8 éthoxy- 
naphtalènesulfoniques. En disulfonant l’éthoxynaph- 
talène à la température ordinaire, on n'obtient que 
très peu d’un seul acide disulfonique dont l’auteur 
détermine la constitution. Cette étude le porte à 
croire que la manière dont l’acide 2 : 1’ est formé par 
l'acide 2 : 1 indiquerait que le changement isomé- 
rique ne se fait pas directement, mais qu'il y a un 
changement isomérique intermédiaire. — Miss A.-P. 
Sedgwick et M. N. Collie ont préparé un grand nom- 
bre de composés pyridiques en partant de l'acide 
déhydracétique ; ils ont d’abord obtenu, en partant de 
cet acide, la diméthylpyrone : 

CH3.C—0—C.CH3 
nl. CO. Cu 
et la lactone de l’acide triacétique : 
CHS,C—0—CO 


I 
HC.CO.CH? 


Traité par une solution diluée de permanganate de 

potasse, le premier de ces corps fournit deux acides : 

d'abord l'acide y chloro x’ pyridinedicarboxylique qui, 

fondu avec la potasse, donne l'acide y oxy ax pyridine- 

| dicarboxylique, qui possède toutes les propriétés de 
3 > qui Pp E 


A 


174 


l'acide chélidamique; ensuite l'acide « méthyl y chloro x 
pyridine carboxylique qui, chauffé fortement, se décom- 
pose en + chloropicoline ; cette dernière, oxydée par 
le KMnO', donne l’acide y chloropicolinique. Lorsque 
la lactone de l’acide triacétique est chauffée avec de 
l'ammoniaque, il se forme de la dioxypicoline que l'on 
peut quantitativement convertir en «y dichloro 4 mé- 
thylpyridine qui, par oxydation, produit l'acide ay di- 
chloropicolinique. L'xy diéthoxypyridine a été obtenue 
en faisant bouillir la dichloropicoline avec l'éthylate 
de sodium. — MM. Percy Frankland F. KR. S. et 
James Henderson, en partant de l'acide sarco- 
lactique, préparé suivant la méthode de Percy Frank- 
land et Mac Gregor, ont obtenu les sarcolactates 
d’éthyle et de méthyle, l'acétylsarcolactate d’éthyle 
et le benzoylsarcolactate d'’éthyle, Les auteurs don- 
nent le pouvoir rotatoire de chacun de ces corps 
et discutent les relations qui existent, au point de 
vue optique, entre ces corps et les dérivés corres- 
pondants de l'acide glycérique. Il résulle de leurs 
recherches que la substitution du groupe éthyle au 
groupe méthyle produit un effet moindre sur ‘le 
pouvoir rolatoire du lactate que sur celui du glycé- 
rate. L'accroissement du pouvoir rotatoire obtenu en 
acétylant le lactate est plus grand que l'accroissement 
dû à la diacétylation du glycérate. L'introduction du 
groupe benzoyle change le signe du pouvoir rotatoire. 
Dans les éthers sels de l'acide glycérique il y a dimi- 
nution de la densité en montant la série du composé 
méthylique où composé butylique ; la même anomalie 
existe dans les lactates ; ainsi l’acétyllactate de mé- 
thyle est moins dense que le lactate de méthyle, Il 
est à remarquer que plus grande est la diminution de 
densité par acétylation, plus grand aussi est-l’accrois- 
sement du pouvoir rotatoire, En benzoylant, la densité 
de ces corps augmente, mais le pouvoir rotaloire di- 
minue considérablement et va jusqu'à changer de 
signe. — MM. James Workler et James Henderson, 
en électrolysant le camphorate alloéthylique de potas- 
sium.ont obtenu les sels éthyliques d’un acide non 
saturé C’HO? et d'un acide dibasique saturé CISH300"; 
ils ont appelé ces acides allocampholytique et allo- 
camphothétique. Le premier donne un dibromure qui 
a pu être converti en un isomère du campholactale de 
Fittig et Woringer. Les résultats obtenus semblent 
indiquer que cet acide camphorique contient le 
groupe : CH—CH(COOH). C.(COOH). -- MM. A. Bone 
et W.-H. Perkin junior F. R.S. ont entrepris l'étude 
de l'acide triméthylsuccinique et de son isomère 
l'acide diméthylglutarique dans le but de savoir si 
l'acide triméthylsuccinique existe sous deux modifi- 
cations, Ils ont préparé cet acide de deux manières 
différentes : 1° par l’action de l'x bromisobutyrate 
d’éthyle sur le dérivé sodique de l’x cyanopropionate 
d’éthyle ; 2° par l’action de l’« bromisobutyrate d’éthyle 
sur le dérivé sodique du méthylmalonate d’éthyle, 
Dans les deux cas les auteurs ont obtenu un seul et 
même acide triméthylsuccinique qui, à l’état de pureté, 
fond à 152°. Il se forme toujours à côté de Jui son 
isomère l'acide diméthylglutarique. Chauffé avec 
l'anhydride acétique, l'acide  triméthylsuccinique 
donne un anhydrique fondant à 38:39, Les auteurs 
ont également préparé un acide cyanotriméthylpro- 
pionique : 


(CHE), , CAZ 
C=C=CH: 
CO'H/ NH 


SOCIETE ROYALE D'EDIMBOURG 

La Société à recu récemment les communicalions 
suivantes : 

MM. Gulland et Noel Paton : Sur l'absorption des 
hydrates de carbone par l'intestin, — M, Gilchrist : 
Sur la torsion du corps des Mollusques, — M. Tait : 
Surune propriété curieuse des déterminauts.—M,Crum 
Brown : Sur un nystagmus normal, — Sir W, Turner : 


| 
| 
| 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


————— 


Sur les restes de l'antropopithèque trouvés récem- 
ment à Java, par M. Dubois : On a trouvé un crâne, 
une troisième molaire et un fémur gauche, On les a 
trouvés sur le bord d’une rivière de Java, à quelque 
distance l'un de l’autre, et à des époques différentes. 
M. Dubois suppose qu'ils établissent l'existence d'une 
race qui rattache le singe et l’homme : M, Turner ob- 
serve qu'il n'est point certain que ces trois débris ap- 
partiennent à un mème être; en comparant le crâne 
à divers spécimens de crânes, il n’est pas du tout 
convaincu qu'il n'ait pas appartenu à ur être humain. 
Le fémur a une forme qui se retrouve dans une collec- 
tion d’ossements humains, et les dents ressemblent 
autant aux dents d’un homme qu'à celles d’un singe : 
il considère que les débris appartiennent à un type 
humain ‘inférieur, — M, Chrystal : Théorème relatif 
à l’équivalence des systèmes d'équations différentielles 
linéaires ordinaires à coefficients constants, et son 
application à la théorie de ces systèmes. — M. Knott : 
Changement de volume des tubes de fer et de nickel 
aimantés. — M. Peddie compare le cas de cécité 
jaune-bleu, décrit par lui, il y a quelque temps, au 
cas récemment décrit par V. Vintschgan et Hering. 
Dans le cas actuel, ce qui n'avait pas lieu dans le pré- 
cédent, toute l’étendue du spectre est visible. Aussi loin 
que les observateurs aient pu aller, la présence du 
rouge semble être aisément reconnue; mais toutes les 
autres couleurs semblent à peu près, ou entièrement 
grises, Il ne semble exister qu'un point neutre (auprès 
de D, dans la partie jaune du spectre), — M. Munro 
donne une conférence sur la recherche des habitations 
lacustres. — MM. Crum Brown et Fairbairn : Sur 
lPaction du mercaptide de sodium sur l'éther dibromo- 
malonique, — MM. Ewart el Cole : Sur les branches 
dorsales des nerfs craniens et spinaux, chez les Elas- 


mobranches. — M. Traguair : Sur les poudres phos- 
phorescentes. — M. Tait : Sur la surface d'onde 
électromagnétique, — M. le due d'Argyll : Sur la 


formation des glaces de deux vallées (le Glenaray et le 
Glenshira). W. PEDDIE. 


ACADEMIE DES SCIENCES D’AMSTERD: 
Séance du 18 Avril 1895. 
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P.-H. Schoute s'oc- 
cupe du nombre des types de cristaux du système ré- 
gulier dans l’espace 2? à n dimensions. Il représente un 
cristal du système régulier dans &# par le symbole 
(CNT En) 


. än), où les segments déterminés par les 
êtres 2-1 limitants sur les axes sont rangés par ordre 
Je grandeur croissante. En faisant suivre 4,_, du sym- 
bole (a,, &, ..., An-,) de e"=! par œil y a deux cas à 
distinguer. Si 4, est infiniment grand, &, l’est tout 
de même; si 4, à une valeur finie, on obtient trois 
types différents de * en posant 4 = 41, an > Gn— Cb 
fini, &, infini, Ainsi chaque type de el mène à trois 
iypes de & ou à un seul, selon que 4, est fini ou in- 
fini; pour un des trois types nouveaux le dernier élé- 
ment estinfini. Si doac #, et y, représentent le nombre 
des types de 2? à élément dernier fini et infini, on trouve 
les relations récurrentes :æn —=?2%n-, et Yn =%n, + Yn— 
OÙ Zn — 2 ln EÙ En — Yn—= En — Yn-,- POUr n—2 on 
trouvez? 7,—1. Donc ones œr 211; 7yn 2011 
etlenombre totaldes types des ,c.-à-d, 4» + yn =2 —1. 
Pourn—=#,0ona: 


TARA A) A6; (2, 7, HE 199, (1, #, Æ#, co 96 
(A4) GB 4, SO PO AU EME NS Ro) EE 02 
(4, 1, #, k) 96, (1, k, l,m 84.411, 15100, ca . 24 
(A) 4 Æ d) 192, (1, A do) SIEMENS tee 18 
(1! & ke à GE M ME de 06 A co to del RS 


Dans ce tableau les nombres qui suivent les symboles 
indiquent le nombre des corps limitants, Dans ces 
15 types, seulement le premier (16), le treizième (24) 
et le dernier (8) sont des êtres réguliers dans le sens 
géométrique. À j 

” 20 SCIENCES PHYSIQUES, — M. H, Kamerlingh Onnes 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 15 


communique les travaux exéculés au laboratoire de 
Leyde par M. A. Lebret, et ayant trait au phéno- 
mène de Hall. Dans la première communication, il 
décrit une méthode pour la mesure de ce phénomène 
appelée méthode de compensation, qui à l'avantage 
d’être une méthode à zéro, n’exigeant qu'une observa- 
tion momentanée et éliminant ainsi toutes ces pertur- 
bations qui exigent du temps pour s'établir, La plus 
“importante de celles-ci est le changement de tempé- 
rature des électrodes secondaires, découvert par M. von 
- Ettinghausen. La seconde communication s'occupe de 
k la dissymétrie du phénomène de Hall dans le bismuth, 
* où l’on trouve une valeur différente pour cet effet en 
… employant des directions opposées du champ magné- 
… tique. L'auteur à réussi à trouver dans une plaque 
… deux directions exemptes de dissymétrie ; il explique 
… ce résultat en supposant que le changement de résis- 
tance par le champ magnétique diffère dans deux 
directions perpendiculaires, Nommant K, et K, les 

- changements de résistance pour ces deux directions, 

- Je phénomène de Hall est donné par la formule : 


# 


Les K, — K: sine, 


LI 


2 


où & représente l'angle de la direction des électrodes 
primaires avec l’un de ces axes. 
1 3° SCIENCES NATURELLES, — M. C.-A. Pekelharing 
… s'occupe du rapport entre le fibrine-ferment du sérum 
sanguin et le nucléo-protéide tiré du plasma sanguin. 
- Il ya trois ans, l’auteur a démontré (Revue générale, 
11, p. 464) que le fibrine-ferment est une combinaison 
de chaux et du nucléo-protéide du plasma sanguin. qui 
est cédé au plasma sanguin pendant la destruction 
des éléments du sang. Quoiqu'on accepte générale- 
ment que plusieurs nucléo-protéides, en collaboration 
- avec des sels de chaux, peuvent causer la coagulation 
- de matières fibrinogènes, MM. Wright, Lilienfeld et 
“ jalliburtun ont énoncé récemment l'opinion qu'il 
… y à pas de rapport entre le fibrine-ferment et le 
nueléo-protéide. L'auteur réfute principalement les 
arguments de M. Halliburton, sans doute les plus 
importants de ceux par lesquels sa théorie a été atta- 
… quée. D'abord M. Halliburton remarque que l'alcool 
voagule les nucléo-protéides, tandis que, d’après la 
méthode de M. Schmidt, le fibrine-ferment est préparé 
en diluant avec de l'eau la substance précipitée du 
sérum sanguin par l'alcool, conservée pendant quelque 
“ emps sous l'alcool. Au contraire, l'auteur a trouvé 
que le fibrine-ferment, préparé d’une manière artifi- 
- cielle en traitant le nucléo-protéide du sang avec de 
- l’eau de chaux et de l’acide carbonique, ne perd que 
- partiellement sa solubilité pendant une conservation 
… de longue durée sous de l'alcool et que, plus tard, il 
- est encore à même de céder à l'eau un fibrine-fer- 
“ ment très aclif, La seconde difficulté de M. Halliburton 


a trait au plasma dont la coagulation a été prévenue 
par du sulfate de magnésium ; ce plasma se coagule 
sous l’action du fibrine-ferment et non pas sous l'ac- 
tion du nucléo-protéide. L'auteur trouve que des so- 
lutions de matières fibrogènes pures ne se coagulent 
pas non plus, après addition de sulfate de magné- 
sium, malgré la présence d'une grande quantité de 
nucléo-protéide, à moins qu'on n’ajoute une quantité 
relativement considérable de sels de chaux. Aussitôt 
que la combinaison du nueléo-protéide avec de la chaux 
s'est formée, la présence de MgSO, ne contrarie que 
très faiblement la coagulation. Le ferment tiré artifi- 
ciellement du nucléo-protéice du plasma sanguin fait 
coaguler le plasma contenant MuSO, tout aussi bien 
que le fait le fibrine-ferment du sérum. Le troi- 
sième argument de M. Halliburton se base sur 
conduite différente du nucléo-protéide et du fibrine- 
ferment introduits dans la circulation du sang; seule- 
ment le nucléo-protéide cause la coagulation intra- 
vasculaire, Par rapport au fibrine-ferment préparé 
d’après la méthode Schmidt, ou celle de Hammarsten, 
l'auteur confirme ce résultat ; il l’attribue à l’état de 
dilution extrème. Cela est d'accord avec l'expérience 
qu'après l'introduction de ces solutions de ferment 
on observe souvent la «phase négative » de M, Wright, 
c’est-à-dire un ralentissement de la coagulation du 
sang sécrété par les vaisseaux, précisément comme 
après l'introduction d’uhe quantité de nucléo-pro- 
téide trop pelite pour causer la thrombose. Cependant, 
après l'introduction d'une solution plus concentrée 
du ferment, comme elle peut être obtenue d’après la 
méthode de M.Gamgee, dans la veine d'un lapin, 
l’auteur constatait une coagulation intervasculaire 
aussi importante que celle causée par la combinaison 
dunucléo-protéide avec de la chaux, précipitée par l'ad- 
dition de l'acide acétique au sérum sanguin dilué. 
L'auteur n'a pu trouver aucune trace de différence 
entre le fibrine-ferment du sérum et la combinaison 
obtenue à l'aide de l’action de la chaux sur le nucléo- 
protéide tiré du plasma sanguin. — M. Th. H. Mac 
Gillavry présente une brochure de M. A. van Delden 
intitulée : Les réactions du beurre hollandais par rap- 
port aux méthodes nouvelles d'examination; il y 
ajoute un apercu de deux méthodes dont il se sert à 
démontrer la présence de très petites quantités d’oléo- 
margarine ou d’autres huiles. Première méthode : 
La matière est examinée à l'aide de la lumière cireu- 
lairement polarisée tandis qu’elle est refroidie à 4°C 
ou échauflée jusqu'à #5°C. Seconde méthode : Pour 
constater la présence d'huiles, une pièce de beurre 
est mise sous le microscope dans un espace où la 
température est augmentée de 20°C à 24°C. A côté de 
cet espace se trouve un espace capillaire qui aspire 
l'huile contenue dans le beurre. Cette petite quantité 
peut être examinée d’après la première méthode. 
P.-H. Scnoure. 


| NOTICE NÉCROLOGIQUE 


— Les sciences naturelles viennent de faire une perte 
=eusible dans la personne de Carl Vogt, que la mort a 
“enlevé, à l’âge de 78 ans, le 5 mai dernier, Son nom 
mélait connu, non seulement de tous les naturalistes, 
- mais encore du grand public, dans lequel il avait depuis 
longtemps pénétré; car Vogt fut aussi un vulgari- 
ateur, un de ceux qui veulent que la science ne soit 
“pas seulement l'apanage du laboratoire et de quelques 
initiés, mais qu'au contraire elle rayonne et se répande 

ans les masses. 

Son œuvre scientifique, qui comprend la Zoologie 
“et l'Anatomie comparée, l’'Embryogénie, l'Anthropo- 


CARL VOGT 


logie, la Géologie et la Paléontologie, est considérable. 
IL a étudié toutes ces sciences avec un égal succès; 
mais il avait une faveur marquée pour les deux pre- 
mières. Vogt fut le collègue et le collaborateur de ces 
savants qui, dans des domaines divers, illustrèrent 
l'Académie, puis l'Université de Genève : les Marignac, 
les de La Rive, les Edouard Claparède, les Pictet de La 
Rive, etc. 

Né à Giessen, le à mai 1817, Carl Vogt était fils d'un 
naturaliste ; il étudia d’abord la médecine, travailla 
ensuite chez Liehig, — il tournait alors ses regards 
vers la chimie, — puis il suivit son père, appelé à 


476 


Berne comme professeur. C’est dans cette ville que, 
sous la direction de Valentin, il commença ses pre- 
miers travaux d'anatomie et de physiologie. = 

A 20 ans, il débuta par un travail sur le liquide 
amniotique, un opuscule de quelques pages, dans le- 
quel il indique la teneur des composants des liquides 
en question, à 3 mois 1/2 et à 6 mois de la vie fœtale. 
Ce travail fut publié dans les « Archives » de Johannes 
Müller, de Berlin, Dans les mêmes «Archives», Vogt fit 
paraître une étude sur la Neurologie du Python ligris, 
dont il avait eu en mains de remarquables échantil- 
lons, et sur le système nerveux des Reptiles en général. 

Puis il résida à Neuchâtel, attiré par la célébrité 
d’Agassiz, avec lequel il se lia, ainsi qu'avec Desor et 
d’autres naturalistes neuchâtelois. Ce fut une belle 
période d'activité scientifique. Il sortait chaque semaine 
de l’ « usine » Agassiz une trentaine de pages d’im- 
pression. 

Vogt, cependant, travaillait pour son compte, et, en 
1842, il publia l’Embryogénie des Salmonés. A cette 
époque, l’'Embryogénie était dans son enfance, et 
Vogt eut la gloire d'être un des premiers àentreprendre 
l'étude de cette branche. Il en avait compris toute 
l'importance au point de vue de l'anatomie comparée ; 
aussi ne la délaissa-t-il jamais ; en 18%4, il publia un 
mémoire sur l’'Embryogénie des Batraciens; en 1846, ses 
Recherches Sur l'Embryogenie des Mollusques Gastéropodes, 
et, ces dernières années, il s’occupait beaucoup de 
l'embryogénie de la Chauve-souris. 

C’est grâce à Agassiz et Desor que l'attention de Vogt 
se tourna vers les glaciers, dont l’étude scientifique ve- 
nait d’être commencée par Venetzet de Charpentier: il 
occupa avec eux la fameuse cabane des Neuchätelois 
sur le glacier inférieur de l’Aar, Son livre de début en 
Géologie fut: Montagnes et Glaciers, paru en 1843 en 
langue allemande. 

De 1844 à 1846, Vogt résida à Paris, où il fit la con- 
naissance de la plupart des naturalistes français ; il y 
fonda la Société des Médecins et Naturalistes alle- 
mands, puis il visita l'Italie. En 1847, il retourna à 
Giessen, où il était appelé comme professeur à l'Uni- 
versilé, mais il n’occupa jamais effectivement sa chaire, 
car, en 1848, survinrent, en Allemagne, les événements 
que l'on connaît et auxquels il prit une part active. 
Il fut même un des trois régents de l'empire allemand. 
Mais, devant les baïonnettes prussiennes, il fut obligé 
de se retirer, Condamné à mort, il passa la frontière à 
grand'peine, déguisé en paysan, et se retira à Berne, 
où il prit ses lettres de naturalisation. Il reprit alors — 
surtout à Nice, dont il a pour ainsi dire découvert la 
faune marine — ses études zoologiques, et, en 1852, il 
fut appelé à occuper la chaire de Géologie à l'Académie 
de Genève. Ce ne fut que plus tard qu’il obtint la chaire 
de Zoologie et d’Anatomie comparée, science qu'il pro- 
fessait avec le plus de plaisir. 

En juillet 4861, Vogt fit, en compagnie d’un riche 
particulier de Francfort, un voyage scientifique au 
Pôle Nord, à l'île de Jan-Mayen et en Islande; il en est 
resté un livre intitulé: Nordfuhrt qui est, en quelque 
sorte, un des meilleurs guides pour ces régions. 

Nous n'avons pas la prétention d'indiquer, dans cette 
courte notice, quels ont été les nombreux travaux de 
Carl Vogt dans tous les domaines, ni même de passer 
à l'analyse de ceux que nous citerons. Nous ne rap- 
pellerons que ses principaux ouvrages, parmi les- 
quels les Recherches sur les animaux inférieurs de la 
Méditerranée, et — celui-ci fit beaucoup de bruit — son 
Mémoire sur les Microcéphales ou Honunes-Singes, paru 
en 1867. 

Ses livres les plus connus furent presque tous publiés 
en langue allemande, et ne furent pas tous traduits, 
Les Lettres physiologiques, qui furent traduites dans 
presque toutes les langues d'Europe, sont de 4845 (trad, 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 


franc. de 1874). En 1846 parurent en deux volumes : 
Lehrkuch der (reologie und Pelrefaktenkunde, ouvrage qui 
arriva à sa cinquième édilion en 1879, En 1847, Océan 
et Méditerranée; en 1850, Scènes de la vie des animaux; 
en 1851, Recherches sur les sociétés d'animaux; ces trois 
ouvrages aussi en allemand, Plus tard (186%) parurent 
les Leçons sur Homme, les Mammifères (1882), el, de 1886 
à 1894, sa dernière œuvre, le Traité d'Analomie com- 
parée pratique, — ce qu'il y à actuellement de plus com- 


plet en cette matière, — en collaboration avec son 
ancien élève, — devenu son assistant et son sup- 


pléant, — M. Emile Yung. 

Vogt s’élait toujours vivement intéressé à la diffu- 
sion de la science; je crois qu'il fut l’un des premiers 
quise servirent des illustrations desmémoires originaux 
pour les publications populaires. 

Il fut un conférencier célèbre : ses conférences sur 
le darwinisme, données en Suisse et dans différentes 
villes d'Allemagne, eurent un retentissant succès. Il 
cessa ses tournées de conférences lorsqu'éclata la 
guerre de 4870, au sujet de laquelle il prit le parti des 
vaincus, sachant bien cependant qu'il se fermait des 
portes, jusque-là grandes ouvertes, de l’autre côté du 
Rhin; c'est là un rare exemple de désintéressement. 
Ses lettres politiques sur la guerre de 1870-71 furent 
publiées à la fin de ce terrible événement, et Vogt ne 
reparut plus en Allemagne. Il fut d’ailleurs toujours 
un adversaire de Bismarck, 

Peu de temps avant sa mort, Carl Vogt mettait la 
dernière main à un grand ouvrage sur les Poissons 
d'Europe, et il disait à ceux qui lui parlaient de 
cette œuvre : « J'ai commencé par les Poissons, je 
finirai par les Poissons. » En effet, au début de sa car- 
rière, il avait collaboré à l'Histoire naturelle des Poissons 
d'eau douce d'Agassiz. Ce groupe de Vertébrés l'inté- 
ressait particulièrement; dans son cours, il s’y arrêtait 
volontiers, et, en 1835, il avait fait paraitre l'Education 
artificielle des Poissons, continuant l'impulsion donnée 
dans ce sens par Coste. 

Vogt faisait partie de cette élite intellectuelle, qui 
pouvait dire avec l’auteur latin : « Rien de ce qui est 
humain ne m'est étranger, » Travailleur infatigable, il 
se délassait d'une occupation en en entreprenant une 
autre, el il se lancait dans toutes avec la même ardeur. 
Comme ces grands hommes de la Renaissance, ou 
comme quelques-uns de ces grands esprits du xvure siè- 
cle, il embrassait plusieurs choses à la fois et les do- 
minait toutes. IL publia un volume de nouvelles, fit de 
la peinture, écrivit même des vers. e 

Vogt laisse après lui plusieurs élèves. Parmi les 
plus connus, nous pouvons citer les professeurs Arnold 
Lang de Zurich, et Emile Yung de Genève. 

Carl Vogt fut pendant de longues années président 
de l'Institut national genevois ; il était chevalier de la 
Légion d'honneur, et, depuis le 27 juin 1887, membre 
correspondant de l'Académie des Sciences de Paris, 

Eugène Prrrarp, 
Professeur au Collège de Genève. 


Errarum. — Dans le récent article de MM. KF.et J, Jean, 
sur l'Industrie des Suifs comestibles et industriels (Revue 
du 15 mai dernier), nous avons indiqué que le gra- 
phique de la page 421 avait été dressé par M. Maurice 
Duclos, courtier assermenté; bien involontairement 
nous avons omis de marquer que les deux graphiques 
des pages 422 et 423 avaient été également faits par 
lui. 

Rectilions aussi (page 41%, 2€ colonne, #4* ligne) une 
coquille qui tendrait à élablir une confusion entre 
l'oléine et l'oléo. Lire : « Cette dénomination est ré- 
servée aux suifs destinés à l'alimentation et à la fabri- 
cation des oléos, » 


Le  Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER 


————_—_—_—_—_—_—_—_————.————.—.._  _—_—_—_—_—_—_—_—…—…—…—…—…—…—…—…—"—…"…"…"….…—"….—".—.—.—…"—.—"—….—.)—"—_—_— 


6° ANNÉE 


N° 41 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIEN 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


LES NOUVEAUX SERVICES ET INSTITUTS 


DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE LILLE 


I — L'INSTITUT DE CHIMIE 


La Municipalité et l’Académie de Lille viennent 
d'inaugurer les nouveaux bâtiments des Facullés. 
Tous ceux qui s intéressent aux progrès de l’ensei- 
ynement supérieur en ont élé très heureux. On com- 
prend donc que les Universités étrangères, l'Insti- 
tut, les Facultés francaises et les grandes Ecoles 
aient envoyé à Lille d'importartes délégations. 

Ces fêtes universilaires ont élé très cordiales. 
Les discours el les banquets n’ont pas fait défaut; 
la séance d’inauguration, dans laquelie le maire, 
M. Géry-Legrand, a remis les bàtiments au Ministre, 
M. André Lebon, a été des plus réussies, et nous 
avons assisté au défilé, avec élendards, des Écoles 
etdes nombreuses Sociétés diverses quisont,comme 
on le sait, très vivaces dans la Flandre française. 

Cette réorganisalion des Facultés avait élé étu- 


diée et préparée sous les ministères de M. Berthe- 


lot et de M. Spuller. La ville de Lille, riche et 
prospère, à tenu à honneur de participer, par moi- 
lié, à toutes les dépenses, lesquelles se sont 
élevées au chiffre respectable de 3.500.000 francs. 
Voici quelle a élé la réparlilion de ces dépenses : 


1° INSTITUT DES SCIENCES NATURELLES. 


fr. 
Dernieres en 270.000 
Constructions. ....., 425.010 
Hola Er 695.C00 695.000 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


15 JUIN 1895 
FE DORÉ RER RTE Pre 695.000 
2° INSTITUT DE CHIMIE. 
TÉLLOLR EEE et eee 182.000 
Constructions ........ 483.000 
IEC ESE 665.000 665,000 
39 Facuzté DE Droit Er DES LETTRES. 
DÉFPAONS EN CE Sr 200.000 
1COnSILUCLHIOns 690.000 
Dofale era 890.000 890,000 
4° INSTITUT DE PHYSIQUE. 
Gonstrichons er 447.000 47,000 
Construit sur une par- 
celle de terrain of- 
ferte par la Facullé de 
Médecine. 
5° BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE. 
Terrains Er ces 126.500 
Constructions "0 304.500 
TOR er 481.000 481.000 
6° HÔTEL ACADÉMIQUE. 
Terrains etimmeubles, 240.000 
RÉPAr LION ER Re 81.500 
TOP EE TER.E 321.500 321.500 


3.499 ,500 


De plus, dans un large esprit de prévoyance, la 
ville de Lille a voulu assurer le fonclionnement de 
ces Instituts en leur distribuant une somme an- 

11 


4718 


nuelle de 20.000 francs, et cela pendant vingt ans, 
pour être employée au mieux des intérêts de l'En- 
seignement supérieur. Cette somme vient S’ajouter 
aux subventions annuelles de l'État. 

Enfin, nous ne devons pas oublier qu’un géné- 
reux donateur, M. Philippart, a tenu à prendre sa 
part de collaboration dans cette création scienti- 
fique en faisant aux Facultés un don de 400.000 fr. 
C’est un bel exemple de l'heureuse influence que 
peut avoir la fortune privée sur l'avenir scienti- 
que de nos grands établissements. 

Les Facultés de Lille méritaient, d’ailleurs, lar- 
gement tous ces bienfaits : leur prospérité est crois- 
sante et elles possèdent de nombreux élèves, ré- 
partis de la facon suivante : 


DR ann m0 du 343 
Médecine... MD ee 

Étudiants } Pharmacie ...... 134 
| SCIENCES Creer 129 

lettres sm mr 305 

DOtAL ec 1.335 


La visite de ces différents inslituts, assez voisins 
les uns des autres, est des plus intéressantes. La 
séparalion en différents services des élèves d’une 
même faculté permet de trouver aisément des ter- 
rains de valeur peu élevée el possède l’immense 
avantage de réunir les laboratoires similaires. La 
ville de Lille a pu ainsi donner un très grand 
espace à quelques services; l’enseignement et la 
recherche s’y développeront en toute sécurité. Plus 
tard, sibesoin en était, leur agrandissement seferait 
avec facilité. 

Nous avons admiré les belles installations des 
laboratoires des Sciences naturelles, l’élégant am- 
phithéätre des cours de Physique, et enfin nous 
avons visité longuement les nouveaux laboratoires 
de l’Institut de Chimie, sur lequel nous donnerons 
quelques détails. 

On sait combien nous étions en relard sur ce 
point vis-à-vis des nations étrangères et surtout 
de l'Allemagne. Aussi, depuis dix ans, les efforts se 
sont-ils portés de ce côté, et, grâce à l'impulsion 
énergique donnée par M. Liard, directeur de l’En- 
seignement supérieur, nous avons inauguré suc- 
cessivement, en France, l’Institut Chimique de 
Nancy, celui de Montpellier, aujaurd'hui celui de 
Lille, et demain nous inaugurerons celui de Paris. 

L'Institut Chimique de Lille, qui n'a coûté au 
total que 670.000 francs, et qui peut contenir aisé- 
ment une centaine d'élèves, a élé entièrement 
construit en briques. EL cela est d’une grande im- 
portance. On abandonne enfin un luxe extérieur 
tout à fait inutile pour consacrer l'argent à l’amé- 
nagement intérieur absolument indispensable. Les 
architectes se plaisent aux grandes façades, aux 
larges escaliers, aux longues colonnades ; laissons 
les construire les Écoles de Droit, les Facultés des 


H. MOISSAN — L'INSTITUT DE CHIMIE DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE 


LILLE 


Lettres, mais, de gräce, ne leur confions plus les 
laboratoires de Chimie et de Physique !. 

On à raconté plaisamment que, pour faire un 
canon, on prenait un trou et que l’on mettait du 
bronze autour. La véritable formule d'un institut 
chimique devrait être de prendre un jardin et de 
mettre des laboratoires autour, C'est ce que l’on a 
fait à Lille. Tout l’ensemble de l'édifice, dont M. Ma- 
tignon donne dans ce numéro même une intéres- 
sante description, comporte les services de Chimie. 
Une véranda qui fait le tour du jardin les réunit 
tous, et la disposilion en est heureuse. 

Les laboratoires de Lille ne sont pas construits 
sur le modèle des laboratoires de Zurich ou d’Alle- 
magne, el j'estime que leur disposition se prèle 
mieux aux habitudes françaises. 

On a abandonné avec raison la grande salle où 


Jes étudiants sont réunis et serrés comme les sol- 


dats d'un régiment: on a préféré une suite de 
salles spacieuses, élevées, très bien éclairées, dans 
lesquelles se meuvent avec facilité une quinzaine 
d'élèves sous la direction continue d’un prépara- 
teur. ; 

Auprès de ces laboratoires, une salle très aérée 
permet la préparation de gaz toxiques, tels que le 
chlore et l'hydrogène sulfuré. De nombreuses cages 
à tirage se trouvent aussi dans les murs et servent 
aux évaporations d'acides. 

Les amphithéâlres, qui contiennent de 120 à 
150 élèves, sont d’une grande simplicité. 

Peut-être pourrions-nous reprocher à certains 
laboratoires une aération générale insuflisante et 
des moyens de chauffage défectueux ; mais ce sont 
là des détails auxquels il sera facile de remédier. 
De plus, nous avons élé très surpris de ne pas 
rencontrer dans un aussi bel établissement la plus 
petite dynamo, indispensable aujourd'hui aux 
recherches du chimiste, Il est à désirer que quel- 
que généreux donateur comble rapidement celte 
lacune. Les sous-sols de l’Institut de Chimie sont 
déjà préparés pour recevoir une machine d’une 
dizaine de chevaux, qui donnera avec facilité 
la force électrolytique ou calorifique et qui assu- 
rera, en même temps, l'éclairage de tout le bàti- 
ment. 

L'ensemble de l'Institut est divisé en deux par- 
lies égales : l’une appartient à la Chimie générale 
el l'autre à la Chimie appliquée. Dans la première 
se trouvent les laboratoires de préparation au Cer- 
tificat d'étude des sciences chimiques, physiques 
el naturelles; les laboratoires de préparation à la 
RP Re SR En Re, UE 


! Je dois faire une exception pour les laboratoires de la 
Sorbonne, dans lesquels M. Nénot a pu, en habile architecte, 
sacrifier à la pierre de taille et donner pleine satisfaction 
aux professeurs. Mais je me souviens aussi qu’une exception 
confirme la règle. 


C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ 


9 


& 
= 


licence et à l'agrégation, le laboratoire du profes- 
seur, M. Willm, et celui de ses assistants, enfin les 
laboratoires des jeunes gens qui prépareront leurs 
thèses de doctorat. 

De ce côté donc, la science régulière et toute la 
filière des grades qui conduisent l'étudiant des 
portes du lycée au doctorat ès sciences. Là. se fera 
une science méthodique, régulière, à idées géné- 
rales dont tout peuple a besoin, idées sans les- 
quelles la recherche scientifique perdrait bientôt 
toute fécondité. 

Dans l’autre partie du bâtiment, M. Buisine 
dirige la Chimie appliquée. Nous y avons rencontré 
de beaux laboratoires séparés, ayant chacun une 
destination spéciale. 

Dans le premier, on étudie les malières colo- 
vantes el la teinture. Dans le deuxième les fermen- 
tations industrielles et la brasserie. Dans le troi- 
sième les produits chimiques. Le quatrième esl 
consacré plus spécialement à l'analyse des 
denrées alimentaires et des produits industriels. 

Enfin, un laboratoire de Chimie agricole est 
déjà installé, dans l’espérance de la création pro- 
chaine d'une chaire de cette science, qui esl 
appelée à rendre de grands services à l’agricullure 
du Nord. 

A ces laboratoires est adjoint un musée indus- 
triel en voie de formation. 

Ici, plus de diplômes, plus d'examens; on ne 
demande à l'élève qui vient heurter à la porte, 
que de la bonne volonté, üu travail et de l’assi- 
duité. 

La rémunération à payer pour occuper une 


place est bien peu de chose : 30 francs par mois. 
Plusieurs bourses offertes par la Ville, des dis- 
penses accordées par le Conseil de la Faculté 
peuvent même y faire admettre le travailleur peu 
fortuné, qui montre des dispositions pour l'étude 
de la Chimie appliquée. 

Un règlement bien concu, relatif aux chercheurs 
et aux élèves des laboratoires de Chimie indus- 
trielle, a réglé les conditions générales des études. 

Cette organisation nous semble des plus heu- 
reuses, el il ya Lout lieu d’espérer qu’elle donnera 
de bons résultats. L'originalité pourra s'y déve- 
lopper en toute liberté, et l’industrie, déjà si riche. 
du département en recevra une force et une 
vigueur nouvelles. 

L'installation de ces beaux laboratoires a, d’ail- 
leurs, transformé en partie toute la Faculté des 
Sciences. Et, depuis son éminent doyen, M. Gos- 
selet, jusqu’au dernier préparateur nommé, tout 
le monde semble rempli d'énergie et d'ardeur. 
Cet enthousiasme nous est un sûr garant des 
publications à venir. On n'entend parler que de 
travaux à faire, que de recherches nouvelles. Les 
groupements affectueux entre maîtres et élèves se 
forment de toutes parts, et, dans quelques années, 
par le fait même de cette brillante installation, les 
professeurs de Lille se trouveront heureux de 
rester dans leur belle Faculté, et ainsi sera résolue 
une parlie de cette grosse question de la décentra- 
lisation de la Science francaise. 


Henri Moissan. 
le l'Académie des Sciences, 
l'rofesseur à l'Ecole Supérieure de Pharmacie 


I — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ 


En 1887, lors du transfert à Lille des Facultés de 
Droit et des Lettres de Douai, une convention con- 
tenant les dispositions suivantes ful signée entre 
la Ville et l'Étal : 


« Il sera construit un Institut de Physique pour la 
Faculté des Sciences sur le terrain disponible de la 
rue Gauthier-de-Châtillon.., » 

« Il sera construit un Institut des Sciences naturelles, 
Zoologie, Botanique, Géologie, sur un terrain d’une 
contenance approximative de 4.500 mètres, limité par 
les rues Malus, de Bruxelles et Brûle-Maison. » 

«IL sera construit un Institut de Chimie générale et 
de Chimie industrielle sur un terrain d’une conte- 
nance de 8.000 mètres à l’angle des rues Barthelemy- 
Delespaul et Jeanne-d’Arc. » 


C'est à l’inauguration de ces Instituts et d’un 
nouvel édifice destiné à la Faculté de Droit el à la 
Faculté des Lettres, que le Conseil Général des Fa- 
cultés et la Municipalité de Lille viennent de con- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


vier les savants français et étrangers. Les trois 
Instituts ont été bâtis en deux ans et demi sous la 
direction de M. Mongy avec la collaboration de 
MM. Batteur et Bourdon; la construction, l’amé- 
nagement et le mobilier ont coûté 1.600.000 francs. 


L. — INsriTur DE Puysique. 


Cet Institut est constitué par le bâliment que 
représente la figure 1 (page 480). Les figures 3 el 
# donnent le plan du rez-de-chaussée et du pre- 
mier étage de ce monument. 

L'enseignement de la Physique ! est donné dans 
trois salles distinctes : deux petits amphithéätres 
pour les leçons fermées et un grand amphithéätre 
réservé aux cours publics. Ce dernier (fig. 2), qui 


{ 1 professeur, 2 maitres de conférences, 1 chef de tra- 
vaux pratiques, 3 préparateurs. 
A'TS 


ont. nul de bois à : …n 


ysique. 


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— Institut 


1. 


12. 


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Grand'amphithéatre de l'Institut de Physique 


C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ 


peut contenir plus de deux cents auditeurs, permet | laboratoires de recherches sont installés au rez-de- 
de répondre facilement à toutes les exigences de | chaussée: en outre, de gros piliers en maçonnerie 
l’enseignement expérimental; de larges fenêtres | isolés et de fortes tablettes en ardoise, fixées dans 
latérales, distribuant abondamment la lumière, | les angles des murs, sont largement répartis dans 
peuvent être fermées par un déplacement rapide toutes les salles. 

de rideaux, de sorte que quarante secondes sufli- | Les manipulations des élèves ont lieu au pre- 
sent pour transformer cette vaste salle en une mier élage, dans un ensemble de dix-huit pelites 

UP est 2 


Fig. 4. 


chambre noire parfaite. Pour les cours publics 
du soir, une plaque diffusante formant plafond 
fournit la lumière nécessaire à l'éclairage. 

Les salles de collection sont en façade, au pre 
mier étage, dans la partie la moins humide de 
l'Institut ; un monte-charge électrique permet 
d'amener facilement les appareils à l'étage infé- 
rieur. 

En raison de la stabilité de plus en plus néces- 
saire pour les expériences de précision, tous les 


— Institut de Physique. — Plun de l'élage. — À, grand amphithéätre. — B, C, D, E, salles 
F' Ÿ, salles des préparateurs, — G 


| $ de collections. — 
Ho X, salles de manipulations. 


pièces dont la disposition permel au chef des tra- 
vaux une surveillance et un contrôle faciles. 
L'électricité est distribuée dans tout l'Institut. 
soit directement, à l’aide de deux dynamos action- 
nées par un moteur à gaz Crosley de huit chevaux 
et demi, soil par l'intermédiaire d’une batterie 
d’accumulateurs constituée par 40 éléments Tudor. 
L'aile gauche du second élage possède une ins- 
tallation complète de photographie. A signaler 
aussiles deux pavillons extrêmes de la façade, des- 


C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ 483 


. Linés à recevoir les appareils enregistreurs du ser- | une cour intérieure ; ils occupent une superficie 
vice météorologique départemental. de 4.500 mètres et peuvent recevoir plus de cent 


Fig. 5. — Instilul de Chimie. 


Fig. 6. — Façade postérieure de l'Institut de Chimie. 


chimistes. Peu de laboraloires présentent une aussi 
heureuse disposition Lant au point de vue de l’aéra- 
“ Les bäliments du nouvel Institut (fig. à à 9) sont | lion que de la distribution de la lumière. 

… distribués autour d'un vaste quadrilatère formant Deux services distincts se partagent à peu près 


Il. — Insritur DE Cuimre. 


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186 C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ 


également l'Institut :la Chimie générale !, à droite. | el la Chimie appliquée ‘, à gauche. La Chimie gé- 


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vaux, 3 préparaleurs 


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conférences, 


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nérale possède deux amphithéatres : 
dans le plus grand se donnent les 
cours préparatoires au certificat d'é- 
tudes des sciences physiques. chi- 
miques et nalurelles, dans l’autre les 
cours de licence et d’agrégation. A 
chacun d'eux sont adjointes des sal- 
les de préparation et des salles de 
recherches pour les préparateurs. 

Un grand laboratoire (fig. 10) permet de donner 
l'enseignement pratique à soixante élèves à la fois : 
il est complété par une salle de balances et un 
plein-air pour les manipulations susceptibles de 
dégager des gaz ou des vapeurs délétères. 

Trois services distincts el isolés, comprenant 
chacun un cabinet, un laboratoire et une salle de 
balances, sont réservés au professeur el aux deux 
maitres de conférences. Au milieu d’eux et égale- 
ment isolé se trouve un petit service constitué par 
un laboratoire et une salle de conférences ; c'est là 
que les candidats à l'agrégation font leurs lecons 
sous la direction d'un professeur; obligés d’ac- 
quérir une somme de connaissances théoriques 
assez considérable pour le concours si difficile de 
l'agrégation, ils viennent, à leur gré, se reposer de 
leur travail au laboratoire où ils retrouvent l’ana- 
lyse ou la préparation commencée la veille ; le voi- 
sinage des professeurs leur permet d'ailleurs 
d'avoir à chaque instant les renseignements dont 
ils ont besoin. 

Un laboratoire recevant la lumière du nord esl 
consacré aux recherches physico-chimiques exi- 
seant des températures constantes (thermochimie). 

L'ensemble du service de la Chimie générale est 
complété par des chambres noires et par des labo- 
raloires. installés au sous-sol, pour les calcinations 
et les préparalions faites à hautes températures. 

La Chimie appliquée possède un amphithéätre 
pouvant contenir cent auditeurs et une salle de 
travaux pratiques pour quarante chimistes. Des 
laboratoires techniques, avec leur outillage spécial, 
sont consacrés à la Chimie agricole, à l'Industrie 
des fermentations (brasserie, vinaigrerie, distil- 
lerie), à la préparation et à l'application des ma- 
lières colorantes (teinture, apprèls, impression), 
à l'analyse des produits alimentaires et industriels 
et à la photographie. 

Les grandes salles de la facade du premier 
sont destinées aux collections et au logement d’un 
musée de Chimie appliquée; là seront classés les 
produits qui représentent les élapes successives de 
la malière employée dans les diverses industries. 

Il manque malheureusement à ce vaste Institut 


1 { professeur, 4 chef de travaux, préparateur, 


#7 


ME la 


 C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ 487 


a ———…——.—.——.—..….…—….…—…—.—…—.——_ 


une installation électrique permettant une distri- 
bution permanente dans les divers services. Au 
moment où les recherches physico-chimiques 
prennent une place de plus en plus importante 
dans la science, où la Chimie des hautes tempé- 


_ ratures, reposant sur l'emploi de l'arc électrique, 


_ nécessite des courants puissants, où l'électrolyse 


Cl, cé  L menidl 


est à la veille de révolutionner la grande industrie 
_ chimique, où l'effluve vient de montrer une fois 
_ deplus la puissance et l'originalité de son action 


pavillon n° 1, la Zoologie !, pavillon n° 2; et la 
Botanique?, pavillon n° 3. 

La Géologie comprend un amphithéâtre et une 
salle de conférences pour l'enseignement, des la- 
boratoires de recherches pour les professeurs et 
les candidats au doctorat, deux salles de travaux 
pratiques (géologie et minéralogie) pour les can- 
didats à la licence. Ces services généraux sont 
complétés par des laboratoires particuliers pour 
l'analyse, les recherches spectroscopiques, les 


Fig. 10. — Grand laboratoire de l'Institut de Chimie. 


. dans la combinaison de l’argon, tout laboratoire 
de chimie doit avoir à sa disposition une source 
puissante d'électricité. 

Il n’y a là évidemment qu'un retard ; les pou- 
_voirs publics sauront bientôt, il faut l’espérer, 
concilier leur bonne volonté avec les difficultés 
budgétaires, et accorder les crédits suffisants pour 
celle installation, dont la nécessité s'impose. 


III. — INSTITUT DES SCIENCES NATURELLES. 


L'Institut(fig.11 à 15) est occupé par: laGéologie!, 


12 professeurs, 2 préparateurs. 
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


études microphotographiques, et par des salles 
pour le dépôt des cartes. 

Une salle est réservée dans l'Institut à la Société 
Géologique du Nord de la France; c’est là que se 
font les réunions de cette société, fondée en 1870 
par le professeur-directeur actuel M. Gosselet ; les 
travaux originaux des membres sont réunis dans 
un Bulletin spécial, bien connu des géologues. 

Les collections sont placées au premier étage, 
dans la partie ouest des bâtiments: deux vastes 


1 1 professeur, À maître de conférences, 4 chef de travaux, 
1 préparateur. 


? 1 professeur, 1 maître de conférences, 2 préparateurs. 
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Fig. 11. — Jns 


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s : Géologie, Zoologie, Botanique. 


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Fig, 13, — Laboratoire de Zoologie à l'Instilul de 


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492 


C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ 


salles sont consacrées l’une aux minéraux, l’autre 
aux fossiles, dont les collections sont fort riches, 
particulièrement celles qui se rapportent à la ré- 
gion du Nord. / 

Le laboratoire des recherches de Géologie est le 
seul laboratoire des Facultés de Lille qui se rat- 
tache à l’École des Hautes Études. 

Dans le service de la Zoologie, il faut surtout si- 
gnaler au premier étage la grande salle des tra- 
vaux pratiques (fig. 13), entièrement vitrée sur 
trois de ses faces: la lumière, qui arrive ainsi de 
tous côtés, rend particulièrement faciles les obser- 
vations microscopiques dans une ville où le ciel est 
souvent brumeux. 

Un aquarium, maintenu à température constante 
par un thermo-siphon, possède des circulations 
d'eau douce et d’eau de mer: il permet, avee la 
grenouillière et le chenil qui Pavoisinent, de four- 
air aux professeurs et aux étudiants les animaux 
de toute espèce nécessaires à leurs recherches 
ou à leurs études. En outre, les laboratoires sont 
largement dotés de tous les appareils modernes 
nécessaires à la microchimie: les élèves peuvent 
ainsi s'initier facilement à tous les procédés de re- 
cherches les plus récents. 

La Zoologie dispose, pour son enseignement, du 
Musée zoologique de la ville, installé au rez-de- 
chaussée, dans la façade ouest de l’Institut, où se 
trouve une entrée principale donnant accès au 
publie, admis à le visiter le dimanche et le jeudi. 

Au service de la Zoologie se rattache le labora- 
toire maritime du Portel, près Boulogne, fondé par 
M. le P' Hallez ; bien que l'installation n’en soit 
encore que provisoire, il possède déjà un matériel 
scientifique et un matériel de pêche assez complets. 
Chaque année, pendant la saison, de nombreux sa- 
vants français et étrangers viennent y poursuivre 
leurs recherches. Il est question de l'agrandir et 
de le transporter dans un ancien fortin déclassé, 
que le Génie céderait au Ministère de l'Instruction 
publique. 

Le laboratoire de Botanique a une entrée parti- 
culière dans la rue Malus. Au rez-de-chaussée sont 
les salles de cours etles herbiers ; au premier étage 
la partie orientale est consacrée à l'enseignement 
de la licence, la partie ouest est occupée par les 
laboratoires de recherches. Le second étage est 
affecté aux travaux pratiques du certificat et aux 

travaux photographiques. 

La grande salle des travaux pratiques de la 
licence, semblable à celle de la Zoologie, peut rece- 
voir 22 élèves admis à travailler en tout temps ; 
elle contient, en outre, la collection des pièces 
anatomiques destinées aux travaux pratiques des 
élèves et des meubles où sont exposés chaque 
semaine les objets de démonstration. 


L'une des salles d'herbiers est occupée par l’her- 
bier général, l’autre renferme les herbiers particu- 
liers, parmi lesquels il convient de citer l'herbier 
de Lestiboudois. Le professeur dispose, en outre, 
de l’herbier de Cussac et de l'herbier phanéroga- 
mique de Desmazières, conservés au Musée muni- 
cipal. 

La grande salle des collections contient les 
pièces anatomiques et les objets d'étude conservés 
dans l'alcool, la collection des germinations, une 
collection très étendue d'empreintes végélales, des 
collections de fossiles végétaux à structure con- 
servée !. Une autre salle renferme une collection 
de charbons formés par des accumulalions d'algues. 
Quelques laboratoires sont réservés à la micropho- 
tographie, à la physiologie, etc. 

Le service de la Botanique n’a pas de jardin ; 
mais ses cullures peuvent être faites au Jardin 
botanique municipal, situé dans une autre partie 
de la ville, à trois kilomètres du laboratoire. Ce 
Jardin botanique, complètement indépendant de 
l'Université, ne donne qu'imparfaitement salisfag- 
tion aux desiderata du laboratoire; il y a là une 
situation qui sera cerlainement modifiée à bref 
délai. Vu l'éloignement du Jardin botanique et la 
grande difficulté d'y installer des expériences 
physiologiques de quelque durée, les travaux du 
laboratoire sont surtoul dirigés vers l'anatomie el 
la paléontologie végétales. 


IV. — EXNSEMBLE DES SERVICES, 


La Faculté des Sciences de Lille (non compris les 
Mathématiques) occupe ainsi à elle seule une su- 
perficie de 15.000 mètres, c’est-à-dire les trois 
quarts de l’espace dont dispose la nouvelle Sor- 
bonne pour les Facultés des Lettres et des Sciences, 
l'École des Chartes, la Bibliothèque universitaire 
et l’'Adminislration académique. Tous les services 
possèdent de vastes laboraloires satisfaisant aux 
meilleures condilions d'hygiène, et la plupart 
d’entre eux sont, dès maintenant, pourvus d’un 
mobilier et d'un matériel scientifiques répondant 
aux méthodes de recherches les plus récentes et les 
plus précises. 

Par son enseignement et ses laboratoires de re. 
cherches, la Faculté assure la préparation au cer- 
lificat d'études des sciences physiques, chimiques 
et naturelles, aux grades universitaires (licence el 
doctorat) et au concours de l'agrégation. En outre, 
la chaire de Chimie appliquée, avec ses cours ap- 
propriés aux besoins industriels et agricoles du 
pays, et ses laboratoires spéciaux, permet aux 
futurs ingénieurs de recevoir une éducation tech- 


1 Toutes les collections existantes au laboratoire ont été 
rassemblées par le Professeur M. Bertrand. 


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C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ 


493 


_ nique aussi large que possible; les étudiants en 
_ Chimie appliquée sont admis à la Faculté sans 
aucun diplôme : ils peuvent se consacrer unique- 
ment aux études chimiques relevant d’une indus- 
. Lrie spéciale, mais ils sont assujettis, dans tous les 
cas, à une assiduité régulière au laboratoire. L’en- 
e seignement pratique vient d’être augmenté, cette 
} année, d’un cours de Physique industrielle; les 
k succès qui en ont marqué les débuts, montrent 
que celle création correspondait à un besoin 
… réel, et font espérer que ce cours public sera 

transformé bientôt en chaire de Physique appli- 

quée. 


à 


-etla Ville de Lille d’avoir fait trop grand, et se 
demanderont-ils avec anxiété quels sont les 
étudiants qui vont peupler ces vastes laboratoires! 
Qu'ils se rassurent : leurs craintes ne sont pas 
fondées, La ville de Lille compte actuellement 
deux cents étudiants en sciences qui assurent, dès 
maintenant, à la Faculté un recrutement suffisant; 
mais ce chiffre n’est qu’un minimum et est destiné 
à s’accroitre constamment. Une fraction assez im- 


à 
“à Peut-être quelques lecteurs accuseront-ils l'Etat 


porlante des étudiants du ressort de l’Académie 


quittent la région après les examens du baccalau- 
réat pour continuer leurs études à Paris; avec nos 
tendances actuelles de décentralisation, les futurs 
étudiants du Nord apprendront peu à peu à oublier 
_ le chemin de la capitale et à rester à Lille, où la 
- Faculté pourra, désormais, leur fournir, aussi bien 
- que la Sorbonne, les matériaux nécessaires à leurs 
… études et à leurs travaux. D’autre part, on peut 
— dire que, jusqu'à ces dernières années, il y avaiten 
…_ lrance une scission presque complète entre l’en- 
- seignement théorique et l’enseignement pratique; 
les écoles professionnelles négligent, en effet, leur 
éducation scientifique générale, tandis que les 
srandes écoles ne consacrent qu'un temps beau- 
coup trop restreint aux travaux du laboratoire. 
Les Facultés des Sciences, avec leur organisation 
_ actuelle, peuvent donner une part égale à la 
…_ théorie et à la pratique ; elles suppriment ainsi celte 
scission préjudiciable aux intérêts généraux de la 
. science, et se créent, du même coup, un privilège 
«  quileur assure un avenir certain. Au milieu de la 
…_ région industrielle et agricole la plus productive 
…—. delaFrance, cette situation privilégiée doit donner 
…. «des résultats particulièrement heureux. Les indus- 
2 


industriel. 


triels connaissent par expérience le rôle de plus 
en plus prépondérant de laScience dans l'Industrie ; 
ils se trouveront amenés naturellement à prendre 
le chemin de nos Instituts, dont les portes leur sont 
maintenant largement ouvertes. 

Si l'industrie allemande est aujourd'hui sans 
rivale dans le domaine des matières organiques, 
c'est que ses chefs se sont formés dans les labora- 
toires des Universités allemandes, et qu'ils onttous 
collaboré à quelque recherche originale avant de 
pénétrer dans leur usine. Cette supériorité tient 
d'ailleurs beaucoup plus à l'admirable organisation 
scientifique allemande qu'à la valeur incontestée 
des maitres qu’elle possède. 

La grande industrie chimique continue à vivre 
chez nous; mais les industries récentes, comme 
celles des matières colorantes, ne se développent 
qu'avec peine, et, cependant, les maitres ne man- 
quent pas en France. Les idées originales intro- 
duites en Chimie, dans ces dernières années, onl 
presque toutes germé sur le sol français : la sté- 
réochimie a été conçue par Le Bel,en même temps 
que par Van L'Hoff. Les recherches expérimentales 
de Raoult sur les abaissements des points de con- 
gélation ont élé le point de départ de la Physico- 
chimie. Moissan a ouvert des horizons nouveaux 
en créant la Chimie des hautes. températures: 
Berthelot vient de montrer en Physiologie végétale 
le rôle important de l'azote, considéré jusqu'ici 
comme un élément inactif, etc... ; mais si ces idées 
fécondes sont nées en France, c'est surtout en Alle- 
magne que les premières d’entre elles ont recu leur 
plein développement. On devine aisément quelle 
serait la production française et quel bénéfice ma- 
tériel il en résulterait pour le pays si les savants 
français, au lieu d’être entourés seulement de quel- 
ques élèves, se trouvaient fortement encadrés par 
une pléiade de jeunes chimistes, recevant l'inspi- 
ration du maitre, et destinés à porter ensuite dans 
l’industrie la méthode et l'esprit scientifiques ac- 
quis sous sa direction. 

La création des Instituts de Lille marque une phase 
importante dans le développement de notre outil- 
lage scientifique: à ce point de vue il était inté- 
ressant de la signaler à l’attention des savants et 
de tous les amis de la Science. 


GC. Matignon. 


Maitre de Conférences de Chiünie 
à la Faculté des Sciences de Lille. 


Remarque. — Tout en applaudissant à la création de ces beaux laboratoires, nous ne pouvons nous empê- 
cher d'exprimer un regret : celui de ne pas trouver, à côté des nouveaux Instituts de Lille, un Institut de 
—…._ Mécanique, comme il y en à tant en Angleterre, pourvu d'ateliers de dessin et de construction et surtout 
| destiné à l'étude expérimentale des machines. Un grand laboratoire de cette sorte serait particulièrement 
bien placé au centre même d’une région où l’exploitation minière, la grande construction mécanique, la 
lilature et le tissage requièrent tout un personnel d'ingénieurs versés dans la connaissance pratique des 
machines. Un tel Institut produirait, sans aucun doute, des élèves aptes à perfectionner ultérieurement l'outillage 


La DIRECTION, 


A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES 


LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES 


ET LA SÉCRÉTION INTERNE DE LA RATE 


Dans un précédent article, nous avons étudié la 
digestion peptique des albumines !; or, l'estomac 
est loin d'être le seul organe où se digèrent les ali- 
ments protéiques; il s'en peplonise à peu près au- 
tant dans le duodénum, gràce surtout au suc pan- 
créatique. Quelques savants vont même jusqu’à 
conférer au duodénum le premier rôle dans la 
digestion de cette catégorie d'aliments, et jusqu'à 
réduire celui de l’estomac à la simple désinfection 
des #ngesta, gràce aux propriétés microbicides du 
suc gastrique. 

Ils invoquent en faveur de leur manière de voir 
les quelques expériences où l’on a réussi à extir- 
per la presque totalité de lestomac, à réunir le 
cardia au pylore (la partie la moins active de ce 
viscère) et à conserver les animaux en vie; ou 
bien celles où l’on a pu nourrir les animaux en in- 
jectant les aliments dans le duodénum au moyen 
d'une sonde, introduite par une fistule stomacale, 
en bouchant ensuite le pylore au moyen d'un petit 
ballon de caoutchouc. Mais, chose curieuse, jamais 
on ne fait suivre ces faits de ceux qui prouvent que 
l'inverse est également possible, c'est-à-dire que 
les animaux peuvent vivre aussi s4ns pancréas ; 
sans parler des anciennes expériences, qui con- 
sistent à faire dégénérer ce viscère en l’injectant 
de 25 ou 30 cc. de paraffine, par son conduit ex- 
créteur, ni des cas où il est complètement désor- 
ganisé par un processus pathologique, tubercu- 
leux ou cancéreux, — on a, dans ces derniers temps, 
réussi, dans un grand nombre de cas, à l’ertirper 

complètement; sans doute les animaux ne vivent 
pas longtemps, mais ils meurent de la dénutrition 
qui accompagne la cachexie diabétique et non 
d'inanilion; d’ailleurs, dans les expériences de 
M. Hédon, la moitié du pancréas étant extirpée et 
l’autre transplantée dans le lissu cellulaire sous- 
cutané des parois abdominales, de facon à déver- 
ser sa sécrétion au dehors, aucune participation 
du sue pancréalique à la digestion n’est plus pos- 
et cependant ces animaux vivent et se 
portent bien, et ne deviennent diabétiques que 
lorsqu'on enlève la « greffe pancréatique ». 


sible, 


Le pouvoir digérant du suc propre du duodérum 
et de l'intestin grêle est trop insignifiant pour 
qu'on songe à lui attribuer la peptonisation d’une 
quantilé suflisante d'albumines: c'est donc bien 
dans l’estomac qu'elle a lieu. 


1 No du 15 septembre 1894. 


Il s'ensuit que la digestion stomacale et la di- 
gestion duodénale peuvent chacune, à la rigueur, 
suffire aux besoins de l'organisme, et font à peu 
près autant l’une que l’autre. . 


I 


Les faits fondamentaux relativement à la pepto- 
nisation de l’albumine par la « pancréaline », 
comme on s’exprimait il y a une trentaine d'an- 
nées, ont été constatés par Corvisart, Schiff et 
Meissner. Ces savants ont eu recours soit à des 
expériences sur le suc naturel du pancréas, soit à 
l'étude des propriétés protéolytiques d'infusions 
pancréaliques. 

Les expériences surles animaux vivants (pres- 
que toujours des chiens ou des chats) ont élé pra- 
tiquées de trois manières différentes : 

1° En établissant des fistules pancréatiques (ca- 
nule très mince, fixée dans le conduit excréteur), 
afin de recueillir directement le suc sécrété par la 
glande et d'opérer avec ce suc des digestions 
«artificielles »: cette méthode est incertaine, à 
cause de l'extrême délicatesse de l'organe, qui 
cesse bientôt de fournir un suc normal ; cependant, 
dans les cas où son application a bien réussi, 
elle a donné des résultats identiques aux deux 


‘autres. 


2° En pratiquant des fistules duodénales, ana- 
logues aux fistules slomacales dans le but d'étu- 
dier la marche de la digestion de petits cubesd'al- 
bumine coagulée dans le duodénum vivant et nor- 
mal ; il faut pour cela les enfermer dans de petits 
sachets e7 membrane Jibreuse, qui a la propriété de 
résister au suc pancréatique, sans en empêcher la 
pénétration; on à ainsi la certitude que l’albu- 
mine à bien été digérée par ce suc et non par le 
suc gastrique qui aurait dissous les sachets. La 
présence de la canule ne trouble en rien la santé 
des animaux. 

3° En emprisonnant le duodénum, après y avoir 
introduit une quantité mesurée d’albumine cuite, 
entre deux ligalures, dont l’une est placée sous 
l'anneau pylorique, et l'autre à la limite du jeju- 
num;le suc pancréatique se déverse ainsi libre- 
ment dans cette espèce de récipient vivant dont 
on peut, si l’on veut,exclure labile,ce qui n’exerce 
d’ailleurs pas de grande influence sur la digestion 
de l’albumine. Ce procédé oblige de sacrifier au 
bout de quelques heures les animaux qui ne sau- 
raient survivre, afin de constater la quantité d’al- 


A. HERZEN —- LA DIGESTION 


TRYPTIQUE DES ALBUMINES 


495 


bumine dissoute pendant le laps de temps qui s'est 


_ écoulé depuis l'opération. 


à 


A 


« 


Il est vrai qu'avec les deux dernières méthodes, 
une partie de l’albumine est digérée par le suc 
propre du duodénum ; mais ce suc à lui seul n'en 
digère que fort peu et une dose très constante, 
landis que des quantités digérées par le suc 
pancréatique sont très considérables et que son 
pouvoir digérant varie énormément selon les con- 

_ ditions de l'expérience. On peut, du reste, se débar- 
rasser de la sécrétion duodénale en pétrissant for- 
tement entre les doigts le duodénum, de façon à 

produire une ecchymose sous-muqueuse étendue, 
qui met ses éléments glandulaires hors d’aclivité ; 
mais cela n’a point de grande utilité. 

Voici les résultats fournis par l’ensemble de ces 
premières recherches : 

Corvisart observa que, chez les chiens en pleine 
digestion, le pouvoir digérant du suc pancréatique 
augmente pendant quelques temps, pour diminuer 
ensuile ; le maximum coïncide avec la huitième 
heure après le repas, le minimum est atteint entre 

_ la treizième et la quinzième heure. = 

Meissner trouva que, chez les animaux à jeun, le 
pancréas ne possède aucun pouvoir peptonisant. 

Schiff fit une nombreuse série d'expériences et 
constata qu'à jeun les pancréas de rats, de cobayes, 
de lapins, de chats et des chiens jeunes ou de 
petite taille, ne possède, en effet, aucun pouvoir 
peplonisant : l’albumine emprisonnée dans le duo- 
dénum y reste des heures entières sans se dis- 
soudre, l’'infusion du pancréas ne digère point et se 
putréfie très rapidement; au contraire, chez les 
corbeaux et chez les chiens adultes et de grande 
laille, le pancréas conserve un certain pouvoir 
digérant, même si les animaux sont à l’état de 
jeûne complet, après avoir digéré la veille un repas 
copieux ; dans ces conditions, l’infusion pancréa- 
tique d’un gros chien peut digérer 10 à 12 grammes 
d’albumine. Cet élat se maintient chez les chiens 
jusque vers la quatrième heure après le repas,.et 
c’est alors seulement que le ferment protéolytique 
se manifeste s'il n’y en avait point. ou devient rapi- 
dement abondant s’il y en avait une faible quan- 
lité; pour les chiens et pour les chats, les périodes 
du maximum et du minimum fixées par Corvisart 
sont exactes: chezles lapins et les cobayes, la dimi- 
nution commence plus tard, vers la onzième heure 
après le repas, tandis, que chez les rats, elle com- 
ménce plus tôt', Au moment du maximum, l’infu- 
Sion pancréatique d’un gros chien peut digérer 
jusqu'à 50 ou 60 grammes d’albumine. 

Il résulte, en somme, de ces premières recherches 


1 M. Somrr, Ueber die Function der Milz. Archiv. 


Ueilkunde, 1862. 
REVUE GÉNÉRALE DES SC IENCES, 


lür 


1595, 


que le pouvoir peptonisant du suc ou de l'infusion 
pancréalique n’est pas continu, mais intermittent, 
qu'il apparait régulièrement eat le culmen de 
la digestion stomacale et que, lorsqu'il est présent, 
il est très considérable, 

A cette époque l’eau de fontaine el l’eau distillée 
élaient malheureusement les seuls véhicules dont 
on se servit pour les infusions pancréatiques ; or 
ces infusions aqueuses se putréfient avec une 
grande facilité, souvent avant d’avoir achevé la 
digestion, ou même avant de l'avoir commencée : 
elles entrent en putréfaction d'autant plus vite 
qu'elles sont peu actives; celles qui ont un pouvoir 
digérant considérable se maintiennent beaucoup 
plus longtemps et digèrent une grande quantité 
d’albumine avant de donner les premiers signes de 
putréfaction. La même chose a été constatée en 
1866, par le Professeur Albini, de Naples, pour le 
suc pancréatique naturel !. Néanmoins, un certain 
nombre de physiologistes qui ont répété les expé- 
riences des trois auteurs cités plus haut, — évi- 
demment sans suivre toutes leurs prescriptions. 
— n'ont eu très souvent que des digestions nulles 
ou insignifiantes el de rapides putréfactions; quel- 
ques-uns d’entre eux ont même soutenu que le 
pancréas ne fournissait aucun ferment protéoly- 
tique et que leurs prédécesseurs avaient pris la 
putréfaction pour la digestion. Il y a 25 ans, j'ai 
dû entrer en lice encore une fois pour défendre 
la réalité de la peptonisation pancréatique ; depuis 
l'adoption du véhicule de v. Wittich et du mien 
(l'acide borique à 4 à 5 %), qui excluent complé- 
tement la putréfaction, sans empêcher la diges- 
tion, cette question est devenue oiseuse; si quel- 
qu'un s'inléressait à cette phase historique de 
nos connaissances sur la digestion pancréalique 
des albumines, je le renverrais à mon article publié 
en 1869, à llorence*?. L'emploi de la glycérine 
comme véhicule des infusions pancréatiques n'a 
pas définitivement tranché la question de la diges- 
tion copieuse de l’albumine par ces infusions. En 
1879, Lussana y revint dans son Manuel de Physio- 
logie ; tout en reconnaissant que le suc pancréa- 
tique est le suc digérant par excellence, puisqu'il 
saccharifie les amidons, émulsionne les graisses et 
peptonise les albumines, l'auteur, sans tenir 
compte des infusions glycériques, soutient encore 
la thèse de la putréfaction (pour les infüsions 
aqueuses, sans doute), et fait, en outre, les deux 
restrictions suivantes : 

1° Le réactif de Millon (nitrate nitreux de mer- 
cure), dont on se servait presque exclusivement 


1 Rendiconlo d. R. lis. 
1866. 

2 A, Herzex, Digestione dell’ 
Firenze, 1869. 


Academia d. Sc. e Nal. di Napoli 


Albumina, etc, {mparziale, 
Giornale medico,. 


11 t* 


496 


alors pour démontrer la présence des corps albu- 
mineux dans un liquide, donne, avec l'infusion 
pancréalique elle-même, la réaction caractéris- 
tique ; 

20 La glycérine à elle seule dissout une partie de 
l’albumine coagulée, que l'on croit avoir été di- 
gérée par le suc pancréatique. 

Dans un travail publié la même année à Rome, 
j'ai répondu à la première de ces restrictions qu'il 
était bien facile de distinguer la faible réaction 
offerte par l'infusion eile-même de la réaction 
énorme qui se produit lorsqu'elle a digéré de l’al- 
bumine ; quant à la seconde, j'ai entrepris une 
série d'expériences pour la contrôler; on sait que 
des cubes d’albumine coagulée se conservent indé- 
finiment dans la glycérine; si celle-ci est concen- 
trée, ils se durcissent et se racornissent: si elle 
est diluée d’une ou deux fois son volume d’eau, 
ils conservent pendant des mois entiers leur as- 
pect, leur forme et leur volume initiaux; il 
parait donc que la glycérine ne les dissout pas; 
cependant, décantée et traitée par le réactif en 
question, elle donne indubitablement la réaction 
caractéristique des corps albumineux en dissolu- 
tion; l'albumine coagulée contient doncun tel corps 
et l’abandonne à la glycérine. J'ai trouvé que l’eau 
a également la propriété d’en extraire ce corps el 
qu'une fois qu'il a été extrait par l’eau, l’albumine 
ne cède plus rien à la glycérine !. Il est bon, sans 
nul doute, dans des expériences quantitatives dé- 
licates, de commencer par laver ainsi l’albumine 
avant de s’en servir; maisje ne crois pas que cette 
précaution soil nécessaire dans des expériences 
comparalives, où il s’agit de différences massives : 
de l'absence plus ou moins totale de digestion, ou 
de la digestion de 10 à 20 ou de 20 à 40 grammes 
d'albumine., et quelquefois de 40 à 60 grammes. 

Depuis, j'ai néanmoins répété les expériences de 
Corvisart, de Schiff et de Meissner, avec de l'albu- 
mine « lavée », et elles m'ont donné exactement 
les mêmes résultats qu'avec l’albumine coagulée 
telle quelle; j'ai donc abandonné le lavage préa- 
lable de l’albumine, comme étant superflu. 

Aujourd'hui, la présence et l'abondance, dans 
les infusions pancréatiques, d’un puissant ferment 
proléolytique, du moins pendant la période diges- 
live indiquée plus haut, ne fait plus aucun doute. 

Ce ferment est actuellement désigné par le 
mot de /rypsine, el l'on appelle quelquefois les 
produits finaux de la transforinalion tryptique des 
albumines /ryplones, pour les distinguer despeptones 
qui résultent de la digestion peptique des albu- 
mines: peplones el {ryptones ne sont pas tout à fait 


1 V. pour les détails : Herzen, La glicerina e la digestione 
pancrealica. Trans. della Reale Accademia dei 
Roma, 1879. 


Lincei. 


A. HERZEN -_ LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES 


identiques. La trypsine se distingue de la pepsine 
par les caractères fonctionnels suivants : 

Elle est active dans un milieu neutre ou même 
légèrement alcalin ; une très faible acidité (1 pour 
1.000 d'HCI) n'empêche pas son activité; mais, pour 
peu qu’elle augmente, elle l’enraie de plus en plus 
et finit par l’arrèler ; le mélange neutralisé reprend 
son activité. La trypsine ne supporte pas les degrés 
énormes de dilution qui sont favorables à l’activilé 
de la pepsine et ne digère rapidement et copieuse- : 
ment qu'à la condition d'être relativement très 
concentrée ; en infusant un pancréas dans 20 à 40 
fois son volume de véhicule, l’on a à peu près la 
concentralion la plus favorable. On se souvientque 
Schiff a démontré que, dans des expériences conve- 
nablement conduites, la quantité d’albumine digé- 
rée est proportionnelle à la dose de pepsine pré- 
sente el que la pepsine se détruit en digérant; je 
ne sache pas que pareille constatation ait été faite 
par rapport à la trypsine. ; 


Il 


Nous avons vu que la trvpsine apparait en quan- 
tilé notable % heures environ après le repas; il 
semblerait qu'un changement visible dût se passer 
dans le pancréas au moment où il devient le siège 
de cette nouvelle activité; lorsqu'une glande entre 
en fonction, elle se congestionne; or le pancréas, 
pàle et anémique avant le repas, rougit et se con- 
gestionne bientôt après; il fournit alors un suc 
abondant, mais ce suc ne contient que deux de ses 
ferments, celui qui saccharitie les amidons et celui 
qui émulsionne la graisse, el ne contient pas le 
troisième; au contraire, lorsque la trypsine v 
apparait, on ne constate dans la glande aucun 
changement appréciable. Un changement corres- 
pondant se passerail-il ailleurs, dans un autre vis- 
cère? : 

Les anciens savaient déjà que la rate est tantôl 
petite, contractée el anémique, tantôt (urgescente, 
beaucoup plus volumineuse et pleine de sang; ils 
soupconnaient vaguement un rapport entre celte 
congestion splénique, qui coïncide avec le culmen 
de la digestion, et la digestion elle-même : mais 
ils pensaient que la rate contribue à la formation 
du sue gastrique: ils savaient, cependant, que 
l'extirpation de la rate u’exerce aucune influence 
sur la santé générale. 

Cuvier, en se basant sur des considérations d’a- 
nalomie comparée, a exprimé l'opinion que la rate 
pourrail bien contribuer à la formation du suc 
pancréatique, mais il ne donne aucune preuve à 
l'appui. 

Hälons-nous d’en venir aux fails posilifs. J’em- 
prunte au grand travail de Schiff les données bi- 
bliographiques suivantes : 


+ tattoo ot an) a Sd "De di de À et à 


| 
| 
| 


_ Leuret et Lassaigne, en 1825, ont constaté que 
la rate commence à se congestionner au moment 
où l'estomac déverse abondamment son chyme 
dans le duodénum et où les chylifères se remplis- 
sent. La coïncidence est bien réelle, mais il n'ya 
aucun rapport de causalité entre ces deux faits : 
si on lie le pylore bientôt après le repas, la rate se 
congestionne quand même plus tard. 

Dobson, en 1847, a constaté que, chez le chien, 
3 heures après le repas, la rate est encore aussi 
petite et aussi anémique que pendant le jeûne; 
qu'elle commence à se dilater pendant la 4° heure 
après le repas; que à heures après le repas elle 
atteint sa turgescence maximale: qu’elle diminue 
ensuite à partir de la 7° heure et atteint vers la 
12° heure son volume minimum. 

Landis, en 1847, a établi que, chez le lapin, le 
poids de la rate, relativement à celui du corps, 
est le même 2 heures après le repas qu'après 
48 heures de jeûne; qu’il augmente considérable- 
ment dès la 5° heure et reste très élevé jusqu’à 1 
12° heure. ; 

En 1855, Schônfeld, sous la direction de-Van 
Deen, a comparé le poids de la rate à celui du corps 
chez six lapins jeünants et digérants du même âge. 
Voici (tableau 1) ce qu'il a trouvé : 


Tableau I. 


HEURES POIDS RAPPORT 


AU POIDS DU CORPS 


APRÈS LE REPAS 


DE LA RATE 


.180 
.137 
138 

996 
1.062 

à 2.140 


La coïncidence de ces différentes observations 
sur le volume et sur le poids de la rate chez le 
chien et chez le lapin, avec les résultats des expé- 
riences de Schiff sur la présence de la trypsine 
dans le pancréas, est de toute évidence. 

Plusieurs autres observations ont confirmé ces 
faits. Dittmar et Vogel, en 1850, ont étudié à ce 
point de vue les changements de volume de la 
rate chez l’homme, au moyen de la percussion; 
ils ont trouvé qu’elle commence à gonfler 4 heures 
après le repas, atteint environ 2 heures plus tard 
son volume maximum et diminue ensuite peu à 
peu, pour revenir au minimum. 

Dans les nombreuses expériences que j'ai faites 
plus tard (depuis 1877) sur des chiens, j'ai 
observé quelques irrégularités dans l'apparition 
de la dilatation splénique : non pas qu’elle se 
produise jamais en dehors de la période digestive 


A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES 
EE 


= 
[de] 
1 


avec laquelle elle coïncide habituellement, mais 
elle manque quelquefois, au moment où elle 
devrait être très prononcée; j'ignore si, dans ces 
cas, une congestion faible et fugace s'élait produite 
plus tôt ou si, aucontraire, le phénomène se serait 
produit plus lard; il m'a semblé qu'il faisait défaut 
lorsque l'animal sacrifié au moment le plus favo- 
rable, à une forte congestion de la rate (1° neure 
après le repas), n'avait pas jeüné assez longtemps 
avant de recevoir le dernier repas. J'ai prié M. le 
D° Weith, de Lausanne, alors interne à l'hôpital 
cantonal (1882), de faire à ce sujet quelques 
observations sur les convalescents; il semble 
résulter de ces observations que, lorsque le pre- 
mier déjeuner du matin est très copieux, la rate 
est gonflée vers midi, heure du diner, et que, au 
contraire, si le premier repas est très léger, la 
rate ne gonfle que vers 4 heures, après le second: 
on dirait qu'après avoir une fois fonctionné, elle a 
besoin d’un certain temps pour pouvoir fonelionner 
de nouveau, et que, pour la mettre en activilé, 
il faut que le repas ait une certaine importance. 

Le synchronisme frappant qui existe entre la 
congestion de la rate et la présence de la trypsine 
dans le suc ou dans l’infusion pancréatiques a 
poussé Schiff à répéter toutes ses expériences pré- 
cédentes, relativement à la digestion tryptique des 
albumines, sur des animaux dont la rate avait éle 
extirpée depuis longtemps, ou chez lesquels elle 
était empèchée de se dilater par la ligature de son 
bile, faite au moment même de l'expérience. 
Toutes les méthodes précédemment employées 
ont élé mises en œuvre de nouveau chez un très 
grand nombre de chiens et de chats; presque 
toutes les expériences ont été doubles, c'est-à-dire 
exécutées en même temps et de la même manière 
sur deux animaux, choisis aussi semblables que 
possible, et dont l’un seulement avait la rate 
extirpée ou liée. Pour tous les détails, je renvoie 
au travail original de Schiff cité plus haut; je ne 
puis donner ici que quelques exemples typiques 
de ces différentes expériences : 


1. — Infusions. 


1° Ligature du hile splénique. — Deux chats, à jeun 
depuis 19 heures, recoivent de la viande à discré- 
tion; une heure après le repas, ils sont éthérisés, 
la rate, contractée, est sortie de l'abdomen; son 
hile est entouré d'un fil solide; chez l’un des 
animaux on lie fortement le hile; chez l’autre on 
ne serre pas le nœud, de facon à ‘laisser la cireu- 
lation splénique parfaitement libre; les deux rates 
sont replacées dans la cavité abdominale et la 
plaie est sulurée. Remis de l’éthérisation, les 
animaux n'ont pas l’air souffrant. Ils sont sacrifiés 
G heures plus tard; la digestion stomacale est plus 


195 


A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES 


avancée chez celui dont les vaisseaux spléniques 
sont liés: les deux pancréas, découpés en menus 
fragments, sont infusés chacun dans 100 centi- 
mètres cubes d’eau et tenus pendant une heure à 
l'éluve à 35°; ensuite on décante cette eau et on la 
remel à l'éluve avec des cubes d'albumine. Ré- 
sullat : en Theures l’infusion provenant du chat 
sans ligature digère 17 grammes d’albumine; 
l'autre #e digère rien, même au bout de 12 heures". 

Un grand nombre d'expériences semblables ont 
élé pratiquées sur des chats et surtout sur des 
chiens: elles ont toujours donné le mème résultat. 
Mais, malgré la perfection de la digestion stoma- 
cale, on pourrait, dans ce cas, accuser le trauma- 
tisme de l’absence de la digestion duodénale: il 
fallait donc répéter ainsi ces expériences : 

2° Extirpation de la rate. Deux chiens, dont l’un 
a subi un mois auparavant la splénectomie el se 
trouve en parfaite santé, sont opérés de la manière 
suivante, à jeun: éthérisation, ligature du pylore, 
injection de 50 grammes de peptone et 2 grammes 
de dextrine dans l’estomac par lœsophage mis à 
nu et ouvert: ligature de l’œsophage, en aval de 
l'ouverture (pour l'écoulement de la salive déglu- 
lie). Les deux animaux sont sacrifiés au bout 
de 5 heures; chaque pancréas est infusé dans 
100 grammes d'eau pendant 3/# d'heure, à l’étuve 
à 39°; bien que la mort soit survenue avant le 
moment le plus favorable, l'infusion provenant du 
chien avec rate digère en 12 heures 17 grammes 
d’albumine: celle du chien sans rate ne digère rien 
en 18 heures. 

Les nombreuses expériences faites de cette ma- 
nière ont toujours donné le même résullat; le 
chien sans rate avait souvent subi la splénectomie 
plusieurs mois avant l'expérience ; on a toujours 
eu soin de constaler sa parfaite santé. 


2, — Digestion dans le duodénum. 


1° Ligature du duodénum à ses déux bouts. — Deux 
chiens, à jeun depuis 47 heures, reçoivent de la 
viande à discrélion, et sont, immédiatement après 
le repas, opérés de la manière suivante : éthéri- 
salion, laparotomie, Higature du pylore et du con- 
duit biliaire. introduction de 30 à 40 cc. d’albu- 
mine dans le duodénum (aprèsla production d'une 
ecchymose sous-muqueuse très élendue), ligature 
à la limite du jejunum : plus, chez l’un des deux 
animaux, ligature du bhile splénique. Sacrifiés 
7 heures plus lard: dans le duodénum du chien à 
rale liée, l'albumine est intacte; elle a disparu dans 
celui de l’animal témoin. 


Des expériences de ce genre ont souvent été ré- 


Les infusions vées inactives ont été quelquefois lég 


rement acidulées | 
elardant la putréfaction. 


observer plus longtemps, 


> acélique pour pouvoir les | 


pétées, habituellement sur des animaux qui avaient 
depuis longlemps subi la splénectomie : le résultat 
a Loujours été le même. 

Il est clair qu'on peut combiner les expériences 
de ce lype avec celles du précédent; on n'a qu'à 
faire l’infusion du pancréas dès qu'on a sacrifié 
les animaux. Ces infusions ont toujours donné un 
résultat concordant avec celui que fournissait le 
duodénum ; celles qui provenaient des animaux Lé- 
moins ont digéré les doses habituelles d’albumine : 
les autres rien. On se souvient que, chez les chiens 


normaux de grande laille, Schiff a trouvé, même à 
jeun, une petite quantité de trypsine; chez les gros 


chiens dératés, il n’en a jamais lrouvé. 
2 Digestions dans le duodénum normal muni de 


| fistule. 


Comme il s'agit ici d'innombrables observations 
poursuivies pendant des semaines et des mois 
entiers sur les animaux porteurs de fistule duodé- 
nale, d'abord avant la splénectomie, el puis après 
celle opération, je préfère donner en peu de mots 
la manière de procéder qui fournit les meilleurs 
résultats, plutôt que de citer un exemple concret. 

Après avoir élabli chez un chien une fistule duo- 


dénale et avoir attendu que l'animal soit complè- 


tement revenu à l'élat normal, on introduit tous 
les jours dans son duodénum une quantité mesu- 
rée d'albumine, toujours la même, renfermée dans 
un petit sachet de membrane fibreuse, fixé à la ca- 
nule par un fil de quelques centimètres, et l’on ob- 
serve le temps que met cette dose d’albumine à se 
digérer. On arrive ainsi à élablir que, lorsque l'ani- 
mal est à jeun, elle met, par exemple, 5 à 6 heures 
à se dissoudre: si les deux ou trois dernières 
heures tombent sur celles qui suivent immédiate- 
ment l'ingestion du repas, rien n'est changé; mais, 
si on introduit l'albumine 4 heures après le repas. 
elle disparait beaucoup plus vite, en la moitié du 
temps environ. Cela élant dûment constaté par 
un grand nombre d'observations, on exlirpe la 
rale, et, après guérison complète, on recommence 
les expériences : on trouve alors que le temps em- 
ployé pour la dissolution de Falbumine est tou- 
jours de à à 6 heures, que l'animal soit à jeun ou 
en pleine digestion; l'accélération que l'on avail 
auparavant après la 4 heure de la digestion sto- 
macale, et qui coïncidail avec l'apparition de la 
trypsine dans le suc et dans l'infusion pancréa- 
tiques et avec la dilatation de la rate, manque à 
présent. La digestion len/e de l'albumine est sans 
doute due à l’action du suc propre de la muqueuse 
duodénale, tandis que sa digestion rapide est due 
à la trypsine du sue pancréatique ; celle-ci ne se 
produit pas lorsque la rate manque. 

Toute cette longue recherche, dont, je le répète. 
je #'ai cité que quelques exemples, conduit forcé- 


vise mé 


A. HERZEN — LA DIGESTION 


TRYPTIQUE DES ALBUMINES 199 


ment à la constatation du fait que, lorsque la rate 
est extirpée ou lorsqu'elle est empêchée de se dila- 
ter par la ligature de son hile (et j'ajouterai en- 
core: lorsque, spontanément, pour une raison 
quelconque, elle n'entre pas en congestion), la 
lrypsine fait défaut dans le suc et dans l’infusion 
pancréaliques pendant la phase digestive, pendant 
laquelle elle s’y trouve chez l’animal normal. En 
d'autres termes, la conclusion forcée que ce fait 
impose, c’est que non seulement la présence de la 
rate, mais sa congestion est nécessaire à la for- 
mation de la trypsine. Le pancréas d'animaux pri- 
vés de leur rate se comporte toujours (même en 
pleine digestion) comme celui d'animaux normaux 
à l’état de jeûne. 


IT 


Telest le fail. Quant à l'explication, celle que Schiff 
en a donnée, il y a plus de trente ans, ne pouvait 
ètre que très semblable à sa théorie de la pepto- 
génie; l’état des connaissances acquises à cette 
époque n'en permetlait point d'autre; pour la for- 
mation de la pepsine, Schiff avait conclu que les 
glandules de la muqueuse stomacale ont besoin, 
pour la produire, de certaines substances qui ne 
se trouvent pas toujours dans le sang, qui y 
manquent à l’état de jeûne et qui lui sont fournies 
soit par les aliments, soit par les produits de la di- 
gestion. Pour la formation de la trypsine, il con- 
clut que le pancréas la produit aux dépens d'une 
partie des subslances peplogènes; mais cette partie 
doit ou bien subir dans la rate (pendant sa conges- 
tion) une modification préalable, afin de pouvoir 
êlre utilisée par le pancréas, ou bien être modifiée 
dans le pancréas lui-même, sous l'influence d’une 
substance fournie par la rate congestionnée ; 1 penche 
pour cette dernière alternative. 

Relativement au rôle de la rate, cette explication 
est encore vraie aujourd'hui; relativement à l’ori- 
gine de la trypsine, elle ne correspond plus à nos 
connaissances actuelles; j'aiexposé, dans mon petit 
volume sur la digestion stomacale, la modification 
qu'a dù subir celle de la peptogénie !; j'exposerai 
plus loin la transformation, tout à fait analogue, 
que doit subir celle de la #ryplogénie; je ferai seule- 
ment observer ici que, quels que soient les change- 
ments devenus nécessaires dans la théorie des 
faits constatés alors par Schiff, les faits eux- 
mêmes restent absolument entiers et sont aujour- 
d'hui ce qu'ils ont toujours été, pourvu qu'on se 
place dans les mêmes conditions. Or, les condi- 
tions dans lesquelles Schiff était obligé de se ser- 
yir de la méthode des infusions (la seule que ses 
successeurs aient mise en œuvre) étaient, à certains 


? A. Herzex. La Digestion slomnacale, Paris 1886, p. 30etsuiv. 


égards, très défavorables: il n'avait à sa disposition 
que l’eau comme véhicule des infusions pancréa- 
tiques; et, la trypsine exigeant pour déployer 
toute son activité un milieu neutre ou très légère- 
ment alcalin, il était sans cesse talonné par le dan- 
ger de la putréfaction el condamné à une méthode 
expéditive, celle des infusions rapides; celles-ci 
ont cependant, à d'autres égards, des avantages 
incontestables etn’ont pas peu contribué aux deux 
grandes -et belles découvertes de Schiff dans la 
physiologie de la digestion : l'influence des pepto- 
gènes sur la production de la pepsine et l’influence 
de la rate sur celle de la trypsine. 

Cette méthode est abandonnée aujourd’hui, 
grâce aux véhicules antiseptiques qu'on possède, 
et au déplacement des problèmes actuellement à 
l'étude ; il ne faut pas oublier que la question des 
proferments n'existait pas à cette époque et que les 
infusions provisoires non seulement remplissaient 
parfaitement leur but, mais répondaient, et ré- 
pondent encore, mieux que les extractions com- 
plètes en usage aujourd’hui, aux questions qu’on 
cherchait à élucider *. 

Lorsque, il y a plus de trente ans, j'entrai 
comme assistant au laboratoire de Schiff, à Flo- 
rence, il était en train, tout en poursuivant d’autres 
recherches, de répéter les expériences sur l’in- 
fluence de la rate sur la production de la trypsine , 
de sorte que j'ai eu la chance de les voir toutes 
exécutées par lui-même à maintes reprises; il 
lenait à convaincre le nombreux auditoire d'élu- 
diants et de médecins qui se pressaient à son 
cours. Plus tard, j'ai assisté à une nouvelle répé- 
lition de ces expériences, mais cette fois avec l'em- 
ploi de la glycérine que v. Wittich venait de pro- 
poser comme véhicule des infusions digestives. 
Dans les années subséquentes, je les ai moi-même 
répétées en me servant soit de la glycérine, soit 
de mon propre véhicule, de la solution d'acide 
borique, saturée à Ia température ambiante. Elles 
ont toujours donné le même résultat, sauf quel- 
ques rares exceplions, d’ailleurs faciles à expliquer. 

Ainsi, pour moi, cette influence de la rate sur la 
digestion pancréatique, en tant que fait directe- 
ment constaté et très facilement constatable, ne 
saurait faire l’objet du moindre doute, et je ne 
puis m'empêcher d'exprimer encore une fois mon 
admiration pour la perspicacité et la persévérance 
de celui qui, malgré la méthode dont il disposait 
pour l'étude des infusions pancréaliques, a réussi 
à enrichir la science d’un fait de cette importance. 


1 Les extractions complètes offrent le danger de la transfor- 
mation « spontanée» des proferments en ferments actifs: 
c'est là la grande source d'erreur à laquelle la plupart des 
successeurs de Schiff n'ont pas échappé. Plus on prolonge l'ex- 
traction, plus aussi on égalise les extraits actifs et inactifs; 
ces derniers finissent même par l'emporter sur les premiers. 


ov0 


ÉCP AR. L'é 


A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES 


d’ailleurs suffisamment établi par les expériences 
sans infusions, dont j'ai donné des exemples plus 
haut, et qui sont à elles seules décisives. 

Cependant les physiologistes accueillirent le ré- 
sultat de Schiff avec un scepticisme complet; on ne 
s'était pas encore familiarisé avec l’idée des sécré- 
tions internes et de l'influence à distance, entre un 
organe el l'autre, qui en résulte; au lieu de répéter 
les expériences de Schiff, on fit le silence autour de 
son travail. Je ne connais que trois ou quatre ten- 
‘atives de critique à prétentions expérimentales ; 
elles n’ont aucune valeur et sont à peu près de la 
‘orce de celles qui furent adressées de différents 
cotés à ses constatations relativement à l'influence 
des peplogènes sur la production de la pepsine 
active (v. p.29,40, 41,43 de ma Ziyest. stom.). A titre 
de curiosité scientifique, je n’en citerai qu'une ici : 

En 1868, six ans après la publication du grand 
travail de Schiff, parut à Milan une critique «expé- 
rmentale » de Lussana !. L'auteur y donne une 
description incomplète de trois expériences sur 
lesquelles il se fonde pour rejeter les résultats de 
Schiff; il exlirpe la rate à trois chiens, elles sacri- 
fe ensuite pour infuser leur pancréas et étudier le 
pouvoir digérant des infusions. Elles ont digéré: 

Che. le premier chien, 15° 40 (!) d’albumine en 
% heures ; infusion acidulée; peptonisation non 
vérifiée ; 

Chez le deuxième chien, 20 centigrammes (!), 
sans indication du temps employé; infusion acidu- 
lée ; peplonisation non vérifiée ; 

Chez le troisième chien, l'infusion est divisée en 
deux moitiés, dont l’une est acidulée et l’autre 
laissée neutre; mises à l’étude pour 12 heures, 
chacune avec 1 gramme {!} d'albumine ; la moitié 
neutre ne digère rien, la moitié acidulée 25 centi- 
grammes ; peptonisalion non vérifiée. 

Les quelques centigrammes d'albumine disparus 
sont évidemment à mettre sur le compte de la dis- 
solulion microlytique de l'albumine par l'acide 
très dilué, et il serait au fond inutile de s’occuper 
davantage des deux premiers chiens, qui semblent 
parler clairement en faveur des faits constatés par 
Schiff; il est cependant intéressant de noter que le 
deuxième chien a été sacrifié 4 jours après la splé- 
nectomie el que l’autopsie a révélé chez lui «un 
processus d'enléropéritonite » : le troisième chien 
ä, il est vrai, été sacrifié 3 mois après la splé- 
nectomie, mais « son pancréas avail une couleur 
rouge foncé » et «les vaisseaux en offraient l’as- 
pect qu'ils ont à l’état d'inflammation chronique ». 
Schiff n'aurait tenu aucun compte de telles expé- 
riences ; il les aurait tout simplement considérées 
comme non avenues, à cause de l’élat pathologique 


1 Annali Universali di Medicina, Milano, 1868. 


des animaux: et c’est ce que Lussana aurait dû 
faire. 

Reste le premier chien, qui semble avoir été bien 

portant, et dont l'infusion pancréatique semble, 
en effet, avoir donné une faible trace de digestion, 
— à moins, cependant, quil ne s'agisse d’une 
simple dissolution par l'acide; c'est là une supposi- 
tion bien naturelle, attendu que ce chien a été sa- 
crifié rois heures après le repas, — de sorte que, 
s’il avait possédé la plus active des rates, il n'aurait 
pas encore eu de trypsine dans son pancréas, puis- 
qu'elle n’y apparait que 4 heures après le repas: 
son pancréas s’est comporlé comme il le devait, 
c'est-à-dire comme celui d'un chien à jeun ; l’au- 
teur a donc rendu cette expérience nulle en tuant 
l'animal quelques heures trop tôt. 
. Néanmoins, il conclut de ses malheureuses ten- 
tatives : d’abord que l’absence de la rate ne dimi- 
nue en rien le pouvoir peptonisant du suc pancréa- 
tique, attendu que, même à l’état physiologique, il 
ne digère pas davantage (!) et que, le pancréas ma- 
lade perdant sa faculté peptonisante, il est naturel 
que Schiff ne l'ait pas trouvée chez ses lapins 
dératés. 

Que dire d’une pareille critique ? Il n'y a qu'à 
s’incliner et à avouer que Schiff aurait dû faire deux 
ou trois expériences sur des chiens, ou au moins 
sur des chats, avant de conclure! Mais il est triste 
de penser que quelques méchantes petites cri- 
tiques de ce genre puissent jeter le doute sur le 
résultat de recherches poursuivies pendant de 
longues années, et faire adopter dans la littérature 
physiologique la phrase stéréolypée : « L'hypo- 
thèse de Schiff n'a pas soutenu le contrôle expéri- 
mental. » 


Si les résultats de Schiff ont jamais couru un 


danger sérieux, du moins en apparence, cela a été 
au moment de la belle découverte des proferments 
par Heidenhain et ses élèves. 

De même que la muqueuse gastrique ne forme 
pas d'emblée la pepsine aclive, mais la propepsine, 
qui s'accumule dans ses glandules entre une diges- 
tion et l’autre, le pancréas ne forme pas d'emblée 
la trypsine active, mais une substance destinée à 
devenir trypsine dans certaines condilions et dans 
une certaine phase de l'acte digestif : la pro/rypsine 
(ou zymogène pancréalique. 

Nous en savons plus long sur la transformation 
de la protrypsine en trypsine active que sur celle du 
ferment gastrique ; elle semble consister simple- 
ment en une oxydation. Les recherches de Ileiden- 
hain sont bien connues: je n'en rappellerai iei que 
l'essentiel : 

Le pancréas d’un chien à jeun ne contient point 
de trypsine, mais seulement de la protrypsine; 
son infusion (glycérique) ne digère pas. Lorsque 


A PT ET ON NT 


èé 


l'a 


A. HERZEN — LA DIGESTION 


TRYPTIQUE DES ALBUMINES »01 


le chien est en pleine digestion, l'infusion de son 
pancréas digère; elle contient de la trypsine active. 

Si l’on prend le pancréas d’un chien à jeun el 
qu'on le divise en deux moitiés, pour en infuser 
une tout de suite et l’autre seulement au bout de 
2% heures d'exposition à l’air, la première infusion 
ne digère pas, la deuxième digère (pourvu, bien 
entendu que le pancréas, au moment de la mort, 
contienne du proferment): il est clair que la pro- 
trypsine qu'il contenait s'est spontanément trans- 
formée en trypsine active. 

Or, il suffit de soumettre une infusion pancréa- 
lique riche en protrypsine et pauvre en (rypsine, 
et par conséquent inactive, ou à peu près, à un 
courant d'oxygène, pour la transformer en une 
infusion possédant un pouvoir digérant d'autant 
plus considérable que l'infusion contenait plus de 
zymogène. La transformation dont il s'agit con- 
siste donc en une oxydation : la trypsine est de la 
protrypsine oxydée !. 

J'ai souvent répété ces expériences de Heiden- 
hain, toujours avec le même résultat; j'ai, en outre, 
élé amené dans le cours de mes recherches ulté- 
rieures à conslater un fait de biochimie fort inté- 
ressant. Malgré les services incontestables que 
l'acide borique m'a rendus dans ces recherches, 
en empêchant absolument la putréfaction, sans 
ralentir la digestion, il n'a pas répondu entière- 
ment à mon espoir : il nempèche pas complète- 
ment la transformation graduelle du zymogène 
(par une lente oxydation directe); elle est seule- 
ment sensiblement ralentie par ce véhicule, sur 
lequel la glycérine concentrée l'emporte sous ce 
rapport; mais, comme le retard de la digestion 
causé par la glycérine est un inconvénient très 
grave, et qu'on est obligé de la diluer d’au moins 
deux fois son volume d'eau (ce qui permet la 
lente transformation du zymogène), j'ai voulu voir 
si le zymogène contenu dans le liquide borique 
résisterait davantage après asphyxie des animaux 
au moyen de l'inhalation d'acide carbonique ou 
d'oxyde de carbone. J'ai fait deux doubles expé- 
riences avec chacun de ces gaz : 

1° Deux chiens, l'un à jeun, l'autre en pleine 
digestion, sont tués par inhalation de CO?; le pan- 
créas du chien à jeun ne manifesta qu'une digestion 
extrêmement tardive et lente; celui du chien en 
pleine digestion offrit le pouvoir digérant habituel 
dans ces conditions; ainsi le CO? ne nuit pas à la 
trypsine et ralentit seulement l'oxydation de la 
la protrypsine. 


! Cette oxydation spontanée du zymogène pancréatique a in- 
duit en erreur plus d'un observateur; elle constitue le danger 
des longs séjours à l'étuve : à la longue, foules les infusions 
linissent par digérer, et mème celles des animaux à jeun plus 
que les autres, puisqu'elles contiennent plus de zymogène. 


2° Deux chiens, l’un à jeun, l’autre en pleine 
digestion, sont tués par inhalation de CO; le pan- 
créas du chien jeûnant ne digéra absolument rien; 
celui du chien en pleine digestion se montra, lui 
aussi, absolument inactif. 

Ou bien ces deux chiens étaient malades, et 
leur pancréas ne contenait point de zymogène, ou 
bien le CO avait détruit ferment et proferment, 
Non, car sous l'influence d’un courant d'oxygène 
(que j'ai cependant dû prendre plus abondant et 
plus prolongé que d'habitude), ces deux infusions 
acquirent un pouvoir digérant très considérable. 
Donc, le CO ne nuit pas à la protrypsine, il en 
empêche seulement l'oxydation; de plus, il réduit 
la trypsine; enfin, comme il faut, pour la recons- 
tiltuer, employer un courant d'oxygène beaucoup 
plus abondant et prolongé qu'avec les liquides 
protryptiques ordinaires, il est clair que le CO ne 
chasse pas simplement l'oxygène de la trypsine, 
mais se met à sa place : j'avais dans mes infusions 
de la protrypsine oxycarbonée. J'ai donc ainsi 
trouvé, chemin faisant, un phénomène qui est le 
pendant de ce qui se passe avec l'hémoglobine 
sous l'influence de CO. 

J'ai plusieurs fois répélé ces expériences avec 
le même résultat; mais le CO? n’offrant qu'un 
avantage insignifiant et le CO délruisant toute 
possibilité de faire les expériences comparatives 
qui étaient mon vrai but, je les ai abandonnées. 

Revenons au zymogène de Heidenhain. 

Le fait établi par cet éminent physiologiste, de 
la formation et de l'emmagasinage continus de la 
protrypsine dans le pancréas, et sa transformation 
en trypsine active pendant la phase culminante 
de la digesiion prouvait irréfutablement que 
celte substance avait une origine indépendante de 
toute influence extérieure au pancréas lui-même, 
et semblait, par conséquent, renverser tous les 
résultats de Schiff relativement à l'intervention 
de la rate. Cependant, les faits constatés par 
Schiff subsistaient quand même ; on se trouvait en 
face de deux séries de faits, en apparence contra- 
dictoires; je dis ex apparence, car les faits bien 
observés ne peuvent pas être en contradiction 
les uns.avec les autres, et, lorsqu'ils semblent 
l'être, cela vient de ce que nos théories explica- 
tives de ces faits sont fausses ou incomplètes. IL 
me sembla qu'en modifiant l'hypothèse de Schiff 
relativement à la manière dont la rate intervient 
dans la tryptogénie, ou arriverait facilement à 
concilier les faits établis par Heidenhain avec les 
faits établis par Schiff, et à montrer que, loin de 
s'exclure, ils se corroborent réciproquement. 

Sans doute, le zymogène se forme continuelle- 
ment et, par conséquent, indépendamment de la 
rate et de sa congestion périodique; il s’accumule 


502 A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES AL BUMINES 


dans les cellules glandulaires pendant le jeûne et 
se trouve en abondance dans le pancréas d’ani- 
maux privés de la rate; mais il ne se transforme 
en trypsine active qu'en présence de la rate et en 
proportion directe avec la dilatation splénique; il 
se pourrait donc que la rate produisit pendant sa 
congestion fonctionnelle une substance inconnue 
(une véritable « sécrétion interne », comme on 
s'exprime aujourd'hui), substance qu, entrainée 
par le courant sanguin, allät transformer le zymo- 
gène inerte, déposé dans le pancréas, en trypsine 
active, destinée à passer dans le suc de la glande, 
et que l’influence exercée par ce produit splénique 
sur le zymogène fül une condition sie qu& non de 
la transformation de celui-ci en trypsine, du moins 
dans le pancréas vivant, puisque, dans le pancréas 
mort, il se transforme par oxydation directe. 

Cette hypothèse était confirmée par le fait qui 
ressort des recherches de Schif et de Heidenhain, 
à savoir que le contenu du pancréas en zymogène 
est, à un moment quelconque du jeûne ou de la di- 
gestion, toujours en proportion inverse avec son 
contenu en trypsine, et vie versa, landis que son 
contenu en trypsine esten proportion directe avec 
la dilatation splénique. Le tableau IT rend la chose 
évidente : 


RE — 


reuses; au point de vue de mon but spécial, elles 
ont même constitué une série d’insuccès, bien que 
toutes aient été de brillantes confirmalions des ré- 
sultats de Schiff, et soient, à ce point de vue, fort 
instructives !. Comme j'ai plus tard considérable 
ment perfectionné la méthode et obtenu des résul- 
Lals dont la netteté ne laisse rien à désirer, il me 
paraît inutile de m’arrêter ici sur mes expériences 
de Florence, et préférable de passer fout de suite à 
celles que j'ai faites à Lausanne. Entre celles-là et 
celles-ci, j'avais constaté les qualités précieuses de 
l'acide borique au 4 à 5°}, comme véhicule des 
infusions digestives, et j'ai fait une série d'essais 
de digestion tryptique de la fibrine ; les infusions 
boriques digèrent beaucoup plus vite que les gly- 
cériques, et la fibrine cède beaucoup plus vite que 
l’albumine à l'influence de la trypsine. C’est pour- 
quoi j'ai adopté exclusivement l'usage de l'acide 
borique en solution aqueuse, saturée à 43 ou 20° C., 


et j'ai toujours conduit de front deux essais pour 


chaque liquide digérant : l'un avec la fibrine. 
l’autre avec l’albumine. Les expériences avec tri- 
turation des deux viscères ayant toujours donnéle 
même résultat que celles avec mélange de leurs 
infusions préparées séparément, je les ai abandon- 
nées, comme étant superflues. Enfin, pour avoir 


Tableau II 


MOMENT DE LA MORT CONTENU EN ZYMOGÈNE 


A jeun Maximum. 
2 ou 3 heures après le repas. Id. 

Env. 4 heures » Diminution. 
6 à Theures » Minimum, 


8 à 10 heures ) Id. 


Ausmentation. 
Maximum. 


12 à 16 heures 
24 heures 


CONTENU EN TRYPSINE DILATATION SPLÉNIQUE 


Rien ou minimum, Minimum. 
, Id. 
Commencement. 


Apparition. 
Maximum. 


Maximum. - 
Diminution. Diminution, 
Minimum ou rien. Minimum. 


d. Id, 


IV 


Quelque probable que fût mon hypothèse, il fal- 
lait en démontrer la justesse par des expériences 
directes ; je me proposai d'essayer de saisir dans la 
rate elle-même la mystérieuse substance fournie 
par sa sécrétion interne, non pas pour l'isoler chi- 
miquement (nous ne savons pas même isoler Ja 
pepsine, ni la trypsine), mais pour en constater la 
présence en la faisant agir sur du zymogène. J’en- 
trepris donc des expériences consistant soit à trilu- 
rer ensemble un morceau de pancréas inaclif avec 
un morceau de rate congestionnée, pour infuser 
ensuite ce mélange des deux organes, soit un mor- 
ceau de chacun d’eux séparément afin de voir si la 
première infusion ou le mélange des deux der- 
nières seraient actifs. 

Mes premières tentatives ne furent pas très heu- 


dans les liquides à comparer la même dose initiale 
de zymogène, j'ai toujours ajouté à la portion d'in- 
fusion pancréatique qui devait agir seule, le même 
volume de véhicule simple que celui de l’infusion 
de rate que je mélangeais à la portion destinée à 
révéler l'influence du ferment splénique. 
Plusieurs chiens ont été Lués à différentes 
époques de la digestion stomacale et leurs pan- 
créas immédiatement infusés dans environ dix fois 
leur volume de solution boriquée:; deux rates forte- 
ment congestionnées ont été infusées, l’une dans 
de l’eau distillée bouillie, l'autre dans la solution 
boriquée {je ne parle que de ces deux rates, parce 
que ce sont elles qui m'ont servi dans les exemples 
suivants). Toutes les infusions sont préparées en 


l Voir pour les détails, A. Herzen, Sulla funz. dig.d. milza 
« Imparziate ». Firenze, 1877, ou « Moleschott's Untersuchun- 
sen »,v. XIL, fase, 1. 


ÉD) dit de 


_ les tenant 16 à 18 heures à l’étuve à 40°; de cha- 
 cune des infusions pancréatiques, je mets à l'étuve 
huit échantillons (quatre pour la fibrine et quatre 
pour l’albumine) dilués ainsi : 

No 1, avec deux fois son volume d’eau distillée bouillie. 
NP:2, Nr — de solution boriquée. 


No 3, — — — d’infusion boriquée de rate. 
No 4 — — — d’infusi 
No #4, infusion aqueuse de rate. 


_ J'observe les progrès de la digestion au bout de 
. L'heure, 3 heures, 6 heures et 24 heures; les deux 
. premières observations sont les plus importantes, 
. surtout pour la fibrine qui se digère très vile, les 
deux dernières le sont surtout pour l’albumine 
qui se digère très lentement. J'ai complètement 


A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES 503 


l. Infusion pancréalique presque inactive. 


DIGESTIONS AU BOUT DE 


A — 
1 heure 3 heures 6 heures 24 heures 


ï 6 10 


(Ne «| 0 
MD ne NUS 0 (l 1 1 
Fibrine., [Re 3- i 8 10 
No xs 1 10 
"5 ae (l (0 (l 2 
. No:9:;: (0 0 0 0 
Alt e & 
Albumine No 0 i s 5 
No’. (0 2 5 8 


2. Infusion pancréalique presque inactive. 
DIGESTIONS AU BOUT DE 
D — 
1 heure 3 heures 6 heures 24 heures 


ce { \o ñ 1 
Ne renoncé aux réactions chimiques sur les produits | Fibrine.. | Ÿ < ù Ê 1 
# de la digestion, ainsi qu'aux pesages des restes PÈRE 5 10 
. d’albumine ou de fibrine, soumis à l’essiccation; N° 1. 0 (D 0 1 
avec un peu d'habitude on estime très exactement | Albumine À Ê° 5: ÿ À £ 
à l'œil nu pour la fibrine, avee une loupe pour No 4. 0 3 6 8 
F# F3 F'la2 

10 

9 
- & 
| 7 A4 

6 

2 4 A3. 

# il 
| 3 

2. «A1 

à 1 2 

0 

Re 6” 127 24° 

% Fig. 1. — A signifie albumine et F fibrine. N° 1, infusion boriquée de pancréas, plus deux volumes d’eau; 


No 2, la même, plus deux volumes d'acide horique au #4 à 5 °/,; N°3, la mème, plus deux volumes d’infu- 
sion boriquée de rate congestionnée; N° 4, la même, plus deux volumes d'infusion aqueuse de la même 


> rate. À gauche, sont les dixièmes de la dose habituelle d'albumine ou de fibrine; en bas, les heures 1, 


l’albumine (en cas de doute) la marche et l’éner- 
gie de la digestion. Comme je prends toujours la 
même quantité de liquide digérant et de subs- 
tances à digérer, toutes mes expériences sont 
comparables entre elles, et je puis indiquer en 
- dixièmes de la quantité initiale de fibrine ou d'al- 
. bumine celle qui, au moment de l'observation, a 
été digérée ; cela n’est sans doute qu'une indica- 
tion approximative; mais les différences dont il 
s’agit sont tellement grandes que cela suflit; au 
fond, nous n'avons besoin que de savoir si tel ou 
lel liquide digère vite et beaucoup, peu et lente- 
ment, ou pas du tout. 

Cela dit, voici deux exemples de mes expé- 
viences :" 


"date lt Et ht 


- ! On en trouvera un certain nombre dans le travail que j’ai 
publié, en 1883, dans le vol. XXX des Archives de Pflüger. 


Dans ces deux expériences, l'énorme laccéléra- 
tion de la digestion de la fibrine sous l'influence 
des deux infusions spléniques est de toute évi- 
dence; quant à l’albumine, elle n’est digérée d’une 
facon tant soit peu appréciable que sous cette in- 
fluence ; comme c’est le n° 4 qui digère le plus, 
on pourrait ètre tenté d'attribuer son action à là 
neutralisation de l'infusion pancréatique borique - 
par l'infusion splénique aqueuse ; à ce soupçon, le 
n°3 constitue une réponse suffisante: en outre, 
lorsqu'il y a de la trypsine active dans le pancréas, 
l'acide borique ne retarde la digestion que fort 
peuet pas toujours: il l’accélère même quelque- 


1 La seule indication qui ne soit pas absolument exacte 
ici, c’est celle du moment où foute la substance à digérer 
disparait; il est probable, par exemple, que le No 3 avait 
tout dissous au bout de 7 ou 8 heures et le N° # au bout di 
4 ou 5 heures. Mais c'est le commencement qui importe et 
non la fin. 


504 A. HERZEN 


fois, sans qu'il m'ait été possible de déterminer les 
fait; enfin, j'ai ob- 
résullals avec 
faites 


conditions dans lesquelles il le 
des 
avec 


tenu exactement les mêmes 
infusions pancréaliques el spléniques 
de la glycérine neutre. 

Dans quelques-unes de mes expériences, la di- 
gestion par le mélange des deux infusions à été 
encore beaucoup plus rapide; j'ai quelquefois vu 
disparaitre toute la dose habituelle de fibrine au 
bout de la première heure: quelquefois j'ai, dans 
ce cas, ajouté une nouvelle dose de fibrine, et je 
lai souvent vue 
troisième heure: 
alors, elle aussi, plus rapide, mais elle a rarement 
totalité, mème au bout de 


disparaitre à son tour avant la 
la digestion de l'albumine était 
élé dissoute dans sa 
24 heures. 

La figure 1 représente graphiquement la marche 
habituelle, moyenne, d'une telle expérience. 


LA DIGESTION TRYPTIQUE 


DES ALBUMINES 


ou d'animaux en pleine digestion) exercent sur les 
infusions pancréaliques peu ou point actives, la 
mème influence que les infusions de rates conges- 
tionnées et dilalées, mais à un bien moindre degré, 
si bien que quelquefois elle est inappréciable. J'ai 
aussi trouvé quelques irrégularités dans le pan- 
présence d’une certaine quantité de lryp- 
sine alors qu’il ne devait pas y en avoir; ce sont 
les cas ou le repas PESSQens n'a pas élé assez 
copieux et où le pancréas n’a pas expulsé toute la 
trypsine qu'il a produite; c’est contre de telles 
irrégularités qu'on se prémunit au moyen d’un 
repas préparatoire très abondant. 
Il serail dificile d'obtenir une 
riences plus concordantes entre 
dant, en outre, plus parfaitement, aussi bien avec 
celles de Schiff qu'avec celles de Heidenhain. Je 
me crois donc autorisé à conclure que : Dans le 


créas : 


série d’expé- 
elles, et concor- 


Fig. 2. Digestion par le mélange de deux infusions. 


Fibrine, 3 heures d'étuve. 


et 4. Quantité primilive, conservée dans l'alcool. 


&œt 


conservé dans l'alcool. 

La figure 2 
flacons d'une expérience semblable; le volume 
réel du liquide digérant est, en proportion avec la 
masse à digérer, deux fois plus considérable que 
celui de l'alcool dans cette figure. 

L'infusion pancréalique provenant d'un animal 
en pleine digestion (six à sept heures après le 
repas) fait ordinairement à peu près ce que font 
dans cet exemple les numéros 38 el 6, et souvent 
bien plus encore. 

Le nombre total de mes expériences dépassail 
de beaucoup celui des exemples que j'ai publiés en 
1883 ; je 


elles ne 


les ai souvent répélées depuis, et jamais 


m'ont fait faux bond, — sauf, naturelle- 
ment, les cas, peu fréquents d'ailleurs, où la con- 
gestion de la rate ne se produit pas, el qui on 
utilité; en effet, les infusions de 


rates contractées et anémiques (d'animaux jeünant 


aussi leur grande 


représente fidèlement l'uspet des 


Atbumine, 12 heures d’étuve. 


et 5. Reste laissé par l’infusion pancréalique seule, rincé et conservé dans l'alcool. 
et 6. Reste laissé par le mélange des infusions du même pancréas el d'une rate congeslionnée, rincé et 


pancréas vivant, lu protrypsine se transforme en t'yp- 
sine active sous l'influence d'une substance qui se pro- 
duit dans la rate, en quantité proportionnelle à l'inten- 
silé de sa congestion. 

J'ai exposé, au Congrès des Médecins allemands, 
tenu à Strasbourg en 1886, quelques flacons sem- 
blables à ceux qui sont figurés plus haut ; les phy- 
siologistes qui les ont examinés ont lous reconnu 
que les différences entre les restes laissés par les 
infusions pancréaliques seules et le mélange des 
infusions pancréalique el splénique, sautaient aux 
yeux ; un des physiologistes les plus éminents 
d'Allemagne me fit à ce sujet, dans une conversa- 
tion particulière, une objection qui me fit des- 
cendre l'âme dans le talon, comme on dit en russe : 
zymogène pancréalique est 
« très avide d'oxygène: d'autre part, la rate con- 
« lient beaucoup de sang, et, notamment pendant 


« Vous savez que le 


E 
Ÿ 


« sa dilatation, elle en est gorgée; vos infusions 
« spléniques sont intensément colorées d'hémoglo- 
« bine dissoute ; dès lors, l'accélération incontes- 
« table et considérable de la digestion que vous 
« obtenez en les mélangeant à des liquides pro- 
« tryptiques, pourrait s'expliquer tout simplement 
« par la rapide oxydation du zymogène aux 
« dépens de l’hémoglobine. » : 

Bien que celte objection n’atteignit en aucune 
facon les expériences si nombreuses el si variées 
de Schiff, et bien que j'eusse à lui opposer des 
arguments de probabilité, tels que la vénosilé bien 
connue du sang contenu dans la rate, l'identité des 
résultats obtenus après asphyxie par CO?, et même 
par CO, elle ne laissa pas que de m'embarrasser 
fortement ; elle méritait, en tout cas, une mise à 
l'épreuve expérimentale directe; aussi m'empres- 
sai-je, dès mon retour à Lausanne, d'exécuter l'ex- 
périence suivante : 

Le pancréas d'un chien normal, à jeun, est in- 
fusé dans de la glycérine pure; cette infusion, une 
fois prête à être examinée, est divisée en huit par- 
lies égales: ces huit portions sont mélangées à 
huit échantillons de sang reeu directement dans 
un volume double de glycérine et dont quatre pro- 
venaient d'un autre chien à jeun, el quatre d'un 
chien en pleine digestion, avec une rate fortement 
dilatée. Les quatre échantillons furent pris, pour 
chaque animal, de l'artère et de la veine fémorales, 
et de l'artère et d’une grosse veine spléniques ; les 
huit flacons sont mis à l'étuve à 40° avec la dose 
habituelle de fibrine. 


Il est évident que le sang artériel, fémoral et |! 


Splénique des deux animaux contenait plus d’oxy- 
hémoglobine que leur sang veineux; il devait done, 
d’après l'objection de mon collègue, exercer sur le 
zymogène une influence puissante et égale; au 
contraire, d’après mon explication, c’est le sang 
veineux splénique qui devait seul exercer cette 
influence, et surtout celui de l’animal digérant. 

Voici le résultat de l'expérience : 

Au bout d’une heure de digestion, il n’y avail 
encore aucune {race visible de digestion sous l'in- 
fluence du sang fémoral, artériel ou veineux, ni du 
sang splénique artériel du chien jeunant; pre- 
mières traces de digestion sous l'influence du sang 
splénique veineux de cet animal; digeslion assez 
avancée sous l'influence du sang fémoral, artériel 
ou veineux, et du sang splénique artériel du chien 
digérant ; fibrine presque entièrement disparue sous 
l'influence du sang splénique veineux de l’animal 
digérant !. 

La réponse ne saurait être plus claire: le produit 
de la sécrétion interne de la rate, celui du moins 


1 Voir Semaine Médicale 1887. 


A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES 


205 
qui concerne la rapide transformation de la pro- 
trypsine en trypsine active, esl entrainé par le cou- 
rant sanguin; il se trouve dans le sang de la cireu- 
lation générale en quantité appréciable, mais faible 
pendant la dilatation de la rate, pendant laquelle 
il est abondant dans le sang splénique veineux: 
lorsque la rate est contractée, il y en a des traces 
dans le sang splénique veineux seulement. 

Cette expérience, plusieurs fois répélée, m'a 
toujours donné le même résultat. Ce n’est donc pas 
le sang comme tel qui favorise la transformation 
du zymogène pancréatique en -trypsine; c’est le 
sang en lant que véhicule de la substance inconnue 
qui jouit de cette propriété et qu'il puise dans la 
rale. 

Je ferai observer, en conclusion, que cette fonc- 
lion digestive de la rate n'exclut nullement les 
fonctions hématopoïétiques que la plupart des 
physiologistes lui attribuent : elle pourrait bien, 
au contraire, être intimement reliée à ces fonctions. 

Jusqu'à présent, je n'ai pas rencontré, dans la 
littérature physiologique, de critique sérieuse des 
recherches que je viens d'exposer succinctement ; 
je n'ai vu que deux ou trois courtes allusions dubi- 
latives, sans faits à l'appui, ou avec une seule 
observalion, défectueuse el dénuée de toute va- 
leur ; à deux de ces allusions j'ai répondu en 1893 
et 4894 !: il est inutile d'yrevenirici. Mais en voici 
une nouvelle : Dans le n° d'avril 1895 des Archives 
de Physiologie, MM. Carvallo et Pachon relatent une 
très intéressante expérience qu'ils ont faite sur un 
chat : ils ont réussi à extirpercomplètement l'esto- 
mac età suturer l'æœsophage au duodénum ; l'ani- 
mal a guéri et se porte bien, ilestseulement un peu 
délicat quant à la qualité des aliments; loutes les 
albumines dont son organisme a besoin sont donc 
digérées presqueexelusivement par le suc pancréa- 
tique (en petite partie, sans doute, aussi par le suc 
brunnerien et entérique). Les auteurs se proposent 
de pratiquer chez ce chat l'extirpation de la rate, 
et croient que cela constituera un « experimentum 
crucis » pour ou contre les résultats de Schiff et les 
miens : pour, peut-être ; mais contre certainement 
pas ; car c'est une de ces expériences qui sont déei- 
sives en cas de résultat positif, mais quine prouvent 
rien en cas de résultat négalif; en effet, l'alterna- 
tive est celle-ci :'’ou bien, après la splénectomie, 
le chat mourra d'inanition, ou bien il survivra el 
continuera tant bien que mal à se nourrir ; dans le 
premier cas il sera prouvé une fois de plus, et par 
une nouvelle méthode, qu’en l'absence de la rate, 
le pancréas ne digère pas les albumines; dans le se- 
cond cas, les microbes, que les auteurs font inter- 


RE  — 

1 Rate et Pancréas, C. R. des séances de la Sociélé de 
Biologie, S. du 29, 7,93. Le Jeüne, le Pancréas et la Rate, 
Archives de Physiologie, n° de janvier 1894. 


506 


venir pour une si large part dans les expériences 
faites avec des infusions, et qui seront plus abon- 
dants que jamais dans l'intestin de leur chat, pour- 
ront donner libre cours à leur action protéoclaste, 
et, aidés des sues intestinaux, ils réussiront peut- 
être à conjurer une inanition rapide, ce qui ne prou- 
vera absolument rien contre l'absence de trypsine. 
D'ailleurs, ni Schiff, ni moi, nous n'avons jamais 
prétendu que le zymogène se transforme en tryp- 
sine exclusivementsous l'influence du fermentsplé- 
nique, et l’on sait qu'il se transforme peu à peu 
« spontanément », dans le pancréas abandonné au 
contact de l'air, rapidement dans les infusions 
aqueuses et lentement danslesinfusions boriquées; 
il suffit peut-être que le pancréas, surchargé de 
zymogène, en déversàl une partie dans l'intestin, 
avec les autres constituants de son suc, pourqu'il 
s'y transformät en trypsine; cela n’est cependant 
guère probable, car rien de pareil ne s’est produit 
dans les expériences de Schiff au moyen de fistules 
duodénales et dans le duodénum converti en réci- 
pient passif chez ses chiens dératés. 

Quant aux microbes, leur ingérence élail assuré- 
ment très dangereuse à l’époque où l’on se servait 
de l'eau comme véhicule des infusions:;: je la crois 
insignifiante ou nulle dans les infusions glycériques 
etboriquées ; je les ai souvent conservées avec des 


restes non digérés au fond, des semaines et des mois | 


y 


LE SOUDAN FRANÇAIS 


entiers, sans y constater la moindre trace de putré- 
faction ; elles finissent seulement, si elles sont mal 
bouchées, par se couvrir, à la longue, d’une couche 
de moisissure. Ne serait-il pas fort curieux, d’ail- 
leurs, que les microbes s’'introduisissent seule- 
ment dans les flacons contenant des infusions pan- 
créatiques aclives ou des mélanges d’infusions 
spléno-pancréatiques, et point dans ceux qui con- 
tiennent des liquides protryptiques inactifs ? 

Tout cela ressemble, à s'y méprendre, à un retour 
du spectre de la putréfaction, sous le nom plus 
moderne d'influence des microbes. On oublie seu- 
lement une chose : c’est que le suc et les infusions 
pancréatiques aqueuses se putréfient d’autant plus 
facilement et rapidement qu'ils sont moins actifs. 

La méthode des infusions mélangées est la seule 
qui puisse résoudre définilivement la question 
dont nous nous sommes occupé, et, à mon avis, 
elle l’a résolue. Le liquide protryptique seul ne 
digère pas, ou très tardivement et lentement; l’ex- 
trait splénique ne digère absolument rien; le mé- 
lange des deux digère vite et beaucoup; voilà le 
fait. On ne veut pas de notre explication. Qu'on en 
fournisse donc une meilleure, et nous serons, 
Schiff et moi, les premiers à la reconnaitre. 


A. Herzen, 


Professeur de Physiologie 
à lUniversité de Lausanne, 


QUESTIONS 


D'AFRIQUE 


LE SOUDAN FRANCAIS 


On discute beaucoup en ce moment du Soudan 
et à propos du Soudan. Le régime militaire et le 
régime civil auxquels notre colonie a été successi- 
vement soumise trouvent d'ardents défenseurs, De 
là des polémiques plus ou moins passionnées qui, 
comme toutes les polémiques, dépassent souvent 
leur but. On nous permettra peut-être d'apporter, 
au milieu de ces divergences de vues, la note posi- 
tive à laquelle sont habitués les lecteurs de la Æe- 
Vue. 

Le Soudan (fig. 1, p. 509) n’est pas de ces heu- 
reuses colonies qui n’ont pas d'histoire : il en a 
une, glorieuse, très glorieuse même, où tous les 
corps de la marine ont prouvé à nouveau, par 
nombre d'actions d'éclat, leur vaillance, leur en- 
durance el leur héroïsme. Officiers et soldats, tous 
ont accompli leur devoir avec l'énergie et le dé- 
vouement qui caractérisent les lroupes francaises. 
Au début de cette étude, c’est un hommage que 
nous nous empressons de leur rendre, précisé- 


ment parce que nous serons amené à discuter de 
très près la valeur de l’œuvre-matérielle qu'ils ont 
accomplie. 


I. — Du SÉNÉGAL AU NIGER. 


Ce qui déconcerte, en effet, quand on étudie la 
marche de nos affaires en Afrique occidentale, c’est 
la comparaison entre le programme inilal et le {ra- 
vail réalisé. 

De quoi s’agissait-il tout d’abord? De joindre 
l'Atlantique au Soudan central par une voie ferrée. 
On était en 1879, au moment où l'on discutait les 
tracés du chemin de fer transsaharien, et les 
Sénégalais, le brave général Faidherbe en tête, 
opposaient au chemin de fer parlant du Sud- 
algérien une ligne ayant le Sénégal comme point 
de départ. Comme il arrive souvent en France 
quand deux solutions sont présentées pour un 
seul problème, on mit tout le monde d’accord 
en acceptant le principe des deux voies de pé- 


PP RP CURE QT 


nt Le 


- nélralion. Le colonel Flatters partit d'Algérie et 
périt misérablement au cours de son second 
voyage d'exploration : son désastre amena l’ajour- 
nement indéfini des projets de transsaharien, re- 

. pris depuis avec une louable persévérance, mais il 

faut l'avouer, sans beaucoup de chances de succès, 

Ë Du côté du Sénégal, on ne rencontra pas au 

- début les mêmes diflicultés. On put reconnaître 

3 topographiquement les territoires à traverser jus- 

- qu'au Niger, et dresser un avant-projet de voie de 

4 pénétration. Cette voie devait être mi-ferrée, mi- 
fluviale. De Dakar. notre grand port sur l'Allan- 
tique, un chemin-de fer, aboutissant à Saint-Louis 

… (263 kilomètres), permettait d'éviter les inconvé- 

- nien{s de la barre du Sénégal. De Saint-Louis à 

… Kayes, le fleuve Sénégal, quoique n'étant navigable 

- que pendant quelques mois, présentait des facilités 
de transports suffisantes pour ajourner la construc- 
lion d’une voie ferrée de 500 à 900 kilomètres sui- 
vant qu’on eût coupé au plus court à travers le 
désert de Ferlo ou qu'on eût suivi le cours du Sé- 
négal. À partir de Kayes, par un second chemin 

. de fer de 550 kilomètres environ, on pouvait at- 

- teindre le Niger à Bammako, c’est-à-dire près du 

_ point où le grand fleuve africain commence à 

| être navigable. 

Le programme se résumait ainsi dans la cons- 
truction de 800 kilomètres de chemin de fer, qui 

- ouvriraient au commerce français tout le Soudan 
occidental. 

- Le Parlement se rendit avec réserve aux raisons 

qui lui furent présentées. À partir de l’année 1880, 

- il vota des crédits assez importants en vue de 

- commencer la ligne de Kayes au Niger, que l’on 

- S'accordait à juger assez facile à établir, d’après 
les reconnaissances faites en 1879-1880 par diverses 

- missions topographiques. Seulement, l'expansion 
de la colonie du Sénégal vers le Niger ne conserva 
pas le caractère pacifique qu'on s'était plu à lui 
attribuer tout d'abord. Aussi, le Parlement, après 

- avoir voté les crédits aflérents à la première sec- 
tion de la ligne, — celle de Kayes à Bafoulabé, — 
se montra réfractaire à pousser une expérience 
qui lui parut devoir être fort onéreuse pour ses 
linances métropolitaines. Il ne faut pas oublier 
qu à ce moment, la France était engagée un peu 

- partout : au Tonkin, à Madagascar surtout, et que 

- les affaires du Soudan devaient alors être menées 

- avec la plus extrême prudence. On regrettera 

i peut-être qu'il n'en ait pas toujours été ainsi. 


II. — LA QUESTION TOUCOULEURE, 


Il n'est pas difficile de montrer les origines des 

» résistances du Parlement. 
OUnconnail El Hadj Omar, le prophète toucouleur, 
né au Sénégal, près du poste de Podor, vers 1840, 


LE SOUDAN FRAN(AIS 507 


el qui, après des guerres fort sanglantes, s'élail 
créé un vaste empire dans le Haut-Sénégal et dans 
le Moyen-Niger. 

EL Hadj Omar échoua dans ses entreprises contre 
le Sénégal, fut battu par Faidherbe, et ne put ainsi 
rallacher à ses possessions les provinces toucou- 
leures du Bas fleuve, celles où il avait vu le jour. 
Par contre il imposa sa domination aux popula- 
tions du Moyen-Niger, depuis les contreforts du 
Fouta Djallon jusqu'aux abords de Tombouctou. 
Sil ne conserva pas Tombouctou, qui échappa à 
son influence après sa défaite, près du marigot de 
Goundam, par les Touareg, par contre, il réussit à 
s'implanter dans le Macina. Et, bien que les Peulhs 
de ce pays, dépossédés par El Hadj Omar, aient 
fini par tuer leur vainqueur, les Toucouleurs se 
maintinrent dans le Macina grâce à l'appui des 
Habés, population d'humeur indépendante, puis- 
sante dans la région et que El Hadj Omar avait, en 
somme, délivrée de la tutelle des Peuhls. 

L'empire toucouleur ne survécut pas à son fon- 
dateur, en tant qu'empire unitaire, Mais les pays 
conquis restèrent sous la domination de la famille 
d'El HadjOmar. Trois des fils du conquérant furent 
rois. Ahmadou eut la plus belle part : le Haut-Séné- 
gal (avec les places fortes de Nioro dans le Kaarta. 
de Goubanko dans le pays de Kita, de Koundian 
dans la vallée du Bafing) et le Moyen-Niger avec 
Ségou. 

A Tidiani, échut le royaume du Macina. Agui- 
bou reçut en partage le pays de Dinguiray entre 
le Haut-Sénégal et le Haut-Niger. 

Les fils d'El Hadj Omar et les chefs toucouleurs 
se rappelaient les lultes soutenues contre les Fran- 
çais du Sénégal. En vingt-cinq ans, on n'oublie pas 
des défaites retentissantes. Aussi, quand, en 1880, 
nousrésolimes de nous avancer du Bas-Sénégal vers 
le Niger, nous nous trouvämes en face de la puis- 
sance toucouleure.Ily avait à résoudre une question 
toucouleure. Voyons comment elle fut résolue. 

Une mission toute pacifique, confiée au capi- 
taine Galliéni, partit du Sénégal à la fin du mois 
de janvier 1880. Elle passa à Bafoulabé, à 130 ki- 
lomètres de Médine, où l’on construisait un nouveau 
poste sur k ligne de Kayes-Médine au Niger: elle 
constata l'hostilité de la place forte toucouleure de 
Goubanko, voisine du village malinké de Kita, 
avec lequel elle signa un trailé de protectorat, et 
elle arriva au commencement du mois de mai dans 
le pays bambara du Bélédougou. Jusque-là le 
voyage s’élail fait sans encombre : il n’en fut plus 
de même quand la mission s’approcha du Niger. 
Le 41 mai, à deux jours de marche de Bammako. la 
petite troupe du capitaine Galliéni fut assaillie par 
les Bambaras : elle eut 15 tués, 16 blessés et 7 dis- 
parus. Les assaillants furent toutefois repoussés, 


508 


et le capitaine Galliéni, précipilant sa marche, 
put rejoindre le lendemain, à Bammako, deux 
sections secondaires de sa mission qui avaient 
exploré d’autres routes. 

L'avertissement élait sérieux. Néanmoins le 
capitaine Galliéni, n’écoulant que son courage, sui- 
vant d’ailleurs ses instructions, traversa le Niger et 
se dirigea vers Ségou où résidait Ahmadou, le prin- 
cipal chef des Toucouleurs. Or, Ahmadou recul la 
nouvelle mission française comme il avait reçu, 
en 1864, la mission du lieutenant de vaisseau 
Mage que Faidherbe lui avait envoyée: pendant 
neuf mois, du 1° juin 1880 au 1° mars 1881, le capi- 
taine Galliéni et ses compagnons furent en quelque 
sorte internés à Nango, à 40 kilomètres à l’ouest de 
Ségou. Aux avances qui lui furent faites, Ahmadou 
répondit par des fins de non-recevoir jusqu'au jour 
où il prit peur en apprenant la marche en avant 
d'une colonne française. 

Le lieutenant-colonel Borgnis-Desbordes, de 
l'artillerie de marine, nommé commandant supé- 
rieur du Haut-Sénégal, à la fin de l’année 1880, 
avait formé une colonne de 83#hommes, dont 424 
combattants, afin d'assurer le libre parcours sur la 
ligne de Kayes au Niger. Il se proposait de cons- 
truire un poste à Kila, à 300 kilomètres de Kayes, 
à 180 kilomètres environ de Bafoulabé, et à 
200 kilomètres à peu près du Niger navigable. 
Kita était peuplé de Malinkés hostiles aux 
Toucouleurs de Goubanko. C’est même pour cela 
que les chefs de la vilie avaient traité avec le 
capitaine Galliéni quelques mois auparavant, cer- 
tains ainsi d'être protégés contre les Toucouleurs 
qui les avaient asservis depuis une trentaine d’an- 
nées. 

Le colonel Borgnis-Desbordesfitconstruire un fort 
à Kita,et, pendant quele personnel non combattant 
procédait à cette édification, il partit en colonne 
contre Goubanko, qui témoignait toujours de son 
hostilité. Après un bombardement de quatre 
heures, l'assaut fut donné: la ville fut prise après 
une lutte acharnée qui nous coùla des pertes sen- 
sibles. Cela se passait le 7 février 1881. 

L'événement eut un retentissement énorme dans 
tout le Soudan. Les Toucouleurs de Ségou, en ap- 
prenant la destruction de Goubanko, demandèrent 
à Ahmadou de mettre à mort la mission Galliéni. 
Mais le sultan savait que c'était provoquer la 
marche d'une colonne francaise sur Ségou : il pré- 
féra signer le traité d'amitié que lui proposait le 
capilaine Galliéni. Le 1% mars 1881, l'accord était 
conclu; vingl jours après, la mission pouvait quitter 
les États d’'Ahmadou. et l’on put penser alors que la 
pénétralion vers le Niger allait pouvoir dorénavant 
s'effectuer quand survinrent de 
nouveaux ei graves évènements. 


pacifiquement, 


| 


LE SOUDAN FRANCAIS 


—_—_—_—_—_—_—_—_———…——…—…—…—…—…"…"—…"…"…—"—"—"…"—"—"…"—"—"—"…"—"—"—"— — ——— ————— 


III. — PREMIÈRE GUERRE CONTRE SAMORY. 


Depuis plusieurs années un nouvel El Hadj Omar 
terrorisait la rive droite du Haut-Niger: c’était 


Samory, un Malinké, d'abord marchand, puis petit. 


chef de guerre, qui était parvenu, en quelques 
années à se tailler un vaste royaume tout autour de 
Bissandougou, le centre du pays de Ouassoulou. 
Samory est un conquérant soudanais qui, quand 
il est vainqueur, brûle les villages, tue les hommes 
âgés, prend les jeunes gens pour en faire des 
guerriers, emmène les adultes etles femmes pour 
en faire des esclaves. En 1881, Samory opérail 
dans le nord de ses États, etses bandes de sofas as- 
siégaient la ville de Kéniéra, située à 40 kilome- 
tres de Siguiri, à 200 kilomètres au sud de Kita. 
Les indigènes effrayés craignaient une invasion 
de Samory dans le Haut-Sénégal. Ils demandèrent 
qu'on surveillät les agissements du chef malinké 
et qu'au besoin on protégeàt les gens de Kéniéra. 
C’est dans ces conditions que le commandant supé- 
rieur, par intérim, envoya en mission auprès de 
Samory le lieutenant indigène Alakamessa. C'était 
une mission évidemment pacifique : on demandait 
à Samory d’épargner Kéniéra. Le conquérant, 
qu'Alakamessa dut aller trouver loin du Niger, à 
Galaba, prit la démarche comme un ordre d’avoir 
abandonner ses projets de conquête. Alakamessa, 
menacé de mort, revint à grand'peine à Kayes. 
C'était incontestablement une grave injure in- 
figée au prestige de l'autorité militaire française. 
Peut-être que la sagesse eût consisté à laisser 
Samory tranquille, quitte à se défendre énergi- 
quement s'il avait franchi le Niger et menacé notre 
mouvement vers le Niger. Mais le colonel Borgnis- 
Desbordes pensa qu'il était de notre intérêt «le 
laver l'injure faite à notre oflicier et de tenter 
d'arrêter, par une campagne énergique, la marche 
éventuelle de Samory sur la rive gauche du Niger. 
C'est dans ces condilions que la colonne du Haut- 
Sénégal, dont l'objectif pour la saison 1881-1852 
était le simple ravilaillement des forts de Bafou- 
labé et de Kita, fut dirigée contre Samory. Partide 
Kita, le 16 février 1882, avec deux cents hommes de 
troupe, le lieutenant-colonel Borgnis-Desbordes 
se dirigea sur Kéniéra où il arriva le 26. L'armée 
de Samory avait, suivant la mode soudanaise. 
édifié deux réduits fortifiés (sagnés), d'où elle sur- 
veillait la ville assiégée. La pelite troupe francaise 
enlève le sagné du nord; Samory évacua avant 
l'allaque du sagné du sud : c’élait un succès, mais 
sans profit, car, depuis plusieurs jours, les défen- 
seurs de Kéniéra s'étaient rendus à Samory. Et, 
quand la pelite colonne revint sur ses pas, elle 
fut poursuivie par les troupes de Samory, don 
elle ne fut délivrée qu'après le combat de Koba. 


PRE PE NP UP DE 


. Aussi, franchissant le N 


Elle revint à Kita le 11 mai 1881, 
sauvé les gens de Kéniéra, 


n'ayant pas 
et ayant décidé 


_Samory à entrer en hostilités avec nous. La péné- 


tration de la France vers le Niger cessait d'être 
pacifique. C'est à main armée qu’elle allait déci- 


_ dément avoir à se faire. 


Samory n'élait pas un homme à reculer devant 


nous. Son échec du marigot de Koba n'était pas de 


LE SOUDAN FRANCAIS | 309 


Soudan. Le fort de Bammako, commencé le 1° fé- 
vrier, fut terminé à la fin du mois de mars 

c'est au moment où la colonne du colonel Des- 
bordes se préparait à rentrer à Kayes que l’on 
signala la marche des bandes de Samory : 4.000 fan- 
tassins el 200 cavaliers, commandés par Fabou. 
s'avançaient vers Bammako. Le lieutenant-colonel 
_ Desbordes les attaqua sur la route de Kita, au 
marigot d'Oneyako, les 2, 3 et 5 avril 1883. Le 


12 


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Fig. 1. — Le Soudan francais. 


telle nature qu’il pût désespérer de nous vaincre. 
iger,ilenvoya un de ses lieu- 
nt. Fabou, menacer directement la colonne 
qu'au printemps de 1883 le lieutenant-colonel 
Borgnis-Desbordes dirigeait de Kita sur Bam- 
mako. Cette colonne ne comprenait pas moins de 


. 540 hommes. Elle commenca par enlever la place 


forte toucouleure de Mourgoula, au sud-est de 
Kila, la place bambara de Daba, avant de fonder, 
sur le Niger, le fort de Bammako, point terminus 
de notre voie de pénétration du Sénégal vers le 


lieutenant de Samory fut baltu ; toutefois laduréede 
la lutte indique assez son opiniätrelé. Fabou tenta 
de revenir à la charge : il fut encore battu trois 
fois. Mais Samory en était quitte pour reformer 
de nouveaux contingents. Kabou resta sur la rive 
gauche du Niger, à la hauteur de Tangabé, à 100 ki- 
lomètres sud-ouest de Ségou : la ligne de Kita- 
Bammakou n’était pas encore garantie contre les 
attaques de Samory! 

L'année 1884 ne fut signalée par aucun événe- 
ment de guerre important. Mais un fait politique 


510 


grave se produisit : Ahmadou quitta Ségou pour 
se rapprocher du Sénégal, et il alla se fixer dans 
le Kaarta, à Nioro, d'où il put nous surveiller de 
plus près. Il menacait nos communications au nord, 
tandis que Samory nous inquiétait vers le sud-est. 

Le commandant Combes, commandant supérieur 
du Haut-Sénégal pour la saison 1884-1885, marcha 


sur Samory, qui assiégeait le petit poste français 


de Nafadié, au Sud-Est de Niagassola, où s’édifiail 
un fort. La lutte fut chaude : en peu de temps, dix 
combats furent engagés jusqu'à ce que Samory, 
battu au marigot de Kokoro (13 juin 1885), songeal 
à se replier. Mais c'était pour revenir plus en forces 
l'année suivante. Il fallut que le lieutenant-colonel 
Frey l’attaquàäl à nouveau. 

Cetle fois, la déroute d'une de ses colonnes, 
dispersée à Fatako-Djingo,amena l'almamy à trai- 
ler el à nous reconnaitre la possession des térri- 
loires situés au nord du Niger et de son affluent 
de gauche. le Tankisso. 


INT — T'ACCALMIE. 


Cetle paix nous permit de nous débarrasser d'un 
nouvel adversaire, le prophète Mahmadou-Lamine 
qui agita la vallée supérieure du Sénégal, et dont 
le lieutenant-colonel Galliéni nous débarrassa au 
cours de la campagne de 1887-1888. Elle eut aussi 
l'avantage d'amener Ahmadou à traiter égalementet 
à conclure, en mars 1887, une convention en vertu de 
laquelle il placait ses États sous notre protectorat. 

Une ère de tranquillité s'ouvrit ainsi pour le 
Soudan. On profita de celle accalmie pour orga- 
niser nos nouvelles possessions. Le Haut-Sénégal 
et le Haut-Niger furent détachés de la colonie du 
Sénégal et formèrent la colonie du Soudan fran- 
cais. La reconnaissance du Niger fut commencée 
par la canonnière Viger, commandée par le lieute- 
nant de vaisseau Caron. Binger partit pour son 
beau voyage à travers la boucle du Niger. Enfin, 
on s’occupa de prolonger, par un pelit chemin de 
fer Decauville de 0,50, l& ligne de chemin de fer 
de Kayes à Bafoulabé. 

Ajoutons que Samory fit preuve alors de dispo- 
silions conciliantes. Il avait envoyé en Franée son 
fils, le célèbre Karamokko. Il consentit, à son tour, 
à signer, avec le capitaine Péroz, un second traité 
par lequel il nous abandonnait le pays situé entre 
le Tankisso et la rive gauche du Niger. 

De celte manière, les Élats élaient séparés de la 
colonie anglaise de Sierra-Léone, ce qui facilitail 
la conclusion d'un arrangement fixant au sud- 
ouest la frontière du Soudar français. 


V. — NOUVELLES CAMPAGNES CONTRE ATIMADOU. 
Cet élat de paix pouvait-il durer en raison du 
9 


caractère lurbulent des populalions soumises 


LE SOUDAN 


FRANÇAIS 


Les uns prétendent que oui. D’autres affirment le 
contraire. Ce qui est certain, c’est que la lutte 
reprit avec Ahmadou d'abord, avec Samory en- 
suile. 

Le commandant Archinard, de l'artillerie de ma- 
rine, commandant supérieur du Soudan en 1888- 
1889, s'attacha tout d’abord à compléter l'organi- 
sation administrative de la colonie, à s'occuper du 
chemin de fer, à envoyer le lieutenant de vaisseau 


| Jaime en mission vers Tombouctou avec le Niger 


et le Wage. Plus tard, il dut rouvrir la période des 
guerres, à la suite de l'affaire de Koundian. 
Koundian était une ville forle toucouleure, une 
des anciennes citadelles que El Hadj Omar avail 
construiles dans le pays Bambara, et qui s'élevail 
dans la vallée du Sénégal, à 60 kilomètres dans le 
sud-est de Bafoulabé. Les gens de Koundian auraient 
voulu continuer leurs déprédations habituelles 
chez les populations voisines, qui étaient jadis 
sous leur dépendance. On leur fil des remontrances. 
amicales d'abord, plus énergiques ensuite, Les 
Toucouleurs, toujours prêts à la lutte, se laissèrent 
entrainer par les fanatiques de leur race. Koun- 
dian devint un centre de résistance. Rien ne dit 
qu'il n'aurait pas élé possible d’avoir raison des 
Toucouleurs de Koundian par l'intermédiaire du 
chef des Toucouleurs, notre protégé Ahmadou, 
sultan de Ségou et de Nioro. Mais on préféra 
trailer isolément la question de Koundian. Des 
fautes furent commises pendant un intérim de 
gouvernement; les gens de Koundian commencè- 
rent les hostilités et on dut finalement avoir 


recours à la force brutale, Le commandant Archi-: 


nard marcha contre la ville, qui fut canonnée et 
enlevée d'assaut après un vif combat. 

Ce fut, il est vrai, le seul acte de guerre de la sai- 
son 1888-1889, mais il eut les plus graves consé- 
quences. Ahmadou, qui est loin d'être un homme 
de guerre, poussé par les chefs de son royaume, se 
prépara à entrer en lutte ouverte avec nous. Il fil 
alliance avec Abdoul Boubakar, le chef du Fouta 
sénégalais, avec Samory, el bientôt un mouvement 
hostile se manifesta sur toute notre ligne depuis 
le Moyen-Sénégal jusqu'au Niger. 

Le lieutenant-colonel Archinard ne voulul pas 
attendre que la coalition pût nous assaillir de 
toutes parts. Il se prépara résolument à la guerre 
en allaquant d’abord les Toucouleurs. À la fin de 
l'année 1889. il concentra une colonne avec laquelle, 
le 6 avril 1890, ilenleva Ségou à Madani,qu'Ahmadou 
son frère, avait laissé dans ses provinces du Niger. 
Puis ilrevint vers le Kaarla, où Ahmadou concen- 
trait ses troupes; il prit les forteresses toucouleures 
d'Ouossébougou à l’est de Kaarla, de Koniakary, 
au sud-ouest de ce même pays, remettant à l’an- 
née suivante la suile de ses opérations de guerre. 


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LE SOUDAN FRANÇAIS 


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Le 1% janvier 1891, il entrait à Nioro, évacué par 
Ahmadou; le 3 du même mois,ilsurprenait à Youri 
les Toucouleurs désorientés par la vigueur avec 
laquelle ils étaient attaqués. Ahmadou, défait, 
s'enfuit auprès de son frère Tidiani dans le Macina, 


et les Toucouleurs du Moyen-Niger durent se rési- 


gner à revenir vers le Sénégal, en abandonnant 
les provinces qu'El Hadj Omarleur avait conquises. 

Cet exode, dont on à beaucoup parlé à l'époque, 
ne laissa pas d’agiter tout le pays. Le lieutenant- 
colonel Archinard dut retourner à Ségou complé- 
ter la soumission des pays voisins de l’ancienne 
capitale d'Ahmadou, et, marchant brusquement 
vers le sud-ouest, il alla fondre sur les conlingents 
que Samory concentrait dans la vallée du Milo, à 
proximité de notre poste de Siguiri. 


VI. — NOUvELLE GUERRE CONTRE SAMORY. 


Samory, battu, abandonnaKankan où un nouveau 
poste fut fondé, battit en retraite sur Bissandougou, 
son ancienne capitale, qu'il livra aux flammes après 
les combats de Kokouna et de Diamanko (9 avril 
1891) où il opposa une vive résistance à notre 
colonne. 

Nos troupes, épuisées par celte audacieuse cam- 
pagne, revinrent sur leur base d'opération. Leur 
chef, atteint d’une bilieuse hématurique, ren- 
tra en France fatigué — on le serait à moins — par 
ses trois commandements consécutifs, et, pendant 
ce temps, les bandes de Samory, reconstituées, 
viennent prendre position autour de Kankan. 
C'est une nouvelle guerre en expectative! 

Au lieutenant-colonel Humbert, qui eut le com- 
mandement du Soudan pendant la saison 1891-92, 


‘échut la lourde tàche de commencer la désorga- 


nisation des troupes de Samory qui avait pu, avec 
le concours des Anglais de Sierra-Leone, se créer 
des {roupes d'élite, armées de fusils à répélition, et 
largement approvisionnées de munilions de guerre. 
Kankan est débloqué, Bissandougou est réoccupé, 
les villes de Sanankoro et Kérouané sont prises et 
conservées comme bases d'opérations pour la pro- 
chaine campagne, campagne remarquable à tous 
égards au point de vue militaire et qui fit le plus 
grand honneur au commandant de la colonne : le 
lieutenant-colonel Combes. 

Dans un raid fantastique de 900 kilomètres, la 
colonne Combes parcourut le pays qui s'étend à 
l’ouest du Milo jusqu’au Baoulé, affluent de droite 
du Niger et jusqu’au fleuve Cavally, qui s'écoule 
dans l’océan Atlantique. La partie principale des 
troupes de Samory fut atteinte, bousculée, pour- 
suivie l’épée dans les reins, disloquée finalement, 


- pendant que, dans le Haut-Niger, les capitaines 


Briquelot et Dargelos, à la tête de colonnes secon- 
daires, traitaient de la même manière les bandes 


avec lesquelles Samory tenait les provinces voi- 
sines de Sierra-Leone. En quelques semaines, toute 
la région qui s'étend entre le Niger, la république 
de Liberia et le Haut-Cavally était conquise et 
maintenue sous notre autorité par les postes de 
Farannah, de Kissidougou et de Beila. Samory 
perdait toutes les provinces qui étaient le berceau 
de sa puissance. 

Pendant ce temps, au nord, le colonel Archi- 
uard, revenu au Soudan, formait une colonne, tra- 
versait le Kaarta, passait à Ségou, écrasait à 
Djenné ceux qui voulaient menacer nos possessions 
du Moyen-Niger, allait à Mopti, et à Kori-Kori, 
près de Bandiagara, la capitale du Macina, met- 
tait en fuite les contingents qu'Ahmadou avait pu 
grouper autour de lui, après avoir succédé à son 
frère Mounirou, lequel avait hérité de Tidiani. 

La double et brillante campagne de Combes el 
d’Archinard détruisait ainsi au Soudan toute résis- 
tance sérieuse contre nous. On put espérer que 
dorénavant le Soudan conquis, et bien conquis, 
l'œuvre de pénétration économique allait re- 
prendre. On se prit à penser à nouveau au chemin 
de fer du Niger. On prépara une mission hydrogra- 
phique sur le fleuve; on substitua le gouvernement 
civil au gouvernement militaire pour bien montrer 
que l’ère des conquêtes militaires élait close. Les 
détracteurs systématiques du Soudan n'avaient 
guère de motifs pour continuer leurs critiques, 
quand une catastrophe vint tout remettre en 
question. 


VII. — ESPÉRANCES ET DÉCEPTIONS 


L'anéantissement de la colonne Bonnier à Dou- 
goï (12 janvier 1894), quelques jours après l’oceu- 
pation militaire de Tombouctou, montra à tout le 
Soudan stupéfail, au lendemain même des reten- 
tissantes victoires d’Archinard et de Combes, que 
les Français n'étaient pas invincibles. Nos adver- 
saires reprirent d'autant plus confiance que le 
Gouvernement, afin d'éviter le retour de ces pé- 
nibles événements, avait donné des ordres formels 
pour que les garnisons de nos postes restassent sur 
la plus expresse défensive : cela se comprenail 
d'autant mieux que toutes les forces disponibles 
furent envoyées dans la région de Tombouctou, 
dont la garnison exige, avec les postes voisins, 
un bataillon de troupes indigènes. 

Samory, que le colonel Bonnier avait battu, le 
4 décembre 1893, à Faragara, près de Ténétou, re- 
prit espoir. Chassé du Haut-Niger, il pensa retrou- 
ver dans les territoires Tiéba une compensation 
aux pertes qu'il avait éprouvées; il concentra une 
partie de ses bandes dans la vallée du Bagoé, mena- 
çant Sikasso, la capitale de Babemba, le fils et 
successeur de notre allié Tiéba. En même temps, 


son lieutenant Sékouba hâtait sa marche, au sud, 
vers le pays de Kong, que Binger a, on s'en sou- 
vient, placé sous notre protectorat. 

Les derniers événements de la Côte d'Ivoire, l'é- 
chec de la colonne du lieutenant-colonel Monteil 
aux environs de Kong (février-mars 1895), la re- 
traite que nos troupes ont dû subir devant Sa- 
mory, montrent que notre vieil adversaire, si sOu- 
vent battu, est, aujourd'hui, plus puissant que 
jamais. Nous lui avons pris ses États du Haut- 
Niger, c’est vrai : seulement il s’est refail un 
royaume aux environs de Kong et il a pour luile 
prestige que lui donnent à la fois ses derniers 
succès et nos récents désastres. 


Voilà dans quelle situation se trouve aujourd'hui 
le Soudan après quinze ans de luttes! Notre péné- 
lration vers le Niger a abouti à une guerre de con- 
quêtes dont on ne prévoit pas la fin. Sans doute, 
nos arrière-neveux nous devront cette colonie dont 
ils sauront évidemment tirer de larges profils. 
Mais notre généralion, tout en songeant à l'avenir, 
doit-elle se rappeler les mots d'Horace : Quid ferre 
recusent, quid valeant humeri? Or l'examen de nos 
dépenses pour le Soudan prête à de sérieuses 
méditations. En voici le relevé annuel depuis l’o- 
rigine. 


RES ADO PR dote 1.300.000 francs 
ABS EE CE 6.685.000 
CP NEOE Dont 8.173.000 
BRAS COCA RE 1.690.000 
ASE Eee te: >.631.000 
LRO dc o0c .000 
Tor te be th .000 
IST RER eepee ou .000 
LSSSE Te met PrN eee 2.000 
MSSOSAE. t'es arte 89.000 
ASDD sas ae RPM EE .457.000 
ARS. NE ere 1.983.000 
RPM 7.529.000 
LO0BEE bes ehe 8.009.000 
BOAT E is re 12.230.000 


soil, au total, plus de 84 miilions de francs. 
Évidemment, il ne faut pas exagérer la valeur, 
comme élément d'appréciation, de semblables cal- 
culs. Ce serait un jeu enfantin que de comparer 
entre elles les additions des différents services 
civils et militaires de notre pays. Mais, en ce qui 
concerne le Soudan, on voit les dépenses tripler 
en quelques années, alors qu'on cherche vaine- 
ment la contre-partie des sacrifices imposés au 
pays. El, de plus, ce qui prouve la situation abso- 
lument anormale, c’est que les dépenses supplé- 
mentaires sont passées de 2.340.000 francs en 1892 
et 2.289.800 francs en 1893 à 6.011.000 en 1894. 


VIII. — NOTRE ŒUVRE ÉCONOMIQUE AU SOUDAN 


Qu'est devenu le programme du général Faid- 
herbe au milieu de cetle série d’expéditions mili- 


LE SOUDAN FRANÇAIS 


D NO Re TES VE 


laires sans cesse renouvelées? Peu de chose pour 
le moment. 

Certes, on a construit la ligne de Dakar à Saint- 
Louis, ligne dont l'exploitation donne des résultats 
très satisfaisants. Elle a assuré la pacification 
totale du Cayor, et, chaque année, on voit diminuer 
les charges imposées à la métropole à titre de 
garanties diverses. Le lotal de ces garanties était 
de 2.676.000 francs en 1886 : il est descendu à 
1.268.000 francs en 1892 et à 1.174.000 francs 
en 1894. 

De Saint-Louis à Kayes, la navigation du Séné- 
gal s'effectue très facilement dans la période des 
hautes eaux. « Du 15 juillet au 15 septembre, écrit 
le commandant Andry, des navires de mer de 1.500 
à 2.000 tonneaux, peuvent remonter jusqu'à Kayes. 
Depuis 1890, les approvisionnemens de l’État pour 
le Soudan sont transportés directement de Bor- 
deaux à Kayes par des steamers de 2.000 ton- 
neaux. 

« Du commencement de juillet au 15 octobre, 
des navires de 400 tonneaux ont accès à Kayes 
avec un lirant d’eau de 2",50 : enfin, des bateaux 
de 50 tonneaux peuvent alteindre la capitale du 
Soudan français jusqu'au 15 novembre. Le voyage, 
aller et retour, de Saint-Louis à Kayes est de 
10 jours. 

« On pourrait évacuer, chaque année, par le Sé- 
négal, 100.000 tonnes de marchandises, dans 
chaque sens. » : 

A cet égard, de réels progrès ont élé réalisés et 
il importe de signaler encore la création, en 1891, 
d’un service régulier de bateaux à vapeur entre 
Saint-Louis et Kayes. 

Mais où en sont les travaux du chemin de fer 
du Niger? Aux débuts de la conquête du Sou- 
dan, on a commencé la construction de la ligne 
de Kayes à Baloulabé: seulement dans quelles 
conditions? Au moment où se formaient des co- 
lonnes qui allaient guerroyer dans le Haut-Pays ! 
A la fin de 1886, on n'était encore arrivé qu'à Dia- 
mou, à 54 kilomètres de Kayes, el c'est gräce à 
l’activité du colonel Galliéni qu'en 1888, on par- 
vint à Bafoulabé. À ce moment, on avait dé- 
pensé 13.745.471 francs pour les 132 kilomètres 
exécutés. 

Depuis il à fallu procéder à une réfection par- 
tielle de certains passages défectueux, modifier 
quelques parties du tracé, ce qui à occasionné 
une dépense supplémentaire de 41.200.000 à 
1.300.000 francs. En somme, cest seulement à 
partir du 1° janvier 1893 que la voie a pu être 
ouverte à l'exploitation commerciale. 

D'après les renseignements qui nous ont élé 
communiqués, les recettes du chemin de fer ont 
élé les suivantes : 


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bobsis.Q L' @M @ N)  DA dS 


A. 07 


129.600 fr. 17 
269.365 fr. 83 


À Bafoulabé était le point terminus de la pre- 
mière section de la ligne du Sénégal au Niger. Les 
colonels Galliéni et Archinard, désireux de faciliter 
les ravitaillements de nos postes, ont fait établir un 
Decauville le long de la route qui va de Bafoulabé 


_ à Badumbé. En 1887 et 1888, on a consiruit une 


ligne de O m. 50 entre Bafoulabé et Dioubéba 
(43 kilomètres). Cette voie à faible échantillon 
(4 k. 500 par mètre courant) a rendu de très grands 
services, mais elle a été bientôt hors d'usage. On 
lui a substitué en 1890-91 sur les 38 premiers kilo- 
-mèêtres, une voie de O0 m. 60 sur lesquels on a 
d'abord effectué une traction à l’aide de mulets. 
Plus tard, en raison de la grande mortalité de ces 
animaux, on a remplacé la traction animale par la 
traction mécanique. Les cinq derniers kilomètres 
de la voie de 0 m. 50 ont été récemment remis à 
la voie de 0 m. 60, en attendant une transforma- 
tion inévitable en voie de 1 mètre : curieux témoi- 
gnage de l’unité de vues qui préside à nos affaires 
du Soudan. - 


IX. — LES VOIES DE COMMUNICATION AU SOUDAN 


En vue de remédier aux inconvénients divers 
résultant du ravitaillement de nos ports par les 
moyens actuels qui sont lents, pénibles et onéreux. 
on a décidé d'étudier très soigneusement le pro- 
longement de la ligne actuelle. 

Dans le courant des années 1891 à 1893, les 
commandants Marmier et Joffre ont procédé à 
une étude sur place du chemin de fer, lequel 
serait à la largeur de un mètre, la seule qui con- 
vienne pour les pays chauds où les orages sont si 
nuisibles à la plate-forme des voies. La longueur 
de la ligne serait de 433 kilomètres groupés en 
trois sections : Bafoulabé à Kita par Badumbé 
(200 kilomètres), Kita à Bammako (196 kilomètres), 
Bammako à Toulimandio (42 kilomètres, dont 5 
empruntés à la section précédente), de manière à 


.- aboutir à un point où le Niger est navigable de 


dut tél 


1 
| 
| 
| 


juillet à janvier, pour les bateaux calant de 1,50 
à 2 mètres. Entre Bammako et Toulimandio se 
trouvent les roches de Sotuba, qui sont un obstacle 
très sérieux à la navigation. 

Que coûterait ce chemin de fer? 

39 millions, disent les auteurs des projets, en 


 majorant de 40.000 francs le coût kilométrique 


» de la voie Dakar-Saint-Louis qui, prévu pour 


68.000 francs, a finalement atteint 70.000 francs. 
Evidemment, dans le Haut-Sénégal le travail est 
autrement difficile que dans le Bas-Fleuve, et on 
peut se demandersi cette majoration est suffisante. 
Or, si les 54 premiers kilomètres de la voie de Kayes 


LE SOUDAN FRANÇAIS 


513 


à Bafoulabé sont revenus à 156.500 fr., par contre, 
les derniers, matériel roulant compris, n’ont coûté 


_ que 83.500 fr. On peut donc penser qu'avec l’expé- 


rience du passéle chiffre des prévisions pourra être 
d'autant plus adopté définitivement que les tra- 
vaux d'art sont très peu nombreux, et que les 
officiers qui ont tracé les plans, appartenant-au 
régiment des chemins de fer, sont particulièrement 
compétents dans l'espèce. 

Le commandant Andry, qui a été longtemps 
chef du bureau militaire au Ministère des Colonies, 
a, à ce propos, fail une étude économique du 
Soudan. Il pense que le chemin de fer, quand il 
aura atteint le Niger, pourra réaliser un produit 
kilométrique de 9.315 francs, alors qu'avec 
8.200 francs on couvrirait les frais d’exploitation 
et les charges du capital. Nous donnons ces 
chiffres à titre d'indication, ne voulant pas les 
discuter et n’ayant même pas besoin de les dis- 
cuter. 

La question du chemin de ferdoit,en effet,serégler 
par des considérations autres que celles tirées de 
calculs plus ou moins exacts sur le développement 
éventuel du commerce soudanais, car le Soudan 
est aujourd'hui un pays dévasté par un demi- 
siècle de guerres incessantes. Il possède des 
régions actuellement riches, telles les vallées 
supérieures du Niger et les contreforts du Fouta- 
Djallon; il présente de sérieuses espérances dans 
le Moyen-Niger, grace aux plaines inondées chaque 
année entre Ségou et Tombouctou où, parmi les 
produits naturels, le coton se rencontre en abon- 
dance. Avec la paix, les indigènes repeupleront 
leurs villages déserts et l’action du soleil africain 
sur les alluvions fertilisantes du fleuve ramènera 
la richesse signalée jadis par les voyageurs du 
moyen àge, avant les conquêtes des Musulmans du 
Nord. 

Mais ces considérations sont pour l'avenir. Le 


_présent exige de plus positives raisons : le Soudan 


n’a pas présentement une grande valeur écono- 
mique. 

Si sa conquête était à refaire, il est de toute 
évidence qu’on procéderait autrement; mais ces 
regrets sont superflus, et l’on doit se demander 
simplement si l’on peut, si l'on doit maintenant 
abandonner nos acquisitions. 

La réponse est aisée. On ne peut évacuer le 
Soudan sous peine de compromettre toute notre 
œuvre en Afrique : c'est menacer l'existence de 
nos colonies du Sénégal, de la Guinée et de la 
Côte d'Ivoire, c’est laisser, dans toute l'Afrique du 
Nord, libre carrière à nos rivaux, à nos ennemis ; 
c'est s’exposer à recommencer un jour dans des 
conditions autrement lourdes notre œuvre d'expan- 
sion africaine. 


14 


H. MOISSAN — SUR LA PRÉPARATION DU CARBURE DE CALCIUM 


[l faut se résigner à rester à Tombouctou,àSégou, | prolongement éventuel de 120 kilomètres sur 


à Bammako et à Beila, et à protéger contre les 
Samorys un front de bandière d'environ 1.500 kilo- 
mètres. Comment dès lors ravitailler des postes 
éloignés les uns des autres de centaines de kilo- 
mètres? De Toulimandio. à Tombouctou il y a, 
par le Niger, de 7 à 800 kilomètres : pour tenir le 
fleuve et ravitailler nos postes, il faut des canon- 
nières et des chalands; or, l'expérience du Haye 
et du Viger prouve qu'on ne fera œuvre sérieuse 
que le jour où l'on pourra arriver facilement aux 
bords du fleuve. 

La construction méthodique du chemin de fer 
est la conséquence même de l'obligation où nous 
sommes de garder nos conquêtes. Chose singulière, 
qui eût paru monstrueuse aux initiateurs du pro- 
gramme de 1879, les transactions commerciales 
viendront par surcroit. Elles atténueront simple- 
ment les charges d’exploilation de cette voie 
essentiellement militaire. 

Sans doute, il y a d’autres choses à faire. Le 
Ministre des Colonies annonce l'ouverture d'une 
route de 400 kilomètres allant de Konakry (Gui- 
née-Française) à Farannah sur le Niger avec un 


Kouroussa. Cette voie dait ravitailler le Haut- 
Niger, mais elle ne servira pas à grand’chose pour 
la vallée moyenne du fleuve. En effet, car elle ne 
saurait sérieusement êlre opposée à la route de 
Bafoulabé à Bammako et encore moins au chemin 
de fer de Kayes au Niger. On parle encore du 
Transnigérien du capitaine Marchand, allant de 
la côte d'Ivoire à Mopti par le Bandama, fleuve 
qui se déverse dans l'Atlantique, et le Bagoë, le 
grand affluent du Niger; 200 kilomètres du chemin 
de fer relieraient les biefs navigables des deux 
cours d’eau. Seulement, car il y a un seulement, 
Samory devra être vaincu avant que l’on songe 
à utiliser celte voie que le puissant chef musul- 
man menace de ses nouvelles possessions de 
Kong. 

Il faut donc s’en lenir au programme de 1879 et 
poursuivre le chemin de fer du Niger; ce sera le 
seul moyen pratique de réduire les dépenses mili- 
taires de la colonie et de hâter l’apparition de ce 
jour fortuné où le Soudan rendra un peu de ce qu’il 
aura coûté! 

XXX. 


SUR LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE 


DU CARBURE DE .CALCIUM 


Dans un article paru dans le dernier numéro de 
la Revue générale des Sciences, M. Urbain attribue, 
d’après le D' Suckert, la préparalion électrolytique 
du carbure de calcium à M. L. Wilson, de la Caro- 
line du Nord. M. Urbain fait remarquer que les 
recherches de M. Wilson ont été commencées en 
1888, puis il donne d'intéressants détails sur le 
four électrique de M. Wilson. Je tiens sur ces 
différents points à faire une réclamalion 
priorité. 

1° M. Wilson assure qu'il a commencé ses séries 
d'expériences dès 1888. Comme il n'a rien publié 
sur ce sujet à cette époque, celte date ne peul 
avoir aucune signification. En science, la publica- 
tion seule établit la priorité. 

2° M. Wilson a pris en Amérique une patlente 
n° 492.317 du 21 février 1893) ayant pour titre : 
Réduction electrique des composés métalliques réfrac- 
laires. 


de 


Je ferai remarquer que ma première recherche 
sur le four électrique à réverbère et à électrodes 
mobiles a élé publiée aux Comptes Rendus de l'Aca- 
démie des Sciences à la date du 12 décembre 1892. 


Dans cette première Note, je signale la réduc- 
tion par le charbon, sous l’action de la chaleur 
de l'arc, des oxydes regardés jusqu'ici comme 
irréductibles : 

« L'oxyde d'uranium, qui est irréductible par le 
charbon aux plus hautes températures de nos fourneaux, 
est réduit de suite à la température de 3000. En dix 
minutes, il est facile d'obtenir un culot de 120 grammes 
d'uranium. Les oxydes de manganèse, de chrome sont 
réduits par le charbon en quelques instants. » 


Je cite aussi, dans cette Note, la formalion acci- 
dentelle du carbure de calcium par l’action des 
vapeurs de calcium sur les électrodes de charbon. 

Examinons maintenant ce que renferme la 
patente n° 492.377 de M. L. Wilson. 

Je ne discuterai pas la forme de son four, qui 
rappelle, à s’y méprendre, le four Cowles et le 
four Grabau; je ne veux retenir que la valeur des 
résultats. D'ailleurs, M. Wilson n’a pas séparé 
dans son four l’action calorifique de l'arc de son 
action électrolytique. Cela se reconnait facilement 
à ce qu’il dit de la magnésie. 

Dans la descriplion de son brevet, M. Wilson 


H. MOISSAN — SUR LA PRÉPARATION DU CARBURE DE CALCIUM 


15 


insiste longuement sur l’action de l’are électrique 
sur la magnésie, sur un mélange de charbon et 
d'alumine ou de charbon et de magnésie. Ilindique 
que la magnésie oul’alumine peuvent être amenées 
à l'état liquide sous l’action de l’arc et il détaille 
avec soin les difficultés que présente, pour la 
« machinerie », la résistance d’un semblable bain 
au passage régulier du courant. C'est alors, — et 
là est le fond même de son brevet, — qu'il ajoute 

du charbon en poudre pour former une masse 
_ fritée et éviter tout bain liquide. Il doit ensuite 
reprendre le métal produit en faisanttomber, sur 
le mélange précédent, du cuivre liquide qui four- 
nira un bronze d'aluminium. Voilà le point impor- 
tant du brevet de M. Wilson.'Il insiste beaucoup 
sur ce qu'il ne se produit pas de bain de fusion. 

En passant, et à la fin de son brevet, il dit seule- 
- ment: 

«Je crois mon invention applicable à la réduction 
« des métaux suivants, à savoir: Baryum, Calcium, 
« Manganèse, Strontium, Magnésium, Titane, Tungstène 
« et Zirconium. Dans la fabrication des bronzes, je me 
« propose de l’appliquer à la préparation des bronzes 
« contenant du Silicium et du Bore. » = 


Pas un seul procédé de préparation, pas une 
analyse des produits obtenus. 

Et plus loin M. Wilson ajoute : 

«J'ai déjà employé mon invention pour la réduction 
«de l'oxyde de calcium et la production du carbure de 
« calcium. » 


Un point, c'est tout. — Sans dire s'il existe un 
ou plusieurs carbures de calcium, M. Wilson insiste 
à nouveau, dans ses revendications, sur ce fait qu'il 
ajoute assez de charbon pour ne jamais obtenir un 
bain fondu. Il regardait à cette époque la prépa- 
ration du carbure de calcium commeélectrolytique. 
Du reste, M. Wilson, en 1895, a changé d'avis, car, 
dans une demande de brevet faite en Allemagne en 
janvier 1895, il dit textuellement : 


« Jusqu'à présent, on considérait la fabrication du 
« carbure de calcium non comme un procédé de fusion, 
« mais comme une opéralion électrolytique; j'affirme 
« cependant que la formation du carbure de calcium, 
« réalisée dans les conditions ci-dessus, doit être con- 
« sidérée comme un simple procédé de fusion, » 


D'un brevet à l’autre, les idées de M. Wilson ont 
complètement changé;cela peut tenir à la Note 
que j'ai publiée, en mars 1894, à l’Académie des 
Sciences de Paris, Note dans laquelle j'ai étudié 


complètement la préparation régulière, les pro- | 


priétés physiques et la composition chimique du 
carbure de calcium. 

Du reste, dans sa patente de 1893, M. Wilson, 
qui n'a su trouver qu’un mot pour le carbure de 
calcium, qui n'a même pas indiqué qu’il était dé- 
composé par l’eau en donnant de l’acétylène, a 
breveté une grande partie de la Chimie minérale. 
Je lui ferai sur ce point une seule remarque. Il in- 
siste beaucoup sur ce que les produits obtenus 
sont des poudres et non pas des matières fondues. 
Dans ces conditions, il est impossible d'obtenir le 
Titane, que M. Wilson dit avoir préparé. Ou il n’a 
pas fait l’expérience, ou il n’a fait aucune ana- 
lyse du produit recueilli. Après mes premières re- 
cherches sur le Manganèse, le Chrome, le Tungs- 
tène, le Molybdène, l'Uranium, j'ai passé deux 
années à étudier cette préparation du Titane. Je la 
regarde comme une des plus difficiles de la Chimie 
minérale, et, lorsque l’on n'opère pas la fusion des 
corps (ainsi que M. Wilson le réclame si bien), il 
est impossible d’obtenir le Titane. 

Dans un brevet qui traite particulièrement de la 
fabrication des alliages d’Aluminium et de Magné- 
sium, cette revendication touchant le carbure de 
calcium, la préparation du Baryum, Calcium, Stron- 
lium, Manganèse, Magnésium, Titane, Tungstène 
el Zirconium, me parait exagérée. Cette revendica- 
tion est une de ces phrases banales que l'on em- 
ploie souvent à la fin d’un brevet lorsque l’on veut 
englober un certain nombre de questions à étudier. 
Elle ne peut avoir aucune valeur au point de vue 
de la priorité des découvertes. 

J'ai élé surpris que tous les chiffres relatifs aux 
propriétés physiques et chimiques du carbure de 
calcium pur et cristallisé cités par M. Lewes, à 
Londres, el reproduits par M. Hempel, à Berlin, 
aient été tirés de ma Note à l'Académie des 
Sciences du 5 mars 189%, sans qu'on ait rappelé 
que ces expériences m'appartenaient. 

Pour en revenir au brevet de M. Wilson, je n’ai 
qu'un mol à ajouter : La science ne se contente pas 
d'une assertion, elle demande des preuves. Il ne 
suflit pas de dire: « J'ai obtenu tel ou tel corps », 
il faut donner la méthode de préparation, les ana- 
lyses des produits obtenus, leur formule de consti- 
tution et leurs propriétés. C'est ce que M. Wilson, 
dans son brevet, a oublié de faire. 


H. Moissan, 


de l'Académie des Sciences, 
Professeur à l'Ecole Supérieure de Pharmacie, 


516 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LES TRANSPORTS DE FORCE ET LES TRANSFORMATEURS DE GRANDE PUISSANCE — TRAITEMENT ÉLÉCGTROLYTIQUE 
DES SELS D'ALUMINIUM == COMMUTATEUR AUTOMATIQUE = 


L'emploi de l'électricité à rendu réellement pratique, 
au point de vue industriel, l’utilisation des chutes d’eau. 
En France, nous en trouvons quelques exemples, mais 
c’est surtout en Suisse, pays beaucoup plus favorisé sous 
ce rapport, qu'il faut les chercher. La Suisse s’est cou- 
verte, depuis une dizaine d'années, d'une multitude 
d'usines, empruntant à des sources naturelles l’énergie 
qui leur est nécessaire, Nous en avons donné, l'an 
dernier !, une liste déjà longue, mais cependant très 
incomplète et n'offrant qu'une faible idée du nombre 
presque colossal des installations hydrauliques qui ont 
surgi chez nos voisins. On connait, d'autre part, la 
gigantesque entreprise des Américains : ils vont uti- 
liser une partie des chutes du Niagara; les travaux 
d'aménagement sont sur le point d'être terminés. C'est 
par milliers de chevaux qu’ils comptent l'énergie dont 
ils bénéficieront. 

Malheureusement, il arrive très souvent qu'il est 
impossible d'installer une usine industrielle à Pendroit 
même de la chute d’eau, Les raisons peuvent en être 
très diverses : c’est, par exemple, la difficulté des 
moyens de communication. Ou bien encore, la somme 
d'énergie fournie par la source est trop grande pour 
être complètement utilisée sur place. On a recours 
alors à un transport de force, problème dont l’électri- 
cité offre une solution qui est souvent la plus simple 
et la plus économique, et quelquefois aussi la seule 
possible pratiquement : c’est ainsi que le courant fourni 
par les dynamos du Niagara sera utilisé à des distances 
de plusieurs centaines de kilomètres. Mais ce n’est pas 
impunément que l’on transporte la force de cette 
facon; il y a perte en route. Quelle est la valeur de cette 
perte, et comment peut-on la réduire à un minimum ? 

La puissance fournie par une génératrice est propor- 
tionnelle au produit EI du courant I qu’elle fait naître 
par la différence du potentiel Eà ses bornes. Il en est de 
même de la puissance utilisée par un moteur, I étant, 
dans ce cas, le courant qu'il recoit. D’autre part, le long 
d'un circuit, l'énergie perdue est proportionnelle au 
produit RI? de la résistance électrique R du circuit par 
le carré du courant qui le parcourt, Que faut-il donc 
pour diminuer la perte de charge dans un transport 
de force? Il faut évidemment diminuer R et I. Dimi- 
nuer R, c'est-à-dire augmenter la section des conduc- 
teurs, n’est pas en général une solution économique. 
Elle exige des dépenses de cuivre exagérées ; elle est, en 
outre,peuavantageuse, puisque R n’entre qu’au premier 
degré dans l'expression de la perte d'énergie. C’est 
done I qu’il importe surtout de diminuer. Mais alors, à 
égalité de puissance, il fautaugmenter E dans la même 
proportion que l’on diminue I, ce qui conduit à l'emploi 
des dynamos à très haut voltage, On s’est aventuré avec 
prudence dans cette voie : on se bornait avant ces der- 
nières années à destensions ne dépassant pas 1.000 où 
1.500 volts. C’est qu’en effet, si les tensions de quelques 
centaines devolts sont inoffensives, les tensions élevées 
sont terriblement dangereuses. Aujourd’hui cependant, 
on envisage avec sérénité des tensions de 3.000 et 
même 5.000 volts. Mais on n’emploie jamais directe- 
ment le courant fourni sous de grandes différences de 
potentiel. On abaisse celles-ci au moyen des transfor- 
mateurs avant de livrer le courant aux clients. Le trans- 
formateur recoit, par exemple, un courant de 10 am- 
pères sous une tension de 5.000 volts; il rend, abstrac- 


1 Revue gén. des Sciences du 30 novembre 1894, t, V, p. 874. 


tion faite des pertes inévitables, un courant de 500 am- 
pères sous une tension de 100 volts, Des deux côtés 
le produit EI est le même et égal ici à 50,000, La 
puissance utilisable reste donc aussi la même : théori- 
quement, le transformateur rend intégralement lé- 
nergie qu'on lui fournit, mais sous une autre forme. 
En pratique, il en absorbe un peu. 

Nous laisserons de côté, pour l'instant, la trans- 
formation des courants discontinus en courants 
continus, en courants polyphasés, etc., pour ne nous 
occuper que de la transformation des courants alter- 
natifs simples en courants alternatifs simples — cas 
qui comprend d’ailleurs la transformation, phase par 
phase, des courants polyphasés. Les appareils qui 
réalisent cette transformation, c’est-à-dire ceux que 
lon a plus particulièrement l'habitude d'appeler des 
transformateurs, sont, théoriquement et pratiquement, 
les appareils les plus simples que l’on puisse imaginer. 
Ils ne présentent aucune partie mobile et sont ainsi à 
Pabri d’une importante cause de perte d’énergie, due 
aux frottements et résistances passives des pièces en 
mouvement. Mais d’autres causes viennent absorber 
un peu de l'énergie qu’on livre à ces appareils : ce 
sont les aimantations et désaimantations du fer, les cou- 
rants qui circulent à travers les fils des transforma- 
teurs, puis ceux que l’on appelle courants de Foucault et 
qui naissent toujours à l’intérieur du noyau, quels que 
soient les soins que l’on prenne pour les éviter. Cette 
absorption d'énergie produit de la chaleur, qu’il peut 
être intéressant d'enlever au transformateur, tant au 
point de vue de son rendement qu'à celui de sa con- 
servation. Cette question, à peu près négligeable cepen- 
dant pour des transformateurs de puissance relative- 
ment faible, devient excessivement importante lorsque 
cette puissance augmente, soit que l’on ait à éclairer 
un secteur très peuplé et très resserré, soit que l’on ait 
à fournir l'énergie nécessaire à une grande usine, Les 
deux hypothèses se réalisent très souvent lorsqu'il 
s’agit d’un réseau gigantesque tel que celui du Niagara. 
On obtient alors une dépense d'installation bien plus 
faible et un rendement bien meilleur en employant des 
transformateurs aussi puissants que possible. On en 


construit qui sont de 100, 150 et même 200 kilowatts.… 


150 et 200 kilowatts correspondent respectivement à 
environ 200 et 270 chevaux-vapeur. De tels transfor- 
mateurs, lorsqu'ils sont en service, doivent être refroidis 
par un artilice quelconque. On a proposé, tantôt une 
circulation d'huile, tantôt une circulation d’eau, Le 
liquide, huile ou eau, est refroidi à sa sortie du trans- 
formateur et y retourne ensuite. De telles méthodes 
sont efficaces, sans doute, mais-ne laissent pas d’être 
un peu compliquées, surtout lorsque la masse à re- 
froidir est considérable. La General Electric Company eut 
récemment à étudier de puissants transformateurs pour 
Ja Cataract Construction Company. Elle s’inspira du mode 
de refroidissement des grandes dynamos, refroidisse- 
ment dù au courant d’air engendré par la rotation de 
l'armature. Les transformateurs ne présentant aucune 
pièce en mouvement, il fallait produire artificiellement 
un courant d'air, À cet effet, elle adjoignit un venti- 
lateur spécial au transformateur convenablement tra- 
versé par des canaux à travers lesquels est poussé l'air 
froid, La puissance qu'il est nécessaire de fournir au 
ventilateur varie avec la distance à laquelle il se 
trouve du transformateur, en même temps qu'avec la 
capacité de celui-ci, En moyenne, il n’absorbe guère 


nant À ant. +. 


TS OO I PE 


ll 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 51 


——— 


plus qu'un quart ou un demi °/, de l'énergie fournie 
au transformateur. L'air peut être envoyé sous lappa- 
reil par les conduits qui servent à loger les câbles pri- 
maires ou les câbles secondaires. La disposition est 
alors simple et peu coûteuse. 


L'Industries and Iron décrit un procédé tout nouveau 
de traitement électrolytique des sels d'aluminium. La 
méthode con- 
siste à soumet- 
s tre , comme 
dans le procé- 
dé Minet, à l’ac- 
F tion du courant 
électrique un 
mélange fondu 
de ces sels . 
Dans la masse 
plonge un tu- 
yau H (fig. 1), 
amenant de la 
vapeur d’eau. 
Les sels qui 
semblent don- 
ner les meil- 
leurs résultats 
sont le chlo- 
rure et le fluo- 
rure, On ob- 
tient un mé- 
lange satisfai- 
sant en em- 
ployant, par 
exemple, le 
chlorure d’alu- 
minium et de 
sodium avec de 
la cryolithe, et un excès de chlorure de sodium, dans 
les proportions suivantes : 
. Chloruredouble d'aluminium etde sodium 145 °/, 
Cryolithe 55 
Chlorure de sodium.................... 30 


Voici un autre mélange où une partie du chlorure de 
sodium est remplacée par du chlorure de potassium : 
LE OEM EE on PSE eo E 
Chlorure d’aluminium PSE 
Chlorure de sodium... 
Chlorure de potassium 


Naturellement, ces proportions ne sont pas fixes; 
elles peuvent varier selon les circonstances. On peut 
aussi employer un mélange de chlorure d'aluminium 
et de chlorure d’un métal alcalin ou alcalino-terreux 
avec le fluorure d'aluminium et le fluorure de sodium. 

L'emploi de la cryolithe ou des deux sels qui la 
constituent, — fluorures d'aluminium et de sodium — 
donne l'avantage que l'aluminium fond et coule en 
globules, tandis que les chlorures employés seuls don- 
nent un aluminium en poudre qu’il faut traiter une 
seconde fois avant de pouvoir l’employer. Un excès de 
chlorure de sodium rend le bain plus liquide et favo- 
rise la dissolution de la cryolithe, 

L'appareil employé dans ce procédé d'électrolyse est 


représenté dans la figure 1. F est un fourneau ayant 


un foyer f ouvert dans le haut; les bords de cette ou- 


 verture portent un creuset tronconique A; T est une 


chaudière fournissant dela vapeur d’eau par le tube H, 
dont le débit est réglé au moyen d’un robinet f, Le 


- creuset A est un récipient en fer doublé d'une couche 


de charbon aggloméré L, qui sert de cathode. Une 
borne S’ et un conducteur N établissent la connexion 
avec le pôle négatif d’une machine dynamo-électrique 
ou d’une autre source d'électricité 0. L'anode G est un 


… tube en charbon suspendu à une barre de fer D posée 


sur des supports en bois EE, rattachée par la borne S 
et le conducteur P au pôle positif de la source d’élec- 
tricité. Au lieu d’un seul tube en charbon, on peut 
évidemment en employer plusieurs disposés côte à 


côte. Les matières destinées à former le mélange 
électrolytique peuvent être fondues séparément et in- 
troduites à l’état mou dans le creuset. Quand le cou- 
rant passe, l'aluminium libre va se déposer à la ca- 
thode, le chlore et le fluor se dégagent à l’anode. En 
même temps, par le tube G, ou par un tube particulier, 
si on le préfère, arrive un courant de vapeur venant de 
la chaudière T, L'eau se dissocie et fournit de l’hydro- 
gène, qui transforme le chlore et le fluor en acide chlor- 
hydrique et acide fluorhydrique. Une hotte J et une 
cheminée K sont disposées au-dessus du creuset pour 
favoriser l'évacuation des gaz ainsi formés, dont l’action 
sur les organes respiratoires est pernicieuse, On peut 
également tendre des étoffes humides, l'eau dissolvant 
de grandes quantités d’acide chlorhydrique ou fluorhy- 
drique. La température de fusion du mélange est le 
rouge sombre. — Ce procédé ne diffèreessentiellement 
de celui de M. Minet que par l’adduction de la vapeur 
d’eau au sein de la masse fondue, 


Beaucoup d'opérations où l'électricité est utilisée exi- 
gent une surveillance particulière, notamment pour 
régler le temps pendant lequel le courant doitagir. Par 
exemple, dans les industries électrolytiques, un ouvrier 
est chargé de fermer ou d’ouvrir, à certaines heures 
déterminées, les circuits électriques, C’est pour sous- 
traire ce service aux erreurs dues à la négligence, que 
The Charls Plumb Electrical Works, de Buffalo, viennent 
de le rendre tout à fait auto- 
matique 4, Ces usines fabri- 
quent, à ceteffet, le commuta- 
teur quereprésentelafigure 2. 

Un ressort D tend à faire 
tourner autour de son pivot P 
le levier S. Ce mouvement est 
contrarié par un levier C, ca- 
pable lui-même de tourner au- 
tour de p et retenu par deux 
lames-ressorts FF, rattachées 
aux extrémités d’un circuit 
auxiliaire dont nous verrons 
tout à l'heure le rôle. Lesbor- | 
nes 1 et 2 sont en communi- 
cation avec un réseau ou une 
génératrice électrique, les 
bornes 3 et4avecles appareils 
d'utilisation. D'autre part, un 
poids B est sus- 
ceptible de glis- 


ser le long d’une , -E 
tige t. Ce poids © | 
est retenu par JC] 
l’armature A 
d'un électro-ai- 
mant qui est in- NE yat 
tercalé dans le circuit auxiliaire. Ce 
circuit,comprenant un 
, ou deux éléments de 
Der | pile, se ferme lorsque 
Tr l'aiguille d’une horloge 
Drm! | convenablement pré- 
D parée occupe une cer- 
Pie, 2 taine position. À ce 
NAT ee ; 
RE moment, l’armature A 


est attirée; le poids B, devenu libre, tombe sur le re- 
pos » et, dans sa chute, fait pivoter le levier C. Ce 
mouvement rend libre le commutateur S et lui permet 
de céder à l'action du ressort D. Le circuit principal 
est ainsi rompu. Le circuit auxiliaire l’est aussi de son 
côté, aux bornes FF. On évite ainsi la décharge trop 
prolongée des piles. Pour remettre l’appareilen état de 
fonctionner, il suffit de ramener à leur première po- 
sition le poids B, le levier C et le commutateurs. 

A. Gay, 


Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. 


1 The Electrical World, No du 5 janvier. 


518 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Greenhill (A.-G.), Professeur de Mathématiques au 
Collège de Woolwich, membre, de la Société Royale 
de Londres. — Les Fonctions elliptiques et leurs 
Applications, traduit de l'anglais, par M. J. Griess, 
Professeur au Lycée d'Alger. — Un volume in-8° de 
572 pages. (Prix : 15 fr.) G. Carré, éditeur. Paris, 1895, 
Le goût naturel et l'éducation dé beaucoup d’étu- 

diants francais les portent, quelquefois avec excès, vers 
les idées générales. Pour ne parler que de Mathéma- 
tiques, quel professeur n’a rencontré des élèves de nos 
Ecoles et de nos Lycées parfaitement instruits des 
théories générales et incapables d’en faire une applica- 
tion précise, cependant très facile, possédant, par 
exemple, la notion d’intégrale définie dans toute sa 
rigueur, sans savoir effectuer les quadratures les plus 
élémentaires. 

IlLest utile que quelques ouvrages viennent réagir 
contre ces tendances; pour cela, on ne peut trouver 
mieux que les livres anglais, dans la plupart desquels 
les idées générales sont amenées peu à peu par l’étude 
des faits mathématiques ou des questions posées par 
les sciences physiques. C’est à ce titre que se recom- 
mande l’ouvrage de M. Greenhill; dont on ne peut mieux 
caractériser l'esprit qu'en reproduisant la pensée de 
Fourier qui lui sert d'introduction : ; 

« L'étude approfondie de la Nature est la source là 
« plus féconde des découvertes mathématiques. Non 
« seulement cette étude, en offrant aux recherches un 
« but déterminé, a l'avantage d'exclure les questions 
« vagues et les calculs sans issue; elle est encore un 
« moyen assuré de former l’Analyse elle-même et d’en 
« découvrir les éléments qu’il nous importe le plus de 
« connaître et que cette Science doit toujours conser- 
« ver. Ces éléments fondamentaux sont ceux qui se re- 
« produisent dans tous les effets naturels. » 

M. Greenhill se place ainsi à un tout autre point de 
vue que les auteurs des excellents traités francais sur 
les fonctions elliptiques : Briot et Bouquet, Halphen, 
MM. Tannery et Molk. 1] renonce aux avantages d'unité 
et d’enchainement logique que ces auteurs obtiennent 
en établissant d’abord, par des considérations générales 
ordinairement empruntées à la théorie moderne des 
fonctions, les formules et les théorèmes relatifs aux 
fonctions elliptiques, pour les appliquer ensuite à la 
Mécanique, à la Physique mathématique, à la Géomé- 
trie, à l’Arithmétique; mais il trouve, en revanche, 
l'avantage bien précieux d’intéresser immédiatement le 
lecteur qui n’est pas un pur mathématicien, en lui 
fournissant, dès les premières pages, de belles et im- 
portantes applications des fonctions elliptiques. 

L'auteur suit en ceia une méthode d’exposilion ana- 
logue à celle de M. Hermite, qui, dans son beau Mé- 
moire Sur quelques applications des fonctions elliptiques, 
commence par montrer comment un problème sur Ja 
chaleur conduit aux fonctions doublement périodiques 
de seconde espèce, 

M. Greenhill, en traitant d’abord des questions entiè- 
rement élémentaires, montre de même que les fonc- 
tions elliptiques s'imposent à l'Analyse pour la résolu- 
tion de problèmes simples de Mécanique, Géométrie, 
Physique mathématique. Il commence par les anciennes 
méthodes de Legendre, Abel, Jacobi, en partant de la 
notion de l'intégrale elliptique et de la fonction inverse; 
il ne suppose donc chez le lecteur aucune connaissance 
sur la théorie générale des fonctions, ni sur la théorie 
particulière des fonctions elliptiques; et il l'amène peu 
à peu, par l'étude de problèmes élégamment choisis, 


sans caractère artificiel, à posséder tous les points 
essentiels du sujet. 

La traduction de M. Griess n’est pas entièrement 
conforme à l'édition anglaise : M. Greenhill en a aug- 
menté l'intérèt par des remaniements et d'importantes 
additions, notamment par un appendice de 50 pages en- 
tièrement nouveau, — Voici une analyse sommaire de 
l’ouvrage : 

Le livre débute par l'étude des oscillations du pen- 
dule simple; les expressions des coordonnées de lex- 
trémité du pendule en fonction du temps conduisent à 
la définition analytique des fonctions elliptiques d’une 
variable réelle et à leurs représentations géométriques 
et mécaniques. La périodicité du mouvement pendu- 
laire conduit naturellement à la notion de la période 
réelle des fonctions elliptiques, sn, en, dn, et aux 
formules donnant les valeurs de ces fonctions, quand 
on ajoute à l'argument la demi-période. La période 
imaginaire est ensuite introduite et interprétée méca- 
niquement, comme le produit de à par la période de l’os- 
cillation d'un pendule décrivant l'arc supérieur dumême 
cercle, sous l’action de la pesanteur changée de sens. 

Après une courte digression sur la dégénérescence 
des fonctions elliptiques en fonctions circulaires ou 
hyperboliques, Pauteur revient au mouvement pendu- 
laire, et, par la comparaison des mouvements de deux 
pendules, dont l’un fait des révolutions complètes, 
tandis que l’autre exécute des oscillations, il établit les 
formules qui correspondent à l'échange du module 
avec son inverse. Puis, viennent quelques applications 
élégantes, surfaces minima, équation d’Euler, desti- 
nées à graver les premières formules dans l'esprit du 
lecteur. 

Dans le second chapitre, l'auteur considère les inté- 
grales elliptiques de toutes les formes possibles; il 
donne leurs valeurs au moyen des fonctions elliptiques 
inverses ; il introduit la notation de Weierstrass, quand 
le polynôme sous le radical est du troisième degré. 

Ces premières notions, dans le cas de la variable 
réelle, suffisent. pour l'intelligence des applications 
géométriques et mécaniques auxquelles est consa- 
cré Je chapitre 11. La variété des problèmes choisis 
en rend la lecture très intéressante, et contribue à 
familiariser Le lecteur avec le maniement des formules. 

Le chapitre 1v traite du théorème d’addition. Ce der- 
nier est encore rattaché au mouvement simultané de 
deux pendules en retard l’un sur l'autre; l’auteur en 
déduit la construction de Jacobi, et une application des 
plus intéressantes à la construction des polygones de 
Poncelet, inscrits à un cercle et circonscrits à un autre. 
M. Greenhill, après avoir très heureusement modifié et 
complété la partie relative aux pentagones, montre 
comment ses résullats peuvent être identifiés avec ceux 
qu'Halphen a trouvés dans le 11° volume de son Traité, 
et donne quelques théorèmes nouveaux. Une dernière 
application se rapporte à Ja Trigonométrie sphérique et 
conduit au tableau des 33 formules données par Jacobi 
dans ses Fundamenta. 

Le chapitre v envisage le théorème d’addition sous 
forme algébrique; sa lecture suppose la connaissance 
d’un certain nombre de théorèmes d’Algèbre supérieure 
relatifs à la théorie des formes. 

Le chapitre suivant conduit aux intégrales de 
deuxième et troisième espèces et aux fonctions Z (u) et 
x (u, 4). 4 

Dans le chapitre vit paraissent les fonctions £u et ou 
de M. Weierstrass. Elles servent à compléter la solution 
de problèmes qui n'avaient pu être terminés précé- 
demment (chainette en rotation, élastique gauche algé- 


| 
| 


F 


D. do 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


19 


brique, pendule sphérique, toupie). Le théorème d’ad- 
dition pour les intégrales elliptiques de troisième 
espèce est élabli par une extension de la méthode 
d’Abel, précédemment employée : elle conduit tout 
naturellement à la considération des intégrales pseu- 
do-elliptiques. Toute celte partie a.été profondément 
remaniée par M. Greenhill; les calculs ont été plus 
développés et appliqués à la détermination de certaines 
herpolhodies algébriques (déjà faite partiellement par 
Halphen), ainsi qu’à l'élastique gauche. 

La double périodicité des fonctions elliptiques est 
mise en évidence par la considération des ovales de 
Descartes (chapitre vin). Puis, vient un chapitre très 
original,sur les développements des fonctions elliptiques 
en produits de facteurs et en séries ; ces problèmes sont 
rattachés à des questions de Physique mathématique, 
et en particulier aux théories électriques de Maxwell. 

Le dernier chapitre se rapporte à la théorie de la 
transformation. Après l'avoir d’abord rattachée aux 
considérations physiques du chapitre précédent, l’au- 
teur reprend la théorie algébrique générale, en suivant 
la méthode indiquée par Jacobi dans ses Fundamenta. 
Un nombre considérable de résultats sont indiqués 
dans ce chapitre. 

L’appendice contient l'étude de l'angle apsidal dans 
les petites oscillations d’une toupie, la théorie du 
mouvement d’un solide de révolution dans un liquide 
indéfini, l’étude de la chaïnette sphérique et de quel- 
ques cas particuliers du mouvement d’un corps pesant 
le révolution suspendu par un point deson axe. | 

En résumé, le principal caractère du livre de 
M. Greenhill est d’intéresser le lecteur aux fonctions 
elliptiques, en montrant comment leur théorie se rat- 
tache à la résolution de toutes sortes de problèmes de 
Géométrie, de Mécanique, de Physique. Cet ouvrage 
rendra de grands services à tous ceux qui désirent 
étudier cette théorie : aux Physiciens et aux Ingénieurs, 
il fournira un instrument de calcul puissant, avec des 
exemples variés sur la manière de l'appliquer ; aux étu- 
diants en Mathématiques, il facilitera l'intelligence des 
débuts de la théorie et inspirera la curiosité de lire les 
grands traités. Mème pour des candidats à la licence 
mathématique et physique, la lecture des cinq premiers 
chapitres sera des plus aisées; elle leur apprendra 
rapidement le maniement des fonctions elliptiques avec 
les notations de Jacobi et de M. Weierstrass. 

- Terminons en signalant la facon particulièrement 
élégante dont M. Greenhill a donné des exemples d’in- 
tégrales pseudo-elliptiques, notamment dans le mou- 
vement du pendule conique, dans celui d’un corps 
pesant autour d'un point fixe, dans le problème de 
la chainette sphérique, dans l'étude du mouvement 
d'un solide de révolution dans un liquide indé- 
fini : ces exemples sont en partie nouveaux, en partie 
tirés d’un mémoire étendu sur les intégrales pseudo- 
elliptiques, que M. Greenhill vient de publier dans les 
Proceedings of the London Mathematical Society et qui se 
rattache directement aux paragraphes correspondants 
de son livre. Un autre point, sur lequel M. Greenbill a 
fait des recherches personnelles d’un grand intérêt, est 
la théorie des équations modulaires; le mémoire ori- 
pre de l’auteur, cité avec éloge par Halphen, vient 
’être traduit par M. Laugel dans les Annales de l'Ecole 

Normale Supérieure. P. APPELL, 

de l'Académie des Sciences, 

Professeur de Mécanique rationnelle 

à la Sorbonne. 
Niewenglowski (B.), Professeur de Mathématiques 
spéciales au Lycée Louis-le-Grand. — Cours de Géo- 
métrie analytique. Tome IL — 1 vol. in-8° de 

292 payes avec 180 fig. (Prix : 8 fr.) Gauthier-Villars, 

éditeur, Paris, 1895. 

M. Floquet a analysé, dans la Revue du 15 mai der- 


nier, le premier volume de cet ouvrage. Le second, 


concu dans le même esprit, vient de paraitre. Il traite 
de la construction des courbes planes et des complé- 
ments relatifs aux coniques. 


2° Sciences physiques. 


Demarçay (Eug.), Ancien Répétiteur à l'Ecole Poly- 
technique. — Spectres électriques. — 1 vol. in-4° de 
92 pages avec 1 atlascontënant 40 planches. (Prix :25 fr.). 
Gauthier-Villars et fils, éditeurs, Paris, 1895. 


L'analyse spectrale, de date si récente, est-déjà de- 
venue une science considérable : elle est, en particu- 
lier, d’une application, non pas seulement'avantageuse, 
mais tout à fait nécessaire, dans les recherches de 
Chimie minérale, 

Dans toutes les sciences, le perfectionnement des 
méthodes d'observation entraîne, à coup sûr, le progrès 
de nos connaissances et le développement consécutif 
de nos idées, : 

Pour ce qui concerne l'application de l’analyse spec- 
trale aux recherches courantes de Chimie minérale, il 
est essentiel de se borner à l'emploi de procédés 
simples, faciles d'exécution et rapides. Si ces condi- 
tions ne sont pas remplies, le chimiste a, dans son la- 
boratoire, de fort beaux instruments. .…. dont il ne se 
sert pas. 

En analyse spectrale chimique, on ne saurait, il est 
vrai, se contenter d’un seul procédé; mais le nombre 
des modes opératoires doit être restreint au minimum 
absolument indispensable. 

Dans l’état actuel de la Chimie minérale, les mé- 
thodes spectrales pratiques paraissent se réduire aux 
suivantes : 

1° Flammes activées ou non par des souffleries ; 

20 Etincelle des bobines du genre Ruhmkorff, avec ou 
sans condensation du courant induit ; 

3° Bobine à court fil de M. Demarcay. 

L'étincelle, non condensée, des bobines Ruhmkorff, 
donne de bons résultats pour beaucoup de corps, mais 
elle est impuissante, ou peu avantageuse, dans l’analyse 
spectrale de certaines substances et, en particulier, 
dans celle des métaux réfractaires tels que : Ti; U; 
Ts: Si; Ir; Di; Th, etc. 

L'’étincelle Ruhmkorff condensée donne bien les 
spectres de tous les corps, mais les raies brillantes qui 
appartiennent en propre à cette étincelle, jaillissant 
dans l'air, compliquent les résultats, rendent les re- 
cherches laborieuses et ôtent de la certitude à l’obser- 
vation, car plusieurs des raies du corps étudié peuvent 
être masquées par celles de l'air. 

L’arc électrique offrirait des avantages, si son emploi 
était à la portée de tous les chimistes et ne nécessitait 
pas une installation coûteuse et compliquée. 

Un procédé permettant d'obtenir des effets voisins de 
ceux de l’arc, mais d’une facon simple et réellement 
pratique, était, il y a encore peu d’années, un deside- 
ratum pour les spectroscopistes. 

C'est, dirigé par le désir de combler cette lacune de 
l'analyse spectrale, que M. Demarcay fit des recherches 
et eut la très heureuse idée de diminuer considérable- 
ment la tension des étincelles induites et d'en aug- 
menter de beaucoup la quantité ; la bobine qu'il a fait 
construire à pour caractères : la brièveté des circuits 
inducteur et induit; la grosseur des fils; enfin, la 
grande surface du condensateur du courant primaire. 

Cette bobine fournit des étincelles fort courtes, mais 
très nourries, dans lesquelles les métaux réfractaires 
se volatilisent et donnent généralement des spectres de 
lignes d'une merveilleuse beauté, tandis que le spectre 
secondaire de l’air est absent et que le spectre primaire 
de l’air est lui-même assez faible. 

En écartant un peu plus les pôles de la bobine De- 
marcay, on développe souvent des spectres de bandes 
très brillants, ainsi que cela se voit, par exemple, avec 
le chlorure de gadolinium. 

On peut dire qu’en général, les spectres de la bobine 
Demarcay sont assez analogues, comme constitution, à 
ceux des étincelles non condensées des bobines à long 
fil, mais ils possèdent toutefois une plus grande inten- 
sité relative et absolue, dans les régions bleues et 
violettes. 


1e) 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


En tenant compte de cette particularité, les spectros- 
copistes pourraient, à la rigueur, se servir de la bobine 
Demarcay, tout en ne possédant que des dessins spectraux 
faits avec les étincelles non condensées des bobines 
à long fil, mais cela exigerait quelque attention et 
quelque peine, Aussi, M. Demarcay a-t-il pensé que les 
chimistes auraient intérêt à pouvoir consulter des des- 
sins représentant spécialement les raies fournies par 
la bobine à court fil, surtout dans la partie la plus ré- 
frangible du spectre, région où ces raies sont généra- 
lément le plus développées. 

Un recueil de dessins spectraux bien faits exige, pour 
ètre confeclionné, beaucoup de temps et de travail : 
M. Demarcay a jugé que le mieux était de concentrer 
tous ses efforts sur la partie du spectre dans laquelle 
les effets de sa bobine sont le plus caractéristiques el 
de donner des images spectrales très soignées et très 
étudiées; il a donc exécuté son travail au moyen de la 
photographie, et il s’est borné à reproduire les raies 
depuis le vert-bleu jusqu'à l’ultra-violet avancé. 

M. Demarcay a consacré de nombreuses années à 
cette recherche, et ses amis scientifiques savent quels 
soins et quelle conscience il y a apportés. Ceux qui ont 


fait des dessins de spectres peuvent seuls apprécier un: 


pareil travail à sa juste valeur. 

On a publié bier des spectres photographiques, mais, 
à part peut-être quelques heureuses exceptions, ces 
documents n’ont guère d'intérêt que pour les spectros- 
copistes de profession; leur application pratique par 
les chimistes est souvent bien difficile, la photographie 
donnant toutes les raies produites dans l’étincelle : 
celles des impuretés aussi bien que celles du corps 
étudié. Le triage des raies photographiques est donc 
nécessaire, et c’est un travail aussi long que fastidieux. 

Bien que les raies de l’air soient très atténuées dans 
le procédé de M. Demarcay et que cet auteur ait em- 
plové des substances aussi pures que possible, l’usage 
pratique des belles photographies publiées aujourd'hui 
exigerait encore une certaine prudence, si le triage des 
raies n'avait pas été fait, Mais l’auteur n’a pas manqué 
d'indiquer, sur les planches et dans le texte, toutes les 
raies étrangères jusqu'à un ordre de grandeur qui 
dépasse de beaucoup celui auquel on s'arrête dans Îles 
observations spectrales courantes. L'ouvrage de M. De- 
mareay à, par cela même, un caractère vraiment clas- 
sique, et il sera certainement consulté avec fruit par 
les personnes qui se servent du spectroscope. 

LEcoQ DE BoisBatDRaAN. 


8° Sciences naturelles. 


Poirault (G.). — Recherches anatomiques sur 
les Cryptogames vasculaires.Thèse pour le doctorat 
de la Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol. in-8° 
de 150 p. avec fig. G. Masson, éditeur, Paris, 189%. 


Le groupe des Cryptogames vasculaires a déjà fourni 
un grand nombre de travaux anatomiques ; tous les or- 
ganes, tous les tissus ont été l’objet de recherches at- 
tentives; M. Poirault a su cependant y trouver les élé- 
ments d’une thèse fort intéressante en étudiant certains 
détails de structure de plus près que ne l'avaient fait 
ses devanciers, Il a divisé son travail en chapitres cor- 
respondants aux différents organes végétatifs, dans 
lesquels il expose ses observations relatives à tel tissu 
ou à tel détail histologique mal connu ou controversé; 
à vrai dire, ce n’est pas uneétude d'ensemble du groupe, 
mais plutôt une série denotes histologiques surun grand 
nombre de plantes du groupe. L'auteur y fait preuve, 
non seulement de connaissances bibliographiques très 
étendues, qui lui permettent de faire des rapproche 
ments aussi documentés qu'intéressants avec les Pha- 
nérogames, mais aussi d'une incontestable habileté 
d'histologiste, A cause de la diversité des sujets traités, 
il est impossible d'en donner une analyse détaillée et 
je citerai seulement quelques résultats. 

On sait que l’endoderme, et celui de la racine par- 
ticulièrement, présente autour de ses cellules un cadre 


subérifié ou lignifié qui, en section transversale, si- 
mule un épaississement, sur les parois radiales, appa- 
rence qui est due non à un épaississement, mais à un 
plissement de ce cadre. Or, d'après les uns, ce plisse- 
ment existerait réellement sur les cellules vivantes et 
serait dû à une diminution de la tension cellulaire, les 
parties cellulosiques pouvant revenir sur elles-mêmes 
et le cadre, moins élastique, se plissant pour suivre la 
membrane dans son raccourcissement. D'après les 
autres, les plissements ne se montreraient pas dans 
la racine vivante, ils ne seraient pas un phénomène 
physiologique, mais un simpleaccident de préparation. 
Or, M. Poirault a constaté, chez diverses plantes, des 
faits qui éclairciront peut-être laquestion : c’est la pré- 
sence d'endodermes non plissés, mais dont le cadre 
est rompu transversalement en divers points et dont 
les lèvres de rupture sont garnies d'un dépôt calleux ; 
ceci indique en effet que le phénomène a lieu durant 
la vie de la cellule, et se traduit par un plissement ou 
par des fentes suivant l'élasticité du cadre, mais ne 
nous en montre pas la cause intime. 

Bien que le liber de la racine des Cryptogames vas- 
culaires ait été souvent décrit, on n'avait pas encore 
réussi à y démontrer la présence de tubes criblés; 
l'auteur, en appliquant les procédés histologiques les 
plus récents, a prouvé qu'il en était pourvu et que l’on 
y retrouvait les deux sortes de tubes désignés par 
M. Lecomie sous les noms de type Courge et de type 
Vigne. É 

M. Poirault insiste aussi sur les communications 
protoplasmiques de cellule à cellule, dont il donne des 
dessins très probants, sur la généralité de la présence 
des cristalloïdes dans les noyaux, sur la terminaison 
des nervures dans les feuilles... etc... Son travail, 
comme nous le disions en commencant, renferme un 
grand nombre de résultats intéressants ; la lecture en 
sera indispensable non seulement à ceux qui auront à 
étudier les Cryptogames vasculaires, mais aussi à tous 
ceux qui s'occupent de biologie cellulaire: malheu- 
reusement l’auteur n'a pas cherché à faciliter cette 
lecture, car il a omis les résumés et les conclusions 
d'usage, qu'on ne trouve nià la fin de chaque cha. 
pitre ni à la fin du volume. 

C. SAUVAGEAU. 


Paulhan (Fr.). — Les Caractères. — 1 vol, in-S° de 
250 pages (Prix : 5 francs). Félix Alcan, éditeur, 108, 
boulevard Saint-Germain, Paris, 1895. 


Ce livre de M. Paulhan est la suite naturelle de ses 
travaux sur l’activité mentale et les éléments de l’es- 
prit. Après avoir formulé un ensemble de lois abs- 
traites, régissant d'après lui les combinaisons les plus 
générales qui existent entre les phénomènes psychiques, 
représentations et tendances, il cherche aujourd'hui à 
montrer comment « les diverses manifestations de 
ces lois abstraites produisent des catégories différentes 
de types psychiques ». Ces lois, au nombre de quatre : 
lois d'association systématique, d'inhibition systéma- 
lique, d'association par contraste, d'association par 
ressemblance et contiguité, se ramènent — les trois 
premières, du moins — à une loi générale de finalité. 
On pourrait, au reste, sans faire intervenir aucune con- 
ception de cet ordre, les interpréter comme de 
simples lois de mécanique psychique, comme l’expres- 
sion des rapports généraux qu'élablissent entre nos 
tendances leurs différences de grandeur et de direction. 

Toutes les formes de caractère se laissent ramener, 
pour M, Paulhan, à n'être que des formes particulières de 
l'association systématique. « Les qualités générales du 
caractère, son allure propre, ne proviennent que de la 
perfection relative de cette association et de l'aspect 
que prennent corrélativement les manifestations de 
l'autre grande loi de l'esprit, l'inhibition systématique, 
ainsi que les associations par contraste ou par conti- 
suité et ressemblance, » Quant au fond du caractère, il 
résulte de la nature même des tendances : d'une part. 
des qualités générales que peuvent offrir les tendances : 


PET 


| stade 


PR 


leur pureté (au 
énergie, leur persistance, leur souplesse, leur « sensi- 
bililé », et aussi leur nombre; d’autre part, de leurs 
objets divers. Un même caractère, pour être connu dans 
son ensemble, doit être envisagé successivement sous 
ces divers aspects, et il est telles appréciations diffé- 
rentes, d'une même personne, qui désignent des ma- 
nières d'être qui ne sont ni semblables, ni opposées, 
mais absolument hétérogènes, et qui, par conséquent, 
peuvent être simultanément exactes. On peut être simul- 
tanément capricieux, gourmand, et mou, « Si nous 
jugeons une personne capricieuse, nous mettons en 
lumière les rapports généraux des diverses tendances 
qui sent en elle, la facon dont elles s'associent, se com- 
battent et se remplacent », dans le cas particulier, leur 
défaut de cohésion, La mollesse, c’est une qualité géné- 
rale du caractère qui tient à la faiblesse des tendances: 
la gourmandise, c’est la prédominance, l'intensité par- 
ticulière, au milieu de tendances généralement faibles, 
d'une tendance relativement forte, le goût des saveurs 
agréables et l'impulsion à les rechercher. 

Le degré de cohésion des tendances et la forme 
particulière de leur association nous permettra d'établir 
les types suivants : {1° les équilibrés, « chez lesquels la 
syslématisation résulte non pas de la prépondérance 
d'une tendance qui se soumet toutes les autres, mais 
de J’harmonie des tendances fortes, bien développées 
et qui s’équilibrent, et forment un ensemble unifié sans 
que l’une d'elles cherche à dominer plus ou moins 
longtemps qu'il ne faut pour conserver l’harmenie 
générale », 2° Les unifiés, chez lesquels l'harmonie 
résulte de la subordination de l’ensemble des tendances 
à l’une ou à quelques-unes d’entre elles. 3° A côté de 
ces formes où prédomine l'association systématique, 
viennent s’en ranger d'autres qui résultent de la 
prédominance de l’inhibilion systématique : les réfléchis, 
les maitres d'eux-mêmes. Ce sont, en réalité, el 
M. Paulhaa le reconnait lui-même, des unifiés chez 
lesquels l'inhibition des tendances adverses est moins 
parfaite, chez lesquels, en d'autres termes, la diffé- 
rence d'intensité des tendances est moins grande : il 
y aura donc chez eux des luttes intérieures. des conflits, 
mais dont l'issue ne sera pas douteuse. 4° Lorsque 
les tendances luttent à forces égales, un autre type 
apparaît : celui de l'inquiet, du nerveux, du con- 
trariant, de l'agilé. Le conflit est alors permanent, l’équi- 


- libre loujours instable, l'harmonie définitive impossible, 


59 Si la cohésion des tendances continue à diminuer, ce 
relâchement du lien d’association qui avait permis les 
luttes intérieures les supprime en augmentant encore: 
les tendances se satisfont chacune pour son compte, sans 
être entravées ni empéchées par les tendances opposées : 
on a alors affaire aux impulsifs, ou, si chaque système de 
tendance est en lui-même cohérent et unifié aux com- 
posés, aux mulliples, le débauché chaste, l'amateur de 
courses de faureaux, plein de pitié pour les souffrances 
des animaux, ete. 6° Mais ce défaut de cohésion, qui était 
exceptionnel chez l’impulsif et ne se manifestait que 
lorsque telle ou telle de ses tendances revêtait ane spé- 
ciale intensité, qui, chez le multiple, n’atteignait pas 
l'intégrité de chacune de ses synthèses partielles, peut 
s'étendre à l'esprit tout entier, et on est alors en pré- 
sence du type de l'incohérent, de l'émielté, qui revêt 
mille aspects divers : le faible, le suggestible, V'étourdi, 
le distrait par légèreté, ete., et qui trouve sa plus com- 
plète expression dans le caractère hystérique. Si nous 
passons maintenant à l'examen des qualités générales 
des tendances elles-mêmes, nous verrons se dégager 
de nouveaux types : l'abondance et la multiplicité des 
goûts et des tendances nous donnera les caractères 
amples et riches, leur pelit nombre les caractère étroits 
et fermés, ce que les Anglais appellent one-sideness. 
Remarquons que les tendances elles-mêmes peuvent 
être plus ou moins complexes. Chez l’un, l'amour se 
réduira à l'instinct sexuel; chez l’autre, ce sera une 
tendance synthétique où des sentiments esthétiques, 
des sentiments tendres, de l'estime, de la reconnais- 


sens psychologique du mot), leur 


921 


sance, des affinités intellectuelles, etc., entreront en 
composition. Ces éléments psychiques, ces tendances, 
peuvent être composés de tendances élémentaires, 
cohérentes entre elles et harmoniques, ou bien, au 
contraire, d'instincts et de goûts dont l’unité finale est 
le résultat d’un conflit, d’une lutte : cela nous donnera, 
d’une part, les tranquilles, et de l’autre les troublés, 
Suivant que les tendances dans leur ensemble seront 
faibles ou fortes, énergiques ou languissantes, nous se- 
rons en présence des passionnés, des entreprenants, des 
audacieux, d'une part; des indifférents, des paresseux, 
de l’autre, De la persistance des tendances, résultent 
l’obstination, la constance, la persévérance : de leur mobi- 
lité, la faiblesse, l'inconstance. Mais une tendance peut 
revêtir des formes indéfiniment diverses et s'adapter, 
restant en son fond toujours identique à elle-même, aux 
changements incessants des circonstances, et l’on a 
affaire alors à la souplesse de caractère, ou demeurer 
toujours invariable, ne s'adapter point : c'estle propre 
des caractères raides, raideur qui se voile de douceur 
ou se trahit par une rudesse extérieure, Remarquons 
enfin que, parmi des hommes doués de passions égale- 
ment fortes et tenaces, les uns sont plus aisément que 
les autres déterminés à l’action, ou, pour mieux dire, 
plus rapidement : la rapidité de la réaction est indé- 
pendante de son intensité et de sa durée. Si nous nous 
placons à ce point de vue, nous rangeons dans une ca- 
tévorie les vifs, les impressionnables, etc.; dans une 
autre, les froids, les lents, les flegmatiques. Notons tou- 
tefois que les réactions lentes sont d'ordinaire celles 
qui correspondent aux tendances les plus persistantes, 
les plus tenaces. Si, enfin, nous nous placons au point 
de vue de l'objet des tendances, la classification des 
caractères sera celle même des inclinations et des ins- 
tincts; on les peut répartir en trois grands groupes : 
types déterminés par la prédominance des tendances 
vitales, types déterminés par la prédominance des ten- 
dances sociales, types déterminés par la prédominance 
des tendances supra-sociales; quelques exemples pris 
dans chaque groupe indiqueront nettement à quoi cor- 
respond cette classification : dans le premier groupe, 
nous trouvons le gourmand, le sexuel, l'homme chez qui 
prédominent les jouissances esthétiques de l'œil ou de 
l'oreille, l’intellectuel, ete.; dans le deuxième, l'amant, 
l’ami, le patriote, le mondain, l'avare, le vaniteur, le 
modeste, l'ambitieux, V'humble, eic.; dans le troisième, 
les mystiques, les hommes épris de la vérité, etc. Il ne 
faut pas confondre l’homme qui aime le vrai avec le 
simple intellectuel. « Ce que celui-ci aime surtout, c’est 
l'exercice de son intelligence; ce qu'aime l’autre, c’est 
l'objet de cet exercice. » 

M. Paulhan a consacré la dernière partie de son 
livre au caractère individuel. Il montre que, chez un 
même individu, plusieurs types coexistent normale- 
ment. « Les types purs sont extrêmement rares, et 
la pureté absolue n'existe pas. » A côté de la ten- 
dance maitresse, il subsiste toujours des goûts parti- 
culiers qui ne s’harmonisent qu'incomplètement avec 
elle; il n'est pas d'homme au caractère si impulsif 
qu'il ne soit, à certaines heures, maître de lui-même ; 
il n’est pas d’incohérent, à moins de nous adresser 
à des cas franchement pathologiques, qui ne con- 
serve encore dans sa conduite quelque cohésion, A côté 
de tendances amples et souples, il peut y en avoir, 
chez le même individu, qui soient très raides et très 
pauvres de contenu. Il faut aussi établir avec grand soin 
la nature des relations que chaque tendance ou système 
de tendances soutient avec tout l’ensemble, et tenir 
compte de l’état transitoire ou relativement définitif de 
ces tendances : une tendance significative chez un 
vieillard, l’ardeur amoureuse, ne l’est pas chez un jeune 
homme, et, si c’est un trait de caractère à noter chez 
un enfant que d’être réfléchi, le même degré de con- 
centration intellectuelle demeurera sans signification 
et sans portée chez un adulte, Il ne faut pas non plus 
perdre de vue les substitutions de tendances qui se 
peuvent produire en raison des circonstances dans un 


222 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


caractère déjà relativement équilibré : toutes ne sont 
point possibles, parmi les tendances, celles-à seules 
peuvent émerger et recouvrir les tendances actuelle- 
ment dominantes, qui se manifestent déjà obscurément 
dans un caractère : en observant, par exemple, de 
quelle manière un jeune homme est amoureux, on peut 
prévoir s’il sera ou non ambitieux. 

M. Paulhan à terminé son livre par une analyse du 
caractère de G. Flaubert où il s’est efforcé de mettre 
en pratique les règles générales de méthode qu'il a 
formulées et de trouver une illustration aux lois abs- 
traites qu'il a établies, 

Il y aurait certes plus d’une critique à adresser à cet 
ouvrage, mais elles porteraient soit sur sa forme, sur 
les vices de composilion qu'on y pourrait aisément 
relever, sur la confusion très grande qui règne dans 
les détails et qui contraste avec la clarté et la netteté 
de l’ensemble, soit sur l'interprétation que M. Paulhan 
a donnée des lois générales d'association qu’il a étu- 
diées avec une si pénétrante originalité; mais les unes 
et les autres seraient ici hors de leur place, et, tel qu'il 
est, le livre de M. Paulhan renferme à la fois la plus 
scientifique analyse de ce qui constitue le caractère et 
la meilleure classification des divers types psychiques 
qu’un psychologue francais ait encore publiées. 

L. MARILLIER. 


4° Sciences médicales. 
Dryepondt (D'G.).— Guide pratique hygiénique 
et médical du voyageur au Congo. (Publications de 
l'Etat indépendant du Congo.) — Un vol. in-8° de 
130 pages. Imprimerie van Campenhout, 13, rue de la 
Colline. Bruæelles, 1895. 


Publié par les soins de l'Etat indépendant du Congo, 
ce manuel a été écrit non pour les médecins, mais 
pour les Européens qui, pendant leur séjour au Congo, 
peuvent, et le cas est fréquent, se trouver éloignés de 
tout secours médical, L'auteur s'est efforcé de résu- 
mer, dans une langue simple, en s’abstenant soigneu- 
sement des termes techniques, les principales notions 
acquises sur la pathologie des pays intertropicaux. 

La première partie est consacrée à de brèves consi- 
dérations sur les règles d'hygiène que devra suivre le 
voyageur (vêtements, couchage, nourriture, etc.). 

L'auteur passe ensuite en revue les affections spé- 
ciales qu'on rencontre le plus communément au 
Congo, indiquant pour chacune d’elles les principaux 
symptômes et le traitement. La malaria et, après elle, 
les maladies de l'appareil digestif dominent toute la 
pathologie. Bien que n’admettant pas le traitement 
préventif de la fièvre par la quinine, l’auteur ne peut 
s'empêcher de reconnaître qu'il est utile de prendre 
pendant une huitaine de jours un demi-gramme de 
quinine chaque fois qu'on change d'habitat, et de 
même après une marche forcée ou après avoir traversé 
ul pays marécageux. 

Après quelques courtes notions de petite chirurgie, 
l'opuscule se termine par quelques indications prati- 
ques sur le bagage médical du voyageur. 

L'Etat du Congo a adopté de petites pharmacies 
portatives dans lesquelles les médicaments sont pres- 
que tous en tabloïdes, c’est-à-dire comprimés. Ce 
mode de préparation a le double avantage de réduire 
le volume des médicaments, tout en assurant mieux 
leur conservation. 

Cet ouvrage, destiné, dans la pensée de l’auteur, à 
être une sorte de vade-mecum du voyageur au Congo, 
sera consulté avec fruit par tous les Européens des- 
tinés à vivre dans les régions tropicales. 

D' ALVERNHE. 
WVurtz (R.), Chef du Laboratoire de Pathologie expéri- 
mentale à la Faculté de Médecine de Paris. — Précis de 

Bactériologie clinique. — 1 vol. in-16 de 500 pages 

avec 42 fig. (Prix : 6 fr.). G. Masson, éditeur, Paris, 1895. 

Cet ouvrage se divise en trois parties, Dans la pre- 
mière sont exposées les méthodes générales d'analyse 


bactériologique et d'examen microscopique. Les 
procédés de culture et les inoculations, ainsi que la 
technique des prélèvements à faire sur le cadavre en 
évitant, suivant les judicieux préceptes que l’on doit à 
M. Wurtz lui-même, d'attribuer un rôle pathogène 
aux microbes adventices qui se sont développés après 
la mort ou pendant l’agonie; l'étude bactériologique 
du sang et du pus complètent ces premiers chapitres. 

Les manifestations viscérales des maladies infec- 
tieuses font l’objet de la seconde partie, dans laquelle 
nous signalerons notamment la question si impor- 
tante des pleurésies et celle des angines. Toutes les 
connaissances nécessaires pour le diagnostic bactério- 
logique de ces affections y sont résumées, et l’on est 
mème frappé des nombreux renseignements qui ont 
pu être réunis dans ce Précis de Bastériologie clinique. 

Enfin, dans la troisième parlie, sont traitées les ma- 
ladies infectieuses générales ou locales telles que 
l’érysipèle, la fièvre typhoïde, le choléra, le tétanos, 
la diphtérie, etc. Chaque microbe pathogène est l’objet 
d’un tableau synoptique dans lequel sont très heureu- 
sement condensés ses caractères morphologiques et 
biologiques. | 

Les étudiants en médecine et tous ceux qui s'inté- 
ressent aux applications indispensables de la bactério- 
logie à la clinique trouveront, dans l'excellent ouvrage 
de M. Wurtz, un exposé très clair des connaissances 
les plus utiles pour l'isolement, l'étude et la détermi- 
nation des microbes pathogènes. Et ceux, même, qui 
sont familiarisés davantage avec les notions de la bac- 
tériologie, y apprendront maints détails de technique, 
personnels ou inédits, qui leur permettront de bénéfi- 
cier ainsi de la pratique si compétente de leur 
auteur. D' H. ViINcENT. 


5° Sciences diverses. 


Beauregard (H.), Assistant de la Chaire d'Anatomie 
comparée au Muséum. — Nos Bêtes. Animaux utiles 
et nuisibles. — Ouvrage paraissant en livraisons les 
5 et 20 de chaque mois. Chaque livraison, contenant 
8 pages de teæte et une planche en couleur, est vendue 
séparément 90 centimes. A. Colin, éditeur, 5, rue de Mé- 
zières, Paris, 1895. ‘ 

Dans cet ouvrage, l’auteur s’est proposé de vulga- 
riser un certain nombre de connaissances précises sur 
les animaux qui nous entourent et dont les plus com- 
muns sont en général fort mal congus. Chaque espèce 
est l’objet d’une étude sérieuse et attrayante. 

Les premières livraisons parues sont consacrées à 
l'étude des différentes races de chiens et de chevaux qui 
se trouvent en France, 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de #8 pages grand in-8 colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en cou- 
leurs. 526° et 527° livraisons. (Prix de chaque livrai- 
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, 
Paris, 1895. 

Les 526° et 527° livraisons de la Grande Encyclopédie 
renferment : une étude de M. À. Joannis sur les Len- 
tilles sphériques, le calcul de leurs formules, la discus- 
sion de ces formules et la construction des images 
données par les lentilles convergentes et divergentes, 
étude suivie de quelques mots de M, Knab sur la fabri- 
cation des lentilles; un article sur les Lémuriens ac- 
tuels et fossiles, par le D' Trouessart; une description 
de la famille de végétaux fossiles connus sous le nom 
de Lépidodendrées, par MM. Harn et Jobin; une mono- 
graphie de l’ordre des Lépidoptères (papillons), avec la 
description de leur métamorphose et de leurs mœurs, 
leur classification et leur distribution géographique, 
par M. A. Jobin; un article sur la lèpre, par M. H. Four- 
nier ; les biographies de Léon XII, par M. E. Vollet; 
de Léopold I: et Léopold Il, rois des Belges, par M. E. 
Hubert; de Lesage, par M. Ph. Berthelot, 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANT 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 6 Mai 1895. 


M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de 
M. Carl Vogt, Correspondant de la Section d’Anatomie 
et de Zoologie. Il signale parmi les pièces imprimées 
de la correspondance : le Bulletin de la Société d'Etude 
des Sciences naturelles de Nimes, 1894; une brochure de 
M. Galien Mingaud ; les années 1891 à 189% de la 
Bibliotheca Mathematica ; dix notices de M. A. Favard; 
une note de M. G. Enestrom. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. M. G. Bigourdan dé- 
montre que l'orbite de la comète de 1771, considérée 
jusqu'ici comme hyperbolique, est au contraire ellip- 
tique ; cette question constitue un point intéressant la 
recherche de l’origine des comètes. — M. Bouquet de 
la Grye lit un rapport sur la table des nombres trian- 
gulaires de M. Arnaudeau. Cette table permet de faire 
rapidement les opérations numériques et donne des 
produits de dix chiffres: elle remplace avantageuse- 
ment les tables de logarithmes. — M. G. Kæœnigs com- 
plète une note qu'il à communiquée le 22 avril. IL dé- 
montre que toute condition algébrique imposéé au 
mouvement d’un corps, est réalisable par le moyen 
d’un système articulé. Cette proposition peut être géné- 
ralisée : Soient n points M,,M,..., M,,soumis à des liai- 
sons algébriques, c’est-à-dire représentées par des 
équations algébriques entre les coordonnées de ces 
points; il est toujours possible de réaliser ces liaisons 
par un système articulé reliant entre eux les n points 
donnés. Le même théorème est vrai si, au lieu de 
points, on prend des corps solides soumis entre eux à 
certaines liaisons algébriques. — M. de la Rive définit 
un espace à quatre dimensions et en établit les pro- 
priétés générales: comme application, il obtient le 
volume de l’ellipsoide à trois axes inégaux et retrouve 
les propriétés de trois diamètres conjugués de cette 
surface. 

29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Gaston Tissandier pré- 
sente quelques observations sur le projet d'expédition 
en ballon aux régions arctiques de M. S.-A. Andrée. Les 
pertes de gaz, par suite des variations de température, 
n'ont pas permis jusqu'ici des voyages aériens de plus 
de vingt-quatre heures; pour rester en l'air plusieurs 
journées consécutives, il faudra des constructions nou- 
velles des aérostats. — M. Aimé Girard confirine, par 
ses expériences nouvelles sur l'application systématique 
de la pomme de terre à la nourriture du bétail, ses 
conclusions précédentes : la pomme de terre riche et à 
grand rendement doit être considérée comme un four- 
rage de premier ordre. — M. A. Müntz étudie les effets 
de la fumure sur la qualité des vins : quand le rende- 
ment n’est pas artificiellement poussé, par le mode de 
taille, au delà d’une certaine limite, la qualité des vins 
ne se ressent pas de lexagération des fumures; en 
demandant à la vigne de plus fortes récoltes, par l'effet 
combiné de la fumure et de la taille, on n’obtient que 
des vins inférieurs. —M. A, Ponsot communique une 
note intéressante sur les cycles isothermes fermés ré- 
versibles et équilibrés par la pesanteur ; il fait remar- 
quer, en terminant, que la relation fondamentale de 
Van ’Hoff : xv — iRT, applicable seulement à quelques 
solutions, ne l’est que dans un cas très particulier du 
phénomène osmotique. — M. Albert Colson, partant 
de ce fait que la pression a pour effet de relever le 
point de congélation des liquides qui se contractent en 
se solidifiant et, d'autre part, qu’à pression constante, 
le point de fusion de liquides renfermant quelques 
centièmes de matières étrangères s’abaisse en raison 


inverse du poids moléculaire du corps étranger dissous 
dans le liquide, a cherché expérimentalement s’il existe 
une relalion entre le poids moléculaire d’un corps 
dissous et la pression nécessaire pour ramener le dis- 
solvant à se solidifier à une température fixe, constante. 
L'abaissement de température de congélation des dis 

solutions, plutôt que le poids moléculaire du corps 
dissous, est lié à la pression compensatrice, — M. A. 
Schuster soumet à l’Académie les raisons qui le por- 
tent à croire que M. Poincaré (Comptes rendus, p. 758) a 
tiré d’une analyse incontestable un résultat qui lui 
paraît faux. La régularité des vibrations, mise en évi- 
dence par les observations de MM. Fizeau et Foucault, 
n'existe pas dans le mouvement lumineux, mais esl 
produite par l'appareil spectral. — M. A. Cotton cite un 
certain nombre de corps actifs qui absorbent inégale- 
ment les deux sortes de rayons, l’un circulaire droit, 
Pautre gauche, se propageant avec des vilesses diffé- 
rentes. Il décrit un mode d'observation permettant de 
comparer entre elles la différence de vitesse des deux 
rayons et la différence de leurs absorptions. — M. H. 
Moissan n'a pu obtenir de combinaison de l’argon avec 
le bore et le titane qui s'unissent directement à l’azote ; 
le lithium et l’uranium n’ont pas d'action sur ce gaz. 
A la température ordinaire ou sous l’action d’une étin- 
celle. d’induction, un mélange de fluor et d’argon 
n'entre pas non plus en combinaison. — M. Raoul 
Varet rend compte de ses expériences sur la détermi- 
nation des chaleurs de formation des sulfate, nitrate el 
acétate mercureux et cite les nombres obtenus. — 
M. P. Schützenberger communique les nouveaux ré- 
sultats quil a obtenus dans l’étude du sulfate de 
cérium préparé par la méthode Debray; Foxyde de 
cérium est accompagné, dans la cérite, de petites 
quantités d'une autre terre à poids atomique plus faible, 
1437 ou 134, susceptible, comme l’oxyde de cérium 
(Ce?203), de se convertir par oxydation en un bioxyde 
dont le sulfate, isomorphe avec celui de cérium, forme, 
comme ce dernier, des sulfates doubles insolubles 
avec les sulfates alecalins et dont le bioxyde calciné pré- 
sente une couleur brun rougeâtre, même sans l’inter- 
vention du didyme., — M. Eugène Gilson a reconnu 
la présence, dans la membrane cellulaire des champi- 
#nons, d'un corps possédant toutes les propriétés de la 
chitine. Ue fait est intéressant; jusqu'ici on n'avait 
trouvé la chitine que dans le règne animal, sa présence 
dans la membrane cellulaire des champignons con- 
stitue un nouveau point de rapprochement entre ces 
êlres et les animaux, Dans tous les champignons ana- 
lysés, Ja cellulose fait défaut; elle y est remplacée par 
la chitine, qui joue, dans la membrane, le rôle de sub- 
stance squeleltique, comme la cellulose dans la mem- 
brane cellulaire de toutes les phanérogames et d’un 
grand nombre de cryptogames, C. MATIGNON. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. Blanchard présente 
une notice sur les travaux de James Dana, et M. Dau- 
brée rappelle les travaux minéralogiques et géologi- 
ques de ce savant. — M. Blanchard présente une no- 
tice sur les travaux du z0ologiste Carl Vogt qui vient 
de mourir, — M. Künckel d'Herculais, reprenant 
l'étude des appareils odorifiques, les compare dans 
les différents groupes d’Hémiptères hétéroptères. — 
M. Wallerant montre que, au moins à l’époque 
charmoutienne, le massif vendéen fut, comme le pla- 
teau central, recouvert en grande partie par les eaux 
marines jurassiques. — MM. Camus et Gley ont 
recherché l'influence du sang asphyxique et de quel- 
ques poisons sur la contractilité des vaisseaux lym- 
phatiques et ont trouvé que les influences toxiques 


ACADÉMIES KT SOCIÈTÉS SAVANTES 


provoquent des changements de calibre des vaisseaux. 
— M, d'Espine conclut de ses études à la présence 
d'un streptocoque spécial dans le sang, au début d'une 
searlatine typique. J. MARTIN. 


Séance du 13 Mai 1895. 


1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. -— M. André Markoff, pro 
fitaut d'un extrait des papiers laissés par l’auteur, ré- 
tablit la démonstration d’un théorème de Tenébychef : 

Soit y le plus grand diviseur premier des nombres 
1492, 1442, 1 +6? , 1-4 NE, 


le rapport £ croît indéfiniment avec N. — M. F. de 
PP N 


Salvert présente sous une forme plus simple les for- 
mules de transformation des fonctions elliptiques de 
troisième espèce et les formules relatives à l’expres- 
sion des fonctions complètes qu’il a données dans une 
note précédente. — M. A.-J. Stodolkievitz complète 
une note sur l'intégration du système des équalions 
différentielles. — M. Lippmann décrit un cœlostal 
donnant une image du Ciel immobile par rapport à la 
terre, Il se compose d’un miroir plan monté sur un 
axe qui repose sur des coussinets fixes. Le miroir et son 
axe sont parallèles à la ligne des pôles. Un moteur fait 
tourner leur système avec une vitesse uniforme d’un 
tour en quarante-huit heures sidérales, dans le sens du 
mouvement des étoiles. L'auteur indique les avantages 
de cet appareil. 

20 SciENGES PuYsiQues, — M, L, Hartmann décril un 
comparateur automatique enregistreur pour mesures à 
bouts et en fait ressortir les nombreux avantages. — 
M. Cornu fait remarquer que les travaux de MM. Hart- 
mann et Mengin apportent à la Commission internatio- 
nale du mètre de nouveaux éléments pour terminer les 
études relatives aux prototypes à bouts. — M. Gouy 
rappelle que, dans les expériences d’interférence faites 
sans le secours du spectroscope, la différence de 
marche est limitée par la complexité du mouvement 
lumineux, Il montre que l’on peut reculer presque in- 
définiment cet obstacle, avec les sources de lumière 
actuelles, par une disposition expérimentale appro- 
priée. — M. A. Cotton a été conduit par des mesures 
de pouvoir rotatoire, au moyen de la méthode qu'il à 
indiquée précédemment, au phénomène de la disper- 
sion anormale des corps absorbants, beaucoup plus gé 
néral que celui de l'absorption inégale. — M. Bernard 
Brunhes publie les conclusions très intéressantes de 
l'application qu'il à faite, à l'absorption cristalline, de 
la théorie électromagnétique de la lumière. — M. Bir- 
keland a trouvé le système d’intégrales des équations 
de Maxwel pour un milieu absorbant homogène et iso- 
trope; il indique quelques résultats de ses recherches. 
_ M, Etard conclut de ses expériences : 1° que les 
sels de chrome et les sels rouges de cobalt possèdent, 
à la facon des terres rares ct des sels d'uranium, de 
fines bandes spectrales; 2° que les spectres de ces imé- 
taux, tout au moins, sont des spectres de molécules, à 
la facon de ceux fournis par les matières organiques, 
telles que les chlorophylles; 3° l'hypothèse d’après la- 
quelle, à chaque bande du spectre d’une terre rare, 
correspondrait un élément, n'est pas nécessairement 
vraie, d’après l'exemple du cobalt; # les bandes 
peuvent se déplacer notablement ou cesser d'exister 
pour un même élément, selon la nature des molécules 
en dissolution où du composé observé. — M. Raoul 
Varet a complété ses recherches sur les sels de mer: 
eure en reprenant l'étude thermochimique des chlo- 
rure. bromure, iodure et oxyde mercureux; il donne 
les chaleurs de formation de ces composés. — M. Ram- 
say a constaté la présence de l’argon et de l’hélium 
dans le gaz emprisonné dans une météorite. — M, H 
Le Chatelier présente une note rectificative sur la 
combinaison définie des alliages cuivre-aluminium. — 
M. Campredon expose une méthode très rapide pour 
le dosage du soufre dans les fontes, les aciers et les 


fers, — M. Maxime Cari-Mantrand montre que l'on 
peut facilement purifier l'alcool dénaturé. Le procédé 
est basé sur la solubilité, dans le tétrachlorure de car- 
bone, des impuretés pyrogénées des méthylènes com- 
merciaux et sur la séparation de l'acétone et de l'al- 
cool méthylique, mélangés à l'alcool vinique, par une 
distillation en présence d’un chlorure alcalin en disso- 
lution. — M. Tanret a constaté l'existence de trois 
états isomériques du glucose ordinaire, caractérisés 
par le pouvoir rotatoire de leurs dissolutions, faites à 
froid et observées immédiatement: il les désigne par 


les lettres &, 8, y: pour le glucose «. p -+106°;pour 


vOg": œ 
52%; pour le glucose y 5— + 22, 5 


y D, 


x 1 
le glucose B=—+ 


Les dissolutions des glucoses x el y, abandonnées à elles- 
mêmes, au bout de cinq à six heures, acquièrent un 
pouvoir rotatoire identique à celui du glucose 6. Le 
même pouvoir rotatoire se développe instantanément, 
lorsqu'on ajoute à l’une ou à l’autre de ces dissolutions 
une trace de potasse, La eryoscopie a donné pour ces 
trois glucoses le même poids moléculaire. — M. Ber- 
thelot a mesuré la chaleur de transformation des trois 
slucoses, préparées par M. Tanret, les uns dans les 
autres. Dans l’état anhydre, le changement du glucose * 
en glucose 8 absorberait — 121,55, Le changement du 
glucose y en glucose & absorberait — 0°*,67, Dans l’é- 
{at dissous, les différences sont bien moindres et ne 
surpassent guère les erreurs d'expérience. — M. Grif- 
fiths a déterminé la composition chimique d’un pig- 
ment brun retiré des élytres de la calandre cuivrée; sa 
formule est CI4H 15470; l’auteur lui a donné le nom de 
cupréine, — M. Louis Mangin a. vérilié, par l'analyse 
de l’atmosphère du sol, que le défaut d'aération du sol 
est un des facteurs du dépérissement des arbres dans 
les villes. ï C. MaArIGNoN. 

30 SGIENCES NATURELLES. — M. J. Leroux, dans ses 
recherches sur l'éclosion de l'œuf des sexués du 
Phylloxéra, conclut que le temps minimum nécessaire 
à l’éclosion est non seulement supérieur à quarante 
jours, mais qu'il est au moins égal à quarante-quatre, 
si ce n'est à quarante-huit. Le procédé de préservation 
des vignes, consistant en deux pulvérisations insecti- 
cides, l’une au commencement de septembre, l’autre à 
la fin d'octobre, est donc applicable, — M. L. Mangin, 
poursuivant ses recherches sur l’aération du sol dans 
les promenades et plantations de Paris, montre l'im- 
portance de la composition de Vair dans le sol sur le 
développement des feuilles des diverses essences. 
Le retard dans la feuillaison provient d’un appauvris- 
sement en oxygène, — M Cayeux démontre lexis- 
tence de nombreux cristaux de feldspath orthose dans 
la craie du bassin de Paris, dans toutes les assises du 
Turonien et du Sénonien. L'orthose s’est formée in situ. 
— M, Paquier fournit un certain nombre de docu- 
ments sur les gypses des environs de Serres (Hautes- 
Alpes) et de Nyons (Drôme). — M. Douxami, dans une 
étude sur le miocène des environs de Bourgoin et de 
la Tour-du-Pin, montre que tous les cailloutis des 
plateaux du bas Dauphiné septentrional.ne sont pas 
pliocènes ; la plus grande partie estlacustre et diffère 
des poudingues marins à cailloux impressionnés de 
Voreppe, — M. A. Guébhard fournit des documents 
sur la présence d’Ostrea (Exogyra) virgula dans le Juras- 
sique supérieur des Alpes maritimes. 

J, Mani. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 21 Mai 1895. 


M. Cornevin (de Lyon) est élu Correspondant natio- 
nal dans la III division (médecine yélérinaire). — 
M. Le Dentu lit un rapport sur un mémoire de 
M. Quénu concernant deux cas d’anévrisme, l'un de 
l'artère iliaque externe, l’autre de la fémorale com- 
mune, existant sur le même sujet, traités au moyen de 
l'extirpation et guéris. — M. À. Chatin à trouvé que 


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ET 


\ 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


non seulement jes coquilles d'huitres, mais aussi la 
chair de ces animaux renferme une notable proportion 
de phosphore. La coloration verte de certaines huîtres 
est due à la présence de diatomées. — M. Hervieux fait 
l'historique de la variolisation ancienne et moderne; il 
étudie ses procédés divers, les accidents et les dangers 
qu’elle entraine, — M. Dieulafoy répond aux observa- 
tions de M. Cornil à propos de la tuberculose larvée 
des trois amygdales. Il montre que la plupart des 
grosses amygdales sont tuberculeuses ou sont un récep- 
tacle pour le bacille. — M. le D' Commenge lit un 
travail sur les maladies vénériennes dans l’armée fran- 
caise et anglaise, — M. le D' Garnault lit un travail 
sur le massage rythmé des muqueuses dans le traite- 
ment des affections du nez, de la gorge et des oreilles. 


Séance du 28 Mai 1895. 


MM. Esmarch (de Kiel) et Durante (de Rome) sont 
élus Correspondants étrangers dans la If° division (chi- 
rurgie). — M. J. Chatin fait une communication sur 
le chromatisme chez les Huîtres et son processus his- 
tologique. — M. Péan communique une observation 
de vessie et urètre surnuméraires congénitales chez 
une jeune fille de 15 ans. — M. Vallin étudie la ques- 
tion des intoxications alimentaires, Il indique les ma- 
ladies du bétail qui rendent les viandes dangereuses 
pour l’homme, et il montre la protection insuffisante de 
la législation actuelle et des règlements sur la police 
sanitaire des animaux. — M. Hervieux conclut à la 
non-identité de la vaccine et de la variole et à l’impos- 
sibilité de remplacer la première par la dernière, — 
M. le D' Delorme cite un cas de névrite traumatique 
ascendante guérie par la compression forcée. — M. le 
D' Poncet (de Lyon) communique un nouveau cas d'ac- 
linomycose de la face guéri par la médication iodurée. 


SOCIETE DE BIOLOGIE 
Séance du 18 Mai 1895. 

M. Roger montre que, si les produits microbiens 
favorisent en général le développement des infections, 
ils peuvent exercer quelquefois une action thérapeu- 
tique. — Par injection de toxine pyocyanique, M. Char- 
rin est parvenu à produire expérimentalement chez un 
lapin lépilepsie spinale. — MM. Sellier et Jolyet ont 
montré que l'hyperglobulie qui se manifeste aux hautes 
allitudes n’est pas due à la diminution de pression de 
l'air respiré, mais à la diminution de tension de l’oxy- 
sène dans le mélange oxygène-azote respiré.— MM. Bar 
et Rénon communiquent un cas d’ictère grave ayant 
amené la mort chez un nouveau-né atteint de syphilis 
hépatique. — M. Contejean montre que l’ablalion de 
la zone motrice du cerveau chez un chien produit non 
seulement une diminution de la sensibilité tactile, mais 
aussi une diminution de la sensibilité réflexe. — 
M. Fabre-Domergue croit que les injections de sérum 
dans le traitement du cancer n’exercent pas une action 
vraiment curative, mais simplement une action modi- 
licatrice en détruisant soit l'élément néoplastique, soit 
l'élément leucocytaire et en diminuant ainsi la tumeur. 
— M. Langlois expose ses recherches sur l'action 
comparée des sels de cadmium et de zinc dans la 
marche de la fermentation lactique. — M. Guénard 
envoie une note sur l’action cardiaque de la morphine. 
— M. Soulié adresse une communication sur la struc- 
ture des ligaments de l'utérus et la migration des 
uvaires chez la femme. & 

Séance du 25 Mai 1895. 

M. Mangin est élu membre de la Société, — M. Ri- 
chet défend la sérothérapie du cancer contre les eri- 
liques de M. Fabre-Domergue, Les injections ne sont 
pas faites dans la tumeur même, ce qui détruit l’argu- 
mentation de ce dernier. — M, Souques décrit une 
dégénération ascendante du faisceau de Burdach con- 
sécutive à l’atrophie d’une racine cervicale postérieure. 
— M. Féré a constaté que la diminution de l’ampli- 
tude de l'onde diphragmatique qui se produit du côté 


D29 


paralysé est surtout marquée dans l'hémiplégie infan- 
tile, — M. Luys montre les photographies de nouvelles 
fibres qu’il a rencontrées dans la région protubéren- 
tielle, — MM. Lapicque et Auscher ont constaté la 
présence de fer dans le pigment du diabète bronzé. — 
M. Rey Pailhade expose ses nouvelles recherches sur 
le philothion. — M. Delezenne a constaté l’absence, 
dans le pneumogastrique, de fibres motrices pour 
l'utérus et la vessie. 
SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séances des 17 et 19 Avril 1895. 

M. C. E. Guillaume à, dans unarticlespécial, rendu 
compte de l'exposition des expériences et appareils ré- 
cents faite par la Société en ces séances de Pâques, 
Pendant ces séances la Société a entendu quelques 
communications, une remarquable conférence et fait 
une très intéressante visite industrielle dont nous allons 
rendre compte. 

Le17avril, M. N.Delaunay, professeur à Novo-Alexan- 
dria (Russie), a fait une communication sur la représen- 
tation géométrique du mouvement d’un corps pesant 
autour d’un point fixe dans le cas traité par Mme Sophie 
Kowaleski et présente des modèles en carton de mécanis- 
mesarticulés d’une remarquable ingéniosité.— M.Raoul 
Pictet a exposé un travail théorique et expérimentalsur 
le point critique des liquides. Tout d’abord il montre 
que la mesure de la température critique d’un liquide 
fournit une méthode sensible pour déceler la présence 
d’impuretés. IL observe la température critique et le 
point d’ébullition de certains liquides tels que le chlo- 
roforme, le chloréthyle, le pental, l’éther sulfurique, 
d’abord à l’état de pureté, puis après y avoir ajouté un 
peu d’alcool, d’aldéhyde, d’eau oude camphre. Il en ré- 
sulte une variation du point critique dix à soixante fois 
plus grande que celle de la température d’ébullition. 
D'autre part, M. Pictet a cherché à déterminer expéri- 
mentalement quelle est la puissance dissolvante des 
vapeurs des liquides portés à une température supé- 
rieure à leur point critique. Il a étudié les dissolutions 
dans l’éther du camphre sous ses trois états allotropi- 
ques et plus spécialement le bornéol, puis du phénol, 
du gaïacol et de l’iode. Ces expériences l’ont conduit à 
des conséquences inattendues sur le pouvoir dissolvant 
des vapeurs surchauffées. On constate que tous les corps 
cités restent dissous dans la vapeur d’éther, Ils forment 
donc une solution gazeuse. De même les vapeurs d’al- 
cool ont la propriété de dissoudre lalizarine comme 
l'alcool liquide, Ces nombreuses expériences viennent 
à l'appui de la théorie formulée par M. Pictet en 1877 
et dans laquelle il admet que laliquéfaction des vapeurs 
se présente sous deux formes distinctes, l'une à des 
températures supérieures au point critique et qui se 
produit au centre des vapeurs en des points dont le 
nombre est proportionnel à la pression ; l’autre, au- 
dessous du point critique, à la pression de la vapeur 
saturée. La pesanteur n’agitque dans Le second cas pour 
rassembler au fond duréservoir la masse de gouttelettes 
permanentes. É . 

Le 19 avril, la Société est allée visiter l'installation 
de distribution de force et d'éclairage par courants po- 
lyphasés, aux ateliers Weyher et Richemond, à Pantin. 
M. Boucherot, en présentant cette instaliation, en 
a fait ressortir les principaux avantages : d’abord, 
dans les grandes usines, l'électricité seule permet de 
concentrer en un seul point la production de force mo- 
trice, car elle seule fournit le moyen de la répartir 
ensuite à volonté, Puis les courants biphasés ont été 
préférés au courant alternatif simple pour plusieurs 
raisons. Les génératrices et les moteurs polyphasés ont 
une puissance spécifique plus grande et un rendement 
plus élevé que les génératrices et moteurs à courant 
alternatif simple. Les moteurs polyphasés ont un dé- 
marrage, comme celui des moteurs à courant continu, 
beaucoup plus facile que celui des moteurs monophasés 
à arlifice de démarrage dans lesquels le couple à ce 


926 


ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


moment est environ le dixième du couple en charge. 
Enfin, par l'introduction de résistances variables däns 
l'induit, on peut faire varier la vitesse comme dans le 
cas des courants continus, ce qu'on ne pourrait faire 
avec des courants monophasés. Les courants biphasés 
ont été préférés aux triphasés, carils se prêtent mieux 
à des distributions mixtes de force et d'éclairage. Les 
deux circuits des courants biphasés n’ont pas besoin 
d’être équilibrés très rigoureusement. D'autre part les 
cénératrices et moteurs biphasés sont d’une construc- 
tion beaucoup plus simple. Les machines adoptées sont 
du type Brown. Les trois allernateurs sont de 130 che- 
veux chacun. L'un d'eux est muni d’un embrayage ma- 
gnétique de Bovet, qui permet de ne le mettre en route 
qu'en temps opportun. Ils sont montés en série. Quant 
aux moteurs à champ tournant, il fautprendre queiques 
précautions au démarrage, Un moteur supérieur à trois 
chevaux ne peut pas être mis directement sur une ca- 
nalisation. Les artifices varient suivant le type de mo- 
teurs et ont été l’objet d’une étudespéciale, notamment 
pour les moteurs destinés au pont roulant, 
Edgard Haunié. 


SOCIÈTE CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 1° Mai 1895. 


M. Levat donne quelques indications sur la produc- 
tion des phosphates dans le monde, et s'étend toul 
d’abord sur les produits de la Floride. Il aborde ensuite 
la question des phosphates algériens et étudie les 
conditions de leur exploitation. Il termine sa commu 
nication en donnant quelques indications sur l’indus- 
trie des scories basiques obtenues dans le procédé 
d’affinage Thomas-Gilchrist, — D'après M. Joffre, les 
plantes absorbent surtout les combinaisons solubles 
dans l’eau de l’acide phosphorique. Cette absorption à 
notamment lieu lorsque la plante, ayant utilisé les 
matières de la graine, n’est pas encore assez déve- 
loppée pour évaporer par ses feuilles une grande quan- 
tité d’eau et utiliser ainsi les substances peu solubles 
qui y existent. Ces résultats expliquent les faits re- 
connus par MM. Schlæsing et Prunet relativement à 
l'action des engrais agissant mieux, mis en raies, que 
mélangés à la terre. Dans le premier cas, en effet, les 
parties solubles se transforment moins rapidement en 
composés insolubles. M. Joffre a constaté expérimen- 
falement sur les betteraves que l'absorption d'acide 
phosphorique, en employant des superphosphates 
comme amendement, est bien supérieure à celle que 
l’on constate en faisant végéter la plante dans la cendre 
d'os. Er. CHARON. 


SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE FRANCE 
Séance du 15 Mai 1895. 


M. Laisant présente, au nom de M. Maupin, une 
note sur une question de probabilités traitée par d'A: 
lembert dans l'Encyclopédie, et une note sur une ap- 
plication de la règle des partis au jeu de la manille 
aux enchères, — M. Bioche étudie les surfaces du 
troisième ordre à trois points doubles et à centre. — 
M. Ray signale uné identité relative aux courbes 
unicursales. — M. Goursat cherche tous les arcs com- 
mensurables avec la circonférence et dont une ligne 
trigonométrique a pour carré un nombre rationnel. Il 
montre que ces ares sont les ares de 0°, 30°, 45°, 6°, 
90°, et ceux-là seulement pour le premier quadrant. 


SOCIETE PHILOMATIQUE DE PARIS 
Séance du 11 Mai 1895. 

M. D. André fait une communication sur fa struc- 
ture des permulalions circulaires, comparée à celle 
des permuütations rectilignes. — M. Léon Vaillant : 
Sur une espèce de torlue de Madagascar. — M. Kœæ- 
nigs : Sur la réalisation du mouvement d'un solide de 


révolution autour d’un point fixe et sur les systèmes 
articulés, Ch. Broone. 


SOCIETE ROYALE DE LONDRES 
1° SCIENCES PHYSIQUES 

Alfred WW, Sorter, — La question de l'hysté- 
résis diélectrique. — Dans la charge et la décharge 
alternative d'un condensateur, il y a une dissipation 
supplémentaire d'énergie; dans une expérience faite 
avec un condensateur de cinq microfarads, on a trouvé 
que la dissipation de l’énergie, déduite de l’amortisse- 
ment des oscillations électriques, est égale à celle qui 
aurait eu lieu si on avait ajouté 59 ohms à la résis- 
tance du circuit. Les expériences qui suivent ont eu 
pour objet de chercher si celte dissipation supplémen- 
taire est due simplement à la viscosité du diélectrique 
ou à une véritable hystérésis, à un retard à la charge 
par rapport à la différence de potentiel établie entre 
les plateaux. Les intéressantes expériences de Riccardo 
Arno et de P, Janet ne peuvent décider la question. 

Une pile de 11 volts est en communication perma- 
nente avec un rhéostat de 850 ohms. Le condensateur 
peut être relié à deux contacts, l’un fixé à l’une des 
extrémités À du rhéostat, l’autre en un point variable, 
intermédiaire B, du même rhéostat. Le point B peut 
être déplacé d’une manière continue et réglé avec soin. 
Un commutateur permet de charger le condensateur 
et de le décharger alternativement dans un balistique. 

On fera croître très lentement la f.é, m. aux bornes 
du condensateur, de O à la moitié de la f. 6, m. maxi- 
mum; ce sera, par exemple, ici 5 volts, 5. La courbe 
représentative obtenue, en prenant pour abscisses les 
f.é. m, et pour ordonnéesles charges correspondantes, 
atteint ainsi un certain point P. Si, à partir de là, on 
décharge brusquement, on a une impulsion au balis- 
tique; mais impulsion n’est pas celle qui correspon- 
dait à la décharge totale; cela peut tenir à la viscosité 
ou à l’hystérésis, On laisse le condensateur fermé sur 
le galvanomètre un moment : puis on fait croitre de 
nouveau la f. 6. m. entre les plateaux, en partant encore 
de O volt, et allant cette fois jusqu'au maximum 
11 volts, toujours très lentement. On atteint un point S 
de la courbe représentative, On repart de S en faisant 
décroître très lentement la f.é, m. jusqu’à 5 volts 5. Ces 
opérations se font en déplacant le curseur mobile B 
sur le rhéostat, On atteint alors un point Q qui a la 
même abscisse que le point P. Si ces points sont con- 
fondus, c'est qu'il n’y a pas d’hystérésis appréciable ; 
si, au contraire, ils sont distincts, si leurs ordonnées 
sont inégales, c’est qu'il y a hystérésis : on à dans ce 
cas une courbe analogue à celle qui représente l'ai- 
mantation d’un morceau de fer en fonction du champ 
magnétique. Pour voir s'ils sont confondus, un fois 
arrivé à ce point Q, on décharge brusquement le con- 
densateur, L'expérience prouve qu'on a exactement la 
même impulsion que quand on provoquait la décharge 
brusque à partir du point P. A f. é. m, égales, on a donc 
la même quantité d'électricité, mise en jeu dans la dé- 
charge, que la valeur de la f. é. m. soit atteinte en crois- 
sant ou en décroissant. On en conclut que le conden- 
sateur présente des effets de viscosité diélectrique, 
mais qu'on n'a pu y découvrir aucune trace d'hysté- 
résis. 

2° SCIENCES NATURELLES 

G.Massee, Assislant principal, Royal gardens, Kew.— 
Note sur la maladie des choux et plantes similaires, 
connue sous le nom de « Doigt et Orteil » (Finger 
and Toe). etc, — La maladie connue en différentes par- 
tiesde la Grande-Brelagne sous le nom de « Doigt et Or- 
teil» (Finger and Toe), « renflement », tumeur (clubbing 
où anbwry) attaque les navets, les raves, les choux, les 
radis, en un motla plupart des plantes sauvages, cultivées 
de l'ordre des crucifères; elle atteint en outre plusieurs 
plantessauvagestelles que laravenelle, le vélar, la bourse- 
à-pasteur, l’alliaire (sisymbrium alliaria). La maladie est 
caractérisée par la formation de nombreux nodules sur 
la racine qui se contourne et meurt bientôt en formant 
uné masse gluante et fétide, Berkeley étudia Le premier 


ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


D27 


cette maladie, etses recherches lui révélèrent l'existence 
d’un élément morbigène iusque-là inconnu, mais qu'il 
ne put déterminer avec précision ; il constata l'effet 
utile des cendres de bois et l’attribua aux sels de potasse 
qu’elles contiennent. Woronin établit que la maladie 
avait pour cause un micro-organisme, apparenté aux 
champignons, auquel il donna le nom de plasmodiophora 
brassicæ. Voelcker montra que la maladie ne se dévelop- 
pait point sur les plantes qui poussaient dans un terrain 
riche en chaux. L'auteur à repris la question dans une 
série d'expériences prolongées à Kew pendant # ans. — 
I. Des plants de choux sains plantés dans un sol qui 
avait produit deux années auparavant une récolte de 
choux malades, devinrent malades à leur tour. Des 
plants témoins provenant des mêmes semences et cul- 
tivés dans un sol stérilisé demeurèrentindemnes. Som- 
merville a déjà démontré que des navets sont atteints 
par la maladie quand ils sont semés dans un sol pro- 
venant d’une zone infectée. A. Expériences faites dans 
uñe solution stérilisée d'engrais stable. — IH. Le contenu 
de deux flacons fut infecté par l’addition de tubercules 
écrasés de racines de choux malades. On ajouta dans 
Fun des flacons 2 °/, d’une solution saturée d’hydrate 
de potassium et dans l’autre 2°/, d'acide sulfurique du 
commerce, Un jeune plant de choux parfaitement 
sain fut placé dans chaque flacon; au bout de deux 
mois, le plant placé dans le flacon contenant l’hydrate 
de potassium était très vigoureux et parfaitement 
exempt de toute maladie; l’autre, au contraire, était for- 
tement atteint, beaucoup pius que les plants témoins 
cultivés dans un sol infecté qui n'avait point été traité 
par l'acide. Des expériences semblables poursuivies 
consécutivement pendant plusieurs années ont toujours 
douné le même résultat. — III. Deux jeunes plants de 
choux montrant des symptômes nets de la maladie ont 
été placés dans des flacons contenant les mêmes pro- 
portions d'hydrate de potassium et d'acide sulfurique 
que précédemment. Au bout de deux mois, le plant 
cultivé dans la solution contenant l'hydrate de potas- 
sium était parfaitement sain, les nodules de la racine 
avaient disparu; l’autre plant était très malade, Des 
résultats analogues furent obtenus en substituant à 
l'hydrate de potassium de l’hydrate d’ammonium et à 
Vacide sulfurique de l'acide chlorhydrique. — IV, Deux 
plants de choux atteints de la maladie furent placés 
dans deux flacons de la solution stérilisée. Le liquide 
de l’un de ces flacons fut saturé pendant une semaine 
- d'acide carbonique, l’autre flacon ne fut soumis à aucun 
traitement particulier. Au bout de deux mois la maladie 
s'était développée au même degré dans les deux plants, 
ce qui prouve que le CO? n’exerce pas d’action sur le 
développement des Plasmodisphoræ. B. Expériences faites 
dans un sol stérilisé — N. Deux pots de terre stérilisée 
à la vapeur furent infectés avec des racines écrasées de 
choux malades. La terre d’un des pots fut mélée à de 
la chaux vive, celle de l’autre à de l’engrais d’os ayant 
une réaction acide. Un plant de chou sain fut planté 
dans chacun des deux pots, et au bout de äeux mois 
le plant cultivé dans le pot contenant de la chaux vive 
était resté parfaitement sain tandis que l’autre était très 
malade.— VI. Deux potscontenant l’un de la terre mêlée 
de chaux vive, l’autre de la terre mêlée d'engrais d’os 
acide recurent chacun un plant de chou malade, Au 
bout de deux mois, la maladie était plus développée 
sur chacun des deux plants qu’au moment où ils avaient 
été plantés, ce qui prouve que la présence de la chaux 
ne suffit point à arrèter le développement de la maladie 
une fois déclarée. Les observations et expériences pré- 
cédentes prouvent :-1. Qu’outre les plantes cultivées, 
plusieurs plantes sauvages, de l’ordre des crucifères, 
sont attaquées par la Plasmodiophora, d'où la nécessité 
de détruire ces plantes dans les champs et le long des 
haies. 2. Les germes de la maladie subsistent dans le 
sol qui a produit une récolte malade et conservent leur 
vitalité au moins deux ans. 3. Le développement de la 
Plasmodiophora est favorisé par la présence des acides 
et entravé par celle des alcalis, ce qui les rapproche 


davantage à ce point de vue des champignons que des 
bactéries, 4. Pour stériliser un sol infecté, on peut 
employer soit la chaux, soit un engrais contenant des 
sels de potasse; ce dernier procédé est le meilleur, car 
non seulement il détruit les germes qui sont dans le 
sol, mais arrête également la maladie dans les plants 
qui en sont atteints, et ces sels constituent de plus un 
des aliments nécessaires à la croissance des navets. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 27 Mars 1895 


M. le D' Amstrong, président, rend compte de la 
marche de la Sociélé pendant la dernière session; il 
rappelle la remarquable découverte. de lord Rayleigh 
et du Pr Ramsay et remet à lord Rayleigh, au nom de 
la Société de Chimie de Londres, la médaille Faraday 
« en reconnaissance des services qu'il a rendus à la 
science par la découverte de l’Argon ». — M. le 
Pr Ramsay fait ensuite une communication sur l& 
découverte de l'hélium ! dans la clévite, et M. Crookes 
sur le spectre du gaz retiré de la clévite. — M. le Pré- 
sident continue ensuite son rapport sur la marche de la 
Seciété et fait l’éloge des membres défunts durant 
l'exercice de ses fonctions. — La Société vote, par 
acclamations, des remerciements à M. le Dr Amstrong 
et passe à l'élection de son bureau pour la session qui 
vient de s'ouvrir. — M. A. Vernon Harcourt est élu 
président. MM. Atkinson, Ph. D., Horace, T., Brown, 
FE. R. S., FE. R. Japp, F. R:S., Ludwig Mond, F°R.S,;, 
C. 0. Sullivan, FE, R. S., W. C. Roberts-Austen, F. R.S. 
sont nommés vice-présidents, Sont élus secélaires : 
MM. J. M. Thomson, W. R. Dunstan, F. R. S., Raphaël 
Meldola, F. R.S., trésorier : M. T. E. Thorpe, F. R. S. 

Séance du 23 Avril 1895 

MM. William A. Tilden F.R.S. ct O. Forster ont 
trouvé que, dans la réaction du chlorure de nitrosyle 
sur les amides, le groupe AzH? est d’abord remplacé 
par le chlore; mais,comme il se forme en même temps 
une molécule d'eau, le chlorure qui résulte de cette 
réaction est transformé en un acide correspondant de 
formule plus ou moins compliquée suivant les condi- 
tions de l’expérience. L’acétamide, la benzamide, Ha 
malonamide, l'acide aspartique, l’urée et l’uréthone 
suivent cette règle. La glycosine et l’asparagine don- 
nent un acide chloré correspondant aux dérivés 
amidés. Du fait que la glycosine et l'asparagine peu- 
vent échanger le groupe AzH? contre un atome de 
chlore, les auteurs concluent que ces substances 
doivent être représentées par des formules les faisant 
dériver des composés amidés des acides acétique et 
suceinique. — MM. William A. Tilden F.R.S. et B. 
C. Marshall, dans leurs recherches sur les produits 
obtenus par l’action du chlorure de nitrosyle sur l'as- 
paragine en solution dans l'acide chlorhydrique, et 
miéux, en solution dans l'acide chlorosuceinique, ont 
obtenu un corps fondant à 174° et doué d’un pouvoir 
rolatoire [x] — — 19.67 à la température ordinaire. 
Ils ont préparé les sels d'argent et de cuivre de cet 
acide qui, par son point de fusion, semble être l’iso— 
mère de l’acide chlorosuccinique dextrogyre, obtenu 
par Walden en partant de l’acide malique. Les valeurs 
des pouvoirs rotatoires des deux composés sont à peu 
près les mêmes, car l’acide obtenu par Walden a un 
pouvoir rotatoire de 20,6 à 20°,8. La légère différence 
pour l'acide lévogyre est due probablement à une dis- 
sociation partielle dans l’eau. — M. Lewis T. Wright 
publie ses recherches sur les produits gazeux de la 
partie non lumineuse d’un bec de gaz.— M. J.-J. Sud- 
borough prépare les acides benzoïques diorthosubs- 
titués en chauffant les nitriles avec l'acide sulfurique 
à 120°-130°. Les acides amidés ainsi obtenus sont con- 
vertis en acides correspondants au moyen du nitrite de 
sodium suivant le procédé Bouveault. L'auteur a pu 
+ PAGE 7e 5 ET TRE ER EE 

1 Voir Revue générale des sciences, n° 7. p. 297. 


x 


préparer ainsi toute la série des acides bromoben- 
zoïques. — M. J.-J. Sudborough, dans la préparation 
des dérivés substitués de la deoxybenzoïne, 


CSI CO CH? CS H*, 


qui consiste à chauffer un mélange de déoxÿbenzoïne, 
d’éthylate de sodium et de différents halogènes en tube 
scellé à 450 160°, a remarqué la formation constante 
d’une grande quantité de slilbène. Ses expériences le 
portent à croire que ce corps provient de l'action de 
l’éthylate de sodium, L'analyse montre que le corps 
produit à côté du stilbène est de l'hydroxydibenzyle. Si 
l’on emploie le méthylate de sodium il ne se forme pas 
trace de stilbène; le méthylate de sodium, joue en effet 
le rôle d'un agent substituant — MM. A. G. Perkin el 
J. Geldard ont trouvé que les principes colorants 
contenus dans les baies de Perse sont formés de rham- 
nazine (éther diméthylique de la quercitine), de rham- 
nétine (éther monométhylique du même corps) et de 
quercitine même CI54007, — MM. E. Divers F. R.S. 
et T. Haga, d'après leurs recherches sur le nitrosulfate 
de potasse, sont convaincus qu'il ne peut exister un 
isomère du corps obtenu par Pelouze par l’action de 
l’oxyde d'azote sur le sulfite de potassium; ceci con- 
trairement à l'opinion de Houtsch. soutenant que le sel 
obtenu par Raschig est un mélange de denx isomères. 
Les auteurs croient pouvoir conclure que les nitr sul- 
fates n'ontaucuneanalogieaveclesisonitramines comme 
le pense Traube, mais qu'ils ont plutôt une constilu- 
tion analogue à celle d'un sulfate, Ils leur attribuent 
la formule : KO.4720.S0%K, contraire à celle de Hantsch 


KO Az. Az. SOSK 


N74 
O0 


“qui en ferait des sulfonates. 


SOCIETE ROYALE D'EDIMBOURG 
17 Avril 1895. 

M. Flinders Petrie fait une communication sur une 
nouvelle race en Egypte; il expose les résultats de 
son travail en Egypte durant la dernière saison. La 
végion où il s'est engagé est à environ 30 milles au 
nord de Thèbes, sur la rive ouest du Nil. En étudiant 
le plateau près de Thèbes, à environ 1400 pieds au- 


Séance du 


dessus du niveau actuel du fleuve, on a découvert des 


restes de l’homme paléolithique, Jusqu'ici les pierres, 
trouvées dans les sables, étaient arrondies par l’action 
de l’eau, Ou a trouvé sur le plateau des pierres tailiées 
à arêtes aussi vives que Jorsqu’elles sortaient des 
mains des artisans paléolithiques, qui venaient habiter 
sur les coteaux quand le fleuve remplissait la vallée 
sur une largeur de 8 ou 9 milles et à une profondeur 
de 100 pieds. Les pierres sontde même type (en forme 
de feuilles et en forme triangulaire) que celles des 
galeries d'Europe. M. Pelrie est retourné à la place 
où il avait travaillé cette année, parce qu’il y a vu les 
ruines d'une petile ville égyptienne et d'un temple 
dont les antiquités sont resiées intactes. C'était un 
temple dédié au dieu Set, qui représente l'esprit du 
mal. Autrefois les Fgypliens adoraient en même temps 
les frères Set et Horus, mais plus tard l'adoration de 
Set fut interdite, Elle dura jusqu'à la dix-hnilième 
dynastie, environ 1550 avant Jésus-Christ Dans le 
temple on a trouvé une table sculptée sur laquelle 
est une représentation de Set, avec une tête d'animal, 
donnant la vie au roi, I n'y a pas trace de la dernière 
occupalion grecque. Mais la découverte de cette ville, 
appelée Nubl où Ombos, explique un passage obscur de 
la 15° salire de Juvénal. On a trouvé des vases et 
d’autres articles sous les fondations du temple, qui est 
supposé dater du temps de Thothmès II, La poterie 
est très importante au point de vue de la fixation des 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 


dates de l’histoire ancienne de l'Egypte. Environ à un 
quart de mille de la ville et du temple sont les ruines 
d'une autre ville, dans laquelle on trouve des objets 
dont aucun n'élail connu dans aucune autre ville 
égyplienne, Trois où quatre milles plus loin, une autre 
ville où également il n’y à aucune ruine égyptienne. 
Dans la première, on a trouvé 2000 tombes dont 1600 
ont ét» étudiées dans le détail par M. Petrie. On pen- 
sait, au début, qu'elles pouvaient appartenir à la race 
qui existait avant l'établissement de la civilisation 
égyplienne, mais il n'en est pas ainsi. Les Egyptiens 
couchaient Le corps tout de son long et l'embauimaient, 
et les tombes élaient assez creusées pour que la terre 
ne touchàt pas le corps Dans le cas actuel, le corps 
est couché sur le côté et plié, les coudes touchant les 
genoux, et la tète du côté du sud, la face tournée à 
l'ouest, et pas de trace d'embaumement, La tombe est 
une tranchée ouverte, et la Lerre est rejelée sur le 
corps. Ces tombes ressemblent à celles trouvées par 
Schliemann, à Mycènes. Les crânes sont très déve- 
loppés, le front très haut, les sourcils et les os du nez 
fortement marqués, et les dents droites ne présentent 
aucune trace du type nègre. Les femmes ont de longs 
cheveux, dont quelques échantillons sont très bien 
conservés, Tout cet aspect correspond au type libyen- 
amorile, reconnu par le professeur Sayce et d’autres 
savants, On à trouvé dans les tombes des vases rouges 
pleins de cendres de bois, Il n’y à pas trace de créma- 
lion; les « grands feux » dont parle la Bible, et qu'on 
faisait aux funérailles de certains des rois juifs s nt, 
sans doute, une imitation de ceux que faisaient les 
Amorites, voisins des Israëlites, Il y a des rayures sur 
ces vases, mais point d'hiéroglyphes. Les tombeaux de 
celle race sont dans le passage qui conduit aux tombes 
des Egyptiens de la quatrième dynastie ; ainsi cette 
race à existé après la première grande période de la 
civilisation égyptienne, D'autre part, on trouve des 
restes de la douzième dynastie au-dessus des tom- 
beaux de cette race. Il est probable qu'elle à été con- 
temporaine des seplième, huilième et neuvième dy- 
rastlies, etqu'à cerlains égards elle était aussr civilisée 
que les Egyptiens, dont elle envahit le pays, el avec 
lesquels elle n'avait aucune relation La date de cette 
invasion est d'environ 3000 ans avant Jésus-Christ, Les 
formes ressemblent à celles qu’on trouve à Malte et 
qu'on suppose généralement être de la race des Phé- 
niciens, mais que M. Petrie croit être des Libyens. 
Dans lenterrement, la tèêle est souvent séparée du 
corps; quelquefois le bras est coupé, des os sont arra- 
chés et l’on a extrait la moelle, Ce qui prouve que 
celle race.praliquait au moins le cannibalisme dans 
ses cérémonies; une partie du corps élait partagée 
‘de facon que les vertus du défunt passent aux vivants. 
L'usage du tour à polerie élail inconnu; lous les vases 
sont faits à la main et ont une forme gracieuse. C’est 
un signe évident que la race n'avait pas de relation 
avec les Egyplens, qui se servaient du tour pour faire 
leurs poteries. Dans leurs représentations des oiseaux, 
les piedsnesontjamaisfigurés ; tandis que, chezles Egyp- 
tiens, les pieds sont toujours en évidence La race ne 
vient pas du sud, ear elle n’a aucun rapport avec la 
race nègre, Elle ne vient, sans doute, pas du nord, car la 
civilisation égyplienue est sans interruplion à Mem- 
phis à partir de la quatrième dynastie. Elle vient pro- 
bablement de l’ouest, car Ja région occupée élait op- 
posée à l’ousis de lPouest, d'où une race envahissante 
parlait pour marcher vers l’est. M. Pelrie pense que 
les Amorites de Svrie et celte race appartiennent tous 
deux à la race libyenne qui habitait le nord de l'Afri- 
que, et qui, vers la fin de la dixième dynastie, se 
bilurqua en deux branches, lune allant vers la Syrie, 
l'autre s'avancantsur là région ouest du Nil, détruisant 
les populalions qui y habilaient, mais incapable de les 
refouler vers le nord et de s'étendre jusqu'à Memphis. 
W. Pepe, 


Le  Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER 


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6° ANNÉE 


KE 12 


30 JUIN 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS 


OLIVIER 


LES ALLIAGES MÉTALLIQUES 


Les alliages métalliques occupent dans l’indus- 
trie une place très importante. Ils sont presque 
toujours employés de préférence aux métaux purs, 


en raison des qualités spéciales qu'ils possèdent. 


La dureté considérable de l'acier, du bronze, du 
laiton, rend précieux tous ces alliages pour la 
confection des pièces mécaniques, et les font em- 
ployer de préférence au fer, au cuivre et au zinc: 
la fusibilité et la fluidité de la fonte et du bronze 
permettent d'obtenir très économiquement, par 


… moulage, des pièces compliquées qu'il serait diffi- 


cile de préparer avec le fer ou le cuivre pur. Ges 
qualités des alliages ont élé reconnues depuis les 
temps les plus reculés : les Grecs et les Romains 
employaient un alliage complexe et assez variable, 
connu sous le nom d'arain; plus anciennement 
encore, on fabriquait déjà un métal semblable qui 
a donné son nom à une période des temps préhis- 
toriques : l’âge de bronze. La question des alliages 
peut done, en tout temps, être considérée comme 
un sujet d'actualité ; mais les progrès considérables 
faits depuis quelques années dans la métallurgie 
de cerlains métaux, difficiles à obtenir jusque-là, 
ont rendu cette actualité plus grande que jamais. 
L'abaissement du prix de revient de l'aluminium 
et du nickel employés déjà sur une grande échelle 
dans la fabrication du lailon à l'aluminium et de 
l'acier au nickel, l'obtention au four électrique du 
silicium, du chrome et d'autres métaux rares, per- 
mettent d'espérer que des progrès importants se- 
ront réalisés d'ici peu d'années dans l'industrie 
des alliages. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


D'un autre côté, la période de tätonnement de 
la science, dans ses applications aux alliages, 
semble (oucher à sa fin. On parviendra certaine- 
ment, à très bref délai, à débrouiller définitivement 
une question restée assez obscure jusqu'ici. Tandis 
que les progrès faits par la Chimie depuis le com- 
mencement de ce siècle ont donné à un grand 
nombre d'industries une impulsion toute nouvelle, 
l'industrie des alliages a échappé à ce mouvement: 
elle continue à progresser lentement par l'emploi 
de méthodes empiriques peu supérieures à celles 
qu'employaient nos ancêtres. Chaque progrès est 
le résultat de tätonnements en nombre illimité que 
des notions scientifiques précises permettraient 
sinon de supprimer complètement, au moins de 
réduire dans une très large mesure. La science, 
en effet, en établissant, comme cela est son objet 
exclusif, des relations générales entre les différents 
faits particuliers, permet d'arriver à la connaissance 
des phénomènes naturels complexes par l’observa- 
tion directe d’un beaucoup plus petit nombre des 
faits élémentaires qui les composent. 

Pour se rendre compte combien, dans l'état ac- 
tuel, les notions scientifiques relalives aux alliages 
sont peu répandues, il suffit d'ouvrir un traité 
quelconque de Chimie générale. C’est à peine si l’on 
consacre quelques lignes à ces corps malgré leur 
importance capitale, el ce que l’on en dit est tout 
à fait vague ou même incompréhensible, quand cela 
n'est pas inexact. On invoque des résullats d'expé- 
riences remontant déjà à un demi-siècle, on insiste 
gravement sur ce que la densité des alliages n'est 


12 


530 


H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES 


= APS APE TTTTE 


pas exactement la moyenne de celle des métaux 
consliluants, comme si une moyenne semblable se 
rencontrail jamais dans aucun mélange chimique, 
soit combinaison, soit dissolulion. On est bien 
d'accord pour admettre l'existence de combinai- 
sons définies dans les alliages, mais on ne donne 
pas la composilion d'une seule d’entre elles, et les 
raisons mêmes invoquées pour prouver leur exis- 
tence sont presque toutes erronées; on donne 
tantôt l'accroissement de fusibilité des métaux par 
leur mélange, ce qui est, au contraire, le caractère 
de l'absence de combinaison, ou bien encore l’exis- 
tence de temps d'arrêt au refroidissement, qui 
n'ont en réalité rien à faire avec les combinaisons 
définies. 

On serait porté, d’après cela, à penser que les 
recherches expérimentales sur les alliages métal- 
liques ont été jusqu'ici fort peu nombreuses el 
dépourvues d'intérêt. En fait, il existe sur cette 
question des travaux très importants, dus, pour le 
plus grand nombre, à des savants anglais : Crace- 
Calvert, Mallet, Matthiessen, Roberts-Ausien, 
Lodge, Kamenski, à côté desquels il faut rappeler 
ceux d’un savant français, M. Riche. L'objet de 
éet article est de résumer les plus intéressantes 
de ces recherches et de montrer comment elles 
ont établi définitivement quelques vérilés très 
importantes, notamment l'existence et la formule 
chimique des composés définis qui existent dans 
certains alliages usuels : les bronzes, les lai- 
tons, ete., et surtout comment elles ont défini, en 
en prouvant l'efficacité, un certain nombre de mé- 
thodes d'investigation applicables à tous les cas 
semblables. 


J 


Le problème qui se pose dans l'étude scienti- 
fique des alliages aussi bien que dans leur étude 
industrielle, est de rattacher leurs différentes pro- 
priétés aux causes immédiates dont elles dépen- 
dent, c’est-à-dire de trouver une relation entre la 
dureté, la malléabilité, la fusibilité, la conducti- 
bilité électrique des alliages, et cérlains fac- 
teurs élémentaires plus simples el plus généraux. 

On peut, dès à présent, considérer comme un 
fait acquis que les deux facteurs élémentaires les 
plus importants de beaucoup, et peut-être même 
les seuls à envisager, son : 

1° La constitution chimique, c'est-à-dire la nature 
el la proportion des métaux mélés, la nature des 


cie 


combinaisons diverses eldes mélanges isomorphes 
qu'ils forment, enfin l'élat chimique de ces diverses 
malières : élal crislallisé ou amorphe avec leurs 
différentes variélés allotropiques. 

2° La conslhitution physique où structure, c'est-à-dire 
la forme et la dimension des divers cristaux, des 


diverses agglomérations élémentaires dont la 
réunion conslitue la masse solide et compacte du 
métal. 


Constitution physique. — L'expérience des usines 
a fait voir depuis longlemps que l’on modifiail 
considérablement les propriétés mécaniques des 
métaux par un choix convenable des procédés 
de travail employés dans la fabrication, leur 
constitution chimique restant d'ailleurs inva- 
riable. Un métal fondu et un métal forgé n'auront 
pas la même malléabilité; un métal écroui el un 
métal recuil n'auront pas la même limite élas- 
tique. Mais la complexité des procédés de tra- 
vail rend impossible l'établissement de lois pré- 
cises rallachant les qualités du métal au travail 
qu'il a subi. Heureusement la même expérience 
des usines a montré que le travail mécanique des 
métaux modifie en même temps leur structure 
physique, qui est accessible à l’expérimentalion 
directe et conserve les traces permanentes des 
transformalions successives du métal pendant son 
élaboration. Pendant longtemps on s’est contenté, 
pour caractériser cette structure, de l'aspect des 
cassures. Mais aujourd'hui on a recours à l'examen 
microscopique, beaucoup plus précis, des surfaces 
métalliques, altaquées, après un polissage préa- 
lable, par des réaclifs convenables. Sorby, l’auteur 
de cette méthode, employait, pour les fers et les 
aciers, une attaque à l'acide; pour les mêmes mé- 
taux, M. Osmond emploie simplement un polissage 
très prolongé, qui laisse en relief les parties les plus 
dures du métal; M. Guillemin emploie, pour les 
bronzes, l'oxydation à température ménagée, qui 
produit une coloration différente des divers élé- 
ments constlitulifs de l’alliage; M. G. Charpy, pour 
tous les alliages du cuivre, constitue une pile avec 
l’alliage étudié el un alliage de composition voi- 
sine, ce qui permet de limiter strictement l'attaque 
aux éléments les plus altérables du métal. L'une 
ou l’autre de ces méthodes, complétée par la repro- 
duction photographique des surfaces atlaquées, 
permel une étude très précise de la structure du 
métal. Mais, jusqu'ici, il ne s'est encore dégagé 
de ces études aucune conclusion générale, c'est-à- 
dire d'ordre scientifique. Pour ce motif, il ne sera 
pas parlé, dans cette étude, desrecherchesrelalives 
à la structure, malgré les services qu'elles ont déjà 
rendus à l’industrie. 


Constitution — Les propriélés des 
alliages dépendent de la nature et des proportions 
des métaux alliés; c’est là un fait tellement évident 
qu'il n’y a pas lieu d’y insister plus longtemps. 
Mais la composition chimique élémentaire ne sufit 
pas, à elle seule, pour délinir toute la constilution 


chimique. 


’ 


eur a 


H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES 


534 


chimique : il faut tenir compte de l’état de com- 
binaison des éléments en présence. 

Pour définir la constitution chimique d’une roche 
naturelle, d’un granite, par exemple, il ne sufñlit 
pas de se reporter à son analyse chimique élémen- 
taire, il faut connaitre les combinaisons définies 
{mica, feldspath, etc...) qui y existent. De même, 
pour les alliages, il se forme des combinaisons dé- 
finies qui doivent nécessairement intervenir dans 
la déterminalion des propriétés du métal. En fait. 
cette influence est considérable et la démonstra- 
tion de cette influence a été le résultat le plus im- 
portant des recherches qui vont être résumées ici. 
Il suffira, pour le moment, d'indiquer que la dureté 
considérable de quelques alliages des métaux mous 
est la conséquence de l'existence de certaines com- 
binaisons définies qui n'ont rien gardé des pro- 
priélés des métaux constituants. 

Les différents états allotropiques d’un métal ou 
d’une combinaison ont des propriétés très diffé 
rentes; ce sont les différents états d'un carbure 
de fer qui entrainent les différences profondes 
existant entre les propriétés de l’acier trempé el 
de l'acier recuit. De même le ferro-nickel, ou alliage 
de fer et nickel à 25 % de nickel, existe sous deux 
modifications allotropiques, dont l’une est magné- 
tique et l’autre ne l’est pas, dont l’une possède une 
très grande dureté, l’autre, au contraire, esl 
remarquable par sa grande malléabilité, 

Ces quelques exemples suffisent pour montrer 
le rôle capital de la constitution chimique des 
alliages, el, par suite, l'intérêt que présente son 
étude complète ainsi que celle des relations qui 
existent entre cette constitution et les principales 


propriétés des alliages. Mais cette étude présente 


une difficulté spéciale qu'il faut bien mettre en lu- 
mière pour faire comprendre l'obscurité qui règne 
encore sur la question des alliages et les raisons qui 
ontempêéchélestravaux remarquables faits jusqu'ici, 
de porter les fruits qu’on était en droit d’en espérer. 

L'ordre logique à suivre dans une semblable 
étude, serait d'étudier d’abord la constitution chi- 
mique des alliages, et, une fois cette constilution 
connue, de chercher quelle influence elle aura sur 
les propriétés plus complexes des mêmes métaux. 
Mais il n'existe aucun moyen direct d’éludier cette 
constitution : les méthodes d'analyse immédiate 
dont dispose la Chimie minérale, sont tout à fail 
rudimentaires et inapplicables dans la majeure 
partie des cas. On arrive bien à séparer quelques 
combinaisons définies par l’action des acides sur 
certains alliages renfermant excès d’un métal faci- 


lement attaquable; mais on a rarement la certilude 


dissoudre tout le métal libre. 
à dissoudre une certaine 
combiné; celle mé- 


d'être arrivé à 
sans avoir commencé 
quantilé du même mélal 


thode peut donner des indications intéressantes, 
mais ne saurait conduire à une conclusion certaine, 
et surtout elle n’est applicable que dans des cir- 
constances exceptionnelles. 

D'autre part, l’opacité des métaux met en dé- 
faut, d’une façon absolue, les méthodes optiques 
qui permettent, en pétrographie, par un examen 
rapide au microscope, de reconnaitre immédiate- 
ment la constitution chimique d’une roche. 

On est obligé, dans l'étude des alliages, dé pro- 
céder au rebours de l’ordre logique, de commencer 
à éludier leurs propriétés complexes : propriélés 
mécaniques, électriques, magnétiques, etc., et de 
tirer ensuite des faits ainsi observés des induc- 
tions relatives à la constitution chimique, ce qui 
nécessite l'intervention d'hypothèses plus ou moins 
arbitraires dans lesquelles le sentiment personnel 
tient une large part. Il en est résulté que les con- 
clusions des diverses recherches sur les alliages 
ont été parfois contradictoires, et n’ont fait souvent 
qu'augmenter l'obscurité apparente de la ques- 
tion. C’est là sans doute le motif du silence gardé 
sur ce sujet dans tous les traités de Chimie. 

Si, au lieu de n’envisager à la fois qu'une seule 
propriété des alliages, comme l'ont fait les diffé- 
rents expérimentateurs qui les ont étudiés jus- 
qu'ici, on fait intervenir à la fois toutes leurs pro- 
priétés, le problème se simplifie immédiatement : 
on reconnait que certaines induclions relatives à 
la constitution chimique sont identiques, quelle 
que soit celle des propriétés du mélal prise comme 
point de départ, et peuvent, en conséquence, être 
considérées comme définitivement acquises; pour 
les autres, au contraire, il y a désaccord absolu; il 
ne faut donc y voir que des hypothèses erronées. 

On passera rapidement en revue les études faites 


jusqu'ici des différentes propriélés des alliages er 


indiquant seulement celles de leurs conséquences 
qui semblent définitivement établies. 


Il 


Conductibililé électrique. — Les expériences sur la 
conductibilité électrique sont au nombre de celles 
qui ont jeté le plus grand jour sur la constilution 
chimique des alliages. ' 

Il semble à priori que, dans le cas d’alliages 
conslilués par la juxtaposition de cristaux des 
deux métaux, la conductibilité doive être la somme 
des conductibilités propres des quantités des deux 
métaux entrant dans l’alliage. Celte conséquence 
se vérifie, d'après les expériences de Matthiessen, 
pour un certain nombre d’alliages dont la courbe 
de conductibilité est formée par la droite joignant 
la conductibilité des deux mélaux pris à l’élal 
de pureté. Le graphique de la figure 1 (page 532 
résume ces résultats. 


532 


H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES 


Mais en général, la conductibilité des alliages est 
bien inférieure à celle qui serait ainsi calculée par 


À do > + 
> Zn! | 
dc PR 2er : | 
" ad! = En (4 
2 20 LT = 2 L 
à | ne | 
Se Sn >. TI Sn 
RSS LORS nor à Re C 
*& | nn 0 
= 
À | | 
È | ( 
SD = Last LE 
È Î 
S o dc 28 100 
Composition en volume de T'alliaye 
Fig. 1. — Courbes de conduclibililé d'un cerlain nombre 


d'alliages. 


la règle des mélanges, et, de plus, il suffit de l'ad- 
dilion de très peliles quantités d'un métal à un 
excès d’un autre, pour produire une chute déjà 


Conductbilité rapporté à Ag= 200 


Fig. 2. — Courbes de conductililé des alliages 
Pb-Bi, Pb-Sb, Sn-Bi, Sn-Sb. 


considérable de conductibilité, comme le montrent 
les graphiques des figures 2 et 3 reproduisant 
d'anciennes expériences de Matthiessen. 


Ag 
Cu | 


Conductibilité rapporté à Ag = 100. 


100 


o 20 


Composition ex volume de l'alliage . 
Fig. 3. — Courbes de conductibililé des alliages 
Au-Ag, Au-Cu. 
On ne peut, jusqu'ici, rattacher d’une façon cer- 
{aine celle parlicularilé à la constitution chimique 


de l’alliage, sans faire des hypothèses discutables. 
Malthiessen avait conclu à l'existence de transfor- 
mations allotropiques, mais cette conclusion est 
contredile par l'étude des autres propriétés. Il 
semblerait plutôt que cet accroissement de résis- 
tance doive être allribué à la produetion de mé- 
langes isomorphes. Cette conclusion semble diffi- 
cilement contestable dans le cas des alliages du 
fer avec le nickel et le manganèse, de l'argent 
avec l'or. 

Dans certains cas, les courbes de conductibilité 


Cu) 
S À | | 
à 
= Jo | 
Û /) 
> 10 | SbCu* / L 
à 1 7 l 
à | 
| 
E - 
SP | 
à | 
He FAT 
L CE 
Ê © À 50 100 
Corposiion #1 volirre ds L'aiiage : 
Fig. 4. — Courbe de conduclibililé de l’alliage Sb-Cu. 


présentent une allure plus irrégulière encore : on 
observe, pour une certaine composition, un relève- 
ment de la conductibililé; la courbe présente un 
maximum anguleux : c'est le cas des alliages dont 


Q 
Q 


: CCu 
{l 
] 
| 
is | 
(l ] F 
RCA 
+ 60.| L 
à 
3 
à E 
S 
$ 
à (re | 
ÿ | 
à | 
à DR — —5 7 —5 7 | 
LS 0 50 ; 100 
Composition: en volurre de alliage . 
Fig. 5, — Courbe de conductibililé de l'alliage Sn-Cu. 


les courbes sont reproduites dans les figures 4, 5 
ci-dessus el 6 (page 533). 

A première vue, l'existence de ce maximum 
semble bien correspondre à une combinaison dé- 
finie ; l'exactitude de cette interprétation est dé- 
montrée par le fait que l'on retombe ainsi, pour 
ces combinaisons, sur les mêmes formules que 
par les autres méthodes; ainsi, pour les alliages 
élain-cuivre, on lrouve la formule Sn Cu? à 61,8 °/, 


\ 


H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES 


233 


_de cuivre, à laquelle conduisent également l'étude 
des densités, des dilatations, des forces électromo- 
trices, et les méthodes de séparation chimique. 


100 5 = 


Ag 


Au 
< 
Û 
S 
+ 60 E 
"à 
Ë 
à 
à Sn Au 
Ê Sr | 
So 
È | Ex lue QUI Dre 
SE 5o 109 
Composition en volume de l'alliage , 
Fig. 6. — Courbe de conduclilité des alliages Sn-Au, Ag-Cu. 


L'étude des conductibilités électriques permet 
encore de caractériser d'une facon très nette Les 
transformations allotropiques que les métaux 
éprouvent sous l'influence d'une élévation de tem- 
péralure. Chaque variété allotropique possède une 
courbe de conductibilité distincte en fonction de 
la température, et le point d'intersection des 


> 


Resistance electrique 


Température 


Fig. 1. — Résistance électrique du fer, du nickel et de leurs 
alliages. 


courbes deux à deux donne la température de 
transformation de ces variélés l’une dans l’autre, 
L'étude des mèmes courbes permet de reconnaitre 
l'influence de la trempe sur la conservation, à la 
température ordinaire, des variétés normalement 
stables à chaud. Voici, à titre d'exemples, quelques 
courbes semblables relatives au fer, au nickel, 


et à un certain nombre de leurs alliages (fig. 7). 
La comparaison des points de transformation 
des métaux purs avec ceux deleurs alliages permet, 
en outre, de reconnaitre si, dans les alliages, les 
métaux existent simplement juxtaposés ou à l’état 
soit de combinaisons, soit de mélangesisomorphes. 
Dans le premier cas, on doit retrouver les points 
de transformation propres à chacun des métaux à 
leur température normale; dans le second cas, on 
doit observer, en outre, les points de transforma- 
tion de la combinaison, si elle en possède; enfin, 
dans le troisième cas, les points de transforma- 
tion se déplacent d'une façon continue avec la 
composition de l’alliage; cette condition, qui est 
remplie dans les alliages de fer et nickel, esl une 
preuve certaine de l’isomorphisme de ces métaux. 
La force électromotrice de dissolution des alliages 
donne les indications les plus précises sur l’exis- 
tence des combinaisons définies. Si les cristaux 
des différents métaux sont simplement juxtaposés, 
sans aucun mélange chimique, la force électro- 
motrice observée est pour toutes les compositions 
celle du métal le plus facilement attaquable. S'il 
se forme une combinaison définie, la force électro- 
motrice du métal le plus facilement aftaquable ne 
s’observe que pour les proportions de ce métal 
dans l’alliage supérieures à celle qui correspond à 
la combinaison définie ; pour cette composilion, il 
se produit un changement brusque dans la valeur 
de la force électromotrice. Les expériences de 
Laurie, faites par cette méthode, dont le principe 
est dû à OErstedt, ont permis d'établir avec certi- 


Sn Cu’ | 


Force électromatrice 


ER TR Dep IE 


Cu % en poids 


Fig. 8. — Force électromolrice de l'alliage Sn-Cu. 


tude l'existence des combinaisons définies sui- 
vantes : 
Sn Cuÿ — Zn? Cu — Sn Au 


La courbe de la figure 8 se rapporte aux alliages 
du cuivre et de l’étain. 

Enfin, dans le cas des mélanges isomorphes, il 
semble que la force électromotrice doive varier 


D94 


H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES 


d'une façon continue avec la composition de Pal- 
liage. 

Le pouvoir thermo-électrique des alliages varie d’une 
facon considérable avec leur composition: mais 
on n'a signalé jusqu'ici aucune relation définie 
entre cette variation et celle de la constitution 
chimique; les mesures de pouvoir thermo-élec- 
trique ne semblent donc pas utilisables, pour le 
moment, dans une étude d'ensemble sur les al- 
liages métalliques. 

Les propriétés magnétiques, moins étudiées encore, 
sont, pour le même motif, sans applicalion ac- 
Luelle. 


Densité. — La densité d’un mélange mécanique ne 
peut différer beaucoup de la moyenne des densilés 
des corps constituants; il en est rarement ainsi, au 
contraire, dans les mélanges homogènes chimiques 
combinaison ou dissolution). On peut dont espérer 
tirer quelques indications des mesures de densité. 
Des expériences extrêmement nombreuses ont élé 
faites dans celte voie, mais sans conduire à aucun 
résultat bien intéressant. Les variations de densité 
résultant des combinaisons entre corps similaires 
sont toujours très faibles; en fait, dans les alliages 
métalliques les écarts entre les densités observées 
el les densités calculées par la règle des mélanges 
ne dépassent pas 3%, c'est-à-dire sont de lordre 
des variations de densité qu’un métal pur peul 
éprouver. Aussi les expérimentateurs les plus 
habiles n'arrivent-ils qu'à des résullals très dis- 
cordants ; M. Riche, dans une étude sur les alliages 
de cuivre el d’étain, a mis en évidence l’impor- 
tance de ces écarts et a montré que, si l'on 
pouvait, dans une certaine mesure, les atlénuer, on 
ne pouvait espérer les supprimer complètement. 
IL a fait voir queles densités prisessur des barreaux 
sont out à fait différentes de celles que l’on observe 
sur la limaille. Voici quelques-uns des résultats 
obtenus par ce savant (Tableau |) : 


Tableau I 
oo 
COMPOSITION DE L'ALLIAGE BARREAU X LIMAILLE 

| 
eee 

lÉtainmure tr. trente 

SES MÉbortran vue He 1.32 

SRLCUR se be ET ire 7.8# 
IISILOURS EP 7.93 

DIN OUS... ER Mreotre 8.23 

Sn Cu, 8.99 

Sen EE Te Ut LE 8.Sà 
RSR. ÉÉRTEE e 8.73 
SOUL NOM ETS 9.04 
| 


Les causes de ces irrégularités ne sont pas com- 
plètement connues; la plus importante pour les 
alliages riches en cuivre semble être la variation 
de densilé de ce métal qui, à l'élat pur, d'après 


Marchand, pourrait aller de 7,7 à 8,94. En outre, 
il existe dans les barreaux des vides résultant 
soit des bulles de gaz dégagées pendant la soli- 
dificalion du métal fondu, soit des solutions de 
continuité amenées par l’inégale contraction des 
cristaux juxtaposés qui n'ont pas le même coel- 
licient de dilatalion. Ces deux causes d'erreurs 
peuventêtre supprimées par l'emploi de la limaille, - 
mais de nouvelies causes d'erreurs remplacent les 
précédentes. La désagrégalion du métal ne peul 
ètre oblenue sans un écrouissage qui fait varier 
irrégulièrement sa densilé; enfin, les phénomènes 
bien connus de liquation font que la limaille n'a 
pas la même composition et par suite la même 
densité suivant le point où elle a été prise. 

Les expériences faites par M. Riche sur la 
limaille d’alliage de cuivre et d’étain montrent 
nettement, malgré les discordances des résultats, 
qu'on ne saurait admettre que ces alliages soient 
conslilués par la juxtaposition de cristaux de 
cuivre et d'élain. La densité reste à peu près cons- 
lante el égale à 8,9 depuis le cuivre pur jusqu'à 
l'alliage Sn Cu’, puis, pour les teneurs en cuivre 
moindres, elle décroit régulièrement jusqu'à la 
densité de l’élain 7,3. Le graphique de la figure 9 
résume ces résullals : : 


el Sn Cus 


œ 
l 


Densité 


an ren ec | 


Cu % enpoids 


Fig. 9. — Courbe des densiles de l'alliage Sn-Cu. 


Ces résultats s'expliquent très simplement si l'on 
admet l'existence de la combinaison Sn Cu’ en lui 
altribuant une densité égale à celle du cuivre. 


Coefficient de dilatation. — Des expériences faites 
par Crace-Calvert sur la dilatation des alliages 
de cuivre et élain ont donné les résultats résamés 
dans le diagramme de la figure 40 (page 535. 

Le maximum de cette courbe correspond à la 
méme composition Sn Cu’. On ne peut expliquer 
celle allure de la courbe de dilatation sans 
admettre l'existence de la combinaison définie 
correspondante. Un mélange mécanique de cuivre 
et d'élain aurait nécessairement donné une courbe 
continue. Mais les expériences semblables ont été 
jusqu'ici fort peu nombreuses. 


L'usibilité, — L'étude de la fusibilité des alliages, 


H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES BBÈE 


qui à à peine été abordée jusqu'ici, semble appelée 
à fournir des renseignements très précis sur leur 
constitution en raison des renseignements très 

- nombreux que l’on possède déjà sur la fusibililé 
de mélanges similaires : mélanges d'eau et de sels 
ou dissolutions ordinaires, mélanges de sels entre 
eux, mélanges de composés organiques. 


Cocfficient de dilatation 


100 


Cu % en poids 


Fix. 10. — Courbe des valeurs du coefficient de dilatation de 


l’alliage Sn Cu. 


Un premier fait qui résulte de l’étude des fusi- 
… bililés est que les alliages ne sont pas des corps 
.amorphes à la facon des verres ou des résines, mais 
. des agrégats des corps cristallisés constitués à la 
facon des roches naturelles ou encore des mélanges 
- de sels obtenus par fusion. Les corps amorphes 
- passent progressivement de l’état amorphe à l'état 
fondu en traversant l’état pâteux sans qu'aucune 
absorption brusque de chaleur latente vienne 
“accuser une discontinuité quelconque du phéno- 
… mène. Rien de semblable dans la solidification 
“des alliages, qui commence brusquement par la 
» formalion de cristaux parfois discernables à la 
vue, et affirmant dans tous les cas leur existence 
par un dégagement subit de chaleur latente: 
De là cette conséquence très importante qu'il 
est permis d'élendre aux alliages les fails observés 
- dans l’action de la chaleur sur différents mélanges 
_ crislallisés. 
—_ Un mélange semblable fondu, puis soumis au 
… refroidissement, ne se solidifie pas en totalité à une 
empérature constante, comme le fail un corps 
… isolé. La solidification commence à une tempéra- 
… Lure déterminée, qui dépend de la composition du 
à mélange, puis ne progresse qu'au fur er à mesure 
“que la température s'abaisse, et devient finale- 
_ ment complèle à une seconde température égale- 
… ment déterminée. Le point de solidification com- 


… mencante est celui qui doit être considéré comme 
è le point de fusion ou de solidification du mélange, 
…— de l'alliage étudié. Il correspond au point de cris- 
… tallisation des solutions aqueuses. La correspon- 
… dance des températures de solidifcation et des 


compositions des mélanges est représentée habi- 


tuellement par ce que l’on appelle la courbe de 
solubilité des sels ou la courbe de fusibilité des mé- 
langes. Si l’analogie existant entre ces phénomènes 
échappe parfois, c'est en raison des méthodes expé- 
rimentales différentes que l’on est conduit à em- 
ployer dans le cas des solutions aqueuses et des 
mélanges à point de fusion élevé. Dans le premier 
cas, il est plus facile de déterminer à une tempé- 
rature donnée la composition du liquide qui lais- 
serait déposer des matières solides par un chan- 
gement très faible de sa composition, et, dans le 
second cas, la température à laquelle commence à 
se solidifier un mélange de composition donnée; 
mais il est bien évident que les courbes obtenues 
par ces deux procédés sont identiques. 

On sait aujourd'hui d'une façon certaine que les 
courbes de solubilité ou de fusibilité semblables 
jouissent de la propriété suivante. Elles sont 
composées de la réunion d'autant de branches dis- 
tinctes qu'il peut, du mélange liquide, se déposer 
de corps solides à un état chimique différent. Cha- 
cun des corps en présence, chacun de leurs états 
allotropiques différents, chacune de leurs combi- 
naisons chimiques différentes ont des branches 
distinctes, qui se coupent deux à deux. Elles ne 
peuvent, en laissant à part les cas exceptionnels 
de sursaturation, être observées expérimentale- 
ment en dehors de la région limitée par leurs 
points muluels d'incersection. Dans le cas de corps 
isomorphes, qui peuvent donner naissance à une 
infinité de mélanges solides chimiques différents, 
on observe une courbe unique sans points angu- 
leux, qui est en réalilé l'enveloppe d’une infinité 
de branches de courbes correspondant à chacun 
des mélanges isomorphes qui se forment. 

Les conséquences de celte loi, ou, si l’on préfère, 
les faits particuliers qu'elle résume, sont les 
suivant(s : 

1° Cas de deux corps ne donnant ni états allotro- 
piques différents, ni combinaisons, ni mélanges isomor- 
phes. La courbe complèle de fusibilité (solubilité) 
sera composée de deux branches correspondant 
l’une au dépôt de l'un des corps à l’état solide, 
l'autre au dépôt du second. Ce sera le cas, par 
exemple, de la solulion de chlorate de potasse 
dans l'eau, du mélange de chlorure de sodium et 
de carbonate de soude fondus. Dans le premier 
mélange, la courbe totale se compose de la courbe 
proprement dite de solubilité du chlorate de po- 
tasse partant du point de fusion de ce sel, et de la 
courbe de congélation des solutions diluées, qui 
part du point de fusion de la glace. 

Pour le second système, les deux branches de 
courbe partent, l’une du point de fusion du chlorure 
de sodium, — elle correspond à la cristallisation 
de cesel, —et l’autre du point de fusion du carbo- 


536 


H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES 


nate de soude. Elles sont l'une el l'autre limitées à 
leur point d'intersection commun. 

Un certain nombre d'alliages métalliques présen- 
tent une courbe de fusibilité semblablé, composée 
de deux branches partant chacune du point de fusion 
d'un des mélaux purs. On peut par analogie en con- 
clure que l’alliage solide est constitué par la juxta- 
position de cristaux des deux métaux constituants. 
Tel est, par exemple, le cas des alliages d'étain 
avec le zinc, le plomb, le bismuth, dont les courbes 
de fusibilité déterminées par Rudberg, Person, ele., 
sont reproduites dans la figure 11. 


Zn 
Lu 
5 
5 Pb 
Pe Bi 
É Sn 
Æ 
+ 


ARR EE ET 


109 


Fig. 11. — Courbes de fusibililé des alliages Sn-Bi, Sn-Pb, 


Sn-Zn. 

Aux lempéralures inférieures à celles du point 
d'intersection des deux courbes il ne peut exister 
aucun mélange liquide des deux corps en pré- 
sence. Le mélange correspondant à ce point-limite, 
se trouvant à la fois sur les deux branches de la 
courbe, laisse déposer à la fois les deux corps 
mêlés et dans les proportions mêmes où ils exis- 
tent dans le mélange liquide. La cristallisation 
n'allère donc pas lacomposition de ce liquide et il 
se solidifie par suite entièrement à température 
constante. Ces mélanges à température de solidi- 
fication constante ont été désignés par Guthrie sous 
le nom de mélanges ou alliages eutectiques. Des mé- 
langes semblables ont souvent, en raisonde la fixité 
de leur point de fusion, été pris à Lort pour des 
combinaisons définies. 

Les mélanges d’une composition quelconque, 
soumis au refroidissement, laissent cristalliser 
d'abord celui des deux corps qui est en excès, par 
rapport à la composilion du mélange eutectique, 
el peu à peu la composition de la partie liquide 
se rapproche ainsi de celle de ce mélange ; en 
même temps la température s'abaisse jusqu’à celle 
de solidification correspondante. De sorte que, pour 
des alliages de composition quelconque, la soli- 
dification s'achève toujours à la même tempéra- 
ture, celle de solidification de l’alliage eutectique. 

2° Mélanges de corps donnant des combinaisons. — 
Lorsque les corps mélés peuvent se combiner 
comme le font les sels avec l’eau en donnant des 
hydrates, ou les sels entre eux en donnant des 


sels doubles, la courbe de fusibilité (solubilité) est 
formée de plusieurs branches distinctes, comme 
cela a été établi, pour la première fois, par les 
expériences classiques de Læwel sur la solubilité 
du sulfale de soude, du carbonate de soude, du 
sulfate de magnésie. La branche relative aux com- 
binaisons présente, dans certains cas, une forme 
particulière tout à fait caractéristique. Si la com- 
binaison peut fondre, sans se décomposer, en 
abandonnant un de ses constituants à l’élat solide, 
condilion réalisée pour quelques hydrates, en très 
petit nombre, il est vrai : le dihydrate de chlorure 
de calcium, le pentahydrate d’hyposulfite de so- 
dium et pour un très grand nombre de sels doubles 
obtenus par voie ignée tels que le carbonate de 
lithium el potassium, le sulfate de cuivre et de po- 
tassium, ete.,— la branche de la courbe de fusibilité 
se rapportant à la combinaison présente générale- 
mentun maximum de température pour un mélange 
de composition peu différente de celle de la combi- 
naison. Cette tempéralure maxima, qui est voisine 
de celle de fusion de la combinaison, peut d'ail- 
leurs être supérieure à celle de fusion de chacun 
des constiluants. 

L'existence d'un semblable maximum doit être 
considérée comme l'indice cerlain d’une combi- 
naison; mais la réciproque ne serait pas exacte, 
c'est-à-dire que l'absence de maximum ne prouve- 
rail nullement l'absence de combinaison. C'est 
ainsi que Roberts-Austen a caractérisé l'existence 
des combinaisons SbAI et AuAl° par leur point de 
fusion, qui est supérieur à celui de chacun des 
métaux consliluants. 

Voici (fig. 12, page 537) les courbes de fusibilité 
de quelques alliages semblables. Ces courbes de 
fusibilité conduisent à admettre les combinaisons 
définies 

Sn Cu’, Al? Cu Al Cui, 


Sb Cu, et 


3° Mélanges isomorphes. — Certains corps fondus 
ensemble ont la propriété de crislalliser ensemble, 
par refroidissement, en se mélant dans les cris- 
taux en proporlions variables; ce fait, dans le cas 
des corps transparents, se reconnait facilement 
par l'examen optique, notamment par la mesure 
de l’angle des axes, dont l’écartement varie d’une 
facon continue avec la composition des cristaux. 
Les expériences de fusibililé de mélanges sem- 
blables faites sur des composés organiques fon- 
dant vers 100° ou sur des sels fondant au rouge, 
ont montré qu'alors la courbe de fusibililé est 
continue et tend à se rapprocher de la droite, joi- 
gnant les points de fusion des deux corps consti- 
tuants. Par suite, dans le cas des corps isomorphes 
à points de fusion voisins, les mélanges n'auront pas 
une fusibilité plus grande que les corps séparés. 


third sm x dédait dn don dx à 


a É-dÉ 


C'est ce qui arrive pour les alliages de fer et nickel, 
métaux certainement isomorphes. La courbe de 


Courbes de fusibihté 
E AG 


ÂAllisges Aluminium-Cuivre 


—— Ætan-Cuivre 
———— Animoine-Cuivre 


tures 


eral 


4 


Temp 


109 


5 
Equivalent de Cuvre Z 


Fig. 12. — Courbes de fusibilité des alliages Al-Cu, Sn-Cu, 
Sb-Cu. 


fusibilité des alliages d'argent el d'or présentant 
le même caractère, on est conduit, par analogie, 
à admettre dans les alliages de ces métaux la forma- 
lion de mélanges isomorphes. Voici, d’après Scher- 
tel, la courbe de fusibilité de ces alliages (fig. 13). 


1100! 


1000° 


Fig. 13. — Courbe de fusibililé des alliages d'or el d'argent. 


11 est un cas complexe d'isomorphisme encore 
peu étudié jusqu'ici, mais certainement beaucoup 
plus fréquent qu’on ne le suppose, dans lequel un 
corps donné se mélange isomorphiquement avec 
une de ses combinaisons qu'il forme sans que les 
deux corps en combinaison soient isomorphes 
entre eux. Cette propriété a élé découverte par 
M. Bakhuis Roozeboom, dans le chlorure d’am- 
monium, qui se mêle isomorphiquement au chlo- 
rure double de fer et d'ammonium sans le faire 
avec le chlorure de fer en excès; la même propriété 
existe dans le sulfale de soude qui, par fusion 
ignée, se mêle isomorphiquement avec le sulfate 
double de calcium et de sodium, peut-être aussi 
dans le chlorure de sodium avecun chlorure dou- 
ble de sodium el d'argent. Les courbes de fusibi- 
lité sont, dans ce cas, assez complexes, mais n’ont 


H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES 537 


puisse définir leur allure caractéristique. Il ne se- 
rait pas impossible que la plupart de nos alliages 
usuels (bronze, laiton, etc.\ appartiennent à celle 
dernière catégorie. 


Liquation. — Le phénomène bien connu de la 
liquation est la conséquence immédiate du mode 
de solidification des alliages qui a été rappelé plus 
haut. Les premières parties qui se solidifient sont 
un mélal pur ou une combinaison et les dernières 
un alliage eutectique de composition tout à fait dif- 
férente. Si les différences de composition d'un point 
à l’autre d’un lingot sont aussi faibles qu'elles le 
sont souvent, cela lient aux faibles différences de 
densité que présentent parfois les métaux alliés, et 
surtout à un mode de cristallisation spécial rap- 
pelant celui des solutions sursaturées. Le premier 
métal qui se dépose cristallise en lamelles ou ai- 
guilles très fines qui restent en suspension dans le 
liquide et forment un feutrage au milieu duquel 
la solidification totale s'achève. Sans cela, si les 
choses se passaient comme pour les solutions 
aqueuses où le sel se dépose en gros cristaux au 
fond des vases, on devrait toujours retrouver dans 
une région du lingot une partie avant la composi- 
tion de l’alliage eutectique, ce qui, en fait, n’arrive 
que d'une façon exceptionnelle et seulement pour 
les alliages de métaux dont les densités sont très 
différentes, comme le plomb et le cuivre. 

Les différences de composition dues à la liquation 
ont été étudiées avec une grande précision par plu- 
sieurs savan{s : Levol, Péligot, Roberts-Austen, en 
raison de l'importance considérable de cette ques- 
tion dans la fabrication des monnaies. Ces savants 
ont reconnu qu'il existait généralement pour deux 
mêmes métaux plusieurs alliages sans liquation; 
ils ont parfois conclu à l'existence d’autant de 
combinaisons définies distinctes; c’est là une er- 
reur qu'il importe de signaler. L'absence de liqua- 
tion appartient non seulement aux combinaisons 
définies, mais encore à tous les mélanges eutecti- 
ques à point de fusion minimum, à certains mé- 
langes isomorphes, et même à des mélanges quel- 
conques dans lesquels la précipitation du premier 
métal a commencé à se faire d'une façon uniforme 
dans toute la masse et en cristaux suffisamment 
petits pour que le défaut d’homogénéité puisse 
échapper à l’analyse chimique. 


Proprièlés mécaniques. — On ne peut guère men- 
tionner que les recherches déjà anciennes de Crace- 
Calvert comme ayant eu pour objet de mettre en 
évidence les relations existant entre les propriétés 
mécariques d'un alliage el sa composition chi- 
mique. Si les alliages sont constitués par la juxla- 


pas encore élé suflisamment étudiées pour que l'on ! position de cristaux des métaux constituants, on 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


12° 


D38 


H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES 


MÉTALLIQUES 


peut supposer que leur dureté est intermédiaire 
entre celles des métaux constiluants et varie sui- 
vant leurs proportions relatives. Pour comparer la 
dureté des différents alliages, Crace-Calvert mesu- 
rait l'effort nécessaire pour y faire pénétrer une 
pointe d'acier donnée d'une quantité déterminée. 
Voici, à litre d'exemple, lareproduction des résultats 
de deux séries d'expériences relatives, l’une aux 
alliages du zine et de l’étain, l’autre du cuivre el 
de l'étain (Tableau I). Une colonne donne les efforts 
observés, l’autre les effets calculés par la règle des 
mélanges en parlant de la composition chimique. 
L'unité employée pour exprimer les efforts a été 
choisie de telle sorte que le chiffre correspondant 
à la fonte grise soit égal à 1.000, 


Tableau II 


COMPOSITION DURETÉ 
de ëe 


l'alliage 


— 


observée calculée 


On voit que, dans le cas des alliages de zinc el 
d’étain, l’accord du calcul et de l'expérience est 
assez satisfaisant; pour les alliages da cuivre et de 
l'élain, au contraire, il n’y a aucune concordance. 
Il semble donc, à première vue, n’y avoir aucune 
conclusion générale à déduire de ces expériences 


contradictoires. Mais si, au lieu d'envisager isolé- 
ment le mémoire de Crace-Calvert, on le rapproche 
des autres recherches failes depuis sur les mêmes 
mélaux, la conclusion est lout autre. Les expé- 
riences plus récentes montrent en effel que, si 
l’'alliage zinc-élain est bien constilué par la juxta- 
position de cristaux de zinc el d’étain, il en est 
tout autrement pour les alliages de cuivre et d’élain 
dans lesquels existe une combinaison définie répon- 
dant à la formule Cu Sn. Les alliages riches en 
élain sont constitués par la juxtaposition de eris- 
laux d’étain et de la combinaison en queslion; 
ceux riches en cuivre renferment du cuivre et la 
Le 
donc en réalité, être fait dans le premier cas en 


méme combinaison. calcul de la dureté doit 
partant des chiffres relatifs à l'élain et à la combi- 
naison ; dans le second cas relatifs à la combinaison 
et au cuivre. En altribuant à cette combinaison le 


nombre 1500, on aurait, entre le calcul et l’expé- 


rience, un accord analogue à celui qui existe pour 
les alliages d'élain et de zinc. 

Il semble done bien exister une relation directe 
entre la dureté d’un alliage et sa constitution chi- 
mique. En Lous cas, cet exemple suffit à montrer que 
les combinaisons définies des alliages métalliques 
ont une influence capitale sur leurs propriétés 
mecaniques. 


Analyse chimique immédiate. — Les méthodes chi- 
miques auraient pu être appliquées les premières à 
l'étude de la constitution chimique des alliages ; 
en fait, ce sont les dernières que l’on ait songé à 
uliliser. Pour isoler les combinaisons définies 
existant dans les alliages, on peut employer des 
procédés analogues à ceux que met en œuvre l’a- 
nalyse organique immédiate. Généralement les 
combinaisons sont moins facilement attaquables 
que le plus attaquable des éléments constituants; 
on pourra donc, dans un alliage préparé avec un 
excès du métal le plus attaquable, dissoudre la 
partie non combinée au moyen d'un réactif conve- 
nable. Ainsi, dans les alliages cuivre-étain avec 
excès d'étain, on dissout l'excès de ce métal par 
l'acide chlorhydrique concentré qui laisse inal- 
térée la combinaison SnCu’: dans les alliages 
cuivre-zine avec excès de zine, on dissout le zinc 
par le chlorure de plomb qui laisse inaltérée la 
combinaison Zn? Cu. Mais celle méthode a élé peu 
employée jusqu'ici; elle n'a guère servi qu'à con- 
trôler les résultats obtenus antérieurement par 
des procédés différents. 


Conclusion. — En résumé, le fail saillant qui se 
dégage de l'ensemble de ces études est l'existence, 
dans un certain nombre de cas, de combinaisons 
définies, qui ont une influence capitale sur toutes 
les propriétés des alliages : dureté, fusibilité, con- 
ductibilité électrique, ete. Les méthodes qui ont 
été mises en œuvre pour caraclériser ces combi- 
naisons pourront, sans difficulté. être employées 
dans tous les cas semblables. 

Un second fait, qui ne se dégage pas aussi netlle- 
ment, mais se laisse cependant entrevoir, esl 
qu'à côté des combinaisons définies il doit exis- 
ler des mélanges isomorphes, c'est-à-dire des 
espèces de combinaisons à proportion variable 
dont l'importance ne serait pas moindre que celle 
des vérilables combinaisons. Les recherches à 
venir diront ce qu'il y a de fondé dans celle suppo- 
silion. — Dans Lous les cas, il n'entrerait, dans la 
conslilulion des alliages que des métaux eristal- 
lisés, c'est-à-dire que l’assimilalion souvent faile 
des alliages aux dissolulions et aux verres serail 
dénuce de lout fondement.  H. Le Chatelier, 


Ingénieur en chef des Mines, 
Protesseur à l'Ecole Supéricure des Mines. 


PV) 


PPS ES PES SN TE PER 


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R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE 


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Co 
(=) 


LA LAITERIE MODERNE 


ET L'INDUSTRIE DU LAIT CONCENTRÉ 


L'utilisalion industrielle des produits du lait 
est venue, dans ces dernières années, apporter de 
nouvelles et bienfaisantes ressources à nos agri- 
culteurs, qui ont tant à souffrir dans leur lutte 
pour la vie. 

Que l'on considère, en effet, soit les pays pro- 
ducteurs du blé, que l’avilissement des prix frappe 
de coups si cruels, soit les vignobles des Charentes, 

_ de la Vendée, du Poitou, dont le phylloxera a di- 

_ minué, presque jusqu'à l’anéantissement, les beaux 
revenus d'autrefois, on aperçoit dans les régions 
malheureuses les industries du lait s'établir peu à 
peu, se répandre et faire entrevoir le salut dans 
une situation paraissant fort compromise. 

Mais ce n'est plus la laiterie d'autrefois qui au- 
rail été suffisamment rémunératrice pour contri- 
buer à redonner la vigueur dans les exploitafions 
agricoles et à ramener la fortune. Ce ne sont pas 
les quelques litres de lait que la ménagère utili- 
sait naguère de son mieux, dans de peliles pièces 
noires el humides, qui pouvaient devenir une source 
de bénéfices, de taille à figurer dans les comptes 
de nos grosses fermes d'aujourd'hui. 

Les laiteries se sont transformées ; celles qui 
se sont élevées dans les pays dont nous parlions 
sont de grandes et belles usines, propres el 


—  aérées, et dans lesquelles l’activilé et la science 


des ingénieurs, des mécaniciens, des chimistes, a 
lrouvé un vaste champ pour s'exercer. 

La lailerie moderne est devenue une industrie 

“comme la sucrerie, la distillerie, et elle a grandi 
en groupant autour d'un centre des efforts et des 
capilaux qui, isolés, se trouvaient d'avance con- 
damnés à demeurer éternellement stériles: vw- 
Jjourd'hui l'industrie de lu luiterie égale en importance 
et en mouvement de capitaux notre célèbre industrie 
viticole. 

D'immenses progrès ont élé réalisés : on a appris 
par l’analyse à connaïilre la malière première mise 
en œuvre; au moyen de l'écrémage mécanique, on 
est parvenu à traiter le lait aussitôt après la traite 
eLà préparer ainsi un champ d'une pureté parfaite 

et des plus convenablement appropriés pour 
recevoir les ferments que l’on aura à ÿ ensemen- 
cer. 

Ce sont ces perfeclionnements, dans lesquels la 
science a la belle part, que nous nous proposons de 
passer rapidement ep revue dans cet article, en in- 
sistant plus particulièrement sur les procédés peu 
connus ou nouveaux et surtout sur celle belle in- 


dustrie du lait concentré qui nous parail si pleine 
d'avenir. 


J: — ANALYSE DU LAIT. 


On peut dire qu'il y a quelques années à peine, 
la composition du lait n'était pas connue : dans 
les traités spéciaux, on se repassait d'âge en âge 
d'anciennes analyses que chaque auteur rééditait 
sans contrôle. On assignail presque une composi- 
tion immuable au lait de vache, et il a fallu les 
méthodes, si délicates, de M. Duclaux, les autres 
procédés, si rapides et si pratiques, d'Adam et de 
Marchand pour que l’on se trouvät en silualion 
de mulliplier les essais et d'étudier les influences 
si intéressantes de la nourriture et des races des 
animaux sur le produit qu'ils fournissent. 

Dans ces derniers temps, on a découvert des 
procédés d'analyse pratiques el encore plussimples 
que les précédents. L’acide acétique (de Laval, 
l'acide chlorhydrique (Lezé), l'acide sulfurique 
(Babcock, puis Gerber) ont élé proposés pour 
isoler la matière grasse du lait, el aujourd'hui un 
dosage se fait en quelques minutes. Les acides 
dissolvent ou détruisent la caséine, la matière 
grasse s’isole sans peine, et l’on parvient à réunir 
les globules en un tout unique en chauffant quel- 
que peu et surtout en augmentant la tendance à la 
séparation par l’applicalion de la force centrifuge. 

La qualité du lait fait l'objet d’un autre genre 
de recherches; on sait combien ce précieux liquide 
s’altère vite sous l'influence des agents de fermen- 
lation; il apparait de l'acide lactique, et, lorsque la 
proportion de cet acide atteint 4 à 6 grammes par 
litre, le lait tourne, la caséine se précipite. 

Lés laits en voie d'altéralion sont des laits ma- 
lades, et leur introduction dans le travail d'une 
laiterie est dangereuse : car les fermentations se 
propagent vile et le lait atleint peut devenir la 
source d'une contamination générale et l’origine 
de désastres difliciles à réparer. 

On se rend compile de l’état de bonne ou mau- 
vaise santé des laits, soit en dosant leur acidilé en 
acide lactique (Dornie , soit en les gardant à l'é- 
tuve, en notant les phénomènes de tourne, d'o- 
deur, etc., soit enfin en les essayant par la présure 
(Lezé). Ce dernier procédé est d’une grande sim- 
plicité : on prend 100 ec. du lait à essayer, on les 
chauffe à 35° dans un bain-marie et on leur ajoute 
! Oce. i de présure diluée dans neuf fois son vo- 
| lume d’eau, soit done 1 cc. de présure ordinaire 


commerciale au 1/10. On note exactement, sur un 
compteur à secondes, le moment de cette addi- 
tion, puis celui de la coagulation; les laits normaux 
se coagulent avec une bonne présure du commerce 
en trois ou quatre minutes ; un lait qui se coagule 
beaucoup plus vite ou plus lentement doit être re- 
gardé comme suspect ; l'essai de la présure indique 
déjà très bien si le lait est altéré, si on y a ajouté 
de l’eau ou des sels alcalins pour le conserver, elc. 
La matière première étant connue, il faut exa- 
miner le parti qu'on devra en Lirer et les traile- 
ments industriels que l’on pourra lui faire subir. 
Le lait peut être consommé comme lait et vendu 
en nalure, ou transformé en beurre ou en fromage 
La consommation du lait en nature a augmenté 
dans ces dernières années dans des proportions 
énormes : les médecins l'ont ordonné fréquem- 
ment dans nombre de maladies et d'autant plus 
volontiers que le commerce du lait s’est notable- 
ment moralisé, Nous n'en sommes plus, à notre 
époque, à ces étranges mixtures dont nous par- 
laient nos livres d'autrefois. On ne met plus dans 
le lait ni cervelle de cheval, ni amidon, et la seule 
fraude courante — conséquence d'une mesure 
adoptée au Laboratoire municipal — est l'écré- 
mage suivi d’une addition d’eau. D'après le Labo- 
ratoire municipal, un lait contenant 32 grammes 
de matière grasse par litre est considéré comme 
naturel; quelques marchands de lait ne se gènent 
pas alors pour écrémer au quart du lait renfermant 
42 à 45 grammes de matière grasse etune addition 
de 15°/, ou 16 ‘/, d’eau ramène la densité à son 
taux normal de 1,031 environ ‘. Mais, celte petite 
fraude écartée, il reste pour le vendeur une grosse 
question à résoudre : la conservation du produit. 


II. — CONSERVATION ET TRANSPORT DU LAIT 


Le lait est malheureusement assez instable; sa 
structure, $on harmonie ou sa composition chi- 
mique changent soit sous l'influence du temps, soil 
sous l’action, plus destructrice, des organismes mi- 
croscopiques. 

Avec le temps, la crème se sépare el monte à la 
partie supérieure du liquide ; mais, dans ce cas, une 
simple agitalion peut reconstituer le lait avec toutes 
ses propriélés primitives. Si les microbes ont com- 
mencé dans le liquide, très favorable à leur dévelop- 
pement, leur œuvre désorganisatrice, le malheur 
est irrémédiable : la caséine, qui était à l'état de 


1 Nous ne pouvons nous empêcher de déplorer la fameuse 


moyenne du Laboratoire municipal. Nous la voudrions plus 
élevée : 31,5 ou 40 grammes par litre par exemple ; et, si les 
laitiers disaient que il y a des vaches, les Hollandaises, qui ne 
donnent que 30 grammes, ce qui est vrai, on leur ré pondre ait 
de les vendre et d’en acheter de meilleures. Avec la moyenne 
de 32 grammes, il y a une porte ouverte à la fraude ; à 
,0 grammes, on serait peut-être conduit à vendre le lait un 
peù plus cher, mais le consommateur y gagnerait encore. 


R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE 


suspension, se précipite; elle se sépare du sérum 
devenu acide : le lait est tourné et impropre à 
l'alimentation. 

Or, ces germes malfaisants sont partout : on les 
trouve dans l’air, dans les eaux ; ils se rencontrent 
sur les parois des vases qui recoivent le lait, sur 
les vêtements des ouvriers, sur leurs mains, el il est 
si diflicile que la contamination du lait ne se pro- 
duise pas que l'on peut, au contraire, affirmer 
d'avance qu’elle est inévitable et que le lait gardé 
à l'air sans précautions spéciales se désorganisera 
tôt ou tard, mais se désorganisera sûrement. 

Pour le commerce de Paris ou des grandes 
villes, on se contente ordinairement de pasteu- 
riser le lait à une température de 70° à 75°; on en 
prolonge ainsi la conservation pour un ou deux 
jours, et c’est un délai suffisant dans la pratique. 

On trouve également dans le commerce des 
laits conservés par le froid et qui ne subissent 
aucune altération sensible tant que la température 
reste basse. 

Ce sont ces laits pasteurisés ou refroidis que 
consomme surtout la ville de Paris ; l’on sail 
qu'il s'en vend, tant en bidons qu'en bouteilles, 
jusqu'à à et 600.000 litres par jour en hiver. 

Le transport s'effectue sans grandes précaulions 
dans des wagons ouverts, eLil est à regretter que 
l’on n’ait pas encore adoplé en France les wagons 
réfrigérants des Américains. A Paris, on con- 
somme du lait arrivé en bidons et détaillé par les 
marchands spéciaux, les crémiers ou les épiciers 
et du lait livré en bouteilles fermées, cachetées 
même. 

Les bouteilles viennent de l’exploitation et ar- 
rivent emplies et cachelées, ou bien on les emplit 
à Paris. À cause des énormes dangers et des frais 
de casse, c’est ce dernier procédé qui est le plus 
employé. 

Ce commerce dulait en bouteilles parait, au pre- 
mier abord, très rémunérateur pour le vendeur : 
car le prix du litre varie de 40 à 60 ou 70 centimes. 
Cependant il reste limité, car le transport des 
bouteilles ne laisse pas que d'être assez coûteux 
et difficile. 

On peut dire qu'en général le lait ainsi offert au 
consommateur est très pur, très frais ; mais son 
prix est aussi bien élevé; on a quelque peine à 
payer un litre de lait 60 à 70 centimes, alors que le 
détaillant de lait, l'épicier qui mesurent le litre de 
lait exactement dans des éprouvelles maintenues 
très propres, le livrent à 30 ou même à 20 centi- 
mes. Il faut ajouter toutefois que ce prix de 20 cen- 
times est un prix de réclame, car nous ne croyons 
méme en très 
à 23 centimes le 


pas qu'il soit possible de livrer, 
99 à 


24 


grosses quantilés, à moins de 
litre, du lait de bonne qualité. 


ein: 


rs Ge 


VENT 1 


à 


R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE 


941 


Les prix varient, du reste, quelque peu suivant les 
saisons. En hiver, lorsque les vaches sont nourries 
au sec à l’étable, c’est le moment où les demandes 
se produisent soit pour la fabrication des froma- 
ges mous, Brie, Camembert, soit pour la consom- 
mation dans les villes; le prix du lait est alors 
plus élevé. Les différences sont de 3 à 4 centimes 
entre les cours d'hiver et d'été. 

Les laitiers nourrisseurs ont aussi à Paris un 
assez fort commerce de lait en nature, et de lait 
réellement bon. Il faut mettre au rang des préju- 
gés ou des souvenirs les vaches phtisiques, nour- 
ries dans des étables malpropres avec des débris 
de légumes ramassés sur les {as d'ordures. Au- 
jourd'hui la plupart des nourrisseurs possèdent 
de beaux établissements dont ils sont fiers et qu'ils 


aiment à laisser visiter !. 


En résumé, les grandes villes, Paris entre autres, 
sont abondamment alimentées de lait de bonne 
qualité et à prix raisonnable. 

Mais, ce résultat étant acquis, il est un autre 
problème dont l'hygiéniste et l'industriel doivent 
aussi se préoccuper. Depuis longtemps on cherche 
à assurer au lait une conservation plus prolongée. 
Les moyens pour cela sont tout indiqués : il faut 
ou soustraire le lait à l’ingérence des microbes, 
ou bien détruire ou immobiliser les organismes 
existant dans le liquide. Pratiquement, il paraît 
impossible d'éviter l’ensemencement: on a beau 
apporter dans les manipulations les précautions 
les plus grandes, les soins les plus attentifs, filtrer 
le lait, on ne fait que prolonger relativement peu 
l'existence de ce liquide fragile. 

Nous ne parlons pas de l'emploi des antiseptiques 
dans cette question de la conservation : ces sub- 
stances, quelles qu’elles soient, sont nuisibles à la 
santé du consommateur ou dénaturent le goût du 
liquide ; elles devraient être absolument proscrites. 

La stérilisation par la chaleur apporte une solu- 
lion au problème : il est évident que du lait bien 
stérilisé, et gardé dans des vases disposés de telle 
sorte que toute contamination nouvelle devienne 
impossible, se conserverait indéfiniment. 

Mais, si cette solution assure, en réalité, la con- 


1 Qu'il nous soit permis de ne pas partager cette opinion 
de notre distingué collaborateur. Nous avons plusieurs fois 
visité les étables où les nourrisseurs de la banlieue de Paris 
entretiennent des vaches laititres, et, loin de trouver partout 
les conditions d’espace et de propreté que requiert l’hy- 
siène la plus élémentaire, nous avons souvent été frappé et 
de l’entassement exagéré des bestiaux dans des locaux insuf- 
fisamment aérés, et surtout de ce fait que les animaux y sé- 
journent d’une facon presque continue, jour et nuit, pendant 
des semaines et des mois, sans aller au pâturage, qui, en 
effet, n’existe pas aux alentours. Dans ces conditions la tu- 
berculose a beau jeu, et les statistiques de vaches pomme- 
lières publiées, depuis quelques années, par M. Nocard 
montrent bien le danger que peut faire courir à la santé pu- 
blique le lait produit dans beaucoup de ces vacheries, vraiment 
défectueuses à ce point de vue.  (Nole de la Direction.) 


servation cherchée, elle n’est cependant pas abso- 
lument satisfaisante. La stérilisation exige, pour 
être complète, une température de 102° au moins, 
el déjà à 75° ou 80° le lait s'altère, la caséine 
change de nature, et du lait chauffé dans les en- 
virons de 100° brunit et prend un goût de cuit 
désagréable : ce n’est plus le lait primitif, à la cou- 
leur crémeuse et à l'arome si délicat. Il n'est pas 
devenu impropre à l'alimentation, tant s’en faut; 
les enfants se trouvent très bien de la consomma- 
tion de ce lait, et l'emploi de cet aliment stérilisé 
a déterminé, dans certaines circonstances, une 
diminution sensible dans la mortalité infantile !. 
Mais les inconvénients signalés n’en subsistent 
pas moins, et ils sont nombreux. 

Dahl, en Suède, a imaginé un moyen de stérili- 
sation qui, tout en restant bien efficace, parfait, ne 
dénature pas le lait traité. Ce savant a remarqué 
qu’à la température de 75° on détruit à peu près 
tous les organismes nuisibles, mais que cette tem- 
pérature n’atleint pas les spores de ces orga- 
nismes. Il a alors institué le procédé suivant : 

Il chautfe le lait à stériliser à 70° environ pendant 
une demi-heure; il le laisse refroidir ensuite et le 
conserve un nombre d'heures variable avec la 
température ambiante, jusqu’à ce que la plupart 
des spores soient devenues adultes: c’estune affaire 
de quelques heures seulement dans l’étuve à fer- 
mentation, ou d’une journée entière si la tempé- 
rature est relativement basse ou si l’on place les 
vases hermétiquement clos qui contiennent le 
lait, dans une chambre à 12° ou 15° seulement. 
Alors, on fait subir au lait une deuxième chauffe 
à 70°, suivie d’un nouveau refroidissement, el l’o- 
pération est ainsi répétée jusqu'à cinq fois de 
suite ?. 

Le lait de Dahl se conserve plusieurs années sans 
allération aucune : il est frais et doux, parfaitement 
inaltéré; mais le procédé est d’une application 
délicate et l’auteur n’a pas donné tous les rensei- 
gnements sur les temps el les températures. 

Enfin, dernier gros inconvénient, ce procédé est 
d'une application lente et coûteuse. 

En résumé, on voit que la stérilisation du lait 
n’est salisfaisante ni par les unes ni par les autres 
de ces méthodes: il a fallu chercher autre chose. 
C'est un Français, Martin de Lignac, qui, vers 
le milieu de ce siècle, a eu le premier l’idée heu- 
reuse de conserver le lait par la concentration ou, 


1 Voir, dans la Revue générale des Sciences, les articles du 
D' Budin sur la stérilisation pratique du lait pour l’alimen- 
tation de la petite enfance (Revue du 15 novembre et du 
15 décembre 1893). 

2 Le principe de cette méthode a été imaginé.par Tyndall, 
puis vulgarisé par le D: Koch. Il est aujourd’hui d'usage 
courant dans les laboratoires pour stériliser la gélatine. 

(Note de la Direction.) 


5142 R. 


en d'autres Lermes, par le départ de la plus grande 
quantité d'eau que renferme normalement ce li- 
quide. Sur ce principe est aujourd'hui fondée une 
grande industrie, qu'ilnous fautmaintenant décrire. 


III. — INDUSTRIE DU LAIT CONCENTRÉ 


La réalisation de lPidée conçue par Marlin de 
Lignac semble au premier abord des plus faciles, 
puisqu'il suffit théoriquement de faire bouillir le 


LEZÉ —— LA LAITERIE MODERNE 


Puis, le lait, après avoir été pasteurisé (fig. 1.) 
est concentré dans le vide partiel, car l’évaporation 
à l'air libre présenterait les inconvénients du cuit. 
que nous avons signalés. 


L'appareil à concentrer (fig. 2), photographié 


dans la grande condenserie de MM. Genvrain frères, 
est semblable à celui des sucreries ou des raffine- 
ries : c’est une grosse chaudière de cuivre chauffée 
par un double fond et des serpentins. Les vapeurs 


Fig. 1. — Ensemble des appareils à pasteuriser el à sucrer le lail destiné à la condensation. — Sur la gauche se voient 
TE À: RUE 2 s : 3 : te pe 
les appareils destinés à pasteuriser le lait; le lait est ensuite sucré dans les cuves figurées à droite, puis il est aspiré, 
jar le tube qui plonge dans l'une des cuves, jusqu’à l'étage supérieur, où il est envové dans les appareils 4 condensa- 

: £ Jusq { | ; À 


ton. 


lait pour en séparer l’eau. En pratique, la question 
est un peu plus complexe, l'opération assez déli- 
cate. L'expérience a montré que la concentration 
ne peut donner de bons résullats que si l’on opère 
sur des laits parfaitement sains. D'où la nécessité 
d'examiner el d'analyser les laits traités, de re- 
Jeter les laits malades, et, enfin, de pasteuriser les 
laits reconnus bons par les essais préalables. 

Les analyses sont des plus simples, étant entendu 
qu'elles ne doivent porter que sur la qualité du 
lait. On les exécute pratiquement par le dosage de 
l'acidité, el mieux par la présure, ainsi que nous 
l'avons proposé. 


du liquide amené à l’ébullition sont condensées 
au contact de l’eau froide ; l'injection est faile 
dans nos appareils aussi près que possible de la 
chaudière à cuire; cette disposilion nous a donné en 
pratique des résultats d'autant meilleurs que nous 
avons pris la précaution de placer la chaudière à 
7 ou 8 mètres du sol pour soulager la pompe à air. 

Il est inutile d'insisier sur ces détails, mais il 
nous parait intéressant de décrire comment se fail 
une cuile de lait, cette opération étant restée jus- 
qu'à présent enveloppée d'un certain mystère par 
les ouvriers cuiseurs, qui ont intérêt à faire valoir 
leurs talents. 


R. LEZÉ -— LA LAITERIE MODERNE 


Nous supposons donc que nous disposons de 
l'appareil à cuire avec son condenseur, d’une abon- 
dante source d’eau fraîche el d’une pompe à air 


met en marche la pompe à air et on amène le vide 
à 62 centimètres de mercure environ, c’est-à-dire 
que, si l’on faisait communiquer l’appareilavec un 


Fig. 2 — Appareil pour opérer la concentration du lait. (Cet appareil est situé à un étage supérieur 
à celui de la figure 1}. — La chaudière, visible au centre de la figure, est, par sa partie supérieure, 
mise en communication avec l’appareil de condensation formé par le grand cylindre vertical placé 
auprès d'elle. Les vapeurs aqueuses chassées par l'ébullition circulent dans le tube central qui tra- 
verse ce cylindre. Dans l’espace annulaire compris entre le tube et son manchon est violemment 
injectée l’eau froide destinée à déterminer la condensation. 


el à eau pour enlever les eaux et les vapeurs. 
Nous disposons également de lait encore chaud 
venant d’être pasleurisé. 

L'appareil à évaporer étant vide, bien propre, on 


long tube plongé dans une cuvelle à mercure placée 
à l'air, le mercure s’élèverait dans le tube à 
62 centimètres; les appareils que nous faisons 
construire permettent, sans difficulté, de pousser 


D41 


Fr 


R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE 


le vide jusqu'à 71 ou 72 centimètres. Après s'être 
assuré de l'étanchéité de l'appareil, on ouvre le 
robinet d’adduction de lait chaud; on commence 
l'injection de l'eau dans le condenseur. La tempé- 
rature s'élève peu à peu dans le vacuum, sous 
l'influence du lait chaud ; toutes les pièces 
s'échauffent:; on arrive à 52° et à 68 centimètres de 
vide. 

On commence à donner la vapeur dans le 
double fond, au moment où celui-ci est recouvert 
par le lait; il se fait une ébullition tumultueuse, 
le lait s'envole (suivant l'expression vulgaire) et 
l'ouvrier cuiseur est obligé d'apporter la plus 
grande attention pour éviter les pertes de lait par 
entrainement dans le condenseur. Il ouvre, de 
temps à autre, le robinet de rentrée d’air pour 
apaiser celte ébullition, il surveille le robinet de 
vapeur du double fond, celui de l’arrivée du lait. 
Cette mise en marche est très délicate et exige de 
l'habileté et du sang-froid. 

Peu à peu l’ébullilion s'apaise et le cuiseur règle 
tous les robinets pour que, l'admission du lait 
se faisant d’une façon continue, la température 
reste dans les environs de 50° à 52° et la pression 
de 66 à 68 centimètres. 

Le cuiseur ne doit pas quitter un moment son 
appareil, car il a à surveiller les températures, les 
pressions, l'alimentation de la vapeur el du lait, 
la bonne arrivée d’eau dans le condenseur et l’é- 
vacuution de cette eau à température normale. Si 
les fonctions de cet ouvrier ne sont entourées d’au- 
cun mystère, elles ne laissent pas que d'exiger 
beaucoup d'attention et d'expérience. [ne faut pas 
perdre la tête dans ce poste : on cuit à la fois plu- 
sieurs milliers de litres de lait, et ce sont plusieurs 
centaines de francs qui sont en jeu; une cuite 
manquée est bonne à jeter ou à donner aux pores, 
car son introduction sur le marché pourrait porter 
un coup désastreux à la renommée de la marque 
du fabricant. 

Toutes choses étant bien réglées, l'alimentation 
du lait se faisant continuellement, l’ébullition est 
active; on voit, par les lunettes de l'appareil, le lait 
soulevé en vagues tumultueuses et violemment 
agilé : des gouttelettes s'éparpillent en poussière 
au-dessus du liquide, sans cependant qu'il y ait 
d'entrainement au dehors. 

Peu à peu le niveau monte, le liquide devient 
plus visqueux, s'étale en larmes sur les glaces qui 
servent de regard. On donne la vapeur dans les 
serpentins aussitôt qu'ils sont recouverts, el on 
continue à emplir la chaudière jusqu’à ce que le 
lait atteigne environ la moitié de la capacité totale. 
Lorsqu'on a condensé le volume voulu, on prend 
des échantillons au moyen de la sonde et on exa- 
mine la consistance de la pâle. 


Il est nécessaire d'apporter une grande attention 
à cette épreuve, car elle est destinée à renseigner 
sur la qualité de la cuite faite. 

Le cuiseur doit tendre à concentrer autant que 
possible ; mais il ne faut pas, cependant, qu'il dé- 
passe la limite de solubilité du sucre de lait; si 
celui-ci se dépose, le lait est sableux : les petits 
cristaux de lactose produisent à la dégustation une 
sensation de sable dans le liquide päteux. Il faut 
essayer, à plusieurs reprises, si la pâte, ramenée à 
la température ordinaire, est bien liée, filante 
comme la mélasse et onctueuse. Le point précis est 
difficile à atteindre : aussi le bon cuiseur doit-il 
rester en decà et ne terminer la concentration qu'au 
dernier moment. 

A cet effet, lorsqu'il approche du point voulu, il 
coupe la vapeur de chauffage et active le courant 
d’eau dans le condenseur; la température baisse à 
45° et le vide at!eint 70 ou 71 centimètres. 

On écoule la pâte dans un refroidissoir approprié 
et on l'amène lentement, en 1 heure à 2 heures, 
à la température ambiante, tout en l’agitant tou- 
jours, mais sans brusquerie. 

Il est d'usage de sucrer le lait avant de le con- 
centrer (fig. 1) :le sucre agit comme antiseptique el 
contribue, d'autre part, à donner à la pâte cette 
consistance sirupeuse que recherche le consom- 
mateur ; le lait bien condensé ressemble à du miel, 
il en a le goût et est à peine plus fluide. 

Nous en avons examiné un assez grand nombre 
d'échantillons et nous avons trouvé qu’en moyenne 
de bons lails non écrémés ou écrémés à peine {les 
fournisseurs s’acquittent parfois de ce soin) don- 
nent à la concentration un produit dont le la- 
bleau [ ci-joint résume la composition. 


- TABLEAU 1. — Composition du lait concentré. 


Composition 


DENSITÉ ENVIRON 1,30 


en 100° 

Beurreil(matiéreprasse) ASE Tree 7 10 
Sucreide lait (lactose): 2. RES TELE 12 
Sucre decanne (aJOuté]):.%--.:-"-""-e"# 38 
Mat. albuminoïdes (caséine, etc.)........... 10 
Cendres/(mat. fixes) "RC UE PEER ER ERREC TE 2 
Da, RO ER nr Rec cCde 28 

100 


Dans la pratique, en ajoutant la quantité de sucre 
de canne convenable, on peut admettre qu’il faut 
1 litre 200 à 300 pour faire une boite de lait con- 
centré de 450 grammes, correspondant au volume 
de 350 centimètres cubes si la densité est 1,3; c’est- 
à-dire que, si l’on défalque le sucre ajouté (133 
grammes ou 84 centimètres cubes, par boite de 
430 grammes\, il reste 350 — 84— 266 centimètres 
cubes qui ont été fournis par le lait primitif. 

Done, 1.300 centimètres cubes de lait naturel 


donnent : 266 centimètres cubes de lait concentré, 


à" 


4 


ne 


F2 


R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE 545 
sans sucre ; 350 centimètres cubes de lait concen- 2 ; à 
tré sucré. IV. — DÉRIVÉS DU LAIT. 
On obtient pratiquement 70 à 73 boiles de lail BEURRES ET Fe bn 
concentré par 100 litres de lait travaillé, et, si l'on Beurre. — Le beurre est fabriqué en barattant la 


considère le prix de vente du lait concentré dans 
le commerce, il est facile de se convaincre que 
l'industrie dont nous avons démontré l'utilité, est 
aussi rémunératrice. 

Cependant, ici se pose naturellement une grosse 
question : Ce lait concentré trouve-t-il acquéreur? 
Nous répondrons : Oui, l'acquéreur est partout: la 
consommation n'ira qu'en augmentant. 

Le lait concentré régénère le lait naturel par une 
simple addition d'eau; le lait naturel se reconstitue 
avec Loutes ses propriétés premières : son goût dé- 
licat, sa bonne odeur, douce et agréable; mais. 
cependant, ilest sucré. Ce n’est pas un grave défaut, 
car le lait n’esl qu'exceplionnellement consommé 
sans sucre; on sucre le thé ou le café auxquels on 
ajoute du lait; on sucre le lait donné aux pelils 
enfants, et que d'avantages alors viennent com- 
penser et au delà le petit désagrément de cette pré- 
sence presque inévitable du sucre. Le lait concentré 
ou condensé se conserve presque indéfiniment: il 
est toujours prèt, on l’a sous la main, une boîte 
entamée ne s’allère qu’en un temps très long, elle 
peut rester ouverte plusieurs jours sans aucun in- 
convénient, et, enfin, dernière considération, qui a 
bien sa valeur; on est cerlain de la bonne qualité 


du produit, car, du lait qui aurait élé malade : 


ou contaminé seulement , aurail tourné dans 


l'appareil à cuire au moment de la concentra- 


tion. 

Aussi, déjà voyons-nous cette consommation du 
lait concentré aller rapidement en augmentant: en 
Angleterre, chaque ménage a sa provision de 
quelques boîtes de lait condensé et trouve un 
avantage énorme à ne pas êlre obligé de compter 
sur le lailier, qui peut faire défaut. 

L'industrie du lait concentré parait aussi appelée 
à un grand développement en France. Puisque 
nous nous trouvons, — avec notre climat doux et 
humide, notre sol riche et largement arrosé, nos 


belles races indigènes laitières, — dans les meil- 


leures conditions pour produire par énormes quan- 
lités un lait savoureux, nous devrions chercher à 
profiter de celte situation pour développer encore 
notre production laitière en vue de cette applica- 
tion tout indiquée. 

C'est un débouché nouveau qui nous est offert, 
débouché énorme, puisqu'il aboutit non seulement 
à la consommation locale, mais qu'il atteint aussi 
etsurtoutle commerce d'exportation, l'alimentation 
de nos marins et de nos colonies, qu'il s'adresse à 
ces gros consommateurs qui sont le Brésil, 
l'Inde, etc. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


crème, et il est intéressant de constater les progrès 
faits dans l'exécution des opérations de cette indus- 
trie. 

Dans les belles laiteries modernes, la crème est 
ensemencée avec des ferments purs et on arrive 
à l'amener au point précis de sa meilleure utilisa- 
tion. On observe maintenant les températures, les 
acidilés: tout est si bien étudié que l’on ne ren- 
contre plus dans la fabrication les manques ou les 
mécomptes que lon attribuait autrefois aux 
orages où aux odeurs mauvaises. 

Si l'on n'a pas fait de grands progrès dans la 
construction des barattes, on a cependant étudié 
de plus près leur fonctionnement, et le temps n'est 
pas éloigné où l’on se convainera de cette vérité 
que le barattage est surlout intéressant au point 
de vue desréactions chimiques qui se passent dans 
la baratte. On commence à entrevoir les effets el 
les conséquences de l'acidité qui s'y développe 
et l'on arrive à préparer des beurres d’un arome 
très fin, d’un goût exquis, en observant lesphases 
de l’acidification et en mettant à profit l'action de 
l'acide apparu. 

Nous avons apporté d'Amérique les plans d'un 
nouveau malaxeur, le #argo (Simon et fils, cons- 
tructeurs à Cherbourg), que l’on a adopté partout 
aux Etats-Unis et au Canada. Avec un fargo, on 
fait, sans supplément de force, le travail de trois 
ou quatre malaxeurs à table. 

L'industrie du beurre a subi depuis quelques 
années une transformalion complète : au lieu de 
l'écrémage spontané si incertain, on a adoplé 
presque partout l’écrémage au moyen de la force 
centrifuge. Les appareils construits dans le but 
d'effectuer cette séparalion mécanique de la crème 
légère et du liquide plus dense, qui est le lait sans 
matière grasse, ont surgi nombreux et ont élé de 


jour en jour plus perfectionnés. La dernière écré- 


meuse centrifuge parue, l'afa-colibri (fig.3), permet 
de traiter 50 à 60 litres de lait à l'heure en faisant 
tourner à la main et sans aucune fatigue un petit 
appareil facile à manier. 

Avec les écrémeuses, avec la possibilité d'obtenir 
sûrement des crèmes fraiches et pures, les fabri- 
cants se sont préoccupés davantage des soins de 
propreté dans la lailerie, au grand profit de l’amé- 
lioration de la qualité de leurs produits. 

Le beurre fin, délicat, bien présenté, est mar- 
chandise courante maintenant, au grand agrément 
du consommateur, et, de ce fait, la consommation 
tend à augmenter quelque peu. Cependant elle 
reste encore bien faible, et à Paris, en particulier, 


122% 


Réservoir à lait____ 


Ouverture pour la soupape 


Coupe régulateur __ 
Flotteur en 
Pointe pour tenir 1e bOI_ 4 


__Soupape à tige avec crochet 
_Tube d'alimentation 


Sortie de la crême__----— "0" Sd DR Ferblanteries 
Vis du lait écrémé---—- 
Tube central HN Disques Alfa 
Bol ET A PA) *_ Crème , 
Lait écrémé__# f | Axe du bol | 
Coussinet 


Anneau en caoutchouc pour coussinel—""" ‘La | __ Protecteur de la roue d'entraînement 


Bague en caoutchouc pour joint du bol____ 7 _Roue d'entrainement 
Douille supérieure _____  —- te ”_Cliquet d'arrêt de la roue 


se 2 3 -Manche de la lanière 


Rondelle en acier____ mr 
Ress Or tee—— 
Boîte renfermant le ressort____ 


Bâti__ _— à ÈS 
DS à 
Plomb_____ Le Vis pour fixer la lanière 
Vis pour fixer lécrémeuse ___ __. X Feutre pour huiler 
= = fl mms ‘Axe de la roue d'entraînement 


Fig. 3. — Écrémeuse centrifuge alfa-colibri. 


R. LEZE — LA LAITERIE MODERNE 


DAT 


elle n’est guère que de 8 à 9 kilos par lêle el par 
an, alors qu’elle atteint 15 ou 16 kilos à Londres. 
Il serail à désirer pour l’industrie de notre pays 


Dans ces dernières années, la production a recu 
un accroissement rapide : le nombre des vaches a 
augmenté d'une vingtaine de mille tous les ans: il 


que laconsommation indigène s’accrûüt encore : car | doit être à peu près, à l'heure actuelle, de 6.700.000 


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Fig. 4. — Carle montrant la réparlilion, en France, des industries du lail ‘beurre, fromage, luil concentré, margarine À, 


la facililé, le bas prix d’inslallalion des beurreries 
ont multiplié singulièrement le nombre de nos pro- 
ducteurs. Examinons de plus près cette question : 


1 Cette carte a été dressée sur le cancvas d’une carte muette 
obligeamment prètée à la Revue par la maison Delagrave. 


à 6.800.000 sur toute l’étendue de notre territoire: 

| c'est done une production de 75 à 80 millions 
d'hectolitres de lait par an. 

Notre commerce d’exportalion n'a pas suivi la 

marche ascendante de notre production: il a subi, 


AS 


R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE 


au contraire, dans le cours des vingt-cinq der- 
nières années, d'étranges fluctuations, dont les 
raisons n’ont pas élé toujours connues. Le ta- 
bleau 11 indique quelques chiffres de minima ou de 


maxima : 


T\ncrac I, — Exportations de beurre frais, fondu 
ou salé. — Valeurs en millions de francs. 


1872... : te 56.1 
1816. 103.8 
1879 67.4 
1882. 114.7 
1887 74.4 
1890. 109 

ARR LE ER Dre ete 66.9 


IL semble que la baisse s'accentue désormais el 
pour un temps bien long : car notre principal 
marché, l'Angleterre, recoit des quantités de plus 
en plus fortes de beurres d'Australie, de Nouvelle- 
Zélande et du Canada. Cetle concurrence est ter- 
rible pour notre produelion indigène; elle a déter- 
miné une baisse générale des prix, el, la consom- 
malion n’allant nulle part en augmentant aussi 
vile que la production, la baisse durera peut-être 
longtemps encore. 

C'est dans ces raisons économiques inéluelables 
que l’on trouve l’origine de la dépréciation des 
marchandises; elles ont baissé de valeur comme 
les blés, comme les sucres, les alcools et il est 
inutile de rechercher ailleurs l’origine de la dimi- 
nulion constante des prix. 

On a cependant songé à passer la mauvaise 
humeur sur quelque chose el on accuse la marga- 
rine de quantité de méfaits. La margarine est fa- 
briquée avec la graisse des Bovidés et le lait 
comme malière première, La graisse, qui doit 
êlreextrèmement fraiche, est scindée en deux pro- 
duils : après avoir subi une fusion préalable et 
une cristallisalion par le repos, on sépare, au 
moyen de presses hydrauliques, une matière grasse 
fondant à basse température, l’o/éo, d'une autre 


graisse fondant à température plus élevée, le swif 


pressé, qui consisle en majeure partie en sléarine 
et est employé dans la fabrication des bougies. 
L'oléo est reprise et barattée avec du lait, L'émul- 
sion des deux matières est refroidie brusquement 
en vue d'en immobiliser la structure, et le produit 
oblenu est délaité, puis malaxé comme le beurre 
nalurel. 

La margarine, dans la plupart des usines, est 
fabriquée avec un très grand souci des soins de 
propreté et elle constitue alors un produit très 
sain, d'un goût et d’un parfum agréables et que 


1 Voyez à ce sujet l’article de MM. F, et J. Jean sur l'in- 
dustrie des Suifs comestibles el industriels dans la Revue du 
15 mai dernier, (Note de la Réd.) 


l'on a bien souvent peine à distinguer du beurre 
naturel, 

Comme son prix reste inférieur au prix du 
beurre, des gens de mauvaise foi n’ont pas tardé 
à songer à préparer des mélanges qu'il à été 
ensuite très facile de faire accepter pour du beurre 
pur. Il y avait tromperie sur la qualité de la mar- 
chandise et les fraudeurs tombaient sous le coup 
de la loi, On a poursuivi et frappé durement 
quelques-uns d’entre eux; mais on à gardé pour 
beaucoup d'autres — et surtout pour les puissants 
— une scandaleuse complaisance. 

On pouvait se retrancher, pour laisser les coupa- 
bles impunis, derrière une difficulté réelle : la mar- 
garine ressemble beaucoup au beurre; elle en est, 
si l'on voulait nous pardonner un jeu de mots, la 
sœur de lait; elle possède presque toutes les pro- 


-priétés du produit naturel dont il est diflicile de 


la distinguer; l'analyse chimique est presque im- 
puissante, car on en est arrivé, dans la fabrication 
moderne, à imiter les réactions de la nature el à 
faire du beurre véritable !rès analogue à celui de 
la vache, C'est cette margarine que l’on a alors 
accusée d'être la cause première de l’avilissement 
des prix, et quelques intéressés que l’audace n'ef- 
fraie pas ont même élé jusqu'à conseiller, jusqu'à 
demander la suppression de l’industrie. 

Le Gouvernement à répondu oui et non. Oui, 
pour satisfaire les demandeurs, et non parce que 
les gens sensés voient sans peine que celle sup- 
pression serait une faute, que les industries chas- 
sées de France iraient à notre détriment se réédi- 
fier à l'étranger, et que l'Agriculture ne pourrait 
que souffrir de l’abaissement conséculif, inévitable, 
du prix des graisses, dont la margarine est le seul 
débouché, et aussi peut-être un peu d'ane dépres- 
sion dans le prix du lait, 

Il faut bien remarquer, en outre, que la marga- 
rine n'intervient probablement pas beaucoup dans 
la cote des marchandises naturelles. On fabrique 
à peu près en France par an 160 à 200 millions de 
kilogrammes de beurre. La production de la mar- 
garine doit être d'environ 20 millions de kilos. Il 
paraitra démontré que son influence est bien faible 
si nous ajoutons que les prix sont en parlie régis 
par le marché anglais et que l'Angleterre, en 185, 
a importé pour plus de 304 millions de francs de 
beurre. 

Cependant, les Danois el les Suédois nous four- 
nissent un enseignement dont il serait bon de pro- 
fiter, En Danemark, en Norvège, en Suède, loin de 
poursuivre la fabrication de la margarine, on: l'a 
plutôt encouragée : ouvriers, pelits bourgeois, 
agriculteurs, ont consommé ce produit, el les 
beurres de qualité supérieure et de prix élevés ont 
pris le chemin de la Grande-Bretagne, 


Nous occupions, il y a quelques années à peine, 
le premier rang parmi les importateurs dans ce 
pays. Aujourd’hui, c'est le Danemark qui a conquis 
la première place; nous avons, malgré la position 
géographique et la qualité de nos produits, été 
dépassés par celte intelligente nation *. < 

En résumé, nous voyons que la margarine ne 
devrait pas porter le poids des péchés dont on la 
charge, et qu'il est complètement inutile de tra- 
vailler si laborieusement à édifier une loi nouvelle 
pour poursuivre des fraudeurs que l’on ne veut 
pas atteindre, puisqu'on pourrait les frapper avec 
les lois existantes et qu'on ne le fait pas. 

Les industriels raisonnant bien ont laissé de côté 
Loutes les récriminalions inutiles et se sont appli- 
qués à améliorer leur commerce autrement que 
par des plaintes stériles : ils se sont efforcés de 
supprimer les intermédiaires, dont les bénéfices 
sont énormes, et se sont adressés directement aux 
consommateurs. La vente aux particuliers s’est 
développée, s’est généralisée, et les deux parties 
les plus intéressantes y ont trouvé leur compte. 
Mais celle vente directe est souvent bien difi- 
cile; elle ne peut être abordée que par de puis- 
sants producteurs fabriquant plusieurs centaines 
de kilos de beurre par jour, el consentant à faire 
dans les villes les frais d'installation d’une bou- 
tique et de tout un matériel de chevaux et de voi- 
tures pour les livraisons à domicile. Quelques 
industriels y ont pleinement réussi, et le consom- 
mateur a bénéficié de la concurrence. 


Fromages. — La production fromagère n'a pas 
progressé si rapidement que les deux autres indus- 
lries du lait. 

Si nos excellents fromages de table, si renommés 
dans le monde, ont conservé leur vieille répu- 
lalion, on n’a guère éludié ni amélioré les an- 
ciens procédés d'une préparation demeurée empi- 
rique. 

Il est cependant facile de se convaincre que c'est 
dans ces préparalions surtout que la science aurait 
à intervenir, escorlée de son outillage bactériolo- 
gique ?, 


1 Voyez, à ce sujet, les statistiques publiées par MM, F. et 
3. Joan dans leur article sur l'industrie du suif, cité plus 
haut. (Note de la Direction). 

= Nous pensons, cependant, que la science francaise com- 
mence à être bien orientée, dans celte voie, sräce surtout 


R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE 549 


Peut-être le Lemps n'est-il pas loin où les grosses 
fromageries industrielles feront suivre toutes les 
réactions, loutes les cullures d'organismes dans 
des laboratoires spéciaux; les élèves de nos Écoles 
d'Agriculture contribueront sans doute à ces désira- 
bles progrès. el les écoles spéciales, nouvellement 
instituées par le Gouvernement, formeront des 
praticiens instruits, comprenant tout l'intérêt des 
recherches scientifiques dans cette industrie. 

Il existe maintenant plusieurs de ces excellentes 
écoles à: Pétré, dans la Vendée; Mamirolle, dans 
le Doubs: Coigny, dans la Manche; Coëtlogon, près 
de Rennes; et Kerliver, dans le Finistère, cette 
dernière école étant réservée aux jeunes filles, 

Espérons que nous ne serons plus, comme il y à 
quelques années, encore obligés de chercher à 
l'Étranger nos directeurs d'établissements, et que 
notre industrie nalionale profitera de la science de 
nos nationaux, 


NV. — CONCLUSION. 


Nous avons essayé, dans cel arlicle, de mettre 
en relief les services déjà rendus par la science 
dans des fabrications qui sont de son domaine. 

Nulle part ailleurs, on ne voit si constamment 
intervenir le rôle des organismes, el l’on n’a pas 
davantage à se préoccuper des moyens de les uli- 
liser ou de les combattre. 

C’est par la science, par la diffusion de l’ensei- 
gnement, par la création de stations expérimen- 
tales, par une élude plus approfondie de nos dé- 
bouchés, que nous pourrons ressaisir, dans celle 
spécialité de la laiterie, la première place, celle 
que nous devrions incontestablement occuper, 
en raison des avantages que nous donnent et notre 
climat et notre sol; mais, pour lous ces progrès, 
c’est sur nous-mêmes que nous devons compter. 

Souhaitons le développement des associations, 
des sociétés coopératives, de l'initiative. indivi- 
duelle en vue de ce but désiré. Déjà, on peut le 
dire, quelques beaux résullats, obtenus par des 
sociétés actives ou des syndicats, sont venus nous 
faire bien augurer d'un avenir plus heureux pour 
la prospérité de notre Agriculture. 

R. Lezé, 


Professeur d'Indüstrie agricole 
à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Grignon. 


aux importants travaux de M. Duclaux ct à l'impulsion qu'ils 
ont donnée à la rénovation de notre industrie fromagére. 
\ole de lu Direction . 


DoÙ 


C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 


REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 


Nous ne pouvons, pas plus que les années pré- 
cédentes, avoir la prétention de passer en revue, 
même sommairement, tous les travaux se rappor- 
lant à la Physique, qui ontété portés à la connais- 
sance du monde savant depuis un an. Nous sommes 
obligé de faire un choix qui, malheureusement, ne 
peut être qu'arbitraire, el nous devons 
nous excuser dès le début des omissions que pré- 
sentera notre travail, omissions qui en diminue- 
ront l'intérêt, mais qui sont cependant nécessaires. 

Sur quelques points, notre silence s’expliquera, 
parce que les sujels correspondants ont élé déjà 
traités dans la Revue, ce qui est un avantage, car 
non seulement, ainsi, les lecteurs sont renseignés 
plus tôt qu'ils ne l’auraient été par nous sur les 
questions d'actualité ; mais, de plus, ils ont eu des 
indications plus complètes que celles que nous 
eussions pu donner. Mais aussi, par là, notre revue 
annuelle, dépouillée des sujets les plus actuels el 
les plus intéressants, n'en sera que plus lerne. 

C'est ainsi que nous échappe l'indication de Ja 
découverte si intéressante de l’argon : sans parler 
de l'importance capitale de la preuve faite de 
l'existence d'un corps si répandu et qui avait 
échappé à toutes les recherches faites jusqu'à pré- 
sent, combien n'aurait-il pas été ulile à divers 
points de vue d’insister sur les travaux de Lord 
JW. Rayleigh et de M. William Ramsay pour 
montrer le rôle de la Physique et des données pré- 
cises qu'elle a fournies dans cette découverte qui, 
au premier abord, parailrail devoir intéresser sur- 
tout la Chimie. 

N'est-ce pas, en effet, le fail que la densité de 
l'azote extrait de l'air est loujours supérieure à 
celle de ce gaz retiré de l’ammoniaque ou d'un 
autre composé azolé qui a conduit à penser que les 
deux sortes de gaz n’élaientpas identiques ? Les dif- 
férences étaient faibles : le poids de 1 litre d'azote 
extrait de l’air est de 1 gr. 2572, celui de 1 litre 
d'azote retiré d'une combinaison est seulement de 
1 gr. 2505. Mais la discussion des méthodes em- 
ployées permellait de conclure que cette différence 
ne pouvait être allribuée à des erreurs d’expé- 
rience. 


ainsi 


N'est-ce pas, d'autre part, l'emploi de la diffu- 
sion, suivant la méthode de Graham, qui fournit 
une preuve que l'azolé atmosphérique est un mé- 
lange de deux gaz ? 

L'étude du spectre de l'argon, celle de la solubi- 
lité de ce gaz et de l'azote atmosphérique, celle du 
point crilique, du point d'ébullilion, du point de 
solidificalion, sont des recherches qui sont enlière- 


ment du domaine de la Physique, el qui ont cepen- 
dant fourni les preuves les plus évidentes de 
l'argon comme élément distinct de l'azote. 

Nous ne pouvons que renvoyer à la lecture des 
mémoires originaux ! pour l'examen des méthodes 
employées; et nous nous bornerons à insister 
sur l'importance des déterminations précises en 
Physique. Comme on l’a dit, en une boutade spiri- 
tuelle, la découverte de l’argon est le triomphe de 
la troisième décimale. 

Nous signalerons encore, parmi les travaux qu'il 
convient de relire pour avoir une idée des progrès 
de la Physique, les articles suivants : 

Les expériences de M. Raoull sur la tonométrie 
el la eryoscopie? ; l’article de M. L. Poincaré sur 
les rayons cathodiques et l'hypothèse de la matière 
radiante *; enfin l’article sur la récente exposi- 
tion de la Société de Physique, 

Il reste encore assez de travaux pour que la 
Revue annuelle de Physique puisse présenter de 
l'intérêt, el nous ne pourrons nous en prendre 
qu'à nous-même si nous ne savons en lirer parli. 


l 


Ainsi que nous le remarquions déjà en 1894, l’A- 
coustique parait une partie un peu négligée par les 
physiciens, el nous aurons peu de choses à signa- 
ler. 

M. Neyreneuf a poursuivi ses éludes sur la pro- 
pagation du son et, notamment, il a mis en évi- 
dence le phénomène de la réfraction par l'action 
de lentilles; la substance réfringente étant l’eau. 
les lentilles employées produisent un effet inverse 
de celui que produirait pour la lumière une len- 
lille de même forme. M. Neyreneuf réalisa une 
lentille biconcave par une ingénieuse disposition, 
et put mettre en évidence l’image acoustique du 
corps sonore, en explorant l’espace avec une 
flamme sensible. 

L'étude de la voix a donné lieu à des recherches 
de M. G.-J. Burch et de M. Hermann : le premier 
reliait la plaque d’un léléphone à un électromètre 
capillaire dont les indications étaient recueillies 
par la photographie. M. Hermann a utilisé les tra- 
cés phonographiques, en fixant un miroir sur un 
style parcourant le sillon du phonographe. Un fais- 
ceau de lumière fine se réfléchissait sur ce miroir 
el allait impressionner une plaque photographique 


| Rev. gén. des Se., 1895, p, 89. 


2 Ibid, 1894, p. 409. 
Ibid, p. 701. 
Ù Ibid, 1895 p. 374. 


C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE ol 


à distance, de manière à amplifier considérable- 
ment le déplacement du style. Nous n'avons pas 
vu que des résultats généraux nouveaux aient élé 
obtenus. 

Enfin, nous croyons savoir que, en France, de 

. nouvelles recherches ont été faites sur la vitesse de 
Ë propagation du son; mais nous devons attendre, 
. pour en parler, qu'elles aient été publiées ou au 

moins annoncées. 


Il 


- Il ne semble pas que la construction des instru- 

ments d’ Optique ait réalisé de sensibles progrès, 

… soit que les questions de cet ordre aient été 
quelque peu négligées, soit que les appareils dont 

on dispose maintenant répondent d'une manière 

- suffisante aux besoins des observateurs, des expé- 
rimentateurs: 

Il serait injuste, toutefois, de ne pas signaler les 
recherches poursuivies avec constance par M. Ch.- 
NV. Zenger qui pense que les constructeurs, pour 
obtenir de bons résultats, auraient intérêt à s’ins- 

. pirer des condilions dioptriques de l'œil, c'est-à- 
dire employer des milieux peu réfringents et dont 
la dispersion soit à peu près identique. M. Zen- 
. ger propose l'emploi de deux crowns, les moins 
. réfringents et dispersifs, de verre phosphaté plus 
: réfringent et moins dispersif, que le erown, boraté. 
… La première lentille est plus convexe, la seconde 
— plus concave, ce qui permet d'obtenir à peu près le 
… minimum d'aberration sphérique. 
2 Le système préconisé par M. Zenger et auquel il 
a donné le nom d' objectifs apochromatiques symé- 
triques doit présenter de réelles qualités; nous 
souhaiterions qu'il pût être réalisé et étudié prati- 
quement. 
Le problème de la détermination de la distance 
focale, et, par suite, de la puissance d'une lentille 
Bou d’un système de lentilles a déjà reçu diverses 
solutions; il aexercé, cette année particulièrement, 
lingéniosité des chercheurs, et de nouveaux foco- 
. mètres ont été imaginés; nous croyons intéressant 
de les signaler sommairement. 
M. A.-L. Herchoun s’est occupé spécialement des 
- objectifs photographiques, c'est-à-dire des sys- 
* tèmes convergents. Il étudie les faisceaux qui ont 
traversé deux fois l'objectif après s’être réfléchi 
Sur un miroir plan perpendiculaire à l'axe de 
zelui-ci, et il cherche à réaliser les conditions sui- 
vantes : 1° l'image coïncide avec le point lumineux ; 
2? le faisceau émergent est parallèle. Les résultats 
fournis par ces deux observations permettent de 
déduire la distance focale et la position des points 
nolaux. 
- M. Th. Guilloz a eu principalement en vue la dé- 
- Lermination rapide de la puissance dioptrique des 


verres de lunettes : pour y arriver, il regarde à 
travers un trou sténopéique devant lequel on 
place à une distance variable la lentille àexaminer, 
dont la partie utile est limitée par un diaphragme 
à ouverture circulaire. De l’autre côté de la len- 
üille est un écran dans lequel est percé un trou de 
même diamètre que le diaphragme. Le trou pourra 
Loujours être vu nettement, quelle que soit la dis- 
tance à laquelle se fasse son image, puisque les 
faisceaux arrivent à l'œil par un trou sténopéique. 

Le champ visible sur l'écran est limité par la 
surface du cône qui a pour base la portion utilisée 
de la lentille et pour sommet le trou sténopéique. 
L'image du trou, d'autre part, est variable avec la 
position de la lentille par rapport à ce trou. Une 
discussion simple montre que, si la lentille est à 
une distance du trou moindre que la distance fo- 
cale, on voit une partie de la carte en dehors du 
trou: celle partie diminue quand la lentille s’é- 
loigne de l'œil, et les bords du trou disparaissent 
pour la position pour laquelle le foyer coïncide 
avec le trou sténopéique. En continuant l’éloigne- 
ment, le champ est d'abord moindre que l’image 
du trou; il lui devient égal de nouveau, et les bords 
de l'écran réapparaissant, et au delà, le trou de- 
vient visible dans le champ qui croit. 

Sans qu'ilsoitnécessaire d’insister, on comprend 
qu'il y ait possibèlité d'appliquer ces résultats à la 
détermination de la distance focale. 

M. Guilloz, en se basant sur cette idée, a cons- 
truit un appareil simple qui donne directement, 
par simple lecture, la puissance d’un verre et qui, 
dans le cas de verres cylindriques ou sphérocylin- 
driques, indique la direction des génératrices du 
cylindre et la puissance des méridiens principaux. 
Les valeurs sont obtenues avec une approxima- 
tion suffisante pour la pratique. 

Le focomèêtre de M. Weiss présente plus de gé- 
néralité que les précédents dans son emploi et plus 
d'exactitude en même temps. Il comprend un objet 
de grandeur connue qui doit être placé au foyer 
de la lentille ou du système étudié, de telle sorte 
que les faisceaux qui auront traversé celui-ci soient 
parallèles ; ils tombent alors surune lentille de puis- 
sance connue et forment une image au foyer. Réci- 
proquement, si l’image se produit au foyer de cette 
dernière, c'est que l’objet est au foyer du système 
étudié. D'autre part, on reconnait immédiatement 
que les grandeurs de l’objet et de l’image sont 
proportionnelles aux distances focales du système 
et de la lentille fixe : il suffit done de mesurer la 
grandeur de l’image pour en déduire la distance 
cherchée. A cet effet, celle image est regardée à 
l'aide d’un oculaire qui permet également de voir 
un réticule placé dans le plan focal de la lentille 
fixe; ce rélicule cs! mobile à l'aide d’une vis micro- 


592 C.-M. GARIEL -— REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 


mélrique qui permel de mesurer l’image avec 
exactitude. 

La condition essentielle, c'est que l’image se 
lasse dans le plan du rélicule : on arrive à satis- 
faire à cetle condition plus facilement qu'on ne 
pourrail le croire, en faisant varier la posilion de 
l'image jusqu'à ce que Loule parallaxe ait disparu. 
L'expérience montre que, en répétant la mesure 
plusieurs fois, on arrive à la mème valeur avec 
une grande exactitude. 

L'appareil a élé construit de manière à pouvoir 
servir pour des lentilles et des systèmes quel- 
conques el, nolamment, à pouvoir être adapté 
directement à la monture des microscopes et per- 
mettre la mesure de la puissance de l'objectif. 
C'est un appareil qui est appelé à rendre des ser- 
vices réels et qui permellra, on peut l’espérer. 
d’avoir surles microscopes des renseignements plus 
précis que ceux qui sont donnés ordinairement. 

Nous rappellerons que M. Weiss a montré 
quelle signification il convenait de donner à la puis- 
sance d'un système pour que la définition puisse 
s'appliquer à tous les cas. Mais il n’y à pas lieu 
d'insisler, la question ayant élé trailée entière- 
ment dans la Æerue yénérale des Sciences \, 

La détermination des indices de réfraclion est 
une queslion qui présente un grand intérêl à divers 
points de vue. On utilise notamment cette donnée 
pour se renseigner sur les modificalions intimes 
qui se produisent dansles corps sous des influences 
diverses, sous l'influence la chaleur, par 
exemple, sous celle de la proportion des subs- 
tances dissoutes., ele. M. W. Hallwachs, étudiant 
les dissolulions du sel marin dans l’eau, a cherché 
la différence des indices de réfraction. Pour cela il 
emploie une cuve dont le fond est constitué par 
une glace pleine et qui est divisée en deux parties 
par une autre glace perpendiculaire à la première : 
les deux liquides à comparer sont placés de part 
el d'autre de celle dernière. On fait arriver dans 
l’un d'eux un rayon rasant la surface de cette glace, 
de manière qu’il passe dans l’autre liquide et sorte 
par le fond : on détermine l'angle que fait le rayon 


de 


émergent avec la normale. el la connaissance de 
cel angle permet de trouver la différence des in- 
dices des deux liquides par une formule simple. 
La méthode interférentielle permet d'arriver à 
des résullats précis lorsqu'il s'agit de comparer 
deux subslances dont les indices sont peu diffé- 
renls: deux faisceaux. émanés d'une même source, 
lraversent une même épaisseur des deux subs- 
el, étant donnent 
franges d'interférence dont la position dépend des 


lances réunis ensuile, des 


indices à comparer, Pour pouvoir déterminer ce 


1 Hev. gén. des Sc., 189% 976 


tome V, p. 


déplacement, en éliminant les causes étrangères, 
comme la différence de dispersion entre les deux 
substances examinées, il convient d'opérer gra- 
duellement, en partantde deux parcours identiques; 
c'est ce que l’on oblient aisément pour les gaz 
dont, gräce à leur compressibilité, on peul faire 
varier à volonté la quantilé dans un espace donné. 
Pour les liquides. il n'en est pas de même: 
M. A.-H. Borghesius, qui a fait des recherches sur 
les solutions de sels alcalins, a levé ingénieusement 
la difficulté: dans une cuve fixe en verre, contenant 
le liquide dissolvant, il place deux petites cuves 
reliées entre elles et contenant la solution à étu- 
dier : les cuves sont mobiles et leurs déplacements 
sont égaux et de sens contraire. Les deux fais- 
ceaux qui doivent interférer traversent ces deux 
cuves (oujours sous la même épaisseur de liquide : 
mais, en déplaçant les petites cuves, on remplace 
progressivement d’un côté le liquide dissolvant 
par la solution et inversement de l’autre côté. Le 
déplacement des franges est donc continu et facile 
à suivre, et on en déduit aisément la différence des 
indices de réfraction. 

La même méthode a été appliquée par M.James 
Chappuis pour l'étude de la variation de l'indice 
de réfraction de l'acidé carbonique dans le voisi- 
nage du point critique. Dans une cuve d'eau est 
placé un bloc d’acier percé d’une cavité eylin- 
drique fermée par des glaces épaisses et dans la- 
quelle on introduit l'acide carbonique: l’un des 
faisceaux traverse celle cavité, l’autre passe dans 
l’eau de la cuve, dans laquelle il rencontre une 
lame de verre qui compense l'action des regards 
du réservoir à acide carbonique. Nous reviendrons 
sur les résullals obtenus. 


I 
Les faits relalifs à la vision intéressent les phy- 
siciens aussi bien que les physiologistes; nous 
croyons done devoir signaler l’apparilion des 


images anaglyphes, qui donnent l'impression du - 


relief par vision directe el sans stéréoscape. On sait 
que, pour avoir la nolion du relief, il faut que 
chaque œil voie une image ayant une perspeclive 
spéciale et que les deux images soient fusionnées: 
la photographie donne directement des images 
avec le point de vue convenable à chacune, el, dans 
le stéréoscope, l'emploi de prismes ou de lentilles 
prismaliques assure la fusion des deux images. 
Celle-ci peut d’ailleurs êlre oblenue par des miroirs 
convenablement disposés, comme dans le stéréos- 
cope de Wheatstone, qui vient d’être ingénieuse- 
ment modifié par M. Cazes pour oblenir un grand 
champ, en vue spécialement de l'application de la 
méthode stéréoscopique à la topographie. 

Mais tout autre moyen de réaliser ces conditions 


ME Mmes :E Li +4 De, 


même résultat. M. Ducos de 
Hauron fait imprimer sur un papier blanc les deux 
images stéréoscopiques, l’une en rouge, l’autre en 
bleu ; ces deux images, correspondant à des points 


doit conduire au 


_ de vue différents, ne se superposent pas. Si on 


Lu de 


- garde avec un verre bleu, seuls les traits rouges 


regarde cette planche en couleurs avec un verre 
rouge convenablement choisi, les traits rouges ne 
se distingueront pas et se confondront avec le fond 
blanc, qui sera vu rouge également; maisles traits 
bleus apparaïtront en noir. Inversement, si on re- 


seront distincts et paraïtront noirs. Si donc, on 
place un verre rouge devant un Ͼilet un verre 
bleu devant l’autre, chaque œil ne verra que le 


- dessin de la couleur opposée à celle de son verre 


et le verra noir. On aura donc deux images dis- 


_linctes et elles se fusionneront naturellement, 


LL 


puisqu'elles sont vues au même endroit; c'est, en 
effet, ce qui se produit, et le relief apparait très 
neltement. 

Nous devons dire que l'idée n’est pas nouvelle 
absolument et que l'application en a été faite à Ja 
Société de Physique, si nous ne nous trompons, il 
y a bien des années; les images étaient des 
épreuves photographiques de stéréoscope ordinaire 
qu'on projetait à travers des verres colorés etqu’on 


regardait comme on le fait pour lesimages ana- 


glyphes. 

Signalons sans insister l'apparition à Paris du 
kinétoscope d'Edison ; on sait que ce n'est qu’un 
phénakisticope dans lequel les images sont très 
nombreuses et correspondent à des instants très 


“rapprochés. Aussi, a-t-on l'impression du mou- 
P 


vement réel et voil-on se dérouler des scènes rela- 
tivement de longue durée. 

Disons également que MM. Lumière sont arrivés 
à réaliser le même effet en projection d'une ma- 
nière satisfaisante, 

Enfin indiquons le chalumeau à lumière oxy- 
éthérique de Molteni, d’un emploi fort commode 


- pour les projections ; il utilise les vapeurs d’éther 


ou de gazoline ; l'oxygène est fourni par un réser- 
voir facilement transportable où il est comprimé. 
Les mesures photométriques, qui, pendant long- 


-Lemps, ont été assimilées à des expériences de 


laboratoire, sont entrées peu à peu dans la pratique 


au fur et à mesure que, de nouvelles sources lurni- 


D 


| Mau 


neuses étant découvertes, il devenait nécessaire 


de les comparer au point de vue du rendement. 


M. Blondel, qui s'est occupé spécialement de 
ces questions, a inventé et fait construire un appa- 
reil destiné à la mesure du flux lumineux; il a 
introduit cetle expression, par analogie avec celle 
employée dans l'étude de la chaleur rayonnante, 


pour la substituer à celle de quantité de lumière, qui 


est encore employée quelquefois : il a donné le nom 


C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 


D) 


| de lumen-mètre à cet appareil dont Ja description à 


été donnée récemment dans la Revwe p. 319). 

Pour la photométrie, l'unité théorique esl 
celle qui a été proposée par M. Violle. Sa valeur 
est-elle absolument constante? Et, dans le doute, 
ne pourrait-on pas adopler une autre unité qui 
pourrait être toujours reproduite identique à elle- 
mème d'une manière cerlaine? MM. Lummer et 
Kurlbaum ont donné une ingénieuse solution de la 
question : ils proposent d'adopter pour étalon 
une plaque de 1 centimètre carré de platine porté 
à une température telle que, pour le faisceau 
émis, il existe un rapport invariable entre son 
intensité observée directement et celle qu'on 
observe après le passage d’une couche d'eau 
d'épaisseur fixée à l'avance. 

Pour réaliser cet étalon, ils emploient une 
petite lame de platine traversée par un courant 
électrique dont on pourra faire varier l'intensité 
d'une manière continue pour faire varier aussi 
continûment la tempéralure. Le faisceau traverse 
une cuve dont les parois, en quartz de 1 milli- 
mètre d'épaisseur, sont distantes de 2 centimètres; 
le faisceau tombe ensuile sur un bolomètre qui 
permet de faire deux observations successives, 
l’une quand la cuve est vide, l’autre quand elle 
est pleine d'eau. Ils proposent d'amener la tempé- 
rature de platine à une valeur telle que l'intensité 
dans le second cas sera réduite à 0,1 de sa valeur 
primitive. L'idée est ingénieuse el pourrait être 
avantageusement adoptée s’il est vrai que l'erreur 
ne puisse dépasser 0,3 °/,. 

Les comparaisons photométriques ne peuvent se 
faire dans le cas de colorations différentes : 
M. D. N. Rovel y est pourtant parvenu dans une 
étude sur la mesure du pouvoir réfléchissant 
des mélaux : son appareil était composé d'un 
disque, tournant assez rapidement autour d'un 
axe perpendiculaire à son plan. Ce disque était 
recouvert par moitié par les substances étudiées, 
qui renvoyaient à l’observateur, par réflexion, la 
lumière qu’elles recevaient d'une source placée 
dans le voisinage. Lors de la rotation, l’observa- 
teur percevait une impression spéciale : celle 
d'une espèce de vacillement, lorsque les faisceaux 
réfléchis différaient de plus de £ de leur valeur; 
cette sensation disparaissait pour une différence 
moindre, et cela quelle que fût la couleur de ces 
plaques. Cette observalion, quoiqu'elle paraisse ne 
pouvoir être utilisée que dans des cas bien 
spéciaux, demanderait confirmation. 

M. G. Lemoine a continué les recherches qu'il 
avait entreprises sur la mesure de l’action chi- 
mique des radiations solaires, en utilisant la dé- 
composition que produisent celles-ci dans un 
mélange d'acide oxalique et de chlorure ferrique. 


L'application de cette méthode n'était pas sans 
soulever quelques objections basées sur ce que, la 
réaction qui se produit étant exothermique, il n’y 
a pas une relation nécessaire entre les grandeurs 
de la cause et de l'effet. M. Lemoine, s'appuyant 
sur ce que la chaleur dégagée est faible et se 
dissémine rapidement dans la masse, conclut 
que, dans les conditions de ses expériences, il 
doit y avoir proportionnalité. Sans entrer dans le 
détail des mesures el des corrections qu'il faut 
faire subir à celles-ci, nous dirons que, pour la 
lumière naturelle du Soleil, les nombres ont varié 
dans le rapport de 1 à 30 environ entre le 21 dé- 
cembre el le 16 mai : M. Lemoine a étudié égale- 
ment l'effet des lumières colorées comparativement 
à celles de la lumière naturelle. 

Il importe de remarquer que les résultats 
obtenus fournissent des renseignements sur l’in- 
tensité de l’action chimique, mais ne peuvent rien 
apprendre sur l'intensité lumineuse, car il n’exisle 
aucune relation entre ces éléments: la forme trop 
abrégée du titre du travail présenté par M. Le- 
moine pourrait donner une idée inexacte du but 
qu'il s’est proposé. 

M. Janssen, en vue principalement de l’appli- 
cation à la Photographie des corps célestes, a 
employé un nouveau procédé pour comparer les 
radiations émises ou diffusées par les astres, en 
déterminant les Lemps nécessaires pour produire, 
dans une plaque sensible, un dépôt d’une opacité 
déterminée. Les intensités de ces deux sources 
seraient entre elles en raison inverse des durées 
nécessaires pour obtenir le même résultat. 

Bien entendu, il ne s'agit pas de mesures photo- 
métriques proprement dites, mais de mesures de 
l'activité chimique; mais, même à ce point de vue, 
etce n’est pas sans quelque embarras que nous 
l’avouons, nous n'avons pas bien compris le prin- 
cipe de la méthode, étant donné que la loi qui lie 
les effets photographiques à la durée de la pose 
est compliquée, autant qu'il résulte des observa- 
tions faites. 

M. Maréchal, en collaboration avec M. Rigollot, 
a entrepris l'étude des actions électrochimiques de 
la lumière; l’actinomètre qu'il a employé com- 
prend une petile cuve, contenantde l'eau salée, dans 
laquelle plongent deux lames métalliques, l’une 
de cuivre pur, qui est soustraite à l’action des ra- 
diations, l’autre de cuivre oxydé, qui recevra celles- 
ci ; les lames sont reliées à un galvanomètre: c'est 
donc une disposilion analogue à celle de l’actino- 
mètre de Becquerel. Nous ne pouvons indiquer les 
résullals expérimentaux déjà obtenus ; mais nous 
signalerons que M. Maréchal a montré que son ap- 
pareil peut être utilisé comme un véritable relais 
lumineux très sensible, permetllant d'enregistrer, 


C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 


sur un appareil télégraphique quelconque, les 
signaux lumineux émis par le miroir des instru- 
ments délicats. Ajoutons, d'autre part, que les 
observations faites sur la lumière du jour ont con- 
duit M. Marchal à émettre une hypothèse, qui mé- 
rite d'être étudiée, sur une relation qui peut exister 
entre les variations diurnes du magnétisme ter- 
restre et la luminosité du ciel aux diverses heures 
du jour. 

La question controversée de la température 
minima à laquelle apparaissent des radiations 
susceptibles de donner naissance à la sensation 
lumineuse a donné lieu à quelques recherches. 
M. S. Téréchine a montré qu’un fil de platine émet 
une faible lumière jaune gris-à 358°. M. P. Gray 
est arrivé à un résullat analogue et donne 370° 
comme température minima de la luminosité : 
mais le phénomène n'est perceptible que si l’obser- 
vateur est resté préalablement, pendant un temps 
assez long, dans une chambre noire; pour une 
moindre durée, la luminosité n’est appréciable 
qu'à 470, 

IN 

Jusqu'à ces dernières années, par suile sans 
doute des besoins de l’industrie, on a recherché 
spécialement les moyens d'obtenir de hautes tem- 
péralures, et on a étudié les phénomènes corres- 
pondants; ce n’élait que très exceplionnellement 
qu'on réalisait des abaissements de température, 
et, en général, ils étaient très limités et on ne les 
utilisait que dans des cas très restreints. Mais, 
notamment depuis les recherches de M. Caillelet 
et de M. Pictet, les conditions ont changé, et la 
production du froid est devenue d’un usage cou- 
rant; non seulement on est arrivé à utiliser, même 


-dans l’industrie, la soustraction de grandes quan- 


tiltés de chaleur, mais encore on est parvenu à de 
très basses températures : tous les gaz ont été 
liquéfiés, et l’on sait que M. Dewar, par exemple, 
emploie Pair liquide d'une manière courante ou à 
peu près. 

Une question se pose nécessairement : comment 
vont varier, à ces températures très basses, les 
phénomènes qui dépendent des conditions calori- 
fiques? Les lois physiques ne peuvent être valable- 


ment appliquées que dans les limites des expé- : 


riences qui ont servi à les obtenir, el il n'est pas 
prudent de les appliquer par extrapolalion en 
dehors de ces limites, dès qu’on s’en écarte d’une 
manière sensible. On n’est donc pas en droit d’uli- 
liser leslois obtenues, jusqu'à présent, à des tem- 
pératures inférieures de 100 et 200" à celles aux- 


quelles ont élé faites les mesures qui ont conduit à 


l'adoption de ces lois. On conçoit qu'il y a là un 
très vaste champ d'étude, qui réserve sans doute 


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C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 


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bien des surprises; malheureusement, les condi- 
tions à remplir pour ces recherches sont loin d'être 
faciles à réaliser et il n'y a que peu de laboratoires 
qui soient outillés en vue des expériences aux- 
quelles nous faisons allusion. 

M. Pictet, qui a à sa disposition une installa- 
tion importante, a déjà commencé à explorer cette 
voie et y a trouvé des résultats intéressants qui 
s'écartent, souvent sur bien des points, de ceux 


- qu'on connaissait: c'est ainsi qu'il a montré que, 


… àtrès basse température, l’affinité chimique n'existe 


plus; les corps qui, à la température ordinaire, 


_ se combinent le plus énergiquement, sont sans 


action les uns sur les autres à —100°. Nous trouve- 
rons plus loin diverses recherches que M. Pictet a 
pu faire et qui présentent un réel intérêt. Mais 
nous tenons à signaler ici certains résultats 
relatifs à la propagation de la chaleur à basse tem- 
pérature, résultats qui correspondent à des ano- 
malies apparentes et qui sont dus, en sommie, à 
ce que, à ces basses températures, tous les corps 
deviennent plus diathermanes. Aussi, par rapport 
à ce que nous connaissons, les faits sont plus com- 
plexes et paraissent-ils difficilement explicables 
tout d’abord. Nous ne pouvons résumer toutes les 
expériences de M. Pictet à ce sujet el nous nous 
bornerons à en citer quelques-unes. 

M. Pictet a recherché quelle était l'influence, sur 
le réchauffement, des substances considérées ordi- 
nairement comme s'opposant au passage de la 
chaleur. A cet effet, un vase était refroidi vers 
— 165° et abandonné dans l’atmosphère à la tem- 
pérature du laboratoire(+11°); tantôt ce vase était 
nu, tantôt il était recouvert de coton en couches 
variant de 10 à 50 centimètres, ou de bourre de 
soie, ou de laine, ou de sciure de bois, ou de liège 
räpé, etc. Sans entrer dans le détail, nous dirons 
que de — 165° à — 100° environ, le réchauffement 
se fait presque absolument de la même manière 
dans tous les cas, qu’il y ait ou non une substance 
isolante, quelle que soit la nature de cette subs- 
tance, et quelle que soit l'épaisseur de la couche. 

De — 100° à —70°,on commence à distinguer une 
différence, mais elle est faible et, pour une même 
substance, n'est pas du tout en rapport avec l’é- 
paisseur de la couche isolante. La différence s’ac- 
croit à mesure que la température s'élève, mais il 
faut arriver jusqu’à — 20° pour que les effets obser- 
vés soientà peu près proportionnels aux épaisseurs 
des enveloppes protectrices. 

La cristallisation du chloroforme est utilisée 
d'une manière courante, par M. Pictet, pour obte- 
nir absolument pur ce liquide en vue de l’anesthé- 
sie : ce phénomène a donné lieu également à des 
effets curieux dont nous signalons les principaux : 

Une éprouvette, contenant le chloroforme et un 


thermomètre, est introduite dans un réfrigérant 
à — 120° ou —125°: la température du chloroforme 
s'abaisse, et, quand elle a atteint — 6895, la cris- 
tallisation commence; quand les trois quarts du 
chloroforme sont cristallisés, on arrêle l’opéra- 
tion ; la température est — 69° ou — 69°,5, tandis 
que la température du réfrigérant a été maintenue 
à — 125° par l’action des compresseurs. 

En répétant l’expérience dans un autre réfrigé- 
rant plus grand où la température peut être main- 
tenue à — 80°, il semblait qu'on devait être assuré 
de la cristallisation du chloroforme à —69°, Mais il 
en fut tout autrement : la température dece liquide 
atteignit —80° sans donner trace de cristallisation ; 
ce n’était pas le phénomène de surfusion, car des 
cristaux de chloroforme obtenus d'autre part à 
—68°5 furent projetés dans le liquide à — 80° sans 
amener la cristallisation, et même ils fondirent. 

Enfin une éprouvette à — 68°, contenant des cris- 
taux contre la paroi etdu liquide au centre, futintro- 
duite dans le grand réfrigérant à — 80°. La tem- 
pérature s’abaissa dans l’éprouvette jusqu'à — 80° 
et les cristaux fondirent successivement. 

L'expérience plusieurs fois répétée donna les 
mêmes résultats. 

Mais, d'autre part, une éprouvette, contenant du 
chloroforme en partie liquide et en partie cristal- 
lisé, et dans laquelle était plongé un thermomètre, 
fut abandonnée à l’air, pour une pesée, puis sou- 
mise à l’action des rayons solaires. La température 
s’éleva à — 48°, puis à — 34°, sans que les cristaux 
fondissent, quoique leur point de fusion fût de 
—68°. 

Ces faits curieux nous ont paru mériter d’être 
signalés avec quelques détails, tant ils sont con- 
traires à ce qui se produit ordinairement. M. Pictet 
en a donné l'explication en admettant que, aux 
très basses températures, le chloroforme liquide 
ou cristallisé est diathermane pour les radiations 
peu réfrangibles, pour la chaleur obscure : cette 
explication n’est pas immédiate, d’ailleurs, et il 
faut faire intervenir l'écart de température entre 
le point de cristallisation et la température de 
l'enceinte; nous ne pouvons nous y arrêter et nous 
devons renvoyer au travail de M. Pictet!. 

Nous signalerons l’action sur les êtres vivants 
qui, au point de vue physiologique, est bien inté- 
ressante, et nous nous bornerons à dire que 
M. Pictet, avec des vêtements chauds et couvert 
d’une pelisse, a pu rester pendant 8 minutes dans 
un grand réfrigérant à —10%°, la tête en dehors, de 
manière à respirer l'air du laboratoire, n'ayant 
presque aucune impression de froid à la peau. 
Nous passons sous silence les autres effets, curieux 


1 Arch. des Sc. phys. el nat. de Genève, 1894. 


290 


également, d'ailleurs; mais ce résultat parail sin- 
gulier. Il peut s'expliquer cependant. 

L'évaluation des basses températures ne se fait 
pas aisément : à moins d’une installation spéciale, 
on ne peut guère utiliser le thermomètre à hydro- 
gène, et les indications données par le thermo- 
mètre à alcool sont inexactes; M. Chappuis, qui 
s’est occupé de la question, a reconnu que, dans les 
appareils de ce genre fournis par les constructeurs, 
l'écart avec le thermomètre à hydrogène pouvail 
atteindre 7° à la température de — 79°. Ces thermo- 
mètres ne sont même pas comparables entre eux, 
et, à celte température, leurs indications peuvent 
différer de 1°, M. Chappuis propose de remplacer 
l'alcool par le toluène; les thermomètres construits 
avec ce liquide restent comparables à 0°,04 près: 
il y a donc lieu d’en généraliser l'emploi. 

- M. Marchis s’est proposé d'améliorer le thermo- 
mètre en supprimant le déplacement du zéro, qui 
est dû, comme on le sait, à un travail moléculaire 
lent qui a lieu dans le réservoir : il a supprimé cel 
inconvénient en consiruisant des réservoirs en pla- 
tine auxquels on soude des tiges en verre. Dans 
ces conditions, le zéro est presque absolument in- 
variable, ainsi qu'il résulte d'observations variées 
el nombreuses, qui montrent que le zéro est inva- 
riable à 0°,001 près. 

On peut se demander, il est vrai, si ce réservoir, 
dont les parois sont assez minces en somme, ne 
pourra être déformé par des chocs, des pressions, 
et si la variation de volume du réservoir qui en 
résultera n’amènera pas de graves perturbations 
dans la position du zéro, malgré les dispositions 
adoplées pour éviler ces accidents; on peul 
craindre aussi l’atlaque lente du platine par le 
mercure, surtout si l'appareil est maintenu pendant 
un certain temps à des températures élevées. Mais 
ce thermomètre se met rapidement en équilibre de 
lempéralure à cause de la faible épaisseur et de la 
conductibilité des parois du réservoir, el c'est là 
un avantage très réel dans un certain nombre de 
cas où le thermomètre de M. Marchis pourra être 
utilement employé. Disons, d’ailleurs, que, en vue 
de ce résultat, des thermomètres analogues avaient 
déjà été construits antérieurement, surtout pour 
les usages médicaux, mais leur emploi ne s’est pas 
étendu. 

Des procédés divers ont élé utilisés pour la me- 


sure des lempératures élevées : M. Daniel Berthe- 


lot en asignalé un nouveau, basé sur les variations 


des propriétés opliques des gaz. Il obtient des 
franges d'interférences produiles par la réunion de 


deux faisceaux ayant traversé chacun un tube rem- | 


pli d’un gaz; l’un de ces tubes est placé dans le 
milieu dont on veut déterminer la température, 
l’autre est en dehors el soumis à la température 


C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 


ordinaire. Les franges occupent des positions qui 
varient avec les températures: on peut, en faisant 
varier la pression du gaz soumis à la température 
ordinaire, ramener le système de franges à la posi- 
lion qu'il occuperait si, dans les deux tubes, le 
gaz avait la même pression et la même tempéra- 
ture. De la variation de pression, on déduit aisé- 
sément la température cherchée, en se basant sur 
la proportionnalité qui existe entre la réfraction et 
la densité, quelles que soient les causes de varia- 
tion de celle-ci. Les expériences de vérification, 
basées sur la détermination des points d'ébullition 
de divers corps, ont montré que la méthode pro- 
posée présente une grande exaclitude. Elle est 
intéressante en ce qu'elle est indépendante de la 
forme et du volume du récipient qui contient le 
gaz: seules, les positions des points d'entrée et de 
sortie du faisceau dans le gaz chaud, doivent êlre 
bien déterminées ; aussi, semble-t-il que celte mé- 
thode pourra être ‘utilisée dans les opérations 
industrielles. 


V. 


La délerminalion des coefficients qui caracté- 
risent certaines propriétés des corps a été l’objet 
de diverses recherches; parmi celles-ci, nous cite- 
rons l'étude de la chaleur de vaporisalion, faite par 
le Professeur Ramsay et M'° Dorothy Marschall. 
Dans leurs expériences, le liquide à vaporiser est 
placé dans un tube plongé dans une atmosphère 
de la vapeur du même liquide, de telle sorte que, 
après un certain temps, le liquide est porté à son 
point d’ébullition. Dans ce liquide se trouve une 
spirale de platine dans laquelle on fait alors pas- 
ser un courant : la chaleur qui se dégage sertentiè- 
rement à provoquer le changement d'état. Une 
pesée donne la quantité de liquide vaporisé; pour 
déterminer la quantité de chaleur correspondante, 
on répète une expérience analogue avec un liquide 
dont la chaleur de vaporisation est connue, comme 
l’eau ou l'alcool. Il est clair qu'on peul alors cal- 
culer aisément la chaleur de vaporisation du 
liquide étudié. 

MM. P.J. Hartoget J. A. Harker se sont occupés 
spécialement de la chaleur de vaporisation de 
l'eau sous la pression atmosphérique : ils ont em- 
ployé l'appareil de M. Berthelot, mais ont adoplé 
des dispositions spéciales pour obtenir un rayon- 
nement constant pendant les diverses phases de 
l'opération. Le nombre 525, qu'ils ontoblenu ainsi, 
est inférieur à celui qui a été donné par Regnaull : 
mais il satisfait bien à la relation théorique en 
admettant, pour les autres données qui y entrent, 
les valeurs fournies par les recherches les plus 
récentes. : 

La mesure de la chaleur spécifique de l'eau a élé 


C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 551 


ë l’objet de plusieurs séries de travaux : on sait, 
d'ailleurs, que la question est importante, puisque 
- ‘cette donnée est liée à la valeur de l'équivalent 
_ mécanique de la chaleur. Nous ne pouvons entrer 
dans le détail des expériences et nous nous bor- 

- nerons à citer quelques résultats obtenus. 
Des recherches de M. Griffiths on déduit, pourla 
. valeur de l'équivalent mécanique de la calorie, le 
nombre 427 kilos 25, qui ne diffère que de +, de la 
. valeur trouvée par Rowland, et de = de celle due 
à Joule. MM. A. Schuster et William Gannon ont 
trouvé un nombre très voisin de celui de M. Griffiths. 

On est peu renseigné sur la chaleur spécifique 

- des liquides en surfusion et l’on ne peut guère citer 
* que les recherches faites par M. Martinetti pour l’eau 
juqu'à la température de — 6°. M. Louis Bruner 
s'est proposé d'obtenir des résultats sur une plus 
grande étendue en opérant sur des liquides orga- 
niques : il a choisi le thymol, dont le point de fu- 
sion est 49°,5, et le paracrésol, qui fond à 33°. Pour 
le premier, il a pu maintenir la surfusion jus- 
qu'à 9° ; pour le second jusqu'à 6°. Il serait sans 
intérêt, dans ce rapide résumé, de reproduire les 
nombres qu'il a obtenus, et nous nous bornerons à 
dire que, pour ces deux corps, la courbe représen- 
tative tourne sa concavité vers |’ æ posilif. 

Le même auteur a étudié, d'autre part, la cha- 
leur de solidification de l’hydrate de bromal, et il 
a vérifié que, comme l'a indiqué M. Berthelot, ce 
corps, quoique cristallisé, ne revient pas immédia- 
tement à l’état d'équilibre moléculaire définitif et 
qu'il ne rend que peu à peu la chaleur qu'il a 
absorbée lors de la fusion. L'hydrate de bromal ne 
se dissolvant dans l’eau qu'avec une faible absorp- 
tion de chaleur, il a utilisé l’action de la potasse, 
qui décompose ce corps en bromoforme et formiate 
de potasse. Il a reconnu que la quantité de chaleur 
dégagée varie avec le temps qui s’est écoulé depuis 
la solidification : ainsi la réaction, qui dégage 
12 calories environ avec l'hydrate de bromal non 
fondu, en dégage 14,68 si l’on opère sur un échan- 
tillon solidifié depuis une heure et broyé, et en dé- 
gage jusqu'à 16,12 après le même lemps si le corps 
n'a pas été broyé. Les différences mesurent les 
quantités de chaleur qui avaient élé retenues. En 
faisant varier les conditions, on reconnait que la 
chaleur retenue n’est rendue que successivement 
et avec une vitesse variable suivant le cas. 

M. L. Bruner a étudié le thymoletle menthol au 
même point de vue et n’a rien trouvé d’analogue : 
il y a là un phénomène intéressant, qu’il serait eu- 
rieux de voir étudier sur d'autres corps. 

La déterminalion de la température du maximum 
de densité de l’eau a donné lieu à diverses recher- 
ches. MM. Anderson et Mac Cleland ont étudié l'in- 
fluence de la pression el, en se servant du dilato- 


mètre, ils ont obtenu les températures de 4°,1844 : 
4°,1823 el #,1156 respectivement, pour des pres- 
sions de 1 atmosphère, 1,5 atmosphère et 2 atmos- 
phères. 

M. de Coppet a borné ses recherches à l'étude du 
phénomène à la pression ordinaire; mais il en a 
minutieusement discuté les conditions. Il a em- 
ployé la méthode primitive de Hope et de Tralles, 
reprise plus tard par Despretz; mais il a reconnu 
que l'observation des thermomètres, par le refroi- 
dissement seul du liquide ou par son seul réchauf- 
fement, entrainail nécessairement une cause d'er- 
reur, et qu'il fallait combiner les deux actions et 
coupler les résultats obtenus. IL a fait un grand 
nombre de mesures, desquelles, toutes corrections 
faites, il a déduit la valeur de 3°,982 pour la tem- 
pérature du maximum de densité de l’eau : ce 
nombre se rapproche beaucoup de ceux donnés par 
M. Scheel, 3°,960, et par M. Krestlung, 3°,973. 

La connaissance du point critique peut être uti- 
lisée pour reconnaitre la pureté des corps sur les- 
quels on opère. M. Pictet, qui a fait des recherches 
à ce sujet, a reconnu que cette mélhode donne des 
résultats très supéricurs à ceux que fournit la dé- 
termination de leur point d'ébullition : d'après ce 
savant, la sensibilité serait de 10 à 60 fois plus 
grande. C’est ainsi que, pour le chloroforme pur. 
auquel on ajoutait une petile quantité d’alcool, le 
point crilique a passé de 258°,8 à 255°, soit une 
différence de 3°,8, tandis que la température d'ébul- 
lition variait seulement de 0°,1 à 0°,2. Pour le 
chloréthyle, auquel on mélangeait également de 
l'alcool, le point critique s’abaissait de 6°, tandis 
qu'il n’y avait qu'une variation de 0°,6 pour le point 
d’ébullition. Enfin, pour le pental, qu'on addition- 
nait d'aldéhyde, l’abaissement du point critique 
était de 1°,7; le point d'ébullition se déplaçait de 
moins de 0°,1. Il y a là une constatation qui peut 
rendre des services dans certains cas. 

Cette influence nolable des impuretés par rap- 
port au point critique a été étudiée, à un autre 
point de vue, par M. J.-P. Kuenen, qui attribue à 
des matières étrangères des phénomènes singu- 
liers observés par divers auteurs et desquels 
M. Galitzine avait conclu que, au-dessus de sa 
température critique, l'éther sulfurique peut exis- 
ter sous deux états de densité très différente. En 
opérant sur de l’éther purifié avec le plus grand 
soin, M. Kuenen a observé des différences vingt 
fois moins considérables que celles qu'avait signa- 
lées M. Galitzine ; M. Kuenen pense que ces diflé- 
rences, faibles d'ailleurs, sont dues probablement 
à ce que, au moment de la fermeture du tube à la 
lampe, une petite quantité d’éther serait décompo- 
sée par l’action de la chaleur. 

M. Villard est arrivé à des résultats analogues; 


598 


C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 


en opérant sur des gaz très purs, protoxyde d’a- 
zote, acide carbonique, dans un appareil sem- 
blable à celui employé précédemment par 
M M. Cailletet et Colardeau, il a été conduit à con- 
clure que l'appareil contient un fluide homogène : 
il n’y a donc qu'une seule densité. Suivant cet au- 
teur, les résullals opposés qui ont élé signalés 
doivent être expliqués par des impuretés : un cal- 
cul simple montre que la présence d'un gaz étran- 
ser, même en quantité minime, suffit à expliquerles 
irrégularités constatées. 

M. Villard a exécuté d'autres expériences du 
même genre, dans lesquelles il a utilisé la disso- 
lution de l'iode dans l'acide carbonique; il en 
a conclu nolamment que l'acide carbonique en 
vapeur, pour se colorer par l'iode, n'a pas besoin 
d'être saluré, encore moins d'être mélangé de 
liquide. 

M. Piclet opérant sur des dissolulions élhérées 
de divers solides, de bornéol, par exemple, a vu que, 
à la température critique, alors que toute la masse 
devenail gazeuse, aucun dépôt de solide ne se pro- 
duit : doit-on en conclure que, dans ce cas, à une 
température inférieure au point de fusion du solide 
et malgré la pression, le solide passe tout entier à 
l'élat gazeux et se mélange à la vapeur? M. Pictel 
nee pense pas, et, reprenant une hypothèse qu'il 
avait formulée antérieurement, il admet que la li- 
quéfaction des gaz peul se faire de deux façons : 
au-dessous du point critique, à la pression de la 
vapeur salurée, où au-dessus du point critique ; 
mais alors l'équilibre obtenu n’est pas stable, il se 
produit seulement de petites gouttelettes qui dis- 
paraissent successivement par évaporation, mais 
qui sont remplacées immédiatement par d’autres 
goulteleltes qui prennent naissance. Dans le cas de 
l’expérience citée plus haut, le bornéol serait en 
dissolution dans ces gouttelettes liquides. 

On voit que les recherches de M. Villard sonten 
contradiction avec cetle-hypothèse. 

M. James Chappuis a pensé que l'indice de ré- 
fraction devait présenter un changement caracté- 
ristique à la température critique; en employant 
la méthode interférentielle dont nous avons parlé 
plus haut, il a éludié la variation de l'indice de 
réfraclion de l'acide carbonique en le comparant à 
celui de l’eau. II a trouvé que de 35° à 31°,61 iln'y 
a pas de varialion dans les franges : la réfraction 
ne change pas; mais, au-dessous de cette dernière 
température, les franges se déplacent : la réfrac- 
lion diminue. C’est ce changement qui caracté- 
riserait le point critique, dont la température 
serait ramenée à 31°, 40 après les corrections exi- 
gées par le {hermomètre employé : cette valeur 
est très voisine de celle de 34°,35 donnée par 
M. Amagat. 


VI 

Le phénomène de la dissolution des solides dans 
les liquides présente un intérêt surtout en ce qu'ii 
est insuffisamment connu actuellement; avant de 
pouvoir en faire une théorie complète, il faul 
avoir des données numériques nombreuses el pré- 
cises. Dans cet ordre d'idées nous signalerons les 
recherches de M. Étard, qu'il est impossible de ré- 
sumer, car les résullats oblenus consistent, en 
somme, dansle tracé de courbes desolubilité; disons 
seulement que M. Étard est arrivé à représenter 
les faits plus simplement qu'on ne le faisait aupa- 
ravant, en prenant pour coeflicient de solubililé le 
poids du sel compris non dans 400 parties d'eau, 
mais dans 10) parties de la solution saturée. 

M. G. Charpy s'est également occupé des solu- 
lions : pour caractériser la concentration, il prend 
le nombre de molécules du sel contenues dans 
100 molécules du mélange, et il cherche la relation 
entre les densités et la concentration. Il est arrivé 
à cel énoncé simple : La densité d'une solution sa- 
line croit proportionnellement à la concentration, 
si l’on admet que le poids moléculaire de l'eau à 0° 
est environ de 3 X 18. 

M. J. de Kowalski a cherché à vérifier la théorie 
de la miscibilité des liquides de Van der Waals, 
théorie d’après laquelle le mélange peut se faire à 
une certaine pression, pourvu que celle-ci soit assez 
grande. Pour éviter des difficullés que présentail 
l'expérience, M. de Kowalski a employé les mé- 
langes ternaires, et il est arrivé à penser que, pro- 
bablement, il existe une température au-dessous 
de laquelle un mélange complet par compression 
est impossible. 

On possède peu de renseignements précis surles 
liquides troubles et les gaz nébuleux, c’est-à-dire 
les liquides qui contiennent des particules solides 
en suspension, émulsions, liquides écumeux, el 
sur les gaz qui contiennent en suspension des par- 
ticules solides ou liquides. M. Garcia de la Cruz à 
étudié les propriétés mécaniques de semblables 
mélanges, et il est arrivé à ce résullat simple, el 
qui nous parail mériter d'êlre signalé spécialement, 
que ces mélanges se comportent à ce point de vue 
comme des liquides clairs ou des gaz également 
clairs, dont la densilé serait la densité moyenne du 
corps considéré, c'est-à-dire le quotient de la 
somme des masses mélangées par le volume du 
mélange. 

VII 

L'étude des varialions des propriétés magné- 
tiques, a donné lieu à divers travaux parmi lesquels 
nous signalerons les importantes recherches de 
M. Ewing, déjà analysées dans la Æevue". 


1 Rev. gén. des Sc., 1895, p. 385. 


C.-M. GARIEL — REVUE 


ANNUELLE DE PHYSIQUE 550 


M. Curie a étudié le fer doux à ce point de vue 
entre 20° et 1350° et a signalé que des variations 
rapides se manifeslaient particulièrement vers 
750, 860 et 1280°; cette remarque est intéressante, 


_ parce que ces températures sont à peu près 
. celles pour lesquelles on a été conduit à admettre 


: 


: 


x 


que ce mélal subit des modifications allotro- 


. 
piques. 


M. Pictet a recherché l'influence du froid sur 

-l’aimantation de l'acier, et il a trouvé que la force 
portante augmente quand la température diminue: 
pour un barreau aimanté, du poids de 490grammes 

environ, dont, à l’aide d’une balance, il mesurait la 
force portante à travers une lame de glace de 3 mil- 

_Jimètres, il a trouvé que cette force, qui était de 
57 grammes à 30°, atteignait 65 grammes à — 30° 
et 76 à — 105°. 

Les propriétés chimiques du fer et de l'acier 
varient avec l’aimantation; pour ce dernier corps, 
M. T. Andrews a reconnu que la corrosion par le 
chlorure cuivreux était supérieure de 3 °/, pour 
l’acier aimanté à sa valeur pour l'acier non aimanté. 
Cette différence d’action, qui avait déjà été signa- 
lée, conduisait à penser que, dans un même li- 

-quide, entre le fer aimanté et le fer non aimanté, il 
doit exister une certaine force électromotrice : 
la question a été étudiée avec soin par M. Hur- 
muzescu, qui a cherché à éviter les causes princi- 
pales d'erreur en prenant pour électrodes de fins 
fils de métal, pour avoir plus d’'homogénéité, el en 


mesurant les forces électromotrices à l’aide d’un 
“électromètre capillaire. Il a opéré sur le fer, le 


>. 
Q 
+ 


nickel et le bismuth, qu’il plongeait dans des solu- 
tions très faibles d'acide acétique ou d'acide 


- oxalique. 


L'un des fils était placé dans un champ magné- 
tique dont la valeur a varié de 400 à 7.000 unités 
CGS ; l’autre fil était en dehors du champ. 

M. Hurmuzescu a trouvé d’abord que, pourle fer 


- et le nickel, l'électrode aimantée est toujours posi- 


tive par rapport à l’autre, tandis que c’est l'inverse 
pour le bismuth. D'autre part, la force électromo- 
trice croit avec l’intensité du champ magnétique, 
variant pour le fer de 5 à 229 dix-millièmes de 


- volt. Ce sont là des résultats intéressants. 


MM. Cailletet et Colardeau ont étudié un effet 


- particulier qui se produit dans l'électrolyse : la 
- condensation des gaz sur les électrodes métalliques. 


4 


! 


On sait que, dans l’électrolyse de l'eau acidulée, 


- les jaz oxygène et hydrogène n'apparaissent pas 


immédiatement sur la surface des électrodes en 
platine : ils y existent cependant à l'élat de con- 


- densation, puisque, si on réunit ces électrodes par 
- un fil conducteur, celui-ci est traversé par un 


. 


courant d'une très courte durée d’ailleurs. 
MM. Cailleltet et Colardeau ont pensé que les 


effets seraient augmentés si l’on-substiluait de la 
mousse de platine aux lames ordinairement em- 
ployées et qu'ils seraient plus considérables encore 
si l'on opérait sous pression ; ces prévisions ont élé 
justifiées par des expériences dans lesquelles la 
pression s'est élevée jusqu'à 600 atmosphères : 
dans ces conditions l'appareil est devenu un 
puissant accumulateur d'énergie électrique. La 
force électromotrice, qui est environ de 1,8 volt, 
décroit d'autant plus lentement que la pression 
est plus considérable; cette chute de potentiel 
n’est pas continue d’ailleurs : elle est rapide au 
début jusqu'à ce que la force éleetromotriceatteigne 
1 volt environ, puis reste constante pendant un 
temps d'autant plus long que la pression est plus 
forte, et décroit ensuite lentement jusqu'à 0°. 

En calculant la capacité d'un accumulateur 
ainsi formé, MM. Cailletet el Colardeau ont trouvé 
que, en la rapportant à 1 kilogramme de mousse 
de platine, elle est de 56 ampères-heure pour une 
pression de 580 atmosphères. Le rendement 
serait très élevé, car il atteindraitl 95 à 98 °/,, à la 
condition de ne pas pousser la charge jusqu'à ses 
dernières limites et en lui faisant succéder immé- 
diatement la décharge. ; 

Des effets analogues ont élé observés pour 
l'iridium, le ruthénium, le palladium. Pour ce 
dernier métal, les résultats sont supérieurs à ceux 
que donne le plaline : la capacité de 1 kilogramme 
de mousse de palladium est de 176 ampères- 
heure à la pression de 600 atmosphères. Pour les 
aulres métaux essayés et le charbon, l'action esl 
du même genre, mais il se produit en même 
temps une altération chimique qui trouble le 
phénomène. 


VIII 


Les actions chimiques exercées par les courants 
ont élé utilisées dans nombre de circonstances el 
ont donné lieu à d'importantes applications indus- 
trielles ; mais elles peuvent être nuisibles égale- 
ment. Tel est le cas qui peut se produire, qui s’est 
produit, lorsque, dans une ligne de tramways, le 
retour se fait par la terre : des actions électro- 
lytiques se manifestent et peuvent donner lieu à 
une attaque de tous les circuits métalliques placés 
dans le sol et pouvant servir de conducteurs à des 
courants dérivés : les canalisations d'eau, de gaz, 
les câbles à armature en plomb peuvent être 
corrodés. Le fait a été signalé aux États-Unis el 
récemment encore à Londres. Ces actions onl 
donné lieu à diverses recherches parmi lesquelles 
nous signalerons un important mémoire de 
M. Farnham, qui a donné lieu à une intéressante 
discussion devant la Société américaine des Ingé- 
nieurs civils. D'autre part, le major Cardew a 


560 


C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 


vérifié directement que la perte à la Lerre, dans un 
système de distribution de l'électricité par cou- | 
rants alternatifs de haute tension, peut donner 
iieu à travers la terre à un courant de direction 
unique, de telle sorte que ce système de distribu- 
lion ne met pas à l'abri des inconvénients que 
nous signalions plus haut. 

L'action chimique des courants a été ingénieu- 
sement ulilisée par M. Janet pour l'étude des cou- 
rants alternatifs. Sur un cylindre enregistreur on 
enroule une feuille de papier imprégnée d'une 
solution de ferrocyanure de potassium et d’azotate 
d'ammoniaque : un stylet en fer frotte sur le 
papier : le stylet et le cylindre sont mis en com- 
municalion respectivement avec deux points entre 
lesquels existe une différence de potentiel alterna- 
live. Chaque fois que le courant passera, on obtien- 
dra une trace bleue sur le papier, trace dont l’é- 
paisseur variera avec l'intensité du courant, tandis 
que la coloralion ne se produira pas quandle 
courant sera interrompu. On aura donc, si le 
cylindre tourne assez vite, une ligne discontinue | 
dont les maxima, très nets, correspondront aux 
maxima de la différence de potentiel. Comme 
M. Janet l’a montré pour un certain nombre de 
cas, cette méthode se prête très bien à l'étude des 
courants alternatifs. 

M. Janet a, d'ailleurs, perfectionné sa méthode en 
étudiant la signification précise des traits obtenus : 
en employant une série de stylets qui présentent 
entre eux des différences de potentiels détermi- 
nées, on obtient des tracés présentant la même 
disposition générale, mais dont les traits ont des 
longueurs variant d'un stylet à l'autre. La compa- | 
raison de ces traits permet d'obtenir exactement 
la courbe représentative de la loi du courant con- 
sidérée. Nous ne pouvons insister sur ce fait, el 
nous dirons seulement, comme on l’a fait remar- 
quer, que c'est l’applicalion, dans un cas tout diffé- 
rent, du principe sur lequel M. Marcel Deprez a 
basé son indicateur de pression pour les machines 
à vapeur. 

Le problème dont M. Janet a donné une solution 
présente une grande imporlance; aussi a-t-il sol- 


licité l'attention des physiciens: nous ne nous 
arrêlerons pas, faute d'espace, aux solutions 
mécaniques indiquées par M. Flemming et par 
M. Hicks, mais nous signalerons des procédés 
basés sur l’action produite sur la lumière polari- 


sée. 


M. Pionchon emploie un saccharimètre à pé- 
nombre ; entre l'analyseur el le polariseur, il place 
un tube contenant, soit du sulfure de carbone, soit 
mieux une solulion d'iodure de mercure et d'io- 
dure de polassium, et entouré d’un solénoïde dans 


lequel on fait passer le courant à étudier. Les 


éclairements varient avec l'intensité du courant el 
changent à chaque instant; mais, au moins pour 
les courants industriels, ces varialions sont très 
rapides et ne peuvent être perçues; on arrive à les 
distinguer par la méthode stroboscopique, et, en 
réglant la période de visibilité convenablement 
par rapport à la période du courant, on peutsuivre 
avec facilité les changements, qui paraissent se 
produire lentement. 

M. A. C. Crehore se base sur le même principe : 
un tube contenant du sulfure de carbone et entouré 
d'un solénoïde traversé par le courant, est placé 
entre un analyseur et un polarisseur sur lequel 
arrive un faisceau de lumière blanche. La lumière, 
à sa sortie de l'analyseur, traverse un prisme: il 
se produit un spectre dans lequel apparait une raie 
obscure dont la position dépend de l'intensité du 
champ magnétique : celle raie se déplace donc 
périodiquement, ses déplacements suivant les va- 
riations d'intensité du courant. Si donc on projelte 
ce spectre sur une plaque photographique, qui se 
déplace uniformément dans une direction perpen- 
diculaire au spectre, on obtiendra une courbe cor- 
respondant à l’ensemble des positions de la raie 
noire et dont l'étude fera connaitre la loi de varia- 
tion du courant. 

Les courants hertziens ont donné lieu à des tra- 
vaux dont beaucoup sont intéressants, mais qui 
sont tellement nombreux qu'il est impossible de 
les citer tous et qu'il est difficile de choisir. Nous 
dirons seulement que, d'une manière générale, les 
analogies, signalées dès le début, avec les phéno- 
mènes lumineux se multiplient, que les interfé- 
rences sont obtenues dans des conditions variées, 
que les indications sur les longueurs d'onde se 


précisent, que des effets ont été observés qui 


prouvent l'existence de la double réfraction, que, 
par l'emploi de réseaux en grils convenablement 
disposés, on à pu mettre en évidence des faits qui 
doivent être rapportés à la polarisation circulaire ; 
que les mesures d'indice de réfraction se multi- 
plient et donnent des résultats concordants, soit 
entre eux, soit avec l'application de la loi de Max- 
well, etc. 

Nous regrettons de ne pouvoir insister et d'être 
obligé de passer sous silence les noms des savants 
qui ont obtenu d'intéressants résultats. Mais la 
question est trop importante el mériterait une 
étude d'ensemble ; outre que celte étude sera plus 
utile, croyons-nous, dans quelque temps, alors que 
cerlains points seront mieux précisés, il serail 
fàächeux de l’écourter, et il nous parait préférable 
de la réserver. 

C.-M. Gariel, 


Professeur de Physique 
à la Faculté do Médecine de Paris, 
Membre de l'Académie de Médecine. 


à 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 561 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


: NOUVEAU SYSTÈME DE DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ : SYSTÈME MONOCYCLIQUE pu D' L, BELL 


. Les courants immédiats produits par une machine 
- dynamo sont des courants alternatifs, c'est-à-dire que 
… les courants qui passent dans une section donnée de 
… linduit sont, à chaque instant, différents en intensité 
et en signe. Pour recueillir des courants continus, il 
faut une disposition particulière. Il semble donc que 
. Pémploi de l'électricité sous cette dernière forme ait dù 
être postérieur à l'emploi des courants alternatifs. 
Et cependant, pendant longtemps, ces derniers cou- 
rants out été très peu en faveur. On en citait de rares 

— applications. Quelles étaient les causes de cette exclu- 
sion ? Elles étaient assez nombreuses. Les courants 
alternatifs étaient relativement mal connus, ils jetaient 

… les électriciens dans de cruels embarras en se met- 
> tant, à chaque instant et comme à plaisir, en contra- 
diction avec toutes les lois de la physique électrique. 
Mal connus, ils étaient mal conduits et mal réglés. 
Aussi peut-on citer d'anciennes stations à courants 
alternatifs qui ont un rendement déplorable, moins de 
50 °/,, dit le Dr Louis Bell dans un mémoire que nous 
citerons tout à l'heure; en ces stations, le réglage-de 
la tension est aussi absolument mauvais et tout à fait 


DNS 


Fig. 4. — Dislribulion monocyclique à deux fils. — Poids 
de cuivre employé = 100.— Les fils sont ici représentés 


schématiquement par les deux lignes parallèles horizon- 
— iiles. Perpendiculairement à ces lignes se voient trois fils 
secondaires alimentant chacun une lampe. 


-intolérable. Cesexemplessontsurtoutnombreuxchezles 
Américains, qui, plus audacieux que nous, se sont 
lancés dans l'inconnu avec moins d’hésitation. En 
—… outre, les courants alternatifs ne pouvaient être appli- 
$ qués ni pour l'électrolyse, ni pour produire la force 

motrice, etc, Ils semblaient cependant posséder — 
par exemple, pour les fransports de force à grandes 


Fig. 2. — Distribulion à trois fils. — Poids de cuivre 
employé = 31,25. 


« distances — certains avantagestellementimportants que 
«les chercheurs et les inventeurs ne les ont point aban- 
donnés. Et nous avons assisté à une sorte de renais- 
sance des courants alternatifs d’abord lente et contes- 
tée, aujourd’hui bruyante et absolument reconnue. 
—…._ À mesure que notre expérience s’est fortifiée, nous 
avons élé conduits à adopter des modes divers de-dis- 
tribution : distribution par courants alternatifs simples 
à 2 et 3 fils, distribution par courants polyphasés, etc. 
Chacun de ces systèmes offre ses avantages et ses 
inconvénients, qui diffèrent d’ailleurs selon l'usage que 
Von fait de l'électricité produite, Il arrive souvent 
- même que telle modification, qui estun avantage lors- 
qu'il s’agit d'une distribution de lumière, est un ennui 
dans une distribution de force motrice. Les stations 
d'électricité ayant un grand intérêt, au point de vue 


D à 


de la bonne utilisation de leur matériel,-à distribuer 
en même temps la lumière et la force, les recherches 
continuent donc toujours dans le but de trouver un 
système qui satisfasse également bien à cette double 
condition. À 

Le D: Louis Bell a lu dernièrement devant la Cleve- 
land Convention un mémoire dans lequel il expose les 
avantages d’un système de distribution qu'il appelle 
système monocyclique. L'auteur commence par examiner 
en quelques lignes les systèmes principalement ap- 
pliqués jusqu’à ce jour. Suivons-le, 

La figure 1 représente schématiquement la distri- 
bution à deux fils par courants alternatifs simples. En 
regard est inscrit un nombre proportionnel au poids 
de cuivre employé, la puissance transmise restant la 
mème ainsi que la perte en ligne. Admettons le 
chiffre 100 pour ce premier système. 

La distribution à rois fils par courants alternatifs 
simples (fig. 2) ne demande qu’un poids de cuivre 
égal à 31,25, en admettant que le fil neutre n'ait qu'une 


Fig. 3. — Distribution biphasée à quatre fils. — Poids de 
cuivre employé — 100. Entre les deux fils horizontaux mé- 
dians est figurée la dynamo produisant le courant biphasé. 
Les deux fils secondaires perpendiculaires alimentent cha- 
cun une lampe. 


section équivalente à la moitié de la section de chacun 
des fils extrêmes. Cè système est done excessivement 
économique, et par suite recommandable, au moins 
pour la production de la lumière. Nous n'insistons pas 
sur quelques détails de réglage. Malheureusement, 
comme tous les systèmes à courants alternatifs 


Fig. 4. — Distribution biphasée à trois fils. — Poids de cuivre 
employé = 72,8. 


simples, il se prête assez mal à la conduite des mo- 
teurs. Sous ce dernier rapport, les courants polyphasés 
sont préférables : on emploie les courants biphasés ou 
triphasés avec canalisation à 3 ou 4 fils. 

La figure 3 représente la distribution à # fils par 
courants biphasés. Le poids de cuivre est égal à 100. 
C'est beaucoup. En outre, si les deux circuits sont 
employés à l'éclairage et si les deux charges ne sont 
pas égales, les pertes sont différentes et le voltage 
n’est plus constant aux bornes des lampes. Lorsqu'on 
veut le régler, on est conduit à des solutions coù- 
teuses et peu pratiques, les deux circuits recevant la 
même excitation. 

La canalisation à troisfils par courants biphasés (fig. #) 
demande moins de cuivre — 72,8 — et semble, à priori, 
| offrir certaines facilités de réglage. Mais des phéno- 


mènes secondaires interviennent, dus au décalage de 
phase d’un circuit par rapport au circuit voisin : par 
exemple, à charge égale, la perte en ligne n’est pas la 
méme sur l’un et l’autre circuit. 

Le système triphasé, à trois circuitsdistincts, est théo- 
riquement possible, mais il n'est pas appliqué. On 
adopte généralement le dispositif représenté par la 
ligure 5. Le poids de cuivre exigéest de 75. Les lampes se 
branchent entre deux quelconques des fils. L'inégalité 


Lis. 5. — Distribution lriphasée à trois fils. — Poids de fil 
employé = 15. 


de charge des circuits peut faire naître des différences 
de voltage qu'il est malaisé de compenser. 

Enfin, on peutemployer, pour chaque circuit de la ca- 
nalisation triphasée, un systèmeanalogue au système à 
trois fils de la figure 2. En confondant en un seul les 
Lrois fils neutres, on a finalement le système triphasé 


Fiu. 6. — Distribulion briphasée à quatre fils. — Poids de 
cuivre employé = 29,2. 


à quatre fils (fig. 6), qui permet de marcher à une Len- 
sion plus élevée et donne lieu à une économie consi- 
dérable de cuivre, puisque le poids de ce métal ne 
dépasse pas 29 !/,, lorsque le fil neutre n’a qu'une sec- 
tion égale à la moitié de la section des fils extrêmes. 
Ce système a été appliqué avec succès à Saint-Hyacinthe 
(Canada). 


Fig. 7. — Dislribulion monocyclique dile à deux fils. — 
Poids de cuivre = 100. — AB, enroulement principal. — 
OC, enroulement auxiliaire. = 


En résumé, la distribution par courants alternatifs 
simples est d'une grande simplicité, mais se prête mal 
à la conduite des moteurs. Les courants polyphasés, 
au contraire, résolvent cette dernière question, mais 
exigent des circuits plus compliqués et donnent lieu à 
un réglage un peu difficile. Le système monocyclique 


NN 


Fig. S, — JDislribulion monocyclique dile à trois fils. — 
Poids de cuivre = 31, 


participe à la fois des deux précédents, et ila la pré- 
lention de posséder tous leurs avantages sans offrir 
aucun de leurs inconvénients, En principe, il consiste, 
étant donné un réseau à courants alternatifs simples, 
à créer à côté de lui d’autres circuits qui seront uni- 
quement employés pour la conduite des moteurs, el 


62 ACTUALITES SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


dont les forces électromotrices seront décalées d’une 
quantité voulue par rapport à la force électromotrice 
du circuit principal. Dans ce but, linduit de lalterna- 
teur porte, outre l'enroulement principal, un enroule- 
ment auxiliaire attaché par une de ses extrémités au 
milieu du premier enroulement et produisant une 
force électromotrice dont la valeur est déterminée à 
l'avance par des considérations que nous énumérerons 
tout à l'heure. Les forces électromotrices des deux 
enroulements ont une différence de phase de 90°, La : 


T 
% 
74 
Vé 
B, 
Fix. 9, — Composition des forces élechromolrices principale 


(0A,, OB;) et secondaire (OC). — Od;, Od,, résullantes. 


figure 7 représente un schéma d’une distribution mono- 
cyclique où le circuit de lumière est à deux fils, et, 
pour cela, dite elle-même à deux fils. 

Si nous représentons à un moment donné la diffé- 
rence de potentiel entreles points O et A (lg. 7) par 
E sin 4/, nous aurons au même moment : 


l 
Diff. pot. OC = e sin (- + = 
Diff pot. OB = — E sin &{ ; 


et, par suile, 
Diff. pot. AC = — E sin af + e sin (a + S): 


Diff, pot. BC = E sin a«{ + e sin (a + = 


2 
| 


Fig, 10, — Distribulion monocyclique à deux fils avee lampes 
et moteur triphasé. — En bas, à droite, dynamo fournis- 
sant le courant triphasé. — A, B, C, bornes primaires; 
A, B,, C1, bornes secondaires du transformateur, — En 
bas, à gauche, lampes placées dans le circuit secondaire. 


Nous pouvons écrire : 


— E sin al +esin (2 + :) = FE, sin (ol +n, 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES | 563 


E sin at +esin (a + 5) = E, sin (ai + n:), 


= 


ou : 
— E sin af He cos af = E, cos à, sin af + E, sin 7, cos af, 
>  Esin at +e cos af = E, cos » sin &{ + E, sin n, cos o/, 


ou bien encore: 

(— Ê = E, cos »; 

lue —E; sin, ; 
E = E cos 
e — E, sin mn. 


54 


er) 


Fig. 11.— Forces électromotrices aux bornes primaires du lrans- 
è ormateur dans la distribution monocyclique de la fig. 10. 


Par conséquent, si nous donnons à priori »,, c'est- 
à-dire la différence de phase entre la force électromo- 
trice résultante AC et la composante OA, nous tirons 
successivement les valeurs de e, E,, »,, E,, au moyen 
des équations: 


e=—Etg, 

# 

He bons 

: cosn 

à d e 

à tone == ——Ug 
$ E 

5 E 


roulement auxiliaire, obtenir une différence de phase 
quelconque enire les divers circuits. 
- Le procédé graphique nous aurait amené d’une ma- 
mière plus rapide et 
plus frappante, aux 
mèmes résultats 
“qui sont résumés 


A 
Le pouvons donc, par un choix convenable de l’en- 


BA et BC de la figure 10 sont représentées par OA et OC 
(fig. 11). Donc, aux bornes des secondaires, en admet- 
tant que les différences de phases n’ont pas changé : 


Force élect. C,B, de la fig. 10 est représentée par OC, (fig. 12) 


Force élect. A,B, de la fig. 40 est représentée j ar OA, (fig. 12) 
120% | 120? 
: AE ; #7 
ee 6 SES ; 30° 
> oEe ru 
PR si >. 
A, C> 
| 
y" 
Fig. 12. — Forces éleclromotrices aux bornes secondaires 


du transformateur. 


et la résultante C, B, + A, B, étant dirigée suivant Oy, 
la force électromotrice B, C, l’est suivant Oy. Les angles 
C, Oy, yOA,, A,OC, sont égaux à 120°; nous avons par 
conséquent trois bornes C, A, B, (fig. 10), pouvant être 
reliées aux trois bornes un moteur triphasé. 

Des dimensions différentes de l’enroulement auxi- 
liaire nous auraient permis d'obtenir deux forces élec- 
tromotrices décalées de 90° et de commander par suile 
des moteurs biphasés. 

Les circuits peuvent évidemment êlre élablis de 
beaucoup d’autres manières. La figure 13, par exemple, 
montre une distribulion monocyclique à deux fils avec 
réseau secondaire à trois fils. Ici les transformateurs 
sont montés de facon à reproduire exactement la dis- 
position des deux enroulements de l'alternateur, le 
transformateur AB correspondant à l’enroulement prin- 
cipal, le transformateur CD à l’enroulement auxiliaire. 
Les moteurs, branchés sur de tels circuits, peuvent par- 
faitement être des moteurs monophasés. Le fil auxi- 
liaire sert simplement à provoquer le démarrage; après 
quoi, il est séparé du moteur. Le système monocy- 
clique est, en somme, l’extension, à tout un réseau, du 
circuit auxiliaire 
que l’on est obligé 
de créer pour cha- 
que moteur mono- 


dans la figure 9. Les 
angles sont comp- 
lés à partir de l'axe 
OX; le droites OA,, 
OB,, OC,, représen- 
tent les forces élec- 
lromotrices maxi- 
ma entre les points 
Oet A,OetB,Oet 
C (fig. 7) et-tour- 
_nentautour du point 
“O\(fig. 9). Les résul- 
tantes (AO, OC) et 
1BO, OC) (fig. 7) sont 
données respective- 
ment à l'instant{par 


sur la même figure. 

La relation suivante peut généralement être adoptée: 
es forces électromotrices résultantes sont décalées de 
plus et moins 60° par rapport à la force électromotrice 
de l'enroulement auxiliaire. Dans ces conditions, il est 
“acile d'obtenir des courants triphasés au moyen d’un 
sroupement convenable des secondaires des transfor- 
Mmateurs. Supposons que la distribution soit faite sui- 
vant le schéma de la figure 10. Si, à un moment donné, 
la force électromotrice de l’enroulement auxiliaire est 
dirigée suivant Oy (fig. 11), les forces électromotrices 


yen A 


phasé, älimenté par 
des courants alter- 
natifs simples, en 
décalant le courant 
au moyen d’un ar- 
tifice quelconque, 
bobine à self-induc- 
tion, condensateur, 
etc.  Remarquons 
qu'il est possible et 
même avantageux 
de ne jamais sup- 
primer complète- 
ment le circuit au- 
xiliaire, Il suffit de 
disposer les enrou- 


Fe proies Od,, 04, Fig. 13. — Dislribulion monocyclique à deux fils avec réseau secondaire à lements de telle 
(ix.9). Les angles n, trois fils. — AB, transformateur correspondant à l’enroulement principal. SOrte que ce circuit 
et n, sont indiqués — CD, transformateur correspondant à l’'enroulement auxiliaire. n’absorbe que très 


peu de courant, 
lorsque le moteur tourne à sa vitesse normale. De celte 
facon, si, pour une raison quelconque, une surcharge 
brusque est appliquée et que la vitesse diminue, le 
troisième fil redevient actif et tend à rendre au moteur 
sa marche normale. 

Quant à la valeur propre du système du D' L. Bell. 
nous ne pouvons donner d'opinion personnelle, n'ayant 
aucun résultat d'exploitation sous les yeux. 

A. Gay, 


Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. 


ee: LAN PE 277 ANNE, 


En un mot, la théorie de la fonction &(s) ne doit pas 
être considérée comme isolée dans l'Analyse : un cer- 
tain nombre de théorèmes démontrés sur cette fonc- 
lion correspondent à des propriétés communes aux 


564 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 
BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 
1° Sciences mathématiques. 
Cahen (E.). — Sur la fonction £(s) de Riemann 
et sur des fonctions analogues (Thèse pour le doc- 
torat de la Faculté des Sciences de Paris), — 1 vol, gr. 


in-4° de 93 pages. Gauthier- Villars et fils, Paris, 1895. 
On connait les propriétés remarquables de la fonc- 
tion £ (s) introduite par Euler et appliquée depuis 
Riemanx à l'étude de la distribution des nombres pre- 
miers. M. Cahen se propose de généraliser ces pro- 
priétés et de les étendre à d’autres séries de Ja 


: à an 
forme FA 
> ju 
En premier lieu, l'auteur étudie les conditions gé- 
| S 


nérales de convergence des séries de la forme NAT 


où les} sont une suite quelconque de nombres posi- 
tifs indéfiniment croissants, et constate l'existence 
d’une droite de convergence, Cette constatation ne 
laissait pas de présenter quelque difficulté, étant donné 
que la série n'est pas en général absolument conver- 
gente au delà de la droite en question. 

Dans la seconde partie, M. Cahen revient à la fonc- 
tion £ (s) pour reprendre les résultats connus et en 
ajouter de nouveaux. Parmi ceux-ci, nous signalerons 
celui qui est relatif à la valeur asymptotique de la 
somme des logarithmes des nombres premiers infé- 
rieurs à la limite +, et qu'Halphen avait déjà cherché 
à établir. La démonstration ne peut être acceptée dès 
à présent comme complète, car elle suppose acquis 


le théorème sur la réalité des racines de la fonction. 


€ (t) de Riemann, théorème qui n’a pu encore être 
prouvé rigoureusement. Mais l’auteur, avec raison, n’a 
pas vu là un motif suffisant pour passer sous silence 
l'analyse qu'il avait obtenue. 
C’est dans la troisième partie qu'est introduit tout un 
ensemble de fonctions renfermant £ (s) comme cas par- 
Le 


te lle Re : NN 

ticulier, Ce sont les séries de la forme 23% « pério- 
=) 

diques », c'est-à-dire où les 4, se reproduisent de p 

en p. 

Il est aisé de calculer le nombre des séries -pério- 
diques indépendantes, en excluant celles qui ne sont 
pas « premières», c’est-à-dire qui peuvent s'obtenir en 
multipliant d’autres séries de la même forme par des 
sommes d’un nombre fini de termes. 

Parmi les séries ainsi trouvées, certaines possèdent 
des relations fonctionnelles tout à fait analogues à 
celle qui lie £ (s) et & (1—s). De ce nombre est la série 

[n 


y 
id n° 


Legendre. 

Relativement à ces séries, il est possible de cons- 
truire une théorie tout à fait semblable à celle de la 
fonction £(s) en définissant une transcendante holo- 
morphe qui correspond à la fonction & (t) de Riemann. 
Il s'introduit également des fonctions qui jouent Je 

S À 5 nr 
rôle de la fonctiong{x)= 26 et par lesquelles, 
comme pour Ÿ (x), on démontre des relations corres- 


on 
où p est premier, (5) étant le symbole de 


u 


I : 
pondant au changement de x en -, fonctions qui se 
T 


rattachent d'ailleurs aux fonctions el au groupe modu- 
laires, 


séries périodiques. Tel est le sens général du travail 
de M. Cahen et des résultats qu'il a présentés. 
J. Hapamarp, 


Chalon (P.-F.), Ingénieur des Arts et Manufaclures. — 
Aide-Mémoire du Mineur. — { vol, in-1? de 270 p. 
avec fig. (Prix relié : 6 fr.) Baudry et Cie, éditeurs, 
15, rue des Saints-Pères, Paris, 1895. 


En 270 pages de petit format, M. Chalon à condensé 
un grand nombre de renseignements utiles sur: les 
diverses espèces minérales, leurs formules d'achat et 
leurs méthodes d'essai; le programme d’une explora- 
tion, le sondage, l'abatage, le percement des galeries et 
le boisage, le foncage des puits, la ventilation, l'éclai- 
rage, l’asséchement, les transports, l'extraction, là 
translation des ouvriers, les applications de l'air com- 
primé et de l'électricité, les méthodes d'exploitation, 
le levé de plans de mines, et la législation francaise 
des mines. Aux 17 chapitres dont se compose cet ou- 
vrage, sont annexées des tables renfermant les princi- 
pales données dont peut avoir besoin un ingénieur de 
mines pour la résolution des problèmes courants (lignes 
trigonométriques, puissances etracines, surfaces, flèches 
et cordes des arcs), y compris des tables de conversion 
des mesures francaises en mesures anglaises, espa- 
gnoles et russes, des tables de comparaison des di- 
vers thermomètres, et des tables de transformation 
des pentes par mètre en degrés du cercle, et inverse- 
ment. Enfin, le volume se termine par un glossaire 
français-anglais-espagnol. 

Par le nombre de renseignements numériques, de ta- 
bleaux, de formules et d'indications de prix et de di- 
mensions usuelles, condensés dans un petit format, cel 
ouvrage est appelé à rendre de grands services. Toute- 
fois, on peut regretter qu'il soit, à certains points de 
vue, incomplet, particulièrement en ce qui concerne 
les mines de houille grisouteuses. L’exposé relatif à 
l'aménagement de ces mines, dans les chapitres de la 
ventilation et de l'exploitation, est loin de correspondre 
à toutes les exigences de la sécurité; d'autre part, les 
diverses lampes de sûreté ne sont guère considérées 
qu’au point de vue de leur pouvoir éclairant, et il n’est 
rien dit des explosifs de sûreté. À un autre point de 
vue, les formules relatives aux càbles plats à section 
décroissante en aloès, d’un usage si répandu en 
France eten Belgique, trouveraient peut-être utile- 
ment leur place dans cet Aide-mémoire, Enfin, en ce 
qui concerne l'aérage, et sans parler des résultats des 
derniers travaux de M. Murgue sur la résistance des 
galeries, qui ont fourni des données numériques pré- 
cieuses, il est vraiment injuste de ne pas mème faire 
mention du ventilateur Rateau, alors qu'une place ho- 
norable, parfaitement justifiée d’ailleurs, est faite aux 
ventilateurs Ser et Mortier. 

E. pe Btecy, 
Ingénieur au Corps des Mines, 
Professeur à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne. 
Hirsch (A.) — Comptes rendus des séances de 
la Commission permanente de l'Association 

géodésique internationale, réunie à Innsbruck du 5 

au 10 septembre 189%, rédigés en français et en alle= 

mand, suivis des Rapports sur les Travaux géodé- 
siques accomplis dans les différents pays pen- 
dant la dernière année. — 1 vol. in-8° de 255 payes 

avec Teartes et planches. G. Reimer, éditeur, Berlin, 189%. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 265 


2° Sciences physiques. 


Istrati (D°C.), Professeur de Chimie à l'Université de 

Bucharest. — Cours élémentaire de Chimie, rédigé 

J conformément à la nouvelle nomenclature proposée par 

À le Congrès de Genève. Traduit d'après la deuxieme édi- 

L tion roumaine par M. Æ. Adam, Professeur au 

Lycée de Charleville, avec une préface de M. Ch. 

— Friedel, Membre de l'Institut. —1 vol. de 560 pages, 

É avec 25% fig. (Priæ :12 francs.) G. Carré, éditeur. 

- 3, rue Racine, Paris, 1895. 

— Ainsi que l'annonce son titre, le traité de M. Istrati 

s'adresse aux commencants. Par un choix judicieux 

. des corps décrits, par son exposition claire et métho- 
… dique, qui est rendue plus attrayante encore grâce à 

plus de 250 figures intercalées dans le texte, cet ou- 

-. vrage est un des meilleurs qui ait paru dans ce genre, 

en ces dernières années. 

Rédigé d’abord pour les besoins de l’enseignement 
en Roumanie, ce cours élémentaire aurait pu être 
— écrit en francais par l’auteur, qui a fait ses études à 

Paris et fut un des plus brillants élèves de M. Friedel. 

- M. Istrati a préféré faire traduire son œuvre et confier 

- la revision de la traduction aux soins de M. Adam, 
agrégé de l’Université, qui l’a complétée et enrichie 

dans plusieurs parties. 

Il est superflu d'ajouter que la notation adoptée est 
la notation atomique. Dans sa magistrale préface, 
M. Friedel constate « que la théorie dite atomique. 
est enfin entrée d’une manière courante dans l’ensëi- 
gnement secondaire, comme dans l’enseignement su- 

… périeur, en France; mais ce n’est pas sans avoir fait 

préalablement la conquête de tous les autres pays, 
sauf l'Espagne, où la lutte semble n'être pas encore 
terminée ». 

Le triomphe de la théorie atomique n’est pas aussi 
complet que semble le croire M. Friedel. Nombreuses, 

… en effet, sont encore les chaires de lycées et de col- 

 Jèges où l’ancienne théorie des équivalents seule est 

—… d’un usage courant. Il en sera malheureusement ainsi, 

—_ ant que l'enseignement sera subordonné aux exi- 

—…__sences de nos Ecoles de Paris, toujours inspirées, il 

estyrai, par des personnalités éminentes, mais per- 

… sonnalités considérées comme les seuls arbitres dans 

les questions de doctrines et dont l’obstination à ne 

- trouver bonnes que leurs méthodes a eu les consé- 
… quences les plus funestes et pour la science et pour 
… l’industrie francaises. 

Dans son Essai sur l'Histoire générale des Sciences 
pendant la Révolution francaise (1803), Biot disait : 
« Quelque sentiment que l'on conserve sur l’ancienne 
« Université de Paris, il faut convenir qu'elle était en 
«arrière de plusieurs siècles pour tout ce qui con- 
« cerne les sciences et les arts. Péripatéticienne 
« lorsque le monde savant avait renoncé, avec Des- 
« cartes, à la philosophie d’Aristote, elle devint carté- 

- « sienne quand on fut newtonien..……. ” 

Sans doute, il serait excessif de faire un rapproche- 

… ment quelconque entre l’ancienne Université et l'Uni- 

versité actuelle, mais on ne saurait cependant s’empé- 

cher de constater qu'il existe encore, dans certaines 

… sciences, des traces de cette tendance d'esprit des 

… siècles passés. 

…—_ Le traité de M. Istrali a encore un autre mérite, On 
y trouve, dans l'exposé de la Chimie organique, l’ap- 
plication des principes de la nouvelle nomenclature, 

» tels qu'ils ont été posés à Genève, en 1892, par une 

d Commission internationale dont l’auteur faisait par- 

Die. 

A notre connaissance, c'est le premier traité didac- 
tique élémentaire où l’on ait adopté cette nomencla- 

« ture. La jeunesse désireuse de s'initier à cette mé- 

 thode rationnelle trouvera donc dans ce livre un guide 
aussi sûr que clair et précis. 


+ 


A. HALLER, 


é Correspondant de l’Institut, 
Directeur de l'Institut Chimique de Nancy. 


Rey (Jean), Docteur en médecine. — The Increase in 
Weight of Tin and Lead on calcination (1630). — 
1 vol. in-8°, crown de 56 pages. (Prix : cartonné : 1 fr. 90.) 
W. EF. Clay, éditeur, 18, Teviot-Place. Edimbourg, 1895. 


Nous signalons avec plaisir au lecteur cette petite 
plaquetie, faisant partie d’une collection des écrits 
principaux des anciens chimistes, que l’éditeur édim- 
bourgeois William F. Clay a entrepris de réunir. 
L'œuvre de Jean Rey est de celles que la postérité aura 
toujours profit à consulter. 


Jacquet (Louis), Ingénieur des Artset Manufactures. 
— Fabrication des Eaux-de-vie. — Un vol. petit 
in 8° de 228 pages, de l'Encyclopédie .scientifique des 
Aide-Mémoire, dirigée par M. Léauté, membre de l'Ins- 
titut.(Priæ : broché 2 fr. 50, relié 3 fr.) Gauthier- Villars 
et fils et Masson, éditeurs, Paris, 1895. 


Depuis longtemps, tous les ouvrages qui traitaientdes 
alcools ne relataient guère, d’une facon détaillée, que la 
fabrication des spiritueux dans la grande industrie, c’est- 
à-dire leur production, soit par fermentation et distilla- 
tion des jus de plantes ou de pulpes sucrées : betteraves, 
cannes à sucre, mais, sorgho, mélasses, soiten partant 
des substances amylacées : pommes de terre, froment, 
avoine, orge, riz, sarrasin, etc., qui doivent subir une 
saccharification préalable. Les procédés semi-indus- 
triels au moyen desquels on obtient les eaux-de-vie 
fines et de bonne qualité étaient un peu délaissés par 
les auteurs. Il faut savoir gré à M. Jacquet d’avoir ré- 
paré cet oubli, et d’avoir exposé d'une facon très claire 
les méthodes employées en France et principalement 
dans l’Angoumois, pour l'obtention des produits qui 
ont fait sous ce rapport, à notre pays, une réputation 
universelle et méritée. 

L'ouvrage que nous analysons traite uniquement de 
l’eau-de-vie de vin, qui est Le type des bons alcools de 
consommation. I! débute par quelques préliminaires 
relatifs à lhistorique de la distillation, à l'origine de 
l'alcool et à la classification des eaux-de-vie francaises, 
et notamment des crus charentais ; un chapitre sur l’al- 
coométrie indique l’emploi de l'alcoomèêtre de Gay- 
Lussac et de l’hydromètre anglais de Sykes. L'auteur 
éludie ensuite la composition du moût avant et après 
fermentation, le choix des vins de chaudière et l'ana- 
lyse sommaire de ces vins : dosage de l'alcool par Fa- 
lambic ou lœnobaromètre Houdart, enfin examen des 
fraudesaltérantla qualité ou la quantité de l'alcool du vin. 

C'est alors que commence le sujet principal de l’ou- 
vrage. Après quelques notions théoriques sur la distil- 
lation et la rectification se trouvent l'examen des appa- 
reils et procédés de distillation intermittente et con- 
tinue : procédés charentais et au premier jet, alambics 
charentais, Savalle, Deroy, Egrot, puis l’utilisation des 
marcs, lies, vinasses, etc., en vue d'en retirer l’eau-de- 
vie. Ce chapitre se termine par l'exposé de diverses 
questions accessoires relalives au sujet traité : chauf- 
fage, accidents de distillation, prix de revient, 

Dans les pages suivantes, M. Jacquet s'occupe de la 
composition, du vieillissement naturel ou artificiel des 
eaux-de-vie et de leur bonification, du mouillage et du 
remontage des spiritueux; un appendice final est con- 
sacré au mesurage des spiritueux et des vins par le 
pesage. 

La marche des opérations relatives à la distillation 
par les diverses méthodes est décrite soigneusement 
et avec grands détails; un certain nombre de tableaux 
et de figures complètent heureusement l'ouvrage ; nous 
avons la conviction que ce livre atteindra le but que se 
propose l’auteur dans sa préface et qu'il sera « utile à 
tous ceux, fért nombreux aujourd'hui, qui, à un titre 
quelconque, ont à s'occuper de la production des eaux- 
de-vie ». 


A. HÉGERT. 
Berthier (A.). — Manuel de Photochromie inter- 
férentielle. —- 4 vol. in-12 de 170 pages avec 25 fig. 


(Prix : 2 fr. 50.) Gauthier-Villars et fils, Paris, 1895 


ee Re 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


5606 
8° Sciences naturelles. 
Martel (E, À). — Les Abîmes. (Les eaux souter- 
raines, les cavernes, les sources, la spéléolo- 
gie). — 1 vol. in-4° de 580 pages avec 4 phototypies et 


16 plans hors texte, 100 gravures d'après photographies 
el 200 curtes plans et coupes (Prix : 25 fr.) Ch. Delu- 
grave, éditeur, Puris 1895. 

Il y a quelques années, la science des grotles élait 
encore à l’état embryonnaire, Certainement, on con- 
naissait quelques cavernes, et certaines d’entre elles 
avaient été aménagées. Parfois même il s’était trouvé 
un homme s’attachant à une grotte particulière, la dé- 
couvrant et lPétudiant au prix de grands sacrifices ; 
mais ce n'élaient là que destentatives isolées etsans au- 
cun lien, qui ne pouvaient guère servir à autre chose 
qu'à satisfaire la curiosité des voyageurs. 

Pour que l’étude des grottes devint véritablement 
ulile, il fallait en entreprendre l'exploration systéma- 
tique. Il fallait prendre successivement chaque contrée, 
en explorer toutes les cavités et descendre jusqu'au 
fond de chacune d'elles, quelles que puissent être les 
difficultés rencontrées. On reconnaïitrait sans doute 
entre elles certains points communs, certaines res- 
semblances qui permettraient de deviner leur mode de 
formation, Maiscombien de cavernes faudrait-il explo- 
rer avant d'arriver aux théories générales! 

Tel est le programme devant lequel n'a pas reculé 
M. Martel, programme immense, qu'il a exécuté seul 
avec quelques amis, et dont il nous donne les résultats 
dans son livre sur les Abimes. 

Dans l’espace de quelques années, M. Martel à ex- 
ploré jusqu’au fond 230 cavernes de tout genre et de 
toute profondeur, grottes, avens, puits verlicaüx, rivières 
souterraines, etc. Il est le premier qui ne se soit laissé 
arrêter par rien, ni par les fatigues, ni parle danger, nipar 
la longueur des explorations, ni par l’eau, ni par les cas- 
cades, ni par la profondeur des puits. De chaque explo- 
ration, il a rapporté un plan de la cavilé étudiée, et 
de précieuse observations, dont l’ensemble lui a per- 
mis de découvrir les théories générales de la forma- 
tion des grottes et de l’origine des sources. 

Avant lui, on se figurait que les montagnes recélaient 
de vastes réservoirs, servant à alimenter les sources 
pendant la saison sèche, Il n’en estrien cependant, et 
les recherches de M. Martel ont démontré que l’eau 
des sources est fournie par un réseau de canaux ca- 
pillaires, amenant les eaux de suintement dans les 
galeries plus spacieuses, qui les réunissent et forment 
les sources extérieures. 

Le nouveau livre de M. Martel renferme la descrip- 
lion de ses explorations souterraines; il est suivi des 
théories de cette science spéléologique qu'il a créée de 
toutes pièces. 

De nombreuses gravures illustrent le texte, qui est 
accompagné des plans et coupes de toutes les grottes 
visitées. Le lecteur est d’abord transporté à Vaucluse, 
puis visite les grottes de l'Ardèche, du Gard et de 
l'Hérault; il explore ensuite en détail les Causses, 
la Terre promise des spéléologues, Après avoir ré- 
clamé son tribut à la Provence, M. Martel nous con- 
duit en Autriche, dans le Karst, puis en Grèce, où ses 
exploration dans les Katavothres ont été continuées 
avec succès par M. Sidéridès. 

Cet ouvrage n’est pas une sèche nomenclature, ni 
un guide du voyageur, pas plus qu'un journal d’ex- 
ploration. C’est un véritable traité, dans lequel la 
science est cachée sous des fleurs, Les recherches sou- 
terraines y sont décrites avec leur difficultés et leurs 
dangers si fréquents, Ceux qui veulent entreprendre 
des travaux semblables y trouveront de précieux 
conseils ; quant aux personnes étrangères à ces études, 
elles y rencontreront la description d’un monde nou- 
veau, et des épisodes d'exploration aussi intéressants 
que les péripéties du roman le plus attachant, 

J. VALLOT, 
Directeur de l'Observatoire du Mont-Blanc. 


Pabst (Camille), Ingénieur Agronome. — Electricité 
agricole. —1 vol. in-8° de 380 p. (Price : 5 fr.) — Ber- 
ger-Levraull et Cie, éditeurs, Paris, 5, rue des Beaux- 
Arts,et Nancy, 1895. 


On n’apprend pas, parait-il, aux élèves des Ecoles 


d'Agriculture quelles sont les applications agricoles de 
l'électricité, et l’auteur, en écrivant ce livre, a eu l’in- 
tention de montrer qu'elles ‘mériteraient cependant 
de faire l'objet d'un cours. Il à réuni un nombre con- 
sidérable de documents surl'électricité atmosphérique, 
les applications de l'électricité à l’économie rurale, à 
l’électro-culture et l’électro-horticulture, Le lecteur 
trouvera dans ce dernier chapitre un résumé des tra- 
vaux de M, Berthelot sur la fixation de l'azote par les 
végélaux sous l’influence de l’électricité atmosphé- 
rique, de ceux de l’abbé Nollet et de l'abbé Bertholon, 
au siècle dernier, sur l’utilisation de l'électricité at- 
mosphérique et ceux tout récents de M. Grandeau et 
d’autres auteurs, des recherches entreprises pour déter- 
miner l’action de la lumière électrique sur la végéta- 
ton par Hervé-Mangon, MM. Prillieux, Siemens, Dehé- 
rain, etc., mais il regrettera l'absence totale de figures 
et le trop petit nombre d'indications bibliographiques. 

Le livre de M. Pabst n’a pas la prétention d'être un 
exposé de ses recherches personnelles, mais plutôt un 
recueil de faits, de résultats, d'observations empruntés 
à un grand nombre d'auteurs, et quelques-uns de ces 
faits, 1l faut avouer, n’ont pas un caractère très pra- 
tique. L'auteur prouve qu'il y aurait beaucoup à 
apprendre aux futurs agronomes et surtout qu'il ÿ à 
encore beaucoup à trouver dans la voie des applica- 
tions de l'électricité à l’agriculture. j 


C. SAUVAGEAU. 


Joergensen (Alfred), Directeur du Laboratoire pour 
la Physiologie des Fermentations à Copenhague. — Les 
microorganismes de la fermentation. Traduit par 
M. Paul Freund, — 1 vol in-8° de 320 p. avec 56 fig. 
(Priæ : 5 fr.) Société d'Edilions scientifiques, 4, rue 
Antoin2-Dubois, Paris, 1895. 

Le livre de M. Joergensen a acquis en Allemagne et 
en Angleterre une grande et légitime notoriété, et la 
traduction faile par M. Freund vient permeltre à cet 
intéressant ouvrage de prendre en France une place 
importante, On peut le considérer, en effet, comme un 
vrai traité de bactériologie appliquée aux industries de 
la fermentation et qui sera d'un grand secoursrau bras- 
seur et au distillateur. 

Après avoir décrit les procédés de stérilisation, les 
méthodes et les milieux de culture, M. Joergensen 
consacre un chapitre aux analyses bactériologiques de 
l'air et de l’eau; pour cette dernière, il donne la pré- 
férence à la méthode essentiellement pratique de 
Hansen, qui permet de déterminer directement quels 
sont les ferments de l’eau qui peuvent se développer 
dans les moûts de brasserie ou de distillerie. 

Les chapitres suivants comprennent la description, 
accompagnée de dessins soignés, d'un certain nombre 
de bactéries, des moisissures les plus communes, et 
une étude très détaillée des ferments alcooliques, 

Le volume se termine par l'exposé des résultats pra- 
tiques obtenus par les recherches scientifiques, exposé 
qui comprend les appareils de propagation des levures 
pures. 

Ajoutons que l'ouvrage de M, Joergensen comprend 
uue bibliographie complète et consciencieuse, el que 
la partie historique et critique ne le cède en rien à la 
partie descriptive. Enfin, si l’auteur donne, comme il 
convient, une large place aux recherches si suggestives 
de Hansen, il rend pleine justice au génie de Pasteur, 
le grand initiateur de la science des fermentations. 

C'est donc là un livre très intéressant, et il faut 
savoir gré à M. Freund de l'avoir mis à la portée du 
lecteur francais. 

$ PAPE: 
Directeur de l'Ecole de Brasserie 
à Nancy. 


PPT CRT NT ET 


ht ten ea lite: Li 


; 
; 


4° Sciences médicales. 


Hartmann (D° H.), Professeur agrégé de lu Faculté 
- de Médecine de Paris, Chirurgien des Hôpitaux, et 
_ Quénu(E.). — Chirurgie du Rectum. — Un vol. 

- grand in-8° de 452 pages avec de nombreuses figures et 
» planches en couleurs dans le texte. (Prit : 16 fr.) 
- (r. Steinheil, éditeurs. Paris, 1895. 


… MM. Hartmann et Quénu ont résumé dans cet-ouvrage, 
dont parait aujourd'hui la première partie, l’ensemble 
des recherches qu'ils poursuivent depuis plusieurs an- 
nées sur le rectum normal et pathologique. S'ils ont 
mis largement à contribution les travaux de leurs 
devanciers, ils ont eu la rare originalité d’y apporter 
tout une note, un document ou une idée personnels. 
clinique leur a fourni un riche dossier d’observa- 
tions inédites; leur pratique chirurgicale étendue leur 
permis de faire une crilique raisonnée des procédés 
Dr et de perfectionner leur technique ; le labo- 
aloire leur à donné une foule d’apercus nouveaux en 
iatomie et en bactériologie. C’est avec ces éléments 
ils ont produit une des plus substantielles monogra- 
phies qu’il nous ait été donné de lire depuis long- 
temps. 
L'ouvrage débute par un exposé anatomique très 
complet de la région. MM. Hartmann et Quénu, au 
rebours des classiques, ont étudié les rapports du 
rectum d’arrière en avant, estimant nécessaire pour le 
- chirurgien, de bien connaitre la voie par laquelle il 
l’aborde aujourd’hui plus volontiers. Suit un court cha- 
- pitre clinique relatif aux moyens d'exploration et de 
… diagnostic, et les auteurs entrent dans leur sujet 
- Les processus infectieux font l’objet des matières 
contenues dans ce premier volume. A ce titre sont étu- 
. diées les lésions dites inflammatoires, la blennor- 
. rhagie, la tuberculose, la syphilis. (Nous eussions aimé 
woir figurer ici le cancer, réservé pour le second vo- 
“lume.) À côté, sont groupés les ulcérationis, les fistules 
et les rétrécissements, qui ne sont que les consé- 
quences des altérations précédentes. Enfin, dans le 
même cadre, prennent encore place les hémorrhoïdes, 
dont l’origine infectieuse paraît établie. 

Nous passerons rapidement sur les rectites non spé- 

iliques. La rectite chronique présente ceci de particu- 
lier qu’elle amène une transformation de l’épithélium 
Qui, de cylindrique, devient pavimenteux, stratifié. 
Quant à la variété proliférante, elle ne guérit que par 
Pablation des végétations. 
. La blennorrhagie ano-rectale, rare, peut aboutir dans 
certains cas à des ulcérations à peu près indolentes, 
mais rebelles. Les auteurs en possèdent une belle ob- 
servalion. Quant à la syphilis, elle peut se présenter 
sous la forme de chancres ano-rectaux, d'accidents 
secondaires ou tertiaires. Les ulcérations tertiaires sont, 
comme les syphilomes, particulièrement rebelles au 
traitement médical. L’anus iliaque ou l’extirpation per- 
mettent, seuls, d'obtenir la guérison. 

. Un long chapitre est consacré à la tuberculose du 
rectum et de l'anus. Les ulcérations tuberculeuses, les 
bcès péri-anaux et péri-rectaux, les fistules, sont suc- 
cessivement étudiés avec soin, Nous renvoyons pour 
oute cette partie de l'ouvrage à l’analyse que nous 
avons publiée ici même (Rev. gén. des Se., 1894, n° 20, 
age 767), de l'important travail de M. Hartmann sur 
e sujet. 

Les rétrécissements du rectum sont divisés en rétré- 
cissements périrectaux, cicatriciels ou inflammatoires. 
es premiers peuvent succéder à une inflammation 
péri-utérine. Les seconds relèvent surtout du trauma- 
Misme. Quant aux derniers, les auteurs se sont attachés 
à préciser les lésions anatomiques et histologiques qui 
les distinguent. Ils signalent, en particulier, l'extrême 

areté de l’ulcération de la- muqueuse, au delà ou au 
niveau du rétrécissement. De plus, un examen appro- 
fondi d’un grand nombre de rétrécissements paraissant 
liés à la syphilis ou à la tuberculose montre que, sou- 
ent, loin d’être sous la dépendance d’une lésion lo- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 567 : 


cale, ils sont le résultat d’une rectite sténosante dans 
l'étiologie de laquelle la syphilis et la tuberculose ne 
sont intervenues qu’en permettant aux processus infec- 
tieux de pénétrer la muqueuse. Il en est de même du 
rétrécissement dysentérique dont on à de beaucoup 
exagéré l'importance. 

Le traitement de choix des rétrécissements inflam- 
matoires est l’extirpation par la voie sacrée, lorqu’elle 
est possible, Mais cette méthode même n’est pas tou- 
jours suivie de succès. La récidive survient fréquem- 
ment à des intervalles plus ou moins éloignés. 

L’anatomie et la physiologie pathologiques des hé- 
morrhoïdes ont été également l’objet d'investigations 
attentives. L’altération fondamentale des veines, des 
veinules et des capillaires, débute par l’endothélium 
pour s'étendre à toute l’épaisseur de la paroi. C’est une 
véritable phlébite variqueuse dont l’aboutissant est 
latrophie des parois vasculaires et la dilatation consé- 
cutive. Quant au phénomène de la fluxion, il est dù 
également à un processus infectieux : un malade opéré 
à cette période était porteur, au fond de ses bourrelets 
hémorrhoïdaires, de caillots dans lesquels l'examen 
bactériologique décela la présence du Staphylococcus 
albus et du-Bacterium Coli. Pour le traitement, les au- 
teurs accordent leurs préférences au procédé de Whi- 
tehead, tel qu'il a été modifié par M. Quénu. 

Le livre se termine par l'examen de diverses formes 
d’ulcérations de l’anus et du rectum parmi lesquelles 
la fissure tient la première place. MM. Hartmann et 
Quénu ont traité par l’excision un certain nombre de 
fissures : ils ont constaté que les filets nerveux sous- 
jacents à l’uleération étaient altérés, mais n’en ont 
jamais trouvé à nu. à la surface de la fissure elle-même. 
La guérison est obtenue par la dilatation qui met fin à 
la contracture du sphincter. 

Tels sont les points les plus saillants de cetle pre- 
mière partie de l'ouvrage. On s’apercoit, par cette 
simple énumération, de l'intérêt exceptionnel qu’elle 
présente et dont la lecture seule permet de se rendre 
compte. La deuxième partie, qui doit paraitre avant 
longtemps, comprendra les néoplasmes, les vices de 
conformation, les traumatismes, les corps étrangers, 
et, pour terminer, cette résultante possible d’altéra- 
tions très diverses : le prolapsus du rectum. Sou- 
haitons au second volume le succès et la perfection du 
premier, 

D' Gabriel MAURANGE, 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en cou- 
leurs. 528° et 529° livraisons. (Prix de chaque livrai- 
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, 
Paris, 1895. 


Les 5282 et 529° livraisons renferment des articles 
sur les lexucomaïnes, par le D° P. Langlois ; sur la lévu- 
lose, ses différentes modifications, leurs propriétés et 
leur synthèse due à M. E. Fischer, par M C. Matignon; 
sur la levure, par M. L. Knab; sur les roches appelées 
leucitites et lherzolithes, par M. Ch. Vélain; sur le 
levier, par M. L. Knab; une monographie du Lias, due 
à M. E. Haug, avec la description de ses caractères 
généraux, de ses divisions, des faciès qu'il présente 
dans les différentes régions où il se trouve et des prin- 
cipaux fossiles qu'il renferme ; une étude botanique 
sur les lianes, par le D'L. Harn; des articles sur la 
lettre de change et les dispositions législatives qui en 
régissent emploi, par M. L. Didierjean; sur la liberlé 
de conscience et de culte, par M. E.-H. Vollet; sur le 
libre-échange, par M. A.-M. Berthelot; enfin les bio- 
graphies du grand astronome et mathématicien fran- 
çais Le Verrier et de F. de Lesseps, par M. L. Lagnet, et 
celle du célèbre auteur allemand G.-E. von Lessing, par 
M. A. Bossert. 


568 


CRT IE 24 Le 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 20 Mai 1895 


M. le Président annonce à l’Académie la perte qu’elle 
vient de faire dans la personne de M Ludwig corres- 
pondant de la Section de Médecine. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. le Secrétaire perpé- 
tuel signale un ouvrage de M. A.-G. Greenhill, ayant 
pour titre : Les fonctions elliptiques et leurs applica- 
tions, traduit de l’anglais par M. Griess. — M. H. Faye 
expose les principaux résultats des mesures de la gra- 
vité de la pesanteur, effectuées par M. G.-R. Putnam 
en vingt-six stations de l'Amérique du Nord. Les ano- 
malies obtenues disparaissent en grande partie quand 
on effectue les corrections fondées sur la théorie de 
M. Faye, mais M. Putnam prétend dégager cette cor- 
rection de toutes les hypothèses sur la constitution 
physique du globe sur lesquelles elle s'appuie. M. Faye 
insiste, au contraire, sur l'utilité de ces hypothèses au 
point de vue de la Géologie et de la Géodésie. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ch. Meerens adresse un 
travail sur les vrais rapports numériques des sons mu- 
sicaux, — M. Moëssard discute les conditions aux- 
quelles doivent satisfaire les images stéréoscopiques 
d'un même sujet pour donner au spectateur l'illusion 
d'un objet unique en relief dans l’espace, et les ap- 
plique au cas des projections stéréoscopiques. — 
M. H. Deslandres à fait l’élude comparative des 
spectres du gaz de la clévéite et de l'atmosphère so- 
jaire ; il a reconnu que la clévéite émet, outre la raie 
D,, plusieurs autres raies fortes de la chromosphère, 
et, en particulier, la raie 447,18, qui est permanerte, 
si bien que le nombre des raies permanentes du soleil, 
non reconnues sur la terre, se réduit à deux. D’autres 
raies fortes de la clévéite n’ont, dans l’atmosphère 
solaire, ni la même intensité relative, ni la même fré- 
quence que la raie D,; aussi on est conduit à penser 
que le gaz est un mélange ou un composé. — M. Raoul 
Varet donne le tableau des chaleurs dégagées dans 
les métamorphoses réciproques des sels de mercure 
dans leurs états isomériques. — M. V. Thomas à 
étudié Paction du peroxyde d’azote sur les sels halo- 
gènes d’antimoine; il a pu obtenir les composés 
Sb'ONAZ?CI" et SbiO!5Azi, dont les formules typiques 
seraient : 


= 12 


(SbO) | 
Az O2) [0° 


(SbO)' 


(03 


2 (SbO CI?) } 
| 


— MM. Berthelot et Rivals ont effectué de nouvelles 
recherches sur les relations thermochimiques entre 
les aldéhydes, les alcools et les acides; ils ont opéré 
sur les séries salicylique, camphénique et pyromu- 
cique. Le changement d'un aldéhyde proprement dit 
en alcool, parfixation de H?, dégage en moyenne 15 cal. 
environ dans la série grasse, et cela, aussi bien 
pour les alcools polyatomiques que pour les mono- 
atomiques; dans la série aromatique, le nombre s'élève 
jusqu’à 30 cal. Le changement d’un aldéhyde en acide 
par fixation de O dégage de 60 à 68 cal, — M. Rivals 
a déterminé les chaleurs de formation du chlorure de 
benzoyle et du chlorure de toluyle. — MM. A. Chatin 
el Müntz ont reconnu l'existence du phosphore en 
proportion notable dans la chair des huîtres, et parti- 
culièrement dans celle de l'huitre portugaise qui de- 
vient ainsi un aliment ferrophosphoré, au plus haut 
point reconstituant. — M. Lecoq de Boisbaudran ex- 
pose une nouvelle classification desélémentschimiques, 
constiluée par Jui depuis longtemps, et qui permet de 


prévoir l'existence de deux nouveaux corps, l'hélium 
et largon, avec des poids atomiques voisins de ceux 
qui sont connus, — MM. Friedel et Moissan con- 
firment les résultats prévus par M. Lecoq de Boisbau- 
dran, lequel avait attribué les nombres 20 et 3,9 comme 
poids atomiques des éléments nouveaux. — M. Nor- 
mann Lockyer donne les résultats de létude, par 
l'analyse spectrale, des gaz dégagés parcertains miné- 
raux. — MM. Haller et Minguin ont étendu l'étude 
de l’action déshydrogénante des alcoolates de sodium 
à certains corps à fonction cétonique, et, en particulier, 
à Ja désoxybenzoïine, la benzophénone, l’anthraqui- 
none, etc. — MM. A. Grandval et H. Lajoux ont 
étudié, au point de vue chimique, les différentes es- 
pèces de senecon et découvert dans le Senecio vulgaris 
deux alcaloïdes nouveaux, la sénécionine et la séné- 
cine,squi sont doués de propriétés chimiques très dif- 
férentes. La senécionine a pour formule C'SH264706, — 
M. Ch. Rabaut a fait agir le permanganate de po- 
tasse et l’acide azotique étendu sur la benzène sulfoor- 
thotoluidine ; ce corps présente une grande résistance 
à l'oxydation, ainsi qu'une stabilité remarquable en 
présence des acides étendus ef à chaud, malgré son 
caractère d’amide, — M. Thezard donne l'analyse d’un 
os de momie trouvé dans une tombe avoisinant la 
pyramide à degrés de Sakkarah, — MM. Griffiths et 
Massey décrivent uné nouvelle leucomaïne, extraite 
des urines dans l’Angina pectoris, dont la formule est 
C'OH9AZO!, — M. G. Liévin signale la propriété qu'of- 
frirait le pétrole brut de prévenir les incrustations 
dans les chaudières à vapeur, — M. Barbey adresse 
une note relative à l'histoire chimique de la cuscute et 
de ses principes immédiats. — M. Ch.-V. Zenger si- 
gnale la concordance des catastrophes de Titel en Banat 
et de Mendoza (République Argentine) avecune période 
d'activité des taches solaires. C. MATIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Léon Germe présente 
une série d'études sur l’activité de la diastole des 
ventricules, sur son mécanisme et ses applications 
physiologiques et pathologiques, démontrées par des 
expériences sur le cœur cadavérique et par des abser- 


-vations faites sur l’homme au moyen de la plessimétrie. 


M. Guébhard fournit de nouvelles données critiques 
sur les partitions anomales des fougères et maintient 
l'influence de la piqûre d’un parasite pour produire 
les divisions anomales, — M. Bleicher indique quel- 
ques perfectionnements apportés à la préparation et à 
l'étude de plaques minces de roches sédimentaires cal- 
caires. 
J. MARTIN. 
Séance du 27 Mai 1895. 

M. Frankland est élu Associé étranger en rempla- 
cement de M. Van Beneden. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. de Jonquières s'esl 
demandé si, dans la formule a —en — En où à, b, c 
sont des quantités non transcendantes plus grandes 
que zéro, # un nombre entier positif et «a = pq, il es 
possible d'exprimer e et b par des fonctions alsébriques 
de p et q, telles que l'identité littérale s’établisse fina- 
lement entre les deux membres, Pour n>2 ces fonc- 


tions binômes ou polynômes n'existent pas; les formes. 


monôûmes font seule exception, mais à la condition que 
les indéterminées soient réduites à deux dans la for- 
mule, la troisième étant nécessairement alors l'unité, 
Cette forme devient elle-même incompatible si les trois 
indéterminées 4, b, e doivent être des nombres entiers, 
comme l'exige l'énoncé de Fermat, — M, Belliard 
soumet au jugement de l'Académie un mémoire sur 


4 


| 


. 
> l'encastrement des arcs paraboliques et circulaires et 
. de son influence sur la résistance de ces arcs. 
._ 2° ScrENCES PHYSIQUES. — M. H. Deslandres a appli- 
. quéle spectroscope à l'étude de la rotation de Saturne 
È et de ses änneaux. Les résultats obtenus sont d'accord 
avec la théorie; ils fournissent une seconde vérification 
de la loi du déplacement double subi par la lumière 
des planètes. — M. de Montessus a éludié la relation 
entre le relief et la sismicité ; il conclut la double loi 
suivante : Dans un groupe de régions sismiques adja- 
- centes, les plus instables sont celles qui présentent 
. les plus fortes différences de relief, c’est-à-dire les 
plus fortes pentes générales. Les régions instables 
accompagnent les grandes lignes de corrugation de 
l'écorce terrestre, émergées ou immergées. Ces lois 
- sont complétées par les remarques suivantes: 1° Les 
— pays de montagnes sont généralement plus instables 
“que les pays de plaines; 2 le flanc court et raide 
… d'une chaîne est le plus instable ; 3° le flanc court et 
“instable l’est surtout en ses parties les plus raides ; 
-, les côtes des mers rapidement profondes, surtout 
- sielles bordent une chaine importante, sont instables, 
tandis que sont stables celles des mers à pente douce, 
surtout si elles continuent un pays plat ou peu acci- 
deuté. — M. Ch. V. Zenger transmet de nouveaux 
documents sur les perturbations atmosphériques et 
séismiques du mois de mai dernier et sur leurs rela- 
tions avec des phénomènes solaires. — M. Goguet 
adresse une note sur un appareil de photométrie. — 
M. E. Maumené adresse un mémoire sur les sulfures 
d'arsenic. — M. P. Schutzenberger a cherché à 
isoler les nombreux métaux du groupe de la cérite 
eu suivant une méthode qui est une extension du 
procédé Debray. L’oxyde de lanthane peut être partagé 
au moins en deux terres, dont l’une aurait comme 
poids atomique du métal correspondant un nombre 
. voisin de 138, et l’autre un nombre voisin de 135. 
Le poids atomique du didyme est compris entre 
143 et 143,5, — M. Aimé Girard S’est demandé 
si, du fait de l'accumulation du cuivre dans le sol 
par suite de l'emploi des bouillies cuivriques des- 
tinées à combattre les maladies parasitaires de la 
“vigne, de la pomme de terre, etc., on ne devait pas 
#raindre de voir d’une part les récoltes diminuées, 
lune autre les produits récoltés pénétrés par le cuivre 
dans une proportion nuisible à la santé de l’homme et 
-des animaux. Les expériences de l’auteur et celles 
d'expérimentateurs antérieurs établissent nettement 
que le cuivre ne peut avoir aucune mauvaise influence. 
— MM. Paul Sabatier et J. B. Senderens ontétudié 
la réduction de l’oxyde azotique par le fer ou le zinc 
humides et reconnu, à côté de la formation de l’oxyde 
_azoteux, une production importante d’azote provenant 
d’une réduction plus avancée de l’oxyde azotique, — 
- M. Vigouroux a repris l'étude de l’action de l’alumi- 
nium sur la silice pulvérisée ou fondue et obtenu un 
silicium cristallisé en lamelles. parfois très minces, 
douées d'un bel éclat métallique et possédant les 
«propriétés chimiques du silicium amorphe. Il y a 
donc deux variétés de silicium, l’une amorphe el 
VPautre cristallisée. — M. A. Lodin signale quel- 
ques propriétés des réactions du sulfure de plomb : 
1° le sulfure entre en fusion seulement à 935, mais sa 
tension de vapeur est considérable à des températures 
bien inférieures ; 2 Cette dernière propriété suffit à 
“expliquer les phénomènes de volatilisation attribués 
par M. Haunay au composé hypothétique PbS?0? ainsi 
que le développement actif des réactions de PS sur 
PDO et PbSO' à des températures inférieures à 935»: 
° A ces lempératures, les formules admises depuis 
longtemps pour expliquer les réactions de la métal- 
lursie du plomb au réverbère se vérifient exactement. 
— M. A. Béhal, à propos d’un travail récent de M. K. 
Tiemann sur les dérivés campholéniques, compare les 
résullals qu'il a obtenus antérieurement avec ceux de 
ce savant ; il insiste sur les points communs et les dif- 
-férences qui portent surtout sur le point de vue 


0 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


269 


théorique et sur les formules de constitulion propo- 
sées, — M. Ferdinand Roques a repris l'étude de la 
cinchonine et a pu l'obtenir cristallisée ainsi qu'un 
certain nombre de ses combinaisons : le chlorozincate, 
le chlorocadmiate, le chlorométhylate, l’iodo, le 
bromo-éthylate de cinchonine. — M. L. Simon a étudié 
les transformations diverses du phénylglyoxylate d’a- 
niline comparativement à celles du pyruvate d’aniline. 
1° Sous l’action de l'alcool méthylique, à froid, le 
phénylglyoxylate d’aniline se transforme intégrale- 
ment en acide anilphénylglyoxylique. 2° L’acide anil- 
phénylglyoxylique est transformé intégralement par 
l’eau bouillante en phénylglyoxylate d’aniline. Ces 
faits ne se reproduisent pas avec les sels d'ammo- 
niaque et les toluidines. — M. Adolphe Renard a 
étudié le mode de préparation et les propriétés du 
corps explosif, l'ozobenzène, formé par l'action de 
l'ozone sur le benzène, Le corps ne se forme qu'avec 
la benzine pure ; il détone au contact de l'acide sulfu- 
rique concentré, de l’AzH, de la potasse concentrée: 
sa composition correspond à la formule C6H6O6, ce qui 
fait de l’ozobenzène un produit d'addition du benzène 
dans lequel les 6 atomicités supplémentaires du noyau 
benzénique sont saturées par 6 alomes d'oxygène 
reliés les uns aux autres, deux à deux par une ato- 
micité. — M. Gaston Rouvier à reconnu que, tandis 
que les amidons de blé et de riz, fournis par la même 
famille végétale, se comportent en présence de l’iode 
de la même manière, l’amidon de pomme de terre, 
fourni par une famille très éloignée se comporte d’une 
manière différente. — M. Oechsner de Coninck a 
étudié l'élimination de la magnésie chez les rachiti- 
ques et reconnu que cette élimination était beaucoup 
plus faible qu’à l’état normal. C. MariGNoN. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Gréhant montre que 
l’on peut injecter jusqu'à 49#72 d'alcool absolu dans le 
sang veineux d’unchien, pourvu que l'injection soit 
faite lentement. De plus, la proportion de ce corps dans 
le sang cinq minutes après l'injection et pendant plus 
de S heures devient absolument constante. — M. Vail- 
lard montre le parti que l’on peut lirer de l'emploi du 
sérum des animaux immunisés contre le tétanos, et 
recommande l’usage de cette méthode prophylactique 
après toutes les opérations qui tendent à ouvrir les 
portes au tétanos, castration, amputation de la queue, 
opérations sur le pied chez les’animaux domestiques. 

J, MARTIN. 


= ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 4 Juin 1895. 


M. E. Nicaiïse fait une communication sur un pro- 
cédé d’anesthésie de la vaginale, au moyen de la 
cocaine, dans le traitement de l’hydrocèle par l’injec- 
tion irritante, — Au sujet de la précédente communi- 
calion de M. Vallin sur les intoxications alimentaires, 
M. Nocard fait remarquer qu'il n’y a pas lieu d’allonger 
encore la liste des maladies qui, au terme de la loi 
de 1881, doivent empêcher la viande d'être comestible, 
Il émet le vœu suivant, qui est adopté à l’unanimité 
par l’Académie : « Toute viande destinée: à l’alimenta- 
tion publique ne peut être mise en vente et colportée 
que pourvue d’une estampille prouvant qu'elle a été 
reconnue saine par un inspecteur compétent ; l'inspec- 
tion doit être faite partout, dans les villages comme 
dans les villes; on peut l’organiser aisément et à peu 
de frais, sur des bases analogues à celles qui sont 
adoptées en Belgique ». — M. le D' E. Kirmisson lit 
une observation de double pied plat valsus douloureux 
avec opération d Ogston sur le pied gauche; lé résultat 
orthopédique et fonctionnel est très salisfaisant, — 
M. le D" A. Darier donne lecture d’un mémoire sur la 
possibilité de voir son propre cristallin et l'utilité de 
la phakoscopie pour le diagnostic des fines opacités 
cristallines et pour l’étude du développement de la 
cataracte.-— M, Noë lit un travail sur la palhogénie 
du phosphorisme, 


570 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Séance du 11 Juin 1895. 


M. Dieulafoy fait une communication sur l’angine 
diphtérique à forme herpétique et formule les conclu- 
sions suivantes : 1° L’angine diphtérique, essentielle- 
ment polymorphe, peut revêtir les allures trompeuses 
de l’angine herpétique; 2° il est impossible, clinique- 
ment, d'affirmer qu'une angine dite herpétique est ou 
n’est pas de nature diphtérique; 3° l'examen bactério- 
logique seul peut nous permettre d'affirmer la nature 
de l’angine. Cet examen bactériologique doit toujours 
ètre fait: il est notre guide le plus précieux; c’est 
d’après l'examen bactériologique qu’on peut aflirmer 
le diagnostic, porter le pronostic et instituer le traite- 
ment. — M. A. Robin fait une communication sur le 
traitement du diabète par la médication alternante. Le 
traitement est divisé en trois étapes: Le médicament 
essentiel de la première étape est l’antipyrine, qui 
diminue la désassimilation générale; une contre-indi- 
cation est la présence d’albuminurie ; comme adjuvant, 
l'huile de foie de morue. Les médicaments de la 
seconde étape sont: le sulfate de quinine, les arseni- 
caux, la codéine, les alcalins; comme adjuvants, 
l'huile de foie de morue et l’eau minérale bicarbonatée. 
Enfin, les agents de la troisième étape sont les opiacés, 
la valériane, le bromure de potassium, La première 
élape dure 5 ou 6 jours, la seconde 15, la troisième 
autant, S'il y a encore du sucre après celle-ci, on re- 
commence la série. M. A. Robin a déjà obtenu des 
résultats très satisfaisants par cetraitement.— M.Gaube 
lit un mémoire sur la théorie minérale de l’évolution 
et de la nutrition animale. — MM. Despagnet et Va- 
lois communiquent un travail sur la stérilisation et la 
désinfection par la vapeur d’eau surchauffée. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 1e7 Juin 1895. 


M. Richet a recherché le pouvoir toxique des injec- 
lions intra-veineuses faites avec le suc des tumeurs 
épithéliales. Les tumeurs non ulcérées n’ont qu'un 
effet bénin; les tumeurs ulcérées sont extrèmement 
toxiques. — MM. Gilbert et Fournier communiquent 
7 cas de cirrhose hypertrophique du foie avec ictère 
chez les enfants. — M. Pachon a pratiqué l’extirpation 
totale de l'estomac chez un chat; l'animal digérait très 
bien, mais refusait de manger. Le siège de la sensation 
d'appétit parait donc bien résider dans l’estomoc. — 
M. Ceschner de Coninck adresse une note sur l’élimi: 
nation de la magnésie par l'urine. Elle est considérable 
chez les enfants rachitiques. — M. Soulié envoie une 
observation d’uretère double chez un fœtus humain. 


Séance du 8 Juin 1895. 


MM. Arloing et Laulanié ont étudié l'influence de 
l'injection des toxines diphtériques sur la température 
du corps, les combustions respiratoires et la thermo- 
“enèse. Ils formulent les conclusions suivantes : L’in- 
toxication diphtérique détermine successivement de la 
fièvre et des troubles hypothermiques; l’hyperthermie 
n’est point la mesure ni l'expression des combustions 
respiratoires et de la thermogenèse; elle coincide 
pendant un certain temps avec une diminution des 
combustions respiratoires. L’hypothermie est secon- 
daire et résulte de la dépression vitale imprimée à 
l'organisme ; elle coïncide toujours avec l’abaissement 
de l'intensité des combustions respiratoires. — M.d’Ar- 
sonval fait remarquer qu'il a déjà montré que le ther- 
momètlre ne saurait rendre compte à lui seul des varia- 
tions de la thermogenèse.— M. Boix a constaté l’action 
hypothermisante des toxines du bacterium coli. On 
pourrait conclure de ce fait que les ictères graves 
avec hypothermie sont des colibacilloses à détermina- 
lion hépatique, — M. Yersin envoie une note sur la 
fièvre bilieuse hématurique,— MM, Déjerine et Sottas 
décrivent un nouveau cas de dégénérescence rétrograde 
dans les cordons antérieurs et latéraux de la moelle, 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 3 Mai 1895. 


A l'occasion du procès-verbal, M. Foussereau rec- 
tifie un point particulier de sa dernière communica- 
tion, Les résultats du calcul relatifs à la première 
focale d'une lentille infiniment mince doivent être mo- 
difiés. Le rayon de courbure au point situé sur l'axe à 

1 
Er et non pas L D'ailleurs tous les au- 
tres résultats et la portée de ses considérations subsis- 
tent sans aucun changement. — M. Ponsot éludie 
divers cas d’équilibres osmotiques, dans le but de com- 
parer une formule, qu’il a donnée antérieurement pour 
exprimer la pression osmotique, avec une formule plus 
récente, proposée par M. Leduc dans sa communica- 
tion relative à une nouvelle méthode pour déterminer 
le point de congélation d'une dissolution, Ces formules 
ont pour but d'établir des relations entre l’abaissement 
du point de congélation, la diminution relative de Ja 
tension de vapeur et la concentration. La formule 
employée par M. Ponsot est générale ; elle s'applique à 
tous les dissolvants et à toutes les températures. Elle 
dérive de la formule de MM. Gouy et Chaperon, que 
ces physiciens ont établie en supposant seulement que, 
lorsqu'un tube est fermé à sa partie inférieure par une 
paroi semi-perméable, s’il y a équilibre osmotique à la 
partie inférieure, il y a aussi équilibre de distillation 
au sommet, c’est-à-dire que la lension de vapeur émise 
par la dissolution est la même que celle qui règne à la 
même hauteur dans la vapeur émise par l’eau pure. Il 
résulte de cette hypothèse que la hauteur osmotique 
(distance du niveau de la solution à l’eau pure), est 
indépendante de la forme du vase et de la profondeur à 
laquelle il est immergé. Elle ne dépend que de la con- 
centration ou de la tension de vapeur de la dissolution 
au sommet de l'osmomètre, Quant à la pression osmo- 
tique, elle varie avec la profondeur à laquelle esl 
immergée la paroi semi-perméable. La formule de 
Van t'Hoff: 7 V —=iR Tne saurait être considérée comme 
applicable dans tous les cas. On démontre, en effet, 


pour valeur 


que, pour quelques solutions, la pression osmolique est 
proportionnelle à la température absolue; mais c'est 
dans le cas où la pression exercée sur l'eau n’est ques 


celle de la vapeur saturante et non une pression quel- 
conque. Aussi M. Ponsot n'a-t-il appliqué la formule de 
Van t’Hoff que dans ce cas particulier. L’auteur montre 
ensuite quelles sont les nouvelles hypothèses qui doi- 
vent être faites pour passer de l’équilibre osmotique 
de MM. Gouy et Chaperon à celui de M. Leduc. Il montre 
que, pour ce dernier, on ne se trouve plus dans les 
conditions où la formule de Van L’Hoff est légitimement 
applicable. II faut remarquer toutefois que M. Leduc ne 
l'applique qu’à la limite où la pression osmotique est 
infiniment petite. M. Ponsotest couduit à la considéra- 
tion d’un équilibre particulier auquel il avait été déjà 
amené l’an dernier lorsqu'il cherchait une expression 
de la hauteur osmotique d’une solution à son point de 
congélation!, Mais cet équilibre ne peut en donner 
qu’une valeur limite. Cependant la discussion des causes 
de l’équilibre mit l'auteur sur la voie du cyele iso- 


therme qui lui permit de trouver la formule générule, 


applicable à tous les corps. Mais tandis que, pour l’eau, 
ce cycle isotherme est représenté par un équilibre où le 
corps lui-même se comprime, il ne peut en être de 
même pour les autres corps parce qu'on ne peut sup: 
poser le corps solide comprimant le liquide et étant en 
équilibre de fusion avec lui. M. Ponsot étend ces con- 
sidérations aux solutions. A ce propos, il précise la déli- 
nition du point théorique de congélation de la dissolu- 
tion. C'est, par exemple, la tempéralure à laquelle la 
ulace et la dissolution sont en équilibre de fusion sous 
la tension de vapeur de la dissolution, laquelle est la 
mème que celle de la glace à la même température, 


1 C. R., nov. 1894. 


hinsral shit 


DAS érudit 


POS PO UV PP PERS TE NT D 


- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 5 


1! 
= 


- C’est donc un point triple. Le point de congélation 
expérimental en est très voisin, et l'abaissement théo- 
rique du point de congélation est sensiblement égal à 
J'abaissement expérimental. Puis M. Ponsot considère 
un nouveléquilibre : celui d'une dissolution séparée de 
la vapeur d’eau par une paroi semi-perméable etil 
montre que le tube de l’osmomètre peut être supposé 
fout entier semi-perméable ; alors, à chaque niveau, la 
pression osmotique est représentée par la différence 
entre le poids de la dissolution et la différence de ten- 
sion de la vapeur à ce niveau et au sommet. C’est donc 
“encore là un exemple qui montre que la pression 
- osmotique dépend non seulement de la concentration, 
de la température, mais encore de l’état physique du 
-dissolvant, liquide ou en vapeur, de sa densité aux deux 
- états ou de sa pression. La relation de Van &’Hoff, appli- 
-cable seulement pour certaines dissolutions dans le 
as où la pression exercée sur l'eau est celle de sa 
fapeur, n’est pas applicable à ce cas. Il est donc inexact 
‘de donner à la pression osmotique une cause analogue 
celle de la pressian des gaz. Autrement dit la pres- 
‘sion osmotique n’est pas la pression exercée par le 
corps dissous sur les parois du vase qui renferme la 


“ dissolution. —M. Chauveau poursuit depuis plusieurs 


_ années déjà une série de recherches sur l'électricité 
atmospliérique au sommet de la tour Eiffel. Il expose 
aujourd'hui les procédés d'observation qu'il a em- 
ployés et en quoi ils diffèrent des procédés ordinaire- 
ment en usage au niveau du sol. Il indique en même 
temps le moyen d'éliminer des causes d'erreur nota- 
bles qui subsistent dans les méthodes ordinaires. 
L'inscription du potentiel pris en un point donné par 

- l'appareil ordinaire à écoulement se fait généralement 

- au moyen d'un enregistreur photographique muni 
- d'une horloge. Ce procédé est très bon, mais encom- 

brant et cher, M. Chauveau a d’abord perfectionné 

- l'appareil à écoulement. Le potentiel qu'on mesure 
_ étant celui du point où le jet se sépare en gouttelettes, 

… ilest bon, pour que ce point soit fixe, de produire 

. l'écoulement avec un niveau sensiblement constant. 

C'est ce qui a été réalisé. D’autre part, l'électromètre 

ascart présente, pour l2s observations continues, 

inconvénient que son zéro se déplace; il faut très 
équemment renouveler l’acide sulfurique. Après une 
rie d'essais, M. Chauveau a réussi à rendre le zéro 
fixe en faisant plonger le flotteur suspendu à l’aiguille 
dans un vase contenant de la glycérine, et dans lequel 

- plonge aussi le fil relié au corps dont on veut mesurer 
le potentiel. La glycérine conduit suffisamment pour 
cet usage. Ce vase est placé au milieu du vase ordi- 

- naire à acide sulfurique. De cette facon, au lieu d’être 

obligé de changer l’acide tous les deux ou trois jours, 

on peut le laisser plusieurs mois. Puis, pour un service 
continu, la pile à eau destinée à charger les secteurs, 
se polarise notablement. Comme pile constante à un 

- seul liquide, la pile Gouy étant trop chère, il s'est très 

bien trouvé de la pile Damien à sulfate de mercure. 

els sont les perfectionnements qu'il convient d’ap- 
porter à la méthode relative au sol. Au sommet de la 

tour, le seul endroit dont disposait M. Chauveau était à 

la base d’un des grands arceaux. Cette situation entre 

le paratonnerre du sommet et ceux de la grande plate- 
forme supérieure semblait peu favorable à de pareilles 
recherches, et au début l’auteur n’espérait pas observer 
de grandes variations. Puis il éprouvait des craintes 
sur la possibilité de réaliser un bon isolement. A sa 
grande surprise, l'isolementse produit très facilement, 

La paraffine, pourvu qu’elle reste propre, le verre, le 

même acide sulfurique pendant toute une saison, iso- 

-lent très bien. Les vibrations continuelles de la tour 

‘empêchant emploi d'un enregistreur à horloge, il a 

adopté l’enregistreur ordinaire Richard, à condition de 

» tourner la face sensible du papier vers le dedans afin 

d'éviter les taches produites par les duigts. Les poten- 

tiels obtenus sur la tour dépassent de beaucoup les 

- valeurs relatives au sol. Au niveau du sol, à deux mè- 

tres d'un mur, le potentiel varie en moyenne entre 


| 


150 volts en été et 500 en hiver. En temps orageux, le 
potentiel ne dépasse pas 800 volts. Sur la tour, à f”50 
de Ja carcasse, ce sont des milliers de volts qu’on a à 
mesurer, Mais M. Chauveau a observé, et le fait avait 
déjà été constaté par Hopkinson, puis Ayrton et Perry, 
que l’électromètre a quadrants présente une déviation 
limite, atteinte pour 3.000 volts environ. L'existence de 
cette limite est une conséquence des formules de 
M. Gouy. Comme l'appareil ne peut pas être parfaite- 
ment symétrique, elle est due à l'existence du couple 
directeur électrique, M. Chauvean a tourné la diffi- 
culté en réduisant le potentiel à une fraction déter- 


SECTE à : 
minée, = par exemple, au moyen d'un condensateur 


en cascade. La disposition la meilleure à donner à ce 
condensateur est celle d’une pile de Volta, Ljauteur, 
par des expériences comparatives, a vérifié que les 
courbes obtenues par réduction sont bien identiques 
aux courbes directes. Il a vérifié aussi que l'isolement 
des cascades reste parfait pour des potentiels aussi 
élevés. — M. Cazes présente un nouveau stéréoscope 
à grand champ et à réglage. Cet instrument a été 
étudié dans un but scientifique, celui de pouvoir tracer 
par la stéréoscopie les courbes de niveau, conformé- 
ment à la méthode topographique du colonel Laussedat. 
Les stéréoscopes ordinaires donnent des courbes de 
niveau symétriques. Elles ne sont pas redressées. 
M. Cazes les ramène dans le même sens grâce à une 
réflexion sur un miroir plan. Puis l’appareil permet 
de réaliser la condition indispensable que la distance 
des yeux aux images virtuelles soit égale à la distance 
focale des objectifs. Le relief obtenu avec cet appareil 
est très parfait. Edgard Haupié. 


SOCIÈTÉ CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 10 Mai 1895. 


M. Tanret expose le résultat de ses recherches sur 
les modifications moléculaires du glucose, Il y en a 
trois, bien déterminées par leurs pouvoirs rotatoires 
la modification « pour la quelle ar — -- 1060, la mo- 
dification $ pour laquelle a = + 52,5 et enfin y 
avec än — + 22,5, La modification « est le glucose 
ordinaire, dont le pouvoir rotatoire, pris rapidement, 
est an — + 106. En maintenant à 9$ du glucose 
amorphe, ou en précipitant une solution aqueuse de 
glucose à froid par de l'alcool absolu refroidi à 
0°, on obtient le produit 8 bien cristallisé de pouvoir 
än = + 529,5. À 110° le glucose amorphe cristallise et 
donne un nouveau produit, qui, convenablement pu- 
rifié, est une nouvelle modification y pour laquelle 
an = + 22, Ce dérivé y en solution dans l’eau se 
transforme en dérivé B, exactement comme le fait le 
dérivé «. D'autre part, la solution aqueuse du dérivé 8, 
en cristallisant à froid, redonne le dérivé «. Ces trois 
modifications peuvent donc être transformées les unes 
dans les autres. — M. Maumené fait quelques obser- 
vations relatives à l’application de sa théorie générale. 
— M. Paul Sabatier a adressé à la société une note 
sur les chlorures métalliques hydratés. E. CHarox. 


SOCIETE ROYALE DE LONDRES 
1° SCIENCES PHYSIQUES 

G. Macdonald et A. M. Kellas. — L’Argon se 
trouve-t-il dans les substances animales ou végé- 
tales. — Les deux auteurs ont entrepris les expé- 
riences qui suivent sur les conseils du P* Ramsay. 
Voici la méthode qu'ils utilisaient : Quelques grammes 
de substance étaient broyés en poudre fine, puis des- 
séchés à 110° jusqu’à poids constant. On en evtrayait 
l'azote d’après la méthode de Dumas, en supposant 
que les combinaisons de l’argon étaient décomposées 
et que l’argon s’échappait avec l'azote. Le gaz obtenu 
et recueilli dans un gazomètre sur une solution de po- 
tasse caustique bouillie, passait ensuite et repassail 
plusieurs fois sur du magnésium chauffé au rouge qui 


ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 


absorbait l'azote, Le résidu était transvasé dans un pe- 
tit tube mélangé avec de loxygèneet soumis à l’action de 
l'étincelle électrique pour enlever les dernières traces 
d'azote. On absorbait l'oxygène en excès au moyen du 
pyrogallate de potasse. L'expérience fut faite avec des 
pois, comme type de végétal, et avec des souris, 
comme type d'animal. Dans les deux cas, après l’absor- 
ption de l'oxygène par ie pyrogallate de potasse, il ne 
resta qu'un résidu absolument insignifiant, composé 
surtout des impuretés renfermées dans l'oxygène 
additionné au gaz. On conclut donc que les animaux 
et les végétaux ne renferment pas d’argon appréciable, 
à moins que les combinaisons de l’argon ne soient pas 
décomposées par la méthode de Dumas. 


20 SCIENCES NATURELLES 


Charles Devereux Marshall. FR. CS. — 
Sur les modifications du mouvement et de la sen- 
sation déterminées par l’hémisection de la moelle 
épinière chez le chat. — Le but de ces recherches à 
été de déterminer plus exactement l'origine et la na- 
ture des convulsions épileptiformes et les voies que 
suivent dans la moelle l’influx moteur et l'influx sen- 
sitif. La méthode employée à été la suivante : L'hé- 
misection de la moelle a élé faite dans la région 
dorsale inférieure du côté droit, les animaux ayant 
été anesthésiés avec de l’éther, et de rigoureuses pré- 
cautions antiseptiques observées. Des animaux ont été 
conservés vivants pendant des périodes de temps va- 
riables après l'opération, et l'action produite par cette 
opération sur les mouvements volontaires, la sensibi- 
lilé et les mouvements réflexes, a été soigneusement 
observée. Après la mort, les moelles épinières ont été 
recueillies et examinées après durcissement el colo- 
ration par la méthode de Marchi. La lésion et les 
tractus dégénérés ont été éludiés histologiquement. 
Voici les résultats des seize expériences faites. 

Mouvements. — Après l'hémisection de la moelle, il 
ÿ à une paralysie immédiate du membre inférieur du 
même côté. Cette paralysie persiste pendant un cer- 
tain temps ; il y a alors une restauralion graduelle du 
mouvement qui est parfois si complète qu'on à quel- 
que peine à savoir quel était le membre paralysé. 
Dans d’autres cas la faiblesse persiste d’une façon 
plus ou moins durable dans le membre de telle sorte 
que l'animal boîte ; il semble de plus ne point appré- 
cier exactement la position qu'occupe sa patte. — 
Les réflexes sont en général considérablement exagérés 
dans ce membre et, parfois, pendant une fort longue 
période. Dans un grand nombre de cas ils s'affaiblis- 
sent avec le temps; il arrive quelquefois qu'ils soient 
plus faibles que du côté sain. — Sensibilité, — Elle est 
toujours troublée du côté de la lésion; les sensations 
douloureuses, telles que celles produites par une 
piqûre d’épingle, où par l'application sur la patte d’un 
fil de fer légèrement chauffé sont senties de chaque 
côlé, et cela était fort net chez les singes dont on s’est 
servi pour des expériences de contrôle. Mais il semble 
que ces sensations douloureuses soient plus rapide- 
ment senties du côté sain que du côlé paralysé, el 
que l'animal ne puisse pas les localiser avec autant de 
précision du côté de la lésion que de l’autre. Les sensa 
tions tactiles et les sensations thermiques (seusalions 
de froid) ne sont percues que du côté sain. — Exramen 
histologique. — Dégénérescences descendantes. — Ces dé- 
générescences sont presque entièrement limitées au 
côté de Ja lésion ; elles occupent le faisceau pyrami- 
dal direct et le faisceau pyramidal croisé, On retrouve 
quelques fibres dégénérées éparses dans les fais- 
ceaux antéro-latéraux des deux côtés, dans le cas 
surtout où une petite partie de l’autre moitié de la 
moelle à élé accidentellement lésée. — Degénéres- 
cences ascendantes. — Elles ne sont point entièrement 
limitées au côté de la lésion. Les faisceaux qui con 
tiennent le plus de fibres dégénérées sont le cordon 


de Goll, le faisceau cérébelleux direct et le faisceau 
antéro-latéral. On trouve d'ordinaire des libres dégé- 
nérées dans le cordon de Goll et le faisceau antéro- 
latéral de l’autre côté. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Séance du 2 Mai 1895. 


MM. W.-P. Wynneet Henry-E.-Armstrong F.R.S. 
ontrepris leurs recherches sur les dérivés trisubstitués 
du naphtalène; ils ont pu préparer le dernier terme de 
la série, le trichloronaphtalène 1: 2:14", corps jusqu'ici 
inconnu. Ils l’ont obtenu en partant des deux dichloro- 
naphtols décrits par Erdmann et Schwechten ; la pré- 
paration de ces deux corps a été effectuée au moyen de 
l'acide dichlorophénylisocrotonique. Le dichloro «naph- 
tol 14:2:1", distillé avec du pentachlorure de phosphore 
donne un produit formé par un mélange contenant prin- 
cipalement du trichloronaphtalène et un peu de tétra- 
chloronaphtalène, que l’on sépare par cristallisation 
dans l'alcool méthylique. En partant du dichioro &-naph- 
tol2:3:1", on a obtenu, par le même procédé, le trichlo- 
ronaphtalène 2:3 :1", — Les auteurs étudientles diffé- 
rentes propriétés ainsi que plusieurs dérivés du trichlo- 
ronaphtalène dérivé du chlorure de nitrochloronaphta- 
lène sulfonique décrit par Clève. Ils décrivent le tri- 
chloronaphtalène dérivé du chlorure d’a-nitronaphta- 
lène 2:2 disulfonique, corps obtenu en partant du 
chlorure de l'acide chlorodisulfonique correspondant 
eten le distillant sur du pentachlorure de phosphore. 
Ils publient leurs recherches relatives à Ja constitution 
de l’acide a-naphtylamine 2:72 disulfonique de Freund 
Germann, auquel ils attribuent la formule : 

SOSH SO'H 
N/ 

Az? 

Ils n'ont pu préparer le trichloronaphtalène fusible 
à 79°,5 décrit par Alène; ils pensent que le corps - 
obtenu par cet auteur était impur; ils ont préparé, à 
l'état pur, un trichloronaphtalène fusible à 80°,5 qu'ils 
pensent être identique à celui de Alène, — M. E.-P. 
Perman à étudié les solubilités des gaz en solution 
dans l’eau sous des pressions variées, Les expériences 
faites sur des solutions de chlore, de brome, d'acide 
carbonique et d'hydrogène sulfuré, montrent que ces 
gaz suivent la loi de Henry. Il n'en est pas de même 
des solutions d'ammoniaque, d'acide chlorhydrique et 


- d'acide sulfureux qui s'écartent beaucoup de cette loi. 


Ces anomalies proviennent, suivant l’auteur, de ce que 
ces corps forment avec l’eau de nouvelles combinai- 
sons. Dans une deuxième communicalion, l’auteur éla- 
blit la formation d'hydrates et de composés doubles 
dans les solutions aqueuses des gaz, En dissolvant dans 
50 centilitres d’eau 4,43 d’ammoniaque, 11,23 de sul- 
fate de sodium hydraté (Na?SOi-H 10H20), la pression 
fournie par Ja solution gazeuse ne varie pas ; mais, si 
l'on met dans la même solution du sulfate anhydre, 
la pression augmente considérablement, et celte aug- 
mentation est proportionnelle à la quantité d’eau 
absorbée pour former l'hydrate Na? SOi+10H29.Le chlo- 
rure d'argent, au contraire, mis dans une solution 
d'ammoniaque, abaisse la pression de cette solution et 
forme vraisemblablement le composé Ag CL3AzH%. 
— MM. Stanley Kipping et O.-F. Russell décrivent 
le p-heptyltoluène C6HCOCSHiMe et ses différents 
composés. — M. Robert-E. Barnett, en sublimant 
le pentachlorure de phosphore commercial sur de 
la mousse de platine dans un courant d'oxygène, a 
oblenu une substance insoluble dans l'ean régale. 
L'analyse lui assigne pour formule PIP°07, C’est une 
poudre amorphe, insoluble dans l'eau et les alcalis, 
décomposable par la fusionavec les carnonates alcalins. 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


Le  Directeur-Gérant : Louis OLIVIER 


N° 13 


15 JUILLET 1895 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE 


Après s'être consacrés pendant plus d’un demi- 
siècle à l'étude presque exclusive et au perfection- 
“nement des machines à grande puissance, les in- 


“cénieurs semblent aujourd'hui très préoceupés 
“ 


d'obtenir des moteurs de quelques chevaux à peine 
juisoient pratiques et économiquement utilisables. 
révolution, si elle se réalise, sera plus grande 
Wil ne semble au premier abord. Notre siècle a 
s'élever d'immenses usines où s’engoufirent 
chaque malin des centaines d'ouvriers des deux 
sexes ; l'expérience a très clairement démontré 
qu'une telle agglomération et une telle promiscuité 
ont été funestes à leur santé et à leurs mœurs. Nous 
pourrions ajouter aussi funestes sinon à leur intel- 
-ligence, au moins à leur bon sens, et nous n’en 
“voulons pour preuve qu'un certain nombre des 
grèves qui ont éclaté au cours de ces dernières 
années. Les moteurs à faible puissance rendraient 
la vie aux petits ateliers et même aux ateliers d’ap- 
“partement, où l’ouvrier, vivant au milieu de sa fa- 
mille, se sentirait meilleur époux, meilleur père et 
meilleur citoyen. Sans doute, un bon nombre d’in- 
dustries, par leur nature, se refusent à cette dis- 
persion. Mais nécessité fait loi; peut-être plus 
tard d’autres remèdes viendront-ils? Aujourd’hui, 
-le mal n’est vaincu qu'en partie, soit; mais n’est- 
ce pas déjà un immense progrès ? 

» Il est une autre grande classe de travailleurs 
auxquels les petits moteurs pourraient rendre d’é- 
4 clatants services. Ce sont les agriculteurs, classe 
. peu favorisée jusqu'ici par les progrès de l’indus- 
- trie. C’est qu’en effet, les machines agricoles ne 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


4 


demandent, en général, qu'une très faible force. 
Les moteurs qu'il était possible d'employer, — 
locomobiles ou moteurs fixes — étaient coûteux et 
encombrants comparativement à leur puissance ; 
ils exigeaient, marchant à la vapeur, un chauf- 
feur-conducteur spécial, produisaient de la famée et 
des étincelles, et avaient un rendement détestable. 
Bref, on ne les adoptait que dans les grandes ins- 
tallations où la rapidité du travail est une condi- 
tion de première importance. Partout ailleurs on 
avait recours au travail animal 
propre travail de l’homme. 

En fait, cette situation ne s’est pas encore sen- 
siblement modifiée. Maïs l'instruction et la science 
ayant aujourd'hui pénétré davantage dans les cam- 
pagnes, il s’est trouvé des hommes qui ont fait de 
leur métier de cultivateur une étude complète, qui 
ont choisi et adopté leurs méthodes de travail sur 
des bases certaines, sur la théorie, l'expérience et 


ou même au 


le raisonnement et non plus sur une antique et 
inintelligente routine. C'est à leur influence que 
nous devons l’activité qui règne aujourd’hui dans 
la science agricole et qui se manifeste par des 
“expositions, des concours, des constructions d’é- 
coles, etc. Le concours international qui s’est 
tenu l’an dernier à Meaux s’est montré particu- 
lièrement intéressant. Il réunissait les moteurs 
utilisant le pétrole lampant d’une densité de 800 à 
850, ininflammable à la température ordinaire ; ces 
moteurs, de faible puissance, ont tous été e 


; ssayés 
avec le même pétrole, à vide, à 2 


, à 4 chevaux en- 
viron et à la puissance maximum. On comprend fa- 
13 


D74 


A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE 


cilement l'utilité et la sagesse de ces règles : la pre- 
mière a pour but d'éliminer les moteurs consom- 
mant les pétroles légers, — gazoline, essence de 
pétrole — qui, dans une ferme, offriraient de trop 
grands dangers d'incendie. Les dernières ont per- 
mis de comparer équitablement les divers moteurs 
concurrents et à une puissance quelconque. C'était 
là un point important; une comparaison faite à 
une seule puissance, à la puissance maximum, 
par exemple, n’eût donné que des résultats er- 
ronés, les moteurs 

devant ètre très 

souvent appelés à 

travailler à demi- 

charge ou à quart 

de charge seule- 

ment. 

Les essais ont 
été faits, avec un 
soin parfait et sui- 
vant une méthode 
profondémentétu- 
diée,sous la direc-: 
tion de M. Ringel- 
mann, professeur 


A 


\(THEHORNSBY-AKROYD' PATENT 


communication est fermée avec le cylindre; le 
piston comprime le mélange qu'il vient d’aspirer. 

3° Course : Course d'arrière en avant. — Le 
mélange comprimé est enflammé, il se produit une 
explosion qui pousse le piston en avant. 

4° Course : Course d'avant en arrière. — Une 
soupape s'ouvre qui laisse s'échapper les produits 
de la combustion. 

Les tiroirs plans ont élé supprimés dans les mo- 
teurs à pétrole, comme étant d'un entretien trop 
délicat. La distri- 
bution s'effectue 
au moyen de sou- 
papes maintenues 
par des ressorts et 
mues par des ca- 
mes qui sont com- 
mandées par un 
arbre, dit de dis- 


tribulion , tour - 
nant deux fois 
moins vite que 


l'arbre de couche, 
puisqu'ellesne doi- 
vent fonctionner 


à l'École Natio- 


que tous les deux 


nale d'Agriculture 


tours du volant. 


deGrignon,aurap- 
port de qui nous a- 
vons emprunté les 
détails et figures 
qui vont suivre !. 


Les différents 
moteurs soumis au concours élaient au nombre de 
huit : 
1° Moteur mi-fixe Hornsby-Akroyd, 


20 — Niel, 

3° Locomobile Grob, 

4° —  Merlinet Gi, 

50 — Niel, 

6° Moteur mi-fixe de Winterthur, 
de — Grob, 

8° — Griffin et Cie. 


Tous ces moteurs sont à simple effet et du cycle 
dit à quatre temps, c'est-à-dire que le diagramme 
complet est fourni par une période de quatre 
courses du piston pouvant se décomposer ainsi : 

le Course : Course d’arrière en avant, — Le 
piston, tendant à faire le vide derrière lui, aspire 
un mélange convenable d'air et de vapeur de pé- 
trole. 


9e Course : Course d'avant en arrière. — Toute 


1 Bulletin du Syndicat agricole de l'arrondissement de 
Meaux (15 juin 4894). — Bulletin de la Société d'encourage- 
ment pour l’industrie nalionale, tome X, 4° série, n° 110. 


Fig, 1. — Moteur Hornsby. — L'arbre de distribuüon est la tige horizontale 
qui court d’un bout à l’autre de la figure et passe un peu au-dessous du 
moyeu du volant. À gauche du volant et au-dessus du cylindre est placé le 
graisseur, actionné par une petite corde qu’on voit à sa droite.et qui prend 
son mouvement sur l'arbre de distribution. A gauche du cylindre se trouve 

I le vaporisateur; entre ces deux organes et au-dessus de l’extrémité de 

l'arbre de distribution, on apercoit le régulateur à boules. 


. la méthode d’inflammation du 


Les principaux 
points par les- 
quels les moteurs 
que nous avons à 
éludier diffèrent 
entre eux sont 
l’arrivée du pé - 


trole et de l'air , 4 


mélange explosif, 
la méthode de refroidissement des parois du cy- 
lindre, le mode de régulation et la mise en route. 


1. — Moteur Hornsby (figure 1). — Les cames de 
l'arbre de distribution commandent les soupapes 
d'admission et d'échappement au moÿen de leviers. 
Le levier de la soupape d'admission de l'air con- 
duit en même temps une pelite pompe chargée de 
prélever, au moment voulu, le pétrole nécessaire 
dans un réservoir contenu dans le bâti et de le 
refouler dans le vaporiseur par l'intermédiaire du 


pulvérisateur. Le piston de cette pompe peut n'être … 


entrainé que pendant un certaine partie de la 
course de levier, ce qui permet de régler la quan- 
tité de combustible fournie au moteur. L'allumage 
se fait spontanément par suite de la chaleur dé- 
gagée par la compression et surtout de la tempé- 
rature à laquelle se trouvent portées les parois du 
vaporiseur, température due aux explosions suc- 
cessives qui s’y produisent. Aussi, au démarrage, 


A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE 515 


- est-on obligé de chauffer ce vaporiseur au moyen 
bd’ une lampe à pétrole spéciale, placée au-dessous 
. . de lui. En même temps on tourne un volant pour 
mettre en jeu les différents organes du moteur. Le 
cylindre est muni, en vue d'assurer son refroidis- 
. sement, d’une enveloppe à circulation d’eau froide. 
. L'eau provient, comme dans la plupart des moteurs 
fixes, d'un réservoir voisin, pénètre à la partie 
inférieure du cylindre et s'échappe à la partie 


réglable à volonté et commandée par une came de 
l'arbre de distribution. L’allumage se fait au moyen 
d'un petit tube en porcelaine maintenu au rouge 
et mis, aux moments voulus, en RU 
avec le mélange explosif. La vaporisation du pé- 
trole se fait dans un petit cylindre à ailettes inté- 
rieures, qui est également maintenu chaud, La 
partie la plus originale de ce moteur est le régula- 
teur, formé d’une lame d’acier qui, selon qu’elle a 


Niel. 
à la gauche duquel sont clavetées les cames servant à la manœuvre des divers organes. 


2,7— Moteur 


supérieure pour retourner au réservoir. Ce courant 
- est produit par la différence de densité entre l’eau 
chaude qui entoure le cylindre et l’eau plus froide 
- du réservoir. Le régulateur est un régulateur à 
boules qui, lorsque la vitesse devient trop grande, 
ouvre une soupape latérale permettant au pétrole 
de s'échapper avant de pénétrer dans le vaporisa- 
. Leur et de retourner au réservoir par ticulier qui 
se trouve dans le bâti. 
- Les pièces comprises dans le mécanisme sont 
. peu délicates; le moteur est robuste. 
: 
À 
: 


2.— Moteur Niel (fig. 2).— Dans le moteur Niel, le 
pétrole, placé au-dessus du cylindre, s'écoule par 
son propre poids lors de l'ouverture d’une soupape 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


— À la partie inférieure du cylindre on 


apercoit l'arbre de distribution, 


ou qu'elle n’a pas le temps de se redresser pendant 
un tour de l’arbre, embecquette ou laisse passer la 
came manæuvrant la soupape d'écoulement du pé- 
trole. Ce moteur est simple et occupe peu de place. 


3. — Locomobile Grob (fig. 3). — Elle comprend un 
moteur vertical type pilon, placé vers l'arrière d’un 
chariot en fer. Elle porte en outre un réservoir à 
eau (à droite, dans la figure) et un réservoir à 
pétrole (à gauche, dans la figure). Le gazéificateur 
est une sorte de tube en V à axe horizontal dont 
l'extrémité inférieure est maintenue au rouge par 
une lampe placée au-dessous. L'air arrive dans le 
cylindre par suite de l'aspiration produite par le 
piston. Le pétrole y est poussé au moyen d’une 

13* 


A. GAY — LES 


916 


MOTEURS A PÉTROLE DE 


FAIBLE PUISSANCE 


petite pompe à air qui établit, dans le réservoir, 
une pression d'environ 0 250. Un clapet règle son 
introduction. Le régulateur est à force centrifuge. 
mais la masse se meut dans un plan vertical. Il 
agit, lorsque la vitesse devient trop grande, en 
déclenchant la tige de commande du clapet, de 


sorte que le pétrole ne peut plus pénétrer dans le 
des différentes pièces 


cylindre, Le mouvement 
est 
qué non plus 


par des ca- 


provo cs) 


mes,mais au 
moyen d'u- 
ne combi - 
naison d'ex- 
centriques , 
de biellesel 
de manivel- 
Celte 


disposilion, 


les . 


un peu COM- 
pliquée, é- 
vite le-bruil 
produit par 
cames . 
la mi- 


les 
Pour 
se en train. 
on établit la 
pression né- 
cessaire 
dans le ré- 


servoir d'a- 


4. — Locomobile Merlin et Cie (Gg. 4). — Le moteur 
vertical, du type pilon, est placé au-dessus de 
l'essieu d’arrière ; en avant se trouve le réservoir à 
eau, sorte de caisse en forme de parallélipipède 
droit. Le réservoir à pétrole se trouve sous le 
moteur et le liquide monte au cylindre, comme 
dans l'exemple précédent, sous l'effort d’une pres- 
sion obtenue au moyen d’une petite pompe à air. 
La ,disposi - 
lion la plus 
intéressante 
de celte lo- 

comobile 
est l'action 
donnée au 
régulaleur 
sur la pom- 
pe à eau, 
sorle que 
celle-ci ces- 
se de fonc- 
lionnerlors- 
que les ex- 
plosions ne 
se produi - 
sent pas el 
que 
vile 


de 


Fe 


Il TT ai CN I] CNE: 


l’on é- 
un 


re- 
froidisse- 
mentexagé- 
ré des parois 
du cylindre. 


limenta- Celle loco - 
lion, le pé- mobile offre 
role arrive une très 
àlalampe el grande sta- 
dès que Île r bilité pen- 
rare na À < a PQ — 
BOX ifica » 3. — Locomobile Grob. — En allant de la gauche à la droite on voit sur le chariot le dant le tra 
teur est suf- voir à pétrole, le moteur, la cheminée, qui communique avec le cylindre par l'inter- vail. 

a 1 médiaire d’un pot d'échappement: invisible sur la figure et logé entre les longerons du 

fis : nt l PI 

sammen chariot. Enfin à droite se trouve le réservoir à eau. Entre celui-ci et le moteur on apercoit 

chaud, on la courroie de la petite pompe centrifuge assurant la circulation de l'eau. L'axe de cette STE 
+ é pompe est vertical. Deux galets visibles près de l'ouverture pratiquée à la partie inférieure ; 
fait tourne du réservoir donnent à la courroie la direction nécessaire comobile 
l'arbre mo- Miel. — Le 


teur au moyen d'une manivelle à rochet. Le refroi- 
dissement des parois du cylindre est obtenu par une 
l’on détermine au moyen 
d'une petite axe vertical, 
placée à la partie inférieure du réservoir. La masse 


circulalion d’eau, que 


pompe centrifuge à 
d'eau emportée par la locomobile étant assez 
faible (80 litres), de l'enveloppe du 
cylindre est répartie par un tourniquet hydrau- 
: puis elle 


celle qui sort 
lique sur des claies où elle se refroidit 
retourne au réservoir 

Le moteur peut être enfermé dans une enve- 
mis ainsi à l'abri -des pous- 


loppe en tôle el 


sieres. 


moteur est analogue au moteur du même nom 
que nous avons vuplus haut, sauf que l'arbre de 
distribution est parallèle à l'arbre moteur au lieu 
de lui être perpendiculaire, que le régulateur est 
à boules et à force centrifuge et que le mode de 
refroidissement est basé sur le même principe que 
celui de la locomobile Grob. 

6. — Moteur de Winterthur.—1est du type vertical 
pilon el est complètement enfermé dans le bâti, 
de sorte qu'à l'extérieur on n'aperçoit que le 
régulateur. Sous le rapport 
formation du mélange 


volant et le disque du 
de l'allumage et de la 


A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE 


1 


© 
1 


explosif, il est analogue au moteur Niel. Il est 
robuste et capable de fournir un travail salisfai- 
sant dans un endroil rempli de poussières. 


1. — Moteur Grob (fig. à). — Ce moteur est ana- 
logue au moteur porté par la locomobile du même 
système. Il a un peu plus de hauteur, le piston s'ar- 
ticulant à la bielle par l'intermédiaire d’une tige. 
La tige était supprimée dans la locomobile. D’autre 
part, la pom- 
peà air adis- 
paru, le cy- 
lindre et la 
lampe rece - 
vant le pétrole 
de deux réser- 
voirs diffé - 
rents placés 
au-dessus de 
la machine. 


8.— Moteur 
Griffin et C'° 
(fig. 6). — Ce 


moteur pré- 
sente quel - 
ques détails 


intéressants. 
Les gaz d’é- 
chappement 
sortent à une 
… température 
maussi élevée 
- que possible 
(en pratique, 
50 à 70°) et 
servent à 
* chauffer une 
enveloppe cy- 
lindrique 
dans laquelle 
est injecté le 
pétrole. IL s’y vaporise et forme avec l'air qu'il y 
trouve le mélange explosif aspiré ensuite dans 
- le cylindre. Pendant cette vaporisation, il se 
- produit une distillation, par suite de laquelle 
- une parlie des huiles lourdes se dépose. Elles 
- sortent par un purgeur et servent au graissage 
* de la machine, sauf cependant à celui du eylin- 
- dre qui est effectué automatiquement par la por- 
- tion entrainée avec le mélange explosif. L’air 
- nécessaire est fourni au moteur et comprimé à la 
- pression de O0 k,820 par une pelite pompe com- 
mandée par l'arbre de distribution. 
Le régulateur agit en bloquant la soupape d’ad- 
- mission el-la soupape d'échappement, de sorte 


n 
4 


P 


Fig. 4. — Locomobile Merlin. — Le moteur vertical est à droite de la figure; sur 
l'avant du chariot se trouve le réservoir à eau. 


que, jusqu'au rétablissement de la vitesse conve- 
nable, le moteur comprime et laisse se dilater 
alternativement les gaz de la chambre d'explo- 
sion. 


Tels sont les principaux points qui distinguent 
les différents moteurs soumis au concours. Ilest 
des détails que nous avons passés sous silence, ne 
voulant metlre en vue que ceux dont l'originalité 

est bien mar- 
_ quée: la mise 

en roule, par 
exemple, que 
nous n'avons 
pas signalée 
pour quel - 
ques-uns 
d’entre eux, 
se fait évidem- 
ment loujours 
à la main. 


Il 


Les études 
et essais ont 
porlé sur le 
prix derevient 
de la journée 
de travail (a- 
morlissement 
de la machine, 
entrelien 
frais de mé- 
canicien, con- 

sommation 
d'huile , de 
graisse et de 
chiffons), sur 
la construc - 
tion et Le fonc- 

tionnement 

(possibilité de 
marche aux différentes puissances, régularité de 
vitesse, facilité d'allumage, temps d'allumage), et 
enfin sur le rendement thermique qui était évalué 
en comparant le pétrole consommé par heure 
(représentant un certain nombre de calories, déter- 
miné par l'étude préalable du pouvoir calorifique 
du pétrole) avec le travail fourni, mesuré au frein 
et transformé en calories. Le frein employé devait 
salisfaire aux conditions suivantes : 

1° Pouvoir être appliqué sur le volant de chacune 
des machines, quels qu'en soient le diamètre, la 
largeur et la vitesse. 

2 Être automatique. Les essais devant, en effet, 
durer plusieurs heures chacun, il convenait de 


518 A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE 


d'éviter toute source de réclamations à ce sujet ; 
| 3° Agir sous l’action d’un poids et non d'un res- 
sort, afin d'éviter les difficultés de lecture qu'au- 
raient pu présenter les oscillalions d’une aiguille. 


Fig, 7. — Principe du frein de M. Ringelmann. — O, centre 
de rotation; R, volant de la machine; P, poids; 4, a!, a", 
positions diverses occupées par le crochet d'attache du 
poids P. 


Voici (fig. 7) quel à été le frein adopté par M.Rin- 
gelmann. Il est formé d’un ruban de fer feuillard 
Fis, 5. — Moleur Grob. — On voit très peu de chose des et maintenu par un poids P suspendu à un cro- 


organes de ce moteur. Une enveloppe métallique de forme se : 7 4 
LONCOnQe cache les articulations qui relient le volant | Chet #. Sile travail moteur augmente, le frein tend 
au cylindre situé à la partie supérieure. à être entrainé dans le-sens du mouvement et le 
ne pas faire faire à la main le réglage du frein. | crochet passe, par exemple, de « env’. Au contraire, 
La solution adoptée avait, d’ailleurs, l'avantage ! il passerait de & à 4” si le travail moteur diminuait. 

À 


murs, / 7 Has | 


Flg. 6. — Moteur Griffin. — Dans fe socle de la machine se trouve logée l’enveloppe cylindrique à l'intérieur dem 
laquelle se forme le mélange explosif. On apercoit à la droite de la figure la conduite qui relie cette enveloppe au 
cylindre. De l’autre côté du moteur sont placés l'arbre de distribution et les différents organes de commande, invisibles 
par conséquent en grande partie sur notre figure. 


A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE 519 


Le problème est d'utiliser ces déplacements pour ployé. On emploie trois réservoirs À, B et I. Le 
opérer le réglage. Dans ce but, le frein est formé ! réservoir B est muni d'un trop-plein 4 et d’un 


22 

22 

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CL L L LL 
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MANS DE CIN LL LOU 


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4 WI 


(74 


Fig. S. — Montage du frein de M. Ringelmann sur un moleur à pétrole. — À et B, rubans de fer feuillard composant le 
…._ frein; V, vis de réglage du frein; E, entretoise réunissant les deux parties du frein; SS’, secteur servant au réglage 
- automatique; & et b, cordes; n, petite poulie auxiliaire; p, poids auxiliaire; », petit tendeur à treuil servant de point 
- d'attache pour la corde a; Q, poids du frein; C, crochet d’attache du poids Q; #, petit tube amenant l’eau de savon néces- 
“saire au graissage. Le moteur a été représenté par une silhouette couverte de hachures, excepté le volant qui a été 
- laissé en blanc. 


eux parties, À et B (fig. 8), réunies d'un côté | robinet R par oùs’écoule l’eau de savon. Cette eau 

une vis V, qu’on règle, une fois pour loules, 
tu commencement de chaque expérience, et, d’un 
autre côté, par une entretoise E, solidaire d'un sec- 
eur SS'. Ce secteur est maintenu par deux cordes 
maS et S'bnp. La corde m«aS est fixée en Set 
en #, qui esi un point fixe où elle s’enroule autour 
d'un pelit tendeur à treuil destiné à faciliter le 
réglage primitif. La corde S'bnp est fixée en S’, 
passe sur une poulie » et est tendue par un poidsp. 
On règle la position moyenne du secteur, de ma- 
nière que ? puisse venir dans le prolongement 
de a. Si, au cours de l'essai, le frein est entrainé, 
point O s’abaisse légèrement (fig. 9), le secteur 
roule sur la corde ab et le point O' vient en O',, 
allongeant le frein d'une quantité y, Si, au con- 
traire, un desserrement avait eu lieu, l’action in- 
verse se sèrait produite. 


k : : . . | Fig. 9. — Principe du secteur effectuant le réglage automa- 
Afin de n'avoir point, pendant le cours d'un essai lique du frein. —SS!, secteur de réglage; OO!, extrémités 


de l’entretoise reliant le secteur au frein; 0',,seconde posi- 


#1 toucher a la vis V (fig. 8); il élait nécessaire tion du point O'; y, quantité dont le frein s’est allongé 
l'avoir toujours un graissage uniforme. [Il était après le déplacement du point O'. La partie recouverte de 
sf s ; Op hachures représente une portion du volant; la flèche, son 
effectué au moyen d'eau de savon s’écoulant par DS ECO. 


e tube 4 (fig. 8), et l’on avait arrangé les choses 
de manière à obtenir une charge d’eau constante. | tombe d’un réservoir supérieur À par un robinet r 
La figure 10 fait bien comprendre le disposilif em- | et traverse un filtre f. Le robinet > aun débit supé- 


580 


A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE 


rieur à R, de sorte que la charge sur celui-ci reste 
toujours constante et égale à 4. L'eau, qui se 
déverse par le trop-plein #, est conduite par un 
tube » dans le réservoir inférieur 1, d'où, au 
moyen d'une pompe P, on la ramène en A. Un 
petit niveau x permet à chaque instant de se 


Fig. 10. — Appareil pour la lubrification aulomatique du 
frein. — À, B, I, réservoirs à eau de savon; d, trop-plein 
du réservoir B; R, robinet par lequel s'écoule l'eau de 
savon allant au frein; {, tube conduisant au frein; ?, ro- 
binet par lequel j’eau de savon s'écoule du réservoir A; 
f, filtre ; m, tube conduisant l’eau de savon du réservoir B 
au réservoir ]J; P, pompe à main servant à refouler le 
liquide du réservoir 1 dans le réservoir A; »#, petit tube 
de niveau. 


rendre compte de Ja quantité d’eau qui reste dans 
ce dernier réservoir. «Pensant, dit M. Ringelmann. 
< que ce frein pourra rendre des services dans les 
« ateliers de construction, je le laisse dans le 
« domaine public, ne voulant par cette Note que 
« prendre date et en faire connaitre le principe.» 

Tous les moteurs, nous l'avons dit, ont été 
essayés avec le même pétrole etil a été fourni aux 
concurrents, sans limitation d'aucune sorte, les 


quantités qu'ils ont demandées.Ce pétrole avait élé 
préalablement minutieusement étudié: au point 
de vue de la densilé du point d'éclair (flashkiny- 
point), du point d’'inflammalion (burning-point) et de 
la distillation fractionnée. par M. A. Riche, membre 


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( SJ 
/ 
S|ù 
31e 
ILE 
S|È 
#|s 
Puissance au frein 
Fig. 11. — Courbes de rendement thermique des moteurs. 


de l'Académie de Médecine,directeur du Laboratoire 
des Expertises au Ministère du Commerce et de l’In- 
dustrie, — au point de vue de la détermination de 
son pouvoir calorifique, par M. P. Mahler, ingé- 
nieur civil des Mines, Enfin, M. J. Crochetelle, 
répéliteur de Chimie à l'École Nationale d’Agricul- 
Lure de Grignon, ancien élève de l'École munici- 
pale de Physique et de Chimie de la Ville de Paris, 
en avait fait l'analyse el avait déterminé la quan- 
tilé d'air nécessaire à sa combustion complète. 
Ajoutons encore que les concurrents ont eu Loul 
le temps qui leur a élé nécessaire pour régler leurs 
moteurs. C’est seulement sur leur propre invila- 
tion que les essais proprement dits commencaient. 


an E 


A. GAY — LES MOTEURS À PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE 


Certains réglages onl même duré plusieurs jours. 

Les chiffres donnant le résultant des essais ont 
été fournis à M. Ringelmann par la moyenne de 
6, 10, quelquefois 15 observations, faites de 10 
en 10 minutes. 

Ces chiffres permettent d'établir un certain 
- nombre de courbes correspondant aux diverses 
propriétés que l’on veut étudier. La figure 11 
reproduit les courbes de rendement thermique 
d'où l’on déduit, pour un travail exact de 4 che- 
D vaux : 


Grob (mi-fixe) Rendement 17.1 % 


Merlin 16 
Niel (mi-fixe) 15.3 
! Griffin 1be4 
; Winterthur 14.1 
; Grob (locomobile) 12.8 
Hornsby Er à 
Niel-(locomobile) 1.6 


Si l'on cherche à se rendre compte de la répar- 
lition de la chaleur fournie et qu'on fasse le cal- 
cul pour 4 chevaux, on trouve les proportions 
données par la figure 12. Les figures 13 et 44 


2 LES" 700 
| 
| | 
| 
ee 
È È | 
Æ S ë 
” & = 
8 |> Ni Fe Ÿ & e | L75 
KL & S a Se ES 
à Èè à & S = à 
| LS > S © 
D |: È à S CS È 
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À 50 
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\ , | 
J Ss 
5 à 
D 
Lo 
S 
0 
EX 


— Réparlilion de la chaleur fournie au moteur 
pour un travail exact de 4 chevaux. 


bFig. 12: 
| 
“nous donnent respectivement la courbe de con- 
-sommalion horaire du pétrole et la comparai- 
son des consommations journalières. Pour établir 
-ces derniers chiffres, il a été admis, d’après des 
observalions antérieures, qu'un moteur de 4 che- 
- vaux travaille en 10 heures : 


{ heure à vide 
2 — à 2 chevaux 


6 — à4 — 
LME — 
IIL 


Ce qui caractérise les essais de M. Ringelmann, 
c'est non seulement le soin serupuleux avec 
lequel il les a faits, mais c'est aussi l’enseigne- 
ment qu'il a cherché à en retirer. Tel moteur 
avail un mauvais rendement thermique, tel autre 
un rendement meilleur. La comparaison des détails 


consomme 


T 
D 


& 
S à S 
à à à 
Ÿ Ê &| 2 
Su : SI 
IE x | 3 x|S 
a |è = a|< 
ES S|8 RS 
sé SUP Se 
Oo L Lo 
SIER Sd EN 
NI Du Le) w | 
Puissance au frein 
Fig. 13. — Courbes donnant les quantités consommées par 


chaque moteur en une heure et aux différentes forces. 


de construction et de fonctionnement faisait con- 
naitre les causes du défaut chez le premier, de la 
qualité chez le second, de sorte que public et cons- 
tructeurs, tout le monde a pu trouver un réel pro- 
fit dans les résultats du concours. Ce n’est pas là 
un mince mérite. Écoutons, par exemple, les obser- 


582 


G. CHARPY — LES ACTIONS CHIMIQUES DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR 


vations suggérées par l'examen des courbes de 
rendement thermique : 


4 
304. 
20#| 
# 
10° 
S TT 
à RS 
È & à 
S S & £ 
è à è 
| 1 = È o 
© & e à o 
o = È S = c S 
R © È 
Ê © è 7 ES 5 3 
Q a ES & & = = 
ÈS LC] = © LS = È 
0 
Fig. 14, — Comparaison des consommations journalières de 


pétrole pour chaque moteur. 
1 


Grob mi-five. — La quantité d'air était suffi- 
sante aux faibles charges, mais diminuait en 
approchant du maximum. 


Merlin. — Refroidissement exagéré vers le maxi- 
mum. 

Niel mi-fixe. — Refroidissement régulier; quan- 
tité d’air convenable. 

Griffin. — Trop de pétrole et pas assez d'air vers 
le maximum. 

Winterthur. — Quantité d'air insuffisante, refroi- 
dissement irrégulier. 

Hornsby.— Quantité d'air trop forte; refroidis- 
sementexagéré. 

Rappelons que, dans ce moteur, la température 
du vaporiseur est entretenue par la chaleur déga- 
gée dans les explosions successives de sorte que, 
lorsque le nombre decelles-ciestinsuffisant, comme 
aux faibles charges, le mélange air et pétrole ne 
s'enflamme plus et le moteur s'arrête fréquem- 
ment. 

Grob locomobile. — Refroidissement exagéré : 
admission d'air irrégulière et insuflisante aux fai- 
bles charges. 

Niel locomobile. Refroidissement 
quantité d'air insuffisante. 


exagéré, 


« Nous regrettons, dit quelque part M. Rin- 
gelmann, de ne pouvoir indiquer dans ce Rap- 
port toute une série de recherches entreprises sur 
les moteurs concurrents el résullant de nos essais 
comparalifs; ce sont des considérations générales, 
d'ordre scientifique, sur les moteurs à pétrole, 
qui sont pour ainsi dire étrangères au classe- 
ment !.» 


A. Gay, 


Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. 


COMPARAISON DES 


ACTIONS CHIMIQUES 


DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR 


MÉTHODES DE 


Les actions chimiques produites sous l'influence 
de la lumière sont relativement nombreuses et 
quelques-unes présentent une grande importance. 
Telles sont : l'oxydalion des substances organiques 
par certains sels métalliques, notamment les sels 
d'argent, les sels chromiques, les sels ferriques: 
l’action du chlore et des halogènes sur l'hydrogène 
el les composés hydrogénés ; l’action de la chloro- 
phylle sur l'acide carbonique ; ete. 

Toutes ces actions sont bien connues qualitali- 
vement, mais elles ont donné lieu à très peu d’élu- 
des quantilalives ; ce sont, d'ailleurs, pour la plu- 


M. G. LEMOINE 


part, des réactions exothermiques irréversibles ; 
elles portent sur des systèmes primilivement hors 
d'équilibre, maintenus dans leur état actuel par 
des résistances passives, et la lumière agit seule- 
ment en détruisant ces résistances, en amenant 
les corps du système à un élal tel qu'ils puissent 
réagir entre eux. Dans toutes les réactions qui se 
produisent sous l'influence de la lumière, cet agent 
n'intervient que pour produire un travail prélimi- 


! Les clichés des figures insérées dans cet article ont été 
obligeamment prètées à la Revue par la Sociélé d'Encourage- 
ment pour l'Industrie nalionale. 


“ 


G. CHARPY — LES ACTIONS CHIMIQUES DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR 


PIERRE TRUST PO 


dit te en NP 50700 RDA 


D83 


naire, el fournit, par suite, une quantité d'énergie 
qui n’a aucune relation avec l'énergie mise en jeu 
par la réaction produite. Mais cela ne veut pas dire 
que l'énergie fournie par la lumière ne présente 
- pas de relation avec l'effet produit à chaque instant, 
c’est-à-dire avec la marche de la réaction. Lorsque 
- les dégagements de chaleur, produits par une 
. réaction, seront suffisamment faibles pour être 
1 Béeutralisés par le refroidissement dù au contact 
des corps extérieurs au système, la réaclion, quoi- 
que exothermique, ne s$ raécélérera pas d’elle- 
… même, ne deviendra pas explosive et prendra une 
marche parfaitement régulière dans des conditions 
… déterminées. Dans ce cas, il y aura une relation 
“entre l'énergie fournie au système et la quantité 
_de substance modifiée. 
: Les conditions nécessaires pour que l’on puisse 
. étudier l'énergie fournie par une source, au moyen 
de la marche d’une réaction exothermique, ont été 
indiquées nettement par M. Georges Lemoine !. Au 
point de vue de l'étude de l’action chimique de la 
lumière, ce résultat a une importance capitale, 
puisque l’on ne connait pas de réaction non exo- 
thermique se produisant sous l'influence de cet 
agent. 
La réaction du chlorure ferrique sur l'acide 
oxalique, qui répond à la formule : 


D Fe?CI5 + C201H2 = 2FeCl? + 2HCI + 2C0? 


… remplit toutes les conditions nécessaires à une 
étude de ce genre; à froid, dans l'obscurité, elle se 
“produit avec une vitesse praliquement nulle (d’a- 
près M. Lemoine, au bout d'un siècle, à 15°, le 
“quart seulement des substances mélangées aurait 
réagi). Sous l'influence de la lumière, la réaction 
commence immédiatement, suivant une marche 
régulière et cesse instantanément quand on sup- 
prime l’éclairement. La quantilé de substance dé- 
“composée par unité de temps, la vitesse de la 
«réaction sera, dans ces conditions, une fonction de 
l'intensité lumineuse ; on peut admettre, comme 
«…. première approximalion, qu'il y a proportionna- 
lité entre ces deux grandeurs. 
…—. La réaction peut aussi se produire dans l’obscu- 


» se prêle donc à une comparaison entre la chaleur 
… et la lumière au point de vue de l’action chimique. 
“Cette étude, dont la réalisation présentait de 
grandes difficultés, a été effectuée dans ces der- 
nières années par M. Georges Lemoine, qui en a 
“fait l'objet de plusieurs publications dans les 


1 G. Lemoixe. — Mesure de l'intensité lumineuse par l'ac- 

ion chimique produite ; expériences avec les mélanges d’acide 

moxalique et de chlorure ferrique. Comptes Rendus de l'Aca- 
démie des Sciences. 25 février 1895. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


112488 


Comptes Rendus de l'Académie des Sciences et les 
Annales de Olimie et de Physique. 

Le samedi 18 mai, M. Lemoine a résumé ses 
recherches dans uneconférence faite devant la So- 
ciélé Chimique de Paris. Nous essaierons de donner 
une idée des principaux résultats fournis par ce 
remarquable travail. 


I. — ETUDE DE LA RÉACTION PRODUITE 
DANS L'OBSCURITÉ 

Considérons un mélange d’acide oxalique et de 
chlorure ferrique en proportions équivalentes. Ce 
mélange, maintenu dans l'obscurité à une tempé- 
ralure constante supérieure à 50°, donne lieu à une 
réaction régulière dont on peut suivre la marche, 
soit en observant le volume d’anhydride carboni- 
que dégagé, soit en prélevant de temps en temps 
une petite quantité de liquide dans laquelle on 
dose, au moyen de permanganate de potasse, le 
chlorure ferreux formé. 

M. Lemoine a trouvé que la marche de la réac- 
tion pouvait toujours être représentée très SE 
proximativement par la formule : 


dy K : ) 6 2 s. 
— = KN —»1 r 
dl P y) [= 

ou ee 


DES à , Vs 
log (: Do \ 2 


dans laquelle p représente la quantité. totale de ? 
mélange employée, y la portion de ce mélange qui 
a réagi au bout du temps 4, K une constante numé- 
rique qui dépend uniquement des conditions de 
l'expérience, mais garde la même valeur pour des 
conditions déterminées et que l’on fixera au moyen 
d'une des observations faites dans chaque cas !. 

Pour faire voir quelle concordance il y a entre 
les résultats de l'observation et ceux fournis par 
cette formule, nous reproduisons (Tableau [) l’un 
des nombreux tableaux établis par M. Lemoine ; 
il est relatif à une expérience faite à 100° sur 40°° du 
mélange des solutions normales (1 molécule par 
litre) : 


TARLEAU I 


NES VOLUME DE CO? | vorume pe CO? 
TS OBSERVE CALCULÉ 
— es 
30° 40 ce. 31 
1 heure 13 71 
1 heure 30° 103 102 
2 heures 132 131 
3 heures. 183 donnée 


1 Cette formule, qui exprime que la quantité de substance 
décomposée par unité de temps est proportionnelle à la 
masse active, a été donnée par M. Berthelot dans ses re- 
cherches sur l'éthérification. 


132 


584 


G. CHARPY — LES ACTIONS CHIMIQUES DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR 


Le dernier chiffre observé a été employé pour 
calculer la constante K. 

L'ensemble des expériences effectuées permet 
d'établir des formules qui expriment la variation 
de K en fonction de la température # et de la di- 
lution. 

La formule qui donne la variation de K en fonc- 
tion de la température / est la suivante : 

121 — 4, 


lon RERO mer 
273 +4 


Voici quelques valeurs de K relatives à diffé- 
rentes tempéralures : 


49° 0.000025 
71e 0.0006! 
850 0.0071 
9140 0.0165 
940 0.0270 
9905 0.0667 
108° 0.20 
1150 0.50 
12305 1.05 


Pour tenir compte de la dilution, on emploie la 
formule : 


K = 0,968 1,533 log (A + 0,03) 


dans laquelle A représente la dilution, par rapport 
aux liquides normaux, c'est-à-dire que A — 10 
pour les liquides 4 normaux (+ de molécule par 
litre. 

Ces formules s'appliquent très sensiblement dans 
tous les cas, c'est-à-dire que la formule relative à 
la température conserve la même forme, quelle que 
soil la concentration, et que la formule relative à 
la dilution n’est pas considérablement modifiée 
par la température. 

On voit donc que la marche de la réaction, par- 
faitement régulière, est complètement délerminée 
au moyen d'une seule constante, constante qui peut 
d’ailleurs être calculée au moyen de deux formules 
simples quand on connait les conditions de l’expé- 
rience. 

On voit aussi qu'au-dessous de 50°, la réaction 
dans l’obscurité est pratiquement nulle: cette Llem- 
péralure n’élant presque jamais dépassée dans un 
liquide exposé au soleil, tout l'effet observé dans 
ce cas sera donc attribuable à la lumière. 


II. — ETUDE DE LA RÉACTION PRODUITE 
SOUS L'INFLUENCE DE LA LUMIÈRE 

L'étude de la réaction produite sous l'influence 
de la lumière est rendue très délicate par les 
phénomènes d'absorption, qui font que l'inten- 
sité lumineuse aux différents points du liquide 
varie avec la forme du vase et la coloration du li- 
quide. Si la loi simple, trouvée pour la chaleur, 
subsiste, ce n’est évidemment que pour une masse 
de liquide d'épaisseur assez faible pour qu'on 


puisse la considérer comme soumise à une même 
intensité lumineuse en ses différents points. La 
vérification de celte loi constitue donc un problème 
qui peut se poser de la façon suivante : Comparer 
avec l’expérience les résultats calculés pour la dé- 
composition produite au bout d’un temps déter- 
miné dans un vase de forme connue el pour une 
dilution donnée, si l’on admefquela loi élémentaire 
de décomposition est représentée par la formule : 


dy : : 
RE PU) 


K dépendant de la dilution et de l'intensité lumi- 
neuse, qui est elle-même fonction de l’épaisseur de | 
liquide traversée, de la forme du vase el du temps, 
puisque la coloration se modifie à mesure que la 
réaction s'avance. Ce simple énoncé montre quelle 
est la complexité de la question et quelle énorme 
suite de déterminations il faudra faire pour l'élu- 
cider complètement. Nous ne pouvons indiquer 
ici que quelques-uns des points les plus impor- 
tants. 

On concoit d’abord qu'il suflit de considérer 
une tranche mince rectangulaire de liquide, la 
section d'un vase quelconque pouvant toujours 
être divisée en éléments rectangulaires. 

L'intensité de la lumière solaire peut être 
regardée comme constante pendant la durée d’une 
même expérience, dans des conditions conve- 
nables, el la variation d'une expérience à l’autre 
sera éliminée si l’on a soin d'opérer toujours com- 
parativement sur un mélange-type placé dans des 
condilions invariables. 

L'étude de l'absorption est effectuée en partant 
de ce fait d'observation que la transparence de 
l’eau et de l'acide oxalique peut être regardée 


comme complète et que, par suite, l'absorption du 


mélange d'acide oxalique et de chlorure ferrique 
est la même que celle d’une solution de chlorure 
ferrique contenant la même quantité de fer. On 
peut alors étudier la décomposition opérée, dans 
des cuves déterminées pour un même mélange, en 
interposant des épaisseurs variables de chlorure 
ferrique plus ou moins dilué et éclairant, soit par 
de la lumière blanche, soit par de Ja lumière trans- 
mise à travers divers milieux colorés. 

L'ensemble des résultats obtenus ainsi peut se 


‘résumer de la facon suivante : 


Si l'on prend comme unité l'intensité de la 
lumière incidente, et si l’on désigne par #, #',n", 
elc….., la proportion des différentes radiations qui 
la composent, l'intensité, après une couche de 
liquide d'épaisseur à, sera : 


: } a #7 À 
ina HN + NE +... 


Praliquement, on pourra se contenter d’une 


G. CHARPY — LES ACTIONS CHIMIQUES DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR 


8 


© 
©e 


formule à 4 termes, ce qui revient à considérer la 
lumière blanche comme formée de quatre groupes 
de radiations pour chacun desquels il n’y aurait 
qu'une loi d'absorption; par exemple, pour le 
mélange de liquides normaux, la formule de trans- 
mission correspondant à la lumière émise par un 
ciel pur, dans la belle saison, sera : 


1 SUR He À 
à — 0,01 (0,986) +-20,07 (0,40) +0,13 (0,10) — 0,79 (10—40) 


Cette formule donne l'intensité lumineuse et, 
- par suite, la décomposition produile dans une 
tranche infiniment mince; pour avoir l’ensemble 
de la décomposition dans une tranche d'épaisseur 
1, il faudra intégrer entre 0 et /. La décomposi- 
lion produite dans cette tranche sera représentée 
par la formule : 


2 


1, SÉArEE ) 
| a + ri] RS 


1 { al : , 
> n [l dH+n 

MURS JE 

Cette formule permet de calculer la décomposi- 
tion relative pour des cuves de différentes épais- 
seurs. Le tableau IT ci-joint donne pour quelques 
cas les valeurs calculées et les valeurs observées. 
On à pris comme unité la décomposilion pro- 
duite dans une cuve de 4 millimètres d’épais- 
seur : 


TaBLeau IT 


>|tempsnébuleux 
5| brume générale 
très beau temps 


… Cecise rapporte au début de la réaction, c'est-à- 
dire à un temps assez court pour que la réaction 

ne modifie pas sensiblement la couleur de la solu- 

- lion. Connaissant l'absorption relative aux diffé- 

rentes dilutions, on peut déterminer d'une façon 
complète la marche progressive de la réaction 
pour un temps quelconque. La formule à laquelle 
conduit le calcul est : 


Par exemple, pour la décomposition dans un 
tube circulaire de 14 millimètres de diamètre, con- 


tenant des liquides normaux, M. Lemoine donne 
la formule : 


Ké — 21.457 1.159 © — log (2) 


et le tableau IIT ci-contre contient les résultats 
fournis par cette formule et par l'expérience pour 
les temps nécessaires au dégagement de diffé- 
rents volumes de gaz. 


TARLEAU III 


VOLUME DU GAZ DÉGAGÉ | TEMPS OBSERVÉ | TEMPS CALCUL 
ns | ns 


26.5 {7m 


61 32 -8 
96 52 52.9 


119 67 
158 96 


donnée 
93.2 


M. Lemoine a cherché, en outre, à comparer 
l'influence de la dilution dans le cas de la lumière 
et dans le cas de la chaleur; il a trouvé une varia- 
tion de même ordre et même des coefficients très 
voisins les uns des autres. 

La concordance entre les résultats de l’observa- 
tion et ceux du calcul montre donc que la même loi 
élémentaire représente la marche de la réaction, 
que celle-ci se produise dans l'obscurité ou à la 
lumière. L'influence de la lumière consiste done à 
augmenter la vitesse de la réaction à une tempéra- 
ture déterminée. 

Au point de vue général, la conclusion qui se 
dégage de ces patientes recherches est que la 
marche d'une réaction, produite dans des condi- 
tions très variées et sous l'influence de causes 
diverses, peut se calculer au moyen de formules 
simples ne comportant qu'un petit nombre de 
coefficients indéterminés. C’est là un résullat im- 
portant, si l’on considère que le but le plus immé- 
diat de la Chimie consiste à rassembler des lois, des 
règles, des formules permettant de prévoir quali- 
tativement et quantilativement les modifications 
que subira un système donné placé dans des condi- 
tions déterminées. La plupart des savants qui 
poursuivent ce problème font porter leurs efforts 
sur l'étude des réactions réversibles et des équi- 
libres chimiques. Les belles recherches de M. Le- 
moine montrent que le calcul peut également 
suivre dans ses détails la marche des réactions 
irréversibles. 

Georges Charpy, 


Docteur ès sciences. 


86 


L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE 


LA PHAGOCYTOSE NORMALE 


De nos jours, les termes de « phagocyle » ec de 
« phagocytose » font presque partie du langage cou- 
rant ; ils sont compris, non seulement des spécia- 
listes, mais encore de toutes les personnes qui 
s'intéressent aux choses de la biologie et de la mé- 
decine. La première de ces expressions (tirée du 
grec) veut dire cellule mangeante. C’est bien le nom 
qui convient: les phagocytles sont, en effet, chargés 
de dévorer et de détruire, par cela même, les élé- 
ments dont l'organisme doit se débarrasser. Ils ne 
se forment point spontanément,et ne sont pas 
permanents; ils proviennent de plusieurs des tis- 
sus qui existent déjà dans l'économie, résultent 
d'une transformation des cellules de ces derniers, 
et se montrent seulement lorsque leur fonction est 
nécessaire ; leur rôle rempli, ils meurent et dispa- 
raissent. La phagocytose est l’ensemble des phé- 
nomènes qui conduisent à la production des pha- 
gocytes, à leur multiplication, et à leur emploi. 

La mieux connue de ces utilisations est la résis- 
tance aux microbes. Les micro-organismes patho- 
gènes, capables de déterminer des troublesgraves 
par leur pénétration dans le corps, sont entravés 
dans leur pullulation par les phagocytes ; ceux-ci 
prennent naissance dans les Lissus où les microbes 
sont parvenus, les entourent, et les détruisent, si 
possible. Cette lutte intime est l’un des procédés 
par lesquels l’économie s'oppose à l’envahisse- 
ment des germes infectieux. Une telle fonction, si 
importante sous le rapport pathologique, explique 
pour quelle raison la phagocytose est prise, d'ha- 
bitude, comme un phénomène de l’ordre médical. 
Son nom éveille implicitement, dans l'esprit, les 
idées de l'infection microbienne el du conflit cel- 
lulaire qu'elle soulève. Souvent même, elle n'est 
considérée qu'à ce litre unique, comme si ce rôle 
élait le seul qui lui incombâat. 

Cependant, tel n'est pas le cas. La phagocytose 
n’est point, d'une manière stricte, un fait patho- 
logique, lié à la résistance aux microbes. Elle re- 
présente, dans la réalité, une fonction habituelle et 
constante; elle est utilisée dans certains cas, par 
exemple dans celui d'un afflux de micro-orga- 
nismes, pour lutter contre eux et les détruire; 
mais sa portée est plus générale. Elle est destinée 
à assurer l'élimination des éléments devenus inu- 
üles, dont la nature empêche la sortie directe et 
immédiale par les émonctoires habituels. Grâce à 
elle, ces éléments sont réduits en menues parcelles, 
morcelés, puis dissous; les parties nutritives sont 
conservées, et les autres rejetées. 

Étant donné cet emploi, l'adulte utilise peu, 


dans l'état normal, une telle fonction, et ne s'en 
sert guère que pour amener la destruction des 
cellules mortes dans la profondeur des lissus. Ces 
dernières commencent par se fragmenter; puis 
elles sont entourées par les cellules conjonc- 
tives voisines, ou par des globules lymphatiques ; 
ceux-ci atlaquent les parcelles ainsi engendrées, 
les dissolvent, conservent pour eux ce qui est ali- 
menlaire, et expulsent le reste dans le plasma 
circulatoire. Un phénomène de ce caractère est 
relativement d'une faible portée, sauf chez les ani- 
maux inférieurs, où son action, plus intense, est 
d'une efficacité réelle dans la désassimilation. Il 
s'adresse seulement, chez l'adulte, à des cellules 
isolées, ou à des groupes cellulaires d'un faible vo- 
lume. Il n'en est pas de même pour l'embryon. Ce 
dernier possède, assez fréquemment, des appareils 
qui lui appartiennent en propre, et qui doivent 
disparaitre au moment où il arrive à l’élal par- 


fait. Devenus inutiles, ils s'atrophient et cessent. 


« 


4 


d'exister. Cette résorption est effectuée, d'ordi- - 


naire, au moyen de la phagocytose. C’est ainsi que 
se manifeste la haute valeur de cette dernière, car 
elle s'exerce constamment sur ces appendices 
embryonnaires, et s'accomplit aux dépens d'or- 
ganes volumineux d'habitude, dont les fonctions 
se trouvent bien déterminées. 


Ï 
Les annexes embryonnaires sont des plus va- 
riés, suivant les animaux. Leur présence a pour 
résullat de donner au corps une forme bien diffé- 


rente de celle qu’il aura lors de l’état adulle. Ainsi, 


les embryons d’un grand nombre de Vertébrés 
portent, appendue à leur face ventrale, une vésicule 
remplie d’une substance nutrilive. Les têtards des 
Grenouilles et ceux des Crapauds sont munis de 
queues, alors que les adultes en sont privés. Les 
larves des Oursins possèdent des tentacules allon- 
gés, semblables à des balanciers destinés à soute- 
nir les petits êtres dans l’eau de la mer. Ces 
quelquesexemples, choisis parmilesplusfréquents, 
suffisent pour dénoter la variélé de ces appendices 
el l'importance de leur rôle. Les uns servent à 
la nutrition: ils sont chargés d'alimenter l’éco- 
nomie, grâce aux matériaux qu'ils contiennent; 


lesautres sont destinés à permettre les déplace- 


ments des individus ; enfin, les derniers ont un 


emploi mixte, à la fois de locomotion et de sou- 
tien. En cette occurrence, les formes, ainsi que les 
fonctions, sont des plus diverses. Mais tous ces 
organes offrent deux caractères communs: d'une , 


PET PR Le TE 7 


L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE D87 


part, leur taille est assez grande, et leur aspect 
assez particulier pour donner à l'embryon une 
_ allure souvent très dissemblable de celle qu'il aura 
par la suite; de l’autre, ils atténuent leurs dimen- 
sions et s’atrophient, à mesure que l'individu 
» passe à l’étal adulte. Inuliles alors, soil que le but 
. réalisé par eux cesse d’être nécessaire, soit qu'ils 
_se trouvent remplacés par d’autres appareils 
. mieux utilisables, ils interrompent leur accrois- 
sement, diminuent: et disparaissent en définitive. 


È AN 
ox N 
Mrculese 
| F7 N 


1 
0 
1 
‘ 

1 


Dans beaucoup de cas, cette destruction s'accom- 
 plit par la phagocytose. 

Les premiers exemples d’un tel phénomène ont 
… été étudiés sur les larves des Oursins. Ils furent 
observés par E. Metschnikof'; cet auteur s’est servi 
d'elles en les étendant et les complétant, pour éta- 
blir son principe de la résistance aux microbes 
“ par le moyen de la phagocytose. — Ces larves, 
-nommées des Plufeus, se trouvent fort différentes 
des adultes; au lieu d'être sphériques ou ovalaires, 
et couvertes de piquants, leur corps, revêtu de cils 
vibratiles, offre l'aspect d'un cône, dont la base 
rd porte plusieurs paires de longues expansions cylin- 
€ driques, dites les bras (fig. 1). Ces annexes servent de 


Fÿ 


Par 


soulien dans l'eau, où nagent ces pelits êtres ; la plu- 
part sont rigides, et doivent cette qualité à ce qu'ils 
possèdent, dans leur intérieur, de longs bätonnets 
calcaires. Ainsi pourvus, ces petits organismes se- 
laissent entrainer par les courants marins et pour- 
suivent, à mesure, le cours de leur développement, 
Au moment où doit arriver la métamorphose 
finale, quiles convertiten adultes (fig. 2), leurs bras 
se raccourcissent progressivement, et s'atrophient. 
Les baguetles calcaires, inertes à cause de leur 


Fig. 1. — Larve d'oursin (Pluteus), avant sa mélamorphose. — Ce petit être, fort grossi, se soutient dans la mer à l’aide 
de ses grands bras qui contiennent un squelette formé de longs spicules calcaires et treillissés. 


nature minérale, ne peuvent s'opposer à cette di- 
minution, car elles sont rongées par les cellules 
environnantes, vrais phagocytes qui les dévorent 
et les font disparaitre. Les bras sont ainsi élimi- 
nés, avec divers autres organes spéciaux à l’em- 
bry;on; et la phagocytose joue, dans ce fait, le rôle 
primordial. 

Metschnikoff, poussant plus loin ses recherches. 
voulut se rendre compte si des faits semblables, 
qui se ramènent, en somme, à une destruction sur 
place de parcelles solides situées dans la profon- 
deur des tissus, ne se retrouvent pas chez d’autres 
animaux. Il fit pénétrer des substances inertes, 
réduites en une poudre fine, soit dans l'appareil 


588 


circulatoire de certains Mollusques, soit dans le 
mésoderme des larves de plusieurs Vers plats. Le 
résultat fut identique; les cellules, groupées dans 
le voisinage immédiat des particules pulvérulentes, 
se mirent à les entourer et à les ronger. De là vint, 
dans son esprit, l'idée de remplacer les poussières 
fines par des microbes: et il commença ses pre- 
mières expériencessurlaphagocylose pathologique. 

D'autres observateurs ont persévéré dans la voie 
indiquée par Metschnikoff. La notion d'une pha- 
gocytose constante, normale, s’est ainsi affirmée 
peu à peu. Les éléments devenus inutiles, soil 
qu'ils n'aient plus 
aucune fonction à 
remplir, soit qu'ils se 
trouvent arrivés au 
terme de leur exis- 
tence particulière , 
sont détruits par plu- 
sieurs cellules 
qui Les entourent, et 
qui agissent en qua- 
lité de phagocytes. 
Elles absorbent les 
substances nutritives 
que ces éléments con- 
tiennent encore, et 
permettent aux au- 
tres d’être éliminés, 
en les rendant solu- 
bles dans les liquides 
de l'organisme. Ce 
phénomène n'a pas 
seulement pour fin 
une destruction, mais 
encore une utilisa- 
tion de tout ce qui 
peut servir d’aliment; 
ils’accompagne d'une 
sorte d'assimilation intime, élémentaire, qui s’ef- 
fectue dans la profondeur des tissus. 

En ce qui concerne plus spécialement les em- 
bryons, l'exemple des larves d'Oursins est déjà 
caractéristique. D'autres faits du même ordre 
ajoutent en cela de nouvelles preuves. — La plu- 
part des Insectes subissent, avant d'arriver à l’état 
parfait, des métamorphoses souvent compliquées. 
Leurs larves, privées d'ailes, s’accommodent de 
milieux où elles ne peuvent plus se maintenir dès 
qu'elles se convertissent en adultes; le mode de 
nutrition, et certaines des fonctions de relation, 
diffèrent parfois à l'excès entre ces deux moments 
de l'existence d’un même individu. Ainsi, les che- 


des 


Poele __ hi 


Fig. 2. 


nilles des papillons se nourrissent de végétaux, et 
possèdent, à ceteffet, des pièces masticatrices des- 
tinées à broyer les aliments; tandis que les adultes, 


697 


— Achèvement de la métamorphose finale d'une larve (Plu- 
teus). — La figure montre une larve au moment de sa métamor- 
phose finale, qui la convertit en adulte; le corps devient globuleux, 
produit ses premiers piquants, et perd ses bras, qui s’atrophient, 
leurs spicules calcaires étant détruits par phagocytose. 


su | 


L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE 


munis d'une longue trompe, se bornent à aspirer 
le nectar des fleurs. Le dernier changement em- 
bryonnaire est donc considérable, puisqu'il a pour 
but de remplacer un organe par un autre conformé 
d'une manière très dissemblable, et d'entrainer la 
production de plusieurs appareils dontlesembryons 
sont privés. Beaucoup d'Insectes ne procèdent pas 
à ce phénomène en modifiant simplement les sys- 
tèmes déjà présents, et leur donnant une nouvelle 
structure. La métamorphose est plus radicale. Les 
appareils préexistants, tube digestif, muscles, 
centres nerveux, se détruisent; ils se dissocient en 
leurs cellules consti- 

tutives, qui se désa- 
7 grègent, et devien- 
nent libres dans l'in- 

térieur du corps. Par- 

mices éléments, ceux 

qui sont trop spécia- 

lisés dans leurs fonc- 

tions pour se prêter 

à une multiplication, 

comme les fibres 
musculaires par 

£ exemple, disparais- 
= sent: les autres aug- 


mentent rapide - 
> ment en nombre , 
Contours tout en utilisant Îles 
Tr matériaux nutritifs 
Paëeus fournis parles débris 


des précédents, se 


permettre cetaccrois- 
sement numérique, 
et s'agencent en de 
nouveaux organes, é- 
difiés sur le plan par- 
ticulier à l'adulte. La 
destruction des systèmes inutiles s’accomplit par 
la phagocylose (fig. 3 et 4); et les phagocytes sont 
précisément les cellules capables de se multiplier. 
Tout en proliférant, ces dernières enveloppent les 
éléments voués à la disparition, les rongent, et 
s’assimilent leur substance: puis elles se différen- 
cient, et s'établissent dans leur disposition défini- 
tive. 

Un tel changement d'un lissu par un autre mieux 
adapté, et précédé par la destruction phagocylaire 
du premier, se trouve chez les Vertébrés supé- 
rieurs. Lesembryons de ces êtres ont un squelette, 
dont les parties principales sont cartilagineuses ; 
le tissu de ces dernières doit disparaitre au cours 
du développement, pour être remplacé par de la 
substance osseuse. Cette modification s’accom- 
pagne d'une élimination de la gangue cartilagi- 


segmentent pour 


- ments des Lissus à 
fonctions spéciali - 
sées , 


L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE 


89 


neuse ; et les éléments chargés de ce rôle, pris 
parmi les cellules mèmes du cartilage primordial, 
se comportent comme de vrais phagocytes. 

Dans tous ces cas, l'appareil détruit se trouve 
remplacé par un autre; mais il en est où, cette 
substitution n’intervenant pas, la disparition s’ac- 
complit sans retour. Ce fait se présente, par 
exemple, chez les tètards des grenouilles el des cra- 
pauds; leur queue 
s'atrophie au mo- 
ment de ia méta- 
morphose dernière, 
et d'une façon dé- 
finitive. Telles en- 
core les larves de 
beaucoup d'Asci - 
dies; elles possè - 
dent également une 
queue, dont elles se 
servent pour nager, 
et la perdent lors- 
qu'elles passent à 
létatadulte.Lapha- 
gocytose joue le 
principal rôle dans 
ces phénomènes . 
Les globules de la 
lymphe, avec cer- 
taines des cellules 
conjonctives , s’at- 
laquent aux élé - 


comme les 
muscles , agissent 
vis-à-vis d'eux à la 
manière de phago- 
cvtes, et entraïnent 
leur destruction 
complète. 

La phagocytose 
des embryons n’a 
pas toujours, com- 
me but unique, l’é- 
limination d’orga- 
nes devenus inuliles; elle sert parfois à permettre 
l'absorption des substances alimentaires contenues 
dans l’œuf, et conservées dans l’économie du petit 
être. Chez un assez grand nombre d'animaux divers, 
appartenant à tous les groupes, l'œuf renferme une 
quantité considérable de granulations vitellines, 
destinées à nourrir l'embryon durant son dévelap- 
pement, et absorbées sur place à cet effet; l’en- 
semble de ces granules constitue la vésicule vilelline, 
nommée la vésicule ombilicale en ce qui regarde plus 
spécialement les Vertébrés, appendue au corps, et 


vantes. 


Fig. 3. — Larves d’Insecles Orthoptères el Diptères. — Ces dessins mon- 
trent, en silhouettes noires, plusieurs types de larves d’Insectes, dont 
les tissus sont appelés à se détruire par phagocytose, pour se régé- 
nérer par la suite, — En haut (n° 530) se trouve une larve d'Ephémère; 
à côté (n° 531) une larve de Moustique; encore plus à droite (n° 532) 
une larve de grosse Mouche; tout en bas, et à gauche (n 
larve de Puce; à côté, sur la droite (n° 533) la larve d’une Cécidomye, 
insecte voisin des Moustiques. — Les phénomènes de la destruction 
des tissus et de leur régénération sont indiqués par les figures sui- 


diminuant de volume à mesure que progresse 
l’évolution embryonnaire. Cette restriction cons- 
tante, allant jusqu'à la disparition complète, est 
une conséquence de l’absorption des granules dont 
elle se compose; et il m'a été donné de voir en 
plusieurs cas, notamment au sujet des Arthropodes 
(Crustacés et Insectes), qu'elle s’accomplit en ma- 
jeure part au moyen de la phagocytose. Les couches 
cellulaires, situées 
au contact de celte 
matière nutritive,se 
comportent comme 
des amas de pha- 
gocytes, et détrui- 
sentles granules de 
proche en proche: 
elles s’alimentent à 
leurs dépens, et font 
passer aux autres 
régions de l’écono- 
mie les produits 
ainsi obtenus, afin 
d'en faire profiter la 
totalité du corps de 
l'embryon. 

Un tel emploi de 
la phagocytose ne 
s'écarte pas du rôle 
habituel . Celui-ci 
est double : d’un 
côté, il consiste en 
une destruction 
d'appareils ; de l’au- 
L tre en une absorp- 
tion de ce qui peul 
servir comme ali- 
ments dans ces or- 
ganes attaqués. Les 
vésicules vitellines 
étant seulement 
composées de subs- 
tances nutrilives , 
cette dernière uti- 
lisation prend la 
prédominance. Ail- 
leurs, mais plus rarement, la première est la 
plus importante. Le fait existe, à en juger d’a- 
près les remarquables études entreprises par 
Mathias Duval, dans la placentation de certains 
Mammifères (fig. 5). La région embryonnaire, qui 
doit édifier le placenta, commence par s'attacher 
à la paroi de l’utérus maternel ; mais les échanges, 
qui s'établissent par osmose entre les parties 
ainsi mises en contact, n'étant pas suflisants pour 
alimenter le fœtus, la zone extérieure du placenta 
s'avance dans l’épaisseur de la paroi utérine pour 


° 534) une 


299 


arriver au niveau des vaisseaux sanguins, les enve- 
lopper, et rendre plus aisée la diffusion nutrilive. 
Celte zone, pour pénétrer ainsi, est obligée de 
détruire les tissus qui la séparent des vaisseaux 


utérins ; au lieu 
de consister en 
cellules distinc- 
tes, elle se com- 
pose d’éléments 
fusionnés, unis 
en un plasmode, 
et fonctionne 
comme un pha- 
gocyle gigantes- 
que. Nommée 
par Mathias Du- 
val, à cause de 
sa structure, la 
couche plasmodiale 
du placenta, elle 
ronge et détruit 
de proche en pro- 
che les assises 
épithéliales et 
conjonclives de 
l'utérus, jusqu’à 
ce qu'elle par- 
vienne dans la 
région vaseulai- 
re: elle entoure 
alors les canaux 
sanguins, Se 
substitue à leur 
propre paroi, el 
puise directe - 
ment dans le 
sang maternel, 
sans aucun 0bs- 
tacle interposé, 
les matériaux u- 
tiles à la nutri- 
lion embryon - 
naire. Dans cette 
phagocytose, 
qu'il serait pres- 
que permis d’ap- 
peler de péné- 
tration, la des- 
est le 
principal but à 
accomplir 


truction 


la 


couche plasmodiale fait disparaitre tout ce qui 
l'empêche de parvenir à l’assise vasculaire de 


l'utérus. 


Ces données, d'ordres divers, conduisent à une 
même conclusion : la phagocytose est un phéno- 


L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE 


JS62 


= 
07 


Disque. 


IR AGYTHAUX 


Pere arreter 
— ! = ; 
CYA clogersne es disques 
; 


L cloderrrie t0UYe2Z 


L 


Fig. 4. — Hystolyse et disques imaginaux des pupes d'Insectes. — Ces figures ex- 


prunent, d'une manière diagrammatique, et d’après des coupes transversales 
pratiquées dans le corps, les phénomènes de la destruction des tissus des larves 
d'Insectes, dont une partie s’accomplit au moyen de la phagocytose, et de leur 
récénération. — Jn suivant la série des cinq premiers dessins, partant du haut 
et de la figure de gauche pour terminer en bas, on voit les organes se mor- 
celer, se réduire en fragments, dont plusieurs sont résorbés par la phagocy- 
tose, puis se régénérer à l’aide d'appareils spéciaux, nommés des disques ima- 
ginaux., — La’ dernière figure (n° 565) montre un de ces disques très grossi, afin 
de dénoter sa structure, et de représenter les cellules de son mésoderme, qui 
agissent, dans ces phénomènes, en qualité de phagocytes. 


rent, suivant le cas, les origines 


at Lu 4 


mène des plus fréquents dans le développement 
embryonnaire des animaux, toutes les fois où un 
organe doit être éliminé, quelle que soit sa nature. 
L'appareil ne disparail pas par ses propres forces, 


par une sorle de 
dégénérescence 
atrophique ac - 
complie par ses 
propres moyens, 
et où il serait 
seul intéressé . 
Un tel fait existe 
en réalilé, mais 
il est subordonné 
à la phagocytose, 
sous le rapport 
de l'importance 
des  résullals . 
L'organe voué à 
la destruction 
perd ses capaci- 
tés vitales et ses 
propriétés fonc- 
lionnelles: il de- 
vienlinerteetin- 
différent ; sa pré- 
sence dans l’é- 
conomie déler - 
mine une réac- 
lion, qui se tra- 
duit par la pha- 
gocytose. Les é- 
lémentis conser- 
vés, pourvus de 
leur vitalité en- 
envoient 
vers lui quel- 
ques-uns d’entre 
eux, chargés d’a- 
mener sa dispa- 
rition, en ulili- 
sant ce qu’il peul 
con!enir de ma- 
tériaux nutritifs. 


Uuère , 


IT 


Les notions 
précédentes per- 
metlent de con- 
cevoir jusqu'à 
quel point diffè- 
des phagocytes. 


Parmi ces derniers, les uns dérivent de feuillets 


embryonnaires à peine façconnés, et les autres, 


de tissus déjà bien formés; d’un côlé, ils nais- 
sent d'une gangue conjonctive ou d'un plasma 


hp 2 


L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE 591 


% 
: 
à 
À 


circulant; de l’autre, ils découlent d'assises épi- | gions où leur rôle est utile, aux dépens des élé- 
+ Lhéliales. Aucune provenance fixe, déterminée et |! ments préexistants qui avoisinent l’objet à élimi- 


de À 


é Proi ulirint 
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ERP NR SENTE l'écloplacen be 44 ae Péas7r02Lale 


4 
ze deu Dolacerle 

Z 
Fig. 5. — Développement du placenta chez le Lapin. — Ces trois figures, établies d'après les recherches faites par Mathias 
Duval, sont consacrées aux premiers phénomènes du développement du placenta chez le Lapin. — Le numéro 998 
| montre une section de l'utérus d’une Lapine contenant un ovule. Le numéro 999 représente une partie de cet ovule, 
‘ déjà transformé en un jeune embryon et grossie; cette partie s'accole à la paroi utérine et s’enfonce dans sa substance, en 
la détruisant à mesure, pour arriver au niveau des vaisseaux utérins, et les envelopper afin d’y puiser les matériaux nutri- 
d tifs qui sont nécessaires Au développement du petit; la zone de pénétration, assimilable à un phagocyte gigantesque, est 
* teintée en noir. Le numéro 1000 exprime, à un grossissement plus fort encore, afin de mieux préciser les phénomènes, la 


bande limitée par une circonférence dans la figure du milieu. 


constante chez lous les animaux, n'existe pour | ner. La seule condition commune, dans celle 
eux; ils sont engendrés sur place, dans les ré- | genèse, est que les éléments ne soient pas trop dif- 


a 6 mr 


92 


férenciés en vue d'une fonction particulière ; aussi, 
les seules matrices des phagocytes sont-elles des 
couches épithéliales, ou plus fréquemment encore 
des tissus conjonctifs. 

Malgré cette grande diversité d’origine, les pha- 
gocytes se ressemblent tous : ils ne se distinguent 
guère que par la taille; l'identité fonctionnelle 
entraine, à leur égard, une similitude d'aspect. Au 
lieu d’avoir des contours arrêtés el permanents, 
ils changent sans 
cesse de forme. Ils 36 
émettent des pro- 
longementsennom- 
bre variable, qu'ils 
allongent ou rac- 
courcissent cons - 
tamment , durant 


leur vie entière, et Pro: 
dont ils se servent, de la 
soit pour se dépla- CARRE 


cer, soit pour en- 
tourer les particu- 
les qu'ils veulent 
ronger. Ces expan- 
sions sont, de tous 
points,comparables 
aux  pseudopodes 
des animaux unicel- 
lulaires les plus 


Fig. 6. — Evolulion des protospores el des deulospores des Sporozoaires 


L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE 


détruire est trop volumineux pour une cellule pha- 
gocylaire réduite à ses propres moyens, plusieurs 
s'associent et se confondent en une seule masse, 
assez grosse pour envelopper le corps auquel elle 
s'attaque. Ce fait a été signalé dans la phagocytose 
pathologique ; il existe, mieux marqué encore, 
dans la phagocytose embryonnaire. La couche 
plasmodiale du placenta des Mammifères est, en 
réalité, un amas énorme de cellules unies, qui 
pénètre dans la pa- 

52 roi de l’utérus ma- 

ternel pour arriver 
aux vaisseaux san- 
guins ; elle agit, en 
celle occurrence , 
comme un seul pha- 
gocyle colossal. Les 
œufs de divers Crus- 
tacés, ceux des Clo- 
portes par exemple, 
possèdent des cica- 
tricules, masses su- 
perficielles d'un 
protoplasme actif, 
dont les bords, 
composés par la 
soudure d’une 
grande quantité 
de cellules non 


40 41 


L Brudopidies : 


simples, à ceux des 
AmϾbiens, par ex- 
emple; cette res- 
semblance est telle 
que l’on dit sou- 
vent des phagocytes 
qu'ils sont munis de 
pseudopodes , ou 
encore qu'ils ont un 
aspect  amæboïde 


amphigéniques. — Ces figures expriment l’évolution vitale d'un animal 
unicellulaire, parasite, appartenant à l’ordre des Coccidies, et nommé 
l'Eimeria falciformis. Cet être se loge dans une des cellules du corps 
de son hôte, et détruit au préalable son protoplasma, dont il se nour- 
rit, pour prendre sa place ; en cette qualité, il agit comme un phagocyte, 
et sa manière de faire constitue une sorte de phagocytose des plus 
élémentaires. — La figure portant le n° 36 représente l'animal 
contracté et modifié en une protospore, qui se subdivise pour en- 
cendrer des descendants, nommés des deutospores. La figure voisine, 
n° 37, montre une deutospore rendue libre. Les quatre dessins 
du bas offrent, en allant de gauche à droite, la série des changements 
subis par la deutospore pour devenir un individu capable de se dépla- 
cer à l’aide de ses pseudopodes, et pour se convertir en un phagocyte. 
Les phagocytes, dans tons les cas, ressemblent, par leurs caractères 
essentiels, à l'individu qui termine à droite la rangée inférieure des 
dessins, et qui peut servir de type. — (Ces figures, comme les précé- 


encore distinctes , 
s'étalent à la sur- 
face ovulaire , el 
l'enveloppent peu 
à peu dune ma- 
nière complète. Ce- 
pendant, ces phé- 
nomènes sont Îles 
moins fréquents ; 
d'ordinaire, le pha- 


fig. 6. Une pareille 
communauté est, 
sans doute, une conséquence de l'extrême simpli- 
cité avec laquelle se manifestent, dans les deux 
cas, les fonctions de la locomotion et celles de la 
nutrition ; le phagocyte, bien qu'appartenant à un 
animal élevé en organisation, retourne, à cause de 
son rôle et de la façon dont il l’effectue, à la 
structure des êtres les plus inférieurs. 

D'habitude, chaque phagocyte est une seule cel- 
lule capable de se multiplier et de donner nais- 
sance à des descendants, qui se séparent les uns 
des autres, en devenant des phagocytes à leur tour. 
Tant que durent les circonstances favorables, cette 
prolifération manifester, et le 
nombre de ces éléments augmente sans cesse, 
Pourtant, dans certains cas, lorsque l'objet à 


continue à se 


dentes sont empruntées à mon traité d'Embryologie comparée.) 


gocyte est une cel- 
lule simple. 


TI 


Toutes ces constalalions, de natures diverses, 
conduisent à une même loi. La phagocytose n'est 
pas seulement l'un des moyens par lesquels l’or- 
ganisme résiste à l'invasion des microbes : elle 
vaut davantage. Son importance est à la fois plus 
grande et plus continue. Elle répond à une fonc- 
tion normale de l'économie, et à l’une des formes 
suivant lesquelles se manifeste l'élimination. Les 
malières liquides et gazeuses sont excrélées par 
diffusion, et rejetées dans les milieux environnants: 
il ne peut en être ainsi pour les corps solides, aux- 
quels ne s'applique aucune osmose directe. Le but 
est alteint d’une façon délournée : par la phago- 


cytose. Des cellules vivantes, produites par les tis- 
sus voisins, s’atlaquent à ces corps, et les détrui- 
sent sur SR elles les rongent peu à peu, et 
déterminent leur dissolution de proche en proche. 
Ces cellules mangeantes, ces phagocytes, conser- 
vent les substances nutritives qu’elles absorbent, 
s’en servent pour s’accroitre et se multiplier, les 
font revenir ainsi dans le circuit vital; elles rejet- 
tent les autres dans les plasmas circulants, d’où 
elles parviennent au dehors par la diffusion. La 
phagocytose est donc l’un des procédés d’élimina- 
tion des composés solides, et, sans doute, le plus 
important : àcetitre, elle doitêtre considérée comme 
faisant partie des fonctions d’excrétion, et comme 
- ayant dans l'organisme un rôle constant. 
- _ L'emploi de la phagocytose est d’une haute va- 
leur chez les embryons d’un assez grand nombre 
d'animaux, où elle est utilisée pour effectuer, au 
moment des dernières métamorphoses, la dispari- 
tion des organes qui ne doivent point persister 
chez l'adulte. Il existe également, durant toute la 
vie, dans l’économie achevée, mais ne s'adresse 


É 


LÉ 


es jai dant 


Co 


SUR L’EXPANSION FRANÇAISE EN AFRIQUE 293 


plus à des appareils entiers. Les phagocytes s’at- 
taquent aux éléments morts après avoir accompli 
le cycle de leur vitalilé, ou à ceux produits à la 
suite d'une prolifération anormale, ou encore à 
des composés d’excrétion qui s’amassent dans cer- 
tains tissus ; ils les détruisent dans la mesure du 
possible. En cela est l'emploi courant, normal et 
essentiel, de la phagocytose. Les microbes, intro- 
duits dans l’économie, jouent le rôle d'éléments 
étrangers, solides, et déterminent contre eux une 
réaction phagocytaire. Mais cette dernière n'est 
point un phénomène nouvean, adéquat à cette seule 
invasion microbienne; elle répond à l'utilisation, 
dans un but de résistance organique, d’une fonc- 
Lion habituelle et continue dans le temps. Ce nou- 
vel emploi prend, il est vrai, des allures particu- 
lières, suivant les qualités des objets misen cause; 
mais c’est là un fait d'adaptation, quinedoit point 
masquer le caractère primordial, relatif à la cons- 
lance. 
Louis Roule, 


Professeur à la Faculté des Sciences de Toulouse, 


QUESTIONS D'AFRIQUE 


— L'expansion 


coloniale de la France, tant en 
Afrique qu'en Asie, a suscité nombre de criliques. 
Les uns l’ont dénoncée comme attentatoire aux 
intérêts vitaux du pays, parce que la reprise del’Al- 
sace-Lorraine devait être le but exclusif de notre 
politique extérieure. D'autres, guidés par des 

. mobiles d’un tout autre ordre, l'ont combattue 
comme pouvant être, à un moment donné, la cause 
de graves difficultés économiques en ce sens que 
les produits coloniaux pourraientconcurrencertrop 

- fortement les produits métropolitains. D'autres, 

- enfin, s’y sont opposés en déclarant, de plano, que 

la France n’était pas une puissance colonisatrice. 

- Toutes ces critiques ont été facilement réfutées. 
Aux premières il a été répondu qu’un pays comme 
la France, qui veut continuer à jouer un grand rôle 
dans le monde, ne peut se désintéresser des problè- 
mes qui occupent, à juste litre, les grandes puis- 
sances européennes, et qu'il doit, de même que 

- les autres nations, amies ou ennemies, prendre sa 

- part dans le partage du monde qu’effectuent depuis 

… 20 ans les peuples les plus forts. Est-ce un moyen 

… d'avancer l'heure des «réparations nécessaires » 
. que de s’isoler du concert des peuplesetde repous- 

… ser à priori toute politique permettant d'opposer 

à certains coalitions des groupementspondérateurs 


di LL: A 


SUR L’'EXPANSION FRANÇAISE EN AFRIQUE 


où l’on peut jouer un rôle digne de son rang et de 
sa puissance ? 

Aux secondes, on a opposé la possibilité de sous- 
traire la France aux obligations où elle se trouve 
d'acheter des matières dans tel ou tel pays. On a 
montré les avantages qu'elle aurait à se procurer 
du coton, du café, du thé dans ses colonies. La 
production coloniale ne suffirait peut-être pas à 
satisfaire à tous les besoins de la consommation 
métropolitaine, mais elle permettrait, en tous cas, 
lors des négociations commerciales, de mieux 
défendre les intérêts du commerce d’exporlation 
parce qu’on ne serait pas tributaire économique- 
ment des pays avec lesquels on trailerait. 

Enfin, à la troisième objection, on a répliqué 
en montrant la permanence de l'œuvre accomplie 
par les Français au Canada et à la Louisiane. On a 
signalé les constatalions rassurantes des voya- 
geurs élrangers qui-ont parcouru l'Afrique sep- 
tentrionale et qui ont admiré les résultats obtenus 
en moins d'un demi-siècle par les colons d'Algérie, 
en moins de quinze ans par les colons de Tunisie. 
Et là, les problèmes de colonisation étaient ardus. 
Il ne s'agissait pas, comme en Australie, en Nou- 
velle-Zélande, en Afrique australe, de substituer 
une population européenne immigrée à une popu- 


SUR L’EXPANSION FRANÇAISE EN AFRIQUE 


lalion indigène refoulée ou supprimée. Il fallait 
trouver le moyen de faire vivre côte à eôle les 
éléments européens et les éléments africains, la 
civilisalion chrélienne et la civilisalion musulmane. 
Nous ne nous dissimulons pas que des fautesont 
été commises, que notre politique coloniale ait là, 
comme ailleurs en Afrique, manqué de méthode. 
Quelques dogmatiques censeurs le disent volon- 
liers : ils auraient voulu que la science présidät à 
notre expansion dans le monde. La méthode 
scientifique, il la faut observer dans toutes les 
manifeslalions de l’activité humaine : elle est la 
seule base d’un progrès cerlain. Mais le tout est 
de savoir si, en matière coloniale, les circon- 
stances voulaient qu'on s’en servit. 
Théoriquement, la prise de possession d'un ler- 
riltoire aurait dû être précédée d'une élude com- 
plète du pays au point de vue de sa valeur écono- 
mique et de son importance politique. Avant de 
soumeltre au Président de la République la ralifi- 
cation d’un traité comportant l'entrée d'un État 
africain dans la sphère des intérêts poliliques de 
la France, il aurait fallu dresser le bilan présent 
et futur de celte nouvelle acquisition ; connaitre 
ses ressources naturelles comme sous-sol, flore, 
faune, populalion:; apprécier les charges militaires 
et poliliques assumées par la puissance protec- 


trice ; bref, se livrer à l'examen approfondi que ne: 


manque pas de faire l'amateur judicieux quiachète 
un objet d'art ou l’éleveur prudent qui marchande 
une belle tête de bétail. 

Celle théorie est parfaite. Si on l'avait suivie dès 
la période qui a précédé l'occupation militaire de 
Tombouctou, il est de toute évidence que l'on se 
fût gardé contre les déceptions éprouvées mainte- 
nant el aussi contre les catastrophes qu'un peu de 
perspicacilé aurait pu prévenir! Il ne faudrait pas 
pourtant qu'on fit de son inobservalion la caracté- 
ristique de la politique coloniale francaise. Est-ce 
que l'Angleterre, elle, dont on vante toujours en 
France la sagesse et la méthode politiques, n’a pas 
fait preuve des mêmes errements en ce qui con- 
cerne son expansion dans l'Afrique australe? Elle 
a commencé par engager une lutte armée contre 
les Boers du Transwaal ; puis, elle s'est décidée à 
traiter, malgré les échecs retentissants qu'elle à 
éprouvés, et à évacuer les conquêtes qu'elle avait 
commencé à faire. Eût-elle agi ainsi si elle avait 
connu la valeur minière du Transwaal et, au lieu 
d'arrêler son corps expédilionnaire en marche 
vers les contingents Boers, n'eût-elle pas renforcé 
ses effectifs pour conquérir #4nu mililari ces riches 
placers qui déterminent aujourd'hui une fièvre d’or 
plus intensive que celles qu'ont provoquées les 
mines de l'Australie et de la Californie ? 

Ainsi, dans un cas, la méthode scientifique eût 


conseillé l’abstention, et dans l’autre eût justifié 
l'action. Voilà des faits que les théoriciens de l’ex- 
pansion coloniale scientifique peuvent donner 
à l'appui de leur thèse. Mais, qu'on nous permelte 
de dire que ce ne sont que des arguments de 
thèse, car l'examen des conditions dans lesquelles 
s'est commencé et se poursuit le partage de l’A- 
frique montre que les circonstances ont imposé à 
toutes les nations la prise de possession politique 
d'un pays avant la reconnaissance économique. 

C'est à une vérilable course au clocher que se 
sont livrées les puissances européennes dans leurs 
conquêtes africaines, el cette course ne leur a pas 
permis de faire application d’une méthode d'ex- 
pansion coloniale. Elles ont agi comme elles ont 
pu et non comme elles ont voulu. Cette constata- 
lion molivera évidemment les plus extrêmes ré- 
serves des criliques historiques, géographiques et 
aulres : mais quoi ? 

La reconnaissance scientifique d’un pays in- 
connu d'Afrique exige un effort considérable. 

Il faut dresser la carte de la région, fixer la 
posilion exacte des systèmes hydrographiques et 
orographiques. Il faut joindre à cette première 
carte un relevé sommaire de la carte géologique. 
Pendant ce temps, les naturalistes examinent les 
ressources naturelles du pays et les techniciens 
en apprécient l’utilisation. C'est à une œuvre de 
cette nature que s'est adonné le célèbre Institut 
d'Égypte. C'est un travail analogue que l’on pro- 
jette pour Madagascar. Mais ne voit-on pas que 
ces deux Instituts auront eu pour auxiliaires pré- 
cieux, indispensables dirons-nous, les troupes des 
corps expédilionnaires qui assuraient le calme 
sans lequel ne pourraient travailler des savants! 
Est-il possible de venir dans un pays inconnu, se 
livrer à des travaux de ce genre, sans l’assentiment 
des maitres naturels du pays? Et cet assentiment, 
comment l'obtenir, sinon par des négociations 
où la politique joue naturellement un grand rôle? 

Le nègre est défiant de sa nalure. Il a peur du 
blane, qu'il sail être plus fort, plus puissant que 
lui, disposant de moyens quasi surnaturels pour 
sanctionner ses volontés. C’est à force de pré- 
cautions oratoires, de cadeaux qu'on obtient son 
concours. Il vend quelques vivres, facilite des pas- 
sages, et là il fait assez souvent preuve de bonne 
volonté; mais, quand il s’agit de fixer des routes, 
de déterminer des ilinéraires, que de mécomptes 
pour les explorateurs et combien la lecture de 
leurs journaux de marche est édifiante à cet égard! 
Les chefs de village redoutent la prise de posses- 
sion de leur pays et s’alarment souvent pour la 
moindre chose. 

Qu'on nous permette une anecdote à ce sujet. 

Le docteur Maclaud, un des compagnons de 


route a capitaine Binger dans son second voyage 
à Kong, nous racontait que les indigènes d’un pays 
de la vallée de la Comoé faillirent faire un mauvais 
parti à la mission. Ils s’inquiélaient des allées et 
venues des Européens, le soir, après le campe- 
ment. Sans nul doute, les feuillels de papier aban- 
donnés dans les bois ne pouvaient être que des fé- 
tiches laissés par eux pour faciliter la conquête de 
leurs villages ! 

- Voit-on, dans ces conditions, l'effet que produi- 
rait une grande mission ne braquant sur 
les constellations célestes les luneltes méridiennes 
el les théodolites ! Ces instruments scientifiques de- 

 viendraient, dans l'imagination des noirs, de ter- 
ribles pièces d'artillerie, et une hostilité en règle 
devrait être la seule réponse convenant à de pa- 
reilles manifestations! 

Qui nous dit encore, que, profitant de l'émoi 
ressenti chez les Rio ènes, un voyageur étranger, 
se promenant sans appar ail avec quelques por- 
teurs, et les mains pleines 4 présenis, ne viendra 
pas tirer parli de cette situation et conclure cun 
traité politique avec les chefs, pendant que, ‘en 
France, les autorités les plus etes seraient 
sollicitées de venir donner leur avis sur la «valeur 
économique » de la colonie projetée ! 

Il faut en prendre son parti : la conquête poli- 
tique a dû précéder l'investigalion scientifique. 
Ainsi ont fait les Égypliens dans le Soudan, les 
Ilaliens en Abyssinie, les Allemands dans l'Est 
africain, au Damaraland, au Cameroun et au Togo- 
land, les Anglais dans le Sud africain. Si l’Angle- 
- Lerre a eu moins de mécomples que d’autres puis- 
-sances, € ’est qu'elle a su profiter de l'expérience 
acquise par autrui. Dans le Bas-Niger, elle a repris 
les établissements d’une Compagnie française dont 
elle redoutait la concurrence, ce qui lui a permis 
de prendre position dans les régions inférieures 
du bassin du Niger, celles que les explorateurs du 
commencement et du milieu du xix° siècle avaient 
reconnues être les plus riches de l'Afrique centrale. 
Elle à repoussé la France vers le Sahara, de 
+ même qu'après s'être assuré la plus grande partie 
“ de la région des Grands Lacs, elle a donné à l'Ita- 

» lie les soliltudes du pays des tree ? 

| Tarde venientibus ossa. Pour éviter d'avoir, dans 
le partage africain, la part des convives altardés, 
la France a dû mulliplier ses entreprises colo- 
niales. Les gouvernements ont agi suivant leur 
tempérament politique, suivant leurs conviclions, 
- au sujet du rôle que la France coloniale peut rem- 
- plir dansle monde. 

; Oh certes! ce n'est pas l'esprit de suite qui a 
brillé. Les hommes qui se sont succédé à la tête de 
- l'administration des colonies étaient loin derepré- 
+ sentier les mêmes opinions. MM. Dislère, Grodet, 


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SUR L'EXPANSION FRANÇAISE EN Une bd de 


295 


comme directeurs des colonies ; MM. Félix Faure, 
De la Porle, Elienne, Jamais, Delcassé, Maioce 
Lebon, comme sous- sebrétairend? Etal; MY. Boulan- 
ger, Delcassé et Chaulemps, comme ministres, ne 
représentent pas, à proprement parler, la même 
aclion coloniale. L'activité des uns est contre- 
balancée par l'extrême prudence des autres. 
Quelquefois c’est la plus décevante des irrésolutions 
qui domine toute une administration. Des retards 
préjudiciables à nos intérêts politiques sont cons- 
tatés dans la marche des affaires adminis(rativ es, 
relards que nos concurrents savent mettre à profit! 

Dans un gouvernement d'essence parlementaire, 
l’action personnelle d'un ministre, responsable 
devant les Chambres, doit être et est Aurelien 
prépondérante dans nb donnée à tout un 
. département ministériel. Que devient alors, dans 
ces conditions, la politique suivie dans telle ou 
telle Ne) grand exemple nous ont donné 
les Anglais dans leur pénétration dans le bassin 
du Haut-Nil! Le ministère libéral de Lord Rose- 
bery, tout en montrant moins d'activité coloniale 
que le ministère Salisbury, n'a rien abandonné 
des visées anglaises sur l'Ouganda, l'Ouniyoro et 
l'Equatoria. Lord Salisbury, revenant au pouvoir, 
trouve lesaffaires d’ Afrique Fate une telle situation 
qu'il peut reprendre de suite l'exécution de son 
programme personnel. 

Voilà des sujets de médilalion pour ceux qui pro- 
fessent aujourd'hui les nuuveaux dogmes de l’ex- 
pansion scientifique. Voilà des enseignements 
dignes d'être enseignés, car, outre qu'ils sont con- 
formes aux faits matériels, ils permettent de 
mieux apprécier l'œuvre de ceux qui, au lende- 
main de nos malheurs, n'ont pas douté de la puis- 
sance de rayonnement de la France. 

Il convient, ces points élablis, de s’efforcer de 
procéder maintenant, partout où cela est possible, 
dans les territoires placés définitivement sous 
notre influence, à une série d'enquêtes scientifiques 
permettant de Frame un inventaire fidèle de notre 
domaine d'outre-mer. Si la méthode n’a pu prési- 
der à nos acquisitions coloniales, il importe, par 
contre, d'y avoir recours pour ce utilisation. Il 
faut se häter de classer nos colonies ou certaines 
parties de nos colonies d’après l'opportunité de 
leur mise en valeur. 

Des missions confiées à des savants de tout 
ordre doivent donc être successivement dirigées 
sur nos divers établissements de la côle d'Afrique, 
pour que l'Administration des Colonies puisse 
concevoir un programme raisonné de colonisation. 
C'est à celte seule condition qu'on évitera des er- 
reurs d'appréciation fort préjudiciables aux inté- 
rèls de la métropole et des colonies elles-mêmes. 

XX x 


© 
© 
[er] 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


SUR L'EXTENSION 


Après avoir conquis, par d'importantes applications, 
droit de cité dans la grande industrie, l'Electro-Chimie 
voit aujourd'hui s'ouvrir devant elle le plus brillant 
avenir. Elle est en train de pénétrer dans nombre de 
fabrications où, jusqu’à ces dernières années, les res- 
sources ordinaires de la Chimie étaient seules interve- 
nues. Cette transformation mérite toute l'attention du 
savant et de l'ingénieur. En attendant la série des ar- 
ticles plus développés que la Revue compte consacrer 
à l’Electro-Chimie industrielle, il ne sera pas sans 
intérêt de signaler les principales nouveautés qui la 
concernent, et de jeter un rapide coup d'œil sur les 
voies où elle se trouve actuellement engagée 


Î. — ELECTRO-MÉTALLURGIE, 


De toutes les branches de l’Electro-Chimie, l’électro- 
métallurgie est de beaucoup la plus connue. Elle infé- 
resse aujourd'hui plusieurs industries d’extraction. 


Aluminium, — IL est inutile de rappeler ici dans 
quelle large mesure la substitution des méthodes élec- 
trolytiques (méthode de Minet, etc...) aux anciens pro- 
cédés purement chimiques (procédé Deville, etc.) dans 
le traitement du minerai, à fait baisser le prix de 
l'aluminium. 

Aussi le perfectionnement du système électrolytique 
fixe-t-il, à l'heure actuelle, les efforts des industriels. 
Parmi les plus heureuses tentatives récemment faites 
dans ce sens, il convient de citer celles de M. Héroult. 
Des renseignements très complets viennent de nous 
être donnés à ce sujet. Nous y relevons ce résultat : 
Les 4.000 chevaux-vapeurs que donnent les chutes du 
Rhin en Suisse ont permis de fabriquer, grâce au pro- 
cédé Héroult, trois tonnes d'aluminium par jour. 

Ce métal vient, d'autre part, d’être l’objet d’un ap- 
plication particulièrement intéressante de l’Electro- 
Chimie, M. J. Darling, de Philadelphie, a recouvert 
électrolyliquement d'aluminium 10.000 mètres carrés 
du fer destiné à la tour des nouveaux Public Buildings 
de cette ville, Les colonnes, etc., sont d’abord récou- 
vertes de cuivre par la méthode ordinaire; puis, au 
moyen d’un bain dont la composition reste secrète, 
recouvertes d’une couche d'aluminium de 0,0015. 

Cette dernière opération dure 72 heures avec une 
densité de courant de 10 ampères par 0,10 carrés de 
l’anode, et de 70 ampères par même unité de surface à 
recouvrir, La force électromotrice employée était de 
8 volts pour chaque bain, 


Antimoine el arsenie. — Siemens et Halske traitent 
les sulfures naturels de ces métaux par une solution 
d'un sulfure alcalin qui les dissout en donnant des 
sulfures doubles. La solution est ensuite électrolysée ; 
l'arsenic ou l’antimoine se déposent en laissant en 
dissolution un sulfhydrate alcalin. La réaction est la 
suivante : 


Sb2S3, 3Na?S -L 3H20 — Sb? + 6Na SH + 30. 


L'anode est séparée de la cathode par un diaphragme, 
le pôle positil (destiné à recevoir l’oxygène) est en 
charbon ou en platine. (Brevet allemand, n° 67.974.) 


3, Chrome, Mançganèse, Tungstène. — Les oxydes de 
manganèse, tungstène el chrome ont été réduits dans 
le four électrique par M. Moissan, Un courant de 
300 ampères sous 60 volts, traversant pendant 6 mi- 
nutes un mélange d'oxyde de manganèse et de car- 


DE L'ÉLECTRO-CHIMIE INDUSTRIELLE . 


— L'ÉCLAIRAGE A L’ACÉTYLÈNE 


bone, donna 100 à 120 grammes de manganèse renfer- 
mant 6 à 14 °/, de carbone. Le même courant, passant 
pendant 10 minutes à travers un mélange d’ oxyde de 
chrome et de charbon, donna 100 à 110 grammes de 
chrome contenant de 8,6 à 11,9 °/, de carbone. Cette 
fonte chromée, mélangée avec de l’oxyde de chrome et 
chauffée dans Îe four, “donna du chrome pur. 

L’acide tungstique ‘donna de la même manière un 
carbure de tungstène à 17 à 19 °/, de carbone, qui 
permit de préparer le tungstène Dur, 

D'autre part, le chrome “métallique peut être obtenu 
en grandes quantités par le procédé électrolytique de 
Placet et Bonnet. A une solution diluée d’un sel de 
chrome, on ajoute des sulfates ou chlorures alcalins 
ou alcalino- terreux, avec quelques substances organi- 
ques telles que la gomme arabique ou la dextrine, ces 
substances étrangères représentant quatre fois le poids 
du sel de chrome. La solution est chauffée, et on em- 
ploie une cathode beaucoup plus petite que l’anode 
pour obtenir une grande densité de courantsur la sur- 
face où se dépose le chrome sans recourir à une puis- 
sance considérable. 30 à 40 volts sont nécessaires pour 
la décomposition. Pour obtenir les alliages de chrome, 
on ajoute à la solution le sel du métal à mélanger au 
chrome en poids égal à celui du sel de chrome. Avec 
un bas voltage, le métal étranger se dépose seul (le 
fer par exe mple) et, avec des voltages plus élevés, on 
obtient des quantités de chrome de plus en plus 
grandes, si bien qu’on peut obtenir un alliage en pro- 
portions variables. On peut encore déposer le métal à 
allier en premier lieu au moyen d’un bas voltage, puis 
la quantité voulue de chrome au moyen d’un voltage 
plus élevé, et fondre la plaque ainsi obtenue pour 
avoir l’alliage désiré, 


4, Cuivre, — L’aïlinage électrolytique du cuivre est. 


maintenant employé sur une immense échelle. Une 
usine à Baltimore et une autre à Butte (Montana) pro- 
duisent chacune cinquante tonnes par jour, etl’'époque 
est prochaine où la totalité du cuivre manufacturé 
sera épurée par l’électrolyse du sulfate de cuivre. Un 
perfectionnement récent consiste à séparer le sulfate 
de fer de la solution en la chauffant et y faisant passer 
un courant d'air qui précipite le fer à l’état de sulfate 
ferrique basique, 


». Or, — L'or, extrait du minerai par une solution 
de cyanure de potassium, est déposé de cette solution 
au moyen d’une cathode de plomb et d'une anode de 
fer, les anodes de carbone se désagrégeant trop rapide- 
ment. Les plaques de fer donnent du bleu de Prusse 
et peuvent durer longtemps ; les anodes sont placées 
verticalement et sont enveloppées d’un canevas pour 
recueillir le bleu de Prusse et l'extraire du liquide. Les 
plaques de plomb sont placées entre deux plaques de 
fer avec 37 millimètres d'intervalle entre les élec- 
trodes. 

Les plaques de plomb sont retirées tous les mois et 
fondues avec l'or qu’elles supportent (2 à 12 °/, d'or), 
puis traitées par coupellation. 


6. Magnésium. — La méthode de préparation du ma- 
gnésium au moyen du sodium a été complètement rem- 
placée par une méthode électrolytique qui consiste à 
fondre le chlorure double de magnésium et de potas- 


i Sium en présence de gaz réducteurs introduits par le 


couvercle du creuset pour éviter l’inflammation du 


PTS 


magnésium. On a récemment introduit dans le com- 
 merce un alliage appelé Magnésium-Zinc qui peut rem- 
placer le magnésium pur. Il contient 62°/, de magné- 
sium, 26 °/,de zinc et12°/, de fer. Cet alliage, très fragile, 
peut aisément se pulvériser et répond, aussi bien que 
le magnésium, aux besoins de la pyrotechnie et de la 
photographie, bien qu'il soit d'un prix de revient beau- 
coup moins élevé. La méthode de fabrication consiste 
. à électrolyser le chlorure double de magnésium et de 
- potassium fondu dans un creuset qui contient au fond 
- une couche de zinc fondu servant de cathode. On intro- 
- duit dans le bain, après obtention de l’alliage, un peu 
- de chlorure de fer, que l’alliage réduit en donnant la 
- proportion de fer convenable, 


7. Sodium. — Le sodium métallique s’obtient mainte- 
nant par l’électrolyse, en particulier par le procédé de 
Castner. Un bain de soude caustique fondue est main- 
tenue à la température de 313° C. dans des récipients 
…._ spéciaux où passe un courant de 1.000 ampères sous 
“ Là 5 volts. La température n'étant pas de plus de 
30 degrés supérieure au point de fusion de la soude, la 
résistance électrique est faible. L'opération se fait très 
régulièrement et le sodium fondu vient surnager. 

Ce dernier point est particulièrement avantageux, 
parce qu'il évite la distillation du sodium. 


Ls sl" de 


8. Soude caustique. — On électrolyse une solution 
concentrée de sel marin, et l’on obtient de la soude 
caustique et du chlore, ce dernier étant utilisé pour la 
préparation du chiorure de chaux. Le voltage néces- 
saire est de 2 volts 1/2. Les difficultés pratiques con- 
sistent à trouver une anode qui résiste à l’action com- 
binée du chlore et de l'oxygène naissant, et à cons- 
truire un diaphragme poreux qui conserve la soude 
caustique autour de la cathode et l’empêche de se 
recombiner au chlore. 

Différents procédés ont été proposés pour résoudre 
ces difficultés. Greenwood et Casiner émploient des 
charbons agglomérés de fabrication spéciale. Hôüpfner 
préconise des électrodes de ferrosilicium. Hargreave 
emploie comme diaphragme une toile métallique très 
fine en cuivre, sur laquelle on a tassé des fils d’a- 
miante. 

On a proposé de transformer immédiatement la 
soude caustique en bicarbonate ou en savon, suivant 

- l'usage qu'on en veut tirer. 


9. Zinc. — Cassel et Kjellin, de Stockholm, proposent 
le procédé suivant pour extraire le zinc des minerais 
sulfurés. La blende est grillée jusqu'à transformation 
aussi complète que possible en sulfate et reprise par 
l’eau, Le récipient destiné à l’électrolyse renferme un 
vase poreux où une anode de fer est placée dans une 
solution de sulfate de fer, tandis que la solution de sul- 
“ jate de zinc entoure la cathode. Lorsque le courant 
“ passe, le zinc est déposé, tandis qu'une quantité cor- 

respondante de fer se dissout. La force électromotrice 
… nécessaire estégale à la différence entre la force électro- 
- motrice de décomposition du sulfate de zinc et celle du 
- sulfate de fer, c’est-à-dire d'environ 1/3 de volt. On 

évite ainsi la décomposition de l’eau de la solution. 
Heinzerling propose de griller les minerais de zinc à 
l’état d'oxyde, et de dissoudre l’oxyde dans une solu- 
tion concentrée de chlorure de magnésium à tempéra- 
ture élevée, et sous une pression de 2 à 3 atmosphères, 
L’électrolyse sépare le zinc et laisse le chlorure de 
- magnésium, qui peut reservir. 
… Un autre procédé employé en Ecosse (Usine Watson, 
: Lardlaut et C°, Glasgow) consiste à électrolyser une 


né sé 


solution chaude d’oxyde de zinc dans la potasse caus- 
tique. 


10. Céruse. — Stevens électrolyse une solution à 15 °/, 
d'acide nitrique avec des électrodes de plomb en fai- 
… sant passer un courant continu d’anhydride carbo- 
nique. 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 597 


. 11. Chlorate de potasse. — En électrolysant une solu- 
tion chaude de chlorure de potassium et en facilitant 
le mélange de la potasse caustiqueet du chlore produits, 
on obtient du chlorate de potasse. 


12. Acide chromique. — Placet et Bonnet, de Paris, pro- 
duisent l'acide chromique en électrolysant le chromate 
neutre ou le bichromate de potassium en solution, au 
moyen de l’électrode charbon, L’alcali, qui se réunit 
autour de la cathode, est remplacé de temps en temps 
par de l’eau pure. L’acide chromique formé cristal- 
ise, 


13. Phosphore. — Un mélange de phosphate acide 
de calcium et de charbon, est chauffé au blanc dans 
un four électrique, et le phosphore distille. 


II. — ELECTROLYSE DES MATIÈRES ORGANIQUES. 


À côté de ces applications métallurgiques, d'autres, 
moins connues, sont entrées dans la pratique pour la 
fabrication de certaines substances organiques et pour 
le blanchiment. 


1. Chloroforme.—- La méthode électrique est si écono- 
mique et si expéditive qu'elle se substitue rapidement 
aux autres. Une cornue de tôle émaillée, munie d'un 
double fond et chauffée par de la vapeur, contient 
2 lames de plomb formant électrodes. Elle est remplie 
d'une solution à 20 °/, de sel marin portée à l’ébulli- 
tion, Un courant d’acétone passe d’une manière con- 
tinue dans lasolution électrolysée. Le chlore, produit 
par l’électrolyse du sel marin, réagit sur l’acétone en 
donnant du chloroforme, qui dislille, Le produit ainsi 
obtenu ne renferme aucun autre composé chloré. Cent 
parties en poids d’acétone donnent 190 parties de 
chloroforme, alors que le rendement théorique serait 
de 206. C’est là un résultat très remarquable au point 
de vue non seulement du rendement, mais aussi de la 
pureté. Tous les chirurgiens savent, en effet, combien 
il est difficile d’obtenir à un état suffisant de pureté le 
chloroforme du commerce vendu par le pharmacien. 


2. Couleurs d'aniline. — L'emploi du courant élec- 
trique, pour produire des réductions ou des oxydations 
dans la manipulation des colorants organiques, s’est 
généralisé de telle facon qu'il est impossible d’en énu- 
mérer toutes les applications. En général, l’électroly- 
seur est divisé en deux parties par une cloison poreuse, 
et la substance à traiter est placée au contact de 
l’anode, si l’on veut produire une oxydation, et de la 
cathode pour une réduction, 


IIT, — ELECTROLYSE DES COLORANTS MINÉRAUX, 


1. Jaune de cadmium. — On l’obtient facilement en 
électrolysant une solution de sel marin avec des élec- 
trodes de cadmium, en même temps qu’on fait passer 
dans la solution un courant d'hydrogène sulfuré. Le 
chlore produit décompose l'hydrogène sulfuré, et le 
soufre donne du sulfure de cadmium, dont la teinte 
varie avec les conditions de l’électrolyse. 


2. Vermillon. — Un réservoir en bois d’un mètre de 
hauteur et de deux mètres de diamètre est muni, près 
du fond, d’une tablette sur laquelle sont placés des 
récipients contenant du mercure. Ce métal est réuni 
au pôle positif d’une dynamo; le pôle négatif de la ma- 
chine est relié à une plaque de cuivre reposant sur le 
fond du réservoir. Celui-ci est rempli d’une solution 
aqueuse de 8 °/, de nitrate d’ammoniaque et autant de 
nitrate de sodium. Un tube perforé amène de l’hydro- 
gène sulfuré dans la liqueur, qu'un agitateur main- 
tient en mouvement. De temps en temps on retire le 
vermillon précipité. 


3. Vert de Scheele (arsénite de cuivre). — Une solution 
à 8°/, de sulfate de sodium est électrolysée avec des 
électrodes de cuivre; le bain est chauffé par un serpen- 


598 


tin à vapeur, et un petit sac contenant de l'anhydride 
arsénieux est suspendu dans le liquide. Le courant en 
passant forme du sulfate de cuivre aux dépens ,des 
plaques et de la soude caustique qui dissout l'acide 
arsénieux en donnant de l’arsénite de soude. Ce der- 
nier sel réagit sur le sulfate de cuivre pour précipiter 
le vert de Scheele en régénérant le sulfate de sodium. 
Il suffit de remplacer les plaques de cuivre et l’anhy- 
dride arsénieux. 


4%. Vert mélis (arséniate de cuivre). — 11 suffit de rem- 
placer dans la préparation précédente l’anhydride 
arsénieux par l'acide arsénique. Celui-ci étant soluble, 
on ajoute lentement une solution d'acide arsénique 
dans le bain au voisinage de l’électrode négative (ca- 
thode). 


5. Rouge juponais. — Gelte couleur est un oxyde de 
plomb coloré par de l’éosine. On obtient en électroly- 
sant une solution à 40 °/, d’acétate de sodium avec des 
plaques de plomb et ajoutant continuellement une 
solution d’éosine : ce produit se sépare par décantation. 


6, Vert Berlin. — Gæbel précipite une solution de ferro- 
cyanure de potassium au moyen d’un sel ferreux; met 
le précipité en suspension dans l’eau, et l’électrolyse. 
La solution est acidifiée avec 5 °/, d’un acide et placée 
dans le compartiment de l’anode. Sous une action 
prolongée, la couleur bleue disparait et donne le pro- 
duit désiré. 


IV. — OPÉRATIONS DIVERSES. 


1. Blanchiment. — Le procédé Hermite consiste à 
décomposer une solution de chlorure de. magnésium 
par l’électrolyse. On obtient de l’hypochlorite de ma- 
unésium, que l'on peut faire agir, dans l’électrolyse 
même sur la substance à blanchir ou conserver, Les 
fibres animales ne se prêtent pas à ce mode de blan- 
chiment; il réussit, au contraire, pour le coton, le lin, 
le jute, la päte à papier. Le blanchiment électroly- 
tique coûte environ moitié moins que l’ancienne mé- 
thode au chlorure de chaux. 

Le docteur Goppelsræder montre que quelques ma- 
tières colorantes sont détruiles par le courant, d’au- 
tres changent, et d’autres sont produites au moyen de 
substances non colorées. Il propose dès lors d'employer 
des électrodes d’une forme convenable appliquées sur 
le tissu et produisant des dessins, 


2, Tannage. — On a reconnu que l’action de Pélec- 
tricité facilite l'absorption du tannin par les peaux. 
Une usine installée à Orbe, en Suisse, à pu, en une 
semaine, préparer complètement trois cents peaux. 


3. Traitement électrolytique des jus sucrés. — Un jus 
impur étant soumis à l’électrolyse, les matières orga- 
niques colorantes sont détruites par oxydation, et beau- 
coup de sels inorganiques peuvent ètre extraits au 
moyen d’électrodes convenables. Un sirop chauffé à 70 
ou 759 C., soumis à un courant de 50 à 60 ampères sous 
4 volts entre des électrodes de zinc où d'aluminium, 
ayant une surface totale de 12 ou 1% mètres carrés, le 
récipient ayant environ 11/2, le pôle négatif s’est 
recouvert d’un enduit gommeux d'albumine presque 
pure, Ce dépôt augmentant la résistance électrique, 
on l'évite en inversant le sens du courant toutes les 
deux ou trois minutes; après une dizaine de minutes 
de traitement, le sirop est extrait et traité comme à 
l'ordinaire, 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


L'avantase de ce traitement réside dans la diminu- 
tion du lait de chaux et dans la suppression complète 
du noir animal, 

Les électrodes sont attaquées en donnant des sels 
qui précipitent les impuretés du sucre, et l’alumine 
entraine les matières qui restent en suspension. 

Mentionnons enfin que l’électrolyse des eaux livrées 
à la consommation détruit les germes, comme l'ont 
montré les expériences faites sur les cultures de la 
diphtérie et de la tuberculose, 


Dans un récent article paru ici même,! nous avons 
fait connaître à nos lecteurs les principes d'une nou- 
velle industrie qui est en train de se créer : la fabrica- 
lion en grand du carbure de calcium pour la produe- 
tion de l’acétylène. Nous avons fait voir Les avantages 
de ce dernier sur le gaz d'éclairage ordinaire : son 
énorme pouvoir éclairant, son prix de revient moindre 
(à pouvoir éclairant égal), sa facilité de production à 
partir du carbure de calcium, la faculté qu'on a de le 
liquéfier à une pression relativement peu élevée, fa- 
culté qui permet de le conserver en assez grande quan- 
tité dans de petits récipients el qui assure un transport 
facile. 

Toutefois, ces considérations n’ont pas élé sans sus- 
citer de nombreuses critiques, et plusieurs personnes 
vont jusqu'à dire que la crainte de voir un jour le gaz 
d'éclairage remplacé par l’acétylène n’est aucunement 
fondée. 

On objecte ? que-le carbure de calcium pur ne pourra 
pas être livré à moins de 150 francs les 1.000 kilogs, 
qui produisent, dans de bonnes conditions, 300 mètres 
cubes d’acétylène. Or, le prix de la carcel-heure 
obtenue par cet éclairage est égal à celui de la même 
unité de lumière produite par le bec Auer avec le gaz 
de houille à 30 centimes le mètre cube. Et l’on fait 
observer que ce sont là des conditions exceptionnelles 
de prix et de rendement, car, actuellement, en Alle- 
magne, le carbure de calcium est vendu de 550 à 
600 francs les 100 kilogs et il ne fournit guère que 
120 à 180 mètres cubes d'acélylène par tonne, En 
outre, les lampes à eau et carbure de calcium présen- 
teront des inconvénients de poids et de volume, et 
les lampes à acétylène liquéfié ne seront guère d’un 
usage courant, le maniement de récipients contenant 
un gaz à la pression d’une quarantaine d’atmosphères 
présentant de réelles difficultés. 

Nul doute que plusieurs de ces critiques soient assez 
sérieuses et qu'il faille, pour se prononcer en parfaite 
connaissance de cause, attendre les résultats pra- 
tiques d'essais faits sur une grande échelle. Nous 
croyons cependant que, lorsque l’industrie naissante 
se sera développée, on parviendra, par un choix 
approprié des matières premières et par des perfec- 
lionnements répétés dans la conduite des opérations, 
à produire un carbure de plus en plus pur et à des 
prix de moins en moins élevés, et que l’acétylène, par 
ses précieuses propriétés, sera de plus en plus appelé 
à être utilisé dans l'avenir. 


Edouard UrBaix, 
Chimiste industriel. 


1 KE. UrBain. Une Révolution dans l'Eclairage au gaz : 
utilisation industrielle et commerciale du carbure de calcium 
pour la production de l'acétylène (Revue générale des 
Sciences du 30 mai 1895, tome VI, pages 446 à 458). 

2 Science et Commerce (Revue pratique de l'Electricilé, 
n° du 6 juillet 1895, p. 260). 


Schlesinger (Prof. Dr L.), Privat-docent an der Uni- 
versitüt zu Berlin. — Handbuch der Theorie der 
linearen Differentialgleichungen. Tome 1. — 1 vol. 
gr. in-8° de 488 pages (Prix : 20 fr.) B. G.Teubner, édi- 
teur. Leipzig, 1895. 


—_._ M. Schlesinger s’est proposé de réunir, en un traité 
… de deux volumes, la théorie des équations différen- 
- Lielles linéaires, sous sa forme actuelle, telle qu’elle 
. résulte particulièrement des belles recherches de 
… MM. Fuchs, Frobénius, Picard, Poincaré et Lie, en la 
- rattachant aux travaux plus anciens de Lagrange, de 
- Laplace, de Cauchy et de Riemann. 

Le tome premier, qui vient de paraitre, est entière- 
mentconsacré aux méthodesd’intégration des équations 
différentielles linéaires à coefficients algébriques. 
Depuis le célèbre mémoire de M. Fuchs, il ne s’agit 
plus de ramener simplement l'équation proposée à des 
quadratures, mais la théorie des équations différen- 
tielles consiste plutôt à déduire, directement de 
l'équation, la facon dont son intégrale se comporte 

dans le plan. C’est également le problème poursuivi 

dans ce volume. L'auteur ne s’est cependant pas 

attaché à un exposé purement systématique, afin de 

pouvoir suivre le développement essentiellement his- 

torique. Les questions difficiles, non encore résolues, 

n'ont pas été omises; elles se trouvent, au contraire, 
… signalées à l'attention des analystes. 

Quant aux renseignements bibliographiques, si im- 
portants dans un pareil ouvrage, ils ont été placés. 
dans la table des matières, en regard de chaque cha- 
pitre, comme l’a fait Lacroix dans son Traité de Calcul 
ifférentiel et intégral. 

La théorie des équations différentielles linéaires a 
pris, depuis une trentaine d'années, un développement 
si considérable, grâce aux progrès de l'Analyse, qu'un 
traité tel que celui de M. Schlesinger, est appelé à 
rendre de grands services. C’est un guide précieux pour 
tous ceux qui veulent comprendre et poursuivre les 
découvertes de cette branche des Mathématiques. 

H. Feur. 


| L 1° Sciences mathématiques. 


Debaïins (A.), Ingénieur des Arts et Manufactures, 
P: de Génie Rural à l'Ecole Nationule d'Agriculture «du 
Grand-Jouan. — Instructions pratiques sur l’uti- 
lité et l'emploi des machines agricoles sur le 
terrain. — Tome I : Labours. Tome 11: Semailles. 
Tome IIT : Récoltes. — 3 vol. de ?00 pages avec une 
centaine de fiqures chacun. (Prix : cartonnés, 12 francs). 
Société d'éditions scientifiques, Paris, 1893-95. 


ner i à Li dns: 


né és Éd: 


La raréfaction de la main-d'œuvre à la campagne, 
lélévation naturelle de son prix; l'avantage d'exécuter 
rapidement les travaux; les procédés de culture per- 
fectionnés que seul permet l’usage de certaines ma- 
chines, des semoirs par exemple ; la nécessité absolue 
d’abaisser le prix de revient des récoltes ; enfin, Je dé- 
sir légitime de l’homme de diminuer sa peine, de 
4 n'exercer que l'effort minimum : voilà les principaux 
- faits quiont généralisé l'emploi des machines agricoles. 

L'industrie et le commerce se sont vite engagés dans 

la voie nouvelle qui leur était offerte, 7 

La statistique de 1881, dressée par les soins de 

* M. Tisserand, directeur de l'Agriculture, enregistre les 
« progrès réalisés dans l'emploi des machines agricoles 
… depuis 1852. Nous en extrayons quelques chiffres ca- 
- ractéristiques. Le nombre des houes à cheval em- 
ployées dans la culture est passé de 25.846 à 195.410; 


be de “ont Cu matter tit) 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


599 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


celui des machines à battre de 100.733 à 211.045; celui 
des faucheuses de 9.442 à 19,147. 

Et depuis 1882 les chiffres ont certainement aug- 
menté dans de fortes proportions. 

Parmi toutes ces machines, combiensont nombreuses 
les variétés du même type ! | 

Et combien de types différents de charrues, de se- 
moirs, de moissonneuses-lieuses! 

Comment le cultivateur s’y reconnaitra-t-il ? 

Comment fixera-t-il son choix sur les instruments 
qui répondent le mieux à ses besoins ? 

Certes, bien souvent, le nom même du constructeur 
est une garantie. Mais il n’en est pas moins désirable 
que le cultivateur soit toujours capable d'apprécier et 
la machine qu'il achète, et le travail qu'elle fournit, 
M. Debains s'efforce de lui en procurer les moyens, 
d’une manière simple, sans faire appel à des connais- 
sances spéciales généralement ignorées. En outre, 
M. Debains lui donne des renseignements précieux en 
ce qui concerne la conduite des machines sur le ter- 
rain : l'appropriation des divers instruments aux dif- 
férentes conditions culturales, leur réglage, leur con- 
servation et leur entretien. Le réglage des machines, 
condition sine qua non de leur bon fonctionnement, est 
trop souvent négligé. On saura gré à l’auteur de s'être 
particulièrement étendu sur celte partie de son pro- 
gramme. 

Dans un pareil ouvrage, il ne peut être question 
d'historique, partie intéressante dans un traité général, 
mais inutile, et même incommode dans un traité des- 
tiné à des praticiens. L'auteur prend le matériel agri- 
cole sur le vif, tel qu'il est aujourd'hui, après la révo- 
lutïon qui l’a transformé. Il met le lecteur au courant 
des inventions les plus récentes et des procédés de 
construction les plus perfectionnés. La nature même de 
son livre lui a permis d'abandonner les planches expli- 
calives, toujours compliquées, qui majorent le prix des 
traités de machinerie agricole. Il les a remplacées par 
de simples schémas. 

Ceux-ci reproduisent avec clarté les organes actifs 
des machines et suffisent parfaitement à l'intelligence 
du texte. 

Malgré le point de vue spécial auquel l’auteur s’est 
placé, son livre ne contient pas moins de très intéres- 
santes études personnelles; plusieurs chapitres trou- 
veraient place dans des traités plus considérables; 
citons, en particulier, les travaux de M. Debains sur le 
prix de revient des labours; les descriptions des appa- 
reils qu'il a imaginés pour les labourages à vapeur et 
à treuil ; enfin, documents précieux, le prix de revient 
par hectare des travaux effectués par les machines. 

L'ouvrage comprendra 4 parties formant 4 volumes : 
4° Instruments destinés à la préparation mécanique du sol 
(charrues, herses, rouleaux); 2° Distributeurs d'engrais, 
semoirs, houes à cheval; 3° Outillage propre à la récolte 
des fourrages et des céréales (faucheuses, faneuses, etc.) ; 
4° Appareils destinés à la récolte des racines et des tuber- 
cules. Les trois premiers volumes ont paru. Le tome III 
comprend les descriptions des faneuses, des faucheuses, 
des moissonneuses et des moissonneusses-lieuses, ces 
machines ingénieuses qui coupent, gerbent et lient les 
récoltes. M. Debains à traité d'une manière remar- 
quable cette partie de son ouvrage, la plus difficile 
sans doute en raison de la multiplicité des organes 
des machines, des problèmes ardus posés à chaque 
instant, et que les constructeurs n'ont résolus qu'à 
force d’ingéniosité. G. WERy, 

Directeur des Etudes 
à l'Institut National Agronomique. 


600 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


2° Sciences physiques. 


Thompson (Silvanus P.), Directeur du Collège tech- 
nique de Finsbury à Londres. — L'Electro-Aimant 
et l'Electro-Mécanique (Traduit de l'anglais par 
Æ. Boistel) . — 1 vol. in-8° de la Bibliothèque élec- 
trotechnique. 575 p. et 221 fig. avec un portrait de l'au- 
teur. —(Priæ : 10 fr.) J. Frütsch, libraire-éditeur, 30, rue 
du Dragon, Paris, 1895, 


C'est dans les pays de langue anglaise que le magné- 
tisme à été le plus étudié dans ces dernières années, 
et les auteurs anglais sont à la source immédiate des 
renseignements sur les principaux progrès de cette 
science, Nul n’était mieux à même de les rassembler 
que l’auteur, auquel on doit de remarquables travaux 
sur la question, et surtout un grand nombre d’études 
de détail sur le cireuit magnétique. 

L'ouvrage que nous présentons à nos lecteurs, dans 
l'excellente traduction qu'en a donnée M. Boistel, 
n'est nullement didactique; le plan en est difficile à 
saisir, et l'exposé de la théorie y est un peu indécis, 
Mais, en revanche, il est admirablement documenté, 
écrit d'une facon simple et claire, et rempli de rensei- 
gnements pratiques. La description y va droit au but, 
et les données numériques relatives aux appareils sont 
reproduites sous leur forme immédiatement utilisable, 
Le peu que nous venons de dire suffit pour montrer 
que cet ouvrage est, avant tout, destiné aux praticiens, 
auxquels sa lecture sera éminemment profitable. L’or- 
donnance, qui laisse peut-être un peu à désirer, ne les 
sènera nullement, puisque la table des matières et 
l'index très complet leur indiqueront l’endroit précis 
où ils auront à chercher le document dont ils ont 
besoin. 

Une courte introduction historique contient la des- 
cription des électro-aimants les plus remarquables, 
soit par la date de leur construction, soit par leurs di- 
mensions extraordinaires, Puis vient une étude som- 
maire, relative à la forme des électro-aimants et aux 
matériaux employés dans leur construction, On revien- 
dra plus en détail sur ces deux points au cours de 
l'ouvrage; au chapitre suivant, déjà, on étudie les pro- 
priétés du fer au point de vue magnétique. Les méthodes 
d'essai sont décriles avec un détail suffisant pour être 
nettement comprises, et les résultats des recherches 
modernes y sont rapidement consignés. 

C’est seulement au chapitre IV qu'apparait définiti- 
vement la notion du circuit magnétique, à laquelle se 
rallie le reste de l'ouvrage; puis, à partir du cha- 
pitre VI, on entre dans la pratique immédiate, c'est-à- 
dire dans la construction des appareils. Ce sont d’a- 
bord des règles pratiques pour le bobinage et les 
études de construction d’électro-aimants spéciaux, 
comme ceux à action rapide destinés aux appareils 
vibrateurs ou aux relais; puis viennent les bobines à 
plongeurs, ensuite quelques mécanismes complets et 
la description des curieuses expériences que l’on peut 
faire à l’aide d'un électro-aimant excité par un cou- 
rant allernatif. Les moteurs électro-magnétiques sont 
traités dans un court chapitre, ainsi que diverses ma- 
chines-outils dans lesquelles l’électro-aimant joue Île 
rôle principal. L'auteur donne ensuite les moyens d’'é- 
viler les étincelles, puis indique l'emploi de l'électro- 
aimant en chirurgie. Ce chapitre, inattendu dans un 
ouvrage qui ne s'égarera que peu sur la table des mé- 
decins, contient d’intéressants détails historiques sur 
l'emploi de l'aimant à l'extraction de parcelles de fer 
plantées dans la cornée où même intérieures au globe 
de l'œil. En général, on se sert d’un électro-aimant 
spécialement adapté à ce but, pour attirer peu à peu 
le fragment de métal magnétique à un endroit con- 
venable, au-dessous de la sclérotique, que l’on incise 
alors pour le retirer. Mais il arrive aussi que l’on 
puisse l'attirer à l'extérieur par la seule action de 
l’aimant, 

L'auteur cile, entre autres, le cas d'un mineur dont 


l'œil gauche fut perforé, du côté interne, par un éclat 
de fer, qui voyagea à travers l'humeur vitrée, et vint 
se loger dans la rétine. On put, en pratiquant un léger 
élargissement de la plaie, introduire dans l'œil lui- 
mème le pôle de l’extracteur, qui ramena, au second 
sondage, le corps étranger, cause du mal, 

Il n'est que juste, après avoir résumé {rop sommai- 
rementle contenu de cet ouvrage, de dire la perfection 
rare avec laquelle le traducteur l’a adapté. M. Boistel 
s’est fait, en quelque sorte, une spécialité de ce genre 
de travaux, dans lequel il excelle. 

Un mot maintenant à l'éditeur pour n'oublier per- 
sonne. M. Fritsch en est, croyons-nous, à ses débuts 
dans ce genre d'ouvrages, et il a conquis d'emblée une 
place honorable par une exécution typographique soi- 
snée. Il nous permeltra cependant une critique de 
détail : l’économie faite sur les marges était d'autant 
moins indiquée que l'ouvrage dont nous parlons est de 
ceux que l’on annote volontiers; et puis, il aurait mieux 
valu, quitte à augmenter de deux sous le prix du vo- 
lume, éviter de mettre une annonce au verso de la der- 
nière page de texte. Cela n’est qu'un détail, mais qui à 
son importance. Que l'éditeur considère cette critique 
comme un simple conseil, etilne nous en voudra pas, 
nous en sommes persuadé. Ch.-Ed, GUILLAUME. 


La Baume-Pluvinel (\. de), — La Théorie des 
Procédés photographiques. — 1 vol. pelit in-8° de 
230 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mé- 
moire, publiée sous la direction de M. H. Léauté, de 
l'Institut. (Priæ : broché, 2° fr. 50; cartonné 3 fr.) 
Gauthiers-Villars et fils et G. Masson, éditeurs. Paris, 
1895. 

Les traités de Photographie publiés jusqu'à ce jour 
envisagent seulement, dans la grande majorité des 
cas, le côté pratique des procédés qu'ils enseignent : 
les considérations théoriques qui s’y rattachent sont 
fort rarement abordées et presque toujours suceinc- 
tement et incomplètement exposées; de sorte que là 
connaissance de la théorie de ces procédés exigeait 


jusqu'ici des recherches bibliographiques considé- 


rables. < 

L'ouvrage que M. de la Baume-Pluvinel vient de pu- 
blier dans la Bibliothèque scientitique des aide-mé- 
moire comble très heureusement cette lacune, en 
réunissant les principales idées théoriques qui se rap- 
portent aux procédés photographiques. 

Pendant de longues années, les premières méthodes 
qui ont utilisé la lumière pour produire des images 


ont été appliquées par des praticiens qui se sont fort 


peu souciés d'en rechercher et d'en approfondir le 
mécanisme ; on peut dire que l’empirisme a régné en 
maitre et que la théorie de ces méthodes a été presque 
complètement négligée. Ces conditions ont certaine- 
ment retardé, dans de très larges limites, l’évolution 
de la photographie, ; 

Aujourd’hui encore bien peu des personnes qui 
emploient à chaque instant la Photographie connais- 
sent les lois et les hypothèses sur lesquelles elle 
s'appuie. 

En attirant l'attention des expérimentateurs sur le 
côté théorique des procédés photographiques, en 
réunissant les renseignements qui ont été publiés Jus- 
qu'ici dans cet ordre d'idées, M. de la Baume-Pluvinel 
a rendu un réel service à la Photographie. 

Dans le chapitre 1 de son ouvrage, l’auteur s'occupe 
d'abord de l’action des radiations sur les corps en gé- 
néral ; il énonce et développe à ce sujet, avec la plus 
complète clarté, les grands principes scientifiques de 
la théorie mécanique de la chaleur et de la thermo- 
chimie. 

Les chapitres suivants sont consacrés aux divers 
procédés aux sels d'argent ; les théories de la forma- 
tion de Pimage latente, du développement de lortho- 
chromatisme, s'y trouvent particulièrement traitées 
avec soin. 

Le principe interférentielle de 


de la méthode 


M. Lippmann y est également exposé, accompagné de 
considérations fort intéressantes. 

Enfn, la théorie des divers procédés de photocopie 
termine l'ouvrage. Il y a lieu de regretter que cette 
dernière parlie soit moins complète que les précé- 
dentes : les sels métalliques autres que les sels d’ar- 
gent, si l’on en excepte les sels de chrome, n'ont 
guère fourni, il est vrai, jusqu'ici d'applications pra- 
- iques, et c’est sans doute celte considération qui à 
- engagé l’auteur à abréger cette partie de son ouvrage. 
1 Cette observation, d'importance fort minime, n’en- 
e 
à 
& 


nt diner ad 


Lu déve, 


- Jève ni le grand mérite, ni l'originalité d’une œuvre 
dont la lecture s'impose à toules les personnes qui 
s'occupent sérieusement de Photographie, 

Auguste et Louis LuMèRE. 


Cross (C.-F), et Bevan (E.-J.) — Cellulose, an 

Outline of the Chemistry of the structural Ele- 
. ments of Plants. — 1 vol. in-12 de 312 pages avec 

14 microphotographies. (Prix : cartonné, 15 fr.) Long- 

mans and C°, éditeurs, 39, Paternoster Row, Lon- 

dres. 1895. 

On a dit quelquefois que la cellulose, malgré le rôle 
capital qu'elle joue dans l'économie de la Nature, pos- 
sède peu d’attraits pour le chimiste; que ses combi- 
naisons, ses produits de décomposilion sont, en général, 
dépourvus de ces caractères accentués qui font la joie 
des chercheurs. Et pourtant, la liste bibliographique, 
qui se trouve à la fin du livre que nous analysons. 
contient les noms de plus de 140 auteurs, dont {es 
travaux sont répandus dans la littérature chimique. 
Peu à peu, en effet, les matériaux se sont accumulés, 
et MM. Cross et Bevan, qui ont largement contribué, 
par leurs propres travaux, à nos connaissances sur la 
cellulose, ont senti que le moment élait venu de discuter 
et de coordonner tous les faits acquis qui la concernent, 
D'autre part, tandis que, dans d’autres domaines de la 
. Chimie, le champ d’études a été éclairé par des théo- 

ries d’une utilité et d’une fécondité inestimables, 

… comme la formule de la benzine de Kékulé pour la 
— série aromatique, et la théorie du carbone asymétrique 
; Lebel et van t’Hoff avec ses conséquences stéréo- 
chimiques pour les carbohydrates, — la chimie de la 
cellulose à marché jusqu'ici à l’aventure, sans guide 
et sans flambeau. 
Ciasser tous les documents épars sur la cellulose, 
- instituer un système rationnel d’expérimentation et en 
déduire les conséquences théoriques tendant à l’éta- 
blissement de la formule constitutionnelle, indiquer 
- enfin les voies à suivre pour effectuer la résolution. 
définitive du problème, tel est le but de la présente 
monographie. 

La classification des méthodes y est conforme aux 
… idées les plus récentes; celle des différentes celluloses 
«— se recommande d'elle-même. D'une part la cellulose 
- pure et simple, avec le coton blanchi pour type, d’autre 
À part les celluloses composées, les ligno-celluloses 
— ayant pour {ype le jute et comprenant les bois, les 
 pecto-celluloses représentées par le lin, les adipo- 

celluloses représentées parle liège, — forment le sujet 

des deux premières sections du livre. 
| Présenté sous celte forme méthodique, le sujet, 
- qu'on s'attendait à trouver aride, devient, au contraire, 
… plein d'intérêt. On est frappé tout d’abord du carac- 
tère robuste de cette molécule cellulosique si difficile 

à attaquer et si différente en cela de celle de l’amidon, 

qui se laisse, pour ainsi dire, démolir, pierre par pierre, 
sous l'influence de l’hydrolyse, C’est après avoir cons- 

laté cette différence fondamentale, que les auteurs ont 

adopté la tactique opposée et se sont rejetés sur les 

réactions synthétiques, Ils ont étudié successivement 
- les acétates, les benzoates et finalement les xanthates 
ou thiocarbonates, et ont ainsi obtenu des données et 
établi des analogies d'une importance capitale. 

Le fait dominant qu'ils ont découvert consiste dans 
» la réaction du sulfure de carbone sur l’alcali-cellulose. 

Se fondant, d'une part, sur cette considération que la 


o 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


601 


cellulose peut être envisagée comme un alcool, d'autre 
part, sur celte observation de Mercer que cette même 
cellulose est susceptible de former avec la soude caus- 
lique une combinaison — peu stable, il est vrai, — les 
deux chimistes eurent l’idée de soumettre la cellulose 
mercérisée où alcali-cellulose à l’action du sulfure de 
carbone, en vue d'arriver au xanthate correspondant. 
Ils furent ainsi amenés à constater que la cellulose, 
traitée par moilié de son poids d’une solulion, con- 
venablement concentrée, de soude caustique, puis 
additionnée de 40 °/, de sulfure de carbone, donne un 
corps päteux d’un intérêt tout particulier. Ce corps est, 
selon eux, le sel sodique de l'acide cellulose-xanthique 
ou thiocarbonique. Très soluble dans l’eau, il forme 
avec elle un liquide d'une viscosité extraordinaire. La 
solution jouit de cette propriété intéressante que, si 
elle.est abandonnée à elle-même, le thiocarbonate de 
soude se décompose lentement : le sulfure de carbone, 
précédemment engagé en combinaison, est peu à peu 
mis en liberlé, en même lemps que de la cellulose in- 
soluble se dépose. Celle-ci constitue alors une gelée ré- 
sistante ; exposée à l'air, elle se dessèche en se con- 
tractant et finit par ressembler à de la corne. Versée 
sue-une surface unie, la solution ne tarde pas à mani: 
fester son aptitude à former des pellicules continues, 
bien homogènes, transparentes et remarquablement 
résistantes. Cetle précieuse propriété a tout de suite 
suggéré à MM. Cross et Bevan la possibilité de nom- 
breuses applications aux arts industriels : collage du 
papier (en pâle ou en feuille), appcèt et imperméabili- 
sation des étoffes, préparation de pellicules de toutes 
sortes, fines ou grossières, de toute épaisseur et de 
toute couleur pour l'emballage, la reliure, les tentures 
décoratives, la confection de sacs et d’étuis, de plaques 
photographiques rigides et légères, etc., ete. La Revue 
compte revenir, en temps opportun, sur les détails 
techniques de ces industries naissantes. MM. Cross el 
Bevan ont eu l’amabililé de nous en montrer les pre- 
miers produits, il y a environ un an, dans leur labora- 
toire à Londres, et nous avons été frappé de la souplesse 
de leur procédé, susceptible de s'adapter à beaucoup 
d'usages. En raison de la facilité avec laquelle il peut 
être appliqué et du peu de frais qu'il exige, ce procédé 
nous parait destiné à rendre de {rès prochains services 
à quantité de fabrications, 

La deuxième partie de l’ouvrage traite des ligno-cel- 
luloses et, en particulier, du jute. Les réactions spé- 
ciales et les caractères chimiques de ces substances y 
sont exposés en détail. Signalons ce résultat principal 
que les celluloses lignifiées ne sont pas, comme on l’a 
cru si longtemps, des rélanges de cellulose et de 
lignine, mais des composés définis avec le groupe kéto- 
hexène, une sorte d’éther composé. On lira aussi avec 
intérêt la discussion des différentes méthodes analy- 
tiques, surtout de celles qui déterminent les groupes 
fournissant le furfurol (furfuroses et furfurosanes), le 
méthoxyl, etc. : 

Dans la troisième partie du livre sont décritesles mé- 
thodes pratiques : examen et identification des fibres, 
analyse et dosage des éléments constitutifs. C’est tout un 
recueil de renseignements précieux à l’usage du savant 
et de l'industriel, et qui se trouvent réunis ici pour la 
première fois. Morpholôgie de la cellulose, recherche 
des matières fibreuses brutes, analyse des textiles 
et du papier, extraction et séparation des fibres, pro- 
cédés de filature, de blanchiment, de teinture, tous ces 
sujets sont traités avec le souci constant d’élucider les 
questions théoriques et surtout la question fondamen- 
lale de la constitulion de la molécule cellulosique. 
Citons sur ce point les conclusions des auteurs : 


« Comparant la cellulose à l’amidon, nous trouvons qu'elle 
résiste à l'hydrolyse et à l'acétylation, maïs qu'elle se prête 
à la réaction si caractéristique des thiocarbonates. Ce sont 
là des differences, d'une part, de fonction et de réactivité des 
groupes OH, et de l'autre, de l’enchainement des groupes 
uni-moléculaires C$H*010. Il s’agit de savoir si ces diffé- 
rences sont suflisantes pour imprimer au groupe cellulose 


602 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


fe CMP UN ie Cd tes — +" 


le cachet d'un type constitutif spécial. Nous croyons que oui. 
Partant du groupe uni-moléculaire C6H 100$ et l'envisageant, 
ainsi que nous en avons le droit d’après les faits acquis, 
comme C6H60O (OH)#, nous n'avons guère de choix, et nos 
conclusions peuvent s'exprimer en termes généraux de la 
facon suivante : 


«1. — Les atomes C des groupes C6H1005 sont liés l’un à 
l’autre de manière à former une chaine fermée, 
« 2. — L’enchainement des groupes eux-mêmes s'effectue, 


non entre les O, mais entre les C. 

« La synthèse des groupes CSH1005 entre eux doit se pro- 
duire par l’union du CO d'un groupe avec le CH? d’un autre, 
donnant la forme alternative CH — C (OH). » 


Si obscures étaient restées jusqu'à présent les ques- 
tions de cette sorte que, malgré les importantes 
recherches consignées dans l'ouvrage de MM. Cross et 
Bevan, il serait sans doute imprudent de considérer 
toutes leurs conclusions comme absolument adéquates 
à la réalité des phénomènes. Ceux-ci semblent être 
extrèmement complexes et demander encore bien des 
études. Quoi qu'il en soit, d’ailleurs, des vues, en partie 
hypothétiques, auxquelles les auteurs ont été conduits, 
on ne saurait méconnaitre le haut intérêt de leur 
œuvre : ils ont apporté au sujet de nouveaux éléments 
de discussion et les résultats pratiques qu'ils ont acquis 
semblent témoigner aussi, du moins en une certaine 
mesure, de la conformité de leur théorie avec les faits. 

Disons enfin que le livre est orné de 1% planches 
admirablement exécutées d’après des microphotogra- 
phies de M. I. Christie, et représentant des coupes des 
libres typiques décrites dans le cours de l'ouvrage. 


L. O. 


3° Sciences naturelles. 


Gérardin (Léon), Professeur aux Ecoles Twrgot et 
Monge, el Guède (Henri). — Botanique. Anatomie 
et Physiologie végétales. — 1 vol. in-5° de 4S0 p. 
avec 335 fig. (Prix : 6 fr.), J.-B. Baillière et fils, édi- 
teurs. Paris, 1895. 

Cet ouvrage répond, pour la Botanique, au pro- 
gramme du Certificat d’études physiques, chimiques et 
nalurelles, qui vient de remplacer le baccalauréat ès 
sciences restreint. C’est done un livre élémentaire, 
écrit, selon la bonne méthode pédagogique, avec le 
souci d'exposer la science à des jeunes gens qui la 
connaissent peu, assez documenté néanmoins pour 
initier aux études de botanique élevée les candidats à 
la licence ; ils y trouveront un bon résumé du savoir 
actuel sur l'anatomie et la physiologie des plantes. 

Les descriptions sont claires et illustrées de figures 
bien choisies, empruntées aux bonnes sources, souvent 
à de récents mémoires. Il faut louer les auteurs d’avoir 
su mettre dans leur livre beaucoup de faits intéres- 
sants, sans pourtant l'encombrer, ce qui devient de plus 
en plus l’écueil du genre. 


-Jammes (Léon), Préparateur à la Faculté des Sciences 
de Toulouse, — Recherches sur l’organisation et 
le développement des Nématodes. — Thèse pour le 
Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris. —1 vol. 
gr. in-8° de 200 p. avec 12 fig. et 11 planches hors texte. 
Imp. P. Schmidt, 25, rue du Dragon, Paris. 

M. Jammes vient de publier le résultat des « Recher- 
ches sur l’organisation et le développement des Néma- 
todes » qu'il a exécutées au Laboratoire de Zoologie de 
la Faculté des Sciences de Toulouse, sur neuf espèces 
de ces vers, libres ou parasites, etsur l’embryogénie de 
deux d’entre eux, 

L'auteur schématise d'abord en quelques pages d’une 
grande clarté l'organisation des Nématodes telle 
qu'on la concoit actuellement, ce qui permet ensuite 
d'intercaler dans ce cadre, en jugeant de leur impor- 
tance, les nombreux faits nouveaux qu'il a constatés. 
M. Jammes à divisé en deux parties son remarquable 
travail, La première est l'exposé affirmatif des résultats 
de ses recherches; la seconde est, en quelque sorte, 


-plein au début, se creuse bientôt de la lumière intesti- 


l'appui démonstratif de la première, qui s'adresse aux 
naturalistes désireux de contrôler par le menu tous 
les points de l'ouvrage; elle est exposée sous forme 
d'explication très détaillée des planches, 

Un des faits les plus intéressants qui résulte de ce 
mémoire est la solution de la question si controversée 
de la réalité du système nerveux des Nématodes en 
tant qu'organe délimité, M. Jammes semble avoir dé- 
finitivement établi que le système nerveux est unique- 
ment représenté par une couche ectodermique diffuse 
composée d'éléments neuro-épithéliaux. 

La cuticule qui recouvre la peau est formée de 1 à 4 
couches dont les dispositions sont variables d’une es- 
pèce à une autre et pour un même individu, selon les 
conditions diverses de son habital. L'appareil excré- 
teur flottant dans la cavité générale chez les Néma- 
todes libres, est inclus, chez les parasites, dans l’ecto- 
derme, où il peut se ramifier, sans avoir de rapports 
avec les autres feuillets, 

La structure si peu claire de l'élément musculaire 
des Nématodes est élucidée d’une manière définitive ; 
c'est un des résultats les plus importants du travail de 
M. Jammes. Chaque élément se compose d’une partie 
musculaire, contractile, nettement striée, et d’une por- 
tion non contractile, tournée vers l’intérieur-du corps. 
pourvue d’une membrane, et contenant le noyau; si la 
partie musculaire est aplatie, celte portion non con- 
tractile est formée d’une substance homogène peu éle- 
vée qui devient lacuneuse et plus haute à mesure 
qu’elle recouvre des cellules plus renflées du côlé de 
la cavité générale, Ces éléments musculaires sont in- 
nervés par des fibrilles venues des éléments nerveux 
de l’ectoderme; ils sont en outre reliés à l'intestin par 
des tractus très délicats traversant la cavité générale, 

Les tubes sexuels acquièrent des proportions va- 
riables selon que les vers appartiennent à des espèces 
plus ou moins grandes. Une sorte de sillon externe, se 
traduisant intérieurement par un bourrelet saillant, se 
remarque le long de l'intestin. 

L'étude de l’embryogénie a conduit M. Jammes à des 
conclusions entièrement nouvelles et d’un grand inté- 
rêl. 

L'œuf quise segmente à l'abri d’une coque de con- 
sistance variable selon la nature des milieux, donne 
naissance à une morula régulière qui se transforme en 
une planula à deux couches dont l’interne est compacte 
et donne en se divisant deux couches (endoderme et 
mésoderme définitifs) par un clivage circulaire déter- 
minant la cavité générale. L'endoderme, cylindrique et 


nale, Aucune phase gasthrula n’a été constatée. 
L’ectoderme, primitivement épithélium continu, se 
transforme en divers éléments : nerveux, fibrilles et 
granulations. La cuticule débute par une plaquette 
exsudée par chaque cellule ; leur réunion secondaire 


pi has dique 


détermine la cuticule, Le mésoderme produit les élé- w 
ments musculaires qui rapidement augmentent en di- 
mension, mais non en quantité; il produit encore les À 
filaments du mésenchyme qui s'étirent à mesure de la 


croissance de l’animal. 

Enfin l’auteur expose divers points nouveaux de rap- 
prochement entre les Plathelminthes et les Némathel- 
minthes qui semblent si éloignés les uns des autres. 
Ce n’est pas un des chapitres les moins intéressants de 
cette thèse, dont il n'a été possible en ces quelques 
lignes que de donner un trop rapide aperçu. 

Un mot encore sur les dessins à la plume dont 
M. Jammes, depuis longtemps passé maitre en ce genre 
d'illustrations, à complété son mémoire; les uns 
constituent onze planches, les autres sont intercalés 
dans le texte, et tous, exécutés par la même méthode, 
sont d'une lecture frappante et d’une grande perfec-. 
tion, On était d’ailleurs en droit de la demander à 
M. Jammes qui a déjà, comme l’on sait, exécuté récem- 
ment toutes les belles figures du Traité d'Embryologie 
de M. Roule, 


2m 


DELA 


Fit Se 


L. Jouin. 


4° Sciences médicales. 


Brocq (L.), Médecin des Hôpilaux de Paris, et Jac- 
- quet (L.), Ancien interne de l'Hôpital Saint-Louis. — 
_ Précis élémentaire de Dermatologie. Tome III : 
Dermatoses microbiennes. Néoplasies. — 1 vol. 
petit in-8° de 232 pages de l'Encyclopédie scientifique 
des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H. 
Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 
. 3 francs.) Gauthier- Villars et fils et G. Masson, édi- 
_ teurs, Paris, 1895. 


- Le présent volume, deuxième partie du Précis de 
«Dermatologie en cours de publication, traite particu- 
ièrement des dermatoses microbiennes et des néopla- 
sies. Les diverses formes de la tuberculose cutanée 
sont exposées avec leurs caractères essentiels. Elles 
ont distinguées en deux groupes : 1°les lésions tu- 
berculeuses cutanées résullant de l'inoculation di- 
#ecte du bacille, tels les tubercules anatomiques, la 
tuberculose verruqueuse de Riehl et Paltauf, les lupus; 
20 les tuberculoses secondaires à une infection géné- 
rale de l’économie et se manifestant par les ulcéra- 
tions tuberculeuses de la peau et les gommes scrofulo- 
… tuberculeuses. Le lupus érythémateux est classé parmi 
les affections tuberculeuses, comme l’admet sans res- 
triclion M. E. Besnier. Après la tuberculose, vient [a 
lèpre, dont M. Jacquet a fait une intéressante élude 
sommaire; puis le rhinosclérome, la morve, la pustule 
maligne et Fædème charbonneux, Les folliculites et 
périfolliculites sont décrites avec leurs multiples va- 
riétés, De courts chapitres sont consacrés aux affec- 
- tions des pays chauds : bouton d'Orient, ulcère anna- 
_ mile, pian. : k 
M. Jacquet a réuni sous la rubrique psorospermoses 
. les diverses affections qui sont actuellement rapportées 
aux coccidies. Sans entrer dans les discussions étiolo- 
- siques, il admet comme établie la nature psorosper- 
“mique de l'affection de Darier et de la maladie de 
“Paget, comme probable ou même douteuse celle du 
“molluscum contagiosum et des épithéliomas cutanés. Le 
osis fongoide, l’actinomycose, le pied de Madura 
a perlèche terminent le volume. 
et ouvrage tire sa valeur de la compétence incon- 
leStée de ses auteurs dans les affections cutanées. Ils 
ont manifesté une tendance marquée à la simplifica- 
lion des descriptions el des notions pathogéniques, 
omme le commandait d'ailleurs le but purement pra- 
que de ce précis. 


D' A. LÉTIENNE. 


Morax (D° V.), Ancien Interne des Hopitaux de Paris. 
» — Recherches bactériologiques sur l'étiologie 
des conjonctivites aiguës et sur l’asepsie dansla 
chirurgie oculaire. — Un vol. grand in-8 de 
112 pages, avec une planche en couleurs. (Prix :5 fr.). 
. Soc. d’édit. scientif. Paris, 1895. 


Des recherches de M. Morax, il résulte que l'examen 
“microscopique de la sécrélion conjonctivale permet, 
“dans tous les cas, de poser un diagnostic étiologique 
ertain. Le bacille observé par Wecks en Amérique, 
“Koch et Kartulis en Egypte, isolé, cultivé et inoculé 
par Morax en France, est l’agent pathogène de la con- 
jonctivite aiguë contagieuse. Le gonocoque démontre 
la nature blennorrhagique de l’inflammation conjonce- 
“hivale et se trouve aussi dans le type leucorrhéique. Il 


une autre à streptocoques, dite lacrymale, parce 
qu'elle est toujours liée à l'existence d'une phlegmasie 
de même nature des voies lacrymales. 

Partant de ces données, l’auteur voudrait que la bac- 
ériologie füt la base de la classification des conjoncti- 
ätes aiguës. L’inconvénient de cette méthode, d’ail- 
leurs logique, est évident : dans l’état actuel de nos 
Connaissances, nombre de conjonctivites aiguës n’en- 
trent pas dans les quatre classes décrites par M. Morax.Il 
udrait donc créer une 5° classe: conjonctivites à bac- 


existe encore une variété bénigne à pneumocoques et 


BIBLIOGRAPHIE — 


ANALYSES ET INDEX 603 


tériologie inconnue, dans laquelle se rencontreraient 
les types les plus disparates, et notamment ceux pré- 
sentant les mêmes symptômes que ceux des classes 
précédentes, | 

IL en résulterait une certaine confusion dans l’his- 
toire clinique de cette affection. Mais, si nous pensons 
qu'il serait prématuré d'adopter pour le moment cette 
classification, nous devons reconnaître qu’elle a été le 
point de départ des intéressantes recherches que nous 
présente l’auteur dans sa thèse. M. Morax à réussi à 
isoler le bacille de la conjonctivite des armées, ca- 
tarrhale, épidémique, qu'il propose d'appeler simple- 
ment infectieuse. I] l’a cultivé, en a fixé la morphologie 
et en a déterminé les propriétés pathogènes par des 
expériences d’inoculation poursuivies jusque sur lui- 
même. 

La seconde partie de l'ouvrage est moins importante : 
elle démontre pour la chirurgie oculaire ce qui était 
déjà admis en chirurgie générale, à savoir que l’usage 
des antiseptiques est inutile sinon nuisible ; que la so- 
lution physiologique stérilisée répond à tous les desi- 
derala, et que les seules conditions de succès résident 
dans l'emploi d'instruments et d'objets de pansements 
parfaitement aseptiques. 

D' Gabriel MauRANGE. 


Dupuy (Edmond), P' à lu Faculté de Médecine et de 
Pharmacie de Toulouse, — Cours de Pharmacie. 
Tome II. C Pharmacie chimique. 1° Fuscicule. Mé - 
dicarents chimiques appartenant à la chimie minérale. 
— 1 vol. in-8° de 610 p. avec 29 fig. (Prix : 10 fr.) — 
L. Batlaille et Cie, éditeurs, 23, Place de l'Ecole de Méde- 
cine, Paris, 1895. 

C’est un livre pour les étudiants, fort bien disposé 
au point de vue de la clarté de l'exposition, et de la 
facilité pour la recherche d’un renseignement. Chaque 
médicament forme un petit chapitre, avec un certain 
nombre de paragraphes signalés par une rubrique 
bien apparente. 

Il est regreltable que l’une de ces rubriques , 
Action physiologique, ne recouvre souvent que des 
données trop vagues, empruntées à des auteurs trop 
anciens. Mais c'est déjà une excellente tendance que 
d’avoir introduit ces notions dans un traité de phar- 
macie, 

Non seulement, ce volume sera fort apprécié des 
élèves pour préparer leurs examens, mais il sera fort 
commode aussi comme aide-mémoire pour les prati- 
ciens et les hommes de laboratoire. 

Toutes les formules sont données à la fois en équi- 
valents et en atomes, 

L. Lapicoue. 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-S° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en cou- 
leurs. 530° et 531° livraisons, (Prix de chaque livrai- 
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, vue de Rennes. 
Les 5308 et 531€ livraisons renferment la monographie 

des Lichens par M. H. Fournier; la monographie du 
genre Liévre, par le D' E. Trouessart: une étude sur la 
théorie des limites en mathématiques par M. H. Lau- 
rent; une monographie complète du lin, au point de vue de 
la culture, des récoltes et du commerce par M. A, Lar- 
baletrier; au point de vue de l'industrie, de ses mani- 
pulations et des métiers qui servent à le tisser, par 
M. Riegel ; des articles sur les villes de Lille, de Limo- 
ges, leur histoire, les principaux monuments qu’elles 
renferment, par M. A. Leroux; une étude sur les Li- 
gures, par M. L. Will; un article sur le lied et son 
évolution äans la musique par M. A. Ernst; l’histoire 
de la Sainte-Ligue par M. P. de Vaissière; la biogra- 
phie de Lincoln, le célèbre président des Etats-Unis, 
par A. M. Berthelot. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 4 Juin 1895. 

M. le Secrétaire perpétuel annonce à l’Académie la 
erte qu'elle vient de faire dans la personne de 
M. Neumann, correspondant de la Section de Géomé- 
trie. — M. Bertrand rappelle en quelques mots les tra- 
vaux de ce savant physicien el mathématicien, profes- 
seur à l'Université de Kôünigsberg. 

10 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — MM. Rambaud et Sy 
adressent leurs observalions de la planète BX (Char- 
lois). faites à l’'équatorial coudé de l'Observatoire 
d'Alger. — M. A. Pellet énonce quelques propriétés 
relatives aux centres instantanés de rolalion des déve- 
loppées d’une figure plane dans son plan. — M. R. 
Levavasseur adresse une nole sur une calégorie 
de groupes de substitulions associés aux groupes dont 
l’ordre égale le degré. — M. F. de Salvert énonce 
deux ‘formules connexes concernant les fonctions 
complètes de troisième espèce, relatives à des modules 
complémentaires, — M.A. Lucas soumet au jugement 
de l'Académie un mémoire sur les forces centrifuge el 
centripète et sur une nouvelle valeur de la gravité g. 

20 SGENcES PHYSIQUES. — M. Lecoq de Boisbaudran 
donne une nouvelle méthode pour déterminer le 
volume des sels dans leurs dissolutions aqueuses; on 
opère la dissolution dans un dilatomètre, appareil 
plein de liquide et muni d'une tige graduée sur laquelle 
on lit les valeurs absolues des changements. L'erreur 
est beaucoup moindre que par la méthode du flacon à 
densité. — M. Daubrée signale la présence de M. le 
Dr Otto Nordenskiold, neveu de l'explorateur, et met 
au courant de l’intéressant vovage qui se prépare en 
Suède pour l'exploration de la Terre-de-Feu.— M.Faye 
lit un rapport sur le projet d'expédition en ballon aux 
régions polaires de M. J.-A. Andrée. Il discute cha - 
cune des données du problème et conclut à la possi- 
bilité de le résoudre, tout en faisant remarquer que le 
retour présente de bien grandes difficultés. = M. A. 
Haller expose quelques généralités sur l'influence 
acidiliante des radicaux dits négatifs et propose une 
classification particulière pour les acides non car- 
boxylés. Il indique la préparation des combinaisons : 

CAz  H?AzAzH.C5H® 


SSD 

R.CH = COH.C — COR 

H? Az.AzH C5H° 
en traitant, en solution éthérée, une molécule d’éther 
acyleyanacétique par deux molécules de phénylhy- 
drazine : il décrit successivement les composés formés 
à partir de l'acétocyanacétate de méthyle, d'éthyle, du 
propionyleyanacétate d'éthyle, du butyryl et de Piso- 


butyryleyanacétate d'éthyle. — M. Bonnal soumet au 
jugement de l'Académie un pèse-vin dosantsimultané- 


ment l'alcool et l'extrait dans les vins. — M. Clève 
annonce que M. Langlet a déterminé la densité de 
l’hélium : 2.02 pour H =1. — MM. Paul Sabatier el 
J.-B. Senderens ont réduit l’oxyde azoleux gazeux 
maintenu sur le mercure en présence du fer humide, 
ou sa dissolution aqueuse mise au contact de divers 
métaux, magnésium, zinc, cadmiun, fer, L’oxyde gazeux 
est réduit avec dégagement simultané d'hydrogène ; 
l’oxyde dissous est transformé aussi en azote, mais il 
y a formation d'un peu d’ammoniaque. Le gaz, au con- 
lacet des métaux humectés d’eau, se comporte de la 
mème facon. — M. de Forcrand a préparé de l'acéty- 
Lure de sodium à partir de l’acétylène et du sodium et 
déterminé sa chaleur de formation. L'acétylène a une 
acidité plus faible que les alcools même tertiaires; 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


- phosphorés, mais que ce n’est pas non plus le phos- 
F P ; I 


LD 2 2 


mais la différence thermique correspondant à ces . 
alcools est petite et à peine supérieure à celle qui 
sépare ces alcools des alcools primaires et bien infé- 
rieure à celle qu'on observe entre les alcools primaires 
et les phénols. — M. Paul Rivals conclut de l'étude 
thermique du chlorure de phtalyle qu'il n’est pas un 
chlorure d'acide bibasique, mais un isomère dissymé- . 
trique du chlorure de phtalyle symétrique ; l’étude du 
phtalide conduit aux mêmes conclusions. — M. 9. 
Guinchant a éludié la conductibilité de quelques 
élthers cétoniques; ceux qui présentent une conducti- 
lilité notable sont ceux dans lesquels on devrait 
admeitre, d’après M. Brubhl et d'après M. Perkin, 
l'existence du mème groupement = C—OH à double 
liaison qu’on trouve dans les acides carboxylés, les 
phénols, l'acide cyanique normal, le carbostyrile, ete. 
Les sels de soude présentent une conduchbilité nor- 
male obéissant à la loi de M. Ostwald. — M. E. 
Burcker a entrepris une série de recherches en vue 
de contrôler le degré d’exactitude que comporte, lors 
du dosage des acides volatils dans les vins, la méthode 
de distillation à l’aide de la vapeur d’eau et de recher- 
cher quelle était la part qui pouvait revenir, dans 
l'acidité du produit distillé, aux différents acides fixes 
ainsi qu'aux sels d'acides qui existent naturellement 
dans le vin ou qui peuvent s'y rencontrer à la suite. 
d'altéralions ou de falsifications. 1° La méthode donne 
des résultats suffisamment exacts et comparables à 
ceux que l'on obtient par le procédé beaucoup plus 
long de l'évaporation dans le vide ; ?° La limite maxima 
d'acidité volatile pour les vins de France sains ne dé- 
passe pas O gr. 7 par litre, exprimée en SO*H?; celte 
limite pour les vins d'Algérie et de Tunisie doit être 
portée à 1 gr. 6. — M. C. Chabrié résume quelques 
recherches sur les phénomènes chimiques de lossifi- 
cation qui le portent à attribuer une influence de pre- 
mier ordre aux globules du sang et à lateneur en urée 
de ce liquide; ces faits font comprendre pourquoi, dans 
les maladies par ralentissement de la nutrition, le 
squelelte est si souvent menacé; ils démontrent en 
outre que ce n'est pas le phosphore des phosphates 
qui se dépose sans l'aide des composés organiques 


phore organique qui se tixe en nature sur les Llissus. 
C'est le phosphore organique qui précipite le phos- 
phore minéral. C. MATIGNON. 

3 SCIENCES NATURELLES. — M. Zeiller a étudié la flore 
des dépôts houillers d'Asie Mineure et indique la pré- 
sence du genre Phyllotheca. C’est une flore westpha- 
lienne représentée par des Calamites, des Lépidoden- W 
drons et des Sigillaires cannelées: Grâce à l’élude de 
nouveaux échantillons, l'auteur range ces dépôts à la 
limite entre l’étage inférieur et l’étage moyen du West- 
phalien, c’est-à-dire tout à fait au sommet de la zone 
du Nevropteris Schlehani. — MM. Gastine et Degrully 
ont fait l'étude chimique détaillée des centres de feuilles 
de vignes chlorosées et non chlorosées; ils concluent de 
cette analyse que, dans le mode de traitement par le & 
sulfate de fer en solutions concentrées, le fer ne peut 
jouer aucun rôle, de sorte que c'est l'acide sulfurique 
qui produirait les bons effets du traitement, Des trai- 
lements comparatifs faits avec le sulfate de fer et 
l'acide paraissent en effet donner jusqu'ici les mêmes 
résultats. — MM. Charrin et Ostrowsky montrent 
l'oidium albicans comme agent pathogène général. Son 
inoculation révèle au point de vue de la pathogénie, 
de la physiologie pathologique des désordres mor-m 
bides, toute une série de processus propres à ce cham-" 
pignon. J. Martix. 5 


Séance du 10 Juin 1895. 


1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M, le Secrétaire perpé- 
… fuel signale, parmi les pièces imprimées de la corres- 
1 pondance, la Carte du ciel de la France (Paris) le 
pi juillet, par M. 9. Vinot. — M. J. Guillaume com- 
muniqueles observations du Soleil faites à l'observatoire 
A de Lyon (équatorial Brunner), pendant le premier tri- 
mestre de 1895. Le nombre de groupes de taches a 
beaucoup diminué en même temps que l'étendue su- 
perficielle totale a augmenté; les groupes de facules 
continuent à diminuer eu nombre et en étendue. — 
M. J. Janssen annonce que la grande coupole de l'Ob- 
servatoire d'Astronomie physique de Meudon est prêle à 
- fonctionner ; il rappelle les travaux accomplis à l'Ob- 
* servaloire depuis sa fondation en 1876: la créalionde la 
photographie solaire, de la photographie des comètes 
et de la photométrie photographique, l'étude des at- 
mosphères planétaires de Mars, Vénus el Jupiter. — 
[. J. Boussinesq élablit que toute houle de mer 
simple, à mouvements évanouissan(s aux grandes pro- 
fondeurs, a la forme nécessairement pendulaire quant 
à l'expression des déplacements de chaque particule 
en fonction du temps et se trouve ainsi régie, sans au- 
- cyn doute, par les lois de Gersiner. — M. E. Cosserat, 
reprenant la proposition établie par M. Maurice Fou- 
ché, à savoir que la recherche des courbes alsébriques 
à torsion constante revient à la détermination de deux 
fonctions algébriques v et f(u) d’une variable « véri- 
fiant la relation: 


Av 


——— = fi Fe 
u — v): / 


fait remarquer que ce résultat trouve sa véritable ori- 
gine dans celte proposition que la détermination des 
surfaces minima algébriques inscrites dans une sphère 
revient à la recherche des courbes algébriques à tor- 
sion constante. On en déduit cette conséquence qu'il y 
- aactuellement une infinité de surfaces minima algé- 
briques inscrites dans une sphère. — M. P. Pépin 
énonce un grand nombre de nouveaux théorèmes d’a- 
ithmétique. — M. Jules Andrade reprend le problème 
de Poinsot fournissant une preuve expérimentale de la 
fotation de la terre à l’aide d'un système explosif; il 
corrige certaines inexactitudes et montre que le mode 
d'explosion à une influence que l'on peut d’ailleurs 
diriger et qui permet d'indiquer un lype d'expérience 
propre à déterminer non seulement la colatitude, mais 
encore la direction du méridien. — M, A. Laussedat 
rend compte des levers photographiques exécutés en 
89% par les ingénieurs canadiens et le Service du 
« Coast and geodesic Survey » des Etats-Unis pour la 
“délimitation de l’Alaska et de la Colombie britannique. 
L'auteur démontre que la photographie peutrendre des 
“services non seulement dans les conditions exception- 
mnelles de ces opérations, effectuées au milieu de mon- 
tagnes élevées couvertes de glaciers, mais encore dans 
“les conditions les plus ordinaires de ces levers géodé- 
siques. 
—…. © SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Deslandres a fait 
d'étude spectrale des charbons du four électrique; les 
morceaux les plus éloignés de l’are montrent les raies 
“des impuretés ordinaires du charbon qui sont les mé- 
“aux alcalins et alcalino-terreux avec le cuivre, le fer 
le silicium; mais, lorsqu'on se rapproche de l'arc, les 
raies d’impuretés diminuent peu à peu et finalement 
disparaissent. Les parties les plus pures des deux pôles 
Sont les champignons qui sé forment au pôle négatif, 
EE M. E. Bouty communique un cerfain nombre d'ex- 
périences relatives aux flammes tranquilles, mais prêtes 
à ronfler sous diverses influences: les effets curieux 
obtenus peuvent s'expliquer en admeltant les deux 
Propositions suivantes : 1° Sur la périphérie de la ré- 
sion troublée, le mélange de gaz et d'air se fait d’une 
Manière irrégulière et des portions très petites du 
mélange peuvent échapper à la combustion immé- 
ate ; 2° la production d’un son facilite l'explosion 


ACADÉMIES ET SUCIÈTÉS SAVANTES 


605 


d'un mélange, si la période du son est suffisamment 
voisine de celle du bruit explosif. — M. P. Villard a 
préparé de l’acétylène tout à fait pur par le procédé de 
M. Moissan et étudie ses propriélés physiques, sa 
tension de vapeur en fonction de la température, à 
l’état solide et à l’état liquide, son hydrate dont la 
formule est C*H?. 6H20 et la chaleur de formation de 
cet hydrate. — M. Louis Henry donne un procédé de 
formation synthétique des alcools nitrés, lequel con- 
siste à faire agir molécule à molécule le nitro-méthane 
sur les adéhydes en présence du carbonate de potasse 
ou de la potasse caustique. Le chlorure d’acétyle donne 
l’acétate correspondant à l’alcoo! nitré et le pentachlo- 
rure de phosphore, le chlorure dérivé. Cette réaction 
d'addition devient de plus en plus difficile à obtenir 
quand on s'élève dans la série, — MM. Ph. Barbier 
et L. Bouveault ont poursuivi leurs recherches sur 
la condensation des aldéhydes et des acétones non 
saturées avec les aldéhydes propionique, isobutylique 
et isovalérique, acétones qui peuvent être condensées 
elles-mêmes avec l’amido-guanidine suivant un procédé 
indiqué par Baeyer. L’acétone ordinaire seule se con- 
dense facilement avec les aldéhydes: d'autre part,quand 
le poids moléculaire des aldéhydes augmente, l'aptitude 
à la condensation avec l’acétone diminue, et la réac- 
tion principale devient la condensalion de l’aldéhyde 
ellemême, — MM. Cazeneuve et Haddon ont éludié 
les causes de la coloration et de la coagulation du lait 
par la chaleur, Ils résument les résullats de leurs ex- 
périences dans les conclusions suivantes : {°Le jaunis- 
sement du lait est dû à l'oxydation de la lactose en 
présence des sels alcalins du lait. 2° La lactose, dans 
celté oxydation, donne des acides et, entre autres, de l’a- 
cide formique facile à constater, dont la présence suffit 
à expliquer la coagulation du lait comme il arrive avec 
n'importe quel acide. 3° La caséine coagulée n’est pas 
altérée dans ces conditions mais simplement teinte 
en jaune par les corps bruns formés aux dépens de la 
lactose. — MM. Ph. A. GuyeelCh.Jordan ont préparé 
un grand nombre d’éthers des acides 4 - oxybutyriques 
actifs dans Je but de faire l’élude de leurs pouvoirs 
rotaloires. La formule simplifiée du produit d'asymé- 
trie estinsuffisante, dans la plupart des cas, pour rendre 
compte des valeurs trouvées. La règle de la superpo- 
sition des effets optiques se lrouve vériliée dans le cas 
de trois carbones asymétriques. — M. Battandier ap- 
porte quelques contributions à l'histoire des alealoïdes 
des Fumariacées et des Papavéracées. — M. Th. Schlæ- 
sing fils s’est demandé si la germination entraine 
une perte sensible de l’azote des semences à l’état ga- 
zeux; ses expériences, fondées sur la mesure et l’ana- 
lyse exactes des atmosphères enfermées dans les 
récipients où se développent les êtres étudiés, établis- 
sent neltement que la germination des graines de blé 
et de lupin n’a pas entrainé une perte appréciable 
d'azote à l'état gazeux. — M. Effront a constalé que 
l'infusion de grains crus favorisait la saccharification, 
de même que l’asparagine, les sels d'aluminium et de 
vanadium, etc. Cette action est manifestée par le pou- 
voir saccharifiant tandis que le pouvoir liquéfiant est 
peu ou pas influencé. L’exaltation du pouvoir saccha- 
nfiant atteint son maximum äu moment où 25°}, 
de la quantité soluble de l'amidon mis en contact 
sont transformés en maltose ; au delà de ce degré de 
saccharification les substances étrangères exercent 
une action beaucoup moindre, et, en présence d'une 
proportion d’amylase, apte à provoquer une saccha- 
rification profonde (60 à 70 de maltose), leur action de- 
vient nulle. — M. Ch. V. Zenger signale la simullanéité 
des phénomènes météorologiques qui se sont produits 
en Bohème, et du tremblementde terre de Laibach et de 
Florence, — M. Albert Trubert adresse unenoteayant 
pour titre : Détermination des proportions de carbo- 
nate de chaux et de carbonate de magnésie dans les 
terres riches et marnes magnésiennes, cendres, dé- 
pôts, etc, — MM. Joué et Crouzel adressent une note 
sur la décoloration des vins blancs provenantde cépages 


606 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


rouges, — M. Maumené adresse une note intitulée : 
Sur l’action de l’eau et du sucre. C. MATIGNON, 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Marchal montre qu’une 
cécidomya nouvelle, Cecidomya avenæ, attaque l’avoine 
comme la cécidomye destructive attaque le blé, Le seigle 
et l'orge. Néanmoins, le fléau se trouve enrayé par ee fait 
que les larves de la cécidomye sont parasilés par les 
larves de Platygasters et de Chalcidiens.— M. J.Chatin 
étudie la cellule épidermique des Insectes, son proto- 
plasma et son noyau, surtout celles affectées aux inser- 
tions musculaires. Là le noyau s’allonge, se contourne, 
faisant croire à une division directe, — M, de Launay 
montre la relation des sources thermales de Néris el 


d'Evaux avec les dislocations anciennes du Plateau 
central. — M. Welsch indique la succession des 


faunes du Lias supérieur et du Bajocien inférieur dans 
le détroit du Poitou. Le Toarcien à marnes gris bleu, 
alternant avec des calcaires marneux en bancs, montre 
six zones, le Bajocien quatre, toutes nettement carac- 
téristiques. — MM. S. Duplay et Savoire ont fait 
des recherches sur les modifications de la nutrition 
chez les cancéreux. L’azoturie est normale dès qu'on 
assure l'alimentation avec le régime lacté. — MM. Phi- 
salix et Bertrand étudient l'emploi et le mode d’ac- 
tion du chlorure de chaux contre la morsure des ser- 
peuts. Ce sel n’a qu'une action locale. IL détruit le 
venrn et mortifie les tissus et met ainsi obstacle à l’ab- 
sorption du toxique. J. MarniN, 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 18 Juin 1895. 


M. le Président annonce à l’Académie le décès de 
M. Verneuil, membre de la Section de Chirurgie, — 
M. Nicaïise donne lecture du discours qu'il a prononcé 
sur sa tombe. La séance est ensuite levée en signe de 
deuil. Ë 

Séance du 25 Juin 1895. 

M. Regnard est élu membre de l'Académie (Section 
de Physique et Chimie médicales), — M. Cadet de 
Gassicourt insiste sur la nécessité de l'examen bac- 
tériologique dans le diagnostic des angines diphté- 
riques où à forme herpétique et il émet le vœu que des 
laboratoires d'examen bactériologique soient créés 
dans le plus bref délai, — M. Ch. Périer présente deux 
malades qui ont subi, sans trachéotomie préalable ni 
consécutive, l'opération de la laryngotomie pour lu- 
meurs du larynx. — M. J. Rochard, à propos de Ja 
question de la prophylaxie de l’alcoolisme, estime 
qu'on ne doit pas seulement s'occuper du préjudice 
causé à la santé publique par l’impureté des alcools, 
mais qu'on doit aussi diminuer la consommation de ce 
produit, et cela par deux mesures : 4° en rétablissant 
l'autorisation préalable pour l’ouverture des cabarets ; 
2° en élevant les droits sur l'alcool et en réprimant la 
fraude avec sévérité. — M. Bordas lit un mémoire sur 
le pouvoir antiseptique du permanganate de chaux, 


SOCIETE DE BIOLOGIE 
Séance du 15 Juin 1895. 

M. Tarchanow, après avoir décapité un canard et 
établi la respiration artificielle, a constaté des mouve- 
ments automatiques spontanés des ailes et du corps, 
mouvements qui ont duré plusieurs heures. — M. Char- 
rin à constaté la présence du Proteus vulgaris dans un 
cas de pleurésie chez une femme enceinte; la femme 
mourut et son enfant est resté chétif. Il semble donc 
que linfection exerce une action sur le produit de la 


conception, — M, Abelous élablit, par de nouvelles 
expériences, le pouvoir antitoxique des capsules sur- 
rénales, — MM. Déjerine et Sottas ont étudié la 


répartition des fibres endogènes du cordon postérieur 
de la moelle et la constitution du cordon de Goll. — 
M. Tarchanow a déterminé les effets de la chlorofor- 
misation sur les grenouilles. — M. Starch montre que 


les matières albuminoïdes ne peuvent transformer 
l’'amidon en sucre que si elles sont le véhicule de mi- 
crobes ou de ferments solubles, : 


Séance dut 22 Juin 1895. 


M. Boïinet (de Marseille) a constaté que les orga- 


nismes cancéreux offrent une moins grande résistance - 


que les organismes sains aux injections intraveineuses 
de suc cancéreux provenant de tumeurs ulcérées. — 
MM. Hanot el Lévi ont observé pour la première fois 
la présence d’un tubercule dans la membrane interne 
de l'aorte, — M. Marinesco présente une malade 
alteinte d'acromégalie avec hémianopsie bitemporale 
et diabète sucré. — M. Nepveu (de Marseille) signale 


la présence de l’indol et de l’indican dans le tissu des 


tumeurs cancéreuses. — M. Laborde (de Bordeaux) 
envoie une note relative à l’action d’une moisissure 
nouvelle sur le maltose. 


SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 17 Mai 1895. 


M. Daniel Berthelot fait connaitre une nouvelle 
méthode pour la mesure des températures. C’est une 
méthode optique, fondée sur les propriétés des gaz, et 
qui offre de précieux avantages. Elle permet de prendre 
la température d’un milieu par le simple examen d’un 
rayon lumineux qui l’a traversé. Elle est indépendante 
de la nature de l'enveloppe thermométrique, ainsi que 
de sa forme et de ses dimensions. Elle est applicable 


à toutes les températures, mais offre un intérêt par- « 


ticulier pour le cas des hautes températures. Parmi les 
méthodes actuelles applicables à ce cas, une seule est 
directe, c'est celle du thermomètre à gaz; les autres, 
fondées sur les propriétés des solides, sont d'un emploi 
plus facile, mais ce sont des méthodes indirectes fon- 
dées sur des formules empiriques et qu’on étend par 
extrapolation. Telles sont la méthode du couple ther- 
moélectrique, les méthodes photométrique et calori- 
métrique. Cette extrapolation n'est pas toujours légi- 
time, car, au delà de 1000°, les diverses méthodes pré- 
sentent entre elles des divergences considérables, 
L'auteur a eu recours aux propriétés des gaz. Les gaz 
offrent l'avantage d’obéir à des lois simples; puis, 
comme une élévation de température les rapproche des 
gaz parfaits, ils vérifient de mieux en mieux ces lois 
aux températures élevées. L'étude des indices de réfrac- 
tion montre que la réfraction n — 1 d’un gaz varie exac- 
tement comme la densité. Cette loi est vraie également 
pour les gaz facilement liquéfiables et pour les autres, 


“etelle se vérifie aussi bien lorsqu'on modifie la densité 


par un changement de pression (Mascart, Chappuis et 
Rivière) que par un changement de température (Chap- 
puis et Rivière, Benoit). Donc, à une densité donnée 
correspond toujours un même indice de réfraction, la 
température et la pression pouvant être différentes. 
C'est là le principe de la méthode nouvelle de M. Ber- 
thelot. Par une méthode interférentielle, on sépare un 
faisceau lumineux en deux parties qui traversent deux 
tubes remplis d’un même gaz, primitivement à la même 
température. On porte l’un des tubes à la température 
à mesurer : il en résulte un déplacement des franges. 
On les ramène à leur position primitive, soit en dimi- 
nuant la pression dans le tube froid ou en l’augmen- 
tant dans le tube chaud. De là deux formes pour ce 
thermomètre interférentiel, le thermomètre à pression 
constante où à densité constante. La principale diffi- 
culté dans la réalisation de cet appareil consiste à 
séparer suffisamment les deux faisceaux pour leur 
permettre de traverser des milieux portés à des tem- 
pératures très différentes. La méthode de M. Michelson 
a l'inconvénient d'exiger des surfaces optiques très 
parfaites et de nécessiter un réglage compliqué. 
M. Berthelot a préféré un dispositif un peu différent, 
résultant de l'emploi combiné des miroirs de Jamin et 
des parallélipipèdes de Fresnel. M. Mascart n'avait em- 
ployé les parallélipipèdes que dans le cas d’une lu- 


at mnittocttnsent lotte À. 3 


rayons tombe sur l’un des parallélipipèdes, est réfléchi 
. deux fois totalement, et sort parallèlement à sa direc- 
» tion primitive. L'autre parallélipipède rétablit la dis- 
. tance primitive des deux rayons, un peu en avant du 

second miroir de Jamin. On peut disposer ainsi d’un 
* écartement de 92 millimètres entre deux rayons; sur 
lun est placé un tube relié à une machine pneu- 
matique ; sur l’autre, le tube, chauffé en son centre par 
- un manchon où circulent différentes vapeurs, et re- 
froidi à ses deux extrémités, L'influence des deux 
régions à température variable s'élimine par compen- 
sation au moyen de deux expériences successives sur 
deux tubes qui ne diffèrent que par la longueur de la 
région centrale. M. Berthelot a déjà éprouvé sa mé- 
thode par trois séries d’expériences destinées à me- 
surer les températures d’ébullition de trois liquides 
sous des pressions variables, Pour l'alcool et l’eau, 
c’est-à-dire vers 78°,2 et 100°, les écarts avec les tempé- 
ratures calculées sont inférieurs à 5 de degré. Pour l’a- 
niline, c’est-à-dire au voisinage de 1849, les écarts sont 
de = à = de degré. M. Berthelot se propose d'appli- 


quer cette méthode nouvelle à l'évaluation des hautes 

températures et à l'étude de la vitesse du refroidisse- 

ment dans les gaz. — M. Cornu signale à ce propos 

la difficulté d'obtenir, dans le cas des grandes diffé- 

rences de marche, des franges stables. À cause de 

l'imperfection des supports, elles se déplacent avec le 

temps parfois de plusieurs franges, et la réduction à 

la position initiale est assez incertaine, Pour éliminer 

cette cause d'erreur, M. Cornu a eu recours à un pro- 
- cédé qu'il a publié seulement dans le Bulletin de la 
Sociélé Philomatique. Il consiste à fairé passer dans 
l'un des tubes un faisceau et la moitié de l’autre. On 
obtient ainsi un zéro variable; il suffit d'opérer les 
mesures à partir de ce zéro. — M. Berthelot, qui opère 
dans les caves du laboratoire de M. Bouty à la Sor- 
bonne, a à sa disposition des piliers de maçonnerie 
massive très stables, et il n’observe aucun déplace- 
ment sensible, si ce n’est celui qui est dù à une lente 
variation thermique des supports. — M. Pellat a be- 
soin, pour ses recherches actuelles, de pouvoir mesurer 
le pouvoir inducteur spécifique des solides et des li- 
quides. Il fait connaître le nouvel appareil qu’il a com- 
biné dans ce but. C’est essentiellement un électro- 
mètre absolu de lord Kelvin. Les deux plateaux mo- 
biles, égaux et parallèles, sont solidaires, et-leur en- 
- semble est suspendu à un fléau de balance, À l'autre 
- extrémité du fléau est un plateau muni d’un amortis- 
- seur à air du système de M, P. Curie. Les deux an- 
 neaux de garde sont également réunis par un cylindre 
| 
| 


métallique, et l’ensemble forme une boîte, percée seu- 

lement des ouvertures nécessaires, En regard des pla- 

teaux mobiles sont deux plateaux attirants qui com- 

muniquent aussi entre eux, mais l’un de ces plateaux 
» étant fixe, l’autre est porté par une vis micrométrique 
._ avec limbe gradué, Toutes les autres pièces sont reliées 
à la cage de l'instrument et sont au même potentiel 
que la cage. Les plateaux attirants seuls sont portés à 
un autre potentiel. La position du système des deux 
plateaux mobiles est déterminée par l'observation au 
microscope d’un réticule porté par la tige qui relie ces 
deux plateaux Le microscope porte lui-même un réti- 
cule, et l’appareil est réglé de telle sorte que les croi- 
sées de fils des deux réticules coïncident quand le pla- 
teau mobile supérieur est rigoureusement dans le 
. plan de son anneau de garde. La balance est sensible 
au su de milligramme, et pour parfaire la tare, on agit 
sur un petit treuil sur lequel s’enroule une des extré- 
mités d'un petit ressort en fil d'argent très fin dont 


l’autre extrémité est attachée à l’un des bras du fléau. 
On installe la lame diélectrique par trois petites cales 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


—— 


607 


| de verre bien travaillées, sur la face supérieure de 
l'anneau de garde, et on règle la tare de manière que 
les réticules coïncident quand, d'abord, tout est au 
même potentiel. Puis on établit une différence de 
potentiel, et on soulève par la vis micrométrique le 
plateau attirant supérieur jusqu’à obtenir légalité d’at- 
traction des deux plateaux mobiles. On répète la même 
opération après avoir retiré la lame diélectrique. Si e 
est l'épaisseur de la lame, et a la quantité dont il a 
fallu rapprocher le plateau inférieur, la constante dié- 


lectrique est donnée par =: L'appareil est sen- 


sible à un déplacement de 1 ou 2 microns, Dans ce 
mode opératoire, la balance est instable : mais, grâce à 
l’amortisseur, on arrive au zéro sans oscillations et dans 
un temps très court. Comme dans cette méthode, les 
deux forces antagonistes sont toutes deux des forces 
électriques, il n’est pas nécessaire de chercher à main- 
tenir constante la différence de potentiel, car les deux 
forces antagonistes varient alors dans le même rap- 
port, La position d'équilibre se maintient, quelles que 
soient les variations du potentiel. L'appareil convient 
aussi au cas des liquides. On immerge alors toute la 
partie inférieure dans le liquide. La constante diélec- 
"2 


trique est donnée par = d et d’ étant les distances 


du plateau attirant supérieur à l'anneau de garde, 
d’abord quand l’appareil est tout entier dans l’air, puis 
quand la partie inférieure est immergée. La capillarité 
et la viscosité du liquide ne diminuent pas la sensi- 
bilité. On observe sur l’ensemble des plateaux d’abord 
un déplacement très brusque, dù à ce que les mé- 
nisques jouent le rôle de ressorts, puis un déplace- 
ment très lent dù à la viscosité, Cet appareil permet 
d'étudier le pouvoir diélectrique en fonction du temps, 
M. Pellat a constaté qu’il est aussi fonction de l’inten- 
sité du champ. 


Edgard Havpié, 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


M. Bernard Dyer a expérimenté la méthode de 
Kjeldahl pour la détermination de l'azote dans un 
grand nombre de composés. Il a remarqué qu’elle était 
insuffisante dans beaucoup de cas et il propose de se 
servir de plusieurs modifications suivant les corps à 
analyser. Il recommande la modification de Jodlbauer 
lorsqu'il y à présence de nitrates ou de composés 
nitrés. Cette modification consiste à introduire, dans 
l’acide sulfurique servant à l’oxydation, une petite 
quantité de phénol ou d'acide salicylique. L’azote 
forme avec ces composés des dérivés nitrés facilement 
décomposables. Lorsqu'il y a présence de nitrate, on 
se sert avec avantage de la méthode Kjeldahl-Gunning ; 
on ajoutera toutefois une goutte de mercure. — M, T. 
K. Rose a remarqué que, bien qu'on ne trouve 
aucune ligne de séparation définie dans la solidifica- 
tion des alliages d’or, d'argent et de cuivre, on pouvait 
arriver à une sorte de séparation de ces métaux en 
rendant l’alliage cristallin et cassant par l’addition de 
petites quantités de bismuth et de plomb (0,2 à 0,4°/,). 
Les variations de composition observées dans les diffé- 
rentes parties d’un alliage ainsi composé lui ont mon- 
tré qu'il se trouvait dans le bismuth ou le plomb un 
alliage d’or et d’argent restant liquide bien après que 
le reste du métal s’est solidifié, — MM. Purdie et J. 
Wallace Walker ont préparé l'acide lactique actif et 
étudié le pouvoir rotatoire de ses sels métalliques en 
solution. Les sels étudiés sont ceux de lithium, so- 
dium, potassium, argent, calcium, strontium, baryum, 
magnésium, cadmium et zinc-ammonium, Tous ces 
sels en solution aqueuse jouissent d’un pouvoir rota- 
toire de sens opposé à celui de l'acide dont ils dérivent. 
Leur activité optique augmente avec la dilution, sauf 
dans le cas du sel d'argent. 


608 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 


A. VERNEUIL 


Le professeur Verneuil, que nous avons conduit le 
1% juin à sa dernière demeure, laisse dans la science 
française un vide qui ne sera pas comblé de sitôt. Ce 
wétait pas seulement un grand chirurgien, c'était un 
homme de progrès, de labeur opiniâtre, un savant, dans 
la plus haute acception du mot, et parfois même un 
précurseur. | É ns: 

Né à Paris le 23 novembre 1823, élève interne à vingt 
ans, il avait franchi, par la voie du concours, tous les 
échelons de la hiérarchie universitaire ; il était arrivé, 
jeune encore, au professorat et à l’Académie de Méde- 
cine. Plus tard, l’Institut lui a ouvert ses portes, sans 
qu'il ait eu besoin d'en solliciter les suflrages, et la 
croix de commandeur lui a été donnée sans qu'il la de- 
mandàt. : 

Son ambition était alors complètement satisfaite, et 


beaucoup d'hommes de science, lorsqu'ils n’ont plus : 


rien à demander à la vie, se reposent sur leurs succès 
et renoncent aux rudes labeurs à l'aide desquels ils les 
ont obtenus : Verneuil à fait tout le contraire. Jamais 
son activité enthousiaste, sa soif de découvertes, n’ont 
été plus ardentes qu’à la fin de sa carrière. 

Son œuvre estconsidérable, Pendant les cinquante an- 
néesqu'il a passéessur la brèche, la Chirurgie à traversé 
la plus brillante période que son histoire ait enregis- 
trée, et, parmi les questions que cette merveilleuse 
évolution a soulevées, il n’en. est pas une qui ne porte 
l'empreinte du puissant esprit de Verneuil, La simple 
énumération de ses travaux dépasserait les bornes 
d'une notice comme celle-ci, aussi me bornerai-je à 
rappeler leur côté Le plus original. LAN 

Dans la dernière phase de sa vie scientifique, il s'é- 
tait fait un domaine à part dans le champ des connais- 
sances médicales. Son esprit généralisateur lui avait 
permis de saisir leurs caractères communs, et il avait 
rèvé de ramener l’art deguérir à son unité primitive, par 
l'alliance plus étroite de la Médecine et de la Chirurgie. 

Dans ce but, il s'était adonné à l'étude des graods 
problèmes d'étiologie générale ; il avait abordé la ques- 
tion des diathèses, en l’envisageant plus spécialement 
au point de vue des indications et des _contre-indica- 
tions opératoires. L'Académie de Médecine se souvient 
encore de ses communications sur le parasitisme 1nicro- 
bique latent, sur la gravité des traumatismes et des opé- 
rations chez les alcooliques, les diabétiques, les paludo- 
diabétiques, les phosphaturiques et les cardiaques ; de ses 
discours sur l’ictère trauwmatique, les épistaxis liées aux 
maladies du foie, Vorigine équine du tétanos, elc., etc. ; 
mais, à la fin de sa vie, il s'était consacré d’une ma- 
nière exclusive à deux sujets qui l’ont obsédé jusqu'à 
sa dernière heure: la tuberculose et le cancer, ces deux 
opprobres de la Médecine et de la Chirurgie. On n'a pas 
oublié que c'est par son initiative que la ligue contre Ja 
tuberculose s’est fondée, et qu'un congrès s'est réuni 
pour étudier cette question, ! ES 

Ces vues originales, ces conceptions ingénieuses, mais 
parfois un peu hâtives, n’ont pas toutes obtenu I assen- 
timent général; mais elles portaient l'empreinte d’un 
esprit synthétique et passionné pour le progrès. 
L'ardeur communicative avec laquelle il éxposait 
ses idées à la tribune charmait ses auditeurs, même 
quand ils n'étaient pas convaincus. C'était un admi- 


rable orateur. Lettré, amoureux de la forme et ne dé- 
daignant pas l’art démodé du bien dire, il se plaisait à 
développer ses idées dans un style irréprochable. 
Ardent, parfois passionné dans la discussion, il s'y 
montrait toujours d’une sincérité et d’une courtoisie 
parfaites. 

L’élévation du caractère et la noblesse des sentiments 
étaient chez Verneuil à la hauteur de l'intelligence La 
bienveillance et la bonté formaient le fond de cette 
nature droite et généreuse. Nul n’a été plus constant 
dans ses affections. Sa tendresse pour ceux qu'il aimait 
allait jusqu'à lui dissimuler leurs défauts. Ses amis 
n'avaient pas une imperfection à ses yeux; ses élèves 
n'avaient jamais une défaillance ; aussi défendait-il les 
uns et les autres avec une ardeur qui puisait sa source 
dans sa sincérité même. Ses deux qualités dominantes 
étaient l'amour passionné de la science et le désinté- 
ressement. Jamais il n’a sacrifié son enseignement ni 
ses travaux de cabinet, jamais il n’a délaissé ni l'hôpital, 
ni les sociétés savantes pour l'exercice plus lucratif de 
la clientèle. En s’élevant dans la hiérarchie scientifique 
et universitaire, il est resté fidèle à ses habitudes et à 
la simplicité de ses goûts; son luxe a toujours consisté 
dans les bienfaits qu'il répandait autour de lui. Ses 
élèves et ses malades en ont eu maintes fois la 
preuve. Son désintéressement égalait sa générosité, 
et s’il s'est montré parfois sévère à l'égard de ceux 
qui ne professaient pas le même culle pour la dignité 
professionnelle, il en avait le droit parce qu’il préchait 
d'exemple. À 

Verneuil était arrivé, comme nous l'avons dit, à la 
plus haute situation chirurgicale; il avait été le maître 
incontesté de toute une génération; il avait obtenu 
toutes les distinctions qu’un homme de notre profession 
puisse convoiter et il avait encore devant lui quelques 
années pour jouir en paix des avantages qu'il avait si 
loyalement conquis; mais, fidèle aux engagements 
qu'il avait pris avec lui-même, il n’a pas voulu profiter 
des dernières faveurs de la fortune, Il a pris sa retraite 
en 1892, avant d’être atteint par la limite d'âge, aimant 
mieux, comme il le disait, descendre de sa chaire que 
d’en tomber. G 

Cet acte d’abnégation et de désintéressement, dont 
bien peu de professeurs ont donné l'exemple, le grandis- 
sait encore dans l'esprit de ses élèves et de ses amis, 
mais il le condamnaità une inaction dont il n'avait pas 
suffisamment calculé le poids. Get homme, qui n’avait 
vécu que par l’activité et le travail, n’a pu supporter le 
repos qu'il avait si longtemps désiré et il s’est éteint le 
12 juin dernier, dans sa pelite villa de Maisons-Laffite, 
près de la compagne qui avait assisté à toutes ses luttes, 
qui avait partagé ses bons et ses mauvais jours, au milieu 
de la verdure et des fleurs qu’il aimait passionnément,. 

Verneuil était le dernier survivant d'une triade jadis 
célèbre et qui a laissé dans la science des traces pro- 
fondes de son passage. Follin et Broca sont descendus 
prématurément dans la tombe, mais Verneuil est mort 
plein de jours, son œuvre accomplie, et laissant parmi 
nous le souvenir d’un grand talent uni à un noble ca- 
ractère. 

D: Jules Rocxarp, 
de l'Académie de Médecine. 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


Le  Directeur-Gérant : Louis OLIVIER 


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6° ANNÉE 


N° 14 


30 JUILLET 1895 


: REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


IDÉES NOUVELLES SUR LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS. 


D'APRÈS LES DERNIERS TRAVAUX DE M. OTTO WIENER 


Quelques mois avant la séance où M. Lippmann 
présentait à l’Académie des Sciences sa première 
- photographie du spectre, M. Olto Wiener publiait 
son mémoire sur les ondes lumineuses stationnaires 
et la direction de la vibration dans la lumière polarisée. 
Au début de son mémoire, M. Wiener cilait, en 
insistant sur son importance, le livre déjà ancien 
de Zenker sur la photographie des couleurs. 
Edmond Becquerel, Seebeck, Poitevin, avaient 
obtenu, par divers procédés, des épreuves colo- 
rées : Zenker, le premier, eutl’idée de les attribuer 
- à la production d'ondes stalionnaires; mais son 
explication, que n’appuyait aucune expérience nou- 
elle, était loin d’être à l'abri de toute critique, et 
Schultz-Sellack lui adressa des objections que per- 
sonne n'avait levées. 

Depuis la brillante découverte de M. Lippmann, 
qui, le premier, obtint des épreuves colorées sus- 


expérimentalement que ses épreuves étaient bien 
» dues à la formation d’ondes stationnaires, M. Otto 
» Wiener, convaincu que toutes les expériences 
* anciennes de photochromie ne devaientpas rentrer 
dans le même ordre de faits que les expériences 
de Lippmann, a repris l’examen critique de ces 
expériences ; et, continuant de méditer les travaux 
de Zenker, il vient d'établir cette importante con- 
clusion, qu'il y a, jusqu'ici, deux espèces de pho- 
tographies des couleurs: celle où les couleurs de 

l’épreuve sont des couleurs d’interférence, des cou- 
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


ceptibles d'être conservées el fixées, et qui montra 


leurs d'apparence, et celle où les couleurs de l'é- 
preuve sont descouleurs d'absorption, des couleurs 
réelles propres au corps qui a subi l’action de la 
lumière colorée. 

Il vient de publier les résultats de ses recherches 
dans un mémoire, paru dans le dernier cahier des 
Annules de Wiedemann, et qui a pour titre : « Pho- 
tographie des couleurs par couleurs propres aux 
corps, et mécanisme de l’adaplation à la couleur 
dans la Nature ! ». 

Comme dans tout ce qu'a déjà publié M. Wiener, 
ses expériences ont un caractère de simplicité con- 
vaincante, et ses déductions sont un modèle de 
logique. À la description de ses expériences, il 
ajoute ici des considérations hypothétiques qui, 
sans doute, donneront lieu à des discussions entre 
physiciens, chimistes et physiologistes, mais qui 
ouvrent tout un monde d'idées, et provoqueront à 
coup sûr de nouvelles découvertes. 

Nous nous proposons de montrer brièvement ce 
qu'il ya de vraiment nouveau dans ce travail capital. 


I 


M. Wiener a photographié le spectre en em- 
ployant un spectroscope de Steinheil, dont l’ocu- 
laire est remplacé par une petite chambre photogra- 
phique. La fente du collimateur a une largeur qui 
a varié de 1 millimètre à 0"®, 5. La largeur du 

1 Wied. Ann., t. 55, p. 225, juin 1895, 

14 


610 


B. BRUNHES — IDÉES NOUVELLES SUR LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS 


spectre, de la raie À à la raie H, est de 19 millimè- 
tres, sur une hauteur limitée ordinairement à 
15 à 18 millimètres. La source de lumière employée 
est une lampe à arc. 

L'expérience de Seebeck consiste à exposer du 
chlorure d’argent en poudre à la lumière: on prend 
du chlorure d'argent pur, préparé dans l’obscurilé 
par précipitation, puis séchage; on le met entre 
deux lames de verre dont on colle les bords à la 
cire. On expose le tout à la lumière blanche, jus- 
qu'à ce que la poudre ait pris une coloration vio- 
lette pas trop foncée; elle est alors prête à servir. 

Pour répéter l'expérience de Becquerel, on prend 
une lame de cuivre ou de laiton argenté, ou mème 
une plaque d'argent; on la plonge dans une solu- 
tion d’acide chlorhydrique étendu, et on la prend 
comme électrode positive ; on fait passer durant 
quelques secondes un courant de 2 à 4 ampères, 
pour une surface de 30 centimètres carrés. On sèche 
ensuite la plaque avec du papier buvard et on la 
frotte avec une peau très douce. 

L'expérience de Poitevin a été faite en baignant 
du papier non collé, deux minutes dans une solu- 
tion de sel marin à 10 %, puis une minute dans 
une solution de nitrale d'argent à 8 7. La feuille, 
après un lavage rapide, est soumise, dans une so- 
lution de chlorure de zinc à à %, à la lumière dif- 
fuse du jour, jusqu'à ce qu'elle soit devenue foncée, 
mais pas trop cependant ; puis on la baigne dans 
un mélange d’une partie d'une solution concentrée 
de bichromate de potasse pour deux parties d’une 
solution concentrée de sulfate de cuivre, on la 
presse entre des doubles de papier-filtre.Ilestbon, 
une fois le papier un peu sec, de l'humecter avant 
l'exposition à la lumière. Naturellement, aucun de 
ces procédés ne comporte de développement ; les 
couleurs apparaissent par la simple exposition à 
la lumière colorée. On n’est pas non plus arrivé à 
fixer, ce qui pour la dernière expérience est pos- 
sible à un faible degré. 

Sans nous arrêter à l'étude chimique de l'action 
de la lumière sur le chlorure d'argent, telle que 
l'ont faite Guntz et Carey Lea, mortrons comment 
M. Otto Wiener a réussi à prouver que les épreu- 
ves de Becquerel sont dues à des ondes stalion- 
naires. celles de Seebeck et de Poitevin à des colo- 
rations propres à la couche sensible. 

On connait l'expérience de M. Lippmann, qui 
consiste à mouiller d'alcool une photographie du 
spectre ; les couleurs se déplacent, et, à mesure 
que l'alcool sèche, elles reviennent progressive 
ment à leurs places : c'est la preuve irréfutable 
que l’on esten présence de couleurs d’interférences, 


de couleurs de lames minces. Il suffit, d'ailleurs, de 


regarder le spectre sous une incidence très oblique 


tions sur le cliché : toutefois, ce déplacement, 
celle variation de couleurs, est assez faible, car 
l'indice de la couche sensible du milieu réfringent 
interposé entre les lamelles réfléchissantes, est 
assez élevé, et l’on n'a jamais de rayons émergents 
qui, dans l'intérieur même du milieu, aient pu 
ètre très obliques. L'inconvénient serait encore 
plus grave avec des couches sensibles comme 
celles dont on a décrit ici la préparation, et qui 
atteignent des indices pouvant aller jusqu'à 3 et 4. 
Aussi M. Wiener a-t-il imaginé un artifice permet- 
tant de déceler une varialion de coloration par 
variation de l’incidence,qui soit appréciable même 
pour une couche qui aurait un indice égal à 5. 
L’artifice consiste à couvrir la moitié de l'épreuve 
avec un prisme rectangle isocèle en verre très ré- 
fringent: on pose la face hypoténuse sur l'épreuve, 
l'arête coupant à angle droit la direction des 
lignes d'égale couleur. L’œil del'observateur(fig. 1) 


N 
NT TRE 


His 


est dans le prolongement de la face latérale 1, 
de sorte que pour le jaune, par exemple, il aperçoit 
deux demi-lignes, l’une à travers le prisme de 
verre, l’autre vue directement, qui, s'il s'agis- 
sait d'un spectre peint simplement sur une feuille 
de papier ou sur une lame de verre, seraient exac- 
tement dans le prolongement l'une de l’aulre. 


S'agit-il, au contraire, d'une frange recliligne de 


lames minces, qui soil jaune, qui apparaisse jaune 
à l'œil nu, sous cette incidence la moitié couverte 


par le prisme de verre n'apparaitra plus jaune. - 


La longueur d'onde est changée dans un rapport 
qui dépend des indices du prisme et de la couche 
sensible et qui est d'autant plus différent de 4 que 
l'indice du verre est plus grand et celui dela couche 
sensible plus petit. L'indice du verre du prisme 
est 1,75 pour la raie D. Remarquons qu'il suffit 
que ce rapport soit égal à 0,90 pour que le jaune 
du sodium fasse place au rouge voisin de la raie C 
du spectre.Ce rapport, fût-il mème 0,98, qu'on ver- 
rait encore nellement une différence de couleur 
entre les deux moiliés de la ligne coupée par le 
prisme : celte valeur 0,98 est celle qu'on obtiendrait 
encore avec un indice de la couche sensible égal à 5. 

Pour recueillir les rayons obliques quisubiraient 
la réflexion totale au sorlir de la couche sensible, 
s’il y avait une mince couche d'air entre l'épreuve 


pour apercevoir un léger déplacement des colora- [ et le prisme, on y introduit une goutte de benzine. 


d éémée u mu sosie dt d 


Dans l’expérience de Seebeck, on a eu soin, avant 
l'exposition à la lumière, de noyer dans de la ben- 
zine la poudre de chlorure d'argentinterposée entre 
les deux glaces de verre. Avec les épreuves sur 
papier de Poitevin, il faut prendre quelques pré- 
cautions pour que tout le papier ne soit pas im- 
bibé de benzine. On plie la feuille. en relevant 
à 45° l'une des moitiés et l'appuyant contre un 
prisme auxiliaire Il (fig. 2) ; l'autre moitié reste 
horizontale et on ypose le prisme réfringent I: au 
moment de l'expérience on verse la benzine entre le 
prismeletla partiehorizontale de l'épreuve fig. 2). 


Si l’on pose le prisme sur une épreuve de Bec- 
querel, on voit immédiatement une discontinuité 
entre les deux moitiés du spectre séparées par 
l’arête : le jaune sous le prisme devient vert, un 
trait rectiligne tracé dans le jaune apparait, sous le 
prisme, dans le vert : un autre, tiré à la limite du 
vert et du bleu, est, sous le prisme, en plein dans 
le bleu. = 

Au contraire, avec les épreuves obtenues au 
même spectroscope et dans la même chambre pho- 
tographique, par les procédés de Seebeck et de 
Poitevin, si on fait l'expérience du prisme en pre- 
nant les précautions indiquées, on n'« jamais pu 0b- 
server lemoindre déplacement des couleurs dans le spectre 
par linterposition du prisme. 

Done dans les épreuves de Becquerel, on a des 
couleurs de lames minces ; dans celles de Seebeck 
et de Poitevin, on a obtenu, au contraire, une pein- 
lure véritable. 

Une autre expérience conduit exactement à la 
même conclusion : on a pu réussir, en employant 
de la gélatine, à isoler une couche sensible de Bec- 
querel et à l'enlever de la plaque d’argent qui la 
supporte; la couche transparente ainsi détachée 
présente des colorations frès différentes par transpa- 
rence de celles qu'elle présente par réflexion. On a le même 
effet qu'avec les spectres colorés de Lippmann. 

Est-ce à dire qu'on ait exactement par transpa- 
rence et par réflexion des leintes complémen- 
taires? Non, car, en réalité, si le phénomène des 
ondes stalionnaires est ce qui domine dans les 


épreuves de Becquerel, il se complique toujours, 


dans une certaine mesure, de production de cou- 
leurs propres à la couche colorée. Il en est sans 
doute ainsi dans les expériencesde M. Lippmann, 
et l'on expliquerait de la sorte les particularités 
qu'y à signalées M, Meslin. 


B. BRUNHES — JDÉES NOUVELLES SUR LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS 


611 


Les épreuves de Poitevin, au contraire, donnent, en 
lumière transmise, exactement les mêmes colorations et 
aux mêmes places qu'en lumière réfléchie. 


IL 


Il y a donc des couches sensibles susceptibles de 
se peindre en prenant la couleur de la lumière qui 
les a frappées. Ce sont ces couches que M. Wiener 
appelle Frbenempfangliche, et qu'on pourraitappeler 
chromosensibles, si l’on n'avait scrupule à introduire 
dans la terminologie scientifique un mot mal bâti 
de plus. 

Quel est le mécanisme de cette action de la 
lumière colorée? x 

M. Carey Lea a montré que le chlorure d'argent 
exposé à la lumière est susceptible de donner des 
combinaisons colorées présentant toute la gamme 
des couleurs spectrales, et cela sans qu'il soit tou- 
Jours nécessaire d’avoir fait agir la couleur corres- 
pondante. Ces combinaisons colorées paraissent 
être de véritables teintures où l'agent actif serait 
un sous-chlorure d'argent capable de prendre des 
couleurs très variées, et de teindre ainsi une 
couche de collodion ou de gélatine, que le chlorure 
ordinaire servirait à mordancer. 

Comment se fait-il que la couleur développée par 
l'action de la lumière colorée soit précisément la 
même que celle de cette lumière ? C'est là ce qui 
était tout à fait inconnu, et c’est là que M. Wiener 
apporte une explication bien intéressante : sur ces 
couches sensibles si ondoyantes, la lumière qui 
exercera le moinsune action modifiante ou destruc- 
tive sera celle qui sera le moins absorbée, le plus 
complètement renvoyée par réflexion ou diffusion. 
Si l’on fait tomber de la lumière rouge suruneplage 
colorée en vert, la couche absorbe le rouge, et elle 
est modifiée par l’action de cette lumière : sa com- 
position ou sa couleur change. Si elle est rouge, 
au contraire, elle renvoie sans l’absorberla lumière 
rouge, et, par suite, n’est pas modifiée par elle. La 
seule couleur stable, celle qui pourra seule durer 
dans une pareille couche exposée à des rayons 
rouges, ce sera le rouge. 

Et voici une expérience à l’appui de cette expli- 
calion : 

On fait tourner la couche sensible où se forme le 
spectre, de 90° dans son plan, et sur le spectre 
déjà peint on fait ainsi tomber un spectre dont les 
raies sont à angle droit avec celles du précédent. 
L'expérience a été faite avec des couches sensibles 
de Seebeck et de Poitevin. Sous le rouge du 
second éclairement, il ne se conserve que le rouge 
du premier spectre; les autres colorations sont 
détruiles jusqu'à ce qu’on arrive au commence- 
ment de l’ultra-violet; à partir de là la coloration 
rouge envahit tout. De même pour les autres 


612 


B. BRUNHES — JDÉES NOUVELLES SUR LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS 


couleurs, notamment pour le bleu, qui fait dispa- 
raitre toutes les colorations du premier spectre, 
sauf dans la région du bleu et du violet. Pour le 
jaune, qui, ailleurs, vient moins bien que le rouge 
et le bleu, le phénomène est moins net. 

Lacoutheckromosensible idéale serait, pour M.Wie- 
ner, une substance noire absorbante, composée de 
diverses substances absorbantes, chacune absor- 
bant toutes les couleurs sauf une couleur donnée, 
et impressionnée par les couleurs qu'elle absorbe: 
il en faudrait au moins trois, correspondant à trois 
couleurs simples, suffisamment différentes pour 
pouvoir, par leur combinaison, redonner du blanc. 
La lumière blanche détruirait les diverses subs- 
tances élémentaires, et la couche deviendrait 
blanche; dans l'obscurité, elle resterait noire. Si on 
éclaire avec une seule des trois couleurs fonda- 
mentales, la lumière est absorbée parle corps noir, 
el les diverses substances colorées apparaissent : 
celles dont la couleur ne coïncide pas avec la couleur 
de la lumière qui éclaire absorbent cette lumière. 
et sont, par hypothèse, décomposées par cette lu- 
mière qu’elles absorbent. Seule, la substance colo - 
rée répondant à la couleurincidente, n'absorbe pas 
la lumière et reste inaltérée. C’est la seule qui per- 
sisle, pour une durée d’exposilion suffisante; elle 
estseulementlavée d’une certaine quantité de blanc. 

Pour une couleur composée, telle que le vert, en 
supposant quelejauneetle bleusont, pourlacouche 
employée, deux couleurs fondamentales, on a la 
même explication. Les substances les moins alla- 
quées sont celles qui réfléchissent le mieux le vert, 
c'est-à-dire celle qui est jaune et celle qui est 
bleue. Elles donnent un mélange de couleur verte. 

Remarquons, en passant, qu'on aurait ainsi, su- 
perposées et mélangées en une couche unique, les 
trois couches sensibles du procédé Ducos de Hauron 
et Cros. 

Cette constitution idéale de la couche chromo- 
sensible est-elle bien la constitution dont se rap- 
prochent, plus ou moins exactement, les couches 
sensibles des épreuves de Seebeck et de Poitevin? 
L'expérience des spectres croisés fournit, à l'appui 
de cette manière de voir, un argument intéressant : 
mais il est clair qu'il ne faudrait pas encore être 
là-dessus trop aflirmatif, en raison de l'insuffisance 
évidente de notre savoir actuel en la matière, 
insuffisance qui commande une extrême prudence. 
Il n'en reste pas moins l'indication d’une voie 
nouvelle où l’on peut chercher la solution du pro- 
blème de la photographie des couleurs : il reste- 
rail seulement, une fois obtenues des couches 
chromosensibles parfaites, à pouvoir fixer les 
épreuves oblenues. Ce serait l'affaire des chi- 
mistes et des personnes qui s'occupent de la tech- 
nique photographique. 


sion 


III 


L'idée d’une sorte d'adaptation de la eouche 
chromosensible qui arrive à prendre la couleur de 
la lumière qui la détruit le moins, fait penser na- 
turellementaux phénomènes d'adaptation que nous 
présente la Biologie. Aussi M. Otto Wiener con- 
sacre-t-il une partie de son élude aux phéno- 
mèênes d'adaplation à la couleur que nous offre le 
règne animal, Darwin, Weismann, plus récemment 
Poulton et divers autres naluralistes ont appelé 
l'attention sur les changements de couleur que 
présentent certains animaux dont la peau arrive à 
prendre la couleur du milieu où ils vivent, Darwin 
raltachait ces changements de couleur à la sélec- 
lion naturelle, qui fait persister les animaux les 
plus aptes à échapper; or, les animaux dont la 
couleur ne tranche pas sur le milieu où ils vivent 
sont plus difficiles à prendre. 

Certains de ces animaux, Batraciens ou Pois- 
sons, ont la propriélé de changer de couleur avec 
le milieu; mais cette propriété est liée à leur vue : 
s'ils perdent les yeux par hasard, ou qu’on les 
leur enlève pour faire une expérience, ils perdent 
du même coup la facullé de s'adapter à la couleur. 

Mais il en est d’autres, des chenilles, deschrysa- 
lides, pour lesquels le changement de couleur ne 
saurait être attribué à cette cause. Les chrysalides 
du Zanaïs Chrysippus, qui dans la nature sont 
vertes, peuventdevenirblanches, rouges, orangées, 


noires ou bleues, quand on les met dans des en- 
‘ceintes tendues de papier coloré. Etil semble bien 


qu'on à affaire à une substance chromosensible 
contenue dans l'épiderme ; Poulton a pu faire sur 
certains de ces animaux une expérience de succes- 
de couleurs analogue à l'expérience des 
spectres croisés. 

Darwin et Barber avaient fait sur la chenille du 
Papilio nireus une expérience consistant à la placer 
entre un morceau de bois et une pierre colorés diffé- 
remment,eltavaient trouvé que les deux faces de la 
chenille prenaient une coloration différente ; mais 
sur ce point on nest pas définitivement fixé, et 
Poulton a trouvé, au contraire, qu'en pareil cas la 
peau de la chenille prendune coloration uniforme, 
qui est une couleur mixte, dont la teinte dépend 
du rapport des deux surfaces diversement colorées. 
Faut-il penser que l'action dela lumière sur une cel- 
lule de la peau détermine un influx nerveux, ana- 
logue à un courant électrique, et qui va produire 
la méme décomposition dans toutes les cellules de 
la peau ? Il y aurait alors un transport de l’action 
lumineuse à distance, comparable à celui qu'a pour 
objet le problème de la vision ou de la photogra- 
phie à distance par l'électricité. 

On voit combien de questions sont soulevées par 


mu éédrerts dust: témAalé. asamtttés 


A. WITZ — LES DERNIERS PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR 


613 


aa 


ces nouvelles expériences. M. Wiener estime que la 
_paroleest aux biologistes, de même quelalächedes 
chimistes d'une partetdestechniciensetdesarlistes 
de l’autre, est, désormais de préparer des couches 
chromosensibles bien orthochromatiqueset donnant 
des images susceplibles d'être fixées. — Le rôle du 

… physicien était de mettre hors de doute la possi- 


bilité d'une reproduction des couleurs par des cou- 
leurs objectives réellement peintes sur le cliché. 
En remplisant ce rôle, M. Otto Wiener ajoute une 
découverte importante à celle quia déjà illustré 
son nom. 

Bernard Brunhes, 


; Chargé de Cours 
à la Faculté des Sciences de Dijon. 


LES DERNIERS PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR 


M. le professeur Thurston fixait l’an der- 
ier avec autorité le record de consommation des 
machines à vapeur : le cheval-heure indiqué avait 
_ été obtenu par 5*, 159 de vapeur saturée sèche à 
- 6 atmosphères, soit par 3.379 calories, en estimant 
à 655°%1,062 la chaleur totale de la vapeur à cette 
pression ; le rendement thermique, — rapport des 
calories utilisées aux calories dépensées, — s'élait 
élevé à 0,188. Ce résultat remarquable avait été 
- fourni par une machine A//is à lriple expansion, 
installée à Milwaukee et appliquée à une élé- 
 vation d'eau. M. Dwelshauvers-Dery, qui a ana- 
- lysé dans celte Revue le mémoire de notre illustre 
; confrère américain!, ne nous a pas fait connaitre 
les dimensions de cette machine, ni sa puis- 
sance, qui doit èlre estimée, d’après le volume 
d'eau élevé en 24 heures, à plus de 700 chevaux: 
mais il a déclaré, et nul n'était mieux que lui en 
siluation de le faire, que les moteurs de Milwaukee 
réalisaient toutes les condilions théoriques et pra- 
tiques recherchées aujourd'hui: vapeur sèche, 
pression élevée, longue détente, faible pression au 
condenseur, répartition égale du travail entre les 
cylindres, receivers bien conçus, enveloppes ef- 
ficaces et complètes de vapeur autour des cylin- 
dres, conduites et lumières de grande section, es- 
paces morts exceplionnellement réduits, distri- 
bution à déclic et fermeture rapide. En un mot, 
ces machines élaient la dernière expression des 
idées dominantes à ce jour : le succès obtenu 
pouvait être considéré à bon droit comme une con- 
sécralion des principes qui avaient présidé à la 
construclion de ces moteurs, car cetle consomma- 
lion de 5*,159 n'avait pas encore été atteinte jus- 
que-là. 


I 


. Combien de temps les machines Allis devaient- 
elles détenir ce record si brillamment établi? Bien 
peu de jours, attendu que, dans le courantde cette 
même année 1894, MM. Schneider, de Grahl, 


1 Revue générale des Sciences pures el appliquées, n° du 
5 juillet 1894. 
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


1 
| 


Schôttler, Lewicki, Schotte et enfin M. Schrüter de 
Munich publiaient dans diverses Revues alle- 
mandes ! des procès-verbaux d'expériences, dont 
les résullats dépassaient ceux qu'avait relevés le 
professeur d’Ithaca. En effet, il sufüt de jeter les 
yeux sur le tableau ci-dessous pour reconnaitre 
que l'Allemagne possède en ce moment la machine 
à vapeur la plus économique : 


——————_—_—_——————_——pa à 


CONSOMMATION 
PUISSANCE : PRESSION |DE VAPEU 
Su EXPÉRIMEN- [TRAVAIL] . DE VAPEUR) PAR 
HUE TATEUR INDIQUÉ | peur _— 
ch. h. | ch. h. 
indiqué |effectit 
en 
3 chev..|Schneïder. ..| 4 ex. 92[7,90atm.| 9 k.47| 14,7 
20 chx...|Schotte..….... 8,2 
id. Schôüttler.... 8,8 
40 chx...|de Grahl....| 41,47 8,9% 7,39 7,71 
id. Lewicki:..-" 14) 
60 chx... |Schrôter..…... 76,37 | 11,90 4,55 5,5 


La chaleur totale de la vapeur d’eau à 44%, 9 
étant égale à 663%!,42, un calcul bien simple dé- 
montre que 4*,550 de cette vapeur équivalent ther- 
miquement à 4,600 de vapeur à 6 atmosphères, 
pression à laquelle M. Thursion à rapporté la 
consommation des machines Allis ; or, 4*,600 au lieu 
de 5*,159, 3.052 calories au lieu de 3.379, — cela 
correspond à une réduction de consommation de 
0%,559 sur 5*,159, de 327 calories sur 3.379, soit 
de 9,7 pour cent. Le rendement de Milwaukee était 
de 18,8 pour cent; le moteur allemand rend plus 
de 20, 8 pour cent; et pourtant, la première ma- 
chine avait une puissance de 700 chevaux environ, 
alors que la seconde ne développe que 60 chevaux ; 
l'avance oblenue est donc d'autant plus marquée 
el elle caractérise un progrès considérable, 

Le fait est par suite dûment constaté: ce n’est 
plus Allis qui détient le record des machines à 
vapeur. L'heureux champion de ce concours, qui 
intéresse si vivement savants el industriels, est 


1 Signalons entre autres la Zeilschrift des Verbandes der 
Dampfhkessel Uberwachung, Janv. 94, et la Zeitschrift des 
Vereines deulscher Ingentieure, Tome XXXIX, 1894, 

14* 


dr 


614 


A. WITZ — LES DERNIERS PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR 


M. W, Schmidi, ingénieur civil de Wilhemshôhe, 
aujourd'hui constructeur à Aschersleben (Prusse). 
Son idée a pris corps en ces dernières années, el 
il existe déjà un cerlain nombre de machines, qui 
fonclionnent depuis trois ans sans démentir les 
résullats des expériences dontnous avons donné ci- 
dessus le tableau comparatif. On trouve donc réel- 
lement des petites machines de à 4 chevaux, don- 
nant le cheval-heure effectif par deux kilos envi- 
von de charbon; or, on évaluail généralement 
cette dépense au triple. Quant aux machines 
Schmidt de 60 chevaux, elles consomment 
700 grammes, el ce résullat était absolument in- 
connu, non seulement pour des machines d’aussi 
faible puissance, mais encore pour les grands 
moteurs de l'espèce de ceux de Milwaukee. 

C'est par la surchauffe de la vapeur qu'est obte- 
nue cette marche si économique : le moyen n'est 
cerles pas nouveau, mais il faut bien reconnaitre 
qu'il est appliqué ici d'une façon nouvelle, puis- 
qu'il conduit à une utilisation. du calorique plus 
parfaite que par le passé. A cet égard, la machine 
Schmidt mérile toute l'attention des théoriciens el 
des esprits plus positifs, épris du fait acquis. 


Il 


Le principe de la surchauffe est posé depuis 
longtemps !: elle doit ètre avantageuse, parce 
qu’elle permet d'augmenter la chute de tempéra- 
ture de la chaudière au condenseur (du foyer au 
réfrigérant), d'où résulle une amélioration du ren- 
dement théorique, en vertu du principe de Carnot. 
Mais la surchauffe est sans doute plus eflicace 
encore, parce qu'elle supprime la condensation de 
la vapeur à l'admission et qu'elle réduit, par suite, 
au minimum les pertes par les parois el surtout 
la perte au condenseur. 

Il est vrai que la pratique n'a pas toujours con- 
firmé ces prévisions théoriques, el tous les ingé- 
nieurs on£ retenu l’aveu si franc de Hirn racontant 
l'insuceès qu'il eut d’abord : 

« L'avantage de la surchauffe me semblait devoir 
être général, dit-il. Un industriel des environs » (du 
Logelbach) « m'offrait d'essayer la vapeur surchauffée : 
sa machine était à deux cylindres et sans enveloppe 
de vapeur, L'échec le plus complet m’attendait cepen- 
dant au bout de cette expérience : le résullat écono- 
mique fut non-seulement nul, mais négatif. Bien loin 
de gauner ce que j'attendais, la machine consommait 
3 ou # pour cent de plus ?, » 


Hirn pril néanmoins un brevet, le 12 novem- 


3 D'après M. Rallard, l'inventeur des surchauffeurs serait 
un mécanicien alsacien, nommé Becker, dont le brevet re- 
monte au 20 novembre 1827. 

2 Erposilion analytique et expérimentale de la Théorie mé- 
canique de la Chaleur, par G. A. Hirn, tome I], page 84, 
3e édition, Paris, 1876 


bre 1855, pour un surchauffeur, qu'il appela un 
hyper-thermo-générateur : il est intéressant de re- 
lever les dispositions générales de cet appareil, 
qui a été plus ou moins heureusement copié el 
modifié depuis lors. Entre la chaudière et le cy- 
lindre moteur était interposée une série de tuyaux 
logés dans les carneaux, dans lesquels la vapeur 
se séchait et se surchauffait. La fumée élait dé- 
viée par des valves, de manière qu'on püt ré- 
gler et modérer à volonté la température de la 
vapeur. Ces tuyaux étaient en fonte, et l’on es- 
complait l’inallérabilité de ce métal. Avec une sur- 
chauffe à 210°,on constatail une économie de 20 % 
et l'on atteignit 47 % pour 245°. Ces chiffres 
n’ont pas de sens bien précis, allendu qu'une 
économie de 47 % dans la consommalion d'une 
machine détestable peut ne pas conduire à une 
consommation fort réduite ; loutefois ils témoi-.. 
gnent de l’eflicacité de la surchauffe. 

Personne ne nie d’ailleurs, parmi les mécani- 
ciens, qu'il yaitintérèt à surchauffer la vapeur avant 
son admission au cylindre, el l'on a accueilli der- 
nièrement avee faveur les appareils Uhler,Schwœ- 
rer, Gehre, et autres, qui ont permis de réaliser 
plus aisément celte opéralion si délicate. Dans un | 
important mémoire présenté à l'Association alsa- « 
cienne par M. Walther-Meunier !, cet ingénieur . 
distingué a démontré par des chiffres indiscu- 


-Lables qu’on diminue même de 20 à 30 % la con- 


sommation de vapeur des machines Woolf ou 
Compound, en les alimentant de vapeur à 235° ; 
ainsi, une machine Compound à condensation, du 
système Frikart, alimentée par des chaudières de 
Nœyer et un surchauffeur Uhler, faisant 555 che- 1 
vaux indiqués, a consommé 6 kil. 15 avec sur-. 
chauffe, alors qu'elle dépensait 8 kil. 50 sans, 


PA 


surchauffe. Le rapport constate qu'en. employant ; 


des garnitures métalliques aux presse-étoupes el 
de l'huile de bonne qualité pour le graissage des 4 
cylindres, il n’y à aucun inconvénient pratique à 
élever la température de la vapeur à 235°. Mais 
c'était un maximum que l’on n’osail guère dépasser. 
On se bornait; en somme, au degré de surchauffe … 
nécessaire pour avoir de la vapeur sèche au cy- 
lindre à la fin de l'admission; Hirn n'avait pas 
cherché autre chose, et l’on suivait fidèlement les u 
tradilions de l’illustre maître. 9 
On ne pouvait assurément choisir de meilleur 
guide ; mais on avail abouti à un système mixte, qui 
n'élait pas rationnel. On conservait les enveloppes 
de vapeur, dont l'utilité est pourtant bien discu- | 
table du moment que les condensalions intérieures M 
sont supprimées, el qui seront une superfélalion | 


1 
L 


1 Bulletin de la Sociélé industrielle de Mulhouse, oc 
tobre 1891, page 590. ñ 
3 

A 


mm ——2————a——-— 


| coûteuse dans: des machines à détente multiple 
(Woolf, Compound ou Triplex), quand elles seront 
| alimentées de vapeur réellement surchauffée. Mais, 

pour réaliser celte condition, ce n'était pas une 
surchauffe à 235° qu'il fallait: il était néces- 
E de monter à 360° et de ne pas perdre la sur- 
chauffe dans les tuyaux qui relient les chaudières 
au cylindre. Enfin, il importail de construire des 
machines pouvant tolérer une température d’ad- 
mission aussi élevée. 


nl 


_ el était le problème. M. Schmidt l’a résolu. Il 
créé une chaudière nouvelle et une machine 
ouvelle ; les deux contribuent également au 
succès remarquable qu'il a obtenu. 
_ Sa chaudière, qui peutêtre verticale ou horizon- 
_ tale, est faite pour être installée au pied de la che- 
_minée, de manière à supprimer tous les carneaux 
inutiles ; lesurchauffeur doit être considéré comme 
une partie intégrante de lachaudière. C’est unser- 
pentin, formé d’un épais tube de fer étiré, composé 
. de deux parties: l'une destinée à sécher la vapeur, la 
- seconde opérant la surchauffe ; la première, qui est 
exposée au contact de gaz très chauds, et qui 
_pourrail se brûler, est traversée par un courant de 


1m 00 


d 


OUUOD == —+ 


TES | 


W \AXYA ME 


serpentlin dans une chaudière verticale. 


A. WITZ — LES DERNIERS PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR 615 


vapeur chargée d'eau vésiculaire: la seconde est | 


is. 1. — Fiqure schématique représentant la disposition du 


isposée de manière à opérer un chauffage métho- 
ique de la vapeur qui la parcourt, et, à cet effet, le 


courant de vapeur marche en sens inverse des gaz 
chauds. Il résulte de ces dispositions que la partie 
dangereuse du serpentin est sauvegardée par la 
vaporisalion des gouttes d’eau entrainées; la se- 
conde partie est, au contraire, installée en vue dela 
meilleure récupération du calorique, etelle permet 
de surchauffer la vapeur à 360° en portant à la che- 
minée des gaz à 300° et même à 250. 

Voici dès lors comment est constitué le serpen- 
lin : prenons le cas d’une chaudière verticale, 
(fig. 1). Les deux serpentins sont placés au-dessus 
de cettechaudière ; lepremier (Vorüberhitzer) n'est 
formé que de deux rangées de tuyaux ; il recoit la va- 
peur humide de la chaudière, et la remise en dans 


le large cylindre AB, où elle achève dese dessécher 


mécaniquement. Le second{Hauptüberhitzer), com- 
prenant au moins dix rangées, est alimenté de 
vapeur par le haut, en C, et il la conduit, de haut 
en bas, vers l'orifice 4, par lequel elle va à Ja 
chaudière. 

MM. Schneider et de Grahl ont relevé les tempé- 
ratures suivantes dans les diverses parties de Ia 
chaudière de 35 chevaux soumise à leur examen: 


BresHOon dé A VAPEUR.eser eee t bear eineiste 9,02 atm 
Température de la vapeur dans la chaudière,  1780,9 
Température de la vapeur à l’entrée du sur- 

CETTE PME RS ETS PRNCE AES 2170 
Température de la vapeur à la sortie du sur- 

chauffeur te ÉCOLE 3640 
Température des gaz à la base de la cheminée. 333 


Un essai de M. Schrôter sur une chaudière plus 
puissante nous fournit des données plus délaillées 
et par suile plus suggestives encore: 


Pressontdelt Vapeur 2-22 2 ere 11x,90 

Température de la vapeur dans la chaudière.  1890,9 
— dans le premier serpentin.:.... 3110 
—  àla sortie du sécheur mécanique 274 
— à la sortie du surchauffeur..... 3570 
— à l'entrée de la machine........ 3%40 

Température des gaz à la fin du {er serpentin 7u0° 
— dans Ja cheminée. 3.42 -770 1819 


Dans cette chaudière, un réchauffeur lubulaire, 
placé au-dessus du surchauffeur, contribue à l’uti- 
lisation complète du calorique ; on remarquera la 
tempéralure relativement basse des gaz à leur en- 
trée dans la cheminée. F 

Les dimensions des diverses parties de ce géné- 
rateur sont les suivantes : 


Surfacotde la ipriles 2e UAR CEE EEE 0,70 m. q, 
Surface de chauffe baignée d’eau........... 7,00 

— du premier surchauffeur..,....... 6,00 

— du second surchauffeur........... 32 50 

— duréchaufteur: "5... 42,00 


Cette chaudière a produit 7,929 de vapeur à 
11*,9 de pression, surchauffée à 357°, par kilo- 
gramme de charbon, d'un pouvoir de7,154 calories, 
renfermant 2,87 °/, de cendres. 

C’est un excellent résultat, étant donnée la qua- 


616 


A. WITZ — LES DERNIERS PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR 


lité du charbon, qui était médiocre et laissait 
beaucoup de cendres et de scories. 


IV 


M. Schrôler a relevé la température de la va- 
peur à l'entrée de la machine :elle était encore 
égale à 344°, supérieure de 454° à la température 
de saluration. Une machine à vapeur constituée 
d’après le type ordinaire n'eût pu supporter sans 
inconvénient celte température considérable: aussi 
M. Schmidt a-t-il créé un type nouveau. 

Il n'a pas eu à faire un grand effort d'invention, 
car les moteurs à gaz convenaient parfaitement aux 
conditions nouvelles, etil n’ÿ avait qu'à s'inspirer 
de ce qui avait été fait avec Lant de succès dans cette 
voie. M. Schmidt a donc adapté le moteur à gaz à 


la fonction spéciale imposée par la surchauffe : il 


a conservé la marche à simple effet, le piston long, 
creux et largement ouvert, énergiquement ventilé, 
muni de segments sur l'avant, dans la partie la 
moins chaude du cylindre, où le graissage est pos- 
sible ; la bielle est directement articulée sur le pis- 
ton. Pour les petits moteurs, l'admission se fait à 
travers une soupape, ainsi que l’échappement. La 
première est automobile etd'un modèle particulier 
et fort bien étudié. Des ressorts tendent à la main- 
lenir toujours soulevée de son siège, de telle sorte 
que la vapeur puisse agir surle piston dèsle début 
de la course mobile. Tant que la vitesse du piston 
reste faible, la vapeur afflue assez librement au 
cylindre pour qu'il y ait équilibre de pression sur 
les deux faces de la soupape; mais, la vitesse du 
piston croissant, il se produit bientôt une dépres- 
sion dansle cylindre, et, dès que cette différence de 
tension égale celle des ressorts, ceux-ci laissent 
retomber la soupape, qui restera appliquée sur 
son siège pendant Loute la période de détente et 
dans la phase de décharge consécutive, jusqu’à ce 
que, la soupape d’échappementse fermant, la com- 
pressioncommence el force de nouveau la soupape 
d'admission à s'ouvrir. Le régulateur intervient 
en limitant plus ou moins la levée de la soupape : 
l'admission s’allonge quand cette levée augmente. 
L'échappementse fait d’abord à travers un ori- 
fice percé dans la paroi du cylindre, vers son ex- 
trémilé avant; la vapeur s'échappe aussitôt que 
cet oriliceest démasqué par le piston. Une soupape 
à ressorts, analogue à celle d'admission, se soulâve 
alors à la suite de la dépression produite par cette 
évacuation, et elle reste ouverte jusqu'à ce que la 
marche rétrograde du ‘piston détermine dans le 
cylindre une compression suffisante pour vaineére 
la résistance des ressorts. Il est à remarquer que 
celle distribution entièrement automalique per- 
met de tourner dans le sens que l’on veut, ce qui 
est-avañtageux pour les pelits moteurs, 


| 


| 
| 


- Fig. 2, — Schéma de la machine Schmidt à triple effet de 


Les machines plus importantes de 20 et 40 che- 
vaux ont pour organes distributeurs deux tiroirs 
à piston : l’un d'admission, l’autre de décharge; le 
premier est rafraichi par la vapeur d’échappe- 
ment, qui estobligée de le traverser avant d’arriver 
à l'air. — Ces moteurs sont à décharge libre, sans 
coudensalion. 

Pour une puissance de 60 chevaux, M.. Schmidt 
recourt à la condensation et il l'applique à une 
détente multiple : le type auquel ses études l'ont 
conduit est d'une remarquable ingéniosité. Deux 


ANNNNNNNINNRTERNRINNO RRQ 


(es) 


60 chevaux. 
cylindres verticaux À et B (fig. 2) sont superposés 
en tandem: l’un d’eux est à simple effet, l’autre est 
à double effet. Un piston à triple action reçoit la 
poussée de la vapeur, sur 4b d'abord, puis sur cd el 
enfin sur la surface annulaire e f. Lors de la pre- 
mière course descendante, la vapeur, admise par la 
soupape automobile S, travaille sur la face supé- 
rieure ab et elle y subit une première détente; elle 
passe ensuite à la partie inférieure du grand €y-" 
lindre B et fait remonter le piston. Un tiroir con- ; 
duit enfin la vapeur sur la face efannulaire; elle s'y 
détend une troisième fois, en même temps que lan 
partie inférieure du grand cylindre est mise en 
communication avec le condenseur ; le piston des- 
cend par conséquent. Il est à remarquer que la dé-. 
tente dansle petit cylindre refroidit assez la vapeur : 
pour qu'on puisse, dès lors, opérer la distribution … 
par tiroirs à la façon ordinaire, 


Lada 


C’est cette machine à triple effet qui a donné le 

superbe rendement signalé ci-dessus, c’est le meil- 
_ leur qui ait été réalisé à ce jour : mais il est pro- 
 baäblé que les machines Schmidt de 100 et de 
150 chevaux, qui viennent d’être mises en marche, 
. dépasseront encore ces résultats. Nous attendons 
 impatiemment de connaitre les chiffres relevés 
dans les derniers essais qui ont été faits. 
% \ 

Les documents que nous possédons suffisent 
pour nous permettre d'apprécier l'œuvre du mé- 
canicien allemand: elle mérite assurément d'ar- 
rêter l'attention des praticiens et des savants. Les 
premiers se disputent déjà la faveur d’une licence 
de construction ; les seconds éludieront avec inté- 
rêl ce moteur constitué comme un moteur à gaz, 
donnant un diagramme analogue (fig. 3), fonc- 


ir 


ic. 3. — Diagramme d'entropie de la machine Schmidt. 
- 4 . 


“ionnant entre des limites de température très 
“écartées, délendant la vapeur sans qu'il se pro- 
duise de condensations et sans exiger de dispen- 
dieuses enveloppes; quel beau champ d’études 
ouvre pour les chercheurs et quelles précieuses 
indications fournira l'application du diagramme 
d’entropie de Belpaire! 


- Un événement d'une portée considérable va 
arquer une nouvelle étape dans l’évolution de la 
hysique contemporaine : il s’agit de la liquéfac- 
on complète de l'hydrogène et de la détermina- 
ion précise des conditions de cette liquéfaction. 
ette détermination, ardemment attendue en 
ison de son haut intérêt pour la philosophie 
- naturelle, vient d’être l’objet de fructueuses in- 


yes ist 


“E. MATHIAS — LA LIQUÉFACTION DE L'HYDROGÈNE 


dd 2, dut ie DE nl On  Aar d'OS LUS AL V'T Te + 
L A L Fe , = - 


617 


Mais il faudra quelque temps pour poursuivre 
ces curieuses études. 

Pour l'instant, contentons-nous de relever le fait 
qui se dégage des premières expériences, à savoir 
la faible consommation de charbon. Voilà donc 
une machine à vapeur de 60 chevaux qui ne con- 
somme plus que 695 grammes de charbon à 
7.000 calories environ par cheval-heure effectif 
et 574 grammes par cheval-heure indiqué. 

Ces chiffres pourront encore être abaissés pour 
les machines puissantes; mais, dès maintenant, le 
rendement total est déjà supérieur à 13 pour cent 
(du travail effectif sur l’arbre, au travail équiva- 
lant aux calories du combustible), et il n'y avait eu 
jusqu'ici que des moteurs à gaz, alimentés au gaz 
pauvre, qui eussent pu donner de tels résultats, 
Le moteur Schmidt est la revanche de la machine 
à vapeur sur son heureux concurrent. Il revendi- 
quera cerlainement pour lui l'avantage d'employer 
n'importe quel charbon, gras ou maigre, gaille- 
teux ou menu: la vapeur surchauffée pourrait 
donc retarder quelque peu le triomphe définitif 
des gaz pauvres et des gaz mixtes. L'incandescence 
appliquée au bec Auer a barré de même, pendant 
dix ans, le chemin à l'électricité. C'est un nouvel 
épisode de la lutte engagée entre les machines à feu. 

Quoi qu’il en soit du dénouement, l’industrie se 


| voit dotée de moteurs dont le concours devient de 


jour en jour moins coûteux, en même lemps qu'il 
est plus régulier et plus sûr. Au point de vue so- 
cial, l'importance de ce progrès est aussi grande 
qu'au point de vue économique el scienlifique, 
car les producteurs trouveront ainsi le moyen de 
réduire leurs prix de revient sans toucher aux 
salaires de leurs ouvriers. 
Aimé Witz, 
Docteur ès sciences, 
Professeur à la Faculté libre des Sciences, à Lille. 


LA LIQUÉFACTION DE L'HYDROGÈNE 


DÉTERMINATION DE LA TEMPÉRATURE CRITIQUE ET DE LA TEMPÉRATURE 
D'ÉBULLITION NORMALE DE L'HYDROGÈNE 


vestigalions théoriques et expérimentales, dues à 
MM. L. Natanson et K. Olszewski, professeurs à 
l’Universilé de Cracovie. Leurs deux mémoires, 
tout récemment présentés à l'Académie des 
Sciences de Cracovie, écrits en polonais et encore 
inédits, vont nous servir de guides pour donner 
aux lecteurs de cette Revue la primeur de leur 
découverte. 


618 


E. MATHIAS — LA LIQUÉFACTION DE L'HYDROGÈNE 


I 


L'origine des recherches que nous avons à dé- 
crire est le problème de la liquéfaction des gaz 
dits autrefois permanents, problème résolu depuis 
que M. L. Caillelet a montré, par l'emploi de la 
détente, la possibilité de la liquéfaction de ces 
corps. À partir d’une pression initiale suffisante, 
tous les gaz parfaitement secs donnent par dé- 
tente un brouillard, signe évident de leur liquéfac- 
tion. Pour l'hydrogène ce brouillard est partieu- 
lièrement sublil et difficile à apercevoir, et il a 
fallu un éclairage spécial pour le mettre en évi- 
dence la première fois MM. Wroblewski et 
Olszewski, ensemble ou séparément, ont com- 
plété l’œuvre de M, Cailletel en obtenant les an- 
ciens gaz permanents sous forme de liquides sta- 
tiques, c’est-à-dire terminés, dans un tube étroit, 
par un ménisque. Seul l'hydrogène avait jusqu’à 
présent fait exceplion. Même refroidi dans l’oxy- 
gène bouillant sous la pression de 15"" de mer- 
cure (— 210°C.),ilrestait incoercible, quelle que fût 
la pression, preuve que sa température critique 
était inférieure à — 210°. Sous l'influence de la dé- 
tente, ilse liquéfiait en gouttelettes ruisselant sur 
les bords du tube-laboratoire, mais s'évaporant 
avant d’être rassemblées en un tout limité par un 
ménisque. Il restait donc à connaitre les condi- 
lions précises de la liquéfaction de l'hydrogène, 
c'est-à-dire la température et la pression critiques 
de ce gaz. C'est ce double problème que M. Olszewski 
a résolu par la voie expérimentale en généralisant 
la méthode de la détente imaginée par M. L. Cail- 
letet. 

Les derniers travaux de MM. L. Natanson et 
K. Olszewski reposent sur la détermination ex- 
périmentale préalable de la pression critique de 
l'hydrogène, que M. Olszewski admet être égale à 
20% environ. Si l’on délend, en effet, de l'hydro- 
gène porté à — 211°,au moyen de l'oxygène bouil- 
lant dans le vide, l’ébullilion de l'hydrogène se 
produit invariablement sous la pression de 20%, 
que la pression iniliale soit 80, 100, 120 ou 440%tm, 
Pour une pression iniliale inférieure à 80%, l’ébul- 
lilion se produisait à une température inférieure à 
la température crilique, et la pression sous la- 
quelle se produisait l’ébullition descendait à 18, 16, 
14% lorsque la pression initiale élait seulement 
70, 60 ou 50m, 

S'il en est bien ainsi, l'hydrogène, partant d’une 
température initiale 4, — — 214° et d'une pres- 
sion iniliale p, — 80%, arrive par détente adiaba- 
lique à la température critique inconnue l, sous 
la pression critique p, = 20%», 


Si, la température absolue étant — 273, l'on 
pose T, — 273 + f,, T, — 273 + 4, etsi l’on ap- 


pelle le rapport des deux chaleurs spécifiques de 
l'hydrogène, qui est égal à 1,40 environ, on trouve 
aisément par la (hermodynamique la relation : 

Pi 


(x) - (2) 


h = Ti — 213 = — 23400, 


fe 
D'où : 


Ce raisonnement, dû à M. L. Natanson, donne. 
donc pour la tempéralure critique de l'hydrogène : 


lb =—2310C. 


IL est possible de retrouver ce même nombre 
par une tout autre voie, en se servant, comme M.L. . 
Natanson l’a fait, de la loi des états correspondants ", 
due à M. Van der Waals. 

L’équalion des gaz parfaits : pv — RT peul se 
mettre sous la forme : 


M étant le poids moléculaire du gaz et G une 
nouvelle constante indépendante de la nature du 
corps ; T est la température absolue. Si l'on ex-. 
prime, avec Van der Waals, p, v et T en fonction 
des constantes criliques # , w , Te, l'existence 
d'une isotherme réduite commune à tous les corps 
exigera la relation : Î 
À 


(1) 
A 


À étant une nouvelle constante identique pour 
tous les corps. M. L. Nalanson a vérifié la cons- 
tance de A d’une façon très satisfaisante sursix corps. 
dont les éléments critiques sont connus avec quel- 
que précision. La valeur moyenne de À élant con- 
nue ainsi que M et. , la relation (1) donne T, , pour- 
vu que l’on connaisse v, . À cet effet, on remarque 
que l'équation p{v-b) — RT qui,d’après M. Amagat, 
représente très bien la compressibilité de l'hydro- 
gène dans de larges limites, est un cas particulier 
de l'équation de Van der Waals, et qu'on a par 
suile:v, — 3 b. Or,les expériences de M.Amagalsur 
l'hydrogène ont élé calculées par M. Withowski, qui w 
a fait connaître la valeur exacte de 4. On-en tire », , 
puis Te. 
qui concorde exactement avec le calcul précé- 
dent, el prouve une fois de plus la haute valeur de 
la loi des états correspondants. 


Te = AMpetve, 


Il 
Ce qui précède est purement spéculatif; M. K, 
Olsze wski y a ajouté la décisive sanction de l’ex- 
périence. Soit à mesurer la température critique M 


1 Consulter à cet effet l'article de M. Ph. A. Guye, Jievne 
générale des Sciences, t. 1, p. 365. 


TR 


E. MATHIAS — LA LIQUÉFACTION DE L'HYDROGÈNE 


et la température d'ébullition de l'hydrogène sous 


Fig: 2. 
ure de la 
figure 4, on voit une bou- 
teille en acier, éprouvée à 
220atm, Dans cette bouteille 
pénètre, à la partie supé- 
rieure gauche, un tube qui 
amène, après détente, de 
l'hydrogène gazeux prove- 
nant d’une bouteille de fer 
de 3 litres, où la pression 
initiale du gaz était de 
- AZüatm, Ce tube traverse un 
- bouchon destiné à fermer 
un flacon de verre à triple 
 parvi, non représenté ici, 
qui entoure la bouteille en 
… acier et qui est plein d'oxy- 
… gène bouillant dans le vide. 
À l'intérieur de la bouteille 
en acier se trouve un sup- 
- port en mica ou en ébonite 
sur lequel est enroulé le fil 
de platine thermométrique. 
Celui-ci communique par 
une de ses extrémités avec 
un tube métallique traver- 
sant le bouchon mentionné 
ci-dessus et communiquant 
avec la borne horizontale, 
qui est reliée par un fil 
métallique à une des bornes 
d’un pont de Wheatstone, 
non figurée ici, L'autre 
borne communique par un 
fil avec la borne verticale 
supérieure de la figure, de 
laquelle part un fil de cuivre 
bien isolé, traversant l’inté- 
rieur du tube métallique, et 
se reliant à l’autre extré- 
mité du fil de platine ther- 
mométrique. On a ainsi un 
circuit fermé, où la résis- 
tance principale est celle du 
fil enroulé sur le support, 
résistance qui est mesurée 
par le pont de Wheatstone. 
La figure 2 donne une vue 
perspective détaillée du sup- 
port et de l’enroulement du 
fil thermométrique. 


la pression atmosphéri- 
que. Pour cela il fallait 
deux choses : d’abord 
produire l’ébullition de 
lhydrogènesousla pres- 
sion critique ou la pres- 
sion atmosphérique, 
puis mesurer exacle- 
ment et rapidement la 
température de cesébul- 
litions fugilives. 
L'’ébullition étant pro- 
duite par la détente 
lente du gaz fortement 
comprimé et refroidi à 
— 911° par l'oxygène 
bouillant dans le vide, 
on réglait la détente de 
façon que l’ébullition se 
produisit sous la pres- 
sion finale de 20** ou 
de 1°, laquelle se main- 
tenait constante quel- 
ques instants, pendant 
lesquels il fallaitprendre 
la température de l'hy- 
drogène bouillant. Ilne 
saurait être question, 
pour ces températures 
si basses, du thermo- 
mètre à {hydrogène ga- 
zeux, auquel la loi de 
Mariotte n’est plus ap- 
plicable, ni des couples 
thermo-électriques, peu 
sensibles à ces tempé- 
ratures el dont la sou- 
dure n’est pas assez fine 
pourprendreinstantané- 
ment la température du 
gaz environnant, Une 
seule méthode parail 
propre à la mesure de 
ces températures si bas- 
ses : c'est la méthode 
des résistances électri- 
ques, proposée et expé- 
rimentée par MM. Cail- 
letet et Colardeau, per- 
fectionnée dans ces der- 
niers temps par M. Wi- 
thowski. Sous sa der- 
nière forme, la méthode 
consiste à plonger dans 


- le mélange dont on cherche la température un fil 


619 


de plaine très fin dont les spires sont soigneuse- 
ment enroulées sur un support isolant, et à mesu- 
rer la résistance avec un pont de Wheatstone. La 
loi de variation de cette résistance avec la tempé- 
rature, étant connue par des expériences prélimi- 
naires, donnera pour une résistance donnée la va- 
leur de li température. La difficulté est iei que les 
températures à mesurer étant les plus basses de 
toutes, il faut absolument exérapoler la loi de varia- 
lion de sa résistance électrique, ce qui peut laisser 
un doute très sérieux. Ce doute est-levé en grande 
partie si l’on considère : 1° que la loi de variation 
est très sensiblement linéaire pour les spirales 
de platine employées ; 2° que les températures ex- 
trapolées sont assez peu distantes de la plus 
basse (—208°,5) des températures connues, em- 
ployées pour la graduation des spirales ; 3° qu'en 
extrapolant on a pris comine coefficient de varia- 
tion de la résistance pour 1° celui qui se rapporte 
à la température de — 208°, 5. 

Le disposilif expérimental employé par M. Ols- 
zewski permet de retrouver à 1° près les tempé- 
ratures d’ébullilion de l'oxygène sous des pres- 
sions données, températures connues par ses tra- 
vaux antérieurs et évaluées au moyen du ther- 
momètre à hydrogène. M. Olszewski a trouvé 
ainsi : 

Température critique de l'hydrogène, — 234,5 

Température d’ébullition normale 2439,5 


La température critique trouvée expérimentale= 
ment concorde très suffisamment avec les nombres 
théoriques de M. L. Natanson. Par contre, il y à 
un désaccord notable en ce qui concerne le point 
d’ébullilion normal. 

Les figures 1 et 2 représentent en projection 
verticale et en perspective l'appareil thermomé- 
trique de M. Olszewski, dont le fonctionnement 
est suffisamment indiqué par la légende, 

Peut-être l’intérèt que présentent les détails de 
la produclion des très basses températures au 
moyen des gaz liquéfiés augmentera-t-il si j'a- 
joute que cette question est à l'ordre du jour, 
que M. Raoul Pictet a installé à Berlin et ins- 
talle en ce moment à Paris un laboratoire où 
l'on pourra manipuler à volonté des kiiogram- 
mes d’air liquide, et que, dans les autres pays, 
le P' Dewar en Angleterre, et Le D' Kamerlingh 
Onnes! à Leyde, ont réalisé dans le même ordre 
d'idées des installations qui laissent peu de chose 
à désirer. 

E. Mathias, 
Professeur de Physique 
à la Faculté des Sciences de Toulouse. 


1 Voir : Revue générale des Sciences, le n° 2 de cette 
année, p. 86. ; 


620 


H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


Trois études composent cette revue annuelle, 
Chacune d'elles représente une des formes diver- 
ses sous lesquelles se manifestent actuellement 
les progrès de la Géographie. 

Certains géographes tentent de réunir en une 
synthèse tous les faits connus relatifs à une con- 
trée, à un soulèvement montagneux, à un grand 
fleuve. A cette catégorie de travaux appartient le 
livre récent de M. Elisée Reclus sur le Æleure des 
Amazones, objet de notre premier chapitre. 

D'autres s'efforcent de suivre, à travers les siè- 
cles, les conceptions humaines sur l’ensemble de 
la Terre ou sur l'une de ses parties. Cel ordre de 
recherches est représenté ici par l'étude de l'ou- 
vrage de M, Rainaud sur le Continent austral. 

Enfin les explorateurs se donnent pour mission 
de découvrir des fails nouveaux. Et l’exposé des 
résultats scientifiques de plusieurs voyages ré- 
cents, accomplis dans l’Afrique orientale allemande, 
offre un exemple de cette forme particulière de 
l'activité géographique. 


[, — LE FLEUVE DES AMAZONES. 


On a la satisfaction de retrouver dans le nou- 
veau volume de M. Reclus les qualités qui ont à 
juste litre établi sa réputation ‘. Son érudition est 
toujours aussi vaste. S'il n'avait pas laissé de côté 
l'ancien, mais précieux voyage de Pæœppig *, on 
pourrait affirmer qu'il a la connaissance de lous 
les documents de valeur relatifs à son sujet. 

Ses descriplions ont toujours conservé le même 
éclat. Peut-être dans ses paysages de l’Amazonie 
a-{-il même élé mieux inspiré encore que d'habi- 
tude. Il a eu l'avantage de visiter personnellement 
une partie des contrées qu'il dépeint; eLil état de 
longue date familiarisé avec son sujet, puisque, 
parmi ses premiers travaux géographiques, figure 
une étude sur l'Amazone *. 

Toutefois, il faut bien ajouter que ce volume n’esl 
pas exempt d’un défaut, à notre sens, d’ailleurs, 
commun à l’œuvre entière, M. Reclus décrit avec 
bonheur les phénomènes naturels, il ne cherche 
pas assez à les expliquer. Il enchante souvent 
l'imagination du lecteur, il satisfait plus rarement 
son raisonnement. Trailant des Amazones, il en 
caractérise avec justesse, par exemple, chacun 


1 L'Amazonie el la Plata. Tome XIX de la Nouvelle géo- 
graphie universelle, Hachette et Cie, éditeurs, 

? Reise in Chile, Peru, und auf dem Amazonen Slrome. 
Leipzig, 2 vol. in-40 1813-35. 

# Le Bassin des Amazones el les Indiens. 
Mondes, n° du 45 juin 1862. 


Revue des Deux 


des affluents, il dépeint le choc des eaux fluviales 
el marines dans l'estuaire, en termes si bien 
choisis qu'on croil voir se développer les volules 
de ce mascaret gigantesque. Mais, dès qu'on se 


reprend, dès qu'on échappe au rythme des phrases 


et qu'on se demande: «Par quel concours de 
circonstances naturelles ce fleuve se forme-t-il? 
Pourquoi roule-t-il une masse d'eau aussi colos- 
sale des Andes à l'Atlantique? », on s'étonne de 
chercher vainement la réponse dans ces mêmes 
pages qui, quelques instants avant, provoquaient 
l'admiration. 

Les géographes ne doivent cependant pas se 
proposer uniquement de décrire la Terre. Il y 
aurait certainement du ridicule de leur part à 
affecter trop d’austérité, à se complaire dans 
l'abstraction, à éviler de parti pris la couleur et 
les termes qui ont la vertu de projeter les choses 
devant les yeux. Mais ils se diminueraient en 
restant simplement des paysagistes littéraires. 
Leur mission est plus haute, puisqu'ils se pro- 
posent d'étudier les rapports des phénomènes gé0o- 
logiques et orographiques, hydrographiques et cli- 
matologiques, de la vie végétale et de la vie ani- 
male entre eux, et surtout de rechercher leur 
action sur l'existence économique, sociale el 
historique de l'humanité. 

Les faits rassemblés par M. Reclus dans son ou- 
vrage permettent cependant d'exposer l'élal ac- 
tuel des connaissances sur le fleuve des Ama- 
zones, sur les causes de sa formation et sur son 
régime. 

Si l’on estime l'importance des fleuves à la lon- 
gueur de leur cours, l'Amazone ne peut pas être 
regardé comme le plus considérable du globe. Le 
Nil vient en première ligne avec un développement 
de 5.940 kilomètres, etle Missouri-Mississipi (5.582) 
en seconde. À l'Amazone appartient seulement la 
troisième place. Entre le Lauri-Cocha, petit lac 
andin, d’où il sort sous le nom de Maranon, et son 
embouchure, sa longueur est de 5.400 kilomètres. 

Si, au contraire, la masse d’eau qu’un fleuve 
apporte à l'Océan détermine son rang dans l'hydro- 
graphie générale, il n’en est aucun qui puisse 
prévaloir sur l’'Amazone. 

Pour exprimer d'un mot ses proportions colossa- 
les, les Brésiliens l'ont surnommé le Fleuve-mer. Le 
fleuve des Amazones est bien, en effet, un bras de 
mer au milieu du continent.Il en a les propertions. 
Sa largeur atteint déjà cinq kilomètres, au con- 
fluent de la Madeira, et seize en face de Sanlarem. 
Dans l'estuaire, cinquante kilomètres séparent ses 


Bb  ot-mpand e 


n 


H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 621 
ee” 


deux rives (fig. 1). Le Pas de Calais est étroit en 
comparaison, puisque du cap Gris-Nez à Douvres 
_ la distance est de trente-quaire kilomètres. 
Comme la mer, le fleuve a ses tempêtes péril- 
_leuses, qui obligent les navires à s’abriler dans les 
eriques. Comme elle, il transforme le continent. En 
| certains points, il l’érode et le diminue; en d’autres, 
_ il l’accroit par ses apvorts. A l’époque de la baisse 
_ des eaux, l’Amazone dégrade ses rives. De véri- 
_ tables îles descendent au fil du courant. Un autre 
grand fleuve tropical, le Nil, présente un spectacle 
. analogue. Il charrie des amas d'herbes qui parfois 
_s'agglomèrent et forment le zdd, cetie barrière 
végélale qui en 1870 arrêla pendant des mois 
Samuel Baker, en 1880 bloqua Gessi-Pacha, un 


10 


aclion est continue. Contrairement au phénomène 
qu'on observe dans l'océan Indien, où les pluies 
transportées par la mousson, qui souffle tantôl 
vers le nord-est et tantôt vers le sud-ouest, se par- 
tagent entre l'Asie méridionale et l’Afrique orien- 
tale, la totalité des nuées originaires de l'Atlan- 
tique se condense sur l'Amérique du Sud. 

La disposition du relief du bassin de l'Ama- 
zone (fig. 1) contribue aussi à en accroître l’'humi- 
dité. Les Andes se dressent à son extrémité occi- 
dentale. Grâce à son altitude, à sa forme concave, 
à sa disposition en gradins, cette barrière monla- 
gneuse arrête les vapeurs apportées par les alizés. 
Rien ne passe, et la côte du Pérou est parmi les 
contrées les plus sèches du globe. Une partie des 


VÉ É NÉ Z ÜÉL. À Y Bove GUYANE X 


\ 


Se it à 1 


ER À HOLLANDS GUYANE" 


\ 
Axe 1,58. 


Ly 
erbacees ) 


Hanaas 


Fleuvê fille Bet} 


ASS 


RK 


Fig. 1. — Carte du bassin de l'Amazone. 


autre Européen au service du Khédive, etfinalement 
lui coùla la vie. 

Mais, sur l'Amazone, toutes choses s'amplifient. 
Le fleuve n’entraine pas seulement des herbes flot- 
tantes : il arrache des pans de rivage. De longs ra- 
deaux de troncs entrelacés, auxquels s'accroche 
toute une flore d'espèces herbeuses, passent au fil 
de l’eau. Des oiseaux perchent sur les arbres, des 
serpents sont suspendus aux branches. C’est un 
jardin zoologique qui voyage. 

Puis une ile ou un promontoire fait obstacle : le 
radeau est arrêté ; les lianes s’entrelacent el atta- 
chent l'ile flottante au rivage. L’Amazone, travail- 
leur perpéluel, a démoli là-haut. Ici il reconstruit. 

Plusieurs causes contribuent à la formation de 

- ce fleuve géant: 

D'abord, son bassin est entièrement situé dans la 
zone des pluies tropicales. Les vents alizés y arri- 
vent, chargés de la vapeur d’eau qu'ils ont balayée 
sur l'Atlantique. Or ils soufflent toute l’année. Leur 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


nuages se condense sous forme de neige, et, par la 
fonte, retourne à l’Amazone. Le reste est rejeté 
dans la plaine, réfléchi par les Andes, qui font 
l'office d’un écran colossal, 

Les précipitations sont donc partout abon- 
dantes. Elles atteignent annuellement, sauf en 
quelques districts peu étendus, la hauteur de 1",30 
au minimum. Une large bande terriloriale qui s’é- 
tend au pied des Andes et épouse leur concayité, 
reçoit 2 mètres d’eau; et même, à Iquitos, on cons- 
tate 2,62. 

Ces chiffres ne présentent cependant rien d’ex- 
cessif. On peut même les considérer comme modé- 


rés. D'autres contrées tropicales sont bien plus 


arrosées. Le pluviomètre du Jardin Botanique de 
Buitenzorg (Java) recueille une quantité d'eau an- 
nuelle de 4%,50 ; et il existe un point sur le globe, 
Tcharrapoungi (Inde Anglaise), où il en iombe 
normalement plus de 12 mètres!. 


1 Supan, Grundzuege der Physischen Erdkunde, p. 95. 


Ta 


22 H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


[=] 


Si l’Amazone constitue un phénomène hydrogra- | piques, le Soleil passe au zénith. Quand la pluie | 
phique unique, c'est donc moins à cause des quan- | tombe dans la partie du bassin appartenant à 
tilés d’eau qui tombent sur son bassin qu’à cause | l’hémisphère boréal, elle cesse dans la partie aus- | 
de l'étendue même de ce bassin. Aucun fleuve au | trale, etréciproquement. L’Amazone bénéficie, par 
monde ne draine une pareille superficie. Le bassin | l'intermédiaire de ses affluents de gauche, des 4 
du Yan-tse-Kiang est de 3.240.000 kilomètres car- | précipitations de l'hémisphère boréal, et de celles 
rés, celui du Mississipi de 3.300.000, celui du Nil | del’hémisphère austral parses affluents de droite. 
de 3.340.000. La surface de celui de l’'Amazone s’é- I n'ya qu'un grand fleuve tropical, le Congo, ! 
tend sur 6.500.000 kilomètres carrés. dont la disposition générale soit analogue. Grèce … 

Certains cours d’eau, tels que le Gange, | au travail colossal des explorateurs européens, et 
l'Iraouaddi, le Barito de Bornéo ont un tel débit, | en particulier des Français et des Belges, depuis 
qu’en proporlion de leur aire de drainage ils sont | quinze ans le réseau hydrographique du Congo. 
supérieurs à s'éclaircit de 
l' Amazone. | DEEE : Jour en jour. 
Mais celui-ci ? Et l’on sait. 
est seul à bé- : SC | maintenant. 
néficier de la | K/ 742 y GS. LL que l'Ouellé- 
masse d'eau À Z ZT LL F7. Oubangui et 
entière qui, laSanga.,afflu- 
ailleurs, se ré- ents venantdu 
partit entre nord , jouent . 
plusieurs fleu- un rôle ana- 
ves. C’est logue à celui. 
pourquoi il du Yapura el 
est, d'une ma- du Rio Negro, 
nière absolue, et que le Lo-. 
le plus consi- mami, le San- 1 
dérable du kuru, le Kas- 
globe. saï et le Kou- 

Sagrandeur ango qui vien: j 
résulte encore nent du sud, 
de la disposi- correspon-. 
tion extrême- dent au Pu = 


ment réguliè- CPerron rus, à la Ma- 
re de ses af- L7Z deira elau Ta-* 
fluents. La Zone des affluents amazoniens en amont des chutes. pajoz. 
comparaison Fig. 2. — Dépression amazonienne el zone exlérieure des cularactes \, On com Ti 
classique L mence done à | 


d’après laquelle on assimile un fleuve et ses | saisir nettement les causes de la formation de. 
affluents à un tronc d'arbre orné de ses bran- | l'Amazone. 4 
ches, s'applique admirablement à l’Amazone,. Certaines particularités de son régime sont éga- . 
Tributaires de gauche : Iça, Yapura, Rio Negro, | lement bien connues. Comme tous les fleuves tro- 
Trombetas; tributaires de droite : Purus, Madeira, | picaux, l'Amazone croit et décroil d'une manière 
Tapajoz, Xingu, viennent symétriquement se con- | régulière. Mais, tandis que les autres éprouvent 
fondre dans le fleuve principal (fig. 2). Le Pô et la | seulement une crue annuelle, l'Amazone en subit 
Moldau, l’affluent bohémien de l’Elbe, sont peut- | deux. Sa participation aux pluies de l'hémisphère M 
être les seuls cours d'eau qui présentent une ra- | austral d’abord et de l'hémisphère boréal ensuite, M 


mure hydrographique aussi parfaite. explique celte anomalie. 
Or, dans un pays tropical, une pareille dispo- Le fleuve grossit du début de mars au mois de 


sition à un intérêt exceptionnel. Les pluies n’y | juillet. Il reçoit alors le tribut de ses affluents de 
tombent pas, comme on le sait, uniformément | droite. Puis, d'août à oclobre, il diminue. Mais, à M) 
pendant toule l'année. Mais leur chute en un lieu | cette époque, les affluents de gauche ont, à leur 
coïncide avec les époques où, dans ses mouve- | lour, alteint leur point maximum. Grâce à leur M 
ments apparents de déplacement entre les Tropi- | apport, le fleuve se gonfle derechef. Celle nouvelle 

1 Ce cliché, extrait du grand ouvrage de M. Reclus, a été crue dure de novembre à janvier. Pendant le moisde 
obligeamment prèté à la Revue par MM. Hachette et Cie. février se manifeste une seconde époque de baisse. 


H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


Le niveau de l'Amazone ne s'élève pas également 
sous l'influence de ces deux crues. Celle de mars- 
juillet est plus forte que celle de novembre-jan- 
vier. Le cours proprementdit de l'Amazone est, en 

-efret, situé au sud de la ligne équatoriale. En outre, 
ses affluents de droite sont bien plus développés 
que ceux de gauche. Les affluents supérieurs de la 
Madeira plongent dans la zone australe jusqu’au 
18°, alors que le point le plus SH drainé 
par le Rio 
Branco est si- 
lué par 5° de 
latitude N:Les 
pluies de la 
zone australe 
exercent donc 
sur le niveau 
de l’Amazone 
une action 
plus sensible 
_ que celles de 
_ la zone bo- 


réale. 
_ La crue ne 


Ja£o da Curie DT 
pes se SION 


623 


en un endroit absolument sec, il se réveilla tout à 
coup dans l’eau. En quelques heures, la rivière 
avait silencieusement débordé et s'était répandue 
dans les bois. 

La baisse est aussi soudaine. D’après le même 
voyageur, un petit vapeur amarré à un tronc 
d'arbre, un soir, fut retrouvé le malin la proue 
soulevée et l’arrière baïignant dans l’eau, tant la 
rivière avait rapidement décru pendant la nuit. 

L'hydrogra- 
phie amazo - 
nienne est ca- 
ractérisée 6- 
galement par 
la facilité avec 
laquelle se 
creusent , à 
côté du dit 
principal, les 
canaux secon- 
daires . Une 
fois dégagé 
des Andes , 
l’Amazone tra- 
verse des ter- 
rainséminem- 
ment meu - 


ans toutes NÉE bles, dans les- 
es parties du a quels les flots 
fleuve. À Tef- D se fraient ai- 
fé, la différen- ee sément pas - 
ce entre les a sage. De plus; 
niveaux ex - MCE la pente du 
trèmes est or- HS RATE F- RE bassin est très 
dinairement Ge. PL AO peu accen - 

é = E 


de 12 mètres. 


a. See tuée. Lesflots, 


Elle atteint 


au lieu de se 


guêre 9 mètres. 

Lors des basses eaux, des iles innombrables se 
ouvrent de végélation. Les plantes se hätent de 
se développer. Puis Ja crue se produit, les canaux 
du fleuve se remplissent de flots jaunes. Herbes et 
leurs disparaissent sous les eaux. Quelques points 
plus élevés émergent seuls à la surface, et servent 
de refuge à des animaux de toute espèce. 

Dans certains affluents, les crues sont très ra- 
pides. Crevaux raconte que, s'étant endormi, pen- 
ant la nuit du 18 mai 1879, sur les bords de l’Ica, 


1 Ce cliché, extrait du grand ouvrage de M. Reclus, a été 
obligeamment prèté à la Revue par MM, Hachette et Cie, 


parfois 16 mè- SL :: Bart LR précipiter vers 
tres et excep- Sn — son ED la mer, sem- 
tionnellement + 3°] blent s’attar- 
47. À Iquitos, “0 | der. Des com- 
cette différen- Ouest de Greenwich  64°45: 54: 304 munications 
ce ne dépasse Fig, 3. — Canaux de l'Amuzone. Teffé e! le confluent du Yapura 1. singulières el 


‘ anormales s’é- 
tablissent donc entre le fleuve et ses affluents, 
et entre les affluents eux-mêmes. En aval de 
San Antonio, un canal, l’Auaty Parana, se dé- 
tache de l'Amazone et se jelle dans le Yapura, 
avant que celui-ci ne se soit confondu dans l’A- 
mazone. C'est donc le fleuve qui est tributaire de 
son affluent. 

La plaine de l'Amazone, sillonnée de canaux 
infiniment ramifiés, est un vrai dédale hydrogra- 
phique ; si les deux mols ne s’excluaient récipro- 
quement, on pourrait la définir : un continent 
aqualique (fig. 3). 


L'absence de delta forme encore un trait 
curieux de la géographie de l’Amazone. 

On pensait naguère qu’un della consiste dans le 
partage d’un fleuve aboutissant à la mer entre 
deux ou plusieurs branches. On admet mainte- 
nant qu’un fleuve possède un della quand il cons- 
truit, par agglomération de ses alluvions, de nou- 
velles parcelles de continent !. L'Ebre, par exemple, 
ne se jette dans la Médilerranée que par une seule 
bouche, et cependant il a un della, puisqu'il a 
formé cette péninsule qui se détache d’une manière 
caractéristique de la côte de Catalogne. Or, l'ile 
de Marajo, devant laquelle se divise l’Amazone, 
n'est ni formée ni agrandie par les apports actuels 
du fleuve. Il n'a donc pas de delta, et c'est par un 
esluaire grandiose qu'il se jette dans l’Océan. 

Cependant, plusieurs des conditions nécessaires 
à la formation des dellas ne manquent pas à l’A- 
mazone. La masse de parcelles solides qu’il con- 
tient en suspension, est colossale. D'autre part, il 
a une telle force d'expansion qu’il pénètre au mi- 
lieu des eaux de l'Océan et forme cette « mer 
douce » qui, déjà en l'an 1500, avait tant sur- 
pris Pinzon et ses compagnons. 

L'Amazone semblerait donc apte à construire 
au large une digue solide et à combler par ses 
apports l’espace compris entre elle et la terre 
ferme. Mais il est nécessaire, pour que les alluvions 
se déposent, que les eaux soient calmes. Or,ducap 
San Roque au Yucatan, la côte d'Amérique est 
balayée par le courant sud équatorial. Il possède 
une grande force. Il ronge la côte, et certainement 
il a diminué la longueur de l’Amazone. Naguèëre 
les deux bras du fleuve se rejoignaient en aval de 
l'ile de Marajo, el la rivière du Tocantins, au lieu 
de se jeter directement à la mer, se déversail dans 
l'Amazone. 

Le courant empêche donc le dépôt des alluvions. 
Il les entraine, pour les déposer peut-être fort loin 
dans le Nord. M. Reclus émet l'hypothèse ingé- 
nieuse que les flèches de sable qui bordent la côte 
des États de Floride et des Carolines, pourraient 
bien être consliluées par ces alluvions, que là se- 
rait le vérilable della des Amazones. 

Le réseau navigable de l’Amazone et de ses 
affluents est un des plus développés qui existent 
au monde. Il ne joue cependant qu'un rôle infime 
dans les relations commerciales du globe. Quelle 
différence sous ce rapport entre ce fleuve géant 
et ces ruisseaux qu'on nomme la Seine et la Ta- 
mise! C'est que l’Amazonie est parmi les pays les 
moins peuplés de la Terre. Un voyageur qui des- 
cend le fleuve à l'impression d’une solitude infinie. 
Les indigènes, peu nombreux, sont répandus sur 


1 G. R. Crenxer, Die Dellus, Cahicr supplémentaire, n° 56, 
des Pelermanns Geographische Miltheilungen. Gotha, 18178. 


H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


un immense territoire, el partant très clairsemés. 
L'émigration européenne ne s’est pas portée vers 
celle région. Seule Manaos avec ses 50.000 habi- 
tants est une véritable ville ; mais les autres pré- 
tendues « villes » sont des bourgs : Santarem a 
2,000 habitants, et Teffé 1.800. 


L'homme semble accablé par l'intensité de la 
vie végétale. Il faudrait des légions de pionniers … 


pour défricher l’'Amazonie. 5 

Dans d’autres régions du globe, les générations 
successives ont, par leur travail incessant, rendu la 
terre non seulementhabitable,mais encoreagréable 
à habiter. Ici, un pareil travail d'aménagement du 
sol n’est même pas commenté. 

Cependant, si jamais l'accroissement de l'huma- 
nité oblige à mettre en valeur de nouveaux terri- 


toires, l'Amazone jouera un rôle. Il facilitera la. 


pénétration dans le Far-West de l'Amérique méri- 
dionale. L'homme a toujours trouvé dans certaines 
forces naturelles un secours contre d'autres forces 
naturelles. Une semblable union se reverra sous 
une forme nouvelle. Le fleuve sera l'allié de 
l’homme contre la forêt. : 


IT. — LE CONTINENT AUSTRAL. 


C'élail une idée répandue chez les hommes les 


plus distingués de l'Anliquilé grecque et romaine, 


qu’à la partie de la Terre connue el habitée, à 
l'ÆEcumène, en correspondait une autre, l'Antichtone, 


siluée au delà de l'Océan. 


Au Moyen Age, l'hypothèse de celle Lerre aus- 
trale continua à préoccuper les esprits. Du xvom 
au xvin® siècle, elle suscita parmi les savants » 
maints débats et controverses. Elle disparut seu-" 


lement lorsque Cook eut prouvé, par la plus écla- 


tante des démonstrations expérimentales, qu'elle” 


‘ n'élail pas fondée. 


Pendant que les géographes diseulaient,les navi-" 


gateurs s’élaneaient dans les mers à la recherche 


de ce continent. Ils ne le découvrirent nalurelle- 


ment pas, puisqu'il existait seulement dans leur 
imagination. Mais leurs tentalives eureut pour ré- 
sullat d'accroître considérablement les connais- 
sances sur la partie du globe située au sud de 
l'Equaleur. 

L'idée de «Terre Australe » a donc suscité d'une 


part des éludes théoriques, et de l'autre des croi" 


sières marilimes. Suivre à travers les siècles l'évo- 
lulion de celte idée et les progrès des découvertes, 
rechercher en même temps les influences réci- 
proques des théories sur les voyages, voilà préci- 


RS PO 


nt ur dns ff 


ES 


sément ce que s'est proposé M. Armand Rainaud 


dans son ouvrage intitulé : 
Hypothèses el Découvertes ?. 


Le Continent Australk 


à 


1 Un vol. in-8°., Armand Colin et Cie,éditeurs. Paris, 1894. 


H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 625 


; Son livre est solidement documenté. Il témoigne 
de recherches fort étendues. Peut-être même serait- 
on tenté de reprocher à M.Raïnaud un défaut de 
sobriété. Le désir de ne sacrifier aucun détail, de 
raconter par le menu les grands voyages de la fin 
du xy° siècle et du commencement du xvr°, lui fait 
parfois perdre de vue son idée principale. Tout 
compte fait, cet ouvrage forme une très bonne con- 
tribution à l’histoire des idées géographiques. 

… L'existence de la terre australe fut admise par 
beaucoup de penseurs de l'Antiquité. L’imagina- 
tion la faisait surgir des profondeurs de la mer 
Erythrée (océan Indien), de même qu'elle laissait 
entrevoir au delà des colonnes d’Hercule, très loin 
dans l'Atlantique, un continent que Platon nom- 
mait l’Atlantide, Théopompe la Méropide, et Plu- 
tarque le Continent Cronien. 

Pour les Pythagoriciens, l'hypothèse résultait 
de leur conception de l'harmonie de l'Univers. Si 
le globe terrestre forme un tout bien ordonné, il 

* est vraisemblable que l'hémisphère austral repro- 
 duit les dispositions de l'hémisphère boréal, avec 
ses terres et les peuples qui l'habitent. L’argument 
le plus souvent invoqué était fondé sur les besoins 
de l'équilibre : un groupe de terres-australes pa- 
‘ raissait nécessaire pour contrebalancer celui des 
terres boréales et maintenir l'équilibre du globe. 

Ptolémée essaya de fixer la situation de cette 
terre inconnue. Elle enferme, dit-il, au sud la mer 
Erythrée et relie la côte orientale d'Afrique à l’ex- 
“trémité méridionale du pays des Sines. 

F Mais les conceptions ne sorlaient pas de l’a priori 

t les voyageurs furent impuissants à les confirmer 
ou à les infirmer. Il est permis de douter de tous 
S prétendus périples autour de l'Afrique. Eu- 
loxe de Cyzique parait s'être avancé plus loin 
qu'aucun des Anciens vers le sud, le long de la côte 
ccidentale (n° siècle av. J.-C.) ; or, il ne dépassa 
faisemblablement pas l'entrée du golfe de Guinée. 
Dans l'océan Indien, il y eut des explorations plus 
lointaines. Des navigateurs grecs réussirent vrai- 
emblablement, entre les années 70 et 90 après 
J:-C., à franchir l’Equateur. Mais aucune certitude 
e pouvait résulter des données extrêmement va- 
gues rapportées par les voyageurs. 

La question du continent austral se posa donc 
absolument intacte devant les hommes du Moyen 
Age. Elle sollicila l'attention des Orientaux comme 
celle des Occidentaux. Mais ils furent aussi inca- 
pables les uns que les autres de la résoudre. 

- Du v° au x° siècle toute science disparait en 
Occident. Une seule autorité domine : celle de la 
Bible. La Géographie participe à la décadence 
générale. Tout l’art des cartographes se borne à 
composer des rowelles, esquisses grossières sur 
lesquelles les continents partagés en segments 


sont entourés par une circonférence : l'Océan. 

Les questions intellectuelles n'étaient cepen- 
dant pas universellement négligées. Selon la belle 
expression de Renan, il semble, quand le flam- 
beau de l'esprit humain va s’éteindre entre les 
mains d’un peuple, qu'un autre se trouve là pour 
le relever et le rallumer. Les écoles d'Italie et de 
Gaule deviennent désertes et silencieuses ; mais 
un brillant mouvement intellectuel se produit 
dans certaines villes d'Orient, telles que Harran 
et Bagdad. Aristote, Euclide, Galien, Ptolémée 
sont traduits du grec en arabe. Les musulmans, 
dépositaires du trésor de la science antique, eurent 
le mérite de ne pas le dilapider. Mais ils ne l’ac- 
crurent pas. Ils adoplèrent sans critique les idées 
des Anciens. En matière de Géographie, Plolémée 
fut l'autorité incontestée. Ses vues personnelles 
sur le continent austral furent acceptées comme 
les autres. 

Quant aux marins, ils ne se risquèrent pas dans 
les parages éloignés de l'océan Indien ou de 
l’océan Atlantique. Ils étaient paralysés par les 
légendes effrayanies qui représentaient la zone 
torride comme inhabitable et les Océans comme 
couverts de ténèbres. 

La contribution des géographes et des naviga- 
teurs arabes à la connaissance des terres australes 
fut donc nulle. 

Au moment où, à leur tour, les peuples musul- 
mans commencaient à subir une décadence dont ils 
ne se sont jamais relevés, les Occidentaux renais- 
saient à la vie intellectuelle. Les ouvrages les plus 
importants de la science arabe sont traduits en la- 
Lin. « Dès les premières années du treizième siècle, 
l’Aristole arabe fait dans l’Université de Paris son 
entrée triomphante. » La question de la terre aus- 
trale s’imposa à l'attention des érudits. Les œuvres 
d'Albert le Grand, de Roger Bacon, de Vincent de 
Beauvais témoignent des discussions qu'elle suscita. 

Cependant, aucun fait récent ne renouvelait 
le débat. L’Antiquité continuait à le défrayer. C'é- 
taient toujours lès mêmes arguments, que se lan- 
caient partisans el détracteurs de ia terre australe, 
et qui rebondissaient d’un camp dans l’autre. Au 
début du xv° siècle, l'hypothèse de l’Antichtone se 
posait donc dans les mêmes termes qu'à l'époque 
des Alexandrins. 

Les idées relatives au continent austral subirent 
profondément le contre-coup des grands événe- 
ments maritimes du xv° siècle: voyages de Barthé- 
lemy Diaz, de Vasco de Gama, de Christophe 
Colomb. Le voile, qui bornait la vue des Européens, 
se déchirait. Quantité de préjugés disparurent. On 
cessa de croire la zone torride inhabitahle, et les 
Océans impossibles à franchir. 

Et puis un si grand nombre de terres inconnues 


626 


avait été révélé en quelques années, que de nou- 
velles découvertes paraissaient vraisemblables. Au 
scepticisme exagéré d'autrefois succédait désor- 
mais une confiance illimitée. La comparaison entre 
les obstacles rencontrés par Colomb, en 1492, et 
les facilités qui entourèrent le départ de Magel- 
lan, en 1519, permet de mesurer le progrès ac- 
compli par les idées. 

L'opinion publique était donc favorablement 
disposée à l'hypothèse dela terre australe, quand 
plusieurs découvertes mal interprétées vinrent à 
point pour fortifier les convictions. En traversant 
le détroit qui porte son nom (1520), Magellan lais- 
sait au sud la Terre de Feu. En 1526, le Portugais 


. TT teats 


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H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


——_—_—_—_—__—_—_—_—_—_—_— ——p a —_—…———— 


rins étaient préoccupés uniquement de chercher 
de nouvelles voies vers les îles des Épices. Ils 
croyaient avoir aperçu ses promontoires avancés, 
mais c'était beaucoup moins volontairement que 
par le hasard des navigations. - 

Au contraire, les premières années du xvn‘siècle 
marquent dans l'histoire du Continent Austral le 
début d'une ère nouvelle. Désormais, on s’efforcera 
de l’atteindre méthodiquement. La découverte de 
cette terre sollicile d'autant plus les aventuriers 
intrépides, qu'ils sont convaincus « priori qu'elle” 
renferme de grandes richesses. L'un d’eux la décrit 
ainsi en substance : « L'argent, les perles, la nacre 
n'y sont pas rares. On y trouve même de l'or, Le 


ET 


RE 
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MARE Le : 


INDIA — 


Terre Asvinolu 
anpe ee 


_Crreut Aitone feu 


Fig. 4. — Les Terres australes, d'après les mappemondes Mercatoriennes. 1. 


Georges de Meneses découvrait la côte septentrio- 
nale de la Nouvelle-Guinée. Enfin, à une époque 
difficile à préciser, mais certainement antérieure 
à 1555, des marins français ou portugais recon- 
nurent la côte orientale de la terre appelée main- 
tenant Australie el nommée, au xvi° siècle, Grande 
Jave. Or, toutes ces découvertes restaient vagues. 
Ici un cap avait élé aperçu, ailleurs on avait longé 
quelques milles de côtes. L’incertitude même des 
données rapportées par les navigaleurs, autori- 
sait toutes les audaces des cartographes. Ils réu- 
nissaient par des lignes imaginaires les côtes 
entrevues. Et c’est ainsi que, sur la mappemonde 
de Mercalor de 1569, s'étend de l'Ouest à l'Est et 
sans interruption une terra australis (fig. À). 
Jusqu'alors le continent Austral n'avait pas 
été l'objet d’explorations systématiques. Les ma- 


1 Ce cliché, extrait du livre de M. Rainaud, nous. a “été 
obligeamment prêté par l’auteur. 


"TERRAIN SNA 


climat y est très sain. On y voit beaucoup de: 
vieillards. » ; 

Ces peintures enchanteresses de pays inconnus 
n’ont rien de surprenant. flles apparaissent à 
toutes les époques où l’expansion européenne a 
été vigoureuse. Nos yeux y sont accoutumés, Que 
de fois on s’est plu, depuis quinze ans, à vanter, 
avec force détails, les ressources de contrées afri= 
caines encore à peine explorées ! 

De tous ces conquistadores, aucun ne déploya 
plus d'énergie, pour atteindre le Continent Austral,M 
que le Portugais Fernandez de Queiros. Son exis- 
tence parait ne pas avoir eu d'autre objet. Il ya 
peut-être quelque emphase dans le litre de « héros 
de la Terre Australe » que lui décerne M. Raïnaud ; 
mais jamais, assurément, idée géographique ne 
rencontra de défenseur plus convaincu. Un premier 
voyage dans la mer du Sud, en 1595, l'avait tiré 
de pair. En 1603, il obtint du roi d'Espagne un 


H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 627 


nouveau commandement. Son exploration fut con- 

duite avec méthode. 11 décrivit une ligne brisée 
dans l'Océan Pacifique entre l'Équateur et le 

» 30° latitude S. et découvrit l'ile du Saint-Esprit 
groupe des Nouvelles-Hébrides) qu'il supposa un 

- fragment du continent rêvé. Il rentre en Europe; 

mais, jaloux d'achever sa découverte, il solli- 

cite sans relâche l'armement d'une nouvelle ex- 
pédition. Il accable les membres du Conseil d'Etat 

- d'Espagne de projets et de mémoires. Enfin, las 

d'être toujours rebuté, ilse préparait à partir à ses 

frais, quand il mourut (1614). 

Au moment où l’ardeur des marins s'éteint en 
Portugal et en Castille, elle s'allume dans les Pays- 
Bas. Les Hollandais ont élé attirés en Extrème- 
Orient par l'ambition d’arracher au roi d'Espagne 
_ la possession des iles de la Sonde. 

- La question du continent Austral s’est imposée 
par surcroît à leur attention. Parmi les nombreux 
voyages qu'ils accomplirent dans l'Océan Pacifique, 
les plus importants furent celui de Le Maire et 
Schouten et celui de Tasman. , 

… Le négociant d'Amsterdam Jacques Le Maire et 

Je navigateur Guillaume Schouten s’associèrent 

f et armèrent en 1615 deux bâtiments, avec l’inten- 

— Lion de «trouver un autre passage que le détroit 

- de Magellan pour entrer en la mer du Sud et dé- 
couvrir nouvelles terres et iles vers le Sud ». La 

“découverte la plus mémorable de cette campagne 

fut celle du çp qui termine l'Amérique, et qui 

ful nommé Æorn, en souvenir de la ville où Schou- 

- ten élait né. 

… L'objet principal de la mission dont Tasman 

avait été investi par le gouverneur des Indes néer- 

…_ landaises, Van Diemen, était de longer la côte 

du Continent Austral. Au sud de la Grande Jave, 

il découvrit la terre à laquelle fut attribué son 

“ nom : la Tasmanie. Il reconnut ensuite la côte occi- 

+ dentale de la Nouvelle-Zélande, qu’il avait appelée 

Terre des États en l'honneur de « Leurs Hautes Puis- 

sances les États des Provinces-Unies ». 

Ces voyages, comme beaucoup d’autres, étaient 
aussi défavorables que possible à l'hypothèse du 
Continent Austral. Chacun d'eux lui portait un 
… nouveau coup. En vain les vigies scrutaient alten- 
« tivement l'horizon. Elles n'apercevaient jamais le 
“rivage de la terre promise. Au sud de l'Amérique, 
comme au sud de cette Grande Juve, désormais 
nommée pour deux siècles Vouvelle-Hollande, la 
… mer était libre et ouverte. 

— On ne se résignait cependant pas à renoncer à 

“| hypothèse tradilionnelle. La vieille forteresse 

lait cimentée de convictions si solides que, ballue 

cn brèche, ébranlée de tous côtéset même déman- 

… Lelée en plus d’un point, elle restait quand même 

… debout. Voici comment s'exprime le Hollandais 


Varenius, une des autorités géographiques du 
xv!r° siècle, dans sa Geographia generalis in qua affec- 
tiones generales telluris erplicantur (Amsterdam, 1664): 
« Cette terre (australe) se rapproche de l'Ancien 
Monde dans les régions qui avoisinent la Nouvelle- 
Guinée, et de l'Amérique ou Nouveau Monde dans 
les régions qui limitent le détroit de Magellan. » 

Un siècle après, les hommes les plus distingués 
restent encore obslinément attachés à l’idée de 
l'existence d’un Continent Austral. Dans son exposé 
de la Théorie de la Terre, qui forme .le tome pre- 
mier de son Histoire Nalurelle (1749), Buffon laisse 
entendre qu'à son avis, on rencontrera dans les 
espaces inexplorés des mers australes un conli- 
nent aussi étendu que l'Ancien Monde. 

Buache affirme dans un mémoire lu le 12 no- 
vembre 1757 devant l’Académie des Sciences,qu'une 
ligne de côtes continue relie la Nouvelle-Guinée à 
la Terre de Feu. 

Enfin, l'hydrographe anglais Dalrymple, en 4770, 
s’avançait jusqu'à donner la superficie des Terres 
Australes, qu'il déclare égales «à toutes les régions 
civilisées de l’Asie depuis la Turquie jusqu'à la 
Chine». On était d’autant plus enclin à persister 
dans des idées erronées qu'un argument nouveau 
et d'apparence scientifique venait au secours des 
anciens : Les marins rencontraient beaucoup de 
glacesflottantes. Or, c'était une opinion absolument 
répandue que l’eau demerne gèle pas loin des côtes. 
Il existait done certainement un continent d'où 
ces glaces se détachaient. 

Cependant, au moment même où l'on s’ingéniait 
à les édifier, le capitaine Cook vint ruiner ces fra- 
giles échafaudages d'arguments. Il fallut se rendre 
à l'évidence. Dans son premier voyage (1768-71), 
Cook démontra, en faisant la circumnavigation 
de la Terre des États ou Nouvelle-Zélande, qu'elle 
ne pouvait pas être la partie orientale du Continent 
Austral. 

Mais ce fut surtout son second voyage (1772-75, 
qui anéantit définitivement l'hypothèse consacrée 
et fit triompher la vérité sur des erreurs courantes 
depuis des siècles. Cook poussa une série de pointes 
dans les mers antarctiques. Il s’avança ainsi dans 
l'Atlantique jusqu’à 59° 13', dans la mer des Indes 
jusqu’à 67° 15', dans le Pacifique jusqu'à 71° 10" 
« sans rencontrer nulle part les promontoires 
avancés du Continent Austral ». Il élait autorisé à 
écrire en revenant : « J'ai fait le tour de l’hémis- 
phère austral dans une haute latitude, et je l'ai 
traversé de manière à prouver, sans réplique, qu'il 
n’y a pas de continent, à moins qu'il ne soit près 
du pôle et hors de la portée des navigateurs. » 

Ainsi était fermé le débat, 

Ce ne fut pas la seule conséquence des voyages 
de Cook. Ils en eurent une autre bien inattendue: 


628 


H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


ils favorisèrent indirectement l'exploration de l'A- 
frique. Nous sommes un peu surpris que M. Rai- 
naud n'ait pas développé cette idée. 

L'Association Africaine, ou plus exactement 7e 
Association for promotinqg the Discovery of the interior 
Parts of Africa, fut fondée à Londres en 1788, c’est- 
à-dire neuf ans après la mort de Cook. À sa tête 
figuraient quelques-uns des membres les plus en 
vue de l'aristocratie. Naguère comme aujourd’hui, 
les Anglais aimaient à placer les sociétés scienti- 
fiques sous la protection de nobles patrons. Mais 
en réalité l'homme qui lui donna la vie et, pendant 
plus de trente ans, veilla sur elle avec une sollici- 
tude paternelle, fut Sir John Banks. Or, c'élait ce 
même Sir John Banks qui avail accompagné Cook 
en qualité de naturaliste pendant le voyage de 
1768-71. L’éminent géographe viennois Supan à 
naguère signalé cette coïncidence, mais il importe 
d'y insister. C’est le même homme qui a contribué 
à anéantir l'hypothèse du Continent Austral et 
à créer l'Exploralion africaine. Les termes par 
lesquels s'ouvre le premier volume des Proceedings 
de l’Association, donnent une preuve encore plus 
convaincante du rapport existant entre les deux 
événements géographiques. L'intérêt de la citation 
excusera sa longueur: « De toutes les recherches 
qui ont le pouvoir de solliciter notre attention, il 
n'yen a peul-êlre pas qui excite autant la curiosité 
du jeune homme ou du vieillard, que le savant et 
lignorant désirent autant approfondir, que la 
nature el l’histoire des parties de la Terre encore 
actuellement inconnues. Feu le capitaine Cook a si 
heureusement répondu à ce vœu que, sur mer, à 
l'exception des régions polaires, ilne reste plus rien 
à découvrir; mais sur les continents un tiers des 
régions habitées reste encore à explorer. Car une 
grande partie de l'Asie, une plus grande de l'Amé- 
rique etyresque toute l'Afrique est encore non visitée 
et inconnue. » Et plus loin: «La carte de l’intérieur 
(de l'Afrique) est une grande tache blanche sur 
laquelle le géographe, s'appuyant sur l'autorité 
de Léon l’Africain et de l'écrivain nubien Edrisi, 
inscrit d'une main hésitante quelques noms de 
fleuves inexplorés et de peuples incertains. » 

La curiosité humaine est insatiable. Elle exige 
sans cesse des alimentsnouveaux.Aumoment même 
où le problème du Continent Austral est résolu, les 
questions africaines se posent. 


HI. — L'AFRIQUE ORIENTALE ALLEMANDE 


Voici juste dix ans que les Allemands se sont 
établis dans l'Afrique orientale. C'est le 27 fé- 
vrier 4885 que Guillaume I‘ plaçait sous son pro- 
lectorat les territoires que le jeune D' Karl Peters 
venait d'acquérir dans l'Ousagara, au cours d’une 
éexpédilion aussi rapide qu'audacieuse. Ce domaine- 


primitif s'est bientôt élargi dans des proportions 
considérables. Les Allemands ont réussi à sous- 
traire le hinterland de Zanzibar aux Anglais, qui 
déjà en escomplaient la possession. Ils se sont 
taillés entre l'océan Indien etle lac Tanganika, les 
lacs Victoria et Nyassa, un beau morceau de terre 
africaine, dont la superficie est égale environ au 
double de celle de l'Empire. 

L'établissement de cette colonie a eu d’impor- 
tantes conséquences sur le progrès des connais- 
sances géographiques de celte région. Au lieu de se 
disperser, comme naguère, sur l’ensemble du con- 
nent, beaucoup d’explorateurs allemands ont 
concentré sur elle leurs efforts. Ils ont ainsi 
obéi à une tendance générale. L'Afrique a élé 
partagée entre les nalions européennes. Sa carte 
politique reflète celle de l'Europe occidentale et 
centrale. Elle la déforme, de même que certains mi- 
roirs altèrent les proportions des objets qu'ils re- 
produisent: elle en réfléchit pourtant l’image. L'A- 
frique devient de moins en moins un champ inter- 
national d'activité. Chacun travaille chez soi et 
pour soi. La plupart des explorations françaises se 
sont groupées dans le sud de l'Algérie, dans le 
Soudan, dans le Congo et à Madagascar. De même, 
aucune lâche n’a paru plus urgente aux Allemands 
que la reconnaissance de leurs domaines particu- 
liers : Togo, Cameroun, Sud-Ouestafricain, Afrique 
orientale. 

Parmi les explorateurs de cette dernière colonie, 
Fischer, Hans Meyer, Stuhlmann, von Schele, sont 
les plus célèbres. 

Un long voyage a été accompli en 1891-1893 
par Oscar Baumann, qui s'élail déjà signalé par 
{rois expéditions en Afrique, el notamment par 
une reconnaissance détaillée de l’'Ousambara !. Il 


a atteint le lac Tanganika en traversant des ré- 


9 


gions pour la plupart inconnues ?. En rappro- 
chant ses observalions de celles de ses prédéces- 
seurs, il est possible de tenter l’esquisse de la 
géographie physique de l'Afrique orientale alle- 
mande. 

La côte est bordée par une succession de mon- 
tagnes. Leur direction générale élant nord-est 
sud-ouest, et celle de la côte parallèle au méri- 
dien, la bande de terrain plat qui les sépare de 
la côte, va en s’élargissant du nord vers le sud. 
Elle est de 30 kilomètres à hauteur de l'Ousam- 
bara, de 100 à hauteur de l'Ousagara et de 500 
en face du lac Nyassa. L'allilude des montagnes 
se maintient généralement aulour de 2.000 mè- 
tres. Elle fléchit dans le Ngourou, où elle descend 


1 Usamnbara und seine Nachbargebiele. Un volume in-8e, 
Berlin, Reimer, 1891. 

2 Durch Massailand zur Nilquelle. Un volume in-8°, Ber- 
lin, Reimer, 1894. 


H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


629 


_ à 4200 mètres; mais, sur les bords du Nyassa, 
elle se relève et atteint peut-être 3.000 mètres. 
- Ces montagnes jouent un rôle très important 
. dans l’hydrographie de l'Afrique orientale : elles 
_ arrêtent une grande partie de la vapeur d’eau pro- 
venant de l'océan Indien. Le régime des pluies sur 
la côte est encore mal expliqué. Il y a deux saisons 


30 


Le long de leurs bords et sur Le flane oriental des 
montagnes se développe une végétation luxuriante. 
Baumann décril dans les termes suivants un coin de 
forêt de l'Ousambara : « Pendant des heures, on 
circule au milieu des troncs gigantesques, dont les 
couronnes de feuillage s'épanouissent à une grande 
hauteur. Autour d’eux serpentent de nombreuses 


35 


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pluvieuses, une grande et une petite; mais elles ne 
coïncident pas, comme onpourraits’yattendre,avec 
l’époque où souffle la mousson du nord-est. Quoi 
qu'il en soit, ces montagnes font certainement l’of- 
fice de Rene C'est sur leur flanc que 
prennent naissance le Ouami, le Roufidji, le Ro- 
. vouma, et, si le Pangani provient du Kilimand- 
jaro, beaucoup de ses affluents se forment dans les 
monts de l'Ousambara. Le lit de ces fleuves con- 
. tient de l'eau toutel’année, mais ils sont embarras- 
és de rapides, partant peu utiles à la navigation. 


| 
: 
F Fig. 5. — Carte de l'Afrique orientale allemande. 
| 


lianes ; sur eux, croissent des plantes parasites aux 
feuilles brillantes. Des herbes et des broussailles 
couvrent le sol comme d’un feutre épais, et, dans 
les éclaircies, elles sont presque infranchissables. 
La végétation est particulièrement enchanleresse 
au bord des ruisseaux. Des fougères arborescentes 
se développent sur les rives, et de fantaisistes 
lianes aériennes les couvrent en forme de voûte f. » 

Dans la plaine s'étendent des savanes. Le sol 


1 Usambara und seine Nachbargebiele, p. 166-7 


630 


H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


est couvert d'herbes hautes d'un mètre, d'où sur- | vane, quelque chose d’insolite. Les porteurs dépo- 


gissent des arbres isolés ou des bouquets d'arbres. 
Le paysage donne l'impression d’un immense parc. 
En certains points apparaissent aussi des steppes 
où les rivières coulent par inlermittence, où 
croissent palmiers doum et acacias épineux. 

Au delà des montagnes commence le plateau 
qui s’étend sur la plus grande partie de l'Afrique. 
Jusqu'au Victoria et au Tanganika, sa structure 
géologique est simple. Aux schistes cristallins du 
pays des Massaï font suite les granits de l'Ounya- 
mouési,auxquelssuceèdent de nouveau des schistes 
cristallins dans la région dite « entre lacs ». Son 
altitude oscille entre 1.000 et 1.500 mètres aud-essus 
du niveau de la mer. Sa surface est généralement 
plane; cependant il s’est produit des affaissements, 
et des rides se sont dessinées. La plus importante 


de ces fissures est celle connue sous le nom de 


« grande faille de l’Afrique orientale ». Elle est ja- 
lonnée par les lacs Manyara et Natron, puis, au 
delà des limites de la colonie allemande, par les 
lacs Rodolphe et Stéphanie et par la dépression de 
l’Afar, à l'est du plateau abyssin. Elle se poursuit 
ensuite par le golfe d’Akaba jusqu’à la mer Morte, 
et forme une des importantes lignes de dislocation 
de l'écorce terrestre. Le rebord oriental de ce fossé 
n'apparait plus nettement. Le mont Geleï, le mont 
Oufiomi en demeurent les seuls vestiges. Au con- 
traire l’arêle occidentale n’a pas été effacée. Un 
trait vigoureux et partout visible la dessine, 
Comme il arrive fréquemment, des manifestations 
volcaniques se sont produites le long de cette 
ligne de dislocation. Et sur le bord de la lèvre 
occidentale de la faille émergent les cônes du Do- 
ryongaï el du Gouroui. 

Aux côlés de cette grande fissure s’en sont formées 
deux autres de dimensions moindres : 4° à l’est 
la faille du Kilimandjaro, que suit la vallée supé- 
rieure du Pangani et sur le bord de laquelle s'élève 
le massif d’où on l’a nommée; 2° à l’ouest la faille 
Wembéré, en partie occupée par le lac Eiassi. Les 
contours de cette faille Wembéré sont très accusés. 
Au nord, son rebord estextrêémement abrupt. Bau- 
mann resla stupéfail le jour où il découvrit cette 
échancrure du plateau. La simplicité de son récit 
témoigne de l'intensité de son impression : 

« Le 23 mars (1892), au matin, nous nous 
avancions sur le plateau froid et brumeux de Nei- 
robi, toujours à travers ces belles prairies dont le 
sol gras est profondément sillonné par des sen- 
tiers à bétail. À notre gauche s’élevaient.des émi- 
nences gazonnées. Le pays élait beau et riche, mais 
les collines herbeuses se succédant sans fin lui 
donnaient un aspect monotone. En tous cas, rien 
ne faisail prévoir un changement. 

« Tout à coup, je remarquai, à la tête de la cara- 


saient leurs charges et, de leurs gestes, ils mon- 
traient le sud.Je me dirigeai rapidement vers eux et 
ne pus relenir un eri d'étonnement lorsque je fus 
arrivé sur la colline. À nos pieds s'élendait une 
extraordinaire fissure avec des parois abruptes el 
rocheuses, une faille au sens géologique, où l’on 
voyait littéralement qu'un morceau du plateau 
avait glissé de 1000 mètres. Sur le plafond de cette 
faille s’'étendait un lac bleu (l'Eiassi), entouré de 


rives de sable et se confondant au sud avec l'ho- 


rizon !. » 

Ce plateau est médiocrement arrosé. Il y pleut 
tous les ans, mais en petile quantité. Seules les par- 
lies les plus élevées du bord occidental de la grande 
faille reçoivent beaucoup d’eau. Il ne faut pas en- 
core songer à évaluer ces précipitalions en chiffres. 
Dans l’ordre des découvertes géographiques, ce 
sont toujours les observations météorologiques qui 
sont faites les dernières. On sait déjà, cependant, 
qu'il n'y a pas deux saisons pluvieuses, comme 
sur la côte, mais une seule. 

Comme tous ceux des régions tropicales, les 
fleuves du plateau varient beaucoup de volume 
selon les saisons. Mais les différences qui se mani- 
festentdanslesautres, à l’époque sècheelàl'époque 
humide, sont encore bien plus fortement accusées 
dans ceux-ci. Pendant la saison sèche, l’eau ne 
continue à courir que dans le chenal de quelques- 
uns d’entre eux, tels que le Mlagarasi, qui aboutit 
au Tanganika, le Roubana, le Mara, qui se jettent 
dans le lac Victoria, et dans les petits torrents qui 
alimentent le lac Manyara. Sans doute, ils s'ap- 
pauvrissent, mais ils restent, au sens propre du 
mot, des cours d'eau. Les autres se transforment, 
pour la plupart, en un chapelet de lacs, où se réfu- 
gient hippopotames, crocodiles et poissons. Dans 
les terrains d’alluvion, qui forment d'étroites 
bandes au sud du Victoria, ou s'étalent au sud de 
l'Eiassi, il y en a même qui se dessèchent complè- 
tement. Le lit du fleuve témoigne seul de son exis- 
tence. Il faut creuser le sol pour trouver de l'eau. 
li existe au Sahara de semblables fleuves souler- 
rains. Au pied de l'Atlas, « l'oued el Arab, l’oued 
Abiod, l'oued Djedi, renferment toute l'année, sous 
terre, un filet d'eau excellente, qui alimente une 
partie des oasis du Zab ? ». 

Dans certaines régions tropicales de l'Afrique, 
il y a donc des rivières analogues aux ouadi saha- 
riennes. Ce n'est pas là une des observations les 
moins curieuses faites par les explorateurs. 

Pendant la saison humide, l'aspect du pays 
change complètement le Mlagarasi, le Mara 
gonflent el inondent leurs rives. Le Mara à été 


1 Durch Massailand zur Nilquelle, p. 34. 
2 A SoniRMER, Le Sahara, p. 172. 


vu à deux différentes époques de l’année, en jan- 
vier (1886) par Fischer, en mai (1892) par Bau- 
mann. Dans le premier cas il contenait « un peu 


d'eau couleur d'argile dans un lit profond et large ». 
Dans le second, «il inondait ses rives et était diffi- 


cile à passer ». Les marais, tronçons de fleuves 


. séparés les uns des autres et comme égrenés pen- 


dant la saison sèche, s'unissent et se transforment 


_ en véritables cours d’eau. De l’eau coule dans les 
_ gouttières habituellement desséchées. 


Les lacs qu'alimentent quelques-unes de ces 
rivières, subissent des fluctuations analogues. Lors 
de la sécheresse, l’Eiassi et le Manyara baissent 


_ coùsidérablement. Réciproquement l’Eiassi inonde 


de grandes surfaces à l’époque: des pluies. 

La composition des roches formantle plateau a 
vraisemblablement une influence marquée sur ce 
régime. Ce n’est pas la règle dans les régions tro- 
picales : l'hydrographie y est souvent indépendante 
de la géologie. Les plantes vivantes, les détritus 
de végétaux accumulés, forment une véritable cou- 
verture. Sous celle masse spongieuse qui arrête 
l’eau, il importe peu que les roches soient ou non 
perméables, Mais le plateau Massai-Ounyamouési 
est, sinon complètement dénudé, au moins couvert 
d'une végétation assez maigre. Sur les parties 
élevées s'étendent de grasses prairies, et même, 
par places, des lambeaux de forêts tropicales. 
Mais, généralement, c’est une végélation de steppe 
qui domine, caractérisée par des acacias à l’est el 
des Cæsalpiniacées à l’ouest. Ici donc, la nature 
minéralogique du sol n’est pas indifférente. 

Or le plateau Massaï-Ounyamouési est composé 
surtout de roches imperméables. L'eau tombe, 
coule vers les dépressions, s'accumule dans les 
cuvettes. Une très petite quantité s’infillre dans 
le sous-sol. Les sources sont de faible débit. 
Les voyageurs souffrent de leur absence : « Pen- 
dant la sécheresse, l’Ounyamouési n’est guère 
plus facile à traverser que la steppe Massaï. Les 
sources donnent de l’eau mauvaise et en petite 
quantité. Dans les solitudes qui s'étendent entre les 
villages, il faut souvent, au campement, se passer 
d'eau !, » Rien ne vient donc atténuer pendant la 
saison sèche les terribles effets de l’évaporation. 
Ainsis’expliquentles écarts de niveau que subissent 
rivières et lacs aux différentes époques de l’année. 

La partie de l'Afrique orientale allemande située 
entre la rive occidentale du lac Victoria d’une part, 
l'extrémité nord du Tanganika, et le lac Kivou 
d'autre part, est de beaucoup la moins bien connue. 
Les renseignements recueillis sur l’orographie et 
le climat de cette contrée sont peu nombreux et 
contradictoires. On sait cependant qu'elle est tra- 
versée par une grande rivière, la Kagéra, qui doit 


1 Baumanx, Durch Massailand, etc., p. 143. 


H, DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


631 


retenir l'attention, à cause de certaines particu- 
larités de son régime et de son rôle dans l’hydro- 
graphie générale de l'Afrique. 

Le caractère singulier des affluents de la Kagéra, 
c'est de former un type hydrographique intermé- 
diaire entre l’eau courante et le lac, d'être, d'un 
mot qu'il faut créer, des rivières-marais. Chaque 
vallée se compose d’une succession de gradins. 
Chaque bief est occupé par un marais couvert de 
papyrus et séparé du précédent et du suivant par 
une ou plusieurs marches. L'eau suinte lentement 


au travers du réseau végétal, arrive au rapide, le 


franchit avec fracas, puis continue à s’écouler len- 
tement dans le marais inférieur. 

Celte forme hydrographique parait d’ailleurs 
commune à tout le plateau « d’entre lacs ». Le capi- 
taine Lugard— cet officier anglais sans scrupules 
qui, le 30 janvier 1892, mitrailla nos malheureux 
missionnaires de l’Ouganda — a aussi décrit ces 
rivières-marais vaseuses, couvertes de papyrus, et 
qui s’élalent paresseusement!. 

La Kagéra offre encore un autre intérêt. Elle 
représente le Nil sous sa forme primitive. Le Nil 
blanc résulte de la conjonction de trois groupes 
de cours d’eau : le premier formé par les rivières 
qui se jettent dans le lac Victoria, le second de 
celles qui aboutissent au lac Albert et dont la 
Semliki est de beaucoup la principale, le troisième 
de celles qui se réunissent dans Le Bahr el Ghasal. 

Or, la source d'aucun de ces cours d’eau n’est 
aussi éloignée du Delta que celle de la Kagéra. La 
source du Nil se confond donc avec la sienne. 

Le 19 septembre 1892, Baumann a vu le confluent 
de deux pelits ruisseaux dont la réunion forme la 
Kagéra. La montagne de près de 3.000 mètres de 
hauteur où ils prennent naissance, porte le nom 
de Misosi ya Mouesi, ce qui signifie Monts de la 
Lune. Le Nil viendrait donc bien des monts de la 
Lune. Il serait piquant que les explorations mo- 
dernes aient ainsi parfaitement confirmé une des 
hypothèses des anciens géographes. 

Il ne faudrait cependant pas exagérer l’impor- 
tance de celte découverte. Elle n’est pas compa- 
rable à celle de Speke. Baumann n’a pas donné 
la solution d'un grand problème géographique, 
comme le fil Speke en 1860. Néanmoins, il est inté- 
ressant de connaitre le pointinitial de cet immense 
fleuve qui se développe sur une longueur de 35 de- 
grés et sous les formes les plus variées: rivière 
marécageuse d’abord, puis fleuve torrentiel dans 
une parlie de l'ancienne province équatoriale, 
fleuve de plaine ensuite, et, enfin, pendant sa tra- 


versée du désert, grandiose oued saharienne dans 


laquelle se mirent les bouquets de palmiers. 


PE DER De D RSR ER Se 
1 Cap. Lucar», The rise of our Eusl African Empire, t. U, 
p- 118. 


632 


H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 


IV. — TRAVAUX DIVERS. 

Dans son ouvrage intitulé les Pyrénées", M.Trutat a 
mis habilement à profit les travaux des géologues. 
L’Apereu de la structure géologique des Pyrénées, de 
MM. de Margerie et Schrader, lui a notamment 
rendu grand service. Mais il a, en outre, tenu à faire 
œuvre de géographe. Il y a réussi, comme le prou- 
vent ses chapitres sur les phénomènes de l'atmos- 
phère, la flore, la faune et l’homme. 

La connaissance des pays d'Europe, ZLéender- 
kunde von Europa, cette encyclopédie à laquelle 
collaborent, sous la direction d'A. Kirchhoff, les 
géographes les plus distingués de l'Allemagne et 
de l'Autriche, vient de s'enrichir d’un nouveau 
volume ?. Il est divisé en deux parties de Ion- 
gueur très inégale. Dans la première (60 pages), 
M. P. Lehmann traite de la Æowmanie, étude con- 
cise, mais nerveuse. La seconde, beaucoup plus 
développée, a pour sujet les Péninsules méridionales 
de l'Europe. Elle est signée de M. Théobald Fischer 
et bien telle qu'on devait l’attendre d'un homme à 
qui le monde méditerranéen est si familier. Cette 
collection contenait déjà d'excellentes études, 
celle de Fr. Hahn sur la France, les Iles Britan- 
niques et la Scandinavie, par exemple. Le nouveau 
volume est digne des précédents. 

L'exploralion de beaucoup la plus importante, 
accomplie l'année dernière en Afrique, est celle du 
comte von Gætlzen et du D' von Preltwitz. Ces 
deux voyageurs ont traversé l'Afrique de l'est à 
l'ouest, de Pangani à l'embouchure du Congo. Ils 
ont découvert entre les lacs Albert-Edouard et 
Tanganika : un volcan en activité, le Kirunga, etun 
nouveau grand lac, le Kivou. En outre, l'itinéraire 
de MM. von Gœtzen et von Prettwitz coupe la con- 
trée, longue de 700 kilomètres, qui s’étend de 
l’Aroubhimi à la Loukouga, et que jamais Euro- 
péen n'avait traversée avant eux. On n'a encore 
sur celte exploralion que des renseignements très 
brefs, mais ils suffisent à prouver son intérêt; et 
il y aura cerlainement lieu d’y revenir. 

M. Marcel Monnier a publié le récit du voyage 
accompli par la Commission française de délimi- 
tation dans l'arrière-pays de la Côte d'Ivoire : c'est 
une contribution à la connaissance des 
pays du golfe de Guinée *. 

M. Paulitschke, déjà connu avantageusement 
par ses travaux sur le Soudan, a fait parailre une 
élude ethnographique sur les peuples de la Corne 
de l'Afrique, Danakil, Galla, Somali {. 


bonne 


1 Paris, J.-B. Bailière, 1893. 

2 Lænderkunde von Europa, herausgegeben unter fach- 
mænnischer Milwirkung, von Alfred Kircanorr. 2er Band, 
5er Hællte. Vienne, Prague, Leipzig, 1893. 

3 Mission Binger, France Noire (Côte d'Ivoire et Soudan). 
Paris, Plon, 1894. 

1 Elhinographie Nord-Ost Afrikas. Berlin, 1893. 


M. Wauters a essayé de faire la synthèse des 
faits connus, relatifs à l’orographie du Congo. Sa 
brochure « Ze Relief du bassin du Congoet la genèse 
du fleuve » ! constitue une tentative intéressante. 
Ses vues sur les rapports entre le fleuve et les 
quatre lacs du bassin supérieur, — dont deux, 
Tanganika et Moero, existent encore, et deux. 
Djuo et Kinialla, se sont desséchés, — sont origi- 
nales. 

Parmi les ouvrages relatifs à l'Asie, nous cite- 
rons les suivants : une bonne monographie de 
M. C. Imbault- Huart sur r //e Formose ?; une étude 
de M. Naumann sur l'Orographie du Japon ? ; V Irri- 
gation en Asie centrale de M. Henri Moser; la publi- 
cation des Pésulluts scientifiques du voyage accompli 
par le comte Szechenyi dans l'Asie orientale de 
1877 à 1880 ‘. 

M. A. Baslian a terminé l'étude ethnographique 
qu'il avait commencée depuis plusieurs années sur 
les Zles de l'Archipel Malais *. 

En donnant comme esquisse son intéressant lra- 
vail sur la géographie physique et économique 
de l'État de Californie, M. Hilgard a fait preuve 
d’une modestie exagérée. L'ouvrage © tient plus 
que ne promet le titre. 

Un collaborateur de la-Aevue, M. Jean Brunhes, 
a exposé, dans une étude très solidement docu- 
mentée, les eflorts tentés aux États-Unis pour 
mettre en valeur la région dite aride, qui s'étend à 
l’ouest, depuis la zone des prairies jusqu'à la bor- 
dure littorale du Pacifique *. 

M. Ratzel a publié une nouvelle édition du 
second volume de son grand ouvrage sur Îles 
États-Unis $. Les races, l'expansion et l'accrois- 
sement de la population, les questions écono- 
miques, le gouvernement, l’église et l'école, la 
vicintellectuelle, lasociélé : telles sont les divisions 
de ce volume. Avant de devenir l’ardent et fécond 
professeur de l'Université de Leipzig qu'il est 
maintenant, M. Ratzel a, dans sa jeunesse, lon- 
guement séjourné aux États-Unis. Nul n’est plus 
qualifié que lui pour en suivre les rapides et cons- 
tantes transformations. 

Henri Dehérain. 


1 Articles parus dans le Mouvement géographique, puis 
réunis en brochure. Bruxelles, 1894. 

2 Paris, in-4°, Leroux, 1893. 

3 Naumanx, Neue Beilräge zur Geologie und Geographie 
Japans. Petermanns Mrrreis. Ezgz. N° 108. 1893. 

4 Die wissenschaftlichen Ergebnisse der Reise des Grafen 
Bela Szechenyi in Osl Asien. Vienne, 1893. 

» Indonesien oder die Inseln des Malayischen Archipels. 
Berlin, 1894. 

5 Skizze der physikalischen und industriellen Geographie 
Californiens. Verhandlungen Gesell. Erdkunde. Berlin, 1893. 
Nos 2 et 3. 

7 Les urrigalions dans la « Région aride » des Elats-Unis. 
Ann. Géographie. IV, pp. 12-29. 

8 Die Vereiniglen Slaalen von Amerika. 2er Band. Poli 
tische und Wirtschaftliche Geographie. Munich, 1893. 

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Fig. 4. — Æyayment de lx bande pelliculaire positive qui passe dans le Cinémalographe. 
Article de M. Gay sur le Cinématographe de MM. A. et L. Lumière (page 633). 


REVUE GENÉRALE DES SCIENGES PURES ET APPLIQUÉES, numéro du 30 juillet 18935 (page 633). 


EE ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


à 


ACTUALITES 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LE CINÉMATOGRAPHE DE MM, AUGUSTE ET LOUIS LUMIÈRE 


Le problème qu'ont résolu MM. A. et L. Lumière par 
l'invention de leur Cinématographe est celui-ci : 
prendre d'une scène animée un nombre très grand de 
photographies à des mtervalles excessivement rappro- 
chés ; tirer de ces négatifs autant de positifs, enfin pro- 
jeter ceux-ci sur un écran, en faisant que les images 
se succèdent exactement à la même place et selon des 
intervalles de temps égaux à ceux qui ont séparé les 
poses. La durée de pose de chaque cliché est de 


1 à 
7 de seconde. On prend une photographie de celte 
sorte à chaque = de seconde, Le 


épreuves obtenues est de 900 par minute. 

Il s’agit, les positifs étant tirés, de les projeter dans 
les conditions que nous venons de dire. Ce problème 
renferme de nombreuses difficultés qui ont pendant 
longtemps déjoué les efforts des chercheurs : le Ciné- 
matographe, qui les a toutes vaincues, est merveilleux 
de précision et de simplicité. 

Aussitôt que la photographie eut fait assez de pro- 
urès pour devenir instantanée, les savants songèrent à 
l’employer dans le but de fixer des scènes fugitives 
qu'ils pourraientensuite étudier longuementet méditer ; 
c'est ainsi qu'en 1874, M. Janssen se servit de son 
revolver photographique pour l'observation du passage 
de Vénus sur le Soleil; M. Muybridge, de San Fran- 
cisco obtint, vers la même époque, des séries de photo- 
graphies d’un objet en mouvement, prises au moyen de 

- 40 chambres noires munies d’objectifs dont les obtu- 
rateurs étaient déclenchés électriquement à des inter- 
valles convenables. Depuis cette époque, M. Marey a 
constamment utilisé la chronophotographie pour 
étudier la locomotion animale, le vol des oiseaux et 
divers phénomènes physiologiques. On sait qu'il a 
imaginé dans ce but un grand nombre de dispositifs 
fort ingénieux qui ont fait de cette branche de la pho- 


nombre des 


- tographie un très précieux auxiliaire des sciences. 


Parmi les travaux les plus importants dirigés dans le 
même sens, nous devons citer ceux de MM. Anschutz, 
général Sébert, Démény, Londe, etc. Tous ces auteurs 
se sont généralement attachés à produire des épreuves 
successives, en nombre relativement restreint, for- 
mant une décomposition, une analyse du mouvement 
et destinées à ètre étudiées séparément ou comparées 
les unes aux autres. On considérait, et avec raison, 
comme un problème dont la solution était encore loin- 
taine,la reconstitution, la synthèse de ce même mouve- 


. ment, Les tentatives faites danscesens par quelques-uns 


des expérimentateurs cités plus häut consistaient seu- 
lement dans la recomposition de 25 à 30 épreuves. 

Tout récemment, on a vu arriver d'Amérique des 
appareils qu'Edison à appelés Kinéloscopes et qui 
montrent à des spectateurs isolés de longues séries d’é- 
preuves se succédant à des intervalles très courts, réa- 
lisant ainsi cette synthèse. On voit de petites scènes 
animées fort curieuses et durant une demi-minute 
environ. Mais la bande pelliculaire sur laquelle ces 
scènes sont prises, étant animée d’un mouvement con- 
tinu, chaque épreuve, pour donner une impression 
nette, ne doit être vue que pendant un temps très 
cour! : il est d'environ un sept-millième de seconde. 
Dans ces conditions, l'éclairement est extrêmement 
faible ; un objectif très lumineux est nécessaire, les 
Scènes n’ont que peu de profondeur et se déroulent 
devant un fond noir; il faut au moins trente épreuves 
par seconde pour donner sur la rétine une impression 
continue. 


Le cinématographe n’a pas ces inconvénients : il 
permet d’abaisser le nombre des épreuves à quinze par 
seconde, de montrer à toute une assemblée, en les proje- 
tant sur un écran, des scènes animées durant près 
d’une minute; la profondeur sous laqueile on peut 
saisir des objets mobiles n'est plus limitée et l’on 
arrive à représenter le mouvement des rues, des places 
publiques, d'une facon absolument saisissante de 
vérité. 

MM. Lumière, avec une bonne grâce dont nous les re- 
mercions sincèrement, nous ont mis leur appareil entre 
les mains et nous ont donné toutes les explications que 
nous avons demandées. 

Supposons obtenue — et nous verrons tout à l'heure 
par quels procédés — la bande pelliculaire positive 
(fig. 1, Planche ci-jointe) sur laquelle les images se 
présentent sous l’aspect d'une pholographie ordinaire, 
les tons clairs étant représentés par des Lons clairs, et 
les tons sombres par des tons sombres. Celle bande a 15 
mètres de long ou plus, et 3 c. m. de large environ. 
Des deux côtés sont percés des trous équidistants cor- 
respondant à chaque image. Les aiverses épreuves — 
obtenues à des intervalles de un quinzième de seconde 
— sont rigoureusement semblables, c’esi-à-dire que, si 
l'on superpose deux images quelconques, les parties 
représentant des objets immobiles viennent coïncider 
exactement, et que les parties représentant des objets 
mobiles ont des positions dont la différence représente 
le mouvement accompli entre les moments où ont 
été tirées les deux épreuves. Celle bande P, enroulée 
sur elle-même (fig. 2 et fig. 3), et enfermée dans 
une boîte B placée au-dessus du cinémalographe, 
est soutenue par une petite tige mélallique 8 (lis. 2). 
Elle sort par une ouverture y, descend verticalement, 
contourne une gorge G, remonte, passe au-dessus 
d’une tige < et va s’enrouler autour d'une {roisième 
tige T. Le mouvement de la bande est obtenu au 
moyen d'une manivelle M qui, par l'intermédiaire 
d’un système de multiplication, commande un arbre w, 
(représenté par une simple ligne horizontale dans la 
figure 2 et vu en bout dans les figures 3 et #). Sur cet 
arbre sont fixés : un système de renvois qui fit tourner 
la tige T (fig. 2), un excentrique triangulaire G (lig. 2, 
3et 4), un tambour V (fig. 2et 3), un double disque D, 
d(fig..2et 3). | s 

Les détails du mouvement de l’excentrique C qui 
conduit un cadre L (fig. 3, 4, 5; sont donnés par 
la figure 5. Si cet excentrique comprend deux por- 
tions wu,, vu, de circonférence de cerele raccordées 
par des courbes convenables, pendant le temps qu'il 
passera de la position 4 à la position ?, le cadre L 
restera immobile, puisque la distance du point w. aux 
deux côtés horizontaux est invariable; à partir de la 
position ?, lecadre descend,ainsiquele montrelalizure3. 
Puis, pendantletempsquelarc de cercle y, pv, metlra à 
glisser le loug du côté horizontal inferieur, L restera 
de nouveau immobile pour remonter ensuite. D'autre 
part, en choisissant convenablement les courbes de 
raccord pu, etu, um, on comprend que l’on puisse 
faire en sorie que le mouvement du cadre salislasse à 
des conditions déterminées d'avance, par exemple que 
la vitesse, en partant de zéro, augmeute très progressi- 
vemeni pour s'éteindre ensuite de même. Le cadre L 
porte deux dents & et x (fig. 2 et fig. 3, dans la fig. 2, 
la dent « est seule visible) qui sont susceptibles d’un 
mouvement de va-et-vient suivant une direclion per- 
pendiculaire au plan de ce cadre qui leur est commu- 


634% 


niqué par deux rampes RR portées par le tambour V. 
Cela dit, nous allons pouvoir suivre ce qui se passe 
pendant une révolution de l'arbre w (fig. 2, 3, 4 et 5). 
Le cadre L arrive à sa position inférieure et devient 
immobile ; les dents « et 4 sont enfoncées dans deux 
trous de la pellicule situés sur la même ligne horizon- 
tale ; mais la rampe R commence à les ramener vers le 


& 


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Fig. 2. — Coupe longitudinale du cinémalographe. 

P, pellicule se déroulant. — B, petite boite placée au-dessus 
du cinématographe. — 6, tige de fer soutenant la bande P. 
— y, ouverture de sortie de la pellicule. — G, gorge guide 
de 1 pellicule. — €, tige guide la pellicule. —°T, tige sur 
laquelle vient s'enrouler la pellicule. — M, manivelle mo- 
ttice. — w, arbre de rotation. — C, excentrique triangu- 
laire. — V, tambour, — D, double disque, — E, O, ouver- 
tures servant au passage des rayons lumineux. — +, dent 
du radre mobile, — 5, ouverture servant au passage de la 
pellicule avant son enroulement. — B', boîte dans laquelle 
la pellicule vient s'enrouler, — R, R, rampes portées par 
le tambour V. — H, ouverture servant au passage de la 
pellicule négative lors du tirage de la positive. — L'appa- 
reil repose sur un trépied quelconque. 


tambour V de sorte qu'ils sont complètement dégagés 
au moment où le cadre L commence son mouvement 
vers le haut, Ce mouvement est tel que le cadre se 
déplace exactement de la quantité qui sépare deux 
trous, 3 el 4 par exemple, de la figure {, de sorte qu'au 
moment où 11 s’arrêle dans sa position supérieure, les 
dents sont rigoureusement en regard des deux trous im- 
médiatement placés au-dessus de ceux qu’elles viennent 
de quitter. Pendant la nouvelle période d’immobilité, 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


la seconde rampe R pousse les dents dans ces trqus, 
de sorte qu’à la descente elles entraînent la pellicule. Le à 
tambour P cède à la tension et se déroule; le tambour 


P' (fig. 2), sollicité par la rotation de la tige T, s'en-® 


« 


Fig. 3. — Coupe transversale et verticale (oplique). 

P, pellicule se déroulant ; B, petite boite placée au-dessus du 
Cinématographe; {, trou latéral de la pellicule; M, mani- 
velle motrice ; w, arbre de rotation: €, excentrique trian- 
gulaire; V, tambour. — D, 4, doubles disques. — E, ou- 
verture servant au passage des rayons lumineux. — I, 
cadre mobile conduit par l'excentrique. — #, @/, dents por- 
tées par le cadre mobile (position inférieure) ; — &1, & dents 
(position supérieure). — A, chemin parcouru par l’une des 
dents. — R, R, rampes portées par le tambour V. — L'ap- 
pareil repose sur un trépied quelconque. S 


roule, et, lorsqu'à l’immobilité suivante du cadre L les 
dents & et « quitteront encorela pellicule, une épreuve 
aura succédé à l'épreuve précédente devant l'ouver- 
ture E (fig. 2 et 3),sitvée sur le trajet des rayons qui 
les projeltent sur l'écran, Tous ces mouvements. si 
longs à expliquer, s’accomplissent dans l'exemple que 
nous avons pris au début de cet article en un quin- 
zième de seconde. Un nouveau tour de l'arbre w amè- 
nera une nouvelle épreuve, et ainsi de suile, à raison 
de 900 épreuves par minute. On se représente facile- 
ment Ja précision qu'il a fallu mettre dans la cons- 
truclion de l’appareil pour que, dans tous ces mouve- 


-ments, la bande pelliculaire pourtant si délicate et qui 
doit pouvoir servir un grand nombre de fois, reste ab- 
_solument intacte. Dans ce but, la vitesse de départ et 
la vitesse d'arrêt des dents, solidaires du cadre L, sont 
aussi progressives que possible ; le mouvement en ar- 
rière ou en avant de ces mêmes dents ne commence 
qu'après l’arrèt absolu de la pellicule afin de ne pas en 
détériorer les trous; enfin celle-ci, avant de s enrouler 
Sur elle-même en P’, passe par la tige supérieure e (fig. 2). 


Fig. 4. — Détails de l'excentrique el du cadre. 
d w, arbre de rotation. — C, excentrique. — L, cadre. 


Voici la raison de cette disposition : lorsque la pelli- 
-cule s'arrête, la tige T qui continue à tourner tend à 
— l'entrainer et produit un effortde traction qui est d’au- 
fant moins violent — la pratique l’a démontré — qu'il 
S’exerce suivant une tangente plus rapprochée de l'ho- 
rizontale. On s’est arrangé de manière que la tangente 
‘Au tambour P’ issue de < et donnant à peu près la di- 
rection suivie par la pellicule soit horizontale à la fin 
‘de l’enroulement, c’est-à-dire lorsque la masse, succes- 
“sivement arrêtée et mise en mouvement, est la plus 
#rande, Pendant l’immobilité de la pellicule, une pe- 
tite plaque placée 

près de Eet moin- fa | 
tenue par un léger | 


Celle-ci reste donc immobile pendant les 2/3 du 
temps; elle emploie le dernier tiers à descendre. Que 
les rayons lumineux arrivent sur l'écran pendant les 
périodes d’immobilité, c’est parfait; mais s’ils-y arri- 
vaient aussi pendant les périodes de mouvement, à 
l’image fixe se mêleraient des impressions dues à la 
descente de cette même image; il en résulterait des 
trainées lumineuses correspondant aux parties clai- 
res. IL faut, par conséquent, que les rayons lumineux 
soient masqués pendant le dernier tiers du temps. C'est 
le rôle du double disque D, d, (fig. 2 et 3) fixé Ini aussi 
sur l'arbre, ainsi que nous l'avons dit. Il se compose 
de deux segments de cercle 4 w b, c w e (fig. 6) super- 
posés et pouvant glisser l’un sur l’autre de manière à 
présenter un vide & w e variable à volonté. Tout le 
temps que les parties pleines du disque passeront 
devant l'ouverture E (fig. 2 et 3), les rayons projetants 
seront interceptés et n'arriveront pas à l'écran, On 
fait l’angle a c b e (fig. 6) égal à 1209 et on s’arrange de 
manière que ce disque commence à passer devant l'ou- 
verture E au moment précis où la pellicule prend son 
mouvement de descente. De la sorte ne sont projetées 
sur l'écran que des épreuves immobiles se succédant, 


œ 
( 
[2 


er segment isolé 


d 
e 


LT} 


2e segment isolé 


segments réunis 


Fig. 6. — Détails du double segment D, d. 


par exemple, au nombre de 900 par minute. A cause 
de la persistence des impressions lumineuses sur la 
rétine, l'œil n’apercoit pas du tout les noirs qui 
séparent chaque projection, êt, d'autre part, la lumière 
passant pendant les deux tiers du temps total, on n’a 
pas besoin d'un éelairement particulièrement fort, La 
résultante des impressions successives sur l’œil est une 
image saisissante de réalité où les différences entre les 
épreuves, différences dues au mouvement des person- 
nages ou des objets pendant la pose, se traduisent par 

a l'illusion complète 
d'unmouvement de 
la part des person- 


2 


CEST - a | 

% red | Lee | ] > 
ressort(cetteplaque | x ee | | AC {t M \s | Deper ras objets 
-etceressortnesont L TS Peel Val : | | A 2 je (ne pi RS me 
cs est dE ee HP PRE (E | expliquer comment 
he a) Fo DATE EE on obtientl’épreuve 

» pêche de céder à la ques FOR pe opt 
faible traction due 2. Res De ET négative et com- 
; ’ t de T Position 1 Position 2, S ment Ha er HG a 
4 posent 2 Fis. 3. — Posilions diverses de l’excentrique pendant son mouvement de positive. Pour la 
n ue rotalion. — Le sens de rotation est indiqué par la flèche. — C, excentrique; première opéra - 
angle uwu,(Üg.5) Rp AE CARRE tion, on enroule 


la courbe y, u, corresponde parconséquent à une rota- 
tion de 120, nous pouvons, en commençant comme fout 
“à l'heure au moment oùlecadre L arrive à sa position 
inférieure, distinguer les périodés suivantes dans un 
. tour de l'arbre w : k 

{ro Période. — Rotation de 60°. — Le cadre L est 
“immobile ainsi que la pellicule, les dents abandonnent 
. celle-ci. 


…. 9e Période. — Rotation de 120°. — Le cadre L se 
“meut de bas en haut, la pellicule est immobile. 
3e Période. — Rotation de 60°. — Le cadre L est 


immobile ainsi que la pellicule; les dents saisissent 
celle-ci. 3 

&e Période, — Rotation de 120. — Le cadre L se 
meut de haut en bas entraînant la pellicule. 


sur latige 6 (fig. 2) 
une pellicule sensible, et une chambre noire rem- 
place devant l'ouverture E la lanterne fournissant 
les rayons lumineux de l'expérience précédente. Les 
mouvements des organes sont les mêmes que ceux que 
nous venons de déerire. On prend par suite 900 photo- 
graphies instantanées successives d’une même scène. 
La seule différence est qu'on diminue l’espace vide 
laissé par le double disque D d (fig. 2, 3, 6). IL est inu- 
tile, en effet, il serait même nuisible que l'ouverture E 
(fig. 2 et 3) restàt démasquée pendant un temps supé- 
rieur à celui qui est nécessaire à l’obtention de l'épreuve. 
La boîte B' (lig. 2), dans laquelle s’enroule la pellicule, 
est soigneusement close, 

Pour former une épreuve posilive, on place sur le 
cinématograpke une boîte B (fig. 7) pouvant contenir 


636 


deux rouleaux P et P’. P est l'épreuve négative; P"une 
pellicule sensible qui va s’enrouler en P° comme dans 
les premières expériences, tandis qu’au contraire P, 
pouvant saus inconvénient être exposé à l’air, s'échappe 
à l'extérieur par une ouverture D. Le mouvement simul- 


— Disposition adoplée pour le tirage des posilifs. 


JC À 
P!', bande positive. — P, bande négative. — B, boîte conte- 
nant la bande positive et la bande négative avant le dérou- 
lement. — E, ouverture devant laquelle passent les diffé- 
rentes parties de la bande sensible et où elles sont sou- 


mises à l'action des rayons lumineux. — O, ouverture 
pratiquée dans la boîte contenant le cinématographe. — 
G, gorge servant de guide à la bande positive. — P', bande 
positive après son enroulement. — D, ouverture par la- 
quelle sort la bande négative. 


tané des deux pellicules superposées s'obtient absolu- 
ment de la même facon que nous obtenions tout à 
l'heure celui d’une seule. La lanterne est ici suppri- 
mée comme dans le cas précédent et l'ouverture E est 
éclairée par des rayons directs. 

Tel est dans ses détails l'appareil de MM. Lumière. 
On voit parfaitement quel auxiliaire précieux il sera 
dans l'étude des mouvements. Non seulement nous pos- 
sédons le moyen de saisir ceux ci pendant leurs 
diverses périodes; mais nous sommes en mesure de les 
recomposer en faisant varier à volonté leur vitesse, 
l'arbre moteur étant entraîné à la main. Ils seront 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


lents, très lents, si nous le désirons, de manière 
qu'aucun détail ne nous échappe; puis, dans les repro- . 
ductions suivantes ils s’accéléreront de plus en plus, 
si nous le désirons, jusqu'à la vitesse normale. Nous 
aurons alors la reproduction absolument parfaite des 
mouvements réels, Et si quelque lecteur était tenté de. 
croire que nous exagérons en parlant de perfection, 
nous en appellerions au jugement de la nombreuse 
assemblée qui, le 11 juillet dernier, à la Revue générale 
des Sciences, a si chaleuresement applaudi l’un des in. 
venteurs, alors qu'il montrait son appareil etles résul: 
tats qu'il en obtient. pi 

Ces résultats, les voici : Le cinématographe étant 
éclairé à la lumière électrique au moyen d’une lan- 
terne Molteni, ses images étaient projetées sur un écran : 
éloigné de 5 mètres. Cet écran était constitué par une” 
toile fine et transparente, tendue dans l’embrasure 
d'une porte séparant deux salons. Dans l’un les spec- 
tateurs voyaient les images par réflexion; dans l’autre 
ces mêmes images apparaissaient avec la même netteté, 
mais par transparence. L’obseurité ayant été faite dans 
les deux pièces, voici quelques-unes des scènes qui se. 
sont successivement déroulées sous les yeux de l’as- 
sistance : | 

Ce fut d’abord une séance de voltige exécutée par 
des cuirassiers avec toute la maestria des soldats 
de cette arme; puis une brimade dans une ca- 
serne, l'incendie d’une maison où l'on vit succes-. 
sivement les flammes gagner l'édifice, la fumée 
obscurcir le ciel, les pompiers arriver, asperger le 
bâtiment embrasé et parvenir enfin à éteindre le feu. 
Des forgerons, qui semblaient en chair et en os, se 
livrèrent ensuite à l'exercice de leur métier; on voyait 
le fer rougir au feu, s’allonger à mesure qu’ils le bat- 
taient, produire, quand ils le plongeaient dans l’eau, … 
un nuage de vapeur qui.s’élevait lentement dans Pair 
et qu'un coup de vent vint chasser tout d’un coup. 
C'était, suivant le mot de Fonteelle, la nature même 
prise sur le fait. 

Une vue de Lyon, la place des Cordeliers, ne suscita 
pas moins l’admiration : piétons allant et venant, pas- 
sant dans la rue, entrant dans les boutiques, tramways, 
liacres, élégantes victorias ou grosses voitures faisant 
le service des maisons de commerce, circulant en tous 
sens, Ainsi transportés à Lyon, nous y vimes de la 
même facon les ouvriers et ouvrières de MM. Lumière 
sortant de leurs ateliers à midi, les filleltes se garant 
des voitures et des bicyclistes, courant isolées ou par 
groupes, toutes joyeuses de se senlir, pour un temps, 
rendues au gai bavardage et à la liberté. 

Une petite fille, représentée en grandeur naturelle, 
obtint un succès particulier, Elle dinait en plein air à. 
côté de ses parents, qui la faisaient manger. Rien de 
plus curieux que ces petites mines de l'enfant heu- 
reuse, savourant avec toutes les grâces de son âge les. 
friandises que son père lui offrait et rabattant de ses 
petites mains sa bavette soulevée par le vent. Le même 
bébé réjouit encore l'assistance en essayant, mais vai- 
nement, d'attraper à l’aide d’une cuiller des poissons 
contenus dans un bocal de verre, Mais à quoi bon 
prolonger ces descriptions? Ceux qui n'ont pas eu la 
bonne fortune d'assister à ce spectacle, dont la Revue 
générale des Sciences a offert la primeur à ses collabo- 
rateurs et amis, se représenteront diflicilement qu'on 
puisse atteindre à une telle perfection et donner à ce 
point la sensation saisissante du mouvement réel et 
de la vie, 

A. GAY, 


Ancien élève de l'Ecole Polytechnique 


1° Sciences mathématiques. 


orel (Emile), Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé- 
rieure. — Sur quelques points de la Théorie des 
Fonctions. Thèse pour le Doctorat de la Faculté des 
» Sciences de Paris. —1 vol. in-8° de 47 pages. Gauthier- 
- Villars et fils, imprimeurs-libraires, Paris, 1895. 


Quoique la thèse soit courte, M. Borel (et c’est son 
#rand mérile) remue beaucoup d'idées, soulève beau- 
oup de questions, dont il résout quelques-unes, mais 
lont la plupart ne se laisseront probablement pas ré- 
soudre de sitôt. Le but est de montrer que dans l'étude 
es fonctions transcendantes uniformes il y a place, 
non seulement pour le procédé classique (développe- 
ment taylorien et « continuation » des séries), mais 
_ encore pour d'autres méthodes capables de devenir fé- 
condes., Sont introduites des fonctions de la variable 
complexe z : 


n—SO 


Ie > An 
(5) = ——— — 
La (z — an)" 


n=1 


mn = entier positif, limité. 


La série représentera, par définition, la même fonc- 
‘tion pour toutes les valeurs de z où la convergence 
subsistera. 
Non seulement la définition n’est pas une tautologie 
(car une même expression analytique peut représenter 
des fonctions différentes, suivant les régions du plan 
- où voyage la variable complexe), mais même elle donne 
-malière à une certaine polémique. Le fait est que le 
- plan est découpé en deux zones par une ligne L «.sin- 
sulière essentielle » qu'on ne peut franchir en « con- 
hHinuant» les séries tayloriennes. Or, M. Poincaré a 
construit deux fonclions « continuables » dont la 
somme se confond de part et d'autre de L, avec deux 
fonctions différentes, admettant L pour ligne singulière 
essentielle, mais d’ailleurs choisies arbitrairement à 
lavance. Prolonger une fonction au delà d’une ligne 
ingulière essentielle, semble ainsi une locution vide 
de sens. Afin de lever l'objection, M. Borel signale 
quelle obscurité entraine pour la notion d’uniformité 
la présence d’une ligne L. La simple addition modifie 
Vuniformité : car on obtient quelquefois une fonction 
uniforme en ajoutant à une fonclion uniforme une 
autre qui ne l’est pas. 
… Quoi qu'il en soit, voici quelques propriétés de + (z): 
Deux points du plan peuvent être réunis par une in- 
finité non dénombrable de courbes C telles que, sur 
chacune, + (z) et K. des premières dérivées sont conti- 
nues. Quelquefois Kest infini. On peut aussi intégrer 
2 (z) le long de C. Moyennant certaines conditions, ç ne 
peut s’évanouir dans une région du plan sans évanouir 
- sur fout le plan. 
Telle est la matière du premier chapitre, Dans le se- 
- cond on développe en série, pour z réel, 


f (2) = ZE (Anz+ Bncosnz + Cnsin n2) 
n . 


toute fonction qui admet des dérivées de tout ordre, 
Chemin faisant, sont signalées plusieurs proposilions 
à apparence parado\ale : f (z) peut avoir, pour z — 0, 
loutes ses dérivées égales à des nombres arbitraires 
choisis à l'avance; la fonction représentée par une 
-somme de séries de Taylor peut n’avoir aucun rapport 
-axec la somme des fonctions représentées par chaque 
- Série respectivement. 


Ë 
* 
| 


cn 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


637 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


Dans la conclusion, M. Borel indique l'intérêt qu'il y 
aurait à introduire, en Physique mathématique, pour 
formuler des lois expérimentales, des fonctions telles 
que + (z), ou plus généralement des fonctions définies 
autrement que par le développement taylorien. La 
nature qui, suivant le mot de Fresnel, ignore les diffi- 
cultés d'analyse, se préoccupe encore moins de l’ap- 
plicabilité de la série taylorienne. Cette applicabilité 
ne peut se déduire ni de l'expérience, ni même de 
l’existence admise des dérivées de tout ordre. 

Dans la théorie des fonctions transcendantes, dès 
que l’on veut approfondir les choses, il ne reste presque 
rien qui ne soit difficile et cbscur; la défiance est de 
rigueur, même vis-à-vis de certainés évidences, Espé- 
rons donc que l'esprit subtil et délié dont M. Borel 
fait preuve dans sa thèse, l’aidera encore, dans des pu- 
blications ultérieures, à jeter un peu de lumière sur 
celte matière souverainement délicate. 

Léon AUTONNE. 


2° Sciences physiques. 


Curie (P). — Propriétés magnétiques des corps 
à diverses températures. — (Thèse pour le Doctorat 
de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol in-8° de 
120 pages avec 15 fig. Gauthier-Villurs et fils, éditeurs. 
d5, quai des Grands-Augustins. Paris 1895. 

La thèse présentée à la Faculté des Sciences de Paris 
par M. P. Curie est bien le beau mémoire que l’on pou- 
vait attendre de la part de ce physicien si distingué, de 
l’auteur de tant d'ingénieuses recherches et d'élégants 
travaux. Le sujet abordé est l’un des plus intéressants 
de la Physique, l’un des plus travaillés, mais aussi 
lun des plus difficiles, sans doute, si l’on juge la diffi- 
culté à l’inutilité de bien des efforts : l’etude des pro- 
priélés magnétiques des corps, tant de fois abordée 
par l'expérience ou par la théorie, n'a pas encore 
fourni sur tous les points des résultats définitifs, et 
bien des obscurités subsistent. Au point de vue ma- 
gnétique, on peut ranger les corps en {rois groupes : 
1° les corps diamagnétiques, ce sont la plupart des 
corps simples et composés; 2° les corps faiblement ma- 
gnétiques parmi lesquels se trouvent par exemple 
l'oxygène, le platine, les sels de fer ; 3° les corps ferro- 
magnétiques, c’est-à-dire le fer, le nickel, le cobalt, 
la magnélite, l'acier, la fonte et divers alliages. Mais 
quelle est la valeur de celte classification? La sépara- 
tion est-elle absolue entre les groupes, les phénomènes 
sont-ils différents dans leur essence même, ou bien au 
contraire n'a-t-on affaire qu’à un seul et même phéno- 
mène se manifestant de plusieurs facons? Le problème 
posé par Faraday n’a pas encore recu de solution dé- 
cisive; pour tâcher de le résoudre, M. Curie a pensé 
qu'il conviendrait d'étudier les propriétés magnéliques 
de divers corps dans des conditions aussi différentes 
que possible de température, de pression, d'intensité 
de champ magnétique ; il a réussi pour certains corps 
à faire varier la température depuis la température 
ambiante jusqu'à 4370, 

La méthode employée pour mesurer l'intensité d’ai- 
mantation spécifique !, c’est-à-dire le moment magné- 


1 Le coefficient d'aimantation ainsi défini, rapporté à la 
masse, semble bien le cocfficient spécifique du corps, celui 
qui donnera le mieux l'idée de sa propriété magnétique; 
M. Curie a été tout naturellement amené à le considérer uni- 
quement. [1 nous semble toutefois qu’à d'autres égards, le 
coefficient er volume a aussi grand intéret; c'est lui d’ail- 
leurs que la théorie envisage le plus souvent, c'est lui qui per- 
mettra de calculer immédiatement la perméabilité du milieu 


638 


tique divisé par la masse ne diffère pas en principe de 
celles qu'ont utilisées Becquerel et Faraday ; mais, jus- 
que dans les détails les plus menus, les dispositifs 
accessoires d’une expérience, vont apparaître la rare 
habileté et la grande ingéniosité de l’auteur; on ne 
saurait malheureusement indiquer ici toutes. ces 
adresses et ces élégances, il faut se contenter de don- 
ner un apercu général des procédés de mesure. Pour 
les corps diamagnétiques ou faiblement magnétiques, 
la force diamagnétisante provenant de l’aimantation 
du corps est insignifiante et l’on calcule aisément la 
valeur du coefficient d’aimantation d’un corps de pe- 
tit volume placé en un point d’un champ magnétique 
qui n’est pas uniforme en fonction de la force agissant 
sur ce corps, de la valeur du champ au point consi- 
déré, et de sa dérivée dans la direction de la force. Au 
point de vue expérimental, il faudra donc déterminer 
cette force, qui est très petite, dans des conditions par- 
ticulièrement difficiles, puisqu'il faudra pouvoir main- 
tenir le corps à des températures extrêmement éle- 
vées; on à recours, pour mesurer les actions magné- 
tiques, à la torsion d’un fil soigneusement étudié au 
préalable; le corps est placé en petits fragments dans 
une ampoule portée par une charpente en cuivre 
accrochée au fil de torsion, et qui soutiendra du côté 
opposé, d'abord une palette servant d’amortisseur, 
puis une aiguille portant à son extrémité un micro- 
mètre que l’on observera à l’aide d’un microscope; les 
déplacements de l'ampoule se déduiront facilement de 
ceux du micromètre ; l’ampoule sera placée dans un 
petit four en ‘porcelaine que l’on chauffera à l’aide 
d’un courant électrique ; ce mode de chauflage est 
le seul praticable eu égard à la situation de cette 
ampoule, qui va être placée entre les branches d’un 
électro-aimant et soutenue par l'équipage mobile d’une 
balance de torsion. Pour procéder à une détermination, 
il faudra connaître la température, le champ, sa dé- 
rivée et la valeur de la force agissante; la température 
est mesurée à l’aide d’un couple Le Chatelier soigneu- 
sement gradué, la force par le moyen de la torsion ;le 
champ et sa dérivée seront étudiés au préalable; il est 
malheureusement impossible de faire directement la 
mesure au moment de l’expérience ; on devra définir 
l'intensité du champ par le courant circulant dans les 
bobines de l'électro-aimant, en s’astreignant, bien en- 
tendu, à faire varier constamment le courant dans le fil 
suivant un cycle toujours le même. Lorsqu'une série 
de mesures aura été effectuée, il faudra encore recom- 
mencer les mêmes expériences avec l’ampoule vide, 
pour corriger les résultats obtenus de l'influence du 
magnélisme de l'air ambiant, en profitant de l'étude 
faite pour l'oxygène à différentes températures. 

Malgré tous les soins, toutes les précautions prises 
par l’auteur, les déterminations résultant d’un si grand 
nombre de mesures extrêmement délicates comportent, 
à son avis, une incertitude de 3 ou #°/, pour les va- 
leurs absolues de 1 à 2 °/, dans la comparaison des 
coefficients d’aimantation de deux corps différents; 
on pourra piulôt considérer tous les nombres donnés 
comme rapportés à l’eau pour laquelle on aurait 
adopté 0,79 X 10 —6 comme valeur du coefficient 
d’aimantation spécifique : aussi bien le but poursuivi 
élait beaucoup plus une investigation générale sur la 
manière d'être d’un très grand nombre de corps au 
point de vue magnétique qu'une détermination très 
précise du coefficient d’aimantation pour certains d’en- 
tre eux seulement. 

Les résultats obtenus par M. Curie sont dignes des 
peines qu'il a dû dépenser pour les obtenir, et ce n’est 
pas en vain qu'il sera parvenu à surmonter tant de dif- 
ficultés, Des nombreuses mesures qu’il a effectuées et 


définie comme à l’ordinaire. I] faudrait pour le connaitre 
multiplier les nombres donnés par la densité du corps à cha- 
que température; la dilatation étant très petite pour les so- 
lides et les liquides, les conclusions resteraient, sans doute, 
généralement les mêmes, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


‘priétés du fer jusqu’à la température de 770°, du nickel 


des nombreux nombres qui sont consignés en détail 
dans son mémoire, nous chercherons seulement à dé- 
gager le conséquences les plus générales et les plus 
importantes. Pour les corps diamagnétiques le coefti- 
cient d’aimantation spécifique est indépendant de l’in- 
tensité du champ, et généralement aussi de la tempé= 
rature; le plus souvent aussi un changement d’élat, 
physique ou chimique, n’a qu'une influence insisni- 
fiante sur les propriétés diamagnétiques. Ces conclu- 
sions n’ont cépendant rien d'absolu, car la fusion rend 
pags le bismuth le coefficient jusqu’à 25 fois plus fai: 

le, et, pour le même corps, le coefficient diminue ra- 
pidement quand la température augmente. Les corps 
faiblement magnétiques ontaussi un coefficient d’aiman- 
tation invariable, quel que soit le champ; mais la loi de 
variation à une allure hyperbolique, et, pour l'oxygène, 
le palladium et les sels magnétiques, comme l'avaient 
déjà remarqué divers auteurs, Île coefficient varie sen-. 
siblement en raison inverse de la tempéralure absolue. 
La différence d’action de la température est donc assez 
tranchée pour les deux classes de corps, et M. Curie 
considère ce résultat comme favorable aux théories 
qui attribuent le magnétisme et le diamagnétisme à des. 
causes de natures différentes, La conclusion ne s’im- 
pose pas toutefois comme une certitude, la distinction 
ne nous semble pas absolue, puisque, pour bien des 
corps magnétiques, la variation avec la température 
n’est pas semblable à celle que subit le palladium ou 
l'oxygène, et que, d'autre part, pour les diamagnétiques, 
le coefficient d’aimantation est souvent lellement petit 
que ses variations ne sauraient être déterminées d'une 
facon précise; aussi pensons-nous que les personnes à 
qui sont chères les idées d'unité et de simplicité dans 
les causes peuvent encore conserver au moins l’espé- 
rance de ne pas voir s'établir une séparation définitive, 
irrémédiable entre ces deux phénomènes : magnétisme. 
et diamagnétisme. 

Pour les corps ferro-magnétiques, M. Curie est ar- 
rivé à des résultats nouveaux et plus intéressants en- 
core, Le calcul des expériences relatives à ce cas est 
plus complexe: ici intensité d’aimantation dépend de : 
la forme du corps placé dans le champ magnétique, et 
change d’ailleurs avec la valeur du champ et la facon 
même dont il varie ; en se placant dans des conditions. 
bien déterminées, en effectuant diverses corrections, . 
M. Curie a pu obtenir des mesures ayant une signili- 
cation tout à fait précise et ajouter ainsi un imporlant 
complément au travail classique de M. Hopkinson. 
Tandis que cet éminent physicien avait ulilisé des: 
champs variant de 2 à 46 unités, et étudié les pro- 


jusqu’à 340°, M. Curie a pu se servir de champs variant 
de 25 à 1.350 unités et suivre les propriétés du fer. 
jusqu’à 1.3700. Les transformations par où passe le fer 

quand on le chauffe ont, comme on sait, une grande 
importance théorique et pratique; lesrésullats obtenus 
par M. Curie viennent apporter une précieuse contri- 
bution à l'étude de ces transformations, objet dans ces 
denières années de nombreuses et belles recherches : 
en plus du premier point de transformation magné- 
tique de 745°, les expériences indiquent entre 8609 el 
890° une baisse très rapide et anormale des propriétés 
magnétiques, à 1.288° un accroissement brusque du 
coefficient d’aimantation. Au point de vue des pro- 
priétés générales, l’auteur arrive à un résultat des plus 
remarquables : il établit que les propriétés des corps 
ferro-magnétiques et celles des corps faiblement ma- 
gnétiques sont intimement liées les unes aux autres; 
un corps ferro-magnétique se transforme prosressive- 
ment quand on le chaufe, et prend les propriétés d’un 
corps faiblement magnétique. Pour la magnétite, qui 
ne présente pas d'anomalies, le fait est des plus nets, le 
coefficient d'aimantation finit même par varier sensi- 
blement en raison inverse de la température absolue, 
c’est-à-dire suivant la même loi de variation que pour 
un corps faiblement magnétique. Convenablement in- 
terprétées, les expériences sur la fonte, sur le nickel et 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


639 


* mème sur le fer tendent à prouver la généralité de la 
conclusion. 
. Le mémoire se termine par un curieux rapproche- 
ment; M. Curie fait remarquer l’analogie qui existe 
- entre la fonction qui lie l'intensité d’aimantation, la 
… valeur duchamp et la température, etla fonction qui lie 
la densité d’un fluide, la pression et la température; 
cette analogie très étroite est mise en évidence en 
comparant aux courbes obtenues celles qu'a tracées 
- M. Amagal pour les fluides. L’analogie n’est pas à coup 
. sûr une identité, et l'auteur signale lui-même quelques 
différences appréciables; mais le point de vue est tout 
à fait suggestif, inspire immédiatement l'idée de cer- 
. taines expériences. La lecture de ce beau travail finit 
ainsi comme elle avait commencé : elle provoque une 
réelle admiration pour l’ingéniosité de l’auteur, 
: Lucien Poincaré, 


3° Sciences naturelles. 


Bordas (H.). — Appareil glandulaire des Hymé- 
noptères. (Glandes salivaires, Tube digestif, Tubes 
de Malphigi et Glandes venimeuses). Thèse pour le Doc- 
torat de la Faculté des Sciences de Paris. — Un vol. 
in-8° de 360 pages, avec 11 planches hors texte. G. Mas- 
son, éditeur. Paris, 1895. 


La thèse de M. Bordas est divisée en quatre cha- 
pitres dans lesquels il étudie successivement les 
glandes salivaires, le tube digestif, les tubes de Mal- 
pighi et les glandes venimeuses des Hyménoptères. 

Le premier chapitre est le plus important et tient, 
à lui seul, plus de la moitié du travail. Les glandes 
salivaires des Hyménoptères n'avaient, jusqu'à main- 
tenant, fait l’objet que d’un nombre très restreint de 
travaux et, sauf chez les Apinés, étudiés par Schie- 
menz, elles étaient fort mal connues. M. Bordas a cons- 
taté chez les Hyménoptères l'existence de dix systèmes 
différents de glandes salivaires, situées les unes dans 
- le thorax, les autres dans la tête ou ses appendices. On 
_ trouve en eflet : j 

Des glandes {horaciques, très volumineuses, très cons- 

à tantes, qui sécrètent un liquide faiblement alcalin; 
des glandes postcérébrales, à sécrétion légèrement alca- 
line, également très constantes; des glandes latéropha- 

Myngiennes, qui n'existent que dans quelques groupes ; 
. des glandes supracérébrales, toujours très développées 
… et dont la sécrétion, abondante, est légèrement acide ; 

des glandes mandibulaires sécrétant un liquide à odeur 
très forte; des glandes mandibulaires internes qui n’exis- 
tent que dans quelques familles; des glandes sublin- 
- quales dont la sécrétion arrive dans une excavation pré- 
… buccale, où s'accumulent les débris recueillis par la 
languette, etoù ces débris subissent l’action de la salive 
… avant de pénétrer dans le pharynx; des glandes lin- 
guales dont la sécrétion, épaisse et gluante, sert à 
| agglutiner les substances alimentaires; des glandes 


paraglossales qui se trouvent chez les Vespidés; des 
glandes mazxillaires qui n'existent que dans quelques 
groupes. 

Les trois premiers systèmes comprennent des glandes 
en grappes, dont les canaux efférents offrent inté- 
rieurement un fil chilineux spiralé; les autres sont 
formés d’acini monocellulaires. Tous ces systèmes ne 

_ se trouvent jamais réunis chez le même type. 
, On peut rattacher ces diverses glandes aux six 
» zoonites ou segments, dont l’ensemble constitue la tête 
- des Insectes. M. Bordas établit la correspondance des 
E glandes et des zoonites de la manière suivante : 
Glandes thoraciques et postcérébrales correspondant 
au segment oculaire ; glandes supracérébrales corres- 
. pondant au segment des antennes; glandes sublin- 
: DNS correspondant au segment labial ; glandes man- 
 dibulaires externes et internes correspondant au seg- 
| ment des mandibules ; glandes maxillaires correspon- 
dant au segment de la mâchoire supérieure; glandes 
linguales correspondant au segment de la màchoire 
inférieure, 


Ces dispositions compliquées contrastent avec celles 
observées chez les larves où les glandes salivaires 
sont simplement constituées par deux longs tubes spi- 
ralés. 

Le deuxième chapitre du travail: de M. Bordas est 
consacré à l’étude du tube digestif, Chez la larve cet 
organe consiste en un tube à parois plissées, qui se 
termine en cæcum à quelques millimètres de la partie 
postérieure du corps. A ce stade, le rectum est une 
simple invagination portant à son extrémité quatre 
longs tubes de Malpighi. 

Les différentes parties du tube digestif de l'adulte 
restent assez constantes dans tout le groupe. Une des 
plus caractéristiques est l’appareil masticateur qui fait 
suite au jabot et qui est composé de quatre puissantes 
mächoires garnies de piquants ou de dents. 

Dans le troisième chapitre, M. Bordas étudie les 
tubes de Malpighi. Ces glandes sont de simples évagi- 
nations de l'intestin terminal, Pendant la nymphose, 
les tubes larvaires disparaissent et font place à ceux 
de adulte, qui sont beaucoup plus nombreux. M. Bor- 
das étudie la structure de ces tubes, et il analyse leur 
contenu, qui estformé d'acide urique, d’urates desoude, 
de chaux et d’ammoniaque, et d’oxalate de chaux. 

Le quatrième chapitre traite des glandes venimeuses. 
On sait que l'appareil venimeux des Hyménoptères a 
surtout été étudié chez l’Abeille, où l’on a reconnu la 
présence d’une glande acide et d'une glande alcaline; 
mais cet appareil a été fort peu étudié dans les autres 
genres, et la présence d’une glande alcaline a été niée 
par Carlet chez les Hyménoptères à aiguillon lisse. 
D'après M. Bordas, l'appareil venimeux de tous Îles 
Hyménoptères comprend deux et quelquefois trois 
glandes : la glande acide, la glande basique ou de Du- 
four et la glande accessoire. La première débouche 
dans un réservoir qui manque à la seconde; elles dif- 
fèrent aussi l’une de l’autre par leur structure histolo- 
gique, la glande acide offrant un épithélium stratifié 
et la glande basique un épithélium à une seule couche 
de cellules. La glande accessoire, constituée par un 
petit massif granuleux, n’existe que dans quelques 
familles (Crabroninés, Philanthinés). 

Les recherches de M. Bordas ont porté sur près de 
200 espèces d’Hyménoptères appartenant à une cin- 
quantaine de genres pris dans les principales familles 
de Térébrants et de Porte-aiguillons. Les conclusions 
qu'il en tire peuvent donc être appliquées à l'ordre 
tout entier. Son travail complète les notions, très 
sommaires en somme, que nous possédions sur les dif- 
férents appareils glandulaires des Hyménoptères; en 
particulier l'étude qu'il a faite des glandes salivaires 
est très intéressante, De la lecture de son mémoire, 
on conserve l'impression qu'il a été écrit par un natu- 
raliste très consciencieux, sachant observer, possédant 
une grande habileté manuelle et une connaissance ap- 
profondie dela technique histologique. M. Bordas a su 
ürer bon parti d’un sujet qui, au premier abord, pou- 
vait paraître quelque peu restreint et assez aride, et il 
y a trouvé matière à une thèse intéressante et riche 
en faits nouveaux. Que cet exemple soit un ensei- 
gnement pour les jeunes gens en quête de sujets de 
thèse de doctorat ès sciences; dans un groupe comm? 
celui des Insectes, qui a déjà fait l’objet de tant de 
travaux el où l’organisation parait parfois si uniforme, 
il y a encore bien des observalions à revoir et bien des 
faits à découvrir, N’est-il pas étrange, en effet, de cons- 
tater que c'est en 1894 seulement qu'un zoologiste, 
Kowalevsky, découvre, chez un Insecte aussi commun 
que la Locuste, une disposition aussi extraordinaire 
que la pénétration d’un tube de Malpighi dans le cœur? 
L'étude anatomique des Insectes a été, bien à tort, un 
peu délaissée dans ces dernières années. M. Bordas a 
été bien inspiré en dirigeant ses recherches dans ce 
sens. Son travail trouvera sa place à côté des bonnes 
thèses de doctorat ès sciences ; il fait honneur à son 
auteur et au laboratoire dans lequel il a été fait. 

R. KŒuLER, 


4° Sciences médicales. 


Mesnil (F.\, Préparateur à l'Institut Pasteur, Agrégé 
des Sciences naturelles, — Sur le mode de résistance 
des Vertébrés inférieurs aux invasions miCro- 
biennes artificielles (Thèse pour le Doctorat de la 
Faculté des Sciences de Paris). —1 vol. in-8° de 64 pages 
avec une planche en couleur. Imprimerie Charaire, 68, 
rue Houdan, à Sceaux, 1895. 


Le travail de M, Mesnil apporte une confirmation 
importante à la théorie phagocytaire de M.Metchnikoff. 
Plusieurs savants, tout en admettant l'ingestion et la 
digestion des microbes par les phagocytes, faits abso- 
Jument incontestables, ont prétendu que ces phéno- 
mènes jouaient un rôle peu ou pas important dans le 
mécanisme de l'immuunité, en soutenant que les mi- 
crobes englobés étaient préalablement morts, el que 
les phagocytes remplissaient seulement la fonction de 
nécrophages ; ces auteurs attribuaient le rôle principal 
dans l'immuuilé à des substances bactéricides exis- 
tant dans les humeurs, substances auxquelles ils ont 
fini par accorder cependant une origine leucocylaire 
quand ils n’ont plus pu nier l'imporlance de ces élé- 
ments histoloziques dans la résistance de l'organisme 
aux invasions microbiennes. Devant l'impossibilité 
évidente de persister dans cette voie de la théorie bac- 
téricide des humeurs, les adversaires de M. Metchnikoff 
ont imaginé une nouvelle théorie de l'atténualion de la 
virulence des bactéries sous l'influence directe des 
humeurs, M. Mesnil s'est appliqué à démontrer que, 
chez les animaux dont il s’est occupé, les microbes du 
charbon et de la septicémi: des souris sont englobés 
par les phagocytes à l'état vivant et virulent, et sont 
détruits par ces phagocytes, qui jouent ainsi un rôle 
effectif dans le mécanisme de l’immunité. L'auteur 
s’est adressé pour son étude aux Vertébrés à tempé- 
rature variable, qui présentent, à cet égard, plusieurs 
avantages : d’abord, les phénomènes sont plus lents et 
plus faciles à analyser que chez les Mammifères ; en- 
suite, les phénomènes de réaction à linvasion micro- 
bienne peuvent varier avec la température de lexpé: 
rience ; enfin, les espèces cellulaires qui peuvent jouer 
un rôle microbicide sont plus simples. 

C’est ainsi que chez la Perche, par exemple, qui n’a 
dans le sang que deux espèces de leucocytes, une seule 
espèce de ces leucocytes se trouve dans lexsudat du 
point d’inoculation, et c’est naturellement cette espèce 
qui est douée de propriétés phagocytaires. La Perche 
ne contient pas de leucocytes à granulations, et celà est 
important, car MM. Kanthack et Hardy ont essayé de 
prouver que : chez la Grenouille, les microbes ne sont 
englobés par les leucocytes ordinaires qu'après avoir 
été tués par une sécrétion spéciale provenant des leu- 
cocyles à granulations ou éosinophiles. De l'absence 
de ces éléments chez la Perche et chez d’autres Téléos- 
téens, de leur rareté chez les autres Poissons, M. Mesnil 
conelut qu'on ne saurait leur attribuer un rôle dans la 
destruction des bactéries. 

Il démontre, d’ailleurs, que la lymph2 des Poissons 
ne présente ni propriétés bactéricides, ni propriétés 
atténuantes ; il fait cette démonstration in vibro el in 
vivo, certains auteurs ayant tiré du seul examen à 
vitro des conclusions erronées. Les bactéridies char- 
bonneuses, introduites dans le corps d’un poisson, 
sont donc ingérées à l’étal vivant et virulent par les 
leucocytes, dans lesquels on constate leur destruction, 
et c'est bien, grâce au processus phagocytaire, au sens où 
entend M. Metchnikoff, que les Poissons sont réfractaires 
au charbon. Chez la Grenouille, M. Mesnil établit la 
même chose pour le charbon ; pour la septicémie des 
souris, il démontre que M. Lubarsh a admis à tort une 
action chimiotactique et une action phagocytaire 
presque nulles, et que, en réalité, la Grenouille se com- 
porte, vis-à-vis de celle maladie, absolument de la 
même manière que vis-à-vis du charbon. 

Au point de vue de l'action de la chaleur, l'auteur 
reconnaît, après M, Lubarsh, qu'à 35°, les Grenouilles 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


a — 


! meurent de la même facon, qu’elles soient ou non ino- 


culées avec du charbon; les Rana esculenta ne meurent 
pas ; les Rana temporaria meurent au bout d’un temps 
variant de douze heures à quatre jours, à moins qu'on 
les acclimate peu à peu à cette température. Pour cette 
dernière espèce, lorsque la mort survient au bout de 
deux ou trois jours, les phagocytes perdent leur pro- 
priélé phagocytaire au moment de l’agonie avant que 
tous les microbes aient été détruits, et alors les mi- 
crobes encore vivants se développent abondamment 
dans le sang et les organes, car la lymphe des Gre- 
nouilles n’a pas plus de propriétés bactéricides ou 
alténuantes à 35° qu'à la température ordinaire. Ce 
serait une erreur de croire que l'animal a succombé 
au charbon dans cés conditions, parce qu’on trouve à 
son intérieur une culture de charbon généralisée. 

M. Mesnil montre encore, chez la Grenouille, qu’il y a 
ingestion très rapide des microbes inoculés directe- 
ment dans le sang; le paénomène se produit cepen- 
dant moins vite que chezles Mammifères; au contraire, 
l'ingestion est beaucoup plus tardive quand l’inocu- 
lation est faite dans le sac dorsal. M. Gabritchewsky à 
montré, d'ailleurs, que les propriétés chimiotactiques 
des Jleucocytes de la Grenouille sont bien moins puis- 
santes que celles des globules blancs du lapin. 

Les cellules endothéliales du foie jouent un rôle très 
considerable dans la destruction des microbes, tandis 
que la rate n’a, à peu près, aucune action; or les leu- 
cocytes éosinophiles se rencontrent en bien plus 
grande quantité dans la rate que dans le foie, ce qui 
tend à prouver leur peu d'importance à ce point de 
vue. L'auteur établit cependant que ces leucocytes, 
chez la Grenouille et le Lézard, sont doués de chimio- 
taxie positive (moindre que celle des leucocytes ordi- 
naires) et peuvent englober et digérer des microbes 
(au moins en partie). Il n’admet pas le rôle bactéricide 
par sécrétion extracellulaire que leur attribuent 
MM. Kanthack et Hardy. Pour ce qui est de la prove- 
nance des granulations qu’on observe dans ces leuco- 
cytes, M. Mesnil admet absolument leur origine extra- 
cellulaire ; il à vu, avec la plus grande netteté, la 
transformation de microbes ingérés en granulations 
éosinophiles chez les Lacerta viridis, M. Metchnikoff 
avait déjà vu des vibrions devenir éosinophiles après 
ingestion par les phagocytes de cobayes vaccinés contre 
le choléra, L'auteur pense que les granulations éosi- 
nophiles sont des matières de réserve. 

Félix Le Danrec, 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-S° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en cou- 
leurs. 532° livraisons. (Prix de chaque livraison, 1 fr.) 
H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes. 

La 532 livraison renferme une étude sur Ja lin- 
quistique par M. Julien Vinson; la description du lion 
par M. le D'Trouessart; un article sur les fleurs du lis 
dans l'art héraldique par M. Gourdon de Genouillac; 
une monographie de la ville de Lisbonne avec le plan 
et les vues des principaux monuments, due à M. A. 
M. Berthelot; des articles sur le lithium, par M. C. Ma- 
tignon et sur la lithographie, par M. B. Gausseron. 


Beauregard (H.), Assistant au Muséum. — Nos bè- 
tes. Animaux utiles et nuisibles. — Ouvrage pa- 
raissant en livraisons les 5 et 20 de chaque mois. Chaque 
livraison, contenant 8 pages de texte et une planche en 
couleurs, est vendue 90 centimes. A. Colin, éditeur, 
5, rue de Mézières, Paris, 1895. 

Les dernières livraisons parues renferment la des- 
cription de la chouette, du hibou, de la pie-grièche, du 
traquet, de la bergeronnette, du rouge gorge, du gobe- 
mouche, de l'hirondelle, du flamant, etc., du lézard, de 
l'orvet, de la couleuvre, de la grenouille, du crapaud et 
de la salumandre. | 


€ 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


GA 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
n Séance du 17 Juin 1895. 


M. le Président annonce à l’Académie la perte qu'elle 
vient de faire dans la personne de M. Verneuil, mem- 
bre de la Section de Médecine et de Chirurgie.— L’Aca- 
- démie présente, au Ministre de l'instruction publique. 

en première ligne, M. Bouvier: eu seconde ligne, 

M. Brongniart, pour la chaire d’Entomologie vacante 
au Muséum d'Histoire naturelle. — M. Newcomb est 

élu Associé étranger, en remplacement de M. vou Helm- 
… holtz. — M. Backlund est nommé Correspondant dans 
la Section d’Astronomie, en remplacement de M. R. 
Wolf. — M. Kowalewsky est nommé Correspondant 
dans la Section d’Analomie et de Zoologie, en rempla- 
cement de M. Cotteau. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Boussinesq fait 
une communicalion sur la forme nécessairement pen- 
dulaire des déplacements dans la houle de mer, même 
quand on ne néglige plus les termes non linéaires des 
équalions du mouvement. Les lois de Gerstner sont 
donc celles de toute houle cylindrique simple où s'ob- 
serve l’évanouissement asymptotique du mouvement 
aux grandes profondeurs, du moins quand les déplace- 
ments ont d'assez faibles amplitudes. — M. F. Roguel 
soumet au jugement de l'Académie un mémoire inti- 
tulé : Sur quelques relations numériques. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Janssen, par de nou- 
velles observations faites dans le Sahara algérien, a 
vérifié que la loi, suivant laquelle le pouvoir absorbant 
- de l’oxygène pour la lumière s'exerce à l’égard des 
— bandes non résolubles de son spectre, est bien celle 
qu'il avait déjà indiquée, c'est-à-dire que le pouvoir 
—… absorbant du gaz oxygène, relativement à ces bandes, 
est proporlionnel à l'épaisseur de la masse gazeuse 
multipliée par le carré de la densité. — M. Deslandres 


2 
% 
2 
È 
À 
al 
= 
» 


LS. 


à découvert une troisième radiation permanente de 
Patmosphère solaire (À — 706,55) dans le spectre du 
— Laz de laclévéite, —M. C. Lagrange a fait, pendant les 
T4 trois dernières années, à l'Observatoire de Bruxelles, 
. des observations comparées de déclinomètres à mo- 
ments magnétiques différents. Les différences de décli- 

- naison qui se présententontun caractère systématique; 
on retrouve, modifiées en amplitude, les mêmes ondu- 

—… lations; mais, ce qui est remarquable, ces ondulations 
sont amplifiées par la diminution (dans certaines li- 
— mites) du magnétisme des appareils. — M. Berthelot, 
“ en poursuivant ses recherches sur l’argon, à élé con- 
duit à reconnaitre la combinaison directe, en présence 
du mercure et sous l'influence d’effluve ou d’étincelles 
… électriques, de l'azote libre avec les éléments du sul- 
h fure de carbone. On à probablement : 


2CS2 + 2Az + Hg — (CS? Az)? He 


— M. Berthelot a également, dans les mêmes conditions, 
constaté la combinaison de l’argon avec le sulfure de 
— carbone. Le produit obtenu, soumis à l'action de la 
chaleur, s’est décomposé en ses éléments. Cette expé- 
rience capitale démontre que l’argon peut entrer dans 
une combinaison et en être régénéré avec ses pro- 
…. priétés initiales. — M. H. Moissan est parvenu à pré- 
— parer le molybéène pur. Il chauffe dans un four Perrot 
du molybdate d'ammonium pur, réduit en poudre, qui 
se transforme alors en oxyde Mo0?; cet oxyde, addi- 
tionné de charbon de sucre en poudre, et soumis pen- 
…_ dant 6 minutes à l’action calorifique de l’are vollaïque, 
—… donne le molybdène pur. Si l'opération dure plus long- 
temps, il se produit une fonte de molybdène, très dure 
et cassante ; s’il y a un excès de charbon, il se forme 


_ À ee 
Du ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES 


JE DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


un carbure de molybdène Mo?C. Le molybdène, à l’état 
pur, a une densité de 9,01; il est aussi malléable que 
le fer; il brûle dans l'oxygène pur; il est attaqué par le 
chlorate et le nitrate de potassium en fusion. — M. A. 
Haller a étudié l’action de l’isocyanate de phénile sur 
les acides campholique, carboxyleampholique et phta- 
liques. Le premier se comporte comme les acides mo. 
nocarboxylés; avec le second on obtient une dianilide- 
L'acide isophtalique fournit aussi une dianilide; l’acide 
téréphtalique ne réagit pas. —M. Recoura a démontré 
l'existence de deux variétés d'hydrate chromique diffé- 
rant entre elles par leur capacité de saturation par les 
acides ; l’une, l’hydrate chromique normal, peut fixer 
six molécules d'acide chlorhydrique; l’autre, l'hydrate 
chromique précipité des dissolutions vertes, n’en fixe 
que quatre; or; le fait de dissoudre lhydrate chro- 
mique dans une lessive alcaline a pour elfet de dimi- 
nuer sa capacité de saturation par les acides, et cela 
d'autant plus que la dissolution a été plus prolongée. 
— M. Tassilly a préparé de nouvelles combinaisons 
halogénées basiques des métaux alcalino-terreux : un 
oxybromure de strontium, SrBr?,Sr0,9H20; un oxyio- 
dure de strontium, 2Srl2,5Sr0,30H20 ; un oxybromure 
de baryum, BaBr? Ba0,5H°0 ; un oxyiodure de baryum, 
BaJ?,Ba0,94,0.— MM. A. Joly et E. Leidié ont pré- 
paré l’azotite double de potassium et d'iridium et l'ont 
décomposé par la chaleur; la réaction peut s'exprimer 
par la formule : 


3{Ir2(Az02?)l2Kt] — (Ir0)505(OK?) 
+ SAZO?K Æ SAZOSK + 19A70 —Æ A7, 


A une fempérature un peu élevée, on oblient le sel 
121r0?,K°?0, — M. L. A. Hallopeau, eu versant goutte 
à goutte de l’'ammoniaque en excès dans une solution 
froide et concentrée de paratungstate de soude : 


12TuO%, 5Na20 + 28H20, 


a obtenu un abondant précipité cristallisé de tungstate 


. ammoniaco-sodique : 


16 Tu 0®, 3Na° 0, 3(AzHi2 0 L2H20; 


les eaux-mères laissent, par concentration, déposer un 
second précipité de paratungstate ammoniaco-sodique : 


12 Tu 03, 4Na° O, (AzH1)2 0 L25120. 


MY. Ph. A. Guye et À. P. do Amaral ont étudié le 
pouvoir rotatoire de quelques dérivés amyliques à 
l’état liquide et à l’état de vapeur. A l’état liquide, le 
pouvoir rotatoire diminue en général avec l'élévation 
de température. Les corps non polymérisés à l'état 
liquide ont des pouvoirs rotatoires un peu plus faibles 
à l’élat gazeux qu’à l’état liquide, à l'exception de Pal- 
déhyde valérique. Les corps à molécules polymérisées 
ont à peu près le même pouvoir sous les deux états. — 
M. J. W. Pickering confirme les expériences de 
M. Grimaux relatives à la synthèse de trois colloïdes, à 
leur propriété de coaguler le sang et à leur digestibi- 
lité. — M, Ch. V. Zenger signale de nouveau la coiïnci- 
dence des perturbations magnétiques avec de forts mou- 
vements sismiques. C. MATIGNON. 

3° SGIENCES NATURELLES. — M. Crotte adresse une note 
relative à l'emploi de l’aldéhyde formique pour la 
guérison de la phtisie, — M, de Launay signale un 
nouveau gisement de cipolin dans les terrains archéens 
du Plateau central. — MM. Kilian et Penck, dans une 
étude sur les dépôts glaciaires et fluvio-glaciaires du 
bassin de la Durance, montrent qu'une série de trois 
glaciations est intervenue dans ce bassin. — M. Haug 


montre la coexistence, dans le bassin de la Durance, de 
deux systèmes de plis conjugués d'âge différent. — 
M. Nolan étudie le Jurassique et le Crétacé des îles 
Baléares. — MM. Revil et Douxami fournissent des 
documents sur le Miocène de la vallée de Novalaise. — 
M. Dastre, dans ses recherches sur le sucre et le glyco- 
uène de la lymphe, montre que celle-ci contient une 
quantité appréciable de glycogène, que ce dernier est 
détruit par la lymphe, en moins de 24 heures, par un 
ferment (lymphodiastase) et que le glycogène paraît 
entièrement fixé sur les éléments figurés et absent du 
plasma liquide, —M .Lecercle montre les modifications 
de la chaleurrayonnée par la peau sous l'influence des 


courants continus, — M. Charles Henry démontre, à 
l'aide d'un nouveau pupillomètre, l'action directe de la 
lumière sur l'iris. — M. Delbet fait la démonstration 


complète de la nature infectieuse du lymphadénome à 
l’aide de la reproduction expérimentale par l'inocula- 
tion de cultures pures d’un bacille particulier. — 
M. Gibier a pratiqué la sérothérapie dans le cancer, — 
M. Venukoff envoie la description de l'ile de Kildine et 
de ses particularités hydrologiques. J. MARTIN. 


Séance du 24 Juin 1895. 


M. Fuchs est nommé Correspondant dans la Section 
de Géométrie en remplacement de M. Weierstrass. — 
M. Nansen est nommé Correspondant dans la Section 
de Géographie et Navigation, en remplacement de 
M. Nordenskiüld. — M. Laveran est nommé Gorres- 
pondant dans la Section de Médecine et de Chirurgie, en 
remplacement de M. Hannover. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Martinet adresse 
les énoncés et la démonstration de plusieurs théorèmes 
relatifs à la théorie des nombres. — M. J. Boussinesq 


présente un travail dont le but est de déterminer, 
pour le cas particulièrement intéressant d’une houle 
de haute mer, les variations de la demi-hauteur H des 
vagues avec leur distance à la région où elles naissent 
par l’effet, soit de coups de vent, soit d’impulsions pé- 
riodiques quelconques, et en outre de montrer comment 
l'agitation confuse, due à un mélange de houles de di- 
verses longueurs produites en un même lieu, se simpli- 
fie dans les régions assez éloisnées de ce lieu, par le 
fait de la longévité ou grande persistance de la plus 
longue des houles données, comparativement aux 
autres, et de l'extinelion relativement très rapide de 
toutes celles-ci. — M. Ludwig Schlesinger commu 
nique une note sur l'intégration des équations 
linéaires à l'aide des intégrales définies. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Maneuvrier a rèpris 
la délerminalion du rapport des deux chaleurs spéci- 
fiques de l'air par la méthode de Clément et Desormes, 
modifiée de facon à maintenir la constance de la tem- 
pérature et de la pression ambiantes el à réaliser exac- 
tement l’adiabatisme de la transformation. Les calculs 
sont faits pour des gaz réels et non pour des gaz par- 
faits, L'auteur donne la descriplion de l'appareil utilisé 
dans le cas des trois gaz : air, acide carbonique et 
hydrogène. — MM. J. Violle et Vautier ont fait de 
nouvelles expériences sur la propagation du son dans 
un tuyau cylindrique de 3 mètres de diamètre et de 
3 kilomètres de longueur, Le son conserve ses qualités 
acoustiques à de grandes distances, c’est-à-dire sa por- 
tée. Les harmoniques s’éteignent avant le son fonda- 
mental êt se séparent nettement de ce son; il en re- 
sulte que le son acquiert, après un cerlain parcours, un 
caractère musical spécial. — M. Adolphe Borel à élu- 
dié la réfraction et la dispersion des radiations ultra- 
violetles dans quelques substances cristallisées mono- 
réfringentes : le sel zemme, le chlorate desoude, Palun 
sulfurique d’alumine et de potasse. — M. Faurie à 
défini autrefois l'écrouissage par la différenceF—R don- 
née par l’équalion : 


L + al 


où Rest Ja force par mm ?de la section primitive par la- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


quelle commencent les déformations permanentes, F 
la force par mm? de la section actuelle qui produit sur 
la longueur L du barreau de preuve l'allongement per- 
manent {, et enfin K et « deux constantes dépendant. 
de la nature et de l’état du métal. L'auteur est arrivé 
depuis à la conclusion importante, que K était propor- 
tionnel à «, ce qui fournit la formule nouvelle : ! 
F_R= y CHERS 
er 
[2 


M. Ch. Fremont a fait l'étude expérimentale du poin- 
connage; ses conclusions sont les suivantes : {° l'effort 
maximum dans le poinconnage est indépendant du jeu 
dans les conditions habituelles de la pratique indus 


trielles ; 2° le jeu est fonction de l'épaisseur du métal à. 


poinçonner et non pas du diamètre du poincon; 3° ce 
jeu est aussi fonction de l'allongement du métal, mais 
en moindre proportion; 4° ce jeu doit être environ 1/5 
de l'épaisseur du métal à poinconner. — M. Berthelot 
a étudié d’une facon plus approfondie les conditions de 
la combinaison de l’argon avec la benzine sous l'in- 
fluence de l’effluve électrique et celle de la fluores- 
cence spéciale qui l'accompagne. La combinaison s'ac- 
complit avec le concours du mercure qui y intervient 
sous forme de composé volatil. La fluorescence actuelle 
n’est pas la même que celle de l'aurore boréale, cepen- 
dant son développement et le rapprochement des raies 
qui précèdent établissent une relation probable entre 
le météore et l'existence de l’argon dans l'atmosphère. 
Il se produit dans la réaction un équilibre complexe 
entre les composants. — MM. Berthelot et Rivals ont 
déterminé la chaleur de combustion des lactones ou 
olides campholéniques de M. Béhal. Ces lactones ont 
des chaleurs de formation notablement plus fortes que 


celles des acides isomères. — M. Berthelot a mesuré 
les chaleurs de dissolution et de neutralisation des 


acides campholéniques. — M. Henri Moissan établit 
que, sous l’action de l'arc électrique, la silice est réduite 
par le charbon et fournit du silicium, et si la tempéra- 
rature n’est pas trop élevée, une partie du silicium 
peut échapper à l’action du carbone el se retrouver 
sous forme de globules ou de cristaux fondus. La 
vapeur de silicium refroidie au moment de sa produc- 
tion peut se condenser. On à ainsi un nouveau procédé 
de préparation du silicium. — M. C. Friedel fait quel- 
ques réserves sur les conclusions de MM. Barbier et 
Bouvexult relatives aux produits de condensation de 
l'aldéhyde valérique sous l’action de la soude étendue 
soit aqueuse, soit alcoolique. — MM. Villard et Jarry 
ont déterminé le point de fusion et les propriétés op- 
tiques de l'acide carbonique solide. La vapeur émise 
par la neige carbonique possède, à —79°, une force 
élastique égale à la pression atmosphérique. Contrai- 
rement à ce qui à été affirmé, l'éther mélangé à la 
neige carbonique n’en abaisse pas la température. 
Sous un vide de 5 mm. de mercure, le thermomètre, 
plongé dans la neize, descend jusqu'à —125°, ce qui 
permet de liquéfier l'oxygène. — M. A. Colson persiste 
à penser que non seulement la formule de Guye, don- 
nant le pouvoir rotatoire, n’est pas fondée, mais que le 
sens de ce pouvoir ne sera pas indiqué d’une façon 
satisfaisante par une formule basée uniquement sur 
des hypothèses chimiques. — MM. G. Bouchardat et 
Tardy ont étudié les dérivés d'un térébenthène droit, 
l'eacalyptène, contenu dans l'essence d’Eucalyptus glo- 
bulus. Les auteurs concluent qu'il sera peut-être pos- 
sible d'établir que les carbures extraits de divers téré- 
benthènes naturels ne sont que des mélanges de deux 
térébenthènes actifs, droit et gauche, se rencontrant 
souvent en proportion variable, — MM. Ph. Barbier et 
L. Bouveault donnent la préparation de deux acétones 
obtenues dans la condensation d’aldéhydes à une liai- 
son éthylénique avec la diméthyleétone; les acétones 
formées avec l’acétone et la méthylacroléine d’une. 
part, la isopropyl-6-isobulylacroléine d'autre part, 


-  ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 643 


sé transforment par voie de déshydratation en deux 
ydrocarbures aromatiques, le pseudocumène et méta- 
sopropyleymène. — M. G. Perrier a pu obtenir trois 
üombinaisons différentes formées par le chlorure 
d'aluminium avec chaque nitrile appartenant, soit à la 
série grasse, soit à la série aromatique. La composi- 
tion du produit obtenu dépend dans chaque cas des 
conditions de l'expérience. Les expériences sont moins 
nettes avec le cyanogène qu'avec les autres nitriles. 
— M. V. Martinaud a étudié l’action de l’air sur le 

oùt de raisin à l’abri de toute fermentation; il for- 
mule ainsi ses conclusions : 1° De fous les éléments du 
moùût, le plus oxydable est la matière colorante rouge 
oluble. 2 Dans les raisins du type du Petit-Bouschet, 
ilexiste une matière colorante oxydable par l'air, etune 
ui l’est moins ou pas du tout et qui n'empêche pas l’ac- 
“tionde l'air de se poursuivre sur les autres éléments du 
—… moût. 3° Le bouquet du vin est non seulement dù aux bou- 
quets qui existent tout formés dans le raisin, à ceux 
léveloppés pendant la fermentation, mais aussi, pour 
quelques variétés, à l’oxydation des éléments contenus 
- dans le moût. 4° La coloration des vins blancs et leur 
- goût de madère sont dus à une oxydation du moût et 
ne proviennent pas de la fermentation. 5° Il est pos- 
sible de préparer des vins blancs avec des raisins noirs 


en extrayant la totalité du liquide qu'ils peuvent. 


donner et soumettant celui-ci aux opérations suivantes 
avant de faire fermenter : refroidissement et arrêter 
les fermentalions, aération pour précipiter la matière 
colorante et enfin filtration du liquide pour empêcher 
. une recoloration pendant la fermentation. — M. Bai- 
- Jand établit que le blé se conserve longtemps avec ses 
qualités sans éprouver de modificationssensibles dans 
sa composition chimique; la farine au contraire se 
modifie rapidement. Il y aurait intérêt à augmenter 
considérablement les approvisionnements de blé desti- 
. nés auxarmées deterre et de meret à diminuer d'autant 
… lesréserves en farines. — M, Kilian communique les 
… observations sismiques faites à Grenoble le 14 avril 1895, 
“ainsi que les expériences entreprises pour s'assurer de 
a valeur de ces observations. — M. Fouqué ajoute 
quelques remarques sur les observations de M. Kilian. 
— MM. André Delebecque et Alexandre Le Royer 
font déterminé la quantité de gaz dissous au fond du lac 
“de Genève. La quantité de gaz dissous dans l’eau du 
ac est indépendante de la pression de cette eau; elle 
“tend à être légèrement plus grande dans les profon- 
deurs qu’à la surface à cause de l’abaissement de tem- 
mpérature. — M. A. Poincaré conclut de l'examen des 
übservations météorologiques faites en 1883 que le 
déplacement des points de rupture de la ceinture des 
- calmes, dans la distribution des pressions entre les 
méridiens de la zone de 10° à 30° de latitude, est sous 
… la dépendance de la révolution diurne et de la révolu- 
tion syuodique de la lune. Les effets de passage au 
… périgée et à l'apogée varient beaucoup avec la situation 
“et la marche de la trace de la lune. C. MATIGNON. 
—._ 1° SCIENCES NATURELLES. — M. Vayssière meten relief 
le dimorphisme sexuel des Nautiles par l’examen d’un 
certain nombre de coquilles ; on constate que l’ouver- 
“ture est large, arrondie chez les mâles etcomprimée chez 
—… les femelles; le dernier tour de la coquille est plus 
— renflé chez les mâles, — M. Charles Henry étudie les 
variations de l'éclat apparent avec la distance et la loi 
- deces variations en fonctionde l'intensité lumineuse. — 
-M. Calmette, dans une note au sujet du traitement des 
-morsures de serpents venimeux par le chlorure de 
chaux et par le sérum antivenimeux, réfute un certain 
nombre d'opinions prêtées à l’auteur par MM. Phisa- 
—….lix et Bertrand. Il fournit quelques données montrant 
«l'utilité pratique du chlorure de chaux pour détruire 
- le venin, J. MaRHIN. 


Séance du 1% Juillet 1895. 


M. le Président annonce à l’Académie la perte qu'elle 
“ient de faire dans la personne de M. Huxley, corres- 
pondant pour la Section d’Anatomie et de Zoologie. — 


MM. Schwarz, Muller et Engelmann, sont élus Cor- 
respondants dans les Sections de Géométrie, Botanique 
et Médecine, en remplacement de MM. Neumann, 
Pringsheim et Carl Ludwig. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Emile Picard, qui 
a démontré antérieurement qu'une équation linéaire 
aux dérivées partielles du second ordre, et à deux va- 
riables indépendantes, dont les coeflicients sont des 
fonctions analytiques des deux variables réelles x et y, 
a toutes ses intégrales analytiques dans une région du 
plan (x, y) où les caractéristiques sont imaginaires, 
généralise cette proposition en considérant une équa- 
tion aux dérivées partielles d'ordre quelconque, le 
nombre des variables étant toujours égal à deux, — 
M. J. Boussinesq, continuant l’étude de la formation 
de la houle de mer, donne les lois d'extinction d'une 
houle simple en haute mer. Le coefficient d'extinction 
(avec la distance) d’une houle simple est inversement 
proportionnel à la cinquième puissance de sa demi- 


#9 x . 5 
ériode ou à là puissance + de la longueur de ses va- 
= : 


gues. — M. Cosserat énonce la propriété suivante : 
Les surfaces pour lesquelles le problème de la re- 
cherche des courbes tracées sur une surface, et dont la 
sphère osculatrice est tangente en chaque point à la 
surface, admet une intégrale entière homogène du 
premier degré, sont celles pour lesquelles toutes les 
lignes de courbure sont des cercles géodésiques; la 
cyclide de Dupin et les surfaces, telles que le tore, dans 
lesquelles elle peut dégénérer, sont les surfaces pour 
lesquelles ilexiste une infinité de pareilles intégrales. — 
M. Etienne Delassus démontre plusieurs propositions 
concernant les équations linéaires aux dérivées par- 
tielles, et en déduit les théorèmes suivants 1° Toute 
singularité d'une équation F — 0, distincte de ses sin- 
gularités fixes et située dans une région où F a ses 
caractéristiques réelles, est de première catégorie. 
2° Dans une région où toutes les caractéristiques sont 
imaginaires, les singularités mobiles des intégrales 
analytiques ont lieu le long de lignes quelconques, et 
sont forcément de seconde catégorie. — M. Alf. Guld- 
berg fait quelques remarques concernant les fonetions 
qui possèdent la même propriété que le mulliplicateur 
d'Euler, utilisé pour l'intégration des équations diffé- 
rentielles ordinaires, et qui permettent de transformer 
l'équation différentielle donnée en une équation aux 
différentielles totales complètement intégrable. — 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Schrader donne la des- 
cription d’un nouvel instrument (tachéographe) servant 
au tracé et au levé direct du terrain, sans aucune 
construction, par le seul fait de la transformalion mé- 
canique de chaque visée en ses deux coordonnées, 
horizontale et verticale. Les résultats obtenus indi- 
quent un degré de précision supérieur à celui qu'on 
demande généralement à ce genre d'appareils; l'erreur 


d'estime varie entre a etre de la distance. — M. Fréd, 
4000 


Hesselgren soumet un mémoire sur une gamme mu- 
sicale à sons fixes basée sur la vraie gamme natu- 
relle, — MM. Lœwy et Puiseux font une longue 
communication sur les photographies de la lune prises 
à l'aide du grand équatorial et amplifiées par M. Wei- 
nek ; ils insistent beaucoup sur les procédés à suivre 
pour tirer des clichés photographiques des conclusions 
à l'abri de toute critique. Un seul cliché, pris le 
14 mars, donne 67 cratères nouveaux non douteux. — 
MM. J. Violle et Th. Vauthier énoncent quelques-uns 
des résultats obtenus dans leur étude sur la propaga- 
tion du son dans un tuyau cylindrique de 3 mètres de 
diamètre. Les sons fondamentaux présentent des dif- 
férences considérables quant à la longueur du trajet 
au bout duquel ils cessent d’être perceptibles à l'oreille. 
La portée des sons fournis par les instruments usuels 
diminue notablement des notes graves aux notes éle- 
vées. Dans tous les cas, l’altération du timbre précède 
l'extinction du son. A partir d’un certain trajet, un 
train d'onde perd son caractère musical; la destruction 
est d'autant plus rapide que le son est plus aigu el 


a. 


> 
Æ 
= 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


plus intense. — M. Gouy établit que les forces appa- 
rentes qui s’exercent entre des conducteurs de charges 
données, dans un diélectrique liquide, résultent : 1° de 
leurs attractions et répulsions mutuelles, qui sont les 
mêmes que dans le vide; 2° de la pression hydrosta- 
tique, produite par la force qui attire la diélectrique 
dans le sens où l'intensité du champ s’accroit le plus 
vite, Cette pression hydrostatique parait jouer un rôle 
essentiel dans certains phénomènes tels que la con- 
traction électrique des gaz, ou la tension maximum 
des vapeurs dans le champ électrique. — M. Bordier 
donne une nouvelle méthode de mesure des capacités 
électriques basée sur la sensibilité de la peau. — 
M. Louis Bruner a comparé directement les soluhilités 
de l’hyposulfite de soude solide et surfondu dans l’al- 
cool plus ou moins étendu, et reconnu que la solubilité 
du sel surfondu est régulièrement plus grande que la 
solubilité du corps solide, comme la théorie le prévoit, 
Le même auteur a déterminé la chaleur spécifique 
des sels surfondus; la courbe des chaleurs spéci- 
liques présente, au voisinage du point de fusion, un 
maximum très sensible. — M, Ad. Carnot expose un 
nouveau procédé de dosage de petites quantités d’ar- 
senic. La méthode consiste à précipiter l’arsenic à 
l’état de sulfure, puis à transformer celui-ci par l'am- 
moniaque, le nitrate d'argent et l’eau oxygénée en 
acide arsénique, qui est lui-même dosé ensuite sous 
forme d’arséniate de bismuth, composé bien insoluble 
dans l’acide azotique étendu et dont le poids est près 
de cinq fois égal à celui de l'élément à doser. Les écarts 
sont inférieurs à 0mg.05. —M. Dehérain a étudié les 
quantités d’air et d'eau contenues dans les molles de 
terre, dans le but de reconnaitre les causes auxquelles 
il faut attribuer la nitrification excessive des terres 
bien pulvérisées, Pour une même terre, la somme de 
l’eau et de lair reste constante, mais celte somme 
varie d’une terre à l’autre. Pour que la nitrification 
s'établisse, l’air et l’eau sont nécessaires ; il faut que la 
terre soit humide et aérée, et comme les deux élé- 
ments air et eau varient en sens inverse, il n’y à pour 
la terre en mottes qu'un temps très court pendant le- 
quel l’air et l'eau se trouvent en proportions favorables. 
— M. A. Haller a reconnu que le benzylidène-camphre, 
le benzylcamphre, comme le camphre lui-même, ne se 
prèlent pas à la substitution de groupements nitrés 
dans le noyau benzénique. L'action de l’acide azotique 
et du permanganate de potasse sur ces composés leur 
fait subir une rupture au point d'attache du radical 
aromatique, et les deux noyaux se comportent alors 
dans le milieu oxydant comme s'ils étaient libres, — 
M. L.-A. Hallopeau donne le moyen d'obtenir com- 
modément des solutions d'acide paratungstique nrésen- 
tant toutes les réactions connues des paratungslates et 
setransformant en acide métatungstique sous l'influence 
de l’ébullition, de la même facon que les paralungstates 
se transforment en métatungstates. La simple concen- 
tration de lacide le dédouble en acide tungstique et 
eau, -- M. Henri Lasne donne un nouveau procédé 
de dosage de l’alumine dans les phosphates, à la fois 
commode et précis. Il repose sur la propriété que pos- 
sède la soude de dissoudre l’alumine en présence d’un 
excès d'acide phosphorique ; toutes les bases qui l’ac- 
compagnent habituellement : chaux, magnésie, fer, 
manganèse, sont, dans ces conditions, entièrement 
précipitées soit à l’état de phosphates, soit à l'état de 
sesquioxydes. L'acide phosphorique doit être employé 
en excès. — M. de Forcrand a préparé l’amidure de 
sodium dans le but d’en faire l’étude thermique, Il 
signale quelques propriétés nouvelles de ce corps : 


Az H5 + Na sol. = Hgaz + Az H?Na sol. + 20084. 


On arrive aussi à la relation : 
AzH° sol, + H gaz = AzHi sol, — 16eut 


qui permet de ne pas désespérer de trouver des con- 
ditions favorables pour réaliser la réaction, — M. J. 
Cavalier a préparé les éthers phosphoriques de lal- 


toxique de la digitale et des digitalines, — M. Gréhant 


cool allylique par l'action directe de l’anhydride phos- 
phorique sur lalcool dilué dans Péther. L’éther dia- 
cide PO'C#HSH? donne deux séries de sels, des sels 
neutres POÏC3#H5M? et des sels acides PO*C*H5HM dont 
l’auteur donne la description et les propriétés. — 
M.:J. Guinchant donne la préparation et la conduc- 
tibilité de nouveaux éthers cyanométhiniques. La con- 
ductibilité va en décroissant à mesure que le poids 
moléculaire s'élève, — M, Michel Lévy a vérifié que 
la loi de Tschermak relative aux plagioclases ne s’ap- 
plique pas rigoureusement au point de vue optique : 
légal éclairement total ne se produit pas rigoureuse- 
ment quand on examine des plagioclases présentant 
de grandes variations de composition ; néanmoins les 
anomalies, importantes au point de vue théorique, 
confirment que la loi s'applique avec une approxima- 
tion suffisante aux propriétés optiques des feldspaths 
intermédiaires, l’auteur donne un nouveau procédé 
d'orientation et de diagnostic des feldspaths en plaque 
mince, C. MATIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES,— M,Ad. Chatin fait connaitre 
de nouvelles espèces de truffes (Terfas) du Maroc et de 
la Sardaigne, — M. Chauveau fait la comparaison de 
l'échauffement qu'éprouvent les museles dans les cas 
de travail positif et de travail négatif. De nombreuses 
expériences, il ressort que le travail négalif (mouve- 
ment de descente) produit un moindre échauffement 
que le travail positif (mouvement de montée). 

J, MARTIN. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du ? Juillet 1895. 


M. Ferrand est élu membre titulaire dans la IV° sec- 
tion (Thérapeutique et Histoire nalurelle médicale). — 
M. Dieulafoy communique cinq nouvelles observations 
d’angines diphtériques à forme herpétique; il insiste 
sur la nécessité de la création de laboratoires d'examen 
bactériologique et émet le vœu que les études bactério- 
logiques prennent à l'avenir une place plus importante 
dans les Facultés de Médecine et Ecoles de Pharmacie. 
— M.C. A. François-Franck expose le résultat de 
ses recherches expérimentales et critiques sur l’action 
cardiaque de la digitale et des digitalines, Il montre 
d’abord l’évolution des effets produits sur le cœur par 
la digitale aux doses physiologiques et aux doses 
toxiques jusqu'à la mort du cœur, Il recherche ensuite 
le mécanisme de ces effets et trouve que la digitale agit 
en même temps sur l'élément musculaire et sur les 
éléments nerveux. Enfin, l’auteur compare Pactivité 


lit un mémoire sur les injections à doses fortes d'alcool 
éthylique et de glycose dans le sang veineux, — M. le 
D' Soulier rapporte un cas d’exostoses ostéogéniques 
ou de croissance, considéré à tort comme un cas de 
myosile progressive ossifiante. 


Séance du 9 Juillet 1895. 


M. Reclus est élu membre titulaire dans la V* Sec- 
tion (Médecine opératoire). — M. Hervieux lit le Rap- 
portde l’Académie au Ministre de l’Instruetion publique 
sur la vaccination en France; il demande fa gratuité 
complète des vaccinations et l'augmentation du nombre 
des inspecteurs — M. Panas fait un rapport sur un 
travail du D' F, Lagrange (de Bordeaux) relatif à 
l’électrolyse dans le traitement des rétrécissements des 
voies lacrymales. — M. Panas fait un rapport sur un 
travail du D' Darier relatif à un procédé d’autopha- 
koscopie applicable à l’étude du développement de la 
cataracte, — La discussion sur la prophylaxie de Pal- 
coolisme continue, M. Motet montre le développement 
de plus en plus considérable de la criminalité d’origine 
alcoolique, Il pense que, dans la lutte contre l’alcoo- 
lisme, on doit non seulement chercher à réprimer le 
mal, mais aussi à le prévenir en s'adressant aux enfants 
et en leur montrant les conséquences funestes de ce 
vice.— M, Daremberg pose les conclusions suivantes: 


CP 


CE QE AE no RAT ASS PAG AR 


» 
4 


Le ‘ravages de l'alcool ayant deux origines : 1° l'alcool, 
2 les impuretés de l'alcool, il importe donc : dé faire 
“diminuer la consommation de l’alcool; de fixer un 
maximum d’impuretés (pour les alcools, vins, eaax-de- 
vie, liqueurs), au-dessus duquel la consommation sera 
interdite. PNR 

Roc SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 

{ Séance du 29 Juin 1895. 


MM.Bar et Rénon ont constaté la présence du 
acille de Koch dans le sang de la veine ombilicale de 
tus humains issus de mères tuberculeuses. — 
M. Meyer, après avoir inoculé à des lapins plusieurs 
xirus, surtout celui du bacille pyocyanique, leur a in- 
“jecté des sérums de provenances diverses ; les uns, pro- 
enant d'animaux immunisés contre d’autres microbes, 
etardent la marche de l'infection; les autres, recueillis 
éz des malades et provenant soit d’épanchements, 
it de la circulation d’urémiques, rendent l'affection 
plus prompte et plus grave. — M. Raïchline a observé 
près la contracture, la réapparition des réflexes ten- 
-dineux chez un tabétique hémiplégique. — M. Gaube 
à étudié la minéralisation du lait, — M. Boiret a ob- 
servé que l’ablation des capsules vraies et accessoires 
chez un rat d’égout lui permet cependant de résister 
à un surmenage considérable. — MM. Langlois et 
Athanasiu communiquentleurs recherches sur l’action 
physiologique des sels de cadmium. — M. d’Arsonval 
a constaté que l’ozone n’avait pas les proprietés micro- 
- bicides qui lui ont été attribuées. - 
Séance du 6 Juillet 1895. 


MM. Déjerine et Mirallié décrivent des altérations 
… de Ja lecture mentale chez les aphasiques moteurs cor- 

ticaux. — MM. Thomas et Roux communiquent éga- 

lement leurs recherches sur les troubles latents de la 

- lecture mentale chez les aphasiques moteurs corlicaux, 
— — MM. Charrin et Ostrowsky ont étudié un bacille 
“qui produit le brunissement de la vigne et qui est, en 

mème temps, pathogène pour le règne animal. — 
M. Boinet (de Marseille) a essayé le traitement de la 
berculose humaine par le sérum dechèvres inoculées 
© la tuberculine. Les résultats sont bons dans la 
berculose lente apyrétique; nuls dans la tuberculose 
à la troisième période ; l'injection aggrave la maladie 
dans le cas de tuberculose aiguë. — M. Gley a fait 
“quelques expériences pour provoquer le sommeil chez 
les grenouilles. — MM. Tissot et Contejean font une 
communication sur la persistance, après l'isolement 
de la moelle, des modifications apportés dans le fonc- 
“tionnement de cet organe par un traumatisme expéri- 
mental de l'écorce cérébrale, — M. Mislawsky expose 
-ses recherches sur les modifications histologiques des 
…_ “landes salivaires pendant la salivation. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 7 Juin 1895. 


M. Arnoux présente les nouveaux voltmètres et am- 
—péremètres qu'il a étudiés avec la collaboration de 
“M. Chauvin. Il expose les qualités par lesquelles ces 
nouveaux modèles se distinguent des appareils ana- 
…logues. L'équipage est formé d’un cadre placé dans un 
“champ magnélique. Ge dispositif est préférable à celui 
d'une palette de fer doux, mobile entre les mächoires 
“d'un aimant. Il donne plus de sensibilité et l’élalonne- 
ment est plus durable. Le.champ est produit par 
un aimant d'un seul morceau, et sans pièces polaires 
apportées. Cette forme d’aimant élimine les réactions 
mutuelles qui s’exercent entre les divers éléments des 
“aimants feuilletés et est la meilleure pour obtenir un 
champ magnétique bien permanent et intense, Le cadre 
mobile est formé d’une bobine dont les deux extrémités 
aboutissent à deux bagues de cuivre qui servent à 
donner de la solidité au système et à amortir les 
“oscillations, grâce aux courants de Foucault. On obtient 
ainsi un mouvement de l’aiguille sensiblement apério- 
dique, On ferme le circuit magnétique en intercalant 


(1 
Le 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


645 


à l'intérieur de la bobine une bille d'acier. Le couran 
est amené par deux ressorts spiraux bañdés en sens 
contraire, afin d'assurer au repos la fixité de l'aiguille 
au zéro. Ces appareils sont disposés pour se prêter à 
toutes les exigences industrielles. Îls permettent de 
mesurer des différences de potentiel et des intensités 
qui peuvent varier de 1 à 3000. À cause de leur sensi- 
bilité, on ne peut les faire traverser par un courant su- 
périeur à 0,005 ampère ; aussi intercale-t-on des résis- 
fances étalonnées, et constituées par du fil à faible 
coefficient de température. Ainsi le cadre d’un voltmètre 
ayant une résistance de 75 ohms, on doit, pour mesurer 
une différence de potentiel maxima de 150 volts, inter- 
caler en série une résistance de 29.925 ohms, On peut 
très nettement subdiviser l'angle d'écart en 150 divi- 
sions pour obtenir une échelle en volts. Les différentes 
résistances correspondant aux différentes sensibilités 
sont logées dans la boîte même du voltmètre qui, ce- 
pendant, ne dépasse pas 15°® sur 5m, Les ampèremètres 
ont un cadre mobile d'une résistance dix fois plus 
faible. Ils doivent être shuntés, mais les shunts peuvent 
être très courts et très portatifs. Tous les shunts portent 
l'indication de leur résistance propre en microhms et 
de l'intensité maxima pour laquelle ils sont construits. 
Leur étalonnage, effectué à l’aide d’un pont double de 
Thomson que M. Arnoux présente aussi à la Société, 
permet de les rendre interchangeables, c’est-à-dire 
qu’on peut effectuer des mesures exactes en reliant un 
shunt quelconque à un ampèremètre quelconque du 
système Arnoux. Pour cela la résistance du circuit de 
chaque ampèremètre est réglée pour que l'aiguille 
donne la déviation maxima de son échelle pour 
une différence de potentiel invariable de 0,04 volt, 
et on règle la résistance de chaque shunt, de facon 
qu'elle soit égale au quotient de 0,04 volt par le cou- 
rant maximum poinconné sur la plaque du shunt. Il 
est entendu que l’emploi des shunts, dont la capacité 
maxima poinconnée sur la plaque est un multiple ou 
un sous-mulhple simple du chiffre maximum de la 
craduation de J’ampèremètre, est cependant préfé- 
rable aux autres, car on s’évite par là tout calcul. 
En terminant, M. Arnoux signale les inconvénients de 
l'emploi d'éléments Daniell pour effectuer les gradua- 
tions. Ils ne restent constants qu’à la condition de ne 
pas être choqués. Il est bien préférable de leur substi- 
tuer simplement de grands éléments Leclanché, à 


> : AE A 1 
condition de leur faire débiter très peu, 


d’ampère. 
Ces éléments restent constant à plus de ne — M. Pel- 


lat est de l’avis de M. Arnoux sur l'élément Daniell: 
A son avis, un instrument excellent, c’est l'accumula- 
teur. Il a une force électromotrice remarquablement 
constante, surtout dans le cas de faibles débits. — 
M. Moëssard étudie le moyen d'obtenir des projections 
stéréoscopiques. Lorsqu'on projette à la fois les deux 
images sur un écran, il faut, pour obtenir la sensation 
du relief, que chaque œil n’apercoive que l’épreuve 
prise du point de vue correspondant et que les deux 
impressions fournies par les deux yeux parviennent à 
se confondre. Divers procédés ont été déjà signalés, 
notammentautrefois par d’Almeida, mais ils présentent 
des inconvénients divers. L'auteur à mis en œuvre un 
procédé fondé sur l’emploi des prismes. On projette les 
deux images l’une au-dessus de l’autre, et on les re- 
garde avec un instrument appelé par l'auteur la stéréo- 
jumelle. Ce sontdeux prismes de petit angle et d’un verre 
peu dispersif pour ne pas détruire l’achromatisme. Ils 
sont tournés en sens contraire, le premier abaisse l’une 
des images, Le second remonte l’autre et les deux images 
peuvent ainsi arriver à se superposer. Des diaphragmes 
convenablement placés cachent à chaque œillesimages 
parasites. La déviation à obtenir au moyen des prismes 
dépend de la distance du spectateur. Pour cela les 
deux prismes sont mobiles et commandés par un mou- 
vement unique. L’auteur distribue un certain nombre 
d'appareils afin de permettre d'apprécier sur des sujefs 
variés les résultats obtenus. Edgard HAwdié, 


’ 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 2% Mai 1895. 


M. Tanret a recherché avec différents sucres s’ils ne 
présentaient pas des phénomènes comparables à ceux 
qu'il a signalés pour le glucose. Avec le sucre de lait, 
il a obtenu cristallisées les modifications 8 (an = + 55°) 
et y {an = “+ 34°), différentes des modifications anté- 
rieurement signalées. Le galactose, l'arabinose, l'iso- 
dulcite, le xylose, le maltose ne lui ont encore donné 
que la modification $, provenant de la transformation 
dans l’eau du produit primitif &. Il en conclut que le. 
phénomène de Ja multirotation des sucres est mainte- 
nant bien expliqué. Si le pouvoir rotatoire du glucose 
ou du galactose en solution aqueuse tombe par exemple 
detus— 210604, —12%0%59%05 ou denap—. 1 1490 
à 4 = + 82,5, c’est qu'il s'est formé dans la solution 
de nouveaux dérivés, qu'on peut obtenir cristallisés 
en suivant la méthode qu'il a indiquée antérieurement. 
— M. Tiemann ayant publié sur la série campholénique 
des faits en contradiction avec ceux qu'avait communi- 
qués M. Béhal, celui-ci répond à M. Tiemann. Il a ob- 
tenu, lui aussi, le composé auquel M. Tiemann a donné 
le nom d’isoamidocamphre et qu'il obtient dans l’action 
de lacide sulfurique sur le nitrileactif. Ce corps, à fonc- 
tion amine primaire, donne l’amide inactive par l’action 
des acides. M. Béhal l’a obtenu par l’action des acides 
chlorhydrique et iodhydrique sur l’amide active. 
D'après M. Tiemann l'acide chlorhydrique est sans 
action sur la camphoroxime, c'est cependant à l’aide 
de cet acide que M. Béhal prépare le nitrile inactif. IL 
a de plus reconnu que l’acide campholénique inactif 
distille facilement sans décomposition notable ; mais, si 
l’on opère en présence d’une trace de sodium, il donne 
immédiatement du campholène, D'après M. Tiemann, 
l’action du sodium dans ce cas serait nulle, et la dé- 
composition serait due à la lactone campholénique 
existant dans l'acide employé. La lactone décrite anté- 
rieurement par M. Béhal serait un produit impur ren- 
fermant de la campholénamide, Ce dernier fait obser- 
ver que M. Tiemann a confondu les deux lactones 
inactives et actives. M. Béhal communique ensuite les 
résultats qu'il à obtenus dans l'oxydation par l'acide 
azotique de l'acide campholénique inactif. Il a pu iso- 
ler les composés suivants : l’acide hydroxycamphoro- 
nique fondant à 167°-168°, déjà obtenu par MM. Ka- 
chler et Spitzer, et un acide fondant à 85° de formule 
CHi60$, se décomposant avec perte d'eau en un 
acide bouillant à 275° et fondant à 39°.— En collabora- 
tion avec M. Blaise, M. Béhal a étudié l'action de 
l'hypoazotide sur l'acide campholénique inactif. Il y a 
d'abord fixation et formation d'un corps bleu intense. 
En présence d’un excès d’hypoazotide, il se dégage de 
l'acide carbonique du bioxyde d'azote, et l’on obtient 
un corps neutre répondant sensiblement à la formule 
de l'acide nitrocampholénique fondant à 173°, composé 
déjà connu. — M. Maumené a étudié les sulfures d’ar- 
sénium et présente quelques-uns de ces corps qu'il a 
préparés. L’existence de ces divers termes est une nou- 
velle preuve à l'appui de sa théorie générale, — M. Jay 
présente au nom de M. Dupasquier, un nouveau pro- 
cédé de séparation analytique du baryum, du strontium 
et du calcium. On fait agir sur un mélange de sels de 
ces métaux une solution renfermant à la fois du sul- 
fate d'ammonium et un tartrate alcalin. Le baryum et 
le strontium donnent des sulfates insolubles, tandis 
que le calcium, transformé en tartrate, peut, après la- 
vase des sulfates, être facilement séparé à l'aide d'acide 
chlorhydrique étendu, — M. Jay, après avoir fait res- 
sortir l'importance du dosage des acides volatils et des 
acides fixes des vins, donne un procédé qui lui a réussi 
pour atteindre ce but. On distille 20 centilitres de vin 
en présence de vapeur d’eau, puis on titre le liquide 
distillé (acides volalils) et le résidu de la distillation 
(acides fixes). — M. Berlemont présenie un nouveau 
tube à distillation fractionnée consistant tout simple- 
ment en un serpentin de verre assez large. Cet appa- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


- puis, en suivant l’ancien procédé de Berzélius, il a re- 


reil, moins volumineux et moins fragile que les tubes à 
boule, se nettoie facilement et permet de pousser, sans 
enveloppe, une distillation fractionnée jusqu'à 300°. — 
M. Raoul Varet a reconnu la constance pour un même 
groupe de sels de la chaleur de formation des combi, 
naisons du cyanure de mercure avec les sels, chlo- 
rures, bromures, iodures des métaux alcalins et alca-, 
lino-terreux, On pourra donc, pour ces composés, cal- 
culer la chaleur de formation à partir des éléments en. 
appliquant la loi des modules. — M. Prud' homme, en 
traitant le paranitrotétraméthyldiamidotriphénylmé- 
thane par la poudre de zinc en solution chlorhydrique 
a obtenu une matière colorante teignant en violet la 
soie, la laine et le coton mordancé au tanin. D’après 
Gattermann, Bamberger et Wohl le nitrobenzène, ré- 
duit dans certaines conditions, donne de la phénylhy- 
droxylamine, qui est immédiatement transformée par: 
les acides minéraux en paraamidophénol. M. Prud’=, 
homme se trouverait en présence d'une réaction du 
mème ordre: il aurait eu d’abord l'hydroxylamine cor- 
respondante au dérivé nitré qu'il étudiait; mais loxy- 
gène du groupement AzH?.0H, trouvant la position para, 
occupée et ne pouvant donner un paraamidophénol, 
donne un hydroxyle avec l'hydrogène du méthane. La 
leucobase devient base colorable et matière colorante 
en solution acide. — M, Burcker à adressé une note. 
sur le dosage des acides volatils dans les vins. 3 


Séance du 5 Juin 1895, 


M. Halphen passe en revue les divers procédés d’a-m 
nalyse des corps gras et discute notamment l’applica- 
tion de la méthode de Hübl à l’analyse des graisses 
animales. — M. Dupont a trouvé dans l’huile de coton 
une substance sulfurée existant en proportion notable 
et entraînée très lentement par la vapeur d’eau. — 
MM. Cambier et Brochet reconnaissent qu'antérieu- 
rement à leurs communications sur la question, 
M. Losckann avait publié la formule de constitution. 
qu'ils ont donnée à l'hexaméthylènetétramine, 


Séance du 1% Juin 1895. - à 


M. Lauth développe les différents essais qu'il à ten- 
tés, sans beaucoup de succès, pour arriver à obtenir, 
sur laine et sur soie, des noirs d’aniline résistants, 
IL espère que ces renseignements pourront être utiles 
aux chimistes travaillant dans cette voie. — M. Friedel 
a repris l'étude de lapophyllite. En suivant un pro- 
cédé analytique dù à M. Carnot, il avait cru pouvoir 
conclure à l’absence de fluor dans ce minéral; de- 


connu la présence du fluor dans les échantillons 
analysés, — M. A. Combes décrit un appareil, permet- 
tant de mesurer sous des pressions réduites variables 
les points d’ébullition des différents dissolvants. — 
M. Engel revient sur la question de l’allotropie de 
l'arsenic. Le corps brun se formant dans la réduction 
des composés arsénicaux et considéré encore dans les 
ouvrages classique comme de l’hydrure solide d’arse- 
nic est bien, ainsi que l'avait reconnu dejà M. Engel, 
une modification allotropique de l’arsenic. Ce serait la M 
modification correspondant au phosphore blanc. Geu- « 
ther avait contredit certaines parties des recherches de 
M. Engel. Il avait notamment donné à ce produit la 
densité 3,7 au lieu de 4,7 trouvé par l’auteur de cette 
communication. La question a été reprise tout récem- 
ment, el on a reconnu le bien-fondé des observations. 
de M. Engel. E. Caron. 


SOCIÉTÉ PHILOMATIQUE DE PARIS 
Séance du 22 Juin 1895. 


M. Franchet. présente des diagnoses de nombreux 
Careæ de l'Asie orientale et de la Chine occidentale, Il 
insiste sur l'intérêt que présente la flore de ces ré- | 
gions où la flore des Alpes européennes trouve sa 
plus complète expansion. — M. Bioche expose un pa- 
radoxe de géométrie élémentaire, Cu. Biocne. 


SOCIETE ROYALE DE LONDRES 

; SCIENCES PHYSIQUES 

Minchin, — Mesure électrique de la lumière des 
! étoiles. Observations faites à l'Observatoire de Dara- 
-mona House, Westmeath, en avril 1895. — La méthode 
consiste à mesurer la quantité de lumière qui arrive des 
étoiles à la Terre, par la déterminalion de la force élec- 
“tromotrice produite par cette lumière dans certaines 
piles photoélectriques, dont le carré de la force élec- 
tromotrice est proportionnel à l'énergie de la lumière in- 


lumière incidente est formée par une mince couche 
de sélénium déposée sur une lame d’aluminium, et 
“immergée dans un vase de verre rempli d'énanthol, On 
prend un tube de verre AB (fig. 1), dont le diamètre est 


Fig. 4. 


de 1 millimètre, ou plus petit; on prend un morceau 
| court, AL, de fild’aluminium, qui remplit à peu près le 
tube, et à son extrémité L, on attache un fil de platine 
LP, dont le bout sort en B, du tube de verre. On chauffe 
au bec Bunsen pour fondre le verre autour de l’alumi- 
nium afin que le contact soit parfait et le fond du tube 
étanche ; malheureusement on n’a pu réaliser parfaite- 
_ ment jusqu'ici cette condition, dont la réalisation don- 
| nerait une pile photoélectrique constante. Jusqu'ici, à 
R cause de ce défaut d'étanchéité, on n’a pu conservercons- 
 tants ces éléments plus de quatre semaines. On prend 
| alors le tube AB, en tenant l'extrémité A en haut ; on 

_le met entre deux plaques presque verticales d’asbeste, 
la pointe A dépassant un peu les coins des plaques; au 
-milieu du fil d'aluminium en A, on met un très pelit 
morceau de sélénium (environ de la grosseur d’une 
mioute petite tête d’épingle); on chauffe l’asbeste au 
moyen d’une lampe à esprit-de-vin ou d’un bec Bunsen 
qu’à ce que le sélénium fonde sur l'extrémité À. On 
it avoir soin d'écarter la flamme du sélénium même, 
our que ce soit lachaleur du fil d'aluminium qui fonde 
e sélénium. Alors la surface noire prend une couleur 
uniforme brun gris, puis on continue de chauffer avec 
grand soin jusqu'à ce que le sélénium en fondant donne 
un liquide noir. On cesse alors de chauffer et l’on souffle 
sur la surface du sélénium ; la surface est alors àson état 
le plus sensible. On laisse refroidir le tube à l'abri de 
la lumière, puis on le 
placera dans un flacon 
d’énanthol, La pile à 
énantnol est un petit 
tube de verre (fig. 2), 
de 3 centimètres de lon- 
gueuret1 centimètre de 
diamètre , avec deux 
petites glaces de verre 
fixées aux côtés oppo- 
sés: l’une a une fenêtre 
de quartz QQ, cimentée 
avec de l'acide acéti- 
que et de la gélatine, 
ou bien de la glu et de 
la glycérine ; l’autre est 
fermée par un bouchon 
CC où passe le pelit 
tube AB. La pile est fer- 
mée à un bout par un 
bouchon de verre S, età 
; l’autre on a scellé un fil 
de platine P’. Les deux pôles de la pile sont P et P'. La 
lumière d’une étoiletombera sur la fenêtre de quartz et 
au centre de la surface sensible À, qui est placée au foyer 
lun télescope ou mieux un peu en arrière du foyer de 
acon que la lumière couvre entièrement la surface du 


[= 


ACADÉMIES ÊT SOCIÉTÉS SAVANTES 


sélénium. Le siège de la force électromotrice étant la 
surface de contact du liquide et du sélénium, le sélé- 
nium se charge positivement et le liquide négativement, 
P estrelié à l’in des pôles d’un électromètre et P’ à 
l'autre, et sil y à une portion du sélénium qui ne soit 
pas exposée à la lumière, cette portioninerteagira sim- 
plement comme un conducteur transportant une partie 
de la charge positive au mauvais pôle de l’électromètre 
et diminuera ainsi l'effet observé. La pile, soumiseaux 
diverses radiations du spectre, s’est montrée sensible à 
tous les rayons, de l'extrémité du rouge, jusqu’au delà 
du violet, la f. é.-m. maximum se produisant dans le 
jaune, mais la grandeurde la f. é.-m. ne varie pas beau- 
coup jusqu'à ce qu'on atteigne le violet, À cet égard la 
pile à sélénoaluminium diffère de toutes lesautres piles 
photoélectriques, car lasensibilité de la plupart d’entre 
elles estréduite au bleu. On peut signaler toutefoisle fait 
que la pile, obtenue en immergeant des lames d'argent 
dans unesolution d’éosine, donne des forces électromotri- 
ces de signes opposés pour les rayons rouges etlesrayons 
bleus. L'énergie incidente sur la pile photoélectrique 
est proportionnelle au carré de la force électromo- 
trice. Si une bougie tenue à une certaine distance de la 
pile donne une différence de potentiel E entre les pôles 
P et P', deux bougiestenues l’une à côté de l’autre don- 


nent une différence de potentiel E \ 2. Si on connait les 
parallaxes p et p' de deux étoiles on aura donc pour le 


rapport ÿ de leurs éclats intrinsèques : 


Ep NA 
D se) 


On a employé un électromètre à quadrants d'alu- 
minium. En faisant l'expérience avec diverses étoiles, 
on a obtenu : 


Régulus 
ATOUT ESA ee ne eee nine e SU ER te ae 


En tenant compte des dernières déterminations des 
parallaxes des étoiles, on trouve qu'Arcturus envoie 
dans le même temps 75 3/4 fois autant d'énergie 
que Régulus. D’autres observations ont été faites sur 
diverses étoiles et planètes. Les résultats concordent 
bien avec ceux qui sont déduits de la considération de 
l’ordre de grandeur des étoiles. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


La Société a récemment recu les communications 
suivantes : 

MM. Augustus E. Dixon et R. E. Doran ont 
obtenu la succynyldithiocarbimide en chauffant du 
thiocyanate de plomb avec du chlorure de succinyle et 
du benzène sec : 5 
C?H#(COCI)? + Pb (SC Az)? = PbCI2 + C2H4 (CO AzCS)? 


Ils ont pu préparer toute une série de dérivés de ce 
corps en faisant réagir sur lui les différentes bases aro- 
matiques. Par exemple, ils ont obtenu par réaction de 
la phénylhydrazine, la succinyldiphényldisemithiocar- 
bazide C?H(CO.AzH.CS.AzH.AzHCG6H5)”. En partant du 
chlorure de phtalyle, ils ont semblablement obtenu 
avec le thiocyanate de plomb, la phtalyldithiocarbi- 
mice. MM. Raphaël Meldola F. R.S.et E R. An- 
drews, en faisant réagir l'acide nitreux sur la dibro- 
maniline CSH$BrBrAzH? 1 : 2:4, ont obtenu un produit 
fondant à 234— 2359. L'analyse a montré que c'était 
un composé diazoamidé et lui donne pour formule: 


Br Br 
CADRE CAGE) 
; Br Br 
ou bien : 
Br Br 
Az?.Az HR 
Br Br 


648 


MM. Harry Ingle et Harold H. Mann, par l'action de 
l'iode sur un mélange de benzylphénylhydrazone et 
d'éthylate de sodium en suspension dans léther, ont 
obtenu deux corps séparables par l’éther ou l'acétate 
d'éthyle. Le corps insoluble est identique à la dibenzyl- 
diphénylhydrotétrazone décrite par Minunni et Pech- 
mann; il a pour formule : 


CSH®.Az.Az — CH.CSH° 
C5 Hal 45 — CH:C5H5 


La partie soluble dans l’éther semble être un stéréoiso- 
mère de la benzylosazoneet commeil est moins stable, 
les auteurs l’ont appelé le benzylsynosazone. Ils lui 
donnent pour formule : 


C6HS.C + 
Il 
Az. Az HC6H5 CSHS.H Az.Az 


MM. J. Walker et E. Aston publient une nouvelle mé- 
thode pour déterminer la force comparative des diffe- 
rentes bases organiques. — M. Augustus E. Dixon 
décrit toute une série de dérivés de substitution de 
l’urée et de la thiourée. — MM. W. R. E. Hodgkinson 
et N. E. Bellairs ont étudié l’action de quelques mé- 
taux sur les sels ammoniacaux. Ils se sont servis des 
nitrates et sulfates d'ammonium. Le cuivre métallique 
réagit immédiatement sur ces sels en fusion et mel 
en liberté du gaz ammoniac et un peu d'hydrogène. 
Lorsqu'on maintient la température à 160° environ, le 
résidu est un mélange de nitrate et sulfate de cuivre 
avec un excès des sels ammoniacaux. Le nickel et le 
cobalt réagissent de même, mais il se sublime en plus 
du sulfite et la quantité d'hydrogène est moindre. L'ar- 
gent est dissous facilement par ces deux sels; la quan- 
lité d'ammoniaque déplacée est à peu près équivalente 
à la quantité d'argent dissous comme sulfate où ni- 
trate. Le palladium est presque aussi actif que l’ar- 
gent; mais il se forme un sel double de palladium et 
ammonium. On voit donc que, dans presque tous les 
cas, le groupe ammonium est déplacée par le métal. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM 
Séance du 25 Mai 1895. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. J.-C. Kapteyn : 
Sur la distribution des vitesses cosmiques. L'auteur attri- 
bue l’insigniliance des résultats obtenus jusqu'à pré- 
sent par rapport à la constitution de l'univers à la 
défectuosité des hypothèses, en partie invraisemblables, 
en partie sensiblement fausses, dont on s’est servi, Il 
cherche à démontrer qu’au contraire, un petit-nombre 
d’hypothèses admissibles peut déduire des observations 
une première approximation : {° de la loi de distribu- 
tion des vitesses linéaires absolues ; 2 de la loi de va- 
riation de l'accumulation des étoiles avec la distance 
au soleil ; 3° de la loi de la distribution des étoiles de 
différente clarté absolue. Jusqu'ici l’auteur s’est oc- 
cupé principalement de la première loi. Il la fait dé- 
pendre des trois hypothèses suivantes :4) Dans le mou- 
vement des étoiles 1l n’y a pas de préférence pour une 
direction déterminée. b) La loi de la distribution des 
vitesses est indépendante de la distance à notre sys- 
tème solaire. c) La fonction de la probabilité d’une 
vitesse linéaire de grandeur donnée n'admet qu'un 
seul maximum, De la première hypothèse on ne saura 
se défaire qu'autant qu'on dispose de méthodes 
pour déterminer exactement des parallaxes annuelles 
inférieures à 0”,01; elle nous oblige à exclure les sys- 
tèmes à mouvement propre commun, comme les 
Hyades et les Pléiades, La seconde hypothèse obtien- 
drait une grande vraisemblance, si l’on eût démontré 
que la vitesse linéaire moyenne ne varie pas avec la 
distance au soleil, Au contraire, M. Ristenpart prétend 
avoir trouvé que cette vitesse moyenne augmente avec 
Ja distance; cependant on prouve sans peine que la 
méthode de M. Ristenpart ne saurait mener qu'à des 


C.CSH° 


om 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 
—————— 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


a OU CS EE CNT ARR 


2 000 


résultats illusoires, Une démonstration directe de l’exac- 
titude de cette hypothèse pour certaines limites de la 
distance s'obtient par la comparaison des vitesses 
linéaires moyennes des étoiles de Bradley du second 
type avec celles des autres types spectraux. Contraire 
au résultat de M. Ristenpart, celte comparaison a fait 
trouver une différence extrêmement petite entre les 
vilesses moyennes des étoiles à des distances très con- 
sidérables, Ensuite, l’auteur fait voir que l'hypothèse € 
est nécessaire pour l’approximation de la fonction de 
probabilité f (s) de la vitesse linéaire s. — M. P. H, 
Schoute présente un mémoire de M. M. van Overeem 
dr, intitulé : Sur les points remarquables des polygones 
inseriptibles. Sont nommés rapporteurs MM. J. de Vries 
et P, H. Schoute. 

20 Sciences PHYSIQUES. — M. J. D. van der Waals 
s’occupe des caractères distinctifs par rapport à la 
forme de la courbe de plissement dans le cas d’un mé- 
lange de deux matières. Dans le cas d’un mélange de 
deux matières, dont la température et la pression ont 
été déterminées de manière que les deux phases co- 
existantes se correspondent en composition et en den- 
sité, on donne le nom de courbe de plissement à la 
ligne qui fait connaitre la relation entre ces valeurs de 
r et p pour des degrés variables de composition. Ce 
nom fait allusion à la circonstance qu’un mélange se 
trouve dans la condition indiquée, si par son volume et 
par sa composition, il occupe la place du point de plis- 
sement sur la surface 4. Quoique à présent il n’est pas 
encore possible de déduire l'équation de cette courbe, la 
théorie en donne l’équation différentielle dans la forme : 


dp D?V 'AMDPE 


HSE 
dar pr 


qui permet d'en trouver les particularités les plus 
saillantes. Dans la présente communication l’auteur 
s'occupe de deux points particuliers de la courbe, Dans 
le premier, la courbe touche la ligne des poins de ten- 
sion maximum; dans le second, la tangente est paral- 
lèle à l’un des axes, — M. J. D. van der Waals pré- 
sente un mémoire de M. W. H. Julius : Sur un dispo 
sitif pour protéger les instruments de mesure contre les 
tremblements du sol. Les galvanomètres sensibles ou 
d’autres appareils dont les systèmes mobiles, extrême 
ment légers et suspendus d’une manière délicate, se 
trouvent souvent dans un état de branlement contin 
par suite des vibrations du sol, peuvent être protégés 
presque complètement contre celles-ci quand on le 
dispose de la manière suivante, L’instrument est fixé à 
un support suspendu par trois fils d'acier égaux et 
parallèles de 2 à 3 mètres de longueur. Ces fils des- 
cendent de trois points A, B, CG (d’une poutre ou d’une 
console), situés aux trois sommets d'un triangle équi- 
latéral horizontal et aboutissent aux points A, B', C! 
sur des pièces métalliques saillantes du support. On a 
soin de faire coincider le centre de l’inertie du système 
suspendu (savoir de l’ensemble du support et de l'ins- 
trument) avec le centre du triangle A’,B',C'. Pour y par- 
venir on place l'instrument de telle sorte que son centre 
de gravité se trouve dans l’axe de l'appareil total et l’on 
ajuste en sens vertical à l’aide d'une masse mobile à 
crémaillère le long de cet axe. Afin d’amortir les mou-= 
vements oscillatoires de longue durée, il y a autour de 
l'appareil trois petits vases remplis d'huile où plongent 
des systèmes de deux plaques croisées que l’on fixe au 
support par des tiges recourbées, Après avoir démon- 
tré que les forces perturbatrices, auxquelles linstru- 
ment ainsi disposé est assujetti, sont très petites et 
que les mouvements nuisibles qui en résultent seront 
négligeables, lauteur finit par lexposé du résultat 
assez satisfaisant de quelques expériences faites avec 
un radiomicromètre (selon M, C. Vernon Boys) à cir- 
cuit léger et très mobile qu'il installe d’abord sur un 
pilier fondé sur le sol et qu’ensuite il suspend suivant 
les conditions décrites, P. H. Scxours. 


Le Directeur-Gérant : LouIS OLIVIER, 


N° 15 15 AOUT 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


L'ÉTUDE SCIENTIFIQUE DE MADAGASCAR 


Au lendemain de la conquête, qu’aurons- | légèrement acceptés par le publie. C’est, — 


nous à faire à Madagascar? comme on va le voir, — selon la bonne mé- 
… C'est à la Science, non à la Bureaucratie, | thode scientifique, d’après des faits d'observa- 
qu'il appartient de l'indiquer, — et tel est | tion positive, que sont appréciées, dans les 
Mobjet des articles qui vont suivre. pages qui vont suivre, les ressources natu- 


relles de l'ile. La juste estimation de ces res- 
Ces articles exigeaient de multiples compé- | sources doit être à la base de l'œuvre écono- 
D: les uns sont l'œuvre d'Explorateurs, mique et sociale que la France à désormais 
d'Agriculteurs, d'Ingénieurs, d'Administra- | mission d'accomplir à Madagascar. 
Heurs et de Médecins ayant longtemps résidé à Tousles articles de fonds du présent numéro 
Madagascar; les autres sont dus à des Savants | sont, pour cette raison, consacrés à l’étude 
jui ont appliqué toutes les ressources de nos | scientifique de la question malgache et aux 
laboratoires à l'étude des produits rapportés | enseignements qui en découlent pour notre 
par les Voyageurs. | politique coloniale. 
Is nous font connaître le monde malgache, 
les différentes races humaines qui habitent la Il nous à paru indispensable de documenter 
grande île, leurs mœurs, leur degré de civii- | ces articles de cartes spéciales et de nom- 
tion et leurs besoins. Ils nous renseignent, | breuses photographies. 93  simili-gravures, 
dune façon précise, sur le climat du pays, | jointes au texte de nos collaborateurs, ont été 
Bétat du sol et les conditions diverses, — sani- | faites d’après des clichés ou épreuves prove- 
ires ou autres, — qui permettent ou em- | nant de collections privées et de l'Exposition 
pêchent de l’exploiter. de Madagascar au Jardin des Plantes. Nous 
Hant d'opinions fantaisistes ont été émises | devons, à ce sujet, des remerciments particu- 
: les richesses de Madagascar qu'il importait | liers à MM. Grandidier, Alluaut, de Faymo- 
breviser, à ce sujet, des jugements aussi in- | reau et à la Direction du Muséum. 
onsidérément portés par les chroniqueurs que (Note DE LA Direcrtox.) 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 15 


650 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


LE MONDE MALGACHE 


GÉOGRAPHIE ET ASPECT GÉNÉRAL DE MADAGASCAR — LE SOL, LA FLORE ET LES FORËTS — 
LES RACES MALGACHES ET LEUR CIVILISATION 


Pendant que nos soldats «montent à Tananarive » 
el pendant que nous suivons pas à pas leur marche 
en avant, il importe que les Français, soucieux de 
l'avenir de leur pays, puissent connaître Madagas- 
car au point de vue scientifique et économique. 
Il faut que les savants, les explorateurs, les agri- 
culteurs et les commerçants qui ont étudié celte 
grande ile, viennent éclairer le public sur les res- 
sources naturelles de ce pays, sur ce qui a été fait, 
el sur ce qui reste à faire. Il faut que ces hommes 
préparent et organisent la conquête économique de ce 
pays, tandis que notre armée en achève la con- 
quête militaire. 

C'est alors seulement que les sacrifices de sang 
et d'argent consentis par le Gouvernement français 
ne resteront pas infructueux, el que celte colonie 
pourra apporter à la métropole un supplément de 
force politique et de vigueur économique. 

Mais, pour atteindre ce but, il ne faut pas s'ap- 
puyer exclusivement sur le concours du Gouverne- 
ment; il faut faire appel aux hommes de bonne 
volonté, exciter leur initiative, les renseigner sur 
ce que vaut exactement Madagascar et ce qu'ils 
peuvent y tenter. 

C'est ce qu'a bien compris la Direction du 
Muséum d'Histoire naturelle en organisant une Ex- 
position ethnographique, zoologique, botanique et 
géologique de Madagascar, el en complétant cette 
Exposition par une série de conférences faites par 


des savants tels que MM. Milne-Edwards, Hamy, 


Stanislas Meunier et Bureau. 

Nous applaudissons sans réserve à cette mani- 
festation de notre grand établissement scientifique 
qui, au lieu de conserver pour quelques privilégiés 
les richesses dont il dispose, fait profiter de ses 
précieuses collections tous ceux qui s'intéressent à 
notre expansion coloniale, et leur donne ainsi des 
renseignements pratiques et sûrs. 

A cette heureuse initiative du Muséum, le public 

, d’ailleurs, répondu avec un louable empresse- 
ment, et la preuve, c'est que l'Exposition, pendant 
les mois de juin et juillet, a eu environ 40.000 visi- 
teurs. Ajoutons que plus de 1.200 auditeurs assis- 
taient à chaque conférence el nous aurons montré 
qu'il existe chez le public un désir ardent de 
s'instruire el de sc renseigner. 

Il est juste de dire que cette Exposition estremar- 
quable à un double point de vue : et par la va- 
leur des pièces, dessins, photographies et docu- 


d 


ments divers qu'elle renferme, et par la facon dont 
ces documents s’y trouvent classés et commentés. 
Elle est riche, parce qu'elle a été faite avec les 
collections rapportées depuis 30 ans par les explo- 
rateurs français MM. Grandidier, Humblot, Catat, 
Maistre, Foucart, Douliot, Alluaud, Gautier, 
Grevé, etc. Plusieurs innovations des plus ingé- 
nieuses y ont été introduites. Les photographies, 
par exemple, ont été disposées par régions, et ac- 
compagnées de notices explicatives et de cartes 
géographiques, sur lesquelles est teintée la région 
à laquelle ces photographies se rapportent. Près 
de chaque groupe d'animaux, une carte géogra 
phique indique la répartition de chaque espèce, et 
une notice manuscrite donne des renseignements 
sommaires, mais précis, sur les mœurs et l'utilité 
des principaux types. 

Grâce à cette nouvelle disposition, qui permet 
au visiteur d'observer, de s'intéresser à tous les 
objets, l'Administration du Muséum, tout en con 
servant à l'Exposition son caractère essentiell 
ment scientifique, l'a rendue accessible au grand 
public. Il serait injuste de ne pas dire que le Di- 
recteur du Muséum, M. Milne-Edwards, a été mer-« 
veilleusement secondé par la précieuse et active 
collaboration de M. A. Grandidier, qui, depuis de 
nombreuses années, se consacre, comme on sait 
à l’étude de Madagascar. À côté des apports faits 
à l'Exposition par les autres explorateurs, les: 
siens tiennent incontestablement le premier rang. 


Nous allons essayer d'indiquer ici, d’après ces 
voyageurs el ces savants, l'état actuel de nos con- 
naissances sur l’ensemble de Madagascar, la cons= 
litution géographique et géologique de l'ile, sam 
flore et sesrichesses forestières, les races humaines 
qui la peuplent et leur état de civilisation. —- Nous® 
passerons complètement sous silence toutes les 
questions qui demandaient à être traitées chacune 
par un spécialiste, et que les articles qui suivron 
cette rapide étude ont pour but d'exposer. Nous 
n'avons pas non plus à parler de l'histoire des 
explorations à Madagascar, ce sujet étant traité 
plus loin par M. le Professeur Milne-Edwards. 


[. — ENSEMBLE DE L'iLE, GÉOGRAPHIE ET GÉOLOGIEM 

L'ile de Madagascar (fig. 1), qui s'étend entre 
les 12° et 26° degrés de latitude sud, est située à 
peu de distance de la côte orientale d'Afrique: 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


654 


. C'est une des plus étendues du globe : sa superficie, 
. évaluée approximativement à 600.000 kilomètres 
carrés, équivaut à celle de la France et de la Bel- 
_gique réunies (fig. 2). Sa longueur du nord au sud 
est d'environ 1.600 kilomètres, tandis que sa plus 


$ 1. — Région orientale. 


La région orientale comprend: tout le versant 
est de la grande chaîne de montagnes qui s'étend 
le long de la côte, depuis le pays de Diego-Suarez 
jusqu'à Fort-Dauphin, sur une largeur 


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à Comore 15 Glorieuses 


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, 
| MoilyS:  ‘Anjopan 


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Maskora "A 


#8 PlBarrom 


{ 


moyenne de 100 kilomètres. 

Cetterégion , très montagneuse lors- 
qu'on s’écarte des bords de la mer, est 
principalement formée d’argile rouge, au 
milieu de laquelle apparaissent des roches 
primitives (gneiss, micaschistes) et des cou- 
lées de basalte. Les pluies y sont très abon- 


Fig. 2. — Superficie comparée de la France 
el de Madagascar. 


dantes, pour ainsi dire continues, et, en 
certains endroits, il ne tombe pas moins 
de 3 mètres d’eau par an. Aussi les pentes 
des montagnes, malgré leur mince couche 
d’humus, ont-elles une végétation her- 
bacée assez vigoureuse, et les hauts du 
| versant sont-ils bordés par une large 
bande de forêts. 


D 
€ Fig. 1. — Carte générale de Madagascar. 
“grande largeur n’atteint pas 600 kilomètres. Elle 
est séparée de l'Afrique par le canal de Mozam- 
“bique, large de 400 kilomètres; elle est baignée à 
l'est par l'océan Indien, où se trouve, à 600 kilo- 
“ mètres, notre possession française de la Réunion. 
— L'ile peut être divisée en trois régions bien dis- 
tinctes par leur aspect physique, leur constitution 
“séologique, leur faune et leur flore, Ce sont : la 
région orientale, la région occidentale et la région 
D (fig. 3). 


Les vallées sont marécageuses et de- 

manderaient à être drainées à grands 

frais si l’on voulait les utiliser pour la culture. 

Le décor de tout ce versant oriental, avec ses 

forêts puissantes, ses nombreux cours d'eau et ses 

torrents (fig. 4), est des plus pittoresques et fait 
avec raison l'admiration des voyageurs. 

Ce qui manque surtout au sol de cette région, 
comme à celui du massif central, ce sont, d'après 
les renseignements que nous tenons de M. Gran- 
didier, les calcaires et les marnes, sans lesquels la 
fertilité n’est pas durable. C’est un point dont les 


652 


futurs pianteurs feront bien de tenir compte, s'ils 
ne veulent éprouver de trop grandes déceptions. 

Les fleuves du versant oriental sont, à cause de 
la déclivilé brusque du sol, des torrents. On peut 
citer : le Manompa ; le Maningoro, qui forme le lac 
Alaotra long de 30 kilomètres et qui fut jadis, 


E. CAUSTIER — LE 


MONDE MALGACHE 


entre elles et créer une navigalion intérieure qui 
suppléerait aux obstacles de la barre et permettrait 
le cabotage. Vers Mahanoro (fig. 5), dans la région 
moyenne, la lagune est très poissonneuse, et la 
pêche est organisée par les habitants, qui éta-. 
blissent de grands barrages à l'aide de bran- 
ches entrelacées, a- 


d'après E. Reclus,une & 
merintérieure longue | 
de plus de 300 kilo- 
mètres, le Mangoro, 
qui est le plus consi- 
dérable et qui, large 


WGdeComore 


15 COMORES 


Moely®: Anjouan 


84 Pamansi 
Mayotte & Zacudr 


et peu profond, coule PR: sont excessivement 
norords cou 7 o . 

entre les deux bandes l'Radama VE LÀ intonpons | Malsaines, et c'est là 

forestières en une Brèrane Be que la fièvre fait ses 

belle vallée où les A aintataba | Plus grands ravages 


villages entourés de 
jardins se perdent Ma 
dans les feuillages. | ci LES 
Après avoir traversé | CS nr EN 
cette plaine, une lon- | À 
gue etpuissante chai- | 


Marotondr AY È 
EX 


ne de montagnes ap- HAT 
parait comme uu mur 
gigantesque : c’est le | ere? 
rebord du massif cen- pes 


tral. 

La côte est plate et 
peu découpée ;ellene 
présente que la ma- 
gnifique baie de Die- 
go - Suarez (fig. 1, 
page 718), celles 
d'Antongil et de Fé- 
nerifa. Une barre, 
droite et régulière, 
règne sur toute la 
côte et rend les dé- 
barquements diffi - 
ciles et dangereux. 
Les gros navires 

Masoru 


mouillent au large NT 
De DE 
> 


. SAN > 
Zrütrarnandraà RE o 


et le débarquement Pt, 
s'opère dans des piro- 


EE 


CS Marie 


15 Glorieuses 


vec des nasses dans. 
les ouvertures (fig. 6). 

Ces plaines basses 
el marécageuses qui 
avoisinent la mer, 


CdAmbre 
5° PA 
ViZiam rs 2 Bsde Dig oSuarez 


I.NossiBe NE 
TN à 2 9 
in à e Polerrerr 

X Ds 
3) 


À (fig. 7). 
Au nord de la côte 

& orientale se trouve 
NEA notre colonie de Die- 
go-Suarez , avec sa 
baie magnifique et sa 
capitale Antsirane ; 
sa situation particu- 
lière l’a fait appeler 
justement la Citadelle 
de l'océan Indien. À 
une faible distance se 
trouve la montagne 
d’'Ambre,surlesflanes 
de laquelle se sont 
établis des colons 
français, originaire 
du Jura; leur habita- 
tion est entourée de 
jardins dans lesquels 
ils font de la culture 
maraichère (fig. 8). 
Les principales vil- 
les du littoral sont : 
Vohemar, Fenerifa , 
Tamatave, Mahano- 
ro et Fort-Dauphin. 
Tamatave, qui à une 


é CEst 
& er 
“i 
ESC Masaola 


a 


Ambodfototra 
F 2 


Tamatave 
ÉaErEc 


Carorrtn, 
a 44 


Andovoranto 


9 déeparasy 
De AMahanoro 


gues à balancier d’une 
finesse extrême 
(fig. 10, page 658). Tamatave est le seul port où 
l’embarquement puisse se faire aisément (fig. 4, 
page 722); encore est-il exposé aux cyclones pen- 
dant deux mois de l’année. 

Sur le bord de la mer se trouvent d'immenses 
lagunes, peu larges et peu profondes, retenant une 
eau saumätre, stagnante et liède, où poussent des 
nénufars et des roseaux. De loin en loin, une 
communication avec la mer. On pourrait, avec 
quelques travaux, faire communiquer ces lagunes 


Fig. 3. — Carte des Lrois grandes régions géographiques de Madagascar. 


population de 20.000 
habitants, est le port 
le plus important de Madagascar (fig. 9 et 11). 
Les Malgaches et surlout les Indiens Malabars y. 
font un commerce actif. De Tamatave partent des 
caravanes pour Tananarive : plus de 900 porteurs 
ou borizana marchent entre les deux villes, trans- 
portant voyageurs et marchandises. 


$ 2. — Région occidentale. 


Cette région est relativement plate, avec, çà et 
là, des collines et de petites chaines de monta=- 


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g. 5. — Mahanoro, ville de pécheurs sur la lagune de la côte orientale, dans la région moyenne de Madagascar. 


ST 2P SAlQIAU Sa) SUDp UosS10d 27 aupuaud Anod stayund a sabn..1ng — *9 *StY 


Die 


. 1. — Plaine marécageuse d'Anamarika (Baie de 
nombreuses petites les formant une s 


go-Suarez). — > ine est le type des régions à 
découpures s, à fond ar ux, où leau ne 
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n système de 
nialals pt stilentiel. 


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“sauobipur Sa) An 39/1qQM4 ‘27910 2771910 NP] 9 24 


658 


. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


gnes. Elle est plus élevée dans le sud que dans 
l’ouest. Son climat très sec, — car il n’y tombe 
pas plus de 30 à 40 centimètres d’eau par an, — 
ne permet la culture que sur les bords des fleuves. 
Celte vaste zone est caraclérisée par des plantes” 
qui ne craignent pas la sécheresse : Baobabs, Ta- 
mariniers, Arbres de Cythère, Lataniers épineux et ra- 
bougris, Zuphorbiacées arborescentes, Didierea, ete. 

Absolument aride et désolée dans le sud et le } 
sud-ouest, cette région s'améliore vers le nord. 
Dans le Ménabé, par exemple, sont de vastes pà- | 
turages où les Sakalaves élèvent les plus beaux" 
bœufs de Madagascar. 

Presque tout l’ouest, d’après les récents travaux" 
de M. Gautier, qui a exposé une carte géologique 


OR 


ss 


1 


Fig. 10. — Pirogue à balancier. 


‘dontnous reproduisonsune esquisse (fig. 12, p.660), 


appartient aux roches sédimentaires (grès, argiles et 
calcaires). On trouve aussi, en divers points, des, 
basaltes, ce qui prouve que les éruptions basalti=" 
ques ne sont pas spéciales à la côte est, comme on 
le croyait. Des fossiles jurassiques, crétacés et ter- 
liaires, recueillis par divers explorateurs ont per- 
mis d'établir l'âge de ces différents terrains. 

Ces dépôts sédimentaires, qui ne sont jamais 
plissés, ont été coupés par des failles; d’où il ré- 
sulte que dans l’ouest malgache les horizons sont 
rectilignes, les accidents de terrain sont de vrais 
plateaux, et les vallées, des gorges, des couloirs 
étroits à parois verticales. 

Cette région, qui est l'habitat des tribus indé- 
pendantes, est, par suite, la partie la plus mal con- 
nue de l'ile. Dans le sud, cette plaine sakalave est 
recouverte d’argiles colorées et sillonnées de fail- 
les par lesquelles s'écoulent des sources bitumi- 
neuses et des sources de poix. 


660 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


Au sud, trois grands plateaux séparés par les 
rivières Saint-Vincent et Saint-Augustin. Le plus 
septentrional a été exploré par M. Grandidier et 


présence de sel gemme dans les montagnes de 
l'Isalo; puis, enfin, les rivières Saint-Vincent e 
Saint-Augustin. Re 


par Douliot; il est 


bordé à l’est par la ST de Comore 
chaine del Isalo, dont |;:Ÿ’comores 
le versantorientalest | may: ‘Anjouan 


un des plus pittores- 
ques par ses gorges 
et ses cañons qui le 
coupent et laissent 
des parois hautes de 
409 mètres. 

L'ouest malgache, 
dans son ensemble, 
estparcouru par deux 
vents de direction et 


Pamanst 


! 


/ 


" 


Pilemar.s 


G CS'AnAr ETS 

d'influence contrai - Marotondro=) | 
ES (Q 
res : par l'extrémité ER 
Jalombof—# $\ 

nord du canal de Mo- MS LS 
zambiqueentrentdes 22 
moussons chargées | Zen Re? 
de pluie; par l’extré- si L j 

is arren DE S 
mité sud, des vents ram dE j 


qui, ayant passé par- 
dessus les mers an- 
tarcliques, sont frais 
et asséchants. Aussi, 
à mesure qu'on S'a- 
vance vers le sud, 
les pluies sont-elles 
moins abondantes : 
au nord, six mois de 


sl 
Liitmanendrafo$f jL 
C ©= HA 


Ltrrpastland 1 
CSL | 
Vincent 
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w 
D 


pluie; à Majunga , |... 

trois mois; plus au | xraré 
PTE 

sud, les plantes gras- |: Ke 


ses apparaissent, el, 
à l'extrême sud, des 
années entières se 
passent sans pluie, 
et les embouchures 


©, Oman 


CS Marie 


1 Hanakæranx 


5 Fort Dauphin 


15 Glorieuses 


Cd'Armbre s 
Re È gedeDiégoSuare, | YOMPU par des rapi- 
RES vane des et ne sont, par 


5Mino 
“9 


I.Nossi-Be 
tn è 


conséquent,pasnavi- 


cependant, naviga-M 
ble pendant 150 kilo 
mètres (sur 800), est 
utilisé en ce moments 
par nos chaland 
pour assurer le ra= 
vitaillement de nos 


SA PS CE 
134 
EL Masaola 


€. 
Ce, Honpes dont le cen- 
pisteMarie | tre d'opération esb 
Étméotforore | établi à Suberbies 
Fe ville. 
EYoule Fornte 


En résumé, il n°y à 


pénétration fluviale 

Les côtes du nord 
ouest, avec leurs fa 
laises crayeuses € 
leurs nombreuses. 
baies, offrent de 
beaux ports à l'abri 
des cyclones de l'o=. 
céan Indien : tel le 
port de Majunga, oi 
nos troupes ont opé- 
ré leur débarque 
ment. 

Les côtes basses et 
sablonneuses du Mé- 
nabé n'offrent aucun 
bon port, l'embou 
chure des fleuves 6= 


Masomeloka 


Yéruvelona 


SN Hangatsiaotras 


despetitsfleuvessont 
souvent à sec. 

Les fleuves soniplus 
développés que dans 
l'est ; on peut citer le 
Majamba. Le Betsi- 
boka et l'Ikopa(fig.3, 
p- 120), passant à Ta- 
nanarive, se 


Terrain éroptif récent (basslte, 
trachyte). 


sie: 


Terrain cristallin, 


Terrain jurassique, 


rejoi- 
gnent près de Suber- 
bieville pour se jeter dans la baie de Majunga. 
C’est la route suivie en ce moment en sens inverse 
par notre expédition militaire. 

Plus au sud, on trouve le Fiherana, qui aurait à 
sa source un certain degré de salure, attestant la 


.— Carte géologique de 


Madagascar, d'après 


tant obstruée de bar- 
res formidables. | 

Sur la côte dus 
sud-ouest, l'absence: 
d’embouchure favo= 
rise le développe 
ment des coraux, qui. 
empätent et accrois=M} 
sent continuellement 
la côte. 4 | 

Le Saint-Augustin débouche par un grand es 
tuaire qu'entretiennent les vagues de l'océan An 
larctique, tandis que, dans tout le reste de la côte 
occidentale, les fleuves se terminent en dellas ve= 
couverts de Palétuviers. 


Terrnin inconnu, probablement sédi- 
mentaire, 


Terrain tertiaire. 


Terrain crétncé. 


M. E. Gaulier. 


‘au17709 n] 9p ANA ‘DAJOYDIOYUF ——; 4 "DU 


EL + 2 : : ; “ 


et T'ullear. Au su se Re l'ile de Mossi- Bi avec 
Helleville (fig. 2, p. 7119) pour chef-lieu; c'est un 
poste important comme entrepôt de marchandises, 
ét qui comprend environ 10.000 habitants. 


S 3, — Région centrale. 


C'est un vaste chaos de montagnes, qu'on a 
comparé, non sans raison, à une mer agitée, qui 
aurait été subitement figée. Cette région monta- 
gneuse est surtout formée de roches cristallines pri- 
milives (gneiss et micaschistes), au milieu desquelles 
apparaissent des affleurements de bosalles et plus 
rarement de calcaires cristallins. 

Ce massif est isolé dans l’île comme un xid d'aigle, 
suivant l'expression pilloresque des Hovas. Son 
altitude moyenne est de 1.500 mètres; un grand 
massif, l'Ankaratra, qui domine tout le pays au 
sud-ouest de Tananarive, a 2.600 mètres d'altitude. 
C'est une région absolument dénudée. Aussi les 
Hovas qui l'habitent portent-ils, en malgache, le 
nom d’Ambanylanitra, c’est-à-dire « sous le ciel », 
ce qui signifie, d'après une étymologie sakalave 
contestable du reste, « ceux qui n’ont d'autre abri 
que la voûte du ciel, pour qui l’ombre des arbres 
n'existe pas ». On ne trouve d'arbres, en effet, 
que dans les vallées étroites, le long de petites ri- 
vières qui leur fournissent l'humidité nécessaire. 
La sécheresse dure d'avril en octobre. 

Dans le fond des vallées se trouvent des rizières 
fertiles (fig. 12, page 732); sur les coteaux des 
troupeaux de bœufs, elun peu partout des maisons 
en terre et en briques. Le sol est une argile rouge, 
dure, parsemée de blocs de granit. 

Le massif central se lermine presque partout à 
l’ouest par un abrupt de 7 à 900 mètres; c’est le 


Bongolava ; mais, sur les deux routes allant de Ma-- 


junga à Tananarive; celle du Betsiboka et de l'Ikopa, 
la montée se fait progressivement, sans ressaut 
brusque (fig. 2, page 716). C’est par ce chemin que 
notre armée arrivera à Tananarive, Le climat, qui 
y est tempéré, permet aux Européens de s'y accli- 
mater parfaitement et d'y travailler manuellement, 

Cette région comprend comme villes impor- 
tantes : Tananarive, Ambohimanga et Fianarant- 
SOa. 

T'ananarive, situé à 300 kilomètres de Tamatave 
et à 450 kilomètres de Majunga, et dont la popula- 
tion dépasse 100.000 habitants, s'élage sur un 
massif isolé dans une vaste plaine (fig. 14). Sur le 
point culminant (1.420 m.) est bâti Le palais de la 
Reine (fig. 43, page 689). Les principaux édifices 
apparaissent au milieu des bouquets de manguiers 
et de lilas de Chine; mais, si l'aspect extérieur 
est riant, l'intérieur de la ville est désenchanteur; 
les rues sont de véritables fondrières (fig. 15); 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


la ville Eu . de Hors “bu est là que, ous 
par nos soldats, ils nent dit-on, se réfugier. 


est une région essentiellement agricole. 


$ #. — Passé géographique et passé géologique 
de l'île 


Si l’on ajoute au remarquable travail de M. Gran- 
didier sur l’histoire de nos connaissances géogra= 
phiques les données acquises par les récents 
explorateurs, on aura un ensemble à peu près 
complet. M. Grandidier a exposé au Muséum uné 
série curieuse d'anciennes cartes (du xrr° sièele à 
1865), parmi lesquelles on remarque la premiè 
carte donnant une idée exacte de la position et de 
la configuration générale de cette île, et qui re: 
monte à 4517 ; à côté se trouvent de belles cartes 
modernes, dressées par M. Grandidier et par les 
R. P. Roblet et Colin. 

L'histoire géologique de Madagascar est inté- 
ressante : elle montre, en effet, d'une manière très 
nette, les relations géologiques de cette île avec le 
continent indien. D'après Oldham, la similitude 
des flores fossiles du trias du Sud africain et de 
l'Inde, prouve l'existence d’un continent indo 
africain, qui devait occuper une large partie du 
Pacifique actuel. D'autre part, on sait, d’après 
Neumayr — et les récentes éludes géologiques ap- 
puient l'hypothèse du savant autrichien, — que les 
dépôts jurassiques de l'Afrique orientale et de 
côte occidentale de Madagascar semblent bié 
s'être formés dans une grande mer intérieure, uné 
Méditerranée Ethiopique, qui aurait été séparée di 
Pacifique par une presqu'île indo-malgache. Enfin 
d'après Oldham et de récentes observations de 
M. Boule, le crélacé supérieur de Madagascar, pa 
son faciès biologique, se rapproche de celui dem 
l'Inde, et montre qu'une connexion terrestre a dû 
exister, pendant cette époque géologique, entre 
le continent africain , Madagascar et l'Indous: 
tan. À 

En somme, par son passé géologique, Mada: 
gascar doit être rattachée à la région indienne: 
L'étude de la faune, de la flore et aussi des races 
humaines, conduira aux mêmes conclusions. 


IT. — FLORE ET FORÈTS. 


La flore de Madagascar offre un caractère ori= 
ginal, qui a été bien mis en évidence parles beaux 
He de M. Grandidier et de Baillon : parmi les 

500 plantes connues et classées, les unes rap= 
as les végélaux d'Afrique, d'autres ceux de 


l'Amérique du Sud ou de l'Australie; mais c'est 


u 


MST 2P 2NQ ‘AMUDUDUN]T — ‘Y{ SU 


fe mes 


el 


. 15, — Rue à Tananarive. 


:E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


665 


surtout des plantes asiatiques qu'elles se rap- 
prochent le plus. 

La végétation de Madagascar varie beaucoup 
suivant les régions. On peut, à ce point de vue, 
comme nous l'avons fait pour la géologie, diviser 
l'ile en trois régions : 

1° La région orientale, avec une végétation fores- 
tière puissante et variée ; | 

2° La région occidentale qui, exposée aux vents 
desséchants de l'Afrique, est aride el brous- 
sailleuse ; | 

3° La région centrale, qui est privée d’arbres et 
qui est un pays essentiellement agricole. 


que les Betsimisarakas utilisent pour faire des 
sortes de cruches à eau; pour cela, ils percent avec 
une sagaie les cloisons du bambou, sauf la dernière, 
qui sert de fond à ce vase cylindrique, dont la 
longueur peut aller jusqu’à 4 mètres (fig. 17). 

Sur les collines, on trouve le fameux « Arbre des 
voyageurs » ou « Ravinala » (Urania speciosa). Cet 
arbre, très voisin des bananiers, a le tronc lisse, 
élevé et surmonté d'un magnifique éventail de 
larges feuilles vertes, au nombre d'une vingtaine, 
et longues de 2 mètres environ, sur 50 centi- 
mètres de largeur; ces feuilles ont de longs pétioles 
qui, comme les rayons d'une roue gigantesque, 


+ 


Fig. 16. — Arbre des Voyageurs. 


$1.— La Flore. 


1° Région orientale. — La flore varie suivant qu'on 
l'étudie sur les côtes, dansles plaines marécageuses 
ou sur les collines. 
Le long des /aqunes existe une végétation spéciale, 
formée de nombreux Vakoa (Pandanus), solidement 


—ancrés par leurs racines fourchues, et dont les 


feuilles, repliées en cornet, font d'excellentes cuil- 
“lers; des Brekmia spinosa, dont les fruits ont une 


pulpe très estimée des indigènes; de nombreux 


“palmiers et autres arbres recouverts de magnifiques 


orchidées parasites, Dansles lagunes, aux environs 

de Mahanoro, croit le copalier (Æymæna verrucosa), 

bel arbre dela famille des Légumineuses, qui sécrète 

la gomme. On trouve, enfin, denombreux bambous, 
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


s’encastrent les uns dans les autres. De profil, cet 
arbre se réduit à une simple ligne; de face, il se 
déploie en un colossal éventail fig. 16). Il doit son 
nom à ce que l’eau atmosphérique, rassemblée dans 
les replis du pétiole, sert, paraïit-il, à rafraichir le 
voyageur altéré ; cette explication n’est guère ad- 
missible, car cet arbre ne pousse que dans le voi- 
sinage des cours d’eau, et jamais dans les régions 
arides. Il sert, comme le Raphia, dans la cons- 
truction des cases; sa feuille fraiche sert de plal 
aux indigènes, et, avec ses jeunes feuilles, 
une soupe très indigesle. 

Get arbre est caractéristique de loute la région 
orientale; on ne le trouve jamais, cependant, au- 
dessus de 600% d'altitude. 

Le Raphia (Raphia Madaguscariensis, Saqus Ruphia 


15* 


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Fig. 17, — Femmes Belsimisaralias allant chercher de l'eau dans des tiges de bambou, qui leur servent de vases. 


*1DISDODPNIY 2p pAiou UOrbau ny ap (1191p1pUDAN DIUOSUNPF) Q0QO0PT — ‘8 "SIA 


Fig, 19. — Baobab (Adansonia Z&) répardu dans le nord de la région cecidentale. 


nn 


Fig. 20.— Baobab (Adansonia Madagascariensis) surtout répandu dans le sud de la région occidentale de Madagascar. 


670 


est un palmier au port gracieux, qu'on rencontre 
partout à Madagascar, sauf sur le Massif central. 
Son tronc, couvert d’aspérilés, qui marquent l'at- 
tache des anciennes feuilles, porte à son sommet 
un bouquet de belles feuilles atteignant parfois de 
5 à 6 mètres de longueur, et composées d’un grand 
nombre de folioles insérées à angle droit sur la 
nervure médiane. On utilise toutes ces parties : les 
nervures donnent de solides perches pour la cons- 
truction des cases (fig. 11, p. 731) et la fabrication 
des filanjanas, chaises à porteurs (fig. 7, p. 725 et 
fig. 9, page 726) ; le bourgeon terminal, comme le 
chou palmiste, est un comestible très goûté ; enfin, 
la fibre du Raphia est un textile souple et résis- 
tant, qui sert aux indigènes pour fabriquer des 
vêtements grossiers, des cabanes; ces fibres brutes, 
mises en paquets, sont expédiées en Europe, où 
elles sont utilisées par les viticulteurs et les jardi- 
niers, qui les préfèrent aux jones. 

Vers 400" d'altitude les Raphias et les Ravinalas 
disparaissent : on entre alors dans la première 
zone foreslière, qui sera décrite plus loin. 

Sur le versant oriental, les lianes à caoutchouc 
(Vahea gommifera Madayascariensis) sont très com- 
munes dans les forêts. 


2% Région occidentale. — Cette région, qu’on pour- 
rait appeler la région de la brousse, occupe les trois 
quarts de l'ile. La végétation est loin d’atteindre la 
puissanceetla splendeur dela forêtorientale. Elle est 
recouverte d'herbes sèches, dures, qui, au mois de 
mars, peuvent avoir 250 de haut. Il faut. faire 
exception pour les beaux päturages du Ménabé. 
Vers le sud apparaissent les plantes grasses et 
épineuses, dont le suc remplace l’eau dans l'ali- 
mentation indigène. 

Le Satrana (Æyphœna Madagascariensis), qui est le 
Latanier de Madagascar, caractérise l’ouest saka- 
lave, comme le Ravinala caractérise l’est. 

Le gigantesque Baobab donne aussi à cette ré- 
gion un cachet bien spécial. Il est représenté à 
Madagascar par plusieurs espèces qui peuvent être 
distinguées par leurs fruits, et dont les principales 
son : 


Adansonia digitata, très grand arbre à fruits 
bl > 5 
allongés et gros ; 

Adansonia Madagascariensis, à fruits arrondis 
(fig. 20); 

Adansonia Grandidieri, dont les fruits ont une 


forme ovale (fig. 18) ; 

Adansonia Za (Gg. 19). 

Le Didierea, que Baïllon classe dans les Sapin- 
dacées, est un arbre de 4 mètres de haut, à l’aspect 
« cactiforme » et simulant un gigantesque Lyco- 
pode ; il forme de véritables champs dans les 
plaines. arides du sud-ouest : ses graines con- 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


ACT 


tiennent un alcaloïde voisin de la caféine, el, 
comme celte dernière, il provoque la mort par té-… 
tanisme. Le T'anghenia venenifera (Apocynées), qui … 
fournit une amande contenant un poison qui, à la. 
dose de quelques milligrammes, tue l'homme par 
arrêt du cœur; aussi a-Lil servi à fabriquer le « 
poison d’épreuve malgache : le /{anguin. | 

Enfin larégion dusud,trèsaride, n'offre plus que » 
quelques «Arbres de Cythère »,entre lesquelsappa- « 
raissent des nids de Termites qui peuvent avoir M 
jusqu’à 60 centimètres de hauteur. 


3° Région centrale. — Celle région, qui représente 
le cinquième de l'ile, est dénudée. Quelques arbres 
se rencontrent seulement dans les gorges étroites. 
Les habitants de cette région, Hovas et Betsileos, 
ont détruit de grands bois, soit pour mieux aperce- 
voir l'ennemi, soit pour faire paitre leurs immenses 
troupeaux de bœufs. Enfin, dans les vallées, se trou- 
vent d'immenses et fertiles rizières. 


$?., — Les Forêts. 

Les forêts sont une des principales richesses dem 
Madagascar ; elles forment, autour del’île, une large 
ceinture longue d'environ 4.000 kilomètres (fig. 21). 


1° Région orientale. — Dans cette région, la bande 
forestière a une largeur de 40 à 70 kilomètres, pou 
vant même aller jusqu’à 100 kilomètres (baie d’An-« 
tongil). Cette bande, qui est proche de la mer au 
nord etausud, s’en éloigne dansla parliemoyenne, 
et, sur plusieurs centaines de lieues, elle suit une 
ligne de hauteurs variant entre 500 et 1.000 mètres. 
Les arbres, toujours très beaux quand ils trou= 
vent unterrain volcanique, sontsouventrachitiques 
etrecouvertsdelichens lorsqu'ils croissent en pleine 
argile. Les essences les plus communes sont: le Pa= 
lissandre, l'Ébène, le Manguier, le Bois de rose, le 
Bambou, l'Arbre à caoutchouc, etc. à 
Les Pan trop serrés nr n en hauteur, et, 
sous les voûtes sombres de leur feuillage, s'atta=s 
chent des lianes puissantes, poussentdes Fougères 
arborescentes et des Palmiers nains, Les arbres 
gigantesques, les ruisseaux, les cascades, un si= 
lence mystérieux font de cette région une mer= 
veilleuse forêt (fig. 22). De temps en temps, appa 
rait une clairière où les indigènes fixent leurs 
cases el créent un village. , 
Séparée de cette bande de forêts par la vallée d 
Mangoro, une deuxième zone forestière, parallèle | 
à la première, apparail avec une végétation diffé= 
rente; elle n’a que quelques kilomètres d'épaisseur 
Le climat y est plus tempéré, et souvent le brouil=n 
lard forme dans les vallons des trainées qui ral 
pellentnos paysages d'automne. 
Pour cultiver le riz, l'indigène incendie souvent 
la forêt : c'est une ne qu'il faudra supprinell : 


> 2e Région occidentale. — La forêt est broussailleuse ; 
_ce n’est plus la splendide végétation de l’est. Et il 
_ faut aller jusqu'aux Comores, à Mayotte, pour re- 
trouver la belle végétation, les fougères arbores- 
“centes (fig. 23), si 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


671 


7 millions, est composée d'un grand nombre de 
tribus, dont une moitié estincomplètement connue. 

Le Malgache, généralement caractérisé par sa 
petite taille et par sa coloration foncée, doit être 
considéré comme un 


_ communes lelong de 
la côte orientale. La 


hé 
Comore 


Be 15 COMORES 

verdure se concentre Moëly@  Yanjeuan 

le long des fleuves Pranse 
8 ? Mayotte À Panee 


et c’est surtout sur 
le versant occidental 
des chaines côtières 
que se développent 
les forêts. 
Vers le sud, on 
tréuve deux bandes 
forestières : l’une sur 
la côte, et l’autre sur 
versant occidental 
’Isalo. Une dispo- 
sition analogue se 
retrouve plus au 
_ nord et montre qu'à 
Madagascar, c’est 


Îles * 


ñ À B. 
toujours le même HET 
principe qui règle la 

… distribution des fo- | Fraererar 


 rêts: les versants ac- 
cessibles aux vents 
t aux influences 
rilimes, seuls, sont 
isés. 

Entre les deux z0- 
es de forêts, s'étend 
ne savane parsemée 
de Lataniers et d’Ar- 
bres de Cythère. 

Au sud, se trouve 
une Euphorbiacée à 
caoutchouc, qui a 
pris récemment une 
mporlance considé- 


mélange de nègre et 
de jaune. Notre émi- 
nent anthropolo - 
giste, le Professeur 
Hamy, fait remar- 
quer que la géologie, 
aussi bien que la 
faune et la flore, ont 
montré que Mada- 
gascar avait été re- 
liée, à certaines épo- 
ques géologiques , 
avec l’archipel Ma- 
lais, ce qui le porte à 
émeltre l'hypothèse 
que l'origine du Mal- 
gache doit être re- 
cherchée dans la race 
indonésienne, qui vient 
de l'Hymalaya orien- 


15 Glorieuses 


ES ÆYouleFornte 


K < 
amatave 


D +) 


roy 


indoncranto 


€ etomeanry. tal. 
Sr Plusieurs  argu — 


ments ethniques ap- 
puient celte manière 
de voir :. la Zanque 
malgache se rappro- 
che de la langue ma- 
laise; comme les Ma- 
lais, les Malgaches 
portent des véterents 
faits d’écorces bat- 
tues ou de fibres 
tissées du Raphia ; 
comme les Indoné- 
siens des Célèbes, ils 
ont la pirogue à bu- 
luncier; comme tous 


CS! Marie 
D Oo. les Orientaux, ils ai- 
Do er Forêts, ment passionnément 
la musique, et leur 
En résumé, les fo- Fig. 21. — Distribution des forêts à Madagascar. instrument préféré 


êts, surlout si le 
oltage est organisé pour amener les arbres à la 
le, seront une importante source de richesses, 


Il. — POPULATION — ÉTAT DE LA CIVILISATION — 
k INDUSTRIE. 
$ 1. — Origine de la population malgache. 


. Lapopulationde Madagascar, estimée parM.Gran- 
idier à 5 millions d'habitants, et, par M, Catat, à 


est la valiha, sorte 
de guitare à clavier de bambou, identique aux 
instruments du Laos des îles de la Sonde fig. 24 ; 
leur fatouaye, ainsi que l’a montré M. Grandi- 
dier, se fait par piqûres, comme celui des In- 
donésiens et non par coupures, comme chez 
les peuples africains; le salut est identique : à 
Madagascar, comme en Polynésie, on se frotte 
le nez pour s’embrasser, et la salutation du pied 
porté sur la nuque s'observe dans les deux pays. 


aspect 


d'une forél 


du versant 07 


ie 


ntal 


, 


dans la région 


moyenne di 


l'ile. 


| 


| 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 673 


Enfin, on retrouve chez certains Malgaches les En résumé, aussi bien par sa langue, par ses 
mêmes rifes funéraires que chez les Indiens : les | mœurs et ses usages, que par sa faune, sa flore et 
morts sont placés dans des troncs d'arbres creusés | son passé géologique, Madagascar se rattache à 
et recouverts d'une sorte de toit (fig. 25); les cada- | l'Indonésie et non pas à l'Afrique, comme le voi- 
res, habillés d'étoffes, sont tournés vers l'est, car | sinage de cette terre pourrait le faire croire, 


Fig. 23. — Lianes et Fougères arborescentes à Combani. 
oü 7 


cest dans cette direction qu'ils doivent apercevoir 


les ombres des ancêtres; l'exposition du mort y est Re eee 

très longue, et c'est seulement après que les par- Les tribus qui peuplent cette ile peuvent étre 
lies molles se sont détachées et qu’on s’est livré à | groupées en deux catégories : 

des pratiques répugnantes en grattant le squelette, l° Les Aoras, nos ennemis d'aujourd'hui, et les 


"qu'on procède à l’inhumation de ce squelette. peuples qui leur sont soumis ; 


doter te drahannct ns ré thés à, 


Fig. 24. — Fiancés Belsimisarakas. — Le jeune homme joue de la valiha, sorte de harpe cylindrique très harmonieuse, 


£ 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


675 


2° Les Sukalaves et les peuples indépendants. 


Hovas et peuples soumis aux Hovas. — Ils oc- 
cupent à peine la moitié de l’île, comme le montre 
bien la figure 26. Les Betsileos, les Betsimisarakas, 
les Antakares, les Antsianakas, les Bezanozanos et 
les Antaimoros sont les principaux peuples domi- 
nés par les Hovas. 

Hovas. — Au nombre d'environ 1 million, ils 
habitent le centre de l’île, l’Zmerina ; leur véritable 
nom est Anlimerina. M. Grandidier a publié ici 


Les lypes Andriana et Hova se conservent avec 
une certaine pureté, car les usages ne permettent 
pas de chercher sa femme en dehors de son clan. 
Mais, depuis le commencement de ce siècle, les 
Hovas ont élabli leur autorité sur les autres castes, 
et, dans la pralique, leur nom s'applique à tous les 
habitants de l’Imerina. 

lis ont le type malais: cheveux noirs et lisses, 
teint jaunâtre, yeux en amande, tête ronde et face 
large. Les jeunes filles portent les cheveux 1om- 
bant sur le dos, et les femmes tressent leurs che- 


Fig. 25. — Cimetière Betsimisaraka à Mainlenandry (Côle Est. 


même ! une remarquable étude sur les Hovas et 
nous ne pouvons qu'y renvoyer le lecteur. Disons 
“cependant que les Hovas ne représentent que l’une 
des trois castes qui composent la population de 
lmerina el qui sont: 1° les Andrianas ou nobles, 
d’origine malaise ; 2 les AÆovas ou bourgeois 
(fig. 27), qui viennent de la race indonésienne et 
qui occupaient le Massif central avant la venue des 
Malais; 3° les Andevos ou esclaves, qui descendent 
des prisonniers de guerre ou d'individus volés 
dans les razzias, et chez lesquels se trouvent 
mélangés le sang du Jaune avec celui du Noir et 
parfois même avec celui du Blanc (fig. 28). 


| Revue générale des Sciences, numéro du 30 janvier 1895. 


veux avec un soin des plus minutieux et que ne 
renieraient pas nos plus élégantes Parisiennes 
(fig. 29, page 678). 

Le Hova se jette avec avidité sur tout ce qui a 
une origine européenne. Aussi a-t-il abandonné 
son costume national pour adopter notre costume, 
sous lequel il est souvent grotesque : c’est ainsi 
que l’on voit des gouverneurs hovas revêtus tan- 
tôt d’un uniforme de lycéen, tantôt d’un costume 
de général de division, ou bien encore d’un habit 
de suisse d'église, Ils s’habituent à s’asseoir sur 
des chaises et à manger avec une fourchette. 

Des siècles de tyrannie, et aussi une exploitation 
éhontée de la part de leur gouvernement, les ont 


F — | TEE DEEE rereS 
os Comore 15 Glorieuses né 


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LATE Y 


Fig. 26. — Distribution. à Madagascar, des races hovas et des peuples sownis aux Hovus. 


Reume = - 

eee) [ Es | \ | Po: 9 | 
ess) Hovas ———— Betsileos XN ] Betsimisarakas CSS] Bézanozanos 
EEE =) SN) LH 


C2 ss [II BH 
/ ptsianakes | akara Ju yQaT ntaimoros ï à 
L | œpncs os Fig. 27. — Famille Hova (Bourgeois). 


Eselaves porleurs d'eau dans l'Imerina 


lig. 28 


TA 


.Q 
ni 


63 


“DULMAULL,] SUDP' 42//109 98 ap satarumu ses 


678 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


rendus hypocrites et fourbes. C’est qu'ils ont cher- 
ché à sauvegarder leur existence par tous les 


les 


avoir 
forment 


ils guère 


de justice et d'humanité qui 


moyens ; 
notions 


ne peuvent donc 


la base de notre société. Voilà leurs défauts. 

Mais ils ont aussi des qualités. Ils aiment les 
enfants et respectent les vieillards; ils sont bons - 
patriotes, el, lorsqu'ils partent en voyage, ils 
emportent souvent un peu de terre prise dans » 
leur case natale. Ils sont aussi très disciplinés : 
ils ont toute une hiérarchie d'honneurs, au som- 
met de laquelle est le premier ministre, univer- 
sellement craint. Leur gouvernement est mauvais, - 
mais il est redouté. C’est à ce gouvernement inca- « 
pable et détesté que nous faisons la guerre, et il. 
importe de ne pas le confondre avec le peuple hova : 
qui, si nous le voulons, pourra devenir notre auxi- 
liaire. 

Chez eux, les fonctionnaires, comme le dit M. E. | 
Gautier, ont le monopole du vol: on vole ses infé- 
rieurs et on est volé par ses supérieurs, qui sont L 
volés par le premier ministre. De sorle que ce. 
sont les Hovas qui travaillent, et c’est le PR 

! 
LÉ 
ÿ 


JS 


: 
L 
k 


sp 


ministre qui est payé. 

Ils sont laborieux et persévérants dans leurs 
entreprises ; leurs maisons sont spacieuses, elles 
ont des fenêtres le plus souvent non vitrées, et sont 
construites en briques crues ; ce n'est Fibe la. 
vague case malgache des she régions de l'ile. 1 


Les produits de leur industrie, exposés au 


Muséum, nous montrent chez eux de réelles” 
qualités. Ils forgent le fer avec habileté, et fa- 


briquent des haches que ne désavoueraient pas 
nos meilleurs laillandiers. La forge malgache rap- 
pelle celle qu'on trouve en Malaisie : un feu de 
charbon de bois est activé par un soufllet que 
forment deux troncs d'arbres creusés, placés ve 
ticalement, et dans lesquels se meuvent deux pis 
tons en bois garnis de rondelles d'étoftes; de ce 
deux troncs partent deux conduits en bois se réu 
nissant bientôl en un tube uniqué, qui amène l@« 
courant d'air sur le feu; c'est souvent une grosses 
pierre qui sert d’enclume (fig. 31). È 
Les femmes tissent des étoffes avec de la soie 
indigène ou avec du coton, et elles en font leur 
vêtement national, le Dites qui va depuis less 
épaules jusqu'aux genoux. Elles fabriquent aussi 
des dentelles, mais dont les modèles sont pe 
variés. 
Tous ces produits sont échangés, chaque semain@é 
à jour fixe, sur des marchés (zomn4) où arrivent de 
longues Be de piétons chargés de marchan dises 
diverses. : 
La fameuse cérémonie du Bain de la Reine est 
la grande fête nationale des Hovas: c’est le fau= 
droana, qu’on célèbre le 22 novembre. Au milieu 
des courtisans assemblés, la Reine apparaît, vêtue 
du lamba national, puis elle prend son bain (der= 
un rideau), et la cérémonie se termine pan 
assistants avec l’eau dans 


rière 
l'aspersion de tous les 


jours pour célébrer 
cette fête qui marque 
de premier jour de 
lan malgache (fig. 30). 
est la trêve des bou- 


rascar, des cadeaux 
de bœufs remplacent 
nos traditionnels sacs 
bonbons. Plus de 
1.000 bœufs sont im- 


Malgaches, com- 
> dit le P. Abinal, 


ont lieu 
lors, sont originales 
t rappellent plutôt 
es manœuvres d’en- 
semble de nos bal- 


* : : 
in les lois sont très rigoureuses à leur égard. 


| aquelle la Reine a plongé sa royale personne. Des 
réjouissances publiques ont lieu perdant plusieurs |! 


L hers, car, à Mada-’ 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


de l'année malgache. 


Fig. 30. — Féte de la Reine à Tananarive au premier jour 


Fig. 31. — Forge Hova à Tananarive. 


uSsi le Hova se grise-t-il chez lui: la loi sur | la race 


wresse publique a créé l'ivrognerie à domicile. 


indonésienne. 


En résumé, c'est grâce à leur activité et à leur 
intelligence relalive, que les Hovas ont établi leur 


autorité sur les peu- 
ples que nous avons 
cités plus haut et que 
nous allons rapide- 
ment étudier. 
Betsileos. — Au nom- 
bre de 1.200.000, les 
Betsileos habitent le 
sud du Massif central. 
Chez eux, l’infiltration 
noire est plus grande: 
ils sont de plus grande 
tailleet ont les cheveux 
bouclés. Ils ont un 
goût prononcé pour 
l’agriculture; aussi 
ont-ils creusé de nom- 
breux canaux qui leur 
ont permis de transfor- 
mer en rizières la moi- 
tié du pays. 
Betsimisarakas. — Au 


ets modernes que des pas de couples isolés. | nombre d'environ 800.000, ils habitent la côte 


Malgré la fête, on ne rencontre pas d’ivrognes, | orientale depuis la baie d'Antongil jusqu'à Maha- 


noro. Pour M. Catat, c’est le type le plus pur de 
Ils sont très sociables, 
aiment beaucoup la musique et la danse. Ils mon- 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


681 


trent du goût pour la navigation et un certain 
nombre s’adonnent à la pêche (fig. 32 et 33). Ils 
sont très doux, mais très paresseux. 

Antakares (fig. 34 et 35). — Ils occupent l’extré- 
milé nord de l'ile et confinent à nos possessions 
de Diégo-Suarez. Ils vivent de la pêche et de l’éle- 


vage des bœufs. Ces peuples, d’origine musulmane, : 


goro, entre les deux zones forestières. Placés sur 
le trajet de Tamatave à Tananarive, ils fournissent 
la plupart des porteurs; leur force et leur agilité 
sont, du reste, remarquables. 

Antaimoros. — Is habitent le sud dela côte orien- 
tale,-et sont encore appelés les Auvergnats de Mada- 
gascar, à cause de leurs qualités laborieuses. Chaque 


Fig. 33. — Burque de Pécheurs Belsimisarakus. 


“ont toujours donné des preuves de sympathie à la 
France, mais les Hovas se sont élablis en maitres 
“chez eux. Sur la côte ouest, vit le roi Tsialana, notre 
allié, qui, pendant la guerre de 1885, nous a fourni 
“900 volontaires. 
Antsianakus. — Au nombre de 250.000, ils occeu- 
mpent la région forestière et marécageuse située 
autour du lac Alaotra. 
Bezanozunos. —1s vivent dans la région forestière 
à l'est de l’Imerina, et aussi dans la vallée du Man- 
| REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


année un grand nombre d'entre eux quittent leur 
pays pour aller louer leurs services dans d’autres 
parties de l'ile. Ce seront d'excellents ouvriers 
pour les cultivateurs et les industriels qui s’instal- 
leront à Madagascar. 


L'armée Hova (fig. 36 et 38). — Les Hovas ont 
établi, chez euxet chez tous les peuples qui leur 
sont soumis, le service militaire obligatoire pour 
tous les hommes libres de plus de 18 ans, et la 

15°"* 


Fig, 34, — l'emunes Antankares (Nord du Madayascar 


d de Madugascar F 


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{nlankares 


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Fig. 37, — Répartition, à Mada 


, des Sakalaves et des peuples indépendants des Hovas. 


Saknlaves Bares : Antanaln 


TT] { TA a 
L' EE | SUR VA Maty À  aniandros 


E. CAUSTIER -- LE MONDE MALGACHE 


685 


“durée de ce service est de 5 ans. L'armée peut se 
composer d'environ 30.000 hommes, qui doivent 
s'habiller, se nourrir et se loger à leurs frais! La 
- série des grades est complète depuis le simple sol- 
dat, qui est 1°" honneur, jusqu’au Maréchal, qui est 
“12: honneur; il parait même que, pour salisfaire 
“certaines ambitions, il a fallu créer quatre grades 
» supérieurs à celui de Maréchal. 
“ L'armée Hoya possédait il y a quelques années 
20.000 fusils se chargeant par la culasse et 10.000 
fusils à pierre ; mais, depuis 4892, un Anglais, le 


occupent la plus grande partie de l'ile et peuvent 
être rangés en deux groupes : ceux qui sont en 
partie soumis aux Hovas, comme les Sakalaves, les 
Antanossy, les Tanalas et les Bares ; et ceux qui 
sont complètement indépendants, comme les An- 
tandroy et les Mahafaly. 

Sakalaves. — Au siècle dernier, ils étaient le 
peuple le plus puissant de l’île; mais leurs dissen- 
sions divisèrent leur autorité, et aujourd'hui, ils 
subissent en partie la domination des Hovas. Ils 
s'étendent depuis le nord de l'ile jusqu’à la baie 


Fig. 38. — Garde du corps de la Reine Ranavalona III. 


k colonel Shervington, a complété cetarmement, qui 
Maujourd'hui comprend, avec des fusils plus per- 
Hectionnés, environ 300 bouches à feu, dont des mi- 
trailleuses, des canons-revolvers, des hotchkiss et 
“des pièces de campagne. 
En somme, nous pouvons dire que l’armée Hova, 
mal organisée, peu belliqueuse, sera un faible 
obstacle pour notre armée. La grosse difficulté, c'est 
Lapprovisionnement de nos troupes dans cette ré- 
Igion de l’ouest, qui està peu près dépourvue de res- 
Sources, et l’on peut dire que c'est l'administration 
Militaire qui est chargée de remporter la victoire. 


Sakalaves et peuples, indépendants (fig. 37) . — Ils 


de Saint-Augustin, occupant ainsi presque toute 
la région occidentale, mais surtout le voisinage 
des côtes et des grands cours d’eau navigables. Les 
villages sakalaves s’éloignent rarement à plus 
d'une soixantaine de kilomètres de la côte. 

Les esclaves introduits par les Arabes ont fait 
prédominer l’élément nègre : aussi ont-ils les che- 
veux crépus et les lèvres épaisses. 

Les principales tribus sakalaves sont, du nord au 
sud : le Bouéni, l'Ambongo, leMénabé etle Fihere- 
nana. Les Sakalaves du Bouéni, de l’Ambongo et 
du Ménabé font de l'élevage; ceux des côtes sa- 
blonneuses du Ménabé se consacrent à la pêche 
et au cabotage dans de grandes pirogues. 


686 E. 


CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


On a dit qu'ils étaient les alliés de la France ; 
cela est vrai pour le nord-ouest, où ils nous témoi- 
gnent leur sympathie dans l'espoir d’une protec- 
lion contre les Hovas. Maïs, en réalité, ilserait peu 
prudent de s'appuyer sur ces peuplades, qui ont 
des instincts no- 
mades et un a- SRE 
mour extraordi- 
naire du pillage. 
M. Gaulier cile 
un Mé- 
nabé qui, chaque 


roi dü 
année, se mel à 
la tête de bandes 
armées pour al- 
lerranconner ses 
voisins; il ra- 
masse ainsi de 
quoi vivre pen- 
dant la belle sai- 
son, else repose 
pendant la sai- 
son pluvieuse. 
Le peuple ne 
se conduit pas 
autrement et a 
des habitudes in- 
vétlérées de bri- 
gandage. Les fa- 
meux brigands 
malgaches , les 
Fahavalos , sont 
des Sakalaves. 
Ce sont eux qui 
rendent inhabi- 
tables ces vastes 
étendues qu'on 
peut prendre,sur 
les cartes, pour 
des déserts, mais 
où en réalité il y 
a de l’eau et de 
la verdureaulant 
qu'ailleurs. 
Chez les Saka- 
laves et dans la 
plupart des tri- 
bus indépendan- 
tes du sud, dit M. Gautier, qui a bien étudié toutes 
ces régions, on vole et on tue comme on respire, 
c’est unefonction naturelle. En résumé, l’ouest et 
le sud de un vérilable 
repaire de brigands où le pillage est à la fois géné- 
ral et mutuel 


Madagascar constituent 


Antanossy (fig. 40). — Ce sont les Malgaches des 
environs de Fort-Dauphin, au sud-est de l'ile. Un 


Fig. 39. — Jeune fille Tanala (frontière Betsileo). 


cerlain nombre, plutôt que de subir la domination 
des Hovas, ont émigré sur les rives du fleuve Saint- 
Augustin ; mais, depuis quelques années, apprenant k 
que Fort-Dauphin est devenu le centre d’une ex- 
ploitalion importante de caoutchoue, ils y re- 


viennent. 

Leurs (rails 
sont délicats, et 
leurs cheveux 
fins el bouclés se 
distinguent des 
cheveux. plats 
des Hovaset dela 
lignasse crépue 
des Sakalaves. 

C'est surtout 
chez eux que les 
éléments sémi - 
liques se sont 
mélangés à la 
race indonésien-\ 
ne, el c'est pro- 
bablement à ce 
mélange qu’il 
faut attribuer 
leur supériorité, 
intellectuelle, - 
T'analas (Mig.39). L 

Ils habitent" 


A —— 


l'est du pays Bet- ù 


sileo, au milieude » 
. 


la grande forêt. 
C'est une ra 
bien constitu 
et aux forme 
harmonieuses ,. 
mais elle est fort 
peu nombreuse: 

Baras (fig. 4 
et 42). C'est 
un peuple guer- 
rier qui habite le 
sud du 
central, e 
les Hovas n'ont 
encore pu sou- 
mettre complè= 
tement. Chez eux" 
le sang africain prédomine. Leurs cheveux crépus; 
roulés en boule, sont surmontés d’une sorte de toi= 
ture formée par un mélange de terre blanche et den 
bouse de vache, et le tout est orné d'un plumet. Chez 
eux, comme chez les Sakalaves, l'anarchie a créé 
le brigandage; aussi produisent-ils des brigands. | 
aussi émérites que les Sakalaves. 1 

Enfin, les tribus indépendantes des HMahafaly el : 


E. CAUSTIER — LE 


MONDE MALGACHE 687 


des Anfandroy occupent la région stérile de la 
pointe sud, entre le cap Sainte-Marie et la baie 
Saint-Augustin. Ce sont des tribus à demi barbares 
et fort pauvres. Les Antandroy cependant élèvent 


- des moutons. 


Le. _… AS 


Fig. 40. — Jeune fille Antanossy. 


Pour terminer, nous devons ajouter que notre 
possession de la Réunion et aussi l'ile Maurice, qui 
est française de langue et de cœur, envoient de 
nombreux colons à Madagascar. Ces deux iles 
surpeuplées forment évidemment une pépinière de 
colons qui pourront civiliser Madagascar sous la 
protection de notre patrie, et faire valoir les 
richesses naturelles de cette grande ile. 


$ 3. — Les Missions et les Ecoles. 
Il n’est peut-être pas de peuple qui soit aussi 
rebelle à toute idée religieuse que les Malgaches. 


Leur conception du merveilleux s'arrête aux « es- 
prits » et aux sorciers. Aussi bien le Malgache, 
malgré les efforts des missionnaires, est reslé pro- 
fondément sceptique. 

L'influence musulmane ét l'influence chrélienne 
ont essayé toutes deux leur action. 

L'influence musulmane s'est exercée surtout 
chez les Sakalaves. En Afrique, où le musulman 
estun puissant civilisateur, le rayonnement du Sou- 
dan s'étend peu à peu vers le centre-du continent. 
A Madagascar, l'échec a été complet: et tous les 
Sakalaves, depuis les rois jusqu'aux esclaves, ont 
conservé leurs fétiches et leurs sorciers.’1l n'y a 
pas d’écoles arabes ; les Sakalaves ne savent ni lire 
ni écrire et ne se doulent pas de l'existence du 


Fig. 41. — Brigand de race Bara. 


Coran. On retrouve cependant, chez ces peuples, 
certaines coutumes musulmanes, par exemple 
l'horreur de la viande de porc et la pratique de la 
circoncision. 

En somme, actuellement, l'influence musulmane 
est nulle. 

En revanche, les missionnaires chrétiens on! 
trouvé chez les Hovas un terrain particulièrement 
favorable. Ils obtinrent du premier ministre une 
loi défendant les pratiques du fétichisme et 
imposant à tout sujet de la Reine l'adoption de 
la religion chrétienne. Les missionnaires anglais 
firent adopter à la Reine, en 1869, une sorte de 
protestantisme faconné à son usage et dont elle 
fut le chef. Dès lors la religion de la Reine devait 
être la meilleure pour tous les Hovas. 

Les missionnaires de Madagascar peuvent êlre 
rangés en trois groupes : les Anglais et les Norvé- 
giens, qui sont protestants, el les Français qui sont 
catholiques. Ils ont couvert le pays des Hovas de 
leurs établissements, qui, depuis trente ans, ont fait 


688 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


faire aux idées européennes des progrès énormes. 
Quelle a été l'influence respective de chacun de ces 
groupes? C’est une question d’une grosse impor- 
tance politique, et qui, peut-être, a élé un peu exa- 
gérée dans ces derniers temps. Nous allons essayer 
de la résoudre et de la ramener à sa juste valeur. 


1° Etablissements Anglais. — Les missions proles- 
lantes anglaises sont les plus anciennes de l'ile. 
Aujourd'hui elles comptent 68 missionnaires, envi- 


ron 6.000 auxiliaires indigènes, 92.000 élèves dans | 


leurs écoles,310.000 


2° Etablissements Norvégiens. — Les missions an- 
glaises ne sont pas les seules missions protestantes 
à Madagascar; il faut ajouter les missionnaires ” 
norvégiens de Norway Mission Society, qui sont Lu- 
thériens et dont les sentiments sont moins hostiles 
à la France que ceux des « méthodistes ». Ils sont 
aunombre de 44, qui évangélisent chezles Betsileos, | 
les Sakalaves etles Bares. Ils ont 1.120 pasteurs in- 
digènes, environ 37.000 élèves et 50.000 adhérents. 


3° Etablissements Français. — La Mission Catholique 
est représentée par 


adhérents, 1.176 é- 
coles et plus de 
1.300 temples; elles 
ont25diocèses, dont 
15 dans l’Imerina, 
7 chez les Betsileos 
et 3 dans les autres 
provinces; elles pos- 
sèdent 3 imprime- 
ries, 2 hôpitaux et 
une léproserie; el- 
les disposent d'un 
budget annuel d'en- 
viron 4 million. Par 
desrétribulionssco- 
laires etpar des qué- 
tes, elles augmen- 
tent leurs ressour- 
ces, ce qui leur per- 
met chaque année 
de créer de nou- 
veaux  élablisse — 
ments qui attestent 
leur puissance. 

Les missionnaires 
anglais appartien- 
nent à trois sectes : 
Quakers, Anglicans et 
Indépendants. 

Les Qualers, représentant la société Friend's fo- 
reing Missionary Association, ont une influencepeu 
considérable, 

Les Anylicans, représentant la Society for the pro- 
pagation of the Gospel, ont été les pionniers de l'in- 
fluence anglaise à Madagascar et ont toujours usé 
de procédés corrects à l'égard de nos missionnai- 
res. Aujourd'hui, du reste, ils ont laissé la direc- 
tion du culte nouveau, qui a la Reine pour chef, 
à leurs coreligionnaires, les Zndépendants. Aussi 
leur influence a-l-elle considérablement diminué. 

Les Zadépendaunts de la London Missionary Society, 
oules J/é/hodistes, comme nous disons, ont montré à 
nos missionnaires une hostilité invariable et hai- 
neuse.Leurinfluenceestcertainementconsidérable. 


Fig. 42. — Guerriers Sukalaves. Prince Bara et l’un de ses soldats. 


des Jésuites arrivés 
dans l'ile vers 1830. 
Elle se compose de 
114 Français, G4L 
instituteurs indigè- 
nes, 17.000 élèves 
répartis dans 600 
écoles primaires , 
9 écoles normales, 
I collège;ellecomp- « 
te 130.000 adhé - 
rents. Il est inté- 
ressant de voirquels 
sont les résultats 
obtenus par ces mis- 
sionnaires avec leur 
budget annuel de 
200.000 francs, dont 
20.000 francs sont 
fournis par le Gou- 
vernement français. 

Ils ontédifié à Ta 
nanarive une belle 
cathédrale en pierre 
dure (fig. 43); ils 
ont établi à Ambo- 
hipo, près de Tana- 
narive, un collège, 
qui est en même 
temps une ferme-école où l’on essaie d’acclimater 
les produits européens. Dernièrement encore 
M. Paul Camboué, procureur de cette mission, M 
adressail à la Sociélé nationale d'Acclimatation des 
notes fort intéressantes sur la culture du blé, de 
la vigne, de la pomme de terre, etc. 

Enfin, ils ont élevé sur la colline d’Ambohipo 
un Observatoire astronomique et météorologique « 
(fig. 46), que le R. P. Collin dirige en parfait savant. \ 
Cet observatoire, bien installé, est pourvu de la. 
plupart des instruments scientifiques perfectionnés … 
par la technique moderne de nos constructeurs :. 
baromèlres, aclinomètres, actinographes, anémo-. 
mètres, etc. ! 

En résumé, sur 8.000 maitres d’école indigènes, = 


n 


20UDUDUD n 9077709 D] IS SUOUNA ap olt9)]0{ 19 ou 21] n 2p SD) 3 


11P91909 — ‘£y "51H 


690 


E. CAUSTIER — LE 


0] à dy l'E ads hé | 


MONDE MALGACHE 


nos missionnaires français n'en ont que 640; el 
sur les 150.000 élèves, 17.000 seulement appar- 
liennent à nos écoles. 

L'influence anglaise semble donc être considé- 
rable en même temps que funeste à nos intérêts. 
N'y aurait-il pas là un danger menaçant pour 
l'avenir de notre future colonie ? 

Je ne le crois pas ; car les Malgaches vont, selon 
leur intérêt, à l’église ou au temple. Dans une même 
famille, comme le fait remarquer M. E. Gautier,un 
fils va chez les Anglais, un autre chez les Norvé- 


Fig. 44. 


, 


Fig. 4% el 45. — Fillelle Hova, pensionnaire des Ecoles européennes de Tananarive. 


giens, un troisième chez les Français. Le Hova se 
contente de prendre dans l’enseignement reiigieux 
un peu d'instruction pratique; les controverses 
dogmatiques l’inquiètent fort peu: c'est un utili- 
laire avant tout. 

Le jour prochain où le pays nous appartiendra, 
il suflira d'établir que les écoles françaises, seules, 
donneront accès aux fonctions publiques, pour 
que le lendemain nos écoles soient débordées. Les 
Anglais, cetle fois, auraient travaillé pour nous! 


$ 4. — Industrie des Produits animaux. 


D’autres collaborateurs de cette Revue diront 
plus loin les exploitations qui pourront être ten- 
tées à Madagascar; indiquons seulement ici 


quelles industries pourront y 
utiliser les produits animaux, si riches en ce pays 
Parmi ces derniers nous devons ciler en pre 
mière ligne la viande des bœufs, si abondants à 


même à l’élal sauvage en troupeaux nombreux 
L'élevage du bœuf se fait surtout en pays saka= 
lave : pendant la journée les bœufs errent dans 1 


gènes ; aussi ce sont eux qui fournissent aux iles 
voisines de Madagascar leur provision en viande 
fraiche. L'élevage de ces animaux pourra prend 
une plus grande importance el faire une concurs 
rence sérieuse aux produits des colonies austra= 
liennes et des États de la Plata, beaucoup plus élois 
gnés de l'Europe. | 
Un bœuf gras, pesant environ 300 kilogrammes, 
se vend de 30 à 40 francs; si l’on lient compte des 


prix de la viande sera de 8 à 10 centimes | 
kilogramme. C'est ce qui avait décidé une société | 
« la Graineterie française », à établir près de 
| 
| 


Diégo-Suarez une usine (fig. A7) pouvant traiter 


| 
| 


"UAPUDUN], D anlbogorvajaut ja anbuvouo1sD auo7nauasqo — ‘95 ‘ST 


692 


E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 


250 bœufs par jour el capable d’approvisionner en 
excellente viande de conserve toute notre armée. 

Pour de nombreuses raisons, indépendantes du 
pays, celle usine a cessé de fonctionner; mais il 
est probable qu'après l'expédition elle sera remise 
en activité, el cela dans l'intérêt même de la colo- 
nie française. Il est bon d'indiquer les raisons qui 
semblent avoir empêché la réussite de cette entre- 
prise : munie du matériel le plus complet, même 
d’une tannerie électrique, son installation avait 
coûté 8 millions ; de plus, un des directeurs ayant 
fait, au début de la saison sèche, un achat trop con- 
sidérable de bœufs, environ 6.500, l'herbe man- 
qua à ces bêtes qui perdirent de leur embonpoint, 
et firent baisser le rendement et la qualité des pro- 
duits. En même temps, l’on se montrait très rigou- 


Fig. 47. — Un des élablissements de la Graineterie française pour la fabrication de conserves de bœuf, à Antogobula\ 
(17 nai 1893), 


reux au Ministère de la Guerre, et les conserves 
étaient refusées. 

C'est, du reste, à celte époque qu’un député 
français déclarait, à la tribune de la Chambre, que 
les conserves de bœuf bouilli étaient faites avec de 
la corne de bœuf, comme l'indiquait l'étiquette 
des boites « Corned beef » !!! Enfin un dernier coup 
fut porté à cette industrie par l'application des 
droits de douane : bien que Diégo-Suarez soit une 
colonie française, l'administration imposa les con- 
serves à leur entrée en France, à raison de 


20 francs les 100 kilogrammes, sous le prétexte un. 


peu sublil que la colonie ne produisait pas assez 
de bœufs pour alimenter la fabrication, et que par 
suite on tuait des animaux provenant de pays de 
protectorat. Celte question des droits à l’entrée en 
France a été soumise au Conseil d'Etat, et le 
résultat de la campagne actuelle en amènera sans 
doute la prompte solution et facilitera ainsi la 
reprise des travaux. 

C'est, nous dit M. Frot, ancien directeur de cet 
élablissement, une affaire industrielle de premier 


ordre, tant pour ses collaborateurs que pour la 
colonie où elle est implantée. î 

Pour terminer ce qui a rapport aux produits … 
animaux, j'ajouterai que l’industrie de la soie 4 
devra subir une transformation complète par la. 
culture judicieuse du mürier, par l'élevage rai- 
sonné du Bombyx et par le choix des repro- A 
ducteurs. ? 

Enfin, on pourrait essayer d'introduire à Mada- « 
gascar des oiseaux de la Nouvelle-Guinée, tels que 
les Oiseaux de Paradis, les Gouras et les Pigeons 
Nicobar. L'absence de grands Carnassiers, de Si- 
nges el de Reptiles, qui sont très friands d'oiseaux . 
et de leurs œufs, faciliterait cette acclimatation. « 
L'industrie plumassière serait ainsi assurée d’une 
ressource qui pourrait lui manquer bientôt, en rai- 


son du massacre continu qui se pratique en Nou 
velle-Guinée. 

IV. — ConcLusIoxs. | 

En somme, Madagascar n’est ni l'Eden que quels 

ques-uns se sont plu à nous dépeindre, ni le « ci 

melière des Européens », dont ont parlé des critiques 


lement. : 

Enregistrons aussi cet enseignement de l'obser= 
vation scientifique que nous devrons, pour y étas 
blir notre influence, nous appuyer sur les peuples| 
d'origine malaise et non sur les nègres. C'est alors,| 
que nous pourrons faire à Madagascar, avec les | 
Hovas, ce que nos voisins les Hollandais ont fait, 
avec les Malais, dans les Indes néerlandaises. | 

E. Caustier. 


Agrégé de l'Université, . 
Professeur au Lycée de Versailles. 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


MESSIEURS, 


… Cette série de conférences que nous nous pro- 
posons de faire sur l'Histoire naturelle de Mada- 
8 asear, comme complément de l'Exposilion organi- 
sée dans les Galeries de Zoologie, pourra, je l’es- 
père, fournir d’uliles renseignements à ceux que 
préoccupel’avenir de cette grandeîle, vers laquelle, 
en ce moment, nos pensées se reportent sans cesse. 
Et pendant que nos soldats combattent au loin 


pour assurer, dans un Lemps prochain, la sécurité 
de nos compatriotes au milieu d’un pays pacifié, 
faut que, de notre côté, agissant dans une bien 
odeste sphère, nous facilitions, aux hommes 
e bonne volonté, l'exploitation des ressources 
qui demain seront à leur disposition ; il faut que 
nous leur apprenions ce qu'est cette mystérieuse 
terre, que nous leur donnions des indications pré- 
_cises sur ses races humaines, ses animaux, ses 
lantes, ses richesses minérales, car l'étude de 
Sloire naturelle d’une contrée doit toujours 


serviront aujourd'hui, par un juste retour, à éclai- 
er ceux qui voudront suivre les exemples laissés 


Nous aurons ainsi rempli notre tache : la mission 
u Muséum a été nettement indiquée lorsque — il 


parler, voulurent grouper dans le nouvel éta- 
blissement toutes. les études relatives à l’His- 


e plus élevé et de plus abstrait, mais aussi dans 
eurs diverses applications; ils voulurent que les 


D Cette conférence a été faite le dimanche 30 juin dans le 
land amphithéâtre du Muséum d'histoire naturelle. Elle a 
suivie de trois autres lecons : 

Le jeudi 4 juillet. — Les races humaines, par M. E. Hany. 
Le dimanche 7 juillet. — Le sol et ses richesses minérales, 
“par M. SranISLAS MEUNIER. 

«Le jeudi 11 juillet. — Les plantes, par M. E. Bureau. 

- Fondé en 1635. 

8 Le Muséum d'Histoire naturelle fondé en 1193. 


LES ANIMAUX DE MADAGASCAR À 


CONFÉRENCE FAITE AU MUSÉUM : 


et des déconvenues regrettables. Nous reslerons 
donc dans le rôle: qui nous a été tracé, en cher- 
chant à représenter sous des couleurs exactes un 
PaÿS que nous avons un véritable intérêt à con- 
naître, puisqu'il va devenir bientôt un champ où 
s’exercera cette énergie coloniale qui nous animait 
jadis et qui, restée quelque temps comme assoupie, 
semble, de nos jours, se réveiller. 

N'est-il pas désirable, en effet, que des hommes 
instruits, d'une probité sévère, d'un caractère digne 
de représenter cette France dont l'esprit chevale- 
resque et loyal n’est jamais contesté, se décident 
à peupler nos colonies et nos pays de protectorat 
el à y faire fructifier leurs capitaux, — fortune per- 
sonnelle ou fonds confiés à leur honneur, — ne de- 
mandant au Gouvernement que justice et liberté et 
comptant pour réussir sur leur propre initiative? 


I 


Madagascar est située dans l'océan Indien, près 
de la côte orientale d'Afrique, et souvent on l’ap- 
pelle la Grande île africaine; mais ce nom ne lui 
convient pas, et nous aurons l’occasion de dire pour 
quelles raisons. Elle est séparée du continent par 
le détroit de Mozambique qui, dans sa partie la 
plus resserrée, mesure encore 400 kilomètres de 
largeur. Sa superficie est supérieure à celle de 
la France entière et elle s'étend du 11° 57! au 
25° 34" de latitude sud. Sa longueur est d'environ 
1.600 kilomètres. 

Elle fut cCécouverte, au commencement du 
xvI° siècle, par un navigateur portugais et nommée 
l'ile de Saint-Laurent. Les opérations des Portu- 
gais se bornèrent à la traite des esclaves et à 
quelques essais de propagande religieuse, aux- 
quels ils renoncèrent bientôt. En 1642, la France 
y prit pied et le cardinal de Richelieu concéda Ma- 
dagascar et les iles adjacentes à la Société d'Orient 
« pour y ériger colonies et commerce el en prendre posses- 
€ sion au nom de Sa Majesté très chrétienne ». 

M. de Pronis, agent de la Société, occupa alors 
l’ile Sainte-Marie, la baie d'Antongil, et, quelques 
années plus tard, il construisait Fort-Dauphin. En 
1658, le sire de Flacourt — l’un des directeurs 
de la Compagnie — publiait une Æistoire de la 
grande Ile de Madagascar, dans laquelle se trouvent 
des détails très exacts non seulement sur l'état po- 
litique et économique du pays, mais aussi sur les 
animaux et les plantes. Chacune des espèces esi 
décrite d’une manière reconnaissable, el l'auteur 


694 


A. MILNE-ED WARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


se montre d’une sincérilé d'autant plus méritoire, 
qu'à cette époque il était difficile de contrôler les 
récils des voyageurs et qu'ils justifiaient souvent 
le dicton : « À beau mentir qui vient de loir. » Nous 
devons payer à Flacourt un tribut de reconnais- 
sance, et il est juste que son image paraisse à 
l’occasion de cette conférence. ( Projection.) 

l'lacourt n'élait pas naturaliste, et il ne pouvait 
élablir de comparaison entre les productions de 
Madagascar et celles des contrées voisines: l'at- 
lention n’a élé atlirée que beaucoup plus lard sur 
les caractères tout à fait spéciaux des êtres vivant 
dans cette ile et sur les différences qui les séparent 
de ceux de l'Afrique, cependant si proche. 

C'est en 4770 qu'un homme, dont le nom doit 
ètre prononcé avec respect par tous ceux qui ho- 
norent les serviteurs dévoués deleur pays — Phili- 
bert Commerson, — après avoir visilé l'Amérique, 
les îles de l'Océanie et celles de l'Inde, débarquait 
à l'ile de France pour y réparer ses forces ébran- 
lées par trois années de navigalion. Mais sa répu- 
lation l'avait précédé, el Poivre, alors intendant de 
celte colonie, insista pour le garder afin qu'il püt 
éludier les productions de Madagascar. 

Il faut entendre le cri que jetté Commerson en 
arrivant sur celle terre : il eutcomme la révélation 
d'un monde nouveau et en ressentit une vive im- 
pression. « Quel admirable pays que Madagascar, 
« écrit-il à un de ses amis ; il mériterait à lui seul 
« non pas un observateur ambulant, mais des 
« Académies entières. C’est à Madagascar qu'est 
« la vérilable terre de promission pour les natu- 
« ralistes; c’est là que la Nature semble s'être reti- 
«rée comme dans un sanctuaire sparticulier pour 
y travailler sur d’autres modèles que ceux aux- 
« quels elle s’est asservie ailleurs : les formes les 
plus insolites s’y rencontrent à chaque pas. » 
Aussi se consacra-t-il tout entier à son œuvre 
d'exploration ; les notes et les dessins s’accumu- 
laient dans ses carlons, mais il ne put achever la 
tâche qu'il s'était proposée et, le 143 mai 1773, il 
mourail à peine âgé de 46 ans. 


{ 


Depuis celle époque, combien de Français ont 
parcouru les mêmes régions, confirmant ce qui 
avait élé exprimé, avec tant d'éloquence, par Com- 
merson el joignant de nouvelles découvertes aux 
siennes !Nous citerons: Sonneratqui, revenant d'un 
voyage en Chine et aux iles de l'Inde, s'arrêta, 
en 1774, à Madagascar, où un court séjour lui suffit 
pour réunir d'importantes collections et rapporter 
en France des animaux inconnus, dont la plupart 
existent encore dans les Galeries du Muséum ; 
Sganzin,en 1840, puis Bernier et Goudot qui, à leur 
tour, éludièrent la faune. Mais, la prise de posses- 
sion scientifique de l'ile, nous la devons à M. Alfred 
Grandidier qui, de 1865 à 1870, l'a parcourue 


- L'ensemble de cette partie de l'ile est très pittoresque et 


en diverses directions, choisissant les ilinéraires 
ignorés, apprenant la langue et rassemblant des 
documents de toutes sortes qui, non seulement font 
la richesse denotre Musée, mais ont aussi fourni les 
éléments d’une œuvre magistrale intitulée : Æis- 
toire physique, politique et naturelle de Madagascar, 
dont 30 volumes ou fascicules ont déjà paru,et à 
laquelle nous ferons de fréquents emprunts. 

La profonde connaissance du pays qu'avail 
M. Grandidier a été largement mise à contribution 
lorsqu'il s'est agi, il y a quelques mois, de déter- 
miner la marche de notre Corps expédilionnaire, el 
les renseignements qu’il a pu donner ont été pré- 
cieux. 

Madagascar se présente sous des aspects fort 
divers suivant les parties que l’on étudie. Le cli- 
mat, la nature du sol tracent des frontières respec- 
tées par les animaux, elil est facile de reconnaitre 


trois provinces zoologiques différentes, correspon- 


dant à la région orientale !, à la région centrale ? 
el à la région occidentale et méridionale ?, 


! La région orientale comprend tout le versant Est de la. 
grande chaine qui s'étend, le long de la côte, depuis Vohe- 


mar jusqu’à Fort-Dauphin, sur une largeur moyenne d’une « 


centaine de kilomètres. 
Cette région, très montagneuse dès qu’on s'écarte du bord 
de la mer, est principalement formée d’argile rouge, au mi- … 


lieu de laquelle apparaissent des roches primitives (gneiss, « 


micaschiste) et des coulées de basalte. Les pluies y sont très 
abondantes; en certains endroits, il ne tombe pas moins de 
3 mètres d’eau par an. Aussi, malgré le sol argileux, très 
pauvre en alcali et que recouvre une mince couche d'humus, 


les pentes des montagnes ont-elles une végétation herbacée | 


assez vigoureuse, et les sommets du versant sont-ils bordés, 
par une large ceinture de forêts où les arbres, parfois très. 
beaux lorsqu'ils rencontrent un terrain volcanique ou basal 
tique, sont le plus souvent rachitiques ou couverts de mousses 
et de lichens quand ils croissent en pleine argile. 

Les vallées sont marécageuses et devront être drainées. 


fait l'admiration des voyageurs. 


2? La région centrale est un vrai chaos de montagnes, qu'on 


à comparé, non sans raison, à une mer agitée qui aurait été 
soudainement figée. De nombreux cours d’eau l’arrosent, et 
elle est formée d'une puissante masse d’argile, au milieu de 
laquelle apparaissent des afleurements de gneiss, de mica- 
schiste, de granit, de basalte, et plus rarement de calcaire 
crétacé. Les arbres et même les arbustes y sont extrème- 
ment rares; on n’en voit guère que dans certaines vallées 
étroites, le long des petites rivières qui leur fournissent l'hu- 
midité nécessaire. La sécheresse, qui dure d'avril à octobre, 
empéche, en effet, le développement de toute végétation arbo- 
rescente dans ces argiles dures et compactes, et presque 


ne en ge qu 


ee 2 


partout dépourvues d’alçali. La chute des pluies, qui a licu 


principalement de novembre en avril, varie de 1 mètre à 
1m,34. 

3 La région occidentale et méridionale est relativement plate, 
présentant seulement çà et là quelques collines et de petites 
chaines de montagnes. Elle est plus élevée dans le sud que 
dans l'ouest, et formée, excepté dans le sud-est, par des 
urès et des calcaires secondaires; elle est traversée par 
quelques grands fleuves venant du massif central et par dé 
petites rivières qui ont peu d'eau ou sont mème desséchées 


sec ; il n’y tombe pas plus de 30 à 40 centimètres d'eau par 
an (de décembre à mars), aussi la culture ne semble guère 


r! 


pendant la plus grande partie de l’année. Le climat y est très ll 


æ Partout, d'ailleurs, la faune a ses caractères 

ropres ; elle n’emprunte, pour ainsi dire, rien à 
JAfrique ; Madagascar n’est pas un morceau déla- 
“hé de ce continent, elle est elle-même. 

En Afrique abondent les singes, les grands 
fauves, les anlilopes, les girafes, les dromadaires, 
les zèbres, les éléphants, les rhinocéros. Dans les 
plaines se trouvent des autruches, des grues, des 
marabouts, des secrétaires ; les serpents venimeux 
ny sont pas rares. 

A Madagascar, le décor change ; il est moins 
arié, moins grandiose, les animaux sont de plus 
élite taille, leurs types sont moins divers; mais 


ner une idée. 
Il 


Ilny à pas un seul singe; ils sont remplacés par 
des Jakis ou Maques, qui vivent dans les bois, 


Fig. 1. — Mains de l'Indris brevicaudalus. 


mpent aux arbres avec une agilité surprenante 
else nourrissent surtout de feuilles et de fruits. Je 
Nous parlerai d'abord du plus grand, celui que l’on 
pourrait appeler l’anthropomorphe de ce groupe, à 
ause de sa marche dressée et de ses proportions ; 
S jambes sont hautes, terminées par des mains 
rmes (fig. 1), ses bras petits, sa queue courte : 
t le Bubakoute des Malgaches, l’Zndris des natu- 
listes (fig. 2). Sonnerat l'a découvert et en a rap- 
porté un exemplaire que nous conservons au Mu- 
Sêum avec un soin pieux, quoiqu'il soit bien laid et 
bien râpé, car ila servi aux premières descriptions. 


Matäctérisée par des plantes qui ne craignent pas la séche- 
2sse : Baobabs, Tamariniers, Sakoas ou arbres de Cythère, 
mälaniers épineux, Euphorbiacées aroorescentes (Tamata et 
Laro), Songo Didicrea. 
Absolument aride et désolée dans le sud et dans le sud- 
muest, cette région s'améliore dans le nord. Au Ménabé, il 
ade vastes pâturages où les Sakalaves élèvent les plus beaux 
dxufs de Madagascar. 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


695 


Les Indris habitent seulement les grandes forêts de 
la côte est!, où ils vivent en bandes de quatre ou cinq 
individus, et l’on remarque chez eux une grande 
tendresse pour leurs petits. Ils ontun cri à la fois 
violent et lamentable, dû à un sac laryngien spé- 
cial, Certaines peuplades croient que ce sont des 


Fig. 2, — Babakoute (Indris brevicaudatus). 


hommes réfugiés jadis dans les bois, d’autres leur 
témoignent une grande reconnaissance et ont fail 
vœu de les toujours respecter, car il est de tradi- 
tion chez elles que, par suite de l'éveil donné par 


les cris stridents de ces animaux, une surprise 
ennemie avait été évilée. 
Les Propithèques se distinguent des Indris par 
1 Depuis la baie d’Antongil, au nord, jusqu’à la rivière 


Masova, au sud, c'est-à-dire sur la moitié environ de cette 
partie de la côte. 


696 A. 


leur longue queue; ils ont les mêmes mœurs, le 
même genre de vie que ceux-ci, auprès desquels 
plusieurs espèces habitent les forêts de la côte 
orientale. Ce sont le Propithèque à diadème !, le 
Propithèque d'Edwards et le Propithèque soyeux, 
dont les formes sont identiques, 
mais dont le pelage diffère. Il est 
tantôt jaune et gris, tantôt noir, 
tantôt d’un blanc pur. D'autres 
habitent la région occidentale ; 
ce sont le Propithèque de Ver- 
reaux ?, celui de Decken? (fig. 3), 
celui de Coquerel* et le Propi- 
thèque couronné *. Chacune de 
ces variétés vit à part et en petits 


groupes de sept ou huit. Les 
jeunes sont cramponnés aux 
flancs de la mère et y restent at- 


lachés malgré des bonds de 9 ou 
10 mètres. A lerre, on les voit 
souvent sauter à pieds joints; en- 
fin, pour achever leur portrait, 
ils ne peuvent supporter la capti- 
vilé, ils sont doux, tristes, et rien 
n'est plus curieux, paraît-il, que 
leur facon d’entr'ouvrir les bras, au lever du soleil, 
comme dans un acte d’adoralion (fig. #) 

Au xvu° siècle, Flacourt avait déjà signalé le 
Propithèque de Verreaux. « Il y a une espèce de 
Guenuche blanche, dit-il, qui a un chaperon tanné 
et se tient le plus souvent sur ses pieds de der- 


Fig. 


Fig. 5. 


— Propilhecus Verreauxii. 


rière, on l'appelle Sue. » Cet animal était, pour- 


Le Propithèque à diadème habite les mêmes forêts que 
l’Indris. Le Propithèque d'Edwards se trouve au sud de la 
rivière Masova et le Propithèque soyeux a été rencontré au 
nord-est, près de Sambava. 

Habite le sud-ouest depuis 
rivière Tsidsoubou. 

ÿ Se trouveentre s Mananbolo et Mananzagaray. 

i À été découvert au nord de la rivière Be tsikoka. 

» Cette espèce n’a été signalée que danse le pays de Boeni, 
entre les rivières Betsiboka et Mananzagaray. 


Fort-Dauphin jusqu'à la 


les rivières 


MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


4. — Propilkecus coronalus. 


lant, resté inconnu jusqu’en 1866, lorsque, près du 
cap Sainte-Marie, M. Grandidier en rencontr 
quelques-uns dans une immense plaine couverte. 
d'Euphorbiacées, de petits arbustes épineux et de 
quelques bouquets de bois (fig. 5); mais, au moment 
où, afin de la conserver, il enle 
vait la peau du premier qu'il avait 
tué, les sauvages qui l’entou- 
raient s’y opposèrent et, pour les 
apaiser, il dut enterrer la chair 
du Propithèque et planter dés 
nopals sur la tombe. 

Pendant la nuit, au clair de 
lune, on voit souvent, dans les 
forêts de l'Est, courir sur les 
branches de petits animaux qui 
semblent une réduction du Pro 
pithèque; ce sont les Avis ou 
Makis à bourre, découverts aussi 
par Sonnerat. Ils n’ont pas l’agi- 
lité des précédents et sont lents 
dans leurs mouvements. 

Tous ces animaux sont rares, 
tandis que les Makis véritables 
ou Lémurs proprementdits,abon- 
| dent dans les forêts ; on les voit partout et il n’es 
pas un voyageur à Madagascar qui ne les ait 
observés. Leur museau fin et allongé, leur attitude 
horizontale, leurs doigts libres et non palmés à la 
base, leurs dents plus nombreuses les rattachent à 
un genre différent de ceux que nous venons d’élu- 


ils aiment les œufs, les petits oiseaux, les reptilesi 
les PR OAS ils vivent en Hemies a nombres 


fig. 6). dns le ec est pie, parfois tacheté de 
roux. La variété rouge de ce Maki a été longtemps 
regardée, par les naturalistes, comme une espèce 
distincte et décrite sous le nom de Lemur ruber 
mais nous avons aujourd'hui toutes les transition 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


697 


‘qui rattachent l’une à l’autre ces deux colora- 
_ tions différentes. 

Le Mongous est plus petit et généralement d’un 
run fauve; sa lête est souvent couverte d’une 
calotte noire (L. nigrifrons), ou blanche (Z. albi- 
rons), ou rousse (Z. rufifrons), ou grise (ZL. cine- 
reus). Les poils, simulant des favoris, sont quelque- 
ois roux (Z. ollaris;, et l’on peut dire qu’il n'existe 
pas deux individus de cette espèceexactementsem- 
lables, ce qui explique les contradictions appa- 
ntes des descriptions faites par les naturalistes. 
Quelques-uns de ces Makis sont intéressants en 
aison des différences de couleur qui permettent 
e reconnaitre le mäle de la femelle; le Macaco 
ile est toujours entièrement noir, la femelle est 
rousse, teintée de gris, et sa tête est entourée d’un 


Fig. 7. — Maki à ventre roux. 


lier également gris. Aussi a-t-on cru à l’exis- 
lence de deux espèces. 

-Un autre, appelé le Lémur très noir |L. niger- 
Winus), ne mérite pas toujours ce nom, car la 
“emelle est rousse; il se distingue du précédent 
ar l'absence de poils formant pinceaux sur les 
reilles, el par ses yeux, qui sont d'un vertbleuàtre, 
au lieu d'être brun clair comme d'ordinaire chez 


pelage dans les deux sexes, mais moins tranchés. Le 
Maki couronné, ainsi nommé pour le diadème que 
+ son front, est de tous le plus petit; enfin le 

Æmur-Chat (fig. 8) a, en effet, la couleur grise, les 
oreilles droites, la queue annelée du chat. C’estun 
fort joli animal qui habite les collines broussail- 
leuses et souvent dénudées du sud et du sud-ouest. 
“—. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


Si les Indris et les Propithèques meurent rapi- 
dement en captivilé, les Makis, au contraire, peu- 
vent vivre longiemps à côté de l'homme, à condi- 
lion d’y trouver une température convenable. Ils 
s’apprivoisent facilement et deviennent plus cares- 
sants qu'un chien, ne quittant pas, à moins d'y être 
forcés, l'épaule de leur maître, accourant à son 
appel et lui prodiguant des marques d'amitié. J’ai 
connu, pendant de longues années, chez M. Henry 
Berthoud, un Mongous parfaitement apprivoisé et 
d’un commerce fort agréable: son extrême agilité 
lui permettait d'atteindre les plus hautes cor- 
niches pour s’y blottir, et ses mouvements étaient 
si bien mesurés, qu'à moins de surprise ou d’effroi, 
il sautait sur tous les meubles sans rien briser 
autour de lui. Parfois les Makis se reproduisent 
dans ces conditions et c’estun spectacle charmant 
que de voir le petit. tantôt attaché au travers de 
la poitrine de sa mère, tantôt fixé aux poils de son 
dos et ne la quittant jamais, malgré ses courses 
légères. 


Fig. 8. — Le Lemur-Chatl (Lemur calta). 


Chez eux, ils vivent en troupes, cantonnés dans 


certains domaines, et, si un intrus s'égare dans une 


parlie qui lui est interdite, tous ses congénères 
l’attaquent. À Madagascar, M. Humblot, notre rési- 
dent aux iles Comores, avait mis à profit l'achar- 
nement avec lequel les Makis d'un bois chassent 
les Makis du bois voisin; il attachait l'un de ceux- 
ci à une branche et il était sûr de voir bientôt les 
propriétaires légitimes du lieu accourir et se pré- 
cipiter sur le nouveau venu, sans se préoccuper 
du chasseur, qui pouvait alors, à l’aide d’un lacet, 
en prendre autant qu'il le voulait. 

Les Hapalémurs, les Lépilémurs et les Chiro- 
gales sont des Makis nocturnes dont l’organistion 
présente des caractères sensibles de dégradation. 
Non seulement leur taille est moindre, mais ils 
ont quatre mamelles au lieu de deux et leur intel- 
ligence est peu développée. Les Hapalémurs ha- 


ES 


698 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR - 


bitent les fourrés de bambous el se nourrissent de 
pousses tendres; les Chirogales font la chasse des 
insectes et des jeunes oiseaux; l’une de ces 
espèces est plus petite qu’un rat. Ils construisent 
leurs nids dans les arbres et souvent au milieu des 
feuilles de Ravenales. Pendant la saison sèche, ils 
ne trouvent guère de nourriture et risqueraient 
fort de mourir de faim, s’ils n’élaient sujets à une 
sorte d’engourdissement comparable au sommeil 
hibernal des Marmottes et des Loirs; ils vivent 
alors aux dépens d'une provision de graisse qui 
s'est accumulée dans leur queue, transformant cet 
appendice en une sorte d’énorme saucisson qui 
diminue peu à peu et n’a plus que ses dimensions 
ordinaires, quand celte période de torpeur est 
passée. C’est la bosse graisseuse du chameau trans- 
portée dans la région caudale et servant au même 
usage. 

Le plus bizarre de tous les Lémurs, c’est l'Aye- 
aye ; l’exemplaire rapporté en 1781 par Sonnerat 
resta jusqu'à 1840 unique dans son genre, et il fut 
l'objet de controverses sans fin de la part des na- 
turalistes. Ses fortes incisives el sa queue, couverte 
de longs poils, le faisaient considérer par les uns 
commme un Écureuil, tandis que d'autres, — Cu- 
vier, Geoffroy, — le raltachaient aux Makis. Cette 
dernière opinion aélé confirmée par les recherches 
récentes faites sur cette espèce à ses différents 
âges; grâce aux soins de M. Humblot, nous pos- 
sédons enfin bon nombre de Aye-ayeseltnous avons 
pu étudier le développement, ainsi que la succes- 
sion des dents de cetanimal, qu'on doit regarder 
comme un Maki dont l’organisation se serait adap- 
tée à des besoins particuliers. 

L'Aye-aye est nocturne, elil se nourrit des larves 


de certains insectes qui creusent les troncs pourris 


des arbres des forêts de l’est. A l’aide de ses dents 
antérieures, grandes et pointues, il entame le bois 
et.met au jour les galeries de ces larves, qu'il en 
extrait au moyen de son troisième doigt. Celui-ci, 
très grêle et fin comme un stylet, ne sert plus à 
préhension, mais reste toujours relevé; l'Aye-aye 
l'introduit dans les trous et ramène, à l’aide de la 
griffe terminale, les Insectes mous, dont il fait ses 
délices. 

M. Humblot rapporta vivants plusieurs de ces 


curieux animaux, qu'on a pu conserver pendant 
quelques mois, et la manière dont ce voyageur est 


arrivé à les nourrir mérite d’être racontée. 

M. Humblot, jusqu'alors, avait vu mourir en peu 
de jours tous les Aye-ayes qu’il capturait, faute de 
pouvoir leur donner des aliments appropriés : car 
il était bien difficile de trouver les larves, dont ils 
sont si friands. Après des essais infructueux, 
M. Humblot eut l'idée de goûter à ces larves et 
ayant remarqué que leur saveur rappelle celle de 


41 
la crème, il vida leurs peaux et les remplit de lait … 
conservé, puis il les placa à côté de l'Aye-aye qui, = 
trompé d’abord par leur aspect, puis par leur … 
goût, n’hésilta pas à les dévorer et consentit bien- È 
tôt à faire usage de lait concentré, sans qu'il fût 
nécessaire de le déguiser. Il devenait alors aisé de M 
nourrir l'animal ; mais, pourle ramener en France, M 
une autre difficulté surgissait, celle de se procurer. 
une cage assez solide pour résister aux dents ter- 
ribles qui avaient vite fait un trou aux planches 
les plus épaisses; il fallut blinder celles-ci, et c’est 
dans ces conditions que trois Aye-ayes firent leur 
entrée au Muséum, où ils devinrent l’objet d’une 
élude suivie, mais d'autant plus difficile qu'ils 
attendaient, pour sortir de leur cage, que l’obscu- 
rilé füt presque complète. 4 

Les Malgaches ont d’eux une terreur supersli- 
tieuse ; ils les croient animés par des esprits malfai- 
santset ne se prêtent pas volontiers à leur capture. 

Tous ces animaux, depuis les Indris jusqu'aux 
Aye-ayes, forment un même groupe naturel. Si 
les Makis de Madagascar ont jamais eu cons-. 
cience que les zoologistes les apparentaient à la. 
famille des Singes, ils ont dù en être fort peinés 
elpenser, certainement, que ces prétendus TR 
ignoraient le premier mot de la question. Ils au. 
raient pu leur faire observer que les rapprocher. 
des Singes, parce qu'ils ont des mains aux quatres, 
pattes, c'est-à-dire parce qu'ils sont quadrumanes, … 

c’est se laisser guider par un caractère dont la. 
valeur zoologique est faible, — car on le retrouve 
dans des familles très différentes, el il existe chez 
les Primates, aussi bien que chez les Marsupiaux/ 
qui sont les derniers des Mammifères, — tandis que 
leur mode de développement, la disposition dem 
leur tube digestif, leur dentition, leur cerveau 
indiquent pour eux une tout autre filiation. | 

En effet, si je ne craignais d’exagérer ma pensée 
je dirais que ce sont des Pachydermes grimpeursl 
etqu'ils se rattachent, parune longuesuite de géné=M 
rations, à certains animaux du commencement de 
l'époque tertiaire, appelés Adapis et qui broutaient” 
FRéEEe des prairies. 


PE nt 


Singes, leur noblesse remonte plus haut etils ne 
seraient pas embarrassés pour justifier d'un bo) 
nombre de quartiers de plus. En outre, s'ils sont 
moins intelligents, ils ont, au point de vue morals 
une grande supériorité. Les Singes, par leur caraë@ 
tère irascible, fantasque et incohérent, semble 
des délraques vicieux ; les Makis, au contraires 
vivant à l’écart dans les forêls, montrent une dou 
ceur et, si je puis dire, une égalité d'humeur par=) 
faite, et l’on comprend que les Malgaches vénèrent | 
et protègent le tranquille Babakoute, le pacifique 
Simpoune et le calme Sifac. 


1 


STE Les 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


I] 


Je ne vous parlerai qu'en passant des Chauves- 
Souris, dont une espèce alteint la taille considé- 
rable des Rousseltes de l'Inde (Pteropus Ediwardsii 


Fig, 9. — (iulidie élégante. 
el vit des fruits sauvages des grands arbres. Les 


autres diffèrent peu des Chauves-Souris d'Afrique. 
Les carnassiers sont plus remarquables, quoi- 


Fig. 10. — Fossane de Daubenton. 


Qu'il n'y ait à Madagascar ni lions, ni tigres, ni 
Panthères, ni hyènes, ni loups, ni renards. On peut 


699 


parcourir en toute sécurité d’'épaisses forêts au mi- 
lieu d'animaux inoffensifs, el le Foussa, le plus puis- 
sant des Carnivores malgaches, n’attaque jamais 


Fig. 11. — Euplère de Goudot. 


l'homme. Les naturalistes lui ont donné le nom 
peu euphonique de Cryptoproclu fero, en raison des 
glandes cachées à la base de sa queue et de ses 


Fig. 12. — Lricule épineux. 


habitudes sanguinaires ; maïs il n’est féroce que 
pour les cabris el les poules. Si l’on cherche à 
démèéler sa généalogie, on reconnait que cel ani- 


700 


mal, si bas sur pattes et à forme de fouine ou de 
belette, est apparenté de très près aux chats; c'est, 
en effet, un chat plantigrade, ce qui semble une 
antithèse. 

Les autres bêtes de proie ressemblent un peu 


13.— Hemicenleles de Madagascur. 


Fig. 


aux Mangoustes, mais elles constiluent cependant 
des genres spéciaux à Madagascar : ce sont les 
Galidies (fig. 9) et les Galidielis; la Fossane ((renetla 


Jossu) (lig. 10) se rapproche des Genetles ; enfin un 


. 14. — Bœufs 


(Photographie 


Zébus dans leurs prairies 
de M. Catat). 


Chat et une vraie Genetle paraissent avoir été 
importés d'Afrique el s'être développés dans le 
pays. L'Zuplère, de pelile laille, se fait remarquer 
par sa queue touflue et par ses dents si faibles | 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


qu'il ne pourrait se nourrir de mammifères ou 
d'oiseaux etse contente de vers; c’est le Fanalouck 
des Malgaches (fig. 41). k 
Beaucoup de petits Insectivores, dont l’aspect 
rappelle celui des Hérissons, se trouvent à Mada-. 
gascar; leur dentition indique des différences im- M 
porlantes avec les espèces du continent el ils for- } 
ment une famille particulière; ce sont les Tanrecs, 
les Ericules (fig. 12, les Hemicentetes (fig. 13), à 


Fig. 15. — Bœufs Zébus parqués dans les enclos (Photogra- 


phie dé M. Catat). 


poils transformés en piquants, puis d’autres à four- 
rure ordinaire, mais semblables aux précédents . 
par leur organisation. 

Il en est qui vivent sous terre comme les 
Taupes : les Oryzocyles ; il y en à qui courent 
à la surface du sol : les Géogales etles Microgales. 
Toutes ces formes sont propres à la faune mal 
gache. 

Les gros Herbivores autochtones font défaut dan 


Fig, 16. — Bœufs Zébus foulant le sol d'une rizière (Photos ; 
graphie de M. Catat). 
l'ile : car les bœufs, qui paissent fort nombreux 
dans a r che päturages du Ménabé (lig.14), appar= 
tiennent au même lype que les Zébus, ou bœufs à 
bosse de l’{nde, et c'est probablementavec l homme 
qu'ils sont venus dans cette région. Ils constit 
la principale richesse des habitants et sont lobe 
jet d’un commerce important (fig. 15 ; on les ex= 


Ê 


Ne 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 101 


5) 
- porte à l'ile Maurice et à la Réunion par troupes 
- considérables, et leurs cornes servent à fabriquer 
des cuillers et divers autres ustensiles. On emploie 
aussi ces animaux à fouler le sol marécageux où le 
… riz doit être planté (fig. 16) et, depuis quelques 
… années, on les utilise comme monture. Je puis vous 
- montrer un de ces Zébus qu'un Hova a enfourché 
- (fig. 17). Pour leur donner une certaine ressem- 


Fig, 17. — Bœuf Zébu de selle (d’après M. Catat). 


- blance avec le cheval, leurs propriétaires pratiquent 
- sur eux de cruelles amputations ; ils coupent les 
… cornes et enlèvent une partie de la bosse et du fa- 

non, ce qui, souvent, amène la mort du pauvre 
animal. 
Dans les forêts humides, on trouve un San- 


Fig. 18. — Potamochærus Edwards. 


in tr 


“lier assez semblable à celui de l'Afrique, mais 
“appartenant à une espèce différente, le Chæropo- 
lame à poils durs et jaunes (fig. 18). 
- Ce sont là les seuls herbivores. 
_ Ona cru longtemps qu'il n'existait aucun Ron- 


geur à Madagascar, et effectivement ces animaux 
y sont d’une extrême rareté. Cependant, M. Gran- 
didier avait découvert, sur la côte ouest, un gros 
Muride qui vit dans des galeries souterraines, 
l’Hypogeomys, et, depuis cette époque, on en a 
signalé d’autres espèces : les Nesomys, les Bra- 
chytarsomys, les Eliuromys. Maïs, si l'on compare 
cette pénurie de formes à la richesse des types de 
Rongeurs en Afrique et en Asie, on en est très 
frappé. 
IV 

Les Oiseaux, grâce à leurs ailes, peuvent sou- 
vent franchir des espaces considérables, et leur 
présence sur tel ou Lel point du globe n'indique 
pas qu'ils y aient pris naissance ; ils peuvent être 
arrivés de très loin. Les oiseaux à ailes faibles et 
incapables de voler longlemps fournissent, au con- 


Fig. 19. — Brachypleracins squamigera. 


traire, des renseignements très précieux et leur 
étude doit être poursuivie avee soin. 

Nous remarquons que Madagascar possède 
35 genres et 120 espèces qui lui sont propres; Je 
vous signalerai les Perroquets noirsou Vazus, une 
sorte de chouette (l'Æeliodilus\, les Couas aux 
longues pattes formant, dans la famille des Cou- 
cous, un groupe bien défini et représenté par un 
grand nombre d'espèces, les unes organisées 
pour percher, les autres pour marcher; les Zepto- 
somes et les Brachypteracias (Mig. 19) qui rattachent 
les Rolliers aux Guêpiers; les Æalculies à bec très 
arqué (fig. 20): les Méodrépanis (fig. A); les Eu- 
ryceros et beaucoup d'autres Passereaux; les Fw- 
ninqus, ou pigeons de couleur sombre, qui semblent 
confinés dans la région madécasse; les Zophotibis, 
bien différents des Ibis véritables (lig. 22); les 
Anastomes ou Bec-ouvert; les Hésites rapprochés 
par leur forme de certains Passereaux, mais qui 


102 


cependant prennent place dans le groupe des 
Ràles (fig. 23). 

Quelques espèces rappellent celles de l'Extrème- 
Orient, et les ressemblances générales sont plus 
marquées avec la faune indienne qu'avec la faune 
africaine. Ces oiseaux sont surtout nombreux sur 


le littoral où la végétation est abondante, tandis 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


a 
ces : l’une ! se trouve dans tous les lacs et dans les 
grandes rivières: l'autre est confinée dans la ré" 
gion centrale ?. Ils atteignent une taille considé- 
rable et on en voit qui dépassent 6 mètres de long. M 


Fig, 20. — Falculia palliala. 
qu'ils deviennent rares au centre de l'ile, où l’on 
ne trouve guère que des espèces de haut vol, car 
ces montagnes arides ne sauraient donner asile à 
beaucoup d'animaux. 


= 


Fig. 21. 


Neo epants COrUSCAns. 


Si nous passons maintenant aux Reptiles, nous 
voyons que le seul qui soit redoutable à Madagas- 
car, c'est le Crocodile, dont on compte deux espè- 


Les Malgaches les craignent beaucoup, car les 
accidents sont fréquents, el souvent les femmes 
qui puisent de l’eau à la rivière, ou les hommes 
qui s'engagent dans un gué, sont enlevés par ces 
terribles reptiles. Après avoir saisi leur victime, 


e 


Fig. 23. — Mesiles variegalu. 


ils l’entrainent sous l’eau et la déposent dans} 


1 Crocodilus Madagascariensis. [ 
2? Crocodilus robustus. | 
| 
(l 


. soit suffisamment faisandée, pour revenir la dé- 
 vorer quand ils jugent qu’elle doit être à point. 

… Grâce à ce goût particulier, il n'est pas rare que 
(4 des hommes aient pu être retirés vivants du 
… garde-manger des Crocodiles. 

MD Les Lézards, les 
“ Geckos sont en 
… grandnombre, mais 
les Caméléons sur- 
tout altirent l’atten- 
tion. Ces reptiles, si 
bizarres d’aspect et 
d'allures, sont plus 
répandus et plus va- 
riés à Madagascar 
que parlout ail- 
leurs; près des trois 
… quarts des espèces 
_ connues se trouvent 
… localisées sur celle 
… Lerre, et ce sont cer- 
- tainement les plus 
- grandes et les plus 


‘% 
uclque anfractuosité, attendant que la chair en 


(à 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


703 


— 


Les Serpents sont inoffensifs; le plus grand, 
dont la longueur atteint parfois 3 mètres, appar- 
lient à la famille des Couleuvres et se nourrit 
principalement de Tanrecs épineux. 

Les Tortues terrestres ou de marais, très recher- 
chées pour l'alimentation, y sont communes, mais 
de proportions mé- 
diocres. 

Dans les rivières 
el dans les lacs pul- 
lulent les Poissons, 
principalement 
ceux de la famille 
des Chromides; on 
y voit même de su- 
perbes  Écrevisses 
lig.26),supérieures 
aux nôlres comme 
taille, dont deux es- 
pèces sont spéciales 


à Madagascar el 
plus rapprochées 


de celles de l'Aus- 


… belles: on en voit 
- mesurant presque 
… ! mètre (fig. 24), et quicontrastent avec des Camé- 
à léons très petits, de vrais pygmées. Quelques-uns 
semblent avoir un masque de carnaval : leur tête 
se prolonge en une sorte de nez énorme et bifide 
(lig. 25); d'autres ont le front surmonté d’un 
imier élevé. Il est difficile de les apercevoir au 


Fig. 25, — 


‘ 
"À Caméléon à nez bifide. 
«milieu des feuilles, dont ils revétent les diverses 
“leintes ; leur queue, enroulée autour des branches, 
est comme une liane, et leurs mouvements sont si 
“lents qu’ils ne décèlent pas leur présence. Leurs 
yeux seuls roulent en dehors des orbites, obser- 
ant les évolutions des insectes ailés, qu'ils saisis- 
sent el ramênent dans leur bouche d’un coup de 
langue, dardé avec la rapidité d'une flèche. 


| 
| 
| 


tralie que de celles 
du continent. 

Dans les maréca- 
ges, dans les prairies humides, sur le sol détrempé 
des forêts, rampent d'énormes Mollusques plus ou 
moins semblables au Colimacon : ce sont des Aga- 


Fig. 24, — Caméléon d'Oustalet. 


Fig. 26. — Ecrevisses de Madagascar. 


thines. Sur les herbes, on trouve l'Hélice verte, 
dont les indigènes apprécient la saveur délicate. 
Flacourt nous avait appris déjà que des Che- 
nilles malgaches se tissent un cocon dont on peul 
retirer la. soie pour en fabriquer des étoffes de 


VILrATit 


du fond, 


au 


is, du n 


Wuséi 


oiseau La 


œros œuls 


que 
1 


l’on voi 


l 


- prix. Les naturalisles ont étudié ces insectes !, et 
- nous connaissons aujourd'hui les procédés em- 
_ ployés pour les élever. Nous savons que certaines 
espèces vivent-en société sur les acacias, construi- 
“ sant des nids où les cocons sont serrés les uns 
contre les autres, el forment des masses qui ont 
parfois près d'un mètre de long; la soie ne peut 
- pas se dévider, elle est simplement cardée et filée 
_à la quenouille. Ces chrysalides sont un aliment 
recherché, comme d'ailleurs celles des Guêpes, 
de gros Hannetons d’un blanc de neige, et des 
grands Cerambyx. On les mange crues ou cuites 
dans l'huile, et leur goût agréable rappelle celui 
de la cervelle de mouton. 
Un Bombyx atleint des dimensions extraordi- 


Fig. 28. — Aclias comeles. 


naires ; ses ailes mesurent 20 centimètres d’enver- 
gure et portent, en arrière, une queue longue et 
étroite : c'est l'Avlius cometes (fig. 28), dont la pos- 
session est désirée par tous les collectionneurs. 
Des moustiques au dard aigu rendent la tra- 
versée des forêts très pénible, et leur piqûre de- 
ient une vérilable souffrance. Mais je suis forcé 
d'abréger, et je n’insisterai pas sur la variété des 
Abeilles, des Termites ou des Araignées de Ma- 
dagascar. Leur étude, pourtant, révèle des faits cu- 
rieux, et elle confirme les résultats que nous avait 
onnés celle des Vertébrés, c’est-à-dire que la plu- 
art des types trouvés à Madagascar lui appartien- 
nent, el que, siquelques-uns viventaussien Afrique, 
un nombre plus important d'espèces est commun 
avec la région indienne. 

V 

4 Re 

| — La faune actuelle de Madagascar offre, comme 
“ous le voyez, un intérêt considérable au zoologiste ; 


* ; 
— | Bombyx Radama. — Bomby» Diego (Coquerel). 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


105 


mais la faune ancienne réserve des découvertes 
inattendues, et les faits qui ont été signalés dans 
ces dernières années semblent ouvrir de nouveaux 
horizons; ils permettront peut-être d'établir ce qu’é- 
tait autrefois Madagascar et de saisir les relations 
qui la rattachaient à d’autres terres dont elle a, 
depuis, été séparée. 

Dans des terrains d’une origine récente, au mi- 
lieu de marécages ou d’alluvions superficielles, 
datant d’une époque peu reculée, on a trouvé de 
nombreux ossements, à l’aide desquels on peut 
reconstituer les animaux dont ils proviennent, élu- 
dier leur caractère et reconnaitre que, non seule- 
ment ceux-ci ont complètement disparu, mais 
encore qu'ils appartiennent à des formes dont il 
n'existe plus de représentants. 


Fig. 29. — Æpyornis ingans !. 


Le premier indice recueilli sur ces animaux date 
de 1851 ; le capitaine d’un navire marchand avait 
apporté en France des œufs énormes et quelques 
ossements qui furent décrits par [. Geoffroy Saint- 
Hilaire et attribués à un oiseau gigantesque : l'Æ- 
pyornis maximus. Les œufs (fig. 27), d’une capacité de 
8 litres et demi, étaient six fois plus gros que 
ceux de la grande autruche, et les os indiquaient 
un animal ayant des pattes énormes; malheureu- 
sement, aucun n’étail complet; aussi les natura- 
listes furent-ils divisés d'opinion sur la place que 
l’Æpyornis devait occuper dans les classifications, 
et, tandis que les uns le rapprochaient des Brévi- 
pennes, qui sont des oiseaux privés de la faculté 
de voler, d’autres, à l'exemple d’un zoologiste ita- 
lien, Bianconi, le considéraient comme un vautour 
colossal et en faisaient l'oiseau Roc de Marco Polo. 

Les contestalions auraient pu durer longtemps 
encore si, en 1867, M. Grandidier, en pratiquant 
des fouilles sur la côte ouest, à Ambolisatra, 


1 D’après un dessin publié dans le journal « 4 Nature ». 


30 ‘je à l'Exposition « 


A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 


107 


- n'avait trouvé de nouveaux ossements parfaitement 
… conservés et provenant d'une patte entière. Dès 
. Jors, il n'y avait plus de doute possible : l’Æpyornis 
était un oiseau terrestre, incapable de voler, et il 
. devait se nourrir de substances végétales et non 
… de viande. Deux espèces plus petites de ce genre, 
… l'Æpyornis modestus ei l Æpyornis medius avaient été 
_ retirées du même gisement. 
- Cette découverte, suivie de beaucoup d'autres, 
- nous à fait connaitre le squelette entier des Æpyor- 
è nis (fig. 29). M. G. Muller en a recueilli de nombreux 
débris à Antsirabé, et, s’il n'avait pas péri si misé- 
rablement, assassiné par les Fahavalos,ilaurait con- 
- tinué des explorations qui nous ont déjà fourni de 
- précieux documents, car ses collections n’ont pas été 


. perdues et elles sont parvenues entre nos mains. 

Sur la côte ouest, M. Samat et M. Grevé, notre 
malheureux compatriote pris comme otage par les 
- Hovas et fusillé au mois de février dernier, recher- 
5 chaient des ossements du même genre, et bientôt 
- les matériaux d’études abondaient au Muséum ; 
nous pouvions constater qu'à une époque relative- 
ment récente et où l’homme occupait déjà l'ile, 
Madagascar était habitée par une grande variété 
d'oiseaux de taille colossale dont les pattes mas- 
. sives rappellent, par leur puissance, les jambes des 
éléphants et des gros pachydermes, dont les ailes 
élaient atrophiées, dont la tête était petite et le bec 
faible; la taille des uns dépassait 3 mètres de hau- 
“teur, d’autres leur cédaient à peine $ous ce rap- 
port, mais ils étaient plus grêles, d’autres encore 
avaient seulement les dimensions de l’Autruche ou 
même du Casoar. On en compte au moins douze, se 
rattachant à deux types : celui des Æpyornis et 
celui des Mullerornis, ainsi nommé en souvenir de 
G. Muller. 

On ne doit pas les considérer comme des Au- 
truches , mais ils ressemblent beaucoup aux 
Casoars de l’archipel Indien, et ils ont d’étroites 
aflinités avec les Dinornis, grands oiseaux de la 
- Nouvelle-Zélande. 

A côté d’eux, vivaient des mammifères différents 
de ceux qui Point aujourd'hui Madagascar. 
M. Grandidier y a trouvé de nombreux restes d’un 
petit Hippopotame (fig. 30), notablement plus 
“grêle que celui d'Afrique, et on a exhumé, de gise- 
ments analogues, des ossements se rapportant à 
de grands Makis, dont quelques-uns ne devaient 
pas grimper aux arbres, mais rester à terre 
comme les Adapis des temps tertiaires. M. Filhol 
les à étudiés et il a décrit plusieurs genres et plu- 
… sieurs espèces remarquables. 


\ 
3 
t 

% 


? 


D'immenses tortues terrestres, dont la carapace 
atteint 1 mètre et demi de longueur, vivaient dans 
les mêmes conditions et indiquent des animaux 
d’une taille et d’un poids supérieurs à tout ce que 
la nature actuelle peut fournir. Des Crocodiles, 
dépassant 8 mètres, y ont été également rencon- 
trés. 

Tous ces animaux ont disparu, sans laisser de 
traces dans les légendes populaires, et cependant 
leur extinction est peu ancienne, car il est facile 
de voir, sur beaucoup d’ossements d'Hippopotames 
ou d’'Æpyornis, des entailles très nettes faites de 
main d'homme. Ils vivaient ensemble sur le bord 
des marécages ou des étangs et la présence des 
Hippopotames,des Crocodiles, à côté des Æpyornis, 
indique quelles étaient alors les mœurs de ces 
oiseaux,et d’ailleurs le nombre des ossements, 
provenant de très jeunes individus, montre qu'ils 
demeuraient dans cette localité et qu’ils n’y ont 
pas été enfouis, lors d'un passage. 

L'existence de tant d'animaux aussi puissants 
semblerait prouver qu'à cette époque Madagascar 
avait une élendue plus considérable que de nos 
jours: car il y a une proportion indéniable entre 
la taille des êtres vivants et celle des terres qu'ils 
habitent, et on est en droit de supposer que, par 
suite d’un affaissement, une partie du sol à 
disparu sous les eaux de l’Océan. Nous savons que 
ce n’est pas du côté de l'Afrique qu'il faut chercher 
les relations, mais plutôt du côté de l'Inde et de 
l'Australie, et j'ai fait remarquer, à plusieurs 
reprises, les similitudes fauniques qui existent à 
cet égard. Les analogies des Æpyornis avec les 
Casoars et les Dinornis donnent plus de proba- 
bilité encore à cette manière de voir. 

Des questions scientifiques d’une grande impor- 
tance se trouvent donc ainsi posées ; elles ne seronl 
résolues que par une étude minutieuse de l’His- 
toire naturelle de Madagascar ; mais cette étude, 
nous pourrons certainement la faire. 

Lorsque l'expédition militaire aura porté tous 
ses fruits, ce sera alors à nous de continuer son 
œuvre en levant les voiles qui cachent encore ce 
coin du globe. Espérons que bientôt, sur les che- 
mins tracés par notre coùrageuse armée, une mis- 
sion scientifique se mellra à l'œuvre et que viendra 
ce moment, —que j'appelle de tous mes vœux, —où 
nous aurons achevé la conquête de cette grande ile 
appelée il y a déjà deux siècles : Z« France Orien- 


tale. 
A. Milne-Edwards, 
de l’Académie des Sciences, 
Directeur du Muséum d'Histoire Naturelle. 


… d'tf : ANRT TR VE ER 4 


108 A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES A MADAGASCAR 
LES GRANDES EXPLOITATIONS AGRICOLES 
A MADAGASCAR 
CANNE A SUCRE. — COTONNIER.- —VANILLIER. — PIGNON D'INDE. — CAFÉIER, — CACAOYER, — TABAC. — 


ALOËS ET AGAVÉ. — RIZ ET AUTRES CULTURES 


Malgré. les conditions fâcheuses que créent à 
l'écoulement des produits agricoles l'absence ou le 
très mauvais état des routes, certaines cullures 
sont depuis longtemps pratiquées à Madagasear et 
y ont déjà acquis une assez grande extension. 
Nous indiquerons à grands traits le régime de ces 
cullures, et nous insisterons notamment sur la 
possibilité, non douteuse, de créer ou de déve- 
lopper à Madagascar la grande exploitation agri- 
cole telle qu'elle existe, dans des conditions iden- 
tiques de sol et de climat, à Mayotte. Cette ile, 
voisine de Madagascar, mais où l'influence fran- 
caise a pu s'exercer plus librement, est aujour- 
d'hui couverte de plantations très rémunératrices, 
où nous devons chercher le modèle de ce qu'il y a 
à faire sur le sol, demain français, de Madagascar. 


ÏI. — CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 


La cullure de la canne à sucre, encore insuffi- 
samment représentée à Madagascar, est la plus 
importante et la plus ancienne des cultures de 
l'ile Mayotte {colonie francaise), dont les terres et 
les conditions atmosphériques sont celles mêmes 
de sa grande voisine. 

C'est à la Réunion et à Maurice qu'ont été em- 
pruntés les procédés de culture de la canne àäsucre 
et les usines à sucre de Mayotte ontété copiées sur 
celles de ces deux colonies. 

Une variété infinie de cannes a élé introduite à 
Mayotte, où elles ont eu le sort qu'elles avaient eu 
à la Réunion; la monoculture a, en effet, pour 
résultat d'amener promptement la dégénérescence 
des espèces dont le remplacement s'impose rapi- 
dement; c’est ainsi que les premières variétés de 
cannes vigoureuses el riches en sucre, — comme 
les cannes blanches, les cannes rouges, — ont élé 
remplacées par des variétés plus rustiques, mais 
moins riches, telles que les cannes dites : ruba- 
nées, Guingham et bambou. Aujourd'hui les va- 
riétés dites Lousier el Port-Makay, qui sont les 
seules cullivées à Maurice, viennent de faire leur 
apparilion à Mayotte pour v remplacer les cannes 
rubanées. 

La reproduction de cannes à l’aide des graines, 
longtemps jugées slériles, vient de réussir à Mau- 
Gréles, première 
année, les cannes venues de graines grossissent 


rice. presque filiformes la 


beaucoup lorsque, la seconde année, elles sont re- 
produites par le bouturage; elles deviennent alors 
comparables aux cannes ordinaires la troisième 
année. Les variétés ainsi obtenues seraient même 
infiniment plus robustes que les anciennes espèces 
toujours reproduites par bouturage et résisteraient 
mieux aux sécheresses si redoutables sous les tro- 
piques; de plus, elles fourniraient un jus plus 
riche que les variétés actuellement cultivées. L'on 
espère, à Maurice, régénérer complètement la cul- 
ture à l’aide de ces cannes. 
Voici, très sommairement, comment se cultive 
actuellement la canne à sucre : 
Mises en terre d'octobre à février, les boulures 
de cannes (en général les sommités) donnent 
naissance à des souches, dont les cannes peuvent 
ètre récoltées dix-huit mois après; après cette 
première récolte, les souches donnent naissance à 
des rejetons qui peuvent être récollés douze mois 
après ; de nouveaux rejelons sont encore produits 
les années suivantes, et il n’est point rare, dans 
un sol ferlile et vierge de cultures de cannes, de 
voir sept à huit récoltes faites ainsi avantageuse- 
ment, sans grands frais, — les facons à donne 
élant réduites à deux ou trois labours, chaque 
année. Ces labours, la charrue vigneronne, rem= 
plaçant la houe à main, permet de les donner à 
un prix très réduit. 
Seule, la plantation faite la première année en- 
Lraine d'assez grands frais. 
Le bœuf à bosse de Madagascar fig. 1), doux et 
intelligent, se dresse très vile, admirablement, à 
ces travaux, et parfois dès le premier jour. Ce fait 
avait beaucoup frappé un ingénieur de Grignon, 
l'un de mes directeurs, qui déclarait ce bœuf supé- 
rieur au bœuf de France, tant il le trouvait fort, 
docile, obéissant à la voix de son conducteur! 
Après plusieurs années de monoculture, le sol 
s’épuise rapidement, et à! faut recourir aux enyraisn 
de ferme el aur engrais chimiques; puis, malgré tous 
les procédés de culture les mieux compris, 14 
production s’amoindrit, et le sol refuse de pro) 
duire. C’est ainsi qu'à Maurice tout le littoral de 
l'ile, si merveilleusement fertile autrefois, a été, 


arides par celle monocullure incessante, intensive 
S'éloignant de plus en plus du littoral, la culture 


A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES À MADAGASCAR 


109 


de la canne à sucre a gagné les parties haules de 
île, primitivement couvertes de forêts; cantonnée 
là, cette culture ne s’y soutient qu’à grands frais, à 
l'aide d'engrais coûteux, dangereux parce qu'ils 
préparent, dans un avenir prochain, la ruine de 
ce sol nouvellement livré à la culture. 

_ C'est aussi ce qui arrive, en ce moment, à 
Mayotte, chez ceux qui, ayant des Lerres de vallées 
des plus merveilleuses, y ont cultivé exclusivement 
la canne à sucre depuis quarante années. 

Tout autre a été le sort des propriétaires qui, 
ayant des terres peut-être moins fertiles, mais plus 
étendues, ont pu donner un long repos, sous bois 
vu sous assolements, à leurs terres, en les assujet- 
tissant à des rotations régulières. 

_ C'est ce que l’expé- 
rience commandera de 
faire à Madagascar, si 
lon y tente en grand 
la culture de la canne. 
Il faudra, avec une su- 
perficie déterminée , 
ne mettre en culture 
_ qu'une partie du sol, 
à prévoyant que les as- 
- solements devront re- 

- présenter, au moins, 
… les trois quarts de la 
superficie destinée à la 
anne à sucre. 

Il n’y a pas lieu de 
S’effrayer de ces gran- 
des propriétés, de ces 
lutifundia que nécessi- 
tera la culture de la 
canne : Ce sera une né- 
essité inéluctable, mais ce sera aussi la garantie 
de la réussite de pareilles entreprises. 

Les conditions du marché sucrier en Europe 
sont telles, aujourd’hui, que les sucres de bonne 
qualité sont seuls certains d'y trouver un débouché 
légulier, assuré; ces sucres ne peuvent être pro- 
d uits que par des usines perfectionnées, du type 
bourbonnien, par exemple, l'heure n'étant pas 
encore venue de la diffusion directe de la canne. 
Les usines comprennent deux forts moulins 
broyeurs, dont le second fait la repression de la 
£anne. Ces deux moulins permettent d'extraire 


Ds 


…. Les jus (vesous) extraits sont déféqués dans des 
| appareils chauffés à la vapeur, dits défécateurs. 
Puis décantés, filtrés et renvoyés, soit dans des 
appareils à feu nu, dits batteries Grimard, soit 
dans des appareils à triple effet, pour y être con- 
_Centrés à 25° Beaumé, et, enfin, ie travail se ter- 


Fig. 1.— Bœufs à bosse de Madagascar au travail. 


nine dans les appareils à cuire dans le vide. De ce 
dernier appareil, la masse cuite est envoyée dans 
de grands réservoirs, et en dernier lieu, les turbines 
centrifuges font la séparation des sucres et des 
sirops. Il ne reste plus, après cet essorage, qu'à 
sécher les sucres avant leur mise en sac !. 

48-60 heures suflisent pour retirer, de la canne 
prise au champ, le sucre de premier jet et le livrer 
à la consommation. 

Quels sont les rendements en canne et en sucre 
à l’hectare? Dans les terres vierges, sans aucune 


fumure, le rendement peut être évaluée à : 


60 à 70.000 kg. de cannes en première coupe; 

50.000 kg. » coupe des 1crs rejetons: 

30 à 40.000 » » 2e, 3e, 4 rejetons. 
Ce qui, à raison d’un 
rendement moyen de 
9 % ,en sucres de tous 
jets, donne 6.300 à 
».400 kilos de sucre à 
lhectare, pour la pre- 
mière année, 4.500 ki- 
los pour la seconde, 
etc. 

Tous ces résultats 
approximalifs, mais 
très voisins de la réa- 
lité, seront suscepli- 
bles de légères dimi- 
nutions ou d'augmen- 
tations, suivant le sol, 
les procédés de cul- 
ture, et, aussi, suivant 
la perfection des 
moyens d'extraction 
employés dans l'usine. 

Doit-on s’effrayer, outre mesure, de l'avilisse- 
ment du prix des sucres en Europe? 

Je ne le crois pas. Jusqu'à ces dernières années 
le sucre s'était vendu à des prix tels qu'une infi- 
nité d'usines coloniales, produisant 100.000 kilos 
de sucre, de qualité inférieure, pouvaient vivre el 
donner des revenus; mais, de même que les usines 
européennes produisant moins d'un million de ki- 
logrammes de sucre sont fatalement condamnées, 
de même ces petites usines coloniales devront dis- 
paraitre, faisant place aux usines centrales, qui, 
seules, peuvent produire économiquement les 
beaux sucres de cannes, et, dans cette lutte entre 
la canne et la betterave, il n’est point dit que la 
canne ne triomphera point de sa rivale. 

Aussi, malgré l'intensité de la crise sucrière ac- 
tuelle, l’on peut assurer que la création de grandes 
usines à sucre doit réussir à Madagascar. Le choix 


1 Voyez à ce sujet les articles de MM. Lindet et Urbain 
dans la Revue générale des Sciences du 15 mars 1895. 


110 A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES A MADAGASCAR 


de terrains convenables dans les belles vallées de 
la grande ile africaine, une culture intelligente, 
l'établissement d'usines perfectionnées, puissantes, 
économiquement établies, permettront de produire 
le sucre à un prix rémunérateur. 

Les vivres nécessaires aux travailleurs, les bœufs 
nécessaires aux transports s’y trouveront à un prix 
avantageux ; enfin, les travailleurs, comme les Andi- 
mours, par exemple, qui vont offrir au loin leurs 
bras à un prix extraordinaire de bon marché, 
constitueront pour ces entreprises des conditions 
très avantageuses. 

Je n’hésite donc pas à conclure qu'une grande 
exploitation sucrière à Madagascar, bien conçue, 
bien dirigée, donnerait les plus brillants résultats, 
malgré la concurrence du sucre de betterave. 

Près de ces usines, qui devront mettre en culture 
de grandes surfaces de lerre, et, par suite, ne 
pourrontètre créées que pardes sociélés puissantes, 
il conviendrait de voir s'établir des planteurs qui, 
avec une faible mise de fonds, créeraient des plan- 
tations et porteraient leurs cannes à l’usine cen- 
trale. L'avenir même de ces grandes usines serail 
de se désintéresser peu à peu de la culture pour 
rester uniquement des fabriques de sucre, réalisant 
ainsi l'idéal de cette industrie, qui doit tendre à 
séparer la fabrication de la culture. 

Les mélasses, résidus de la fabrication sucrière, 
sont presque sans valeur; l'achat des appareils 
distillaloires, leur montage, les constructions à 
élever sont de peu d'importance : c’est pourquoi 
l'établissement de grandes fabriques de sucre a 
pour conséquence nécessaire l'installation de dis- 
lilleries pour produire des rhums et des tafias. 

Cent mille kilogrammes de sucre donnent comme 
résidu des mélasses pouvant produire 8 à 10.000 
litres de rhums. Une usine à sucre, comme celle 
dont nous conseillons la création, faisant 4 à 5 mil- 
lions de kilogrammes de sucre, permettrait done 
de produire de % à 500.000 litres de rhums. 

Les rhums de Mayotte et de Nossi-Bé ont eu, de 
tout temps, une vérilable renommée dans les pa- 
rages de la mer des Indes, et, sans aucun doute, 
les rhums fabriqués à Madagascar jouiront du 
même renom. 

A l'heure actuelle, les esprits sont, à juste litre, 
préoccupés du danger de cerlains alcools; il est 
done utile de rappeler que les rhums de cannes 
sont exempts d’alcools supérieurs et d’éthers, qui 
rendent si dangereux l'usage de cerlains alcools 
d'industrie; ce fait a été signalé depuis longtemps 
par le savant Professeur Le Dentu. On peut, par 
suite, espérer que, ce fait peu connu se vulgari- 
sant, les rhums et lafias produits par la canne à 
sucre remplaceront, dans une large mesure, les 
alcools d'industrie si pernicieux pour la santé. 


“le placement. La première et la seconde année, ils 


IT. — CULTURE DU COTONNIER. 


Le cotonnier existe presque partout, à Mada- 
gascar et aux Comores, à l’état sauvage. On [8 
rencontre à la porte de beaucoup de villages, dans 
ce pays, sous forme d’arbuste vivant plusieurs an- M 
nées; mais la fibre de ce cotonnier est courte et 
grosse el ne convient guère qu'à la fabrication des M 
lambas, et surtout à celle des oreillers et des ma- 
telas indigènes. 

Le climat semblant favorable à celte culture, j'en 
tentai l'essai de 1886 à 1888. La première difficulté 
fut de trouver des renseignements sérieux sur le. 
mode de plantation du cotonnier et sur les soins 
à lui donner. Aucun ouvrage sérieux n'existait 
écrit ên langue française, et je dus recourir aux 
ouvrages publiés en Amérique; c’est aussi d’Amé- 
rique que je fis venir, par l'entremise de MM. Vil- 
morin, les graines de coton des variétés Sea Zslund 
et Géorgie lonque-soie. | 

Semées au mois de novembre, au commence- M 
ment de la saison pluvieuse, ces graines produi- 
sirent des colonniers très vigoureux donnant leurs 
fruits, exactement, cinq mois après. De plus, ces 
cotonniers, laillés après la récolle, ont pu vivre 
trois années, donnant,-pendant ce temps, des ré- 
coltes annuelles assez sérieuses. 

Après trois années d'essais, l'expérience était 
acquise, et je pus, dans une notice manuscrile, 
fournir tous les renseignements sur le mode des 
semis, les soins à donner aux plantations, et sur la 
cueillelte des fruits, point délicat. 4 

Envoyés en Europe, ces catons n'arrivèrent pas 
en quantilé suflisante pour que des essais sérieux 
pussent être fails avec eux seuls ; et les courtiers 
chargés de leur vente en trouvèrent diflicilemen 


furent vendus 1 fr. 20 le kilogramme; la 3° année, 
ils obtinrent le prix de 1 fr. 80 le kilogramme. 

Ce dernier prix élait presque rémunérateur;M 
mais, ayant alors tenté beaucoup d’autres cultures, « 
et rebuté par les prix obtenus les deux années pré-« 
cédentes, je cessai ces essais au moment même où 
ces produits commençaient à être appréciés el où 
les prix de vente allaient rendre possible la culture 
en grand. F 

Au même moment, ces cotons, dont de nom- 
breux spécimens avaient été envoyés à l'Exposilionm 
permanente des Colonies à Paris, élaient exposésé 
par elle au Havre et à Paris. Deus de l'Exposi=" 
tion du Havre, en septembre 1887, reconnaissant 
la bonne ae de ces produits, leur décernait" 
une médaille de bronze, et, au Concours généralk 
agricole de Paris, en 1888, le jury donnait une mé= 
daille d’argent à ces cotons, dont la variélé Seam 
Island était reconnue particulièrement belle. 


A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES A MADAGASCAR 


711 


Les essais faits à Mayolle, la beauté des produits 
obtenus, les quantités récoltées à l'hectare (250 ki- 
los de coton et 750 kilos de graines), sont des 
encouragements sérieux pour répandre celle cul- 
ture à Madagascar. 

Les essais montrent que le sol et le climat de 
Madagascar conviennent admirablement au coton- 
nier, el que le coton peut y acquérir des qualités 
comparables à celles des produits américains, et 
je n'hésite pas à conclure que le colonnier pourra 
faire l’objet d’une grande culture rémunératrice à 
Madagascar. 


SO ee ee à 


Fig 2. 


III. — CuLTURE DU VANILLIER. 


Importée de la Réunion, la culture de la vanille 
à pris, en ces dernières années, une certaine im- 


“portance à Mayolle. 


Les premiers essais de culture, faits trop scrupu- 
leusement conformes aux pratiques en usage à la 
Réunion, n’avaient point été très heureux ; aujour- 
d'hui, l'expérience a modifié ces procédés, el la 
culture de la vanille doit être placée au premier 
rang des cultures secondaires à tenter dans ces 
régions. 

Une température plus chaude, plus humide, une 
Yégélation plus active semblent même eréer à 
Mayotte des conditions très favorables au vanillier : 


de plus, les vanilles de ce pays sont, en ce mo- 
ment, classées au premier rang, immédiatement 
après celles du Mexique, avant celles de la Réu- 
nion. 

Alors que partout ailleurs la fleur de la vanille 
ne fructifie qu'après une fécondation artificielle, 
— au Mexique, son pays d'origine, le vanillier 
produit naturellement son fruit. C’est, probable- 
ment, à ce fait qu'il faut attribuer la grande supé- 
riorité des produits du Mexique sur tous les au- 
tres; il est aussi probable que le terrain et le 
climat donnent aux vanilles leurs parfums spé- 


— Vanilles enroulées sur pignon d'Inde. 


ciaux, de même qu'ils donnent aux vins leurs 
bouquets si variés. 

L'espèce cultivée dans tout l’océan Indien est la 
Vanilla planifolia, originaire du Mexique. 

Comme on le sait, le vanillier est une orchidée; 
c’est une plante parasite qui vit en s'enroulant sur 
les arbres ou tuteurs mis à su portée, et qui ne se 
reproduit, en culture, que par le bouturage. 

La bouture, grosse comme l’annulaire et longue 
d'un mètre environ, est couchée sur le sol et en- 
terrée à cinq centimètres de profondeur sur une 
longueur de vingt centimètres; le reste de la lon- 


gueur de la bouture est dressé verticalement contre 
le tuteur, sur lequel elle est fixée par un lien. Le 
tuteur par excellence, dans ces régions, est le petil 


712 A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES A MADAGASCAR 


pignon d'Inde (Jatropha cureus, — Euphorbiacées) 
qui, Lrès vigoureux, sert à la fois d’abriet de tuteurau 
vanillier. De chaque côté des feuilles du vanillier 
naissent des griffes qui servent uniquement à fixer 
la plante sur son tuteur. La plante est nourrie par 
les racines qui naissent sur les nœuds de la partie de 
la bouture enterrée ; ces racines sont superficielles 
et s'enfoncent à peine dans le sol, c’est pourquoi une 
épaisse couche de paille ou de détritus végétaux 
doit recouvrir le sol pour les protéger. Le vanillier 


Fig. 3. — Plant de 5.000 vanilliers à l'hectare. — Les va 


ne redoule point le soleil, bien au contraire, tan- 
dis que ses racines ont besoin d'être très protégées 
contre les sécheresses et l'ardeur du soleil. Des 
racines adventives naissent parfois sur le vanillier 
et descendent jusqu'à terre pour s'y implanter: 
mais ces racines advenlives n'apparaissent que 
lorsque les racines principales périclitent ou sont 
insuflisantes pour nourrir la plante: elles m'ont 
loujours paru indiquer la souffrance du vanillier. 
Dix-huit mois après sa plantation, le vanillier 
fleurit pour la première fois, mais il serail impru- 
la fructifi- 
calion prémalurée pourrait amener la mort du 


dent de féconder ces premières fleurs : 


mois que l'on doit commencer à pratiquer la fécon- 
dation des fleurs, et, encore, doit-on la faire avec 
ménagement, proportionnant le nombre de fleurs 
fécondées à la force du vanillier. 

Une disposition spéciale séparant les élamines 
des anthères, jamais, à Mayolle, la fécondation n'a 
lieu naturellement : chaque fleur est fécondée à la 
main. C'est une opéralion délicate qu'il est inutile 
de décrire ici : un homme jeune, de préférence un 


nilles enracinées en terre sont enroulées sur pignon d’Inde. 


enfant, féconde 2.000 fleurs dans sa malinée: 
l'après-midi la fécondation est mauvaise ; 800 fleurs 
fécondées donnent environ, chez moi, 3.500 gram- 
mes de vanille verte, quicorrespondent à 1.000 gram2 


mes de vanille préparée ; il est utile d'ajouter 


qu'un grand nombre de fleurs, quoique fécondées; 
ne fructifient pas. .‘ 
Commencée duns le cours de juillet, la féconda= 


lion est terminée à la fin d'octobre. 


Deux mois après la fécondation, la gousse den 
vanille acquiert à peu près loute sa longueur, ebm 
cependant, elle reste encore quatre à cinq mois, 
sur le vanillier avant d'arriver à malurité parfaites 


ë 
4 4 


jeune plant; ce n'est donc qu'au bout de trente w 


3 + 


A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES 


A MADAGASCAR 713 


La cueillette des fruits commence au mois 
- d'avril de l’année suivante el s'achève dans le 
_ cours de juin; puis vient la préparation de la va- 
- nille, qui demande environ quatre mois; aussi les 
“expéditions de vanille ne peuvent-elles avoir lieu 
- avant fin d'octobre. Quatorze mois en moyenne se 
4 sont donc écoulés depuis l’époque de la féconda- 
- lion jusqu'au moment où la préparation est termi- 
née. IL est impossible de décrire ici les détails 
d'une préparation aussi minulieuse; pour dire tout 
ce qui est relatif à la culture, à la fécondation, à 
a préparation de la vanille, il faudrait ones 
la longueur de celte nolice sommaire. 
- Rien n’est attachant comme cette culture déli- 
te, rien n'est rémunéraleur comme elle, quand 
les choses sont faites avec soin et dictées par l’ex- 
“périence. Un heclare de vanilliers comprenant 
nviron 5.000 plants donne 100 à 150 kilogrammes 
vanille préparée, qui, au cours de 30 à 40 francs 
logramme, représentent un produit énorme à 
hectare : de 3.000 à 6.000 franes. Mais celte cul- 
| Lure minutieuse demande beaucoup.de soins, beau- 
coup de bras; il faut aussi observer que le pre- 
| miers LE n'ont été obtenus que dans le cours 
| de la 4° année el que le vanillier meurt après 
“avoir donné trois à cinq récoltes au maximum. 
Le monde entier n'a produit, en 189%, que 
170.000 kilos de vanille, et, sur cette quantité, la 
éunion seule a Fr environ 70.000 kilos (la 
récolte s'est élevée parfois à 85.000 et à 90.000 ki- 
los à la Réunion). La production de laRéunion règle 
lonc le cours des prix de la vanille, qui demeurent 
bordonnés à l’abondance de ses récoltes, Une 
Surproduction amènerait promptement une baisse 
Mirrémédiable des prix, que l’on a vus, parfois, déjà 
aux environs de 10 francs le kilo. 
- La culture de la vanille, si minutieuse, si déli- 


endre # ans avant de récoller; pratiquée en grand, 
le ne semble pas devoir donner d’heureux résul- 


IV. — CULTURE pu PIGNON D'INDE, 


Le pignon d'Inde (/vtropa cureus), employé comme 
Luteur du vanillier, devient un véritable arbre: 
nais, quand il supporte les vanilliers, il fleurit et 
ctifie à peine. 

«D'une venue admirable sous le climat de Mada- 
güscar, le pelit pignon pourrait assurément être 
üllivé en vue de sa graine. Marseille et Bor- 
Heaux reçoivent, actuellement, de grandes quan- 
bilés de ces graines sous le nom de pwlgaires ou 
Mrgaires (de purgure probablement, les graines 
le pignon étant fortement purgalives, émétiques), 
1895. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 


provenant da Sénégal et des régions voisines: ces 
graines sont employées par les savonneries. 

La culture de cette Euphorbiacée donnerait cer- 
tainement des résultats avantageux, étant donnée 
la vigueur étonnante de cette plante dans ces ré- 
gions et son rapide développement. 


V. — CULTURE Du CAFÉIER. 

L'Hemileia vastatrir, qui a détruit les caféiers de 
Ceylan, de la Réunion et de Nossi-Bé, a fait dispa- 
raître les espèces anciennes produisant les excel- 
lents cafés qui avaient fait la renommée de la Réu- 
nion. Dans ces dernières années, l'on a tenté, à la 
Réunion, la reconstitution des caféières à l’aide 
d'une espèce nouvelle très vigoureuse, le caféier Zi- 
beria, originaire d'Afrique; le caféier Libéria se dé- 
veloppe merveilleusement, quoique sa feuille soil 
envahie par l’Æemileiu, et il y a là quelque chose 
d’analogue à la vigne américaine supportant le 
phylloxéra el vivant avec ce parasite. Le caféier 
Libéria ceroil rapidement el devient presque un 
arbre; aussi faut-il arrèler son développement en 
pinçant les sommilés ; au bout de deux ans, il 
commence à fleurir, puis, à partir de ce moment, 
il fleuri deux fois par an, en juillet et en dé- 
cembre. Les premières récoltes sont, toutefois, 
sans importance, el ce n'est guère qu'au bout de 
quatre ans qu'elles deviennent sérieuses. 

À la Réunion, le Libéria a remplacé presque 
toutes les anciennes espèces : il resle à savoir si le 
fruil de ce nouveau caféier aura la saveur de l'an 
cien café Bourbon, el s'il sera apprécié comme 
l'était l’ancienne espèce, variété du Moka, qui 
avait fait la fortune el le renom du café Bourbon. 

Les installations pour la décortication de la féve 
sont très simples, les frais d'entretien des planta- 
tions et la récolle des fruits sont peu coûteux; 
mais, trois à quatre années s'écoulant entre la 
plantation el la première récolle, celte culture ne 
pourra être lenlée que par des personnes dispo: 
sant de quelques capilaux. 

La loi douanière du 11 janvier 1892 a créé des 
avantages sérieux aux cafés provenant des colo- 
nies françaises en les exonérant de la moitié du droit 
de douane ; c’est, par suile, un avantage de Ofr. 78 
par kilogramme accordé aux cafés francais. SiMada- 
gascar devient colonie française, elle jouira, de plein 
droit, de cette faveur: mais, si celte grande ile est 
simplementsoumise au protectorat, elle sera privée 
de cet avantage, et, chaque année, un décret devra, 
comme pour la Tunisie, fixer la quantité de produits 
admis à jouir de ce régime de faveur. 

La même observation doit ètre faite pour les 
sucres, cacaos, vanilles, qui seront traités comme 
produits étrangers, si Madagascar devient pays de 
protectorat, aulieu d’être déclarée colonie française. 

LH 


714 


A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES 


CULTURES A MADAGASCAR 


VI. CULTURE DU CACAOYER. 


Le cacaoyer, originaire d'Amérique, est peu cul- 
livé dans les régions de l'océan Indien. Sa culture 
est fort restreinte à la Réunion, et c'est à peine si 
elle commence aux iles Comores et à Madagascar. 
La véritable raison de ce fait est la croissance 
lente du cacaoyer. Le cacaover se développe très 
lentement et reste chétif jusque vers la septième 
année: à peine, à ce moment, atleint-il la taille de 
deux mètres, ayant demandé jusque-là des soins 
minulieux. Vers la septième année le cacaoyer 
commence à fleurir et peut se passer des soins in- 
cessants qu’il a demandés dans son jeune âge. Les 
fleurs et les fruits couvrent l'arbre pendant huit 
mois de l’année, naissant sur le tronc et les grosses 
blanches. L'arbre atteint 7 à 8 mètres de hauteur à 
Madagascar vers la vingl-cinquième année et peut 
y vivre jusqu'à 40 ans. Une fois en rapport, le ca- 
caoyer donne régulièrement de beaux revenus; la 
cueillette et la préparation du cacao n'’offrent au- 
cune difficulté et n’occasionnent pas de grands 
frais. Altendre sept à huit ans avant de récolter 
est donc le grand ennui de celte culture, qui ne 
peut être conseillée qu'à des colons pouvant dé- 
penser pendant cette longue période de temps 
sans compter faire aucune recette. Mais, au bout 
de ce temps, les résultats sont tels qu'on ne sau- 
rail trop conseiller à toute personne faisant d'au- 
tres cultures de planter, chaque année, une par- 
celle de ses Lerres en Cacaoyvers. 

TABAC. 


VII. — CULTURE DU 


En 1885 el 1886, j'ai fait des essais de culture de 


Labac, choisissant les espèces de La Havane et de. 


Sumatra les plus en renom. Les quantités de tabac 
récollées à l'hectare, la longueur et la finesse des 
feuilles étaient très remarquables; mais ces tabacs 
avaient deux grands défauts : ils brülaient mal et 
contenaient de trop fortes proportions de nicotine. 
Une fumure riche en sels de polasse aurait pu 
donner à ces tabacs les qualités nécessaires pour 
les faire mieux brûler, et une préparation mieux 
comprise aurait pu ramener la nicotine à une pro- 
portion convenable. C'est ce que je n'ai pu tenter, 
n'avant pas élé encouragé, dans mes essais, par 
l'Administration des Tabacs de France, à laquelle 
j'avais envoyé ces produits. Si l'Administration 
voulail bien encourager des essais de cultures de 
labacs à Madagascar, il est probable qu'elle pour- 
rail trouver là les produits qu'elle est forcée d'a- 
cheter, chez nos voisins, et ce se- 
rait un beau résultat de nous affranchir ainsi d’un 
tribut de 80.000.000 de francs versés, chaque année, 
à l'étranger. 


à grands frais, 


à l'extraction des fibres. 


VIII. — CULTURE DE L'ALOËS ET DE L'AGAVÉ: 

L'aloës el surtout l’agavé ont élé cultivés, ces 
dernières années, à la Réunion et à Maurice, en vue 
d'en extraire la fibre. Au bout de 6 à 8 ans, Pagavé 
feurit et meurt, mais les bulbilles sans nombre 
qu'elle a produites, lancées au loin par la plante, 
poussent, envahissantles environs, élouffant herbes 
el plantes. La culture de l'agavé est donc facile el 
se fail sans frais appréciables; mais la baisse du 
prix de vente de la fibre et le faible rendement des. 
feuilles en fibres rendent aujourd'hui cette cul- 
ture peu rémunératrice. Les usines élablies à la 
Réunion et à Maurice pour extraire la fibre d’a- 
gavé sont peu prospères. C’esl pour ces raisons 
qu'après avoir planté une quantité considérable 
d’agavé, je n’ai pas cru devoir, la malurité venue, 
monter l'usine, peu coûteuse cependant, nécessaire 


La feuille de l’agavé contient de à à 7°, de son 
poids de fibre. Les machines actuelles, très impar 
faites, n'extraient que 2 !/;°/,de cette fibre. Qu'une 
machine mieux comprise en extraie 4 °/, el, du 
coup, celle industrie deviendra prospère; ce pro 
blème ne semble pas impossible à résoudre. 


IX. Riz ET AUTRES CULTURES. 

Les cultures que j'ai tenté de décrire sont celles 
de plantes tropicales. Possibles et rémunératrices. 
dans la partie nord et sur les côtés est et ouest de 
Madagascar, plusieurs seraient impraticables su 
les plateaux très élevés du centre et dans le sud de 
l'ile. Mais ces régions moins chaudes pourraien 
ètre employées à d'autres cultures : le blé et k 
vigne y réussiraient à merveille, ce que l'expés 
rience à, d'ailleurs, établi à Tananarive et à Fina 
ran{soa. 

Si je n'ai rien dit du riz, si répandu au sul 
comme au nord de l'ile, © ét que la prospérité di 
cette culture à Madagascar est telle qu'il n’y à pas 
lieu de plaider sa cause. Le riz de Madagascal 
alimente, en effet, en partie la Réunion, Maurice 
Les EE Zanzibar el une e longue él sais del 


de vue A AP ui M, Foueart. ji 
A. de Faymoreau d'Arquistade. 


T5 


È Madagascar renferme de nombreux filons auri- 
fères. La distribution de ces gisements est en 
rapport évident avec la structure géologique gé- 
_nérale de l'ile. Pour cette raison, nous indiquerons 
out d'abord les principaux caractères de celte 
structure. | 


à Ï. — DiSPOSITION GÉNÉRALE DES SÉDIMENTS. 

# 

Les roches primitives, granite, gneiss, mica- 
schistes, constituent la base même de l'ile de Ma- 
 dagascar. Elles forment la grande chaine de mon- 
| lagnes qui se dirige du sud au nord, divisant l'ile 
en deux versants bien distinéts : l'un, le versant 
est, à pente très raide; l'autre: le versant ouest, à 
pente relativement douce. 


AMBODIRAKA 


——"\ SUBERBIEVILLE 


ALLUVIONS ANCIENNES BESEVA 


LES GISEMENTS AURIFÈRES DE MADAGASCAR 


Il. — VEiNULES. PÉbPITES ET PAILLETTES D'OR. 


Les gisements métlallifères abondent à Madagas- 
car : le fer, le cuivre, le plomb, le zinc, l’antimoine 
sont signalés dans un grand nombre de localités : 
quant à l'or, il se rencontre à peu près dans toules 
les formations. Il existe dans les filons de quartz 
et de diorite à l’état de veinules, de mouches, de 
particules invisibles, et dans les alluvions à l’état 
de pépites et de paillettes de toutes dimensions. 

Les filons sont très nombreux et constituent une 
véritable zone aurifère qui commence à Suberbie- 
ville (fig. 1), à la séparation des terrains de dépôt el 
du terrain primitif. Dans le terrain cristallin, cette 
zone est constituée par une bande de 50 kilomètres 


ALL. ANCIENNES 


MOROVOAY AMBANIHO 


MAJUNGA 


TERRAINS MODERNES M 
PRIMITIFS TES BASALTE = 
JURASSIQUE BASALTE Casse ms qe JURASSIQ| Eï LE 
FUAVE VOLCANIOUE S— 
a ASSISES JURASSIQUES 
3 Fig. 4. — Coupe géologique de Majunga à Suberbieville. 


Autour de ces roches sont venus se déposer les 
Lerrains stratifiés, et l’on trouve des représentants 
-de toutes les époques géologiques. 

Le terrain silurien, quoique sans fossile, a élé 
reconnu dans le sud de l'ile: on y a signalé aussi 
la présence du terrain houiller. Celui-ci a été éga- 
ement découvert dans le nord, aux environs de 
Nossi-Bé, mais on n'ya pas constaté -de houille 
exploitable. 

Le trias, le lias, le jurassique sont mieux connus. 
‘On considère les gypses d'Amparihihe comme 
triasiques; nous avons découvert le long du Me- 
vanana, aux environs d'Ambalasaracomby, des li- 
nites que l’on rattache au lias. 

Enfin, on rencontre des aflleurements de terrain 
jurassique à Setsabori, à Belalitra. 

Le terrain crélacé est remarquable par ses fos- 

iles caractéristiques, et couvre de vastes étendues. 
. Le terrain tertiaire se trouve un peu partoul, 
notamment sur la côte est et à Fort-Dauphin. 
Mais, de tous les terrains, c'est le quaternaire qui 
pris le plus grand développement, au moins dans 
a partie médiane du versant ouest de l'ile. 
- Enfin, on a reconnu l'existence d'anciens volcans 
et de nombreux dykes de basalles. Ce sont ces 
roches éruptives, qui, jointes auxroches primitives, 
“ont donné à l'orographie de l'ile un caractère 
| Spécial. 


a Fr sa 


de largeur, que des explorateurs ont suivie sur 
une longueur de plus de 100 kilomètres parallè- 
lement à la ligne de faite de l'ile. Cette bande se 
prolonge sûrement vers le sud, car les dernières 
prospections de nos agents à la limite-sud de nos 
concessions (Zmaelsamena) ont accusé des teneurs 
aussi bonnes que dans le centre. Cette bande est 
sillonnée de filons de quartz de direction géné- 
rale 45 est-ouest. 

Des essais, fails sur des quartz en place, ont 
donné des teneurs supérieures à une once par tonne. 

L'or se trouve aussi quelquefois dans le granite, 
comme nous l'avons constaté à Setsakifenjy, dans 
le micaschiste à Amposiny, dans le gneiss, comme 
l'ont montré les cailloux roulés dans le Nandrozia, 
enfin dans des bandes de gneiss pourri, ayant 
plusieurs kilomètres de longueur ; mais ces ren- 
contres ont toujours été faites au voisinage im- 
médiat des placers de quartz. 

L'or est toujours accompagné de pyrite de fer. 
Quand les conditions de formation des métaux onl 
été telles que l'or ne se dégageait pas de la pyrile 
au moment de la formation du cristal pyriteux, 
l'or estresté inclus dans le cristal, et, après la des- 
truction de celui-ci par l'oxydation, l'or s'est 
dégagé à l'état de poudre {or fin. Lorsque, au 
contraire, les conditions ont été telles que l'or a pu 
se dégager au moment de la formation de lapyrite, 


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Rio. 
Aiv. 


L. SUBERBIE — LES GISEMENTS 


— 


AURIFÈRES DE MADAGASCAR 71 


Ê il à crislallisé en gros éléments |or gros. pépites. 
* Tous les filons n’ont pas élé travaillés. Deux 
s seulement ont été mis en exploitation. 

L'un, de faible épaisseur, a donné de belles 
. Leneurs, et son exploitation n'a été interrompue 
- que par des circonstances absolument étrangères 
au travail. L'autre, plus épais, d’une puissance de 
4 mètres et d'une bonne teneur moyenne, est 
connu par ses aflleurements sur une longueur de 
8 à 10 kilomètres, el rien que dans la partie en 
montagne, située au-dessus du niveau de la vallée 
du Nandrozia, on peut v préparer des élages sur 
plus de 100 mèlres de hauteur. 

La destruction parles érosions descrètes defilons 
el des terrains primitifs aurifères a donné nais- 
sance à de nombreux dépôls alluvionnaires à di- 
verses époques géologiques, dépôts qui se conli- 
nuent encore de nos jours. 

… La coupe figurative ci-jointe (fig. 1, page 715 
montre la disposition de ces alluvions ainsi que 
- la géologie générale de Suberbieville à Majunga. 
. D'autre part, la figure 2 indique le relevé général 
des couches, avec cotes, de Majunga à Tananarive. 
. Quant aux coupes véritables prises sur le terrain, 
. on en rencontre rarement. En voici cependant une 
- qui a été prise aux environs de Mevalanana : 
; 1° A la base, gneiss et micaschistes formant les 
- substructures ; 

2° Une couche de schistes chloriteux de 1 mèlre: 

3° Une couche de galets de 0 m. 50: 

%° Une couche de 6 à 8 mètres d'arène blanche 
provenant de la décomposilion d'un granite à mica 
blanc: les parties de feldspath sont décomposées: 
- »° Au sommet, une couche d'argile rouge sablon- 
neuse, avec godets de quar!z roulés, renfermant de 
l'or. 

Ainsi que le montre notre figure 4. on distingue 
deux sorles d'alluvions : les alluvions anciennes et 
les aliuvions modernes, auxquelles il faut encore 
joindre les alluvions acluelles ou lits de rivières 
desséchés ou non. 

- Les aliuvions anciennes sont très variées, elles 
se présentent souvent en masses considérables 
ayant de 20 à 30 mètres de puissance et couvrant 
de vasles élendues. Les recherches faites sur ces 
masses ont donné desrendements de plus de { gr. 
d’or par mèlre cube. 

Il en est de même desalluvions modernes : celles- 
i sont formées, comme les précédentes, de la des- 


“les débris des alluvions anciennes. Lérequ elles 
reposent directement sur la roche primitive auri- 
Îère, granite, gneiss, micaschiste, diorile, la par- 
“lie dE de l’alluvion, celle qui est immédia- 
_ Lement en contact avec la roche primitive, est de 


“ruction de toutes les autres formalions, y compris | 


Élieaucoup la plus riche. 


La roche primilive aurifère, lors de l'érosion, à 
subi un vérilable lavage : les parties argileuses, 
faciles à délayer et légères, ont été enlrainées au 
loin par la violence du courant: les parties lourdes, 
et notamment l'or, sont restées à la place eù elles 
avaient été formées, et l'alluvion les a recouvertes. 

Quant aux alluvions actuelles ou lits de rivières, 
ce sont des banes de sable d’une épaisseur relati- 
vement faible, 3 à 4 mètres, et présentant des 
échantillons de toules les roches de la contrée. Les 
remaniements de chaque crue, entrainant plus fa- 
cilement les parties légères que les parties lourdes, 
produisent un enrichissement partiel de la masse, 
surtout sur la partie amont des ilols que forme la 
rivière. — En plus de l'or, on trouve, dans ies allu- 
vions, des pierres précieuses telles que la topaze, 
l'émeraude, le rubis, le saphir: mais ces pierres 
sont généralement sans valeur. 


III. —— EXPLOITATION MINIÈRE. 


Depuis fort longtemps on connaissait l'existence 
de l'or à Madagascar ; mais les exploralions \ 
étaient non seulement difficiles, mais dangereuses, 
par suite des peines édiclées à ce sujet par le gou- 
vernementHova. Cependant, dès 1874, nous avions 
déjà pu, dans nos divers voyages dans l’est, le 
centreet la partie ouest de l'ile, nous rendre compte 
de l'importance des gisements el nous faire une 
idée approximative de leur leneur moyenne; mais 
ce n'est qu'en 1886 que nous avons pu décider le 
gouvernement à trailer avee nous el ànous donner 
la concession que nous possédons aujourd'hui, 
C'est à cette époque queles recherches méthodiques 
ont commencé. 

En présence des résullats favorables que nous 
donnaient nos nombreuses prospeclions, nous 
n'avons pas hésilé à nous imposer de lourds sacri- 
fices pour doter ces immenses gisements des appa- 
reils d'exploitation les plus perfeclionnés, les fai- 
sant venir d'Europe et d'Amérique. 

Pour créer le grand mouvement industriel que 
nous entrevoyions très clairement dès le premier 


jour, il nous a fallu faire des chemins, organiser 


toute une batellerie, construire une usine de trai- 
tement des minerais, dériver lesrivières, uliliser 
les nombreuses chules d'eau du pays, bälir des 
maisons pour logerle personnel européen, créer 
des villages pour les indigènes, etc. 

Celte courte énumération donnera une idée de 
l'imporlance du capilal déjà immobilisé dans cette 
entreprise, ainsi que de la somme d'énergie et de 
ténacité qu'il a fallu montrer au milieu de difti- 
cultés de tous genres et de populations trop sou- 
vent hostiles. Léon Suberbie, 


Directeur 
de la Compagnie coloniale des Mines d'Oi 
de Suberbieville et de l'Onest de Madagascar, 


118 Cr. 


FOUCART — L'ÉTAT DU 


COMMERCE A MADAGASCAR 


L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR 


ET L'AVENIR ÉCONOMIQUE DE L'ILE 


Les articles qui précèdent ont fait connaitre la 
géographie, la faune, la flore, les cultures, les 
mines, les populations et l’état de civilisation de 
Madagascar. Pour compléter le tableau du pays, il 
reste à en montrer la valeur économique et aussi 
à exposer les raisons qui permettent d'espérer que 
celte valeur, restée en partie latente jusqu'à pré- 
sent, s’accroitra beaucoup si l’œuvre de la coloni- 
sation est conduile d’une manière convenable. Ce 
sera, en dehors de toute considération politique, 
la meilleure justification des importants sacrifices 
que notre nalion s'impose pour s'assurer la pos- 
session définitive de la grande ile africaine. 

Nous examinerons donc successivement les res- 
sources qu'on peut tirer de Madagascar et les dé- 
bouchés qu'y doil trouver notre commerce. Mais 
auparavant, il est nécessaire de dire quelques 


este Paleéluvier 


nouillent Les grands navires. 


espèce 


mots de ce qu'on pourrait appeler l'outillage éco- 
nomique du pays, particulièrement en ce qui con- 
cerne la facilité des échanges, la commodité, la 
rapidité el la sürelé des communications tant 
avec l'extérieur que dans l'intérieur de l'ile. La 
question des transports, surtout de ceux entre les 
côtes et le centre, a d'autant plus d'importance à 
Madagascar que rien n'y a encore été fait pour la 
résoudre, C'est une des premières dont le Gouver- 
nement aura à s'occuper quand sera vaincue la ré- 
sistance que nous opposent les Hovas. Il entrail 
dans la politique de nos ennemis de laisser subsis- 
ter Lous les obstacles qui pouvaient arrêter la 
marche d'une armée envahissante, et ce sont ces 
obstacles qui, en entlravant les communications, 
ont retardé pendant de longues années le déve- 
loppement commercial et industriel de Madagascar. 


au premier plan, près des 


L'arbre, photographié 
très répandue dans Pile 


G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR 


719 


1. — COMMUNICATIONS EXTÉRIEURES ET INTÉRIEURES. 


s $ 1. — Relations avec l'extérieur. 


…. Service des transports maritimes. — Les côtes de 
… Madagascar sont peu découpées et ne présentent 
… qu'un petit nombre d'abris; ce sont, en général, 
… des rades foraines dont aucun travail humain 
n'a amélioré les conditions naturelles, souvent 
… défectueuses au point de vue de la tenue et de 
la protection contre le vent et la houle. Excepté à 
Diego-Suarez et, depuis peu, à Majunga, les navires 
- ne trouvent dans les ports malgaches ni facilités 


1 


pour le débarquement, ni moyens de réparer des 


m…_avaries, ni possibilité de s’approvisionner de 
— charbon. Aucun phare ne guide le marin pendant 
… |a nuit, aucun signal n’aide l'atterrissage pendant 
…. le jour. Dans ces conditions, ne s’arrêtent à Mada- 
_gascar que les navires qui ont à y prendre ou à 
y déposer des marchandises. À moins d’un cas de 
—…. force majeure, les autres n’y relâchent pas. 

“ Les seuls points du littoral fréquentés par des 
_ navires au long cours sont : au nord, Diego-Suarez 
… fig. 1), à l'est, Vohimarina, Tamatave, Vatomandry, 


Mahanoro, Mananjary, au sud Fort-Dauphin, à 
l’ouest Nossi-Vé, Morondava, Majunga el Nossi- 
Bé (fig. 2). Les autres ports ne sont visités que par 
des caboteurs, par des bateaux allant à Maurice 
ou à la Réunion et par des boutres arabes venant 
des Comores ou de Zanzibar. 

De ces ports, le plus important jusqu’à présent 
a été Tamatave (fig. 4, page 722) où s'arrêtent 
annuellement une quarantaine de vapeurs, 20 à 
30 voiliers et environ 150 côtiers, représentant en 
tout à peu près 75.000 tonneaux. Ces navires sont 
francais, anglais, allemands et américains du Nord. 

Le port de Majunga prendra probablement, après 
la guerre, une place qu'il n'avait pas jusqu'ici; en 
dehors d’un vapeur français qui faisait un service 
régulier avec Nossi-Bé et la côte occidentale, il ne 
recevait habituellement que des boutres et des 
goélettes. 

Des communications maritimes régulières re- 
lient Madagascar à l'Europe, à l'Afrique et aux iles 
voisines, Maurice et la Réunion. Elles sont assurées 
par les vapeurs des Messageries maritimes, de la 
Compagnie havraise péninsulaire et de l'Union and 
Castle lines Company. 


o Fig, 2, — Rade d'Helleville à Nossi-Bé. — [Vue prise de l'Agence des Messageries Marilimes 


| 
6 
À 
° 
4 
: 
x 


L 


M à 


2 hi 


— Barques pour le transport des voyageurs et des paquels sur la rivière llkopa. 


F . FOUCART — L'ÉTAT 


DU COMMERCE A MADAGASCAR 121 


nn. paquebots des Uessageries maritimes (carte 
Fa 651) partent de Marseille le 12 de chaque mois 
el, après avoir louché à Port-Saïd, Suez, Obock, 
Aden, Zanzibar, Mayotte et Nossi-Bé, font escale 
à Diego-Suarez, à Sainte-Marie de Médagasuar el 
à Tamalave; le trajet jusqu'à ce dernier point du- 
rait 26 jours. Le bateau allait ensuite à Maurice 
et à la Réunion. 
. On peutaussi aller à Madagascar parune voie indi- 
ecle en empruntant jusqu'à Mahé le paquebot d'Aus- 
brulie partant de Marseille le 1° de chaque mois; de 
fahé un vapeur annexe conduit à la Réunion, où 
Von prend au retour le paquebot de la ligne directe. 
Actuellement cesilinéraires sont un peu modi- 
iés ; les paquebols des /essageries maritimes vont 
irectement à Majunga, tandis qu'avant la guerre 
ranco-hova, ce port n'élait relié que par un pelil 
apeur parlaut de Nossi-Bé, s’arrêlant d'abord à 
Morolsanga et allant ensuite à Maintirano, Moron- 
Ava, cap Saint-Vincent et Nossi-Vé, desservant 
nsi les ports principaux de la eôle occidentale de 
Madagascar. # 
; Le prix du voyage de Marseille à Tamatave est 
- de 1:450 fr. en première, de 915 fr. en seconde el 
de 450 fr. en troisième. Pour les marchandises, le 
fret pär mêtre cube ou par 1.000 kilogrammes 
varie de 48 à G0 fr. suivant les calégories de mar- 
.chandises, Les pelils colis sont transportés d’après 


44 


un larif spécial, qui est proportionnellement plus 


- La Compagnie havraise péninsulaire à également 
un service direct pour Madagascar; les navires, 


deaux-Pauliac et à Marseille. Les escales sont 
suite les mêmes que celles des bateaux des 
Messageries, sauf celles de Mayotte et de Nossi-Bé, 
qui nexislent pas. Acluellement la Compagnie 
Wawraise péninsulaire dessert directement Majunga, 


arrive fréquemment que ce lemps n'est pas suf- 
sant pour débarquer toutes les marchandises 
qu'ils doivent déposer dans le port; ils ne les remel- 
nt au destinataire qu'au relour. De là des retards 
| rès préjudiciables, qui font que les commerçants 
| Bréfèrent souvent l’autre ligne. 

— Par les voiliers, le prix de fret d'Europe à Ma- 
 dägascar varie entre 30 et 35 fr. par tonneau pour 
les chargements en plein. Les vapeurs aflrétés en 
4 vue de l'expédition ont fait le transport du maté- 
| 


riel de guerre à un prix sensiblement plus haut. 

Les bateaux de l'Union and Custle lines, qui par- 
tent de Southampton pour Madère et le Cap. vont 
toules les quatre semaines à Madagascar; le porl 
desservi est Tamalave ou Vatomandry; depuis 


deux ans, certains navires anglais font même 
escale à Fort-Dauphin. 
Câble de Majunya à Mozambique. — C'est seule- 


ment depuis quelques mois que l'ile de Mada- 
gascar est reliée au réseau (élégraphique uni- 
versel par un câble qui va de Majunga à Mozam- 
bique, où il se rattache aux lignes de l'Zustern and 
South African (®?. Ge càble pour lequel une dépense 
de trois millions avait élé prévue dans les crédits 
demandés aux Chambres en vue de l'expédition. 
fonctionne depuis le commencement d'avril. 


$ 2. — Communications intérieures. 


A l’intérieur de Madagascar, les communicalions 
par les voies terresires et par les voies fluviales 
sont très difficiles. 


Voies fluviales. — En général, les fleuves ne sont 
pas navigables ou ne le sont que dans une partie 
limitée de leur cours. Ceux du versant oriental. 
notamment, sont fréquemment inlerrompus par 
des cascades et par des chutes: la rapidité de leur 
pente el l'irrégularilé de leur profondeur empêé- 
chent qu’ils puissent rendre de grands services: 
d’ailleurs, sauf le Mangoro el le Mananara, ils 
prennent leur source à peu de distance de la mer. 
se jelant dans 
plus long et 


Les fleuves de l'ouest Ex. : 
le canal de Mozambique, ont un cours 
débilent un plus fort volume d'eau. Le Betsiboka 
el le Tsiribihina, nolamment, une fois descendus 
du Massif central, où ils prennent naissance, cou- 
lent dans la plaine sakalave sans ètre coupés par 
trop d’obslacles. Ils sont alors navigables pour 
des embarcalions ayant un faible Lirant d'eau. 

Le Belsiboka, qui a son embouchure près d’une 
grande ville (Majunga) et dans une grande rade, 
conslilue la plus importante voie de pénétlralion ; 
pendant une partie de l’année, le plan d’eau au- 
dessus des seuils rocheux, est assez haut pour que 
des chaloupes à vapeur puissent faire un service 
régulier entre Majunga et Mevalanana, à environ 
140 kilomètres de la côle: pendant les mois de la 
le fleuve cesse d'être navigable à 


fig 3 


saison sèche, 
Marowoay. 

Le plan de la campagne actuelle comportait une 
large ulilisalion du Belsiboka, qui permel de faire 
par eau le tiers environ du trajet entre Majunga el 
Tananarive ; par suite de retards dans le {ransport 
et dans le montage du matériel qui devail être em- 
ployé. nos troupes ont élé forcées de s'en passer el 


“d1n)DtUDI 2p 1Dn() 19 Sy204 — 


FOUCART — L'ÉTAT 


122 CG. 


DU COMMERCE 


A MADAGASCAR 


d'effectuer dans les régions côlières, qui sont les 


plus chaudes el les moins saines, une marche 


longue et 


fatigante. 


Sur le Massif central, cerlains cours d'eau peuvent 


servir aux transports; c'est ainsi que les matériaux 


de construction 


parviennent à Tananarive par 
la rivière l'Ikopa. 

Sur la côle orientale, il existe, à une petite dis= 
lance de la mer, une ligne presque continue de la 
gunes, qui s'élend sur plus de 300 kilomètres dem 


me ee Ces au sont navigables et ne sonb 
dec ouper; on nn ainsi es de Fe aval j 
et le surcroit de dépense qu'occasionnent actuelle: 


ment le débarquement des marchandises et leur 


lions qui les contenaient, jusqu’au point où les pi 


rogues peuvent êlre remises à flot. 
Communications par terre. — Par suite de la na 


Lure et du relief du sol de la plus grande partie 
de Madagascar, les communications par terre sont 
pénibles: Aucun travail n'a été fait jusqu'à présent 
pour rendre plus commodes la traversée des forêts, 
l'ascension des montagnes, le passage des marais 
et des rivières. Il n'existe ni routes, ni ponts. Dés 
simples pistes, capricieusement tracées, nullement 
entretenues, résultant uniquement d'un parcours. 
répélé sur les mêmes points, relient les village | 
et donnent accès à l'intérieur du pays. Elles son 
encombrées d'obstaclés, ravinées par les pluies 
toutes les dénivellations du terrains 
Durant lhivernage, elles deviennent vérila Ie 
ment impraticables, particulièrement dans less 
régions accidentées de la forêt, où les montées” 
et les descentes se succèdent sans interruption. 

un tronc d'arbre 
est quelquerois jeté d'une rive à l'autre, si la diss 


et suivent 


A la rencontre des 2ours d'eau, 


n'en existe-L-il pas à Madagascar. Quant aux anis 
maux, jusqu à présent ils n’ont élé employés qu 
d'une manière exceplionnelle pour le transport 


des marchandises el des voyageurs, lequel se fai 
Loujours à dos d'homme. 

Les marchandises sont presque forcément dis 
lribuées en un grand rombre de paquets. En géné 
ral, un homme est nécessaire pour 40 à 50 kilos 
grammes, el le fardeau doit, autant que possibles 
élre divisé en deux parties, qu'on allache au“ 
norme TA 
. Quand le colis 
estindivisible,on réunit la charge de deux hommes. 


extrémilés d'un long el gros bambou, 
placé sur l'épaule du porteur fig. à 


el on suspend le fout au milieu d’un bälon porté à 
lourd, 1e 
transport devient diflicile el même impralicables 


chaque bout. Lorsque l'objel est très 


Les porteurs ainsi chargés ne peuvent faire que 
des étapes variant entre 15 el 20 kilomètres par 


jour. Ils s'appuient, en marchant, sur une sagait 


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126 


G. FOUCART — L'ÉTAT DU 


COMMERCE À MADAGASCAR 


dont l'extrémité opposée à la pointe est garnie d’un 
fer aplati servant à tailler des gradins dans l'argile 


glissante des mon- 
lées. 

Les poids indiqués 
précédemment se 
rapportent aux mar- 
chandises propre - 
ment dites. Quand un 
transport rapide est 
nécessaire,parexem- 
ple quand 
de bagages accom- 
pagnant des voya - 
geurs, les porteurs 
ne doivent pas être 
chargés de plus de 
20 à 25 kilogrammes ; 
dans ces conditions. 
ils peuvent, sur les 
sentiers frayés, par- 
courir 50 kilomètres 
par jour. 

Pourlesvoyageurs. 
le véhicule adopté 
est le #lanjana, formé 
de deux brancards de 
trois mètres de lon- 
gueur soutenant vers 
le milieu un siège en 


il s’agit 


loile fig. 7 et 9). Quatre hommes, deux à l'avant, 
deux à l'arrière, soutiennent l'appareil sur les 


Fig. 


épaules. Dans les grands trajets. on emmène six à 
huitporteurs qui se relaient, même en courant, sans 


Fig. S. — Passeur Belsimisaraka opérant la traversée, d'une rive à l'autre. 
dans les rivières peu profondes de la côte Est. 


à eux. 


9. — Passage, en filanjana, du pont conduisant à Mandrossa, dans l'Imérinu. 


que le voyageur éprouve de trop fortes secousses: 
Les porteurs de filanjana ont besoin de beaucoup 


de prévenances pour les voyageurs qui se confient 


Prix des transports par terre. — Pour donner ut 
aperçu des prix des transports, je prendrai comme. 


de vigueur el so 
toujours des hommes 
jeunes; on n’en voil 
que rarement ayanl 
plus de 23 ou 24 ans. 
Plus tard ils se font 
porteurs de marchan: 
dises et exercent ce 
métier jusqu'à l’âge 
de 50 ou 55 ans. 
Les Malgaches qui 
font les transports se 
nomment borizany @l 
formentune corpora 
lion assurant, au 
moyende cotisations; 
certains avantages à 
ses membres, Par 
leur entente, ils arri- 
vent à maintenir le 
prix des transports à 
un taux relativement 
élevé: maisilest juste 
de dire qu'ils pren- 
nent toujours soin 
des marchandises qui 
leur sont remises el 
qu'ils sont remplis 


ns Se LT GR Cat D GS SE ÉD A7 La al in 
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR 127 


exemple la route de Tamalave à Tananarive, qui 
est la plus fréquentée de l'ile. Les porteurs se 
“paient à forfait 17 fr. 50 à la montée et 12 fr. 30 à 
la descente, soil, en moyenne, 45 francs pour un 
- parcours d'environ 300 kilomètres: en admet- 
‘ tant une charge de 40 kilogrammes par homme, le 
prix de transport de la tonne est de 375 ee 
ou 1 fr. 25 la tonne kilométrique. En réalité, le prix 
-est plus élevé à cause des emballages qui repré- 
entent un poids mort notable. 
- En faisant le même calcul pour la route de Ma- 
junga à Tananarive, qui a 440 kilomètres, et pour 
laquelle les porteurs exigent rarement moins de 
25 francs, on arrive àenviron 1 fr. 50 pour la tonne 
kilométrique. La différence vient de ce que cette 
roule est moins sûre que l’autre, et de ce que les 
porteursn'aiment pasà lasuivre à cause des cailloux 
“quartzeux qui, dans certaines parties du trajet, ren- 
dent la marche pénible et même dangereuse. 
Un voyageur qui se rend de Tamatave à Tanana- 
—ive est forcé d'emmener huit hommespour le filan- 
-jana et quatre au moins pour les bagages, les pro: 
. visions, le couchage et la batterie de cuisine. Avec 
les frais accessoires, la dépense est d'au moins 
x 250 francs. 
_ En ce qui concerne spécialement les marchandi- 
ses, ces prix élevés, qui s'accroissent encore pour les 
outes peu fréquentées, ont mis jusqu'à présent le 
commerce dans des conditions défavorables.Seuls, 
es produits ayant une grande valeur et un faible 
poids peuvent arriver à la côte pour être exportés, 
sans être grevés de frais rendant tout bénéfice im- 
possible. Dans l’état actuel des choses il ne faut pas 
songer, par exemple, à exporter le riz, bien qu'il 
soit à bas prix et très abondant dans l’Imérina. 
Les mêmes raisonsempêchent d'envoyer dans le 
entre del’ile certaines marchandises qui y seraient 
très appréciées. La verrerie, les ustensiles de mé- 
nage en porcelaine et en faïence auraient certaine- 
entun grand débitchezles Hovas, sil’onpouvaitles 
vendre à un prix serapprochantde leur valeurréelle 
e fabrication; actuellement les frais de transport 
ésultant du poids et de la fragilité de ces produits 
majorent trop fortement le prix de vente. 
La difficulté des MÉDIANE explique aussi le bon 
marché de la vie à Tananarive pour celui qui se 
ontente de ce que le pays fournit. L'Imérina est 
une région de grande production, dont toutes les 
denrées doivent être consommées sur place. La 
nourriture d'un indigène ne lui coûte pas deux sous 
par jour ; mais l’Européen qui mange du pain, qui 
oit du vin, dépense au moins dix fois plus. 


Mouvement des marchandises entre les côtes et l'in- 
_ lérieur. — Tout en étant forcément limité, le mou- 
_vement des marchandises entre les côtes et l’inté- 


rieur est assez actif. Certains produits, tels que le 
caoutchouc, les cuirs, le raphia à l'exportation, les 
étoffes, les liquides, le sel el beaucoup de menus 
articles peuvent supporter des frais de transport 
élevés. Les premiers n'ont pas d'usages dans le 
pays ou n'y trouveraient que des débouchés insuf- 
fisants ; les seconds sont devenus des objets de pre- 
mière nécessité pour la plupart des populations de 
l'intérieur : c’est ainsi que, chez les Hovas et dans 
plusieurs autres tribus, les cotonnades importées 
ont complètement remplacé les tissus‘indigènes. 

Les évaluations qu'on a faites de l'importance du 
trafic entre Tamatave, port principal de Madagas- 
car, et Tananarive, centre considérable de produc- 
tion et de consommation, sont assez variables. En 
me basant sur le nombre des porteurs qui arrivent 
journellement aux points extrêmes de la roule, je 
l'ai fixé à environ 6.000 kilogrammes par jour à la 
descente et à la montée, au tolal, environ 
4.300 tonnes par an. Pour avoir le tonnage global 
des transports entre les côtes et l Imérina, il fau- 
drait y ajouter le trafic qui se fait avec Vatomandry 
et Mahanoro sur la côte orientale. Quant à la route 
de Majunga, ce qui y passait jusqu'ici était insigni- 
fiant. Il n'y avait de mouvement commercial appré- 
ciable qu'entre Majunga et Mevatanana. 


soit. 


Eventualité d'une voie ferrée. — Même si l'on 
double le chiffre indiqué, le tonnage esl bien 
faible pour alimenter un chemin de fer reliant 
la côte à la capitale; il est faible surlout si l’on 
considère que l'établissement d'une voie ferrée 
rencontrerait des difficultés techniques coûteuses 
à surmonter ; quels que soient le tracé et le sys- 
tème adoptés, le mouvement des lerres et les ou- 
vrages d'art entraineraient d'énormes dépenses. Il 
est vrai que l'existence d’une voie rapide, commode 
et plus économique, développerait certainement 
le trafic actuel ; mais il semble difficile qu'avant un 
temps assez long, un chemin de fer puisse être 
exploité sans une garantie d'intérêt du capital en- 
gagé dans la construction. C’est ce que visent pro- 
bablement ceux qui ont présenté des projels, et 
c'est ce qu'il faudra accorder à celui qui en exécu- 
tera un, si, pour des motifs politiques et militaires, 
plutôt encore que commerciaux, on se décide à 
établir immédiatement un chemin de fer. Dans ce 
cas, il se ferait probablement sur le versant occi- 
dental; le trajet serait plus long que par la côte 
est, mais les difficultés seraient moindres. 

La conséquence d'une telle décision serait, à 
brève échéance, la ruine de Tamatave, que sup- 
planterait Majunga. On peut donc s'attendre à des 
luttes ardentes quand la question sera soulevée. 


Routes à construire. — Qu'on fasse ou non ce che- 


128 FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR 
min de fer, il faudra construire des routes ; elles | accessoires, s'imposent également. 
sont indispensables et elles peuvent suffire pour | est un pays où, au point de vue des travaux 


tenir le pays au point de vue militaire et pour en 
lirer parti commercialement. 

Ces routes pourront êlre élablies économique- 
ment au moyen de la corvée, forme d’impôl à la- 
quelle les Malgaches sont habitués et dont le 
général Metzinger s’est peut-être trop pressé d'an- 
noncer la suppression dans la proclamation qu'il 
leur a adressée en arrivant à Madagascar. En évi- 
tant, bien entendu, les abus que les Hovas ont faits 
dans ces dernières années de cette institution, en 
donnant même aux travailleurs une légère done 
nité, on aura la main-d'œuvre suflisante pour 
transformer rapidement les sentiers en routes per- 
mettant la cireulalion des voitures ou, au moins, 
dans certains cas, des mulets et des bœufs por- 
leurs. 

Sans parler des premiers de ces animaux, qui, de 
méme que les ânes et les chevaux, vivent bien à 
Madagascar, quoiqu'on ait dit le contraire au dé- 
but de l'expédition, les bœufs pourront, quand ils 
auront été dressés, rendre.de grands services pour 
les transports. [ls sont nombreux dans le pays el 
appartiennent à une race robuste et rustique. 
Même sans l'éducation spéciale, qui est indispen- 
sable, ils ont été d’une sérieuse utilité à la colonne 
qui est descendue de Tananarive à Majunga en 
novembre dernier. 

Pour le tracé des routes, il suffira le plus souvent 
de partir, en y faisant les modifications et les amé- 
liorations nécessaires, des sentiers actuels, qui cor- 
respondent à des courants commerciaux établis 
depuis longtemps. Parmi les plus importants, on 
peut citer les chemins qui relient Tananarive à 
Tamalave, par Moramanga et Andovoranto {avec 
une bifurcation vers Vatomandry, à partir d'Irihi- 
tra) ; à Mahanoro, par Beparasy et Anosibe; à Am- 
batondrazaka et au lac Alaotra, par Mandanivatzy ; 
à Majunga, par Mevatanana ; à Fianarantsoa, par 
Ambositra ; à Ankavandra, à Betafo et à Thosy. La 
Fianarantsoa à Mananjary, par Alaka- 
misy et Tsiatosika, est aussi assez fréquentée, ainsi 
que des pistes côtières restant à peu de distance de 
la mer; ces dernières, parcourant des terrains plals 
sont relativement assez praticables et sont faciles 


route de 


à meltre en bon état. 


Autres travaux publics à effectuer, — Ues lravaux, 
dont il faudra entreprendre l'exécution à bref 
délai, Pour 
ne parler que des principaux el de ceux qui on! 


sont loin d'être les seuls nécessaires. 


une influence directe sur le développement du 


commerce, Ja construction de ponts, l'installa- 
lion de bacs, l'amélioration de certaines voies 
fluviales, la création des ports, avec tous leurs 


_il installe un télégraphe. Quand nos troupes oo 


Madagascar 


publies, tout est à faire. 

Ce vaste programme reçoit déjà en ce moment 
un commencement de réalisation. Comme trace 
visible et persistante de son passage, le corps ex- 
péditionnaire qui se dirige sur Tananarive laissera 
une routeet des ponts; un wharf a été élabli à 
Majunga et, en quelques mois, la ville a été trans- 
formée. C’estun bon exemple pour l’avenir ; quand 
ceux qui combattent seront remplacés par ceux 
qui administrent, ceux-ci n'auront qu'à suivre cel 
exemple et ils ne devront jamais perdre de vue 
qu'à notre époque un pays ne peut se développer 
au point de vue économique que s’il possède un 
oulillage lui permettant d'entrer en lulte avec ses 
concurrents dans de bonnes conditions. 


$ 3, — Postes et télégraphes à l'intérieur de l'ile. 


L'organisation du service postal et l’établisse- 
ment d'une ligne télégraphique allant jusqu’à la 
capitale sont à peu près les seules choses qu'on 
puisse meltre à l'actif du protectoral qui à fonc-, , 
lionné à Madagascar de 1885 à 189%. 

La ligne télégraphique, Lerminée en 1887, suit à 
peu près, entre Tamatave et Tananarive, la route 
habituelle, dont elle évite seulement quelques dé-. 
tours. En dehors des bureaux extrêmes, Lenus par 
des employés francais, il existe, avec des employés 
indigènes, un bureau intermédiaire à Tanimandry, 
ville voisine d'Andovoranto, ainsi que des poses 
de coupure à Moramanga et à Beforona. 

Le tarif était de 0 fr. 25 par mot,et la Laxe mini 
mum perçue pour une dépêche, de 2 fr. 50. 

A mesure que le corps expédilionnaire avance, 


F 


à Tananarive, la ligne reliée à celle du versant, 
oriental, — qui actuellement est coupée, — éta= 
blira, dans le prolongement du càble allant à. 
Mozambique, une communication continue de 
l'ouest à l’est de Pile. 

Le service postal, placé sous l'autorité du Rési- 
dent général, qui l'avait établi, était fait par des 
agents de l'Administration française, par le pers, 
sonnel des résidences, par les représentants du, 
Comptoir National dE rompte par des fonctionnaires \ 
hovas et enfin par des particuliers. | 

Tamatave, Tananarive, Majunga, Nossi-Vé et. 
Fianarantsoa possédaient des bureaux de plein 
exercice ; des bureaux auxiliaires et des entrepôls 
existaient dans un nombre de localités, n 
principalement sur les côtes. . 

Étant données les ressources dont on disposait" 
el les conditions particulières du pays, le service 
était bien fait et répondait à tous les besoins. Les 
courriers parlaientrégulièrementel, en général, ar- 


Cr de 


cerlain 


G. FOUCART — L’ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR 


129 


| rivaient dans les délais prévus. Ils élaient dirigés 
par des Zsimandou, messagers du gouvernement 
.- hova qui réquisilionnaient des hommes dans les 
villages pour porter les paquets. 
Sur la ligne de Tamatave à Tananarive, il yavait, 
dans chaque sens, un courrier par semaine et un 
courrier supplémentaire correspondant avec le 
| passage du paquebol-poste. De même, sur la ligne 
- de Tamatave à Mananjary, qui desservait la côte. 

Un courrier par semaine établit les commu- 
nications entre Fianarantsoa et Mananjary : 

Un courrier par mois entre Tananarive et Fia- 
. naran{soa, entre Tamatave et Fénoarivo; : 

Un courrier par mois entre Tananarive et Ma- 
junga, entre Vohimarina et Diego-Suarez. 

Après l'expédition, il n'y aura qu'à réorganiser 
le service sur les mêmes bases et à l’étendre à 
mesure que les besoins le nécessiteront. 


IT. — IMPORTANCE DES PRODUITS INDIGÈNES. 


L'ile de Madagascar produit ou peut produire 
-tout ce qui est nécessaire aux besoins de ses habi- 
tants el fail des importations susceptibles de 
prendre une grande extension. C'est done un pays 
… appelé à devenir riche. 
ÿ - Toutefois, il ne faut pas, ainsi qu'on l’a fait trop 
“souvent, exagérer cette richesse future. Le sol est 
“loin d'avoir la fertilité merveilleuse dont parlent 
nou d'enthousiasles qui ne l'ont jamais vu 
et qui le représentent comme n'attendant qu'un 
“coup de bêche pour laisser jaillir des trésors. Les 
ressources minérales qu’il renferme exigent, pour 
être mises au jour, beaucoup de travail, aussi bien 
que sa culture et l’élevage des animaux qu'il peut 
nourrir. Dans les régions où règne déjà une cer- 
laine aisance, l'indigène se donne de la peine, et le 
colon qui ira à Madagascar doit s'attendre égale- 
ment à en prendre. Il y trouvera seulement, ainsi 
qu'on le verra par l'exposé des productions du 
pays, un vaste champ ouvert à son activité. 


$ {. — Produits mineraux. 


Le sol renferme un grand nombre de gites 
métallifères qui, non seulement ne sont pas 
xploités, mais encore ne sont pas bien connus. Le 
ouvernementHova, loin d'en favoriser la recherche 
et l'étude, a, à plusieurs reprises, édicté des peines 
Sévères contre ceux qui l’entreprendraient. 
L'or est abondant, particulièrement dans l’Anka- 
ratra, dans l’ouest à Mevatanana, dans le voisi- 
age du lac Itasy et dans le Betsileo. Il est exploité 
Soit en cachette par les indigènes pourleur propre 
compte, soit par le gouvernement Hova, soit par 
des Européens qui ont recu de lui des concessions 
moyennant la promesse d'une partie des produits. 


Êe REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


La question des mines d'or étant trailée dans 
un article spécial, je ne m'y appesantirai pas. Je 
remarquerai seulement qu’une heureuse influence 
sera exercée sur la colonisation par l'existence de 
ces mines, qui attireront des capitaux à Madagas- 
car et qui permettront, avec la part des bénéfices 
légitimement réservée à l'administration locale, 


. d'exécuter d'uliles travaux publics sans qu'il en 


coûte rien à la métropole. 

Dans le sud de l’Imérina existent des gisements 
de galène argentifère; on a également signalé l’ar- 
gent dans la région du lac Alaotra. 

Le cuivre se trouve au sud d’Ambositra à Amba- 
tofangahena et dans l’ouest à peu de distance de 
Mojanga. 

Quant au fer, les minerais qui le contiennent se 
rencontrent partout; les plus riches sont dans 
l’Imérina, le Betsileo et le Menabé. Les indigènes 
connaissent depuis longtemps l’art d'extraire et de 
travailler le métal : ils emploient des procédés se 
rapprochant de la méthode catalane et façonnent 
le fer en masses et en barres, que les forgerons’ 
transforment ensuite en outils pour les différents 
métiers et en ustensiles agricoles. 

Les combustibles minéraux existent à Anbavatoby 
dansla baie d’Ampassindava, mais en couches d’une 
trop faible puissance pour être utilement exploi- 
tables. La nature du terrain dans la plus grande 
partie de Madagascar ne permet pas d'espérer 
qu'on y puisse trouver de la houille. La force 
motrice indispensable pour les diverses industries 
qui s’établirontdansle pays devra donc être fournie 
par des machines à vapeur alimentées au bois ou 
par les nombreuses chutes d’eau des régions mon- 
tagneuses. 

Dans le voyage qu'il terminé récemment, 
M. Gautier a vu, près d'Ankavandra, des sources de 
bitume qui lui donnent lieu de croire que le pétrole 
existe à Madagascar. 

Bien qu'en dehors du Massif central et de quel- 
ques autres points les habitations se fassent ordi- 
nairement en bois, les matériaux de construction 
ne manquent pas dans le sol. 

Le granit et le gneiss sont les roches les plus 
communes. On exploite les carrières par un pro- 
cédé indigène, qui consiste à étendre surla pierre 
une couche de bouse de vache séchée, qu'on fait 
brüler lentement pendant un temps plus ou moins 
long ;on oblient ainsi des morceaux d'une grande 
régularité d'épaisseur et dont les dimensions ne 
sont limitées que par les difficultés du transport ; 
dans les tombeaux hovas on voit souvent des dalles 
pesant plusieurs milliers de kilogrammes, et les 
pierres dressées qu’on rencontre dans beaucoup de 
parties du pays n’ont pas un poids moindre. 

Par suite du travail qu'exige la taille, le granit 


L5*kxxx+ 


730 


G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR 


est assez coûteux, même dans les régions où il est 
le plus abondant; aussi en limile-t-on, autant que 
possible, l'emploi dansles constructions ordinaires; 
à Tananarive on ne fait en pierre que les soubas- 
sements, les seuils, les appuis de fenêtre et les 
colonnes soutenant les balcons extérieurs. 

Les calcaires se lrouvent en masses plus ou 
moins considérables au milieu du terrain primitif, 
notamment à l’est de la capitale, à Andranolanitra, 
à l'ouest d’Ambositra et dans le sud à Helakelaka 
près de Fort-Dauphin. Ils abondent dans le ter- 
rain secondaire, qui constitue le sol de toute la 


Les constructions en pisé se font par assises de 
0,50 à 0®,70 de hauteur ; comme elles n’oppose- 
raient pas une suffisante résistance aux pluies, 
elles sont recouvertes extérieurement d’un enduit 
dans lequel il entre de la bouse de vache, 

Les briques crues, qui reviennent à environ 2 fr. 50 
le mille, sont moulées à la main, séchées au soleil, 
et façonnées généralement sur le lieu d'emploi. 
Les briques euiles sont plus résistantes, mais beau- 


si oméiiné cime tt 


coup plus chères, La fabrication, limitée actuelle- « 


ment au centre de l'ile, pourrait se faire partout où 
existe la malière première. 


Fig. 10, — Village de Bücherons, à la lisière de la grande forêt de l'Est. 


partie occidentale de l'ile, et ils sont exploités en 
quelques points. À Majunga, beaucoup de maisons 
sont en pierre. 

Il existe aussi des grès, des schistes ardoisiers, 
des diorites et des syénites, des travertins, qui 
seraient utilisables. Les basaltes émergent dans 
beaucoup d’endroits et forment des massifs énor- 
mes à la limite de l’Imérina et du Betsileo, ainsi 
qu'au sud chez les Antandroy. 

La chaux, qu’on fabrique dans le centre, est de 
mauvaise qualité el se vend à un prix élevé; elle 
vient surtout d'Antsirahé, 

L'argile, qui, dans une grande partie de l’île, 
forme la couche superficielle du sol, est employée 
dans l’Imérina pour faire des constructions en pisé 
terre comprimée) el des briques. 


Les tuiles que font les Hovas sont poreuses, irré-" 


gulières de forme et lourdes. Aussi préfère-t-on 
généralement les feuilles de kerana pour la couver- 
ture des maisons. 

Les poteries fabriquées dans l’Imérina et dans 
les autres provinces sont aussi de qualité médio- 


cre ; elles sont perméables aux liquides et résistent” 


mal au feu. Les essais tentés depuis quelques 
années par les Européens montrent que ces dé- 
fauts tiennent à l'emploi de procédés vicieux el 
non à la matière première. 


$ 2. — Produits végétaux. 


Au point de vue de l'avenir du pays, les produc- 
Lions végétales sont celles qui ont le plus d’impors 
tance. L'exploitation des ressources naturelles 


l 
i 


| 


G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR 


731 


que renferment les forêts et le développement de 
l’agriculture doivent être, surtout au début, les 
principaux objectifs des colons. 

Les forêts, dont la répartition a été indiquée ci- 
dessus (page 671) par M. Caustier, renferment une 
grande variété d’essences dont il est inutile de 
citer les noms. Je dirai seulement qu’on y trouve 
de l'ébène, du palissandre, du teck et beaucoup 
de bois précieux pour la marine, la charpente, la 
menuiserie, l’ébénisterie; plusieurs de ces bois, à 


rieusement mises en valeur et qui fournissent des 
produits pour l'exportation. 

En dehors de ce commerce avec l'extérieur, qui 
prendra certainement plus tard un grand dévelop- 
pement, il y aurait aussi intérêt à exploiter les 
forêts du côté du centre en vue de l’approvisionne- 
ment de la capitale. Actuellement, iln’y arrive que 
des bois débités d’une manière absolument défec- 
tueuse et provenant de la forêt d’Ankeramadinika, 
qui est la plus proche. Les bücherons (fig. 10) ne se 


Fig. 11. — Case malgache aux environs de Diego-Suarez. 


cause de leurs vives couleurs, sont déjà employés, 
en Europe, dans la construction des wagons et 
voitures de luxe. 

La difficulté des transports a rendu presque im- 
possible, jusqu'à présent, l'exploitation des forêts. 
Dans ces dernières années, un grand nombre de 
concessions ont élé accordées par le gouverne- 
ment Hova à des étrangers; la plupart ont dû les 
abandonner ou ne font quelques travaux que pour 
conserver des tilres à l'indemnité qu'ils espèrent 
qu’on leur versera quand ils seront dépossédés. Il 
ny a guère que les forêts voisines de la mer, 
comme celles de la baie d’Antongil, qui soient sé- 


servent pas de la scie de long; avec leurs instru- 
ments primitifs, ils ne tirent d’un tronc d'arbre 
qu'une solive ou une planche, dont ils diminuent 
autant que possible la section pour n'avoir pas un 
poids trop lourd à porter. 

Les anciennes cases étant en char- 
pente, les ouvriers de l’Imérina ont conservé cer- 
taines traditions, et on en trouve lravaillant con- 
venablement le bois. 

Certains arbres de grandes dimensions, pa: 
exemple la ravinala sur le versant oriental, le 
sakoa et le satrana dans l’ouest, poussent en de- 
hors des forêts, et sont employés par les indigènes 


hovas 


132 G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR 
BE LT CA I RO Te 


5 
a à la construction des cases (fig. 
5 11). Cest aussi avec ces maté- 
| riaux que les colons, installés 


loin des centres, devront éle- 
ver leurs habitations, qu'ils. 
pourront rendre suffisamment 
confortäbles en introduisant 
quelques modifications dans 
l'architecture malgache. 

Le caoutchouc est, dès à pré- 
sent, un des plus importants 
articles d'exportation de Ma- 
dagascar. Il provient soit de 
plantes sarmenteuses et de. 
lianes qui croissent dans les 
zones foreslières, soit d’un. 
liguier, soit d’une euphorbia- 
cée très répandue dans les. 
forêts épineuses du sud. 

Pour la récolte, on incise les 
arbustes et on coupe les lianes. 
Le latex recueilli dans un vase 
est coagulé par le jus de ci- 


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? tron, par le se] marin et quel- 
Es quefois par l'acide sulfurique. 
Es Le caoutchouc de Madagas- 
Eu car, el qu'il est préparé ac- 
ci tuellement par les indigènes, 
F8 contient de l'humidité et des 
85 impurelés souvent ajoutées 


avecintention. C’estce quiem- 
pêche le produit d’atteindre 
un prix élevé sur les marchés 
européens. 
A Tamatave, le caoutchouc. 
du nord vaut 4 fr. 50 à 5 francs 
le kilogramme , tandis qu'à 
Fort-Dauphin, le caoutchouc 
du sud, qui estde moins bonne 
qualité , se vend seulement 
2 fr. 50. Depuis que ce dernier. 
a été découvert, l'exportation 
lolale doit alleindre 4 à 5 mil- 
lions. 
Dans les régions où le caout- 
choucestproduitparuneliane, 
il faudrait arriver à empêcher 
les indigènes de la détruire, 
comme ils le font souvent, en 
coupant les racines, où ils trou- 
vent une certaine quantité d 
suc; dans celles où il provient 
d'un arbre, il faudrait appren= 
dre aux Malgaches d'autre 
méthodes de préparation; on 
emploierait peut-être avec sue 


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G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR 


133 


- cès le procédé du fumage, qui donne de si bons 
résullats au Para. 

La gomme copal est produite par des arbres le 
plus souvent réunis en groupes dans le voisinage 
de la mer. La gomme, qui suinte‘par des incisions 
pratiquées dans le tronc ou qui s’accumule entre 
_ les racines, est recueillie par les indigènes, triée et 
nettoyée par eux, puis vendue aux commercants 
européens. Tamalave en exporte annuellement 
_ pour une quarantaine de mille francs. Autrefois le 
copal était plus abondant, mais beaucoup d'arbres 
_ ontété détruits par le feu. Dans l’ouest, il y a, 
- parait-il, des copaliers encore inexploités. 


_ Le rofia vient aussi d'un arbre qu’on trouve en 
_ dehors des forêts. Les grandes feuiiles penninerves 
de ce palmier, divisées en étroites lanières et dé- 
barrassées de la partie qui constitue les parois 
externes, fournit une fibre qu’on exporte en Europe, 
où elle est employée par les jardiniers et les viti- 
culteurs pour lier les plantes. 

Le rofia se vend sur la côte environ 40 francs les 
100 kilogrammes; à cause de son grand volume, 
»il arrive en Angleterre et en France grevé de frais 
de transport considérables. 

- Dans le pays, le rofia est employé pour la fabri- 
cation d’étoffes, nommées rabanes, servant à faire 
- des vêtements et des sacs ; ces sacs sont exportés 
à Maurice et à la Réunion. Certaines rabanes 
- lissées dans l’Imérina et ornées de raies de diverses 
- couleur sont employées en France dans l’ameu- 
. blement. 

- Leyiz, base de la nourriture des Malgaches, est 


- 


cultivé dans la plus grande partie du pays, mais 
nulle part aussi bien que chez les Hovas. Dans les 
vallées où s’est accumulée de la terre végétale, ils 
ont établi des rizières (fig. 12) qui sont aménagées 
de manière à mettre les plantes dans les conditions 
d'humidité et de sécheresse dont elles ont succes- 
sivement besoin pourfournir d'abondantesrécoltes. 
Le riz est conservé en paille dans des greniers ou 
dans des silos et il est décortiqué par le pilage 
dans un mortier au moment de l'emploi (fig. 43). 

Dans les autres régions, le riz est planté sur les 
coteaux; quand le sol est épuisé, les Malgaches 
cherchent un nouveau terrain, qu'ils préparent 


Fig. 13. — Femmes Belsiléos d'Ambalomainty pilant du riz (Sud de Madagascar). 


trop souvent en incendiant des parties de la forêt. 

Il existe deux espèces principales de riz : le blanc 
et le rouge. À Tananarive, le premier, qui est le 
plus cher, vaut, décortiqué, environ 0 fr. 40 le 
kilogramme. Sur la côte, les prix sont sensiblement 
plus élevés. 

Le blé ne peut pousser que dans le Massif central, 
à une altitude de 1.200 à 1.500 mètres. Des essais 
sérieux donnent lieu de croire que cette culture 
pourra prendre du développement quand l’oceu- 
pation française amènera la présence à Tana- 
narive d’une plus importante population euro- 
péenne qui, seule, consommera du pain. 

Au moment où les hostilités ont commencé, un 
moulin pour la préparation de la farine était en 
construction aux environs de Tananarive; il devait 
être actionné par les eaux de l’Ikopa. 

Le mais réussit dans plusieurs régions, mais il 
n’a jamais été cultivé qu’en petite quantité. 


d'inondation (dans l’Imérina 


Fig. 14. — Repiquage pratique par des femmes dans une grande rizière } 


è Le manioc, dont la racine tuberculeuse entre dans 
l'alimentation indigère, vient presque partout. 
… Cultivé en grand, il donnerait la matière première 
… pour la préparation du tapioca. 
“ La plupart de nos légumes ont été acclimatés 
- dans le Massif central, où ils trouvent une tempé- 
- rature suffisamment basse. Les arbres fruitiers 
…— d'Europe réussissent moins bien; néanmoins le 
figuier et le pêcher sont assez répandus; la vigne 
- exige de grands soins et ne tarde pas à dégénérer. 
Les fruits indigènes et tropicaux sont nombreux : 
- à l'intérieur on trouve des ananas, des oranges, 
- des citrons, des bananes, des mangues, des bi- 
. basses. Le pamplemoussier, le jacquier, l’arbre à 
- pain, l’avocatier ne prospèrent que dans certaines 
parties du littoral. 
Quelques fruits de Madagascar pourraient cer- 
lainement recevoir des applications industrielles 
ou servir à la fabrication de conserves, qu'on 
_exporterail. 
La canne à sucre, dont nous n’avons pas à parler, 
- après M. de Faymoreau, est très répandue et 
pousse presque spontanément. Elle sert à la pré- 
paration d’une boisson indigène nommée befsa- 
betsa, d’un sucre grossier et d’une liqueur alcoo- 
lique. 
Le café est cultivé depuis longtemps. Les plan- 
- lations faites sur la côte orientale ont d'abord 
donné d'excellents résultats, puis ont dépéri ; elles 
ont été achevées par un champignon parasite qui 
attaque les caféiers. On reconnait maintenant que, 
sur le littoral, la température est trop chaude, le 
- climat trop humide pour eux; ils rencontrent de 
- meilleures conditions à une certaine altitude. Les 
petites plantations indigènes qui sont dans le voi- 
sinage de certains villages sur la route de Tama- 
lave à Tananarive donnent avec continuité de 
- bonnes récoltes, qu'il faut attribuer aussi aux 
- soins dont elles sont l’objet et à la fumure qu'on 
leur fournit. 
- Comme le montre l'exemple d’une grande plan- 
Bu: 350.000 pieds, établie depuis quelques 


« années à Ivato, à environ 1.400 mètres au-dessus 
$ du niveau de la mer, Le café réussit même dans le 
…. Massif central; toutefois, à cette allitude, les ar- 
 bustes prennent moins de développement et four- 
- nissent moins de fèves. 

— Actuellement, on plante surtout à Madagascar 
… le café Liberia, qui est l'espèce résistant le mieux 

aux parasites. Le rendement moyen est de plus 

- d’un demi-kilogramme par pied. 

De la vanille et du cacao, nous n'avons rien à 
ajouter aux détails si intéressants donnés ci-dessus 
{pages 711-713) par M. de Faymoreau. 

L’arbuste à fé a été planté par les Anglais dans 
le Massif central et à environ 900 mètres d’alti- 


G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR 


135 


tude dans la vallée du Mangoro. Le produit est de 
médiocre qualité. 

Parmi les plantes textiles, on peut citer le 
chanvre el le cotonnier. Les fibres du premier servent 
aux indigènes à tisser des étoffes grossières. Le 
cotonnier était autrefois assez répandu; mais, 
depuis qu’on importe des toiles à bon marché, les 
indigènes ont abandonné la culture et le tissage 
du coton: ils ne font plus que des lamba rayés, 
employés comme vêlements dans certaines céré- 
monies; encore se servent-ils fréquemment pour 
cet usage de coton efliloché provenant de vieux 
tissus d'importation. 

Etablir de grandes plantations de coton et des 
usines pour la filature et le tissage rapporterail 
certainement des bénéfices considérables, puis- 
qu’on trouverait sur place un débouché assuré. 
L'entreprise exigerait des capitaux importants, de 
sérieuses connaissances techniques et du temps. 

Beaucoup de plantes telles que le rocou, le 
chanvre de munille, V'aloès, le 2020r0, servent à divers 
usages dans le pays ou sont exportées comme ma- 
tières premières. Le erin végétal, où -piassava esl 
aussi l’objet d'importantes affaires. 

Malgré le peu de soins que les indigènes lui 
donnent, le fabuc réussit partout; il n’est pas pré- 
paré pour être fumé, sauf par les Hovas, qui fa- 
briquent des cigares. 

Comme plantes tinctoriales, Madagascar a plu- 
sieurs variétés d'indigotiers, et l’orseille, qui est 
surtout abondante dans le sud-ouest; cette der- 
nière ne donne plus lieu maintenant qu’à de faibles 
exportations. 


$ 3. — Produits animaux. 


Les bœufs sont nombreux à Madagascar, parli- 
culièrement à l’intérieur dans l'Imérina, le Betsi- 
leo, sur la côte orientale aux environs de Vohi- 
marina et de Mananjary, dans le sud, près de 
Fort-Dauphin, et surtout dans le Menabé, qui est 
la région la plus riche en gros bélail. 

Les bœufs de Madagascar sont des zébus ou 
bœufs à bosse (V. p. 700). Dans le centre et dans 
l'est, ils ne dépassent pas le poids de 300 kilo- 
grammes, mais dans l'ouest, ils sont plus gros. 
La race est rustique : les animaux se passent de 
soins et restent toujours dehors, même pendant la 
saison des pluies. 

Les reproducteurs de races européennes, qui on! 
été introduits, s'acclimatent aisément pourvu qu'ils 
soient bien soignés; par le croisement ils donnent 
de bons produits. 

Les bœufs de Madagascar sont exportés en 
grand nombre à Maurice et à la Réunion. Dans les 
ports d'embarquement, ils se vendent 40 à 45 francs 
et dans l'intérieur 25 à 30 francs, seulement. Ceux 


ig. 15. — Femme Hova lissant un lamba de soie (dans l'Imé 


rina 


). 


G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR 13 


qui dépassent ce prix sont des animaux de choix | 200.000 le nombre des peaux qui sortent annuel- 
engraissés pour la consommation locale. lement par Tamatave et par Majunga. Elles sont, du 

Mentionnons ici, pour être complet, l'usine de | centre, portées à dos d'homme (fig. 16) jusqu'aux 
conserves de viande de bœuf, établie en 1889 à | ports d'embarquement. Rendues à bord, elles 


Fig. 16. — Porteur de peaux de bœufs allant de Tananarive à Tamalave. 


Diego-Suarez et dont M. Caustier a ci-dessus !; valent environ 50 francs les 100 kilogrammes. 


(page 692) entretenu le lecteur. | Les cornes se vendent 15 francs les 100 pièces, 
Les peaux des bœufs tués pour la consommation | et sont exportées par Tamatave et Mananjary. 
intérieure sont exportées après avoir été prépa- Les moutons de Madagascar appartiennent à la 


rées au sel, séchées et pliées. On évalue à ! race sééatopyge à grosse queue. Ils n’ont pas de 


738 


laine et fournissent une viande sèche, coriace et 
désagréable. Le versant oriental, à cause de l'hu- 
midité de son climat, ne convient pas aux mou- 
ons; ces animaux sont surtout nombreux dans le 
centre, où ils se vendent 2 fr. 50. La peau, seule, 
a une certaine valeur. 

Des essais pour l'introduction de moutons 
étrangers ont été faits à diverses époques et ont 
donné d'assez bons résultats. 11 faudrait les re- 
prendre pour arriver, comme nous le faisons ac- 
tuellement en Tunisie, à remplacer par une autre 
race la race indigène, qui est absolument défec- 
tueuse. 

Les chèvres se trouvent surtout dans l'Imérina, 
le Betsileo et les provinces de l’ouest. La chair 
entre dans l’alimentation indigène, et la peau est 
exportée en Angleterre, où elle est employée dans 

‘la cordonnerie. 

Les pores sont nombreux partout où les Hovas 
sont établis. Ailleurs la viande de ces animaux est 
considérée comme impure. 

Quelques porcs vivants sont exportés par Tama- 
lave dans les îles voisines. 

Toutes les vo/ailles d'Europe sont acclimatées à 
Madagascar. Les indigènes en élèvent dans tous 
les villages. 

Les vers à soie originaires de l'ile fournissent 
une soie résistante, mais cheveteuse, rugueuse, 
manquant de finesse et de brillant. Les espèces 
étrangères s’acclimatent aisément et peuvent 
donner des produits salisfaisants. 

Les abeilles de la zone forestière donnent une 
cire de qualité équivalente à celle du Sénégal; 
elle vaut de 2 francs à 2 fr. 50 dans les ports de 
la côte orientale. 


$ #. — Sortie des produits indigènes. 


On voit par ce qui précède que Madagascar peut 
fournir des matières premières à beaucoup d’in- 
dustries et alimenter un grand commerce d'ex- 
portation. L'importance qu'a eue jusqu'à présent 
ce commerce est difficile à évaluer. Des statistiques 
n'existent que pour les six ports de Tamatave, 
Mananjary, Valomandry, Vohimarina, Fénoarivo 
et Majunga, où les opérations de la douane hova 
élaient surveillées par des agents du Comptoir Na- 
Lional d'Escompte. En 1890, le Lotal a été d'environ 
4 millions, mais ce chiffre ne représente certaine- 
ment qu'une faible partie des exportations de 
Madagascar. Même dans les ports où les douanes 
élaient contrôlées, les fraudes étaient nombreuses; 
dans les autres, elles étaient la règle et là, d'ail- 
leurs, il n'était dressé aucun relevé par les Hovas. 

Les droits à la sortie variaient suivant la nature 
des marchandises. Les bœufs payaient 15 francs 
par tête ; les pores, 2 fr. 50; les moutons et les 


G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR 


chèvres, 1 fr. 50; les cuirs salés, 25 francs pa 
100 pièces; les rabanes, 3 francs; les nattes, 
4 fr. 50; la cire, 10 francs par 100 livres; Len 
caoutchouc, 12 francs ; le café, 8 francs; la gomme 
copal, 6 francs; le tabac, 2 fr. 50. Les marchan- 
dises non larifées acquittaient un droit de 10 °/,, 
ad valorem. 

A Tamatave, le caoutchouc représentait 43 °}, 
de la valeur lotale des exportations, les cuirs, 24, 
la cire, 10, les bœufs vivants, 7, et le rofia, 6. Cette 
proportion variait sensiblement dans les différents 
ports : le rofia, à Valomandry, les cuirs, à Ma- 
junga, dépassaient la moitié de la valeur des mar 
chandises sortantes. 

A Tamatave, le tiers seulement des exportalions 
se faisait sous pavillon français. À Majunga, notre 
marine chargeait la presque totalité des marchan- 
dises, mais elle n’emportail presque rien de Vohi- 
marina, de Mananjaryÿ et de Vatomandry. 


III. — NATURE ET VALEUR DES PRODUITS 
IMPORTÉS. 


Les marchandises importées à Madagascar sont 
destinées, les unes aux Européens établis dans le 
pays, les autres aux indigènes. 

Les premières ont un débit forcément très limité: 
et susceptible seulement de s’accroitre avec les 
nombre des colons; un courant d'émigration no- 
table se portera certainement vers notre possession 
après la campagne; mais, pendant longtemps el 
peut-être toujours, la population européenne res 
tera peu considérable. Pour les articles qu'elles 
seule consomme, les importations ne progresse= 
ront que lentement. 

Les objets ou les produits à l'usage des indi 
gènes, peuvent, aucontraire, assez rapidement trou- 
ver de plus grands débouchés : les capitaux qui 
seront employés à Madagascar procureront aux 
habitants une certaine aisance, la modification de 
l'état politique leur assurera, mieux que par le 
passé, la libre disposition de ce qu'ils gagnent, et 
le contact des Européens, devenus plus nombreux 
leur inspirera d’autres goûts, leur donnera plus 
de besoins. En outre, des populations qui, jusqu’à 
présent, sont restées étrangères à tout mouvemen 
commercial, y participeront peu à peu, à mesure 
qu’on entrera en relalion avec elles. 

Si la quantité des marchandises importées aug= 
mente, leur qualité restera longtemps la même 
ce seront toujours des marchandises communes 


de travail qui leur donneraient plus de ressources 
pécuniaires, les articles qui leur sont envoyés 
doivent pouvoir se vendre à bas prix ; les indis. 


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G. FOUCART — L'ÉTAT DU 


COMMERCE À MADAGASCAR 


gènes ne font aucune dépense de luxe et, le plus 
souvent, c'est le bon marché seul qui les guide 
dans leurs achats. 


$ 1, — Alimentation. 


Le sel consommé à Madagascar est, pour la ma- 
jeure partie, d’origine étrangère. Expédié de Mar- 
seille et de Hambourg, il arrive dans tous les ports, 
notamment à Tamatave, à Vatomandry et à Manan- 
jary, et est distribué en diverses parties du pays par 
des marchands ambulants vendant de la nourriture 

fig. 17). Sur la côte ouest, on en recoit peu ; les Saka- 

lava se contentent, malgré ses impuretés, de celui 
qu'ils préparent ; en dehors de la région, ce sel 
indigène, qui contient beaucoup de matières ter- 
reuses, n'entre pas dans l'alimentation et ne sert 
qu'à la conservation des peaux. 

Des salines, dont commence seulement l’exploi- 
tation, longtemps relardée par des contestations 
entre des concessionnaires voisins, se trouvent 
sur le territoire de Diego-Suarez et approvision- 
neront dans l'avenir une partie au moins du mar- 
ché malgache. Bien que l'établissement de salines 
sur d’autres points du littoral puisse y contribuer 


dans une cerlaine mesure, l’abaissement du pri 
du sel à l’intérieur de l'ile et, comme conséquence 
la vente de plus grandes quantités de ce produit 
de première nécessité viendront surtout de l’amé 
lioration des moyens de transport. 

Les conserves alimentaires et la farine sont unique 
ment consommées par les Européens. La dernière 
qui vient d'Amérique ou d'Australie, ne trouve un 
certain écoulement qu'à Tamatave et à Tananarive 
Pendant quelques années, l'arrivée de nouveaux 
colons et la présence d’une garnison dans la capi 
tale feront augmenter les importations; mais elles 
diminueront ensuite, parce que la culture du blé su 
les hauts plateaux du centre prendra de l'extension 

Le vin se trouve dans les mêmes conditions rela 
tivement aux consommateurs ; mais l'importation 
ne pourra que s’accroitre, car il est peu probable 
qu'on arrive à en faire dans le pays. Celui qui 
est bu actuellement vient de la Provence et du 
Bordelais; il se vend environ 150 fr. la barrique à 
Tamatave et, de là, est transporté à l'intérieur 
dans des dames-jeannes d’une contenance de 18» 
litres. Les vins fins arrivent en bouteilles. ; 

La bière, de provenance française ou anglaise 


Fig. 18.— Café de Paris à Antsirane (gouvernement de Diego-Suarez). } 


Du AU] D 2771 ajyad auns [l CA 9//0]9 San uaa ? troc 1) U12 d 
L ? f UDP Sjuauun 79 S2J4U9p sa// FE] à 
UaU P] 599 11/07 ‘ap aju D? od ‘4 à 
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G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR 


n'a de débit que dans les ports. À Tananarive, elle 
est trop chère! Rien, du reste, n'’empêcherait 
d'installer une brasserie dans cette ville. 

Le rhum est originaire de Maurice, Il arrive en 
füts de 220 litres, qui se vendent 80 fr. dans les 
ports de débarquement. A l’est comme à l’ouest, 
les habitants de la eôle en consomment de grandes 
quantités; ceux du centre, beaucoup moins. 

Quoique les populations qui ne font pas usage 
de rhum d'importation aient diverses liqueurs 
alcooliques qu’elles préparent avec la canne à 
sucre ou les fruits du tamarin, je dois dire que, 
d’après ce que j'ai vu, l’ivrognerie est un vice 


Fig. 20. 


moins répandu à Madagascar qu'on ne le dit géné- 
ralement. Il y a un intérêl à ne pas l’amener à se 
développer, intérêt supérieur, qui prime l'intérêt 
commercial qu'on trouverait à encourager, outre 
fabricalion sur place du rhum. Au 
moyen de droits élevés frappant les alcools, à l’en- 
trée, de droits plus modérés appliqués à ceux dis- 
lillés dans le pays, on pourrait favoriser l’indus- 
trie locale, tout en maintenant sa production dans 
les limites convenables, 

L’absinthe, le vermouth, l’amer Picon, 
s'importent en grandes quantités et trouvent des 
acheleurs parmi les indigènes comme parmi les 
Européens (fig. 18, page 740), 


mesure, la 


etc., 


At 
$ 2, 


— Vêtement, 


Les éloffes de coton de fabrication étrangère, 


— Boutique malgache à Tamalave. 


qui sont maintenant d'un usage presque général à 
Madagascar font l'objet d’un commerce considéss 
rable. 1 

Les cotonnades écrues sont celles qu’on vend le 
plus ; 
yards. 


30. Dans le port de débarquement, les premières! 
valent en moyenne 400 fr. les 1.000 yards, 
secondes 300 fr. 

La plus grande partie de ces toiles vient d'Amé» 
rique et est fabriquée à Boston; il en arrive aussi 
de Manchester, mais l'Angleterre écoule surtout 


Madagascar des colonnades blanches, avec ou sans 
apprèt, qui ont aussi un grand débit, bien qu'elles 
soient de qualité assez médiocre. 

Les cotonnades imprimées sont en pièces t 
2% yards el ont 28 pouces anglais de largeur, S 
vant les régions dans lesquelles elles doivent étre 
vendues, leurs dessins diffèrent. Les Betsimisas 
rakas aiment les éloffes à grands carreaux blancs et 
rouges ou blancs et bleus ; les Sakalaves font leurs 
vètements avec des pièces de mouchoirs ou avec 
des colonnades blanches ornées de raies rouges! 
sur les bords; les Hovas achètent beaucoup de 
tissus à petits dessins roses. Presque partout les 
indiennes dites Patna en petites pièces de 6 yards,| 
dont chaque ballot renferme un assorliment varié 
comme dispositions, trouvent à s'écouler aisémenl.\ 
Pour quelques tribus, on importe aussi des colon- 


a 
‘ 


G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR 


nades bleues unies. Ces lissus se vendent et dans 
es boutiques des grandes cités commerçantes 
(fig. 20), ef, avec diverses denrées, sur les marchés 
“en plein air des petites villes (fig. 19, page 741). 

. C’est Leur bas prix qui assure une vente facile à 
ous ces tissus. Ceux que nous fabriquons sont in- 
“contestablement de qualité supérieure, mais ils 
sont trop chers. 


— Pour les cotonnades unies, la lutte paraît impos- 


* mais elle pourrait être sérieusement entre- 


rise pour les indiennes imprimées. Dans le choix 
“que l'acheteur en fait intervient une question de 
goût ; il peut se décider à payer un peu plus cher 
si on lui présente des étoffes dont l'aspect répond 
aux exigences de son esthétique. En général les 
Malgaches aiment les grands dessins se détachant 
n couleurs vives et même un peu criardes sur un 
nd blanc; en dehors de quelques types tradition- 
els, ils recherchent la nouveauté et la variété des 
ispositions ; cette tendance est surtout nettement 
ceusée chez les Hovas. 


A Majunga, on importe de Bombay et de Man- 


chester des mousselines à fleurs. 

… L'Imérina, en raison de son climat relativement 
Mroid, est la seule région où l’on doive envoyer des 
lainages. Les flanelles unies et à grands carreaux, les 
draps légers noirs ou de fantaisie se vendent D 

Les vêtements confectionnés trouventdes acheteurs 
parmi les Hovas qui s’habillent à l’européenne, 

“ Les!soieries pour robes n’ont qu’un débit très 
restreint. Les femmes, en effet, onl conservé 
beaucoup plus fidèlement que les hommes les 
modes nalionales; mais, avec l’ancien costume, 
elles portent souvent des chaussures européennes 
“à bon marché, quoique d’une apparence élégante. 

Au contraire, il n’est pas rare de voir un Hova 

Dre d'une ee et marchant pieds nus. 

La bijouterie en imitalion est peu estimée à Ta- 
anarive ; les montres à bon marché commencent 
‘à s’y vendre, mais uniquement là. Les Hovas sont 
seuls assez Ho pour apprécier la valeur du 
Hemps et avoir besoin de le mesurer. 

— Les verroteriessontemployéesseulement dansles 
“échanges avec quelques populations du sud qui ne 
Se servent pas comme monnaie de la pièce de cinq 
Wrancs coupée en menus morceaux, dont on fail 
usage dans la plus grande partie du pays. Ces ver- 
loteries, qui viennent d'Allemagne et qui sont en- 
lwoyées à Fianarantsoa et à Fort-Dauphin, sont 
! sujettes à de fréquentes variations de mode : une 
| perle estimée à un moment par une peuplade n’a 
\Souvent plus chez elle aucune valeur quelques 


$ 3, — Habitation. 
Pour les habitations, les seuls articles à impor- 
ler et seulement chez les Hovas, sont le verre à 


745 


vitres, le papier de tenlure et ta quincaillerie. Tou- 
tefois les cadenas grossiers se vendent à peu près 
partout. 

La faïence, la porcelaine et la verrerie auront 
certainement un grand débit quand les transports 
seront plus économiques; les ustensiles de mé- 
nage qu'on importera alors remplaceront avanta- 
geusement les poteries indigènes, qui sont toutes 
de mauvaise qualité. 

On expédie à Madagascar une certaine quantité 
de feuilles de fer-blanc qui.servent aux indigènes 
à façonner des objets d’une grande variété; les 
Hovas utilisent aussi, comme matière première, le 
métal des boîtes dans lesquelles arrivent le pétrole 
et les conserves. 

Sur la côte, la tôle est employée par les colons 
pour couvrir les habitations et les magasins; elle 
vient généralement d'Angleterre. 

Les marmites en fonte sont l’objet d’un com- 
merce important; elles sont en usage presque par- 
tout. 

Les clous, qui sont nécessaires pour la construc- 
tion des boutres sur la côte ouest, s’importent par 
Majunga et viennent de Bombay. 

Les outils sont peu demandés par les indigènes: 
quand ils connaîtront mieux nos méliers, ils en 
auront besoin. 

Les fusils et la poudre se vendent surtout aux 
Sakalaves. 

Le seul instrument de musique à importer esl 
l'accordéon, dont beaucoup de Malgaches savent 
jouer convenablement. Sur la côte orientale, le 
modèle préféré est de forme rectangulaire ; dans 
l’Imérina, il est hexagonal; le premier est de fa- 
brication allemande, le second de fabrication 
anglaise. 

La papeterie est d’origine anglaise; la mercerie, 
la bimbeloterie et la parfumerie sont presque ex- 
clusivement françaises. 


$ 4. — Droits d'entrée. 


D'après les relevés des douanes, les importations 
par les six ports indiqués précédemment, n'au- 
raient été, en 1890, que de six millions environ. 
En raison des nombreuses fraudes qui se produi- 
sent à l'entrée comme à la sorlie, ce chiffre devrait 
être fortement majoré. Pour avoir la valeur totale 
des marchandises entrant à Madagascàr, il fau- 
drait y ajouter les importations qui se font par les 
ports où les douanes ne sont pas contrôlées el aussi 
par ceux où les Hovas n'ont pas de postes. 

A l'entrée, les marchandises élrangères sont 
uniformément soumises à un droit de 10 °/, «d 
valorem, qui, dans quelques ports hovas, peul se 
payer en nature. Dans les territoires indépendants, 
les chefs locaux, pour permettre de débarquer les 


1 


Ta 
ES 


marchandises, de les transporter dans l’intérieur 
ou de les vendre, exigent des cadeaux variables, 
qui peuvent être considérés comme léquivalent 
des droits de douane. On donne de l'argent, et plus 
souvent, du rhum, de la poudre ou des étoffes. 

A Tamalave, les lissus représentent 66 °/, du 
Lotal des importations, les liquides 13, les pro- 
duits alimentaires, 3, les vêtements confectionnés, 
3, la mercerie et la parfumerie 2, les métaux bruls 
et ouvrés, 2. Cetle proportion varie quelque peu 
suivant les ports. Ainsi, à Mananjary, le sel forme 
le dixième du total. Mais partout les cotonnades 
et les liquides sont des articles occupant les pre- 
miers rangs sur la liste. 

À Tamatave, les importations sous pavillon 
français et sous pavillon américain ont une valeur 
sensiblement équivalente et représentent 72 °/, du 
total, La part des bâtiments anglais est de 21°}, 

La proportion change suivant les ports. Il en 
existe plusieurs que ne fréquente ins notre 
marine marchande, 


IV. — CONCLUSION. 


Les statistiques des douanes sont si erronées et 
si incomplètes qu'on ne peut faire que des hypo- 
thèses assez vagues sur la valeur totale du com- 
merce de Madagascar. D’après l’ensemble des ren- 
seignements, je ne crois pas que, dans ces der- 
nières années, les transactions avec l'extérieur 
aient atteint 25 millions. Le cinquième seulement 
de ce trafic se ferait avec la France, un autre cin- 
quième avec l'Amérique, près de la moitié avec 
l'Angleterre et les possessions anglaises. 

Ces estimations peuvent n'avoir pas une exacti- 
tude absolue ; mais ce qui est certain, c’est que 


l'ensemble du commerce de Madagascar n’alteint 


pas encore un chiffre élevé et que, dans ce chiffre, 
la France entre pour une trop petite part. Les 
efforts du Gouvernement et des particuliers doivent 
tendre à modifier cet état de choses. La làche, 
rendue plus facile qu'autrefois par la situalion pré- 
pondérante que nous occuperons à Madagascar 
après l'expédition, n'en reste pas moins assez 
ardue, 

On ne peut attendre un sérieux accroissement 
des affaires que de changements économiques 
profonds résultant de l'intervention d’autres que 
les indigènes pour mettre en valeur, mieux que 
par le passé, les ressources variées du pays qu'ils 
habitent et qu'ils laissent inexploité. Dans l'avenir 
le commerce se développera parallèlement à la 
et tout ce qui favorisera celle-ci aura 
pour effet de donner plus d'importance aux échan- 
ges avec l'exléricur : une organisation polilique 


colonisation, 


G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR 


assez solidement et assez nettement établie pour 
enlever toute crainte d’un nouveau conflit avec les 
populations de l'ile ; une administration aussi 
simple et aussi économique que possible; le rét 
blissement de la sécurité compromise, dans ces 
dernières années, par l'extension du brigandage# 
la réforme de certaines inslitulions locales, dont le 
maintien empêcherait les Malgaches de devenir 
pour nous d'uliles auxiliaires; la possibilité d'ac- 
quérir la propriété du sol, soil par voie d'achat, 
soit par voie de concession ; la faculté pour les 
pelits capitaux de s'employer à Madagascar sans 
se mettre au service de puissantes sociétés qui 
accapareraient le pays; l'exécution de grands tra 
vaux d'utilité générale imposée aux bénéficiaires 
de l'exploitation d'une partie du domaine publie; 
la création de voies de communications commodes 
et rapides; l'assimilation des produits de Madagas 
car, à leur entrée en France, à ceux des colonies 
et la réduction, à un taux aussi modéré que le per. 
mettront les traités conclus avec les autres nalions, 
des droiis à payer par les marchandises françaises 
importées à Madagascar, — voilà ce que réclament 
également ceux qui veulent aller s'établir dans la 
grande ile africaine et ceux qui veulent y étendré 
notre commerce. 
Mais ces derniers, pour ne parler que d'eux, ne 
doivent pas compter uniquement sur le concours 
que leur donneront les pouvoirs publics. Il faut 
qu'ils aient de l'énergie, de l'iniliative et qu'ils 
abandonnent les vieilles routines. Que les com 
merçants, au lieu de se cantonner dans certaines 
villes où ils sent trop nombreux et où ils se 
ruinent en se faisant concurrence, pénètrent dans 
des régions moins exploitées et se mettent en co 
lact avec des populations, comme celles du sud 
qui sont restées jusqu'ici en dehors du mouvemen 
des affaires ; que les industriels, au lieu de croire 
qu'il n’exisie pas de produits supérieurs à ceux 
qu'ils sont habitués à fabriquer, et de vouloir les 
imposer, s’inspirent des goûts de la clientèle mal 
gache et imitent les étrangers qui sont arrivés à 4 
satisfaire pour les prir qu'elle peut payer. C'est 
ces conditions seulement qu'ils pourront obteni 
pour la France une part plus grande dans le coms 
merce de Madagascareltque,—lorsque cecommercé 
aura pris une importance en rapport avec la supers 
ficie du pays, le nombre de ses habitants et le 
richesses qu'il renferme, —tous les bénéfices résuls 
lant de l'augmentation n'iront pas à l'étranger. 
Georges Foucart, 
Ingénieur des Arts et Manufactures, 

Secrétaire adjoint de la Société d'Encouragement 


pour le Commerce français d'Exportation, 
Ancien chargé de Mission à Madagascar: 


Hi ÊTE : ARE ; q" # 
D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 745 


. Cette étude a pour but de fournir quelques indi- 
cations sur la pathologie de la région traversée 
dans le trajet de Majunga à Tananarive. Elle porte 
Spécialement sur la province du Boéni, région qui 
m'est la mieux connue, et qui, d’ailleurs, par suite 
de son climat torride et de sa sévère morbidité, 
omprend la portion vraiment insalubre du trajet 


. Des trois grandes classes d'affections qui frap- 
bent les armées en campagne : affections pulustres, 
dysentériques et typhiques, le premier groupe 
seul est un facteur important de la morbidité dans 
“le Boëni. L'endémie palustre y est sévère, mais la 
-dysenterie assez peu fréquente chez l'indigène et 
- généralement bénigne et rare chez l'Européen. Les 
affections typhiques (typhoïdes,typho-malariennes) 
y sont exceptionnelles. 

Dans l’Zmérina, Tendémie palustre ‘est bien 
oins intense ; mais les affections dysentériques y 
sont assez fréquentes, du moins chez l'indigène, et 
la fièvre typhoïde y est observée même sous forme 
épidémique, sans que cette constatation nosogra- 
phique doive faire perdre de vue la supériorité 
“incontestable et reconnue de la salubrité de l'Imé- 
rina considérée en général. 


I. — OBSERVATIONS DE MORBIDITÉ. 


Mortalité. — Mon relevé de mortalité porte sur 
107 Fi ayant séjourné ex moyenne dans la 
“région Je an6 5 mois et Fjaur chacun, soit 1 an 55, 


, 2 EN EN Sen de 
mortalité de Tran 6.62 % ©: 


Les causes de ces décès se répartissent ainsi : 


Affections palustres aiguës ou chroniques... 6 
Hépatite : péritonite consécutive. ............ ! 
Pleuro-pneumonie aiguë (non palustre)...... 1 
Tuberculose pulmonaire 2 EST TOO EE 1 


1 Le Dr Lacaze, auteur de cet article, vient d'exercer pen- 
dant trois ans à Madagascar, principalement dans ia région 
pù évoluent actuellement nos troupes, et fait à l'heure pré- 
Sente, en qualité de médecin militaire, partie du Corps expé- 
itionnaire. C'est à ses études, encore inédites, sur la patho- 
wie de Madagascar que se rapporte le présent résumé. 

2 Sur Il décédés, 4 avaient séjourné plus ou moins long- 
tëmps dans diverses autres colonies (Panama, Guyane, la 
union, Algérie); 5 présentaient des antécédents ou tares 
Mpathologiques (alcoolisme, insuflisance mitrale, tuberculose 
] ulmonaire, accidents palustres antérieurs à l’arrivée, dysen- 
ie antérieure). 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 
CONDITIONS SANITAIRES DE MAJUNGA À TANANARIVE 


HYGIÈNE DU SOLDAT ET ACCLIMATEMENT DU COLON 


Morbidité. — Pour les indications suivantes, j'ai 
eu deux éléments d'appréciation, à la fois admi- 
nistratifs et médicaux : le rapatriement el l'indisponi- 
bilité au travail. 

Pour les 107 Européens cités à propos de la mor- 
talité, 10 ont quitté la colonie pour raison de santé 


justifiée, soit pour cent et par an (1 an 55 de sé- 
10 100 


NE IPN NE 


07 X155. 


jour en moyenne chacun), 
rapatriements. 

Sur ces 10 rapatriés, 8 présentaient un degré 
plus ou moins marqué d'unémie puludo-tropicule. 
Mais celle-ci n'a été la cause exclusive ou princi- 
pale du rapatriement que dans 4 cas. Dans les six 
autres cas, la cause à été : 

EysfiterchrOnIqUe ere 


Hicére de yambes =. 27.657. 


1 ervation ! 

1 
Tuberculose pulmonaire....... 2 

I 

1 


© 
Er 
D 


Hydarthrose chronique......... 
Accidents secondaires graves... 


M'étant servi, pour apprécier la morbidité, de 
mes cahiers d’exemption et des contrôles de la 
Direction, je la compte, non en rapportant le 
nombre de cas au nombre d'individus qui les ont 
fournis, mais en divisant le nombre de journées 
de maladie par le nombre d'hommes formant la 
pépulation observée. 

Mon relevé, qui s'étend sur ? années, de juin 4892 
à juin 1894, porte sur les Européens résidant habi- 
tuellement à Suberbieville, ou ayant fait un séjour 
continu d'au moins un mois à Suberbieville. 

J'ai eu aussi en observation 50 individus ayant 
fourni une résidence totale de 511 mois el repré- 
sentant donc _ — 21,2 
pendant deux ans. 

Le nombre de journées de maladie notée a été 

1037 


An: : NE : - OX X 
de 1037, soit par Lomme el par an = Ki — 24,4 


sujets en séjour continu 


Journées de malwitie. 

Les jours de maladie de ce relevé ne compren- 
nent que les jours ouvrables, dimanche excepté: 
si l’on complète cette lacune parle calcul, on trouve 


MENT 
14 XX T — 928,1 
6 


qui correspondraient à 


4 journées de maladie par homme et par cr. 


100 ȣ 28.4 


=—— — 1,1indisponi- 


bilités journalières pour cent. 


1 Un seul des rapatriés mort à bref délai de l’aflection pour 
laquelle il était rentré en France. Les autres sont encore 
vivants actuellement ou ont été longtemps suivis. 

15144 xxx% 


746 


D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 


Relativement à l’âge, les sujets figurant à ce re- 
levé comprennent : 


{xthormmes de. 2... 20 à 30 ans 


28 D MR LE UE 30 à 40 
7] SE A ET 40 à 50 
I PE EE ND au-dessus de 50 ans 


Quant à la profession, il s'agit, en grande partie, 
d'employés sédentaires, ou n’ayant qu’un travail 
de direction ou de surveillance (comptables, ingé- 
nieurs, chefs de travaux, surveillants), exception 
faile pour les ouvriers d'art [ajusteurs, charpen- 
tiers), dont la proportion variable n’est guère que 
du quart de l'effectif observé. 

Les affections chroniques externes ou inlernes 
figurent dans la morbidité pour environ 20 °/. Il 
convient de noter que le rapatriement porte sur- 
tout sur cette classe d’affections, dont l'apport est 
ainsi diminué. 

Parmi les affections non chroniques, les aflec- 
tions externes légères figurent pour environ 8 °/,: 
les affections internes légères autres que les affec- 
lions palustres, pour environ 12°/,; le reste, soit 
60 °/,, appartient aux formes diverses de l’impalu- 
disme aigu et en très grande partie à la forme 
intermittente. 


Znmunité. — La période de l’immunité de l'im- 
migrant à l'égard des affections palustres, — la 
grande et la seule endémie du Boéni, — est très 
courte. Je mai rien observé ici qui me rappelâl la 
description des fièvres dites d'acclimatement. La 
première manifestalion pathologique présentée 
par l’immigré est lrès généralement la fièvre in- 
termittente franche. Je n’ai pas vu d'Européens 
séjourner ici un an sans en être alleints, très excep- 
lionnellement l'être après six mois, et la grande 
majorité, la presque totalité plutôt, sont impalu- 
dés, je veux dire font leur premier accès dans les 
trois premiers mois de séjour. Ils ne tardent pas, 
dès les premiers accès d’intermittente, à présenter 
un degré variable, mais toujours appréciable, d’ané- 
mie paludo-tropicale, et à prendre l’Atbilus coloniul. 

Du troisième au sixième mois, la lransformation 
est déjà marquée dans la majorilé des cas. À ne 
tenir compte que des changements physiologiques 
diminution de l'appétit et de l'aptitude au travail 
physique et intellectuel, fatigue plus rapide, déco- 
loration du teint, diminution de l’embonpoint, 
irrilabilité nerveuse plus grande), c’est du sixième 
au douzième mois que l'Européen prend définiti- 
vement le nouvel état qu’il conservera, sauf varia- 


lions accidentelles, s’il s'astreint à une vie modé- 


y 
rée, à une hygiène convenable. 

Cela s’applique à l’Européen dans les conditions 
déjà énumérées où je l’ai observé et à l’Européen 
émigrant pour la première fois et exempt de toute 


lare pathologique, et j'ai pu noter l'influence 
fächeuse d'emblée du séjour dans la région che 
les cardiaques et les tuberculeux, même au débu 
de leur affection. Il en est de même pour les sujets. 
impaludés antérieurement, lesquels sont loin de 
bénéficier d’une prétendue accoutumance. 

Et indépendamment de l'infériorité où le régime 
mililaire seul met les troupes comparativement à 
l'Européen sédentaire et isolé, il faut tenir compte 
aussi de la composition particulière des troupes 
coloniales, dont une partie plus ou moins forte de 
l'effectif a déjà subi les atteintes palustres, 

Cette question de l’acclimatement perd de son 
importance à mesure qu'on s'élève dans le haul 
pays. Et il est d'observation courante, dans la co- 
lonie européenne de Tananarive, que l’acclimate- 
ment s’y fait d'emblée avec des modifications phy 
siologiques peu marquées. 

IL. — AFFECTIONS PALUDÉENNES. 

Le paludisme, ai-je dit, est la grande endémie du 
pays. D'après les chiffres que j'ai déjà cités, la fré- 
quence des cas.v ressorlissant serait appréciable 
ainsi : 


.s ; 6.62 X 6 Pre 
MOTLUTUE RENE ESA TT — 3.61 Ÿ par an 
6.02X 11 
RaApalrieMeEnt. 1.0. ie ni 
28.4 X 60 ; ' : 
MON DIQITE EEE nn —17journéesde 


maladie par honme. 


etparan,soil4,66°/, d'indisponibilités journalières. 


Influences éhioloyiques, recrudescences saisonnières. — 
Parmi les #nfluences lopoyraphiques, je me borne à, 
signaler : l'existence de nombreux marais, soit per- 
manents, soit temporaires (saison des pluies), dans 
les vallées de la région (vallées principales de 
l'Ikopa el du Betsiboka, vallée du Firingalava, du 
Mamokomila, du Ménavava, cours inférieur du 
Nandrona et du Kamoro, plaine ét vallée du Maro- 
voay), le mélange des eaux douces et des eaux 
salées à l'embouchure des affluents etsur les berges 
basses (saison des pluies), dars le cours inférieurs 
du Betsiboka, jusqu'au-dessus de Marovoay. 

Parmi les évfluences météorologiques, indépendam- 
ment de la température, il reste à apprécier l'in 
fluence de la svison des pluies et des vents dominants, 
les recrudescences saison-m 


principalement sur 
nières. | 

L'endémie palustre se fait sentir sévèrement 
toute l’année : les recrudescences météorologiques 
périodiques existent, mais n'ont pas l'amplitude 
qu’elles présentent d'ordinaire en pays tropical. A 

D'une facon générale, on peut dire que la saison 
des pluies duns son ensemble, d'octobre à avril 


D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 


741 


s'accompagne d’une recrudescence de l’endémie 
pé udéenne. Elle n’est pas trop forte, et si j'étais 
obligé de traduire en chiffres l'impression géné- 
e que m'ont laissée trois hivernages, j'hésiterais 
eur altribuer : des cas, en plus des cas de la sai- 
n sèche. Quant à la rémission dans la recrudes- 
nce hivernale, signalée dans la période de plein 
ivernage, elle est encore moins marquée. 

Je tiens d’indigènes très intelligents, vieux rési- 
lents du pays, la remarque que l'établissement 
vents du sud et du sud-est (mai) augmente 
cas de fièvre. Le fait m'a paru exact et peut 
irnir, à l’occasion, une indication pour l’installa- 
n des logements temporaires à affecter aux 
upes. 

Quant aux influences éliologiques individuelles, 
iterai simplement la fatigue exagérée, surtout 
e provenant de l'exercice musculaire en plein 
eil, l'exposition prolongée, soit à la chaleur du 
oleil, soit à la chaleur obscure dans des logements 
nal conditionnés, le refroidissement (pluie), cou- 
änt d'air (nuit à la belle étoile), les excès de tout 
genre (travail, alcool, débauche). Ces causes, 
aales d’ailleurs, n’offrent rien de particulier dans 
a région, sinon la constance de leur action. 

Il est inulile d'ajouter que toutes les affections 
peu graves, surtout les affections douloureuses, 
ar suite de l’insomnie et de la fatigue qu’elles 
provoquent, s’accompagnent d'accès palustres. 

IL est de tradition constante dans le pays que 
endémie palustre diminue d'intensité à mesure 
e l'on s'élève vers Tananarive, et le fait est 
act, tant pour l'Européen que pour l'indigène. 
‘Cependant, dans une Note insérée dans l’4n- 
aire de Madagaseur (1894), le docteur Villette 
isnale les indigènes du Vonizongo comme forte- 
ent impaludés, et les résidents anciens de Suber- 
ieville m'ont souvent parlé d’un détachement de 
DO soldats venus d'Ankazolé (centre et chef-lieu 
Vonizongo) à Mévatanana, il y a quelques 
nnées, et dont beaucoup présentaient des signes 
Bpaludisme chronique (rate hypertrophiée, ané- 
iie palustre). 

J'ai eu occasion de traverser la région inerimi- 
(région d’Ankazolé). Le pays est nu, de très 
pauvre végélalion, et son altitude plus élevée, sa 
émpérature moins haule, sembleraient devoir lui 
issurer, à l’égard des affections palustres, un avan- 
&e sensible sur le bas pays. Mais, faule d'obser- 
alions médicales, je ne puis qu'accepter et relater 
Kception faite sur ce point. 


À 


ormes de l’inloxication paludéenne dans la région. 
De toutes les formes de l'intoxication palu- 
éenne aiguë, les fèvres solilaires sont les plus fré- 
[Muentes, et, parmi les Jièvres bilieuses et gastriques, 


forment, pour ainsi dire, la totalité des cas, avec 
prédominance marquée en faveur des fièvres 
simples. 

Le type de fièvre simple le plus fréquent est l’i- 
termittente quotidienne, puis la remittente, et enfin la 
fièvre intermittente à {ype lierce (rare). 

Les accès, surtout chez les anciens résidents, se 
bornent souvent à l'élévalion de température avec 
courbature ou lassitude générale, sans frisson ini- 
tial et sans sueurs abondantes. 

Les fièvres yastro-bilieuses sont surtout caractéri- 
sées par l’état saburral des premières voies, des vo- 
missements bilieux plus ou moins abondants, el une 
teinte ictérique peu marquée. De durée plus longue 
que l’accès simple, elles laissent pour un certain 
temps une alonie digestive marquée aux malades, 
même après retour de la température à la nor- 
male. 

Dans la région, je ne les ai vues que rarement 
accompagnées de l'ictère franc (ictère bronzé, jau- 
nisse) (six cas européens en trois ans), et, dans ces 
cas, la durée de la maladie et de la convalescence 
m'a paru être en rapport avec l'intensité de l'ictère. 
— Pas de décès. 

Quant aux fièvres solitaires graves, à forme 
typhoïde ou adynamique, je les ai observées seule- 
ment chez l’indigène de race hova; j'ai vu une dou- 
zaine de cas en trois ans, sous la forme assez nette 
de remittente typhoïde ou adynamique. Ces formes 
typho-adynamiques, rares il est vrai, m'ont paru 
graves et ont fourni : des décès; je n’en ai pas ob- 
servé chez l’'Europten. 

Quant aux fièvres comitées, j'ai observé une 
fois chez un Européen, une fois chez un eréole et 
quinze fois environ chez l'indigène de race hova, 
la fièvre comilée ou accès pernicieux, à forme céré- 
brale, soit comateuse, soit délirante, la forme coma- 
leuse paraissant un peu moins fréquente ; deux fois 
chez l’indigène, j'ai observé les comilées alqules sous 
forme d'avcès syncopal. Ges 20 cas, traités par l'injec- 
tion hypodermique (solulion à l'acide lartrique, 
chlorhydro-sulfate en solutionsimple), m'ont donné 
> décès. 

Dans ie cas du créole, l'accès pernicieux coïnci- 
dait avec l’insolation; je ne saurais dire, vu la dif- 
culté d’avoir un renseignement précis, si cette 
coïncidence était fréquente dans les cas indigènes. 

Je n'ai observé ni les accès pernicieux à forme 
cholérique, ni l'accès pernicieux à forme dysenté- 
rique. 

J'ai noté cinq cas de fièvre bilieuse hémoglobi- 
nurique (alternance des urines claires et rouges, 
coagulation massive d’albuminurie rougeàälre par 
la chaleur et l'acide azotique); un cas chez un 
Européen antérieurement alteint de cette fièvre 
au Sénégal ; lrois cas chez des créoles venus de là 


148 


D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 


Réunion; un cas chez un indigène de race hova. 
Chez l’un des créoles, l'accès hémoglobinurique 
présentait le type tierce. Traitement : quinine, 
ipéca, infusion de café vert. — Pas de décès. 

Enfin, j'ai observé chez l’indigène un seul cas 
mortel de bilieuse hémorrhagique. 

L'intoxicalion paludéenne chronique se traduit 
surtout par l'anémie palustre el l'Ayperméyalie splé- 
nique. 

L'anémie palustre, souvent en rapport immédiat 
avec l'accès qui la provoque ou l’aggrave, est, à un 
degré plus ou moins marqué, constante chez l'im- 
paludé. Elle m'a paru, dans la région et chez l'Eu- 
ropéen, se modifier assez facilement sous l'in- 
fluence des préparations ferrugineuses solubles, du 
quinquina el de la quinine répétée à faibles doses. 

L'Aypermégalie splénique, avee sensibilité plus ou 
moins marquée, est assez fréquente chez l'indi- 
gène. Le fait tient, sans doute, au petitnombre des 


Européens, anciens résidents de la colonie; mais 


je ne l'ai notée, du moins sous forme accen- 
luée, que rarement chez l'Européen, dans une pro- 
portion certainement moindre que _ de l'effectif 
observé. 

Les cas aigus de fièvres bilieuses s’accompagnent 
d'une augmentation du volume du foie, avec sensibi- 
lité douloureuse; mais je n'ai pas noté chez l'Euro- 
péen l'hypertrophie chronique de cause palustre. 
Elle n’est pas rare chez l’indigène. 

Quant aux récidives de fièvre, elles sont surtout 
sous la dépendance de l'état général. J'ai noté aussi 
l'influence des affections concomitantes, celle de la 
tuberculose pulmonaire en particulier. 

Quant aux /ièvres larvées, j'ai observé assez fré- 
quemment, chez l’indigène, la névralgie des 
branches sus et sous-orbilaires, la névralgie intercos- 
lale; j'ai noté aussi deux fois, chez l'indigène, la 
coïncidence de l’urticuire avec la fièvre intermit- 
tente simple. 

Je n'ai que trois cas de névralgies palustres 
chez l'Européen (faciale 1, intercostale 2). 

J'ai assez fréquemment noté, chez l'indigène 
chroniquement impaludé, les palpilations el l'hyper- 
trophie du cœur. Chez l'Européen, je n’ai observé que 
des palpitations sans hypertrophie appréciabie. 

J'ai aussi observé chez l'Européen les souffles 
anémiques cardiaques ou carotidiens, et les épistaxis, 
el ceci avec un degré d'anémie palustre relative- 
ment peu marqué, eb bien avant la période de 
cachexie palustre. Le fait est encore plus fréquent 
chez l'indigène. 

Mes observations de cuchexie paludéenne chronique 
chez l'Européen sont rares, le rapatriement étant 
de règle avant celte période. J'en observé 
cependant trois cas, dont un terminé par la mort 
(pneumonie cachectique). 


ai 


Quant aux cas de cacherie paludéenne chronique 
chez l'indigène, depuis la forme confirmée jusqu'aux 
formes les plus graves, ils sont fréquents dans Ja 
région el portent exclusivement sur l'indigène de 
race hova, sur les soldats surtout. Ils présentent 
leur symptomatologie habiluelle : anémie profonde: 
épistaxis, suffusions séreuses, hypermégalie splé: 
nique, accès irréguliers, à forme fruste, fréquents 
Elle est très souvent aggravée du fait de la syphilis 
fréquente dans la population indigène, et se ‘com: 
plique fréquemment aussi de /uberculose pulmonaires 
qui m'a paru l’aboulissant commun de ces cas, 

J'ai observé chez l'indigène quelques cas de 
cacherie aiguë avec hydropisie ou gangrènes locales 

Dans deux cas, je l'ai observée chez l'Européen! 


‘hydropisies sans gangrène); je n'en ai jamais vu 
un seul Cas pur. 

Mais, si la cacherie aiguë proprement dite est rar 
mon impression est que l’anémie palustre et la 
cachexie palustre sont susceptibles dans la région 
chez l'Européen, et surtout chez l'Européen anté 
rieurement surmené el en état de misère physiolos 
gique, sont susceplibles, dis-je, d'aggravations à 
marche rapide, et que, dans ce cas, le rapatriement 
hätif doit être de règle. 

Parmi les énflammaltions palustres, j'ai noté pat 
ordre de fréquence chez l'indigène : la congestion 
pulmonaire et la broncho-pneumonie palust 
l’hépalite palustre, la péritonite localisée (foie 
rate), la pneumonie palustre aiguë. La néphrite 
forme brighlique, avec œdème généralisé et albw 
minurie, n'est pas très rare, mais la part de l’élé 
ment palustre est difficile à déterminer. 

Chez l'Européen j'ai constaté seulementquelque 
cas de congestion pulmonaire ou de broncho-pnet 
monie (foyers mobiles de räles fins avec soufliel 
coïncidant avec des accès de fièvre simple el diss 
paraissant avec eux, et un seul cas de péritonite 
localisée (splénique, douleurs à forme névralgiqué 
frottement pleural perceptible au toucher et 
l’auscultation). 

EL d'une facon générale, tant chez l’indigèn® 
que chez l'Européen, les érflammations pulmonaires: 
d'apparence palustre, doivent être l’objet d’ur 
diagnostic différentiel attentif avec les inflam 
tions pulmonaires spécifiques. 


Thérapeutique de la malaria dans la région. — EI 
n'offre rien de spécial, je me bornerai aux rema 
ques suivantes en ce qui concerne la thérapel 
tique préventive ou prophylaxie des groupes, sur 
tout des groupes militaires : 

Tenir compte, dans la mesure du possible 
dans les limites que comporte son intensité, # 
la recrudescence saisonnière de la saison 


G- 


D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 


149 


É k 
| pluies; tenir compte, en ce qui concerne les mou- 
P: 


Dents, de ne de la fatigue physique, de 


Ë exposition prolongée au soleil et du refroidisse- 


| » Autant que possible, écarter les sujets antérieu- 
ement impaludés ou du moins ayant subi des 
atteintes marquées : 

- Dans le même ordre d'idées, écarter tout sujet 
spect de tuberculose pulmonaire, même latente, 
d'affection cardiaque, même muette ; 

En ce qui concerne l'hubitation, préférer les 
hauteurs ; c’est d’ailleurs la pratique indigène soit 
pour les sédentaires, soit pour les troupes en 


vents dominants, surtout dans la saison des vents 
5: et S.-E. ; éviter le couchage sur le so! nu. 

Si l’on admet généralement qu'en pays paludéen, 
il y a avantage à ne commencer les marches et les 
ravaux qu'un certäin temps après le lever du 
Soleil, dans la région du Boéni cet avantage serait 
conitre-balancé du fait de l'exposition plus longue 


rait être appliquée dans la région de l'Imérina. 
| On admet, d'expérience générale, que l'usage des 
aux courantes de la région, ne demande pas de 
précautions particulières ; quant à la prophylaxie 
dividuelle, indépendamment des règles qui dé- 
oulent de la prophylaxie générale, elle se résume 
ns l’écart de tout excès, la précaution de ne pas 
rtir le matin à jeun (café légérement alcoolisé, 
ec, de préférence, un peu de nourriture solide, 
pain ou biscuit) et enfin dans l’usage habituel du 
tin de quinquina et de la guinine préventive. 
* Mon observation personnelle m'a permis d’en 
onstater les bons effets, Au début de ma pratique, 
lje la conscillais à la dose quotidienne de 0,20 à 
0,25 centigrammes. Je serais porté à admettre 
aintenant que cette dose, une fois tous les deux 
jours, est suffisante, 
Dans les formes simples le sulfate de quinine, 
nné à dose de 1 gramme pendant 3 à 4 jours, 
is à dose journalière de 50 centigrammes, agit 
ec efficacité. 
Sauf embarras gastrique ou surcharge bilieuse 
arquée, la médication évacuante ne parait pas 
ndispensable. 
Chez les anciens fébricitants, il est souvent 
cessaire de porter la dose de quinine à 1 gr. 25 
où 1 gr. 50 ; dans ce cas il vaut mieux la frac- 
onner en deux prises. Je n’ai jamais dépassé la 
ose de 1 gr. 50, préférant recourir à l'injection 
hypodermique, pour laquelle le sel guinique le plus 


ie 
a 


pproprié.(facilité, certitude d'action) m'a Di 
ètre le chlorhydro- sulfate de quinquina, que j'ai 


ee: 


à une température élevée. Cette précaution pour-. 


Dans le traitement lonique del’anémie palustre, 
j'ai suivi les règles habituelles et n'ai à signaler 
que les détails suivants : Les préparations solubles 
de fer m'ont paru franchement efficaces, je me 
suis surtout servi de tartrate de potasse et de fer. 
L'extrait mou de quinquina en pilules est une 
préparation facile, bien tolérée et m'a élé très 
utile. Enfin, j'ai retiré de bons effets de l’adminis- 
tration continue de sulfate de quinine à faible 
dose. 


ITT. — AFFECTIONS DYSENTÉRIQUES. 


Sous ce titre, je donne les indications suivantes 
sur la dysenterie proprement dite et les diverses 
diarrhées, c'est-à-dire les affections entériques en 
général. 

A l'inverse de l’endémie palustre, qui va s’affai- 
blissant à mesure que l'on monte de la côte vers 
le haut pays, les affections intestinales augmen- 
tent de fréquence, mais sans jamais atteindre, 
même en Imérina, l'importance pathologique des 
affections palustres, et cette remarque ne doit pas 
faire perdre de vue la supériorité hautement 
reconnue de la salubrité du haut pays. 

D'une façon générale et même en ce qui concerne 
l’indigène, la dysenterie dans la région du Boéni 
est relativement rare, grave par exception seule- 
ment, le plus souvent bénigne. 

Quant à la dysenterie chez l'Européen, jedirai, 
pour fixer les idées, qu'en trois ans de pratique 
aux Mines d'or, je n’en ai observé que quatre cas. 
Dans ces quatre cas, ils’agissait d'Européens ayant 
tous subi antérieurement des attaques dysen- 
tériques dans une autre colonie (Algérie 1, la 
Réunion 2, Tunisie 1.) et ces quatre cas furent tous 
bénins. Je n'ai pas encore vu un blanc, arrivé 
indemne de dysenterie à Suberbieville, en être 
atteint sur place. 

Et cette particularité m’a conduit souvent à me 
demander si les cas observés chez l’indigène ap- 
partenaient à la dysenterie proprement dite ou ne 
ressortissaient pas plutôt aux diverses formes de 
diarrhées dysentériques palustres. 


IV. — AFFECTIONS TYPHIQUES. 


La fièvre typhoïde, même sous forme épidé- 
mique, existe à Tananarive et dans la région voi- 
sine de l’Imérina. 

Dans la région et chez l'Européen, je n’ai eu 
qu'une seule fois l'occasion de poser le diagnostic 
de fièvre typhoïde, et je l’ai maintenu, quoique le 
cas soit isolé, à cause de la netteté des symptômes 
observés, d'autant plus nets qu'il n’y eut pas de 
complications palustres. Guérison. 

La difficulté de l'observation journalière chez 
l'indigène, de l'observation de la température en 


D: LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 


séries régulières, l'impossibilité des autopsies, 
ne me permeltent pas d'établir la distinction des 
castyphiques ou des caspaludéens à forme typhoïde 
dans les rares observations que j'ai faites. 

Cependant, j'ai huit cas indigènes de fièvres re- 
mittentes, rebelles au sulfate de quinine, accom- 
pagnées d’adynamie marquée et de symptômes 
plus ou moins nets : gargouillement dans la fosse 
iliaque, bronchite concomitante, subdelirium, 
langue et gencive fuligineuses, etc. Durée de 1 à 
4 semaines, 2 décès. 

Ces observations sont évidemment insuffisantes 
pourpermetltre d'affirmer l'existence, dansie Boéni, 
des affections typhiques ou typho-malariennes ; 
mais, jointes à la notion certaine de l’existence de 
ces affections dans le hautpays, ellesme paraissent 
devoir attirer l’attention. 


V. — AUTRES AFFECTIONS DES PAYS CHAUDS. 


Ce serait entrer dans une distinction purement 
théorique que de vouloir considérer ici l’anémie 
tropicale, indépendamment de ce que j'ai déjà dit 
de l’anémie palustre dans la région du Boéni. 

En effet, s’il faut faire la part de la température 
élevée du climatdans une certaine mesure,on peut 
dire que l’anémie ne progresse etne prend la forme 
grave, amenant l’invalidité du sujet, qu'autant 
qu'elle est provoquée et aggravée par des at- 
leintes répétées de fièvre palustre, dont l'influence 
pathogénique est de beaucoup prépondérante. 

J'ai déjà eu occasion de dire que je n’avais pas 
observé dans la région les fièvres dites climatériques, 
soit en lant que fièvres saisonnières, soit en tant 
que fièvres d'acclimatement. 

Le beri-beri, surlout sous la forme hydropique, 
existe à Nossi-Bé; il a été noté aussi sur la grande 


terre (Segard): quoique l’ayant recherché cheztous. 


les malades présentant des hydropisies ou des pa- 
ralysies, je n’en ai pas observé de cas indigènes 
dans la région, aussi est-ce sous toutes réserves 
que j'ai cru pouvoir diagnostiquer dans deux cas, 
chez l'Européen, le beri-beri aigu à forme sèche. 

Quant aux manifestations dites Zlymphateriques 
(corre), j'en ai observé quelques cas chez des 
créoles de la Réunion habitant la région (acténo- 
lymphocèle inguinale 1, éléphantiasis du scro- 
tum 1, éléphantiasis de jambe au début 1). 

J'ai observé chez l'indigène quelques acténo-lym- 
phocèles el quelques cas d'éléphantiasis de jambe 
peu développés, et où la part d’influences autres 
(ulcères) était à faire. Quant à l'Européen, je n’ai 
aucun cas de ces affeclions à noter chez lui. 

La lèpre, assez fréquente dans la population in- 
digène de l'Imérina, est rare dans le Boéni, où je 
n’ai observé que deux cas de lèpre tuberculose chez 
deux Sakalaves ; chez les indigènes de race hova, 


j'ai noté un peu plus souvent uneaffection spéciale 
d'ordinaire localisée à la main et au pied, dont la 
peau, après une période de desquamation variable 
prend par plaques l'aspect de la peau du blanc. 
Cette affection a été considérée comme une variété 
de pre décolorante. 
Il est presque inutile que j'ajoute n'avoir observé 
aucun cas de contagion lépreuse chez l’Européen 
Quant à l'efhyma où bouton malgache, observé 
chez l'Européen par Jaillet sur la côte Est, je dois 
dire que, dans la région du Boéni, l'ecthyma el 
sa forme plus grave, le rupia, sont communs che 
l'indigène de sang hova plus ou moins mêlé. Je 
l'ai constamment vu, pour ne pas dire toujours: 
coïncider avec la syphilis, et le seul casquej'aiob 
servé chez l’Européen élait dans les mêmes con 
ditions spécifiques. : 
Quant à l'ulcère malgache, Vulcère des membres 
inférieurs, surtout l’ulcère périmalléolaire, du 4/3 
inférieur de la jambe ou du pied, est assez fré= 
quent dans la population indigène; mais l'in 
fluence des causes prédisposantes mauvais élat gé 
néral, syphilis, anémie -palustre, misère physio: 
logique) ou occasionnelles (régions découvertes 
traumalismes répétés, malpropreté, lésions lé: 
gères banales négligées au début) m'a paru suffi 
sante pour qu’il soit inutile d'attribuer à l’ulcèrt 
malgache aucun caractère spécial de malignil 
climatérique ou régionale. J’en ai beaucoup ob 
servé el traité chez les ouvriers indigènes de 
mines d'or. Ramené aux conditions d’une plai 
simple par la cautérisation, quand cela est né: 
cessaire, et pansé régulièrement, l’ulcère ma 
gache, même étendu, guérit bien. Il est beaucoul 
plus rare chez le créole que chez l’indigène et plu 
encore chez l'Européen que chez le créole. 
La gale est fréquente dans les basses classes d 

la populalion indigène, et présente fréquemmen 
la forme eczémateuse où purulente. Les cas rares ob 
servés chezl' Européen étaientdes cas de gale simple 
Une variété d'ecthyma très contagieuse à élé obser 
vée par le D' Jaillet sur la côte Est. J'ai vu signalé 
d’une façon générale, dans les pays chauds, la fr 
quence de diverses variétés d’Aerpès contagieuses. à 
n’ai pas d'observations régionales de cas analogues? 
sauf en ce qui concerne l’herpès labial febrile, que] 
n'ai pas trouvé ici chez l'Européen différer autre 
ment de l’herpès labial d'Europe. 
Quant aux Æntozoaires, le ténia existe, parait 
dans la région de l” Porte J'en ai vu un seul cas 
chez un Européen, qui rendit ici des cucurbitin 
pour la première fois; il n'avait que trois mois di 
résidence, et il est impossible de dire s’il s'agl 
d'un cas régional ou d’un cas importé. 
Je n’ai noté chez l'indigène (enfants) que l’asca 


ride lombricoïde et l'oxyure vermiculaire. 


D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 151 


Maisje crois devoir faire mention importante d'un 
cas de kyste hydatique du foie (mort par affection 
intercurrente. à l'hôpital de Nossi-Bé, autopsie). Il 
s'agissait d’un cas régional, le sujet habitant le 

- Boéni depuis son enfance (indigène). Les premiers 
- symptômes perceplibles (voussure hépatique, dé- 
“ mangeaisons) remontaient à quinze mois environ 
- au moment du décès (avril 1894). 
- Le #lanos a été signalé à Nossi-Bé, à la Réunion 
- et sur la grande terre. Le D' Jaillet en a observé 8 
- à 10 casà Tamalave, dans le courant de 1893. 
4 Je n’ai que quatre observations de cowp de cha- 
- leur chez l'Européen, trois fois par insolation 
- directe, une fois par chaleur obscure : ce furent 
quatre cas à forme syncopale, peu grave; le coup 
- de chaleur est donc peu fréquent, rare même chez 
l'Européen, malgré l'élévation de la température et 
l’état habituel de la lumière. Mais il s’agit ici d'Eu- 
ropéens marchant ou travaillant isolément, dans 
une tenue dégagée, habitant aussi isolément, et le 
coup de chaleur est sans doute à prévoir plus fré- 
quent chez le soldat, marchant en formation plus 
oumoins dense, soumis à la gène d’une tenue moins 
libre, de l'équipement et du poids des armes, et ha- 
bitant en commun. Il faut tenir compte, en outre, 
. dans cette comparaison, de l’accoutumance réelle, 
dont bénéficie, à cet égard, l'Européen acclimaté, 
acclimatation qui manque aux nouveau-venus. 
Quant aux formes locales de l'insolation, &y- 
thème léger des parties découvertes, mains, avant-bras, 
cou, elles sont assez fréquentes et n'offrent, d’ail- 
leurs, aucune gravité. 


à 
: 
. 


VI. — AFFECTIONS INTERNES 
NON SPÉCIALES AUX PAYS CHAUDS. 


Je. ne donne d'indications que pour celles de ces 
affeclions offrant quelque intérêt pour mon sujet. 


Maladies infectieuses communes à l'homme et aur 
animaux. — La rage canine existe à Madagascar; elle 
est connue dans la région, et des indigènes m'ont 
cité un cas de rage humaine (femme mordue par 
un chien enragé, morte avec des symptômes 
délirants et convulsifs, trois semaines après la 
morsure ??). Malgré la faible durée de l’incubation, 
lecas n'est pas invraisemblable ; mais il est néces- 
saire de faire quelques réserves, il peut être aussi 
interprété comme un cas de tétanos. 

La « tuberculose » est assez fréquente chez les 
Hovas, sous formes de tuberculose ganglionnaire, 
osseuse et pulmonaire. Les affections dites « sero- 
fuleuses » revêtent chez l’indigène une forme et 
une gravité particulière du fait de leur association 
presque constante avec la syphilis. La {uberculose 
pulmonaire, dans sa première et deuxième périodes 
(ulcérations caverneuses, cachexie tubereuleuse), 


l 


m'a paru être à marche rapide, et j'ai presque 
constamment vu la tuberculose des indigènes com- 
pliquée et aggravée par des accès palustres. 

Quant à l'Européen et au créole tuberculeux (six cas), 
je résumerai mon impression ainsi : Le elimat leur 
est défavorable, la tuberculose latente se révèle, la 
tuberculose confirmée s'aggrave. Cette remarque 
peut fournir une indication pour l'examen el la sé- 
lection à opérersurles troupes destinées à agir dans 
la région. 

Affections infectieuses de l'homme. — Parmi celles-ci, 
Je placeraïi en tête les « fièvres éruptives ». 

La vwriole est endémique dans la région. Et si elle 
n'exerce pas de plus nombreux ravages, c'est que 
les indigènes poussent etabandonnent danslacam- 
pagne sans ménagement nihésitation tout individu 
atteint, aussitôt le mal reconnu. Aussi n'est-ce 
qu'accidentellement qu’on peut l’observer. 

Je n'ai vu que des cas de variole diserète ou co- 
hérente à forme commune (1 cas compliqué de pa- 
raplégie variolique, guérison complète), mais les 
indigènes m'ont fail une description exacte de la 
variole hémorrhagique, qu'ils paraissent connaitre. 

Antérieurement à mon arrivée, il y a eu un décès 
par variole dans le personnel créole des mines d'or 
(vaccination). J'ai observé, chez deuxautres créoles 
vaccinés, 1 cas de variole discrète (guérison) et un 
cas de varioloïde (guérison). 

Je n’en ai pas vu, ni recueilli de cas européen. 

Parmi les autres fièvres éruptives, la rougeole 
est assez fréquente à Tananarive. Elle est très rare 
dans le Boéni, où je n'ai pas encore observé de 
seurlatine. 

Une épidémie de grippe a sévi l’année der- 
nière sur toute l'ile. Elle a frappé toute la région 
de Tananarive à Majunga. Il m'a été donné de 
l'observer sur {out ce parcours. Elle m'a paru 
sévir plus fortement à Tananarive et dans le haut 
pays que dans le bas pays (du 15 juillet au 15 sep- 
tembre 1893). Elle a été très générale. J'ai observé 
chez l’indigène quelques rares cas à forme ner- 
veuse, la forme thoracique dominant presque 
exclusivement. 

C'est celle que j’ai observée chez les Européens, 
je n'ai pas eu de cas grave. Dans un seul cas, chez 
un créole tuberculeux, à la deuxième période, la 
grippe a déterminé une broncho-pneumonie grave, 
rapidement mortelle. 

Je n’ai pas observé, dans une pratique de trois 
ans, un seul cas d’érysipèle chirurgical ou médical. 


Maladies du tube digestif. — Y'ai observé chez 
l'Européen la s{omatite catarrhale et la stomatite 
aptheuse (rares). 


En outre, le #auguet s’observe chez l'enfant 


152 


D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 


indigène, et j'ai quelques observations chez l’indi- 
gène el le créole de stomatite ulcéro-membraneuse. 
Je ne fais, par cette dernière désignation, que tra- 
duire l'aspect symptomatique de ces cas sans en 
affirmer la spécificité. 

L'angine calarrhale aiguë simple s'observe chez 
l'Européen, mais bien plus rarement qu'en pays 
tempéré chez l’indigène ; j'ai noté, en outre, l'en- 
qine (amygdalite) phleymoneuse. 

L'angine diplhérique est assez fréquente à Tana- 
narive. Je n'en ai pas observé dans la région, ni 
non plus aucune autre manifestation dipthérique. 

Il serait dificile et peut-être oiseux de vouloir 
distinguer l'embarras gastrique, simple ou fébrile, des 
embarras gastriques qui précèdent, accompagnent 
et suivent les accès de fièvre intermittente. Toutes 
ces formes, dans la région, sont justifiables du 


même traitement (médication évacuante, et admi- 


nistration du sulfate de quinine). 

J'en dirai autant de la dyspepsie chronique (ano- 
rexie avec dégoût marqué pour la viande, ren- 
vois, ballonnements indolent ou douloureux de 
l'estomac, diarrhée lientérique ou non), qui parait 
toujours être liée étroitement à l’ancienne tropico- 
paludéenne, ou provoquée par des alteintes ré- 
pétées coup sur coup de fièvre palustre. Le trai- 
tement tonique (quinquina ferrugineux, amers), le 
changement de régime alimentaire et au besoin 
de résidence, par leurs bons effets habituels, con- 
firment, je crois, celte appréciation. 


Maladies de l'appareil respiratoire. — Les indigènes 
sont assez sujets, en toute saison, mais surtout 
au commencement de la saison sèche, au coryzt 
aiquë, qu'on observe aussi chez l'Européen, mais 
moins accentué et moins fréquent que dans les 
pays tempérés. 

Ces remarques s'appliquent aussi à la bronchile 
aiquè simple, assez fréquente chez l’indigène pen- 
dant la saison des pluies et pendant la période qui 
est pour lui le froid de la saison sèche. La /aryn- 
gite aiguë simple, plus rare, s’observe aussi. J'ai 
observé, l’année dernière, chez les enfants de la 
région, une douzaine de cas épidémiques de coque- 
luche, et j'ai noté chez l'indigène trois cas d'asthme 
essentiel. 

Assez fréquemment on note chez l’Européen, au 
cours des fièvres palustres, des foyers de congestion 
pulmonaire el même de broncho-pneumonie. Mais, 
sauf un cas de pleuro-pneumonie aiguë, je n'ai 
observé les inflammations pulmonaires ou pleu- 
rétiques franches des climats tempérés. J'ai déjà 
signalé chez l’'Européen un cas de décès par 
broncho-pneumonie à la période terminale de la 
cachexie palustre. 

J'ai à peine quelques observations de pleurésie 


à épanchement chez l’indigène, et seulement deux . 
cas de pneumonie aiguë lobaire {signes stéthosco- 
piques classiques, crachats rouillés). 


Maladies de l'appareil circulatoire. — On observe, 
et non très rarement, chez l'indigène de race 
hova, l’aortile chronique avec dilatation de la crosse 
plus ou moins marquée, où anévrisme constitué. 
On observe aussi chez les Hovas venant de l'Imé- 
rina, où le rhumatisme articulaire aigu est assez 
fréquent, l'insuffisance mitrale. Je ne dirai rien. 
de ces cas, sinon que ces malades, et les mitreux 
plus que les aortiques, paraissent mal supporter 
le séjour du pays. Je ne parle, bien entendu, en 
ce moment, que des cas encore à la période de 
compensation. 

J'ai fait la même remarque chez deux Européens 
ainsi atleints, el qui ont été particulièrement 
éprouvés par le climat, quoique leur lésion fût en- 
core complètement compensée.” 

L'hypertrophie cardiaque simple el les palpitations 
accompagnées ou non d'hypertrophie s'observent 
aussi chez l’indigène. J'ai seulement observé des 
palpitations chez l'Européen. J'ai déjà signalé ces 
faits à propos des affections palustres. 


Maladies du rein. — La néphrite aiguë et les di- 
verses formes du mal de Bright s’observent chez 
l'indigène. J'en ai observé chez le personnel 
(1 créole, 1 Européen) 2 cas importés : il est à 
noter que, malgré la température du climat, ils 
ont offert les complications pleuro-pulmonaires 
communes dans les pays lempérés (bronchite, 
pleurésie séreuse, épanchement faible, bronchite, 
ædème et congestion des poumons). 


Maladies de l'appareil locomoteur. — Le rhuma- : 
tisme articulaire aigu, assez fréquent, parait-il, 
chez l’indigène à Tananarive, est rare chez l’indi- 
gène né ou depuis longtemps sédentaire dans les 
bas pays, el ne se présente que sous forme 
atténuée. 

Les divers cas de douleurs musculaires ou arti- 
culaires auxquelles on accorde facilement la dési- 
gnation de « rhumatismales » dans les consul- 
tations un peu hälées, se présentent assez fré- 
quemment chez l'Européen dans la région. 

Mais je n'ai réellement rencontré, chez l'Euro- 
péen, que deux cas où la multiplicité, la morbi- 
dité et la marche de déterminations articulaires 
m'aient rappelé, sous une forme très atténuée 
quant à l'intensité de la douleur et des phéno- 
mènes généraux, la polyarthrite-rhumatismale 
aiguë des climats tempérés. 

Dans l’un des cas je notai, en outre, malgré des 
phénomènes fébriles et douloureux peu accusés, 


TT RL RES A EN RE TT AU haie“ 6 
: dE. à 7% j 


L. OLIVIER — CONCLUSION PRATIQUE 


1 
© 
ce 


me-aggravation subite de l’anémie préexistante. | très fréquentes chez l'indigène de la région. Je 
Ces deux malades avaient, antérieurement à | dois spécifier qu'en ce qui concerne la syphilis, 
leur arrivée, souffert du rhumatisme aigu (anté- | elle est surtout fréquente chez l'indigène de race 
 cédents nets). s hova plus ou moins pure. Le Sakalave et le Makoa 
3 2 jouissent, mais non jusqu’à exemption complète, 
Maladies vénériennes. — Je donne ces indications | de l’immunité ordinaire des races noires. 

en prévision des cas où des troupes seraient sta- Indépendamment de la liberté des mœurs, cette 
lionnées dans des conditions telles que la facilité | fréquence reconnail aussi pour cause l’indiffé- 
de leurs rapports avec l’indigène peut créer un | rence individuelle relative pour ces affections, la 
anger de contagion vénérienne. Aussi parlerai-je | promiscuité, les habitudes de la vie commune 
xclusivement des affections vénériennes chez | indigène {communauté des objets mobiliers et 
'indigène. même des vêtements). 


Les trois classes d'affections vénériennes, — D' Lacaze, 
ë ee Médecin du Corps expéditionnaire 
blennorrhagiques, echancrelleuses, syphilitiques, — sont AM TT CT QUE 


CONCLUSION PRATIQUE 


LA POLITIQUE FRANCAISE A MADAGASCAR 


- Les études qu'on vient de lire ! comportent une | l'attention du Parlement et du Pouvoir exécutif. 
- conclusion pratique : plusieurs enseignements s'en | Nous ne saurions mieux faire que de publier à ce 
- dégagent pour notre politique coloniale. sujet les conseils du savant le plus autorisé en la 
« Allons-nous, au lendemain de la conquête, trans- | matière, notre éminent collaborateur M. A. Gran- 
“porter à Madagascar, comme à un nouveau Port- | didier, qui a consacré sa vie à l'étude et à la des- 
Breton, cette multitude de colons indigents qui se | cription de la grande ile. 

laissent si facilement prendre au mirage d'un pa- M. Grandidier fait remarquer tout d'abord qu'il 
radis lointain et que la misère seule détermine à | convient de ne point confondre le peuple Hova et 
s'expatrier? Allons-nous peupler l'ile de fonc- | son gouvernement. Ce dernier a indignement violé 
tionnaires français, de neveux de députés, de sé- | le traité de 1885. C'est à lui seul que nous faisons 
nateurs et de ministres, réserve et pépinière élec- | la guerre. Quant au peuple, notre devoir est de le 
lorale que les Sakalaves auraient le plus grand | diriger dans la voie du progrès moral et social : 
tort de nous envier? Allons-nous imposer nos | nousne voulons pas l’asservir. 
institutions européennes à des peuplades pliées, 
depuis une longue suite de générations, à « ILn'est pas douteux », dit l’éminent savant, «que les 
un tout autre état de civilisation? Allons-nous, Hova ont un fonds de qualités sérieuses rue possè- 
sou-prétexte de colonisation, grever es nances | D Ps Mag md de que cl qu era con 
de la France pour restaurer celles des Ménabé el | Guence naturelle et heureuse de notre protectorat, 
des Mérina? amènera forcément une prompte et profonde transfor- 
La connaissance que nous commençons à avoir mation dans leur état moral et dans leur caractère, 


"des races malgaches, une saine appréciation des au pars grand bénéfice et an plus grand contentement 
d'eux-mêmes et de notre pays. 


D diverses de leur pays, nous préserve- « Suivant l'heureuse expression de l’un de nos voya- 
-ront, espérons-le, d'une telle folie. geurs africains les plus méritants et les plus éner- 

Tout récemment, lorsque notre gouvernement | giques, M. Mizon, la colonisation est une association 
s'est trouvé entrainé à une expédition militaire où, en échange du sol et du travail que fournit l'indi- 


Æ - scène, l’homme civilisé apporte son intelligence, sa 
JOY H vantsui 0 Ë SRE r 
D nomme de Noysgenrs el “E nt science et ses capitaux. Or, notre association avec les 


ayant vécu à Madagascar s’est constitué * en Vue | Merina (Hova) sera certainement prospère ; car, intelli- 
. d'appeler sur ces questions d'importance capitale | gents et désireux de s'élever à notre niveau, ils en 
comprendront vite tous les avantages dès que le ré- 
po: Voyez aussi l’article de M. A. Grandidier sur les Hova, gime XARAUE SE les/a Fiçonnés à DESERT, de 
“ublié dans la Revue générale des Sciences du 30 janvier mensonge et à l’avarice, aura, par notre initiative, fait 
1895. place à un gouvernement meilleur, qui garantira 

2 Comité de Madagascar, ayant son siège au ne8 de la rue | effectivement la propriété individuelle, qui rétribuera 
de Tournon à Paris. les fonctions publiques et réprimera les concussions, 
EL 


4 


°” 


= 


7154 L. 


OLIVIER — CONCLUSION PRATIQUE 


qui, tout en respectant les mœurs et les coutumes, 
abolira toute corvée autre que celle nécessaire pour 
l'exécution des routes et des travaux publics, notam- 
ment la corvée militaire, que remplacera avantageuse- 
ment le recrutement volontaire. 

« Cette nouvelle organisation politique, qui sera cer- 
tainement très appréciée des Mérina (Hova), stimulera 
leur activité el donnera un grand essor à leur industrie 
et à leur commerce. Grâce à l’étendue considérable 
de la région aurifère, qui mesure plus de 100 lieues de 
long sur 50 lieues de large, et que de nombreuses 
sociétés viendront exploiter, nous avons confiance que 
ce pays, aujourd'hui pauvre, s’enrichira, et que sa 
richesse facilitera et hâtera l’œuvre de civilisation qui 
a été si bien commencée par les missionnaires et que 
nous pourrons mener à bonne fin sans avoir à faire 
appel aux finances de la France. Les mines d’or sont 
comme le coffre-fort d’où l’on tirera l'argent nécessaire 
à l'exécution des routes et des chemins de fer, sans 
lesquels la mise en valeur de cette ile serait impos- 
sible, à 

« On pourra alors tenter utilement à Madagascar 
des entreprises agricoles. Dans la région orientale et 
dans la région centrale, où le climat est le plus favo- 
rable à une végétation puissante et où la population 
est le plus dense, le sol manque, en beaucoup d’en- 
droits, de certains éléments utiles à la plupart des 
cultures, notamment de calcaire, et il est indispensable 
que de bonnes voies de communication permettent 
lé apport à bon marché des amendements indispensables 
au succès des plantations et à l'écoulement de leurs 
produits, Les routes, qu’on pourra faire vite et bien. 
grâce à la richesse aurifère des provinces centrales de 
Madagascar, sans qu’il en coûte rien à la métropole, 
permeltront de mettre promptement en exploitation 
rémunératrice des terres qui sont actuellement infer- 
tiles, mais qu'on transformera facilement par un trai- 
tement approprié. 

« Il n’est pas toutefois inutile d'insister sur ce que 
ce n’est point avec des vagabonds et des mendiants 
qu'on peut coloniser; espérons que le gouvernement 
n'encouragera pas, au moins au début, l'exode de ces 
familles misérables, plus riches d'illusions que d’ar- 
gent et de science, qui ne pourraient que végéter ou 
même périr de maladie et de besoins. Avant que l'ère 
de la colonisation individuelle ou familiale ne s’ouvre, 
il faut que ceux qui, avec raison, voudront utiliser les 
ressources minières ou agricoles de Madagascar, pos- 
sèdent les capitaux nécessaires et soient outillés ma- 
térielMement et scientifiquement pour faire les études 
préparatoires nécessaires à toute entreprise coloniale 
en pays neuf et pour attendre patiemment le moment 
où Ja semence confiée à cette terre encore inconnue 
produira la moisson prévue. » 


On ne saurait trop insister sur la sagesse d’un 
tel conseil, Le Comité de Madagascar, adoptant plei- 


_bliques, le chemin de Madagascar, si la possibilité 


nement les vues de M. Grandidier, amis en tête de 
son Bulletin celte importante déclaration : è 1 


à 


« Le Comité pense qu'il y aurait danger à appeler 
immédiatement des immigrants sans ressources. e 

A de très rares exceptions près, ces immigrants ne 
peuvent lutter contre la main-d'œuvre indigène, tom- 
bent dans la misère, sont une charge pour la colonie 
et, par leurs récriminations, jettent sur elle le dis- 
crédit. Il convient, au contraire, d'encourager les. 
colons qui sont en situation d'attendre quelques : années 
les résultats de leurs efforts, Si leurs entreprises réus- 
sissent, comme il y a lieu de s’y attendre, ils attireront 
naturellement à eux leurs compatriotes, avec toutes 
garanties de bien-être et de succès, » 


Ainsi se produira, sans préjudice pour nos na- 
tionaux, sans atteinte à nos finances, la mise en 
valeur des richesses du sol malgache. Si, comme. 
le veut M. Grandidier et, avec lui, le Comité de Ma- 
dagascar, À demeure bien entendu que l'ile devra 
trouver en elle-même les conditions de son déve- 
loppement économique, « vivre de ses seules 
ressources el suffire à Lous les besoins de son ad- 
ministration ! », nul doute qu'elle ne devienne, 
dans un avenir prochain, une colonie très pros- 
père. 

Si ces idées prévalaient, si le public avait cellen 
confiance que tel ne cessera d’être le principe de 
notre politique à Madagascar, il est probable que 
de grandes Compagnies, traitant avec l'État, se 
formeraient à l'effet d'exploiter les richesses fores- 
tières de l'ile, d'y faire de la culture, de l'élevage 
et du commerce. Ces Sociétés rendraïent à l'ile ce 
service inestimable d'y pratiquer des routes, d° 
établir des voies ferrées, d’y améliorer la naviga= 
tion fluviale, d’assainir des régions maréca- 
geuses; et, en rémunération de ces travaux 
d'intérêt public exéculés à leurs frais, elles 
deviendraient proprièlaires où tout au moins conces= 
sionnaires de territoires déterminés à l’origine du 
contrat. Les capitaux français prendront volontiers 
et très utilement pour eux et pour les affaires pu= 


matérielle d’y fructifier leur est ainsi valablement 
assurée, 


Louis Olivier. 


! Bulletin du Comilé de Madagascar, 


Le 


. 


n° 1, page 


mo HO le aitiitté ff ét at 


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hdi rai à des RTS à di 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 755 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Vallier (E.), Chef d'escadron d'Artillerie, Correspondant 


de l'Institut. — Balistique des nouvelles poudres. 

— | vol. petit in 8° de 180 pages avec fiqures, de l'En- 

cyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, publiée sous 

la direction de M. H. Léauté, membre de l’Institut. 

(Prix : broché, 2 fr. 50 ; cartonné, 3 francs.) Gauthier- 

Villars et fils et G. Masson, éditeurs. Paris, 1895. 

La fabrication des armes de guerre et des bouches à 
feu de gros calibre a pris de nos jours. et notamment 
en France, un développement considérable; elle cons- 
lüitue une branche importante de l’industrie métallur- 
gique et exerce sur ses progrès une influence bienfai- 
sante dont les arts les plus pacifiques sont les premiers 
à profiter. 

Aussi les notions qui président à l'étude des condi- 
tions d'établissement des bouches à feu ne sont-elles 
plus l’apanage exclusifdes ingénieurs d'Etat, et voyons- 
nous les publications industrielles discuter la puissance 
et le rendement d’une bouche à feu comme les élé- 
ments d’un moteur thermique quelconque. 

M. le commandant Vallier s’est proposé de réunir, 
sous une forme concise, les données théoriques et 
expérimentales indispensables pour de pareilles re- 
cherches, et il a indiqué, par le titre de sonouvrage, le 
point de vue général auquel il s’est placé qui est 
l’étude de l’adaptation aux bouches à feu des explosifs 
balistiques à grande puissance, introduits depuis une 
dizaine d'années dans les armements européens. 

Les éléments qui interviennent dans le fonctionne- 
ment d’une bouche à feu sont de deux sortes; les uns 
définissent l’arme : ce sont le calibre, le volume de la 
chambre à poudre, la longueur d'âme, le poids du pro- 
jectile; les autres définissent l’explosif qui sera 
utilisé dans cette arme : ce sont, le poids de la charge. 
la force de l’explosif, la durée et la loi de sa combus- 
tion. Toutes ces variables interviennent simultanément 


dans la valeur de la vitesse initiale communiquée au 


projectile et dans la valeur de la pression développée 
dans la bouche à feu. 

De la vitesse initiale dépend la puissance de la 
pièce, de la pression maximum dépend la sécurité de 
son fonctionnement. Toutes les études de balistique 
intérieure ont pour but de calculer la valeur de ces 
deux éléments lorsqu'on connaît le tracé du canon et 
du projectile et la nature de l’explosif, L'auteur, après 
avoir résumé dans les premiers chapitres, les principes 
de thermodynamique et de thermochimie qui régissent 
le fonctionnement complexe de ces machines ther- 
miques, établit par une théorie nouvelle les relations 
fondamentales qui lient la vitesse initiale et la pression 
maximum aux éléments du tir. 

Toutefois l’incertitude où nous sommes encore rela- 
tivement au mode de fonctionnement de certains 
explosifs ne permet pas d'introduire, dans les formules, 
les caractéristiques de ce fonctionnement comme des 
données de la question, et c'est sous forme de cons- 
tantes déterminées pour chaque explosif particulier 
par des tirs préalables, dans des armes d’ailleurs quel- 
conques, que les éléments force, durée et loi de com- 
bustion sont introduits dans les formules. 

Il existe donc encore une lacune importante dans 
ces théories; mais, sous leur forme actuelle, elles sont 
appelées à rendre d'importants services parce qu’elles 
permettent de tirer, d'expériences restreintes, des 
données qui conduisent à la prévision des effets dans 
les armes les plus diverses. 

L'ouvrage de M. Vallier se recommande donc d’une 


facon toute particulière à l'attention des artilleurs el 
des ingénieurs spécialistes. P. VIEILLE, 
Ingénieur en Chef des Poudres et Salpêtres. 
Répétiteur à l'Ecole Polytechnique. 


Bigourdan (G.), Astronome à l'Observatoire de Paris. 
— Sur la mesure micrométrique des petites 
distances angulaires célestes et sur un moyen 
de perfectionner ce genre de mesures. — 1 bro- 
chure grand in-8° de 32 pages. Gauthier-Villars et Jils, 
éditeurs. Paris, 1895. 


M. Bigourdan, qui a fait une étude approfondie des 
erreurs qui se produisent dans les mesures d'étoiles 
doubles, propose, dans son nouvel ouvrage, une mé- 
thode qui donnera des résultats d’une plus grande pré- 
cision que celle qui a généralement été employée jus- 
qu’à présent. Pour déterminer la distance des compo- 
santes d'un système stellaire, on place chacune d'elles 
sous un des fils du micromètre et, dit M. Bigourdan, 
si l'étoile est faible, elle est cachée complètement par 
le fil: si elle est brillante, sa lumière mord le til de 
chaque côté, et peut même le faire disparaître complè- 
tement. Comme les difficultés de mesure s’atténuent 
quand le diamètre des fils devient plus faible, l’auteur 
propose de les supprimer complètement et de les rem- 
placer par des pointes très fines, constituant dans le 
plan du micromètre un véritable compas à verges. 
M. Bigourdan donne le moyen d'obtenir des pointes 
convenables et de les fixer dans le micromètre; il s’est 
servi de pointes en verre dont la construction est très 
simple, leur diamètre à l'extrémité n'est que de 6 mil- 
lièmes de millimètre, c’est-à-dire inférieur à l’épais- 
seur des fils ordinairement employés dans les mesures 
d’étoiles doubles. L'auteur, qui a expérimenté son pro- 
cédé pendant plus d’un an, cite de nombreux exemples 
qui montrent tout l'avantage de l’emploi des pointes 
pour la mesure des distances des composantes des 
étoiles binaires, au moins lorsqu'il s’agit de couples 
serrés; quand la distance angulaire des étoiles dépasse 
3" ou 4", la nouvelle méthode, qui consiste à déplacer 
les pointes, l’une par rapport à l’autre, au moyen de la 
vis micrométrique, jusqu'à ce que les étoiles semblent 
se trouver sur leur prolongement, n’est, en général, 

as plus avantageuse que l’ancienne. 

M. Bigourdan a également recherché le meilleur pro- 
cédé pour la mesure des petits diamètres, tels que ceux 
des satellites de Jupiter. L'auteur, après avoir discuté 
les diverses méthodes employées (fils simples, fils 
doubles, micromètres à double image, etc.), donne les 
résultats que lui à donnés l’usage des pointes pour les 
mesures des quatre gros satellites de Jupiter, dans di- 
verses conditions d’éclairement; la faiblesse des écarts 
de chaque valeur individuelle avec la moyenne montre 
que la méthode de mesure préconisée par M. Bigour- 
dan est susceptible de donner des résultats d'une 
grande précision. 

Enfin, quelques essais, faits en vue de mesurer les 
petits détails qui se présentent à la surface des pla- 
nètes, ont montré que la précision est plus grande el 
l'observation plus aisée lorsque l’on fait usage de 
pointes. On pourrait peut-être se servir avantageuse- 
ment de cette méthode pour déterminer la largeur des 
divers anneaux de Saturne et les dimensions des dé- 
tails que l’on apercoit à leur surface. 

Il ne nous semble pas douteux que les résultats ob- 
tenus par l’auteur ne décident les astronomes à se ser- 
vir de ce nouveau procédé pour toutes les mesures de 
petites distances angulaires célestes. 

P, STROOBANT, 


"PAS ON 


156 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


2° Sciences physiques. 


Hinrichs (Gust.-D.), Professeur de Chimie à l'Ecole de 
Pharmacie de Saint-Louis (Etats-Unis). — The Ele- 
ments of Atom-Mechanices; 1% vol. : The true 
atomic Weights of the chemical Elements and 
the Unity of Matter. — 1 vol. in-8° de 260 p. avec 
planches et diagrammes. (Prix : 45 francs.) C.-G. Hin- 
richs, éditeur, à Saint-Louis, et B. Westermann, à New- 
York, H. Le Soudier, 174, boulevard Saint-Germain, 
Paris, 1895. 


Depuis environ deux ans, M. Hinrichs a publié, dans 
les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, de 
nombreuses notes relatives, pour la plupart, à la déter- 
mination des poids atomiques; le volume qu’il vient 
de faire paraître est en grande partie le développement 
de ces notes. 

M. Hinrichs se propose de démontrer que l’hypo- 
thèse de Prout n’est nullement contredite par les 
déterminations de poids atomiques, c'est-à-dire que 
ces poids atomiques sont tous des multiples exacts 
de la moitié de celui de l'hydrogène. C’est la concep- 
tion qui avait été proposée par Dumas et que l’on a 
généralement regardée comme une simple approxima- 
tion après les recherches de Stas. M. Hinrichs ne con- 
teste pas l'exactitude des analyses de Stas, mais il pro- 
teste contre le peu de cas que l’on fait des résultats 
d'autres expérimentateurs habiles tels que Dumas, 
Marignac, etc. Pour lui, les analyses de ces divers 
savants ont la même valeur, et il considère que les 
écarts qu'elles présentent proviennent de ce qu’elles 
ont été faites dans des conditions différentes, notam- 
ment avec des poids très différents de matière; le 
poids atomique trouvé varierait donc d’une facon régu- 
lière avec la quantité de substance employée à la 
détermination. Cette remarque qui n'avait jamais été 
faite est certainement logique; il est naturel d'admettre 
que, dans un dosage, les conditions de solubilité, de 
volatilité, interviennent plus ou moins suivant que l’on 
opère sur des masses plus ou moins grandes. M. Hin- 
richs représente graphiquement cetle variation du 
poids atomique trouvé en fonction du poids de subs- 
tance employé, et trouve que les points correspondant 
aux diverses expériences se placent sur une courbe de 
forme parabolique. Cette courbe donne, par extrapola- 
tion graphique, le poids atomique correspondant à une 
opération idéale, portant sur une quantité de matière 
nulle; c’est ce que M. Hinrichs appelle le poids ato- 
mique vrai déterminé par la méthode limite. Or, les 
poids atomiques vrais, ainsi déterminés d’après les 
résultats des principaux analystes, se trouvent être 
des multiples exacts de la moitié du poids atomique 
de l'hydrogène. 

Les idées de M. Hinrichs soulèvent bien quelques 
objections, mais elles nous semblent mériter une dis- 
cussion approfondie ; la remarque relative à l'influence 
des quantités de substance employée dans les analyses 
peut avoir une grande importance pour la chimie de 
precision, 

Voici, comme exemple, un tableau résumant les re- 
cherches de Stas sur la synthèse du nitrate d'argent. 
La colonne I contient le poids d'argent employé, et la 
Fa Il la valeur du poids atomique trouvé pour 
‘azote : 


Le livre de M, Hinrichs contient en outre une étude 


historique et critique des différentes recherches rela- 
lives aux poids atomiques; étude dans laquelle l'au- 
teur exprime ses opinions avec beaucoup d'énergie et 
de franchise, Ses grandes admirations sont pour Berzé- 
lius et Dumas, quoiqu'il accuse celui-ci d’avoir « plié 
le genou devant Baal » en usant du « consommé Pe- 
louze ». (Cela signifie faire un dosage au moyen d'une 
liqueur titrée d'argent.) Il regarde Stas comme un 
manipulateur très habile qui a mal interprété ses 
résultats et s'est fait, vis-à-vis des chimistes peu ver- 
sés dans les mathématiques, une réputation de ma- 
thématicien en appliquant la méthode des moindres 
carrés à sept ou huit nombres déterminés dans des 
condilions différentes; mais M. Hinrichs est surtout 
plein de mépris pour l'école allemande, pour ces chi- 
mistes qui sont devenus si exclusivement « chloru- 
rants » (chlorinating), qu'ils semblent avoir perdu la 
faculté de raisonner, 

Quoique ces formes de discussion soient peu en 
usage dans le monde scientifique, ou peut-être à cause 
de cela, le livre est intéressant; il contient pas mal de 
digressions, mais il renferme une idée, Cela vaut bien 
la fameuse pièce dans laquelle il y avait un beau vers. 

G. CHARPY, 


Fayollat (J.). — Recherches sur quelques dérivés 
tartriques de structure dissymétrique. (Thèse pour 
le Doctorat de la Faculté des Sciences de Genève.) — 
1 brochure in-8° de 60 pages. Imprimerie Dubois, Ge- 
nève, 1895. 

On se rappelle le travail de M. Freundler sur les 
éthers tartriques substitués, dont la Revue a donné ré- 
cemmentun résumé succinct : l’auteur s’y était attaché 
surtout à l'étude des dérivés symétriques dont le dia- 
cétyltartrate d’éthyle offre l'exemple le plus simple. 
M. Fayollat a voulu compléter ce travail en y joignant 
les données relatives aux éthers monosubstitués ou 
bisubstitués dissymétriques de la forme : 


CO?R — CH (OA) — CH (OH) — COR 
et 

CO2R — CH (OA) — CH (OB) — CO?R, 
si l’on désigne par A et B deux radicaux acides diffé- 
rents, ainsi qu'à quelques sels, alcalins ou alcalino- 
terreux, de l'acide éthyltartrique. 

La préparation de ces corps est en général difficile, 
et, dans beaucoup de cas, leur purification est impos- 
sible. Il en résulte que les données polarimétriques 
relatives aux dérivés en question ne peuvent qu'être 
approximatives, et M. Fayollat insiste plus sur la partie 
pratique de son travail que sur les conclusions théo- 
riques qui en découlent, Les pouvoirs rotatoires des 
éthers tartriques monosubstitués sont intermédiaires 
entre ceux des mêmes éthers purs et bisubstitués, tout 
en se rapprochant davantage des premiers ; il en est de 
même pour les pouvoirs rotatoires des éthers tar- 
triques bisubstitués à deux radicaux différents, qui 
sont toujours compris entre les pouvoirs rolatoires des 
dérivés bisubstitués symétriques correspondant aux 
deux radicaux mis en œuvre, 

L. MAQUENNE. 


Gascard (Albert). — Contribution à l'étude des 
gommes laques des Indes et de Madagascar. — 
Un vol. in-8° de 125 p. avec 1 planche. Société d’édi- 
tions scientifiques, 4, rue Saint-Antoine, Paris, 1895. 
La chimie des gommes laques était peu avancée jus- 

qu'à ces dernières années; elle est demeurée station- 

naire de 1830 à 1886, époque où M. Gascard l’a reprise. 
Le faitle plus important qui ressorte du présent tra- 
vail, c’est la présence, dans la gomme laque, d'un prin- 
cipe cristallisé, ayant les propriétés physiques des. 
cires, mais formé d’un acide azoté susceptible d’être 
éthérifié par l'alcool myricique; il démontre que l'in- 
secte intervient activement dans la production de la 
cire; le rôle de la cire est de protéger les stigmates de 
l'insecte contre l’envahissement de la résine et d'assu- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 757 


. rer l'accès de l'air aux organes respiratoires; l'alcool 
myricique estidentique à lui-même quelle que soit son 
origine, la cire d’abeilles est donc la même que la cire 
de gomme laque. 

_ M. Gascard étudie aussi une nouvelle gomme laque 
originaire de Madagascar. Signalée en 1661, par Fla- 
court, sous le nom de Lilin Bitsie, cette substance est 
- restée inconnue depuis. Comme la gomme laque des 
Indes, elle renferme une cire azotée relativement abon- 
. dante, dont l’étude n’a pu être poussée aussi loin qu’on 
pourrait le désirer, à cause de la rareté du produit, 
- Les échantillons étudiés ont pour support les rameaux 
. d’une Lauracée, 

… Le professeur Targioni-Tozzetti, de Florence, rapporte 
_ Ja Coccidée qui produit la laque de Madagascar à un 
- nouveau genre Gascardia, voisin des Curteria, de la tribu 
des Lecanidées. 

F. Janix, 
Professeur agrégé à l'Ecole supérieure 
de Pharmacie de Montpellier. 


- Haller (A.), Correspondant de l'Académie des Sciences, 
Directeur de l'Institut chimique de Nancy. — L’Indus- 
trie chimique. — 1 vol.in-8° de 350 puges avec figures 
de l'Encyclopédie de Chimie industrielle. (Prix, car- 
tonné : 6 francs.) J.-B. Baüllère et fils, éditeurs. 
Paris, 1895. - x 
M. Haller a reproduit dans ce livre son Rapport sur 
Pndustrie chimique à l'Exposition de Chicago, dont notre 
éminent coilaborateur M. H. Moissan a rendu compte 
ici-même!; l'auteur y a ajouté d'importants docu- 


ments acquis depuis l'apparition de ce Rapport et rela- 


» tifs aux récents progrès des industries chimiques, prin- 
. cipalement à l'étranger. 

Cet ouvrage est actuellement le plus complet qui 
existe sur la matière. Il rappelle, dans chaque chapitre, 
les faits d’ordre scientifique les plus récemment acquis 
qui servent de base à l'industrie décrite. Et, d'autre 
part, les dispositions typographiques adoptées permet- 
tent de consulter la partie technique du manuel avec 
la même facilité qu’un dictionnaire. 
- Si nous ne nous étendons pas davantage sur ce livre, 
c’est que le Rapport qui en constitue la partie fonda- 
mentale a été analysé dans la Revue et est actuelle- 
ment dans les mains de tous les fabricants de produits 
chimiques. 


E. 0: 
3° Sciences naturelles. 


Faurot (L.), Docteur en Médecine. —Etudes sur l'ana- 
tomie, l’histologie et le développement des Ac- 
tinies.(l'hèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences 
de Paris.) — Un volume in-8° de 220 pages, avec 29 fi- 
gures et 42 planches hors texte. Archives de Zoologie ex- 
périmentale, 3° série, vol, IIL. np. À. Hennuyer, T, rue 
Darcet, Paris, 1895. 

L'auteur s’est proposé de faire des recherches com- 
paratives sur l’anatomie et le développement des Ac- 
tinies fixées (Teulia, Sagartiadées et Zoanthides) et des 
Actinies pivotantes, c’est-à-dire celles qui ne sont pas 
fixées au sol par une base aplatie (Édwarsies, Cé- 
rianthe). Il étudie successivement une douzaine de 

enres d’Actinies, surtout des pivotantes, pour chacun 
esquelsil indiqueavec minutie les caractères extérieurs 
de forme et de couleurs, le nombre et la disposition 
relative des tentacules et des cloisons, considérés chez 
l'adulte et les jeunes individus, Ces monographies sont 
précédées d’un chapitre plus général sur l'anatomie, 

’histologie et le développement des espèces étudiées. 
Je me bornerai à signaler les résultats nouveaux ou 

. d’un intérêt général; au point de vue histologique, 

Faurot s'occupe surtout de la structure du mésoderme ; 

il est formé de membranes superposées, composées 

elles-mêmes de fines fibrilles; bien qu'il n’y ait rien là 

qui puisse être comparé à du muscle, Faurof ne peut 


1 Voyez la Revue du 15 novembre 1894, page 829. 


croire que ce mésoderme soit inerte, et admet que c'est 
grâce à sa contractilité que les Actinies peuvent mo- 
difier leur forme et se déplacer. A la base des cellules 
ectodermiques du Cérianthe, il observe de petits sphé- 
rules brun foncé qui seraient destinés à se transformer 
en némalocystes, sans qu'aucune cellule épithéliale ne 
les accompagne dans leur transformation. Les aconties, 
longs filaments attachés aux cloisons des Sagartiadées, 
et capables d’être rejetés au dehors par la bouche ou 
des pores spéciaux, ont surtout pour but d'augmenter 
la surface digestive des cloisons et ne sont pas utilisés 
uniquement comme arme défensive. 

Au point de vue anatomique, les cloisons sont dé- 
crites quant à leur nombre.et à leur. développement 
avec beaucoup de détails. Chez les jeunes individus, 
il y a d’abord 8 cloisons (stade 8), puis # autres 
(stade 12), qui présentent ce caractère commun d’ap- 
paraitre par couples, c’est-à-dire une à droite et une à 
gauche de l’animal, symétriquement par rapport au 
plan médian, Ensuite, il se forme un nombre variable 
d’autres cloisons, mais apparaissant toujours par 
paires, c'est-à-dire deux à côté l'une de l’autre, sauf 
probablement chez le Cérianthe. On avait cru jusqu'à 
présent que le stade 8 du développement des Actinies 
se conservait sans modification chez l'Edwarsia adulte; 
ce n'est pas tout à fait exact; il y a bien, en effet, 
8 grandes cloisons munies d'organes génitaux, mais 
elles sont accompagnées par de très petites cloisons 
stériles, 8 ou même 12, remarquablement rudimen- 
taires chez l’'Edwarsia Adenensis. 

Les Cérianthes présentent des caractères tellement 
spéciaux qu'il convient de les isoler des autres Actinies 
poar en former un groupe spécial : existence de deux 
couronnes de tentacules, l’une buccale, l'autre margi- 
nale: disposition spéciale des cloisons, arrangées par 
groupes de 4 de taille différente et alternant régulière- 
ment, les? plus grandes possédant des organes génitaux, 
les 2 plus petites restant stériles; enfin les cloisons ne 
présentent pas les muscles longitudinaux saïllants des 
autres Actinies. Il est probable que l’Actinie nageante, 
appelée Arachnactis brachiolata, west qu'un jeune Cé- 
rianthe. 

A signaler aussi quelques observations biologiques 
intéressantes : les Actinies pivotantes sont capables de 
ramper lentement sur le sol par des mouvements de 
reptation, la bouche restant en arrière; quelques-unes, 
comme Peachia, Halcampa et Ilyanthus, peuvent même 
s’enfoncer verticalement dans le sable ou la vase. 
Toutes ces Actinies et les Cérianthes sécrètent soit du 
mucus, soit une gaine plus ou moins épaisse, qui pro- 
tège leur colonne. - 

On sait que quelques Actinies vivent fixées à de- 
meure sur Les coquilles habitées par certains Pagures ; 
c’estun simple commensalisme pour la Sagartiu parasi- 
tica et les Pagures, une véritable symbiose pour 
Adamisia palliata et le Pagurus Prideauxi. Faurot a 
observé dans les deux cas qu’un Pagure, lorsqu'il a été 
séparé de ses Actinies, quitte son gite pour une autre 
coquille pourvue de ces animaux; il sait même arra- 
cher les Actinies fixées qu'il rencontre par hasard, en 
les malaxant entre ses pinces et ses pattes marcheuses ; 
lorsque l’Actinie est détachée, le Pagure l’enserre entre 
ses pattes et sa coquille, jusqu’à ce que le disque pé- 
dieux se soit fixé sur sa demeure. Tandis que la Sagartia 
peut vivre isolée, l'Adamsia ne peut subsister qu’associée 
à son Pagure; lorsqu'on l’en sépare, elle meurt infail- 
liblement dans le courant du deuxième ou du troisième 


mois qui suit; on sait, d’ailleurs, qu’elle est déformée- 


d’une manière toute spécigle, de facon à épouser com- 
plètement le contour de-la coquille habitée par son 
symbiote. L. CuÉNor. 


De Laplanche (M. C.), de la Société Mycologique de 
France. — Dictionnaire iconographique des Cham- 
pignons supérieurs d'Europe, Algérie et Tunisie. 
— 1 vol. in-12 de 540 pages. Paul Klinsieck, éditeur. 
52, rue des Ecoles. Paris. 1895. 


4° Sciences médicales. 


Élatau (D: Edward). — Atlas du cerveau hu- 
main et du trajet des fibres nerveuses, à l'usage 


des Médecins et Etudiants en Médecine, avec une Préface | 


le P' Mendel, 
29 


— A vol, gr. in-4 avec 
francs.) Paris, Georges Carré ; 


de M. 
10 planches. (Prix : 
Berlin, S. Karger. 1894, 

Cet Atlas comprend sept planches de photographies 
de la surface et des coupés du cerveau humain, frais, 
non modifié par les liquides conservateurs, dont les 
détails et les dimensions représentent par conséquent 
le plus fidèlement la nature. Nous nous associons aux 
éloges que le Pr Mendel, dans le laboratoire duquel 
ces planches ont été faites, accorde en la Préface au 
travail de E. Flatau. On possédait déjà, en France 
comme en Allemagne, d'aussi magnifiques Atlas du 
cerveau humain. Le grand mérite de l’œuvre de Kla- 
tau, c’est qu’il s’y trouve un fort bon chapitre sur le 
trajet des fibres nerveuses dans le névraxe tout entier. 

L'anatomie macroscopique n’a guère fait de progrès 
depuis longtemps ; au contraire, l'anatomie comparée, 


la physiologie expérimentale, ef, par-dessus tout, la - 


découverte des méthodes de coloration des éléments 
du système nerveux, de Golgi et d'Ebrlich, ont renou- 
velé, on le sait, toutes nos connaissances sur la struc- 
ture et sur les connexions de ces éléments, les neu- 
rones. Le Tableau schématique qui rend sensible le 
trajet des fibres nerveuses, des voies sensilives, Senso- 
rielles et motrices, du système nerveux central, sera 
d'un grand secours pour ceux qui abordent cette 
vaste mer, la théorie des neurones, où tant d’iles el 
d'archipels merveilleux surgissent chaque jour de 
l'inconnu, L'étudiant, qui ne connait l'anatomie line 
que par les manuels classiques, où l'histologie du sys- 
ième nerveux est encore traitée à la manière de la 
paléontologie, se convaincra, en ouvrant ce livre, que 
la science est vraiment conquérante, qu'elle a décou- 
vert un monde nouveau de formes et de rapports, d'où 
est sortie une interprétation nouvelle des phénomènes 
les plus élevés de la vie, et que, pour la première fois, 
l'étude scientifique de la structure et des fonctions du 
cerveau et de la moelle épinière est devenue possible. 
Ce chapitre préliminaire, assez étendu, sur les voies 
nerveuses du névraxe, en général très exact et très 
informé, comme il convient, renferme en outre 
quelques vues ingénieuses et fines semées au cours de 
l'exposition. C’est ainsi, par exemple, que l’auteur si- 
unale, dans les cellules des noyaux grêle et cunéiforme, 
l'analogue des cellules des cordons de la moelle épi- 
uière : les unes et les autres, en effet, recoivent des 
excitatious que, de la périphérie, leur transmettent 
les fibres des faisceaux postérieurs, en d’autres termes, 
la voie sensilive de premier ordre. Tout ce qui à trait à 
la constitution du faisceau sensitif, au ruban de Reil 
cortical médian, est fort bien concu et suflisamment 
exact. La description des voies nerveuses de chacun 
des nerfs cräniens est devenue presque lumineuse à 
force de rigueur et 4# méthode. Le cervelet n'est pas 
moins bien étudié que le cerveau et la moelle, tou- 
jours quant au trajet des fibres nerveuses, Que lau- 
leur me permette pourtant d'appeler son attention sur 
le paragraphe consacré au trajet des fibres des nerfs 
acoustiques. Quoiqu'il connaisse fort bien les (ravaux 
de Flechsig, de Held et de Sala sur ce sujet (pourquoi 
n'avoir point même nommé Forel ?), iln'a point réussi, 
dans son texte surtout, à éclairer cette obscure pro- 
vince de Ja science, comme il a fait les territoires du 
nerf optique et du nerf olfactif. Jules Soury. 


Klartelius (T. J.), Professeur à l'Institut central de 
Gymnastique de Stockholm. — Traitement des mala- 
dies par la Gymnastique suédoise. — Traduction 
française par M. Æ. Fick et le D' €. Vuillemin. 
— 1 vol. in 8° de 360 pages avec 100 fig. (Priæ : 6 fr.) 
Société d'Editions scientifiques, 4, rue Antoine-Dubois. 
Paris, 1895. 


BIBLIOGRAPHIE — 


| 


ANALYSES ET INDEX 


Moussous (A.), Professeur agrégé à la Facullé de 
Médecine de Bordeaux. — Maladies congénitales du 
cœur. — 1 vol. petit in-8° de 240 pages, de l’'Encyclo- 
pédie scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par M. H. 
Léauté, de l'Institut (Prix :broché, 2 fr. 50; cartonné, 
3 fr.) Gauthier-Villars et fils et G. Masson, éditeurs. 
Paris, 1895. 

Il est souvent malaisé de préciser le point de départ 
et la cause réelle d’une affection cardiaque. Ces der- : 
nières années, on s’est préoccupé à juste raison des 
malformations congénitales du cœur. Certaines d’entre 
elles se manifestent par des signes spéciaux ; d’autres, 
par des symptômes exactement semblables à ceux que 
produisent les cardiopathies acquises. Aussi la diffé- 
renciation, le diagnostic rétrospectif de la cause sont-ils 
souvent difliciles à établir, M. Moussous a eu le mérite 
dans le présent volume de retenir l'attention sur les 
maladies congénitales du cœur, qui forment actuelle- 
ment une des parties les plus intéressantes de la pa- 
thologie cardiaque. 

Au début, M. Moussous expose les notions d'embryo- 
logie cardio-vasculaire nécessaires pour la compré- 
hension des affections congénitales du cœur, L’anato- 
mie des lésions prend une grande part de l’ouvrage, 
Citons aussi le chapitre destiné aux théories patho- 
géniques dont les principales sont la théorie de l'endo- 
cardite fætale et celle des arrêts de développement. 
M. Moussous tend à admettre que l’endocardite est 
secondaire à la malformation, que celle-ci même « est 
un appel à l’endocardite ». L'auteur passe ensuite à 
l’'étiologie et à l'étude symptomatique et clinique des 
diverses malformations cardiaques. 

Dr A. LÉTIENNE. 


Lortet, Doyen de la Faculté de Médecine de Lyon, et 
Vialleton, Professeur agrégé à la Faculté de Méde- 
cine de Lyon. — Etude sur le Bilharzia hæmato- 
bia et la Bilharziose. — { vol. in-8° de 120 pages 
avec S fig. et 8 planches hors texte, extrait des An- 
nales de l’Université de Lyon. (Prix : 10 francs.) 
G. Masson, éditeur. Paris, 1895. 

La maladie due à la présence, dans la veine porte et 
ses branches, des intéressants Trématodes appelés Bil- 
harzia, du nom de celui qui les a découverts en Egypte, 
a déjà été étudiée par plusieurs savants. 

Le livre de M. Leuckar : « Die Parasiten des Mens- 
chen » en contient une excellente description due aux 
travaux de M. Loos à Alexandrie. 

.MM. Lortet et Vialleton reprennent et confirment 
les résultats des savants antérieurs; leur ouvrage cons- 
titue une excellente monographie accompagnée de très 
belles planches. 

Les auteurs ont vainement essayé, par de nombreuses 
expériences, de se rendre compte du, mode d’infec- 
tion et des migrations du parasite; celte intéressante 
question reste donc encore pendante. 


5° Sciences diverses. 


Beauregard (Henri), Assistant dé lu Chaire d'Ana- 
tomie compurée au Muséum. — Nos Bêtes. Animaux 
utiles et nuisibles. — Ouvrage paraissant en livrai- 
sons les 5 et 20 de chaque inois. Chaque livraison conte- 
nant 8 pages de texte et une planche en couleurs, est 
vendue séparément 90 centimes. A. Colin, éditeur. 
5, rue de Mézières, Paris, 1895. ; 
Dans la 9e livraison, qui vient de paraitre, commence 

l'étude des Insectes, el en particulier des insectes utiles 

à l'agriculture. Ce sont ceux dont le régime est car- 

nassier : ils détruisent, en effet, beaucoup d’espèces , 

nuisibles, À ce groupe appartiennent un grand nombre 

de Coléoptères : le staphylin, le dytique, £enre aqua= 
tique ainsi que le gyrin ou lourniquet, les carabes, la 
cicindèle, les bombardiers, les lampyres où vers luisants 
et les coccinelles ou bêtes à bon Dieu. Parmi les Ortho- 
ptères, la mante religieuse estlobjet d’une note spéciale. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


159 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
À Séance du 8 Juillet 1895. 


- M. Cohn est nommé Correspondant dans la Section 
de Botanique, en remplacement de feu M. de Saporta. 
4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Paul Painlevé dé- 
montre, dans le cas des liaisons simples assujettissant les 
solides, que lorsqu'on applique les lois ordinaires du 
frottement de glissement à l'étude du mouvement d’un 
système quelconque, on arrive à un résultat singulier : 

dès que le frottement devient un peu considérable, pour 
certaines conditions initiales les équations du mouve- 
ent définissent plusieurs mouvements possibles, au 
lieu qu’elles sont incompatibles pour les autres condi- 
tionsinitiales. Des singularités analogues se présentent 
quand on introduit, avec le frottement de glissement, 
le frottement de roulement et de pivotement. Les lois 
empiriques du frottement sontdonc logiquement inad- 
“missibles (même pour des vitesses et des pressions 
ordinaires), dès que le frottement devient assez 
notable. Il y aurait intérêtà en reprendre l'étude au 
point de vue expérimental, — M. J, Boussinesq ex- 
- plique la façon dont se régularise au loin, en s’y rédui: 
- sant à une houle simple, toute agitation confuse, mais 
3 périodique des flots. La houle fondamentale jouit, com- 
-parée à ses harmoniques, d’une longévité qui lui assure 
sur elles une survivance presque infinie, Les calculs 
supposent seulement que les vagues sont assez peu 
aiguës à leur sommet ou d’une hauteur assez faible 
“comparativement à leur longueur. — M. Sarran lit 
“un rapport sur un mémoire de Félix Lucas intitulé : 
…Ltude théorique sur l'élasticité des métaux. La théorie 
“indique qu'une lame étirée, ramenée au repos avec 
allongement permanent, conserve non seulement’ sa 
densité, mais aussi son coefficient d'élasticité primi- 
ifs ; l'expérience vérifie cette conclusion, En outre, de 
ès grandes, déformations n’altèrent pas sensiblement 
a densité et l’élasticité des métaux. 

-29 SCIENCES PHYSIQUES, — MM. Lœwy et Puiseux in- 
Sistentsur la valeur des clichés de la Lune amplifiés pour 
embrasser d’un coup d’œil des régions étendues et 
constater un certain nombre de faits difficiles à recon- 
maitre sur les épreuves originales. Lesaccidents super- 
liciels de la Lune comparés à ceux de la Terre pré- 

entent une moins grande variété de types : la forme 
circulaire y estconstamment prédominante, tandis qu'à 
côté d'elles paraissent, en nombre relativement faible, 
de traits rectilignes, vallées, sillons ou traînées. En 
reconstituant l’histoire de notre satellite, MM. Læwy et 
Puiseux parviennent à donner une explication de cet 
état de choses particulier à la Lune. — M. Alexis de 


bisme moyen à la surface du globe se réduit à une 

formule simple : c’est celle que donnerait un aimant 
Situé au ceutre de la Terre dont l'axe coinciderait avec 
laxe de rotation du globe et dont la valeur H, serait 
…ésale à 0,328 dynes. Les valeurs observées s'accordent 
alors parfaitement avec les valeurs calculées. — 
: LecoqdeBoisbaudran établit que lescorps, comme 
le chlorhydrate d'ammoniaque, qui éprouvent une 
ilatation quand on les dissout dans l’eau à la tempé- 
…rature ordinaire, ne doivent pas être considérés comme 
“présentantune anomalie, mais doivent simplement être 
rangés à l'extrémité supérieure d'une série continue 
dont l'extrémité inférieure serait occupée par les sels 
“donnant les plus grandes contractions. Les change- 
“ments de volume accompagnant les dissolutions dépen- 
“lraient surtout : 1° de la dilatation qui résulterait de 
là fusion du sel sans décomposition et à la tempéra- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ture de l'expérience; 2° de la contraction provenant 
de la combinaison du sel avec le dissolvant, combinai- 
son de plus en plus avancée à mesure qu’on dilue da- 
vantage ou qu’on abaisse la température, — M. Pallas 
adresse un travail intitulé : Surpression dans les mines 
de houille. — M. P. Villard expose un ensemble d’ex- 
périences sur les effets de mirage et les différences 
de densité qu’on observe dans les tubes de Natterer. 
L'auteur conclut que tous les phénomènes observés 
s'expliquent facilement par les différences de tempéra- 
ture qui se manifestent au moment du passage de 
l’état liquide à l’état gazeux, sans recourir aux nom- 
breuses hypothèses faites à ce sujet. — M. R. Swynge- 
dauw déduit d'expériences faites sur les potentiels ex- 
plosifs statique et dynamique la conclusion suivante : 
Si les potentiels explosifs de deux excilateurs différents 
sont égaux dans la charge statique, ils restent égaux 
dans la charge dynamique. Ce résultat indépendant de 
la différence de forme des excitateurs rend probable le 
principe généralement admis que le potentiel explosif 
dynamique d’un excitateur est égal à son potentiel ex- 
plosif statique. L'auteur a reconnu que la lumière ultra- 
violette abaisse les potentiels explosifs dynamiques dans 
des proportions beaucoup plus grandes que les po- 
tentiels explosifs statiques. — M. E. Grimaux a 
étudié l’action du chlorure du zinc sur la résorcine 
seule; il se forme environ 1 °/, d’ombelliférone ou 
methoxycoumarine C?H60% qui présente une fluores- 
cence bleue dans les solutions aqueuses froides et 
surtout dans les solutions alcalines, et un autre com- 
posé C#H 1805 qui résulte de l'union de quatre molé- 
cules de résorcine avec élimination de trois molécules 
d’eau, mais ne paraît pas rendre naissance par perte 
d’eau aux dépens des groupes OH de la résorcine. 


.— MM. À. Haller et A. Guyot ont étudié la diphenyl: 


anthrone C#H$0, l’un des produits de la réaction du 
dichlorure d’orthophtalyle sur le benzène. La consti- 
tution de ce corps une fois établie, on doit attribuer au 
tétrachlorure de phtalyle, fondant à 889, le schéma sui- 
vant qui en fait une molécule dissymétrique : 
el 

\coci 


et qu'entin le dichlorure de phtalyle renferme du tétra- 
chlorure. — M. À. Duboin envoie deux mémoires por- 
lant pour titres : « Sur quelques méthodes de repro- 
duction des fluorures doubles et des silicates doubles 
formés par la potasse avec les bases », et : « Analyse 
de la leucite et dela néphéline purement potassique. » 
— M. A. de Gramont a reconnu que l’étincelle con- 
densée, jaillissant à la surface d'un composé salin 
quelconque, le dissocie en donnant un spectre de 
lignes ordinairement très vives où chaque corps, mé- 
tal ou métalloïde, est représenté par les raies carac- 
téristiques de son spectre individuel; les raies de Pair 
sont alors très affaiblies en présence des éléments vola- 
tilisés. Sans condensateur et avec la bobine seule, au 
contraire, on a dans le cas des sels, des spectres com- 
plexes caractéristiques de l’espèce chimique et dus 
vraisemblablement à la molécule non dissociée. Ils 
varient alors d’une combinaison à l’autre. — M. Arc- 
towski s’est efforcé de poursuivre les déterminations 
de solubilité dans le sulfure de carbone jusqu'à des 
températures très basses en opérant sur des matières 
organiques. La solubilité n’est pas nulle au point de 
congélation du dissolvant; en outre les lignes de solu- 
bilité des différents corps ne tendent pas vers un 
même point qui aurait pu correspondre à un abaisse- 


760 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ment du point de congélation. Le point de fusion du 
dissolvant n’est pas un point essentiel de la courbe de 
solubilité, car celle-ci doit se poursuivre bien au delàfde 
ce point, — M. A. Besson a constaté que l'oxygène 
sec et pur agissant en présence du soleil sur C°Cli 
donne les mêmes produits que l'oxygène ozonisé, c’est- 
à dire le chlorurede trichloracétyle CCICOCI et comme 
produit accessoire COCP. Le trichlorure, le tribromure 
et les iodures de phosphore, absorbent aussi peu à peu 
l'oxygène en présence de la lumière solaire. — 
M. V. Thomas a étudié l’action de l’oxyde nitrique sur 
quelques chlorures métalliques. Le chlorure ferreux 
donne un corps rouge 5Fe?Cl'.Az0 et un corps jaune 
brun Fe?Cl*.A70 ; les chlorures de bismuth et d'anti- 
moine fournissent des composés jaunes BiCIAz0 et 
Al2CI6Az0. — M. A. Brochet a examiné l’action des 
halogènes surl’alcool méthylique pur. Le chlore donne 
naissance à l’oxyde de méthyle dichloré symétrique, 
à de l’oxyde de carbone et de l'acide carbonique; l’ac- 
tion du brome est négligeable ; l’iode transforme rapi- 
dement de grandes quantités d'alcool méthylique en 
oxyde de méthyle. — M.Georges Darzens expose une 
nouvelle théorie des perceptions lumineuses en ac- 
.cord avec les récents progrès de l'optique et dela phy- 
siologie, Un rayon lumineux, après avoir traversé les 
différentes couches de la rétine, atteint normalement 
la couche pigmentaire de cette membrane; là il se ré- 
fléchit et vient interférer avec le rayon incident. Il doit 
yavoir en avant de la couche pigmentaire un système 


à à : » 
d'ondes stationnaires dislantes de = comme dans les 


expériences de Wiener et Lippmann. Les faits ne 


contredisent pas cette théorie. C. MATIGNON. 
30 SCIENCES NATURELLES. — M. Chauveau interprète 


les résultats fournis par la comparaison de l’énergie 
mise en œuvre par les muscles dans les cas de travail 
positif et detravail négatif correspondant. On est forcé 
d'admettre que le travail négatif réclame l’emploi de 
moins d'énergie que le travail positif, parce que l'effort 
musculaire qu'exige celui-ci est plus considérable. — 
M. Kowalewsky signale une nouvelle glande lympha- 
tique chez le scorpion d'Europe. Elle forme deux 
troncs symétriques situés entre la glande lymphatique 
de Blanchard et les conduits des glandes génitales. 
Cette nouvelle glande a despropriétés phagocytaires et 
avait été prise par Muller en 1828 pour une glande 
salivaire, — M. d'Hubert signale la présence et le rôle 
de l’amidon dans le sac embryonnaire des Cactées et 
des Mésembryanthémées, L’amidon joue un rôle capital 
de nutrition etconserve au sac embryonnaire l'état 
qui caractérise le sac mür et apte à être fécondé. — 
M. L. Bertrand poursuit ses recherches sur Ha tecto- 
nique de la partienord-ouest du département des Alpes- 
Maritimes. — MM. L. Roule et J. Regnault décrivent 
un maxillaire inférieur humain trouvé dans une grotte 
des Pyrénées. — M. Thézard adresse une note relative 
à la fertilisation du sol dans les promenades et plan- 
tations de Paris, — M. Diard adresse une note relative 
à la conservation des viandes. J. MARTIN. 
Séance du 15 Juillet 1895. 

Sir William Flower est élu Correspondant pour la 
Section d'Anatomie et Zoologie en remplacement de 
M. van Beneden, — M. Sabatier est élu Correspon- 
dant pour la Section d’Anatomie et Zoologie en rempla- 
cement de M. Dana, — M. Ramsay est élu Correspon- 
dant en remplacement de M. Frankland pour la Section 
de Chimie. — M. Darboux dépose sur le bureau le 
discours prononcé par M. J. Bosscha à la célébration 
du deux centième anniversaire de la mort d'Huygens. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P.-E. Touche déduit 
de l’équation d’une trajectoire fluide celle de la courbe 
orthogonale aux trajectoires, dans le cas d’un fluide 
symétrique autour d’un axe, et n'ayant pas de rotation 
autour de cet axe, à supposer que le mouvement soit 
permanent, la densité constante, et que l’on néglige 
les forces extérieures, — M. Fr. Lesska adresse une 


note écrite en langue allemande sur diverses questions. 
de calcul intégral. 4 
2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. d’Arsonval a effectué 
des recherches sur la décharge électrique de la tor-" 
pille, La contraction musculaire et la décharge de For-. 
sane électrique s’éclairent l’un par l’autre et semblent 
reconnaitre la même cause. La décharge de lPorgane , 
électrique n’est que l’exagération de l’oscillation élec-. 
trique constatée dans le muscle lors de sa contraction. 
La décharge n’est pas continue ; elle se compose de. 
six à dix décharges successives qui s’additionnent au. 


a . 5 : | . à 
début en se suivant à environ x de seconde. [’inten- 


sité atteintson maximum, en général, après la troisième 
décharge partielle et va ensuite en diminuant graduel- » 


| 


lement jusqu’à zéro. Le courant va loujours dans le. 
mème sens, de facon que le dos de l'animal est tou-. 


Jours positif, et le ventre toujours négatif. — M. Marey, 


à propos de la note précédente, fait remarquer qu'il. 


est possible d'espérer que là production d'énergie 


mécanique et celle d'énergie électrique s’éclaireront . 


l'une par l’autre, car il semble y avoir identité de phase 
dans les deux phénomènes. — M. Duez donne une 
démonstration simple des formules qui élablissent 
l'anologie entre les moteurs à courant continu et les 
moteurs à courants polyphasés. L'expression du 
couple moteur est égale à W— N,I,® dans les deux 
cas, tandis qu'on peut écrire par les moteurs à courants 
polyphasés : Nw,® —LR, + N,w,b. Tout se passe donc 
comme si l’on avait affaire à un moteur à courant con- 


tüinu, dont la différence de potentiel aux bornes serait | 


N,w,P!, Cette dernière forme est absolument analogue 
à celle employée par les courants continus. — MM. Li- 
veing et Dewar ont recherché si les bandes diffuses 
d'absorption se développent aussi bien quand la den- 
sité de l'oxygène est produite par labaissement de 
température sous la pression atmosphérique, que quand 
le gaz est comprimé à des températures plus élevées. 
L’intensité des bandes est beaucoup plus développée 
par 0,4% d'oxygène liquide que par une épaisseur 
cinq fois plus grande d'air liquide; la loi de Jamsen 
parait s'appliquer encore dans le cas de l'oxygène li- 
quide, — M. H. Rigollot a étudié l’action des rayons 
infra-rouges sur le sulfure d'argent et recherché si la 


sensibilité du sulfure aux radialions était une action : 


thermoélectrique ou tenait à toute autre cause, Deux 
lames d'argent sulfuré plongeant dans une solution 
saline forment un actinomètre électrochimique quand 
on éclaire par les radiations infra-rouges l’une des 


. lames; la lame éclairée est toujours négative par rap- 


port à l’autre, quelle que soit la solution employée. 
Ces phénomènes paraissent manifestement distinets 
des phénomènes thermoélectriques. — M. Adolphe 
Carnot donne la description d’un gisement de phos- 
phates d’alumine et de potasse trouvé en Algérie, el 
l'analyse des produits qu'on y rencontre. L'étude 
chimique de ces produits, leurs dispositions relatives, 
permettent d'établir une assez grande analogie entre 
le gisement oranais et celui découvert par MM. Armand 
et Gaston Gautier, el paraissent de nature à apporter 
une confirmation à la théorie de M, Gautier. Il suftit 
d'admettre l'existence d'infiltration d'eaux qui au- 
raient amené les produits de la décomposition des 
matières organiques et de la dissolution des matières 
minérales de la surface pour expliquer tous les faits 


évidence la laccase, l’action oxydante qu'elle exerce 
sur le laccol, l’hydroquinone, le pyrogallol et la colo- 
ration bleue qu’elle donne à la résine de gayac. L’au- 
teur à pu reconnaitre, soit en isolant la laccase, soit 
par les réactions colorées, que cette diatase est si 
répandue qu'elle existe vraisemblablement chez tous 
les végétaux; toutefois, ce sont, en général, les organes 
en voie de développement rapide qui sont les seuls 
riches en laccase, — MM. Barbier et Bouveault ont 
soumis à un examen chimique très complet une quan- 
tité importante d'essence de sinalose; ils y ontreconnu 


| 


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observés. — M. G. Bertrand à utilisé, pour mettre . 


90 pour 100 de licaréol, 2 pour 100 de licarhodol, de 
. petites quantités de terpènes diatomique et tétrato- 
. mique, et des traces de méthylhepténone. Une faible 
“ partie du licaréol existe dans le mélange à l’état 
d'éther acétique, une trace à l’état d’éther d’acides su- 
* périeurs, C. MATIGNON. 

39 SCIENCES NATURELLES. — M. P. Teissier a constaté, 
- chez un homme atteint de fièvres intermittentes à la 
suite d’un séjour à la Guyane, la présence de nombreux 
émbryons de vers trématodes dans le sang et celle d'an- 
guillules stercorales dans les matières fécales. Il est 
. probable que la fièvre a été déterminée par la présence 
de ces embryons dans le sang. — M. J. Chatin a ob- 
-servé dans la sclérotique du Gecko une forme nette de 
passage entre le tissu cartilagineux et le tissu osseux. 
— MM. L. Boutan et E. Racovitza ont pratiqué à 
Banyuls-sur-Mer des pêches pélagiques à différentes 
profondeurs. Ils établissent l’existence de deux formes 
de Plankton : un Plankton côtier et un Plankton de 
haute mer. — A ce propos, M. de Lacaze-Duthiers 
rappelle les observations déjà faites au Laboratoire de 
Banyuls-sur-Mer et les importants résultats qui y ont 
_été obtenus. — MM. G. Poirault et M. Raciborski ont 
trouvé que la karyokinèse des Urédinés est typique- 
ment celle des plantes supérieures. J, MARTIN, 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 16 Juillet 1895. 


M. Azam (de Bordeaux) est élu Associé national. — 
MM. Bergeron et Laborde apportent de nouvelles 
contributions à la question de la prophylaxie de l’alcoo- 
lisme. -— M. Ch. Abadie cite un cas de désorganisa- 
tion du corps vitré, ayant produit la cécité pendant 
dix-huit mois; on pratiqua une ponction du corps vitré 
avec électrolyse et la vision fut rétablie. — M. le D' 
Mourier (de Tours) lit un mémoire sur quatre cas 

- d’actinomycose. 


Séance du 23 Juillet 1595. 


L'Académie procède à l'élection de deux Correspon- 
dants étrangers dans la première division (médecine). 
MM. Perroncito (de Turin) et Adamkiewiez (de 
Vienne) sont élus. — M. Worms, dans ses études cli- 
niques sur le diabète, est arrivé aux conclusions sui- 
vantes : 1° Le diabète à évolution lente est très com- 
mun. Il existe 10 % de diabétiques de cette -catégorie 
dans le milieu social intellectuel, 2° Les formes graves 
et organiques sont rares chez les adultes qui se soignent 
à temps. 3° Le traitement réussit mieux chez les diabé- 
tiques qui ne sont pas inquiets sur leur état; toute 
préoccupation aggrave leur situation. — MM. Lalesque 
et Rivière ont trouvé que des mesures de nettoyage 
et de désinfection bien comprises (désinfection des 
tissus à l’éluve et lavage des meubles et parois à l’eau 
bouillante et à la solution de sublimé), pratiquées dans 
des locaux occupés par des phtisiques pulmonaires, 
sont parfaitement efficaces et suffisent à prévenir la 
contagion de la tuberculose par inhalation des pous- 
sières. — M. Magnan, par une magistrale étude des 
asiles d’alcooliques à l'Etranger, montre la nécessité de 
créer en France des établissements similaires spéciaux, 
seuls capables d’amender et de guérir les victimes de 
Palcoo!l. — M. Laborde termine son étude sur l’action 
dangereuse qu'exercentles impuretés contenues dans les 
alcools livrés à la consommation. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 13 Juillet 1895. 


M. Charrin a établi l’action différente des toxines 
sur l'organisme suivant la voie de pénétration. L’intro- 
duction directe dans la circulation a une action beau- 
coup plus toxique que l'introduction par la voiediges- 
tive. — M. Trouillet expose ses recherches sur la 

grippe el le micro-crganisme de cette affertion, — 
M. Luys décrit un faisceau de fibres cérébrales des- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 761 


cendantes, allant se perdre dans les corps olivaires.— 
MM. Bourquelot et Gley ont trouvé que la transfor- 
mation du tréhalose en glucose a lieu dans la partie 
moyenne de l'intestin gréle, mais seulement quand 
l'animal est en pleine digestion. — M. Debierre envoie 
une note sur l'innervation des muscles de la face. — 
M. Guinard a mesuré la pression artérielle chez les 
animaux morphinisés. 


Séance du 20 Juillet 1895. 


M. Luys donne quelques renseignements sur la mé- 
thode du clivage et du moulage appliquée à l’étude du 
système nerveux. — M. Rénon a essayé d’immuniser 
les animaux contre l'affection tuberculeuse due à lAs- 
pergillus fumigatus par l'injection de toxines, sérums et 
spores plus ou moins modifiées; mais les résultats ont 
été presque tous néygalifs. — M. Contejean commu- 
nique ses recherches sur les phénomènes qui se pro- 
duisent dans un muscle privé, par section, de ses nerfs 
sensitifs. — MM. Lévi et Hanot ont appliqué la mé- 
thode de Golgi-Cajal à l’étude du foie de l'homme. — 
MM. Bourquelot et Bertrand ont constalé, dans beau- 
coupdechampisnons, la présence d’un ferment oxydant 
qui produirait le changement de couleur qu’on observe 
quand on les coupe. — M. Guinard envoie une note 
sur les modifications de la vitesse du courant sanguin 
chez les animaux morphinisés. — M. Féré commu- 
nique ses recherches sur la dissociation du mouvement 
des doigts. 


SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE 
Séance du %1 Juin 1895. 


Les cristaux dichroïques, tels que la tourmaline, ab- 
sorbent inégalement les deux rayons, ordinaire et 
extraordinaire, quise propagent avec des vitesses difié- 
rentes. Dans les corps doués du pouvoir rotatoire, on 
considère de même, depuis Fresnel, deux rayons cir- 
culaires, droit et gauche, doués de vitesses différentes. 
M. Cotton s’est demandé s'il n’y aurait pas de corps 
colorés actifs absorbant inégalement ces deux rayons 
circulaires. Il a effectivement trouvé, parmi les tartrates 
doubles sur lesquels on ne possédait encore aucun 
nombre, des dissolutions possédant cette propriété. Tel 
est le tartrate double de cuivre et de potassium, qui 
absorbe le jaune du spectre. On produit un champ di- 
visé en deux régions polarisées circulairement en sens 
contraire, eton interpose la dissolution, En lumière 
monochromatique, on voit une différence d'intensité 
entre les deux plages; en lumière blanche, une diffé- 
rence de coloration. Cette différence est bien due à une 
absorption, car, en interposant unelame demi-onde, qui 
intervertit le sens de la polarisation circulaire, les in- 
tensitéset les colorations s’intervertissent aussi. Si on 
découvrait une substance possédant cette propriété à 
un haut degré, elle pourrait servir à former un polari- 
seur circulaire ne laissant passer que l’une des deux 
vibrations. L'inégalité d'absorption des deux rayons à 
été mesurée en faisant traverser le liquide par de la 
lumière polarisée rectilignement. Les deux rayons, iné- 
galement absorbés, donnent lieu à deux vibrations cir- 
culaires avec des inteusités inégales qui, par leur in- 
terférence donnent une vipration elliptique. Il suffit 
alors d’avoir à sa disposition un procédé assez sensible 
pour mettre en évidence desellipses très allongées. L’au- 
teur peut déceler des ellipses dont le rapport desaxes 
west que de 10‘. L'auteur a recoursauxfranges de Fizeau 
et Foucault, mais il ne pouvaitemployerici le procédé de 
M. Macé de Lépinay. On obtient plus de sensibilité en 
prenant une lame de quartz divisée en deux parties 
dont les axes sont à angle droit. Les deux parties de la 
frange se déplacent alors en sens contraire. On peut 
alors élargir la fente du spectroscope. Il y a avantage, 
au point de vue de la sensibilité du déplacement, à 
prendre des lames très minces de facon à n'avoir dans 
le champ qu'une ou deux franges. Cette méthode per- 
met encore, en se servant d'un quart d'onde, de mesurer 


Ebilhiit 


762 


le pouvoir rotatoire. On mesure donc à la fois l’ellipti- 
cité, c’est-à-dire l'inégalité d'absorption, et le pouvoir 
rotatoire. Enfin, M. Cotton a constaté un fait général 
pour tous les corps inégalement absorbants. Tous pré- 
sentent une dispersion rotatoire anomale. En terminant 
l'auteur projette des photographies de franges de Fizeau 
et Foucault coupées en deux et très nettes. — M. Cornu 
insiste sur le grand intérêt de ces expériences. Lui- 
même a déjà montré, il y a quelques années, la réalité 
de la décomposition de Fresnel en deux vibrations cir- 
culaires, Les expériences deM. Cotton le montrent d’une 
facon plus évidente encore, et fournissent une démons- 
tration décisive. — M. B. Brunhes a poursuivi ses re- 
cherches sur la réflexion interne dans les cristaux en 
les étendant au cas des corps doués du pouvoir rota- 
toire. IL rappelle un de ses résultats antérieurs, Etant 
donné un premier rayon incident qui donne par ré- 
flexion deux rayons réfléchis, on sait qu'il existe un 
second rayon incident, appelé le conjugué du premier, 
qui donne les deux mêmes rayons réfléchis. Dans le 
cas de la réflexion partielle, il ne s’introduit pas de 
différence de phase éntre les deux rayons réfléchis. 
Mais, dans le cas de la réflexion totale ou métallique, il 
yaune différence de phase variable. Entre les deux 
rayons incidents, la différence de phase est la même 
qu'entre les deux rayons réfléchis. M, Brunhes a étudié 
ce phénomène dans le cas des corps doués à la fois de 
la double réfraction et du pouvoir rotatoire. Il a d’abord 
apporté un perfectionnement à son prisme à liquide en 
donnant un léger mouvement à la lame cristalline à 
l'intérieur de laquelle se produit la réflexion. Il peut 
ainsi amener la section principale exactement dans le 
plan d’incidence. Il compare la réflexion sur l'alcool, 
qui est partielle, et la réflexion sur l'air, qui est totale, 
et par suite donne lieu à une différence de phase, Les 
deux conjugués, dans le casd’un milieu biréfringent et 
actif, ne seront plus deux rayons rectilignes polarisés 
sensiblement à angle droit : ce seront deux elliptiques 
transmettant des vibrationsconjuguées. Dans le cas des 
rayons propagés suivant l'axe du quartz, ce seront deux 
circulaires, l’un droit, l’autre gauche. Dans les deux 
cas de lPalcoolet de l’air, c’est-à-dire même dans le cas 
de la réflexion totale, la différence de phase ne varie 
pas quand on passe d’un rayon incident au rayon con- 
jugué. M. Brunhes en a obtenu une vérification plus 
précise dans le cas du quartz au moyen du spectre can- 
nelé. Ce spectre était fourni par un faisceau incident 
dirigé suivant l'axe, Les deux incidents conjugués sont 
alors les deux rayons circulaires droit et gauche. Les 
bandes ne se déplacent pas dans le spectre quand on 
passe du circulaire droit au circulaire gauche. , Pour 
plus de précision, l’auteur opérait avec une seule 
bande dans toute l'étendue duspectre. M, Brunhes avait 
déjà démontré cette propriété générale dans le cas des 
cristaux biréfringents en se servant de la formule de 
Mac-Cullagh sous la forme que lui a donnée M, Potier. 
On peut encore la démontrer approximativement dans 
le cas général en s'appuyant sur ce que la réflexion 
totale ne polarise pas la lumière, — M. Bouty présente 
à la Société quelques expériences nouvelles relatives 
aux curieuses propriétés des flammes sensibles. Ces 
flammes se produisent toujours quand le gaz a une 
pression de 6 à 7°" d’eau et s'échappe par une ouver- 
ture circulaire de 4 à 2%. On sait que ces flammes, 
longues de 40 à 50%, ont la propriété de s’agiter, de 
se former en panache à la partie supérieure sous l’in- 
fluence d’un bruit aigu, un sifflement, un bruit declefs, 
produit même à une grande distance. On peut remar- 
quer que, dans cette nouvelle forme, le débit ne change 
pas, etla partie inférieure sur une hauteur de 5°" reste 
parfaitement tranquille. M. Bouty signale des moyens 
variés de provoquer le panache. On peut augmenter la 
pression, disposer un ajutage, insuffler de petites quan- 
tités d’air dans la base de la flamme, comme dansla lampe 
d'émailleur. Inversementune flamme sensible excitée par 
un procédé quelconque peut servir de lampe d’émailleur. 
Isuffitpar exemple de siffler, La flamme estpeu sensible 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


“des tubes à ampoules qui donnent une flamme en pa- 


aux sons graves, La forme et les dimensions du tube 
abducteur sont sans importance. Puis la flamme ré- 
pond aussi bien à un son quand on en supprime la, 
partie supérieure par une loile métallique. Quel que soit 
le mode d'excitation, on peut constater au miroir tour- 
nant que la partie supérieure est discontinue, On peut, 
par un tube, aller puiser du gaz dans la région centrale 
de la flamme, et allumer ainsi à distance une autre” 
petite flamme. Lorsque la prise a lieu à la partie infé- 
rieure, la petite flamme reste tranquille, mais il n’en 
est plus de même à mesure qu'on élève la prise. Après 
cet examen des principales propriétés d'une flamme 
sensible, M. Bouty s’est demandé si elle ne constitue 
pas un résonateur. Elle ne peut être assimilée à un ré- 
sonateur déterminé, car un résonateur nerépond que 
pour certains sons particuliers et non pour les sons 
voisins, La comparaison avec les flammes alimentées 
par un tuyau à anche confirme cette opinion. Deux 
flammes, de dimensions très différentes, montées sur le 
mème tuyau, répondent également bien. M. Bouty a pu 
réaliser d’autres flammes qui constituent réellement 
des résonateurs. Elles sont données par des tubes à am- 
poules ou des tubes recourbés un certain nombre de fois. 
On percoit plus nettement le son rendu par la flamme en 
y introduisant une toile métallique. La base de la flamme 
vers le milieu de l’espaceobseur présente un ventre de 
vibration, mais près de l’orifice on ne rencontre rien. Cer- 
tains tubes rendent plusieurs harmoniques; on semble 
reconnaitre dans la flamme plusieurs concamérations, 
mais les phénomènes sontcompliqués. Il y a, en par- 
ticulier, la température qui augmente la vitesse du son. 
Certains jets de gaznon allumés chantent d’eux-mèmes. 
Comme interprélation, au moins provisoire, M. Bouty 
admet que c’est la combustion qui joue un rôle prédo- . 
minant. Dans une grande flamme, il peut y avoir des 
parcelles de mélange inflammable qui échappent d’abord 
à la combustion, et nes’enflamment que plus haut, Puis 
un mélange explosif, qui présente un retard à l’inflam- 
mation, ne s’enflamme-t-ilpas plus facilement si on lui 
donne le son correspondant àson bruitexplosif? Avec ces 
deux hypothèses, toutesles circonstances observées peu- 
vents’expliquer. Le faitquelesflammessonttoujours sen- 
sibles au-dessus d’une note déterminée s'explique par 
l'observation suivante : des volumes décroissants d’un 
même mélange détonant font explosion en rendant 
un bruit de plus en plus aigu. Dans une flamme, il doit 
y avoir constamment des détonations prêtes de tautes 
les dimensions, et une flamme doit probablement 
rendre le son avec lequel on l’excite, et en outre beau-. 
coup d’autres sont plus élevés. Cette explication ingé-. 
nieuse soulève cependant quelques objections. Il y a 


nache pourdes sons très aigus particuliers. Cette expé- 
rience est importante : il doit y avoir la superposition 
de deux phénomènes. D’autres causes agissent sans. 
doute; cependant l'hypothèse d’une ceinture de petits 
détonateurs doit jouer un rôle prépondérant.— Les re-. 
cherches de M. Moissan sur la préparation de Pacéty-. 
lène par le carbure de calcium ayant ramené l'attention. 
sur ce gaz, M. Violle.a fait des mesures photomé- 
triques sur la flamme de l’acétylène. Elle parait sus: 
ceptible de fournir un étalon photométrique pratique, 
Avec un brûleur convenable on obtientune flamme très, 
blanche, d’une grande fixité, et présentant üne région. 
étendue d’un éclat uniforme, en tout comparable à 
l’étalon absolu et très propre aux mesures usuelles. 

:  Edgard Haunié. | 


SOCIÉTÉ PHILOMATHIQUE DE PARIS 
Séance du 13 Juillet 1895. ; 


M. Bioche : Représentation sur le plan de la surface 
du troisièmeordre à # points doubles, d'après une défi- 
nition géométrique de la surface. — M. Bouvier fait une 
communication sur les Lithodinés des genres Derma= 
turie et Hapalogaster et montrent que chacun de ces, 
genres correspond à un mode d'adaptation différent. … 


GONE 
NAT te 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


àr i 
SNL SCIENCES NATURELLES 


» R. Fraser, M. D. F.R. S.; Professeur de Ma- 
tière médicale à Université d Edimbourg, et Joseph 
Millie, M. D. F. R. E., Chargé d'un cours de Phar- 
mia ologie expérimentale à l'Université & Edimbourg. 
L'Acokanthera Schimperi, histoire naturelle, cs 
mie et pharmacologie — Les auteurs ont réussi à 
ablir que le poison de flèche dont se servent les Wa- 
Nyika et autres tribus de l'Afrique orientale provient 
du bois de l’Acokanthera Schimperi. Ce poison de 
flèche contient un glucoside cristallisé actif qui est 
identique au principe actif que les auteurs ont direc- 
nent extrait du bois de l’Acokanthera Schimperi. 1 
stallise dans l’eau en forme de tablettes quadrangu- 
ires, incolores et transparentes, et dans l'alcool en 
iguilles minces et incolores qui se groupent d’ordi- 
naire en touffes et en rosettes. A la température de 
43 à 15° C., il est soluble dans la proportion de 0,33 °/o 
dans l’eau distillée, et de 2,4 °/, dans l'alcool dilué. 
Aux températures plus eee il se dissout en beau- 
oup plus larges proportions dans l’eau et dans l'alcool. 
É est entièrement insoluble dans l’éther éthylique et 
“dans le chloroforme. Une solution saturée dans l’eau 
Hroide est insipide et de réaction neutre, L’acide sul- 
furique fort produit une coloration rouge, et ensuite 
une coloration verte. Le point de fusion est à environ 
300 C. Traité par l’acide sulfurique dilué, il donne la 
réaction d'un glucoside. Des combustions concordantes 
faites pour les auteurs par le D' Dobbin, du Laboratoire 
de l'Université, montrent que, séché à 1000 C., il con- 
tient C. 58,46 GER H, 7,71°4; ce qui correspond à la 
- formule C# HS O1. Les auteurs résument les re- 
cherches faites sur des glucosides provenant d’autres 
espèces d’Acokanthera en 1882 par MM. Rochebraune et 
Arnaud, en 1888 par M. Arnaud, en 1893 par Lewin et 
“par Merek. Le principe désigné sous le nom de Oua- 
…_paine et isolé par Arnaud présente des caractères très 
semblables à celui du glucoside cristallisé préparé par 
es auteurs. Les auteurs proposent de substituer au 
nom de Ouabaïne celui d’Acokantherine ; ils résument 
les plus importantes observations générales faites par 
les divers physiologistes qui ont étudié l’action phar- 
macologique de ces poisons de flèche dont l’origine 
botanique n'était point alors déterminée. Les travaux 
d’Arnottet Haines en 1853, Ringer (1880), Rochebraune 
et Arnaud (1881), Laborde (1887). Langlois et Varigny, 
ley et Rondeau, Gley (1888), Seiler (1891), Pasch= 
_kis (1892) et Lewin sont passés en revue. Le groupe 
des poisons de flèche qui doit son activité à des ex- 
traits de plantes du genre Acokanthera possède une 
action identique à celle du Strophantus, mais quelques- 
uns des auteurs cités signalent une action plus intense 
sur les centres cardio- respiratoires du bulbe et d’autres 
une action plus intense exercée directement surlecœur, 
L'étude pharmacologique minutieuse de l’acokanthé- 
ine n'a pas permis d'établir de différence importante 
entre son action et celle de la strophantine. De petites 
doses soigneusement réglées déterminent un grand ra- 
lentissement du cœur, même lorsque le pneumo-gas- 
ique est coupé ou quand l'animal est atropinisé : 1er 
es mouvements diastoliques et systoliques du cœur 
“peuvent subir un grand accroissement sans que la 
pression sanguine moyenne subisse aucun changement. 
Toute élévation de pression qui suit l'administration 
de ces doses faibles s'accompagne d’un si grand ralen- 
lissement et d’une telle augmentation d'intensité des 
pulsations, que l’on ne peut” guère songer à une cons- 
friction des vaisseaux. Aussi l'élévation de la pression 
sanguine doit-elle être attribuée à l'accroissement de 
Vamplitude et de l'énergie des mouvements du cœur et à 
Ja plus grande quantité de sang chassée dans les ar- 
tères, Les hautes doses produisent une élévation de la 
pression sanguine qui est due probablement à une 
action exercée sur les centres vaso-moteurs ou les 
anglions périphériques et non sur les museles des 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


vaissaux, L'action prédominante de l'acokanthérine 
s'exerce sur les muscles striés, et en raison de cette 
action, et peut-être d’une action sur les ganglions 
propres du cœur, cette substance a surtout un effet 
énergique sur le cœur, tandis que l'influence qu’elle 
exerce sur les centres cardio- -respiratoires du bulbe 
est relativement faible. 


Fr. WW. Mott et C. S. Sherrington, F.R.S. — 
Expériences sur l'influence des nerfs sensitifs sur 
le mouvement et la nutrition des membres. — Dans 
une série d'expériences faites sur les singes et en par- 
ticulier sur le Macacus Rhesus, les auteurs ont étudié 
l’action de la section de toutes les-racines sensitives 
qui innervent un membre sur les mouvements et la 
nutrition de ce membre. Les expériences ont porté sur 
le membre supérieur et les membres inférieurs, mais 
les résultats ont été plus nets dans ce second cas. — 
I. Effets sur le mouvement. — Par toute la série des 
racines sensitives qui appartiennent à un membre, les 
auteurs entendent, pour la région brachiale, là série des 
racines qui vont de la quatrième cervicale à la qua- 
trième thoracique inclusivement ; pour la région lom- 
baire, celles qui vont de la seconde à la dixième post- 
thoracique. Dès que la section a été effectuée, et aussi 
longtemps que dans la vie de l'animal, les mouvements 
de la main et du pied sont abolis, ceux du coude et du 
genou, de l’épaule et de la hanche sont beaucoup 
moins troublés. Le membre antérieur est à demi 
fléchi au coude, le membre postérieur fléchit à la 
hanche et au genou. L'animal ne peut se servir du 
membre dont la sensibilité est abolie, ni pour courir, 
ni pour grimper, ni pour saisir sa nourriture. Quand 
les animaux survivent plusieurs mois, il peut se pro- 
duire des rétractions fibro-musculaires qui s'opposent 
à l'extension du membre. Cette impotence motrice qui 
croit régulièrement de la racine du membre à son ex- 
trémité libre, ressemble beaucoup aux troubles de la 
motilité que détermine l’ablation du territoire cortical 
qui préside aux mouvements du membre; mais chezle 
singe, la paralysie est dans le premier cas plus com- 
plète encore. Les auteurs ont pu constater cependant 
que des mouvements rapides et assez forts, de la main 
même et du pied, peuvent être accomplis par l’animal 
avec le membre dont la sensibilité est abolie, si on peut 
l’amener à «lutter», à se débattre. Cependant, même 
en ce cas, les mouvements de flexion des doigts sont 
rares. Les mouvements d'ensemble du membre (Mitbewe- 
gungen) sont donc beaucoup moins lésés que les mou- 
vements indépendants et plus délicatement ajustés, qui 
mettent en usage les masses musculaires plus petites 
et plus individualisées de la main et du pied. L’inter- 
prétation donnée par les auteurs de ces phénomènes, 
c’est que les volitions qui se rapportent aux mouve- 
ments du membre ont été rendues impossibles à l’ani- 
mal par la perte localisée de toutes les formes de sen- 
sibilité. La section de toutes les racines sensitives qui 
innervent un membre ne diminue pas et semble au 
contraire accroître légèrement l’excitabilité du terri- 
toire cortical correspondant. Cette excitabilité a été 
éprouvée à la fois par les excitations électriques et par 
les injections intra-veineuses d’absinthe destinées à 
produire l’épilepsie. Ces observations montrent la pro- 
fonde différence qui existe entre la production des 
mouvements les plus délicats des membres sous l’ac- 
tion dans un cas de l’influx volontaire et dans l’autre 
de l’excitation expérimentale de l’écorce. Les expé- 
riences des auteurs semblent établir que non seule- 
ment l'écorce, mais tout le tractus sensitif depuis 
la périphérie jusqu'à l'écorce cérébrale est en acti- 
vité lors du mouvement volontaire. — Effet de la 
section d'une seule racine sensitive. — Lorsqu'on sec- 
tionne une seule des racines sensitives qui inner- 
vent un membre, les mouvements ne semblent en 
être en aucune manière froublés. Ce fait tient sans 
doute au chevauchement des aires d’innervation cuta- 
née les unes sur les autres, mais même lorsque la sec- 


164 
À 


tion d'une racine, celle par exemple des septième, hui- 
tième ou neuvième post-thoraciques, ou de la septième 
et huitième cervicales, ou de la première et deuxième 
thoraciques, détermine l'apparition de zones d’anesthé- 
sie complète, les troubles moteurs du membre demeu- 
rent comparativement faibles. Si cependant les racines 
sectionnées sont celles qui innervent l'extrémité du 
membre, c’est-à-dire la main ou le pied, les troubles du 
mouvement sont presque aussi grands que lorsque 
toutes les racines sont sectionnées, En revanche, si 
ces racines demeurent seules intactes, les mouvements 
s’accomplissent presque comme si elles avaient toutes 
conservé leur intégrité. On peut se demander quelle 
part incombe au sens musculaire dans les résultats 
observés, Les fibres nerveuses afférentes provenant des 
muscles passent, dans tous les cas où on les a étudiées, 
par les racines sensilives qui correspondent aux racines 
motrices innervant le muscle. Il est done possible, pour 
le pied et la main, de sectionner les racines sensitives 
qui innervent les muscles en laissant relativement 
intactes les fibres sensitives qui viennent de la peau, 
des articulations, ete. — I. Effets sur la nutrition. — 
Aucun trouble trophique de la peau ne résulte de la 
seclion des racines sensilives; les muscles subissent 
un certain degré d’atrophie, mais ne changent pas de 
couleur etcontinuent à répondre aisément à l'excitation 
des nerfs moteurs. Après la mort. les contractions mus- 
culaires produites par l'excitation des nerfs moteurs 
persistent plus longtemps én certain cas que du côté 
sain ; la rigidité cadavérique met aussi plus de temps 
à apparaître. 


E. Frankland, F., R.S. — Sur les conditions 
qui agissent sur la vie des Bactéries dans les 
eaux de la Tamise. — Des observations, systéma- 


tiquement poursuivies depuis mai 14892, ont permis 
à M. Frankland d'établir que le nombre des microbes, 
dans les eaux de la Tamise, dépend du débit du fleuve 
en un temps donné ou, en d’autres termes, de la quan- 
tité de pluie, et très secondairement, si même elle 
en dépend du tout, des variälions de la température 
et de l’insolation. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 6 Juin 1895. 


MM. J. H, Gladstone F. R. S. et Walter Hib- 
bert ont repris l'étude de Ja réfraction molécu- 


laire des sels et des acides en solution aqueuse. Voici 


leurs conclusions : lorsqu'un sel ou un acide sont dis- 
sous dans l’eau, la loi dela permanence de l'énergie 
de réfraction spécifique doit être considérée comme 
exacte; mais, dans beaucoup de cas, plusieurs causes 
apportent quelques dérogations à cette loi, Ces écarts 
se présentent surtout au moment où le composé solide 
ou liquide commence à se dissoudre. Dans beaucoup 
de cas, il se produit un changement dans le pourvoir de 
réfraction, changement qui s’accentue jusqu'à un cer- 
tain point, à mesure qu’on augmente le degré de dilu- 
tion. Les causes de ces changements, dansle pouvoir de 
réfraction, ne sont pas encore connues ; toutefois il est 
probable que, sous l'influence de l’eau, il se produit 
“raduellement une modification dans l’arrangement 
des atomes ou molécules qui constituent le sel ou 
l'acide. IL doit de plus y avoir une relation entre la 
grandeur de l'énergie spécifique de réfraction des sels 
eux-mêmes, — M. S. U. Pickering F.R. S. publie les 
travaux comparatifs qu'il a faits sur les propriétés phy- 
siques de l'acide acétique et de ses dérivés chlorés et 
bromés. Ses recherches portent principalement sur le 
point d'ébullition de ces corps en solution dans l’eau 
et sur leur chaleur de fusion et de solidification. — 
M.F.D. Chattaway a obtenule 88 dinaphtyle en faisant 
réagir le sodium sur le 8 chloronaphtalène en solution 
dans du xylène bouillant en présence d'une petite 
quantité d’acétate d’éthyle, On peut préparer également 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ce corps par l’action de la poudre de zinc sur le sul 
fate de B diazonaphtaline en solution dans l'alcool, 
En dissolvant ce corps dans l'acide acétique glacial 
puisl’oxydant au moyen del’acide chromique, l’auteur à 
pu préparer deux quinones.La première de cesquinones 
est la 6 naphtylnaphtoquinone; elle peut être repré:- 
sentée par la formule suivante : é 


do du 


La deuxième quinone, qui s'obtient par l’action pro» 
longée de l'acide chromique sur le 6 8 dinaphtyle, est 
la 8 6 di-x-naphtoquinone ; elle a pour formule : 


O0 0 0 l 

(00 0 ee 

Ne OH HO 

(0) 0 0 (e] re 
M.Georges Young, en évaporant à siccité des solu= 
tions alcooliques de benzaldéhyde et de phénylsemicar- 
bazide, a pu préparer le diphényloxytriazol, qui se pro= 
duit suivant l'équation : | 
CTH°Az#0 + CTH6O + O0 = C'AH11A73SO + 2H20 


Le rendement est considérablement augmenté par 
l'addition d’un agent oxydant tel que le chlorure fer: 
rique. Le produit est faiblement basique, mais possède 
aussi des propriétés acides. {1 a pour formule : 

CGH5.A7—AzH 
| >C0 
C6H.C—= A7 

Onen afaitle sel d'argent C!*Hf! A73 OAg + H, O etle 
chlorhydrate C!*H11 Az? OHCI--2H°0. Réduit, ce corps 
donne le diphényltriazol : 

C5H°— A7—Az 
Ncx 
CGH5— C—A7/ 


qui est un corps faiblement basique. — M. N.F. Deer 
publie une note sur la chaleur latente de fusion des. 
différents éléments, — MM. A. G. Perkin et Pate onf 
étudié l’action de différents acides minéraux sur quel 
ques matières colorantes naturelles. Ces produits don: 
nent généralement des composés d’addition de couleur 
orangée. Par exemple la quercitine donne avec H?S0‘le 
corps: C5H'0 OTH=SO" ; avec H Br : CS HOT HBr; avec 
HI : CS HO OT HT; la rhamnazine donne C!TH!# 07 H?S04# 
mais les acides bromhydrique, chlorhydrique, iodhy: 
drique ne fournissent pas avec elle de produits d’'addi= 
tion. 11 en est de même pour la rhamnétine, la lutéo 
lide, ec. — M. Herzfelder a remarqué que, si l’on 
chauffe à 270° l’x nitronaphtalène avec 25 2/,de soufre 
il se produit üne vive réaction avec dégagement d'acide 
sulfureux et il se dépose une masse blanche solide 
L'auteur en a isolé une substance qui à pour formule 
C'OH6S et pour poids moléculaire 158. Elle ne possède 
pas les popriétés d'un mercaplan ; trailée par le 
brome, elle donne de l’ux dibromonaphatalène. Sa 
formule probable peut être représentée par : 
CHAIC $ 
no \°/1Ncn 


HC\ /cx | 70H 
CHEN C 


C’est donc un + thionaphatalène. 


ErRatTum: Dans notre dernier numéro, une erreut 
s’est glissée dans la légende de la figure 3 de l’article 
de M. Witz (page 617); dans cette légende, le mot 
Pentropie est à supprimer, : 


Le Directeur-Géran! : Louis OLIVIER 


N° 16 30 AOÛT 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


+? 


DES SCIENCES 


æ PÜRES" ET: APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


12 
AVIS 
Un prochain tirage à part des articles de la REVUE sur Madagascar 
5 


Tel a été le succès du dernier numéro de la Ce volume constituera une véritable œuvre d'art, 
“Revue, consacré à l'état actuel de nos connais- | aussi remarquable par l'éclat de son illustration 
“sances sur Madagascar, qu'il nous & été impos- | que par la haute valeur des études qui y seront 
msible de satisfaire à toutes les demandes du | réunies. Il sera muni d'une Table des gravures et 
public. d'un Répertoire analytique assez détaillé pour 
WE A ce sujet nous avons reçu de France et | rendre facile et rapide la recherche de tous Les 
d Algérie, d'Angleterre et d'Écosse, de Belgique, | Sujets traités dans ses différents chapitres. 
de Hollande, d'Allemagne, d'Italie, etc, une Cet Ouvrage aura pour titre : 

“multitude de lettres auxquelles nous regrettons de 
“ne pouvoir répondre autrement que par le pré- 


Me CE QU'IL FAUT CONNAITRE 
….sent AVIS. 


- 
L DE 
—… Force nous est de réimprimer à part l'ensemble 


“de nos articles sur Madagascar ; nous en faisons MADAGASCAR 

3 9 

“un second tirage sous la forme d'un livre indé- 

“Pendant, édité par la maison Ollendorf, imprimé , re 
“pendant, édité par la maison endorÿ, imprimé Dans quelques jours il sera, par les soins de la 
sur beau papier de bibliophile, pourvu d'une pagi- | maison Ollendorff (28 bis, rue de Richelieu, 
“nation spéciale et d'une couverture de luxe. Paris), mis en vente au prix de 3 fr. 5Q chez 


Pre 


—… Les cartes et photogravures iointes au texte | tous les libraires de la France et de F Etranger. 
“de nos collaborateurs seront, dans cet Ouvrage, 

ntirées sur glacis de façon à obtenir des clichés la (NOTE DE L'ADMINISTRATION.) 
transcription de tous leurs menus détails. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 16 


166 


LE PROGRÈS DES 


STABILITÉ 


Le litre de cet article est celui d’un livre paru à 
New-York, où l’auteur, M. O. Chanute, définit lui- 
mème dans une courte préface le but qu'il s’est 
proposé en publiant, depuis le mois d'octobre 1891, 
cette série de 27 articles dans 7he American En- 
yineer, sur les progrès des machines volantes, à 
l'exclusion des ballons. L'objet de l’auteur en pré- 
parant ces articles était triple : 

1° Reconnaitre si, dans l’état actuel de notre 
science et de notre industrie mécanique, surtout 
quant aux moteurs légers, les hommes peuvent 
raisonnablement espérer voler dans l'air. Oui. 

2° Eviter aux inventeurs el expérimentaleurs l'inutile 
dépense d'efforts qu'entrainel'essaide dispositifs déjirecon- 
nus défectueux, et, autant que possible, indiquer les causes 
d'insuecès. Réunir et disculer toutes les relations 
d'expériences dont on a pu avoir connaissance. 

3° Décrire avec quelque détail les appareils ré- 
cemment essayés « qui rendent les tentatives de 
vol moins chimériques qu’il y a quelques années ». 
Exposer assez clairement les principes appliqués 
et les résultats obtenus pour permettre au cher- 
cheur de disting guer entre un projet mort-né et un 
autre Re DE digne d'être pris en considéra- 
ion, et même — après essais préliminaires — 
d’être expérimenté en grand. 

Il faut lire l'ouvrage même pour sentir à quel 
point il était devenu nécessaire, quelle somme 
énorme d'efforts a déjà été dépensée en pure perte 
à la répétition de tentatives déjà vingt fois con- 
damnées. Jamais peut-être on n’a vu tant d’ardeur, 
le passion et d’audace déployées à contre-sens; 
Jamais les inventeurs n'ont imaginé de plus ingé- 
nieux mécanismes, et n'ont eu si peu de souci des 
vraies condilions dynamiques du problème; jamais 
practique n'a tant dédaigné {éorique, el n’a payé son 
dédain de tant de catastrophes. Ge n’est que depuis 
bien peu d'années que les travaux de laboraloire, 
conduits avec une méthode vraiment scientifique, 
ont fait connaitre d’une manière à peu près défini- 
Hive la loi d'action de l'air sur une surface plane 
qui glisse d’un mouvement rapide presque paral- 
lélementà son plan. Cest cette loi qu'appliquent 
tous ceux qui font toile, fer el 
bambou, ou, suivant leurs ressources, des jouets 
el de simples projets sur le papier. 


des machines en 


le fait fondamental élabli par toutes les expé- 
viences depuis une vingtaine d'années est le sui- 


M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES 


MACHINES VOLANTES 


- vilesse V?: 


POP ES RO ET PORTE EEE 


vant: une lame plane de grande envergure et de 
faible largeur, un ruban transversal, comme di 
le commandant Renard, qui se meul dans l'air 
sous une incidence presque rasante, presque pa= 
rallèlement à son plan, éprouve une résistance 
normale à son plan sensiblement proportionnell 
au carré de la vitesse, el vu sinus de l'angle com 
pris entre la direction de lu vilesse et le plan mobile # 
au lieu du sinus carré admis sur la foi d’un sem- 
blant de raisonnement, etqui ne s'applique qu'aux 
surfaces allongées dans la direction de la vilesse !. 

Cette loi, déjà donnée par Bossut et Duchemin, 


} 


des plans minces de grande envergure, X compris les 
plus récentes, celles de Langley. La meilleure dis- 
cussion de ses conséquences est celle du comman- 
dant Renard. 4” 
Si l’appareil de soutien élail infiniment mince, 

si la plate-forme et l'appareil moteur, ainsi queles 
accessoires nécessaires pour assurer l# stabilité, 
ne subissaient aucune résistance de la part de l'air, 
si, enfin, il élait possible de marcher avec sécurité 
sous des incidences très rasantes, on pourrail, 
comme l’énonce Langley avec un oplimisme exces- 
sif, diminuer indéfiniment le rapport de la puis- 
sance de la machine au poids total supporté, 
en employant des incidences de plus en plus ra= 
santes. Le poids constant supporté P est pro- 
portionnel au produit de l'angle d'incidence très 
pelil œ, par la surface S et par le carré de l& 
pour un même appareil, la vitesse 
varie donc en raison inverse de la racine carrée 
de l'angle d'incidence. La résistance au 
vement est égale au poids supporté, mulliplié 
par l'angle a; “nie le travail à dé ‘penser par se 
conde pour maintenir celle vilesse est égal 

produit de la résistance par la vitesse; d'où 
résulte que la puissance de la machine est propor- 


P2? 
tionnelle à Tv: c'est-à-dire diminue indéfiniment | 


à mesure que l'incidence devient plus rasante els. 
la vitesse plus grande. Malgré sa forme excessive 
ce résultal estassez exact en gros pour justifier cel. 
aphorisme d’un intérêt capital dans la question ï ! 
Dans la navigation aérienne par aéroplanes, les vi=« 
lesses économiques sont les très grandes vitesses. EL 4 
C'est le contraire pour les ballons. De là résulte 
l’intérèt que prennentàlanavigalion par aéroplanes… 


1 Ct Renan», Soc. française de Physique, 1889. 


M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES 


167 


Nr. 
tant d’inventeurs, même en dehors de la élientèle 
_ ordinaire des ministères militaires, patrictes, 
_ puffistes, ou hommes d'argent prêts à vendre au 
plus offrant les moyens de destruction aussi éner- 
giques que variés. 

Le vrai rôle des «éroplanes, c’est le service postal. 
© Avant cinquante ans, peut-être plus tôt, le service 
| des nn rondasces transocéaniques et trans- 
“ sahariennes sera fait par des aéroplanes à grande 
vitesse ; la durée du transport sera réduite au cin- 
quième, peut-être au dixième du temps actuelle- 
ment nécessaire, grâce à la vitesse et au trajet rec- 
tiligne. 

- C'est à dessein que j'ai donné à l'énoncé de la 
propriété spéciale aux aéroplanes une forme vague, 

t non pas la forme précise rééditée récemment 
par M. Langley, et qui serait : « Les plus grandes 
« vitesses sont les plus économiques. » Sous peine 
e déceptions graves, il faut examiner de plus près 
“ce que deviendra cette propriété dans les applica- 
“tions. La machine motrice, les voyageurs, les mar- 
. chandises, seront logés dans une nacelle, nécessai- 
. rement assez grande; l’aéroplane de grande surface 
_exigera une charpente, des agrès. Il y aura donc 
- une résistance horizontale à ajouter à celle qui pro- 
“vient de l’inclinaison de l’aéroplane ; Le travail cor- 
respondant croit comme le cube de la vitesse. Une 
. machine volante une fois construite, je suppose 
-qu'on l'essaie sous différentes inclinaisons du 
_ planeur; sous chaque inclinaison du planeur, il y a 
“une vitesse pour laquelle la route est horizontale. 
. Le travail correspondant diminue d’abord quand 
4 devient de plus en plus faible, et la 

Nitesse de plus en plus grande; puis le travail 
_ passe par un minimum pour une certaine vitesse. 

“et devient ensuite de plus en plus grand pour les 
“vilesses croissantes. 

Pour une machine volante de poids fire, il y & une 

“vitesse de transport horizontal plus économique que toutes 

les autres. 

- el est le théorème du commandant Renard !, 
“déjà un peu moins favorable que le premier, el 
qu'il faut restreindre encore. Est-ce en effet le 
poids total de la machine volante qu'on se don- 
_nera dans un projet? Non, mais le poids à trars- 
porter, voyageurs et marchandises, et, par la nature 
“ème des choses, ce poids sera toujours une très 

petite fraction du poids total, le dixième ou le 
vingtième peut-être ? Connaissant le mode de cons- 
_ truction le plus léger par mètre carré pour le pla- 

neur du type adopté, et par cheval-vapeur pour 
là machine motrice, on cherchera à transporter, 
avec une vitesse fixée à l'avance, un certain poids 
. de marchandises et de voyageurs. Dans le problème 


L lievue de l’Aéronaulique, 1889, Masson. 


réel le poids total n’est donc pas fixe comme dans 
le problème du commandant Renard. Sous cette 
forme, en admettant un poids voisin de 2 kilo- 
grammes par mèêtre carré, et de 4 à 10 kilogrammes 
par cheval-vapeur, on Féconniat facilement que le 
minimun du commandant Renard n'existe plus. 
J'énoncerai done uniquement la proposition sui- 
vante plus restreinte : 

Dans la navigation maritime, ow dans la navigation 


aérienne par aérostats dirigeables, le prix de transport 
d'un poids utile donné entre deux stations est proportion 
nel au carré de lu vitesse. Dans la navigation aérienne 
par aéroplanes, ce prix croît moins vite que le carré de lu 
vilesse; la différence est d'autant plus grande que le poids 
uhle est plus grand par rapport au poids total. 

L'avantage des aéroplanes reste ainsi bien mar- 
qué, pourvu qu'ils ne soient pas trop grands, c'est- 
à-dire pourvu que la solidité du planeur n’exige pas 
une trop lourde charpente. 

Il faut donc de toute nécessité construire un pla- 
neur léger et solide, et une machine motrice légère, 
puissante et peu encombrante; l'imagination des 
inventeurs peut se donner carrière dans cette 
double recherche, et les résultats acquis dans ce 
sens sont forl encourageants; mais ce n'est pas 
tout : il faut que la machine volante puisse prendre 
son vol, s’avancer sans accidents, en _équilibre 
stable, malgré les rafales verticales, latérales ou 
frontales, et enfin atterrir. 

Comment, et jusqu'à quel point a-t-on réalisé 
jusqu'à présent l'équilibre des aéroplanes libres, 
ou retenus par des cordes ? C'est cela seul que je 
veux examiner, avec l’aide de M. Chanute. Com- 
mencons par je PORT relenus par des cor- 
dages. 


Il 


Les premières études méthodiques sur les cerfs- 
volants paraissent dues, d’après M. Wenham, à 
George Pocock, de Bristol, qui cherchait, il y a plus 
de cinquante ans, à en faire des observatoires aé- 
riens pour les officiers. La première personne qui 
osa se risquer dans l'espèce de fauteuil suspendu 
à un de ces énormes cerfs-volants fut une dame. 
Plusieurs cordes maintenaient et orientaient le 
cerf-volant, déjà lancé ; le fauteuil fut attaché à la 
corde centrale, la dame y prit place, fut enlevée à 
une centaine de mêtres de hauteur et redescendit 
charmée. Peu de temps après, le fils de M. Pocock 
réussit à prendre pied au sommet d’une falaise 
abrupte de 70 mètres de hauteur, au moyen d'un 
cerf-volant de 10 mètres de haut, et à en redes- 
cendre en se laissant glisser le long de la corde. 
Les cordages directeurs étaient manœuvrés de 
terre; ils auraient aussi bien pu l'être par le voya- 
geur lui-même. 


M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES 


M. Wenham a aussi indiqué à M. Chanute le bre- 
vet de E. J. Cordner, prêtre catholique irlandais, 
et ses essais. Un cerf-volant hexagonal, en toile, 
sans queue, est lancé le premier; quandil est bien 
dans le vent, on attache à la corde un second cerf- 
volant de même forme, mais plus grand, dont le 
lancement n'offre plus aucune difficulté; on fait 
de même avec un troisième plus grand encore, el 
ainsi de suite jusqu'à ce que la force portante 
soit devenue suffisante. Plusieurs personnes furent 
ainsi transportées une à une d’un roc isolé jusqu'à 
la côte, par-dessus les vagues. Dans l'intention de 
l'inventeur, l'appareil devait servir au sauvelage 
des navires portés à la côle parun vent violent, 
auquel cas le cerf-volant, lancé du navire, permet- 
trait à un premier matelolt de se transporter au- 
dessus de la côte, de s’y laisser descendre, et d'y 
amarrer les cordages nécessaires pour établir la 
navette du navire naufragé à la côte. Il ne semble 
pas que cel appareil ni d’autres analogues propo- 
sés à diverses reprises aient été essayés par mau- 
vais temps; c’est la stabilité qu'il faudrait assurer 
malgré les coups de vent. 

En juillet 1880, notre compatriote M. Biol a dé- 
crit un cerf-volant sans queue un peu. compliqué, 
à la vérité. mais dont la stabilité s’est montrée 
tout à fait remarquable en toute circonstance. Le 
cerf-volant est elliptique (40°" de grand axe, 20°" 
de petit axe, environ); il porte au haut du grand 
axe, à droite et à gauche, deux trones de cône, la 
grande ouverture face au vent (dispositif japo- 
nais), eten bas du grand axe une hélice à deux 
ailes, qui tourne rapidement sous l'action du vent. 
Les deux cônes assurent la stabilité latérale. L'hé- 
lice était absolument nécessaire pour la stabi- 
lité longitudinale, et jouait le même rôle que la 
queue ordinaire des cerfs-volants, soit par une 
action gyroscopique, doit par la traction longitu- 
dinale énergique qu’elle exerçait surle cerf-volant, 
ce qui est bien certainement le rôle de la queue 
ordinairement attachée à ceux-ci. Sous l’action 
d’un vent de 30 kilomètres à l’heure, le cerf-vo- 
lant enleva 1.500 mètres de corde, se maintenant 
deux heures en l'air. Des vents plus forts permirent 
de dérouler 2.000 et même 2.500 mètres de corde, 
donnant le spectacle curieux d’une ascension en 
ligne brisée, par suite de la présence de plusieurs 
couches superposées de vents différents. Des es- 


sais de vol plané entrepris en grand en 1887 n’ont 


pas été déerits. 

La stabilité a été obtenue plus simplement par 
divers expérimentateurs soit en repliant la partie 
arrière du cerf volant un peu vers le haut (Bar- 
nett), soit ajoutant à l'arrière et en dessous une 
quille longitudinale perpendiculaire à la surface 
(Boynton), soit n calquant le cerf-volant Malais 


- gueur. Les troislattes formentainsiun triangle équi-. 


(Bazin, Eddy). Dans ce cerf-volant, la tige trans- 
versale est allachée à angle droit sur la tige lon- 
gitudinale, au cinquième de sa longueur environ à 
partir de Pextrémilé supérieure; la tige transver- 
sale est généralement la | 
plus longue. Le tout est 
recouvert de papier en 
forme de quadrilatère 
symétrique. M. Bazin 
fléchit la tige transver- 
sale en arc, la concavité 
en arrière. M. Eddy flé- 
chil aussi la lige longi- 
tudinale dans le même 
sens ; la surface exposée 
au vent est alors convexe. Depuis longtemps les 
Chinois ont adopté des formes de ce genre plus 
larges que hautes, mais généralement concaves- 
convexes, en forme de selle (fig. 1). L'ouvrage de. 
M. Chanute ne donne pas d'indications sur le, 
mode d'attache de la corde de retenue. 

On se rappelle les essais, d'ailleurs infructueux 
el pour cause, effectués au Texas en 1891 pour la 
production artificielle de la pluie. Des cartouches 
de dynamite devaient, par leur explosion à grande 
hauteur, décider la vapeur d'eau à se condenser 
en nuages d'abord el ensuite à se précipiler en 
bienfaisantes averses sur le sol desséché. Ce sont 
des cerfs-volants hexagonaux sans queue, étudiés 
par M. Myers, qui ont enlevé ces cartouches dans 
l'atmosphère. Deux lattes de sapin de 1" 80, den 
6 millimètres sur 6 au sommet, el6 sur 12 à la base 
sont croisées à 60 centimètres du sommet environ 
et maintenues par une petite cheville et quelques 
tours de ficelle. À 13 centimètres du croisement est 
placée une troisième latte de 1"45 seulement de lon 


Fig. 1. — Cerf-volant chinois. 


latéral, de13 centimètres de côté, environ au milieu 
de la surface, et la rigidité est bien mieux assurées 
que si les trois lattes se croisaient au même point: 
Pour limiter l'hexagone, une ficelle court du boul, 
d'une latte à la suivante. Les cordes d'attache sont 
fixées à la latte transversale à 30 centimètres de 
chaque bout; aux longues lattes, à 15 centimètres 
du bout supérieur el à 75 centimètres du bouts 
inférieur. Enfin, pour réunir ces cordes ensemble 
et les lier à la corde unique du cerf-volant, on 
place celui-ci à lerre, un pied sur le croisillon,. 
et prenant tous les cordes en main, bien tendues, 
on les noue de facon que la verticale du nœud 
tombe à mi-chemin entre le sommet des longues 
barres et la barre transverse. La carcasse, recou-\ 
verte de calicol rouge bien collé et tendu, est lé-= 
gère et rigide en haut, un peu plus lourde et élas=" 
tique en bas. Le centre de figure et le centre de, 
gravité sont au-dessous dupointd'altache (Chanule … 


mhn 
= Cv 


M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES 


169 


s. 187). La description est presque complète : ilne 
. manque que la distance du nœud au cerf-volant, 
probablement 1 mètre à 1" 50 d’après le mode opé- 
ratoire indiqué. 


Des règles empiriques. pas toujours précises, 
voilà tout ce qu'a pu réunir M. Chanute, à grand’- 
peine, sur le cerf-volant; mais pas trace d'une 
Lhéorie de l'équilibre stable. Sil'on songe que le 
cerf-volant est retenu, et qu'il reçoit le vent sous 
n angle toujours considérable, 30° à 60°, tandis 
que l’aéroplane est libre, et doit manœuvrer sous 
des incidences aussi rasantes que possible, pour 
l'économie de puissance motrice, on ne peut guère 
s'étonner que lant d'appareils volants aient fini 
ar se retourner tète-bêche au moindre coup de 


-périmentateurs aient 
échoué dans leurs 
entatives pour re- 
produire des appa- 
- reils dont le succès 
élait infaillible entre 
- les mains de léurin- 
- venteur. Il reste dans 
“les meilleures des- 
- criplions une partie 
mal délerminée, un 
- (àtonnement dans le- 
quel les uns réussis- 
sent presque à coup 


publié le résultat de ses recherches dans un vo- 
lume, Le vol des oiseaux, fondement de l'art du vol 
(1889), et dans des communications annuelles au 
Journal de V' Aéronautique (Zeitschrift für Luftschif- 
fahrt). Le livre se termine par trente aphorismes 
dont voici les principaux: 


En air calme, l’homme ne peut voler par ses seules 
forces. Dans les conditions les plus favorables, il fau- 
drait encore qu'il pût produire 1 cheval et demi. 

L'homme pourra s'élever dans l'air et planer avec un 
vent de 40 kilomètres à l'heure. : 

L'appareil doit être une reproduction agrandie des 
ailes des oiseaux les plus grands et les plus haut-pla- 
neurs. 

On peut faire porter 10 à 12 kilogrammes par mètre 
carré. 

On peut construire en bois de saule et toile un appa- 
reil solide de 10 mètres 
carrés pesant environ 
15 kilogrammes. 

Un homme muni de 
cet appareil aurait un 
poids total de 90 kilo- 
grammes, soil 9 kilos 
par mètre carré, à peu 
près la proportion des 
grands oiseaux. 

La section transver- 
sale des ailes doit être 
courbée, la concavitée 
vers le bas. 

La flèche de fluxion 
doit être un douzième 
de la largeur (d'avant 
en arrière) pour corres- 


sûr où les autres 6- 
chouent. Tel estlecas 
de l'oiseau artificiel imaginé par M. Lancaster après 
cinq années de séjour dans les solitudes de la Floride 
$S W, consacrées à l'observation des grands oiseaux 
planeurs. « J'ai fait, dit-il, des centaines de ces oi- 
_seaux avec loutes sorles de succès: tantôt Lous les 
modèles présentés au vent s’élevaient sans difficulté 
et parcouraient en remontant le vent plusieurs 
“centaines de mètres jusqu’à 300) avant de perdre 
équilibre et de tomber à terre ; tantôt l'essor était 
impossible. » Il s'agit d'un oiseau artificiel pré- 
sentant au ventunesurface de carton fixe de 15 dé- 
“cimètres carrés environ (60° sur 25°") représen- 
- lant les ailes étendues et immobiles de l'oiseau 
| véritable. A 45°® en arrière est une queue verticale 
(en long ou en large?) et à 45°" en dessous, à 
l'avant, un poids de près d’un kilogramme. 


a IT 

—. Ilfaut arriver aux expériences mémorables de 

— M.Lilienthal pour trouver enfin desessais conduits 

— avec une méthode sûre, et vraiment scientifique. 

… M. Lilienthal, dont vingt-cinq années d'efforts ont 
- été récemment couronnés d'un plein succès, a 


Fig. 2. — Sommet duquel M. Lilienthal s’élançait avec son appareil. 


pondre à celle des oi- 
seaux. 

La courbure doit être 
parabolique, la plus prononcée à l'avant, la plus aplatie 
à l'arrière. 

D'ailleurs l'expérience indiquera le meilleur rapport 
entre l’envergure et la largeur des ailes, ainsi que la 
meilleure courbure. 

Préceptes relatifs aux ailes batantes. 


Ainsi préparé par ses éludes antérieures, M. Li- 


“lienthal a fait une série importante d'expériences 


en 4891! (fig. 2). Outre la courbure d'avant en ar- 
rière, les ailes ont une forme sinueuse de droite à 
gauche.Unesortedequille verticale dans le plan de 
symétrie, et une queue à peu près horizontale, mais 
relevée en arrière, assurent la stabilité. De rema- 
niements en remaniements, la surface des ailes 
fut peu à peuréduite de 10 mètres carrés à 8 mètres 
carrés. L'appareil complet pesait alors 18 kilo- 
grammes. 

Au cours de ses exercices préparatoires, d’abord 
dans son jardin, puis sur des coïlines gazonnées 
des environs de Berlin, M. Lilienthal, en cou- 
rant contre le vent sur une longueur de 8 mètres, 


1 Voyez à ce sujet, dans la Revue du 30 déc. 1893, p. 802, 
l'article de M. Runge sur les expériences de M. Lilienthal. 


770 M. BRILLOUIN — LE 


PROGRES DES MACHINES VOLANTES 


réussit à se laisser porter, et à franchir d’un bond 
20 à 25 mètres. L'appareil cessail d’être maniable 
lorsque la vitesse du vent dépassait 20 kilomètres 
à l'heure. « Souvent, même avec cette surface 
« réduile, des rafales soudaines m’enlevaient, et, 
« si je n'avais pu me délacher instantanément de 
« mon appareil, je me serais rompu le cou, aulieu 
« d'attraper de simples entorses, ce qui arrivail 
« au bout de peu de semaines. » 

L'année suivante(1892), muni d'ailes de 16 mètres 
carrés de surface, M. Lilienthal réussit, en prenant 
un élan à la course face à un vent de 28 à 30 kilo- 
mètres à l'heure, à acquérir une vitesse relative 
suflisante pour s'élever, planer horizontalement, et 
atterrir légèrement. En 1893, les essais furent re. 
pris du haut d'une tour de 10 mètres, située au 
semmet d'une colline en pente vers l’ouest. 

Quand le vent frappe latéralement. tout lap- 


pareil s'incline, le centre de pression se déplace 
du côté exposé au vent, qui se relève; pour ra- 
mener l’horizonlalité, l'aéronaute doit porter son 
poids de ce même côlé, au vent !; cela rendrait 
peu sûr l'emploi d'ailes de trop grande enver- 
gure, et a conduit à adopter 7 mètres comme li- 
mile maximum. De même, si le vent prend en 
dessous, le centre de pression recule, et il faut pou- 
voir compenser cel effet par la flexion du torse et 
la projection des jambes en avant ou en arrière 
(fig. 3), ce qui limite la largeur acceptable à 2",50. 
Les ailes, arrondies aux bouts, ont alors environ 
14 mètres carrés, et pèsent 20 kilogrammes, ce qui, 
avec l'aéronaule, porte le poids total à 100 kilo- 
grammes environ. 

Les préceptes fondamentaux sont les suivants : 

Pour éviter tout accident par rafales, s'exercer 
aux manœuvres qui conservent l’équilibre en com- 
mençant avec des ailes de faible surface, et n'aug- 


‘ L'habitude d'étendre les bras et les jambes du côté où on 
se sent pencher, pour se garer du choc contre la terre, est 
tout à fait funeste ici, et précipite le renversement: il faut, pa- 
rait-il, une forte attention pour 


tinclif. 


éviter ce mouvément ins- 


menter la surface qu’autant qu'on est devenu par- 
failement maitre de l'équilibre avec les ailes les 
plus petites. C’est une habitude à acquérir com 
celle de l'équilibre sur un bicycle. 

On peut décrire une courbe à droite ou 
gauche en portant le poids du corps d’un côté o 
de l’autre, mais il faut toujours atterrir face à 
vent. On doit porter les jambes en avant, et a 
moment mème où les pieds vont toucher le sol, re 
jeter promplement le corps en arrière, ce qui re- 
lève le front des ailes, présente toute leur surface 
inférieure au vent el arrête le mouvement en avant; 
on prend terre aussi doucement que si l’on avait. 
sauté, sans ailes, du haut d'une chaise. 

La figure 3 montre en d ele vol en air calme, 
sous une pente de 9 à 10°; en 4 f avec un vent de 
4 à 5 mèlres par seconde (15 à 18 kilomètres à 
l'heure), la pente n’est plus que de 6 à 8°; enfin. 


avec un vent de 7à 8 mèlres par seconde (25 à. 
30 kilomètres à l'heure) qui exige une certaine 
lutte contre le vent, M. Lilienthal s’est à plusieurs 
reprises trouvé soutenu immobile dans l'air pen- 
dant plusieurs secondes, et quelquefois subitemen 
enlevé de plusieurs mètres par une rafale (4. 

M. Lilienthal annonce avoir construit un moteu 
à vapeur de deux chevaux, pesant 20 kilogrammes 
tout compris ; il se propose de l’adapter à son appa- 
reil volant pour en faire mouvoir les ailes. Comme 
il est tenace el patient, on ne peut guère douter 
qu’il réussisse en peu d'années à faire une machine 
volante, à ailes baltantes, capable de porter le poids 
d'un homme, el suffisamment stable. 

On remarquera, d’abord, que la stabilité de l’ap- 
pareil est suflisante pour donner le temps à l’aéro- 
naute de rétablir l'équilibre par des mouvements 
simples; mais rien ne prouve que la stabilité sub- 
sisterait si la masse suspendueélaitinerte!. Enfin, . 
M. Lilienthal attribue une importance capitale à la 
courbure des ailes d’avant en arrière : « Dans les 


1 Ce doute ne semble que trop justifié par l'accident ré- 
cent dont M. Lilienthal a été victime, au cours de ses essais 
de cet été. 


M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES 111 


« petits modèles, de moins d’un mètre carré, une 
« flèche de 1/12 de la largeur fournissait les meil- 
… « leursrésultats; avec les ailes de 14 mètres carrés, 
« de nombreux essais ont montré qu'il faut réduire 
-« la flèche à 1/18 ou 1/20 de la largeur... » 

. Qu'est-ce que les « meilleurs résultats » ? C’est ce 
que je ne trouve pasclairementexposé dans le livre 
de M.Chanute, ni à propos des expériences de M.Li- 
 lienthal, ni àproposdecelles de M. Hargrave (p.230), 
“ni à propos des brevets de M. Philipps (p. 165-170), 
“qui tous concluent à la supériorité des surfaces con- 
| caves sur les surfaces planes. 

— M. Lilienthal, dans son livre, l'expose claire- 


en Angleterre, et qui a déjà élé soumise à d'impor- 
tants essais partiels. Après des expériences sur la 
résistance de l'air et sur les meilleures formes 
d'hélices propulsives, M. Maxim a construit un pla- 
neur de 500 mètres carrés de surface totale, d’une 
longueur de 44 mètres. Comme le montre la gra- 
vure ci-jointe, le planeur supporte tout un échafau- 
dage avec chaudière à vapeur, moteur, etc.; la 
machine pèsera de 2.500 à 3.000 kilogrammes. Les 
expériences sur la résistance de l'air ayant montré 


x et 1 : « 
qu'une incidence de ü est pratique, une force pro- 


pulsive des hélices de 180 à 220 kilogrammes serait 


Se = AS 
71 à œ D HAN: 
PRE £ 7 ae DA n ù { |! (DS I 
Wen TR" 4 CALE PEUT CRE TT D OP — 
_ Cr OZ, NU Zars NTe RS lue TL 
ES NE q ut = 
Fig. 4. — Vue générale de l'aéroplane de M. Maxim. 


ment. Ses expériences montrent un changement 
considérable dans l’allure de la résistance de l’air 
-en fonction de l'incidence (comptée à partir dela 
corde qui joint le bord antérieur au bord posté- 
rieur). Cette résistance conserve sa plus grande 
valeur sur plus de 60° de part et d’autre de l'inci- 

- dence normale et tombe très rapidement, sans être 
encore nulle, lorsque le vent est parallèle à la corde. 
En outre, elle change beaucoup d'orientation par 
rapport à cette corde, et, sous les faibles incidences, 

. le rapport de la composante horizontale à la com- 
posante sustentatrice verticale est inférieur à la 
tangente de l'incidence, et par là même très favo- 
rable, 


IV 


Je ne veux pas terminer sans dire quelques mots 
de l'énorme machine construite par Hiram Maxim, 


suffisante; la machine étudiée produit jusqu’à 
150 kilogrammes; et pourtant il semble que 
M. Maxim ait éprouvé quelques déceptions de ce 
côté; il faut en effet tenir compte de la résistance 
horizontale, très difficile à évaluer, due à tout 
l'échafaudage qui donne de la rigidité au planeur, 
ainsi qu’à la plate-forme et à la machinerie. 

Le progrès capital réalisé, c’est la construction 
d’un moteur puissant et léger, sur lequel M. Maxim 
fournissait dans une lettre adressée à M. Chanute, 
le 6 octobre 1892, des indications assez détaillées 
(p. 21-243). Disons seulement que le poids total 
de la machine (chaudière, pompes, générateurs et 
condensateurs, y compris toute l’eau qui y cireule 
atteint à peine 4 kilogrammes par cheval-vapeur, 
pour une machine de 300 chevaux. 

Toute la machine est montée sur des roues ct 
peut courir sur une voie ferrée rectiligne d’un kilo- 


112 M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES 


mètre, dont la première moitié estcomplétée pardes 
rails parallèles aux premiers, placés au-dessus des 
roues, pour les empêcher de se soulever. Des dyna- 
momètres placés aux quatre coins delaplate-forme 
font connaître la force soulevante. Dans un pre- 
mier essai, à la vitesse de 46,% kilomètres à l'heure 
(obtenue par les machines agissant sur les hélices 
aériennes), l'essieu de devant fut soulagé de 1.040 ki- 
logrammes, celui d’arrière de 860. Dans une se- 
conde course à 50 kilomètres à l'heure (après 
quelques modifications) on obtint 1.130 kilo- 
grammes à l'avant, et 4.260 à l'arrière. Le centre 
de gravité, qui était trop à l'arrière dans le premier 
essai, avait été trop avancé dans le second. Dans 
un troisième essai, la machine entière fut soulevée. 

Il me parait inutile d'entreprendre une descrip- 
Lion détaillée d’un appareil d'essai, à chaque instant 
remanié; mais je Liens à bien convaincre le lecteur 
de l'esprit méthodique, audacieux certes, mais 
nullement aventureux, qui guide M. Maxim. 

Pour poursuivre utilement ses expériences, 
M. Maxim estimait que cent mille livres sterling 
élaient nécessaires, el voici comment il traçait en 
juin 4892, dans le Century Magasine, le progranime 
de ses essais : 

1° Etude de la machine à vapeur et des hélices. 
sur rails à toutes les vitesses entre 35 et 180 kilo - 
mètres à l'heure. Poussée des hélices. Fonction- 
nement du condensenr et température de l’eau qui 
en sort, à toutes les allures. 

2° Cela fait, mise en place de la soie sur le pla- 
neur, et essais d'équilibre, d’abord à petite vitesse, 
et déplacement de la chaudière et du moteur sur 
la plate-forme, jusqu'à ce que la force soulevante 
soil la même à l’essieu d'avant qu’à l’essieu d’ar- 
rière. Nouveaux essais à des vilesses de plus en 
plus grandes. 

3° Gouvernails, pour la marche recliligne el 
horizontale, (A l’aéroplane on fixera deux longs 
« bras vers l'arrière; à ces bras on articulera un 
« gouvernail, très grand et très léger, garni de 

soie, commandé de la plate-forme par des cordes, 
« une course d'essai montrera alors si le change- 
ment d'inclinaison du gouvernail change la ré- 


tenus dans le livre de M. Chanule sur une questio 


contribué à préparer la solution, nous éclipserons- 


«partition des charges entre l’essieu d'avant et 
« l’essieu d’arrière ; si le gouvernail d’'arrière ne: 
«suffit pas, on en mettra un deuxième à l'avant» 
« On s'arrêtera quand on pourra faire varier l& 
« charge sur chaque essieu de 15 °/,. 
Dispositif analogue à droite et à gauche pour 
empêcher le renversement par excès de roulis. 
Pour tourner à droite ou à gauche, on accélérera 
une des hélices, et on ralentira l’autre ; 
4 Enfin on cherchera à effectuer un vol libre. 
Pas de plan d'essais sur la manière d’atterrir. 
Tout cela est extrêmement sérieux et M. Maxin 
réussira plus ou moins vite selon qu'il saura profile 
des enseignements de M. Lilienthal; mais la forme 
même de son aéroplane {1893) est défectueuse, et 
doit être changée du tout au tout; il n'obliendra 
qu'unestabilité précaire avec un planeuralourdi par 
les longs bras destinés à supporter les gouvernails. 
Je n'ai fait que résumer les renseignements con- 


très particulière; j'espère en avoir assez dit pour” 
engager tous les curieux d’aéronavigation à le lire. 
et relire. C'est d'ailleurs un véritable plaisir pour 
un Français ; aucune nation n’a tant fait pour trans-M 
farmer la chimère en réalité; toutes les formes de 
la passion aéronautiqüe se sont incarnées dans 
quelques-uns de nos compatriotes, depuis la folle 
témérité des Besnier (1678), de Bacqueville (1742), 
et la fine el patiente observation des d'Esterno, des 
Mouillard, des Weyher, jusqu'à la savante analyse. 
expérimentale de M. Marey et à l’ingénieuse syn- 
thèse des d'Amécourt (1863), Mouillard (1865), 
Trouvé (1870), Pinaud (1871), Jobert (1871), Hureau 
de Villeneuve (1872), Tatin (1876), Dandrieux (1879), 
Pichancourt (1889), sans compter ceux que j’aidéjà 
cités dans le cours de cet article. Après avoir tant 


nous discrètement au moment d'en recueillir l'hon 
neur? Laisserons-nous à d’autres, faule d’un su- 
prême effort, la gloire et, peut-être, le bénéfice 
du succès définitif? | 
Marcel Brillouin. 


Maitre de Conférences de Physique 
à l'École Normale Supérieure. 


- Un ingénieur américain, M. E. T. Adams, ancien 
lève de l’Institut Sibley, dirigé à Ithaque (New- 
York) par l'illustre professeur Thurston, vient de 
publier, dans un récent numéro du Cussier's Maya- 
ne, une nolice d’une haute portée sur la tempéra- 
“ture des parois métalliques des cylindres à vapeur, 
“notice sur laquelle nous croyons devoir appeler 
l'attention des nombreuses personnes qui s’occu- 
pent de la physique et de l’économie des machines 
“à vapeur. Il ne s’agit plus ici de considérations 
“ihéoriques, plus ou moins bien étayées sur des 
“hypothèses; il s'agit de faits réels, révélés par des 
expériences failes avec toutes les garanties d'exac- 
 Litude dans le laboratoire de l'École de Sibley. 1] 
- s'agit d’un diagramme de la température du métal 
au point en observation, tracé automatiquement 
- comme celui de la pression de la vapeur. M. Don- 
kin, l'auteur des plus grands progrès dans cette 
“voie, avait bien observé les températures »107ennes 
à différentes profondeurs dans l'épaisseur du métal, 
“mais il n'en avait pas donné les variations à chaque 
“instant d'un tour représentées par un diagramme 
“automatiquement tracé. 


d 
É [ 
M. Adams ouvre une nouvelle ère aux investiga- 
“lions des chercheurs. Maiheureusement il est fort 
“sobre de détails sur les moyens qu'il a employés 
our alteindre un but visé sans succès par ses 
“devanciers. Voici tout ce qu'il nous en apprend : 
—. Un couple thermo-électrique était placé dans 
épaisseur du métal, à un quart de millimètre de 
la surface interne de la paroi, el de manière à ne 
pas obstruer le passage de la chaleur en ce point, 
soit que le flux fût dirigé de l’intérieur vers l'exté- 
rieur ou en sens inverse. La température de la sou- 
“dure froide du couple était maintenue constante 
et prise pour zéro. L'intensité du courant élec- 
lrique élail ainsi proportionnelle à la température 
de la soudure chaude, et produisait des déviations 
galvanométriques également proportionnelles à la 
température du même point. Un rayon de lumière 
était projeté sur le miroir du galvanomètre, d’où il 
était réfléchi sur une plaque sensible. Par l'inter- 
médiaire d'une liaison cinématique convenable 
avec le réducteur de course de l'indicateur de 
pression, la plaque sensible se mouvail dans un 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1893. 


2 tv Éd IT ME ANT “er L'ARES 
: * Cr . 


V. DWELSHAUVERS-DERY — PROGRÈS DE LA MACHINE À VAPEUR 113 


Re INSCRIPTIONS DES VARIATIONS 


DE LA TEMPÉRATURE DES PAROIS MÉTALLIQUES 


DES CYLINDRES A VAPEUR 


plan perpendiculaire au plan engendré par le 
rayon lumineux réfléchi du galvanomètre. Ainsi. 
ce rayon tracait sur la plaque un diagramme dont 
les abscisses représentent les déplacements du pis- 
ton et dont les ordonnées représentent les varia- 
tions de la température du métal, au point consi- 
déré. 

Il parait que de telles expériences se poursuivent 
au Laboratoire d'Ithaque ; mais il est à espérer que 
les détails de l'installation seront bientôt livrés à 
la publicité de manière à intéresser tous les labo- 
raloires au même sujet el à provoquer une accu- 
mulation de faits qui trancheront définitivement la 
question de la température des parois, et, par suite, 
celle de son influence sur l'économie de la machine. 
En attendant, il est utile de reproduire ici les révé- 
lations que M. Adams a bien voulu nous faire. 

Il donne d'abord un diagramme (fig. 2), reproduil 


CN un 


Fig. 4. — Diagramme des pressions de la vapeur. À, com- 
mencement de l’admission: D, commencement de la dé- 
tente ; E, commencement de l’émission: C, commencement 
de la compression. 


d'après l'épreuve originale négative, des variations 
de la tempéralure relevée en un point situé dans 
le mélal, à un quart de millimètre de la surface 
interne du couvercle du cylindre. Chaque point du 
métal a son diagramme propre el caractéristique 
de sa position. M. Adams estime que l’aire de ce 
diagramme est à peu près proportionnelle à la perte 
de chaleur due à la condensation de la vapeur sur 
la porlion de paroi dont ce point peut être pris 
comme centre. D'après les allures de ces dia- 
grammes, on peut classer en deux grandes caté- 
gories les différents points de la paroi où se pro- 
duisent des échanges de calories entre la vapeur el 
le métal : d'abord, les surfaces balayées par le 
piston, qui présentent deux cycles de tempéra- 
tures par tour de la machine; ensuite les autres 
surfaces, qui n'ont qu'un cycle par tour. Le dia- 


16* 


V.. DWELSHAUVERS-DERY 


Æ] 
1 
re 


PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR 


gramme de température de la figure 2 est relevé 
en un point appartenant à la seconde catégorie. 
Comme ces points sont exposés le plus longtemps 
à la chute maxima de température, ils ont évi- 
demment le maximum d'influence sur les échanges 
de chaleur et, par suite, sur les condensations dans 
le cylindre. 


(ll 


En regard du diagramme des Llempératures de 
ce point du métal, M. Adams mel un diagramme 
des pressions, qu’il considère comme représentant 
suffisamment le diagramme des températures de 
la vapeur; c’est celui-même de la figure 1. Les 
deux diagrammes sont les reproductions, à la 
même échelle, des deux courbes relevées simulla- 
nément sur la machine expérimentale, une machine 


Fig, 2. — Diagramme des lempéralures d'un point de la 
uroi mélallique. À, commencement de l'admission ; 
), commencement de la détente; E, commencement de 
l'émission ; C, commencement de la compression. 


à un seul cylindre, à condensalion, à excentrique 
fixe. La pression de la vapeur était de 50 livres 
par pouce carré, soit 3 kg. à par cent. carré; le 
nombre de révolutions, 40 par minute. 

Le diagramme de température de la figure 2 
montre qu’au commencement de l'admission A le 
mélal va s'échauflant presque jusqu’au commence- 
ment de la détente D: que, pendant la détente et 
une partie de l'émission anticipée, la température du 
mélal va baissant graduellement ; puis que, vers la 
fin de la course directe E, il y a une chute brusque. 
Au commencement de la course rétrograde, la 
température s'élève d'abord visiblement, puis s’a- 
baisse plus lentement, jusqu'au commencement de 
la compression G, où l'augmentation est de plus en 
plus prononcée Jusqu'à la fin de celle course. Le 
phénomène du relèvement de la courbe dans le 
premier quart de la course rétrograde s'explique 
par les considérations suivantes : Quand la lumière 
d'émission est largement ouverte, l’eau saturée 


qui lapissail la paroi métallique s'évapore rapi= 
dement el passe au condenseur, De là un abais- 
sement brusque de la température du métal qui 
touchait à cetle eau, abaissement qui se propage 
dans les autres couches, mais pas très profondément 
à cause de la brièvelé de la durée du phénomène 
el de la lenteur de la transmission à lravers le 
métal, Mais ce refroidissement des couches métal: 
liques internes produit un vigoureux appel 
chaleur des couches externes; et c’est le flux 


couche interne est de beaucoup supérieure à celle 
de la vapeur en contact, phénomène nalurel parce 
que, à ce moment, il n'y a plus du lout d’eau sa= 
turée en contact avec le métal; la (transmission su= 
perficielle a lieu par contact d'un métal avec un gaz, 
procédé lent; tandis que la transmission, quand 
elle se fait entre un métal et un liquide à l’état d 
saturalion, s'opère avec une rapidité incalculable 
ou tout au moins jusqu'ici incalculée. La chute 
brusque du diagramme à la fin de la course directe 
prouve qu'à ce moment le mélal était recouvert 
d'une importante couche de rosée d’eau à la tempé-M 
rature de saturation et qui s'est vaporisée presque 
instantanément. 
Ces diagrammes confirment les idées que Hirn 

a émises el que je n'ai cessé de défendre. Ils 
montrent l'importance qu'il faut attacher à bien 
protéger le cylindre contre les refroidissements; 
à en entretenir la haute température par le moyen 
d’enveloppes complèles à vapeur ; à diminuer, 
aulant que possible, les conduits que doit suivre 
la vapeur et les surfaces métalliques que touche la 
vapeur dans ces conduits : enfin à enduire celles de 
ces surfaces qui ne sont pas exposées au frottement 
du piston d'une substance quelconque, huile ow 
vernis, qui arrête la transmission de la chaleur eb 
augmente la résistance de la couche superticiell 
du métal, méthode préconisée par le Professeur 
Thurston. ; 
La notice de M. Adams ne nous révèle que le 
début des applications d'une méthode nouvelle 
d'investigation ; mais ce simple début promet de 
tels progrès que nous avons cru devoir le signaler 
de suite aux lecteurs de la Revue. 
V. Dwelshauvers-Dery, 


Professeur de Mécanique appliquée 
à l'Université de Liège. 


À 
el 


2 
à 


| 
| 
| 
| 
| 


Ls Les recherches hislologiques sur les tumeurs 
| cancéreuses. néoplasmes cancériformes, carcino- 
mes et épithéliomas, etc., ont amené un grand 
nombre de savants à considérer ces productions 
“ pathologiques comme le résultat de l'invasion de 
l'organisme par des parasites spéciaux, qu’ils se 
sont généralement accordés à rapporter au grand 
‘sroupe des Sporozoaires. Nous n’avons pas l’in- 
tention de discuter, dans cet article, le fondement 
d'une théorie qui donne lieu à tant de contro- 
“verses: nous voulons seulement donner aussi suc- 
4 


Ês 


cinctement que possible une idée exacte des êtres 
«bien connus dont on rapproche les parasites ou pseu- 
- doparasites des cancers !, 
: 
1. — Cour D'oIL SUR L'ÉVOLUTION DES CYTOZOAIRES. 


Les Sporozoaires que l'on peut réunir dans 

- le groupe des (yfozouires, parce qu'ils passent à 
l'intérieur d’une cellule au moins une partie de leur 
existence, sont aujourd’hui définitivement connus 
pour la plupart. Une étude générale de ces Cyto- 
zoaires (Grégarines, Coccidies, Gymnosporidies, 
Hémosporidies) fail reconnaitre une très remar- 

- quable uniformité dans leur cycle évolutif; c’est, 
“somme toute, ce cycle évolutif caractéristique qui 
. en fait un groupe bien défini. Au point de vue de 
» Ja constitution. il n'y a certes aucun rapport entre 
- une (régarine polycystidée adulte et une Æemamæba 
de la fièvre paludéenne; la dernière est de tout 
- point comparable à un Æhizopode ; la première, très 


1° Les lecteurs de la Revue n'ont pas oublié un article écrit 
…_ sous ce titre : « Carcinomes et Coccidies », en 1892 (ne 18), 
par M. Metschnikoff. La publication, dans ce journal, d'un 
+ iravail signé d’un tel nom semblerait devoir rendre inutile 
iout nouvel exposé de la question, si la question elle-même 
n'avait subi depuis lors des modifications profondes ; les tra- 
… vaux se sont multipliés sur les êtres si intéressants et si peu 
connus du public qui constituent le groupe des Sporozoaires, et 
l’on peut considérer aujourd'hui comme définitivement élucidés 
miles points de leur histoire qui semblaient encore très obs- 
curs en 1890. C'est ainsi que Léger, continuant les travaux 
de Schneider, a prouvé qu'il n'y a pas d'exception au cycle 
évolutif établi par cet auteur pour les Grégarines et que la 
pseudofilaire de Van -Beneden doitdisparaitre de la science ; 
Labbé, établissant définitivement que le Polymilus des 
Gymnosporidies est dû à un simple accident de préparation, 
a montré que le cycle évolutif de ces parasites est absolu- 
ment parallèle à celui des Coccidies vraies. Le regretté Thé- 
Johan a suivi la genèse des spores de Myxosporidies et à 
rapproché de ces êtres les Microsporidies, etc., etc. 

Les Myxosporidies forment un groupe très fermé, défini 
par des caractères anatomiques tout à fait constants, et l’on 
n'a jamais songé à leur comparer les parasites ou pseudo- 
parasites des cancers: les Sarcosporidies sont encore bien 

—_peu connues et ce ne serait guère avancer la question que 
de comparer à des ëtres aussi mal définis des éléments dont 
on veut prouver l'individualité. Ilen est de même des Amœæbo- 
sporidies de Schneider, auxquelles Pfeiffer a proposé de rat- 
tacher les parasites de diverses maladies, 


F. LE DANTEC — LES COCCIDIES 115 


LES COCCIDIES 


compliquée en organisation, est au contraire ce 
que Ed. Perrier appelle un Périzoaire, ayant une 
forme déterminée et une membrane limitante 
externe. Il est donc difficile de voir réellement un 
groupe 20ologique dans les Cytozouires. Les groupes 
zoologiques doivent réunir des êtres qui ont entre 
eux une certaine parenté phylogénique et le groupe 
des Cytozoaires semble composé d'êtres d'origines 
très diverses qui seraient arrivés, par un phéno- 
mène de convergence, à parcourir à peu près le 
même cycle évolutif, 

Quoi qu'il en soit de la parenté de ses divers 
membres, le groupe des Cytozoaires est très bien 
défini. On sait très bien de quoi l’on parle quand on 
compare à un Cytozoaire déterminé un parasite 
trouvé dans une tumeur maligne ; malheureusement 
il est bien difficile, sinon tout à fait impossible, de 
suivre optiquement l'évolution d’un parasite, — 
authentique ou supposé tel, — rencontré dans une 
tumeur cancéreuse, puisque les conditions normales 
de son existence ne sont plus réalisées dès que 
l’ablation a eu lieu. Alors, comment faire entrer un 
être dont on ne peut suivre le cycle évolutif, dans 
un groupe défini par son cycle évolutif? On doit se 
contenter, jusqu’à ce jour, de comparer à Lel ou tel 
cytozoaire considéré à tel ou tel stade de son évo- 
lution les diverses figures anormales que l’on ob- 
serve dans les préparations histologiques des tu- 
meurs. 

On peul considérer d’une manière générale que 
le lerme de l'évolution d'un cytozoaire est la 
formation de corps reproducteurs, dans les- 
quels passe toute la substance du parasite {ou au 
moins la partie la plus importante de cette subs- 
tance, le reste étant falalement destiné à se 
détruire pelit à petit. De deux choses l’une : ou 
bien ces corps reproducteurs pourront se déve- 
lopper à l'intérieur même de l’hôte qui a hébergé 
leur père, et alors la reproduction aura pour effel 
une généralisation de l'infection parasitaire dans 
l'hôte lui-même : c’est le développement erdogène; 
ou bien ils ne pourront se développer que dans un 
nouvel hôte, après avoir passé un temps plus ou 
moins long dans le milieu extérieur; dans ce der- 
nier cas, il faudra que les corps reproducteurs 
soient doués d’une résistance considérable pour 
pouvoir conserver l'espèce malgré les causes de 
destruction auxquelles ils sont exposés : c'est le 
développement exogène. 

Dans les deux cas, les premières phases de l’évo- 
lution sont identiques, sauf quelques différences de 
détail, jusqu'au stade de la formalion des. corps 


116 F. LE DANTEC — LES COCCIDIES 


NAS ET ER ER Re 


reproducteurs; on a admis longtemps sans le 
moindre doute, et l’on admet encore en général 
qu'une espèce déterminée de Cytozoaires parcourt 
toujours le même cycle évolutif endogène ou 
exogène, et que ce cycle est caractéristique de l’es- 
pèce; une théorie récente, que nous étudierons 
tout à l'heure, considère au contraire comme fré- 
quente, ou mêmecomme générale, l'existence, pour 
chaque espèce, des deux cycles endogène el 
exogène, dont l'un assurerait la multiplication des 
parasites dans un même hôte, l’autre la conserva- 
lion de l'espèce et la transmission d'hôte à hôte. 
Étudions chacun de ces cycles séparémeni, comme 
s’il était certain qu'une espèce déterminée ne peut 
parcourir qu’un seul d'entre eux. 
IL. — ÉVOLUTION EXOGÈNE. 

Tout cylozoaire est, au début de son existence, 
un pelit corps appelé sporozoile, composé d’une pe- 
tite masse protoplasmique, de forme déterminée, 
avec un noyau réduit, le plus souvent, à une petite 
masse de chromatine, appelée à tort nucléole. Le 
sporozoïte, d'abord libre dans une cavilé orga- 
nique de l’hôle, pénètre dans une cellule hospi- 
lalière et se loge dans son protoplasma; il s’y dé- 
veloppe peu à peu, et. pendant sa croissance, son 
noyau se modifie ; une aire claire apparait autour 
de la masse chromatique initiale, qui se trouve 
bientôt ainsi au centre d’une masse sphérique non 
colorable par les couleurs d’aniline. Cette masse de 
substance achromalique préexistait dans quelques 
cas chez le sporozoïte: elle s’entoure, le plus sou- 
vent, d’une membrane (membrane ele aire) qui 
la sépare du protoplasma ambiant: le noyau adulte 

done une struclure vésieulaire caractéristique , 
toute sa masse chromalique étant rassemblée au 
centre de la vésicule où elle affecte des formes va- 
riables. 

A ce moment il peut se présenter deux cas : 

Ou bienle cylozoaire pousse vers l'extérieur de la 
cellule hospitalière un bourgeon qui, traversant la 
paroi de celte cellule, proémine librement dans une 
cavité organique de l'hôte et finit par acquérir un 
volume bien plus considérable que celui de la 
partie restée intra-cellulaire : c’est le cas d’une 
Grégarine polyeystidée ! (fig. 1). Le noyau s'avance 
pelit à pelit vers l'extrémité distale de ce bourgeon 
où il se trouve enfermé définitivement par l’appa- 
rition d'une cloison transversale (Dicystidées, Léger) 


1 Nous mettons à part les Grégarines Monocyslidées vraies ; 
les sporozoïtes de ces êtres passent di- 
rectement du tube digestif dans le cœlome des hôtes, sans 
s'arrêter dans une cellule ; ils n’auraient donc pas de phase 
primitive intra-cellulaire et se développeraient directement 
dans le cœlome; ce n’est qu’une hypothèse vraisemblable. 
Dans tous les cas, au bout d’un certain temps, les mono- 
cystidées s’enkystent comme les autres Cytozoaires. 


Léger admet que 


segments dont le plus ancien est fiché dans la cel= 
lule nutritive et dépourvu de novau, dont l'autre, 
quand il n'y en a que deux, ou le plus éloigné des 
deux autres, quand il y en a trois, contient le noya 


Fig. 1. — Développement d'une Grégurine polycyslidée (d'a= 
près Schneider). — 1. Sporozoïte libre. — 2, 3. Déve- 
loppement intracellulaire. Bourgeonnement. — 


6. Céphalin complet. 


— 4, à. 


du eytozoaire. La partie extra-cellulaire se détache 
de la partie intra-cellulaire et tombe dans la cavité 
organique (le tube digestif fowjours pour les Gréga-, 
rines polycystidées) el y mène une existence libre" 
plus ou moins longue {nous n'insistons pas sur ce. 
cas des Grégarines qui sont exclusivement para- 
sites des Invertébrés). Au bout d'un temps plus ou 
moins long, cette Grégarine libre s'entoure, seule 
ou en compagnie d’une autre Grégarine (pseudo= 
conjugaison), d’une paroi résistante généralement 
sphérique; c’est alors ce qu'on appelle un kyste. 

Ou bien, le Cytozoaire intra-cellulaire, ayant” 
épuisé la cellule nourricière, s’arrondit à son inté-, 
rieur et s'y enkyste directement : c'est le cas des, | 
Coccidies. | 

Dans les deux cas nous arrivons à un kyÿsle en- 
touré d'une paroi résistante: ce kyste estlibre dans 
une cavité organique chez les Grégarines: il est 
intra-cellulaire chez les Coccidies; tous les phé- 
nomènes ultérieurs sont comparables dans les 
deux cas. 

Pour simplifier la description, supposons que la 
Grégarine se soit enkystée seule (s’il y avait deux 
Grégarines dans le kyste, chacune d'elles se com 
porterait isolément comme la masse lotale, quand 
il n'y a qu'une Grégarine enkystée). Alors, qu'ils, 

s'agisse d'une Grégarine ou d’une Coccidie, nous [1 
nee aux ro suivants, bien certains 
dans tous les cas, complètement connus. 

Le noyau perd sa DeMPrANES et l'aire claire ail , 
entourait son wwcléole ?) devient indistincle. Ré- 
duil ainsi à une masse ie il émigre vers la 
périphérie de la masse protoplasmique, laquelle 
s'est détachée par contraction de la paroi du kyste. Œ 
Puis il se divise (par karyokinèse?) en deux, ‘+ 


äu périphérie de la masse protoplasmique (fig. 2). 
…— Ce travail de division nucléaire achevé, une 
A 

sphère de protoplasma se condense autour de cha- 


z 3 4 5 
ge œ E?) “) 
g. 2. — Formation des Sporoblastes dans un kyste de 
«: LL — 1. Enkystement de la Coccidie à l'intérieur 
d’une cellule. — 2. Le noyau commence à se diviser à la 
périphérie du corps protoplasmique contracté dans le kyste. 
—3,4 Formation des Sporoblastes (on a représenté seule- 


ment ce qui se passe dans un plan diamétral). — 5. Spo- 
- roblastes formés; x, reliquat de segmentation. 


-roblaste; il y a donc autant de sporoblastes qu'il 
s'est produit de noyaux. 

- Toute la masse protoplasmique du kyste peut 
être employée à la constitution des sporoblastes, 
- ou bien il peut en resler une partie inemployée, 

qu'on appelle le reliquat de segmentation. 

“ Voilà donc les sporoblastes libres dans le kyste: 
- chacun d'eux est d'abord une sphère de proto- 
plasma muni d'un noyau, puis prend une forme 
déterminée pour chaque espèce et s’entoure d'une 
paroi résistante : il devient ainsi une spore. 

Dans la spore vont se passer des phénomènes 
identiques à ceux qui se sont passés dans Le kyste; 
-son contenu proloplasmique, muni d'un noyau, va 
donner, en fin de compte, un nombre déterminé de 
etites masses nucléées, qui seront les sporozoites, 
et, le plus souvent, une partie inemployée et dé- 
pourvue de, noyau, qui est appelée le reliquat de 
différenciation ‘. Quand la spore contient ces divers 
éléments, on dit quelle est #ure. 

Le Le des spores formées dans un kyste est 
‘lrès considérable et indéterminé chez les Gréga- 
rines el les Coccidies polysporees ; il est réduit chez 
les Coccidies oligosporées à quatre (tétrasporées) ou 
à deux (disporées). 

Nous avons suivi la sporulation à à l’intérieur du. 
- kyste, sans nous préoccuper de l'endroit où se 
… lrouvait ce kyste ; dans certains cas, la sporulalion 
. n’alieu qu'après que le kyste a quitté l'organisme 
£ 
è 


de l'hôte; pour les Grégarines polycystidées, par 
exemple, on ne trouve de kystes presque mürs que 


— dans le rectum, de kystes mûrs que dans les fèces: 
+ kyste de la Coccidie du foie de lapin est rejeté 


FF 
1 Une Grégarine, celle de l'intestin du homard, fait excep- 
lion à cette règle genérale de la constitution des spores; ses 
spores sont sphériques et aues; elles comprennent un reli- 
muquat de différenciation central, entouré d’une couche con- 
“tinue de sporozoïtes juxtaposés sans membrane pour en pro- 

… téger l'ensemble. 


F. LE DANTEC — LES COCCIDIES 


EE. puis plusieurs noyaux, qui se répartissent | avec les fèces, alors que les sporoblastes sont à 


peine formés à son intérieur; la maturation n’a 
lieu qu'à l'extérieur. Dans d’autres cas, le kyste 
mürit dans l'hôte, quelquefois même à l'intérieur 
de la cellule où il s’est formé. Cela a lieu particu- 
lièrement chez les Coccidium des Poissons. On cons- 
tate alors, en relation avec cette durée plus longue 
du séjour intra-cellulaire, une diminution de plus 
en plus grande de l'épaisseur de la paroi du kyste, 
qui devient presque insignifiante chez quelques 
espèces. Dans ce cas, ce n'est plus le kysle qui 
protège l'élément reproducteur contre les causes 
extérieures de destruclion, c’estla spore elle-même 
qui est la forme de résistance. Dans tous les cas, 
le kyste est rejeté à l'extérieur, ou bien il attend, 
sans modification, que la destruction du corps de 
son hôte le mette en liberté. 

La spore ne s'ouvre, pour mettre les sporozoïtes 
en liberté, que lorsqu'elle est introduite dans une 
cavité organique (l'intestin le plus souvent, pro- 
bablement) d'un hôte de même espèce que celui 
où a évolué le parent d’où elle provient. Le spo- 
rozoïle, mis en liberté, se meul la pointe en avant 
il a généralement la forme d'un fer de faux, d'où 
le nom de corpuscule falciforme, qu'on lui donnait 
autrefois), ec pénètre dans une cellule hospila- 
lière. Le cycle évolutif est fermé. 

On voit que, dans lous les cas précédemment 
décrits, même quand le kyste mürit à l’intérieur 
de la cellule hôte, mème quand la sporulation est 
intérieure, le cycle évolutif est exogène, c'est-à-dire 
que du sporozoiïle d'une génération au sporozoïte 
libre de la génération suivante il y a forcément 
une période pendant laquelle le parasite est dns 
le inilieu extérieur. Quand l'évolution se poursuit 
selon ce mode normal, une spore ingérée par un 
hôte ne peut infester, au maximum, qu'un nombre 
de cellules de l'hôte égal au nombre de sporo- 
zoïtes qu'elle contient.-Ce nombre est aussi le 
nombre maximum des kystes pouvant provenir 
d'une seule spore. Dans des cas d'infection aiguë, 
Labbé a décrit pour les Coccidies des Oiseaux (et 
cela a probablement lieu pour d’autres Coccidies 
un mode de proliféralion endogène par bipartition 
intra-cellulaire de la jeune Coccidie avant l'enkys- 
tement; chaque sporozoïile pourrait donc alors 
donner naissance à plusieurs Coccidies, dont cha- 
cune donnerait un kyste. Ce mode de multiplica- 
üon à l’intérieur de l'hôte, nous amène au eycle 
évolutif endogène. 

Avant de l’aborder, rappelons les principaux 
traits de l'évolution exogène des Cytozoaires. 


{° Phase d’accroissement intra-cellulaire du spo- 
rozoïite. 

2e L’accroissement intra-cellulaire se poursuit chez 
les Coccidies ; il se continue par une phase libre dans 


118 


le tube digestif chez les Grégarines polycystidées !, 
3° L'être s'enkyste. 

° Le noyau se porte à la périphérie de la masse 
protoplasmique légèrement rétractée dans le kyste, et 
se divise en autant de parties qu’il y aura de spores, 

5° Le contenu du kyste se divise en sporoblastes 
uninucléés, avec ou sans reliquat de segmentation 
dépourvu du noyau. 

6° Chaque sporoblaste devient une spore en s'en- 
tourant d'une paroi de forme déterminée. 

T Le contenu de la spore donne un nombre dé- 
terminé de sporozoïtes uninucléés, avec un reliquat de 
différenciation en général. 

III, — ÉVOLUTION ENDOGÈNE. 

Les premiers stades de l'évolution endogène 
sont identiques à ceux de l’évolution exogène; le 
sporozoïle grandit à l’intérieur d’une cellule hospi- 
talière, son noyau prend la structure vésiculaire 
s'ilne l'avait déjà au début. Il devient adulte dans 
la cellule où il a grandi, et, à partir de ce moment, 
nous trouvons encore deux cas dans la suite de son 
évolution. 

Ou bien lecylozoaire adulle présente la structure 
d'une Grégarine monocystidée ; il peut alors sortir 
de la cellule où il a grandi (cette cellule est, dans 
le cas actuel, un globule sanguin ou un élément his - 
tologique d'organe hématopoïétique et se mouvoir 
librement dans le sérum. C'est alors une Æémospo- 
ridie où Hémoyrégarine; elle peut se souder à une 
congénère rencontrée dans sa course et former 
avec elle, par fusion complète, un nouvel être ne 
différant des premiers que par une laille un peu 
plus considérable. Un tel être ou un être simple 
ne résultant pas de la conjugaison de deux hémo- 
grégarines pénétlrera ensuite dans un nouveau glo- 
bule sanguin et s’y enkystera en s’arrondissant el 
s'entourant d’une membrane. 

Ou bien le cytozoaire adulte à une structure 
plus simple et ne quitte pas la cellule où il à 
grandi, Dans ce dernier cas il peut se produire 
plusieurs phénomènes diflérents suivant les es- 
pèces : 

1° Le cytozoaire s'arrondit dans la cellule hôte. 

a. Ils'y enkyste en s’entourant d'une paroi plus 
ou moins résistante |Zmeria\; la cellule hôte est 
alors, en général, une cellule épithéliale limitant 
une cavité organique tube digestif, tubes de Mal- 
pighi des Insectes, ele.) ; on constatedansles diver- 


l Le passage est établi entre les Grégarines polycystidées et 
les Coecidies par les formes cœlomiques des premières. Dans 
certaines conditions, le jeune cytozoaire, parasite d’une cellule 
épithéliale du tube digestif de Phôte, se déplace vers le cœæ- 
au lieu de bour- 
et poursuit son évolu- 


lome en refoulant les tuniques digestives 
geonner vers la lumitre de l'intestin), 
tion dans ces tuniques où il s’enkyste; c’est le kyste mür qui 
tombe dans la cavité générale. L'évolution des G. monocys- 
tidées serait une exagération de ce processus ; le sporozoïte 
traverserait les tuniques intestinales sans s'y arrèter et évo- 
lucrait dans le cœlome. 


F. LE DANTEC — LES COCCIDIES 


ses espèces du genre Zimeria, depuis £. fulciformis, 


de l'intestin de la souris, jusqu'à Z. nepæ, de la 


nèpe cendrée, une diminution progressive de la 


paroi du kyste : ce qui nous amène au cas sui= 
vanl. 


6. Il ne s’entoure pas d'une paroi, mais reste à. 


l'état de corps sphérique nu. La cellule hôte est le: 
plus souvent un globule rouge de sang (Æ/emamæba 
de la fièvre paludéenne|. 

2° Le cytozoaire s'allonge, son noyau se divise, 


et chacun des deux nouveaux noyaux gagne une. 


extrémité du corps protoplasmique qui prend, petit. 
à petit, la forme d'une hallère, composé qu'il est 
de deux sphères nues et nucléées, unies par une 
partie allongée dépourvue de noyau; la partie 
allongée se détruira petit à petit (reliqual de seg- 
mentalion :; chacune des deux sphères nucléées se 


comportera comme la sphère nue d'une Æemamabu. 


C'estle cas des Æalleridium du sang des Oiseaux. 

Dans tous les cas que nous venons d'énumérer, 
que nous ayons affaire à une //émogrégurine, une 
Eimeria, une Hemamaba où un Æalteridiun, nous 


voici arrivés à un état où le parasite se compose. 


soit d'une, soit de deux sphères protoplasmiques 
uninucléées, entourées ou non d’une paroi kys- 
tique. ; 

Chacune de ces sphères protoplasmiques pré- 
sentera désormais les mêmes phénomènes. 

Le noyau se portera à la surface de la sphère 
(après avoir perdu sa paroi el son apparence vési- 
culaire) ets’ y divisera en un nombre généralement 
très grand de parties, qui se répandront, soit sur 


toute la surface de la sphère, soit sur une moitié 


seulement de celte surface (quelques Zimeria . 

Puis, autour de chacun de ces noyaux supertfi- 
ciels, le protoplasma se condensera en petites 
masses,comme nous avons vu que cela se produi- 
sait dans le cas de l’évolulion exogène pour la 
formation des sporoblastes. Seulement, ici, ce ne 
sont pas des sporoblastes qui se consliluent, ce 
sont des sporozviles où corpuscules falciformes, 
c'est-à-dire de jeunes Cytozoaires. 

Dans certains cas, chez les Zimeria à kyste solide, 


-parexemple, ilest possible quele kyste soit rejeté à 


l'extérieur avec les fèces el puisse ainsi trans- 
mettre le parasite à un nouvel hôte ; mais, le plus 
souvent, même pour ces espèces à kyste solide, 
toujours pour les espèces dépourvues de kystes, 
les sporozoïles sont mis en liberté directement 
dans l'hôte où a vécu leur parent, par destruction 
de la cellule hospitalière (et du kyste s’il y en avait 
un). Ces sporozoïles mis en liberté, soit dans le tube 
digestif, soit dans le sang, soit ailleurs, pénètrent 
dans une nouvelle cellule et y recommencent le 


cycle évolutif que nous venons de parcourir. L'in-. 


fection se généralise dans un même hôle. 


F. LE DANTEC 


— LES COCCIDIES 


IV. 


— ESSAIS DE CLASSIFICATION. 


Schneider considère le kyste d'une Æimeria 
comme une spore et admet que toute la masse du 
parasile se transforme, par conséquent, en une spore 
| unique : d'où le groupe, créé par lui, des Coccidies 
monosporées. Il faudrait alors considérer comme 
une spore nue l'ensemble d'une Æemamwba divi- 
De en sporozoites et reliqual de différenciation. 
| deux spores nues l'ensemble d'un Æalteri- 
din à la fin de son évolution. 

… La classification des Cytozoaires est donc, d’a- 
| près Schneïder {si l'on y ajoute les D el 
les Gymnosporidies| : 


&2 

| 0e" x : À 

1° Espèces à forme adulte libre : 

FE z. Espèces polysporées : Grégarines polycystidées 
ES “et monocystidées. 

mu 4. Espèces monosporées : 
… grégarines,. 

à 


Hémosporidies ou Hémo- 


—… 2° Espèces sans forme adulte libre : 
«. Espèces donnant un nombre indéterminé de 
spores : Coccidies polysporées. 
8. Espèces donnant un nombre déterminé de spores : 
. Coccidies oligosporées. = 
a. Quatre spores : Tétrasporées. 
b. Deux SERRES 1. Spores à paroi résistante: Dispo- 
rées vraies. 2. Spores nues : Gymnosporidies disporées. 
D Y. Espèces donnant une seule spore : 
a. Spore entourée d’une paroi: Monosporées vraies 
- (Eimeria). 
…—._ L. Spore nue : Gymnosporidies monosporées. 


Labbé s'est élevé contre cette classification et 
on ‘admet pas les Monosporées, prétendant que l'on 
ne saurait assimiler à une spore le kyste d’une 
… Eimeria. On peut, si l'on veut, classer tous les Cyto- 
…oaires en les divisant d'abord en deux grands 
. groupes à cycle évolutif endogène et exogène : 


| Évolution exogène. Le bourgeonnement du corps 
“ protoplasmique produit des sporoblastes qui devien- 
« iront des spores résistantes. 
a. Une forme adulte libre : Grégarines. 
…  b. Pas de forme adulte libre; tout le développement 
… est intra-cellulaire. 
…—_ Un nombre indéfini de spores : Coccidies polyspo- 
— rées vraies. 
4, Un nombre défini de spores (2 ou 4): Coccidies oli- 
sosporées vraies. 
: 2, Évolution endogène, Le bourgeonnement du corps 
protoplasmique produit des SpUrozoites 5 
Une forme adulte libre : Hémogrégarines. 
b. Pas de forme adulte libre. 
x. Une paroi au kyste (anciennes monosporées 
yraies) : Limeria. 
&. Pas de paroi : Gymnosporidies. 
V. — DiMORPIHISME ÉVOLUTIF. 


Une théorie récente due au D’ Pfeiffer établit 
un parallélisme complet entre l'évolution exogène 
et l’évolution endogène. Chaque espèce de Cocci- 
dies (et même de Sporozoaires, serait susceptible 
d’un développement endogène. chargé de répandre 


l'infection dans un même hôte, et d’un développe- 
ment exogène, chargé de conserver l'espèce et de 
répandre l'infection d'hôte à hôte, On se demande. 
en effet, comment peut ne pas disparaître l'espèce 
des Coccidies à évolution endogène, lesquelles 
n’ont pas de forme de résistance capable de s’op- 
poser à la destruction, une fois que leur hôte n'existe 
plus. Le sporozoïte n’est pas une ‘orme de résis- 
tance et ne peut se développer que dans une cel- 
lule d'hôte déterminé. Au contraire, la spore ré- 
siste parfaitement à la dessication et, à toules les 
causes qui détruiraient les sporozoïtes; elle ne 
s'ouvre et ne met ses sporozoïles en liberté que 
dans un milieu approprié à leur évolution ulté- 
rieure, quand elle a elle-même été introduite dans 
l'hôte nécessaire. 

De là la théorie du D' Pfeiffer, qui, il faut bien le 
dire, s’est réclamée d’abord d'observations recon- 
nues depuis erronées. et ne s'appuie encore que sur 
des hypothèses. 

Mingazzini a décrit deux modes d'évolution du 
Klossia octopiana, Coccidie polysporée parasite du 
Poulpe. Mais il est possible qu'il se soit trompé et 
ait confondu, avec un cycle évolulif erdogène de 
Klossia, le cycle normal d'une Æimeria parasite du 
même hôte !. 

Pfeiffer a décrit un bourgeonnement direct de 
nombreux sporozoïtes à la surface du,corps proto- 
plasmique d'un kyste de Coccülium |Coccidie tétra- 
sporée ; mais Schneider a montré que ce que le sa- 
vant allemand a pris pour des noyaux de sporo- 
zoïtes, ce sont simplement des granulations chro- 
matoïdes superficielles, coexistant avec le noyau cen- 
tral non modifié. Ici l'erreur est done manifeste. 
Pour les autres cas de parallélisme, aucune obser- 
vation directe n'existe; on a seulement constaté la 
présence simultanée, dans ce même hôte, d'une 
Coccidie à spores véritables et d'une Zimeria, el 
l’on a supposé que ce pouvaient être deux formes 
évolutives différentes d’une même espèce parasi- 
taire ; mais ce n’est qu'une hypothèse. 

Voilà, rapidement résumée, l'histoire aujour- 
d’hui connue des Cytozoaires; on voit qu'il y a de 
grandes similitudes dans le cycle évolutif des 
diverses espèces exogènes et endogènes, que 
l'évolution du noyau, par exemple, est très carac- 
téristique. Il est probable que, si l'on arrive à 
identifier à des Coccidies des parasites ou pseudo- 
parasites du cancer, ce sera dans lesGymosporidies 
qu’on devra les placer; mais il faudra, pour en 
avoir le droit, connaître leur eycle évolutif qui, seul, 
serait caractéristique, et cela paraît fort difficile. 


1 Labbé considère comme des spores avortées les sporo- 
zoïtes du développement endowène attribué aux K lossiaæ par 


Mingazzini. 


180 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


VI. — Hapirar. ROLE PATHOGÈNE. 


Les Grégarines habitent les Invertébrés et n’in- 
téressent done pas particulièrement ceux qui veu- 
lent étudier les néoplasmes cancéreux. Toutes les 
Hémosporidies el Gymnosporidies aujourd'hui con- 
nues, ainsi que toutes les Coccidies tétrasporées, ha- 
bitent les Vertébrés. 

On connait le rôle pathogène des Æemamaæbu de 
la fièvre paludéenne. L’Æ. Laverani var. quartana 
évolue en soixante-douze heures, et les accès de 
fièvre correspondant aux époques de sporulation 
se reproduisent de lrois en trois jours fièvre 
quarte); l’/7. L. lertiana évolue en quarante-huit 
heures (fièvre tierce). Il est probable que ces êtres 
n'agissent pas seulement sur l'organisme de 
l'homme par la destruction des globules rouges où 
ils habitent, mais qu'ils produisent une substance 
toxique donnant lieu à des accidents généraux. 

Au contraire, d'autres Gymnosporidies semblent 
n'avoir qu'une action mécanique de destruclion du 


globule. On connait le rôle palhogène des Cocci- 
dies des lapins etdes poules, Coccidies qui ont pu, 
dans certains cas, causer des accidents mortels aux 
hommes observation classique de Gübler). Nous 
n'insistons pas sur ces questions très connues. 

Une observation de Thélohan peut intéresser 
ceux qui éludient les affections cancéreuses. Cel: 
auteur à décrit, en effet, chez les Poissons, des tis- 
sus d'apparence tout à fait anormale qui conte- 
naient des Cocidies lélrasporées ; 1 y a vu d’abord des 
néoplasies dues à une action spéciale sur le poisson 
de ces Cytozoaires parasiles ; mais il s'est rendu 
compte -ensuile que ces tissus anormaux pouvaient, 
exister chez des Poissons dépourvus de Coccidies, 
et que les mêmes Coccidies pouvaient se trouver 
dans des tissus non modifiés des Poissons. Il en a 
conclu que ces lissus anormaux préexistaient à. 
l’'envahissement parasilaire et constituaient sim- 
plement un milieu favorable au développement 
des Coccidies. F. Le Dantec, | 


Maitre de Conférences de Zoologie 
à la Faculté des Sciences de Lyon, 


REVUE ANNUELLE 


1. — (ÉNÉRALITÉS 

Si les découvertes d’une importance capitale se 
produisent dans un pays quelconque, les lecteurs 
de cette ARevue en sont aussitôt informés par un 
exposé émananl le plus souvent de l’auteur même. 
Cette situation est agréable pour le lecteur, mais 
diflicile pour ceux qui, dans chaque science, sont 
chargés de résumer ici les progrès accomplis. 


En ce moment la Chimie organique découvre 
des milliers de substances, quelquefois ‘utiles, en 
épuisant toutes les ressources de Lhéories déjà an- 
ciennes. Son symbolisme d'apparence algébrique 
reste le même. Les idées qui en feront plus que 
l’anatomie ou la topographie limitée des molécules, 
se font attendre ; elles viendront, sans doute, de la 
Chimie physique et de la Chimie biologique,les deux 
réservoirs nalurels et inépuisables de notre science. 

La Chimie physique, de conslilution récente. 
n’a pas fail, en ces derniers Lemps, de progrès 
comparables à ceux des années précédentes; elle 
discuteses propres bases. En présence d'innombra- 
bles constantes, elle cherche à en pénétrer le sens: 
les faits y sont, en effet, complexes comme l’ensem- 
ble des mouvements d'une foule. Sur ce Lerrain, les 
meilleurs esprits commencent par donner une 
équation représentalive simple; leurs successeurs, 
aussi compétents, passent des années à compli- 
quer l'équalion primilive de lermes nouveaux. 


DE CHIMIE PURE 

C'est ainsi que la formule de Van der Waals est 
une créalion primesaulière de l'esprit abstrait, 
bientôt transformée par les réalités expérimen- 
lales d'Amagat, qui ont plus fait pour la théorie. 
des gaz que des années de calculs. Les brillantes 
hypothèses relatives aux #0ns, aux solutions, aux. 
indices de réfraction, à la stéréochimie, ont élé 
formulées el exposées ici même : mais on ne sail 
combien de temps il faudra attendre le jugement 
impartial du temps. 

La Chimie physique et la Chimie organique ae- 
tuelles ne reposent pas en tout point sur le terrain 
ferme des vérités démontrées; il y a toujours à la 
base une hypothèse, au moins, sur laquelle les 
esprils aventureux en échafaudent d’autres jus- 
qu’à perdre pied. L'usage de ces hypothèses est 
on ne peut plus ulile, même dans l’enseignement, 
si on les renouvelle souvent el les manie avec l’es- 
prit du doute cartésien le pluslarge. En accordant 
trop de valeur dogmatique à ces idées destinées 
à passer, on risquerail de retarder les jeunes, qui 
éludient maintenant pour créer plus tard une 
doctrine scientifique qu'il ne nous sera, proba- 
blement, pas donné de connaitre. C'est, peut-être, 
en appréciant d'une facon quelque peu analogue 
l'état des choses qu'un brillant retour s’est fail 
en faveur de la Chimie minérale, et que MM. Ram- 
say en Angleterre el Moissan en France ont mon- 
tré tour ce qu'il y a là de faits tangibles, plus 
aptes à faire approcher la science de l'inconnu 


= 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


dr pe 0e ce AL teste À , / on 


181 


qu'elle cherche qu'un demi-siècle de conjectures. 
Signalons aussi une autre tendance qui procède 
‘du mème sentiment et concerne les laboratoires. 
Pendant longlemps nous n'avions pas en notre 
pays un nombre suflisant de laboratoires; on peut 
dire aujourd'hui qu'il y en a trop par rapport au 
nombre des travailleurs qui les fréquentent. Trop 
“peu de jeunes bacheliers aisés y viennent prendre 
“le goût de la Nature et orienter une vie humaine 
“valant la peine d'être vécue. Un trop grand nom- 
bre d'étudiants, dans toutes les nations d'ailleurs, 
traversent les laboratoires en courant seulement 
après un diplôme qui leur permette de reproduire 
une autre éclosion de diplômés. 
. La plupart des laboratoires d'Europe, créés, il y 
trente ans, surtout en vue de faire des expé- 
riences de cours, ne sont plus en état de rivaliser 
“comme moyens avec l'industrie moderne. Il fau- 
“drait pouvoir changer l'outillage d'un laboratoire 
“comme on change un armement vieilli : c'est ce 
“que commencent à faire quelques laboratoires 
- étrangers, recevant de la canalisation électrique 
; de la ville un câble qui anime de nombreuses ma- 
- chines, permet la fusion des métaux ou l'éleetro- 
lyse des sels les plus réfractaires. 
- Devant les résultats de la pratique, les savants 
- ne comptent plus faire en laboratoire du fer, du 
… cuivre, de l'aluminium, du chrome, ete. 
“quement purs », comme on le disait un peu pompeu- 
“sement autrefois. L'aflinage en grand peut seul 
approcher du résultat, bien que rien ne soit chi- 
- miquement pur pour un bon analyste.Il est à sou- 
- haiter que quelques laboratoires de nos grands 
…centres soient dotés des puissants moyens que la 
“science moderne exige: sans eux, on ne peul 
“mieux faire qu'autrefois, il n'y a pas de grand 
| “progrès. On revient donc à l’idée de laboratoires 
“ayant leur réputalion spéciale, comme cela était au 
| siècle dernier. Ne voit-on pas M. Ramsay envoyer 
“l'argon à Paris pour passer à l'effluve au labora- 
toire de M. Berthelot, et faire liquéfier ses corps 
“simples à Cracovie chez M. Olszewsky? Cette 
“année-ci le lilane n'a pu être isolé à Paris que 
dans un de nos plus puissants secteurs électriques 
où M. Moissan avait installé son four de réduc- 
“lion. Deux chimistes français, M. Manhès pour le 
“cuivre et M. Minet pour l'aluminium, ont puissam- 
“ment changé la métallurgie de ces éléments en 
. dehors des laboratoires de recherches insuffisam- 
ment oulillés. L'attention des savants ne saurait 
“trop se porter sur l'appui que la science et l’indus- 
aie ont intérêt à se prêler mutuellement. 


#- U. 


« chimi- 


— CuiMIE GÉNÉRALE ET MINÉRALE 
En Chimie générale, il n'y a pas. cette année, de 


découvertes, ni même d'observalions d’un (très 


Ha a TA à 


grand intérêt. Tout le personnel disponible de 
celte science est occupé à faire des mesures en fa- 
veur ou en défaveur des théories avancées. Quel- 
ques faits bien surprenants se manifestent pour- 
tant. Hannay et Hogarth, les premiers, puis 
Ramsay ont montré que des solides dissous dans 
des liquides très volalils les suivent sous la 
forme de molécules gazeuses au delà du point eri- 
tique. C'est ainsi qu'un sel ne fondant qu'au rouge, 
640°, l'iodure de potassium, un véritable solide, 
dissous dans l'alcool, passe à l’état de vapeur au 
point critique de ce dernier, à 240°, Aucun résidu 
salin ne reste dans le tube, alors que, s'il était 
seul, l'iodure métallique ne pourrait se volatiliser 
qu'à un millier de degrés plus haut, au rouge 
blane. M. R. Pictet vient de faire des expériences 
semblables avec un corps coloré. l’alizarine, fu- 
sible à 290° el qui, à 240°, passe brusquement à 
l'étal gazeux en suivant la vapeur d'alcool. 


On s’oceupe beaucoup à l'étranger d’un nouveau 
pyromèêtre de précision, fondé sur l'accroissement 
de résistance du platine en fonction de la tempé- 
rature. MM. Heycock et Neville ont étalonné une 
série de fils de platine pur montrant la faible in- 
fluence du métal. Les mesures se font par la mé- 
thode du pont de Wheaslone et des résistances, 
qui ne laisse rien à désirer. Avec l'appareil cons- 
titué. ils ont dû résoudre le point le plus impor- 
lant : savoir si l'accroissement de résistance est 
proportionnel à la température. Pour cela, ils ont 
comparé les résultats donnés par leurs fils avec 
ceux obtenus dans la méthode du thermomètre à 
gaz par Troost et Hautefeuille, puis V. Meyer, 
ainsi qu'avec les méthodes calorimétriques de 
Violle et celle des couples thermoélectriques de 
Becquerel et H. Le Chätelier. Tous ces essais leur 
ont montré la parfaite régularité de l'accroisse- 
ment des résistances, et MM. Heycock et Neville 
ont pu donner, gräce à cela, des points de fusion 
vers 1.000° qui comportent toute la précision des 
mesures électriques et ne s'écartent pas de 1° de 
la vérité. En raison de la sensibilité des mesures, 
bien des points ont pu être reclifiés, notamment 
l'antimoine fusible de 450° à 440°, d’après les au- 
torités de Cornelly et de Pictet, et qui notoirement 
ne pouvait être liquéfié qu'au four Perrot. Cet an- 
limoine fond à 6299. 

Voici la liste des points de fusion relevés par 
les auteurs : 


Se— Au — 1061.7 
Tn-= Cu —= 1080.5 
My — K2S0t — 1066 
Sb = Na2SOt — 883 
Nr = Na2CO — 850 
Ag — 


Tous les grands succès de l’année apparliennent 


182 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


à la chimie inorganique. Lord Rayleigh et M. Ram- 
say ont découvert l'argon — A: bientôt après, 
M. Ramsay isolait l'hélium — He, corps simple ca- 
raclérisé par une raie jaune, D,, visible dans le spec- 
tre du Soleil (Hélios), mais qu'on n'avait vue dans 
la lumière émise par aucune matière du globe ter- 
restre; c'était le mystérieux corps simple du So- 
leil. Mais l'analyse spectrale stellaire, puis celle 
des météorites nous apprennent que les corps 
simples sont en quelque sorte diffusés dans l’uni- 
vers; l'hélium ne pouvait être exclu de notre 
terre. MM. Ramsay. Collie et Travers montrent, 
dans un travail récent, qu'il existe nombre de mi- 
néraux chargés d'azote, d'hydrogène, d'argon et 
d'hélium, à peu près comme le bioxyde de manga- 
nèse est chargé d'oxygène. 

Les pierres hélifères sont des minerais d’ura- 
nium, comme la pechblende, la brôggerite, la clé- 
véile ou d'autres minéraux complexes, ceux des 
terres rares, où la Nature semble avoir accumulé 
tous les déchets inséparables et précieux de sa 
chimie. C’est ainsi que l’orangite ou silicate de 
thorium hydralé, la samarskile et surtout la mo- 
nazite (phosphate de Ce, La, Yt, Th, Er, Nd, Pr...) 
nous apparaissent comme des minerais d’hélium. 
L'air atmosphérique ne contient que de l’argon 
sans hélium. Enfin, le D' Palmieri avait déjà vu, 
en étudiant les gaz sortant de la lave du Vésuve, 
une raie À — 587.5. Les déjections des profon- 
deurs du globe, aussi bien que la surface du So- 
leil, contiennent donc de l'hélium. 

L'hélium, l’argon et peut-être un troisième 
corps qu'on prévoit nous révèlent une famille 
d'éléments encore totalement inconnus en Chimie. 
Seule, la classification par familles indépendantes 
de Dumas est assez large pour faire place à ces 
nouveaux venus. La classification de Mendeleef, 
si féconde pendant vingt ans par les travaux 
qu'elle a suggérés, se prête difficilement à l'ad- 
mission des deux gaz qu'on vient de découvrir. 
L'enthousiasme provoqué par des succès mérités a 
fait oublier que ce système classait le chrome 
à côté du soufre, le manganèse près du chlore. 
Le tellure désobeit déjà au principe fondamental 
de la table : la distribution par ordre croissant de 
poids atomique, qui tire son origine du livre de 
B. de Chancourtois. Et maintenant il faut absolu- 
ment le vouloir pour trouver dans les colonnes du 
tableau périodique une place raisonnée et analo- 
gique à l'hélium He — 4,26 et à l'argon A—39,9 !, 


gaz 


plus éloigné du chlore 35,5 que du cal- 
cium 39,9, qui est un métal solide. 
Il est bien démontré maintenant que l'argon el 


1 La densité de l’argon est 20 par rapport à l'hydrogène ; 
mais, sa molécule ayant été démontrée simple, le poids ato- 
nique est double et s'éloigne de celui du fluor. 


l'hélium sont des corps simples; ils ont servi de 
fluide thermométrique ; on connait leur loi de dila- 
tation et ils satisfont à l'équalion des gaz, PV —RT 
entre — 88° et + 250°, On à déterminé sur eux le 


C Le 
rapport — des chaleurs spécifiques par une mesure 
7 


de vitesse du son. et, si l’on admet avec Clausius 


que l'énergie totale E d'un gaz est liée à lé 


nergie - affectée seulement à la translation de ses 
C— 6 


: rue 
molécules par la relation ES D 


n A 


, On arrive à 


celte conclusion que e — E. 

Il n’y a donc dans les gaz de la nouvelle famille, 
selon les idées actuelles, qu'une énergie de trans- 
lation, sorte d'énergie balistique pourvoyant à 
l’agitation des molécules et ne leur laissant que 
peu ou point d'activité chimique disponible. En 
fait, l'hélium et l'argon ne se combinent sponta- 
nément à rien. L'argon, malgré son poids ato- 
mique élevé (39,9), ne se maintient liquide qu'à 
187° au-dessous de zéro, plus bas encore que 
l'oxygène (16). C’est un liquide incolore, ayant 
une densité de 4,5 et se solidifiant à — 189. 


En présence des propriélés nettement établies 
de ces corps et des difficultés de classification 
dont il vient d'être question, il convient de si- 
gnaler dans les Comptes Rendus de l'Académie un 
important mémoire du savant le plus autorisé 
dans ces questions. M. Lecoq de Boisbaudran, par 
des considérations de classification et de spectro- 
métrie, a fixé le poids atomique du gallium qu'il 
découvrait bientôt après. Son système lui a permis 
précédemment de calculer d'avance le poids ato- 
mique du germanium, et aujourd'hui il signale 
par cette même voie le poids atomique 3.89 pour 
l'hélium. M. de Boisbaudran admet l'existence de fa- 
milles naturelles, avant toutes l'hydrogène pour 
origine, composées de cinq corps dont un prépon- 
dérant formant un point nodal. A litre d'exemple, 
il réunit les familles qu'il a étudiées jusqu'à 
présent le plus spécialement dans l'ordre sui- 
vant : 


ñ Br. Ph qi 
Ba CS + l Mo SbasSn In 
Sr Rb © Br Se As Ge Ga 
Série Ca K à Cl S.Ph Si Al nodale 
Me Na y FI (e] Az C Bo 
GT 8 


À œ 
H H HIS H H H H 


Les lettres grecques représentent les corps à 
découvrir, parmi eux $ vient d'être trouvé : c’est 
l'hélium, premier terme de la famille : hélium, 
argon.… 

En dehors du point de vue théorique, il devient 
expérimentalement certain que le plomb doit être 
mis dans les classifications à la suite de létain et 


î 


| 


| 


| 
1 
1 
3 
À 


lé glucinium dans le groupe des bases alcalines 
ebnon de l’alumine. Ce dernier point a élé confirmé 
par M. À. Combes, qui a pris la densité de vapeur 
d'un dérivé bien défini, l’acétylacétonate de gluci- 
nium Gl(C*H70?}. Un autre pointse pourrait peut- 
être trancher par cette voie, celui de l’atomicité 
es terres rares. telles que la Scandine, l'Yltria… 
pour lesquelles on admetsans preuves assez solides 
e type de formule X?0*, 


Parmi les conquêtes de l’année scientitique se 
rouvent la préparalion du lilane et du molybdène 
en lingots de métal affiné. Le titane était jusqu'à 
ce jour une de ces « poudres grises » de compo- 
sion vague que, depuis Berzelius, on décorait du 
om de métaux, sans doute pour ne pas paraitre 
ignorer des éléments dont les composés nous 
élaient bien connus. Mais aucune puissance de 
laboratoire ne permettait d'obtenir ces corps sim- 
ples avant que M. Moissan n’eûl inslitué la réduc- 
Lion de tous les oxydes réfractaires au moyen de 
son four électrique relié à des machines donnant 
un courant de 800 ampères sous 60 volts, soil 
48.000 watts longtemps soutenus. Dans ces cendi- 
lions l’acide titanique Ti0? et l'acide molybdique 
MoO*, d’abord réduit à l'élat de MoO:, ont laissé cou- 
ler des kilogrammes de métaux purs. Avec une ma- 
chinerie moyenne, le charbon ne réduit l'acide tita- 
“nique qu'à l’état d’oxyde bleu inférieur; une plus 
grande énergie conduit à de l’azoture de Litane el 
il faut atteindre les températures extrêmes où 
lazoture titanique se dissocie pour avoir du métal 
coulant. Le molybdène, moins difficile à oblenir, 
moins susceptible à l’azote de l'air, a donné un 
mélal doux qui se lime et se polit; il forme des 
carbures susceptibles de trempe par cémentation 
ou fusion sur le charbon. 


On sait que les substances capables de préci- 
+ piter le sodium de l’un de ses sels quelconques 
sont d’une excessive rareté. Le pyroantimoniate 
acide de potassium de Frémy est le seul réactif du 
sodium couramment connu. De nouveaux travaux 
n été faits par M. Fenton (Chem. Society, 1895) 
- sur l'acide dioxytartrique de Gruber, dont la for- 
mule parait être CO?H—!{C(OH}?|PCO*H. Selon l’au- 
“leur, cet acide, en présence de soiutions salines, 
perciniterait quantitativement le sel 
CHAN a°085, 2  H°0. 


te 


IIT. — CHIMIE ORGANIQUE 


…—._ La Chimie organique proprement dite tend, 

entre des mains habiles, à renoncer au rôle aride 
Diet sans but d’une algèbre dont le degré de com- 
… plication sur le papier n'apporte pas une lumière 
- correspondante dans la nature des fails. Un jour, 


bel.  &  mÉE 4 


3 
4 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


183 


sans doute, celle parlie de la science ne sera que 
la préparation, obligée et relativement simple, 
de la Chimie biologique. Dans cet ordre d'idées 
M. E. Fischer (Ber. t. 27) revient sur une hypo- 
thèse qu'il avait émise précédemment et selon 
laquelle les seuls groupes chimiques des cellules 
vivantes qui puissent faire fermenter un sucre 
donné, doivent avoir la même configuration ou 
disposition des fonctions que lui. Les travaux, uni- 
versellement connus. de M. Fischer ont créé la 
chimie théorique des sucres et montré, par une 
suite de synthèses, la relation existant dans ces 
corps entre les propriétés optiques et la dispo- 
sition plus ou moins symétrique des groupes sa- 
turants. Afin d'éclaireir ces faits connus, je rap- 
pellerai les formules du glucose vulgaire ou dex- 
troglucose (d.-glucose) : 
ERA DES 


CÉTON) LOS CE CE C 
OH OH H OH 


— COH 


et du iévoglucose (l.-glucose), aldéhyde qui lui est 
exactement comparable : 
OHMOHMHEANUH 


GEO) ICE CECI 0e CO 
H  H OH H 


Le lévulose ordinaire : 


H+ H 0H 
CHRONO COCO: 
OH OH H 


si fréquemment mélangé au glucose dans la na- 
ture, apparlient à une fonclion chimiquement 
distincte : celle des acétones. Mais, pour les deux 
premiers sucres ou leurs éthers méthyliques 
(méthylglucosides), comportant eux-mêmes une 
isomérie pour chaque sucre, il suflira de la simple 
différence dans la disposition des (OH) pour que 
certaines sécrétions cellulaires puissent ou ne 
puissent pas les faire fermenter. Les principes 
aclifs de ces sécrétions paraissent ainsi porter en 
eux des dispositions semblables à celles des 
molécules qu'ils attaquent ou des dispositifs al- 
ternes.Il peut donc y avoir stabilité ou mise en mou- 
vement des principes de cellules vivantes selon 
l’accord ou le désaccord simplement stéréo-chimi- 
que avec une molécule étrangère. On voit poindre 
là une base d'étude expérimentale sur les poisons. 
Les toxines et les antitoxines, ces redoutables 
agents de maladie ou de guérison, ne sont encore 
à nos yeux que des albumines, corps bien analo- 
gues aux produits protoplasmiques vivants ou de 
déchet. On peut les concevoir inoffensifs; mais, 
sous de très faibles influences, des corps chimiques, 
aujourd'hui bien connus dans leur formule déve- 
loppée, changent leur disposition dans l’espace, 
deviennent vénéneux ou cessent de l'être. A la 
clarté encore faible de ces notions, on se prend à 


187 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


ne ed Si, 


penser que l’atténuation des virus, l'immunilé el 
la sérumthérapie sont des phénomènes de stéréo- 
chimie d'une extrème délicatesse. 

Du dexlroglucose dérivent la-méthyl-d.-gluco- 
side et le $-méthyl-d.-glucoside. M. E. Fischer, qui 
a obtenu ces corps, a observé en fait que l’émul- 
sine, suc cellulaire non figuré, fait fermenter le 
dérivé £ : c'est un poison pour lui. Le dérivé 4 n’est 
pas entamé ; iln'y a que l’invertase, suc de la levure 
de bière, qui le détruise, alors qu'il est sans effet 
sur £. Ilen va de même pour de nombreux com- 
posés cilés dans le mémoire de l’auteur. L'heure 
vient d'étudier avec de puissants moyens les poi- 
sons microbiens: car on ne sait rien sur la nature 
chimique développée de l’émulsine, de l'invertase 
et des Loxines. 


L'usage institué par les fondateurs de la Chimie 
organique en malière de formules de constitution 
était de réunir tous les faits connus, de les dis- 
cuter el de construire une formule schématique 
les représentant fous. Un fait établi contrairement 
à la formule déployée entraine sa déchéance. 
L'application stricte de ce système exige beaucoup 
de travail ulile el fail souvent changer les for- 
mules, images passagères. En ce moment, le cam- 
phre reste loujours un sujet de discussion. 
MM. Haller à Naney, Béhal à Paris el Tiemann à 
Berlin étudient la question d’une manière appro- 
fondie, qui conduira sans doute à une formule assez 
durable. Mais, à côté de ces travaux de grand mé- 
rile, on manie beaucoup trop de formules, ne re- 
présentant qu'un petit nombre de faits et qualifiées 
couramment de eraisemblables. M. Curtius, dont on 
connait les remarquables travaux sur l'acide azot- 
hydrique et les dérivés polyazotés, découvre un 
corps C'H'Az'0!, et celle expression recoit bientôt 
la formule probable : 

COR DS C0 

AzH—AzH—C0O 

d'après un trop pelit nombre de réactions con- 
nues. Alors que la constitution de la benzine CSHS 
est Loujours un problème en discussion, on ne sail 
que penser de ces cycles où noyaux oclogones, in- 
troduits peu à peu dans l’usage sans démonstra- 
lion rigoureuse. Celle question des cycles polygo- 
naux a cependant beaucoup occupé l'opinion, et 
une théorie de Baeyer sur leur tension de flexion 
interne ne semblait pas accorder de stabilité aux 
polygones d'un grand nombre de mailles. C'est sans 
ennui que je vois disparaitre peu à peu celle 
théorie, mais avec l'espérance qu'on diseutera au 
fond cetle importante question des cycles, très 
abandonnée, el pratiquée seulement de confiance. 
Que penser encore d'une formule telle que : 


CH?=C0=0—CH2—CH2=0 C0 CH 
| | 
CH C0 = 0=CH2 CH 0 CO CH2 


donnée par M. D. Vorländer ! el fondée sur un faiLe 
de synthèse succinoéthylénique? IL est peut-être 


| juste d'abandonner la notion des eyeles trop li- 


milés, mais encore faudrait-il élucider cette ques- 
lion. 


Avant qu'on ne connûül les matières colorantes … 


artificielles de la houille, et dès lPAntiquité, la 
teinture faisait usage des extraits de végélaux co- 
lorants, Lels que ceux de gentiane, de gaude, de 
graine de Perse, des Rhamnées, des Quercinées, 
puis ensuile des bois de campêche et du Brésil. 
L'emploi de ces matières n'a jamais cessé, malgré 
le succès des produits artificiels dérivés surtout 
du triphnéylméthane. Mais l’impureté des extraits 
el la complexité des formules faisait dédaigner 
l'étude de ces principes naturels. D'ailleurs, la 
Chimie des couleurs ne possédait même pas de 
type synthétique auquel on püt les rattacher. De- 
puis quelque temps, un nouveau groupe colorant 
a pris de l’importance dans ces questions. C’est la 
xanthone ou diphéno--pyrone, sorte d’anthraqui- 
none incomplète : 


CO 0 
PES ANR 
| | | | | | ua/ © Vos 
| soit CuHi }0, 
NE al d. GAYS cod 
Co Co 


Anthraquinone Xanthone Xanthone 


En disséquant davantage ces molécules, on y 
reconnait les groupes : 


Co (e) 

f) 

\/ 

Co co 
Quinone Pvrone 


On sail que l’anthraquinone est la substance 
mère de la garance rouge; de mème on commence 
à voir aujourd'hui que la daliscine, la gentisine 
gentiane), la chrysine, le fustet, el probablement 
le brésil et le campèche sont des molécules plus 
ou moins complexes nées de la xanthone. Après 
la reconstitution synthétique de la garance, puis 
de l’indigo, on a renoncé pendant des années à 
tout effort sur les aulres couleurs de la teinture 
ancienne, le chimiste ne discernant là aucun des 
radicaux auxquels il était accoulumé. Récemment 
Monatshefte, 1895) S. v. Kostanecki et Tambor 


un 


ont repris ces éludes 
la couleur jaune de 
voie de condensalion 


l_{nnalen, 1. 280, 1894, 


el refait de pleine synthèse 
la gentiane en unissant par 
l'acide hydroquinone carbo- 


Sr. RES 


rat taire. 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


185 


nique (OH,OH;CO*H,) avec la phloroglucine, tri- 


aux. Il se fait ainsi une lrioxyxanthone dont le 
monométhyléther : 


O 
ù : 4 XD OH 
CH50 N \/ 


CO OH 


ést la couleur cherchée. La datiscéline, selon 
Schunck et Marchlewsky, appartient au mème 
type. Enfin, dans l'important laboratoire de re- 
cherches dû entièrement à l'initiative privée des 
“ailleurs anglais — Clothworkers Research Lubo- 
rutory — À. G. Perkin, accumulant les matériaux 
purs nécessaires, a rectifié les anciennes analyses 
des colorants naturels et établira, cela n’est plus 
douteux, la constitution de ces matières. On ne 
saurait trop faire attention en France à ce mouve- 
“ment qui pousse cerlaines associations de travail- 
“leurs à se créer des laboratoires qui assureront la 
suprématie à leur aptitude professionnelle. Par 
uneautre voie, dans notre pays, l'accès de labo- 
ratoires de recherches est ouvert à tous. L'École 
municipale de Physique et de Chimie notamment 
| possède un service à cet usage. et il est à souhaiter 
- que le monde des inventeurs et des chercheurs en 
prenne de plus en plus le chemin. 


Les lerpènes, analogues à l'essence de lérében- 
thine, ont tous une même formule très simple 
C!H!6. Cependant il est incontestable, d'après 
leurs propriétés, qu'ils sont on ne peut plus nom- 

- breux: selon les végétaux d’où ils dérivent, ces 
propriétés changent. La Chimie plane ne peut 
- ccrire d'après ses règles qu'un nombre très insuf- 
lisant de formules pour les représenter. Mais, en 
surchargeant chacune de ces formules des isomé- 
ries stéréo-chimiques qu'elle comporte, on aura 
bien probablement autant de représentations ra- 
tionnellement élablies que de faits naturels connus. 
Un tel travail pour les terpènes serait comparable 
- à celui déjàréalisé par M. E. Fischer pour les sucres. 
- C’est à cette tâche que selivre depuis quelque temps 
M. A. von Baeyer dansses notes intitulées : « Orien- 
lation dans la série des terpènes ». et publiées 
dans les Berichte. Ce travail considérable est fondé 
sur la détermination des posilions vis el /rans des 
groupes substitués dans les molécules terpéniques : 
il ne pourra être exposé que lorsque ces recher- 
ches, de nature et d'interprétation fort délicates, 
auront donné un résultat en quelque sorte statis- 
_ tique. L’exactitude de la théorie sera alors confir- 
mée par le nombre de ses coïncidences avec les faits. 


phénoi symétrique très fréquent dans les végé- | 


Les nouvelles fonclions qu'on a trouvées en 
chimie organique sont tellement nombreuses 
qu'il y a moins de curiosité à s'en occuper. Tous 
les groupes constants qu'on retrouve par une dis- 
location moléculaire partielle dans une série de 
corps se nomment fonctions et sont mis entre 
parenthèses ou reconnus par un œil exercé dans 
les formules. Une chose plus intéressante est 
d'obtenir ces fonctions par des réactions simples 
et inattendues. MM. R. Nietzky et Braunsweig !. 
en faisant agir la potasse sur un corps depuis 
longtemps bien connu. l’orthonitrophénylhydra- 
zine 
AzH—AzH? (1 


# VA 
CO: 
Naz0? (2 


ont observé une réaction très intense : il s'est fait 
le sel d’un corps de nature acide, qu'ils nomment 
un wzimidol : 

Az 


es K 
CSH re AZ; 

type d'une nouvelle série de matières s’unissant 
aux métaux. Il est curieux de remarquer que OH 
fixé sur un seul azote est fortement basique dans 
les ammoniums, et qu'il est acide dans ces fortes 
agglomérations d'azote, comme H est acide dans 
l'acide azothydrique Az#H de Curlius. 


Souvent, dans toutes les branches de la Chimne, 
on est amené à considérer combien sont grandes 
les analogies de l'iode et de l’azole. On connait 
déjà les iodoso-dérivés de V. Meyer, comparables 
aux nitrosés. Dans l’un deux : 


‘l'iode joue même exactement le rôle de l'un des 


azoles de l'azimidol ci-dessus et fait partie d’un 
cycle pentagonal. M. W. Ranm |Berichte, &. XXVII, 
p. 3232) a voulu que l'iode fit partie d'un noyau 
hexagonal., comme cela est fréquent dans la Chimie 
aromatique, et il y est arrivé en construisant la 
substance : 
HV 
DICO 
Ce genre de Chimie est une véritable architecture : 
c'est l’art de bâtir avec des matériaux quelconques 
des édifices de divers styles. 
A. Étard, 


Répétiteur de Chimie 
à l'Ecole Polytechnique, 


1 Berichle 1, XXVIL, p. 3381. 


786 


———- 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


TORPILLEUR EN ALUMINIUM — ACTION DES COURANTS ALTERNATIFS A HAUTE TENSION SUR L'HOMME 


L'aluminium est lent à s'affirmer comme métal pra- 
tique et industriel, Les applications sérieuses en sont 
encore excessivement rares. Il est vrai qu’il a donné 
lieu tour à tour aux plus grandes espérances et aux 
plus grandes déceptions. Et aujourd’hui, non seule- 
ment nous ne savons pas le produire à bon marché; 
mais toute question de prix de revient mise à part, les 
spécialistes en sont encore à chercher pour chaque 
application quel est le meilleur alliage, Car on sait 
que l'aluminium ne peut guère s’employer pur. I faut, 
pour une application donnée, le mélanger ou le com- 
biner avec d’autres mélaux. 

L'emploi de lPaluminium dans la construction des 
navires, notamment, a donné lieu pendant ces derniers 
temps à des discussions passablement obscures. Les 
uns ont prétendu, preuves en main, que lPaluminium 
ne pouvait être employé au contact de l’eau de mer. 
Les autres, au contraire, assuraient qu'il pouvait l’être 
etils possédaient, paraït-il, des preuves non moins 
certaines que les premiers, Le cas évidemment est 
embarrassantet mérite un examen approfondi, À priori, 
il n’en résulle qu'une chose : c’est que très probable- 
ment l'aluminium est attaqué par l’eau de mer dans 
des circonstances encore mal définies et mal connues 
de nous. En attendant que cette question soit scientifi- 
quement éclaircie, nous pouvons noter que de petits 
bâtiments en aluminium ont déjà été mis à l’eau et leurs 
constructeurs affirment qu'ils tiendront parfaitement. 

Le gouvernement francais possède même un bateau 
torpilleur de seconde classe dont la coque est faite de 
ce métal, Ce navire a dernièrement été l’objet d’une 
communication de M. A.-F, Yarrow à l'Institution of 
Naval Architects, communication intéressante en ce 
sens qu'elle donne lhistorique de la construction et 
des essais qu'elle a provoqués. Nous lui avons em- 
prunté les documents qui vont suivre. 

C’est il y a environ deux ans que le gouvernement 
français résolut d'introduire dans sa marine des torpil- 
leurs de seconde classe destinés à former une partie de 
l'armement des grands cuirassés ; il fit appel aux cons- 
lructeurs pour un premier essai de ce genre. 

La légèreté, dans ce cas, est évidemment un point de 
première importance: d’abord, elle diminue le déplace- 
ment d’eau et augmente Ja vitesse ; ensuite, elle donne 
plus de facilité pour hisser le bateau à bord du navire 
qui doit le porter et pour l’en descendre; enfin, elle aug- 
mente la stabilité de celui-ci, D'ailleurs les conditions 
imposées par le Gouvernement francais élaient, paraît-il, 
assez sévères sous le rapport de la vitesse et du poids. 
Les constructeurs pensèrent qu'il y avait là une occasion 
d'essayer les qualités de l'aluminium et firent dans ce 
sens des offres qui furent acceptées. Ils donnèrent aux 
plaques de métal une épaisseur de moitié plus grande 
que dans les cas habituels, et, la densité de l'aluminium 
élant un tiers de celle de lacier, le poids total devait 

ètre ainsi diminué de 50 °/,. Mais l'emploi de l’alumi- 
nium pur fut impossible, ainsi qu'on en peut juger par 
les chiffres du tableau I. 

Les deux séries d'expériences ont été faites en sui- 
vant deux directions rectangulaires : lune parallèle à 
Ja direction du laminage, l'autre perpendiculaire. Les 
chiffres qu’elles ont donnés ne sont pas assez élevés 
pour faire accepter l'aluminium. Il a done fallu cher- 
cher à le rendre plus résistant en l'alliant à d’autres 
métaux, sans toutefois lui faire perdre sa grande qua- 
lité de légèreté qui le rendait si précieux dans notre 
cas, Après différents essais, les constructeurs se sont 


arrètés à un alliage contenant seulement 6 2/, de cuivre, 
c'est-à-dire une très faible proportion de métal lourd, 


Tableau I 


liésullals des erpériences de résislance à la lraction 
failes sur des plaques d'aluminium pur. 


CHARGE CHARGE 
CORRESPONDANT DE 


ALLONGEMENT 
RAPPORT 
XLR 
DES DEUX 


\ LA LIMITE RUPTURE | 1 Le 
D'ÉLASTICIT en kil. | SARGES | mesuré % 
(en kil. par #2) | par %*) 4] sur 0m,25 il 


6.946! 12.035 Per 0,0G# 25.5 
1.030! 11.868 5982 Om,062 24.8 
MOYENNES: 6.988] 11.951 58.45 0,063 25.4 


9. 1152 0,034 13.2 
9.22 11.986 17 0®,0133 5.3 
MOYENNES : 9.172] 12.396 14.1 0m,0236 9:29 


Le tableau IT donne les résultats des essais de traction 
qui ont été faits sur des plaques de cet alliage. 
Tableau II 


Résullats des expériences de résistance à la traction 
faites sur des plaques daliminium à 6 ©), de cuivre. 


CHARGE CHARGE RAPPORT ALLONGEMENT 
CORRESPONDANT DE ; 


DES DEUX 


RUPTURE LARG 
Xe CHARGES 
en kil. 5 


par %°) (7 


A LA LIMITE 
D'ÉLASTICITÉ 
(en kil. par %?) 


mesuré % 
sur 0m,25 (J 


23.719 S8.3 
26,185 89.8 


0,009 3.6 
02,0095 3.8 


MOYENNES:22.232| 24.952 89.05 Om,00925 pal 


Om,0075 
0®,0075 3 


MOYENNES: 23.609! 26.321 89.8 0®,0075 3 
Après un recuit : 
6.148! 19.002 32.4 07,052 20.9 


La dernière ligne du tableau montre de quelle grande 
quantité varient les propriétés du métal selon la ma 
nière dont on le traite, Recuit, il atteint sous une très. 
faible charge sa limite d’élasticité et donne un allonge- 
ment considérable; complètement dur, ou trempé si l'on 
veut, sa résistance augmente énormément, mais il de- 
vient tout à fait cassant, L'alliage finalement choisi à 
été un alliage demi-doux donnant 25 à 26 kg. par mmè 
et un allongement très faible, On peut très facilement 
le marteler à froid et le plier sous -un angle aigu sans 
qu'il présente aucun signe de craquement,. 


( 


| 


| 


É 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


Mais la question de résistance n’élait pas la seule en 


- jeu; il y avait aussi celle de l’attaque du métal par 


à 


l’eau de mer, Nous avons dit quelles contradictions 
existent sur ce sujet parmi les spécialistes. M. Yarrow 
est de ceux qui croient à la neutralité de l’eau de mer 
vis-à-vis de l'aluminium, pourvu cependant qu’elle ne 
soit provoquée par aucune action galvanique due au 
contact entre l'aluminium et un autre métal, le cuivre 


- par exemple. Des plaques sont restées 12 mois en 


expérience sans présenter de traces sérieuses d’altéra- 
tion. Et ces plaques n'étaient pas peintes; les parties 
extérieures des navires, au contraire, ne sont point lais- 
sées à nu. M. Yarrow cite à l’appui de son affirmation 
sur l’action galvanique l'exemple du Vendenesse, petit 
yacht à voile en aluminium construit à Paris il ya 
près de deux ans. Il s’est très bien conservé. sauf en 
quelques endroits, où des piècesen cuivre avaient été 
mises en contact direct avec l'aluminium. En ce point 


… l'attaque à eu lieu. Une action du même genre était 


; 
J 


s 


observée quand le yacht se trouvait amarré près d’un 
autre bateau dont le fond présentait quelque partie 
euivrée, Le contact entre les deux métaux était obtenu 
par l'intermédiaire des chaines qui se mélaient au 


même point d’altache. 


” 


ns à is: ne él ind 


Par suite de cette observation, toutes les parties de 
la coque qui devaient être soumises à l’action de l'eau 
salée, ont été réunies par des rivels en aluminium. Par- 
tout ailleurs, on a employé des rivets en fer doux. 

Les alcalis sont aussi des ennemis de l'aluminium. En 
conséquence, il faut éviter de l’employer aux endroits 
où il pourrait être attaqué par eux. D'un autre cité. 
les températures élevées le détruisent rapidement par 
oxydation. À basse température, l'oxydation, au con- 
taire, n’est que toute superficielle, et la première 
couche d'oxyde protège les parlies intérieures. 

Dans la machinerie on a employé, chaque fois que 
cela a été possible, le bronze d'aluminium et le bronze 
au manganèse. Les machines elles-mêmes ne présen- 
tent rien de très original; elles sont à triple expansion 
et peuvent développer 275 à 300 chevaux. 

Les conditions du marché étaient que le bateau aurait 
18 mètres de longueur, 280 de largeur et ne pèserait 
pas plus de 11 tonnes, machines comprises, Avec une 
charge de 3 tonnes il devait, pendant un essai de deux 
heures, fournir une vitesse d'au moins 18 nœuds 3/#. 
La réception eut lieu le 20 septembre dernier: la vi- 
Lesse moyenne obtenue fut de 20 nœuds 558; le bateau 
pèse 10 tonnes. La machinerie complète, comprenant 
l’eau contenue dans la chaudière et le condenseur, 
atteint à peine le poids de 18 kg. par cheval indiqué. 


L'emploi de plus en plus fréquent des courants al- 
ternatifs, l'usage qui en est fait par la justice améri- 
caine, les objections soulevées par M. AE les 
discussions qu'elles ont provoquées, les curieuses expé- 
riences entreprises sur les courants à très grandes fré- 
quences par le savant que nous venons de citer, tout a 
contribué, en ces dernières années, à diriger l’atten- 
tion des chercheurs vers les effets produits par le cou- 
rant alternatif sur le corps et sur le cerveau de l'homme. 

Lorsqu'un ouvrier, accidentellement intercalé dans 
un circuit à haute tension — et le cas se présente mal- 
heureusement trop souvent — a le bonheur d’être rap- 
pelé à la vie, il devient immédiatement l’objet de 
nombreuses questions. On l’interroge minutieusement 
sur les moindres détails des sensations qu'il à pu 
éprouver. Contrairement à ce qu'on pourrait pen- 
ser, le cerveau ne se trouve pas absolument para- 
lysé ! ; il reste aux victimes, malgré la perte totale 
apparente des sens, au moins une notion du temps 
qui s'écoule, et on les voit souvent apprécier celui 


, 4 Bien entendu, nous ne prétendons pas rouvrir ici un débat 
à propôs de l’électrocution Nous parlons seulement des per- 


- sonnes chez qui le passage du courant à haute tension amène 


une mort apparente, sans nous inquiéter de savoir s’il peut 
quelquefois amener une mort complète et immédiate, 


pendant lequel elles ont été en contact avec le circuit. 
D'ailleurs, cette appréciation est toujours erronée et, 
chose curieuse, erreur est de même sens chez tous les 
individus : le tempsannoncéestinvariablement plus long 
que le temps réel. Cette curieusé observation vient 
d'acquérir une nouvelle importance à la suite d’une 
expérience involontaire faite sur lui-même par M. Lud- 
wig Gutman, membre de The American Instilute of 
Electrical Engineers. Soit que la tension à laquelle il 
a été soumis ait été moins forte que dans les précé- 
dents accidents, soit pour une tout autre cause, M.Lud- 
wig Gutman a pu étudier avec plus de détails les sen- 
sations qu'il a éprouvées et nous apporter mieux qu'une 
fausse évalualion d’un temps. 

Cest dans Electric Power qu'il nous raconte son acci- 
dent, « Ayant, dit-il, terminé quelques expériences sur 
un nouveau type de transformateur, je sortis de la salle 
où j'étais pour aller ouvrir le commutateur comman- 
dant le circuit primaire, et revins, ne pensant pas que 
quelqu'un pût derrière moi le refermer immédiatement; 
aussi, sans prendre aucune précaution, je séparai l'une 
des bornes du fil qui y aboutissait; mais le courant avait 
été rendu à l'appareil, de sorte que, par ce mouvement, 
je m'intercalai dans le circuit à haute tension. Pendant 
un instant, je fus complètement étourdi ; puis, je revins 
à la conscience de mon existence, mais je me sentais 
incapable de respirer, d'appeler au secours, de me 
mouvoir même. Tous mes muscles étaient contractés. 
Le bruit d’un atelier voisin me semblait très faible ; 
j'entendais à peine les coups d’un marteau qui d’ordi- 
naire faisait cependant un si grand vacarme, Je ne 
songeais pas le moins du monde au danger dans lequel 
j'étais. Mes bras étaient secoués comme par l'effet de 
la vigoureuse et joyeuse poignée de mains que m'aurait 
donnée quelque géant : c'étaient les impulsions suc- 
cessives du courant qui me semblaient se succéder 
lentement, Je sentais parfaitement chaque secousse 
naitre à l'endroit de la main et remonter le long du 
bras. Un temps passablement long s’écoulait jusqu’à la 
secousse suivante. » Enfin. les fils ayant profondément 
brûlé la peau, les contacts devinrent plus mauvais, les 
mains de M. Gutman s’ouvrirentet il se trouva libre. Il 
ne lui restait de son accident qu'une grande faiblesse 
dans tous les membres et la sensation d’une chaleur brà- 
lante. Il s'était trouvé, d’ailleurs, dans des circonstances 
particulièrement favorables et soumis à une tension 
relativement faible, puisqu'il était, par rapport aux 
bornes de l'alternateur, donnant environ 1150 volts, 
en série avec la bobine primaire du transformateur. 

Dans de tels accidents, une petite partie du cerveau 
conserve donc, au détriment de tout le reste, sa vie 
complète, mais avec d'importantes modilications — 
nous sommes lentés de dire avec d'importants per- 
feclionnements — ; elle recoit le pouvoir de difléren- 
cier des sensations qui se succèdent avec une vitesse 
beaucoup plus grande que la vitesse au delà de la- 
quelle dordinaire eiles se confondent. Dans le cas 
que nous signalons aujourd'hui, il y avait 16,000 alter- 
nances par minute, c'est-à-dire que le cerveau du pa- 
uent élait capable de séparer nettement des coups 
entre lesquels il n'y avait qu'un 266° de seconde. De 
là vient l’explicalion de l'erreur commune à tous les 
foudroyés : ils jugent de la longueur du temps par la 
manière dont ils ont pu apprécier les sensations qu’ils 
ont éprouvées. D'ailleurs, M. Ludwig Gutman déclare 
qu'il n’était pas en son pouvoir d'appliquer son atten- 
tion à compter les secousses successives qu'il recevait 
bien que les distinguant parfaitement. 

Le phénomène est curieux et inattendu : nous le 
livrons aux méditations des physiologistes et des psy- 
chologues, s'ils pensent qu’il est capable de les intéres- 
ser. Nous le rapprocherons toutefois de cette autre 
observation que nous nous contenterons d'énoncer : les 
songes qui nous paraissent durer plusieurs heures du- 
rent à peine quelques secondes. 

A. Gay, 
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique 


788 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Véronèse (Giuseppe), Professeur à l'Université de 
Padoue. — Grundzüge der Geometrie von mehre- 
ren Dimensionen. (Principes fondamentaux de la Géo- 
imétrle à plusieurs dimensions), übersetzt von 
Schepp. — 1 vol. gr. in 8°, de XLVIJI-T10 pages 
25 fr.). B. G. Teubner, éditeur, Leipzig, 1895. 
C'est dans les applications de lAlgèbre à la Géoiné- 

trie que l’on doit chercher l'origine de la Géométrie à 
n dimensions. Au point de vue analytique, ces applica- 
tions étaient limitées à la Théorie des fonctions de une, 
deux, ou trois variables (ou à la Théorie des formes bi- 
naires, ternaires ou quaternaires). Mais l'esprit de gé- 
nérälisation, si puissant chez nos savants modernes, 
engagea les géomètres à s'affranchir des liens que le 
monde physique semble imposer à l'esprit humain, el 
ils envisagèrent l’espace à n dimensions. 

D'autre part, le postulat d'Euclide à donné lieu, pen- 
dant ce siècle, à une série de {ravaux sur la conception 
de l’espace; nous citerons, entre autres, les célèbres 
mémoires de Lobatschewsky, de Bolyai et Riemann, 
qui renferment les principes fondamentaux de celte 
partie de la science désignée aujourd'hui sous Le nom 
de Géométrie non euclidienne. 

La notion d'un espace à x dimensions est, par son 
origine el par son but, essentiellement analytique. Elle 
apparait déjà dans les travaux de Cauchy, et, encore de 
nos otre Valle ne joue en aralyse que le rôle d'un 
simple langage répondant à un besoin de généralisa- 
tion. C'est à Plücker que revient le mérite d’avoir donné 
à cette notion une forme géométrique, grâce à sa re- 
marque qu'à notre espace on peut attribuer un nombre 
quelconque de dimensions, suivant l'élément généra- 
teur que l’on considère, M. Cayley traca une autre voie, 
très féconde également, dans laquelle on examine la 
théorie au point de vue projectif; ses idées furent re- 
prises beaucoup plus tard par M. Clifford dans son 
étude générale sur les courbes dans l’espace à n di- 
mensions, Mais cette branche nouvelle de la science 
géométrique n'est définitivement établie que depuis 
les travaux remarquables de M. Véronèse qui est par- 
venu à la constituer en un véritable corps de doctrine. 

C'est la traduction allemande de ce trailé qui fail 
l'objet de ce compte rendu. L'auteur nous présente la 
Géométrie à plusieurs dimensions dans un exposé pu- 
rement synthétique, analogue à celui de la Géométrie 
euclidienne, Il tient à confimer de cette facon la côn- 
ception essentiellement géométrique de l’espace à n 
dimensions. Un grand nombre de propositions, leur 
groupement et leurs développements sont dus à M, Vé- 
ronèse. 

Après avoir consacré, comme latroduclion, deux cents 
pages aux principes fondamentaux des formes mathé- 
matiques abstraites, le géomètre italien commence par 
établir les éléments de la Géométrie ordinaire, sans 
avoir recours au Cinquième axiome d'Archinède, qui re- 
pose uniquement sur des considérations pratiques. La 
première partie est entièrement destinée à l'étude de 
la droite, du plan el de l’espace à trois dimensions 
dans l’espace général. On y trouve, comme cas parti- 
culiers, les systèmes de Lobatschewsky et de Rie- 
ann. 

La seconde partie traite de l'espace à quatre el à n 
dimensions considéré dans l'espace général. L'auteur 
montre comment un espace S\ peut être engendré à l’aide 
d'in espace Sn1 et d'un point choisi en dehors de ce der- 
nier ; puis il passe à l'étude des principales propriétés 
de l’espace euclidien à » dimensions, 


(Prix : 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Adolf 


L'Appendice contient plusieurs notes avec de nom- 
breuses indications bibliographiques, el, en particu- 
lier, un intéressant exposé vrilique des mémoires les 
plus importants sur les principes de la Géométrie. 

Ces quelques lignes ne peuvent donner qu’un aperçu 
très imparfait des richesses géométriques contenues 
dans cet imposant travail. L'ouvrage de M. Véronèse 
sera non seulement lu avec beaucoup d'intérêt par les 
géomètres, maisil mérite encore d’être signalé aux phi- 
losophes, bien que, dans cel exposé “systématique, 
l'auteur ait, à priori, écarté toute considération d’un. 
caractère essentiellement philosophique. 

H, Feur. 


2° Sciences physiques. 


Bedell (F.) et Crehore (A. C.), Professeurs à l'Univer- 
silé de Cornell(Etats-Unis). — Etude analytique et 
graphique des Courants alternatifs. — Traduit äe 
la deuxième édition anglaise par J. Berthon. — 1 vol. 
in-8. de 26% pages avec figures (Prix : 10 francs.) 
G. Carré, éditeur. Paris, 1895. 

L'usage de plus-en plus répandu dans l'industrie des 
courants alternatifs pour les transmissions de l'énergie 
oblige actuellement l'Ingénieur électricien à appro- 
fondir la théorie analytique de la propagation de ces 
courants. Les problèmes qui se présentent sont souvent 
difficiles et, lorsque les circuits, sur lesquels les cou- 
rants périodiques ont à se propager, présentent une 
certaine complication de groupement, pour peu que 
des phénomènes d'induction, de self- induction, de ca- 
pacité interviennent, la recherche de la solution par 
le calcul seul devient très laborieuse et parfois même 
inextricable. Heureusement des procédés ingénieux 
ont été imaginés, permettant de substituer aux calculs 
l'usage de constructions graphiques. L'étude du pro- 
blème se fait alors simplement, en quelque sorte méca- 
niquement, et bien des conséquences intéressantes qui 
eussent échappé au calculateur, apparaissent très 
nettement sur le papier, à mesure que se développent 
les constructions géométriques. 

Le traité de MM. Bedell et Crehore expose avec grands 
détails, peut-être un peu Jonguement, la théorie ma- 
thématique des courants périodiques. L'emploi des 
méthodes graphiques, particulièrement développé. est 
expliqué très clairement, chacun des problèmes les 
plus usuels étant présenté séparément. 

Ce livre comble une lacune. On à beaucoup écrit 
sur les courants alternatifs, en France et à l'Etranger, 
on à mème beaucoup controversé; mais lés différentes 
études publiées l'ont été dans ‘des périodiques, en 
articles séparés très spécialisés, et le praticien qu'inté- 
ressait la solution d'un problème bien défini dévait 
compulser des documents disséminés et aborder lui- 
même un travail de eritique fort difficile. Le traité 
traduit par M. Berthon évitera désormais celte perte 
de temps, en mettant à la disposition des électriciens 
un choix raisonné de méthodes sûres et d'un usage 
pratique. F, DE NERVILLE, 
Goguel (M.-H.), Maitre de Conférences à la Faculté des 

Sciences de Bordeaux. — Contribution à l'étude des 

arséniates et des antimoniates cristallisés pré- 


parés par voie humide. Thèse pour le Doctorat de la” 


Faculté des Sciences de Paris, — 1 vol. in-8° de 80 p. 
Dnpr.G. Gouncuilhou, 11, rue Guiraude, Bordeaux, 1895. 
M. Goguel s'est proposé de compléter l'étude cristal- 
lographique des arséniates qui avait déjà fait l'objel 
de divers travaux de MM, Dufet, Colordano, Lefèvre. ete., 


Dre 


en vue de fournir les données nécessaires pour caracté- 
—riser ces corps au moyen du microscope polarisant et 
ppléer ainsi à l'analyse chimique. Ce procédé d’ana- 
yse micrographique, fortement préconisé par M. Beh- 
rens, ne sera vraiment pratique que lorsqu'on aura 
effectué, pour les différents corps, .une série complète 
de recherches du gènre de celles qui font l’objet du 
mémoire de M. Goguel. Ce travail comprend deux 
parties : 1° la synthèse des différents arséniates que 
M. Goguel a réalisée, soit par des méthodes déjà indi- 
“quées, soit par des méthodes nouvelles, notamment 
Vaction de l'acide arsénique sur un oxyde, un azotate 
où un acétate; ces méthodes ont permis d'obtenir tous 
les arséniates connus et une quinzaine d’arséniates 
mon encore préparés à l’état cristallisé; 2° l'analyse de 
ces corps, la détermination de leurs propriétés physi- 
ques et cristallographiques., M. Goguel a essayé d’é- 
tendre ce travail aux antimoniates qu'il eût été inté- 
ressant de comparer aux arséniates, mais n'a pu en 
préparer que trois : les antimoniates de cobalt, de 
nickel et de magnésium, qu'il a également étudiés au 
point de vue cristallographique. 
L'étude de M. Goguel renferme un grand nombre de 
faits précis et bien observés, et constitue une excellente 
monographie des arséniates cristallisés. 
G. CHARPY. 


Landauer (J.), Membre de l'Académie Impériale alle- 
. mande des Naturalistes. — Analyse au Chalumeau. 
. Edition francaise publiée par J.A. Montpellier. — 1 vol. 
in-8 écu de 300 pages avec figures, (Prix : 5 fr.) G. 
Carré, éditeur, Paris, 1895. 
Le chalumeau, par ses propriétés de donner facile- 
ent, avec une simple bougie, de hautestempératures 
et des atmosphères oxydante ou réductrice, peut per- 
mettre, dans certains cas, d'obtenir des résultats 
“immédiats sur la nature des substances minérales à 
analyser; mais souvent il ne sert qu'à faciliter des 
“opérations ultérieures de voie humide. Il est d’autres 
circonstances où, grâce à des disposilifs spéciaux, les 
“essais peuvent être exécutés sans chalumeau tout en 
étant très analogues à ceux qu'on obtient avec cel 
instrument. Il est donc assez difficile de fixer les 
limites précises où s'arrête l'analyse au chalumeau. 
- M. Landauer les a dépassées, sans doute, dans son 
livre, en particulier en décrivant les méthodes 
-pyrognostiques de Bunsen; mais on ne peut que l'en 
féliciter. IL faut signaler également le résumé sous 
forme de tableaux, dont la lecture est beaucoup plus 
rapide au laboratoire que celle d’un texte: 1° des 
réactions spéciales à chaque corps, et 2° de la marche 
systématique d'une analyse complète qui est exposée 
par deux méthodes différentes. 

On pourrait souhaiter de trouver. à la fin du volume, 
quelques indications sur les applications du chalumeau 
à l'analyse quantitative; mais il faut dire que les pro- 
.cédés étudiés dans ce but par Plattner et d’autres 
savants se sont peu répandus. Par suite leur étude 
n'est pas absolument nécessaire dans un traité pra- 
tique comme celui que M. Landauer a voulu — et su 
— faire. En le traduisant M. Montpellier a donc rendu 
service aux chimistes francais. 

Paul JAxNETTAZ. 

é : Répétiteur à l'Ecole Centrale. 


3° Sciences naturelles. 


- Radaïs (Maxime), Agrégé à l'Ecole de Pharmacie de 
Paris. — Contribution à l'étude de l'Anatomie 
comparée du fruit des Conifères (Thèse pour le 

—. Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). Ann. 

… Se. nat. Bot. t. XIX, 1895. 


… On a beaucoup écrit sur les Conifères. Sans compter 
les travaux sur l'appareil végétatif, on peut considérer 
… comme très étendue la bibliographie qui concerne leur 
appareil reproducteur. Encore faut-il ajouter que c’est 

- sur la fleur femelle que se concentre lattention des 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


189 


| chercheurs, préoccupés surtout par l'interprétation 
morphologique des différentes pièces qui la consti- 
tuent ou l’accompagnent. Là s’arrète l'effort, sans que 
l'accord complet intervienne d’ailleurs, et le peu qu'on 
nous apprend du fruit et de son développement n’en 
comprend guère que la morphologie externe, utilisée, 
comme on sait, par les classificateurs. - 

Si l’on excepte quelques rapides indications, fournies 
par les anatomistes qui ont étudié la fleur femelle, le 
processus interne de maturation des enveloppes a été 
laissé dans l'ombre. Il était permis de penser que les 
caractères histologiques de ces enveloppes pourraient 
à leur tour fournir d'importants éléments de classifi- 
cation. D'autre part, les collections paléontologiques 
renferment de nombreux fruits fossiles qu'on peut, 
mais avec doute, rapporter aux Gymnospermes. La 
connaissance exacte de la structure de nos Conifères 
serait d’un précieux secours pour comparer cette flore 
ancienne à la flore actuelle. 

C’est à ce double point de vue que M. Radais a étu- 
dié la morphologie interne du fruit des représentants 
actuels de ce groupe. Toutefois, son mémoire comprend 
seulement une partie des Pinoïdées (Eichler). Il con- 
sacre tout d'abord un important chapitre aux travaux 
de ses devanciers : c’est en même lemps qu'une revue 
carpologique, un résumé complet des travaux publiés 
sur la fleur femelle des Conifères. Il était en effet im- 
possible de séparer.: dans les descriptions données et 
les interprétations proposées, ce qui se rapporte à la 
fleur de ce qui appartient au fruit, car dans ce groupe 
les premiers phénomènes de différenciation des or- 
ganes qui doivent concourir à protéger les graines se 
manifestent longtemps avant la fécondation, Cette 
sorte d'introduction, qui comprend 32 pages, est faite 
avec un grand soin, et est un excellent tableau de 
l’état actuel de cette difficile question si souvent dé- 
battue et controversée ; elle sera longtemps consultée 
par tous ceux qu'intéresse la morphologie florale. 

M. Radais décrit ensuite rapidement les procédés 
d’enrobage et de dissection qui lui ont permis d’étu- 
dier les organes souvent très résistants qui protègent 
les graines pendant leur maturation. On comprend 
que des difficultés de cet ordre aient jusqu'ici arrêté des 
recherches que les paléontologistes réclament depuis 
longtemps déjà. Ces procédés, aussi simples qu'ingé- 
nieux, ne nécessitent pas la déshydratation préalable 
des objets à étudier et pourront s'appliquer à tous les 
cas analogues, Nous renvoyons à ce sujet le lecteur au 
mémoire original. 

L'ordre suivi dans l'étude histologique est celui du 
Genera plantarum de Bentham et Hooker. Pour chaque 
genre une espèce surtout est décrite avec détails, 
d’abord à un stade jeune, vers l'époque de la féconda- 
tion, puis à l’état adulte, à la maturité des graines, et 
cela pour les différents pièces du cône. Un cer- 
tain nombre de caractères histologiques, précis et 
faciles à mettre en évidence, tels que la distribu- 
tion des canaux sécréteurs, le degré de coalescence 
des appendices, et le mode d'insertion vasculaire des 
graines, délimitent les Abiétinées par rapport aux 
groupes voisins. D’autres caractères, de moindre va- 
leur systématique, séparent les genres entre eux. 
Enfin, ies phénomènes physiologiques d'occlusion et 
de déhiscence du cône recoivent une explication 
satisfaisante de l’examen de certaines régions du tissu 
de soutien qui sont l’objet d’une différenciation toute 
spéciale. Cette anatomie du cône confirme la délimi- 
tation des genres telle que Bentham et Hooker l'ont 
établie à une exception près, se rapportant d’ailleurs à 
une plante qui a déjà soulevé des discussions, le Kete- 
leeria Fortunei qui est un Abies pour ces auteurs et un 
genre indépendant pour M. Carrière (caractères des 
écailles) et pour M. Van Tieghem (caractères anato- 
miques); désormais il faudra en faire un genre à part. 

Incidemment, l’auteur signale et figure un appareil 
conducteur différencié dans le tégument séminal de 


® quelques Abiétinées (Abies, Cedrus). Cette constatation 


790 


est importante, Jusqu'ici en effet, on a toujours consi- 
déré les graines des Conifères (sauf les Taxoïdées) 
comme dépourvues de faisceaux conducteurs, Ceci met- 
tra les paléontologistes en garde contre une assimila- 
tion trop hätive d’une graine fossile de Conifère à une 
graine de Taxoïdée, 

Une étude analogue du cône des Taxoïdées et des 
Araucariées (B. et H.) amène l’auteur à disloquer cette 
dernière tribu pour en extraire les deux genres Cun- 
ninghamia et Sciadopitys ; le premier se relierait aux 
Taxodiées par une parenté intime avec les Athrotaæis ; 
le second formerait à lui seul une tribu avec des carac- 
tères intermédiaires aux Abiétinées et aux Taxoïdées. 
Quant aux Araucariées, elles restent représentées par 
les seuls genres Araucaria et Agatiis. 

Ces modifications, que l'étude de la morphologie 
interne du cône apportent au classement adopté par 
Bentham et Hooker, confirment au contraire, à très peu 
près, l’ordre proposé par Eichler dans les Pflanzenfa- 
milien d'Engler et Prantl. 

Ce mémoire, accompagné de 15 planches gravées, 
représentant 194 figures anatomiques, seratrès apprécié 
non seulement des botanistes, mais aussi des pa- 
léontologistes qui y trouveront de précieux éléments 
de comparaison ; il fait honneur à l’auteur et au labo- 
ratoire dans lequel ces recherches ont été entreprises, 
mais nous regretterions que l’auteur s’en tint là et 
qu'il n'étendit pas son étude au groupe entier des 
Conifères. 

C. SAUVAGEAU. 


4° Sciences médicales. 


Flechsig (D' Paul), P'à la Faculté de Médecine de l'U- 
niversilé de Leipzig. —Gehirn und Seele. Discours «le 
Rectorat. — 1 vol, in-4°, Leipzig. Alex. Edelmann, 1895. 


Ce discours présente les grandes lignes d’une théorie 
nouvelle de l’anatomie et de laphysiologie du cerveau, 
théorie qui s’élabore à cette heure dans le Laboratoire 
de la Clinique psychiatrique de Leipzig, mais dont il 
est déjà possible de comprendre la nature et l’impor- 
tance, si toutefois l'étude ultérieure des faits anato- 
miques et des observations pathologiques sur lesquels 
elle s'appuie confirme et établit la vérité des idées de 
Flechsig. 

Des considérations historiques qui ouvrent ce tra- 
vail, nous ne voulons retenir qu’une sorte de réhabili- 
tation, tout à fait légitime, de la doctrine de Gall. 
Certes la doctrine moderne des localisations cérébrales 
n'arien de commun avec la phrénologie ; mais, avant 
d’être physiologiste, Gall était anatomiste, et, lors- 
qu'on sait quel était l'état des études d'anatomie 
cérébrale à l’époque où parut ce précurseur, alors que 
Sæmmering lui-même, sous l'influence des idées de 
Descartes, localisait le siège de l’âme dans le liquide 
des cavités ventriculaires du cerveau, on ne saurait 
trop admirer que Gall ait considéré les circonvolntions 
cérébrales comme le substratum de l’activité psychique 
et insisté sur l’hétérogénéité fonctionnelle de ces cir- 
convolutions. 

L'œuvre de KFlourens, malgré tout le génie de cet 
expérimentateur; demeure, en somme, une réaction 
malheureuse, La méthode et les résultats ont été 
trouvés incomplets et erronés. A la doctrine de l’ho- 
mogénéité fonctionnelle du cerveau dans toute sa 
masse, a succédé celle de l’hétérogénéité de ses parties. 
Bouillaud, Dax, Broca, même avant la grande décou- 
verte de Fritsch et Hitzig, origine de la doctrine mo- 
derne des fonctions du cerveau, avaient scientifique- 
ment établi cette diversité de fonctions du cerveau et 
déterminé quelques centres distincts sur l'écorce céré- 
brale. 

La substance grise de cette écorce est-elle la condi- 
tion unique de la conscience, « ce phénomène d’ac- 
compagnement » ? M. Flechsig ne croit pas définitive 
la réponse affirmative qu'on fait d'ordinaire à cette 
question. Les sensations d’origine externe et les repré: 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


sens externes ont projeté leurs faisceaux sur lécorce 


sentations du monde extérieur et de notrépropre corps 
appartiennent seules exclusivement aux hémisphères 
cérébraux, Mais la conscience des sensations internes 
organiques, telles que la faim, la soif, le besoin d'oxy* 
gène et les états de bien-être où de mal-être qui les 
accompagnent, existent certainement sans le cerveau 
Les expériences célèbres de Goltz sur les chiens décé 
rébrés nous ont précisément appris quelles fonctions 
peuvent encore exercer les parties inférieures de l’en= 
céphale quand les hémisphères ont été enlevés. Um 
mammifère sans cerveau, quoique ne possédant plus 
ni mémoire, ni pensée, ni organes internes dessens qui 
lui permettent de trouver les objets du monde exté® 
rieur nécessaires à ses besoins, ou même d'avoir 
aucune représentation consciente de son propre corps, 
laisse pourtant paraître des symptômes d’une vie 
« psychique », Il réagit aux impressions externes 
(pression, lumière, bruit) et aux sensations internes 
(sens musculaire, faim, soif, etc.), par des expressions: 
variées (agitation, fureur, morsure, hurlement, apai 
sement, repos, sommeil), tout à fait appropriées aux 
états affecüfs correspondants chez l'animal dont le 
cerveau est normal. Ces expériences ont donc montré: 
que les tendances et les impulsions d’un organisme à 
persévérer dans lêtre, à satisfaire les besoins essen= 
tiels de la vie, à réagir par des mouvements de défense 
contre toutes les causes nuisibles du milieu, peuvent 
se manifester sans vie psychique de représentation. An 
coup sûr, on pénètre ainsi plus avant dans les méca- 
nismes cachés de la vie des animaux. | 

1lenest d’ailleurs de même pour l’homme. Fiechsig,s 
dont on connait les beaux travaux sur ce sujet, rap= 
pelle que le nouveau-né, surtout s'il est venu avant 
terme, alors que les fibres nerveuses de son cerveau 
sont encore presque complètement privées de myéline, 
ressemble d’abord à un animal sans cerveau, Pourtant, 
dès la première inspiration, il tend de tout son être à 
la satisfaction des besoins dont dépend son existence. 
Ces besoins satisfaits, l'espèce de conscience organique 
du nouveau-né s'évanouit, pour reparaître sous l'in- 
fluence de nouveaux stimuli externes ou internes, — 
de tous points comme chez le fameux chien décérébré 
de Goltz. Ces tendances et impulsions organiques per- 
sistent d’ailleurs très Join dans la vie, et les organes 
des sens, presque exclusivement « à leur solde », 
semblent épier toutes les occasions de les satisfaire 
La vie du plus grand nombre a-t-elle d'autre but que 
cet assouvissement des premiers besoins de toute vie 
animale ? 

Lorsque, de l’olfaction à l'audition, les organes des 


cérébrale, désormais pourvue d'organes internes de la 
sensibilité générale et spéciale, d’autres voies ner 
veuses, de direction inverse, c’est-à-dire centrifuge 
commencent à se former, qui vont de l'écorce au tha= 
lamus opticus, au pont de Varole, à la moelle épinière. 
Les centres corticaux des organes des sens internes, 
où le milieu interne et externe de l’homme arrive à la 
conscience, s’arment en quelque sorte de prolonge- 
ments capables de transmettre les impulsions volon- 
laires aux appareils moteurs, aux museles des organes. 
périphériques des sens et à ceux des organes préhen- 
siles, La masse des conducteurs issus des territoires. 
corlicaux des organes internes de la sensibilité tactile 
et musculaire est si considérable, qu’elle ne laisse pas: 
de donner au cerveau humain sa forme générale, en 
particulier l'élévation des régions frontales, C’est de 
ces territoires de l'écorce, aflectés à la sensibilité gé= 
nérale et spéciale, que le corps, déjà représenté dans 
les régions inférieures de l'encéphale, se réfléchit une 
seconde fois dans toutes ses parties, comme objet, 
grâce aux sens externes, comme sujet se sentant immé- 
diatement, grâce aux sensations internes des muscles, 
et des viscères : c’est de là que partent tous les mous 
vements « volontaires » en rapport avec les tendances 
organiques et les besoins de Pêtre, tels que respira-. 
tion, mastication, déglutition, préhension, etc. 


- Un tiers au plus de l'écorce du cerveau humain est 
en rapport direct avec les conditions de la conscience 
“des impressions des sens internes et externes et avec 
celles des excitations centrales des mécanismes moteurs. 
Voilà quelles sont les régions du cerveau qui agissent 
quand nous sentons et réagissons. 

— Quelles sont, maintenant, les parties de cet organequi 
“participent à l'élaboration de la pensée, c’est-à-dire 
des processus psychiques de représentation? Ces ter- 
ritoires comprennent environ les deux tiers du cerveau 
humain. Non seulement ces régions de l'écorce céré- 
brale ont des fonctions distinctes de celles des centres 
“dits de sensibilité (Sinnescentren) : ils sont déjà recon- 
naissables à leur structure histologique. Tandis que 
les premiers, qui n’occupent, je le répète, qu'un tiers 
de l'écorce, ont une structure dont la constitution rap- 
pelle, comme celledes sphères visuelles, avecsescouches 
de grains, le caractère histologique des organes des 
sens externes, rétine, etc., auxquels correspondent les 
différents territoires sensoriels de l'écorce cérébrale, 
es centres intellectuels, les organes de la pensée 
“(Denkorgane), présentent le type histologique à cinq 
“couches, quoique ceux-ci occupent sur la surface du 
cerveau les régions les plus différentes. 

Les quatre centres psychiques ou intellectuels, or- 
0h de la pensée, sont, suivant Flechsig, le lobe pré- 
frontal, une grande partie du lobe temporal et du lobe 
… pariétal, enfin l'insula de Reil. Ces territoires corti- 
caux n'auraient rien à faire avec les impressions ve- 
-nues du milieu externe, ou du monde, et du milieu 
- interne, ou du corps, non plus qu'avec les impulsions 
motrices. 

- Outre celte particularité histologique, ces quatre 
- centres se distinguent anatomiquement des cinq autres 
centres de sensibilité par le retard de leur maturité : 
ils sont encore privés de myéline que les autres centres 
ont déjà, depuis longtemps, atteint leur développe- 
ment. Ce n’est qu'après ce développement, quand les 
centres de sensibilité ont leur structure physiologique, 
“que, peu à peu, s'éveille l’activité des centres intellec- 
tuels : on constate alors que, des différents centres 
corticaux de sensibilité générale et spéciale, d'innom- 
- brables fibres nerveuses pénètrent dans les centres 
intellectuels et s'y terminent par des arborisations 
libres. Les centres intellectuels sont des appareils qui 
synthétisent en unités supérieures les activités des 
… divers organes des sens internes et externes de l'écorce 
… cérébrale. Ce sont des « centres d’association », des 
- territoires où s’associentles perceptions des sens, vue, 
- ouie, toucher, etc. 
L'observation clinique vérifie, selon Flechsig, l’exac- 
. Litude de cette hypothèse anatomique. L'objet propre 
- de la psychiatrie, ce sont les maladies des centres 
| d'association, On les trouve altérés, ces centres, dans 
- les maladies mentales que nous connaissons le mieux, 
la démence paralytique, le ramollissement céré- 
bral, etc. Ces centres sont le substratum organique 
de ce qu’on appelle expérience humaine, savoir, con- 
… naissance, langage, sentiments esthétiques, mo- 
ni etc. Car le sentiment moral est, comme le senti- 
; 


ment de la douleur, une fonslion de l’écorce cérébrale. 
Dans l'avenir, la transformation de la psychologie, qui 
a d’ailleurs commencé, dépendra surtout de l'analyse 
scientifique des quatre centres psychiques, des 
« organes psychiques » proprement dits. IL apparaîtra 
“alors au psychologue que, « de même que la surface 
e de la Terre se compose de mers et de continents, l'é- 
“corce cérébrale est constituée au moins par neuf 
territoires bien distincts anatomiquement ». L° « or- 
Prane de l'esprit », c’est-à-dire l'écorce grise du cer- 
“veau, possède une « constitution collégiale » : ses 
conseillers siègent dans deux sénats. Seulement les 
“membres de ces sénats ne sont plus, comme dans l’an- 
mi phrénologie, intitulés : amour, courage, fer- 


; 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


191 


meté, prudence, etc. Des noms qu'ils portent, les uns 
sont déjà connus ; ce sont ceux des organes internes 
des sens : vision, olfaction, audition, etc. Les autres, 
dont la signification sera en rapport avec la fonction 
spéciale à dénommer, désigneront les quatre centres 
d'association, Déjà Flechsig estime que ces derniers 
sont loin d’être homogènes. La pathologie cérébrale 
enseigne, en effet, que la propriété de synthétiser en 
idées générales les impressions variées de la sensibi- 
lité et d'avoir une connaissance des rapports naturels 
des choses, dépend d’autres centres que celle d’ex- 
primer ces idées et ces rapports au moyen du langage, 
puisque celui-ci peut être altéré sans que notre con- 
ception des choses le soit, et, inversement, qu'avec un 
langage en apparence correct le cerveau. peut délirer 
ou tomber dans la démence, 

Dans les fonctions très complexes de l'intelligence, 
les quatre centres agiraient de concert : les innom- 
brables faisceaux de fibres qui relient ces centres entre 
eux assurent cette synergie fonctionnelle. Ge qu’on 
doit appeler l'unité des fonctions du cerveau, le méca- 
nisme qui assure et sauvegarde ce consensus, ce sont 
toujours, en effet, les millions de conducteurs isolés, 
«mesurant ensemble des milliers de kilomètres », qui 
constituent l'énorme masse médullaire du cerveau 
humain. Ces fibres assurent les connexions : 1° des 
centres de sensibilité entre eux; 2 des centres de sen- 
sibilité avec les centres intellectuels; 3° des centres 
intellectuels entre eux. 

La destruction des centres intellectuels entrainant 
toujours la perte de la mémoire dans une étendue plus 
ou moins grande, point de doute que les éléments 
normaux de ces centres ne soient le substratum même 
de nos souvenirs. De quelque nature que soient les 
traces ou résidus de la mémoire, ils sont bien d'es- 
sence matérielle, puisque, sous l'influence d’agents 
chimiques, de poisons tels que l'alcool, ils s’évanouis- 
sent temporairement ou pour toujours si les cellules 
et les fibres nerveuses des quatre centres psychiques 
ont perdu, avec leur structure, leurs fonctions, Qu'il 
s'agisse de. l’éveil de sensations élémentaires, faim, 
soif, ou des plus grandioses constructions idéales du 
poète ou du savant, ce sont toujours de purs processus 
mécaniques qui entrent en activité. Comme les impul- 
sions et les tendancesles plus obscures de l’organisme 
retentissent sur l'écorce cérébrale par l'intermédiaire 
du faisceau sensitif et s'irradient directement des 
organesinternes des sens (Sinnescentren) sur les centres 
intellectuels (geistige Centren), la lutte des sens et de la 
raison, des instincts aveugles et des idées morales, a 
pour théâtre le cerveau de l'homme. Mais, lorsque les 
centres supérieurs sont paralysés par un poison ou 
détruits par la maladie, il n'y a plus de conflit pos- 
sible : les passions peuvent se déchaïner, la violence 
et la colère peuvent sévir ; on ne saurait plus parferde 
moralité. L'abus prolongé des boissons alcooliques, 
avec son cortège de lésioris profondes et généralisées 


des centres psychiques, fait déjà d’un nombre 
immense de créatures humaines des êtres « décéré- 
brés ». 


Quant à l'accord des fonctions les plus élevées du 
cerveau humain, telles que la raison et la logique, 
avec l’ordre de l'univers, il repose presque tout entier, 
en dernière analyse, sur la constance et l’uniformité 
des phénomènes naturels, dont le retour périodique 
modèle en quelque sorte le cerveau humain et lui 
imprime, par le fait de l'addition des mêmes impres- 
sions indéfiniment répétées, la marque de son unité. 
Ainsi se forment, dans l'esprit, des associations dont 
la solidité augmente encore avec les ans, au point, 
ajouterai-je, d’avoir fait croire à quelques philoso- 
phes qu'ils n'avaient qu’à descendre dans leur cons- 
cience pour y retrouverles lois primordiales de la lé- 
gislation de l'Univers, Jules Soury. 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 22 Juillet 1895. 


M. Retzius est nommé Correspondant pour la Sec- 
lion d’Anatomie et Zoologie, en remplacement de 
M. Carl Vogt. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Emile Picard fail 
hommage à l'Académie du deuxième fascicule du 
tome II] de son traité d'Analyse. -—M. V. Ducla adresse 
une note sur une méthode rapide pour trouver toutes 
les racines commensurables d'une équation de degré 
quelconque, 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F.-M. Raoult a entrepris 
des recherches sur les causes des phénomènes osmo- 
tiques; il signale quelques faits intéressants qui se 
produisent quand les deux liquides soumis à l’osmose 
sont l’éther et l'alcool: 1° L’osmose, entre deux liquides 
déterminés, peut non seulement varier beaucoup en 
énergie, mais encore changer de sens avec la nature 
du diaphragme. 2° Le mouvement osmotique des corps 
à travers le diaphragme peut être absolument indé- 
pendant de leur poids moléculaire et de leur qualité 
de corps dissous ou de dissolvants. — M. R. Swynge- 
dauw a repris les expériences de Jaumann sur les 
potentiels explosifs statique et dynamique, en leur 
donnant une forme susceptible d'interprétation simple 
et facile: il a reconnu que l'abaissement des poten- 
tiels explosifs par la lumière ultra-violette est beau- 
coup plus considérable pour les potentiels dyna- 
niques que pour les potentiels statiques. L'auteur con- 
clut, contrairement à la loi de Jaumann, que le poten- 
tiel explosif d’un excitateur placé à l’abri des radiations 
ultra-violettes n'est pas diminué d’une facon appré- 
ciable pour des variations très petites et très rapides 
du potentiel. — M. Gaston Séguy a observé un phé- 
nomène de phosphorescence dans des tubes contenant 
de lazole rarélié, après le passage de la décharge 
électrique. La lueur a son éclat maximum aussitôt 
après le passage du courant et disparait graduellement 
au bout de 18 à 20 secondes. — M. C. Limb a utilisé 
sa méthode de mesure des forces électromotrices en 
valeur absolue pour déterminer la valeur des étalons 
Clark, Gouy et Daniell. La valeur trouvée par l'élément 


ps 1 Er 
Clark ne diffère pas de de la valeur trouvée par 


lord Rayleigh, en partant d'une méthode absolument 
différente de celle de l’auteur. — M. Gouy précise les 
conditions à remplir pour observer les phénomènes dus 
à laclion de la pesanteur au voisinage immédiat de 
l'état crilique. — M. Dehérain présente un ouvrage 
intitulé : « Les engrais, les ferments de la terre », — 
M. l'abbé Maze communique quelques renseignements 
concernant le premier thermomètre à alcool utilisé à 
Paris : il a pu retrouver comment Boulliau s'était pro- 
curé ce thermomètre, fabriqué à Florence, — MM. Aimé 
Girard el L. Lindet donnent les principaux résultats 
d'un long travail entrepris pour déterminer la compo- 
sition des raisins des principaux cépages de France. 
Le nombre de cépages à raisins colorés et à raisins 
blancs, soumis à l'étude, est de vingt-cinq; ils ont été 
pris dans chacune des grandes régions viticoles et 
choisis parmi les cépages les plus répandus. Pour 
chacun d'eux, on a déterminé d’abord les proportions 
relatives de rafles et de grains; puis, en disséquant 
ceux-ci, on à séparé la pulpe, la peau et les pépins. 
Chacune des parties constituantes a été ensuite sou- 
mise à une analyse chimique complète. 1° Les rafles 
et les pépins contiennent une matière résineuse dont 
la saveur, âpre au début, devient douceâtre avec le 


ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


temps; elle doit jouer un rôle dans la transformatio 
que le goût du vin subit avec l’âge. 2° Dans la pulpe 
l'acide tartrique libre ne figure qu'en petite quantité; 
l'acide malique y domine, au contraire, 3° Les peaux 
renferment une matière odorante caractéristique pou 
chaque cépage. 4° Les pépins contiennent jusqu'à 1 °/ 
de leur poids d'acides volatils appartenant à la série 
grasse, 5° La proportion des rafles ef des grains varie» 
du simple au double, suivant les cépages. 6° Les diffé 
rents cépages portent des grains dont le poids moyen 
varie dans des limites très grandes : O0 gr. 78 pour 1e 
Pinot noir et 3 gr. 69 pour l'Aramon. 7 La teneur en 
bitartrate de potasse de la pulpe donne une caracté 
ristique assez nette aux cépages principaux de chaque 
région. $° À part les cépages de l'Yonne, beaucoup 
plus riches, les peaux des raisins colorés donnent une 
proportion de tanin à peu près constante. — M. A. Hal- 
ler à étudié l’action de lisocyanate de phényle sur 
les acides cyanacétique, méthylsalicylique, anisique, 
phénylglycolique, benzoylbenzoïque; les deux pre- 
miers conduisent à l’anilide correspondante, sans qu'il 
paraisse se former les anhydrides; l'acide anisique four- 
nit l'anhydride anisique quand on arrèle la réaction ; 
l'acide 0-benzoylbenzoïque se comporte comme une 
lactone alcool et comme un acide cétone. —- M. Ch. 
Dufour envoie un mémoire sur les réfractions anor- 
males à la surface de l’eau qu'il a pu observer sou-« 
vent sur le lac Léman ; quand leau est plus froide 
que l'air, la trajectoire du rayon lumineux tourne sa 
concavité contre l’eau, et l’on voit alors des objets qui, . 
dans la règle, sont cachés par la rondeur de la terre. 
Il y à de ce fait une erreur grave quand on prend en 
mer la hauteur du soleil au-dessus de l'horizon. — 
M. A. Mourlot applique la haute température de l'arc 
électrique à la reproduction des sulfures cristallisés; 
il prépare un sulfure de manganèse identique au sul 
fure naturel, l’alabandine. Ce sulfure cristallise en 
cubes ou en octaèdres dérivés; le fluor ne l'attaque 
qu'au rouge ; il s’enflamme dans l’oxygène au-dessus 
du rouge. Le charbon est sans action sur lui sous l’in- 
fluence d'un courant de 1000 ampères et de 50 volts. — 
M. V. Thomas a examiné, au point de vue de la dis- 
sociation, les trois composés solides qu'il a pu obtenir 
par l’action directe du bioxyde d’azote sur le chlorure 
ferreux ; à la température ordinaire, aucun d'eux n'a 
une tension de dissociation sensible, L'auteur a étudié 
aussi l’action de l’eau, des alcalis, de l'azotate d'argent 
sur les composés; tous les faits observés semblent 
indiquer une différence très netle entre les composés 
obtenus par M. Gay à l'état de dissolution et les corps 
préparés par voie sèche. — M. C. Hugot a préparé des 
combinaisons du phosphore avec les mélaux alcalins… 
en étudiant l'action du phosphore sur le sodammo- 
nium et le potassammonium dissous dans un excès 
d’ammoniaque liquélié. Les deux phosphures obtenus 
P5K et P3Na sont décomposés par l'air humide avec 
dégagement de phosphure d'hydrogène; ils restent 
comme résidu quand on décompose par la chaleur 
les P5K, 3AZH5 et P3Na. 3AZH formés tou! d'abord. — 
MM. Massol et Guillot ont délerminé les chaleurs 
spécifiques des acide formique et acétique surfondus. 
1° Les chaleurs spécifiques à l'état solide sont de beau 
coup supérieures aux chaleurs spécifiques à l'état 
liquide, 2° La chaleur spécifique à l'état liquide diminue 
avec la température, 3° A l'état de surfusion, la cha= 
leur spécilique augmente légèrement, mais reste dans 
l'ordre des chaleurs spécifiques à l'état liquide. Les 
auteurs exposent les modifications à apporter au ther- 
mocalorimètre de Regnault en vue de la détermination 


s chaleurs spécifiques d’un grand nombre de liquides 
urfondus. — M. Louis Henry a continué l’étude de 
action des paraffines nitrées sur les aldéhydes ali- 
hatiques; l’auteur expose, dans cette note, les pro- 
riétés des produits formés avec le méthanol agis- 
ant successivement sur le nitrométhane. le nitro- 
éthane et le nitropropane à la température ordinaire 
en présence d'une trace de carbonate de potasse. 
Ce sont des corps solides non volatils : la glycérine 
nitro- ‘He FREE (Az0? Ar Ces Var le 


et enfin l'alcool isobutylique mononitré tertiaire : 
(CH) 
(AzO* ?C 
Ke H:0H 


Sous lPaclion du carbonate bipotassique ou des alcalis, 
le méthanol et les aldéhydes voisines s'ajoutent aisé- 
ment avec d'autres corps, où un hydrogène fixé au 
arbone possède le caractère basique. — M. A. Béhal 
a étudié les produits d'oxydation de Pacide campholé- 
nique inactif : outre les composés intermédiaires, une 
itrosocampholénolactone et un acide campholénique, 
on oblient comme produits de l'oxydation complète 
n acide tribasique C’H1206, identique à l'acide 
- hydroxycamphoronique; deux acides bibasiques, l’un 
répondant à la formule C7 H®20', l’autre à la for” 
_mule CSHP0*; enfin un acide monobasique, l'acide 
“isobuiyrique., — M. E. Fleurent présente les conclu- 
“sions Les plus intéressantes de son étude de l’action de 
lPhydrate de baryte, en vase clos : 4° sur le gluten, la 
caséine ef la fibrine végétales. la légumine et l'albu- 
mine végétales; 2 sur Tes acides aspartique et gluta- 
mique. Les matières protéiques végétales se séparent 
“cn deux groupes distincts : celles pour lesquelles le 
rapport de la quautité d'azote dosé à l'azote calculé 
est plus grand, et celles pour lesquelles ce rapport est 
plus petit que l'unité. Dans le gluten, la caséine et la 
fibrine végétales, il existe un groupement g glutaminé ; 
dans la légumine et l’albumine végétales. un groupe- 
ment asparagène. Ce sont ces groupements qui pro- 
por dans les deux cas la rupture du rapport 
Az dosé 


» Az calculé 
. matières albuminoïdes végétales. C. MAriëox. 
39 SGIENCES NATURELLES. — MM. Binet et Courtier ont 
étudié l'influence de la respiration sur le tracé volu- 
- métrique des membres à l’aide des plethysmographes 
de MM. Hallion et Comte. — M. Lecercle à observé les 
modifications de la chaleur rayonnée produites par la 
faradisation, non pas avec un tétanos généralisé, mais 
concentrant l’action du courant faradique sur une 


= 1, trouvé par M. Schutzenberger pour les 


surface cutanée richement innervée. — MM. Teissier 
et Guinard montrent, à l’aide de nombreuses expé- 
riences, J’aggravation des effets de certaines toxines 
microbiennes par leur passage dans le foie; ce fait 
peut s'expliquer par deux hypothèses : ou ‘bien au 
contact de la (oxine, qui lui arrive en masse, le foie 
est fonctionnellement altéré et perd le pouvoir qu'il a 
de détryre les poisons; ou bien, la toxine arrivant 
D nent dans un organe qui, phy siologiquement, 
représente un foyer actif d'élaboration, provoque- 
t-elle mieux ou plus vite l'élaboration des poisons qui 
causent l’auto-intoxicätion. — MM. Künstler et Gru- 
vel fournissent de nouveaux éléments à l’étude histo- 
logique des glandes unicellulaires chez les Hippérines. 
— M. Michel-Lévy présente une note sur l’évolution 
des magmas de certains granits à amphibole. 

J. MARTIN. 


Séance du 29 Juillet 1895, 


- M. Berg est élu Correspondant pour la Section d’A- 
hatomie et de Zoologie en remplacement de M, Huxley. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


19 SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. Darboux présente 
le troisième fascicule du tome IL et le premier fas- 
cule du tome IV d2 ses « Lecons sur la théorie géné- 
rale des surfaces et les applications, géométriques du 
calcul infinitésimal. » — M. Levavasseur signale un 
certain nombre de types de groupes de substitutions 
dont l'ordre égale le degré. — MM. G. Castelnuovo 
et F. Enriques énoncent quelques théorèmes relatifs 
aux surfaces algébriques admettant un groupe continu 
de transformations birationnelles en elles-mêmes. 
1° La surface contient un faisceau de courbes de 
genre un, toutes ayant le même module, et n’a pas de 
points simples fixes, ou bien elle contient un faisceau 
de courbes de genre zéro, et (d'après M. Nôther) elle 
peut être transformée en une «urface réglée ou en 
une surface ayant un faisceau de coniques, 2° Ces sur- 
faces peuvent être transformées en une surface réglée 
ou en une surface avec un faisceau de coniques quand 
le groupe dépend de plusieurs paramètres et est une 
seule fois transilif. 3° Lorsque le groupe dépend de 
deux paramètres et est deux fois transitif, ou bien les 
transformations sont deux à deux éc hangeables, et la 
surface appartient à la classe des surfaces hy perellip- 
tiques, ou, le contraire arrivant, lasurface est ration- 
nelle. — M. Léonardo Torrès expose une théorie 
générale des machines algébriques et déduit de cette 
théorie la conception de certains mécanismes nou- 
veaux. L” ET présente en même temps un modèle 
calculant à !/,,, près les racines réelles des équations: 


29 + A +B 0 
a + Ant + B 0. 


M. D.-A. Casalonga adresse une note intitulée : Des 
causes de la marée directe, de l'antimarée, et du 
retard de leur passage au méridien lunaire. 

20 SciENCES PHYSIQUES. — M. de Tillo fait hommage 
d’un volume intitulé : Beobachtungen der russischen 
Polarstalion an der Lenamündung. — M. J. Janssen, 
à la suite des observations de M. Campbell concluant 
à la non-présence de la vapeur d’eau dans l’atmos- 
phère de Mars et des discussions qui ont suivi, rappelle, 
en les développant, les expériences qui l'ont amené, 
le premier, à annoncer l'existence de cette vapeur 
d’eau ; il insiste, en outre, sur les conditions les plus 
propres à assurer le succès de ces recherches qui sont 
d’uneextrème difficulté. — M. Maurain a étudié les mo- 
difications d'un diapason placé dans le champ magné- 
tique. Quand le diapason à son axe perpendiculaire 
au champ et son plan de vibration parallèle, le nom- 
bre des vibrations diminue à mesure que le champ 
augmente ; si l’axe et le plan de vibrations sont tous 
deux perpendiculaires au champ, c'est le contraire qui 
se produit : le nombre de vibrations augmente avec le 
champ ; enfin, lorsque l'axe est parallèle au champ, 
le nombre des vibrations augmente. Les vibrations 
s’amortissent d'autant plus rapidement que le champ 
est plus intense. — M. Piltschikoff adresse. plu- 
sieurs photographies d’éclairs faites à Odessa; ces 
éclairs se rangent en trois catégories : les éclair- bande, 
éclair-tube et éclair-trompe; les deux premiers lypes 
se rencontrent dans tous les orages, le troisième parail 
très rare, Les machines électrostatiques n’ont pu re- 
produire des clichés semblables. L’éclair en bande 
parait avoir une corrélation intéressante avec les dra 
peries des aurores boréales. — M. Morisot signale un 
nouvel élément de pile d'intensité sensiblement cons- 
tante et de force non plus grande que celle 
des couples usuels, 2 volts 5. Le pôle positif est une 
lame de charbon de cornue plongée dans un volume 
d'acide sulfurique mêlé à trois volumes d’eau saturés 
de bichromate : un diaphragme en terre poreuse im- 
mergé dans le liquide dépolarisant contient une dis- 
solution étendue de soude caustique; enfin la lame de 
zinc amalgamé, pôle négatif, plonge dans un second 
diaphragme intérieur au premier contenantunesolution 
concentrée de soude caustique. — M. Maurice Fran- 
çois a étudié l’action de l’aniline sur l’iodure mercu- 


reux; il y a mise en liberté de mercure et formation 
du composé Hgl?(C6(H$AzH??. La décomposition de 
l'iodure mercureux par l’aniline est limitée; lorsque 
l'état d'équilibre est atteint, le liquide contient tou- 
jours pour la température de l’ébullition de l'aniline 
(1829), 26gr. 35 d'iodure mercurique pour 100 grammes 
du mélange. Si l’on prend des proportions convenables 
d'iodure et d’aniline, il y a simplement dissolution et 
non décomposition, la dissolution donne par re- 
froidissement l’iodure cristallisé. — MM. Béhal et 
Blaise ont examiné l'action de l’hypoazotide sur 
l’acide campholénique ; il se forme deux modifications 
isomériques d’un composé de formule C!H15Az05, 
auxquelles les auteurs donnent les noms de céruléo- 
nitrosocampholénolide et leuconitrosocampholénolide, 
L'étude des propriétés de ces nouvelles substances 
conduit à admettre les formules suivantes tautomères 
pour la nitrocampholénolide : 


R R 
| 
O=Az—0—C. OZA7—C\ 
d S ie 
NY /R DA 


do-cæ_ cf do-cn2 cf 
M. L. Kohn a étudié les produits de condensation de 
l'aldéhyde isovalérique sous l'influence de la potasse 
alcoolique; ses résultats concordent avec ceux de 
M. Friedel. — MM. Jay et Dupasquier donnent la 
description d’une méthode de dosage de l'acide bori- 
que fondée sur le procédé à l'alcool méthylique. Des 
essais effectués pour contrôle établissent la sûreté 
de la méthode, L’acide fluorhydrique seul apporte une 
légère augmentation d'acide borique, mais en pratique 
cette cause d'erreur est négligeable. Les vins de Bour- 
sogne, de Bordeaux, contiennent de 0 gr. 0105 à 
0 gr. 022 par litre d'acide borique, les cidres de 
0 gr. 011 à O0 gr. 017, — M. Oechsner de Coninck à 
étudié l'élimination de la chaux et de la magnésie 
chez les rachitiques: l'élimination de la chaux aug- 
mente quand celle de la magnésie diminue ce qui 
amène à conclure au remplacement partiel de la 
chaux par la magnésie dans le système osseux des en- 
fants rachitiques. — M. Boudouard à fait l'étude des 
sables monazités de la Caroline; les premiers résultats 
obtenus établissent l'existence de terres didymiques 
ayant des poids moléculaires plus faibles que celles 
extraites de la cérite. Plus le poids moléculaire est 
faible, plus le nitrate résiste à la décomposition pyro- 
génée. La même différence de stabilité existe pour les 
sulfates :ceux qui correspondent aux poids atomiques 
les plus petits se décomposent avec une extrème difli- 
cullé et seulement au rouge presque blanc. 
C. MAarTIGNON. 

3% SCIENCES NATURELLES. MM. Langlois el Mau- 
range montrent l'utilité des injections d’oxyspartéine 
avant lanesthésie chloroformique, car, en injectant 
une heure avant l’anesthésie 4 à 5 centigrammes de 
spartéine où 3 à # centigrammes d’oxyspartéine el 
{ centigramme de morphine, on obtient toujours une 
narcose rapide, facile à maintenir avec un peu de chlo- 
roforme et un cœur régulier, énergique même, quand 
la respiration devient superficielle. — M. Charrin 
montre l'influence des toxines sur la descendance de 
l'homme, — M, Jammes, dans ses recherches sur la 
structure de l’ectoderme et du système nerveux des 
Plathelminthes parasites (Trématodes et Cestodes), éta- 
blit que l’ectoderme présente dans sa structure de 
zrandes ressemblances avec les Némathelminthes, Il y 
à des cellules épithéliales, des cellules nerveuses, des 
librilles et des granulations, — M. Pizon fournit de 
nouveiles contributions à l’'embryogénie des Ascidies 
simples, en étudiant l’origine de la cavité péribran- 
chiale, les relations de la vésicule sensorielle avec les 
parties avoisinantes et l'existence d'un épicarde ana- 
Joue à celui des Ascidies composées. — M, Boule 


PFTA, A 62 nr SP ne FRE 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


vulgaris. — MM. Cadiot et Gilbert publient l’observa- 


annonce la découverte de débris gigantesques d'élé” 
phants fossiles faite par M. Le Blanc, dans la balla 
tière de Tilloux (Charente). 


J, MARTIN. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 30 Juillet 1895. 


MM. Hoppe-Seyler (de Strasbourg) et Dragendorf 
(de Dorpat) sont nommés correspondants étrangers 
dans Ja IV: Division (Physique et Chimie médicales, 
Pharmacie). — M. Lucas-Championaière recommande 
l'emploi du gaïacol pour l’anesthésie locale (analgésie),« 
en remplacement de la cocaine. — M. Landouzy fait. 
une communication sur la nécessité de reviser la 
nosographie des angines et d'assurer leur diagnostic 
par le contrôle bactérioscopique ; il donne les résul-" 
tats d’une enquête bactérioscopique portant sur 
860 cas d’angines et ayant donné 42,32% de diphtérie 
et 57,68% de non-diphtérie. —- L'Académie adopte à 
l'unanimité le vœu suivant : 1° que des laboratoires 
d'examen bactériologique dirigés par des savants spé- 
ciaux soient ouverts dans le plus bref délai, et que 
tous les médecins en soient avisés par la plus large 
publicité; 2° que les Facultés de Médecine, les Ecoles 
de plein exercice et les Ecoles secoudaires de Méde- 
cine et de Pharmacie soient pourvues de laboratoires 
bactériologiques, destinés à faire dès maintenant les 
examens, et à instruire les médecins et les pharma- 
ciens dans les recherches spéciales. — M. Daremberg 
cherche à montrer par des expériences physiologiques 
que les eaux-de-vie de vin, même de grande marque, 
sont plus toxiques que les eaux-de-vie communes. — 
M. Gréhant lit un travail sur l’analyse de l'air de la 
gare souterraine du Luxembourg, — M. Kirmisson. 
relate un cas d’épispadias, chez une petite fille de dix- 
huit mois, qu'il a opéré et guéri, 


SOCIETE DE BIOLOGIE 
Séance du 27 Juillet 1895 

M. Trouessart est élu membre de la Société. — 
M. A. Broca à traité des lésions tuberculeuses cuta- « 
nées par le sérum de chiens à tuberculose locale, et à 
obtenu de bons résultats dans les cas de lésions peu 
profondes. — MM. Roger et Josué montrent que l’æ- 
dème n’est pas directement en rapport avec les lésions 
veineuses, Il se produit un œdème persistant par in- 
jection dans l'oreille des produits solubies du Proteus 


tion d’un cheval atteint de morve pulmonaire avee 
cirrhose du foie, — MM. Babes et Kalindero commu 
niquent leurs recherches sur la distribution des ba- 
cilles de la lèpre dans les tissus. On les trouve surtout 
nombreux dans les nerfs, ce qui explique les symp- 
tômes nerveux de la maladie. — M. Rénon a étudié 
l'influence de l'affection aspergillaire sur la gestation ; 
le passage du bacille de la mère au fœtus dépend du . 
degré plus ou moins prononcé de l'infection. — 
MM. Courtade et Guyon ont étudié l’innervation du 
muscle vésical et la puissance des sphineters interne 
et externe de la vessie. — MM. Phisalix el Bertrand 
ont trouvé que limmunité du hérisson contre le venin 
de vipère provenait d'une substance spéciale contenue » 
dans son sang; en effet, le sérum sanguin du hérisson, 
injecté à un cobaye, le rend réfractaire à l’inoculation 
du venin de la vipère. — M. Pillet a trouvé que le 
formol, injecté à fortes doses, s'élimine par l'intestin 
et le rein en produisant des lésions congestives. — 
MM. Courmont et Doyon décrivent les lésions hépa- 
tiques engendrées chez le chien par la toxine diphté- 
rique, — M, Déjerine rapporte une observation de 
compression de la queue de cheval de la moelle épi= 
nière causée par une tumeur du sacrum, d’origine 
sarcomateuse. 

(La Société entre en vacances jusqu'au milieu d'Oc- 
tobre.) 


SOCIÉTÉ FRANGAISE DE PHYSIQUE 
4 Séance du 5 Juillet 1895. 


M. Pierre Weiss a étudié l'allure particulière de 
mantation dans la magnétite cristallisée, Il a décou- 
ert que, dans ce corps, Fe“O#, appartenant au sys- 
e cubique, l’aimantation n’est cependant pas iden- 
ique dans toutes les directions. Les cristaux sont des 
dodécaèdres ou des octaèdres et ne dépassent pas 2°, 
| a d'abord taillé, dans un octaèdre du Tyrol, deux 
prismes, l’un suivant un axe binaire, l’autre suivant 
une direction perpendiculaire, et a cherché la courbe 
d'aimantation en fonction de l'intensité du champ. La 
mesure du champ présentait quelque difficulté, car le 
Champ est modilié par la présence de la magnétite 
elle-même, La méthode ordinaire, qui consiste à 
prendre un tore, un ellipsoide ou un cylindre indé- 
fini n’est pas directement applicable, Il s’est fondé sur 
ce que le champ magnétisant est continu quand on tra- 
verse la surface du corps; on peut donc le mesurer au 
voisinage de l’aimant au moyen d’une petite bobine et 
lun galvanomètre balistique. Une seconde bobine en- 
tourantl’aimantservira à mesurer l'intensité d’aimanta- 
tion. IL plaçait bout à bout trois barreaux de magnétite 
prolongés aux deux extrémités par deux tiges de fer, 
de facon à n'avoir, dans le barreau central, qu'une 
riation lente du champ. On trouve ainsi que la courbe 
d'aimantation n’est pas identique suivant l'axe qua- 
ternaire et suivant l'axe binaire. La courbe relative 
au second cas est l’amplification de la première dans 
le rapport de 5 à #. M. Weiss à vérifié par plusieurs 
méthodes ce résultat imprévu. Toujours il a trouvé des 
différences de même ordre. Une expérience qui, sans 
oute, n'offre pas un haut degré de précision, mais a 
“l'avantage d’être très directe, consiste à tailler des 
“disques de magnétite, à les entourer d’une bobine de 
“il, et à les faire tourner d’angles connus entre les 
pôles d'un aimant. On mesure ainsi les différences 
d’aimantation suivant les différentes directions. Les 
ourbes obtenues accusent des différences très grandes 
entre les différentes directions. On trouve un maxi- 
num d'aimantation suivant les axes ternaires. Au con- 
raire, un disque taillé suivant une face de l'octaèdre 
“donne une courbe qui est rigoureusement un cercle 
pour toutes les orientations, En résumé, la surface 
“l'aimantation à saturation dans les différentes direc- 
“tions présente la forme d'un cube dont on aurait ar- 
rondi les arètes et creusé les faces, M. Weiss présente 
mi la Société une expérience curieuse qui met nette- 
ent en évidence les inégalités d'aimantation.On fixe un 
petit disque de magnétite sur un disque de verre et on 
e place entre les branches d’un aimant. Les directions 
uivant lesquelles s'oriente spontanément le disque 
donnent les maxima d’aimantation. Un disque paral- 
lèle aux faces de l’octaèdre ne présente aucune direc- 
Lion privilégiée. Pour obtenir la direction de l’aiman- 
lation par rapport au champ, on détermine les courbes 
qui donnent les composantes suivant la direction du 
“champ, et perpendiculairement. Leur aspect est celui 
d'un folium à branches multiples et de différentes 
randeurs. On trouve que l’aimantation est oblique par 
rapport au champ quand la direction de celui-ci ne 
coïncide pas avec l’un des axes. Ce résultat apparait 
très visiblement sur les spectres de limaille dont 

. Weiss projette des photographies. Les lignes de 
force sont déformées quand la magnétite est placée 
“dans une disposition dissymétrique. En résumé, l’iden- 
uité des phénomènes optiques dans toutes les direc- 
Hiuns ne se retrouve plus pour les propriétés magné- 
ques. Et il semble qu'il y ait des réserves à faire sur 
es théories qui supposent que, dans les corps, avant 
aimantation, les éléments magnétiques existent, mais 
ne sont pas alignés. La théorie d'Ewing ne semble pas 
Suflisante, — M. Massieu demande à M. Weiss s’il n’a 
amais constaté de faces hémiédriques. M. Mallard en 
à obtenu sur la boracite, qui, elle aussi, est cubique, 
“ais ne se comporte pas en lumière polarisée comme 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


en cristal cubique, du moins à la température ordi- 
naire. Lorsqu'on chauffe, les anomalies disparaissent. 
Il serait peut-être intéressant de rechercher comment 
les phénomènes si curieux éludiés par M. Weiss se 
modifient avec la température. — Rien n’a révélé à 
M. Weiss une hémiédrie dans la magnétite. D'ailleurs, 
elle appartient aux spinelles, et, dans cette famille, on 
ne connait pas de phénomènes pseudocubiques. 
D'autre part, la magnélite n’est pas seulement à très 
peu près cubique; elle l’est bien réellement. Ses oc- 
taèdres offrent non pas seulement la symétrie qua- 
dratique, mais bien la symétrie cubique. — M. P. Vil- 
lard et M.R.Jarry ont éludiéet précisé les propriétés 
de la neige carbonique. Ils ont eu soin d’abord de tou- 
jours distiller le gaz; cette opération se .fait sans dif- 
ficulté et n’exige pas plus de 20 minutes. En refroi- 
dissant convenablement le récipient, ils obtiennent un 
rendement en neige de 35 °/,. Ils ont d’abord repris 
le point de fusion de cette neige, fixé par Faraday à 
— 57, Ils se sont servis d’un thermomètre à toluène, 
et ont opéré par refroidissement et par réchauffement. 
Le réservoir à acide carbonique fondant était protégé 
contre le rayonnement par une enveloppe de papier 
d'étain. Il était lui-même placé dans un tube argenté 
intérieurement, et le tout dans une enceinte vide 
d’air. La température a été de — 570,1 et la pression 
correspondante 5at® 1, Les résultats sont les : mêmes 
soit pour la neige ordinaire, soit pour des cristaux de 
dimensions notables. Ce sont des cristaux cubiques : 
au contact de l'air ils ne se couvrent pas de givre à 
cause de la gaine d'acide carbonique gazeux. A l’état 
solide, la densité est plus grande qu'à l’état liquide. 
La température de la neige carbonique en vase ouvert 
est de — 79°, nombre très voisin de celui de Regnault. 
Cette température est évidemment le point d'ébullition 
sous la pression atmosphérique. En effet. la pression 
maxima observée pour la vapeur est bien la pression 
atmosphérique. La température — 60°, proposée 1l ya 
quelques années, est donc inadmissible. À cette tem- 
pérature, la pression maxima est de 4 atmosphères. 
La neige sèche étant incommode à manier, on l’em- 
ploie, depuis Thilorier, mélangée à l'éther. Il faut 
avoir soin de refroidir l’éther. On croit communé- 
ment que la température est beaucoup plus basse 
qu'avee la neige seule, Il n’en est rien. Le thermo- 
mètre reste stationnaire quand on verse de l’éther 
sur la neige solide. Regnault n’attribue à l’éther qu'une 
action de contact. Effectivement, il n’a qu’un rôle dis- 
solvant inappréciable, et ne forme pas de mélange 
réfrigérant. Lorsque la dissolution est saturée de 
neige, l’abaissement atteint à peine 1°. L'expérience de 
la solidification d'un tube de Natterer dans un mélange 
de neige et d'éther, réussit tout aussi bien avec la 
neige seule. Avec le toluène, les phénomènes sont les 
mêmes qu'avec l’éther; mais ils sont tout différents 
avec le chlorure de méthyle, On oblient un véritable 
mélange réfrigérant, car la température est plus basse 
que celle du plus froid des deux corps employés. IL y 
a dissolution, et, à la saturation, le thermomètre 
marque — 85°. En dépassant la saturation, la tempé- 
rature remonte, Par le passage d’un courant d’air, on 
peut abaisser ce mélange réfrigérant à — 90°. MM. Vil- 
lard et Jarry ont ensuite cherché à atteindre des tem- 
pératures beaucoup plus basses en ayant recours au 
vide. Par ce moyen, M. Pictet avait déjà atteint — 1189. 
On atteint facilement — 125° sous la cloche de la ma- 
chine pneumatique, et on peut maintenir cette tempé- 
rature pendant plusieurs heures. On à donc là un 
point de départ suffisant pour arriver à — 200° avec les 
moyens ordinaires d’un laboratoire et réaliser ainsi 
l'expérience de la liquéfaction de oxygène. — M. Guil- 
laume précise la valeur des indications du thermo- 
mètre à toluène, En utilisant des travaux encore inédits 
de M. P. Chappuis, on peut admettre comme très 
exactes les indications de ce thermomètre jusqu’à — 88; 
à — 1250, elles sont encore certainement vraies à 5° 


, 
près. Puis M. Guillaume signale des résultats nouveaux 


» d TT sh HORS - à ee Se - 


196 


obtenus par M. Olszewski. Par sa méthode, publiée il 
y à quelques années, pour la détermination du point 
critique de l'hydrogène, il a obtenu — 23#,5 en faisant 
détendre jusqu'à 20 atmosphères, et — 245° en pous- 
sant la détente jusqu'à 4 atmosphère. On pourra donc 
encore obtenir des températures plus basses, — 
M. Bouty signale un travail contenu dans le numéro 
de Juin du Journal de Physique, et d’après lequel on est 
parvenu à 30° du zéro absolu. Edgard Haunié. 


SOCIÈTÉ CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 28 Juin 180%, 


L'action de l'hypoazotide sur le trichlorure d’anti- 
moine en solution sulfocarbonique ou chloroformique 
a donné à M. Thomas un composé auquel ses analyses 
permettent d'attribuer la formule suivante : 2Sb0?, 
2SbOCI?, Az205, La même réaction, essayée avec le tri- 
bromure etle triiodure d’antimoine, donne un composé 
répondant à la formule : (Sb20%2a7:05:. MM. Béhal 
et Blaise ont étudié la réaction de l'hypoazotide sur 
l’acide campholénique inactif, Une molécule d’hy- 
poazotide se fixe sur lacide, et, si on traite le pro- 
duit obtenu par le bicarbonate de soude, on obtient 
un corps solide, bleu, fusible à 133° et de formule 
C10 H1ï Az 0%, Si l'hypoazotide continue de réagir, on 
observe-un abondant dégagement gazeux. Le produit 
final de la réaction est solide, fusible à 175°, de com- 
position CIC H15 Az Of; il a déjà été obtenu par MM. Ka- 
chler, Spitzer, Swarts et Zürrer, qui le dénommèrent 
acide nitrocampholénique. Ce corps ne possède pas de 
fonction acide. MM. Béhal et Blaise ont en effet observé 
qu'il n’agit pas sur le tournesol en solution alcoolique ; 
il ne décompose pas les bicarbonates alcalins. Ce n’est 
pas non plus un dérivé nitré: car, à l'ébullition avec les 
bicarbonates, on peut en éliminer tout l'azote à l’état 
d'azotite. On obtient comme produit de la réaction une 
lactone fusible à 30°, CH! 0?, Par les alcalis cette lac- 
tone donne un produit cristallisé, fondant à 126°-127, 
décomposant les bicarbonates, de formule G10 H'6 03. 
C’est l’oxyacide correspondant. Ce composé posséderait 
une fonction alcoolique sur une liaison éthylénique et 
se transformerait en donnant l'acide cétonique isomé- 
rique. Pour MM. Béhal et Blaise, l'azote de l'acide 
nitrocampholénique existerait dans la molécule sous 
forme d’éther nitreux. L'ensemble des réactions précé- 
dentes pourrait s'expliquer par les trois formules sui- 
vantes : 


R R R 
ul | | 
O=A7—0—C C (GC! 
ZON 4 Ÿ 
O CH—-R O C—R - CH—R' 
LEGS fes: | 
CO—CH? CO—CH? CO?H—CH? 


Acide nitrocampholénique Lactone Oxyacide 
Si l'acide nitrocampholénique réduit par l’étain et 
l'acide acétique a donné à MM. Kachler et Spitzer de 
l'acide amidocampholénique, ce fait s'explique, d’a- 
près MM. Béhal et Blaise, en admettant la formation 
d'hydroxylamine aux dépens du groupe éther nitreux. 
Cette hydroxylamine donne une oxime avec l'acide 
célonique et, par réduction, une amine qui n’est autre 
chose que l'acide amidocampholénique.—M.Guerbet a 
étudié les dérivés de l'acide isocampholique isolé par 
lui des eaux-mères de la préparation de l'acide cam- 
pholique. 11 décrit divers sels métalliques et divers 
éthers de ce composé. IL à anssi préparé le chlorure 
d'acide et l'amide correspondant, — L'oxydation de 
l’acide campholénique inactif a donné à M. Béhal de 
l'acide nitrocampholénique et de l'acide hydroxycam- 
pholénique comme l'ont trouvé MM. Kachler et Spitzer. 
On obtient surtout dans cette réaction un acide biba- 
sique correspondant à un acide triméthylsuccinique 
fondant à 82°, donnant un anbydride fondant à 39°. On 
n’a pas réussi à identifier ce composé avec les acides 
A 
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


- ment du latex de l'arbre à laque, mais encore des 


en CTH20# connus, M. Béhal se propose d'en établir ls 
formule de constitution, Il se forme en même temps 
dans cette oxydation un peu d'acide butyrique. | 


Séance du 3. Juillet 1895. 


M. Dupont a étudié l'application des divers procé 
dés d'analyse des saindoux à des produits américains 
de provenances diverses. Les constantes sur lesquelles 
on se base pour affirmer la pureté d’un produit fran 
cais sont sans valeur dans le cas des saindoux améri 
cains. Ces derniers proviennent, en effet, des diverses 
parties de Panimal et non exclusivement de la panne 
et ils donnent des chiffres variables d’après leur prove 
nance. — M. Ferdinand Jean analyse les saindoux en 
déterminant successivement les caractères physiques 
et chimiques de la graisse brute et des acides gras 
séparés par le procédé Lear. On peut ainsi très facile=« 
ment reconnaitre l'addition d'huiles végétales, même 
si la falsification se complique d’addition de graisses 
animales concrètes, — M. G. Bertrand présente à 
nom de M. Grandjean un nouveau filtre dans lequel ! 
paroi filtrante est constituée par un disque de cellu 
lose pure que l'eau traverse sous pression, Ce disqué 
est préparé en défibrant du papier de coton et en com- 
primant à la presse la pulpe obtenue. Dans les plus. 
mauvaises conditions, ce disque arrête les bactéries 
pendant deux ou trois jours. Au bout de ce temps, on 
change le disque, de valeur très minime, sans avoir à 
faire de nettoyage, opération très délicate et toujours 
nécessaire avec les filtres actuels, 

Séance du 12 Juillet 1895. 

L’acide pyruvique réagissant sur les bases aroma- 
tiques primaires à donné à M. Simon l'acide anilpyru: 
vique et ses homologues. On obtient en outre, des pro= 
duits plus complexes. Avec l'acide pnénylglyoxylique 
on obtient des sels proprement dits; cependant, par 
l’action des divers alcools, du benzène, du chloroformen 
à chaud on obtient l'acide anilphénylglyoxylique par 
migration du phénylglyoxylate d'aniline. Cette réaction M 
n'est pas générale pour les bases aromatiques, car, si la 
paratoluidine et la 6 naphtylamine agissent comme 
laniline, avec l'orthotoluidine et la métaxylidine on 
n'observe pas de migration et l'x naphtylamine ne 
parait donner ni sel ni produit de migration acide. 
— M. Cavalier a préparé divers dérivés phospho-ally 
liques ; il donne la préparation des divers sels de l’az 
cide mono-allylphosphorique. PO‘-C#H5-H?, —M. G: 
Bertrand à reconnu que l’on peut extraire la diastase 
oxydante ou-laccase, qu'il a fait connaître, non seule- 


plantes les plus diverses, Une solution alcoolique de. 
résine de gaiac constitue un réactif très sensible de ce: 
produit, car au contact même d'une trace de laccase, 
on obtient une solution blanche bleuissant rapidement 
par oxydation de la résine sous l'influence continue 
de l'air etde la laccase, M. Bertrand à aussi reconnu que 
ce produit est moins sensible à l’action de la chaleur 
que la plupart des diastases connues, de plus un 
chauffage modéré augmente son activité. —M,Grimaux 
a essayé d'obtenir l’éther oxyde de la résorcine 
(HO) CéHi-0-CSH (OH), en traitant ce diphénoi par 
le chiorure de zinc. Cette réaction lui a donné unes 
oxycoumarine identique à l’ombelliferone, un composé 
C#H1805 dans lequel les molécules sont soudées par 
les carbones, et une résine non étudiée. Cette conden= 
sation curieuse à lieu à température relalivemenb 
basse (160°).— M. Prud'homme se réserve d'appliquer au 
paranitrodiamidotriphénylméthane, au paranitro-ami- 
dodiphénylhydrol et à leurs dérivés-alcoylés la réae= 
tion qu'il a signalée pour le paranitrotétraméthyldia= 
midotriphénylméthane. — MM. Lescœur et Lemaire 
ont remis une note sur le dosage volumétrique de 
sels de zinc, et M, Perrot une note sur la dissociation, 
des solutions aqueuses de chlorure de zinc. 

E. CHARON. 


Le  Directeur-Gérant : Louis OLIVIER 


A LT) 


15 SEPTEMBRE 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENC 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


LE RÉCENT CONGRÈS 
DES SOCIÉTÉS D'INSTRUCTION POPULAIRE 


à ; 31 AOUT-1e" SEPTEMBRE 


La Société havraise d'Enseignement par l Aspect a pris 
- une heureuse inilialive en provoquant la constitu- 
lion d'un Congrès libre des Sociétés Instruction et 
d'Education populaires. Ge congrès vient de tenir sa 
première réunion au Havre sous la présidence 
- d'honneur de M. R. Poincaré, ministre de l’Ins- 
- iruction publique, et avec le concours de 
MM. Gréard, Liard, Rabier, Buisson et Zévort. Un 
grand nombre d'éducateurs, d'instituteurs et de 
- professeurs de cours d'adultes, venus de tous les 
points de France, notamment de Normandie, de 
la région parisienne (surtout de Seine-et-Marne) 
et.de nos départements de l'Est, ont pris part aux 
travaux de l'Association. 

Ces travaux se sont trouvés grandement facilités 
par le soin qu'avaient pris les organisateurs du 
congrès de demander aux adhérents des mémoires 
sur les principaux sujets qui intéressent l’ensei- 
gnement populaire. Classés sous quatre chefs 
- (Cours d'adultes, Conférences populaires, Ensei- 
- gnement par l'aspect, Patronages scolaires), ces 
+ mémoires ont fait l'objet de quatre Rapports des- 
linés à les résumer.et à synthétiser les vœux que 
les différents auteurs s’accordaient à exprimer. 
. Ces Rapports ont élé ensuite soumis au Congrès ; 
s ils y ont suscité d’ardentes discussions. On con- 
. coit qu'en une première réunion l'assemblée n’ait 
— pu se metlre d'accord sur tous les points, et il 
- conviendra de laisser mürir, avant de les 
juger d’une facon définilive, certaines des idées 
émises avec plus ou moins de circonspection au 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


e 


cours des débats. De nouvelles assises seront né- 
cessaires pour reprendre utilement l'examen des 
diverses proposilions mises aux voix parle Bureau. : 
Aussi est-ce moins sur des vœux, formulés peut- 
être d’une façon un peu hâtive, que sur les ques- 
lions soumises à la discussion qu'il importe au- 
jourd'hui d'attirer l’attention. — Voici parmi les 
questions agitées, les principales : 


4. — La loi du 28 mars 1882 sur l'obligation scolaire 
doit-elle être complétée par certaines dispositions rela- 
tives à la fréquentation obligatoire des cours d'adultes? 

2. — Doit-on demander à l'Etat l’organisation d’un 
examen des recrues militaires fait au point de vue de 
leur instruction primaire, et assurant aux soldats les 
plus instruits, aux diplômés de l'Enseignement popu- 
laire, certaines prérogatives? 

3. — Y a-t-il lieu d’obliger les Conseils municipaux 
à laisser les instituteurs ouvrir, dans les écoles, et en 
dehors des classes réglementaires, des cours d'adultes”? 

4. — Doit-on désirer que plusieurs des délégués des 
Sociétés d'enseignement populaire, reconnues d'utilité 
publique, fassent partie de droit du Conseil supérieur 
de l'Instruction publique? 

6. — La création d’un Certificat de capacité électorale, 
délivré aux adultes après un examen, serait-elle de 
nature à servir la fréquentation des cours du soir? 

7.— Qu'une circulaire de M. le Ministre de l’Instruction 
publique invite MM. les Inspecteurs d'Académie à faire 
organiser par les instituteurs, dans toutes les com- 
munes, des conférences publiques à raison d’une par 
quinzaine ou par semaine, invite les maires à prêter 
dans ce but les salles de mairie aux instituteurs. 

9. — Qu'il soit imprimé par l’Imprimerie Nationale 
une encyclopédie populaire, destinée à fournir aux 
instituteurs la substance de leurs conférences, 

10. — Qu'on fasse des conférences commerciales et 
industrielles. 

11, — Que les illettrés ne soient pas inscrits sur les 
listes électorales. 


17 


de ce qu'elle élait autrefois et notamment beau- 


198 . L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 
ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION 
EN FRANCE 
[. — SITUATION DE LA VITICULTURE 


La viliculture française a subi, du fait du phyl- 
loxera, une effroyable erise. La perte complète 
d’un vignoble, le plus important du monde, el sa 
reconstilulion sur un pied, sinon égal, lendant du 
moins à le devenir à brève échéance, lels sont les 
deux faits dominants de l'histoire de la viticulture 
en France pendant la dernière moilié du siècle. 
Actuellement de nouvelles souches couvrent le 


sol, c'est vrai, mais tout est changé, Aux méthodes: 


de eulture très simples d'autrefois ont succédé des 
procédés beaucoup plus complexes. 

La nécessité impérieuse d'annihiler l'effet dis- 
traclif du phylloxera impose en effet : soit l'adop- 
Lion de plants qui ne meurent pas de ses attaques, 
tels les plants américains; soit l'établissement de 
vignes francaises dans des sols réfractaires par 
nature au développement de l'insecle, tels les sa- 
bles ; soil encore, dans les terrains qui s’y prêtent, 
l'adoption de pratiques luant périodiquement le 
parasite, lelle Ja submersion hivernale, D'une 
facon très générale, la première de ces méthodes 


a servi à la reconstitution du vignoble français, 
mais nombreuses sont les difficultés contre les- 
quelles se sont heurtés les viliculteurs. La substi- 
Lution de la vigne américaine à la vigne francaise, 
préconisée par nombre de savants, en tête des- 
quels il faut nommer Planchon, ne fut pas aussi 
simple qu'elle le semble. Tous les cépages améri- 
cains ne présentent pas une égale résistance au 
phylloxera; cerlains même ne résistent pas plus 
que la vigne française, el l'engouement qui äccom- 
pagne invariablement loule nouveauté en France 
devait amener bien des insuecès, bien des déboires, 
après lesquels beaucoup de viticulteurs se lrou- 
vaient sans force et souvent, hélas! sans argent 
pour tenter une nouvelle reconstilulion sur des 
bases plus solides. 

Les vignes américaines, essayées tout d'abord 
comme producteurs directs, n’ont fourni que des 
différents, tellement 
comme qualité el comme quantilé, à nos bons vins 
semblait une 


vins tellement inférieurs, 


de France, que recourir à elles 
ulopie. Le greflage de bois français sur souches 
américaines nous à rendu nos vins, jeunes encore, 
il est vrai, mais possédant toutes les qualités des 
vins jeunes d'autrefois. 

La culture de la vigne est redevenue possible en 
France, mais elle est aussi radicalement différente 


coup plus coûteuse. 

Plus robuste au point de vue du phylloxera, la 
vigne américaine se montre plus diflicile que la 
vigne française en ce qui concerne le sol. Certains 
cépages, et ce sont malheureusement des meil- 
leurs comme résistance, vivent mal ou ne vivent 
pas du tout dans des sols où la vigne francaise 
élait autrefois très prospère. Il y a là une difliculté 
d'adaptation du cépage au sol qui a causé bien des 
mécomples. Aujourd'hui une connaissance plus 
complète des cépages américains et des conditions 
de leur vitalité, la découverte de l’action très spé- 
ciale des sels de fer qui atténuent ce défaut d'a- 
daptalion, mettent la viticulture à l'abri de nou- 
veaux mécomptes. J 

La silualion du vigneron est cependant lrès 
dure. Les frais annuels de culture de l'unité de 
surface sont singulièrement augmentés, qu'il s'a- 
gisse d'ailleurs de ceps américains, producteurs 
directs ou greffés, de vignes francaises en sables, 
ou soumises à la submersion hivernale, ou même 
d'anciennes souches défendues contre le phyl- 
loxéra à grand renfort de sulfure de carbone. 

Des maladies cryptogamiques, inconnues aulre- 
fois ou n’exercant qu'une action très limitée, sont 
venues s’adjoindre à l’oïdium; toutes nécessitent 
un traitement spécial, partant, des frais de main- 
d'œuvre, de remèdes, d'appareils pour les appli 
quer, bref, un ensemble de charges qui élèvent en 
moyenne à mille franes les frais actuels de la cul 
ture d'un hectare de vigne, dans les régions qui 
fournissent les vins de grande consommalion, 
c'est-à-dire les vins payés à très bas prix au pro- 
ducteur. ; 

Les rendements ne sont pas d’ailleurs, dans la 
grande majorité des cas, assez élevés pour com- 
penser le bas prix des vins. On à beaucoup de Len-. 
dance dans le nord de la France à attribuer des. 
rendements fantastiques aux vignobles méridio- 
naux. Dans le département de l'Hérault, il atteint 
à peine en moyenne 40 hectolitres; il y a loin, on 


-le voit, de ce chiffre aux 200, 250 et même 300 que 


nombre de personnes, peu au courant de la viti= 
culture méridionale, lui accordent très généreuse=, 
ment. 

La culture de la vigne est possible en France 
dans loute la partie du territoire comprise au sud. 
d'une ligne parlant de Saint-Nazaire, passant par 
Paris et allant rejoindre la frontière belge aux en-. 


ons de Givet; mais, tandis que celte culture 
occupe guère que des coteaux à partir de la 
vallée du Rhône, elle se fait en plaine dans toute 
a région méridionale, notamment sur le littoral 
éditerranéen. La viticulture n'est vraiment la 
ulture dominante que dans cette dernière région 
le Bordelais. Les départements des Pyrénées- 
ientales, de l'Aude, de l'Hérault et du Gard four- 


199 


mum de rendement ; les cépages de qualité entrent 
pour une proportion bien plus forte dans les nou- 
velles plantalions que dans les anciennes, compo- 
sées surtout de cépages à grand rendement; enfin, 
certains cépages américains n'ont pas pour le 
greffon qu'ils portent une affinité parfaite, et la 
conséquence de ce défaut d’affinité se traduit par 


| une moindre fécondité, 


crise phylloxéri- 
que a produit le 
plus de ruines. 
C'est aussi celle qui s’est relevée le plus prompte- 
ment et le plus largement. Un simple coup d’œil 
Sur les diagrammes ci-joints (fig. 1) montre à la 
Lois l’étendue du désastre et l’activité prodigieuse 
des viticulteurs. J 

On remarquera dans ces diagrammes une diffé- 
rence très notable entre la production moyenne 
d'autrefois et celle d’aujourd'hui, par unité de 
surface plantée. Cette disproportion tient à lrois 
tauses : le vignoble, jeune encore pour une no- 
able partie, n’est pas encore arrivé à son maxi- 
| REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


| 
| 


Fig. 4. — Diagramme montrant, pendant Les 25 dernières années, d’une part la 

L=] 4 ? 

* production du vin, d'autre part la surface plantée en vignes française el amé- 
ricaine, dans le déparlement de l'Hérault. 


à eux L'étude que 
euls, plus du [1 : T l nous allons faire 
iers de ja pro- 15.000.000 | — del’étatactuelde 
duction  Lotale, TT la vinificalion 

Celte portion du s’appliquera sur- 
vignoblefrançais 3 (out aux pays 
st, de ce fait, la ÈS [0.000.800 qui fournissent 
première intéres- 8 les vins de gran- 
sée à toutes les $ de consomma- 
questions de vi- À | tion, les vins du 
nification; aussi 5.000 000 A | Midi, si peu con- 
est-ce là que se - [j, nus malgré leur 
trouvent nom - ER TAN] En | | abondance !,. 
breuses les ins- | F | | Es s |! 1} Cest là seule- 
tallations vinico- 2970 | F1 ment, en effet, 
les perfection - que celte élude 
nées. | peut présenter 
-Le départe - Et de l'intérèt. Les 
ment de l’Hé- . pays à vins fins 
rault,dontla pro- vinifient depuis 
duction a atteint tel A A A des siècles sui- 
_ autrefois E3B) up p Le [ [TJ | | | vant des règles 
15.000.000 d'hec- 1001900 el |__|} | immuables, fort 
tolitres, qui pro- È - T æ| | À ne bonnesd’ailleurs 
duit actuelle - EE Ed FLN T1. pour traiter des 
ment environ la Ÿ Pal ET ITS | | | | masses relative- 
moitié de ce chif- ee | | EE L SRE Le ment peu consi- 
fre, tient, sans | - Ft LE à ES A | = - dérables de r'ai- 
contredit, le pre- F TT] Ï oh pale Ed Lao fs] - sins. Le prix de 
mier rang parmi | Miele [Es SE Bi 2 1 ER | fabrication d’un 
les départements 200 000 ] si) Bal 2! L | A LS LEA certes hectolitre de vin 
vilicoles. C’est la | : 3i | Les Eur || peutètre plus ou 
portion du sol ES El Î is . + + + moins élevé de 
français où la A Obertn. Gr. Pa j 7 quelques centi- 


mes, cela n’in- 
fÎlue pas beau- 
coup sur le re- 
venu lotal. Il en est de mème dans les pays qui, 
tout en ne faisant que des vins communs, en fonl 
assez peu pour qu'ils se consomment sur place: 
Dans la région méridionale, c’est autre chose. 
Les frais culturaux sont considérables, les rende- 


1 Le consommateur croit volontiers que les vins du Midi 
sont épais, chargés en couleur ct en alcool, imbuvables en 
nature. Rien n’est moins vrai; ils sont, au contraire, fruités, 
légers, très agréables au palais et constituent d'excellent vin 
de table sans mélange aucun. Il serait très désirable de rec- 
tifier cette opinion erronée, bonne pour les gros vins d'Es- 
pagne, non pour les nôtres. 


800 


ments beaucoup moindres, je l’ai dit, que ne le 
croient les personnes peu versées dans ces ques- 
lions spéciales. L'industrie de l'alcool ne permet 
plus d'espérer un bénéfice de la distillation des 
vins, il faut donc faire des vins de bonne tenue et 
à bon marché. Pour en arriver là, on rogne de tous 
côtés pour réduire au strict minimum le prix de 
revient de la fabrication, et c'est dans ces écono- 
mies forcées qu'il faut voir la raison de la trans- 
formation de l'outillage et de la substitution de la 
mécanique à la main de l’homme dans les grandes 
caves actuelles. — J’examinerai, dans cette étude, la 
vinificalion en blanc et en rouge, je décrirai l’ou- 
üillage actuel des celliers et j'en montrerai l'appli- 
cation dans quelques grandes exploitations créées 
récemment dans la région méditerranéenne, la ré- 
gion des vins de grande consommation. 


II. 


Le phénomène dominant de la vinification ou 
{ransformation dû raisin en vin est la fermentation, 
caractérisée par la disparilion du sucre et l'appa- 
rition de l'alcool. Étudier en détail la fermentation 
vinique serait sortir du cadre de cet article. Je me 
borne à rappeler que la fermentation vinique est 
l'œuvre d'un organisme vivant, Saccharomyces ellip- 
soïdeus, qui se rencontre naturellement surle raisin 
à maturité. 

Comme tout être vivant, celui qui nous occupe 
travaille mal où bien suivant les conditions dans 
lesquelles il se trouve placé. 

Ces condilions optima, 
d'hui des viticulteurs, sont : 

1° Une aération abondante de la vendange avant 
le départ de la fermentalion pour favoriser la pro- 
lifération du ferment. Elle s’oblient plus ou moins 
parfaitement pendant le foulage. 

2 Une tempéralure comprise entre 25 -elt 30°, 
pour les vins rouges au moins. On emploie, pour 
réaliser celle condition, différents moyens. 

3° Un milieu d’un litre acide convenable, qu’on 
véalise le plus souvent dans le Midi par des ven- 
danges hätives. 

° Une aération ménagée de la masse pour ré- 
veiller une fermentation paresseuse, et qu'on ob- 
lient par un soulirage du moût au bas de la cuve, 
faisant traverser l'air au jet avant de le ramener à 
la partie supérieure du récipient. 

J'ajouterai, enfin, qu'une propreté scrupuleuse 
est la règle dans tous les celliers des propriétaires” 
soucieux de 


— FERMENTATION VINIQUE 


bien connues aujour- 


faire des vins de bonne tenue. 

La généralisation de ces soins de propreté est 
peut-être le plus puissant facteur de 
tion des vins, 


la conserva- 
bien plus sûre aujourd'hui, quoi 


qu'on puisse en penser, qu’elle ne l'était autre- 
fois, 


dont le résultat est une augmentalion très consi- 


PAPA TS DETTES ete ET 
74 FH ru 


L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 


Les procédés de transformation du raisin en vin. L 
varient à l'infini dansles détails, suivant qu'il s agit. 1 
de telle ou telle région, quoique dans les grandes 
lignes ils restent loujours les mêmes. Ils varient 
encore suivant le type de vin à produire, et, en ce 
qui concerne les vins de liqueur, beaucoup sont 
du domaine de la cuisine ou de la confiserie plutôt. 
que de la vinificalion, qui comporte toujours la 
fermentation. Nous ne nous occuperons que de 
ceux qui se rapportent aux vins courants, et l’on. 
peut, en envisageant seulement ce côté de la’ 
question, diviser la vinifieation en deux sortes 
principales : la vinificalion ex blanc el en rouge. 

Quel que soit le produit visé, il est des opéra- 
tions, — telles que le foulage ou broyage des raisins 
et le pressurage, — qui sont communes à toutes 
les vinificalions. 


$ 


1. — Vinification en blanc. 


Elle s'opère en partant, soit de raisins blancs, 
soil, moins communément, de raisins rouges à 
ne incolore. 

Dans les deux casles raisins sont d’abord brovés, 
égouttés, puis soumis à un pressurage immédiat, 
après lequel le moûtl oblenu est entonné et Ds 
donné à la fermentation spontanée. Je reviendrai» 
plus loin sur les conditions qu'on cherche à réaliser 
pour obtenir de bonnes fermentalions. 

Les conditions de la récolle du raisin varient 
avec les pays: quelquefois, comme dansla région 
de Sauterne ou du Rhin, on dépasse volontaire-. 
ment la maturité De laissant les fruits sur 
souche jusqu'à ce qu’ils soient envahis par une. 
moisissure spéciale, Botrylis cinerea où pourriture 
noble. Je n’ai pas à examiner ici l’action de cette 
moisissure : je me borne à indiquer le procédé, 


dérable de la richesse du moût en sucre. 

Dans les régions à vins fins, celles que je viens 
de citer entre autres, la fermentation s'opère 
dans des fûts de faible capacité, le plus souvent 
dans des barriques ordinaires; celle fermentation, 
souvent très lente, est suivie de nombreux souli- 
rages qui débarrassent le liquide de toutes les 
impuretés en suspension, et fournissent enfin le 
vin brillant qui séduit l'œil avant le palais. 


Dans les autres régions, la région méditer- 
ranéenne notamment, la fermentalion s'opère 


dans des récipients de grande capacité. Les moûts. 
y sont quelquefois envoyés sans antre manipula- 
tion; mais le plus souventils n’y arrivent qu'après 
un débourbage, c'est à-dire une séparalion des 
grosses impurelés, qui s’oblient de la facon sui- 
vante : On retarde le départ de la fermentation de 
18 ou 20 heures par l'emploi ménagé de l'acide 
sulfureux provenant de la combustion du soufre à 


‘air. Le moût chargé d'acide sulfureux en faible 
quantité (3 à 5 centigrammes par litre) est aban- 
donné pendant quelques heures, au bout desquelles 
un soutirage le sépare de sa grosse lie; c’est ainsi 
-débourbé qu'on l'envoie dans les récipients de fer- 
mentation. Dans le Midi ce sont des foudres de 
“contenance variable, mais très fréquemment de 
200 à 300 hectolitres de capacité. La fermentation 
établit immédiatement après l’entonnage, si 
lacide sulfureux n’a pas été trop abondamment 
employé. Le débourbage des moûts est une opéra- 
ion très recommandable à tous- égards; le vin 
btenu présente plus de finesse, son dépouillement 
est aussi plus rapide. — S'il s’agit de vinifier en 
blanc des raisins rouges, la chose est un peu plus 
complexe. Il est bien entendu qu'il ne faut pas 
songer à vinifier de la sorte des cépages à jus 
coloré, tels que le Teinturier ou les divershybrides 
-Bouschet; mais, même avec des raisins rouges à 
‘jus incolore, ondoit prendre de grandes précau- 
Lions pour ne pas dissoudre de matière cclorante. 
Il ya, pour arriver à ce résultat, deux conditions 
. indispensables : il faut une très grande rapidité 
- de manipulation pour éviter tout commencement 
- de fermentation pendant les opérations de foulage 
el de pressurage, et il faut encore éviter de désor- 
…saniser les pellicules des raisins par un foulage 
trop complet. 
En réalisantces deux condilions, on fera toujours 
‘du vin très blanc; mais il y a aussi la contre-partie : 
e rendement sera faible. Il est préférable, à mon 
avis, d'oblenir moins et plus beau en blanc, quitte 
“à faire cuver avec d’autres raisins rouges les 
$ moûls non épuisés pour blanc. 
Le débourbage des mots de raisins rouges 
vinifiés en blanc présente une double importance. 
Quelles que que soient les précautions prises, les 
moûls entrainent toujours quelques fragments de 
pellicules, souvent très petits, suffisants cepen- 
“dant pour donner une teinte rose à la masse, la 
“'ermentation une fois terminée: le débourbage 
assure donc ici non seulement la finesse, mais 
encore la non-coloration par la séparation de ces 
fragments de pellicules. J'ai établi son action très 
réelle dans ce sens par quelques expériences !. 
J'ajouterai que si, malgré toutes les précautions 
rises, le vin possède une très légère teinte rose à 
“peine appréciable, on parvient à l'en priver par la 
pratique courante usitée pour les vins blancs : le 
“outirage dans un récipient #éché, c'est-à-dire plein 
d'un mélange de gaz sulfureux et d'air. Il existe 
bien d’autres moyens capables même de décolorer 
“entièrement des vins rouges faibles, mais ils sont 


du ressort du tripotage et je n’en veux pas parler. 


Î 


À 


! Revue internationale de Vilicullure el d'OŒnologie, 1894. 


L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFIGATION EN FRANCE 


ADN 
Dr 


801 


S 2. — Vinification en rouge. 


La fabrication des vins rouges diffère essentielle- 
ment de celle des vins blancs, en ce que, pour cette 
dernière, on s’altache à séparer les organes solides 
du fruit avant tout départ de fermentation, tandis 
pour la première, c’est en présence de tout ou 
partie de ces organes solides que le phénomène 
s'accomplit. 

Comme pour la vinification en blanc, la pre- 
mière opération que subit le raisin vinifié en 
rouse, c’esl le foulage. Quelques viticulteurs s’af- 
franchissent de celle manipulation, surtout lors- 
qu'il s’agit de raisins à pellicule très mince; mais, 
s'il n’ya pas foulage à proprement parler, en réalité 
une partie très nolable des grains sont écrasés : 
cela suffit à déterminer le départ de la fermenta- 
tion, et l’élévalion de température qui en est la 
conséquence faitéclaterles grains restés indemnes, 
Cette manière d'opérer, bien que plus simple, est 
cependant peu suivie. Les résultats obtenus ne 
paraissent pas valoir ceux qui suivent un bon 
foulage et j'ai remarqué personnellement que les 
vins de presse qui proviennent de (elles vendanges 
contiennent loujours du sucre. 

Après le foulage, la vendange est soit entonnée 
telle quelle, soit soumise à l'égrappage. On trouvera 
plus loin la description des appareils d'égrappage : 
je me borne à dire ici que ce procédé n'est adopté 
que par un petit nombre de viticulteurs dans les 
pays producteurs de vin de grande consommation. 

La fermentalion a lieu soit dans des cuves 
ouvertes en pierre ou bois, soit dans des récipients 
faiblement ouverts, cuves ou foudres. 

La capacité des récipients et leurnature varient 
beaucoup suivant les pays. Tandis que les viticul- 
teurs producteurs de vins fins font cuver dans des 
récipients de faible dimension, ceux des pays 
méridionaux utilisent fréquemment des cuves en 
maconnerie cimentée ou à revêtement de verre, ou 
des foudres de très grande capacité, allant jusqu'à 
600 hectolitres. 

Au moment de l’entonnage, la masse est homo- 
gène; mais, dès que la fermentation commence 
des bulles d'acide carbonique se logent dans les 
cavités des pellicules, diminuent ainsi très nota- 
blement la densité, de sorte que tout lemarc ne 
tarde pas à remonter et flotte véritablement sur 
la nappe liquide. Le marc ainsi aggloméré forme 
le chapeau. 1 faut absolument éviter le contact de 
ce chapeau avec l’air pur ou mélangé d’acide car- 
bonique, contact qui amènerait à la surface le dé- 
veloppement de nombreuses moisissures et orga- 
nismes, au nombre desquels il faut placer le #7yco- 
derma aceti. I est donc nécessaire soit de réduire 
suffisamment l'ouverture des récipients pour que le 


802 


L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 


gaz carbonique, qui ne peut dès lors être balayé au 
fur et à mesure de sa production, surmonte seul le 
chapeau, soit d'empêcher le marc de remonter au 
moyen de claies, de filets ou de tout autre artifice. 

Ces dernières fermentalions, dites à chapeau sub- 
mergé, sont recommandables à tous égards; les 
principes solubles contenus dans le marc passent 
plus facilement dans le vin, lui donnent plus de 
vigueur sans lui imprimer de défauts, si les cuvai- 
sons ne sontpas trop prolongées. La durée de la 
cuvaison varie de 3 à 10 jours dans la majorité 
des cas. Les vins dits de macération cuvent beau- 
coup plus longtemps, mais leur äpreté toute part- 
culière s'oppose à leur ulilisalion immédiate, 

Quand on juge la cuvaison suffisante, on soulire 
le vin dit degoutle, elles mares soumis au pressurage 
fournissentles vins dits de presse. À la sortie du pres- 
soir les marcs sont ordinairement ulilisés pour 
alcool, soit en les distillant directement, — ils 
fournissent alors l’eau-de-vie de mure, très estimée 
dans plusieurs régions, — soit, ce qui vaut mieux, 
en leur faisant subir un lavage méthodique qui 
fournit une piguette, d'où la distillalion retire un 
alcool franc de goût. Le résidu, enfin, constitue 
soil un engrais, soit un produil d'alimentation très 
bien accepté par divers animaux, notamment le 
mouton. 


III. — OUTILLAGE DES CELLIERS 


L'oulillage des celliers n’est pas très complexe; 
il se compose : 

1° D’appareils broyeurs du raisin : fouloirs: 

2° D’appareils de séparation ou d'extraction : 
égrappoirs, pressoirs ; 

3° De récipients de fermentation el de conserve; 

4° De pompes et conduites de circulation. 


$ 1. — Fouloirs 

Un bon appareil broyeur du raisin doit réaliser 
deux conditions : ne laisser intact aucun grain de 
raisin, et n'allérer ni les rafles ni les pépins; 
l’écrasement de ces éléments permettrait la disso- 
lution dans le vin de principes de nalure à en at- 
ténuer la qualité. 

Le fouloir à pieds d'homme, une grande auge en 
bois dans laquelle on piétine le raisin, très ana- 
logue à un vasie pélrin, était autrefois presque 
universellement adopté. Il l'est encore aujourd'hui 
dans quelques petites exploitations. Le foulage à 
pieds d'homme est excellent, il permet une abon- 
dante aération de la vendange, et c’est une condi- 
tion très favorable à un bon départ de la fermenta- 
lion. Les rafles et les pépins sont inaltérés; mais si 
on veut broyer tous les grains, il esl très long et, 
par suile, peu économique. Celle méthode pré- 
sente. en outre, un caraelère un peu répugnant, 


._ fait satisfaisante. 


puisqu'il s'agit de la fabrication d'une boisson: 
aussi tend-il, malgré ses qualités, à disparaitren 
des caves modernes, où l'antique pétrin de nos 
pères ne se verra bientôt plus. 

L'appareil broyeur le plus généralement adopté 
est le fouloir à cylindres. Il se compose essentiel-" 
lement de deux cylindres à axes horizontaux et 
parallèles, tournant en sens inverse l’un de l’autre 
el porlant des cannelures à leur surface. 

Le plus courant comporte deux cylindres : l’un 
cannelé parallèlement à l'axe, l’autre dont les 
cannelures sont hélicoïdales. L'écartement des 
cylindres est réglé avec soin. Trop faible, le fou- 
loir fournit peu de travail et prend beaucoup de 
force; avec un écartement exagéré, le loulage est 
insuflisant. 

Les cylindres sont animés d’une vitesse de rola- * 
tion différente, dans le rapport de 1 à 3, le cylindre 
à cannelures hélicoïdales tournant le plus vite. Ils 
sont mus soit par la main de l'homme, soit méca- . 
niquement, el fournissent d’ailleurs un travail 
d'autant plus parfait que leur alimentation est » 
plus régulière. Les fouloirs à cylindres mus à … 
bras d'homme sont presque toujours mobiles el 
se placent sur l’ouverture mème du récipient à 
remplir. Dans ces conditions, l’aération de la ven- « 
dange est imparfaite, le contact de la vendange - 
foulée avec l’air ambiant étant à peu près nul. 

Un gros inconvénient des fouloirs à cylindres ré- 
side en ce fait que l’introduction accidentelle d'un 
corps äur, une pince, par exemple, dans la ven- 
dange peut amener la rupture de l’un des deux 
cyiindres. On a cherché par divers dispositifs à 
atténuer ce grave défaut, mais on ne peut pas dire 
que l'on ait tourné la difficulté d’une façon toul à 


La manœuvre d'un fouloir à cylindres est pé- 
nible, les hommes qui l’actionnent doivent être 
fréquemment relevés; mais c’est là un inconvé- 
nient inhérent à la nalure du travail à faire. Un 
fouloir aclionné par quatre hommes se remplaçant 
ne peut guère fournir plus de 3.000 kil. de ven- 
dange foulée à l'heure. Le rendement en jus, qui, 
pour un cépage donné, est fonction de la perfec- 
tion du foulage, est assez faible avec le fouloir 
simple à deux cylindres. 

Ce n’est là un défaut que s’il s’agit de vinifica- 
tion, surtout de vinificalion en blanc de raisins 
rouges. Si la vendange passe successivement à … 
travers deux fouloirs simples, ou mieux dans un | 
fouloir à quatre cylindres superposés deux à deux. 
le rendement en jus s'améliore notablement, 

Les appareils broyeurs à eylindres sont, en y 
somme, de bons instruments qui resteront long- » 
temps encore les plus pratiques pour la petite et li 
moyenne propriété. 


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L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 803 


ginal en ce qu'il est fondé sur un principe non 
ppliqué en viniticalion jusqu'ici, est l’appareil 
4 porn turbine aëro-foulante par son inventeur, 


| Bien qu'à TE agé de trois ans, ce fouloir a déjà 
ri reçu de son inventeur quelques none de 
détail. Je donne ici (fig. 2 et 3 le croquis des derniers 
modèles de cet appareil, et je veux tout de suite em- 
prunter au rapporieur de la Section des Appareils 
au Congrès international vilicole de Montpellier, la 
description à la fois très simple et très claire qu'il 
donne de la turbine aéro-foulante. 


- Fig. 2. — Schéma de la turbine aéro-foulante. — À, Cylindre 
fixe; B, Disque horizontal, faisant 250 tours à la minute 


environ, portant des saillies qui projettent le raisin 
contre À; C, Croisillon soutenant l’axe de B 


Voici en quels termes le décrit Le Rapport: 


« Contentons-nous de rappeler que l’écrasage du 
« grain, l’égrappage et la libération du moût sont ob- 
“ tenus en projetant le raisin par la force centrifuge 
« contre les parois cylindriques fixes de la turbine. De 
« cette façon et avec une vitesse de rotation convena- 
« blement déterminée, on est sûr de la désorganisa- 
« lion de tous les grains, et on est, chose très impor- 
« tante, certain que soit les grappes, soit les pépins, 
« sont restés absolument intacts, puisqu'il faudrait, 
« pour entamer les tissus qui les constituent, une vi- 
« tesse incomparablement plus considérable. 

« C’est le point original et important de l'invention 
« de cet appareil, cette sélection parfaite entre la ma- 
« Lière qu'il faut broyer et celle dont le broyage est 
non seulement inutile, mais nuisible. » 


J'ajouterai à ces avantages si nettement exposés 
celui qui résulte d’une aération parfaite de la ven- 
dange. Le moût sortant de la turbine est une véri- 
lable émulsion d'air. 

Je n'ai pas personnellement déterminé cette 
quantité d'air ainsi émulsionné, mais il résulte de 
notes publiées par l'inventeur qu'elle alteindrait 
> °/, en volume. 

Ce sont là, évidemment, des conditions tout 
particulièrement favorables pour préparer un bon 
départ de la fermentation. 

L'ensemble des qualités de cet appareil de foulage 


vraiment original justifie le succès non encore 
démenti qui l’a accueilli dès son apparilion. 

La turbine aéro-foulante est mue mécanique- 
ment pour les grands modèles, à l’aide d’un ma- 
nège ou à bras d'homme pour les modèles réduits. 
Le travail qu’elle peut fournir est considérable. 
Dans les premières expériences effectuées, la tur- 
bine a broyé journellement plus de 250 tonnes de 
raisins. Elle avait un diamètre de 1 m. 40. Le 
disque horizontal tournait à 250 tours par minute, 
et cette vitesse n'a jamais eu besoin d'être dé- 
passée. On se rend aisément compte d'ailleurs 
qu'avec celle marche la vitesse tangentielle est 
largement suffisante pour assurer la désorganisa- 
lion parfaite de tous les grains. 


$ 2. — Égrappoirs 


Ce sont des appareils essentiellement composés 
d’un axe hérissé de tiges disposées autour de lui 
en hélice, qui tourne dans un cylindre horizontal 
formé dans sa moilié inférieure d'une tôle perforée 
de trous assez grands pour laisser passer les grains 
broyés, mais non les rafles. Du fouloir la vendange 
passe dans l’égrappair; la disposition en hélice 
des tiges opère le transport des rafles, qui sont re- 
jetées, tandis que le jus et les pulpes sont con- 
duits par une gouttière dans les cuves de fermen- 
tation. 

L'utilisation des appareils d'égrappage est très 
restreinte. La valeur de cette méthode de vinifica- 
tion n’est pas, en effet, bien netlement établie: 
beaucoup pensent, et je suis du nombre, que, si 
l’égrappage imprime au vin cerlaines qualités, il 
ne laisse pas d’avoir quelques défauts. Au reste, 
cette méthode ne présente pas la même utilité 
avec tous les cépages, el je pense personnellement 
que les vins de la région méridionale n’en tirent 
aucune amélioration sensible. 

L'égrappoir est très généralement annexé à un 
fouloir, qui porte alors le nom de fouloir-égrappoir. 

M. Paul a réalisé avec sa turbine un fouloir- 
égrappoir dont je donne un croquis (fig. 3), et qui 
présente cette particularité d’être successivement, 
à l’aide d'une manœuvre (rès simple, fouloir seule- 
ment, fouloir-extracteur de moût ou fouloir-égrap- 
poir. 

Au-dessous de la turbine esl disposé un cylindre 
dont l'axe, hérissé de tiges en hélice, constitue un 
transporteur. La moitié inférieure de ce cylindre 
est mobile et peut être enlevée à la façon d’un ti- 
roir. Pour le foulage simp'e, ce tiroir est en tôle 
pleine: pour l'extraction du moût, il est en tôle 
perforée de trous assez petits pour que les pépins 
même n’y passent pas; enfin, pour l'égrappage, il 
est en tôle perforée de trous d’un diamètre assez 
fort pour laisser passer pulpe, pépins et pellicules, 


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L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 


805 


_  J'ajouterai qu’il s'agit là d’un appareil qui ab- 
. sorbe assez de force et qui ne me semble pas pou- 
. voir être actionné à bras d'hommes. 


$ 3. — Pressoirs discontinus 


_ Quand la fermentation est terminée, on procède 
… au soulirage du vin, c’est-à-dire qu'on sépare des 
parties solides du fruit tout le vin qui s’en peut 
écouler spontanément. On obtient ainsi le vin dit 
“de goutte. Le marc, qui forme une partie plus ou 
moins considérable de la masse totale suivant le 
cépage employé, retient après l'égouttage environ 
90 °/, de son po‘ds. Le pressurage a pour effet de 
- forcer l'écoulement d’une bonne partie de ce vin. 
Le pressoir est donc un instrument d’une très 
. grande importance: 
À l'origine, des planches el quelques grosses 
i pierres constituaient les pressoirs; mais on n'oble- 
… nait ainsi qu'une pression par trop insuflisante. 
- C'est sous forme de pressoir que la Mécanique 
- s'est introduite déjà depuis des siècles dans les 
. celliers, el le type ancien, avec quelques modifiea- 
tions de détail, est encore de nos jours le plus 

usité. , 

Le pressoir actuel se compose essentiellement 
d’une vis verticale fixée sur un plan horizontal, 
mai, et le long de laquelle se meut un écrou qui 
constitue l'appareil de serrage. Le marc à presser 
est étendu sous une épaisseur variable sur la maie 

. autour de ia vis; parfois il est soutenu latéralement 
par une claie à claire-voie; on le surmonte d’un 
couvercle, chapeau, et d’un certain nombre de pièces 
de bois, madriers ou poutres, /« charge, qui transmet 

à la masse la pression oblenue par le serrage de 

l’écrou. 

Le serrage s’oblient au moyen de leviers de 
différentes formes; les uns sont actionnés tou- 
jours dans le même sens; les autres, et ce sont les 
plus usités, sont allernativement actionnés dans 
un sens et dans l’autre, mais agissent toujours 

. dans le même sens sur l’écrou, grâce à un rochet 
qui renverse le mouvement. La maie est en bois, 
en métal (fer), ou en ciment. Celles en bois se- 
raient excellentes, si l’étanchéité était facile à 
obtenir; celles en fer sont très bonnes, mais il faut 
garantir le métal par un enduit protecteur quel- 
conque pour éviter de mauvais goûts: celles en 
ciment bien établies sur béton sont parfaites et 
pour ainsi dire inusables. 

La charge d’un pressoir doit toujours présenter 
une certaine élasticité. 

La charge constitue, en effet, une sorte d’aceu- 
mulateur de pression. Si l’on pressait du mare de 
raisin surmonté d’une charge non élastique, une 
fois arrivé à la limite de serrage que comporte 
l'appareil, il faudrait continuer sans interruption 


à l’actionner pour obtenir un bon rendement. Avec 
une charge élastique, l'appareil peut être aban- 
donné à lui-même, la pression se continue, resti- 
tuée par l’élasticité de la charge, et le temps pen- 
dant lequel l'appareil peut être ainsi abandonné 
est proportionnel à la déformation subie par la 
charge sous l'influence de la pression, Les pres- 
soirs à charge en bois sont supérieurs sous ce 
rapport à ceux dont la charge est en fer. 

L'adjonction, entre un chapeau non élastique et 
l'écrou, de ressorts d'une grande énergie, idée qui 
appartient à M. l'ingénieur Crassous', constitue un 
perfectionnement remarquable des pressoirs (fig. 4 
et 5). 

Le chapeau et l’écrou remontent d’un même 
mouvement et redescendent de même; c’est là déjà 
une simplification très notable de la manœuvre; 
mais où l'avantage devient plus appréciable en- 
core, c’est dans le jeu des ressorts. Ces ressorts 
sont du type de ceux usités dans les tampons des 
locomotives de chemins de fer; leur résistance à 
l’affaissement est nominalement de 20.000 kil. et 
leur course de 14 à 15 centimètres. Ils affectent 
une forme que donne très bien la figure 4. Ils 
s’affaissent sous la pression el continuent à faire 
descendre le chapeau de toute la hauteur qu'ils 
avaient primitivement quand on abandonne le 
serrage Cette course, comme je l'ai dit, est voi- 
sine de 1% à 15 centimètres, et cela représente un 
temps assez long pour que les ouvriers du cellier 
‘puissent vaquer utilement à d’autres besognes. 

En effet, tandis qu'un pressoir ordinaire à charge 
en fer ou bois nécessite un supplément de serrage, 
un quart d'heure au minimum après qu'il a été 
abandonné, — le pressoir à ressorts accumulateurs 
de pression continue à travailler de lui-même pen- 
dant quatre à six heures suivantle degré duserrage. 

Le nombre des ressorts est variable avec la sur- 
face des pressoirs, et cette surface est elle-même 
fort différente suivant la pression qu’on se propose 
d'obtenir. En général, on retaille une charge de 
marc sur ses bords et sur une largeur de 30 ou 
40 centimètres suivant les cas. Le marc ainsi re- 
taillé est rejelé sur le gàteau restant, et on reprend 
le serrage. La pression en valeur absolue reste la 
même; mais, comme elle est alors distribuée sur 
une surface bien plus faible, la pression par unité 
de surface est beaucoup plus considérable, 

On s’est beaucoup trop préoccupé, d’après l'o- 
pinion de nombre de spécialistes, d'obtenir des 
pressions énergiques. Le rendement en jus d'une 
quantité donnée de mare est, en effet, fonetion de 
deux facteurs : de la pression et du temps pendant 
lequel celte pression s'exerce. Or, le second de ces 


! Cette idée a été mise en pratique par M. Paul, qui cons- 
truit couramment ces pressoirs. 


806 


facteurs ne peut en aucun cas être remplacé par le 
premier. Il vaut mieux laisser plus longtemps du 
marc sous le pressoir en le soumettant à une pres- 
sion modérée que de le soumettre pendant un temps 
plus court à une pression beaucoup plus éner- 
gique. 

Le type usité (pressoir à ressorts accumulateurs 
de pression) dans la cave de M. Eug. Thomas, au 
château de Poussan-le-Haut près de Béziers, com- 
porte une maie de trois mètres de diamètre (fig. 5). 
On y dispose couramment le mare d’un foudre de 
120 hectolilres , 
mais il n’a pas 


EL, ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 


avec cette quan- 
lité sa charge 


tains celliers, des pressoirs mobiles sur deux 
rails dans l'allée centrale, pouvant, par suite, se. 
placer successivement devant toutes les cuves à 
décharger ; il résulte de cette disposition un 
état de malpropreté général très difficile, sinon 
impossible à éviter, el c’est là un inconvénient 
capital. De. plus, la mobilité entraine avec elle 
une légèrelé relative qui rend ces instruments 
moins solides, plus sujets à quelque accident 
toujours difficile à réparer en temps de ven- 
dange. 


$ 4. — Pressoirs 
continus 


Le pressurage 


complète. On y 
pourrait mettre 
facilement Île 
mare de 600 hec- 
tolitres d'un mé- 
lange de Cari- 
gnan et Aramon 
qui constitue la 
majorité des vins 
rouges de ce ,do- 
maine, Le marc 
est complète - 
ment enfermé 
dans des claies 
qui facilitent l’é- 
coulement du vin: 
claies inférieure, 
latérale et supé- 
rieure. Le temps 
de pressée est de 
dix-huit heures. 
La cuverie très 
importante dont 
on trouvera une 
photographie 
plus loin (fig. 10), possède deux pressoirs de ce 
Lype qui suffisent aux besoins d’une exploitation de 
plus de 10.000 hectolitres de vin. 

Une pressée de dix-huit heures est très suffisante 
pour qu’il n'y ail pas lieu de retailler le marc dans 
le but de diminuer la surface el, par conséquent, 
d'augmenter la pression. L'asséchement est aussi 
bon que lorsqu'on se livre à cette dernière ma- 
nœuvre et il y a une réelle économie de main- 
d'œuvre à ne pas le faire. 

J'ajouterai, pour en finir avec cette descrip- 
lion rapide des pressoirs d'aujourd'hui, qu’ils sont 
ordinairement fixes dans les caves de quelque 
importance. La mobilité éviterait bien le trans- 
port du marc de la cuve au pressoir, mais ce 
n’est pas là un gros avantage. J'ai vu, dans cer- 


( 
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Al 


Fig, 4, — Grand pressoir à charge montante avec ressorls accumulaleurs de 
pression. (Modèle de M, Crassous.) 


ordinaire, tel que 
je viens de le dé- 
crire, donne de 
fort bons résul- 
tats. L'asséche- 
ment du marc est 
loin d'être com-" 
plet, puisque, tel 
qu'il sort du pres- 
soir, il contient. 
encore environ. 
60°/,deson poids 
de liquide. Est-ce 
bien désirable 
d'aller plus loin? 
C'est ce que je 
ne pense pas, 
mais ce que pen- 
sent les partisans 
despressoirs con- 
linus : car ils 
inscrivent au 
nombre des: 
avantages de ces 
instruments , un 
meilleur asséchement des mares. - 

En somme, les pressoirs continus ont été ima- 
ginés dans le but : 

1° De réduire la main-d'œuvre ; 

2° De réduire l'outillage par la suppression des 
pressoirs ordinaires, qui doivent être, pour une 
quantité égale de vendange à traiter, plus nom- 
breux, plus coûteux el surtout plus encombrants 
que les pressoirs continus; 

3° De réduire le temps de pressée: 

%° D'augmenter le rendement en vin de presse 

Presque tous les pressoirs continus connus 
actuellement, bien que de formes extérieures très 
diverses, travaillent de la même manière. 

Ils se composent d'un ou plusieurs jeux de 
cylindres faisant office de fouloirs s'ils travaillent 


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g. 5. — Coupes horizontale el verticale d'un pressoir à ressorts accumulaleurs de pression. — A la partie supérieure 
on voit, en coupe verticale, le couvercle portant les ressorts accumulateurs, tendus entre ce couvercle et le chapeau. — La 


artie inférieure de la figure est la projection horizontale des ressorts sur le couvercle. 
D 


— 
# 
* 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


808 


L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 


de la vendange fraiche, {ravaillant comme com- | 


presseurs légers s’il s'agit de vendange fermentée. 


En quittant le cylindre, la vendange ou plutôt les 


parties solides de la vendange sont prises par une 
vis sans fin, qui les accumule dans un conduit 
d’une section de plus en plus faible se terminant 
par une ouverture calculée assez pelite pour qu'un 


bouchon de marc formé à l'orifice ne puisse sortir | 


que sous une pression intérieure très énergique. 
La vis transporte incessamment de nouvelles quan- 
tités de mare contre ce bouchon, qui joue le rôle 
de paroi fixe tant que la pression derrière lui n’est 
pas suffisante pour le chasser. Une nouvelle quan- 
lité de marc prend alors sa place, joue le même 
rôle el cela dure indéfiniment tant que l'appareil 
est alimenté. Les conduits peuvent être soit des 
tubes coniques formés de lames d’acier et dont on 
peut faire varier la conicité par le déplacement des 
colliers en fer qui les entourent, soit, comme dans 
le pressoir du type Debouno, un tube à section rec- 
tangulaire fermé à son extrémité par un cylindre 
obstructeur. Ce cylindre, dont l’axe est horizontal 
et perpendiculaire à la direction suivie par le marc, 
se soulève sous la poussée de celui-ci en lui oppo- 
sant une résistance qu'on peut faire varier à vo- 
lonté en chargeant plus ou moins de poids addi- 
tionnels un ou deux leviers reliés à son axe. 

L'emploi des pressoirs continus est particulic- 
rement séduisant dans la vinificalion en blanc : car 
il s’agit ici, comme je l'ai rappelé ci-dessus, d'ob- 
tenir en peu de temps une séparation aussi com- 
plète que possible des parties liquides et solides 
du fruit. Il y a malheureusement, dans le travail 
qu'ils fournissent, un défaut qui n’est pas négli- 
geable. À pression égale supportée par le mare, le 
vin d’un pressoir continu est moins fin que celui 
d'un pressoir fixe. 

Quel que soit le mode d’action du pressoir con- 
linu,dans le trajet que le marc opère @e l'entrée à 
la sortie, il frotte énergiquement contre les sur- 
faces de l'appareil. Il résulte de ces frottements 
une désorganisalion souvent très accentuée des 
ralles surtout, souvent des pellicules et des pépins, 
et les sucs végétaux renfermés dans les cellules 
de ces organes passent partiellement dans le vin. 
Nous avons vu, en parlant des fouloirs, qu'il était 
important de laisser intacts ces éléments du raisin; 
il est bien évident que celte importance persiste 
dans les pressoirs; les pressoirs continus actuelle- 
ment connus n’évilent pas cet inconvénient. 

S'il s’agit de vinification en blanc de raisins 
rouges, ce défaut apparait d’une facon évidente. 
Je ne connais pas de pressoirs continus capables de 
donner avec des raisins rouges une quantité de 
moût blanc égale à celle qu’on peut obtenir du 
foulage suivi d’un pressurage ordinaire, À propor- 


vient se réunir par divers caniveaux ou par des 


tion égale de moût obtenu, celui qui vient du pres-. 
soir continu est plus rose que l'autre. Ce phéno-" 
mène est tout à fait inattendu : car, d’une façon, 
générale, il est admis que le facteur le plus impor-" 
lant de la non-coloration des moûts réside dans law 
rapidité du traitement des raisins. C’est un fac-. 
teur, il est vrai, mais ce n’est pas le seul. On ad- | 
met, en général, que la matière colorante du raisin 
n'est soluble que dans l'alcool, et que si on évite | 
toute fermentation, il n'y aura pas de coloration." 
Ce n'est pas tout à fait exact. La matière colorante » 
enfermée dans ses cellules ne traverse pas les pa-* 
rois tant qu'elles ne baignent que dans du moût, 

c'est vrai; mais si l'on vient à mettre au contact. 
du moût incolore des cellules déchirées, pleines 

de matière colorante, celle-ci se dissout notable- 

ment. En somme, comme l’a montré M. Duclaux, « 
on ne peut pas dire que la matière colorante du ; 
raisin soil insoluble dans le moût, mais seulement » 
que ce liquide est impuissant à la dissoudre à tra- | 
vers une enveloppe cellulaire. Ce sont là des in-" 
convénients dont les constructeurs triompheront » 


| dans l'avenir, j'en suis certain: les pressoirs con- » 
| 1] 


tinus deviendront alors des appareils qui s’impose- » 
ront par leurs avantages, désormais incontestables. 


$ 5. — Récipients, pompes et conduites | 


Je ne m'altarderai pas à décrire cette partie de 
l'outillage des celliers. Les récipients, cuves en » 
maçonnerie ou en bois et foudres, sont de dimen- 
sions très variables, 

Les celliers de quelque importance ont généra- 
lement une canalisation (tubes de cuivre étamés 
intérieurement) desservant tous les foudres etfixée , 
à demeure. Il en est de même des pompes, qui sont 
fixes et puisent le liquide dans un conquet où il 


conduites mobiles parlant du bas des récipients. M 
Le matériel est, d’ailleurs, presque toujours com- « 
plété par quelques peliles pompes mobiles mues 
à bras d'homme. 


IV. — DESCRIPTION DE DIVERS CELLIERS 
$ 1. — Cellier de la Compagnie des Salins du Midi 


La Compagnie des Salins du Midi possède deux 
domaines viticoles d'une très grande importance. 
Ils sont constitués l'un et l’autre par des vignes 
francaises cullivées en sable et situés, l'un sur la 
bande de lerre qui sépare la mer de l'étang de 
Thau entre les Onglous et Cette, l’autre aux envi- 
rons d’Aigues-Mortes. C'est le cellier du premier 
de ces domaines que je vais décrire comme lype. 
d'installation vinicole affectée à la production du 
vin blanc. 


S L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 809 


se meuvent les élévateurs à godets (fig. 6 et 8). 
Le vagonnet est donc en premier lieu pesé ; son 
poids est enregistré automaliquement, et ce n’est 


des raisins blancs des cépages Picpoul et Terret- 
Bourret, avec dominance de Picpoul. 
La cueillette dure environ trois semaines. Les 


1 Chambre des 
? Machines 
r 
Fig. 6. — Plan du Cellier de Villeroy (Compagnie des Salins du Midi). —1, Bascule ; 2, Fosses des élévateurs à godets: 


3, Fouloirs; 4, Chambre d'égouttage; 5, Pressoirs; 6, Système de rails pour la charge et la décharge des pressoirs:; 
1, Ascenseur; 8, Cuves en sidéro-ciment pour traitoment des marcs; 9, Rails pour la charge des cuves ; 10, Rails 
pour la décharge des cuves. 


coupeurs el coupeuses, très nombreux, emplissent | qu'après cette opération que le raisin est enfin 
des raisins cueillis les vagonnets amenés près du | versé dans la fosse des élévateurs (C, fig. 8). 
champ d’action. On forme ainsi des trains de raisins Parlesélévateurs (D. fig.8)leraisin arrive à la hau- 


“a. — 


Fig. 7. — Cellier de Villeroy. Vue des fouloirs et des ouverlures supérieures des chambres d’égoullage. 


Se composant d'une dizaine de vagonnets, qu'une | teur d'un troisième élage environ et tombe à ce ni- 
Seule bête amène au cellier. Les trains sont aiguil- | veau dans laturbine aéro-foulante E qui opère le fou- 
IéS sur une voie spéciale passant sur une bascule, | lage. Au sortir de la turbine, la vendange est con- 
puis au bord de la fosse cimentée dans laquelle | duite au moyen de couloirs dans une quelconque des 


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810 L. ROOS — VINIFICATION EN FRANCE 


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k] 
chambres d’égouttage (G, fig. 8), dont on voit les ou- 
vertures béantessur la photographie ci-jointe (6118 

Les parois de ces chambres sont faites de tôles. 
perforées de trous assez fins pour retenir même } 
les pépins. Les moûts se séparent en subissant uns 
véritable filtrage à travers le mare; ils tomben 
sous les chambres (en H), se réunissent par diver , 
caniveaux dans un conquet unique (K), etsont alors 
repris par des pompes (L) qui les montent soit aux 
appareils de mutage (M), soit dans les foudres {R)M 

Les mutoises (N) qui servent à charger le moùû 
d'une petite quantilé d’acide sulfureux pour re. 
tarder la fermentation et permettre le débourbage* 
sont des appareils très simples. Elles sont essen 
tiellement consliluées par des surfaces inclinées” 
les unes sur les autres, disposées en chivanes dans* 
l'intérieur d'un prisme reclangulaire en bois, chi-« 
canes sur lesquelles le moût tombe en cascade, 
tandis qu’un courant d'air chargé de gaz sulfureux" 
parcourt l'appareil de bas en haut. 

Au sortir des mutoises, les moûts sont mis env 
foudres (R) pour 18 ou 24 heures, après lesquelles” 
un soutirage les débarrasse de leurs grosses lies. 
I n'y a plus maintenant qu'à les envoyer dans less 
foudres(R),où ils resteront sans autre manipulations. 
jusqu’à ce que la fermentation soit Lerminée. 

Revenons maintenant aux mares restés dans les 
chambres d'égouttage. | 

En face de ces chambres (5, fig. 6,et P, fig. 8),4 
sont disposés en ligne six pressoirs. Il s’agit, dans" 
le cas particulier, de pressoirs hydrauliques pou-" 
vant donner à volonté 3 à 6 kil. de pression par. 
centimètre carré. Les maies de ces pressoirs, mo-" 
biles sur rails Decauville, viennent tour à tour 
se charger aux chambres d’égouttage par des ou- 
vertures ménagées à cet effet, retournent à leur 
place, et la pression est donnée. 

Les moûts de presse sont conduits à un conquet, 
(K, fig. 8) par une canalisation spéciale (Q) et sont 
l'objet d’un traitement analogue à celui qu'on a. 
fait subir aux moûts de premier jet. | 

Les gàleaux de marcs ne sont cependant pas 
complètement épuisés. Le marc retient encore en-« 
viron 60 % de son poids de liquide, qu'il importe 
de ne pas perdre. 

A cet effet, les charges des pressoirs sont re- 
montées et les maices dirigées, au moyen de rails et 
de plaques tournantes, sur un ascenseur qui élève 
le Lout au niveau des ouvertures d’une série de 
cuves en sidéro-ciment, construites spécialement 
pour le traitement de marcs pour alcool. Les gà- 
teaux sont divisés, jetés dans l’une de ces cuves et 
arrôsés d'eau; la fermentation s'établit bientôt 
dans la masse, et le produit du lavage des marcs,! 
lavage qui s'opère méthodiquement en faisant 
passer les eaux d’une cuve dans l’autre, est un 


L. ROOS — ETAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 811 


| liquide contenant 4 à 5 ‘/, d'alcool, en volume, | à M. Eug. Thomas, bien connu par divers travaux 
qu'on en retire par distillation. en œnologie, est constitué en majeure partie par 
| Les marcs épuisés, déchargés des cuves, sont | de la vigne américaine greffée, et quelques vignes 


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Fig. 9. — Cellier de Villeroy. Chambre des Machines. 


enfin entassés pour servir ultérieurement d'engrais. | francaises que le sulfure de carbone dispule en- 
È Tout l'outillage que je viens de décrire est actionné | core au phylloxéra, mais qui sont destinées à être 
«par des machines locomobiles (fig. 9), qui servent | remplacées à brève échéance par des souches 
s en d’autres lemps à américaines. 
“ divers travaux agri- On fait à Poussan- 
coles. Cette installa- le-Haut du vin blanc 
lion suffit au traite- et du vin rouge,avec 
- ment journalier de prédominance de ce 

l'énorme quantité de dernier. 

600,000 kil. de raisin La cuverie, dont je 
- par jour. Elle estcom- donne une photogra- 

plétée par une cave phie intérieure (fig. 
. de conserve compre- 10),est en partie creu- 
nant trois grandes sée dans le roc d'un 
travées de plus de coteau. La façade au 
100 mètres de lon- sommet du coteau 
gueur, le long des- s'élève à peine de 
quelles sont disposés quelques mèêtres au- 
sur deux rangs des dessus du niveau du 
foudres qui, pour la sol, tandis qu’à l’op- 
. grande majorité,sont posé elle atteint la 
 d’égale contenance hauteur d'un bon 
. (environ 300 hect.)et deuxième étage. La 
dans lesquels peu- Fig. 10. — Cellier de Poussan-le-Haut. Vue prise dans la cuverie. cave de conserve, 
vent être enfermés construite de même, 
plus de 40.000 hectolitres de vin. lui est parallèle ; elle comporte deux étages de fou- 
dres : le premier établi sur le sol même, le second 
sur un plancher métallique. 

Le domaine de Poussan-le-Haut, situé à quel- La vendange arrive au cellier en comportes 
ques kilomètres au sud de Béziers, et appartenant | chargées sur des charretles, et au sommet du 


+: 
PS 
1 

+: 


7 


a 


$ 2. — Cellier du château de Poussan-le-Haut. 


812 


coteau, sur lequel ouvrent de larges baies. En face 
de l’une d'elles se trouve le fouloir (fig. 41). 

La cuverie rectangulaire comprend deux rangées 
distantes de 8 à 10 mètres de foudres, dont la con- 
tenance moyenne est 450 hectolitres. 

Un plancher, supporté par des colonnes métal- 
liques, est établi au-dessus de tous les foudres et 
sous le fouloir. Il porte une voie Decauville, qui 
suit son bord intérieur el qui, comme lui, affecte 
une forme elliptique. 

Au-dessous du plancher et contre la paroi à la- 
quelle est adossé le fouloir, on voit tout un sys- 
tème de conduites alimentées par deux pompes à 


L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 


tourillons lui permettant de basculer facilement. 
L'ouverture du foudre, de 30 centimètres de côté, 


est garnie d’un entonnoir en bois à seclion pyra- 


midale, assez vaste pour assurer l’'entonnage sans 
perte. On fait basculer le wagonnet dans cet en- 


tonnoir, puis il continue sa route jusqu'à ce qu'il. 
revienne se placer sous la turbine après avoir. 


effectué tout le tour de la cuverie, 
Ce système est très simple ; trois hommes sufli- 


sent dans la cuverie pour vider les wagonnets que 


la turbine remplit incessamment, et le travail est 
si rapide qu’en cinq minutes une charrette chargée 
de 14 ou 15 comportes contenant chacune environ 


Fig. 11. — Cellier de Poussan-le-Haut. Vue du fouloir, prise du plancher surmontant les foudres. 


\u-dessous du fouloir, visible vers le centre de cette photographie, se voient les wagonnets qui passent successivement au- 
dessous de lui. On voit au coin à droite l'écrou d’un des denx pressoirs; le second occupe une position symétrique. 


vapeur, qui puisent les vins dans des conquets en 
maçonnerie à revélement de verre occupant le 
fond de la cuverie. Dans les deux angles sont ins- 
tallés les pressoirs à charge montante el ressorls 
accumulateurs de pression. La figure 11 montre à 
droite l’écrou d'un de’ ces pressoirs, la figure 10 
laisse voir le bord inférieur des maies. 

Cela posé, voici maintenant comment on procède 
à lentonnage de la vendange. Les charrettes arri- 
vent au sommet du coteau au niveau du fouloir. 
Les comportes, prises par deux hommes, sont ver- 
sées une à une dans la turbine en mouvement, qui 
emplit de vendange foulée des wagonnets dispo- 
sés au-dessous, Dès qu'un wagonnet est plein, il 
est sans interruption remplacé par un autre, tandis 
que le premier, poussé par un seul homme jusqu’en 
face du foudre à remplir, va y vider son contenu. 
L'opération est très simple. 

Le réservoir du wagonnet est monté sur deux 


1 


80 kilos de raisin, est vidée et prêle à repartir 
pour la vigne. 

Quand la fermentation est terminée, à Poussan- 
le-Haut, après quatre ou cinq jours on procède au 
décuvage. Des clapets inférieurs du foudre le vin 
est conduit aux conquets, d'où les pompes l’en- 
voient dans les foudres, où il restera sans autre 
manipulation jusqu'au premier soulirage qui le 
séparera de sa lie !, 

Quand le foudre cesse de couler, la porte, assez 
large pour donner passage à un homme, est 
ouverte et on procède à la décharge du mare, qui a 
lieu dans des wagonnets allant sur une voie mo- 
bile du foudre au pressoir. Tout le marc d’un 
même foudre est porté sur un seul pressoir qui 
n’a même pas ainsi sa charge complète. La pres- 
sion est commencée aussitôt le foudre vidé el se 


! Ce premier soutirage a lieu, suivant le temps, 15 jours à 
un mois après le décuvage. 


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L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 


continue sans interruption, tant par la manœuvre 
du levier de serrage que par le jeu des ressorts, 
pendant 18 heures. Le lendemain, le pressoir dé- 
chargé peut déjà être utilisé pour un nouveau dé- 
cuvage. S'il s'agit de faire des vins blancs, l’opé- 
ration à partir de la turbine est également très 
simple. Dans ce cas les wagonnets sont supprimés, 
el la vendange foulée conduite directement sur 
les pressoirs par un couloir spécial. Le pressoir est 
alors une chambre d'égoultage et fonctionne 
comme telle pendant toute la durée du charge- 
ment. Celui-ci terminé, on donne le serrage, qui 
assèche le mare, tandis que les moûls de presse 
suivent le même chemin que ceux de goutte, c'est- 
à-dire se rendent aux conquets, d'où les pompes 
les envoient en foudres. 

Le dispositif que je viens de décrire fonctionne 


depuis deux ans. Il avait été établi provisoirement 


d'une facon un peu fruste, comme le montre bien 
la charpente grossière surmontée par le fouloir. 
Les résultats qu’il a donnés sont tels que l’instal- 
lation définitive est maintenant décidée. Rien de 
fondamental ne sera changé; le système recevra 
seulement quelques modifications de détail qui 
augmenteront ses avantages, tout en lui imprimant 
un peu plus d'élégance. Ajoutons qu'à Poussan- 
le-Haut les marcs sont utilisés pour alcool d'abord; 
puis, les résidus de ce traitement sont ensilés 
pour servir d'alimentation aux moutons d'une ber- 
gerie annexée au domaine. 


$S 3. — Cellier du domaine de Jouarre. 


Le domaine de Jouarre, situé dans le départe- 
ment de l'Aude et appartenant à M.L. Roudier, est 
constitué par un important vignoble en plaine, 
dans lequel on fait du vin blanc et du vin rouge. 

Ce n'est pas le cellier actuel que je vais décrire, 
mais bien celui qui va lui succéder, Ce sera done, 
il est vrai, une description avant la leltre, mais la 
conception parliculièrement originale de cette 
installation vinicole me parait mériter cet honneur. 

Le cellier, alimenté par des charrettes amenant 
le produit de la cueillette, est contenu dans un bâli- 
ment octogonal de 20 mètres de rayon (fig. 12et13). 

Tout le pourtour du bâtiment est occupé par les 
cuves de fermentation en maconnerie recouverte 
d'un enduit de ciment silicaté à la surface, et pré- 
sentant une seclion trapézoïdale. Les ouvertures 
supérieures de ces cuves forment le premier étage, 
tandis qu'elles sont, par la partie inférieure, en com- 
munication avec un caniveau qui centralise les vins 
dans un conquet où puisent des pompes à vapeur. 


Au centre de l’octogone se trouve une chambre 
d’égouttage, octogonale aussi, entourée de 4 pres- 


soirs de grand modèle et surmontée d’une plate-. 


forme qui constitue le second étage et sert de sup- 
port à la charpente des fouloirs, lesquels forment le 
troisième élage. Les fouloirs, au nombre de deux. 
sont alimentés par deux élévateurs à godets dis- 
posés parallèlement et puisant dans des fosses 
cimentées qui reçoivent le raisin. 

Cela posé, voyons la méthode du travail. Les 
comportes déchargées à l'entrée du cellier sur une 
sorle d’estrade, {éâtre, sont vidées de là dans des 
wagonnets qui conduisent la vendange à une bas- 
cule d’abord, qui en enregistre le poids, aux fosses 
des élévateurs ensuite. Un système d’aiguillage 
permet le mouvement de va-et-vient des wagon- 
nets en évitant les rencontres. 

Les élévateurs montent le raisin des fosses aux 
fouloirs, où la vendange est broyée. S'il s’agit de 
faire du vin rouge simplement, la vendange foulée 
est dirigée de la turbine dans les cuves du pour- 
tour par un système de couloirs mobiles. Si on 
veu faire de la vendange égrappée, on met en 
marche l’égrappoir, visible au-dessous des fouloirs, 
en le munissant d’une tôle perforée d'assez grands 
trous. e ; 

S'il s’agit, au contraire, de faire des vins blancs, 
la tôle de l'égrappoir est remplacée par une autre 
perforée de trous de petit diamètre, et l'appareil 
fonctionne alors comme extracteur de moût, le 
liquide étant conduit par couloirs dans les cuves 
de fermentalion ou dans des mutoises, tandis que 
les marcs, par un autre couloir presque vertical, 
gagnent la ehambre d'égoutlage en attendant le 
moment d'être soumis au pressurage. Quatre 
portes de charge s'ouvrent de Ja chambre d’é- 
gouttage sur les pressoirs. Tout un système de 
conduites, au niveau du sol par caniveaux, el 
aériennes par lubes en cuivre, complètent cet ou- 
lillage, qui comprend, en outre, dans les dépen- 
dances du cellier, une distillerie alimentée par 
le produit du lavage des mares obtenu dans deux 
batteries de cuves ad hoc installées des deux côtés 
du bàtiment. 

Le cellier de Jouarre sera établi pour vinifier en 
deux semaines la récolle d’un domaine dont la 


produelion atteindra 30.000 hectolitres. Les dis- 


positions en paraissent assez ingénieuses pour 
qu'il soit permis de dire que ce résultat sera 
obtenu sans coup férir. 

L. Roos. 


Directeur de la Station œnologique de l'Hérault. 


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816 


L. VIVET — LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » À PARIS 


LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » 


A PARIS EN JUIN 1895 


L'Institution des Naval Architecls a coutume de 
tenir deux sessions chaque année : la première, à 
Londres, un peu avant Pâques; l’autre, en été, 
dans l’un des principaux ports du Royaume-Uni. 
Par une heureuse innovation, elle avait choisi cette 
année Paris comme lieu de cette seconde réunion. 

La cordialité de l’accueil que ses membres ont 
trouvé auprès de leurs collègues français de l’Asso- 
ciation Technique Maritime et de l'Association des Tn- 
génieurs rivils, les égards et les honneurs dont ils 
ont été l’objet de la part des autorités et des corps 
constitués, de la Chambre de Commerce, du Conseil 
municipal, de l'Université, du Ministère de la Ma- 
rine, qui ont rivalisé d’empressement pour fêter 
leurs hôtes, ont pu convaincre les ingénieurs an- 
glais de la haute estime en laquelle le talent et la 
science sont toujours tenus chez nous. 

Le Président de l'Institution, Lord Brassey, a 
su d’ailleurs le reconnaitre avec une rare urbanité, 
en donnant à la visite des Naval Architerts le ca- 
ractère d’un hommage rendu à la France, et en 
consacrant son discours d'ouverture, prononcé 
dans notre langue, à la glorification de la science 
et de l’industrie françaises, à l'historique des pro- 
grès qu'elles ont réalisés dans les constructions 
navales. Il a mis en relief, avec une impartialité 
absolue et une parfaite bonne grâce, l'esprit 
d'initiative du pays qui a construit le premier na- 
vire de guerre à vapeur et le premier cuirassé, 
fabriqué les premières plaques de blindage en 
acier comme aussi les plus épaisses, employé pour 
la première fois l'acier doux dans la construction 
des coques, créé et perfectionné les chaudières 
aquatubulaires, que l’Amirauté anglaise, après des 
années d’hésitation, vient aujourd’hui acheter en 
France. 

M. de Bussy, membre de l’Institut, inspecteur 
général du Génie Maritime en retraite, a répondu 
en anglais à Lord Brassey, au nom de l'Associa- 
lion Technique Maritime, dont il est le Président. 
Il a rappelé à son tour ce que l’art des construc- 
lions navales doit aux ingénieurs anglais et, en 
particulier, à l’Institution des Naval Architects, 
dont les travaux depuis trente-cinq ans ont été si 
féconds en progrès de toutes sortes. En termi- 
nant, il a exprimé le vœu que l'Association Tech- 
nique Murilime, prenant modèle sur la grande So- 
ciété britannique, pütrendre à l'Architecture navale 
autant de services que son ainée. 

La lecture et la discussion des mémoires ont 


occupé lrois matinées. Nous rendrons compte un 
peu plus loin de ces diverses communications. 
Mais auparavant, nous voudrions dire quelques 
mots de l'impression générale ressentie par les 
audileurs français qui assistaient aux séances. 

En Angleterre, les ingénieurs de la Marine de 
l'État jouissent d’une latitude inconnue aux 
nôtres pour publier leurs travaux. Il en résulte un 
contraste frappant entre les mémoires si riche- 
ment documentés qui sont lus dans les Sociélés 
maritimes anglaises, et ces notes, d’ailleurs rares, 
où les ingénieurs français hasardent timidement 
sur un théorème de géométrie des réflexions soi- 
gneusement contrôlées par l’autorité supérieure. 
De même pour la discussion : d'un côté, incertaine 
el stérile; de l’autre, aisée et fructueuse. 

C'est qu'en effet une longue pratique de la li- 
berté de la parole a appris aux Anglais à ne pas 
redouter la divulgation de tels détails techniques 
auxquels on attache en France une si grande im- 
porlance. On peut croire cependant, d’après leur 
exemple, que la propagalion des idées nouvelles, 
en matière de construclion navale comme en 
beaucoup d’autres choses, n'offre pas ce péril 
dont nous sommes hantés, el qu’elle présente, au 
contraire, certains avantages, dont nous ne savons 
pas profiter. 

Tandis qu'ici règne cet esprit de méfiance qui 
fait voir la patrie en danger dans la moindre ba- 
gatelle livrée à la publicité, là-bas circule un 
large souffle de liberté qui dissémine partout la 
semence du progrès. 

Rien de plus topique à cet égard que la série 
des mémoires où, depuis 1889, Sir William White, 
Directeur des Constructions Navales, a soumis à 
l'appréciation des Naval Architects les idées géné- 
rales du programme des nouveaux cuirassés, 
leurs plans dans les grandes lignes, les résultats 
obtenus, les défauts constatés, les remèdes pro- 
posés. Il ne semble point que la défense nationale 
en ait été compromise. Quel enseignement pour 
nous! 

Malheureusement, en France, les entraves offi- 
cielles paralyseraient les meilleures volontés, lors 
même qu’une « sweeping legislation » ne viendrail 
pas reculer encore le jour où, en dehors du cercle 
privilégié des compélences non galonnées, on pourra 
discuter les qualités d’un bâliment de guerre, 
sans tomber sous le coup d’une loi de salut pu- 
blic. 


mt tent at ed ra rh te À RS née) ét D Éd dd St ER 


I. — Rourrs. 


De l'amplitude du roulis sur houle non synchrone, 


… par M. E. BERTIN, Directeur de l'École d’Applica- 


… tion du Génie Maritime. — M. Bertin avait espéré 


_ présenter une étude des mouvements de roulis 


- et de tangage analysés par la photographie ins- 


tantanée à l'aide de l'appareil de M. Marey. 
Par suite de circonstances défavorables dues à 
l'état de la mer, il n’a pu obtenir qu'un nombre 


- insuffisant de clichés qu'il se contente de montrer 


à litre de curiosité. 

11 donne ensuite lecture d’une courte note, com- 
plément de celle qu'il avait présentée l’année der- 
nière, et où il expose une méthode graphique 


. pour calculer les amplitudes successives du roulis, 


et, en particulier, l'amplitude maxima de chaque 
série, ou roulis d’apogée, pour un navire placé 
sur une houle non synchrone. Il démontre que les 
quilles latérales doivent avoir une influence sur 
l'extinction du roulis relativement bien plus 
forte dans les grands navires que dans les pe- 
tits, expliquant ainsi les résultats de l'expérience 
récemment faite en Angleterre sur les grands cui- 
rassés type « Royal Sovereign », résultats qui 
avaient causé un certain étonnement. 

Sir WW. White fait l'éloge de la méthode suivie 
par M. Bertin, qui tient compte d’un élément trop 
négligé jusqu'ici dans l'étude du roulis : la résis- 
lance de l’eau au mouvement. Il croit qu'il y a 
encore beaucoup à faire pour réduire l’amplitude 
du roulis, et dit que l’accord entre les conclusions 
de M. Bertin et les expériences de l'Amirauté an- 
glaise permet de bien augurer de recherches 
ultérieures entreprises ainsi parallèlement par 
l'investigalion mathématique et lobservation des 
phénomènes. 

M. Martel se félicite de voir les heureux résul- 
tats de la liberté que laisse le Gouvernement an- 
glais pour rendre compte des expériences entre- 
prises par l’Amirauté. On sait depuis longtemps, 
dans la marine marchande, que les quilles latérales 
réduisent beaucoup le roulis; mais personne n’au- 
rait pu croire que, sur des cuirassés de premier 


_ rang, munis de quilles aussi peu importantes que 


celles dont a été doté le type Royal Sovereign, la 
réduction d'amplitude püt être aussi considérable. 
Il faut féliciter Sir W. While d’avoir prouvé 
l'existence de ce fait, comme aussi M. Bertin de 
l'avoir expliqué. 


II. — DouBLAGe DES NAVIREs. 


Sur le doublage en cuivre des navires en acier, par 
Sir Wicciam We, Directeur général des Cons- 
tructions navales. — Sir William White, après 
avoir rappelé à quel ordre d'idées obéissaient les 


L. VIVET — LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » A PARIS 


817 


premiers promoteurs du doublage en cuivre des 
coques en fer ou en acier, décrit tour à tour les 
divers procédés qu'ils employèrent. Le but était 
d'empêcher que l’action galvanique ne s'établit 
par l'intermédiaire de l’eau de mer entre le cuivre 
et le bordé en fer, au détriment de celui-ci. 

On avait alors recours à une double épaisseur 
de bois; le revêtement intérieur était fixé sur le 
bordé, tantôt, comme sur l'Znconstunt, par des pri- 
sonniers fixés dans les couvre-joints et dans des 
bandes de tôle rivées à mi-hauteur des virures, 
tantôt par des boulons traversant le bordé et munis 
d’écrous, comme sur le Volugeet l’Active ; le revête- 
ment extérieur était vissé à bouts perdus sur le 
premier. 

Cependant, l'expérience ne confirma pas sur tous 
les points les craintes du début. Lorsque l’auteur 
fut chargé, en 1887, de faire une enquête sur les 
résultats obtenus depuis vingt ans, afin d'arrêter 
la marche à suivre pour les nouveaux projets, il 
constala que le double revêtement en bois n'avait 
jamais réussi à assurer l’étanchéité, et que néan- 
moins le bordé en fer ou en acier n'avait jamais 
souffert d’une façon sensible de la communication 
qu’établissait, entre lui et le doublage en cuivre, 
l’eau de mer infiltrée entre les différentes surfaces. 
En revanche les boulons d'attache du premier plan 
de bois, qui étaient en fer, s’élaient usés rapide- 
ment et avaient souvent dû être changés. L'absence 
de corrosion du bordé était due à ce que l’eau 
infiltrée restait prisonnière, et, ne se renouvelant 
pas, perdait rapidement son action corrosive. 

Ces remarques amenèrent Sir W. White à pro- 
poser l'emploi d’un seul revêtement de bois tenu 
sur le bordé au moyen de boulons en bronze de la 
Marine. Il pensa qu'une épaisseur de teck de 8 à 
10 centimètres permettrait un bon calfatage, et 
que, même si l'eau pénétrait sous le bois, elle ne 
serait pasplus nuisible pour le bordé qu’avec l’an- 
cien système, qu'en tout cas elle ne rongerait plus 
les boulons. Ce procédé a donné les meilleurs ré- 
sultats sur plus de trente navires de la Marine 
britannique, qui ont été doublés ainsi, entre autres 
les cuirassés d’escadre Centurion, Barfleur et les 
croiseurs à grande vitesse Lels que le Crescent. 
Seize autres navires,actuellement en construction, 
vont également recevoir le doublage à simple revê- 
tement de bois. Le succès est assez complet pour 
que l’on puisse étendre le nouveau système aux 
plus petits bâtiments construits jusqu'ici d’après le 
système composite. 

Sir William est d'avis que le doublage en bois 
doit être considéré comme contribuant à la solidité 
générale de la coque, et autorise par suite une cer- 
taine réduction sur l'épaisseur des tôles du bordé. 
Le bois constitue, en outre, une protection très 


818 


efficace de la coque contre.les chocs violents et les 
ragages résultant, par exemple, d’un échouement. 

Après avoir passé en revue les tentatives faites 
pour substituer à l'acier un métal inattaquable à 
l'eau de mer, l’auteur termine en affirmant la né- 
cessité du doublage en cuivre pour tous les na- 
vires de guerre destinés à tenir la mer longtemps 
sans passer au bassin. Au bout de cinq ou six mois 
une carène exige un accroissement de puissance 
de 20 à 25 °/, pour maintenir sa vitesse; au bout 
d'un an, 40 à 50°/,. L’accroissement du prix de 
revient des navires doublés ne saurait être mis en 
balance avec les avantages à retirer du seul pro- 
cédé qui leur permette de conserver longtemps 
leur valeur militaire. 

Dans la discussion qui a suivi la lecture de ce 
mémoire, Sr Nathaniel Barnaby, prédécesseur de 
Sir W. While, a rendu hommage à la tentative 
hardie de ce dernier, qui lui avait d’abord causé 
une cerlaine appréhension. 

M. Yartell dit que, dans la marine marchande, 
la construction composite a élé abandonnée à cause 
de son prix excessif. Il confirme, par l'exemple du 
Sant- George, les bons résultats dus au système 
White, qui a été appliqué à ce vapeur. 

L'amiral Aytsaouleff, Directeur de l'Arsenal de 
Sébastopol, donne des indications sur les résultats 
obtenus en Russie par l'emploi du doublage. 

L'amiral #izyerall proclame la nécessité de dou- 
bler tous les navires en cuivre, quelle que puisse 
être la dépense qui en résulte. 


III. — SrapiciTé. 


Sur la délermination expérimentale de lu position du 
centre de gravité par rapport au mélacentre, par 
M. ARCHIBALD DENNY. — M. Archibald Denny donne 
la description d’un petit appareil destiné à fournir 
rapidement aux capilaines la hauteur du méta- 
centre au-dessus du centre de gravité de leurs 
navires. [consiste en un niveau à bulle d’air, muni 
d’une vis micrométrique qui permet de lire les 
angles d'inclinaison avec beaucoup plus de com- 
modité et de précision que le pendule ordinaire- 
ment employé dans l'expérience de stabilité. Une 
règle, pivotant sur une planchetle qui porte les 
gr'duations nécessaires, effectue graphiquement 
le calcul de la hauteur cherchée, dont elle donne 
la valeur par une simple lecture. 

En raison de la simplicité de son emploi, cet 
instrument peut êlre mis entre les mains de tous 
les capitaines, qui pourront vérifier en quelques 
inslants, avant chaque départ, l’état de stabilité de 
leur bateau et en modifier le chargement selon les 
besoins. 

Bien que cette note de M. Denny ne renferme 
rien d'absolument nouveau au point de vue tech- 


L. VIVET — LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » A PARIS 


nique, el n'ait donné lieu à aucune discussion, ses 
conséquences pratiques peuvent être, croyons- 
nous, d’une extrême importance, et méritaient de 
mieux fixer l'attention. Bon nombre de navires, el 
surtout de grands voiliers, se perdent, en effet, 
chaque année par défaut de stabilité. Parmi les 
raisons mulliples auxquelles est dû cet élat de 
choses, l'ignorance de la position exacte du centre 
de gravité est sans doute la principale. Simplifier, 
à l'usage des commandants, le maniement un peu 
délicat des calculs de stabilité, leur fournir au 
moins un procédé rapide et clair d’en déterminer 
l'élément le plus essentiel, c'est faire plus pour la 
sécurité de la vie humaine que de limiter, comme 
le fait une bizarre législation anglaise, le tirant 
d'eau des bäliments. Aussi doit-on savoir gré à 
MM. Denny frères de l'iniliative qu’ils ont prise de- 
puis plusieurs années, en dressant, pour chacun des 
navires sortis de leurs chantiers de Dumbarton, un 
devis de tous les éléments qu'il importe au capi- 
taine de connaitre. L'instrument décrit par M. Ar- 
chibald Denny et qui sera désormais remis à 
chaque capitaine avec des instructions détaillées, 
s'ajoute heureusement à l’ensemble de ces dispo- 
sitions si sages arrêlées par MM. Denny frères, 
dispositions que lous les chantiers de construction 
devraient aujourd’hui se faire un devoir d'adopter. 

Pour les compléter, il resterait encore à trouver 
un moyen également simple de calculer l'angle de 
chavirement d'un navire, car cet angle peut être 
très faible, même avec une forte stabilité initiale. 
li ne serait sans doute pas bien difficile d'y parve- 
nir si les constructeurs voulaient bien fournir, 
avec les plans de chaque bätirnent qui sort de leurs 
chantiers, ses courbes pantocarènes de stabilité. 
Connaissant ces courbes d’une part, d'autre part 
la position du centre de gravité fournie par l'ins- 
trument de M. Denny, un graphique très simple 
permettrait au capitaine de connaître l'angle de 
chavirement. 


IV. — Ecnerze pe SoriniTé. 


Sur l'utilité de la construction de l'échelle complète de 
solidité des navires, par M. Daymarp, Ingénieur en 
Chef de la Compagnie Générale Transatlantique. — 
M. Daymard appelle l'attention sur l’importance 
d'un élément de la coque que les constructeurs ne 
prennent pas toujours la peine de calculer, à sa- 
voir, son volume extérieur lotal. Il développe trois 
raisons pour lesquelles il serait utile d'établir 
l'échelle complète de solidité : 

1° Au point de vue de la stabilité, il importe d'é- 
tudier les forces de redressement dans toutes les 
posilions; or le volume total et son centre jouent 
un rôle des plus utiles dans le tracé des courbes 
pantocarènes qui servent à celte élude, et dontl’au- 


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L. VIVET — LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » A PARIS 


teur a établi le principe dans son célèbre mémoire 
de 1884. 

2° La mesure des tonnages légaux actuels con- 
duit à des anomalies invraisemblables. L'auteur 
_proposerait de prendre pour le tonnage légal le 
volume extérieur total. Du moins ce volume servi- 
rait de base pour tarifer les droits actuellement 
perçus sur le tonnage brut et correspondant à l’idée 
d’encombrement. Quant à ceux qui sont acquittés 
sur le tonnage net, comme répondant à l’impor- 
tance des opérations commerciales, ils seraient 
réglés sur le tonnage ou lepoids des marchandises. 

3° Pour la ligne de charge, l'échelle de solidité 
donnerait plus simpiemeat et plus exactement que 
les tables de franc-bord dressées par le Board of 
Trade, le tirant d’eau correspondant à une réserve 
de flottabilité donnée. 

M. Hartell a soulevé une objection sur le second 
point, sans apporter d’ailleurs, à l'appui de son dire, 
d'autre argument que les difficultés rencontrées 
par les Commissions qui, en Angleterre, ont tenté 
d'établir une base rationnelle pour le tonnagelégal. 
Sur le troisième point également, il s’en réfère 
aux travaux du Comité de la Ligne de Charge. Pour 
qui à pu apprécier la valeur de ces travaux, l’argu- 
mentation de M. Murtell paraitra absolument in- 
suffisante. 

Après lui, M. Archibald Denny exprime l'avis qu’il 
yaurait lieu de modilier dans les règles du franc- 
bord bien autre chose que le calcul de la réserve 
de flottabilité signalé par M. Daymard ; il ajoute 
que, pour les grands navires, en particulier, les 
tables du Board of Trade donnent des tirants d’eau 
inacceptables. 


V. — CLASSIFICATION DES NAVIRES. 


Sur les vapeurs à faibles échantillons, par M. B. Mar- 
TELL, Ingénieur en Chef du Lloyd. — Le but de 
M. Martell, en présentant ce mémoire, élait de 
répondre à un vœu formulé à la session précédente 


par M. Rickard. Ce dernier avait exprimé l'espoir” 


que les sociétés de classification s’occuperaienlt 
quelque jour de la construction des navires de 
rivière à échantillons très légers. Estimant, par 
l'effet d’une susceptibilité qui a paru un peu exa- 
gérée, que la Société qu'il représente était atteinte 
par cette critique indirecte, M. Martell affirme que 
le Lloyd est prêt à classer tous les navires de ce 
genre, que leurs échantillons soient ou non con- 
formes au règlement ordinaire, pourvu qu'ils aient 
été jugés par le Comité du Lloyd propres au ser- 
vice auquel ils sont destinés. Une description som- 
maire de quelques bateaux classés au Lloyd dans 
ces conditions termine ce plaidoyer pro domo, sans 
d’ailleurs infirmer ce fait que le règlement du 
Lloyd ne donne aucune règle spéciale de construc- 


819 


tion, ni aucun tableau d'échantillons pour les na- 
vires en question. 

Le D' Ælyar remercie l’auteur des renseignements _ 
qu’il a fournis et des plans qu'il a mis à la disposi- 
tion de l’Institution. Il pense, toutefois, que, dans 
les navires de construction légère, on devrait mul- 
tiplier les cloisons étanches aussi bien en vue de 
la solidité que de la sécurité. 

M. Arch. Denny regrette la divulgation de plans 
qui sont le fruit de nombreux travaux et d’une 
expérience chèrement conquise par plusieurs cons- 
tructeurs. Il relève de grandes différences d’échan- 
tillons entre des navires analogues, semblablement 
classés par le Lloyd. 

M. Yarrow, le célèbre constructeur de torpilleurs, 
laissant de côté toutes ces questions personnelles, 
donne une intéressante description du système 
qu'il a employé pour permettre de monter à flot 
un bateau démontable en plusieurs tranches, cons- 
truit par lui pour le compte du Gouvernement 
français. Chaque tranche, terminée par une cloison 
transversale, constitue un flotteur séparé. Les 
cloisons sont percées d'avance des trous nécessai- 
res pour le boulonnage. Pour empêcher l’envahis- 
sement de l’eau par ceux de ces trous qui sont 
situés au-dessous de la flottaison, la varangue voi- 
sine de la cloison est légèrement surélevée. L'eau 
ne peut donc occuper que l'intervalle d'une maille 
à chaque extrémité de la tranche, et, comme le 
tirant d’eau est naturellement très faible, on peut 
aisément passer la main sous l'eau pour assujettir 
les écrous des boulons. Grâce à ce procédé, le 
montage est extrêmement rapide. Pour deux ba- 
teaux construits récemment, le marché prévoyait 
une durée de 2% heures. Le montage ful achevé en 
71 heures seulement. 

VI. — CHAUDIÈRES. 

Sur l'accouplement de chaudières de différents types. 
par M. P. Sicaupy, Ingénieur en Chef des Forges et 
Chantiers de la Méditerranée. — Dans ce mémoire, 
l’auteur rend compte d’une expérience récemment 
faite au Havre sur un remorqueur, où l'on a fail 
fonctionner simultanément deux chaudières de 
types différents : l’une du type ordinaire à retour 
de flamme, l’autre,aquatubulaire, du système Nor- 
mand. La condition imposée d'une rapide mise en 
pression avait conduit à l'adoption de cette der- 
nière. La machine était placée entre les deux chau- 
dières, disposition peu favorable, en elle-même, à 
un bon fonctionnement. 

Aucune précaution particulière ne fut prise pour 
les tuyaux de vapeur et d'alimentation; un seul 
tuyau élablissait la communication. Les essais ont 
été des plus satisfaisants. Ce résultat doit encou- 
rager ceux qui ont encore des préventions contre 


820 


les chaudières aquatubulaires, et les inviter à en 
essayer au moins l'emploi concurremment avec les 
chaudières d’ancien type. 

M. Thornycroft félicite l’auteur de sa communica- 
tion. L'avenir est aux chaudières aquatubulaires: 
mais il faut qu'on s'y accoutume, et la combinai- 
son des deux types constituera la meilleure des 
transitions. 

M. Yarrow parle dans le même sens, et ajoute 
qu'une disposition analogue à celle décrite par 
M. Sigaudy vient d’être adoptée sur certains croi- 
seurs hollandais. La puissance de 2.000 chevaux, 
. dont ils ont besoin en service courant, est fournie 
par des chaudières ordinaires; mais ils doivent 
développer 9.000 chevaux dans la marche à ou- 
trance, et l’on a eu recours à huit chaudières à 


tubes d’eau, de 1.000 chevaux chacune, pour faire. 


face à la différence. — Sir W. White dit que la 
combinaison des deux types de chaudières a fait 
l'objet d’études approfondies de la part de l’Ami- 
rauté, à propos du Powerful et du Terrible. On 
s’est finalement arrêté à l'emploi exclusif de chau- 
dières Belleville, jugées préférables pour ces deux 
grands croiseurs. Mais le principe de la combi- 
naison parait très rationnel sur bien des navires 
de guerre. Sir W. White lui-même a recommandé 
naguère l'emploi simullané de chaudières à retour 
de flamme et de chaudières type locomotive, sur 
certains navires de la marine britannique. 


Sur les chaudières aquatubuluires, par M. J. A. Nor- 
MAND. — De mème que la plupart des communica- 
tions du célèbre constructeur, ce mémoire se dis- 
lingue par une abondance d'idées et une concision 
de style qui enrendentl'analyse difficile. Nousnous 
bornerons à indiquer quelques-uns des points les 
plus saillants. 

L'intensité de la chauffe dans les chaudières 
aquatubulaires est limitée par la formation de 
poches de vapeur et par les efforts provenant de la 
dilatation des tubes. L'auteur recommande quatre 
précautions fondamentales contre la formation des 
poches de vapeur : 

1° La direction des tubes, surtout dans leur par- 
Lie inférieure, doit se rapprocher autant que pos- 
sible de la verticale. 

2° La circulation doit être très active. 

3° Le rapport de la longueur des tubes à leur dia- 
mètre ne doit pas être trop grand. 

4° La section des tubes de retour de l’eau doit 
étre très grande. 

À l'appui de chacune de ces recommandations, 
M. Normand apporte un ensemble de considéra- 
lions théoriques et de résultats d'expérience. La 
répartition des pressions dans un milieu hétéro- 
gène aussi complexe que l’eau et la vapeur dans 


L. VIVET — LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » À PARIS 


une chaudière multitubulaire constitue un pro- 
blème que les physiciens n’ont pas encore élucidé ; 
aussi les idées de M. Normand sur ce sujet offrent- 
elles un grand intérêt. 

Quant aux efforts dus à la dilatation des tubes, 
on peut les atténuer soit au moyen de dispositifs 
spéciaux, comme sur les chaudières Belleville et 
Collet-Niclausse, soil en donnant aux tubes eux- 
mêmes une longueur el une courbure suffisantes. 

Une circulation active facilite la transmission de 
la chaleur, grâce au renouvellement des points de 
contact de la surface de chauffe avec l’eau, mau- 
vaise conductrice de la chaleur. De là l'utilité des 
réchauffeurs de l’eau d'alimentation. 

En ce qui concerne la combustion, M. Normand 
est d'avis qu'il faut éviter tout refroidissement pro- 
gressif des gaz et ne pasredouter la dissociation de 
l’acide carbonique et de la vapeur, pourvu que l’on 
assure assez largement l’arrivée de l'air pour per- 
meltre la recombinaison des éléments dissociés. Il 
préconise donc l’emploi de boîtes à feu spacieuses, 
où les gaz chauds se mélangent bien et séjournent 
aussi longtemps que possible avant d'entrer dans 
le faisceau des tubes. 

Enfin, la section de passage des gaz doit être ré- 
duite, et leur parcours augmenté dans la mesure 
compalible avec le Lirage dont on dispose. L'auteur 
montre ensuile comment il a appliqué ces prin- 
cipes sur la chaudière qui porte son nom, et qui, 
adoptée sur les plus récents torpilleurs, a donné 
sur le 185 les remarquables résultats suivanls : 


PLOSSIONT NA EEE CRTC CE EK 0 
Surface der crille. "#70... 3226 
Surface de chaufle............ 171220 
Puissance par m? de grille........ 462ch 
Consommation par m? de grille... 326K 


À la vitesse de 14 nœuds, la consommalion par 
cheval-heure n'a pas dépassé 450 grammes. 

M. Normand reconnait, en terminant, que de 
bons résultats ont été obtenus sur des tÿpes de 
chaudières basés sur des principes entièrement 
différents : tubes presque horizontaux, boîtes à 
feu réduites, grande section de passage et faible 
parcours des gaz. Mais il pense que l'application 
des principes généraux posés plus haut pourrait 
seulé permettre de répondre aux exigences erois- 
santes de jour en jour. Et, en fait, il ne voit aucune 
difficulté à pousser beaucoup plus loin l'intensité 
de la combustion dans les chaudières de son sys- 
tème, à tel point que ce ne sont plus les tubes, 
mais les barreaux de grille et les briques qui, pour 
lui, limitent aujourd'hui cette intensité. 

La lecture de ce mémoire aurait sans doute pro- 
voqué une discussion des plus intéressantes, si 
le temps n'avait malheureusement fait défaut. 
M. Thornycroft a pu seul prendre la parole. Tout 


Ve Se ts LUE mer ES 2 ea À Lis 


en rendant hommage au succès incomparable des 
- chaudières Normand, il a formulé quelques réser- 
“3 xes, d’ailleurs plutôt humoristiques, sur la théorie 
- de la circulation développée par l’auteur. Il est, en 
“effet, malaisé de comprendre en quoi cette théo- 
-rie peut être infirmée par l'assertion, au moins 
paradoxale, de M. Thornycroft, que la gravité est la 
seule force en jeu dans le phénomène de la circu- 
lation de l’eau. M. Thornycroft persiste, en outre, à 
| 


penser que les tubes doivent déboucher au-dessus 
du niveau de l’eau dans le réservoir supérieur, et 
non pas au-dessous, comme le veut M. Normand. 


” 


- Sur la chaudière aguatubulaire Niclausse, par 
. M. Marx Rogwsox. — Après avoir donné une des- 
. cription détaillée de cette chaudière, l'auteur rend 
. compte des expériences instituées par lui-même, 
aux ateliers Willans et Robinson, sur une chau- 
dière de ce type et de fabrication francaise, dans 
le but de vérifier: 
4° L'étanchéité des joints coniques dans toutes 
les conditions de température et de pression; . 
2° L'absence de dépôts nuisibles dans les tubes; 
3° Le pouvoir évaporaloire, dont le rendement 
était douteux, vu que les gaz ne passant qu'une 
seule fois entre les tubes doivent s'échapper en- 
core très chauds : 
4° La sécheresse de la vapeur. 
Des essais prolongés et répétés ont donné sur 
tous ces points les résultats les plus satisfaisants. 


VII. — PRIX DE REVIENT DES NAVIRES, 


Le prix de revient des navires de querre, par le Pro- 
fesseur Francis ELGaRr, ancien Directeur des Arse- 
naux de S. M. Britannique. — Des modifications 
introduites, il y a quelques années, dans le sys- 
tème de comptabilité des Arsenaux anglais ont 
permis tout récemment d'établir pour la première 
fois une comparaison des prix de revient des difté- 
rents types de navires de guerre, construits soit 
à l'État, soit à l’industrie. Le D' Elgar indique 
les principes de cette comptabilité nouvelle créée 
par l’Amirauté, après enquête faite dans la plu- 
part des grands chantiers privés, et mise en usage 
à partir de 4887. Il donne ensuite les chiffres qui 
se rapportent aux navires construits d’après le 
Naval Defence Act de 1889. Il en ressort que les 
cuirassés de premier rang construits par les arse- 
aux coûtent beaucoup moins cher que ceux 
construits par les chantiers privés. Cependant la 
différence en faveur des arsenaux semble devoir 
diminuer, à en juger par les évaluations compa- 
rées des nouvelles constructions en cours d’exé- 
cution, le Magnificent et le Majestic, d'une part, le 
Jupiter et le Murs, de l'autre. 

Pour toutes les autres classes de navires, c’est, 


L. VIVET — LE CONGRÈS DES « 


a. Class. pd À 


NAVAL ARCHITECTS » A PARIS 821 


au contraire, l'industrie qui produit à meilleur 
marché. Cela tient sans nul doute à ce que les 
conditions d'existence et de fonctionnement d’un 
arsenal de l’État et d'un chantier privé sont entiè- 
rement différentes. Celui-ci a été créé spéciale- 
ment en vue du travail de construction et de répa- 
ration. Toutes les charges y sont proportionnées à 
ce travail. Au contraire, un arsenal est un énorme 
établissement qui doit répondre à une foule d’exi- 
gences accessoires, entre autres et surtout à la 
possibilité de faire face subitement; en temps de 
guerre, à n'importe quels travaux de réparation, 
d'armement, d'approvisionnement pour un nombre 
considérable de navires de guerre. Ces condilions 
entraînent des frais généraux, dont une portion, 
qu'il est d’ailleurs très difficile de déterminer, 
incombe aux constructions neuves. 

Le Capitaine /aques, de la marine des États-Unis, 
fait remarquer que le prix du cuirassement, qui va 
en augmentant en Angleterre,décroit en Amérique. 
— Sir Nathaniel Barnaby fait observer que certaines 
modifications apportées après coup à Lel ou tel 
élément d'un navire peuvent occasionner des frais 
considérables dont on devrait tenir un compte 
spécial, sous peine de fausser les véritables prix. 
Il cite comme exemple le changement des canons 
se chargeant par la bouche en canons se chargeant 
par la culasse, changement qui a été fait beau- 
coup trop tard dans la marine anglaise et a en- 
trainé des remaniements de coques, et, par suite, 
des frais énormes.— M. Serton rappelle les services 
rendus par le D° Elgar, à qui sont dues les utiles 
réformes dont son mémoire a pu faire apprécier 
les résultats. Il fait remarquer que la lutte entre 
les arsenaux etles chantiers est beaucoup plus dure 
pour les derniers qu’on ne le croit d'ordinaire. 

M. Bienaymeé, Inspecteur général du Génie Mari- 
time, dit que les différences signalées par le 
D: Elgar n'existent pas en France au même degré. 
{l en avait été frappé, en parcourant les évalua- 
tions budgétaires anglaises pour 1893-94, mais 
n'avait pu en découvrir la raison. Le mémoire de 
M. Elgar la fait ressortir. C’est qu'en France l'or- 
ganisalion des chantiers privés se rapproche beau- 
coup plus de celle des arsenaux qu’en Angleterre. 
Il reconnait, du reste, que les conditions du travail 
sont beaucoup moins favorables en France, aussi 
bien à l'État qu'à l’industrie. 

M. Murtell s'élève contre les insinuations de la 
presse tendant à faire croire que la réduction des 
frais à laquelle sont parvenus les arsenaux, serait 
due à un abaissement de la qualité de la main- 
d'œuvre. Il a constaté par lui-même à Chatham que 
l'exécution du travaii ne laissait absolument rien à 
désirer. Léon Vivet, 


Ingénieur civil des Constructions navales. 


822 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LA MESURE DES PETITS ALLONGEMENTS 
Il est utile, lorsque l’on fait des essais de traction 
sur un métal, de ne pas se borner à mesurer, par 
exemple, sous quelle charge par millimètre carré il 
se rompt. La mesure de son coefficient d’élasticité, de 
la charge correspondant à la limite d’élasticité et des 
allongements produits lorsque cette charge est dé- 
passée, offre aussi un grand intérêt. On emploie dans 
ce but des instruments qui donnent l'allongement cor- 
respondant à une charge quelconque. Si, au moyen 
des nombres ainsi lus, on trace une courbe en prenant 
pour abscisses les charges, et pour ordonnées les allon- 
sements, on obtient une figure semblable à la figure 1. 
Supposons d’abord que lon ait appliqué des charges 
P, P, P, P, p, Croissant sans interruption, on trouve une 
courbe à, &, 4, «, #, qui, se confondant d’abord avec 
une droite, s'élève ensuite au-dessus de cette droite 
prolongée, Si, au contraire, on applique les charges en 
revenant à zéro après chacune d’elles, on a une courbe 
brisée correspondant au tableau suivant (tableau D : 


DANS LES ESSAIS DE RÉSISTANCE DES MÉTAUX 


vrages anglais désignent le coefficient d’élasticité sous 


formule que la nôtre. Mais ces deux formules identiques 
se traduisent par des nombres différents, parce que nous 
comptons les charges en kilogrammes par millimètre 
carré et que nos voisins les comptent en tonnes par 
pouce carré. 

Les instruments appelés extensomètres où encore 
élasticimètres, destinés à la mesure des allongements 
dans les essais de métaux, doivent satisfaire à plu- 
sieurs conditions importantes, D'abord, ils doivent 
être très sensibles, parce que les quantités à évaluer 
sont excessivement faibles. Ensuite, il est nécessaire 
que leurs mesures soient faites sur la fibre centrale de 
la barre étudiée ou puissent s’yrapporter, et non point 


effet, les efforts appliqués sur une pièce de métal ou 
d'autre matière ne sont jamais tellement symétriques 
que les déformations soient les mêmes pour toutes les 


Tableau I 


Le coefficient d'élasticité, ordinairement désigné 
par la lettre E, se déduit des mesures faites pour 
des charges inférieures ou, au plus, égales à p,, par 
exemple pour p,. Il a pour valeur : 

on Pi 


OR 


Fa uS 


Onvoitque cet- 
le valeur reste 
constante tant 
que le rapport 


Pi reste Jui- 
æ 

mème cons - 
tant, c’est-à- 


dire fant que 
l’on ne dépasse 
pas la charge 
P,, qui est celle 
qui correspond ‘* 
à la limite d’é- 

lasticité. En de- 

cade CefeNVa Een 
leur, etlorsque 
la charge appli- 
quée disparait, 
les allonge - 
ments produits 6 


fibres ; elles sont, au contraire, assez différentes ef, 
pour faire un raisonnement juste, on est obligé de 
considérer leur moyenne. Dans ce but, un certain 
nombre d'instruments permettent de faire des mesures 
pour deux fi- 
bres diamétra- 
lement 0ppo - 
sées, tandis que 
d’autres sont 
disposés de tel- 
le facon que la 
lecture , faite 
une seule fois, 
indique immé- 
diatement la 
moyenne des 
deux mesures 
précédentes. 
Celui qui a été 
présenté der - 
nièrement à Ja 


Royal Society 
par le P* J.-A. 
£wing rentre 
dans cette der- 
nière classe . 
Il offre quel - 
ques détails 


nouveaux elin- 


P: 


s’'annulent ri- 


goureusement, fig. 4. 
ainsi que Je — PiPoPsPaPs. Charges. — iaoasuixsY 
montre notre différentes charges et en diverses circonstances 


tableau; au de- 
là, la barre conserve toujours un allongement werma- 
nent qui croit de plus en plus avec la charge. Les ou- 


1 Z, longueur initiale de la barre; S section de cette barre. 


Pa 


Ps 


— Courbe des allongements d'une barre métallique en fonction des charges. 


Ps Ps téressants el 
semble capa- 
ble, en même 
temps, d’une 
grande sensi- 
bilité et d'une grande exactitude, En voici le principe : 

Deux pièces Bet C (fig. 2) sont fixées sur la barre A, 
soumise aux essais, chacune par une paire de vis de 
pression (sur notre figure, on ne voit que deux vis de 


:0:05820,8;. Allongements produits sous 


sur une fibre quelconque de la surface extérieure. En 


le nom de module de Young, et l'expriment par la même M 


hot n chts HU ÉÉle) dÉS SEE to cé 


fit bte... $ tasses 


Li 


Gibier te te à 


dt sin de bal mms | 


_ Un microscope 


pi sé AMIE 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 823 
—= 
Il 
= | 
nr 
Fix, 2.— Principe de l'appareil du Prof. Ewing. — À, Barre 
soumise aux essais. — O, O’, vis de pression. — B, pièce 
portant la vis O', un microscope M, un bras B', une vis 
micrométrique V et un arrondi P; — C, pièce portant la 
vis O, un logement pour l'arrondi P et un petit fil tendu Fig. 4. — Appareil servant à mellre en place l'élasticimètre. 


sur la face plane A vis-à-vis du microscope M. 


pression O et O'; les 


: deux autres sont pla- 


cées derrière la barre 
A). A la pièce B est 
attaché un bras B, 
qui porte à son ex- 
trémité inférieure un 


arrondi P, qu’on peut f 


abaisser ou élever à 
volonté , et d'une 
quantité évaluée ri- 
“oureusement au 
moyen d’une vis V à 
tête graduée. L’ar- 
rondi Ps’engage dans 
une fente où un trou 
correspondant (nous 
verrons tout à l'heure 
quelle est celle de ces 
deux solutions qui est 
la meilleure) creusé 
dans la pièce C. Celle- 


- ci se termine de l’au- 


tre côté par une face 
plane Q, présentant 
une petite cavité, en 
travers de laquelle 
est tendu horizonta- 
lement un petit fil 
très fin. Lorsque la 
barre À s’allonge, la 
pièce G pivote autour 
du point P, et le fil 
tendu en Q se déplace 
d’une quantité qui est 
à l'allongement de A 
comme la longueur 
PQ est à longueur PO. 
M, 
porté par la pièce B, 
permet de mesurer 
très exactement la va- 


Fig. 3. — Délails de l’élasticimètre. — A, Barre à 
essayer; B, C, pièces portant les vis de pression 
telles que O; Q, face plane portant le fil visé par le 
microscope; B',B', montants verticaux; P, extrémité 
arrondie; D, D', contre-poids; E, axe autour duquel 
tourne le bras portant le microscope; F, vis ser- 
vant à la mise au point du microscope. 


— H, bras formant le corps de l’appareil; G,G, vis de 
pression; les pièces B et C sont celles qui étaient marquées 
des mêmes lettres dans la figure précédente. 


leur du déplacement .Il arrive souvent 
que, outre l'effort de traction ou de com- 
pression, la barre A subit un léger effort 
de torsion sur elle-même. La pièce B 
tend alors à se déplacer dans un plan 
perpendiculaire au plan de la figure, en- 
traïnant avec elle B et l’arrondi P. Ce- 
lui-ci doit, par suite, avoir pour loge- 
ment non un simple trou, mais une 
fente transversale creusée dans la pièce 
G. Mais cette solution a un grave incon- 
vénient : le moindre défaut de parallé- 
lisme entre cette fente et les axes des 
paires de vis O et 0’ amène des frotte- 
ments et des efforts parasites qui gé- 
nent le fonctionnement de l'appareil. 
Aussi le P' Ewing a-t-il préféré adopter 
un trou pour loge- 
ment de P et mettre 
à la rencontre de B 
et B' une articula- 
tion permettant à 
ces deux pièces de 
prendre un petil 
mouvement de ro- 
tation l’une autour de l’autre. 

Les divisions de l’échelle micromé- 
trique du micrescope M correspondent 
au déplacement de —… de pouce 
(0®/»,00508) du fil placé en Q. Les di- 
xièmes de division étant facilement 


1 


apréciables, on peut donc lire le == 


de pouce ou = de millimètre, La vis 
V sert, au début de l'expérience, à 
mettre l’image du-fil dans une position 
convenable du champ, ou encore à l'y 
ramener lorsqu'elle en est sortie au 


824 


cours des essais, La graduation de la tète de la vis per- 
met d'évaluer le déplacement imprimé à la pièce C. 

La figure 3 représente l'instrument complet appliqué 
sur une éprouvette À, La pièce B' de la figure 3 est ici 
représentée par deux montants verticaux B' B', situés 
de part et d'autre de la barre à éprouver. Le bras hori- 
zontal supérieur reliant les deux montants porte un 
logement destiné à recevoir un axe faisant corps avec 
la pièce B et donnant à ces deux parties de lappareil 
le jeu dont nous avons parlé, rendu nécessaire par les 
légers mouvements de torsion de A. Une vis F sert à 
mettre au point le microscope au moyen de la rotation 
du bras qui le supporte autour de l'axe E. Un contre- 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


(% de pouce). L'échelle du micromètre porte 140 di- 


visions, ce qui permet d'évaluer des allongements cor- 
respondant à 1400 unités, Les essais préliminaires dem 
calibrage ont montré qu'il ne fallait pas employer 
les dix dernières divisions à chaque extrémité de lé 
chelle, pour qu’il y ait une proportionnalité rigoureu-" 
sement exacte entre les déplacements de l'image eb 
ceux de l’objet, ‘4 

Enfin, nous signalerons une disposition particulière M 
de l'appareil, représentée dans la figure 5. Elle permet: 
de le fixer sur des barres placées dans n'importe quelle 
position, inclinée, par exemple, comme celle de la 
figure, Le principe reste le même, mais 
toutes les parties de l'appareil sont d’un 
même côté de la barre. L'image du filtendu 
en Q est ramenée dans le microscope par 
une série de prismes à réflexion totale con- 
tenus dans une boîte N. Une visJ sert, pour. 


poids D permet d'obtenir l'équilibre de l'appareil, la 
barre A étant dans une position verticale ; au moyen d’un 
second contrepoids D’, on finit l’opération. qui n’a été 
que grossièrement achevée avec D. L’équilibre est bon 
si, lorsqu'on abaisse iégèrement à la main la partie 
gauche de la pièce C, l’arrondi P n’a plus aucune ten- 
dance à se mouvoir. Dans ces conditions la pièce C 
reste appliquée contre P par l'effet d’un léger excès 
de poids donné à sa partie droite. Les pointes des vis 
portées par les pièces B et C se trouvent à une dis- 
lance verticale de 203 millim. 2 (8 pouces), Afin de 
les ajuster rapidement, elles se séparent du reste de 
l'appareil et s'engagent dans des mächoires portées 
par un bras H (fig. 4), qui leur donne en même temps 
la distance et le parallélisme nécessaires On les fixe 
alors à Ben serrant deux vis GG, Le tout est porté 
sur la barre en expérience, contre laquelle on appuie 
les vis des pièces B et C; on desserre GG et on enlève 
le bras H. 


é é : 508 TS : 
Le pas de la vis V (fig. 2) est de Gi de millimètre 


les transports, à fixer l'arrondi P dans son 
logement On le rend libre au moment des M 
expériences, et l'appareil fonctionne comme 
précédemment, Les lettres communes aux. 
figures 3 et 5 représentent les parties cor-, 
respondantes des deux instruments, : 

Nous donnons ci-dessous les résultats 
d’un des nombreux essais cités par Île 
Pr Ewing. La barre expérimentée était faite d’un acier 
fondu spécial, employé par certains constructeurs an- 
glais pour les armatures de dynamos. Elle était ronde 
et avait 19 miliim, 126 de diamètre, 


Tableau 11 


CHARGES 
SUCCESSIVES 
EN TONNES 
(1 tonne angl. 
= 1015 kil.) 


LECTURES 
SUR L'ÉCHELLE 
ë PAR 


MICRO - MRGRSE 
MÉTRIQUE 


ALLON- 
GEMENTS 
PERMANENTS 


DIFFÉRENCES 


200 — 
237 31 
273 36 
310 31 
341 37 
384 37 
423 39 
204 — 
424 — 
168 à 470 44 à 46 
528 à 540 58 à 70 
249 — 
545 à 550 — 
670 — 


715 après une 
demi-minute 

158 après 2! 

(585 après 9 
RAR Etocy de 447 —— 
LR None 198 — 
> 1200 (hors 
de l’échelle) 


Ces différents nombres donneraient une courbe de 
la forme de celle qui est reproduite dans la figure 1. 
Ils montrent que la limite d’élasticité est atteinte sous 
une charge d'environ ? tonnes 1/2. 


A. Gay, 


Ancien élève de l'Ecole Polytechuique. 


| 
| 
| 


4 


ph HET NAT TUO LLC ON 
ST 3 


1° Sciences mathématiques. 


Bardey (D' Ernest). — Zur Formation quadratis- 
- cher Gleichungen. Zweile Auflage. — 1 val, in-8° de 
400 p. (Prix 3 fr. 75.) B. G. Teubner, Leipzig, 1895. 
Cet ouvrage contient des méthodes très fécondes non 
seulement pour la formation des équations du second 
“degré, mais encore pour leur transformation. Il ren- 
ferme en particulier un exposé très complet des 


“équations que l’on peut faire dériver des équations 


homogènes et symétriques du #° degré. 

. Comment ces équations prennent-elles naissance ? 
Quelles sont les relations qui existent entre elles? Y 
a-t-il plusieurs méthodes de formation ? Une forme gé- 
nérale étant donnée, comment la spécialiser pour qre 


“les racines aieut une forme donnée? Telles sont les 


principales questions traitées par l’auteur des Alge- 
braische Gleichunyen (équations algébriques). H. Feur, 


Richard (Gustave , Ingénieur civil des Mines. — Les 
Moteurs à Gaz et à Pétrole, en 1898 et 1894.— 1 n 
volume mn-8° de 318 pages, nvec 486 figures (Prix 10fr.). 
— Ve Ch. Dunod et P. Vicq, éditeurs, Paris, :895 
Les ouvrages de M, Gustave Richard occupent une 

place considerable et distinguée dans la littérature 

scientifique des moteurs à gaz : voici le quatrième vo- 
lume qu'il fait paraître depuis 1884 et le nombre des 


- moteurs quil a décrits dépasse trois cents. Il en estsans 
. doute plus d’un parmi ceux-ei qui n’a guère été et ne 
- serajamais connu que par la description que M. Richard 
je daigné en faire; mais cette nomenclaturesi riche et si 


compièle constitue une source précieuse de documents, 


- qui est consultée par tous ceux qui rêvent de devenir à 


leur tour inventeurs de moteurs à gaz. Je ne crois pas 
qu’un seul moteur patenté en Angleterre ait échappé à 
l'attention de l’auteur; il n’est aucun autre ouvrage 
auquel on puisse rendre ce témoignage ; les données 
principales des spécifications sont reproduites avec 
soin, et, si elles ne sont pas toujours parfaitement in- 
telligibles, le lecteur a, du moins, toute facilité pour 


- obtenir des renseisnements plus détaillés, attendu que 


à 


tous les brevets portent leur numéro officiel d'inscrip- 
tion. 

Le volume que nous nous proposons d'analyser est le 
troisième supplément au premier ouvrage, paru en 1884, 
sous le titre de « les Moteurs à gaz »; M. Richard publie 


» ainsi tous les trois ou quatre ans un appendice à son 


- livre, dans le but de tenir ses lecteurs au courant des 


4 


nb. Rs ne. Di 


progrès de l’industrie des moteurs à gaz et à pétrole. 
Le présent ouvrage se compose de quatre chapitres : 
Chapitre I : Description de quelques moteurs nou- 
veaux (pages 9 à 30). 
Chapitre II : Détails de construction (30 à 99). 
Chapitre III : Les moteurs à pétrole (99 à 187). 
Chapitre IV : Applications des moteurs à gaz et à 
pétrole (187 à 275). 

Le second et le troisième chapitre sont les plus in- 
téressants : les mécaniciens de profession puiseront 
notamment d’utiles indications dans les descriptions 


. des appareils de distribution, d'allumage, de régulari- 


sation, de mise en train, ete, Dans le chapitre consacré 
aux moteurs à pétrole, nous avons relu avec plaisir le 


» compte rendu des concours de Meaux et de Cambridge. 


- Les multiples applications relatées dans le dernier cha- 


pitre témoignent des services que rendent à l’industrie 

ces ingénieuses machines, dont nous nous efforcons, 

depuis si longtemps, de faire ressortir les mérites. 
C’est dans sa préface que M Richard expose ses idées : 
jen que nous soyons en désaccord avec lui sur quel- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


825 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


ques points de détail, nous sommes heureux de consta- 
ter néanmoins que nos divergences d’opinion sont en 
voie de s’atténuer, Le succès indéniable de tous ceux 
qui ont copié Otto dans son cycle, sans se préoccuper 
des stralifications plus ou moins réelles des gaz dans 
le cylindre, a nui à la théorie des tranches; on se con- 
tente aujourd’hui de préconiser l'allumage au voisinage 
le plus immédiat du canal d’admission, ce qui est lo- 
gique, M. Richard parait un peu moins hostile que 
par le passé aux fortes compressions et aux grandes 
vitesses que nous avons recommandées à la suite 
de nos éfudes sur les actions de paroi et sur les 
explosions de gaz tonnants, en 1878 et 1883, Il semble 
mieux disposé en faveur des puissants moleurs mono- 
cylindriques dont le Simplex de la maison Malter (et 
non Mather) de Rouen détient présentement le record.Il 
reste sceptique comme nous devant les caleuls de 
M Diesel, dont le moteur ne devait consommer que 
100 grammes de charbon par cheval-heure indiqué; 
certes, tous les ingénieurs souhaitaient de grand cœur 
le succès de l'inventeur allemand, car il constituerait 
un immense progrès; mais l'expérience montre, une 
fois de plus, qu’il ne faut pas s’abandonner à de trop 
décevantes illusions L’auteur fait des réserves sur la 
dernière disposition des moteurs Crossley adoptée 
par les cél-bres constructeurs anglais, sur l'initiative 
de M. Atkinson, dans le but d’expulser du cylindre 
les gaz brûlés de l'explosion : « Nous ne pensons pas 
qu'il y ait, dit-il, du moins au point de vue de l'écono- 
mie, grand intérêt à cette expulsion »; cetle opinion 
est discutable, mais on ne tardera pas à être fixé sur 
ce point par l'expérience, car plusieurs de ces moleurs 
sont montés en France et leur consommation sera 
prochainement connue. Le résultat intéresse vivement 
la théorie des moteurs à gaz. 

Cette brève analyse permet de juger de l'actualité du 
dernier ouvrage de M. Richard: nous sommes heureux 
d’avoir eu l’occasion de Iui rendre hommage et d'en 
faire ressortir la valeur. Aimé Wairz. 


2° Sciences physiques. 


Sorel (E.), Prof sseur suppléant au Conservatoire des 
Arts et Métiers. — La Distillation.— 1{ vol. petit in-8° 
de 250 pages uvec 20 fig.de l'Encyclopédie scientifique des 
Aide-Mémotüre publiée sous la direction de M. H. Lévuté, 
de l'Institut. (Prix: broché 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) 
Gauthier-Villarset fils et G. Masson, Paris, 1895 
Cet ouvrage sur la distillation forme un ensemble 

complet avec celui que M. Sorel a déjà publié sur la 

rectification de l'alcool dans la même collection, En 
effet, si la distillation y est traitée d’une facon générale, 
du moins les exemples y sont pris dans l’industrie si 
importante de l'alcool, Les constantes physiques de ce 
corps sont réunies dans une série de tableaux au com- 
mencement du volume: puis vient l'étude des alam- 
bics ordinaires ef des appareils à effets multiples. Dans 
la troisième partie l’auteur examine le problème de Ja 
distillation d'un mélange deplusieursliquides, d'abord 
pour le cas simple où les corps en présence sont inso- 
lubles Pun dans l’autre, puis ensuite pour les cas com- 
plexes où il y a solubilité réciproque. la question de 
la distillation continue est traitée avec des dévelop- 
pements en rapport avec son intérêt pratique. Enfin 
l'étude des moyens de préparer l'alcool brut pour la 
reclification termine cel ouvrage, qui sera également 
apprécié par les hommes de science et les industriels, 
auprès desquels l’auteur jouit de la même autorité. 

j PauL JANNETTAZ. 


520 


Arnold (J.-0.), F. C. S., Professor of Metallwrgy at 
the Sheffield Technical School. — Steel Works Ana- 
lysis. — 1 vol. in-12 de 350 p. avec 22 fig. (Prix : relié, 
10 s., 6 d., ou 13 fr. 10.) Whiltaker and C°, 2, White 
Heart Street, Paternoster Square, London E. C., 1895. 
M. Arnold, professeur à l'Ecole Technique de Shef- 

lield, a rassemblé dans cet ouvrage les méthodes 

d'analyse des différents produits que le chimiste doit 

examiner dans la fabrication du fer et de l'acier; on y 

trouve l’indication de procédés d’analyse des fers et 

aciers courants, des aciers spéciaux, des fontes riches 
en éléments autres que le fer, si employées aujour- 
d'hui, des matériaux réfractaires, des minerais, des 

laitiers, etc. : d’autres chapitres indiquent comment il 

laut procéder pour déterminer certaines constantes 

physiques telles que la densité de l'acier, Le pouvoir 
calorique des combustibles, etc. Le savant professeur 
de Sheffield, bien connu par ses travaux sur la métal- 
lurgie, a fait là une œuvre vraiment originale et non 
une simple compilation. Beaucoup des procédés indi- 
qués lui sont dus, et tous ont été soumis par lui à une 
épreuve expérimentale. La description de chaque ana- 
lyse comprend : 1° l'indication des réactifs et liqueurs 
litrées nécessaires, de leur mode de préparation et des 
essais auxquels ils doivent être soumis; 2 l’exposé 
détaillé des opérations successives et des précautions 

à prendre; 3° la théorie du procédé et une discussion 

sur la précision du résultat; 4° les chiffres fournis par 

une application de la méthode à un produit industriel. 
G. CHarpy. 


Beaudet (L.), Pellet (H.) el Saïllard (Ch.), 
Ingénieurs chimistes de sucrerie, — Traité de la Fa- 
brication du Sucre de betteraves et de cannes. 
— 2 vol. de 1277 pages et 429 fig. J. Fritsch, éditeur, 
Paris, 1895. 

Nous ne saurions trop féliciter MM. Beaudet, Pellet 
et Saillard de leur puissant effort. Jusqu'à ce jour, les 
traités spéciaux sur l’industrie sucrière, très nombreux 
à la vérité, ont presque fous ce caractère commun de 
n’envisager que le côté pratique de la question. Les 
auteurs du nouveau traité de la fabrication du sucre 
ont, indépendamment des appareils et des méthodes 
d'analyse, laissé une large part à la théorie. 

Les auteurs ont commencé par traiter des sucres en 
général. Le premier chapitre est un exposé de leurs 
fonctions chimiques ; les quelques mots consacrés à la 
théorie du carbone asymétrique donneront aux chi- 
mistes de sucrerie un moyen de se guider, lorsque 
l'analyse polarimétrique deur fournira des chiffres 
anormaux. 

Cependant, à côté de si bonnes choses, il est regret- 
table de trouver la malheureuse formale saccharogé- 
nique de M. H, Leplay, si discutable au point de vue 
scientifique. 

La théorie du phénomène de la diffusion n’est pas 
très complète, ni très au courant des derniers travaux 
touchant la question. Pour avoir voulu faire un 
traité complet de l’industrie sucrière, il n'était peut- 
être pas nécessaire -d’accumuler des hypothèses plus 
ou moins justifiées, pouvant laisser une mauvaise im- 
pression aux lecteurs au courant de la question et 
dérouter les débutants, 

Les différentes théories de la double carbonatation, 
des appareils de filtration mécanique, d'évaporation 
de cuite sont bien présentées, et la description des 
appareils est très complète. 

Dans cet ouvrage très bien conçu nous ne croyons 
pas qu'aucun procédé et appareil nouveau ait été 
passé sous silence, mais nous aurions aimé connaître 
sur chacun d'eux l'avis d'auteurs aussi compétents. 

Le chapitre traitant de la partie analytique et, fai- 
sant suite, l'étude de la sélection des betteraves sont à 
louer sans réserve, Cette question si capitale est mise 
au point, tous les renseignements désirables sont don- 
nés, et nous ne pouvons que rendre hommage à la lar- 
seur de vues de M. H, Pellet. : 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


jour, À 


: des Gastéropodes appartiennent à deux types qu'on ob 


Les chapitres consacrés à la fabrication du sucre de 
cannes et du rhum sont remarquables par la facon 
dont l'équilibre est maintenu entre le côté théorique 
et le côté pratique. à 

Eufin nous ne pouvons que regretter que, dans lé 
chapitre précédent, l'étude de la sucrerie coloniale, les 
auteurs n'aient pas cru devoir traiter plus longuement 
la partie économique de cette industrie si à l'ordre du 


Edouard URBAIN, 
Chimiste de sucrerie. 


3° Sciences naturelles. 


Nabias (B, de). — Recherches histologiques et 
organologiques sur les centres nerveux des Gas- 
téropodes. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des 
Sciences de Paris.) — Un vol. in-8° de 195 pages, avee 
5 pl. doubles, Bordeaux, Imprimerie Durand, 1895. 


Le travail de M. de Nabias ne s'étend point, comme 
on pourrait le croire d’après le titre, au groupe tout 
entier des Mollusques gastéropodes ; il se limite aux 
seuls Pulmonés terrestres, et encore ne comprend-il, 
dans ce sous-ordre, que quelques genres des plus 
communs : les Helix, les Arion, les Limax et les Zorites, 
Etant données la difficulté et l'étendue des recherches 
auxquelles s’est livré l’auteur, on ne saurait lui faire un 
grief d’avoir restreint son sujet à un petit nombre dem 
formes ; mais il semble qu’en circonserivant le champ 
de ses études, M. de Nabias ait en mème temps tracé 
la même limite au champ de ses comparaisons, enle- 
vant, par là même à son travail un caractère de géné- 
ralité qu'il aurait pu facilement avoir, et négligeante 
certaines questions importantes, que lui aurait certaine 
ment suggérées un souci plus constant des connais: 
sances actuellement acquises sur les autres groupes de 
Gastéropodes. Je me hâte d'ajouter que celte critique 
n'a trait qu'à la partie anatomique de son travail, la 
plus courte et certainement la moins importante; la 
partie histologique, au contraire, est à tous égards fort 
soignée; les lacunes y sont très peu nombreuses, ets 
tous les travaux importants sur la structure interne du 
système nerveux y sont soumis à une analyse minu- 
tieuse d’où se dégagent des essais de généralisation 
fort intéressants, Les opinions émises dans ces travaux 
élant nombreuses et souvent contradictoires, je me. 
bornerai à rappeler ici, sans discussion aucune, les 
résultats histologiques très précis auxquels est arrivé 
l’auteur. 

Les cellules nerveuses des centres ganglionnaires 


serve également chez les Vertébrés et chez les Arthro-ù 
podes; dans le premier de ces types, qui est celui dem 
Deiters, le cylindre-axe conserve son individualité et sem 
continue avec une fibre centrifuge ; dans le second, qui 
est celui de Golgi, le prolongement cellulaire se divise 
rapidement en ramifications arboriformes complexes. 
Les cellules de Deiters sont de beaucoup les plus ré-. 
pandues dans le système nerveux; elles se distinguentm 
par la couche épaisse de protoplasma qui envelOppem 
leur noyau; les cellules de Golgi ne se trouvent au con 
traire que dans le protocérébron et dans les ganglions 
affectés à la sensibilité spéciale (cellules de l'otocyste, 
ganglions tentaculaires, etc.); elles sont de petite 
taille et revêtues d’une couche protoplasmique extrê-" 
mement mince, 4 
Les prolongements cellulaires sont des émanations 
directes, non du noyau (contr, à Haller), mais du pro- 
toplasma; ils sont composés de fibrilles pleines qui 
ne sont point, comme le pensent Nansen et Saint-Rémy 
des tubes névrogliques pleins d’hyaloplasme. Le pros 
longement principal, ou cylindre-axe, est toujours dés 
pourvu de gaine de myéline; à mesure qu'il s'éloigne 
de la cellule, il se ramifie en émettant des fibrilles; 
{antôt cette division ne s'effectue qu’à l'extrémité du 
prolongement, tantôt beaucoup plus près de la cellule; 
quelquefois même la division s'effectue au niveau de 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


827 


Ma cellule elle-même, qui devient alors bipolaire. Ces 
cellules bipolaires sont rares dans le type de Deiters, 
“fréquentes dans le type de Golgi; à l'exemple de Vial- 
es, l'auteur les considère comme des cellules diffé- 
nciées qui dérivent de cellules unipolaires. Les cel- 
Mules mullipolaires font complètement défaut. Quelle 
“que soit l'importance du prolongement cellulaire et de 
Ses ramifications, la structure reste toujours la mème, 
et la cellule se comporte comme une unité morpholo- 
gique parfaitement caractérisée, que l'auteur, avec 
Waldeyer, désigne sous le nom de neurone ; l'indépen- 
dance des neurones est telle que leur prolongement et 
leursramifications restent toujours distincts sans jamais 
ontracter d'anastomose. La substance ponctuée gan- 
#lionnaire, formée par ces ramifications, n’est donc 
point un réseau, mais une trame de fibrilles simplement 
juxtaposées. Au moyen d’un grand nombre de coupes 
parfaitement orientées et étudiées avec soin, M. de 
-Nabias montre, contrairement à un très grand nombre 
d'auteurs, queles nerfs ne prennent nullement naissance 
“dans la substance ponctuée, mais se détachent directe- 
nent des cellules ganglionnaires. Pour les fibres centri- 
juges, cette origine directe est masquée par une anse 
plus ou moins longue que forment les fibres à leur ori- 
gine; mais il suffit d'orienter la coupe dans le plan de 
“ces anses pour suivre ies fibrilles nerveuses jusqu'à la 
cellule qui leur donne naissance. Quant aux fibres 
-centripètes, elles ont leur origine dans des cellules 
ganglionnaires périphériques (cellules de la rétine, de 
lotocyste); elles viennent former des arborescences 
dans la substance ponctuée du cerveau, mais ellés 
n’ont aucune connexion directe avec les cellules de ce 
» ganglion nerveux ; il en est de même, du reste, chez les 
* Vertébrés. Ces faits ont évidemment une très grande 
-importance, et l'auteur s’en sert pour déclarer inexact 
« le réflexe classique dans lequel on admet qu’une 
fibre centripète aboutit à une cellule sensitive, qui 
* entre à son tour en relation avec une cellule motrice 
- pourvue d’un cylindre-axe centrifuge. La cellule sensi- 
«live, dit-il, doit être supprimée dans cette situation; 
* elle est à l’origine de la fibre centripète, à la périphérie, 
par conséquent, et non à sa terminaison. Le réflexe, 
- dans ces conditions, n’en est que plus parfait, parce 
- que toute excitation portée par les fibres centripètes 
- pourrase transmettre en même temps, par le fait 
- même des bifurcations, à un plus grand nombre d’élé- 
ments. Cette transmission ne pourra avoir lieu par con- 
tinuité, puisque nous reconnaissions l'indépendance 
des cellules nerveuses, mais par contact. » 

Si, comme on est en droit de l’espérer, les recherches 
histologiques de M. de Nabias sont confirmées par des 
observations nouvelles, elles auront fait faire, à coup 

sûr, un grand pas à la science. Je pense toutefois, 
qu'il y aura lieu d'étudier encore de très près la subs- 
. tance ponctuée afin d'y découvrir, si c'est possible, les 
- anastomoses nerveuses qu'ont décrites {ant d'auteurs; 
il y aura lieu, surtout, d'étudier encore les cellules 
. du type de Golgi, dont l’auteur n’a pu « préciser d’une 
. facon absolue le mode de terminaison ». 
Il sera bon également d'étendre à un très grand nom- 
. bre de types les recherches de topographie cérébrale que 
Viallanes a poussées si loin chez les Arthropodes et que 
. M. de Nabias, le premier pour ainsi dire, a effectuées chez 
les Gastéropodes Ces recherches sont trop techniques 
pour pouvoir être résumées ici, mais elles l'ont conduit 
déjà à quelques résultats intéressants. Elle lui ont 
permis de montrer, notamment, que les variations de 
structure cérébrale -sont limitées au protocérébron, 
que le développement de ce dernier est en rapport avec 
le degré d’évolution des Gastéropodes, enfin que les 
centres cérébroïdes sont parfaitement symétriques, 
. qu'ils émettent toujours le même nombre de nerfs, et 
qu'un certain nombre de cellules, sinon toutes, y occu- 
pent -une position déterminée et parfaitement cons- 
_ lante. 

Tous ces faits n’ont pas la même importance et 

quelques-uns mêmes (symétrie externe des ganglions 


cérébroïdes, nerfs en nombre constant) étaient pres- 
sentis ou connus avant les recherches de M. de Nabias. 
Mais certains d’entre eux, surtout ceux relatifs à la symé- 
trie cellulaire, sont entièrement nouveaux et ne man- 
queront pas d'attirer l'attention de tous les biologistes ; 
il y a évidemment localisation chez ces êtres, mais 
cette localisation s'étend peut-être à une cellule seule et 
non à une région cérébrale tout entière, Toutefois il ne 
faudrait pas seleurrer sur l'importance de ces études de 
topographie cérébrale, et compter beaucoup sur elles 
pour établir « sur des bases solides les affinités réelles 
et peut-être la généalogie des principaux groupes » ; ce 
sont-des résultats auxquels peuvent conduire, beaucoup 
plus directement, l'anatomie et même la morphologie 
pure et simple des Gastéropodes : quand M. de Nabias, 
grâce à la topographie cérébrale, arrive à considérer les 
Pulmonés sans coquille (Arion, Limax), comme moins 
primitifs que ceux qui en ont une (Helix), il arrive 
purement et simplement à un résullat qu'avaient de- 
puis longtemps énoncé les anatomistes et même cer- 
tains conchyliologistes, 

A côlé des généralisations précédentes, qui parais- 
saient sérieusement établies, il en est d'autres qui sont 
moins fondées parce qu’elles reposent sur des éléments 
de comparaison beaucoup trop restreints. Pourquoi 
M. de Nabias semble-til croire « que la cellule nerveuse 
diminue progressivement de volume à mesure qu’on 
s'élève dans l’échelle zoologique ? Cela n’est certaine- 
ment pas vrai pour les Gastéropodes, car on sait que les 
Prosobranches inférieurs, qui ont servi de point de départ 
aux Pulmonés par l'intermédiaire des Opisthobranches, 
ont des cellules nerveuses infiniment plus petites que 
celles des animaux de ces deux derniers groupes. 

Il me reste à signaler quelques lacunes que la topo- 
graphie cérébrale aurait très heureusement comblées, 
si Pauteur avait porté plus d’attention sur les études 
anatomiques déjà faites dans les autres groupes de Gas- 
téropodes. M, de Nabias nie l’existence de la commis- 
sure subcérébrale que M. Amaudrut a trouvée chez un 
grand nombre de Pulmonés, et qui existe à l’état dis- 
tinct chez la plupart des Opisthobranches ; on peut lui 
faire un grief de n'avoir pas cherché ce qu'était devenue 
cette commissure qui, vraisemblablement, n’a pas dis- 
paru. M. de Nabias considère également les ganglions 
commissuraux comme dépourvus de tous nerfs; mais 
il n'aurait pas été aussi affirmatif s’il avait su que ces 
ganglions émettent des nerfs importants chez tous les 
Prosobranches, chez beaucoup d’Opisthobranches et 
chez un certain nombre de Pulmonés aquatiques ; 
enfin son travail ne fait aucune mention du nerf mé- 
dian qui part du milieu de la commissure pédieuse 
postérieure chez tous les Gastéropodes où cetie commis- 
sure est bien distincte; il aurait été intéressant de 
chercher quel déplacement peut subir ce nerf, dont le 
champ de distribution parait toujours bien déter- 
miné., Je touche ici à la lacune la plus importante du 
travail de M. de Nabias, qui a complètement négligé 
l'étude des nerfs issus des ganglions pédieux -et vis- 
céraux. Je sais bien que cette étude aurait singuliè- 
rement augmenté l'étendue de son travail; mais 
pourquoi l’auteur n’a-t-il pas dit, dans sa préface el 
dans son titre, qu'il limitait ses recherches aux seuls 
ganglions cérébroïdes ? 

Je ne veux pas insister sur ces critiques, qui tendent 
surtout à montrer combien sont multiples et impor- 
tantes les questions qu'a traitées M. de Nabias. Son 
travail n’est point une thèse banale, et je suis persuadé 
qu’elle comptera parmi les meilleures publiées à notre 
époque. Quand l’auteur aura comblé les lacunes qué 
j'ai signalées plus haut, quand il aura étendu ses 
recherches à des formes plus nombreuses et plus va- 
riées, les critiques précédentes n'auront plus de 
raison d’être, et M. de Nabias aura donné à la science 
un ensemble de documents absolument neufs qui lui 
feront occuper une des meilleures places parmi les bio- 
logistes actuels, E. L. Bouvier, 

Professeur au Muséum, 


528 


4° Sciences médicales. 


Van Renterghem (A.-W.)et Van Eeden (F.). — 
Psycho-thérapie C mpte rendu des résultats obtenus 
dans tu clinique de Psychothérapie suggestive d’Ams- 
terdam (1889-1893). — 1 vol. in-8° de 301 p. (Prix: 
1 fr. 50), Société d'Erditions scientifiques. Paris, 1895. 
Ce livre se divise en trois parties : 1° une Introduc- 

tion consacrée à la discussion de la légitimité et de 

l’efticacilé des méthodes psycho-thérapiques; 29 la sta- 
listique des cas traités à la clinique psycho-thérapique 
d'Amsterdam, du 1° juillet 1859 au 3 juin 893, suivie 
d'un résumé général de la statistique ües cas traités 
du 5 mai 1887 au 30 juin 1893; 3° un choix de 110 ob- 
servations cliniques. MM. Van Renterghem et Van 
Eeden font, dans leur pratique, une large place à la 
suggestion à l’état de veille à côté de la suggestion 
hypuotique : il faut aussi, d’après eux, attacher la plus 
haute importance au milieu où est placé le malade, 
au genre de vie qu'on lui fait ad, pler, au régime 
qu'on lui prescrit. Leur thérapeutique n’est donc pas 
seulement une thérapeutique sugseslive, c'est une 
thérapeutique où l’on met à profit toutes les in- 

{luences qui peuvent agir directement ou indirecte- 

ment sur l'esprit du malade. Ils n'ont pas, au 

reste, la prétention de substituer la psycho-thérapie à 

toute autre médication : c’est un trailement qui a, 

comme tous les autres traitements, ses indications et 

ses contre-indicalions ; mais leur expérience de sept 
années leur permet, disent-ils, d'affirmer que, pour 
toutes les névroses et la plupart des psycho- -névrosés, 
c'est l’un des plus efficaces, et, à coup sûr, le plus 
inoffensif. Ne rendrait-il d'autre service que de sup- 
primer l'abus des médicaments et de faire perdre aux 
malades habitude de combattre tour à tour les dou- 
leurs dont ils souffrent avec toutes les armes que 
renferme lParsenal thérapeutique, qu'il contribuerait 
encore, dans une très large mesure, à hâter leur réta- 
blissement, Mais l efficacité des sugseslions, dans un 
grand nombre de cas, est dès maintenant chose éta- 
blie; la possibilité de faire disparaître par suggestion 
certains accidents hystériques, Lels que les paralysies, 
n'est plus mise en doute par personne : la seule ques- 
tion qui reste ouverte, c'eside savoir quelle est étendue 
de ce pouvoir de la suggestion; de déterminer, par 
exemple, si les affections organiques du système ner- 
veux peuvents’amender sous l'influence de sugzestions 
appropriées. Le médecin devra done recourir, toutes 
les fois que cela sera possible, à la psycho-thérapie : 
c'est, en effet, un traitement toujours inoffe 1sif et sou- 
vent eflicace, et Le premier devoir du médecin, c’est de 


chercher à guérir son malade. La science pure et la 
pratique médicale sout choses fort différentes, et le 


médecin devrait ne point hésiter à employer la sug- 
gestion dans Île traitement des maladies nerveuses, 
quand bien mème son mode d'action sur l'organisme 
lui paraitrait inintelligible ; mais il n'en est pas ainsi : 
nous w’avons à opposer aux faits que nous apportent 
ceux qui ont pratiqué eux-mêmes la psycho-therapie 
que des arguments d'ordre mé taphysique ; si nous ne 
coimprenons pas comment peut s'exercer l'action de 
l'âme sur le corps, c'est que nous sommes emprisonnés 
dans une conception schématique de la nature que la 
nécessilé de concevoir mécaniquement les relations 
des phénomènes nous a obligés d'admettre, mais nous 
avons cependant des seuls phénomènes psychiques une 


conscience directe; les phénomènes matériels, nous 
ue Îles connaissons que par inférence, Le moi est 
seul immédiatement présent à lui-même et il se 


saisit lui-même comme actif, IL nous faut bien l’ad- 
mettre, que cela s'accorde ou non avec la théorie 
scientifique que nous avons construite. Rien alors de 
plus aisé à accepter que l’action médicatrice de | âme. 
Remarquons, au reste, que, dans la longue chaîne de 
phénomenes qui unit, dans le réflexe, la sensation au 
mouvement, prennent place des facteurs purement 
psychiques. Pourquoi les jugerions-nous arbitraire- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


ment comme étant les seuls qui soient dépourvus d’ef- 
ficacité? D'ailleurs, les agents thérapeutiques, phy- 


siques et chimiques n'agissent pas directement, eux. 
non plus, sur le phénomène qu'il s’agit de modifier :. 


ils n'agissent « jamais que par l’intervention de l’ac- 
tion propre du plasma »; cette puissance médicatrice 
de l'organisme que les ‘médicaments stimulent, c’est 
elle aussi que met en jeu la suggestion. Il faut bien 
admettre l'existence, dans tout organisme, d’une force 
particulière qui le répare, l’entretient, le défend contre 
les dangers du dehors; si on considérait, en effet, le 
corps comme une machine, et si on ne faisait une place 
à l'énergie vitale, les effets de l'exercice et de l’en- 
durcissement deviendraient inintelligibles. C’est pour 
avoir laissé s’obscurcir et tomber presque en désué- 
tude cette notion de la vitalité, que l’on en est venu, 
en médecine nerveuse, à cette thérapeutique palliative 
qui n'a d'autre but « que de procurer au patient, dans 
le plus court délai, un état de b'en-être el un sem- 
blant de santé », Tel est le résumé des idées présen- 
tées par MM. Van Renterghem et Van Eeden dans leur 
Introduction. Bien des objections se présentent d’elles- 
mêmes à l'esprit. Rien n'est moins clair que cette idée 

d'énergie vitale où ressuscite le vieux principe vital 
d’autrelois, et de ce qu'une pensée ne saurait être 
confondue avec un phénomène physico-chimique, il 
ne s'ensuit pas que ce ne soient point les deux aspects 
corrélatifs d'un même événement, Ces longues chaines 
de phenomènes psychiques qui unissent souvent une 
sensation périphérique à un mouvement, sont, il ne 
faut pas l'oublier, des enchaïnements de phénomènes 
cérébraux : du dehors, ce ne sont que des modifications 
physico-chimiques de la substance nerveuse, du de- 
dans, des faits de conscience, Ces deux aspects d’un 
mème événement sont indissolublement unis; nous 
ne pouvons les séparer que par abstraction, Tout cela 
importe peu du reste à la thérapeutique sugsestive. 
Ce sont des questions d’une haute généralité qui ne 
pouvaient être traitées, dans une Introduction de cette 
espèce, ni avec assez de précision, ni avec assez d’am- 
pleur Il ne faut pas chercher dans cette statistique 
clinique autre chose que ce qu'on y peul trouver, non 
point des analyses, ni même le récit d'expériences 
méthodiquement conduites, mais seulement des résul- 


tats bruts, Tels quels, ils semblent assez encoura- 
geant : sur 1089 cas traités par eux, MM. Van Ren- 


terghem et Van Eeden ont oblenu 320 guérisons et 
276 « améliorations notables ». Il faut noter que, 
dans tous les cas où il s'agissait d’affections orga- 
niques. l'échec a élé complet, que les meilleurs succès 
ont été obtenus avec des hystériques et des neuras- 
théniques, et que, si les deux auteurs peuvent apporter 
de très beaux résultats en ce qui concerne le traite- 
ment des diverses phobies des dégénérés, il importe 
de ne pas oublier qu'elles disparaissent souvent spon- 
tanément pour faire place à d'autres. Or, c’est là ce 
qui se produit fort habituellement chez les malades 
qu'ils ont traités. On ne peut que malaisément alors 
parler de guérison, Les résultats du traitement psy- 
chique des diverses névralgies, des ties, de lPasthme 
nerveux, de l'alcoolisme, ont été bons; il a été d’une 
frappante efficacité pour guérir les enfants de l’incon- 
tinence d'urine diurne et nocturne. En ce qui concerne 
les maladies mentales, leur expérience personnelle a 
amené MM. Van Renterghem et Van Eeden à se ranger 
à l’avis de Forel et de Bernheim : ce traitement est le 
plus souvent sans effet, Dans quelques-uns des cas où 
ils ont réussi, il semble qu'on ait affaire à une guérison 
spontanée ; ailleurs, il s’agit peut-être de folie inter- 
mittente, Le véritable intérêt de cet ouvrage est dans 
les observations cliniques qui le terminent et dont 
quelques-unes constituent une utile contribution à 
l'étude de la neurasthénie, que les auteurs confondent 
sans cesse, du reste, dans leurs descriptions, avec la 
dégénérescence meutale, — Le livre est criblé de fautes 
d'impression et de fautes de francais, mais cependant 
écrit très clairement, MaRILLIER. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 829 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Seance du 5 Août 1895, 


M. le Secrétaire perpétuel annonce la perte que la 
science vient de faire dans la personne de M. G. Basso, 
-membre de l’Académie des Sciences de Turin. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Maurice Lévy pu- 
blie une note importante sur la construction des 
‘grands barrages. Ce travail débute par des considé- 
rations praliques où l’auteur propose un moyen pour 
‘empêcher l’eau de rester sous pression à l'intérieur 
des barrages; il consiste essentiellement à ménager 
en amont du massif du barrage des espaces vides de 
deux mètres de largeur séparés par nne distance égale: 
toute fissure se traduirait alors par une pénétration 
à d'eau. Eu outre, il conviendrait que la pression à l'ex 
“ {rémité amont d’un joint soit superieure à la pression 

de l’eau du réservoir en ce point. Les assises de ma- 

“connerie devraient être élevées suivant les lignes 1s0- 
“ slatiques de Lamé, qui possèdent la proprielé de sup- 

porter les pressions les plus grandes. L'auteur examine 

ensuite le problème au point de vue théorique; il 

- calcule la résistance et donne la valeur du glissement 
suivant une section horizontale, le poids minimum 
- de maconnerie, les compressions au droit du parement 
d'aval et au droit du parement d’amont, les forces 
élastiques sur les éléments horizontaux et verticaux ; 
… il examine ensuite le problème en supposant que le 
parement amont n'est pas vertical, 
2% ScikNCES PHYSIQUES. — M. Cornu à entrepris une 
— étude expérimentale des vibrations transversales des 
cordes; les premiers résultats obtenus se résument 


ainsi : Les vibrations transversales d'une corde, excitée 
d'une manière quelconque, sont toujours accompa- 
… snées de vibrations tournantes, l’élasticité de torsion 
| de la corde entrant en jeu au même titre que la com- 
7 


posante transversale de la tension. Chacun des points 
‘d'une corde pincée se meut suivant la résultante des 
trois déplacements : 1° rotation autour de l’axe de la 
corde ; 2 translation parallèle à un plan de symétrie 

* perpendiculaire ; 3° translation parallèle au plan de sy- 
» métrie de la corde. Les cordes mises en vibration par 
+ unchocéprouvent un mouvement aussi complexe; celles 
| qui sont frappées par un archet ont un mouvement 
- vibratoire plus simple et sont susceptibles, si les vi- 
» brations tournantes deviennent importantes, de donner 
+ naissance à des sons de hauteur moindre que la hau- 
- teur habituelle, appelés par l’auteur sons anormaux. 
… La seconde partie de ce travail contient en détail la 
- méthode d'étude suivie; elle consiste essentiellement 
à fixer à la corde un petit miroir de légèreté extrême 
et à enregistrer les mouvements du rayon réfléchi en- 
voyé par un point lumineux fixe. Le phénomène est 
- d’ailleurs étudié en fonction du temps à laide de 
» l'artifice suivant : Le rayon lumiueux traverse des 
… trous percés régulièrement sur la circonférence d’un 
disque; les interruptions de la courbe, tracée alors en 
pointillé, se font à intervalles de temps égaux définis 

… par la vitesse du disque. — M. F.-A. Forel, président 
- de la Commission internationale des Glaciers, résume 
l'ensemble des connaissances acquises sur leurs varia- 
- tions et précise le problème soumis aux naluralistes 
… du monde entier : Y a-t-il simultanéité ou y a-t-il al- 
- térnance ou n'y a t-il pas concordance dans les varia- 
+ lions glaciaires : 1° dans les divers glaciers d’un 
même continent; 2 dans les divers glaciers d’un 
même hémisphère au uord ou au sud de l’équateur ; 

“ 3° dans les divers glaciers du globe? — M. L. Des- 
croix adresse une série de tableaux numériques por- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L’ETRANGER 


tant pour titre : Etudes sur le climat de Paris, 2° série. 
— M. C. Maltézos établit, en s'appuyant sur les ex- 
périences de Bliss et les siennes, que le mouvement 
brownien est un phénomène capillaire, — M, A. Witz 
a mesuré la quantité d'énergie nécessaire pour illu- 
miner des tubes de Geissler dans le but de se rendre 
compte de la valeur de l'éclairage par luminescence. 


.La luminescence produite par les courants de haute 


tension dépense une énergie considérable; celle que 
donnent les courants d’une machine de Holtz est plus 
coûteuse encore; mais elle a l’avantage de donner une 
chaleur rayonnée très faible, correspondant seulement 
au cinquième de l'énergie totale, c’est-à-dire plus 
faible que dans lout autre foyer. — M. V. Ducla 
adresse un mémoire relatif à des expériences diverses 
sur l'électricité. — M. le Secrétaire perpétuel signale 
un ouvrage de M. F -A. Forel intitulé : Le Léman, 
monographie séismologique. GC. MATIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Poirault et Raci- 
borsky éludient les noyaux des Urédinées. Ils mon- 
trent, par l’étude du développement, comment les deux 
noyaux que l’on trouve dans les téleutospores du 
Puccinia asarina arrivent à se fusionnner. Voici la 
principale différence entre la division conjuguée des 
noyaux des Urédinées et la caryokynèse ordinaire : 
l'anaphase, des segments chromatiques, qui restent 
isolés cans le premier cas, s'unissent, dans le second, 
pour former un noyau unique. — MM. Guérin et 
Macé, d'après les analyses qu'ils ont faites sur lanti- 
Loxine diphtérique, montrent que la substance active 
paraît être de la même nature que les ferments solu- 
bles qu'on réunit actuellement sous le nom de dias- 
tases, — M. Gourfein a extrait des capsules surrénales 
une substance toxique qui produit chez la grenouille 
une série de symplômes amenant la mort dans un 
délai très bref, en agissant probablement sur le sys- 
tème nerveux central. — M. J. Chéron produit de 
lhyperglobulie instantanée par stimulation péri- 
phérique. J, MARTIN. 


Séance du 12 Août 1895. 


19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Téguor adresse un 
théorème propre à séparer les racines des équations 
numériques de tous les degrés. — M. Coggia envoie 
les observations de planètes faites à l'Observatoire de 
Marseille (équatorial de Om.26) pendant le mois de 
Juillet. — M. Paul Painlevé indique les résultats aux- 
quels il est parvenu dans l’étude des surfaces algé- 
briques qui admettent un groupe continu ie transfor- 
mations birationnelles. Toutes les surfaces ren'rant 
dans la catégorie étudiée sont les suivantes : 1° La sur- 
face est uniformément unieursale. 2° La surface cor- 
respond birationnellement au cylindre G(E, n) — 0, 
la courbe G étant de genre p = 1. 3° La surface cor- 
respond birationnellement à la multiplicité ë, n, u,U, dé- 
finie par les équations : 


GE nm} = 0; U= V{i—4?)(1 — Au). 


%° Les coordonnées s'expriment en fonction abélienne 
(à trois ou quatre périodes) de deux paramètres x 
et v. Les résultats, qui s’étendent à un nombre quel- 
conque de variables, épuisent la recherche des groupes 
birationnels. 

20 SciENCES PHYSIQUES. — M. le Secrétaire perpétuel 
signale les deux cartes du ciel de Mars pour Paris et 
pour Saint-Petersbourg, à 9 heures du soir, dressées 
par M. J. Vinot. — M. Limonet, dit Lefrançais, en- 
voie un mémoire relatif à une réforme à introduire 


830 


dans les signaux destinés à éviter les abordages en 
mer, — M, Ch. Frémont réussit à produire l’éclaire- 
ment d’un objet opaque observé au microscope par 
l'intérieur du tube même du microscope et à travers 
l'objectif, de sorte que la méthode s'applique aux plus 
forts grossissements. — M, Marey fait remarquer l'im- 
portance de ce dispositif pour les rechercher chrono- 
photographiques où l’on était obligé jusqu'ici de photo- 
graphier les objets non éclairés sur un fond éclairé, et 
par suite, sur une pellicule mobile; au contraire, les 
photographies successives d’un objet éclairé sur 
champ obscur peuvent être réunies sur une même 
plaque immobile. — M.H. Le Châtelier discute la va- 
leur des points de fusion de l’or et de l'argent admis 
aujourd'hui et leur application à la graduation des py- 
romètres électriques. Il conclut que le point de fusion 
de l'or, 10459, déterminé par M. J. Violle, est certaine- 
ment un peu bas, mais que l'erreur ne dépasse pas 
20° ; que, néanmoins, aucune des expériences failes jus- 
qu'ici ne présente une précision suffisante pour justi- 
fier l'adoption d’une température de fusion différente 
de 10459. — M. E. Kern adresse une note relative à 
un arc-en-ciel blanc observé Le lundi5 août, à 10 heures 
du soir, à Ver-sur-Mer (Calvados). — M. Ch. Astrea 
étudié l’action du potassium sur la quinone et l’hydro- 
quincne en solution éthérée ou benzénique; il a pu 
obtenir ainsi les composés [C6H*KO(OH)|C#H 100, 
C6H#(KO)(OK)CSH4O(OK)et CH (OK)(OH),CéH'(OH 2. Tous 
ces corps sont très instables en présence de l’air et de 
l'humidité ; ils font explosion au contact d’une goutte 
d'acide, C. MATIGNON. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 6 Août 1895. 


MM. A. Chipault, J. Braquehaye et Laborde com- 
muniquent leurs recherches sur le mécanisme des 
fractures indirectes de la base du crâne; il se rap- 
proche de celui des fractures irradiées vulgaires, — 
M. Pinard expose l’histoire d’un cas de grossesse 
extra-utérine, diagnostiquée au sixième mois el opérée 
à une époque rapprochée du terme. L'opération fut 
suivie de l'extraction d'un garcon vivant; les suites 
furent heureuses pour la mère et l’enfant. L'auteur 
donne quelques indications sur la marche à suivre dans 
les cas de grossesse extra-utérine, — MM. Debove et 
Soupault ont étudié les fonctions de l’estomac chezun 
malade atteint de cancer du pylore et gastro-entéroto- 
misé. L’estomac était le siège d’une stase alimentaire. 
L'acide chlorhydrique faisait défaut ; la bile et le suc 
pancréalique refluaient dans l’estomac, mais ce reflux 
était sans inconvénient, — M. le Dr Guermonprez 
de Lille) lit un travail intitulé: Hystérectomie abdo- 
minale totale substituée à l'opération de Porro. — 
M. R. Blache lit un travail sur la protection de l’en- 
fance dans le département de la Seine. 


Séance du 13 Août 1895. 


M. V. Babes fait une communication sur la vaccina= 
tion par des toxines latentes contrebalancées par des 
antitoxines sanguines. — M. Babes signale la présence 
du botriocephalus latus en Roumanie : il y produit des 
anémies graves et mortelles avec tous les signes de 
l’'anémie pernicieuse. — M. Lancereaux montre que 
l'abus du vin, surtout du vin plus ou moins falsifié dé- 
bité à Paris, produit plusieurs affections graves, no- 
tamment la cirrhose hépatique, le tremblement, le 
delirium tremens, la prédisposition à la tuberculose, 
I y aurait donc lieu d'exercer une surveillance atten- 
tive sur le vin livré à la consommation et les falsifica- 
tions qui peuvent le rendre nuisible. — M, Ferrand 
communique une étude physiologique sur la musique. 


Séance du 20 Août 1895, 


M. le Président annonce la mort de M. Hoppe-Seyler 
récemment nommé correspondant étranger, — M. le 
Dr Ledé lit un travail sur les habitations des nourrices 


ACADÉMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES 


et les rapports des conditions d'hygiène de ces habi- 
tations avec la mortalité des enfants confiés à ces. 
nourrices. — M, le D' Fontan lit un travail sur le 
traitement des abcès du foie, 


SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 19 Juillet 1895. 


M. C. Limb expose son travail sur la mesure directe 
des forcesélectromotricesenunitésélectromagnétiques. 
La méthode ordinaire pour obtenir des forces électro- 
motrices en valeur absolue consiste à mesurer en va- 
leur absolue les résistances et les intensités et à ap- 
pliquer ensuite la loi de Ohm. Pour obtenir la mesure 
directe d’une force électromotrice, M. Limb la compare 
à la force électromotrice d’induction produite par la 
rotation d'un faisceau magnétique à l’intérieur d’uxe 
longue bobine à une couche, On connaît, en effet, 
l'expression de cette force électromotrice sinusoïdale 
en fonction de la valeur H du champ magnétique créé 
par l'unité de courant, du moment magnétique M de 
l'aimant et de la vitesse angulaire de rotation. D'autre . 
part, on sait que H=#xn, n étant le nombre de spires 
par unité de longueur, M. Limb indique le procédé # 
ingénieux qui lui a permis de mesurer n au moyen 
d'un barreau témoin, fileté sur le tour, en même temps - 
que la bobine. Puis il a apporté la correction des bouts. . 
et a tenu compte de l’excentrage de l’aimant par rap- : 
port à l’axe de la bobine. La carcasse de la bobine est 


À . pa 3 cas ntr LE 
en ébonite et recouverte de fil de +. M a été déterminé. 
par la méthode de Gauss, qui consiste à mesurer MII 


ef Le nombre de tours par seconde se mesure en 
inscrivant sur un cylindre les étincelles d’une bobine 
de Ruhmkorff dont le primaire est fermé à chaque » 
tour de l’aimant. La bobine et l’aimant constituent. 
un élément dont la force électromotrice varie propor- 
tionnellement à la vitesse. On pourrait donc songer à 
opposer &irectement la force électromotrice maximum 
induite à la force électromotrice à évaluer. M. Limb à 
préléré comparer, au moyen du potentiomètre de » 
Clark modifié, chacune des deux forces électromotrices 

à une autre. Les deux bobines de ce potentiomètre … 
sont en ferronickel, et on peut profiter de la seconde 
région pour produire un rhéostat d’ajustement. 
L’électromètre destiné à constater l'équilibre est celui 
de M. Lippmann. Le modèle employé est sensible 


ÊI 1 r LG L « 
rt) de volt, et présente une tubulure permettant 


- de le vider, afin que le tube soit toujours mouillé sous 


la partie utile. M. Limb a apporté plusieurs perfec- 
tionnements à la méthode de Gauss pour la mesure du 
moment magnétique. Pour MH, au lieu de faire osciller 
dans le champ terrestre, il a préféré équilibrer le 
couple par la torsion d'un fil d'argent. Le coefficient 
de torsion de ce fil a fait l’objet d’une importante 
étude particulière, On suspend au fil une masse de 
moment d'inertie connu par rapport au fil et on en 
mesure ensuite la durée d'oscillation. Une difficulté. 
se présente : le coefficient cherché prend des valeurs \ 
différentes suivant la nature et les dimensions de la, 
masse cylindrique suspendue, Cela tient au défaut 
inévitable de centrage de la tige de suspension, Mais 
l’auteur à pris soin d'adopter pour les cylindres des 
dimensions relatives, telles que l'inclinaison de l'axe 
de révolution sur celui d’oscillation soit sans influence, 


La mesure de = a été effectuée en prenant trois dis: 
tances. Le magnétomètre est formé de deux petils. 
aimants en U dont les pôles de même nom sont en. 
regard, et dont l’ensemble fonctionne comme un 
aimant rectiligne., L'amortisseur est un cylindre en, 
cuivre électrolytique. La détermination du méridien. 
magnétique a élé effectuée en prenant une seconde 
bobine tournée avec le même soin que l’autre, On la, 
dispose sensiblement dans Je plan du méridien, et on 


ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 


931 


ève le réglage par tàätonnements successifs jusqu'à 
“que, en lancant un courant, on n'obtienne plus 
Aucune déviation. Les expériences de M. £imb ont 
Morté sur l'étalon Latimer-Clark, le Gouy et le Daniell, 
modèle Fleming. Tous ces étalons out élé mesurés 
fans la glace fondante, Le Gouy et le Clark apparais- 
nt comme bien supérieurs au Daniell. Le Gouy est 
s robuste. Lorsqu'il a élé malmené, il suffit de le 
sser reposer; le lendemain, il est revenu à son 
nombre primitif. Le Clark est d'une remarquable 
“éoustance. Les variations ne sont que de l’ordre 


a M. Limb adopte définitivement les valeurs 


vantes : pour le Clark, 1 volt 4535; pour le Gouy, 
volt 3928 ; pour le Daniell avec un cuivre récemment 
ré, 1 volt 0943. Dans ces trois nombres, la qua- 
ème décimale doit être considérée comme douleuse, 
Le Daniell est à rejeter pour des mesures absolues, 
Mais cependant, en le faisant lravailler sur une résis- 
nee. il offre une grande constance. — M. A. Broca 
Vréalisé de curieuses expériences sur l’étincelle élec- 
ique. Il les reproduit devant la Société et en déve- 
“loppe la portée. On sait que, si un circuit est suscep- 
ible de donner des étincelles, la longueur de l’étincellle 
est plus grande quand le circuit est relié au sol que 
lorsqu'il est isolé. Ce phénomène est connu sous le 
“nom d'étincelle latérale. Il est singulier de voir Le po- 
lentiel augmenter dans ces conditions. M. Broca en a 
recherché la cause. Il excite unipolairement de longs 
ubes à vide, analogues à ceux de Tesla, et compare, 
Ce qui se passe lorsque l’étincelle jaillit entre les 
bornes de la bobine, ou lorsqu'elle n’a pas lieu. Les 
tubes sont plus brillants dans le premier cas, par 
uite le potentiel maximum devient plus élevé quand 
'étincelle jaillit. L'étude électrométrique montre, 
“l'autre part, que le carré du potentiel moyen est infé- 
Tieur à celui du train d'onde qui existerait S'il n'y avait 
as d’étincelle. De là résulte que, quand létincelle 
aillit, il doit se produire dans le circuit des oscilla- 
lions de période plus courte que celles du circuit 
énérateur, et d’ailleurs très rapidement amorties. La 
motion de période d'un cireuit n'est donc pas aussi 
simple qu'on pourrait le croire. L'état vibratoire d’un 
circuit ne semble pas unique. Il peut s'y propager des 
ondes plus rapides. L'auteur a cherché ensuile com- 
Ment ces ondes peuvent se produire. Il opère avec 
une bobine cloisonnée de Foucault, et met Ie tube en 
‘communication unipolaire successivement avec les 
“Iranches successives du circuit secondaire de cette 
“hobine. Quand il n'y à pas d’étincelle. l'illuminalion 
“lu tube diminue de la première à la dernière borne. 
“Lorsqu'il y a étincelle, c’est au contraire la borne la 

plus éloignée qui donne le plus de lumière. Lorsque 
… l'étincelle jaillit, c'est donc bien, à partir de cette 

étincelle mème que se propagent les oscillations, et 

elles vont en s’amortissant. Si l’étincelle n'est plus 

disruptive, elle ne peut plus être le siège de cette 

illumination rapide ; aussi, quand on produit un véri- 

table are stable, le tube en communication unipolaire 

cesse d'être lumineux. Lorsqu'on interpose dans larc 

un diélectrique, un carton, l’étincelle redevient dis- 

ruptive, et le tube prend un éelat très considérable 
“ chaque fois que le carton est percé. En variant les 

excitateurs, et prenant des excitateurs à pétrole et à 
“divers liquides, on obtient toujours des phénomènes 

du même genre. L'auteur a ensuite recherché si les 
oscillations actuelles offrent quelques-uns des carac- 
P lères des oscillations de haute fréquence. Comme 
pour les tubes de Tesla, en touchant à la main le tube 
en son milieu, on voit qu'une partie notable de la 
lumière se propage jusqu'au fond du tube, et que, si on 
supprime les étincelles, la main diminue beaucoup 
plus l'illumination. Si on monte un dispositif analogue 

à celui de Hertz, en attachant des fils aux deux côtés 
de l'étincelle, ces fils se couvrent d'aigrettes lumi- 
“neuses sur une longueur considérable. Cette illumi- 


nation n'a plus lieu quand les étincelles ne jaillissent 
pas. Ces aigrettes présentent une série de nœuds et 
de ventres espacés de 5 à 6°%, Puis on peut arriver à 
les dévier. On a donc dans ces fils des oscillations de 
haute fréquence, mais le toucher suffit pour montrer 
qu'on n'a pas que celles-là. Au contraire, on obtient 
des oscillations rapides bien épurées en placant un fil 
entre deux étincelles, à l'exemple de Lodge, qui place 
une sphère entre les deux pôles d'une bobine. Ce fil 
se couvre complètement d'aigrettes. On peut le tou- 
cher impunément, On peut alors prendre dans l’autre 
main un tube de Tesla : on le voit s’illuminer. De 
toutes ces expériences résulte que l'étincelle est le 
siège d’oscillations rapides. L’éther doit jouer un rôle 
prépondérant. En effet, contrairement aux idées recues, 
le vide absolu peut être traversé par l'électricité. 
M. Broca est parvenu à produire dans un tube de 
Hittorf des rayons cathodiques, puis à faire jaillir une 
véritable étincelle entre les deux électrodes. M. Broca 
émet alors L hypothèse que lors du passage d’une étin- 
celle, l’éther, écarté brusquement de sa position 
d'équilibre, y revient par des oscillations rapides et 
ce sont elles qui se-propagent le long des fils. 

Le A entre en vacances jusqu'au mois d’oc- 
opre, 


Edgard HaAvnté. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


La Société a recu récemment les communicalions 
suivantes : 

MM. Horace T. Brown F.R.S. et G. Harris Mor- 
ris ont repris les travaux de C, J. Lintner sur liso- 
maltose. D’après leurs recherches, l’isomallose dccrite 
par Lintner n'est pas un corps parfaitement défin! : 
car on peut, par des moyens spéciaux (distillation 
fractionnée ou séparation par les ferments) arriver à 
en isoler un mélange de substances diverses à pouvoir 
rotaloire dextrogyre, Ces substances appartiennent à 
la classe des corps amylacés.De plus, l’isomaltososazone 
dé Lintner ne semble pas être un corps chimiquement 
pur, mais bien une substance formée par l'action de la 
phénylhydrazine sur les différents composés constituant 
son isomaltose. — MM. Arthur R. Linge et Julian 
L. Baker ont étudié l’action de la diastase sur l’ami- 
don et cherché à établir la constitution chimique de 
l'isomaltose de Lintner. Pour eux l'isomaltose de 
Lintner est simplement formée d'un mélange de mal- 
tose et de dextrine C2H10010, II n’y a pas formation de 
glucose dans les produits résultant de laction de la 
diastase sur l’amidon lorsque la diastase est retirée du 
malt légèrement desséché. Celte mème diastase est 
également sans action sur la maltose. En partant d'une 
diastase provenant d'un malt séché au four à 70°, les 
auteurs ont pu préparer un corps qui à pour compo- 
silion CISHMO!(AZHPh?), qu'ils regardent comme un 
dérivé de l'hexatriose. — MM. James Walker el 
F. J. Hambly ont pu régénérer du cyanate d’ammo- 
nium en partant de l’urée obtenue elle-même en par- 
{ant du cyanate. Cette transformalion suit les lois 
relatives aux réactions bimoléculaires. Ceci s'explique 
par le fait que le cyanate d'ammonium est complète- 
ment dissocié en ions ammonium ef en ions cyaniques. 
__M. J.H. Fenton s’est également occupé de la trans- 
formation du cyanate d’ammonium en urée. Il a déjà 
démontré que l’urée, traitée à froid par l'hypochlorite 
de soude en présence de soude caustique liquide, ne 
cède plus que la moitié de son azote; l’autre moilié de 
l'azote reste sous forme de cyanate qui ne fournit plus 
d'azote avec l’hypochlorite ou l'hypobromite. Ceci per- 
met à l’auteur d'établir une formule d’après laquelle 
on peut, connaissant le volume d’azote fourni par Vac- 
tion de l’hypobromite sur un mélange de cyanate et 
d'urée, caleuler la quantité exacte de cyanate translor- 
mée en urée. 


—————_—]————— ——"…— ———]—"——]— 


CORRES 


PONDANCE 


CORRESPONDANCE 


SUR UN PARALLÈLE ÉTABLI ENTRE 


Nous avons déjà appelé attention des lecteurs de 
la Revue sur la nécessité de bien définir l'unité par 
laquelle on exprime généralement Ja consomma- 
tion des machines à vapeur, c'est-à-dire le kiloyramme 
de vapeur par cheval-heure. Ce n’est pas de l'eau que 
consomme la machine, ce sont des calories. I faudrait 
donc, une fois pour toutes, dire combien de calories 
où entend représenter par un kilogramme de vapeur ; 
ou mieux, il faudrait exprimer la consommation en 
calories par cheval-heure, Mais cette dernière manière 
s’écarterait trop des habitudes, et nous en revenons à 
notre proposition de prendre pour unité une consom- 
mation de 655,062 calories et de l'appeler kilogramimne 
de vapeur, parceque ce nombre représente la cha- 
leur totale du kilogramme de vapeur saturée à 6 at- 
mosphères de pression, 

Lu nécessité de définir complètement l'unité de con- 
sommation saute aux yeux lorsqu'il s’agit d’une ma- 
chine fonctionnant à très haute pression et surtout à 
vapeur surchauffée, L'exemple puisé dans ce que l’on 
dit de la marche économique de la machine Schmidt 
à cet égard est: frappant. M. Schræter, l’un des plus 
savants et des plus habiles expérimentateurs de ce 
jour, trouve qu'un moteur Schmidt de 60 chevaux a 
consommé effectivement 4 kg. 55 de vapeur par cheval- 
heure ; et certes on n'élait Jamais descendu à ce chiffre 
loin de là. La machine Allis, de Millwaukee,qui passait 


pour détenir le record de consommation, dépense 
5 kg, 459 de vapeur; elle paraît donc singulièrement 


distancée, Or ce qui parait n’est pas; on le voit elaire- 
ment lorsque, au lieu d'exprimer la consommation en 
kilogrammes de vapeur, on Pexprime en calories, 

Eu effet, pour la machine Allis. les 5 kg, 159 de va- 
peur représente nt chacun 655 cal. 062 la consomma- 
tion est donc de : 


5,199 x 659,062 — 3319 


calories par cheval-heure. Mais la vapeur, dont la ma- 

te Schmidt a consommé # kg. 55 par cheval-heure, 
était à la pression de 11 kg. 9 par en bite carré el 
surchauflée de la température de saturation 185°,7 cor- 
respondante, jusqu à la température de 357%, La cha- 
leur totale du kilogramme de cette vapeur se compose 
donc de deux parties : lune, la chaleur du RIRE 
de vapeur saturée ou 663, 42 cal.; ; et l'aufre, la-chaleur 
de surchauffe 0,485 (357 — 18: 7) — — 83 cal. 08. 

(Nous admettons,avec la plupart des auteurs,le chiffre 
0,485 pour représenter la chaleur spcuique moyenne 
à pression constante de la vapeur.) La chaleur totale 
du kg. de vapeur surchauffée est donc de : 


663,42 83,08 — T4Gcal,5 ; 
et la consommation de la machine Schmidt est de 
4,05 x 146,5 — 3397 


calories par cheval-heure, soit de 48 calories où d'un 
demi pour cent plus élevée que celle de la machine 
Allis. 

Certes la différence est petite ; elle tombe dans les 
limites des erreurs d'expérience et des données numé 
riques, el il n’y a aucune supériorité marquée ni pour 
l'une ni pour l'autre; mais ces machines diffèrent beau- 
coup. Celle d'Alis ne présente aucune nouveauté sail- 
lante, rien qui n'ait été depuis longtemps mis à lé- 
preuve ; elle est simplement bien concue, bien 
proportionnée, bien exécutée : elle présente tous les 
EE ROnEoNte possibles dans ses détails. Celle de 
Schmidt, au contraire, sort de l'ordinaire ; elle est 


Paris. — Imprimerie F, Levé, rue Cassette, 17 


LES MACHINES 


Mais le rendement du cycle 


ALLIS ET SCHMIDT. 


sujelle à des aléas sur lesquels l'expérience seule ren 
seignera sûrement; lehaut degré de surchauffe, malgré 
les | précautions si ingénieuses qui ont été prises, peut 
devenir une source d'inconvénients non encore prévus 

Notre appréciation, le lecteur le verra, diffère d 
celle de M. A. Witz (pages 613 et suiv.). Mais nous 
sommes d'accord sur les conclusions que ce savant & 
développées à la fin de son mémoire, lorsqu'il attribue 
l’économie de la machine Schmidt aux mêmes causes 
générales que © elle des machines à gaz. Voici quelques 
chiffres à l’appui : 

La machine Allis fonctionne à une pression de95,5 
kilog. par mètre carré. La LPRRAE centigrade de 
saturation correspondante est de 176°.9 et la tempé 
rature absolue, 1760,9 + 2720,9 — 449 8. La tempéra= 
ture de l’eau froide de Conlcosion est supposée de 
15° C ou 287°,9 abs, Le rendement du cycle de Carno 
serait donc de : 


449,8 — 287.9 0.360 
= uit 
449,8 ; 

Or, le rendement thermique tolal, c'est-à-dire le rap= 
port de la chaleur qui a fourni un cheval-heure, soit 

270.000 RARE | 
rioset ,Soit3.379 cal 
est égal à : 


cal, à la chaleur totale dépensée 


el 0.000 — 0,188. 
2515 3379 0 
Il en résulte que le degré de perfection du cycle réel, 
comparé à celui de la machine parfaite de Carnot, est 
exprimé par le rapport : 
0,188 


——— = 0.522. 


0,360 


Pour la machine Schmidt, le rendement thermique 
total est à fort peu près le mème : 


270.000 
= QABT, 
425 x 3.397 
de Carnot serait tout dif= 
férent, Prenant encore 15° pour la température de 
l'eau de condensation, la chute de température est de 
3970 — 159 — 3420, EL la température absolue la plus 
élevée : 357° + 2:3° — 630°, Le rendement du cycle 
parfait serait dont: de : 


312 
A0: 
630 *S 


Le degré de perfection du cycle réel se chiffre done 
par : 
0,187 


—— = 0,344, 
0,543 


au lieu de 0,522, C’est donc à la haute température 
d'admission que l’économie du moteur Schmidt est 
due, tandis que c’est à la perfection du cycle, et à l 
haute pression, qu'est due celle de la machine Allis 
Ira-t-on plus haut dans la première ? Reste-til encore 
beaucoup à perfectionner dans la seconde? Il y a tout 
lieu, de croire que l'on est à peu près arrivé au terme 
de part et d'autre. $ 
V. Dwecsnauvers-Deny, 
Professeur de Mécanique appiqt 
à l'Université de Liège. 


Le  Directeur-Gérant : Louis Ouvren 


DES 


QU OC RE 


Kw: 


SERV 


N° 18 


30 SEPTEMBRE 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


SCIENCE 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


lu 


… Ce n'est pas aux lecteurs de la Revue générale des 
“Sriences qu'il est nécessaire de démontrer l’impor- 

tance toujours croissante de la bibliographie, sans 
4 il n’est pas possible de faire un travail 
“Scientifique sérieux. On ne se contente plus main- 
“ienant de citations de seconde main : on veut, el 
on sans raison, l'indication des mémoires origi- 


On sait égalemént combien ces recherches sont 
longues, combien souvent il est difficile de retrou- 
er un livre, un article dont on connait l'existence; 
les difficultés se multiplient lorsque l’on veut faire 
la bibliographie complète d'un sujet déterminé, 
étant donné que ce sujet a été traité, toujours 
peut-on dire, par des savants de nationalités di- 
verses el souvent à des époques très différentes. 
Aussi serait-il d'une utilité incontestable et gé- 
nérale qu il pût être créé une Bibliographie univer- 
selle et internationale. Les services qu'elle rendrait 
seraient énormes et justifieraient les dépenses qui 
pourraient être failes pour la réaliser, dépenses 
qui seraient certainement considérables. 
Mais, indépendamment de la difficulté de ré- 
_soudre cette question de la dépense, on peut se 
. demander si un pareil travail est pratiquement 
réalisable, si, par suite du nombre énorme de 
«livres, de mémoires, d'articles qui ont été publiés 
jusqu'à présent et qui se publient journellement, on 
nerencontrerait pas de difficultés de classement et 
«A installation quirendraient le travail irréalisable. 
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


£ 
% 


| d'établir, entre toutes les 


LES TRAVAUX 


DE LA CONFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE DE BRUXELLES 


Ce sont ces dernières questions qui ont été trai- 
lées spécialement à la Conférence Bibliographique 
Internationale réunie à Bruxelles au commence- 
ment de septembre 1895 et dont la conclusion 
générale a élé que ce vaste projet était pratique- 
ment possible. 

La question qui, comme on le verra, peut, dès à 
présent, intéresser directement {ous les savants, 
nous parait assez importante pour que nous 
croyions devoir donner un résumé des points qui 
ont été traités dans cette Conférence. 


I 


La question capitale consiste évidemment dans 
la classification à adopter : l’ordre alphabétique, 
utile dans certains cas, ne saurait être adopté dès 
qu'il s’agit de matériaux très nombreux et se rap- 
portant à des sujets de nature très variée. Il im- 
porte absolument d'avoir un classement métho- 
dique. 

Le principe en est aisé à concevoir : il s'agit 
connaissances dans le 
cas actuel, une première division en un certain 
nombre de parties, en embranchements, dirons- 
nous par analogie avec les termes employés en 
Zoologie, chacune de ces parties étant caractérisée 
par un signe spécial; de même on établira des 
divisions dans chaque embranchement et l’on for- 
mera des classes dont chacune sera représentée par 
un signe déterminé; puis, dans de nouvelies subdi- 

18 


831 


C.-M. GARIEL — TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE 


PRURT LR 


BIBLIOGRAPHIQUE DE BRUXELLES 


visions, dans des ordres, seront réparties les ma- 
tières de chaque classe et, de même, un signe sera 
affecté à chaque ordre; el ainsi de suite, s'il est 
nécessaire. On comprend alors qu'un sujet déter- 
miné rentrera dans une certaine subdivision qui 
sera caractérisée par un pelit nombre de signes. 
Dans une classification vraiment rationnelle, qui 
serait basée sur les relations vérilables qui existent 
entre les divers sujets, ces divisions et subdivisions 
n'auraient rien d'arbitraire et s'imposeraient abso- 
lument. Une semblable classification peut-elle 
exister maintenant, pourra-t-elle exister Jamais ? 
Il est possible d'en douter, car elle exigerait la 
connaissance absolue des relations qui existent 
entre les diverses sciences, entre les parties des 
diverses sciences. Ce qui est certain, c'est que pour 
la première division, pour la classification des 
sciences, pour ce que nous avons appelé les em- 
branchements, des systèmes divers ont été pro- 
posés, systèmes intéressants el ingénieux, mais 
dont aucun n’a été adopté d’une manière générale, 
M. Melvil Dewey qui, certainement, à vu ces 
difficultés, qui, d'autre part, s'est rendu compte 
de l'embarras que présenterait l'emploi de signes 
divers affectés à chaque classe de subdivisions, a 
eu l’idée, que l'on à qualifiée de géniale, d’appli- 
quer purement el simplement le système de la 
numération décimale, Il à divisé l’ensemble des 
connaissances humaines en 10 embranchéements, 
numérotés de 0 à 9; chaque embranchement a été 
divisé de même en 10 classes, également numé- 
rotés de 0 à 9 el ainsi de suite. De telle sorte 
qu'une subdivision quelconque est représentée 
par un nombre comprenant plus ou moins de 
chiffres, suivant qu'il s'agit d'ure subdivision plus 
ou moins limitée. 
Voici, par exemple, comment il a établi la pre- 
mière division, avec les chiffres correspondants : 
0. Ouvrages généraux. 
1. Philosophie. 
2, Religion. 
3. Sociologie. 
4. Philologie. 
5. Sciences, 
6. Sciences appliquées. 
1. Beaux-Arts. 
8. Littérature. 
9. Histoire. 
Considérons les sciences, caractérisées par le 


chiffre 5; elles ont été subdivisées ainsi qu'il 


suil : 


. Sciences en général. 
Mathématiques, 

. Astronomie, 

. Physique. 

. Chimie. 

5. Géologie. 


50. 
67. 
DS. 


5 
99! 


Paléontologie. 

Biologie. LR. 
Botanique. il 
Zoologie. 


Prenons maintenant une science spéciale, Je 
Physique, par exemple : elle est subdivisée de 1 
manière suivan(e : 


531. Mécanique. 

532. Liquide. Hydrostatique. 
033. Gaz. Pneumatique. 

534. Son. Acoustique. 
Lumière, Optique. 
Chaleur. 

537. Électricité, 

538, Magnétisme. 

539. Physique moléculaire. 


5939: 
D30. 


Et ainsi de suite ; on comprend que chacune de 
ces divisions pourra elle-même se subdiviser en 
10 branches, dont chacune sera caractérisée par 
un nombre de 4 chiffres. | 

On voitque, à la condition, bien entendu, d'avon 
une table de référence, on pourra toujours, étan 
donné un nombre quelconque, savoir à quel ordre 
de questions il se rapporte. Inversement, pour 
trouver le nombre qui correspond à un ‘sujet dé- 
terminé, il faut avoir un dictionnaire de référence 
dans lequel, en face du mot caractérisant le sujet, 
on trouve le nombre correspondant. 

Il y a quelque chose de fächeux dans celle néces-« 
sité absolue de devoir recourir à cette table de ré- 
férence et à ce dictionnaire. L'idéal serait que la 
méthode de classification fût telle qu'il y eût une 
relalion obligée entre le sujet et le nombre cor- 
respondant, de telle sorte que la connaissance de 
l'un conduisit nécessairement à la connaissance de 
l’autre. Ce serait le propre d'une classification na- 
turelle; nous avons dit qu'elle semble impossiblem 
actuellement, il faut donc accepter une celassifica- 
tion artificielle avec ses inconvénients. 

La méthode décimale s'applique immédiatement 
lorsqu'on peut diviser une classe quelconque en 
10 subdivisions; mais il n’en est pas loujours: 
ainsi, Comment opère-t-on dans ce cas? 

Il n'y a aucune difliculté si le nombre de divi- 
sions est inférieur à 10: on les numérote dans 
l'ordre adopté et il reste seulement des chiffres 
non employés, ce qui est sans inconvénient. 

Mais il n’en est pas de même quand le nombre 
des subdivisions est supérieur à 10. Prenons, par, 
exemple, l’histoire de l'Europe qui correspond au 
nombre 9%. 

Le nombre 940 sera affecté à l'histoire de l'Eu- 
rope en général (le signe 0 correspond toujours 
aux généralités); on affectera les chiffres de 1 à 8 
qui doivent suivre les caractéristiques 94aux prin- 
cipaux pays el groupes de pays comme suit : 1 


RE Che el” + Le RE NT ct 
ue . 


941. Écosse, Irlande. 

942. Angleterre, Pays de Galle, 
943. Allemagne. Autriche. 
944- France. 

945. Italie. 

946. Espagne. Portugal, 

947. Russie. 

948. Norvège. Suède, Danemark. 


l’on classera, sous un même numéro 949, tous 
les autres pays qui seront distingués les uns des 
dutres par un 4° chiffre; on aurait par exemple : 
9491. 
9492. 
9493. 


Zélande, 
Hollande, 
Belgique, etc. 


On voit que ce procédé peut s'appliquer à lous 
“les cas et qu'il permet une classification qu'on 
peut étendre à la volonté, puisque rien ne limite 
nombre des chiffres que l’on emploie. 
L'expérience d’ailleurs a prononcé : la méthode 


» s'est étendue progressivement. 


leurs s’en rendre comple, au moins pour un sujet 
“restreint. MM. Lafontaine et Ollet ont, en effet, 


““raphie dessciences sociologiques, etnousavons pu 
“constater combien les recherches y étaient faciles. 


Nous ajouterons que nous avons donné le prin- 
cipe de la méthode de la classification décimale, 
ans vouloir entrer dans certains détails d’applica- 
Lion qui nous auraient entrainé trop loin, mais qui 
Sont cependant importants. C'est ainsi que, par 
“exemple, on peut retrouver, sur un sujel déter- 
“miné, tout ce qui se rapporte à celle question dans 
un pays donné. On conçoit que c’est là un avantage 
qui n'est pas à négliger. 

II 


…—_ La méthode de M. Melvil Dewey est ingénieuse, 
On le voit, et on comprend par l'exposé que nous en 
avons fait qu'elle puisse êlre utilisée pratiquement. 
“Ajoutons qu'elle présente le grand avantage que 
es symboles employés sont connus de tous et uti- 
isés dans tous les pays; elle a donc un caractère 
international qui présente une grande importance 
fau point de vue du but que l’on se propose d’al- 
leindre. 

« Mais il faut reconnailre qu'elle n’est pas à l'abri 
-de toute critique. 

La première, celle qui avait frappé le plus vive- 
“ment cerlains des membres de la Conférence, por- 
ait non sur le principe, mais sur la manière dont 
il avait été appliqué. On trouvait que les subdivi- 
“sions avaient été mal choisies, qu'elles semblaient 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


Les membres de la Conférence ont pu d'ail- 


faites, sur certains points au moins, par des per- 
sonnes connaissant mal les sciences correspon- 
dantes et qui avaient élabli des PE par trop 
arbitraires. 

D'autre part, l'impossibilité d'obtente toujours 
dix subdivisions établit un manque d’homogénéilé 
dans la représentation numérique. 11 y a quelque 
chose d'un peu chaquant à ce que l’histoire d’un 
pays d'Europe soit représenté tantôt par un 
nombre de trois chiffres, tantôt par un nombre de 
quatre chiffres : 944 s’il s’agit de Ja France, 9493 
s’il s’agit de la Belgique. 

Il serait plus salisfaisant pour l'esprit que des 
sujets de même ordre fussent représentés par des 
symboles de même forme. 

Aussi, certains membres de la Conférence étaient 
arrivés avec la pensée de demander l’adoption du 
principe de ia classification décimale, en insistant 
sur la nécessité d'abandonner les subdivisions éta- 
blies et de les remplacer par d’autres, choisies 
d’une manière plus rationnelle, et dont l’indica- 
lion serait demandée à des Commissions choisies 
de manière à présenter une compétence spéciale 
et absolue dans chaque ordre de connaissances. 

Mais, si ces idées furent indiquées, elles ne 
furent pas défendues, et, à l'unanimité, la Confé- 
rence vola l’adoption de la classification décimale 
avec les divisions actuellement existantes. 

La raison qui décida ce vote unanime est que, 
seule, cette classificalion permet d'espérer qu’on 
arrivera sur ce point à une entente internationale 
unanime. 

IL faut dire, en effet, que, si cette classification 
est encore peu connue en Europe, elle est déjà 
appliquée depuis dix-sept ans en Amérique, dans 
un grand nombre de bibliothèques; qu'il existe 
une table de référence comprenant environ 
10.000 têtes de chapitres et un dictionnaire com- 
prenant 22.000 mots. 

D'autre part, une bibliographie des sciences so- 
ciologiques a élé établie en Belgique et ne com- 
prend pas moins de 400.000 articles. 

Il est impossible de ne pas tenir compte de ces 
faits. On ne peut espérer que si, en Europe, où il 
n'existe rien de fait dans cet ordre d'idées (sauf 
en Belgique, comme nous venons de le dire), on 
propose de changer quelque chose à la classifica- 
tion Dewey, on soit suivi par les Ainéricains qui 
auraient à refaire sur de nouvelles bases le travail 
considérable qu'ils ont déjà accompli. Si l’on veut 
arriver à une entente internationale, il faut, de 
toute nécessité, accepter ce qui existe déjà, étant 
donné que, si elle n'est pas sans défaut, la mé- 
thode de classification décimale de M. Melvil 
Dewey est d’une application pratique, comme le 
montre son emploi depuis dix-sept ans. 

1" 


836 C.-M. GARIEL — 


TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE DE BRUXELLES 


Ds “hi Hs +, 1 AA Ye MR A 
2 


C'est en se plaçant à ce point de vue que la 
Conférence bibliographique a voté les deux propo- 
silions suivantes : 


T. La Conférence considère la classification décimule 
comme donnant des résultats pleinement satisfaisants au 
point de vue pratique et international. 

IT. La Conférence constate les applications conside- 


rables déja fuites de la classification Dewey el recom- 


mande son adoption intégrale, en vue de favoriser à bref 


délai une entente internahionale. 


Il convient d'ajouter, el cette indication a con- 
tribué à faire émettre le vote des conclusions pré- 
cédentes, que, indépendamment des bibliothèques 
où la classification décimale est déjà appliquée, on 
sait que la Société zoologique de France a décidé 
d'adopter ce système pour une bibliographie spé- 
ciale qu'elle se propose de faire; que la bibliogra- 
phie géologique dont s'occupe M. Mourlon sera 
également classée suivant la méthode de M. De- 
wey. Ce ne sont là, il est vrai, que- des projets, 
mais il y avait évidemment lieu d'en lenir grand 
compte. 

Le Congrès de Bibliographie des Sciences ma- 
thématiques de 1889 a adopté, pour la Bibliogra- 
phie actuellement en cours de publication, une 
classification méthodique: cette classification nous 
parait sur cerlains points meilleure que celle de 
M. Dewey; elle nous semble plus rationnelle. On 
ne pouvait cependant songer à la mettre en com- 
paraison avec celle dernière; outre qu'elle est 
spéciale et que son extension à l’ensemble des 
connaissances humaines ne parait pas pouvoir se 
faire aisément, elle emploie comme symbole, non 
seulement des chiffres, mais encore des lettres ro- 
maines et grecques, et c'est là un inconvénient 
réel au point de vue de l’internationalité. 

Il est à craindre que les mathématiciens ne re- 
noncent point au système qu'ils ont adopté: c'est 
fâächeux; mais, en somme, il suffira d'établir un 
tableau de concordance entre les symboles des 
mathématiciens et ceux correspondant à la 
classe 51 de la classification de M. Dewey. 


Il 


Le principe adopté, la conférence s'est occupée 
du mode de réalisation pratique du Répertoire de 
Bibliographie universelle, et voici les conclusions 
générales de la discussion. 

Le soin de faire ce Répertoire el de le maintenir 
au courant serait confié à un Office internalional 
de Bibliographie qui serait subventionné par toutes 
les nations civilisées. L'organisation de cet Office 
ne peut êlre que le résultat d'une entente diploma- 
tique, et la Conférence a émis le vœu que le gou- 
vernement belge s'adressäl aux autres gouverne- 


ments pour oblenir la réunion d’une Conférence 


internationale, qui étudierait les condilions dans 
lesquelles ce nouvel organe serait créé. Il existe 
des exemples d’une entente analogue dans d’autres: 
as, et on peut espérer, vu l'intérêt capital ques 
présenterail la publication d’un Répertoire biblioæ 
graphique universel que, dans un délai plus ous 
moins long, il pourra intervenir une solution fa 
vorable. : 
L'Office international de Bibliographie aurait à 
faire le recolement de tous les ouvrages parus jus-A 
qu'à ce jour; il utiliserait, dans ce but, tous les cu 
talogues, toutes les oo nans bee ou 
spéciales, qui sont des documents permettant ae) 
faire la bibliographie complète, et il les classerails 
d’après le système Dewey. Il y aurait là un travail L 
de longue haleine, cela est certain; mais il est 
évident qu'il est LL de le mener à bonne fin. 
Il va sans dire qué, dans laréalisalion matérielle, 
on abandonnera entièrement la publication de ca- 
talogues en volumes; il est inutile d'insister sur 
les inconvénients de ce système, qui ne permet pas 
les intercalations el qui, dès ls rend les re- 
cherches longues et difliciles, pour ne pas dires 
impossibles, dès que le nombre des volumes est un 
peu considérable, et il le sera nécessairement, 


fût-ce que par les publicalions qu'il conviendra 
faire chaque année. Le Répertoire serait formé a 


des fiches dont chacune correspondrail à un ou- 
vrage où à un article et qui seraient rangées 
d'après leur ordre numérique de la classifica- 
tion décimale. Ces fiches, dont les dimensions 
et la disposition seraientdéterminées d’une manière 
uniforme, seraient imprimées de manière à pou- 
voir être ee soit en lotalilé, soil pour une 
partie se rapportant à une ou Ron branches: 


il y aurait là un avantage très réel pour les biblio- 


thèques générales ou spéciales, mais nous ne 
pouvons insister sur ces détails. 

L'Office international de Bibliographie aurait, 

d'autre part, à enregistrer de la même façon, Pen 
entendu, tous les ouvrages, et mème tous 1e ar- 
Licles de revue, au fur et à mesure de leur publi- 
“uion. À cet effet, il recevrait Lous les ouvrages. 
parus, soit qu'ils soient fournis par le dépôl légal, 
dans les pays où celui-ci existe, soil qu'ils soient 
acquis à prix d'argent ou de toute autre façon; 
mais il faudra absolument, el ce ne sera pas la 
difficulté la plus facile à résoudre, croyons-nous, 
que toutes les publications, sans os par- 
viennent à l'Office international. 

Telest le plan général : la Conférence n'a pu 
aller plus loin dans celle voie. L'œuvre est consi- 
dérable, elle exigera de grandes ressources et ne 
pourra être réalisée que par une entente des gou- 
vernements, 


, 


C.-M. GARIEL — TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE DE BRUXELLES 837 


Mais, en attendant cette réalisation, bien des 
questions peuvent être étudiées, discutées, qui 
- trouveront leur application lors de la création de 
} l'Office international de Bibliographie. Dans le 
- but de permettre celte étude, la conférence a 
… décidé la fondation d’un Znslitut inlernational de 
… Bibliographie, dont peuvent faire partie toutes 
les personnes qui s'occupent de bibliographie 
“ ou de bibliothéconomie, et qui se réunira, tous 
… les ans, en congrès. La Conférence a pensé, 
— d'ailleurs, que cet Institut, composé de personnes 
Spéciales, compétentes, serail tout indiqué pour 
“établir les règles générales de fonctionnement de 
_ l'Office international, et pour indiquer les modifi- 
cations qui seraient rendues nécessaires. Ces deux 
… organes, dont l’un est libre, et dont l’autre serait 
inter-gouvernemental, seront, en réalité, absolu- 
- ment indépendants l'un de l’autre. Mais, naturelle- 
- ment, l'Office, organe de réalisation matérielle, 
aura tout intérêt à utiliser les indications fournies 
par l’Instilut. 


IV 


IL importe de faciliter, dès à présent, le travail 
futur de l'Office international, c'est-à-dire de lui 
préparer la besogne, si l’on veut nous passer celle 
expression. Aussi est-il à désirer que, sans tarder, 
toutes les bibliographies qui seront publiées, tous 
les catalogues qui seront édilés adoptent la classi- 
ficalion décimale. 

Il n’y a pas de diflicullé réelle, à proprement 
parler, car, au besoin, si l’on ne veut changer l’ordre 

- dans lequel figurent les ouvrages, il suffit de mettre 
en face de l'indication de chacun d’eux le nombre 
correspondant de la classification décimale, ce qui 
est facile par l'emploi du dictionnaire spécial dont 
nous avons parlé : il y a là seulement une légère 
perte de temps pour la recherche de ce nombre. Il 
est vrai que le dictionnaire, actuellement, existe 
seulement en anglais; mais, par les soins de l'Ins- 
titut international de Bibliographie, des éditions 
en français, en allemand et en italien paraïitront 
successivement. 

Il serait même intéressant que le nombre de la 
classification figuràt sur le Lilre de ouvrage même. 
Il y a là une habitude qu'il parait facile d’adopter, 
mais il serait bon quil y eût quelque uniformité 
dans la manière dont ce symbole numérique serait 
présenté, sur sa place, ele. Il semble que cette 
queslion pourrait être mise à l’ordre du jour du 
prochain Congrès de l’Institut international de 
Bibliographie. 

Comme nous l'avons dit, le Répertoire universel 
de Bibliographie devra contenir aussi l'indication 
de tous les articles de revue : il convient donc de 
prendre dès à présent pour ceux-ci la même règle 


que pour les ouvrages : il faut que, dans les tables 
ou les sommaires des journaux ou des revues, l’in- 
dicalion de chaque article comprenne le symbole 
correspondant de la classification déeimaie; mieux 
encore, il faut que ce symbole figure dans le titre 
même de chaque article. Il n’y a à cela aucune dif- 
ficulté : le Bullelin de la Société mathématique de 
France et les Comptes Rendus de l'Association 
française pour l'Avancement des Sciences insèrent, 
pour chaque article, le symbole de la classification 
adoptée par les mathématiciens et, sans doute, dès 
celte année la dernière publication donnera, pour 
chaque article, le symbole de la classification 
Dewey !. Nous croyons savoir également que, dans 
les fiches de la Bibliographie scientifique qu’il a fondée 
et qu'il dirige, M. le D' Marcel Baudouin donnera 
également celte indication. 

Nous espérons que ces exemples seront suivis et 
que la plupart des journaux scientifiques, recon- 
naissant l'importance de cette disposition, consen- 
üront à l’adopter, malgré la petite complication 
qu’elle entraine. 

ÿ 

Abordant le côté absolument pratique, nous ne 
voyons aucune difficulté à ce que l'auteur d’un 
livre indique le symbole numérique correspondant 
au sujet qu'il a traité : il pourra toujours avoir la 
possibilité de se renseigner pendant qu'il écrira le 
manuscrit ou pendant qu'il s’occupera de l’impres- 
sion. 

Mais il n’en sera pas toujours ainsi dans le cas 
d'articles de journaux ou de revues. Ces articles, 
dont souvent l’actualilé est un élément essentiel, 
sont fréquemment écrits au courant de la plume et 
l’auteur peut n'avoir ni le temps ni même la possi- 
bilité de faire les recherches nécessaires pour 
déterminer le symbole numérique correspondant 
au sujet qu’il traite. Dans ce cas, ce sera le secré- 
taire de la rédaction qui aura à faire celte déter- 
mination, si le symbole est placé en regard du titre 
de l’article; ce sera la personne chargée de la con- 
fection de la table, si les symboles numériques 
figurent seulement dans celle-ci. 

Dans ces conditions, des erreurs sont à craindre. 
car souvent la personne qui aura à déterminer le 
symbole n'aura aucune compétence relativement 
au sujet traité; lors même qu’elle sera compétente, 
il arrivera fréquemment qu'elle n’aura pas le temps 
de lire l’article ou le mémoire et qu’elle devra se 
décider d’après le titre seul. Que d’erreurs n’en 
résultera-t-il pas! car nombre de titres sont mal 


1 Cette disposition serait certainement adoptée si l'impres- 
sion n’était déjà commencée; on peut espérer cependant 
qu'elle pourra figurer, sinon en face de chaque article, au 
moins à la table des matières. 


838 C.-M. GARIEL — TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE DE BRUXELLES 


choisis, sont trop longs, ne mettent pas nettement 
en évidence le sujet traité effectivement. 

Ce qu'il faudrait, c’est que l’auteur ait constitué 
le titre de son article ou de son mémoire de 
manière que les points essentiels ressorlissent 
immédiatement; dès lors, la détermination du 
symbole se ferait sans erreur possible, en recou- 
rant au dictionnaire de référence dont nous avons 
signalé l'existence et l'emploi. 

Au congrès tenu à Bordeaux par l'Association 
française pour l’Avancement des Sciences, celte 
question avait élé traitée, après qu'une commis- 
sion spéciale eût fait un. Rapport qui servit de 
base à la discussion. Le but à atteindre n’était pas 
de préparer le travail du Répertoire de Bibliogra- 
phie universelle, la question avait été jugée trop 
vaste pour un congrès national et n'avait pas élé 


posée. Mais le procédé recommandé au congrès de: 


Bordeaux donne précisément une solution à la 
diflicullé que nous indiquions tout à l'heure. 

Nous n’insisterons pas sur la première proposi- 
tion adoptée à Bordeaux, quoiqu'elle corresponde 
à une réforme nécessaire. Dans cette proposition, 
le congrès de Bordeaux recommandait de simpli- 
lier les titres, en supprimant les mots vagues et 
généraux, et de les préciser en indiquant le plus 
brièvement possible le sujet traité. Ce sont là des 
remarques générales dont l'utilité est incontes- 
table. 

C’est surtout la seconde proposition qui doit 
nous intéresser ici : le congrès de Bordeaux 
demandait que, à l'avenir, dans tous les titres 
d'articles ou de mémoires, le mot important, celui 
qui représente le sujet essentiel, soit indiqué par 
un signe spécial dans le texle imprimé. Après 
discussion, il a été reconnu que le procédé le plus 
simple consisie à souliguer par un trait ce mot 
essentiel; c'est une petite complication au point 
de vue de l'impression, mais ce n’est pas une diffi- 
culté. Il va sans dire que c’est l’auteur lui-même 
qui,sur son manuscrit, indique le mot quidoitêtre 
souligné ; nul mieux que lui ne peut savoir à quel 
point de vue il s’est placé dans son travail el quel 
est le mot qui caractérise le mieux ce point de 
vue. 

Dans ces conditions, la détermination du sym- 
bole numérique devient presque mécanique; elle 
n'exige aucune connaissance spéciale, elle se fait 
simplement par une recherche dans le diction- 
naire de référence. à 

Comme il est possible que le travail corresponde 
à plusieurs idées, il va sans dire que plusieurs 
mots peuver être soulignés, ce qui montre immé- 
dialement que plusieurs symboles doivent être 
appliqués à ce travail. 

Le Congrès de Bordeaux est même alle plus loin ; 


il à admis que, parmi plusieurs mots signalés, il 
pouvait s’en trouver qui n'avaient pas la même 
importance. Aussi a-l-il recommandé la disposi- … 
tion suivante : À 

Dans le titre imprimé d’un travail le mot {ou les 
mots) qui caractérise le point essentiel doit être 
souligné dans toute sa longueur; s'il y a un mot 
ou des mots) caractérisant un point important, 
mais moins essentiel que le précédent, il doit être 
souligné dans la moitié de sa longueur; enfin si 
même il est un mot (ou des mols) caractérisant un 
point moins important encore, mais qui mérite 
cependant d'être signalé, il sera indiqué par un 
point placé au-dessous. 

Comme nous l'avons dit, ces disposilions, recom- 
mandées aux savants par le Congrès de Bordeaux, 
sont de nature à facililer la confection du Réper- | 
toire bibliographique universel en ce qui concerne 
les publications périodiques. Aussi la Conférence | 
Bibliographique de Bruxelles a-t-elle formulé le … 
vœu suivant : | 


La Conférence émet le vuu que les propositions «dop- 
tées pur le Congrès de l'Association française pour F'A- 
vancement des Seiences, réuni à Bordeaux en août 1895, 
relativement aux indications à fournir par les auteurs 
pour les titres des travaux'scientifiques, soient adoptées 
d'une manière générale. 


Nous avons dû laisser de côté un certain nombre 
de questions de détails : on peut voir cependant 
que la Conférence Bibliographique de Bruxelles a … 
posé les bases d’une œuvre dont l'importance est 
absolument capitale el a indiqué les principes qui 
devaient la régir. Cette œuvre sera-t-elle réalisée? 
et quand? c'est ce que nul ne peut prévoir; celle 
réalisation dépend d’une entente internationale, 
non des savants el des écrivains, ce qui ne serait 
peut-être pas facile, mais des gouvernements, ce 
qui est moins facile encore et ce qui sera long très 
probablement. Mais il fault espérer que celle en- 
tente se fera. 

En tous cas, il importe à (ous ceux qui écrivent 
de faciliter le travail qui incombera à l'Office de 
Bibliographie lorsqu'il sera créé, el pour cela il 
suffit d'adopter et d'appliquer les dispositions qui 
sont recommandées par la Conférence Bibliogra- 
phique de Bruxelles. C’est dans le but principa- 
lement d'obtenir une adhésion effective à ces pro- 
posilions que nous avons cru devoir résumer les 
travaux de cette Conférence. 

Il serait injuste de ne pas signaler les noms des 
personnes qui ont provoqué en Europe le mouve- 
ment d'opinion qui s'est traduit par la réunion 
de la Conférence Bibliographique de Bruxelles : les 
noms de MM. Lafontaine et Otlet, de Bruxelles, qui, 
forts de leur expérience acquise en constituant le 


otfitét d- Ce L' a Vù can EL 


E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE 839 


« 


Répertoire bibliographique de Sociologie, ont dé- 
fendu devant la Conférence les idées qui ont pré- 
valu, el celui de M. le chevalier Descamps, de 
nn qui a présidé les débats avec compétence, 
tact et fermelé. 

Ajoutons que le bureau de l’Institut international 


de MM. Descamps, Lafontaine et Otlet, à qui il con- 
viendra de s'adresser pour toutes les questions 
relatives soit à l'Institut même, soit au Congrès qui 
se tiendra à Bruxelles en 1896 !. 


\ C. M. Gariel, 
de l’Académie de Médecine, 
Professeur de Physique 


à la Faculté de Médecine de Paris. 


ÉTAT ACTUEL 


ñ 
| 
4 
1 
; Slalistique qui vient d'être fondé est composé 


to dit à nd 


tnutte 2 d 


La fabrication de l'acide sulfurique, dont la pro- 
duction industrielle remonte à peine à la fin du 
_ siècle dernier, n’avait à ses débuts qu'un intérêt 

médiocre. Elle répondait seulement aux besoins 

des indienneurs anglais ou normands. : 

Aussi est-ce en Angleterre d’abord, puis à Rouen 
que cette fabricalion prit, au début de notre siècle, 

. un caractère semi-industriel. Mais, si les premiers 
appareils montés sur le continent furent établis 
par les fils des producteurs anglais, c'est à des 

. industriels et à des savants français que nous 
devons les premières améliorations réalisées, 
et c'est à des savants allemands et français que 
nous sommes redevables des derniers perfection- 

 nements et des théories exactes qui ont permis 
de réaliser, dans le cours de ces dernières années, 
de remarquables améliorations. 

L'acide sulfurique est produit d’une façon cou- 
rante par l'oxydation du soufre. Ce n’est pas le lieu 
ici de rappeler comment on obtenait cette oxyda- 
tion complète, il y a quelque cinquante ans, en 

parlant du soufre natif. C’est à peine, en effet, si 
le soufre des terrains volcaniques ou des solfatares 
est utilisé aujourd'hui pour ce travail. 

Les gaz provenant de la régénération des mares 
de soude sont quelquefois ulilisés, soit qu'on 
emploie le procédé Schaffner et Helbig, comme 
dans quelques usines du Midi, où l’on trouve moyen 
d'utiliser ainsi et les marcs de soude etles dernières 

_éaux-mères des marais salants, soit qu'on recoure, 
comme chez MM. Chance à Oldbury, à la réaction 
de l'acide carbonique sur le monosulfure de calcium 
pour obtenir de l'hydrogène sulfuré, que l’on brûle 


1 A la fabrication de l'acide sulfurique se trouve aujour- 
d'hui réunie, dans beaucoup d'usines, la fabrication des 
Superphosphates. Cette industrie, si importante pour le 
développement de notre agriculture, sera, dans la Revue, 
l’objet d'une monographie spéciale. (N, de la Dir.) 


DE L’INDUSTRIE DE L’ACIDE SULFURIQUE 


EN FRANCE 


dans les fours Claus afin de le transformer en 
acide sulfureux. 

Mais la production d’acide sulfureux ayant celte 
origine est très limitée. Dans l’état actuel de l’in- 
dustrie chimique, en présence des progrès cons- 
tants du procédé dit de la soude par l'ammoniaque, el 
des craintes que ne cesse de causer l'emploi de 
l’électro-chimie, peu de grands industriels ont osé 
se lancer dans la voie de lPutilisation du soufre 
résiduaire. 

La plus grande partie de l'acide sulfurique obtenu 
dans les pays industriels est tirée des sulfures 
métalliques. C’est à des Français, les frères Perret, 
de Lyon, et à leur beau-frère, M. Olivier, d'Avignon, 
que nous sommes redevables de ce grand progrès. 

Mais toute médaille a un revers : nous avons pu, 
il est vrai, longtemps vivre en France aux dépens 
des admirables gisements de la vallée du Rhône. 
Ces gisements ont fait la fortune des importantes 
sociélés qui en étaient propriétaires et qui, par le 
fait même, monopolisaient en quelque sorte }a 
fabricalion de l'acide sulfurique et des divers pro- 
duits alcalins et décoloranis qu'avaient montré à 
fabriquer nos compatriotes Le Blanc et Bertholet. 

Il y a quelque vingt ans, la situation industrielle 
s'est modifiée : aux pyriles recueillies sur notre 
territoire, on est venu opposer les pyriles étran- 
sères, surtout celles d'Espagne et de Portugal, les 
unes cuivreuses, les autres purement ferrugineuses, 
et, lorsque la fabrication des superphosphales eut 
pris en France, tardivement il est vrai, l'essor 


1 La question paraît devoir marcher plus rapidement qu’il 
n’était possible de l’espérer : pendant la composition de cet 
article, il a paru dans le Monilewr, (belge) du 17 septembre 
un arrêté royal qui prend acte des vœux de la Conférence 
Internationale de Bibliographie et qui institue, à Bruxelles, 
un Office international de Bibliographie, sur le mode de 
fonctionnement duquel nous ne sommes pas encore renseigné 
complètement, 


840 


auquel elle avait droit, les fabricants d'engrais de 
quelque importance ne lardèrent pas à se dégager 
du tribut qu'ils payaient aux fabricants d’acide 
sulfurique, de consommateurs d’acide sulfurique 
devinrent producteurs et s'adressèrent les uns 
aux mines françaises, les autres aux mines de 
pyrites étrangères. La concurrence fit baisser 
rapidement le prix de l'acide sulfurique commer- 
cial, et de là naquirent nombre d'études et de per- 
feclionnements que nous passerons plus loin en 
revue. 

Mais, sur ce changement économique, dû à la 
vulgarisation d'une industrie éminemment utile,est 
venu se greffer un perfectionnement métallurgique 
qui peut causer, dans notre France, des perlurba- 
tions considérables. 

Nous ne possédons sur notre lerritoire que la 
pyrite de fer; comme il a été dil plus haut, nous 
avons importé des pyriles cuivreuses permettant de 
diminuer, par la mise en valeur du cuivre, les frais 
de production de l'acide sulfurique. 

Pendant longlemps, les gisements si importants 
de blende {sulfure de zinc) qui existent en Bel- 
gique et en Westphalie élaient les uns négligés, 
les autres uniquement exploités au point de vue 
mélallurgique : dans ce dernier cas, on grillait 
tant bien que mal le minerai, on employait l'acide 
sulfureux suffisamment concentré à la fabrication 
de l’acide sulfurique, puis on achevait l'oxydation 
dans des fours à moufle spéciaux, où le restant du 
soufre élait brûlé, mais donnait des gaz lrop 
pauvres pour pouvoir être ulilisés. Ces gaz étaient 
donc lächés dans l'atmosphère. 

L'épuisement des mines de calamine (hydrosili- 
cale de zinc) de Belgique d’une part, et, d'autre 
part, l’invention de fours de grillage plus parfaits 
causent actuellement, chez nos voisins et dans le 
nord de la France, une révolulion industrielle 
imporlante : à l'heure présente, presque toutes 
les blendes sont grillées en tête d'appareils à 
acide sulfurique, puis traitées par le mélallurgiste, 
si bien que déjà l'acide sulfurique belge, — pour 
lequel le prix du soufre est presque nul, landis que 
le soufre forme environ les 5/9 du prix de fabrica- 
tion de l'acide sulfurique français, — commence 
à arriver jusqu'à Paris et inonde naturellement le 
nord de la France. 

Nous pouvons donc prévoir que, dans un avenir 
assez rapproché, nous cesserons d'assister à ce 
paradoxe industriel consistant à faire venir aux 
portes de Paris des pyrites de la vallée du Rhône, 
d'Espagne ou de Portugal d’une part, des phos- 
phates de l'Auxois ou de la vallée de la Somme 
d'autre part, pour réexpédier dans l'Est ou dans 
le Nord les superphosphates fabriqués dans notre 
banlieue. 


E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE L'ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE 


Cette question préoccupe naturellement déjà 
les industriels prévoyants, et les a amenés à per- 
feclionner leurs appareils et la marche de leurs 
usines, de facon à économiser à la fois sur les dé- 


penses de matières premières et sur les frais de 


premier établissemen£. 

Passons donc en revue les organes actuels d'une 
fabrique d'acide sulfurique et voyons comment les 
progrès de la Chimie industrielle ont permis d'y 
réaliser un surcroil de production avec une dimi- 
nulion des pertes longtemps réputées inévitables. 


[. — FABRICATION DE L'ACIDE ÉTENDU. 


Le minerai est grillé dans des cuves ou des fours : 


à élages, soil simples, soit à moufle, suivant les 
difficultés qu'il oppose à sa lransformation en 
oxyde. Les minerais de fer ou de cuivre en frag- 
ments cohérents sont encore souvent griliés dans 
les fours à cuve peu profonde, dits fours anglais: 
les minerais complexes du Harz le sont dans des 
fours à cuve profonde du type Kiln; mais, le plus 
souvent, les pyrites dont on veut assurer un gril- 
lage parfait, ou qui se délitent au feu, ou qui sont 
nalurellement en poussière, sont travaillées à la 
main dans les fours à dalle. De ces fours nous di- 
rons peu de chose : car leur descriplion se trouve 
maintenant dans {ous les livres; nous nous con- 
tenterons de relaler que, par l’observalion atlten- 
live des phénomènes calorifiques, on est arrivé à 
régler l’'écartement des dalles de facon à obtenir, 
dans le bas, une oxydalion plus parfaite et une 
destruclion plus complète du sulfate de fer, et à 
réaliser, dans le haut, une combustion active 
sans atteindre la température de fusion du mono- 
sulfure de fer. Des cloisons en briques creuses, 
élablies entre les compartiments d'une même bal- 


Lerie de fours, ont permis de refroidir les élages 


supérieurs, tout en donnant de l'air très chaud 
sur les étages du bas. 

Aux fours simples à étages, parfaitement con- 
venables pour le grillage de pyrites ferrugineuses 
ou cuivreuses, on a substitué des fours à élages 
plus compliqués, à doubles dalles chauffées comme 
un moufle pour le traitement des blendes. Tantôt 
les moufles existent à chaque élage, tantôt on se 
contente de les établir à la base du four pour dé- 
truire le sulfale de zinc. 

Tous ces fours sont à travail manuel. Toutefois, 
les Américains paraissent avoir résolu la question 
du travail mécanique, et Frash semble avoir par- 
faitement réussi dans celle voie en modifiant l’an- 
cien four Mac Dougal par lapplicalion d’une 
circulation d’eau dans l'arbre et les bras. 

Le four Frash, complété par des brûleurs à 
pétrole, permet, d’après M. Lunge, de griller les 
minerais réfractaires. 


Le PO. 


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PRES D Bye eg 8 Dis, 


| À la suite des fours viennent des chambres à 
k oussière ; ; puis nous lrouvons la tour dénitrante 
pt concentrante de Glover, dont l'usage ne s’est 
répandu sur le continent que depuis 1871. De nom- 
reuses discussions ont eu lieu à celle époque 


devenue plus intensive. Au début, elle Sp un 
rûle considérable comme appareil de concentra- 


son rôle primitif d'appareil dénitrant. Pour cela, 
on a une tendance à augmenter ses dimensions 
lransversales, eL nous connaissons, aux portes de 
… Paris, des tours de Glover ayant én plan 3 mètres 
“sur 7, et alimenlées par des doses formidables 
d'acide sulfurique niltreux concentré à 60° Baumé. 
Ces tours énormes correspondent à des capacités 
Tes faibles de chambres : 4.500 mètres 
_ environ. 

Comme l’auteur du présent article l’a one 
on ne doit pas exagérer la hauteur de la tour de 
Glover en mème temps qu'on en augmente {a sec- 
lion. Une hauteur lolale de 8 mètres, correspon- 
dant à une hauteur ulile de 5",50, est largement 
suffisan!le. 

La tour de Glover recevant des acides de plus en 
plus concentrés, les chambres sont de moins en 
moins alimentées de vapeur d’eau en têle, ce quia 
donné un résullat pratique favorable, conformé- 
ment aux nouvelles théories. 

On a élé amené à supprimer les injections mas- 
sives de vapeur d’eau en Lête de la première cham- 
bre el à refroidir l'atmosphère intérieure sur- 
chauffée par la production intensive d’acide sulfu- 
rique, en fournissant l’eau nécessaire non plus sons 
pre de vapeur, mais à l’élal liquide. 

. Les tentatives dans ce sens sont déjà anciennes, 
| mais elles élaient infructueuses, parce qu'on re- 
_ courait à un procédé mixte consistant à pulvériser 
. l'eau par un jet de vapeur, si bien qu’à moins d’em- 
. ployer de l’eau très pure, on voyait bientôt la buse 

se boucher, elles appareilsétaient constamment dé- 

rangés. On recourt maintenant à la pulvérisation 
. d’eau filtrée sous sa propre pression, soit en injec- 
. Lant directement l’eau par un tube élroit en platine 
sous une charge de 3 à 4 kilogrammes et la forçant 
àse diviser par son choc sur un pelit disque de pla- 
line, soit en l'obligeant à prendre, sous la même 
charge, un mouvement gyratoire violent dans un 


posé concentriquement une pièce portant en sail- 
lie une hélice conique à pas très court. Le premier 
dispositif est adopté par MM. Schnorff à Uetikon 
(Suisse) ; le second a été proposé pàr M. Benker. On 
ne peut pasjuger de l'efficacité de ce procédé, comme 
l'a cru M. Lunge, en étudiant l’abaissement detem- 
péralure de la chambre, mais en voyant s’il facilite 
les réactions. De ce côlé le succès parait complet 
dans les appareils àmarcheintensive; nous devons, 
en effet, abandonner les antiques règles praliques 
fixant la température maxima à adopter dans les 
chambres pour leur bonne marche, depuis que les 
travaux del'auteur de cet article ont établi que l’oxy- 
dation de l’acide sulfureux est une fonction des dif- 
férences de température à l'intérieur et à la paroi, 
et non de la température absolue d’un point de la 
section {ransversale de la chambre !, 

Pour réaliser les conditions favorables à une 
oxydation rapide de l'acide sulfureux, c'est-à-dire 
la possibilité de la production desulfate de nitrosyle 
à l'intérieur des chambres {au moins en tète del’ap- 
pareil) et d’hydratalion de ce sulfate de nitrosyle 
se détruisant sous l’action de l'acide sulfureux, on 
a dû s'astreindre à créer un roulement nitreux de 
plus en plus considérable d’un bout à l’autre des 
chambres de plomb. Mais le fabricant, sans cesse 
lalonné par l'obligation de faire des économies, a 
réalisé ceroulement non pas en augmentant la con- 
sommalion d'acide nitrique ou de nitrate de soude 
cette consommation tend au contraire à diminuer 
notablement), mais en activant de plus en plus la 
circulation des acides entre les appareils de Gay- 
Lussac, chargés de récupérer les produits nitreux, 
et l'appareil de Glover, chargé de les restituer. 

Aussi, le volume des appareils de Gay-Lussac, 
ou, pour parler plus rigoureusement, la surface utile 
de ces appareils a-t-elle crû en même temps que 
l’on faisait augmenter le rôle de la tour de Glover. 
Les petites tourelles garnies de coke des anciens 
appareils ont disparu et sont remplacées par des 
appareils gigantesques. Au coke capable, comme 
l'a montré M. Lunge, de réduire une partie de l’a- 
cide nilreux, on a d'abord substitué la brique de 
silice ou de grès vitrifié; puis, sont venues les co- 
lonnes à plateaux de Lunge-Rohrmann, d’une part, 
les cylindres cannelés de M. Devorex, d’autre part. 
Dans le type Lunge-Rohrmann, les gaz sont forcés 
de traverser des cloisons horizontales de grès per- 
forées, tandis que le liquide absorbant (acide à 
60°-62° Baumé) circule en sens contraire en léchant 
les parois des tubes ménagés à travers les plaques. 
Il est toutefois à craindre qu’on crée ainsi des ré- 
sistances considérables au passage du gaz. Dans le 


1 Voyez à ce sujet la Revue générale des Sciences du 


petit tube conique à axe horizontal, où l’on a dis- ! 15 juin 1893. 


842 


système Devorex, perfectionnement de certaines 
douches employées à l'importante usine d'Aussig, 
on fait circuler les gaz à travers des empilages de 
cylindres verticaux en grès vernissé, dont lasurface 
cannelée ralentit la chute de l’acide concentré ser- 
vant de dissolvant, et facilite ainsi l'absorption. 

D'autre part, les expériences presque simulla- 
nées de MM. Lunge et Sorel, faites sur des appa- 
reils dont la production par mètre cube était très 
différente, ont élabli l'existence d’espaces morts 
dans ces appareils, et montré, par suite, qu'on 
devait modifier les dispositions empiriques adop- 
tées, si l’on voulait oblenir d'un cube donné le 
maximum de production. La théorie de M. Sorel ‘ 
rend compte de cet accident et montre que l'arrêt 
de fabrication est dû à une température exagérée 
en queue de chaque compartiment de l'appareil : 
si l’on fait intervenir une cause de refroidissement, 
comme la séparation de deux compartiments par 
un couloir ou la circulation des gaz par un tuyau, 
de suite on voit l’oxydalion de l'acide sulfureux 
reprendre une nouvelle intensité. On doit donc, 
d’après l’auteur, revenir au système de nombreux 
compartiments, autrefois adopté, mais adopté pour 
des raisons qui n'existent plus aujourd'hui. En Eu- 
rope, il y a peu de systèmes de chambres où l’on 
ait tenu comple de ce point. Il paraît qu'il en est 
autrement en Amérique. M. Lunge cite même ?, 
dans la relation de sa visite à l'Exposition de Chi- 
cago, un syslème de douze pelites chambres, 
longues de 820, dans lesquelles on travaille très 
bien, avec un cube très petit et une consommation 
très faible de nitrate, ce qui corrobore notre théorie. 
Mais cetle disposition ne nous parail pas absolu- 
ment recommandable, au moins en ce qui concerne 
les chambres de tête. Si, en effel, on ne (ravaille 
pas avec les fours mécaniques continus dont il est 
question plus haut, la composition des gaz fournis 
par les fours à pyrites subit forcément des varia- 
tions périodiques, et, comme l'apport des produits 
nitreux et de ia vapeur d’eau est, au contraire, 
constant, il y a lieu de craindre une attaque du 
plomb des premiers tambours, par suite de La for- 
mation périodique d'acide nitrique. Nous croyons 
donc essentiel de conserver en Lête un tambour de 
grande dimension où, par suile de la vilesse de 
diffusion des gaz, l'atmosphère puisse conserver 
une composition suffisamment constante. 

Il parait de beaucoup préférable de sectionner 
les chambres aux points où les observations con- 
cordantes de MM. Lunge et Sorel ont montré un 
arrêt de fabrication, et d’intercaler entreles parties 
restantes les tours que l’auteur de cet article a in- 


l Revue générale des Sciences du 15 juin 1893. 
2 Zeilschrift für angewandte Cheinie, 4cT mars 1894. 


E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE 


diquées dans son ZYaité de fabrication de l'acide sul 
Jurique en 1887. : 

Pour fixer les idées, au lieu de l’ancien type d 
chambres où le premier compartiment avait tes 
3/7 du cube total, et le second un peu plus des 
2/7, on devrait réduire le cube du premier com- 
partiment aux 2/3 environ, et celui du deuxième 
compartiment aux 3/% des volumes indiqués cei- 
dessus, el substituer aux parties supprimées des 
tourelles. 

Au sujet de l'utilité de ces tourelles, il n'y a plus 
de contestation: il n’en est pas de même au sujet 
de leur emploi. M. Lunge préconise l'emploi de 
tours à plateaux perforés du système Lunge-Rohr- 
mann, uniquement arrosées avec de l'acide à 509= 
52°, Dans ces tours, qui nous paraissent n'agir sur- 
tout que comme réfrigérants, et jouent déjà par ce 
fait un rôle très ulile, — il ne doit pas pouvoir, à 
cause de la faible concentration de l'acide employé, 
se produire celte accumulation de produits nitreux 
préconisée par M. Sorel; il est fort probable qu’elles 
seraient fort économiquement remplacées par des. 
luyaux de communication développés et refroidis. 

M. Benker à repris l'idée de l’auteur : il arrose 
ses tours avec de l'acide plus concentré et chargé 
de produits nitreux. Il recommande même de gar- 
nir intérieurement la paroi des lourelles de maté- 
riaux mauvais conducteurs de la chaleur, pour 
éviter tout rayonnement. Le refroidissement est 
donc uniquement oblenu en haut par l'apport 
d'acide ; en bas on injecte de la vapeur d’eau, eton 
règle celte injection et l'apport d'acide de façon 
que l'acide recueilli au bas de chaque tourelle soit 
encore légèrement nilreux. 

Que se passe-t-il dans ces conditions? En bas, 
sous l’action de la vapéur d’eau, l'acide est presque 
enlièrement dénitré : il a donc cédé à l'atmosphère 
de l'acide nitreux, qui active énergiquement l’action … 
de l'acide sulfureux, mais se réduit à l’état de. 
bioxyde d'azote : en haut les gaz, en partie dessé- 
chés par la formalion d'acide sulfurique hydraté, 
rencontrent un acide froid et suffisamment concen- 
tré pour permettre la formation de sulfate de ni- 
trosyle, qui s'y dissout et y forme une solution 
slable dans les conditions de marche, dont la 
teneur en produils nitreux est d'autant pius grande 
que l'atmosphère est plus riche et le dissolvant 
plus froid; ce liquide, descendant, à son tour, 
dans les zones chaudes et humides, s’y dénitre 
en metllant en liberté, non seulement les pro- 
duils nitreux introduits par le fabricant en haut 
de la tourelle, mais ceux qu'il avait fixés, el ainsi. 
se crée vers le milieu une zone éminemment oxy= 
dante, et on reproduit identiquement les réactions 
chimiques qui se passent avec une intensilé si re- | 
marquable dans la tour de Glover. 


Ainsi appliquées, les tourelles intermédiaires 
mt permis de remédier à un inconvénient notable 
e la marche intensive. Cette marche, en effet, 
LL: l’a montré l'auteur, “rs on veut l ee 


«du bioxyde d'azote, à marcher dans cette première 
chambre à une concentration plus grande, de facon 
à contrebalancer l'influence d’une température for- 
ément plus élevée. Ces deux conditions réunies 
font que l'acide Liré en tête de la première chambre 
st assez fortement nitreux; il n’en résulte qu'une 
légère perte pour le fabricant, mais, si celui-ci con- 
“centre son acide à 66°, il risque d'attaquer ses ap- 
pareils de platine, à moins de recourir à l'emploi 
de doses considérables de sulfate d'ammoniaque ; 
enfin, la moindre erreur des surveillants expose à 
une attaque rapide des plombs en tête de l’ap- 
| pareil. 
En employant les Lourelles, on obvie à cel incon- 
vénient : on n'introduit dans la tour de Glover 
qu'une parlie de l'acide nitreux récupéré dans 
l'appareil de Gay-Lussac, de façon que le tambour 
de têle, relativement pelit, ait une marche légère- 
- ment sulfureuse, et on introduit le restant des 
produits nitreux dans les tourelles qui suivent le 
premier tambour, 
… Les industriels qui emploient ce procédé décla- 
- rent qu'ils atteignent une production plus grande 
par mètre cube, tout en ayant une marche plus 
Ë régulière et consommant moins de nitrates. 
; 


Mais loute médaille à son revers: dans les ap- 
* pareils intensifs il faut, avons-nous vu, augmenter 
- le stock des produits nitreux en roulement: or, 
- dans le tambour de queue, ces produits, ne ren- 
contrant que des traces d'acide sulfureux et un 
excès notable d'oxygène, tendent forcément à 
piormer de l'acide nitrique qui attaque le plomb, 
sion ne veille pas,avec un soin extrême, à mainte- 
. nir partout une densité d'acide convenable à la 
- production d’acide nitrososulfurique. De plus, les 
- gaz sortant de ce tambour pour arriver à l'appareil 
- de Gay-Lussac sont chargés d'acide hypoazotique, 
. corps peusoluble dans l'acide sulfurique concentré ; 
on laisse donc échapper dans l'atmosphère des 
produits nitreux non récupérés, dont l'existence 
est accusée par un panache rouge à la sortie des 
appareils de tirage. On est donc exposé à uneusure 
du matériel et obligé de subir une perte de pro- 
duits nitreux. 
Ces inconvénients paraissent supprimés dans 
. une imporlante usine ue Saint-Denis, gràce à une 
modification apportée au procédé déjà ancien de 
MM, Lasne et Benker, par ce dernier ingénieur. 
Dans ce procédé on injectait dans le bas de la co- 
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


lonne de Gay-Lussac un peu d’acide sulfureux 
pour réduire l'acide hypoazotique en acide azo- 
teux soluble dans l'acide sulfurique à 60°. Mais le 
mélange était imparfait et le résultat précaire. 

Actuellement, M. Benker utilise un petit injec- 
teur, d'unremplacement (rès facile, à l'introduction 
d'acide sulfureux dans le tambour de queue. Cet 
injecteur est alimenté par un jet constant de va- 
peur, et on règle, au moyen d’un registre, la quan- 
tité d’acide sulfureux appelée, de façon à amener 
aux environs de 55° l'acide des témoins intérieurs 
du tambour de queue. Dans ces conditions, les 
produits nitreux se dissolvent à l’élat d'acide 
nitroso-sulfurique, soil dans l’acide du tambour de 
queue, soit dans l’acide qui ruisselle dans la co- 
lonne de Gay-Lussac, et les gaz sont complètement 
décolorés à la sortie de celle-ci. 

L’acide du Gay-Lussac est réparti, comme nous 
l'avons vu, sur le Gloverel les premières tourelles, 
l'acide du tambour de queue sur la seconde série 
de tourelles. 

Pour que les réactions se passent avec toute la 
régularité que demande une marche intensive, il 
faut que l’on introduise constamment des quan- 
tilés normales des réaclifs nécessaires; le fabri- 
cant dispose à volonté de la distribulion de la 
vapeur d’eau et des produits nilreux : avec des 
fours bien construits et bien surveillés, il est sûr 
de fournir la quantité voulue d'acide sulfureux 
avec une régularité suffisante; mais, s’il compte 
sur le tirage naturel de l'appareil pour fournir la 
quantité voulue d'oxygène, il peut, par certains 
tempe, tout au moins, éprouver de graves mé- 
comptes : il faut, en effet, fournir aux chambres 
une quantité d'air telle que l’oxygène constitue au 
moins les quatre centièmes du volume sortant ; 
mais, si l’on exagère cette quantité, l'allure des 
fours se modifie, et les gaz n’ont plus un temps 
convenable de séjour dans les chambres pour l’ac- 
complissement intégral des réactions. 

Aussi commence-t-on, en France, mais surtout à 
l'étranger, à substituer au tirage naturel l'emploi 
de ventilateurs mécaniques dont la caisse est 
plombée intérieurement et dont les palettes sont 
fortement goudronnées. Tantôt ces ventilateurs 
sont intercalés entre la tour de Glover et la pre- 
mière chambre (ce qui paraît être la meilleure 
position), tantôt on les place à la sortie du con- 
denseur de Gay-Lussac. 


On voit que la théorie, laborieusement établie, 
de cette importante fabricalion a permis de réaliser 
de nombreux progrès depuis quelques années. Ces 
progrès ont amené un abaissement nolable du prix 
de revient et exercé une heureuse influence sur 


nombre d'industries de première nécessité. Mais 
18** 


844 


nous devons nous en féliciter également au point 
de vue de l'hygiène : car, aucun gaz délétère ne 
s'échappant des appareils modernes, la fabrication 
de l'acide sulfurique ne cause plus aucune gêne 
pour le voisinage immédiat, Il est à espérer que 
ces appareils se répandront dans toutes les usines. 
Il ne restera dès lors plus qu'à souhaiter que l’appli- 
cation de fours mécaniques supprime le travail 
manuel, très pénible, des fours à pyrites. 

En dehors du procédé classique plus où moins 
modifié que nous venons de décrire, il y a peu de 
dispositifs à citer. 

Les derniers ont eu pour but, comme celui de 
Brulfer (br. fr. 220.402), de K. Walter et E. Boeing 
(br. all. 71.908), de multiplier les surfaces de con- 
tact, comme dans l'appareil Hemptine. Il semble 
que les auleurs successifs de ces brevets se sont 
figuré que l'acide sulfurique ne se forme qu'autant 
qu'on amène les molécules gazeuses mécanique- 
ment en contact, par une sorte de brassage. Cetle 
opinion doit être rejetée depuis les analyses mi- 
nutieuses de Lunge et de Mactear, qui montrent 
que, dans chaque section transversale d'une 
chambre,la composition de l'atmosphère est pour 
ainsi dire identique, el depuis la théorie de Lunge 
et de Sorel qui prouve que la production de l'acide 
sulfurique est due à des différences de tempéra- 
ture dans chaque section transversale et que les 
chocs mécaniques ne peuvent avoir pour résultat 
que de réunir sur une paroi solide l'acide déjà 
formé antérieurement, mais non d'aider à sa for- 
mation. “ 

Dans un autre ordre d'idées, nous citerons les 
procédés Barbier et de Staub (brev. fr. 
n%217.844 et 226.798) qui rappellent, avec quelques 
améliorations, le procédé bien connu de Péligot, 
depuis longtemps tombé dans loubli. 

Les deux inventeurs suppriment les chambres 
de plomb, et les remplacent par des tourelles où 
se trouvent des cuveltes d’évaporation spéciales 
ou d’autres obstacles. Ces tourelles sont parcourues 
de haut en bas par le mélange d’air et d'acide sul- 
fureux, ainsi que par un mélange d’eau et d'acide 
nitrique. Enfin, le courant gazeux traverse une 
colonne de Gay-Lussac alimentée par de l'acide à 
60°, produit par la concentration des acides des 
tourelles sur le canal des fours. 


de 


Il est fort probable qu'on obtient dans les tou- 
relles une réduction de l'acide nitrique et nitreux 
el une formation d'acide nitroso-sulfurique qui se 
dissout dans l'acide sulfurique formé, ou s’y dé- 
:ompose si l’hydralalion est suffisante et la tem- 
péralure assez élevée, et que le passage des gaz 
dans les luyaux de communicalion détermine la 
produclion d'acide sulfurique étendu, et le refroi- 
dissement nécessaire à la reprise de la fabrication 


E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE L’ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE 


= . & 
dans la lourelle suivante : toutefois, comme nous 
ne possédons encore sur celle question que des ï 


renseignements assez vagues, les uns publiés par 


M. Barbier lui-même, les autres communiqués par 
M. Boissieu à la Société Chimique de Paris, nous. 


croyons qu'il faut considérer la question comme 


réservée. ILest à penser que la conduite de tels. 


appareils est très délicate; cependant, ce procédé 
peut rendre des services dans certains pays étran- 
gers, où l’on ne peut faire qu'une production très 
restreinte, et où le prix de vente de l'acide sulfu- 
rique est si élevé que l’on n’a réellement pas à 
tenir compte de perles de fabrication, qui pour- 
raient êlre ruineuses en Europe, 


II. — CONCENTRATION DE L'ACIDE. 


Ainsi que l'indique la théorie, il est impossible 
d'obtenir directement dansles chambres de plomb 
de l'acide concentré : suivant l'allure donnée aux 
chambres, c’est-à-dire suivant la production par 
mètre cube que l’on obtient, on peut avoir de 
l'acide sulfurique titrant de 52° à 56° Baumé. Cet 
acide est parfaitement suflisant pour certaines 
applications, comme pour la fabrication des super- 


phosphates, où le degré Baumé est le plus souvent » 


fixé entre 50° et 53°. Mais la fabrication de l’acide 


chlorhydrique et de l'acide nitrique ordinaires” 


demandent déjà de l'acide sulfurique à 60° B, que 
l'on peut, ilest vrai, oblenir par l'emploi de la 
tour de Glover. D'autres industries exigent depuis 
longtemps ce que l’on appelle l'acide à 66°B., 
titrant ordinairement 93-94 °/, d'acide mono- 
hydraté. Le développement de la fabrication des 
matières colorantes a amené progressivement la 
clientèle des producteurs d'acide sulfurique à 
réclamer des acides de plus en plus concentrés, 


-Litrant jusqu’à 98 °/, d'acide monohydraté, puis 


des acides chargés d'anhydride, et enfin un com- 
posé crislallisé litrant jusqu'à 99,5 °/, d’acide 
anhydre. 

De ce dernier nous parlerons peu : car, depuis 
quelques années, sa fabricalion n’a guère présenté 
de modifications, sauf qu'on paraît renoncer à la 


René. détente dt. Hé Gt ph. Sd So 


dissocialion de l'acide sulfurique, pour revenir à la. 
production directe d'acide sulfureux pur el à sa. 
combinaison avec l'oxygène atmosphérique, en. 
présence d’un noir de platine plus actif, obtenu par. 
la réduction du chlorure platinique par la formal- 


déhyde en solution alcaline. 
Enfin, à côté de la production d'acide concentré, 
aux dépens de l'acide des chambres, nous avons 


actuellement à régénérer de grandes quantités. 


d’acide concentré, provenant des acides plus ou 
moins souillés qui ont servi à la production de la 
nitrobenzine et des composés similaires, à la puri- 
ficalion des pétroles, ele. 


# en rappelant les appareils de concentration dont la 
description se trouve dans tous les traités clas- 
“ siques. 
Jusqu'à 60°B, on continue généralement à faire 
… la concentration définitive dans des vases de verre, 
… de porcelaine ou de platine. 
— Lesappareils en verre, relativement peu coûteux, 
- se trouvent encore dans nombre d'usines anglaises 
—…. et américaines, ainsi qu à la fabrique de Mülheim. 
“On à, d’ailleurs, généralement supprimé les incon- 
-vénients inhérents au remplissage et à la vidange 
— alternatifs de ces appareils, en les disposant en 
une balterie de concentration continue et, dans 
- quelques usines, on évile tout coup de feu par 
- l'emploi de brüleurs aux gaz pauvres. 
— Les appareils de platine ont longtemps tenu le 
premier rang, et, lant qu'on ne produisait que de 
l’acide à 93 % &Ge monohydrate, la perte de métal 
- précieux élait relativement faible, pourvu qu’on 
prit la précaulion de détruire les produits nitreux 
avant concentration. : 

Mais cette perte cesse d'être négligeable dès que 
l'on cherche à obtenir des acides très concentrés 
et, d'après M. Scheurer-Keslner, elle atteint 
7 grammes de plaline par tonne d'acide sulfurique 
à 98 % produite, ce qui est très considérable, 
élant donnée la baisse de prix des acides concen- 

. Lrés et l'augmentation de valeur du métal. 
… Ona bien songé à utiliser une ancienne obser- 
vation de H. Sainte-Claire Deville et à recourir à 
“l'emploi du platine iridié, beaucoup moins atta- 
quable ; mais cet alliage est aigre et cassant, et les 
essais ont été abandonnés. 
Dans un autre ordre d'idées, les Anglais avaient 

M eu recours au platine doré; maisle résultat n'avait 
pas été salisfaisant : en effet, l'or élait déposé gal- 

vaniquement, et formait plutôt un réseau qu'une 
- couche continue, si bien que le plaline sous-jacent 
-s’atlaquail peut-être même plus vite, par suite d'une 
“action galvanique, et que la couche d’or se déta- 
. chait. 

La maison Herœæeus, de Berlin, a tourné la difi- 
culté en coulant directement de l’or fondu sur des 
barres de platine chauffées à la température de 

Mfusion de l'or, puis laminant les barres de facon 
que l'or eût 1/10 de millimètre d'épaisseur. On a 
reconnu rapidement que toutes les pièces de l’ap- 
|: pareil devaient êlre ainsi protégées; mais, pour les 
parties qui ne sont pas en contact avec le bain 
d'acide, on peut réduire l'épaisseur de la couche 
d’or à 1/40 de millimètre. Dans ces conditions, 
Heræeus affirme que la consommation d'or est de 
Vingt à quarante fois plus faible que celle du pla- 
line pendant la concentration à 98 % : ce chiftre 
doit être assez exact, car les appareils de ce genre 


c 
D 
: 


E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L’ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE 


Nous ne faliguerons pas l’altention du lecteur 


845 


se répandent assez rapidement en Allemagne el 
aux États-Unis. 

Tous les praticiens ont remarqué que la solubi- 
lité du sulfate de fer dans l'acide sulfurique décroit 
très rapidement dès que l'acide titre plus de 90 », 
de monohydrate. Il résulte même de là une cause 
notable d'usure des alambics de plaline. 

Celte observalion à été mise à profit des deux 
côlés de l'Atlantique pour achever dans des vases 
en fonte la concentration de l'acide sulfurique. 1] 
faut toutefois que la fonte ne soit nulle part en 
contact avec les vapeurs condensées ou petites eaux 
qui, étant d'un degré plus faible, peuvent corroder 
le métal. 

A Thann, M. Scheurer-Kestner a tourné la diffi- 
culté en protégeant les parties non immergées de 
la cuvette par un rebord intérieur en platine qui 
plonge dans le bain acide, et conservant un cou- 
vercle en platine. 

Dans quelques usines des États-Unis, on a adopté 
une solution encore plus radicale. Tout l’alambie 
est en fonte, mais on empêche lx condensation des 
vapeurs, soit en faisant lécher le couvercle par les 
gaz de la combustion, soit en le recouvrant d’une 
couche isolante d'amiante. Quelques appareils sont 
construits de façon à assurer une circulation mé- 
thodique et continue de l'acide, ce qui diminue ou 
plutôt localise l'attaque du métal. 

Ainsi que nous l'avons vu, la fonte ne peut être 
employée qu'au contact d'acide déjà lrès concen- 
tré : aussi l’opéralion est-elle scindée en trois. 
On commence par concentrer l’acide, comme d’ha- 
bitude, dans des cuvetles en plomb, jusqu’à ce 
qu'il marque de 60° à 62° B : ces cuvettes, suivant 
l'usage auquel on destine l'acide, sont chauffées 
par le dessous ou par la surface : de là, l'acide 
passe dans un ou deux alambics en platine où il 
arrive à 64°-65° B, et il est conduit enfin dans les 
chaudières de fonte. à 

Ces chaudières durent généralement plusieurs 
mois; mais leur surface se recouvre peu à peu, sur- 
tout vers l'entrée, de croûtes très dures de sulfate 
ferrique qui gènent la transmission de la chaleur. 
et pourraient amener la rupture du métal, si onne 
les enlevait de temps en temps. 


On obtient ainsi un acide très pur : car il ne con- 
tient guère que 10 grammes de fer dans 100 kilo- 
grammes d'acide à 97-98 °/. D'autre part la con- 
sommation de combustible est très faible, puisque 
M. Lunge à vu un appareil composé d’une chaudière 
en fonte et de deux chaudières en platine produi- 
sant 10.000 kilos par jour d’acide à 66° B, qui ne 
consommait que 7 k. à d'huile minérale 
100 kilos d'acide. 

Ce dispositif se prête bien à la concentration 
| d'acides souillésde fer et, paraît-il, d'acides conte- 


pour 


846 E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE 


nant des produits nitreux; mais la fonte s'attaque 
généralement quand on veut y trailer les acides 
goudronneux provenant de lapurification des huiles 
minérales. 

L'appareil Négrier à cuvettes hémisphériques en 
porcelaine spéciale, disposées en cascades, se prête, 
au contraire, à ce travail aussi bien qu'à la con- 
centration de l'acide ordinaire. On a reproché au 
début à ce type d'appareils une rupture trop fré- 
quente des cuvetles inférieures ; mais on a remé- 
dié à cel inconvénient en remplaçant le foyer uni- 
que primilif par trois pelils foyers que l’on charge 
toutes les heures avec un poids connu de combus- 
üible. L'appareil Négrier est d’un bon usage quand 
on a soin de faire la garnilure de sa chambre de 
vapeurs en lames de laves. Il permet même detrai- 
ter les acides provenant des fabriques de nitro- 
benzine et de récupérer une grande partie de ce 
produit; mais, sous sa forme actuelle, il devient 
très encombrant dès qu'on a en vue une produclion 
considérable. 

À côté de ces appareils basés sur la distillation 
de l'acide sulfurique soit à sa température d’ébul- 
lilion, soit à une lempéralure voisine(ce qui limite 
beaucouple choix des matériaux formant l’alambic), 
il convient de citer les appareils où l’on utilise sim- 
plement la tension de vapeur, et où l’on fait l’éva- 
poralion et Ja concentralion à température plus 
basse. 

De Hemptine et Kessler avaient essayé autrelois 
la concentration Gans le vide: l'idée était trèsjuste, 
mais avait dû êlre abandonnée par suite de nom- 
breuses difficultés praliques. 

Gossage avait tenté de concentrer l'acide dans 
une véritable tour de Glover, chauffée par les gaz 
d'un four à soufre : il arriva malheureusement au 
momentoù les fours à soufre disparaissaient devant 
les fours à pyriles, el la quantité de poussières 
ferrugineuses entrainées par les gaz de ces derniers 
fours fit abandonner les recherches dans ce sens. 
Toutefois, dans les usines où l’on brûle de l’hydro- 
gène sulfuré, on paraîl revenir à l'étude de ce pro- 
cédé de concentration. C’est le but des expériences 
de M. Falding, Il intercale, entre les brûleurs et la 
tour habituelle de Glover, une seconde tour de 
même construction, mais plus petite, qui est par- 
courue de haub en bas par l'acide dénitré el con- 
centré à 60°, de bas en haut par les gaz des brûleurs. 

L'emploi de la chaleur du four ayant été provi- 


soirement abandonné, on chercha à faire la con- 
centralion à £empéralure relativement basse et ê 
dans des tours formées de matériaux réfractaires " 
de peu de valeur : chose étonnante, il n’y eut pas 
d’essais faits avec une tour de Glover. Nobel tenta 
de faire circuler l’acide sur des plaleaux de porce- 
laine disposés en cascade dans une tourelle tra- 
versée par des gaz chauds : sans doute, lessurfaces 
de contact étaient insuffisantes et les passages de 
gaz trop grands : l'appareil fut abandonné. 

Le principe était cependant juste, comme en 
témoigne le succès confirmé des appareils de 
MM. Faure et Kessler. Les gaz chauds, produits 
dans un énorme gazogène, n'y peuvent prendre 
une vilesse ascensionnelle suffisante pour entrainer 
les cendres : ils pénètrent à une température voi- 
sine de 300° degrés dans l'appareil de concentra- 
lion ; là, ils sont forcés de passer en lame mince à 
la surface de l'acide, léchauffent à 160° et le 
déshydratent en se chargeant du mélange de va- 
peur d’eau et d'acide sulfurique correspondant à 
cette tempéralure; puis ils s'élèvent dans une 
sorte de colonne de distillation continue, analogue 
aux colonnes dislillatoires pour l'alcool, mais qui. 
en diffère en ce que les gaz ne barbotent pas 
dans les liquides des divers compartiments; ils ne 
font que lécher ces liquides en lames minces. Ren- 
contrant de compartiment en compartiment un 
acide de plus en plus froid et étendu, ils laissent 
condenser les vapeurs sulfuriques et ne conservent 
que de la vapeur d’eau et des traces d'acide sulfu- 
rique entrainées mécaniquement (on sait, en effet, 
qu'on peut faire bouillir de l'acide sulfurique 
à 50° sans qu'il distille d'acide sulfurique). L’acide 
entrainé est relenu par frottement sur des parti- 
cules de ponce, et retourne à l'appareil, tandis 
que les gaz chauds s’échappent saturés de vapeur 
d'eau. 

Ce dispositif permet de supprimer les anciennes. 
chaudières de plomb et les vases de platine et se 
prêle bien à la concentration à 66° de l'acide 
ordinaire, ainsi qu'à celle des résidus de fabrica- 
tion de la nitro-benzine et de la nitro-glycérine. 

Il parait d'ailleurs économique au point de vue” 
de la consommalion de combustible. 


E. Sorel, 


Ancien Ingénieur des Manufactures de l'État, 
Ancien Directeur aux Usines do Saint-Gobain, 
Professeur suppléant ; 
au Conservatoire des Arts et Métiers. 


J'adopterai, comme l'an dernier, la division en 
chapitres affectés chacun à l’un des grands sys- 
Lièmes organiques : système squelettique ou de 
soutien; système nerveux; système de nutri- 
tion, etc. Chacun de ces chapitres sera subdivisé 
lui-même, si cela est nécessaire, en plusieurs ali- 
néas, afin de séparer les Vertébrés des autres em- 
branchements. J'avais songé un instant à grouper 
également les travaux dont j'ai à parler, suivant 
qu'ils sont plus spécialement d'ordre embryolo- 
; gique, histologique ou d'anatomie descriptive ; 
- mais, en vérité, l'Embryologie et l'Histologie sont 
- des branches de l’Anatomie qu’on ne saurait sépa- 
» rer l’une de l’autre, non plus que distraire de la 
- description des organes adultes, et, le plus souvent, 
- un mémoire d’embryologie renferme des données 

histologiques ou d'anatomie topographique d’un 

réel intérêt, tant ces sciences tendent à se réunir 

parce qu'elles se complètent. Aussi, ai-je rejeté 

finalement l’idée d’une division dans ce sens, pour 
- m'en tenir à celle que je viens d'indiquer. Je n’ai 

pas besoin de dire que je n’ai pas la prétention de 
- donner même un tableau succinct des nombreuses 
- recherches qui ont été entreprises, et dont les ré- 
- sultats ont été publiés. Je me suis surtout attaché 


mA 


+ à résumer les questions qui semblent à l'ordre du 
- jour, et dont j'avais eu déjà à m'occuper l'an der- 
nier, et à choisir, parmi les autres, celles qui m'ont 


- paru avoir une portée plus grande ou contenir une 
- solution définilive. 


the: à 


Ë I. — SYSTÈME SQUELETTIQUE 
Nous avons peu de choses à noter à propos du 
_ squelette. 
Vertébrès. — Chez les Vertébrés un travail de 
- Gaupp !, qui continue ses recherches sur la mor- 
- phologie du crâne par une étude du squelette 
- hyo-branchial des Anoures et de ses transforma- 
. tions. On sait, en effet, que, chez les larves des gre- 
- nouilles, l'appareil hyo-branchial offre une compli- 
- cation particulière en relation avec l'existence de 
branchies, tandis qu'à l’état adulte la grenouille 
n’a plus de branchies, mais des poumons; partant 
- un système hyoïdien bien différent. L'auteur a suivi 
avecsoin les métamorphoses del’appareil hyo-bran- 
- chial. Il voit dans les processus latéraux de la large 
plaque de cartilage calcifié qui représente le corps 
de l'hvoïde chez l'adulte, des formations secon- 
* daires,apparaissan{ lardivement etnon pas, comme 


1E. GaupP. —1I.Beilräge zur Morphologie des Schädels. — 
11. Das Hyo Branchial-Slelets der Anuren und seine Um- 
… wandlung. — Morphol. Arbeit. Schwalbe 3 Bd. 3 Hft. 


D: H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


347 


REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE 


on l’admet, les restes des arcs branchiaux larvaires 
presque totalement disparus. Ces restes ne seraient 
représentés que par les processus thyroïdiens et 
postéro-médians de la plaque hyoïdienne en 
question. 

Un autre mémoire, sur des régions du squelette 
voisines de la précédente, est celui de Pollard ! qui 
reprend le problème de l’homologation du suspen- 


sorium chez les Poissons et les Amphibicens. Par- 


tant de cette observalion que Huxley en 1858 
(Croonian Lectures) homologuait l'appareil suspen- 
seur (suspensorium) de la mâchoire inférieure des 
Poissons à l’are de la mâchoire supérieure du têtard, 
tandis qu’en 1876 (Proced. Zoo!. Soc.) le même ana- 
tomiste arrivait, en comparant le crâne du Cera- 
todus (poisson dipnéen) avec celui des autres Ver- 
tébrés, à séparer les Amphibiens et les Dipnéens, 
sous le nom «d’autostylie », des poissons Téléostéens 
et Élasmobranches (squales et raies), considérés 
comme « kyostylic », conclusion qui est en oppo- 
sition avec ses premières vues, Pollard s’est pro- 
posé de rechercher laquelle de ces deux opinions 
est la plus probable, d'établir si le suspensorium 
des Téléostéens est homologue de celui des Élas- 
mobranches, et enfin, de voir si ces deux der- 
niers groupes peuvent être réunis sous la ru- 
brique « Ayostylie ». Sans entrer dans les détails, 
ce qui nous entrainerait trop loin, rappelons que le 
suspensorium des Téléostéens est constitué par 
une chaine d'os (hyomandibulaire, symplectique et 
os carré), dont l’une des extrémités est articulée 
avec le crâne et l’autre avec la mandibule. Chez 
les Élasmobranches, tout cel appareil est forl ré- 
duit, et chez quelques-uns (Wotidanus Heptanchus), 
la mandibule cartilagineuse s'attache directement 
à la pièce cartilagineuse unique qui porte les dents 
et qu'on désigne sous le nom de palato-carré. Dans 
ce cas, fait observer Pollard, il faut rechercher la 
région homologue de l'hyomandibulaire des Téléos- 
téens dans la portion articulaire du palato-carré, 
c’est-à-dire dans la partie proximale du cràne. 
Mais, chez les raies, il y a un degré de complica- 
tion : il existe une pièce distincte qui unit la man- 
dibule au crâne et on l’homologue ordinairement 
à l'hyomandibulaire des Téléostéens. Pollard pense 
que cette homologation n'est pas justifiée, et que 
le soi-disant hyomandibulaire des Élasmobranches 
est en réalité le stylhyal. 

L'homologie entre le soi-disant hyomandibulaire 
des Élasmobranches et celui des Téléostéens ne 


1 Dr H. B. PorrarD. — The suspension of the Jaws in 
Fishes. — Anal. Anz.t. X, 1894, n° 4, p.17. 


548 


D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


saurait être admise, ajoule-{-il, car, d’une part, 
l'articulation au cräne des pièces considérées à 
tort comme homologues ne se fail pas au même 
point; d'autre part, leurs rapports avec les muscles 
et les nerfs sont out différents. Dans ce cas le grou- 
pement proposé par Huxley ne saurait être admis. 
Chez les Élasmobranches, le suspensorium est cons- 
titué par le stylhyal : Pollard en fail le groupe 
« hyostylie ». Chez les Téléostéens et l'esturgeon, 
d'une part, chez les Amphibiens, le Ceratodus et 
la Chimère, d'autre part, le saspensoriumest cons- 
titué par l'hyomandibulaire : l’auteur les groupe 
sous les noms respectifs de « mélaautostylice» et 
« autostyliea ». 


Invertébrés. — T'ai eu l’occasion, l'année dernière, 
de dire deux motsdes recherches de Schimkéwitsch 
sur l'erdosternite des Arachnides. C'est une pièce 
solide qui forme, pour la plus grande part, le sque- 
lette interne chez un grand nombre d’Arachnides. 
Or, parmi celles-ci, il existe un groupe, celui des 
Galéodes, qui, par certains caractèresanatomiques, 
semble établir une transition entre les Insectes et 
les Arachnides. En particulier, les Galéodes n’ont 
point d'endosternite, mais des apodèmes qu'on a 
pensé pouvoir homologuer avec la pièce squelet- 
lique des autres Arachnides. Schimkéwitsch ! 
s'élève contre cette tentative d'homologation, 
malgré les ressemblances qui peuvent exister 
entre ces deux formations et qu'il reconnait d’ail- 
leurs. Mais il fait observer que les apodèmes des 
Galéodes sont d’origine ectodermique tandis que, 
dans son mémoire de l'an passé, il a démontré 
que l’endosternite des Arachnides est formé, chez 
les très jeunes individus qu'il a examinés, d'élé- 
ments mésodermiques. Ce seul fait suffirait à faire 
rejeter l'homologie entre les deux formations. 


IT. — SYSTÈME NERVEUX. ORGANES DES SENS. 
Vertébrés. — Le nombre des recherches ayant 


trait au système nerveux est considérable; pour 
une bonne part ce sont des applicalions des mé- 
thodes récentes de Golgi, de Ramon y Cajal, etc., 
que j'ai exposées assez longuement dans une pré- 
cédente Revue. En particulier, il en est ainsi d'un 
mémoire de Elliot Smith ? surles connexions entre 
le bulbe olfactif et l'hippocampe, ainsi que des 
recherches de P. Jacques * sur les nerfs du cœur 
chez la grenouille et les Mammifères. 

Les études sur le développement du système 
nerveux des Mammifères sont par contre assez 


1 Sur la signification de l’endosternite des Arachnides. 
Zool. Anzeig., 189%, p. 125. 

2 The connection between the Oltactory Bulb and the 
Iippocampus. Anal. Anz., 1894, n9 15. 

3 P, Jacques, Journ. de l'Anat. el de la Physiol., 1894, 
n° 6. 


rares; toulefois nous trouvons un travail de 
À. Prenant sur le développement des corps oli- 
vaires !, Parmi les organes encore énigmatiques, il 
y a lieu de ranger les formations olivaires (olive 
principale, olive interne ou noyau pyramidal el 
olive externe) du bulbe rachidien. M. Prenant 
s'est proposé d'en étudier le développement, el il a 
poursuivi celle étude chez le porc, le mouton et le 
lapin. Au total, l'olive externe serait une formation 
secondaire, probablementissue de l'olive princi- 
pale. Cette dernière, de son côté, apparait après 
le noyau pyramidal (olive interne) et indépendam- 
ment de lui. Enfin, et ce fait a une importance 
qu'on appréciera aisément, la constitution histo- 
logique de l’olive principale est toute différente de 
celle du noyau pyramidal. Ce dernier est formé 
d'éléments qui le font ressembler à un amas ter- 
minal sensitif, tandis que les éléments constitutifs 
de l'olive principale ont tous les caractères des 
cellules des noyaux moteurs. À l’Analomie, dit 
l’auteur en terminant, de rendre complètement 
compte de ces ressemblances et de ces différences 
histologiques que l'étude des stades embryonnaires 
nous montre d'une manière frappante. Il est cer- 
tain en effet qu'il y a là üne indication intéressante 
el une voie nouvelle ouverte aux recherches. 

Parmi les travaux sur l’encéphale des Saurop- 
sides je relève : un mémoire de Brandis sur le 
cerveau des Oiseaux ?; une contribution à l'étude 
du lobe olfactif des Reptiles, par Læœwenthal5, et 
de Rabl-Rückhard, des recherches sur le cerveau 
du Python molure “, danslesquelles l’auteur décrit, 
à la partie ventrale du cerveau moyen, un double 
entrecroisement fibreux. 

Au sujet des Poissons, en dehors d'une bien 
longue polémique entre R. Burckhardt et 


Studnicka Ÿ à propos du cerveau antérieur, nous … 


relevons une étude du système nerveux des Téléos- 
téens par van Gehuchten f, dans laquelle l’auteur 
étudie la structure des lobes antérieurs, l'origine 
des fibres du pédoncule cérébral, les éléments 
constitutifs des lobes optiques, l’origine et la ter- 
minaison des principaux nerfs cràniens, elc. 
Enfin, des recherches anatomiques sur le sys- 
tème grand sympathique de l'Esturgeon, par 
R. Chevrel”. L'Esturgeon est un sujet d'études par- 
ticulièrement bien choisi, car, par son organisation 


Note préliminaire sur le développement des corps olivaires 
du Bulbe rachidien des Mammifères. C.R, kebd. de la Soc. de 
Biologie. 1894, p. 393. 

2 Brannis, Arch. für mikrosk. Anat., 189%. 

8 LœwenraaL, Journ. de l'Anat.et de le Physiol., t. XXX, 
n° 3. 

4 Razr Rücrnarp, Silzgsber. Ges. Nal. Fr. Berlin, 1894, 
n° 2. 

5 Anal. Anzeig., t. X. 

6 Van Genucnren, La Cellule, 1. X, fase. 2. 

7 R. Cnevrer, Arch. de Zool. expériment. 189%, p. 401. 


st nat de. ne 


D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


849 


générale, il tient précisément le milieu entre les 
Élasmobranches et les Téléostéens. M. Chevrel était 
d'autant mieux placé pour tirer d'intéressantes 
conclusions de ces recherches, qu'il a déjà étudié 
spécialement le grand sympathique chez les Élas- 
mobranches et chez les Téléostéens. De ses études, 
ilressort que le grand sympathique de l'Esturgeon 
érive de celui des Élasmobranches, dont il con- 
erve même le facies général; mais il offre un dé- 
eloppement plus considérable et une disposition 
plus parfaite. « S'il ne rappelle pas encore le grand 
sympathique des Téléostéens, il montre une ten- 
ance évidente à l’imiter. C'est un système de 
transition, ayant peu de caractères propres, n'ayant 
déjà plus tous ceux du sympathique des Élas- 
mobranches et ne présentant qu'un petit nombre 
de ceux qui caractérisent celui des Téléostéens. » 
… Dans un chapitre intitulé : « Essai sur la phy- 
logénie du système nerveux grand sympathique 
“des Poissons », nous relevons surtout un exposé 
- très suggestif des transitions qu'on observe dans 
l’organisation de ce système, depuis l’'Ammocète 
Ésau aux Téléostéens. 
…— Chez l'Ammocète, le caractère fondamental du 
grand sympathique est : 1° d'être entièrement et 
“uniquement abdominal; 2 d’avoir ses ganglions 
latéraux isolés les uns des autres. 

Chez les Téléostéens qui occupent l’extrémité 
opposée de l’échelle, le grand sympathique pos- 
“ède une partie céphalique parfaitement consti- 
uée, comportant un nombre variable de gan- 
glions, suivant les groupes que l’on examine; de 
plus, le cordon latéral, parfaitement constitué, 
s'étend depuis la Him du trijumeau du crâne, 
jusqu ’à la partie postérieure du canal caudal. 

. Chez l'Esturgeon, il y a une ébauche céphalique 
L aussi un système caudal rappelant les Poissons 


nu“ = ui: 


« On remarquera, ajoute l’auteur, que le cordon 
ympathique, chez les Poissons, se développe en 
deux sens opposés. Le point mort correspond à 
eu près au ganglion qui donne naissance au nerf 
- splanchnique. A partir de ce point, le cordon croît 
a “d'abord d'avant en arrière, puis d’arrière en avant; 
sa partie postérieure, au moins celle qui est See 
“dans la cavité abdominale, se forme beaucoup plus 
-rapidement que sa parlie antérieure. Il est pro- 
_bable que cette progression se maintient; mais jus- 
qu'à ce jour les termes de passage D défaut, et 
l'on assiste tout à coup, chez les Téléostéens, au 
développement intégral et parfait des deux extrés 
mités terminales du cordon. » 
Au cours de ses études sur la morphologie des 
fosses nasales, P. Garnault! a été conduit à des 


1 P. GarnauLr, Contribution à l’étude de la morphologie 


recherches embryologiques fort intéressantes sur 
un organe assez énigmatique, l'organe de Jacob- 
son. Nous résumerons rapidement ce travail qui 
nous paraît jeter une vive lumière sur une ques- 
tion passablement obscure. On sait que l'organe de 
Jacobson est constitué par deux cavités nasales 
accessoires qui communiquent directement ou in- 
directement avec la cavité buccale. 

Ces organes, découverts par Jacobson chez les 
Mammifères, consistent, de chaque vôlé el à la 
base de la cloison du nez, en un lube prolégé par 
une capsule cartilagineuse (cartilage de Huschke). 
Ce tube, aveugle en arrière, débouche en avant 
dans la cavité buccale, par un conduit creusé dans 
l'os incisif (conduits incisifs.. Jacobson n’avait pas 
trouvé ces organes chez l'homme; mais Ruysch, 
puis Sæmmering et Küllikeren constatèrent l'exis- 
tence, et ce dernier, en particulier, démontra qu'ils 
existent très souvent chez l'embryon humain el 
qu'ils y reçoivent, comme l'organe de Jacobson 
des autres Mammifères, des filets de l’olfactif. 
Cependant, Gegenbaur repoussa l'homologie, ad- 
mise par Külliker, entre ces formations de l’em- 
bryon humain et l'organe de Jacobson des Mam- 
mifères, sous prétexte qu'elles y ont perdu leurs 
relations avec les carlilages de Huschke, et que ces 
relations sont fondamentales. Pour Gegenbaur, les 
soi-disant organes de Jacobson de l’homme doivent 
être homologués à la glande seplale qu'il a décou- 
verte chez certains Prosimiens (S/enops). L'opinion 
de Gegenbaur semble avoir été acceptée, car Wie- 
dersheim, dans son Yanuel d'Anatomie comparée 
4890), dit que, « chez l’homme les organes de 
Jacobson semblent ne plus même apparailre pen- 
dant la période fœtale; ce que jadis on prenait 
pour eux, est le rudiment d'une glande nasale de 
la cloison semblable à celle qui existe, par exemple, 
chez les Prosimiens (Gegenbaur). L'existence du 
cartilage vomérien de Huselke, ajoute Wieder- 
sheim, prouve, d’ailleurs, que les ancêtres de 
l'homme ont dû posséder jadis un organe de 
Jabobson ». 

Je rapporte celte citation, bien qu'un peu 
longue, parce qu’on y trouve, à mon sens, une nou- 
velle preuve du peu de confiance qu'il faut avoir 
dans ces déduclions à priori, où nous engageons 
nos ancêtres sans les avoir connus, alors que nous 
n'avons qu'à éludier nos contemporains pour trou- 
ver la solution du problème posé. 

D'une part, en effet, M. Garnault, par ses 
recherches embryologiques , montre que les 
organes de Jacobson, comme l'a avancé Külliker, 
existent chez les embryons humains de deux ou 


des fosses nasales. L’organe de Jabobson. C. R. hebdom. de 


la Soc. de Biologie. Mai, 1895. 


850 


trois mois, et qu’à cet âge « leur structure est ab- 
solument identique à celle que présente, chez les 
Mammifères pris à une époque comparable de leur 
développement, l'organe de Jacobson le mieux dé- 
veloppé ; il reçoit des filets nerveux de l’olfactif…., 
il reçoit également, par sa partie postérieure, un 
filet du naso-palalin de Scarpa. Tous ces filets dis- 
paraissent par la suite ». 

D’autre part, Garnault estime que la connexion 
entre l'organe de Jacobson et les cartilages de 
Husthke n’est pas essentielle, ces cartilages étant 
des organes de soutien qui ne deviennent qu’acci- 
dentellement organes de protection pour le tube 
de Jacobson, si bien que, de l'existence de ces car- 
lilages, il n’y a nullement lieu de conclure à l’exis- 
tence des organes de Jacobson chez nos ancêtres, 
non plus que de nier la présence de ces organes 
chez l'homme actuel. 

Mais il y a plus : l’auteur a pu suivre les pre- 
mières phases du développement de l'organe de 
Jacobson chez le rat, et il a vu qu'il se développe 
par une fente relativement très large, tapissée d’un 
épithélium semblable à celui qui revêt la région 
olfactive des fosses nasales. « Le tube de Jacobson, 
ajoute Garnault, ne se développe donc pas par une 
invagination tubulaire à la facon des glandes. » 
Bien qu'il dise quelque part, dans sa note, que peut- 
être la glande septale des Prosimiens doit être 
homologuée à l'organe de Jacobson, il me semble, 
au contraire, que le mode de genèse du tube de 
Jacobson exclut la possibilité de cette homologa- 
tion, à moins qu'il soit démontré que la glande 
septale des Prosimiens n'est pas une glande, ce qui 
est encore bien possible. Ce qui est plus important, 
en tous cas, c’est que le mode de formation de l’or- 
gane de Jacobson chez l'embryon du rat semble 
fournir un point d'appui sérieux pour homologuer 
l'organe de Jacobson des Mammifères avec le cul- 
de-sac nasal interne des Amphibiens anoures. Cette 
manière de voir aurait le grand avantage de recon- 
nailre une même origine aux diverses formations 
décrites comme organes de Jacobson chez les Ver- 
tébrés où on en rencontre ; mais que devient alors 
l'hypothèse de Wiedersheim qui homologue la 
cavité nasale accessoire des Amphibiens anoures 
au sinus maxillaire des autres Vertébrés? Il semble 
bien qu'elle ira rejoindre l'opinion de Gegenbaur 
citée plus haut, parmi la déjà trop riche collection 
d'hypothèses avancées sans bases solides. 


Tnverlébrés. — Nous trouvons un mémoire impor- 
ant de À. Binet! sur le système nerveux sous-in- 
teslinal des Insecles. 


1 Contribution à l’étude du système nerveux sous-intestinal 
des Insectes, par A. BiNer. Journ. de l'Anal. el de la Physiol. 
1894, n° 5. 


D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


! rendent dans la colonne ventrale et lelobule ventral. 


4 
$ 

Les méthodes de Golgi et d'Ehrlich ont été, nous è 
l'avons déjà dit, un élément de progrès considé- 
rable dans nos connaissances sur le système ner- 
veux des animaux; mais ces procédés ne peuvent 
donner que des notions d'une nalure assez res- 
treinte ; ils n'interviennent guère qu’au point de … 
vue topographique et ne laissent découvrir, tant À 
s’en faut, aucun détail de la structure histologique 
intime des éléments nerveux. Par la méthode de 
Golgi, ces éléments sont totalementremplis par les . 
précipités, et ‘c’est précisément l’opacilé ainsi oh- 
tenue et l’intense coloration uniforme de leurs « 
diverses parties (corps cellulaire, dendriles, cy- 
lindre-axe) qui favorisent les études d'anatomie 
descriplive microscopique auxquelles tant de cher- 
cheurs se sont livrés depuis qu'ils sont:en posses- 
sion de cetle technique nouvelle. On en peut dire 
autant, pour des raisons d’un autre ordre, de la 
méthode d'Ehrlich. 

Aussi pensons-nous qu'il n’est pasinutile d’insis- … 
ter sur un travail qui attire l'attention sur une 
technique plus récente et qui a donné, entre les 
mains de son auteur, des résullats excellents pour 
l'étude de la constitution intime de certains élé- 
ments nerveux (il s’agit plus spécialement des cel- 
lules nerveuses ganglionnaires des Crustacés et de 
quelques Insectes). La méthode à laquelle nous 
faisons allusion est celle de Viallanes (mordancage 
au sulfate de cuivre etcoloration à l'hématloxyline), 
modifiée par Binet, qui obtient une double colora- 
lion au moyen de la safranine, dont on fait succé- 
der l’action à celle de l'hématoxyline. 

L'auteur a pu, dans ces conditions, obtenir des 
colorations très tranchées, d’une part du proto- 
plasma de la cellule, d'autre part du noyau et des 
fibrilles qui forment le cylindre-axe. On peut suivre 
alors aisément ces fibrilles jusqu'à l’intérieur du 
protoplasma des cellules, et les voir, tantôt décrire. 
une spire autour du noyau, tantôl s'irradier dès 
leur pénétration dans les couches corlicales du 
protoplasma; en un mot, on peut éludier dans 
tous ses détails le trajet des fibrilles et leurs rela- 
tions avec les diverses parties de la cellule ner- 
veuse. 

M. Binet ne s’est d'ailleurs pas contenté de celte 
élude histologique pure; il à éludié encore, avec 
beaucoup de soin, la structure des ganglions de la 
chaine nerveuse abdominale des Insectes, montrant 
que chaque ganglion comprend: d'une part, deux 
colonnes ventrales et un lobule ventral inférieur: 
d'autre part, un lobe dorsal formé, comme les 
précédentes parties, d'une substance fibrillaire, 
mais moins dense et plus grossière que chez celles- 
ci. Le nerf abdominal correspondant possède trois 
racines, dont une est dorsale el les deux autres se 


Considéré dans son ensemble, le ganglion thora- 
cique peut être ramené à un ganglion abdominal 
auquel se surajoutent latéralement deux lobes cru- 
TAUX. 
+ M. Child’ a publié des recherches assez étendues 
« sur les organes sensilifs antennaires des Insectes. 
Chez la guêpe (vespa vulgaris), l'organe sensitif 
siège dans le deuxième segment de l'antenne, à 
l'exclusion de tout autre. Il en est de même, et 
avec la même structure, chez beaucoup d’insectes 
appartenant aux groupes les plus variés : Bombus, 
Musca, Panorpa, Melolontha, Libellula, etc. 
_ Chez les Hémiptères homoptères, l'appareil siège 
- au même endroit, mais il est moins développé, les 
- cellules ganglionnaires et les bâtonnets étant peu 
nombreux. 

Chez certains Diptères (Culicides et Chirono- 
mides), l'organe sensitif se trouve dans un segment 

sphérique situé à la base de l'antenne et plus volu- 
| mineux chez le màle que chez la femelle. Cet 
- organe est d'une structure très complexe, mais 
. surtout chez la femelle il offre une ressemblance 
évidente avec les organes sensitifs des insectes 
ci-dessus désignés. Quant aux fonctions de ces 
appareils, nous les connaïtrons lorsque l’auteur 
- aura publié les résultats des recherches physiolo- 
. giques qu'il se propose d'entreprendre. 


III. — SYSTÈME VASCULAIRE 


Parmi les travaux d'embryologie relatifs au sys- 

tème vasculaire, nous devons donner quelques 
détails sur les recherches de M. Duval ? relative- 
ment aux relations qui existent chez les Mammi- 
fères entre la mère et le fœtus, au point de vue 
des échanges sanguins. Nous avons rendu compte 
déjà, dans la Revue générale des Sciences (1893), des 
. études de M. Duval sur le placenta des Rongeurs, 
études qui lui ont permis de démontrer l’origine 
ectodermique du placenta fætal et d'établir que cet 
organe est, chez les Rongeurs, un ecfoplacenta, ca- 
ractérisé par ce fait que les cellules épithéliales se 
fusionnent bientôt en une masse protoplasmatique 
continue, véritable plasmode ectoplacentaire qui en- 
globe les vaisseaux capillaires maternels. Bientôt 
les parois de ces vaisseaux se résorbent et le sang 
maternel circule dans les lacunes creusées en plein 
plasmode ectoplacentaire. 

M. Duval a spécialement étudié, parmi les Car- 
nassiers, le chien et le chat, et ñ s'est trouvé ainsi 
en présence de deux types nouveaux, un peu dif- 
férents l’un de l’autre, sinon au point de vue de 
l'origine du placenta, au moins eu égard à la des- 


1 Beiträge zur Kenntniss der antennalen Sinnesorgane 
der Insecten, von C.-M. Cuir». Zool. Anzeig, 18%, p. 35. 

? Le Placenta des Carnassiers, par M. Duvac. Journ. de 
l'Analomie et de la Physiologie 1891. 


D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


851 


tinée des cellules épithéliales fœtales, ces deux 
types établissant un passage du placenta des Ron- 
geurs à celui des Ruminants el permettant d’ex- 
pliquer ainsi d’une manière très salisfaisante la 
composition si complexe de organe en question 
chez ces derniers animaux. 

Chez la chienne, la formation ectoplacentaire se 
comporte d’abord comme chez les Rongeurs : elle 
se transforme plus ou moins complètement en 
plasmode que pénètrent les vaisseaux maternels ; 
mais tandis que chez les Rongeurs la paroi de ces 
vaisseaux est, comme nous le rappelions plus haut, 
lotalement résorbée, elle persiste chez la chienne, 
et la formation placentaire comprend ainsi un élé- 
ment de plus que celui des Rongeurs, à savoir les 
cellules endothéliales des vaisseaux maternels. 
C'est ce que M. Duval appelle un angioplasmode, 
terme heureux qui rappelle bien la composilion 
fondamentale du placenta fœtal du chien. 

Chez la chatte, les choses se passent à peu près 
comme chez la chienne, sauf loulefois que les 
cellules ectodermiques fϾtales ne se fusionnent 
pas en plasmode ; elles conservent leur individua- 
lité et le placenta comprend dès lors, en outre des 
éléments énumérés ci-dessus chez la chienne, des 
cellules épithéliales disposées par couches et re- 
présentant un véritable type d’épithélium vascu- 
laire. 

Nous ne pouvons résister au désir de transerire 
les conclusions générales de l'auteur : car elles 
jettent un jour d’une grande clarté sur la structure 
et la genèse des placentas si variés des Mammi- 
fères plecentaires. « Ces dispositions du placenta 
fœtal chez les Carnassiers,dit M. Duval,c'est-à-dire 
la présence de formations ectodermiques conte- 
nant des vaisseaux avec leurs parois endothéliales 
et non de simples lacunes sanguines, comme chez 
les Rongeurs, ces dispositions représentent une 
forme de transition entre le placenta des Rongeurs 
d’une part et d’autre part celui des Ruminants et 
des Pachydermes. 

«Chez les Rongeurs, entre le sang maternel et le 
sang fœtal ne sont inlerposées que la paroi capil- 
laire fœtale et les couches ectodermiques ; chez les 
Carnassiers, les parties interposées entre ces deux 
sangs sont, outre la paroi capillaire fœtale et l’ec- 
toderme, la paroi endothéïiale vasculaire mater- 
nelle ; qu'à ces parties s’ajoute encore l’épithélium 
utérin conservé, el nous aurons le type structural 
du placenta des Pachydermes et Ruminants. C'est 
ce que nous montrerons par de prochaines études, 
c'est du reste ce qui est bien connu de par toutes 
les descriptions classiques ; seulement les auteurs 
quise sont occupés du placenta, partant de celui 


‘des Ruminanis, où la persistance de l'épithélium 


utérin est évidente,ont hàtivement généralisé cette 


Doté Si BUT SET Cr "77 gén ce CRAN AE NOUS RE nd TT 


17! 


Les, 


852 


disposition, et se sont efforcés de retrouver cet 
épithélium ulérin chez les Carnassiers aussi bien 
que chez les Rongeurs. » 


On sait combien on est loin d’être d'accord au 
sujet du mode de développement des vaisseaux; 
cependant on admet d'une facon assez générale 
qu'ils sont formés par des bourgeons endothéliaux 
pleins, émanés de vaisseaux préformés; mais on 
ne s'entend plus sur la façon dont se creuse la 
lumière du vaisseau dans ce bourgeon. Suivant 
Greene, les cellules axiales du bourgeon s’écartent, 
et il se forme ainsi des vacuoles qui s'unissent 
pour conslituer la lumière du conduit vasculaire; 
d’après Arnold et H. Field, les cellules centrales du 
bourgeon se transforment en globules sanguins ; 
enfin, suivant Renaut, le bourgeon est un amas de 
protoplasma avec noyaux endothéliaux. M. H. Mar- 
tin ‘, pour apporter un nouvel élément à nos con- 
naissances sur ce point, s’est proposé l'étude 
spéciale du développement de l'artère coronaire 
chez l'embryon de lapin. L'examen de séries bien 
graduées d’âges divers lui a permis de suivre pas 
à pas la formation de cette artère. C'est à partir 
du douzième jour que l'auteur trouve les pre- 
mières traces de l'organe, sous la forme d'un bour- 
geon plein mesurant 1/20 de millimètre de long 
sur 1/30 de millimètre d'épaisseur el formé de 
trois rangées longitudinales de cellules répondant, 
par leurs caractères, aux cellules endothéliales de 
la région postérieure du bulbe aortique où s'attache 
le bourgeon. 

Le mode de développement par bourgeon pour 
les vaisseaux parait donc bien être un fait acquis. 
Reste à savoir comment se creuse ce bourgeon. 
M. H. Martin admet qu'il se produit des vacuoles 
intercellulaires dans la rangée axiale et que les deux 
autres rangées deviennent l'endothélium du nou- 
veau vaisseau. Les cellules axiales nelui paraissent 
pas contribuer à former les hématies. 

Parmi les nombreux (ravaux d'anatomie des- 
criplive et comparée auxquels a lieu le 
système vasculaire, signalons les recherches sur 
la distribution artérielle dans les membres infé- 
rieurs des Primates par M. Popowsky *: cette 
étude dans laquelle l’auteur utilise, outre ses 
propres recherches, celles d’un certain nombre 
d'anatomistes et particulièrement du regretté 
Rojecki, auteur d'un mémoire sur le même sujet 
d'après les dissections qu’il avait failes dans notre 


donné 


1 Note sur le premier développement des artères coronaires 
cardiaques chez l'embryon de lapin, par M. H. Marrix. C. R. 
hebd. de la Soc. de Biologie, t. NT, 189%, p. 83. 

? Das Arteriensystem der unteren Extremitäten bei den 
Primaten, von Prof. P. Popowsky. Anal. Anz. 1. X, 1894, 
nos 9, 3 et 4. 


D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


laboratoire au Muséum, cette étude, disons-nous, 
est à signaler pour son excellente bibliographie 
etses descriptions détaillées qu'accompaguent de 
bonnes figures explicatives. 

Dans le Bulletin du Muséum (1895, p. 45), nous 
trouvons une note de M. Boulart sur « des plexus 
thoraciques veineux du Phoque commun ». On 
pourrail croire que, chez ces animaux, dont l'ana- 
tomie à été faile avec assez de détails, il ne reste 
plus rien à glaner. Cependant M. Boulart a eu la 
bonne fortune de reconnaitre et de préparer, chez 
deux sujets d'âge différent, des plexus veineux 
situés de chaque côté de la pointe du cœur el 
reposant en partie sur le diaphragme, en partie 
sur le péricarde. 

Ces faits s'ajoutent à ceux qu’on connait déjà de 
dispositions vasculaires spéciales (plexus, réser- 
voirs, etc.) favorisant la stase du sang veineux 
chez les Mammifères à vie aquatique. 

Dans le même ordre d'idées, nous trouvons dans 
le même recueil une note de M. Henri Gervais sur 
la circulation périrénale de l'Æyperoodon rostratus 
{Bulletin du Muséum, p. 146) et une note de M. Neu- 
ville sur des sinus veineux intrahépatiques qu'il a 
découverts chez le Castor du Rhône (#bid. p. 46. 

Enfin, j'ai publié moi-même en collaboration 
avec M. Boulart une note sur un plexus veineux 
de l'œil de Balzænoplera musculus ‘. On sait qu'il 
existe chez les Cétacés un riche réseau artériel 
qui forme autour du nerf optique un manchon 
presque continu, le séparant du musele choanoïde. 
Nous avons trouvé chez B. musculus, en outre de 
ce réseau arlériel, un plexus veineux très riche 
séparé de ce dernier par le muscle choanoïde. Ce 
plexus formé de veines scléroticales et de branches 
musculaires s’ajoute aux nombreux plexus vascu- 
laires déjà décrits chez les Cétacés. 

J'ai eu, d'autre part, l’occasion, dans mes re- 
cherches sur l'oreille ?, de décrire un plexus vei- 
neux également très fourni, enveloppant l'artère 
carotide inlerne dans son passage à lravers la 
bulle auditive el s’irradiant dans les nombreux 
sinus aériens que j'ai décrits au voisinage de 
l'oreille moyenne des Cétodonteset des Mysticètes; 
il paraît donc bien de plus en plus évident, comme 
je le rappelais tout à l'heure, qu'il existe une rela- 
tion entre la vie aquatique des Mammifères et le 
développement de dispositions vasculaires spé- 
ciales, principalement dans le parcours du sang 
veineux. 

Pour en finir avec le système vasculaire, je dira 
quelques mots d’un excellent travail de M. CL. Re- 


1 H. BraureGarp, et R. BouLarr. C. R. hebdomad. de la 
Sociélé de Biologie, 1894, p. 715. 

? H, Braurecarov. Journ. de l'Anal. el de la Physiol. 1893 et 
1894. 


D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


853 


-gaud ! sur les vaisseaux lymphatiques des glandes 
| mammaires. La reprise des recherches sur le sys- 
h jème lymphatique, avec lesprocédés dela technique 
histologique, s'impose : « Dans l’état actuel de la 
science, en effet, dit M. Renaut?, le savant profes- 
seur d'Histologie de la Faculté de Médecine de Lyon, 
ui a inspiré l'étude dont nous parlons, il ne suffit 
as, pour affirmer en un point quelconque du tissu 
conjonctif la présence de trajets lymphaliques, 
d'avoir développé un réseau par des injections co - 
orées; il faut avoir montré, en outre, par une im- 
régnation de nitrate d'argent, que ce réseau 
répond bien à des canaux limités sur tout leur par- 
cours par l'endothélium découpé en jeu de patience, 
… qui, seul, caractérise les voies et espaces lympha- 
{. tiques vrais, tandis qu'une injection colorée ne 
“donne rien que la forme des espaces interorga- 
Ein le long desquels elle s'est répandue. Or, 
- parfois l'ensemble de ceux-ci, lorsqu'ils ont été 
remplis par la matière à injection, simule, à s'y 
…— méprendre,unréseaulymphalique quin’exisle pas.» 
4 M. Regaud a eu mille fois raison de s'inspirer de ces 
- sains principes d'anatomie dans ses recherches. 
“ Qu'on injecte interstitiellement une masse au bleu 
- de Prusse, comme le faisait Langhans, ou une s0- 
- lution chloroformique d'asphalte, comme l’a pro- 
posé Sorgius, ou du mercure à la façon des anato- 
mistes d'antan, il est impossible de se rendre 
compte de la valeur scientifique des résultats ob- 
« lenus. Suivant la pression employée, suivant les 
qualités de pénétration des matières à injection 
usitées, on obtient des figures bien différentes; de 
là des divergences nombreuses entre les observa- 
- Leurs, de là l’ignorance réelle dans laquelle nous 
. sommes encore aujourd'hui sur la distribution 
* vraie des lymphatiques. 
> La méthode très simple du professeur Renaut 
nous parait répondre à tous les desiderata. On mé- 
lange la solution argentique à un fixateur éner- 
- gique, le liquide osmio-picrique, et on pratique 
. avec ce mélange des injections interstitieiles. La 
double action du sel d'argent et de l'acide osmique 
donne des préparations d’une grande netteté. 

Dans le cas particulier de la glande mammaire, 
deux opinions sont actuellement en présence; les 
uns (Waldeyer,Kolessnikow, Creighton, Sorgius) 
admettent que l’origine des lymphatiques glandu- 
laires est, dans les espaces périacineux, à l'énté- 
rieur des lobules; les autres (Langhans, Coyne) nient 
que les lymphaliqnes pénètrent dans les lobules et 
admettent qu'ils n’ont avec les acini que des rap- 


1 CL. Recau», Etude histologique sur les vaisseaux lympha- 
tiques de la glande mammaire. Journ. Ge l'Anat.et de la Phy- 
. siol., 4894, n° 6. 
? J. Renaur, Traité d'Hislologie pratique, 2° fasc., 1893, 
p. 898. 


ports médiats. C’est avec ces derniers que se range 
M. Regaud. Ses préparations démontrent, en effet, 
que les espaces lymphatiques et les canaux qui 
forment les deux élements du système lymphatique 
de la glande mammaire sont absolument extra-lo- 
bulaires. 


IV. — SYSTÈME DE NUTRITION, — APPAREIL DIGESTIF. 


Vertébrés. — D'un mémoire critique et historique 
d’un grand intérêt, que vient de publier M. La- 
guesse ! sur la structure et le développement du 
pancréas, nous reliendrons surtout, pour en parler 
ici, ce qui a trail à la genèse de cet organe, les 
connaissances récemment acquises sur ce point, 
et, pour une bonne part, grâce aux recherches de 
l’auteur, permettant, dès maintenant, d'expliquer 
d’une façon très satisfaisante les dispositions si 
variées qui s'observent dans la série des Ver- 
tébrés. 

Jusqu'à ces dernières années, on pensait que le 
pancréas provenait d’un seul bourgeon dorsal de 
la région duodénale de l'intestin, tandis que le foie 
provient d’un bourgeon ventral de la même région, 
en un point à peu près exactement opposé au pre- 
mier. « Aussi, dit M. Laguesse, s'expliquait-on fort 
mal la présence, chez beaucoup d'animaux, de plu- 
sieurs canaux excréteurs, débouchant en des 
points différents, les uns isolés, les autres réunis à 
ceux du foie. Chez l’homme même il était quelque 
peu étonnant de voir, sur l'adulte, converger en 
une même ampoule terminale (ampoule de Vater) 
un canal pancréatique et un canal cholédoque, nés 
sur l'embryon, l’un dorsalement, l'autre ventra- 
lement, aux deux parois diamétralement opposées 
de l'intestin. » Les recherches de nombreux obser- 
vateurs ont établi que deux autres bourgeons pan- 
créatiques ventraux se développent en outre du 
bourgeon dorsal. C’est chez les Batraciens que le 
fait fut aperçu d’abord (Goette), et, depuis lors, on 
retrouva ces bourgeons ventraux chez tous les 
Vertébrés; M. Laguesse, en particulier, les décrivit 
chez la Truite ; en même tempsils furent découverts 
chez les Reptiles, les Oiseaux et les Mammifères. 

Ces deux bourgeons ventraux naissent sur le 
conduit hépatique primilif (ventral, comme nous 
l'avons dit), à son point d'’abouchement dans l’in- 
testin. Au cours du développement, ce conduit 
hépatique se porte à droite et entraîne ainsi avec 
lui les deux pancréas ventraux, qui bientôt vont se 
fusionner avec le dorsal, pour ne plus former qu'une 
seule glande. Cette glande a, dès lors, deux ca- 
naux excréteurs, un dorsal (canal de Santorini) qui 


1 E. Lacuesse, Structure et développement du pancréas, 
d’après les travaux récents. Journ. de l'Anat. et de la Physiol., 
n°s 5, 6, 1894, 


854 


provient de l’ébauche primitive pancréatique dor- 
sale, et un ventral {canal de Wirsung), qui dérive 
de la soudure des deux canaux issus des pancréas 
primitifs ventraux. Celui-ci débouchera alors, soit 
directement dans l'intestin, soit en commun avec 
le canal cholédoque. 

« La découverte des bourgeons ventraux, dit 
M. Laguesse, nous permet de comprendre l’exis- 
tence de conduits multiples, leurs anomalies, leurs 
varialions spécifiques individuelles, les rapports 
de ces conduits avec ceux du foie et des deux or- 
ganes entre eux. Si, chez l'homme et chez beaucoup 
d'animaux, le canal de Wirsung vient s'ouvrir en 
commun avec le cholédoque dans l’ampoule de 
Vater, c'est qu'il est né des parois mêmes de celui- 
ci. S'il existe un canal de Santorini accessoire, in- 


constantet décroissant généralement de sa réunion: 


au principal jusque vers son embouchure (d'où le 
nom de canal récurrent : Cl. Bernard), c’est que 
ce canal représente la voie d’excrélion dorsale 
primilive de tous les Vertébrés, voie dont l’atro- 
phie commence partout à l'embouchure pour 
remonter vers la glande. Enfin, on s'explique les 
rapports presque constants, chez les Vertébrés, du 
canal cholédoque avec le pancréas qui l’entoure 
plus ou moins complètement et aussi les anasto- 
moses mulliples et variées existant chez quelques 
Batraciens et surtout chez les Reptiles (voyez, 
Boulart: C. R. hebd. de lu Societé de Bioloyie, 1888, 
p. 22%), non seulement entre les canaux excréteurs 
des deux organes à leur terminaison, mais entre 
leurs ramifications (canaux hépatiques, cystiques, 
biliaires) et la vésicule. etc.» 

C'est là un exemple excellent du rôle important 
que joue l'Embryogénie dans la solution des pro- 
blèmes d’Anatomie comparée que la Morphologie 
est impuissante à élucider. Mais il y a plus; de ce 
que les ébauches pancréaliques ventrales prennent 
naissance sur le bourgeon hépatique, on peut 
penser à& priori qu'il existe d’étroites relations 
entre le pancréas et le foie, et c'est en effel ce que 
vient démontrer l’observalion. Dans deux groupes 
de Vertébrés, les Cyelostomes d’une part (von Kup- 
fer) et les Sélaciens de l’autre (Laguesse) ! , il ar- 
rive que les ébauches ventrales de l'intestin qui 
représentent les formations pancréatiques ven- 
trales susdites, donnent du foie et non du pancréas 
par la suite du développement. Il semblerait done 
que ces deux glandes annexes du tube digestif, 
le foie el le pancréas, doivent être considérées 
comme une différencialion secondaire d'une même 
formation glandulaire primilive. « Nous rappel- 
lerons, dit Laguesse, que beaucoup d’auteurs con- 


1 Lacuesse, Développement du pancréas chezles Sélaciens. 
Bibliographie anatomique, n° 3, 1894. 


D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE . 


sidèrent l'organe désigné sous le nom de foie chez 
les Invertébrés, comme un hépato-pancrèas possé- 
dant des fonclions mixtes. Ne peut-on supposer . 
que,chez les ancêtres des Vertébrésactuels,existait 


‘sans doute aussi un hépato-pancréas dont les dif- 


férentes parties, par complication graduelle des 
actes digestifs el autres (sécrétions internes), et 
par division du travail de plus en plus complète, 
se sont isolés fonctionnellement et morphologique- 
ment l’un de l’autre. Le foie et le pancréas nous 
apparaissent de plus en plus, au triple point de | 
vue anatomique, physiologique et embryologique. 
comme les deux parties d’un même tout. » 


L’histologie comparée du tube digestif fail, de- 
puis plusieurs années déjà, le sujel des études 
suivies de À. H. Pilliet. Je relève du même auteur 
une note sur la structure de l'estomac du Phoque 
et de l’Olarie ! qui me parait intéressante à plus 
d’un titre. De ces recherches il résulte que l’esto- 
mac des Amphibies, estomac simple, formé d’une 
poche unique, est un véritable estomac de Carnas- 
sier, el les quelques particularités de structure 
qu'il présente ne sauraient l’éloigner de ce type. 
En tous cas, aucune de eelles-ci n’est de nature à 
le rapprocher du type de l'estomac des Cétacés. 
Cette conclusion très précise vient à l'appui de la 
manière de voir de ceux qui, et je suis du nombre, 
se refusent à suivre les zoologistes obslinés à rat- 
tacher les Célacés aux Carnassiers par l'intermé- 
diaire des Cétodontes (voire du Zeuglodon) d’une 
part et des Amphibies de l’autre. Plus on étudie 


l'anatomie des Cétacés, plus on se convaine que 


c'est là une erreur. J'ai insisté ailleurs sur ce point 
el j'ai donné les raisons qui me paraissent plaider 
en faveur d'une relation génétique entre les Céta- 
cés et les Equidés, si toutefois des relations de 
celte sorte ont jamais existé entre les Cétacés el 
les Mammifères terrestres. 

Nous trouvons, en outre d'un mémoire de 
Schwalbe ? sur les théories des dentilions, où cel 
anatomisle donne un résumé des recherches de 
Kükenthal, une note de ce dernier * dans laquelle 
nous relevons une sorte de profession de foi qu'il 
croit devoir exposer lui-même en réponse à un 
travail de Leche *. Leche admet, chez les Mammi- 
fères, quatre denlilions, dont une dentition 
prélactée qui ne laisse que des traces chez les 
de la Sociélé de Biolo- 


1 A, H. Pine, C. R. hebdom. 


gie, 1894, p. 745. 

? ScnwaLge, Ueber Theorien der Dentition. Verhandl. der 
Anal. Gesellsch. in Strasbourg, 1894. 

#3 Zur Dentition Frage, von Willy KükENruaL. Analom. 
Anzeig., 1895,n9 20, p. 653. 

i Lecne, Zur Entwickelungsgesch. des Zanhsystems des 
Saugethier. Bibliotheca Zoologicaherausgegeben von Leuc- 
kart und Cheun. Heft 17, 1895. à 


ammifères les plus inférieurs, tandis que la 
deuxième dentition (dentition de lait des auleurs). 
S'adaptant aux exigences nouvelles, prend un 
grand ‘développement. La troisième dentition 
(deuxième des auteurs ou dentition permanente, 
de remplacement) serait une acquisition nouvelle, 
qui n'aurait plus rien à voir avec les dentilions 
des prédécesseurs des Mammifères, et, enfin, la 
uatrième dentilion en serait encore àses premiers 
développements. 
_ Kükenthal protesie contre ces nouveautés et 
s'élève en parliculier contre l'idée de Leche de 
considérer la dentition de remplacement comme 
une nouvelle acquisilion des Mammifères. 

C'est à ce propos qu'il croit devoir rappeler que, 
chez tous les Maminifères, on trouve seulement deux 
- dentitions qui se succèdent et qui, toutes deux, 
| sont un hérilage des Vertébrés prédécesseurs des 
| 


Mammifères. En réalité, les Mammifères sont 
caractérisés par une réduction graduelle du nombre 
des dentitions qui, assez élevé chez les ancêtres 
polyphyodontes) de cette classe, se réduit graduel- 
lement en même temps que les dentssespécialisent 
dans les groupes les plus élevés en organisation. 
Ces idées ne sont pas nouvelles évidemment ; il 
n'était, toutefois, pas mauvais de les rappeler. 
Nous n’y insislons pas aujourd'hui, comptant pro- 
chainement entretenir plus longuement les lecteurs 
. de la Rerue de cetle question de la succession des 
dentitions chez les Mammifères, à propos de 
recherches que nous devons publier incessam- 
ment. 


 Inverlébrès. — Nous ne ferons que signaler, car 
la Revue l'a longuement analysé, un travail plein 
de faits de M. Bordas !, sur les glandes annexes de 
l'appareil digestif des Hyménopières. Le grand 
nombre d'espèces étudiées. {près de 200) donne à 
ces recherches un intérêt spécial. 


! Borpas, Appareil glandulaire des Hyménoptères (glandes 
salivaires, tube digestif, tubes de Malpighi et glandes veni- 
meuses), Thèse en Sorbonne, Paris, 1895, et Anatomie des 
“landes salivaires des Hÿménoptères de la famille des Ich- 
neumonides. Zool, Anzeig., 1894, p. 131. 


D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 855 


V. — APPAREIL RESPIRATOIRE. 


D'un travail ‘important sur deux orang-outangs 
adultes, publié par un certain nombre de natura- 
listes du Muséum*, nous retenons quelques cha- 
pitres d'anatomie. Une étude très consciencieuse a 
permis à M. de Pousarguesde trouver, dansl’examen 
des organes génitaux de ces deux individus mâles, 
un certain nombre de caractères qui distinguent 
ces organes de ceux de l’homme. En particulier, 
les vésicules séminales, la prostate, les canaux 
éjaculateurs offrent des différences assez mar- 
quées. 

MM. Deniker el Boulart ont étudié les sacs laryn- 
giens etles excroissances adipeuses qui proéminent 
si singulièrement de chaque côté de la face. Les 
singes anthropoïdes sont les seuls à posséder des 
sacs laryngiens développés aux dépens des ventri- 
cules de Morgagni, c'est-à-dire au-dessus des cordes 
vocales, comme c'est le cas ici pour l’orang-ou- 
lang; chez Lous les autres singes qui possèdent 
des sacs aériens en relation avec le larynx, c’est 
au-dessous des cordes vocales qu'ils se développent 
ou bien c’est une poche sous-épiglottique comme 
chez les Pilhéciens. 

Quant aux excroissances qui s’élalent de chaque 
côté de la face, ce sont des formations adipeuses, 
où les éléments cellulo-graisseux très abondants 
sont contenus dans une trame fibreuse compacte. 
Les rapports anatomiques de ces excroissances, 
étudiés avec soin par MM. Deniker el Boulart. 
leur permettent d'homologuer, pour une part au 
moins, ces formations à la boule graisseuse de 
Bichat qu'on retrouve, on le sait, même chez les 
hommes les plus émaciés. 


D' H. Beauregard, 


Assistant au Muséum. 


1 Nous placons ce travail sous la rubrique « Appareil res- 
piratoire », parce qu'il s’agit surtout de sacs en relation avec 
le larynx, mais nous ne voulons rien préjuger de leur rôle. 

2 Observations sur deux Orang-outangs adultes morts à Paris, 
par MM. Muixe-Epwarps, J. Deniker, R. BourarT, E. DE 
PousarGues, F. Dezisce, in Nouvelles Archives du Muséum 
d'Histotre Naturelle. Paris, 1895. 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS 
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LA CÉMENTATION DES LINGOTS DESTINÉS AUX PLAQUES DE BLINDAGE, — LES USINES A TRANSMISSIONS ÉLÉCTRIQUES 
AUX ÉTATS-UNIS, — UN MOTEUR-ALTERNATEUR DESTINÉ AUX RECHERCHES DE LABORATOIRE A UNIVERSITY COLLEGE (LONDRES). 


L'expérience à montré que les plaques de blindage 
employées pour résister au chee des obus doivent, 
pour bien salisfaire à leur destination, offrir celle par- 
ticularité de n'être point chimiquement homogènes 
dans loute leur épaisseur. La face qui recoit le projectile 
doit être plus riche en carbone que les parties pro- 
fondes, Il faut donc, après avoir fait subir à l’acier 
de la plaque l’épuration métallurgique ordinaire, arri- 
ver à dissoudre dans le fer de la face exposée au choc 
et un peu au-dessous de celte face une petite quantité 
de carbone, et empêcher ce carbone d’addition de pé- 
nétrer {rop profondément dans la plaque. C’est cette 
opération qui constitue la cémentation. 

La pratique de la cémentation est relativement fort 
ancienne; mais, jusqu'à présent, la carburation, en 
laquelle elle consistait, était produite par l'effet du 
contact du 


arrière du lingot et à l’intérieur duquel peut être éta- 
blie une circulalion d’eau, afin d'augmenter encore la 
rapidité de ce refroidissement. Les deux garnissages 
perpendiculaires servent de transition entre la paroi 


mauvaise conductrice et la paroi bonne conductrice. … 


Ils se composent donc de prismes en matières réfrac- 
taires EF, dont Parète vient aboutir à la paroi métal- 


lique. La forme contournée donnée à la lingotière tient … 


compte des différences de refroidissement au centre el 
sur les côtés du lingot, et permet d'obtenir un refroi- 


dissement progressif par tranches parallèles à Ja paroi | 
métallique. Il en résulte que la couche d'acier cémenté 


est à peu près uniforme sur toute la surface dure du 

lingot. 
La préparation spéciale du pisé de matières carbu- 
rantes, qui sont complètement débarrassées de leurs 
gaz. elsa gran- 


charbon avec = 
le métal, ce- 
lui-ci restant 
solide et étant 
porté seule - 
mentà la tem- 
pérature du 
Jaune (11000). 


NN 


LS 


EMPLACEMENT DU 


de dureté,sont 
telles qu’il est 
possible de 
couler l'acier 
sans avoir à 
craindre la 
moindre effer- 
vescence, Le 


Dans ces con- ea métalnebouil- 
ditions la pro- Are © \ LINGOT : \|  F lonne pas el 
fondeur de la E:# & Ë F reste aussi cal- 
carburation KiN C NN me que sil 
est fonction NN \ était coulé 


du temps. 
:’est ainsi 
que, pour ar- 
river, dans le 


dns une sim- 
ple lingotière 
à parois mé- 
talliques. 


procédé Har- 
vey, à cémen- 
ter d’un cen- 
timètre à un centimètre et demi une plaque d'acier 
doux de 20 centimètres d'épaisseur, 15 à 20 heures 
sont nécessaires. 

Or, voici un procédé tout nouveau, qui réalise, à ce 
point de vue, un progrès évident. Il est dù à un mé- 
tallurgiste bien connu, M. Emile Demenge, qui vient 
de l'appliquer, aux usines de Pamiers, à la cémenta- 
tion des plaques de blindage, 

Le principe de la méthode est de carburer directe- 
ment l’une des faces du lingot lors de la coulée (à 1400c) 
en garnissant de matières carburantes l'une des parois 
verticales de la lingotière, et d'empêcher cette carbu- 
ration de se propager trop profondément à l'intérieur 
du lingot, en refroidissant énergiquement la paroi 
verticale de la lingotière opposée à la paroi carburante, 
afin qu'à son contact l’acier devienne très vite pâteux 
et ne puisse absorber le carbone qui commence à se 
dissoudre. 

La lingotière dans laquelle l'acier extra-doux estcoulé, 
a donc l’une de ses parois AB (fig. 1) garnie d’un pisé 
de matières carburantes et, de ce côté, l'épaisseur de 
la couche mauvaise conductrice de la chaieur, située 
en arrière des matières carburantes, peut varier sui- 
vant l'énergie que l’on veut donner à la cémentation : 
on peut même y ménager des carneaux qui seraient 
parcourus par des gaz chauds. La paroi opposée, CD, 
est, au contraire, constituée en matière bonne conduc- 
trice : c’est un bloc en fonte d’une certaine épaisseur, 
agissant par sa conductibilité pour refroidir la partie 


Fig. 1. — Coupe horizontale de la lingotière. 


Tous les cé- 
ments ulilisa- 
bles ont été 6- 
tudiés, depuis le charbon de cornue jusqu’au noir ani- 
mal, et, en faisant varier le mélange des différentes 
matières carburantes dans le pisé qui constitue la paroi, 
on peut obtenir des variafions correspondantes dans la 
cémentalion. Par exemple, la cémentation obtenue avec 
le coke est à peu près moitié moindre que Ja cémenta- 
Lion avec le charbon de bois. Des matières inertes, 
telles que Ja chaux ou l'argile, peuvent également 
entrer dans la composition du pisé pour retarder le 
commencement de la cémentalion, ces malières étant 
mélangées au charbon à la surface seulement du pisé 
et devant disparaître en donnant des scories fusibles. 

Le lingot peut être coulé avec la masselotte néces- 
saire. On évite donc toute trace de relassement dans 
la partie utilisable. 

La surface cémentée du lingot obtenu est un peu 
rugueuse, mais, au forgeage, dès la première chaude. 
toute irrégularilé disparaît. 

Le forgeage de ce métal hétérogène se fait dans de 
très bonnesconditions,etsans autres précautions qu'une 
température relativement modérée. La presse doit être 
prélérée au pilon, La plaque, terminée au laminoir, ne 
se déchire pas. 

Enfin, la trempe de ce métal, qui, malgré son hété- 
rogénéilé, présente des tranches de duretés progres- 
sives, ne provoque pas de lapures. 

Des lingots de 500 kilos à 3.000 kilos ont été coulés 
dans des lingotières établies d’après le principe décrit 
plus haut, mais dont la paroi refroidissante n’était 


£ 
Fa 


DE constituée que par une masse métallique sans circula- 
| tion d’eau: cetle paroi n’agissait, par conséquent, que 
par sa conductibilité propre, 

— Un lingot de 3.000 kilos de 400 millimètres d’épais- 
k . seur, réduit par le forgeage et le laminage en une 
pique de 109 millimètres d'épaisseur, renfermait les 
FA quantités de carbone suivantes (prises faites sur la 


- plaque même) : 
Ë 


1 TENEUR EN CARBONE 


De0à 5%, à partir de la surface dure 
5 û 


UGS 


SDOSQCCSCr 
Cr: (t'a . 
= 19 C2 in M Où © NO CE 


a La courbe ABCD (fig. 2) donne la représentation de 
- ces différentes teneurs rapportées aux épaisseurs à 
É: 
> 


175 À 


Tinieur 


Te T T T F = +, 


» Fig. 2. — Teneur en carbone en fonction de l'épaisseur. 


EQ 


partir de la surface dure. Le point C, origine de la 
chute du carbone du côté de la surface douce, peut 
ètre rapproché du centre de la plaque, si l’on aug- 
mente la rapidité de refroidissement par une circu- 
lation d’eau froide. 

L'économie de ce procédé, comparé au procédé 
Harvey, est évidente. Au lieu d'exiger un long séjour 
dans un four à très haute température, ce qui est très 
préjudiciable à la bonne qualité du métal, la cémen- 
tation se fait de suite à la coulée et peut être aussi 
prononcée que l’on veut. Quant à la partie arrière de 
la plaque, elle est aussi douce que possible, puisqu'elle 
se compose de l'acier extra-doux originaire, dans 
lequel on ne laisse pas au carbone le temps de se dif- 
fuser. On doit done pouvoir employer du métal ordi- 
naire sans nickel ni chrome, 

D'autre part, le procédé Harvey ne permet pas de 
proportionner l'épaisseur de la couche d'acier de 
cémentation à l'épaisseur de la plaque, et c’est pour 
cela que les résultats obtenus sur les plaques Harvey 
de gros calibre ne sont pas aussi satisfaisants que sur 
les plaques d'épaisseur moyenne, Avec le procédé 
Demenge,on concoitque le même inconvénient puisse 
ètre évité, car la cémentation sera toujours plus pro- 
noncée sur un lingot de grosse masse, 


L'emploi des transmissions électriques se répand 
de plus en plus tous les jours, quoique un peu trop 
lentement peut-être au gré des électriciens, D'ailleurs, 
beaucoup d’industriels et d'ingénieurs en sont en- 
core à douter des avantages du système. Le fait est 
étonnant, mais exact. Sans se livrer au calcul très 


| ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 
__ ———————————— ——= = — — EE 


+ 


simple qui montrerait dans chaque cas particulier quel 
est le système qui donnerait le meilleur rendement, 
ils préfèrent se dire qu’à priori il est absurde, au lieu 
d’accoupler directement la machine motrice à la ma- 
chine-outil, d’intercaler entre elles une dynamo géné- 
ratrice et une réceptrice. Il en résulte qu'on peut voir 
encore, même dans de nouvelles usines, cet enchevé- 
trement d’une multitude d’arbres de transmission et 
de courroies si laid, si encombrant, si dangereux et 
souvent si coûteux. Lorsqu'il s'agit de la transforma- 
tion d'anciennes usines, la prudence est encore plus 
grande, et elle se comprend mieux; ear ik faut tenir 
compte de la dépense de transformation qui peut, dans 
ce cas (mais il n’en est pas toujours ainsi), compenser 
les avantages que lon relirerait d’un meilleur rende- 
ment des transmissions électriques. 

Cette prudence n’est cependant pas générale, et nous 
enregistrons de temps en temps avec plaisir l'exemple 
d'un industriel que le progrès n’a pas effrayé. La jeune 
et téméraire Amérique nous en offre évidemment 
beaucoup plus que la vieille et défiante Europe. La 
construction des usines hydrauliques du Niagara était 
à peine commencée que déjà, dans les pays environ- 
nants, s’élevaient une multitude d’autres usines où 
n’entrera pas un gramme de charbon et qui utiliseront 
uniquement le courant produit par les premières. Mais, 
en dehors de celles-là, qui sont d’un genre tout à 
fait particulier, puisque l'énergie qu’elles emploient 
leur est directement fournie sous forme de courants 
électriques, nous en trouvons un grand nombre d’au- 
tres qui ont adjoint à leurs chaudières et à leurs ma- 
chines à vapeur ües dynamos et des moteurs électri- 
ques. The Engineering and Mining Journal cite deux 
établissements destinés au déchargement et à l’'emma- 
gasinement du charbon amené dans les grands ports. 
Ces établissements sont de véritables usines. L'un 
d'eux, situé à San Francisco, comprend plusieurs 
grues destinées au déchargement proprement dit et un 
réseau de petites voies sur lesquelles circulent des wa- 
gonnets tirés par des locomotives électriques et distri- 
buant le charbon dans les divers dépôts. Tout cela 
fonctionne depuis plus de six mois de la manière la 
plus satisfaisante. Trois chaudières multitubulaires 
fournissent la vapeur à deux machines Mac Ewen 
tandem-compoud, de la force de 135 chevaux, tournant 
à 135 tours par minute et conduisant, au moyen de 
courroies, deux dynamos hypercompoundées de 
90 kwts, 250 volts, du type multipolaire de la General 
Electric Company. Ces machines sont soumises à un 
régime assez pénible, puisqu'il arrive souvent que leur 
charge varie en une ou deux secondes de quelques 
chevaux à 100, ou de 130 à zéro. Un autre exemple, cité 
par l’American Machinist, est peut-être encore plus 
digne d’être retenu. Il s’agit de The Baldwin Locomotive 
Works, de Philadelphie. Ces usines, déjà anciennes, 
possédaient autrefois les transmissions ordinaires 
qu’elles viennent de remplacer entièrement par des 
transmissions électriques. L'auteur qui nous signal, 
ce fait, charmé des avantages qui en sont résullés, le 
signale en termes presque dithyrambiques, mais cepen- 
dant peu suspects de partialité, car ils n'émanent 
pas d'un électricien. Les ingénieurs de The Baldwin 
Locomotive Woris, ayant constamment à transporter 
à trase rs leurs usines les lourdes pièces de locomotive 
qu'ils tournent, montent, ajustent, ete., eurent l’idée. 
pour économiser la main-d'œuvre, d'installer des ponts 
roulants. Mais ils étaient gènés par Jes courroies qui 
s’'entrecroisaient dans tous les sens. Ils résolurent de 
les supprimer, et furent ainsi conduits à l'adoption des 
transmissions électriques. Cette transformation fit tout 
d’abord tomber de 500 chevaux à 250 la force motrice 
totale nécessaire. Ensuite, les ateliers y gagnèrent beau- 
coup en propreté et en clarté. Le travail s'en ressentit : 
il se fit plus facilement et plus vite, C’est ce dont ne 
tardèrent pas à s'apercevoir les ouvriers qui, tous, tra- 
vaillent au x pièces. Nous pouvons ajouter aussi que les 
risques d'accidents ont été grandement diminuées. 


558 


ACTUALITES SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


La commande des machines par un courant élec- 
trique offre aussi cet avantage qu’on peut les placer 
à l'endroit de l'atelier où il semble le plus facile de 
les faire fonctionner. On les flanque d'un petit moteur. 
[Il suffit dès lors d’un mince cäble pour amener le 
courant et pour les mettre en route. Un rhéostat de 
réglage rend l’ouvrier maître de la vitesse de son outil. 
Le travail fini, une petite clef à tourner, et tout reste 
immobile. 


Les travaux de laboraloire nécessitent souvent l'u- 
sage de courants alternatifs dé fréquences diverses. 
Le moyen le plus simple et le moins coùteux pour se 
les procurer est l'emploi d’un alternateur capable de 
marcher à différentes vitesses. Et ilest bon, il est même 


chaque côté de l’armature, ceux de même nom en re- 
gard. Quand ces alternateurs marchent à la vitesse de 
1250 tours, ils donnent une force électromotrice de 
100 volts. Des rhéostats, intercalés d’une part dans le 
circuit d’excilation de l'alternateur, d'autre part dans 
le circuit d’armature du moteur à courant continu, 
permettent de régler la force électromotrice produite 
ainsi que la vitesse, c'est-à-dire le nombre de périodes 
du courant. 

Les deux groupes de machines ont leurs arbres situés 
dans le prolongement l’un de l'autre et disposés de 
manière à pouvoir êlre facilement accouplés ou sé- 
parés. L'accouplement, en particulier, peut donner lieu 
à plusieurs combinaisons : selon que l’on avance une 
armature d'une quantilé plus ou moins grande par 


Fig. 3. — Vue du molewr-allernateur installé au Laboraloire des recherches électriques à Universily-College (Londres). — 
Au premier plan, on apercoit les deux groupes de machines dynamos destinées à produire le courant éléctrique: au second 
plan se trouve le moteur à vapeur avec ses deux grands volants et les courroies servant à transmettre le mouvement aux 


axes des machines dynamos. 


nécessaire que la fréquence et par suite la vitesse 
puissent varier d'aussi petites quantités que l'on vou- 
dra. Un moteur à courant continu répond, à ce pointde 
vue, aux plus grandes exigences. C’est ainsi qu'on en a 
jugé à University College de Londres. Notre figure 3, em- 
pruntée à The Electrical Review, représente l'installation 
faite au laboratoire des recherches électriques, Celle ins- 
tallation est double, c'est-à-dire qu’elle comprend deux 
sroupes de machines semblables nettement visibles au 
premier plan de notre figure. Elles ont élé exécutées 
d’après les calculs et dessins de MM. Fleming et Kapp. 
Les moteurs à courant continu marchent sous une 
tension de 100 volts, et sont d’une force de 5 chevaux. 
L’armalure peut donc supporter de 35 à 40 ampères. 
Elle est du type à anneau, formée de 216 tours de fils 
et raltachée à un commutateur à 72 lames. Les noyaux 
des électro-aimants sont en acier fondu et ont 45 cen- 
timètres de diamètre, 

Les armatures des alternateurs ont une âme en fer 
el sont composées de 8 bobines ayant chacune 16 tours 
de fils. Les pôles, au nombre de huit, sont placés de 


rapport à l'autre, on décale les courants produits d’un 
angle variable à volonté. Si l’on a convenablement 
choisi le nombre et la place des boulons d'assemblage, 
il est possible, par exemple, d'obtenir soit des cou- 
rants en concordance de phase, soit des courants bi- 
phasés ordinaires, décalés de 90», 

Depuis leur installation à University College, ces 
machines ont étécomplétées par quelques petits oppa- 
reils accessoires. L'un d'eux sert à inscrire la forme du 
courant alternatif, Un autre est un indicateur hydrau- 
lique de la vitesse, Il est formé par une pelite pompe 
centriluge qui est accouplée à l'arbre des dynamnos et 
qui refoule de l’eau colorée dans deux tubes dont l’un 
se trouve près des machines et l’autre dans la salle 
des es-ais électriques. La hauteur à laquelle l’eau se 
maintient dans ces tubes est fonclion du nombre de 
tours effectués par minute el sert à le mesurer. L'ins- 
trument est, paraît il, d’une grande sensibilité et ca- 
pable d'accuser une variation de moins de un pour cent 
dans la vitesse de rotalion. A, Gay, 

Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. 


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BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 859 


1° Sciences mathématiques. 


D (Hermann), — Gesammelte mathema- 
tische und physikalische Werke, herausqegeben 
von Fr. Engel, 1° volume, 1° parlie : Die. Aus- 

» dehnurgslehre von 1844 und die geometrische 

“ Analyse. — 1 vol. gr. ir-8° de 435 pages avec 35 fig. 

” et un portrait de Grassmann. (Prix : 15 fr.) B. G. 
Teubner. Leipzig, 1895. 


Les travaux de Grassmann sont restés pendant 
longtemps méconnus des mathématiciens. Ce n’est 
qu'à la fin de sa vie que le savant géomètre et philo- 

« logue a eule bonheur de voir ses idéesreprises et déve- 
Ë loppées par quelques auteurs. Ilest vraique ses premiers 


mémoires ne sont guère d'une lecture facile ; cela doit 
. Être atiribué au grand nombre de notions nouvelles 
- que l’on y rencoutre, et au formalisme si abstrait qui 
| enveloppe leur exposé. Grassmann avait devancé ses 
> contemporains. Cependant beaucoup de ses résultats 
+ nous sont aujourd'hui très familiers; ils ont élé re- 

trouvés sur une voie différente par d’autres géomètres. 

Le peu d'importance qu'on altacha d’abord aux re- 
cherches de Grassmann fut suivi d’une réaction, bien 
méritée, qui arracha de l’oubli cet éminent professeur 
- du Collège de Stettin. Ce mouvement vient de recevoir 

une heureuse impulsion, grâce à l'initiative de la So- 

ciété scientifique royale de Saxe, qui entreprend la pu- 
. blication des Œuvres mathématiques et physiques de 
 Grassmann, Lalâche a été confiée à M. Engel, qui 
» s’est assuré la collaboration de plusieurs savants, et, 
+ à en juger d’après le volume dont nous avons à rendre 
- compte, cette publication est dirigée avec beaucoup de 
soin. Ce n’est pas une simple reproduction des tra- 
i 


: 


vaux de Grassmann ; chaque mémoire est accompagné 
de notes explicatives et critiques, qui ont pour but de 
faciliter leur étude. 
- Le tome premier a été divisé en deux parties, dont 
- la première ‘seule vient de paraitre. Elle contient: 
. 1° [a théorie publiée en 1844 sousle nom de Ausdeh- 
- nungslehre ; 2° l'Analyse géométrique (1846). La seconde 
partie sera consacrée au volume publié en 1862, dans 
. lequel Grassmann expose ses idées sur une base nou- 
* velle plus facilement abordable aux mathématiciens. 
La théorie de Grassmann (Ausdehnungslehre) peut 
ètre désignée sous le nom de Science extensive. L'au- 
- teur la considère comme une branche nouvelle des 
- mathématiques. Il s’est proposé de constituer une 
+ théorie des fondements abstraits de la science des 
| grandeurs, sans avoir recours à la Géométrie, qui 
n’est qu'une application de son système à l’espace. Ses 
. propositions ne doivent pas être considérées comme 
. une simple traduction des faits géométriques dans un 
langage abstrait; elles ont une importance tout à fait 
générale. On se trouve ainsi conduit à un procédé de 
Ë calcul, qui, appliqué à la Géométrie, devient très 
‘fécond. C’est une méthode à la fois synthétique et 
analytique; elle permet la résolution immédiate d'une 
foule de problèmes qui se présentent non seulement 
en Géométrie, mais encore dans toutes les branches 
dépendant de la science de l'étendue. L'auteur con- 
sacre en particulier plusieurs paragraphes à l’examen 
- des principes de la Statique. Signalons aussi ses 
- applications à la Cristallographie. 
- L'Analyse géométrique remporta en:846.leprix dela 
Société Jablonowski qui avait proposé le problème sui- 
- vant: Reconstiluer et développer .e calcul geometrique de 
* Leibnitz, ou établir un calcul ana ogue. Dans ce travail 
- Grassmann prend comme point de départ les caracté- 


ristiques de Leibnitz, en s'appuyant sur les principes 


Lué 166 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


qu’il venait d'exposer dans son traité de 18#4, Ce mé- 
moire doit même être envisagé comme la suite de cet 
ouvrage; il contient la théorie de la multiplication 
intérieure avec ses applications à la Géométrie et à la 
Mécanique. 

En France, les idées de Grassmann sont encore très 
peu connues. Elles ont toutefois trouvé un défenseur 
en la personne de M. Carvallo, qui a su les présenter 
sous une forme remarquablement simple, dans une 
série de notes insérées dans les Nouvelles Annales (voir 
en particulier l’année 1892). La lecture de ces notes 
pourra servir de préparation à tous ceux qui voudront 
s'initier aux belles méthodes que l’on doit au savant 
professeur de Stetlin. H. Fer. 


Minel (P.), Ingénieur des Construelions navales. — 
Régularisation des moteurs des Machines élec- 
triques. — 1 vol. petit in-8°°de l'Encyclopédie scienti- 
fique des Aide-Mémoire, publiée sous ludirection de 
M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché,-2 fr. 50; 
cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars et fils et G. Masson, 
Paris, 1895, 


Conserver aux bornes des lampes électriques une 
différence de potentiel constante, quelle que soit la 
charge, telle est la condition essentielle de tout bon 
éclairage: des dynamos bien compoundées maintien- 
nent cette constante, à la condition que leur vitesse 
ne change pas elle-même; mais on ne rencontre pas 
toujours des moteurs capables d’assurer à ces dynamos 
une allure régulière et indépendante de leur charge. 
La régularisation de cesmoteurs est donc restée la plus 
grosse difficulté de la question. M. P. Minel a réussi à 
donner une solution pratique et sûre du problème, et 
les essais exécutés, à bord du Neptune et du Borda, ont 
témoigné de la perfection de sa méthode. Les principes 
sur lesquels elle repose sont exposés avec une grande 
clarté dans ce petit volume de la collection Léauté. 

Le savant ingénieur ne considère dans son étude 
que les machines à vapeur munies de régulateurs à 
force centrifuge avec ressort antagoniste, agissant 
non pas sur la détente, mais sur la pression de va- 
peur : c’est la disposition adoptée généralement dans 
la marine. Mais la solution du problème serait étendue 
aisément aux autres modes de régulation. 

Après avoir décrit le fonctionnement des régulateurs, 
l'auteur énonce des considérations générales sur ces 
appareils, sur leur isochronisme et leur stabilité ; il fait 
ressortir l'influence décisive de la forme des valves sur 
la marche d’une machine dans ses divers états de 
régime. La sensibilité des régulateurs est ensuite étu- 
diée avec soin. Toutes ces questions sont élucidées à 
l’aide de courbes très suggestives, qui représentent 
aux yeux les divers phénomènes et parlent plus claire- 
ment à l'esprit qu'une analyse compliquée. 

La seconde partie du livre est consacrée au fonction- 
nement, la troisième à l'installation des régulateurs : 
l'ouvrage se termine par l'établissement d'un avant- 
projet qui résume pour ainsi dire tout le travail. 

Le livre de M. Minel, bien qu'il n’envisage qu’un cas 
particulier de la régulation des moteurs, présente un 
vif intérêt et il a une grande portée scientifique. 
M. Léauté en a écrit la préface : c'est un titre de plus 
à l'attention des lecteurs. A. Wirz. 


Schülke (D' A.). — Vierstellige Logarithmen-Ta- 
feln, nebst mathematischen, physikalischen und 
astronomischen Tabellen, für den Schulgebrauch. 
— 1 vol. in-8 de 20 pages. (Prie :0 fr.75.) B.-G. Teubner. 
Leipzig, 1895. 


à CAMES 


860 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


2° Sciences physiques. 


Camichel (Charles). — Étude expérimentale sur 
l'absorption de la lumière par les cristaux. {Thèse 
pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) 
— Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1895. 
L'absorption de la lumière par un milieu anisotrope 

cristallisé est un phénomène des plus intéressants; 
l'étude des conditions dans lesquelles il se produit 
peutfournir de précieuses indications sur les propriétés 
de la lumière et sur la constilution des cristaux: aussi 
le pléochroïsme (c’est le nom par lequel on désigne le 
phénomène) a-t-il été l’objet de nombreux travaux, 
tant expérimentaux que théoriques; mais on n’est pas 
encore fixé sur toules les particularités de cette absorp- 
tion, et les connaissances expérimentales, définilive- 
ment acquises, restent insuffisantes pour permettre 
un choix incontesté entre les diverses théories propo- 
sées. On a démontré que l'absorption, comme toutes 
les propriétés physiques, satisfait aux conditions de 
symétrie cristalline, qu’elle ne dépend que de la 
direction de la vibration, mais peut-elle se calculer en 
admettant, par exemple, la loi de l’ellipsoide d’ab- 
sorption de Mallard? Sur ce point si important et d’au- 
tres encore, les expérimentateurs ne sont pas en par- 
fait accord; le travail très consciencieux de M. Cami- 
chel élucide quelques points intéressants de la 
question. 

Pour faire de bonnes mesures d'absorption de la 
lumière, il faut avoir à sa disposition, comme appareil 
fondamental, un bon spectrophotomètre d'une sensibi- 
lité sultisante et permeltant d'opérer dans une région 
peu étendue du cristal, de facon à éviter la fâcheuse 
influence des défauts d’homogénéité, M. Camichel a 
obtenu de très bons résultats en modifiant habilement 
l'excellent spectrophotomètre de M. Gouy; il a pu 
ainsi arriver à des conclusions précises. Tout d’abord, 
il peut répondre à cette question primordiale : les 
équations de la lumière sont-elles {oujours linéaires 
dans les milieux absorbants? Pour tous les cristaux 
étudiés, tourmaline, épidote, ferrocyanure de potassium, 
andalousite, la réponse est neltement affirmative. 
L'auteur montre ensuile qu'une seule exponentielle 
suffit pour représenter l’absorption d’une vibralion 
oblique par rapport aux axes d'élasticilé optique, et 
que, si la théorie de l’ellipsoïde représente bien les 
phénomènes dans les cristaux symétriques, elle ne 
convient plus pour les cristaux dissymétriques, ou 
tout au moins il faudrait admettre que les axes de 
l'ellipsoide d'absorption ne coïncident pas avec ceux 
d’élasticité optique. Toutefois, celte obliquité des axes, 
qui est un fait général dans les cristaux naturels ou à 
coloration propre, n'existe plus dans les cristaux dis- 
symétriques colorés artificiellement (sel de De Sénar- 
monl) 

On doit louer M. Camichel d’avoir soigneusement 
indiqué et discuté la précision de ses expériences; elle 
surpasse, sans doute, celle qu'avait atteinte les pré- 
cédents expérimentateurs, mais il se pourrait qu’elle 
n'ait pu encore être portée assez loin pour trancher 
cerlaines questions. Ainsi, d'après M. Carvallo, la loi 
d'absorption de Mallard ne se vérifierait que dans 
une première approximation, et même la superposi- 
tion du pouvoir rotatoire à l'absorption rendrait obli- 
ques entre eux lesaxes principaux d’absorption. En 
attendant que de nouvelles méthodes photométriques 
permettent de pousser plus loin les recherches de ce 
genre, le travail de M, Camichel demeurera parmi 
ceux que devra consulter tout expérimentateur ou 
tout Ihéoricien qui voudra étudier cette intéressante 
question de l’absorption de la lumière par les cristaux. 

Lucien Poincaré. 

Guerronnan (A.). — Dictionnaire synonymique 
français, allemand, anglais, italien et latin des 
mots techniques et scientifiques employés en 
photographie. — 1 vol. gr. in-8° dè 180 pages. (Prix : 
5 fr.) Gauthier- Villars et fils. Paris, 1895. 


Barral (EL), Agrégé à la Faculté de Médecine de Lyon. 


— Recherches sur quelques dérivés surchlorés . 
du phénol et du benzène (Thèse pour le Doctorat de 


la Facullé des Sciences de Paris). — 14 vol. in-8° de 
130 pages. Imprimerie Legendre, 14, rue Bellecordière, 
Lyon, 1895. 


M. Barral étudie spécialement dans sa thèse les pro- 
duits singuliers que lon oblient en chlorant à fond le 
phénol ordinaire : l'un d'eux, vulgairement appelé 
hexachlorophénol, à cause de sa formule brute CéCISO, 
était jusqu'ici considéré comme un hypochlorite de 
perchlorophényle CI-0-C5CF, bien qu'aucune de ses 
propriétés chimiques ne soit d'accord avec cette hypo- 
thèse. 

M. Barral, après avoir donné un mode de prépara- 
tion pratique de ce corps, montre qu'il se transforme 
avec la plus grande facilité en chloranile, sous l’action 
de l'acide azotique, de l'acide sulfurique, ou même de 
l'eau pure à 160°. Ce premier fait montre qu’il existe 
une relation étroite entre la quinone et l'hexachloro- 
phénol., 

Avec les anhydrides d'acides organiques ou leurs 
chlorures, cette fois en présence du chlorure d’alumi- 
nium, l'hexachlorophénol donne les éthers du phénol 
perchloré ,CiCISOH; sur les alcools il agit comme 
oxydant et donne, suivant les cas, un aldéhyde ou un 
acide. 

Avec le perchlorure de phosphore, enfin, il se change 
en parabichlorure de benzène hexachloré G5C, ainsi 
que le chloranile lui-même. Ce nouveau chlorure re- 
vienf d’ailleurs à l’état de chloranile sous l’action de 
l'acide azolique ou de l'acide sulfurique. 

Il résulte de là que c'est au chloranile qu'il faul 
rapporter la formule de structure de l’hexachlorophénol 
et du parabichlorure de benzène hexachloré, et comme 
ce dernier prend naissance dans les condilions mêmes 
où les acélones se transforment en hydrocarbures bi- 
chlorés, il est naturel de considérer le chloranile 
comme une diacétone 1.4. 

Cette conclusion s'étend naturellement jusqu’à la 
quinone elle-même, et ce n’est pas la moins impor- 
tante du mémoire de M. Barral, car elle permet de 
décider entre les deux formules de Fittig et de Graebe, 
qui en faisaient soit la cycloheradiène-dione 1.4, soit le 
dioxy 1.4 phène. ' 

En conséquence, le chloranile et les corps étudiés 
par l’auteur doivent s’écrire ; 


Co co CCE 
nu Je eo sn 1e 
a PR is 
ciC\ CCI CIC\ 7CC1 CIC\ 7 CCi 

Co CCI? CCR 
Tébrachloro- Hexachloro- Oclochloro- 


hexadiène-dione 1.4 hexadiène {.4one  hexadiene 1.4 


En poursuivant jusqu’à refus l’action du chlore sur 
le phénol, en présence du chlorure d’antimoine, 
M. Barral a oblenu trois dérivés isomériques sur- 
chlorés, répondant à la formule brute CtCISO et dont 
les propriétés ressemblent sur certains points beau- 
coup à celles de l'hexachlorophénol; ce sont sans 
doute encore des composés acétoniques; l’auteur les 
désigne sous le nom de trichlorures de pentachlorocyclo- 
hexudiénone. 

Tout cela est fort intéressant, mais en vérilé pour- 
quoi faire intervenir une nouvelle nomenclature dans 
la dénomination de ces corps, sisimple avec les seules 
conventions de Genève? J'avoue que, pour ma part, il 
west impossible de concevoir un chlorure de chlorocy- 
clohexadiène, surtout quand il s’agit de l’octochloro- 
phénol CéCISO, qui est en réalité une octochlorocyclohexe- 
none n'ayant plus la double liaison caractéristique du 
cycloheæadiène. 

C’est d’ailleurs la seule critique que je puisse faire 
au mémoire de M, Barral : le travail est bon et les con- 
clusions excellentes. L. MAQUENNE. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


APPEL SNL PE 27, 


S61 


agnin (Ant), Professeur à la Facullé des Sciences de 
Besançon. — Les lacs du Jura. N° 1 : Généralités 
sur la limnologie jurassienne. { vol. in-8° de 96 
… pages avec 17 fig. et 1 carte hors teute, N° 2 : Végé- 
tation des lacs du Jura Suisse. 1 vol. in-8° de 
2% pages avec à fig. et 2 planches. H. Georg, à Lyon, 
… ct J.-B. Baillière, à Paris, 1895. 
M. le D' Magnin, professeur à la Faculté des Sciences 
“de Besancon, vient de publier deux nouvelles brochures 
“sur les lacs du Jura, — La première (Généralités sur la 
mnologie jurassienne) est une monographie où l’au- 
eur nous donne tous les renseignements géographiques, 
éologiques, physiques, chimiques et botaniques qu'il 
pu recueillir sur les lacs de sa région favorite, Elle 
n'est pas, d’ailleurs, seulement, une compilation des 
plus instructives; elle comprend aussi de nombreuses 
recherches faites par M. Magnin, à qui l’on doit l’explo- 
bration topographique de 66 petits lacs du Jura, et 
d'exploration botanique d'un nombre beaucoup plus 
grand encore. Les savants, voire mème les amateurs et 
les touristes, trouveront de précieuses indications dans 
“cet ouvrage de M. Magnin. 
- La deuxième brochure (végétation des lacs du Jura 
Suisse) s'adresse plutôt aux botanistes de profession. 
auteur s'occupe de la distribution de Ja végétation 
dans les lacs du Jura Suisse (lacs de Joux, lac Brenet, 
Jac Ter, lac des Tallières et lac de Chailleron; ce der- 
nier sur la frontière Franco-Suisse). Il montre com- 
- ment celte végétation varie, soit dans les diverses ré- 
gions d’un même lac, soil encore d’une année à l’autre. 
“ Le travail de M. Magnin est une contribution impor- 
«tante et très intéressante à la limnologie francaise, 
Ru A. DELEBECQUE. 


“Queva (Ch.), Docteur ès sciences. — Recherches sur 
l’Anatomie de l'appareil végétatif des Taccacées 
et des Dioscorées. — 1 vol. in-8° de 460) pages avec 
18 planches contenant 702 fig. Imp. L. Danel, Lille, 1895. 


Les Taccacées et les Dioscorées représentent, dans 
l’ordre des Liliflores, deux petits groupes particuliè- 
rement intéressants. Les Taccacées ont un port si par- 
ticulier que des botanistes sagaces, comme R. Brown 
et Endlicher, les ont considérées jadis comme formant 
des types intermédiaires aux Monocotylédones et aux 
‘Dicotylédones. On n'hésite plus à les placer à côté des 
maryllidées ; elles s’en distinguent pourtant, indé- 
pendamment du port, par des caractères importants; 
les Taccacées présentent, en effet, une disposition par- 
ticulière du filet staminal, disposilion qui, s’exagérant 
chez plusieurs d’entre elles, produit au-dessus de l’an- 
thère un appendice en capuchon. On ne trouve rien 
“de pareil chez aucune autre Liliüflore. En outre des 
préfeuilles constituant la spathe, chaque fleur possède 
une pelite bractée chez toutes les Taccacées. Les dix 
‘espèces qui constituent cette petite famille homogène 
manifestent, d’ailleurs, l'ancienneté de la famille par 
leur distribution géographique ; car presque loutes les 
D régions tropicales ont leur petite part d’es- 
pèces propres. Leur appareil végétatif s'éloigne peu, 
“quant à l'aspect, du type que nous avons coutume de 
voir chez les Liliacées et les Amaryllidées. 
d Les Dioscoracées sont moins éloignées des types 
“ordinaires, au point de vue de la symétrie florale ; elles 
“occupent un rang intermédiaire entre les Liliacées et 
les Amaryllidées ; mais elles se rapprochent aussi des 
… Taccacées par les Stenomeris aux fleurs hermaphro- 
…. dites, aux ovules nombreux ; elles représentent aussi 
un terme ancien dans le monde, s’il faut en croire la 
répartition géographique et les documents paléonto- 
“: logiques. Leur port est, du reste, remarquable à beau- 
coup d'ésards; elles sont grimpantes; les longs entre- 
nœuds de leurs tiges aériennes portent des feuilles 
… pétiolées à nervation réticulée, qui rappellent celles 
“des Smilax, mais elles en diffèrent beaucoup par la 
4 structure, 


; 


Les grandes difficultés des problèmes que propose 
l'anatomie comparée de ces plantes ont tenté M. Queva; 
on doit lui savoir gré de les avoir affrontées. Ajoutons 
tout de suite qu'il s’est montré à la hauteur d’une 
tâche aussi difficile. IL se défend, tout d'abord, d’entre- 
prendre un travail d’analomie systémalique; il en- 
tend seulement déterminer le lype d'organisation des 
deux familles en mellant en évidence ce qui semble 
appartenir à la forme originelle et ce qui indique des 
adaptations ultérieures. 

M. Queva a soin de commencer ses études par celle 
du développement de la jeune plantule lors de la 
germination, chaque fois qu'il le peut. Ses observa- 
tions anatomiques sont suivies avec rigueur; COMmpo- 
sition histologique des faisceaux aux différents stades ; 
parcours, extinction et réparalion des faisceaux ; déve- 
loppement des organes, sollicitent également son atten- 
tion. 11 s'attache surtout à connaître, par la voie du 
développement, la nature du tubereule dans le cas où 
il s'en forme. Celui du Tacca pinnaltifidu a la valeur 
d’une tige invaginée. Il n’en existe pas de cette sorte 
chez les Dioscorées, où la nature morpholosique du 
tubercule est souvent malaisée à déterminer. Ceux du 
Tamus communis et du Dioscorea sinuata sont unique- 
ment conslitués par des productions secondaires ; ce 
ne sont ni tiges ni racines; ils sont dus à une hyper- 
trophie localisée dans la région dorsale de l’axe hypo- 
cotylé et des deux premiers entre-nœuds de la tige 
principale; c’est au même type qu'il faut rattacher, ce 
semble, le gros tubercule épigé du Testudinaria, dont 
l’auteur n’a pu suivre le développement, 

Les tubercules de l'Helmia presentent des caractères 
qu'on ne trouve que dans les liges, mais ils en diffèrent 
par leur point végétalif et par l'absence de feuilles, 

Les Dioscorea repanda, Kita et Butatas représentent 
un troisième type; ils ont un point végélalif de racine 
et des faisceaux comme ceux des tiges ; ils ne rentrent 
dans aucune des catégories établies pour les organes 
des plantes vasculaires. 

Au contraire, le tubercule du Dioscorea quinqueloba 
est un rhizome couvert d’écailles très réduites. 

M. Queva insiste avec raison sur l'intérêt que pré- 
sente, au point de vue de la morphologie générale, 
l'apparition de nouveaux organes ne répondant pas aux 
définitions classiques, et cela dans une famille où l’on 
est unanime à trouver l’une des expressions les plus 
élevées du type Monocotylédone. Que les phénomènes 
physiologiques soient soumis d’une manière immuable 
aux lois physico-chimiques, que ces lois physico- 
chimiques s'appliquent même rigoureusement aux 
phénomènes fondamentaux de la morphologie, per- 
sonne ne songe à le contester; mais les organismes 
vivants subissent à tout instant de leur évolution, et 
chaque organe subit sans cesse l'influence multiple 
des milieux ; ilsn’échappent pas davantage à l'influence 
constante et indéniable de l’hérédité; celte double 
intervention fait subir de singuliers écarts aux pré- 
tendues lois morphologiques. Tout esprit attentif qui 
étudie la nature dans la nature a élé frappé de ces 
écarts: des travaux tout récents nous les révèlent 
jusque dans la structure intime du noyau; l'exemple 
sur lequel M. Queva appelle notre attention est remar- 
quable. : 

Quant aux conclusions de l’auteur relativement aux 
affinités des Taccacées et des Dioscorées, elles ne 
changentrienauxrapports admis entre les deux familles. 
Ce point est, du reste, de peu d'importance ici. Nous 
nous trouvons en présence d'un travail qui révèle de 
la part de son auteur des qualités exceplionnelles ; il 
serait difficile d'appuyer des conclusions posilives sut 
une plus grande masse d'observations et de supposer 
une étude plus savamment documentée. Cette thèse (car 
il s’agit d’une thèse soutenue devant la Facullé des 
Sciences de Lille) est un témoignage des bienfaits 
qu’on peut attendre de la décentralisation universi- 
taire, 

Ch. FLanaAuLT. 


862 


Peytoureau (S.-A.), Docteur en médecine, Prépara- 
teur à la Faculté des Sciences de Bordeaux. — Contri- 
bution à l'étude de la Morphologie de l’armure 
génitale des Insectes. Thèse pour le Doctorat ès 
sciences de la Faculté des Scienres de Paris. —M vol. 
in-8° de 250 pages, avec 43 fig. et22 planches hors texte. 
Imp. Durand, 20, rue Condillac, Bordeaux. 4895. 


L’armure génitale des Insectes comprend des pièces 
très dissemblables dont les homoïogies ont toujours 
été fort discutées, La plupart des auteurs se sont, en 
effet, contentés d'étudier les formes adultes sans tenir 
compte des données embryogéniques; c’est ce qu'a fait 
en particulier Lacaze-Duthiers, dont l'ouvrage, quoique 
très ancien, est encore ordinairement suivi en France, 
Ce naturaliste a laissé de côté l'embryologie ; il ne 
s’est occupé que des pièces chitineuses et il a négligé 
les parties molles et les membranes; il a été ainsi con- 
duit à admettre, sans preuves suffisantes, que l’armure 
génitale femelle des insectes était constituée par le 
neuvième anneau el ses appendices transformés. Cette 
conception de Lacaze-Duthiers a été longtemps admise, 
et elle est encore reproduite dans les ouvrages fran- 
cais; quelques auteurs, notamment Packard, ont for- 
mulé une autre opinion et ont cherché à démontrer que 
les pièces génitales élaient des appendices de plusieurs 
anneaux. Nous ne possédons pas d'observations suffi- 
santes pour qu'il soit possible de choisir, en connais- 
sance de cause, entre ces deux opinions, car, malgré le 
uombre des auteurs qui se sont occupés de ce sujet, il 
y en a fort peu qui aient cherché à synthétiser leurs 
résultats (qui, d’ailleurs, sont contradictoires le plus 
souvent). Il y avait donc lieu de reprendre la question 
en comparant les armures génitales dans les deux sexes 
et dans les différents groupes d’Insectes. aux différents 
stades du développement. C'est ce que s’est proposé de 
faire M. Peytoureau, qui publie aujourd'hui ses ob- 
servations sur les Orthoptères, les Lépidoptères et Les 
Coléoptères. 

Les Orthoptères présentent, dans les deux sexes, à 
l'état adulte comme à l’état embryonnaire, onze seg- 
ments abdominaux dont le dernier diffère des autres, 
L’armure génilale femelle est entièrement formée aux 
dépens des huitième et neuvième sternites et de mem- 
branes intersegmentaires; elle est formée de trois 
paires d’appendices principaux et de pièces accessoires. 
Chez le mâle, l'appareil copulateur souvre après le 
neuvième anneau. Chez les Lepidoptères, l'abdomen a 
dix anneaux dans les deux sexes, et c’est toujours au 
delà du neuvième sternite que débouche le canal 
génital. Chez les Coléoptères, il y a deux types dis- 
tincts, Pun à neuf anneaux (Dytique), et l'autre à huit 
(Hydrophile). La position de l'oviducte est variable, du 
septième au huitième espace intersegmentaire, tandis 
que le pénis se trouve toujours sur le dernier anneau. 

Pendant le développement embryonnaire, Pabdomen 
se segmente en onze anneaux; cette division est défi- 
nitive d'emblée, et le onzième anneau n’est nullement 
formé par le dédoublement tardif du dixième, comme 
quelques auteurs l'ont cru. Ce chiffre de onze n’est 
jamais dépassé; il est conservé dans les Insectes pa- 
léozoïques et chez les types inférieurs; dans les ordres 
plus spécialisés, il peut descendre à dix, à neuf et même 
à huit, mais jamais au delà, Plus les segments postérieurs 
sont métamorphosés, plus la famille s'élève dans la 
classe des Hexapodes et s'éloigne du type ancestral. 
Sauf le onzième anneau qui n'existe que dans les types 
inférieurs, il est très rare qu'un anneau disparaisse en 
entier. 

L'ouverture génitale femelle présente un siège varia- 
ble, mais toujours dansune membrane intersegmentaire 
après le septième ou Le huitième anneau ; l'orifice mâle 
occupe une position absolument fixe, dans tous les 
groupes, au bord postérieur du neuvième sternite. L’ar- 
mure femelle est constituée d'après un type constant 
dans toute la classe; elle est formée par des bourgeons 
hypodermiques, sortes de disques imaginaux à déve- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


- du plus haut intérêt scientifique. Le D' Paul Kemmile 


loppement tardif, qui apparaissent au début de la vie 
nymphale sur les huitième et neuvième anneaux; la 
paire postérieure se dédouble ordinairement dans 1 
suite. Outre ces parties apophysaires, il y a encore des 
pièces accessoires en nombre variable, L'appareil ca 
pulateur est un pénis formé par la terminaison chitis 
nisée du canal éjaculateur ; il est entouré le plus souvent 
de pièces accessoires, qui, chez les Orthoptères, se dé 
veloppent sur le bord postérieur du neuvième sternite 
comme les apophyses femelles et il en est probable 
ment de même chez les Lépidoptères et les Hémiptères® 
Il résulte des recherches de M. Peytoureau que 1 
conception de Lacaze-Duthiers, d’après laquelle l’ar: 
mure génilale des Insectes aurait la valeur d’un zoonite 
complet, est erronée et qu'elle doit être désormais 
rejetée. Mais l’auteur n'est pas aussi affirmatif que 
Packard sur la valeur des apophyses qui dounent nais 
sance à ces armures, el il n'ose pas les homologuer, 
d’une manière absolue, à des appendices : « Ce sont" 
dit-il, des formations secondaires se développant 
comme des membres, tout en n’en étant pas. » À 
Les conclusions de M. Peyloureau s'appuient sur 
l'observation d'un grand nombre d’Insectes à l’état adultes 
et à l’état embryonnaire, Sontravail, très documenté, esb 
accompagné de nombreux dessins qui faciliteront la lee- 
ture, parlois un peu aride, de la partie descriptive, Le 
sujetqu'ila abordé, et dont l’étude exige une grande hab 
leté manuelle, n’était pas facile à traiter; il aura eu le 
mérite de jeter le jour dans une question très obscure, 
M. Peytoureau nous fait -espérer de nouvelles re 
cherches sur les ordres d’Insectes qui ne sont pas traités 
dans son travail, el on ne peut que l’encourager à per- 
sister dans une voie où il a débuté d'une manière si 
heureuse, Il importe que des études approfondies nous: 
fixent exactement sur la structure de l’armure génitales 
dans tous les ordres d'Insectes. Il y à là un vaste champ 
à exploiter, où M. Pevtoureau trouvera certainement 
malière à observations intéressantes. : ] 
D' R. KœuLEr. 


4° Sciences médicales. 

Pr D: €. Wernicke, Director der Klinik. — Arbei- 
ten aus der psychiatrischen Klinik in Breslau, 
Heft IL. —1 vol. in-8° de 130 pages avec 4% fig. hors texte 
et 21 planches. (Prix : 12 fr, 50.) G. Thieme, éditeur, 
31, Seeburgstrasse, Leipzig, 1895. S 
Ce deuxième fascicule des Traviuæ de la Clinique 

psychiatrique de Breslau, publiés sous les auspices de 

M. le professeur G. Wernicke, renferme quatre mémoires 


ouvre ce recueil par un travail Sur les attaques convul= 
sives avec contractions rhythmiques synchrones au pouls 
dans la paralysie progressive, phénomène resté jusqu'ici 
presque inapercu., À propos de Deux cas de lésion cor- 
ticale, GC. Wernicke publie une importante Contribution 
à la localisation des représentations. Le D' Heinrich Sachs" 
étudie le Cerveau du malade de Fœrster, frappé de cécité 
corticale. Le D' E, Hahn a fait une Etude anatomopa- 
thologique du cas de cécité psychique publié par Lissauer., 

Les deux cas de lésion corticale publiés par G, Wer-. 
nicke ont un intérêt assez général pour piquer la curio- 
silé de tous ceux qui étudient en naturalistes les 
fonctions du cerveau. L'épicrise qui suit ses observa=" 
tions à une très grande portée psychologique; nous 
en reproduisons ici les principaux termes. É 

Il s’agit, dans ces deux cas, de lésions corticales net- 
tement délimitées, siégeant également à gauche, dans 
le tiers moyen des deux circonvolutions centrales et. 
surtout de la PA. Dans les deux cas, la cause de lan 
lésion destructive était de nature traumatique (violence 
extérieure, hémorragie interne avec destruction locale 
de substance cérébrale). La localisation élant la même, 
le symptôme elinique principal ne pouvait différer : 11 
consistait en une paralysie du tact de la main droite 
avec altération, relativement légère, de la sensibilité 
générale et de la motilité, et troubles du langage, rap: 
pelant ceux de la paralysie générale, évidemment dus 


rh 


rconvolution de Broca, et qu'on doit rapporter à un 
ouble d’innervation motrice transcorticale. 

= Ces deux cas, en somme, ne présentent guère de dif- 
érences essentielles, et le symptôme principal, la 
paralysie du tact, était si semblable, qu'il dépendait 
manifestement de la destruction d'un mème point de 
Pécorce. Le phénomène de déficit, mis en évidence par 
observation clinique, consistait donc dans la perte des 
Teprésentalions tactiles de la main droite. « Que des es- 
èces déterminées de représentations se perdent par 
1 destruction de certains points déterminés du cer- 
“eau, on ne l'avait sûrement établi jusqu'ici par l'ob- 
Servalion cliuique que pour deux territoires de l’écorce, 

a circonvolution de Broca pour les représentalions 
motrices du langage, et la T, gauche pour les images 
tonales des mots. Il faut y joindre maintenant ce terri- 
toire de l’écorce cérébrale qui a été trouvé lésé dans 
nos deux cas et qui appartient au liers moyen des cir- 
“convolutions centrales, en particulier de la PA. » 

» En réalité, les deux malades n'avaient pas entière- 
‘nt perdu les représentations tactiles des choses, 
uisqu'ils étaient capables de reconnaitre, avec la main 
buauche, ce geure de propriétés des corps. Mais cela 
prouve seulement, selon Wernicke, que les représen- 
Miations tactiles sont doublement représentées dans le 
“cerveau, suivant qu'elles ont été acquises par la main 
“droite ou par la main gauche. La représentation tactile 
“des objets, ou lPélément tactile qui entre dans leurs 
“représentations, peut donc être absolument perdu. 
| quand la lésion destructive affecte à la fois Les deux ré- 
| sions corticales identiques dont nous parlons sur les 
bdeux hémisphères. On peut encore dire que, dans ce 

cas, les représentations des choses ne peuvent être évo- 
bquées par le tact. Par représentations tactiles, il faut 
donc entendre désormais, avec Wernicke, les images 

ommémoratives des sensations tactiles d'objets con- 
crets, revenant constamment, pour les mêmes objets, 
ans les mêmes conditions. On a le droit de rapporter 
la perte de ces images tout cas de paralysie tactile, 
’est-à-dire d’abolition de la faculté de reconnaitre 
es objets par le tact, toutes les fois que des troubles 
de la sensibilité générale pouvant expliquer ce symp- 
ôme ou manquent complètement, ou sont trop mini- 
mes pour en rendre raison. 

On rencontre, quoique rarement, des troubles de 
“sensibilité capables de déterminer une paralysie tactile 
(Tastlähmung). La cause de cette rareté, c’est que, seuls, 
“les troubles les plus graves de la sensibilité peuvent 
“produire cet effet, troubles qui équivalent à peu près 
à la solution complète de continuité des voies ner- 
“veuses de la sensibilité. La sensation cutanée, grâce 
à laquelle nous nous orientons sur notre propre corps, 
la sensation articulaire, qui nous renseigne sur la posi- 
tion de nos doigts, participent évidemment à la recon- 
naissance des impressions tactiles : les troubles des 
remières doivent retentir sur celles-ci. L'anesthésie, 
vec perte totale de la sensation de contact et de la 
faculté de localisation dans l’espace, s’observe très 
souvent consécutivement aux lésions des troncs ner- 
‘eux périphériques. Si la sensation de position est 
ieux conservée, le tact ne sera que peu alléré : la: 
lupart des objets, et surtout ceux de grande dimen- 
ion, seront reconnus par ce sens, les yeux étant fer- 
és. La perte complète de la sensibilité doit naturel- 
“lement abolir aussi le tact; car la communication de 
“l'organe du tact avec l'écorce, lieu des représentations, 
“est alors tout à fait interrompue. Ajoutez que, le fais- 
“ceau sensilif s’irradiant dans l'écorce cérébrale, la des- 
“iruction de l'écorce qui abolit le tact interrompt en 
“même temps certaines voies de la sensibilité. 

… Ure première question est celle-ci: Où localiser 
“dans l'écorce le substratum anatomique des représen- 
“lations tactiles? Là où elles ont été acquises, là où 
pour chaque objet concret les mêmes sensations se 

“ont répétées, toujours dans le même ordre et avec la 

“mème suite, toutes les fois que le processus tactile a 


e 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


863 


la lésion en foyer située en arrière et au-dessus de la |! eu lieu. Les groupes de sensalions percues ainsi, fonc- 


tionnellement associées au moyen de faisceaux d’asso- 
ciation, ont pour substratum anatomique les cellules 
nerveuses de l’écorce représentant ces sensations. Les 
représentations tactiles de la main doivent donc être 
localisées, sous forme de pareils groupements cellu- 
laires reliés entre eux par des fibres nerveuses, dans 
la région de l'écorce affectée de lésion destructive chez 
les deux malades de Wernicke. 

L'éminent clinicien remarque ici que, tous les mou- 
vements isolés ou combinés de la main droite et des 
doigts étant revenus, on ne peut dire que les représen- 
talions motrices aient subi chez ces malades quelque 
grave dommage. L'usage défectueux qu'ils faisaient de 
leur main droite, les yeux fermés, dépendait bien plus 
de la perte de leurs représentations tactiles, Le moyen, 
en effet, de bien manipuler les objets qu'on ne recon- 
naît pas, les yeux clos, par le tact? Une grande partie 
de la maladresse de ces malades à boutonner leur habit, 
peut être, à la vérité, attribuée à la perte des images 
motrices correspondantes; ce qui est sûr, c'est que 
Pocclusion des yeux intervenait ici, car le même mou- 
vement était bien exécuté avec les yeux ouverts, et il 
ne pouvait être question de représentations tactiles. 
La représentation tactile, plus différenciée, a dù dis- 
paraître avant la représentation motrice, Munk a éta- 
bli, en effet, et l'observation patholosique le confirme, 
que les fonctions les plus complexes de l’écorce sont 
perdues les premières. 

Chez l'un de ces malades, les sensations de douleur 
et de température ne présentaient aucune altéralion, 
mais la sensation de contact, au moins pour les con- 
tacts légers de la main et de l’avant-bras, élait abolie, 
quoique conservée sur le bras. Quelques jours plus 
tard, les contacts légers étaient percus partout, mais 
ne pouvaient être localisés sur la main et sur les 
doigts, La sensibilité cutanée est donc affectée aussi, 
comme la motilité, dans des lésions circonscrites de 
l'écorce. 

Enfin, fait très intéressant, chez ces deux malades, 
les mouvements de l'écriture sont redevenus normaux. 
L'un d’eux pouvait même écrire les yeux fermés. Ce 
retour de la faculté d'écrire a coïncidé simplement 
avec celui des mouvements des doigts et de la main. 
Il en résulte, dit Wernicke, que « des représentations 
motrices graphiques » font partie les représentations 
de toutes les espèces de mouvements spécialisés, qu'ils 
se perdent et réapparaissentavee ceux-ci. « L'existence 
d’un centre spécial. localisé, des mouvements de l’écri- 
ture, analogue au centre des mouvements d’articula- 
tion localisé dans la circonvolution de Broca, admise 
par Charcot el par ses élèves, est donc absolument 
invraisemblable. » Jules Soury. 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en cou- 
leurs. 533° et 33£° livraisons. (Prix de chaque livraison, 
1 fr.) H, Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes. 

Nous signalerons particulièrement dans les 533e et 
534 livraisons une monographie très complète de la 
Locomotive, due à M, E. Desdouits. L'auteur passe suc- 
cessivement en revue : l'historique de la découverte, 
le principe du fonctionnement des locomotives (adhé- 
rence), la description générale (chaudières et acces- 
soires, machine motrice, coulisse pour changement de 
marche, chàssis), la puissance et leffort moteur, la 
vitesse et le rendement économique. Il indique en 
outre une classification des machines, décrit les prin- 
cipaux types actuellement en usage et les perfection- 
nements qu'on y à apportés récemment, et donne 
quelques renseignements sur le service des locomo- 
lives. Dans les mèmes livraisons on remarquera une 
étude physiologique de la locomotion, par M. P. Langlois. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
19 Août 1895. 


1° SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M, Paul Serret ap- 
pelle, par analogie, équilatère toute courbe d'ordre n 


0 = Hu = no + Bn-s (r, y 


dont les asymptotes forment un faisceau régulier : 
Po — 0, et, à défaut d’un terme mieux approprié, il 
convient d'appeler centre d’une telle courbe le point 
de concours O0 de ses asymptotes. IL étudie les pro- 
priétés de ces courbes par la théorie des foyers, 
comme représentation des tangentes isotropes issues 
de ces points, et en vertu de la notion antérieure du 
groupe conjugué de » droites, appliquée spécialement 
aux plus simples de ces groupes ou aux faisceaux ré- 
guliers d'ordre n, — M. Faurie continue l'étude des 
déformations permanentes et de la rupture des corps 
solides, Il déduit d’abord, des formules établies par lui 
antérieurement, les valeurs des allongements aux mo- 
ments des ma\ima de la charge et montre que ces 
allongements sont égaux aux allongements observés. 
Le même auteur considère deux nouvelles charges 
voisines de la charge de rupture, désignées sous les 
dénominations de maximum d'énergie potentielle 
élastique et de maximum d'énergie cinétique de trac- 
tion, charges spéciales que l'expérience met bien en 
évidence. 

29 SGtENCES PHYSIQUES, — M. Ch.-V. Zenger donne la 
description des nombreux orages et tremblements de 
terre ayant eu lieu en Autriche pendant le mois 
de juin. L'auteur résume ainsi l'ensemble des obser- 
valions : 1° L'activité solaire a été très grande; 2 les 
perturbations magnétiques très amples et très fré- 
quentes ; 3° les tremblements de terre, les orages 
cycloniques, de violence extraordinaire, ont concordé 
avec l'apparition de bolides nombreux et brillants et 
avec le passage de nombreuses étoiles filantes. — 
M. Ch. Fiesse adresse, de Washington, un mémoire 
relatif à un nouveau carburateur, applicable à divers 
moteurs et ulilisable pour la navigation aérienne, — 
M. G.-T. Lhuiïllier à repris l'étude de la conductibi- 
lité des mélanges de limailles métalliques et de dié- 
lectriques. 1° Le diélectrique ne devient pas conduc- 
teur, même sous une épaisseur inférieure à 1 #, et les 
gaines liquides considérées jusqu'ici ne jouent qu'un 
rôle mécanique. 2° Dans le cas des diélectriques orga- 
niques, la conductibilité est établie concurremment 
par des particules métalliques entrainées et par des 
particules de carbone provenant de la décomposition 
du diélectrique; dans le cas du soufre, elle l'est par 
les premières seules. — M, Raoul Varet expose l'é- 
tude thermique des combinaisons du cyanure de mer- 
cure avec les chlorures et discute la constitution des 
chlorocyanures. L'auteur utilise l’action de l'acide 
picrique et des picrates sur les cyanures métalliques 
pour distinguer si, dans ces combinaisons, le cyano- 
sène resie uni au mercure ou se combine à l’autre 
métal; les résultats obtenus par cette méthode con- 
cordent complètement avec ceux fournis par l’étude 
thermique. — M. Delaurier rappelle les progrès qu'il 
a réalisés, par l'emploi du bichromate de soude, dans 
la construction des piles. — M. Th. Schlæsing a fait 
une étude chimique des allumettes à pâte explosive. 
Le chlorate de potasse, parmi les comburants, et le 
phosphore rouge, parmi les combustibles, tiennent 
le premier rang; leur mélange est un explosif dange- 
reux quand il est sec, alors même qu'il est tempéré 
par la présence d'un colloïde et d'une forte proportion 


DE PARIS 


Seance du 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


-imdication de plus pour déceler le vin de raisins secs, 


de matières inertes; néanmoins, ce sont tous deux 
des éléments nécessaires à la constitution d'une pâte, 
Les corps à combustion fusante, soufre, hyposulfite de 
plomb, sulfures d’antimoine, atténuent la rapidité 
de Ja combustion. L'étude des fumées à montré 
qu'elles contenaient de grandes quantités de phos- 
phore, d'antimoine et de plomb, ce qui impose la né- 
cessité d'éviter les inflammations accidentelles pen- 
dant leur fabrication. La substitution des pâtes 
explosives aux pâtes à phosphore blanc est donc un 
problème encore fort complexe et nullement résolu. 
M. Paul Lemoult à entrepris l'étude thermo- 
chimique de lacide cyanurique ; il donne la chaleurs 
de combustion de cet acide, les chaleurs de dissolu- 
tion de l'acide anhydre et hydraté, puis la chaleur des 
neutralisation pour les acides dissous. Comme l'acide. 
phosphorique, l'acide cyanurique est un acide mixte 
où les trois molécules de base, successivement unies 
à l'acide, le sont à des titres différents. — M,J.Guin- 
chaut a étudié la chaleur de combustion de quelques 
éthers 8-cétoniques, jouant le rôle d'acides, afin de se 

rendre compte si, comme cela a lieu pour les acides 
carboxylés, la chaleur de combustion est toujours in- 
férieure à celle des isomères neutres. Les résultats 
montrent que la formation de ces dérivés acides a lieu 
avec un excès de dépense d’énergie, fait qui pourrait 
s'expliquer par la transformation du groupe acé- 
tyle CH3.C0 en groupe CH?— COH. — M, A. Bouf- 

fard, dans le but de remédier à l'obstacle apporté à 
la vinificalion des pays chauds par les hautes tempé-. 
ratures de fermentation, a déterminé directement là 
quantité de chaleur dégagée dans la fermentation 
alcoolique. La détermination directe montre que la 
chaleur est comprise entre 24 et 32041 par 180 grammes 
de sucre, nombre éloigné de 71°!, quantité admise: il 
en résulte que des appareils d’une puissance réfrigé- 
rante modérée pourront suffire pour améliorer la vini-. 
fication des pays chauds. MM. G. Nivière et 
A. Hubert ont repris l'étude de la gomme des vins; 
ils indiquent son mode d'extraction et ses principales \ 
propriélés; son dosage dans les vins donnerait une 


Cette gomme est différente de la gomme arabique; 
elle parait résulter de la condensation de à molécules 
de galactose soudées ensemble avec élimination d’eau. 
GC. MATIGNON. 1 
3° SCIENCES NATURELLES. — M, Vaudin étudie la mi- 
gration du phosphate de chaux dans les plantes, Ce 
sel est maintenu en dissolution par le sucre à laide: 
des malates. Au fur et à mesure de la transformation M 
du sucre en amidon, les phosphates se déposent et les 
malates se détruisent en même temps ou persistent à 
l’état de succinates, — M, Sappin-Trouffy fournit une 
note sur l'origine du noyau dans la formation des 
spores et dans l'acte de la fécondation chez les Urédi-, 
nées; les résultats de l’auteur diffèrent de ceux de 
MM, Poirault et Raciborsky. Les cellules du mycélium 
ont un ou deux noyaux par cellule : les cellules hymé- 
niales, qui donnent naissance aux téleulospores, ren- 
ferment normalement deux noyaux frères. 
J. MARTIN. 


Séance du 26 Août 1895. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Le Cadet 
adresse ses observations de la comète Swift (20 août 1895), 
faites à l'équatorial coudé (0,32) de l'Observatoire de 
Lyon. — M. Borrelly envoie ses observations de la 


Phao, faites à l'Observatoire de Marseille 


planète 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


-(équatorial de 0®,26 d'ouverture). — M, Paul Serret 
. continue l’étude des propriétés des faisceaux réguliers 
et des équilatères d'ordre », 1° Le lieu du centre des 
équilatères du faisceau : 
+ 0 = Hh 5 À1Hn= H'h 
(4 
LS 
* est un cercle pour n quelconque, comme pour n = 2. 
20 Si les équilatères H,,H', qui déterminent un fais- 
- ceau ont leurs asymptotes parallèles, le cercle, lieu du 
“ centre, se réduit à une ligne droite; en même temps, 
is des courbes du faisceau s’abaisse au degré n —1, 
- qui n'est plus un équilatère proprement dit, hors le 
cas OÙ n — 3. : 
1 20 SGIENCES PHYSIQUES. — M. G. Nodel adresse une 
… note relative à un appareil électrique destiné à pré- 
- venir les accidents sur les lignes de chemins de fer. 
= M. Ch.-V. Zenger décrit son appareil électrodyna- 
- mique modifié, qui permet de démontrer facilement 
… les lois suivantes : 1° Que le mouvement planétaire 
- suit les lois électrodynamiques de Gauss; 2° que l'axe 
- de l’orbite planétaire est fixe, tant que la force de 
. l'électroaimant est constante, et d'une certaine gran- 
 deur, qui dépend de la force magnétique de l’électro- 
aimant et de la grandeur de la sphère ; 3° que la prin- 
cipale action du troisième pôle perturbant le mouve- 
- ment orbiculaire elliptique est le changement de 
position du grand axe de l'orbite. — M.Ch.-V. Zen- 
ger, pour supprimer les sons amphoriques produits 
dans l’espace rempli’d’air du stéthoscope, a construit 
un appareil en bois plein, qui a la forme d’un ellip- 
soïde de révolution coupé par deux plans perpendicu- 
laires au grand axe passant par les foyers. — M. Paul 
Lemoult donne la chaleur de dissolution et de forma- 
tion des cyanurates de sodium et de potassium. L’au- 
- teur a pu préparer les trois cyanurates de soude et 
deux seulement des sels de potasse. L'eau est sans 
action sur leurs solutions. — MM. Rietsch et Her- 
- selin ont étudié comparativement la fermentation 
apiculée et la fermentation elliptique et l'influence de 
… l'aération dans cette dernière fermentation à haute 
… température. 1° Pour les liquides fermentés ayant 
- plus de 4, l'alcool formé par les levüres apiculées 
coûte plus de sucre que celui dû aux levûres ellip- 
- tiques. 2 L'aération est favorable par l’oxydation 
qu'elle détermine, indépendamment de l’abaissement 
de température qu'elle procure en même temps dans 
la pratique. 3° Le refroidissement au-dessous de 30° a 
des effets bien plus prononcés que l’aération, — 
M. Balland communique les résultats de quelques 
observations sur les ustensiles en aluminium. 1° Le 
poids des ustensiles n'a pas l’uniformité qu'il devrait 
avoir; les écarts tiennent au décapage à la soude, 
20 Dans les conditions ordinaires de la vie du soldat, 
les ustensiles offrent une résistance suffisante à l’ac- 
tion des mets et des liquides. 3° L’eau ordinaire at- 
laque lentement l'aluminium partout où le métal 
retient des métaux étrangers. 4° Dans l’eau salée, les 
mèmes effets se reproduisent, mais à un degré. plus 
prononcé. 
C. MariGNoN. 
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ad. Chatin présente 
une note sur les truffes de Chypre, de Smyrue et de 
La Calle. D’après les récoltes de M. Gennadius, il résulte 
bien que la truffe existe sûrement en Grèce, dans la 
Thessalie, à l’ile de Chypre ; c’est la Terfezia Claveryi 
qu'on retrouve partout, même en Algérie. — M. Devi- 
Vaise adresse une note relative à l'utilité de l’emploi 
de Vaileron ou bourgeon anticipé de la vigne. — 
MM. F. Gley et Pachon montrent le rôle du foie 
dans l’action anticoagulante de la peptone, Liant sur 
le chien les vaisssaux lymphatiques qui sortent du 
loie, on injecte dans une veine une solution de peptone, 
Dans cette condition, l'effet de la peptone est annihilé : 
le sang reste coagulable. C’est donc dans le foie que se 
forme la substance anticoagulante. 
J. MARTIN. 


865 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 27 Août 1895, 


M. G. Colin (d’Alfort) revient sur la question de la 
toxicité de l’alcool. Il montre que les expériences faites 
jusqu'ici ont été très défectueuses et ne peuvent con- 
duire au but qu'on se proposait ; il indique ce qui de- 
vrait être tenté pour y arriver. — M, Javal insiste sur 
la nécessité d'introduire dans l’enseignement l'écriture 
droite, comme plus favorable au développement de la 
vue normale, 


Séance du 3 Septembre 1895. 


M. Moncorvo fait une communication sur la valeur 
hypnotique du trional chez les enfants, Son action lui 
a paru la plus prompte et la plus sûre et c’est le corps 
qui a été le mieux toléré. Cemédicament possède d'ail- 
leurs une action sédative sur le cerveau dont on pourra 
profiter pour combattre des phénomènes d’excitation 
nerveuse ou psychique. 


Séance du 10 Septembre 1895. 


M. le D'Huguet envoie une note sur un cas de mas- 
tite traumatique observé par lui chez l’homme. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 
Dernières communications. 


M. Béhal, à côté des produits qu'il a fait connaitre 
antérieurement, a obtenu un acide bibasique en Cf, 
Cet acide fond à 143°-14%°, et donne, par distillation, 
un anhydride fondant vers 22°; il correspond à l'acide 
dimétaylsuccinique dissymétrique, ainsi que M. Bébal 
s’en est assuré, en préparant ce dernier à l’aide du 
bromo-isobutyrate d’éthyle et du malonate d'éthyle. 
M. Béhal expose ensuite les résultats des recherches 
qu’il a poursuivies en collaboration avec M. Blaise 
sur les produits de l’action de l’hypoazotide sur l'acide 
campholénique inactif. Le dérivé bleu, déjà signalé 
antérieurement, ou dérivé céruléo-campholénique, dis- 
sous dans l’alcool ou l’éther, donne un composé blanc, 
insoluble. Fondu, ce dérivé blanc redonne le corps 
bleu. Ces deux produits, le blanc étant un polymère 
du bleu, sont des nitrosocampholénolactones, La 
potasse alcoolique les réduit et donne un dérivé azoïque 
ou azoxique que l’amalgame du sodium transforme en 
une hydrazine, Avec l’étain et l’acide acétique, on ob- 
tient une amine identique à celle fournie par le nitrite 
de campholénolactone. — M. Burcker a obtenu un 
composé de formule CH20? par l’action de l'anhy- 
dride camphorique sur le benzène en présence du 
chlorure d'aluminium. Ce corps se forme avec élimi- 
nation d'oxyde de carbone. C’est un acide faible; sa 
formule de constitution et ses propriétés le rapprochent 
de l’acide campholénique. Ses sels sont, en effet, décom- 
posés par l'acide carbonique, et il donne, avec les 
alcools méthylique et éthylique, des éthers cristallisés, 
très difficilement saponifiables par les alcalis, — 
MM. Villiers et Fayolle communiquent un procédé 
extrêmement sensible pour la recherche de l'acide 
borique. On chasse ce composé des cendres des pro- 
duits analysés en les distillant avec un excès d'alcool 
méthylique en présence d’acide sulfurique, On en- 
flamme la solution méthylique obtenue et on obtient, 
en présence de traces d'acide borique, une magnifique 
coloration verte. Cette méthode, appliquée à l’analyse 
de vins francais et de vins algériens, ne donne pas la 
réaction de l'acide borique; en raison de son extrème 
sensibilité, on peut conclure que, lorsque ces vins ren- 
ferment ce composé, il résulte d’une addition de subs- 
tances étrangères. — M. Maumené discute les réac- 
tions de la lampe sans flamme, dite lampe de Tollens, 
destinée à la préparation de l’aldéhyde méthylique ; il 
discute également le travail de M. Schutzenberger re- 
latif au poids atomique du cérium. — M. Engel analyse 
une note de M. Massol sur les points de fusion des 
acides de la série grasse. Ces points de fusion peuvent 


à 
, 


866 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


se ranger en deux séries, suivant que le nombre des 
atomes de carbone est pair ou impair. Les courbes 
représentant ces deux séries, après une incurvation 
préliminaire, deviennent sensiblement parallèles, — 
M. Hébert a trouvé un gallate ou un fannate de fer 
dans la sève de la liane à eau du Congo francais. De 
la sève du bananier, de même origine, lui à donné 
une matière colorante déjà signalée par Boussingault, 
et une certaine quautité d'acide oléique à l’état de sel 
alcalin. Dans la sève de la vigne, il a reconnu l’exis- 
tence du glucose et d’un tanin particulier, — M, Charon 
a reconnu que l’aldéhyde crotonique préparé, soit par 
la méthode de Lieben, soit par celle de MM. Newbury 
et Orndorff, est un produit unique et non un mélange 
des deux stéréo-isomères. En oxydant, en effet, cette 
aldéhyde par l’oxyde d’argent au-dessous de 50°, on 
obtient un produit unique, l'acide crotonique solide, 
et cela, avec un rendement atteignant 90 /,. Des pro- 
duits de l'oxydation spontanée à l'air, on ne peut éga- 
lement extraire qu'un seul produit acide, l'acide ero- 
tonique solide. Hydrogénée par le couple zinc-cuivre 
en solution acétique, cette aldéhyde donue environ 
10, d’aldéhyde butylique normale, 25 °/, d'alcool cro- 


tonylique et 50 à 60 °/, d’un glycol non saturé en C$.. 


CH3—CH=CH—CHOH—CHOH—CH=CH—CHS. 


Il a été déposé à cette séance deux notes de M. Thomas- 
Mamert sur la non-existence de la sléréo-isomérie 
dans les dérivés aminobutènedioïques et sur les ami- 
nobutèneamidoates d’éthyle; une note de M, Granger 
sur l’action des combinaisons halogénées du phos- 
phore sur le cuivre ; une note de M. Fouzes-Diacon 
sur une nouvelle préparation du glycérose ; une note 
de M. Delacre sur la tryphényléthanone et la triphé- 
nyléthanolone, Er. Cnarox,. 


SOCIÈTÉ ROYALE DE LONDRES 
SCIENCES PHYSIQUES 


L. Mond,F. KR. S., WW. Ramsay, EF. R. S'et 
«3. Shields : Sur l'occlusion de l'hydrogène et de 
l'oxygène par la mousse de platine. — Voici les 
résultals des expériences des auteurs : 1° La mousse 
de platine, séchée à 1009, retient en général 0,5 0/, 
d'eau; celle-ci est seulement chassée en chauffant à 
environ 400° dans le vide. La densité de la mousse de 
platine séchée à 1009 est de 19,4 et, en tenant compte 
de l’eau qu’elle retient à cette température, de 21,5, 
2° La mousse de platine contient environ 100 fois son 
volume d'oxygène ; celui-ci ne commence à se dégager 
en grande quantité qu’en chauffant dans le vide à 300; 
à 4000, il est en majeure partie chassé, mais ce n’est 
qu'au rouge qu'il est complètement expulsé. 3° En dé- 
terminant la quantité d'hydrogène occlus par la 
mousse de platine, il faut soigneusement distinguer 
entre l'hydrogène destiné à former de l’eau par sa 
combinaison avec l’oxygène toujours occlus dans le 
platine et l'hydrogène réellement absorbé par le pla- 
tine per se. Le platine absorbe environ 310 fois son 
voluine d'hydrogène, mais 200 sont destinés à former 
de l’eau et il n’y en à que 110 réellement occlus. Une 
partie se dégage déjà à la température ordinaire dans 
le vide; la plus grande quantité s'échappe entre 250°- 
300°, mais la chaleur rouge est nécessaire pour une 
expulsion complète. La quantité d'hydrogène absorbé 
est fortement influencée ‘par les plus légères impu- 
retés. 4° Les auteurs ne croient pas qu'il y ait de rai- 
sons suflisantes pour admettre l'existence de composés 
chimiques P1%0H3 et P(#0H?, indiqués par Berliner et 
Berthelot. De plus, l'opinion des auteurs est que les 
chaleurs de combinaison de l'hydrogène et du platine, 
déterminées par Berthelot et Favre, n’ont aucune va- 
leur, el que la chaleur que ces savants ont mesurée 
est due pour la plus grande partie, si ce n’est entière- 
ment, à la formation d’eau par combinaison de l'hy- 
drogène avec l'oxygène occlus dans le platine, 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 


La Sociélé a récemment recu les communications 
suivantes : 

M. S.-P. Thompson : 
passée inapercue. Ampère fit, en 1822, une expérience 
qui, s’il l'avait soigneusement poursuivie, l’eût conduit 


à la découverte de lPinduction dix ans avant la pupli- 


cation des résultats de Faraday. En cherchant à dé- 


couvrir la présence d’un courant électrique dans un. 
conducteur situé au voisinage d’un autre conducteur 


parcouru par un courant électrique, Ampère fit l'ex- 
périence suivante : Une bobine, formée d’une bande de 


cuivre isolé, était fixée avec son plan vertical, etun an-. 


neau de cuivre était suspendu par un fil de métal très 
fin, de facon à être concentrique à la bobine et à être 
dans le même plan. Un barreau aimanté élait disposé 
de telle sorte que « si un courant électrique eùt été 
induit dans l’anneau suspendu, il y aurait eu une dévia- 
tion de cet anneau ». On n’en observe aucune. En 1822, 
Ampère répéla l'expérience avec de De la Rive, en 
employant, au lieu du barreau aimanté, un puissant 


aimant en fer à cheval. II décrit l'expérience dans les 
« Le circuit fermé étant soumis à l'in- 


termes suivants : 
iluence du courant de la bobine, mais sans connexion 
avec elle, était attiré et repoussé alternativement par 
l'aimant, et l'expérience conduirait ainsi à ne pas douter 


si l’on n'avait pas soupconné la présence d'une petite 
quantité de fer dansle cuivre dont l'anneau état formé, » 


Après la publication des résultats de Faraday en 1831, » 
Ampère décrivait de nouveau son expérience de 1822: 


« Au moment où l’on reliait la pile aux bornes du con- 
ducteur, l'anneau était attiré ou repoussé par lPaimant, 
suivant le pôle qu’on présentait à l'anneau.» — M. G. 
Rhodes : Théorie du moteur synchrone. L'auteur part 
de l'équation de l'énergie : 

p + eR = cE cost 


où pest le travail moteur, R la résistance de larma- 


ture, c le courant dans l’armature, E la f. é., m. appli- 
quée aux bornes, et 4 la différence de phase entre e 
et E. Il déduit de ses calculs la démonstration théo- 
rique du fait observé par M. Silvanus Thompson, qu'un 
moteur synchrone, qui recoit un excès d’excitation, 
agit comme un condensateur, et lend à faire prendre 
de l'avance au courant par rapport à la f. 6. m. du géné- 
rateur. M, S. Thompson déclare qu'il faut retenir de 
cette analyse les deux résultats suivants : d'abord, que 
le courant maximum à puissance nulle est le mème 
que si le circuit était sans induction; ensuile, que le 
courant maximum à puissance nulle est le double du 
courant correspondant à un travail extérieur maxi- 
num, — M. Bryan : Surune interprétalion graphique 
simple de la relation fondamentale de la dynamique. 
— M, Herroun : Sur un voltamètre à iode. A l’excep- 
tion du mercure à l’état mercureux, aucun corps n'a 
un plus grand équivalent électrochimique que liode; 
et, en outre, en titrant une liqueur par l’hyposultite 
de soude, il est possible de déterminer la quantité 
d’iode mise en liberté avec une plus grande exactitude 
qu'on n’en peut avoir en pesant un dépôt de cuivre 
ou d'argent. La solution voltamétrique employée est 
une solution d'iodure de zine à 10 ou 15 °/,. L'anode 
est un plateau de platine situé au fond du vase, la ca- 
thode consiste en un barreau de zine amalgamé. On 
emploie une solution d'hyposultite telle qu'un centi- 
mèlre cube corresponde à la quantité d’iode mise en 
liberté par le passage de 5 coulombs. La solution 
contient 128r,8375 d'hyposulfite de soude pur cristallisé 


par litre. En comparant avec un voltamètre à argent, 


on à obtenu d’une part Oamp,264, d'autre part Oamp,266 
pour le même courant. M. Silvanus Thompson re- 
marque qu'on a des nombres encore plus concordants 
en prenant pour le poids atomique de l’argent la va- 
leur 107,7 au lieu du nombre approché 108. — M. Sharp: 
Nouvelle méthode d'analyse harmonique. 


Une expérience d'Ampère. 


de la production des courants électriques par induction " 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


867 


» 
_ SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


La Société a recu récemment les communications 
. suivantes : 
… M. Alfred C. Chapman décrit quelques-uns 
. des dérivés de lJ’humulène et s'étend spécialement 
- sur le chlorhydrate de l’humulène-nitrol-pipéride 
… (G!SH2AZOAZCH'OHCI), sur l’humulène-nitrol-benzy- 
… Jamine (CSH2AzO0OAZHCH2C6HS), sur le nitrosate d’hu- 
mulène CI#H2?4A720* et le nitrosite CISH214720%, — 
- M. Edna Walter publie une note sur les thiodérivés 
de l'acide sulfanilique., —M. William Ramsay F.R.S. 
J. Norman Collie et Morris Travers font une 
deuxième communication sur l’hélium qu'ils ont re- 
trouvé dans plusieurs minéraux contenant de l’ura- 
-nium. Ils ont déterminé la densité de ce corps sur des 
- échantillons provenant l’un de la clévéite, l’autre de la 
broggérite chauffée seule, le troisième de la broggérite 
- chauffée dans l'hydrogène et le sulfate de potasse, On 
a observé dans toutes ces expériences que l'hydrogène 
- n'est pas entré en combinaison avec l’hélium. Ge corps 
à pour poids atomique 4,4; sa solubilité dans l'eau 
- est de 0,007 à 18° : c’est donc le gaz le moins soluble 
- dans ce liquide. — M. H. Fenton, en partant de l'acide 
> C'H06.2H20 déjà décrit par lui, a trouvé que, sous 
… l'influence de diverses circonstances, il se transformait 
- en aldéhyde glycolique et acide carbonique suivant 
l'équation : - 
CiH105 — C2Hi0? + 2C02. 


i £ 
11 s’est assuré de la présence de cette aldéhyde-en 
l’'oxydant. Il a obtenu ainsi l'acide glycolique ; de plus, 
- avec un excès d’acétate et phénylhydrazine, il a pré- 
- paré la phénylosazone du glyoxal : 


CH—AZ2HC5H° 
| E 
CH—AZHC5H® 


Cette décomposition pourrait servir à préparer facile- 
. ment cette alhéhyde. — M. M. James Walker et 
J. R. Appleyard publient leurs travaux sur la stéréo- 
chimie des éthers-sels de l'acide éthanetétracarboxy- 
… lique. — MM. Philipps Bedson et Saville Shaw signa- 
… lent la présence de l’argon dans les gaz extraits du sel 
- marin provenant des environs de Middlesborough. — 
…— M. K. Rose a étudié la dissociation du chlorure d’or 
… dont il a mesuré la tension de dissociation à diffé- 
« rentes températures jusqu'à 3329, L'action chimique 
limite est représentée par l'équation : 
ACTA IC 
… Les pressions totales observées lorsqu'on chauffe en 
vase clos un mélange de AuCI$ et AuCI sont beaucoup 
plus élevées que les tensions de dissociation. Cela est 
— dù à la pression de la vapeur de AuCI, qui augmente 
À considérablement entre 200et 390°, Les pressions maxi- 
… mum sont de beaucoup diminuées si l’on a laprécaution 
… de séchersoigneusementles substances à expérimenter. 
… Le même auteur a déterminé quelques propriétés 
… physiques des chlorures d’or. Le point de fusion du 
… trichlorure est de 288° pour une pression de chlore 
- égale à deux atmosphères; sa densité est de 4,3, tandis 
que celle du monochlorure est de 7,4, Ces détermina- 
tions tendent à prouver que le volume atomique du 
… chlore, dans ses combinaisons avec l’or, est de 4 X 5,1 
au lieu de 3 X 5,1, comme l’a dit Schrôder pour quel- 
ques autres composés. — M. J, Tudor Cundall, étu- 
… diant la dissociation du peroxyde d'azote liquide, a dé- 
terminé l'influence du dissolvant. Ses expériences ont 
porté sur 14 liquides indifférents. La température joue 
un rôle considérable dans la dissociation, L'auteur a 
également remarqué que la constitution du dissolvant 
a une influence sur la dissociation ; il'a trouvé, en par- 
ticulier, que le chlorure d’éthylène est moins actif 
dans ce cas que le chlorure d’éthylidène, — M, Fran- 


cis R. Japp F.-R.-S. et Druce Lander ont obtenu, 
en chauffant un mélange de benzile et d’acétoacétate 
d’éthyle avec l’alcoolate de sodium, un produit de con- 
densation qui se forme d’après l’équation : 


2CHH1002-LCFH100%—C31H2805-H20. 


C’est l'anhydrodibenzylacétoacétate d’éthyle, fondant à 
210-211°; on n'a pu arriver à en isoler l'acide cor- 
respondant; on en a fait les dérivés éthylés, isobutylés, 
ete, Oxydé avec l'acide chromique, le produit de con- 
densation fournit l’acide monobasique C2? H16 O* qui, 
chauffé à 200°, donne comme produit de décomposi- 
tion, le corps C2H16 0? ; on peut assigner à ces deux 
composés les formules suivantes : : 


CéH*CO CéH5CO 
| | 
C5H5—C—CO0H et C5H5—CH 
| | 
C5H5—CO C5H5—CO 
Acide phényldibenzoyl- Phényldibenzoyl- 
acétique. méthane. 


MM. H.-R. Hirst et J.-B. Cohen : La formamide réa- 
git avec les amines aromatiques primaires en présence 
de l'acide acétique glacial en donnant des dérivés for- 
myliques. La réaction a lieu suivant l'équation : 


R'AzH?-ÆHCOAZH?+CH3CO?H=R'AzH. COH+CH*CO?ZAzHi 


Les amines aromatiques secondaires ne réagissent qu'à 
chaud ; les amines tertiaires ne réagissent pas même à 
l’ébullition. Les mêmes auteurs ont publié leurs tra- 
vaux sur une modification de la méthode de Zincke. 
— MM. W.-H. Archdeacon el J.-B. Cohen ont pré- 
paré l’acide cyanurique en chauffant l'urée avec du 
chlorure de carbone, en solution dans 20 2/, de toluène, 
dans un tube scellé porté à 190° et 2309, La réaction 
probable est la suivante : 


3CO(AzH??+L3COC= 2(COAZH)5 + 6 HCI, 


M. C.-M. Luxmoore publie ses recherches sur les 
oximes de la benzaldéhyde et leurs principaux dérivés 
qu'il étudie au point de vue stéréochimique. — M. Ed- 
ward H. Rennie a retiré de la Lomatia ilicifolia et de 
la Lomatia longifolia, une matière colorante qu'il croit 
ètre formée par l'hydroxylapachol. — MM. P. Wynne 
et A. Greeves décrivent six dichlorotoluènes et leurs 
acides sulfoniques. — MM. W. P. Wynne etJ. Bruce 
publient leurs recherches sur les acides disulfoniques 
du toluène et sur l'ortho et parachlorotoluène, — 
MM. Wyndham R. Dunstan F.-R.-S. et Francis 
H. Carr ontétudié les alcaloïdes dérivant de laconit; 
ils s'étendent surtout dans cette communication sur la 
pseudo-aconitine dont ils cherchent à établir la consti- 
tution. Ce corps est le plus toxique de ceux qui se 
trouvent dans l’aconilum ferox ; sa formule est : 


C36 H49 AzO?? : 


saponifiée, elle donne la pseudaconine et l'acide véra- 
trique ; chauffée au-dessus de 104-1059, eile se transforme 
en pyropseudo-aconitine. La pseudo-aconitine est donc 
un corps analogue à l’aconitine ; la seule différence qui 
les distingue, c’est que le groupe benzoyle qui se trouve 
dans l’aconitine est remplacé par le groupe vératryle 
dans la pseudo-aconitine. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM 


La Société a recu récemment les communications 
suivantes : 

1° Sciences paysiques. — M. H. Kamerlingh Onnes 
présente un mémoire de M. W. Einthoven intitulé : 
Sur un disposiuif servant à isoler un objet quelconque 
des tremblements d’alentour. Le dispositif consiste 
essentiellement en une grande plaque de fer qui, sur- 


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nageant sur le mercure, supporte les instruments à 
isoler. Pour faire juger du degré d'isolement, l’auteur 
fait usage d’un godet rempli de mercure. Lorsque le 
godet est placé sur une table fixe, la surface du mer- 
cure se ride; sitôt qu'on le place sur la plaque flot- 
tante, la surface redevient lisse. La plaque porte un 
électromètre capillaire et un microscope. Les mou- 
vements du ménisque de mercure dans le tube capil- 
laire sont photographiés, et, quoique l'image projetée 
soit huit cents fois plus grande que le ménisque lui- 
mème,on n'observe aucune trace de tremblement dans 
les courbes obtenues. A l’aide d’une série d’expé- 
riences, l'auteur croit avoir trouvé les conditions sous 
lesquelles tout objet flottant est isolé autant que pos- 
sible des tremblements d’alentour. — Ensuite M. Ka- 
merling Onnes présente un mémoire de M. J. P, Kue- 
nen intitulé : Influence de la pesanteur sur les 
phénomènes critiques des substances simples et des 
mélanges, Pour les substances simples, l'influence de 
la pesanteur se manifeste en ce que, dans un tube ver- 
tical, entre deux volumes voisins situés de part et 
d'autre du volume critique, le ménisque disparaît et 
reparaît à une certaine distance des bouts du tube; 
quand on fait changer la température. Mais ce phéno- 
mène se montre toujours précisément à la mème tem- 
pérature : la température critique, Pour une substance 
pure, la pesanteur ne peut donc pas changer la valeur 
qu'on trouve pour la température critique par la mé- 
thode du ménisque. Cette méthode se trouve donc 
entièrement justifiée. Employée avec soin, elle donne 
en mème temps une valeur très rapprochée pour le 
volume critique. Dans Je cas d’un mélange, au con- 
traire, la pesanteur modifie les phénomènes critiques 
de la manière suivante, Entre deux températures voi- 
sines de part et d'autre de la température du point de 
plissement (voir les mémoires précédents de l'auteur, 
Rev. gén. des Se., t. IV, p. 719, 750; €. V, p. 855, 595, 771, 
1007), les phénomènes critiques des mélanges, par 
exemple la condensation rétrograde de première et de 
seconde espèce, ne se manifestent pas complètement, 
parce que, sous la compression, le ménisque disparait 
avant qu'une des deux phases ait entièrement disparu. 
Au point du tube où le ménisque disparait, la compo- 
sition et la densité du mélange sont celles qui appar- 
tiennent au point de plissement de la température 
choisie. De cette manière la pesanteur peut, dans cer- 
tains cas, troubler les phénomènes critiques des mé- 
lauges. Cependant ces phénomènes des mélanges, sous 
l'influence de la pesanteur, se déduisent tout de même 
entièrement de la théorie de M. Van der Waals. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. Th. H. Behrens : Sur 
le dichroïsme artificiel. Le dichroïsme artificiel res- 
semble à celui des expériences de Sénarmont. Les 
expériences de l’auteur portent sur des fibres de lin, 
de chanvre, de paille, de coton. de laine et de bois, 
sous l'influence de diverses malières colorantes. A 
l'exception des vases de bois, la courbe la plus foncée 
des fibres correspond à des vibrations dans la direction 
longitudinale des fibres. En général, le dichroiïsme 
comporte une polarisation considérable; la soie et la 
laine font exception à celte règle. D'après l’auteur, le 
phénomène est d’un caractère plus compliqué que les 
expériences de Sénarmont ne le feraient présumer ; la 
combinaison de l'absorption et de la double réfraction 
ordinaires ne suffit pas à l'expliquer. — M. Th. W. En- 


gelmann : Sur la conduction réciproque et irréci- 
proque d'excitations des fibres musculaires dans la 


théorie du mouvement du cœur. Dans les circons- 
tances normales, l'excitation, cause de la contraction, 
se propage aussi facilement du ventricule à l’oreillette 
que de l'oreillette au ventricule ; seulement quelques 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


jours contre la difficulté suñante : 


ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES 


moments avant la mort, et sous l'influence de poisons, « 
on remarque des différences considérables entre les” 


vitesses de conduction dans les deux sens. Jusqu'ici 
l'on n’a pu donner l'explication de cette différence, con- 
statée plusieurs fois. En supposant, avec M. Gaskell, que 
la propagation de l’excitation du cœur est une consé- 


quence de conduction musculaire, on s'est heurté tou-. 


c'est que cette 


conduction musculaire comme celle des nerfs n’a. 


pas de préférence pour l’une des deux directions. A 
présent, l’auteur croit pouvoir lever cette difficulté en 
supposant que l'irritabilité et le procédé d'irritation 
dans les diverses parties des muscles conducteurs ne 


sont pas les mêmes. En effet, les fibres des oreillettes . 
diffèrent tant morphologiquement que physiologique- . 


ment des fibres des ventricules, et toutes deux elles dif- 
fèrent des fibres épaisses entre oreillette et ventricule. 
Quand toutes les parties conductrices de la trajectoire 
sont formées de la même manière, le procès physiolo- 
tique, qui se propage comme excitation dans les par- 
ties qui s'influencent l’une l’autre, ne saurait différer 
ni en qualité ni en quantité d’un lieu à l’autre et cette 
excitation doit se répandre avec la mème facilité dans 


les deux directions. Mais à la séparation de l'oreillette et . 


du ventricule, où trois espèces différentes d'éléments 
musculaires sont en contact l’une avec l’autre, les con- 
ditions sont différentes. Ce cas est comparable à celui 
de l’extrémité d’une fibre musculaire ou nerveuse, à 
celui du contact des arbres extrèmes d’une branche 
cellulifugale de nerf avec les dendrites ou le corps d’un 
ganglion. Dans les derniers cas, la conduction irréci- 


proque prévaut. Dans le cas du cœur, elle ne se déve- « 
loppe que sous l'influence de certaines matières qui 


augmentent les différences d’abord insensibles. La plus 
longue durée des battements «spontanés » et de l’irrita- 
bilité de l'oreillette, comparée avec celle du ventri- 
cule, en donne une preuve. Parce que les muscles des 
ventricules gauche et droit ne possèdent pas les mêmes 
propriétés, surtout ou au moins quelques moments 
avant la mort, ordinairement la conduction réciproque 
se change alors en conduction irréciproque. Ceci ex: 
plique les cas rares du battement indépendant du ven- 


tricule gauche ou droit. L'hypothèse de l’auteur fait. 


présumer qu'on serait à même de changer la conduc- 


tion réciproque des fibres musculaires à rides trans- « 


verses en une conduction irréciproque en mettant les 
différentes parties de la fibre sous des circonstances 
physiologiques différentes. Des expériences sur le 


_muscle sartorius curarisé ont tout à fait affirmé cette 


présomption comme le prouvent les myogrammes ori- 
ginaux montré par l’auteur, Il se propose d'étendre ces 
expériences à des nerfs. Probablement son principe 


donnera l’explication de quelques phénomènes, inex- 


pliqués jusqu'ici, par exemple, de l’absence apparente 
d'irritabilité électrique directe en présence de conduec- 
tibilité de Pexcitation physiologique normale qu'on a 
observée dans des liges nerveuses régénérées et dans les 
nerfs entourés localement par une atmosphère de CO,. 
Probablement, dans ces cas, l'irrilation produite par 
l'excilation électrique ne se propage pas à cause de 
son caractère irréciproque; peut-être cela mènera-t-il à 
trouver une autre excitation artificielle qui conserve 
la faculté de se propager sous les circonstances défa- 
vorables indiquées. — Ensuite M. Engelmann présente 
un mémoire de M. H.J. Hamburger : Ein Apparut, 
welcher gestattet die Gezetzse von Filtration und Üsmose 
stroemender Flüssigkeiten bei homogenen Membranen zu 
studiren (Un appareil qui permet d'étudier les lois de 
filtration et d’osmose de fluides coulants à travers des 
membranes homogènes), Sont nommés rapporteurs 
MM. Engelmann et T. Place. P, ScHouTE. 


Le’ Directeur-Gérant : Louis OLIVIER 


| 


À 
2 


FA 


N° 19 15 OCTOBRE 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


or 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


L. PASTEUR 


PUBLICATION DE SES ŒUVRES COMPLÈTES 


La dernière livraison de cette Revue sortait de la presse quand lu mort de Pasteur fut 
annoncée. 

Après tant d'hommages rendus de tous les points du monde à la mémoire du grand 
homme, la Revue, s'associant au deuil de la Science, de la Patrie et de l'Humanité, ne 
peut que répéter le cri de l'universelle douleur. 


Elle fait appel à tous ses amis, à tous ses lecteurs, à l'effet d'élever à la mémoire 
du sublime génie que la Science vient de perdre, deux monuments dignes de sa gloire : 


Il faut que la statue de Pasteur, placée, non seulement à l'Institut qui porte son nom, 


mais en plein Paris, au milieu des foules occupées de leurs affaires on de leurs plaisirs, 


leur rappelle la vie laborieuse du grand savant passionné de science et d'humanité ; 


Il faut que la publication de ses Œuvres, synthèse complète de ses écrits dispersés, 
permette à tous ceux que touche le progrès de l'esprit humain, de se nourrir de là pensée 
du Maître, d'apprendre, dans la familiarité de ce puissant et bienfaisant génie, à pratiquer 
la science et à servir l'humanité. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 19 


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E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


PREMIÈRE PARTIE : FORGEAGE ET LAMINAGE 


On désigne généralement sous le nom de forge 
tout atelier où l'on faconne soil à bras d'homme, 
soit au marteau à main, soil à l’aide d'engins mé- 
caniques, lels que marteaux, pilons, laminoirs, 
presses el à l’aide du feu, toutes les pièces de fer 
et d'acier employées dans les diverses industries. 
Toutefois, l’on réserve plus spécialement le nom de 
Jforgeuge à l'action statique qui agit sur le métal 
soit pour en chasser les scories interposées entre 
les molécules, soit pour rapprocher les unes des 
autres ces molécules, soit même pour souder entre 
elles les diverses parties hétérogènes qui peuvent 
composer la masse métallique. Les faces en con- 
tact avec le marteau et l’enclume ne subissent 
guère que des pressions normales. Dans les con- 
ditions ordinaires, c’est dans la zone intermédiaire 
que se produit l'effet d'étirage et de diminution 
de section par le refoulement ou l'écoulement la- 
téral des molécules du métal. 

Dans le /aminage, au contraire, l’action est dyna- 
mique. La masse métallique est bien soumise à 
une pression dans son passage entre les cylindres 
ou à travers les cannelures; mais, en même temps 
que les zones centrales sont refoulées, les couches 
extérieures sont soumises à un effort tangentiel 
et poussées en avant par le frottement et le mou- 
vement de rotation «les laminoirs. 


I. — HISTORIQUE. 


Le’ travail du fer et de l'acier par forgeage, 
c’est-à-dire à l’aide du marteau et de l’enclume, 
remonte à la plus haute antiquité. Il n’en est pas 
de même du laminage. L'invention du laminoir 
est attribuée à Bruckner, qui, en 1553, l’appliqua, 
pour la première fois, à la Monnaie de Paris. Son 
procédé fut très lent à se propager : l'Angleterre 
n'eut qu’en 1663 son premier laminoir ; il fut éta- 
bli à Shew près de Richemond, Le moteur des 
cylindres fut d’abord une simple manivelle, puis le 
cheval, puis une chute d’eau et enfin la vapeur, qui 
transforma complètement la puissance de ces en- 
gins et permit d'en développer la variété. 

Jusqu'en 1840, les seuls marteaux mécaniques 
employés élaient des pièces métalliques soulevées 
par un moteur indépendant à une certaine hauteur, 
toujours la même, quel que soit le travail à effec- 
tuer, et relombant par leur propre poids sur la 
pièce à forger. Tels étaient le martinet ou marteau 
à bascule, le marteau à soulèvement ou à l'alle- 
mande et le marteau frontal anglais exclusivement 


fonte, depuis le fer le plus doux, c’est-à-dire con- 


à 


employé jusque vers 1840. Le marteau à vapeu 
de Bourdon fut alors une invention capitale 
qui modifia complètement l’industrie du forgeage 
en lui permettant d'aborder la fabrication de pièces. 
de grandes dimensions. La puissance de ces mar- 
teaux, depuis cette époque, s’éleva graduellement, 
età ce sujet il est intéressant de rapprocher le pre 
mier marteau de Bourdon construit au Creusot,qui 
élait de 2.500 kilos avec 2 mètres de levée, de celui 
qui existe actuellement aux mêmes usines, qui 
pèse 100 tonnes et a 5 mètres de levée, el aussi de 
celui des frères Marrel à Rive-de-Gier, qui pèsem 
100 tonnes et a 5"200 de levée. 
La presse hydraulique, bien connue pour ses 
innombrables emplois dans les arts industriels, a 
été appliquée en 1861 par M. Harwell. Mais ce n’est 
que dans ces dernières'années que son action a été 
mise en parallèle avec celle du pilon et que l’on à 
été amené à lui donner des puissances énormes. 


Ces quelques préliminaires posés, nous allons 
décrire l'état actuel de cetteindustrie qui asuivi et 
même entrainé d'une façon constante les progrès 
incessants des chemins de fer et de l’armement.. 

Il est nécessaire, avant tout, d'établir nette 
ment la distinction entre le fer et l'acier, consi- 
dérés au point de vue de la forge : 

Depuis les procédés d'affinage modernes, on 
peut obtenir à l’état fondu un terme quelconque. | 
de la série continue qui existe entre le fer et la 


tenant moins de 0,10 °/, de carbone jusqu'aux 
aciers extrêmement durs (1,50 à 2°/,). Quel que « 
soil done son degré de carburation, tout métal « 
coulé à l'état de lingot subira au forgeage, de la part 
des outils auxquels il sera soumis, une aclion » 
mécanique identique, Les conditions de Llempéra- 
ture seules varieront, le métal {rès doux pouvant 
èlre beaucoup plus chauffé que le métal dur. 

Au contraire, s’il s'agit de métaux, fer ou acier, 
obtenus par ce brassage dans la flamme qu'on 
nomme le puddlage au four !, le travail de forge 


consiste : d’abord à expulser les scories, puis à 


1 Rappelons, à ce sujet, que, dans le four à puddler, la fonte, 
maintenue, au-dessus d’une couche d’oxyde de fer, à l’état 
de fusion par une flamme qui lèche sa surface, est, au moyen 
de ringards, brassée dans cette flamme. Dans cette opération 
l'oxyde de fer brûle une partie du carbone répandu dans 
Ja masse du métal impur. En même temps que s'opèrent 
ainsi la réduction du fer oxydé et l'expulsion d'une partie du 
carbone sous forme d’oxyde de carbone, il y a action réci- 


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E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


871 


souder entre elles les différentes parties de fer 
ou d’acier, de façon à en former un bloc absolu- 
ment comparable à un lingot de métal fondu. 

C'est ce travail de forge que nous étudierons 
en premier lieu. : 


JI. — TRAVAIL DES MÉTAUX SORTANT DU FOUR A PUDDLER. 


Le (ravail mécanique, soit par forgeage, soit par 
Jaminage, fait partie intrinsèque de la fabrication 
proprement dite du métal puddlé au four. C'est la 
dernière étape des opérations de puddlage, soit du 
fer, soit de l'acier. On expulse, en les cénglant, 
les silicates que contiennent les loupes retirées 
des fours ; on obtient ainsi un petit parallélipipède 
assez impur, que l’on transforme en barre plate 
au laminoir. Cette barre n’est pas encore suffisam- 
ment purgée de ses scories, ainsi qu'on peut le cons- 
later aux criques qui règnent le long de ses bords. 
Le du fer brut : on la découpe alors en troncons, 

qu'on réunit dans un même paquet, lequel est 
porté au blanc soudant, puis passé de nouveau au 
laminoir. Le produit oblenu est le fer marchand. - 

Pour le cinglage, on emploie exclusivement 
aujourd'hui le marteau-pilon, qui consomme, il est 
vrai, beaucoup de vapeur, mais qui permet de faire 
varier lacompression suivantles besoins.Les pilons 
cingleurs ont, en général, une force de 1.500 à 
2.000 kilos; pour les loupes du four Bouvard on em- 
ploie, par extraordinaire, des pilons de 10 tonnes. 
.Ces pilons sont le plus souvent à simple effet. 

& Le laminoir (fig.1, PL. I) employé pour exprimer 
du métal puddlé ses scories, est, en général, en 
duo, c'est-à-dire qu'il comprend seulement une paire 
de cylindres. Les formes des cannelures de ces cy- 
Jindres sont très simples, leurs dimensions vont en 
diminuant; les déyrossisseuses sont généralement 
ovales dans le but d’une compression plusuniforme, 
Jes Jinisseuses-carrées, puis rectangulaires plus ou 
Donne rapport d'une section àla suivante 
est de : la longueur des cylindres est de 4",20 à 
D,50. 

- On à cherché, en ces derniers temps, à s’affran- 
chir de quelques-unes des nombreuses opérations 
que nous avons décrites plus haut pour obtenir 
le fer marchand laminé en profilés spéciaux, feuil- 
lards, et fils dits machine, ete. Indiquons comment 
procèdent les Forges de Champigneulles : Les fontes 
employées au puddlage sont de bonne qualité 
blanche, chaude ou truitée-blanche. Les additions 


de fondants ou de ferros sont faites non plus seu- 
————————————————————————_——_— 

proque du carbure et des silicates basiques de fer compris 
dans la masse en fusion. C'est en cela que consiste le pud- 
dlage au four. Ce puddlage purifie, comme on voit, le métal, 
mais laisse néanmoins, cà et là, dans la masse, des concrétions 
Silicatées, des scories, que les opérations mécaniques ont 
ensuite mission d'expulser. (Nele de la Direction.) 


lement en vue d'améliorer la qualité, mais aussi en 
vue de simplifier beaucoup le laminage. L'essentiel 
est de terminer le puddlage très chaud et de ne pas 
laisser aux scories lé temps de se figer dans les opé- 
rations de cinglage et de laminage. La loupe est cin- 
glée commeprécédemment, mais est de suite trans- 
formée, d’une seule chaude et sur un seul train, en 
laminés de toute nature, sans passer par l’ébau- 
chage au train brut, ni par le paquetage des ébau- 
ches. Le prix des laminés quelconques est ainsi 
ramené à celui du fer brut. Dans certains cas, il 
est nécessaire de faire passer quelques minutes le 
lopin cinglé dans un four à souder avant de l’en- 
voyer au laminoir, mais il n’en est pas moins évi- 
dent que les frais de la transformation du métal 
en ébauchés à découper, à paqueter et à réchauffer, 
sont par ce procédé complètement évités. 

Nous ne nous arrèêterons pas plus longtemps sur 
les procédés de forgeage ou de laminage qui se 
rapportent à la fabrication des fers et aciers pud- 
dlés. Les aciers puddlés ont à peu près disparu pour 
laisser place à l'acier produit sous forme de lingots. 
Quant au fer, iltend de plus en plus à être remplacé 
par l'acier extra-doux, obtenu également à l’état 
fondu. Néanmoins, ilest encore employé sous forme 
de tiges de pilon, de profilés divers, de fils et même 
de plaques de cuirassement ; mais son finissage 
soit au pilon, soit au laminoir ne diffère en rien de 
l'élaboration de l'acier, que nous allons passer en 
revue en suivant l'ordre chronologique et en 
commençant par le forgeage. 


IIT, — FORGEAGE DE L'ACIER EN LINGOTS 


Le forgeage de l'acier à des températures con- 
venables a pour résultat remarquable de modifier 
sa structure et d'augmenter considérablement sa 
ténacité. Depuis les belles études de M. Osmond 
sur l'analyse micrographique des aciers, on peut se 
rendre compte des qualités du métal d’après l’as- 
pect de sa cassure : on sait comment sa structure 
varie avec les teneurs en carbone, comment elle 
se transforme sous l'influence de la température 
ou de la vitesse de refroidissement (fig. 2 et 3). On 
a donc à la fois un guide et un contrôle au traite- 
ment physique,et les limites entre lesquelles telle 
nature de métal doit être traitée sont désormais 
bien définies. Nous n’entrerons pas dans le détail 
de ces travaux si remarquables, ce qui nous entrai- 
nerait beaucoup trop loin. Indiquons seulement 
que la structure de l'acier coulé comprend des 
grains de fer à peu près pur, reliés par un ç ciment » 
de carbure de fer. Ces granulations s’agglomèrent 
pour constituer des aiguilles prismatiques limitées 
par une série de lignes brillantes. La structure du 
même métal forgé présente un aspect général sem- 
blable, mais où les dimensions absolues du réseau 


872 E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 
sont naturellement réduites. Le forgeage done, | dement encastrée, et le résultat obtenu au moyen 
S'il est elfectué dans les conditions normales, | d'un pilon balistique, dans lequel le pilon comme: 


c’est-à-dire à des températures appropriées au 
degré de dureté, pétrit le métal et augmente sa 
densité, en achevant mécaniquementla distribution 
du ciment commencée par le chauffage. 


Procédés de Forgeage en France. — Deux procédés 
sont utilisés pour ce travail: de pétrissage et tous 
deux ont leur raison d'être. D'un côté, c'est le for- 
geage par choc oblenu au moyen du marteau-pilon 
(fig. 6 à 12); de l’autre, c’estle forgeage par la pres- 
sion lente et progressive, que. fournit la presse hy- 


draulique (fig. 4et5).Ilestassezdificile, étantdonné 


l’enclume sont suspendus à la facon des pendules: 


L'essai eut lieu sur de pelits cylindres de cuivres 


coupés sur une même tige de 12"%,5 de diamètre 
à 46%%,9 de longueur. On sait que l'énergie totale 


dépensée est déterminée par le produit P H(P poids 
Deux sériesu 
d’ éprouvettes identiques furent soumises à l'ac-m 
tion l’une d’un pilon, l’autre du second, de façon! e 
PAU gra indé 
déformation fut nécessairement obtenue avec l'en 


du marteau, H hauteur de chute). 


à recevoir des chocs égaux. Une 
clume encastrée, En évaluant la proportoin d’éner- 


gie transmise en plus à l'enelume du pilon balis- 


Fig. 2. 
Ë 


Fig. 2 et 3. — Mélallophologrammes oblenus par M. 


(fig. 3). La figure 2 (coupe faite dans le sens du forge: 
voir la réduction et la fragmentation de cette dispo 
l'agrandissement de 100 diamètres. 
geage. La maille du premier est très large, cel 


) montre un réseau à mailles moyennes. 
sition, résultant du-recuit à 10150. 


Fig. 


: acier forgé (fig.: 2), acier recuit 


le du second très réduite. S'il s'agit d'acier doux, les parois de la maïlle,m 


{ans les deux cas, sont du fer à peu près pur, et le contenu du carbure de fer. 


un pilon déterminé, d'établir quelle serala puissance 
d'une presse équivalente ; le mode d'action des deux 
outils est trop dissemblable pour arriver à une 
équivalence rigoureusement exacte. Le mieux est 
de se baser sur des résultats acquis par l'expé- 
rience, qui permet de calculer la pression maxima 
dont on à besoin dans chaque cas. Ainsi, si l’on se 
donne la surface de métal sur laquelle on veut 
presser, il faut compter qu'une pression de 500 
à 800 par centimètre carré suivant la température, 
est nécessaire au forgeage. Une presse de 4.000 Lon- 
nes équivaut comme puissance de production à un 
pilon de 120; mais il n’y a pas de rapport exact à 
établir puisque, dans cette proportion, n'intervien- 
nent ni la hauteur de chute ni le poids de la chabotte 
fondation supportant lapièce frappée) dans le pilon. 

Le docteur F. Fick à comparé l'effet produit par 
un pilon ordinaire, frappant sur une enclume soli- 


tique, on trouva qu'elle s'élevait à 30 °/,. Pour une 
dépense d'énergie donnée, la puissance du choc 
dépend de la résistance qu'offre la pièce frappée ; 
plus cette résistance est-faible, plus le travail 
absorbé par l'enclume est considérable. Le poids 
à adopter pour les chabolles doit être de 7 à 
10 fois celui du marteau suivant la grosseur du 
pilon. L’enclume reçoit au moins 20 ?/, de la force 
produite et le reste se perd en vibrations. 

Dans la presse, au contraire, les fondations sont 
insignifiantes, et l'effort du piston du pol de 
presse est transmis intégralement au lingot. Il en 
résulte que les lingots peuvent être travaillés plus 
froids, par conséquent plus longtemps, et que le 
métal subit moins de chaudes ! qu’au pilon où, dans 
ces conditions, l’on aurait à craindre la rupture 


1 La chaude esi la double opération qui consiste dans Le 
chauffage du lingot et le forgeage consécutif. 


" 


Osmond el reproduits ici en simili. — Ces deux microphotographies 
montrent la différence de structure interne qui distingue l'acier à deux stades du travail : 


4 
La figure 3 (métal recuit) fait M 
\ 


Ces photogrammes ont été faits à 
— On obse Êre des différences non moins tranchées entre l'acier avant et après le for- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (Numéro du 15 Octobre 18 


2 
Reugeser Ms repelse 


4. — Presse Davy (Puissance : 4.000 /onnes) de. 


visible sur cette figure, un sommier situé au-dessot 
supérieur, visible . par 4 colonne 
à travers lequel on voit le fond de 1 
(visibies dans l’espace vide et variable) viennent pousser la /raverse, grosse pièce que l'on voit au-dessus 
et contre-maitres photographiés ici. Derrière leur tête se voit l’enclume ou panne qui effectue le forgeage. — L: 
est guidé d'une part, aux 4 coins, par des colliers qui embrassent les colonnes, d'autre part par une colonne ver- 
ticale et médiane qui s’engage dans une gaine du sommier supérieur. Le relevage de la traverse se fait hydrauliquement, 
ace à ylindres invisibles ici et attachés latéralement au sommier supérieur. Au-dessus de la presse « ns Je fond 
are on voit un pont électrique de 150 tonnes. 


iéries de Saint-Chamond. — La presse comprend, outre la partie 
du plancher. Ce sommier intérieur est fi et relié au sommi 
(Le sommier supérieur commence au-dessus de l’espace vide, variable, 
sommier supérieur porte deux cylindres hydrauliques dont les ] 


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CNRS 


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ENÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (Nuinéro du 15 Octobre 1895) 


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is h a 


Ju (7 Ja ES | 


> & fort du]syslème Breuer, Schumacher et Cie, de Kalk, 


construile par MM. 


à simple 


Fic. — US?'ESS 
à Ferrière-la-Grande (Nord). — Cette presse se Compose essentiellement de deux parties : le compresseur, 
de la figure, et la presse nent dite. Le compresseur est constitué par le cylindre 
et au-dessus par un « ] ique en acier forgé, relié au cylindre à vapeur au moyen de quatre € 
forgé. La distribution de la vapeu yÿ fait à l’aide d'un tiroir cylindrique équilibre, La vapeur, 
ontenu dans le conte inférieur, le fait monter, et la tise de ce piston, qui 
iu dans | ylindre hydraulique install ur la paesie proprement dite. Celle-ci, comme les 
IX Soin reliés ide ment p ir quatre Colonnes en acier forgé. Le cylindre hydr: iulique, 
é ul porté par le sommier supérieur Le piston hy ntche du pot de 
rmédiaire d'une traverse HObE que l'on relève à l'aide de deux petits cylindres à vapeur 
s du sommier supérieur, Aussitôt que la pression est terminée, le 
le Ja pesanteur et ja vapeur passe sur l’autre face du piston pour réchauffer le cylindre. 


Ut 


g. Delaltre 
situé à & 
à vapeur vertical qui est à la base, 
olonnes en acier 
intré te sous le piston 
forme elle-même piston hydr: iulique, ‘ 
autres presses, 

ou pol de presse, es 
presse agit suc le marteau forgeur par 
eltet placés au- 
pist nn à vapeur redescend automatiquement sous 


F E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


813 


RE  ——  ———————————————————————…—"—"—…—"—…"—"—"—"…"…"…"…"…"…"—"—"—"…"…"…"—"—"—"—"—"—"—"—"—— 


des Liges, l’'enfoncement de la chabotte et beau- 
goup d’autres inconvénients. 

Au point de vue dela construction, les pilons pré- 
sentent sur les presses l'avantage de la simplicité et, 
par conséquent, de grandes facilités d'entretien. 
Mais, d’un autre côté, les frais d'installation des 
presses sont bien moindres, et, d’ailleurs, Lous les 

. sols conviennent à ces installations. Il est à re- 
Do à ce sujet, que les usines anglaises n'ont 
…pas monté de pilons monstres, comme on en ren- 
. contre dans quelques usines du continent, mais 
pre toutes emploient des presses. 

Au point de vue du forgeage, les résultats oble- 

- nus sont loin d’être identiques : la presse orge à 
cœur, c'est-à-dire agit profondément, landis que 
l'action du pilon se fait plutôt sentir à la surface. 
Sur un lingot un peu gros, le forgeage de la partie 
centrale peut donc être défectueux, ou bien, 
pour éviter ce défaut, il faut proportionner la 
puissance du pilon à ie du Hngoi, ce qui n'est 

. pas toujours possible. 

La presse, d'autre part, a l'inconvénient de ne 
pas décaper d'elle-même le mélal, comme le fait 
le pilon : il faut nettoyer constamment la surface 
à forger, ce qui exige des relards et plus de main- 
d'œuvre. 

Il résulle de ce qui précède que les deux outils 
doivent être employés concurremment : la presse 
pour ébaucher, le pilon pour finir. Grâce à la rapi- 

. dité de travail qui caractérise la presse, celle-ci 
- permeltera de chauffer moins souvent le lingot et, 
….par conséquent, de ne pas nuire à la qualilé du 
- mélal, à la condition toutefois que l’on opère par 
. petites passes et que l’on évite les déformations 
trop grandes, qui amènent les criques et les 
veines sombres. Puis la pièce sera terminée, pa- 
rée, comme disent les forgerons, à l’aide du pilon, 
dont on peut apprécier le travail d'autant plus 
» facilement que le marteau se relève très vite et que 
la surface du métal est immédiatement décapée. 
En ce qui concerne les travaux de matricage, la 
presse et le pilon sont également employés. Quant 
… à l'emboulissage, il se fait à la presse avec une fa- 
cililé remarquable. 


2 + Ce  ÉR UE 


Presses. — Différents systèmes de presses 
hydrauliques sont aujourd'hui en usage ; le cadre de 
cet arlicle ne nous permetlant pas d’en faire la des- 
criplion détaillée, ni d’en montrer les principales 
différences, nous nous bornerons à indiquer ce 
qui les caractérise particulièrement : 

Dans une étude très complèle présentée à la 
Société de l'Industrie Minérale, M. Dufour a classé 
les presses en quatre catégories : 

4° Presse à course continue avec accumulateur ; 
2° Presse à course continue sans accumulateur ; 
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 4895. 


3° Presse à course partielle variable; 
4° Presse à course partielle invariable. 

Le type de la 1" catégorie est la presse Tannett 
Walker. Les pompes refoulant l'eau non seule- 
ment pendant la période de pression, mais aussi 
pendant les arrêts jusqu'à remplissage de l’accu- 
mulateur, leurs dimensions peuvent être moindres, 
à vitesse et à puissance égales, que s'il n’y avait 
pas d’accumulateur. Mais ce système offre un gros 
inconvénient : c'est de ne pouvoir qu'imparfaite- 
ment proporlionner le travail fourni à la résis- 
tance du lingot à forger. 

La 2° classe est représentée par la presse Davy 
(fig. 4, PI. IT). Il n'ya pas d'accumulateur. La machine 
à vapeur qui commande les pompes n'a pas de 
volant. Il en résulte des variations de vitesse consi- 
dérables, qui sont très fatigantes pour les organes. 
Néanmoins, cette presse est bien éludiée, elle est 
très complètement guidée et peut forger absolu- 
ment en porte-à-faux, gràce au mode d'attaque de 
la traverse mobile par des contacts sphériques, 
qui conservent aux pistons leur vertlicalité. Cette 
presse est l’une des plus employées. 

La presse Breuer-Schumacher reñtre dans la 3° caté- 
gorie (fig. 5, PI. IN). Les pompes dans cette presse 
sont remplacées par Le compresseur: c'est un cylin- 
dre à vapeur vertical, et la tige de son piston forme 
piston hydraulique dans un corps de pompe placé 
au-dessus. Si l'on admet la vapeur sous le piston, 
l’eau est refoulée dans le pot de presse. On peut 
donc produire dans le lingot une empreinte pro- 
portionnelle à la course ou piston à vapeur, qui est 
variable. Le relevage de la presse se fait à la vapeur, 
tandis que, dans les deux types précédents, il était 
hydraulique et à basse pression. Ce système a l’a- 
vantage d’être simple et robuste et d'exiger fort 
peu de frais d'entretien. Il se développe de plus en 
plus, notamment dans le Nord de la France. 

La dernière catégorie est relative à la presse 
de Galloway, dont un seul type existe aux Ateliers 
Bessemer. 


Pilons. — Jetons maintenant un coup d'œil sur 
les pilons. Disons d’abord que les marteaux-pilons 
sont à simple effet ou à double effet, suivant que la 
vapeur sert seulement à relever le marteau, ou 
qu’elle ajoute encore son action et vient augmenter 
l'énergie du choc, et que les marteaux d'une cer- 
laine puissance sont généralement à simple effet. 


Le marteau pilon du Creusot (fig. 12, PI. VI), dont 
tout le monde a pu admirer le modèle en bois à l'Ex- 
position de 1878, aétéaugmenté depuis et porté de 80! 
à 100" avec une hauteur de chute de 5 mètres. 
C'est à ce pilon que sont forgés actuellement les 
gros lingols d’acier de 50! et DIRE, qui fournis- 

19° 


814 E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


sent les plaques de tourelles et de ceinture de nos 
cuirassés, ainsi que les grands canons de la Marine. 
La chabolle, qui pèse 720 tonnes et qui, sous les 
coups de pilon reçus depuis cetle époque, était 


descendue d’envi- 
ron 0®,60, a élé 
réparée l'an der- 
nier. On y a rap- 
porté une pièce de 
la même épaisseur 
en acier martelé, 
pièce qui lient par- 
faitement. Depuis 
quelques années , 
le Creusot a con- 
curemment intro- 
duit dans le for- 
geage l'emploi des 
presses à forger, 
lesquelles peu- 
vent, en un certain 
nombre de cas, se 
substiluer aux 
marteaux-pilons . 
En dehors de ses 
presses à gabarier 
dont l’une a une 
puissance de6.000 
tonnes et l'autre 
de 41.200 tonnes, 
le Creusot possède 
unepresse Tannell 
de 2.000 tonnes el 
doit installer pro- 
chainement une 
nouvelle presse 
Whitworth de 
3.000 tonnes. 


Les usines Mar- 
rel, de Æive-4de- 
(rier et des £laings, 
comportent, elles 
aussi, un oulillage 
en pilons des plus 
remarquables . 
Nous donnerons 
quelques détails 
sur le marteau 


pilon de 100',dont le modèle au L figurait à l'Expo- 
sition universelle de 1889 (fig. 6, 7 et 8). La cha- 
botte est composée de 4 assises, les trois infé- 


rfvéce de vapeur 


PTIT AT ANT Te 

Fig. 6. — Diagramme de l'élévalion du grand pilon de 100 {onnes des 
Usines Marrel frères, montrant l'admission de vapeur pour la com- 
mande du pilon. 


A rh 


rieures pesant chacune 90 tonnes et la dernière, 


selle du dessus, qui recoit immédiatement le 
tas ou l'élampe, pèse 125 lonnes et est d'une seule 
pièce. L'ensemble, y compris les frettes, alteint 


le poids de 760 tonnes. Cette chabotte est placée 

sur un massif en bois de chêne, reposant sur une 
maçonnerie qui forme un tout compact avec le ro- 
cher subjacent. La hauteur lotale de celte chabotte 


est de 4",700. Le 
diamètre du cy- 
lindre à vapeur 
est de 2 mètres, 
celui de la tige de 
310 millimètres ; 
la course maxi- 
ma du piston, de « 
5190. La distri- 4 
bution de la va- 
peur s'opère par 
un liroir cylindri- 
que et la pression 
de celle-ci doit 
être d'au moins 
3*,900. Nous don- 
uerons une idée 
de l’imposant as- 
pect de cel outil 
en ajoutant que la 
hauteur de la con- 


struclion, au-des- 


sus du sol, est de 
48,800. 


C’est aux usines 
de Suint-Chaumond 
que nous consla- 
tons l’oulillage le 
plus homogène et 
le mieux entendu . 
au point de vue du 
forgeage. A côté 
d'un marteau-pi - 
lon de 100 tonnes 
(fig. 9, 10 et 11) 
se trouve une pres- 
se Davy de 4.000! 


Aux usines de 
Saint-Jacques , à 
Montluçon, la pré- 
férence est toul 
entière donnée au 
forgeage àla pres- 


se. C'est là que fut installée la première presse de 
4.000 tonnes fonctionnant en France, et le système 
adopté est celui de Tannett Walker el C°. 


Procédés de Forgeaye à l'Etranger. — Les Anglais 
donnent la préférence à la presse: l'usine Cannuell, 
de Sheffield, forge avec une presse Davy de 4000". 


ET APPLIQUÉES (Numéro du 15 Octobre 1695) 


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Vue extérieure du grand pilon montrant en même temps les grues de manœuvre, 


Diagramme donnant la vue extérieure du grand pilon de 100 tonnes. 


Fig. 1. — Marteau-pilon des Usines Marvel frères aux Etaings, près de Rive-de-Gier, 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (Numero du 15 Octobre 1895 


Fier. 8. — Vue extérieure du grand Marleau-Pilon de 100 lonnes à l'atelier de grosse forge de l'Usine des Elaings, de 
MM. Marrel freres (de Rive-de-Gi Cette figure représente une sCance de forgeage. Un lingot de 50 tonnes, qui doit 
donner un corps de canon de #2 centimètres de calibre, subit une sixième chaude destinée à l’étampage. On peut voir le 
manchon qui sert à l’amarrage du linsot, le ringard chargé de rondelles contre poids percées de trous où les hommes intro- 
duisent successivement leurs leviers, le vreur suspendu au pont roulant, qui transmet son mouvement de rotation à la chaine 
formant jarrelière et par conséquent au nanchon sur lequel cette dernière est enroulée. Au premier plan, à droite, sont 
f ur rie de pant jui peuy les étampes employées pour la chaude actuelle. Sur la gauche, on aper- 


empla( 
s chaudières verticales des fours à réchaufier 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


875 


Les usines Brown, Firth, de Sheffield, Lotwian Bell, 
de Middlesbrow, etc., emploient exclusivement la 
pression hydraulique pour le forgeage des grosses 
pièces. La plupart des usines anglaises font usage 
_ de presses horizontales jointes aux presses verli- 
_ cales. Le lingot est successivement soumis à l’ac- 
_ tion de ces deux outils et, en quelques minutes, 
se trouve complètement dégrossi sur ses quatre 
_ faces, sans qu'il y ait eu nécessité de le faire 
tourner sur champ, c'est-à-dire de 90°, ce qui 
n'est pas toujours une manœuvre commode, dès 
- qu’il s’agit de pièces un peu lourdes. 


M. Pierre Arbel sur l'Exposition de Chicago les 
renseignemens suivant(s : 

Les usines de Befhléem dans le canton de Nor- 
thampton (Etats-Unis) ont à leur disposition un 
pilon de 125 tonnes et une presse à forger de 
1.4000 tonnes. En ce qui concerne le pilon, le poids 
total de la chabotte est de 2.150 tonnes, le dia- 
mètre du cylindre de 1",930 avec une course de 
> mètres, el la pression de la vapeur d'environ 
8 kilos. La tige du piston en acier forgé, de 0®,43 
de diamètre, est creuse sur loute sa longueur, qui 
est de 12%,200. La hauteur totale du pilon au- 


… Fig. 9, — Marteau-pilon de 80 tonnes des Usines de Suint-Chamond, vu de face. — À, pilon de 80 tonnes; B, grue; C, che- 
valement d'appui des grues; F, plateforme du pilonier; G, levier de prise de vapeur; H, lingot en martelage, 


Il y a de nombreuses presses installées dans les 
usines de la Ruwkr en Allemagne, et là, comme en 
France, elles sont employées en même temps que 
les pilons. Les premières presses employées er 
Allemagne y ont élé importées d'Angleterre; les 
grands constructeurs de la région en fabriquent 
aujourd'hui des lypes très appréciés. Nous cite- 
rons la presse de 6000! à 2 compresseurs alter- 
nalifs du type Breuer Shumacher et C!° qui fonc- 
tionne aux usines Krupp, à Zssen. Une presse de 
1,500! du même système forge aux usines de Couil- 
(5 EE 

Sur les plus puissants engins de forgeage qui 
existent dans les grandes usines du monde, nous 
emprunterons à la très intéressante brochure de 


dessus du sol est de 27",430 et sa plus grande 
largeur de 11",500. Cet outil fonctionne depuis 
1891 et sert au forgeage des blindages, des canons, 
des arbres coudés ou forgés sur mandrin. Il a forgé 
le gros arbre de la roue Ferris, la grande attrac- 
tion de l'Exposition de Chicago, arbre qui n'avait 
pas moins de 0,813 de diamètre et 13,325 de lon- 
gueur. La presse de 14.000!, destinée spécialement à 
la fabrication des blindages, vient d'être terminée : 
elle est du système de Withword modifié par 
M. John Fritz. Elle se compose de deux cylindres 
hydrauliques de 1,270 de diamètre, indépendants 
l'un de l’autre, à rotules, de sorte que le forgeage 
conique peut se faire facilement sans” l'emploi 
d’étampes spéciales. La pression de l’eau est de 


S7ü E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


500 kilos par cenlimètre carré : celle-ci est fournie | On voit que, dans presque tousles pays, les deux 
par 4 pompes de 16.000 chevaux de puissance ; les | engins de forgeage sont employés; mais il est 


Fig. 10. — Marleau-pilon de 0 lonnes des Usines de Saint-Chamond, vu de côté. — À, Pilon de 80 tonnes; D, D, Fours à gaz. 


cylindres à vapeur des machines motrices ont | cerlain que la force hydraulique permettra plus 
2",286 de diamètre; la course de piston est de | facilement d'atteindre ces pressions formidables 


UE I VO 


entier Brut der 


+ D = 
Fig. 11. — Marteau-pilon de 80 tonnes des Usines de Saint-Chamond, vu par-dessus. — B, B, Grues ; C, Chevalement d'appui 
des grues; D, D, Fours à gaz. 


1 mètre et le nombre de tours de 80 par minute. | que rendent de plus en plus nécessaires les exi- 
Les cylindres des pompes ont 0,280 de diamètre | gences de l'armement et les résullantes de cette 
el une course de piston de 1",43, lutte toujours ouverte entre le canon el la cuirasse. 


trorodsuer À oTuoDsopurout a991d ef Suns e1Y oATeure Vo Esvrop ae nb moy np amons “ amnuos ormod 
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E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 87 


IV. — OPÉRATIONS ANNEXES DU FORGEAGE. 


Après avoir passé en revue les outils prinei- 
paux de forgeage, il nous parait utile de com- 
pléter la description dumatérielemployé, en disant 
quelques mots au sujet des fours qui servent à 
réchauffer le métal avant de le soumettre à l'ac- 
tion mécanique des pilons ou presses, ainsi que 
des appareils destinés à faciliter la manutention 
des pièces à forger, lesquelles sont parfois d'un 
poids considérable, done peu maniables. 


Fours à réchauffer. — Un sait qu'un lingot, une 
fois coulé, se refroidit el sesolidifie beaucoup plus 
vite à l'extérieur qu’à l’intérieur : il en résulte une 
contraction dela partieinférieure dulingot, contrac- 
tion qui détermine dans le haut une sorte de cavité 
appelée l'entonnoir de retassement. Il en résulte éga- 
lement une tension moléculaire centrale qui serait 
préjudiciable à la bonne tenue au feu du métal si 
celui-ci était brusquement porté à haute tempéra- 
ture et si les parties internes n'avaient pas le 
temps de recevoir assez de chaleur pour se 
dilater et suivre les mouvements de la surface. 

On voit donc la nécessité d'un chauffage très 
soigné et, pour éviter les déchirements internes 
qui se produisent avec un bruit de cloche, —ce que 
les forgerons expriment en disant que les lingots 
sonnent, —l'obligation de ne jamaisintroduire une 
pièce froide dans un four chaud. Les fours à ré- 
chauffer (P1. VI ont des formes et des dimensions qui 
varient nécessairement avec celles des lingots ou 
des pièces à forger. Ce sont des fours à réverbère 
plus ou moins surbaissés, suivant la température 
plus ou moins élevée à laquelle on veut porter 
les pièces. Ils sont chauffés soit directement à 
la houille, soit au gaz avec gazogènes et régénéra- 
teurs Siemens (D, fig. 10et 11). Les fours à gaz per- 
mettent l'emploi de combustibles de mauvaise qua- 
lité, mais exigent une continuité absolue dans les 
travaux de forge, attendu que l'allumage de- 
mande beaucoup de temps. Aussi, malgré les 
avanlages de ces derniers, préfère-t-on les fours à 
grille ordinaire : leurs flammes perdues sont alors 
utilisées pour chauffer les chaudières qui donnent 
la vapeur aux marteaux et aux machines. 

Le lingot à forger est, en général, muni d’une 
queue d'amarrage, sorte d’appendice ménagé à 


l’une de ses extrémités, que lon saisit soit avec 


un #anchon, si la pièce ne doit subir aucun choc 
pendant le travail, soil avec une paire de griffes 
reliées à la queue par des freltes placées à chaud 
et serrées au moyen de coins, si la pièce est des- 
linée au pilon. Un long ringard est emmanché 
dans l’axe soit du manchon, soit des gritles et 
supporte à son autre extrémité une série de ron- 


delles, contrepoids qui font équilibre au lingot. On 
comprend, dès lors, qu’en suspendant lout ce sys- 
tème en son centre de gravité au crochet d'une 
grue où d’un pont roulant, on puisse l'amener du 
four au pilon ou à la presse et inversement. De 
plus, en plaçant un certain nombre d'hommes à 
l'extrémité du ringard, ceux-ci peuvent, après 
un coup de pilon, faire abattage, c'est-à-dire sou- 
lever la pièce pour la déplacer légèrement en 
arrière et soumettre au forgeage les parties voi- 
sines qui n'ont pas encore subi l'action de l'outil. 

Dans bien des cas etsurtout lorsqu'ils’agit de gros 
lingots pour blindages, la fosse de coulée (PI. VIT ne 
permet pas d'y ménager une queue d'amarrage ; 
on doit done employer, pour les entrer et sortir, de 
longues (enailles à une ou deux branches, parfai- 
tement équilibrées dans le haut, que l’on passe 
sous les lingots. On forge ceux-ci en les soute- 
nant de part el d'autre du pilon ou de la presse à 
l’aide de jarretières suspendues au pont roulqnt, 
ou au moyen de tabliers releveurs munis de repous- 
soirs comme ceux que l'on a installés à la presse 
de 4.000 tonnes de Saint-Jacques. On a beaucoup 
simplifié les condilions d'entrée et de sortie des 
fours en rendant mobiles certaines parties de 
ces fours, ce qui permet aux appareils de levage 
de manœuvrer au-dessus même des pièces qui y 
sont placées. Il existe des fours à sole mobile et des 
fours à voûte mobile. Dans les premiers la sole est 
constituée par la plate-forme d'un chariot s’intro- 
duisant dans des rainures encastrées dans les pié- 
droits : un treuil, hydraulique ou à vapeur, situé à 
l'arrière, met enmouvement lechariot, —les joints 
entre les parties fixe et mobile étant soigneusement 
bouchés par du sable argileux. Dans les fours à 
voûte mobile, au contraire, la sole est fixe, mais la 
calotte supérieure du four peut être déplacée sur 
un chemin de roulement supérieur,au moyen d'un 
pont roulant ou plus simplement d’un treuil fixe. 


Appareils de levage. — Ces appareils sont le plus 
souvent des grues dans les ateliers à pilons et des 
ponts roulants s'il s'agit de desservir les presses. 
Nous citerons les grues à col de cygne des Usines 
Marrel (Voir PI. V), les 4 grues qui desservent le 
pilon de 100! du Creusot Voir PI. VI), dont 3ont une 
puissance de 100 tonnes et l’autre de 160 tonnes, el 
les grues à double pivot deSaint-Chamond (fig. 11). 
Les premières ont un seul pivot et sont maintenues 
à la hauteur du sol; elles portent un moleur à 
vapeur qui fait tourner l’arbre commandant la 
rotation de la grue, le treuil de levage, le 
chariot se déplaçant le long du col ainsi que le 
vireur qui retourne la pièce sur elle-même. L'une 
des deux grues à col de cygne, qui desservent le 
pilon de 100 tonnes des Usines Marrel, peut être 


878 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


considérée commele plus puissant appareil existant 
dans ce genre. Elle a une puissance de 180 tonnes 
avec une porlée maxima de 10" et une hauleur au- 
dessus du sol de 9%,700. Les grues à double pivot 
ne travaillent pas à l’élasticité comme ces der- 
nières. On doit donc interposer un certain nombre 
de rondelles Belleville entre le moufle et la chaine, 
qui porte la pièce à forger. Toutes ces grues mar- 
chent en général à la vapeur, les grues hydrauliques 
étant plutôt réservées pour les ateliers de fonderie. 


Parmi les mentionnons celui 
des aciéries de Terni, qui pivote autour du pilon, 
l’une des extrémités restant fixe, l’autre reposant 
sur un chevalet mobile sur une voie circulaire. 
Cette disposilion participe à la fois des avantages 
des grues et des ponts roulants proprement dits, 
c’est à-dire mobiles sur rails parallèles, et pou- 
vant parcourir foule l'étendue de l'atelier. 

Les ponts roulants sont maintenant très répan- 
dus et rendent de grands services en permettant 
de mulliplier les fours et de les disposer hors de la 
portée des grues placées immédiatement autour de 
l'outil. Ils peuvent effectuer quatre mouvements : 
levage dans le sens de la hauteur; direction dans 
le sens de la largeur; translation dans le sens de 
la longueur; enfin, virage, c’est-à-dire mouvement 
de rotalion permeltant de présenter successive- 
ment chacune des faces du lingot sous le marteau. 
La force motrice se transmet aux ponts roulants 
de bien des manières : certains ponts sont abso- 
lument indépendants de l’extérieur, possèdend leur 
chaudière, leur machine, et sont comparables à 
une locomobile quelconque; la présence de ces 
mécanismes est un gros inconvénient dans un ate- 
lier : elle y amène bruit el fumées et nécessite, en 
raison du poids supplémentaire qu’ils ajoutent à 
celui du pont, des poutres de roulement beaucoup 
plus considérables. Un autre procédé, encore très 
employé, consiste à placer la machine motrice en 
dehors de l'atelier; la transmission se fait, soit 
par cäble sans fin (ce qui n’est guère économique, 
en raison de l'usure des càbles), soit par arbre 
carré, comme en Angleterre, système préférable, 
mais qui ne peut convenir qu'à des translations 
relativement peu étendues. L'électricité a rendu, 
ici comme en beaucoup de cas, de signalés ser- 
vices. Aujourd'hui, dans toutes les grandes forges, 
les ponts sont électriques ; le Creusot (PI. VIT) n’a 
pas hésité à modifier la plupart de ses ponts rou- 
lants qui marchaïient à la vapeur et à les transfor- 
mer en ponts électriques ; aux usines de Saint-Cha- 
mond, la presse à forger de 4.000 tonnes est des- 
servie par deux ponts électriques de 120 tonnes de 
puissance (PI. VIII), établis à 11 mètres au-dessus 
du sol. L'emploi du courant électrique permet un 


ponts roulants 


mouvement de translation aussi développé que l’on 
veut; la manœuvre est remarquablement simple, 
el la vitesse des différents mouvements peut êlre 
considérable; en outre, le pont roulant est mis en 
marche aux moments seulement où l’on en a 


besoin ; le bruit continu d’une transmission méca-. 
nique n’est donc plus là pour étouffer les comman- - 


dements du marteleur, ce qui présente un gros 
intérêt au point de vue des accidents. Nous sorti- 


rions de notre programme en nous étendant plus « 
longtemps sur cetle question; mais il élait néces- 


saire de ne pas passer soussilence celte application 


de la science électrique, qui concourt aux perfec- « 


tionnements de l’industrie du forgeage comme à 
ceux de la plupart des grandes industries. 


V. — LAMINAGE DE L'ACIER. 


Ainsi que nous l'avons indiqué au début de cette 
étude, le travail du laminoir est double : à côté de 
la pression stalique, qui résulte de l’espace libre 
laissé entre les cylindres ou les cannelures des 
cylindres, et qui refoule les couches centrales du 
métal, le mouvement de rotation des cylindres 
produit un effort tangentiel qui entraine les couches 
superficielles. Il est facile de prévoir que l’on peut 
faire varier ces deux éléments, pression et vilesse 
des cylindres, suivant les produits que l’on veut 
obtenir. Dans le laminage ordinaire, on s'arrange 
pour que la vitesse de refoulement des couches cen- 


trales soit lamême que la vitesse d'entrainementdes 


couches extérieures. Mais, si l’on augmente considé- 
rablement celle-ci par rapport à la première, un 
creux tend àse former à l’intérieur dulingotpendant 
son passage au laminoir ; c’est le principe du pro- 
cédé Mannesmann pour fabriquer des tubes sans 
soudure. De même, on peut faire varier la vitesse 
de l’un des cylindres par rapport à l’autre dans les 


cas où l’on a à traiter des lingots hétérogènes (acier 


dur d'un côlé, acier doux de l’autre). 

Au point de vue de la pression, le lingot d’acier 
ne doit pas être traité comme le paquet de fer. Le 
premier est un bloc homogène, capable de. mieux 
résister à la compression et à l’étirage qu'un pa- 
quet de barres puddlées, présentant de nombreux 
vides dans l'intervalle des mises que le laminage 
est destiné à souder entreelles. L’aciersoudé pourra 
et devra donc être moins fortement comprimé que 
le fer soudé et la décroissance des cannelures sera 
plus faible dans le premier cas que dans le second. 


Cages de laminoir.— La cage (PI. 1) est l’ensemble 
formé par deux cylindres animés chacun, autour 


: 


d'un axe horizontal, d’un mouvement de rotation - 


inverse l’un de l'autre et tournant entre deux 
supports verticaux sur lesquels ils reposent par 
leurs tourillons ; un {rain de laminoir comprend 


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es aui dessert la fosse de coulée des gros lingols aux aciéries is de MM. Schneider el Cie, au Creusot. 


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E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


879 


“une ou plusieurs cages. La génératrice des 
_ cylindres peut être une ligne droite 


c'est le 
cas du laminoir à plats, à tôles, à blindages. Elle 
peut être formée par une ligne brisée présen- 
tant des rentrants (cannelures) ou des saillants 
(cordons); c’est le cas du laminoir à blooms, 
billettes, profilés divers, rails, traverses, pontrelles, 
fils, ete. Dans certains cas le cylindre supérieur 
peut prendre une certaine obliquité par rapport au 
cylindre inférieur horizontal, les axes de cylindres 
restant dans le même plan; un tel laminoir per- 
met la fabrication de plaques trapézoïdales ou pen- 
lagonales, comme les plaques de ceinture de nos 


_cuirassés. Quelquefois les axes des cylindres sont 


verlicaux au lieu d'être horizontaux, comme dans 
certains laminoirs à bandages où dans les laminoirs 
universels. Enfin, les axes des cylindres sont quel- 
quefois placés dans des plans différents, ce qui 
produit l’étirage du lingot en tube, ainsi que nous 
l’expliquerons plus loin à propos du laminoir 
Mannessmann, ï 

Parmi les cannelures, on distingue les canne- 
lures ogives, plales, polygonales, profilées, soudantes, 
élargisseuses, finisseuses, dont les noms suffisent à 
expliquer le but. 

On comprend qu'avec deux cylindres le passage 
de la tôle ou de la barre ne peut se faire que dans 
un sens.et que, par conséquent, le rendement d'un 
tel oulil doit être faible. Deux moyens permettent 
d'éviter cet inconvénient et d'opérer le laminage 
dans les deux sens: le premier consiste en l’em- 
ploi d'un #ri, c’est-à-dire trois cylindres super- 
posés au lieu de deux; les cannelures sont ainsi 
formées par le cylindre du milieu avec chacun des 
cylindres extérieurs, et la barre est laminée à 
chaque passage. Mais cette disposition entraine 
une complication dans l'outillage et particuliè- 
rement des releveurs à bras ou mécaniques (sui- 
vant le poids des lingots) placés d'un côté des 
cylindres et desservant le passage supérieur. La 
machine motrice est alors ordinairement à un 
cylindre, attelée directement à l'axe médian du 
laminoir. On peut aussi changer Le sens de la rota- 
tion des cylindres, changement de marche qui se 
fait soit directement par embrayage, soit par la 
machine motrice elle-même. Dans le premier cas, 
le moteur tournant toujours dans le même sens, 
la somme des masses à mettre en mouvement ou 
à arrêter est beaucoup moindre ; mais, au moment 
où l'on fait l'embrayage, il se produit un choc 
considérable. Si, au contraire, onrenverse la vapeur 
dans la machine motrice, qui dévient alors rever- 
sible, ilfaut supprimer le volant, parce que la mise 
en mouvement d'une pareille masse serait trop 
lente, et attaquer les cylindres de laminoirs soit 
directement, soit par l'intermédiaire d'engrenages 


robustes. La machine motrice doit donc être très 
puissante et comporter de gros cylindres afin de 
compenser l'absence du volant. 

Au train de blindages des usines Saint-Jacques 
(Soeiété des Forges de Châtillon et Commentry) 
(PL. X) le changement de marche se fait par em- 
brayage : l'appareil de changement, interposé entre 
le moteur et la cage des pignons qui transmettent le 
mouvement aux deux cylindres, se compose de 
deux cages, l’une à deux, l’autre à trois pignons, 
qui entrent alternativement en jeu lorsque les 
cylindres tournent dans un sens ou dans l’autre. 
Les griffes d'embrayage sont commandées par la 
tige de piston d’un cylindre hydraulique spécial, 
qu'actionne une simple pédale placée à portée de 
l’ouvrier. 

Les machines réversibles sont aujourd'hui {rès 
répandues; elles ont des puissances de 1.500 à 5.000 
chevaux. Nous citerons : celles des aciéries d’Æssen, 
qui sont à deux cylindres conjugués ayant chacun 
1%,30 de diamètre, 1,75 de course, marchant à120 
tours, alors quele laminoir ne marche qu’à 48 tours 
au plus (plaques minces); celle du Creusot (PL. IX), 
qui est également à 2 cylindres conjugués et qui a 
une puissance de 3.000 chevaux ; le diamètre des 
cylindres à vapeur est de 1%,20, la course des pis- 
tons de 1,50; les machines Compound des Acié- 
ries de Jœuf et d'Hayange; enfin, les machines 
Audemar Kraft, à détente variable avec distribu- 
tion, employées aux usines Cockeril, à Seraing 
(Belgique), à #Saint-Chamond, à Valenciennes, etc. 

Quand leur vitesse de rotation ne doit pas dé- 
passer 100 tours par minute, les cylindres sont 
mis en mouvement directement par la machine 
motrice ; au delà de cette vitesse, il faut employer 
des engrenages comme intermédiaires. Enfin, lors- 
qu'il s’agit de vitesses considérables (plusieurs 
centaines de tours par minute), — comme pour les 
trains-machine qui servent à la fabrication d’un pro- 
duit appelé #achine, sorte de gros fil d'acier ou 
de fer, de 2"/" à 4"/° environ de diamètre, 
employé dans les tréfileries comme matière pre- 
mière, — les engrenages sont remplacés par des 
courroies ou par des càbles. 


Trains de Blindage. — En passant en revue les dif- 
férents laminoirs, nous insisterons seulement sur 
leurs caractères saillants. En première ligne, 
comme puissance, viennent les trains qui servent 
au laminage des plaques de blindage. Nous en 
citerons quelques-uns en faisant remarquer que 
certains sont dits wniversels parce que ce sont des 
laminoirs dans lesquels il existe non seulement 
deux cylindres horizontaux dont on fait varier 
l’écartement, mais en même temps deux cylindres 
verlicaux que l'on rapproche ou qu'on éloigne à 


880 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


volonté de façon à exercer une pression latérale 
sur les cans. De tels trains peuvent done laminer 
des plaques, des Lôles ou des plats de toute épais- 
seur et de toute largeur, sans que l’on soit forcé de 
changer les cylindres. Le train à blindages ,des 
usines de Swint-Jarques à Montluçon (PI. X), dont 
on à pu admirer, à l'Exposition de 1889, la cage à 
pignonsspéciale, présente le grand avantage de pou- 
voir laminer même en inelinant le cylindre supé- 
rieur. La longueur de table des cylindres horizon- 
taux est de 4 mètres et leur diamètre de 1 mètre. 
Chacun d'eux est en acier forgé et pèse environ 
30 tonnes. La longueur de table des galets verticaux 
estde 1*,300 etleur diamètre.fde 0",500. Ces dimen- 
sions permettent de laminer sans difficulté des pa- 
quets de? mètres de hauteur. Un repoussoir hydrau- 
lique à l’avant et à l'arrière du train, commandé 
par un cylindre souterrain, remet les pièces en 
prise sous le laminoir à chaque changement de 
marche. 

Le train à blindages des Æ#ings (PL XI) vient 
d'être transformé : il comporte maintenant des 
cylindres horizontaux de3",300 de longueur de table 
et de 1,050 de diamètre, des cylindres verticaux 
de 1,130 de longueur et de 0",500 de diamètre. 

Au (Creusot, les cylindres verticaux ont élé 
supprimés; des rouleaux entraineurs amènent le 
lingot aux cylindres horizontaux et, lorsqu'on veut 
le tourner de 90°, un petit élévateur qui forme pla- 
que tournante le soulève de 40°" au-dessus des 
rouleaux et le dépose dans sa nouvelle position; à 
l'avant du train un culbuteur hydraulique peut re- 
tourner rapidement la plaque, ce qui est très com- 
mode pour le chauffage. Le laminoir à blindages 
du Creusot (PI. IX) se compose de 2 cylindres hori- 
zontaux de 9%,950 de diamètre et de 3 mètres delon- 
gueur de table. Ces deux cylindres peuvent être 
écartés de 0%,750, On peut y laminer des plaques 
de 35 à 40 tonnes. On peut adjoindre aux cylindres 
horizontaux 4 cylindres verticaux (2 AV et 2 AR). Le 
ripage, le transport et le retournement des 
paquets se font mécaniquement. La disposition 
des cylindres permet aussi de laminer des plaques 
à section trapézoïdale, 2 ponts roulants, l’un de20 
et l’autre de 60 tonnes, de 19" de portée, desser- 
vant ces deux trains el les fours qui les alimen- 
tent. Ce train est plutôt un train à grosses tôles 
qu'un train à blindages. 

Aux Aciéries de Swint-Étienne, le train employé 
pour les plaques minces est analogue. Les 
cylindres en fonte truilée grise ont 2",700 de 
ongueur et 999 "/" de diamètre. Le 
supérieur peut se lever de 600 m/m 


cylindre 


Aux usines Cammell, à Sheffield, le (rain à blin- 
dages est robuste, très simple et même un peu 
primitif: les cylindres ont 900% de diamètre ; les 


abords sont de part et d'autre légèrement inclinés 
el quelques rouleaux suivent les mouvements de la 
plaque durant le laminage:; pour sortir les plaques 
des fours placés parallèlement aux cylindres, la 
manœuvre est rudimentaire: on se sert du train 
comme d’un treuil; on enroule une chaine autour 
du cylindre supérieur du train et, en faisant mar- 
cher la machine, on tire la plaque sur un chariot; 
celui-ci, entrainé brusquement par un attelage de 
4 à 5 chevaux, jette la plaque entre les cylindres . 


Trains à tôle. — Ces trains rentrentdans le même 
genre que les précédents, avec cette différence que 
les organes sont moins robustes et plus simplifiés. 
Nous parlerons, seulement à titre d'exemple, des 
installations de la tôlerie aux usines de Barrow 
(Angleterre), parce qu’elles comportent une série 
d'accessoires des mieux compris pour réduire la 
main-d'œuvre etdiminuer la fatigue de l’ouvrier. Le 
train comprend un ébaucheur et un finisseur con- 
duits par deux machines Compounds à 4 cylindres. 
L'ébaucheur a 2 cylindres de 70) ”/" de diamètre 
sur 2 ou 3 mètres de longueur, le finisseur 2 cylin- 
dres de 850 "/" de diamètre sur 3 mètres de lon- 
gueur. Un appareil hydraulique sort les slabs 
(brames forgées) des fours à réchauffer et les dé- 
pose devant les cylindres ébaucheurs sur un tablier 
mobile qui, en s'inelinant, permet à la pièce de 
s'engager. Devant les cylindres sont disposées deux 
séries parallèles de petits rouleaux; chacune d'elles 
peut recevoir des mouvements directs ou inverses 
l'une de l’autre. Lorsque tous les rouleaux mar- 
chent dans le même sens, ils font avancer ou recu- 
ler la brame ; si ceux de l’une des séries changent 
de sens ,les autres tournant toujours de même, 
l'ébauche, qui est placée au-dessus de Lous les rou- 
leaux,recoitun mouvement de rotation. Lorsqu'elle 
a parcouru 90°, on rend uniforme le sens de la 
marche des rouleaux et la pièce s'engage dans les 
cylindres en suivant une direction perpendicu- 
laire à la précédente, sans que l’on ail eu recours 
à aucun levier. Dès que la brame est dégrossie, un 
transbordeur hydraulique, pouvantse déplacer dans 
une fosse au-dessous des rouleaux, la pousse sur 
les rouleaux du laminoir finisseur à l’aide de four- 
chelles mobiles verticales dépassant le niveau du 
sol. On est surtout frappé, dans cet alelier, de 
l'absence presque complète d'ouvriers : c'est le 
même machiniste qui mel en marche les différents 
appareils hydrauliques servant aux mouvements 
des brames et des cylindres. À sa sortie du finis- 
seur, la Lôle est tirée le long d'un chemin aérien 
par un cabeslan hydraulique et amenée en un 
point du chantier, où elle est mesurée et tracée 
pour le cisaillage. À l'usine PBorsigwerk (Haute- 
Silésie!, il existe un train pour grosses tôles dont 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (Numéro du 15 Octobre 1895) 


Fig. 15. — Vue d'un train réversible avec sa machine, aux usines de MM. 


monté en duo. L’écartement des cylindres peut être réglé à volonté au moyen de la crémaillère, visible à la partie supérieure et mue par un ouvrier. Les rouleaux, situés à droite de la 


figure au niveau du sol, et animés également d'un mouvement de rotation réversible, donnent aux pièces les mouvements de va-et-vient nécessaires pour les faire passer entre les deux 
cylindres du laminoir, 


schneider el Cio, au Creusot. — Les parties g 


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E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’'ACIER 881 


les cylindres ont 800 */" de diamètre et une lon- 
gueur de table de 3,500, permettant de laminer 
des tôles ayant jusqu’à 3,200 de diamètre. 

Le trio Lauth, inventé primitivement pour le 
laminage des tôles minces, a été appliqué par le 
Creusot à la fabrication des tôles fortes. Dans 
ce système, le cylindre médian est équilibré, et un 
mouvement hydraulique le fait monter ou des- 
cendre pour l’appuyer contre les cylindres supé- 
rieur ou inférieur. Des tabliers releveurs, placés 
devant et derrière, se meuvent verticalement en 
restant horizontaux : leur mouvement est com- 
biné avec celui du cylindre médian, ce dernier 
ayant un diamètre plus faible que celui des autres; 
ainsi, chez Krupp, à ÆZssen, les cylindres supé- 
rieur et inférieur ont 600 millimètres de dia- 
mètre; le cylindre médian a 380 millimètres de 
diamètre pour une longueur d’action de 1865 mil- 
timètres. L'inconvénient de celte disposition est 
l'usure beaucoup plus rapide du cylindre du mi- 
lieu soumis à un travail deux fois plus grand. 
Aussi, aux Forges de Pompey, a-t-on donné le 
même diamètre aux trois cylindres. 


Trains pour fers plats. — Pour les fers plats de 300 
à 600 m.m. de largeur, on emploie presque partout 
les laminoirs universels: aux Aciéries d’Essen, les cy- 
lindres horizontaux ont 600 millimètres de diamè- 
tre, les verticaux environ les 2/3 du diamètre des 
horizontaux. Aux Aciéries de Longwy, les cylindres 
horizontaux ont 700 millimètres de diamètre et 
2 mètres de longueur, les cylindres verticaux 550 
de diamètre et 670 millimètres de longueur. Les 
rouleaux entraïneurs sont mus par une machine 
réversible spéciale. Les barres, à la sortie, passent 
sur la plaque à dresser, dont les taquets sont 
commandés par une vis sans fin; de cette plaque, 
elles sont amenées par une tireuse sur la grille, 
puis transportées parallèlement par des chaines 
sans fin. Le mouvement de serrage des taquets, 
le tirage et la translation sur la grille sont pro- 
duits par une machine réversible horizontale, 
semblable à celle du mouvement des rouleaux. Les 
taquets ainsi commandés ne marchent pas par la 
vapeur assez vite, et le serrage hydraulique, comme 
il se fait au Creusot, est de beancoup préférable. 


Trains Blooming pour barres et rails. — Ces trains 
font le dégrossissage des lingots destinés à la fa- 
brication des rails, billettes ou autres barres pro- 
filées, travail qui, autrefois, s'exécutait au pilon. 
Grâce à ces engins, en général très puissants, on 
peut employer des lingots d'un poids relative- 
ment élevé pour obtenir des produits de faible 
section. Les bloomings sont constitués, en Amé- 
rique, par des #ris avec releveurs automatiques 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


et, en Europe, par des duos réversibles. La forme 
des cannelures est un peu évasée dans le sens de 
la hauteur, afin que le lingot ne puisse se coin- 
cer. Des rouleaux entraïnent les lingots: on peut 
même donner quartier au lingot quand on se 
sert de trios avec tabliers releveurs, en amenant 
sous le tablier, dans une position convenable, un 
chariot muni de petites plaques verticales en fer 
qui passent entre les rouleaux du tablier: Si l’on 
abaisse ce dernier, le lingot, si lourd qu'il soit, 
porte sur les plaques et se tourne automatique- 
ment de 90°. — À la suite d’un train blooming est 
toujours installée une cisaille découpant à chaud 
le bloom, qui a 7 à 8 mètres de longueur, et le 
sectionnant en 5 ou 6 lopins de poids déterminé, 

Pour un train à gros rails, le duo réversible est 
plus indiqué que le trio, en raison de la plus grande 
longueur des barres : il doit, en outre, marcher 
avec une grande vitesse, si l’on veut éviter un ré 
chauffage. Le matériel employé pour la fabrication 
des rails à Barrow mérite d'être cité comme un 
modèle du genre. Le train àrails comprend un ébau- 
cheur (cogging) de 0,900, entrainé par une machine 
réversible à deux cylindres (D —1.000 L — 1.500), 
un dégrossisseur (roughing) de 0.700 mis en mar- 
che par une machine réversible à deux cylindres 
(D— 1.200 L—1.370) à action. directe, enfin un 
finisseur (finishing) de 0.660 avec une machine de 
même type (D—1.270L— 1.370). Ces trois ma- 
chines développent une force totale de15.000 che- 
vaux environ. Elles permettent, en travail cou- 
rant, d'avoir loujours trois barres en prise. Le 
lingot (350°>< 1,300), amené du Bessemer au four 
à réchauffer, en est tiré mécaniquement et envoyé 
au cogging, puis directement aux autres laminoirs 
par des rouleaux rapides. La pièce étant mécani- 
quement guidée depuis la dernière passe dans un 
cylindre jusqu'à la première passe dans le suivant, 
le travail manuel se trouve réduit au minimum. Au 
train finisseur, deux longs chéneaux inclinés, en 
tôle, établis à l'avant et à l'arrière des cylindres 
et allant jusqu'au-dessus des fours à réchauffer, 
permettent à la barre de se développer, sans pour 
cela gènerle train ébaucheur et les scies à décou- 
per.Ces chéneaux, comme ceux des aciéries d’Es- 
ton et des aciéries du Nord et de l'Est, sont mu- 
nis de rouleaux de manière à laisser remonter les 


-barres qui viennent de passer au finisseur et à les 


laisser redescendre par leur propre poids dans 
une nouvelle cannelure au moyen d'aiguillages 
commandés hydrauliquement. Cel artifice ingé- 
nieux permet de fabriquer des barres qui at- 
teignent la longueur de 40 mètres. Le rail, coupé 
à longueur, est déposé sur le banc de refroidisse- 
ment et roulé à l’atelier de finissage où il est ébouté, 
fraisé, foré et contrôlé. La production des rails, 


19** 


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882 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


—_——— .——.._———_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—a—a—aEaEZEE 


dans celte usine, est de 4.000 tonnes par semaine. 


Tran Machine. — Tous les laminoirs précédents 
rentrent dans le genre que l'on désigne sous 
le nom de « gros mills »; ce sont £eux où la section 
des barres laminées dépasse 5 à 600"%2, Il existe, 
en outre, les moyens mills (qui laminent de 600 
à 2002) et les petits mills en dessous de 200%. 
Une des variétés les plus intéressantes des pelits 
mills est le #rain machine, dont nous avons déjà 
donné la définition. Le produit est cette petite 
verge ronde, vendue en bottes circulaires et ser- 
vant de point de départ à la fabrication du fil el 
de tous ses dérivés, tels que pointes, vis, fil télé- 
graphique, cordes de piano... Ce genre de lami- 
nage s'est beaucoup développé en Amérique, en 


Westphalie, etmême en France. Le systèmeanglais, 


qui mettait sur la même ligne dégrossisseurs et 
finisseurs et admettait par conséquent une vitesse 
uniforme, done trop réduite pour la fin du travail, 
a élé complètement abandonné. L'idée de com- 
muniquer aux cages des vitesses progressives à été 
heureusement appliquée par les usines allemandes, 
et M. Mussy, ingénieur en chef des Mines, à intro- 
duit avec succès ces perfectionnements aux Acié- 
ries de Longwy. Dans cette usine, le train se com- 
pose d'un premier dégrossisseur à une cage, d'un 
second dégrossisseur à deux cages et d’un finis- 
seur à neuf cages, tous conduits par la même ma- 
chine horizontale compound de 650 chevaux, à con- 
densation indépendante. Le premier dégrossis- 
seur, dont le diamètre primitif est 385, est com- 
mandé directement par la machine etfait 120 tours. 
L'arbre du second dégrossisseur reçoit par lin- 
termédiaire de 9 câbles en chanvre de 50 milli- 
mètres de diamètre, une vitesse de 275 tours; 
enfin. le finisseur est conduit avec une vitesse de 
518 tours, au moyen de 7 càbles de 45 m. m. 
Un bobinoir, commandé par une petite machine 
pilon et muni de 2 bobines, marche à 300 tours. 


Trains pour chaines sans soudure. — Nous ne nous 
arréterons pas à Loules les installations de laminoirs 
pour profilés quelconques, fers àT, fers à U, fersà I, 
poutrelles, cornières, feuillards ; nous dirons seule- 
ment quelques mots du laminoir pour chaînes sans 
soudure, système Aury, perfectionné récemment 
par M. Klasse, aux Laminoirs Germania de Neu- 
wied, On lamine une barre à section cruciforme; 
celle-ci ensuile dans deux paires de 
cylindres à rainures creusées de vides exactement 
rapportés. Le produit est une chaine presque 
finie, dans laquelle les maillons ne sont plus 
réunis que par une mince Loile, que l’on enlève au 
moyen d’une poinçonneuse; on achève la sépara- 
tion à la presse à forger après réchauflfage. La 


passe 


seule difficulté consiste dansleréglage descylindres. 


Laminoirs à bandages. — Ges laminoirs sont ca- 
ractérisés par ce fait que la cannelure est unique, 
emboilante et se modifie, pendant le laminage 
même, par le rapprochement d'un galet formant 
l'extrémité de l’un des cylindres et venant s'ap- 
puyer sur la ‘face intérieure du bandage jusqu à ce 
que ce dernier soil du diamètre voulu. Il y à une 
grande différence entre ce genre de laminage el 
les précédents: on n'a plus la facilité de pou- 
voir retrancher l'excès de malière après le pas- 
sage aux cylindres afin d'arriver à un poids dé- 
terminé. Puisque la pièce est sans soudure, il faut 
nécessairement que le poids de la rondelle qu'on 
veut soumettre au laminage soit calculé très exac- 
tement à l’avance. 

Un /rain à bandages comprend un ébaucheur et un 
finisseur construits de la même manière et con- 
duits par la mème machine à vapeur. Le mouve- 
ment est transmis aux deux cylindres par des 
roues dentées, à chevrons, auxquelles on donne une 
grande longueur pour que le rapprochement se 
fasse, les dents restant en prise. En France, on 
peut disposer les cylindres de deux façons diffé- 
rentes; mais ils sont, en général, placés horizonta- 
lement, et le bandage se fabrique alors verticale- 
ment. En Amérique, en Allemagne el en Autriche, 
les axes des cylindres sont, au comtraire, verli- 
caux, de sorte que le bandage se lamine hori- 
zontalement au niveau du sol.Ajoutons que 
plusieurs usines françaises, telles que Firminy, 
Pamiers, ont adopté des laminoirs dans les- 
quels l’ébaucheur est horizontal et le finisseur 
vertical. Pour terminer celle rapide nomenclature, 
nous mentionnerons le train à bandages de 
M. James Munton (États-Unis) dans lequel le 
cylindre vertical extérieur est muni, à sa partie 
supérieure, d’un plateau taillé en biseaux, qui 
sert à affranchir le haut du lingot, pendant le la- 
minage même. 


Laminoir pour tubes d'acier sans soudure. — Ge nou- 
veau genre de laminoir, employé par M. Maness- 
mann comprend deux cylindres horizontaux À, B, 
enlaillés de rainures en spirales, dont les axes ne 
sont pas dans le même plan et font entre eux un 
angle 2x; la vitesse de rotation des cylindres est 
considérable (250 à 300 tours par minute). Le lin- 
got est introduit de façon que son axe fasse un an- 
gle x avec les axes de chacun des 2 cylindres A et 
B; si V désigne la vitesse de rotation de ces cylin- 
dres à leur circonférence, le lingot doit prendre un 
mouvement de rotation égal à V cos & et un dépla- 
cement longitudinal V sinz. On s'oppose à ce dé 
placement longitudinal du lingot, ainsi qu'à la 


pauses = 


me 


de eh L3 1 er 


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(GG31 2490700 ST AD OMAN) SAHAdITAAV LA SAUNA SHONAIOS SIG MIVUANHO ANA 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


883 


marche de la partie centrale, à l’aide d’un man- 
drin fixé suivant l’axe, et les couches superficielles, 
immédiatement en contact avec les rainures 
hélicoïdales, sont entraïinées avec la vitesse V sin x. 
La machine motrice, de la force de 12.000 che- 
vaux, est munie d’un lourd volant avec jante en 
fils d'acier enroulés sur des bras constitués par 
des tôles courbées et rivées aux deux plateaux. À 
l'usine de Landorre (pays de Galles) la jante pèse 
10 tonnes et marche à 240 tours avec une vitesse 
tangentielle de 75 mètres par seconde, ce qui cor- 
respond à une puissance vive dépassant 20 mil- 
lions de kilogrammètres. Un train Mannessmann 
comporte généralement un préparateur desliné à 
transformer les lingots en tubes ébauchés, ainsi 
que nous venons de le voir; et un finisseur avec 
disques rotalifs, construit d’une façon analogue, 
a pour but d'élargir les tubes ébauchés et de les 
amener aux dimensions demandées. 


VI. — OPÉRATIONS ANNEXES DU LAMINAGE. 


Afin de compléter l'étude du matériel de lami- 
nage, il nous reste à indiquer les fours employés 
au réchauffage des lingots, ainsi que les engins 
servant à la manutention des lingots et des cylin- 
dres ; comme les fours décrits au sujet du for- 
geage, ceux-ci sont presque tous à grille ordinaire, 
sous la condition d'être suivis de chaudières soit 
verticales, soit horizontales, qui utilisent les flum- 
mes perdues au réchauffage. Pour réchauffer les 
lingots pour blooms, rails, etc., on installe généra- 
lement des fours continus, système Bicheroux ; les 
lingots froids, chargés du côté de la sortie des gaz, 
doivent sortir chauds du côté du foyer, prêts pour 
le laminage : aussi de nombreuses portes, ména- 
gées sur les côlés, permettent le retournement de 
ceux-ci, qui, au fur et à mesure de leur réchauffage, 
descendent la sole, dont la pente est de 1/4envi- 
ron pour faciliter le travail. Sans nous arrêter aux 
nombreux systèmes de fours chauftés au gaz na- 
turel ou au pétrole, nous dirons que, dans les 
usines qui fabriquent elles-mêmes leur métal, la 
tendance générale est de réchauffer les lingots en 
les posant sur leur plus petite face dans des fosses 
disposées au milieu d'un massif en maçonnerie 
réfractaire et de recouvrir chacun de ces puits 
(puits Gjers) par un couvercle qui empêche le 
contact de l’air. Les briques sont bientôtamenées 
par la chaleur de l'acier à une haute température, 
de telle manière qu'une demi-heure après leur 
exposilion dans ces puits, les lingots deviennent 
également chauds dans toutes leurs parties, En 
sortant des puits, ils sont dans un état très pro- 
pice au bon laminage, puisqu'ils sont toujours au 
moins aussi chauds au centre qu'à l'extérieur. 

Pour la manœuvre des lingots, la disposition des 


fosses Pits et, en général, des fours placés au-des- 
sous du sol, permet d'employer l'engin de levage 
le plus simple : une pince manœuvrée hydrauli- 
quement et portée par une grue ordinaire suflit 
amplement. Au contraire, pour charger les fours à 
sole horizontale, les appareils usités sont bien plus 
compliqués : dans bien des cas, c’est un pont rou- 
lant qui porte la pince; d’autres fois, ce sont des 
chariots à vapeur avec pompes pour effectuer la 
manœuvre hydraulique de la tenaille. Dans cer- 


. taines usines américaines, le chariot porte, outre 


la pompe, deux dynamos directrices qui prennent 
leur courant sur une conduite principale ; un seul 
homme suffit à son service. Les chemins de fer 
aériens sont d’un grand usage pour le transport 
des tôles, des bandages, etc.; nous signalerons 
à ce sujet la disposition adoptée à Homestead pour 
déplacer les tôles : de distance en distance, en 
quinconce, sont placées des barres de fer verti- 
cales, espacées de 0",40 à 0%,50 et hautes de 0,80 
à 1 mètre. Chaque barre est coiffée d’une roulette, 
et toutes ces roulettes, situées dans le même plan 
horizontal, peuvent prendre des orientations quel- 
conques, de façon que la tôle glisse très aisément, 
manœuvrée par les hommes qui la poussent. 


VII. — TREMPESs ET RECUITS. 


L'étude des appareils et procédés de la forge ne 
serait pas complète, si nous ne signalions les opé- 
rations indispensables qui précèdent ou suivent 
le travail mécanique auquel est soumis le mélal, 
tout en regreltant de ne pouvoir ici qu'effleurer 
la question. 

Nous avons dit, au début, que le forgeage avait 
pour résultat d'augmenter la densité du métal en 
distribuant mécaniquement le carbure de fer, 
c’est-à-dire le ciment, entre chaque amas de glo- 
bules, qui, au retrait, lors du refroidissement après 
coulée, l'avait obligé à s'échapper et à se placer 
très irrégulièrement dans la masse. Il est évident 
que cette condition n'est atteinte que si le forgeage 
se fait à une température inférieure à celle de la 
fusion de ce carbure, qui, sans cela, pourrait s’é- 
couler sous le choc du marteau. De même, cette 
opération effectuée au-dessous de la température 
à laquelle Le carbure de fer commence à se disso- 
cier, ne produirait que l’écrouissage du métal, c’est- 
à-dire une désagrégation du ciment et, en même 
temps, une transformation moléculaire du fer, ana- 
logue à celle dont nous allons parler au sujet de 
la trempe et caractérisée par une absorption de 
chaleur, une élévation de la limite d’élasticité et 
une diminution de malléabilité et de densité. 

Depuis les belles recherches de Tchernoff, Kars- 
ten, Caron, Akermann et Osmond, on sait que le 
carbone, qui fait partie intrinsèque des aciers et 


884 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


des fontes, peut exister sous trois formes dis- 
tineles : 4° Le carbone réellement combiné au 
fer, qui domine dans l'acier en lingots ou dans 
l'acier forgé recuit, dont il constitue le ciment, et 
appelé pour cette raison carbone derecuit; 2° le car- 
bone simplement dissous dans le fer, qui domine 
dans les régions périphériques des aciers ou des 
fontes trempés, c'est-à-dire brusquement refroidis, 
et désigné sous le nom de carbone de trempe: 3° le 
carbone qui reste lorsque le fer en a dissous au- 
tant qu'il pouvait le faire; c'est le graphite des 
fontes ou carbone libre. 

On sait, en outre, que le fer peut exister sous plu- 
sieurs états moléculaires différents, que l'on dé- 
nomme æ&, &, y. Le fer « domine dans l'acier recuit, 
les fers £ ou dans l'acier écroui ou trempé. Si done 
on refroidit brusquement le métal avant le point a, 
température où le carbure de fer se dissout et où le 
fer & se transforme en fer , ce métal ne prend pas 
la trempe, et ses propriétés physiques ne sont au- 
cunement modifiées. Si on l'amène à une tempéra- 
ture comprise entre « et b, température de fusion 
du ciment, et qu'on le refroidisse brusquement 
par la trempe, on empêche le carbone de se re- 
combiner et le fer £ de repasser à l'état 4, on mo- 
difie toutes les propriétés du métal, qui est alors 
réellement trempé et qui devient excessivement 
dur et très cassant. Si, au contraire, on laisse le 
métal, amené entre & et b, se refroidir lentement, 
le carbone se recombine;avec le fer, et le fer 6 rede- 
vient x. Celte dernière opéralion, qui constitue Le 
recuit, pourrait paraitre inutile; elle a cependant 
une grande imporlance dans les forges. Nous 
avons vu que les effets de l’écrouissage peuvent 
être comparés à ceux de la trempe, et que, d'autre 
part, le travail que l’on fait subir soit par forgeage, 
soit par laminage, se termine le plus souvent à des 
températures relativement basses et inférieures à 
a. Le réchauffage, suivi de refroidissement lent, 
est donc nécessaire pour rétablir l'équilibre, per- 
mettre la diffusion du carbone et restiluer le ci- 
ment dans les régions qui en sont devenues dé- 
pourvues (Voir les figures 2 et 3 qui montrent la 
différence de structure d’un acier forgé avant et 
après recuil). 1] est également employé pour atté- 
nuer les effets de la trempe : c'est alors le revenu; 
mais, dans ce cas, il faul bien se garder de réchauf- 
fer le métal à une température égale ou supérieure 
à celle où a eu lieu la trempe. 

M. Osmond a fait de nombreux essais pour dé- 
terminer la valeur de « dans les différentes qualités 
de métal, depuis le fer contenant 0,08 de C jusqu'à 
la fonte blanche de Suède à 4,10 de C. Il a constaté 
qu'en général, et surtout dans les aciers doux, la 
valeur dean’est pas simple, el les multiples points 
critiques qu'il a appelés 4,, w,, 4,, correspondent, 


soit à la transformation du carbone de recuit en 
carbone de trempe, soit à la transformation du fer 
et aux mélanges, en diverses proportions, de fer z, 
de fer £ et de fer +. Voici, rapidement résumées, 
les principales valeurs de ces points critiques, en 
soulignant les plus visibles : 


Nombre 
de points 
critiques 


Carbone Points critiques 


Fer électrolytique 0.08 a, =660 a—=1204;—=855 ..3 
Acier extra-doux 0.16 a, =660 a—130a;—820 ..3 
Acier doux 029,4, — 680 720072 
Acier mi-dur 0.57 a, =660 «> = 22 
Acier dur 1.25 a — Gi — cu | 
Fonte blanche 4.10 a == UN: —699 


Le point #, correspond au changement d'état du 


carbone (recalescence); les points 4, et 4, indi- 


quent la transformation bien graduelle de fer « 
en fer Ê, et de fer £ en fer ; au-dessus de a, tout 
le fer est à l'état y, et, entre a, et à, il est à 
l’état 6. 

On voit, d'après les chiffres qui précèdent, que 
la présence du carbone de trempe maintient le fer 
aux états $ et y, à une température d'autant plus 
basse que la teneur en carbone est plus élevée. D'a- 
près M.Osmond, ce serait la persistance du fer £ ou 
qui donnerait à l'acier trempé ses propriétés carac- 
téristiques ; il faudrait donc pratiquer l'opération 
de trempe à une tempéralure supérieure à 730°, par 
exemple, pour l'acier dur. Ajoutons que les chiffres 
que nous avons donnés ont été obtenus par la mé- 
thode de refroidissement. Ils ne sont pas tout à 
fait semblables si on les recherche par la méthode 
inverse de réchauffage. 

M. Charpy a fait tout récemment de nouvelles 
expériences à ce sujet en employant un four élec- 
rique comme appareil de chauffage et en trem- 
pant des aciers à diverses teneurs, soit à l’huile, 
soit à l’eau. Il a trouvé que la varialion des pro- 
priétés mécaniques du métal se produit toujours 
d'une façon presque complèle dans un intervalle 
très étroit autour de 700°. Suivant lui, ce serail 
done surtout le point 4, qu’il faudrait considérer 
au point de vue de la trempe, et l’on ne gagnerait 
pas grand'chose en chauffant au delà de 750°; 
mais ici intervient la grosseur des pièces à tremper, 
qui est un facteur important à observer. 

Quoi qu'il en soit, tous ces travaux ont jeté la 
lumière surles phénomènes, autrefois si complexes, 
de /rempe, de recuit et de revenu, que l'on ne met- 
lait en œuvre qu'à tout hasard dans l’industrie 
du fer et de l'acier. Aujourd’hui les trois opéra- 
tions, recuit avant trempe, trempe, recuit après 
trempe ou revenu, sont employées presque générale- 
menl:le recuit après forgeage, dans le but de régu- 


1 Jariser les effets du forgeage en achevant la transfor- 


PS 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


885 


mation des gros grains du mélal en grains fins; la 
trempe, pour modifier plus ou moins les pro- 
priélés mécaniques du métal, par une vitesse plus 
ou moins grande de refroidissement, en changeant 
complètement le grain, qui devient encore beau- 
coup plus fin; enfin, le recuit après trempe ou 
revenu pour supprimer les tensions intérieures 
déterminées par le refroidissement brutal, tempé- 
rer l'effet de la trempe et même le détruire, sui- 
vant que la température à laquelle se fait cetle 
dernière opération est inférieure ou égale à celle 
de la trempe. 

Les fours à recuire ne sont jamais chauffés par 
des générateurs Siemens; ils ont toujours plusieurs 
foyers à grille qui permettent de régler le chauf- 


+ 


ER LEURS Pers 900. 


eradure 
+ 


V2 


Lem 
+ 


Dès que la pièce prend des couleurs lumineuses, on 
peut faire usage des appareils optiques tels que la 
lunette de MM. Mesuré et Nonel, basée sur les phé- 
nomènes de polarisalion rotatoire, ou le spectro- 
cope d’après les principes indiqués, en 1862, par 
M. Edmond Becquerel. Enfin, l'appareil le plus 
exact, employé actuellement dans les grandes 
forges, est le pyromètre thermo-électrique de 
M. H. Le Chatelier, qui permet d'atteindre une ap- 
proximation de 5 à 10° dans l'évaluation des tem- 
pératures. > 

Ajoutons toutefois que l’on se contente le plus 
souvent d'estimer les températures à l'œil, d'après 
la nuance des radiations émises. Voici l'échelle de 
ces températures : 


0 chauflage ï refroidissement 
temps E 
Fig. 18. — Diagramme montrant la marche de la lempéralure pendant l'opération du recuit. 
fage et de l'obtenir régulier, quelles que soient les ROUES RAsSOn SAS En AMP AC OT he ee 
CE ÉREPAC SEE À ‘hs ROUTE UT ESS ODIDEE EEE Ce TER ti K 6000 
variations d'épaisseur des pièces. Sue capacité est ROUBPISUIDbER ERP ER RP PR EEE T00° 
très grande; les autels sont surélevés; enfin, la | Rouge sombre dépassé... ................... 50° 
disposition symétrique des foyers et des carneaux Rouge cerise naiSsant.................. JE se 
A . £ oufe c2rise = p “ 

; ; mr g cd ienansano tea op ceci sue 20 
permet une équivalence absolue de tempéralure | Rouge cerise mi-clair....:........ AT ur! 930e 
dans toutes les parties de leur enceinte. ROUPPECETISeICLA RE DEC 1.000 

Au début, on conduit le chauffage très lente- ue OTANGE............................ re 
ment jusqu'à ce que l'on ait dépassé la tempéra- | Banc... 1300 
ture de 400°, qui correspond à celle de fragilité de | Blanc suant............................ 1 .400° 

Blanciébloutssant PAPER EE Re 1.500° 


l'acier; on aclive ensuite progressivement jusqu’au 
point maximum (en général 900°); puis, on provoque 
ordinairement une chute rapide de température 
jusqu'à 700° (Cie P.-L-M.) en ouvrant les portes du 
four; et l'on termine par un refroidissement lent, 
soit en laissant la pièce dans le four, soiten l’enfouis- 
sant sous une couche épaisse de fraisil. La figure 18 
montre les différentes phases del'opération. 


Nous ne pouvons décrire ici tous les procédés 
qui sont mis à la disposition des ingénieurs pour 
déterminer exactement les diverses températures 
de chauffage. Au-dessous de 500°, on emploie 
habituellement des alliages fusibles composés de 
plomb, d’étain, de zinc, dont on connait exacte- 
ment les points de fusion. Le bois de peuplier sec, 
frotté fortement sur la pièce, indique approxima- 
tivement les tempéralures de 300°, 380° et 450°, 

selon qu'il devient fumant, étincelant ou flambant. 


Les fours pour la trempe sont horizontaux ou 
verticaux : pour certaines pièces telles que les ca- 
nons et les gros blindages, les seconds sont pré- 
férés et sont chauffés soit par les produits gazeux 
de la combustion de la houille, soit par le gaz 
d'éclairage. 

Nous avons déjà fait remarquer qu'en outre des 
considérations théoriques, il y a lieu de tenir 
compte des dimensions des pièces à tremper. Le 
refroidissement ne se transmet pas immédiate- 
ment dans toute la masse du métal; les molécules 
extérieures sont amenées à un état d'immobililé, 
empéchées qu'elles sont de se rapprocher par les 


“parlies centrales non encore refroidies; celles-ci, 


venant ensuite à se contracter, produisent des ten- 
sions sur les molécules extérieures. S'il s’agit 
d'acier dur, ces tensions peuvent déterminer des 
ruptures apparentes ou internes, qu’on appelle 


880 


CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE 


lapures. Pour les éviter, un procédé consiste à 
arrêter le refroidissement rapide lorsque la tempé- 
rature est arrivée en # el à laisser ensuile le refroi- 
dissement s'achever plus lentement. Il se produit 
alors une sorte de recuit lent, allant de l’intérieur 
vers l'extérieur, qui tend à rétablir l'équilibre. Un 
autre moyen réside dans l'emploi de plusieurs bains 
d> températures et de conductibilités différentes; 
suivant le degré de durelé du métal et la grosseur 
des pièces à tremper, on fait usage, soit de l’eau, 
soit de l'huile, soit du plomb fondu à 400°. L'eau 
employée peut elle-même être refroidie en-dessous 
de 0° ou chauflée jusqu’à 100° ; la couche de vapeur 
isolante qui se produit autour de la pièce et se 
condense plus ou moins rapidement, d'après la 
température de l’eau, fait varier la durée du refroi- 
dissement et il résulte de nombreux essais que la 
trempe dans l’eau chauffée à 70° est analogue à la 
trempe à l'huile. Quant à la trempe au plomb, elle 
évite toute production de vapeur et produit un 
refroidissement moins rapide, dont la température 
ne peut descendre au-dessous d’un certain niveau : 


le plomb reprend lentement à la masse une cer- 
taine quantité de chaleur et donne à toutes les 
molécules le temps de se remettre en équilibre. 
C’est une trempe plus limitée que les précédentes 
el par suite moins énergique. Au contraire, la mo- 
bilité du liquide trempant, son agitation méca- 
nique, ou son arrivée sous pression en jets nom- 
breux à la surface de la pièce, sont autant de 
moyens pour activer la vitesse du refroidissement 
el par conséquent obtenir le maximum d'effet que 
l'on recherche dans la trempe. Ainsi, la trempe 
des plaques de blindage harveysées se fait par 
aspersion de jets d’eau glacée, et, lorsque la tem- 
pérature s’est abaissée au rouge sombre, l’opéra- 
lion s'achève par une immersion dans un bain 
d'huile jusqu'à complet refroidissement. 


Dans un prochain arlicle, nous lerminerons ce 
travail par l'étude des Produits de Forge et des 
conditions économiques de cette industrie. 

Émile Demenge, 


à Ingénieur civil, 
Ancien Élève de l'Ecole Polytechnique. 


LA CONVENTION DU MÈTRE 


La Conférence générale des Poids et Mesures, 
ouverte par M. Hanolaux, ministre des Affaires 
étrangères, el présidée par M. Marey, vient de 
clore ses délibérations, qui ont trouvé un écho 
sympathique dans la presse quotidienne. On a 
parlé, à ce propos, des travaux récents du Bureau 
international, dont la Conférence a pris connais- 
sance, et des recherches futures dont elle a sanc- 
tionné le plan. Si l’on a moins insisté sur les ori- 
gines de l’entente internationale d'où est sorti 
l'établissement du Pavillon de Breteuil, c'est 
qu'elles sont déjà lointaines et n’offrent plus l’in- 
térêt d'actualité auquel les jorunaux s’attachent 
avant toul. Elles n’en sont pas moins intéressantes, 
comme fail eL comme enseignement, nous allions 
dire comme morale. L'importance croissante du 
Bureau international des Poids el montre 
que ses promoteurs avaient vu juste, et qu'en 
dehors des bureaux nationaux, un établissement 
indépendant avait sa place marquée pour coor- 


Mesures 


donner des résultats, centraliser des efforts épars, 
unifier, plus complètement qu'on n’eût pu le faire 
sans cela, des mesures d'où dérivent toutes les 
autres. 
I 

Aujourd'hui, nous sommes trop imprégnés de la 
connaissance du système métrique pour en admirer 
encore la surperbe ordonnance. Tout son agence- 
m nt nous parait une chose nécessaire, el nous ne 


comprenons pas qu'il puisse exisler des systèmes 
praliques dans lesquels les subdivisions ne soient 
pas décimales, et où les unités de surface, de capa- 
cité, de volume et de masse ne soient pas reliées 
entre elles par des rapports simples. Pour nous 
rendre un compte exact de ce que nous devons aux 
Monge, aux Laplace, aux Borda, aux Condorcet, 
aux Lavoisier, qui édifièrent de toutes pièces le 
nouveau système, il faut chercher à pénétrer les 
mystères des systèmes brilannique ourusse, si com- 
pliqués que, ainsi que l’affirmail un rapport récent 
d'une Commission de la Chambre des Communes, 
il faut une année entière d'étude pour les posséder 
à fond. 

On comprend dès lors l'immense importance 
que l’on attache, surtout dans les pays qui sont 
venus tardivement à ce système, à en asseoir les 
bases sur un terrain solide. La grandiose devise 
inscrile au fronton de l'édifice : À tous les lemps, à 
tous les peuples, est à elle seule un programme, dont 
chaque jour poursuit l'accomplissement. L'unifica- 
tion réelle du système, sa permanence, sa diffusion 
élaient subordonnées à une permanence parfaile 
el àäune extrème précision dans la déterminalion 
des copies destinées à devenir les étalons natio- 
naux du sysième. 

C'est déjà sur ces conditions que l’on insisla au 
sein de la Commission géodésique internationale, 
lorsque, vers l’année 1867, on se proposa de cons- 


à 
: 
F 


d 


Éd A et 


truire un mètre international, avant même que la 
création d’un bureau fût sérieusement discutée. 

Pour l'Association géodésique, la question géné- 

 rale des poids et mesures était reléguée au second 
plan. Le travail important devait consister dans 
l'étude des règles destinées à la mesure des bases 
d’où l’on part pour la géodésie et la topographie. 
La triangulation des pays contigus avait montré, 
dans la comparaison des côtés communs situés le 
long des frontières, qu’il devait exister des difré- 
rences systématiques entre les bases de départ; 
malgré les erreurs nombreuses auxquelles les trian- 
gulations sont soumises, il paraissait difficile, en 
effet, d'admettre qu'elles fussent suffisantes pour 
expliquer la totalité des différences trouvées. Il con- 
venait donc de comparer au même élalonles règles 
servant aux géodésiens, et, tout d'abord, de créer 
cet étalon qui serait leur propriété commune. Nous 
verrons combien les travaux récents ont donné 
raison au plan de travail qui fut discuté il y a bien 
près de trente ans. 

Sans aucun doute, les savants qui, dans les der- 
nières années du siècle passé, s'occupèrent de la 
construction des étalons métriques, firent un tra- 
vail admirable pour l'époque, et qui put être cité 
longtemps comme un modèle non dépassé. Mais, 
dass un siècle où la science a pris le plus prodi- 
gieux développement que l’on ait jamais vu, il 
était naturel qu'une œuvre intimement liée aux 
sciences d'observation vieillit à son tour. En 1834, 
l'incendie du Parlement avait détruit les étalons 
anglais, et une Commission, dont Airy fut le rappor- 
leur, fut chargée de les rétablir. Le travail dura 
près de vingt ans, et aboutit à une reconstitution 
du yard et de la livre avec de nombreux perfection- 
nements dans leur construction. Bessel, d’un autre 
côté, dont les travaux métrologiques avaient sur- 
tout la géodésie pour but, Kupffer, qui rétablit les 
étalons russes et les compara à tous les étalons 
étrangers, le capitaine Clarke dans son laboratoire 
de Southampton, avaient mieux précisé les condi- 
tions que doit remplir un étalon, et perfectionné 
les procédés de leur comparaison. La Commission 
anglaise, surtout, en affirmant la supériorité des éta- 
lons à traits sur les étalons à bouts, et en adoptant 
franchement les fibres neutres et les règles robustes, 
avait fail faire à la question un pas décisif. Aussi, 
lorsque l'Association géodesique d’une part, l'Aca- 
démie de Saint-Pétersbourg d’aulre part, cette der- 
nière sollicitant la collaboration de l’Académie des 
Sciences de Paris, se proposèrent de construire un 
Mètre européen copié sur celui des Archives de France, 
trouvèrent-elles des documents en abondance pour 
poser les premières bases de ce nouveau travail !. 


1 Voici les termes de la décision prise par la Conférence 
géodésique internationale en octobre 1861 : 


CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE 


887 


La construction du mètre européen donna lieu 
à d’homériques discussions, provenant d'un simple 
malentendu. Chevreul partit en guerre pour le 
mètre des Archives. Si on veut le changer, disait-il, 
c'est qu'on le trouve mauvais; pourquoi, dès lors, 
se propose-l-on de construire un étalon qui en 
diffère aussi peu que possible ? La confusion pro- 
venait de-ce qu'on n'avait peut-être pas insisté suf- 
fisammentsur les deux caractéristiques de l’étalon : 
sa forme et sa longueur. La Commission géodé- 
sique se proposait de conserver la longueur tout 
en changeant la forme. 

C'est le 8 août 1870 que la Commission interna- 
tionale, convoquée par le Gouvernement français, 
se réunit pour la première fois au Conservatoire des 
Arts et Métiers. Dès la première séance, elle adopta 
la résolution suivante : 

« La Commission internationale du mètre, dans 
l'intérèt même de sa mission, croit devoir renvoyer 
toute décision définilive à une époque ultérieure 
plus favorable. 

«En attendant, eile profite de sa réunion actuelle 
pour diseuler, à titre d’études préliminaires, les 
principes d’après lesquels le nouveau prototype du 
mètre devra être construit. » 

Les séances eurent lieu journellement jusqu’au 
13 août. 

On voit que, dans les premières discussions, il 
n’était question que du mètre. C'est seulement 
lorsque la Commission fut de nouveau appeléeà 
siéger, en septembre 1872, que le programme des 
travaux fut étendu au kilogramme et aux questions 
de métrologie générale. 

Jusqu'à cette époque, la question dela création 
d'un Bureau international n'avait pas élé sérieu- 
sement agitée. Elle prit corps au cours des réu- 
nions de 1872, et se précisa dans les années sui- 
vantes. 

Toutefois, dans toute cette première période de 
travaux préliminaires, la Section française de la 
Commission eut une part prépondérante dans les 
recherches. Par ses mémorables travaux sur les 
métaux de la mine de platine, Henri Sainte-Ciaire 
Deville avait été amené à produire des alliages ré- 
pondant aux exigences les plus dures qu'on püt 


Arr. 7. Afin de définir l'unité commune de mesure pour 
tous les pays de l’Europe, et pour tous les temps aussi exac- 
tement et aussi invariablement que possible, la Conférence 
recommande la construction d’un nouveau ètre prololype 
européen. La longueur de ce mêtre européen devrait différer 
aussi peu que possible de celle du mètre des Archives de 
Paris, etil doit, en tous cas, lui être comparé avec la plus 
grande exactitude. Dans la construction du nouvel étalon 
prototype, il faut avoir surtout en vue la facilité et l’exacti- 
tude des comparaisons nécessaires. 

Arr. 8. La construction du nouveau mètre prototype, 
que la confection et la comparaison de ses copies destinées 
aux différents pays, devrait être confiée à un Comité inter- 
national, dans lequel les Etats intéressés seraient représentès. 


ainsi 


888 


imposer à un métal destiné à la confection d’étalons 
de premier ordre. H. Tresca avait éludié la répar- 
tilion la plus favorable de la matière dans une barre 
répondant à des conditions données de rigidité ; 
M. Fizeau, grâce à l'admirable méthode qu'il avait 
imaginée dix ans auparavant, avait pu suivre pas 
à pas les travaux de Sainte-Claire Deville et mon- 
trer qu'en plus des propriétés mécaniques et de 
l'inaltérabilité chimique, le platine iridié proposé 
par l'illustre chimisie possède une dilatation 
relativement faible, condition importante, puisque 
les erreurs commises sur la mesure de la tempéra- 
ture des barres sont d'autant moins sensibles. 


Il 


La Convention du Mètre fut signée à Paris le 
20 mai 1875. Par celte convention, les hautes par- 
ties contractantes s'engagent à fonder et à entre- 
tenir, à frais communs, un Bureau international 
des Poids et Mesures, scientifique et permanent, 
dont le siège est à Paris (Art. 4°) !. 

Il est stipulé, de plus, dansla convention, que le 
Bureau fonctionnera sous la surveillance d’un 
Comité international?, placé lui-même sous l’autorité 
d'une Conférence générale des Poids et Mesures, formée 
de tous les délégués des États contractants, et pré- 
sidée par le Président en exercice de l'Académie 
des Sciences de Paris. 

La convention devenait exécutoire à partir du 
1% janvier 1876. 

A cetle époque déjà, le programme des travaux 
du Bureau international était fixé par un règlement 
annexé à la convention, el par une série de déci- 
sions de la Commission internationale, Parmi 
les décisions de la Commission, les plus impor- 
lantes et les plus précises sont celles qui con- 


! La Convention fut conclue entre les États suivants: 

Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique, Confédération 
Argentine, Danemark, Espagne, États-Unis d'Amérique, 
France, Italie, Pérou, Portugal, Russie, Suède et Norvège, 
Suisse, Turquie, Vénézuéla. Le Royaume-Uni de Grande- 
Bretagne et d'Irlande, le Japon, le Mexique, la Roumanie, la 
Serbie y ont adhéré à diverses époques, tandis que la Turquie 
s’en est retirée. 

Le budget du Bureau international a étè de 100.000 francs 
par an jusqu’en 1889. A cette date, il a été réduit à 75.000. 
Les Etats ÿ contribuent au prorata du chiffre de leur population 
multipliée par les coeflicients 1, 2 ou 3, suivant le régime de 
icur législation relativement au système métrique. Le coefli- 
cient le plus élevé est attribué aux États qui possèdent le 
système métrique obligatoire; les deux autres se rapportent 
au système facultatif ou à l'absence de législation relative au 
système métrique. 


? Les membres du Comité international despoids et mesures 
sont actuellement : MM. Færster (directeur de l'observatoire 
de Berlin), président; Hirsch (directeur de l'observatoire de 
Neuchätel), secrétaire; Arndtsen (Christiania): De Arril- 
lage (Madrid); J. Bertrand (Paris): de Bodola zudapest) ; 
Chaney Londres); Ferraris (Turin) : Gould Cambridge, Mass) ; 
Hepitès (Bucparest); von Lang (Vienne) : de Macedo (ministre 
plénipotentiaire du Portugal, à Madrid); Mendeleef (Saint- 
Pêtersbourg); Thalen (Upsal). 


CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE 


étalons . 


cernent la définition des nouveaux 

La première se rapporte au mètre, « qui doit 
être copié sur le mètre des Archives dans l'état où 
il setrouve »; el, de mème, l’article 22 est ainsi 
conçu : « Le kilogramme international sera déduit 
du kilogramme des Archives dans son élat actuel. » 

Nous n'avons point à entrer dans l'exposé des 
motifs de cette double décision, qui a été générale- 
ment approuvée par l'opinion. Quelques théori- 
ciens seulement eussent préféré que l’on déduisit 
des mesures modernes un nouveau mètre el un 
nouveau kilogramme conformes à la définition à 
laquelle les fondateurs du système s’élaient effor- 
cés de satisfaire. Cette manière de voir fut sage- 
ment écartée en raison du trouble qui en serait 
résulté dans l'application du système métrique, el 
des retouches incessantles auxquelles il n'aurait pas 
manqué d'être exposé à tout nouveau progrès de la 
métrologie. Hàtons-nous d'ajouter qu'il a fallu 
près de vingt ans de travaux pour déterminerune 
nouvelle valeur plus correcte du méridien dans les 
divers pays de l'Europe, et qu'aujourd'hui encore, 
si l'on est fixé sur le sens de l'erreur commise 
dans la construction du kilogramme, on connait 
bien mal sa grandeur. Ainsi, pour obtenir un 
accord un peu plus parfait entre les définitions 
théoriques et les valeurs pratiques des étalons mé- 
triques, on eût retardé de près d’un quart de 
sièele l'adoption du système. 

Nous avons déjà indiqué les difficultés aux- 
quelles donna lieu le passage du mètre des 47- 
chives au nouveau ètre international. Nous allons 
entrer dans le cœur de la question. 

Le mètre des Archives de France se compose 
d'une barre plate en platine pur aggloméré en 
martelant de la mousse chauffée au rouge blanc; 
ses extrémités sont légèrement arrondies, el c'est 
la distance du milieu de ses faces qui définit le 
mètre à la température de 0°. 

Mais déjà à l'époque où l’on disceuta pour la pre- 
mière fois l'extension du système métrique, on 
s’étail arrêté à l'opinion, qui n’a pas été démentie 
depuis lors, que la distance des extrémités d’une 
règle ne peut pas être déterminée à beaucoup près 
avec une exactitude comparable à celle que l’on 
obtient dans la mesure de la distance des deux 
traits fins tracés sur un métal poli. Les recherches 
de la Commission anglaise avaientmontré, de plus, 
comme nous l'avons dit, les avantages de posséder 
des barres robustes, tracées sur le plan des fibres 
neutres (fig. 1). Ce plan, qui contient le centre de 
gravité de la section droite de la barre, possède en 
effet, une longueur indépendante du mode de sup- 
port de la règle. Dans les étalons anglais, ce plan 
était atteint à l'aide de deux puits arrivant au mi- 
lieu de la section. Dans la construction des règles 


té là ds ts te de . à 


PS POS 


métriques, on voulut être plus radical. On mit le 


plan des fibres neutres entièrement à découvert, 


de façon à ce que l’on pût obtenir, sur une 
même ligne droite, touteslessubdivisions du mètre. 


_ Pour les métaux peu coûteux, la section en H est 


1 


Fig. 1. — 1 et 2. Règles supportées par le milieu el par les 
bouts; dans les deux cas, la ligne des fibres neutres L L 
conserve la même longueur. 

3. Coupe longiludinale d’un yard étalon. Les traits sont 
tracés sur le plan des fibres neutres, au fond des puits P P. 

4 et 5. Règles en x el en x; sections transversales adop- 
tées par le Bureau international. Ces sections mettent à 
découvert le plan des fibres neutres. 


tout indiquée par sa symétrie el la facililé avec 
laquelle on l’oblient par rabotage ou fraisage. Mais 


- le platine iridié coûle près de 3.000 francs le kilo- 


gramme, elil convenait de l’économiser autant 
que possible, quitte à augmenter un peu les frais 
de confection des étalons : c'est pour cela que l’on 
s'arrêta à la forme en X, indiquée par Tresca. Mal- 
gré la forte densité du métal, une règle de un 
mètre suivant ce profil, inscrit au carré de 20 mil- 
limètres, ne pèse guère plus de trois kilogrammes, 
el coûte environ dix mille francs. 

Nous insisterons moins sur la confection des ki- 
logrammes, qui sont de petils cylindres dont la 
hauteur est égale au diamètre, et dont les angles 
sont arrondis. La grande dureté du métal est une 
condition essentielle de leur conservation. 


II 


Les premiers travaux scientifiques du Bureau 
international datent de 1878. 
Les quelques appareils installés dès cette époque 


CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÊTRE 


A PRE DR A eg NSP PL. PRET LE à à 
7 Dé LE LIT ASS : ; Ps 


889 


dans les salles du Pavillon de Breteuil, généreuse- 
ment mis par la France à la disposition du Comité, 
servirent à vérifier d'une manière plus complète 
les qualités métrologiques du plaline iridié à 
10 °/, proposé par Deville. 

Cet alliage soulint victorieusement toutes les 
épreuves, et aujourd’hui même, après dix-sept 
années de travaux de tout genre, effectués en tous 
pays, on ne lui a reconnu aucun défaut. 

Puis on s’atilacha à mettre le Bureau en posses- 
sion de ses étalons. Une commission mixle, com- 
posée de membres du Comité internalional et de la 
Seclion française !, fut chargée de ce travail. 

Nous ne nous arréterons pas à la reproduction 
du kilogramme, au sujet duquel on ne rencontra 
au cune difficulté sérieuse. Un rodage fait avec le 
plus grand soin amena progressivement, el après 
de nombreuses retouches, un cylindre de la forme 
prévue, à la masse exacte du kilogramme des Ar- 
chives ; la limile de divergence des deux étalons 
fut trouvée inférieure à un centième de milli- 
gramme. 

Pour le mètre, la chose élait plus difficile Un 
étalon à traits arrive du premier coup à sa valeur 
définitive, que l'on ne peut plus modifier qu'en 
effaçant les trails et en recommençant tout le tra- 
vail, et l'on eût couru à un échec à peu près cer- 
lain, si l’on s'élait proposé d'amener d'emblée l'é- 
talon du mètre à la valeur exacte de celui des 
Archives. On se contenta donc d’un étalon pro- 
visoire, du resle très approché, puisque les com- 
paraisons lui assignèrent une valeur de 6 mi- 
crons seulement supérieure au mètre. 

Les comparaisons entre le nouvel étalon et le 
le mètre des Archives étaient rendues particulière- 
ment difficiles par leur mode de construclion es- 
sentiellement différent. Les deux élalons étant 
placés parallèlement l'un à l’autre dans l’auge d'un 
comparateur (nous donnerons plus loin la des- 
criplion de cet instrument), on munit le mètre des 
Archives de pelites armatures de platine, termi- 
nées par des pointesextrèmement fines, placées en 
regard de ses extrémités. Un miroir disposé au- 
dessous éclairait le champ et laissait voir dans le 
microscope la pointe et son image formée dans 
le bout de la règle. On bissectait l'intervalle de ces 
deux images et l’on considérait le milieu de leur 
distance comme étant la véritable extrémité de la 
règle. 

Il en est ainsi, en effet, si l'expérience est par- 
faitement réglée. Mais ce réglage même demande 
des soins minutieux, comme l'ont démontré MM. Fi- 


1 La Commission mixte était composée de MM. Broch, 
Foerster et Stas, membres du Comité international, et de 
MM. Dumas, H. Tresca et Cornu (rapporteur). Les comparai- 
sons des règles ont été faites en majeure partie par MM. Be- 
noit et G. Tresca. 


890 


CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE 


zeau et Cornu, qui ont indiqué en même temps les 
meilleurs procédés pour y parvenir. 

A partir de cette époque, les attributions de la 
Section française et du Bureau international furent 
nettement délimitées. Tandis quela première avait 
pour mission de veiller à la confection des étalons, 
pour laquelle le Gouvernement français avait fait 
une importante avance de fonds, le Bureau n’eut 
plus qu'à s'occuper que de leur vérification. 


diverses manipulations qu'ilsubit au Bureau inter- 


national. Examiné avec grand soin, au point de vue : 


de la qualité des surfaces polies, des traits et de 


sa longueur, il est accepté s’il satisfait aux condi- 


tions imposées par la Commission internationale. 
Hätons-nous de dire que le travail d'achèvement 
des élalons a été fait par M. Gustave Tresca, avec 
un si grand soin qu’un seul mètre dut être retracé. 

L'étude du mètre va maintenant comporter di- 


| 


ji) 


= 


De 
one 


Fig. 2. — Comparateur à dilalalion. — Les deux microscopes, fixés à des piliers de pierre, indépendants du bätiment, 
servent à comparer les règles placées dans deux auges remplies d’eau, dont la température peut étre modifiée à 
volonté. 


Les barres destinées à devenir des mètres pro- 
tolypes, extraites d'un lingot fondu au Conserva- 
Loire des Arts et Métiers, ou fournies par la maison 
Johnson Matthey de Londres, étaient amenées au 
profil exael par un tirage au banc, puis polies et 
tracées. Cette dernière opération s’effecluail en co- 
piant, aussi bien que possible, un élalon vérifié au 
Bureau internationol. Chaque règle porte six traits 
seulement, trois à chaque extrémité. Le trait cen- 
tral de chaque groupe marque l’un des termes du 
mètre, tandis que les deux autres, qui en sont à 
une distance de 0"%,5, fournissent ensemble des 
étalons du millimètre. 

Suivons maintenant un élalon du mètre dans les 


verses opérations que nous allons indiquer briève- 
ment. 

La première consisle dans la mesure de sa dila- 
lalion, que l'on effectue à l’aide d'un comparateur 
ad hoc représenté dans notre figure 2. La règle à 
éludier estplacée sur deux rouleaux dans une auge 
remplie d'eau et munie de quatre thermomètres. 
L'eau ayant été amenée à la température conve- 
nable, que l'on maintient à peu près constante à 
l’aide d’un thermo-régulateur, esl d'abord vigou- 
reusementagitée par le moyen de deux pelites tur- 
bines aclionnées par des moteurs électriques. Une 
autre règle, placée dans une seconde auge, servira 
de terme de comparaison. Dans des expériences 


….sures, une longueur constante. 


L'appareil est complété par deux microscopes 
munis de micromètres destinés à pointer les traits 
des règles. Ils sont pourvus de fils d'araignée paral- 


lèles et très rapprochés, que l’on amène, dans un 


pointé, à égale distance du trait dont on veut fixer 
la position, et qui est ainsi compris entre deux 
plages lumineuses étroiles, dont l'observateur ap- 


-précie l'égalité. Le tour de la vis du micromètre 
correspond sensiblement au dixième de milli- 


mètre, el la division du tambour indique à très peu 
près le micron. Cette valeur est, du reste, déter- 
minée de temps à autre, en mesurant l’image d'un 
millimètre tracé sur une règle, et donton connait 


la longueur exacte. 


Une mesure à wne température consiste alors en 
six pointés de l’une des règies, alternant avec cinq 
pointés de l’autre, et des mesures correspondantes 
de la température. 

On en déduit une équation de la forme : 

Règle A, à T,°, moins règle B à T°, — x. 

Le second terme du premier membre est sensi- 
blement constant, etle devient absolument par une 
réduction, toujours très peu importante, à la même 
température pour toutes les séries. 

Lorsqu'on possède un nombre suffisant d'équa- 
tions de cette forme, on peut procéder au calcul 
d'une formule qui indiquera l'accroissement de lon- 
gueur de la règle À pour toutes les températures 
comprises entre les limites des expériences. 

Le nombre d'équations que l’on établit ainsi va- 
rie suivant la précision que l’on veut obtenir. 
Pour le mètre international, on a fait 80 observa- 
lions complèles, ayant fourni un nombre égal 
d'équations. 

Les dilatations des règles sont soumises à une 
autre vérification. Nous avons déjà fait allusion au 
procédé extrêmement ingénieux imaginé par 
M. Fizeau pour la mesure de petits allongements 
(fig. 3). L'avantage de cette méthode est de s’appli- 
quer à de faibles longueurs, grâce à l'extrême sen- 
sibilité de la mesure interférentielle qu'elle met 
en œuvre, et qui est devenue aujourd'hui d'un 
usage très général. 

Les règles livrées au Bureau international sont 
primilivement trop longues de quelques cenli- 
mètres. On en détache, à chaque extrémité, un 
tronçon d’une quinzaine de millimètres de lon- 
gueur, sur l’un desquels on répète les mesures 
faites sur la règle entière; ces mesures fournissent 
un précieux contrôle de l'homogénéité du métal. 

La deuxième opération est la mesure de l’équa- 


tion d'une règle, c’est-à-dire de sa valeur par rap- 
port au prototype international. Cette opération ne 
diffère de la précédente que parce qu'elle est faite 
à la température ambiante, les deux règles étant 


Fig. 3. — Appareil Fizeau (modifié par M. Benoit) pour la 
mesure de la dilatation de pelits échantillons de matière. 
— Le trépied muni d’une plate-forme, que l’on voit au centre 
de l’instrument, sert à recevoir le corps à étudier (ici un 
cube). Les franges d’interférence que l'on établit entre sa 
face supérieure et le plan de verre porté par les vis du 
trépied, servent de mesure aux allongements différentiels 
de ces vis et de l’échantillon. I, A, ampoules d’un ther- 
mo-régulateur; P, V, piliers et vis de calage; B, C, enve- 
loppes en cuivre épais; E, enveloppe en verre; D, prisme 
à réflexion totale, permettant d'observer dans une direc- 
tion horizontale; &, b, c fenètres; €, € thermomètres. 


placées côle à côte dans la mème auge remplie 
d'eau. 

Les premières opérations de cette nature étaient 
indéterminées. Il fallait, du même coup, fixer la 
valeur du prototype international, et celle de tous 
les autres étalons par rapport à lui. Voici comment 
on procéda : 

Le nombre des élalons de premier ordre à dé- 
terminer s'élevait à 30. On disposa leurs numéros 
conformément au tableau suivant, en laissant de 
côté le mètre provisoire internalional n° 2, désigné 
par le symbole I,. On compara alors entre elles 
toutes les règles d'une même ligne el d’une mème 


592 


colonne, puis tous les étalons furent délerminés 
en fonction de I. 


Chaque comparaison comprenait elle-même 
quatre mesures complètes de deux règles placées 
dans quatre positions différentes l’une par rap- 
port à l’autre, de manière à éliminer les petites 
erreurs systématiques de position. 

Le calcul de cet ensemble de comparaisons 
montra que plusieurs des règles tracées par 
M. Tresca s’approchaient à moins d’un micron de 
la valeur que l’on s'était efforcé de réaliser. Au- 
cune d'elles ne s’en écartait de 3 microns et l’une 
d'elles, le n°6, concordait à moins de 0y.,1 avec cette 
valeur. Ce mètre fut dès lors choisi comme proto- 
type international, placé à côté de I, hors du 
diagramme, et remplacé dans le lableau par une 
autre règle. Tous les étalons furent comparés au 
prototype international, el la nouvelle règle subit 
le sort commun, la comparaison avec celles de la 
première ligne et de la dernière colonne. 

Nos lecteurs nous pardonneront-ils cette longue 
énumération? Elle élait en quelque sorte néces- 
saire pour bien montrer sur quelles bases solides 
a élé fondée l'unificalion des mesures métriques, 
et pour faire ressortir la parfaite uniformité qui en 
résulle pour Lout le système dans les pays qui ont 
pris ces élalons comme point de départ. 

Un travail lout semblable a été fait pour les 
kilogrammes. Pour ces derniers, la mesure de la 
dilatation est superflue, Landis que la détermina- 
tion préliminaire la plus importante est celle du 
volume, permetlant de calculer la poussée de l'air. 

La pesée est peut-être la plus délicate des opé- 
rations de la Physique, gràce à la merveilleuse 
sensibilité de la balance. Le moindre défaut 
d'équilibre de la température, le déplacement de 
corps d'une cerlaine masse dans le voisinage, sans 
parler des poussières microscopiques qui s'at- 
lachent aux poids, troublent les résultats et doivent 
êlre évilés. C'est pourquoi les pesées sont entou- 
rées des plus minutieuses précautions. La salle 
dans laquelle elles sont effectuées est maintenue 
à une Lempéralure très constante et aussi uniforme 


CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE 


| 
que possible. L'observateur ne s'approche des | 
balances que dans l'intervalle des opérations pour 
les préparer, el, chaque fois que la cage de la" 
balance a élé ouverte, l'instrument est abandonné 
à lui-même, pour ne servir qu'après plusieurs 
heures. $ 

Bien entendu, la lecture des élongations se fait 
à l'aide d'une lunette et d'une échelle réfléchie 
dans un petil miroir porté par le fléau. De plus, la | 
pesée étant double, les poids sont d'abord placés 
sur les plateaux, et comparés; puis, immédiate- | 
ment après, un mécanisme de transposition les 4 
échange sur les plateaux et la pesée est recom- « 
mencée dans celte nouvelle position des poids. 

Cerlaines opérations de contrôle sont faites à 
l’aide d’une balance enfermée dans une cage de - 
cuivre épais donton peut relirer l'air, tout en con- 
servant la possibilité de transposer les poids, et | 
mème d'ajouter sur l'un ou l’autre des plateaux de » 
petits poids additionnels pour établir l'équilibre 
ou déterminer la sensibilité de l'instrument. - 

Ilne nous reste qu'un mot à dire sur la précision 
atteinte dans les diverses opérations dont nous 
venons de parler. Une discussion rigoureuse de 
tous les ravaux divers qui conduisent au résullat 
final montre que l’on oblient, dans la détermina- 
tion de l'équation d’une règle par rapportau mètre 
internalional, une exactitude qui est de l’ordre de … 
deux divièmes de micron pour toutes les tempéra- : 
tures auxquelles les règles peuvent être exposées | 
dans les opérations usuelles. Pour les kilo- 
grammes, la précision est d’une fraction de cen- 
tème ‘de milligramme, soit d’un cent-millionième 
en valeur relative. 


IV 


Les opérations fondamentales dont nous venons 
de parler ne sont pas les seules dont s'occupe le 
Bureau international. Nous avons déjà dit, dans 
un arlicle publié il y a quelques années dans la 
Revue |, quel en avait été le rôle dans le perfection- 
nement de la thermométrie moderne. Nous ajou- 
Lerons, pour n'yplus revenir, que, depuis cetle 
époque, les recherches ont élé poussées dans deux 
directions opposées. D'une part, le thermomètre à 
mercure à élé comparé au thermomètre à gaz 
jusqu’à 200°, de manière à étendre les limites de 
l'unification de l'échelle thermométrique normale; 
d'autre part, le Bureau s'est occupé, à la demande 
de la Commission météorologique internationale, 
de la mesure pratique des températures infé- 
rieures à la congélalion du mercure. Après avoir 
essayé un cerlain nombre de liquides, on s'est 


| 
modernes de la Thermo- 
II, pages 74 à 80 


1 C. EL. Guiczaume, les Idées 
métrie, Revue générale des Sciences, t. 
n° du 16 février 1893). 


a ne ht à dé de ns 


CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE 


893 


arrêté, pour la construction des thermomètres des- 
tinés à ces mesures, au toluène, dont les propriétés 
sont : une grande fluidilé, un point d'ébullition 
élevé (111° environ) et un point de congélation 
extrèmement bas. Dans l’état de pureté absolue, 

il est suffisamment fluide à—125°. C’est le coup de 
- grâce du thermomètre à alcool, que beaucoup de 
. constructeurs ont déjà abandonné. 

En partant du mètre, les mesures peuvent être 
_ élendues de part el d’autre de celte longueur 
fondamentale. 

Une échelle divisée n’est jamais parfaitement 
correcte. Dans une règle d'un mètre il se trouve 
_ peu de millimètres auxquels les mesures n'as- 
signent une erreur plus ou moins grande. 

Ce sont ces erreurs que l’on détermine, par une 
opération semblable en principe dans lous les do- 
. maines des mesures, et que l’on nomme calibrage 
ou élalonnage. Comparant entre eux les décimètres 
d’une règle, on détermine les erreurs de chacun 
d'eux; puis on passe par le même procédé du déci- 
mètre au centimètre et du centimètre au milli- 


LE 


dans la géodésie européenne. Il a suffi, pour cela. 
de comparer leurs quatre mètres successifs à un 
étalon du mètre. Leur dilatation a été mesurée par 
le procédé même qui avait été employé pour les 
étalons en platine iridié, à cela près que les di- 
mensions très considérables de l'appareil né- 
cessitaient des moyens d'action plus puissants: 

C'est ainsi qu'ont été mesurées les constantes 
des règles géodésiques de France, d'Espagne, 
d'Allemagne, d'Italie, de Suède, de Norvège et de 
la Confédération Argentine, et les doubles-toises 
d'Autriche et de Russie, en mème temps que celles 
qui avaient servi à Borda dans les mesures célèbres 
qu'il entreprit il y a juste un siècle. 

Les doubles-toises étaient des étalons à bouts: 
on les mesura en leur ajoutant de petites pièces de 
contact (A et B, fig. 4) portant des traits, et qui les 
amenaient à quatre mètres. Les abouts A et B étant 
ensuite appliqués l’un contre l’autre, on détermi- 
nait la distance des traits qui avaient servi dans la 
première opération. Cette mesure se fait avec une 
précision sensiblement moindre que lacomparaison 


B| | 


Fig. 4. — Diagramme de la comparaison d’une double-loise avec une règle de 4 mèlres. 


mètre. Par une série d'opérations longues et fasti- 
diceuses, on arrive ainsi, de proche en proche, à 
connaître les valeurs exactes de toute une série de 
longueurs tracées sur une règle, et donnantla pos- 
sibilité de tout mesurer, depuis le millimètre jus- 
qu'au mètre. 

C'est sur cet élalonnage que reposentla délermi- 
nation des unilés étrangères par rapport aux lon- 
gueurs métriques, la mesure de la valeur millimé- 
trique des vis qui servent dans toutesles comparai- 
sons, en un mot toutes les déterminalions qui ne 
se rapportent pas au mètre entier. 

En dehors de quelques rares opérations de labo- 
ratoire, la connaissance des multiples du mètre 
trouve son application la plusimportante à la géodé- 
sie. Dans les mesures de bases qui comportent la dé- 
termination d’une longueur deplusieurs kilomètres, 
il y a tout avantage à diminuer autant que possible 
le nombre des reprises; c'est pour cela que, dans 
l’ancienne géodésie, on se servait de règles de deux 
toises, et, aujourd'hui, de barres de quatre 
mètres. 

En alignant cinq microscopes sur de solides 
piliers monolithes, et en complétant l'appareil par 
une auge volumineuse de plus de quatre mètres 
de longueur, on est parvenu à déterminer avec 
précision la longueur des diverses règles employées 


de deux règles à traits; mais il ne faut pas oublier 
que l’on a affaire ici à des étalons anciers ayant 
servi à des mesures dont la précision est beaucoup 
dépassée aujourd’hui. L’exactitude de leur mesure 
est au moins égale à celle de leur emploi, et c’est 
tout ce qu'on peut raisonnablement demander. 
Parmi ces règles ainsi mesurées, il en est deux 
qui méritent une mention spéciale ; cesont la Toise 
du Pérou, ancien étalon des mesures françaises, et 
la Toise de Bessel, comparée autrefois au mètre, et 
qui était devenue le point de départ de la géodésie 
de l'Est de l'Europe. La nouvelle valeur de cet 
étalon, déterminée par M. Benoit, une fois con- 
nue, le premier soin des géodésiens fut de recal- 
culer les triangulations qui en dépendraient; et 
le résultat fut de faire disparaitre complètementles 
divergences jusqu'alors inexpliquées entre les di- 
vers réseaux européens. Ainsi se trouvait fermé le 
cycle des mesures, par une concordance presque 
1 


inespérée de 


500000” 
V 
Ce n’est point le lieu d’entrer dans des détails 
plus circonstanciés sur la technique des mesures 
dont nous venons de parler ; nous avons passé sous 


silence plus d’une question importante, nous pro- 
posant seulement de donner une idée générale du 


894 


CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE 


genre des travaux confiés au Bureau international, 
dont l’histoire administrative et scientifique com 
prend aujourd'hui quarante-cinq volumes !. 

Nous n'avons rien dit du magnifique travail par 
lequel M.Michelson est parvenu àratlacher le mètre 
à la longueur d'onde des radiations du cadmium, et 
dont il a lui-même rendu compte dans cette Revue. 
Nous n'avons pas parlé non plus dela station impor- 
tante qu'y a faile le colonel Defforges pour la 
mesure de l'accélération de la pesanteur en un 
point qui deviendra un rendez-vous pour la com- 
paraison des pendules. 

Il faudrait parler aussi des recherches de 
M. Benoit sur la dilatation des corps et la détermi- 
nalion de l'indice de réfraction de l'air et de sa 
variation avec la température, faite à l’aide de 
l'appareil Fizeau ; des expériences de M. P.Chappuis 
sur les constantes de l'équation caractéristique des 
gaz ; d'une détermination, faite par M. Thiesen, de 
la variation de l'intensité de la pesanteur avec la 
hauteur, détermination dont l'utilité est rendue 
évidente par le fait que la balance est susceptible 
de donner des indicalions différentes si l’on place 
successivement deux kilogrammes l’un sur l’autre 
et l'un à côté de l’autre. 

Nous passons sous silence également les travaux 
en cours sur la masse du décimètre cube d’eau, la 
détermination directe, par une méthode nouvelle, 
imaginée par M. Benoit, d’étalons du centimètre 
et du millimètre, fondée en partie sur les procédés 
mis en œuvre au Bureau par M. Michelson. 

Nous voudrions surlout,en terminant cet article, 
insister sur quelques faits propres à faire ressorlir 
l'importance attribuée en tous pays à l'œuvre d’uni- 
ficalion dont les premières bases furent jetées 
en 1867, el dont la Conférence générale de 1889 à 
marqué la première étape. 

Cette Conférence générale des Poids et Mesures 
eut pour mission principale de sanctionner le mètre 
international, reconnu depuis cette époque comme 
seul élalon fondamental du système métrique. Puis 
les étalons furent tirés au sort entre les États de 
la Convention, et furent emportés, les uns immé- 
diatement, d’autres dans le courant de l’année sui- 
vante dans leurs pays respectifs. L'histoire de la 
plupart de ces transports a élé écrite, afin que l’on 

1 Travaux el mémoires du Bureau internalional des poids 
el mesures, t. 1 à XI (à l’exception du t. IX, en cours d'im- 
pression). Procès-verbaux des séances du Comilé inlernalional, 
1875 à 1K94. Rapports aux gouvernements des 
Etals signalaires de la Convention du mètre; seize rapports, 
1876 à 1892. Les deux premières collections sont seules en 
vente (Paris, Gauthier-Villars, éditeur). 

Les travaux préparatoires sont consisnés dans une douzaine 


de volumes de procès-verbaux de la Section francaise et de la 
Commission internationale du mètre. 


sessions de 


eût un document certain dusoinavec lequelle trans-n 
fert avaitété effectué, et de la conservation des éla- 
lons. Toutefois aucun pays ne fit, à ces précieux 
représentants du système métrique, un accueilcom- " 
parable à celui qu'ils reçurent aux États-Unis. A. 
leur arrivée les caisses qui les contenaient, el que » 
les délégués n'avaient pas perdues de vue pen- 
danttoutle voyage, furent déposées au White-house, » 
où elles furent ouvertes en présence du président 
Harrison, qui signa le procès-verbal d'arrivée, 
contre-signé par toutes les notabilités scientifiques 
de Washington. Puis, pour fêter dignement ces 
premiers prototypes authentiques du système mé- » 
trique arrivés dans la grande république, on dansa 
en leur honneur, en témoignage de sympathie 
pour les mesures qui deviendront prochainement 
légales dans l'Union. 

Les législateurs ont aussi fait une large place 
aux représentants matériels du système métrique. 
Dans la plupart des pays qui reçurent leurs étalons 
en 1889, les unités métriques sont aujourd'hui 
légalement définies par ces étalons. 

Le texte des lois relatives au système des poids 
et mesures a, dans un certain nombre d’Élals, la 
forme suivante : 

« L'unité de longueur est le mètre représenté 
par la distance, à 0°, des traits du prototype en 
platine iridié déposé au Bureau international 
des Poids et Mesures. Cetle unité sera léga- 
lement représentée, dans ce pays, par la copie 
SSD dont la longueur à 0° est reconnue égale à 
1 mètre...» Une rédaction semblable est appli- 
quée au kilogramme. 

Si nous insistons sur cette question, tout admi- 
nistrative, de la légalisation des étalons, c'est 


qu’elle a une grande importance au point de vue 


de l'unité et de la cohérence parfaite du système 
métrique dans tous les États qui l’ont adopté. 

Le passage du Mètre des Archives au prototype 
international devait être consigné dans un texte de 
loi; non point qu'il en résulte aucune disconti- 
nuité, aucune fissure dans le système; il n'est pas 
d'expérience, basée sur le Mètre des Archives, 
dont la précision soit comparable à celle avec 
laquelle s'est effectué le passage de celui-ci au 
mètre provisoire et au prototype international, et, 
désormais, le système entier sera défini avec une 
sécurité plus grande, en même temps que, par le 
lien que l'on à élabli entre les étalons et certaines 
constantes naturelles, il sera plus immuable. 

Ch.-Ed. Guillaume, 
Docteur ès sciences, 


Physicien au Bureau International 
des Poids et Mesures. 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


895 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


La mise en service de la première locomotive élec- 
- trique de la Baltimore and Ohio Railroad Company vient 
de ramener l'attention sur la solution adoptée pour la 
traversée des tunnels de Baltimore. Ce n’est pas la 
question d'économie qui, dans ce cas, a guidé les 
- Américains, car les locomotives électriques ne seront pas 
Î employées au service d’une ligne complète : elles seront 
uniquement utilisées sur un troncon de # kil. 500 en- 
viron. En decà et au delà ce sont des locomotives ordi- 
. naires qui couduiront les trains. Il y a donc eu à créer 
tout un matériel supplémentaire et fort coûteux à 
construire. 

La voie traverse 
la ville de Baltimore 
sur une longueur 
de 4.500 mètres en- 
viron, dont 2.300 
sont en tunnel et 
2,200 sont à ciel ou- 
vert. Il s'agissait 
d'éviter le dégage- 
ment de la vapeur 
et de la fumée tani 
sous les voütes du 
tunnel que dans les 
rues dela ville. C’est 


LES LOCOMOTIVES ÉLECTRIQUES DE LA BALTIMORE AND Ouio RaiLzroap Company. 


croyons utile de signaler particulièrement l'essai de 
Baltimore. 

Nous avons donné,au commencementde cette année ! 
la description des locomotives qui y sont employées, 
et qui étaient alors en construction. Nous ajouterons 
aujourd'hui quelques détails complémentaires sur la 
station génératrice et sur la transmission du courant 
aux moteurs ?, 

La slation génératrice est un bâtiment à un seul 
étage divisé en deux parties. Dans la première se trou- 
vent 42 chaudières tubulaires de 250 chevaux cons- 
truites par the Abendroth and Root Manufacturing Com- 
pany. Dans la se- 
conde ont été pla- 
cées toutes les ma- 
chines. Elles sont 
partagées en deux 
groupes : l’un réser- 
vé à la production 
du courant néces- 
saire aux locomoti- 
ves; l’autre, à l’é- 
clairage du tunnel. 
Celui-ci comprend, 
pour les lampes à 
arc, 8 générateurs 


l'électricité qui a 
paru offrir la meil- 
leure solution du 
problème. On ré- 


solut d'en tenter 
l'essai. Cette ques- 
tion intéresse tout | L T 
particulièrement 


les Parisiens. Ils 
ont une ligne sou- 
terraine qui vient 
jusqu’au Luxem - 
bourg, uneautre qui 
est encore en cons- z 
truction et qui finira aux Invalides. On a parlé d’en tra- 
cer une troisième tout le long du boulevard Saint-Ger- 
main. Enfin, l'Exposition de 1900 va très certainement 
faire naître une foule de projets d'organisation des 
moyens de transport. La Compagnie de l'Ouest, jusqu’au 
Champ de Mars, n’a pris aucune précaution spéciale et 
répand à travers Paris d’abondants flots de fumée. Con- 
tinuera-t-elle jusqu'aux Invalides et plus loin encore, si 
elle est amenée à prolonger son réseau? La Compagnie 
d'Orléans, ayant entre la gare de Sceaux et celle du 
Luxembourg une voie entièrement souterraine, a dû 
supprimer aussi complètement que possible la vapeur 
et la fumée. Elle emploie des condenseurs sur ses lo- 
comotives et chauffe celles-ci au coke. Des hottes 
spéciales ont été placées à chaque station pour évacuer 
la fumée, inévitable pendant les chargements. D'autre 
part, pour ne paslaisser séjourner les produits gazeux 
résultant de la combustion, elle a installé un puissant 
ventilateur au Luxembourg et elle a construit sur le 
boulevard un très grand nombre de prises d’air. Ce 
sont là des mesures très ennuyeuses, parfois très coû- 
teuses et qui, somme toute, ne résolvent pas d’une 
manière absolument parfaite le problème qui avait été 
posé. Et puis, ce genre de solution, possible sur une 
courte ligne comme celle du Luxembourg, le serait-il 
encore sur une longue ligne traversant tout Paris ? On 
nous permettra d’en douter. C’est pourquoi nous 


Fig. 1. 


teurs. 


— Mode de suspension des conducteurs à l'intérieur du tunnel. — 
M, voûte du tunnel; U, x, tiges soutenant une traverse V; T, £, tiges 
soutenant deux étriers C et c; «, b, premier conducteur; À, B, second 
conducteur; J, j, premier groupe d’isolateurs; I, ë, second groupe d'isola- 


Thomson Houston 
de 50 lampes, mus 
au moyen de cour- 
roies par deux ma- 
chines compound 
Armington et Sims 
de 250 chevaux ; 
deux machines sem- 
blables conduisent 
deux  alternateurs 
capables séparé - 
ment de produire 
l'énergie totale né- 
cessaire aux 1.000 
lampes à incandescence de 32 bougies (candles), qui 
sont réparties le long de la ligne. 


A p 


A B 


N 


ZI, 
Fig. 2. — Appareil de prise du courant de la locomotive 
électrique. — N, navette glissant le long'du conducteur. 


— ad, de, be, cf, bras articulés en a, b, c, d,e, f.—T, toit 
de la locomotive. 


1 Revue Générale des Sciences, n° du 15 février 1895. 
2 Ces détails sont empruntés à The Electrical World, 
vol. XX VI, n° 2. 


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-Jed 


2 


Les machines destinées à la production de la force 
motrice sontdesdynamos multipolaires de500kilowatts, 
accouplées directement à des machines horizontales 
tandem-compound tournant à 110 tours à la minute. 


- Le courant n’est pas produit au voltage ordinairement 


hauteurs différen - 
tes suivant les en- 
: droits:ilestà 5m.10 


admis pour les réseaux de tramways; les dynamos 
donnent 600 volts à vide et 700 à pleine charge. Elles 
sont en ce moment au nombre de 4; des fondations 
sont prêles pour en recevoir une cinquième aussitôt 
que le besoin s’en fera sentir. 

- La partie la plus originale du nouveau réseau est 
formée par le conducteur aérien sur lequel les locomo- 
-tives prennent le 
-courant qui leur est 
nécessaire. Les in- 
génieurs ont été a- 
menés à placer ce 
conducteur à des 


-du sol dans le tun- 
mel et à 6 m. 60 à 
l'extérieur. Tantôt 
aussi il se trouve 
exactement dans 
l'axe de la voie; 
tantôt au contraire 
il est rejeté sur le 
côté. Dans ces con- 
dilions, on n’a pu 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


897 


est portée par un losange articulé en abedef, de sorte 
qu’elle est susceplible de mouvements de bas en haut 
ou de haut en bas et de mouvements de gauche à droite 
ou de droite à gauche. Elle est ainsi capable de suivre 
le conducteur dans ses posilions différentes par rap- 
port à la voie sans pouvoir aucunement l’abandonner. 

Le retour du courant a lieu par les rails. Des feeders 
y sont rattachés de distance en distance. D’autres sont 
également rattachés au conducteur aérien. Ils sont 
placés au milieu de l'intervalle C c (fig. 1) et supportés 
par des traverses spéciales, x 

Les figures 3 et 4! montrent la locomotive de côté 
et de face et per- 
mettent de se ren- 
dre compte de la 


manière dont elle 
est rehée au con- 
ducteur, 

Une seule loco- 


motive est en ce 
mement terminée; 
deux autres sont 
encore en construc- 
tion. La mise en 
service de la pre- 
mière à eu lieu au 
commencement de 


LE] 


« 
\ juillet. Elle fut a- 
} menée, par une lo- 
} comotive à vapeur, 
» jusqu’auprès du 


-uliliser le système 


tunnel de Camdem 


ordinaire de trolley. 


Street. Là, à un si- 


Le conducteur em- 


£nal donné, les cir- 


ployé est formé de 


cuits des moteurs 


deux barres de cui- 
yre ayant une sec- 
don en Z(AetB de 
la fig. 1, par exem- 
ple). Ces barres sont 
‘posées par tron - 
cons de 9 mètres, 
‘dont le mode de 
suspension est va- 
riable. Notre figure 
4 représente celui 
qui à été adopté à 
l'intérieur du {un- 
vel. Deux tiges U et 


furent fermés, un 
léger bruit se fit en- 
tendre dans le con- 
ducteur et la lour- 
de machine se mit 
en marche sans ef- 
fort apparent, trai- 
nant à la remorque 
la locomotive à va- 
peur ?. 

Les ingénieurs 
français ne peuvent 
se désintéresser de 
ces expériences. Ils 


LNTLS 


doivent les suivre 


u, profondément 


scellées dans la voù- 


avec attention et 


4e, soutiennent une 
traverse métallique 
Y dont elles sont 
séparées par des 
isolateurs J et 7. 
Sur cette traverse V sont fixées, par l'intermédiaire 
d’un second groupe d'’isolateurs 1,4, deux autres tiges 
Tett munies d'étriers C et € qui supportent les con- 
ducteurs AB, d’une part et ub d’autre part. Ces sup- 
ports sont placés tous les 4 mètres et au-dessus de 
l’entrevoie, intervalle qui sépare la voie montante 
de la voie descendante. À chacune de celles-ci est 
affecté un des conducteurs. Dans les partiés de la 
ligne qui sont à ciel ouvert, des pylones portent des 
barres transversales auxquelles sont fixées des chaînes 
ayant des portées de 45 mètres et composées d’une 
suile de tiges de fer ; à ces chaînes ont été suspendus 
les conducteurs, Les figures 3 et #4 montrent enfin un 
troisième système qui offre, avec les deux premiers, ce 
caractère commun que les barres conductrices sont 
isolées au moyen de deux groupes successifs d’isola- 
‘teurs : ce sont, dans la figure {, avons-nous dit, en 
premier lieu J j et en second lieu I à. 

La prise de courant se fait au moyen d'une sorte de 
navette N (fig. 2) glissant dans la rainure formée par 
les deux barres composant le conducteur. Cette navette 


Fig. #4. 


— La locomotive électrique vue de l'avant. — Mode de liaison entre 
la locomotive et le conducteur situé en haut et à gauche. 


utiliser les ensei- 
gnements qu'elles 
donneront. La pra- 
tique révélera pro- 
bablement des dé- 
fauts, indiquera quels sont les détails à changer ou à 
perfectionner. Déjà quelques incidents ont été signalés. 
Par les temps humides le contact entre le conducteur et 
la navette se fait mal et celle-ci est portée au rouge par 
les étincelles qui se produisent 3. Ce sont là des points 
faibles qui ne sont pas pour nous surprendre. Ne les ren- 
controns-nous pas dans tous les premiers essais? Les 
améliorations viendront peu à peu, etilnous appartient, 
à nous qu'intéressent les problèmes soulevés par les 
ingénieurs américains, d'étudier soigneusement leurs 
travaux afin d’être en mesure d’en profiter et de pou- 
voir marcher un pas plus certain lorsque nous croi- 
rons utile ou nécessaire d'entrer dans les voies nou- 
velles qui viennent de nous être indiquées, 
A. Gay. 


Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, 


1 Ces figures sont empruntées à Engineering, vol. LX, 
n° 1542. 
? The Electrical World. 


3 The Electrician, n° du 2 aout, 


898 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Resal (H.), Membre de l'Institut, Inspecteur général des 
Mines. — Traité de Mécanique générale. 2° Edi- 
tion. Tome 1: Cinématique. Théorèmes généraux 
de la Mécanique. De l’Equilibre et du Mouve- 
ment des corps solides. — 1 vol. in-8° de 304 pages 
avec #7 figures. (Prix: 6 fr. 50.) — Tome II : Frotte- 
ment. Equilibre intérieur. Elasticité. Hydrosta- 
tique. Hydrodynamique. Hydraulique. — 1 vol. 
in-8° de 166 pages avec #1 fiqures. (Prix: 3 francs.) 
Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1895. 


Les modifications apportées aux programmes de 
l’enseignement à l'Ecole Polytechnique ont amené mon 
savant maitre à remanier son cours de Mécanique. 
C’est le fruit de ce travail qu'offre la nouvelle édilion. 

Le tome I contient Ja mécanique rationnelle, ciné- 
matique, statique et dynamique. Les vecteurs y sont 
heureusement appliqués, comme dans la première édi- 
tion; mais nous regrettons que l'auteur m’ait pas 
adopté tout le calcul géométrique de Grassmann, 
comme l’a fait avec avantage M. Castellano, professeur 
à l'Académie Militaire de Turin (Lezioni di Mecanica 
razionale, 1894). La théorie des chocs qui termine le 
volume est présentée avec une grande généralité, envi- 
sageant deux corps libres, de formes quelconques et 
imparfaitement élastiques. Les cas- particuliers sont 
déduits des formules générales. C’est la méthode de 
l'auteur d'entrer tout droit dans le sujet, avec toute la 

généralité possible, par une synthèse rapide. Sédui- 
sante el instructive pour les esprits mürs,elle présente 
des difficultés aux élèves. 

Considérons, par exemple, l'équation générale de la 
Mécanique (théorème des travaux virtuels). C’est la clef 
de l'ouvrage : tout, en dynamique, comme en statique, 
est déduit de ce théorème par de simples particulari- 
sations de la formule générale. J'ai entendu des per- 
sonnes compétentes affirmer que le théorème en ques- 
tion n'est pas démontré par M. Résal. Cherchons la 
cause d’une opinion si radicale. — Envisageant les 
machines, où des corps solides réagissent les uns sur 
les autres, on est conduit, dit l’auteur, à considérer un 
système matériel dont certaines molécules sont assu- 
jetties à rester sur des surfaces fixes... Pour les dépla- 
cements compatibles avec les liaisons, le travail de la 
réaction est nul. — Certes, c’est peu pour affirmer que 
le travail virtuel total sera nul dans toutes les machines. 
La presse hydraalique, la poulie avec sa corde ne sont 
même pas envisagées. D'autre part, considérons une 
bille au repos. La réaction du sol sur elle est dirigée 
vers le haut. Soulevons par la pensée cette bille : c’est 
un déplacement compatible avec la liaison, Le travail 
de la réaction est positif; il n’est pas nul. Enfin le pas- 
sage de la statique à la dynamique est trop rapide : 
dans la réciproque du théorème, on admet que le 
déplacement réel est compatible avec les liaisons. 
C'est exact parce que les liaisons sont supposées fixes 
en stalique; cela devient faux en dynamique,où les 
liaisons peuvent être variables avec le temps. Il impor- 
terait d'appeler l’attention sur ce fait un peu para- 
doxal, puis de montrer que le théorème n'en est pas 
moins applicable à la dynamique. 

Ces lacunes sont regrettables, mais il est excessif 
de nier la démonstration, Je ne crains même pas de 
déclarer que je la préfère encore, avec ses défauts, aux 
poulies de Lagrange et aux tiges d'Ampère. Correctes, 
mais trop habiles, les démonstrations de ces géo- 
mètres voilent derrière un échafaudage d’artitices 
cette loi naturelle qui n'a pas échappé à M. Résal : 


Lorsque la résistance élastique des corps n’est pas vaincue, 
elle ne peut jamais fournir un travail négatif. Cette loi 
est équivalente au théorème des travaux virtuels com- 
pris dans toute sa généralité. Elle est aisée à établir en 
partant de l'hypothèse moléculaire, avec le princive de 
l’action et de la réaction, Mieux vaudrait encore l’ad- 
mettre comme postulat que la remplacer par des habi- 
letés de géomètre, 

Le frottement, l’élasticité, l'équilibre et le mouve- 
ment des fluides formentla matière du tome If, malière 
plus digne que la Mécanique rationnelle de l’esprit 
pénétrant de mon éminent maitre. Je signalerai les 
équations de léquilibre intérieur. L'exposition est 
simple et correcte, mais rapide et sobre, au point que 
chaque mot, dans les titres mêmes, doit être bien pesé 
par le lecteur. E. CARVALLO. 


Albeilig (M.), Ingénieur de la Marine, et Roche (C.), 
Ancien ingénieur de la Marine. — Traité des Ma- 
chines à vapeur. Tome I. — 1 vol. in-8° de 600 pages 
avec 408 fig. de l'Encyclopédie industrielle de M. C. 
Lechalas. (Prix : 20 fr.) Gauthier-Villars et fils, édi- 
leurs. Paris, 1895. 

Le plan général de cet important ouvrage a élé tracé 
conformément au programme du Cours de Machines 


-professé à l'Ecole Centrale, Bien qu'il soit rédigé à un 


point de vue surtout pratique, la partie théorique n’a 
pas été négligée. Partout où elle est nécessaire ou 
utile, la théorie a recu les développements les plus 
complets, comme par exemple dans le chapitre 1 où 
sont exposés les principes de la Thermodynamique et 
l'application de ces principes aux gaz et aux vapeurs; 
comme aussi dans la théorie des coulisses et méca- 
nisme de distribution (chap. vu); ou bien encore, 
comme au chapitre vur, dans la théorie de la conden- 
sation et le calcul des pompes, des turbines, des injec- 
teurs, elc.…. 

Mais il faut savoir gré aux auteurs de n’avoir pas 
cédé à la tentation de multiplier à tout propos les 
formules, et d’avoir traité aussi simplement les choses 
simples, que savamment les questions plus ardues. 
Nous signalerons comme particulièrement étudiée et 
ingénieuse la théorie pendulaire des indicateurs 
(chap. 1v). Les lois du mouvement oscillatoire, aux- 
quelles les auteurs parviennent par le calcul, les con- 
duisent à formuler d’une manière simple les meilleures 
conditions de fonctionnement d’un indicateur. L'étude 
du diagramme totalisé est également fouillée avec 
soin (chap. nt). 

Avec le chapitre v, on aborde le calcul des organes 
de la machine à vapeur, les dispositions pratiques 
qu'ils comportent, les essais auxquels certains d'entre 
eux doivent être soumis. Une description sobre et 
claire, des figures nombreuses et variées distinguent 
ce chapitre. 

Le chapitre vi est consacré au problème délicat de 
la régulation et des diverses épures de distribution et 
de détente; signalons un paragraphe des plus utiles 
sur la manière de procéder au relevé des éléments de 
la distribution sur la machine et sur l'étude deserreurs 
que l’on peut commettre dans cette opéralion. 

Les mécanismes de distribution et de changement 
de marche sont décrits dans le chapitre vir. 

Enfin, dans le chapitre vit, l'étude des condenseurs 
à injection et des condenseurs à surface, la théorie de 
l'alimentation et la description très complète des 
injecteurs et des diverses pompes terminent ce pre- 
mier volume, que nous croyons appelé à rendre de 
grands services. L'AVIVET. 


s 2: usa 4 
nie ot AE AN 


2° Sciences physiques. 


 Houllevigue (L.), Maitre de Conférences à la Faculté 
… des Sciences de Lyon. — Del'influence de l’aimanta- 
tion sur les phénomènes thermo-électriques. 
(Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de 
. Paris.) — Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1895. 


_ J'aimantation modifie la plupart des propriétés 
… physiques des corps et particulièrement les propriétés 
… électriques. M. Houllevigue a entrepris sur l’une des 
plus remarquables de ses actions une étude très soi- 

née et fort adroitement conduite. Il a limité son tra- 
vail à l'influence du magnétisme sur les phénomènes 
thermo-électriques; c’est une question dont plusieurs 
physiciens s'étaient déjà occupés, et, pour ne citer que 
le plus illustre, lord Kelvin a consacré à ce sujet une 
«bonne partie de l'un de ses mémoires, le plus juste- 
ment célèbre; mais, derrière le grand savant, il res- 
tait encore à glaner, et M. Houllevigue a su recueillir 
encore presque une moisson, 

L'auteur étudie d’abord l'influence de l’aimantation 
sur Ja force électromotrice des piles thermo-électri- 
ques où l’un des métaux est du fer ou de l’acier; le 
dispositif de l’expérience est analogue à celui qu'avait 
déjà adopté M. Chassagny dans un bon travail sur ce 
sujet; mais ici les champs que l’on pourra atteindre 
seront beaucoup plus intenses. Le principe de la mé- 
thode consiste à comparer les forces électromotrices 
de deux piles semblables, dont l’une est placée dans 
un champ connu, tandis que l’autre n’est pas soumise 
. à l’aimantation; la mesure de la force électromotrice 
se fait par comparaison avec une dérivation prise sur 
“un élément Gouy, la mesure des champs avec l’appa- 
reil de M. Leduc. Peut-être pourrait-on regretter que 
la complicalion déjà grande des expériences n'ait pas 
permis à l’auteur d'effectuer la mesure des champs au 
moment où il procédait aux mesures électriques ; il 
est un peu fàcheux aussi que les échantillons employés 
“n'aient pas été complètement étudiés au point de vue 
magnétique ; il eùt été intéressant de déterminer leurs 
coefficients d'aimantation, nécessaires d’ailleurs pour 
connaître la véritable valeur du champ au moment des 
expériences. 

Les résultats généraux obtenus sont bien nets: 
la posilion du fer et de l’acier dans la série thermo- 
électrique est modifiée par l’aimantation. On peut 

déduire de là, par raisonnement, les variations qu'é- 
prouve. avec le champ, l'effet Peltier au contact du 
fer ou de l'acier avec un autre métal non magnétique; 
- pour le fer doux, ces résultats prévus par la théorie 
- sont corroborés par une étude expérimentale, M. Houl- 
levigue a pu étudier l’effet Peltier en le produisant au 
contact d’une des faces d’une pile thermo-électrique 
très sensible, et en équilibrant son action par un 
» échauffement produit sur l’autre face à l’aide d'un 
- courant variable à volonté, et traversant une résistance 
… constante. Une autre conséquence, très intéressante, 
b découverte par l’auteur, est l’existence d'une variété 
- d'effet Thomson qui se produit, sans variations de 

températures, entre deux parties inésalement aiman- 
tées d’un même corps magnétique; celte conséquence 
» du calcul est directement vérifiée pour le fer doux. 
… Enfin, l’auteur montre que cette nouvelle forme d’effet 
- intervient dans certaines expériences de sir W,. Thom- 
… son,et que l'interprétation de ces expériences, qu’avail 
- donnée l’illustre savant, n'est pas complètement 
… exacle. : 
—_ N'oublions pas de signaler, au début de la thèse, 
« un excellent historique, et aussi, et ce n’est pas un 
des moindres mérites de ce bon travail, un chapitre où 
sont établis, avec une simplicité, une rigueur et un 
ordre parfaits, les relations entre les diverses quan- 
tités qui seront envisagées dans le cours des recher- 

. ches; Les définitions sont données avec une rare pré- 

- cision, et tout le mémoire est clairement et nettement 
_ rédigé. 


. 


Lucien Poincaré. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 899 


Serres (Louis), Professeur de Chimie à l'Ecole Jean- 
Baptiste Sa, — Traité de Chimie, avec la notation 
atomique, à l'usage de l'Enseignement primaire supérieur. 
Métalloïdes. Métaux. Chimie organique. — { vol. 
in-8° de 520 pages avec nombreuses figures dons le texte. 
(Prix : 10 fr.) Baudry et Cie, éditeurs, Paris, 1895. 


L'adoption de la notation atomique dans l’enseigne- 
nement universitaire a provoqué la publication d’un 
grand nombre d'ouvrages élémentaires de Chimie écrits 
dans le système atomique.Quelques-uns de cesouvrages 
ne sont que la traduction d'éditions précédemment 
notées en équivalents, d’autres sont réellement des 
œuvres nouvelles, Le traité de M. Serres appartient 
à cette dernière catégorie, et il y gagne de l’homogénéité. 
Ce volume contient les matières qui forment le pro- 
gramme de la classe de Mathématiques élémentaires ; 
l'étude des métalloïdes et des métaux forme les deux 
premières parlies. La {roisième partie, consacrée à la 
chimie organique, est sensiblement plus développée 
que dans la plupart des ouvrages analogues. L'auteur 
a cherché à la rédiger conformémentauxidées modernes; 
il emploie les formules de constitution sans en abuser 
et indique même les principes de nomenclature tout 
récemment adoptés au Congrès de Genève. 


G. Crarpy. 


Marie (T.), Professeur agrégé a la Faculté de Médecine et 
de Pharmacie de Toulouse. — Recherches sur les 
acides cérotique et mélissique. (Thèse dela Faculté 
des Sciences de Paris.) — 1 vol, in-8° de 106 pages. Gau- 
thier-Villurs et fils, éditeurs, Paris, 1895. 

Les acides gras à poids moléculaire élevé sont encore 
mal connus; leur préparation à l’état pur est, en effet, 
difficile, et l'intérêt qui s'attache à leur connaissance 
plus approfondie assez médiocre. M. Marie étudie dans 
ce travail les acides de la cire d’abeilles; en soumettant 
cette substance, d’abord à l’action de l’alcool, puis à 
celle de la chaux potassée, qui décompose la myricine, 
il obtient un mélange d'acide cérotique et d’acide mé- 
lissique, qu'il arrive enfin à séparer par l'alcool méthy- 
lique, dans lequel l’acide mélissique est presque inso- 
luble. 

L’acide cérotique pur fond à 77° 5, température non 
corrigée, Pourquoi cette lacune, d'autant plus grave ici 
que le point de fusion de l'acide cérotique est la plus 
intéressante de toutes ses propriétés ? Il est vraiment 
regrettable de voir encore de nos jours négliger à ce 
point la précisiondes mesures, et l’on se demande pour- 
quoi, devant uu pareil résultat, M. Marie s’est donné la 
peine de vérifier son thermomètre avec autant de soir. 

L'acide cérotique s’éthérifie par les méthodes ordi- 
naires ; il donne un chlorure, un amide et un nitrile, 
enfin, par l'acide iodhydrique, un hydrocarbure qui 
paraît répondre à la formule C# H°?; il en résulte que 
cet acide doit s’écrire C?5 H50 0° et non C?7 Hÿi O?. Cette 
nouvelle formule concorde d’ailleurs exactement avec 
les analyses. 

Le brome donne des dérivés bromés, transformables 
en acides oxy, amino et nitrilocérotiques ; ce dernier 
se transforme naturellement, par saponilication, en un 
acide G?* H'8 (CO? H)? de la série malonique. 

L'acide mélissique fond à 90° (non corrigé); ses pro- 
priétés chimiques sont en tout semblables à celles de 
ses homologues inférieurs et son analyse confirme la 
formule adoptée C30 H® O?, 

Par oxydation, ces deux corps fournissent les mêmes 
produits que les acides des graisses, c’est-à-dire un mé- 
lange complexe d'acides inférieurs, à chaîne normale, 
monobasiques ou bibasiques. 

L. MAQUENNE. 


Serrant (Emile), Ingéniewr-Chimiste. — Applica- 
tions de la Chimie à l'Art militaire moderne. — 
1 vol. in-12 de 132 pages avec planches hors texte. E. 
Bernard et Cie, édilewrs, 53 ter, quai des Grands-Au- 
gustins. Paris, 1895. 


900 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


”i 
1 


8° Sciences naturelles. 


Bernard (Félix), Assistant au Muséum d'Histoire na- 
turelle, docteur ès sciences, agrégé des sciences natu- 
relles. — Eléments de Paléontologie. Seconde par- 
tie, pages 529 à 1168, avec 231 figures dans le texte. 
— J.-B. Baillière et fils, éditeurs.Paris. 1895. 


Cette seconde partie termine dignement les Elé- 
ments de Paléontologie de M. Félix Bernard, qui sont 
déjà entre les mains de tous les étudiants en sciences 
naturelles. Elle contient la fin des Invertébrés (La- 
mellibranches et Céphalopodes), les Vertébrés et un 
aperçu succinct de la Paléontologie végétale, Le cha- 
pitre relatif aux Lamellibranches est un des meilleurs 
de tout l'ouvrage, et l'on sent que l’auteur y a apporté 
une compétence toule particulière ; on y trouvera une 
classification nouvelle, basée à la fois sur l'anatomie 
des parties molles et sur la morphologie de la char- 
nière. M. Rémy Pecrier à prêté sa collaboration à 
M. Bernard pour le chapitre des Mammifères, qu'il a 
rédigé presque en entier. Emile Hauc. 


Binet (Alfred), Directeur-adjoint du Laboratoire de Psy- 
chologie physiologique des Hautes-Etudes à la Sorbonne. 
— Contribution à l'étude du Système nerveux 
sous-intestinal des Insectes. Thèse pour le Doc- 
torat de la Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol. 
in-8° de 132 pages avec fig. et planches en couleurs. 
F. Alcan, éditeur. Paris, 189%. 


Les travaux de Dietl, Flügel, Berger, Bellonei, etsur- 
tout les belles recherches de Viallanes, nous ont fait 
connaitre Ja structure des ganglions cérébroïdes des 
Insectes ; celle de la chaine sous-intestinale nous était 
à peu près inconnue : le mémoire de M. Binet vient 
heureusement combler cette lacune et enrichir nos 
connaissances sur l’histologie des centres nerveux 
chez les Arthropodes, de faits nouveaux très intéres- 
sants. 

M. Binet a examiné un certain nombre de types 
appartenant à l'ordre des Coléoptères (Dytisceus, Melo- 
lontha, Rhizotrogus, Lucanus, Geotrupes, Carabus, Blaps, 
Timarcha), à l’ordre des Orthoptères (Gryllus, Gryllo- 
talpa, Blatta), un Muscide (Mesembrina meridiana) et un 
Homoptère (Cicada Orni) ; il a en outre étudié compara- 
tivement, au point de vue histologique, quelques Crus- 
tacés (Astacus, Homarus, Palinurnius, Oscus, ete.) Les 
méthodes techniques qu'il a employées dans ses re- 
cherches sont celles qui avaient donné à Viallanes 
les meilleurs résultats, c’est-à-dire les coupes en séries 
des ganglions, préalablement convenablement durcis, 
soit par les liquides de Flemming ou d'Hermann, soit 
par le sublimé. En colorant le tissu nerveux, à l’état 
frais, par le bleu de méthylène, suivant ia méthode 
d'Ehrlich, il a pu établir les relations qui existent entre 
les différentes cellules, ce que ne permet pas générale- 
ment l'étude des coupes. 

Après avoir rappelé brièvement les travaux de ses 
prédécesseurs sur la constilution du système nerveux 
des Arthropodes, M. Binet consacre la première partie 
de son mémoire à l'étude de la structure des éléments 
histologiques, cellulesetfibres nerveuses. À ce point de 
vue, les ganglions des Crustacés sont beaucoup plus 
favorables que ceux des Insectes, dans lesquels les ra- 
mifications des trachées gènent beaucoup l’observa- 
tion et peuvent occasionner de nombreuses erreurs 
d'interprétation. 

Grâce à une technique particulière, en colorant suc- 
cessivement les coupes d'abord par lhématoxyline, 
après mordancage par le sulfate de cuivre, puis par la 
safranine, M, Binet est arrivé, chez les Crustacés, à 
obtenir une coloration du protoplasma de la cellule 
nerveuse différente de celle du cylindre-axe qui part 
de cette cellule. Cette double coloralion lui a permis de 
suivre le trajet des fibrilles nerveuses du cylindre- 
axe dans le protoplasma et de constater qu'elles 
n'entrent pas en relation avec le noyau, comme l'ont 
admis plusieurs auleurs, Dans certaines cellules, 


à 
ces fibrilles restent réunies en faisceau et décrivent 
une spire autour du noyau avant de se séparer(cylindre 
axe intercellulaire); dans d’autres cellules nerveuses” 
les fibrilles s’écartent régulièrement les unes des 
autres, dès leur pénétration dans la cellule, et dé 
crivent des lignes spirales dans les couches les plus 
superlicielles, corticales, du protoplasma; les régions 
du protoplasma qui sont les plus voisines du noyau 
sont pauvres en fibres nerveuses et se colorent autre- 
ment que les régions périphériques. 

La majorité des cellules nerveuses des Insectes sont 
piriformes, unipolaires, et émettent un prolongement" 
d’un calibre régulier, d’où partent latéralement des 
branches fines qui se ramifient; parfois le prolonge-# 
ment primitif se divise en deux prolongements secon- 
daires, placés symétriquement. Le prolongement pri- 
mitif des cellules de grande dimension, qui peut être 
suivi dans un certain nombre de cas, se continue dans 
les nerfs périphériques ou dans les connectifs. 

Les ganglions de la chaine sous-intestinale sont 
construits d’après le même plan que les cérébroïdes : 
différence à noter avec le système nerveux des Verté- 
brés, chez lesquels les fibres et les cellules nerveuses 
ne présentent pas la même répartilion anatomique « 
dans la moelle épinière et dans le cerveau. 

Les éléments cellulaires occupent la périphérie du 
ganglion, où-ils forment, suivant les points, ure ou 
plusieurs couches; la région centrale du ganglion est 
occupée par la substance ponctuée des auteurs, ou subs- 
tance fibrillaire, qui paraît être constituée par un 
réseau inextricable de fines fibrilles, mais dont la struc- 
ture n’a malheureusement pas été étudiée par M. Binet. » 

L'auteur s’est contenté, en effet, de faire l'anatomie " 

microscopique de la substance ponctuée, c’est-à-dire 
de rechercher la manière dont cette substance est 
répartie en lobes eten lobules dans l’intérieur d'un” 
ganglion, de suivre les nerfs qui pénètrent dans ce 
ganglion, de décrire le nombre, la direction et la ter- 
minaison de leurs racines, et enfin de déterminer le 
trajet intra-ganglionnaire des connectifs, qui vont d’un 
ganglion à l’autre. 
_ Chaque ganglion de la chaine sous-intestinale pré- 
sente, à peu de chose près, la même disposition inté- 
rieure, On peut y distinguer deux colonnes ventrales 
et un lobule ventral inférieur, formés d'une substance 
fibrillaire très dense et très fine, et un lobe dorsal 
formé d’une substance fibrillaire plus clairsemée et 
plus grossière, traversé par trois groupes de connectifs 
dorsaux. Le nerf abdominal a trois racines, dont une 
est dorsale et les deux autres se rendent dans la co- 
lonne ventrale et le lobule ventral inférieur. 

Un ganglion thoracique n’est pas autre chose, consi- 
déré dans son ensemble, qu'un ganglion abdominal 
auquel se surajoutent latéralement deux lobes cruraux, " 
Le nerf crural se compose de deux genres de fibres : 
des fibres très fines, noircissant sous l'influence de 
l'acide osmique et ne se colorant pas par le carmin 
après fixation par le sublimé, et des fibres plus 
épaisses, se colorant par le carmin : les premières de 
ces fibres se rendent dans la partie ventrale du gan- 
glion, et les secondes dans la partie dorsale, 

Le nerf alaire a deux racines principales : une dor- 
sale, qui contourne la face dorsale du ganglion et s'y 
perd, et une ventrale, qui aboutit à la colonne ventrale, 

Chez lesespèces aptésiques, c’est-à-dire qui ont perdu 
la faculté de voler (Blaps mortisaga, Timarcha tene- 
bricosa, Carabus auratus), dont les élytres sont immo- 
biles et les ailes membraneuses atrophiées, il se pro- 
duit une réduction : la racine ventrale du nerf alaire 
du second ganglion thoracique persiste seule; on peut 
en conclure que c’est là une racine sensitive. Le nerf 
alaire correspondant à l'aile atrophiée est représenté 
par un nerf grêle à deux racines, l’une ventrale, l'autre 
dorsale supérieure’; ce nerf devient alors un nerf pariétal 
du type des nerfs abdominaux; de même, dans l’état 
larvaire, le nerf alaire est représenté par un nerf du | 
type abdominal, F:| 


- Chez les Diptères qui possèdent un balancier, le nerf 


-{rès volumineux qui part de cet organe traverse la 
masse des ganglions thoraciques et se rend dans les 
“Sanglions de latête; M. Binet le considère pour cetle 

“raison comme un nerf de sensibilité spéciale, 

… Dans le premier ganglion abdominal de la Cigale, il 
existe un lobe vocal qui paraït être uniquement moteur. 

… Le ganglion sous-æsophagien résulte de la coales- 
cence de trois ganglions, qui, de même que pour les 
-cérébroïdes, sont soudés et fusionnés aussi bien chez la 
larve que chez l'adulte. Les trois ganglions sont : le 
“vanglion mandibulaire, le ganglion maxillaire et le 

. ganglion labial. 

“ Si l’on compare les ganglions abdominaux des 
“Insectes à ceux des Crustacés, de l’Ecrevisse par 

“exemple, on retrouve, dans ces derniers, les mêmes 
“dispositions générales. La principale différence parait 

“consister dans la présence, chez l'Ecrevisse, de tubes 

“nerveux géants qui parcourent les ganglions et les 

“connectifs, en traversant la région supérieure du lobe 

“dorsal ; ces tubes géants, qui sont à rapprocher de 

» formations analogues chez les Vers, n’ont point d’équi- 

«valent chez les Insectes. 

…. Après avoir étudié l'anatomie des ganglions des 

“Insectes, M. Binet a entrepris sur ces animaux quelques 

“expériences physiologiques relatives au mouvement de 

“manège et aux troubles de sensibilité et de mouve- 

“ment qui succèdent à une lésion des ganglions thora- 

_ciques. 

… Le mouvement de manège peut être provoqué arti= 
ficiellement chez les Insectes par lésion des ganglions 
et, en particulier, par une lésion des ganglions céré- 
broiïdes. Une lésion unilatérale du cérébroïde droit, 
par exemple, fait décrire à l'animal des cercles en sens 

“inverse des aiguilles d'une montre ; l’Insecte se dirige 
constamment vers la gauche; il fuit pour ainsi dire 
sa lésion. Cette rotation persiste longtemps, pendant 
des mois, jusqu’à la mort de l’animal, 

On peut faire apparaître le mouvement de manèg 
“chez un Insecte, sans faire subir de lésions à son sys- 
{ème nerveux, en placant un poids sur l’un des côtés 
du corps ; la marche de manège se produit alors lou- 
» jours vers le côté où la charge a été placée. La rota- 

“tion est le résultat de l'amplitude plus grande du pas 
avec les pattes du côté du corps opposé au sens de la 

- rotation, M. Binet attribue cette amplitude plus grande 
à une irrilalion qui retentit sur les pattes du côté 
opéré La cause primitive du mouvement de manège 
consiste donc, d’après lui, dans une excitation inégale 
des deux côtés du corps, excitation qui réveille, par 
association fonctionnelle, le mécanisme moteur du 

. fournoiement volontaire. 

Par une série d’autres expériences physiologiques, 

M. Binet a confirmé les données déjà anciennes de 
Dugès, Yersin, Newport et Faivre, à savoir que chaque 
ganglion de la chaîne sous-intestinale réunit à la fois 
les fonctions motrice et sensitive, et que, dans chacun 

- d’eux, le lobe ventral est sensible, tandis que le lobe 
dorsal est moteur. 

_ Cette courte analyse du mémoire de M. Binet, dans 
laquelle nous n’avons pu que signaler les faits Les plus 
saillants, suffira à montrer que l’auteur, auquel nous 
devons déjà de nombreux et importants travaux de 
psychologie, est en même temps un habile anatomiste 
et un physiologiste expérimenté. Ces brillantes qualités 
nous font regretter que M. Binet n’ait pas complété ses 
recherches en étudiant le développement du système 
sous-intestinal et ses transformations pendant le pas- 
sage de l’état larvaire à l’état adulte; il aurait certai- 
nement enrichi la science de données précises à cet 


égard. F, HENNEGUY. 
Meunier (Victor). — Sélection et perfectionne- 
ment animal. — 1 vol. de l'Encyclopédie scientifique 


des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H. 
Léauté. (Prix : cartonné, 3 fr.; broché, 2 fr. 50.) G. Mas- 
son et Gauthier-Villurs. Paris, 1895, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


901 


4° Sciences médicales. 


Wiiquel (P.), Chef du Service micrographique à l'Obser- 
vatot'e de Montsouris. — De la Désinfection des 
poussières sèches des appartements au moyen 
de substances gazeuses et volatiles. — 1 vol. in-8° 
de 192 pages. (Prix : 4 fr.) G. Carré, éditeur, 3, rue 
Racine, Paris, 1895. 

La désinfection d’un appartement est toujours une 
opéralion délicate, Si, dans les grandes villes, il est 
possible d'organiser un service de désinfection présen- 
tant des garanties suffisantes, dans les petites villes et 
surtout dans les campagnes il est matériellement im- 
possible d'obtenir de tels résultats. 

Et encore les hygiénistes sont-ils loin d'admettre 
que les procédés adoptés actuellement par nos agents 
sanitaires officiels réalisent l'idéal du progrès. Les 
pulvérisations de sublimé corrosif par les appareils du 
type Geneste el Herscher, sont loin d’assurer une 
aseplisation complète, el l’on comprend que, seules, des 
vapeurs ayant à la fois et un pouvoir microbicide suf- 
fisant et une force de pénétration considérable, peu- 
vent remplacer la chaleur humide. 

M. Miquel s'est attaché à l'étude pratique des diffé- 
renls gaz ou vapeurs proposés. 

Le champ d'étude était vaste, car il ne se passe pas 
de jour où des industriels n'annoncent la découverte 
d’un nouveau désinfeclant réunissant tous les deside- 
rata réclamés. M. Miquel fait justice à bon droit de la 
plupart de ces spécialités, qui ont l'inconvénient de 
coûter très cher, de masquer sous un nom d'em- 
prunt des substances toxiques et de donner enfin une 
illusion de sécurité. 

Nous ne pouvons analyser ce long mémoire; mais il 
nous suffira de mentionner quelques points particu- 
liers qui montreront l'intérêt de cet ouvrage essen- 
tiellement pratique. 

Abandonnant l'étude de l'action des antiseptiques 
sur les microbes cultivés en bouillon ou en plaques 
humides, l’auteur s’est surtout attaché à l'étude de la 
désinfection des poussières sèches. C'est sous cette 
forme principalement que les microbes pathogènes sont 
dangereux. 

L’acide sulfureux, si vanté jadis, n'a pu résister aux 
épreuves expérimentales. Bien mieux, les acides sul- 
fureux, phénique,+thymique, qui constituaient jadis 
les agents les plus en vogue, doivent céder leur place 
à des agents que l’on aurait crus moins actifs : telles les 
essences de camphre, de romarin, de lavande. Des 
linges trempés dans ces essences peuvent être em- 
ployés avec succès pour désinfecter un appartement. 

Voilà le bouquet de lavande de nos pères presque 
réhabilité, et des prescriptions qui nous semblaient si 
étranges contre la peste trouvent presque leur justifi- 
cation dans les travaux minutieux de M. Miquel. 

Le chlore, le brome, l’iode, trouvent grâce devant 
le distingué bactériologiste; mais il ajoute qu'ils ne 
peuvent être employés que dans des endroits dépouillés 
de tout objet susceptible de se détériorer. En réalité, 
ils sont à peu près impralicables. 

De toutes les substances employées, l'aldéhyde for- 
mique parait donner les meilleurs résultats. Il à été 
assez parlé déjà, dans celte Revue, des travaux de 
M. Miquel et de ses élèves et de ceux M. de Trillat pour 
que nous ne croyions pas devoir revenir sur cette 
partie du présent ouvrage. 

L’aldéhyde formique réunit, en effet, toutes les con- 
dilions demandées à un désinfectant pratique : effica- 
cité, maniement facile et non dangereux, modicité 
du prix de revient. Dr P,. LanGLois. 


Viau (G.), Professeur à l'Ecole Dentaire de Paris. — 
Formulaire pratique pour les maladies de la bou- 
che et des dents. suivi du Manuel opératoire de 
l’anesthésie par la cocaïne en chirurgie dentaire. 
__ 1 vol, in-1$8 de 512 pages. (Prix : 5 fr.) Societé d’E- 
ditions scientifiques. Paris, 1895. 


102 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


a —_—_— EE ZE 


Péan (D'), Membre de l’Académie de Medecine, Chirur- 
gien des Hôpitaux. — Leçons de Clinique chirurgi- 
cale, professées à lPHôpital Saint-Louis pendant les 
années 1889 et 1890, — 1 fort vol. in-8° de 1.550 pages 
avec 19 figures (Prix : 25 francs.) Félix Alcan, éditeur. 
Paris, 1895. 

Ce volume, le neuvième de la série, est divisé, comme 
les précédents, en trois parties, La première comprend 
dix lecons consacrées aux rétrécissements non cancé- 
reux du pharynx, aux tumeurs vasculaires du méat 
urinaire chez la femme, aux kystes de là région thyro- 
hyoidienne, aux tumeurs multiples des mâchoires, au 
traitement chirurgical qu'il convient d'appliquer aux 
tumeurs des maxillaires étendues aux parties molles 
de la face, aux affections dentaires dans quelques ma- 
ladies des mâchoires (ostéite, nécrose phosphorée, 
cancer), enfin au pincement appliqué à la cure des 
anévrysmes des gros vaisseaux. Signalons, parmi les 
plus intéressantes de ces lecons, celle qui a trait à un 
Cas, Croyons-nous, unique dans la science, d'oblitéra- 
tion complète de l’isthme du gosier de nature syphili- 
tique. L'auteur décrit cette affection sous le nom 
d'anhylose glosso-palatine el propose, pour y remédier, un 
procédé opératoire qui présente pour principaux avan- 
tages d’être applicable à toutes les adhérences vicieuses 
du voile du palais, quelle que soit leur origine, de pro- 
curer un résultat immédiat sans exposer le malade à 
l'asphyxie où nécessiter la trachéolomie préalable, 
entin de rendre à ce même voile du palais sa forme el 
sa mobilité normales, condition indispensable pour que 
le timbre de la voix ne soit pas altéré. La malade qui 
fait l'objet de cette lecon a été opérée et guérie par cette 
méthode, 

Dans la seconde partie de l'ouvrage se trouvent résu- 
mées les observations de tous les malades indistincte- 
ment qui ont passé dans le service de M, Péan en 1889 
et 1990, Cette statistique intégrale, qui occupe à elle 
seule 1.02% pages du volume, comprend 2.124 cas, dont 
1.013 ont été l’objet d'un traitement opératoire. La 
mortalité brute à été de 2,17°/,; mais sur cette pro- 
portion 7 décès seulement semblent avoir été la consé- 
quence de l'acte opératoire, ce qui abaisse la léthalité 
absolue à 0,69 ‘4. Si cet exposé complet de la pratique 
hospitalière d'un chirurgien tel que M. Péan a de l’in- 
térêt en raison de la personnalité de l’auteur, on peut 
regretter l'extension donnée à la relation de cas qui 
constituent la monnaie courante d’un service de chi- 
rurgie et au traitement desquels aucune amélioration 
n'a été apportée, aucun procédé nouveau n’a été ap- 
pliqué. 

De beaucoup plus attachante est la lecture des 
tableaux qui constituent la troisième partie ou-appen- 
dice. L'auteur y a réuni les opérations de sastrotomie, 
(y compris les hystérectomies et les hyslérotomies) 
pratiquées pour des tumeurs de l'ovaire, du ligament 
large et de l'utérus, du mésentère, du péritoine et des 
principaux viscères abdominaux. Au nombre de 583, 
elles élèvent le chiffre de ces sortes d'opérations faites 
par M. Péan depuis 14864 au 12° janvier 1892, à près 
de 2.100. On peut ainsi se rendre compte des perfec- 
tionnements apportés par l’auteur à la technique de 
ces interventions. Le choix de la voie vaginale pour le 
traitement opératoire d’un certain nombre d'affections 
de l'utérus ou des annexes, la méthode du morcelle- 
ment systématisée et généralisée, marquent les prinei- 
pales étapes des progrès réalisés par le chirurgien de 
Saint-Louis. Les lableaux placés à la fin de son livre 
contiennent la meilleure et la plus éloquente démons- 
tration de l’excellence des procédés qu'il a ou créés ou 
puissamment contribué à vulsariser. 

Dr Gabriel MaAurANGE. 


Demelin (Dr), Chef de Clinique d’Accouchement à la 
Faculté de Médecine de Paris. — La mort apparente 
du nouveau-né. — 1 vol. in 18 de 115 pages. (Prix, 
cartonné : 3 fr.) Société d'Editions scientifiques, 4, rue 
Anloine-Dubois. Paris, 1895. 


5° Sciences diverses. 


Lombroso (Cesare), — Grafologia.—1 vol. in-12 de 
2%5 p. avec T0 fac-simile. M. Hæpli, Milan, 1895. 


Quoique ce petit manuel, d’ailleurs élégant et léger, . 
paraisse surtout destiné aux gens du monde et aux 
amateurs d’aultographes, on peut s'étonner que 
lillustre anthropologiste italien qui l’a signé n'y ait 
imprimé nulle part la marque si forte et si originale. 
de son esprit. Pas une page marquée au coin de Cesare 
Lombroso. Alors que les bons juges estiment que la. 
graphologie, c'est-à-dire l'étude des rapports des 
formes de l'écriture individuelle avec les différents 
états mentaux, congénitaux ou acquis, avec le carac- 
tère propre et individuel, la structure et les fonctions 
du cerveau de chaque homme, tout en pouvant devenir 
une science, manque encore de principes et de mé- 
thode, si bien qu'il n'existe pas plus de psychologie 
que de physiologie scientifique de l’écriture, Lombroso 
aborde ce difficile sujet sans le moindre embarras et 
prend pour bon argent sonnant et trébuchant les théo- 


dti dan ar rh En lé état 


ries graphologiques de Michon et de Crépieux-Jamin, 

Le livre est divisé en deux parties. La première « 
traite de l'écriture chez les individus normaux; Ja 1 
seconde, chez les anormaux, les malades, les aliénés, 4 
les hommes de génie, les criminels et les hypnotisés. 
A peine pourrait-on citer les premières lignes qui » 


ouvrent ce livre, et qui m'ont rappelé quelques consi- 
dérations sur le même sujet d’un auteur que cite d’ail- 
leurs Lombroso, W.Preyer (Handschrift und Charakter). 
Un grand nombre de mouvements inconscients de nos 
muscles et de nos viscères, mesurés et enregistrés au 
moyen des appareils de Mosso et de Marey, nous ren- 
seignent, en même temps que sur les différents états 
émotifs,sur les conditions mêmes de l'intelligence. Le 
vague de ces expressions ne saurait faire comprendre 
que le papier est un appareil enregistreur, très sen- 
sible, de tout un ordre de manifestations inconscientes 
de l'individu, comme l'a très bien dit M, Héricourt, que « 
ne cite pas Lombroso. Les graphismes sont au scrip- 
teur ce que le sphygmogramme est à l’état du pouls,ce « 
que le cardiogramme est à l'état du cœur : la gran- 
deur, la vitesse, le rythme et jusqu'aux moindres os- M 
cillations de la circulation se trouvent ainsi fixés par 
une écrilure autographique, de tous points compa- 
rable à celle du cerveau, quoique infiniment plus 
simple et moins compliquée. Voilà bien, ce semble, 
les vrais termes du problème de la graphologie. 

En attendant, il y avait une étude de la plus haute 
portée à résumer, tout au moins : celle des centres 


pont dé 


uÉ A rt de st ts. 


“psychiques de lexpression graphique des idées et des 


( 

Ë 

| 

4 

* 
sentiments. «Il y a, dit Lombroso, des faits qui nous 
« forcent d'admettre un centre cérébral spécial de | 
« l'écriture, » Lombroso prend évidemment parti pour 
Exner, Charcot, Marie, Pitres, Souques, etc., contre 
Wernicke, Déjerine, P. Sérieux, Berckan, etc. C'est : 
son droit. Mais il ne dit mot des observations cliniques 
et des arguments d'ordre physiologique pour ou contre 
une localisation des images motrices graphiques du 
langase. A côté des agraphies sensorielles, que tout 
le monde admet, Lombroso paraît tenir pour l’exis- 
tence d’un centre graphique moteur indépendant, 
Quelle preuve nouvelle en apporte-t-il? Aucune. Il a 
écrit le nom de Marcé qui, dès 1856, avait établi 
l'indépendance respective de la parole et de lécri- 
ture. Mais combien le chapitre consacré à l'écriture « 
chez les aliénés paraît faible et superficiel à côté du 
travail de Marcé (186%) sur le même sujet! 

Des caractères de l'écriture communs aux hommes 
de génie, aux fous, aux épileptiques et aux criminels, 
mieux vaut ne rien dire. Parmi les génies, Lombroso 
cite Léo Lespès, A. Houssaye, Léon XIIL et Sarah Bern- 
hardt (p.176). Certaines analogies de l'écriture per- 
mettent à l’auteur de rapprocher Gyp, Charles Richet 
et Guizot, et tous les trois de Timothée Trim! Le cha- 
pitre le plus curieux de ce manuel est à coup sûr celui 

l 


des fac-simile des écritures decriminels. Jules Soury. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


903 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
1 Séance du 2? Septembre 1895. 


- {° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Paul Staeckel s’est 
proposé de déterminer toutes les substitutions d'une 
certaine forme qui transforment chaque couple de 
surfaces applicables l'une à l’autre dans un couple de 
a même nature, et il a reconnu que toutes les subs- 
titutions forment un groupe continu de transformations 
vec vingt-huit paramètres, semblable au groupe de 
rayons réciproques d'une variété de six dimensions. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ch. V. Zenger adresse 
une nouvelle note relative à la possibilité de prévoir 
… de grandes perturbations atmosphériques ou sismiques, 
i endant le passage des essaims périodiques d'étoiles 

flantes, quand on observe en même temps une grande 

activité à la surlace solaire. Le même auteur donne 

la description de son éclipsoscope, appareil pour voir 
-la chromosphère et les protubérances solaires. — 

M. Pech de Cadel adresse une note relative à l’em- 
- ploi des explosifs comme moyen de propulsion dans 
« la navigation aérienne. — M. Janssen donne des noy- 
… velles des travaux entrepris par la Société de l’Obser- 
- vatoire du Mont-Blanc. M. Bigourdan a déterminé 
« l'intensité de la pesanteur en plusieurs points et 
! M. de Thierry a fait quelques études au sommet sur 
l'ozone et la microbiologie. — M. Ch. Bouchard a 
= constaté la présence de l’argon et de l'hélium dans 
- cerlaines eaux minérales connuessous le nom d’uzouues ; 
= les gaz diffèrent suivant la provenance et contiennent 

soit seulement l'hélium, soit les deux gaz argon et 

hélium, peut-être avec d'autres éléments. — MM. Troost 
et Ouvrard reconnaissent la présence de l'hélium et 
de l'argon mélangés à l'azote en employant des tubes 


- de Plücker à fils de magnésium et une bobine de 
…_Ruhmkorf munie d’un interrupteur Marcel Deprez; 

on les fait agir directement sur l8 mélange : l'azote est 
« d'abord éliminé, les raies de l'hélium et de l'argon 
- äpparaissent et finalement ces deux gaz se combinent 
- aussi au magnésium sous l'influence de l’effluve. Le 

platine s> comporte de la même facon. — M. Raoul 
» Varet a poursuivi ses recherches thermiques sur les 
… sels doubles que forme le cyanure de mercure avec 
- les bromures alcalins, alcalino-terreux etles bromures 
. de zinc et de cadmium. Il déduit de cette étude 
« la constilution des bromocyanures, constitution 
- qui se trouve en parfait accord avec celle que font 
- prévoir certaines réactions chimiques, en particulier 

la formation des isopurpurates, — M. H. Pélabon a 

étudié la dissociation de l'acide sélénhydrique en tenant 

compte de l'absorption de ce gaz par le sélénium 
chauffé; pour chaque température, il a déterminé la 


valeur du rapport e de la pression partielle de l'hydro- 


» os an . , ” A . 
. gène pur à la pression partielle de l'acide sélénhydrique 
dans le mélange obtenu. Ces valeurs sont bien repré- 
sentées par une équation de la forme : 


M : 

L : = +NIET+S, 
équation déduite de l'étude thermodynamique de la 
dissociation. On déduit de là l'existence d’un maximum 
correspondant à la température de 575°, maximum 
donné par l'expérience, et, enoutre, la valeur de la cha- 
- leur de formalion de l'acide sélénhydrique; les valeurs 
« calculée et trouvée antérieurement par Fabre con- 
cordent parfaitement. — M. Paul Lemoult a étudié 
… l'action de l’acide carbonique, de l’eau et des alcalis 


Er de 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


sur l'acide cyanurique et ses sels de sodium et de 
potassium dissous. Les résultats donnés par l'expé- 
rience sont en parfait accord avec les prévisions ther- 
miques déduites de l'étude préliminaire de l'acide 
cyanurique. C. Marion. 


Séance du 9 Septembre 1895. 


M. le Président annonce à l'Académie la perte qu’elle 
vient de faire dans la personne de M.Lovéen, de Slock- 
holm, correspondant pour la Section d’Anatomie et de 
Zoologie, décédé le 3 Septembre dernier. 

4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Tacchini adresse 
le résultat des observations solaires faites à l’Obser- 
vatoire du Collège Romain pendant le premier se- 
mestre 1895. Le phénomène des taches solaires reste 
stationnaire et s'approche lentement du véritable 
minimum. Il semble aussi que les protubérances 
passent par le même minimum. L'auteur n'a pas 
observé d’éruptions métalliques. — M. Deslandres à 
étudié expérimentalement les efforts développés par 
les différences de température entre les deux semelles 
d’une poutre à travées solidaires. Il ressort de ces 
expériences que les différences de température donnent 
lieu à des efforts supplémentaires de compression 
et d'extension atteisnant fréquemment, pendant la 
saison chaude, le chiffre de 2k. par millimètre, Dans 
les pays chauds, l'effet peut être encore plus énergique 
et met les poutres à travées solidaires dans un état 
d’infériorité notable par rapport aux poutres à travées 
indépendantes, — M. Maurice Lévy insiste sur le tra- 
vail de M. Deslandres et fait voir qu'en substituant au 
calcul abrégé de l'auteur une étude plus approfondie 
du sujet, les résultats numériques obtenus ne sont pas 
exagérés, mais seront en général dépassés. La fin de 
la note présente un complément de la théorie classique 
des poutres droites tenant compte des fiuts précé- 
dents. — M. Mendeleef énonce un théorème permet- 
tant de représenter simplement l'aire d'une surface 
comprise entre un arc de parabole et deux ordonnées 
pour celle d’un trapèze commode à consiruire. 

20 Scrgxces puysiques. — M. de Nicolaiew adresse 
une note portant pour titre : Sur latentative pour mani- 
fester les courants du déplacement électrique et sur 
l'induction magnétique du fer à l’état alternatif. — 
M. Montessus de Ballore. en se fondant sur les nom- 
breusesobseryations de tremblements de terre effectuées 
au Japon en 600 stations distinctes, détermine la limite 
supérieure de l'aire moyenne ébranlée par une secousse 
séismique ; il la trouve égale à environ 1.200 kilo- 
mètres carrés, équivalente à un cercle d'ébranlement 
de 19km. 54 de rayon ou à deux fois et demie la surface 
du département de la Seine. — MM. C. Matignon et 
Deligny ont étudié la chaleur de combustion des 
dérivés nitrés avec liaison au carbone ; ils concluent 
des résultats obtenus : 1° Les isomères de position, 
comme on l’a toujours trouvé jusqu'ici, ont la même 
chaleur de combustion aux erreurs d'expérience près; 
2% Le travail de la substitution nitrée avec liaison au 
carbone est très sensiblement constant etindépendant 
de la fonction ou des fonctions du corps où l’on effectue 
la substitution, — M. L. Maquenne a étudié la for- 
mation et la propagation de l’onde explosive dans les 
gaz endothermiques seuls en opérant sur le protoxyde 
d'azote et l’acétylène. Le protoxyde d’azote fait explo- 
sion sous l'influence d’une trace de détonateur et 
l'onde explosive se propage régulièrement L'acétylène, 
au contraire, n'éprouve une décomposition que sous 
l'influence d’un poids élevé de fulminate et, dans des 
tubes de 3 centimètres de diamètre, l'onde explosive 


904 


ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ne se propage pas. Il y aura lieu de tenir compte de 
ces faits dans les applications industrielles de lPacéty- 
lène. C. MATIGNON. 

3 SCIENCES NATURELLES. — M. P. Fauvel signale l'in- 
fluence de l'hiver 1894-95 sur la faune marine, En dehors 
des effets directs du froid, qui a fait périr sur place 
un grand nombre d'animaux marins de tous les 
groupes, lant au voisinage de la surface qu’en pro- 
fondeur où Paction du froid semblerait ne pas devoir 
se fairesentir, des constatations d’un haut intérètont été 
faites sur les variations de la faune surtout à St-Vaast- 
la-Hougue. C’est ainsi que l'effet du froid a été de faire 
apparaitre à la côte un certain nombre d'espèces qui 
vivent soit plus profondément, soit dans les régions bien 
plus septentrionales. C'estainsi que, tout près du Labo- 
ratoire maritime, on pouvait recueillir l'Amphioæus lan- 
ceolatus, l'Ampharele Grubei, Amphicteis Gunneri, Phyl- 
lodoce teres, elec. — M. Sauzier décrit une gigantesque 
tortue terrestre, d'après un spécimen vivant des îles 
Egmont. Cette espèce serait Testudo Daurdinii ; Sa hau- 
teur est de 0 m. 76 et l'animal mesure 4 mètres de cir- 
conférence à la base. Son poids est de 240kilogrammes, 
— M. Depéret fourniiles résultats des fouilles paléon- 
tologiques dans le Miocène supérieur de la colline de 
Montredon, près Bize(Aude).A côté du Dinotherium très 
abondant, on a trouvé l'Hipparion gracile, le Simocyon 
diaphorus, parmi les Carnassiers qui n’avaient pasencore 
été découverts en France, enfin diverses pièces d'un 
Ursidé dans lequel l'auteur est porté à voir un type In- 
termédiaire entre les Hyænuwretos du Miocène etles ours 
pliocènes. J. MARTIN. 


Séance du 16 Septembre 1895. 


1° SCIENCES MATHÉMATHIQUES. — M. Paul Serret 
énonce un certain nombre de théorèmes concernant 
les équilatères. — M. le Secrétaire perpétuel présente 
le tome VI des Œuvres de Christian Huygens, publiées 
par la Sociélé de Harlem, et annonce en mème temps 
la mort de M.Bierens de Hahn, qui avait pris une part 
importante à la rédaction de ces mémoires. 

90 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. H. et A. Malbot ont effec- 
tué des recherches sur Les phosphates d'Algérie; ils ont 
reconnu à Bougie l'existence d’une roche phosphatée pré- 
sentant la composition d'un superphosphate, et l'étude 
analytique de ces minéraux les a conduits aux conclu- 
sions suivantes : 4° La présence de matières organiques 
peut produire une erreur en moins, quand on dose 
l'acide phosphorique par précipitation directe à l'état 
de phosphate ammoniaco-magnésien, en liqueur ci- 
trique, et cette erreur n’estpas toujours atténuée quand 
on évapore préalablement le phosphate avec de Pacide 
azotique, au bain de sable, 2° La mème erreur ne se 
produit pas quand on dose l’acide phosphorique par 
précipitation préalable à l’état de phosphomolybdate 
d'ammoniaque. 3° L'accord entre les deux méthodes 
devient absolu quand on détruit la matière organique 
par calcination au rouge. — Ch. V. Zenger adresse 
une note signalant les perturbations atmosphériques 
qui se sont produites les 10 et 11 Septembre en certains 
points de l’Europe centrale, conformément à ses pré- 
visions. GC. MATIGNON. 

30 SCIENCES NATURELLESs, — M. Alex. N. Vitzou, en 
poursuivant ses recherches sur la physiologie des lobes 
occipilaux, a pu découvrir la présence de cellules et de 
fibres nerveuses dans la substance de néoformation, 
chez le singe, après Pablation complète des lobes occi- 
pilaux depuis deux ans et deux mois, On sait que 
l'ablation totale des lobes occipitaux amène, chez le 
singe et le chien, une perte complète de la vue. En 
répélant cette expérience sur un singe, l’auteur à 
remarqué que l'animal commencait, vers le quatrième 
mois, à apercevoir les personnes et les objets, Au bout 
de deux ans et deux mois, le singe devenait capable 
d'éviter les obstacles. En répélant lopération, après 
avoir dénudé le crâne et enlevé avec précaution la 
couche fibreuse conjonclive qui fermail les anciens 
orifices de trépanation, l’auteur à pu voir l’espace 


occupé auparavant par les lobes occipilaux, rempli » 


complètement par une masse de substance nouvelle- 
ment formée dans laquelle on à pu constater la pré- 
sence de cellules nerveuses pyramidales et de fibres 
nerveuses. Ce fait démontre donc la possibilité de la 
régénération du tissu nerveux dans le cerveau, et, par 
là, l'amélioration, quoique très imparfaite, du sens de 
la vue. J. MaRTIN. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 17 Septembre 1895. 
M. Ferrand termine ses essais physiologiques sur la 
musique et conclut qu’elle est capable d'agir sur le 


lieu des sensations motrices et auditives et sur le lieu 
des images qui correspondentà ces sensations, capable, 


par conséquent, de susciter les idées sensibles et les » 


sentiments qui s'y raltachent. — M, le D'Corlieu lit 
un mémoire sur les anciens bâtiments de la Faculté de 
Médecine de Paris. 


SOCIETE ROYALE DE LONDRES 
SCIENCES NATURELLES 

NVilliam HR. Jack M. D. — Sur l'analyse des 
mouvements volontaires à l’aide de certains ins- 
truments nouveaux. — Le but de ces recherches était 
de déterminer la plus grande rapidité que pouvaient 
atteindre les mouvements volontaires et dans quelle 
mesure cette rapidité peut être affectée par l’âge et 
l'éducation; elles ont été limitées à l’étude des mou- 
vements des doigts qui ont été analysés au moyen 
de l'appareil enregistreur imaginé par le professeur 
Mac Kendrick, — Les mouvements étudiés ont été 
les suivants : {° La contraction simple d'un seul 
doigt; 2 la contraction simple des doigls se con- 
tractant simultanément; 3° les mouvements de l'écri- 
ture, Les expériences ont porté sur 25 personnes, dont 
deux constiluaient des cas pathologiques. Les sujets 
normaux comprenaient : 5 personnes qui avaient recu 
une éducation manuelle spéciale (musiciens), 9 qui 
avaient recuune éducation manuelle moyenne (gens 
cultivés), et 9 une éducation manuelle intérieure (ou- 
vriers habitués seulement à de gros ouvrages). Les 
vitesses données ne représentent pas les vitesses réelles 
des mouvements, mais les conditions expérimentales 


étant les mêmes pour tous les sujels, ces vitesses. 


peuvent être utilement comparées entreelles. Les résul- 
tats obtenus ont été les suivants — : Mouvements com- 
binés des doigts (aucun tracé n'a été pris sur les musi- 
ciens). 1° Chez les gens d’une éducation manuelle in- 
férieure, la vitesse est égale pour les deux mains, 2° 
Chezles gens d'une éducalion manuelle moyenne, la 
vitesse est plus grande pour la main droite; l'auteur, 
dont les deux mains ont élé également exercées, à la 
même vitesse avec les deux mains. 3° La vitesse est 
plus grande pour la main droite chez les gens d’éduca- 
tion manuelle moyenne que chez ceux d'éducation 
manuelle inférieure, # La vitesse de la main gauche 
est la même pour les gens des deux catégories, — Con- 
traction isolée d'un seul doigt : 4° La vitesse des deux 
premiers doigts est à peu près égale et supérieure à 
celle des troisième et quatrième doigts qui ont, eux 
aussi, une vitesse presque égale, 2 La vitesse de 
chaque doigt est pratiquement identique aux deux 
mains. 3° La vitesse des mouvements des doigts n’est 
pas modifiée d’une facon appréciable par l'éducation. 
4° La vitesse des mouvements de flexion est,en moyenne, 
un peu plus grande que celle des mouvements d’exten- 
sion, mais, dans 2 cas sur les 8 qui ont été examinés, 
ces deux vitesses étaient identiques. 5° La vilesse des 
mouvements isolés des doigts est plus grande que celle 
de leurs mouvements combinés. — Mouvements de l'écri- 
ture : 1° La vitesse moyenne est pratiquement la mème 
chez les musiciens et chez les gens qui ont reçu une 
éducation manuelle moyenne, 2° Lavitesse des ouvriers 
est beaucoup moindre que celle des gens des deux autres 


dde: 


LE . 
+ classes. 3° La vitesse est toujours très inférieure à celle 
… des mouvements combinés des doigts. 4° Les parties 
- courbes des lettres et des figures sont tracées plus len- 
“ tement que les parties rectilignes et la rapidité avec 
… laquelle une courbe est tracée varie, à peu près, comme 
£ le rayon de courbure. L'influence de l’éducation est 
S donc maxima sur les mouvements de l'écriture, mini- 
… ma sur les mouvements isolés des doigts. La rapidité 
- des mouvements diminue et la différence entre les 
diverses classes de sujets s’accroit à mesure qu'il s’agit 
4 de mouvements plus complexes. — Influence de l’'äge. 
“ 4° La rapidité des mouvements de l'écriture diminue à 
“ mesure que l’on s'approche de la vieillesse. 2° Elle est 
maxima de 20 à 29 ans et décroît avec chaque décade 
“ à partir de ce moment. 3° Ce ralentissement est plus 
marqué chez les hommes qui n'ont pas d'éducation de 
. Ja main. L'influence de l’âge est beaucoup moins mar- 
quée sur les deux autres classes de mouvements. Les 
_ résultats fournis par les deux cas pathologiques 
(H. #1 ans, sclérose latérale; H. 50 ans, tremblement 
. des mains consécutif à une syphilis), ont été tout à fait 
semblables. Dans d’autres recherches, M. W. R. Jack a 
appliqué à l'étude des phénomènes de fatigue un nou- 
vel instrument qu'il a imaginé. Il consiste en une 
longue barre d’acier, fixée solidement dans un tenon 
de fer et portant à son extrémité, attachée par uncram- 
pon, une plaque de verre fumé de 6 pouces carrés. Elle 
est mise en mouvement par un électro-aimant, par le- 
quel passe le courant d’une batterie d'accumulateurs, 
-et fait par seconde 54 vibrations doubles. On adapte 
un ergographe de Mosso à l'instrument, dont la partie 
enregistrante peut lentement glisser sur des rails de 
dessous le levier enregistreur, qui inscrit les mouve- 
. ments du doigt chargé. Une série de contractions et de 
relàächements, partagés par les oscillations de la barre 


: 
. 


1 ie er 
_èn de seconde, est ainsi enregistrée sur chaque 


plaque. Quatre sujets normaux et deux sujets patholo- 
 giques ont été étudiés ; des séries de tracés ont été 
. pes avec des poids de 1/2kilog., 1 kg., et 2 kg. 

les montrent que la fatigue diminue à la fois l’inten- 
sité et la rapidité des contractions. Cette diminution 
est graduelle et uniforme avec de petits poids ; avec 
des poids plus considérables, elle se produit plus vite 
et ne suit pas une progression régulière. 


H. Charlton Bastiau F. R.S., Professeur de Cli- 
nique médicale à University College (Londres). — Note sur 
les relations des impressions sensitiveset des cen- 
tres sensitifs avec les mouvements volontaires. — 
Dansune communication récente à la Société Royale 
sur l'influence des nerfs sensitifs sur le mouvement et 
la nutrition des membres, MM. Mott et Sherrington ont 
misen lumière des résultats de la plus haute impor- 
tance. Ils ont montré que la section de toute la série des 
- racines Sensitives qui innervent un membre détermine 
immédiatement une paralysie motrice durable dans le 
membre ainsi anesthésié, L'interprétation de ces résul- 
tats semble à première vue très difficile. Les auteurs du 
mémoire, après avoir rapporté les vues que M. Bastian a 
émisesrelativement à l'importance fondamentale des im- 
pressions sensitives pour la production des mouvements 
volontaires, proposent l'explication suivante : « Nous 
pensons que ces expériences ont une portéeplus grande 
encore que ses arguments pour établir l'influence des 
sensations sur les mouvements volontaires, car elles in- 
diquent que, non seulement l'écorce, maistous les trac- 

setus nsitifs, depuis la périphérie jusqu’à la corticalité 
cérébrale, sont en activité pendant les mouvements vo- 
-Jontaires. M. Bastian ne peut accepter cette interpréta- 
tion, qui est encontradiction avec des faits d'ores et déjà 
nettement établis. Les recherches cliniques ont prouvé 
que, dans les cas d’hémianesthésie dus aux lésions ou 
aux troubles fonctionnels de la partie postérieure de la 
capsule interne, non seulementil n'ya pasparalysie des 
membres ainsi privés de toute sensibilité, mais encore 
il n’y a qu’une faible diminution de l'aptitude à accom- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


905 


plir les yeux ouverts les mouvements les plus délicats. 
Ce qu'il faut donc expliquer, c’est : comment la section 
des racines sensitives détermine une paralysie que ne 
détermine, à aucun degré, la sectionintra-encéphalique 
des conducteurs sensitifs. Depuis plusieurs années, 
M. Bastian a soutenu, enopposition aveclesthéories gé- 
néralement acceptées, qu'il n’y avait aucune preuve 
de l’existence de centres moteurs dans l'écorce céré- 
brale ;tandis que, d’autre part, ilyavaitdes raisonsnom- 
breuses de supposer que les régions de l'écorce, que lon 
supposeêtre motrices, constituent en réalité des centres 
sensitifs du type kinesthétique. IL a tenté de montrer 
que les impressions sensitives et l’activité des centres 
sensitifs ont précisément le rôle attribué aux préfendus 
centres moteurs corticaux, et que c’est une erreur fon- 
damentale de supposer qu'il existe des centres moteurs 
corticaux pour l’accomplissement des mouvements vo- 
lontaires, à part des centres des mouyements réflexes. 
En d’autres termes, M. Bastian a soutenu qu'il n’y a de 
véritables centres moteurs que dans la protubérance, le 
bulbe etla moelle, et que ces centres peuvent être mis 
en activité par les excitations qui viennent, soit de 
l'écorce (mouvements volontaires), soit des appareils 
sensitifs périphériques (mouvements réflexes). C’est de 
la première catégorie de mouvements qu'il y a seule- 
ment à s’occuper ici. L'auteur a étéle premier, en 1869, 
à affirmer, en opposition avec les idées physiologiques 
alors en cours, l'existence decentres sensitifs distincts 
dans l'écorce cérébrale. Il a montré comment cette hypo- 
thèse suffisait àexpliquer les diverses formes detroubles 
dela parole, etil a été suivi dans cette voie par Broadbent,. 
Si l’on se place à ce point de vue, les mouvements d’o- 
rigine corticale peuvent se diviser en deux catégories : 
1° les mouvements du langage, qui sont dus, comme on 
sait, à l’action combinée des centres auditifs et kines- 
thétiques ; 2 les mouvements des membres et les autres 
mouvements du corps, qui sont dus à l’action combinée 
des centres visuels et kinesthétiques. Les centres kines- 
thétiques semblent ne pas avoir d'action indépendante, 
mais réagir simplement à l'excitation qui leur vientdes 
centres auditifs ou visuels. — Mouvements de la parole. 
Lesimages qui constituent le mot semblent être princi- 
palement des images auditives, et, si les mots ont été 
prononcés, des excitations partant des centres auditifs 
doivent passer par des fibres d'association aux parties 
des centres kinesthétiques qui leur sont directement 
reliées, et constituent ce que l’auteur a appelé centres 
glosso-kinesthétiques, centres situés dans la partie 
postérieure de la troisième circonvolution frontale et 
à son voisinage, Si l’on admet, comme les faits ana- 
tomo-cliniques semblent l’établir, que la portion des cen- 
tres auditifs, destinés à l'enregistrement des images ver- 
bales, est située à la partie postérieure de la circonvo- 
lution temporale supérieure, les fibres d'association 
en question devraient passer, pour atteindre le centre 
glosso-kinesthétique au-dessous de l’insula de Reil. 
De cette région, les excitations combinées iraient 
atteindre, à travers la capsule interne, les véritables 
centres moteurs du langage, situés dans le bulbe. On 
a prouvé que des mouvements de la parole peuvent 
être paralysés par des lésions portant sur un point 
quelconque de cet ensemble de fibres et de cellules. 
Des lésions de l’un ou l’autre des deux centres sensitifs 
détermine l’aphasie tout aussi certainement que les 
lésions du centre bulbaire. Si la lésion porte sur le 
centre auditif verbal, elle produira la cécité verbale 
aussi bien que la perte de la parole; si elle porte sur 
le centre glosso-kinesthétique, elle produira seulement 
la perte de la parole. En opposition à la doctrine de la 
stricte localisation de l’aphasie, qui en fait un symp- 
tôme lié toujours et uniquement à une lésion de la 
troisième crconvolution frontale, l’auteur a depuis 
longtemps soutenu que des troubles exactement sem 
blables pouvaient résulter de la destruction des fibres 
commissurales en un point quelconque de leur trajet, 
ce qui fournit une explication des nombreux cas rap- 
portés par Meynert et d’autres auteurs où l’aphasie a 


906 


eu pour cause une lésion de l’insula de Reil. On sait, 
d'autre part, aepuislongtemps, que les lésions des fibres 
internonciales peuvent déterminer une paralysie des 
mouvements de la parole identique à celle causée par 
les lésions des centres moteurs bulbaires. Pour la lec- 
ture à haute voix, une autre série de centres entre en 
jeu. Les impressions visuelles provenant de la page 
imprimée, exercent leur action sur le centre visuel et 
sont transmises de là, par les fibres commissurales, à 
la partie du centre auditif où elles aboutissent, et de 
là, l'excitation transformée passe au centre glosso- 
kinesthétique, puis au bulbe. La conséquence, c’est 
que, lorsqu'une lésion porte sur les fibres visuo-audi- 
tives, le sujet est incapable de lire à haute voix, de 
nommer les objets ou même de simples lettres, bien 
qu'il puisse répéter immédiatement les mots ou les 
lettres qu'on prononce devant lui. Rien ne saurait 
mieux montrer qu'il faut localiser dans des centres 
sensitifs les excitations qui donnent naissance aux 
mouvements volontaires. — Mouvements des membres. 
Le sens visuel, dans le cas des mouvements des 
membres, joue le même rôle que le sens auditif pour 


les mouvements du langage. C'est dans une large me-. 


sure, grâce au sens visuel, que nous apprenons de nou- 
veaux mouvements ; les sensations visuelles sont, du 
reste, assistées dans cette tâche par les sensations kines- 
thétiques quileur sontassociées. Lorsque, dans la suite, 
nous voulons répéter un mouvement, ce désir s’accom- 
pagne d’une conception du mouvement, c’est-à-dire 
d’une réviviscence, dans la mémoiresubconsciente, des 
impressions visuelles et kinesthétiques qui sont liées 
à cemouvement. Les mouvements des membres comme 
les autres peuvent être paralvsés soit par des lésions 
organiques, soit par des troubles fonctionnels. — 
A. Lésions organiques. Si les centres kinesthétiques en 
relation avec le membre sont détruits, la paralysie du 
membre en résulte en même temps que la perte du 
sens musculaire et de toutes les impressions kinesthé- 
tiques. Jusqu'à présent, il n’y a pas d'exemples, chez 
l'homme, de paralysie des mouvements des membres 
consécutifs à une lésion du centre visuel ou des com- 
missures qui existent entre lui et les centres kinesthé- 
tiques, comparables à la paralysie des mouvements 
de la parole consécutive aux lésions du centre audi- 
tif ou des fibres commissurales audito-kinesthétiques, 
sauf cependant en un cas, celui des mouvements de 
l'écriture. Mais ilest certain que la destruction du 
centre visuel verbal gauche rend incapable le sujet 
d'écrire un mot ou même une simple lettre. Des expé- 
riences sur des animaux tendent à montrer que la sec- 
tion des fibres visuo-kinesthétiques détermine la même 
paralysie des membres que la destruction des centres 
kinesthétiques eux-mêmes. M. Marique a constaté, et 
ses résultats ont été confirmés par MM, Ener et Paneth, 
que l'isolement des centres kinesthétiques, par la sec- 
tion des fibres qui les unissent aux autres centres sen- 
sitifs de l’écorce détermine une paralysie identique à 
celle que cause l’extirpationde ces soi-disant centres 
moteurs, Marique a, de plus, constaté que les mêmes 
contractions musculaires étaient produites par l’exci- 
tation électrique des centres kinesthétiques après 
qu'ils avaient été ainsi isolés, ce qui montre qu'ils 
avaient conservé leur excitabilité et leur connexion 
avec les faisceaux pyramidaux. — B. Troubles fonction- 
nels. Les troubles fonctionnels déterminant la pa- 
ralysie des membres peuvent siéger soit dans Île 
cerveau, soit dans la moelle : a. Troubles fonctionnels 
cérébraux. À cette catégorie appartiennent les cas de 
paralysie hystérique, où des troubles temporaires dans 
la nutrition des centres kinesthétiques déterminent 
l'apparition de troubles moteurs temporaires et 
curables (monoplégies, hémiplégies ou paraplégies), 
toujours associés à une perte correspondante du sens 
musculaire et à des troubles plus ou moins marqués 
de la sensibilité générale. Ces formes de paralysie 
fonctionnelle sont souvent combinées avec une hémi- 
anesthésie complète, simple ou double, due probable- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ment à des troubles de nutrition de la région sensitive 
de la capsule interne. Dans certains cas, les malades 
peuvent accomplir des mouvements aussi longtemps 
qu'ils ont les yeux ouverts; mais ils deviennent inca- 
pables des mouvements les plus simples dès qu'ils 
ont les yeux fermés. Ces’ faits peuvent s’expli- 
quer par l'existence de troubles de nutrition moins 
marqués des centres kinesthétiques, Ces centres 
pourraient fonctionner sous l'influence de l’excita- 
tion plus forte qui leur viendrait des centres visuels 
lorsque leurs yeux sont ouverts, tandis qu'ils ne pour- 
raient être mis en action par des excitations plus 
faibles que leur transmettent les centres visuels 
lorsque leurs yeux sont fermés. — b. Troubles fonction- 
nels médullaires. C’est dans cette catégorie qu’à l’opi- 
nion deM. Bastian, viennent se ranger les formes de 
paralysie qu'ont déterminées MM. Mott et Sherrington 
par la section de toutesles racines sensitives des nerfs 
qui se rendent à un membre. On connaît depuis long- 
temps des formes de paralysie due à des lésions por- 
tant sur les grandes cellules de la corne antérieure, 
résultant, par exemple, de la poliomyélite, L'auteur a 
cherché à établir qu'ilexiste des cas de paralysie fonc- 
tionnelle de types médullaires, qui sont dus à des 
troubles fonctionnels des mêmes régions de la moelle, 
qu'il faut distinguer nettement des troubles d’origine 
cérébrale, désignés d'ordinaire sous le nom de troubles 
hystériques. Les expériences de MM. MottetSherrington 
semblent fournir la preuve expérimentale de l’exis- 
tence de l’une de ces formes de paralysie fonctionnelle 
d’origine spinale, Au lieu d’une activité fonctionnelle 
diminuée des centres kinesthétiques cérébraux, nous 
avons affaire ici à une activité fonctionnelle diminuée des 
centres moteurs de la moelle, de telle sorte qu'ils ne 
sont plus capables de répondre aux excitations qui 
viennent de l'écorce. Tous Îles détails fournis par 
MM. Mottet Sherrington concordent avec l'hypothèse 
que l’animal n’est point devenu incapable de vouloir, 
mais que les centres moteurs sont, en raison du défaut 
d’excitation provenant de la périphérie, devenus inca- 
pables de réagir aux excitations d’origine corticale. 
Le fait que la paralysie n'apparaît que lorsque toutes 
les racines sensitives sont coupées et qu’elle va crois- 
sant de la racine à l’extrémité du membre, le fait aussi 
que les mouvements les plus indépendants et les plus 
délicatement adaptés qu'emploient les masses mus- 
culaires plus petites et plus individualisées du pied et 
de la main, sont ceux qui sont les plus complètement 
entravés, bien qu’ils puissent sembler confirmer lin- 
térprétation de MM. Mott et Sherrington, à savoir que 
c'est la volition même qui est ici lésée, s’expliquenttout 
aussi bien dans l’hypothèse de l’auteur: on le com- 
prendra si on a présent à l'esprit le chevauchement 
des champs d’innervation des racines sensitives et le 
fait que les excitations très délicates qui vont à de très 
petits muscles doivent être, de toutes, les plus impuis- 
santes à mettre en activité les centres médullaires pa- 
resseux., MM. Mott et Sherrington ont constaté que, 
lorsque l’animal pouvait être amené à « lutter », les 
mouvements reparaissaient, par exemple lorsqu'il se 
débat parce qu'on le tient maladroitement. Le fait peut 
s'expliquer dans l'hypothèse émise ci-dessus. Les 
muscles, incapables de réagir aux excitations volition- 
nelles ordinaires, peuvent répondre à ces excitations 
lorsqu'un appoint émotionnel les rend plus intenses. 
L’excitation électrique des centres kinesthétiques dé- 
termine aisément des mouvements du membre dont 
toute l’innervation sensitive a été ainsi supprimée. 
Mais c’est que cette excitation électrique doit être dif- 
férente de celle qui se transmet normalement de 
l’écorce aux centres moteurs de la moelle pendant un 
acte volontaire. Ces faits et les interprétations qu’en 
donne l’auteur montrent qu’on est arrivé à une po- 
sition bien différente de celle où l’on était placéil 
y a vingt ans, alors que l’on considérait les centres 
corticaux des mouvements volontaires comme de 
véritables centres moteurs. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 


La Société vient de recevoir les communications 
suivantes : 
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — Rapport sur le mémoire 
- de M. M. van Overeem, Jr. : Sur les points remarqua- 
bles des polygones inscriplibles. Ce mémoire forme un 
- nouveau supplément à la géométrie moderne du 
. triangle étudiée dès 1873. Tandis que MM. Fucker, 
_Neuberg et Casey ont étendu la géométrie dutriangle, 
et surtout les propriétés du cercle de Brocard, aux 
É polygones harmoniques, que l’on obtient en appliquant 
… sur les polygones réguliers la transformation par 
— rayons vecteurs réciproques, l’auteur étend à des poly- 
1 gones inscriptibles les propriétés qui se rapportent à 
La droite d'Euler et au cercle des neuf points. — 
À M. J.-A.-C. Oudemans offre le tome IV de sa Triangu- 
…_ lation de Java (examen minutieux des instruments, 
} étude judicieuse des fautes de division, détermination 


L.-d 


FM" | 


de la longitude de Batavia par rapport à Greenwich, 
FT 445,5). 

2% SciENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals con- 
tinue son étude des caractères distinctifs par rapport à la 
- forme de la courbe de plissement dans le cas d’un mé- 
… ange de deux matières (Rev, gén.des Sc. VI, p.648). D'a- 
è bord, il donne une déduction nouvelle de l’équation 

différentielle de la courbe. Ensuite, il trace le chemin 
qu’on aura à suivre pour parvenir à la connaissance de 
… p, V, = à l’état critique, en fonction de x, æ et 1 — x 

indiquant le rapport des deux matières constituantes. 

— M. H. Kamerling Onnes présente une note de 
- M. J.. Verschaffelt (Gand) sur l'ascension des gaz 

liquéfiés dans un tube capillaire. Les expériences ont 

été entreprises dans le but de soumettre à une nou- 
- velle vérification la théorie de la capillarité, donnée 
» par M. van der Waals. Les gaz employés sont l’anhy- 
dride carbonique et le protoxyde d’azote; ces gaz, qu'on 
trouve dans le commerce, ont été purifiés d’après un 
- procédé déjà décrit de M. Kuenen. La méthode d’ob- 
- servation est essentiellement la même que celle em- 
ployée par M. de Vries, dans ses recherches sur la ten- 
- sion superficielle de l’éther. Les observations ont été 
- faites au voisinage de la température ordinaire et à 
la température d’ébullition du chlorure de méthyle (en- 
viron-24°). L'énergie superficielle a été calculée au 
moyen de la formule & = 9 (çv — pa) r; la hauteur 


d'ascension vraie est déduite de la hauteur observée 
en y apportant deux corrections relatives aux ménis- 
ques; les densités # et pa ont été empruntées aux tra- 
vaux de MM. Cailletet et Mathias. 


‘3 


; 


Anhydride carbonique Protoxyde d'azote 


t— "200,9 oc — 1,00 ergs GEL o— 1,14 ergs 
15932 ,82 140,4 2,50 
8°,9 2,90 —249,0 992 


D'après M. van der Waals, les valeurs de & doivent 
vérifier la formule 5 — A (1 — m}", m étant la tempé- 
rature réduite, À et B des constantes indépendantes 
de Ja nature des liquides; au voisinage de la tempéra- 


ture critique, B doit être égal à = Or, les résultats 


précédents sont parfaitement représentés par une pa- 
reille formule si l’on pose : 


, Pour CO? ; Pour Az?0 : 
log A — 1,934 log À — 1,945 
Bai B —1,333 


Les valeurs des constantes sont sensiblement les 
mêmes que pour d’autres liquides; les valeurs de B 
sont même plus rapprochées de la valeur théorique. 
2 
M; 


; 


L'énergie superficielle moléculaire est ox = 6 


2 
(gv)s 


sa dérivée par rapport à { doit avoir même valeur pour 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


907 


tous les liquides non associés. Pour CO?, on trouve 
2,22, et pour Az?0 2,20, deux nombres très rapprochés 
de la valeur moyenne 2,27 trouvée par MM. Ramsay 
et Shields. — M. A.-P.-N. Franchimont présente les 
résultats de l’examen de M. C. Lobry de Bruyn sur 
la préparation et les propriétés de l’hydrazine libre. 
L’hydrazine libre AZ2H*, dont les sels et l'hydrate 
Az-H60O ont été découverts par M. Curtius, était in- 
connue jusqu'ici. L'auteur a préparé cette base : 1° en 
décomposant le sel Az2H*HCI dissous dans l'alcool 
méthylique absolu, au moyen de méthylate de sodium; 
2° en chauffant l’hydrate avec de l’oxyde de baryum à 
une température de 1009 (voir Recueil, t. XIII, p. 433; 
t. XIV, p. 88). L’hydrazine libre est un Hquide un peu 
épais, présentant [a même odeur que l’hydrate. Elle 
peut être portée à l’ébullition sans subir une décom- 
position. Son point d’ébullition est de 413°,5 à 761 mil- 
limètres, et de 56° à 71 millimètres, Refroidie dans 
un mélange de glace et de sel, elle se solidifie; son 
point de fusion est environ <- 2°,3, Le poids spécifique 


(d a) est de 1,0075, par conséquent à peu près égal 


à celui de l’hydrate (qui bout à 119). Exposée à l'air, 
la base fume fortement et s’oxyde facilement en faisant 
naître de l'azote. Elle brèle à l'air. L’hydrazine est de 
beaucoup plus stable que l’hydroxylamine, et, con- 
trairement à cette base, non explosive.Les particularités 
ultérieures de cette recherche qui se continue seront 
publiées bientôt dans le Recueil des travaux chimiques 
des Pays-Bas. — M. J.-M. van Bemmelen fait une 
seconde communication se rapportant à ses recherches 
détaillées sur la forme de la courbe isotherme (p, €) 
de l'hydrogel de l'acide silicique à 15° (p = pression 
de la vapeur d’eau, « — teneur en eau de l’hydrogel), 
savoir la courbe de déshydratation, de rehydratation 
et de redéshydratation. Sur cette courbe, il a trouvé 
un point singulier, où le gel homogène se trouble et 
devient opaque, pour redevenir translucide après, et 
où la courbe prend sur une certaine étendue un 
cours presque horizontal. Il fait voir comment la po- 
sitio de ce point remarquable de la courbe varie avec 
les modifications que l’hydrogel a subies, dépendantes 
de l’état initial (à son tour variable avec la méthode de 
préparation du gel}, de l’âge du gel et de la marche 
plus ou moins accélérée de déshydratation. Encore, la 
position de ce point détermine le cours du reste de la 
courbe d’hydratation jusqu'à la pression zéro, et de 
même le cours des deux autres courbes de rehydrata- 
tion et de redéshydratation. Enfin, l’auteur démontre 
quelles parties de la courbe sont réversibles et quelles 
parties ne le sont pas. Sur les dernières, il a remarqué 
un phénomène d’hystérèse, fait probablement nou- : 
veau en chimie, — M. E. Mulder présente deux mé- 
moires : 4° sur des compositions dérivées de l’acide 
tartrique, et sur l’acide pyro-tartrique para; 2° sur 
l'influence perturbatrice de l'acide sulfureux de la 
flamme du gaz d'éclairage sur la détermination quali- 
tative et quantitative de quelques matières et sur une 
méthode à y porter remède. 

30 SCIENCES NATURELLES, — Rapport sur le mémoire 
de M. H.-J. Hamburger sur un appareil qui permet 
d'étudier les lois de filtration et d’osmose de fluides 
constants à travers des membranes homogènes. L'au- 
teur se sert de membranes artificielles de gaze métal- 
lique plongée. dans une solution de gélatine ou de col- 
lodion. — M. K. Martin fait une communication sur 
le terrain tertiaire de Java. Il indique où l’on trouve 
les dépôts quaternaires, le pliocène, le miocène plus 
récent, et en conclut qu'en général, les couches nou- 
velles se sont formées à l’extérieur des couches exis- 
tantes, ce qui exige que, depuis le temps du pliocène plus 
récent, un déplacement négatif de la plage ait mis à 
sec les dépôts miocène, pliocène et quaternaire. D’a- 
près les fossiles de Njaliendoung, trouvés à une hau- 
teur de 910 mètres au-dessus de la mer, ce déplace- 
ment doit avoir été très considérable. Ensuite, M. Mar- 
tin communique que MM. Wing Easton et J. Bosscha 


908 


lui ont envoyé des fossiles intéressants] de Bornéo 
occidental, qui prouvent que ces terrains sont des 
couches mésozoïques, — M. M.-W. Beyerinck s'occupe 
de la biologie de Cynips calicis, sa métamorphose (gé- 
nération alternante) et ses galles. — M. B.-J. Stokvis 
présente la thèse du D' Langemeyer : Sur l'influence 
de la nutrition avec du sucre sur le travail musculaire. 
A l’aide de l’ergographe de M. A. Mosso, l’auteur trouve 
le résultat négatif des chiffres suivants en travail 
ergographique, 


CHRONIQUE 


L'UNIFICATION DES MÉTHODES D’ANALYSE DANS LES TRANSACTIONS DE LA SUCRERIE 


Les chimistes de sucrerie se préoccupent plus que 
jamais du dommage que cause, aux transactions de leur 
industrie, l'absence d’unification des méthodes des- 
tinées à déterminer la richesse saccharine des sucres. 
Et, tout récemment, l'Association de ces savants a fait 


place aux réclamations de ses membres en publiant, à . 


ce sujet, les résultats tout à fait discordants de 
méthodes diverses !, La question est trop importante 
pour que nous la passions ici sous silence. 

Avant d’être vendus aux raffineurs, les sucres sont, 
de la part de la Régie, l’objet d’une analyse qui fixe la 
richesse saccharine de chaque lot(100 sacs de 100 kgs.) 
et détermine ainsi l'impôt à payer, D’autre part, les 
raffineurs font faire l’analyse des mêmes sucres par 
des chimistes agréés du commerce,'et c’est celte ana- 
lyse qui sert de |base au prix d’achat. | 

La méfiance à l'égard de la Régie semble à priori 
singulière, Elle s'explique cependant par ce fait que 
les chimistes du commerce indiquent toujours un 
rendement en raffiné sensiblement inférieur au rende- 
ment donné par la Régie. Peut-être l’écart est-il dû à la 
différence des méthodes d'analyse, 


Méthode de la Régie. — La méthode adoptée par la 
Régie a été instituée par deux chimistes d’une compé- 
tence indiscutable et indiscutée, MM. Riche et Bardy: 


On pèse 32 gr. 40 de sucre, on dissout dans 200 centi- 
mètres cubes d'eau. Sur 100 centimètres cubes on dose le 
sucre °/,; puis, sur les 100 centimètres cubes, préalablement 
filtrés, on dose les cendres parincinération de 10 centimètres- 
cubes de liqueur. Les 10 centimètres cubes représentant un 
certain poids de la prise d'échantillon, on en déduit aisément, 
après l’incinération, le pourcentage des cendres du sucre ana- 
lysé. Pour obtenir le rendement en raffiné, on multiplie ces 
cendres par le coefficient 4, et l'on retranche le produit du 


sucre °/,. 
Méthode du Commerce. — Cette méthode offre ceci de 
commun avec la précédente que le pourcentage du 


sucre, au début de l'opération, s’y détermine de la 
même manière, Mais la suite du procédé est différente : 


On pèse 5 grammes de sucre, qu'on incinère ; on en déduit 
les cendres °/, que l’on multiplie par le coefficient #4; la dif- 
érence entre le produit ainsi obtenu et le taux du sucre °/, 
donne le rendement en rafliné, 


Comme on le voit, la méthode de la Régie indique 
seulement les cendres solubles, les seules intéres- 
santes, puisque le sucre, devant être raffiné, est d'abord 
refondu, puis filtré. — Au contraire, la méthode du 
Commerce donne les cendres totales, 

Les raffineursont évidemment tout avantage à recou- 
rir à ce mode d'évaluation. Aussi, malgré les réclama- 
tions de M, le sénateur Macherez, se sont-ils énergique- 
ment opposés à l’unification des méthodes d’analyse, 


1 Bulletin de l'Association des Chimistes de Sucrerie, n° de 
juillet 1895. 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11. 


CHRONIQUE 


Le matin (sans sucre)........ 13,200 (moy.de 17 expériments) ; 
L’ap.-midi (avec 100 gr.sucre) 12,642(  » » » 

Le matin (sans sucre)....... 13,322( » 11 » Y4 
L’ap.-midi (avec200 gr.sucre) 12,483 (  » » » ) 


Travail ergographique depuis 9 h. 30 jusqu'à 5 h. 30 : . 
Jours sans sucre : main droite 168,640 ; main gauche 185,388 
» avec 250 gr. » 147,486 » 154,628 
M. Th.-W. Engelmann présente le mémoire Die Physio- 
logie des Geruchs (la Physiologie de l’odorat), de M. H. 
Zwaardemaker. P.-H. SCHOUTE. : 


Il résulte de cet état de choses que l'impôt dont est 
grevé le sucre vendu par le fabricant porte sur une 
quantité de matière supérieure à celle que paie le 
raffineur. 

L'’anomalie est flagrante, d'autant plus préjudiciable 
au fabricant que la différence entre la quantité impo- 
sée et la quantité sur laquelle se fait le paiement, est 
parfois très considérable. Il arrive, par exemple, qu’un 
sucre se trouve titré à 88° pour l'impôt, alors que le 
raffineur ne paie ce même sucre que suivant le titre 
de 85°, On nous communique à ce sujet quelques 
chiffres (tableau 1) déterminés sur les mêmes produits | 
par la Régie ct par le Commerce : 


TABLEAU I. — ANALYSES 


Régie Commerce 


SUCRES ROUX (3° jet) 


1 
SUÉTE RE Te ane ae FO 
Cendres 

Rendement en raffiné 


95,04 
1.465 
89°280 


92.95 
2.46 


Voici encore (tableau Il) quelques rendements : 


TaBLeAU II. — RENDEMENTS 
Régie | Commerce 
Rendement........ race Vs : 89.63 88.70 
ET - Data ato ANS CD OS = 90.12 88.10 
Dent re RAT Ne nero Re È 88.15 S5 
A CCE A 89.20 85.67 


Ces chiffres se passent de tout commentaire !, Et 
une conséquence s'impose : il faut réglementer l’ana- 
lyse des sucres, instituer l'unification de cette opé- 
ration. 

Nous voudrions appeler sur l'urgence de cette réforme 
l'attention des hommes de science qui siègent à la 
Chambre et au Sénat: c’est à eux surtout qu'il appar- 
tient de la proclamer. Is le feraient d'autant plus utile- 
ment pour le bien public que, jusqu’à présent, la puis- 
sante voix des raffineurs semble avoir couvert, au 
Parlement, les justes doléances de la sucrerie française” 
et de ses chimistes. Louis OLIVIER. 


1 A la vérité, les différences sont plus grandes sur les : 
sucres roux que sur les blancs, mais il faut pourtant bien que 
le sucrier écoule son « cinquième restant », seule partie de. 
la fabrication qui, de par les conditions de la loi de 1884, 
laisse quelque bénéfice. 


Le Directeur-Gérant : LouIS OLIVIER 


-6° ANNÉE 


N°20 


30 OCTOBRE 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS 


OLIVIER 


L’'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


PREMIÈRE PARTIE 


Science, ordered knowledge. 
H. Wap. 

Antérieurement aux travaux du physicien alle- 

- mand Clausius, il n’élait question, dans les 

recherches relatives à la chaleur, que de tempéra- 

ture et de quantité de chaleur. Clausius a défini 

une troisième espèce de grandeur physique, l’en- 

tropie ‘, dont il est fait aujourd’hui un certain 

usage, surtout à l'étranger, dans des théories chi- 

miques importantes. L'entropie exprime une 

_ notion essenlielle sans laquelle il n’est point pos- 

sible de marquer les traits communs aux phéno- 

mènes de la chaleur et à ceux du mouvement, 

sans laquelle, par conséquent, il est aussi impos- 

sible de préciser que de faire bien comprendre les 
principes de la science de l’énergie. 

La considération de l’entropie n'est pas seule- 
ment indispensable, au point de vue théorique, 
pour combler, dans le domaine des idées générales, 
une lacune aussi importante que celle qui résul- 
terait de l'absence d’idée de force ou de travail en 
Mécanique. Elle est aussi nécessaire au point de vue 
pratique : au professeur, elle permet d'apporter 
l'ordre, la rigueur et en même temps la simplicité 
dans l’exposé des principes de la Thermodyna- 
mique et dans la démonstration de ses théo- 
rèmes; au savant, physicien ou chimiste, elle pro- 
cure un outil d’un maniement plus facile que les 
formules usuelles, elle facilite l'application des 
© 4 C'est aussi la fonction thermodynamique de Rankine, 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


MÉTHODE , LOIS FONDAMENTALES 


principes de Carnot, dont l’entropie n'est, au 
fond, que l'expression condensée ; bien plus, elle 
lui impose l'obligation de tenir compte de ces prin- 
cipes, s’il pouvait être tenté de s’y soustraire. 

Cependant, ni dans les recherches de labora- 
toire, ni dans l’enseignement, la notion de l’en- 
tropie n’occupe la place qu’elle devrait avoir. 
Subordonnée, dans les exposés didactiques, au 
principe de l’équivalence entre la chaleur et le 
travail, principe qui a trait pourtant à un ordre de 
choses très différent, reléguée dans les fins de 
chapitre, elle n’est, en général, considérée que 
comme une fonction exclusivement mathéma- 
tique, une intégrale conventionnelle, dépourvue de 
toute signification physique, mais qui, par le plus 
grand des hasards, apporte une simplification dans 
l'écriture des formules dont la Thermodynamique 
se trouve si abondamment pourvue. Aussi bien 
le physicien et surtout le chimiste attribuent-ils à 
l'entropie juste autant de valeur objective qu'à la 
quatrième dimension de l’espace. Quant aux lois 
explicites de ses variations dans les différentes 
catégories de phénomènes, elles sont à peine tou- 
chées, ou même considérées comme douteuses, 
alors que, masquées sous la forme du principe de 
Carnot, elles sont accueillies et appliquées sans 
hésitation. Enfia la fonction même de l’entropie, 
comme devant servir à caractériser le pur 
changement thermique, est généralement passée 
sous silence. 

20 


910 


I. — CONSIDÉRATIONS DE MÉTHODE. 


L'étude sommaire que nous présentons je, 
dontle germe se trouve dans notre étude antérieure 
sur l'œuvre de Sadi Carnot !, a déjà élé esquissée 
dans une note subséquente ?; elle est une tentative 
pour suppléer, dans une certaine mesure, à l'in- 
suffisance des explications courantes sur les prin- 
cipes de la chaleur. Nous chercherons à donner de 
l'entropie une définition simple, mais rigou- 
reuse, surtout une définition qui fasse bien sai- 
sir son caraclère de grandeur physique, de gran- 
deur concrète, et qui permette de justifier le rôle 
essentiel qu’elle joue dans les phénomènes de tous 
ordres : mécaniques, physiques, électriques, chi- 
miques, etc. 

Nous nous astreindrons, pour atteindre ce but, 
aux règles suivantes : 

Premièrement, suivre la filiation naturelle des 
idées et le développement logique de la connais- 
sance en se gardant principalement d'appuyer les 
lois de la science pure de la chaleur sur les 
théories plus complexes de la Thermodynamique, 
science des relations entre la chaleur etle mouve- 
ment. 

Secondement, appliquer strictement la méthode 
positive, quiinterdit tout recours, dans l'explication 
ou l'interprétation des phénomènes, à des entités 
métaphysiques aussi bien qu'à des hypothèses sur 
la constitution de la matière el la nature intime de 
la chaleur. 

Troisièmement, éviter de réduire, par contre, la 
science de la chaleur à un aride enchainement d'é- 
quations,etproscrire autant que possible les formu- 
les mathématiques. Non seulement inutiles dans 
les exposés de principes, celles-ci sont même 
nuisibles en ce qu'elles contribuent à développer 
une sorte de paresse, sinon d'impuissance intellec- 
tuelle, vis-à-vis de tout ce qui n’est pas une combi- 
naison de lettres, de chiffres et de symboles, c’est- 
à-dire vis-à-vis du réel. 

La méthode qui nous inspirera sera cependant 
la méthode mathématique, parce qu’elle sera dé- 
ductive, analogue à celle que l’on suit dans la 
Géométrie, dans la Mécanique, à celle qui ouvre 
au chercheur scientifique des voies nouvelles ?, et 
qui, dans l’enseignement, seule permet de conden- 
ser les faits et de décharger la mémoire des 
élèves. 

Un mot sur cette méthode, qu’on est tenté par- 
fois de rejeter quand il est question des sciences 
physiques, parce qu'on ne la juge applicable 


1 Voyez la Revue du 15 juillet 1892, t. III, p. 465 à 472. 
2 Comples rendus de l’Académie des Sciences (26 fé- 
vrier 1894). 

3 Les fondateurs de la science de la chaleur, Black et 
Sadi Carnot ont procédé par déduction, 


G. MOURET — L’ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


EEE —————_ _——_— —_—’—’_'— ——_— _—_—_—_— << — 


phénomènes du monde extérieur, et que ce que 


qu'aux seules vérités mathématiques, soi-disant 
ürées de la raison pure. Elle consiste à prendre 
pour point de départ les inductions les plus éten- 
dues, les axiomes généralissimes de Bacon, qu'on. 
appelle axiomes en Géométrie, principes en Méca- 
nique, et lois fondamentales dans les sciences plus 
complexes et d'origine plus récente. Toute science 
achevée, et c’est le cas de la science de la chaleur, 
du moins de cette partie dela science qu'on peut 
appeler statique thermique, ne comporte plus, en 
effet, de lois empiriques, provisoires ou approxi- 
matives, lois régissant des cas spéciaux et n'ayant 
pas d'autre portée, elle ne comporte que des lois 
fondamentales qui sont celles régissant les cas les plus 
simples et desquelles cependant on peut tirer par le” 
raisonnement, en les combinant les unes aux 
autres, conformément aux principes de la logi-. 
que, les règles applicables aux cas les plus com- 
plexes. Ce sont des lois générales, si l’on veut, non. 
parce qu'elles s’appliqueraient à un phénomène. 
quelconque, — elles ne s’y appliquent pas isolé- 
ment considérées, — mais parce qu'elles sont d’un 
emploi obligatoire pour traiter un phénomène 
quelconque, c’est-à-dire démontrer un théorème : 
général. Lois générales quant à leur utilité, elles 
sont particulières quant à leurs objets. 
Hätons-nous d'ajouter, pour ne pas être taxé de 
métaphysique, que les lois fondamentales n’ont, 
pas, plus que les lois empiriques, un caractère de 
nécessité rationnelle; comme celles-ci, elles sont 
tirées des faits. Ce ne sont pas dés principes évi- 
dents par eux-mêmes, car l'évidence ne peut être 
dite que des raisonnements; ce ne sont pas 
davantage des intuitions que nous sortons de. 
notre propre fonds, puisque ce sont des lois des 


nous appelons le monde extérieur, c’est tout ce qui. 
ne vient pas de nous, échappe à notre pouvoir et. 
limite notre activité. Ce sont donc des lois expé- 
rimentales. Souvent, il est vrai, ce ne sont que des 
lois théoriques, s'appliquant, comme les prin- 
cipes de Newton, à des cas trop simples pour se 
trouver réalisées dans la Nature ou être réali- 
sables, mais même ces lois théoriques doivent 
comporter une vérification par l'accord des con- 
séquences qu'on en lire avec l'observation des 
faits. 

Ce sont, d'ailleurs, dans ces cas théoriques, 
comme dans les autres, des lois el non de pures 
hypothèses qui concordent avec les faits. Ces lois 
ont une valeur positive; ce sont des lois imposées 
par les faits, des lois nécessaires en ce sens que 
non seulement les conséquences lirées deces lois 
s'accordent avec ce que nous apprend l’observa- 
lion ou l'expérience, mais encore que les consé- 
quences logiquement tirées de la négation de ces lois sont 


G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


911 


7 opposé des faits. Une loi nécessaire au point de 
vue positif n’est autre qu’une loi dont la négative, 
‘sans être inconcevable, puisqu'elle résulte d'une 
déduction logique, est incompatible avec les faits. 
Cette impossibilité de la négative est le critérium 
qui permet de séparer la loi de l’hypothèse. 

=. D'autre part, on comprend qu'il existe une infi- 
nité d'énoncés généraux qui contiennent l'en- 
sembledes faits et dont la négation estincompatible 
avec ces faits. Tous ces énoncés, possibles comme 
lois, comportent une partie commune, et c’est 
“celle-ci qu'il faut extraire et présenter comme 
La loi véritable, si l’on ne veut dépasser les faits. 
Les faits, rien que les faits. C'est pourquoi l’on 
“3 dire, avec le Professeur Mach, que les lois 
fondamentales ne sont ou ne dent être que 
“le mode le plus simple, le plus abrégé, le plus 
r économique, d'exprimer les faits dans les li- 
-mites de précision que comportent nos observa- 
“tions et nos expériences. Les lois de la Nature sont 
- simples surtout parce que nous choisissons, parmi 
- tous les modes possibles de les exprimer, le mode 
le plus simple. 

Les lois fondamentales sont ou doivent être 
uniquement établies par induction; la méthode 
- déductive n’exclut donc pas la méthode inductive; 

elle lui succède. La déduction suppose une induc- 
Lion préalable. Toute science, comme l’a si bien 
montré le grand philosophe que nous venons de 
citer, passe par deux phases: l’une où l’on remonte 
par induction des faits particuliers sans cesse 
accumulés aux lois fondamentales que la philoso- 
|  phie de la science en dégage ; l autre où l’on redes- 
-cend déductivement des lois fondamentales aux 
théorèmes généraux qui englobent les faits particu- 
liers observés antérieurement el des faits particu- 
 liers non encore observés. La science revient alors à 
- son point de départ, mais en l’élargissant d'une ma- 
nière illimitée. En ce qui concerne lascience de la 
chaleur, grâce aux travaux de Sadi Carnot, Robert 
Mayer, Joule, William Thompson, Clausius, 
Helmholtz, Gibbs, Berthelot, eic., il faut consi- 
dérer la période d'induction comme terminée. Les 
lois fondamentales sont atteintes et vérifiées ; on 


peut même admettre qu'elles ont subi l’œuvre du: 


temps et que leur exactitude se trouve être désor- 

mais à l'abri de toute discussion. Sans doute, il 

reste encore à en donner, ce que nous essaierons 

de faire, des énoncés à la fois simples et précis, 

n'empiélant pas les uns surles autres; mais ne 
- peut-on pas en dire autant des principes de la Mé- 
 canique? 

Dans cet essai, nous ne nous préoccuperons 
| donc point d'établir la validité des lois fondamen- 
- tales de la chaleur. Nous admettrons ces lois, 
. comme en Mécanique on admet les principes de 


Galilée et de Newton. À la marche historique 
généralement suivie, mélange confus d’induction 
et de déduction, nous substituerons une marche 
rationnelle du simple au composé. Elle seule con- 
vient à notre but, qui est de donner au lecteur 
scientifique au courant des fails principaux, mais 
peu versé dans les mathématiques, une idée 
d'ensemble, correcte et précise du phénomène 
thermique, et de faciliter à l'étudiant l'entente, 
entre autres, des beaux ouvrages de MM. Ber- 
trand, Lippmann et Poincaré sur la Chaleur et la 
Thermodynamique. 


II. — LES LOIS FONDAMENTALES. 


Les lois fondamentales dela chaleur, considérée 
au point de vue statique, en dehors des conditions 
de sa propagation, ne sont qu'au nombre de quatre, 
abstraction faite de la loi de continuité qui régit 
tous les phénomènes physiques sans exception. 

Les deux premières lois, parfois énoncées vague- 
ment et alors admises comme évidentes par elles- 
mêmes, sont plus généralement passées sous 
silence. Elles ont trait, l’une à l'égalité de tem- 
pérature ou équilibre thermique, l’autre au phé- 
nomène de conduction de la chaleur qui s'opère 
entre des corps à des températures différentes. 
Ces lois sont les suivantes : 

Le LOr FONDAMENTALE. — Deux corps, respectivement 
en équilibre de température avec un troisième, sont en 
équilibre entre eux. 

2 LOL FONDAMENTALE. — Quand la chaleur passe, 
par conduction, d'un corps à un autre, par l'intermédiaire 
d'un troisième corps qui revient à son état initial en sui- 
vant le même cycle qu'à l'aller ?, l'état final de l'un des 
deux corps ne dépend que de l ‘état final de l'autre corps, 
et est le même que si la chaleur avait passé directement 
d'un corps à l'autre. 

On tirerait de ces lois la justification de la 
concordance des mesures faites avec des thermo- 
mètres différents, en ce qui concerne la tempéra- 
ture, — avec des calorimètres différents, en ce qui 
concerne la quantilé de chaleur. Nous considére- 
rons ces deux points comme acquis, el nous Sup- 
poserons que la température et la quantité de 
chaleur répondent à des notions connues el 
rigoureusement définies. 

Les deux autres lois sont d'origine moins an- 
cienne; elles sont contenues implicitement dans 
les principes établis par Carnot. Elles n'ont pas 
encore conquis leur autonomie parce qu'elles se 
trouvent enchevêtrées dans les principes de la 
Thermodynamique, mais il est facile de les en dé- 


ES PS PP 


1 Ces corps étant astreints à suivre des cycles déterminés. 

? Dans la loi de conservation du calorique due à Black, on 
omettait cette condition essentielle du retour par le mème 
chemin. 


912 


G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


gager, et si ce travail n’a pas encore été fait, c'est 
que l'attention des auteurs s’est portée plus sur le 
développement de la science que sur la critique de 
ses principes. Ces deux lois régissent les échanges de 
chaleur qui s'opèrent entre des sources de chaleur à des 
températures fives et déterminées, à l'aide de machines 
thermiques en rapport uniquement avec des systèmes ré- 
versibles. 

Voilà trois notions fondamentales, réversibililé, 
sources de chaleur et machines thermiques, bien con- 
nues, et sur lesquelles cependant il ne sera pas 
inutile de donner quelques explications avant d'é- 
noncer les lois qui y ont rapport. 


$ 1. — Réversibilité. 


La notion de changements réversibles est due à 
Sadi Carnot. Est réversible toule transformation 
d'un corps, toute opération sur un système, qui 
peut se faire indifféremment dans les deux sens, 
de l’état inilial à l’état final, et de l’état final à 
l'état initial, le corps ou le système repassant erac- 
lement au retour par les mêmes états intermédiaires 
définis par la pression, le volume, la tempéra- 
ture, etc.) qu'à l'aller. Un exemple simple de réver- 
sibilité est la chute d'un corps : si ce corps ren- 
contre un obstacle parfaitement élastique, il re- 
bondil jusqu'au point d’où il était tombé, et il 
possède, dans son mouvement ascensionnel, en un 
point quelconque, la même vitesse en valeur abso- 
lue que celle qu'il avait, au même point, dans sa 
chute. 

Est àrréversible toute transformation d’un corps, 
toute opération sur un système qui ne peul s'ac- 
complir que dans un sens déterminé, de sorte que, 
pour revenir à son élat inilial, le corps ou le sys- 
tème ait à suivre nécessairement un cycle différent 
de celui qu'il avait suivi de l’état initial à l'état 
final. Parmi les transformalions irréversibles, on 
peut citer les déformations des systèmes matériels 
qui comportent des frottements, des corps vis- 
queux, les combinaisons chimiques, les courants 
électriques dans un conducteur, etc. Le phéno- 
mène de la conduction offre un exemple frappant 
d'irréversibilité, car la chaleur ne peut remonter 
directement d'un corps froid à un corps chaud. 

Ajoutons, pour prévenir toute confusion, qu’une 
opération irréversible peut être entièrement com- 
posée de transformations réversibles des corps 
sur lesquels on opère ; c’est précisément le cas 
d’un phénomène de conduction entre des sources 
de chaleur, car les pertes et gains de chaleur de ces 
sources, isolément considérées, sont des transfor- 
malions réversibles, bien que le phénomène de 
conduction, c'est-à-dire la corrélation entre ces 
pertes et gains, soil irréversible !. 


1 Ce serait peut-être un abus de langage de conclure de là 


Parmi les transformations réversibles d'un 
corps detempérature el pression uniformes, on dis- 
tingue les transformations adiabatiques, qui sont 
celles du corps enfermé dans une enceinte imper- 
méable à la chaleur et lentement comprimé ou 
détendu !, et les transformations 2sofhermes, qui 
sont celles du corps, maintenu toujours en équi- 


libre de température avec un milieu à température » 
que des varialions » 


constante, et ne subissant 
lentes de pression et de volume. 

Toutes les autres transformations réversibles, 
quelles qu'elles soient, peuvent, grâce à la loi de 
continuité, être considérées comme la limite d’une 
succession de transformations infiniment petites, 
alternativement isothermes et adiabatiques, de 
sorte qu'il doit suflire de connaitre les lois qui 
régissent les transformations fondamentales, et 
leurs relations mutuelles, pour en déduire, par la 
méthode infinitésimale, les théorèmes généraux 
applicables à une transformation réversible quel- 
conque. 

Une propriété essentielle des changements iso- 
thermes consiste en ce que, suivant le sens de ces 
transformations isothermes, le corps absorbe ou 
cède de la chaleur au milieu. 

Une propriété essentielle des transformations 
adiabatiques est, par contre, qu'il n'y a pas d'é 
change de chaleur entre le corps et le milieu, 
mais ce n'est pas la seule; elle ne peut suflire à 
définir la véritable transformation adiabatique; il 
faut y ajouter la condition de réversibilité. La 
compression brusque, le choc ne donnent pas lieu 
à des transformations adiabatiques au sens pré- 
cis et restreint du mot, parce que ce sont des 
phénomènes irréversibles. Au reste, il en est de 
même des transformations isothermes; la cons- 
tance dela température ne suffit pas pour définir 
une transformation isotherme, au sens où nous 
emploierons ce mot; il faut aussi y ajouter la con- 
dition de réversibilité. 

Lorsqu'on représente l’élat d'un corps, gra- 
phiquement, c’est-à-dire par un point dont les 


qu'il y a deux sortes de réversibilité des transformations 
d’un système, la réversibilité complète, et la réversibilité par 
rapport au système lui-même (Poincaré, Thermodynamique, 
p. 209). Dans le second cas, la réversibilité est limitée à la 
transformation du système; dans le premier cas, elle s'étend 
aux moyens employés pour opérer la transformation, c'est-à- 
dire qu’elle caractérise la transformation du système total qui 
comprend, outre le système considéré, les sources de chaleur. 
Au lieu de parler d’une transformation réversible complète 
d’un système, il serait plus correct dedire une transformation 
opérée par voie réversible (et par conséquent réversible elle- 
même). C’est le langage que nous emploierons ici. 

1 Tous les corps, même comprimés lentement, ne sont pas 
susceptibles de transformations réversibles adiabatiques. 
Les corps visqueux, ceux dont l'élasticité est imparfaite, et 
dont une partie des déformations est permanente, elc., subis- 
sent même, dans ces conditions, des transformations irréver- 
sibles. 


| 


| 
| 
| 
| 


Re: 


CIS 


G. MOURET — L’ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


913 


coordonnées sont proportionnelles, par exemple, 
au volume spécifique et à la pression du corps, les 
transformalions réversibles qui viennent d'être 
définies sont représentées par des lignes distincles, 
dites adiabatiques et isothermes. Quand nous dirons, 
pour abréger le langage, qu’un corps suit une 
isotherme A B,une adia- 
batique A A', nous vou- 
drons dire que ce corps 
subit une transforma- 
tion réversible à tempé- 
rature constante de l'é- 
tat A à l’étatB,une trans- 
formation adiabatique 
de l’état À à l’état A'. 

Nous venons d’expli- 
quer qu'une transforma- 
tion réversible quelcon- 
que À B', qui n'est ni isotherme ni adiabatique, 
peut être considérée comme la limite d’une série 
de transformations infiniment petites, alternative- 
ment adiabatiques et isothermes; ajoutons que la 
chaleur dégagée ou absorbée dans cette transfor- 
mation est la limite de la somme des chaleurs déga- 
gées ou absorbées dans les transformations iso- 
thermes élémentaires. 


S 2. — Sources de chaleur. 


Une source de chaleur est constituée par tout 
corps de température, pression et tension élec- 
trique uniformes, de constitution chimique inva- 
riable, ou à l’état d'équilibre chimique. On sup- 
pose ce corps complètement isolé du milieu 
ambiant, ou en équilibre mécanique et électrique 
avec ce milieu. En un mot, c'est un corps à l’état 
complet d'équilibre intérieur et extérieur, mais, 
de plus, susceptible seulement de changements 
réversibles. On admet, d’ailleurs, que cet état 
d'uniformité et d'équilibre subsiste à tout instant 
des opérations, ce qui revient à supposer celles-ci 
infiniment lentes, ou les conductibilités thermi- 
ques, chimiques, etc., infiniment grandes. On 
attribue aux sources de chaleur une pression, une 
température et une tension électrique constantes, 
el, par conséquent, en général, une masse infinie. 

Les sources de chaleur jouent, dans la science 
de la chaleur, le rôle que jouent les forces cons- 
tantes dans la Mécanique. Ce sont des corps qui 
ne peuvent subir que des modifications d'ordre 
purement thermique, ou dont les autres modifica- 
tions, si elles en subissent, sont exactement com- 
pensées sous la même forme à l’extérieur. Ce sont 
donc des réservoirs inépuisables d'énergie d'une 
seule espèce, à tension fixe; ce sont des corps dont 
les changements présentent, au point de vue de la 
chaleur, le maximum de simplicité. 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895. 


L'air ambiant, la glace d’un calorimètre, sont 
des sources de chaleur. Le gaz enfermé dans le 
double cylindre de l'expérience de Hirn n'est pas 
une source de chaleur. 


$ 3. — Machines thermiques. 


Les machines thermiques sont des corps qui ne 
sont pas assujetlis, comme les sources, à la con- 
dition d’être dans un élat d'équilibre, quoiqu'ils 
puissent s'y trouver; ce sont des corps qui peu- 
vent subir toute espèce de transformation, réver- 
sible ou irréversible. Trois conditions seulement 
les définissent, et ne caractérisent que leur fonc- 
tionnement. La première est que ces corps n'é- 
changent de chaleur qu'avec les sources ; la 
seconde est qu'ils soient revenus exactement à 
leur élat initial quand l'opération accomplie sur 
les sources de chaleur est terminée. La troisième 
est qu'ils ne se trouvent extérieurement en rap- 
port qu'avec des systèmes mécaniques ou autres 
ne comprenant que des changements réversibles. 
De la sorte, les changements survenus et définitifs 
se trouvent localisés, et dans les sources et dans le 
milieu ou ces systèmes extérieurs. Les premiers de 
ces changements, en raison des conditions imposées 
aux sources de chaleur, se réduisent, abstraction 
faite des changements compensés directement, 
à des pertes et des gains de chaleur. Les seconds 
consistent en travaux accomplis grâce aux varia- 
tions de volume sous pressions variées, ou en 
toute autre espèce d'énergie potentielle dépensée 
ou créée. 

Nous n’aurons pas ici à nous préoccuper de ces 
changements extérieurs. Ceux-ci font l’objet de la 
Thermodynamique, ou de l'Énergétique, et les lois 
de la chaleur ne peuvent concerner que les rela- 
tions mutuelles des changements calorifiques sur- 
venus dans les sources. 

De tels corps, revenant à leur état initial après 
avoir emprunté ou cédé de la chaleur auxsources, 
ont élé appelés machines thermiques, parce qu'ils 
sont susceptibles d'accomplir du travail en utilisant 
directement la force motrice de ia chaleur. Mais le 
seul fait que ces corps servent à opérer des échanges 
de chaleur entreles sources, sans subir eux-mêmes 
de changements permanents, suffit à justifier 
l'emploi du mot #achine, indépendamment de ce 
qui peut se passer à l'extérieur, et quand bien 
même la chaleur ne développerait aucune force 
motrice. 

La machine à vapeur ordinaire peut servir à 
donner une idée de ce que sont les machines ther- 
miques ; le corps qui, dans la machine à vapeur, 
joue très sensiblement le rôle d’une machine ther- 
mique, est l’eau passant par la chaudière et les 
cylindres, et que le conducteur ou l'atmosphère 


20° 


914 


G. MOURET — L’'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


ramène à son élat inilial. Les sources sont, d’une 
part, les composés gazeux à haute température 
contenus dans le foyer et les tubes, et provenant 
de la combustion du charbon; d’autre part, l'air, 
le condenseur et les organes de la machine qui 
concourent au refroidissement de la vapeur et de 
l'eau condensée. 

Parmi les machines thermiques, il convient de 
signaler les machines réversibles, c'est-à-dire celles 
à l’état complet d'équilibre intérieur et extérieur 
et qui, comme lessources, ne sont susceptibles que 
de transformations réversibles. Les opérations 
failes avec ces machines ne sont cependant pas 
nécessairement réversibles ; ellessont irréversibles 
s’il existe des écarts finis de température entre la 
machine et toute source à laquelle elle emprunte 
ou cède de la chaleur. 

Les machines thermiques réversibles sont des 
machines toutes théoriques, comme le sont d’ail- 
leurs les types de machines étudiés dans la Méca- 
nique rationnelle, Leur fonctionnement réversible 
est aussi tout théorique. Mais quoique, en Méca- 
nique, el par suite des habitudes acquises, la ré- 
versibilité du fonctionnement d’une machine soit 
une chose admise sans hésitation, il n’en est pas 
de même dans le cas des machines thermiques, et 
ilest peut-être utile de rappeler ici les explica- 
tions usuelles sur ce point. Nous y trouverons 
d'ailleurs l'occasion d’énoncer les deux dernières 
des lois fondamentales de la chaleur. 

Soit le cas le plus simple de deux sources, el 
d'une machine qui n'absorbe ou ne dégage de 
chaleur qu’à température constante. 

La machine est d'abord mise, à l’état À, en con- 
tact avec la source chaude à une température T, 
supérieure à celle de la machine. Puis on opère la 
détente de ia machine de manière à maintenir la 
température constante au fur et à mesure que la 
machine absorbe, par conduction, la chaleur 
empruntée à la source. La machine suit done l'iso- 
therme AB (fig. 2), et emprunte finalement une 
quantité de chaleur égale à g. On l’isole ensuite de 

la source, par voie adia- 
batique, et l'on conti- 
nue la détente, de ma- 
nière (ligne BB’) à a- 
baisser la température, 
sans toutefois que celle- 
ci devienne égale à la 
température de lasour- 
B° ce froide. On amène a- 


Fig. 2. lors la machine en con- 
lact avec celte source, 
puis l’on exerce une compression graduelle 


en maintenant la (empérature constante au fur 
el à mesure que la machine cède de la chaleur 


à la source froide. On arrête l'opération à un 
moment convenablement choisi, de manière à 
pouvoir faire revenir la machine à l’état À, en 
l'isolant de la source froide et continuant la com- 
pression par voie adiabatique. 

Ainsi, après avoir, dans son contact avec la 
source froide, suivi l’isotherme B'A', la machine suit 
l'adiabatique A'A, et a, en définitive, accompli le 
cycle ferméréversible À BB'A'. En suivant ce cycle, 
qui la ramène à son état initial, la machine a 
emprunté à la source chaude une chaleur 9, et cédé 
à la source froide une chaleur g'. 

Voilà un exemple simple d'opération irréver- . 
sible, accompli sur un système de sources par 
une machine thermique réversible. Or, quelle que 
soit la nature de la machine, l'expérience prouve 
qu'on ne peut la ramener à son état initial qu'à la 
condition de céder de la chaleur à la source froide 
si l’on a emprunté de la chaleur à la source 
chaude. 

Pour concevoir l'opération toute théorique d’é- 
change réversible de chaleur entre des sources, ül 
faut examiner ce qui se passe quand on n’établit, 
entre la machine et les sources, que de très faibles 
écarts de lempérature. Ayant accompli la première 
opération ABB'À', il est-possible d'accomplir une 
opération presque semblable, mais de sens opposé, 
en abaissant par voie adiabalique la température 
de la machine jusqu’à ce qu’elle soit légèrement 
inférieure à celle de la source froide ; puis, après 
que la machine a emprunté à la source la cha- 
leur g',, égale à g' ou peu différente de 7', on relève 
sa tempéralure jusqu’à ce qu’elle soit légèrement 
supérieure à celle de la source chaude, et alors la 
machine revient à son état initial en cédant à cette. 
source une certaine quantité de chaleur g,, peu dif- 
férente de g. Si l’on rend les écarts de température 
de plus en plus petits, et sil’onfait tendre les quan- 
tités g', g',, elc. vers une limite commune (', les 
quantités 4, g',, etc. auront une limite Q, en vertu 
de la loi de continuité des phénomènes physiques. 
Ces quantités, malhématiquement définies, Q etQ, 
peuvent donc être considérées comme la limite 
commune des résultats dus à des opérations de 
sens inverse, el l’on peut abréger le langage et les 
raisonnements, en les considérant elles-mêmes 
comme le résullat d'un échange réversible de cha- 
leur, opération fictive ! accomplie à l'aide d’une 
machine thermique fonctionnant aux températures 
mêmes des sources. Le cycle suivi dans ces con- 
ditions et formé de deux isothermes et de deux 
adiabatiques est dit cycle de Carnot, et l'on remar- 
quera que, comme conséquence de ce qui a lieu 
dans le cas du cycle suivi par voie irréversible, les 

1 C'est, en Mécanique, ce qu'on appellerait une opération 
virtuelle, 


G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


915 


. quantités de chaleur empruntées aux deux sources 
_ sont de signe contraire. 

Ainsi donc, deux sources à des températures dif- 
_férentes sont nécessaires au fonctionnement réver- 
sible d'une machine thermique, et, si l’une des 
| sources absorbe de la chaleur, il faut que l’autre 

en perde. C'est là le premier des principes posés 

J par Carnot, et c’est ce principe qui, étendu à un 
. nombre quelconque de sources, et à une combi- 
| naison quelconque d'opérations réversibles sur ces 
. sources, devient, pour nous, la troisième des lois 
fondamentales de la chaleur, que l’on peut énoncer 
. sous une forme générale comme il suit : 

TROISIÈME LOI FONDAMENTALE. — Dans toute opéra- 
. tion réversible, accomplie sur des sources de chaleur à 
- L'aide de machines thermiques, on ne peut enlever (ou 
- céder) de la chaleur à une source sans réder (ou enle- 
ver) de la chaleur à une autre source. 

Il faut donc, ou bien que toutes les sources soient 

. à la fois revenues à leur état initial, ce que l'on 
. peut réaliser, ou bien qu’au moins deux des sour- 
. ces aient subi des changements et que ces change- 
ments soient de sens contraire. En particulier, 
toutes les sources ne peuvent, à la fois, avoir gagné 
. ou perdu de la chaleur. De même, dans un sys- 
tème matériel en équilibre, un travail positif ne 
peut être virtuellement accompli en un point qu’au 
. prix d'un travail négatif en un autre point. 

C'est pourquoi, dans un cycle Carnot, qu'il soit 
accompli, d’ailleurs, par voie réversible ou irré- 
versible, il y a nécessairement perte et gain de 
chaleur. Ce principe, admis d'ordinaire sans ré- 
flexion, n'est pas, cependant, plus évident que ne 
l'est, en Mécanique, le principe de l'égalité de 
l'action et de la réaction. Il ne s'impose que parce 
que l’on ne peut le nier sans se mettre en contra- 

. diction avec les faits observés. Géométriquement, 
il se traduit par cette propriété des lignes adiaba- 
tiques de ne jamais se couper. 

On peut aussi lui donner, en se plaçant à un 
autre point de vue, un énoncé qui conduit tout 
naturellement à la quatrième et dernière des lois 
fondamentales de la chaleur. En effet, enlever de 
la chaleur à une source par une machine ther- 
mique, sans en rendre à une autre, c'est détruire 
de la chaleur, et la loi sur la réversibilité montre 
que, par voie réversible, on ne peut pas plus dé- 
truire intégralement la chaleur empruntée à une 
source qu'on ne peut céder de la chaleur à une 
source sans en avoir emprunté, au moins une par- 
tie, à une autre source. Il y a là une autre double 
impossibilité. 

Dans le cas des phénomènes irréversibles, il 
n'en est pas de même. Si la première de ces im- 
possibilités subsiste, la seconde n’a plus lieu. Il est 
possible de créer de la chaleur de toutes pièces, 


. 
4 
b 
d 
; 


par exemple au moyen du choc, du frotlement, 
d’une compression brusque, de la combustion, etc. 
Mais, de plus, et c'esl là ce qui caractérise les 
phénomènes irréversibles, du moins ceux que nous 
avons observés jusqu'à ce jour, non seulement cela 
est possible, mais cela est même inévitable, étant 
bien entendu que les corps soumis au choc, au frot- 
tement, etc., reviennent à leur état initial. Dans 
ce cas, la source unique avec laquelle les corps 
considérés échangent de la chaleur ne peut reve- 
nir à son état initial : finalement elle nepeut avoir 
perdu de chaleur; de toute nécessité elle en a gagné. 
Dans les conditions en question, on peut donc 
dire que l'irréversibilité se manifeste toujours par 
un dégagement de chaleur. 

Sans doute, si l’on opère sur plusieurs sources, 
quelques-unesd’entre elles, parmi celles quinesont. 
pas revenuesàleur état initial, peuvent avoir perdu 
de la chaleur. Mais il faut qu'au moins les autres 
aient gagné de la chaleur. D’ailleurs, si toutes ne 
peuvent, à la fois, avoir perdu de la chaleur, toutes 
peuventen avoir gagné, ce qui ne saurait avoir lieu 
dans les opérations réversibles. 

On estdoncconduit, en fin de compte, à énoncer 
la loi suivante qui englobe ces différents cas : 

QUATRIÈME LOI FONDAMENTALE. — Dans toute opéra- 
tion irréversible, accomplie sur des sources de chaleur à 
l'aide de machines thermiques, l'une des sources, au 
moins, & gagné de la chaleur \. 

Cette loi, admise implicitement par Sadi Carnot 
pour le cas des phénomènes de conduction, éten- 
due dans les formules de Clausius à tous les cas 


1. Je dois cette forme d’énoncé, très voisine, d’ailleurs, de 
la forme du principe du travail maximum de M. Berthelot, à 
M. le commandant du génie Ariès. M. Ariès enferme les 
deux dernières lois fondamentales de la chaleur dans un 
énoncé commun, en disant que, dans une opération quelcon- 
que, réversible ou irréversible, toutes les sources ne peuvent, 
à la fois, avoir perdu de la chaleur. On déduit facilement de 
cet énoncé la loi sur la réversibilité, et la théorie se trouve 
simplifiée dans une certaine mesure. Je préfère cependant 
séparer les deux lois, parce qu’elles n’ont pas le même carac- 
tère. L'une, la loi sur la réversibilité, est spéciale à la cha- 
leur; elle ne saurait être subordonnée à la loi sur l'irréversi- 
bilité, qui a une tout autre portée. Celle-ci devrait, en toute 
rigueur, être considérée plutôt comme une définition des 
phénomènes dits irréversibles que comme une loi. 

C'est que la définition usuelle des phénomènes irréver- 
sibles est purement négative. Rien ne prouve que les 
phénomènes, considérés comme irréversibles, ne puissent, 
un jour, être reconnus réversibles. Alors lirréversibilité ne 
saurait plus fournir de caractère distinctif aux phénomènes. 

J'aurais pu me placer dans cet ordre d’idées qu'impose 
presque la théorie de l'énergie et présenter la théorie de la 
chaleur sous sa forme la plus générale en distinguant trois 
classes de phénomènes : ceux qui satisfont à la condition 
exprimée par la troisième loi fondamentale, ceux qui 
s'accomplissent avec dégagement de chaleur et ceux, non 
encere observés, qui s'accomplissent avec absorption de 
chaleur. Si je n’ai pas suivi cette voie plus large, c’est que 
je n'ai pas voulu, en dépassant les faits, m’écarter des vues 
habituelles et prêter au reproche d'introduire, dans la 
physique, l'esprit de la géométrie non euclidienne. 


916 


d'irréversibilité, énoncée explicitement, quoique 
sous une forme imparfaite, par M. Berthelot, pour 
le cas de l'irréversibilité due aux actions chimi- 
ques, cette loi est absolument générale et vraie de 
tous les genres de phénomènes non réversibles. Elle 
est surtout connue par ses corollaires de Thermo- 
dynamique: maximum de rendement des machines 
thermiques, théorème de Clausius sur la fonction 


, ete. Son exactitude n'est donc pas douteuse, 


rdQ 
É 
mais il était indispensable, pour le but que nous 
poursuivons, de la dégager de Loute considération 
sur le travail ou la force motrice de la chaleur. 


S 4. — Conclusion sur les lois fondamentales. 


En résumé. toute la science de la chaleur repose 
sur les quatre lois suivantes, savoir : 

1° Loi sur l'équilibre, qui remonte aux temps les 
plus anciens de la science moderne ; 

2 Loi sur la conduction, qui a pour bases les spé- 
culations et les expériences de Black; 

3 Loi sur la réversibilité, due à Sadi Carnot; 

4 Loi sur l'irréversibilité, à laquelle il faut surtout 
rattacher les noms de Clausius et de W. Thom- 
son. 

Aucune de ces lois ne peut être démontrée, c'est- 
à-dire ramenée à une loi plus simple: ce sont des 
lois fondamentales. Mais, tandis que les deux pre- 
mières, qui ont rapport à des corps quelconques, 
se trouvent directement vérifiées par le fait de la 
possibilité des mesures thermométriques el calo- 
rimétriques, les deux autres, qui ont uniquement 
pour objets les «sources de chaleur », ne sont pas, 
dans beaucoup de cas, directement vérifiables, en 
raison des difficultés pratiques d'expérimentalion. 
En réalité, elles n’ont jamais été directement véri- 
fiées, et la preuve, d’ailleurs parfaitement sufli- 
sante, de leur exactitude réside dans l'exactitude 
de leurs corollaires propres, c’est-à-dire de ceux 
qui sont logiquement incompatibles avec la néga- 
tion de ces lois. 

Les deux lois sur la réversibilité et l'irréversibi- 
lité conduisent immédiatement à un premier 
corollaire concernant les propriétés du cycle de 
Carnot. Si, dans l'opération réversible, Q est la 
quantité de chaleur empruntée à la source chaude 
à la température T, et Q'Ila quantité de chaleur 
cédée à la source froide à la température T', le 


Q : : m à 
rapport pr ne dépend que des températures T et T', 


mais nullement de la nature du corps qui sert de 
machine thermique: car, s’il en était autrement, el 
si, avec une seconde machine thermique consti- 
tuée par un corps différent, on pouvait, en em- 
pruntant à la source chaude la chaleur Q, trans- 
mettre à la source froide une chaleur Q", différente 


4 


G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


de Q!', il serait possible, en se servant successi- 
vement des deux machines thermiques travaillant 
en sens opposé, d'enlever ou de céder à la source 
froide la chaleur Q, — Q',, sans rien céder ou en- 
lever à la source chaude, ce qui serait contraire à 
la première loi. De plus, le rapport constant & 
que Sadi Carnot supposait à tort égal à l'unité, est 
supérieur à l'unité: car, après avoir emprunté la 
chaleur Q’ à la source froide et avoir cédé à la 
source chaude la chaleur Q, on peut ramener cette 
dernière source à son élat initial en laissant la 
chaleur Q reçue par cette source s'écouler direc- 
tement sur la source froide qui, en définitive, se 
trouve avoir gagné la chaleur Q — Q', et il faut que 
cette quantité soit positive, d’après la deuxième loi. 
La loi sur la réversibilité comporte aussi un 
second corollaire sur lequel, ainsi qu’on le verra, 
repose la possibilité de définir l’entropie. On sait 
que, si un phénomène de conduction s’accomplit 
entre une source $ et une source plus froide S', 
et que, si la source S' est ramenée à son état ini- 
tial à l’aide d’un second phénomène de conduc- 
tion accompli entre cette source S'et une source 
S"' encore plus froide, le changement subi par 
celte source S” sera le même que si la conduction 
s'était directement opérée entre la source S et la 
source S’. Or ce principe des trois sources, qui esl 
l'un des corollaires de la seconde loi fondamentale 
de la chaleur, et qui conduit à la notion précise de 
la quantité de chaleur, est aussi vrai des opérations 
réversibles. En effet, après qu’une première opéra- 
lion réversible a élé accomplie sur les sources $ el 
S’', l’une S perdant la chaleur Q, l'autre S' gagnant 
la chaleur Q', et qu’une seconde opération réver- 
sible a été accomplie sur les sources S'etS”, opé- 
ration par laquelle la source S' revient à son étal 
initial, et la source S” gagne une quantité de cha- 
leur Q”, on peut, par une troisième opéralion ré- 
versible, ramener la source S”à son état initial, et 
il faut alors, d’après la loi sur la réversibililé, que 
la source $ revienne aussi à son état initial, c’est- 
à-dire regagne la chaleur Q qu'elle avait perdue 
dans la première des opérations. Ainsi donc la cha- 
leur Q” gagnée par la source S” à la suite des deux 
premières opérations est la même que si l’on avail 
directement emprunté la chaleur Q à la sourceS, 
sans passer par l'intermédiaire de la source S". 
L'état final de la source S" ne dépend, d'une ma- 
nière générale que de l’état final de la source, et 
nullement des intermédiaires. Voilà pour le der- 
nier des corollaires que nous avions en vue. 
Ayant élabli, sans invoquer aucun principe 
étranger à la science de la chaleur, les propriétés 


; Q 
du cycle de Carnot, à savoir que le rapport ni 


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ÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLiQuéEs (Numéro du 30 Oclobre 1895). 
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Fr. 


1. — Lresse Davy à gabarier (Puissance : 3,500 Lonnes) des Acierres de Sainlt-Chamond. — Cette presse donne à 
chaud et sous pression (gabariage) la forme que doivent avoir les plaques de blindage. Deux étampes (formes) sont 
employées à cet effet. Comme le-montire cette photographie, l'une repose sur la chabotle (table) de la presse, l’autre est 
attachée à la traverse horizontale sur laquelle presse le piston. L’étampe supérieure fait fléchir la plaque d'acier et lui 

Dans le cas!présent, les étampes figurées ici servent à gabarier les plaques 


fait épouser la forme de l’étampe inférieure. 

de peütes tourelles, tourelles servant à lozer des canons de 1# centimètres.) Suivant la forme à donner au blindage, les 
étampes varient. Il n'y a cependant qu’un petit nombre d’étampes, de sorle que dans bien des cas on modifie la forme du 
blindage en intercalant entre lui et l’étampe de larges las, sortes de tables rectangulaires sur lesquelles on fixe dans les 


rections convenables une ou] lusieurs palettc s. 


ne dépend que des températures et est supérieur à 
J'unité, nous avons (erminé avec la partie tech- 
nique de notre travail, avec les questions de fait; 
nous pouvons aborder maintenant son objet prin- 
CS _ cipal: la définition et les lois de l’entropie. Ce n’est 
plus qu'aflaire de raisonnement, 


& E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER CL 


Dans un prochain article, où nous étudierons 
l'application de ces lois, nous nous attacherons 
spécialement à la définition physique et à la 
mesure de l’entropie. 

G. Mouret, 


Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées. 


ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER ‘ 


Nous avons, jusqu'ici, décrit le matériel et les 
procédés généraux en usage dans les forges 
actuelles; nous avons étudié à part, dans des 
chapitres différents, ce qui se rapporte au Aor- 
geage, au laminage et aux procédés subséquents. 
. Maintenant que nous connaissons les principaux 
éléments des opérations de la forge, nous passe- 
rons en revue chacun des produits en usage soil 
dans les constructions navales, soit dans l’artillerie, 
soit dans les chemins de fer, soil dans les indus- 
tries diverses, en indiquant brièvement la marche 
que l’on suit actuellement pour les fabriquer. 

— Nous éludierons ensuite les conditions géogra- 
phiques et économiques de l'industrie du forgeage 
et du laminage. 


+ 
« 


I. — PRODUITS DE FORGE. 


Les produits de forge comprennent: blindages, 
tôles, arbres, canons, obus, rails, bandages, es- 
sieux et centres à rais. 


$ 1. — Blindages. 


Autrefois tous les blindages étaient en fer et 
étaient obtenus par laminage de paquets: leur 
épaisseur ne dépassait pas alors 0",25. Le dévelop- 
pement qu'a pris la fabrication de l’acier coulé 
Siemens ainsi quela puissance, toujours croissante, 
des engins de transformation, ont permis l'emploi 
de l'acier à tous ses degrés de durelé. Toutefois 
les plaques en fer laminé sont encore employées 
pour les calottes des coupoles terrestres, dans les- 
quelles les trous d’embrasures sont obtenus le plus 
souvent par un simple emboutissage. 

Les plaques de pont, d’une épaisseur de 30 à 
100%/"*, sont exposées au tir plongeant et doivent 
pouvoir s'emboutir sans déchirure. Elles sont, par 
conséquent, en acier de nuance extra-douce à 
0,10 °/, de carbone. Les lingots qui leur‘ donnent 
naissance sont laminés au jaune orange avec un 


1 Voyez, pour la première partie : Revue générale des 
Sciences, tome VI, pages 870 à 886 (n° du 15 octobre 1895). 


DEUXIÈME PARTIE : PRODUITS DE FORGE. — CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES 
ET ÉCONOMIQUES DE LA PRODUCTION 


corroyage de 7 à 8, c'est-à-dire que le rapport 
entre la section moyenne du lingot coulé et celle 
de la plaque laminée est de 7 à 8. Les plaques 
sont recuites avant trempe à 900°, {rempées deux 
fois à l’eau à 1000°, gabariées à 800° et recuiles 
définitivement à 600°. 

Le gabariage est l'opération de presse qui a pour 
but de donner aux plaques, plus généralement 
aux pièces d'acier, la forme définitive qu’elles 
doivent offrir. Les presses employées à cet effet 


diffèrent peu de celles que nous avons décrites à 


propos du forgeage !. La planche I ci-contre 
représente l’un de ces puissants engins : la presse 
Davy, aux Aciéries de Saint-Chamond. Sa traverse 
horizontale, sur laquelle presse lepiston, porte à 
sa partie inférieure une élampe destinée à faire 
fléchir la plaque à gabarier, et à lui faire épouser 
sa forme. Au-dessous de la plaque à gabarier se 
trouve une autre éfampe, reposant sur la chabotte 
de la presse. Ce sont ces deux élampes et leurs 
pièces annexes qui donnent à la plaque sa forme 
définitive. Cette opéralion est exécutée à 800°. 

L'obligation du recuil après gabariage est une 
grosse difficulté : car, si l’on dépasse une certaine 
température nécessaire pour supprimer les ten- 
sions du métal, la plaque se déforme et doit être 
gabariée à nouveau. 

Les plaques de tourelles et de ceinture qui doi- 
vent résister aux coups directs et ne pas se laisser 
traverser, tout en conservant assez de malléabi- 
lité à l'arrière pour qu'il ne se produise pas de 
fentes, ont une épaisseur bien plus considérable 
que les précédentes et qui atteint 500 "/*. Elles 
étaient fabriquées jusqu'ici surtout en métal Com- 
pound soit d’après le procédé de Wilson, qui cou- 
lait l'acier liquide sur un sommier en fer porté au 
rouge, soit d'après le système Ellis, dans lequel la 
couverte en acier était formée de deux parties, 
l’une en acier très dur, l'autre constiluée par de 


DRE D IUT ET TR US, 7 NE PUR EN RNREN Er 
1 Voyez Revue générale des Sciences, t. VI, p. 8173 
(numéro du 15 octobre 1895). 


918 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FEK ET DE L’ACIER 


l'acier liquide qui servait à souder les deux plaques. 
Dans l’un et dans l’autre cas, l’ensemble, une fois 
soudé, d'avant et d’arrière, fer et acier très dur, 
formait une sorte de lingot qui était recuit à 1000°, 
puis, soit laminé, soit de préférence forgé à 1000”; 
la plaque était gabariée à 1000° et recuite à 700. 
Seul parmi toules les usines françaises, le Creusot 
oblenait des résultats analogues à ceux des plaques 
Compound avec des plaques en acier homogène, 
mais de qualité spéciale. En présence des progrès 
incessants auxquels on est arrivé dans le domaine 
de l'artillerie, il fallut augmenter dans les plaques 
la résistance à la pénétration, et l’on y parvient 
maintenant, lantôl en cémentant l’une des faces 
des plaques en acier homogène (d’après le procédé 
Harvey), tantôt en forgeant des lingots d'acier 
cémentés eux-mêmes pendant la coulée, d'après 
un procédé récemment décrilici-même !. Quelle que 
soit la méthode suivie pour obtenir une plaque cé- 
mentée,celle-ci doit être recuite avanttrempe à 950°, 
gabariée, trempée à l’eau vers 800 à 900", soit par 
immersion, soit par aspersion, et enfin recuile à 
600 ou 700°, réchauffage dont on profite pour les 
retouches, Le corroyage exigé par la Marine pour 
ces plaques épaisses est d'au moins 4. 

Ajoutons maintenant que les plaques sont pres- 
que toujours trempées verticalement, par asper- 
sion. Les plaques minces sontchauffées horizontale- 
ment, puis saisies par deux trous praliqués sur un 
des bords dans la rognure lalérale: les plaques 
épaisses sont chauftées verticalement dans un four 
à sole mobile et enlevées avec un palonnier à 
4 branches. Dans une bâche verticale, on a la faci- 
lité de renouveler constamment l'eau à la surface 
du métal et de pouvoir augmenter la quantité de 
liquide au centre des plaques, puisque les bords 
se refroidissent beaucoup plus vite. 

En France, la fabrication des blindages se répar- 
tit entre cinq grandes usines : le Creusot, Saint- 
Chamond, Rive-de-Gier, Montluçon el Saint- 
Étienne. Cette dernière usine ne peut d'ailleurs 
livrer, avec son outillage, que des plaques minces. 


$ 2. — Tôles. 


Les tôles de fer sont encore couramment em- 
ployées dans la construction des chaudières; car, 
si les Lûles d'acier coûtent moins cher à égalité de 
résistance, leur préparation demande beaucoup 
plus de précautions. Néanmoins la Marine a adopté 
exclusivement l'acier, aussi bien pour la construc- 
tion des coques que pour celle des chaudières. Il 
s’agit alors de chaudières de grands diamètres ou 
à très hautes pressions, et les tôles de fer seraient 


1 Voyez à ce sjet l’article de M. Gay dans la Revue du 
30 septembre dernier. 


tellement épaisses que le travail de rivetage lais- 
serait à désirer. La plupart des grandes forges 
francaises fabriquent des tôles en fer ou en acier, 
mais on doit ciler en première ligne les Aciéries 
de Saint-Étienne, dont l'installation de tôlerie passe 
à juste raison pour un modèle. 

Un corroyage suffisant est une condilion essen- 
tielle pour que les tôles en acier aient les qualités 
voulues ; il faut que le lingot à laminer ne soil pas 
trop plat. On comprend dès lors toute l'importance 
pour une usine d’avoir à sa disposition des lami- 
noirs où les cylindres aient une grande levée 
(600 /*), Mais on est conduit, dans ce cas, à re- 
noncer aux releveurs et à adopter le mouvement 
réversible. Le plus souvent l'insuffisance de levée 
oblige à dégrossir le métal et à marteler des bra- 
mes qui sont ensuite laminées. Le travail à chaud 
des tôles en acier ne doit jamais se terminer au- 
dessous du rouge, car la température de 350 à 400° 
donne au métal un état rouverain qui l'expose à 
la rupture sous le moindre effort. Après dressage 
au maillet de bois et planage,; les tôles sont cisail- 
lées, puis soigneusement recuites. 

La fabrication de tôles durcies en acier chromé, 
destinées à servir d'écrans contre le tir au fnsil, 
se développe de plus en plus dans la Loire et dans 
le Centre. Enfin les tôles en acier doux, étamées, 
tendent à remplacer le fer-blanc en fer, el bien des 
usines françaises complètent l'opération de l’éla- 
mage en décorant, par impression de couleurs, ces 
tôles, dont on fait un si grand usage pour les 
conserves. 

$ 3. — Arbres. 

L'acier s’est également substitué au fer dans la 
construction des arbres droits et soudés ainsi que 
dans celle des autres pièces de machines, telles 
que bielles, manivelles, chapes, pièces de gouver- 
nail, tiges de piston, etc. Les tiges de pilon elles- 
mêmes, soumises à des chocs successifs, se font en 
acier forgé. Toutes ces pièces qui travaillent soit 
à la compression, soit à la compression et à la tor- 
sion, s'emploient souvent à l'état creux après for- 
geage, ce qui a le grand avantage de les débar- 
rasser des parties centrales qui peuvent ne pas être 
d'une homogénéité aussi parfaite que le pourtour. 

Les lingots servant à la fabrication des gros 
arbres de marine ont quelquefois des poids très 
considérables : 50 à 60 tonnes. Ils sont ébauchés 
à la presse, sur les pannes droites, en octoyones de 
600 à 300 %/", puis é{ampés à la presse ou au pilon 
et, pendant ce travail, absolument nettoyés des 
oxydes par aspersion d'eau. L'arbre, une fois 
obtenu, subit un bon recuil et parfois même une 
trempe, soit à l’eau, soit à l'huile, suivie d’un 
recuil. 

La fabrication des arbres coudés demande cer- 


dci dite 


LY ds 


RÉ tds dde étant i 1: 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


tains tours de main dans le détail desquels il nous 
est impossible d’entrer. Nous dirons seulement 
que, lorsqu'il s’agit d'obtenir plusieurs coudes, qui 
ne sont pas dès lors dans le même plan, on peut le 


_ faire par #aillage, c’est-à-dire par torsion de la 


pièce, ou directement, en se ménageant suffisam- 
ment de matière autour de l’axe pour pouvoir dé- 
couper les différents coudes. 

Les forgerons de la Loire ont acquis dans ces 
travaux une juste réputation, et l’on peut dire que 
c’est cette main-d'œuvre habile qui retient encore 
dans la région une industrie qui, pour tant de 
raisons économiques, tend à se déplacer et à se 
porter du côté du nord et de l’est de la France. 


$ 4, — Canons. 


Depuis 1873, époque à laquelle l’artillerie fran- 
çaise a adopté l'acier pour la fabrication de ses 
bouches à feu, toutes les grandes aciéries fran- 
caises fournissent à l'État les éléments de canons, 
tels que tubes et frettes, qui sont usinés ensuite à 
Bourges et à Ruelle. Nous citerons, parmi ces 
usines, le Creusot, Saint-Chamond, Marrel, Saint- 
Étienne, Firminy, Saint-Jacques, Unieux et Pa- 
miers. Le métal à canons doit avoir, à la rupture 
et au choc, une résistance assez considérable pour 
supporter l’action des gaz de la poudre ; un allon- 
gement suffisamment grand pour indiquer la 
fatigue de la pièce: une limite d’élasticité assez 
élevée pour ne pas nuire à la justesse de l'arme. 

Les éléments de canons, tels que tubes, corps, 
viroles, etc., se font en acier mi-doux fondu, forgé 
et trempé, du moins dans les cas ordinaires ; car, 
depuis l'emploi des nouveaux projecliles à explo- 
sifs, il y alieu de rechercher maintenant des aciers 
de qualité toute spéciale. Le poids du métal à uti- 
liser par lingot ne dépasse pas 60 °/, et le cor- 
royage est de 4. La section horizontale des lingots 
affecte une forme polygonale à côtés légèrement 
concaves, ce qui permet auretrait de l’acier de s’ef- 
fectuer sans provoquer, surles angles, des amorces 
de fissures. Du reste, avant le forgeage, on a soin 
d'enlever par burinage les criques extérieures qui 
peuvent exister. Le forgeage comprend l’ébauchage 
et l’étampage. Les pièces sont recuites avant 
trempe, tournées extérieurement, forées, trempées 
à l'huile ou à l’eau à 70° et recuites après trempe. 
Des rondelles sont détachées à l’avant et à l'arrière 
après les différentes opérations et fournissent des 
barreaux au contrôle. 

L’artillerie de terre, pour ses canons de 240 mil- 
limètres, 270 millimètres et320 millimètres, et l’ar- 
tillerie de marine, pour tous ses canons, emploient 
des frettes en acier fondu, forgé et trempé de qualité 
analogue à celle des tubes. Le lingot, forgé à huit 
faces, est tranché à chaud en tronçons égaux: cha- 


919 


cun d'eux, destiné à une frette cylindrique, est 
percé à froid d’un trou central, puis mandriné à 
chaud, bigorné et laminé au laminoir à bandages. 
S'il s’agit de fabriquer une frette à tourillons, on 
prépare, dans le lingot ébauché, l'un des touril- 
lons ; on sépare la frette du lingot: on ébauche le 
second tourillon et on pratique à froid, dans le 
centre du bloc, une saignée d’une certaine longueur 
dans laquelle on passe une série de mandrins d’a- 
bord allongés, puis ronds, qui amènent la frette à 
la forme voulue. Les autres opérations se pour- 
suivent comme pour les tubes. 

Les frettes en acier puddlé sont encore em- 
ployées par l'artillerie de terre pour les pièces de 
petit calibre. Les paquets, chauffés au blanc sou- 
dant, sont transformés en barres de section tra- 
pézoïdale dont les deux bases sont dans le rapport 
des rayons extérieur et intérieur de l’enroulage 
qu’on veut obtenir. L’enroulementse fait immédia- 
tement sur un mandrin tronconique, placé à la 
suite du laminoir. Les diverses spires sont ensuite 
soudées au pilon dans une matrice; enfin les blocs 
obtenus sont laminés ou forgés suivant que la frette 
estcylindrique ou à tourillons. Les frettes sont 
recuites au rouge cerise clair et trempées dans de 
l'eau à 70°. 

$ 5. — Obus. 

Pour pénétrer dans les blindages en acier et les 
traverser, les projectiles en fonte trempée ne suf- 
fisent plus. Il faut avoir à sa disposition des obus 
en acier très dur, forgés et trempés. 

L'usine Holtzer, d'Unieux, entreprit, la première, 
la fabrication des obus en acier chromé. Elle fut 
bientôt suivie par Firminy, Saint-Chamond, Saint- 
Étienne, Marrel et Montluçon. Depuis quelques 
années, d’autres usines de moindre importance, 
telles que Claudinon et Pamiers, ont également 
recu des commandes de la Guerre et de la Marine, 
et tous ces établissements rivalisent de soin et de 
patience afin d'arriver à produire des projectiles à 
peu près parfaits. Les lingots, coulés soit en acier 
au creuset, soit en acier Siemens, sont livrés chauds 
à la forge. Leur ébauchage se fait en deux ou trois 
chaudes, à des températures progressives à partir 
de 800° ; puis on étire, à l'arrière du lingot, une 
queue d’amarrage, ou, préférablement,on ypratique 
un trou carré dans lequel on introduira unetige en 
acier remplissant le même but. 

L'étampage s'opère en matrices fermées affec- 
tant en creux la demi-forme du projectile avec des 
dégagements à la pointe et au culot pour le métal 
en excès. Ce travail s’effectue en une ou quatre 
chaudes d’après le calibre. Lorsque les projectiles 
sont arrivés à la dimension demandée, on les porte 
dans un four chaud à la température de 900°, que 
l’on maintient pendant 6 heures. 


920 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


Ce recuit, qui détruit les tensions créées par le 
forgeage, est suivi d'un refroidissement lent. Les 
obus sont ensuite tournés, forés et subissent deux 
trempes : 4° une trempe totale, soit dans le plomb 
fondu, soit dans l'huile; 2 une trempe partielle de 
l'ogive à l'eau. Voici comment s'effectue cette der- 
nière opération : après la première trempe, les 
projectiles sont retirés du bain au rouge sombre et 
refroidis dans le fraisil ; l’ogive est polie et recou- 
verte d’un chapeau afin de ménager le chauffage 
de la pointe ;: on les place dans un four disposé 
pour ne chauffer que l’ogive, un jet de vapeur, placé 
à l'intérieur, permettant de régler la hauteur à 
chauffer, Quand la température du rouge cerise 
franc est atleinte, on dispose les obus verticale- 
ment sur un jet de vapeur et on les coiffe d'un ap- 
pareil distributeur d’eau qui refroidit l’ogive en 
commençant par la partie la plus épaisse. Dans 
quelques usines, les opérations se terminent par 
un recuit de la partie cylindrique arrière ou même 
par une trempe partielle au plomb de cette portion 
de l’obus. 

$S 6, — Raïls. 

Les rails, qui constituent, au point de vue du ton- 
nage, l’article le plus important du matériel des 
chemins de fer, sont maintenant fabriqués en 
acier; le fer n'a pu soutenir la concurrence et a été 
complètement abandonné depuis 1885. Cette subs- 
ütution était d'autant mieux indiquée que l’on est 
très exigeant sur les conditions de résistance 
d'un bon rail, aujourd'huique l’on marche à grande 
vitesse et que l'on fait usage des freins instantanés. 

Doit-on employer de l'acier doux ou de l'acier 
dur? Les avis sont très partagés. Il est évident 
que la douceur du métal est une garantie contre 
les ruptures, mais en même temps une cause d’u- 
sure très rapide. Il est possible d'arriver à réunir à 
peu près tous les avantages avec certains aciers 
siliceux ; mais, comme pour les plaques de blin- 
dage, la vérité est encore dans l'emploi de lingots 
très doux, cémentés progressivement à parlir d'une 
de leurs faces etlaminés de telle sorte que la surface 
extérieure du champignon corresponde à la partie 
extra-dure et le patin à la partie extra-douce. 

On cherche à abaisser, par tous les moyens pos- 
sibles, le prix de revient dans une fabrication dont 
les centres de production se sont tellement multi- 
pliés en même temps que les besoins diminuaient: 
aussi a-t-on augmenté les diamètres des cylindres, 
et les a-L-on disposés de façon à pouvoir laminer 
des barres de 20 à 30 mètres de longueur qui don- 
nent rapidement 2 à 3 rails avec un très faible 
déchet. 

Nous avons parlé précédemment de l’outillage 
employé pour celte fabrication. La plupart des 
usines françaises sont montées pour faire des rails : 


mais, actuellement, cette spécialité s’est concen- 
trée sur quelques-unes seulement, grosses pro- 
ductrices d'acier, parmi lesquelles il faut citer : 


Denain, Isbergues, Jœuf, Mont-Saint-Martin, le 


Boucau. 

Le petit matériel d'attache, qui comprend les 
éclisses, boulons, tirefonds, etc., se fabrique dans 
les mêmes usines, généralement en acier doux. 

Enfin, les traverses métalliques en acier doux, 
dont la raison d’être, malgré leurs qualités, est 
surtout la création d’un débouché pour la produc- 
tion croissante du métal et l'utilisation des 
cylindres sans travail, ne sont cependant pas assez 
répandues en France pour que nous nous y arré- 
tions. Nous dirons seulement que c’est à l’occasion 
de cette fabrication que l’on a fait application de 
la méthode de laminage à profil variable, c’est-à- 
dire à calibre périodique, qui produit des traverses 
présentant une certaine inclinaison des surfaces 
d'appui et un renforcement du tablier en ces en- 
droits. 

$ 7. — Bandages. 

Comme pour les rails, l'acier fondu s’est complè- 
tement substitué au fer et même à l'acier puddlé 
dans la fabrication des bandages. Ces pièces doi- 
vent présenter à la fois une dureté à l'épreuve du 
frottement sur le rail, et une ductilité permettant 
l’embattage des roues et assurant, pendant le rou- 
lement, toute sécurité au voyageur. 

Néanmoins les compagnies de chemin de fer ne 
sont pas absolument d'accord surle degré de dureté 
auquel il convient de commanderle métal. La Com- 
pagnie P. L. M. prend de préférence des bandages 
assez doux; l'Orléans, le Midi et l'Ouest, des ban- 
dages plutôt durs. Certaines d’entre elles font 
même des essais pour l'emploi de bandages en 
acier chromé. D'autres préfèrent des bandages en 
acier Siemens basique ayant recu deux trempes 
successives à l’eau, et, de fait, ce procédé est très 
économique el donne des résullats analogues. 

Toutes les grandes usines de la Loire et du 
Centre, auxquelles on peut ajouter le Boucau et 
Pamiers, fabriquent des bandages. Toutefois cette 
fabrication, comme celle des pièces de forge, tend 
à se déplacer et à s'établir sur les points où le 
mélal à l’état brut est d’un revient plus avantageux. 
Déjà actuellement plusieurs des usines qui trailent 
les minerais phosphoreux par le procédé Thomas 
el se servent des nombreux riblons résidus pour 
alimenter leursfours basiques, sont devenues four- 
nisseurs des Compagnies de chemins de fer du Nord 
et de l'Est, et leurs laminoirs font une sérieuse 
concurrence à ceux de la Loire, dont quelques-uns 
ne travaillent plus qu'à de rares intervalles. 

Les lingots ont, en général, la forme de poires 
rondes ou polygonales, avec ou sans masselottes, 


nm sit tn dote hontdttmstecteon à at de né dE LS ES nr 


tait ns 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


924 


suivant qu'ils doivent donner des bandages de 
machines ou de wagons. Ils sont martelés à un 
pilon de 8 à 10 tonnes, d'abord légèrement sur les 
côtés pour supprimer les arêtes, puis dans le sens 
vertical, de facon à être réduils à peu près à moilié 
de leur hauteur. Les galettes obtenues sont poin- 
gonnées au centre et transformées.en rondelles. Un 
bigornage, c'est-à-dire un forgeage des côtés sur 
mandrin, agrandit le vide des rondelles tout en 
ébauchant déjà une certaine inclinaison sur la sur- 
face extérieure. Enfin les rondelles, planées et 
nettoyées par burinage des pailles ou autres dé- 
fauts, sont laminées ainsi que nous l'avons décrit. 

Quelques usines, comme Saint-Jacques ou le 
Creusot, dont la nouvelle installation fonctionne, 
fabriquent en deux chaudes: la première pour le 
martelage et le bigornage, la seconde, pour le 
laminage. D’autres, comme Saint-Étienne, ne 
bigornent qu'après burinage, ce qui les oblige à 
une chaude de plus. 

Après laminage, les bandages sont ovales et 
légèrement coniques ; on les passe au #4@drin 
hydraulique qui les arrondit au diamètre voulu. 
Enfin, on les soumet généralement soit à un recuit 
plus ou moins élevé, soit à une trempe à l’eau ou 
à l'huile, suivie d’un recuit, soit à deux trempes à 
l’eau consécutives. 

Un perfectionnement qui nous parait devoir sim- 
plifier beaucoup cette fabricalion, est l'application 
du procédé James Munton. Au lieu d’être plein, le 
lingot, qui peut contenir un ou plusieurs bandages, 
comporte ur trou central ; il est traité directement 
au laminoir spécial, qui découpe à la fois les ban- 
dages, les met au diamètre et enlève la masselotte. 
La caractéristique de ce procédé est donc la sup- 
pression du forgeage et du bigornage. La seule 
difficulté consiste dans l'oblention d'un lingot 
circulaire homogène, sans tensions localisées el 
sans amorces de criques. C’est dans ce but que, 
pour céder au relrait du métal, le moule comprend 
un noyau légèrement compressible et que la cou- 
lée se fait en jet circulaire, afin d'éviter des inéga- 
lités de température dans les différents éléments 
de la circonférence. Avant Munton, on avait fait en 
France bien des essais dans ce sens ; nous pensons 
que, s'ils n'ont pas abouli, cela lient aux imper- 
fections de la coulée. Le lingot en forme de cou- 
ronne est appelé à remplacer la poire habituelle 
des bandages; il dispense d'opérations coûteuses 
et permet l'application d’un procédé quelconque de 
cémentation sur la partie extérieure qui correspond 
à la surface de roulement. 


$ 8. — Essieux. 


Les compagnies dechemin de fer ont mis une cer- 


pas bien longtemps que la Compagnie P.L.M. s’est 
décidée pour le métal homogène fondu. Cette der- 
nière a même cru devoir exiger, au début, jusqu'à 
15 de corroyage, afin de s’entourer de toutes les 
conditions de sécurité désirables, mais elle a vite 
reconnu que la précaution était illusoire. Aujour- 
d'hui, tous les essieux se font en acier, plutôt mi- 
dur que doux, et les essais énergiques de ployages 
et de redressements auxquels ils sont soumis ainsi 
que les bandages, sont une sûre garantie de leurs 
qualilés et de leur bon usage. La plupart des 
grandes forges fabriquent des essieux de wagons 
et de machines. En général, les lingotls pour essieux 
de wagons ont une section carrée à angles abattus 
et pèsent 260 à 300 kgs. Ils sont martelés à un petit 
pilon en blocs octogones de 160 millimètres de dia- 
mètre, puis on procède à l'estampage du corps 
et des fusées en deux ou trois chaudes. Pour les 
essieux de machine on étire ordinairement à un 
pilon de 20 à 25 tonnes de gros lingots qui four- 
nissent plusieurs pièces, celles-ci sont étampées 
en trois chaudes. Le recuit se fait toujours au 
rouge cerise. 


$ 9. — Centres à rais en fer. 


Nous ne ferons que signaler ce produit de forge 
d'un si grand usage dans les chemins de fer et qui 
fait Honneur à notre industrie française, puisque 
ce sont quelques établissements de la Loire, et 
particulièrement les usines Arbel de Couzon, quien 
ont entrepris et perfeclionné la fabrication. Les 
diverses pièces en fer: le moyeu, les bras et 
la jante, sont soudées en matrice dans une ou 
deux opérations, et la roue, qui ne forme plus 
qu’une pièce unique de forge, est ensuite livrée 
pour l’ébarbage à des machines-outils spécia- 
les. 


Tous les produits que nous venons de signaler, 
forment le principal appoint de la production de 
nos grandes forges. Pour compléter cette énumé- 
ration, il faudrait encore citer la fabrication de la 
machine ou verge d’acier el des tréfilés qui en sont 
les dérivés (la plupart des grandes aciéries faisant 
du métal basique), la fabrication des chaines 
(Nord, Loire, Midi), des càbles (usine de Tronçais 
Firminy), celle des tubes obtenus soit par recou- 
vrement (usine Mignon-Rouart à Montluçon, usines 
d'Hautmont), soit par emboutissage (usines Brunon 
à Rive-de-Gier), soit enfin par laminage spécial 
(procédé Mannesmann). Le cadre de cet article ne 
nous permet pas d'aborder tous ces sujets, et nous 
terminerons cette étude par quelques considéra- 
lions statistiques et économiques sur l’ensemble 
de l’industrie du forgeage et du laminage en 


laine lenteur à adopter desessieuxenacier,etiln'ya |! France. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


20** 


II. —— CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES ET ÉCONOMIQUES 
DU FORGEAGE ET DU LAMINAGE. 


Les forges francaises dont le tableau I (page 923) 
donne l'énumération et résume la distribution, 
se répartissent dans un pelit nombre de régions 
bien distinctes, que l’on peut grouper de la façon 
suivante : 


1° Larégion du Nord(fig.2)correspond aux bassins 


is 


SNS 
NS 


NS NS 
de ee = 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


laminés tels que rails, traverses, poutrelles, larges 
plats, tôles slriées, cornières, blooms, billettes, 
ressorts, tubes soudés par recouvrement, chaines, 
fils, emboutis pour obus. Les Aciéries du Nord et 
de l'Est à Valenciennes, la Providence, Maubeuge, 
Vézin-Aulnoye, reçoivent les fontes de leurs hauts 
fourneaux de Meurthe-et-Moselle ; les Forges de 
Denainetd’Anzin traitent sur place des minerais de 
Meurthe-et-Moselle, de Bilbao, de Motka, et les 


a 


— Distribution des forges françaises dans le bassin de la Seine et celui de l'Escaut\. — Les régions où se 


trouve le minerai sont coloriées en rouge ; les régions à houille sont représentées en bleu. 


houillers du Nord et du Pas-de-Calais et comprend 
les Aciéries de Valenciennes et de Denain, les 
Forges, moins importantes, de la Providence à Haut- 
mont, de Vézin-Aulnoye,de Maubeuge, de Louvroil, 
de Crespin, de Saint-Amand-les-Eaux, de Ferrière- 
la-Grande, dans le département du Nord; les Acié- 
ries d'Isbergues, dans le Pas-de-Calais; les Forges 
de Saint-Roch-lez-Amiens, dans la Somme. Toules 
ces usines fabriquent spécialement des produits 


1 Ces cartes, ainsi que celles des figures 3 à 9, ont été faites 
d'après un canevas muet qui nous a été obligeamment prété 
par la maison Delagrave. Nous sommes heureux de l'en 
remercier ici, (Note de la Direction.) 


Aciéries d'Isbergues exclusivement des minerais 
de Bilbao. Quelques-unes de ces usines ont éga- 
lement des laminoirs à bandages et de petits 
pilons pouvant forger des pièces peu impor- 
tantes. Mais, au point de vue du forgeage, il 
n'existe encore aucun élablissemement spécial, 
el nous devons signaler l’apparilion prochaine 
des Forges de Douai, actuellement en construc- 
tion, qui, avec leurs nombreux pilons et leur ou- 
tillage remarquable, vont importer une industrie 
pour ainsi dire nouvelle dans celte région si pri- 
vilégiée sous le rapport des combustibles et du 
métal. 


Tableau I 


LISTE DES FORGES FRANCAISES PAR RÉGIONS 


I. — Grou 


Forges de la Providence à Hautmont (Nord). 

Forges et aciéries du Nord et de l'Est à Valenciennes. 
Hauts Fourneaux, forges et fonderies de Maubeuge. 
Forges et aciéries de Denain et Anzin, à Anzin. 
Forges de Douai. ’ 

Société d'Escaut-et-Meuse à Valenciennes. 

Laminoirs de l’Espérance à Louvroil (Nord). 
Laminoirs de Vezin-Aulnoye à Maubeuge. 

Société de fabrication des tubes de fer et acier à Louvroil. 
Société Gustave Dumont et Cis à Louvroil. 
Etablissements métallurgiques de Ferrière la Grande. 


; II. — Groupe 


Usine de Laval-Dieu près de Monthermé (Ardennes) (Ferry 
Curicque et Cie). 

Forges de Flize (Ardennes). 

Usines de Messempré ct Carignan (Boutiny) (Ardennes). 

Forges et ateliers de la Cacheite à Nouzan (Ardennes). 

Forges et clouteries des Ardennes à Mohan. 


+46++- 


pe du Nord 


Fabrique de fer de Maubeuve. ' 

Forges et laminoirs de Saint-Amand-les-Eaux (Dorénieux). 

Forges de Crespin près de Blanc-Misseron (Ferry Curicque 
er Cie). 

Forges-et ateliers de Taza-Villain à Anzin. 

Laminoirs à tubes d'Hautmont. 

Boulonneries Sirot-Mallez à Thiant près Denain. 

Aciéries d’Isbergues (Pas-de-Calais | Aciéries de France]. 

Laminoirs de Biache-Saint-Waast par Vitry (Pas-de-Ca- 
lais). | 

Forges et laminoirs de Saint-Roch à Amiens (Somme). 


des Ardennes 


Forges de Sedan. ; 

Usines de Givet (Société des métaux. Fabrication des tubes 
en acier sans soudure). 

Société des boulonneries de Bogny-Braux (Ardennes). 

Forges et laminoirs de Stenay (Meuse 


IT. — Groupe de l'Est 


Aciéries de Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle) [Acié- 
ries de Longwy]. 

Société métallurgique de Gorey près Longwy. 

Aciéries de Micheville près Villerupt (Meurthe -et-Moselle) 
(Ferry Curicque et Cie). 

Aciéries de Jœuf près Bricy. . 

Forges et aciéries de Pompey (Meurthe-et- Moselle) 
(Fould). 


Forges de Morvillars (Belfort). 
Forges d’Audincourt (Doubs) {Saglio]. 
Forges de Fraisans (Jura). 

Forges et toleries de Chenecières (Côte-d'Or). 
Forges Sirodot à Bezs (Côte-d'Or). 


V. — Group 
Forges de Fourchambault (Nièvre) [Commentry-Four- 
chambault]. 
Forges de Bigny à Chäteauneuf (Cher). 
Forges de Tronçais (Allier) [Chätillon-Commentry]. 


VI. — Group 


Aciéries de la Marine ct des Chemins de Fer à Saint-Cha- 
mond (Loire). 

Usine des frères Marrel à Rive-de-Gier (Loire). 

Forges Brunon à Rive-de-Gier. 

Forges de Couzon (Arbel) près Rive-de-Gier. 

Forges Deflassieux à Rive-de-Gier. 

Forges Lacombe à Rive-de-Gier. 

Acièries d'Assaillÿ (Loire) [Aciéries de la Marine! 


je 


Laminoirs de Champigneulles près Nancy (Société métal- 
lurgique de Champigneulies et Neuves-Maisons), 

Forges de Commercy (Meuse). 

Forges de Rachecourt et de Marnaval (Haute-Marne) [For- 
ges de Champagne]. 

Forges d'Eurville, à Eurville (Haute-Marne). 

Forges de Rimaucourt {Haute-Marne). 

Forges de Closmortier à Saint-Dizier. 


IV. — Groupe de Franche-Comté et de Bourgogne 


Forges, tréfileries et pointeries de Sainte-Colombe, Am- 
pilly, Mussy et Charmesson (Côte-d'Or) [Châtillon-Com- 
.. mentry|]. ? 
Usines du Creusot [Schneider] (Saône-et-Loire). 
Forges de Geugnon (Saône-et-Loire). 


e du Centre 


Usines de Saint-Jacques à Montlucon (Allier) [Châtillon- 
Commentry]. 

Forges de Commentry (Allier) [Chätillon-Commentry]. 

Usines Rouart à Montlucon. 


e de la Loire 


Forges de Lorette (Loire). : 

Forges et aciéries de Saint-Etienne au Marais, près Saint- 
Etienne. 

Forges et aciéries de la Chaléassière, près Saint-Etienne. 

Forges d'Onzion, près Saint-Chamond. 

Forges et aciéries Claudinon et Cie au Chambon (Loire). 

Aciéries de Firminy (Loire). 

Aciéries d'Unieux (Loire). 


VII. — Groupe du Midi 


Forges d'Allevard (Isère). 

Usines de Decazeville (Aveyron) [Commentry-Fourcham- 
bault]. 

Usines d’Aubin (Aveyron [Aciéries de France]. 

Usines du Saut du Tarn à Saint-Juiry (Tarn). 

Forges de la Capelette à Marseille [Marrel frères!. 

Fonderies et forges d’Alais à Bessèges (Gard), 

Usines de Tamaris (Gard) [Cie d’Alais], 

Forges de Ria, près Prades (Pyrénées-Orientales). 


Usines de Pamiers (Ariège). 

Forges de Lacombe et du Ressec, près Tarascon (Ariège). 

Forges et tréfileries de Toulouse. 

Forges de l’Adour au Boucau '(Basses-Pyrénées) [Aciéries 
de la Marine|. 

Forges et ateliers de Labouneyre (Landes). 

Forges et fonderies d'Uza à Uza (Landes). 

Forges de Beaulac par Bazas (Gironde). 


VIII. — Groupe de l'Ouest 


Forges de Sireuil (Charente). 

Forges et aciéries de Trignac, près Saint-Nazaire (Loire- 
Inférieure). 

Laminoirs de Couëron (Loire-Inférieure). 


IX. — Groupe Parisien 


Forges de Persan (Seine-et-Oise). 
Société des forges de Montataire (Oise). 


Forges et aciéries de Basse-Indre à Basse-Indre 
Inférieure). 

Aciéries d'Hennebont (Morbihan). 

Forges de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord). 


Loire- 


Laminoirs de Grenelle [Aciéries de France]. 
Forges Coutant à Ivry-Port (Seine). 


924 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


2 Le groupe des Ardennes (fig. 3, en partie) se 
trouve à peu près placé à égale distance entre la 
houille du Nord et le minerai oolithique de l’Estet 
se compose de nombreux pelits laminoirs qui fa- 
briquent surtout des produits en fer. Toutefois, la 
proximité des aciéries de l’Est et du Nord permet 
facilement l'approvisionnement en lingots d'acier, 
et plusieurs de ces laminoirs ont été acquis ou 
loués£par{de grandes usines de l'Est. Nous citerons 


RE 


couche épaisse de minerais hydroxydés, oolithi- 
ques, siliceux oucalcaires, correspondant à l'étage 
toarcien, s'étend de Nancy à Longwy et, au delà, 
dans le Luxembourg. Ce minerai, malgré les faci- 
lités de son exploitation et son prix de revient très 
bas, n'était employé autrefois qu’à la fabrication de 
fers de secord choix en raison de sa faible teneur 
en fer et du phosphate de chaux qu'il renferme. 
Le procédé Thomas, permettant d'affiner en bons 


ÉASSINS DU/RHNAS 


ee ETDELAM USE Le 


Fig. 3. — Distribulion des forges françaises dans le bassin du Rhin et celui de la Meuse. — Les régions où se 
trouve le minerai sont coloriées en rouge; les régions à houille sont représentées en bleu. 


les usines de Laval-Dieu, de Mouzon, de Vireux- 
Molhain, qui fournissent des verges à clous, fers 
fendus et machine, des tôles d'acier, des tôles lus- 
trées, des feuillards, des fers marchandset profilés, 
des tôles de fer, des poutrelles. Lesusines de Stenay, 
siluées dans la Meuse, peuvent être rattachées à ce 
groupe. Ces dernières préparent elles-mêmes une 
partie de leur acier de consommation avec de pe- 
ils convertisseurs Robert. 


3° Larégion de Meurthe et-Moselle(fig.3, en partie) 
occupe actuellement le premier rang en France pour 
la production de la fonte et de l'acier en lingots. Une 


aciers les fontes les plus phosphoreuses, transforma 
complètement le pays. De nombreux hauts four- 
neaux à grande capacité s'élevèrent,etles usines de 
Mont-Saint-Martin et de Jœuf installèrent des con- 
verlisseurs en même temps que des laminoirs 
puissants pour l'ébauchage et la transformation de 
leurs lingots. Pour ces usines, le combustible 
arrive de Belgique, d'Allemagne ou du nord de la 
France. Le brevet Thomas vient de tomber dans le 
domaine public, et de nouvelles aciéries vont se 
joindre aux deux premières el fabriquer l’acier en 
lingots et en ébauches non seulement pour leur 
usage personnel, mais encore el surtout afin de 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 9925 


l'exporter dans les régions de France moins pri- 
vilégiées où se trouvent des forges importantes 
en plein fonctionnement. Déjà le minerai, la fonte 
ou l'acier sortent en grande quantité du départe- 
ment et nous avons cité plusieurs forges du Nord 
qui possèdent des hauts fourneaux en Meurthe-et- 
Moselle et d’autres qui traitent sur place les mi- 
nerais phosphoreux qui leur en viennent. À part 
quelques pilons de faible importance, qui se trou- 
vent à Pompey et à Mont-Saint-Martlin, les usines 
de Meurthe-et-Moselle sont surtout pourvues de 
gros laminoirs et fabriquent des tôles de fer et 
d’acier, des blooms, des billeltes pour les lami- 
noirs plus faibles, des rails, des larges plats, des 
poutrelles, des profilés, du fil machine. Pompey 
livre également des crochets de traction et ten- 
deurs d’attelage, Dieulouard des outils d’agricul- 
ture et de taillanderie, Champigneulles des fers de 
moulures et de vitrages. Nous rappellerons, en pas- 
sant, que ce sont les usines de Pompey qui ont 
fabriqué les fers de la tour Eiffel. 

4° La région de la Haute-Marne (Voir fig. 2) ren- 
ferme-également une couche de minerai oolithique, 
qui se trouve à la partie supérieure des argiles os- 
tréennes de l'étage néocomien et qui, avec le mine- 
rai hydroxydé de Lorraine,forme l’aliment principal 
de ses hauts fourneaux. Les laminoirs à citer sont 
ceux des Forges de Champagne (Marnaval, Rache- 
court), d'Eurville, de Closmortier el de Rimaucourt 
qui fabriquent des tréfilés, feuillards, fers à ai- 
lette, tubes en fer. Plusieurs de ces usines trans- 
forment des lingots d'acier que leur envoient les 
aciéries de l'Est ou qu'elles produisent au Marlin. 


5° Le groupe de Franche- Comté comprend un 
certain nombre de forges qui, depuis fort long- 
temps, trailaientdans des fours spéciaux les mine- 
rais de fer en grains du système éocène et sont 
devenues des laminoirs importants dont la proxi- 
mité du bassin de Ronchamps (Haute-Saône) faci- 
lite le développement. Les Forges d’Audincourt 
(Doubs) et de Fraisans (Jura), pour ne mentionner 
que les plus importantes, forgent des chaines et 
des roues en feret laminent des tôles, profilés, fers 
marchands, feuillards, fers Zorès, traverses. Toutes 
ces usines achètent dans l'Est, pour les transformer, 
de nombreux lingots d'acier Thomas. 


6° La région de Saône-et-Loire correspond aux 
bassins houillers de Montceau-les-Mines et du 
Creusot, et constitue un centre de forgeage et de 
laminage des plus importants. C’est là que sont 
installées les magnifiques usines de M. Schneider, 
qui font l'admiration des étrangers, etcomprennent 
dans leur ensemble {ous les éléments de la fabri- 


cation du fer et de l’acier, depuis les hauts four- 
neaux jusqu'aux ateliers de construction les plus 
perfectionnés, en passant par tous les genres de 
forgeage et de laminage. Nous avons eu l’occa- 
sion de dire quelques mots de l'outillage vraiment 
remarquable de cette grande forge. Là aussi les 
minerais de l'Est fournissent leur contingent et 
sont trailés à la cornue basique. Mais, pour les 
produits destinés à la guerre, à la marine et aux 
chemins de fer, les fontes employées proviennent 
des minerais purs d'Espagne el d’Allevard (Isère). 


T° Le groupe du Centre (fig. 4, en partie) est carac- 
térisé surtout parles Forges de la Compagnie Châtil- 
lon-Commentry, à Montlucon et à Commentry (Al- 
lier), et celles de la Compagnie Commentry-Four- 
chambault à Fourchambault et JImphy (Nièvre. Les 
premières sont situées sur les bassins houillers de 
Saint-Eloi, Bézenet, Doyet; les secondes, sur celui 
de Decize. Les minerais d’alluvion du Berry sont 
encore utilisés dans le pays. Mais la plupart des 
fontes employées aux Siemens pour les fabrications 
spéciales, telles que blindages, canons, obus, ban- 
dages, essieux, tôles, elc., proviennent des mine- 
rais purs d'Espagne ou des Pyrénées, traités aux 
hauts fourneaux de Saint-Nazaire ou de Tarascon- 
sur-Ariège. Déjà, pour les produits marchands, 
l'Allier est tributaire de l'Est et y achète des lin- 
gols d’acier basique. 


8° Le groupe de la Loire (fig. #, en partie), le vé- 
ritable centre de l’industrie du forgeage, compte 
un grand nombre d'usines dont les noms sont si 
connus que nous croyons inutile d’insister sur cha- 
eune d'elles. Ce sont les forges de Saint-Chamond, 
de Rive-de-Gier, d’Assailly, des Etaings (Marrel), 
de Saint-Etienne (usine Barrouin), d’Unieux (Holt- 
zer), de Firminy, du Chambon-Feugerolles, qui, 
toutes, rivalisent pour les fabrications de la Guerre, 
de la Marine et des Chemins de fer ; et, dans un 
genre plus spécial : les Forges Arbel, Desflassieux 
(roues), Lacombe (essieux coudés), Brunon (tubes 
emboutis). Nous avons déjà signalé les caractères 
principaux de cette région industrielle, considérée 
au point de vue mélallurgique. Placées au centre 
d'un bassin houiller qui, jusqu'en 1870, avait 
gardé une suprématie marquée, les usines de la 
Loire se sont successivement développées et ont 
entrepris tous les genres de fabrication avec un 
personnel d'élite; mais, comme elles se servaient 
surtout de minerais riches d’Espagne, d'Algérie 
ou de Sardaigne, qui sont transformés en fontes 
d'affinage, soit sur place, comme à Firminy, soit 
plutôt dans des hauts fourneaux situés sur la 
Méditerranée ou l'Atlantique, et que, d'autre part, 
les exigences de leurs ouvriers augmentaient, 


926 


E. DEMENGE — ETAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


* 


le prix de revient du lingot d’acier est devenu si 
élevé qu'il ne leur est plus possible de lutter, sauf 
pour les produits supérieurs. Quant au métal or- 
dinaire, les usines trouvent aujourd'hui grand 
avantage à faire venir de l'Est les fontes et les lin- 
gots. Aussi, tandis que la production des bassins 
houillers du Nord et surtout du Pas-de-Calais 
grandit rapidement, celle du bassin de la Loire 
est-elle tombée au troisième rang ; alors que le 


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LRU y 


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NN 


encore ceux analogues d'Allemagne et de Luxem- 
bourg, de nouvelles aciéries à grande produetion 
s'y créent et vont inonder de leurs produits bruts 
les autres régions telles que la Loire, où se trouvent 
des usines bien outillées pour la transformation 
par forgeage ou par laminage. 


9° Nous faisons entrer, pour abréger, dans le 
groupe du Midi plusieurs usines situées dans des 


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Fig. 4. — Distribution des forges francaises dans le bassin de la Loire. — Les régions où se trouve le 
minerai sont coloriées en rouge; les régions à houille sont représentées en bleu. 


prix moyen de la houille sur les lieux d’extrac- | régions très différentes et qui ont une situation 


tion n'est en France que d'environ 11 fr. 50 et en 
particulier dans le Nord et le Pas-de-Calais de 
10 fr. 36, ce prix, fortement influencé dans la 
Loire par l'accroissement graduel des salaires, 
s'élève à plus de 14 francs la tonne. Il est certain 
que cet abaissement de production de la houille 
continuera, el que la situation qui en résulle 
pour l'industrie dont elle est une des bases, ne 
fera que s'accentuer dans l'avenir. Maintenant 
que notre plus grand centre métallurgique est 
situé près de la frontière de l'Est et qu'il ab- 
sorbe non seulement ses propres minerais, mais 


économique bien spécialisée. Dans le bassin de 
Decazeville (fig. 5), les usines d'Aubin (Aveyron) 
appartiennent, comme Isbergues, à la Société des 
Aciéries de France : elles traitent les minerais du 
pays, du Périgord et de l'Ariège et font surtout 
des produits laminés. Il en est de même de celles 
de Decazeville, qui sont devenues la propriété de 
la Compagnie Commentry-Fourchambault. — Les 
Forges de Pamiers, installées à proximité de leurs 
hauts fourneaux de Tarascon-sur-Ariège, mais à 
une distance assez grande des points d'extraction 
de la houille (Carmaux), continuent la fabrication 


» 
" 


E. DEMENGE — ETAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


927 


de choix qui a valu au fer de l’Ariège une si grande 
renommée ; la grande pureté de leurs minerais de 


_Puymorens et de Rancier, jointe à sa haute teneur 


en manganèse, leur permet d’aborder des fabri- 
cations spéciales comme celles des canons, obus, 
bandages, essieux, qui étaient jadis le monopole 
des grandes usines de la Loire et du Centre. Les 
Usines du Boucau, ou Forges de l’Adour, furent 
créées en 1882, par les Aciéries de la Marine et des 


affinent des fontes très pures, provenant de leurs 
minerais carbonalés spathiques. Leurs aciers à 
ressorts, bien connus, joignent une très haute 
limite d’élasticité à un corps et à un nerf tout à 
fait remarquables. 

Enfin nous mentionnerons, pour mémoire, les 
Forges de Tamaris (Gard) (fig. 6), à proximité des 
bassins de Bessèges et des minerais d’Alais, et 
celles du Saut-du-Tarn, dans le bassin de Carmaux. 


x CARE 
TMS) 
e-Fillols..- 


Oligiste pulvérulent 


Fig. 5. — Distribution des forges françaises dans le bassin de la Garonne. — Les régions où se trouve le 
minerai sont coloriées en rouge ; les régions à houille sont représentées en bleu. 


Chemins de fer en un point du littoral où les mine- 
rais si renommés d'Espagne et des Pyrénées et les 
combustibles anglais leur parviennent dans des 
conditions des plus faciles. Les installations de 
laminoirs, étant récentes, ont été établies sur un 
plan bien étudié d’après les derniers perfection- 
nements. Rails, grands profilés, fers marchands 
et machines, bandages, tels sont les produits qui 
sortent de ces grandes usines et peuvent lutter 
avantageusement sur le marché étranger. Les 
Forges d'Allevard (fig. 6), dans l'Isère, lesquelles 
comptent parmi les plus anciennes de France, 


Quant aux Usines de Saint-Montant que la 
Compagnie Châtillon et Commentry avait établies 
en 1873, à Beaucaire, pour la fabrication des rails 
et des tôles, elles sont complètement arrêtées 
depuis quelques années et leur matériel a été 
transporté dans l'Allier. 


10° Le groupe des Usines de l'Ouest, qui, commeles 
Forges del’Adour, sont situées surle bord de l’Atlan- 
tique (Voir figure 4), reçoivent par mer la plupart 
de leurs matières premières. Les forges de Saint- 
Nazaire fabriquent surtout des produits laminés 


928 E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


tels que rails, poutrelles, tôles; celles d'Hennebont 


(Morbihan), des tôles, fers-blancs et emboutissages. 


11° Le groupe parisien (fig. 2) comprend les 
quelques forges qui sont venues s'installer près du 


centre de consommation. 


IIT. — RENSEIGNEMENTS STATISTIQUES. 


L'industrie de la forge s'adresse d’abord à la 
houille qui sert au puddlage, au réchauffage et 
fournit la vapeur, puis, comme matières pre- 
mières, au fer puddlé ou à l'acier en lingots, ces 


Ware 
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. 
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Fig. 6. — Distribution des forges françaises dans le bassin du Rhône. — Les régions ‘où se trouve le 
minerai sont coloriées en rouge; les régions à houille sont représentées en bleu. 


Parmi ces forges, il convient de nommer en 
première ligne celles de Montataire (Oise), qui af- 
finent leurs fontes de Frouard et d’Outreau et lami- 
nent des profilés, tôles embouties, ondulées, galva- 
nisées; ies Laminoirs de Grenelle (Aciéries de 
France), les Forges d'Ivry-sur-Seine, de Pantin, etc., 
qui alimentent aux environs de Paris, notamment 
à Saint-Denis, dans la Seine et aussi dans l'Oise, 
d'importantes usines de construction mécanique. 


derniers provenant de la fonte d’affinage, qui est 
elle-même fonction de la houille et du minerai. 
Nous allons éludier, d'après l'Album des Travaux 
Publics pour 1893, l’état statistique correspondant 
à chacune de ces matières, — houille, minerai, 
fonte d'aflinage, — qui entrent dans les prix de 
revient de la forge, et nous en lirerons des in- 
dications utiles pour l'industrie qui nous oc- 
cupe. 


; 
| 


_S 1. — Houille. 


Nous avons vu que la plupart des grandes forges 


basis ne dial done 14. ie, ne SE RS 7 


sont installées sur des bassins houillers ; il n’est 
Tableau II 
Région Production Prix moyen 
< (mille tonnes) francs 
Nord et Pas-de-Calais... 13.586 10 36 
LONGER Re os 3 506 14 36 
LRU SSSR SR ER EE 2.005 12 48 
Bourgogne et Nivernais... 1.979 41 91 
Tarn-et Aveyron......... 1.419 Per 
BOUTDORN ASS AS de 1.106 42 75 
LITRES RE 325 12 67 
D'ERSRSRRRRSS 25.172 11 54 


. fait exception que pour certaines usines, comme 
celles de l'Est ou de l'Ariège, qui ont préféré se rap- 
procher des minerais, et également pour celles du 
littoral, qui peuvent profiler de tous les avantages 
des transports marilimes. À 

Chacun sait l'essor extraordinaire pris depuis 
quelques années par les houillères du Nord et du 
Pas-de-Calais ; les productions du Gard,de la Bour- 
gogne et du Nivernais, du Tarn et de l’Aveyron, 
progressent d’une façon uniforme, tandis que celles 
des bassins de la Loire et du Bourbonnais décli- 
nent ou demeurent stationnaires. Les quelques 
chiffres du tableau IT indiquent les quantités de 
houille ou anthracile extraites dans les princi- 
pales régions où se trouvent des forges, ainsi que 
les prix moyens sur place. 

On voit que les départements du Nord et du 
Pas-de-Calais sont les seuls où le prix du charbon 
soit au-dessous de la moyenne. 

La consommation totale en France s’est élevée 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


929 


Ce sont surtout les régions de l'Ouest, siluées 
sur l'Atlantique et la Manche, qui sont tributaires 
de l'Angleterre. Quant aux départements de Meur- 
the-et-Moselle, des Ardennes et de la Meuse, ils 
ne consomment pas plus de 25 ?°/, de houilles fran- 
çaises et recoivent le complément de Belgique et 
d'Allemagne. 


Tableau III 


Houille importée de : tonnes 
BOIRE ren isa ML. IC RE889:000 
AR RIC TELLE Rene 4.434.000 
AITÉTDAONEL NL mener cor 2.037.000 
ADD SPAS ne tnt 41.000 

11.401.00 


$ 2. — Minerais. 


Depuis les nouveaux procédés de déphosphora- 
lion qui permettent l'emploi des minerais hy- 
droxydés oolithiques de Lorraine, du Luxembourg 
et d'Allemagne, l'extraction des minerais de fer 
en Algérie a beaucoup diminué, et les minerais 
riches d'Espagne ont élé importés dans des pro- 
portions beaucoup moindres. Le tableau IV montre 
ia répartition en France de la production des mi- 
nerais. 

On peut remarquer combien est bas le prix 
moyen de la tonne en Meurthe-et-Moselle ainsi 
que l'importance de la production. 

Les minerais importés représentent environ la 
moitié de la production française, soit 1.600.000 
tonnes et comprennent spécialement : 


1.089.000 


Minerais allemands et luxembourgeois... 
260,000 


Minerais d'Espagne... 1... 


les premiers, minerais à bon marché, venant s'a- 


Tableau IV 


Minerai hydroxydé oolithique (Ex.: Meurthe-et Moselle). ...... 


Hématite brune (Ex.: Ariège, Pyrénées-Orientales)............... 
Autres minerais hydroxydés (Ex.: Cher, Lot-et-Garonne, Gard)... 


Hématite rouge (Ex.: Calvados), fer oligiste (Ardèche) . ..... 
Fer carbonaté spathique (Ex. : Isère)............. 


Production Prix moyen Proportion 
(tonnes) francs 
3.094.000 PANEN 88 
17.000 9 70 2 
166.000 6 99 o] 
134.000 6 99 4 
EC LS FI MODS CC 46.000 9-52 ! 
3.517.000 3 J2 100 


à 39.379.000 tonnes et l'industrie du forgeage et 
du laminage a brûlé pour sa part 2.139.000 tonnes. 
Ces chiffres montrent que nous avons dû importer 
dans notre pays plus de 11.000.000 tonnes, car nos 
exportations sont insignifiantes. Ces importations 
se répartissent comme l'indique le tableau III. 

Dans ce tableau, le charbon importé sous forme 
de coke y a été exprimé en houille. 


jouter à ceux de la Lorraine, les seconds alimen- 
tant les usines de la Loire et du Centre après 
avoir été réduits dans les hauts fourneaux du lit- 
toral. 

Les minerais exportés ne s'élèvent qu'à 300.000 
environ. Ce sont surtout des minerais algériens 
qui se dirigent vers l'Angleterre el les Pays- 
Bas. 


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Départements produisant de. nee 1 .. 0 à 10 000 tonnes 
— = En aies ee ee collecte 10 à 40.000 » 
— = se .... 40 à 70.000 » 
— — nee ianre : . 70 à 100.000 » 
Département du Nord produisant................ 200.000 » 
I ( 
de Meurthe-et-Moselle produisant. 900.000 » 
Ï 
Fig. 7 — Carle montrant la production des fontes d’affinage el leur répartilion dans les différents] 


départements français. ‘ 


Production et prix moyen des rails en France depuis 1860. 


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depuis 1860. 


France 


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Fig. 8. — Production el prix m 


932 


$ 3, — Fontes d’affinage. 


La fabrication de la fonte au charbon a presque 
complètement disparu. En outre, le nombre 
des hauls-fourneaux au coke a diminué de moitié 
depuis une trentaine d'années el lous ces pelits 
fourneaux, établis autrefois dans le voisinage 
des houillères de façon à n'avoir à payer que 
le transporl des minerais, ont élé éteints pour 
faire place à un petit nombre de grandes ins- 
lallations marchant à haute puissance productive 
résultant à la fois des dimensions des appareils.de 
l'emploi de Fair chaud et de la composition des 
lits de fusion, et situées dans des conditions essen- 
tiellement différentes : soit dans l’est de la France 
où l’on peut amener à bon marché les charbons 
belges ou allemands sur les gisements immenses 
de minerais phosphoreux, soit sur le bord dela 
mer où les minerais et combustibles étrangers 
parviennent à bas prix et où l’on trouve toute 
facilité pour l'exportation. Depuis cette période de 
transformalion, la production tolale de la fonte 
d'afinage en France s'est fortement accrue ; elle 
est aujourd'hui de 1.522.100 tonnes. et le départe- 
ment de Meurthe-et-Moselle atleint presque pour 
sa part les 6/10 de cette production, soit près de 
900.000 tonnes. 

Nous donnons sur la carte de la figure 7 un aperçu 
de la répartition de cette production entre les 
2% départements français qui renferment des hauts 
fourneaux, On peutvoir qu'après Meurthe-et-Moselle 
viennent le Nord avec 206.000 tonnes, puis Saône- 
et-Loire, le Pas-de-Calais, les Landes, le Gard et 
la Loire-Inférieure avec une production de 90 à 
46.000 tonnes. Le prix moyen des fontes d’affinage 
s'est abaissé en 1893 à environ 57 francs la tonne. 


$S 4. — Fers. 


La fabrication des fers s’est arrêtée dans son 
essor normal au moment de la découverte de Bes- 
semer. À dater de cette époque, l'acier est venu 
faire concurrence au fer, d’abord pour les rails, 
puis pour les tôles de construction, plaques de 
blindage, produits marchands, bandages, es- 
sieux, etc. Nous reproduisons (tig. 8, page 931) le 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU 


TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER 


que, dès 1863, les rails en acier obtenus par les pro- 
cédés Bessemer et Siemens-Marlin font leur appa- 
rilion; ils remplacent totalement les rails en fer à 


parlir de 1886. Quant à la production des fers " 


marchands el des tôles de fer, elle a diminué de 
1/3 depuis 10 ans. Le lableau V donne le poids 
et la valeur de ces produits. 

La carte de la figure 9 montre que cette industrie 
n'est intensive que dans un très pelit nembre de 
départements. C'est dans le Nord que la fabrication 
est la plus importante (300.000 tonnes); viennent 
ensuile la Saône-et-Loire (86.000), les Ardennes 
(81.000), la Haute-Marne (64.000), et la Meurthe-et- 
Moselle (50.000). Le nombre des forges en activité 
est de 152. 

$ 5. — Aciers. 

Les 96/100 des aciers ouvrés sont obtenus par 
le laminage ou le martelage de lingots Thomas, 
Bessemer et Siemens-Marlin. Le tonnage de ces 
lingols, produits en France en 1893, se répartit 
comme le montre le tableau VI. 


Tableau VI 
tonnes 
Bessemerte ANNOMES RER 493.011 
MAR ÉERL 9e 20 Te 296.841 
789.832 


La carte de la figure 10 donne les indications 
nécessaires sur la provenance de ces lingots. Les 
aciéries qui ont coopéré à cette production sont au 
nombre de quarante, et les plus importantes sont 
celles de Jœufet de Mont-Saint-Martin (Meurthe-et- 
Moselle), de Denain (Nord), du Creusot, d'Isbergues 
(Pas-de-Calais), etc. Du reste, la plupart d’entre 
élles transforment elles-mêmes les lingots en 
acier ouvré. 

Les 4/100 restant des aciers ouvrés proviennent 
de 25.200 tonnes d’acier divers, tels que les aciers 
puddlés, cémentés, fondus au creuset, ou obtenus 
par réchauffages de vieilles matières. 

Les aciers ouvrés, produits en 1893, ont été 
classés, dans le Rapport de l'industrie minérale, de 
la facon suivante (lableau VIT : 


Tableau V Tableau VII 
| Prix moyen | Poids Prix moyen 
Poids de vente | — — 

= — tonnes francs 
[ee ; tonnes francs ENCRES HAS a ne mes 207,300 142 
| Fers marchands et spéciaux. 690.000 165 Aciersmarchands et spéciaux, 323.000 307 
| RÔLES AS Eee DR NEO 111.000 226 LTOleSS RAR M Eee 133.700 285 
| sus. OUU 


diagramme indiquant la production et le prix 
moyen des rails en France depuis 1860. On verra 


| 664,000 


On voit que le tonnage des tôles en acier dé- 
passe maintenant celui des tôles de fer. Quant à la 


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M Départements produisant de ..,.. ù à 12.000 tonnes 
D x = eee 30.000 » 


co 50 à 65.000 » 


(Allier, Loire) 


S1 à 86.000 » 


és 300,000 » 


Fig. 9. — Carte montrant la production totale des fers (tôles, fers marchands et spéciaux, rails) et sa répar- 
lilion en France. 


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— Se Pere e-et- nee 7ù à 90.000 » 
Département du Nord produisant ............,......, 130,000 » 
— de Meurthe-et-Moselle produisant ...... 250.000 » 
Fig. 10, — Carte montrant la production des lingots (Bessemer, Siemens-Martin el Thomas) dans les divers 


déparlements français. 


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19.000 tonnes 


40.000 » 
60,000 » 
$0.000 » 


ER: Département du Nord produisant....... 105.000 » 


Fig. 41. — Carte montrant la production des aciers ouvrés (rails, aciers marchands, tôles), dans les divers 
départements français. 


936 


production des rails en acier, elle a diminué de 
plus de 100,000 tonnes en 1886, et de 100.000 
autres dans les trois années suivantes, en raison 
de l'achèvement des grands travaux de chemins 
de fer et de la plus grande durée des rails. Tou- 
tefois cette décroissance n'a pas occasionné de ra- 
lentissement apparent dans le travail des aciéries, 
parce qu'elle à été compensée par une augmenta- 
tion simultanée de la production des tôles et des 
aciers marchands et spéciaux. 

Nous indiquons sur la carte de la figure 141 le clas- 
sement des départements pour la fabrication des 
aciers ouvrés. Il estinltéressant de rapprocher cetie 
carte de la précédente et d’en tirer certaines conclu- 
sions au point de vue des importations des lingots 
d'acier des départements producteurs dans les 
autres départements qui n'ont que des usines de 
transformalion ou qui trouventleur intérêtäne plus 
produire le métal. Parmi les départements pro- 
ducteurs qui exportent, il faut citer, en première 
ligne, celui de Meurthe-et-Moselle (Mont-Saint- 
Martin, Jœuf), dont la production de lingots a été 
de 250.000 tonnes, alors que celle des aciers ou- 
vrés n’a élé que de 80.000 tonnes. La plupart des 
régions avoisinantes, et même celles de la Loire 
et du Bourbonnais, trouvent avantage à lui acheter 
des lingots en métal Thomas. Saône-et-Loire (Creu 
sol) exporte des lingots Siemens; l'Ariège et 
le Morbihan, également ; la Loire-Inférieure (Saint- 
Nazaire), des lingots Bessemer et Siemens. 

Les principaux départements qui dépendent des 
grosses aciéries dont nous venons de parler sont 
les suivants : l'Oise achète 18.000 tonnes delingots 
Bessemer et Thomas, et 2.000 de lingots Siemens ; 
la Haute-Marne, 18.000 {onnes de lingots Thomas ; 
le Doubs, 16.000 tonnes de lingots Bessemer et 
Thomas; les Ardennes, 20.000 tonnes de lingots 
Thomas. Depuis 1892, les départements de la Loire 
et de l’Allier recoivent chacun 2.000 tonnes envi- 
ron de lingots Thomas, pour les transformer en 
aciers marchands, 

La production totale des fers et des aciers est 
résumée dans le tableau VIII, qui indique égale- 


Tableau VIII 


Combustible 
consommé 


Nombre 


Produits Poids d'ouvriers 


Fers marchands, 


rails, tôles... 
Aciers ouvrés de 
toutes sortes., 


.200 25,700 1.088.000 


4.000 24,100 1.051.000 
2.200 49.800 2.139.000 


ment en tonnes la consommation en combustibles, 


etle nombre d'ouvriers des forges francaises pour 
l'année 1893. 


E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 


une reprise depuis 1889; celles des aciers, au con- 


Nous terminons ces questions de statistique, en 
disant quelques mots des importations et exporta- 
tions des fers et aciers qui, d'ailleurs, sont peu 
importantes. Depuis 4883, ainsi que l'indiquent les 
diagrammes 2) et (3) (fig. 12), les importations des 


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Fig. 12. — Importation et Exportation des Fers et Aciers 


ouvrés en France depuis 1883. 


fersetdesaciersont diminué.Celles des fers accusent 


traire, ne se relèvent pas. Les exportations, après 
être passées par un maximum en 1889 pour les 
fers, et en 1887 pour les aciers, vont constamment 
en décroissant. Cependant on signale un petit revi- 
rement pour 1894. Les principaux produits impor- É 
tés de l'étranger sont : des fers au bois élirés en 
barres, des fers el aciers machine, des tôles d'acier, 
des fers-blancs (Angleterre), des essieux et ban- 
dages de roues bruts de forge, des fils d'acier pour 
cordes d'instruments. 

Quant aux matières exportées, ce sont principa- 
lement des fers au coke étirés en barres, des cor- 
nières et des fers à T, des feuillards en fer et en 
aciers, des fils de fer ou d'acier, et surtout des rails $ 
en acier. Un certain nombre d'entre elles ont été ê 
importées à l’état de fontes ou matières brutesen… 
admission temporaire el réexportées après main- 
d'œuvre. 


ben ES lt ne 


Emile Denon el 


Ancien Elève de l'Ecole Polytechnique, 
Ingénieur civil des Ponts et Chaussées. 


D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


937 


REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


Ï. — SÉROTHÉRAPIE ET TOXICOTHÉRAPIE. 


Pendant l'année qui vient de s'écouler, la séro- 
thérapie a conslitué une des grandes préoccupa- 
tions du monde médico-chirurgical. Il ne faut pas 
oublier cependant que le principe sur lequel re- 
pose cette méthode remonte à plusieurs années déjà. 
Dès novembre 1888, MM. Ch. Richet et Héricourt 
communiquaient à l’Académie des Sciences des 
recherches établissant en principe l'importance 
des traitements hémothérapiqurs; constatant que le 
chien était réfractaire à l’inoculalion d’un staphy- 
locoque très toxique pour le lapin, ils pensèrent 
que l’on pouvait rendre le lapin réfractaire en lui 
inoculant du sang de chien. Leurs expériences 
élablirent que le sang des chiens inoculés préala- 
blement, puis guéris, conférait une innocuité plus 
complèle que le sang des chiens intacts. 

Convaincus que le sang des animaux réfractaires 

conférait l'immunité, Richet et Héricourt résolu- 
rent d'appliquer ce principe à la tuberculose. En 
1889, ils montraient que la transfusion péritonéale 
du sang de chien ralentit, dans une certaine me- 
sure chez le lapin, l’évolution tuberculeuse. Les 
applications à l’homme, failes les années sui- 
vantes, ne donnèrent que peu de résultats. 
. Entre temps, MM. Bouchard et Charrin mon- 
traient, au cours de recherches sur le bacille pyo- 
cyanique, que le sérum était à peu près aussi aclif 
que le sang, que, par suite, on pouvait, aux pro- 
cédés hémato-thérapiques, substituer les procédés 
sérothérapiques plus simples. 

En 1890 deux Japonais, Ogata et Jasuhara, indi- 
quaient que le sérum d'un animal réfractaire, le 
chien dans l'espèce, pouvait guérir un animal in- 
feclé, la souris inoculée avec du charbon dans 
leurs expériences. 

Bon nombre de points de la sérothérapie étaient 
dès lors acquis expérimentalement. La méthode 
n’élait toutefois pas entrée dans la pratique. Elle 
y entra avec l'important mémoire de Behring et 
Kitasalo qui, par une série d'expériences bien con- 
duites, forcèrent la conviction.'Tls constatèrent que 
le sérum d’un animal vacciné contre cerlaines in- 
feclions, le tétanos et la diphtérie, présentait la 
propriété remarquable de neutraliser l'effet de la 
toxine correspondant à ces infections, lorsqu'on 
injectait à un animal neuf, successivement ou si- 
multanément, le sérum et la toxine. Pour les 
infections où le rôle de la toxine est considérable, 
ils démontrèrent que le sérum d’un animal, 
accoutumé par des injections successives et pro- 
gressives de toxine, neutralise la toxine comme le 


ferait un alcali d’un acide. Tel est, si ce n’est l’in- 
terprétation exacle des réactions produites, du 
moins la traduction grossière du phénomène. 

Behring pensa qu’au fur et à mesure que l’ani- 
mal s’accoutumait à la toxine, il se formait dans 
Forganisme une antitoxine, qui était capable de la 
neutraliser. Il montra qu'on pouvait, par des in- 
jections successives, augmenter progressivement 
la quantité des antitoxines du sang, que ces anti- 
toxines étaient surtout contenues dans la partie 
liquide de ce sang, que les globules n’en conte- 
naient pas, que, par suite, il était tout indiqué 
d'employer en thérapeutique le sérum. La séro- 
thérapie était définitivement établie. 

En réalité, les phénomènes ne sont pas aussi 
simples que l'avait supposé Behring. Nous ne vou- 
lons toutefois pas discuter ces questions dans une 
revue de chirurgie, el nous nous contenterons d'in- 
diquer ici les résultats que donnent ces méthodes 
dans les diverses affections. A côté de la sérothé- 
rapie du tétanos et des infections streptococciennes 
qui, comme celle de la diphtérie, reposent sur des 
bases précises, sur la connaissance du microbe en 
cause, sur ses réactions biologiques et expérimen- 
tales, nous parleronsdes tentatives sérothérapiques 
faites contre les diverses tumeurs. Ici, pas de 
données expérimentales positives, pas de rensei- 
gnements sur le parasite. L'étude clinique est la 
seule donnée actuelle; on comprend donc les hési- 
tations que l’on peut encore avoir à conclure. Nous 
dirons où en sont actuellement les observations sur 
ce point. Enfin nous terminerons par un exposé de 
la toxicothérapie des tumeurs malignes, méthode 
fondée sur des principes absolument différents. 


Tétanos. — Nous avons eu déjà l’occasion de par- 
ler de la sérothérapie du f#tanos'. Les résultats 
qu'on en a obtenus n’ont pasété bien brillants. Aussi 
Roux et Vaillard, en présence des difficullés ren- 
contrées à guérir cette redoutable infeclion, ont-ils 
conseillé de chercher à la prévenir. On doit, disent- 
ils, injecter préventivement de l'antiloxine toutes 
les fois qu'on se trouve en présence d’une plaie 
susceptible de donner le tétanos, lors de plaie 
souillée de terre par exemple. De petites doses 
suffisent, en effet, pour prévenir le tétanos, alors 
que de grandes peuvent ne pas le guérir. Certains 
chirurgiens ont, depuis quelques années, suivi cette 
pratique et n’ont pas observé de tétanos ; mais on 
sait combien celte maladie est rare aujourd'hui 
dans nos services hospitaliers. Aussi ne peut-on 
affirmer que les injections, qu'ils ont faites, ont 


1 Revue générale des Sciences, 1893, p. 670. 


938 


D: H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


4 4 


prévenu des tétanos qui, sans elles, se seraient déve- 
loppés. Ces injections préventives devront être 
faites d'une manière systématique lors de tétanos 
épidémique, en temps de guerre, par exemple, en 
particulier lorsqu'on opère dans des contrées où le 
télanos existe d’une manière endémique. Alors 
seulement, si elles donnent ce qu'on est en droit 
d’en attendre, on pourra affirmer leur absolue efti- 
cacité !, 

Infections à streptocoques. — Bien que la fièvre 
puerpérale et l'érysipèle traumatique aient à peu 
près disparu de nos services hospitaliers, on à en- 
core quelquefois l'occasion de les y observer sur 
des accouchées du dehors ou sur des blessés pansés 
sans soin antérieurement. Aussi est-il intéressant 
pour le chirurgien de connaitre les avantages qu'il 
peut tirer des injections de sérum antistreplococ- 
cique préconisées presque à la mème époque par 
MM. Marmorek et Roger. Il semble à peu près dé- 
montré actuellement que le sérum antistreptococ- 
cique, provenant d'animaux immunisés au moyen 
de cultures soit actives, soit stérilisées, ne présente 
aucun inconvénient et qu'il donne des résultats 
d'autant meilleurs qu'on intervient plus tôt. 


Tuberculose. — Dans quelques cas d'ulcérations 
tuberculeuses cutanées, des injeclions de sérum de 
chiens rendus tuberculeux par Charrin et Poltevin 
ont, entre les mains d’Auguste Broca, donné des 
résultats appréciables. Associées, au besoin, à l'in- 
tervention chirurgicale, ces injections, faites au- 
dessous de la lésion tuberculeuse locale, consti- 
tueraient un modificateur efficace de certaines 
ulcérations cutanées. On ne peut encore se pro- 
noncer à l'égard de ces injections, d'une manière 
définitive, la durée d’observalion n'étant pas en- 
core suffisante dans une affection d'évolution aussi 
lente que la tuberculose. 


Cancer. — Deux méthodes de trailement non 
opératoire ont été préconisées dans ces derniers 
temps contre le cancer. Depuis longtemps, on sait 
que le développement d'un érysipèle chez un ma- 
lade porteur d’une tumeur peut avoir pour résullal 
d'amener la nécrose, l’atrophie, voire même la 
guérison radicale de la tumeur, ce qui lui a valu 
le qualificatif d'érysipèle curateur. Se fondant sur 
ces données de la clinique, Fehleisen, après la 
découverte du streptocoque, eut recours à l'in- 


1 L'expédition de Madagascar serait actuellement un ter- 


rain d'études excellent pour cette question, le tétanos y étant, 
de notion courante, d'une grande fréquence, et y ayant été 
observé non seulement à la suite de blessures, mais même 
après de simples injections de morphine. Nous espérons que 
le corps expéditionnaire s'est largement pourvu à l'Institut 
Pasteur de sérum antitétanique ct qu’au cours de lacampagne 


on n'aura pas eu à enregistrer de mort par télanos. 


jection de cultures de ce microbe pour la cure de” 
tumeurs malignes: sa méthode fut rapidement 
abandonnée. 7 

Il était difficile d'obtenir et d'entretenir des cul-” 
tures de streptocoques virulentes. De plus, la mé- 
thode n'était pas sans dangers. Un malade inoculé… 
par Janike succomba des suites de l’inoculation. 

Aussi, lorsque l’étude des produits de sécrétion 
des microbes eut révélé que ces produits, injectés 
aux animaux, pouvaient reproduire le tableau « 
symptomalique de l'infection par les microbes 
eux-mêmes, on songea à rechercher si les toxines. 
du streptocoque n’'exerceraient pas sur les tumeurs » 
malignes la même action que l’érysipèle. Lassar à 
(de Berlin), bientôt suivi par Spronck en Hollande 
et par Coley en Amérique, eut recours à ces injec- 
tions de toxines. Il est aujourd’hui établi que les 
toxines sireptococciques, injeclées en n'importe 
quel point du corps chez un malade porteur d'une 
tumeur maligne, provoquent habituellement dans 
la tumeur une dégénérescence rapide qui peut 
aller jusqu’à la nécrose, et qui semble même pou- 
voir, à la longue et dans quelques rares cas, ame- 
ner la guérison. 

En avril de cette année deux expérimentateurs 
allemands, Emmerich el Scholl, annoncèrent 
qu'ils avaient guéri des cancers récidivés et des 
sarcomes par du sérum de mouton inoculé au 
moyen de cultures d'érysipélocoques. Leur com- 
munication n’a malheureusement pas lardé à re- 
cevoir des faits un éclatant démenti. Bruns (de 
Tubingue) dit avoir constaté des accidents à la suite 
de ces injections (fièvre, dyspnée, cyanose, affai- 
blissement du cœur, vomissements) et n'avoir 
obtenu aucun résullat thérapeutique. Il en a été 
de même dans le service de Thiersch. Enfin le pro- 
fesseur Angerer (de Munich) porta à cette méthode 
un coup encore plus violent en annonçant que les 
résullats oblenus n’élaient pas conformes à ceux 
publiés par Emmerich el Scholl, que, bien plus, 
une des malades, publiée par eux comme guérie, 
était en réalité morte de sa récidive cancéreuse. 

En juin, notre ami, M. Répin, publiait de son 
côté, les résullats qu’il avait obtenus à Paris. In- 
jectant sousla peau un bouillon de culture streplo- 
coccienne, stérilisé soit par la filtration sur bougie 
de porcelaine, soit par chauffage, il vit la toxine, 
injectée à distance, produire sur la tumeur une 
action élective et amener dans un cas de sarcome 
une nécrobiose partielle du néoplasme, qui cepen- 
dant repullula. Dans aucun cas il n’obtint de gué- 
rison véritable. Tandis que Coley admettait que la 
toxine agissait en détruisant le parasite (hypothé- 
tique) des tumeurs malignes, Répin croit qu'il s’a- 
git d'une véritable intoxication élective des tissus 
néoplasiques. Les injections de toxines agissent 


D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


939 


utant plus facilement que la tumeur est plus 
“olumineuse, plus exubérante, jouissant d’une vi- 
alité cellulaire plus affaiblie, offrant, par suite, une 
rise plus facile au poison. Les résultats seraient, 
ivant lui, plus évidents, si l’on pouvait obtenir 
ne intoxication brusque et continue, analogue à 
“celle de l'érysipèle, au lieu de l'intoxicalion inter- 
nittente des injections qui ne tardent pas du reste 
à perdre toute action, l'immunisation suivant rapi- 
dement leur emploi. à 

- Dans un autre ordre d'idées, MM. Richet et Héri- 
court, supposant que le suc des tumeurs malignes 


uc de sarcome. Avec le sérum de l'animal ainsi 
raité, ils ont fait des injections à deux malades 
atteints l’un de tumeur de l'estomac, l’autre de 
Sarcome lhoracique récidivé et, dans les deux cas, 
“ont obtenu de réelles améliorations. Si l'avenir 


découvertes les plus importantes de notre époque. 
“La gravité du cancer, l'impuissance dans laquelle 
“nous sommes souvent en présence de cette terrible 
affection, font que nous souhaitons vivement de 
… voir de nouvelles observations affirmer la réalilé 
… de ce traitement. Malheureusement rien encore ne 
nous permet de voir là un fait établi. Peut-être le 
cancer de l'estomac n'était-il qu'une gastrite avec 
… périgastrite ? Peut-être le sarcome coslal n'élait-il 
_ qu'une tuberculose à forme néoplasique ? 
En 1890, Billroth à Vienne, nous-même et Pilliet 
à Paris, appelions l’altention sur certains cancers 
de l'intestin qui n'étaient en réalité que des formes 
- spéciales de tuberculose ; plus récemment le pro- 
… fesseur Cornil, trouvant des bacilles dans un ostéo- 
- sarcome à myéloplaxes, a pu en affirmer la nature 
- luberculeuse ; quoique peu connues, ces formes de 
- tuberculose simulant des néoplasmes n’en existent 
pas moins et doivent nous mettre en garde contre 
des faits jusqu'ici isolés. 
Les recherches de MM. Richet et Héricourt ont 
- été presqu'immédialement reprises par Boinet, qui 
injecta soit dans les veines, soit dans le tissu cel- 
lulaire sous-cutané de 4 ânes et de 10 chiens des 
tumeurs cancéreuses non ulcérées, et inocula aux 
malades le sérum d'animaux injectés avec la même 
variété anatomo-pathologique de cancer. Il a ainsi 
obtenu une diminution des douleurs et des hémor- 
ragies, en même temps qu'une amélioration de 
l’état général. Jamais il n'a obtenu de guérison 
complète. En somme, pas de résultat définitif. 
Aussi devons-nous jusqu'ici être réservé à l’é- 
gard de ces traitements sérothérapiques, qui ne 
reposent pas sur des bases aussi bien établies que 
ceux de la diphtérie, du télanos ou de l'infection 
streptococcienne. Nous devons l'être d'autant plus 
que Ferré aurait vu la congestion périphérique d'un 


ulcère cancéreux diminuer et ses bords s’affaisser 
à la suite d'injection de sérum d'âne non immunisé. 

Nous resterons dans la même réserve à l'égard 
du trailement sérothérapique deslymphadénomes, 
pratiqué par M. Delbet. Toutes ces tentatives de 
sérothérapie contre les diverses formes de cancer 
(carcinomes, sarcomes, lymphadénomes) deman- 
dent confirmalion, d'autant que la nature micro- 
bienne de ces diverses affections n’est pas encore 
élablie, que, pour quelques-unes même, elle res- 
terait problématique. Le plus sûr est encore de 
faire un diagnostic précoce et une ablalion large 
du néoplasme. Celle-ci peut donner des résultals 
définitifs excellents, comme le prouve la statistique 
récente de Halsted, qui, enlevant largement les 
mamelles cancéreuses avec la peau, la portion 
thoracique du grand pectoral et le contenu de 
l’aisselle depuis son sommet, obtient 13 pour 400 
de guérisons définitives. 


II. — CRANE Er Racnis. 


Trépanation du crâne. — Les observations de tré- 
panation pour tumeurs cérébrales, pour fractures, 
se multiplient chaque jour. La question est aujour- 
d’hui tranchée, et le chirurgien n'hésite plus à in- 
tervenir. Ce qui est, au contraire, beaucoup plus 
discuté et beaucoup plus discutable, c’est l'utilité 
de la trépanation dans les aliénations mentales. A 
cet égard nous devons mentionner un mémoire 
très documenté de M. R. Sémelaigne qui a réuni la 
plupart des observations étrangères. La lecture 
des faits nous monlre que nous n’en sommes 
encore actuellement qu'à la période empirique el 
expérimentale. L'avenir seul nous dira si la trépa- 
nation mérite d'acquérir droit de cité dans la thé- 
rapeutique de l'aiiénaltion. 


Appareil auditif. — W y a deux ans, nous avons 
eu l’occasion de parler ici même du curage de la 
caisse, préconisé par Stacke ". 

Depuis cette époque, la chirurgie de la caisse et 
de l’apophyse mastoïde a fait l’objet de nom- 
breux travaux, parmi lesquels nous signalerons 
particulièrement ceux d'Aug. Broca et de Lubet- 
Barbon. La lrépanation limitée à l’apophyse suffit 
pour les suppurations mastoïdiennes consécutives 
aux otiles aiguës, la caisse guérissant ensuile 
d'elle-même. Mais il n’en est plus ainsi, quelle que 
soit l’acuité de la lésion apophysaire, lorsqu'à 
l'origine du mal est une suppuration chronique de 
la caisse. En pareil cas, on ne tarit la suppuration 
que si l’on assèche sa source, et cette source est 
dans la caisse. De là l'indication d’agir sur celle-ci 
en même temps que sur l’apophyse. 

Tantôt on constate une lésion mastoïdienne ma- 

! Revue des Sciences, 1893, p. 670. 


940 


D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


nifeste, abcès ou fistule, et, après avoir évidé 
l'apophyse, on pousse la brèche jusque dans la 
caisse; tantôt, après avoir abordé directement la 
caisse atteinte de suppuralion chronique par l’opé- 
ration de Slacke, on trouve dans l’aditus, dans 
l'antre, dans les cellules de la pointe, des lésions 
cliniquement lalentes que l’on poursuit de proche 
en proche, et finalement on évide l'apophyse. 

Dans les deux cas, le résultat final est le même : 
une vaste cavilé rélro-auriculaire qui conduit 
librement jusqu'au fond de la caisse. Ainsi con- 
duite, l'intervention donne des résultats excellents. 


Ablation du ganglion de Gasser. — Certaines né- 
vralgies faciales, par leur intensité et par la résis- 
tance qu'elles opposent aux divers modes de trai- 
tement, aulorisent des interventions sanglantes. 

Lorsque la névrotomie périphérique échoue, on 
se trouve amené à faire la résection intra-cranienne 
du nerf, à exlirper le ganglion de Gasser. Un récent 
mémoire de Beck permet de se faire une idée de 
la valeur de cette intervention. 

La voie temporale semble la meilleure; le danger 
est la déchirure de la méningée moyenne au mo- 
ment où J'on soulève le fragment osseux. 41 opé- 
ralions ont donné 35 guérisons et 6 morts. 


Chirurgie du rachis. — La chirurgie du rachis ne 
semble pas faire grand progrès. Portée à Lyon 
devant le dernier Congrès de Chirurgie,cette ques- 
tion reste encore pleine d'inconnues. A l'heure 
actuelle, ce n’est, comme l’a dit le rapporteur, 
M. Kirmisson, qu'une chirurgie d'exception. Quel- 
ques faits, apportés dans la discussion par Gross, 
Vincent, Michaux, etc., élablissent cependant 
quelques points. 

Il est indiqué de débrider les plaies par armes à 
feu pour en faire l'antisepsie, les simplifier, les 
débarrasser des corps étrangers, projectiles et 
esquilles, en assurer l'hémoslase. Si l’on arrive sur 
un fragment d'os enfoncé vers la moelle, il est 
possible de le relever ou de l’extraire, comme l'a 
fait avec succès Tillenbaum dans un cas. 

Lors de lésion médullaire consécutive à un mul 
da Pott, il faut aborder le canal rachidien par une 
incision latérale. Ce point, bien mis en relief par 
Vincent, il y a quelques années, est acceplé aujour- 
d'hui par les divers opérateurs. La voie latérale est 
la meilleure voie d'accès vers les parties anté- 
rieure et latérale des corps vertébraux. 

A propos des wbcès rétro-pharynyiens, nous men- 
tionnerons le plaidoyer de J.-J. Reverdin en faveur 
de l'opération de Burckhardt. Celui-ci incise le 
long du bord interne du sterno-mastoïdien, au ni- 
veau du larynx; passant entre la carotide interne 
et le larynx, il arrive très facilement dans l’espace 


rétro-pharyngé. Ce procédé serait d’une exécution. 
beaucoup plus aisée qu'on ne le suppose au pre= 
mier abord. | 

La ponction lombaire du rachis a été préconisée 
par Quincke comme ayant une réelle valeur théra- 
peutique. Il semble qu'il n'en soit rien. Sa valeur 
diagnostique même est contestée. Certes, dans lan 
méningite tuberculeuse, le liquide peut étre clair ) 
et contenir des bacilles; dans la méningite sup- 
purée il peut être trouble, purulent, et contenir 
des microbes pyogènes. Mais il n'y a rien d’absolu,M 
el, dans deux cas, où, par la ponction, il avait 
reliré un liquide clair, Stademan a trouvé à l'au-« 
topsie une méningite suppurée. | 


IT. — Cou. 


(roitre. — Malgré l'obscurité qui règne encore 
sur la physiologie normale du corps thyroïde, les 
travaux publiés sur sa pathologie deviennent de 
jour en jour plus nombreux. Nous ne parlerons- 
pas ici de l'exfirpation du yoitre. La question est 
aujourd'hui tranchée, et l'important travail de 
Kocher relatant 1.000 opérations pratiquées par 
lui, avec une mortalité de 1 pour 400, n'a fait ; 
qu'apporter une slalistique de plus à la question 
aujourd'hui bien tranchée de l’exlirpalion du 
goitre. L'exothyropezie que nous avons décrite l’an 
dernier, lors de son apparition !, ne semble pas 
devoir se subslituer à la méthode plus radicale de 
l’ablation. L’imperfection des résultats, la longueur " 
du traitement, font que les chirurgiens lui préfè- 
rent en général l’extirpation; c'est toutefois une | 
ressource ulile dans certains cas déterminés. Pour 
notre part, nous y avons eu recours dans un Cas. 
de goitre suffocant où l’extirpation aurait été im- ! 
possible, et où, pour parer à des accidents d'as- 


-phyxie immédiate, l'exothyropexie nous a paru 


loire que la trachéolomie palliative jusqu'alors 
pratiquée. Dès que le corps thyroïde goitreux a été 
amené à l'extérieur, les accidents ont cessé. C'est 
donc une méthode que nous croyons devoir re- 
commander en pareille circonstance. 

Les traitements anciens du goitre par les injec- 
tions sont aujourd'hui abandonnés par le plus 
grand nombre des chirurgiens. Dangereux dans 
certains cas, ils ne semblaient guère avoir d'action 
que dans la variété de goitre dite goitre paren- 
chymateux, sorte d'hypertrophie générale du corps 
thyroïde; or il vient d’être démontré que ces 
goitres parenchymateux peuvent guérir par un 
trailement purement médical. Des expériences sur 
les animaux, failes sous la direction de Kocher, 
ont montré que l'alimentation thyroidienne prolongée 
délerminait une atrophie du corps thyroïde, et 


$ 
; 
un moyen plus simple, plus rapide et moins aléa- 


1 Revue générale des Sciences, 1894, p. 688. 


ns emma t es ent ins éécuoneen bete à nt tt ÉTÉ le Lt à 


Le 


ÿ qu'elle pouvait même arriver à supprimer ses 
- fonctions. Il était donc indiqué de recourir, dans 
. le cas de goitre, à l'alimentation thyroïdienne; 
- c'est ce qu'ont fait Kocher (de Berne) et Bruns (de 

Tubingue). Ce dernier donne, au début, 10 grammes 
. de glande fraiche pendant fuit jours pour les 
adultes, 5 grammes pour les enfants; puis il se 
contente de l’ingestion de tablettes d’extrait thy- 
roïdien préparées suivant la méthode de White. Sur 
60 malades ainsi traités il a obtenu 14 guérisons, 
20 disparitions presque complètes, 9 améliora- 
tions ; 17 fois seulement le traitementest resté sans 
résultat. Ces faits se passent de commentaires. 
Les résultats, nuls dans les formes colloïdes, 
kystiques, fibreuses, seraient bons dans les goi- 
tres diffus, d'autant meilleurs que le goitre serait 
plus récent et l'individu plus jeune. Les récidives 
pourraient se produire après cessation de l’alimen- 
tation thyroïdienne. 

Se fondant sur les grandes analogies qui existent 
entre la glande thyroïde et le thymus, Mickuliez a 
remplacé l’ingestion de corps thyroïde par l’admi- 
nistration de thymus de mouton finement haché et 
étendu sur du pain, à la dose de 15 à 25 grammes, 
trois fois par semaine. Les résultats ont été bons 
{une disparition complète, neuf diminutions, un in- 
succès). 

Les interventions chirurgicales, jusqu'à ces der- 
niers temps frès rarement praliquées dans la #u- 
laie de Basedow où goitre exophthalmique, sont de- 
venues plus fréquentes. Trendelenburg, Rydigier, 
Mikuliez, ont eu recours à la ligature des artères 
thyroïdiennes. Le plus grand nombre des chirur- 
gienssesontattaqués directementaucorpsthyroïde. 
Krünlein et Kocher, en Suisse, Championnière, 
Gérard, Marchant, Tuffier, en France, se sont atta- 
qués au lobe le plus hypertrophié et ont fait des 
thyroïdectomies partielles, qui ont élé suivies de 
succès. Ces opérations, pratiquées à l’état isolé et 
d'une manière empirique, il y a une quinzaine 
d'années, deviennent, en quelque sorte, rationnelles 
aujourd'hui, la maladie de Basedow élant pour 
beaucoup d’observateurs le résultat d’une hyper- 
sécrétion thyroïdienne. 


Tubage dans le croup. — Jusqu'à Pan dernier, le 
tubage du larynx dans le croup, pratiqué pour la 
première fois à Paris, en 1858, par Bouchut, n'a 
guère été employé dans notre pays, malgré les 
nombreux travaux publiés en Amérique à la suite 
des communications d'O'Dwyer. Si quelques mé- 
decins l’employaient, tel le D' Jacques (de Mar- 
seille), ils restaient isolés, et la trachéotomie ré- 
gnait en maitresse. Chose intéressante à noter, 
c’est, non pas un médecin, mais un bactériologiste, 
partant un savant non imbu des idées régnantes, 


D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


941 


qui, frappé des résultats obtenus par le tubage, l’a 
préconisé et l'a fait triompher dans notre pays. 
Depuis que, dans sa communication de sep- 
tembre 1894, au Congrès de Buda-Pesth, sur la sé- 
rothérapie de la diphtérie, Roux a exprimé l'espoir 
de voir l’intubation du larynx remplacer la tra- 
chéotomie, on s’est mis dans les hôpitaux à recou- 
rir largement au tubage. Actuellement la question 
est encore à l'étude; mais tout fait prévoir que, 
sous peu, la trachéotomie sera délaissée, au grand 
bénéfice des enfants. 


IV. — ABDOMEN. 


Estomac. — Dans ces dernières années, de nom- 
breux procédés ont été préconisés pour arriver à 
empêcher d’une manière complète la déperdition 
du suc gastrique et du contenu stomacal après la 
gastrostomie. 

Hahn fait, pour découvrir l'estomac, une pre- 
mière incision au-dessous du rebord costal ; puis, 
par une deuxième incision, au niveau de la partie 
interne du huitième espace intercoslal, en un point 
que n’atleint jamais la plèvre, il passe la main, 
saisit l’estomac et l’attire. Les cartilages costaux 
agissent sur la bouche stomacale, pratiquée à ce 
niveau, comme la pince-robinet de la pipette de 
Mobr, et empêchent l'élargissement de la fistule. 
Von Hacker cherche à fermer la fistule en l’enser- 
rant dans une boutonnière musculaire; son inci- 
sion verlicale passe à 2 ou 3 centimètres à gauche 
de la ligne médiane. Il attire l'estomac à travers 
une boutonnière du muscle droit antérieur. 

D’autres ont cherché simplement à constituer un 
canal assez long. Frank fait une première incision 
le long du rebord costal, et, parallèlement à lui, 
attire dans cette incision un cône stomacal qu’il y 
fixe ; à 3 centimètres au-dessus il fait une deuxième 
incision d'un centimètre et demi, y passe une 
pince el attire à son niveau le cône stomacal, 
constituant ainsi un trajet sous-cutané. Com- 
binant le procédé de Hahn à celui de Frank, Gec- 
cherelli incise la peau au niveau du septième es- 
pace intercostal, puis pénètre dans l'abdomen par 
le huitième. L'estomac, attiré dans ce trajet coudé, 
se réfléchit sur la septième côte. On aainsi,comme 
dans le procédé de Hahn, la possibilité d'attirer 
une partie d'estomac voisine du cardia et une pince 
costale; on a un trajet assez long comme dans le 
procédé de Frank; enfin ce trajet, coudé sur la côte, 
est ainsi pourvu d’une sorte de valvule. 

Le procédé de Witzel cherche à réunir des avan- 
ages identiques par d’autres moyens. Witzel in- 
cise la peau obliquement lelong du rebord costal; 
il divise longitudinalement le muscle droit, puis 
transversalement le transverse. Les trois incisions 
de la peau, du grand droit et du transverse se 


942 


D: H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


croisent en étoile, ce qui assure la compression du 
trajet. Pour donner à celui-ci une certaine lon- 
gueur, Witzel constitue, au-dessus de l'orifice sto- 
macal, un canal par l’adossement de deux plis sto- 
macaux réunis, au-dessus d’un drain, par des 
points passés suivant la méthode de Lambert. 

Peu importe pour nous le choix du procédé. 
Pour ne pas voir s'écouler à l’extérieur les liquides 
stomacaux, il faut un canal muqueux d’une cer- 
taine longueur et un orifice petit, point bien pré- 
cisé par le professeur Terrier, restant petit, résul- 
lat auquel on n'arrive qu'en supprimant, comme 
nous l'avons dit il y a déjà cinq ans, les obtura- 
teurs, qui n'aboutissent qu'à dilater la fistule. 

Parmi les questions de chirurgie stomacale qui 
ont été particulièrement étudiées depuis notre 
dernière revue, nous devons mentionner le #raile- 
ment chirurgical de l'ulcère de l'estomac. La résection 
de l’ulcère n'a élé pratiquée que dans un très petit 
nombre de cas. L'opération est souvent difficile ou 
mème impossible, à cause du siège de l’ulcère, de 
son étendue trop considérable, de la faiblesse ex- 
trème du malade en cause. La divulsion digitale 
de Loretaet l'opération pyloroplastique de Heineke- 
Mikulicz ne trouvent guère leur indication. Il 
semble que, dans la majeure partie des cas, ce 
soit à la gastro-entérostomie qu'on doive avoir re- 
cours. On remédie ainsi à la dilatation de l'estomac, 
au spasme réflexe du pylore, et l’on facilite la 
guérison de l’ulcère, qu'on met ainsi au repos. 
L'indicalion opératoire, en dehors des cas rebelles 
aux traitements médicaux, se trouve quelquefois 
fournie par une complication des gastrorrhagies, 
une perforation de l'estomac. Dans ce dernier cas, 
il ne faut pas s’attarder à chercher une occlusion 
parfaile de l’ulcère ; il faut nettoyer la cavité ab- 
dominale, limiter autant que possible un fover 
juxta-stomacal et le drainer largement. Un malade 
que nous avons ainsi opéré #n extremis, el qui a 
guéri, montre le bien-fondé des pratiques simples 
et rapides en pareil cas. 


Foie. — La question des affections des voies bi- 
liaires continue à faire l’objet des travaux des chi- 
rurgiens. Cette année, c'est le canalcholédoque qui 
a particulièrement alliré l'attention : son anatomie 
a élé étudiée par M. Quénu, qui a bien précisé les 
rapports de ses deux portions, sus-duodénale et 
rétro-duodénale. Sa pathologie a fait l’objet d’une 
série de travaux résumés et bien classés dans la 
thèse fort intéressante d’un élève du Professeur 
Terrier, M. le D' Jourdan 

Dans son travail, M. Jourdan montre l'impor- 
tance qu'il y a à établir des distinctions entre les 
divers cas de cholédochotomie, La cholédochoto- 
mie primitive, associée ou non à une intervention 


sur la vésicule, est beaucoup plus grave que la 
cholédochotomie secondaire à une fistule biliaire 
complète. Le fait s'explique facilement, la réten- 
tion biliaire et les accidents infectieux, qui exis-. 
tent dans le premier cas, cessant à la suite de l’éta- 
blissement d'une fistule. De là l'indication d'utiliser 
la cholécystostomiecomme opération préliminaire, 
ce qui, malheureusement, peut être souvent impos- 
sible par suite de la rétraction @e la vésicule et de 
l’imperméabilité du canal cystique. 


V. — RECTUM. 


Rétrécissements, — On sait combien la nature des 
rétrécissements du rectum est encore discutée. La 
difficulté que l’on a dans la détermination des anté- 
cédents pathologiques des malades explique faci- 
lement cette indécision en l'absence d'examens 
anatomo-pathologiques de ces lésions. Jusqu'ici on 
ne possédait guère que quelques examens isolés, 
disséminés çà et là. Les ablations plus fréquentes 
du rectum, la possibilité d'avoir ainsi des pièces 
fraiches ont, dans ces derniérs temps, rendu cette , 
élude plus facile. Plusieurs mémoires que nous. 
avons publiés avec M. Toupet, un travail important 
de M. Sourdille, ont, par la comparaison d’une 
série d’une vingtaine de pièces, permis de tracer. 
l'histoire anatomique de cette lésion. 

Les rétrécissements du rectum présentent lrois 
types pathologiques : Type inflammatoire diffus, 
type syphilitique à nodules gommeux, type tuber- 
culeux où l’on retrouve des follicules caractéristi- 
ques. Ces lésions, en quelque sorte spécifiques, 
occupent le tissu sous-muqueux; dans les trois 
cas le revêtement de la région subit des modifica- 
lions identiques disparilion de l'épithélium 
cylindrique normal de la région, glissement, sur la : 
région dépouillée, de l’épithélium pavimenteuxstra- 
tifié venu de l'anus, quelquefois formation de 
pseudo-papilles, si bien qu’onassiste, dans les rétré- 
cissements du rectum, à la genèse d’une véritable 
pachydermie rectale. 


Fistules recto-vaginates. — Le traitement des fis- 
tules recto-vaginales larges et haul-situées était 
resté difficile, etles tentatives opératoires n'étaient 
malheureusement pas suivies de succès dans un 
grand nombre de cas. Aussi devons-nous signaler 
l’ingénieux procédé qu'a imaginé M. Segond, et 
qui nous parait destiné à remplacer tous les autres. 
Après dédoublement de la cloison reclo-vaginale, 
toute la partie sous-jacente à la fistule est extirpée, 
et le bout supérieur abaissé est sulturé à la peau. 
La communication rectale se trouvant par le fait 
supprimée, l'ocelusion de la perforation vagi- 
nale avivée est assurée par quelques points de 
suture. 


D: H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


943 


Dilatation de l'anus. — Par une série d'expé- 
-riences sur des chiens, M. Quénu a montré que la 
dilatation de l'anus ne s’accompagnait d'aucune 
lésion anatomique appréciable du muscle, d’au- 
cune altération physiologique de l’appareil neuro- 
musculaire. Ces constatations l’ont amené à 
conelure que la diminution momentanée de toni- 
cité sphinctérienne ne pouvait être rapportée qu'à 
une cause centrale. Quand on pratique la dilata- 
tion forcée del'anus, on agit à distancesur la moelle, 
nous dit-il. On paralyse le centre ano-spinal par 
l'intermédiaire des nerfs sensitifs ; à l’aide d’une 
excitation violente de ces nerfs, on provoque, en un 
mot, un phénomène d'inhibition. 


VI. — APPAREIL URINAIRE. 


Hypertrophie prostatique. — L'an dernier nous 
avons mentionné les tentatives faites par White, de 
Philadelphie, et par Ramm, de Christiania, pour 
guérir l’'hypertrophie prostatique par la castration 
double. Les opérations se sont depuis lors multi- 
pliées, et, dans un travail récent, Launois et Piquois 
ont pu en réunir 53 cas. Ces 53 cas ont donné 
8 morts, soit une mortalité de 15 0/0 environ. 
C'est dire que la castration double chez le vieillard 
n'est pas absolument innocente. Dans plusieurs cas 
la mort a suivi une crise de manie aiguë. - 

Jusqu'ici ces tentatives opératoires n'ont guère 
été pratiquées en France. On leur oppose divers 
arguments. Les uns sont d’ordrescientifique; l'hy- 
pertrophie de la prostate n’est pas une lésion loca- 
lisée; c’est, comme l'ont montré le Professeur 
Guyon et ses élèves, une partie d'un processus 
dégénératif qui intéresse tout l'appareil urinaire 
des vieillards. En mème temps que la cirrhose 
hypertrophique de la prostate, on trouve une sclé- 
rose généralisée à tout l'appareil urinaire, à la ves- 
sie, aux urelères et aux reins ; d’autres arguments 
sont d'ordre sentimental et découlent de ce fait 
que l’homme éprouve la plus grande répugnance à 
se laisser priver des attributs palpables de son 
sexe. On sait que, chez certains malades, on a dû 
insérer dans le scrotum des testicules postiches en 
celluloïde, en verre, en gutta-percha, en aluminium. 

Aussi comprend-on que cerlains chirurgiens 
aient cherché à obtenir des effets identiques à ceux 
-de la castration double en conservant au malade 
ce que l’on pourrait appeler des Lesticules moraux. 
Harrison, Francis Haynes, Mears, ont fait la section 
des canaux déférents pour obtenir l’atrophie des 
testicules. Le professeur Guyon a de même eu re- 
cours à la résection étendue des canaux déférents, 
faisant ce qu’il appelle une castration physiolo- 
gique par opposition à la castration anatomique. 

Dans le même ordre d'idées, Mac Munn a pra- 
tiqué la ligature de l'artère spermatique, Richmond 


lebistournage, Isnardi la ligature des deux cordons. 

Mac Cully a déterminé l’atrophie du testicule en 
y injectant de la cocaïne pendant. deux mois. 

Les résultats, oblenus jusqu'ici par ces divers 
procédés, ne nous permetlent pas de poser de 
conclusion. Il semble, d'après les observations 
publiées, que les résultats fonctionnels ont été 
le plus souvent satisfaisants. Mais il faut bien 
savoir que bon nombre de prostatiques arri- 
vent souvent, au bout d’un temps variable, à se 
passer de la sonde, et à uriner spontanément sans 
castration et sans ligature des artères iliaques. 
Aussi attendrons-nous encore avant de suivre les 
chirurgiens étrangers dans la voie où ils se sont 
peut-être un peu témérairement engagés. 


De lu sonde à demeure. — À une époque où bon 
nombre de chirurgiens, en province surtout, sont 
prêts à prendre le bistouri au moindre incident, 
il est bon de connaître ce qu'on peut obtenir de 
petits moyens, tels que la pose d’une sonde qu'on 
laisse à demeure. L'utilité de la sonde à demeure 
après la taille, la lithotrilie, l'uréthrotomie interne, 
l'uréthrotomie externe,lesfaussesroutesuréthrales, 
n’est pas à démontrer. Le bénéfice qu'en peut re- 
tirer le malade prostatique est, au contraire, ac- 
tuellement discuté. Sans vouloir rejeter l’opéra- 
tion de la cystostomie que nous avons conseillée, 
il y aura bientôt dix ans, avec notre maitre, le 
P' Guyon, dans le traitement des cystites doulou- 
reuses, que nous acceptons avec Poncet dans 
certains cas d'hypertrophie prostalique, nous pen- 
sons que l’on en a notablement exagéré les in- 
dications. Souvent le malade retire un bien plus 
grand bénéfice du simple emploi raisonné de la 
sonde. Dans un récent mémoire, MM. Guyon et 
Michon en ont montré les avantages chez les 
prostatiques infectés. Alors qu’en pareil cas l’em- 
ploi de la sonde à demeure à Paris ne donne 
qu'une mortalité de 23 °/,, dans les mêmes condi- 
tions la cystostomie donne à Lyon 35 ‘/, de morts. 
Chez quelques malades la sonde, outre son rôle de 
drain vésical, en a encore un autre : celui de 
modeler en quelque sorte le canal, de faciliter le 
passage des instruments dans un urèthre devenu 
plus ou moins diflicile. 

La sonde peut cependant être cause d'accidents 
variés. Mais ces accidents sont, dit M. Guyon, le plus 
souvent le fait du chirurgien. La sonde est doulou- 
reuse parce qu'elle fonctionne mal, parce qu’elle 
est trop enfoncée ou qu’elle est obturée ; elle déter- 
mine des abcès dans la racine du pénis, parce qu’on 
a laissé la verge pendre, se couder, créant ainsi une 
compression continue de l’urèthre contre la sonde, 
au niveau de la coudure. Elle cause l'infection de 
l’urèthre et de la vessie, parce qu'on n'a pas usé 


9%% 


D: H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


de précautions antiseptiques, parce qu'on n’a pas 
fait les lavages qui chassent les germes patho- 
gènes. En résumé, on a le droit de dire que, si la 
sonde à demeure peut avoir des inconvénients, il 
est non seulement possible, mais même facile d'y 
obvier ou d’y remédier. Grâce à ces diverses pré- 
cautions, sur lesquelles vient, très justement, 
d'insister le P'° Guyon, on peut non seulement 
éviter au malade une opération inutile, mais même 
le guérir plus sûrement et à moins de frais. 


Émasculation totale. — Dans une communication 
au dernier Congrès de Chirurgie, M. Chalot (de 
Toulouse) semble adopter les conclusions récem- 
ment posées par Morisani, qui, en présence d’un 
cancer du pénis, enlève la verge et les bourses, 
alors même que le cancer n’a pas encore envahi 
toute la longueur de la verge. Les testicules se- 
raient un encombrement inutile et leur suppres- 
sion ne pourrait avoir aucune influence sur l’orga- 
nisme général, puisque le cancer ne s'observe que 
chez des gens âgés et que le type masculin est 
devenu fixe. Nous sommes étonnés que ces chi- 
rurgiens n'aient jamais été à même d’observer les 
effets de la castration double chez l'adulte, et 
nous croyons qu'il est préférable de conserver les 
testicules toutes les fois que leurs enveloppes sont 
saines. Rien n’est plus simple que d'enlever la 
verge en entier avec les racines des corps caver- 
neux et le bulbe, après fente médiane des bourses. 
En pareil cas, nous avons terminé l'opération en 
rapprochant les testicules séparés, et en fixant le 
bout vésical de l’urèthre à la limite postérieure de 
notre incision, faisant ainsi une uréthrostomie pé- 
rinéale. Le résultat a été excellent, et notre malade 
enchanté d’avoir conservé les attributs de sa vi- 
rililé. 


Uretère. — La chirurgie de l’uretère a fait l’objet 
de nombreux travaux. Sans nous arrêter à décrire 
les diverses opérations pratiquées sur ce conduit, 
nous nous contenterons de parier du traitement 
des fistules de la partie terminale de l’uretère, plus 
fréquentes depuis que la vulgarisation de l’hysté- 
rectomie vaginale a conduit le chirurgien à blesser 
ce conduit au cours de l’ablation de l'utérus. Les 
procédés autoplastiques ne réussissent en général 
pas, ce qui tient à ce que l’uretère est oblitéré au- 
dessous de la fistule. La néphrectomie est certes 
un mode de guérison, mais elle supprime un 
organe sain, L'uretéro-colostomie, conseillée par 
Bardenheuer, Novarro, Reed et Chaput, expose 
d’une part à l'infection du rein, d'autre part à 
l'irrilation de l'intestin par l’arrivée continue de 
l'urine. L'idéal était de conduire de nouveau les 
urines de l'uretère dans la vessie. C’est ce qu'ont 


fait avec succès en France M. Bazy, en Italie No- 
varro. Tous deux, par des procédés un peu diffé- 
rents, ont greffé le bout supérieur de l’uretère dans 
la vessie, faisant ce que Bazy à appelé une ure- 
téro-cyslo-néostomie, opération qui a élé bientôt 
reprise par d’autres chirurgiens. 


Cystites. — La pathogénie des eyslites s'est en- 
richie de faits jusqu'ici peu connus. A côté des 
cysliles ascendantes, par ascension d’un agent 


pathogène à travers les voies urinairesinférieures, 
et des cystites par propagation directe à travers, 


les parois vésicales, ona décrit des cystiles descen- 
duntes, survenues, en particulier, au coursdes épi- 
démies de grippe. M. Mathieu a, de plus, montré 
que l'emploi du bicarbonate de soude à doses éle- 
vées peut être le point de départ de poussées 
légères de cystite du col. 


VIT. — GYNÉCOLOGIE. 


Endométrites. — La question de la puthogénie des 
endométrites est actuellement à l'étude. Une grande 
discussion a eu lieu sur ce point, en juin dernier, 
au Congrès de la Société allemande de Gynéco- 
logie. Les opinions les plus diverses s’y sont fait 
jour. Pour le rapporteur, Winckel, il faut diviser 
les endométrites en : 

1° Simples, non bactériennes, résultant de troubles 
de la circulation, d'intoxications, d'infections gé- 


nérales, endométrites déciduales, endométriles | 


exfoliatives ; 

2% Purulentes, bactériennes, déterminées par le 
gonocoque.le bacille tuberculeux,lesstreptocoques, 
les staphylocoques, les colibacilles, les sapro- 
phytes, etc. 

. Nous ne croyons pas que l'avenir sanclionne la 
classification établie par le gynécologiste allemand. 

Une autre question, celle du {raitement des endo- 
métriles, a été aussi abordée en France et en Alle- 
magne. La tendance qui se dégage des diverses 
communications faites, c'est que, pendant ces der- 
nières années, on à abusé du curettage, el qu’on 
lui a demandé plus qu’il ne pouvait donner. 


Fibromes utérins. — Les procédés d'ablation des 
fibromes utérins continuent à se succéder, ce qui 
prouve qu’on ne possède pas encore le procédé dé- 
finilif. Un point toutefois semble s'établir, c'est 
que l’hystérectomie abdominale totale est une 
bonne opération. Chaque année on voit de nou- 
veaux chirurgiens s’en déclarer partisans. Aussi 
peut-on, dès maintenant, se demandersil'ablation 
totale de l'utérus fibromaleux n’est pas la mé- 


thode de l'avenir. 
D' Henri Hartmann, 
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, 
Chirurgien des Hôpitaux, 


L 

3 

: La Commission internationale du mètre à élabli dé- 

LR en 1889 une règle de platine portant à ses 
extrémités deux traits dont l'intervalle représente le 
mètre étalon. Les beaux appareils installés au Bureau 

Fr Poids et Mesures permettent d'établir des copies 

» et des subdivisions de cet étalon, et de réaliser, avec 

- une très grande précision, l'unification des mesures 

. portant sur des règles à trait. 

L'industrie se servant surtout, pour ses mesures de 
précision, de règles à bout, c'est-à-dire de règles dont 
la longueur est définie par l'intervalle entre les sur- 
faces terminales, ces mesures ont dù être rapportées 
au mètre à trait. Le Bureau des Poids et Mesures em- 
. ploie, dans ce but, la méthode de Fizeau, qui consiste 

à viser, au moyen du microscope du comparateur, le 

milieu de l'intervalle compris entre une pointe fine et 

son image dans la surface terminale de la règle. Cette 
méthode, d’une application délicate, n’est pas suscep- 
tibie d’être introduite dans les ateliers de précision où 
l'on fait plus communément usage d'appareils à con- 
lact mécanique, tels que le pied à coulisse, le compas 
palmer, etc. Le service de l'artillerie, à la suite de lon- 
gues recherches, a pu établir, pour les règles à bout, 

un comparateur donnant une précision inférieure à 

celle des comparateurs à visée, mais largement suffi- 

sante dans la pratique. Cet appareil a été établi par 
l'atelier de précision de la Section technique de l’Artil- 
lerie, dirigé par M. le chef d’escadron Hartmann et 

M. le capitaine Mengio. Il a déjà conduit à beaucoup 

de remarques intéressantes, et son étude n’est pas 

épuisée. M. Cornu, en le présentant à l’Académie des 

Sciences, l’a apprécié de la facon suivante : 

« Les mesures obtenues avec ces appareils, éfudiés 
et construits pour les besoins de l'artillerie, ont con- 
duit à des conclusions qui dépassent de beaucoup, 
comme portée, le but spécial auquel ces appareils 
sont destinés. 

« Parmi les résultats dont la métrologie tire un profit 
immédiat, on doit citer celui-ci : la comparaison des 
règles à bout s’effectue au millième de millimètre, 
lorsque les deux règles comparées sont faites du même 
métal et offrent à peu près la même forme; dans ces 
conditions, la différence des longueurs mesurées est 
sensiblement indépendante de la pression exercée par 
les pièces de contact (appelées palpeurs dans les com- 
parateurs de ce genre); mais, lorsque les règles sont 
constituées par des métaux différents, la mesure diffé- 
rentielle dépend, dans une proportion considérable, de 
la pression des palpeurs. 

« Cette difficulté, signalée depuis longtemps et évi- 
dente « priori, était restée, comme tant d’objections 
valables en théorie, sans base sérieuse pour définir la 
limite pratique des erreurs à craindre : le mode d’ob- 
servation, si simple et si rapide, fourni par le compara- 
teur automatique de M. le commandant Hartmann, a 
permis d'étudier méthodiquement cette cause d’erreur 
et d'en apprécier la gravité. 

« Ce résultat, qui donne une infériorité notable à 
toutes les mesures absolues faites avec des règles à 
bouts, justifie l'exclusion de ce genre de règles pour 
les mesures de haute précision, dans tous les cas où la 
longueur à mesurer n’est pas déterminée par les sur- 
faces extrêmes d’un corps solide. 

«Il explique certaines divergences singulières recon- 
nues dans Îles anciennes comparaisons de règles étran- 
gères (construites en différents métaux)avec les étalons 
métriques francais en platine, divergences qu’on attri- 


Maé di à. | mt 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


945 


ACTUALITÉS 
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LE COMPARATEUR AUTOMATIQUE ENREGISTREUR DE M. LE COMMANDANT HARTMANN. 


buait volontiers aux observateurs, dont l’habileté et la 
conscience étaient pourtant à l’abri de tout soupcon. 
On voit clairement aujourd’hui que ces anomalies sont 
la conséquence inévitable de la matière des règles sur 
lesquelles l’opération a été effectuée. » | 

Indépendamment de ces conclusions si intéressantes 
au point de vue scientifique, l'appareil de M. le com- 
mandant Hartmann fournit une solution pratique de 
l'unification des mesures pour l'industrie avec une 
précision qu'il était impossible d'atteindre par les 
moyens actuels, et dont on a besoin néanmoins dans 
plusieurs genres de construction. C’est là un résultat 
des plus importants; aussi croyons-nous devoir donner 
une description sommaire de cet ingénieux dispositif. 

Le comparateur automatique enregistreur (lig. 1, 
page 946) comprend quatre organes principaux : 

4° L'appareil de mesure; 

2: L'appareil enregistreur; 

3° L'appareil moteur; 

4° L’appareil d’alternance, 


1° Appareil de mesure. 


Un banc en fonte porte deux poupées, l’une fixe P,, 
l’autre mobile P,, terminées toutes deux par des pis- 
tons /, !, entre lesquels se placent les règles à com- 
parer #. 

Sur la poupée fixe P, se trouve un manchon-écrou H 
qui recoit une vis filetée à gauche, du pas de 1°" en- 
viron. Cette vis est constamment sollicitée dans le sens 
du vissage par un poids # de 70 grammes agissant à la 
circonférence d’un plateau R calé sur son extrémité. 
La vis appuie sur la tranche intérieure du piston /, par 
l'intermédiaire duquel elle transmet la pression du 
poids de mesure sur la règle comprise entre les deux 
poupées. 

La poupée mobile P,, qui renferme également une 
vis et un piston, peut être déplacée à l’aide d’un vo- 
lant S monté sur une vis du pas de 5x, logée dans l’in- 
térieur du banc, et la distance des tranches des pistons 
des deux poupées est indiquée à un moment quel- 
conque par une division tracée sur un mètre souple 
qui se déroule devant un index. 


20 Appareil enregistreur. 


Le plateau R, calé sur l’extrémité de la vis de mesure, 
est muni de dix aiguilles « terminées à volonté par 
des crayons ou des plumes qui se déplacent de 27" 
pour une avance de la vis de 0®#,001. Ces plumes 
peuvent marquer sur une feuille de papier placée sur 
un tambour T mû par un mouvement d'horlogerie. 

Quand le plateau R est arrêté, une tige courbe à vient 
appuyer sur le cylindre enregistreur l'aiguille qui se 
trouve en regard du tambour qui y, marque un point. 

Les aiguilles sont numérotées de 0 à 9; les déplace- 
ments du plateau sont comptés entre l'aiguille zéro 
d’une part et le trait zéro de la feuille de lenregistreur 
d'autre part, qui sont en coïncidence quand la vis est 
vissée à fond. 

Dans ces conditions, si, avec une règle interposée 
entre les pistons des deux poupées l'aiguille 6 vient 
en regard de la division 34 du tambour, le nombre de 
divisions compris entre la pointe de l’aiguille-origine 
et le zéro de la graduation, est 600 + 3%. 


3° Appareil moteur. 


Une petite dynamo, de 10 kilogrammètres environ, 


946 


actionne automatiquement les divers organes du com- 
parateur, . 

Au moyen de divers renvois de mouvement, indi- 
qués sur la figure, on obtient le résultat suivant : la 
règle à étudier étant placée entre les pistons L, £, et la 
machine mise en marche, la vis prend un mouvement 
uniforme, sous la tension du poids +, jusqu’à ce que 
les deux pistons appuient sur les extrêmités de la 
règle ; à ce moment le plateau s'arrête et la tige courbe à 
vient appuyer l'aiguille sur le tambour, où elle marque 
un point; puis la vis se met en mouvement en sens 
inverse, les pistons cessant d'appuyer sur les extré- 


Fig. 4. — Vue d'ensemble du comparaleur automatique enregistreur. — P;, 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


par le moteur électrique et, à tour de rôle, déposent 
sur les pistons des poupées et reprennent les règles 
qu'ils supportent. 

Les deux règles à comparer étant placées sur l'appa- 
reil et la machine mise en marche, on obtiendra sur 
le tambour deux tracés pointillés, dont l’écartement 
correspond à la différence de longueur des deux règles, 
L'allure des tracés permet de constater que l’on est 
dans des condilions satisfaisantes, notamment que la 
température est restée sensiblement constante, toute 
variation se traduisant par un déplacement du point 
figuratif. Quand les températures des règles sont bien 


poupée fixe; P;, poupée 


mobile; R, plateau porte-aiguilles ; 4, aigailles: T, tambour enregistreur; x, poids de mesure; 7, », règles 
à comparer; S, volant de la poupée mobile; /;, L, pistons entre lesquels se placent les règles à comparer ; 


i, tige courbe appuyant sur les aiguilles. 


mités de la règle, et quand la vis a été écartée d’une 
certaine distance, son mouvement change de sens el 
recommence sous l'influënce du poids x, comme au 
début de l’opération. 

L'appareil fournira donc automatiquement une série 
de mesures dont chacune sera inscrite par un point 
marqué sur le tambour. 


4° Appareil d’alternance. 


Cet appareil est disposé de facon à présenter alter- 
nativement, entre les extrémités du piston, l’une et 
l’autre des deux règles à comparer. Pour cela, deux 
bras articulés parallèles à l'axe du banc sont actionnés 


égales, les deux courbes qui correspondent à chacune 
d'elles restent équidistantes, tandis que si l’une est à 
un moment donné plus chaude ou plus froide que le 
milieu ambiant, il se produit une modification mo- 
mentanée de l'intervalle des courbes. 

En résumé, le comparateur automatique permet 
d'obtenir la comparaison des mesures à bouts à = de 
millimètre près. Il effectue cette mesure automatique- 
ment, en enregistrant toutes les mesures, et élimine 
ainsi les erreurs accidentelles, ainsi que l'influence de 
l'observateur, ce qui en fait un appareil véritablement 
pratique. 

G, CHarpy, 
Docteur ès sciences. 


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BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Delemer (Jules). — Sur le mouvement varié de 
l'eau dans les tubes capillaires cylindriques 
évasés à leur entrée, et sur l'établissement du 
régime uniforme dans ces tubes. (Thèse pour le 
Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. 
in-8° de 8 pages. Gauthier- Villars et fils, Paris, 1895. 
La part des Mathématiques pures dans la thèse de 
M. Delemer n'est pas très considérable. Nous serons 
donc assez bref sur un travail qui appartient plutôt à 
l’hydraulique de laboratoire ou, si l’on veut, à la Phy- 
sique, et ne rentre qu'incomplètement dans notre com- 
pétence. — On connaît les recherches de M. Boussinesq 
sur l’écoulement de l’eau dans les tubes fins, à régime 
permanent ou varié, à sections simples diverses, M. De- 
lemer, évidemment élève de M. Boussinesq, applique 
ces méthodes générales aux phénomènes du régime 
graduellement varié qui se produisent à l'entrée des 
tubes. 

Les méthodes d'intégration que nous rencontrons 
dans la thèse n’ont rien de bien nouveau et particulier 
à M. Delemer ; les hypothèses simplificatives sont d’ori- 
gine expérimentale; les calculs sont surtout numé- 
riques. 

Une dernière partie est consacrée à la discussion 
approfondie des expériences faites en 1842 par le 
Dr Poiseuille sur l’écoulement de l’eau dans les tubes 
fins. 

En un mot, le travail est de nature à intéresser plus 
les physiciens que les mathématiciens. 

Léon AUTONNE, 


(A.), Ingénieur des Constructions navales, 
Professeur à l'Ecole du Génie maritime. — Construc- 
tion pratique des navires de guerre. Tome I: 
Plans et devis. Matériaux. Assemblages. Différents types 
de navires. Charpente. Revêtement de la coque et des 

. ponts. Tome II : Compartimentage. Cuirassement. Pavois 
et garde-corps. Ouvertures praliquées dans la coque, les 
ponts, les cloisons. Pièces rapportées sur la coque. Ven- 
tilation. Service d’eau. Gouvernails. Corrosion et salis- 
sure. Poids et résistance des coques. 2vol. gr. in-8° de 
810 pages avee 76% figures et 1 atlas de 2 planches. 
(Prix : 33 fr. Gauthier-Villurs et fils, éditeurs. Pa- 
ris, 1895. 

Si l’on fait abstraction des publications spéciales, 
telles que le Mémorial du Génie Maritime ou le Bulletin 
de l'Association Technique Maritime, qui ne sont pas 
entre les mains de tout le monde, on doit reconnaître 
que la littérature relative à l'architecture navale n’est 
pas très abondante. Elle n’est surtout pas en rap- 
port avec le développement considérable qu'a pris l'art 
de la construction dans ces dernières années. Le traité 
de M. l'Ingénieur de la Marine Hauser remonte à 1884, 
et tant d'idées nouvelles se sont fait jour depuis cette 
époque, tant de tentatives ont été faites avec des succès 
divers dans toutes les directions, que la nécessité se 
faisait vivement sentir de coordonner les faits accumu- 
lés et de mettre au point les progrès accomplis. 

C’est ce que vient de faire M. Croneau, dont l'impor- 
tant ouvrage, concu dans un esprit un peu différent de 
celui de ses devanciers, offre une description très 
complète et détaillée de toutes les principales solu- 
tions auxquelles ont douné lieu les types si divers des 
navires modernes, 

Bien que ce traité vise spécialement les bâtiments de 
guerre, les premiers chapitres renferment des consi- 
dérations générales dont tous les constructeurs de 


navires pourront faire leur profit. Nous citerons en 
particulier ceux qui concernent les matériaux de cons- 
truction et le rivetage. 

L'auteur entre ensuite dans l'étude de la charpente 
et du bordé extérieur. Il passe en revue, pour chacune 
des pièces de la coque, les systèmes adoptés par les 
différentes marines sur les divers types de navires : 
cuirassés, croiseurs, avisos, torpilleurs, paquebots. 
Bien que cette méthode d’exposition présente l’incon- 
vénient d'entraîner quelques longueurs, elle permet 
de bien saisir la valeur relative des procédés employés, 
qu'il importe de connaître, Ce n’est, en effet, que par 
des séries de comparaisons faites à plusieurs points de 
vue, que J’on peut se faire une idée nette du mérite 
d’un système, dans une structure aussi complète que 
celle d’un navire de guerre. 

Le tome I se termine par l’étude du bordé en tôle et 
du blindage des ponts. 

Le tome II est consacré au compartimentage, au cui- 
rassement et aux parties accessoires de la coque, On 
lira avec intérêt le chapitre traitant la question si 
débattue du cuirassement. 11 n’est peut-être pas de 
point sur lequel se soient produites plus de diver- 
gences d'opinion et d'exécution. Mais quoique les con- 
ceptions qui ont donné naissance à des systèmes très 
variés ne soient pas dépourvues de valeur, celles qui 
ont prévalu dans la marine francaise paraissent sou- 
tenir avantageusement la comparaison, Un appendice 
à ce chapitre renferme les calculs relatifs au blindage 
des ponts obliques. Il est suivi de la description des 
plaques de cuirasse et de leur mode d’attache. 

L'étude des ouvertures pratiquées dans la coque, 
dans les ponts et dans les cloisons a recu un dévelop- 
pement considérable. l’auteur décrit longuement les 
tubes de sortie des arbres porte-hélices, les tubes de 
jaumière et les diverses prises d’eau, les dalots, sa- 
bords, hublots, écubiers, les panneaux des ponts, les 
portes et vannes des cloisons étanches, les passages 
étanches des arbres, chaînes, cäbles électriques, etc. 
Puis, après un chapitre sur les quilles de roulis, les 
supports d'arbres et autres pièces rapportées sur la 
coque, vient une description des plus détaillées des 
services si complexes de la ventilation et des pompes, 
et des appareils à gouverner, 

Le tome II se termine par une revue des moyens 
employés pour combattre la corrosion et la salissure 
des carènes et par une étude générale des efforts aux- 
quels les coques sont soumises. 

Peut-être trouvera-t-on que le plan de cet ouvrage 
laisse un peu à désirer, que certaines parties ont été 
trop sacrifiées à d’autres de moindre importance. 
Néanmoins l'abondance des détails donnés sur chaque 


question, le choix judicieux des exemples, le soin 


avec lequel tous les points ont été mis à jour font du 
livre de M. Croneau un guide aussi intéressant que 
précieux à consulter. L. Vive. 


Holzmüller (G.), Director der Gewerbeschule zu Hagen 
i. W. — Methodisches Lehrbuch der Elementar- 
Mathematick. — Œrster Theil. Zweite Auflage. — 
1 vol. in-8° de 230 pages avec 142 fig. (Prix cartonné : 
3 francs.) B. G. Teubner, édilewr, Leipzig, 1895. 

Nous signalons à nos lecteurs la seconde édition de 
cetouvrage, qui a obtenu un grand succès en Allemagne 
dans l’enseignement des Ecoles professionnelles et 
réales, auxquelles il est surtout destiné. Il contient les 
principes fondamentaux de la Géométrie, de l’Arith- 
métique, de la Trigonométrie et de la Stéréométrie, 
accompagnés de nombreuses applications pratiques. 


918 


2° Sciences physiques. 


Brunhes (Bernard), Chargé de Cours à la Faculté des 
Sciences de Dijon. — Cours élémentaire d’Electri- 
cité. (Lois expérimentales el principes générauæ. Intro- 
duction à l'Electro-technique). Lecons professées à l’Ins- 
titut industriel du Nord de la France. — 1 vol, in-8° de 
265 pages avec 137 figures. (Prix : 5 fr.) Gauthier- 
Villars et fils. Paris, 1895. 

Au sortir de l'Ecole Normale, tout en remplissant 
les fonctions de préparateur à la Sorbonne et s’occu- 
pant activement de l'étude de la réflexion cristalline, 
M. B. Brunhes avait fait en 1892-93, aux officiers de 
marine détachés à l'Observatoire de Montsouris des 
conférences d'électricité. Nommé maitre de confé- 
rences à la Faculté des Sciences de Lille, et accessoi- 
rement chargé d'enseigner les éléments d'électricité 
aux élèves de la Section du Génie civil à l’Institut in- 
dustriel du Nord de Ja France, M. Brunhes n’a eu que 
peu de modifications à apporter à ses premières lecons 
pour les approprier à son nouvel auditoire. Aux uns 
et aux autres, M. Brunhes à pensé qu'il fallait apporter 
des notions expérimentales, surtout au début du livre, 


surtout dans les définitions, et qu’il ne suflisait pas 


pour cela de résumer quelque bon ouvrage francais ou 
étranger sans changer l’ordre des chapitres; on peut 
ainsi supprimer les paragraphes théoriques, mais on 
se condamne à les remplacer par des notions vagues 
et qui laissent le lecteur ou l’auditeur dans l’incerti- 
tude sur la vraie nature des principes exposés, On ne 
saurait, en conservant le plan d’un ouvrage d'ensei- 
nement supérieur, faire un vrai livre élémentaire, 
C’est Le plan qu'il faut d’abord mûrir, et c'est l’origina- 
lité du plan qui fait l'originalité du livre de M, Brunhes, 
le détail étant nécessairement bon. 

Tout le monde sait à peu près comment est cons- 
truite une pile électrique, quels effets se produisent 
dans un fil métallique continu qui joint le charbon au 
zinc, dans une solution métallique où plongent les 
extrémités de ce fil coupé. Ces effets donnent la défi- 
nition expérimentale du mot « courant électrique »; 
les lois de Faraday précisées fournissent immédiate- 
ment la définition de l'intensité de ce courant en am- 
pères. La loi de Joule fournit la notion de résistance, 
et permet la mesure de celle-ci en ohms; les applica- 
tions numériques sont possibles dès les premières 
pages. Les expériences de Pouillet, enfin, conduisent à 
la notion de force électromotrice; on donne de suite 
la description des voltmètres électrostatiques. 

Ces trois notions fondamentales dans la pratique 
électrique sont introduites, dès le début, avec toute la 
précision nécessaire, sans passer par la voie détournée 
des définitions électrostatiques, en faisant appel à des 
notions déjà familières à tous. La suite du chapitre 
premier est occupée par le développement de ces no- 
tions. 

Le Magnétisme forme le chapitre II. Après quelques 
notions sur les forces newtoniennes, l’auteur arrive 
rapidement aux propriétés des corps aimantés, à la 
définition de l'intensité d’aimantation, avec exemples 
détaillés, empruntés comme de juste à Ewing, puisque, 
en baptisant du nom d’hystérésis le vieux phénomène 
de l’aimantation résiduelle, et en faisant méthodique- 
ment des cycles, comme Wiedeman — pour ne pas 
remonter au delà — Ewing est devenu le père du ma- 
gnétisme pour les industriels. 

OErstedt, Biot, Savart, Laplace et Ampère ont con- 
servé leurs droits sur l’électromagnétisme; ici, on doit 
au génie d'Ampère cette rare bonne fortune que 
l’ordre historique est aussi l’ordre logique; dn peut 
simplifier, on ne saurait changer le mode d’exposition 
des principes. La simplification, due essentiellement à 
Maxwell, résulte de l'emploi systématique de la notion 
du travail électromagnétique et à l'acceptation, sans 
discussion déplacée dans un tel ouvrage, de l'identité 
des champs magnétique et électromagnétique. Après 
les électro-aimants, après la notion du prix du champ 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


magnétique, nous arrivons à l'induction magnétique 
et au circuit magnétique. 

M. Brunhes insiste autant qu'il est nécessaire sur la 
conservation du flux d’induction, et sur l’utile emploi 
de cette propriété pour le calcul rapide des électro-ai- 
mants, toujours avec exemples numériques à l’appui. 

C'est seulement à la fin du chapitre IV, Mesures 
électriques, que se trouvent, à propos des condensa- 
teurs, les notions très réduites d'Electrostatique qui 
sont indispensables. 

Le chapitre V traite de l’Induction, de la combi- 
naison des courants périodiques, des pertes par hysté- 
rèse, Dans le chapitre VI, Unités électriques, il ne 
reste qu'à coordonner ce que l’on a appris peu à peu à 
propos de chacun des phénomènes; peu de pages y 
suffisent. 

Nous voici aux deux tiers du livre; toutes les idées 
fondamentales sont acquises: le lecteur arrive bien 
préparé aux Principes d'Electrotechnique, chapitre VI, 
qui débute par quelques très bonnes pages sur le rôle 
industriel de l'Electricité. A signaler aussi les notions 
sur la production du champ dans les dynamos, les ca- 
ractéristiques d’'Hopkinson, et les propriétés générales 
des moteurs à courant continu (sections 1I-VI), Le 
chapitre se termine par une étude rapide des alterna- 
teurs et des moteurs à courants périodiques ou poly- 
phasés, et quelques mots sur l’éclairage électrique. 

Enfin, dans un court appendice M. Brunhes donne 
un apercu des conséquences du principe de Carnot, 
appliqué aux piles électriques. 

On peut voir, d'après cette rapide analyse, que ce 
livre est bien fait pour les lecteurs auxquels il est 
destiné. Il est nourri d'exemples numériques choisis 
et complets, et, comme tel, il pourra être plus utile- 
ment étudié que maint recueil de problèmes d’é- 
lectricité. De telles publications, dont plusieurs jeunes 
professeurs de nos facultés de province ont donné 
l'exemple depuis quelques années, montrent bien 
qu'une forte culture mathématique ne détruit pas né- 
cessairement le sens de la logique expérimentale, et 
que ce sont ceux qui connaissent le mieux le fond des 
choses qui sont les plus capables d'adapter le plan 
d'exposition à l'auditoire, et d'enseigner la même 
science le mardi à l'Institut industriel tout autrement 
et dans un tout autre esprit qu'ils n’ont fait le lundi à 
la Faculté, 

Bien que M. Brunhes, devenu chargé de cours à 
Dijon, ne soit plus leur professeur, je ne doute pas 
que les élèves de l’Institut industriel de Lille ne soient 
fidèles à son enseignement et ne fassent à son livre le 
succès qu'il mérite. Marcel BriLLOUIN. 


Limb (Ciaudius), J'réparateur de Physique à la Faculté 
des Sciences de Paris. — Essai sur la préparation 
du Baryum métallique. — Thèse pour le Doctorat 
de la Faculté des Sciences de Paris. — Gauthier- Villars 
et fils, éditeurs. Paris, 1895. 

A son important mémoire « Sur la mesure directe 
des forces électromotrices en unités absolues électro- 
magnétiques »!, qui constitue sa principale thèse, 
M. Limb a joint un second travail d’électrochimie con- 
tenant déjà des résultats fort intéressants et laissant 
espérer plus encore pour l'avenir. L'auteur indique un 
dispositif qui pourra, selon toute vraisemblance, servir 
à préparer couramment le baryum métallique par 
électrolyse du fluorure double de baryum et de so- 
dium; il montre la production du baryum par électro- 
lyse de l'hydrate de baryte en fusion, indique la pro- 
duction d’un baryum pyrophorique se combinant 
spontanément à l'azote de l'air, donne un mode de 
préparation d’un alliage de zine et de baryum, et fait 
nettement ressortir la propriété qu'ontles sels haloïdes 
de baryum de se combiner avec leur propre métal. 

Lucien Porxcar£. 


1 La Revue donnera prochainement l'analyse détaillée da 
cet important Mémoire, 


2 

È 8° Sciences naturelles. 

“ Girard (Jules), Secrétaire-adjoint de la Société de 
… Géographie. — La Géographie littorale. — 1 vol. 


gr. in8° de 231 p. avec 81 fig. ou cartes. (Prix : 6 fr.) 
…— Société d'éditions scientifiques, 4, rue Ant.-Dubois. 
Paris, 1895. 


Dans cet ouvrage, M. Jules Girard a tenté de faire la 
- synthèse des observations relatives aux phénomènes 
dont les rivages sont le théâtre : érosion, dépôt d’allu- 
- vions, mouvements lents des côtes. Il commence par 
étudier les mouvements des eaux de la mer : ras de 
- marée, courants superficiels, propagation de la marée 
- le long des côtes, courants de marée. Le second cha- 
- pitre est consacré à l’érosion littorale. L'auteur donne 
- des exemples de l'influence destructive exercée par 
- les vagues et les courants d'une part, et de l’autre par 
. les vents dominants; ilétudie ensuite les phénomènes 
. d'érosion sur les falaises de la Manche et sur les côtes 
- des Pays-Bas. Il traite dans les deux chapitres suivants 
des formations littorales : bancs de sable, cordons 
littoraux, flèches, dunes, îlots et récifs coralligènes. 
Des considérations sur les deltas et sur les estuaires 
des grands fleuves forment le sujet des chapitres Vet 
NI. Enfin l'étude des variations du mouvement du sol 
sur les côtes termine l'ouvrage. IL est illustré de 
figures souvent heureusement choisies, Mais il ne con- 
tient ni index, ni bibliographie générale. 

Les personnes qu'intéresse la géographie physique 
des côtes appartiennent à des professions très diverses. 
C’est un domaine commun d’études pour les marinset 
les géologues, les océanographes et les ingénieurs 
hydrographes. Leurs observations sont dispersées dans 
des documents très nombreux. En cherchant à les 
rassembler, M. Girard s’obligeait à un labeur considé- 
rable, Il a rendu vraiment service en présentant les 
faits réunis sous une forme systématique. 

Toutefois, nous nous permettrons quelques légères 
critiques. D'une facon générale, les références ne sont 
pas données avec assez de soin. Les ouvrages en langue 
allemande, défigurés par des barbarismes, sont souvent 
méconnaissables. Nous avons contracté maintenant de 
telles habitudes de précision, qu'en cette malière le 
laisser-aller n’est plus permis. 

On s'étonne de lire (p. 29) la phrase suivante 
« Adam de Brême rapporte qu'au xvu* siècle on y 

faisait des récoltes » (dans l’île d'Héligoland), puisque 
Adam de Brême, auteur d’un Traité sur la Géographie 
du Danemark, a vécu au xi° siècle et non au xvire, 

Malgré de petites négligences, l'ouvrage de M. Girard 
estutile et, en bien des points, intéressant, Et puis on 
publie en France si peu de travaux de Géographie gé- 
nérale que les essais däns le genre du sien sont dignes 
d'encouragement, 

Henri JJEHÉRAIN. 


De Villars (E.), Surveillant à l'Ecole Nationale Supé- 
rieure des Mines. — Statistique générale des ri- 
chesses minérales et métallurgiques de la France 
et des principaux Etats de l'Europe. — 1 vol. 
in-4° de 250 p. (Prix : relié, 15 fr.) Vue Ch. Dunod et 
P. Vicq, éditeurs. Paris, 1895. 6 
M. de Villars a entrepris la tâche ingrate de rassem- 

bler et de classer méthodiquement une foule de ren- 
seignements sur les principales mines et usines mélal- 
lurgiques d'Europe. Il a ainsi produit un travail qui 
sera fort utile à beaucoup de personnes par le nombre 
d'indications qu'il contient tant au point de vue tech- 
nique qu’au point de vue économique. 

Cet ouvrage donne pour chaque mine l'indication 
des minerais, la superficie, la production, le nombre 
d'ouvriers employés, la situation financière; pour les 
usines mélallurgiques, les produits usuels, les princi- 
paux appareils de fabrication et de travail, le nombre 
d'ouvriers, etc. 

Un grand nombre de tableaux comparatifs complè- 
tent cette utile compilation G. C. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 949 


Caullery (Maurice), Agrégé-préparateur à l'Ecole 


Normale Supérieure. — Contribution à l'étude des 
Ascidies composées. (Thèse pour le Doctorat de ln 
Faculté des Sciences de Paris.) — Un vol. in-8° de 


158 pages, avec T planches hors texte. (Bulletin Seienti- 
fique de la France et de la Belgique, tome XXVII.) Im- 
prüimerie L. Danel, Lille, 1895. 


M. Caullery s’est proposé l'étude de quelques points 
négligés de la biologie et de la morphologie des Asci- 
dies composées ; dans une première partie, il examine 
le phénomène de 1 hivernage et un certain nombre de 
cas d'histolyse; dans une seconde partie, il compare 
la régénération et le bourgeonnement chez les diverses 
Synascidies, ce qui le conduit à des conclusions inté- 
ressantes au point de vue général sur la spécificité des 
feuillets embryonnaires. 

Pendant l'hiver, l'aspect général des colonies change 
souvent beaucoup; parfois la génération estivale dispa- 
raîit complètement (Cücinalium) ; le bourgeonnement 
est moins intense et le développement des organes 
génitaux s'arrête. Mais les modifications que l'on re- 
marque à cette saison ne sont pas bien profondes en 
somme, et sont dues vraisemblablement à la vieillesse 
des individus après la reproduction sexuée; ceux-ci 
meurent et tombent en histolyse dès le mois de sep- 
tembre; l'hiver survient alors, qui retarde la croissance 
des bourgeons de remplacement, d'où l'aspect si partli- 
culier des colonies. 

Les Ascidies présentent de nombreux exemp'es 
d’histolyse, organes génitaux après la saison de ponte, 
vieux individus de la colonie au début de lhiver- 
nage, etc. ; M. Caullery a examiné #n détail le pro- 
cessus histologique de ce phénomène dans l’un et 
l’autre cas, En règle générale, il semble que l’histo- 
lyse commence par une dissociation des éléments 
anatomiques; ces éléments, mis en liberté, dégénèrent 
en se réunissant secondairement par paquets, leurs 
noyaux subissant le processus régressif de la chroma- 
tolyse; enfin la phagocytose survient par l'immigration 
de nombreuses cellules mésenchymateuses, qui en- 
tourent et font disparaitre les éléments préalablement 
histolysés. 

Le travail de M. Caullery apporte surtout une con- 
tribution de valeur à une question très controversée, 
celle du bourgeonnement : on sait qu'un bourgeon 
d’Ascidie est constitué à l'origine par une vésicule 
creuse, dont la paroi externe est constituée par l’ecto- 
derme du parent, la paroi interne par un autre épithé- 
lium, et la région moyenne par du mésenchyme inler- 
calé. Les divers modes de bourgeonnement peuvent se 
grouper en trois catégories : 1° les bourgeons appa- 
raissent sur la paroi extérieure de la cavité péribran- 
chiale (Botrylles); 2° ils se forment sur des stolons 
(Claveline); 3° chaque bourgeon se constitue par deux 
ébauches distinctes, au-dessous de la branchie (Diplo- 
somiens). Non seulement ces bourgeons, dont l'état 
ultime est identique, se forment dans des régions dif- 
férentes, mais ces régions elles-mêmes sont constituées 
par des feuillets différents : chez les Botrylles, par 
exemple, l’épithélium interne du bourgeon est le revè- 
tement de la cavité péribranchiale, et par conséquent 
de valeur ectodermique (ce point a élé mis en doute 
par Pizon, mais Caullery confirme les données anté- 
rieures); chez les autres Synascidies, cet épithélium 
interne provient de l'organe appelé épicarde, qui n’est 
qu'une partie de l’endoderme de la larve séparé de la 
cavité branchiale, Or, dans les deux cas, cetépithélium 
interne, de valeur ectodermique chez les Botrylles, 
endodermique chez les autres, donne naissance à des 
organes homologues : tube digestif, cavité péribran- 
chiale, etc. 

De plus, il ressort également de ces faits qu’un même 
organe, considéré chez l'oozoiïte né du développement 
de la larve, et chez le bourgeon, peut avoir une ori- 
gine toute différente : ainsi, chez les oozoïtes, la cavité 
péribranchiale est toujours formée par une invagina- 


4». 


950 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


tion de l’ectoderme : chez les bourgsons (sauf Bo- 
trylles), elle est formée par des diverticules endoder- 
miques. Le ganglion nerveux, le pavillon vibratile et 
la glande hypoganglionnaire des oozoïtes sont un 
complexe dérivant d'une unique ébauche ectoder- 
mique : chez les bourgeons (sauf Botrylles), ce com- 
plexe est d’origine endodermique comme la cavité 
péribranchiale. 

Il en résulte que la notion des feuillets embryon- 
naires, si utileet si vraie en embryologie, ne peut être 
appliquée à la blastogénèse; n'importe quel feuillet 
peut donner naissance à n'importe quel organe. La 
blastogénèse est un phénomène essentiellement secon- 
daire, épigénétique, dû à l'existence d'un tissu proli- 
féraleur ayant réacquis la plasticité embryonnaire, et 
devant, quelle que soit son origine, régénérer des or- 
ganes identiques à ceux du parent, Chez les Aplidiens 
et Didemniens, le tissu proliférateur est l’épicarde, 
dont le plan de symétrie est celui de lindividu pro- 
géniteur, et il intervient aussi bien dans la régéné- 
ration d’un Circinalun coupé qu2 dans le bourgeon- 
nement proprement dit,ce qui montre lesliens étroits 
qui existent entre les deux processus ; chez les Bo- 


trylles, la zone de prolifération est le pourtour de la 


cavité péribranchiale, et les bourgeons n’ont aucune 
relation avec le plan de symétrie de l'individu progé- 
niteur. L. Cuéxor. 


4° Sciences médicales. 


Garnier (D' L.), Professeur à la Faculté de Méde- 
cine de Nancy. —Chimie médicale.Corps minéraux, 
Corps organiques. (Manuel de l'Etudiant en médecine.) 
— 1vol. petit in-8° de 500 pages. Rueff et Cie, éditeurs, 
106, boulevard Saint-Germain, Paris, 1895. 


Voici un petit livre qui, sous un faible volume, con- 
tient, fort bien présenté, un résumé général de l'étude 
des principaux corps de la Chimie minérale et de la 
Chimie organique considérés au point du vue médical. 

L'ouvrage se divise naturellement en deux grandes 
parties : substances minérales et organiques. La pre- 
mière partie, après un exposé succinct des bases de la 
théorie atomique, aborde la description des métalloides 
et métaux et de leurs principaux composés, et, comme 
applications, donne l’examen des eaux et de l'air. 

Après un chapitre de généralilés, la Chimie organi- 
que indique les propriétés des substances de la série 
grasse et de la série aromatique et étudie à part, d’une 
facon assez détaillée, les alcaloïdes végétaux etles ma- 
tières albuminoïdes qui présentent en médecine un 
grand intérêt, 

Comme le fait remarquer l’auteur dans sa préface, cet 
ouvrage pourra rendre d'autant plus de services aux 
étudiants auxquels il est destiné que lenseignement 
préparatoire des sciences, qu'ils devront suivre d’après 
les nouveaux programmes, permettra d'étendre dans 
les Facultés de Médecine les études de Chimie biologi- 
que; ces dernières études exigeront la connaissance 
d'éléments spéciaux que l’on trouvera exposés dans le 
livre de M. Garnier. 

Tout en louantcomme il le mérite l'ouvrage quenous 
présentons, nous devons dire qu'il renferme quelques 
inexacliludes: pourquoi notamment avoir fait figurer 
l'arabinose dans les sucres en C6 quand il est établi 
depuis longtemps qu’elle est en C5? Cette légère cri- 
tique sera d’ailleurs facile à éviter dans une prochaine 
édition qui, en raison de la valeur de l'ouvrage, ne se 
feracerltainement pas attendre. A. Hégerr. 


ay (D' H.). — La Syphilis des centres nerveux. 
1 vol, petit in-8° de 204 payes de l'Encyclopédie scien- 
tifique des Aide-Mémoire, publite sous la direction de 
M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr, 50 ; 
cartonné, 3 francs.) Gauthier- Villars et G. Masson, édi- 
Leurs, Puris, 1895. 
Les études personnelles antérieures de l’auteur, les 

recherches approfondies auxquelles il s’est livré sur 


l'anatomie pathologique du système nerveux donnent 
au livre de M. Lamy sur la syphilis des centres nerveux 
un intérêt particulier, Il a exposé dans ce volume l’é- 
tat actuel de nos connaissances sur les manifestations 


précoces ou lointaines de la syphilis cerébro-spinale. 


Un historique rapide montre les progrès successifs 
de la science : la notion de la syphilis nerveuse pres- 
sentie par les Anciens, démontrée par l’histologie pa- 
thologique ; les artérites cérébrales prouvées, enfin et 
plus recemment, la syphilis médullaire. M. Lamy dé- 
crit ensuite les caractères des lésions syphilitiques 
nerveuses, l’infiltration embryonnaire autour des capil- 
laires sanguins, l’évolution sclérogène des lésions ou 
leur fonte granulo-graisseuse, la possibilité d'aboutir 
à une cicatrisation ou à la formation d’un foyer ca- 
séeux enkysté et, dans l’un cet l’autre cas, à une lésion 
fike, non progressive, s’alliant avec la guérison. Après 
ces considérations générales qui dominent tout len- 
semble de la question, M. Lamy étudie la syphilis céré- 
brale, puis, en une partie distincte, lasyphillis médul- 
laire ; il examine les diverses lésions anatomiques 
qu'elles provoquent, lésions des enveloppes, des vais- 
seaux, de la substance nerveuse, des nerfs qui en 
partent; il décrit avec méthode les symptômes si va- 
riés qui les accompagnent, les groupe en formes cli- 
niques et en établit le diagnostic. Un chapitre termi- 
nal traite des moyens thérapeutiques à employer pour 
combattre ces manifestations nerveuses de la syphilis; 
les détails du traitement spécifique y sont exposés 
avec les moyens généraux et adjuvants. 

Ge livre où l'anatomie pathologique et la clinique 
sont menées dans un parallélisme constant et se 
prêtent l'appui le plus logique, trouvera auprès du 
public médical l'accueil favorable dù à son mérite. 

D' A. LÉTIENNE. 


Reclus (Paul), Professeur agrègé de la Faculté de Mé- 
decine de Paris, Chirurgien de l'Hôpital de la Pitié. — 
La cocaïne en chirurgie. — 1 vol. petit in-8° de 
192 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mé- 
more, publiée sous la direction de M. H. Léauté, de 
Pinstitut. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) 
Gauthier- Villars et G. Masson, éditeurs, Paris, 1895. 
M. P. Reclus a repris dans ce petit volume l'apologie 

de l’analgésie locale par la cocaïne. Il a tena à préci- 

ser, encore une fois, son manuel opératoire et les in- 
dications de sa méthode. Il a plaidé avec son talent 
prestigieux la cause de la cocaïne, dont lapplication 
reste, bien malgré lui, limitée aux interventions dites de 
petite chirurgie, et aux opérations ophthalmologiques. 

Et cependant,si d’aucuns peuvent encore être gagnés à 

la thèse de M. Reclus, ils le seront assurément par cet 

Aide-Mémoire, reflet d'une conviction sincère et écrit 

dans une forme aussi élégante que châtiée. 

D' Gabriel MAURANGE. 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres el aes Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans ie texte et planches en cou- 
leurs. 535° livraison. (Priæ de chaque livraison, 1 fr.) 
H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes. 

La 535° livraison contient d’intéressantes monogra- 
phies des départements de la Loire, de la Haute-Loire et 
de la Loire-Inférieure, par M. A. M. Berthelot. 


Beauregard (H.), Assistant au Muséum. — Nos 
Bêtes, Animaux utiles et nuisibles. — Ouvrage 
paraissant en livraisons les 5 et 20 de chaque mois. 
Chaque livraison contenant 8 pages de texte el une 
planche en couleurs, est vendue 90 centimes. A. Colin, 
éditeur, 5, rue de Mézières, Paris, 1895. 


La livraison 13 renferme, sous la dénomination d’a- 


nimaux producteurs, ta description de l'abeille (miel) 


et celle du bombyx du mürier (ver à soie). 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 951 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 23 Septembre 1895. 


M. le Secrétaire perpétuel signale, parmi les pièces 
imprimées de la correspondance, une brochure inti- 
_tulée: Les limites actuelles de notre science, discours pro- 
 noncé par le Marquis de Salisbury,traduit par M. W. 
de Fonvielle. 
1° SciENCES PHYSIQUES. — M. Henri Moissan présente 
un échantillon de carbone noir rencontré dans les ter- 
rains diamantifères qui se trouvent entre la rivière « Rio 
de Rancardor » et Le ruisseau « das Bicas» dans la pro- 


. vince de Bahia, au Brésil. Cet échantillon, qui pèse 


630 grammes, est le plus gros échantillon de carbone 
trouvé jusqu'ici. — MM. A. B. Griffiths et C. Platt 
ont déterminé la composition chimique du pigment 
violet de la Méduse; les résultats de l’analyse corres- 
pondant à la formule C2H17Az07, Les solutions ne 
donnent pas de bandes caractéristiques d'absorption, 
C. MATIGNON. 
3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. Lépine montre 
lexistence de la glycosurie phlorizique chez les chiens 
ayant subi la section de la moelle; ainsi, ayant coupé la 
moelle à différentes hauteurs, l’auteur injecte aux 
animaux une solution alcaline de phlorizine. Quatre 
heures après, la glycosurie se produit ; elle ne diffère 
pas de celle observée chez les chiens sainsaprès l’ad- 
ministration de la phlorizine. J. MARTIN. 


Séance du 30 Septembre 1895. 


M. le Secrétaire perpétuel donne lecture d’une 
lettre de M. J.-B. Pasteur, qui annonce la mort de son 
père Louis Pasteur, décédé à Villeneuve-l’Etang 
(Garches), le 28 septembre 1895. — M. A. Cornu, pré- 
sident, se fait l'interprète des sentiments de l’Acadé- 
mie et lève la séance en signe de deuil. — M. le Se- 
crétaire perpétuel donne lecture des télégrammes 

- adressés à l’occasion de la mort de Pasteur. 

1° ScrENCES PHYSIQUES. — M. le Secrétaire perpétuel 
signale parmi les pièces imprimées de la correspon- 
dance une « Etude sur la théorie mécanique de la cha- 
leur » par M. Ch. Brun. — M. d'Abbadie transmet 
certaines informations d’aprèslesquelles le Fr'amaurait 
été apercu par des Esquimaux sous 65°45° de latitude, 
Le Fram est le navire où s’est embarqué, il y a deux 
ans, M. Nansen pour atteindre le pôle Nord. — M. G. 
van der Mensbrugghe, ense fondant sur l’évaporation 
spontanée des liquides, établit que toutes les théories 
capillaires de Laplace de Gauss, de Poisson, de Neu- 
mann, de Mathieu, de Van der Wals, etc., sont en dé- 
saccord complet avec l'expérience ; il insiste sur l’im- 
prudence des auteurs de ces théories qui ont négligé 
de tenir compte dans leurs calculs des propriétés phy- 
siques les plus élémentaires des liquides.— M. Camille 
Faure signale un nouvel engrais azolé, le cyanate de 
calcium, susceptible de remplacer avantageusement le 
nitrate de soude. On soumet à l'arc électrique un 
mélange de calcaire et de charbon en présence d’azote, 
on termine par une oxydation avec le secours de Pair. 
—M. P. Jourdain adresse quelques réflexions à propos 
du discours de lord Salisbury sur les limites actuelles 
de notre science. —M. Emile Blanchard faitquelques 
remarques au sujet du même discours. Il insiste sur 
l'impossibilité, dans l'état actuel de la science, de 
concevoir une explication sur l’origine des êtres, et sur 
la possibilité de pouvoir espérer distinguer entre le 
transformisme et la fixité des espèces. Jusqu'ici aucune 
expérience ne permet de conclure au transformisme. 
— M. T. Klobb, par l’action de la potasse sur le phé- 


nacylcyanacétate d’éthyle, isole l'acide correspondant, 
lequel se décompose en présence d’un grand excès de 
potasse en acide phénacylacétique et ammoniaque. — 
M. A. Behal étudie la constitution des acides produits 
dans l'oxydation de l'acide campholénique inactif. L’a- 
cide CSHi00i est l’acide diméthylsuccinique dissymé- 
trique (diméthyl — 2,2 — butanedioïque); l'acide 
C'H!°0' est l’un des deux acides diméthylglutariques ; 
des expériences sont en cours pour fixer quelest celui 
de ces deux acides. — M. A. Poincaré communique un 
ensemble d'observations relatives à des effets des ré- 
volutions synodique et anomalistique de la lune sur la 
distribution des pressions dans la saison de printemps. 
— MM. G. Hermiteet Besançon donnent des détails 
sur une double ascension nocturne, exécutée le 4 sep- 
tembre. L'existence des deux courants aériens super- 
posés et de sens inverse ont permis aux aérostats de 
marcher volontairement dans des directions opposées 
et de revenir au point de départ. G. MATIGNON. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. R. Lépine fournit les 
résultats qu'il a observés sur la glycosurie consécutive 
à l’ablation du pancréas spécialement dans les trente 
premières heures à partir de l'opération. Sur quatre- 
vingts expériences, laglycosurie débute, chez la moitié 
des chiens opéréset soumis à l'inanition absoïue, dans 
les cinq premières et, chez les trois quarts, avant la 
neuvième heure. Dans la grande majorité des cas, la 
glycosurie acquiert rapidement une grande intensité. 
Enfin, le rapport du sucre à l’azote de l'urine a été 
étudié. Si on représente par { la quantité d'azote par 
litre, on trouve, au moment du maximum de la glyco- 
surie, entre 5, 7 el3, { (moyenne 3,8) de sucre par 
litre chez les chiens antérieurement bien nourris, et 
entre 4, 3 et 1, 5 (moyenne 3,2) de sucre chez les chiens 
antérieurement mal nourris. À partir du moment où 
décroit la glycosurie, le chiffre du rapport du sucre à 
l'azote diminue dans tous les cas où il était supérieur 
à 2,8, c’est-à-dire chez presque tous les animaux. 

J. MARTIN. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 24 Septembre 1895. 


M. Henrot, s’inquiétant des ravages causés par le 
paludisme parmi les troupes françaises envoyées à 
Madagascar, pensant, d'autre part, que la principale 
cause de lamaladie est la pénétration des hématozoaires 
par les voies respiratoires, propose l'adoption, par les 
troupes, d’un masque respirateur en toile métallique, 
doublé de coton qui arrête les éléments figurés du 
paludisme. Une discussion générale s'engage, à ce 
sujet, sur la prophylaxie du paludisme. On objecte à 
M. Henrot la gène causée par son masque, qui souvent 
le fera abandonner par les soldats. En outre, il est fort 
probable que le paludisme se répand non moins par 
l’eau que par l'air, Dans ce cas, le masque n’est d’au- 
cun secours. 

Séance du 1°" Octobre 1895. 

M. le Dr Mignot envoie une note sur l’état sanitaire 
à la campagne pendant les grandes chaleurs de l'été 
de 1893. — Le Présidentannonce à l’Académie le décès 
de M. L. Pasteur, associé libre. La séance est levée 
en signe de deuil. 

Séance du 8 Octobre 1895. 

Le président annonce à l'Académie la perte qu’elle 
vient de faire en la personne de M. le baron Lar- 
rey, associé libre. La séance est levée en signe de 
deuil. 


14 


32 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


J. Norman Lockyer,F. R.S.: Sur lenouveau 
gaz extrait de l’uraninite.— Le 28 mars, le professeur 
Ramsay eut la bonté de m'envoyer un tube rempli d'un 
uaz qu'il avait extrait de l’uraninite (cléveile); ce gaz 
présentait une raie dans le jaune qui se trouve être 
identique à la ligne D, que j'avais découverte en 1868. 
Le Dr Franklandet,quelquetempsaprès,moi-même,nous 
émimes l'opinion que celte raie pouvait être une raie 
de l'hydrogène, invisible dans les expériences de labo- 
ratoire ; mais l'étude du soleil prouvera par la suite que 
cette idée n'était pas soutenable, bien que le gaz qui 
donne naissance à la raie fût certainement associé 
à l'hydrogène. Par la suite on à observé des raies de 
la chromosphère qui varient avec la raie jaune et le 
gaz hypothétique qui leur donne naissance à recu 
provisoirement le nom d'hélium, pour le distinguer de 
l'hydrogène. Il était donc d'un grand intérèt pour moi 
d'établir si le nouveau gaz était véritablement celui 
qui cause le phénomène solaire en question; et je 
m'empressai d'adresser mes plus vifs remerciements au 
professeur Ramsay pour l'envoi du tube qui devait 
me permettre de me faire une opinion sur ce sujet. 
Malheureusement, on s’en était servi avant de me 
l'adresser, et le verre était tellement noirci que la 
lumière était invisible dans un spectroscope de dis- 
persion suffisante pour trancher la question. Le29 mars 
donc, le professeur Ramsay étant à létranger, je 
résolus, pour ne point perdre de temps, de chercher 
si le gaz qui avait été obtenu par des procédés chimi- 
ques, se produisait en chauffant dans le vide, suivant 
la méthode indiquée par moi à la Société en 1889, et 
M. L. Fletcher eut la bonté de me donner quelques 
parcelles d’uraninite (brogzérite) pour me permettre 
de faire l'expérience. Je la fis te 30 mars et elle réussit; 
le gaz qui donnait la ligne jaune se produisit associé 
à une notable proportion d'hydrogène. ai obtenu 
depuis des photographies de spectres du gaz obtenu, 
tant avec des tubes à vide, soumis à l’action de la 
trompe de Sprengel, qu'à la pression atmosphérique sur 
le mercure. Aujourd'hui je me bornerai à présenter 
deux de ces photographies. L'une d'elles contient une 
série de spectres fins pendant que la pompe fonction- 
nait, Les deux spectres inférieurs révèlent l'introduc- 
tion de l'air par une fuite due à un éclat du tube capil- 
laire au voisinage d’une des armatures de platine ; on 
y voit sur la même plate le spectre de bandes et le 
spectre de raies de l'air, Ceci prouve qu'il n'y’avait 
pas d'air dans le tube quand on à pris le quatrième 
spectre, Cette photographie n’a pas encore été étudiée 
complètement, mais un examen préliminaire à prouvé 
que la plupart des raies sont dues au spectre de l'hydro- 
gène, mais qu'elles n’en font pas toutes partie. Parmi 
Jes raies auxquelles on ne peut attribuer cette origine, 
il y a deux voisines respectivement de À 4471 et de 
4302, qui ont été observées dans la choromosphère ; 
44714 est aussi importante que D? elle-même au point 
de vue théorique, pour l'étude de la physique solaire. 
Pendant qu’on photographiait le spectre n° 4, on fai- 
sait des observations dans un autre spectroscope dirigé 
Jatéralement. Je donne, d’après mon carnet de labora- 
toire, les observations que j'ai faites pendant que je 
faisais la photographie n° 4, pour montrer que la 
liyne jaune a été visible pendant toute la durée de la 
pose. 


JEUDI 4 AVRIL 1895, PLAQUE F, POSE #. 


10 minules de pose 


4.42 Commencement de la pose 

4.43 La raie jaune prend un éclat considérable. 

,.44 Subitement aussi brillante que celle de l'hydrogène. 
4.45 Raie jaune double. 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


4.46 La comparaison avec D donne pour la raie jaune la 
position de D3. 

4.41 Pompe beaucoup moins pleine, J. c. c. de gaz 

recueillis. Raie jaune beaucoup plus brillante. 

4.48 On met un interrupteur. Raie encore visible, maïs 

très faible. Les raies de l'hydrogène prennent de 
l'éclat et quelques raies doubles apparaissent dans 
le vert. 

448,5 On enlève l'interrupteur et la bouteille de Leyde. 
On ne voit plus que la raie jaune, qui est aussi. 
brillante que C. Une raie dans le vert est la seule 

_ autre visible. 

On remet la boutcille. Raie jaune brillante, les 
autres raies plus réfrangibles, également brillantes. 

.52 Trés brillante. Sommet du tube presque rempli de 

gaz. 


4.50 


S 


Voici les raies qui apparaissent à la fois dans les 
photographies du tube capillaire et dans celles du 
gaz recueilli sur le mercure. Les raies notées d’un 
astérisque sont voisines des raies observées dans la 
chromosphère par M. Young et moi-même et photo- 
graphiées pendant l'éclipse de 1893 : 


LONGUEUR D'ONDE 
(ROWLAND) 


DIVISION DU 
MICROMÈTRE 
.493 
Pot Uyi 
.981 
:23% 
.316 
.146 
.140 
.S84 
.933 
.139 
.176 
.262 
.290 


G OO Où 0x 0 Ur + O9 C0 NO 19 IS 


En ce qui concerne les observations dans le spectre 
visible, je n'ai pas trouvé que le gaz de l’uraninite pro- 
duisit les raies de l'argon, telles que les a données 
M. Crookes; pas plus qu’à l'exception de la raie jaune, 
je n’ai obtenu des raies spéciales qu'il a notées dans 
le gaz. (Quatre d’entre elles, sur dix, me semblent 
pouvoir être dues à l'hydrogène.) Mais j'obtiens réelle- 
ment des lignes presque en coïncidence avec les lignes 
de la chromosphère que j'ai découvertes en 1868. Le 
6 novembre de cette année, j'ai soupçonné l'existence 
d'une raie plus réfrangible que C, et assez voisine 


-d’elle pour qu'elles semblassent former un couple 


quand elles apparaissent loutes les deux avec éclat, 
comme D dans un spectroscope du pouvoir dispersif 
moyen. Plus tard, j'ai découvert une autre ligne à 
6678,3 (R.) qui se montre variable en même temps 
que D. Il y a une ligne en cet endroit, avec la disper- 
sion employée dans le spectre du nouveau ga. Cette 
ligne a été également vue par Thulin, comme l’a indi- 
qué le professeur Clève dans une communication à 
l'Académie des Sciences de Paris (C. R. 16 avril, p. 835); 
mais je n'ai pas observé les autres raies qu'il a don- 
nées (sauf peut-être celle de 5016). Bien que je n’aie pu 
actuellement faire des comparaisons définitives avec 
les raies de la chromosphère, les mêmes fournies jus- 
qu'ici donnent certainement un grand poids à la con- 
clusion que le nouveau gaz donne réellement quelques- 
unes d’entre elles, et les photographies font penser 
que les raies de l'hydrosène constituent les autres. Je 
puis indiquer sous réserves que j'ai déjà obtenu la 
preuve que la méthode indiquée par moi peut finale- 
ment nous fournir d'autres gaz nouveaux dont les raies 
sont également associées à celle de la chromosphère. 
MM. Fowler, Baxandell, Shockleton et Buttler m'ont 
aidé dans diverses parties de ces recherches. 


Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER 


in Premiere P. Lerés rte CPS EN ee 


ge ANNÉE 


N° 21 


15 NOVEMBRE 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


LA DÉROUTE DE L’ATOMISME CONTEMPORAIN 


De tout temps on s’est plaint d’être si peu d’ac- 
cord sur les questions fondamentales qui intéres- 
sent le plus l'humanité. C’est de nos jours seule- 
ment que ces plaintes se sont tues : en fait, chose 
rare à toute autre époque, il règne aujourd’hui, à 
part quelques divergences encore, un accord 
presque complet en ce qui concerne la conception 
du monde extérieur. Notre siècle est le siècle du 
naturalisme. Interrogez le premier venu, pénétré 
des idées naturalistes, depuis le mathémalicien 
jusqu'au médecin praticien; demandez-lui son 
avis sur la constitution intime du Monde. La 
réponse sera invariablement la même : « Toutes 
choses sont formées d’atomes en mouvement; ces 
atomes et les forces qui agissent entre eux sont les 
dernières réalités dont se composent les phéno- 
mènes particuliers. » Partout on répèle, en ma- 
nière d’axiome, que seule la Mécanique des 
atomes peut donner la clef du monde physique. 
Matière et mouvement, tels sont les deux concepts 
auxquels on ramène en dernière analyse les phé- 
nomènes naturels les plus complexes. A celte théo- 
rie, on peut donner le nom de #altérialisme physique \. 

Je veux exprimer ici ma conviction que cette 
manière de voir, malgré tout son crédit, est insou- 
tenable; que cette théorie mécanique n'a pas 


1 Remarquons que ce « matérialisme physique » ne doit 
pas être confondu avec le matérialisme philosophique. Il 
s'agit exclusivement ici de phénomènes d'ordre physique, 
de la conception atomique de la matière; toute considération 
psychologique ou métaphysique se trouve hors de cause, 
ainsi que l’auteur lui-même prend soin de l'indiquer plus 
loin, (Note de la Direclion.) 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


atteint son but, car elle se trouve en contradiction 
avec des vérités tout à fait hors de doute et univer- 
sellement acceptées. La conclusion s'impose : il faut 
l'abandonner et la remplacer, autant que faire se 
peut, par une autre meilleure. On se demandera 
naturellement : En existe-t-ilune meilleure ?A cette 
question, je crois pouvoir répondre par l'affirma- 
live. Ma lâche se divisera donc en deux parties, 
suivant la règle : démolir d’abord, reconstruire 
ensuile. Iei encore, la première lâche est plus aisée 
que la seconde. La théorie mécanique est insufti- 
sante, il est facile de le démontrer : la nouvelle 
théorie, à laquelle je donnerai le nom de théorie 
énergétique, est-elle suffisante? Il est plus difficile 
de le prouver. Cependant, disons-le tout de suite, 
cette dernière a trouvé déjà l’occasion de se véri- 
fier dans le domaine des sciences expérimentales, 
le plus favorable à un examen impartial. Sans éta- 
biir l'entière exaclilude de la nouvelle conception, 
celte épreuve suffit, au moins, pour lui conquérir 
droit de cité. 

Il ne me parait pas superflu d'insister sur un 
point : c'est que, dans ma pensée, il s'agit unique- 
ment ici d'une queslion de science positive. Je 
déclare expressément faire abstraction complète 
de toutes les conclusions qu'on pourra tirer de ce 
chef, concernant les questions morales ou reli- 
gieuses. Non pas que je méconnaisse la valeur de 
pareilles conclusions : mais le résultat auquel je 
veux parvenir est indépendant de telles considéra- 
tions et repose exclusivement sur le terrain des 
sciences exactes. 


21 


954 


I 


Tous les phénomènes du monde réel, en dépit 
de leur infinie variété, ne sont que des cas parti- 
culiers et bien définis de toutes les possibilités que 
nous pouvons concevoir. Distinguer, parmi les cas 
possibles, les cas réels, telle est la signification des 
lois naturelles. Toutes se ramênent à la même 
forme : trouver un #variant, c'est-à-dire une gran- 
deur qui demeure invariable quand toutes les 
autres varient entre les limites possibles, limites 
assignées par la loi même. L'histoire de la science 
nous montre le développement des grandes idées 
scientifiques toujours lié à la découverte et à la 
mise en œuvre de tels invariants: ce sont les 
pierres milliaires de la voie qu'ont parcourue les 
connaissances humaines. 

La musse est un de ces invariants d'une signifi- 
cation générale. La masse nous donne les cons- 
tantes des lois astronomiques; mais nous la trou- 
vons aussi constante dans les transformations 
chimiques les plus profondes que nous puissions 
faire subir aux corps du monde extérieur. Par 
conséquent, celle notion nous apparait comme 
très propre à devenir le pivot des lois naturelles. 
A la vérité, elle s’est trouvée trop pauvre par elle- 
même, pour servir à la représentation de Lous les 
phénomènes, et il a fallu élargir la conception pre- 
mière : on a donc confondu avec cette notion pure- 
ment mécanique toute la série des propriélés qui, 
d'après l'expérience, sont proportionnelles à la 
masse. Ainsi prit naissance l’idée de matière, sous 
laquelle on comprend en bloc tout ce qui, pour nos 
sens, est lié indissolublement à la masse, comme 
le poids, le volume, les propriétés chimiques; la 
loi physique, conservation de la masse, à ainsi 
dégénéré en un axiome mélaphysique: la conser- 
valion de la matière. 

Cette extension, il est important de le remar- 
quer, a introduit une foule d'éléments hypothéli- 
ques dans une conceplion qui, primitivement, ne 
renfermail pas trace d'hypothèse. En particulier, 
sous l'empire de celle théorie, on admit, conirai- 
rement à toute évidence, que la matière, subissant 
une réaction chimique, ne disparait pas pour faire 
place à une autre, douée de propriétés différentes. 
Bien plus, cette façon de voir contraignait à 
admettre que, dans l'oxyde de fer, par exemple, le 
fer et l'oxygène existent encore, quoique loutes 
leurs propriétés organoleptiques aient disparu : ils 
ont seulement acquis des propriétés nouvelles. I] 
nous est aujourd'hui difficile de sentir l’étrangeté, 
l'absurdité même d'une pareille conception, telle- 
ment nous y sommes accoutumés. Réfléchissons un 
peu cependant: tout ce que nous pouvons Connaitre 
d'une substance définie, ce sont ses propriétés; 


W. OSTWALD — LA DÉROUTE DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN 


n'est-ce donc pas un non-sens, ou peu s’en faut, de 
prétendre qu'une substance définie existe encore, 
sans plus posséder aucune de ses propriétés? En 
fait, cette hypothèse de pure forme n’a qu’un bul: 
mettre d'accord les faits généraux de la Chimie, en 
particulier les lois de Ja Stœchiométrie, avec la 
notion, toul à fait arbitraire, d’une matière inalté- 
rable en soi. 

Mais, en dépit de cette conception élargie de la 
malière, en dépit des hypothèses accessoires qui 


s'y grefflent forcément, il est impossible de résu-. 


mer sous celle idée l’ensemble des.phénomènes, 
même en se bornant à la nature inorganisée. On se 
figure, en effet, la malière comme quelque chose 
d'inerle, d'invariable en soi, landis que l'Univers 
va sans cesse se modifiant. 11 faut donc compléter 
cette idée par une autre qui exprime celle conli- 
nuelle évolution, et est complètement indépen- 
dante de la première. Cette idée est celle de la 
force, due à Galilée, le créateur de la Physique 
scientifique. Dans les phénomènes variables de la 
chute, libre ou non, Galilée découvrit un énvariant de 
la plus haute importance : la pesanteur, force cons- 
tante, dont les effets, sans cesse se répélant el s’a- 
joutant, suffisent à expliquer tous ces phénomènes. 
Cette conceptionavailune énorme portée,etNewton 
le fit bien voir quand il conquit à la science tout 
l'Univers étoilé par celte idée que la même force 
agil entre les corps célestes, mais varie stivant une 
Jonction de la distance. Ce succès fil naître la convic- 
tion qu'à l'exemple des phénomènes astrono- 
miques, tous les phénomènes physiques s'expli- 
queraient par ce moyen. La confiance dans la 
fécondité de la théorie newtonienne s’accrul en- 
core beaucoup au début de notre siècle. À cette 
époque, une pléiade d’astronomes éminents, fran- 
çais pour la plupart, démontrèrent que la loi de la 
gravilalion universelle explique les mouvements 
des corps célestes, non pas seulement dans leurs 
grands traits, mais que, si l'on y regarde de plus 
près, elle rend aussi compte, avec la même sûreté 
et la même précision, des perturbations ou petits 
écarts par lesquels les mouvements réels s'éloignent 
des formes canoniques. Soumettre les atomes aux 
lois du mouvement démontrées pour les corps cé- 
lestes, telle fut l'idée-mère de la théorie mécanique 
de l'Univers. Vérifiées dans le monde inorganique, 
ces lois devaient être étendues logiquement à la 
nature vivante. Cetle conception a recu sa forme 
classique dans l’idée de la «formule universelle» due 
à Laplace. De ceite formule pouvait se déduire, 
conformément aux lois mécaniques et par une 
analyse rigoureuse, tout phénomène passé ou futur. 
Sans doute cette Läche exigerait un esprit bien su- 
périeur à l'esprit humain, mais qui néanmoins n'en 


différerait pas essentiellement. 


ss. mt tie tit 


Le de. Le 


p 


W. OSTWALD — LA DÉROUTE 


D'ordinaire, on ne prend pas garde à quel point 
cette manière de voir, si répandue, est tout hypo- 
thétique, toute métaphysique. Nous sommes ac- 
coutumés à la considérer comme le dernier mot de 
l'exactitude. Il faudrait, au contraire, rappeler avec 


. insistance qu'une conséquence immédiate de cette 


théorie n’a jamais pu être vérifiée, même dans un 


- cas particulier, par exemple, cette conséquence que 


: 


les phénomènes de la chaleur, du rayonnement, 
de l'électricité, du magnétisme, de la chimie, sont, 


_ en réalité, de nalure mécanique, malgré les appa- 


rences. Or, pareille vérificalion ne s'est jamais 
faite. Chaque fois qu'on a cherché une représenta- 
tion mécanique de ces phénomènes, chaque fois, 
sans exception, on est venu se heurter à une con- 
tradiction inévitable entre les faits constatés par 
l'expérience et les faits prévus par la théorie. Cette 
contradiction peutrester cachée plus ou moins long- 
temps; mais, Lôt ou tard, elle éclate au grand jour, 
et de la théorie il ne reste que les morceaux; on 
peut prédire sûrement le même sort à tous ces 
symboles ou analogies, qu’on décore aujourd'hui 
du nom de théories mécaniques. 

L'histoire de l'Optique nous fournit un exemple 
remarquable à l'appui de ce que je viens de dire. 
Tant que l’'Optique se bornaïit aux phénomènes de 
réflexion et de réfraction, la théorie de l'émission 
due à Newton élail suflisante. La théorie des on- 
dulations, autre conception mécanique imaginée 
par Huyghens et Euler, pouvait rivaliser avec elle, 
non la détrôner. Mais la découverte des interfé- 
rences et de la polarisation mit hors de pair la 
théorie des ondulations, dont les principes per- 
mettaient de calculer, au moins en gros, les nou- 
veaux phénomènes. 

Pourtant, les jours de la théorie des ondulations 
étaient aussi comptés; à notre époque celte théo- 
rie a été enterrée sans bruit, pour faire place à la 
théorie électro-magnétique. Faisons l’autopsie de 
son cadavre: la cause de la mort nous apparaitra 
évidente; elle a péri par ses parties mécaniques. 
L'éther hypothétique, auquel était confiée la tâche 
de vibrer, devait s'en acquitter sous des conditions 
bien difficiles à remplir. Les phénomènes de pola- 
risation exigent que les vibrations soient lransver- 
sales, autrement dit, que l’éther soit un solide. Or, 
il résulle des calculs de lord Kelvin qu’un solide, 
constitué comme doit l'être l'éther, ne serait pas 
stable et ne peut, par conséquent, avoir d’exis- 
tence réelle. Pour épargner pareil sort à la thé6o- 
rie électromagnétique, actuellement adoptée, l'im- 
mortel Hertz, auquel elle doit tant, renonce expres- 
sément à y voir autre chose qu’un système de six 
équations différentielles. Cette conclusion parle plus 
puissamment que je ne pourrais le faire contre tous 
les essais de théorie mécanique tentés auparavant, 


DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN 


Il 


Jusqu'à présent, je n'ai formulé que des conclu- 
sions négatives. Cependant, on peut lirer quelque 
profit de ce qui précède, et le profit ne paraitra 
pas mince pour lever un obstacle qui a causé à 
beaucoup de graves soucis. Je veux parler des 
déclarations fameuses concernant l'avenir de 
notre connaissance de la Nature, que Du Bois- 
Reymond, le célèbre physiologiste de l’Université 
de Berlin, a faites d'abord au Congrès des Natura- 
listes à Leipzig, ensuite dans quelques mémoires 
plus étendus, et dont le point saillant est cet « Zyno- 
rabimus » tant commenté. Dans la longue polé- 
mique suscitée par cette parole, la victoire est 
reslée, me semble-t-il, à Du Bois-Reymond, car 
tous ses adversaires s’appuyaient sur le principe 
même dont il avait déduit son iynorabimus, et ses 
conclusions valaient ce que vaut ce principe lui- 
même. Ce principe, qu'à ce moment personne ne 
songeait à mettre en discussion, c'est la conception 
mécanique de l'Univers; c’est la supposition que le 
dernier stade auquel peut parvenir notre explica- 
tion du monde, est de le ramener à un système de 
points matériels en mouvement, Si ce principe dis- 
parait, et il doit disparaitre, comme nous l’avons 
vu, l'ignorabimus tombe et la route se rouvre à la 
science. Je ne pense pas que cette conclusion étonne 
qui que ce soit : si j'en juge par moi-même, 
aucun physicien ou naturaliste n’a cru fermement 
à l’iynorabimus, sans en reconnaitre peut-être le 
point faible, que je viens de signaler. 

Ce que j'ai exposé au sujet d'un cas particulier 
a une portée beaucoup plus grande. Rejeter Ja cons- 
truction mécanique de l'Univers, c’est porter 
atteinte au principe même de la conception maté- 
rialiste générale, au sens scientifique du mot. C'est 
une entreprise vaine, qui a pileusement échoué 
devant toute expérience sérieuse, de vouloir 
rendre compte par la Mécanique de tous les phéno- 
mènes physiques connus; cette entreprise peut bien 
moins réussir si elle s'attaque aux phénomènes 
incomparablement plus compliqués de la vie orga- 
nique. La tentative n’a même pas la valeur d'une 
hypothèse auxiliaire : c'estune erreur pure etsimple. 

L'erreur saute aux yeux dans le fait suivant : 
Dans toutes les équations mécaniques, le signe de 
la variable représentant le temps peut changer; 
en d’autres termes, les phénomènes de la Méca- 
nique rationnelle peuvent suivre le cours du temps 
ou le remonter. Dans le monde de la Mécanique 
rationnelle, il n’y a ni passé ni avenir, au même 
sens que dans le nôtre : l'arbre peut redevenir reje- 
ton et graine; le papillon, chenille; le vieillard, 
enfant. Pourquoi ces faits ne se produisent-ils pas 
dans la réalité ? La théorie mécanique ne l'explique 


de] 
©7 
[er] 


W. OSTWALD — LA DÉROUTE DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN 


pas; et, en verlu même des propriétés des équa- 
tions, elle ne peut l'expliquer. Le fait que, dans la 
Nature réelle, les phénomènes ne sont pas réver- 
sibles, condamne ainsi sans appel le malérialisme 
physique. 

Alors, dira-t-on, s'il faut renoncer aux atomes, 
à la Mécanique, quelle image de la réalité nous 
restera-t-il? Mais on n'a besoin d'aucune image, 
d’aucun symbole. Ce n’est pas notre affaire de voir 
le monde plus ou moins déformé dans un miroir 
courbe; il faut le voir directement, autant que le 
permettent nos forces intellectuelles. Établir les 
rapports entre des réalités, c'est-à-dire des gran- 
deurs tangibles, mesurables, de telle sorte que, les 
unes étant données, les autres s'en déduisent, 
voilà la tâche de la science : et la science ne l’a 
pas remplie quand elle se paie d’une image plus 
ou moins hypothétique. 


III 


Sans doute, la voie est longue et pénible, mais 
elle est la seule sûre. D'ailleurs nous pouvons la 
suivre, sans faire appel à notre abnégation per- 
sonnelle, sans nous soulenir par l'espoir qu’elle 
conduira au but nos arrière -neveux. C'est à nous- 
mêmes qu'échoit le bonheur, et notre siècle mou- 
rant fait au siècle naissant le legs scientifique le 
plus fécond en espérances : il lui lègue la (héorie 
énergétique. 

Remarquons-le bien : il ne s'agit pas ici d'une 
chose absolument inédite, car, depuis un demi- 
siècle, nous la possédons, sans nous en apercevoir. 
C'estle cas, ou jamais, de dire : mystère évident, 
chaque jour nous pouvions le lire et nous ne le 
comprenions pas. 

Quand, il y a cinquante ans, Robert Mayer dé- 
couvrit l'équivalence des différentes forces natu- 
relles, ou, comme nous disons dans notre langage 
actuel, des différentes formes de l'énergie, ül fit 
dans celte direction un pas décisif. Mais, — loi 
constante de la pensée humaine, — jamais on n'ac- 
ceple une nouvelle découverte, claire el nette, telle 
qu'elle se présente. Celui qui la reçoit, qui n’a pas 
intimement vécu le progrès, mais le prend à l'ex- 
térieur, s'efforce, avant Lout, de relier tant bien que 
mal la nouveauté à ce qui existait dans son espril. 
L'idée nouvelle est ainsi défigurée, et sinon même 
doublement faussée, du moins dépouillée de sa 
meilleure force. L'inventeur lui-même n'échappe 
pas à celte loi. La puissante intelligence de Co- 
pernic a su {ransposer les rapports du Soleil et de 
la Terre, mais non s'affranchir, pour les autres pla- 
nètes, de la théorie régnante des épicyeles. Même 
histoire pour Mayer. Comme presque toujours, la 
génération suivante a dû dégager, pièce à pièce, 
de tous les accessoires inutiles la pensée première, 


pour qu'elle püt apparaître dans son imposante 


simplicité. 


L'idée de Mayer élait étrangement simple, trop. 
simple pour être accueillie immédiatement. Bien 


plus, les trois savants qui ont le plus fait pour la 


défense de la loi de l'équivalence, Helmhollz, Clau- 


sius, William Thomson, lui ont donné la même 
interprélalion : ils ont cru que toutes les formes 
de l'énergie élaient, au fond, une seule et même 
chose : à savoir, l'énergie mécanique. De cette 
manière on réalisait ce qui semblait le plus pres- 
sant : rattacher la nouvelle idée à la théorie méca- 
nique alors régnante, mais l’idée perdait son prin- 
cipal caractère. 

Il a fallu un demi-siècle pour faire la lumière et 
montrer que, par celte hypothèse accessoire, loin 
d'ajouter à la loi, on renonçait à son caractère le 
plus précieux : la liberté laissée à toute hypothèse. 

Mais, dira-t-on, comment, avec celte idée si 
abstraite de l'énergie, se faire une conception de 
l'Univers, qui puisse rivaliser de clarté et de net- 
teté avec la conception mécanique? La réponse 
est facile : Comment connaissons-nous le monde 
extérieur, sinon par nos sensations? Toutes nos 
sensations ont un caractère commun et un seul : 
elles correspondent à une différence d'énergie 
entre les organes des sens et le milieu qui les 
entoure. Bans un Univers, dont la température 
serait uniformément égale à la température de 
notre cGrps, il nous serait impossible d’avoir 
aucune idée de la chaleur, pas plus que nous ne 
ressentons la pression atmosphérique constante, 
sous laquelle nous vivons : nous n’en acquérons la 
connaissance qu'après avoir éprouvé l'effet de 
milieux où règne une pression différente. 

- Tout le monde est prêt à admettre cette explica- 
tion, mais on ne veul pas renoncer à la matière, 
parce que l'énergie a besoin d'un véhicule. Et 
pourquoi donc? Si le monde extérieur ne se révèle 
à nous que par des rapports d'énergie, pour quel 
motif vouloir y loger quelque chose que nous n'a- 
vons jamais pu percevoir? Pourtant, objectera-l-on, 
l'énergie n’est qu'une idée, une abstraction, tandis 
que la malière est la réalité. C'est justement tout 
le contraire. La matière est une invention, assez 
imparfaile d’ailleurs, que nous nous sommes 
forgée, pour représenter ce qu'il y a de perma- 
nent dans loules les vicissitudes. La réalité effec- 
tive, c’est-à-dire celle qui fait effet sur nous, c'est 
l'énergie, comme nous le verrons en cherchant 
dans quel rapport se trouvent ces deux concepls. 

Mais, avant d'aller plus loin, récapilulons en 
deux mots l’évolution que nous venons d'indiquer: 
L'idée de la matière est une extension de l’idée de 
la masse. À celle conception insuffisante, Galilée 
dut joindre celle de la force, pour expliquer l'évo- 


_lution incessante de l'Univers. Mais la force ne 
possédait pas l'invariance et, après la découverte 
de ces invariants partiels force vive et travail, Mayer 
découvrit l'invariant le plus général, l'évergie, qui 
gouverne toules les forces physiques. Toujours, 
dans toute leur histoire, la matière et l'énergie 
restent côte à côte, et tout ce qu’on savait de leurs 
relations, c'est que, la plupart du temps, elles vont 
de concert, la matière étant le véhicule, le réser- 
voir de l'énergie. 


IV 


Cependant l'énergie et la malière sont-elles 
deux choses réellement différentes, comme l'âme 
et le corps, ou n'est-ce pas plulôt que ce que nous 

. savons el disons de la matière soit déjà compris 

: dans l’idée d'énergie? À mon sens, la réponse n’est 

pas douteuse. Que trouvons-nous, en effet, dans 

- l'idée de matière ? En premier lieu, la musse, c'est- 
à-dire ia capacité pour l'énergie cinétique; ensuite, 
l'émpénétrabilité où énergie de volume, le poids où énergie 
de position sous la forme particulière qui se présente 
dans la gravitation universelle, enfin les propriétés 
chimiques ou énergie chimique. Partout, il n’est ques- 
tion que d'énergie, et, si nous séparons ces diffé- 
rentes formes d'énergies de la matière, celle-ci 
s'évanouit : elle n'a plus même l'espace qu'elle 
occupait, car cet espace ne nous est connu que 
par la dépense d'énergie nécessaire pour le pénétrer, 

La matière n’est autre chose qu'un groupe de dif- 
férentes énergies, rangées ensemble dans l’espace, 
et tout ce que nous voulons en dire, nous le disons 
de ces énergies seulement. 

La question que je veux éclaircir ici est si 
importante qu'on me permettra de chercher encore, 
par une autre voie, à la serrer de plus près et de 
prendre l'exemple le plus frappant que je puisse 

. trouver. Vous recevez un coup de bâton. Que res- 
sentez-vous, le bàlon ou son énergie? Le bâton est 
assurément la chose du monde la plus inoffensive, 
tant que personne ne le brandit. Nous pouvons 
tout aussi bien nous heurter à un bâton immobile: 
mais, dans tous les cas, ce que nous ressentons. 
je l'ai dit déjà, ce sont les différences d'énergie 
entre l'extérieur et nos organes : que le bâlon 
s’abatte sur nous ou nous sur le bäton, peu importe. 
Au contraire, si nous possédons une vitesse égale à 
celle du bâton et dans la même direction, le baton 
n'existe plus pour notre toucher, car il ne peut 
avoir avec nous ni contact, ni échange d'énergie. 

Cet exposé montre, je l'espère, que la notion 
d'énergie peut servir à expliquer tout ce qu’on 
expliquait autrefois.par les notions de matière et 
de force et même davantage : il suffit de reporter 
à l’une les propriétés et les lois qu'on attribuait 
aux autres. Cela offre le grand avantage de sup- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


W. OSTWALD — LA DÉROUTE DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN 


primer les objections que j'ai signalées au début. 
Nous faisons une seule hypothèse sur la dépen- 
dance mutuelle des différentes formes de l'énergie : 
c’est qu'elles obéissent à la loi de la conservation. 
Nous avons ensuite toule liberté d'étudier objec- 
tivement les propriétés particulières de chacune 
d'elles : en classant ralionnellement ces propriétés, 
nous créerons un système des formes de l'énergie, 
qui aura une portée scientifique bien plus grande 
que le système où elles sont toutes confondues, 
sous prétexte qu'elles sont, au fond, identiques 
entre elles. Voyons, par exemple, ce qu'on fait 
aujourd'hui dans la théorie cinétique des gaz, qui 
jouit encore d’un certain crédit. D'après cette 
théorie, la force élastique des gaz provient du choc 
de ses molécules en mouvement. Seulement, la force 
élastique est une grandeur qui n’est pas dirigée 
dans l’espace : car le gaz presse également dans 
toutes les directions ; un choc,au contraire, provient 
d'un corps en mouvement, et ce mouvement a une 
certaine direction. Il est doncimpossible de ramener 
immédiatement l’une de ces grandeurs à l’autre. 
La théorie cinétique esquive la difficulté en admet- 
tant que les chocs se produisent uniformément 
dans toutes les directions, ce qui revient, en 
somme, à enlever arbitrairement au choc la pro- 
priété d’être dirigé. Dans ce cas, on parvient, par 
ce! artifice, à identifier deux formes différentes 
de l'énergie: mais cetle identificalion n'est pas 
toujours possible. 

Par exemple, le potentiel et la masse électriques, 
c'est-à-dire les deux facteurs de l'énergie élec- 


_trique, sont des grandeurs que j'appellerai polaires ; 


elles ne sont pas de simples quantités numériques : 
elles ont, de plus, un signe tel que deux quantités 
égales, mais de signe contraire, ont une somme 
nulle. La Mécanique ne connaît pas de grandeur 
polaire : aussi il est impossible de trouver une 
hypothèse mécanique qui explique en entier les 
phénomènes électriques : pour ce faire, il faudrait 
au moins avoir une grandeur mécanique douée de 
polarité, ce qui n’est peut-être pas impossible et 
mériterait en lout cas d’être approfondi. 

Si, réellement, les lois naturelles pouvaient se 
ramener aux lois des diverses formes de l'énergie, 
nous y trouverions de grands avantages. D'abord 
la science de la Nature serait affranchie de toute 
hypothèse. Ensuite, point ne serait besoin désor- 
mais de nous inquiéler de forces, dont nous ne 
pouvons démontrer l'existence, agissant entre des 
atomes que nous ne pouvons voir, mais des quan- 
tités d'énergie mises en jeu dans le phénomène 
étudié. Celles-là, nousles pouvons mesurer, et tout 
ce qu'il nous est nécessaire de savoir est sus- 
ceptible de s'exprimer sous cette forme. 

Qui donc méconnaitrait l'énorme avantage de 


210 


958 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


celte méthode, parmi ceux dont la conscience 
scientifique s'est soulevée devant cet amalgame 
incessant de faits et d'hypothèses, que la Physique 
et la Chimie actuelles nous présentent comme une 
science rationnelle? C'est en suivant le chemin de 
l'Énergétique que nous répondrons au véritable 
sens de l'appel de Kirchhoff si souvent mal inter- 
prélé : «A la prétendue explication de la Nature, 
substituer la descriplion des faits. » 

L'absence d’hypothèse donne à l'Énergétique 
une unité de méthode inconnue, il faut bien le dire, 
jusqu’à présent : unité non moins précieuse pour 
l’enseignement et l'intelligence de la Science, 
qu'elle ne l’est au point de vue philosophique. 
Pour n’en donner qu'un exemple, toutes les équa- 
tions qui lient l’un à l’autre deux ou plusieurs phé- 
nomènes d'espèces différentes, sont forcément des 
équations entre des quantités d'énergie ; il ne sau- 
rait y en avoir d’autres, car, en dehors du Llemps et 
de l’espace, l'énergie est la seule grandeur quisoit 
commune à tous les ordres de phénomènes. 

Je ne puis ici entrer dans le détail et énumérer 
toutes les relations, les unes connues déjà, les au- 
tres nouvelles, qui s’écriront immédiatement, sans 
exiger de calculs compliqués. Je ne puis davan- 
tage exposer sous quelles nouvelles faces se sont 
montrés, à la lumière de l'Énergétique générale, 
les théorèmes de la Thermodynamique, partie la 
plus étendue de l'Énergétique. 

Cependant, je ne saurais omeltre une dernière 
question : L'énergie, si utile, si nécessaire à l'in- 
telligence de la Nature, suffit-elle entièrement à la 


tâche? Je réponds: Non. Quels que soient les 
avantages de la théorie énergétique sur la théorie 
mécanique, il reste quelques points qui échappent 
aux principes actuellement connus et qui semblent 
indiquer l'existence de principes plus élevés. L'É- 
nergélique n’en subsistera pas moins, à côlé de 
ces nouveaux principes; mais elle cessera d’être 
ce qu'elle doit être encore pour nous, c'est-à-dire 
le cadre le plus vaste dans lequel nous faisons ren- 
trer les phénomènes naturels : elle deviendra un 
cas particulier de relalions plus générales, rela- 
tions dont il nous est à peine possible actuellement . 
de pressentir la forme. 

Je ne pense pas avoir ravalé, par ce que je viens . 
de dire, le progrès dont j'avais parlé d’abord, mais 
l'avoir plutôt rehaussé. Car il nous répugne d'assi- 
gner une borne aux progrès de la Science. Au 
milieu du combat pour un nouveau domaine, il ne 
faut pas perdre de vue les vastes plaines qui s’é- 
tendent derrière le sol convoité et qu'il faudra 
occuper aussi plus tard. Cela pouvait passer jadis, 
quand la poussière etla fumée du combat empri- 
sonnaient le regard dans les limites étroites du 
champ de bataille. Aujourd'hui cela n’est plus 
permis : nous tirons avec la poudre sans fumée — 
ou du moins nous aurions à le faire — et,en même 
temps que la possibililé, nous avons le devoir 
de ne pas relomber dans les fautes du temps 
passé !. 


W. Ostwald, 


Professeur de Chimie physique 
à l'Université de Leipzig. 


ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE 


DE L’ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


EN FRANCE 


Quoique très dissemblables en ce qui concerne 
les procédés agricoles qu'elles comportent, la cul- 
ture de Orge et celle du Houblon sont cependant 
intimement liées au point de vue industriel, car 
personne n'ignore qu'elles fournissent les deux ma- 
üères premières indispensables à la fabrication de 
la bière. À ce point de vue, le seul que nous envisa- 
gerons ici, leur importance ne saurait être mécon- 
nue, car la consommalion et la production de cette 
boisson en France 
En effet, on sait que non seulement la 
bière sert de boisson courante aux populations de 


sont en voie d’accroissement 
notable. 


nos départements du Nord, mais qu'elle devient, 
depuis quelques années, d'un usage assez général 
dans le reste de la France; or, non seulement la 


fabrication française a plus que doublé depuis 
1830; mais, en oulre, tandis que nous exportions 
encore de la bière en 1860, nous en avons importé 
depuis, et le chiffre des importations s'est accentué 
d'année en année. 

Ilne nous appartient pas de rechercher iei les 
diverses causes de ce changement, d’ailleurs très 
diversement appréciées par les économistes ; mais 
il n'est pas hasardé de dire que la crise subie par la 
viticulture française depuis une trentaine d'années 
n’est pas restée étrangère à cet élal de choses: 
l'augmentation de la production et de laconsomma- 

! Cet article, écrit en allemand par l’auteur, a été traduit 


en français par M. Lamotte, agrégé de l'Université, attaché 
au laboratoire de M. le Professeur Bouty à la Sorbonne. 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


959 


lion du cidre en serait une preuve suflisante, à dé- 
- faut d'autre. Quoi qu'il en soil, il n’en est pas moins 
_vraiqu'il ya, dans ce fait économique, unesitualion 
- dont l’agricullure de nos régions du nord peut tirer 
pari : l'orge et surtout le houblon, qu'on a juste- 
ment dénommé « la vigne du nord », sont, en effet, 
des cullures éminemment septentrionales, suscep- 
- Libles de hauts rendements lorsqu'elles sont con- 
duites d'une manière raisonnée el scientifique, 
partant capables, dans la grande majorité des cas, 
de prendre la place d’autres cultures naguère flo- 
rissantes et qui aujourd’hui, par suite de mulliples 
circonstances d'ordre économique et agricole, ne 
sont plus en état de donner des produits suffisam- 
ment rémunéraleurs. D'ailleurs, à l'heure actuelle, 
la France a recours à l'étranger pour obtenir les 
houblons et les orges nécessaires à la brasserie et 
que notre agriculture ne peut fournir nien quantité 
suffisante ni souvent de qualité voulue. — Il est, 
croyons-nous, possible et même facile de remédier 
_à cet état de choses, et c’est là ce que nous vou- 
drions surtout élablir en cet article. - 


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L 
: 


hé RSS en da dés fn ni di à hi nent à 


I. — ORGE DE BRASSERIE. 


La culture de l'orge de brasserie n’a pas, en 
France, toute l'importance qu'elle mérite; notre 
production est insuffisante : nos brasseurs vont 
acheter tous les ans une nolable partie de cette 
céréale en Algérie et en Russie, tandis que, par 
une culture intelligente, nous pourrions, non seu- 
lement suffire à notre éonsommation, mais encore 
devenir exportateurs. Les agriculteurs français 
seraient assurés de trouver un débouché certain 
non seulement à quelques heures de nos côtes, en 
Angleterre, mais encore aux États-Unis, où la 
production est également insuffisante; les belles 
qualités d'orge y étant appréciées et recherchées, 
un prix rémunérateur serait assuré à la vente. 
Pendant près d’un mois, les orges françaises, plus 
précoces et plus vite sèches, peuvent profiler des 
prix plus élevés accordés aux produits de la nou- 
velle récolte, qui font prime. Gette considération 
a d'autant plus d'importance que notre climat 
elnotre sol sont très favorables à cette culture, 
que cette céréale végète lrès rapidement, qu'elle 
esl d'une grande ruslicité et que ses exigences 
sont moindres que celles de l’avoine et du blé, 
lesquels occupent-une surface bien plus considé- 
rable. 

Un point cependant mérite d'être plus sérieuse- 
ment approfondi: c'est la qualilé des produits. En 
effet, si les belles orges de brasserie sont d’une vente 
en général facile, par contre les orges de qualité 
inférieure sont le plus souvent à bas prix et ïl 
exisle toujours une différence de 1 à 2 francs, si ce 


n’est plus, aux 100 kilos, en faveur des premières. 
Ce sont donc de belles et bonnes orges appropriées 
à leur destination spéciale qu'il faut chercher à 
produire. Or, cela n'a rien de bien difficile, et, 
comme le dit M. H. L. de Vilmorin, les quelques 
dépenses qu'entraine une culture bien soignée et 
bien faite, sont mieux payées par une récolte 
d'orge de choix que celle d’une culture insuffisante 
par une récolte de qualité ordinaire. 


I. — QUALITÉS DES ORGES DE MALTERIE. 


Examinons tout d’abord les qualités d’une belle 
orge dite de brasserie. 

Dans la pratique, les malteurs ne s'attachent 
guère, en général, qu'aux caractèresexlérieurs, qui, 
il faut le reconnaitre, ont une réelle valeur, quoique 
l'analyse chimique, plusrarement employée, puisse 
donner ici de non moins précieuses indications. 

La grosseur du grain, son poids et sa couleur 
viennent en première ligne. Le grain doit être bien 
renflé, plutôt court, plein, à écorce fine; celle-ci ne 
doit pas dépasser 10 °/, du poids total du grain. Le 
poids, qui varie entre 62 et 71 kilogrammes par 
hectolitre et, exceptionnellement, entre 72 et 74 ki- 
logrammes, est pris en très sérieuse considéra- 
lion : on admet qu'une bonne orge de brasserie ne 
doit pas peser moins de 67 kilogrammes; en effet, 
plus l’orge est lourde, plus elle est riche en subs- 
tances utiles; mais il ne faudrait pas croire, cepen- 
dant, que la richesse en matière amylacée soit en 
raison directe du poids, comme le prétendent 
beaucoup de malteurs ; les expériences de Schulze, 
de L. Marx et nos propres analyses ont manifeste- 
ment prouvé le contraire. 

La couleur doit être aussi claire que possible, 
d’un jaune-paille ; ce point a une telle importance 
qu'assez souvent des commerçants peu scerupuleux 
soufrent les orges afin de cacher la teinte jaune- 
foncé ou brune qui résulte de l’action des pluies 
lors de la récolte effectuée dans de mauvaises con- 
ditions. 

En cassant un grain, l’amande peut être fari- 
neuse, demi-farineuse ou vitreuse; les orges dont 
la cassure est tendre et farineuse, sont les plus 
recherchées par la plupart des brasseries. 

IL va sans dire que le grain sera propre, exempt 
de graines élrangères, sec et glissant facilement 
dans la main quand on le serre; ici encore, la 
fraude intervient parfois; car il n’est pas rare 
qu'on enduise les grains d'huile pour donner à 
ceux qui sont humides le coulunt caractéristique 
d'une bonne siccité. Celle tromperie, comme la 
précédente, est d'ailleurs facile à reconnaitre. 

Mais, ce qu'on ne peut conslaler de visu, c'est la 
faculté germinalive, l'énergie de la germination et 
la composition chimique, points quelestransactions 


960 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


courantes ne peuvent mettre en évidence sur les 
marchés et qui nécessitent le concours des labora- 
toires de chimie ;nous n'y insisterons pas davantage. 

Ces diverses qualités d’une bonne orge de mal- 
terie peuvent être obtenues dans la pratique cul- 
turale : 4° par le choix des variétés ; 2° par le mode 
de culture, qui ont une égale importance et se com- 
plètent l’un l’autre. 


Il. — ESPÈCES ET VARIÉTÉS D'ORGES DE BRASSERIE. 


Les espèces du genre Aordeum sont très nom- 
breuses ; mais, contrairement à ce qui a lieu pour 
le froment, il y a plus de variétés de printemps que 
d'hiver. Toutefois, cette différence, il ne faut pas 
l'oublier, est essentiellement relative : car, dans le 
Midi et en Algérie, par exemple, nos orges de 
printemps se sèment à l'automne. 

Toutes les variétés d'orges ne sont pas aptes à 
donner du grain propre à la fabrication de la bière. 
A ce point de vue, les orges à grain vé{w, c’est-à- 
dire dont les glumelles sont adhérentes au grain, 
sont seules recherchées. Parmi celles-ci, les unes 
sont à deux rangs, ou distiques (Æordeum distichum), 
les autres à six rangs (Æordeum tetrastichum). 

Parmi les variétés les plus estimées, que le cadre 
de cet article ne nous permet pas de décrire, 
nous nous contenterons de citer : l’Orge Chevalier, 
surtout appréciée en Angleterre ; l'Æscourgeon ou 
Sucrion, préférée dans le nord de la France ; l'Orge 
Tnpériale, que M. Heine, — qui, en Allemagne, s'est 
surtoutoccupé de l’amélioralion desorges, —signale 
comme une des meilleures; les orges de Moravie, 
notamment la Zannapedigree et Orge Scholeys Warp:; 
l'Orge de Bohème, plus connue sous le nom d’Orge 
du Danube, VYOrge à deux rangs Richardson, V'Orge 
Hallels pedigree, ete.; enfin l'Orge de Laponie et celle 
d'Algérie, qui paraissent être des variétés de l’Æs- 
courgeon de printemps. 

Les orges de printemps sont toujours moins pro- 
ductives que celles d'hiver, dans le nord de la 
France et en Belgique,ces dernières sont préférées !; 
mais, en Allemagne, et surtout en Bavière, on cul- 
live davantage les variétés de printemps. 


Mentionnons à ce sujet un caractère distinctif 


signalé par le Professeur Damseaux, mais sans y 
ajouter une confiante absolue : c'est qu'on peul 
dégager du sillon médian des orges d'hiver, en 
agissant par relèvement sur la pointe du grain, 
une pelite arêle qui y est couchée el porte un 
léger plumet, tandis que l’arête est glabre dans les 
orges de printemps. 


1 Cependant, dans nos départements septentrionaux, les 
variétés de printemps mürissent fort bien, car leur végétation 
est très rapide. On les cultive d’ailleurs davantage depuis 
AMIC* 


quelques années. 


La nature de la variélé influe très sensiblement. 


sur l'aspect du grain el sur sa composition, ainsi 
que le montrent les analyses que résume le ta 
bleau 1, dues à Boussingault, Munts, Girard et 
Garola : 


Tableau I. — Composition suivant la Variété. 


ORGE 


————  — 


ESCOURGEON | D’ALGÉRIE [DE SAUMUR 
ERNEST 00 80 3.0 13.50 11.46 
Matières azotèes..... 3.4 8.98 9.06 
— GRASSE PE 2.8 1.16 2.414 
-- amylacées 63.7 49.92 60.40 
= non az 8 18.54 10.35 
Cellalose:..:..... 2-6 4.85 4.16 
Cendres:-."7# 4.5 445 1.53 
Acide phosphorique. » » 1.04 
POfASSR RECETTE » » 0.69 
CDAUXS PAT 4 » » 0.17 


À ces analyses nous joignons (tableau II) les 
analyses, effectuées par nous, de sepl variétés 
cultivées sur la même terre et dans les mêmes 
conditions par M. D. Dickson, directeur de l'École 
d'Agriculture du Pas-de-Calais : 


Tableau 1I. — Qualités suivant la Variété. 


CO MPOSITION CHIMIQUE 


POIDS 


DE L'HEC- 


malières 


A amidon 
azotees do 


TOLITRE 


Orge à2rangs Richardson 62 k. 115.08] 12.75 | 67.10 
Orge Chevalier francaise. 7% 14.05| 13.12 | 68.30 
O. Hanna pedigree Mo- 


TAVIC Eee eee 74 14.30| 12.50 | 68.40 
O. carrée de printemps. 73 14.00! 14.06 | 68.20 
O. à 6 rangs de printemps 68 13.04/ 14.10 | 68.40 


O. à 2 rangs Hallet’s pe- 

directe: met 10 13.20] 12.60 | 66.50 
O. Scholeys Warp Che- 
VAlICL PAR eee 69 


Le choix de la variété 


a, comme on le voit, 
une imporlance capitale, et à ce point de vue on 
donnera la préférence, à qualité égale, aux variétés 
précoces qui permettent au producteur d'arriver 
bon premier sur le marché. 


III. — EXIGENCES CULTURALES DES ORGES DE BRASSERIE. 


La plupart des variélés citées plus haut, connues 
aujourd'hui et à juste litre sous le nom de variétés 
perfectionnées, demandent, pour donner les résul- 
tats qu’on est en droit d'allendre, une culture ra- 
tionnelle, notamment un sol approprié, bien tra- 
vaillé et convenablement ferlilisé. 

L'orge n'a pas de préférence bien marquée en ce 
qui concerne la nature agrologique du sol; cepen- 
dant, c’est dans les terres argilo-calcaires ou ar 


 gilo-marneuses, surtout celles désignées dans les 
“Flandres sous le nom de ferres à orge, que celte cé- 
-réale réussit le mieux ; c'est la présence du carbo- 
» nale de chaux qui semble avoir une action prépon- 
_ dérante dans cette culture, et nous avons été à 
même, il y a quelques années, de constater une 
différence de 29 à 38 hectolilres dans le rendement 
d'un hectare, dont une moitié de la couche arable 
- dosait à l’élat initial 3 ‘/, de calcaire, tandis que 
autre avait été amenée à une teneur de 9,8 °/, par 
l'apport d'écumes de défécation provenant de su- 
 creries. D'ailleurs la Champagne, dontles terressont 
- éminemment calcaires, fournit à Paris une partie 
très notable de ses orges de brasserie. 
Ce qui, ensuite, importe le plus, c’est la prépara- 
» tion du terrain : aucune céréale ne réclame, autant 
que l'orge, une terre ameublie et bien nettoyée, 
l'orge se défendant mal contre les mauvaisesherbes. 
Nous ne pouvons donner aucune indication sur le 
- nombre et la nature des façons aratoires à appli- 
* quer à l'orge : elles sont subordonnées à la nature 
- de la récolte qui aura précédé cette céréale dans 
- l’assolement adopté. 
| La question des engrais mérile de nous arrèler 
plus longtemps. A ce sujet, on aura déjà une bonne 
indication en considérant qu'une récolte moyenne, 
c’est-à-dire 25 hectolitres par hectare !, enlève au 
sol, d'après MM. Muntz et Girard, les quantités 
d'éléments utiles que dénombre le tableau I : 


Tableau III. — Éléments pris au sol (en kilog.). 
GRAIN | PAILLE | TOTAL 

= ——— 
LANTERNE 24.1 13.4 38.1 
Acide phosphorique.......... MuUlcy: EE) 17.0 
HE Sr RO one (RTS 26.0 33.8 
RS ner cu rt awtas ete 0.8 9 10.0 
MARÉES TE En ee dede 2.9 3.4 6,0 


Ce tableau montre, tout d’abord, que, dans une 
culture véritablement rationnelle et scientifique, 
l'analyse chimique du sol doit précéder toute autre 
opération culturale. 

Cependant, en Angleterre, où cette culture est, 
en général, très bien comprise, Lawes et Gilbert, 
ont été amenés à reconnaitre, tout au moins en ce 
qui concerne l'Orge Chevalier, que ses besoins sont 
presque identiques à ceux du froment. 

Il résulte, en outre, des expériences de cessavants 
et de beaucoup d'autres qui sont venues les confir- 
mer, que la quantité de grain est surtout influen- 
cée par la somme totale d'azote, tandis que sa 
qualité el surtout son poids dépendent plutôt des 


sels minéraux, parliculièrement de la proportion 


1 Correspondant à 1625 kilogrammes de grain, et 2800 ki- 
logrammes de paille. 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


964 


d'acide phosphorique. C’est ainsi que 250 à 275 ki- 
los de superphosphate de chaux à l’hectare ont été 
suffisants pour assurer l’efficacité de l’azote fourni 
par 190 à 250 kilos de sulfate d’ammoniaque ou 
par 220 à 280 kilos de nitrate de soude. 

Il y a divergence entre les expérimentateurs 
et les praticiens sur la question de savoir sous 
quelle forme l’azote doit être fourni au sol; tou- 
tefois, d'après les expériences nombreuses des sa- 
vants anglais, le nitrate de soude est plus efficace 
que le sulfate d’ammoniaque, surtout dans les 
années de sécheresse. 

D'autre part, s’il est vrai que l'azote organique a 
donné de très hauts rendements à Rothamsted, no- 
tamment, sous forme de tourteaux, expériences 
dans lesquelles la qualité de l'orge n’a pas été prise 
en considération, il n’en est pas moins vrai que 
M. Grüber, de la Société d'Agriculture de Stras- 
bourg, exclut, pour la culture de l'orge de brasserie, 
toute fumure azotée directe de fumier de ferme, de 
matières fécales ou de purin. Des expériences de cet 
agronome poursuivies pendant douze années à 
la Société d'Agriculture de Strasbourg, il ressort 
que, lorsqu'on applique directement les engrais 
sur l'orge, il faut recourir aux engrais chimiques 
si l'on veut éviter le développement des parties 
herbacées au détriment du grain. Ces essais ont fait 
voir deux récoltes d’Orge Chevalier se succéder 
sans exiger d'autre apport que la restitution de 
phosphates et de sels potassiques la seconde 
année. 

Le fumier de moulon surtout, et à fort.ori le par- 
cage, sont tout à fait contraires à l'orge cultivée en 
vue de la malterie. 

D'un autre côlé, d’après les essais de M. Garola 
en Eure-et-Loir, la fumure direcle n’est pas à 
recommander, même en ce qui concerne la quan- 
tité. S'il faut en croire ce professeur, dans les expé- 
riences anglaises ce sont vraisemblablement les 
résidus des fumures antérieures qui ont réagi sur 
le rendement, tandis que dans les siennes, qui se 
rapprochent beaucoup plus des conditions de la 
pratique courante, le fumier n’a pas eu le temps 
d'agir. 

Dans d’autres expériences faites à l'Ecole d’Agri- 
culture du Pas-de-Calais, qui ont donné un ren- 
dement moyen de 38 quintaux de grain à l’hectare, 
d'excellente qualité d’ailleurs, comme on s’en est 
assuré, la fumure a été fournie par 20.000 kilo- 
grammes d’écumes calcaires de sucrerie, 1.000 ki- 
logrammes de phosphates de chaux naturels, le tout 
enfoui avant l'hiver lors du premier labour, et 
200 kilogrammes de nitrate de soude incorporés 
par un coup d’extirpateur huit jours avant le semis. 

La terre étant convenablement fumée et prépa- 
rée, l'orge doit être semée le plus tôt possible, 


962 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


lant pour les variétés d'automne que pour celles 
de printemps; les semis lardifs ne sont nullement 
à conseiller. Il va sans dire que les graines seront 
disposées en lignes, à raison de 250 litres en 
moyenne parhectare; ceslignes devront êlre orien- 
tées, autant que possible, de l’est à l’ouest. — Les 
autres pratiques culturales, sarclages, récoltes, etc., 
sont les mêmes pour l’orge de brasserie que pour 
l'orge ordinaire; disons seulement que la coupe 
doit être faite un peu prématurément en laissant 
la dessiccation s’opérer en dizeaux ou en moyelles. 


IV. — RENDEMENTS ET ÉTENDUE CULTIVÉE. 
COMPARAISON AVEC L'ÉTRANGER. 


D'après la dernière statistique décennale, le ren- 
dement moyen de l'orge en France est de 18"25 
par hectare. Toutefois, dans les départements de la 
Seine, des Pyrénées-Orientales el surtout d’Eure- 
et-Loir et Loir-et-Cher, les rendements moyens 
sont voisins de 35 hectolitres. 

En Belgique, le rendement moyen est de 30 hec- 
tolitres. En Angleterre, M. Ronna l’évalue à 44hec- 
tolitres dans les années ordinaires el 57hectolitres 
pour une bonne année. 

Le rapportdu grain à la paille varie entre 65:35 
et — %5 : 75: dans les meilleures variétés de bras- 
serie on a même conslalé un rapport — 50: 506, 
notamment pour l'Orge Hallets pedigree. 

Les rendements, ici comme d’ailleurs pour la 
plupart des autres cultures, ne dépendent pas seu- 
lement de la nature du sol et de la quantité des en- 
grais; mais ils sont encore dans une notable me- 
sure sous la dépendance de la variété cullivée. C'est 
ainsi que, d'après M. Grandeau, les chiffres du ta- 
bleau IV peuvent être regardés comme une bonne 
moyenne : 


Tableau IV. — Rendements suivant les qualités 
cultivées. 


GRAIN 
EN HECTOL. 


PAILLE 
EN KGR. 


POIDS DE 
L'HECTOL. 


2500 |62 à 7 
2200 |62 à 7 
1500 |50 à 6 


Orge d'hiver 
Orge à deux rangs. 
Orge à quatre rangs... 


Tableau V. — Rendements et Qualités. 


RENDEMENT POIDS NOMBRE 
A L'HECTARE DE GRAINS 
VARIÉTÉS CC DE CONTENUS 


DANS 


kilos | hectol. |L’HEecroL.| 100 cr. 


Orge à 2 rangs Ri- 
chardson......... 28 2 k. 205 
Orge Chevalier fran- 


CASE Free 2300 | 44.59 14 1936 
O. Hanna pedigrec 
(Moravie)."" "0". 3600 | 48.64 14 1932 
O. carrée de prin- 


O. à 2 rangs Hallet's 

EEE OANS 0 212 38.85 132 
O. Scholeys 
Chevaliern®.-""""27 


cultivée pour la France dans ces dernières années : 


hectares 

En 1840 l'orge était cultivée en France sur 1.200.000 
AB DL nr die ml er CET TE 1.000.000 
SGD AS RME PTE EE 1.000.000 
CE Re à aa 1.100.000 
ASS ste ee SC rer ER ET 1.057.506 
18805: Fran dec eee ER EE 955.616 
BBB RE ne Se TOR CONCCET 946.700 
RE en M De CAE e DA io 934.416 
SAS Mrs ins Mn ele ee Le 893.700 
ABSUL ER EE ee ee EL 871.521 
RE RE ue CSC 10 oc 1.223,160 
AB SR crée Te RCE LT 916.112 
EE PR ne bd on A 0 874.636 
PR D in lo a en 00 0) 890.314 


Les départements qui cullivent le plus d'orge 
sont ceux d'Ille-et-Vilaine, de la Manche, de la 
Mayenne et de la Sarthe. Voici pour ces départe- 
ments les étendues ensemencées en 1893 d’après 
le Bulletin officiel du Ministère de l'Agriculture (la- 
bleau VI) : 


Tableau VI. — Production maximum 
en quatre départements. 


PRODUCTION 
TOTALE 


DÉPARTEMENTS SURFACE 
a 


hectares hectol, 


10 Mayenne... 471.114 659.596 
Do Sarihe ner 420.108 
304Manche se. +. 501.732 
40 Jlle-et-Vilaine............. 541.616 


Dans les expériences faites à l'École d’Agrieul- 
ture du Pas-de-Calais, en 1893, dans les mêmes 
conditions de culture, les rendements ont été, 
pour les sepl variélés essayées, ceux qu'indique le 
tableau V. 

La statistique agricole ne faisant pas de distinc- 
tion entre les orges d'hiver el les orges de prin- 
temps, ni entre les orges communes et celles de 
brasserie, force nous est de les confondre toutes 
dansles chiffres qui suivent, qui donnent Ja surface 


Les départements qui en cultivent le moins sont 
le Rhône (180 hectares — 3.000 hectolitres); le 
Morbihan (105 hectares — 1.575 hectolitres) et la 
Gironde (5 hectares — 51 hectolitres). 

Enfin, dans deux départements, cette culture 
fait complètement défaut : ce sont la Dordogne et 
le Lot-et-Garonne (1893). 

La production totale de l’orge en France varie 


1 En 1895 l'orge a été cultivée sur 917.985 hectares. La 
production totale a été de 11.496.880 quintaux métriques. 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 963 


- annuellement entre 20.000.000 27.000.000 d'hec- | 2° Groupe de Bourgogne; 
_ tolitres. 3° Groupe du Plateau central ; 


Les départements qui contribuent à l'alimenta- 4° Groupe de la Touraine et de l'Anjou; 


CAEN ENRAR . E 


LONDRES 


+ = 
THE 


ra b er 
Litftpestt 


VALPES ;+ 
are t CS AL + 
D + HT + + ir Poe 
AR Dpt ptits + HEPYALPES 
l 5 VE Le 


LU) 


J1B* PYRENEES 


MSERD) TT ET NN ROA NET 


ÿ E EP Pre 
Départements ne cultivant Départements cultivant 
pas d'orge. de 2.000 à 5.000 hect. 
Départements cultivant Départements  cultivant 
moins de 500 hect. - de 5.000 à 10.000 hect. 
+T+T+ Départements cultivant 
ELSE TH de 500 à 2.000 hect. 


Départements cultivant plus de 20.000 hect. 


Départements cultivant 
de 10.000 à 20.000 hect, 


Fig. 1. — Carte montrant la répartition de la cullure de l'Orge en France. 


lion de nos brasseries, peuvent être répartis en >° Groupe du Nord. 
cinq groupes principaux : Les deux premiers groupes, et surtout le pre- 
1° Groupe de Champagne; mier, livrent d'excellentes orges industrielles, ne 


964 A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


le cédant parfois en rien sous le rapport de la qua- | principalement, conduiraient à des résultats meil- 
lité, suivant la remarque de M. J. Troude !, aux | leurs encore. L'installation de quelques champs 
bonnes orges autrichiennes. Une sélection plus | d'expériences fournirait aussi d'excellentsrésultat 


G'LESUTIE RIEME | T: 


LONDRES 


=; 
3 SAVOIE+ 
= 


7 ra de 


l 


l 
13 


F 
CRE 
++ 
+ + 


+++ 


en 
+++ 


ME D I TE) ROR AIN EE 


rs oter le 22 


Départements où le rendement 
oscilleentre 15 et 20 hectolitres 
par hectare. 


Départements où le rendement Départements où le rendement 
moyen est inférieur à 10 hec- oscille entre 20‘et2ë hectolitres 


Départements ne cultivant 
pas d'orge. 


tolitres par hectare. par hectare. 


Départements où le rendement 
Er moyen oscille entre 10 et 15 
hectolitres par hectare, 


Départements où le rendement 
est supérieur à 25 hectolitres 
par hectare. 


Fig. 2, — Carte montrant le rendement moyen de l'Orge par hectare en France. 


parfaite des semences el un emploi bien entendu | elle est vivement désirée par la population de l'Est. 

des engrais concentrés, des engrais phosphalés Les orges du Plateau central, du Puy-de-Dôme 

, - S 7 i 5 = 

1 JATRourr, La production de l'Orge. (L'Agricuiture nou |. ©! d'Auvergne sont souvent parfaites et très recher 
velle, n° 234). chées par les malteurs du Centre. 


5h pi ré 22 sr ENS SG Te Ce A CE pe RE SE CS RE ONE ni, 


= 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 965 


Quant aux produits de la Touraine et de l'Anjou, 


6 Rue à Tableau VII. — Importations. 
_ ils sont généralement de bonne qualité el la ma- 


———— a ——————————— 


jeure partie es! consommée par la brasserie an- 
D. 1887 4891 | 1892 1893 
_ glaise. : 
…_ Les deux cartes ci-jointes (fig. 1 et 2, pages 963 ; 
Met 96) montrent, d'une part l'étendue consa- | [Riel on em) om en 
crée à l'orge dans les départements français, ANS CL ETRES 128.002! 28.433] 16.032] 249.266 
. d'autre part les rendements moyens à l'hectare | || Turquie: D RE al Me ee 
(en 1893). Algérie... 385.562] 965.433] 785.707] 370.887 
à HR AN x , Tunisie. .... » 235.156 104.392 96.900 
Le pays d'Europe qui produit le plus d'orge est Autres pays.| 217.510 85.055 36.0/8| 206.934 
Ja Russie, avec 6.434.875 hectares, soit une pro- Totaux .….….| 1.388.175] 1.368.271) 1.084.139) 2.464.845 
_ duction totale de 103.285.000 hectolitres ; puis Valeur en fr.|51.400.967/23.823.042/18.315.568|38.946.872 


vient l'Allemagne, avec 1.690.096 hectares, soit | | 
- 24.207.260  hectolitres; l'Autriche consacre 
1.123.980 hectares à cette culture, mais ne produit 
. que 11.729.210 hectolitres, landis que la Hongrie 


Pour la France, les importations et exportations. 
sont résumées dans les tableaux VIT et VIII. 


_ avec une étendue moindre, soit 4.112.730 hec- Tableau VIII. — Exportations 
+ tares, donne 22.537.600 hectolitres; l'Angleterre 
* cultive 928.000 hectares avec une production de 1887 1891 1892 1893 
. 24.000.000 hectolitres ; le Danemark, qui consacre ÉTÉ UN | l'E PPT ARENA EME ET 
= = F ; Le C 9 q.m. q- m. q- m. q. m. 
297.897 hectares à l'orge, à produit 9.032.000 hec- | |'Angleterre.| 326.952)  513.540| 510.600! 106 337 
tolitres. Enfin, les États-Unis d'Amérique cultivent Belgique....| 200.001! 385.763| 330-560] 10.281 
Re : 9 s Ve Allemagne. . 41.673 144.223 174.829 2.442 
cette céréale sur 1.302.000 hectares et produisent Suisse . 12,725 95.288 83 108 # 911 
9% 622.100 hectolitres Autres pays. 12.190 99.026 67.361 6.049 
Comparativement à leur superficie territoriale, Totaux...| 622.841| 1.227.840) 1.198.258] 131.050 
É L Valeur en fr.|10.899.718|23.3 0.860122.161.773/2.512.426 
les pays qui consacrent la plus grande étendue à : 


la culture de cette céréale peuvent êlre classés 
dans l’ordre suivant (fig. à) : Il est à remarquer qu’antérieurement à 1892 le 


Z Z ÿ FA oi 6 7 


c 


à N - 
- D im 
L. NN A ù NÙ NN KW Fe] 
Danemark Autriche- Allemagne Angleterre France Hollande Belgique Ltalie Russe États Crus 
liongrie 
Fis. 3. — Rapport de la surface cullivée en Orge à la superficie territoriale en chaque pays. 


C'est l’Autriche-Hongrie qui fournit la plus forle | malt, c’est-à-dire l'orge germée, figurait dans les 
proporlion d'orge de brasserie par rapport au | statistiques avec l'orge en grains; depuis il a élé 
chiffre de la récolle totale : environ 14 à 45 °/,. | séparé. Les quantités importées ont été les sui- 
C'est également ce pays qui donne les meilleures | vantes : 


qualités. Les orges de Moravie, de Bohème, de Quantités q. m. Valeur en fr. 
Slowackie, et surtout quelques provenances de la Mal | OR ur ras 
. = E 3 JD ,.. 40 .+ o d ,+ 
Hongrie, employées particulièrement dans les D) EP 
brasseries de Vienne, sont très estimées. | Orgeen | 1592... 38.548 1.156.440 
j grains ! 1893... 14.617 438.510 
V. — COMMERCE. — EXPORTATIONS. — Prix 


Comme pour le grain, l'exportation du malt est 
Comme on peut le voir par les carrés ci-dessus | beaucoup plus faible. 
(fig. 3), ce ne sont pas les pays qui fabriquent Le plus Quant au prix de l'orge, il a subi de nombreuses 
de bière qui cultivent le plus d'orge ; cela nous | fluctuations depuis un demi-siècle; le diagramme 
montre de suite que celte céréale est l’objet d’un | de la figure 4 donne quelquesindications à ce sujet: 
commerce très aclif. La France, l'Angleterre, l’Alle- | néanmoins,comme il s'applique aux orges en géné- 
magne el surtout les États-Unis ne produisent pas | ral, on aura assez vraisemblablement le prix des 
assez d'orge et en importent de grandes quantités | orges de brasserie en majorant de 1 fr. 25 à 2 fr. 
tous les ans. par hectolitre. 
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895. PA lol 


966 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


A litre de renseignementet pour finir, nous don- 
nons (fig. 4 el lableau IX) le prix des orges au 
20 décembre 1890 sur les différents marchés de la 
France et des autres pays. 


10.70 


10.30 
10.44 
10.1 4 
8.6o 


2 (ni) LES ra Le 8/25 
Années 1840 52 62 70 71 73 74 78 80 83 86 88 89 90 91 92 95 94 95 


Fig. 4. — Prix moyen de l'Orge de 1840 à 1895. 


Tableau IX. — Cours de l'orge au quintal mé- 
trique le 20 décembre 1890 sur les principaux 
marchés de France et de l’étranger. 


PATIS eme nest 
RONDES EN emE Une 


Le Mans 


ATLAS Eee = 
Sedan... 
Limoges... 
Montargis .. 

Dijon 
Toulouse . .... 
Cahors... 
Nimes 

Oran (Algérie) 
Londres....... 
ANVÉLS eme ee 
Bruxelles..... 
Namur 


I. FRANCE : 


IT. ETRANGER : 


houblonnières d’une étendue de 2 ou 4 hectaresne 
sont pas précisément rares en Bavière et en 
Bohème, elles ne dépassent que rarement un hec- 
tare en France: car non seulement cette culture 
exige un nombreux personnel d'ouvriers très ex- 
périmentés, mais elle demande encore une mise 
de fonds très élevée; l'évaluation de cette dépense, 
contrairement à ce qui à lieu pour les autres cul- 
tures, peut êlre assez facilement déterminée, le 
houblon oceupant le même emplacement pendant 
de nombreuses années et étant de ce faithors asso- 
lement. 


Î[. — PRODUCTION DU HOUBLON. STATISTIQUE 

Gomme pour l'orge, notre production en houblon 
est insuffisante pour les besoins Loujours croissants 
de la brasserie, et tous les ans nous avons recours 
à l'étranger. 

C'est ainsi qu'en 1889 nous avons importé 
3.145.047 kilogrammes de houblon, venant surtout 
de Belgique et d’Allemagne, soit une valeur de 
6.919.105 francs. 5 

Quoique dans ces dernières années les impor- 
talions aient quelque peu diminué en quantité, 
par contre, la valeur en argent des produits 
importés s’est accrue dans une certaine mesure, 
car en 1892 nous avons demandé à l'Étranger 
2.904.414 kilogrammes valant 9.294.125 francs, el 
en 1893, 2.321.538 kilogrammes, représentant une 
valeur de 7.428.195 francs. D'un autre côté, 
nos exportalions, qui n'ont jamais élé lrès consi- 
dérables, vont tous les ans en diminuant, comme 
le montrent les chiffres du tableau X : 


Tableau X. — Exportation des houblons français. 


QUANTITÉS VALEURS 


.681.574 fr. 
-964.911 
-393.302 
002.651 
.338.4#72 


1.000.937 k. 
949.967 


1.154.237 
928.019 
866.101 


19 19 CE 19 = 


I. — HOUBLON 


La culture du houblon (Æuwmulus lupulus) dif- 
fère essentiellement de celle de l'orge. Cependant 
elle n’esl guère moins ancienne : car, s'il est vrai 
que Pline considère l'orge comme la plus ancienne 
des céréales, l'histoire constate, par contre, que 
la culture du houblon était déjà pratiquée dans 
les Flandres au temps des Carlovingiens. 

En raison du nombreux personnel qu’exige celte 
culture, elle est particulièrement pratiquée par 
les pelits cullivateurs aisés et elle ne s'étend que 
sur des surfaces assez limitées. En effet, si les 


Comme on le voit, nos importalions dépassent 
de beaucoup nos exporlalions, et, suivant la juste 
remarque de M.F. Convert, on ne peut guère se 
dissimuler qu’elles ne pèsent sur les cours. Les 
droits de douane qui frappent les houblons exo- 
tiques ont été longlemps de 54 francs par 400 kilos, 
Nos traités de commerce les avaient réduits à 
12 fr. 50; ils ont été fixés par notre nouveau tarif 
à 30 francs (tarif minimum). Par rapport au prix des 
houblons importés, qui sont presque toujours chez 
nous des houblons de choix de provenance alle- 
mande, c'est une laxe qui ne dépasse pas 10°/,: 
par rapport au prix des bières, dans la fabrication 


» 
14] 


d 
y" 


“ 
* 


| 
| 
| 


. 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 967 


desquelles il entre de 350 à 500 grammes de hou- 


_blon par hectolitre, la surcharge qui en résulte 


est de 0 fr. 45 au maximum, de 0 fr. 08 seulement 
par rapport au dernier tarif conventionnel. Ces 
droits ne sont pas ceux que réclamait le Syndicat 
de Bourgogne, qui était dans son rôle en insistant 
pour obtenir 60 francs, mais ils n’en ont pas été 
moins bien vus par les cultivateurs. 

Le champ des amélioralions ouvert au perfec- 
tionnement des méthodes culturales à adopter pour 
le houblon est vaste. C’est en pressant les progrès 
qu’on rendra confiance aux planteurs maintenant 
hésitants, et qu'on maintiendra dans notre pays, 
comme le dit M. Convert, une cullure qui conserve 
devant elle de larges débouchés. 

La cullure qui nous occupe est, comme nous 
l'avons indiqué, limitée à d’assez faibles surfaces en 
France; de plus, elle est localisée dans des districts 
qui s y adonnent plus spécialement. En effet, on 
ne la rencontre à l'heure actuelle que dans qua- 
torze départements, dans lesquels elle occupait 
en ces dernières années les surfaces respectives 
qu'énumère le tableau XI: 


46.000 hectares à cette culture; puis vient l'Angle- 
terre avec 24.000 hectares ‘. Le houblon occupe : 
en Autriche-Hongrie 14.000 hectares; en Belgique 
4.200; aux Élats-Unis 20.000. 

Les houblonnières françaises peuvent être 
classées en trois groupes ou régions, surtout carac- 
térisés par le mode de culture et la qualité des 
produits. Ce sont : la région du Word, celle de la 
Bourgoyne et celle de la Lorraine (fig. 5). 

La région du Nord comprend deux centres prin- 
cipaux : l’un aux environs de Busigny, et l’autre 
en Flandre, surtout près de Bailleul et d'Haze- 
brouck. Les houblons qu’elle produit sont, d'une 
manière générale, de moins bonne qualité que 
ceux de la Lorraine. 

Dans cette dernière région, les houblonnières 
se trouvent surtout dans les contrées avoisinant 
Rambervillers, Gerbevillers, Lunéville, Toul et 
Dieulouard. Les houblons de Bourgogne sont les 
plus appréciés de tous les produits français; ils 
sont bien supérieurs à ceux d'Alsace et de Belgique, 
tout en restant inférieurs à ceux de Bavière et de 

| Bohème. Les plantations se répartissent surtout 


Tableau XI. — Superficies cultivées en houblon 


DÉPARTEMENTS 
1891 


hectares 
97 
6 
1012 
Indre-et-Loire 
RE Ta male ie cie 


Meurthe-et-Moselle 
Nord 


SUPERFICIE CULTIVÉE EN : PRODUCTION TOTALE EN : 


1893 1891 


hecta 


. 


Mais on peut constater que, si la surface totale 
consacrée au houblon depuis 1889 a diminué, 
en revanche la somme des valeurs créées a presque 
triplé, ce qui prouve en faveur de la qualité des 
produits français. 

Avant 1870 la surface plantée, accusée par les 
statistiques, élait plus considérable; cette diminu- 
lion reconnait surtout pour cause la perte de 
l'Alsace et de la Lorraine, qui cultivaient et cul- 
livent encore beaucoup de houblon. 

Quoi quil en soit, l'Allemagne, l'Angleterre, la 
Belgique, l'Autriche-Hongrie et les États-Unis 
d'Amérique sont des producteurs autrement impor- 
tants que la France. L'Allemagne consacre 


aux environs de Selongey, de Seurre, de Saint- 
Seine et d'Is-sur-Tille. 

Comme on peut le voir, les houblons, d'un pays 
à l’autre, sont de qualité fort différente, ce qui 


! Dans ce pays, la culture du houblon, naguère encore si 
prospère, subit, depuis quelques années, les effets d'une 
crise qui s’est traduite par une notable diminution des plan- 
tations. Cette diminution toutefois n’a pas été générale : 
elle a surtout affecté les comtés de Sussex et de Kent. Cet 
état de choses semble surtout produit par la dépréciation des 
cours, qui, de 212 francs les 100 kilogrammes, en 1870, sont 
descendus à 165 francs en 1890; cette dépréciation s’est 
aggravée sous l'influence des importations de l'étranger, 
surtout de la Belgique et de l'Allemagne, qui ont remplacé, 
en grande partie, les produits indigènes dans la consomma= 
tion intérieure. 


968 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


tient non-seulement aux conditions climatériques, 
mais encore au mode de culture, aux variétés adop- 
iées, et surtout à la nature.du sol. 


IL. — PROPRIÉTÉS ET CARACTÈRES D'UN BON HOUBLON. 


La qualité des houblons est non moins impor- 
tante en brasserie que celle des orges ; aussi devons- 
nous tout d'abord énoncer les caractères distinctifs 
des produits de bonne qualité, les seuls que le plan- 
teur doive aujourd'hui s'attacher à produire. 


La graine, qui se trouve au bas des folioles des 
cônes, doit faire défaut ou à peu près; s’il en était 


antrement, le houblon, comme le fait remarquer 


M. L. Marx, serait de qualité inférieure, et son 
arome ne saurait être fin. Enfin, la résine est aussi 
un élément très important: le bon houblon doit en 
renfermer de 12 à 18 °/,; plus il en contient, meil- 
leur il est. 

Voici, d'après Rautert, la composition centési- 
male d’un bon houblon provenant d’Ellingen : 


Indépendamment de la siccité, qui estla première Hunletessen tele PPPPEREEP EEE REP ERREE 0.50 
qualité d’un bon houblon marchand, qualité qui Nane: séssreseree nent 10 
dépend, avant Lout, du mode derécolteel de séchage Gornme. 00e AVI AUS € LP MNT 
et qui ne doit pas laisser subsister dans les cônes nee ÉRHACENES he ae a 

; x L Cellulose et substances insolubles.…. 48.3: 
Ë 9 0 ? n 1 ts 
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Fig. 5. — Carte des districts houblonniers d'Europe. 


étant toujours préférés), la finesse des bractées, 
la viscosité, les cônes bien fermés, une coloration 
jaune verdätre, mais non verte, brune ou rouge, 
enfin une odeur aromatique bien prononcée, 

Il ne faudrait pas croire que la valeur d’un 
houblon dépenae uniquement, comme on l'a dit 
souvent, de la proportion de Zupuline qu'il ren- 
ferme, celle-ci oscillant entre 8 et 16 °/,; mais, 
ce qui importe aussi, c'est la Leneur en tanin, qui 
varie entre 2 et 6°/,; plus la quantité de ce der- 
nier principe sera Éots meilleur sera le hou- 
blon !. 


1 Il convient de remarquer que le tanin du houblon n’est 
pas identique avec celui de la noix de galle, il se rapproche 
plutôt de celui du bois jaune (acide marin-tannique). Son 
rôle principal dans la fabrication de la bière consiste à faci- 
liter la clarification des moûüts en précipitant les matières 
albuminoïdes. Le tanin est surtout réparti dans les bractées, 
tandis que la lupuline, l’huile essentielle qu’elle renferme et 
la résine, se trouvent dans les granulations. C’est d'ailleurs 
à l’huile essentielle que, suivant Rautert, il faut attribuer 


Avec le temps, el s’il est conservé dans de mau- 
vaises conditions, le houblon perd son arome el 
change d'aspect; il devient, en général, plus 
sombre et se couvre de taches : au bout d'un an. 
il a déjà perdu de sa valeur, et, au bout de six 
ans, suivant le D' L. Gautier, il est devenu com- 
plètement inodore et brun. 


III. — VARIÉTÉS CULTURALES : SOL ET ENGRAIS. 


Nous ne donnerons pas les caractères botaniques 
et végélatifs du houblon, qui sont bien connus: 
qu'il nous suflise de rappeler que c'est une plante 
divique, grimpante, sinistrorse, vivace par ses 
racines, qui sont {très abondantes et profondément 
enfoncées dans le sol ; elles émettent de nombreux 
rejetons dès le premier printemps. La végélalion 
du houblon est très vigoureuse et peu de plantes 


presque tous les effets pour la production desquels le hou- 
blon est employé dans la préparation de la bière. 


ont dit. ut 


- croissent avec autant de rapidité. C’est ainsi que, 
- d’après Früwith, lorsque le temps est chaud, en 
. une heure l’extrémité d’un plant de houblon croit 
de l'étendue d’un cercle ayant 10 à 15 centimètres 
_ de rayon. 

Les variélés culturales sont assez nombreuses, 
_ mais encore insuffisamment étudiées. On peut 
- néanmoins les ranger en deux groupes nettement 
caractérisés tant au point de vue agricole qu’au 
point de vue industriel : les houblons hâtifs d’une 
part, et les tardifs de l’autre. Parmi les uns et les 
autres on en trouve ayant la Lige verte, d’autres 
Payant rougeàtre ; mais ce qui les différencie sur- 
tout, c’est que les variétés hàlives ou précoces 
mürissent leurs cônes environ quinze jours plus 
_ tôt que les autres; par contre, et sauf quelques 
exceplions, cet avanlage est compensé par la qua- 
lité un peu moindre des produits. 

Il serait trop long d’énumérer les variétés agri- 
coles de cette plante; nous ne citerons donc que 
les principales, dont le nom même rensergne 
le plus souvent sur les caractères saillants; c’esl 
ainsi qu'il faut mentionner : le %oublon à tige 
blanche de Poperinghe, variété hâtive: le Aoublon 
carneau, à tige verte, moins hâtive, mais plus 
productive; le Aätif de Spalt et le tardif de Spalt 
(Bavière); le grape's et le godling's, variétés fixes 
obtenues depuis peu en Angleterre. Un grand 
nombre d’autres variétés nouvelles, également bien 
fixées, obtenues en Bohème, ont été essayées dans 
ces dernières années dans les cultures françaises, 


} 


notamment par M. Guichard à Dracy près de Cha- 


 lon-sur-Saône, par M. Binq en Bourgogne, et, plus 
récemment, par MM. Comon et Cassiez-Duflos à 
Busigny (Nord). Ces essais culturaux, portant sur- 
tout sur des variétés précoces et à grands rende- 
ments, ont donné, en général, des résultats très 
encourageants; bon nombre sont, d’ailleurs, encore 
actuellement à l'étude. 

Le houblon occupant le même sol pendant long- 
temps, de dix à vingt ans, et son système radicu- 
laire étant très développé, il lui faut une terre non 
seulement fertile, mais encore profondément 
défoncée. 

Quoique cette plante vienne à peu près dans 
tous les terrains, pourvu qu'ils réunissent les 
conditions ci-dessus et quelle que soit d’ailleurs 
leur dominante minéralogique,elleestgénéralement 
exclue des terres fortes et humides; dans les sols 
très sablonneux etsecs, le houblonest, en général, de 
bonne qualité, mais c’est dans lesterres d’alluvion 
fertiles, surtout dans les vallées, que le houblon 
donne les meilleurs résultats, comme quantité et 
qualité. La nature du sous-sol a également une 
grande importance en raison même du développe- 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


969 


ainsi quelessous-solsimperméables de toute espèce, 
ceux d'argile, de tourbe ou de gravier sont absolu- 
ment contraires au houblon. 

D’après ce qui a été observé en Angleterre, le 
houblon se plait fort bien sur certaines couches 
géologiques du terrain crétacé inférieur, très riche 
en débris animaux et en phosphates fossiles. M. L, 
Gossin a eu occasion de constater que, dans le 
département de la Meuse, le houblon sauvage se 
développe à un point extraordinaire sur ces ter- 
rains, et qu'il produit, quoique non cultivé, des 
cônes très larges et très riches en lupuline. 

Avant l'hiver, la terre destinée au houblon doit 
être défoncée à une profondeur qui varie entre 40 
et 80 centimètres, parfois même un mètre lorsque 
la chose est possible. En Bourgogne, on va assez 
souvent à 80 centimètres, et bon nombre de plan- 
teurs de cette région considèrent que la durée de 
la houblonnière est en raison directe de la profon- 


deur du terrain, ce qui, toutefois, n’est vrai que si 
la fumure est proportionnée à la profondeur et 
appropriée aux besoins de la plante. 

Dans la région du Nord, où les labours profonds 
ne sont pas toujours possibles, en raison de la 
nalure du sous-sol, on ne défonce que rarement 
au-dessous de 40 centimètres. A Careney et à 
Saint-Nazaire en Artois, dans le Pas-de-Calais, bon 
nombre de houblonnières sont établies sur des 
sols remués à 30 centimètres de profondeur seule- 
ment, et, cependant, leur durée dépasse commu- 
nément une quinzaine d'années. En Lorraine, 
surtout dans les terres triasiques, la profondeur des 
labours de défoncement varie entre 35 et 40 cen- 
timètres. 

Dans tous les cas, la terre destinée à l’établisse- 
ment d’une houblonnière doit recevoir une fumure 
abondante, et celle-ci variera avec la nature du sol 
et celle des récoltes précédentes, qui sont, en géné- 
ral, des plantes sarclées ou des défrichements. 
Toutefois, on ne doit pas perdre de vue que le hou- 
blon est une plante épuisante: car une récolle 
moyenne enlève par hectare à peu près la quan- 
tité suivante (tableau XII) d'éléments utiles, que la 
, plante devra trouver dans la terre dès son établis- 
sement : 


Tableau XII. — Éléments pris au sol. 
AC. 
AZOTE | PHOSPHO-|POTASSE | CHAUX 
RIQUE 
es | | ns | 
1400 kil. de cônes...... 45 k. 15.5 32 15 
La plante entière coupée 
TAZ-IOPLE . 2... 8e 93 k. 28.0 63 69 


Ce qui convient particulièrement à cette plante, 
ment considérable du système radiculaire : c’est ‘ c’est la vieille force ou vieille graisse provenant de 


970 


l'accumulation antérieure de fortes fumures orga- 
niques. À défaut de celles-ci, on a recours à 
diverses matières fertilisantes. La plus employée 
est le fumier de ferme; mais, à ce point de vue, celui 
des bêtes bovines est préférable à tout autre, à 
condition qu'il ne soit pas trop frais. Des doses 
de 35.000, 40.000 et même 45.000 kilos de fumier 
par hectare sont fréquemment appliquées, et, 
quand celle quantité ne peut êlre réalisée, on 
complète la fumure par des composts ou terreaux 
provenant de la décomposition lente de débris 
organiques divers. Dans les Flandres, on met 
souvent des lourteaux, surtout ceux de colza, 
à des doses très variables, mais qui ne sont jamais 
moindres que 1.200 kilos par hectare. Les déchets 


de laine ou de cuir, associés à de la chaux en 


A. LARBALETRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


cation du malt réussissent également très bien. 
Quelques planteurs, comme le fait observer M 
M. A. Damseaux, enfouissent chaque année au * 
printemps 1.000 à 1.500 kilos de superphosphate 
de chaux et 400 à 500 kilos de chlorure de potas- 
sium ; ce dernier engrais serait toutefois plus avan- 
tageusement remplacé par 250 à 300 kilos de sul- 
fate de potasse. Le nitrate de soude, employé à 
forte dose, nuit manifestement à la qualité du hou- 
blon, comme l'a démontré E. Pott; mais de faibles 
quantités de ce sel, n'excédant pas 150 à 200 kilos, 
ou, ce qui est encore bien préférable, du sulfate 
d’ammoniaque à raison de 300 à 400 kilos, répandu 
en juin, à l'approche de la floraison, sont des plus 
utiles dans les houblonnières qui réclament un 
supplément de fumure d’une action rapide. 


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Disposition en carre 


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Fig. 6. — Disposilion schématique des plants de houblon, 


pelile quantilé, sont également très favorables en 
raison de leur lente décomposition. 

Cette fumure abondante, nécessitée par l’établis- 
sement d'une houblonnière, est très onéreuse pour la 
première année, qui ne donne, d’ailleurs, qu'un pro- 
duit nul ou insignifiant ; les avances nécessitées ne 
sont pas inférieures à 1.000 francs par hectare, tant 
pour les engrais que pour les travaux de plantation 
et de défoncement, qui sont souvent très coûteux. 

À cette dépense initiale s'ajoutent, d’ailleurs, les 
dépenses annuelles qui, indépendamment des 
soins demain-d'œuvre loujours élevés, comprennent 
encore des fumures additionnelles, ce qui exigeun 
capital d'exploitation élevé; aussi, peu de cultures 
sont-elles aussi coûteuses. 

Les fumures d'entretien, dans le nord de la France 
et en Belgique, consistent en l'apport de fumier de 
ferme ou d'engrais flamand, ou encore de purin 
dans lequel on a délayé des tourteaux oléagineux ; 
les touraillons de brasserie provenant de la fabri- 


Ilest toujours bon de tenir en réserve des en- 
grais actifs, de préférence de nalure chimique, 
pour soutenir les pieds languissants et les amener 
à une maturité parfaile. 

C'est d'ailleurs avec raison que quelques planteurs 
recommandent de ne pas appliquer ces engrais 
directement sur la plante, mais de les placer au- 
tour des plants, sans les toucher. 


IV. — ÉTABLISSEMENT D'UNE HOUBLONNIÈRE, — 
PLANTATION, — SOINS D'ENTRETIEN. 

Le houblon ne se propage pas de graine; on 
plante les houblonnières au moyen de boutures 
ou fragments de tiges qu'on détache des pieds 
femellesau printemps lors de la taille. Ces pousses, : 
qui sont de véritables boutures herbacées, sont de 
la grosseur du doigt et mesurent 10 à 15 centi- 
mètres de longueur; elles doivent porter quatre 
ou cinq yeux bien sains. 

La plantation alieu au printemps, ou plutôt à la 


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À. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


fin de l'hiver, car le houblon entre en végétation 


_ de très bonne heure. 


On dispose les plantes, soit en carrés, soit en 


quinconces (fig. 6); cette dernière disposition est 


la plus fréquente et la plus avantageuse : car elle 
offre un accès plus facile à l’air et à la lumière. 

Autant que possible, les lignes sont orientées 
dans la direction nord-sud; les deux parties de la 
figure 6 montrent ces deux dispositions. 

Les pieds de houblon sont espacés en tous sens 
de 4 m. 60 à 1 m. 80 et même 2 mètres suivant les 
habitudes locales. La mise en place se faitau plan- 
toir et l'emplacement est désigné d'avance au 
moyen de pelils piquets. 

Suivant l'espacement adopté, on a de 4.500 à 
2.500 pieds par heclare. En Bohème on compte 
généralement 4.000 pieds, en Angleterre 3.200; en 
Lorraine, les plants sont, en général, très serrés, 
ce qui présente de graves inconvénients. En effet, 
comme le dit Eralh, « celui qui s'imagine que plus 
il y a de pieds, plus on récoltera de houblon, se 
trompe très gravement. C’est plutôt un espacement 
convenable qui permet le libre accès de l’air et de 
lalumière. Un piedisolé donne jusqu'à 500 grammes 
de cônes. On peut en obtenir autant dans les hou- 
blonnières où les pieds sont espacés à 1 m. 74. Si 
la plantalion est sensiblement plus serrée, on ne 
peut compter par pied que sur un produit moitié 
moindre, et les maladies sont plus fréquentes. » 

Les jeunes tiges se montrent dix à quinze jours 
après la plantation, qui se fait le plus souvent en 
triangle, un seul plant étant insuffisant pour les cas 
de non-réussile. 

Si, après la mise en place, la terre est tropsèche, 
on arrose soit avec del’eau pure, soit avec de l’eau 
purinée, en opérant de préférence le soir. 

Comme la terre reste nue pendant la première 
année, les intervalles entre les pieds sont souvent 
utilisés pour la culture de pommes de terre ou de 
choux pommés. Cependant, il serait préférable de 
renoncer à celle manière de faire : car cesrécolles 
ne peuvent être obtenues qu'aux dépens du déve- 
loppement ultérieur du houblon. 

Les travaux d'entretien à partir de ce moment 
sont très nombreux, etaucune plante, à l'exception 
de la vigne, n’en nécessite autant. Nous nous con- 
tenlerons de les résumer : tout d’abord les binages 
el sarclages qui sont donnés en nombre indéter- 
miné, aussi souvent que le besoin s’en fait sentir ; 
on a eusoin de placer dans le voisinage des souches 
des gauleltes provisoires servant de tuteurs autour 
desquels la plante s’enroule. Vers le mois d’oclobre 
on enlève ces tuteurs, on coupe les tiges à quelques 
centimètres au-dessus ducolletet on butte les pieds 
pour les préserver de l’action des grands froids. 

A partir de la seconde année, on pratique tous 


971 


les ans au premier printems l’opération appelée 
châtrage, taille ou habillage, qui consiste à enlever les 
parties mortes, à supprimerles jetsinutiles. On ne 
laisse sur chaque pied que deux ou trois pousses, 
les plus vigoureuses. C’est à ce moment qu'on donne 
la fumure annuelle dont nous avons parlé. 

L'habillage est suivi du placement des tuteurs 
définitifs. Ceux-ci consistent en perches, diles 
perches à houblon, en chène ou en châtaignier, dont 
la longueur varie entre 8 et 12 mètres; elles doivent 
être préalablement goudronnées ou sulfalées pour 
en prolonger la durée. Tandis qu’en France, et sauf 
de très rares exceptions, l'emploi des perches en 
bois est partout dominant, en Allemagne et dans 
quelques districts de Belgique on préfère les fils 
de fer, qui sontbeaucoup pluséconomiques. D'après 
Schlipf !, les houblonss’enroulent mieux autourde 
ceux-ciet il n’y a pas lieu de lesratlacher aussisou- 
vent; les fils de fer forment, en outre, un ensemble 
qui offre une plus grande résistance au vent; Pair 
y circule mieux que dans les plantations soutenues 
avec des perches, et les cônes sont de meilleure 
qualité. 

Après le perchage, lorsque les pousses mesurent 
de 50 à 60 centimètres de longueur, c’est-à-dire 
vers le mois de mai, on procède à l’accolage, qui 
ne doit pas être relardé si l’on veut éviter l’enche- 
vêtrement des tiges. On pratique l'accolage avec 
des brins de paille mouillés. 

On garnit uniformément les luteurs de 2 
à 4 pousses d’égale vigueur ; toutes les autres sont 
supprimées. En juin on fait quelquefois un buttage 
pour maintenir plus de fraîcheur au pied. 

A la fin de juillet, lorsque la plante a 5 ou6 mètres 
de longueur, on supprime les pampres inférieurs : 
c’est la rognure, qui, cependant, n’est pas pratiquée 
partout. Pendantsa végétation le houblon peutêtre 
attaqué, surtout lorsque la culture est mal soignée, 
par plusieurs maladies cryptogamiques el insectes, 
qui diminuent souvent les rendements dans une 
notable mesure. Signalons seulement la moisissure 
(Sphærotheca Castagnei), le noir (Fumayo salicina) la 
rouille (Puccini humilis), puis l’araignée du hou- 
blon (Zetranychus telarius) dont la présence occa- 
sionne l'accident appelé brûlure, le puceron (Aphis 
humilis) qui produit la miellée ou mouchetit, l’hé- 
piale du houblon (Æepiulus humilis), lépidoptère 
dont la larve est très nuisible, etc. Enfin, le houblon 
est très sensible aux influences atmosphériques : 
la sécheresse surtout contrarie sa végétation; mais 
l'humidité excessive lui est également très funeste, 
surtout en ce qui concerne la qualité; enfin les 
vents violents sont tout à fait défavorables à cetle 
culture. 


1 Scazter, Populæres Handbuch der Landwirtschaft. Ber- 
lin, 4885. 


972 A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 
l HO Dee . ve pédoncules et des feuilles, qui déprécient toujours 
V. — RÉCOLTE. — RENDAMENTS: — PRÉPARATION le produit. 
DES CONES. — FRAIS DE CULTURE. 


Les houblonnières ne sont en plein rapport qu'à 
la troisième ou quatrième année, et le produit se 
maintient dix, quinze et même vingt ans, si la cul- 
ture est bien conduile ; Loutefois, à partir de ce mo- 
ment le rendement faiblit et le défrichement s’im- 
pose. 

La récolte du houblon estune opération très im- 
portante, qui nécessite beaucoup de monde et 
beaucoup de soins. 

L'époque de la maturité des cônes varie, non- 
seulement avec les années, mais encore avec les 
variétés et la nature du sol. Dans le Nord, les hou- 
blons précoces se récoltent de Ja fin d’août au 
10 septembre, et les lardifs du 10 au 20 ou 25 du 
même mois. 

Ilest, d’ailleurs, très important de saisir l'époque 
convenable pour procéder à la cueillette. En effet, 
si l’on récolte trop tôt, les cônes sont peu odorants, 
maigres, trop aqueux, et le séchage est diflicile. 
Opérée trop tard, la récolte donne des produits 
brunètres, les cônes sont entr'ouverts et laissent 
perdre la lupuline. 

C'est donc un moyen terme qu'il faut saisir : lors- 
que les cônes sont de couleur jaune doré, que leurs 
écailles sont encore fermées, en pointe el vis- 
queuses, les Liges el les feuilles de la base sont 
jaunes. 

Il faut faire la récolte par une belle journée et 
lorsque la rosée a disparu ; il est surtout essentiel, 
pour avoir un produit homogène, de mener la ré- 
colle rapidement; à cet effet, on disposera de 
beaucoup de bras, d'autant plus que l’on ne cueille 
généralement que pendant les heures les plus 
chaudes de la journée. | 

Le premier lravail de la récolte est le déperchage, 
qui consiste à enlever les perches et à les déposer 
soit directement sur le sol, soit sur un chevalet. 
Mais quelques heures avant de procéder à celle 
opéralion, on à eu soin de couper les tiges du hou- 
blon à environ un mètre du sol. Le déperchage se 
fait au moyen d’un levier ou de tenailles-pinces. 

Une fois Ja perche et le plant de houblon qui 
l’enroule posés sur le chevalet ou même sur les 
genoux du cueilleur assis à Lerre ou sur un esca- 
beau, d’autres ouvriers ou ouvrières enlèvent les 
cônes, en coupant de manière à ne laisser qu'un 
pédoncule d'environ un centimètre. Cet enlève- 
ment se fail, soit avec l’ongle, soil à l’aide de ci- 
seaux. En Bavière, nous avons vu employer à cet 
effel une pelile coiffe en fer-blanc à bord acéré 
qu'on placesur le pouceet qui faitl'office de l’ongle. 
Il faut avoir soin de ne pas froisser les cônes et les 
écailles; on évitera aussi de leur laisser de longs 


Un ouvrier peut cueillir par jour de 4 à 5 kilos . 


de cônes. Au fur et à mesure que ies cônes sont 
détachés, on les met dans des paniers, sans les 
tasser. Le panier une fois rempli, son contenu est 
déversé dans une grande corbeille ou sur une 
civière et porté au séchoir ; les rameaux sont don- 
nés aux vaches, qui en sont très friandes; avec cette 
nourriture elles produisent, paraît-il, un lait excel- 
lent. 

Les perches nues sont relevées el disposées en 
faisceaux solides; un peu plus tard elles sont ren- 
trées à la ferme. 

Quelquefois, en Belgique surtout, dans les pe- 
tites houblonnières, dès que les perches sont enle- 
vées de terre, on dégage les lLiges, on en forme des 
bottes non serrées, que l'on rentre; à la ferme on a 
soin de délier aussitôt, afin d'éviter tout échaufte- 
ment; l'épluchage a alors lieu dans la ferme, sous 
abri. È 

A Saaz, localilé renommée pour ses houblons, 
la cueillette est l’objet de soins tout particuliers. 
Chez M. le D' A. Ricard elle est conduite de la 
manière suivante : chaqüe famille a sa ligne de 
houblon, coupe le pied de la plante, et le houblon- 
nier arrache la perche avec son levier; là se borne 
le travail du houblonnier. Le cueilleur doit ensuite 
tirer la perche, la dépouiller de la plante et couper 
celle-ci en rameaux de 50 centimètres de longueur, 
afin de faciliter la cueillette. 

Trois houblonniers sufisent de celle manière à 
arracher les perches pour cent cueilleurs. Deux 
houblonniers mettent les rameaux en ordre ; deux 
hommes aident aux sécheurs dans les greniers. 

Ainsi une équipe de huit hommes est nécessaire 
au travail de cent cueilleurs. 

Les cônes récollés sontencore verts, très aqueux ; 
abandonnés à eux-mêmes ils s'alléreraient rapi- 
dement; il faut donc les soumeltre à la dessicca- 
tion pour les rendre marchands. Ce séchage peut se 
faire, soit à l'air libre, soit au moyen de séchoirs 
spéciaux ou tourailles. 

En France, où le houblon est le plus souvent 
cultivé sur de pelites surfaces, la dessiccation na- 
turelle est la plus généralement appliquée. 

Elle s'opère dans des greniers bien aérés où le 
soleil ne pénètre pas; car son action, en activant 
le desséchement des cônes, leur enlèverait la cou- 
leur et une partie de l'arome. C’est donc à l'ombre 
qu'on dispose les produits, en couches minces, sur 
le plancher bien sec ou sur des châssis disposés en. 
étages les uns au-dessus des autres. Les couches 
ne doivent pas avoir plus de six ou huit centi- 
mètres d'épaisseur pour éviter la fermentation et 
la moisissure qui en résulterait. Lorsque le temps 


est sec, on ouvre toutes les ouvertures du grenier 
pour produire un courant d'air; mais on les 
liendra fermées par les temps pluvieux et pendant 
la nuit, à cause de la fraicheur. 
_ _ Dans de bonnes conditions de température, les 
-cônes sont suffisamment secs au bout de deux ou 
trois jours pour pouvoir êlre mis en couches plus 
épaisses, d'environ 30 centimètres ; trois semaines 
après, on peut alteindre 50 ou 60 centimètres; 
enfin on donne un mètre d'épaisseur; mais il faut 
avoir soin de remuer chaaue jour les tas avec de 
petites gaules ou un ràteau de bois pour éviter 
l'échauffement. 

Dans les circonstances ordinaires, ce séchage 
dure environ deux mois. : 

Lorsque la dessiccation est complète, ce qu'on 
reconnait à la crépilation des écailles quand on 
froisse les cônes dans la main, le las est recouvert 
de toiles propres, pour éviter le dépôt de pous- 
sières et la volatilisalion de l’arome. 

Toutes ces opéralions sont conduites avec pré- 
caution, et surtout sans secousses, pour éviter que 


. la lupuline ne se perde. 


Quand le houblon a été récolté dans de bonnes 
conditions, 3 kilos de cônes frais donnent environ 
un kilo de cônes secs. On compte qu'il faut une 
surface d'environ un mètre carré pour sécher un ki- 
logramme de cônes frais. En Angleterre et en Bel- 


 gique, on pralique assez souvent le soufrage du 


houblon pendant le séchage. L'action du soufre 
tue les germes de moisissures, jaunit les cônes et 
leur donne du brillant. Or, on s’est demandé si le 


. houblon soufré destiné à la fabrication de la bière 


peut être nuisible à la santé. La question ayantété 
posée il y a quelques années aux chimistes experts 
pour la brasserie de Vienne et de Prague, ils ont 
déclaré qu'au point de vue sanitaire l'emploi du 
houblon soufré, surtout quand son usage ne suit 
pas immédiatement le soufrage, n’est nullement 
nuisible. 

Arrivons maintenant aux rendements du hou- 
blon. Ceux-ci sont très variables et influencés 
par une foule de circonstances, notamment par les 
circonstances météorologiques et par le nombre 
de pieds cullivés par hectare. 

En général, on ne peut guère compler sur 
plus d’une bonne récolle tous les deux ou trois 
ans. D'après M. G. Heuzé, dans les bonnes et 
moyennes années, chaque perche donne de 50 à 
300 grammes de cônes bien secs; il faut des années 
exceptionnelles, ou cultiver le houblon sur des 
terres d’une grande fécondité pour espérer obte- 
nir par perche 400 ou 450 grammes de cônes mar- 
chands. Un hectare qui contient 3.500 perches, 
c'est-à-dire dont les pieds sont espacés à 1 m. 70, 
doit donc produire, quand la récolte est bonne, 


A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 


973 


de 900 à 1.000 ou 1.200 kilogrammes de houblon. 

En Belgique les rendements sont plus élevés et 
atteignent 1.400 à 1.500 kilos dans les mêmes con- 
ditions, soit de 400 à 500 grammes par perche. 

Lesfrais qu'entraine la culture du houblon sont 
quelque peu variables; nous donnons ici deux 
comptes de culture recueillis par M. Convert et 
qui s'appliquent, l’un à la région du Nord, l’aulre 
à la Bourgogne. 


1° Compte délaillé des dépenses qu'entraine la cul- 
ture d'un hectare de houblon, contenant 3.500 pieds ! : 


LENCO ENIE EEE Er PCR et 200 fr. 
MPOPIONCIR RP Are 30 
Remplacement des perches (10 % par an). 390 
Engrais : { voiture de fumier à { cheval 
par 70 ou 80 pieds par av, à 8 fr. la voi- 
ture, ou 2 voitures tous les 2 ans...... 250 
Cultures de printemps et d’été, taille, plan- 
tation des perches, liage des pousses à 
raison de 10 fr. les 100 pieds.......... 350 
Cueillette, touraillage, charbon, soupe; 
entretien des tourailles, à raison de 
18 RES MAUTIpIeUs FE Lee nee 630 
Culture d'automne, soins des perches à 
raison de 2 fr. les 100 perches......... 70 
Frais d'emballage, àraison de fr. les50 kg. 25 
IRAN See ae eo une 2,005 fr. 


ou 2.000 fr. en nombre rond, 


20 Compte des dépenses d'un hectare de houblon en 
Bourgogne (Côte-d'Or) ?. 
Loyer de la terre à 3.000 fr. intérêts et 

IMPOSER rame enr dec 150 fr. 
3000 perches à 1 fr. 10; intérêts et amor- 

TISS OT R DRM sde MR celtes e ne 165 
Séchoirs et matériel de séchage, pour 

1 hect. : 2000 fr.; intérêts et amortisse- 

MENT eee sl ue ec 100 
Main-d'œuvre et frais divers; défoncage à 

à la main, 1000 fr. par hectare à répartir 

sur 20 années; intérêts et amortisse- 

MED EMEA eee do Gaeie ee oies 100 
HaCOnS de MAREC(ATE EE CREER ere 450 
Cueillette et séchage : 1200 kil. à 0 fr. 35 

ONE pe aecces 420 
1/10 des perches à remplacer par an..... 330 
20 m. c. de fumier, sur place... ......... 140 

TOUR ER EE AE eh 1.850 fr. 


Voilà pour les frais; voyons maintenant les pro- 
duits. Si les rendements sont variables d’une an- 
née à l’autre, ainsi que nous l’avons vu plus haut, 
les prix auxquels on vend le houblon ne le sont 
pas moins, ce qui rend celte culture très aléa- 
toire. On sait que le houblon se vend aux 50 kilos. 
Le prix en a varié depuis 1881 de 40 à 350 francs ; 
mais ce prix de 350 francs, applicable à l’année 
1882, est tout à fait exceptionnel, et depuis lors le 
chiffre de 200 francs n’a pas été dépassé; on peut 
donc admettre comme prix moyen de vente 90 fr. 
les 50 kilos ou 180 francs les 100 kilos pour les 


1 À Busigny, selon M. Cassiez-Dufos. 
2 D’après le Syndicat des Houblons de Bourgogne. 


houblons d'excellente qualilé, ce qui porte le 
produit annuel à 4.800 francs par hectare, en sup- 
posant un rendement de 1.000 kilos par hectare. 
Comme on le voit, la cullure du houblon doit 
arriver à de grands rendements, 1.200 à 1.500 kilos 
à l'hectare, pour être profitable, surtout lors- 
qu'elle est faite sur de grandes surfaces. Il est 
vrai que, dans la pratique, celle culture étant faite 
sur de petites étendues et par des cultivateurs qui 
paient beaucoup de leur personne, employant sur- 
tout les ouvriers de la ferme ou leur famille pour 
les travaux de culture et de cueillette, produisant 
eux-mêmes le fumier, qui, de ce fait, n'a pas 
besoin d’être acheté, la culture du houblon peut 
être plus rémunératrice qu'il n’a élé dit plus haut, 


Mais il ne faut pas oublier que le prix de vente 


D' M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE 


des houblons varie aussi suivantla qualité de ce 
produil; nous n’en donnons comme preuve que les. 
courssuivants prissurles mercuriales de novembre. 
1892. 

Les 50 kilogr. 


AIOST RTE RE RER 90 à 100 fr. 
BOuUr£O MEET EEE O0 MG 0 
Boperimehe = ever 90 à 100 
Wurtemberg.. 145 à 135 
Dpalt.:. ete cri Er 160 à 150 


Nuremberg 145 à 160 


Dans de pareilles conditions, la culture du hou- 
blon est plus généreuse el paie assez largement 
le producteur de ses peines. 


A. Larbalétrier, 


Professeur à l'Ecole d'Agriculture 
du Pas-de-Calais, 


LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE 
D'APRÈS UN LIVRE RÉCENT : ; 


« Nous vivons dans un temps où il est bon de 
vivre quand on s'intéresse aux choses de la Méde- 
cine. » C'est par ces mots que M. le Professeur 
Bouchard inaugurait ses lecons sur les auto-intoxi- 
cations en 1887, et l’on peut dire que personnne, 
par ses travaux, n'a mieux que lui justifié cette af- 
firmation. Il suffit de parcourirle Trailé de Pathologie 
générale qui vient de paraitre pour juger de la part 
importante prise par M. Bouchard non seule- 
ment dans les progrès récents de la Médecine, 
mais encore dans la rénovalion de cette science. 
On répète volontiers qu'il n'y a rien de nouveau 
sous le soleil, et cette maxime profondément 
banale est devenue le bréviaire des esprits cha- 
grins ou paresseux qui, sous prélexte que tout 
a été dit, se refusent à s'aventurer dans les sen- 
liers récemment ouverts. M. Bouchard se heurta, 
dès le début de ses recherches, à cet état d’àme 
moins rétrograde que slalionnaire. L'ironie el 
les sarcasmes même qui accueillirent ses pre- 
mières publications sur la nature parasilaire 
de la tuberculose le laissèrent indifférent. Plu- 
sieurs années avant la découverte du bacille de 
Koch, il établissait l’origine infectieuse de cette 
maladie et il en tirait toutes les conséquences avec 
une telle logique déductive que, si, depuis lors, on 
a un peu ajouté à ses travaux, on n’en peut rien 
retrancher. Le traitement pathogénique par la 
créosote est mème resté, en attendant la médi- 
calion spécifique, plus efficace. En présence de 
ses premiers adeptes, — et parmi ceux-ci, on ne 


1 Trailé de Pathologie générale, publié par Ch. Boucnaror. 
Tome 1, — G. Masson, Paris, 1895. 


saurail passer sous silence le nom de M. Landouzy, 
qui fut un de ses plus ardents disciples, — 
M. Bouchard reportait tout le mérite de sa doc- 
trine à deux hommes qu'il admirait : Villemin et 
Pasteur. 

Aujourd'huila victoireest définitivement acquise, 
puisque tout le monde est enrôlé sous la même 
bannière, et il serait injuste de ne pas rappeler les 
luttes du début, oubliées surtout par ceux qui fu- 
rent les plus véhéments contradicteurs. 

L’apparilion du 7Yrailé de Pathologie générale 
marque une étape importante dans l’histoire de la 
Médecine. Nous voudrions prendre occasion de la 
publicalion de cel ouvrage pour indiquer, suivant 
le plan même du livre, quelques points intéres- 
sants de la pathologie contemporaine. 


I 


A l’exceplion de la préface, M. Bouchard n’a 
écril personnellement aucun des chapitres du nou- 
veau volume publié sous sa direction. A côlé de 
quelques professeurs qu'il s'est adjoints, comme 
M. Mathias Duval et M. d'Arsonval, la plupart de 
ses collaborateurs sont ses élèves. L'absence d'u- 
nité qu'on pourrail reprocher à leur ouvrage, véri- 
table mosaïque d'écrivains différents, se trouve 
alténuée par la forte empreinte personnelle du 
maitre. Cependant cette influence est suflisamment 
discrèle pour permettre à chaque auteur de faire 
valoir, suivant son mode de réaction personnel, sa 
part d’originalité. 

C'est qu'en effet la plupart de ces auteurs ne 
sont guidés par aucun ouvrage précédent, la patho- 


re générale, telle qu'elle est envisagée aujour- 
_ d'hui, différant totalement de l'enseignement qui a 
porté ce nom jusqu'ici. Broussais, au commence- 
"ment du siècle, s’engageail, avec la fougue d’un 
combattant ce dans une voie qui devait 
aboutir à l’anéantissement des doctrines du passé, 
dans lesquelles la métaphysique occupait le pre- 
mier rang. Mais le « physiologisme », édifié sur 
une base qu'ébranlait la méthode expérimentale, 
ne lardait pas à s’effondrer. C’est avec Andral que 
celle méthode commença à se faire jour; toutefois, 
la pathologie générale de ce fin clinicien gravita 
surtout autour de l'observation etde l'anatomie pa- 
thologique. Les doctrines de Chauffard ramenèrent 
la pathologie à une période mystique, etles vérités 
traditionnelles devinrent momentanément des 
dogmes!. Avec M. Bouchard s'élève une École 
- nouvelle : la pathologie générale se dépouille 
_ définitivement de son caractère sacerdotal pour 
- devenir la synthèse des faits expérimentaux. Dès 

lors, essentiellement mobile et mouvante, elle suit 
| les étapes du progrès, toujours en évolution, et se 
faconnant suivant les faits démontrés par des expé- 
riences incessamment renouvelées. Ainsi transfor- 
mée, elle n’est plus, comme autrefois, le point de 
départ des doctrines : elle devient l'aboutissant des 
faits. 

Ce n’est pas à dire que l'hypothèse soit bannie 
de la pathologie générale; elle est, au contraire, 
indispensable pour coordonner les observations qui 
ne comporlententreelles d'autre lien que ceux que 
l'esprit yapporle; mais sa valeurn'’est appréciée que 
suivant son degré de vraisemblance et, ce qui est 
bien la caractéristique de notre époque, c’est l’im- 
portance momentanée etrelative qu’on lui attribue. 
Hier encore les maladies infectieuses étaient domi- 
nées par la lutle pour l'existence entre les cellules 
de l'organisme envahi et les germes vivants. Au- 
jourd’hui déjà la doctrine humorale reprend faveur 
et la maladie, comme la guérison, relèvent des 
réactions chimiques. 

Ce n’est passeulement sur le terrain des maladies 
infectieuses que M. le Professeur Bouchard a édifié 
la pathologie actuelle; dans ses recherches sur les 
maladies par perversion de la nutrition et par auto- 
intoxicalions, il a orienté l'étude des causes pa- 
thologiques vers la chimie biologique et l'histochi- 
mie, sciences dont on n'apercçoit pour l'instant que 
les premières lueurs, mais qui sont sûrement des- 


| 
1 


| 
| 
| 


! Remarquons, toutefois, que, mème du vivant de Chauf- 
fard, l'influence de ses doctrines ne s’exerca pas sur tous les 
esprits; fortement atteintes par le courant scientifique créé 
par Magendie, les doctrines de Chauffard ont été définitive- 
ment détruites et bannies de la science par notre illustre 
philosophe expérimental Claude Bernard. 


(Note de la Direction.) 


D° M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE 975 


tinées à porter la plus vive lumière dans l'étude 
de la pathogénie. 
Il 

Présenter en quelques pages la pathogénie géné- 
rale del’embryonetlatératogénie, c’est là certes une 
tâche fort ardue. Ce sujet, difficile à comprendre, à 
cause de l’obscurité profonde qui règne encore sur 
cette science, est devenu, sous la plume de M. le 
Professeur Duval, d’une clarté et d'une précision 
surprenantes. Ce n'est pas trop dire que d'affirmer 
qu'il fallait tout le talent d'exposition de M. Duva! 
pour rendrela tératogénie d'une lecture attrayante. 

Mais ce n’est pas seulement par la simplicité 
dans la forme que se distingue ce travail; c'est 
également par l'exposé critique des faits ainsi que 
par l’apport des recherches personnelles. 

Le tératogénie est présentée sous un jour nou- 
veau : dès l’abord, M. Duval, se plaçantsur le terrain 
de la pathogénie, s'efforce de démontrer comment, 
chez l'embryon, les causes morbides, frappant des 
organes non pas en fonctions, maisen voie de forma- 
tion, déterminent des troubles de développement, 
des malformations et des anomalies d’organisa- 
tion. Il s'élève contre les théories qui supposent 
des organes déjà constitués normalement et dont 
la maladie vient altérer les formes et la constitu- 
tion histologique; pour lui, ce développement 
anormal détermine la maladie même, puisque 
l'embryon ne traduit sa vie et ses fonctions que 
par des actes de développement. Les monstruo- 
sités sont d'autant plus considérables que leurs 
causes agissent à une époque plus primitive et sur 
des phénomènes plus essentiels. Après avoir dé- 
montré pourquoi les expériences de Geoffroy- 
Saint-Hilaire n’eurent pas de résultat, M. Duval 
insiste sur l'importance des faits révélés par les 
recherches de M. Dareste. On sait que ce savant a 
produit des monstres, en soumettant l'œuf de la 
poule à des températures un peu supérieures ou 
un peu inférieures au degré fixe indispensable au 
développement normal, ou bien en troublant la 
respiration de l'embryon, en obturant les pores de 
la coquille sur une étendue variable à l'aide du 
vernissage. Enfin, il a fait incuber des œufs dans 
des conditions anormales de position et de mouve- 
ment {agitation et vibrations transmises). D'autres 
recherches, qu'on doit à M. Féré, portent princi- 
palement sur les effets de l'intoxication, les œufs 
ayant été soumis à l'influence de l'éther, de la 
morphine, de l’absinthe, de certaines toxines. 

Les résultats observés autorisent quelques rap- 
prochements avec les faits révélés par la clinique. 
M. Duval nous montre l'influence de la lumière 
sur certaines régions de l'œuf. Quant à l’action des 
traumatismes, elle est surtout intéressante par ce 
fait que Fol a pu réaliser une monsiruosité déter- 


976 


D' M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE 


minée d'avance. — L'espace nous fait défaut pour 
suivre M. Duval dans son exposé substantiel de la 
pathogénie générale de l’embyron, et d'ailleurs 
l'analyse ferait disparaitre la clarté et la netteté 
élégante qui sont la caractéristique de l’enseigne- 
ment du professeur d'histologie de la Faculté de 
Médecine de Paris. Rappelons cependant qu'après 
une discussion serrée des faits, M. Duval adopte la 
conclusion formulée par Paul Bert : « En fait de 
monstres, il n'y à point de genres ni d'espèces, il 
n'yaque des individus ». 


TI 


M. Roger, dont le titre modeste de secrétaire de 
la rédaction implique une somme de travail consi- 
dérable, a rédigé plus de la moitié de l'ouvrage. 
Ses premiers chapitres sont consacrés à des sujets 
philosophiques et littéraires afférents à l’art mé- 
dical. En les parcourant, on est bientôt séduit par 
son style où la finesse de l'expression est le reflet 
de l'esprit critique. 

Après les définitions d'usage sur la vie, la force 
vilale, la malière vivante, M. Roger arrive aux 
conceptions de M. Bouchard, qui considère la ma- 
ladie comme « l’ensemble des actes fonctionnels 
et secondairement des lésions anatomiques qui se 
produisent dans l’économie, subissant à la fois les 
causes morbifiques et réagissant contre elle ». La 
diathèse doit être définie « un trouble permanent 
des mutations nutritives qui prépare, provoque, 
etentretient des maladies différentes comme forme 
symplomalique, comme siège anatomique, comme 
processus pathogénique »; elle dépend du tempé- 
rament, qui est la caractéristique dynamique de 
l'organisme, résultant de tout ce qui concerne les 
variations individuelles des activités nutrilives. 

M. Roger s'élend avec raison sur la pathologie 
expérimentale, devenue le complément indis- 
pensable de la clinique, puisque les progrès de la 
bactériologie ont fourni le moyen de faire naître à 
volonté chezles animaux un grand nombre d’infec- 
lions. Mais il met l’expérimentateur en garde contre 
la tendance qu'il peut avoir d'appliquer à l’homme 
les résultats obtenus chez les animaux, el, lors- 
qu'il s’agit d'un médicament nouveau, il con- 
seille au médecin de l'essayer d’abord sur lui- 
même avant de le prescrire à des contemporains. 

Les causes de la mutabilité des types cliniques 
sont une des parties les plus intéressantes du tra- 
vail de M. Roger. Il démontre comment la civilisa- 
lion intervient pour modifier la pathologie, et le 
rôle important du commerce par la navigation 
pour transporter el acclimater les agents patho- 
gènes des différents pays. À ces transaclions cor- 
respondent des échanges de matières toxiques et 
virulentes. D'autre-part la grande activité intellec- 


tuelle, et surtout les préoccupations qui lui sont 
afférentes, jouent un rôle important dans le déve- 


loppement des névropathies et de la dégénéres-. 


cence. 


L'étude des intoxications est traitée avec am=. 


pleur, et M. Roger y révèle son talent d’expéri- 
mentateur et ses qualités d'exposition. Il se meut 


à l'aise dans une science à laquelle il a consacré. 


de nombreuses années de travail, et où ses tra- 
vaux personnels ont apporté un fort contingent de 
fails nouveaux. 


Il s'efforce, dès le début, de préciser par une 


définilion le sens du terme #xoxicalion. La com- 
plexité d'un phénomène biologique, qui englobe 
tant de faits dissemblables, rend presque impos- 
sible l'expression concise d’un énoncé exact. D'a- 
près lui, une substance est loxique quand elle est 
capable de troubler la vie des éléments anato- 
miques en modifiant, directement ou indirectement, 


le milieu qui les contient. Celte définition est certes 


très large, mais elle n'implique pas suffisamment 
la nocivité qui s'attache au poison. Il est vrai que 
la toxicité dépend souvent moins de la nature de 
la substance que du pouvoir d'élimination de l’or- 
ganisme, d'où résulte qu'un même élément devient 
Lour à tour, sans changer de composition, bienfai- 
sant ou nuisible. 

Le corps des animaux est un véritable labora- 
toire de poisons; envisagée sous ce jour, la vie 
consiste à fabriquer des toxines et à les éliminer. 
La source de ces dernières est multiple : la vie 
cellulaire déverse dans l'organisme les sécrétions 
et les déchets résultant de la désassimilation. 
D'autre part, les différentes phases par lesquelles 
passent les aliments pour être assimilés, les 
amènent à des états constitutifs transitoires, dont 
l'utilisation dans ces états est nuisible; une grande 
part dans ces élaborations revient aux microbes, 
habitant normalement le tube digestif. Leurs as- 
socialions, leur virulence, exaltée le plus souvent 
par l’arrivée de nouveaux venus ou simplement par 
des modifications fonctionnelles passagères dans 
leur habitat naturel, deviennent une source infinie 
de variantes dans la gamme de l'intoxication. Il 
faut ajouter les matières toxiques introduites dans 
l'organisme, les seuls poisons connus autrefois. 

M. Roger décrit avec soin les poisons alimen- 
laires, habituels et accidentels. 11 étudie successi- 
vement le rôle de l’eau, du vin, de l'alcool, des 
végélaux avariés, de la viande des animaux 
malades ou surmenés. Il insiste à juste titre sur 
la toxicité de la chair de poisson. C'est là un fait 
que nous avons vérifié nous-même dans des 
recherches inédites. Étudiant la toxicité urinaire, 
par injection de l'urine dans le système veineux 
du lapin, suivant la méthode de M. Bouchard, nous 


vd dd à 


avons constaté que, de tous les aliments, le poisson 
est celui qui rend l'urine toxique au plus haut 
degré. Il nous a paru vraisemblable qu'il s’agit de 
plomaïnes, et nous pensons que le poisson, absorbé 
- immédiatement après sa mort, ne donnerait pas 
on coefficient urotoxique aussi élevé que celui que 
| 


: 


nous avons trouvé. : 

C’est qu'en effet les poisons putrides apportent 
un contingent important à la pathologie : les uns 
sont absorbés, déjà formés dans la chair des ani- 
maux qui servent à notre alimentation; mais le 
plus grand nombre est élaboré dans l'organisme 

- même et résulle de notre chimie intérieure, dans 
Ruelle les fermentations revendiquent une large 
_ part. 
. Sous le titre de poisons journaliers non alimen- 
- taires, M. Roger passe en revue l’action nuisible de 
l'air confiné, de l'acide carbonique qui se dégage 
des appareils de chauffage à combustion lente, de 
la respiration des malades, puis celles qui relèvent 
d'habitudes individuelles comme l'usage de tabac, 
Dune, opium, cocaïne, éther, et les inloxi- 
calions professionnelles produites par le plomb, le 
cuivre, le phosphore, le mercure, l'arsenie, pour 
ne parler que des plus fréquentes. 

Les auto-intorications à l'état normal constituent un 
chapitre où se trouvenl,exposées avec beaucoup de 
méthode et de clarté, les leçons de M. Bouchard 
publiées en 1887. Partant de cette loi, élablie par 
Claude Bernard, que toute manifestation vitale est 
nécessairement liée à une destruction organique, 
M. Roger nous fait parcourir les conséquences 
. multiples de ce phénomène d'ordre général : pro- 

duction des leucomaïnes, poisons urinaires, Loxi- 

cité des sécrétions, etc. Dans celte étude de l’ana- 
lyse chimique appliquée à la pathologie, l’auteur 
nous présente le bilan des connaissances actuelles ; 
ce bilan est peu fourni et une grande obscurité 
- règne encore sur ce lerrain. Cependant les clartés 
que la Chimie projette déjà sur la pathologie nous 
font entrevoir que c’est dans cette direction que 
l’étude des maladies doit désormais s'engager. 


nn. à so éd: 


IV 


Ea lisant l’article de M. le Professeur d’Arson val 
sur l'énergie électrique et la matière vivante, on trouve 
exposés des faits si intéressants et des vues si 
personnelles, que l’on regrette que celte partie ne 
soit pas plus développée. 

Après avoir élabli que la matière est le support 
de l'énergie, mais qu'elle en reste dislincte, 
M. d’Arsonval montre qu'à l'énergie mécanique 
thermique il faut ajouter l'énergie électrique, qui 
renferme toutes les formes anciennement connues 
de l'énergie. De plus, toutes les formes de l'énergie 
peuvent se transformer en électricilé. Il considère 


D' M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE 


977 


l'être vivant comme un transformateur d'énergie 
ayant un Aodus faciendi qui lui est propre. L'élec- 
lricité possède le pouvoir de meltre en jeu toules 
les propriétés vilales de la matière organique. 
Elle peut traverser le corps sous forme de courant 
permanent où de courant variable. Variable, le 
courant détermine une excilation violente des nerfs 
et des muscles; s'il est permanent et modéré, lout 
reste au repos; s'il est fort, l’action électrolytique 
se produit. L’ampèremètre permet de doser son 
intensité. L'élal permanent à basse tension s'obtient 
par la vollaïsation produite par la pile: les 
hautes tensions constituent la franklinisation et 
sont produites par la machine slalique. Après 
avoir formulé la loi suivant laquelle l'intensité de 
la réaclion motrice ou sensilive est proportionnelle 
à la varialion du potentiel au point excité, 
M. d'Arsonval introduit celte notion nouvelle en 
Médecine : qu'une excitation électrique donne des 
résultats toujours les mêmes quand sa forme est 
la même, que cetle excilalion provienne d'une 
source électrique quelconque, machine stlalique, 
pile, bobine d'induclion, etc. Ainsi disparait celte 
idée erronée que les effets physiologiques diffèrent 
suivant la source employée. 

L’excilation produile par deux courants iden- 
liques, mais de sens inverse, se succédant sans 
interruption à travers les tissus, ne délermine au- 
cune destruction organique par électrolyse. C’est 
ainsi que M. d'Arsonval a été amené à introduire 
en Électrothérapie l'usage des courants alternatifs 
sinusoïdaux pour l'élat variable, courants dont les 
propriélés sont fort précieuses, puisque, à basse 
fréquence et à bas potentiel, leur passage à travers 
l'organisme n'est pas senli, tandis qu'il augmente 
considérablement les échanges nutritifs; d’aulre 
part, à fréquence et à potentiel moyens, ilfaitcon- 
tracter violemment lous les muscles tant à fibres 
lisses qu'à fibres striées, et cela sans douleur. 
En augmentant le potentiel, on a des courants 
qui semblent donner la mort; mais celle-ci n'est 
qu'apparente, élant due à une simple inhibition de 
la respiration. Et, en effet, les Américains ont pu 
ramener à la vie plusieurs de leurs criminels élec- 
trocutés. Enfin, à fréquence et à potentiel très 
élevés, les courants alternatifs sinusoïdaux donnent 
naissance à des phénomènes bien inattendus et qui 
paraissent devoir être mis à profit par la (héra- 
peutique. Ces faits, qui ont été complètement 
exposés dans cette Aevue !, n'ont pas encore donné 
des résullats applicables à la clinique: mais ils 
nous permettent d'entrevoir la portée qu'ils 
peuvent peut-être un jour acquérir dans le traite- 


1 Voyez à ce sujet. L. Ozrvier : Les propriétés physiques 
et physiologiques des courants électriques alternatils, dans 
la Revue du 15 mai 1894, t. V, pages 313 à 321. 


978 


D: M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE 


ment des maladies infectieuses, puisque MM. d’Ar- 
sonval et Charrin, ayant injecté dans les tissus 
d’un animal vivant des bacilles pyocianiques, ont 
obtenu une atténuation sur place. 


V 


M. Marfan, abordant « la fatique el le surmenage », 
nous amène sur un terrain d’aclualilé. Sile terme 
de surmenage n'est pas nouveau, on lui a certes 
donné une extension qu'il n'avait pas eue jus- 
qu’alors. Les médecins d'abord, puis les psycho- 
logues, qui constituent la catégorie des roman- 
ciers, ont jeté dans le public cette idée que la vie 
moderne, par les efforts constants qu’elle nécessite, 
joints aux excilalions répétées des agréments de 
l'existence, amène les faibles au surmenage et 
peut créer de loutes pièces la prédisposition qui 
s'accuse dans la descendance. 

CI. Bernard a fixé le premier anneau de cette 
chaine pathologique en démontrant que toute ma- 
nifestalion vilale est liée à une destruction de 
malière vivante. L'accumulalion des déchets 
amène la fatigue; si les conditions qui réalisent 
celle-ci sont poussées à un degré plus élevé, le 
surmenage passager apparait; que la cause per- 
siste, et l’élat de surmenage se trouve consli- 
tué. Suivant l'organe soumis au travail, le sur- 
menage prédominera sur tel ou tel appareil; 
mais son influence se diffuse dans tout l’orga- 
nisme, car il s’agit d’un poisonqui,pours'éliminer, 
emprunte la voie du milieu intérieur. 

Peter, dans sa lutte entêlée contre les doctrines 
pastoriennes, avait invoqué un fait d'observation 
que les recherches expérimentales ont confirmé : 
c'est qu’à côté de la fièvre typhoïde, maladie spéci- 
fique, il existe toute une gamme d’états typhoïdes 
résultant de l’auto-typhisation, dans la pathogénie 
desquels le surmenage reverdique la première 
place !. Cependant le problème n’est pas encore 
complètement élucidé : car, si la fatigue et le sur- 
menage font naître dans l'organisme des poisons 
cellulaires, il con vient de ne pas négliger l'apport 
des toxines bactériennes résultant de la virulence 
que peuvent acquérir, grâce à cette dystrophie, les 
habitants qui constituent la flore microbienne in- 
testinale à l’état physiologique. Ce sont là des faits 
que le D' Marfan n’a pas peu contribué à répandre: 
car, depuis plusieurs années, dans des publications 
diverses,il est revenu sur ce sujet. Les expériences 
sur lesquelles ilappuie ses démonstralions sont em- 


! C'était là, contre les doctrines pastoriennes, un pitoyable 
argument. Pasteur n'avaitil pas établi — notamment par la 


célèbre expérience du refroidissement des poules — que la 
maladie microbienne est fonction de ces deux variables indé- 
pendantes : l’état du micro be et l’état de l'organisme? C’est à 


Pasteur que l'on doit la notion scientifique de l’état de T'ÉCEp= 
livilé, (Note de la Direction.) 


prunlées aux lecons de M. Bouchard sur les auto- 
intoxications, qui, parsesrecherchessurles poisons 


de l'organisme et sur latoxicité urinaire en rapport: 
avec le surmenage, a le premier posé nettement la. 


question. 
Dans les quelques pages que M. Marfan consacre 


aux causes et aux effets du surmenage mental, M 


se trouvent habilement amalgamés une foule de 


faits d'apparence disparale, mais dont la réunion . 


apporte quelque lumière à un sujet resté jusqu'ici 
plein d’obscurité. 
NI 

Aborder l'étude de la prédisposition et de l’im- 
munité, c’est là un terrain ardu, hérissé de diffi- 
cultés, d’incerlitudes, d'obseurités même.Les quel- 
ques pathologistes qui se sont aventurés dans celte 
voie ont été arrêtés par les objections qui surgis: 
sent de toutes parts. M. Bourcy s’est tenu habile- 
ment à l’abri des critiques dans ce périlleux sujet. 


Il a exposé avec clarté el méthode les faits apportés 


par la tradition, qu'il a reliée d’une façon fort inté- 
ressante aux recherches contemporaines. Cepen- 
dant M. Bourcy ne s’esl pas contenté d'enregistrer 
le bilan actuel de nos connaissances : on rencontre 
dans chacun de ses chapitres des discussions très 
judicieuses et, à défaut de conclusions, une mise 
au point parfaite des questions ainsi soulevées. 

Dans l’étude de la prédisposition M. Bourcy 
passe en revue l'influence de l'âge, du sexe, de la 
race, de la constitution, du tempérament, des pro- 
fessions, du climat et des maladies antérieures. Le 
rôle de la prédisposilion est si imporlant pendant 
la période de croissance, que la pathologie infan- 
tile présente des maladies et des modalités mor- 
bides uniquement altribuables à la nature du ter- 
rain en voie d’accroissement. 

L'athrepsie, le rachilisme, les ostéomyélites, la 
chorée, la chlorose, elc., sontdes affections liées à 
l’évolution. L'influence du sexe n’est pas moins 
intéressante à constater : la menstruation, la gros- 
sesse, la laclalion, la ménopause, créent des con- 
ditions physiques et morales en rapport avec les 
fonctions. La prédisposition dépendant des races 
était connue dès la plus haute antiquité. La race 
nègre présente une pathologie spéciale dépendant 
de causes multiples : la race, le milieu, le climat, 
s'associent pour réaliser des conditions morbides 
particulières. Dans la race blanche les Anglo- 
Saxons ont des aplitudes spéciales pour la goutte 
et surtout pour la scarlaline, particulièrement 
grave pour les Anglais, même lorsque cette 
maladie est contractée à l'étranger. En France, 
dans les provinces qui ont élé longtemps soumises 
à la dominalion anglaise et où la race anglo- 
saxonne à marqué son empreinte, la scarlaline est 


hésité Sont SRE 4 


shéesistst 


plus fréquente que dans les autres régions. En ce 
“qui concerne la race juive, M. Bouchard considère 
que les prédispositions spéciales qu'on lui a attri- 
_ buées, relèvent moins de la race que de l’exis- 
ge _Lence de citadins que les Juifs mènent depuis des 
“siècles et que les mariages entre eux transmettent 
et concentrent. Cependant M. Zambacco cite un 
exemple qui révèle un véritable attribut de race. 
L Constantinople, les Juifs d’origine sémilique sont 


fréquemment atteints par la lèpre, tandis que les 
“Juifs karaïtes restent toujours indemnes; or 
M. Lagneau a établi que ceux-ci n’ont adopté le 
judaïsme que vers le milieu du virr° siècle. 

Siles documents de valeur sur la prédisposition 
sont rares, il n’en est pas de même de l’émmunile, 

C'est là une question déjà traitée par plusieurs 
“savants dans la Revue générale des Sciences. M. Bou- 
 chard en a fait un exposé magistral au Congrès de 
“Médecine de Berlin et, depuis lors, la sérothérapie 
est devenue une méthode d’une valeur désormais 
‘incontestable. 


VII 3 

Le rôle de l’Aérédité dans la pathologie générale 
est un sujet vaste, prètant aux considéralions phi- 
-losophiques et pour lequel les siècles passés ont 
- apporté une ample moisson de documents. C'était 
une tâche difficile que de discerner, parmi tant 
- de matériaux, ceux qui présentent un intérêt 
. réel. Grâce à M. Legendre, celte question est de- 
- venue claire, précise et d’une lecture des plus 

agréables. Le style élégant etlaforme très littéraire, 
qui font considérer M. Legendre comme un des 
- plus brillants écrivains médicaux de notre époque, 
. ne contribuent pas peu à faire valoir cette partie 
. de l'ouvrage. 

Suivant cet auteur, l'hérédité est la transmission à 
l'être procréé des caractères, attributs et propriétés 
des généraleurs. Le secret de l'hérédité réside 
dans la généalogie ininterrompue des différentes 
parties de la cellule. Parmi celles-ci M. Bouchard 
considère qu'au protoplasma est dévolu un rôle 
capital : car, sila matière qui le constitue se renou- 
velle, par contre sa composition chimique est 
stable et héréditaire ; or c’est d'elle que relève le 
type nutrilif. 

Cet héritage ancestral d'un nouvel être se 
modifie par les différentes influences de milieux : 
alimentation, climat, mode d’existence, elc.,et par 
les intoxications, Charrin ayant délerminé l’infan- 
tilisme expérimental à l’aide de produits solubles 
pyocyaniques. L'action de l'alcool dans le cas 
du virus syphililique constitue une expérience 
réalisée journellement par la clinique. Dans la 
goutte et les affections dites arthritiques, le rôle 
du ralentissement de la nutrition transmis par 
les ascendants est aujourd'hui un fait démontré. 


° M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE 9719 


Recherchant le rôle de l'hérédité dans les dys- 
trophies élémentaires, M. Legendre envisage son 
action dans la chlorose, l’hémophilie, le purpura, 
l’artério-sclérose, le rachitisme, ele. L’hérédité du 
cancer est discutée à l'aide d'arguments ingénieux ; 
après avoir cité des exemples qui démontrent l’al- 
ternance entre les grossesses gémellaires et le can- 
cer, il signale la considération suivante : le can- 
céreux peut engendrer des enfants qui portent déjà 
leurcancer, tandis que les enfants des tuberculeux 
naissent avec la prédisposition à contracter la lu- 
berculose. 

Pour établir l'hérédité dans les maladies du sys- 
tème nerveux, l’auteur a puisé dans l'abondante 
bibliographie réunie dans la thèse d’agrégation 
de M. Dejerine. Le côté philosophique et social 
est bien mis en relief dans les pages consacrées 
à l'hérédilé de la tendance au vol, des pas- 
sions, du jeu, de l'avarice, du libertinage, du 
suicide, etc. Indiquant les stigmates physiques et 
psychiques de la dégénérescence, M. Legendre 
nousconduitrapidementàtraversses étapes, depuis 
l'idiot complet jusqu à l'imbécile, au débile et au 
dégénéré supérieur, dont certains écrivains moder- 
nes nous ont montré la présence prédominante 
dans les classes sociales qui s’intitulent dirigeantes. 

Si la dégénérescence est fàcheuse pour l'individu, 
elle est, par contre, bienfaisante pour l'espèce. Car 
les dégénérés sont frappésavec prédilection par les 
agents pathogènes, quiempêchentainsi l'extension 
indéfinie de nouveaux types pathologiques. Les 
descendants des individus trop tarés sontinféconds 
ou meurent jeunes. La loi d’'hérédité morbide est 
donc défensive au point de vue social. Mais le 
médecin, n'étant pas appelé à envisager des faits 
d’une si haute portée, est, au contraire, convié à 
lutter contre les effets désastreux de l’hérédité sur 
l'individu. M. Legendre montre, par un exemple 
probant, que leclinicien peut agir activement contre 
les tares héréditaires au point d'annuler leurs 
funestes effets. En profond moraliste, il considère 
l'hérédité comme la solidarité entreles généralions 
successives: « Elle pourrait être, dit-il, le plus puis- 
sant facteur du progrès humain, si chacun était 
convaincu que les actes de sa vie doivent retentir 
sur sa descendance. » Cette notion n'est certespoint 
d'acquisition récente, et, pour le prouver, M. Le- 
gendre à fort spirituellement choisi comme épi- 
graphe ce passage de l'Écriture, emprunté à un 
prophète qui s’est acquis une certaine réputation 
par ses prédictions lamentables : 

Les pères ont mangé des raisins verts, 
Et les dents des enfants en ont été agacées. 


D' Maurice Springer, 
Chef de laboratoire 
à la Clinique médicale de la Charité. 


980 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS 
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LE RETOUR DU COURANT DANS LES LIGNES DE TRAMWAYS ÉLECTRIQUES ET LA SOUDURE DES RAILS — 
EXEMPLES DE TRANSPORT D'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE À GRANDE DISTANCE . 


Un grand nombre de systèmes de tramways élec- 
triques ont déjà été mis en exploitation : systèmes à 
accumulateurs, à conducteur souterrain, à conducteur 
aérien. Ge sont ces derniers que nous prendrons cons- 
tamment comme exemple, bien que ce que nous allons 
dire puisse, en général, s'appliquer aux tramways à 
conducteur souterrain. Les tramways à conducteur 
aérien sont d’ailleurs de beaucoup les plus répandus. 
Un fil est suspendu en l’air au-dessus et tout du long 
de la voie. C’est lui qui amène le courant. Celui-ci, par 
l'intermédiaire du trolley, petite poulie qui est portée 


par la voiture et qui roule au contact du fil, se rend 


dans les moteurs des essieux et les actionne. Il s’agit 
maintenant de lui permettre de getourner à la dynamo. 
On a parfois adopté dans ce but un second trolley et 
un second fil parallèle au premier, à Cincinnati (Etats- 
Unis), par exemple. Cette solution, parfaite au point 
de vue électrique, a le grave inconvénient de doubler 
le réseau de fils aériens, Aussi l’usage ne s’en est-il 
pas répandu, En général, on se sert tout simplement, 
comme circuit de retour, des roues de la voiture et 
des rails. Mais celle question n’est pas aussi simple 
que ne le croyaient, au premier abord, les ingénieurs 
électriciens. Les rails sont formés de petits bouts de 
quelques mètres, 8 ou 10 par exemple, réunis par des 
éclisses et des boulons, Ces points de jonction offrent 
une grande résistance au passage de l'électricité, On 
avait bien compté sur la terre pour aider le courant à 
aller d'un troncon de rail au suivant. Mais la terre, 
en dépit de l’excellente réputation qu'on lui fait à ce 
sujet, est très mauvaise conductrice. Pour diminuer la 
résistance du joint, on a placé un fil de cuivre, dont 
les extrémités étaient serrées par les têtes des boulons 
des éclisses. C’est le système employé par les Compa- 
snies américaines de Chemins de fer. Il suffit parfai- 
tement pour l'envoi de leurs signaux électriques, qui 
utilisent que de faibles courants. Mais il est insuffi- 
sant pour les forts courants que nécessitent les 
tramways. Et l'on s’en apercut bientôt. Les conduites 
d’eau et de gaz, ainsi que les câbles téléphoniques sous 
plomb passant aux environs des voies, présentèrent, 
au bout de très peu de mois, un nombre de fuites ou 
de défauts tout à fait anormal, Et, quand on les eut 
mis äu jour, on conslata qu'en beaucoup d’endroits 
ils élaient complètement rongés, comme par l’action 
d’un acide. Evidemment, c'était l'électricité qui était 
la coupable. Le courant, trouvant trop de résistance à 
chaque joint, se répandait à travers le sol, trouvait les 
tuyaux métalliques qui lui offraieut une voie facile, et 
les suivait aussi longtemps que possible pour re- 
tourner ensuite à la dynamo, Par électrolyse, il met- 
tait en liberté, au voisinage des tuyaux, les acides 
de certains sels contenus dans le sol. Les Compa- 
gnies du Gaz, des Eaux et des Téléphones firent 
entendre des réclamations vives et fondées. Il fallut 
chercher à faire disparaître le mal. On s’efforca tout 
d’abord de trouver des combinaisons capables de dimi- 
nuer l'attaque des tuyaux métalliques. Mais ce ne pou- 
vait être là qu'une demi-mesure. Le véritable remède 
était de former avec les rails un circuit continu aussi 
peu résistant que possible. On a augmenté, dans ce 
but le diamètre et le nombre des fils de cuivre con- 
nectant les troncons de rail, et on a cherché à obtenir 
une surface de contactaussi grande que possible entre 
ceux-ci et le cuivre, tout en conservant une facilité de 
pose suffisante, Nous ne nous étendrons pas aujour- 


d'hui sur les systèmes qui dérivent de ces idées, etils. 
sont nombreux ; nous aborderons immédiatement lé- 
tude d’une méthode toute différente et beaucoup plus . 
radicale, Les jonclions des troncons de rail étaient les » 
points défectueux et d’où venait tout le mal, Un excel-. 
lent parti était de les supprimer en les soudant. Il y. 
eut toutefois une grande hésitation avant que les ingé- … 
nieurs s’y résolussent. Dans la méthode ordinaire de 
pose des rails, on sait que, entre un troncon et le sui- . 
vant, on laisse un petit vide qui permet au métal de . 
se dilater librement pendant les chaleurs. Si le vide 
n'est pas suftisant, les deux extrémités peuvent venir 
au contact, et, la chaleuraugmentant encore, le rail est. 
exposé à se soulever et à se tordre. Que se passerait-il, 
si un rail était continu dans toute sa longueur ? Admet-. 
tons un rail de {10 kilomètres de long, une augmen-. 
tation de température de 10° et un coeflicient de dila- 
tation linéaire de 0,000011, ce qui est à peu près exact. 
D'après ces conditions, l'allongement, d'après la for- 
mule bien connue !, sera en mètres : 


dl = 10.000 X 0,000011 X 10 = 1,10. 


Il était impossible, on le comprend, de songer à 
laisser prendre au rail uñ tel allongement. Ses bou- 
lons d'attache et les nombreuses courbes qu’en général 
il fait, ne le permettraient pas. La dilatalion ne pou- 
vaut se produire, le métal développerait, contre tous 
les obstacles qui l'empêcheraient, une résistance con- 
sidérable, mais dont on n’avait et dont on ne pouvait. 
avoir qu'une idée approximative. Et si ces obstacles 
n’élaient pas suffisants, ne se produirait-il pas un jour … 
de grande chaleur les plus graves accidents? les rails 
se soulèveraient et se briseraient, les pavés, tout du 
long de la voie, seraient enlevés et projetés, les voi- 
tures en circulation seraient renversées. Tout cela 
n'était pas certain, mais était parfaitement possible. 
Devant une telle perspective, on avait le droit d'hési- 
ter; et chacun, désireux de connaitre le’ résultat de 
l'expérience, comptait sur son voisin pour l’exécuter, 
Ce sont les ingénieurs américains, avec leur audace 
ordinaire, qui se sont les premiers résolus à tenter 
l'aventure. Un certain nombre de Compagnies com- 


Fig. 1. — Schémamontrant la disposilion adoptée dans 
les premières soudures électriques. — R, R, coupe ho- 
rizontale de deux extrémités de rail; E, E, éclisses 
particulières adoptées pour la soudure; p, petite 
plaque d'acier entrée à force entre les deux rails ; 
S,S, $, S, Soudure. 


mencèrent d'abord par juxtaposerles troncons du rail, 

sans autre souci de l'allongement produit par la cha: 
leur que de construire la voie aussi solidement que 
possible, Il ne parut résulter de cette pratique aucun 
inconvénient, La Johnson Company de Johnstown (Pen- 
RARE CRUEL D D QE RER TE RER 


‘ di. allongement; «, coef. de dilatation; {/, températures 


> 


' 


deux fois, chaque 
_ bout de rail étant 


_sylvanie) alla plus loin et entreprit de souder les 
ails. Elle fit une première expérience pratique sur un 


ù troncon de ligne de la West End Street Railway Com- 


-pany de Boston, Massachusetts !. Voici comment elle 
“opérait (fig. 1): les éclisses étaient enlevées et les 
extrémités des rails RR soigneusement nettoyées au 
moyen d’une petite 

meule en émeri por- + 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


981 


Si un bout de rail, par exemple, avait basculé sous 
l'action du poids de la voiture, l'une des extrémités 
se serait relevée, et le joint, outre que par son défaut 
d'horizontalité il aurait rendu la voie mauvaise, se 
serait trouvé exposé à des efforts (trop considérables 
qui l’auraient brisé en peu de temps. 

Dans une voiture 
possédant en même 


tée au bout d'un ar- 
breflexible. Un coin T 
d'acier p était en- 
tré à force entre les 
deux troncons de 
rail, et, de chaque 


temps les appareils 
moteurs des voitu- 
res ordinaires, é- 
taient contenus les 
appareils nécessai- 
res à la soudure. La 


côté, étaient alors 
placées des éclisses 
EE d’une forme par- 
_ticulière, La sou- 
dure se faisait en 


_ séparément soudé 
électriquement aux 
éclisses. Celles-ci, 
pendant l'opéra - 
tion, étaient main- 
tenues en place et 
serrées par les mà- 
choires d'un fort 
étau servant en mèê- 
me temps à amener 
un courant de fai- 
ble voltage mais de 
très forte intensité, 
qui portait en quel- 
ques minutes au rouge 
ques en contact où lui 
relativement grande. La 


F, fil de trolley; T, trolley: 
rupteurs; G, ampèremètre ; 


le retour du courant extérieur. 


blanc les surfaces métalli- 
était offerte une résistance 
pression exercée suflit alors 
pour former la soudure, Le premier essai ne fut pas 
très heureux. Un grand nombre de joints se brisè- 
rent bientôt, non pas à l'endroit même du joint, mais 
à quelques centimètres à côté. Les ingénieurs de la 
Johnson Company ne se découragèrent pas. Ils ne vou- 
lurent voir, 
comme cause 
de leur insuc- 
cès, qu’un 
mauvais pro- 
cédé de tra- 
vail et se mi- 
rent à cher- 
cher des per- 
fectionne - 
ments à leur 
méthode, Un 
second essai 
fut fait sur le 
Baden and 
Suint - Louis 
Railway de 
Saint - Fouis, 
Mississipi. 
Lavoie, qui 
présente de 
nombreuses 
courbes, fut 
complète - 
mentposécet 
les rails soigneusement mis en place avant de com- 
mencer les soudures. C’est, qu’en effet, si on les avait 
faites au fur et à mesure de la construction de la 
voie, Les rails auraient été insuffisamment assujettis, 
la voiture contenant les appareils de soudure les aurait 
dérangés, et le joint aurait eu une position défectueuse. 


Coupe du rail à l'endroit du joint. 
Fig. 3. — Délails des disposilions employées pour la soudure électrique des rails. — 
RES EC 1 Se 2 QUIGE Se 
R, R', extrémités des deux troncons de rail; Ty, To, Ta, T,, tasseaux d’acier qui for- 

D MR A AS CRT | DNA É LS 
meront après la soudure de jonction des deux bouts de rail; e, partie supérieure du 
joint; un bourrelet s'y forme pendant la soudure, bourrelet que l’on fait ensuite dis- 
paraître à coups de marteau-pilon. 


1 P. Dawson. Electric traction (s'rie d'articles parus dans 
Engineering). 


Fig. 2. — Montage des GRpareils pour la soudure électrique du rail. — 

À, interrupteur automatique ; I, l', inter- 
M, moteur transformateur produisant le 
courant alternatif; B, bobine de self-induction à noyau mobile servant 
de rhtostat; S, transformateur ; D, circuit à gros fil de transformateur ; 
r, rail à souder maintenu entre deux tasseaux {, l';R, rail servant pour 


figure 2 donne le 
schéma deleur mon- 
tage. Le courant 
continu, pris sur le 
fil F,. passe, par 
l'intermédiaire du 
trolley T, d'un in- 
terrupteur auloma- 
tique À, d’un inter- 
rupteur ordinaire I 
el d’un ampèremè- 
tre G, dans un trans- 
formateur - moteur 
M,et de là retourne 
à la machine géné- 
ratrice par le cir- 
cuit des rails R. Le 
moteur M fournit 
un courant alterna- 
tif à basse tension, 
alimentantle circuit 
à Gil fin d’un transformateur ordinaire S qui abaisse la 
tension aux bornes du gros fil D à 2 ou 3 volts. Un inter- 
rupteur l' permet de supprimer le courant, et une 
bobine de selfinduction à noyau mobile, de le régler. 
La voiture qui porte ces appareils pèse en tout 30 tonnes. 
Elle est précédée par une autre qui porte des arbres 
flexibles et de petites roues à l’émeri et prépare l'o- 
pération en polissant les extrémités des rails sur une 
largeur de 5 
centimètres 
de chaque cô- 
té. Ensuite 
vient la « voi- 
ture-soudeu - 
se ». Elle pas- 
se tout en- 
tière sur le 
join pepe 
soude de l’ar- 
rière. Ce mo- 
de d'opérer 
lui permet de 
conlinuer son 
travail sans 
avoir à pas- 
ser sur un 
joint nouvel- 
lement fait 
et encore 
chaud . Les 
extrémités 
des rails à 
souder sont 
rapprochées autant qu'il est possible en enfoncant 
un coin dans le joint suivant. La soudure se fait en 
deux fois, au moyen de quatre petits tasseaux d'acier 
T, T, TI, T, (fig. 3). T, et T,, serrés par les mâchoi- 
res d'un étau, sont d'abord soudés; puis T, et T,. 
Quelques tours de main sont nécessaires pour me- 
ner à bien ces deux opérations successives, dont la 
seconde , par l’échauffement qu'elle produit, pour- 
rait nuire aux résultats de la première. Quand le 


] 


Rail vu de côté à l'endroit du joint. 


982 


joint est terminé, un marteau-pilon, porté par la voi- 
ture, en bat la partie supérieure ce (fig. 3) afin d’aplatir 
le bourrelet qui s’est formé. Pour préparer un jointet 
l’exécuter, il faut de 12 à 15 minutes; la soudure pro- 
prement dite n’en demandant qu'une ou deux. Son 
prix de revient est de 15 à 18 francs. Le courant 
continu, pris sur la ligne du trolley à la tension de 
500 volts, estde 250 ampères. Il est transformé en cou- 
rant alternatif, et la tension est ensuite abaissée à 2 
ou 3 volts, ce qui correspond, avec les pertes, à une 
intensité probable de 40.000 à 50.000 ampères,. 

La soudure électrique a également été adoptée par 
The Nassau Electric Railway Company de Brooklyn, New- 
York. Le système employé est, à peu de choses près, 
celui que nous venons de décrire. Iln’y à que quelques 
différences de détails. Les appareils sont portés par 
deux voitures; le moteur-générateur se trouve dans la 
première, le transformateur dans la seconde. Les tas- 
seaux, un peu plus larges que dans le cas précédent, 
sont maintenus hydrauliquement au lieu de l'être par 
un étau. Enfin, le rail, aux environs du joint, est recou- 


vert d’une composition ignifuge, dans le but d’éviter 


les déperditions de chaleur pendant l'opération. 

A côté du procédé électrique de soudure des rails, 
en à surgi un autre, employé par The Falk Manufactu- 
ring Company, de Milwaukee, qui paraît être plus simple 
el probablement moins coûteux. Le système consiste 
à couler autour du joint un bloc de fonte, L'appareil- 
lage se compose d’une petite fonderie roulante com. 
prenant un cubilot, une chaudière, une machine à va- 
peur et un ventilateur. Les extrémités à réunir sont 
parfaitement nettoyées; puis, de chaque côté, on place 
un moule en fonte, garni intérieurement d’une compo- 
silion particulière et préalablement chauffé au rouge. 
Le fond est formé d'une couche de sable, et les rem- 
plissages latéraux sont faits au moyen d’argile. On 
coule la fonte, on attend une dizaine de minutes que 
le tout soit suffisamment refroidi, eton enlève le moule. 
Une équipe de six à huit bommes, disposant d’un seul 
cubilot peut faire plus de cent soudures par jour. Cha- 
cune d'elles revient à environ 15 francs. 

Quel est l’avenir réservé à ces diverses méthodes ? Il 
est encore trop tôt pour se prononcer, 12 à 13 kilo- 
mètres de rails ont été soudées à Saint-Louis, et 100 
environ à Brooklyn, dans le courant de l’année der- 
nière. Jusqu'ici toutes ces voies paraissent s'être bien 
comportées. Mais elles n’ont pas encore subi l'épreuve 
d’un assez long temps pour que l’on puisse escompter 
le résultat qu’elles ont donné, si encourageant qu'il 
soit, La soudure est, certes, une solution parfaite au 
point de vue électrique. Les circonstances permettront- 
elles qu’elle soit universellement acceptée? Un doute 
semble subsister dans lesprit des ingénieurs. M. P. 
Dawson, après son retour d'Amérique, où il avait soi- 
sneusement étudié la traction électrique, disait, en 
Octobre 1894, au Comité de l’Associalion des anciens 
élèves de l'Institut Electro-technique Monteliore 
« En renouvelant les pavés, il faut avoir soin de ne pas 
découvrir une trop grande section à la fois, sinon les 
rails s’élèveraient et iraient peut-être se projeter dans 
le second élage des maisons. » Voilà certes une pers- 
pective qui invite à la réflexion et à la prudence. 


L'un des molifs qui pourraient faire rejeter une 
transmission d'énergie à longue distance serait le ren- 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


dement dérisoire de l’installalion. Mais Ja perte en 
ligne diminue, toutes choses égales d’ailleurs, au fur 
et à mesure que la tension augmente, Par conséquent, … 
pour une distance donnée, il ÿ à un certain voltage qui 
permet de faire la transmission dans des conditions 
économiques acceptables. Lors de l'établissement des . 
premiers réseaux à haute tension, on ne dépassait pas 
2 à 3.000 volts; puis quelques audacieux se sont aven- 
turés jusqu'à # ou 5.000. Et, l'expérience ayant réussi, 
on est allé jusqu’à 10.000. Nous citerons deux exemples 
d'emploi de cette dernière tension. 

Le premier nous est fourni par une communication 
de M. G.-H. Winslow, au 12° Congrès de The. American 
Institute of Electrical Engineers (Juin 1895). L'auteur à 
dirigé, vers la fin de 1892, la construction d’une usine 
hydraulique utilisant les chutes de la montagne San 
Antonio. Cette usine alimente deux sous-stations si- 
tuées l’une à Pomona, à une distance de 13 miles 3/4, 
et l’autre à San Bernardino (Californie), à une distance 
de 28 miles 3/4; 13 miles 3/# et 28 miles 3/4 valent 
respectivement de 22 à 25 kilomètres, et de 46 à 52 ki- 
lomètres selon le genre de miles dont il s’agit. Il n’exis- 
tait tout d’abord qu’un seul alternateur de 120 kilo- 
wats (160 chevaux). En Janvier 1894, on en a ajouté un 
second !, Ces alternateurs produisent J2 courant sous 
une tension de 1.100 volts environ, que des transfor- 
mateurs élèvent ensuite à 10.000. La méthode employée 
est originale et mérite d'être signalée. À chaque alter- 
nateur est relié un groupe de 20 transformateurs. Les 
primaires sont mis en quantité et reliés aux bornes de 
la génératrice. Les secondaires, dont les bornes respec- 
tives présentent une différence de potentiel de 560 volts, 
sont au contraire réunis en série, Aux sous-stalions, 
par une disposition analogue, on abaisse la tension à 
1.000 volts. Une telle manière de procéder étail exces- 
sivement prudente et aurait permis, par un autre 
groupement des transformateurs, d'employer le long 
de la ligne une tension moins forte, si la pratique 
avait fait rejeter celle de 10.000 volts. 

American Machinist? nous cite un second exemple 
plus récent, mais aussi beaucoup plus important : celui 
de Sacramento (Californie). L’usine génératrice est à 
une distance de cette ville de 24 miles (38 à #4 kilo- 
mètres). Les turbines sont au nombre de 4, accouplées 
directement à des dynamos triphasées de 1.000 che- 
vaux chacune, Des transformateurs élèvent le voltage 
initial (dont la valeur ne nous est pas donnée) jusqu’à 
10.000 volts, et c’est sous cette tension qu'est transmis 
le courant au moyen de càbles aériens. La perte en 
ligne est de 20 °/,, de sorte que la puissance utilisable 
représente environ 3.2: 0 chevaux. C’est, parail-il, beau- 
coup plus qu’il n’en faut. Aussi l'énergie électrique, 
qui se vend certainement à très bas prix, est-elle em- 


-ployée à tous les usages : éclairage, production de la 


force motrice, chauffage des appartements et des 
fourneaux de cuisine, etc. La mise en service de 
l'installation a eu lieu le 15 Juillet dernier avec plein 
succès. Nous souhaitons que le succès soit durable : 
des exemples heureux de transmission à si longue dis- 
tance et à si haut voltage ne peuvent qu'être favorables 
au développement de lélectricité. 
À. Gay, 


Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. 


1 Western Electrician, n° du 17 Août 1895. 
2 No du 95 Juillet. 


1° Sciences mathématiques. 


Poincaré (Henri), Membre de lInstitut, Professeur à 
| la Facullé des Sciences de Paris. — Les Oseillations 


i | ANALYSES ET INDEX 
è 


électriques. Lecons professées pendant le premier tri- 

mestre 1892-1893, rédigées par Ch. Maurin, Agrégé de 

l'Université, — 1 vol. in-8& de 350 p. avec fig. (Prix : 

12fr.) G. Carré, 3, rue Racine, Paris, 1895, 

La science des oscillations électriques, née d'hier, est 
encore dans sa prime jeunesse : les contours s’en des- 
sinent vaguement, et l’œuvre expérimentale dans ce 
domaine est (rop peu avancée pour permettre que 
chaque problème qui s’y rattache soit l’objet d’une 
investigation mathématique rigoureuse. 

Nous n'y trouvons point, comme dans les sujets 


- exposés déjà par lillustre mathématicien, — les 
théories de l'élasticité et de la propagation de la cha- 
leur par exemple — un terrain solide, permettant 


d’échafauder avec sécurité des calculs dont le résultat 
sera l'expression exacte d'un phénomène. On défriche 
encore, cherchant en gros la voie que, plus lard, on 
rendra carrossable, 

Aussi les mathématiques, accompagnant l'exposé des 
expériences qu'elles expliquent et complètent, sont- 
elles rarement ici d’une rigueur qui eût été superflue, 
Souvent le problème est côtoyé par des moyens d’une 
- extrêmes mplicité, el l’on reste émerveillé de la facilité 
« avec laquelle on est conduit tout près de la solution, 
aussi près du moins que l'expérience le permet, tandis 
qu’en voulant s'approcher encore davantage, on cour- 
rait à d'inextricables et inutiles difficultés. 

L'ouvrage classique de Maxwell, d’où procèdent nos 
notions modernes de la science électrique, laisse l’es- 
prit un peu dans le vague. On y retrouve des vestiges 
des anciennes théories amalgamées aux idées dont le 
grand physicien de Cambridge fut le promoteur et 
Japôtre. Hertz entreprit d’abord d'en unilier l'idée. Sans 
s'attacher trop au texte, il admit que les théories de 
- Maxwell étaient caractérisées par les équations aux- 
quelles il arrive, et il chercha à les retrouver en par- 
- tant d’un point de vue unique. C’est aussi de là que 

part M. Poincaré, et, pour ceux qui ont été élevés dans 
- la terminologie ancienne, il en résulte un instant 
. d’embarras, L’électricite n'existe plus que comme 
résultat d’un calcul; la chose simple, c’est la force élec- 
trique qui permettrait d'épuiser le sujet sans que l’ex- 
pression analytique représentant ce que les anciennes 
théories nomment l'électricité y soit une seule fois posée. 
Les hypothèses de la nouvelle théorie, qui sont dis- 
cutées au début de l'ouvrage, sont d'abord : l’unité du 
champ électrique et du champ magnétique, la conser- 
vation de l'électricité et du magnétisme, la conserva- 
tion de l'énergie, les lois de Joule et d'Ohm, 

La première hypothèse consiste à admettre qu'un 
champ magnétique produit par un courant possédera 
toutes les propriétés d’un champ dû à un aimant, et de 
même pour un champ électrique; les deux espèces de 
champs sont alors entièrement définis par deux sys- 
tèmes de vecteurs, auxquels il suffira d'imposer les 
conditions prescrites par les autres lois. 

Ces principes, exposés dans les premiers chapitres 
du cours, sont rapportés à la notation de Hertz; mais, 
pour la facilité de la comparaison, les équations de 
Maxwell sont aussi indiquées. C’est alors seulement que 
l’on aborde l'étude des oscillations électriques par 
l'exposé de la théorie de Lord Kelvin, les expériences 
de Feddersen et de M. Moutonet enfin celles de Hertz. 

Dirons-nous comment l'importance de la découverte 
de l’étincelle excitatrice est rendue pour ainsi dire tan- 


COS PT A 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


983 


BIBLIOGRAPHIE 


sible? « Pour faire oscillerun pendule, il faut l’écarter de 
sa position d'équilibre, et faire disparaître la cause qui 
le maintenait écarté de celte position. Mais il faut que 
celle cause disparaisse rapidement, en un temps petit 
par rapport à la durée d’une oscillation. Si, par 
exemple, ce temps était le quart de la durée d’une 
oscillation complète, le pendule serait justement 
revenu à sa position d'équilibre et n’oscillerait pas. » 
C’est pour cette cause que l’étincelle, d’une durée 
totale beaucoup moindre que celle d’une oscillalion, 
provoque celte dernière, ce qu'aucun dispositif méca- 
nique n’eùt permis de réaliser pour des oscillations 
dont la longueur d'onde fût inférieure à des centaines 
de kilomètres. Les premières expériences de Hertz per- 
mettaient déjà d'affirmer que la durée de l’étincelle 
excitatrice était inférieure à un milliardième de seconde. 
Les recherches récentes de M. Lebedef, qui a abaissé la 
longueur de l’onde électrique jusqu'à quelques milli- 
mètres, nous montrent que celte étincelle peut ne 
durer qu'un trillionième de seconde. Herlzétait loin, par 
conséquent, d’avoir épuisé Paction du merveilleux ins- 
trument qu'il avait découvert d'une facon toute fortuite. 

La première objection qui se présente à l'esprit à 
propos des expériences de Hertz, se rapporte à la 
capacité et à l'induction propre de la bobine reliée au 
primaire. M. Poincaré montre que celte cause pertur- 
batrice n'intervient pas; puis il indique les petits écarts 
que l’on trouvera en tenant compte de la capacité du 
fil et de la répartition cinématique de l'électricité sur 
les boules de l’excitateur. Toutes ces petites erreurs, 
négligées par Hertz, ne modifient pas sensiblement les 
résultats auxquels il est arrivé, comme on peut s’en 
rendre compte, en calculant, avec toute la rigueur que 
le problème comporte, ces corrections pour des dispo- 
sitifs donnés, celui de M. Blondlot en particulier. 

Le courant de déplacement autour du fil, qui se tra- 
duit par la radiation de l'énergie dans l’espace, et dont 
la théorie élémentaire ne tient aucun compte, pourrail 
introduire des erreurs plus considérables, Le calcul, 
comparé à l'expérience, montre que cette cause pertur- 
batrice peut être à peu près négligée, si l’on s'en tient 
à la durée de l'oscillation. 

Mais les courants de déplacement consomment l’éner- 
gie de l’oscillation, qui s'éteint rapidement. C’est, 
comme on sait, la cause de la résonance multiple, 
découverte par MM. Sarasin et de la Rive, et dont 
M. Poincaré a donné la première théorie exacte etcom- 
plète. L’amortissement, considérable dans le primaire, 
très faible dans le résonateur, suffit pour expliquer 
ce singulier renversement des rôles, le phénomène 
visible dépendant avant tout du récepteur. Cette idée 
de M. Poincaré a, du reste, été vérifiée par M. V. 
Bjerknes et M. Pérot, par une étude de l’amortissement 
dans les diverses parties de l'appareil, puis confirmée 
par lesexpériences de M.Nils Strindberg, qui, en modi- 
fiant convenablement l’excitateur et le résonateur, est 
parvenu à changer le rapport des amortissements, de ma- 
nière à obtenir une longueur d’onde apparente égale à 
celle de l’un ou l’autre des organes. La première partie 
du cours de M. Poincaré est consacré à l'étude de toutes 
les questions relatives aux appareils; la méthode con- 
siste à prendre l’un après l’autre les divers instruments 
employés par les expérimentateurs et à en calculer les 
effets. Le raisonnement s'appuie ainsi sur quelque chose 
de tangible, et l’on est toujours à même de comparer le 
résultat du calcul avec celui de l’expérience, Cette pre- 
mière partie se termine par la relation des expériences 
sur la vitesse de propagation des actions électrodyna- 
miques, et par quelques applications de la théorie, 


984 


Au chapitre VIT, nous quittons la propagation dans 
l'air pour aborder les mouvements dans les corps pos- 
sédant un pouvoir inducteur spécifique différent. C’est 
ici que l’on trouve pour la première fois la confirma- 
tion éclatante de l'idée de Maxwell, relative au pouvoir 
inducteur spécifique comparé au carré de l'indice de 
réfraction. Les dernières expériences ont réservé bien 
des surprises, en montrant que certains écarts trouvés 
en se servant d'ondes optiques disparaissaient comme 
par enchantement lorsqu'on avait recours aux ondula- 
tions électriques. Toutefois, il reste une fissure à com- 
bler en ce qui concerne quelques liquides dont l'indice 
de réfraction optique et électrique est d’un ordre de 
grandeur différent, 

Ce sont de ces-mystères d'aujourd'hui, sur lesquels 
l'avenir nous apportera sans doute quelques lumières. 
Déjà, depuis que M. Poincaré a terminé son cours à la 
Sorbonne, de nouvelles expériences ont éclairci plus 
d'un point resté obscur. Il en est tenu compte dans un 
chapitre additionnel éerit pendant l'impression de 
l'ouvrage. 

Le cours de M. Poincaré est, sans doute, trop près de 
l’époque où les oscillations électriques vinrent si à 
propos populariser l’œuvre de Maxwell, trop contempo- 
rain au développement de cette branche de la science 
électrique pour en être l'expression définitive. I] a bien 
plutôt servi de guide aux recherches, en coordonnant 
le travail déjà fait et en donnant la première vue d’en- 
semble sur des faits encore épars et, pour la plupart, 
insuffisamment discutés. C’est le livre d’une époque, 
auquel il faudra toujours recourir lorsqu'on voudra se 
rendre compte du développement de nos idées sur cette 
question des oscillations électriques. 

Ch.-Ed. GUILLAUME. 


2° Sciences physiques. 


Fuchs (Gotthold). — Anleitung zur Molecularge- 
wichstsbestimmung nach der Beckmann'schen 
Gefrier-und Siede-punktsmethode (Guide pour la 
détermination du poids moléculaire par les méthodes 
cryoscopiques et ébullioscopiques de Beckmann).—1 vol. 
in-8° de 40 p.(Priæ : 1 fr. 50.) Engelnann. Leipzig, 1895. 
Cette petite brochure de 40 pages contient la des- 

cription détaillée du mode opératoire adopté au labo- 

ratoire de M. Beckmann pour effectuer les mesures 
cryoscopiques et ébulliscopiques. En principe, les ap- 
pareils employés par ce savant, surtout pour la cryos- 
copie, ne différent du dispositif de M. Raoult que par 
des détails de construction qui simplifient l'opération. 

De nombreux expérimentateurs ont modilié, chacun à 

son point de vue spécial, l’appareil classique de 

M. Raoult, sans que personne leur ait attribué pour 

cela le mérite de la découverte de la cryoscopie. Si 

l’auteur de ce petit opuscule-tenait à nous faire con- 
naître les procédés employés plus spécialement au la- 
boratoire de M. Beckmann, auquel on doit un très 
grand nombre d'observations fort bien faites, il nous 
semble qu'il eût été correct de laisser un peu moins 
dans l'ombre les noms des deux savants auxquels la 
science est redevable de ces ingénieuses méthodes : 

M. Raoult pour la découverte de la cryoscopie, M. Van’t 

Holf pour les développements mathématiques qu’elle 

comporte. Ces réserves faites, nous nous empressons 

de reconnaître que la brochure de M. Gotthold 

Fuchs contient tous les détails qui intéressent le prati- 

cien : description des appareils avec figures, méthodes 

de calcul, choix des dissolvants, anomalies, enfin des 
tables dans lesquelles on trouvera réunies les cons- 

tantes des principaux dissolvants, au nombre de 28 

pour la cryoscopie et de 34 pour l’ébulliscopie; ces 

tables nous ont paru très complètes; nous n’y relevons 
qu'une seule omission, facile à réparer dans une nou- 
velle édition : l'oubli de la constante cryoscopique de 
l'acide sulfurique hydraté, un excellent dissolvant 
employé récemment avec succès par M. Lespiaud. 
Ph.-A. GUYE. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Garçon (Jules), Ingénieur-Chimiste, Licencié és sciences. 
— La Pratique du Teinturier. Tome I : Les Mé- 
thodes et les Essais de Teinture. Le Succès en 
Teinture. Tome II : Le Matériel de Teinture. 
2 vol. in-8° de 150 p. et 400 p. avec 245 fig. (Prix es. 
3 fr. E0 et 10 fr.) Gauthier- Villars, Paris, 1894-95. 
L'auteur de cet ouvrage, qui comprendra un troi- 

sième volume, est fort au courant de tout ce qui con- 
cerne non seulement la teinture, mais en général les 
fibres textiles.Sous le titre de : Bibliographie de la Tech 
nologie des fibres textiles : propriétés, blanchiment, tein- 
ture et matières colorantes, impression et appréts, il a 
publié, en 1893, un ouvrage couronné par la Société 
Industrielle de Mulhouse, répertoire aussi complet que 
possible de toutes les publications, périodiques ou 
autres, traitant de ces divers sujets. M. J. Garçon ne 
s’est pas contenté d’énumérer les titres des nombreux 
ouvrages qu'il a dù cataloguer. Il a lu les principaux 
d’entre eux : les deux volumes de la « Pratique du Tein- 
turier » sont le fruit et le résumé de ce labeur. 

Le premier volume, après quelques pages d’Intro- 
duction historique, entre directement dans le sujet par 
l'exposé des méthodes de teinlures, envisagées par 
rapport à la nature de la matière colorante et à celle 
de la fibre, Ces considérations générales mènent l’au- 
teur à passer en revue les opérations qui précèdent la 
teinture (dégraissage, blanchiment, mordancage, etc.), … 
celles qui constituent la teinture proprement dite, et 
enfin celles qui suivent Ja teinture (avivage, savon- 
nage, vaporisage, apprêts, elc.). 

Ün chapitre spécial est consacré à la solidité des 
couleurs teintes. Les anciens travaux de Chevreul sur 
la résistance que présentent les matières colorantes 
nalurelles à la lumière {dans le vide, en présence 
d’air sec ou humide, ou dans une atmosphère d'hydro- 
gène), et sur laction de la chaleur et des agents 
atmosphériques, y sont analysés. 

Puis viennent les travaux récents de Hummel, qui à 
parfaitement défini la solidité des couleurs, en la. 
considérant comme fonction du rôle que doit remplir 
à l’usage l’objet teint, et qui, le premier, à méthodi- 
quement éludié la résistance des couleurs artificielles, 
si nombreuses aujourd'hui, à divers agents (lumière, 
frottement, foulonnage, chlorage, acides, etc.). La série 
des expériences de M. Frusher sur la résistance des 
couleurs fixées sur laine est également mentionnée. 

L'auteur donne en appendice, à la fin du volume, un 
résumé de la théorie de la teinture. Les dernières dis- 
cussions, entre les partisans de la théorie chimique et 
ceux de la théorie mécanique, y sont exposées, avec les 
arguments expérimentaux produits de part et d'autre. 
Les relations entre la couleur des corps et leur cons- 
titution chimique, telles que M. 0. N. Wittles a éta- 
blies le premier, sont aussi indiquées. 

Cet intéressant volume se termine par des éléments 
de chromatique, résumé des travaux de Chevreul, de 
Rood, de Rosenstiehl, etc., sur « la science de la cou- 
leur ». Toute cette partie théorique, fort attachante, ne 
paraitra pas déplacée, bien que le livre s'adresse sur- 
tout aux praticiens. 

Le second volume est consacré tout entier à l'étude 
du « Matériel de teinture ». Il renferme deux cent qua- 
rante-cinq dessins ou croquis des machines et des dis- 
positifs les plus importants. Il ne saurait être résumé 
que par l'indication, empruntée à la table systéma- | 
tique des matières, des sujets traités par l’auteur. En 
voici l'énumération : Epuration des eaux dans les tein- 
tureries. — Du chauffage et de la production de la vapeur. 
— De la circulation des liquides. — De l'extraction des 
bois de teinture. — Dégraissage, blanchiment, mordan- 
çage. — Teinture des poils, rubans, bobines, cannettes, 
chaines, écheveaur, tissus, — Du lavage, de l'essorage, du 
séchage. — Opéralions diverses. : 

Le volume à paraitre sera consacré aux «Recettes et 
procédés spéciaux de teinture ». Nul doute qu'il ne 
soit à la hauteur des précédents et ne complète digne- 
ment la série. Maurice PRüuD'HOMME. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


985 


= 8° Sciences naturelles. 


othelier (A.). — Recherches anatomiques sur les 
épines et les aiguillons des plantes. Influence 
de l’état hygrométrique et de l'éclairement sur 
les tiges et les feuilles des plantes à piquants. 
- Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de 
Paris. — Brochure in-S° de 147 pages avec 8 planches. 
Lille, imprimerie Le Bigot frères, 1895. 
Voici un sujet d'anatomie physiologique à l’ordre du 
jour. On sait que beaucoup de plantes transforment 
en épines leurs rameaux, leurs feuilles et parfois leurs 
racines. Au moment où il est à la mode d'attribuer la 
moindre particularité morphologique à une adaptation 
plus ou moins hypothétique, une étude comme celle- 
ci doit attirer l'attention. Pour se préparer à faire une 
étude critique de la question, M. Lothelier s'est pro- 
posé de déterminer par quels moyens les rameaux 
trans'ormés en piquants acquièrent les caractères de 
résistance qui les distinguent des rameaux normaux ef 
. quels sont les lissus qui concourent à leur donner 
leur rigidité particulière ; c’est évidemment par là qu'il | 
- faui commencer. L'auteur examine successivement les 
rameaux et les feuilles transformés en piquants, les 
. aiguillons d’origine corticale ou épidermique dépour- 
vus de faisceaux libéroligneux, et quelques organes de 
- même nature dont l’origine est douteuse. 

Lorsque des rameaux se transforment en épines 
(Ajone, Colletia, Citrus triptera, Aubépine), la lignifiga- 
tion porte surtout sur le cylindre central; les tissus 
conducteur et assimilateur se réduisent; au contraire, 

- les fibres du bois, lescellules de la moelle et des rayons 
médullaires se sclérifient et forment un tissu de sou- 
. tien très puissant. 
Les feuilles passent fréquemment à l’étatde piquants, 
- partiellement où en totalité (Cirsium, Berberis, elc.); 
- elles présentent alors les mêmes transformations que 
… les rameaux-épines ; fait remarquable, la symétrie bila- 
É. térale y est souvent altérée et les stipules épineuses de | 
- beaucoup d'Acacias ont une symélrie axile semblable 
à celle du rameau. Voici encore un cas où les préten- 
dues lois morphologiques sont en délaut,. 

Les aiguillons du Càprier, des Rosiers, des Ronces, 
de certains Groseilliers, les piquants des Cactus sont 
produits par l’épiderme et les assises corticales ; elles 
font hernie au dehors; les couches les plus externes 

- de l'écorce sont sclériliées et donnent à.ces organes 

leur rigidité. Suivant M. Lothelier, les piquants qui 

- hérissent le fruit du Châtaignier, du Datwra stramo- 

nium, du Ricin, elc., représenteraient des dents de 
feuilles. 

Nous souhaiterions que cette étude anatomique por- 
tt sur un plus grand nombre de types appartenant aux | 
régions les plus sèches; les plantes désertiques pré- 
sentent, à cet égard, des variations si nombreuses que 
cette première partie du travail de M. Lothelier ne 
peut êlre considérée que comme une ébauche ; il s’est 
lui aussi, plié aux exigences du milieu et n'a pu étudier 

que les espèces susceptibles de croître sous des cli- 
mats tempérés ; il n'importe! nous avons là un point 
de départ utile. 

Partant de la connaissance de la structure anato- 
mique, l’auteur se demande quelles sont les causes qui 
agissent dans la production de ces variations. Est-ce la 
nature du sol, l'état hygrométrique de l’air ou la lu- 
_ mière? Laissant de côté l’action du sol, il s’est proposé 
de rechercher quelle est l'action de l'état hygromé- 
trique et de l’éclairement sur les tiges et les feuilles 
des plantes à piquants. Des expériences sur de pareils 
sujets peuvent être difficilement des expériences de 
laboratoire. Il est naturel que des plantes désertiques 
se prêlent assez mal à une vie prolongée sous cloche ; 
en outre, l'atmosphère brumeuse du bassin de Paris 
est peu favorable à l'étude de l’action d’un éclairement 
intense sur la vie végétale. Toutefois l'essai est louable 
et encouragera sans doute ceux qui se trouvent dans 
des conditions meilleures à reprendre cette étude avec | 


: 


plus de chances d'arriver à des résultats probants. En 
attendant, les indications que fournit M. Lothelier ne 
sont pas inutiles. IL est évident que, si des plantes aussi 
peu désertiques que quelques-unes de celles dont il 
est question dans ce mémoire, ont varié toujours dans 
le même sens, ce résultat deviendra bien plus frappant 
lorsqu'on expérimentera sur des espèces franchement 
xérophiles et dans des conditions expérimentales con- 
venables pour une étude de cette sorte. 

Nous savons dès maintenant que les piquants d’ori- 
gine foliaire ou caulinaire ont une tendance à reprendre 
le type normal, dans air saturé d'humidité; lorsqu'ils 
proviennent d'organes qui ne sont pas indispensables 
à la vie de la plante, ils tendent à disparaître par voie 
de régression. L'appareil tégumentaire, les tissus de 
soutien, de protectionet d’assimilation sont moins dif- 
férenciés dans une plante cullivée dans l’air humide 
que dans la même plante cultivée dans l'air normal. 
Les différences entre les plantes cultivées au soleil et à 
la lumière diffuse se manifesteraient dans le même sens;la 
plante est moins différenciée à ombre qu'au soleil; la 
réduction porterait spécialement sur les organes ter- 
minés en pointe. En somme, dans les conditions expé- 
rimentales où s’est placé M. Lothelier, tout démontre 
que les plantes ont été affaiblies. La diminution des 
üssus sclérifiés, du tissu en palissade, la formation 
tardive du liège, ne sont-elles pas la conséquence d'une 
assimilation diminuée par l'abri opaque « ouvert sur la 
face nord » destiné, dans la pensée de l’auteur, à pré- 
server la plante de la lumière directe du soleil ? 

C. FLAkAULT. 


Van Gehuchten (A), Professeur d'Anatomic à 
l'Université de Louvain. — De l'origine du Pathétique 
et de la racine supérieure du Trijumeau. — 
Bruxelles, F. Hayez, 1895. 

Dans un article sur l’Origine du quatrième nerf céré- 
bral et sur un point d'histophysiologie générale qui se rat- 
tache à cette question !, l’illustre anatomiste de Pavie, 
C. Golgi, dont le procédé de coloration noire a élé le 
point de départ de la transformation de l’histologie du 
système nerveux, signalait une espèce de cellules ner- 
veuses centrales, g'obuleuses, à contours nets, de 60 à 
80 y, différant complètement, disait-il, du type général 
des cellules nerveuses centrales, car les prolongements 
protoplasmiques faisaient complètement défaut. Avec 
Deiters, Golgi rapprochait naturellement ces cellules 
unipolaires de celles des ganglions cérébro-Spinaux en 
général (ganglions intervertébraux, ganglion de 
Gasser, elc.). Quant à la question de savoir si l’unique 
prolongement de ces cellules, prolongement nerveux, 
à revêtement myélinique, se comportait d'une manière 
identique à celui des cellules de ces ganglions périphé- 
riques, s’il présentait, par conséquent, la division en 
deux rameaux à direction opposée, Golgi ne pouvait 
encore se prononcer à ce sujet. Les prolongements 
nerveux, uniques, de ces cellules unipolaires centrales, 
appartenant surtout à la substance grise centrale des 
éminences bigéminées, deviendraient les fibres radi- 
culaires du nerf pathétique et sortiraient du tronc cé- 
rébral après entre-croisement dans la valvule de Vieus- 
sens. 

Pour Kolliker, au contraire (Handbuch der Gewebe- 
lehre des Menschen, 1893),ces cellules vésiculeuses sont 
de véritables cellules multipolaires : en outre,elles repré- 
sentent pour lui les cellules d’origine des fibres de la 
racine supérieure du trijumeau, racine motrice, comme 
en témoignent | « épaisseur de ces fibres » et « la 
grosseur de leurs cellules d'origine ». 

- Quelle importance spéciale Golgi attachait:l à sa 

découverte? Les critiques très vives qu'il dirige cette 

fois encore contre la théorie de Ramon y Cajal et de 
van Gehuchten touchant la valeur fonctionnelle des 
prolongements protoplasmiques, vontnous l’apprendre. 

Îl croit avoir enfin trouvé, dans l’existernce de ces cel- 


1 Archives ilaliennes de Biologie, XIX, 1893, p. 453 et suiv. 


986 


lules vésiculeuses dénuées de dendrites, un fait qui 
doit ruiner la doctrine de la conductibilité nerveuse 
cellulipète des prolongements protoplasmiques, appa- 
reils de réception des courants nerveux, dans la nou- 
velle école, alors qu'il continue à considérer ces pro- 
longements comme en rapport avec les fonctions tro- 
phiques dela cellule nerveuse. En effet, si, conformément 
au principe de la polarisation dynamique des éléments 
uerveux, la direction du courant, pour toutes les caté- 
sories de cellules nerveuses, ne va plus du prolonge- 
ment cylindraxile à la cellule, mais du prolongement 
protoplasmique à la cellule, ce n’est rien de moins 
qu'une « révolution », dit expressément Golgi, dans la 
manière de considérer la signification des différentes 
parties du neurone. Or, si les appareils de réception, 
indispensables pour la théorie, font défaut ici, puisque 
voici des cellules centrales sans prolongements proto- 
plasmiques, comment s'accomplira, à travers les neu- 
rones, le cycle des courants nerveux cellulipètes et cel- 
lulifuges? 

« Je ne peux me dispenser de faire observer, 
écrit Golgi, que les cellules nerveuses spéciales dont 
ne 
pale caractéristique consiste dans l'absence des pro- 
longements protoplasmiques, représentent, par rapport 
à la théorie de la polarisation dynamique, un véritable 
point d'interrogation. » 

Le grand nom de Camille Golgi imposait aux histo- 
logistes dissidents un examen approfondi du fait au- 
quel le savant Italien attachait une si haute importance. 
M. van Gehuchten, poursuivant ses recherches sur 
l’organisation interne du système nerveux de la truite 
au moyen de la méthode de Golgi, a obtenu, impré- 
unées par le sel d'argent, dans un cerlain nombre de 
préparations, des cellules d’origine et des fibres radi- 
culaires du nerf pathétique, ainsi que les éléments 
constitutifs de la racine supérieure el de la racine in- 
férieure du nerf trijumeau. Les cellules nerveuses du 
noyau d'origine du nerf pathétique sont bien des cel- 
lules unipolaires, à prolongement nerveux unique. 
Quant aux cellules globuleuses voisines de la 
racine supérieure du trijumeau, racine motrice (Kôl- 
liker), elles sont unipolaires ou bipolaires (chez la 
truite). Des deux cellules de cette espèce représentées 
dans des figures de van Gehuchten, l’une, unipolaire, 
est pourvue d’un prolongement unique très épais, d’où 
sortent, à une petite distance du corps cellulaire, 
quelques courts prolongements protoplasmiques ascen- 
dants ; Vautre, bipolaire, outre son prolongement des- 
cendant cylindraxile, possède un prolongement ascen- 
dant de natwre protoplasmique. Après avoir émis un 
cerlain nombre de collatérales, les prolongements 
cylindraxiles de ces deux cellules nerveuses pénètrent 
dans la racine périphérique du nerf de la cinquième 
paire. 

Voici la conclusion du mémoire de van Gehuchten : 
« Ces cellules sont pourvues de prolongements proto- 
« plasmiques el d’un prolongement cylindraxile. 
« L'existence de proiongements protoplasmiques à ces 
« cellules vésiculaires mérite d'être relevée d’une fa- 
« con spéciale, Elle enlève toute valeur à l'objection for- 
« mulée par Golgi contre la théorie de la polarisation dyna- 
«mique des éléments nerveux, D'ailleurs, l'existence, dans 
«le système nerveux central, de cellules uniquement 
« pourvues d’un prolongement cylindraxile, ne dimi- 
«nuerail en rien la valeur de la doctrine que nous 
« avons émise avec Ramon y Cajal, vu que l’appareil 
« de réception d’un élément nerveux est constitué à la 
« fois el par le corps cellulaire et par les prolonge- 
«ments protoplasmiques ». 


Jules Soury. 


Magnin (l' A.), Professeur à la Faculté des Sciences de 
Besançon, — Florule adventive des saules tétards 
de la région lyonnaise, — 1 brochure in-8° de 
48 pages avec 5 planches en phototypie, H. Georg, li- 
braire-éditeur, Lyon, 1895. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


j'ai reproduit plus haut une figure et dont la prinei- 


4° Sciences médicales. 


Mesnet (D'E.). — Le Somnambulisme provoqué et. 
la Fascination (Etude médico-légale). — 1 vol. in-S° 
de xxiv-267 pages. (Prix : 5 francs.) Ruceff et Cie,« 
éditeurs. Paris, 1894. ; 
Tardieu, dans son étude médico-légale sur les 

attentats aux-mœurs, posait la question suivante : Une 

femme peut-elle être déflorée ou violée sans le savoir? 

C’est à la résoudre que s'attache M. le D' Mesnet. 

Tardieu admettait, cela va sans dire, qu’une femme en. 

état de léthargie ou d'ivresse ou bien endormie d'un 

sommeil toxique, sous l'influence de lopium, de 
l’éther, du chloroforme, ete., pouvait subir à son insu 
toutes les violences sexuelles: il admettait aussi qu'il. 
en est de même pour les idioles et pour certaines 
imbéciles, chez lesquelles du moins le souvenir de. 
acte dont elles ont été victimes ne subsiste pas, si 
elles en ont eu, au moment où il s’accomplissait, une 
obscure conscience. Mais la question qui demeurait 
pour lui ouverte, c'était de savoir si pendant le som-, 
meil hypnotique la perte de la conscience pouvait être 
assez complète pour qu'un viol fût pratiqué sur la per- 
sonne endormie saus qu'elle en sût rien et si, pendant 
un accès de somnambulisme naturel où provoqué, la 
volonté normale pouvait être abolie à tel point que le 
sujet fût hors d'état d’opposer la moindre résistance à 
celui qui voulait lui faire violence; il était amené à se 
demander enfin si, en ce cas, tout souvenir de ce qui 
se serail passé disparaîtrait de la mémoire normale de 
la victime. À ces questions, aucune réponse bien nette 
ne pouvait alors être faite et, en France surtout, la 
connaissance très incomplète que l’on avail encore de 
tout ce qui touchait à l'hypnotisme commandait de se 
tenir sur une très prudente réserve. M. Mesuet estime 
que les choses ont changé et qu'il est maintenant 
possible de démontrer que tout souvenir d’un viol, 
accompli sur une femme hypnotisée, peut et “doit s'ef- 
facer entièrement de son esprit dès qu'elle s’est 
éveillée. Il apporte à l'appui de sa thèse des preuves 
de diverse nature. Tout d’abord il insiste sur ce fait du 
dédoublement ou de la scission de la mémoire, qui est 
le résultat caractéristique et constant des pratiques 
hypnoliques; il montre que cette double vie, ces deux 
séries d’élats de conscience qui s’entre-croisent sans 
cesse sans se mêler jamais,se retrouvent dans le som- 
nambulisme naturel comme dans le somnambulisme 
provoqué, et que cette abolilion à l’état normal (en 
condition première) du souvenir de tout ce qui s’est 
passé pendant le sommeil (condition seconde), cette 
reviviscence, au contraire, des images et des événe- 
ments qui ont occupé l’esprit en condition seconde à 
chaque phase nouvelle du sommeil constituent l’essen- 
liel des phénomènes hypnotiques. C’est sur cet état 
particulier de la mémoire, bien plus que sur les anes- 
thésies diverses ou Paptitude à recevoir des sugges- 
tions, que doivent surtout porter les recherches lors- 
qu'on veut, en médecine légale, établir que Pacte dont 
un sujet à pu être la victime a dù être accompli pen- 
dant qu'il était en un accès de somnambulisme. 
M. Mesnetl signale enfin les différences qui séparent à 
ce point de vue le malade atteint de somnambulisme 
de l’hypnotisé. Chez le premier, il y a un rétrécisse- 
ment spontané du champ de la conscience pendant 
les accès et une double vie mentale, mais il reste en: 
core en une certaine mesure en communication avec 
le monde extérieur; l'hypnotisé, au contraire, quil 
ait les yeux fermés ou soit en élat de fascination, ne 
sait et ne percoit rien de ce qui l'entoure que par l’in- 
termédiaire de son hypnotiseur; il n’a donc que les M 
souvenirs qu'il plaît à celui qui l’a endormi, L’hypno- 
tiseur peut, du reste, les abolir tous par suggestion et 
faire que soit effacée et détruite en lui cette heure de 
sa vie. Après avoir donné quelques exemples de ces 
troubles de la mémoire et de la volonté, puisés dans 
sa propre expérience clinique, M. Mesnet expose alors 
en grand délail le cas d’un hystérique du nom de 


hs diam … ia 


had fiat tte à 


tons 


Didier qu'il avait eu longtemps dans son service et 


- qui fut traduit en police correctionnelle sous l'incul- 
- pation d’outrage à la morale publique; il présentait 

de la manière la plus nette cette scission des souve- 
C4 P 


- nirs, caractéristique du somnambulisme, et, condamné 
en première instance, il fut acquitté en appel sur un 
rapport médico-légal de M. Motet. On admit que, s’il 
avait commis les actes incriminés (ce qui était au 
reste, d’après l’ensemble des faits de la cause, fort dou- 
teux), il les avait commis pendant un accès de som- 
nambulisme et qu'il ne pouvait en conséquence en 
êlre à son état normal tenu pour responsable. Les 
conclusions qu’on peut dégager de cette première 
partie du travail de M. Mesnet sont les suivantes : 
19 tout hypnotisable est sinon un malade, du moins 
un prédisposé aux affections névropathiques, chez 
lequel existe déjà un certain degré de déséquilibration 
cérébrale iles opinions de M. Mesnet sur ce point se 
rapprochent bien davantage de celles de l’école de la 
Salpêtrière que de celles de l’école de Nancy et de la 
plupart des neurologistes et psychologues anglais et 
allemands); 2° le somnambulisme, naturel ou provo- 
qué, est essentiellement caractérisé par une altération 
de la mémoire; 3° cette altération de la mémoire est 
de telle nature que tout souvenir des acles accomplis 
pendant la condition seconde est aboli à l’état normal; 
4° cette scission des souvenirs, constante à la suite du 
sommeil hypnotique, permet de répondre affirmati- 
vement à la question que s'était posée Tardieu. | 
M. Mesnet, serrant alors de plus près encore le 
sujet spécial qu'il s’est donné pour tâche de traiter 
dans ce mémoire, rapporte un certain nombre de faits 
qui tendent à établir que, pendant le sommeil hypno- 
tique, les organes génitaux d’une femme peuvent se 
trouver dans un état d’anesthésie tel qu’il permette 
d’abuser d'elle sans qu’elle en ait conscience. 
M. Mesnet à pu ainsi pratiquer l’examen au speculum 
d’une malade atteinte de métrite du col sans qu’elle 
ait senti l'introduction de l'instrument, et cela malgré 
que cette malade eût la résolution bien arrêtée de ne 
pas se laisser examiner. Au réveil, tout souvenir de ce 
qui s'était passé avait disparu. Il en fut de même avec 
deux autres jeunes femmes, qui semblèrent même 
n'avoir aucune conscience de l’examen auxquelles 
elles étaient soumises et qui se déshabillèrent et se 
rhabillèrent automatiquement et sans que visiblement 
leur intelligence réfléchie eût à intervenir. L’insensi- 
bilité des organes sexuels peut devenir assez complète 
sous l'influence des pratiques hypnotiques pour per- 
mettre à une femme d’accoucher sans accuser de dou- 


- leurs vives : M. Mesnet rapporte une observation d’a- 


nalgésie hypnotique de ce type. Il cite également une 
observation de eystocèle vaginale opérée à l'insu de la 
malade pendant le sommeil provoqué. Dans les deux 
cas, Ja scission des souvenirs a été observée. Ces faits 
rendent donc très aisé à admettre qu'une jeune fille, 
dont M.Mesnet raconte tout au long l’histoire clinique, 
ait pu être violée, presque sans le savoir, durant une 
crise de sommeil hypnotique et soit devenue enceinte 
sans parvenir à se rendre compte comment elle avait 
pu le devenir. Il y avait abolition complète du souvenir 
de ce qui s'était passé, tandis qu'elle était endormie, 
ét ce ne fut qu’en l'endormant de nouveau qu’on put 
faire revivre en elle la mémoire de tout ce morceau 
de sa vie, effacé de sa conscience: elle raconta alors 
avec précision la violence dont elle avait été victime. 
M. Mesnet cherche: à montrer ensuite que le sujet 
hypnotisé ne peut pas ne pas obéir à son hypnotiseur; 
il y a bien des velléités de résistances, certains actes 
ne sont accomplis qu'à regret, à contre-cœur, après 
une sorte de lutte de la volonté du sujet contre celle 
de l’hypnotiseur; mais, en fin de compte, le sujet finit 
toujours par céder, il ne peut pas ne pas céder, il ne 
S’appartient pas à lui-même. M. Mesnet, d'accord en 
cela avec M. Durand (de Gros), ne croit pas à la dis- 
tinction des crimes de laboratoire et des crimes réels, 
et il juge l’hypnotisé encore plus incapable de se 


BIBLIOGRAPAIE — ANALYSES ET INDEX 


987 


refuser à subir un acte qu'à en accomplir un. « La 
volonté de l’hypnotisé est plus apparente que réelle; 
c’est une volonté fruste, qui peut résister au premier 
assaut, mais qui est incapable de se maintenir en face 
d’un expérimentateur qui sait vouloir et commander. » 
M. Mesnet,après avoir ainsi prouvé ou tenté de prouver 
le bien-fondé de la thèse dont la démonstration cons- 
tituait l’objet principal de son livre, consacre un cha- 
pitre à établir l'identité psycho-physiologique de la 
fascination (somnambulisme les yeux ouverts) avec le 
somnambulisme ordinaire. Il étudie le rapport spécial 
qui unit le fasciné au fascinateur par l'intermédiaire 
duquel seul il est en communication avec ce qui l’en- 
toure; il ne voit, ne sent que les objets et les gens que 
touche l'opérateur, il n'entend que la voix de ceux qui 
sont en contact avec lui. De ces faits qu'il étudie som- 
mairement, M. Mesnet ne tente au reste nulle expli- 
cation. Le chapitre se termine par l'observation d’un 
chef de gare qui se laissa écraser par une machine 
dont les cuivres éclatants l'avaient fasciné. 

Le livre se termine par un chapitre consacré plus 
spécialement à l'étude médico-légale du sujet. Repre- 
nant dans leur ensemble les faits analysés, les grou- 
pant, M. Mesnet arrive à la conclusion qu’il faut ré- 
pondre très nettement par l’affirmative à la question 
posée par Tardieu : une femme peul être violée dans 
le somnambulisme provoqué sans être en état d'op- 
poser de résistance efficace, et elle ne gardera d'ordi- 
naire nul souvenir de l'attentat dont elle aura été 
victime. Le médecin, pour s'assurer de la véracité des 
dires de la femme qui se dit la victime d’un viol, 
accompli en ces conditions, devra spécialement exa- 
miner l’état de sa mémoire dans les deux conditions 
mentales différentes où elle se peut trouver, sans né- 
gliger, bien entendu, d'étudier avec soin les anesthésies 
diverses qu’elle peut présenter, sa suggestibilité, le 
degré d'énergie de sa volonté, etc. 

Le livre de M. Mesnet n'apporte rien de très nou- 
veau et qui ne fût déjà en partie connu; mais il met 
très clairement en lumière l’importance, au point de 
vue médico-légal, de ces altérations de la mémoire où 
l’auteur à cru avec raison devoir particulièrement 
insister, et il renferme quelques observations dont la 
précision et lampleur ne laissent rien à désirer. 
M. Mesnet semble avoir raison lorsqu'il soutient que la 
volonté de l'hypnotisé est abolie, et que l'hypnotisé est 
comme un instrument docile aux mains de son hypno- 
tiseur, Ce n’est pas une règle sans exception, et il 
est bon nombre d’hypnotisés, hypnotisés incomplets, 
qui n’obéissent que dans la mesure où ils y consen- 
tent, mais il en est ainsi souvent, el il est certain, 
contrairement à l’opinion de M. Gilles de la Tourette, 
que des violences peuvent être exercées sur une 
femme endormie, sans qu’elle soit capable de « vouloir » 
même se défendre, et cela malgré l'horreur que l'acte 
dont elle est victime lui inspire. M. Mesnet aura rendu 
service en prêtant à une thèse exacte l’appui de son 
nom, que font considérable sa longue expérience cli- 
nique et ses belles recherches sur les troubles de la 
mémoire et de la personnalité. $ 

L. MARILLIER. 


5° Sciences diverses. 


La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des 
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- 
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses 
figures intercalées dans le texte et planches en cou- 
leurs. 535° livraison. (Prix de chaque livraison, 1 fr.) 
H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes. 

Nous trouvons dans la 536° livraison une intéressante 
monographie du département du Loir-et-Cher par 
M. A.-M. Berthelot, puis une importante description 
topographique et historique de la ville de Londres, avec 
un plan au 1/90.000° et de belles illustrations. Nous 
signalerons également un article sur l’anatomie de la 
région lombaire dù à M. Ch. Debierre. 


988 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 7 Octobre 1895. 


M. le Secrétaire perpétuel donne communication de 
télégrammes de condoléances, adressés à l’occasion de 
la mort de M. Pasteur. 

{° SCIENCES MATHÉMATHIQUES. — M, Paul Staeckel. 
à propos d’une classe de problèmes de dynamique, 
dont les équations différentielles s'intègrent par des 
quadratures d’après une note antérieure, donne la vé- 
ritable généralisation qui permet d’uliliser tout pro- 
grès dans l'intégration des équations de Hamilton, 
pour trouver des {ypes nouveaux d'équations inté- 
grables ou, en d’autres termes, pour former de nou- 


veaux élémenis linéaires dont on peut déterminer les 


lignes géodésiques. 

29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Janssen donne le récit 
d’une ascension au sommet du Mont-Blanc et résume 
les travaux exécutés, pendant J’été de 1895, dans le 
massif de cette montagne. L'observation du disque so- 
laire, effectuée au sommet du mont, par une tempéra- 
ture de 0°, avec un point de rosée abaissé à — 180, 
montra le spectre absolument dépouillé de ses raies 
d’origine aqueuse ; tout le #roupe D était absent ainsi 
que celui de C; « était si pâle qu'on avait peine à déci- 
der s’il était à sa place. — M.Chrétienadresse une note 
relative à l'emploi de lentilles à liquides, pour les ins- 
truments d'optique. — M. Resal communique un 
extrait d'un mémoire adressé à M. le Ministre de la 
Guerre par la Direction de l’Artillerie de Besancon sur 
l'orage du 1** juillet 4895. Le mémoire semble établir 
que la concentration de l'orage est due à un tourbillon 
résultant de la rencontre de courants dans les deux 
branches de la vallée du Doubs qui viennent se rac- 
corder par une courbe d’un faible rayon, — M. Del- 
valez établit que, lorsqu'on fait passer un courant dans 
un liquide contenant une électrode parasite, les pro- 
duits de l’électrolyse apparaissent sur celles-ci et y 
forment des figures électrochimiques satisfaisant aux 
lois suivantes : 1° la forme des lignes isochromatiques 
dépend de la forme du conducteur parasite et de sa 
position par rapport aux électrodes; 2° une lame de 
cuivre ou de plomb présente les mêmes dépôts métal- 
liques qu'une lame de laiton identique, mais la 
deuxième moitié ne se colore pas; 3° la nature du dé- 
pôt varie avec l'intensité du courant; 4 si lon fait va- 
rier la longueur des lames parasites, on constate des 
effets analogues à ceux produits par la varietion de 
l'intensité du courant, — M. Georges Charpy a étu- 
dié les propriélés mécaniques des alliages de cuivre et 
de zinc : 4° pour les métaux bruts de coulée, la résis- 
tance dépend, de la température de coulée et de la 
vitesse de refroidissement; 2 l'échelle des tempéra- 
tures de recuit peut être partagée en quatre zones 
d'étendues variables pour les différents alliages. La 
première zone, à partir des basses températures, com- 
prend les températures pour lesquelles on n’a pas de 
recuit sensible : c'est la zone de non recuit; dans la 
deuxième, la grandeur de la modification des pro- 
priétés mécaniques, produite par le recuit, varie d’une 
facon continue avec la température ; la troisième zone 
est caractérisée par un recuit constant; enfin, aux 
températures très élevées voisines du point de fusion, on 
produit souvent une détérioration du métal dont la ré- 
sistance diminue en même temps que l'allongement. 
— M. Henri Moissan à repris l'étude de quelques 
météorites métalliques où holosidères, pour recher- 
cher si toutes contenaient du carbone et sous quelle 
forme elles renfermaient ce métalloïde. Dans quelques 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


météorites, il n'y à pas de carbone; dans d’autres, on. 
rencontre soit du carbone amorphe, soit un mélange. 


de cette variété et de graphite; enfin, dans une seule 
météorite jusqu'ici, celle de Canon-Diablo, l’auteur a 
trouvé réunies les trois variétés de carbone : diamant 
noir el transparent, graphite et carbone amorphe. — 
M. R. L. Devaux adresse une note relative àun moyen 
d'annuler l'inflammabilité du grisou, par le mélange 
avec l'acide carbonique. — M. P. Lebeau a préparé, à 
la haute température du four électrique, le carbure de 
glucinium pur et cristallisé. Les propriétés de ce car- 
bure, et plus particulièrement l’action de l’eau, qui le 
décompose à froid avec dégagement de méthane, le 
rapprochent tellement du carbure d'aluminium C#Al, 
que l’auteur à été amené à lui attribuer la formule 
C3GIE, Dans ces conditions, la glucine devient un ses- 
quioxyde G0#. — M. Raoul Varet a examiné les iodo- 
cyanures au point de vue thermochimique; il déduit de 
cette étude la constitution de ces sels doubles et la vé- 
rifie par des méthodes purement chimiques fondées 
sur la formation des isopurpurates et sur laction des 
réactifs colorés. — Le même auteur a constaté que les 
florures, les chlorures, les sulfates, les azotates, les 
carbonates, les acétates, les picrates des métaux alca- 
lins et alcalino-terreux ne font pas la double décom- 
position avec le cyanure de mercure; avec les iodures 
et les sulfures, il y a décomposition. — M. V. Mar- 
tinand, après avoir montré que l’action de l'air 
sur le moût de raisin provoque l'oxydation de la 
matière colorante, la rend insoluble et développe des 
parfums particuliers, établit que ces réactions sont 
dues à l'existence d’un ferment soluble ou diastase, 
analogue à la laccase de M. Bertrand. Ce ferment per- 
met de réaliser promptement la décoloration du 
moût, ladisparition du gout foxédes raisins américains 
el le vieillissement anticipé des vins. — M. C. Faure 
adresse une note relative à l'emploi du cyanale de cal- 
cium en agricullure. C. MATIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. Lépine étudie l'hy- 
perglycémie et la glycosurie comparées, consécutives 
à l’ablation du pancréas. L'hyperglycémie n’atteint 
souvent son maximum quevers la trentième heure. — 
M. R. Kœhler, dans une note préliminaire, montre 
qu'avec un matériel peu coûteux et peu compliqué, ila 
pu effectuer des dragages profonds, à bord du Caudan, 
dans le golfe de Gascogne pendant le mois d'août 1895, 
et rapporter des collections et des documents considé- 
rables, — M. Jourdain signale les effets de l'hiver de 
1894-1895 sur la faune des côteset en particulier sur 
le crustacé comestible Maia squinado qui, au prin- 
temps, était d'une rareté extrême. 

J. MARTIN. 
Séance du 14 Octoùre 1895. 

M. le Secrétaire perpétuel donne lecture d’une lettre 
annonçant que, à l’occasion du Centenaire de l'Institut, 
une cérémonie religieuse, en mémoire des membres 
décédés, sera célébrée le 23 octobre, dans l’église Saint- 
Germain-des-Prés., — M. le Président annonce la perte 
faite par Académie dans la personne de M, le baron 
Larrey. — M. Emile Blanchard ajoute quelques mots 
sur la carrière de ce chirurgien, — M. le Secrétaire 


perpétuel donne communication de nouvelles dépêches 


de condoléances, adressées à l'Académie à l’occasion 
de la mort de M. Pasteur. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Aug. Fabre adresse 
un mémoire intitulé : « Intégration de l'équation aux 
dérivées partielles du premier ordre, à une fonction æ 
et à n variables indépendantes, — M. J. Janssen pre: 


4 


| 


«tt éd 


ente, au nom du Bureau des Longitudes, le volume de 
la Connaissance des temps pour 1898. Ce volume con- 
ent, pour Maïs, une fable donnant les éléments qui 
ermettent de calculer la position de ses satellites à 
un moment donné. Les lables de Jupiter sont enrichies 
de nouveaux diagrammes, indiquant l'entrée des sa- 
tellites dans l'ombre de la planète; enfin l'éclat des 
étoiles, supérieures à la première grandeur, se trouve 
indiqué en prenant pour unité celui d’Aldebaran. — 
M. Fizeau fait remarquer que les nombres des princi- 
pales étoiles évaluées aujourd'hui concorde avec le 
nombre indiqué par certains textes anciens relatifs à 
Véclat des principales étoiles du temps du patriarche 
Jacob et de Joseph. — M. le Secrétaire perpétuel 
signale, parmi les pièces imprimées de la correspon- 
dance, une brochure de M. $S. Kantor intitulée : 
heorie der endlichen Gruppen von eindeutigen Trans- 
formationen in der Ebene, — M. H. von Koch indique 
‘succinctement quelques résultats relatifs aux équations 
Gi Ja forme :- 
Le 2 D 
Pose 


d?: 
as + 2bxy 


>= 


dz d= 
ray PTE +2 +-qy 7 +os— 0, 
où + est une fonction de æ et de y assujettie à la 
“seule condition d'être développable dans un domaine 
donné, selon les puissancss positives et négatives de 
æ et de y. En particulier, il est possible de trouver 
une intégrale de cette équation de la forme : 


1 eu (eu) « 8 
æ 7 G a 2 Y 
Lis) 
# 
À 


a,f 


où p et y sont deux constantes arbitraires liées par une 
seule équation D (e,u) — 0 et la série étant conver- 
gente dans le même domaine que &. — M. A. Thybaut 
étudie les propriétés des surfaces dont les lignes de 

- courbure forment un réseau à invariants ftangentiels 
— égaux et établit plusieurs théorèmes les concernant. 
| 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Jules Andrade donne 
—…. la description d'un appareil qui lui permet de mettre 
— en évidence et même d'amplifier la composante hori- 
— zontale de la rotation de la Terre, Les expériences re- 
… posent sur la chute d’un mélange d’eauet de glycérine, 
mais une chute dissymétrique à l'égard de la verticale 
autour de laquelle l'appareil doit tourner. — M. Aug. 
Coret donne le détail d'expériences faites avec un ap- 
pareil hydraulique dans le but de fournir une dé- 
— monstration expérimentale du mouvement de rotation 
de la Terre; il donne,en outre, la description de l’avant- 
projet d’une fontaine monumentale qui, tout en partici- 
pant au mouvement général autour de l’axe terrestre, 
se fixerait par rapport à l’espace ettournerait sur elle- 
mème en sens inverse du mouvemt de rotation de la 
Terre. — M. Fizeau présente, au nom du P. Colin, une 
photographie de l'Observatoire de Tananarive. —M. G. 
Quesneville élablitqu'il y a une distinction fondamen- 
tale entre les cristaux biréfringents qui acquièrent, 
comme le spath d'Islande, la réfraction elliptique dans 
un champ magnétique et le quartz dans le voisinage de 
l'axe. La théorie d’Airy ne convient pas aux premiers 
cristaux ; les conséquences auxquelles elle conduit sont 
en désaccord avec les faits. — M. Th. Schlæsing fils 
donue la description d'un dispositif permettant de sé- 
parer facilement l’argon de l’azote et de l'oxygène avec 
lesquels il est mélangé ; l'absorption se fait parle cuivre 
et le magnésium. Ce dispositif évite d’opérer sur de 
grandes quantités d’air, et permet d'isoler complète- 
ment l’argon contenu dans 1 litre 5 d'air. D'une facon 
générale, la disposilion présentée par l’auteur permet- 
2 tra de doser avec précision l’argon contenu dans une 
atmosphère donnée. — M. R. Engel a approfondi l’ac- 
tion de l’acide chlorhydrique sur le cuivre ; il a observé 
les faits suivants : 4° La décomposition n’a plus lieu 
lorsque la solution acide a pour densité 1,083 et répond 
sensiblement à la composition HCI + 10H20. 2° L’at- 


on 


DE 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


989 


taque devient très lente, lorsque l'acide répond à une 
concentration de beaucoup supérieure à celle repré- 
sentée par HCI.10H°0. 3° Un courant d’acide gazeux sec, 
dirigé dans l’eau en présence du cuivre et du chlorure 
cuivreux, donne lieu à une réaction rapide malgré la 
présence de ce dernier corps ; l’acide anhydre est donc 
toujours décomposé par le cuivre. — M. Ch. Astre à 
étudié l’action de la potasse et de l’éthylate de potas- 
sium sur la bensoquinone; il a pu obtenir une benzo- 
quinone monopotassique CFH?KO0?.H?0, mais non le dé- 
rivé bipotassique, car ce corps, très instable, s’oxyde 
rapidement. Ces faits sont en accord avec la fonction 
dicétonique de la quinone. — MM. G. Patein et 
E. Dufau ont examiné les combinaisons formées par 
l’antipyrine avec les diphénols, la pyrocatéchine, la 
résoreine et l’hydroquinone; les ortho et paradiphénols 
se combinent avec deux molécules, le méta avec une 
seule. La fixation se fait sur un des atomes d’azote par 
l'intermédiaire de l’oxhydryle phénolique, qui perd 
cette propriété à mesure que son hydrogène est rem- 
placé par un métal ou un radical. Les propriétés phy- 
siques des nouveaux composés sont décrites en détail. 
— M. Nastukof a vérifié le pouvoir réducteur des le- 


vures pures et cherché à voir si ce pouvoir était le 


même chez différentes races. Deux procédés de réduc- 

tion différents ont manifesté des pouvoirs réducteurs 
variables d’une levure à l’autre. C. MATIGNON. 

3° SGIENCES NATURELLES. — M. Edm. Jandrier adresse 
une note sur la sève sucrée de l’Agave americana. 
J. MARTIN. 


Séance du 21 Octobre 1895, 


M. le Secrétaire perpétuel annonce à l’Académie la 
perte qu'elle vient de faire dans la personne de M. Hell- 
riegel, correspondant pour la Section d'Economie 
rurale, — M. Berthelot rappelle les recherches de ce 
savant sur la fixation de l’azote par les légumineuses. 
— M.le Ministre de la Guerre invite l’Académie à 
lui désigner deux de ses membres pour faire partie du 
Conseil de perfectionnement de l’École polytechnique 
au titre de membre de l’Académie des Sciences. — 
M. AI. de Tillo donne lecture des adresses de félicita- 
tions, envoyées par diverses Sociétés russes à l’occa- 
sion du Centenaire de l’Institut de France. — M. À. de 
Baeyer, qui s'élait fait inscrire comme comptant 
prendre part aux fêtes du centenaire de l'Institut, 
exprime son vif regret d’en être empêché. : 

1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Vallier présente 
un volume qu'il vient de publier sous le titre de: 
Balistique extérieure. — M. Faye fait hommage à 
l'Académie de la troisième édition de son ouvrage 
sur l’Origine du monde, théories cosmogoniques des 
Anciens et des Modernes. — M. Tisserand fait hom- 
mage du tome XXI des Annales de l'Observatoire de 
Paris, Mémoires. — M. Ad. Perrin adresse une note 
sur l'expression de l’accélération en mécanique. — 
M. D. A. Casalonga adresse une analyse graphique 
des mouvements de la Terre et de la Lune autour de 
leurs centres de gravité. — M. Haton de la Goupil- 
lière rappelle dans quelles conditions a été instituée la 
Commission pour l'Etude des Méthodes d'essai des 
Matériaux de construction en vue d'obtenir l'unification 
de ces méthodes: il résume l’ensemble des questions 
étudiées jusqu'ici et présente, au nom de M. le Ministre 
des Travaux Publics, quatre volumes qui renferment 
les travaux de cette Commission. — M. G. Leveau 
établit que l'inégalité à période de quarante ans dans 
la longitude de Mars, signalée par Le Verrier, présente 
des anomalies remarquées par Newcomb; lesquelles ne 
sont pas dues, comme le suppose celui-ci, à des inexac- 
titudes dans le calcul de l’argument, mais bien à des 
causes jusqu'ici inconnues. — M. Paul Adam établit le 
théorème suivant sur la déformalion des surfaces en 
désignant par & et 5, deux surfaces applicables l’une 
sur l’autre, © le lieu du milieu de la corde joignant les 
points correspondants de ces deux surfaces et *, le 
lieu de l'extrémité du vecteur parallèle à cette corde 


990 


et égal à sa moitié. Si la surface Y est un cylindre, le 
couple o, 5, estcomposé de deux surfaces réglées appli- 
cables l’une sur l’autre avec parallélisme des généra- 
trices correspondantes ; ces deux surfaces ont d’ailleurs 
une orientation relative quelconque; la surface 3, est 
une surface réglée à plan directeur; les lignes de stric- 
tion se correspondent sur les trois surfaces 5, 64 et »,; 
enfin, en désignant par 0 l'angle des génératrices cor- 
respondantes de £ et des, et par & et II, les paramètres 
de distribution de s et de Y, on a : 


M. le Secrétaire signale les ouvrages suivants de 
M. Cruls, de Rio-de-Janeiro: 1° Posicôes geographicas: 
20 Les éléments climatologiques de Rio ; 35° Eclipses de 
soleil et occultation. — M. Perrotin entretient l'Aca- 
démie de l'Observatoire installé définitivement au 
sommet du Mounier à 2.741 mètres d’altilude ; il indique 
en même temps les observations de Vénus effectuées 
avant le passage de la planète à sa conjonction infé- 
rieure, desquelles il résulte que la planète n’a pas une 
durée de rotation aussi rapide que celle de vingt- 
quatre heures, Une station météorologique est adjointe 
à la station astronomique. 

1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Al. de Tillo fait hommage 
d'un atlas des isanomales et des variations séculaires 
du magnétisme terrestre, Les conclusions générales 
sont les suivantes : 1° Les changements des éléments 
s'effectuent de manière que, dans une moitié du globe, 
les changements soient positifs, tandis que, dans l’autre 
partie, ils sont négatifs; 2° il existe une grande res- 
semblance entre le tracé des isanomales et celui des 
lignes d'égale variation séculaire, — M. Norman Lo- 
ckyer présente quelques photographies du spectre des 
étoiles; le spectre de Bellatrix indique la présence de 
l’hélium et, d’une facon générale, l'absorption due aux 
atmosphères des étoiles, présentant peu de lignes, est 
due à l'hydrogène et à l'hélium. — M, Jacolin adresse 
un projet d’une disposition destinée à capter l’électri- 
cité des nuages, — M. Ch. Dupuis adresse une note 
relative à une expérience d’hydraulique. — M. Aug. 
Coret présente un complément à sa communication 
précédente sur un appareil hydraulique propre à mettre 
en évidence le mouvement de rotation de la Terre, — 
M. Eginitis déduit, de nombreuses observations 
hygrométriques faites à l'Observatoire d'Athènes, outre 
l'existence bien connue du maximum et du minimum 
d'humidité du matin et du soir, un deuxième maximum 
et un deuxième minimum ayant lieu le premier à 
7 heures du soir en hiver et à 8 heures en été et le 
deuxième, de 2 à #% heures après le premier. — 
M. Martel a effectué de nouvelles observations dans le 
gouffre de Padirac (Lot); il donne la description et le 
plan de ce gouffre ainsi que le régime des eaux qui y 
circulent. Malgré la grande sécheresse de cette année, 
le niveau liquide n'a pas varié sensiblement, — 
M. Scheurer-Kestner donne quelques mots d’histo- 
rique sur l'usage des thermomètres métastatiques 
imaginés par Walferdin et sur la correction à apporter 
dans la lecture de ces thermomètres lorsqu'on veut dé- 
terminerlatempérature à près de 5 de degré. — M. W. 
Louguinine à continué ses études sur les chaleurs Ja- 
tentes de vaporisation des acétones de la série grasse, 
de loctane, du décane et deux éthers de l'acide 
carbonique. La loi de Trouton, définie par la rela- 

MS 
tion T = C, s'applique très exactement aux corps 
de mêm?> fonction. Au contraire, la valeur de la cons- 
tante varie d’une manière notable (de 26,5 à 19,8) 
pour les divers groupes de substance, — M, Henri 
Moissan a étudié un graphite provenant d’une pegma- 
tite de l'Amérique, arrivée à la surface du sol après 
avoir été portée à une haute température, Ses proprié- 
tés caractéristiques le rapprochent entièrement des 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


échantillons de graphite foisonnants obtenus dans les 
métaux en fusion, Il a dû être produit dans ies mêmes 
conditions et, au momentoù la pegmatite s’est formée, 
il a été moulé par les cristaux de quartz et de feldspath 
qui l’environnaient et a laissé sur ces derniers les im- 
pressions qui se trouvaient à sa surface. — Le même 
auteur a comparé ce graphite à différents échantillons 
de graphites naturels, et il a reconnu que tous les gra- 
phites peuvent être divisés en graphites foisonnants et 
non foisonnants, Les premiers paraissent avoir été 
produits sous l’action de bains en fusion, et, en parti- 
culier, de bains métalliques et les seconds peuvent 
être dus à l’action d’une température élevée sur une 
variété quelconqne de carbone amorphe. — M, Ch. 


Astre a étudié les produits ultimes de l'oxydation des : 


dérivés obtenus en faisant agir la potasse en solution 
alcoolique sur la benzoquinone. Les deux composés 
obtenus ont pour formules C£K?206 et CéKHOS; l'étude 
de leurs propriétés montre que la benzoquinone ne 
renferme dans sa molécule que deux atomes d’'hydro- 
gène remplacables par un métal. Les résultats mettent 


en évidence la nature dicétonique de la benzoquinone. … 
— M. Balland a étudié la composition des principales. 


variétés de riz décortiqués que lon trouve sur les mar- 
chés francais, Il conclut de ses recherches que le riz 
est un aliment plus nutritif qu'on ne l’admet générale- 
ment, et qu'il y aurait avantage pour lPalimentation 
publique à restreindre l'usage des riz glacés et à favo- 
riser la consommation des grains naturels simplement 
dépouillés de leur enveloppe. Les analyses de riz ayant 
une dizaine d'années prouvent qu’il se transporte faci- 
lementet se conservebien; il pourrait avantageusement 
accroître nos réserves de guerre, C. MATIGNON. 

3° SCtENCES NATURELLES. — M. Gréhant a fait une 
série d'expériences en vue de déterminer la toxicité de 
l'acétylène préparé à l’aide de carbure de calcium. 
L'auteur fait respirer à des chiens des mélanges titrés 
d'acétylène, d'air et d'oxygène renfermant toujours 20,8 
d'oxygène comme l'air atmosphérique. Les mélanges 
successivement employés étaient à 20, à 40 et 79 0/0. 
Ils deviennent toxiques à partir de 40 0/0 et l’acétylène 
peut se retrouver dans le sang. En comparant la toxicité 
de l'acétylène à celle du gaz de l'éclairage, les expé- 
riences ont permis de montrer que ce dernier gaz est 
beaucoup plus toxique que l’acétylène. — MM. Héri- 
court et Ch.Richet ont étudié, avec l’aide de plusieurs 
médecins, les effets de la sérothérapie dans Île traite- 
ment du cancer, Les injections de sérum chez les ma- 
Jades diminuent les douleurs ; les plaies se détergent 
et la cicatrisation peut se pousser très loin ; les tumeurs 
diminuent de volume et dans les cas même les moins 
favorables, l’évolution de la maladie est retardée, Ce- 
pendant, quoique l’état s'améliore, l'amélioration ne va 
pas jusqu'à la guérison. — M. Félix Bernard décrit un 
lamellibranche nouveau, Scioberetiaaustralis,commensal 
d’un échinoderme, le Tripylus excavatus Phil., prove- 
nant des collections recueillies par lPexpédition du 
Cap Horn en 1882-1883. Grâce à l’état de bonne con- 
servation, l’auteur a pu faire aussi l'anatomie de ce 
mollusque dont la branchie est un des organes les plus 
intéressants. — M. Noguès s'est occupé de l’âge des 
terrains à lignites du Sud du Chili : le groupe d’Arauco, 
équivalent chilien du groupe de Laramie et de Chico- 
Tejon de l'Amérique du Nord, 

J. MARTIN. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 15 Octobre 1895. 


M. Hanriot présente le rapport de la Commission 


du prix Alvarenga. — M. Henrot insiste sur le fait | 


que la pénétration des germes du paludisme a lieu 
surtout par les voies aériennes. Il propose l'adoption 
de masques-respirateurs chargés d’ouate, d'amiante, 
de charbon pulvérisé ou d’éponge humide, et il désire- 
rait voir faire de nombreuses expériences à ce sujet. 
— M, Daremberg continue ses expériences sur la me- 


Lay À A 


tt it. dE 


Faut 


be SA LS dd Sc din 


sure de la toxicité comparée des diverses boissons 
alcooliques par l'injection intra-veineuse chez le lapin; 
il conclut que le vin semble être proportionnellement 
plus toxique que l’eau-de-vie et que les sels de potasse 
introduits normalement ou artificiellement dans le vin 
peuvent être redoutables. — M. L. Prunier présente 
une étude comparée des formes sous lesquelles le 
soufre est employé en médecine. Le soufre ordinaire 
ou cristallisé est moins actif que le soufre en fleur et 
surtout que le soufre précipité et lavé. Cela tient à ce 
que ces deux dernières variétés contiennent un com- 
posé de nature différente, mais d'activité marquée: le 
persulfure d'hydrogène; celui-ci disparaît peu à peu 
en dégageant de l'hydrogène sulfuré. Les combinaisons 
de soufre et diode paraissent devoir présenter le 
soufre dans des conditions favorables aux applications 
médicales. — On a récemment attribué aux tiques ou 
ixodes, grands Acariens parasites, la propagation d’une 
maladie très répandue chez les ruminants américains : 
la fièvre du Texas ; on regarde également ces insectes 
comme la cause d’une maladie grave de l’homme : 


- l'ixodisme. M. P. Mégnin, qui à spécialement étu- 


dié ces parasites, s'élève contre le rôle pathogénique 

, . . D “ 
qu’on veut leur faire jouer, et montre, au contraire, 
qu'ils sont des plus inoffensifs, 


Séance du 22 Octobre 1895. 


M. Nicaise donne lecture du discours qu'il à pro- 
noncé, au nom de l’Académie, aux obsèques du baren 
Larrey. — M. Hervieux lit le « Rapport général sur le 
service de la vaccine en France en 1894.» — M. A. Ro- 
bin litle rapport de la Commission du prix Perron. 
— M. Laveran lit le rapport de la Comission du prix 
Adrien Buisson. — M, Péan communique l’observa- 
tion d’un cas de rhinosclérome ayant pris une énorme 
extension. Il pratiqua l’ablation totale du nez, de la 
cloison des fosses nasales, des cornets, des méats et 
des sinus maxillaires et ethmoïdaux. On laissa la plaie 
se cicatriser et on remplaca ensuite les parties enle- 
xées par un appareil prothétique, dù à M. Michaels. — 
M.E. Nocard fait une communication sur la sérothé- 
rapie du tétanos. Il conclut que, siletraitementcuratif du 
tétanos est encore à trouver, on pourrait, du moins, 
grâce aux injections préventives de sérum antitoxique, 
réduire, dans une large mesure, le nombre des vic- 
times de cette terrible maladie. — M. le D' Audain 
(d'Haïti) envoie l'observation d’un cas de hernie lom- 
baire congénitale. — M. le D' Poncet signale deux 
nouveaux cas d'actinomycose humaine. M. le 
Dr Abadie lit un mémoire sur le traitement du glau- 
come chronique simple. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 19 Octobre 1895. 


M. Féré rapporte un fait qui témoigne en faveur de 
l'influence des chocs moraux sur les intoxications: 
chez un individu qui supportait de hautes doses de 
belladone, la tolérance cessa complètement à la suite 
d’une émotion vive pour faire place à une intoxication 
aiguë. — M. Féré communique le résultat de ses re- 
cherches sur la sensibilité de la pulpe des doigts en 
rapport avec leur empreinte, — M. Rousseau montre 
que les altérations pulmonaires qu’il avait signalées 
chez des lapins thyroïdectomisés se retrouvent, en gé- 
néral, chez la plupart deslapinsnormaux. — MM. Chau- 
veau et Pillet font remarquer que les lésions de cir- 
rhose tuberculeuse et vermineuse sont très fréquentes 
chez les animaux fournis aux laboratoires. — M. Dastre 
expose de nouveaux faits relatifs à la digestion de la 
gélatine par les solutions salines. — M. Kaufmann a 
pratiqué de nouveau l’extirpation du foie ou son élimi- 
nalion par ligature et a constaté que la quantité de 
sucre diminuait dans le sang; au contraire, quand on 
enlève seulement l'intestin, elle ne se modifie pas, Ces 
recherches confirment les idées antérieures de l’auteur 
sur la fonction hyperglycémique du foie, — M. Grim- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


991 


bert à constaté la présence du coli-bacille en assez 
fortes proportions dans la bouche d'individus sains. 
— M. Dareste montre la photographie d’une mons- 
truosité rare chez les oiseaux; il s’agit de deux sujets 
(embryons de poulets) unis par la cavité thoracique. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 
SCIENCES PHYSIQUES 


J Normand Lockyer, F.IR.S. — Sur le 
nouveau gaz extrait de l'uraninite. (Seconde note à 
la Société.) — « Depuis l'envoi de ma communication 
sur le gaz extrait de l’uraninite (brôggerite) !, j'ai suivi 
la méthode décrite dans plusieurs directions, en par- 
ticulier pour déterminer si le spectre du gaz indique 
une origine simple ou complexe. J'ai été conduit à faire 
cette recherche spéciale par suite de la différence 
entre la fréquence de l’apparition dans la chromo- 
sphère solaire de D, et celle des autres raies indiquées 
dans la première communication. Par exemple, si on 
prend les raies D,, 4.471 et 4.302, les fréquences sont, 
d’après M. Young, dans les rapports : 

100 (maximum 
100 
3 D 


D; 
4471 
4302 


On aurait donc le droit de supposer que D, et 4.471 


sont dues au même gaz. tandis qu'il est probable que 
4.302 doit son origine à un gaz différent. Mais une 
nouvelle expérience m'a donné un cas dans lequel D, 
apparait brillante, tandis que #.474 est entièrement 
absente, Je puis aussi ajouter qu’une raie aussi impor- 
tante que 4.471, celle de 4026,5, avec la dispersion 
employée, apparaît dans lespectre de la brôggerite, et 
que ces deux raiessont larges et floues, comme les raies 
de l'hydrogène et qu'elles semblent être renversées. 
La raie 4.026,5 n’a pas été indiquée par M. Young, 
bien que, comme il a été dit, la fréquence des 
apparitions de 4.471 représente le maximum; en 
outre, l'intensité de ces raies dans les spectres des 
étoiles les plus chaudes n'est pas surpassée même 
par celle des raies de l'hydrogène. Par suite, on ne 
peut plus continuer à admettre qu’elles repré- 
sentent le même gaz. De plus, j'ai photographié une 
raie à 4.388, qui semble coiïncider avec une autre raie 
importante pour les mêmes étoiles. Qu’elles proviennent 
d'une même source ou de deux, nous avons, dans ces 
trois raies vues avec D, dans le gaz extrait de la brog- 
gerite, les raies les plus importantes du spectre des 
étoiles du groupe III, qui est le seul où nous trouvions 
D, renversée. Si ces résultats venaient à être confirmés, 
l'importance du gaz ou des gaz qu'elles représentent, 
à une certaine période de l’évolution des soleils 
et des planètes, se déduira de la photographie de 
Bellatrix. Autre est le cas d’une raie à À 667; elle est 
associée à D, dans la brôggerite et la clévéite, mais la 
raie jaune a été fournie par la monazite sans À 667. Il 
est ainsi presque certain que ces deux raies repré- 
sentent deux gaz. On ne pourra arriver à une certi- 
tude que quand on aura obtenu une plus grande quan- 
tité de gaz. D'autre part, la raie rouge à À 657,5, voi- 
sine de C, citée dans ma précédente communication, a 
été vue à la fois avec la gummite et avec la brôggerite; 
mais dans un cas (gummite), on l’a vue sans D,, et dans 
l'autre, avec D, ; dans un cas (broggerite), sans ? 614, et 
dans l’autre, avec elle. Les conclusions précédentes sub- 
sistent donc ici. La raie } 614, qui coïncide peut-être 
avec une raie de la chromosphère, a été observée avec 
la gummite et la broggerite. On l’a vue avec D, (dans 
la brüggerite) et sans elle (dans la gummite). J'en ai dit 
assez pour indiquer que ces constatations prélimi- 
naires mènent à penser que le gaz extrait de la brog- 
gerite par ma méthode a une origine complexe. Je 
vais maintenant montrer que la même conclusion 
subsiste pour les gaz extraits par les professeurs Ram- 


———_—_—_—_———————————— 


1 Voir Rev. gén. des Sc. du 30 octobre 1895, page 952. 


say et Clève de la clévéite. Les déterminations finales 
des raies du gaz tiré de la clévéite par MM. Ramsay 
et Clève n'ayant pas encore été publiées, je prends 
celles qu'ont données M. Crookes et M. Clève, d'après 
Thalèn. Ce sont les suivantes, sauf la raie jaune : 


CROOKES THALÈEN 
entree 6677 
568,05 ee 
566,41 O0 
516,12 nb S 
Fo arie . 5048 
So ree 5016 
500,81 pe 
bic 1922 
450,63 Loc 
setrotle 4743.5 


Le résultat le plus précis et le plus frappant obtenu 
jusqu'ici est que, dans les spectres des minéraux qui 
donnent la raie jaune que j'ai examinés jusqu'ici, je n'ai 
pas encore vu une seule fois les raies indiquées par 
MM. Crookes et Thalèn dans le bleu. Ceci prouve que 
le gaz extrait de certains échantillons de celévéite par 
des méthodes chimiques diffère beaucoup de celui 
qu'on tire, par ma méthode, de certains échantillons 
de brüggerile; le spectre du gaz extrait de la clévéite 
étant, au point de vue des raies bleues, plus complexe 
que celui du gaz de la broüggerite, le gaz lui-même ne 
peut être plus simple. Les lignes bleues elles-mêmes, 
au lieu d’apparaître en bloc, varient énormément dans 
le soleil, les apparitions se produisant : 


£929 (4924,3) — 30 fois 


4713 (4712,5) —H2NMO0IS 


Ce ne sont pas les seuls faits qu'on puisse alléguer en 
faveur de l'idée que le gaz provenant de la cléveite est 
aussi complexe que celui de la brüggerite; mais tandis 
que, d’une part, l'idée de la nature simple des gaz ob- 
tenus par les professeurs Ramsay et Clève et par moi- 
mème doit être abandonnée, si l’on s'appuie sur les 
raies spectrales, les observations que j'ai déjà faites 
sur divers minéraux, indiquent que les gaz qui com- 
posent les mélanges ne sont nullement les seuls que 
nous puissions espérer obtenir. Cette partie des re- 
cherches sera étudiée plus spécialement dans une 
communication subséquente. Je puis remarquer, pour 
conclure, que, dans cette étude préliminaire, on n’a 
fait aucun essai pour séparer les gaz qui pourraient 
être nouveaux des gaz connus qui se produisent en 
même temps qu'eux; par suile les raies sont, dans 
certains cas, très fines, et l'emploi des fortes disper- 
sions est impossible. Les longueurs d'onde, surtout 
dans le spectre visible, ne sont qu'approximativement 
connues; mais l'opinion que nous avons réellement 
affaire à des gaz qui jouent un rôle dans atmosphère 
solaire est corroborée par le fait que, des soixante raies 
qui jusqu'ici ont été observées comme nouvelles dans 
les minéraux examinés, la moitié environ se trouve au 
voisinage des longueurs d'onde assignées aux raies de 
la chromosphère dans la table d'Young. Je sais qu'on a 
récemment attribué au fer la plupart des raies de la 
chromosphère (Scheiner); mais je crois que ce résultat 
ne repose pas sur des comparaisons directes, et qu'il 
est entièrementopposé aux conclusions qu'on doittirer 
des travaux des observateurs italiens aussi bien que 
des miens propres. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 


Séance du ?8 Septembre 1895. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M, le Vice-Président rend 
hommage à la mémoire de feu le Prof. D. Bierens de 
Haan, décédé dans les vacances d'été. — M. J. de 
Vries s'occupe du théorème d’addition des intégrales 
elliptiques. En suivant le chemin tracé par Abel, il 
trouve les relations entre les limites supérieures de 
quatre intégrales elliptiques de première espèce, à 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


“variation séculaire de la déclinaison du magnétisme 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


l’aide de la courbe variable y — ax? + bæ + ce. Pour 
ec — 1, le théorème d'addition de trois intégrales se 
présente. Pour la somme de trois intégrales de seconde 
espèce, il trouve — Æ2x,x,+,, les limites supérieures 
L,, 2, &, élant liées par les mêmes relations que celles 
des intégrales de première espèce, Même la somme de 
trois intégrales de la forme : 


Fey 
o] dx 
RSR ——_— 


se réduit à une expression simple. — M. G. van Die- 
sen fixe l'attention sur une carte de la Hollande sep- 
tentrionale en possession de l'Académie, de grande. 
signification par rapport à la question du mouvement. 
rétrograde de la côte, — M. P.-H. Schoute présente un 
mémoire de M. J.-C. Kluyver, intitulé : « Sur une sur- 
face minima à connexion double, » Sont nommés rap- 
porteurs : MM. W. Kapteyn et Schoute, 

29 SCIENCES PHYSIQUES, — M. H, Kamerlingh Onnes 
communique les expériences de M, A. Lebret, faites 
au laboratoire physique de Leide, « sur la variation 
avec la température de l'effet de Hall et de la résistance. 
électrique du bismuth. » Les températures extrêmes 
étaient —740 et + 247. Dans l’un des spécimens, l’effet 
de Hall avait un maximum à —20°, dans l’autre, le 
maximum se serait montré probablement à une tempé- 
rature plus basse, La résistance électrique d’unespirale 
de bismuth fondue dans un tube de verre fut examinée 
entre les mêmes limites de température. — Sur le désir 
de MM. Cohn de Strasbourg et P. Zeeman de Leide, 
M. Onnes présente un mémoire « sur la propagation 
des ondes électriques dans l’eau », Le résultat de cé 
travail se résume dans les deux théorèmes suivants, En 
variant le nombre des vibrations de 27 à 97 millions à la 
seconde, l'indice de réfraction reste le même; donc, il. 
n'existe pas de dispersion, Pour des vibrations de moins 
de 100 millionsàlaseconde,ilya égalité entre laconstante 
diélectrique, mesurée par les méthodes statiques, et le 
carré de l'indice de réfraction, Ensuite, M. Onnes com- 
munique encore une « détermination de l'indice de ré- 
fraction du platine incandescent », faite au laboratoire 
de Leide, par M. P. Zeeman. Au moyen du compensa- » 
teur de Babinet, on a constaté que la variation de l’in- 
dice avec la température ne saurait être que très petite, 
Enfin, M. Onnes présente un travail de W. van Bem- 
melen sur « la représentation graphique générale de la 


terrestre » et la thèse de M. A. Lebret : Mesures du 
phénomène de Hall dans le bismuth. — Au nom de MM. 
C.-A. Lobry de Bruyn et W. Alberda van Eken- 
stein, M. A.-P.-N. Franchimont présente une note « sur. 
la transformation réciproque du glucose, du fructose 
et du mannose sous l'influence des alcalis», Dans cha- 
cune des réactions, le fructose est le produit intermé- 
diaire. Cependant, un vrai équilibre n'est jamais pro- 
duit parce qu'en même temps il se forme un acide, 
Toutes ces transformations se présentent comme des 
transpositions intramoléculaires d'atomes. Le mannose 
fut reconnu sous forme d’hydrazone et de méthyl man- « 
noside, le glucose sous celui de méthyl glucoside et 
d'acide saccharique. Le fructose fut séparé comme 
fructosate de calcium. Les détails des recherches se 
publieront sous peu dans le Recueil des travaux chi- 
miques des Pays-Bas. — M. E. Mulder présente un tra-=M 
vail de lui-même et un mémoire de M. J. Heringa, 

30 SCIENCES NATURELLES, — M. H. Kamerlingh Onnes 
présente un travail de M. V. Becker : les Recherches” 
géologiques récentes dans le diluvium du Brabant septen-" 
trional et du Limbowrg.-- M.B. Stokvis offre la seconde 
partie du tome second de son Geneesmiddelleer (Manuel M 
des médicaments). — M, P.-P.-C. Hœk présente son 
Guide zoologique, communications diverses sur les Pays- 
Bas etle Bulletin du 3° Congrès international de Zoologie 
à Leide. P.-I. ScnourTe. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER 


6° ANNÉE 


4 


$ 


? 


N° 22 30 NOVEMBRE 1895 


REVUE GÉNÉRALE 


} DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 7 \ 


CUS CR 


LL D Le. À 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


LE PLACENTA DES CARNASSIERS 


D'APRÈS M. LE PROFESSEUR MATHIAS-DUVAL 


Bien que depuis longtemps l’Anatomie comparée 
nous ait appris que tous les organes de l’homme 
sont, sans exception, représentés à des degrés 
divers dans un ou plusieurs autres animaux, les 
anthropologistes et les médecins praliciens pen- 
sent et agissent encore comme si l’homme cons- 
liluait un être absolument isolé du reste de l’ani- 
malité. Ainsi qu'aux siècles passés, les accoucheurs 
continuent à voir dans le placenta de notre espèce 
un organe à structure spéciale sans analogue chez 
les autres Mammifères. Sans nier que ce placenta 
offre des variations et des adaptations parlicu- 
lières, on peut néanmoins affirmer qu’il se ramène 
incontestablement à l’un des plans généraux 
qu'on peut observer chez les Quadrapèdes. 

La recherche de ses relations, éclairée par 
l'Anatomie comparée, n'offre pas seulement un 
intérêt philosophique : il importe même au prati- 
cien de les connaitre. Toute recherche susceptible 
d'éclairer le problème doit, à ce double titre, fixer 
l'attention. Pour cette raison, il nous parait utile 
d'indiquer aux lecteurs de la Revue les enseigne- 
ments qui se dégagent d'un récent Mémoire de 
M. Mathias-Duval sur le placenta des Carnivores !. 
Nous avons déjà décrit iei même les recherches 
de l’éminent professeur sur le placenta des Ron- 


1 Journal de l'Analomie et de la Physiologie, années 1893- 
1895. Avec 46 figures dans ke texte et un Atlas de 13 planches 
en taille douce. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


geurs !. Des différences existent entre ces deux 
groupes d'animaux; il sera intéressant de les 
signaler, puis de chercher à nous représenter, par 
la synthèse d'observations diverses, les types va- 
riés de placentalion dans la classe des Mammi- 
fères, et celui qui est commun à certains de ces 
animaux et à l'homme. 


Comme pour les Rongeurs, M. Mathias-Duval a 
étudié la formation placentaire des Carnivores à 
tous les stades, depuis sa première apparition jus- 
qu'à son complet achèvement ?. Au sujet des pre- 
miers développements de l'œuf (Chien et Chat), il 
fait remarquer que, de même que chez les Ron- 
geurs, toute la portion de l'ectoderme qui n'a pas 
pris part à la formalion de l'embryon continue à 
s’accroitre : elle donne lieu à la membrane séreuse 
ou chorion, et une série de plis se développe et 
contribue à former une double enveloppe : l’une 
interne ou aruuos, l'autre externe ou chorion. 

D'autre part, on voit se produire une évagi- 
nalion de la partie postérieure de l'intestin sous 
la forme d’une vésicule appelée allantoïide. L’al- 
lantoïde, accompagnée des deux artères allantoï- 


1 Voir cette Revue, 30 juillet 1892, n° 14, p. 503 et sui- 
vantes. 

2 Si ce mémoire sur les Carnivores a paru après celui des 
Rongeurs, c’est qu’il à fallu plus de temps pour avoir la 
collection des pièces sériées. Il cst en effet difficile de faire 
reproduire les chiennes et les chattes conservées en captivité. 

22 


991 


diennes (plus lard ombilicales), s'étend rapide- 
ment et vient s'appliquer contre la face interne 
du chorion, à laquelle elle apportera des vais- 
seoaux. 

IL nous faul insister sur les points suivants, 
qui sont particuliers aux Carnivores, el rendent 
comple de la forme spéciale de leur placenta. 


Le chorion se 
j 


couvre de cour- 


tes villosilés sur 
toute la surface 
de l'œuf, sauf 
anx deux exlré- 
milés, aux deux 
pôles, qui res- 
tent lisses. Les 
villosités choria- 


les manquent 6- 
galement dans 
la région qui 
prend part à la 
formalion 
replis amnioli - 


des 


ques. La région 
recouverlie de 
courtes villosités 
dessine ainsi une 
zone ou ceinture 
enveloppant lar- 
gement l'équa - 
teur de l'œuf. 
Comme le pla- 
cenla ne se for- 
mera que 
celte région vil- 


dans 


leuse, il aura lui- 
méme la forme 
zonaire, figurant 
une bande au - 
tour de l’équa- 
teur de l'œuf. 
L'allantoide , en 
s'élendant 
la 


dans 
cavilé cœlo- 
mique, n'alleint 
pas les deux pô- 
les de l’œufelse 
limile, où à peu près, à la zone villeuse du cho- 
rion. Aussi le placenta ne se produira-t-il que sui- 
vant celle zone. 

La forme du placenta, caractéristique chez les 
Carnivores, résulle ainsi de deux faits, à savoir : 
1° ce fait que le chorion ne développe de villosilés 
el ne contracte d'adhérence avec l'utérus que selon 
une bande en ceinture qui laisse libres les deux 


extrémilés de l'œuf; 2 ce fait que l'allantoïde 


D' E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS 


! 


\ No 


Fig. 1. — Seclion de l'ulérus, chez la chienne, au moment de la gestation. — 
M, musculeuse; P, couche des glandes permanentes; 1, couche homogène; 
S, couche spongieuse; C, couche compacte; D, couche des détritus; Ep. u., 
épithélium utérin; Ect. f., ectoderme fœtal; CC, couche des capillaires ; Vm, 
vaisseaux maternels. 


lui-même n'apporte de vaisseaux qu'à la région 
adhérente du chorion. - 


l. — DÉVELOPPEMENT DU PLAGENTA, 


Muqueuse utérine. — Après avoir considéré les phé- 
nomènes évolutifs qui ont lieu dans les membrane. 
de l'œuf, voyons, sur la chienne, les modifications 

que subissent les. 

| jp Dee 

ml éjà, à l’épo- 

AE que, 
: tes les couches 

de l'utérus aug- 
mentent d'épais- 


surtout sa mu- 
queuse qui pré- 
sente une hyper- 
trophie considé- 
rable. Les glan- 


existent déjà 
chez la chienne 
vierge , s'allon- 
gent énormé- 
ment (ylandes lon- 


de nouveaux lu- 
bes  épithéliaux 
se forment dans 
leur intervalle : 
ce sont les glan- 
des courtes, dé- 
signées sous le 
nom de eryples. 

Aussi con- 
vient-il, dès le 
début de la ges- 
lation, de consi- 
dérer {rois cou- 
ches distinctes 
dans la muqueu- 
se ulérine, au ni- 
veau de chaque 
renflement uté- 
rin (fig.1):1°une 
couche profonde, 
c'est-à-dire voisine de la musculeuse (M) renfer- 
mant lJ'extrémilé ou fond des glandes perma- 
nenles (P);2° une couche moyenne (M), d'aspect homo- 


gène, formée essentiellement de tissu conjonelif 


embryonnaire; 3° une couche superficielle ou couche 
des cryptes {S), dans laquelle le tissu conjonctif em- 
bryonnaire est parcouru de vaisseaux capillaires. 
Celte dernière est recouverte elle-même par une 
assise de cellules épithéliales de forme cubique. 


seur; mais c'est 


des ulérines, qui 


ques); de plus, 


man bte eu ts nt. nad) à “fn à nn A & 


D' E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS 


495 


| Les modifications les plus remarquables qui 
. vont survenir se produisent dans la couche des 
… cryptes. Les glandes {longues et courtes) qu’elle 
renferme se dilalent peu à peu et lui donnent un 
aspect spongieux; d’où le nom de couche spon- 
…yieuse (S). De plus, l’épithélium de ces glandes 
… s’hypertrophie, de facon que leur embouchure est 
- obstruée par un amas cellulaire (C et D). 
En même lemps, l’épithélium de la surface uté- 
- rine (Æp. w.) devient pâle, homogène; ce sont là 
_les premières indications de l'atrophie de l'épi- 
- thélium, atrophie qui va aboutir à sa résorption 
et à sa disparition ultérieure, partout où il sera 
en contact avec 
le chorion fœ- 
tal. 
- Pendant que 
- ces modifica - 
lions ont lieu 
- dans les glan- 
. des et dans l'é- 
. pithélium uté- 
| rin, la portion 
superficielle du 
derme de la 
_ muqueuse se 
vascularise de 
_ plus en plus, 
_ grâce au déve- 
loppement des 
capillaires ; 
ceux-ci devien- 
nent si abon- 
dants qu'ils 
sont pressés les 
uns contre les 
autres et sépa- 
rés seulement 
par un peu de substance amorphe CC). C'est ainsi 
que prend naissance la couche des capillaires (V'm), 
au-dessus de laquelle l’épithélium utérin dégénère 
et tend à disparaitre en se résorbant, 

Telles sont les transformalions que l’on peut 
constater dans la muqueuse utérine depuis le début 
jusque vers Le 18° jour de la gestation, laquelle est 
de 60 jours en moyenne. 


Chorion fatal. — Du côté de l'œuf, Yectoderme du 
chorion, formé d'une assise unique de cellules 
cubiques (Zrt. f.), s'unit de plus en plus intime- 
ment à la muqueuse utérine; par places, on voil 
les cellules ectodermiques se diviser el se super- 
poser sur deux rangs. Il se forme, par ce procédé, 
de véritables végétations ectodermiques qui, en 
s'allongeant, s'insinuent dans la muqueuse utérine. 
Telles sont les premièresindications de la manière 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895. 


Fig. 2. — Porlion de l’'ulérus de la chienne à la période de fixation de l'œuf. — 
S, couche spongieuse ; Ü, couche compacte ; D, couche des détritus; CC, couche 
des capillaires renfermant les vaisseaux maternels (PV); L, lobes; Ect. f., 
ectoderme fætal; VC, villosités choriales ; BB, bourgeons ectodermiques inter- 
placentaires à leur début. 


dont l’ectoderme se fixera sur la muqueuse en la 
pénétrant par une série de prolongements cellu- 
laires. Elles seront l'origine de l’ectoplacenta. 

Sauf de légères variations, l’évolution de l'œuf 
et de l'utérus est la même chez la chienne et chez 
la chatte au début de la gestation, c’est-à-dire avant 
que le chorion contracte des adhérences. 


Il. — PÉRIODE DE FIXATION. 


Muqueuse uférine. — Chez la chienne, à mesure 
que l’épithélium disparait, les glandes courtes on 
cryptes et le tissu conjonctif interglandulaire sont 
le siège de transformations nombreuses (fig. 2). 
Le fond ou par- 
tie profonde 
des cryptes s'é- 
tend considé - 
rablement el 
les lumières 
glandulaires se 
dilatent, de fa- 
con à accen- 
tuer l'aspect 
spongieux (S) 
dont nous par- 
lions plus haut. 
Dans la partie 
moyenne des 
cryples, l’épi- 
thélium glan - 
dulaire se mul- 
tiplie, sans di- 
latalion du ca 
nal. Bientôt on 
voitdisparaitre 
la lumière du 
canal, qui est 
rempli par un 
épithélium à grosses cellules (couche compacte C). 
Enfin, du côté libre de la muqueuse, vers les 
embouchures des glandes, ces grosses cellules se 
fusionnent el dégénèrent en une masse homo- 
gène, qui oblitère la lumière (couche des détritus 
glandulaires D, fig. 1 et 2). 

Dans l'intervalle des cryptes, le tissu conjonctif 
interglandulaire subit une vascularisation de plus 
en plus prononcée. Les vaisseaux sanguins sont 
accompagnés de tissu conjonctif jusqu'au niveau 
de la couche spongieuse; mais, à mesure que les 
capillaires se multiplient en montant dans les eloi- 
sons inlerglandulaires, on voit le tissu conjonctif 
diminuer etdisparaitre presque complètement (F»). 
Au niveau de la couche des détrilus glandulaires, 
les capillaires deviennent de plus en plus serrés el 
adondant{s et forment une couche vasculaire super- 
ficielle qui déborde l'embouchure oblitérée des 


22** 


996 


D' E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS 


eryptes (CC). C'est à la surface de cette couche des 
capillaires que vient s'appliquer l'ectoderme fætal, 
qui se substitue à l’épithélium utérin et constitue 
un revêtement nouveau à la muqueuse. 

La couche des capillaires (CC) est uniquement 
composée de vaisseaux placés côte à côte; leur 
ensemble représente une substance spongieuse, 
dont les mailles correspondent à la lumière des 
capillaires sectionnés; entre ces capillaires, il 
n'y à aucun des éléments du Lissu conjonctif, 
ni cellules, ni fibres. Dans la paroi de-ces eapil- 
laires, formés de cellules endothéliales, commence 
à apparaître une disposition qui, plus tard, s’ac- 
centuera bien 
davantage , 
savoir : l’aug- 
mentation de 
volume des no- 
vaux cellulai- 
res et leur sail- 
lie dans la lu- 
mière du vais- 
seau. 


à 


90049 


o 


A 

© 

5° 
0 


Chorion fatal. 

Du côté de 
l'œuf, on assiste 
à des change- 
ments morpho- 
logiques paral- 
lèles aux pré- 
cédents. À me- 


| 


chevêtrement de ces deux sortes de villosités. 


Partout où l'ectoderme du chorion est en contact 
avec la surface de lacouche des capillaires, il pousse 
des bourgeons cellulaires (B; B), comme cela se 
passe, par exemple, dans le développement des 
glandes. Ces bourgeons ectodermiques s’allongent, 
s'insinuent dans l'intervalle des parois vasculaires 
et se moulent sur les dépressions dessinées entre 
les capillaires les plus superficiels. Il en résulte 
une sorte d’engrènement entre la couche des capil- 
laires utérins et l’ectoderme fœtal, engrènement 
qui produit la fixation solide et définitive de l'œuf 
à la muqueuse ulérine. Le tissu qui se développe de 
celte façon est 
donc composé 
d'éléments d’o- 
rigine mater - 
nelie (capillai- 
res), et d’ori- 
gine fœtale (ec- 
toderme inler- 
posé). Bientôt 
les cellules ec- 
todermiques se 
fusionneront 
en une masse 
homogène par- 
semée de no- 
yaux , comme 
chez les Ron- 
geurs; c'est le 
plasmode  ecto - 


sure que la dermique. 

couche a- te ; < Chez la chatle 
Æ % des se Fig. 3. — Formation de l'angio-plasmode chez la chienne. — C, couche spon- ? 

pillaires ulé - gieuse; D, couche des détritus; B B, bourgeons ou saillies ectodermiques on observe des 
. 3 . . interplacentaires : M "AISSEAUX g û G à t : PL anvio-plas a à 4 

rins s’épaissit interplacentaires ; Vi, vaisseaux maternels des lobes {L); PI, angio-plasmode ; modifications 

e VC, villosités choriales. 
dens l’inter - 


valle de l'embouchure des cryptes, l’ectoderme 
du chorion fœtal est soulevé au même niveau par 
ces saillies vasculaires; mais, en regard de l’em- 
oouchure même des glandes, l’ectoderme reste 
appliqué à la surface des détritus glandulaires. Il 
en résulle une série de saillies ou lobes (L. L.) et 
lercavations (NV. C.) qui alternent régulièrement à la 
muqueuse. 

Tant que le mode de développement de ces par- 
lies restait ignoré, il était difficile, sinon impos- 
sible d'établir la part qui revient aux saillies ou aux 
excavalions dans l'édification placentaire. Il est 
nécessaire cependant de dire immédiatement que les 
saillies ou lobes (L) qu'on regardait comme restant 
constitués uniquement par du tissu maternel, por- 
taient le nom de villosilés maternelles, landis que les 
excavations s’appelaient les illosités choriales (N.C). 

Jusqu'à M. Mathias-Duval, on pensait que le 
placenta résultait de la pénétration ou de l’en- 


analogues : l'é- 
pithélium des eryptes s'hyperlrophie, sans que 
les couches ainsi formées arrivent à oblilérer 
la lumière glandulaire. Plus tard cet épithélium 
hypertrophié tombera également en détritus. Lei 
comme chez la chienne, l'embouchure des glandes 
disparait non seulement à cause de bouchons 
épithéliaux , mais en raison de ce fait que le 
tissu conjonctif immédiatement sous-jacent à 
l'épithélium utérin prolifère,forme une couche qui 
déborde les embouchures glandulaires et constitue 
la limite superticielle continue de la muqueuse 
ulérine. Autrement dit, la face libre de la mu- 
queuse ulérine a un aspect lisse, de sorte que 
l’ectoderme du chorion s'y élale en lame continue ;. 
on ne voit plus, chez la chatle, ces prolongements 
ou villosités creuses qui, chez la chienne, s’avan- 
cent du côté de l'embouchure des glandes. 

La muqueuse ulérine de la chatte présente une 
autre différence : à mesure que l'épithélium utérin 


| 
: 
| 
| 
: 
[1 
Î 
4 
; 
| 


L 


: 


_ et la chatte, la 
couche superfi - 


D: E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS 


997 


disparait, la couche superficielle de la muqueuse 
est constituée, non point uniquement par un lacis 
_ de capillaires maternels, mais par une trame de 
tissu conjonctif jeune parcouru de nombreux ca- 


_ pillaires. Chez la chatte, l’ectoderme fœtal vient 
. donc reposer sur une couche maternelle formée 


alternalivement de capillaires et de cellules con- 
jonctives. 
Enun mot, le tissu utérinsurlequelvient se greffer 


_ le chorion forme, 


chez la chienne 


cielle de la mu- 
queuse hypertro- 
phiée; mais, chez 
la chatte, les vais- 
seaux maternels 
sont soutenus par 
une trame con- 
jonctive, tandis 
“que, chezla chien- 
ne, il y a exubé- 
rance des capil- 
laires et dispari- 
tion plusou moins 
complète du tissu 
conjonclif quileur 
est interposé. 


JIL — FORMATION 
DE L'ANGIO-PLAS- 
MODE PLACEN - 
TAIRE. 
L'ectoderme 

qui tapisse les vil- 

losilés creuses ne 


Un processus analogue préside à la formation 
de l'ectoplacenta des Rongeurs‘; mais l'évo- 
lution ultime est différente chez les Carnivores. 
Chez les Rongeurs, les capillaires maternels, en- 
veloppés par ce plasmode, perdent leurs parois 
endothéliales et se transforment ainsi en sinus 
creusés dans la subslance plasmodiale (sinus ou 
canaux et canalicules sangui-maternels); chez les 
Carnivores (chienne), au contraire, les capillairesma- 
ternelsconservent 
leurs parois pro- 
pres endothélia- 
les.L'ectoplacenta 
desRongeurs n'est 
constitué que par 
des éléments ana- 
tomiques fœtaux, 
avec du sang ma- 
ternel; l’ectopla- 
centa des Carnivo- 
res est formé par 
des éléments fœ- 
taux etpar des élé- 
ments maternels, 
à savoir la paroi 
endothéliale des 
vaisseaux uté- 
rins. Le plasmode 
placentaire, outre 
le sang maternel, 
contient done ici 
des parois vascu- 
laires d’origine é- 
galement mater - 
nelle. 

Cetteédification 

ectoplacentaire 


prend nulle part à 
la formation du 
plasmode. Au ni- 
veau des lobes, 
au contraire, les 
bourgeons cellu- 
laires, dont nous avons indiqué plus haut le début, 
prolifèrent et s’insinuent de plus en plus pro- 
fondément entre les capillaires utérins : c'est 
ainsi que prennent naissance les swillies ectodermi- 
ques interplacentaires (B, B, fig. 3); ces saillies pénè- 
trent entre les capillaires superficiels et les entou- 
rent plus ou moins complètement. Le tissu nou- 
veau (Pl) qui se développe de cette facon résulte 
donc d’une part de l’enchevêtrement des capillaires 
d'origine maternelle, parcourus par le sang maternel, 
el, de l’autre, des saillies eclodermiques fœtales. 
Pour ce motif M. Mathias-Duval l'appelle wagio- 
plasmode. 


Fig. 4. 


— Achèvement de l'angio-plasmode chez la chienne. — C, couche 
compacte; Vm, vaisseaux maternels; PI, angio-plasmode ; Mf, mésoderme 
fœtal avec les vaisseaux fœtaux (Vf); lm, lamelles mésentériformes. 


s'étend rapide - 
ment; c'est ainsi 
qu'au vingt-qua- 
trième jour letiers 
de la couche des 
capilaires est en- 
vahi par les poussées plasmodiales de l’ecto- 
derme, et les cloisons plasmodiales arrivent jus- 
qu'au niveau de la couche des détritus glandu- 
laires. 

L’angio-plasmode de la chatte se développe 
d’une façon analogue, si ce n'est au début; en 
effet, chez la chatte, l'ectoderme pénètre dans la 
muqueuse non pas sous forme de petites saillies 
intercapillaires, mais par de grosses poussées 
qui se ramifient largement, comme chez la la- 
pine. 

DR SES SR RE PE NE PE 


1 Voyez la Revue du 30 juillet 1892, loc. cit. 


998 


D' E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS 


IV.— ACHÈVEMENT ET REMANIEMENT 
DE L'ANGIO-PLASMODE. 


Comme chez les Rongeurs, l'achèvement de 
l'angio-plasmode se fait grâce à la pénétration des 
vaisseaux fœtaux (fig. 4). ‘ 

Du trentième au trente-deuxième jour, les vais- 
seaux allantoïdiens (Vf), accompagnés de tissu con- 
jonctifembryonnaire(1/f),aprèss’être étendussurla 
face fœtale de l’ectoderme, c'est-à-dire de l'angio- 
plasmode, émettent, de distance en distance, des 
prolongements qui y pénètrent et les subdivisent 
en une série de lamelles secondaires. Au trente- 
cinquième jour, chaque lobule est ainsi pénétré 
dans toute son intimité par des cloisons mésoder- 
miques fœtales (1f) qui le décomposent en un 
grand nombre de travées d’angio-plasmode anas- 
tomosées les unes avec les autres. Cette formation 
compliquée mérite le nom de complezus labyrinthique. 

Au contact de l’angio-plasmode, le lissu con- 
jonetif de l'utérus disparait peu à peu en se résor- 
bant. Il y a là une substitution graduelle des for- 
mations fœtales aux formations maternelles, les 
premières augmentant d'épaisseur à mesure que 
les secondes s'amincissent et se détruisent. 

Pendant le remaniement de l’angio-plasmode, 
toutes les couches des formations utérines situées 
au-dessus de la couche spongieuse sont graduel- 
lement résorbées; les culs-de-sacs glandulaires de 
la couche spongieuse se transforment en d’im- 
menses cavités, séparées par des cloisons minces 
ou lamelles mésentériformes (/m), el, comme les 


parois supérieures de ces cavités sont également. 


résorbées, les formations fœtales arrivent à repo- 
ser sur les extrémités libres des lamelles mésen- 
tériformes et à n'adhérer qu'en ces points seu- 
lement aux lissus maternels. Ce sont les- par- 
ties profondes des lobules d'angio-plasmode qui 
s’attachent en ces points, les arcades ectoder- 
miques venant correspondre aux grandes cavités 
de la couche spongieuse et en former le couvercle. 
Pendant ce temps l’angio-plasmode a été remanié 
par la pénétration du mésoderme el des vaisseaux 
allantoïdiens, de telle sorte qu'il a été graduelle- 
lement décomposé en lamelles labyrinthiques, 
lesquelles sont formées d'un réseau de capillaires 
maternels, sur les deux faces duquel est étalée 
une couche de plasmode. Les capillaires fœtaux 
rampent dans les interstices des lamelles labyrin- 
thiques. 

Les lamelles labyrinthiques sont largement 
anastomosées les unes avec les autres; pour sim- 
plifier on peut réduire tout le placenta en un com- 
posé de lamelles dont chacune est formée par un 
réseau capillaire étalé en un seul el unique plan, 
réseau qui, sur ses deux faces et dans ses inter- 


valles, est soutenu par du plasmode ectoplacen- 
taire. Qu'on se figure, dit M.Mathias-Duval, un gril- 
lage métallique à mailles étroites; que, sur les 
deux faces de ce grillage, on étende une pâte quel- 
conque, qui remplisse les intervalles du grillage 
et en englobe complètement les travées, mais de 
manière à en dessiner cependant la saillie à la 


surface : on aura ainsi une lame qui schématisera 


exactement la lamelle labyrinthique. 

Chez la chatte, l'ectoplacenta pénètre en masse 
dans la muqueuse ulérine, comme chez les Ron- 
geurs; à mesure qu'il s'étend et s’accroil, l’angio- 
plasmode se substitue peu à peu à la couche des 
glandes utérines, dont les zones superficielles 
tombent en détritus et sont résorbées. Mais, 
chez la chatte, les capillaires maternels qui sont 
englobés dans la formation ectoplacentaire conser- 
vent, comme chez la chienne, leurs parois propres, 
tandis que ceux des Rongeurs perdent leur paroi 
endothéliale et passent à l’élat de lacune sangui- 
maternelle, | 

En quoi les dispositions ci-dessus décrites dif- 
fèrent-elles des assertions des auteurs qui se sont 
occupés du placenta des Carnivores ? 

Les auteurs classiques admettent que le pla- 
centa des Rongeurs et des Carnivores est formé 
par la pénétration réciproque des saillies fœtules 
du chorion (villosités creuses ci-dessus décrites) 
et les saillies de la muqueuse utérine (illosités 
maternelles). Ces dernières seraient unique- 
ment constituées par l’hypertrophie de la mu- 
queuse utérine el continueraient à rester revêtues 
par son épithélium persistant. 

Au contraire, si l'on suit, graduellement et sans 
interruption, l’évolution des parties fœtales et ma- 
ternelles, on voitque les soi-disant villosités mater- 
nelles sont essentiellement d'origine fœtale; après 
la disparition de l’épithélium utérin, l’ectoderme du 
chorion fœtal s'applique sur le tissu utérin dénudé, 
prolifère et pousse des prolongements (plasmode) 
qui, se substiluant aux éléments conjonctifs mater- 
nels, englobent les parois des vaisseaux maternels. 
En un mot, le plasmode ectoplacentaire est tou 
entier d’origine fœtale, sauf les parois des capil- 
laires utérins : c'est là l'angio-plasmode. 

Dans l'intervalle des saillies ou lobes plasmo- 
diaux et en regard des glandes utérines, l’ecto- 
derme du chorion fœlal constitue des cavités en 
doigt de gant (villosités creuses), qui ne pénètrent 
nullement dans les orifices des glandes et ne pren- 
nent point part à la formation du placenta. 

Plus lard cet angio-plasmode est remanié, grâce 
à l’arrivée du mésoderme fœlal et des vaisseaux 
allantoïdiens. 

Done, si nous Lenons comple de ces deux faits, 
— disparition de l'épithélium utérin, contact in- 


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D' E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS 


999 


time des capillaires maternels avec l'ectoplacenta 
fœtal, — nous pouvons dire : Il n'y a d’interposé 
entre les capillaires fœætaux (en négligeant le tissu 
conjonclif très rare qui les entoure) et les capil- 
laires maternels qu’une seule formation : la couche 
plasmodiale ectodermique; c'est-à-dire que, dans le 
placenta fœtal, là où les vaisseaux maternels et 


_fœlaux viennent s’intriquer, il n’y a, sauf la paroi 
. des capillaires maternels, rien que des formations 


d'origine fœtale. Ainsi, landis que le placenta 
des Rongeurs ne contient absolument aucun élé- 
ment de tissu d’origine maternelle, le sang mater- 
nel circulant, sans parois propres, dans dés tubes 
plasmodiaax ectoplacentaires; chezles Carnivores, 
le placenta contient des parois vasculaires ma- 
ternelles, parce que sa formation première est 
due à un angio-plasmode et non à un plasmode 
pur. 

Ces dispositions essentielles ne sont pas chan- 
gées quand, plus tard, l’angio-plasmode pénètre 
dans la profondeur et que les arcades ectoder- 
miques arrivent à faire saillie dans les grandes ca- 
vités de la couche spongieuse. 


V. — VARIÉTÉ DES RELATIONS ENTRE LES TISSUS MATER- 
NELS ET LES TISSUS FOETAUX CHEZ LES MANMIFÈRES. 


Les observations de M. Mathias-Duval nous don- 
nent, enfin, des renseignements plus circonstanciés 
sur les relations des tissus maternels et fœtaux.Jus - 
qu’à lui, on s'était contenté des résultats fournis 
par les examens en surface et par l'étude histolo- 
gique de quelques rares stades, pour distinguer : 
1° le placenta diffus (porc, cheval), chez lequel 
des villosités simples et courtes s'enfoncent dans 
des fossettes ou dépressions de la muqueuse hy- 
pertrophiée; 2 le placenta cotylédoné du bœuf, du 
mouton, ete., chez lesquels les villosités sont réu- 
nies en groupes, formant des saillies ou cofylédons 
qui sont reçus dans des cupules de la muqueuse 
utérine; 3° le placenta zonaire des Carnivores et le 
placenta discoïde des Rongeurs. 

D'autre part, on avait constaté que dans les pla- 
centas diffus et cotylédoné, il y a, lors de la partu- 
rition, séparation des parties fætales et des parties 
maternelles, tandis que, pour les placentas zonaire 
el discoïde, des relations si intimes existent entre 
les tissus maternels et le chorion qu'il en résulte 
une déchirure amenant la chute d’une portion de 
la muqueuse utérine. Il y a ainsi, dans ce dernier 
cas, une véritable cuduque, c’est-à-dire qu’une par- 
tie de la muqueuse utérine accompagne l’expul- 
sion de l'œuf. 

Or, les recherches de mon éminent maitre per- 
mettent d'affirmer qu'il y a des différences essen- 
lielles et plus profondes dans la constitution du pla- 
centa chez les divers Mammifères. Actuellement, 


M. Mathias-Duval a vérifié les données des auteurs 
qui se sont occupés du placenta des Pachydermes 
et des Ruminants. Bien que la publication de ces 
recherches ne soit pas faite, il déclare, dans son 
travail sur les Carnivores (p. 162), qu'elles sont 
entièrement d'accord, sauf quelques détails histo- 
logiques, avec les descriptions classiques. 

Nous pouvons donc d'ores et déjà jeter un coup 
d'œil d'ensemble sur la constitution variable du 
placenta chez les divers types de Mammifères. 
Celte revue nous montrera que le fait essentiel 
réside, non pas dans la forme de l’organe, mais 
dans les relations diverses qu'affectent les tissus 
utérins et fœtaux, permettant des échanges plus 
ou moins faciles entre le sang de la mère et celui 
du fœtus. 

Chez les Pachydermes (porc, cheval) etles Rumi- 
nants (bœuf, mouton), il se forme des villosités 
choriales, qui pénètrent dans les intervalles de 
saillies analogues produites sur la muqueuse uté- 
rine. La muqueuse utérine devient plus vascu- 
laire au niveau de ces saillies, mais la surface de 
ces dernières, ainsi que lesespaces intermédiaires, 
restent, pendant toute la durée de la gestation, 
recouverts par l’épithélium utérin. Le fait fonda- 
mental a la mêmesignification, que cet épithélium 
reste haut et cylindrique, comme chez les Rumi- 
nants, ou bien qu'il s'aplatisse comme chez les 
Pachydermes. Les échanges nutritifs se font donc 
pour les groupes précédents à travers : 1° l’endo- 
thélium des vaisseaux maternels; 2’ le tissu con- 
jonctif de la saillie ou villosité utérine ; 3° l'épithé- 
lium utérin; 4 l'ectoderme de la villosité fœtale ; 
5° le tissu mésodermique et l'endothélium de la 
villosité fœtale. 

Chez les Carnivores etles Rongeurs, aucontraire, 
l’épithélium utérin disparaît partout où l'ecto- 
derme fœlal vient s'appliquer à la surface de l’u- 
térus. Cet ectoderme fœtal prolifère et développe 
une épaisse couche plasmodiale, qui reçoit el 
enveloppe les capillaires émanés des couches ma- 
ternelles sous-jacentes. La fixation de l'œuf se fait 
ici au moyen des cellules ectodermiques du fœtus, 
qui ont englobé les vaisseaux maternels. Plus 
tard, les vaisseaux fœtaux pénètrent également 
dans le plasmode. 

Chez les Carnivores, les vaisseaux maternels 
conservent pendant toute la gestation leur paroi 
propre, de sorte que leur placenta où angio-plas- 
mode résulte d’un enchevétrement de capillaires 
maternels et de trainées ectodermiques fœtales. 
Le sang maternel n'est donc séparé chez eux 
que par : 4° la paroi endothéliale des capillaires 
maternels; % les cellules ectodermiques du plas- 
mode; 3° la paroi endothéliale des vaisseaux 
fœtaux entourés d’un peu de tissu conjonctif. 


1000 


D: E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS 


Chez les Rongeurs enfin, les rapports deviennent 
plus intimes et plus faciles encore, parce que la 
paroi des vaisseaux maternels disparait elle-même, 
partout où elle est circonscrite par les cellules 
ectodermiques du plasmode, de sorte que le sang 
maternel circule dans des tubes conslilués par le 
tissu fœtal lui-même (sus ou lacunes sanqui- 
maternelles). 

On le voit, il s’agit ici, non point de conceptions 
imaginaires et d'interprétations plus ou moins 
arbitraires, mais de faits parfaitement positifs et 
coordonnés d'après l’enchainement de leurs évo- 
lutions successives. 


VI. — ORIGINE DES ÉLÉMENTS DU PLACENTA HUMAIN. 


A la fin de celle étude se pose la question de la 
valeur des éléments qui constituent le placenta 
humain. Quelle est l’origine, maternelle ou fœtale, 
des couches cellulaires qui séparent le sang ma- 
ternel du sang fœtal? Bien que de nombreuses 
recherches aient été faites sur ce sujet, des opinions 
aussi nombreuses que contradictoires ont encore 
cours à l'heure actuelle; ces divergences sont dues 
à des causes mulliples, notamment au mauvais état 
des matériaux d'étude et à l'examen d’un nombre 
tout à fait insuffisant de stades évolulifs. 

Il est vrai que nous n’aurons des résultals vrai- 
ment posilifs que le jour où un observateur, après 
avoir réuni les phases principales du développe- 
ment du placenta humain, consacrera le temps 
nécessaire à l’élude de la série complète de pièces 
depuis l’origine de l'organe jusqu'à sa constitution 
définitive. Ici, comme pour tous les tissus el forma- 
lions complexes, l'anatomie et l’histologie de l'un 
quelconque des stades évolutifs sont impuissantes 
à nous renseigner suflisamment. Pour définir la 
nature d'un organe, il est absolument indispen- 
sable d'appliquer la technique histologique à 
l'étude de fous les stades de son évolution. 

Quoi qu'il en soit, en tenant compte des faits 
isolés publiés jusqu'à ce jour et des aflinités zoolo- 
giques qui relient l’homme aux autres Mammifères, 
on peut donner le schéma suivant de l’origine et 
de la constitution probables du placenta humain : 

Une fois que l’œuf est logé dans l’un des replis 
de la muqueuse hypertrophiée, les villosités du 
chorion fœlal s'appliquent à la surface de l'épi- 
thélium utérin; à son contact, cet épithélium dégé- 
nère el disparait. L'ectoderme qui tapisse les 
villosilés développe de nombreuses 
assises cellulaires, qui pénètrent dans le Lissu con- 


choriales 


jonclif utérin, et entourent les vaisseaux mater- 
nels. Ceux-ci se dilatent en sinus sanguins dont 
les cellules endothéliales sont conservées comme 
chez les Carnivores ou disparaissent dans la suite, 
par résorption, comme chez les Rongeurs. 

En un mot, le placenta humain (sérotine) serait 
essentiellement constitué par du tissu d'origine 
fœtale, qui aurait végété au-devant des vaisseaux 
maternels et les aurait englobés dans sa masse. 

Ce qui, outre les faits déjà cités, plaide en faveur 
de cette interprétation, c'est la facon dont se 
détache le placenta. On sait que, dans le placenta 
humain, la ligne de séparation passe par la couche 
spongieuse. Chez les Rongeurs, toute la portion de 
la sérotine qui a élé pénétrée par l’ectoplacenta 


s’en va également.avec le placenta. Un récent tra- 


vail de H. Strahl montre qu'il en est de même chez 
la chienne !; de plus, ce travail nous fournit des 
éclaircissements sur le mode de régénération de 
l'épithélium utérin. Le placenta se sépare chez la 
chienne d'avec la muqueuse utérine à peu près au 
milieu de la couche spongieuse, de telle sorte que 
la moitié profonde de cette couche est conservée, 
tandis que la moitié superficielle se délache. Les 
minces lamelles de tissü conjonctif (mésentéri- 
formes) qui se lrouvent entre les dilatations de la 
couche spongieuse sont seules mises à nu, c’est-à- 
dire dépourvues de tissu épithélial, lors de la par- 
turition. Il est vrai que la contraction de l'utérus 
qui survient après le part réduit ces plaies à des 
points imperceptibles en même temps qu'elle 
détermine la formation de nombreux plis. 

En un mot, la restauration de la muqueuse uté- 
rine a lieu par ce fait que, sur toute la surface 
dénudée, le fond des glandes utérines persiste. 
Les portions dépourvues d'épithélium sont d'une 
étendue si faible qu'il est fort diflicile de les 
découvrir après la rétraction de l'utérus; dès lors, 
la réparation de ces petites plaies peut se faire 
avec une très grande facilité. 

On voit combien ces études d'Embryologie el 
d'Histologie comparées sont utiles pour apporter 
quelque lumière à la question, si importante el 
encore si obscure, de lévolution intra-utérine 
dans l’espèce humaine. 


D' Ed. Retterer, 
Professeur agrégé d'Embryologie 


à la Faculté de Médecine de Paris, 


1 Der puerperale Ulerus der Hündin (Anat. Heften de 
Merkel et Bonnet, 1895). 


so lttitod à; (e" Les. À ! 


Lens D ds ie dede sûe #17. 


G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


1001 


L’ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS ‘ 


DEUXIÈME PARTIE : 
MESURE DE LA RÉVERSIBILITÉ DES TRANSFORMATIONS ISOTHERMES 


I. — L'Exrropte. 


On mesure les quantités de chaleur avec le calo- 


rimètre. Soit le calorimètre à glace; pour mesu- 


rer, par exemple, la quantité de chaleur dégagée 
par le refroidissement de l’eau, de la température 
4 à la température {', on opère le refroidissement 
dans le calorimètre, et le nombre de kilogrammes 
de glace fondue est la mesure d’une certaine quan- 
lité physique, qui, par définition, est la quantité de 
chaleur. Le principe des trois sources prouve, d’ail- 
leurs,que,quelquesoit le calorimètlre, quellequesoit 
la nature du changement du corps calorimétrique, 
le résultat comparalif des mesures reste toujoufs le 


même, c'est-à-dire que le rapport des quantités de 


chaleur dégagées par deux transformations données 
différentes d'un même corps ou de deux corps dis- 
tincts et mesuré respeclivement avec ces divers 
calorimètres, est invariable. 

La mesure des quantités de chaleur par le calori- 
mètre s'applique à toute espèce de transformations, 
isothermes ou non isothermes. Mais, s'ils'agitexclu- 
sivement d'une transformation isotherme, on peul 
concevoir la possibilité, tout en faisant usage d’un 


_calorimètre, de changer radicalement le mode de 


mesure. Au lieu de laisser la chaleur Q du corps qui 
subit la transformation isotherme (par exemple la 
condensation de la vapeur d’eau saturée) s’écouler 
directement dans le corps calorimétrique, on peut, 
théoriquement du moins, opérer la transmission 
de la chaleur par l'intermédiaire d'une machine 
de Carnot fonctionnant d'une manière réversible, 
c’est-à-dire à la température de la vapeur d’eau, 
puis à celle de la glace. La machine absorbera la 
chaleur Q perdue par la vapeur d’eau, mais elle ne 
rendra au calorimètre qu'une quantité de chaleur Q' 
plus faible que la quantité Q, et par suite le poids 
de la glace fondue sera moindre que dans l’opéra- 
tion calorimétrique ordinaire. 

L'interposition d’une machine Carnot modifie 
donc le résultat des mesures, et la mesure réversible 
ainsi effectuée, définit, par conséquent, une nou- 
velle espèce de quantité physique, tout à fait dis- 
tincte de la « quantité de chaleur ». En effet, non 
seulement les nombres obtenus par voie réversible 
sont différents des nombres obtenus par les me- 


1 Voyez 1'e partie dans la Revue du 30 Octobre. 


sures calorimétriques proprementdites ; mais, dans 
le cas général, ils n’y sont point proportionnels. 
IL suffit, pour le prouver, de montrer que deux 
transformations isothermes, accomplies à des tem- 
péralures différentes, et qui dégagent la même 
quantité de chaleur, n’auront nécessairement pas 
la même mesure par voie réversible. Soit, par 
exemple, la condensation de la vapeur d’eau satu- 
rée à 100° et la condensation de la vapeur d'éther 
saturée à 35°5,etsupposons, pour simplifier, que les 
poids de chaque substance soient inversement pro- 
portionnels aux chaleurs latentes de vaporisation, 
c’est-à-dire que les deux opérations de conden- 
sation dégagent la même quantité de chaleur Q. 
Prenant l’eau à l’état de vapeur et l’éther à l’état 
liquide, nous pouvons donc vaporiser l’éther à 
l’aide de la chaleur Q empruntée directement à 
la condensation de la vapeur d’eau, opération qui 
est irréversible. Puis nous ramenonsl’éther à l'état 
liquide par voie réversible en cédant au calori- 
mètre la chaleur Q', et l’eau à l’état de vapeur, éga- 
lement par voie réversible, en empruntant au ca- 
lorimètre la quantité de chaleur Q". Les quantités 
Q' et Q", proportionnelles aux poids de glace 
fondue, sont les mesures réversibles des deux trans- 
formations considérées, et ces deux quantités sont 
nécessairement inégales, car du système des trois 
sources de chaleur, deux sources, l’eau et l’éther, 
sont revenues à leur état initial, et il faut, puisque 
l'opération totale est irréversible, que la troisième 
source, qui est le calorimètre, ait gagné de la cha- 
leur. Donc la quantité Q' est supérieure à la quan- - 
tité Q, c'est-à-dire que la condensation de l’eau en- 
traine, par voie réversible, la fusion d’un poids de 
glace supérieur au poids de glace qui serait fondue 
dans les mêmes conditions, à l'aide de la chaleur 
empruntée à la condensation de l’éther ?. 

La mesure réversible d’une transformation con- 
duit à des résultats différents des mesures calori- 
métriques ordinaires, mais pour conclure de là 
que ce procédé de mesure définit une quantité, 
il faut que, si l’on change l'appareil de mesure, 
si, par exemple, l’on substitue le calorimètre 
à mercure au calorimètre à glace, les résul- 
tats des mesures réversibles ne soient modifiés 


1 On peut répéter le même raisonnement sur deux masses 
d’eau, à condition de les prendre à des températures et sous 
des tensions de vapeur différentes. 


1002 


G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


que proportionnellement. La question est la 
même que pour la quantité de chaleur, et elle se 
lranche de la même manière, par l'application du 
principe des trois sources. Soient, en effet, deux 
transformations, par exemple la condensalion de 
la. vapeur d’eau et la condensation de la vapeur 
d'éther, les poids des substances élant alors tels 
que les deux transformations ont la même mesure 
réversible au calorimètre à glace, et par suite que 
les chaleurs gagnées par le calorimètre dans les 
deux opérations de mesure sont toutes les deux 
égales à une même quantité Q. En condensant 
donc l’eau, par voie réversible, dans le calorimètre 
à glace, nous fournissons à ce calorimètre la 
quantité de chaleur Q; nous pouvons ensuite 
ramener le calorimètre à glace à son élal initial 


par voie réversible en lui enlevant avec la machine 


cette quantité Q et en cédant au calorimètre à 
mercure une certaine quantité de chaleur Q". 
D'après le principe des trois sources, le résullat 
sera le même que si nous avions directement 
opéré la condensation de la vapeur d’eau, par voie 
réversible, dans le calorimètre à mercure. D’ail- 
( 

Q 
lures de deux calorimètres. Si Q'"est la mesure 
réversible de la condensation de la vapeur d’éther 


leurs le rapport = ne dépend que des tempéra- 


dans le calorimètre à mercure, le rapport - 
dépend aussi que des mêmes températures. Les 
deux rapports sont dune égaux, ce qui entraine 
l'égalité des quantités Q' et Q”,‘et par suite l'éga- 
lité des mesures faites au calorimètre à mercure. 

Ainsi donc la mesure réversible des transforma- 
tions isothermes ne dépend pas de l'appareil de me- 
sure, mais définit une quantité physique nouvelle, 
une quantité qui n’est pas la quantité de chaleur. 

Il y a entre ces deux espèces de quantités 
une différence absolument fondamentale. Quand 
nous parlons des quantités de chaleur, c'est que 
nous considérons comme équivalentes deux trans- 
formalions qui, direclement opérées dans le calori- 
mètre, fondent respectivement le même poids de 
glace. Quand nous parlerons de la nouvelle quan- 
lité, c’est que nous considérerons comme équiva- 
lentes deux transformations qui détermineraient 
respectivement la fusion d’un même poids de 
glace par l'intermédiaire d'une machine de Carnot. 

La différence entre les deux quantités a donc pour 
fondement la différence entre le phénomène de la 
conduction et celui de la lransmission réversible 
de chaleur ; mais, si celle-ci entraine celle-là, si les 
deux modes de mesure conduisent à des résul- 
tats différents, si, par conséquent, il y a en cha- 
leur une autre espèce de quantité que la quan- 
lité de chaleur, c’est en raison de la loi Clausius, 


ne 


c'est parce qu'un même système thermique hors 
d'équilibre, suivant qu'il se transforme par voie. 
réversible ou par voie irréversible, ne passe pas 
par les mêmes états, ne suit pas le même cycle, et 
ne peut parvenir au même état final. Telle est. 
aussi la raison profonde pour laquelle la Chaleur | 
est une des formes de l'Energie. 

Dans le cas des mesuresréversibles, comme dans 
le cas des mesures calorimétriques ordinaires, il 
faut faire choix d'une certaine unité. S'il s'agit des 
mesures calorimétriques ordinaires, l’unité choisie, 
c’est l'échauffement de 0° à 1° d’un kilog. d’eau: on 
l'appelle la Calorie. Dans les mesures réversibles, 
on pourrait conserver la mème unilé, qu'on appel- 
lerait Cluusie pour rappeler le nom du grand physi- 
cien qui a su le mieux mettre en évidence la nou- 
velle quantité. Mais nous verrons plus loin qu'au 
point de vue de la simplicité des formules, et pour 
éviter l'emploi d'un coefficient, ilconvient de choisir 
une unité de transformation différente de la trans- 
formation qui sert à définir la calorie. Dans tous 
les cas, le changement d'unité n’entraine que la 
mulliplicalion des mesures par un facteur constant. 

La nouvelle quantité jouit d’une propriété bien 
remarquable, qui n'appartient pas à la quantité de 
chaleur. Celle nouvelle quantité reste la même 
pour deux transformations isothermes ab et «' 0", 
d’un mème corps, accomplies à des températures 
différentes { el {', quand ces transformations sont 
comprisesentreles deux mêmesadiabatiques(fig.1). 
En effet, nous pouvons 
accomplir la transfor- S S 
malion «b par voieré- ‘ 
versible, à l’aide d'une | 
machine de Carnot qui 
emprunte au calorimè- \e 
tre la quantilé de cha- ,- 
leur Q. Puis, après a- : \ {8 
voir amené le corps à st 1e 
l'état d' par une dé- KA 
tenteadiabalique nous \e ë| 
pouvons accomplir la À \ 
transformation d'a! à 
l'aide de la même ma- 
chine ou d'une autre, 
en cédant au calorimè- : 
tre la quantité de chaleur Q'. Enfin, par compres- 
sion adiabatique nous ramenons le corps à son état 
inilial. L'opération totale étant réversible, il faut 
que le calorimètre revienne aussi à son élal inilial, 
c'est-à-dire que les quantités Q et Q' soient égales. 
Mais ces quantités sont la mesure déversible des 
transformalions 4b et a! b'; donc les mesures ré- 
versibles de ces transformations sont égales, ce 
qu'il fallait démontrer. 

On peut exprimer ce résultat en disant que la 


Fig, 1: 


1003 


ee 


i 
À 
; 
| 
| 
| 


« ne dépend pas de la température de la trans- 


formation, mais seulement de l'adiabatique 
initiale et finale. La nouvelle quantité peut ser- 
vir à définir, en quelque sorte, l’espacement 
de deux adiabatiques, indépendamment de toute 
considéralion de température. C'est là un rôle 
- que ne saurait jouer la quantité de chaleur, car 
cetle quantilé ne reste pas la même pour toules 
- les transformations isothermes limilées aux 
. mêmes adiabatiques; elle est d'autant plus grande 
que la température est plus élevée, toujours en 


r 


. verlu de la quatrième des lois fondamentales. 


Il devient, par suite, possible de rapporter 
toutes les adiabatiques d'un corps à une adiaba- 
tique déterminée prise pour origine, comme on 


. rapporte toutes les températures au zéro centi- 


grade. Appelons ENTROPIE : {4 grandeur définie par la 
mesure réversible des transformations isothermes qui ont 
pour adiabatique initiale précisément celle adia- 
batique arbitrairement choisie comme origine. 
Convenons, en outre, de compter positivement les 
mesures des transformations isothermes qui absor- 
bent de la chaleur, négalivement ies mesures de 
celles qui dégagent de la chaleur. À toute adiaba- 
tique répondra alors une valeur déterminée de 
l’'entropie, et une seule, valeur positive si l’adia- 
balique est à droite (dans le cas le plus commun), 


. négative si elle està gauche. Réciproquement, à 


loute valeur déterminée de l’entropic, valeur posi- 
live ou négative, répondra une adiabatique détermi- 
née, et une seule, située à droite ou à gauche de 
l'adiabatique origine. L’entropie est donc bien une 
quantité capable de représenter, de désigner les 
adiabatiques d’un corps, d'en définir la position 
relative. È 

Maintenant, observons ceci: si une valeur déter- 
minée de l’entropie répond à une adiabatique 
déterminée, elle répond par là même à tous les 
élats représentés par les points de cette adiaba- 
lique, comme la même température est commune 
à tous les états représentés par les points d’une 
même isotherme. Et comme deux adiabaliques 
n'ont aucun point commun quand deux étais 
distincts sont représentés par des points situés 
sur des adiabatiques différentes, les valeurs de 
l’entropie des deux étais ne sont pas les mêmes. 

La grandeur « entropie » devient ainsi un élé- 
ment numérique caractéristique de l’état d’un 
corps, et il est permis de dire que, sous tel élat, 
le corps possède telle entropie. Aussi, pour décrire 
d'une manière vérilablement complète l’état d'un 
corps, il ne suffit pas de faire connaïlre son élal 
physique, chimique et électrique, et d'indiquer 
son volume, sa pression et sa tempéralure; il faut 


cet élément est aussi essentielle que l’est celle des 
autres éléments, et notamment de la température: 
car il n'y a pas plus de raison de se dispenser de 
considérer les adiabatiques, qu’il ne peut yen 
avoir de négliger les isothermes. Les unes et les 
autres ont un égal titre à être appelées transfor- 
malions fondamentales. 

Puisque l’entropie est un élément numérique 


caractéristique, cette grandeur peut servir de va- 


riable indépendante. On sait, par exemple, que. 
lorsqu'un corps n’est pas susceptible de change- 
ment d’élat physique, chimique et électrique, deux 
variables indépendantes suflisent à définir son 
état. On choisit d'ordinaire le volume et la pres- 
sion, mais on pourrait, on le voit, tout aussi bien 
définir cet état par le volume et l’entropie. Étant 
données les valeurs de ces deux quantités, les va- 
leurs des autres — pression, température — se 
trouvent nécessairement déterminées. 


IT. — LE CHANGEMENT D'ENTROPIE 


L'entropie élant une grandeur caractéristique de 
l'état d’un corps, on se trouve autorisé à parler 
d'une différence d’entropie entre deux états, même 
quand il y a entre ces deux états un écart de tem- 
pérature. La différence d’entropie ne se rapporte 
plus à une différence entre les états initial et final 
d’une transformation isotherme, ni même d’une 
transformation réversible quelconque; c’est une 
différence qui peut se constater dans une trans- 
formation quelconque, réversible ou irréversible. 
Lorsqu'un mobile s'éloigne, suivant une trajec- 
toire courbe, de sa position iniliale, nous ne fai- 
sons aucune difficulté de parler de la distance 
entre les deux positions initiale et finale du 
mobile, distance cependant qui ne peut être me- 
surée que suivant une trajectoire rectiligne; ce 
n’est pas le chemin effectivement suivi qui fail la 
distance, c'est un certain chemin qui aurait pu 
être suivi. Pareillement, ce n’est pas la transfor- 
mation réellement accomplie qui mesure la varia- 
tion d'entropie, c'est une transformation d'une 
espèce particulière, par laquelle le corps aurait 
également pu parvenir de l’état initial à l’état 
final. On parle de la force d'un corps en mouve- 
ment, en voulant signifier l'effort que le corps 
exercerait s’il n’élait point en mouvement. Le lan- 
gage ne se compose guère que d’abstraclions(c'est- 
à-dire de simplifications) de ce genre. 


Mesure du changement d'entropie. — Mais puis- 
qu'un changement d'entropie peut avoir lieu 
à la suile d'une transformation quelconque, et 
puisque nous ne connaissons ici qu'un procédé 
de mesure de ces changements, applicable seu- 


encore indiquer son entropie. La connaissance de ! lement aux transformations isothermes, il est 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


22* 


100% 


G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


naturel de se demander comment il est possible 
de mesurer un changement d’entropie dans les 
autres cas, notamment dans le cas d’une transfor- 
mation irréversible d'un état B à un état À (fig. 2). 
Le procédé est 

S simple en théorie. 

s' Il consiste à faire 

\M \ revenir le corps, 
es par voie réversible, 
; de l’état À à l’état 
\ B, suivant un cycle 
formé de deux adi- 
NS NE . abatiques , BN et 

T MA, et d’une iso- 

| © NT" therme NM, à une 

ENS __ - température arbi - 
trairement choisie. 
La mesure réver- 
sible de cette dernière transformation est celle 
de la différence d’entropie entre les adiabatiques 
S et S', et, par suite, entre les deux états re- 
présentés par les points A et B de ces adiabati- 
ques. 

Mais même il n’est point nécessaire de s'as- 
treindre à faire suivre au corps un cycle aussi 
déterminé que l’est le cycle BNMA; il suffit de lui 
faire suivre un cycle réversible quelconque entre A 
et B ; cela demande toutefois quelques mots d’expli- 
cation. 

Quand un corps passe successivement de l'état À 
à l’état A', de l’état A à l’état A”, et ainsi de suile, 
jusqu’à l’état B,et qu'on mesure, par le moyen qui 
vient d’être indiqué, ses variations successives 
d’entropie, on trouvera que la somme de ces va- 
riations est égale à la variation totale d’entropie de 
À à B, mesurée de la même manière. Par consé- 
quent, cette somme est constante et ne dépend pas 
des états intermédiaires A', A”, etc. C’est la consé- 
quence de la loi sur la réversibilité. Nous ne répé- 
terons pas le raisonnement, qui est toujours le 
même. 

Ce raisonnement prouverait aussi qu’il est pos- 
sible de simplifier les opérations successives de 
mesure, et qu’au lieu de mesurer séparément cha- 
cune des transformations isothermes, en rever- 
sant chaque fois de la chaleur au calorimètre, on 
peut procéder en bloc et faire une opération uni- 
que. Cette opération consiste à effectuer immédia- 
tement la série des transformations isothermes en 
amenant successivementla machine aux différentes 
températures du corps. Ramenant ensuite la ma- 
chine à la température du calorimètre, l’on com- 
plétera le cycle, et le poids de glace fondue dans 
cette dernière opération sera égal à la somme des 
variations partielles d’entropie, ou à la variation 
totale, ce qui revient au même, 


Fig. 2. 


Or, on peut considérer un cycle quelconque AB, 
nous l’avons déjà dit, comme la limite d’une alter- 
nance de transformalions isothermes et adiaba- 
tiques infiniment petites, qui font passer le corps 
successivement de l’état À à l’état A, à l’état A”, à 
l'état A", etc. (fig. 3). La mesure réversible, directe- 


A 
AUS: ni 
AN \ÈS EN 
A y" 
A M' 
M 
Fig. 3. 


menteffectuée suivant le evele formé de ceséléments 
d'isothermes et d'adiabatiques, ne cessera pas, 
d'après ce qui vient d’être expliqué, de représenter 
la variation totale d’entropie; mais, considérée à sa 
limite, cette opération n’est pas autre chose que la 
mesure même du cycle considéré, mesure réver- 
sible, l'égalité de température setrouvant à chaque 
instant maintenue entre le corps et la machine 
thermique. Il suit de là que la mesure directe de la 
variation d’entropie d’une transformation réver- 
sible quelconque.est une opération {théoriquement 
possible, et qui ne diffère pas essentiellement de 
celle faite à l’occasion d'une transformalion iso- 
therme. Elle se trouve toujours ramenée à la me- 
sure d’un changement physique d’une espèce dé- 
terminée, accompli à une température également 
déterminée, c'est-à-dire à une simple mesure calo- 
rimétrique. 

Le théorème précédent équivaut, par consé- 
quent, à la proposition que la variation d'en- 
tropie mesurée le long d'un cycle réversible ne dépend 
pas de la forme du cycle, mais seulement des états 
extrêmes, ce que l’on exprime encore el sous une 
forme mathémalique, en disant que la quantité 
infiniment petite (considérée comme fonction de 
deux variables indépendantes, volume et pression) 
qui représente la variation d’entropie d’une lrans- 
formation élémentaire A" A” est une différentielle 
exacte. 

Le fait à retenir, sous ces formes diverses de 
langage, c’est que, si un corps passe par une trans- 
formation quelconque de l'élat À à l’état B, toute 
transformation réversible de l’état B à l’état A 
permet de mesurer directement la différence des 
entropies du corps sous ces deux élals. 


Ce qu'est la chaleur. — Mais revenons au chan- 
gement d'enlropie considéré en lui-même, indé- 


RS de ns ont de à bn cité de joints, du à ne / 


G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


1005 


pendamment des procédés de mesure et cherchons 
à en bien faire ressortir l'autonomie. 

Dans le casle plus général, une variation de tem- 
péralure accompagne la variation de l’entropie, 
mais ce n'est là qu’une association accidentelle. 
Le changement d'entropie peut avoir lieu sans 
que la température varie; il se produit toujours 
si la transformation à température constante est 
réversible ; il peut se produire si elle est irréver- 
sible : ce serait le cas des réactions chimiques qui 


s’accompliraient sans dégagement ni absorption. 


de chaleur. 

Le changement d’entropie est donc absolument 
distinct du changement de température, et cela, 
d’ailleurs, ressort immédiatement de sa définition. 
Il n’est pas moins distinct du changement qui con- 


- siste en pertes ou gains et de chaleur. Par exemple, 


l'entropie d’un corps est susceptible d'augmenter 
sans que le corps emprunte de la chaleur, — c'est 
le cas des phénomènes de choc, de détente ou de 
compressions brusques, des réactions chimiques 
proprement dites,etc., —ou même quoique le corps 
perde de la chaleur ; et quand il y a à la fois aug- 
mentation d’entropie etgain de chaleur, il n’y a pas 
ordinairement de rapport numérique défini entre 
les valeurs de ces deux variations. 

Si le changement d’entropie a souvent lieu sans 
que la température varie ou sans que le corps perde 
ou gagne de chaleur, il peut aussi avoir lieu sans 
que la température varie e{ sans que le corps perde 
ou gagne de chaleur. Quand un gaz parfait se dé- 
tend dans le vide, son entropie augmente !, et ce- 
pendant sa température finalement n’a pas changé 
et il n’a pu emprunter ni céder de la chaleur. S'il 
étail matériellement possible d'amener un corps 
au zéro absolu et de l'y maintenir, ce corps, qui 
conserverait une températureinvariable, serait ce- 
pendant encore susceptible de changement d'état ; 
probablement sa pression et son volume varie- 
raient, mais certainementson entropie subirait des 
changements. Ce serait là le changement d'entropie 
dans toute sa simplicité, dégagé de toute associa- 
tion avec des changements plus apparents el ce- 
pendant pas plus essentiels. 

Il n'y a pas, en définitive, de connexion inva- 
riable entre le changement d’entropie et les autres 
changements dus à la chaleur; le changement 
d'entropie est lui-même une nouvelle espèce de 
changement thermique, un changement sui generis, 
qui peut avoir lieu concurremment avec les autres 
changements, mais qui peut aussi se manifester 
isolément, même au zéro absolu. Il est, à vrai dire, 
le changement fondamental, le véritable change- 


1 En effet, pour luifairereprendre sa pression et son volume 
initial en le comprimant lentement et sans changer sa tem- 
pérature, il faut lui enlever de la chaleur. 


ment thermique, celui sans lequel aucun dépla- 
cement d'énergie n’est possible sous forme de 
chaleur. 

De même donc que le fait caractéristique, fon- 
damental, constant, du changement mécanique, est 
le changement de volume, le changement d’entro- 
pie est le fait caractéristique du changement ther- 
mique. Un phénomène complexe, un phénomène 
qui n’est pas exclusivement d'ordre mécanique, 
ne peut être considéré comme suflisamment ex- 
pliqué ou décrit, si l'on n'a point fait connaitre 
le sens et la valeur des changements d’entropie, 
comme on fait connaitre la dilatalion ou la contrac- 
tion, l’élevation ou l’abaissement de température, 
la variation de pression, la perte ou le gain de la 
chaleur, etc. 

La considération de l’entropie n’a pas ainsi le 
seul avantage de simplifier les raisonnements et 
les formules ; elle a, avant tout, l'avantage de nous 
faire pénétrer plus profondément dansle cœur des 
phénomènes de la chaleur, de nous en faire mieux 
comprendre la nature, et cela, sans avoir recours 
à aucune hypothèse, par conséquent de nous révé- 
ler la véritable « forme » de la chaleur, suivant 
l'expression de Bacon. 

Mais, même si l'on n’admeltail pas celte préten- 
tion, si l’on pensait — je crois celte opinion fon- 
dée — que la chaleur, étant une source de radia- 
tions qui interfèrent, doit êlre ramenée à la 
considération d'une succession de changements 
périodiques d’un cerlain ordre {peut-être de chan- 
gements électriques), d'une durée et d’une am- 
plitude extrêmement faibles, l’entropie n'en 
conserverait pas moins son ultililé essentielie, en 
exprimant très certainement, soit une propriété 
commune à tous ces changements, soil un lienentre 
eux, soit l'une des conditions générales auxquelles 
ils sont soumis. En tout cas, pour le moment, cette 
notion nous permet de préciser notre idée des 
phénomènes thermiques, tels que nous croyons 
les observer, el d'apporter par là à nos raisonne- 
ments la rigueur en même temps que la clarté, 
à notre langage la précision en même temps 
que la correction. Et le langage surtout en à be- 
soin. 

Il est usuel, par exemple, de parler de la cha- 
leur d’un corps, de la quantité de chaleur qu'il 
contient à un état donné, de l'augmentation ou de 
la diminution de sa chaleur; et, quand la tempé- 
rature varie, au lieu de se contenter de constater 
simplement le fait, on l’interprèle en disant qu'il y 
a dégagement ou absorption de chaleur, alors même 
que le corps se trouve isolé thermiquement et 
qu'il ne peut céder de chaleur à l'extérieur, pas 
plus qu’il ne peut en emprunter. 

Toutes ces expressions, dernières traces de la 


1006 


G. MOURET — L'ENTROPIE, SA 


MESURE ET SES VARIATIONS 


théorie du calorique, n’ont pas seulement le défaut 


d'être vagues; elles sont incorrectes. Les quanti- 
tés de chaleur perdues ou gagnées par un corps 
dépendent, entre le même état initial el final, et 
de la lempérature de la transformation et du 
mode de transformation, c'est-à-dire qu'elles va- 
rient avec le eyele suivi et le procédé employé 
pour le suivre. Ces quantités ne peuvent done se 
cumuler comme se cumulent les variations d’en- 
tropie, et tl serait sans signification de dire que, 
sous tel élat, un corps possède une quantité 
de chaleur déterminée , même relativement 
à un élal déterminé choisi pour point de dé- 
part. 

Relalivement à cet état, on peut cependant dire 
qu'un corps, à un état quelconque, possède une 
entropie déterminée. L’entropie, par le fait, répond 
précisément à la notion vaguement entrevue quand 
on parle de la chaleur d'un corps, à la notion 
qu'il y a, dans un corps, quelque chose qui n’est 
ani la température, ni l'énergie intérieure, et qui 
varie cependant quand le corps perd où gagne 
de la chaleur. Bien des théories inexactes ou 
simplement nuageuses deviennent exactes et pré- 
cises, si au mot vague « chaleur » on substitue le 
mot bien défini «entropie ». 

La théprie élablie par Sadi Carnot eût été par- 
faite s'il eût parlé de conservation de l'entropie, 
au lieu de conservalion du calorique; le principe 
du travail maximum de M. Berthelot ne prêterail 
à aucune critique si l’on remplaçait l'expression 
« dégagement de chaleur » par l'expression « aug- 
mentation d'entropie Lotale ». 

Enfin, parmi les raisons qui contribuent à justi- 
fier la nécessité de la notion de l’entropie, nous ne 
devons pas négliger celles d'ordre général. Sans 
la considération de l'enlropie, la Science de l'Éner- 
gie n’est pas possible, du moins elle perd tout fon- 
dement rationnel et elle se lrouve réduite, avec la 
Thermodynamique, ou à des recherches mathéma- 
tiques sur la mécanique insuflisante de systèmes 
matériels hypothétiques,ou à un ensemble peucohé- 
rent de principes vagues, de notions mal définies qui 
prêlent trop aisément à des dissertations banales 
et sans portée. Mais c'est là un sujet qui mérite- 
rail un examen spécial !. 


! Cet examen se trouve déjà fait, à un point de vué parti- 


culier, dans une étude intéressante et approfondie que notre | 


ati, M. H. Le Chatelier, a consacrée à la question de l'in- 
toduction de la théorie de l’Energie dans l’enseignement 
secondaire, et où ce savant chimiste a signalé la nécessité de 
bien asseoir les fondements de Ja théorie. Nous reviendrons 
peut-être un Jour sur ce sujet, pour exposer la doctrine qui 
nous est propre, el que nous avons déjà fait pressentir dans 
notre étude précitée sur l’œuvre de $S. Carnot (note de la 
page 22 et conclusions) et appliquée à un cas Spécial, dans 
un essai sur la démonstration du principe d'équivalence 
cuire la chaleur et le travail, 


III. —— RELATIVITÉ DE L'ENTROPIE. 


Pour mesurer la différence d'entropie entre les” 
élats À el B d’un corps, il faul faire passer le corps 
de l’un des états à l’autre par voie réversible, ce 
qui implique pour le corps une transformation 
réversible. 

La question, maintenant, est de savoir si, élant 
donnés deux états quelconques d’un même corps, 
d'une même portion de matière, il est toujours 
possible de passer de l'un à l'autre par une trans- 
lormalion réversible. Tant qu'il s'agit de gaz ou 
d'autres corps parfaitement élastiques, il n'y a pas 
de doute à avoir sur ce point. La difficulté n'existe 
que lorsqu'il s’agit de corps susceptibles de chan- 


gements de composition chimique ou de structure 


moléculaire. 

On peut d’abord observer, en ce qui à trail à ces 
corps, qu'il n'existe aucun fait nous obligeant 
à nier ou nous empêchant de concevoir la possibi- 
lité de transformations réversibles. Les impossibi- 
liltés d'ordre pratique que nous constatons acluel- 
lement dans un grand nombre decas, peuvent donc 
tenir simplementäaune imperfeclion denosmoyens, 
à des lacunes dans nos connaissances: nous ne 
sommes pas certains que ce soient des impossibili- 
Lésabsolues. Mais il y a plus: car au furet à mesure 
que la science progresse, nous trouvonsles moyens 
d'effectuer par voie sensiblement réversible un 
nombre de plus en plus grand de changements 
que nous n'observions et ne pouvions réaliser jadis 
que d’une manière irréversible. Presque tous 
les ordres ou types de changements nous offrent 
maintenant des exemples particuliers de transfor- 
mations réversibles, el ces exemples sont si nom- 
breux, si variés, que nous ne saurions plus avoir 
de difficulté à généraliser les cas de réversibilité 
dans une proportion illimitée. Sadi Carnot, le pre- 
mier, a parlé explicitement de réversibililé, en 
ne considérant que les changements de tempéra- 
ture, les purs pertes el gains de chaleur. La réver- 
sibilité des changements d'état physique, fusion, 
volalilisation, et, en général, des phénomènes de 
saturalion, est depuis longtemps connue. Mais c'est 
Sainte-Claire Deville qui, en découvrant les faits de 
dissociation et en établissant leur caractère de 
réversibilité, à contribué, plus qu'aucun autre 
savant, à faire concevoir la possibilité d'opérer un 
changement quelconque sur une masse donnée de 
matière d'une manière qui soit réversible, et sur- 
tout qui satisfasse à la loi thermique sur la réversi- 
bililé que nous avons exposée dans un des para- 
graphes précédents. La réaction chimique pro- 
prement dite, par exemple la combinaison de 
l'oxygène et de l'hydrogène dans les condilions 
ordinaires el leur transformation en eau, est un 


| 


: 
1 


LR 


G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS 


1007 


phénomène irréversible; cependant, on peut main- 
tenant concevoir la possibilité de passer, par voie 
réversible, de l'état initial à l’état final du système 
des deux gaz oxygène et hydrogène, en propor- 
tion convenable, au système eau. 

Pour fixer les idées, supposons que deux réci- 
pients différents contiennent : l’un 1 gramme 
d'hydrogène, et l’autre 8 grammes d'oxygène; puis 
réunissons ces deux gaz dans le même récipient, 

_et introduisons la mousse de platine; il y aura 

brusque combinaison et formation du corps com- 
posé, l’eau. Quelle peut être la différence d'’en- 
tropie entre cette eau et le corps hétérogène, 
au point de vue chimique, formé de 1 gramme 
d'hydrogène et de 8 grammes d'oxygène à la 
même Lempérature et sous la même pression? 

Cette différence se mesurera dans la succession 
des opérations suivantes : 

On portera séparément chacun des deux gaz à 
la température très élevée à laquelle la vapeur 
d'eau se trouverait intégralement dissociée. A 
celte température, les deux gaz seront doné en 
équilibre chimique; on laissera alors la diffusion 
s'opérer ; puis, quand elle sera complète, on abais- 
sera la température, de manière à rompre à chaque 
instant l'équilibre, mais sans chute brusque. Les 
deux gaz se combineront en proportion graduelle- 
ment croissante, et, à une température suflisam- 
ment basse, la combinaison pourra être considérée 
comme complète, et le récipient ne contiendra plus 
que de l’eau. On réchauffera finalement cette eau 
jusqu'à une température égale à celle de l'eau qui 
aurait été oblenue par combinaison directe sous 
l'influence de la mousse de platine. 

Toutes ces transformations sont réversibles, et si 
l'on a eu soin de les accomplir dans le calorimètre, 
mais par l'intermédiaire d’une machine de Carnot, 
le poids de glace fondue mesurera, à un facteur 
constant près, la différence d’entropie cherchée !. 
Ou bien encore, on peut se dispenser d'une ma- 
chine de Carnot, à la condition de mesurer à 
chaque inslant la température des gaz ou de l’eau 
et le poids de glace fondue. On verra plus loin que 
ces données suffisent à calculer la variation d'en- 
tropie. 

N'insistons pas davantage sur le sujet; le peu 
que nous en avons dit suflit pour faire com- 
prendre la généralité de la notion de l’entropie et 
la possibilité de mesurer ou calculer la différence 
d’entropie entre deux états quelconques d'unmême 
corps, ou de corps différents, mais ayant une 
composition chimique brute identique. On peut 
admettre, en effet, en ce qui concerne ce second 


1, Nous négligeons ici la variation très faible d’entropie 
due à la diffusion des deux gaz. 


point, que deux masses égales d'une même subs- 
lance, sous le même état, ont la même entropie. 

Mais là s'arrètent nos connaissances sur l’entro- 
pie. Quand il s'agit de deux corps ayant une com- 
position chimique brute différente, notamment 
quand il s’agit de deux corps simples tels que 
l'hydrogène ou l'oxygène, nous n'avons plus aucun 
moyen de définir une différence ou une égalité d’en- 
tropie. Nous ne pouvons pas passer de l'un à 
l’autre par voieréversible, nous n'y pourrons même 
passer par aucune voie, lant que les chimistes 
n'auront pas découvert la pierre philosophale, et 
conslaté l'unité de substance. Qui nous dit d’ail- 
leurs que laloide Lavoisier surla conservation de la 
masse serait applicable à ce cas? Dans ce domaine 
notre ignorance est complète, et les diverses hypo- 
thèses qu'on peul imaginer sur les différences 
d’entropie des corps simples pris à l’élat critique, 
au zéro absolu, ou à tout autre état particulier, se- 
raient sans intérêt scientifique. L’entropie, eomme 
la Lension électrique, comme la quantité d’électri- 


. cilé, comme l'énergie intérieure, n’a qu’une valeur 


relative. On ne peut, à ce point de vue, assigner à 
l'entropie une valeur absolue qu’à la condition de 
la considérer comme une fonction contenant une 
constante arbitraire, ou plutôt une constante in- 
connue, ce qui est un pur artifice d'écriture. 

Ilest à peine utile d'ajouter que si l’entropie 
est une grandeur relative, iln'en est pas de même 
des variations d'entropie. Celles-ci ont toujours 
une valeur absolue, car nous pouvons comparer 
les variations d'entropie de deux corps tout à fait 
distincts. ° 

L'entropie n’a pas seulement une valeur relative 
par l'impossibilité de mesurer la différence d'en- 
tropie de deux substances différentes. La valeur 
est encore relative en ce sens que, pour un Corps 
déterminé, elle dépend de l'état arbitrairement 
choisi pour repérer le zéro d'entropie. 

C'est aussi le cas de la température thermo- 
métrique, et, comme la température, l'entropie est 
susceptible de valeurs dites, par extension, posi- 
tives ou négalives suivant que l’adiabatique, ré- 
pondant à l’état considéré, se trouve après ou avant 
l'adiabatique qui répond au zéro. Il ne faudrait pas 
cependant conclure de là que l'entropie soit une 
quantité « complexe » et que, comme la force, la 
vitesse, les vecteurs de la géométrie, etc., elle 
soit susceptible de deux sens. Il n’y à quesa varia- 
tion qui jouisse de cette propriété. L’entropie est 
une quantité « simple », une quantité qui ne peut 
ètre ni positive, ni négative, qui ne comporte ni le 
signe —. ni le signe —, pris avec leur signification 
strictement mathématique. Et c’est probablement 
celte propriété commune à la température et à 
l'entropie qui explique la loi sur l'irréversibilité. 


1008 


P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 


Au point de vue pratique, le choix, pour un corps 
déterminé, de l'état qui repère le zéro d’entropie 
est indifférent. Il suflirait de définir cet état par 
une pression suflisamment forte, ou une tempéra- 
ture suflisamment basse, de manière à éviter l’em- 
ploi, dans les cas de la pratique, des valeurs néga- 
tives de l’entropie. Mais il est intéressant, au point 
de vue théorique, de se demander s’il ne serait pas 
pas possible de prendre pour origine des mesures 
le zéro absolu d’entropie, c’est-à-dire de rapporter 
les mesures de l'entropie à l’adiabatique limite, 
qui enveloppe toutes les isothermes. La question 
revient à savoir si la différence d’entropie entre celte 
adiabatique el une adiabalique quelconque est 
infinie ou finie, ou, ce qui revient au même, si d'un 
corps maintenu à température constante on peut 
extraire ou non de la chaleur en quantité croissant 
sans limite finie. Des données précises font défaut 
Sur ce point, car on ignore les lois particulières qui 
régissent les corps aux très basses températures; 


à s'appuyer sur jes analogies, on serait conduit à 


accueillir la seconde de ces suppositions et à 
admettre, en conséquence, que si l’entropie peut 
varier à l'infini dans le sens posilif, sa variation, 
dans le sens négatif, est limitée. Rapportés à cette 
valeur limite, les nombres qui mesurent l’entropie 
seraient toujours finis et positifs; ils seraient, 
relativement à un corps donné, la mesure absolue 
de son entropie. 


Nous n'avons voulu, dans cet arlicle, qu'indi- 
quer le sens physiqne des idées qui se rapportent 
à l’entropie. Il conviendrait, pour compléter cette 
élude, de montrer comment se rattachent directe- 
ment à ces notions les résultats fondamentaux 
auxquels la Thermodynamique est, de son côté, 
parvenue par une voie délournée. Nous le tenle- 
rons sans coule ici quelque jour. 

G. Mouret, 


Iugénieur en Chef des Ponts et Chaussées, 


REVUE ANNUELLE D’AGRONOMIE 


Î. — LE TRAVAIL DU SOL ET LA NITRIFICATION 


Le travail de la terre est aussi ancien que le 
monde, et cependant ce n'est que lentement, pé- 
niblementet tout à fait dans ces dernières années, 
que nous arrivons à bien comprendre l'utilité des 
.pratiques que les cultivaleurs se transmettent les 
uns aux autres depuis l'antiquité la plus reculée. 

Quand, à l'automne, les récoltes ont été enlevées, 
que la terre est découverte, il faut sans tarder 
préparer les cultures prochaines : on laboure ; 
facile sur les terres légères, le travail de la char- 
rue est impraticable sur les terres fortes, que les 
chaleurs de l'été ontrecouvertes d’une couche dure, 
compacte, impénétrable aux instruments, et il faut 
attendre que laterre ait élé ramollie, assouplie 
par quelques ondées ; il faut choisir, en outre, 
un moment propice : si la terre est trop humide, 
elle se lisse sous le versoir et forme de grosses 
molles qui durcissent el deviennent difficiles à 
briser, ce sont des terres difficiles « à prendre », 
suivant l'excellente expression des laboureurs. 

Il est aisé de comprendre l'utilité de ces pre- 
miers travaux. Les végétaux herbacés et notam- 
ment nos plantes de grande culture sont de ter- 
ribles consommateurs d'humidité; on calcule que, 
lorsqu'ils ont élaboré un kilogramme de ma- 
tière sèche, il a circulé au travers de leurs tissus 
de 250 à 300 kilogrammes d’eau, que les feuilles 
ont évaporée. 


Quand un hectare porte une récolle moyenne de 
2.000 kilos de grain de blé et de 4.000 kilos de 
paille, il a dû fournir à cette récolte 1.509 mètres 
cubes d’eau,qui, répartis sur la surface d'un hectare, 
représentent150 millimètres de hauteur de pluie;les 
précipitations aux environs de Paris sont d'environ 
500 millimètres; il tombe done beaucoup plus d’eau 
que n’en consomme la médiocre récolte dont nous 
venons de parler, mais toute l’eau tombée est bien 
loin d’être utilisée: les pluies d'été, arrivant sur 
des terres échauffées par les radiations solaires, 
s'évaporent rapidement, le sol n’est mouillé qu'à 
une très faible profondeur, il faut des averses for- 
midables pour que l’eau traverse le sol et arrive 
jusqu'aux drains; il est rare de les voir couler pen- 
dant l'été; il en est tout autrement pendant l'au- 
tomne et l’hiver : c'est à ce moment que la terre 
forme les réserves d'humidité nécessaires aux 
plantes pour qu’elles puissent traverser sans pâtir 
les périodes de sécheresse. 

Or, les pluies d'automne qui tomberaient sur une 
terre durcie par les chaleurs de l'été, non ouverte 
par la charrue, glisseraient sans pénétrer ; si la 
terre est ameublie, au contraire, elle -s’imprègne 
d'humidité, l’eau descend des couches superfi- 
cielles jusque dans les profondeurs, l’imbibilion 
est complète, Ces réserves d'humidité ne sont pas 
seulement précieuses en elles-mêmes:elles contri- 
buent, en outre, à l’ameublissement du sol; pen- 
dant les froids de l'hiver, l'eau gèle et la force 


P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 


1009 


… expansive de la glace pulvérise les mottes saturées 
_ d'humidité. 

. Ce premier travail d'ameublissement est cepen- 
… dant tout à fait insuflisant ; les semoirs, dont l’em- 
—… ploi est si avantageux, ne peuvent fonctionner que 
— sur une surface bien aplanie; aussi met-on en 
… jeu, après la charrue, les rouleaux qui écrasent les 
mottes, les scarificateurs, les herses qui pulvé- 
risent le sol. 

Ce travail, que les cultivateurs habiles exécutent 
avec le plus grand soin, les binages qui suivent la 
. levée des graines, ont-ils seulement pour but de 

permettre le fonctionnement des semoirs ou la 
destruction des mauvaises herbes ? C'est là une 
. question qui me préoccupe depuis plusieurs an- 
nées et sur laquelle je veux insister. 

_ Ala fin de 1892, j'ai exécuté une expérience 
que je rappellerai brièvement. Des lots de 30 kilos 
de terres restées sans engrais depuis plusieurs 
années, ont été étalés dans le bâtiment de la sta- 
tion de Grignon ; après six semaines on a pris des 
échantillons et dosé les nitrates qui s'étaient 
formés dans ces terres étalées ; on en a trouvé une 

- quantité prodigieuse. 

‘ Cette expérience a élé répétée au printemps der- 

- nier, sur une terre provenant de la Guadeloupe et 
sur une autre qui m'avait été envoyée quelques 
années auparavant de Seine-et-Marne; ces terres 
étalées sur deux ou trois centimètres d'épaisseur 
sur les dalles du bâtiment de la station, ont été 
maintenues en poudre et arrosées une fois ou deux 
avec parcimonie. 

L'expérience a commencé le 23 mars: de ce jour- 
là au 11 avril, 100 grammes de terre de là Gua- 
deloupe ont formé 0"! 9% d'azote nitrique, et 
100 grammes de terre de Seine-et-Marne 1136 ; la 
nitrification fit ensuite des progrès sensibles, mais 
très irréguliers : landis que, du 18 avril au 2 mai, 
la terre de la Guadeloupe donne 4"! 38 et celle de 
Seine-et-Marne 6" 88, — du 2 au 15 mai la Guade- 
loupe monte à 31! 25 et Seine-et-Marne à 15" 09 ; 
pendant la fin de mai et le commencement de 
juin, la Guadeloupe reste à peu près stationnaire 
et Seine-et-Marne monte à18 milligrammes; enfin, 
pendant la période du 13 au 27 juin, la Guade- 
loupe donne 68%! 75 et Seine-et-Marne 311195, 

Un premier point — et,à mon sens, très intéres- 
sant — ressort de l'examen des nombres précé- 
dents c’est que des terres qui n’ont reçu depuis plu- 
sieurs années aucun engraisazoté,peuventproduire, 
par leurs seules ressources, quand elles sont con- 
venablement traitées, des quantités d'azote nitrique 
infiniment supérieures à celles quisont nécessaires 
aux récoltes les plus abondantes. En effet, le 
17 juin la terre de la Guadeloupe donne 6811 75 
d'azote nitrique pour 100 grammes ou 687 milli- 


grammes par kilo, 687 grammes par tonne,et,si la 
couche superficielle d’un hectare, à laquelle on 
peut attribuer un poids de 1.000 tonnes, nitrifiait 
comme la terre en expériences, on en obtiendrait 
687 kilos d'azote nitrique, c'est-à-dire cinq ou six 
fois plus que n’en exigent les plus fortes récoltes 
de betteraves ou de blé. 

La nitrification est moins active dans la terre de 
Seine-et-Marne, mais elle donnecependant 311 3* 
le 17 juin, c’est-à-dire qu’en calculant comme pour 
la terre de la Guadeloupe, un hectare de terre 
de 1.000 tonnes fournirait 312 kil. 5 d'azote ni- 
trique. 

À quelle cause attribuer cette nitrification exces- 
sive ? La température dans le bâtiment a été peu 
élevée, on a donné aux terres quelques coups de 
ràteau pour les ameublir; mais le succès parait 
dû seulement à ce que les terres, humides et bien 
ameublies, sont restées exposées à l'air pendant 
trois mois. 

Visiblement, ces conditions ne sontpas réalisées 
dans les terres en place, puisque, pour obtenir de 
bonnes récoltes, nous sommes obligés derépandre 
du nitrate de soude; cherchons donc à préciser les 
différences que présentent les terres en place et 
les Lerres étalées dans le bâtiment de la station. 
Or, il suffit d'examiner quelques instants un 
champ récemment hersé pour voir que, si bien 
préparée qu’elle puisse être par nos instruments, 
la terre n’y est pas en poudre, mais bien en mottes 
de diverses grosseurs ; or, il n'était pas certain, à 
priori, que, dans ces molles, l’airet l’eau fussenien 
proportions favorables à la nitrification. Il fallait 
s’en assurer. Pour déterminer la quantité d’air 
contenue dans une motle de terre, on lui donne 
avec un couteau une forme telle qu'elle puisse 
pénétrer dans un flacon à large ouverture, qu'on 
remplit ensuite de mercure ; si on a pesé la motte 
avant son immersion et qu'on la pèse après, en 
détachant les quelques gouttelettes de métal -qui 
restent fixées sur les parois, on ne (rouve pas 
qu’elle ait augmenté de poids : c’est donc que le 
mercure n’a pas pénétré dans la motte pour en 
chasser l'air qui y est contenu. 

On adapte au flacon rempli de mercure un bon 
bouchon en caoutchouc muni d’un tube à robinet 
de verre, qu'on laisse ouvert; au moment où on 
enfonce le bouchon, le mercure monte dans le 
tube ; on ferme alors le robinet, on adapte l’extré- 
mité du tube à une trompe à mercure, el on fait le 
vide dans tout l'appareil au-dessus du robinet; 
quand le vide est fait, on place une cloche à gaz 
sur le bec de la trompe et on tourne le robinet ; 
aussitôt, le gaz contenu dans la terre s'échappe, 
on l’entraine et on le recueille. 

Si, d'autre part, on détermine la quantité d’eau 


1010 


contenue dans la motte examinée en desséchant à 
110°, on obtient un résultat très intéressant : les 
deux quantités sont complémentaires; l'air et 
l'eau se remplacent : une terre très humide n'est 
pas aérée, une terre bien aérée est sèche. 
Considérons une motle de terre soumise à une 
bonne pluie qui l’imbibe sans la déliter: la nitrifi- 
cation ne peut s’y établir, car elle est saturée 
d’eau, elle n’est pas aérée; supposons qu'à la 
pluie succède un temps sec: la motte perd de l’eau, 
qui est remplacée par un même volume d’air,et les 
proportions favorables à la nitrification sont réa- 
lisées; mais elles ne persistent que pendant un 
temps relativement court: car, si la pluie se fait 
attendre, peu à peu la motte se dessèche; or, dans 
une terre sèche, tout s'arrèle; si, au contraire, 


la pluie arrive, l'humidité est suffisante ; mais 


c’est l'air qui fait défaut, la nitrification ne peut 
donc faire que peu de progrès dans une terre en 
mottes. 

Quand, au contraire, une terre esl réduite en 
poudre, une des conditions favorables est réalisée : 
toutes les molécules de terre sont baignées d'air, 
et, s'il arrive des pluies opportunes, modérées, qui 
ne roulent pas les molécules de terre les unes sur 
les autres, ne les soudent pas, n’en forment pas 
des masses compactes, si la terre humide reste 
en poudre, la nitrification progresse comme elle 
l’a fait dans les lerres étalées dans le bâtiment de 
la stalion de Grignon. 

Quand ces conditions favorables se trouvent 
réunies, les récoltes sont abondantes, puisque de 
tous les agents de fertilité les nitrates sont les 
plus puissants; on conçoit donc quel avantage 
trouve le cultivateur à travailler la terre, à briser 
les mottes qui s’y forment, à la pulvériser; sans 
doute, ce travail acharné n’est pas toujours récom- 
pensé, la récolte est encore à la merci de pluies 
opportunes ; mais toutes les opérations agricoles 
sont aussi sous la dépendance étroite des condi- 
tions atmosphériques..; il faut toujours mettre au 
jeu sans être jamais sûr de gagner. 

Les conditions fayorables à une aclive nitrifi- 
calion sont réalisées dans la culture maraichère: 
le nom l'indique, les maraichers ne s'établissent 
que là où l’eau est assez abondante pour permettre 
de copieux arrosages, et, comme les surfaces cul- 
tivées sont de médiocre étendue, que sans cesse on 
y prodigue les façons, qu'on n’abandonne larro- 
soir que pour prendre la bêche, on transforme le 
sol en une vérilable nitrière; aussi les récoltes se 
succèdent-elles rapidement et la masse de matière 
végélale produite est-elle énorme. 

La puissance productrice d'une terre humide est 
enraison de la perfection du travail à laquelle elle 
est soumise, 


P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 


Il. — EMPLOI DES PHOSPHATES 


L'histoire de l'emploi agricole des phosphate: 
est certainement une des plus curieuses qui se 
puissent imaginer. — Au commencement du siê- 
cle, Th. de Saussure signale la présence de l'acide 
phosphoriqué dans les cendres des végétaux; il va 
plus loin et écrit, dans ses Recherches chimiques sur. 
la Végélation, en l'an X : « J'ai trouvé le phosphate 
de chaux dans les cendres de toutes les plantes 
que j’ai examinées, el il n’y a aucune raison de 
supposer qu'elles puissent exister sans lui. » Cette. 
opinion, singulièrement avancée, passe inaperçue;. 
c'est par pur empirisme qu'à partir de 4820 envi- 
ron, on emploie comme engrais le noir animal, ou. 
les os; on ne se doute même pas de la raison de 
l'efficacité deces os, ou de ce noir animal, et c’est. 
seulement en 1843 qu'un grand seigneur anglais, 
le duc de Bedford, démontre que c’est le phosphate 
de chaux qui en est la partie active; Liebig, à cette 
époque, imagine de trailer les os par l’acide sulfu- 
rique, il augmente ainsi leur efficacité comme 
engrais et crée cette industrie des superphos- : 
phates, qui devait prendre de nos jours un si pro- … 
digieux développement. 

Pendant longtemps les seuls phosphates em- 
ployés ont été les débris d’origine animale, les os; 
la quantité en était singulièrement limitée, les 
prix s’élevaient; l'inquiétude était grande : l’état 
des esprits à cette époque se montre clairement 
dans un Mémoire que publia Elie de Beaumont 
dans le recueil de la Sociélé nationale d'Agricul- 
ture; il est intéressant d'en citer quelques frag- 
ments : 

« Si l’on réfléchit à ce que pourrait devenir un 
jour le besoin de phosphate de chaux, lorsque 
l'épuisement général des terres serait plus sen- 
sible et mieux apprécié, on comprendra que la 
découverte de cette substance dans l'intérieur de 
la terre serait non seulement un service rendu 
aux vivants, mais encore l’accomplissement d’un 
devoir pieux envers les cendres des morts. L 

« Si l’on ajoule que, suivant toute apparence, le 
phosphate de chaux renfermé dans les sépultures 
n'est qu'une fraction peu considérable de la 
quantité que le sol de la France en a perdu, on 
verra que, pour pouvoir lui rendre la vigueur 
végélative qu'il possédait au temps des Celles et. 
des Gaulois, il faudrait que l'exploitation des 
couches qui contiennent du phosphate de chaux 
devint une branche importante de Pindustrie 
minérale. 

« Colbert avait dit que la France pourrait périr 
faute de forêts, et tout le monde conçoit que sans 
la houille sa prédiction serait en voie de s’accom- 
plir. De son temps, on aurait moins facilement 


faute de phosphore; c'est cependant ce qui finirait 
par arriver, si l'on ne parvenait pas à trouver dans 
la nature minérale des substances qui seraient en 
quelque sorte pour l’agriculture ce que la houille 
est pour l'industrie. » 

L'appel d'Élie de Beaumont fut entendu ; l'année 
1 même de la publication de son Mémoire (1856), un 
industriel francais, de Molon, signala la présence 
de bancs de nodules de phosphate de chaux dans 
l'Argonne, dans le Pas-de-Calais à la limite du ter- 
rain jurassique et du terrain crétacé. 

Dès cette époque ces gisements à fleur de terre, 
très faciles à exploiter, commencèrent à apporter 
sur le marché de la poudre de nodules: chose cu- 

- rieuse, au lieu d’applaudir à cette découverte, la 
- presse agricole se montra défiante; on prétendit, 
_avant lout essai, que ces phosphates fossiles n'é- 
laient pas assimilables, qu'ils ne serviraient qu'à 
frauder le noir animal et il fallut quelques efforts 
. pour ramener l'opinion un moment égarée!. 
| Au reste, les essais de ce nouvel engrais sur-les 
- terres de défrichement de la Bretagne furent cou- 
ronnés d’un tel succès que bientôt l'emploi de la 
. poudre de nodules se généralisa et que les re- 
cherches des gisements devinrent de plus en plus 
actives ; sous celte forme, les phesphates sont très 
répandus, on en {rouve non seulement en France, 
en Angleterre, en Allemagne, mais aussi dissémi- 
» nés en Russie, à la surface du sol, sur d'immen- 
ses étendues. ; 

Les recherches se multiplièrent ; il y a une tren- 
laine d’années on découvrit des phosphates en 
roche, dans le sud de notre pays, dans le Lot, 

Tarn-et-Garonne, le Tarn, le Gard, l'Ardèche; ces 
exploitations eurent un moment de prospérité. 

Plus récemment on reconnut que des sables 

* calcaires de la Somme, de l'Oise, du Pas-de-Calais, 
longtemps employés aux usages les plus vulgaires, 
renferment des quantités de phosphales suffi- 
santes pour permettre une fructueuse exploi- 
tation. 

Et ce n'est pas seulement en France que les gise- 
ments de phosphates se sont trouvés abondants : 
au Canada d’abord, dans la Caroline du Sud en- 
suite, on découvrit des bancs de phosphates qui, à 
partir de 14889, apportèrent sur le marché, chaque 
année, 500.000 tonnes; bientôt après furent recon- 

nus les gisements de la Floride, qui paraissaient 

devoir être les plus riches du globe ?, quand un 
vétérinaire de l’armée, M. Philippe Thomas, véri- 


1 An. Boiure, Sur la solubilité du phosphate de chaux 
fossile dans l'acide carbonique. (Comptes rendus, A85T.) — 
DenéRAIN, Sur la solubilité des phosphates de chaux fossiles 
dans les acides du sol, C.R. 1851. 

2 Voyez à ce sujet l'article de M. Wilson (de New-York) 
sur les Phosphates de la Floride dans la Revue du 15 janv.94, 


P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 


1oif 


» compris comment un grand pays pourrait périr | fiant les idées émises par l'ingénieur des Mines 


Tissot, signala d'importants gisements de phos- 
phate de chaux en Tunisie (1885) !. 

Celte découverte suscila en Algérie de nouvelles 
recherches, qui conduisirent à constater la pré- 
sence de phosphates exploitables sur d'énormes 
étendues. 

Les travaux de M. Philippe Thomas ont décelé, 
en Tunisie et en Algérie, l'existence d'une richesse 
jusque-là inconnue et qui dans peu d’années mé- 
tamorphosera complètement notrè France afri- 
caine. 

Il est curieux de constater quel chemin à été 
parcouru depuis la publication du Mémoire d'Élie 
de Beaumont en 1856 : il y a quarante ans la pé- 
nurie de phosphates est telle qu'on pense à faire 
rentrer dans la circulation les phosphates conte- 
nus dans les ossements des Parisiens qui tapissent 
les longues galeries des Catacombes, à troubler le 
repos des morts, àexploiterles cimetières, etaujour- 
d'hui les découvertes de gisements de phosphatesse 
sont tellement multipliées que les prix se sont effon- 
drés et que nombre d'exploitations sont arrêtées 
par impossibilité de produire, aux prix actuelle- 
ment pratiqués sur le marché. 

L'agriculture est donc largement approvisionnée ; 
on lui offre non seulement de la poudre de nodules, 
des scories de déphosphoralion finement moulues, 
mais encore, et à des prix très bas, des superphos- 
phales. 

Que choisir? Pour le savoir, il convient de cher- 
cher comment l'acide phosphorique est assimilé 
par les plantes. 

Le phosphate de chaux des os, des nodules, des 
scories, est complètement insoluble dans l'eau; 
celui des superphosphates, soluble après la fabri- 
cation, redevient insoluble lorsqu'il est introduit 
dans le sol, de teile facon qu'il faut concevoir 
comment ces composés sont, malgré leur insolubi- 
lité, saisis par les racines. 

On a cru pendant longtemps que cette disso- 
lution était due exclusivement à l’action des acides 
du sol; dès 1846, Dumas, puis Lassaigne mon- 
trèrent que le phosphate de chaux des os se dis- 
sout dans l'acide carbonique; la solubilité y est 
faible : elle augmente naturellement quand, au lieu 
d'agir avec une dissolution étendue d'acide carbo- 
nique, on emploie un liquide plus chargé. 

L'action dissolvante de l'acide carbonique est, 
en outre, d'autant plus énergique aue le phos- 
phate mis en expérience est plus pauvre en car- 
bonate de chaux; en effet, quand la dissolution d'a- 
cide carbonique attaque un mélange de carbonate 


se RE ee QT 
1 Gisements de phosphate de chaux des hauts plateaux de 

la Tunisie, par M. Prizippe Taomas. (Bulletin de la Société 

Géologique de France, 3° série, tome XIX, p. 390.) 


41012 


el de phosphate de chaux, on trouve que la quan- 
lité de chaux dissoute surpasse de beaucoup celle 
qui correspondrait à l'acide phosphorique dosé 
dans le liquide. C’est sur le calcaire que porte sur- 
tout l’action dissolvante de l'acide carbonique. 

Les phosphates des os, ceux des nodules sont 
particulièrement efficaces dans les terres de lan- 
des, dans les défrichements, et, tandis qu'on trouve 
grand avantage à distribuer sur ces terres les phos- 
phates fossiles simplement pulvérisés, on n’en 
oblient souvent aucun avantage sur les terres de- 
puis longlemps cullivées. Peut-être ces différences 
d'action sont-elles dues, en partie au moins, à 
l'absence du calcaire dans les lerres de défriche- 
ment, ce qui permet à l'acide carbonique de porter 
toute son action dissolvante sur le phosphate; on 


trouverait un appui à celte manière de voir dans. 


une vieille observation des cultivateurs bretons : 
quand ils reconnaissent que leurs landes bénéfi- 
cient de l'emploi des phosphates et de celui de la 
chaux, ils ont grand soin de ne jamais distribuer 
ensemble ces deux malières fertilisantes, et, au 
moment où le noir animal était le seul engrais 
phosphaté dont ils fissent usage, ils disaient : « La 
chaux brûle le noir »; en d’autres termes, le noir 
animal, les phosphates ne produisent pas d'effet 
quand ils sont mélangés à la chaux. M. Paturel, di- 
recteur de la Station Agronomique du Lezardeau, 
qui a récemment étudié avec beaucoup de soin 
l'influence qu'exercent sur les sols de Bretagne les 
divers phosphates employés comme engrais, rap- 
porte que les phosphates de la Somme riches en 
calcaire sont beaucoup moins efficaces que les 
phosphates des Ardennes ou du Pas-de-Calais, dont 
la teneur en calcaire est très faible !. 

Il semble toutefois que ce ne soil pas seulement 
à l’action dissolvante de l'acide carbonique que 
soit due l'efficacité des phosphates fossiles dans 
les terres de défrichement; dans ces terres les dé- 
bris organiques accumulés ne donnent pas seule- 
ment naissance à de l'acide carbonique, mais aussi 
à de l’acide acétique; j'ai reconnu la présence de 
ce dernier acide dans une terre de bruyère du 
Loiret, il y a bien des années, et M. Paturel à 
relrouvé l'acide acétique dans le sol des landes de 
Bretagne plus récemment. 

Or, quand on fait agir sur de la poudre de no- 
dules de l'acide acétique en présence d'acide car- 
bonique, on dissout des quantités nolables d’acide 
phosphorique, surtout quand cette poudre de 
nodules est restée exposée à l'air pendant quelque 
temps et que l'oxyde de fer qu’elle renferme s’est 
suroxydé. 

Dans les sols de défrichement les phosphates 


1 Annales agronomiques, tome XX, 316. 


P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 


naturels réussisent donc sans qu'il soit besoin de 
leur faire subir aucune préparation avant de les em- 


ployer; mais, ainsi qu'il vient d'être dit, il n’en est 
plus de mème dans les lerres depuis longtemps 
cultivées ; il faut souvent attendre plusieurs an- 
nées pour voir ces phosphates exciter la végétation, 
tandis qu'au contraire sur ces mêmes terres les 
superphosphates, c’est-à-dire les phosphates mi- 
néraux trailés par l'acide sulfurique, élèvent les 
rendements. 

Les phosphates minéraux renferment de l'acide 
phosphorique uni à de la chaux, à de l’oxyde de 
fer, de l’alumine ; on sait que l'acide phosphorique 
présente des capacités de saturation variables : il 
est uni tantôt à trois, tantôt à deux, lantôt à 
une partie de base; l’acide sulfurique, employé à 
la fabrication des superphosphates, enlève par- 
tiellement ou complètement ces bases, et on peut 
considérer un superphosphate comme un mélange 
de phosphate soluble, d'acide phosphorique libre 


et de sulfate de chaux ; quand ce mélange est in- 


troduit dans le sol,l’acide phosphorique s’unit à la 
chaux des calcaires, aux sesquioxydes des argiles 
et ne larde pas à perdre toute solubilité dans 
l’eau ; mais les phosphates insolubles ainsi formés 


par précipitation sont bien différents des pierres : 


dures,compactes, qui ont servi à la préparation du 
superphosphate. 

Quoi qu'il en soil, assez rapidement l'acide 
phosphorique redevient insoluble, et il reste à con- 
cevoir comment les racines peuvent s'en emparer. 
Pendant longtemps on a cru que la dissolution 
des phosphates gélalineux produits par la précipi- 
lation de acide soluble des superphosphates 
élait due à l'acide carbonique provenant de l'oxy- 
dation des matières organiques du sol ; mais dans 
ces derniers temps une autre opinion à élé émise, 
el il convient de la discuter. 

Tout le monde connait la jolie expérience de 
J. Sachs, qui a été reproduite bien souvent : au 
fond d’une de ces terrines peu profondes qu'em- 
ploient les jardiniers pour les semis, on place une 
plaque de marbre bien polie, on recouvre d'une 
couche de sable, dans lequel on sème quelques 
graines : haricot, blé, avoine, puis on arrose ; les 
graines lèvent, les racines se développent, tra- 
versent le sable humide el viennent bientôt buter 
contre la plaque de marbre, elles y rampent, et si, 
après quelques semaines, on mel fin à l'expérience, 
on trouve la plaque de marbre sillonnée de minces 
stries qui reproduisent fidèlement toutes les rami- 


fications de la racine. Visiblement cetle racine a 


sécrélé un acide qui a corrodé, dissous le marbre. 
Quel est cet acide ? On a cru d'abord que c'était 
tout simplement de l’acide carbonique, mais bien- 
LÔL on a songé à un acide fixe, el un agronome 


_ anglais, M. Bernard Dyer, a délerminé l'acidité du 
sue de différentes racines, qu'il a évalué en acide 
. citrique; l’auteur admet, sans l'avoir démontré, 
que l'acide des racines est cel acide citrique com- 
1 dans le règne végétal et qu'on trouve, en effet, 
. dans quelques tubercules, et notamment dans ceux 
de la pomme de terre. 
—…_ Si nous admetlons avec M. Bernard Dyer que 
% l'acide sécrété par les racines est de l'acide citri- 
que,nous concevrons comment les phosphales gé- 
- latineux, provenant de la précipitation de l'acide 
 phosphorique soluble des superphosphates, peut 
être dissous par la racine, puis assimilé par la 
_ plante. 
Il faut bien reconnaitre cependant que cette 
- manière de voir est encore purement hypothétique. 
- En effet, il faudrait tout d'abord s’assurer que la 
- racine sécrète bien cet acide citrique ; or, jusqu'à 
- présent la démonstration n'a pas élé faite. Quel- 
» ques essais que j'ai tentés l’an dernier pour isoler 
. cet acide citrique de racines variées ont complè- 
- tement échoué, et, sans nier que la racine ne puisse 
dissoudre des phosphates, il reste douteux que 
cette dissolution soit la cause habituelle de las- 
É similation de l'acide phosphorique. 
À Avant d'indiquer une autre manière de voir, j'ai 
- besoin de rappeler quelques faits qui montrent 
F 
4 
Ye 
à 
+ 


combien sont variées les réactions qui se produi- 
sent dans le sol. 
_ Il ya une vingtaine d'années, j'ai semé dans 
- de grands pots à fleurs, renfermant de la terre de 
jardin, des haricots d'Espagne; quand ils eurent 
acquis une certaine hauteur, je les arrosai avec 
des dissolutions de plus en plus concentrées de 
sel marin, de chlorure de sodium ; naturellement 
les haricots finirent par périr; on les sécha, on les 
… réduisit en cendres, dont on fit l'analyse; elles ren- 
… fermaient une énorme quantité de chlorure de 
potassium, et pas de chlorure de sodium : les hari- 
cots étaient morts d'une pléthore de chlorure de 
potassium. Je ne retiens de cette expérience que 
le point suivant: on a introduit dans le sol du 
chlorure de sodium; celui-ci a réagi sur le carbo- 
nate de polasse toujours contenu dans les terres 
argileuses: il y a eu double décomposition, forma- 
Lion de chlorure de potassium, qui seul a été assi- 
milé par la plante. Celle expérience fournit un 
exemple éclatant des métamorphoses que pré- 
sentent dans le sokles matières introduites comme 
engrais. 

Or, l'acide phosphorique subit facilement de 
semblables métamorphoses ; il y a déjà très long- 
Lemps que le baron P, Thénard, examinant une 
terre qui avait recu l’année précédente une forte 
fumure de noir animal, fut très frappé de n'y 
plus retrouver le phosphate de chaux que le noir 


ru 


FEAR 


P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 


1013 


y avait introduit,mais bien des phosphales de ses- 
quioxyde de fer et d'alumine. 

J'ai eu moi-même occasion d'observer le même 
fait pour une terre de Sologne qui avait reçu du 
noir animal: les acides minéraux permettaient 
bien d’en extraire de l'acide phosphorique; mais 
l’acide acétique, qui dissout les phosphates de 
chaux et de magnésie sans attaquer les phosphates 
de sesquioxyde, était sans action; le phosphate 
de chaux du noir employé avait été transformé en 
phosphate de fer ou d'alumine. 

Cette transformation est facile à réaliser dans 
le laboratoire. Qu'à l'imitation du baron P. Thé- 


‘ nard, on place dans un appareil à eau de Seltz une 


petite quantité de phosphate de chaux et une cin- 
quantaine de grammes de terre argileuse ; puis, 
qu'après quelques jours on recueille le liquide, 
on n y trouvera plus d'acide phosphorique dissous. 
Le phosphate de chaux esl cependant soluble dans 
l’eau chargée d'acide carbonique : mais cette dis- 
solution réagit sur les oxydes gélatineux du sol, 
qui lui arrachent son acide phosphorique. 

L'expérience réussit également en remplaçant la 
terre par de l’alumine et de l’oxyde de fer en gelée. 

A ces expériences de laboratoire j'ajouterai une 
observation recueillie au champ d'expériences de 
Grignon, il y a déjà quelques années. Quelques- 
unes des parcelles de ce champ d'expériences, lais- 
sées sans engrais depuis 1875, ne donnèrent plus, 
à partir de 1887 et 1888, que des récoltes très 
médiocres ; le dosage de l’acide phosphorique to- 
tal avait accusé 1 gramme environ par kilogramme 
de terre, et, comme habituellement les superphos- 
phates n’exercent aucune action sur notre sol de 
Grignon, on ne supposait pas que ce fût la pénurie 
d'acide phosphorique qui déterminät la diminution 
des récoltes; cependant, pours’assurer que l'acide 
phosphorique se trouvait en quantilésuflisante, on 
répandit en 1889, peut-être un peu tardivement, 
sur du trèfle rose, la valeur de 200 kilogr. de su-. 
perphosphate à l’hectare, sur la moitié d’une par- 
celle, et sur la moitié d’une autre la valeur de 
200 kilogr. de superphosphate et de 200 kilogr. 
de chlorure de potassium. L'effet sur le trèfle ne 
fut pas très marqué, mais il fut, au contraire, très 
sensible sur le blé qui lui succéda en 1890, puis- 
qu'on recueillit seulement la valeur de 8 quintaux 
métriques de grain à l’hectare sur la parcelle qui 
n'avait pas reçu d'acide phosphorique, 22 quin- 
taux quand on employa seulement les superphos- 
phates et 24 quintaux métriques quand on distri- 
bua à la fois de l'acide phosphorique et de la 
potasse. 

Or, dix ans auparavant, on avait analysé le sol 
des parcelles sur lesquelles les superphosphates 
venaient de si bien réussir. À cette époque on avait 


1014 


trouvé par kilogr. 0 gr. 300 d'acide phosphorique 
soluble dans l'acide acétique, par conséquent so- 
luble également, mais à un moindre degré, dans 
l'acide carbonique; si l’on admet que la terre d’un 
hectare pèse jusqu'à une profondeur de 35 centi- 
mètres 4.000 tonnes, on voit que l’hectare renfer- 
mait à cette époque 1.200 kilogr. d'acide phospho- 
rique qui certainement n’ont pas éléconsomméspar 
les maigres récoltes obtenues sur ces parcelles res- 
lées sans engrais; en cherchant de nouveau en 1890 
l'acide phosphorique soluble dans l'acide acétique, 
on n’en trouva plus. Visiblement cet acide s’étail 
transformé ; il avait contracté avec les sesquioxydes 
quelques-unes de ces combinaisons insolubles dans 
les acides faibles qui ne sont plus assimilables. 
Comment se fait-il que, cependant, lessuperphos- 


phates aient exercé une action marquée, puisqu'ils. 


forment aussi de ces combinaisons insolubles? Il 
est à remarquer d’abord que la saturation de l’a- 
cide phosphorique libre des superphosphates a 
lieu au moins partiellement parles calcaires, et que 
par suite il se forme du phosphate de chaux soluble 
dans l'acide carbonique, et par conséquent assi- 
milable; il est bien probable cependant que l'acide 
phosphorique soluble des superphosphates s'unil 
dans le sol à de l’oxyde de fer et à de l’alumine et 
produit ainsi des phosphates insolubles dans les 
acides faibles, mais ces phosphates sont attaqués 
par d’autres réactions. Si, en effet, le phosphate de 
chaux soluble et même les phosphates de potasse ou 
d'ammoniaque peuvent être décomposés par les 
sesquioxydes, la transformation inverse est égale- 
ment possible ; si on place dans un flacon du phos- 
phate de sesquioxyde de fer et du carbonate de 
potasse, on trouve en dissolution de l'acide phos- 
phorique ; de même, si on immerge dans de l’eau de 
Seltz ce même phosphate de fer et du carbonate 
de chaux, on trouve également de l'acide phospho- 
rique en dissolution, et on conçoit que dans un 
milieu aussi peu homogène que la lerre arable, des 
réactions inverses puissent se produire suivant les 
proportions des matières réagissantes. 

Il est bien à remarquer, en outre, que, lorsqu'on 
fait usage de fumier de ferme, on apporte non seu- 
lement à chaque distribution de l’acide phospho- 
rique, mais aussi du carbonate de potasse, qui 
maintient à l’état soluble dans l’eau ou dans les 
acides faibles l'acide phosphorique du sol. Or, 
toutes ces réactions sont bien plus faciles quand 
elles portent sur les phosphates récemment préci- 
piltés des superphosphates que sur les pierres 
dures qui constituent les phosphates minéraux 
non traités. De là l’utilité de cette transformation 
des phosphates minéraux ou même des os en 
superphosphales. 

Il est donc vraisemblable que les réactions qui 


P.-P. DÉHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 


se produisent dans le sol ont une part importante 
dans le maintien de l'acide phosphorique à l'état 
assimilable: mais il faut reconnaitre que la plante. 
elle-même intervient: quelques-unes sont capables 
d'utiliser des phosphates que d'autres ne peuvent 
s'assimiler; j'en citerai un exemple, encore em= 
prunté au champ d'expériences de Grignon : 

En 1891, de l’avoine dite des salines a été culti- 
vée sur une parcelle divisée en deux parties : l'une 
reeut du superphosphate de chaux à la dose de 
200 kilogr. à l'hectare, landis que l’autre resta 
sans addition. On a obtenu les résultats suivants 
en grains, Caleulés à l'hectare : 


30 q. m. 
{ Superphosph. en 1891 pi 
Ainsi, tandis que le blé qui ne reçoit pas de su- 
perphosphate ne donne plus, sur les parcelles res- 
tées toujours sans engrais, que 8 quintaux mé-. 
triques de grain, etmonte à 22 par l’addition de su- 
perphosphate, que larécolte devient presque triple, 
l'avoine sans addition donne 28 quinlaux et ne pro- 
gresse qu'à 30 quand on lui a ajouté des super- 
phosphates; il est donc manifeste que, pour celle 
plante, le sol des parcelles épuisées renferme de 
l'acide phosphorique à l’état assimilable, tandis 
qu'il n'en contientplus qu’une quantité insuflisante 
pour le blé. On serait donc conduit à supposer que 
les racines des divers végétaux exercent sur les 
phosphates des actions dissolvantes variées. 
J'ai insisté peut-être trop longtemps sur celle 
question non encore élucidée; je m’excuserai sur 
l'importance agricole qu’elle présente, et, en outre, 
sur l'intérêt qu'il y aurait à la reprendre de nou- 
veau pour démêler l'action des acides du sol et celle 
des acides des racines sur la dissolution et l’assi- 
milation des phosphates. 


III. — LES EXIGENCES DE LA VIGNE. 


Les ravages du phylloxera, ceux des maladies 
cryptogamiques qui se sont abattues sur la vigne 
on£ provoqué de nombreux travaux : on a combattu 
le phylloxera,lemildiou, l'antrachnose,elc.,etc.,on 
a, en outre, étudié les procédés de vinification par- 
ticulièrement en Algérie et en Tunisie où elle pré- 
sente de sérieuses difficultés; on a cherché, enfin, 
comment devaient être employées dans nos dif- 
férents vignobles les matières fertilisantes, et c’est 
là le sujét dont je veux m'occuper aujourd'hui. Vi- 
siblement, le point de départ de cette recherche re- … 
pose sur la connaissance des exigences de la vigne, 
c'est-à-dire des quantités d'azote, d'acide phospho- 
rique, de potasse que consomme un hectare de 
vigne dans les diverses régions de la France. 
M. Muntz, dont le nom est bien connu des lecteurs 


P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 


1015 


À 
, 
4 
L 


de ce recueil, s'est livré depuis plusieurs années à 
un travail considérable pour élucider cette impor- 
- tante question ‘. M. Muntz, détermine, pour un cer- 
lain nombre depieds, le poids dela vendange, celui 
… des feuilles, celui des sarments, suivant le mode de 
taille usité; il analyse séparément chacune de ces 
parlies et,en rapportant à l'hectare,il peut calculer 
ce que chacun de ces éléments consomme de ma- 
üière fertilisante, puis, en faisant la somme, ce 
qu'exige la récolte entière. En comparant les ré- 
sultats obtenus dans les diverses régions, il arrive 
à des conclusions curieuses : il constate que les 
grandes récoltes obtenues dansle Midi de la France, 
- qui s'élèvent à 190 hectol. à l'hectare pour les vignes 
- soumises à la submersion, à 80 pour les vignes de 
montagne, ne dossomiment, par hectolitre de vin 
- produit, que de O0 k. 900 à O0 k. 512 d'azote, que 
- Ok. 095 à O k. 187 d'acide phosphorique et que 
- Ok. 296 à 0 k. 500 de potasse. Les vignes du Rous- 
sillon donnent des chiffres analogues; mais il en 
- est tout autrement des grands vins du Médoc : ils 
> fournissent, en moyenne, 25 hectolitres à l'hectare ; 
mais, pour produire un hectolitre, la vigne con- 
. somme 1 k. 640 d’azote, O0 k. 560 d'acide phospho- 
: rique et 2 k. 120 de potasse; les grands vins de 
Bourgogne consomment un peu moins, tandis que 
les vignes de la Champagne, qui ne produisent en 
moyenne que 20 hectolitres à l'hectare, utilisent, 
pour chaque hectolitre produit, % k. d'azote, 
0 k. 4178 d'acide phosphorique et 2 k. 174 de po- 
tasse. — Au premier abord, ces différences parais- 
sent paradoxales ; la vigne semble exiger d'autant 
plus qu'elle produit moins; pour comprendre ces 
résultats singuliers établis par des analyses et des 
pesées nombreuses, il faut savoir comment ces 
divers éléments sont répartis entre les produits que 
donne l'hectare de vigne; c’est là ce que M. Muntz 
va nous enseigner. Il est à remarquer d’abord que 
le vin, le seul produit exporté du domaine, ne 
prend qu'une très faible fraction des quantités 
totales que nous venons d'indiquer. 
Voici, en effet, quelle est la composition d’un 
litre de vin du Bordelais pris au vignoble de 
Vergnes, dans le canton de Sainte-Foy-la-Grande : 


ÉVANCÉC PERRET Ogr103. Cendres......-- 6,820, 
renfermant : 

EDR DSph.-5..., DA TAGRAUX EE 1: 2 20 0,133 

| ETRCEERSSRPE A,3181) Mapnésie 20..." 0,095 


Après avoir analysé séparément chacun des pro- 


1 Comples rendus, tome CXX, p. 514; 
miques, tome XVIII, p. 145; Bulletin du Ministère de l'Agri- 
culture, XIVe année, p. 504, etc , etc. Cette revue était écrite 
au moment où M. Muntz a fait paraitre un ouvrage d'un haut 
intérét : Les Vignes, dans lequel il a réuni toutes ses obser- 
vations; ce volume (Berger-Levrault) est trop important pour 
étre analysé dans une note rapide. J'y reviendrai. P. P. D. 


Annales agrono- 


duits provenant de la récolte d'un hectare, M. Muntz 
a pu dresser pour la récolte de 1891 le tableau I : 


Tableau I. — Quantités de matières fertilisantes 


absorbées par hectare de vigne. 


A] 
Cole E 
2 a 2 a a ä 
£ a Oo n =) ro 
© = > < “ Zz 
= CE È es | 
< SE ë ë , 
chine < 
Vin #4 hectol. 300...| 0.457| 0.639! 6.099! 0.679! 0.042 
Marcs de pressoir, 
DAS KE SECS 2. 0 #.314| 1.671| 2.669| 41.9%4| 0.292 
Marcs de chapeau, 
DA KE SCCSS ES Ja 0.432| 0.151! 0.305| 0.218! 0.038 
Rañfles enlevé 2 
670 sèches 0.2%4| 0.068| 0.351| 0.122] 0.029 
Feuilles 1566 k. sèc.|32.268| 7.206/13.000! S0.670117.074 
Sarments 11755 k.secs|10.524! 3.686/14.918! 20.006! 4.562 
MOtAUxS ES |48.299/13.427/37.322/103.639/22.027 


On voit que ce sont les feuilles qui renferment 
la majeure partie des matières fertilisantes totales. 
Or, ces feuilles tombent sur le sol et s'y décompo- 
sent; par conséquent les matières qu'elles ren- 
ferment ne sont pas exporlées du domaine; les 
sarments sont habituellement brülés, leurs cendres 
reviennent au tas de fumier, ainsi que les mares et 
les rafles ; en sorle que les 44 hect.39 de vin seuls 
exportés n'emportentavec eux qu'environ 1/2kilog. 
d'azote, pas sensiblement plus d’acide phospho- 
rique et 6 kilos de potasse. Ainsi, la vigne est une 
des cultures qui épuisent le moins le sol; elle a pu 
se maintenir pendant des siècles sur les terres les 
plus pauvres et continuer à y donner des récoltes. 

En s'appuyant sur ces résuilats, il semblerait 
que les fortes fumures sont inutiles; et cependant 
les vignerons champenois, notamment, donnent 
à leur sol des quantités considérables de matières 
fertilisantes, dans certains vignobles la dépense 
d'engrais est notable; non seulement à la troi- 
sième année de sa plantation la vigne reçoit des 
quantités considérables de fumiers et des terrages, 
mais, en outre, chaque année, des RAS de ren- 
ment de 150 à 60 k. d'azote, de 150 à 47 k. d'acide 
phosphorique et de 218 à 147 k. de polasse. 

Ces quantités dépassent de beaucoup les exi- 
gences de la vigne. « Mais ces principes ne s'accu- 
mulent pas indéfiniment dans le sol. En effet, les 
terres qui sont en exploitation depuis de longues 
années et qui ont reçu les fumures dont nous ve- 
nons de parler, ne sont pas, comme on pourrait le 
croire, exceptionnellement enrichies. Il est vrai 
qu’ellesrenferment beaucoup d’acide phosphorique, 
cet élément restant acquis au sol; elles contien- 
nent aussi beaucoup de potasse, quoique la terre 
de la Champagne soit pauvre sous ce rapport. 
Mais l'azote est en faible proportion : il nitrifie 


1016 


rapidement et se trouve enlevé par les eaux plu- 
viales : celui qu’on donne en si grande abondance 
est donc rapidement perdu. » 

Ces fortes fumures n’ont pas cependant d’in- 
fluence sensible sur l'abondance des récoltes, et on 
obtient des rendements analogues de terres rece- 
vant des fumures qui varient du simple au double. 

« Cherchons la raison pour laquelle les vigne- 
rons de la Champagne donnent des fumures si 
fortes qu'elles peuvent paraitre exagérées en com- 
paraison des besoins de la plante. De pareilles 
pratiques culturales, qui ont la consécration du 
temps, ont presque toujours leur raison d’être : 
elles sont basées sur une longue observation des 
faits et les sacrifices qu'elles imposent donnent 
de fortes présomptions de leur utilité réelle. » 

Ces fumures azotées paraissent, au premier 
abord, d'autant plus exagérées que la plus grande 
partie de l'azote absorbé par la vigne se retrouve 
dans les feuilles qui restent sur le domaine; mais 
c'est qu’en réalilé ce ne sont pas les vignes qui 
absorbent les doses considérables d'azote ajoutées 
chaque année, ce sont les eaux, qui lavent la terre 
et s’infiltrent dans le sous-sol, qui les enlèvent, 

Nous nous trouvons en présence d'une lutte 
incessante du viticulteur contre cette cause inces- 
sante de déperdition. Il apporte d’une facon con- 
linue et en forte proportion des matières azotées, 
parce que celles-ci sont entrainées graduellement 
par les pluies à l’état de nitrates. 

«S'il arrêtait cet apport de matériaux azolés, 
nous verrions rapidement le sol s’appauvrir, puis- 
que, déjà, malgré ces apports considérables, nous le 
trouvons pauvre en azote. Ces terres dévorent, pour 
ainsi dire, les engrais organiques, elles détruisent 
l’azote ainsi que la matière humique qui l'accom- 
pagne el qui est brûlée rapidement. Si l’on inter- 
rompait trop longtemps les fumures, le sol ne 
contiendrait plus qu'une partie insignifiante de ce 
qui lui à élé donné, et la plante n'y trouverait plus 
à sa suffisance de quoi nourrir lout le système 
foliacé et, par suite, le végétal tout entier ne tar- 
derait pas à péricliter. » 

Les faits constalés par M. Muntz présentent le 
plus haut intérêt; on en peut déduire que, lorsqu'on 
veut calculer les quantités de matières fertili- 
santes que consomme une récolle, il faut tenir 
compte et des exigences de la plante elle-même, 
et des pertes de nitrates dues au lavage du sol. 

Ces pertes varient d’une terre à l’autre: une terre 
bien travaillée, meuble, en poudre, humide, perd 
infiniment plus qu'une lerre compacte ou qu'une 
lerre sèche. Ces pertes varient sur la même lerre 
d'une‘année à l’autre, suivant l'abondance des ré- 
colles et la distribution des pluies. La quantité de 
nilrate formée dans une terre esl tout à fait indé- 


P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 


pendante de la récolle sur pied; si la récolte est 
abondante, la plus grande partie des nitrates for- 
més est retenue, les eaux de drainage sont pauvres; 
si, au contraire, un élément fait défaut dans le sol; 
si, par exemple, la fumure azotée est copieuse et 
les phosphates rares, la récolte est misérable et 
les eaux de drainage très chargées. 

Les déperdilions varient, en oulre, d’une année à 
l’autre ; si les pluies sont abondantes pendant l'été 
elrares en hiver, la quantité d’eau qui traverse le 
sol est minime et les proportions de nitrates en- 
trainés très faibles : c'est ce que j'ai nettement 
observé en 1894; il en avait été tout autrement 
en 1893 : la sécheresse a sévi pendant toute la belle 
saison, tandis que l’hiver a été humide; les quan- 
Lités de nitrates enlevés ont été considérables. 

Les études auxquelles je me suis livré sur ce su- 
jet depuis plusieurs années m'ont conduit à ces 
deux règles : 1° Les pertes d'azote nitrique par les 
eaux de drainage sont en raison inverse de l’abon- 
dance des récoltes. 2° Elles sont en raison directe 
de l'abondance des pluies d'automne et d'hiver. 

Ces notions peuvent servir de guide aux culli- 
valeurs dans l'emploi des engrais azotés : en 1893, 
nous avons eu sur les cases de végélalion de Gri- 
gnon une mauvaise récolte de blé; celle de 4894, 
au contraire, a été assez bonne ; on pourrait croire 
que le sol est plus épuisé après la récolte de 1894 


qu'après celle de 1893, il n’en est rien : si l’on ajoule … 
à l’azole contenu dans la faible récolle de 1893. 
celui que renfermaient les eaux de drainage, on. 


trouve que la mauvaise récolle de 1893 à plus 
épuisé le sol que la bonne récolte de 1894, eton 
reconnait quelle erreur on commettlrail si l’on se 


bornait, pour calculer les pertes du sol, à ne lLenir. 


compte que des exigences des récoltes. 

S'il est facile d'apprécier la richesse d'une terre 
en acide phosphorique et en polasse, en retran- 
chant des engrais distribués les prélèvements des 
récolles, puisque pour ces matières bien retenues 


par la terre arable il n’est pas de causes occultes . 


de perte, — il n’en est plus de même pour les ma- 
lières azotées, puisque, aux quantités prises parles 
récolles, s'ajoutent les entrainements des nilrales 
par les eaux de drainage, entrainements qui sont 
essentiellement variables d'une terre à l’autre, 
d'une saison à l’autre. Celle déperdition d'azote 
par les eaux de drainage fait comprendre com- 
ment les apports d'engrais azolés ne sont pas 


réglés seulement par les exigences de la plante à 


cuitiver, mais aussi par la nature du sol sur lequel. 


celte culture est placée; et c'est ce que démontre M 
avec une rare précision l’élude récente que vient 


de faire M. Muntz du vignoble de la Champagne. 
P. P. Dehérain, 


Membre de l'Académie des Sciences, 


ht à ace dé 


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É : 
| 
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1 


Les lecteurs de la Revue générale des Sciences ont 
été tenus au courant des divers travaux auxquels à 
donné lieu la mémorable découverte de lord Rayleigh 
et du Professeur Ramsay !. Pour compléter les rensei- 
ynements donnés dans la Revue, à plusieurs reprises, 
il nous à paru intéressant de reproduire les appareils 
employés dans ces belles recher- 
ches, appareils qui ont désormais 
un caractère historique comme ceux 
de Lavoisier, de Dumas et de Stas 
- pour l'analyse de l'air et de l’eau. 

La figure 1 représente le premier 
appareil employé pour répéter l’ex- 
périence de Cavendish sur la com- 
position de l'air atmosphérique au 
moyen des étincelles électriques. 
Les essais effectués dans ce tube 
eudiométrique ont montré que le 
résidu signalé par Cavendish était 
proportionnel à la quantité d'air em- 
ployé et représentait par suite un 
composant constant dé l'air atmos- 
phérique. 

La figure 2 représente le premier 
appareil construit pour extraire l’ar- 
son de l’air atmosphérique en ab- 
sorbant l'azote par le magnésium 
chauffé au rouge. 

Le tube A est rempli de tournure 
de magnésium légèrement tassée; 
B contient de l’oxyde de cuivre, C 
de la soude caustique, D de Panhy- 
dride phosphorique. E est un me- 
sureur gradué et F un gazomètre 
contenant de l'azote atmosphéri- 
que. 

Les tubes étaient d’abord chauffés 
et vidés au moyen de la pompe 
Sprengel, Quand labsorption des 
gaz se ralentissait, on recueillait 
tous les gaz au moyen de la pompe 
de Sprengelet on changeait le tube 


Fig. 1. 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


1017 


ACTUALITÉS 
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


LA TECHNIQUE DE LA SÉPARATION DE L'ARGON ET L'ANALYSE DE L'AIR, APPAREILS DE LORD RAYLEIGH 
ET DU PROFESSEUR WILLIAM RAMSAY, 


me le tube E, qui est maintenu au rouge, contient à 
la fois du cuivre poreux réduit et de l'oxyde de cuivre 
en grains. F contient de la soude en grain et G du ma- 
gnésium en tournure chauffé au rouge, H renferme 
de l’anhydride phosphorique et I de la soude. 

Les dix litres d'azote employés, ayant été réduits par 
les absorptions effectuées dans cet 
appareil à 1.500 cent. cubes, furent 
traités, pour obtenir une absorption 
plus complète, dans l'appareil re- 
présenté par la figure 4, qui évite 
le contact du gaz avec de grandes 
masses d’eau. 

La pompe de Sprengel et les appa- 
reils C et G permettaient de faire 
passer le gaz un grand nombre de 
fois dans les tubes, qui contenaient, 
D et B de la soude et de l’anhydride 
phosphorique, E du cuivre métal- 
lique et de l’oxyde de cuivre, F du 
magnésium. 

Cet appareil permit d'obtenir 200 
cent. cubes d’un gaz dont la densité 
par rapport à l'hydregène fut trou- 
vée égale à 19,086. Le spectre de ce 
gaz donnait encore les raies de la- 
zote, plus un certain nombre de raies 
n'appartenant à aucune substance 
connue. 


— Appareil employé pour ré- 


La figure 5 représente l'appareil 
employé pour la préparation en 
grand de l’argon au moyen du ma- 
snésium. La disposition est tout à 
fait analogue à celle des appareils 
précédents; mais, pour faciliter la 
préparation, le mouvement du gaz, 
à partir du réservoir B à travers les 
tubes de purification et d'absorption 
C, D, E, est produit automatique- 
ment par un circulateur indiqué 
sur la gauche de la figure. Le mer- 
cure d’un petit réservoir b s'écoule 


à magnésium. La première expé- 
rience faite au moyen de cet appa- 
reil fournit 50 cent. cubes d’argon 
presque pur, sur lesquels on put 
effectuer une mesure de densité. 

On monta alors l'appareil repré- 
senté par la figure 3 pour opérer 
sur une plus grande échelle. 

Aet B ont des gazomètres en yerre 
de 10 litres de capacité. C est un 
dispositif permettant d'introduire 
dans A le gaz contenu dans un tube 


péter l'expérience de Cavendish sur 
la composition de l'air atmosphérique. 
— A. éprouvette retournée sur une 
solution de potasse caustique, et ren- 
fermant à sa partie supérieure l'air à 
analyser ; B, vase contenant une solu- 
tion diluée de potasse caustique ; CC, 
tubes de verre renfermant les fils de 
platine conducteurs du courant élec- 
trique; D D, extrémités des fils de 
ptne entre lesquelles jaillit l’étin- 
celle. 


goutte à goutte en entrainant le gaz 
qu'il abandonne dans ua réservoir 
e: il passe de là dans un tube d d’où 
il est aspiré par une trompe à eau 
et ramené en b. 

Cet appareil permet d’absorber 
environ 30 litres d'azote par jour. 
Dans une des expériences effectuées, 
93 litres d'azote atmosphérique fu - 
rent absorbés par 409 grammes de 
magnésium, et produisirent 921 
cent. cubes d’argon pur. 


à essai, Le tube D est rempli à moitié de soude caus- 
tique et à moitié d’anhydride phosphorique; de mê- 


1 Voyez : Lorn J. W. RayLeiGn et M. Wicram Ramsay: 
La préparation et les propriétés de l'Argon, nouveau cons- 
tituant de l'atmosphère. Revue générale des Sciences du 
15 février 1895; tome VI, pages 90 à 99. 

M. Wiciam Crookes: Les spectres de l’Argon. Revue géné- 
rale des Sciences du 15 février 1895, tome VI, pages 99 à 101. 

M. K. Ocszewskr: La liquéfaction et la solidification de 
VArgon. Revue cénérale des Sciences du 15 février 1895, 
tome VI, pages 101 à 103. s 

Discussion sur l’Argon à la Société Royale de Londres. 


La combinaison de l'azote avec l'oxygène, sous l'in- 
fluence des étincelles éiectriques, peut être employée 


Revue générale des Sciences du 15 février 1895, tome VI, 
pages 103 à 107. 

M. Louis Ozrvier : Les discussions sur l'Argon. Opinions de 
MM. Gladstone et Lecoq de Boisbaudran. Revue générale 
des Sciences du 98 février 1895; tome VI, pages 199 et 200, 

M. G. Carry : Les nouvelles découvertes du Prof. Wil- 
liam Ramsay sur l'Argon et la découverte de l’Hélium. fe- 
vue générale des Sciences du 15 avril 1895 , tome VI, pages 297 
et 298. 


Fig. 2. — Premier appareil construit pour extraire FArgon de l'air atmosphérique. — À, tube à combustion rempli 
de tournure de magnésium; B, tube renfermant de l’oxyde de cuivre ; C, tube contenant de la chaux sodée ; D, tube 
contenant de l'anhydride phosphorique ; E, volumètre gradué; F, gazomètre contenant de l'azote atmosphérique ; 
G, dispositif permettant d'introduire dans E le gaz contenu dans un tube d'essai. 


Fig. 3, — Appareil destiné à exlraire l'Argon de l'air en assez grande quantilé.— AÀ,B, gazomètres d'environ 10 litres 
de capacité; C, dispositif permettant d'introduire dans A le gaz contenu dans un tube d'essai; D, tube contenant 
de la chaux sodée (a) et de Panhydride phosphorique (b); E, tube contenant du cuivre poreux (4) et de l'oxyde de 
cuivre granulé (b); K, tube à chaux sodée; G, tube renfermant de la tournure de magnésium; H, tube à anhy- 


dride phosphorique; 1, tube à chaux sodée. 


B 


218 pompe & ÿ 


de Sprengel ; 


ta) (b) 


Fig. 4. — Aulre appareil pour la production de l'Argon en grandes quantilés. — A, gazomètre; B, D, tubes con- 
tenant de la chaux sodée (4) et de l'anhydride phosphorique (b); G G, réservoirs à gaz; E, tube contenant, en 
partie du cuivre métallique, en partie de l’oxyde de cuivre; F, tube contenant de la tournure de magnésium ; 
H, dispositif permettant d'introduire ou de retirer du gaz de l'appareil. 


: 
l 


\ ACTUALITES SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 1019 


placées à environ deux centimètres de la soude caus- 


MES 


de Springel HR à 
dar Dans un appareil monté à l’Institution Royale de 
Londres, le ballon avait une capacité de 20 litres. Un 
Fe courant alternatif de 100 volts et environ 22 ampères 


Fig, 5. — Appareil destiné à extraire de l'air de grandes quantités d’Argon. — Il offre une disposition analogue à 
celle des appareils précédents. Un circulateur A facilite le mouvement des gaz. 
à isoler l’argon si l’on opère avec des appareils élec- | passait dans un transformateur, qui permettait d’ob- 


triques suffisamment puissants. La figure 6 représente | tenir surles pôles de platine une différence de potentie! 
le dispositif employé ; le mélange gazeux arrive dans | d'environ 1.500 volts, Dans ces conditions on obtenait 
un ballon, de grande capacité, à moitié rempli par une | l'absorption de sept litres par heure du mélange gazeux 


— 
= 
; ED 
Solution de soud, À 
0/ 
Fig. 6. — Appareil desliné à extraire l'Argon de l'air par combinaison de l'azote avec l'oxygène. — A, ballon renfermant 


à sa partie inférieure une solution de soude caustique et fermé par un bouchon B percé de 4 trous: C, tube pour l’entrée 
des gaz; D, tube pour l'extraction de l’argon; E, F, tubes de verre renfermant les fils de platine conduisant le courant 
électrique ; G, H, électrodes entre lesquelles jaillit l’étincelle; I, manchon où circule un £ourant d'eau destiné à refroidir 
la partie supérieure du ballon A. 


solution de soude caustique et refroidi à la partie supé- | contenant onze parties d’oxygène pourneuf parties d'air 
rieure par un courant d’eau. atmosphérique, 

L'étincelle produite par une bobine de Ruhmkorff ou G. CuarPy, 
un transformateur éclate entre deux pointes de platine DPee ur es nets 


1020 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 
Laisant (C.-A.)et Lemoine (E.), Directeurs de l'In- 
termédiaire des Mathématiciens. — Traité d’Aritmé- 
tique, suivi de Notes sur l'Ortografie simplifiée, 
par P. MALVEzIN. — 1 vol. petit in-8° de 175 pages. 

(Prix : 5 fr.) Gauthier- Villars et fils, Paris, 1895. 

On ne saurait, en parcourant ce petit traité d’Arith- 
métique que viennent de faire paraitre MM. Laisant el 
Lemoine, leur reprocher de suivre des sentiers battus. 
Et c’est là une remarque qu’on a bien rarement occa- 
sion de faire à propos d'ouvrages d’un caractère aussi 
élémentaire, Car, ce n’est point un livre savant qu'ont 
entendu écrire nos auteurs, mais un traité très élémen- 
taire pouvant être mis entre les mains de personnes 
n'ayant aucune notion sur l’arithmétique.On n’y trouve 
aucune théorie nouvelle, mais l'exposition des prin- 
cipes faite d’une facon très simple, grâce à la précision 
donnée à la notion de nombre restée jusqu’à ce jour 
assez obscure dans les ouvrages didactiques. 

MM. Laisant et Lemoine définissent le nombre sim- 
plement comme une locution ou un signe destiné à 
désigner une quantité et toutes celles qui lui sont 
égales, de manière à les distinguer nettement de celles 
qui sont plus grandes ou plus petites ; il suffit de par- 
courir leur livre pour se convaincre que,par cette défi- 
nition, les auteurs ont rendu plus facile la numération 
des entiers, des fractions et même des quantités in- 
commensurables, tout en se maintenant sur un terrain 
accessible à tous les esprits, 

Ce petit livre n’est pas, au surplus, moins original 
par la forme que par le fond, les auteurs ayant adopté 
l'orthographe simplifiée que préconise la Société «filo- 
logique » francaise. Cette manière d'écrire va contre 
nos habitudes ; aussi ne laisse-t-elle pas que d’un peu 
nous surprendre au premier abord; mais il faut se 
mettre en garde contre cette première impression, car 
on ne tarde pas à reconnaître que cette nouvelle ortho- 
graphe est infiniment plus logique que celle de l'usage, 
ou plutôt qu’elle est logique, alors que l’autre ne l'est 
pas. Ce n’est point là une qualité faite seulement pour 
complaire à des esprits précis et rigoureux ; elle com- 
porte, en outre, l’inappréciable avantage de soulager 
le bagage dont on s’est plu, jusqu’à ce jour, à surchar- 
ger le cerveau des enfants, en leur épargnant l’étude 
de règles de pure convention venant compliquer 
comme à plaisir des notions qui devraient logiquement 
ètre réduites au maximum de simplicité. L’apôtre de 
cette réforme de l'orthographe, M. Malvezin, a, dans un 
appendice, résumé les motifs parfaitement fondés qui 
justifient les principales simplifications réclamées dans 
l'orthographe usuelle. M. D'OCAGxE, 


Hatt(Ph.), Ingénieur hydrographe de la Marine. — Les 
Marées.— 1 vol. petit in-8° de 225 pages, de l'Encyclo- 
pédie scientifique des Aide-Mémoire, publiée sous la di- 
rection de M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 
2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars et fils et G. 
Masson, éditeurs. Paris, 1895. 

M. Hatt a publié de nombreux travaux sur les ma- 
rées, et depuis longtemps déjà il dirige l'Annuaire qui 
permet de les calculer à l'avance. La rédaction du 
Manuel que nous annoncons ne pouvait donc être con- 
fiée à un auteur plus compétent, Elle offrait d’ailleurs 
de nombreuses difficultés : car le problème à exposer 
est des plus ardus et il est loin d’être résolu dans toute 
sa généralité, 

L'observation superficielle des marées qui se pro- 
duisent dans les mers d'Europe montre que ce phéno- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX DE Y 4 


- théorème de Laplace, une relation entre les forces 


mène est dù à l’action combinée de la Lune et du Soleil; 
et c'est la cause à laquelle les anciens attribuaien 
déjà le flux et le reflux. Aucune théorie n’était done 
possible avant la découverte du principe de l’attraction: 
universelle : aussi la première théorie analytique du. 
phénomène est-elle due à Newton qui chercha la figure 
momentanée d'équilibre prise par la masse des eaux 
sous l'influence attractive d’un astre: ce serait celle 
d’un ellipsoiïde dont le grand axe passerait constam- 
ment par cet astre, et, par suile, ferait le tour de la 
Terre en vingt-quatre heures environ. 

Mais ce mouvement est trop rapide pour que le pro 
blème puisse être ainsi considéré à un point de vue 
purement statique : il faut avoir égard à la théorie du. 
mouvement des liquides et c’est ce qu'a fait Laplace, 
qui, en partant des principes de l’hydrodynamique, 
pose les équations différentielles du mouvement dans 
le cas le plus général. Ne pouvant intégrer ces équa- 
tions, il étudie les oscillations d’une masse fluide recou-. 
vrant un sphéroïde doué d’un mouvement de rotation; 
même dans cette hypothèse spéciale, les équations du 
mouvement n’ont pu être intégrées, et, malgré tous les 
efforts des géomètres, la théorie pure n’a pas subi de. 
modifications sensibles depuis Laplace. : 

Il a donc fallu étudier des cas plus simples, dans 
lesquels l'intégration est possible, L'ouvrage de M. Hatt 
s’est trouvé ainsi divisé naturellement en trois parties : 

I. — Théorie générale de Laplace: établissement des 
équations générales du mouvement et étude du cas 
particulier des oscillations de la mer sur un globe « 
entièrement recouvert d’eau. Perfectionnements de. 
MM. Thomson et de Darwin. i 

IL. — Mouvement oscillatoire d'un liquide dans un canal" 
horizontal de section rectangulaire. Ce cas, dans lequel. 
l'intégration est possible, s'applique seulement à 
l'étude des marées dans les rivières et dans les canaux. 

IX, — Théorie générale de la marée. Cette dernières 
partie pourrait être appelée la théorie des marées au“ 
point de vue pratique, car on y obtient empiriquement 
la formule de la marée en établissant, au moyen d’un 


| 
| 
| 
| 
| 
| 


astronomiques et le mouvement de la mer, 

La formule de la marée s'obtient ainsi exprimée par 
une série de termes périodiques dépendant des mul- 
tiples successifs de l’angle horaire de lastre qui pro- 
duit la marée ; autrement dit, la marée totale est ainsi 
une somme d'ondes de périodes déterminées. 

Dans la théorie faite par Laplace, à ce point de vue, 
tous ces termes sont condensés en groupes ; Thomson, 
au contraire, a considéré chaque terme isolément et a 
déterminé par l'observation l'amplitude et la situation 
de chacune de ces ondes : c’est ce qui constitue son 
Analyse harmonique des marées. Et la troisièmé parties 
de l'ouvrage de M. Hatt est consacrée à l’exposition des. 
théories de Laplace et de Thomson, au point de vue 
particulier que nous venons d'indiquer. 

Les coefficients'des termes sensibles étant déterminés: 
pour un lieu, il devient alors possible de calculer 
pour ce lieu toutes les circonstances de la marée. Mais 
cela exige des calculs fort longs, qui sont considéra- 
blement abrégés par une ingénieuse machine imaginée 
par sir W. Thomson et connue sous le nom de Tide 
predicter. Malheureusement cette machine est fort coù- 
teuse et n’a élé construite encore que pour l’India- 
Office ; espérons que bientôt une machine analogue 
pourra être acquise par le Dépôt de la Marine, obligé” 
aujourd'hui à consacrer une assez forte somme an-.… 
nuelle au calcul des données qu'il publie dans son 
Annuaire des marées. G. BIGOURDAN. 


2° Sciences physiques. 


*erreau (F.), Maitre de Conférences à la Faculté des 
Sciences de Nancy. — Etude expérimentale de la 
Dispersion et de la Réfraction des Gaz. (Thèse 
pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) 
— Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1895. 


La connaissance de la dispersion permet de sou- 
- mettre au contrôle de l'expérience les diverses théories 
que l'on peut proposer pour expliquer la marche de 
Ja lumière dans un milieu pondérable, et, comme les 
az sont les milieux les plus simples, ceux dont les 
propriétés mécaniques sont les mieux connues, il y a, 
malgré les graves difficultés que doit présenter une 
“semblable étude, un véritable intérêt à déterminer la 
dispersion des gaz. D'autre part, la connaissance de la 
réfraction de l’air permettrait de réduire au vide les 
…déterminations de longueur d’onde effectuées dans 
l'air ; M. Michelson, dans l’admirable travail que con- 
naissent bien les lecteurs de la Revue !,a pu mesurer la 
longueur d'onde de la lumière rouge du cadmium avec 
une incroyable précision; la mesure de l'indice de 
réfraction de l'air devrait être poussée jusqu'à la même 
approximation, si l’on voulait utilement faire une 
semblable réduction, Sur ce point, M. Perreau n’a pu 
que donner une valeur qu'il estime ètre déterminée 
“avec une précision du même ordre que celle des nom- 
« bres précédemment trouvés; c’est un résultat qui n’est 
- point inutile, puisqu'il fournit un élément de plus à 
un calcul de moyennes; mais l'intérêt principal du 
“travail est incontestablement l'étude habilement pour- 
. suivie de la dispersion de l'air, de l'hydrogène, de 
 l’oxyde de carbone et de l'acide carbonique. 

La méthode employée par l’auteur est la méthode 
interférentielle déjà utilisée par Arago, Jamin, 
« MM. Fizeau, Benoît, Mascart, et, comme M. Mascart l'avait 
… déjà fait dans son grand travail classique sur la réfrac- 
… tion des gaz, M. Perreau a recours à la production d’un 
- spectre cannelé; mais, par une très simple modifica- 
tion, le spectre cannelé existera, que le retard ait lieu 
sur l’un ou sur l’autre des deux faisceaux interférents, 
… ce qui permettra de compter les franges dans deux 
… spectres qui ont le même aspect. Pour obtenir des 
points de repère dans le spectre, on place devant la 
« fente du collimateur du spectroscope deux fils de cad- 
- mium entre lesquels on fait éclater une étincelle d’in- 
duction. 

Les gaz sur lesquels ont porté les mesures ont été 
très soigneusement préparés, très consciencieusement 
- analysés ; tous les calculs des expériences sont con- 
duits avec méthode et rigueur ; le résultat obtenu, et 
que constate l’auteur avec une certaine mélancolie, 
est que la dispersion va en croissant dans l'ordre sui- 
vant : air, acide carbonique, nydrogène, oxyde de 
- carbone; il n'y a donc aucun lien entre cette constante 

et la densité ou la réfraction, et celte conséquence 

fait penser qu'une théorie de l'influence de la matière 
pondérable sur les vibrations de l’éther doit être sin- 
gulièrement difficile à édifier. 

La thèse est clairement rédigée, mais M. Perreau 
n’est pas de ceux qui abusént dans la rédaction des 
titres alléchants et des sous-titres présomptueux, qui 
multiplient les chapitres et les paragraphes, et dont 
le travail a pour principal mérite une pompeuse table 
de matières. Dans son mémoire, historique, expé- 
riences, calculs, conclusions se suivent en ordre, par- 
fait sans doute, mais-trop dissimulé; le lecteur aven- 
tureux qui entreprendra la lecture intéressante de ce 
travail ne devra compter sur aucun guide, sur aucun 
poteau indicateur pour faciliter son exploration. Cette 
très légère critique n’enlève rien au mérite de l’auteur. 
M. Perreau a eu le courage de s’attaquer à une question 
difficile, un peu délaissée aujourd’hui, et ses efforts 
ne sont pas restés infructueux. Lucien Poincaré. 


= 


1 A. Mreuersox : Les Méthodes interférentielles en Métro- 
logie. Rev. gén. des Sc. du 30 juin 1893, t. IV, p. 369 à 377, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1021 


Etard (A), Répétiteur de Chimie à l'Ecole Polytechnique. 
Les nouvelles Théories chimiques. — 1 vol. pelit 
in-8° de 200 pages avec 56 figures de l'Encyclopédie scien- 
tifique des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de 
M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50 ; car- 
tonné, 3 francs.) Gauthier- Villars et fils, et G. Masson, 
éditeurs. Paris, 1895. 

La Chimie théorique, qui, il y a quelques années à 
peine, se résumait dans quelques considérations géné- 
rales placées en tête des ouvrages de Chimie, a pris de- 
puis peu un développement considérable et s’est cons- 
tituée en une branche spéciale de la Science ; des ou- 
vrages étendus, tels que ceux de Lothar Meyer, de 
M. Ostwald et de M. Mendelejeff, lui ont ‘été consacrés, 
dans lesquels se trouvent développés les principaux 
résultats acquis, ainsi que les chapitres actuellement à 
l'étude; des manuels relatifs à la technique des mé- 
thodes les plus”’usuelles ont aussi été publiés; enfin, 
un journal dirigé par MM. Ostwald et Van’tHoff, qui 
parait depuis 1887, s’est fait l’organe de tous les tra- 
vaux relatifs à la physico-chimie. 

Le spécialiste dispose donc de tous les moyens né- 
cessaires pour travailler utilement les diverses ques- 
tions à l'ordre du jour dans ce riche domaine. 

Il nous manquait cependant un ouvrage plus con- 
densé, dans lequel le chimiste qui ne se voue pas d’une 
facon spéciale à ce genre d’études püût s'initier aux 
grauds principes de la physico-chimie sans être obligé 
de suivre, dans tous les détails etdans tous les dévelop- 
pements, les progrès de cette science. C’est cet ouvrage 
que M. Etard vient d'écrire pour l'Encyclopédie scien- 
tifique des Aide-Mémoire. 

Après avoir défini les actions chimiques générales, 
l'auteur aborde: l’étude de la théorie atomique et de la 
théorie cinétique, les propriétés chimiques des molé- 
cules dépendant des états physiques (densités de va- 
peur, dissociation, théorie de Van der Waals, cristallisa- 
tion, théorie des solutions, etc.); enfin les éléments de la 
mécanique chimique, de la thermo-chimie, de la pho- 
to-chimie et de l’électro-chimie. 

On voit par ce court apercu que toutes les questions 
importantes sont passées en revue. Ajoutons qu'elles 
sont présentées sous une forme claire, rapide et con- 
cise, que les grandes lignes se dégagent toujours net- 
tement de l’ensemble du sujet, qu’enfin, lorsque la ma- 
tière à traiter devient plus particulièrement abstraite, 
l’auteur soutient l'attention du lecteur par des compa- 
raisons aussi heureuses qu'originales, qui font de ce 
petit livreune lecture facile ef attrayante. Nous ne dou- 
tons point que cette impression ne soit partagée par 
tous ceux qui se serviront de ce guide pour s'initier 
aux questions actuelles en physico-chimie, 

Ph.-A. GUYE. 


Gramont (Arnaud de), Docteur ès sciences — Ana- 
lyse spectrale directe des Minéraux. | Thèse pour 
le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) —1 vol. 
in-8° de 20% pages avec 3 planches hors texte. Baudry 
et Cie, éditeurs, Paris, 1895. 

Le spectroscope n’occupe pas encore, dans les labo- 
ratoires de Chimie minérale, la place qu'il eût dû con- 
quérir depuis longtemps. M. Arnaud de Gramont, qui 
vient de montrer, dans la thèse que nous analysons, 
tout le parti qu'on peut tirer du spectroscope pour 
l'analyse qualitative directe des minéraux conducteurs 
ou volatilisables dans l’étincelle d’induction, convena- 
blement condensée, va contribuer probablement à gé- 
néraliser l'emploi de ce précieux instrument, 

Les minéraux se comportent, dans ces conditions, 
comme des alliages métalliques, aux raies desquels 
viennent s'ajouter les spectres de lignes des métal- 
loïdes qu’ils renferment. Quoique le spectroscope or- 
dinaire à un prisme permette de caractériser un grand 
nombre de minéraux par cette méthode, l’auteur a 
employé pour ses recherches le modèle de spectro- 
scope à vision directe de M. Cornu, formé, comme on 
sait, de deux prismes composés et armé d’un oculaire 


1022 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


à fort grossissement. Avec cette dispersion, l’écarte- 
ment des deux raies D du Sodium atteint une division 
du micromètre, et l’on obtient des mesures suffisam- 
ment exactes jusqu’à la région violette, Par la préci- 
sion et l'abondance des détails, la thèse de M. Arnaud 
de Gramont sera d’un grand secours à {ous ceux qui 
apprécient l’économie de temps que le spectroscope 
peut donner dans les recherches analytiques. 

La partie la plus nouvelle de ce travail est celle re- 
lative à la formation directe, dans l'air, des raies carac- 
téristiques des métalloides,grâce à l’étincelle condensée, 
L'auteur montre, en effet, que le Soufre, le Sélénium, 
le Tellure, l’Arsenic, l'Antimoine, le Phosphore, le 
Chlore, etc.., donnent, dans les conditions ci-dessus 
mentionnées, des spectres de raies semblables à ceux 
obtenus avant lui, à l'abri de l’air, soit dans les tubes 
de Plücker, soit dans les tubes à gaines de Salet; cette 
découverte permet donc de reconnaître d'emblée 
l'ensemble des éléments qui forment l'espèce miné- 
rale examinée, puis d'observer seulement les métaux 
en supprimant l’emploi du condensateur. Je ne puis 
donner ici la liste des nombreux minéraux passés en 
revue par M. de Gramont dans la troisième partie de 
cette thèse, car il a étudié près d’une centaine d'es- 
pèces, principalement les sulfures, arséniures, sélé- 
niures et tellurures; mais je signalerai, en terminant, 
l'intérêt que présente sa méthode, pour la recherche 
de faibles quantités d'éléments accessoires contenus 
dans les minéraux tels que : l’Argent et le Zinc dans les 
galènes, le Germanium dans l’argyrodite de Freiberg, 
le Sélénium dans la chalcopyrite, Ie Thallium dans la 
Phillipsite et la Dufrénoysite, le Cobalt dans l'Ulman- 
nite, Or dans Ja Nagyazite, le Phosphore dans les 
météorites, etc. Cette énumération suffit pour faire 
apprécier tout l'intérêt qui s'attache à cet excellent 
travail, qui a déjà recu la sanction de la pratique 
aux mines du Transvaal et dans plusieurs usines mé- 
tallurgiques de Westphalie. A. VERNEUIL, 


Etaix (L.), Préparateur à la Faculté des Sciences de 
Paris. — Contribution à l'étude de quelques Acides 
bibasiques. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) 
— Un vol. in-8° de 66 pages. Gauthier- Villars et fils, 
édileurs. Paris, 1895, 

Le travail de M. Etaix fait suite à celui de M, Auger, 
dont nous avons donné ici un extrait, il y a quelques 
années (Revue générale des Sciences, t. I, p. 520). On se 
rappelle que ce dernier auteur a étudié, au point de 
vue de la dissymétrie possible de leurs chlorures, un 
certain nombre d'acides bibasiques: sa conclusion était 
que, vraisemblablement, les seuls acides capables de 
fournir des chlorures dissymétriques sont ceux dont 
les carboxyles sont en position 1.4; mais il est évident 
que, dans un mémoire de thèse, M. Auger n'avait pu 
passer en revue tous les acides bibasiques décrits ; 
M. Etaix étend ses recherches à d’autres, notamment à 
l'acide adipique, à l'acide subérique et à l'acide azé- 
laïque, qui correspondent, comme on le sait, à 
l'hexane, à l’octane et au nonane normaux. 

L'auteur indique en passant quelques tours de main 
facilitant la préparation de ces corps, puis il examine 
leurs principaux dérivés, anhydrides, chlorures , 
amides, etc., dont la plupart élaient encore inconnus. 
I nous est impossible de le suivre dans l’énumération 
et la description de ces corps: les méthodes employées 
n'ont d’ailleurs rien de spécial, et la marche du travail 
est la même qu'avait déjà suivie son prédécesseur, 
M. Auger. 

La conclusion est que les chlorures des acides biba- 
siques normaux en Cf, C8 et C? sont symétriques. Les 
anhydrides correspondants sont tous assez instables, 
et aucun d'eux ne fournit d’imide. | 

[n'y à donc, en définitive, que les acides oxalique 
et malonique qui ne donnent pas d’anhydrides, et les 
acides étudiés par M. Auger paraissent bien être les 
seuls dont les chlorures soient susceptibles de dissy- 
métrie. L. MAQUENNE. 


3° Sciences natufelles. 


Æhiriet (A.), Professeur au Collège de Sedan. — Re 
cherches géologiques sur le Lias de la bordu 
sud-ouest du Massif ardennais. (Thèse pour 
Doctorat ès sciences nalurelles de la Faculté des Sciene 
de Paris.) — 1 vol. in-8° de 220 pages avce 30 figures 
et 1 grande planche hors tete. Imprimerie Anciaux, 
Charleville, 1895. : 210 
De Hirson à Montmédy, en passant par Mézières et 

Sedan, s'étend une bande continue d’affleurementslia 

siques qui bordent le massif ancien de l’Ardenne, Tan 

dis que le Lias des régions voisines du Luxembourg 
et de la Lorraine avait fait l'objet d'études monogra 
phiques, il n’en élait pas de même pour la bordure dé 
l'Ardenne francaise, de sorte que M. Thiriet a comblé 
une véritable lacune en étudiant en détail les dépôts 
liasiques de cette bordure. < 

Le point de départ de son travail a été l'étude de 
coupes naturelles fournies par le démantèlement de la 
place de Sedan, coupes qui lui ont permis d’observe 
la succession de tous les niveaux du Sinémurien et de 
marquer la position exacte de toute une série de fos 
siles. Abstraction faite de la Souabe, où, grâce aux 
efforts de Quenstedt, l'analyse des assises jurassiques 
aété depuis longtemps poussée très loin, il n'existe pas 
de région où les différents horizons du Lias inférieur. 

aient été fixés avec la précision que M. Thiriet a mise M 

à ses recherches, de telle sorte que le bord ardennais 

servira désormais de terme de comparaison dans toutes. 

les études sur le Lias. < 
Le travail de M. Thiriet aurait gagné à êlre considé- 
rablement écourté et allégé de nombreuses répétitions. 

L’index bibliographique ne répond ni à une bibliogra= 

phie complète de la région ni à une bibliographie. 

du Lias; lauteur y fait figurer des titres de publica- 
tions périodiques, sans d’ailleurs indiquer même les 
volume consulté, tandis que, d'autre part, pour plu- 
sieurs ouvrages, les références sont tout à fait insuffis. 
santes. E. Hauc. 


Gain (Edmond), Préparateur à la Sorbonne. — Recher-« 
ches sur le rôle physiologique de l'Eau dans la. 
Végétation. (Thèse de Doctorat ès sciences naturelles }— 
1 broch. in-8° de 160 p. avec fig. et pl. Extrait des An- 
nales des sciences naturelles, T° sér., Botan.,t. XX, avec 
4 pl. G. Masson, éditeur, 220, boulevard Saint-Germain. 
Paris, 1895. ; 
On sait depuis longtemps que l’eau est nécessaire à « 

la végétation ; mais il reste bien des problèmes à ré- 

soudre sur son mode d'action, sur la quantité d’eau 
nécessaire aux différentes périodes de la vie et suivant 
les conditions extérieures; sur l’action exercée par un 
excès d'humidité ou de sécheresse ; comment cette: 
action s'exerce sur les différents organes de la 

plante, etc. * 
Des problèmes d'un intérêt tout différent se ratta- 

chent à cette question. Dans quelle mesure, par 
exemple, les espèces sont-elles réparties, dans leurs 
stations spontanées, suivant les conditions les plus … 
favorables à leur développément individuel? Les con- « 
ditions les plus favorables au développement de l’indi- 
vidu sont-elles en même temps les plus favorables au 
développement de l'espèce ? 


est l'influence de l’eau sur l'accroissement en poids, 
sur la croissance, sur la propagation et l'avenir de 
l'espèce, Les résultats auxquels il est arrivé sont tels 
qu'on peut les prévoir par l’observation directe des … 
faits de tous les jours; mais l’auteur les formule avec 
la précision qui convient à des résultats expérimen- £ 
taux. Il n’a d’ailleurs mis en expérience que des végé- 
taux phanérogames ; les Champignons et beaucoup 
d’Alguës lui auraient, croyons-nous, fourni l’occasion . 
d'être plus rigoureux dans ses conclusions. De 

4. . 


k. 4° Sciences médicales. 


ï 


armier (Louis), — Sur la Toxine charbonneuse. 
» (Thèse pour le Doctorat ès sciences naturelles de la Fa- 
_ culté des Sciences de Paris). — Brochure in-8° de 50 
…— pages. Imp. Charaire, 68, rue Houdan, Sceaux, 1895. 


_— On connaît maintenant les propriétés physiologiques 
“es substances solubles élaborées par les microbes de 
la diphtérie et du tétanos dans les milieux de culture; 
cest grâce à cela que l’on concoit bien les symptômes 
l’évolution des maladies produites par ces microbes, 
On est moins avancé en ce qui concerne la bacté- 
idie charbonneuse, et pourtant c’est la première 
bactérie pathogène bien connue. Les travaux sont déjà 
“nombreux, mais les résultats sont contradictoires. Le 
“dernier travail en date et le plus important, celui de 
M. Hankin et Wesbrook, parle d’une substance retirée 
de certains milieux de culture, surtout toxique pour 
“les animaux réfractaires au charbon; elle vaccine les 
‘animaux sensibles immédiatement et à des doses très 
“faibles. Ce dernier caractère la rapproche des anti- 
toxines. Les résultats obtenus par M. Marmier ne s’ac- 
“cordent pas avec ceux des deux savants anglais. 
— M. Marmier a cherché d’abord un milieu de culture 
assez bien défini où le microbe charbonneux élabore 
“une substance toxique soluble. 11 emploie une disso- 
…lution dans l’eau de sels minéraux et de vraie peptone 
“ne précipitant ni à chaud ni à froid par le sulfate 
d’ammoniaque. A 20°, la bactéridie pousse dans ce mj- 
lieu; maisles cultures y sont toujours chétives. Au bout 
… de trois semaines, le liquide filtré est toxique pour cer- 
…tains animaux tels que le lapin; et la substance toxique 
st tout entière contenue dans le précipité par le sul- 
fate d’ammoniaque. C’est en pesant ce précipité que 
M. Marmier se rend compte des doses qu’il inocule. 
—._ À partir d'une certaine dose, le lapin meurt en pré- 
sentant des phénomènes asphyxiques, comme dans 
infection charbonneuse. Quelquefois la mort survient 
au bout de deux jours, mais souvent aussi apres huit ou 
“quinze jours. Il y a réaction du côté de la température, 
surtout le deuxième jour, et principalement réaction 
& côté du poids; les animaux peuvent perdre plus 
d’un tiers de leur poids. 
A des doses inférieures à la dose mortelle, il y a aussi 
« baisse de poids, fièvre; mais l’animal se rétablit. Et 
“alors il est apte à supporter une dose plus forte que la 
première ; et ainsi de suite. M. Marmier arrive de celte 
… facon à avoir des animaux vaccinés contre le charbon, 
… résistant à des inoculations successives du microbe. 
…_ Le lapin est donc un réactif sensible de la toxine 
-charbonneuse. Il a permis à M. Marmier d'étudier les 
… variations de toxicité de sa substance, quand on lui 
. fait subir l’action de divers agents physiques et chi- 
miques. Après l’action de la chaleur (110-1202) la toxi- 
cité a diminué notablement, Le chlorure de chaux, 
les hypochlorites alcalins, les chlorures d'or et de pla- 
tine, la sotution de Gram altèrent fortement la toxine, 

A ce point de vue, elle se rapproche d’autres toxines 

mierobiennes, telles que les toxines diphtérique et téta- 
nique. Elle est intermédiaire entre celles-ci (détruites 
complètement par le chauffage) et d’autres, telles que 
la tuberculine, que la chaïeur n’altère pas. 
. Les autres animaux sensibles au charbon sont aussi 
sensibles à la toxine : tels la souris, le rat blanc, le rat 
d'égout, le cobaye, De très fortes doses tuent le pigeon, 
et amènent une baisse de poids momentanée, mais très 
forte, chez la poule. ” 

Ileût été illusoire de chercher à caractériser chimi- 
quement celte toxine charbonneuse. M. Marmier s’est 
contenté de montrer que le précipité par le suliate 
d’ammoniaque qu’il employait ne renfermait ni albu- 
minoïde, ni alcaloïde, ni diastase, 

Enfin, M. Marmier à reconnu que la toxine ne diffuse 
dans le milieu de culture que quand la bactéridie se 

- trouve dans des conditions de vie médiocres. Dans de 
bonnes conditions, la toxine reste dans le corps des 
microbes : M, Marmier en a retiré, en effet, par macé- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


1023 


ration dans l’alcool faible, une substance ayant les 
propriétés que nous venons d'énumérer. 

Cette étude très complète montre qu’un microbe qui 
produit une maladie scepticémique, élabore dans les 
milieux de culture, une toxine spécifique, 

Mais, avec cette toxine charbonneuse, on ne repro- 
duit pas complètement le tableau de la maladie mi- 
crobienne; l’intoxication est rarement aiguë. D’autres 
facteurs entrent évidemment en jeu dans l’action du 
microbe sur l'organisme. Il se peut aussi que la toxine 
retirée des cultures ne soit pas identique à celle pro- 
duite dans le corps de l'animal. F. Mesxir. 


Laurent (D'E.). — Les Bisexués : Gynécomastes 
et Hermaphrodites. — 1 vol. in-8° de 233 pages. 
(Priz : 5 fr.) — G. Carré, Paris, 1895. 

M. Laurent avait consacré sa thèse inaugurale (1888) 
à l’étude des gynécomastes, sur lesquels les observa- 
tions de Lacassagne, Lereboullet, Martin et Jagot et 
le travail publié en 1880 par Olphan avaient déjà attiré 
l'attention, Il avait fait paraitre antérieurement et il a 
fait paraître depuis lors d’autres travaux sur le même 
sujet et des sujets connexes : De la mammite doulou- 
reuse hypertrophique chez l’homme (Gazette médicale 
de Paris, 1883); De la mammite douloureuse des ado- 
lescents et des adultes (Gazette médieale de Paris, 1889); 
De l'hérédité des gynécomastes (Ann. d'hygiène pu- 
blique et de médecine légale, 1890). Ce sont ces divers 
mémoires qu'il a refondus et combinés avec sa thèse 
pour en faire le présent livre. 

M. Laurent définit la gynécomastie « une anomalie 
qui consiste dans le développement exagéré et perma- 
nent des mamelles chez l’homme, au moment de la 
puberté, avec arrêt du développement des testicules ». 
Cette définition, fort exacte, différencie nettement la gy- 
nécomastie de certaines affections qui offrent avec elle 
des ressemblances extérieures et que plusieurs auteurs 
ont eu,en conséquence, une tendance à confondre avec 
elle: la marnmite de la puberté, par exemple. La gynéco- 
mastie vraie est,pour M.Laurent,—et son interprétation 
semble s'imposer, —un stigmate de dégénérescence; elle 
se rencontre surtout chez des sujets qui ont derrière 
eux une hérédité névropathique. Ce développement 
anomal des mamelles a pour cause, aux yeux de l’au- 
teur, l’atrophie relative dontsontatteintsles testicules; :l 
trouve une confirmation de cette opinion dans le fait que 
l'on a pu observer une véritable hypertrophie des 
mamelles à la suite de certaines orchites qui ont amené 
l’atrophie complète des testicules. Les mamelles des 
gynécomastes sont parfois constituées seulement par 
du tissu adipeux, mais souvent aussi elles présentent 
nettement la structure glandulaire : ce sont donc de 
vraies mamelles et non des tumeurs fibreuses siégeant 
au niveau des seins. Parfois même elles sécrètent du 
lait, Les gynécomastes ont d'ordinaire des formes à 
demi féminines, et, bien qu'ils conservent souvent 
quelque aptitude génitale, ils semblent fréquemment 
atteints d’un véritable enfantilisme. Leur élat mental 
est celui de tous les dégénérés, mais il semble que ce 
soienten général des dégénérés inférieurs, des débiles. 

M. Laurent, dans une seconde partie, assez inutile- 
ment grossie de chapitres accessoires, passe en revue les 
divers types d’hermaphrodites.Ilétudierapidementleurs 
aptitudes génitales et leur état mental et consacre 
quelques pages aux dégénérés infantiles et aux invertis 
sexuels. Le livre de M. Laurent sera commode à con- 
sulter, parce qu’il renferme, réunies et condensées, un 
certain nombre d'observations qu'il fallait aller cher- 
cher en divers recueils; mais il faut avouer que ce qui 
en fait l'intérêt, ce sont uniquement les chapitres qui 
traitent de la gynécomastie et qu'il n’apprendra rien 
de très neuf sur l’hermaphrodisme etles hermaphro- 
dites aux naturalistes ni aux médecins. Les quelques 
observations originales qu'il contient donnent cepen- 
dant une valeur à cet ouvrage, dont il convient de louer 
la bonne ordonnance et la clarté. L. MARILLIER. 


102% 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES 


Séance du 


SCIENCES DE PARIS 
28 Oc'obre 1895. 

M. le Président invite, au nom de l’Académie, Les 
Associés et les Correspondants nationaux et étrangers 
à adresser leurs portraits photographiques au Secréta- 
riat. — Lord Kelvin prononce un discours en réponse 
à l’allocution du Président de l'Institut, à l'occasion du 
Centenaire, — M. leSecrétaire perpétuel donne lecture 
des adresses de félicitations recues à l’occasion du Cen- 
tenaire de l’Institut de France; il donne également 
communication d'une lettre de condoléance adressée à 
l'Académie par la Faculté de Médecine de l’Université de 
Coïmbre à l’occasion de la mort de M. Pasteur. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. le Secrétaire perpétuel 
signale le dix-neuvième volume des « Acta mathema- 
tica ». — M. Rossard adresse ses observations de la 
comète (1895, août 20) et de la planète Wolf (1895, oc- 
tobre 43) faites à l'observatoire de Toulouse (au grand 
télescope et à l’équatorial de 0"25), — M, Perrotin 
donne le résumé succinet et le résultat des opérations 
exécutées dans le courant de l’année 1889 sous les aus- 
pices du Bureau des Longitudes, par MM. Hatt, Drien- 
court et Perrotin, en vue de la détermination télégra- 
phique de la différence de longitude entre un point de 
la Corse et l'Observatoire de Nice, Les résultats obtenus 
trouvent une vérification précieuse en comparant les 
opérations faites successivement à Nice et à l’Ile- 
Rousse par un même observateur, avec celles effec- 
tuées par M. Driencourt, en même temps, à Ajaccio. 
Différence de longitude Ajaccio-Paris : 25"33s8. — 
M. Brioschi s’est proposé de résoudre la question sui- 
vante : Quelles sont les propriétés et les valeurs des 
covariants et des invariants de f (x) dans le cas où un 
nombre » de racines de l’équation f (x) = 0 sont égales. 
Les deux théorèmes suivants répondent à la question : 
Un covariant quelconque de f (x), covariant de l’ordre 
m et du degré p, peut s'exprimer en fonction entière 
et rationnelle de covariants et d’invariants de 9 (y), 
fonction de l’ordre m + rp et du degré p. Un invariant 
quelconque de f (x), invariant du degré p, peut s’ex- 
primer en fonction entière et rationnelle de covariants 
et d'invariants de + (y) de l’ordre rp et du degré p. — 
M. le général A. de Tillo présente la carte hypsomé- 
trique de la partie occidentale de la Russie d'Europe et 
des régions limitrophes de l'Allemagne, de l'Autriche- 
Hongrie et de la Roumanie. 

2° SCIENCES PHYSIQUES, — M. Alfred Angot pense que 
la double oscillation de l'humidité relative, à Athènes, 
signalée par M. Eginitis, est un phénomène intéressant, 
mais qui parait se rattacher directement à l'influence 
des brises de mer. L’explication complète du phéno- 
mène exigerait la jonction des courbes de la tempéra- 
ture et de la direction du vent à celle de Ia variation 
diurne de l'humidité. — M. Mettetal donne la descrip- 
tion d’un phénomène électrique observé à Grenoble le 
20 Octobre. — M, Félix Mignet adresse une note rela- 
live à la désinfection des meubles et des vêtements par 
l'emploi de la benzine pure. — M. Armand Gautier 
présente le second volume de son Cours de Chimie. 
Cette deuxième édition contient une description mé- 
thodique de l’ensemble des corps organiques, de leurs 
rapports et de leurs réactions, la stéréochimie, ete. — 
M. Marqfoy établit la loi suivante : Les équivalents 
actuels de la chimie sont les nombres premiers com- 
pris dans la sérre naturelle des nombres entiers de 1 à 
300.11 donne une théorie constitutive des corps fondée 
sur l’unité de la matière et introduit dans la considé- 
ration des volumes l'élément porosité, La chaleur spé- 


joue un rôle nutritif pour les filaments longitudi- 


cifique multipliée par la densité égale la porosité, — 
M. Raoul Varet a complété la thermochimie du groupe. 
des cyanures métalliques en étudiant les cyanures de 
lithium, de magnésium, de cuivre. L'auteur conclut de. 
cette étude des renversements d’affinité curieux des. 
acides chlorhydrique, bromhydrique et iodhydrique, 
vis-à-vis l'oxyde cuivreux, renversements d’affinité que 
l'expérience vérifie en tous points. — M. Louis Henry, 
à propos de la note récente de M. Lebeau sur le car- 
bure de glucinium, fait remarquer que l’analogie entre. 
les propriétés des carbures d'aluminium et de gluci- 
nium n'entraine pas leur analogie de composition, Le. 
glucinium bivalent à pour poids atomique un nombre 
voisin de 9, comme le montrent la densité de vapeur du 
chlorure de glucinium et la composition du dérivé. 
glucinique de l’acétylacétone. — M. P. Lebeau donne 
la composition de l’émeraude et expose la méthode , 
employée pour l'analyse ; l’auteur a découvert quelques 
éléments qui n'avaient pas encore été signalés dans 
lémeraude de Limoges, notamment le manganèse, 
l'acide phosphorique, l'acide titanique et le fluor 
libre, — M. Th. Schlæsing fils a déterminé la propor: 
tion d'argon contenue dans l'atmosphère à diverses 
hauteurs et dans des lieux différents; son taux ne. 
change que d’une manière à peu près insensible à 
l'analyse. 1400 volumes d’air contiennent 0.941 d’argon. 
Les gaz extraits du sol sont un peu plus pauvres en 
argon. L'auteur a vérifié incidemment que le cuivre, 
l'oxyde de cuivre, l'acier, la porcelaine, l'amiante n’ab- 
sorbent pas l'argon. — M. E. Burker, en faisant réagir 
l'anhydride camphorique sur le benzène en présence 
du chlorure d'aluminium, a isolé un nouvel acide céto- 
nique de formule C'SH20?; sa constitution se déduit 
nettement de celle qui a été assignée par M. Friedel à 
l'acide camphorique et fournit une nouvelle preuve de 
cette dernière. s 
CSH° 


| 
COH 
CO 
CH? 
CH—CSH7 


CH? 
cH? 


L'auteur expose l'étude chimique de ce nouveau com- 
posé. CG. MATIGNON. 

3° ScrENGES NATURELLES: — M. Marion fait hommage 
à l'Académie du quatrième volume des Annales du 
Musée d'Histoire naturelle de Marseille : Travaux du Labo- 
ratoire de Zoologie marine. — M. Ch. Janet : L'examen 
de la structure intime des fibres musculaires des Four- 
mis, des Guèpes et des Abeilles a donné à l’auteur des. 
résultats qui concordent avec ceux obtenus par van 
Gehuchten sur d’autres Insectes. L'examen porte sur 
chacune des parties constitutives de la fibre : le sarco- 
lemme, gonflé par une substance de remplissage, qui 


naux et les filaments rayonnants qui y baignent, —. 
MM. Weiss et Dutil étudient sur le cobaye le dévelop- 
pement des lerminaisons nerveuses (fuseaux muscu- 
laires et plaques motrices) dans les fibres striées, et le 
mode suivant lequel les fibres nerveuses entrent en 
contact avec les fibres musculaires en voie de forma- 
tion, Is lirentcette conclusion que les faisceaux reuro= M 
musculaires sont des organes terminaux particuliers. 
Is ne prennent aucune part au développement des 
fibres musculaires ni de leurs plaques motrices. Ils ne 
représentent nullement, comme on l'a avancé, un stade. 
du développement de ces éléments anatomiques ou 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1025 


une production pathologique. Ils constituent, selon 
toute vraisemblance, des terminaisons nerveuses de na- 
ture sensitive, qu'il convient de rapprocher des terminai- 
sons tendino-musculaires de Golgi., Leur mode de déve- 
- loppement et celui des fibres nerveuses qui y abou- 
tissent, leur structure intime, leur persistance dans 
les muscles dont l’atrophie relève d’une lésion destruc- 
tive et sytématique des cellules des cornes antérieures, 
paraissent plaider en faveur de cette interprétation. — 
M. Woronine étend ses recherches sur la valeur biolo- 
sique de la leucocytose inflammatoire, aux animaux 
invertébrés. L'auteur a examiné, au Laboratoire mari- 
time de Saint-Vaast-la-Hougue, la réaction des vaisseaux 
- ét la leucocytose localisée chez les Perophora, dans les 
lacunes du pied des Mytilus edulis. Dans ces deux 
- exemples, la brûlure par l'aiguille chauffée, le nitrate 
d'argent, ne laissent observer aucune réaction de vais- 
seaux. La réaction des vaisseaux n’a donc pas une va- 
leur biologique générale. IL en est de même de la leu- 
cocytose inflammatoire localisée. Ces deux phénomènes, 
actifs chez les Vertébrés seulement, sont liés aux condi- 
tions particulières que présente chez eux la circulation 
du sang.— M. Imhof adresse un projet de travail sur la 
structure de l’épiderme des doigls. 


Séance du # Norembre 1895. 


M. Brouardel est nommé membre de la Commission 
du Concours des Arts insalubres en remplacement de 
feu M. Larrey. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. de Laigue, de Rot- 
terdam, transmet une copie de l’éloge de M. Morand 
par Condorcet et une lettre autographe de Con- 
dorcet du 11 février 1785, accompagnant l’envoi 
de cette copie à M. Morand. — M. de Freycinet 
présente un ouvrage intitulé « Essais sur la philosophie 
des sciences » qui contient un apercu philosophique, 
en langage ordinaire, sans formule, ni figures géomé- 
triques, sur l'Analyse infinitésimale et la Mécanique 
rationnelle. — M. Schulhof a calculé les éléments de 
la comète Swift, 1895, IL Ils diffèrent de ceux de la 
comète de Lexell, mais l’origine de ces deux comètes 
parait commune. — M. Michel Petrovich envisage 
l’équation différentielle binôme du premier ordre : 


dy\® a 
(& Re U)e 


| 
: ; 
À 
d 
| 


où R est rationnel en #, X, y, en supposant x et X liés 
par une relation algébrique G (x, X) — 0, et établit 
qu'il ne peut y avoir d’intégrales uniformes et trans- 
cendantes en # que si le polynôme G en x et X est de 
degré 1 en X; s’il n’en est pas ainsi, toute intégrale 
uniforme en æ est rationnelle, mais il peut y avoir des 
intégrales uniformes et transcendantes en æ et X et 
même l'intégrale générale peut être de cette nature, — 
M. Manuel Vazquez Prada expose une méthode nou- 
elle toute différente de celle que l’on enseigne actuel- 
> lement pour extraire une racine d'indice quelconque 
d'un nombre entier. Cette méthode est d’une remar- 
quable simplicité, tant au point de vue théorique que 
dans l'application. Elle conduit tout droit au but, en 
évitant les lâtonnements qui compliquent et alour- 
dissent les procédés ordinaires. — M. Bertrand de 
Fontviolant donne l’expression de la charge suppor- 
tée par l'arbre d’une turbine hydraulique en marche 
et énonce le théorème suivant relatif à l'effet dyna- 
mique de l’eau sur les aubages. A un facteur constant 


rh éh S s dé MODS de dé tit st tie ol d 


= ù 00 Q 

près, égal à la masse liquide © débitée par se- 
conde, l’effet dynamique de l’eau sur une turbine 
parallèle est représenté en grandeur, direction et 
sens, par la résultante de la vitesse relative (ou abso- 
lue) d'entrée et d'une vitesse égale et contraire à la 
vitesse relative (ou absolue) de sortie. 

29 SGIENGES PHYSIQUES. — M. Coret adresse un com- 
plément à sa note: «Sur unappareil hydraulique propre 
à mettre en évidence le mouvement de rotation de la 
terre, » — M. Deslandres montre, en en faisant l’ap- 


plication à l’étoile d’Altaïr, comment l'analyse spec- 
trale d’une étoile peut faire connaître, d'une part, la 
lumière spéciale de son atmosphère, d'autre part le 
nombre, la période et la quantité de mouvement rela- 
tive des astres secondaires qui gravitent autour d'elle. 
L'étoile Altair est’au moins triple. — M. Eginitis 
adresse une communication sur la marche de la pluie 
à Athènes, La marche annuelle présente une très 
grande irrégularité et varie d’une année à l’autre dans 
le rapport de 1 à #.— M. Moissan a étudié l’action du 
silicium sur les métaux à haute température, Cette 
action donne suivant les cas trois résultats différents : 
1° Le silicium solide peut, grâce à sa tension de va- 
peur, s’unir au métal solide et donner,-par une action 
analogue à la cémentation, un véritable siliciure, dont 
le point de fusion est moins élevé que celui du métal. 
2° Le silicium liquide peut s'unir au métal fondu au 
four électrique. 3° Le silicium se dissout dans le 
métal liquide, ne forme pas de combinaison avec lui 
ou en produit une très instable et se dépose à l'étal 
cristallin au moment de la solidification de ce métal. 
L'auteur décrit les propriétés des siliciures de fer et 
de chrome SiFe? et SiCr?. — M. Lebeau indique plu- 
sieurs modes de traitement de l'émeraude pour arriver 
rapidement à la glucine pure. 1° L'émeraude chauffée 
au four électrique laisse comme résidu, après quelques 
minutes de chauffe, une matière fondue constituée par 
un silicate plus basique que l’'émeraude et directement 
attaquable par les acides. 2° Un mélange d’émeraude 
et de fluorure de calcium fondus est attaqué vivement 
par l'acide sulfurique avec élimination de la silice 
sous forme de fluorure de silicium. — M. F. Par- 
mentier a reconnu que toutes les eaux à goût bitumi- 
neux, existant aux environs de Clermont, contiennent 
de l’ammoniaque et même quelquefois dans des pro- 
portions notables (0 gr. 0454 par litre). D’autre part 
un usage prolongé de ces eaux permet d'établir que 
cette ammoniaque ne produit aucun effet fâcheux ; 
au contraire, la substitution de ces eaux dans un quar- 
tier a amélioré l'état sanitaire de ce quartier. — 
M. Manceau établit que les méthodes de dosage du 
tanin dans les vins, fondées sur l’action de la géla- 
tine, du perchlorure de fer, de l’acétate de zinc, ne 
donnent jamais de résultats concordants, et qu’en 
outre les résultats obtenus dépendent de la dilution, 
de la température, de la proportion d'alcool, des acides 
et des sels, L'auteur propose une nouvelle méthode 
très sensible, reposant sur l'emploi combinéide la corde 
à boyaux et du permanganate de potasse; elle est d’ail- 
leurs d’une exécution facile qui en rend la pratique 
courante. La méthode peut s'appliquer au dosage des 
tanins commerciaux. — M. André Brochet à fait 
agir le chlore sur l'alcool propylique normal en opé- 
rant commeaveclesalcools méthylique et isobutylique ; 
il a pu isoler du produit de la réaction l’oxyde de pro- 
pyle dichloré dissymétrique, laldéhyde chloropro- 
pionique « et le propional dipropylique chloré. L'au- 
teur énonce les propriétés physiques et chimiques de 
ces composés. — M. Adolphe Renard, en faisant agir 
l'ozone sec sur le toluène pur, a obtenu un composé 
explosif, l’ozotoluène, analogue à l'ozobenzène. C’est 
un corps blanc amorphe, de formule C'H$O6, qui en fait 
l’'homologue de l’ozobenzène ; ilest moins stable que ce 
dernier et fait explosion dans les mêmes conditions. 
Le xylène ortho donne un ozoxylène analogue. — 
M. Konovaloff a étudié l’action de l'acide nitrique sur 
le menthone et obtenu le nitromenthone C!0H17(A70?)0, 
liquide jaunâtre dont l’odeur rappelle celle du men- 
thone; sa formule de constitution serait représentée 
par le schéma suivant : 
C3H7 


| 
CAz0? 
CH? Co 


CH? CH? 
CHCHA* 


1026 


M. Omelianski s’est appliqué à isoler le microbe spé- 
cifique de la fermentation cellulosique en employant 
le procédé de culture élective imaginé par M. Wino- 
sradsky. C'est un bacille extrêmement mince et ténu, 
à articles droits ou légèrement sinueux, longs de 
6 à 7 p, larges de 0 & 2 à 0 3 seulement. — MM. G. 
Rivière et Bailhache ont repris l’étude de la fabrica- 
tion de l'alcool à partir de l’Asphodèle rameux et du 
Scille maritime ; en usant des procédés de défécation 
qu'ils indiquent et en employant des levures cultivées 
et pures, ils ont pu modifier complètement les produits 
signalés autrefois et obtenir des alcools de bon goût. 
Comme ces plantes croissent abondamment, à l’état 
spontané, en Algérie et en Tunisie, les résultats précé- 
dents paraissent motiver l’établissement d’une industrie 
nouvelle dans nos deux colonies. — M. Raoul Bouil- 
hac s’est proposé de rechercher les améliorations à 
apporter aux terres de bruyère de la Dordogne pour 
leur mise en culture. L'auteur résume ainsi l’en- 
semble de ses recherches : 1° Une analyse de terre est 
incomplète sans l’analyse du sous-sol, lequel intervient 
dans la nutrition minérale de la plante. 2 Les engrais 


de polasse sont inutiles sur un sol pauvre en potasse: 


quand le sous-sol en contient suffisamment. 3° La pré- 
sence des bactéries est insuffisante à assurer la crois- 
sance d’une légumineuse dans une terre où la propor- 
tion d’acide phosphorique est très faible. 4° L'acide 
phosphorique favorise au plus haut point le dévelop- 
pement et la puissance des bactéries fixatrices de 
l'azote ; il permet de transformer les terres de bruyère 
en prairies de valeur. C. MariIGNon. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Bordas fait l'anatomie 
de l'appareil digestif des Orthoptères de la famille des 
Forficulidæ. Cet appareil est d’une grande simplicité, et 
l’auteur étudie successivement chacune de ses régions, 
l'intestin antérieur, moyen et postérieur. — M. Sta- 
nislas Meunier essaye l’application de la méthode ex: 
périmentale à l’histoire orogénique de l'Europe. On 
peut imiter alors les cassures, les soulèvements, des 
structures imbriquées comprenant des chevauchements 
du genre de ceux des Préalpes et du Chablais. — 
MM.Charrin et Gley, en poursuivant des recherches 
qui durent depuis plusieurs années, sont arrivés à re- 
produire expérimentalement des difformités congéni- 
tales, Les malformations ne sont pas les uniques con- 
séquences des antécédents pathologiques, — M, Cor- 
neau adresse une note relative au mode d’incubation 
et d’éclosion des œufs de vipère, J, MARTIN. 


Séance du 11 Novembre 1895. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. le Secrétaire: perpé- 
tuel signale l’Album de Statistique graphique de 1894, 
publié par le Ministère des Travaux publics, — M. José 
Ruiz-Castizo soumet un mémoire intitulé : Le plani- 
mère cartésien à évaluation tangentielle. Nouvel intégra- 
teur mécanique de précision. — M. Goursat examine 
les systèmes d'équations linéaires auxquelles on est 
conduit quand on veut calculer la valeur des dérivées 
successives du point commun à deux courbes données 
quelconques, par lesquelles doitpasser l'intégrale cher- 
chée d'une équation aux dérivées partielles du second 

ordre : 
F (x, 


Vs 21 Dig Tr, 8, =; 


il signale quelques résultats curieux relatifs à la dis- 
cussion des équations linéaires qui déterminent les 
coefficients. — M. Léon Autonne considère une subs- 
litution de Cremona : 


et NC IP E) 
où les &. son! des coordonnées homogènes et les 4 des 
formes ternaires en æ. du même degré, et démontre ce 


que deviennent les deux propositions suivantes quand 
on ne fait aucune hypothèse spéciale sur les allures de 
let de A au pointw. [w est un point fondamental, 


c 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


c'est-à-dire un point fixe de la courbe générale p 
€ 
du réseau : 


Ze gi = 0]: 


1° Lorsque «w est un point pure de l,, Sans autre par- 
ticularité, s fait correspondre à w non un point unique, 


mais une courbe fondamentale unicursale de degré p.. 


2° Lorsque w est un point oil sans autre particularité 


pour une courbe algébrique A, le degré de la courbe … 


image de A s’abaisse de wo unités, — M. G. Floquet, 
en utilisant les décompositions symboliques, étudie 
une expression générale des équations différentielles 
linéaires homogènes d'ordre m, dont les intégrales 
sont uniformes dans tout le plan des x, sans autre sin- 
gularité essentielle que le point c. 

2° SGIENCES PHYSIQUES. — M, Delauney adresse un 
mémoire ayant pour titre : Comparaison des races fran- 
çaise, anglaise et allemande à l'aide des tables de morta- 
lité. — M. Delmas adresse une note relative au poids 
de l'atmosphère. — M. Moret de Montjou envoie un 
mémoire intitulé : De la formalion des réflecteurs et des 
réfracteurs courbes à l'aide de miroirs plans et de surfaces 
planes transparentes. — M. de Bernardières expose le 
plan d'étude et d'observations entrepris sous la diree- 
tion du Bureau des Longitudes pour la construction de 
nouvelles cartes magnétiques. Six missions sont orga- 
nisées ; elles doivent, dans l’espace de deux ans, faire un 
ensemble d'observations simultanées sur une surface 
considérable de la Terre. — M.. A. Poincaré donne le 
tableau de la distribution des pressions pendant les 
mois d'été 1883 et maintient les relations frappantes 
qui existent entre ces pressions et la révolution syno- 
dique de la Lune, — M. F. Osmond a étudié la consti- 
tution des aciers extra-durs dont la teneur en carbone 
dépasse 1,30 %. L'examen microscopique de la dureté, 
l’action des réactifs chimiques montre que ces aciers 
sont constitués au moins par deux corps distincts sé- 
parés par le carbure défini CFeÿ. L'un des deux cons- 
tituants est celui qui compose à peu près exclusivement 
l'acier trempé à 1 °/, de carbone; pour avoir un mé- 
lange égal des deux constituants, il est nécessaire de 
refroidir le plus rapidement possible à partir de 1.000°, 
Un tel mélange est peu magnétique. L’examen de 
M. Osmond a porté en particulier sur un fragment 
de plaque de blindage obtenu par M. Demenge d’après 
de, plaq age R Ê 5 P 
son procédé de carburation directe de lacier à la 
coulée, décrit récemment dans la Revue. — M, Vigou- 
roux à préparé les siliciuresde nickel et decobalt par le 
même procédé qui a permis à M. Moissan d'obtenir les 
siliciures de fer, de chrome et d’argent : ce sont des 
corps d'aspect métallique qui résistent aux plus hautes 
températures sans se décomposer. Les formules sont 
SiNi et SiCo?, — M. Dufau a préparé dans le fourélec- 
trique de M, Moissan le chromite neutre de chaux cris- 
tallisé, Cr? 0%, Ca O, par l’union directe du sesquioxyde 
de chrome et de la chaux ; c’est un composé bien eristal- 
lin et stable aux plus hautes températures; sa densité 
est de 4,8 à 180; il résiste à l’action des acides les plus 
énergiques. — M. Lescœur a préparé des alcoolates 
en faisant agir le sodium sur l'alcool et mesuré la ten- 
sion des mélanges obtenus, La variation de cette tension 
avec la composition du mélange parait indiquer lexis- 
tence ducomposé C? H$Na0,2C2H60, — MM.Bourquelot 
et Hérissey ont repris l'étude du ferment soluble sus- 
ceptible de dédoubler certains glucosides que l’on ren- 
contre dans la plupart des champignons ; ils ont reconnu 
que c’est la même émulsine qui paraît exister chez tous 
les cham pignons et qu'il n’y à aucun argument déli- 
nitif permettant d'affirmer qu'elle diffère de l’'émulsine 
des amandes. — M. J, Winter a étudié, par la cryose 
copie, la concentration moléculaire d'un certain nombre 
de liquides de l'organisme; il a constaté la propriété 
suivante fort remarquable : Le sérum sanguin et leJait 
sont équimoléculaires, et leur concentration moléculaire 
est la même chez les diverses espèces animales 
examinées. Ce fait, de la plus haute importance, nous 


Vire 


a — 


montre tout l'organisme en équilibre osmotique et 
la vie cellulaire sous la dépendance d’un même état 
limite qui se reproduit constamment, La méthode 
eryoscopique devient la méthode la plus sensible pour le 
contrôle de la pureté du lait, — M. Grimbert a étudié 
les fermentations provoquées par le pneumo-bacille de 
Friedländer, lesréactions obtenues des transformations 
reconnues par Frankland : il existe donc au moins 
deux pneumo-bacilles de Friedländer, morphologique- 
ment semblables, mais différant entre eux par leurs 
actions fermentatives. — M. Bonnet a trouvé que les 
oxydes de zinc, de cuivre, de cobalt et de fer nydratés 
peuvent être fixés directement par les fibres végétales 
et par suite utilisés pour le mordancage direct. 
CG. MariGxoN. 

3° SCIENCES NATURELLES, — M. Félix Gayon fait hom- 
mage à l'Académie du tome/Il de la troisième édition 
de ses Lecons cliniques sur les Maladies des voies uri- 
naires. —M. Leroux adresse de Tenès (Algérie) une 
note sur la défense dela vigne contre le Phylloxéra. — 
MM. Nivière et Hubert soumettent au jugement de 
l’Académie un mémoire ayant pour titre « Contribution à 
l'étude des ferments ». — M. Termier a observé des lam- 
beaux de terrains cristallins d'âge probablement ter- 
tiaire, dans les Alpes brianconnaises; ce sont trois 
lambeaux constituant l’un la montagne de l’Eychauda, 
le deuxième la montagne de Sèvre-Chevalier.J. MARTIN. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 29 Octobre 1895. 


M. Le Roy de Méricourt lit le rapport de la Com- 
mission du prix Barbier. — M.Prunierlitle rapport de 
la Commission du prix Nativelle. — M. Paul Berger 
fait un rapport sur une communication du D' Kirmis- 
son relative au traitement d’un double pied plat valgus 
douloureux. M. Kirmisson a pratiqué l'opération 
d’Ogston sur le pied gauche et a obtenu un résultat 
orthopédique et fonctionnel satisfaisant. M. Berger, 
tout en reconnaissant les heureux résultats immédiats 
de l'intervention chirurgicale, ne les croit pas toujours 
très durables. Il pense que le traitement orthopédique 
du pied plat valgus est trop négligé en France. Peut- 
être y aurait-il lieu d’insister davantage sur ce traite- 
ment, et de ne recourir à une autre méthode que lors- 
qu'il aurait donné des résultats absolument inefficaces. 
— M. À. Mossé lit un travail intitulé : 
recherches sur la greffe osseuse hétéroplastique. » — 
M. Galezowski fait une communication sur les atro- 
phies des papilles d’origine glaucomateuse et leur 
traitement par les sclérotomies répétées. — M, Halt lit 
un travail sur le traitement de l’ophtalmie purulente 
par les grands lavages. — M. M. Bloch lit un mé- 
moire sur un procédé d’hématothérapie dans la tuber- 
culose non héréditaire. 


Séance du 5 Novembre 1895. 


L'Académie procède à l'élection de deux correspon- 
dants étrangers dans la 4° Division (Pharmacie). 
MM. Nencki (de Saint-Pétersbourg) et Ludwig (de 
Vienne) sont élus. — M. le D' Jonnesco (de Bucha- 
rest) lit une observalion d’abcès par congestion àtriple 
poche (deux poches fessières, une poche pré-sacrée) 
avec mal de Pott dorso-lombaire, Il pratiqua l'incision 
et le raclage des poches fessières, puis la trépanation 
du sacrum et le raclage de Ja poche pré-sacrée et ob- 
tint la guérison du malade. — M. le Dr Viard lit une 
contribution à l'étude de l’ostéomyélite et de sescauses. 
— Le reste de la séance est consacré à la lecture des 
rapports sur les prix décernés par l’Académie. 

Séance du 12 Novembre 1895. 

M. Laborde présente à l’Académie un nouveau 
marteau percuteur du D E. Toulouse, desliné à pro- 
duire le réflexe patellaire ou autre dans les maladies 
nerveuses. — M. J.Rochard présente un rapport sur 
un mémoire du D' Fontan relatif à la méthode du cu- 


« Nouvelles | 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1027 


rettage dans le traitement des grands abcès du foie. Ce 
procédé, qui est un perfectionnement important de la 
méthode de Little, a donné 86 °/,de succès, proportion 
inconnue jusqu’à présent. — M. Blache lit un rapport 
sur la cure d’air dans le {raitement de la tuberculose 
à l'Hôpital d'Ormesson, 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 26 Octobre 1895. 


MM. Charrin et Nobécourt citent un grand nombre 
d'exemples montrant que, chez les rejetons issus de 
mères malades, la croissance s’effectue beaucoup moins 
vite que dans les cas normaux. — M. Féré a constaté 
que certaines substances toxiques, employées à faible 
dose, donnent aux couvées une suractivité réelle, — 
M. Marinesco relate l'observation d’un diabétique pré- 
sentant le syndrome de Weber (ptosis de la paupière 
gauche et paralysie complète du moteur oculaire com- 
mun avec hémiparésie gauche). — M. Rénon cite deux 
cas de tuberculose aspergillaire chez des peigneurs de 
cheveux. L’aspergillus provenait de la farine de seigle 
dont ils se servent dans leur métier et dont la pous- 
sière flotte constamment autour d’eux. — M. Mossé a 
observé un cas d’acromégalie avec tumeur de la pitui- 
laire et hypertrophie du corps thyroïde et du thymus. 
— M. Claisse présente des pièces de dilatation bron- 
chique expérimentale obtenues chez le lapin au moyen 
d’un nouveau procédé. — M. Onimus décrit un procédé 
pour démontrer la pénétration de la lumière dans les 
tissus vivants. — M. Pillet communique le résultat de 
ses recherches sur l’anatomie pathologique de la rate 
mobile. — M. Chassevant a reconnu que la benzine 
ne détruit pas les micro-organismes, mais les empêche 
de se développer dans les milieux fermentescibles. — 
M. Laguesse étudie le développement du pancréas 


chez les Mammifères. — M. Arthus indique un nou- 
veau procédé pour obtenir rapidement de beaux cris- 
taux d’hémoglobine. — M. le D° Garnault cite un cas 


d'hémorrhagie post-opératoire réflexe de la caisse du 
tympan chez le pigeon. 


Séance du 2 Novembre 1895. 


M. Lapicque montre que le fer introduit dans lor- 
ganisme par la voie veineuse ne s’élimine qu'en petite 
quantité par les reins, et que la plus grande partie 
s'élimine par l'intestin. — M. Pillet a constaté, dans 
dans le foie et dans l'intestin, des zones d'activité 
fonctionnelle différente se traduisant par des diffé- 
rences de sécrétion des glandes. — M. Marchaux a 
recherché l'existence d’un sérum anti-charbonneux : le 
sérum de lapin a seulement des propriétés préventives ; 
le sérum de mouton a également des propriétés cura- 
tives, à condition qu'il ne soit pas employé trop tard. 
— M. Pierre Bonnier présente quelques observations 
sur le signe de Romberg, le sens musculaireet le sens 
des attitudes d'équilibre. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 8 Novembre 1895. 


M. Freundler a dédoublé, par les sels de strychnine, 
l'acide dioxystéarique correspondant à l'acide oléique. 
Le sel de l'acide gauche est beaucoup moins soluble 
dans l'alcool que le sel de l'acide droit. Il a étudié 
aussi le pouvoir rotatoire de ces acides en solution. Ce 


pouvoir esttrès faible: [x], = -+ 2,1.M. Freundler a éga- 


lement étendu aux chloracétyltartrates et aux dichlo- 
racétyltartrates les études sur les variations du pou- 
voir rotatoire qu'il avait commencées sur les éthers 
tartriques. Il a pu constater que la présence du chlore 
dans la molécule faisait naître de nombreuses anoma- 
lies dans les variations de [a]... —M. Moureu a étudié 


quelques dérivés de la série de l’eugénol. On donnait 
jusqu'ici à ce corps la formule d’un allylgaïacol sans 
preuves synthétiques à l'appui de cette manière de 


1028 


voir, Par l’action de l’iodure d’allyle sur le vératrol, 
en présence de poudre de zinc, M. Moureu à réalisé la 
synthèse de l’éther méthylique de l’eugénol : 
,CH?—CH=CH? (1) 
CHiZOCHS (3) 
NOCHS (4) 


Cette synthèse démontre bien la nature allylique et 
non propénylique de la double liaison. — M, Urbain 
a étudié les produits de condensation de laldéhyde 
isobutylique. Il effectue cette condensation en trai- 
tant cette aldéhyde par son poids d'une dissolution 
alcoolique de soude à 5 %. Si l’on élimine l'alcool au 
bain-marie et la soude par des lavages successifs, on 
obtient les produits qu'aobtenus M. Fossek, en traitant 
l'aldéhyde isobutylique par l'acétate de soude en tubes 
scellés. L'auteur s'est proposé d'établir la constitution 
de ces composés. Le corps répondant à la formule 
CSH!:0 ne s'obtient qu’en très petite quantité. IL bout 
à 440°, Son oxydation facile à l'air doit le faire consi- 
dérer comme le triméthylpenténal : 
CHS 
CH? 

\ ec —CH0 
CH” | 
CH 


Le corps répondant à la formule C* H15 0? (diisobu- 
tyraldéhyde de Fossek) bout à 1250-130°, sous 14 milli- 
mètres: traité par le chlorure d'acétyle, il donne un 
éther monoacétique bouillant à 230-235°, ce qui met 
en évidence sa nature alcoolique, Ses propriétés réduc- 
trices et son aptitude à se combiner aux bisulfites alca- 
lins doivent le faire considérer comme une aldéhyde 
ou une acétone, Ii estinaltérable à l'air et fournit par 
oxydation de l'acide isobutyrique. Traité par le sodium 
en solution éthérée, il donne le glycol obtenu par Fos- 
sek en traitant l’aldéhyde isobutylique par des solu- 
tions concentrées de potasse. Ge glycol ayant la cons- 
titution suivante : 

‘He CH 

CE CH-cHOH-CHOH—CH£  , 

CH5/ NCH3 
il résulte de cette dernière réaction et des précédentes 
que la diisobutyraldéhyde de Fossek est la diméthyl- 
hexanolone : 

HE 

CH \ 

CH 


On obtient également danscette réaction un corps eris- 
tallisé bouillant vers 180°, sous 1% millimètres. Ge 
corps n'a pas encore été étudié. L'auteur à montré, de 
plus, que l’on obtient des produits différents en modi- 
fiant le traitement de la manière suivante : on traite 
l’aldéhyde par la même dissolution sodique, mais on 
élimine la soudepar un courant d'acide carbonique et 
on chasse ensuite l'alcool, On obtient ainsi, outre les 
produits décrits précédemment, un corps bouillant à 95° 
sous 14 millimètres. Isomère de la diméthylhexanolone, 
ce corps doit être considéré comme le triméthylpenta- 
nolal : 


CES 
CH—CO—CHOH—CH ; 
NC 


CH 
CH | 
NCH—CHOH—C—CHO 
CH5” 
CH3 


11 s’altère rapidement à l’air et est décomposé par la 
moindre élévation de température en présence d’alca- 
lis. Son éther acétique bout à 2100. Il donne par réduc- 
tion le triméthylpentanediol : ne 


CH: | 
N CH—CHOH - C—CH? 0H 
CH3/ 
CH 
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


EE ———.". ———"—"— OU NS ; 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES F0 


dont la diacétine bout à 410-115° sous 14 millimètres. 
— M. Wyrouboff a décrit, il y a quelque temps, les. 
tartrates neutres de rubidium, doués du pouvoir rota-. 
toire à l’état solide et en solution. Il à constaté de plus 

que les rotations sous ces deux états sont de sens in- 

verse. Il fait ressortir les difficultés que l’on éprouve si 
l’on veut faire cadrer ces faits avecles théories ac- 
tuelles et la contradiction qu'il relève dans un travail. 
de M. Traube. Ce dernier, après avoir formellement 

déclaré que le sens de la rotation devait nécessairement 
ètre Le même que celui de la solution, trouve mainte- 
naut que cette particularité du tartrate de rubidium n’a 
rien d'extraordinaire : le sens de la rotation changeant 
très souvent pour un même corps avec le dissolvant, 
avec la nature des substilutions et Pétat d'agrégation. 

E. Cuanon. 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE 
Séance du 10 Octobre 1895. 7 L 


Le président annonce le décès de MM. Louis Pas- 
teur de Paris, membre d'honneur étranger ; Moriz 
Willkomm de Prague, correspondant, et Sven Ludwig 
Loven de Stockholm; il résume les travaux de ces sa- 
vants, — M. Grobben de Vienne est élu membre ordi- 
naire, M. Wirtinger d'Innsbrück est nommé corres- 
pondant, et MM. Berthelot de Paris et Engelmann 
d'Utrecht sont élus correspondants étrangers. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ernest Blaschke : 
Etudes de cinématique. — M. C. Paschl : Sur le pro- 
blème de la théorie de la chaleur. 

20 SGiENCES PHYSIQUES. — M. Albert v. Obermayer : - 
Action du vent sur les surfaces faiblement arrondies. 
— M. Georg Gregor : Action de l’iodure d'éthyle sur 
le B-résorcylate de potassium. En solution alcoolique, 
il se forme l’acide monéthyl 6-résorcylique, qui paraît 
dériver non de la forme bitertiaire de la résorcine, 
mais de la forme secondaire-tertiaire, — MM. Guido 
Goldschmiedt et Franz Schrawhofer : Hydrazone de … 
la phlorone et ses produits de substitutions. Les au- 
teurs étudient l'influence de Ja position et de la na- 
ture des groupements substitués pour la formation des 
hydrazones. Les dérivés chlorés, bromés, iodés, nitrés 
donnent facilementdeshydrazones.—M.CarlBrunner: 
Nouvelle base obtenue à partir de l’isobutylidenhy- … 
drazine. Au lieu du diméthylindol, l’auteur obtint un 
composé borique C!0H'1A7 dont il donne les propriétés. 
— M. Robert Hirsch : Sur l'aldoxime papavérique.Ce 
composé se présente sous deux modifications stéréo- 
isomères fournissant des chlorhydrates bien distincts. 
— M. Max Baczewski : Recherches chimiques sur la 
semence de Nephelium lappaceum et sur les matières 
grasses qui y sont contenues; l’auteur donne la com- 
posilion quantitative et qualitative des produits chi- 
miques isolés. — M, Carl Glücksmann : Formation 
de la pinacoline de l’isobutyrate de calcium. La pina- 
coline signalée par Barbaglia et Gucei ne se forme pas 
dans la distillation du sel précédent, mais bien une 
acétone isomérique avec elle. 4 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Steindachner: Les pois- 
sons d’eau douce dans la presqu'ile des Balkans, — 
M. Sibenrock : Le squelelte de l'Agamidæ. — M. Zic- 
Kkal : Recherches morphologiques et biologiques sur 
les lichens. — M. Franz Roula : Etudes géologiques 
dans l’est des Balkans et conclusions de. l’ensemble 
des recherches effectuées par l’auteur dans cette ré- 
gion. —M. Czapek : Recherches sur la direction suivie . 
par les diverses parties des plantes à organes plagio- 
tropes. 

Séance du 17 Octobre 1895. 


1° SCIENCES NATURELLES. — M. Alfred Nalepa : Nou- 
veaux microphthires de la bile (12 communication). — 
M. v. Ebner : Anatomie de la corde dorsale de 
l’'Amphioæus lanceolatus. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER 


15 DÉCEMBRE 1893 


REVUE GÉNÉRALE 


JES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


SOUSCRIPTION INTERNATIONALE POUR ÉRIGER, À PARIS, UN MONUMENT 
A L. PASTEUR — HOMMAGE A LA MÉMOIRE DE LOBATSCHEVSKY 


La Revue exprimait récemment le vœu qu'une 
statue de L. Pasteur fût érigée en plein Paris, « pour 
rappeler aux foules occupées de leurs affaires 
ou de leurs plaisirs la vie laborieuse du grand sa- 
vant passionné de science et d'humanité ». Ce vœu 
vient de recevoir uncommencement de réalisalion. 
Le Présidentet les membres du Conseil del'Instilut 
Pasteur ont réuni, mercredi dernier, un Comité 
composé de savants, d'écrivains, d'artistes et de 
quelques hommes poliliques. pour élever à Paris. 
par voie de souscription tarternationale, un monu- 
ment à la mémoire de Pasteur. 

Le Conseil a jugéavec raison que la souscriplion 
devait être internationale, afin de permettre à tous 
les peuples d'exprimer leur reconnaissance à 
l’homme dont les travaux ont rendu tant de ser- 
vices à l'humanité. 

La Revue tiendra ses lecteurs au courant des 
mesures prises pour assurer le fonctionnement de la 
souscription. Dès à présentles engagements de ver- 
sements peuvent être adressés à l'Institut Pasteur. 


En vue de perpétuer le souvenir du grand réno- 
vateur de la Géométrie, Lobatschevsky, un Comité, 
composé des plus éminents mathémaliciens du 
monde entier, se forma en 1893 à Kazan et ouvril 
à cel effet une souscription. Le Comité vient de 
publier son rapport, duquel nous extrayons les 
renseignements suivants : 

La somme aujourd'hui disponible s'élève à 
8.840 roubles (un peu plus de 35.000 francs). L'im- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 


portance de celte somme a conduit le Comité à 
adopter le double projet suivant : {1° fondation d'un 
prix international pour les travaux géométriques 
(spécialement ceux qui se rapportent à la Géomé- 
trie non Euclidienne); 2 érection d'une statue à 
Lobatschevsky. 

Le prix, qui consiste en une somme de 500 roubles 
(environ 2.000 francs), sera décerné tous les 
trois ans au meilleur Mémoire ou Ouvrage sur la 
Géométrie. Les mémoires devront être écrils en 
russe, français, allemand, anglais, ilalien ou 
latin, ét adressés à la Société Physico-Mathéma- 
tique de Kazan, une année au moins avant la col- 
lation du prix. Le premier prix sera décerné le 
22 Octobre (3 Novembre) 1897, 

La seconde partie de la souscription sera affec- 
tée à l'érection de deux statues à Lobatschevsky, 
l’une devant l'Universilé de Kazan, l’autre à l'inté- 
rieur de la même Université. La première stalue. 
avec son piédeslal, coûtera 3.000 roubles, dont 
2.000 pris sur les fonds de la souscriplion et 1.000 
fournis par le Conseil municipal de la ville de 
Kazan. Les frais de la seconde stalue seront sup- 
portés en partie par les Professeurs de l’Universilé 
de Kazan. 

Tousles Ouvrages et Mémoires se rapportant à 
Lobatschevsky et à sa Géométrie, y compris le 
œuvres imprimées et manuscrites du grand géo- 
mètre lui-même, seront réunis en une collection 
séparée, qui portera le nom de « Bibliotheca Lo- 
batschevskiana ». 


23 


1030 


A, CORNU — RÉPONSE A « LA DÉROUTE DE L’ATOMISME CONTEMPORAIN À 


LE MONDE MÉCANIQUE ET LE MONDE ÉNERGÉTIQUE 


de la Stéréochimie, que la Revue a également. 
exposées, — ne sauraient aller sans provoquer … 
d'ardentes controverses. Suscilant la sympathie . 


Nous publions ci-après deux réponses à un ré- 
cent arlicle de M. W. Ostwald!. Le titre de cet 
article, tel que l’éminent savant l'avait libellé en 
allemand, était : Die Überwindung des wissenschaft- 
lichen Materialismus. Comme la traduction litté- 
rale n'eût pas exprimé le sens de ces mots, nous 
avons essayé d'en indiquer l’idée par celte rubrique: 
« La Déroute del Alomisme contemporain ®.» M.Oslwald 
combat, en effet, dans cet article la théorie classique 
de la matière, et en soutient une autre qui, sous le 
nom d'Énergétique, attire depuis quelques années 
l’altention des physiciens et des chimistes. La Æevue 
a eu soin de tenir ses lecteurs au courant des dis- 
cussions soulevées à ce sujet, el plusieurs savants, 
MM. G. Charpy, A. Étard, H. Le Chätelier, Ph. 
A. Guye, etc., ont signalé ici même l'impor- 
lance des doctrines du hardi novateur. Ces doc- 
trines, — pas plus que les théories, tout contraires, 


des uns, l’indignation des autres, la curiosité de 
tous, elles s'imposent aujourd'hui à l'examen, et 


il est naturel qu’en ces difficiles problèmes, aux- 


quels personne ne peut se flatter d'apporter une 
solution globale ec définilive, la critique s'exerce 
sous toutes les formes, suivant les tendances 
scientifiques et le tempérament de chacun. Cette 
diversité d'appréciation apparait jusque chez des 
esprits formés aux mêmes disciplines, et souligne 
l'inlérét des réponses suivantes faites, à deux 
points de vue un peu différents, par M. A. Cornu 
et M. Brillouin aux récentes affirmations du célèbre 
professeur de Leipzig. 


(LA DIRECTION.) 


QUELQUES MOTS DE RÉPONSE 
A « LA DÉROUTE DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN » 


En lisant dans la Revue, àla première place, sous la 
signature d'un professeur d'Université allemande, 
M. Ostwald, la Déroute del Atomisme contemporain, j'ai 
éprouvé un sentiment pénible : ce sentiment sera 
partagé, j'en suis sûr, par tous les lecteurs qui pen- 
sent que l'œuvre scientifique léguée par les plus 
grands génies dont la science s’honore est chose res- 
pectable, et ne mérile à aucun titre le persiflage 
arrogant dont ce prétentieux article estassaisonné. 

Qu'un feuilletoniste irresponsable choisisse un 
litre baroque et fasse le bel esprit sur des sujets 
respectés, c'est affaire sans conséquence : mais, 
qu'un homme de science, ayant charge d’âmes, 
écrive dans une Revue sérieuse un article tapa- 
geur, pour railler des notions claires et fécondes 
au profit d'aspiralions vagues ou banales, c’est, à 
mon avis, un acte regrettable el peu digne d'un 
vérilable savant. Le public, confiant à juste titre 
dans le jugement des collaborateurs de la Revue, 
n'a, d'ordinaire, nile Lemps ni les moyens de con- 
trôler les opinions qu'on lui présente ; il risquera 
donc d'accueillir comme démontrées les affirma- 
tions erronées ou les insinuations railleuses accu- 
mulées par l'auteur pour prouver la prétendue 
« déroule ». Après cette lecture, le public ne 
gardera dans l'esprit que le doute et le ridicule 


1 Voyez la Revue du 15 Novembre 1895. 
? M. Ostwald, qui n’a pu corriger les épreuves de la traduc- 
tion française,nous a écrit, après l'apparition de son article, qu’il 


jetés sur la valeur des efforts dépensés depuis 
trois siècles pour ramener l'explication des phé- 
nomèênes nalurels aux lois de la Mécanique. Or, 
c'est précisément le sentiment inverse qu'il fau- 
drait inspirer au lecteur, un sentiment d’admira- 
lion respectueuse pour les résultats obtenus depuis 
Galilée, dans cette voie, par Descartes, Huygens, 
Newton, Euler, Laplace, Fresnel, Gauss, von 
Helmholtz. Bien loin d'être « une erreur pure et 
simple », comme le prétend l’auteur de la 
« Déroute », bien loin d’être stérile, la conception 
cartésienne est, au contraire, en pleine floraison : 
chaque jour voit disparaitre un des agents physi- 
ques, une de ces entilés provisoires créées pour 
résumer les faits : le Son, la Lumière, la Chaleur, 
l'Électricité et le Magnétisme viennent se ranger 
peu à peu dans le domaine soumis aux axiomes 
de la Mécanique rationnelle : bien plus, dans 
chaque branche de science en voie de formation, 
c’est par la proportion des faits représentés par 
les conceptions mécaniques qu'on mesure le 
degré d'avancement et la marche du progrès. Que 
signifie alors l'affirmation suivante (p. 955) : 

«C'est une entreprise vaine, qui a piteusement échoué 
devant toute expérience sérieuse, de vouloir rendre 
comple, par la Mécanique, de tous les phénomènes 
connus, » 

Où donc M. le P' Ostwald a-t-il vu tant d'échecs 
piteux? Est-ce dans la Mécanique céleste, dans la 


eût préféré pour titre: «La Réforme de la Physique générale». À théorie du Son ou de la Lumière, dans la Thermo- 


PE PTS PE NU OO RE DV IT ON SPP ET NI NUE CN I VRP TUE 


Fe PE | 


6 


dynamique? Toutefois, la démonstration a dû lui 


paraître insuffisante, car il s’est cru obligé de la 


reprendre par des arguments mathématiques : 


«Dans toutes les équations mécaniques, lesigne de la 


4 

1 

Fa variable représentant le temps peut changer ; en 
… d’autres termes, les phénomènes de la Mécanique ra- 


tionnelle peuvent suivre le cours du temps où le re- 


—. monter. Dans le monde de la Mécanique rationnelle, 
n il n'y ani passé ni avenir, au même sens que dans le 


nôtre : l’arbre peut redevenir rejeton et graine; le pa- 
pillon, chenille; le vieillard, enfant. Pourquoi ces faits 


ne se produisent-ils pas dans la réalité ? La théorie 


mécanique ne l’explique pas; et, en vertu même des 


_ propriétés des équations, elle ne peut l'expliquer. Le 


fait que, dans la nature réelle, les phénomènes ne sont 


- pas réversibles, condamne ainsi sans appel le matéria- 


lisme physique. » 


Une condamnation « sans appel » ! Quel langage 
de polémiste aux abois! Mais ce qui touche au 
grotesque, c’est la désinvolture avec laquelle l’au- 
teur traite la théorie ondulatoire : 

.… «Pourtant, les jours de la théorie des ondulations 
étaient aussi comptés : à notre époque, cette théorie a 
été enterrée sans bruit pour faire place à la théorie 
électromagnétique. Faisons l’autopsie de son cadavre : 
la cause de la mort nous apparaïtra évidente : elle a 
péri par ses parties mécaniques... Pour épargner pa- 
zeil sort à la théorie électromagnétique, actuellement 
adoptée, l’immortel Hertz, auquel elle doit tant, 
renonce expressément à y voir autre chose qu'un sys- 
tème de six équations différentielles. » 

Ce badinage est d’un goût exquis : la conclusion 
se chante sur l’air de Marlborough : 

La théorie des ondes est morte, 
Est morte et enterrée; 

J’lai vu porter en terre 

Par quatre-z-équations. 

Ainsi, d'après M. Ostwald, il ne reste rien de 
l’œuvre de Fresnel, de cette admirable théorie des 
ondes lumineuses dont l’influence a été si étendue 
et si féconde depuis trois quarts de siècle : 
voilà ce que retiendront certainement les lec- 
teurs de la Revue. Ils se diront que cette théorie 
devait être bien médiocre pour que la théorie 
électromagnétique l'ait « enterrée sans bruit »; 
ils se diront encore que la théorie électromagné- 
tique git également au cercueil, puisque l’immortel 
Hertz l’a réduite au squelette de six équations 
différentielles; mais alors, — ce que n’a pas osé 
avouer M. Ostwald, — l’immortalité de Hertz est 
bien compromise, car son vrai titre de gloire est 
d’avoir ramené, par une expérience célèbre, l'in- 
duction électrique dans l’espace aux ondulalions à 
vibrations transversales et d’avoir montré qu'elle 
se propage par le même mécanisme et avec la 
même vitesse que la lumière. Tout cela ne serait-il, 
comme le veut l’auteur de la « Déroute », qu'un 
fantôme évanoui dans les ombres de la mort? Heu- 
reusement pour Hertz, pour Maxwell, qui a eu le 
premier l'idée de cette belle synthèse électro- 
optique, heureusement pour Fresnel et pour l’hon 


A. CORNU — RÉPONSE A « LA DÉROUTE DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN » 


1031 


neur de notre siècle, il n’en est rien. La théorie 
ondulatoire moderne est bien. vivante, car elle 
réside tout entière dans ces deux faits : propaga- 
tion par ondes des ébranlements lumineux ouélec- 
triques ; transversalilé du vecteur qui représente 
dans les moindres détails les phénomènes si déli- 
cats de l’Optique ainsi que l'induction dans l’espace. 
Peut-on nier que celte représentation, qui em- 
brasse des phénomènes si nombreux et si divers, 
ne soit pas essentiellement mécanique? Et alors, 
que pensera le lecteur en relisant la phrase : 

« C’est une entreprise vaine qui a piteusement échoué 
devant toute expérience sérieuse, de vouloir rendre 


compte par la Mécanique de tous les phénomènes phy- 
siques connus, » 


Évidemment fous les phénomènes physiques ne 
sont pas encore expliqués; mais la marche de la 
science, depuis un siècle surtout, est assez rapide 
pour qu'on soit en droit d'espérer des généra- 
lisations de plus en plus étendues. Le grand 
obstacle auquel on vient se heurter au fond de 
toutes les théories est l'ignorance où nous sommes 
de la structure intime des corps pondérables et du 
milieu impondérable existant jusque dans le vide. 
Dans quelle mesure la connaissance exacte de cette 
constitution est-elle nécessaire pour expliquer 
mécaniquement les phénomènes physiques? C'est 
là le grand problème : pourquoi désespérer de le 


résoudre et le déclarer absurde à priori? Comme les 


géomètres, les physiciens y travaillent avec ardeur, 
chacun avec ses moyens propres; bien des résul- 
tats partiels sont déjà acquis et toujours dans le 
sens d’une réduction aux lois ordinaires de la 
Mécanique. Et, si l’on doit s'élonner d'une chose, 
c'est de voir la Mécanique rationnelle, avec des 
éléments si restreints et si simples, — points ma- 
tériels et aclions réciproques, — arriver à rendre 
un compte si fidèle de tant de phénomènes divers 
et compliqués. 

J'aurais bien d’autres critiques à adresser à l'ar- 
ticle de M. Ostwald; je me suis borné au point 
essentiel : ayant eu à traiter, quelques semaines 
auparavant. des questions de même genre ! dans 
un esprit diamétralement opposé, j'ai peut-être 
été, plus qu'un autre, blessé par la lecture de la 
« Déroute » : aussi n’ai-je pas pu m'empêcher de 
protester de toutes mes forces contre la négation 
railleuse des principes qui, depuis trois siècles, ont 
donné tant de preuves de leur fécondité et dans 
lesquels, naguère encore, Green, Cauchy, Gauss et 
von Hemholtz puisaient leurs plus remarquables 
inspiralions. A. Cornu, 


Vice-Président de l’Académie des Sciences 


1 Notices de Ann. du Bur. des Longit.(1896) swr Les forces à 
distance et lesondulatiens, etles travaux de Fresnelen Optique. 


1032 


M. BRILLOUIN — POUR LA MATIÈRE 


POUR LA 


C'est un sujet d'étonnement perpétuel, que cette 
inévitable oscillation de l'esprit humain entre des 
opinions extrêmes, dont les dernières années nous 
fournissent un nouvel exemple. — Après la ban- 
queroule de la Science, la déroute de l’Atomisme !! 
Titres à effet, qui exagèrent certainement, sinon 
la pensée des auteurs, au moins la part de vérité 
qu'elle contient. Il y a quelque quinze ans. alors 
que les théories aujourd'hui en vogue, n'avaient 
pas conquis la faveur publique, je crois avoir pré- 
muni quelques généralions de jeunes gens, dans 
la mesure de mon aclion comme professeur, contre 
les excès de représentation matérielle auxquelles 
on se livrait souvent, en électricité surtout; je 
crois qu'il est temps maintenant de réclamer 
un peu pour celle pauvre malière que nous ne 
connaissons que par ses qualités, je le veux 
bien, mais dont nous ne connaitrions guëre les 
qualités si elle n'existait pas. Et, après tout, 
que connaitrions-nous donc, si nous ne nous per- 
meltions pas de conclure des qualités, et, en par- 
ticulier, de celles qui se révèlent par des formes 
variées de l’énergie, à une substance qui possède 
ces qualités? Et n'est-il pas aussi utile pour la 
clarté et la brièveté du langage, que pour la net- 
telé des conceptions, d'accorder quelque crédit à 
l'existence de cette matière? 


Dans l’état actuel de la science chimique, il y a 
encore des corps simples irréductibles les uns aux 
autres; il y en a même beaucoup. C'est à cette 
notion expérimentale que répond l'idée que, dans 
l'oxyde de fer, l'oxygène et le fer existent côte à 
côte. On peut bien glisser, el n'en point parler; 
mais, dès qu'on en parle, dès qu’on se rappelle 
que lous les procédés employés pour décomposer 
l'oxyde de fer ne font pas retrouver autre chose 
que de l'oxygène et du fer, je ne crois pas qu’on 
puisse se soustraire à la conviction que l'oxygène 
ét le fer y sont restés distincts. Il n'y a pas tant 
d'années que celle idée est conquise, et que la 
transmulation des métaux est devenue chimé- 
rique. C'est une loi d'expérience que la conserva- 
lion de la matiére, et elle est plus vaste que celle de 
la conservation de lu masse. — Ce n’est pas seulement 
la masse totale de l'oxyde de fer qui est égale à la 
somme des masses de l'oxygène et du fer; c’est 
individuellement la masse de l'oxygène qu’on en 
peut extraire, ainsi que celle du fer, qui sont cha- 


1 Voyez l’article de M. Ostwald dans la Revue du 15 no- 
vembre dernier, t, VI, page 953 et suiv. 


MATIÈRE 


cune invariables. D'ailleurs, les propriétés de cha- 
cune des matières consliluantes ne disparaissent 
pas si complètement que M. Ostwald le déclare 
aujourd'hui pour les besoins de la cause, Il suffit 
d'ouvrir important traité de l'éminent professeur 
de Leipzig, pour y trouver, réunies et décrites, 
toute une série de propriétés physiques des com- 
posés, que lui-même a baptisées additives, parce 
que le nombre qui les mesure dans le composé 
est la somme des nombres correspondants pour 
les constituants. Ces propriétés se sont conservées 
dans la combinaison. On à raison de parler de la 
conservation de la #utière. 

Nous en pouvons et devons parler au même 
litre que de la conservation des facteurs premiers 
d'un nombre entier. De même la monnaie, billon, 
argent, or, introduite dans une tire-lire, se con- 
serve non seulement au total, comme à la caisse 
d'épargne, mais en détail. 

La notion d'une matière inaltérable en soi, est 
bien une conquête de l'expérience, et si récente 
que nous n'avons pas encore le droit d’en faire fi 
et de la noyer dans la notion incomplète de con- 
servalion de la masse. 


IT 


N'est-ce pas aussi une bien rapide exécution que 
celle de la théorie mécanique des ondulations : et, 
pour quelques diflicultés qu'on y rencontre, faut- 
il la sacrifier sans regret? Ce serait à croire que la 
théorie électromagnétique de la lumière s'établit 
sans difficultés ni hypothèses; ceux qui en con- 
naissent autre chose que la fin, ne seront peut-être 
pas de cet avis, et serappelleront peut-être combien 
le commencement el les étapes d'intermédiaires 
prêtent à la discussion. — Aux yeux de beaucoup 
de gens, la gloire de Hertz ne serait pas immor- 
telle, tant s’en faut, s’il n'avait à son aclif que 
« d'avoir renoncé à voir dans la théorie électro- 
« magnélique autre chose qu'un système de six 
« équations différentielles ». Heureusement pour 
lui, il avait fait autre chose auparavant, et fort 
heureusement aussi Maxwell lui en avait fourni 
l’occasion par une audacieuse interprétation d'é- 
quations hypolhéliques. 

Et puis, vraiment, le bon billet qu'a La Châtre! 
Parce que nous parlons d'équations différen- 
Lielles, la question de stabilité est-elle supprimée ? 
ou résolue? Est-ce que l’idée de stabilité est 
si exclusivement mécanique, qu'il suflira de dire : 
« Nos équalions différentielles ne se rapportent 
« plus à un phénomène mécanique ; il n’y a plus à 


= oui as ace 


a LR à 


hé 


: 


M. BRILLOUIN — POUR LA MATIÈRE 


1033 


s'occuper de stabilité »? Est-ce une de ces idées 
superflues, introduites par.la représentation mé- 
canique, ou une idée fondamentale, liée aux phé- 
nomènes eux-mêmes? N'est-ce pas, au contraire, 
sur cette diflicile question de la stabilité en géné- 
ral que portent les principaux efforts de tout un 
groupe de physiciens, qui combattent d'ailleurs 
souvent du même côté que fait M. Ostwald 
aujourd'hui, et parmi lesquels je tiens à citer 


M. Duhem à cause de sa connaissance appro- 


fondie des sujets qu'il ne dédaigne pas de vulga- 
riser, et de sa haute conception de la connaissance 
scientifique ? É 
III 

J'aurais bien envie de partir encore en bataille 
pour les théories cinétiques ; quand on fait l’« au- 
topsie » de la théorie des ondulations et qu'on la 
remplace par la théorie électromagnétique de la 
lumière, comme plus cohérenteet mieux enchainée, 
on ne saurait tenir rigueur à la théorie cinétique 
des incontestables difficultés qu’elle soulève. 
Bien au contraire, on doit admirer quel merveil- 
leux parti Clausius a su tirer d’une notion unique, 
— inévitable conséquence de la diffusion spon- 
tanée des gaz malgré la pesanteur — celle du 
mouvement propre des parties constituantes du 
gaz. Je ne crois pas qu'aucune idée simple se soil 
montrée si féconde, et ait permis, parson dévelop- 
pement logique, de rattacher l'une à l’autre tant 
de propriétés distinetes, depuis la loi de compres- 
sibilité au repos, jusqu’à la loi du frottement 
interne dans les mouvements lents, et, même, par 
une représentation mécanique des phénomènes 
thermiques, depuis la loi de dilatation jusqu'aux 
lois de conductibilité. 


EN: 


Mais voilà la grande question : cette image, 
cette représentation du monde, avons-nous le droit 
de nous en occuper? « On n’a besoin d'aucune 
« image, d'aucun symbole. Ce n’est pas notre 
«affaire de voir le monde plus ou moins déformé 
« dans un miroir courbe; il faut le voir directe- 
« ment, autant que le permettent nos forces 
« intellectuelles. » Directement, c’est bientôt dit. 
Que voyons-nous donc directement? Que savons- 
nous directement? Nos connaissances son! essen- 
tiellement personnelles et subjectives. Tout au 
plus, et par un singulier effort, pouvons-nous les 
rendre impersonnelles, et faire éprouver à d’autres 
la même impression que nous ressentons nous- 
mêmes en présence des phénomènes. Quant à 
parvenir à une connaissance objective du phéno- 
mène lui-même, je n’en connais pas le moyen: 
qu'on le veuille ou non, ce n’est donc pas le 
phénomène lui-même que l’on connait, c'est une 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


représentation qu'on s’en fait. Le moindre défaut 
de ces représentations du monde est donc, à mon 
avis, d’être inévitables. D'ailleurs, chacun les 
choisit à son gré, suivant sa nature d'esprit. Les 
uns préfèrent une représentation purement intel- 
lectuelle et verbale; poussée à son extrême degré 
d’abstraction, c’est la représentation numérique, 
algébrique, ou sous forme d’équations différen- 
tielles. Mais c'est toujours une représentation, 
c'est une sorte de table à double entrée, avec des 
mots ou des signes d'un côté, et de l’autre des 
recettes détaillées pour la production de phéno- 
mènes définis, — définis quand le manuel opéra- 
toire est complet. 

Tout le monde ne se joue pas facilement dans 
l’abstraction et, — sans contester que ce soit un 
exercice utile par sa difficulté même, — on peut 
bien choisir un autre tableau de correspondance 
entre les phénomènes extérieurs el d’autres 
phénomènes plus simples, qu'on connait mieux, 
dont on saisit mieux l’enchainement. Il ne parait 
guère contestable que, dès le début de la vie, 
l'expérience quotidienne familiarise un très grand 
nombre de personnes avec les phénomènes méca- 
niques. Pour celles qui ont quelque habitude de 
voir lesphénomènes mécaniques, de les enchainer 
intuitivement, — comme d’autres font pour les 
mots ou les équations différentielles, — je ré- 
clame donc le droit d'employer les images méca- 
niques, et de dresser le {tableau à double entrée, 
— images mécaniques d’un côté, faits physiques 
de l’autre, — sans être excommuniées ou traitées de 
retardataires. Et quand il leur arriverait d’em- 
ployer une représentation un peu plus déterminée 
que le phénomène auquel elle se rapporte, je 
laisserais à celui qui se sent sans péché analogue, 
et qui n'a jamuis détourné les mots de leur accep- 
tion propre, le soin de leur jeter la pierre. 

Si lord Kelvin, von Helmholz, Clausius, à qui l’on 
ne refusera certes pas la faculté d’abstraction, ont 
toujours trouvé très utiles pour leur propre usage 
les images mécaniques du monde, permettons à 
d’autres de faire comme eux. 

Reconnaissons pourtant, — et sur ce point je 
m'associe entièrement à la campagne de l’éminent 
professeur de Leipzig, — que trop souvent l'image 
qu'on se fait du monde est exclusivement géomé- 
trique, sans aucune idée dynamique. Il faut consi- 
dérer, dans toute machine, un mécanisme et la 
transformation d'énergie qu’il effectue; les deux 
points de vue méritent une égale attention dans 
l'étude de la Nature, 


M 


Que faut-il donc exiger, puisque nous ne pouvons 
certainement pas connaître le monde tel qu’il est? 
23* 


1034 


C'est que chacun choisisse une manière de raison- 
ner sur le monde, qui soit juste autant que pos- 
sible, c'est-à-dire qui donne une exacte correspon- 
dance entre l’enchainement des faits et l’enchai- 
nement des symboles — et surtout qui soit rapide, 
intuitive et féconde; il est impossible qu'une seule 
et unique méthode convienne à tons. Qui oserait 
contester à Faraday le choix de sa représentation 


A. ET L. LUMIERE — LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS 


du monde, et qui donc saurait s'en servir après | 


lui? £ 
Après le plaidoyer de M. Ostwald pour l'énergie, 
deux mots résumeront cet article, écrit moins 
pour le combattre que pour rétablir l'équilibre : 
Pour la liberté et pour la matière. 
Marcel Brillouin, 


Maitre, de Conférences de Physique 
à l'Ecole Normale Supérieure, 


LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS 


SES MÉTHODES ET SES RÉSULTATS 


Bien que la Revue ait eu soin de décrire, & mesure 
qu'ils se sont produits, tous les travaux relatifs à la pho- 
lographie des couleurs, un grand nombre de nos lecteurs 
nous ont exprimé le désir de trouver, en un article d'en- 
semble, l'exposé précis de nos connaissances sur ce grand 
sujet. C'est à ce désir que répondent, — avec de nouveaux 
éléments de critique et leur haute autorité de praticiens et 
de savants, — les éminents auteurs de la présente étude. 


(LA DIRECTION.) 


Le grand problème de l'obtention photogra- 
phique des couleurs, dont la solution n’a fait au- 
eun progrès pendant de longues années, a subi un 
essor remarquable depuis la découverte mémorable 
de M. Lippmann !. 

Des chercheurs, enthousiasmés par l'idée vrai- 
ment géniale de ce savant, se sont engagés avec 
ardeur dans cette nouvelle voie, puis bientôt 
d'autres ont repris les méthodes proposées anté- 
rieurement; de sorte que la méthode Lippmann, 
indépendamment de sa valeur propre, — qui est 
incontestablement considérable, — a eu encore le 
mérile de ramener l'attention d’un grand nombre 
d'expérimentateurs sur la question fort délaissée 
de la représentation photographique des objets 
avec leurs couleurs. 

Les publications sur ce sujet ont été nom- 
breuses depuis quelque temps, soil en France, soil 
à l’Étranger, et, suivant les auteurs de ces publica- 
lions, nous avons vu émettre des opinions très 
variées el souvent contradictoires surla valeur des 
différentes méthodes conduisant au but cherché. 

Depuis plusieurs années, nous avons successive- 
ment étudié les diverses solutions proposées ; nous 
avons apporté de nombreuses modificalions dans 


1 Cette découverte a été exposée ici même par notre illustro 
collaborateur. M. G. Lippmann, avec tous les détails qui s’y 
rapportent. Voyez à ce sujet la Revue du 30 janvier 1892, 


tome JII, pages 41 à 45. (Nole de la Direction.) 


la mise en œuvre des procédés décrits jusqu'ici. 

Nous croyons qu'il n'est pas superflu de signaler 
les efforts que nous avons tentés et de montrer les 
avantages el inconvénients qui nous ontparu exis- 
ter dans chacune des méthodes employées. 

Il est à remarquer que chaque fois qu'une solu- 
tion du grand problème qui nous occupe est pro- 
posée, chaque fois qu'un résultat est exhibé, les 
appréciations diverses qui s’y rattachent dépassent 
les limites de la vérité ; il y a une sorte d’engoue- 
ment général, provenant, sans aucun doule, de 
l'importance considérable de cette question. 

Notre but principal, en écrivant cet article, est 
non seulement d'enregistrer nos expériences, mais 
surlout d'exposer les remarques auxquelles ces 
expériences nous ont conduits, et les conclusions 
que nous croyons pouvoir formuler relativement à 
l’état actuel de la question et à l'avenir des diffé- 
rentes méthodes, sans aucun parti pris pour les 
unes ou pour les autres. 

Nous ne nous arrêterons pas aux solutions pro- 
posées par Becquerel, Niepce de Saint-Victor, Poi- 
Levin de Saint-Florent, qui n’ont d'intérêt, pour le 
moment, qu'au point de vue théorique et qui n’ont 
fourni jusqu'ici que des résullals lrès incom- 
plets. | | 


[. — MÉTHODE DE LA DESTRUCTION DES COULEURS !. 


Tout récemment, M. Vallot ? a indiqué un très 
intéressant procédé basé sur la destruelion par la 
lumière de certaines matières colorantes; ce pro- 
cédé consiste à exposer à la lumière, sous un cliché 
coloré, une feuille de papier enduite d’un mélange 
de couleurs rouge, jaune et bleueaussi fugaces que 
possible. 


Nous avions fait dans celle voie, il y a plusieurs 


1 À propos de cette méthode, voyez dans la Revue du 
30 août 1895 l’article que M. Bernard Brunhes a consacré 
aux /dées nouvelles sur la Pholographie des couleurs. 

? Monileur de la Photographie, 1895, p. 139. 


A. ET L. LUMIÈRE — LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS 1035 


- années, une série d'expériences qui n’ont d'ailleurs 
pas été publiées. 
En employant comme matière colorante la cya- 


-avons pu arriver à une sensibilité plus grande que 
celle du mélange indiqué par M. Vallot (bleu vic- 
loria, pourpre d’aniline, curcuma) ; mais aussi les 
- épreuves, qu'il n’était pas possible de fixer, s’alté- 
- raient beaucoup plus rapidement. 
à On n’entrevoit pas acluellement dans les subs- 
* lances que la Chimie met à notre disposition, la 
possibilité d'utiliser une telle méthode. 
- L'impression, en effet, est très lente; il est extrè- 
1 mement difficile de trouver des couleurs élémen- 
- taires convenables et douées de sensibilité concor- 
_dante; de plus, les images ne peuvent être fixées ; 
- nous avons bien réalisé un commencement de 
fixage, avec certaines couleurs, en traitant l’image 
colorée par des sels métalliques appropriés, qui 
forment des combinaisons plus stables que les 
+ matières colorantes elles mêmes. Le fixage est 
- incomplet et a encore l'inconvénient de modifier 
-les couleurs de l’image. — Nous avons vu de tels 
inconvénients à ce procédé que nous n'avons pas 
- poursuivi nos recherches dans ce sens. 


ll Reis AS ORNE 


L',28 


À 
A 
4 
d 


Ces différentes méthodes étant éliminées, il en 
-resle deux qui présentent incontestablement une 
- valeur bien plus grande et qui sont bien près de 
- constituer la solution pratique cherchée, sans 
* cependant atteindre encore ce but d’une facon 
complète; nous voulons parler : 
1° De la méthode énterférentivlle de M. Lipp- 
_ mann; 
9 De la méthode directe, dont le principe a 
- été indiqué par MM. Cros et Ducos du Hauron, et 
dont les applications ont été étudiées surtout par 
M. Léon Vidal. 
- Nous nous proposons d'examiner l’état actuel de 
la question dans ces deux cas. 


> J]. — MÉTHODE INTERFÉRENTIELLE DE M. LiPPMANN. 


Nous ne reviendrons ici ni sur le principe de la 
méthode, ni sur les manipulations bien connues 
qui ont été instituées; nous nous contenterons 
d'examiner les avantages et les inconvénients de 
cette solution. 

Lorsque M. Lippmann a divulgué son admirable 
découverte, ce fut de toutes parts un véritable 
enthousiasme dans le monde photographique, 
enthousiasme bien légitime; n’est-il pas, en effet, 
merveilleux de déduire d'idées théoriques sur la 
nature ondulatoire de la lumière un procédé d’en- 

_registrement photographique des couleurs ? 

Indépendamment de la reproduction des cou- 

leurs, la géniale découverte de M. Lippmann cons- 


nine, le rouge de quinoléine et le curcuma, nous” 


titue incontestablement une éclatante et lumineuse 
confirmation de la théorie des ondulations. 

Aussi n’entendons-nous pas que les critiques 
que nous pourrons formuler , uniquement au 
point de vue de l’utilisation pratique de cette 
méthode, puissent en rien diminuer la valeur 
considérable d’une des plus grandes découvertes 
de l’époque. 

On sait que les images interférentielles sont 
miroitantes, comme les anciens daguerréotypes : 
chaque opération ne donne qu’une seule épreuve, 
et, pour avoir d’aulres exemplaires, il faut recom- 
mencer la série des opérations; on n'entrevoit pas 
le moyen, pour l'instant du moins, de produire 
des épreuves sur papier, faciles à voir, sans recou- 
rir à la projection. 

On sait aussi que les couleurs changent avec 
l'incidence sous laquelle la photographie est exa- 
minée. La méthode exige l'emploi de plaques pho- 
tographiques sans grains appréciables; or, jusqu'ici 
il n’a pas été possible d'obtenir des préparations 
remplissant cette condition, tout en présentant une 
grande sensibilité. 

La sensibilité des plaques photographiques est 
liée à l'état moléculaire sous lequel se présentent 
les sels haloïdes d'argent, et l’on a remarqué que 
toutes les fois que cette sensibilité est augmentée, 
les dimensions des particules de sel d'argent aug- 
mentent aussi. 

En se plaçant dans les meilleures conditions 
possibles d'éclairage, en utilisant des objectifs 
fonctionnant à 41/3 et même 1/2,7, limite bien dif- 
ficile à dépasser, il n’a pas été permis, malgré les 
nombreuses tentatives faites jusqu'ici, d’abaisser 
le temps d’exposilion au-dessous d'une minute. 

Ces difficultés actuelles de la méthode interfé- 
renliellenesont peut-être pas insurmontables; mais 
il en est une plus grave contrelaquelle nousn’avons 
cessé de nous heurter au cours des expériences 
très multiples auxquelles nous nous sommes livrés: 
nous voulons parler de la constance dans les résul- 
tats et surtout dans l’orthochromatisme des prépa- 
ralions, 

Il faut remarquer que ce procédé ne constitue 
une solution complète du problème de la photogra- 
phie des couleurs qu’à la condition de supposer 
que l’orthochromatisme delasubstance sensible em- 
ployée est absolument complet. Or, nos recherches 
spéciales dans cette voie! tendent à montrer que l'or- 
{hochromalisme absolu ne peut guère être obtenu 
avec les moyens dont nous disposons actuellement. 
Mais, en admettant que cetteditliculté soit résolue, 
— et, pratiquement, on peut jusqu’à un certain point 
(etlorsqu'on profite de tous les moyens connus) 
SE PRES LUS NP SRE ae UN 


1 Congrès des Sociélés savantes, 189% et Moniteur de la 
Photographie, 1895. 


1036 


négliger les erreurs provenant de cette cause, — il 
manque encore la constance dans les résultats, 
constance qui a toujours fait défaut, quels que 
soient les soins que l’on apporte dans les manipu- 
lations. 

En opérant avec des poids de substances aussi 
égaux que peuvent les donner les balances et les 
instruments de mesure les plus perfectionnés, en 
séparant les opérations successives par les mêmes 
intervalles de temps, en se plaçant dans des con- 
dilions aussi identiques que possible de tempéra- 
ture, de degré hygrométrique, de milieu, ete..., on 
ne peut produire les mêmes résullais avec cons- 
tance. Ces variations paraissent tenir à deux causes 
principales : 

1°L’actionsurl'orthochromatisme que présentent 
desinfluences diverses, même assez faibles, est très 
notable, eLcet orthochromatisme doit être prati- 
quement rigoureux pour fournir des: épreuves 
exactes. Nousavons pu remarquer que les moindres 
variations de température, de qualité et dequan- 
lité des réactifs, d'intervalles entre les manipula- 
tions, ete., agissent dans de larges limites:sur le 
ou de l’actinisme. 

2° Les couleurs dépendant d'une Den ane 
extrêmement délicate, on comprend toute limpor- 
tance des changements, même minimes, prove- 
nant du développement, du fixage, du renforce- 
ment, etc., et de toutes les causes qui peuvent 
modifier l'épaisseur de la couche sensible, la 
quantité d'argent réduit ou son pouvoir réfléchis- 
sant. 

La méthodeinterférentielleestdonc fortdélicate ; 
certains éléments de variation, qui échappent, 
compromettent à chaque instant les résultats ou 
les moditient plus ou moins profondément. 

Siles inconvénients qui viennent d’être cités 
peuvent un Jour être supprimés ou alténués dans 
une large mesure, la méthode Lippmann sera bien 
la plus complète des méthodes indiquées jus- 
qu'ici. 

Elle à, en effet, un avantage sur toutes les autres : 
elle offre un poiat de repère important: lorsque 
les blancs de l’objet photographié sont dépourvus 
de toute coloration sur la reproduction photochro- 
mique, on peut être assuré que les couleurs y sont 
toutes représentées avec exactitude. 

IT. — MÉruopE INDIRECTE. 

Dans la méthode indirecte, les procédés propo- 
sés dérivent du principe énoncé il y a plus de 23 
ans par Cros el Ducos du Hauron ; ils peuvent tous 
êlre classés en deux catégories : 

1° Ceux qui utilisent un seul négatif; 

2° Ceux qui exigent trois négalifs. 


A. ET L. LUMIÈRE — LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS 


$ 1. — Méthode à un seul négatif. 


Dans le cas d’un seul négatif (procédé Joly !) on 
saitque, pour la production du cliché, on étendune : 
émulsion panchromatlique sur une lame de verre. 
préalablement recouverte d’un réseau composé de. 
lignes transparentes, orangées, violettes-et vertes, . 
ou bien rouges, jaunes et bleues. On effectue ainsi 
le triage des couleurs sur une plaque unique. Gette . 
méthode a de grands inconvénients. Indépendam- 
ment des dificultés de manipulation, elle ne parait 
pas pouvoir donner des colorations intenses; en. 
effet, supposons que l’on veuille représenter une . 
partie d’un objet coloré en rouge vif; seules les . 
lignes rouges du réseau ne seront pas couvertes 
par l'argent réduit de l'épreuve; or, ces lignes rou-. 
ges n’occupent que le Liers de la surface; donc, sur 
l'épreuve, la surface occupée par la partie consi- 
dérée sera composée d’un tiers de rouge etde deux … 
tiers de noir. Ce sera donc une représentalion . 
faible et inexacte de la nature. 

Le mode opératoire de M. Joly présente encore 
un désavantage important sur la méthode à trois … 
négatifs. Dans cette dernière onutilise des plaques Lt 
dont lasensibilité aélé fortement augmentée, mais 
seulement pour les rayons que les Écrane le ele 
passer: c'est-à-dire que, pour le négatif du bleu, l 
par exemple, on emploie, avec l'écran orangé, des. à 
plaques très sensibles à l’orangé et aussi peu 
insensibles que possible aux autres rayons colo- 
rés. Avec celte précaution, on augmente l'effet de 4 
l'écran et on assure une sélection à peu près par- 
faite des couleurs; dans la méthode Joly, on est À 
forcé de recourir à Le émulsions panchromaliques 
et le triage des couleurs en souffre notablement, « 
— Cette méthode ne parait donc pas, à priori, pou- 1 
voir rivaliser avec les suivantes. 


Li 
$ 
On a fait à ces méthodes des objections bien 
immérilées. On a dit notamment qu'il est impossi- À 
ble, avec trois couleurs, d'oblenir une image 
spectrale avec la pureté de couleurs que l'on” 
devrait rencontrer dans une représenlalion rigou-n 
reusement fidèle. Si cela est vrai au point de vue 
théorique, on arrive cependant pratiquement à, 
des effets très approchés. | 
On a dit aussi que trois épreuves ne suffisaient 
pas el qu'il convient AIQULSE une quatrième. 
épreuve d’un lon neutre ; or, nous avons entre les" 
mains des images fournies seulement par trois 
monochromes et qui sont des reproductions frap- 
pantes d’exactitude desobjels qu’ellesreprésentent. 
Mais ces dernières sont actuellement difficiles à 


1 Pholo. News. 1895, 


4 


2 D osrarotun il faut, pour avoir une grande exactitud e 


et toute l'intensité désirable, partir de couleurs 


… rouge, jaune et bleue extrêmement vives et pures, 


- et, dans ces conditions, la moindre prédominance 


+ 


à 


Fe 


D? 
4 

=. 
£ 


ÿ 

3 
"À 
6 


de l’un des monochromes compromet le résultat. 


- Il est beaucoup plus facile d’avoir des épreuves 
- d'aspect agréable, mais inexacteset de faibles colo- 
ons, en ajoutant une quatrième épreuve ou en 
employant des couleurs ternes. 

On peut considérer comme résolue la première 
difficulté de la méthode indirecte:le triage des 
couleurs est assuré si l’on fait usage d'écrans con - 
venables et de plaques photographiques dont la 
sensibilité, pour les radiations qui traversent 


l'écran et pour ces radiations seulement, a été 


exaltée au plus haut degré. 
Mais malheureusement, si l'analyse des couleurs 
est réalisée, leur synthèsen’est pas aussi avancée. 
On manque de point de repère dans le tirage 
des monochromes : tel est l'inconvénient actuel le 


plus grave de ce procédé, qui est loin d’avoir l’élé- 


gance de la méthode interférentielle, mais qui ne 
mérite pas les critiques qu'on lui adresse. 

Sa valeur pratique deviendrait sûrement prépon- 
dérante si l’on découvrait le critérium qui a fait 
défaut jusqu'ici. 

C'est dans cette voie que nous avons beaucoup 
travaillé depuis quelques mois. Nous avons même 
trouvé une solution quirend complètement sûre la 
synthèse des couleurs; empressons-nous d'ajouter 
que cette solution est mauvaise, parce que les 
images sont mal fixées et ne se conservent pas; 
nous publierons cependant nos expériences sur ce 
point pour montrer que le critérium dont nous 
avons parlé n’est pas une utopie et que la réalisa- 
tion du desideratum tant cherché n’est peut-être 
pas aussi éloignée qu'on pourrait le croire. 


$ 3. — Synthèse des couleurs. 


Si l’on possédait des procédés photographiques 
donnant, à l'impression par contact, des images 
monochromes de couleurs convenables, de façon 
que l'impression n’exige aucun développement et 
que l’on puisse la suivre en quelque sorte pas à 
pas, le problème serait résolu. 

C'est dans cette direction quenousavonscherché; 
nous avons pensé tout d’abord àutiliser les procé- 
dés au diazosulfite de Feer, procédés dont nous 
rappellerons sommairement le principe : 

Les diazoïques et tétrazoïques forment avec les 
sulfites alcalins des combinaisons instables que la 
lumière dissocie rapidement ; la combinaison sul- 
fitique masque l’action des azoïques surles phénols 
et les amines. Si l’on mélange des diazosulfites ou 
des tétrazosulfites avec des amines ou des phénols, 
et que l’on expose ces mélanges à la lumière, les 


A. ET L. LUMIÈRE — LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS 


1037 


combinaisons sulfiliques sont décomposées et les 
azoïques mis en liberté réagissent sur les phénols 
et les amines pour donner des matièrescolorantes. 
Au fur et à mesure que la décomposition a lieu, la 
couleur devient de plus en plus intense; on 
peut suivre celte réaction et l'arrêter lorsqu'on 
juge que l'épreuve est suffisamment venue. 

Pour utiliser ce principe, nous avons rencontré 
plusieurs difficultés. Le substratum auquel nous 
nous sommes arrêtés est le collodion; or, si les 
couches sensibles sont parfaitement sèches, l’im- 
pression n'est pas visible, ou fort peu visible, et 
s’accentne par immersion dans l'eau; dans ces 
conditions, on perd le bénéfice cherché, qui con- 
siste à suivre l'impression et à l’arrêter au mo- 
ment opportun; nous avons eu l'idée, pour remé- 
dier à ce défaut, d'additionner le collodion d’une 
petite quantité de glycérine, grâce à laquelle le but 
proposé a été complètement atteint. 

D'autre part, toutes les tentatives pour obtenir 
des monochromes d'une couleur bleue convenable 
ont échoué ; nous avons essayé un très grand 
nombre de diazo- et de trétrazo- associés à de nom- 
breux phénols et de nombreuses amines, et lesessais 
méthodiques, guidés par les,lois qui rattachent 
la couleur à la constitution chimique, n’ont pas 
abouti à des images d'une couleur franchement 
bleue. 

Nous avons dû recourir à un artifice pour avoir 
le monochrome bleu qui était obtenu en premier 
lieu. Cet artifice consiste à traiter une épreuve po- 
sitive au gélatino-bromure d’argent, provenant du 
cliché négatif du bleu, d'abord par le ferricyanure 
de potassium, puis, après lavage, par le perchlo- 
rure de fer acidulé. Après élimination du chlorure 
d'argent formé, par un fixage dans l’hyposulfile, 
lavage et séchage, le premier monochrome bleu 
était recouvert de collodion au trétrazo-sulfite 
capablede donner une image rouge, par impression 
directe. 

Les mélanges qui ont fourni les meilleursrouges 
sont les suivants : 

Tétrazotolylsulfite de soude et chlorhydrate de 
8 naphtylamine éther. 

Tétrazoanisidinesulfite de soude et chlorhydrate 
de 6 naphtylamine-éther. 

Après fixage, lavage prolongé, puis séchage, on 
recommençait la même série d'opérations avec 
un collodion au diazosulfite donnant des images 
jaunes. 

Les mélanges qui nous ont paru le mieux conve- 
nir pour le jaune sont les suivants : 

Diazo-orthotoluidine-sulfite de soude et métami- 
dophénol (base). 

Diazoorthotoluidine-sulfite de soude et résorcine. 

Nous avons constaté que, lorsqu'on peut suivre 


1038 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE 


l’action de la lumière sans être obligé de recourir 
à aucune indication photométrique, à aucun déve- 
loppateur, lorsqu'on part de clichés négatifs bien 
triés, on arrive à coup sûr à reproduire les couleurs 
avec une facilité etune vérité étonnantes. 

Il est regrettable que les images ne soient pas 
suffisamment fixées par les lavages les plus abon- 
dants. Nous avons bien tenté, mais sans succès 
jusqu'ici, de trouver d'autres fixateurs. De plus, 
l’altération rapide des épreuves par disparition des 
couleurs quimanquentdestabilité,enlève à cetteap- 
plication des procédés de Feer tout intérêt pratique. 

Celte application a cependant le mérite d'indi- 
quer une voie dans laquelle on trouvera peut-être 
une solution du problème de la reproduction des 
couleurs par la photographie. 


IV. — ConNcLUSIoN. 


En résumé, on peut considérer que, au point de 
vue pratique, deux méthodesexistent actuellement: 


L'ÉTAT 


DE L’INDUSTRIE DES PHOSPHATES ET SUPERPHOSPHATES 


EN FRANCE 


I. — HISTORIQUE. 


Pour les hommes de notre généralion, le prin- 
cipe de la restitution au sol des éléments fertilisants 
enlevés par les récoltes parait une vérité évidente. 
I ne faut cependant pas remonter loin pour re- 
connaitre que la notion de la restitution est loute 
récente, et il n'y a pas lieu de s’en étonner, car, 
jusqu’au moment où l’analyse chimique fut devenue 
assez parfaite pour permettre à l’agronome de 
faire la statistique de ses cultures, on était réduit 
à des conjectures sur les causes d’appauvrissement 
du sol arable. 

C'est à de Saussure qu’on doit la démonstration 
de la nécessité de l'azote pour la croissance des 
végélaux et des animaux, qui font des premiers 


l L'exploitation des phosphates naturels sera exposée 
ultérieurement dans la Revue. Le présent article vise uni- 
quement les phosphates artificiels, résultant d’un traitement 
chimique. La partie économique et sociale de cette indus- 
trie, l'organisation, si intéressante, des services techniques 
dont elle est l’objet dans les grands établissements, — fran- 
cais et étrangers, — de produits chimiques, seront, pour 
éviter des redites, décrites à la suite de la monographie de 
la soude et du chlore, ces matières étant souvent fabriquées 
dans les mêmes usines que l'acide sulfurique et les phos- 
phates. (Note de la Direction.) 


la méthode Lippmann, qui a déjà fourni des résul- 
tats absolument complets, mais qui est d'une appli- 
cation délicate et n’a pas permis, jusqu'ici, la mul- 
tiplication des épreuves d’après une image type,et. 
la méthode indirecte à l’aide de trois négatifs. 
(Ducos du Hauron), qui, grâce aux perfectionne- 
ments dans la sensibilisation chromatique des 
couches sensibles, offre la possibilité d'obtenir des 
représentalions suffisamment approchées, possède 
l'avantage de permettre la multiplication des 
copies, mais présente quelque infidélité dans les. 
résultats qu’elle fournit. C 
Tout en ayant confiance dans l'avenir, qu'il. 
s'agisse de l’une ou de l’autre de ces méthodes, 
nous croyons n'être pas laxés de pessimisme en 
disant que,si l’on a déjà franchi la plus grande. 
partie du chemin, le but n’est point encore atteint 

d’une façon définitive, 
Auguste Lumière et Louis Lumière, 


Manufacturiers à Lyon. 


ACTUEL 


leur nourriture, et, pendant longtemps, on mesura 
la valeur des matières fertilisantes par leur teneur … 
en azote et par la rapidité avec laquelle elles . 
livraient cet élément au sol sous forme assimilable, 

On était, jusque vers 1840, absolument imbu de 
ces idées exclusives, et, si l’on employait dans 
l'agriculture les os plus où moins concassés, on 
était convaincu que leur utilité se bornait à apporter 
au sol les quelques centièmes de matières azotées 
qu'ils contiennent. 

Il ne fallut pas moins que les longues études, … 
l'énergie et l'autorité de Liebig, pour faire accepter 
la notion nouvelle de la nécessité du phosphore: : 
c'est ce grand savant qui montra comment l’ap- 
pauvrissement des régions répulées jadis, comme 
les greniers de la république romaine, provenait. 
de l'épuisement de leurs réserves en phosphore, 
qui établit que l’ancien système de culture, basé 
sur l'emploi exclusif du fumier, aboutissait fata- 
lement à l'appauvrissement du sol et montra l’ab- 
solue nécessilé de restituer les matières organiques 
exportées annuellement avec les récoltes. Il n’y a 
qu'à lire dans ses écrits les imprécalions qu'il 
pousse contre les populations assez folles pour 
laisser l’agriculture anglaise drainer leur réserve 


dindate tré Eten pates dir do ds Pntinat à 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE 


1039 


- d'os, pour comprendre quelle importance il altri- 


buait aux phosphates. 

Pendant longtemps on ne connut comme source 
de phosphore que les débris animaux et les dé- 
jections. 

Il faut arriver à l’année 1845 pour voir entrer 
en scène les phosphates accumulés dans les étages 


- géologiques. Cet immense progrès, qui a donné un 


admirable essor à l’agriculture moderne, est dû 
au professeur anglais Henslow à la suite de la 
découverte du gisement de coprolithes de Suffolk. 
Mais, comme toujours, le praticien se défiait du 
théoricien, et il fallut la publication des essais 
agricoles pratiqués en 1848 par M. Paine, de Farn- 
ham (Angleterre), pour vaincre la routine et décider 
les agriculteurs à utiliser les immenses ressources 
accumulées par la nature. 

Toutefois, on reconnut rapidement qu'il ne suf- 
fisait pas de broyer plus ou moins grossièrement 
les phosphates naturels, commeles os des animaux 
contemporains, pour les rendre rapidement uli- 
lisables. En 1856, au Congrès d'Arras, il fut recom- 
mandé d'amener les phosphates naturels au plus 
grand état possible de division, afin de faciliter 
leur diffusion et de les mettre plus facilement à 
même de se laisser attaquer par l’acide carbonique 
du sol et par les sécrétions acides des racines. 

Bobierre, Malaguti conseillent de les mélanger 


aux fumiers et aux litières pour hâter leur disso- 


lution, grâce à l’action des acides humiques. 

Mais, à cette époque, les gisements de phos- 
phates réellement exploitables étaient peu nom- 
breux et l'utilisation de ces richesses naturelles 
paraissait réservée à quelques régions favorisées. 
Élie de Beaumont appela, en 1856, l'attention 
publique sur les services que les phosphates 
naturels rendraient à l’agriculture, et bientôt on 
vit s'ouvrir dans les Ardennes, à Grand-Pré, la 
première exploitation continentale des phospates 
minéraux. 

Un infaligable chercheur, industriel malheureux, 
M. de Molon, se fit le propagateur de la nouvelle 
industrie et découvrit de nombreux gisements de 
phosphates minéraux sur l’affleurement des grès 
verts tout le long du bassin anglo-parisien. 

Mais bientôt l'attention des agriculteurs fut dé- 
tournée de l'emploi direct des phosphates natu- 
rels par une découverte de Liebig. Ce savant avail 
montré, en 1840, que la puissance fertilisante des 
phosphates était remarquablement augmentée si 
la désagrégation de la molécule était obtenue. 
Il ne s'agissait plus d’une trituration mécanique 
plus ou moins parfaite : c'était l’état chimique 
même du corps qu'il fallait modifier, grâce à 
Vintervention de l’acide sulfurique. L'industrie des 
superphosphates était créée. 


Le premier qui suivit les conseils de Liebig fut 
l'agriculteur Fleming, à Barochan, qui traita pour 
son propre compte les coprolithes. 

Cette lecon pratique ne fut pas perdue, et, 
dès 1843, un marchand de poudre d'os, Lawes, 
commença à fabriquer le superphosphate sur une 
grande échelle dans son usine de Depford, princi- 
palement aux dépens des coprolithes. Ce fut pour 
lui l'origine d’une immense fortune, dont il fit, du 
reste, plus tard un noble usage en créant, avec le 
docteur Gilbert, sur ses terres, un vaste ensemble de 
recherches agricoles, enrichissant ainsi la science 
agronomique de données précises obtenues avec 
une patience et une intelligence admirables. 

Bientôt la nouvelle industrie se répandit rapi- 
dement en Angleterre et en Allemagne. La France 
n’entra que plus tard dans ce grand mouvement. 


II. — IMPORTANCE DE LA CONSOMMATION. 


Pour donner une idée du rûle que jouent ac- 
tuellement les composés phosphatés en agriculture, 
mettons sous les yeux du lecteur la production des 
phosphates en 1891, d’après un bulletin statis- 
tique des États-Unis : 


Caroline SU Lee: 600.000 tonnes 


HPAN GERS LES Et ec « 450.000 
HIOTeEEZ CES Ce Creer dd. 200.000 
ETC TE RE TOO TRIAL EE CEE 200.000 
NON ET OMIS ER DOS 0 CODE e Es 40.000 
ADDleTEr LE. ec-ee-coe-srstenx 20.000 
CAT EE PRE EEE ee 15.000 
Norvèse-Rnssie, etC.. 4..." 100.000 

1.625.000 


Ces matières premières ont élé employées par 
les divers pays dans les proportions suivantes : 


états e U Tien De ee 500.000 tonnes 


AMDIeler TEE enter eme eme 300.000 
FrAnee annees Dire tte 350.000 
ATEN RE Se ere ent pt 250.000 
Belgique et Hollande............. 75.000 
Italie, Espagne, Suède............ 150.000 

1.625.000 


On voit, d'après cela, que la fertilité du sol des 
États-Unis n’est pas uniquement due, comme on 
le répète souvent, à l'état relativement vierge de 
leur sol, et que les anciens États de l'Est, tout au 
moins, sont déjà obligés de restituer à la terre une 
partie de leurs exportations. 

Si l’on rapporte les quantités totales d'engrais 
phosphatés à la superficie cultivée, on verra, par 
le tableau de la pagesuivante, l'importance, au point 
de vue des rendements, de l'emploi des engrais 
dans chacune des nations signalées ci-dessus. 

Comme on le voit, c’est l'Angleterre qui emploie 
le plus d'engrais, puis vient la Belgique; notre 
pays,malgré ses richesses naturelles merveilleuses, 
n'arrive que bien après; or, la production moyenne 
en hectolitres de blé à l’hectare s'établit comme il 
suit : 


1040 
Anrléterre NME Creer Ph 28,0 hectolitres 
Belogique:s-v ces. 2e Oe-st 21,0 
Hola ae A Traleree à lat eve tea Pas ete 21,0 
NOPVÉSE eee serrer eee 20,0 
Allemagne. rianherrdtee Eee 17,0 
DanemArCR EP PAL Lean 17,0 
France ARR ESIMNRREES Ie 15,0 
Autriche. 36 -2 ES dada 14,0 
HSDAON EL ER ere et nee . 14,0 
Canada 2 es tr ORNE SRE 12,0 
AUSITAN PE ep ee A NET Tu Pie EAN lee 11,0 
JD EU fon fe 4 es Me AE ET 10,5 
Italiens ANR REC 10,5 
INTER GES BA dObb ns Spor 10,5 
Indes an plaises 520.0 10,0 
Russie. SNRii Manidiidu Rincer 8.0 


Ce tableau montre quels progrès nos compa- 
triotes ont encore à réaliser pour atteindre la 
production de pays dont le sol n’est pas plus 
riche que le nôtre, mais qui savent pratiquer le 
proverbe : « Aide-toi, le ciel t'aidera », au lieu de 
réclamer constamment une sorte de manne gou- 
vernementale. 


IT. — ORIGINE ET PREMIERS TRAITEMENTS DES 
DIVERSES SORTES DE PHOSPHATES. 


Aux débuts de la fabrication des superphos- 
phates, on s'adressa aux os dégélatinés ou non, 
aux noirs épuisés de sucreries, aux guanos phos- 
phatés, et aux phosphates naturels presque purs, 
dont on connaissait déjà un certain nombre de 
gisements. Mais bientôt ces ressources devinrent 
insuffisantes pour parer aux besoins, toujours 
croissants, de laconsommation, et il fallut chercher 
de tous côtés des gisements de phosphates naturels 
moins riches, mais encore traitables. 

Certains étages du lias et du grès vert fournirent 
longtemps presque exclusivement des phosphates 
de richesse moyenne, titrant de 42 à 60 ‘/, de 
phosphate tricalcique de chaux, mais générale- 
ment le phosphate de chaux est accompagné de 
doses déjà notables de fer et d’alumine, qui 
créaient pour le producteur des difficultés dont il 
sera question plus loin. 

Des phosphates d'une origine toute différente, 
provenant évidemment de la dissolution d’autres 
couches et d'apports thermaux, suivant les cas, 
furent trouvés et exploités dans le Quercy, dans 
le Gard en France, dans la vallée de la Lahn en 
Allemagne, dans le sud de la Russie, où ils pa- 
raissent former des gisements presque inépui- 
sables, mais que les conditions locales rendent 
d’rn commerce difficile. 

Pendant longtemps, on crut que l'acide phos- 
phorique était le propre de certains étages géolo- 
giques, el les recherches se cantonnèrent sur 
ces élages. Il est cerlain que la découverte des 
malériaux phosphatés y élait plus facile, puis- 
qu'ils se présentaient sous la forme de blocs et 
plus souvent sous la forme de rognons aisément 
reconnaissables. L'exploitation resta donc, chez 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE 


nous surtout, limitée à ces élages : le lias et le 
gaull: et, comme la loi française sur les mines 
n'avait pas prévu cette exploitation, elle resta sou- 
mise à la législation sur les carrières : d’où l’impos- 
sibilité de créer des sociétés puissantes obtenant 
la concession de vastes gisements. Il fallut traiter, 
morceau de terre par morceau de terre, avec les 
propriétaires du sol, subir leurs exigences sou- 
vent exagérées, et, par suite, opérer hàtivement, 
sans plan bien suivi, et se contenter d'extraire du 
sol superficiel, aux moindres frais, les phosphates 
facilement séparables, et sacrifier une partie des 
richesses qu'une législation plus rationnelle eût 
permis de retirer avec un certain profil. 

Aussi de l'extraction des phosphates de ce genre, 
avons-nous peu de choses à dire : suivant leurs 
dimensions, on se contente d'un fanage désagré- 
geant les sables argileux, suivi d’un criblage à sec 
ou d’un lavage au trommel, plus ou moins perfec- 
tionné. Une quantité notable de phosphate en 
pelils grains ou en nodules facilement désagré- 
geables était et est encore ainsi perdue. 

A ce travail préliminaire succède parfois une 
dessiccation tout aussi primitive, soil en Las mé- 
langés de büches, comme en Floride, soit sur des 
plaques chauffées inférieurement, comme dans 
l’Auxois. Cette dessiccation a pour but, ou d’en- 
richir les phosphates par élimination de l’eau, où 
de rendre moins attaquable l’oxyde de fer qui les 
accompagne : dans ce dernier cas, on alteint bien 
le but commercial que l’on se propose; mais,comme 
une partie notable de l’oxyde de fer est combiné à 
l'acide phosphorique, on est amené forcément à 
une perte d'acide phosphorique ayant une valeur 
commerciale, car ou celui-ci reste insoluble à l'état 
de phosphate de fer calciné, ou il se transforme 
en pyro ou métaphosphate de fer, qui n’est pas dosé 
par les méthodes ordinaires. 

La découverte des phosphates en grains dans la 
craie grise el la craie brune a amené des chan- 
gements si considérables dans le mode d’exploi- 
tation des phosphates naturels qu’il est nécessaire 
d'en dire un mot ici. 

Ces élages présentent des amas de matériaux 
phosphatés contenus dans des poches coniques, 
quelquefois terminées par des puits naturels 
cylindriques, creusés dans la craie sénonienne et 
formant des zones de teintes généralement diffé- 
rentes, grossièrement parallèles aux génératrices 
du cône renversé qui leur sert de gite. Les couches 
supérieures sont généralement plus pàles et moins 
riches : elles titrent de 40 à 45 °/,; au-dessous, les 
nodules contiennent de 60 à 65 °/, de phosphate de 
chaux. 

La craie, qui forme les parois, est elle-même 
riche en phosphales, et titre de 30 à 40 °/, de 


d: 


2 Le 
% 


ste Ad dré bot él ne de dd ni ait" Lui 


nn di D nn 


: 


 linclinaison même de la poche phosphatée. 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES 


EN FRANCE 1041 


phosphate de chaux. Mais, sil’ons’écarte des parois 
assez nettes de la Horn on voit le titre baisser 
rapidement et on finil par ne trouver que de la 
craie dont la richesse en phosphate varie, suivant 
la distance, de 40 à 12 ou 15°/, et quelquefois 
moins. 

Dans ces poches on rencontre des concrétions de 
la grosseur du poing, tantôt éparses dans la masse, 
tantôt formant des lits bien distincts, qui suivent 
Ces 
concrétions semblent corrodées. 

L'examen des gisements isolés de phosphates, 
existant dans cel horizon géologique, a montré à 
notre compatriote, M. Lasne, qu'ils se présentent 
d'une facon uniforme à la rencontre de deux lignes 
de fractures traversant la couche de craie phos- 
phatée, et l'ont amené à conclure que ces gise- 
ments riches, répartis au milieu d’une couche 
phosphatée pauvre, proviennent d'une sorte de 
sélection due à la dissolution du carbonate de 
chaux qui englobail primitivement les nodules 
phosphatés : la disposition des concrétions atta- 
quées, celle des couches argileuses et des nodules 
siliceux corrobore cette opinion. 

Lanalure de l’agent dissolvant est, d’ailleurs, ma- 
nifeste:car la craiesénonienne contient de nombreux 
nodules de pyrite blanche qui, au contact de l’eau 
aérée superficielle, a dù fournir, par son oxydation, 
de l’acide sulfurique; celui-ci, attaquant la craie, a 
donné lieu à la production d’eaux chargées d'acide 
carbonique, qui, se rencontrantaux lignes de jonc- 
lion de ces diaclases, ont rongé el dissous la roche 
calcaire et laissé, comme témoins de l'attaque, 


d’une part les cavités coniques que l’on trouve à 


la jonction de ces diaclases, d'autre part les silex, 
l'argile et les nodules de phosphates analogues 
à l'apatite, qui restent comme résidu de l'attaque. 

Tant que l’on se contente d'exploiter le contenu 
de ces poches, l'opération est relativement très 
simple et ne comporte, après extraction, qu'un 
lavage soigné et un séchage. 

Mais, si l'on se limitait à celte extraction som- 
maire, on laisserait comme improductive une 
énorme accumulation de richesses minérales : il 
faut également songer à utiliser la craie phos- 
phatée elle-même, au moins dans ses parties trai- 
tables, et à en retirer, par un traitement approprié, 
le phosphate de chaux à un état utilisable dans 
l’agriculture, soit directement, soit après trans- 
formation chimique. La nécessilé de ce traitement 
s'impose, car les phosphales riches provenant 


- d'opérations naturelles lentes et localisées s'é- 


puisent : aussi voil-on se développer, sur les gise- 
ments de la craie grise, l'emploi de laveries qui 
promet à cette industrie une longue existence. 
Les procédés d’enrichissement proposés ou bre- 
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895. 


| être complèle et à peu près 


velés sont, pour ainsi dire, innombrables; les pro- 
cédés adoptés dans la pratique sont peu nombreux. 
De 187% à 1894, il n'a pas été pris, en Belgique 
seulement, moins de 250 brevets, dont la plupart 
d’ailleurs sont frappés de déchéance. 

Tantôt on a cherché à obtenir l'enrichissement 
par voie mécanique, tantôt on s’est adressé aux 
agents chimiques. Jusqu'ici, aucun procédé chimi- 
que n’a conduit à des résultats rémunérateurs, et 
la raison en est simple : il faudrait, en effet, 
disposer de produits chimiques d’un prix très 
bas, car la matière à obtenir n'a pas grande 
valeur, el la moindre perte de l’agent employé 
grève d'une facon fàacheuse le prix de production : 
la régénération de l'agent chimique doit done 
gratuite, ou être 
payée par la valeur industrielle du résidu.Jusqu'ici 
aucun procédé chimique ne remplit ces con- 
ditions. 

On s’est donc adressé à la voie mécanique: on 
réduit la matière en poudre aussi homogène que 
possible, et l’on cherche à copier les phénomènes 
d'enrichissement mécanique employés en mélal- 
lurgie pour la préparation des minerais. C’est 
donc en prenant l'eau comme agent de classement 
que l’on opère; mais, comme la différence entre la 
densité du phosphate et celle de la roche calcaire 
est relativement faible, il a fallu modifier les types 
mélallurgiques ou créer des appareils nouveaux, 
Nous ne pouvons pas, dans cet arlicle, nous livrer 
à la descriplion de tous les appareils employés : 
nous citerons seulement, pour le traitement des 
fines : les enrichisseurs Solvay, Bouchez, les Lables 
dormantes ou mobiles, l'appareil Castelnau, qui 
forment sensiblement les types des diverses classes 
d'appareils où l’on utilise les différences de densité 
pour le classement et l'enrichissement des maté- 
riaux contenus dans les craies phosphatées. 

Ve 

Quelle que soit leur origine, les phosphates 
destinés à la production des superphosphates 
doivent être secs et, de plus, amenés à un grand 
état de division. 

En effet, le seul agent industriel employé à la 
fabrication des superphosphates est l'acide sulfu- 
rique ; or celui-ci donne, avec la chaux des phos- 
phates, un composé presque insoluble et cristalli- 
sable, le sulfate de chaux, qui enrobe les fragments 
imparfaitement attaqués et peutles mettre à l'abri 
du réaclif s'ils sont trop volumineux. 

On est donc astreint à recourir à la mouture des 
matières premières. Suivant leur nalure et celle de 
la gangue qui les accompagne, on emploiera les 
meules horizontales ou verticales agissant par 


cisaillement, comme en meunerie les meuletons 
23** 


— FABRICATION DES SUPERPHOSPHATES 


1042 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE 


agissant par pression el Lorsion, les broyeurs à mar-, chaux resté inaitéré et l'amène à l’état d'un sel 


eaux ou à force centrifuge, ete. 

Celle opération sera suivie d’un blutage envoyant 
au magasin les phosphates de finesse convenable, 
et faisant retourner à l'atelier de broyage les frag- 
ments insuflisamment divisés. 

Le type d'appareils broveurs et le degré de finesse 
doivent, somme toute, être déterminés d'après la 
nature du phosphate à employer, et des différences 
de rendement considérables peuvent résulter d’un 
mauvais choix de ces appareils préparateurs. 

Certains phosphates se cliveront facilement par 
cisaillement, tandis que, soumis à la pression el 
torsion, où à la division par chocs, ils donneront 
des poudres formées d'éléments plus où moins 
sphériques. Tout en passant par les trous d’un 
même tamis, ayant la même finesse apparente, ils 


ne se comporleront pas forcément de la même 


facon au travail. En effet, dans le premier cas on 
aura des plaquettes très minces, dans l’autre cas 
des sphères grossières présentant la même section 
méridienne : le rapport de la surface au volume 
sera donc beaucoup plus grand dans le premier 
cas que dans le second, et la vitesse d'attaque sera 
plus grande : il en résullera une augmentation de 
température de la masse, dont nous verrons plus 
loin les effets, bons ou mauvais, suivant les cas. 

D'autres phosphates seront poreux, incomplète- 
ment transformés en apalite cristallisée : ils seront 
facilement pénétrés par l'acide sulfurique et rapi- 
dement attaqués avant d'être recouverts et impré- 
gnés de sulfate de chaux ; la température s’élèvera 
rapidement et fortement et pourra atteindre le 
degré produisant le phénomène de rétrogradation. 

Il convient donc de bien fixer, par des expi- 
riences préliminaires, le degré de finesse à adopter 
pour un phosphate délerminé et d'abandonner 
l’'habilude, que nous avons vue dominer dans cer- 
laines grandes Sociélés, d'imposer à priori une 
finesse de mouture uniforme pour tous les phos- 
phales mis en œuvre. 

La fabrication des superphosphates présente 
deux phases, souvent très distinctes : 

Dans la première, l'acide sulfurique attaque une 
partie du‘phosphate et porte son action ultérieure 
sur le phosphate déjà attaqué, de façon à s'emparer 
de toule sa chaux et à le transformer en acide 
phosphorique. C'est ce que l’on constate fort aisé- 
ment en reprenant la matière aussitôt après l'at- 
laque par lalcool. On trouve que presque tout 
l'acide sulfurique a disparu, et est remplacé par 
de l'acide phosphorique, tandis que le résidu inso- 
luble est constitué par un mélange de sulfate 
el de phosphate de chaux. 

Dans la seconde phase, l'acide phosphorique 
attaque plus où moins lentement le phosphale de 


moins basique. 

Le but de la fabrication du superphosphate étant 
la production de phosphate monocalcique soluble 
dans l’eau, il faut donc théoriquement faire agir 
deux molécules d'acide sulfurique sur une de phos- 
phate tricaleique. Mais la question se complique 
par l'existence de matières élrangères, et la dose 
d'acide sulfurique à employer est toujours prali- 
quement plus grande. On peut s’en faire une 
idée très approchée en dosant non pas l'acide 
phosphorique, mais ce corps el la quantité de 
bases combinées à des acides monobasiques. La 
pratique industrielle corrige ensuite rapidement 
les essais de laboratoire. 

L'acide sulfurique doit apporter avec lui la quan- 
lité d'eau nécessaire à la cristallisation du sulfate 
de chaux, à la constilution même du phosphate 
monocalcique et à sa cristallisation ; enfin il faut 
encore tenir compte dela quantité de vapeur qui va 
se dégager sous l’action de la chaleur développée 
pendant l'attaque. La concentration de l'acide sul- 
furique n'est donc pas indifférente : si l'acide 
employé est trop concentré, le phosphate monocal- 
cique ne peut se produire, il reste un produit 
päleux contenant de l'acide phosphorique libre et 
du phosphate non atlaqué; si l'acide est trop 
étendu, l'attaque pourra êlre complète, mais le 
produit ne sera marchand qu'après un très long 
séjour en magasin où un séchage artificiel. 

Uneélévation de température trop forte produira 
le même effel, grâce à l’évaporation de l’eau, que 
l'emploi d'acide trop concentré. Elle pourra même 
provoquer un accident plus grave, à savoir la trans- 
formation d'une partie del’acide phosphorique libre 
ou combiné en acide pyrophosphorique, dépourvu 
de valeur vénale. 

De nombreuses et longues discussions ont eu 
lieu au sujet de la possibilité de la production de 
l'acide pyrophosphorique ou des pyrophosphates 
aux températures de 125° à 150°, atteintes pendant 
la fabricalion. Il ne parait pas facile de mettre en 
évidence la formation de pyrophosphate de chaux, 
quoique cerlains résultals semblent la confirmer: 
mais on peut conclure, par analogie, à cette for- 
mation en voyant avec quelle facilité le phosphate 
acide d’argent se transforme en pyrophosphale 
même à 400°. 

De ce qui précède, nous concluons que, théori- 
quement, l'acide sulfurique doit litrer 53° Baumé 
environ, c'est-à-dire que l'on doit employer l’acide 


même des chambres de plomb ordinaires, mais 


que, dans nombre de cas. pour refroidir le mélange, 
on sera amené à n’employer que de l'acide à 51° el 
même à o0° Baumé. 

Il peut sembler extraordinaire que l'acide sulfu- 


ONE NIV AN pasi 


Ts | 
ss £ 


Mn -P DE, re 21 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE 


1043 


rique borne son action à la transformation d'une 
partie du phosphate tribasique en acide phospho- 
rique, si l’on se reporte aux tables donnant les cha- 
leurs de combinaison de la chaux avec l'acide 
phosphorique. En effet, la chaleur de combinaison 
de l’acide phosphorique avec le troisième équiva- 
lent de base est si faible, que l’acide carbonique 
lui-même est capable de s'emparer de cet équiva- 
lent, tandis que la chaleur de combinaison avec le 
premier équivalent correspond sensiblement à celle 
de la chaux avec les acides forts. Mais on compren- 
dra cette anomalie apparente en se rappelant que 
les phosphates naturels ne sont pas du phosphate 
de chaux, mais un mélange de phosphate triba- 
sique de chaux et d'apatite, le plus souvent même 
de l'apatite. La première phase de la réaction porte 
donc sur de l’apatite, corps relativement stable, et, 
quand une partie de cette apatite est décomposée, 
l'acide sulfurique a moins d'énergie à dépenser 
pour réagir sur les produits de la destruction de 
cette espèce minérale phosphates bicalcique ou mo- 
nocalcique) que sur une nouvelle portion d’apatite. 

Dans la seconde phase de laréaction,avons-nous 
dit, l'acide phosphorique mis en liberté réagit sur 
le phosphate non attaqué pour le transformer en 
phosphate monocalcique cristallisé. Celte transfor- 
mation n'est pas aussi simple que semble l’indi- 
quer la formule traduisant la réaction finale. En 
effet, le phosphate monocalcique en solution con- 
centrée n’est pas stable : il se décompose partielle 
ment suivant la température : en phosphate bical- 
cique hydraté et acide phosphorique libre, jusqu'à 
80°: en phosphate bicalcique anhydre et acide phos- 
phorique au-dessus de 80°, — jusqu'à ce qu'un cer- 

ain équilibre soit atteint, équilibre exigeant l'exis- 
tence d’une quantité d'autant plus grande d'acide 
phosphorique libre que la température est plus 
élevée. 

Si donc nous envisageons le cas très simple où 
nous attaquons un phosphate de chaux pur par 
l'acide sulfurique, et si nous rappelons que la pre- 
mière phase de la réaclion est la mise en liberté 
de tout l'acide phosphorique et dégage une quan- 
lité de chaleur telle que la masse est porlée à une 
température supérieure à 100°, nous devons oble- 
nir, au début de la transformalion, une masse 
pâleuse formée de sulfate de chaux, de phosphate 
de chaux non attaqué, de phosphate bicalcique, 
d'un peu de phosphate monocalcique, et d’une quan- 
lilé d’aulant plus grande d’acide phosphorique 
que la température initiale a été supérieure à 80°. 

A mesure que la température s’'abaisse, l’équi- 
libre se modifie, le phosphate bicalcique disparait 
en fixant une quantilé équivalente d'acide phospho- 
rique sous forme de phosphate monocalcique eris- 
tallisé, et, si toutes les condilions favorables sont 


réunies, on oblient une masse sèche uniquement 
composée de sulfate de chaux et de phosphate mo- 
nocalcique. 

Si même on a employé une dose un peu trop forte 
d’acide sulfurique pour assurer l'attaque totale, ce 
qui se traduit par l'existence d’une petite quantité 
d'acide phosphorique trihydraté non combiné, la 
masse formée de sulfate de chaux et de phosphate 
monocaleique cristallisés joue le rôle d’éponge, 
absorbe l'excès d’acide phosphorique et reste suf- 
fisamment sèche. 

Mais, si l'acide sulfurique employé est trop dilué 
ou la température trop basse, l’attaque du phos- 
phate de chaux ou plutôt de l’apatite est lente, 
l'acide phosphorique hygroscopique attire l’humi- 
dilté de l'air, s'affaiblit encore, et l’on obtient, 
comme résultat final, un magma poisseux conte- 
nant, à côté d’acide phosphorique libre, du phos- 
phate minéral non attaqué, qui ne se transformera 
qu'au bout d’un teraps très long. 

Ainsi, une température trop élevée, une tempéra- 
ture trop basse, comme une dilution trop grande 
de l'acide sulfurique ou une trop grande com- 
pacité du phosphate détermineront une mauvaise 
attaque. 

Mais le cas que nous venons d'étudier est pure- 
ment thécrique : tous les phosphates naturels con- 
tiennent, à côté du phosphate de chaux et du fluo- 
rure de calcium, d’autres malières attaquables par 
les acides forts : silicales basiques, oxydes de fer, 
alumine, purs ou combinés à une partie de l'acide 
phosphorique, carbonate de chaux, sels de magné- 
sie, etc. 

On peut évidemment tenir compte des sels de 
chaux et de magnésie attaquables dans le caleul 
de la quantité d’acide sulfurique à employer, et la 
présence de ces corps ne se traduit que par une 
augmentation de frais et un abaissement de titre, 
conditions qui peuvent toutefois rendre pratique- 
ment impossible la fabrication du superphosphate 
avec les phosphates calcaires pauvres. 

Muis la présence du sesquioxyde de fer et de 
l’alumine a présenté une difficulté autrement sé- 
rieuse et même insurmontable, tant qu'on s'est 
tenu à la définition primitive et rigoureuse du su- 
perphosphate: c'est-à-dire tant qu'on n’a considéré 
comme ayant une valeur vénale que l'acide phos- 
phoriaue à l'état soluble dans l’eau. 

En effet, le sesquioxyde de fer, libre ou plus 
généralement combiné à l'acide phosphorique, est 
altaqué, dèsle début de la réaction, par l'acide sul- 
furique, et, — suivant son état de combinaison ou 
d'hydratation, la compacité du minéral, la quantité 
ou la force de l'acide, ainsi que la température 
dégagée par la réaction, — peut être attaqué plus 
ou moins rapidement etcomplètement, en donnant, 


1044 


soit un phosphate acide de fer,soit même de l'acide 

phosphorique libre : 
3FePhO{+3H2.SO0{=FePhO1{,2H#PhOi+Fe?3(S0i) 
2FePhOi+3H? SOI—2HSPhOiH+Fe?3(S04). 

Une partie de ce sulfale de sesquioxyde de fer 
entre ensuile en réaction avec le phosphate acide 
de chaux pour donner un corps gélalineux, inso- 
luble dans l’eau, et d’abord hydraté, tandis que le 
restant est sans action : 


ae ja H°2(Ph0°) 7 Fe?3(S05) + :H°0 
2(Fe PhO4, 2H20, 2H5 PRO + 3 Ca SO4 

Ce phosphate acide se décompose lentement sous 
l’action de lachaleur, comme sousl’action de l'excès 
d'eau employé dans l'analyse, et donne, à côté 
d'acide phosphorique libre, un phosphate de ses- 
quioxyde de fer, qui se déshydrate peu à peu pour 
céder son eau au sulfate de chaux, et devient inso- 
luble : 


FePhO4,2H20+CaSO0i=FePhO#+CaSOi,2H20. 


Cette réaction du sulfate de sesquioxyde de fer 
sur le phosphate acide de chaux est limitée par la 
présence d'acide phosphorique libre, comme on 
peut le voir par l'analyse de l'extrait aqueux d’un 
superphosphate : on trouve ainsi que 2 °/, de 
sesquioxyde de fer sont sans danger,et qu’on peut 
même atteindre 4 °/, en employant un léger excès 
d'acide. Mais on ne peut aller bien loin dans cette 
voie sans s'exposer à obtenir un produit päteux et 
peu vendable. 

Quand donc on fut amené à ne plus traiter des 
os ou des phosphates minéraux purs, on se heurta 
à une grave difliculté commerciale : la perte de 
la valeur vénale d’une partie de l'acide phospho- 
rique. 

Toutefois, ayant remarqué, comme l'a montré 
M. Schlæsing, que, dans le sol, presque tout l'acide 
phosphorique est insoïubilisé par le sesquioxyde 
de fer et l’alumine, M. Petermann entreprit des 
expériences de culture et en conclut que le phos- 
phate de fer est un excellent aliment pour les 
plantes. Les fabricants d'engrais s’empressèrent de 


répandre cette notion, et l’on chercha un réactif 


permettant de doser l'acide phosphorique réelle- 
ment désagrégé, mais redevenu insoluble par le 
fer. Grâce aux travaux de Neubauer et Frésénius, 
puis de Joulie, on convint de prendre comme 
réactif d'abord une solution neutre de citrate d’am- 
moniaque, puis une solulion ammoniacale du 
même sel, et de considérer comme ayant une valeur 
marchande tout le phosphate soluble dans le citrate 
d'ammoniaque ammoniacal. On fait cependant sou- 
vent une différence de prix entre le phosphate 
soluble dans l’eau, et le phosphate soluble dans le 
citrate d'ammoniaque ammoniacal. 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE 


V. — RÉTROGRADATION 


Mais les difficultés ne s'arrétèrent pas là dès que 
les besoins croissants de la consommation obligè- 
rent les fabricants à s'adresser à tous les gisements 
de phosphates de richesse moyenne. Il fallut traiter 
des phosphates de plus en plus ferrugineux et alu- 
mineux. On reconnut bientôt que les minerais très 
riches en fer, attaqués par l'acide phosphorique ou 
transformés en sulfates, puis réagissant{ sur l’acide 
phosphorique et le phosphate acide de chaux, don- 
naient lieu, sous l’action de la température élevée 
de la réaction, ou sous l’action du temps de séjour 
dans les magasins, à la production de phosphates 
basiques insolubles non seulement dans l’eau, mais 
dans le réactif citrique. On donna à ce phénomène 
fâcheux le nom de rétrogradaltion. 

On combatlit bien en partie ce danger en atla- 
quant les phosphates ferrugineux en couches 
minces par de l'acide plus étendu et les laissant 
sécher sur place, mais on n'avait ainsi qu'un pal- 
lialif médiocre. Les produits obtenus restaient 
boueux et perdaient quand même à la longue leur 
richesse. On fut réduit à travailler ces phosphates 
avec d’autres plus purs, pour les ramener aux con- 
ditions où la rétrogradation devient faible. 

La présence de l’alumine, que l’on observe en 
quantités relativement considérables dans certains 
phosphales naturels, n’entraine pasle danger de la 
rétrogradalion ; tous les phosphates d’alumine sont, 
en effet, solubles dans le citrate d'ammoniaque 
ammoniacal, mais ils communiquent à la masse un 
état gélatineux qui la rend peu propre à l'emploi 
agricole. 

Certains silicates lentement attaquables peuvent 
également causer la rétrogradation. 

La question de l'acidité des superphosphates au 
point de vue de l'emploi agricole a soulevé nombre 
de discussions : on entend encore souvent dire que 
les superphosphales contenant un excès d'acide 
conviennent surtout aux sols calcaires, les super- 
phosphates sans excès d'acide ou rétrogradés el & 


fortiori les phosphates précipités, dont il sera ques- 


tion plus loin, aux sols acides dont ils compense- 
raient l'acidité. 

Cette opinion, logique en apparence, n’est pas 
toujours exacte. Il se pourrait fort bien que, dans 
cerlainssols tourbeux, lesacideshumiques fixassent 
plus facilement l'acide phosphorique libre sous une 
forme assimilable, ou que l'acide phosphorique des 
phosphates acides pût circuler et se diffuser plus 
parfaitement dans ces sols avant de se fixer. L’au- 
teur de cet article a vu les propriélaires des prairies 
de la Crau d'Arles refuser, après essais, les super- 
phosphates bien secs et à peine acides, et rechercher 
les superphosphales se metlant en pelotes sous la 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE 


1045 


pression de la main, grâce à la présence d'un excès 
d'acide libre. Cette préférence parait vérifiée par les 
résultats obtenus dans certains districts tourbeux 
de l'Allemagne du Nord. 

Dans les régions calcaires du centre de la France 
on rejette, au contraire, les superphosphates un peu 
pâteux et l’on n'accepte que les produits bien pul- 
vérulents, c’est-à-dire ceux qui ne contiennent pas 
d'acide libre. On arrive même dans nombre de 
régions calcaires à considérer comme équivalents 
le phosphate monocalciqne et le phosphate bical- 
cique précipité. 


VI. — OBTENTION DE LA PULVÉRULENCE 
ET DE LA SICCITÉ 


L'emploi de plus en plus fréquent des instruments 
mécaniques agricoles, et, en particulier, du semoir 
mécanique en agriculture a déterminé les cultiva- 
teurs à exiger des superphosphates pulvérulents et 
secs. Or, comme beaucoup de phosphales naturels 


ne peuvent donner directement des superphos- | 


phales secs sans subir une rétrogradation notable, 
ila fallu recourir à une dessiccation artificielle 
suecédant à l'opération de l’attaque. L'emploi des 


_ séchoirs, très rare autrefois, se généralise donc 


aujourd'hui. 

Le plus souvent, le superphosphate est étendu 
en couches minces dans des wagonnels à élages 
que l’on introduit dans une sorte de tunnel fermé 
par des portes roulantes : de l'air chaud arrive à 
travers le sol à l’une des extrémités, traverse les 
étages des premiers wagonnels, puis circule 
horizontalement, pour redescendre à l’autre extré- 
mité à une cheminée qui l'amène dans des colonnes 
de lavage. 

Jusque vers 1883, on a fait circuler méthodique- 
ment le superphosphate, c’est-à-dire qu'on faisait 
entrer les wagonnets dans le tunnel par l'extré- 
mité où sortaient les gaz, et on sortait les wagon- 
nets chargés de superphosphate sec du côté de 
l’arrivée de l'air chaud. Cette pratique élait très 
vicieuse : car, d’une part, le superphosphate froid 
condensait de la vapeur d’eau, qu'il fallait de nou- 
veau éliminer; d'autre part, le superphosphate 
presque sec était exposé à la température la plus 
élevée et subissait une rétrogradation. On courait 
même le risque d'en transformer une partie en 
pyrophosphale. Pour se mettre à l'abri de cet 
inconvénient, il fallait n’employer que de l’air peu 
chaud, et, par suite, la différence de température 
à ménager entre l'air entrant et l'air sortant était 
faible, pour ne pas permettre une condensation 
exagérée de vapeur d'eau. Le rendement des 
séchoirs était donc médiocre, et la consommation 
de charbon exagérée. 

Actuellement, on fait circuler la matière et les 


gaz dans le même sens,l’air peut entrer très chaud 
sans danger, puisqu'il se refroidit instantanément 
au contact du superphosphate froid et humide, et, 
rencontrant toujours du superphosphate chaud, il 
le dessèche lentement et sans condensation de 
vapeur, si le débit d'air est convenablement cal- 
culé : on arrive ainsi à une augmentation de ren- 
dement des séchoirs et à une meilleure utilisation 
de la chaleur; de plus, on observe souvent un léger 
gain en acide phosphorique ayant une valeur vé- 
nale, au lieu de constater, comme jadis, une 
rétrogradation ou même une disparition d'acide 
orthophosphorique. 

Pour que le produit reste soluble dans le citrate 
d’'ammoniaque, il faut qu'il ne soit pas déshy- 
draté ; d'autre part, pour qu’il n’encrasse pas le 
semoir, il ne doit pas contenir plus de 12°/, d'hu- 
midité. On règle d'habitude le séchage de façon 
que la masse ait uniformément 10°/, d'eau hy- 
groscopique à la sortie du séchoir. 

Du séchoir le phosphate passe aux appareils de 
broyage, puis au magasin. On ne l’ensache qu'à 
mesure des livraisons pour éviter que les sacs 
soient percés avant d'arriver à destination. 


VII. — FABRICATION DE L'ACIDE PHOSPHORIQUE 
ET DU SUPERPHOSPHATE DOUBLE 


Nous avons vu combien la présence du sesqui- 
oxyde de fer ou de l’alumine dans les phosphates 
bruts est préjudiciable au fabricant de superphos- 
phate, en donnant au produit un état compact el 
colloïdal, et en déterminant une forte rétrograda- 
tion. Un certain nombre de phosphates naturels 
sont, par ce fait, impropres à une fabricalion ré- 
munératrice de superphosphate. 

Mais si, au lieu d'attaquer le phosphate brut 
par de l'acide sulfurique des chambres, on le sou- 
met à l'action d'acide à 5 ou 10 °/,, on observe 
que presque tout le phosphate de chaux cède son 
acide, tandis qu'il ne passe en solution que des 
traces de phosphates de fer et d’alumine. 

Il suffit donc d'employer, à l'état étendu, une 
quantité convenable et facile à déterminer d'acide 
sulfurique pour extraire de ces phosphates bruts 
l'acide phosphorique suffisamment pur pour être 
utilisable. 

On opérera de la façon suivante : le phosphate, 
réduit en poudre aussi fine que possible, est dé- 
layé lentement dans un malaxeur, qui contient 
une quantité d'eau suffisante pour ramener à 15° 
environ tout l'acide sulfurique qu'il faut em- 
ployer. 

La dose d'acide sulfurique, calculée d'avance, a 
été mesurée dans un bac en plomb, et, une fois le 
phosphate délayé, on laisse couler l'acide et on 
fait fonctionner le malaxeur jusqu'à ce qu'un 


1046 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE 


échantillon filtré et additionné d’une solution 
acide de chlorure de baryum ne donne presque 
plus de précipité. L’acide sulfurique libre s’est 
donc fixé sur la chaux. Cette opération dure en- 
viron 1/2 heure. Pendant la réaction, la tempéra- 
Lure s’est élevée notablement, et a atteint envi- 
ron 60°. 

Le contenu du malaxeur est vidé, puis envoyé 
par des pompes dans des fillres-presses qui re- 
tiennent le sulfate de chaux, le sable, et les com- 
binaisons insolubles de fer et d’alumine, tandis 
qu'il coule une solution claire d'acide phospho- 
rique, contenant de 10 à 11 °/, d'acide. On pro- 
cède ensuite au lavage, el on envoie les petites 
eaux à la concentration, tant qu’elles donnent 
avec les eaux fortes un mélange à 8 °/,; le res- 
tant sert à diluer l'acide sulfurique dans une 
attaque ultérieure. 

L'acide phosphorique étendu est ensuite con- 
centré jusqu'à la température de 113° dans des 
appareils analogues aux chaudières de plomb em- 
ployées dans les fabriques d'acide sulfurique ; 
toutefois, pour éviter les coups de feu provoqués 
par les incrustalions, on emploie généralement 
les bassines à chauffage par la surface libre. 

On obtient ainsi un produit très sirupeux, qui 
peut contenir jusqu'à 50 °/, d'acide phosphorique 
anhydre. 

Ce produit est trop étendu pour réagir sur les 
phosphales très compacts; mais,si on l’emploie au 
traitement de produits phosphatés facilement dé- 
composables, on obtient la réaction : 


Ca*2PhOS+ 4H$PhOi+3H20=3(CaH42Ph0O4,H20). 


La matière s'attaque toutefois plus lentement 
que dans la fabrication du superphosphate, et ne 
sèche qu’à la longue, parce qu'elle ne contient 
pas de sulfate de chaux pour fixer l'excès d’eau. 
IT faut donc lui faire subir une dessiccation artifi- 
cielle avant de l'envoyer à l'atelier de broyage. 

On oblient ainsi ce qu'on appelle le superphos- 
phate double litrant de 40 à 45 °/, d’anhydride 
phosphorique soluble dans le citrate d'ammo- 
niaque. 

M. Barbe à proposé de brasser de l'acide phos- 
phorique concentré, lilrant de 48 à 50 °/, d'anhy- 
dride avec 20 à 23 parties de chaux éteinte. 

Le magma s’échauffe beaucoup, dégage de la 
vapeur, el fait prise presque immédiatement. On 
obtiendrait ainsi un produit que l'inventeur a ap- 
pelé phosphate triple, et litrant jusqu'à 48 et 
50 ‘/, d'anhydride phosphorique. Mais le procédé 
ne s’est pas répandu dans l’industrie. 

in effet, des produits aussi riches n’ont pas d’ap- 
plication directe dans l’agriculture, car la réparti- 
tion uniforme sur un hectare de la dose utile 


d'acide phosphorique devient d'autant plus dif- 
ficile que le titre de l'engrais est plus élevé. Ils ne 
peuvent donc servir qu'à la production d'engrais 
enrichis artificiellement ; dès lors il y a peu d'in- 
térêt à les fabriquer s'ils coûtent cher el sont 
d'une préparation difficile. Or, c’est le cas du su- 
perphosphate triple, qui ne peut se solidifier que 
si l’on remplit toutes les conditions suivantes : 

1° Pureté de l'acide concentré et de la chaux; 

2° Intimilé absolue du mélange d'acide et de 
chaux ; 

3° Elévalion convenable de lempéralure. 


VIII. — FABRICATION DU PHOSPHATE PRÉCGIPITÉ 


L'industrie chimique met à notre disposilion 
des dissolulions étendues d'acide phosphorique en 
allaquant soit des phosphates minéraux par l'acide 
sulfurique faible, soit des os frais par l'acide chlor- 
hydrique en vue de la fabrication de la gélatine. 

Au lieu de concentrer ces solutions pour les 
faire réagir ensuite sur des phosphates facilement 
altaquables, on peut les transformer directement 
par addition de chaux en phosphate bicalcique de 
chaux insoluble dans l'eau, mais soluble dans le 
citrate d’ammoniaque ammoniacal. 

Le succès de l'opération dépendra des soins 
apportés, et de la connaissance des réactions qui 
se passent entre les bases et l'acide phosphorique 
en présence de l’eau. 

Ajoute-l-on lentement soit du carbonate de 
chaux finement divisé, soit un lait de chaux dans 
une solution étendue d'acide phosphorique à la 
température ordinaire, on tend à produire une 
solution de phosphate monocalcique ; mais ce 
corps est instable vis-à-vis de l'eau et se décom- 
pose partiellement en acide phosphorique, phos- 
phate bicalcique hydraté et phosphale monocal- 
cique non décomposé. 

Le lableau de la page suivante, emprunté aux 
éludes de M.Joly, donneune idée du phénomène.Il 
indique comment se décompose, en présence de 
100 parties d’eau, un poids déterminé de phos- 
phate monocalcique à la température de 15°. 

Ainsi, dès le début de l'addition de chaux, nous 
voyons apparaitre une proporlion d'autant plus 
grande de phosphate bicalcique hydraté que la li- 
queur est plus riche en acide phosphorique, et il 
tend à se produire un état d'équilibre dans lequel 
le rapport de l'acide phosphorique total à l'acide 
combiné est égal à 1,5 : c'est-à-dire que, si nous 
ajoutons une quantité de chaux théoriquement 
capable de neutraliser tout l'acide phosphorique, 
ce dernier se parlagera de la façon suivante : 
1/4 sera transformé à 150 en phosphate bicalcique hydraté, 


1/2 » » » phosp. monocalcique hydraté, 
1/4 restera à l'état acide. 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE 


1047 


Si nous élevons progressivement la température 
2 JS AND 
jusqu’à 78-80°, le rapport des poids £ , pour une 


même valeur de P, ira constamment en croissant, 
de sorte qu'il se déposera une quantité de phos- 
phate bicaleique hydraté d'autant plus grande que 


et les précautions sont sans valeur, est impossible 
à obtenir pratiquement. On divise donc l'opération 
en deux. Dans la première,on précipite environ 
les 2/3 de l'acide phosphorique, et on hâte souvent 
l'opération en portant la masse à 75-80° ; puis, le 
dépôt de phosphate bicalcique obtenu, on traite le 


Décomposition du Phosphate monocalcique en présence de l’eau. 


1e 
POIDS DU PHOSPHATE 
MONOCALCIQUE 


EMPLOYÉ 


total combiné 
4.02 0.81 2.16 2,05 
6.41 1.21 3.34 3.07 
9°3£ 1.67 4.75 4.93 
15.36 2.59 7.61 6.57 
28.01 %.40 13.49 (6 
31.13 4.74 14.78 12.02 
38.71 5-02 17.94 13,97 
49.01 6.45 22.00 16.35 
54.46 6.90 24.10 17.50 
64.32 7.95 28.22 20.16 


la température sera plus élevée, comme il ressort 
du tableau suivant : 


Valeurs de 5 


P û° 159 s0° 
LPS 0,01 0,02 0,07 
DR eteietelsre ea 0,02 0,05 0,14 
ra VTT 0,03 0,07 0,21 
SE St 0,0% 0,09 0,28 
S. 2 0,055 0,12 0,35 
BA Eee 0,07 0,1# 0,42 
Het ü,08 0,17 0,49 
ShRre 0,09 0,19 
ILES 0,10 0,21 
DSL ü,11 0,2# 


Mais, si la température dépasse 80°, le phosphate 
bicalcique devient anhydre, et la fraction du sel 
décomposé croit très rapidement. 

La pratique présente, il est vrai, un phénomène 
plus compliqué : lorsque nous ajoutons dans une 
solution d'acide phosphorique un lait de chaux ou 
de magnésie, il se produit d’abord un précipité 
gélatineux de phosphate tricalcique, puis une 
réaction s'établit entre le phosphate tricalcique et 
l'acide phosphorique libre jusqu'à ce qu'on soit 
arrivé à l’état d'équilibre défini ci-dessus. 

Si l’on ajoute plus de base alcalino-terreuse, la 
réaction se ralentit, en même temps qu’une partie 
du phosphate monobasique se transforme en 
phosphate bibasique; par suite de la saturation de 
la quantité d'acide phosphorique libre, nécessaire 
à l'équilibre, on pourrait arriver finalement à la 
saturation complète et à la transformation absolue 
de l'acide phosphorique initial en phosphate biba- 
sique hydraté; mais ce résultat, facile à réaliser 
par le chimiste dans son laboratoire, où le temps 


PRODUITS RESTÉS EN DISSOLUTION 


EE —— 


ACIDE PHOSPHORIQUE 


libre 


GS DDLeSSe 


#4 


R 


RAPPORT DE L’ACIDE 


P 


HORS HE SE PHOSPHORIQUE TOTAL 


ONE OSE 
D'ESOSSOSE A L’'ACIDE COMBINÉ 


RS PRE Re SEE CE ENS AE DES ee ST 
il 0.38 0.09 4.05 
21 0.96 0.45 1.08 
52 1.82 0.19 1.43 
04 3.170 0.24 1.16 
34 8.28 0.30 1.20 
76 9.80 0.32 1.23 
97 14.07 0.36 1.32 
65 19.98 0.41 1.34 
60 23.02 0.52 1.38 
06 28.54 Û.## 1.40 


liquide par un léger excès de chaux; on précipite 
ainsi l'acide restant à l’état tribasique, et l’on a 
un produit gélatineux qui sert à commencer la 
saturation de l'acide phosphorique de l'opération 
suivante. 

Si l'on porte la température au-dessus de 80°, 
nous avons vu qu'au début on obtient de l'acide 
phosphorique et du phosphate bicalcique anhydre, 
tant que la proportion de base ajoutée correspond 
à la transformation de l’acide phosphorique total 
en phosphate monocalcique; mais, si l'on pousse 
plus loin l’addilion de base, le phénomène se com- 
plique. Nous en aurons une idée simple en sou- 
mettant à l’action de l’eau bouillante du phosphate 
bicalcique hydraté. 

L'auteur, en étudiant cette question avec M. Joly, 
a constaté que le sel se dédouble d’abord en don- 
nant de l’acide phosphorique libre et du phosphate 
tricalcique, puis qu'il s'établit entre ces deux corps 
une réaction d'autant plus lente que le mélange 
est plus étendu dans l’eau, et que, si l'on met de 
42 à 15 grammes de sel dans un litre d’eau, l'état 
d’équilibre est obtenu par la création d’un nouveau 
produit cristallisé, qui, abstraction faite de l’eau 
de constitution, a pour formule: 


3(Ca2H.2Ph?04) + Ca2Ph?04, 


En même temps le liquide contient en dissolution 
du phosphate monocalcique. Pour des richesses 
plus grandes, on obtient un mélange de ce corps 
avec le phosphate bicalcique anhydre, et leliquide 
contient un mélange d'acide phosphorique libre et 
de phosphate monocalcique ; pour des richesses 
plus faibles, on obtient un mélange de ce corps 


1048 


E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE 


avec le phosphate tricalcique dans une solution de 
plus en plus étendue de phosphate monocalcique. 

Or, la réaction finale est d'autant plus lente que 
le liquide est plus étendu ; de plus, le nouveau sel 
est presque insoluble dans le réactif citrique 
alcalin; la précipitation à chaud, au-dessus de 80°, 
doit donc être évitée avec soin par le fabricant 
soucieux de la valeur commerciale de ses produits. 

Cette réaction peu connue doit ètre également 
prise en considération pendant la dessiccation du 
phosphate précipité, car on ne peut prétendre à 
laver industriellement d’une façon parfaite le pré- 
cipité volumineux de phosphate bicalcique : or, 
si nous chauffons du bicalcique hydraté, imprégné 
de chlorure de calcium, au-dessus de 80°, nous 
mettrons en liberté de l'acide phosphorique et 
celui-ci réagira sur le chlorure de calcium pour 
chasser l'acide chlorhydrique ; nous n'aurons plus, 
après refroidissement, la quantité d'acide phos- 
phorique libre nécessaire pour réagir sur le 
phosphale plus ou moins basique formé sous 
l’action de la chaleur, el le produit surchaufté 
aura perdu sa valeur commerciale. On doit donc 
opérer la dessiccation au-dessous de 70°. 


IX. — ScorINS DE DÉPHOSPHORATION 

Jusqu'en 1879, on considérail comme impropres 
à la fabrication de l'acier les fontes phospho- 
reuses : les minerais du Cleveland, du Luxem- 
bourg et du bassin de la Moselle étaient donc sans 
valeur à ce point de vue. Ce fut une révolution 
industrielle quand MM. Thomas el Gilchrist, de 
Batltersea (Surrey), imaginèrent le procédé de dé- 
phosphoration basé sur l'emploi, dans le conver- 
tisseur Bessemer, d'une addition de matières ba- 
siques, craie ou dolomie. 

Dans ce nouveau procédé on recourt à une 
addition de chaux vive, qui atteint de 15 à 20 par- 
lies pour 100 parties de fer brut contenant 3 °/, 
de phosphore. L'air refoulé à travers la masse 
fondue brûle d'abord le manganèse, le silicium. 
puis le carbone, comme dans le procédé Bessemer, 
et enfin le phosphore avec une telle rapidité que 
la température s'élève de 700°, et que la chaux 
forme, avec l'acide phosphorique résultant de la 
combustion du phosphore, une scorie qui surnage 
sur l'acier. A la fin du soufflage, quand paraissent 
les fumées rouges du fer, on vide la scorie dans 
des wagons. On obtient ainsi une tonne de scories 
pour 4 à 5 tonnes d'acier. Si on laisse la matière 
refroidir lentement, elle forme une masse friable, 
sinon c’est un bloc très dur. Au reste, la masse est 
d'autant plus friable que le rapport du sesquioxyde 
de fer au protoxyde est plus grand : on doit avoir 
Fe0%:Fe0=> 1:3 pour pouvoir pulvériser la 
scorie. 


Avec des minerais riches en phosphore ou con- 


venablement mélangés, el en employant une dose 


de chaux appropriée, on peut obtenir des scories 


très riches : leur composition varie entre : 


PRÉ OP. RE ere ce RE ne 12 à 20 % 
CAO RE Te 30 50 
SM Er ne CR ter ce do le CRUE US D 20 
Fer OF eO AE. LE PAT OMR 41 30 
MnO RE EE NE MR NE TU 3 2415 
MAO A, CAS AMMISER ESNGES a 
Pal ETLI DA M re SRE e A 02 0,6 
VOA De Rte Ne MALE 15 


Dansles cavités de la scorie, on trouve souventde 
petites plaques cristallines minces et translucides, 
grises, brunes ou bleues, auxquelles quelques 
auteurs allribuent la composilion Ca‘Ph°0°, ana- 
logue à celle de l'isoclase de Hilgenslock à 38,8 °,, 
d'acide phosphorique, obtenue par la fusion d'un 
mélange convenable d'acide phosphorique et de 
chaux avec du spath-fluor comme fondant. 

Ces scories ont élé longtemps accumulées près 
des aciéries comme remblais :sans valeur : on 
chercha à en retirer par divers procédés chimiques 
l’acide phosphorique. Mais leur utilisation agricole 
ne date réellement que des travaux de Reiss et 
d'Arend (1886), qui élablirent que l'acide phos- 
phorique devient soluble dans l'eau chargée 
d'acide carbonique, en présence du silicale de 
chaux. Jensch montra que l'acide phosphorique 
des scories est assez soluble dans les acides citrique 
etoxalique, ainsi que dans les solutions acides ou 
alcalines de citrate d'ammoniaque. Toutefois, celte 
solubililé diminue quand la dureté augmente, et 
les expériences de cullure de Wagner ont établi 
que des scories d'origine différente sont loin 
d’avoir lamême action fertilisante. Aussi demande- 
t-on souvent au moins une garantie de solubilité 
dans l'acide citrique, en plus de la garantie de 
finesse el de richesse en acide phosphorique total. 
On peut produire des scories dont 75°/, de l'acide 
phosphorique sont solubles dans le citrate. 

Aux aciéries de Hærde, on arrive à obtenir des 
scories titrant au moins 24 °/, d'acide phospho- 
rique en n'introduisant d’abord dans le conver- 
Lisseur qu'une quantité insuflisante de chaux ; cette 
scorie riche éliminée, on y ajoule le restant de la 
chaux, et la scorie pauvre oblenue repasse au 
haut fourneau. 

Depuis quelque temps, on substitue à la chaux 
des craies phosphaltes pauvres, pour augmenter 
la richesse des scories. 

On a cherché, par imilalion, à rendre plus assi- 
milables les craies phosphalées en les soumettant 
à la tempéralure du blanc; on nommait les pro- 
duits obtenus {Lermo-phosphales ; mais, comme il faut 
porter la masse à une température de 1.900°, les 
frais de fabrication sont trop élevés. 

Les scories sont d’abord brisées au marteau 


È 
| 
4 
4 


; 


} 


’ 


D: A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


pour en dégager les fragments d'acier qu’elles 
contiennent, puis pulvérisées dans des broyeurs à 
boulets en acier. 


X.— CONCLUSION 


Nous avons vu qu'au début, les phosphates 


_ moulus étaient employés par l'agriculture, soit 


_ directement, soit après mélange dans le fumier où 


. ils devenaient plus rapidement assimilables. 


L'invention des superphosphates, d'une énergie 
plus grande, coïncidant avec les eflorts tentés 
vers une culture intensive, avait fait abandonner 
presque radicalement cet emploi. On élait per- 
suadé que le phosphate soluble devait pouvoir se 
diffuser jusqu'à un certain point et se répartir 
assez uniformément dans le sol avant d’y repasser 
à l’état insoluble. Les racines avaient donc, dans 
l'opinion des agriculteurs, plus de chances pour 
rencontrer à propos l'engrais introduit et l’utiliser 
rapidement. Mais, lorsque l'épuisement des gise- 


ments de phosphates riches et purs eùt forçé à | 


recourir à l'emploi de phosphates plus ou moins 
ferrugineux, les fabricants se heurtèrent à de 
grandes difficullés par suile des phénomènes d’in- 
solubilisation et de rétrogradation, et se hätèrent 
de préconiser, surtout après les expériences de 
Petermann sur l'assimilabilité du phosphate de 


1049 


fer, le réactif citro-ammoniacal qui permettait de 
donner une valeur au superphosphate rétrogradé. 

Vinrent ensuile les phosphates précipités, com- 
plètement insolubles dans l’eau, mais solubles 
dans le réaclif citro-ammoniacal, enfin les scories 
de déphosphoration. 

Il y avait dès lors lieu de regarder en arrière et 
de se demander si une division mécanique suffi- 
sante ne permettrait pas d'obtenir à peu de frais 
le bénéfice assuré par la désagrégation chimique. 
Il n'est pas encore possible de se prononcer d’une 
facon absolue à ce sujet. Toutefois il est reconnu 
déjà qu'avec certaines provenances et dans nombre 
de sols, le phosphate minéral bien pulvérisé est 
assimilable, quoique plus lentement que les phos- 
phates traités chimiquement. Si l’on tient compte 
de la différence de prix, il semble établi que, dans 
nombre de cas, il est plus avantageux même 
d'employer une dose massive de phosphale mi- 
néral lentement assimilable, mais augmentant les 
réserves du sol — et peut-être verrons-nous se vé- 
rifier le proverbe naissant: Le phosphate naturel est 
l'engrais du propriétaire, le superphosphate est l'engrais 


du fermier. E. Sorel, 
Ancien Ingénieur des Manufactures de l'État, 
Ancien Directeur aux usines de St-Gobain, 
Professeur suppléant 
au Conservatoire des Arts et Métiers 


REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


Dans ces Lemps où les hommes qui aiment les 
sciences sont « heureux de vivre », les progrès que 
permeltent de réaliser la technique, sans cesse re- 
nouvelée, des investigations scientifiques et la 
multiplication facile des expériences, les bou- 
leversements apportés par l'édification de théo- 
ries appuyées sur des preuves surabondantes 
rendent l’étude de la médecine de plus en plus 
intéressante. 

La découverte de mondes vivants inexplorés, la 
vérification de lois nouvelles, si elles augmentent 
notre savoir, n'en font pas moins surgir des diffi- 
cultés imprévues et rejettent au nombre des er- 
reurs les vérités de jadis. Aujourd'hui, il est 
impossible d’être encyclopédique, et l'on se perd 
dans l'énorme univers que représente le coin 
le plus infime de la plus restreinte de nos 
sciences. 

La médecine, en particulier, qui, plus que loute 
autre, a besoin du concours de la plupart d'entre 
elles, a tant agrandi son domaine qu'on ne peut 
plus avoir la prétention de le parcourir tout entier. 
Aussi choisirai-je, pour les signaler, quelques-uns 


seulement des points qui, cette année, ont retenu 
davantage l'attention des médecins. 
I. — TUBERCULOSE. 

Les notions acquises depuis quelques années sur 
celte affection, et surtout sur son agent causal, le 
bacille de Koch. ont été réunies dans un livre 
magistral publié, au début de cette année, par M. le 
Pr Straus!'. C'est cetouvrage,admirablementexposé 
et documenté, qui établit l’état actuel de la science 
sur tous les points de cette question capitale. 

On sait avec quel intérêt on recherche actuelle- 
ment le mécanisme de la transmission de la tuber- 
culose. Les produits alimentaires, entre autres 
la viande et le lait provenant de bêtes tubercu- 
leuses, ont été, à juste titre, incriminés. Des expé- 
riences curieuses avaient élé entreprises sur une 
assez large échelle en Allemagne, où l’aulorisalion 
fut donnée en certaine ville de délivrer à des fa- 
milles pauvres des viandes suspectes et dont la 
vente était d'ordinaire interdite. On n’y remarqua 
point que l'absorption de ces viandes ait favorisé 
l’éclosion de la tuberculose chez les gens qui les 

1 La Tuberculose el son bacille ; Rueff, Paris, 1895. 


1050 


D: A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


avaient employées. Le rapport récent de la Com- 
mission Royale anglaise chargée d'étudier cette 
question d'alimentation, fournit des conclusions 
importantes au point de vue hygiénique. Les ex- 
périences qu'elle fit confirmèrent les notions 
acquises en France depuis plusieurs années déjà 
par Villemin, Chauveau, Arloing, etc., que l’in- 
gestion de produits tuberculeux donne la tuber- 
culose aux animaux, que l’ébullition du lait doit 
être obtenue et maintenue quelques instants pour 
en assurer ‘l'innocuilé, que la chair musculaire, 
même provenant d'animaux tuberculeux, mais ne 
contenant pas de foyers agglomérés, est probable- 
ment inoffensive pour l’homme, à la condition for- 
melle d’être suffisamment cuite. La Commission a, 


en outre, insisté sur ce fait que la viande, lors du | 


dépecage, pouvait être contaminée par les instru- 
ments des bouchers qui viennent de sectionner 
des foyers tuberculeux collectés dans les viscères. 

Des tentatives thérapeutiques nombreuses sont 
faites de toutes parts pour limiter ou empêcher 
l'action du bacille de Koch sur l'organisme hu- 
main : je ne puis ici parler que des plus récentes. 
Depuis plusieurs années, MM. Richet et Héricourt 
recherchent la guérison de la tuberculose par les 
injections de sérum provenant d’animaux immu- 
nisés ou réfractaires. En 1889 déjà, ils avaient 
montré qu'on pouvait retarder l’évolution de la 
tuberculose aviaire par ce moyen chez le lapin. 
Celte année, d'expériences comparatives faites sur 
des cobayes inoculés avec la tuberculose, après 
injection de diverses humeurs provenant d’ani- 
maux sains où tuberculisés, ils ont conclu à la 
possibilité d’enrayer le développement de la ma- 
ladie par l'injection du sérum microbien. 

Des résultats comparables ont été obtenus par 
MM. Redon et Chenot. Expérimentant avec le 
sérum d'âänes et de mulets ayant subi des inocu- 
lations tuberculeuses, ils ont vu que cette humeur 
injectée à des cobayes ou lapins luberculisés avait 
une action empêchante manifeste sur l’évolulion 
de la maladie. 

De même, le sérum d’une chèvre préalablement 
trailée par la tuberculine avait, entre les mains de 
M. Boinet, empêché le développement de la tubereu- 
lose sur des cobayes inoculés après injection sous- 
cutanée préalable de ce sérum. Des expériences 
encouragèrent l’auteur à essayer sur l’homme 
l'effet d’injections sous-cutanées de 2 centimètres 
cubes à 4 centimètres cubes de sérum de chèvre. 
Il eut des résultats suffisants dans les tuberculoses 
à marche lente, chronique, nuls dans les formes 
fébriles, creusantes, et à poussées intermittentes. 

M. Broca a publié tout récemment de très inté- 
ressan{s essais dans letraitement des tuberculoses 
culanées au moyen du sérum de chiens inoculés 


avec la tuberculose, non réfractaires à celle afec- 
tion, mais lui présentant une certaine résistance. 
Dans les formes cutanées, ce traitement eut des 
suites favorables très dignes d’attention. 

C'est encore sur l’emploi du sérum d'animaux 
divers immuhisés par des subslances {oxiques 
issues des cultures de tuberculose, mais non déli- 


nies, que M. Marigliano a fondé la méthode de 


traitement qui fit ces jours derniers tant de bruit 
dans la presse quotidienne et sur laquelle ilse 
propose d'éclairer le public médical au prochain 
Congrès de Rome. 

En résumé, en médecine humaine les expé- 
riences sont encore trop peu nombreuses pour 
amener à une conclusion valable. En outre, la 
tuberculose guérit parfois, et souvent elle affecte 
une marche si chronique et des rémissions si 
longues qu'on ne peut savoir au juste quelle 
part revient au traitement dans les améliorations 
observées. Nous sommes donc encore loin de 
posséder un agent curatif sérieux de la tuber- 
culose, Si encourageants que paraissent certains 
résultats, on en est encore à la période de täton- 
nements. La voie suivie promet d'être féconde, 
mais ce ne sont que des promesses. 

La pratique des injections diverses révèle, che- 
min faisant, des faits curieux comportant un ensei- 
gnement utile : telle la constatation, qui fut faite 
par M. Hutinel et signalée par d’autres auteurs 
(Galliard, Variot, Sevestre), sur le pouvoir lher- 
mogène des solutions salines injectées aux tuber- 
culeux. Toute injection sous-cutanée de sérum ou 
d’eau salée estsusceptible, dans certaines propor- 
tions, de déterminer un appareil fébrile chez un 
individu sain. Chez le tuberculeux, il suffit d’une 
proportion beaucoup moindre pour provoquer 
unefièvre plus intense. On trouve là un moyen 
incertain, il est vrai, mais parfois utile pour 
dépister une tuberculose latente. 

Mentionnons encore les recherches poursuivies 
par M. Fernet au moyen d'injections de naphtol 
porté dans le tissu pulmonaire même, les résultats 
obtenus par M. Rendu avec le naphtol camphré 
dans la péritonite tuberculeuse, résultats toutefois 
mitigés par les dangers d'accidents signalés par 
M. Netter. 

I. — Corrs TIYROÏDE 

Malgré loutes les recherches faites jusqu'ici sur 
le corps thyroïde, on est très peu fixé sur le rôle 
physiologique de cette glande. On ne peut préciser 
son action, et, quand on a besoin d’y faire allusion, 
c'est toujours en termes vagues et mal définis. 
M. Nothine (de Kiew) est arrivé à extraire de la 
glande thyroïde des animaux un produit déter- 
miné chimiquement, qu'il appelle la {yroprotéiteet 
qui se trouve dans la substance colloïde contenue 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


1054 


dans les alvéoles glandulaires. Cette thyroprotéide 
est toxique dans tous les cas; mais, en privant 
expérimentalement les animaux de tout ou partie 
de la glande thyroïde, la toxicité de ce principe 
est considérablement augmentée. M. Notkine 
pense que ce fait tient à ce que le corps thyroïde 
. normal secrète un ferment spécial qui modifie cette 
thyroprotéide et en neutralise les effets. Quand la 
glande, enlevée ou malade, ne peut plus sécréter 
ce ferment destructeur, l'animal est intoxiqué avec 
une plus grande intensité. Cet agent toxique joue 
un rôle dans certaines affections où l'intégrité du 
corps thyroïde est en cause; tels le goitre exophtal- 
mique et le myxœdème. 

Les rapports du corps thyroïde et de la maladie 
de Basedow (goitre exophtalmique) ont élé sinon 
élucidés, du moins mis au point par les travaux 
du Congrès de Médecine mentale lenu à Bordeaux en 
août dernier. Le très remarquable rapport de 
M. Brissaud a bien établi les notions acquises jus- 
* qu'ici sur cette question. Les faits nouveaux 

apportés au Congrès laissent intactes ses conclu- 
sions, qui aboutissent à une théorie éclectique sur 
la pathogénie du goitre exophtalmique.Lamaladie 
de Basedow est, en effet, un syndrome, un groupe 
de symplômes alliés les uns aux autreset évoluant 
selon un {ype assez nettement déterminé. À quoi 
sont-ils dus? A une perturbalion nerveuse cen- 
trale, bulbo-protubérantielle, suivant les uns; à 
une intoxication produite par le fonctionnement 
anormal de la glande thyroïde, suivant les autres. 
La première théorie, admise autrefois presque 
exclusivement, fut ébranlée après les travaux de 
Gauthier, Môübius, Joffroy et Renaut : la théorie 
thyroïdienne prit sa place et l’on pensa qu'une 
sécrétion thyroïdienne excessive produisait la ma- 
ladie de Basedow, et qu'insuflisante ou abolie, 
elle déterminait le myxædème. Ce dernier point 
_ seul est établi avec certitude. D'autres auteurs 
_ combinent les deux théories. M. Marie croit, par 
exemple, que la cause première de l'affection réside 
dans le système nerveux et que ce trouble nerveux 
amène secondairement la perturbation thyroï- 
dienne : celle-ci se manifesterait, d’après M. Marie, 
par un excès de fonction de la glande, par l'hyper- 
thyroïdation. Cette théorie est admise par Briner. 

Le rôle du corps thyroïde dans la maladie de 
Basedow est rendu évident par les lésions cons- 
tantes de cet organe. MM. Joffroy et Achard 
avaient établi l'anatomie pathologique thyroï- 
dienue de cette affection. M. Brissaud, dans des 
recherches spéciales qu’il fit à ce sujet, reconnut 
la constance des lésions et la fréquence d’un 
même type d’alléralion, dont les caractères l'a- 
vaient fait qualifier par Lélienne decirrhose hyper- 
trophique thyroïdienne. M. Renaut (de Lyon), 


poursuivant avec sa grande compétence le délail 
de ces lésions par la technique des injections, put 
constater que, dans les corps thyroïdes ainsi lésés, 
les interstices lobulaires sont marqués par de 
larges tractus conjonctifs, el que tout le système 
des lymphatiques intralobulaires est annulé. En 
outre, M. Renaut établit une différence entre deux 
élats de la substance élaborée par l'épithélium 
thyroïdien : l’un, la #yromuvoine, non colorable 
par l’éosine, produit direct de la glande; l’autre, 
la #hyrocolloine, modification de la précédente. Or, 
c'est à la thyromucoïne résorbée parles veines au 
centre du lobule que l’'éminent histologiste attri- 
bue le rôle nocif dans la thyroïdation, c'est à elle 
qu'il attribue l’'empoisonnement basedowien. 

Cet empoisonnement a été, d’autre part, réalisé 
expérimentalement au cours des belles recherches 
de MM. Ballet et Enriquez. Ces auteurs sont arri- 
vés, par l'injection de suc thyroïdien, à reproduire 
sur des chiens une sorte de goitre expérimental et 
quelques-uns des symptômes de la maladie de 
Basedow. Dans un but thérapeutique, MM. Ballet 
et Enriquez ont essayé les injections de sérum de 
chiens éthyroïdés, c'est-à-dire contenant, à la 
suite de la suppression de la glande thyroïde, un 
poison que l’hypersécrétion thyroïdienne des Base- 
dowiens passe pour devoir neutraliser. Ces essais, 
dans neuf cas, ont été suivis de bons résultats. 

Les lentatives thérapeutiques dirigées contre la 
maladie de Basedow s'appuient presque toutes sur 
l'emploi du corps thyroïde même. M. Jules Voisin 
a cilé des observations intéressantes de malades 
trailés par ingestion de corps thyroïde; MM. Taty 
et Guérin par l'ingestion de thymus. MM. Bruns 
‘de Tubingue), Kocher s'accordent à dire que l'in- 
gestion thyroïdienne ne donne pas de résultals 
dans les goitres kystiques ou colloïdes; mais 
même dans le goitre endémique, pourvu qu'il n'ait 
pas subi les dégénérations précilées, ils ont eu 
des régressions assez marquées. M. Gaide, dans 
une série d'expériences poursuivies en Savoie, à 
pu déterminer, par l'ingestion thyroïdienne chez 
des goitreux simples et même des crétins goi- 
treux, une amélioration sensible. 

Ce n’est pas seulement dans les affections thy- 
roïdiennes que ce traitement a été institué. La thy- 
roïdine a été employée dans des circonstances très 
diverses, dans certaines maladies mentales, contre 
l'obésité et surtout pour améliorer des dermatoses 
rebelles. Wilson à traité un psoriasis généralisé, 
chez une femme, par l'ingestion quotidienne de 
3 grammes de thyroïdine pendant trois mois. Au 
bout de ce temps, la peau élait redevenue normale. 
Scatchard à employé avec succès les tablettes 
d'extrait thyroïdien contre le pityriasis rosé. Les 
essais d'Hallopeau, de Dubreuilh dans le psoriasis 


1052 


ont élé négatifs. Mossé, au contraire, a réussi 
dans le psoriasis, et temporairement amélioré 
divers autres malades. Thibierge eut des résultats 
inconstants dans le psoriasis. Jouina appliqué cette 
médication aux fibromes utérins. 

Dans ces traitements le corps thyroïde employé 
est celui du mouton ou du veau. Lans(de Berne) 
vient de montrer que celui du porc est également 
efficace. On peut ingérer le Lissu même, cru, ha- 
ché, élendu sur du pain. On fait aussi des ta- 
blettes d'extrait thyroïdien, de l'extrait glycériné. 
Fletcher Ingalli recommandait dernièrement l’em- 
ploi de la glande desséchée et administrée soit en 
injection hypodermique, soitpar la voie stomacale. 
Mikuliez a obtenu avec le thymus des améliora- 
tions nolables dans la maladie de Basedow : il est 


à signaler que l'ingestion du thymus frais de mou- 


ton ne détermine ni l’amaigrissement ni l'affaiblis- 
sement que provoque le plus souvent l’ingestion 
du corps thyroïde. 

C'est que la médicalion (hyroïdienne ne va pas 
toujours sans inconvénients. M. Béclère en a 
montré les dangers, la production de la mort 
subite par syncope après un traitement mème 
relativement court. L'apparition de la glycosurie, 
à la suite d'ingestion de tablettes de thyroïdine, 
ayant amené la guérison d'un myxædème, a élé 
signalée par Ewald. Il est acquis que le sue thyroï- 
dien en injections sous-cutanées de 0 gr. 50 à 
1 gramme, ou le Lissu de la glande pris par la 
voie stomacale, détermine un amaigrissement con- 
sidérable. Ce faitest surtoutremarquable chez cer- 
tains obèses (Charrin, Roger, Gley). Cet amaigris- 
sement s'arrête dès que l’on suspend le traitement. 

La médicalion thyroïdienne semble, dans un 
grand nombre de cas, cesser ses effets dès qu'elle 
n'est plus suivie. Aussi l'intérêt thérapeutique 
reste-t-il, pour une grande part, au traitement 
chirurgical dela maladie de Basedow. Il consiste 
en l'extirpation partielle de la glande thyroïde, par- 
lielle pour éviter la cachexie strumiprive consé- 
cutive. L'exothyropexie, la fixation à l'extérieur du 
corps thyroïde hypertrophié, préconisée par Poncet 
etJaboulay, estencore à l'étude. La ligature des qua- 
tre artères thyroïdiennes des deux côtés et en deux 
séances éloignées est estimée par certains chirur- 
giens, dont Kocher et Treudelenburg (de Bonn. 

Citons encore les cas curieux où le goitre exoph- 
lalmique s’est amendé ou à guéri après des opé- 
rations pratiquées sur des organes sans connexions 
apparentes avec le corps thyroïde : après la cau- 
lérisation de la muqueuse nasale (Henk, Franckel), 
l'extirpation des polypes du nez(Hopmann), l’exci- 
sion d’un cornet (Musehold), après le traitement 
d’une maladie intestinale (Federn), d'un rein 
mobile, etc. 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


Dans le myxœdème la médication thyroïdienne 
a donné des résultats importants, car ils sont 


presque constants et rapides. Ils ont été l’occasion 


de recherches intéressantes sur le sang.des myxæ- 
démateux. Ainsi MM. Lebreton et Vaquez ont pu 
examiner les modifications du sang chezun myxæ- 
démateux en traitement. Ils ont constaté une 
augmentation du nombre des globules rouges et 
un retour de l'hématie à ses dimensions normales, 
alors qu’elles étaient augmentées avant le traite- 
ment. Les globules blancs sont également plus 
nombreux. La leucocytose chez ces malades est 
caractérisée par la présence de grandes cellules 
mononucléaires, dont le noyau est pâle et fixe peu 
la matière colorante. D'autre part, Masoin à 
montré que le sang des myxædémaleux élail 
moins chargé d’oxyhémoglobine que le sang nor- 
mal. Après le traitement lhyroïdien, la quantité 
d’oxyhémoglobine augmente, sans toutefois al- 
eindre la teneur du sang normal. Des consta- 


lations analogues ont été failes par Albertoni et : 


Tizzoni après l'exlirpation du corps thyroïde : 
l'oxyhémoglobine diminue dans le sang des ani- 
maux éthyroïdés. Cet abaissement est évalué de 
3°/, à 17 °/,. Ce fait n’est toutefois pas constant: 
car Weber sur les chiensa constaté, après l’ablation 
de la glande, un taux normal d’hémeglobine. 

Les désordres qu'amène chez les animaux la 
suppression du corps thyroïde sont bien connus. 
Comme expériences récentes, celles de Lanz sur 
le pouvoir procréateur des animaux éthyroïdés 
sont à signaler. Les poules privées de corps 
thyroïde deviennent stériles en peu de temps. 
Au contraire, l’ingestion quotidienne de corps 
thyroïde augmente la ponte, maisl'auteur n'indique 
pas la fécondité des œufs ainsi produits. Les 
lapines hyperthyroïdées donnent naissance à des 
petits dont le développement ne tarde pas à péri- 
cliter et qui finissent par présenter de la parésie 
des membres postérieurs. 


IT. — DraAbère. 


Cette question suscile de constantes recherches. 
Chaque année, elle s'enrichit de nouveaux faits. 
Ceux-ci aboutissent, comme il arrive sur beaucoup 
d’autres points, à des résullats d'apparence con- 
tradictoire, mais qui sont d'une haute utilité et 
altendent comme matériaux de classement leur 
emploi dans l'œuvre définilive. 

La caractéristique du diabète est la présence 
permanente de la glycose dans l'urine. La glyco- 
surie dérive directement d'une teneur trop grande 
du sang en sucre. Celle hyperglycémie provient 
elle-même d'une formation excessive de glycose 
dans l’économie. Il est normal que le sang con- 
tienne une certaine proportion de sucre. Celui-ci 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


1053 


. est employé par la nutrition intime des tissus. Au 
fur et à mesure qu'il est dépensé, il s’en reforme 
de nouveau. L'équilibre, à l’état normal, se main- 
tient entre ces deux actes. Tous les tissus consom- 

- ment de la glycose, surtout quand ils sont en état 

_ d’aclivilé. C’est le foie qui débite la ration propor- 

. tionnelle de sucre qui leur est nécessaire. 

Deux théories sont en présence pour expliquer 


l'hyperglycémie. Suivant l’une, il y a trop de sucre | 


dans le sang, parce qu'il s’en forme trop au 
niveau du foie ; suivant l’autre, parce qu'il ne s'en 
consomme pas assez au niveau des tissus. 

Les expériences de Chauveau et Kauffmann 
prouvent que l’hyperglycémie est toujours due à 
un trouble de la fonction glycogénique détermi- 
nant la formation du sucre en excès. On sait que 
la fonction glycogénique re se compose pas seu- 
lement du pouvoir qu’a le foie de transformer et 
de fixer le sucre, mais aussi d’une action pancréa- 
tique qui permet aux substances amylacées d’être 
saccharifiées, et qui favorise leur fixation par le 
parenchyme hépatique. Le pancréas a une double 
sécrétion : l’une intestinale, qui facilite la saccha- 
rification des matières amylacées et les prépare à 
être fixées par le foie; l’autre, sécrélion interne, 
modère le déversement du glycogène et en favo- 
rise l'accumulation. Loin d’être opposées, ces deux 
actions sont parallèles. Elles sont grossièrement 
comparables à la double action d’un flotteur auto- 
matique qui, en même temps qu'ilouvre la bouche 
d'entrée de l’eau destinée à remplir un réservoir, 
en ferme l’orifice de sortie. 

Il faut encore, dans le diabète, tenir compte 
d’un autre élément : le rôle du système nerveux 
est très important dans la production des troubles 
de la fonction glycogénique. La célèbre expérience 
de Claude Bernard, déterminant par la piqüre du 
plancher du quatrième ventricule cérébral l'hyper- 
glycémie et la glycosurie, en est une preuve sans 
réplique. Dans cet ordre d'idées, M. Kauffmann a 
produit des expériences fort intéressantes. Il a 
démontré que celte piqüre faite sur des chiens dont 
le foie et le pancréas ont été préalablement éner- 
vés, détermine des effets différents si l'expérience 
porte sur des chiens dépancréatisés, ou sur des 
chiens rendus glycosuriques. Sur les premiers, il 
n'y a aucun effet; sur les seconds, il y a accrois- 
sement de glycosurie. M. Kauffmann en conclut 
qu'à la suite de la piqûre du quatrième ventricule, 
le foie fonctionne plus activement et que le sang 
lui apporte en excès des substances propres à être 
transformées en sucre et dont la surproduction est 
due à une histolyse exagérée. 

M. Thiroloix, de son côté, a fait des expériences 
différentes des précédentes, mais comportant des 
résultats généraux semblables. Pratiquant la sec- 


tion des nerfs du foie et des nerfs du pancréas, il 
vit qu'elle ne suffisait pas à déterminer la glyco- 
surie. Sur un animal ainsi préparé, celle-ci s'éta- 
blit si l’on extirpe le pancréas. Cette glycosurie 
est même plus grave que celle que produit l’abla- 
tion simple du pancréas entier. Mais, conrme elle, 
la greffe pancréatique la fait disparaiire. 

Dans toutes ces recherches, l’action dominante 
semble devoir être attribuée à la cellule pancréa- 
tique elle-même. L'expérience de Minkowski, ré- 
pélée par Hedon, Gley, Thiroloix, étc., esl reslée 
irréfutable : l’extirpation totale du pancréas a pour 
conséquence la glycosurie. Thiroloix, en atro- 
phiant le pancréas par divers procédés, a obtenu 
les mêmes effets; mais ceux-ci ne surviennent que 
si l’atrophie est complète. S'il reste quelque peu 
de la glande sécrétante, cette partie minime s'op- 
pose à l'établissement de la glycosurie. C'est pro- 
bablement ainsi qu’il faut expliquer l'absence de 
glycosurie dans les faits signalés par Mouret et 
autres. Mouret, après avoir injecté de l'huile dans le 
canal de Wirsung et lié ce canal, a déterminé de la 
sclérose pancréatique, des dégénérescences de l'épi- 
thélium glandulaire, de la dilatation des vaisseaux 
sans que ces lésions fussent suivies de diabète. 

M. Lépine, continuant ses recherches sur le fer- 
ment glycolytique, lrouva que la diastase saccha- 
rifiante produite par le pancréas perd, par l’acidi- 
fication au moyen de l'acide sulfurique dilué, son 
pouvoir saccharifiant, et prend, au contraire, des 
propriétés glycolytiques. En outre, pendant que 
le pancréas, par une excitation périphérique du 
vague, produit la diastase saccharifiante, le sang 
de la veine pancréatique ne possède qu'un pouvoir 
glycolytique insignifiant. Il y aurait donc une sorte 
de balancement entre la sécrétion externe {sac- 
charifiante) du pancréas et la sécrétion interne 
(glycolytique). M. Lépine, par hydratation de la 
diastase du maltde l’amylase, a obtenu un ferment 
glycolytique et il l’a ingénieusement expérimenté 
dans le traitement du diabète. Ses observations, 
où sont notées les quantités d'urée et de sucre uri- 
naire obtenues sous l'influence de ce ferment, sont 
dignes d'attention. 

M. Lépine a insisté sur la disproportion qui 
existe, dans certains cas, entre l’hyperglycémie 
et la glycosurie. De la teneur d’une urine en sucre 
on ne peut nullement induire la surcharge du 
sang en sucre. L'hyperglycémie semble seulement 
être en raison inverse de la polyurie, ce qui est 
logique. La mème loi peut, d’ailleurs, s'appliquer 
à presque toutes les substances trouvées dans l’u- 
rine (albumine, acide urique, etc.). 

Etant donné le courant des idées acluelles, il 
élait ralionnel d'essayer, dans letraitement du dia- 
bête, l'ingestion de suc ou de tissu pancréatique. 


1054 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


L'expérience a été faile par M.Grube de Neuenahr. 
Il a employé de préférence l'extrait alcoolique de 
pancréas de bœuf. Les résultats ont élé nuls sur la 
glvcosurie même, mais ce traitement semble avoir 
eu une influence favorable sur lestroubles dyspep- 
tiques et la constipalion. 

M. Aussel, ayant d'abord expérimenté sur des 
chiens qui avaient subi l’extirpation du pancréas 
el ayant vu que l'ingestion de pancréas de veau 
faisait disparaitre la glvcosurie, soumit un diabé- 
tique au même lraitement el réussit à maintenir 
la disparilion du sucre el l'état normal des urines. 

Signalons encore l'intéressantessai de M. Cassael 
surla levure de bière employée comme médicament 
antidiabétique. La dose quotidienne de 50 grammes 
de levure de bière a amené une amélioration no- 


table dans l’état de quelques malades déjà arrivés : 


à la période cachectique ou atteints de tuberculose. 
IV. — GOUTTE 


Celte affection si commune est, en général, délais- 
sée dans les recherches des pathologistes. La cause 
en est à sa rareté relative dans les milieux hospi- 
laliers. 

Les (travaux récents faits sur ce sujet nous vien- 
nent surtout de l'étranger. La déclaration de van 
Noorden que l'allération des tissus, dansla goutte, 
ne serait pas due à l’acide urique, mais à un fer- 
ment spécial inconnu, est de nature à bouleverser 
les idées régnantes sur la goutte. Nous ne pouvons 
que la signaler, sans y insister, puisqu’aucune dé 
monstralion précise n’a jusqu'ici été donnée du 
bien-fondé de cette hypothèse. Il est à remarquer 
toutefois qu'avant la découverte de l'acide urique 
et l'établissement des théories chimiques qui domi- 
nent la pathogénie de la goutte, les anciens assi- 
milaient cette affection aux « fièvres » et que 
Boerhaave la Lenail pour contagieuse. 

F. Levison, dans un travail récent, reprend l’an- 
cienne conception de la rétention urique. Pour lui, 
la goutte tiendrait plutôt à une rélention de l'acide 
urique dans le sang qu'à une hyperproduction de 
cel acide. Il ne resterait dans l'organisme qu'à 
cause de l’altération des reins. Les lésions rénales 
sont constantes dans la goutte, les accidents ne 
surviennent qu'après que le rein malade est devenu 
imperméable à l'acide urique. Levison trouve un 
appui dans cerlaius faits cliniques inconteslables : 
il montre les intoxications, le salurnisme par 
exemple, agissant sur le rein et finissant par déter- 
miner la goutte; il dil que les urines des goutteux 
renferment en général moins d'acide urique que 
celles des individus sains, ce qui est vrai dans cer- 
laines phases de la maladie. Mais ces interprétations 
ne constituent pas des preuves irréfutables. 

Plus importants et plus sûrs sont les résultats 


obtenus par G. Klemperer. Ils confirment ce que 
nous savons de l'excrétion de l'acide urique dans 
la goutte : elle est lantôt augmentée, tantôt dimi-. 
nuée; mais, landis que chez les individus sains on 
ne constate dans le sang que des traces d’acideuri- 
que, chez les goutteux l'excès d'acide urique est 
constant dans le plasma sanguin. 

Il ne faut pas croire toutefois que ce soit là un 
signe réellement pathognomonique : car, dans 
d'autres maladies, dans laleucémie, ce même excès 
existe. De plus, il n'y a pas de rapport entre l'uri- 
cémie et l'acide urique contenu dans l'urine: l’uri- 
cémie ne coïncide même pas d'une façon absolue 
avec les accès de goutte. 

Les expériences fort instructives de G. Klem- 
perer ont montré que, malgré la surcharge urique 
du sang des goutteux, celui-ci n’est jamais à salu- 
ralion, et qu'il peul encore dissoudre plus d'acide 
urique qu'i n'en contient. Il y a donc autre chose 
qu'un acte chimique simple. Klemperer croil 
que le processus nécrosique estle premier en dale 
et que l'acide urique est fixé par lui :ceserait donc 
la confirmalion des vues d'Ebstein qui pense que 
le dépôt d'acide urique est précédé d'une altéra- 
lion musculaire du cartilage, altération surtout 
appréciable par l'examen du tissu à la lumière 
polarisée. Klemperer fail de même justice de la 
suralcalinilé du sang. 

Sang trop riche en acide urique, nécrose des 
Lissus sont deux faits cerlains. Sont-ils sous la dé- 
pendance immédiate l’un de l'autre ? On vient de 
le voir, nous ne pouvons l'aflirmer. Sont-ils tous 
deux causés par un processus dominant, encore 
inconnu? La question soulevée par van Noorden 
vient là se poser à l'esprit. 

À part l'emploi du salicylate de strontium pré- 
conisé par Wood à la dose de 0 gr. 60 à 1 gramme 
dans la goutte chronique avec troubles digestifs, 
aucune thérapeutique nouvelle n’a élé employée 
avec salisfaction contre la goutte. On cherche tou- 
jours à modifier le milieu sanguin et à déterminer 
la solubilité des sels uriques circulant dans l'orga- 
nisme, comme Nicolaïer el Bardet l'ont fait avec 
l'urotropine. Mais celle méthode est illusoire; et, 
si elle étailralionnelle autrefois, conforme aux con- 
ceplions d'alors, elle perd de jour en jour sa raison 
d'être. 

V. — CANCER 

La question de l'origine du cancer est loujours 
pendante. On sail que, pourles uns, le cancer se- 
rail parasilaire, dû à un agent figuré encore mal 
déterminé; pour les autres, ilrésullerait d'une dévia- 
tion dans l'évolution de certains tissus sous l’action 
d'une cause ignorée, d’une prolifération désor- 
donnée elatypique de certains éléments cellulaires. 
Le système nerveux liendrait sous sa dépendance 


D: A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


le processus morbide. Il est intéressant d’enregis- 
trer les recherches qui ont été faites récemment 


_ dans ces deux sens, 


/ 


Jusqu'ici on a décrit dansle cancer des éléments 
figurés, sur la valeur desquels l'accord est loin d’être 
universel. On y a vu des figures coccidiennes, des 
sporozoaires (Malassez, Albarran, Darier, Thoma, 
Soudakewitch, Jurgens, Foa, etc.), des corpuscules 
de Russell, des cellules de morphologie spéciale et 


-de réactions colorées variables, des corps qui ne 


: 


seraient que des formes de dégénération cellulaire 
(Cornil, Cazin). M. Fabre-Domergue a consacré 
un lravail à l'explication de ces formes cellulaires 
et à la réfutation de leur nature parasitaire. Bref, 


les études de ces divers corps, tant micrographiques 
! ) Srapniqt 


qu'expérimentales, n'ont pu aboutir à une preuve 
pleinement démonstralive du parasilisme du can- 
cer. Toutefois, les expériences d’inoculabilité du 
cancer fournissent des faits curieux. Les tentatives 
d'inoculation du cancer d'un genre animal à un 
aulre genre ont été infructueuses; les essais n’ont 
élé positifs que sur des animaux de même race; de 
chien à chien, de souris à souris. Quant à la greffe 
vancéreuse chez l'homme, elle n’a été obtenue que 
sur l'individu même quiétait porteur delanéoplasie. 

Les tentatives thérapeutiques ont été multipliées. 
Elles sont de deux ordres : les unes recherchent 
la guérison du cancer par l'injection des toxines 
microbiennes ; les autres par la sérothérapie. 

La marche de certaines Llumeurs malignes ayant 
semblé avoir été favorablement influencée par 
l'apparition fortuite d’un érysipèle, on essaya de 


_ réaliser artificiellement cette donnée. Friedreich 


injecla des toxines provenant des cultures de di- 
xerses bactéries et surtout du streptocoque. Les 
résullals ont été nuls sur les carcinomes; sur les 
sarcomes, une seule fois l'expérience a amené une 
amélioration de l'état général du sujet, mais non 
une régression vraie de la tumeur. Kocher, recou- 
rant au même procédé, a vu la mort survenir après 
une diminution passagère du néoplasme. Enfin, 
Coley a imaginé un procédé qui consiste à injecter 
des cultures sur bouillon du streptocoque érysipé- 
laleux, chauffées à 100°, filtrées et addilionnées 
d’autres toxines issues de cultures du Bucillus prodli- 
yiosus. Les expériences ne sont pas concluantes : il 
sembleraitseulementqueces méthodesseraientplus 
aclives à l'égard des sarcomes que des carcinomes. 

On a pensé augmenter les chances de succès et 
diminuerles dangers des inoculatious en employant 
non les produits issus des cullures, mais le sérum 
d'animaux inoculés avec le streptocoque de l’éry- 
sipèle. Ce sérum, entre les mains d'Emmerich et 
Scholl, aurait donné des résultats remarquables 
dans des récidives post-opératoires de cancer du 
sein. Par contre, ce même sérum a élé non seule- 


ment inefficace, mais encore toxique chez certains 
malades à qui Bruns l'avait injecté. D'ailleurs, il peut 
rester dans ce sérum, par suile d'erreurs de prépa- 
ration faciles à commettre, des streptocoques viru- 
lents: témoin ce cas de Freymuth, qui, se servant 
du sérum d’Emmerich et Scholl, donna au malade 
qu'il traitait pour un cancer de la langue un éry- 
sipèle vrai, qui se transmit à la femme du patient. 

MM. Richet et Héricourt emploient un autre 
procédé. Ils s'adressent au sérum anticancéreux 
vrai obtenu par l'injection de suc cancéreux aux 
animaux. Leursexpériences, par lasurprise qu'elles 
ont causée, méritent d’être relatées. Un ostéosar- 
come de la jambe ayant été opéré, on injecta le 
suc de la tumeur broyée à un âne et à deux chiens, 
qui ne présentèrent aucune réaction et sur qui on 
préleva ensuite une certaine quantité de sérum. Ce 
sérum fut injecté à une malade de M. le Professeur 
Terrier, qui portait une tumeur récidivée d’appa- 
rence fibrosarcomaleuse, dont le développement 
devenait menaçant. Après une dose totale de 
120°° de sérum, la tumeur s’élait réduite des deux 
liers, ne formant plus qu'une plaque d’induration : 
concurremment l'élat général s'améliora. 

Ce même traitement fut appliqué à un malade 
de M. Reclus, portant une lumeur de la région 
stomacale. L'amélioration fut telle qu'elle dépassa 
tout espoir, si bien qu'on pensa avoir fait une 
erreur de diagnostic. 

Usant d’un procédé analogue, M. Boureau aurait 
obtenu, dans sept cas, non des guérisons, mais des 
améliorations notables dans l’état des malades. 

Tous ces essais sont trop récents, trop rares 
pour qu'on puisse en tirer une conclusion sérieuse. 

Terminons par les intéressantes communications 
de M. Delbet. Cet auteur proposé de substituer à la 
sérothérapie qui n’emploie que le sérum seul, c'esl- 
à-dire une humeur privée de certaines parties 
essentielles du sang, l’hémothérapie, qui uliliserail 
le sang complet. L'injection du sang brut ayant 
des inconvénients Lirés de son défaut de conserva- 
lion et de sa coagulation, M. Delbet y pare en s’op- 
posant à celle dernière par la précipilalion des 
sels de chaux au moyen de l’oxalale de soude. Le 
sang conserve alors sa fluidité ; il n’est privé 
ni de sa fibrine, ni d'une partie de ses malières 
albuminoïdes, et l’on peut, malgré la présence des 
oxalates, l’injecter sans danger. Le procédé per- 
mettrait, en outre, d'employer, suivant les circons- 
lances, soit le sang Lotal avec des globules rouges 
cl blanes (hémothérapie), soit le sang débarrassé 
par décantalion de ses éléments figurés (plasma- 
thérapie).M. Delbetautilisé celte méthode pour trai- 
ter un lymphadénome ganglionnaire généralisé 
avec le sang d’un chien préalablement inoculé. 

D' A. Létienne. 


1056 


L'air comprimé, comme agent de transmission de la 
force motrice, a certes dans l’électricité une sérieuse 
concurrente, Cependant il semble être loin de dispa- 
raitre complètement, et son emploi est encore passa- 


blement répan- 
du, par exemple 
dans Pexploita- 
tion des tram- 
ways, dans les 
travaux de mi- 
nes. Aussi lé- 
tude des perfec- 
tionnements à 
apporter aux ap- 
pareils qu'il u- 
ülise est - elle 
toujours ardem- 
ment poursuivie 
par quelques in- 
génieurs. Nous 
citerons aujour- 
d'hui un nou- 
veau type de 
compresseur 
d'air faquelle 
principe d’après 
lequel il est 
construit rend 
très intéressant, 

Letravail pro- 
duit quand Île 
piston d’une ma- 
chine à vapeur 
se déplace d’une 
quantité donnée 
est plus grand 
au commence - 
ment qu'à la fin 
de Ja course. 
En effet, ce ira- 
vail est repré- 
senté par le pro- 
duit P.S.d,—P 
étant la pres- 
sion de la va- 
peur, S la sur- 
face du piston, 
d le déplace- 
ment. Or, à par- 
tir du moment 
où commence la 
détente , P dé- 
croit continuel- 
lement. Au con- 
traire, lorsqu'on 
comprime de 
l'air, la pression 
croit de plus en 
plus pendant 
une course du 


piston, et le travail dépensé, correspondant à un certain 
déplacement, progresse de la même facon. Il n’est donc 
pas possible, quand les deux pistons sont directement 
reliés l’un à l'autre, d’équilibrer à chaque instant le tra- 
vail produit et le travail dépensé. La même particularité 
se présente dans les machines à vapeur ordinaires; mais 
alors la différence est plus faible que dans notre cas, 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


ACTUALITÉS 
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


UN NOUVEAU TYPE DE COMPRESSEUR D'AIR 


dE 


(l CU ge LL sn in] 
——_—_—_— 


1 
NL LH 


LORS SERRES 
——_— 
l'Hperr | 


Fig. 2. — Représentalion du mouvement combiné du piston à vapeur el du piston à 
air.—Y, cylindre à vapeur; au-dessous, U, cylindre à air; 1, tige du piston à vapeur; 
H, tige du piston à air; À, levier de manœuvre; D, E, points fixes: B, C, petites 
üges reliant le levier À aux points fixes D, E; F, G, points où les tiges B, C, 
s’articulent au levier A. — A droite de la fiture, le dessin en traits pleins repré- 
sente une position extrème du piston; le dessin en traits tirés, la position con- 
traire. — Les lignes verticales dans les deux cylindres séparent des déplace- 
ments correspondants de leurs pistons, déplacements numérotés de 1 à 5. 


! American Machinist. Vol. 18, n° 26, 


puisque le travail dépensé est en général à peu près 
constant pendant un tour de l'arbre. Il faut avoir 
recours, dans les compresseurs d’air, à des arlilices 
spéciaux : on emploie de très forts volants; on dispose 


plusieurs séries 
de pistons de 
manière à équi- 
librer, autant 
que possible, la 
somme des tra- 
vaux, ete, Mal- 
gré de telles pré- 
caulions,la mar- 
che de ces ma- 
chines est tou- 
jours assez irré- 
sulière. 

Dans le nou- 
veau type cons- 
truit par la New 
York Air Brake 

Company ! 
(fig.f), il n’y a 
pas de ces com- 
plications. On y 
trouve seule - 
ment un cylin- 
dre à vapeur or- 
dinaire , deux 
cylindres à air 
à simple effet et 
deux pelits vo- 
lants. L'équili- 
bre de travail 
est obtenu grà- 
ce à un mode 
ingénieux de 
liaison entre les 
tiges des diffé- 
rents pistons . 
Notre figure 2 
en donne le dé- 
tail. Iest la tige 
du piston du 
cylindre à va- 
peur V ;H, celle 
du piston du ey- 
lindre à air U, 
Si la première 
conduisait la 
seconde au 
moyen d’un le- 
vier oscillant 
autour d’un 
point fixe, la vi- 
tesse du piston 
à vapeur serail 
dans un rapport 
invariable avec 
celle du piston 


compresseur et nous n’aurions aucun équilibre entre le 
travail de l’un et celui de l’autre. Soient S etsles sections 
des deux pistons et à un moment donné V etv leurs vi- 
tesses respectives; P, la pression de la vapeur, p celle de 
l'air. Si nous écrivons que le travail produit est égal an 
ETS en LE NO ENUT GRR RE Er A NS 


: 
ñ 
“ 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 1057 


— trafail dépensé, nous obtenons :S.V.P=—svp. Supposons, | simple, peu coûteux, peu encombrant et dont la régu- 
CA AA | larité de marche ne laisse pas à désirer. 

Il nous reste à montrer comment varient les centres 
de rotation successifs du levier A de la figure 2. Ce 


r simplifier, S — 5; il reste : VP = vp, ou v E: 


s à P, | levier peut être représenté schématiquement par le 
. Par conséquent, pour que l'équilibre fût parfait, il fau- |! quadrilatère ABGF (fig. #), relié aux pointsfixes DetE 
rait que le par deux barres 


rigides FD et 
GE, articulées 
avec lui en Fet 
G. Ces deux der- 
niers points peu- 
vent donc dé- 
crire respecti - 
vementune Cir- 
conférence au- 
tour de D et de 


ipport des vi- 
_tesses fût tou- 
jours en raison 
inverse du rap- 
&. 


port des pres- 
… sions. C’est ce 
_ que l’on a cher- 
_ ché à réaliser 
_ aussi approxi - 
_ mativement que 


NII III 


772 
4 


CZ 


72277) 
Tai 


Z 


(27 


772 


ÿ 


LIL 


_ possible dans | B——— Ô ne |/ E. Les quantités 
Vexemple qui ou féermuirf | D - À, dns" #Aee rw dont se dépla- 
| nous occupe au- É EL RE Fam :/h7" cent les pistons 


? jourd’hui. Pour 


. cela, le levier A, “I 
qui réunit les 
deux tigesIetH 


du compresseur 
sont à chaque 
instant propor- 
tionnelles aux 


2 
RÉ 


Ar 
= SN AM 


. (fix. 2), est relié A : F B projections -des 
à deux points Fig. 3. — Coupe du compresseur. —C, cylindre à vapeur; À,B, cylindresäair;p,q, Yitesses des 
fixes D et E au pistons des cylindres à air; w, 0, soupäpe d'entrée de l'air dans les cylindres; sommets A et B 
moyen de deux s, L, soupapes d'entrée de l'air dans leréservoir; 4; b, leviers de manœuvre. sur une droite 

etits bras mo- parallèle à leurs 


iles, B et C, articulés avec lui en F et G. Nous montre- | tiges, et c’est la loi de variation du rapport de ces quan- 
rons tout à l’heure que, par suite d’une telle dispo- | tités qu'il nous faudrait chercher. Le problème ainsi 
sition, le rapport des vitesses des deux extrémités du | présenté est passablement long et ce serait sortir de 
levier À varie constamment et suivant une loi que l’on | notre cadre que d’en exposer la solution complète. Nous 
peut déterminer à l'avance. Divisons la course totale | essaierons seulement de prévoir les résultats qu’elle 
du piston à vapeur en 5 parties égales marquées 1, 2, | donnerait. Dans une figure en mouvement, les différents 
3, 4, 5 sur la figure 2; nous | points ont des vitesses proportionnelles à leur distance 
avons, avec les dimensions | au centre instantané de rotation. Ilest doncutile d’obte- 
des organes adoptées dans | nir le lieu de celui-ci, rapporté au plan du quadrilatère 
notre cas, des courses corres- | ABGF (fig. 4). Soit (fig. 5) fg une position du côté 
pondantes du piston compres- | FG de la figure 4. Le centre instantané de rotation se 
seur qui sont inégales; on | trouve à la rencontre des normales menées par deux 
les a marquées des mêmes | points quelconques aux courbes décrites par ces 
nombres 1, 2, 3, 4, 5. On voit | points dans leur mouvement. Ce sont, pour f'et g, les 
que plus la pression de la | prolongements des rayons fD et g E. Nous obtenons 
vapeur est forte, plus le pis- | ainsi le point 0. Considérons la position ab pour 
ton du second cylindre mar- | laquelle la droite est venue 

che vite par rapport à celui | dans le prolongement du 

du premier cylindre,et réci- | rayon b E. Le point 0 est 

proquement. On n'arrive évi- | alors en f. Il viendrait de 


A 


demment pas à l'équilibre | même en d pour une position D 
parfait, mais on s’en rappro- | de, telle que la droite pro- È A 
che suffisamment pour ren- | longe le rayon D. Si, pour / 
dre la marche de la machine | toutesles positions comprises ANT 
assez régulière avec deux | entre a b et de, nous cher- ‘7 f--. 
petits volants. chons aiusi le centre instan- ° 
= > ; La figure 3 montre la dis- | tané de rotation et que nous 
Fig. #. — Représentation Losition du compresseur com- | le reportions sur la figure 4, 


o 
chématique des liaisons : RE 3 
da “HSE de ln ire > plet. Les cylindres à air À et | nous obtiendrons une courbe 


— Lelevier Adelafigure> B sont placés à la base, Ils | semblable à F O G. Lorsque 
est représenté dans cette Sont tous deux à simple effet | le point O se déplace sur 
figure par le quadrilatère et, dans leur ensemble, ils 
ABGF. I1 est relié aux jouent le rôle d'un seul cy- | cette courbe, le rapport — 
deux points fixes D et E Jindre à double effet. Mais 98 
Mere dsbarres pes leurs pistons, grâce aux deux | dont est fonction le rapport RE 
traits mixtes FOG donne leviers articulés a etb,ont des | des déplacements des pistons mobile FG de lu 
le lieu des centresinstan- Mouvements absolument in- | du compresseur, varie d'une figure 4. — Les positions 
tanés de rotation du qua- dépendants, Une enveloppe | manière continue entre des successives du côté FG 
drilatère AFGB;,rapporté d’eau froide ies entoure com- | valeurs qu'il est facile de dé- sont représentés ici par 
au plan dece quadrilatère. plètement, sauf aux endroits | terminer. En modifiant les ab, gf, cd. 
où, dans les fonds, on a logé | dimensions du quadrilatère A 
les soupapes s et { donnant passage à l’air lors de son | BGF, les longueurs FD et GE, la distance entre les cen- 
entrée dans le réservoir. Les soupapes ” et 0, servant | tres Det E,etc., on peut obtenir la loi de variation dé- 
à l'entrée de l'air extérieur dans le cylindre, ontété pla- | sirée ou tout au moins s’en rapprocher d’une manière 
cées sur les pistons p et q. À la partie supérieure du | absolument satisfaisante. 
compresseur, se trouve une petite machine à vapeur Le compresseur de la New-York Brake Air C° offre 
ordinaire dont le cylindre est en C. La figure 1 donne | donc une intéressante application de la Géométrie 
une vue de l’ensemble. On a en somme un appareil | pure à la Mécanique pratique, A. Gay. 


1058 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques. 


Cousin (Pierre), Ancien Elève de l'Ecole Normale 
Supérieure, Professeur au Lycée de Caen. — Sur les 
Fonctions de x variables complexes. (Thèse de 
la Faculté des Sciences de Paris.) — Extrait des Acta 
Mathemalica, Stockholm, Central-Tryckeriet, 1895. 


Le développement d’une fonction y, de n variables 
complexes æ, 41, ..., In —1, en série S, procédant sui- 
vant les puissances entières et positives des x, sert sur- 
tout à établir l’existence de y, considérée, par exemple, 
comme intégrale d’un certain système d'équations dif- 
férentielles. Mais étudier les propriétés de y sur Selle- 


même, c’est en général très malaisé. Pourn — 1, la. 


question est relativement avancée, grâce aux travaux 
notamment de MM. Mittag-Leffler, Weierstrass, Poin- 
caré... On sait construire S de facon à attribuer à y 
certaines propriétés choisies à l'avance, à fixer par 
exemple les zéros de y (valeurs de + où y est nulle); 
on sait quelquefois reconnaitre que S est le quotient 
de deuxautres séries... Pour n — 2 plusieurs résul- 
tats importants ont été obtenus par M. Poincaré. 
M. Cousin s'occupe de les étendre àäun nombre x quel- 
conque. 

Toute la thèse est la démonstration d’un théorème 
unique; l’analyser est impossible. On n’a le choix 
qu'entre une reproduclion presque complète, qui ne 
saurait trouver place ici, et un résumé de quelques 
lignes,dont je dois, à mon grand regret, me contenter. 

Une fonction y peut avoir des « pôles » où elle est 
infinie et des « singularités essentielles » où lesallures 
de y sont plus compliquées. Tout cela est bien connu. 
Rappelons aussi qu'une variable complexe # « est si- 
tuée à l’intérieur d’un cercle ayant l’origine pour centre 
et R pour rayon », lorsque le module de # est infé- 
rieur à R. 

Le théorème suivant est dù à M. Poincaré : « Si une 
« fonction analytique de deux variables complexes n'ad- 
« met, à distance finie, que des singularités non essen- 
«tielles, elle est le quotient de deux fonctions entiè- 
« res.» Il est généralisé par M, Cousin ainsi qu'il suit : 
« Si une fonction de » variables complexes n’admet 
« que des singularités non essentielles à l’intérieur de 
«n cercles, ayant pour centres les n origines et dont 
«chacun a un rayon fini ou infini, cette fonction est le 
« quotient de deux Séries entières par rapport aux 
« n variables, convergentes à l'intérieur des n cercles, » 

Voilà, àcause des nombreuses applications possibles, 
une importante contribution à la théorie des fonctions 
et une excellente thèse. Léon AUToNxE. 


Wirtinger (Wilhelm), Professeur à l'Université 
d'Innsbruck, — Untersuchungen uber Thetafune- 
tionen. — 1 vol. in-4° de VIII-125 pages. (Prix : 


11 fr. 25.) B. G. Teubner, éditeur, Leipzig, 1895. 

Le trait caractéristique de l'ouvrage est la représen- 
talion des fonctions 6 par des séries infinies ; l’auteur 
a renoncé à les étudier en les considérant comme un 
cas particulier des fonctions périodiques générales de 
degré 2 n. 

L'ouvrage est divisé en deux parties. La première, 
consacrée aux fonctions $ en général, contient, après 
quelques remarques sur la notation employée et l’ex- 
position des plus importants théorèmes sur les rela- 
tions qui existent entre les fonctions 6, la théorie d’une 
figure algébrique de p dimensions dans un espace à 
2P— 1 dimensions, figure qui peut-être considérée 
comme le cas le plus général des surfaces de Kummer. 

Dans la seconde partie, l’auteur étudie les figures 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


algébriques les plus facilement abordables et suffisam- 
ment générales dont les fonctions 6 de Riemann se dé- 
composent en facteurs après une tranformation, el 
l'équation qui comporte le plus grand nombre de 
paramètres pour un de ces facteurs. 

Après quelques chapitres sur l'annulation des fonc- 
tions 6 et leur représentation algébrique, l’auteur ar- 
rive à celte conclusion importante : Les fonctions 9 de 
p variables considérées dans cet ouvrage sont, dans le 
cas de # ou 5 variables, les plus générales possibles : 
lorsque p > 5, elles dépendent de 3 p paramètres; elles 
sont donc de trois paramètres plus générales que les 
fonctions 6 de Riemann, qu’elles renferment comme 
cas limite. 2 L. B. 


2° Sciences physiques. 


XWitz (Aimé), Docteur ès sciences, Ingénieur des Arts 
et Manufactures, Professeur à la Faculté libre des 
Sciences de Lille. — Cours élémentaire de Mani- 
pulations de Physique.— 2° édition. — 1. vol. in-8° 
de?18 pages avec 77 fig. (Prix : 5 fr.) Gautluer-Vil- 
lars et fils, éditeurs. Paris, 1895. 

Ce volume n’est point, comme son titre pourrait le 
faire supposer, une réduction, à un point de vue plus 
élémentaire, de l’excellent Cours de Manipulations édité 
en 1883 et actuellement épuisé. 

En publiant cette nouvelle édition, M. Witz a pensé, 
avec raison, être utile à une certaine catégorie d'élèves 
en groupant dans un volume séparé un certain nombre 
de manipulations détachées de l’ensemble de l'Ouvrage 
et choisies en vue du cadre de leurs études : c’est ce 
volume qui vient de paraître sous le titre de Cours élé- 
mentaire et qui est spécialement destiné aux candidats 
à certaines écoles et au nouveau certificat des études 
physiques et naturelles. 

Mais, si les sujets des trente-sept manipulations 
réparties en dix chapitres que contient ce livre ont été 
choisies dans les parties relativement élémentaires de 
la Physique, chacune d'elles y est traitée avec autant 
de développements que dans l'ouvrage primitif. L'an- 
cienne rédaction, conservée dans son ensemble, à 
mème été complétée en différents points, notamment 
par des applications heureusement choisies pour in- 
téresser les élèves. 

Chaque manipulation est précédée d’une introduction 
théorique rappelant les formules qui devront être 
appliquées et généralement suffisante, malgré sa con- 
cision, pour permettre d'opérer sans recourir aux trai- 
tés. La description des instruments et le manuel opé- 
ratoire qui suivent, contiennent sans longueurs, mais 
avec la netteté et la clarté qui caractérisent l’Ouvrage, 
toutes les indications pratiques nécessaires pour 
mener les opérations à bonne fin; c’est surtout dans 
le choix et l'exposé de ces instructions que consiste la 
valeur d’un traité de manipulations; sous ce rapport il 
suffit d’un coup d'œil sur l'ouvrage de M. Witz pour y 
reconnaitre la main d’un professeur expérimenté et 
d’un habile praticien. 2 

Ce premier volume est, pour ainsi dire, l'introduction 
au second, qui contiendra les manipulations relatives 


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| 


aux parties plus élevées de la Physique; l’ensemble | 


formera donc un cours complet de manipulations, qui 
continuera à rendre, aux candidats à la licence et à 
ceux qui veulent pousser plus loin l'étude de la Phy- 


sique, les services qu'a déjà rendus l'édition de 1883; 


nous ne pouvons que souhaiter à la nouvelle édition 
le succès bien mérité de celle qui l’a précédée, 
E. H. AMaGar. 


D BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Limb (Claudius), Préparateur de Physique à la Faculté 
des Sciences de Paris. — Mesure directe des Forces 
éléctromotrices en unités absolues électroma- 
gnétiques, (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des 
sciences de Paris.) Gauthier-Villars et fils, éditeurs. 
Paris, 1895. ‘ 


La mesure absolue d’une force électromotrice se 
ramène le plus souvent à la mesure d'une résistance et 
. d’une intensité. M. Limb s’est proposé de comparer 
directement la force électromotrice inconnue à une 
force électromotrice d’induction dans un cas où celle- 
ci est calculable, 

Dans les expériences de l’auteur, cette force électro- 

motrice est produite par la rofation d’un aimant à 
l'intérieur d’une bobine longue ; la valeur maxima de 
la force électromotrice sinusoïdale ainsi produite sera, 
sauf de légères corrections, égale au produit par #7 du 
nombre des spires par unité de longueur sur la bobine, 
multiplié par le moment magnétique de l’aimant, 
multiplié encore par la vitesse angulaire de rotation. 
Pour connaître exactement le nombre de spires, on 
mesure le pas de la vis du tour, et l’on multiplie le 
nombre par la raison du train d’engrenages qui com- 
mandait cette vis au moment du filetage de la bobine, 
Le moment magnétique est déterminé par la méthode 
classique de Gauss; quant à la vitesse de rotation, on 
l’obtient en enregistrant simultanément sur le cylindre 
de l'appareil de Marey les tours de l’aimant, et les oscil- 
lations d’un pendule à seconde; on a pu, d’aillèurs, 
maintenir cette vitesse remarquablement constante au 
moyen d'un frein à ficelle en se guidant sur les indi- 
cations d’un tachymètre, dont le très ingénieux prin- 
cipe a été donné par M. Lippmann. La comparaison 
de la force électromotrice induite et de celle des élé- 
ments que l’on veut étalonner, se faisait à l'aide d’un 
-potentiomètre spécial habilement disposé. Avec l’ap- 
pareil utilisé, les forces électromotrices développées 
par induction étaient de l’ordre d’un demi-volt; l'au- 
teur indique qu'il serait facile, avec une bobine plus 
considérable, d'obtenir une valeur quatre ou cinq fois 
plus grande, et, par suite, une précision plus haute; 
mais de la discussion des expériences il ressort incon- 
testablement que les résultats sont déjà des plus sa- 
tisfaisants, les valeurs trouvées pour les éléments 
étudiés sont certainement exacts jusqu’au troisième 
chiffre décimal, ainsi les forces électromotrices à 0° 
sont1 volt#53 pour l’étalon Latimer Clark, 1 volt392 pour 
l’étalon Gouy; le volt employé ici est, bien entendu, 
le volt absolu, et non le volt légal. Ces nombres sont 
presque identiquement ceux que divers expérimenta- 
teurs avaient trouvés indirectement. 

Le travail de M. Limb est, pourrait-on dire, parfait; 
il est conduit avec une véritable autorité. Ge n'est 
certes point l'essai encore hésitant d'un débutant, mais 
bien l’œuvre assurée d’un expérimentateur consommé. 
Quelques personnes, à qui, sans doute, manquerait 
la persévérance nécessaire pour poursuivre sans dé- 
faillance un travail d'aussi Jongue haleine, pourraient 
être tentées de demander si l'intérêt, incontestable 
d’ailleurs, qu’il y avait à obtenir une évaluation directe 
des forces électromotrices confirmant les résultats 
déjà obtenus indirectement, était cependant assez 
puissant pour justifier un effort aussi considérable,et si 
le résultat atteint récompense suffisamment les années 
et le talent dépensés. A ces sceptiques, il serait aisé de 
répondre que le résultat principal n’a pas été le seul 
fruit du travail ; une foule de résultats, de détails ont 
été obtenus par surcroît : M. Limb a prodigué à chaque 
pas les idées Les plus heureuses. Citons, par exemple, 
de très importants perfectionnements apportés à la 
méthode de Gauss, une modification très avantageuse, 
universellement adoptée aujourd’hui, de l’électromètre 
Lippmann, la construction d’un potentiomètre com- 
mode et précis, etc.; et, certes, ce ne sont point là 
des résultats négligeables. 


Lucien Poincaré. 


3° Sciences naturelles. 


Jacob de Cordemoy (Hubert). — Recherches 
sur les Monocotylédones à accroissement secon- 
daire. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des 
Sciences de Paris.) — Un vol. in-8° de 108 pages, avec 3 
planches. Imprimerie Le Bigot, Lille, 1895. 


On sait que certaines plantes monocotylédones 
offrent, par exception, dans quelques-uns de leurs or- 
ganes, des tissus secondaires produits parun méristème 
à activité temporaire ou permanente. Ces plantes n’ont 
été l’objet d’aucun travail général. L’auteur de ce mé- 
moire s’est proposé de comparer le plus grand nombre 
de types possible, appartenant aux diverses familles qui 
présentent ces dispositions. Elles se rencontrent chez 
les Liliacées où elles sont fréquentes, chez les Ama- 
ryllidées, les Iridées et les Dioscoréacées où elles 
viennent d’être l’objet d’une étude très approfondie de 
la part de M. C. Queva. Il ne paraït pas que M. Jacob de 
Cordemoy ait eu l’occasion d'examiner aucune des Iri- 
dées frutescentes où l’on a signalé des formations se- 
condaires. 

La plupart des plantes examinées par l’auteur n’ont 
pas de formations secondaires dans leurs racines ; on 
y remarque seulement un grand développement du 
bois et du liber primaires, développés postérieurement 
à la différenciation des faisceaux primitifs, aux dépens 
de certaines cellules du tissu conjonctif central. Dans 
plusieurs espèces de Dracæna seulement, des forma- 
tions secondaires se produisent dans l’écorce; les fais- 
ceaux secondaires, corticaux, sont mis en relation avec 
les faisceaux primaires, grâce à une prolifération des 
cellules du péricycle qui forment, à travers l’endo- 
derme, des faisceaux d’union pourvus de trachéides. 

On doit distinguer deux types de tiges chez les Mo- 
nocotylédones à accroissement secondaire. Chez les 
Dracæna, Cordyline et Aloe, le parenchyme secondaire 
se lignifie, Ailleurs il reste mou, Le méristème qui 
produit l’ensemble des tissus secondaires est d’origine 
péricyclique. On connait le développement des fais- 
ceaux secondaires corticaux des Dracæna et des Yueca ; 
ils se composent de trachéides et de tissu libérien; 
dans les rhizomes des Dioscoréacées, il n‘y aurait pas 
de trachéides ; tous les faisceaux, primaires et secon- 
daires, y seraient construits sur le même type; ce se- 
raient des faisceaux libéro-ligneux normaux. Quand le 
parenchyme se lignifie, il constitue un organe de sou- 
tien pour la plante ; quand il reste mou, ses cellules se 
remplissent de substances de réserve. Quant aux fais- 
ceaux, partout où ils existent, ils remplissent les fonc- 
tions ordinaires de faisceaux et forment, en outre, la 
base d'insertion du système vasculaire des racines et 
de celui des bourgeons. L'auteur considère l'apparition 
des tissus secondaires chez les Monocotylédones comme 
un perfectionnement qui rapproche ces plantes de cer- 
taines familles Dicotylédones. 

Il n’y a de formations secondaires ni dans l'axe flo- 
rifère ni dans les feuilles. 

En ce qui concerne les Dioscorées, on comparera 
avec intérêt le travail que nous venons d'analyser à 
celui que M. C. Queva a consacré à ce sujet (Voy. Re- 
vue générale des Sciences, 1895, p. 861). C. FLAHAULT. 


Michotte (Félicien), — Traité scientifique et in- 
dustriel des plantes textiles. Supplément au 
tome III : L'ortie. — 1 vol. in-8° de 80 pages avec fig. 
(Prix 2 franes). Office technique. 21, rue Condorcet et 
J. Michelet, 25, quai des Grands-Augustins, éditeurs. 
Paris, 1895. 

L'auteur, continuant ses études sur les textiles d’o- 
rigine végétale, entreprend aujourd’hui la réhabilitation 
de l’Ortie; il montre quel parti pourraient en tirer l’a- 
griculture et lindustrie, Mais la routine est si puis- 
sante et la mauvaise réputation de cette malheureuse 
plante si bien établie que les louables efforts de l’auteur 
ne réussiront sans doute pas à vaincre des préjugés si 
fortement enracinés. 


1060 


Aubert (E.), Docteur ès sciences, Agrégé de l'Univer- 
sité, Professeur au Lycée Charlemagne. — Histoire 
naturelle des Etres vivants. Tome I : Anatomie 
et Physiologie animales et végétales. 1 vol. in-8° 
de 56% pages avec 579 fig. — Tome II. Fascicuie I : 
Reproduction chez les animaux et compléments. 
A vol, in-8° de 108 pages avec 69 fig. Fascicule IT : 
Classifications zoologiques et botaniques. 1 vol. 
in-8S° de 830 payes avec 946 fig. (Prix de l'ouvrage 
relié: 16 fr.) André fils, éditeur, 6,rue Casimir-Dela- 
vigne. Paris, 1894-96. 


Si l’on fait abstraction des traités spéciaux écrits 
pour les étudiants en médecine, il n'existe pas chez 
nous d'ouvrages intermédiaires entre les livres néces- 
sairement succincts destinés à l’enseignement secon- 
daire et les grands ouvrages spéciaux sur l'anatomie, 
la physiologie et la classification des êtres vivants. 
L'Histoire naturelle des Étres vivants de M. Aubert vient 
très heureusement combler cette lacune et sa publica- 
tion correspond précisément à l’organisation d’un 
nouvel enseignement créé il y a un an dans nos Facul- 
tés des Sciences. On voit en effet qu'un décret du 
31 juillet 1893 a institué un nouveau grade, le bacca- 
lauréat des sciences physiques et naturelles, exigible 
des futurs étudiants en médecine. La préparation à 
cet examen qui pouvait fort bien être confiée à l’en- 
seignement secondaire, au même titre d’ailleurs que 
sa préparation aux grandes écoles, a été, par une 
mesure spéciale, transportée dans les Facultés des 
Sciences el nous devonsreconnaître que cette infusion 
d'un sang nouveau a sauvé quelques-unes de ces Facul- 
tés d’une mort qui paraissait imminente. 

C’est spécialement au programme de ce nouvel en- 
seignement que correspond l’Histoire naturelle des Ëtres 
vivants de M. Aubert. Le premier tome, comprenant 
l'anatomie et la physiologie desanimauxet desplantes, 
convient aussi bien à l'enseignement des lycées qu’à 
celui des nouveaux cours institués dans les Facultés, 
L'auteur a su exposer très clairement les notions que 
tout homme instruit doit possédersur les êtres vivants 
De nombreuses figures schématiques, parfaitement 
choïsies, viennent compléter le texte. M. Aubert, 
nous l'en louons sans réserve, n’a pas voulu reproduire, 
sous une forme nouvelle, comme on le fait trop sou- 
vent, des vérités et des erreurs consacrées par un long 
usage. Nous pourrions citer maintes questions qu'il a 
su exposer clairement en s'inspirant des travaux les 
plus récents ; ct on reconnaîtra sans peine que cette 
partie de l’ouvrage consacre très nettement un progrès. 

D'ailleurs l'auteur a profité de la publication du 
premier fascicuie du tome Il, pour ajouter quelques 
compléments sur certaines glandes (thymus, corps 
thyroïde, etc.), sur les organes photogènes et pour 
exposer en quelques pages les principaux résultats des 
plus récents travaux sur la structure du système ner- 
veux. En dehors de ces chapitres qui viennent complé- 
ter le tomel, ce fascicule contient un résumé très 
clair de la reproduction et du développement des ani- 
maux. 

Le dernier fascicule du tome II comprenant plus de 
800 pages avec 945 figures est consacré tout entier à la 
classification des animaux et des plantes. L'auteur a 
condensé dans un cadre relativement restreint les ca- 
ractères permettant d’embrasser dans son ensemble 
la multitude si variée des êtres vivants. De nombreuses 
figures, les unes d’après nature, les autres schéma- 
tiques, représentent les caractères extérieurs ou l’orga- 
uisation des principaux types. j 

Enfin quelques notions de paléontologie jointes à 
deux chapitres distincts sur la distribution géogra- 
phique des animaux et des plantes donnent au lecteur 
la possibilité de se représenter, au moins dans ses 
grandes lignes, la répartition des êtres vivants dans le 
temps et dans l’espace. 

Tel qu'il est concu, l'ouvrage de M. Aubert nous pa- 
rait non seulement appelé à rendre de réels services 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


dans l’enseignement secondaire et à servir de guide 
aux jeunes étudiants qui se préparent à subir les 
épreuves du baccalauréat des sciences physiques et 
naturelles ; maisilnous semble aussi qu'un telouvrage 
sera de la plus grande utilité aux personnes qui, s’in- 
téressant aux sciences naturelles sans avoir le loisir 
d’en faire une étude approfondie, désirent cependant, 
soit acquérir une idée d'ensemble du monde organisé, 
soit rechercher à l’occasion les caractères d’un groupe 
déterminé. Enfin, dans les sciences naturelles comme 
partout ailleurs, l’enseignement pour porter tous ses 
fruits doit être progressif et nous pensons qu’une lec- 
ture attentive du tome Il, consacré aux classifications, 
sera pour les étudiants à la licence une excellente pré- 
paration qui leur permettra d’embrasser les caractères 
généraux d’un groupe avant d'aborder les détails. 

Répondant à des besoins si divers, l’Histotr'e naturelle 
des Êtres vivants ne peut manquer de rencontrer le suc- 
cès que ses qualités lui assurent et que nous sommes 
particulièrement heureux de lui souhaiter. 

H. LEcONTE. 


4° Sciences médicales. 


Galippe (V.),Chef de Liboraloire à la Faculté de Méde- 
cine de Paris, et Barré (G.), Docteur en Médecine, 


Ingénieur-agronome. — Le Pain. Tome 1 : Puysio- 
LOGIE. COMPOSITION. HYGIÈNE. Tome IT : TECHNOLOGIE, 
PaINS DIVERS. ALTÉRATIONS. — 2 vol. pelits in-8 cle 


224 et 216 p., de l'Encyclopédie scientifique des Aide- 

Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté. 

(Prix chacun ; broché, 2 fr. 50 ; cartonné,3 francs.) Gau- 

thier- Villars et G. Masson, éditeurs. Paris, 1895. 

Ces 2 nouveaux volumes de-l'Encyclopédie des Aide- 
Mémoire sont bien faits pour conserver sa réelle valeur 


à la publication que dirige M. Léauté, Ils mettent en. 


lumière, avec documents de fous ordres à l'appui, ce 
fait qui devrait n'avoir pas besoin d’être démontré, à 
savoir que nous avons dans le pain dont nous usons 
chaque jour un aliment de première importance, ca- 
pable de réparer nos forces et de nous aider à résister 
aux atteintes de la maladie; ils montrent, par contre, 
comment, sous prétexte d'améliorer cet aliment essen- 
tiel, nous lui avons fait perdre une grande partie de sa 
valeur nutritive, nous privant ainsi d'une ressource ali- 
mentaire précieuse. Nous ne voulons plus manger que 
du pain blanc, du pain de fantaisie, tandis que nous 
aurions tout avantage à manger du pain bis, le pain de 
ménage de nos campagnes. 

Les auteurs ont compris que, pour faire entrer cette 
manière de voir dans l'esprit du public, il était néces- 
saire d'apporter des preuves convaincantes. On peut 
dire qu'ils n’ont rien négligé pour atteindre ce but 
etils ont développé, avec une logique saisissante et 
toute scientifique, un plan, d’ailleurs très simple, mais 
tout à fait suggestif, et qu'on peut résumer en quelques 
lignes : 

L'acide phosphorique est un élément indispensable 
à la vie. Nous avons bien reconnu pour les plantes, 
puisque nous leur fournissons des engrais riches en 
phosphates. Or la même nécessité existe pour les ani- 
maux. MM. Galippe et Barré le prouvent surabondam- 
ment dans un chapitre qui est certainement un des 
plus intéressants de leur ouvrage. Dès lors n'est-il pas 
tout simple de redemander aux plantes, aux céréales, 
qui l'ont emmagasiné, le phosphate dont nous avons 
besoin. C’est précisément ce que nous pouyons faire en 
ayant soin de ne pas systématiquement éliminer ces 
phosphates dans la préparation du pain. Mais il y a pain 
et pain. Les analyses nous démontrent que les pains 
de luxe bien blancs, d’un bel aspect, ne sont guère 
qu'un mélange d’eau et d’amidon; en excluant énergi- 
quement telles parties de l'enveloppe du grain de blé 
qui pourraient enlever à la farine sa blancheur imma- 
culée, nous excluons par cela même la presque totalité 
des phosphates, tandis que ceux-ci se trouvent conser- 
vés, au contraire, dans le pain bis d’où l'enveloppe du 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


1061 


grain n’est pas rejetée. C'est ainsi que les farines pro- | spontanée des lapins, ceile des furets ; la Rinderseuche, 


venant des moutures au moyen de cylindres, malgré 
la faveur qui les accueille, ne valent pas les farines 
obtenues des meules, car les premières sont réduites ou 
à peu près à l’amidon du blé, tandis que les secondes 
conservent plus de principesnutritifs. On trouvera dans 
le deuxième volume des renseignements techniques 
très intéressants sur la panitication, les dizerses varié- 
tés de pains (pains de luxe, pains de munition, de 
seigle, d'avoine, de maïs, etc.); on y verra que l'erreur 
des pains de fantaisie ne date pas d’hier et qu'aux xu° 
etre siècles il en existait plus de 20 variétés, depuis 
les « pains de pape, de cour, de la bouche, de cheva- 
lier, d’écuyer, de chanoine » etc. jusqu’au Doubleau, 
au pain de Chailly, au pain bourgeois, au pain bisblanc, 
bis, etc. etc. 

Un-chapitre spécial est consacré aux altérations du 
pain. 

En fin de compte, les auteurs ont fait œuvre des plus 
utiles, comme on pouvait l’attendre d'eux, et nous 
nous associons pleinementaux dernières lignes de leurs 
conclusions, quand ils écrivent : « Nous ne voudrions 
pas qu'on nous accusât de faire, du pain bis et, d'une 
facon plus générale, des aliments riches en phosphates, 
une paracée universelle, capable de rendre à l'huma- 
nité son énergie physique primitive ;mais nous pensons 
que tout ce qui produit, tout ce qui dépense, tout ce 
qui grandit, a besoin d'éléments minéralisateurs et 
que le pain, préparé d’une facon rationnelle, est -une 
source inépuisable d'éléments d’entretien etde restau- 


ration. » Dr H. BEAUREGARD. 


Nocard (Ed.), Professeur à l’ Ecole vétérinaire d'Alfort, 
Membre de l'Académie de Médecine, et Leclainche 
(E.), Professeur à l'Ecole vétérinaire de Toulouse, — Les 
Maladies microbiennes des Animaux. — { vol. gr. 
in-8° de 816 pages. (Prix: 16 fr.) G. Masson, Paris, 1895. 

_ Ce livre n’est pas seulement destiné aux élèves des 
Ecoles vétérinaires; tout homme de science, s’occupant 
de pathologie générale, le lira avec fruit et y trouvera 
plus d’un utile renseignement. Cet ouvrage est, en effet, 
extrêmement documenté; l’historique de chaque ma- 
ladie est traité avec un soin particulier ; on assiste pas 
à pas aux progrès de la science, et on la voit se rap- 
procher de plus en plus de la vérité, qu’elle est desti- 
née à ne jamais atteindre. La lecture de cette partie de 
l'ouvrage est particulièrement attachante, les détails 
peu connus abondent, et l’on constate souvent avec 
plaisir que les auteurs tirent d’un oubli immérité un 
travailleur inconnu, dont la découverte méritait de 
fixer l’attention, et dont les mémoires étaient parfois 
laissés longtemps de côté par les sociétés qui les 
avaient accueillis, Après l’historique vient l'étude bac- 
tériologique et anatomopathologique de la maladie 
étudiée, Cette partie a une valeur considérable, et heu- 
reusement est fort développée : c’est la partie vraiment 
scientifique de l'ouvrage, et la grande compétence des 
auteurs nous inspire toute confiance dans les rensei- 
gnements que lon peut y chercher. La distribution 
géographique de la maladie étudiée, les espèces ani- 
males qui peuvent en être affectées, la statistique, 
l'étude clinique chez les différentes espèces, si cela est 
nécessaire ; les différentes formes que peut revêtir la 
maladie, les lésions, le diagnostic sur le vivant et sur 
le cadavre; létiologie et la pathogénie; le traitement, 
la vaccination quand elle est possible, la prophylaxie 
et la législation, forment autant de chapitres divisant 
l’article destiné à chaque maladie; tous sont traités 
avec une érudition considérable, et nous offrent un 
résumé exactet très complet de l’état actuel de chaque 
question. 

Les maladies qui figurent danscetimportant ouvrage 
sont les suivantes : Les septicémies hémorrhagiques. Sous 
ce titre sont décrits: les choléras et entérites des diffé- 
rents oiseaux de basse-cour, ainsi que les maladies des 
grouses, des palombes et des canaris ; la septicémie 


maladie des Bovidés et des Ruminants sauvages, qui, 
en 1872, a décimé les cerfs des parcs des princes de 
Bavière; le « barbone » des buffles; la maladie du 
mais-fourrage, la pleuro-pneumonie septique des veaux, 
la pneumonie contagieuse du porc et la pneumonie- 
entérite ou infectieuse. Les auteurs insistent sur la 
grande analogie de ces différentes maladies, analogie 
signalée pour la première fois par Hueppe, et qui 
justifie leur groupement dans un même chapitre. 

Viennent ensuite : le Rouget du pore, la fièvre charbon- 
neuse, le charbon symptomatique, la péripneumonte, la 
peste bovine, le coryza gangréneux des Bovidés, la fièvre 
aphteuse, la vaccine (horse-pox, cow-pox), la clavelée, 
la maladie des chiens, la gourme, la tuberculose, l'actino- 
mycose, la botryomycose, le farcin du bœuf, la lymphagite 
épizootique, la morve, la dourine, la rage, la pyélo-né- 
phrile bacillaie des Bovidés et les mamimites des vaches 
et des brebis, 

Pour donner au lecteur une idée plus complète de 
la manière dont ce livre a été concu, nous ferons une 
courte analyse de l’étude d’une maladie, la vaccine par 
exemple. L'historique renferme l'exposé des travaux 
bien connus de Jenner, à qui l’on doit la substitution 
de la vaccine inoffensive à la pratique dangereuse de 
la variolisation ; puis les recherches de Loy, de Péte- 
lard, de Samans et de Lafosse. Enfin Henri Bouley dé- 
montre, en 4862, que le cheval est l'hôte naturel de la 
maladie, qu'ildéerit dans toutes ses formeset à laquelle 
il donne le nom du horse-pox. Déjà Jenner avait éla- 
bli l’origine équine du cow-pox, et découvert les 
pustules de horse-pox sur les jambes des chevaux, ma- 
ladie à laquelle il avait donné le nom de « Sore-heels ». 
Puis les recherches de Chauveau ‘nous montrent que 
l'agent virulent revêt la nature corpusculaire ; ce savant 
provoque chez le cheval des éruptions généralisées en 
injectant le pus vaccinal dans les lymphatiques ou les 
vaisseaux sanguins, ou enles faisant pénétrer dans 
l'organisme par les voies naturelles de l'absorption. 
Les auteurs insistent ensuite sur le peu de confiance 
que l’on doit avoir dans les travaux des bactériologistes 
qui croient avoir isolé les parasites causes de la mala- 
die. Vientensuite une intéressante discussion de la 
question d'identité des deux maladies : vaccine et va- 
riole, question queles travaux déjà anciens de Chauveau 
nous autorisent à trancher par la négative; les affir- 
mations contradictoires (Eternod et Haccius, Hime, etc.) 
étant basées probablement sur des expériences enta- 
chées d'erreur. Exécutées dans des instituts vaccinaux, 
ces expériences ne peuvent entrainer la conviction, car 
les animaux en observation, maniés par le personnel in- 
férieur de l'établissement, ont pu être accidentellement 
contaminés par le vaccin. Vientensuite l'étude spéciale 
du « horse-pox », son histoire spéciale ; la description 
des symptômes de la maladie, des éruptions buccale 
pituilaire, conjonctivale et cutanée; l'exposé des 
lésions. Dans le chapitre réservé au diagnostic, sont 
décrits les caractères qui empêchent, suivant les cas, 
de confondre la maladie avec la morve aiguë, la dou- 
rine, l'exanthème gourmeux, l'acné contagieux, le 
farcin, les eaux-aux-jambes, etc. L'étiologie, le traite- 
ment et la prophylaxie terminent cette étude. Le 
cow-pox est l’objet d'un travail semblable. Enfin, le 
chapitre de la vaccine se termine par l'exposé de son 
étude expérimentale. Là sont résumées les recherches 
relatives à la virulence des différents tissus pris surun 
sujet malade, à la réceptivité des différents animaux, 
au mode de pénétration du virus chezles sujets sains, 
à la pathogénie, et nous voyons à chaque page le nom 
de M. Chauveau, à qui est due la majorité de ces im- 
portantes recherches. Nous trouvons ensuite l'étude de 
l’immunisation et de la préparation du vaccin animal. 

En résumé, ce livre, que l’on ne saurait trop louer, 
comble une importante lacune dans la science, et il 
serait à souhaiter que nous en eussions un autre, fait 
avec le même soin, traitant des maladies microbiennes 
de l’homme, Ch. CONTEJEAN, 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 18 Novembre 1895. 


Liste des candidats présentés en remplacement de 
M. Verneuil: 1° M. Ollier, 2° M. Lannelongue, 3° 
M. Just Lucas-Championnière. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES.— M. le Secrétaire perpé- 
tuel signale un mémoire de M. Wilhelm Schur ayant 
pour titre : « Die OErter der helleren Sterne der Præ- 
sepe », extrait des Annales de l’Observatoire de Gôt- 
tingue. — M. Sarrat soumet un mémoire ayant pour 
titre: Démonstration du théorème de Fermat. Impossi- 
bilité de l’équation at Æ br — € en nombres entiers. 
— M,9J. Guillaume adresse les observations du Soleil, 
faites à l'Observatoire de Lyon (équatorial Brunner), 
pendant le deuxième trimestre de 1895. La somme des 
taches continue à diminuer tandis que le groupe de 
facules ne présente pas de variations sensibles, — 
MM. L. Baclé et Ch. Frémont ont utilisé leur élasti- 
cimètre, enregistrant le diagramme du travail dans le 
poinconnage et le cisaillement des métaux, comme 
méthode d'essai pour ces derniers corps. Ils ont déter- 
miné, par des observations multiples, l'interprétation à 
donner aux divers éléments caractéristiques des dia- 
grammes de poinconnage et de cisaillement. L’ordon- 
née maximum du diagramme de poinconnage fournit, 
sur la résistance du métal, un renseignement aussi 
précis que l'essai à la traction. Les autres éléments du 
diagramme apportent aussi des indications sur la 
malléabilité et permettent d’en apprécier la nature 
aussi complètement que la traction, — M. Charles 
Henry donne la description d’un dynanomètre de 
puissance spécialement applicable aux études physio- 
logiques; cet appareil fournit une courbe des puis- 
sances instantanées caractéristique de chaque sujet et 
de chaque masse musculaire. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Laborde adresse une 
note sur les causes de la formation de la grêle. — 
M. Lecoq de Boisbaudran signale une bande d’ab- 
sorption observée dans certaines portions d'un frac- 
tionnement de terbine et caractéristiqne d’un élément 
nouveau. L'auteur désigne par Z3 l'élément caractérisé 
par cette raie L— #87,7.— M.T. L. Phipson a établi, 
par un certain nombre d’expériences, les résultats sui- 
vants concernant l’origine de l'atmosphère : 1° Dans 
les périodes géologiques les plus éloignées, l'azote for- 
mait, comme aujourd’hui, la partie principale de lat- 
mosphère de la Terre. 2 La présence de l'oxygène 
libre dans cette atmosphère est entièrement due à la 
végétation; les plantes primitives étaient le moyen 
dont la nature s’est servie pour fournir ce gaz à l’air, 
3° Les plantes de nos jours, comme étaient celles des 
plus anciennes époques géologiques, sont essentielle- 
ment anaérobies. 4° À mesure que la quantité d'oxy- 
gène libre a graduellement augmentée dans la suite 
des siècles, la cellule anaérobique a dû se modifier 
pour devenir plus ou moins aérobique. 5° Les algues 
unicellulaires les plus inférieures donnent encore au- 
jourd’hui beaucoup plus d'oxygène que les plantes 
supérieures. 6° Le système nerveux cérébro-spinal 
s’est développé de plus en plus avec l’augmentation de 
la quantité d'oxygène libre. — M. Ch. Moureu a réa- 
lisé la synthèse du méthyleugénol et établi ainsi défi- 
nitivement la formule de l’eugénol qui est un allyl- 
gaiacol. Le procédé consiste à faire réagir l’iodure 
d’allyle sur le vératrol en présence de la poudre de 
zine, qui provoque l'élimination de l'acide iodhydrique; 
celui-ci déméthyle partiellement le vératrol en donnant 
de l’iodure de méthyle, du gaïacol et de la pyroca- 


téchine.— M. E. Gérard a étudié les cholestérines des 
végétaux inférieurs, tels que la levure de bière, le mu- 
cor mucedo et le lichen pulmonaire; toutes ces choles- 
térines appartiennent à un groupe bien spécial, au 
groupe de l’ergostérine. Ces cholestérines se différen- 
cient nettement de la cholestérine animale par l'ac- 
tion de l’acide sulfurique concentré seul ou en pré- 
sence du chlorure de carbone. — MM. G. Bertrand el 
A. Mallèvre ont recherché la pectase dans le règne 
végétal et l'ont rencontré dans tous les organes, les 
racines, les tiges, les feuilles, les fleurs et les fruits; 
elle est répandue universellement dans les plantes 
vertes; mais elle est surtout abondante dans les 
feuilles et c'est probablement de là qu’elle se répand 
dans les autres organes. La richesse de certaines 
feuilles permet dé réaliser la préparation de ce fer- 
ment. — M.A. Lacroix a reconnu que le chromocre, 
la glauconie, la céladonite, la chamosite, la bavalite, 
l'aerinite et la magnésite, qui à l'œil nu ont une struc- 
ture compacte ou terreuse, ne sont pas amorphes, mais 
sont formés, en tout ou en partie, par une substance 
cristalline à propriétés définies ef spéciales à chacun 
d’entre eux. Ces substances possèdent toutes la struc- 
ture des micas, caractérisée par un clivage facile, 
lamelleux, qui en outre est plus ou moins perpendicu- 
laire à une bissectrice aiguë négative, —M,.Fr. Walle- 
rant à cherché à reconnaitre si les feldspaths sont 
isomorphes au point de vue optique par la comparai- 
son de leurs constantes optiques fixées récemment par 
M. Fouqué. L'auteur n'a pu tirer de cette comparai- 
son aucune conclusion certaine. —M. $S. Winograd- 
sky a pu isoler l’agent microbien durouissage du lin ; 
il a pu reconnaitre que :1° Le bacille peut faire fermen- 
ter le glucose, le sucre de canne, le sucre de lait, 
l’'amidon, mais à la condition que le liquide contienne 
de la peptone; avec de l’ammoniaque comme source 
unique d’azote le microbe est absolument dépourvu 
d’actionsur ces substances, 2° Les matières pectiques, 
pecline ou acide pectique, extraites du lin, des poires, 
des carottes, etc., sont décomposées déjà, en présence 
d'un sel ammoniacal comme seul aliment azoté, avec 
une facilité extraordinaire. 3° La cellulose est absolu- 
ment inattaquable par ce bacille, la gomme arabique 
ne l’est pas non plus. C. MATIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ad. Chatin fournit les 
caractères d’une nouvelle truffe de Téhéran. Elle forme 
des tubercules de 15 à 60 grammes, à périderme lisse, 
parfois fendillé, brun noir, se foncant encore après la 
récolte, La chair en est blanchâtre, passant au bistre 
par la dessiccation, assez molle, peu sapide. Les spo- 
ranges sont ovoides, à très court pédicule, octospores, 
à membrane souvent disparue à la maturité des spores, 
Spores rondes, caractéristiques du genre Terfezin. 
Cette nouvelle espèce se rapproche de T. Leonis, el 
l’auteur lui donne le nom de Terfezia IHanotauxii, — 
M. Pieri a étudié, comme suite à sesrecherches sur les 
Tapidés, la résistance de ces mollusques aux varialions 
de milieu, telles que la diminution et l'augmentation 
de salure, Cette dernière est mieux supportée que la 
première. L'auteur examine aussi l’action de diverses 
substances toxiques (créosote, laudanum, nicotine, co- 
caine, cyanure de mercure). — M. Marchal fournit les 
résultats de ses étudessur la reproduction des Guêpes, 
Un nid de Guêpes se compose de deux ordres de cellules, 
les petiteset les grandes, Ces dernières constituent la 
partie inférieure, les autres la partie supérieure, La 
reine chez les Guèpes marque un stade moins perfec- 
tionné dans les phénomènes relatifs à la reproduction 
que chez l’Abeille, car, en présence des petites cel- 


Jules, elle pond au hasard des œufs qui donneront des 
mäles ou des ouvrières. En présence des grandes cel- 
. Jules, elle fournit des œufs fécondés et femelles, 
- Quant à la production d’ouvrières fécondes, elle est 
liée au mode de nutrition de l'adulte, c’est-à-dire 
lorsque lacolonie récoltantel’emporte de beaucoup sur 
- la colonie larvaire. — M. Vuillemin signale une ma- 
. ladie du prunellier contractée spoutanément par un 
Erable. L’Uncinula Prunastri peut se développer en effet 
surl’Acer campestre, mais n’en est pas un habitant nor- 
mal. — M. Remy Saint-Loup, au coursde recherches 
expérimentales relatives aux modifications de l’espèce, 
à obtenu l'apparition, chez des cochons d'Inde, d’un 
_ doigt supplémentaire aux paltes postérieures, transmis 
actuellement jusqu’à la troisième génération, L'auteur 
n'a pas encore déterminé, parmi les causes qui ont 
. pu agir, celle qui est principale ou unique. — M. de 
- Mojsisowics, en examinant des débris de Céphalopodes 
fossiles provenant de la Nouvelle-Calédonie, a reconnu 
un genre Arcestes d'ammonites du Juvavien, puis un 
Phylloceras du même étage et un Orthocéras du Juva- 
vien supérieur. Les couches à Céphalopodes de la 
;. Nouvelle-Calédonie appartiennent donc au Trias. — 
- 

è 

= 


: MM. Phisalix et Bertrand étudient l’emploi du sang 
de vipère et de couleuvre comme substance antiveni- 
meuse. Ces reptiles sont immunisés pour leur propre 
venin par une sorte d’auto-vaccination, 

J. MARTIN. 


Séance du 25 Novembre 1895, 


M. Lannelongue est élu membre de la Section de 
Médecine et de Chirurgie en remplocement de feu 
M. Verneuil. — MM. Daubrée et Tisserand sont nom- 
més membres de la Commission du prix Lecomte. — 
M. P. Déherain fait hommage, au nom de M. E. C. Ber- 
trand et au sien, d’une brochure intitulée : « Julien 
Vesque, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences 
et à l’Institut agronomique. » 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Rayet adresse 
ses observations de petites planètes, faites au grand 
équatorial de Bordeaux. — M, Esmiol donne ses ob- 

_ servations de la nouvelle comète Perrine, 16 no- 
vembre 1895, faites à l'observatoire de Marseille (équa- 
torial d’Eichens de 0,26 d'ouverture). — M. Camille 
Flammarion compare les observations des neiges 
polaires de Mars faites à l’observatoire de Juvisy avec 

- celles de Barnard à l'observatoire Lick (Californie). La 
diminution des neiges est évidente dans les deux séries 
d'observation ; en outre,ces diminutions sont du même 
ordre de part et d'autre. — M. Maurice Fouché étudie 
le déplacement d’un trièdre trirectangle autour de son 
sommet quand la position dece trièdre dépend de deux 
paramètres et établit des relations entre certains inva- 
riants relatifs à l’ensemble des positions du trièdre. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Gouy a repris l'étude 
expérimentale des propriétés capillaires de l'acide 
sulfurique étendu et détermine,pointpar point, la dérivée 
d°h 


av= 1° Le maximum de la hauteur est d'autant plus 


petit que la solution est plus concentrée, 2° La dérivée 
seconde est toujours négative; par suite, la courbe re- 
présentative de la hauteur ne présente ni point d'in- 
ilexion, ni tendance vers une limite. 3° La valeur 
absolue de la dérivée seconde n’est pas constante. 4°Les 
variations de température produisent une petite varia- 
tion de la hauteur. — M. Grimaux a préparé le quino- 
phénéthol ou quinéthol, en faisant agir la glycérine 
et l'acide sulfurique sur le phénate d'éthyle ou phéné- 
thol ; il donne les propriétés de ce corps qui fournit un 
dérivé nitré quand on le traite par un mélange d'acide 
azotique et d'acide sulfurique. Le nitroquinéthol, ré- 
duit par le chlorure stanneuxen solution chlorhydrique, 
donne l’amidoquinéthol C!!H10(AzH?) Az0, — M.Mau- 
rice François a étudié la décomposition de l'iodure 
mercureux sous l'influence du phénol; cette décompo- 
sition à l’ébullition est limitée par la quantité d'iodure 
mercurique existant en solution. La décomposition 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1063 


s’arréte toujours quand100parties deliquidecontiennent 
26°,75 d’iodure mercurique. Le phénol chargé de plus 
de 25°,75 d’iodure mercurrique dissout à l’ébullition un 
peu d’iodure mercureux et lelaisse déposer par refroi- 
dissement en cristaux microscopiques, mélés de beau- 
coup d’iodure mercurique. — M. Vigouroux indique 
la préparation et les propriétés du siliciure de manga- 
nèse, Ce corps peut être préparé de trois facons difré- 
rentes : 1° action directe du silicium sur le métal; 
2° action du silicium sur l’oxyde; 3° action du carbone 
sur un mélange de silice et d'oxyde. C’est un corps à 
éclat métallique, dur et cassant, bien cristallisé, que le 
chlore, le brome, l’iode et surtout le fluor attaquent 
facilement. Les acides étendus le décomposent aussi, 
tandis que la potasse en solution est sans action. Il 
répond à la formule SiMn?. — M. Brociner rappelle 
ses travaux antérieurs sur la toxicité de l’acétylène : 
1° S'il existe une combinaison réelle de l’acétylène et 
de l’hémoglobine, cette combinaison est très instable et 
nullement comparable, sous ce rapport, à la combinai- 
son que forme l’hémoglobine avec l’oxyde de carbone. 
2° L’acétylène paraît n’exercer qu’une action toxique 
très faible et quin’est pas plus marquée que celle des 
carbures d'hydrogène ordinaires, tels que le formène, l’é- 
thylène,le propylène. —M.Magnier dela Source expose 
un certain nombre de réactions de l'acide tartrique el 
des tartrates alcalins, réactions intéressantes au point 
de vue de la chimie analytique.— MM. Bourquelot et 
Bertrand établissent que la laccasse (ferment soluble 
oxydant) existe non seulement dans les plantes vertes, 
mais qu'on la trouve également, et dans des conditions 
plus faciles à étudier, chez les plantes dépourvues de 
chlorophylle. — M. Balland à étudié la répartition 
des matières azotées et des matières minérales dans le 
pain : contrairement à l'opinion admise de Rivot et 
de Barral, la cuisson du pain se fait sans destruction 
de matière, et l’on netrouve pas plusde matières azotées 
et de matières salines dans la croûte de pain que dans 
la mie lorsque les produits ont été ramenés au même 
degré de déshydratation. Le pain ne renferme pas plus 
de matières nutritives que la farine sèche employée à 
le préparer; il en résulte que la détermination de l’eau 
dans une farine permet d'évaluer mathématiquement 
la quantité de pain, à un degré d’hydratation voulu, 
qu’elle peut fournir et que la détermination simultanée 
de l’eau dans le pain et dans la farine permet de s’as- 
surer que le rendement en pain n’a pas été exagéré par 
une addition illicite d’eau. —M. P. Richard indique 
un procédé de dosage rapide de l'azote nitrique dans 
les produits végétaux, qui repose sur la coloration que 
prend la brucine au contact de l’acide azotique libre 
ou dégagé d’un nitrate par l’action de l'acide sulfu- 
rique concentré. Le procédé s'applique aussi aux subs- 
tances renfermant des nitrites moyennant un dosage 
préalable de l'azote nitreux et son oxydation par le 
chlore avant l'essai à la brucine.  C. Mamienon. 

3° SCIENCES NATURELLES, — M. Caullery fournit une 
interprétation morphologique de la larve double dans 
les Ascidies composées du genre Diplosoma, Dans ce 
groupe, l'œuf fournit deux individus dont l’un possède 
seul les organes sensoriels etles parties du système 
nerveux caractéristique du têtard des Ascidies; l’autre 
estsemblable à l’un quelconque des individus formés 
ultérieurement par les processus connus du bourgeon- 
nement. Pour l’auteur, l’ensemble des deux individus 
est la réunion d’un oozoïde et d’un blastozoïde, né du 
premier suivant les lois du bourgeonnement, Le bour- 
geonnement ordinairement plus tardif se serait pro- 
duit ici dès la période embryonnaire, — M, Garnault 
donne les résultatssatisfaisants des effets produits, chez 
le lapin et chez le pigeon, par l'extraction de l’étrier 
ou de la columelle etla lésion expérimentale du ves- 
tibule membraneux. Les expériences autorisent à pra- 
tiquer, chez l’homme, l'extraction de l'étrier soudé, 
lorsque l’appareil percepteur est intact, en raison des 
résultats considérables qu'on est en droit d'attendre de 
cette opération. F, MARTIN. 


106% 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 19 Novembre 1895. 


M. Simon Duplay fait une communication sur le 
traitement des fistules vésico-vaginales par la suture 
intra-vésicale (cystorraphie interne). Il insiste sur le 
manuel opératoire suivi dans ce cas, c'est-à-dire sur 
le mode d’avivement et de suture. Le dédoublement de 
la paroi vésico-vaginale, au pourtour de la fistule, les 
deux rangs de suture, l’une profondeet extra-vésicale, 
l’autre superficielle et intra-vésicale, paraissent devoir 
être adoptés à l'avenir comme le seul procédé capable 
d'assurer le succès de l'opération, 


Séance du 26 Novembre 1895. 


M. Pinard faitunecommunication sur les services ren- 
dus par les « Refuges ou Asiles des femmes enceintes. » 
Il a comparé un grand nombre de femmes, ayant tra- 
vaillé pendant toute la durée de leur grossesse, avec 
d’autres reposées et soignées dans les refuges ; chez 
ces dernières la durée de la gestation a été plus longue 
et le poids des enfants nés beaucoup plus élevé. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 9 Novembre 1895. 


MM. Charrin et Gley présentent deux lapins atteints 
de malformations curieuses; ils sont nés d’une lapine 
saine et d’un mäle qui avait recu tous les cinq jours, 
pendantun moisetdemi, des doses progressives detoxine 
pyocyanique. Ce fait justifie l'opinion de ceux qui 
pensent que les maladies des parents, en particulier la 
syphilis dans l'espèce humaine, peuvent amener l’ap- 
parition, chez les enfants, de malformations variées. 
— M. Féré fait remarquer que ces malformations sont 
tout à fait analogues aux amputations congénitales qui 
sont dues à d’autres causes. — M. Giard estime que 
l'infection a pu modifier la cellule génératrice mâle, ce 
qui à amené un développement anormal de embryon. 
C’est un nouveau fait qui vient à l'encontre de la théorie 
de Weissmann., — M. Curtis (de Lille) envoie une note 
relative à la découverte d’un nouveau parasite, trouvé 
chez un homme, dans une tumeur qu'on croyait de 
nature myxomateuse. — M. Giard fait remarquer que 
ce parasite est analogue à celui qui produit les galles 
dans le règne végétal, — MM. Langlois et Athanasiu 
ont constaté que les sels de cadmium agissent sur le 
sang en colorant fortement le sérum et en facilitant la 
dialyse ; les sels de zinc n’ont pas cet effet. — MM. Ba- 
binski et Zacharia@ès apportent une importante con- 
tribution à l’étude de la pathogénie des névrites péri- 
phériques des membres inférieurs, par la relation 
détaillée de deux cas de paraplégie crurale par mal de 
Pott dorsal. 


SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 15 Novembre 1895. 

Au début de la séance, M. Cailletet, président, rap- 
pelle la mort récente de M. Mouton. M. Bouty résume 
en quelques mots les travaux du défunt. M, Mouton a 
travaillé d’abord au Laboratoire de Physique de l'Ecole 
Normale, et quand la maladie l’a arrêté, il était Maître 
de Conférences à la Facullé des Sciences de Paris et 
sous-directeur du Laboratoire d'Enseignement de la 
Physique, fondé par M. Desains. Dans son premier 
travail, qui parut en 1876, il étudiait les oscillations 
des courants induits à circuit ouvert; il avait imaginé 
un appareil fort ingénieux qui lui permettait de mesu- 
rer des différences de potentiel variables à des inter- 
valles de l’ordre de ee de seconde ; il reconnut que 
lamortissement des vibrations était faible, et que leur 
période était constante à partir de la deuxième; les 
périodes observées variaient entre 0 sec. 0001 et 
0 sec, 00003. C'est le seul travail paru en France 
sur la question avant les recherches qu'ont suscitées 
les expériences de Hertz. M. Mouton s’est occupé en- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


suite de la chaleur rayonnante; il était certes à bonne 
école chez Desains, mais il introduisit dans ces 
recherches une précision qu’on ne connaissait pas en: 
core ; il créa, pour étudier le spectre infra-rouge, une 
méthode qui a été continuellement appliquée depuis 
et qui lui permit de pousser jusqu’à la longueur d’onde 
2,5 & pour le spectre solaire. Il étendit aux rayons 
obscurs la vérification, faite par Jamin pour les rayons 
lumineux, des lois de la réflexion métallique ; il eut 
aussi l’occasion d'étudier la dispersion de double réfrac- 
tion du quartz et ses travaux ont été utilisés depuis 
à maintes reprises, en particulier par M. Macé de Lépi- 
nay. Enfin M. Mouton a remarqué que, si l'on construi- 
sait la courbe des intensités dans le spectre en pre- 
nant pour abscisses, non pas les déviations dans un 
spectroscope quelconque, mais les déviations que don- 
nerait un réseau, déviations qui sont proportionnelles 
à la longueur d'onde; si, en d’autres termes, on étu- 
diait la répartition de l'énergie dans le spectre normal, 
le maximum ne se trouverait plus dans l’infra-rouge, 
mais au voisinage de la raie D. Cette prévision a été vé- 
rifiée depuis par M, Langley, qui avait à son service 
les admirables réseaux de M. Rowland. Ces différents 
travaux ont été publiés pendant une période de quatre 
ans; depuis quinze ans, la maladie avait brusquement 
mis un terme à une carrière scientifique qui s’annon- 
cait si brillante, — M, Poincaré résume en quelques mots 
un mémoire adressé par M. Bandsept sur un brülewr- 
auto-mélangeur-atomiseur. La chaleur de combustion du 
gaz est très mal utilisée dans les appareils actuels; il 
conviendrait de mettre en présence des proportions de 
gaz et d'air répondant à la combinaison qui doit se 
produire ; il faut aussi que le mélange soit très intime, 
sans quoi diverses causes amènent une séparation. 
L'auteur atteint ce but par deux méthodes : soit en fai- 
sant passer les gaz par des chicanes nombreuses, soit 
en les brassant par de petits moulins à aileltes. L'épi- 
thète d’atomiseur indique la perfection du mélange 
obtenu, On arrive, par ce procédé, à produire, avec le 
gaz d'éclairage ordinaire, une flamme qui peut fondre 
des tubes de cuivre ; on peut aussi porter à l’incandes- 
cence des capuchons, tels que celui du bec Auer, avec 
50°/, d'économie, — M. Violle expose les recherches 
qu'il a exécutées avec M. Vautier sur la propagation 
du son dans les tuyaux cylindriques. Les expériences 
effectuées par les mêmes auteurs dès 1885, à Grenoble, 
avaient laissé subsister quelques desiderata. D'une 
part, la correction relative au diamètre du tuyau 
n'avaitpuêtre introduite qu'en utilisant lesrésultats d’ex- 
périences de Regnault qui n'avaient point été faites 
dans ce but; d'autre part, on n'avait pas pu élu- 
dier les sons musicaux, à cause de la longueur trop 
grande des conduites utilisées et de leur peu de sono- 
rité. La conduite utilisée appartient à l'égout construit 
pour l’épandage des eaux de la ville de Paris dans la 
plaine d'Achères ; les expériences ont été faites dans 
un segment rectiligne de 3 kilomètres de longueur ; lo 
section est circulaire, et son diamètre est de 3 mètres. 
La note de ce tuyau est ré,. Le tuyau est très sonore el 
par suite le son a une portée considérable ; c’est ainsi 
que la chute d'une goutte d’eau, pendant le calme de 
la nuit, s’entendrait très bien d’un bout à l’autre du 
tuyau. Dans les expériences de Grenoble, le son d’une 
grande flûte d'orgue de 16 pieds, qui donne uf,, ne pou- 
vait être entendu au delà de 6 kilomètres; au delà, la 
perturbation ne se propageait plus que sous forme d’une 
poussée qui pouvait être même sensible sur la joue, 
mais l'oreille n’était plus impressionnée. Toute action 
observable cessait à une distance de 25 kilomètres, 
avec 1 réilexion. À Achères, au contraire, la poussée 
disparaît presque immédiatement comme à Pair libre, 
et le son se fait encore entendre à 23 kilomètres, après 
7 réflexions, dont chacune équivaut à un trajet égal à 
la longueur du tuyau. Ces différences ont élé cause 
que la plupart des préparatifs faits en vue des expé- 
riences se sont trouvés êtreinutiles. Toutefois on à pu 
procéder à de nombreuses inscriptions, mais le dé- 


pouillement n'en élant pas coraplètement terminé, 
- M. Violle n'indique que les résultats obtenus à l’aide de 
l'oreille seule. On a employé des instruments à vent : 
flûte de 16 pieds, donnant ut —,+ et d'autres flûtes 


… donnant wf, et uf,, des instruments de musique mili- 
. taire, l’hélicon et les sarussophones qui donnent des 
- notes aussi graves, puis des flûtes d'orchestre jusqu’à 
…_ la petite flûte donnant le ré? qui est la plus haute note 
- utilisée dans les orchestres; on à ainsi une échelle 
- s'étendant de 32 à 4.500 vibrations doubles par seconde. 
- On s’est servi, en outre, du violoncelle, d’une cloche et 


de gongs prêtés par M. Mascart. On a pu étudier la 
_ portée des sons, le rôle du tuyau et la vitesse de pro- 
pagation. 1° La portée d’un son va en diminuant quand 
- Ja hauteur s'élève. Ainsi, pour uwf,, onobserve#retours, 
ce qui correspond à 8 fois la longueur du tuyau, avec 
… 2réflexions:pour uf,,3 retours, et5 réflexions ; pour uf,, 
ï retours et 3 réflexions; pour wf,, 1 retour et 1 ré- 
flexion, pour ut, et mi, de même; mais mi, n’est 
déjà plus guère au retour qu'un bruit, dont on ne 
saurait fixer la hauteur si onn'avait pas entendu le son 
initial; le résultat dépend d'ailleurs de la netteté de 
l'émission. Pour les sons plus élevés, on les produisait 
à des distances graduellement croissantes et on a ainsi 
déterminé les portées suivantes : fa,, 2.600 mêtlres; la? 
2.600 mètres; ré? 1800 mètres; à 200 mètres plus loin 
toule sensation auditive avait complètement disparu, 
2 Dans les modifications qu'il produit, le tuyau joue 
le rôle d’un analyseur qui réalise une décomposition. 
Le son fondamental arrive d'abord, puis la série des 
harmoniques, en commencant par les plus élevées; 
l'harmonique 7 est presque toujours absente, soit que 
nous manquions de sensibilité dans la perception de ce 
son inusité, soit que les instruments de musique soient 
construits de facon à ne pas le produire, La décompo- 
sition commence à une certaine distance, 1.400 mètres 
environ pour ut, et elle va s’accentuant, Le tableau ci- 
joint indique les harmoniques que l'on entend au pre- 
mier retour, lorsqu'un instrument a émis l’un des 
sons indiqués dans la première colonne; on verra 
que des sons peuvent être sensibles, comme harmoni- 
ques, à des distances où ils auraient depuis longtemps 
disparu comme sons simples; c'est ainsi que fa, revient 
comme harmonique de fa, émise par la basse. 


ul 


VIOLONCELLE 


DE GRAND ORGUE 
BASSE EN 


| SARRUSSOPIONE 
| PISTON EN si bp 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1065 


Le nombre des harmoniques dépend de la nature de 
l'instrument; les sons voilés de la flûte d'orgue n’en 
donnent pas, tandis que les sons bien timbrés (violon- 
celle, basse en ut) en donnent un grand nombre; un 
sarussophone de M. Couesnon donnait souvent le 
dixième, l'hélicon, très souvent le neuvième et le 
huitième. Ce nombre va en diminuant quand la hau- 
teur du son s'élève ; c’est ainsi que la trompette et le 
piston cessent d’en donner à partir du sol,, bien avant 
d'avoir atteint la limite aiguë de leur échelle. Si l’on 
enflamme, à l’origine de la conduite, un peu de cette 
poudre fusante composée de zine et de chlorate de 
potasse que les photographes appellent poudre-éclair, 
il se produit un bruit fusant sourd, mais au retour le 
bruit est devenu plus fort qu'un coup de pistolel ; ceci 
indique que le front de l’onde s’est rapidement redres- 
sé. La continuation de ce phénomène peut amener un 
déferlement et le son devient un bruit, puis l'onde 
cesse d’impressionner l'oreille, Celte destruction est, 
comme on l’a vu, beaucoup plus rapide pour les sons 
aigus que pour les sons graves; la différence ne tient 
d’ailleurs pas à leur varialion d'intensité; les sons 
émis par un bon musicien ont sensiblement la même 
intensité physiologique. Ce résultat est d'accord avec 
une expérience vulgaire : en parlant d'une voix grave 
et basse, on se fait souvent mieux entendre à distance 
qu’en criant. Il y aurait intérêt à employer, pour les 
signaux acoustiques, des sons graves, au lieu des sons 
aigus en usage ; dans les expériences, le son d’un sif- 
flet n’a jamais été entendu au retour, pas plus que le son 
d'une cloche de 50 kilog donnant le la,, tandis que le 
bruit des gongs, beaucoup moins intense, restait sen- 
sible au premier retour. 3° Lesdivers sons se propagent- 
ils avec la même vitesse? On n’a rien pu conclure-de 
l'étude de deux sons émissimultanément; on n’ajamais 
remarqué non plus de rythme au retour, en exécutant 
à l’origine des batteries rapides composées de la succes- 
sion de deux sons; ces résullats sont d'accord avec 
ceux de Biot. Mais le tuyau lui-même fournit un ana- 
lyseur plus sensible; à part le son fondamental, que 
son intensité particulière ramène d’abord, les sons les 
plus élevés reviennent les premiers. La théorie indique 
d’ailleurs que le coefficient d’extinction estproportion- 
nel à ÿ», # étant le nombre de vibrations par seconde, 

fl 
et le retard proportionnel à — 

vn 
aigus doivent aller plus vite et s’éteindre plus tôt que 
les sons graves. Les résultats relatifs à l'extinction et 
à la vitessse de propagation se trouvent donc d'accord 
avec la théorie. — M. Lamotte décrit les expériences 
de M. Lebedew sur les ondes électriques. L'auteur s’est 
préoccupé d’abaisser encore la limite des longueurs 
d'onde obtenues jusqu'ici ; la production d’ondes très 
courtes présente en particulier cet intérêt qu'on peut 
réaliser des appareils analogues à ceux de l'optique, 
ayant des dimensions telles que la diffraction ne masque 
pas tous les phénomènes, ce qui était certainement le 
cas avec les ondes de plusieurs mètres qu'avaitd’abord 
obtenues Hertz. M. Lebedew a opéré avec un excitateur 
du {ype de M. Righi : l'excitaleur est constitué par 
deux fils de platine de 1"#3 de long sur 05 
de diamètre soudés dans des tubes de verre, Ces fils 
ne sont pas reliés métalliquement à la bobine, mais 
recoivent leur charge par des étincelles, Le cireuit 
comprend un condensateur et une résistance consti- 
tuée par une colonne d’eau, qui suppriment les oscil- 
lations étrangères. Les étincelles actives jaillissent 
suivant la ligne focale d’un miroir parabolique de 
20 millimètres d'ouverture de12 millimètres de hauteur. 
L'observation de l’étincelle, déjà fort délicate dans les 
expériences de M. Righi, ne peut être tentée ici. 
M. Lebedew utilise, comme l’avait déjà fait M. Klemen- 
cie, l'échauffement produit par l’absorption des radia- 
tions, Le résonateur est constitué par deux fils recti- 
lignes auxquels sont fixés deux anneaux, l'un de fer, 
l’autre d’un alliage de nickel et de manganèse. Le dia- 


.c’est-à-dire que lessons 


1066 


mètre des anneaux est de Owm3;: ils sont soudés et 
font partie d’un couple thermo-électrique dont l’autre 
soudure est maintenue à température constante, C’est 
avec ces appareils que M. Lebedewrépète les expériences 
de l’optique; tous les accessoires sont renfermés dans 
une boîte qui n’a pas 15 cm. sur 20 cm. Le prisme, 
qui pesait 600 kilos dans les expériences de Hertz, 
est ramené au poids de 2 grammes. Le point le plus 
intéressant de ces recherches est l'étude de la double 
réfraction. On a taillé dans un cristal naturel, deux 
prismes de soufre dont l’arête réfringente a 2 centi- 
mètres de long, le côté environ 1 centimètre et l’angle 
25°, Dans l’un, l’arête est parallèle à la direction du 
maximum de pouvoirinducteur spécifique ; dans l’autre, 
au minimum. Les indices observés sont respectivement 
2,25 et 2,05. Les valeurs théoriques sont les racines 
carrées des pouvoirs inducteurs spécifiques ; les expé- 
riences de Boltzmann ont donné 2,18 et 1.95. M. Lede- 
dew réalise aussi un nicol en taillant un parallélipi- 
pède de soufre, le coupant en deux et interposant une 
Die d’ébonite entre les deux parties, Il répète égale- 
ment les expériences de polarisation chromalique et 
circulaire, avec une lame de soufre quart d'onde, mais 
on ne peut utiliser des épaisseurs plus fortes à cause 
de Pabsorption. Dans ces expériences, les longueurs 
d'onde couramment employées ne dépassent pas 
6 millimètres; un des appareils permet de descendre 
jusqu’à 3 millimètres,maisleseffets observés deviennent 
extrêmement faibles, Ces longueurs d'onde sont seule- 
ment cent fois plus grandes que celles que Langley a dé- 
celées dans le spectre solaire à l’aide du bolomètre, 
C. Ravrau. 


SOCIÉTÉ PHILOMATHIQUE DE PARIS 


Séance du 9 Novembre 1895. 


M. L. Franchet : Sur le calcaire réniforme de Ville- 
juif. — M. Bioche : Observationsreïatives aux glaciers 
du Val de Bagnes — M. Fouret : Méthode nouvelle 
pour l’extraction des racines. 


Séance du 23 Novembre 1595. 


M. Hua signale la découverte à Konakry par M. Dy- 
bowski d’un Euadenia nouveau, qu'il décrit sous le nom 
de E. major. — M. Henneguy présente un mémoire de 
M. Thélohan sur les Myxosporidés. 

Ch. Biocue. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 


Mémoires récemment présentés : M. Bowden : Sw 
un effet électromagnétique. Un long tube de verre con- 
tenant du mercure, et sur lequel on a implanté un petit 
tube pour indiquer la pression hydrostatique, passe 
entre les pôles d’un électro-aimant. Eu faisant passer 
dans le mercure un courant de 30 ampères, et en dis- 
posant le petit tube de facon qu'il indique successive- 
ment la pression dans le sens des lignes de force du 
champ, ou dansle sens perpendiculaire, on observe des 
mouvements du niveau du mercure dans ce tube. 
Quand il est perpendiculaire aux lignes de force du 
champ, le mercure monte ou baisse suivant le sens du 
courant. Mais, quand le petit tube est parallèle aux 
lignes de force du champ, le mercure monte toujours, 
quelle que soit la direction du courant. — M. S, P. 
Thompson dit qu’il semble y avoir là trois effets inex- 
pliqués : l’un proportionel au courant et au champ et 
réversible; un autre, indépendant de Ja direction du 
courant du champ; et un troisième, qui ne se produit 
que quand le courant change d'intensité. Il pourrait y 
avoir un quatrième effetqui n’a pasété signalé encore : 
le mouvement du mercure, dans la première expérience 
de M. Bowden, est;en sens opposé du mouvement d’un 
radeau mobile sur un conducteur transportant le cou- 
rant, Un accroissement apparent de pression pourrait 
être dû à une diminution de la densité du mercure 


“ ’ 
produite par 


la chaleur dégagée par le courant, — 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


M. Rhodes : « La réaction de l’armature dans les ma- 
chines à courants alternatifs à une phase, » M. Bla- 
kesley discute les conclusions de l’auteur. — M. Shel- 
ford Bidwell : « Les propriétés électriques du 
sélénium. » L'auteur montre que : 1° La conductibilité 
du sélénium cristallisé semble tenir surtout aux impu- 
retés dues à la formation de séléniures métalliques. IL 
se peut que lès séléniures aient une conductibilité 
électrolytique, et que l'influence de la lumière, qui ac- 
croit la conductibilité, tienne àla propriété de faciliter 
la combinaison du séléniure avec les métaux qui 
sent en contact avec lui. 2 Une pile à sélénium, à élec- 
trodes de platine, et faite avec du sélénium auquel 
on à ajouté 3 °/, de séléniure de cuivre, est bien supé- 
rieure, au double point de vue de la conduretibilité et 
de la sensibilité, à une pile à sélénium ordinaire. 3° Le 
sélénium rouge, au contact du cuivre ou du laiton, 
noircit rapidement à la lumière, à cause sans doute de 
la formation d’un séléniure. 4° Le sélénium cristallisé 
est poreuxet absorbe l'humidité de l'air ; cette humidité 
est la cause de la polarisation du sélénium après le 
passage du courant, 5° La présence de l'humidité n’est 
pas essentielle pour la sensibilité, mais elle semble, 
à un faible degré, lui être favorable. 6° Si l’on prend 
du séléniure de cuivre pour cathode dans une pile hy- 
dro-électrique, et une bande de platine plongeant dans 
l’eau pour anode, du sélénium rouge, mélé à des par- 
celles détachées du séléniure, se dépose dans l’eau. 
T° Les courants photo-électriques, produits quand la 
lumière tombe sur le sélénium, dépendent de La pré- 
sence de l'humidité et ont sans aucun doute une ori- 
gine voltaique. 8° Le sélénium parfaitement sec est au- 
dessous du platine dans la série thermo-électrique, 
— M. Minchin émet l'idée que la pile à sélénium 
pourrait être appelée une résistance à sélénium. Une 
grille ayant une de ses extrémités faite d'alumi- 
nium et l’autre de cuivre peut former une véritable 


pile, et engendrer une force électro-motrice quand 


la lumière tombe sur elle; il voudrait savoir si 
Pauteur a trouvé une pile, telle que la lumière, en y 
tombant purementet simplement, engendre une f.6.m. 
Lui-même ne croit pas qu’une action chimique soit 
nécessairement provoquée par l’action de la lumière 
sur lä pile. — M. Appleyard demande si l’auteur a 
soumis les résistances de sélénium à l’action des oscil- 
lations électriques. 


Séance du 25 Oc!obre 1895. 

M. Hunt: « Sur le développement des fonctions arbi- 
traires, » — M. Lanchester: « Le curseur radical, nou- 
velle addition à la règle à calcul. » Ce perfectionne- 
ment permet de calculer avec les règles des exponen- 
tielles à exposants fractionnaires, 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Communicalions recues pendant les vacances 


MM. Raphaël Meldola F. R. S$S. et William 
Streatfeild ont préparé le dibromonitronaphtalène 
C0H5BrAzO?Br (1: 2:#4.) qu'ils ont converti en dibromo- 
g-naphtylamine correspondante dont ils ont fait le dé- 
rivé acétylé. Si lon diazole la dibromo-8-naphtyla- 
mine en présence d'un excès d'acide minéral, et sil’on 
lait bouillir la solution aqueuse du diazo, le groupe AzH? 
n'est pas remplacé par r'hydroxyle, comme c'est le cas 
dans la réaction de Griess, mais le brome estremplacé 
et il se forme un diazoxyde suivant l'équation : 


Br 
CI0H Br 


0 
ji => COHIBre | + HBr 
AZOiH NA? 


Le diazoxyde a la constitution suivante : 


Os A7 "Br = MSNM 


La chlorobromo-8-naphtylamine C'CHÿCIAzH?Br a 
été également obtenue ainsi que ses composés acétylés 
et benzoylés. — M. J. Wallace Walker, en faisant 
réagir les iodures alcooliques surle sel d'argent an- 
hydre, a obtenu les éthers sels méthylique, éthylique 


ef propylique de l'acidelactique actif. Les sels bromo- 


propioniques correspondants aux éthers lactiques sont 
préparés au moyen du pentabromure de phosphore, 
Pour ces deux séries de sels, on remarque une difré- 


. rence constante dans le pouvoir rotatoire; elle est de 


5°,9 dans le premier, et de 14°,2 dans le second cas, pour 
les deux membres de la série les plus voisins. Les 
éthers chloropropioniques, préparés par l’action du 
pentachlorure de phosphore sur l’acide lactique, pos- 
sèdent un degré d'activité optique très élevé etles 
valeurs trouvées sontplus fortes que celles données 


- parLe Bel, Walden, Frankland et Henderson pour 
r quelques-uns de ces corps. Les résultats obtenus ne 


: 


. concordent pas avec la loi de Guye. —M. Charles Mills, 


étendant la réaction de Baeyer pour la préparation de 
l’'azobenzène au moyen de l’action du nitrosobenzène 


- sur une amine en solution acétique, a pu préparer les 


corps suivants: m. acétylamidoazobenzène; dipara- 
diphényldisazophénylène ; parabenzène azotoluène; 
chlorure dep. benzène azotoluène sulfonique; p. ben- 
zène az0 0, acétotoluide ; benzène 0. azo 0, acétotoluide; 
m. amidobenzène, o. azotoluène. — MM. Bedford et 
A. G. Perkin présententlerésultatde leurs recherches 
sur quelques dérivés de la maclurine C'#H1006 et 
s'étendent spécialement sur la benzène azomaclurine 
à laquelle ils attribuent la formule suivante : 


OH 
CéHS(0H)2CO// \Az : Az.C6HS 
oH\ /0H 


Az : Az.C6H5 


MM. A. G. Perkin et F, Cope ont trouvé que les 
constituants de la matière colorante de l’Artocarpus 
integrifolia étaient composés principalement d’une 
substance ayant pour formule CiSH1007, identique à la 


morine, et d’un autre corps, quia pour formule C!$H1206, 


qu'ilsappellentcyanomaclurine. — MM. Purdie,F.R.S. 
et H. W. Bolam continuent leurs recherches sur les 
propriétés optiques des acides méthoxy et propoxysuc- 
cinique. — MM. Purdie, F.R.S. et S. Williamson: 
Sur les éthers-sels des acides méthoxy et éthoxysucci- 
niques actifs, étudiés au point de vue du pouvoir ro- 
tatoire, — M. E. Sonstadt a trouvé que, si l’on chauffe 
du chlorure de platine sec avec du mercure, laréaction 
est différente suivant les proportions de mercure em- 
ployées et a lieu suivant les équations : 


1) 2KCL. PIC +4Hy—2KCI-+-Pi+4HgCl 
2) 2KCI1.PLCL+2Hy—2KC14-Pt+2HyCL. 


Le chlorure d'argent sec n’est pas décomposé par le 
mercure même à une température élevée ni lorsqu'il 
est mélangé ou combiné avec un sel de platine. — 
M. A. G. Perkin, par l’action de l’iodure de méthyle 
sur l'acide 6-résorcylique, a obtenu un corps ayant pour 
constitution: 


CSH2Me(OMe).OH.COOMe. 


IL est probable que le groupé hydroxyle dans l'acide 
8 résorcylique qui résiste à la méthylation se trouve 
être en position ortho parrapport au groupe carboxyle. 
L'iodure d’éthyle donne, avec le même acide g résorcy- 
lique, un corps insoluble dans les alcalis et contenant 
seulement deux groupes éthoxy. Il a pour formule : 


CSH® (OEt) (OH) COO Et. 
L'action de l'iodure de méthyle sur la résacétophénone 
donne comme principal produit : 
C5H2(0Me) Me. (OH) COOCH® 
insoluble dans les alcalis. L'insolubilité de ces corps 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1067 


qui, très vraisemblablement contiennent un groupe 
hydroxyle libre, est due sans doute à ce que l'oxygène 
de ce dernier a prisles propriétés cétoniques; on pour- 
rait donc donner à ces substances la constitution : 


OCH3 OC2H5 
7 LÉ. É 
| 
V0 K79 
COOCHS3 COOC2H5 


Le mêmeauteur a pu obtenir également la gallacé- 
tophénone oxime : 


É CSH2(OH)5C : AzOH.CH® 
et la quinacétophénone oxime : 


CSH3(OH)2C : AzOH.CHS 


M. A. Glendinning a remarqué que le pouvoir réduc- 
teur exercé par la maltose sur les solutions cuivriques 
a une valeur différente suivant que l’on a employé, 
pour la préparation de la liqueur de Fehling, de la po- 
tasse ou de la soude. Suivant les conditions de l’ex- 
périence le pouvoir réducteur de la maltose serait : 
avec la soud?2 : K,.,, — 61, avec la potasse K,,, — 64. 
— MM. Ruhemann et J. P.Orton ont étudie l’action 
de l'ammoniaque, de l’aydrazineet de la phénylhy- 
drazine sur la dibromomalonamide, L'ammorniaque 
fournit la diaminomalonamide : 


C (Az H2)? (CO Az H?)2 


L’hydrazine et la phénylhydrazine fournissent l’hy- 
drazone etla phénylhydrazone correspondantes de la 
malonamide. L'acide nitrique donne un corps nitré; 
par réduction on a l’acide aminomalonique. — M. Chi- 
kashigé publie une note sur le perchlorate mercu- 
rique : 


Hg(C101)2 6H20, 


et le perchlorate mercureux: 
(HgC104)24H20 ; 


le premier de ces sels présente à 400° le phénomène le 
fusion et d’ébullition sans subir de décomposition; de 
deuxième n’est pas décomposé, mais ne présente pas 
les phénomènes de fusion ni d’ébullition. — M, C. M. 
Luxmoore à préparé le dihydrobromure d’éthylène 
hydroxylamine en chauffant le bromure d'éthylène 
avec une solution méthylique d'hydroxylamine auquel 
il attribue la formule : 


PSS VE à fa 
CH?.0—AzH?HBr 


ce qui le porte à croire que la formule de l’hydroxy la- 
mine correspond au groupement 0 — AzH*. Le même 
auteur donne un compte rendu de ses recherches sur 
l'isomérie présumée du nitroso-sulfate de potasse. — 
MM. C. T. Heycock F. R. S. et F. H. Neville ont 
étudié l'influence de différents gaz sur la température 
de fusion de l’or et de l'argent. Les points de fusion 
les plus élevés et les plus constants ont été ceux ob- 
servés en présencede l'hydrogène et du gaz d'éclairage. 
Ils relatent l’action exercée par la présence de l’oxy- 
gène qui, dans les cas extrèmes, produit un abaissement 
de 20°; mais cette action peut-être atténuée par l’action 
de l’azote ou de l'hydrogène. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM 
Séance du 26 Octobre 1895. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries :« Sur 
une classe de fonctions entières.» EndésignantparY, 
la fonction de y dont les zéros sont données par la 


1068 


——— 


2k 


formule 2 cos pr (RM; 
An + 


démontre que la suite des fonctions de Sturm de l’é- 
quation Y, — 0 est formée par les fonctions 


dé = A Re A): 


.…. n), l’auteur 


La fonction Y, satisfait à l'équation connue 
Yn = Yn 2 Yn-s = (f). 


Ensuite l’auteur fait voir que la fonction la plus géné- 

rale qui vérifie cette équation, peut être représentée 

par (ay + L) Qui — € Quss ici Q s’évanouit pour 

: k 1,2 ) 

nn A7 M2 ET) 

n +1 (% sa / 

Cette solution générale comprend aussi les fonctions 
2k+1 . 

COS TG 
2n + 1 


y — 2COS 


U, et V, dont les racines sont 


2k +1 
) hp 
7 AL EX0 RS gcc LS 
2n 
teur trouve que, pour les fonctions Q,, U,, Vn la suile 
des fonctions de Sturm se forme de la même manière 
que pour Y,,. La note se termine par quelques re: 
! 2 > m 
lations entre des produits de cosinus de la forme cos ah 


— Rapport de MM. W. Kapteyn et P. H. Schoute sur 
le mémoire de M. J.-C. Kluyver, intitulé : « Sur une 
surface minima à connexion double, » L'auteur s’oc- 
cupe du problème dela surface minima par laquelle 
on puisse joindre l’une à l’autre deux faces parallèles 
d'un parallélépipède droit. Il trouve que la surface 
n'est possible qu'autant que la distance des deux rec- 
tangles à dimensions données ne surpasse pas une 
certaine limite; si la distance des deux rectangles est 
inférieure à celte limite, il y a deux solutions. Ensuite 
il aborde la question : laquelle de ces deux solutions 
forme le minimum analytique, à l’aide du raisonne- 
ment géométrique dont se sont servis Moigno el 
M. Lindelôf dans la distinction entre les deux caté- 
noïdes du problème analogue des circonférences de 
cercle. Enfin l’auteur étudie la surface trouvée et ses 


dégénérations. 
90 SCIENCES PHYSIQUES, — M. H. Kamerlingh Onnes 


communique les mesures de M. P. Zeeman sur l’ab- 
sorption des vibrations électriques dans les électro- 
lytes, mesures suggérées par M. Cohn, de Strasbourg, 
et exécutées au Laboratoire de Physique de Leyde, 
L'excitateur employé était celui.de M. Blondlot. Sui- 
vant le principe de Bjerknes, on fait parcourir aux 
vibrations deux fils parallèles, d'une longueur de 
60 mètres. Ces fils se prolongent dans un bassin qui 
contient la solution diluée. L'énergie dans l'électrolyte, 
mesurée d’après la méthode de M. Cohn, par de petites 
bouteilles de Leyde qui peuvent glisser le long des 
deux fils de l'appareil, est communiquée à un Polo- 
mètre. Les résultats provisoires sont: 1° En parcou- 
rant l’électrolyte, l'énergie des vibrations diminue 
selon la loi logarithmique. 2°Pour des vibrations de 
6,5 mètres de longueur d'onde, parcourent une solu- 


tion de chlorure de soude d'une conductibilité 
x — 3200, 10-10 en unilés mercurielles, l’énergie est 


devenue la moilié de l'énergie initiale en passant 
par une couche de 5,7 centimètres d'épaisseur, — 
Ensuite M. Onnes présente une communication de 
M. H. J. Oosting intitulée: « Recherches strobosco- 
piques et photographie intermittente des vibrations 
forcées de fils tendus de caoutchouc. » Elle fait suite à 
une communication précédente (Rev. gén.des Se.tome VI, 
p. 296), — M. H. A. Lorentz présente un mémoire de 
M. A. Smits : «Description d'un micromanomètre, » Un 


a ——_—_——— ——’ —"————— ———————…——“û“—û“—û“û—_.——û—û—_—û2————— 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 


( —=0, 4,2... 7 —H) Enfin, Lau: 


CORRESPONDANCE 


tube en forme de U est placé verticalement; à la par- 
tie supérieure les deux parties du tube se terminenten 
des vases plus larges, tandis qu'au milieu courbé Île 
tube est étroit, Ainsi, si D et d représentent les sec- 
tions, le déplacement des parties ouvertes est mesuré 


à la partie courbée par un déplacement + fois plus 


grand. Ce tube doit être rempli de deux liquides dont 
l'un n’est presque pas soluble dans l’autre et qui 
admettent une surface de séparation bien distincte. Le 
choix de ces deuxliquides forme la difficulté du pro- 
blème. Pour que le manomètre fût à même de fonc- 
tüonner dans le vide, l’un des deux liquides employés 
était Peau, si facile à isoler à l'aide d'une couche 
d'huile ; l’autre des liquides, l’aniline, satisfait aux 
trois conditions suivantes : {°ilne surpasse l'eau en 
poids spécifique que d’une quantité minime, 2 il 
forme avec l’eau un ménisque convexe distinct, 
30 il ne cohère pas aux parois du tube, etc. A l’aide 
de cet instrument dont la sensibilité surpasse #1,6 fois 
celle du manomètre ordinaire à l’eau, on atteint sans 


. . 1 TS 
peine une exactitude de —= millimètre de mercure. 


3° SCIENCES NATURELLES, — A l’aide d’un examen de 
quarante espèces de fossiles tertiaires des iles Philip- 
pines, recueillies par C. Semperet placées dansle Musée 
géologique de Leyde, M. K. Martin prouve l'existence 
de formations éocènes sur Lucon, Gébu et probable- 
ment sur Mindanao, de formations néo-éocènes sur 
Lucon et Cébu, des formations pliocènes sur Minda- 
nao, etprobablement sur Luçon et Samar, de formations 
quaternaires sur Lucon, Samar et Cébu. Ces couches 
correspondent donc aux derniers sédiments de Java ; 
même à la période néo-éocène, les îles Philippines et 
lArchipel indien faisaient partie d’une région à 
même faune marine — M,C. A. Penelhamig présente 
un mémoire de M, W. Koster Gzu intitulé: «Le point 
de rotation de l'œil. » Sont nommés rapporteurs : 
MM. Th. Place et H, Kamerlingh Onnes. 

P.-H. ScHouTE. 


CORRESPONDANCE 


. M. P. Marguerite-Delacharlonny, à l’occasion des 
expériences de Hannay et Hogarth, citées dans la 
Revue du 30 août dernier !, nous écrit que, dès 1886, 
il avait observé que certains solides dissous dans les 
liquides les suivent, lors de l’évaporation, sous laforme 
de molécules gazeuses. 

Dans une Note présentée à l'Académie des Sciences 
le 6 décembre 18862, M. Marguerite-Delacharlonny 
relate les expériences que voici : 

Des dissolutions d'acide sulfurique, de soude, de 
sulfate ferrique, de carbonate de potasse furent ex- 
posées à une température de 65 à 70°; au bout 
de quelques heures des papiers réactifs témoignaient 
tous de la présence des corps dissous dans la vapeur 
qui s'élevait de la dissolution. La même expérience, 
répétée à la température ordinaire, donna des résul- 
tats identiques, 

Les expériences relatées dans l’article de la Revue 
du 30 août dernier étaient relatives à l’évaporalion 
au delà du point critique. 


; 
1 Voyez, dans le numéro du 30 août 1895, la Revue annuelle 
de Chimie pure, page 781, deuxième colonne. 
2 Comples rendus de l'Académie des Sciences, tome CUI, 
page 1128. 


Le Directeur-Gérant : LouIS OLIVIER 


ER UN CR RE ER PE EE mt 


N° 24 À 


30 DÉCEMBRE 41895 


REVUE GÉNÉRALE 


DES SCIENCES 


PURES ET APPLIQUÉES 


DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 


LETTRE SUR L'ÉNERGÉTIQUE 


Monsieur le Directeur, 


C'est avec Le plus grand plaisir que j'ai lu, dans 
le numéro du 15 décembre de votre Revue, l’article 
de M. Brillouin. Rencontrer un adversaire aussi 
fin, aussi courtois est toujours agréable. Mais 
c’est, je l'avoue, un effet de contraste qui m'a fait 
particulièrement remarquer et apprécier dans cet 
écrit la bienveillance et l’urbanilé, l'esprit de jus- 
tice, l'absence complète de parti pris, toutes qua- 
lités qui honorent l'écrivain et sont les conditions 
essentielles d’une discussion scientifique réelle- 
ment fructueuse. 

J'ai été particulièrement heureux de constater 
que M. Brillouin n’a pas méconnu le sentiment 
sérieux, la sincérité dans la recherche de la vérité, 
qui m'a inspiré. Aussi vous prierai-je, Monsieur le 
Directeur, de me laisser ciler en note un passage 
de mon manuscrit que vous aviez cru pouvoir 
supprimer, dans la conviction qu'il ne pouvait y 
avoir méprise sur mes intentions !. Le lecteur se 


1 Ce passage était le suivant : 

« Mon entreprise, je le reconnais, va me mettre en contra- 
diction avec des hommes qui ont beaucoup mérité de la 
science et vers lesquels nous levons les yeux avec admira- 
tion. Qu'ils n’aillent pas pourtant me taxer de présomption! 
Est-ce présomption quand le matelot en vigie crie : « Bri- 
sants en proue! » et détourne ainsi de sa route le grand 
navire à bord duquel il n’est qu'un modeste serviteur? Non, 
car son devoir est d'annoncer ce qu'il- voit. Au même titre, 
je m’acquitte ici d'un devoir. Moi aussi, je crie : « Brisants en 
proue! » mais personne n’est tenu de changer à ce simple cri 
sa route scientifique : que chacun seulement se rende compte 
si mes yeux ont vu une réalité ou un mirage trompeur. Ma 
vocation, en me conduisant vers certaines branches de la 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


persuadera ainsi qu'en dépit d’un titre dont je ne 
suis pas responsable, mon honorable contradic- 
teur ne s’est pas trompé sur mes sentiments. 

Cela dit, j'arrive au fait. 


Il 


Les éléments subsistent-ils dans les combinai- 
sons chimiques? Sur ce terrain, M. Brillouin me 
combat avec mes propres armes. L'existence des 
propriétés additives est, dit-il, une preuve de la 
persistance des éléments. Mais ne puis-je retourner 
l’arme contre lui? En dehors de la masse, iln'y a 
pas de propriétés additives, au sens strict du mot. 
Toutes les autres propriélés qui portent ce nom 
ne sont additives qu'approximativement. Dans 
tout le vaste domaine de la Stœchiométrie, je n’en 
connais, en fait, pas une seule qui soil indépen- 
dante de la constitution chimique. Si l’on parle en 
ce sens de la conservation de la matière, il faut 
ajouter qu'il s’agit seulement d’une image gros- 
sière, dont les traits s'écartent partout de la réalité 
qu'elle veut représenter. 


Il 


En ce qui concerne la théorie de l’éther élas- 
tique, je suis bien éloigné de nier les grands 
services rendus à la science par les savants qui 


science, m'a permis d’apercevoir divers phénomènes plus 
clairement qu’ils n’apparaissaient à d'autres points de vue: 
je croirais manquer si je renoncais, pour des raisons étran- 
gères à la science, à dire ce que j'ai vu. » 


24 


1070 


l'ont adoptée. Mais, entre les mains de Newton, 
son auteur, la théorie de l'émission n’a-t-elle pas 
donné des résultats, ne füt-ce que l'explication 
des anneaux colorés, à laquelle un siècle et demi 
n’ont pu rien ajouter? La considérons-nous d'aprés 
cela comme exacte ou même comme utile? Toute 
hypothèse qui représente certaines parties de la 
Nature, même sous un côté restreint, peut con- 
duire à des découvertes précisément de ce côté. 
Avons-nous le droit d'en conclure qu'elle est dé- 
montrée? 

Mon éminent contradicteur juge que la question 
de la stabilité de l’élher n’est pas résolue, par cela 
seul qu'on se borne aux équations différentielles. 
Sans doute; mais, pour moi, la question de savoir s’il 
peut exister un éther stable me paraît tranchée, du 
moment qu'on sait, en somme, se passer de l’éther. 
La théorie optique de l'avenir ne connaîtra dans 
l’espace que l'énergie, dont la densité sera une fonc- 
tion périodique du temps et des coordonnées, et 
celte fonction exprimera tout ce que nous savons 
des propriélés physiques de la lumière. Comment, 
en effet, ne pas reconnaitre que les difficultés de la 
théorie élastique résident en ce que cette hypo- 
thèse, à côté des éléments utiles, indispensables, 
en introduit d’autres qui ont élé déterminés par la 
nature non de la lumière, mais du véhicule sup- 
posé des phénomènes lumineux. Tel est précisé- 
ment le reproche qu'encourent toutes les théories 
mécaniques : elles renferment trop ou trop peu de 
paramètres, et, par suite, amènent des difficultés 
qui tiennent, non pas au /#it, mais à son symbole!. 


III 


J'en dirai presque aulant de la théorie cinétique 
des gaz. Je m’empresse de reconnaitre avec quelle 
ingéniosité Maxwell et Clausius ont su rendre 
l'image conforme à la réalité, au point de pouvoir 


1 11 semble piquant de rapprocher de ce passage cette 
remarque que notre illustre collaborateur M. H. Poincaré 
exprimait, il y a plusieurs années, dans la préface d'un de 
ses ouvrages : 

« La théorie des ondulations repose sur une hypothèse 
moléculaire; pour les uns, qui croient découvrir ainsi la 
cause sous la loi, c’est un avantage; pour les autres, c'est 
une raison de méfiance; mais cette méfiance me parait aussi 
peu justifiée que l'illusion des premiers. 

« Ces hypothéses ne jouent qu'un rôle secondaire. J’au- 
rais pu les sacrifier; je ne lai pas fait parce que l’exposi- 
tion y aurait perdu en clarté, mais cette raison seule m'en a 
empéché. 

«En effet, je n’emprunte aux hypothèses moléculaires que 
deux choses : le principe de la conservation de l'énergie et la 
forme linéaire des équations, qui est la loi générale des petits 
mouvements, comme de toutes les petites variations. 

« C’est ce qui explique pourquoi la plupart des conclusions 
de Fresnel subsistent sans changement quand on adopte la 

Voyez : H. Poincaré, Théorie mathématique de la Lumière, 
tome I, Préface, G, Carré, Paris, 1889. 

(Note DE LA DIRECTION.) 


W. OSTWALD — LETTRE SUR L'ÉNERGÉTIQUE 


établir à priori, avant toute expérience, les rela- 
lions entre la diffusion, le frottement interne et la 
conductibilité calorifique. Quel triomphe! Mais 
aussi quelle stérilité après ce premier fruit! Que 
contiennent depuis de longues années les travaux 
sur ce sujet? Une extension de nos connaissances 
sur les propriétés physiques des gaz? Non pas, 
mais seulement l'examen des fondements théo- 
riques de l'hypothèse. Vienne l'hypothèse à êlre 
reconnue insuffisante, —— la chose est possible, de 
l’aveu même de ses parlisans, — et tout ce travail 
aura élé fait en pure perte. 

Je crois utile de dire ici ce qui éveilla en premier 
lieu ma défiance à l'égard de la théorie cinétique. 
Elle n'a pas prévu les lois de Van t'Hoff relatives 
aux solutions, lois dont on ne saurait exagérer 
l'importance; plus encore, elle s’est trouvée dans 
l'impuissance d'établir ces lois, même une fois 
connues, à l’aide d'hypothèses tant soit peu plau- 
sibles. Mais, quand on a voulu tirer de celte 
impuissance un argument contre les propositions 
de Van LHoff, quand on à voulu nier des faits, 
parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec la théorie, 
je devais me dire : Cette théorie est plus qu'inu- 
ile : elle est nuisible. Et, qui pourrait dire com- 
bien de fois nous avons laissé de côté des faits 
importants, parce qu'ils ne cadraient pas avec 
l'hypothèse que nous nous étions forgée sur une 
question douteuse ! 


IV 


Reste le grave problème de la subjectivité de 
toutes nos connaissances. M. Brillouin pense que 
nous ne pouvons nous passer de symboles : je suis 
dans un certain sens de son avis. Mais nous avons 
bien le droit,le devoir même de choisir les symboles 
qui répondent le mieux possible à notre but. L'É- 
nergélique, elle aussi, imagine des symboles; mais 
seulement, à la différence de lascience antérieure, 
elle apporte un soin scrupuleux à ce que ses sym- 
boles ne contiennent rien de plus, rien de moins que les 
J'aits à représenter. 

J'ai insisté déjà sur ce que les théories méca- 
niques usuelles ne satisfont pas à cette condition; 
el j'ai des raisons de croire que, par essence même, 
elles ne peuvent jamais y satisfaire. Il m'est mal- 
heureusement impossible d'exposer ici ces raisons . 
avec tout le développement nécessaire ; mais je 
puis en indiquer la Lendance. Comme on le sait, on 


* 
s 
Ë 
| 


; 
| 
| 


distingue, depuis Hamilton, deux espèces de gran- & 


deurs physiques : 


tiellement différente, et l’on ne peut jamais repré- … 


senter l'une par l’autre. Je suis persuadé qu'il 


existe un plus grand nombre de grandeurs d'es-" : 


les sealaires el les vecteurs. Ces \ 
deux espèces de grandeurs sont de nature essen- 


Ps . . et 
sence différente; et je me crois fondé à admettre 
À 


que les diverses formes de l'énergie sont caracté- 
risées toutes par des grandeurs possédant une 
telle individualité. Que cela soit confirmé, et le fait 
que jusqu'à présent la Mécanique n’a pu donner 
une image complète de la Nature, apparaîtra 

- comme une #écessitée. Une telle notion serait aussi 

. précieuse pour la science que l’a été, en son temps, 
la notion de l’individualité des éléments chimiques, 
et les modernes adeptes des théories mécaniques, 
en prétendant ramener toutes les formes de l’éner- 
gie à l’énergie mécanique, ne feraient pas œuvre 
utile plus que les alchimistes cherchant à trans- 
muter le plomb en or. Que, dans un pareil labeur, 
on ait fait toutes sortes de trouvailles intéressantes 
autant qu'inattendues, ce n’est qu’une ressem- 
blance de plus avec l’activité, souvent féconde, de 
ces chercheurs opiniâtres. 

Mais, dira mon adversaire, il n’est pas démontré 
que les choses se passent ainsi. Sans doute ; seule- 
ment, du moment qu’elles peuvent se passer ainsi, 
c'est une raison suffisante pour examiner si cette 
méthode discutable est la seule qui puisse faire 


G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


SR  ——"— —"—— — ——]  —— ——"————…—”…"”"’_ ——— — —— — 


1071 


progresser la science. De fait, il en existe une autre 
moins hypothétique : la méthode de l'Énergétique. 
Pourquoi s'engager dans une voie incertaine, quand 
il en est une plus sûre ? 


En terminant ces remarques, j'éprouve, si je ne 
m'abuse, le même sentiment qu'a éprouvé mon 
honorable adversaire : notre divergence d'opinion 
n'est déjà pas si grande. Pendant dix années j'ai 
cherché sans succès à édifier une théorie méca- 
nique des affinités chimiques, et je me suis con- 
vaincu que c’est seulement dès qu'on a renoncé à 
toute analogie mécanique qu'on peut trouver des 
résultats de quelque utilité. Il est elair que mon 
adversaire n’a pas passé par semblable épreuve : il 
a conservé une certaine tendresse pour la Méca- 
nique. En ce qui me concerne donc, je crois rem- 
plir mon devoir scientifique en détournant mes 
collaborateurs des chemins qui, s'ils ne les con- 
duisent à l'erreur, les entraineraient sûrement à 
de longs détours. W. Ostwald, 


Professeur de Chimie physique 
à l'Université de Leipzig. 


LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


« Nos formules et nos théorèmes les plus remar- 
quables sont bien moins utiles en eux-mêmes que 
cette sorte de métaphysique qui les éclaire et les 
domine. » Porsor. 


Deux premières études ! sur la science de la 
chaleur ont été consacrées à l'exposé de ses lois 
et notions fondamentales, restées jusqu'ici dans 
l'ombre. Dans cette troisième et dernière élude, 
nous avons à rattacher à ces bases nouvelles les 
résultats généraux que la Thermodynamique ne 
permet d'atteindre qu'indirectement. 

Ce sera l’occasion, en établissant la notion d’en- 
tropie totale et formulant les lois de ses varia- 
tions, d'éclaircir les formules, d’ailleurs bien con- 
nues, qui traduisent ces résullats, et de meltre en 
relief leur signification physique. 

Ce sera aussi l’occasion d’esquisser le rôle que 
joue l’entropie dans les phénomènes d'ordre phy- 
sique, et de démontrer comment la considération 
de cette quantité fournit le moyen de préciser, sur 
un point essentiel, la doctrine de l’évolution. Le 
lecteur saisira bien la portée du sujet s’il se re- 
porte, au préalable, au livre des Premiers Principes, 
d’'Herbert Spencer, ouvrage considérable dans le- 
quel, réserve faite des hypothèses cinéliques de 
l'illustre philosophe, la doctrine en question se 
trouve exposée sous la forme la plus scientifique 


1 Voyez Revue du 30 Octobre et du 30 Novembre 1895, 


que comporte l’état actuel de nos connaissances 
en Physique et en Biologie. 


I. — ENTROPIE TOTALE 


L'entropie n’a élé définie, dans les études sus- 
mentionnées, que pour les corps homogènes, de 
température et de pression uniformes. Cependant 
nous avions cité un exemple où l’on peut mesurer 
la variation d’entropie d’un corps formé de deux 
gaz différents, oxygène et hydrogène. Rien ne nous 
aurait empêché, d'ailleurs, de supposer ces deux 
gaz primitivement à des températures et à des 
pressions initiales différentes, à condition, avant 
de les combiner, de les amener, par une opération 
réversible, à avoir la même température et la même 
pression. 

On peut généraliser cette observation, et définir 
la différence d’entropie de deux états À et B d’un 
système hétérogène, composé de corps de nature 
chimique différente, à des pressions, températures, 
tensions électriques différentes, de la même ma- 
nière qu'on définit la varialion d’entropie d'un 
corps uniforme, c'est-à-dire par une mesure calo- 
rimétrique effectuée par voie réversible, le système 
passant par une transformation réversible de l’état 
À à l’état B. La réversibilité doit être ici le carac- 
tère, non seulement des opérations qui s’accom- 
plissent entre le système et le calorimètre, mais en- 
core de celles qui s’accomplissent exclusivement 


1072 


G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


———————————————————————————————— TT 


à l’intérieur du système. Par exemple, pour amener 
les éléments du système à lamême pression, il faut, 
à l’aide d’une force extérieure qui accomplit ou 
dépense du travail, laisser les détentes et les com- 
pressions s'opérer lentement (afin d'éviter une 
transformalion de force vive en chaleur), et sans 
que les éléments à des températures différentes 
puissent échanger de la chaleur. Si des échanges 
de chaleur ont ensuite lieu à l’intérieur du système, 
il faut que ce soit à l’aide d'une machine de Carnot 
fonctionnant réversiblement, comme c’est la con- 
dition pour les échanges de chaleur entre les dif- 
férentes parties du système el le calorimètre. 

Grâce à ces conditions, la loi fondamentale sur 
la-réversibilité est applicable, et, quelle que soit 
l'opération réversible accomplie, la quantité de 
chaleur cédée ou empruntée au calorimètre reste 
toujours la même: elle ne dépend que des élals A 
et B. Elle est, par définition, la mesure de la varia- 
tion d’entropie du système. 


Propriété additive de l'entropie. — H y a entre la 
varialion d’entropie d’un système et la variation 
d'entropie de ses éléments — au moins quand 
ceux-ci sont chimiquement libres ! — une relation 
simple qui achève de caractériser la nouvelle 
grandeur. 

À ce point de vue, il est indispensable de distin- 
guer deux types fondamentaux de systèmes. En 
premier lieu viennent les systèmes hétérogènes pro- 
prement dits. Ce sont ceux dont les éléments ho- 
mogènes (corps à un état thermique, physique, 
électrique et chimique uniformes) occupent chacun 
un lieu distinct de l’espace, et ne sont, par consé- 
quent, ni diffusés les uns dans les autres, ni com- 
binés les uns aux autres. Cilons comme exemple 
le système vapeur et eau, le carbonate de chaux 
dissocié, ete. 

En second lieu viennent les systèmes homogènes, 
dont toutes les parties sont exactement au même 
état, et ne présentent entre elles aucune différence 
à quelque point de vue que ce soil. Ces systèmes 
sont chimiquement décomposables en éléments 
homogènes de nature chimique distincte ou non, 
éléments dont la masse lotale, à l’état libre, est, 
d’après la loi de Lavoisier, égale à la masse même 
du système. Ce sont donc des systèmes dont les 
éléments occupent le mème lieu de l’espace, soit 
par dissolution ou diffusion, soit par combinai- 
son. Citons, comme exemple, tous les corps com- 
posés, et aussi les vapeurs des corps simples po- 
lyatomiques (hydrogène, phosphore, etc.). 

Dans les systèmes hétérogènes, il faut encore 
distinguer deux types de systèmes : les sys/èmes 


1 C’est-à-dire ni dissous, ni combinés, 


physiques, ou systèmes dont les éléments ont des 
masses invariables, quoiqu'ils puissent eux-mêmes 
subir des transformations chimiques, et les systèmes 
chimiques, où systèmes dont les éléments ont des 
masses variables, mais se transforment les uns 
dans les autres. 

Si les éléments des systèmes physiques ne peu- 
vent échanger leur masse, ils peuvent échanger de 
la chaleur, de l'électricité. Leur volume, leur pres- 
sion, leur température, leur entropie, ete., peut 
varier, soil par l'effet de leurs actions et réactions 
mutuelles, soit par l'effet d'actions du dehors. 

Quand, par suite des changements que provo- 
quent les causes intérieures et extérieures, un 
système physique passe d'un état À à un état B, il 
est toujours possible de revenir par voie réversible 
de l’état B à l’état À, tout en s'astreignant à opérer 

sSéparément sur chaque élémentisolé et,en quelque 
sorte, extrait du système, isolé lui-même et main- 
tenu à un état invariable. Si l’on a, d’ailleurs, soin 
d'accomplir les opérations successives à l’aide 
d'une seule source de chaleur, ou de ramener 
toutes les sources sauf une, qui est le calorimètre, 
à leur état initial, par définition la quantité totale 
de chaleur cédée ou empruntée au calorimètre 
mesure, avons-nous dit, la variation d’entropie du 
système; mais celle quantité de chaleur est la 
somme des quantités de chaleur respectivement 
empruntées ou cédées par les éléments du sys- 
tème, et celles-ci mesurent les variations d’en- 
tropie de ces éléments. La variation d’entropie du 
système est donc égale à la somme algébrique des 
variations d'entropie de ses éléments. 

Or, le zéro d’entropie du système répond au cas 
où tous les éléments sont eux-mêmes au zéro 
absolu d’entropie ; sans quoi l’on pourrait encore 
emprunter de la chaleur au système, fournir de la 
chaleur au calorimètre, et, par suite, abaisser l’en- 
tropie du système. Il faut conclure de là que si, 
ce qui parait bien probable, il existe une limite 
inférieure finie de l'entropie d’un corps, l’entropie 
absolue d'un système physique est la somme des entro- 
pies absolues de ses éléments. Telle est ia relation re- 
marquable que nous avions en vue. 

Appliquée à un corps homogène, considéré 
comme un système hétérogène formé de parties 
semblables, elle montre que l’entropie d'un corps de 
masse variable, mais maintenu toujours au même état \, 
varie proportionnellement à la masse du corps. Ce prin- 
cipe constitue la dernière des généralisations dont 
la notion d’entropie est susceptible. Il prouve que 
l'entropie est, suivant une expression empruntée 
au Professeur W. Ostwald, une qualité additive de 
la matière, comme le sont la masse el l'énergie. 


PR 
1 Par exemple, l'eau dans sa vaporisation sous pression 
constante. 


El 
à 
1 


pr, 


G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 1073 


È Ê 

- Pour évaluer la variation d’entropie d’un corps 
à dont la masse et l'élat changent à la fois, il suffit 
- de considérer la succession de deux transforma- 
1 tions; dans la première, le corps, conservant sa 
… masse, change d'état; dans la seconde, son état 
… ne change pas, mais sa masse est accrue ou dimi- 
. nuée. Par conséquent, la variation totale de l’en- 
— lropie de ce corps est exprimée par la formule : 


va 


£ 
: ÈS — mdS +S dm, 


où ÔS est la variation totale d'entropie, d4S la va- 
riation d'entropie de l’unité de masse, » la masse 
- el dm la variation de la masse. 

; Grâce à cette formule, il devient possible de 
… iraiter le cas des systèmes hétérogènes chimiques, 
- c'est-à-dire ceux dont les éléments peuvent se 
- transformer totalement les uns dans les autres. 

Prenons comme exemple le système eau et 
vapeur à des températures et des pressions varia- 
bles. Soit » la masse de l’eau, »#'la masse dela 
vapeur, ét dm la masse infiniment pelite d’eau 
vaporisée, On peut évidemment, qu'il s'agisse ou 
non d'une transformation infiniment petite, consi- 
dérer ce système comme un système physique 
formé de lrois éléments de masse invariable : la 
masse d'eau 7— dm, la masse de vapeur #', et la 
masse dm qui passe de l’état liquide à l’état de 
vapeur. 

Le théorème précédent est donc applicable; la 
varialion d'entropie àS du système est égale à la 
somme des variations d'entropie de chacune des 
trois masses, et l’on a : 


ÈS = (in — dm) dS + m'dS + dm (S —S), 


S étant l’entropie de l’eau, S’ l'entropie de la va- 

peur, et 4S et dS'les variations de ces quantités 
. résultant des variations de pression et de tempé- 

ralure. Supprimant l'infiniment pelit du second 
. ordre, la relation devient: 


ÈS= mdiS + mdS + dm (S'— S); 


ou encore : 
ÈS = (m'dS! + S'dm) + (mdS — Sdm), 


formule qui montre que le changement d’entropie 
du système est encore égal, quoique les masses de 
ses éléments varient, à la somme des variations 
d’entropie de ses éléments. 

Ainsi, dans tous les systèmes hétérogènes, phy- 
siques ou chimiques, et, par suite, dans les sys- 
tèmes mixtes, l’entropie conserve sa propriété 
additive. Malgré les aclions et réaclions des élé- 
ments du système, malgré les échanges de toute 
nalure qui ont lieu entre eux, ÿ compris les 
échanges de masse, leurs entropies ne cessent pas 
de se cumuler, dans toutes les transformations du 
système, pour fournir l’entropie totale. Il y a là 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895. 


une sorte de conservation de l’entropie, parallèle 
à la conservation de la masse. 

Quand, de la considération des systèmes hété- 
rogènes, on passe à celle des systèmes homo- 
gènes, la question devient plus délicale. D'abord, 
le seul fait d'amener des éléments homogènes à 
occuper le même lieu de l’espace (dissolutions et 
combinaisons chimiques) suffit souvent pour dé- 
terminer une augmentation de l'entropie totale. 
Maintenant, peut-on définir l’entropie propre d’un 
élément engagé chimiquement avec d’autres? El, si 
cela est possible, existe-t-il encore une relation 
déterminée entre la variation d'entropie des élé- 
ments et l'augmentation d’entropie du système? 
Malgré son importance, nous ne chercherons pas à 
résoudre ce double problème, extrêmement inté- 
ressant; il se rattache directement à la question 
des lois propres de la Chimie’, et, pour cette raison 
même, n’apparlient pas exclusivement à la science 
générale de la Chaleur. 


IT. — LA TEMPÉRATURE ABSOLUE. 


Dans le cas le plus général, c'est-à-dire le plus 
complexe, de la transformation d'un corps homo- 
gène, il n’y a pas de rapport déterminé entre la 
mesure d’un changement d'entropie et la quan- 
lité de chaleur absorbée ou dégagée dans ce chan- 
gement. Mais il n'en est pas de même s'il s’agit 
d'une transformation isotherme, et de la défini- 
lion de la variation d’entropie il résulte immé- 
diatement qu'il y a alors proportionnalité entre les 
deux quantités, de sorte qu’on peut écrire la rela- 
tion : 

Q=K#(S —S), 
où Q est la chaleur latente, S et S’ les valeurs de 
l’entropie initiale et finale et # un coefficient nu- 
mérique constant indépendant de la nature du 
corps considéré, mais fonclion de la température 
considérée et de celle du calorimètre. 

À une autre température on aurait la relation : 


Q'= #(S' —S). 


Le rapport qui existe entre les coefficients # et 
k' est, d’après ces relations, le même qu'entre les 
chaleurs Q et Q”, qu'on peut considérer comme les 
chaleurs mises en jeu, aux températures t et #!, 
dans un mème cycle de Carnot. Carnot admettait 
que ce rapportest égal à l'unité, de sorte que, pour 


1 Je ne fais pas allusion ici aux lois de la Thermochimie, 
qui sont tout simplement des applications à la Chimie des 
principes de la Science de l'Energie. Je veux parler des lois 
quantitatives spéciales aux réactions chimiques. Je profite de 
l’occasion pour faire des réserves formelles sur le rôle exclu- 
sif que M. le Professeur W. Ostwald attribue à l’Energétique 
dans les Sciences physiques, et sur la place que le savant 
professeur fait occuper au concept de l’Enervgie, relative- 
ment au concept matière. (Cf. La Déroule de l'Alomisme, 
dans la Revue du 15 novembre 1895. 

24* 


1074 


lui, il n'y aurait pas eu lieu de distinguer la varia 
tion d’entropie de la quantité de chaleur : c’eût été 
une seule et même chose. Mais la donnée de Carnot 
est inexacte ; précisément la loi sur l’irréversibi- 
lité conduit à ce corollaire que, si la température # 
est supérieure à la température /', la quantité Q est 
plus grande que la quantité Q'. Ainsi donc, relati- 
vement à une température donnée du calori- 
mètre, le coefficient Æ varie avec la température 
du corps qui subit la transformation isotherme, el 
dans le même sens que cette Llempérature. Il est 
d’ailleurs le même pour tous les corps pris à la 
même température; il peut donc servir de mesure 
absolue à la température, et on l'appelle fempéra- 
ture absolue, en le représentant par ia lettre T. 
C'est ce qu'exprime la formule bien connue : 
Q=TASINS);, (1) 


qui élablit une relation simple entre la chaleur la- 
tente Q, ou chaleur mise en jeu par voie réversible 
le long d'une isotherme, la température absolue T 
de l’isotherme, et la variation d’entropie S —S. 

En faisant, dans cette relation, S'—S égal à l’u- 
nilé, et désignant par Q, la chaleur latente corres- 
pondante, on a 

Te QU (2) 

c’est-à-dire que la température absolue est mesurée 
par la chaleur absorbée dans une transformation iso- 
lherme qui accroît l'entropie d'une unité. 


Signification physique de la température absolue. — 
Mais cet énoncé si précis ne constitue cependant 
pas une définition suffisante de la nouvelle notion. 
On n'en saisira bien la signification physique que 
par les considérations suivantes, basées sur le 
« déplacement » d'enlropie qui s'opère dans un 
cycle de Carnot". 

Le fait que, dans le cycle de Carnot, la quantilé Q 
est supérieure à la quanlité Q’, peut s'exprimer en 
disant que, par une transmission réversible de cha- 
leur du corps froid au corps chaud, ou inversement, 
il y a destruction ou création de chaleur.Peu importe 
d'ailleurs d'où est tirée la chaleur créée, et ce que 
devient la chaleur détruite; ce qui importe dans 
le cas présent, c'est, d’une part, que celte trans- 
mission est accompagnée de varialions égales el 
opposées d'entropie, une partie de l’entropie se 
déplaçant, en quelque sorte, d'un corps dans 
l’autre; c'est, d'autre part, que le déplacement de 
l'entropie n'est accompagné d'une création ou 
d'une destruction de chaleur que si les deux corps 
sont à des températures différentes. À tout écart 
de température est donc nécessairement lié, dans 
un déplacement donné d’entropie, une création 


l Cf, Leçons de Ther modynamique de M Lippmann, p.78. 


G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


ou une destruction d'une quantité déterminée de 
chaleur, quantité qui ne dépend pas de la ma- 
chine thermique, mais seulement de la tempéra- 
ture initiale et finale. Si l’une de ces températures 
est modifiée, l’autre restant invariable, la quantité 
de chaleur détruite ou créée est modifiée dans le 
même sens que l'intervalle de température. Si l’in- 
tervalle grandit, la quantité de chaleur augmente; 
s’il devient plus faible, elle diminue. 

Gràce à cetle connexion, qui repose sur la qua- 
trième loi fondamentale, ilest possible de compa- 
rer deux intervalles de température même quand 
les températures initiales et les températures 
finales ne sont pas les mêmes, et cela à l'aide des 
quantités de chaleur ÿ et g' détruites ou créées 
dansle déplacement réversible d’une quantité d'en- 
tropie invariable. Si la quantité 7 est égale à la 
quantité g', on dira que les intervalles sont égaux. 
Si elle est trois fois plus grande, on dira que 
l'intervalle correspondant est trois fois plus 
grand que l'autre. D'une manière générale, un 
intervalle de lempérature peut être considéré 
comme une grandeur mesurable, c'est-à-dire 
comme la somme d'un certain nombre d’intervalles 
égaux à l’unilé. Si gest la chaleur détruite ou 
créée répondant à l'intervalle pris pour unilé (par 
exemple l'intervalle de 0° C. à 1° C), la mesure de 

: q 
tout intervalle sera le rapport —, 
Mais la mesure d’une température ne saurait êlre 


que la mesure de l'intervalle qui la sépare d’une 
température fixe et déterminée, arbitrairement 
choisie /, (par exemple 0° C, température de fusion 
de la glace). Une température { aura donc pour 


mesure le rapport: 
Qo—Q, 


r=® 
qi 

Qc et Q, étant les chaleurs latentes de dilatation 
aux températures { et 4, pour un accroissement 
d'entropie égal à une valeur quelconque ç. Elce rap- 
port est parfaitement indépendant de la nature de 
la substance (hermométrique aussi bien que la 
valeur 5, qu'on peut supposer, en particulier, égale 
à l'unité. 

Maintenant, alin de simplifier la formule, au lieu 
d'attribuer à la température {, la valeur 0, conve- 
Un 
tons une unité d’entropie, Lelle que lachaleur 7, dé- 
truile ou créée, répondant à l'intervalle de &C à 
1° G, soitégale à l'unité. Laformule se réduit alors à: 

1— 1) 


Y1 


nons de lui attribuer la valeur ;en outre, adop- 


c'est-à-dire à la formule (2), qui entraine la rela- 
lion fondamentale (1). Celle-ci se trouve ainsi su- 
bordonnée à une certaine relation entre les unilés 
de variation d’entropie, de quantité de chaleur, et 


# 
2 
à 


. d'intervalle de température. Si les unités étaient 
- quelconques, la relation fondamentale devrait 
- contenir un coefficient numérique. 


Conclusion pratique. — La marche que nous ve- 
- nons de suivre pour arriver à définir la tempéra- 
- ture absolue est assurément moins simple que 
- celle qui consiste à définir celte grandeur, sans 
… autres explications, par un rapport numérique. 
Mais elle a cet avantage, d’abord de mieux mettre 
en évidence la dépendance des unités (c'est-à-dire, 
- selun l'expression à la mode, les « dimensions » 
- de la température absolue), ensuite et surtout de 
- faire ressortir l’origine profonde de la nouvelle 
- grandeur et la raison de son utilité. Il ne suflirait 
- pas, en effet, pour atteindre ce résultat, de dire 
- que la température absolue est la grandeur me- 
surée par la quantité de chaleur mise en jeu le 
long de l'isotherme, dans un changement d'en- 
tropie égal à 1. Il est essentiel d'expliquer que les 
varialions de cette grandeur expriment propor- 
lionnellement les quantités de chaleur détruites 
ou créées dans la transmission réversible de cha- 
leur, donc la quantité maxima d'énergie que peul 
lransformer une machine thermique. 

C’est, en effet, que la définition de la mesure 
d'une grandeur ne saurait être arbitraire ; il n’y a 
rien de conventionnel dans une science bien cons- 
truite et tout est imposé par la nature des choses. 
La définition de la mesure d'une grandeur doit 
être en accord avec la définition de la grandeur 
elle-mème ; elle doit dériver de la propriété fon- 
damentale qui caractérise celle-ci. Or la tempéra- 
ture, comme la force mécanique, la pression élas- 

_Lique, la tension superficielle, la force électromo- 
trice, elc., est une puissance de transformation, une 
force, au sens général du mot. Il faut donc que ses 
variations soient mesurées par le rendement en 
travail, ou par la quantité de chaleur transformée, 
ou, ce qui revient au même, par les varialions d° 
la chaleur latente, à égalité de variation d’entropie. 

Non seulement ce mode d’évalualion s'impose 
théoriquement, mais, pratiquement, il est indis- 
pensable ; car il dispense une fois pour toutes 
d’avoir recours aux machines thermiques réver- 
sibles : et il permet de ramener toutes les mesures 
thermiques à de simples mesures calorimétriques. 
En effet, une fois les températures absolues éva- 
luées en fonction dés températures thermomé- 
triques, par des expériencesfaites sur une machine 
thermique réversible particulière Gun gaz, une va- 
peur saturée, elc.), on peut se dispenser, dans l'é- 
tude d'un phénomène quelconque, de procéder par 
voieréversible !, Il suffit de mesurer à tout instantles 

1 Sans pouvoir éviter, bien entendu, d'avoir recours aux 
transformations réversibles des corps ou systèmes étudiés. 


G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


températures du système, ainsi que les quantités de 
chaleur échangées avec le calorimètre; les varia- 
tions d’entropie peuvent alors être calculées par la 
formule (1). 


III, — LE ZÉRO ABSOLU DE TEMPÉRATURE 


La définition rationnelle de la température abso- 
lue, telle que nous venons de la donner, est par- 
faitement indépendante de la question de l’exis- 
tence du zéro absolu de température : car, dans 
nos explications, nous n'avons rien eu à supposer 
à ce sujet. Il est cependant intéressant d'étudier 
ce que deviennent, au zéro absolu, les nouvelles 
quantités : entropie et température absolue. I règne, 
en celte matière, quelque incertitude dans 
les exposés courants, et l’on confond parfois le 
moyen, que nous n'avons pas, de réaliser le zéro 
absolu avec la possibilité d'existence de cet état 
thermique. 

Zéro absolu. — Tout d’abord, et réserve faite de 
la question toute théorique des tempéralures 
négatives !, il est évident qu'il existe une limite 
inférieure de la température, soil qu'on évalue la 
tempéralure par les moyens ordinaires, dilata- 
tions ou pressions, soit qu'on la mesure par les 
quantités de chaleur. 

Dans le premier cas, celte limile répond à l’état 
des corps sous leur minimum de volume (à pression 
constante), ou à leur minimum de pression ou 
maximum de tension (à volume constant). Dans 
le second cas, elle répond à l’élal des corps pour 
lequel la chaleur latente de dilatation, rapportée à 
l'unité de varialion d’entropie, est un minimum. 

Expliquons cette dernière définition. Si une ma- 
chine réversible emprunte à une source chaude, à 
une température fixe et déterminée T,, une quan- 
tité de chaleur fixe et déterminée Q,, la chaleur Q 
transmise à une source froide est inférieure à la 
quantité Q, d’une quantité d'autant plus forte que 
la température T de cette source froide est plus 
basse. 

Mais la quantité de chaleur cédée ne peut, d'après 
la loi sur la réversibilité, devenir négative; elle à 
donc une limite inférieure et la température abso- 
lue de la source froide pour laquelle cette limile 
serail alleinte est la valeur absolue inima de la 
température. Si cette limite est zéro, el rien n'em- 
pêche de concevoir la possibilité d'une limite nulle, 
— tout au contraire la fait présumer —., la valeur 
minima correspondante est ce qu’on doit ralionnel- 
lement appeler le zéro absolu. Ainsi la définition 
du zéro absolu est d'ètre la #mpérature d’une source 
] 


froide à l'aide de laquelle on pourrait détruire toute lu 


1 S’il existait une série de températures négatives, l'exis 
tence du zéro absolu en serait, d’ailleurs, une conséquence 
nécessaire. 


1076 


chaleur empruntée à une source chaude (en Ja trans- 
formant en travail ou autre énergie extérieure). 
Nous pouvons maintenant juslifier la convention 
que nous avions faite, au sujet de la température 
absolue, en attribuant au repère de la nouvelle 


échelle de température une valeur égale à Fe Cette 
1 

quantité mesure précisément l'intervalle compris 
entre la température repère et le zéro absolu, de 
sorte que la température absolue : 

LE — 2er 

qi 

n'est autre que la mesure des températures rap- 
portées au zéro absolu. 

On peut donc dire que la température T est dou- 
blement absolue, absolue parce qu’elle n’a aucune 
relation avec un corps thermométrique particulier, 
absolue aussi parce qu’elle est comptée à partir du 
zéro absolu. 

La quantité T n’est d’ailleurs point une quantité 
théorique ; sans doute, en pratique, on ne peut la 
mesurer directement, mais, comme nous l'avons 
déjà dit, on peut Ja calculer à l’aide des lois spé- 
ciales à certaines classes de corps, nolamment des 
gaz parfaits. 

Prenons comme exemple le calcul de la tem- 
pérature absolue T, de la glace fondante, en adop- 
Lant pour unité d'intervalle le degré centigrade, 
c'est-à-dire l'intervalle de température de OC. 
à 41°C. 

Soient, pourune variation déterminée d’entropie, 
Q,la chaleur latente au zéro centigrade, et Q, la 
chaleur latente à 1°C. La température cherchée T,, 
sera donnée par la formule : 

Q 
QG ‘ 

Appliquons celle formule à un gaz parfait, c’est- 
à-dire à un corps dont l'énergie intérieure, qui ne 
dépend que de la température, est proportionnelle 
à sa mesure absolue, et dont le volume à tempé- 
rature constante varie en raison inverse de la 
pression. Puisque l'énergie de ce corps ne dépend 
que de sa température, les quantités Q, et Q, doi- 
vent être respectivement égales, par application du 
principe de l’équivalence, aux travaux de détente 
isotherme ; mais, d'après la loi de Boyle, ces travaux 
sont proporlionnels aux pressions, de sorte que 
l'on a finalement: 

EE Po 


« Pi — Po 


n 


(P1 et Po, pressions à volume constant). 


Or, ce rapport est égalau coefficient de dilatation 
du gaz, par rapport au volume à 0°C, coefficient 
dont la valeur a été reconnue égale, par des expé- 


riences directes, à 1/273, On a donc, en définitive : 


Dr 219 


G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


Si nous avons reproduit ce petit caleul, c'est 
pour bien montrer que le chiffre de 273, si sou- 
vent invoqué, n'est point un chiffre théorique ou 
hypothétique. Non seulement il ne suppose pas 
l'existence réelle d'un zéro absolu de température, 
mais encore il n'implique d'aucune manière que 
les lois des gaz parfaits soient vraies à toutes les 
températures, chose peu vraisemblable d'ailleurs, 
etmême inconcevable s’il s'agit du zéro absolu. Il 
suflil, pour que le chiffre de 273° soil positivement 


justifié, qu'il existe un seul corps satisfaisant aux 


lois de Joule et de Boyle, entre 0° et 41°C et dont le 
coefficient de dilatation soit égal à 1/273. On doit 
donc poser en principe, comme une conséquence 
logique des lois de la chaleur et de la manière dont 
se comportent cerlains corps entre 0°C. et1‘C., que, 
si le zéro absolu existe, il est à 273° (en unités 
centigrades, et en mesure absolue) plus bas que le 
zéro centigrade. 

Æntropie au zéro ahsolu. — Quand on applique la 
relation fondamentale (1) à une transformation 
infiniment pelile, on la met sous la forme : 


dQ TA, (3) 


où 4Q est la quantité infiniment petite de chaleur 
absorbée !, el 4S la variation infiniment petite d'en- 
tropie. Si G est la chaleur spécifique, on peut aussi 
écrne 


(4 


où dS est la variation d’entropie répondant à une 
variation de température dT à pression constante. 
On a conclu de celte formule qu’en supposant C 
constant aux basses températures, comme cette 
quantilé Pest aux températures expérimentées, 
pour une classe nombreuse de corps, la valeur de 
l'entropie au zéro absolu serail infinie. 

Quelle que soit la validité de la supposilion rela- 
tive aux valeurs de C, la conclusion est erronée: car 
la formule (4) cesse d'être exacte quand les valeurs 
de T sont voisines du zéro. La substitution dans la 
formule (3) de la quantité CdT à la quantité 4Q n’est | 
plus alors permise, parce que la différence de ces 
deux quantités devientun infiniment petit du même 
ordre que les quantités elles-mêmes. D'ailleurs, la 
définition mème de l’enltropie montre que cette 
grandeur dépend de deux variables, et qu'au zéro 
absolu elle doit varier avec la pression ou le volume 


1 Cette formule suppose que la chaleur réellement absorbée 
dQ et la chaleur latente 4L, entre les mêmes adiabatiques, 
sont des infiniment petits du même ordre dont le rapport 
est, à la limite, égal à l'unité. 

C'est une condition dont il faut se préoccuper, quand on 
cherche à appliquer la formule aux transformations opérées 
au zéro absolu, ou à celles d'un solide ou d'un liquide parfait, 
c'est-a-dire totalement dépourvu d’élasticité, opérées à une 
température quelconque. 


G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


1077 


. -spécifique du corps considéré. À supposer même 
qu’au zéro absolu ces quantités soient complète- 
ment déterminées, c’est-à-dire que les adiabatiques 
aient toutes un même point commun avec l'iso- 
therme zéro, tout ce que l’on pourrait dire, c’est 
que l’entropie est indéterminée en tant que fonc- 
tion du volume et de la pression, mais non qu'elle 
est infinie. Il faudrait plutôt, par application de la 
Joi de la réversibilité, considérer que le corps, 
tout en conservant la même pression, le même vo- 
lume et la température zéro, soit cependant sus- 
ceplible d'un certain changement d'état qui serait 
marqué par le changement d’entropie. Toutefois, 
si les chaleurs spécifiques pouvaient rester cons- 
tantes jusqu'au zéro absolu, il faudrait en conclure 
que l’entropie n'a pas de limite inférieure. Nous 
préférons croire que les chaleurs spécifiques, rap- 
portées à l'unité absolue d'intervalle de tempéra- 
ture, diminuent avec la température. 

En résumé, il n'y a rien de particulier à dire sur 
la valeur de l’entropie au zéro absolu. Celte valeur 
peut être quelconque, nulle ou finie, et les lois de 
sa variation ne sont, d’ailleurs, pas différentes des 
lois de sa variation à température finie. Ce sont 
ces lois que nous allons maintenant examiner, en 
exposant les théorèmes généraux de la science de 
la Chaleur, ou règles s'appliquant, non plus à un 
cas simple, comme les lois sur la réversibilité et 
l'irréversibilité, mais à un phénomène thermique 
quelconque. Nous allons voir que, grâce à la no- 
tion de l’entropie, le nombre de ces théorèmes se 
réduit à deux, et que les théorèmes eux-mêmes 
prennent une forme très simple, qui dispense de 
toute formule différentielle dans les énoncés. 


IV. — CoNSERVATION DE L'ENTROPIE 


Le premier des théorèmes en question est un 
corollaire immédiat de la loi sur la réversibilité et 
de la définition de l’entropie totale d’un système. 

Supposons qu'un système quelconque, isolé 
thermiquement, c'est-à-dire enfermé dans une 
enceinte imperméable à la chaleur, subisse une 
transformation réversible, par laquelle il passe 
d’un état À à un élat B. Metions ensuile le sys- 
tème dans le calorimètre, et ramenons-le, encore 
par une opéralionr réversible, à son élat initial A. 
Dans l’ensemble réversible de ces deux opéralions, 
le système a fonctionné comme machine ther- 
mique, échangeant de la chaleur avec une source 
unique qui est le calorimètre. En vertu donc de la 
loi sur la réversibilité, le calorimètre, finalement, 
n'a pu gagner ni perdre de chaleur, ce qui prouve 
que, dans le retour à l’état initial, l'entropie du sys- 
tème n’a pu varier; autrement dit, que la différence 
d’entropie entre les états A et B est nulle. De là le 
théorème suivant : 


PREMIER THÉORÈME GÉNÉRAL. — Quand un système, 
isolé thermiquement, subit une transformation réversible, 
son entropie se conserve. 

Une telle transformation, homologue dela trans- 
formation adiabatique d’un corps homogène, s'ap- 
pelle transformation isentropique. 

Ilest, le plus souvent, impossible d'appliquer 
directement le théorème à la transformation 
réversible d’un système isolé quelconque; les élé- 
ments numériques font défaut. Pour traiter le cas 
général, on suppose le système ramené à son élat 
initial par une autre transformation réversible, 
c’est-à-dire qu'à la considération d'un cycle réver- 
sible ouvert on substitue la considération d'un 
cycle fermé; de cette manière, les seuls change- 
ments définitivement accomplis le sont dans les 
sources, et par conséquent sont directement me- 
surables. D'ailleurs, peu importe la température 
des sources, pourvu que les écarts de température 
entre le système et les sources conservent le sens 
convenable. Le cycle suivi par le corps ne dépend 
que de ce senset des quantités de chaleuremprun- 
tées ou cédées. 

On peut supposer, en particulier, qu'il. n’y à 
entre les sources et le corps que des différences 
de température infiniment petites, et alors l’opé- 
ration doil être considérée comme réversible, si le 
cycle lui-même, ce que nous supposons, est réver- 
sible. Mais le système total, composé du système 
considéré et du système des sources, est un sys- 
tème isolé thermiquement, dont l’entropie, d’après 
le théorème fondamental qui vient d’être énoncé, 
n'a pas varié. 

On peut donc écrire la relation générale : 


AN) 
— = 0, 
J3 


où 4Q est la quantité de chaleur empruntée à une 
source, et T la température commune de celte 
source et du système ou de la portion du système 
avec laquelle l'échange de chaleur a lieu. 

Cette formule a été établie, pour la première 
fois, par Clausius. Nous reviendrons, au paragraphe 
suivant, surlesobservations que suggèrent laforme 
du premier membre de la relation. 


V. — AUGMENTATION DE L'ENTROPIE 


On vient de voir que l’entropie se conserve dans 
les phénomènes réversibles ; quelle est la loi de 
sa variation dans les phénomènes irréversibles ? 

La question a paru délicate au point que cer- 
tains auteurs se sont abstenus de la traiter dans 
toute sa généralité, et que d’autres ont émis des 
doutes sur l'exactitude de la solution avancée par 
Clausius. Les explications qui suivent seront peut- 
être de nature à lever les difficultés de pure forme 


1078 


et à faire adopter une théorie qui n’est plus guère 
contestée à l'Étranger, et qui, en France, a plus ou 
moins indirectement inspiré une partie des travaux 
de M. Berthelot et de son École. 

Ces explications ont pour base la quatrième loi 
fondamentale, telle que nous l'avons formulée 
d’après M. Ariès, celte loi suivant laquelle, si une 
opération irréversible est accomplie sur un système 
de sources de chaleur, à l’aide de machines ther- 
miques, l’une des sources, au moins, absorbe de 
la chaleur. 

L'expérience, avons-nous dit, estle véritable crite- 
rium d’exaclitude des lois fondamentales, La loisur 
l'irréversibililé n'échappe pas à cette règle; mais, 
sans chercher ici à montrer comment elle se « pré- 
juge » en qualité de corollaire d’une loi fondamentale 


de l'Énergie, et comment, par conséquent, elle se 


raltache à une mullitude de faits où la chaleur ne 
joue aucun rôle, il n’est pas inutile de signaler les 
rapports qu'elle présente avec les principes de la 
Thermodynamique, et, revenant sur un point sim- 
plement signalé dans la première partie de cette 
étude, de montrer que douter de son exactitude, 
ce serait douter du principe de Carnot sur la pro- 
duction de force motrice par la chaleur. 

On peut, en effet, après qu’une opération irré- 
versible a été accomplie sur un système desources!, 
ramener par voie réversible toutes les sources de 
chaleur à leur état initial, sauf une seule toutefois, 
qui, d’après la loi en question, à finalement ab- 
sorbé de la chaleur. Or, si l’on considère l'énergie 
des différentes parties du système, celle des ma- 
chines ainsi que celle des sources, sauf une seule, 
n'ont pas varié, puisqu'il y a eu retour à l’état ini- 
tial. Seule, l'énergie des systèmes extérieurs en 
relation avec les machines, systèmes qui sont sup- 
posés n'avoir subi que des transformations réver- 
sibles, a varié, en même temps que s’est accrue 
la chaleur d’une source. On peut donc dire, par 
application du principe de l’équivalence, qu'il y a 
eu uniquement transformation en chaleur de tra- 
vail ou d’autre énergie potentielle extérieure. 
Mais si, au contraire, la source avait perdu de la 
chaleur, il faudrait conclure qu’il y a eu transfor- 
mation de la chaleur en travail. La loi sur l'irré- 
versibilité revient donc à dire qu'on ne peut, à 
l’aide d’une seule source de chaleur, transformer 
de la chaleur en travail. C’est une des formes géné- 
ralisées du principe de Carnot. 

De la loi sur l'irréversibilité et du théorème 
général sur la conservation de l’entropie, nous 
allons maintenant tirer le second théorème géné- 
ral applicable à un système quelconque, compor- 


‘ Les températures de ces sources étant supérieures au zéro 
absolu. 


G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


tant ou ne comportant pas de sources de chaleur, . 

Ce théorème a trait au sens de la varialion d’en- 
tropie dans une transformalion irréversible. 

Soit un système quelconque À, isolé thermique- 
ment. Supposons que ce système, hors d'équi- 
libre intérieur, subissse une transformation irré- 
versible qui l'amène de l’état À à l’état B. Il est 
possible, théoriquement du moins, et quoique la 
transformalion opérée soil irréversible dans les 
conditions d'isolement admises, de ramener réver- 
siblement le système È à son élat initial. Il suffit 
pour cela de faire cesser l'isolement et de fournir 
ou de soustraire de la chaleur aux éléments du 
système, opérations qui elles-mêmes peuvent être 
accomplies par voie réversible. Ces opérations 
faites, on peut, de la même manière, ramener à leur 
état initial toutes les sources de chaleur aux- 
quelles on à eu recours, sauf une seule. En défini- 
tive, trois opérations se sont succédé : 

1° Transformation irréversible du système isolé 
Z de l’état À à l’état B. 

2° Retour réversible du système X à l’état initial 
A, avec pertes el gains de chaleur par les sources; 

3° Retour réversible des sources, sauf une seule, 
à leur état initial. 

Considérées dans leur ensemble, ces trois opé- 
rations successives constituent une opéralion irré- 
versible, et le principe fondamental sur l'irréver- 
sibilité s'applique au système total qui comprend 
les sources et le système considéré X. La source 
unique à donc absorbé de la chaleur; par suite son 
entropie a augmenté, et, puisque la variation d’en- 
tropie d'un système est la somme des variations 
d'entropie de ses éléments, l’entropie du système 
total a augmenté. Mais les deux dernières opéra- 
tions, élant réversibles, n’ont pu modilier l’entro- 
pie du système total. Il faut donc que l’augmen- 
lation d’entropie se soit produite lors de la pre- 
mière opéralion, laquelle ne portait que sur le 
système considéré £. De là, ce théorème général, « 
dû à Clausius : 

DEUXIÈME THÉORÈME GÉNÉRAL. — Si un système 
quelconque ", isolë thermiquement, subit une lransfor- M 
mation irréversible, son entropie auymente. | 

Formule de Clausius. — Sous la forme qui précède, 
le principe fondamental s’appliquerait directement 
à tous les phénomènes irréversibles sans exception, - 
mais d'habitude, et pour les raisons qui ont été” 
exposées au paragraphe précédent, le problème est 
ainsi posé: Étant donné un cycle fermé quelconque, 
exprimer que ce cycle est irréversible. A 

Dans la plupart des traités, on commence par 
démontrer que si l'irréversibilité est uniquement … 
due à des différences de température entre des. 


1 Hétérogène ou homogène, physique ou chimique. 


corps qui échangent de la chaleur, ona la relation: ! 


[+ 


T < 0, 1) 

d Q étant la quantité de chaleur ‘ absorbée par le 
corps à la température T, pendant une transfor- 
mationinfiniment petite. Puis, on pose en principe, 
avec ou sans réserves, que cette formule ne cesse 
pas d'être vraie quand l’irréversibilité est due à 
une cause quelconque. Mais, comme le fait obser- 
ver M. J. Bertrand, il n’y a rien qui vienne à l'appui 
de cette généralisation. Remarquons-le bien, l'ex- 
pression : 


G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


dQ 
T 


ne représente pas la variation d’entropie du corps 
qui, revenant à son état initial, conserve la même 
entropie. Cette expression ne parail même pas 
avoir de signification physique relative au corps 
considéré, et il n’existe aucune raison d’analogie 
ou autre qui puisse faire prévoir qu'elle repré- 
sente une quantité négative. 

il ne faudrait pas, cependant, conclure de là que 
le problème posé ne comporte pas de solution 
vraiment générale, ni même que, comme on l’a 
dit, larelation (1) ne soit pas satisfaite pour certains 
phénomènes. 

La vérité est que, dans aucun cas, pas même 
dans celui où l'irréversibilité résulte uniquement 
d’un simple phénomène de conduction, on ne peut 
démontrer la formule (1) sans avoir à invoquer une 
loi préalable, que ce soit le principe de Carnot 
généralisé, ou une loi propre de la chaleur. D'un 
autre côté, onne peut trouver l’occasion d'appli- 
quer l’une ou l’autre de ces lois qu'à condition de ne 
pas s'attacher exclusivement, comme on est porté 
à le faire, à la considération d’un cycle et d’une 
formule mathématique, qu'à la condition de faire 
intervenir dans les raisonnements, outre le sys- 
tème dont le cycle figure la transformation irré- 
versible, les sources de chaleur gràce auxquelles 
la transformation peut être effectivement accom- 
plie. 

Quoique ces sources n'apparaissent pas dans les 
diagrammes, elles n’en jouent pas moins un rôle 
essentiel. En réalilé, les quantités dQ et T qui figu- 
rent dans les formules doivent être rapportées à 
ces sources et non pas au système, et, nous allons 
le prouver, l'expression (2) représente, au signe 
près, la variation d’entropie des sources, variation 
qui, d'après notre Lhéorème général, doit être 


positive, quelles que soient les causes d'irréversi- 
bilité. 
——, 


1 La chaleur absorbée par le corps est comptée positive - 
ment, et la chaleur dégagée est comptée négativement. 


1079 


D'une manière générale, ce n’est pas le cas d’un 
cycle fermé qu’il faut tout d'abord considérer. La 
méthode pour traiter une question quelconque 
d'irréversibililé est identique à celle que nous 
avons appliquée aux cas de réversibilité ; elle con- 
siste à délimiter le système isolé qui subit une 
transformation irréversible, et qui comprend non 
seulement le corps ou le système dont on étudie 
les lois de transformation, mais aussi les sources de 
chaleur, ainsi que les autres corps qui, dansles con- 
dilions où ils sont placés, subissent des transfor- 
mations irréversibles. On examine ensuite ce qui 
se passe quand ces corps et le corps ou le système 
considéré sont ramenés à leur état initial par voie 
réversible, et l’on écrit que la variation totale d’en- 
tropie des sources est positive. 

Peu importe que le cycle spécialement considéré 
suit ou non fermé, la conclusion est toujours la 
même. Toutefois, il convient de remarquer que, 
dans le second cas, étudié en général, il serait 
vain de chercher à élablir une formule qui ne com- 
prendrait que des éléments numériques se rappor- 
tant au corps lui-même, tels que la température 
et la chaleur absorbée ou dégagée. On ne peut éva- 
luer l'augmentation d’entropie du corps que par le 
procédé même qui sert de base à la démonstra- 
tion du théorème et qui dicte la méthode à suivre, 
c’est-à-dire par le retour réversible à l’élat initial 
du corps considéré. C'est l'augmentation d'entro- 
pie des sources, dans cette dernière opération, qui 
donne la mesure de l'augmentation d’entropie du 
corps dans la première opération (s'il élait alors 
isolé), et, par conséquent, la formule finale ne peut 
comprendre que des éléments numériques se rap- 
portant aux sources de chaleur. Au cas seulement 
où le corps considéré possède des propriétés spé- 
ciales (gaz parfaits, vapeurs saturées, systèmes 
homogènes, etc.), il devient possible d'établir des 
formules d’une application directe, Sans faire in- 
tervenir explicitement les sources de chaleur. 

Démonstration de la formule de Clausius. — Avant 
d'appliquer la méthode au cas général, nous exa- 
minerons d’abord le cas particulier d’un système 
de température et pression uniformes, qui suit un 
cycle fermé irréversible en empruntant ou cédant 
de la chaleur à un nombre fini de sources, à des 
températures qui peuvent ne pas être celles du 
corps. C’est notamment le cas des phénomènes qui 
s’accomplissent à l'air libre. 

L'ensemble du système et des sources constitue 
un système isolé thermiquement, qui subit une 
transformation irréversible, tant en raison de l'ir- 
réversibilité du cycle lui-même que des écarts de 
tempéralure qui existent entre le système et les 
sources. D’après le théorème général, l’entropie 
totale du système complet a augmenté. Mais celle 


1080 


G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


du système considéré n’a pas changé, puisque le 
cycle est fermé; donc l'entropie des sources à 
augmenté. Alors, si T, T', T”’, etc., sont les tempé- 
ratures des sources, et Q, Q”, Q”, ete., les chaleurs 
échangées avec le système, comptées posilivement 
quand elles passent des sources dans le système, 
et négativement dans le cas contraire, la relation 
cherchée sera, par conséquent, la suivante : 
Qu NON A0 
Thptt:.<0 (3) 

C'est le théorème dû à MM. Potieret Pellat. 

Maintenant, vbservons que cette formule sub- 
sisie encore si les sources sont à une température 
infiniment voisine de celle que possède le système 
au moment des échanges de chaleur, puisque le 
cycle est supposé irréversible, et, dans ce cas, les 
quantités T, T', T”, etc., peuvent alors êlre consi- 
dérées comme se rapportant au système. 

Mais, de même que pour les transformations ré- 
versibles, nous pouvons admellre qu'un cycle ir- 
réversible quelconque, comportant des varialions 
continues de températures du système ou de ses 
éléments, soit réalisé à l’aide d'un nombre très 
grand de sources de chaleur qui cèdent ou em- 
pruntent de la chaleur au système, à des tempéra- 
tures infiniment peu différentes de celles du sys- 
tème, c’est-à-dire à la limite, à l’aide d'un nombre 
infini de sources aux températures du système, ou 
encore à l'aide d’une source unique dont la tempé- 
rature varie comme celle du système. Dans l'une 
ou l’autre de ces deux hypothèses, nous nous trou- 
verons ramené au cas qui vient d’être traité, et, 
parsuite,àla formule (3). Les quantitésQ.Q"',Q";,elc., 
deviennent alors les quantités infiniment petites 
dQ échangées avec les sources, et les quantités T, 
1", T1”, ete., sont égales aux diverses températures 
que prend le corps. On peut donc écrire la rela- 
tion : 


où les quantités dQ et T se rapportent au système 
considéré, et celte relation, dont l'exactitude a été 
contestée, se trouve ainsi effectivement démontrée 
à litre de corollaire du théorème général sur l'ir- 
réversibilité. La démonstration confirme, d'ailleurs, 
ce que nous avions avancé, à savoir quil faut in- 
terpréter la quantité constituant le premier nombre 
de la relation comme représentant une variation 
extérieure d'entropie. 

Principe du travail maximum. — Nous avons dit 
que, d'ordinaire, le théorème général concernant 
les phénomènes irréversibles est énoncé à l'occa- 
sion des cycles fermés. Cependant, M. Berthelot, 
dans ses études de thermochimie, a considéré le 
cas du cycle ouvert que suit un système chimique 


hors d'équilibre et abandonné à lui-même, tout 


en étant maintenu ou finalement ramené à sa tem- 


pérature initiale. Le savant chimiste a énoncé 


celte loi que, de toutes les réactions susceptibles | 


de s'accomplir dans un pareil système, sans l'in- 


tervention d'énergie étrangère, et compatibles . 


avec les conditions du système, celle qui s'accom- 
plira sera celle où il y a dégagement de chaleur, ce 


dégagement de chaleur étant le plus grand possible. 


Les considérations dans lesquelles nous sommes 


entré permettent de prouver aisément que l'exac-. 
titude d'un principe ainsi formulé ne s'impose pas. . 
ILest vrai que toute réaction chimique, accomplie | 


dans les conditions qui viennent d'être précisées, 


est un phénomène irréversible et que, par consé-. 
quent, une augmentation d'entropie doit y ré-. 
pondre. Mais la variation d’entropie à consi- . 


dérer n’est pas celle relative au système chimique, 


c'est la somme algébrique des variations d’entropie 


du système ef du calorimètre. 
La première de ces variations peut être positive 
ou négalive suivant la nalure de la réaction, et, si 


elle est positive, elle peut avoir une valeur absolue 


plus grande que la valeur absolue de la seconde. 


On comprend donc que celle-ci puisse être négative, | 


sans que le principe d'augmentation de l’entropie 
se trouve infirmé, et de fait, il y a des réactions 
chimiques accompagnées d'une absorption de cha- 
leur, c’est-à-dire d'une diminution extérieure d’en- 
tropie. 

Pour que, dans tous les cas, on soit certain 
qu'il y aura dégagement de chaleur, c’est-à-dire 
augmentation d'entropie à l'extérieur, il faut que 
le système chimique se trouve ramené à son état 
inilial, ce qui exige, si la réaction étudiée est en- 
dothermique, que de la chaleur soit reslituée au 
calorimètre. Le théorème sur l'augmentation de 
l’entropie nous permet, de plus, de prévoir que la 
quantité de chaleur restituée sera supérieure à la 
quantité de chaleur empruntée lors de la réaction. 


En résumé, l'énoncé du principe. du travail. 


maximum doit être rectifié. Ou il faut dire que : 


toute réaction chimique accomplie sans l’interven- … 


tion d'énergie étrangère, dans un système chi- 
nique hors d'équilibre, se traduit par une augmen- 


tation de l’entropie /ofale du système et des sources … 


de chaleur; ou il faut dire que, cette réaction étant 
terminée, si le système chimique est ramené par 
voie même réversible à son élat inilial, il y a fina- 
lement dégagement de chaleur. 


Sous l’une ou l’autre de ces formes le principe. 


ne souffre plus aucune exception. 

Conclusion. — Nous lerminerons par une re- 
marque destinée à prévenir toute illusion sur le 
ER PR PT ET 

Le mot travail est employé comme synonyme de chaleur 
latente. 


re 


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G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 


1081 


degré d'utilité à tirer du théorème concernant 
l'augmentation de l’entropie. Dans aucun cas, l’ap- 
_plication de ce théorème ne saurait conduire à des 
relations numériquement définies. Toute son utilité 
consiste en ce qu'il permet, moyennant certaines 
données numériques établies au préalable par l’ex- 
périence, de prévoir le sens de certains phéno- 
mènes : le sens d'une variation de température, de 
pression, de volume, le sens d’un déplacement élec- 
trique, d'une réaction chimique, ete. !. [Il n'indique 


. rien quant àla grandeur de ces variations, rien quant 


à la possibilité et à l'importance de ceschangements. 


Il faut, pour obtenir des évaluations définies, invo- 
- quer, ouire leprincipe de conservalion de l'Éner- 


gie, les lois propres de l'Élasticité, de l'Électri- 
cité, du Magnétisme, de la Chimie, lois quel'Ener- 
gétique la plus généraliséene saurait faire prévoir. 


VI. — ROLE DE L'ENTROPIE DANS LA NATURE. 


La masse, l'énergie se conservent; la force, la 
quantlilé de chaleur, de mouvement? et bien 
d'autres quantilés physiques ne se conservent pas. 
L’entropie est du nombre, mais elle jouit d’une 
propriété remarquable que celles-ci n’ont pas: de 
même que la masse et l’énergie, elle est une qua- 
lité « addilive » de la matière. 

Il y a donc, dans le monde, une entropie totale. 
Mais, d'après la loi de conservalion et d’augmen- 
tation de l'entropie, l'entropie d’un système ne 
peut diminuer qu'à condition que l'entropie d’un 
autre système augmente au moins d'une égale 
quantité, el, si un systèmeest isolé, son entropie ne 
peut jamais diminuer : ou elle reste constante, ou 


_ elle augmente. Donc, quand l’entropie du monde 


varie, elle varie dans le sens d’une augmentation. 

En fait, toutes les fois qu’un changement a lieu, 
l'entropie totale du monde augmente toujours, caril 
n'y a point de phénomènes strictement réversibles. 
En effet, si partout, dans la Nature, il y a, entre les 
corps, une absence d'équilibre, vérilable moteur uni- 
versel, sans lequel ni la vie, ni les changements 
inorganiques ne seraient possibles, partout aussi 
il y a des froltements intérieurs, qui entravent 
le rétablissement de l'équilibre. La réversibilité, 
comme le mouvement uniforme, n’est qu'une con- 
ceplion théorique; tous les phénomènes sont irré- 
versibles, tous sont accompagnés d’une augmen- 
lalion de l’entropie_ tolale. Clausius l’a déjà dit, 
l'entropie du monde tend constamment vers un 
maximum, et l'on peut ajouter, comme consé- 
quence, que les énergies ulilisables ou forces 
molrices s'usent incessamment, qu'elles se trans- 


1 Voir l'étude que nous avons publiée en collaboration 
avec M. H.Le Chatelier sur les Eguilibres chimiques, dansla 
Revue des 2$ févricr ct 15 mars 1891. 

? Il s'agit, bien entendu, des quantités de mouvement 
prises en valeur absolse. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


forment en chaleur, et tendent vers zéro. Augmen- 
tation de l’entropie, dissipation de l'énergie uti- 
lisable, voilà les deux faces d'un grand fait, 
découvert par le génie de William Thomson, fait 
qui règle l’évolution des substances et des êtres. 

Cette vue d'ensemble permet d'apporter quelque 
précision dans nos conceptions hypothéliques sur 
l'origine et la fin du monde. Si, comme le veulent 
toutes les cosmogonies, l’état initial du monde a été 
le chaos, c'est-à-dire une absence générale et uni- 
verselle d'équilibre, disons aussi une absence com- 
plète de chaleur, une entropie zéro, l’état final 
sera, à en juger par ce que nous connaissons, le 
rétablissement d’un équilibre général et universel, 
marqué par la transformation des énergies poten- 
tielles chimiques et autres, en chaleur uniformé- 
ment distribuée. Le monde existera encore, mais 
il sera sans mouvement et sans vie. 

Mais pourquoi vouloir que l'évolution du monde 
ne soit pas éternelle, pourquoi vouloir qu’elle ait 
eu un commencement, qu'elle soit destinée à avoir 
une fin, pourquoi vouloir que la vie el l’ordre ne 
brillent que d'un éclair dans une éternelle immu- 
tabilité des choses ? Ne devons-nous pas plutôt 
admettre, avec Herbert Spencer, que l’état initial 
qui préoccupe tant les mélaphysiques et les reli- 
gions devait êlre l’état final d’une ancienne évolu- 
tion, el que la fin de l'ère présente ne sera elle- 
même que le début d’une ère nouvelle? 

Pour donner à des spéculations objectives de ce 
genre un haut degré d’ampleur, il faut concevoir 
que, semblable au mobile qui, lancé dans l'air, 
retombe, après avoir atteint le sommet de sa 
trajectoire avec une vilesse nulle, le monde, par- 
venu à son maximum d'entropie ou niveau ther- 
mique le plus élevé que comporte son énergie 
potentielle initiale, et transformé en un tout homo- 
gène et sans mouvement, se trouvera dans un état 
de complète instabilité. C’est alors que l'effort 
persistant de tension qui limite l’activité univer- 
selle jouera un rôle actif en venant défaire l’œuvre 
accomplie par la vitesse initiale, et que commen- 
cera une lente évolution en sens contraire, qui 
ramènera l'univers, par une diminulion graduelle 
de son entropie et une augmentation correspon- 
dante des énergies utilisables, vers l'état de chaos 
d'où il était sorti. 

L'éternité serait donc l'infini d’une série d’oscil- 
lations grandioses entre le chaos et l'équilibre, 
entre le mouvement et la chaleur, l'infini d'un 
rythme à longue période, scandé par les abaisse- 
ments et les relèvements de la chaleur, par le flux 
et le reflux de la marée thermique immense, dont 
Pentropie mesure les insensibles progrès. 

Georges Mouret, 


Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées 


24x+ 


1082 


F. LE DANTEC — LES MYXOSPORIDIES 


LES MYXOSPORIDIES 


Depuis quelques années l'attention des patholo- 
gistes s’est particulièrement portée sur les mala- 
dies infectieuses où semblent intervenir des agents 
animés différents des bactéries. Les cancers et 
carcinomes paraissent offrir un lype de ces affec- 
lions, et tout récemment nous avons décrit ici 
même ! l’évolution des organismes |Cytozoaires) 
que certains inclinent à considérer comme les 
parasiles producteurs de ces néoplasmes. 

Nous voudrions aujourd'hui signaler l'intérêt 
que présentent, et pour la Pathologie et pour la 
Zoologie pure, de récentes études sur un autre 
groupe voisin de Sporozoaires : les Myxosporidies. 


Dans le cycle évolulif des Sporozoaires Cylo- 
zoaires, on constate toujours, à la fin du dévelop- 
pement, une division du noyau en un nombre plus 
ou moins grand de parties, dont chacune devient le 
noyau d'une spore ou d’un sporozoïle suivant les 
cas (archéspores de Labbé), Toute la substance 
nucléaire se répartit done au moment de la sporu- 
lation entre les corps reproducteurs; la sporulation 
est le {erme de l’évolution d'un Cytozoaire. 

Chez les Myxosporidies il n'en est pas de même : 
au cours du développement de la masse sarcodique 
primilivement munie d’un seul ou de deux noyaux, 
ce où ces noyaux se divisent en plusieurs parties, 
dont les unes entrent dans la constitution des 
spores; les autres continuent à jouer leur rôle assi- 
milateur el permettent l'accroissement de la masse 
sarcodique elle-même; la sporulation se fait donc 
pelit à petit, au cours du développement de l'être, 
el sans arrêler ce développement. 

Celle particularilé suffirait à séparer les Myxo- 
sporidies des Cytozoaires; en outre, les premières 
n'ont aucune phase intra-cellulaire el, de plus, 
leurs spores bivalves offrent un caractère très 
constant qui permet de réunir ces êtres dans un 
groupe zoologique nalurel : la présence d’une ou 
plusieurs capsules à filament. 

J. Müller avait observé ces spores et les avait 
C'est 
Dujardin qui conslala que les Psorospermies ne 


appelées « Psorospermies des Poissons ? ». 


sont pas des organismes autonomes, mais bien les 
spores ou corps reproducteurs d'êtres sarcodiques 
que nous désignons aujourd'hui sous le nom de 
Wyrosporidies (Bütschli). Ce nom a l'avantage de ne 


1 F. Le Daxrec: Les Coccidies. Revue générale des 
Sciences, tome VI, pages 715 à 180 (n° 16 de 1895). 

? De dwpa. gale, parce que ces êtres produisent des pus- 
tules cutanées ; « spermic », parce que l'auteur avait trouvé 
aux spores qu'il avait observées l'apparence d’un sperma- 


tozoïde, 


pas indiquer l'habitat des êtres qui le portent; la 
plupart des Myxosporidies connues habitent les 
Poissons, mais il y en a qui habitent d’autres 
Vertébrés et des Invertébrés. De plus, il y a d’au- 
tres Sporozaires habitant les Poissons et qui sont. 
de véritables Coccidies. Il faut done se baser sur 
toute autre chose que l'habitat pour classer les 
Sporozaires, elles Myxosporidies sont nettement 
caractérisées par leurs spores bivalves munies 
d'une ou plusieurs capsules à filament. 

Les Myxosporidies ont été étudiées par beau- 
coup d'auteurs, parmi lesquels il faut citer surtout 
Bütschli et Balbiani. Un jeune savant, qui vient de 
mourir, P. Thélohan, en a fait une étude très 
approfondie; il a vérifié les faits déjà connus et a 
mis en lumière beaucoup de points encore obscurs 
de l’histoire de ces Sporozaires. MM. Balbiani ets 
Henneguy viennent de publier * le mémoire ina- 
chevé où il avait rassemblé tous les documents re- 
lalifs aux Myxosporidies, et l'on peut considérer ces 
mémoire comme l'exposé de l’élat actuel de nos 
connaissances sur cet intéressant groupe de pa- 
rasites. 


1. — MORPHOLOGIE DE LA MASSE SARCODIQUE. 


1. Formes libres. — On entend par formes libres 
de Myxosporidies, les espèces qui vivent en liberté 
duns les cavités organiques de l'hôte, par opposi- 
lion avec celles qui vivent au sein des lissus. Sou= 
vent, chez ces êtres, la masse sarcodique est véri- 
lablement amiboïde ; il n'y a pas alors, à propre-m 
ment parler, de forme du corps; des pseudopodes 1 
naissent indifféremment de tous les points de la 
surface, de sorte que la forme varie constamment. 

Chez certaines espèces, cependant, il y a seule 


ment une région où peuvent naitre les pseudopodes; 


comme faisant partie du même genre, d’après las 
constitution de leurs spores, des espèces de Myxow 
sporidies dont l’une a une forme spécifique et dont 
l'autre est amiboïde : c'est surlout chez les jeunes’ 
individus que les varialions de la forme du corp 
sont considérables. Dr 
9. Formes vivant au sein des tissus. — Ici, il peut sen 
présenter deux cas: ou bien le corps protoplass 
mique s'est élendu, infiltré entre les élément 


2 Bull. sc. de la Fr. el de La Belg., 1895. T 


F. LE DANTEC — LES MYXOSPORIDIES 


-histologiques comme un mycelium de champignon, 
et alors on peut à peine le distinguer; le parasite 
ne se manifeste que par des spores éparses çà et là 
dans les interstices des tissus ; c’est le cas de l’infil- 
dration diffuse de Thélohan. Ou bien, il se présente, 
É Lu contraire, sous une forme ramassée et donne 
ieu aux actions que l’on appelle kystes: alors 
a périphérie seule de ce corps protoplasmique 
épais est en contact avec les tissus de l’hôte. La 
forme des kystes est globuleuse, à peu près régu- 
ü ièrement sphérique et, dans la noue des cas, 
 naaucun caraclère Reno cependant, Fo 
“ques rares Myxosporidies des branchies présentent 
“une forme qui suffit à faire reconnaitre l'espèce. 
… 3. Structure du corps protoplasmique. — Bütschli a 
signalé la différenciation qui existe entre la partie 
Ja plus externe et la partie la plus centrale du corps 
protoplasmique ; cette distinction s'observe avec 
beaucoup de nellelé dans les formes libres ; elle est 
le plus souvent à peu près nulle dans les formes 


des tissus. À 


La zone périphérique ou ecloplasma est dépourvue 
de coloration, homogène, très finement granu- 
‘leuse et donne naissance aux pseudopodes. Le pro- 
Htoplasma central ou endoplasma, à granulations 
beaucoup plus grosses, renferme les noyaux et des 
matières de réserve ; il est le siège de la produe- 
tion des spores. Les pseudopodes des formes libres 
sont toujours incapables de déterminer l'ingestion 
de matières solides. Chez les formes des tissus, on 
distingue lous les intermédiaires entre certains 
cas où la constitution de la couche périphérique 
ne diffère en rien de celle des parties profondes et 
d'autres où elle s’en montre, au contraire, aussi 
distincte que celle de l’ectoplasma des formes 
libres. 

Thélohan a montré que l’ectoplasma est dé- 
pourvu de noyaux. Bütschli avait cru le contraire, 
mais Balbiani avait déjà protesté contre cette 
‘assertion. Thélohan a également détruit l'erreur 
de Pfeiffer, qui avait cru voir la paroi des kystes 
revèlue de cellules épithélioïdes; il a montré que 
c'esi une apparence due à la rupture des fibres 
conjonclives ambiantes de l'hôte. 

Chez les Myxosporidies des tissus, l’endoplasma 
des kysles forme toujours trois zones : 4° une 
zone périphérique d'’étendue variable, formée 
uniquement de protoplasma sans noyaux nispores; 
2° une zone renfermant des noyaux et dans laquelle 
se différencient les masses isolées ou sporoblastes 
qui donneront naissance aux spores; 3° une partie 
centrale, composée presque uniquement de spores. 

Noyaux. — Les noyaux sont, en général, fort 
nombreux dans l'endoplasma ; mais il y a quelques 
espèces de Myxosporidies chez lesquelles le corps 
proloplasmique ne donne naissance qu'à deux 


1083 
spores, et ces espèces sont munies d’un 
nombre de noyaux beaucoup plus restreint. 


Chez les Myxosporidies polysporées, on constate, 
dans l’endoplasma, la présence d’un grand nombre 
de noyaux bien avant le début de la sporulation ; 
ils sont disséminés sans ordre et très irrégulière- 
ment. À ce moment-là, le corps protoplasmique 
est bien réellement plurinucléaire; il ne semble 
guère vraisemblable de penser que ces noyaux ne 
jouent pas tous le même rôle fonctionnel dans le 
corps protoplasmique ; mais, dès que la sporulation 
commence, il n'en est plus de même; un grand 
nombre d’entre eux sont renfermés dans des 
portions spécialisées du protoplasma, que nous 
étudierons tout à l’heure sous le nom de sporo- 
blastes; seuls, ceux qui sont en dehors des sporo- 
blastes peuvent être considérés comme étant les 
véritables noyaux fonctionnels du corps proto- 
plasmique, qui continue de vivre et de se mouvoir 
pendant la période de sporulation comme aupa- 
ravant. 

Il n’a pas toujours été possible de dé- 
montrer, chez les espèces disporées, l'existence 
de novaux en dehors des sporoblastes dans le 
protoplasma non sporogène; mais il est probable 
qu'il y en a au moins un, puisque la marche 
de la sporulation n'apporte aucun trouble appa- 
rent dans les fonctions de la vie végétative de ce 
corps protoplasmique. 

Les noyaux de l’endoplasme des Myxosporidies 
se divisent par karyokinèse. 

5. Spores. — Les spores des Myxosporidies, consi- 
dérées jusqu'à Dujardin comme l'organisme adulte 
lui-même, ont des formes extrêmement caracté- 
ristiques très commodes pour la classification; 
mais, malgré la variété de leurs caractères mor- 
phologiques, on peut cependant trouver des tran- 
sitions qui permettent de rattacher les formes les 
unes aux autres et de constater la grande homo- 
généité de la classe des Myxosporidies. Voici, en 
effet, des caractères généraux qui appartiennent à 
tout le groupe : 

Les spores présentent fowjours une enveloppe 
formée de deux valves accolées ; cette enveloppe 
n’est pas cellulosique ; on observe dans leur cavité : 

4° Des capsules polaires très réfringentes, dont le 
nombre varie de 1 à 4; elles sont fixées aux valves 
au voisinage de la suture et chacune communique 
avec l'extérieur par un petit canal; elles sont 
piriformes avec une sorle de col plus ou moins 
allongé. Leur cavité contient un filament enroulé 
en spirale, de longueur variable, d'ordinaire fili- 
forme, parfois beaucoup plus gros et de forme 
conique ‘, filament qui peut se dérouler et faire 


1 Chez le Sphæromyxa Balbianii, le filament, sorti de la 


1084 


saillie à l'extérieur de la spore. Ces capsules 
occupent dans la spore différentes positions déter- 
minées spécifiquement. 

2° Une petite masse de protoplasma occupant 
d'ordinaire la plus grande partie de la cavité de 
l'enveloppe et contenant toujours deux noyaux. 

6. Sporulation. — Le premier stade de la sporu- 
lation consisle dans la différenciation, autour d'un 
des noyaux de l’endoplasma, d’une petite sphère 
de protoplasma à contour net qui semble limitée 
par une mince enveloppe résultant de la conden- 
sation de sa couche ‘périphérique; c’est ce que 
Thélohan a appelé une sphère primitive. 

Le noyau de la sphère primitive présente d’abord 
les caractères d’un noyau au repos et possède gé- 
néralement un gros granule chromatique central 
figurant un nucléole. Bientôt on voit celui-ci dis- 
paraitre, et la chromatine se dispose en filaments 
dans l’intérieur du noyau, dont la membrane ne 
tarde pas à se rompre; la division chromatique se 
poursuit, et, bientôt, la sphère primitive possède 
deux noyaux; ceux-ci continuant à se diviser, 
elle en possède bientôt une dizaine. 

Il se différencie alors dans la sphère primitive 
deux petites masses secondaires ayant chacune trois 
noyaux, appelées par Bütschli des sporoblustes ; ces 
deux masses secondaires restent enfermées 
dans l'enveloppe de la sphère primitive dont les 
noyaux restés inemplovés entrent en dégénéres- 
cence avec le reliquat du protoplasma, sans avoir 
joué aucun rôle (reliquat de segmentation). 

Chaque sporoblaste se divise en trois parties 
contenant chacune un noyau et représentant de 
véritables cellules. De ces trois cellules, deux 
sont plus petites et donneront les capsules po- 
laires; la troisième, plus grosse, constituera la 
masse protoplasmique de la spore. 

Or, nous l’avons vu, le protoplasma de la spore 
adulte renferme toujours deux noyaux : le noyau 
de la grande cellule du sporoblaste se divise, en 
effet, de bonne heure, de si bonne heure, quelque- 
fois, qu'il est impossible d'affirmer que le sporo- 
blaste ne contenait pas guatre noyaux dès le début 
de sa formation. 

Les deux autres cellules, que l’on peut appeler 
cellules capsulogènes, renferment chacune un 
noyau ; auprès de ce noyau on voit se produire une 
petite vacuole de forme sphérique qui apparait 


capsule, a la forme d’un véritable cône relativement court: 


il est creux, et sa cavité se continue avec celle de la capsule. 
Cette forme et cette épaisseur du filament ont permis à 
Thélohan de constater nettement, chez cette espèce, que les 
parois du filament se continuent avec celles de la capsule et 
que sa sorlie a lieu par dévaginalion, cette espèce d'appen- 
dice seretournant en doigt de gant pour arriver à l'extérieur, 
observation que sa trop grande minceur rend impossible sur 


les spores des autres Myxosporidies. 


F. LE DANTEC — LES MYXOSPORIDIES 


comme un espace clair el se distingue du proto 
plasma par l’absence de granulations. Sur un points 
quelconque de la paroi de cette vacuole, il se forme 
un petit bourgeon protoplasmique qui fait saillie 
dans la vacuole en refoulant la substance claire qu 
la remplit: Ce bourgeon, d’abord hémisphérique 
s'allonge peu à peu, et, au bout de quelque temps 
on a ainsi un petit corps piriforme entouré d’une 
couche claire formée par le contenu de la vacuole 
et relié par un pédicule au reste du protoplasma 
dont il conserve absolument l'apparence. 

Le pédicule s'étrangle progressivement, ethien: 
tôl le petit corps piriforme devient libre; il a pris 
les caractères d’une capsule polaire et s’est entouré 
d'une membrane pendant qu'un filament se for 
mait dans son intérieur. 

Cette genèse d’une capsule polaire, décrite par 
Thélohan, est identique à ce que Bedot a observé 
dans le développement des cnidoblastes des Ve 
lelles et des Physalies !. 

Autour de la capsule polaire ainsi constituée, on 
trouve les restes de la cellule qui lui a donné nais 
sance el le noyau que celle-ci renfermait; cepen 
dant, le reliquat de la cellule capsulogène ne per 
siste pas toujours ; quelquefois, on n’en retrouve 
plus de trace dans la spore adulte. 

Pendant toute cette évolution des capsules, la 
spore est arrondie ou oblongue ; ce n’est que plus 
tard qu’elle prend sa configuration £ypique et son 
enveloppe bivalve, contre laquelle les capsules 
viennent se fixer à leur place spécifique définitive 

Une fois complètement développées, les spores 
restent encore pendant quelque temps réunies 
danslamembrane dela sphère primitive; puis cell 
ci finit par disparaitre el on trouve les spores libres 
dans l'endoplasma (Myxosporidies libres) ou au 
centre du kyste (Myxosporidies des tissus). 

Toute l’observalion précédente de Thélohan se 
rapporte à des espèces dont les spores contiennen 
deux capsules ; on peut la considérer comme repré 
sentant la marche Lypique de la sporulation che 
les Myxosporidies. Nous y avons vu la sphèn 
primitive donner naissance à deux spores, c’esl 
un cas très fréquent; chez d'autres Myxospork 
dies, la sphère primilive peut donner normalement 
naissance à une seule spore; chez d’autres, 
huit spores ou à un nombre plus considérable 
inconslant. 

La forme des spores est spécifiquement déte 
minée; mais, chez les Myxosporidies des Lissus 
particulièrement, il peut se présenter dans leu 
constitution des anomalies portant sur la forme di 
l'enveloppe, le nombre el la situation des capsules 


1 Bepor. Recherches sur les cellules urtlicantes. Rec. Z00 
Suisse, 1588. 


©... M. Balbiani a constaté que, lorsqu'unemême 
spèce de Myxosporidie se développe dans divers 
>rganes d'un même poisson, les individus parasites 
es organes plus profonds présentent, dans leurs 
pores, une dégradation manifesle par rapport aux 
ndividus parasites des organes plus superficiels. 


IL. 


. Thélohan a basé sur la morphologie des spores 
a classification qui semble aujourd’hui la plus na- 
turelle. Il a divisé les Myxosporidies en 4 familles, 
ont on peut résumer la définition dans le tableau 
suivant : ; 


— (CLASSIFICATION. 


pores piriformes, avec une seule capsule polaire or- 
_dinairement non apparente sans le secours de réac- 
» tifs; dans le protoplasma, à la grosse extrémité, une 
vacuole claire non colorable en rouge brun par 
l'iode. Glugéidées. 
Spores à 1 ou 2 capsules, ayantdans leur protoplasma 
F une vacuole à contenu colorable en rouge brun par 
l’iode. Myxobolidées. 
Spores n'ayant pas de vacuole dans le protoplasma : 


æ 2 capsules polaires. Myxididées. 
… G 4 capsules polaires. Chloromyxidées.. 


La famille des Glugéidées est devenue très inté- 
ressante par la découverte récente, due à Thélohan, 
de le nature myxosporidienne du parasite de la 
pébrine des vers à soie. M. Balbianiavait déjà placé 
ce parasite dans les Sporozoaires à côté des Myxo- 
Sporidies ; il l'avait réuni à d'autres Sporozoaires, 
la plupart parasites d’Arthropodes, sous le nom de 
Microsporidies où Psorospermies des Arliculés. Thé- 
lohan à découvert une capsule à filament dans les 
spores des J/icrosporidies. 


“ALT: 


Les Myxosporidies ne se rencontrent pas seule- 
ment dans les Poissons (saufles Myxobolidées) ; on 
en trouve aussi chez des Amphibies, des Reptiles, 
divers Arthropodes,un Bryozoaire; Lieberkühn en 
a observé chez un Ver (Waïs Proboscidea) : il semble 
qu'il n'y en a pas chez les Vertébrés à sang chaud. 

Nous ne connaissons pas d'espèce de Myxospo- 
ridies pouvant vivre indifféremment dans deux 
hôtes qui appartiennent à deux groupes zoolo- 
giques aussi différents que les Poissons et les Crus- 
tacésparexemple,maisil yadesespèces qui peuvent 
être parasites de plusieurs poissons très distincts ; 
d'autres ne peuvent exister que dans une espèce 
déterminée, et même, quelquefois, dans un seul or- 
gane ou un seul tissu de cette espèce déterminée !. 


— 

LOn a trouvé des Myxosporidies dans tous les tissus, 
sauf peut-être le nerveux; des recherches récentes ont mème 
semblé prouver que ce dernier tissu pouvait être infecté 


— HABITAT, SIÈGE, ROLE PATHOGÈNE. 


F. LE DANTEC — LES MYXOSPORIDIES 


} 
, 


Plusieurs Myxosporidies d'espèces différentes 
peuvent cohabiter chez un même hôte, soit dans 
des organes ou des tissus différents pour chaque 
parasite, soit dans le même organe et le même 
lissu. 

Thélohan a étudié très longuement le rôle patho- 
gène des Myxosporidies des tissus particulière 
ment. Le plus souvent, il est probable que ces para- 
sites nuisen{ surtout à leur hôte d'une manière 
indirecte et purement mécanique; ils. favorisent 
dans certains cas une infection microbienne secon- 
daire très dangereuse (maladie des Barbeaux). 


IV. — ÉVOLUTION DE L'INDIVIDU; INFECTION. 


Les spores müres peuvent tomber dansle milieu 
extérieur, soit naturellement, si le parasite habite 
la vésicule biliaire ou urinaire, soit par rupture de 
kystes superficiels, soit enfin par dissociation du 
corps de l'hôte après sa mort. 

Dans des conditions convenables, — et, d’après 
Thélohan, ces conditions ne se trouveraient réa- 
lisées que dans Le tube digestif d'un nouvel hôte 
ayant avalé la spore, — celle-ci s’ouvre par déhis- 
cence des valves, comme l’a observé Lieberkühn, 
et laisse sortir son corps protoplasmique qui res- 
semble à une amibe. Cette masse amiboïde péné- 
trerait dans le corps de l'hôte, gagnerait un tissu, 
un organe déterminé, el s'y développerait petit à 
petit tout en divisant son noyau en noyaux de plus 
en plus nombreux. M. Balbiani a suivi le déve- 
loppement de ces masses amiboïdes dans les na- 
geoires de la Tanche. Une. Myxosporidie complèle 
proviendrait donc du corps protoplasmique d'une 
spore de Myxosporidie. Nous avons vu comment 
se fait la sporulation. Le eyele évolutif est fermé. 
(Il est bien connu pour le Gluyea Bombyris de la 
pébrine.) Nous ne savons pas si le parasite, une 
fois installé dans un hôte, peut s’y multiplier et y 
produire de nouveaux i#dividus de Myxosporidies. 


! Il semble probable que cette multiplication est 


possible. 


Tel est, rapidement résumé, l’état de nos con- 
naissances sur cette classe de Sporozaires, dans 
laquelle les recherches de Thélohan surtout ont 
apporté la lumière, mais où il reste encore beau- 
coup à découvrir. 

Félix Le Dantec, 


Maitre de Conférences de Zoologie 
à la Faculté des Sciences de Lyon. 


(Polyneurilis parasiliea trouvé par L. Pfeiffer dans les nerfs 
du Thymaillus vulgaris). 


1086 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


Rien ne permet mieux de se rendre compte des 
progrès réalisés par les sciences géologiques en 
ces dernières années qu'une comparaison entre 
deux éditions successives d’un manuel comme 
celui de Dana, ou même d’un ouvrage de vulga- 
risation, tel que l” « Erdgeschichte » de Neumayr. 

La quatrième édition du célèbre Hanuel de (Gréo- 
logie de James D. Dana !, publiée bien peu de 
temps avant la mort du grand savant américain, 
reflète surtout les progrès de la géologie aux Élats- 
Unis. Beaucoup de chapitres du livre sont entié- 
rement remaniés, notamment la description des 
terrains, qui est basée en grande partie sur les 
« Correlation Papers » que publie le U. $S. Geolo- 
gical Survey. 

L’ « Zrdgeschichte », l'histoire de la Terre, de 
Melchior Neumayr — connue surtout en France par 
les adaptalions que M. Priem en a publiées sous les 
titres de « la Terre, la Mer et les Continents » et de 
« la Terre avant l'apparition de l'Homme » — est 
sans conteste le meilleur ouvrage de vulgarisalion 
que nous possédions en géologie. La publication, 
parue déjà en 1886, avait besoin d’une nouvelle 
mise au point, en harmonie avec les plus récents 
travaux. Nul mieux que M. Uhlig ?, un des élèves 
les plus distingués du regretté géologue et paléon- 
tologiste viennois, n’était qualifié pour mener à 
bonne fin celte tâche. Parmi les chapitres qui ont 
été l’objet des plus nombreux remanieioents, on 
peut citer ceux qui ont trait au Dévonien, au Trias, 
aux chaînes de montagnes. Les chapitres relatifs 
au système jurassique et à la formation de la 
Méditerranée, qui étaient ceux dans lesquels Neu- 
mayr avait introduit le plus d'idées personnelles, 
ont été conservés à peu près intacts dans la nou- 
velle édition par un sentiment de piélé de l’élève 
pour le maitre que l'on ne saurait Lrop louer. 


I. — LES PHOSPHORITES DE LEIPZIG. 


Toul ce qui à trait aux phosphates devient au- 
Jourd'hui une actualité ; aussi ne lira-t-on pas sans 
intérêt l'exposé d'une nouvelle théorie présentée 
par un savant géologue allemand, M. Hermann 
Credner #, dans le but d'expliquer l'origine des 


! James D. DAna. Manual of Geology. 4 edit., 1087 p. 14895 

? Melchior Neumayr, Erdgeschichte. 2te Auflage, neu- 
bearbeitet von Prof, Dr Viktor Uhlig, 2 vol. in-80. Leïpzig et 
Vienne. 1895. De nombreuses figures nouvelles ont été ajou- 
tées à cette 2° édition. 

3 Die Phosphoritknollen des Leipziger Mitleloligocäns. 
Abh., d. math.-pnys. Classe d. k. Sächs. Gesellsch. d. Wiss. 
t. XXII, no 1. 


nodules de phosphorites qui se trouvent en abon 
dance dans les sables de l'Oligocène moyen des 
environs de Leipzig. 

Les phosphorites de Leipzig se trouvent en 
place, sous forme de nodules isolés, au milieu d’un 
sable siliceux. Ces nodules sont constitués par 
une agglomération de grains de quartz, cimentés 
par du phosphate de chaux, auquel se trouven 
mélangées des quantités assez considérables de 
carbonate de chaux. Une grande partie des 
nodules renferme au centre un creux correspon 
dant à la disparition d'une coquille, qui n’a plus 
laissé que son moule externe etson moule interne. 
Ces moules proviennent, pour la plupart, de 
Pectuneulus Plilippii et d’Aporrhais spèciosa. D'autres 
nodules contiennent, au centre, des dents, des 
écailles ou des os de poissons, ces derniers (rès 
altérés. La forme des concrétions dépend essen- 
tiellement de la forme des restes organiques 
inclus. On peut conclure de ces faits que les con- 
crétions se sont formées autour d’un noyau orga- 


nique, et qu'elles se sont formées — comme 
indiquent la disparition des coquilles et l’altéra- 
tion des ossements — aux dépens de ce noyau. 


IL est manifeste que leur mode de formation est 
différent de celui des concrélions dans lesquelles 
le test est intact, et qui sont dues à la précipila- 
lion du phosphate de chaux contenu dans les 
eaux marines à la suite de la dissolution, par ces 
eaux, grâce à l’acide carbonique qu'elles renfer- 


maient, du phosphate des ossements accumulés 


_au fond de la mer !, 


M. Credner admet que, dans le cas des phos- 
phorites de Leipzig, le carbonate de chaux, qui se 
trouve dans les concrétions, est emprunté au test 
des mollusques, tandis que le phosphate provient 
des parties squeleltiques des poissons. Pour 
expliquer la dissolution et la précipitation de ces 
deux éléments, il fait intervenir l'acide carbonique 
et l’ammoniaque résultant de la décomposition de 
la matière organique des poissons. Une faible 
quantité du phosphate de chaux des ossements est 
dissoute par l’eau chargée d'acide carbonique ; en 
même temps, l'acide carbonique agissant sur l’am- 
moniaque donne naissance à du carbonate d'am- 
monium, qui, en présence du phosphate decalcium, 
donne du phosphate d’ammonium et du carbonate 
de calcium. Si l'acide carbonique est employé tout 
entier à faire du carbonate d’ammonium, ce der- 


V. l’article de M. ne LaPPARENT : Sur la formalion de la 
craie phosphalée en Picardie. Revue générale des Sciences, 
30 juin 1891. 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE! 


1087 


nier agit directement sur le phosphate des os et 
la même réaction se produit. 

La solution de phosphate d’ammonium, filtrant 
à travers le sable, se trouve alors en contact avec 
le carbonate de calcium du test des mollusques en 
voie de dissolution, et il y a précipitation de 
phosphate de calcium sous forme de concrétion. 
D'autre part, le bicarbonate de calcium, filirant à 
travers le sable, atteint le phosphate d'ammonium 
en voie de formation autour des os, et, dans ce cas, 
il y a précipitation du phosphale de calcium autour 
des restes de poissons. Les réactions indiquées 
expliquent donc le mode de formalion simultané 
des deux catégories de concrétions. M. Credner à 
pu vérifier expérimentalement sa théorie en trai- 
lant par une solution de carbonate d'ammonium 
des cartilages ou des os de poissons ou du phos- 
phate de chaux obtenu par précipitation. 

Au bout de quelques semaines le phosphate de 
calcium était complèlement dissous et il s'était 
déposé du carbonate de calcium sous forme de 
cristaux microscopiques de calcite. La solution 
contenail du phosphate d'ammonium, car, addi- 
tionnée de bicarbonate de caicium, elle donnait un 
précipité de phosphate de calcium. Or, on sait que 
déjà Becquerel avait obtenu du phosphate de chaux 
en faisant agir de l’acide carbonique et du phos- 
phate d’ammoniaque sur du calcaire. 

M. Credner termine son (ravail par un aperçu 
sur les gisements de phosphates de l'Allemagne du 
Nord. Des phosphorites se trouvent à divers ni- 
veaux, depuis le Lias jusqu'à l'Oligocène; ils 
occupent surtout deux zones, l’une suivant les 
côtes de la Baltique, l’autre passant au nord du 
Harz. Ces deux zones sont évidemment continues 
en profondeur et ne sont actuellement séparées 
que par la couverture de terrains quaternaires, qui 
contient également des phosphorites à l'état re- 
manié. Le gisement de Leipzig constitue, sans 
doute, une zone indépendante des deux autres. 


II. — LES CHEVAUCHEMENTS. 


Nous désignons habituellement en France, à 
défaut d'un terme plus heureux, sous le nom de 
chevauchement (en anglais : {hrust où overthrust; en 
allemand : Ueberschiebung), un mode de dislocation 
très répandu dans les régions plissées. On dit, en 
géologie, qu'il y a chevauchement lorsqu'une 
couche ou une série de couches est refoulée sur des 
couches plus récentes, de telle sorte que, le long 
d'une surface de glissement, l’on observe une 
superposition anormale, un recouvrement des 
terrains plus récents par les terrains plus anciens. 
Depuis les travaux grandioses de M. Heim sur le 
double pli de Glaris, on s’est habitué à considérer 
les chevauchements dont on connaissait depuis 


longtemps des exemples dans la Lusace, dans les 
Appalaches, dans le Jura suisse, commele résullat 
de l’étirement du flanc inverse d’un plidéversé ou 
couché, étirement suivi d’une rupture supprimant 
entièrement le flanc inverse. 

C'est en admettant cette interprétation des che- 
vauchements qu’on a souvent désigné ces disloca- 
tions sous les noms de pli-faille, de pli-faille inverse. 

M. Rothplelz, qui, en plusieurs circonstances, 
avait déjà employé toute sa dialectique à démon - 
trer, pour le double pli de Glaris, la non-existençce 
du flanc inverse étiré, et qui avait proposé de rem- 
placer le terme de double pli par celui de double 
chevauchement {« Glarner Uberschiebung »), a 
consacré récemment tout un livre ! à combattre la 
théorie des plis-failles. Ce livre, publié à un mo- 
ment où les exemples de plis à flancs inverses 
étirés se multiplient de jour en jour (Dent du Midi, 
Chablais, environs de Christiania, etc.) est trop 
visiblement rédigé dans un esprit de polémique; 
on sent trop contre quiil a été écrit et la mauvaise 
humeur de l’auteur y perce à chaque page. M. Roth- 
plelz, dans un exposé plein d'érudition, passe suc- 
cessivement en revue les principales régions dans 
lesquelles on observe des chevauchements : Alpes 
de Glaris, Sentis, Jura Suisse, Écosse, Saxe, mas- 
sif rhénan et ardennais, Provence et Alpes fran- 
çaises, Amérique du Nord. Cet exposé, quoique 
souvent empreint de partialité, rendra de grands 
services à toutes les personnes qui s'intéressent 
aux problèmes de la tectonique. 

En s’élevant contre l'emploi de l'expression de 
pli-faille, M. Rothpletz fait une regrettable confu- 
sion entre le pli-faille proprement dit et le pli à 
flane inverse éliré. Il y a là, bien entendu, deux 
termes d’une même série continue, allant du pli 
normal à flancs d'épaisseur égale au grand che- 
vauchement horizontal; mais personne n'a jamais 
admis qu'un pli-faille supposàt nécessairement, 
dans tous les cas, la préexistence réelle d'un pli à 
flanc inverse éliré, avec laminage préalable du 
flanc médian renversé. Si, dans bien des cas, le 
pli-faille n'est que le cas-limite de l'étirement du 


flanc inverse d'un pli couché, dans d’autres cas, 


probablement les plus nombreux, la rupture du 
pli a été brusque et le chevauchement le long de la 
surface de rupture a pu atteindre des proportions 
gigantesques, pour peu que les compressions 
horizontales aient continué à se faire sentir. Le 
chevauchement n’en est pas moins un pli-faille, 
puisqu'il y a eu pli préexistant, dont souvent les 
charnières primitives sont encore visibles. On 
pourra donc sans crainte continuer à employer 


1 A. Roruprerz. Geoleklonische Probleme. 1 vol. in-8° 
175 p., 107 fig. et 40 pl. Stuggard, 1894. 


1088 


l'expression de pli-faille, qui est certainement celle 
qui convient le mieux dans les régions comme, 
par exemple, celle de Castellane (Basses-Alpes), 
dont M. Zürcher! vient lout récemment de faire 
connaitre la structure dans une étude des plus 
remarquables, région dans laquelle la subordina- 
tion des « lignes de discontinuité » aux plis est des 
plus manifestes. 

Ilest évident cependant qu'il ne faudrait pas 
chercher à attribuer la même origine à tous les 
chevauchements et qu'une fois de plus des causes 
différentes pourront avoir des effets semblables, 
voire même identiques. Aussi la classification des 
chevauchements donnée par M. Bayley Willis ? 
dans son mémoire sur « le Mécanisme de la struc- 
ture appalachienne » mérile-t-elle d'attirer notre 
attention. Voici les quatre catégories de chevau- 
chements (#hrus!s) que distingue le géologue amé- 
ricain : 

1° Chevauchement par coupure (skeaur-thrust). 
Les couches opposent par leur rigidité une résis- 
tance telle au plissement qu'elles sont coupées par 
un plan de faille oblique à la stratification, qui 
devient une surface de glissement. Ex. : Nord- 
Ouest des Highlands d'Écosse. 

2 Chevauchement par rupture (break-thrust). La 
compression latérale détermine d’abord la forma- 
ion d’un pli anticlinal, mais bientôt la flexibilité 
des couches, leur capacité de se plisser atteint 
son maximum et ilse produit une rupture, suivie 
d'un chevauchement sur la surface de rupture. 
C'est le pli-faille, tel que nous l'avons défini plus 
haut. Ex. : Appalaches. 

3° Chevauchement par étirement (s#retch-thrust). 
C'est le plissement poussé à ses dernières limites, 
jusqu'à l'élirement du flanc renversé du pli. Ex. : 
double pli de Glaris. 

4° Chevauchement par érosion préalable (erosion- 
thrust. L’érosion agissant sur la charnière d’un 
anticlinal assez surbaissé, cet anticlinal peut être 
chevauché par une couche rigide d'un synclinal 
adjacent, sous l'effet d’une simple poussée au 
vide. 

Ce dernier type de chevauchement, donton a 
signalé des exemples dansles Appalaches et qui cor- 
respond à l'interprétation que M. Mühlberg a 
donnée des chevauchements du Jura oriental, est 
évidemment un cas particulier, qui ne doitse pré- 


! Ph. Zürcuen, Nole sur la slructure de la région de Cas- 
lellane. Bull. Serv. Carte géol. n° 48, 37 p., 6 pl. 1895. 

? Bailey Wiuus, The Mechanics of Appalachian structure. 
131%: ann. Report of the U. S. Geol. Survey, Part I, p. 
211-281, pl. 46-96. 

« Dans la littérature géologique, le terme de structure appa- 
lachienne évoque l'idée de couches comprimées en plis longs 
et étroits, généralement parallèles entre eux et quelquefois 
renversés ou chevauchés.» 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


senter que dansles régions où le plissement s’est. 
produit en plusieurs phases distinctes. Les troispre- 
miers types, parcontre, sonttrois termes successifs 
d'une même série et doivent présenter tous les in- 
termédiaires. La production d’un chevauchement 
suivant l’un ou l’autre des trois types dépendra. 
essentiellement des conditions de rigidilé ou de 
chargement des couches soumises à la compression 
latérale. M. Bailey Willis a cherché à réaliser . 
expérimentalement ces conditions et, par de nom- 
breuses expériences très judicieusement disposées, … 
il a pu reproduire des types de dislocation iden- 
tiques à ceux que l’on rencontre dans les régions 
de piissement intense. La place nous manque 
malheureusement pour résumer le travail de | 
M. Bailey Willis el nous n'insisterons pas davan- 
age sur les considérations théoriques et sur les 
lois de la « structure compétente » qui forment le 
fond de ce travail. Nous estimons d’ailleurs que 
des considérations théoriques de cette nature au 
sujet de la structure géologique d’une région ne 
sauraient sans inconvénient. précéder l'étude de 
délail de cette région. Elles nous paraissent 
presque dépourvues d'intérêt lant qu’elles ne 
sont pas publiées sous forme de conclusions 
d’une étude monographique. 


IT. — Le masstr Du MÉNEZ-BÉLAIR, EN BRETAGNE. 


Depuis que M. Charles Barreis a publié, sur la 
carte géologique de la France au 4/1.000.000", les 
premiers résullats de ses belles recherches sur la 
Bretagne, on sait qu'à la notion d’une presqu'ile 
armoricaine conslituée par deux grands plateaux 
el par deux grands bassins indépendants, doit être 
substituée celle d'une région comprenantune série 
nombreuse de pelits synclinaux très étroits, 
parallèles enire eux et indéfiniment allongés de 
l'ouest à l'est. La carte de Bretagne prend ainsi 
l'aspect de lacarte d’une région plissée du lype 
dit « appalachien ». M. Barrois a pu établir que 
les grands traits de l'orographie sont dus à un 
ridement du sol, postérieur au Culm et antérieur 
au terrain houiller supérieur, mouvement qui 
refoula laléralement et en même lemps toutes les 
strates, sur une largeur deplus de trois degrés de 
latitude, de la Normandie à la Vendée, en leur 
donnant une direction dominante uniforme! 
0.20° N.-E. 20°S. Si ces grandes lignes sont désor- 
mais bien établies, les détails de la structure du 
massif breton sont encore en grande partie insuf- 
fisamment connus; aussi la première étude sur la 
tectonique d’une région déterminée de la Bretagne, 
que M. Barrois a publiée cette année, offre-t-elle 


——_———— 


1 Charles Barrotis, Le bassin de Ménez-Bélair (Côtes-du- 


din did ‘hd dés D Rs 


| 


- Nord el Ille-et-Vilaine). Ann. de la Soc. géol. du Nord, t. 


XXII, p. 181-350, pl. HI-X. 


| 
L 
4 
. 
. 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


1089 


_ tout l'attrait de lanouveauté. Cette étude magis- 


trale est consacrée au bassin du Ménez-Bélair, 


_ sorte de détroit rétréci, long de 100 kilom., faisant 


2. 


. communiquer le bassin carbonifère de Châteaulin 

. avec celuide Laval, et remarquable à la fois par les 
caprices de son contour et par sa faible largeur, 
parfois réduite à 1 kilom. Il est constitué par une 
série d'assises siluriennes, dévoniennes et carbo- 
nifères, limitée de part et d'autre par les phyllades 
de SL-LÔô, d'âge précambrien. Mais le bassin du 
Bélair n'est pas un simple synclinal, sur les deux 
bords duquel la même série de couches est répélée 
en sens inverse : malgré la concordance apparente 
el le parallélisme des diverses bandes d’affleure- 
ment des terrains, on constate qu’il y a de nom- 
breuses lacunes dans la série, en même temps que 
des réapparitionsde certains termes, sous forme de 
nouvelles rayures parallèles. On voit, de plus, que 
le nombre et l'âge de ces diverses bandes ou 
rayures varient suivant les divers méridiens consi- 
dérés et que, par conséquent, la structure de ce 
bassin n'est ni uniforme ni régulière, du N. aus. 
ou de l'O. à l'E. 

Par la comparaison des coupes transversales, 
M. Barrois est arrivé à reconnaitre que toutes ces 
coupes se déduisent rationnellement de la considé- 
ration d’un synelinorium , déjeté au $S. dans la por- 
tion occidentale, déjeté au N. dans la région orien- 
tale et débité ensuite uniformément par des failles, 
qui présentent toutes une inclinaison de 30 à 45° 
vers le N. Les tranches ainsi découpéesparces failles 
glissèrentles unes sur les autres de manière à déter- 
miner un effondrement des tranches moyennes du 
synclinorium, comprises entre les tranches super- 
ficielles et les tranches les plus éloignées de 
la surface. Ces tranches profondes et les superti- 
cielles, abandonnées également en arrière, pen- 
dant le mouvement d'affaissement, furent plus tard 
balayées par les dénudations, qui ne respectèrent 
que les tranches affaissées, faisant ainsi partout 
disparailre les charnières des plis. 

En réalité, le bassin de Bélair n’a jamais cor- 
respondu à un pli synclinal simple; il dépend d'un 
synclinorium composé de plusieurs ondes syneli- 
nales parallèles, parmi lesquelles le pli de Gahard 
et le pli de Liffré, qui se suivent sans interruption 
d’un bout à l’autre du bassin. Tandis que le pli de 
Gahard ne contient en aucun point de formatio ns 
plus récentes que le Dévonien, le pli de Liffré 
présente des couches carbonifères, qui reposent 
toujours directement sur le Silurien, sans inter- 
posilion de Dévonien. Ce fait très remarquable 
montre d'une façon positive quelle énorme réduc- 


1 Série de plis dont l'ensemble se comporte comme un 
synclinal. 


tion superficielle les-mouvements orogéniques ont 
fait subir au synclinorium de Bélair, puisque sa 
trace, réduite parfois à 4 kilomètre de largeur sur 
nos cartes, correspondait à deux bassins de dépôts 
parallèles et assez distincts pour que les mers 
dévoniennes se soient limitées à l’un et les mers 
carbonifères, à l’autre. : 

Enfin, on peutconstater que la charnière syncli- 
nale du bassin de Bélair ondule verticalement 
dans le sens de sa longueur, présentant en trois 
points des convexités, séparées par des concavités. 
Par suite de ces dénivellations, on trouve, dans 
les trois tronçons surélevés, à la surface actuelle 
d’affleurement, des tranches plus voisines du fond 
de synclinorium que dans les tronçons compris 
entre eux. C’est pour celte raison que l’affleure= 
ment devient si étroit dans ces parties et relative- 
ment si large dans les régions intermédiaires ; ces 
affleurements représentent, en effet, dans ces deux 
cas, des sections horizontales, inégalement dis: 
tantes de la charnière synclinale du bassin. 

Les trois relèvements anticlinaux du bassin de 
Bélair coïncident exactement avec le prolonge- 
ment, à travers le bassin du Bélair, de lignes 
anticlinales relevées indépendamment, au milieu 
des schistes précambriens et des gneiss, des axes 
anticlinaux de Fougères, de Dinan, de Saint-Malo. 
Ainsi la région de Bélair fournit un exemple 
curieux de croisement et de superposition de deux 
systèmes de plis orogéniques. Elle permet, de plus, 
de constater l'influence perturbatrice que ces deux 
systèmes ont exercée l'un sur l’autre et, par suite, 
de reconnaitre leur superposition dans le temps. 
La torsion du synclinorium de Bélair, qui s'effectue 
précisément au passage du pli anticlinal de Fou- 
gères, établit nettement la postériorité du plisse- 
ment de Fougères à celui de Bélair, puisque celui- 
ci a été dérangé par Le passage du premier. 

Ce fut pendant la seconde moitié des temps carbo- 
nifères (après le Culm), sans qu'il soit encore pos- 
sible d’en préciser les moments, que se sont pro- 
duits tous les ridements du sol qui déterminèrent 
les grands traits de l’orographie bretonne. Ces 
mouvements doivent se rattacher à deux systèmes 
de plis conjugués, à peu près contemporains : le 
plus ancien dirigé N.-0. (axes de Gahard, de 
Liffré), l'autre dirigé N.-E. (axes de Saint-Malo, 
de Dinan, de Fougères, de Rennes). Les traces du 
second étant mieux conservées au nord de la Bre- 
tagne (région naturelle du Léon), M. Barrois l'a 
désigné sous le nom de sysfème du Léon; celles 
du premier, étant plus marquées sur les côtes 
méridionales du pays (Cornouaille bretonne), ont 
été réunies sous le nom de système de lu Cornouaille. 

Il importe de constater que ces deux systèmes 
de plis conjugués ne sont pas orthogonaux el 


r 


1090 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


qu'ils tendent à se rapprocher d’une direction 
moyenne commune 0.-E., correspondant à l’allon- 
gement de la presqu'ile armoricaine. 

Les synclinaux du système de la Cornouaille 
sont affectés, dans le bassin de Bélair, par de 
nombreuses failles, qui se répartissent en failles 
d’étirement, failles de lassement et failles de décro- 
chement. Les premières sont en relation intime 
avec la formalion des plis et correspondent à leurs 
flancs inverses élirés. Il a déjà été question plus 
haut des failles de tassement, longitudinales et 
parallèles aux lignes directrices, de même que les 
failles d’étirement. Quant aux failles de décru- 
chement, elles sont transversales et présentent, 
dans leur groupement en gerbes, une relation avec 


la torsion d'ensemble du bassin. 


Tous ces accidents, plis et failles, doivent être 
considérés comme des manifestations différentes 
d’une même cause fondamentale ; mais les plis et 
les failles d’étirement sont antérieurs à la venue 
du granite dans la région, tandis que les failles 
de tassement et de décrochement sont posigra- 
niliques. 

Cette intrusion du granite à l'époque carbo- 
nifère, postérieurement au ridement, est établie 
par les observations suivantes : le granite coupe 
transversalement les couches paléozoïques; les 
schistes sont transformés en schistes micacés-ma- 
clifères ; mais, landis qu'ils s'arrêtent brusquement 
au contact du granite, les assises interstratifiées 
de quartzite se poursuivent dans le massif grani- 
tique, où elles constituent des crêtes quartzeuses 
remarquables. Les failles de tassement et de 
décrochement ont affecté en plusieurs points les 
masses granitiques. Ces masses elliptiques sont 
disposées en chapelels parallèles, alignés suivant 
des directions coïncidant exactement, voire même 
comme position, avec les axes anticlinaux du sys- 
tème du Léon, coupant par conséquent oblique- 
ment l'axe du synclinorium de Bélair. 

Si les graniles ont effectué leur mise en place 
suivant les anticlinaux, à la faveur des derniers 
grands mouvements de plissement, l'ascension du 
magma en fusion qui a produit les diabases de la 
région, en filons innombrables, est en retation 
avec un autre mouvement du sol, postérieur aux 
ridements de la Cornouaille et du Léon : elle a été 
déterminée par les effondrements des tranches 
médianes des plis synclinaux, dont, les failles 
d'affaissement ont fourni la preuve. Le magma 
prolila pour son ascension des failles de décroche- 
ment, ouverles antérieurement dans la région, 
lors de la propagation du mouvement de torsion 
subi par le bassin du Bélair. 

On voit, en somme, que les accidents de plisse- 
ment, de torsion et ceux qui déterminèrent les 


failles, comme aussi la mise en place des roches 
cristallines massives, sont le résultat d’un même 
mouvement, d’un effort dont le sens a été constant 
et dont l'expression extérieure a seule varié, 


IV.— LA COLLINE DE TURIN 


Les collines du Monferrat et, en particulier, la 
colline de Turin, qui surgissent au milieu de la 
plaine du Pô, ont attiré, dès le commencement du 
siècle, l'attention des géologues. On a eu recours 
aux hypothèses les plus diverses pour expliquer 
l'isolement de ces collines au milieu d'une plaine 
alluviale limitée au nord et à l’est par la concavilé 
de l’arc alpin, au sud par l'Apennin ligure, et les 
accumulations de conglomérats qui prennent une 
part très considérable dans leur constilution. 


. Aucune de ces hypothèses n’a paru satisfaisante à 


M. Virgilio, qui a consacré un volume {rès remar- 
quable ! à l’étude du mode de formation de la 
colline de Turin. 

Toutes les hypothèses tendant à expliquer la 
genèse des conglomérats oligocènes et miocènes 
de la colline de Turin devront, d'après l’auteur, 
tenir compte des fails suivants, qui sont établis 
d'une manière indubitable : 

Les conglomérals se sont formés sous les eaux 
de la mer pendant la période oligocène et une 
partie de la période miocène; leurs banes 
sont dépourvus de fossiles marins, qui, par contre, 
se trouvent en abondance dans les couches mar- 
neuses et sableuses intercalées. Les éléments des 
conglomérats sont, en général, de vrais cailloux 
roulés, de dimensions variables. Les blocs non 
roulés, en partie à angles non arrondis, souvent de 
grande taille, épars sur les flancs des collines, sont 
des restes de bancs de conglomérats détruits par 
l'érosion. Les cailloux proviennent, en majeure 
partie, de roches alpines existant en place sur le 
versant italien depuis les Alpes Maritimes jusqu'aux 
Alpes Lépontiennes ; en moindre parlie, de roches 
des Apennins et en partie tout à fait minime de 
roches en place dans les collines mêmes. L'élé- 
ment serpentineux est prédominant. La présence 
de véritables cailloux glaciaires peut être niée. 

Au point de vue tectonique, la colline de Turin 
est un pli anticlinal dont le flanc nord est plus 
incliné el moins développé que le flanc sud. Dans 
les deux flancs l'inclinaison des diverses assises va 
en augmentant de l'extérieur vers l’intérieur dans 
la direction de l'axe. 

Le climat qui régnait pendant toute la longue 


1 ViraL1o : La collina di Torino in rapporlo alle Alpi, 
all Appennino ed alla pianura del Po. 4 vol. in-8°, 159p., 


4 pl. Turin, 1895.— Id.: Argomenti in appoggio della nuova 


ipotesi sulla origine della collina di Torino. Atti della 
R. Accad. delle Scienze di Torino, vol. XXX, 19 mai 1895. 


[7 


ET 


né. 


PP EN EE OT 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


1091 


période durant laquelle se formaient les conglo- 
mérats était intertropical et d'au moins 11° plus 
chaud que la température moyenne actuelle. 

La nature des éléments roulés indique avec 
évidence un transport lointain, mais les: hypo- 
thèses impliquant un transport par d&es cours 
d’eau ou par des glaces doivent être écartées. La 
principale difficulté que rencontre l'interprétation 
des conglomérats réside évidemment dans leur 
grand éloignement de la côte et dans l’impossibi- 
lité d'admettre l'existence d'une ile émergée sur 
Femplacement actuel des collines du Monferrat, 
antérieurement à l'époque tortonienne, en raison 
de la continuité des couches contenant les élé- 
ments roulés. M. Virgilio a eu recours à une inter- 
prétation extrêmement ingénieuse : il considère 
les galets comme formés sur le littoral même de 
la mer oligocène et miocène, tant sous l'influence 
des vagues que par suite d’apports lorrentiels 
venant de la terre ferme. Un écoulement lent se 
produisant sur le fond incliné de la mer aurait 
ensuite amené les amas de cailloux, englobés dans 
une vase mouvante, du littoral au centre du 
bassin, c'est-à-dire du bord interne, oriental et 
méridional de l'arc alpin et du bord externe 
septentrional de l’Apennin ligure à leur emplace- 
ment actuel, où les éléments de provenances 
différentes se seraient plus ou moins mélangés. 

Voici par quelles phases ! aurait passé successi- 
vement la région occupée actuellement par la col- 
line de Turin depuis la fin de l’époque éocène, c'est- 
à-dire depuis le moment où, par suite des premiers 
plissements alpins, le bassin du Pô se trouvait 
circonserit à peu près dans ses limites actuelles : 

A l'époque tongrienne se déposèrent, sur les 
côtes, sur un fond constitué par des dépôts anté- 
tertiaires et éocènes, des calcaires et des marnes 
scaglieuses, puis des conglomérats à petits éléments 
de provenance alpine (environs du lac Majeur) ou 
apenninique. Peu à peu ces conglomérats lon- 
griens, formés dans le voisinage des rivages par 
les torrents venant des Alpes et des Apennins, 
s’écoulèrent lentement sur le fond de la mer vers 
le centre du bassin. Les dépôts aquilaniens, con- 
tenant des conglomérais à plus gros éléments 
que les comglomérats tongriens et formés dans des 
conditionsanalogues, s’accumulèrentsur lelittoral, 
exerçant une pression sur les dépôts sous-jacents, 
facilitant ainsi la continuation du phénomène 
d'écoulement sur un plan incliné vers le centre du 
bassin. 

Les dépôts langhiens continuèrent à exercer 
cette même pression, qui détermina finalement la 


1 Ces phases successives sont illustrées au moyen d’une 
série de coupes publiées par l’auteur dans sa note supplémen- 
taire. 


rencontre et le mélange des éléments alpins et de 
ceux qui provenaient du versant nord de l’A- 
pennin. 

Par suite de l'existence de deux poussées 
agissant en sens inverse, cette rencontre donna 
lieu à la formation, à l'époque helvétienne, d’un 
premier bourrelet, occupant l'emplacement actuel 
de Ja colline de Turin. En même temps se dépo- 
saient sur les côtes, en alternances avec des 
marnes grises et des mollasses, des conglomérats 
à très gros éléments et à arêtes vives, dont le glis- 
sement vers le centre du bassin était facilité par 
la présence des marnes intercalées dans la série. 

A l’époque tortonienne, la colline de Turin a dû 
commencer à émerger du sein de la mer, car les 
argiles tortoniennes font entièrement défaut sur son 
versant nord-ouest. Le mouvement de plissement 
atteignantson maximum danses Apennins, el sur- 
tout dans les Alpes, à la fin de la période miocène 
et l’'émersion dela colline de Turin s'accentuant de 
plus en plus, la pente du fond de la mer, allant 
des côtes vers le centre du bassin, devait nécessai- 
rement devenir plus considérable, de telle sorte 
que l'écoulement vers la colline de Turin des maté- 
riaux déposés sur les rivages devait avoir lieu 
encore plus facilement qu'aux époques précé- 
dentes. Par suite de l’accentuation du plissement, 
le bassin s'approfondissait graduellement, de telle 
sorte que, au début du pliocène, des argiles de 
mer profonde pouvaient se déposer sur tout le 
pourtour de la colline. 

A la fin de la période pl'iocène les couches ont 
atteint leur position actuelle et la mer, qui occupait 
l'emplacement actuel de la vallée du Pô, s’est 
comblée progressivement par l'accumulation de 
formations détritiques. 

A l’époque quaternaire, sous l’action des agents 
atmosphériques, la colline de Turin prend son 
relief actuel. Les puissants dépôts de læss qui 
recouvrent les formations tertiaires doivent être 
attribués, selon l’auteur, au ruissellement super- 
ficiel résultant de la fonte annuelle des neiges, 
vers la fin de la période glaciaire. 

Comme on a pu le voir, M. Virgilio est un fervent 
adepte des théories de Reyer!, d’après lesquelles 
les phénomènes de plissement seraient principale- 
ment attribuables à un écoulement des masses 
stratifiées sur un plan incliné, sous la simple 
action de la pesanteur. 


V. — LA SÉRIE SÉDIMENTAIRE DANS L'ASIE CENTRALE. 


Les chaînes de montagnes qui s'élèvent au nord 
del'Himalaya, dans le Turkestan et dans le Thibet, 


1 V, l'articte de M. W. Kirrax sur les Essais de géologie 
expérimentale de M. Heyer, dans la Revue générale des 
Sciences du 15 juillet 1893. 


1092 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


n’ont encore été visitées que par un nombre fort 
limité d'explorateurs, et deux géologues seulement 
ont exploré ces régions inhospitalières : Stoliezka, 
il ya plus de vingt ans, et, plus récemment M. Bog- 
danovitch. Ils ontrecueilli, dans le Kuen-Lun occi- 
dental, dans le Pamir et dans les chaînes méridio- 
nales du Tian-Chan, des fossiles qui ont été commu- 
niqués à M. Suess!. L’illustre géologue viennois a 
étudié ces séries paléontologiques avec la collabo- 
ration de quelques spécialistes (MM. Frech, von 
Mojsisovics, Teller et Uhlig), et, quelque rudimen- 
taires que fussent ces matériaux, ils lui ont permis 
de reconstituer dans ses grands traits l’histoire 
straligraphique de l'Asie centrale. 

M. Bogdanovitch a reconnu dans le Kuen-Lun 
occidental deux grandes transgressions: la trans- 
gression du Kuen-Lun, qui vient se placer au début 
du Dévonien moyen, et la transgression thibétaine, 
qui a eu lieu après le dépôt de l'étage moscovien à 
Productus semireticulatus. 

On peut se convaincre, d’après un savant exposé 
dû à M. Frech et intercalé dans le mémoire de 
M. Suess, que la transgression du Dévonien moyen 
est un phénomène tout à fait général dans l'hémi- 
sphère nord et qu’elle n’est que le prélude de la 
transgression plus étendue encore du Dévonien 
supérieur. Dansle Tian-Chan et dans le Kuen-Lun, 
le Dévonien moyen est le terrain sédimentaire 
le plus ancien dont on connaisse des fossiles ; il 
fait suite immédiatement à une formation détri- 
tique par laquelle débute la série transgressive qui 
repose en discordance sur les schistes cristallins. 
Plusieurs localités sont très fossilifères et ont 
fourni de nombreux Polypiers et des Brachiopodes 
déterminés par M. Frech, et qui tous sont très 
voisins d'espèces de l’Europe centrale et souvent 


mème identiques. Le Dévonien supérieur n’esl pas 


connu encore dans l'Asie centrale. 

Le Carbonifère' inférieur (Dinantien, Munier- 
Chalmas et de Lapparent) est représenté dans le 
Tian-Chan et dans le Kuen-Lun par des calcaires à 
Chonetes comoides el Streptorhynchus crenistriu; le 
Carbonifère moyen (Moscovien), par des calcaires à 
Productus Fusulines. C'est au- 
dessus de ce niveau que vient se placer la trans- 
gression thibélaine de M. Bogdanovitch; les grès 
rouges el les conglomérals carbonifères supé- 
rieurs du Kuen-Lun reposent en discordance sur 
le Carbonifère moyen. On sait que, dans l'Europe 
occidentale, d'importants mouvements se font 


semireliculalus et 


également sentir à l’époque du Carbonifère moyen, 
el que le Carbonifère supérieur est généralement 
concordant avec le Permien. Dans l'Asie centrale, 


1 E. Suess. Beilräge zur Slraligraphie Central-Asiens. 
Denkschr. math.-naturw, Cl. d. k, Akad. Wiss. Vol. LXI. 38 
p. 1 pl. 1894. 


il paraît en être de même, mais la généralité du 
faitne pourra êlre aflirmée que lorsque l’âge de 
certaines couches transgressives, telles que les 
calcaires à Brachiopodes du fleuve Gussass, dans 
le Kuen-Lun occidental, sera délerminé avec cer- 
titude. 

Des marbres rouges signalés par Stoliezka au 
nord du col de Karakorum contiennent des XPn0- 
diseusetun (astrioceras,etsont considérés par M. von 
Mojsisovics comme permiens. 

Le Trias du Pamir oriental présente des carac- 
tères essentiellement alpins; on y signale des 
calcaires à Brachiopodes contenant des Æulorella 
en partie identiques à des espèces du Trias su- 
périeur des Alpes orientales, ainsi que des bancs 
à Monotis salinaria, forme bien connue du Salzkam- 
mergut. 

La découverte, sur les rives du Karakash, d’Am- 
monites calloviennes, déterminées par M. Ubhlig, 
pourrait indiquer que la grande transgression 
callovienne s’est également fait sentir dans l’Asie 
centrale. 

Enfin, sur les bords de la dépression du Tarym, 
l’'Éocène est représenté par des grès contenant 
des huitres, parmi lesquelles M. Suess a pu recon- 
naitre la Gryphen Esterhazyi, espèce caractéristique 
des couches à Nununuliles perforata de Hongrie. 

On voit par cet aperçu que les mers primaires, 
secondaires et tertiaires de l'Asie centrale conte- 
naient des faunes présentant le plus souvent des 
analogies frappantes avec les faunes synchroni- 
ques des mers de l’Europe. Les principales discor- 
dances dans la série sédentaire paraissent s’être 
produites simultanément dans l'Europe occiden- 
tale et dans l'Asie centrale. Enfin, l’on retrouve, 
aussi bien dans les chaines plissées de l'Himalaya 
et du Thibet que dans lesrégions de l'Europe affec- 
tées par les plissements alpins, les traces d’une 
mer parallèle à l’équateur, réunissan! ies deux 
bords du Pacifique, en passant par les Antilles, 
l'Europe méridionale, el traversant l'Asie en 
écharpe. Cette mer, à laquelle M. Suess à donné 
récemment le nom de 7helys, parait s'être mor- 
celée à l’époque tertiaire, et la Méditerrante en 
serait untronçon, tandis que l'Atlantique et l’o- 
céan Indien se sont formés sur l'emplacement 
de continents qui existaient pendant toute la 
durée de l'ère secondaire. 

Le moment précis de la séparation des eaux de 
la Méditerranée de celles des mers plus orientales 
ne peut encore être déterminé avec certitude, mais 
on peut affirmer, grâce à la découverte de la 
Gryphæa Esterhazyi sur les bords de la dépression 
du Tarym, qu'à l’époque éocène la mer qui recou- 
vrait la région alpine s’étendait vers l’est, au 
moins jusqu'à ce point extrême. À cette époque, 


L L# 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


1093 


l'océan Indien élait certainement déjà ébauché, 
par suite de l'effondrement de l’ancienne Indo- 
Afrique. 


VI. — LES DÉPÔTS GLACIAIRES DES ALPES 
ET DES PYRÉNÉES. 


A la suite du Congrès géologique international 
de Zurich, eut lieu, du 17 au 23 septembre 1894, 
sous la direction de MM. Penck, Brückner et Du 
Pasquier, une « excursion glaciaire » destinée à 
faire connaitre aux participants les régions des 
Alpes méridionales et septentrionales qui sont les 
plus propres à l’élude de la succession et de la 
disposition des formations glaciaires. 

Cette excursion, qui partit de Lugano pour 
aboutir à Munich, en passant par Ivrée, Milan, 
Riva, Innsbruck, fut couronnée d’un plein succès 
et eut pour résultat de consacrer définitivement 
cerlaines nolions exposées déjà dans plusieurs 
ouvrages spéciaux, mais insuffisamment connues 
de la majorité des géologues. EL 

Mieux que l’excursion, dont le nombre des par- 
ticipants fut forcément restreint, un Guide, publié 
en vue de cette excursion par MM. Penck, Brück- 
ner et du Pasquier !, contribuera à répandre ces 
notions. Ce sont les principales données conte- 
nues dans ce Guide que nous allons entreprendre 
de résumer ici. 

Les auteurs du Guide distinguent, au point de 
vue de leur origine, parmi les dépôts glaciaires 
alpins, deux catégories : 

1° Les dépôls glaciaires proprement dits, générale- 

ment non stratifiés et à éléments non calibrés, 
caractérisés par la présence de cailloux polis et 
striés, souvent aussi par celle de fragments de 
roches venant de très loin et imparfaitement 
roulés. Ce sont les produits du glacier lui-même, 
ses anciennes moraines. 
2 Les dépôts fluvio-glaciaires, formations gla- 
ciaires remaniées par les eaux courantes, compo- 
sées en conséquence d'éléments erraliques usés, 
roulés, arrondis et déposés comme les galels d’un 
cours d’eau en couches horizontales allernant 
souvent avec des lits à structure inclinée (stratifi- 
cation torrentielle). 

Le glaciaire proprement dit présente une surface 
irrégulière, onduleuse, composée d’une succession 
de monticules et de vallons marécageux, plus ou 
moins parallèles ou concentriques. C’est ce que 
Desor appelait le paysage morainique. Ce paysage 
morainique entoure une région intérieure en 
cuvette, souvent occupée par un lac et nommée 


1 Pexck, BrückNER et pu Pasquier. Le système glaciaire 
des Alpes, quide publié à l'occasion du Congrès géologique 
international. Bull. de la Soc. des Sc. nat. de Neuchâtel, 
t. XXII, 1893-1894. 


pour cette raison la dépression centrale. De ce grou- 
pement de formes résulte quelque chose d'ana- 
logue à un amphithéâtre, si bien que l’ensemble 
de la dépression centrale et de sa circonvallation 
de moraines a souvent été désigné sous le nom 
d'amphithéâtre morainique. 

A l'extérieur, à l’aval de l’amphithéâtre, s'appuie 
le fluvio-glaciaire, formant, à une altitude bien 
supérieure à celle du fond de la dépression cen- 
trale, un vaste plan incliné descendant des 
moraines. C’est un cône de déjection portant 
encore des moraines : le cône de transition, qui 
correspond à une zone de passage du glaciaire au 
fluvio-glaciaire, zone caractérisée souvent par des 
alternances de ces deux formations. En aval, ce 
cône devient de plus en plus plat à mesure que sa 
structure intérieure gagne en régularité de strati- 
fication; c’est la région du fluvio-glaciaire pro- 
prement dit, des alluvions glaciaires, formant de 
vastes plaines ou des terrasses régulières. 

Il est facile de se rendre compte de la genèse 
de ce « complexe » : devant le front du glacier, 
les torrents, surchargés de matériaux, alluvion- 
naient, tandis que le glacier lui-même déposait, 
sous forme de moraine terminale, tous les élé- 
ments qui n'étaient pas entrainés par les eaux 
courantes. Quant à l'espace occupé par le glacier, 
aucune accumulation ne s’y produisait et le gla- 
cier abandonnait après son retrait une surface 
déprimée, la dépression centrale, entourée par 
une circonvallation morainique et caractérisée 
par le polissage des roches qui la constituent. On 
concoit que la circonvyallalion ait souvent endigué 
un lac. 

Le bord alpin présente des exemples nombreux 
de cette disposition, les plus célèbres sont décrits 
dans le Guide et ont élé visités par les participants 
à l’excursion. Nous mentionnerons surtout l’amphi- 
théâtre morainique de l’ancien glacier de la Reuss, 
où la petite ville de Mellingen occupe le fond de la 
dépression centrale; celui du glacier de l’Inn, 
dont le centre est occupé par la ville de Rosenheim; 
puis, sur le versant méridional des Alpes, le 
célèbre amphithéàtre d'Ivrée et celui du lac de 
Garde, tous deux caractérisés par la hauteur 
énorme qu'atteignent les moraines au-dessus du 
niveau de la dépression centrale. 

En amont des grandes moraines qui marquent 
la principale phase d'arrêt du glacier s'observent, 
de distance en distance, des séries de dépôts gla- 
ciaires et fluvio-glaciaires tout à fait analogues à 
celle que nous venons de décrire, mais de dimen- 
sions beaucoup plus restreintes, et correspondant 
chacune à une phase d'arrêt dans le retrait des 
glaces. Ces complexes suceessifs s’imbriquent les 
uns sur les autres et constituent la série des 


fut à 


1094 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉULOGIE 


dépôts d'une seule et même glaciation, avec ses | correspondant à ces trois périodes distinctes onl 


phases d'arrêt et de retrait; leur répétition ne sau- 
rail, en aucun cas, être considérée comme un 
indice de plusieurs glaciations successives, sépa- 
rées les unes des autres par un profond hiatus 
géologique. 

Pour démontrer l'existence, dans une même 
région, de plusieurs glaciations successives, il faut 
avoir recours à d’autres caractères et notamment 
au degré d’altération des dépôts. 

On a pu constater que les formations glaciaires 
de la période quaternaire étaient généralement 
altérées jusqu'à une certaine profondeur, par suite 
d’une décalcification superficielle sous laclion des 
agents atmosphériques. D'une manière générale, 
l'altération des grandes moraines terminales de la 
glaciation alpine n'atteint qu'une épaisseur insi- 
gnifiante ; il n'en est pas de même pour certains 
dépôts que l’on rencontre au delà de la limite des 
moraines terminales: ce sont des cailloulis alltérés 
superficiellement jusqu à plusieurs mètres de pro- 
fondeur, de telle façon que les éléments calcaires 
en ont disparu et qu'une grande quantité de galets 
crislallins sont entièrement décomposés, kaoli- 
nisés, devenus friables jusqu'à pouvoir être coupés 
au couteau. En raison de la prédominance des 
éléments ferrugineux résultant dela décalcification, 
ces produits d’altération ont reçu des géologues 
lombards le nom de /erreto. Ges dépôts alltérés sont 
d'anciennes moraines, qui ont perdu sous l’in- 
fluence du temps leurs formes adoucies; ainsi 
s'établit un contraste frappant entre ces moraines 
extérieures et les moraines intérieures, plus jeunes, 
qui ont conservé toute leur fraicheur. Sur plusieurs 
points, on conslate que les moraines externes 
allérées passent sous les moraines internes, ce qui 
établit bien leur antériorilé. Dans d'autres cas, 
plus fréquents, la période d’allération des mo- 
raines externes fut suivie de puissants ravine- 
ments qui déterminèrent le creusement des vallées, 
dans la masse de ces moraines:; les moraines 
internes furent déposées dans le fond de ces vallées, 
par conséquent à un niveau inférieur à celui oc- 
cupé par les moraines externes. Il n'y a donc plus 
superpos'lion, mais emboitement des moraines el 
de leurs alluvions respectives les unes dans les 
autres. 

Il importe de faire remarquer que l'on ne con- 
state pas qu'une seule superposilion : il y en a 
deux. Les moraines extérieures sont, en eftet, 
divisées elles-mêmes en deux élages superposés 
ou emboilés, séparés l’un de l’autre, aussi bien 
qu'ils le sont des moraines internes, soit par des 
couches d’allération subaérienne, soit par des 
ravinements profonds. On a ainsi, dans les Alpes, 
l'indice de trois glaciations successives. Les alluvions 


élé désignées, les plus anciennes, sous le nom d'al- 
luvions des plateaux (Deckenschotter), les moyennes 
sous celui d'alluvions des hautes terrasses, les 
plus récentes sous celui d’alluvions des basses 
terrasses. On a constaté que, vers l’amont, chacun 
de ces niveaux d’alluvions passait à des moraines 
indépendantes les unes des autres. Le Nord de la 
Suisse fournit des exemples nombreux de l’exis- 
tence de trois lerrasses fluvio-glaciaires distinctes 
et de leur emboitement, etil en est de même de la 
région des lacs, dans la plaine lombardo-véni- 
tienne; mais c'est. surtout dans la plaine de 
Munich ‘ que l’on observe la superposition, quel- 
quefois dans une même coupe, des cailloulis cor- 
respondant aux trois glaciations. Ces trois cailloutis 
sont séparés les uns des autres par des couches de 
lehm d'altération ; le plus ancien est le plus con- 
gloméré et se distingue par la rareté des éléments 
crislallins ; chacun est superficiellement altéré : 
la couche d’alléralion qui le sépare des dépôts 
plus récents est la plus épaisse dans le «Decken- 
schotter »; elle est la plus mince dans l’alluvion 
fluvio-glaciaire la plus récente. 

On connait depuis longtemps, dans les Alpes 
françaises , grâce surtout aux observations 
d'Alphonse Favre, de Charles Lory, de Charles 
Martins, de MM. Falsan et Chantre et, plus récem- 
ment, de M. David Martin, de puissantes masses de 
dépôts glaciaires, Lémoins d'une ancienne et très 
considérable extension des glaciers; mais personne 
n'avait tenté de coordonner systématiquement les 
différents termes de la série glaciaire ni d'y voir 
les traces de plusieurs glacialions successives. 
Cette lacune vient d'être comblée au moins pour 
le bassin de la Durance, grâce aux remarquables 
observations de MM. W. Kilian et A. Penck ?, qui 
ont montré quela vallée de la Durance méritait 
de devenir un type classique pour l’élude de la 
succession des dépôts glaciaires. 

Dans les environs de Sisteron, ces auteurs ont 
distingué trois terrasses de graviers, dont la plus 
ancienne correspond,par sa posilion el par ses 
caractères d'altéralion, au Deckenschotter. Elles 
sont généralement séparées par des affleurements 
du substratum, elles sont plus ou moins conglo- 
mérées et l’on trouve, dans les deux dernières, des 
blocs remaniés de conglomérat, provenant des 
terrasses préexistantes. Leur pente est plus grande 
que celle de la vallée actuelle. 


1 Sous Je titre « Die Gegend von München, » M. L. vox 
Aumox vient de publier un bel ouvrage {in-89, 152 p., 
! carte, 6 pl. en phototypie, 12 fig.) sur les environs de Mu- 
nich, dans lequel l'étude des reliefs glaciaires tient uno 
place considérable. 

2 Les dépôts glaciaires et fluvio-glaciaires du bassin de la 
Durance, Comptes rendus Acad. Se., 11 juin 1895. 


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E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 1095 


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_ Le Deckenschotter occupe une position très 
élevée au-dessus du thalweg actuel de la Durance 


. et paraît antérieur au creusement de la vallée. La 
4 haute terrasse domine de 80 à 100 mètres le lit de 


la Durance; elle passe en amont à de véritables 
moraines, qui n’ont pas conservé la fraicheur des 
moraines internes; quant aux alluvions elles- 


- mêmes, leur altération superficielle atteint 1 à 


2 mètres. La basse terrasse s’abaisse jusqu’au 
niveau des alluvions modernes, l’altération y est 
très superficielle; elle s’adosse en amont à un 


triple rempart de moraines frontales, qui forme 


au Poët un véritable amphithéâtre morainique, 


avec pente douce vers l'aval et versant abrupt 


vers l’amont. En arrière, souvre la dépression 
centrale, large et tapissée de glaciaire, sous 
lequel les graviers de la basse terrasse se conli- 
nuent, mais ne tardent pas à se terminer en bi- 
seau, de sorte que, en amont de la Saulce, aucune 
des trois terrasses n'est plus visible. Mais plus 
haut, entre Montdauphin et Embrun, des. allu- 
vions fortement cimentées prennent un grand 
développement, occupant un niveau de 80 à 
130 mètres plus élevé que le lit actuel de la Du- 
rance. Elles sont superposées à des moraines de 
front typiques et supportent elles-mêmes d'autres 
dépôls glaciaires qui reposent sur leur surface 
polie et coupée obliquement à la stratification. La 
terrasse interglaciaire d'Embrun-Montdauphin 
correspond à un retrait d'au moins 70 kilomètres 
du glacier de la Durance et constilue une preuve 
incontestable de la pluralité des glacialions dans 
cette partie des Alpes françaises, 

L'existence de deux terrasses alluviales avait 
été reconnue, il y a longtemps déjà, dans les 
Pyrénées, par Noulet et par Leymerie. Aux envi- 
rons de Toulouse, ces terrasses sont siluées, l'une 
à 12 mètres, l’autre à 28 mètres au-dessus du ni- 
veau de la basse plaine. M. Boule ! S'est altaché à 
les suivre en amont aussi loin que possible et les 
a retrouvées dans la région qui touche aux mon- 
lagnes l’une à 15 mètres, l’autre à 50 mètres en- 
viron au-dessus du niveau de la Garonne. Il a pu 
conslater que la terrasse inférieure se reliait en 
amont, par l'intermédiaire d'un cône fluvio-gla- 
ciaire, avec la belle moraine de Labroquère. La 
terrasse supérieure présente des caractères d’alté- 
ralion qui dénotent une bien plus grande anti- 
quité : tout semble indiquer qu'elle correspond à 
une phase d'extension glaciaire plus ancienne que 
celle qui correspond à la terrasse inférieure; mais 
les moraines qui représentenl celle extension sont 
encore inconnues. 


1 Marcellin BouLe, Le Plaleau de Lannemezan et les allu- 
vions anciennes des hautes vallées de la Garonne et. de la 
Nesle. Bull. Serv. Carte géol., n° 43, 23 p., 4 pl. 1895. 


Il parait y avoir dans les Pyrénées, comme dans 
les Alpes, des indices d’une glaciation encore plus 
ancienne. La surface des plateaux de Lannemezan, 
d’Orignac, etc., est recouverte d’un manteau épais 
d’alluvions à très gros élements, dont la plupart 
ont disparu par décomposition; seuls de nombreux 
blocs de quartzile, souvent de grande dimension, 
ont résisté et jonchent la surface du plateau. Ces 
blocs, souvent à peine dégrossis et présentant, à 
côté de faces arrondies, des arêtes vives, doivent 
être considérés comme de véritables blocs erra- 
tiques. Leur présence sur les plateaux de Lanne- 
mezan ne peut s'expliquer que par un transport 
glaciaire, car, pour arriver à leur gisement actuel, 
ils ont dû franchir de longues distances, traverser 
toute la partie calcaire des Pyrénées, sans perdre 
leurs arêtes vives. La position des alluvions de 
Lannemezan indique que la direction des vallées 
anciennes des Pyrénées devait concorder à peu près 
avec celle des grandes vallées actuelles. 

Ainsi, M. Boule a été le premier à reconnaitre, 
dans une région française, la trace de trois glacia- 
tions successives; mais, tandis que, dans les Alpes, 
on ne peut, la plupart du temps, fixer que l’âge 
relatif des trois formations glaciaires, M. Boule, 
plus heureux, a pu, dans les Pyrénées, grâce à des 
découvertes paléontologiques, déterminer l'âge 
absolu des trois formations. 

L'âge de la terrasse inférieure, correspondant à 
la dernière époque glaciaire dans les Pyrénées, 
peut être établi avec certitude grâce à un certain 
nombre de restes d'Ælephas primigenius. C'est l'é- 
poque où régnait en Europe la faune du Mam- 
mouth, avec le Rhinocéros à narines cloisonnées, 
l'Ours des cavernes, etc. Cette époque est netle- 
ment antérieure à ce que les préhisloriens appel- 
lent l'âge du Renne, lequel est marqué par une 
faune assez différente de celle du Mammouth et 
par une civilisalion humaine toute spéciale. Une 
visite à la célèbre station du Schweizersbild, 
près de Schaffhouse, avait montré à M. Boule que, 
dans le Nord de la Suisse, l'Homme de l’âge du 
Renne ne s'était établi qu'après le retrait des der- 
niers glaciers. Pour M. Steinmann, par contre, la 
faune de l’âge du Renne doit être considérée 
comme interglaciaire. Or, M. Boule et d'autres sa- 
vants ont pu constater que, dans les Pyrénées, les 
grottes qui abritèrent la faune du Renne, à l’é- 
poque où le glacier de la Garonné édifiait les mo- 
raines de Labroquère, élaient enfoncées sous une 
épaisse couche de glaces et de névés. Ces grottes 
n'ont élé habitées que postérieurement au retrait 
des glaciers, et leur faune est si identique à celle 
de l’âge du Renne en Suisse qu'il est impossible 
de ne pas admettre le synchronisme des gisements 
dans les deux pays. 


1096 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


Les alluvions de la terrasse supérieure n’ont pas 
encore fourni de fossiles, mais elles sont ravinées 
par une argile jaune contenant des ossements de 
la faune qui accompagne partout dansle Midi de la 
France l'Ours des cavernes et sont, par consé- 
quent, plus anciennes et appartiennent au Pléis- 
tocène le plus inférieur. 

Enfin, les alluvions du Lannemezan doivent être 
considérées comme pliocènes, car elles reposent 
sur des couches contenant une faune du Miocène 
supérieur et sont antérieures au creusement des 
vallées sur le flanc desquelles on a trouvé la faune 
chaude du Quaternaire le plus ancien. 


VIT. — LES PHÉNOMÈNES DE CONTACT 
DE LA LHERZOLITUE. 


Depuis le mémoire classique de M. Damour, la 
composilion minéralogique de la lherzolithe {oli- 
vine, bronzite, diopside chromifère vert et spinelle 
noir) est bien connue ; mais on ne possédait encore 
que des données assez vagues sur les conditions 
de gisement, sur l’âge et sur les phénomènes de 
contact de cette célèbre roche pyrénéenne. M. La- 
croix vient de combler cette lacuneen publiant sur 
la lherzolithe deux mémoires d’une importance 
capitale !. 

Les principaux gisements de Ja lherzolithe dans 
les Pyrénées se trouvent dans l'Ariège et dans la 
Haute-Garonne ; les conditions de gisement sont 
remarquablement identiques partout où la roche 
peut être observée : elle se rencontre exclusive- 
ment dans les masses calcaires désignées par J. 
de Charpentier sous le nom de calcaire primitif et 
presque toujours sur leur lisière, non loin des gra- 
nites ou schistes cristallins qui leur servent de 
substratum. L'âge de ces calcaires dits primitifs a 
élé établi par MM. de Lacvivier et Roussel; leur 
composilion stratigraphique est la suivante dans 
l’Ariège : 

A. Brèche calcaire renfermant des fragments 
des roches anciennes lui servant de substratum 
et représentant probablement le Lias inférieur. 

B. Calcaires gris ou noirs alternant avec des 
caleschistes, des schistes argileux ou des schistes 
gréseux et contenant des fossiles du Lias moyen. 

C. Dolomies noirätres et calcaires blanes souvent 
bréchiformes à divers niveaux, correspondant, 
d'après M. Roussel, à tout le Jurassique moyen 
el supérieur et au Néocomien. 

La Iherzolithe pénètre en bosses intrusives, 
dans les calcaires B qu’elle a métamorphosés. 


: A. Lacroix. Étude minéralogique de la lherzolithe des Py- 
rénées el de ses phénomènes de contact. Nouvelles archives 
du Muséum, 3e sér., t. VI, p. 209-308, pl. V-X.— Id. Les phéno- 
mènes de contact de la Lherzolithe et de quelques oplutes des 
Pyrénées. Bull. Serv. Carte géol. t, VI, n° 42, 140 p., 3 pl. 


mais elle a toujours laissé intacte la série C dont 
les brèches contiennent des galets de la roche 
éruptive. L'âge liasique ou tout au plus jurassique 
moyen de la Iherzolithe se trouve donc ainsi 
démontré avec certitude. Un certain nombre de 
coupes montre de plus que la lherzolithe n’est pas 
venue au jour. Les lherzolithes sont traversées 
fréquemment par des filons de pyroxénolithes et 
d'amphibololithes, c'est-à-dire de roches grani- 
toïdes dépourvues à la fois de feldspath et d’oli- 
vine. En un seul point M. Lacroix a pu voir la 
lherzolithe traversée par des filons d’une roche 
feldspathique qui a la composition de la diorite. 

La lherzolithe ne présente aucune modification 
endomorphe à son contact avec les roches sédi- 
menlaires; ces dernières ont, au contraire, subi au 
contact de la roche intrusive de profondes modi- 
fications exomorphes. Les calcaires et les mar- 
nes calcaires traversés par la lherzolithe sont 
transformés en calcaires cristallins ou, le plus 
souvent, en roches entièrement silicatées, telles 
que cornéennes ou schisies micacés. Toutes ces 
roches de contact contiennent les minéraux sui- 
vants, associés d’ailleurs, suivant les gisements, 
des manières les plus diverses : dipyre, feldspaths, 
micas, amphiboles, pyroxènes, tourmaline, rutile, 
ete. Dans les roches de contact immédiat le pig- 
ment charbonneux qui les colorait avant leur 
transformation a disparu; il n’enest plus demême 
quand on étudie ces roches à quelques centaines 
de mètres de la lherzolithe : la matière charbon- 
neuse y est alors intacte ou transformée en gra- 
phite. Toutes les fissures des roches mélamorphi- 
ques, y comprisles calcaires, aussi bien au contact 
de la lherzolithe que loin d’elie, sont tapissées 
de nombreux erislaux de zéolithes, parmi lesquels 
domine la chabasie. 

Ces phénomènes de contact sont totalement 
différents de ceux que l’on rencontre dans les cal- 
caires traversés par des péridotites; au contact de 
ces roches il se forme, dans les calcaires avoisi- 
nan(s, du grenat, de l'idocrase, de l’épidote, miné- 
raux qui font entièrement défaut dans les contacts 
de lherzolithe, tandis que le dipyre, la tourmaline, 
les micas, les feldspaths manquent le plus souvent 
autour des pyroxéniles. 

M. Lacroix a eu l'idée de comparer les phéno- 
mènes de contact de la lherzolithe avec ceux que 
l’on observe dans le voisinage des ophites pyré- 
néennes. Il à pu constater que les minéraux for- 
més dans les calcaires traversés par les deux 
roches élaient en grande partie les mêmes. Le 
dipyre, la lourmaline, les micas, l'albile, les 
amphiboles, elc., se rencontrent dans lesdeux cas ; 
dans les sédiments modifiés par la lherzolithe 
ces minéraux sont souventaccompagnés d'orthose, 


Ê 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


1097 


de microcline, de feldspaths tricliniques basiques, 


- de pyroxène; tandis que l’albite et la chlorite 
 (leuchtenbergite) sont plus communs au contact 
. des ophites. L'intensité du métamorphisme est 


moins grande au voisinage des ophites qu'à 
proximité des lherzolithes; les transformations 
dues aux ophites peuvent être comparées à celles 
qui s'effectuent à quelque distance delalherzolithe, 
plutôt qu'à celles que l’on observe au contact 
immédiat de cette roche. La lherzolithe seule, en 
effet, détermine la formation de roches entière- 
ment silicatées dont la cristallinité rappelle celle 
des schistes cristallins. 

Les cornéennes formées aux dépens de calcaires 
et de schistes argilo-calcaires par les granites, 
les syéniles, les diorites, les diabases, les pérido- 
tites (autres que les lherzolithes des Pyrénées), etc., 
présentent une telle analogie de composition mi- 
néralogique dans les gisements les plus divers, 
qu'aucune d'entre elles n’est vraiment caractéris- 
tique de l’action métamorphique d’une roche 
éruptive déterminée; le grenat, l'idocrase, la 
wollastonite, l’épidote, en sont les éléments les 
plus fréquents, souvent associés, du reste, avec 
du pyroxène, de l’amphibole, du mica et des feld- 
spaths. Les contacts de lherzolithe et d’ophite 
des Pyrénées viennent rompre cette monotonie en 
présentant des minéraux spéciaux et des types 
pétrographiques particuliers. 

Il importe enfin de remarquer que les calcaires 
modifiés au contact de la lherzolithe, roche essen- 
tiellement magnésienne et à peu près dépourvue 
d'alcalis, se chargent surtout de minéraux riches 
en alcalis (albite, orthose, microcline, dipyre, 
micas), ainsi que d’autres éléments, tels que le 
bore, le titane, qui n’existent pas davantage dans 
la roche éruptive. 

Ce fait montre d'une façon éclatante que Les 
modifications métamorphiques ont été effectuées non par 
la Uherzolithe elle-même, mais par les fumerolles ou 
sources {hermales qui ont accompagné sa venue. L'ana- 
logie des transformations effectuées par les ophites 
et par les lherzolithes fait voir,en outre, que, dans 
les Pyrénées, ces deux roches, de composition 
différente, ont été accompagnées de fumerolles de 
composition qualitativement, sinon quantitative- 
ment, identiques. 


VIII. — LES ROCHES FILONIENNES SODIQUES 
DE CHRISTIANIA. 


La Norwège méridionale est depuis longtemps 
une terre classique aussi bien pour le minéralo- 
giste que pour le pétrographe; des travaux célè- 
bres ont élé consacrés par plusieurs auteurs — 
pour ne citer qu'un exemple — aux syénites éléo- 
lithiques, si riches en minéraux intéressants et 


en «terres rares ». Les environs de Chrisliania, en 
particulier, présentent une telle variété de ro- 
ches éruptives diverses que M. Brügger a entre- 
pris d'en publier une monographie détaillée, dont 
le premier volume‘, consacré aux roches de la 
série des grorudites et des tinguaïtes, a paru et 
contient déjà un exposé des plus intéressants des 
idées théoriques que l’étude des roches des envi- 
rons de Christiania a suggérées au savant pétro- 
graphe norvégien. 

La thèse principale que M. Brüzger se propose 
de soutenir dans sa monographie peut se résumer 
ainsi : tous les types de roches qui affleurent dans 
la région de Chrisliania, si multiples et si variés 
qu'ils soient, sont reliés entre eux par leur genèse 
et doivent être considérés comme les produits de 
différenciation d'un même magma initial riche en 
soude. Cette teneur en soude, qui va de pair avec 
l'absence presque complète de la magnésie et de 
la chaux, est due à l'abondance, dans les roches de 
Chrisliania, de certains silicates sodiques tels que 
l'ægirine, l’arfvedsonite, l'anorthose, et souvent 
aussi l’éléolithe. 

Les roches étudiées par M. Brügger dans le pre- 
mier volume de sa monographie sous les noms de 
grorudite, sülvsbergile et linquaite représentent les 
termes acide, mixte et basique d'une série continue 
de roches réunies par tous les termes de passage 
et caractérisées minéralogiquement par la pré- 
sence d’orthose et d’anorthose, souvent en associa- 
tion microperthétique, et de l’ægirine, avec ou sans 


‘quartz, avec ou sans néphéline. Les feldspalhs 


calco-sodiques y font entièrement défaut. Par leur 
composition, ces trois roches rentrent donc dans 
les familles des granites, des syénites et des syé- 
nites éléolithiques; elles constituent les corres- 
pondants à deux temps de consolidation des gra- 
nites sodiques (nordmarkiles) et des syénites 
éléolithiques. Un pétrographe français aurait dé- 
signé une grorudite sous le nom de microgranulite 
à ægirine, une sülvsbergite sous celui d'ortho- 
phyre à ægyrine, et il aurait assimilé une tin- 
guaïte à une phonolithe. 

C’est dans ces questions de dénominations que 
s'affirme une fois de plus le profond dissentiment 
qui existe en pétrographie entre l'École allemande, 
à laquelle se rattache M. Brügger et dont le chef 
est M. Rosenbusch, et l'École française, repré- 
sentée par MM. Fouqué et Michel Lévy. Les deux 
Écoles ne parlent évidemment pas le mème lan- 
gage scientifique, etle malentendu qui les sépare 
va en s’accentuant de jour en jour. Il n’y a pas 
là seulement une question de nomenclature de 


1 W. C. Brôccer, Die Éruplivgesleine des Kristianiage- 
bieles, 1. Die Gesteine der Grorudit-Tinguail-Serie. { vol. gr. 
in-89, 206 p., 3 pl. Kristiania, 1894. 


1098 


E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


détail; de part et d'autre on ne s'entend pas sur 
les principes qui doivent présider à la classifica- 
cation des roches éruplives. Tandis que, pour 
M. Michel Lévy, cette classification doit être basée 
uniquement sur la structure et sur la composition 
minéralogique des roches, M. Rosenbusch et son 
École cherchent à faire intervenir l'élément géo- 
logique, les conditions de gisement. 

C’est ainsi que M. Rosenbusch divise les roches 
éruptives en roches de profondeur, roches filo- 
niennes el roches d’épanchement. L'établissement 
d'une subdivision des roches filoniennes a surtout 
été combatlu par de nombreux auteurs; aussi 
M. Brügger, ayant retrouvé leur structure habi- 
luelle dans les salbandes de roches de profondeur, 
a-t-il substitué le nom de roches hypabyssiques à celui 


de roches filoniennes,rangeant dans cette catégorie. 


les roches qui, par leur structure, sont intermé- 
diaires entre les véritables roches granitoïdes de 
formation intratellurique et les roches volca- 
niques proprement dites. Le caractère principal 
de ces roches hypabyssales est leur structure holo- 
cristalline (absence de matière vitreuse dans le 
magma de deuxième consolidalion), qui corres- 
pondrait à un refroidissement lent, que l’on peut 
retrouver aussi bien sur les salbandes d’un magma 
de profondeur que dans un dyke, ou encore dans 
les parties centrales d'une coulée épaisse. De plus, 
les roches hypabyssales présentent souvent dans 
leur masse des traces de structure fluidale, caractère 
qu’elles partagent avec les roches d'épanchement. 

D'après M. Brügger, on doit envisager les roches 
« hypabyssiques » comme un terme de passage 
entre les roches « abyssiques » et les roches 
« superficielles », quitte à ne pas leur attribuer 
dans la classification une importance égale à celle 
des deux autres catégories. Dans chaque famille 
de roches basée sur la composition chimique 
(famille des granites, famille des syénites, etc.) 
on devra toutefois distinguer par des noms spé- 
ciaux les roches appartenant aux trois catégories. 
Mais il y a plus : M. Brügger admet encore parmi 


les roches hypabyssales deux groupes différents - 
de roches : 1° les roches aschistes, dans lesquelles 


il y a eu simplement différenciation du magma de 


profondeur, de manière à donner naissance à une - 
roche de composition identique, mais de structure j 
hypabyssale ; 2 les roches dinschistes, dues à une 
évolution du magma inilial, qui a donné nais- 


sance par sécrétion, par séparation, à une roche de 


composition différente. Lorsqu'un magma de pro- 
fondeur évolue de manière à former des dykes 
diaschistes, il se produit le plus souvent parallèle- 
ment des dykes de composition chimique diverse ; 
M. Brügger donne le nom de roches complémentaires 
à ces roches hypabyssales originaires d'un magma 
commun. Pour M. Brügger, toutes ces roches, 
proches parentes par leur genèse, devront être 
réunies dans une même famille, mais devront être 
distinguées par des noms spéciaux. 

La série des grorudites, des sülvsbergites et des 
tinguaïles est une série de roches diaschistes; 
chacune de ces roches se différencie de la roche de 
profondeur correspondante par une plus grande 
richesse en oxydes de fer, par une moindre teneur 
en alumine. Les roches complémentaires, telles 
que la lindüite, différenciées du même magma 
inilial, sont, par contre, plus riches en alumine et 
moins riches en oxydes de fer. 

On peut se demander si la différenciation des 
roches de la série des grorudites et des tinguaïtes 
s’est faite au niveau des laccolithes ou à une plus 
grande profondeur. M. Brügger se prononce pour 
la deuxième alternative: car, nulle part, les lacco- 
lithes de granites sodiques ou de syéniles sodiques 
neprésentent sur leurs bords le faciès hypabyssal 
desgrorudites et des sülvsbergites. 

: Le magma primaire aurait donc donné directe- 
ment naissance au magma des laccolithes, d’une 
part, aux magmas des dykes diaschistes et des 
dykes complémentaires, de l’autre. 

Emile Haug, 


Chef des Travaux pratiques de Géologie 
à la Faculté des Sciences de Paris. 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


1099 


ACTUALITÉS 


SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


UN NOUVEAU SYSTÈME DE TRAMWAY A CONDUCTEUR SOUTERRAIN — NOUVEAUX APPAREILS LE DÉBRAYAGE 
ET FREINAGE AUTOMATIQUES 


La question des tramways à conducteur souterrain 
est en ce moment étudiée par beaucoup d’inventeurs, 
et un bon nombre de systèmes ont déjà été proposés. 
C'est qu’en effet, si le trolley aérien a pour lui l’avan- 
tage du bon marché, il a aussi l'inconvénient d'offrir 
un aspect fort peu artistique, dans les courbes et les 
croisements tout au moins. Par suite, il y a actuelle- 
ment une tendance à restreindre son emploi aux 
villes secondaires où les questions d'esthétique sont 
de faible importance, et aux faubourgs ou banlieues 
des villes principales, qui veillent avec un soin jaloux 
à la beauté de leurs rues. Même de l’autre côté de 
l'Océan, en Amérique, il semble qu’une place soit sur 
le point de se faire pour le conducteur souterrain, à 
côté de la place très large qu'occupera toujours, par 
la force même des choses, le conducteur aérien. Car 


Tige au trolley portée 
par le tramway 


Niveau du _so/ 
= a À NI 


Lt tnt ie de à din ln de 


Fig. 1.— Coupe du caniveau contenant les conducteurs. — 
C, conducteur principal; a b, petites tiges métalliques ; L, le- 
vier: p, pivot; D, conducteur sectionné ; T, tige de trolley ; 
t, trolley; B, brosse. : 


les endroits d'où on veut bannir celui-ci, sont peu nom- 
breux, et il conserve, somme toute, la part du lion. 

Le fil qui amène le courant peut être nu sur toute sa 
longueur et placé sous la voie dans une galerie laissant 
un passage longitudinal pour le frotteur ou trolley 
servant de liaison avec les moteurs de la voiture. Mais 
les isolateurs sont alors constamment couverts d’hu- 
midité et salis par les boues. ILest difficile de main- 
tenir un bon isolement, et de fréquents nettoyages 
sont nécessaires. Dans d’autres systèmes, le conduc- 
teur est logé dans un conduit complètement fermé. 
Par un moyen magnétique ou mécanique, il est relié, 
au moment voulu, avec les moteurs. Enfin, le càâble 
principal peut être tout à fait enterré, et suscep- 
tible d’être mis en communication avec une série 
de tronçons de conducteur, isolés les uns des autres, 
placés à fleur de sol ou dans un endroit accessible, 
Les contacts sont établis par la voiture elle-même 
pendant son passage. Le mauvais isolement du conduc- 
teur sectionné est ici de peu d'importance, puisqu'il 
n’est jamais traversé par le courant que dans une 
faible longueur. 

C'est à ce dernier type que se rattache le système 


dont nous voulons dire quelques mots aujourd’hui, 
système dû à M. John La Burt et exploité par The 
Burt Electric Railway Company de New-York 1. La 
figure 4 en donne le détail, Le conducteur isolé C, est 
de distance en distance, connecté à une petite tige 
métallique a, terminée par une ouverture conique en 
face de laquelle se trouve l’extrémité d’une seconde 
tige b, portée par un levier L oscillant autour d’un 
pivot p et soutenant l'un des bouts d’un troncon 
du conducteur sectionné D. Les divers troncons de 
celui-ci sont réunis par des cordes flexibles isolantes. 
La hauteur du trolley { est réglée de telle facon qu’il 
soulève D lors de son passage et, au moyen de L, éta- 
blisse ainsi le contact entre « et b. Considérons (fig. 2, 
position 1) le moment où le trolley vient d'arriver en b; 


Position 1 


Position 2 
c l TTL ñn 
€ 
À (4 B de D 
Position 5 
c {À mn n 
€ 
de 
A ab B DRE 
Position 4 
c l 7 n 


A «a B 


de 


Fig. 2.— Fonclionnement du conducteur seclionné. — Pour 
simplifier la figure, le conducteur C estsupposé placé au- 
dessus du conducteur sectionné auquel il peut être relié par 
les contacts / mn.— A, B, D, différentes parties du conduc- 
teur sectionné. 


les sections À et B sont alors reliées au conducteur. 
Lorsque le trolley est en c, il soulève entièrement la 
barre B, mettant A, B et D en communication avec C 
(fig 2, position 2); quand il est en d, les extrémités « 
et b s'abaissent et le contact cesse pour A (fig. 2, posi- 
tion 3). Il cessera pour B lorsque le trolley sera par- 
venu en f, extrémité de D (fig. 2, position 4). Le net- 
toyage du caniveau qui contient le conducteur D (fig. 1) 
se fait automatiquement au moyen d'une brosse B 
portée par la tige T. L’axe de cette brosse est 
disposé de telle facon que, par suite du frottement 
contre les parois, elle prend un mouvement de rota- 
tion sur elle-même. Afin que le courant ne soit pas in- 
terrompu pendant le passage d’un tronçon au suivant, 
le trolley est double et se compose de deux petites pou- 
lies placées l’une en avant de l’autre. 

Tel est le fonctionnement du système, théoriquement 
assez simple, mais dont nous ne pouvons, faute de ren- 
seignements, juger la valeur pratique, 


1 The Electrical World, du 5 octobre 1895. 


1100 


cautions pourdéfen dre contre les accidents les ouvriers 
qui, parce qu'ils se sont à la longue accoutumés au 
danger, s’y exposent souvent avec la plus grande im- 
prudence. Aussi les appareils de sûreté, quel que soit 

appartiennent, présentent-ils tou- 
intérêt, Ceux que nous décrivons 


Les industriels ne sauraient prendre trop de pré- | 


le genre auquel ils 
jours le plus grand 
aujourd’hui sont 
dus à M. Franchet, 
d'Elbeuf, Ils ont 
une qualité dont on 
se rend facilement 
compte au premier 
examen : c’est leur 
grande simplicité. 
En voici le principe: 

Un cordon A (fi- 
gure 1), dit cordon 
de sirelé, passe au- 
dessus de toutes les 
poulies d'un arbre 
de transmission T, 
T. Ce cordon est 
attaché (fig.2),d’une 
part en un point fixe 
a, d'autre part à l’u- 
ne des extrémités À 
d'un ressort B dont 
l’autre extrémité b 
est immobile, En 
est également ac- 
croché un levier 
coudé et à déclic 
C, pouvant pivo- 
ter autour d'un axe 
g. Cevlevier (Gen 
maintientun second 
E, dont le pivot est 
en eet dont le bras 
horizontal est solli- 
cité de haut en bas 
par un contrepoids 
F. Son bras vertical 
porte une ouverture 
dans laquelle est 
engagé un doigt d 
guidant une règle D, 
capable seulement 
d’un mouvement la- 
téral horizontal . 
Tout ce qui précède 
constitue l'appareil 
de débrayage. Nous 
verrons tout à l'heu- 
re comment il fonc- 
tionne. 

L'appareil de frei- 
nage est réalisé par 
un levier L pouvant 
tourner autour d’un 
axefet portant d’un 
côté un contre - 
poids H, de l’autre 


un sabot I, En temps ordinaire, une chaîne G, attachée 
au bras horizontal de E, empêche le mouvement que H 


ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 


k B 


LEA] 


= 
ans 


Fig. 1. — Vue générale de 


l'appareil Franchetl disposé au-dessus 
série de poulies. 


d'une 


Fig. 2. — Appareil Franchel dans sa position normale. 


A, cordon de sürelé ; ? 
coudé; F, contrepoids; G, chaîne; H, contrepoids ; 
J, poulie; K, arbre de transmission; &, b, points fixes; d, doigt conduisant 


nl 


B, ressort; C, levier à déclic; D, verrou; E, levier 


I, sabot de frein; 


le verrou D; e, f, g, pivots. 


Fig. 3. — Appareil Franchet après son fonctionnement. 
Les lettres ont la mème signification que dans la figure 2. — M est le corps 


qui à déterminé le fonctionnement de l'appareil. 


tend à imprimer à L. 


Supposons qu'un corps quelconque M (fig. 3) vienne 
appuyer sur le cordon de sùreté, le ressort B se détend, 
le levier C tourne autour de get rend libre E (fig. 2) 
qui cède (fig. 3) à l’action du contrepoids F et entraine 
la règle D. Celle-ci, avons-nous dit, est assujettie de 
manière à ne pouvoir prendre qu'un mouvement hori- 


zontal de translation. Sur la figure 3, nous avons 
indiqué en traits mixtes sa position primitive, en traits. 
pleins sa position actuelle. Si donc cette règle 1 porte 
une fourchette entre les dents de laquelle passe une 
courroie, celle-ci seraentrainée latéralement et amenée, . 
par exemple, à passer d’une poulie fixe sur une pou- 
lie folle, ce qui arrêtera toute une ligne de transmis- 


De 


sion. La règle D 
peut aussi conduire 
dans son mouvye- 
ment le manchon 
d'un embrayage à 
friction. 

D'autre part, au 
moment où le 
contrepoids F s’est 
abaissé, la chaîne G 
s'est détendue et à 
permis au conire- | 
poids H de projeter. 
le sabot I sur une 
poulie J apparte- 
nant à la transmis- 
sion qui venait 
d’être débrayée. On : 
a ainsi produit un. 
puissant effet de 
freinage. 

Le cordon de sü- 
reté A, que nous 
avons représenté 
assez Court sur nos 
figures, est en réa- 
lité beaucoup plus 
long. Il passe (fig. {) 
au-dessus et aussi … 
près que possible ‘ 
de toutesles poulies 
fixées .sur l'arbre 
detransmissionque 
l'on veut protéger. 
Supposons qu'un 
corps quelconque, 
parexemple la main 
d'un ouvrier, se 
trouve prise entre 
une courroie etune 
poulie. L'homme 
est entrainé par la 
poulie et vient bu- 
ter contre le cor- 
don A. Immédiate- 
tement le déclic G 
(fig. 2 et 3) fonc- 
tionne et l'arbre 
s'arrête. 

D'autre part, il 
peut arriver qu'un 
ouvrier se trouve 
pris dans un engre- 
nage commandé par 
l'arbre de transmis- 
sion. Dans ce cas, 


l'un de ses voisins peut lui venir tout de suite en aide; 
il n’a, pour cela, qu'à agir, au moyen d'une perche, 


sur le cordon A. Gräce à cette disposition, l’ouvrier 


succès. 


qui veut secourir son camarade n’a 
au loin et souvent à l’extrémité de l'arbre pour en 
arrêter la rotation. C’est sur place même qu'il agit; 
la rapidité de son intervention est ici une chance de 


pas à courir 


A. GAY, 


Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. 


NT DOFUS A 


DORE PORN A RES SU et EN NN PES À LT er 
es ET < 2") AR £ 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


1101 


1° Sciences mathématiques. 


Lelieuvre (M.), Professeur au Lycée et à l'École prépa- 
_ saloire à l'Enseignement supérieur de Rouen. — Sur 
_ les surfaces à génératrices rationnelles, (Thèse 

de Doctorat présentée à la Facullé des Sciences de Paris.) 

4 vol. in-8° de 107 pages. Gauthier- Villars et fils, im- 

primeurs-libraires , 55, quai des Grands-Augustins, 

Paris, 1895. 

Supposons les trois coordonnées d’un point sur une 
surface S exprimées à l’aide de deux paramètres fetu, 
rationnellement en f{. Les courbes unicursales G, 
u — Ce, sont alors les génératrices rationneiles de S. On 
peut choisir { de facon qu'à un point de G corresponde 
une valeur unique de t. Si cela est, M. Lelieuvre dit que, 
sur la surface $, les lignes G sont divisées homographi- 
quement par les lignes { — Ct°. 

Sout considérées ensuite, les courbes E de S inté- 
grales de l’équation H : 


p=m 


dt \r 
ASE ms 
> ï es) Re 


p=0 


où les = fonctions A, sont des polynômes en { à coeffi- 
Le quelconques en u. Dans le type E rentrent les 
ignes : 


CHANT EPERMPMM RE Toe l 

Trajectoires orthogonales .... | des G sur S 
Asymptotiques............... 

EUR IT AS ME eat de ete note / 


( de la surface S 


C’est ce qui explique l'intérêt du problème. 

Une attention spéciale est méritée par les équations 
H, du type de M. Fuchs, à poinis critiques fixes. Alors 
A} doit être en t de degré égal ou inférieur à 2p. Si 
cela est, l’auteur dit que H est « normale ». Sont étu- 
diées à ce point de vue, les surfaces S réglées (G est 
une droite) et cerclées (G est un cercle); on trouve ou 

retrouve ainsi, par des considérations générales et 
simples, beaucoup de résultats géométriques élégants. 

Telle est la matière de la première partie de la thèse ; 
la seconde est consacrée aux relations mutuelles entre 
les courbes E et les courbes { — C!°. Une discussion 
géométrique approfondie est développée pour le cas 
où G est plane ou cubique gauche, les E étant les con- 
juguées de G surS et divisant harmoniquement G. C'est 
‘le sujet de la troisième partie. On cherche aussi à 
reconnaitre, dans le cas indiqué, quand l’équation H, 
relative aux asymplotiques, est normale, puis à inté- 
grer H. 

En résumé, très intéressante thèse, dont je regrette 
vivement de ne pouvoir exposer plus en détail les im- 
portantes théories géométriques. 

; Léon AUTONNE. 


Greenbhill (Alfred Georges), F. R. S. Professor of 

Mathematics in the Artillery College of Woolwich. — 

A Treatise on Hydrostatics. — 1 vol. p2tit in-8° 

de 536 pages, avec fig. (Prix : 9 fr.). Macmillan and C”, 
London and New-York, 1895. 

Malgré son petit format et sans serrer outre mesure 

le texte, ce traité est extraordinairement plein de ren- 

 seignements variés et précis. Chacune des plus récentes 

applications de l’Hydrostatique aux problèmes pra- 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX : 


tiques les plus variés est exposée à sa place naturelle, 
accompagnée des renvois bibliographiques nécessaires. 
A titre d’exemple.analysons les questions traitées dans 
le chapitre X, Pression des liquides dans les vuses en mou- 
vement, p. 423-461 : — Effet d’une mise en mouvement 
brusque vertical ou horizontal. — Pression dans un 
vase qui tourne autour d’un axe horizontal, roue hy- 
draulique, — ou dans un bateau qui oscille; — dévia- 
tions apparentes de la verticale, application à la charge 
des navires à grains ou à pétrole ; — vase tournant au- 
tour d’un axe vertical; — appareils à séparer le lait de 
la crème. — Position d’un corps flottant sur le liquide 
tournant. — Mesure de la vitesse de rotation au moyen 
du changement de forme de la surface du mercure 
tournant. — Surface libre de l'Océan. 

Voici la table des matières : 

I. Principes fondamentaux, — II. Pression hydrosta- 
tique, — III. Principe d’Archimède, Balance hydrosta- 
tique, Aréomètre. — IV. Equilibre et stabilité des corps 
flottants et des navires. — V. Equilibre des corps flot- 
tants de forme régulière et des corps en partie 


appuyés. Oscillations des corps flottants. — VI. Equi- 
libre des liquides dans les tubes courbes ; Thermomè- 
tre; Baromètre; Siphon. — VII. Pneumatique, lois des 
gaz. — NII. Machines pneumatiques. — IX. Tension 
des vases. Capillarité. — X. Pression des liquides 
dans les vases en mouvement. — XI. Hydraulique. — 


XII. Equations générales de l’Equilibre. — XIII. Théo- 
rie mécanique de la chaleur, Tables numériques. 

Bien entendu, l’auteur a fait un large usage du cal- 
cul différentiel élémentaire ; «il est plus facile de l'ap- 
prendre que de suivre une démonstration où l’on tente 
de s’en passer. » On a apporté un soin particulier aux 
applications aux constructions navales, et les Transac- 
tions de l'Institution des « Naval Architects » ontétélar- 
gement mises à contribution pour les exemples. — Les 
dessins ont été dressés exactement à l'échelle — « On 
« n’a pas essayé de rivaliser avec les belles figures om- 
« brées des traités francais, dans la crainte d’obseurcir 
«les principes essentiels. » k 

Comme pour tant d’autres ouvrages anglais, on ne 
peut que conseiller la lecture de ce livre, ne lui con- 
naissant aucun analogue en France. 

MarceL BRILLOUIN. 


Dudebout et Croneau, Ingénieurs de la Marine. — 
Appareils accessoires des Chaudières à vapeur. 
— 1 vol. petit in-8° de 176 pages avec 46 figures de 
l'Encyclopédie scientifique des Aide-mémoire, publiée 
sous la direction de M. H. Léauté, membre de l’Institut. 
(Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 francs.) Gauthier - 
Villars et fils et G. Masson, éditeurs, Paris, 1895. 

Voilà un petit volume plein de choses, écrit avec un 
ordre et une méthode digne d’éloges, dans lequel les 
industriels trouveront de précieux renseignements et 
des descriptions fort claires : nous ne saurions en dire 
davantage pour leur en recommander la lecture. Quel- 
ques-uns d’entre eux promèneront leur regard perpen- 
diculairement aux lignes à travers cinq ou six pages de 
formules relatives à la théorie des injecteurs, mais c’est 
la seule excursion que les auteurs se soient permise en 
dehors du domaine pratique. : 

Un premier chapitre est consacré aux appareils des- 
tinés à assurer le fonctionnement normal des chau- 
dières; le second décrit les appareils de contrôle, le 
troisième les appareils de sécurité. 

Cette division est nette et très rationnelle, et elle 
renferme tout le programme de ce livre, qui est très 
complet, A. Wurz. 


1102 


2° Sciences physiques. 


Gérard (Eric), Professeur à l'Université de Liège, Di- 
recteur de l'Institut Electro-technique Montefioré. — 
Mesures électriques. (Leçons professées à l'Institut 
Montefiore)., — 1 vol. in-8° de 458 pages avec 198 fig. 
(Priæ relié : 12 fr.) Gauthier- Villars et fils, Paris, 1896. 
IL est peu d'hommes qui joignent au même degré 

que M. Eric Gérard la connaissance profonde des 

choses pratiques à la limpidité cristalline de l’exposi- 
tion. La faveur avec laquelle le public accueille ses 
ouvrages, empreints de ces éminentes qualités, est une 
preuve de plus qu'ils viennent à leur heure, et 
s'adaptent merveilleusement à un besoin du moment. 

Les Mesures, qui viennent de paraître, forment une 
suite digne des Leçons de l’éminent professeur. Très 
moderne, documenté à fond, cet ouvrage contient, 
en des phrases dont tous les mots portent, sans qu’au- 
cun d’eux puisse être relranché, l'exposé des méthodes 
employées pour la mesure de toulesles grandeurs élec- 
triques, soit dans les laboratoires, soit dans l’industrie. 

L'ouvrage est divisé en trois parties: dans la pre- 
mière, on entre en matière par un exposé des prin- 
cipes généraux qui doivent guider dans toute expé- 
rience de laboratoire. Ce premier chapitre ne saurait 
être trop lu et relu par ceux-là mêmes qui ont déjà 
fait leurs preuves en la matière. En somme, le 
calcul des erreurs possibles ou probables des mesures, 
tout utile qu’il est dans certains cas, est bien illusoire 
dans la plupart des recherches un peu compliquées. 
Là, le bon sens, la connaissance intime des méthodes 
sont le guide le plus sûr de l’expérimentateur. Mais le 
bon sens lui-même peut, en quelque mesure, être dé- 
veloppé par l’éducation, et c’est cette éducation du 
coup d'œil de l’expérimentateur dont l’auteur pose les 
principes dès le début. L'introduction est close par 
deux chapitres consacrés aux mesures géométriques et 
mécaniques et aux expériences photométriques. 

Puis viennent, dans les trois parties composant le 
reste de l’ouvrage, les chapitres dans lesquels sont 
traitées les mesures électriques et les mesures magné- 
tiques, enfin, un grand nombre d'applications à des 
exemples pratiques. On à appris, dans les chapitres 
précédents, à connaître les instruments et les mé- 
thodes dans toute leur généralité: ici, on les combine 
dans des problèmes spéciaux, plus ou moins com- 
plexes, tels que la mesure de la résistance des terres, 
l'isolement des canalisations, les constantes des lignes 
télégraphiques, l'essai des réseaux électriques. 

Signalerons-nous quelques imperfections notées au 
passage? Dans le premier chapitre, une terminologie 
des erreurs, tout aussi rationnelle, il est vrai, que la 
terminologie officielle, s’en écarte sans une raison 
suffisante, et sans que l’auteur le fasse observer. Dans 
les mesures photométriques, où M. Eric Gérard s’est 
inspiré des idées réformatrices de M. Blondel, il eût 
convenu de pousser la chose à fond, en abandonnant 
définitivement l’expression d'éclat intrinsèque, le quali- 
ficatif étant parfaitement inutile, et ne faisant qu'em- 
brouiller la notion bien nette de l'éclat. Puis une 
erreur de fait, dans laquelle sont tombés, du reste, la 
plupart de ceux qui ont fait de la photométrie photo- 
graphique, savoir, que la lumination, produit de l’éclai- 
rement par sa durée, est le facteur unique, ou à peu 
près, de l’effet photochimique ou visuel. Enfin, l’indica- 
tion d’une construction Siemens des boîtes de résis- 
tance contient un défaut évident, qui a trompé plus 
d’un physicien. Ces petites exceptions dans un ou- 
vrage tel que les Mesures électriques sont de celles qui 
confirment la règle; elles se fondraient dans l’en- 
semble si l'ouvrage était médiocre et nous n'aurions 
pas eu alors à les signaler. Ch.-Ed. GUILLAUME, 


Estaunié (E.), Ingénieur des Télégraphes. — Les 
Sources d'Energie électrique. — 1 wol. in-8 de 
343 pages avec 144 fig. (Prix : cartonné, 6 fr.) Librairies- 
Dnprimeries réunies. 7, rue Saint-Benott. Paris, 1896. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


L 


Petit (Paul), Professeur à la Faculté des Sciences de 
Nancy, Directeur de l'Ecole de Brasserie de Nancy. — 
La Bière et l'Industrie de la Brasserie. — 1 vol. 
in-18 de 420 pages, avec T4 fig. de l'Encyclopédie de 
Chimie industrielle. (Prix, cartonné :5 francs.) J.-B, 
Baillière et fils, éditeurs. Paris, 1895. 

M. Petit, par la situation qu'il occupe, par les nom- 
breuses relations qu'il a parmi les brasseurs, était 
bien désigné pour écrire un tel ouvrage; aussi son 
livre constitue-t-il un traité complet de la fabrica- 
tion de la bière; les détails techniques abondent et 
comportent toujours leur justification théorique; le 
livre est bien fait, très soigné et, de plus, il a été écrit 
dans un but très louable : celui de continuer l’œuvre 
poursuivie depuis quelque temps à Douai par l'Ecole 
des Industries agricoles et à Nancy par l'Ecole de 
Brasserie, en permettant à notre pays de n'être plus 
tributaire de l'Allemagne pour l’enseignement spécial 
de la brasserie. 

Les travaux de l’illustre Pasteur occupent tout nalu- 
rellement la plus grande place dans l'étude de la fer- 
mentation, de la conservation et des maladies de la 
bière, De nombreuses figures, intercalées dans le 
texte, permettent au lecteur de s’éclairer au sujet des 
divers organismes étudiés et des différents appareils 
employés. 

Peut-être cependant, à ce dernier point de vue, 
pourrait-on faire à l’auteur le léger reproche de ne 
s'être pas assez étendu sur la description des divers 
appareils; encore cette lacune s’explique-t-elle par le 
fait que l'ouvrage de M. Petit est destiné principale- 
mentaux brasseurs,qui ontla grande habitude des appa- 
reils susceptibles de fonctionner dans les brasseries. 

L'auteur, dont le volume comprend treize chapitres, 
a adopté le plan suivant : î 

Le premier chapitre, notions générales, renferme 
les indications sur les principales substances que lon 
rencontre dans l'orge, le malt et la bière, l'étude de 
la saccharification et une revue des ferments normaux 
et pathologiques de la bière. 

Le chapitre n s'occupe des matières premières, orge, 
mais, riz, glucose et sucre. 

Le chapitre 11, maltage, étudie la germination et le 
touraillage, en insistant sur les procédés de fabrication 
des malts pour les divers genres de bières et sur le 
mallage pneumatique. 

Les deux chapitres suivants sont consacrés à l'exa- 
men de l’eau, du houblon, de la poix et des autres 
substances employées accessoirement dans la produc- 
tion de la bière. 

Puis viennent les méthodes de brassage relatives 
aux fermentations haute et basse, la cuisson, le hou- 
blonnage, le refroidissement et loxygénation des 
moûts. L'auteur a insisté sur la comparaison entre les 
oxygénateurs et les bacs, encore employés presque 
universellement, 

La fermentation fait l’objet du chapitre 1x; les di- 
verses opérations qu'elle comporte sont indiquées 
d’une facon très détaillée. 

Les maladies de la bière, les remèdes qu'on peut y 
apporter, les précautions à prendre pour les éviter 
sont exposés; suit une étude sur le contrôle de la 
fabrication, qui tend heureusement de plus en plus à 
se répandre, 

Enfin, l'ouvrage se termine par deux courts cha- 
pitres, qui ont trait l’un à la consommation et à la 
valeur alimentaire de la bière, l’autre à l'installation 
générale d’une brasserie et à l’enseignement tech- 
pique, A. HéBERT. 


Pionchon (J.). Chargé du Cours d'Electricité indus- 
trielle à la Faculté des Sciences de Grenoble. — Leçons 
surles Notions fondamentales relatives à l'Etude 
pratique des Courants alternatifs. (4° année du 
Cours d'Electricité industrielle). — 1 vol in-8° aulogra- 
phié de 315 pages avec 102 figures (Prix : 10 fr.) 
A. Gratien, éditeur, 23, Grande-Rue, Grenoble, 1895. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


1103 


3° Sciences naturelles. 


Jacob de Cordemoy (E.), Docteur en Médecine, — 
Flore de l'Ile de la Réunion. —- 1 vol. in-8° de 
914 pages. (Prix : 20 fr.) Paul Klinchsieck, éditeur, 
22, rue des Ecoles. Paris, 1895. 

L'île de la Réunion, avec ses deux massifs monta- 
gneux réunis par une série de plateaux, constitue une 
terre éminemment pittoresque et présente, en outre, au 
botaniste une flore des plus variées : car les conditions 
de'la végélation se modifient rapidement à mesure que 
des bords de la mer on s'élève aux altitudes de 
2.500 mètres et même 3.000 mètres (Piton des neiges, 
3.069 mètres). Et ces accidents géographiques localisés 
sur un territoire peu étendu provoquent, pour certaines 
. plantes, une aire de dispersion remarquablement res- 

-treinte. 

L'ouvrage que M. de Cordemoy consacre à cette 
flore si intéressante et si variée ne sera pas seulement 
pour les botanistes voyageurs le guide le plus sùr; 
mais il constitue, en outre, un document précieux de 
géographie botanique. Enfin l’auteur a réservé, avec 
raison, une large place aux indications concernant les 
propriétés économiques et industrielles des plantes. A 
ces divers litres la «Flore de l’Ile de la Réunion » sera, 
nous n’en doutons pas, favorablement accueillie et par 
les botanistes et par toutes les personnes qui s’inté- 
ressent aux productions végétales de nos colonies. 

Henri LEcoure. 


Trouessart (D'E. L.), Membre de la Société Ento- 
mologique de France. — Les Parasites des habita- 
tions humaines et des denrées alimentaires ou 
commerciales. — 1 vol. petit in-8° de 168 pages et 
53 figures, de l'Encyclopédie scientifique des Aide-mé- 
more publiée sous la direction de M. H. Léauté, de 
l'Institut (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 francs). 
Gauthier- Villars et fils et G. Masson, Paris, 1895. 
Comme l'indique l’auteur dans son Introduction, le 

but de ce petit livre est de réunir en quelques pages, 

dégagées de toute érudition inutile, les notions que 
l’on possède sur les Insectes que l’on rencontre le plus 
ordinairement dans nos maisons, et qui manifestent 
leur présence, Soit par leur piqüre, soit par les dégâts 
qu'ils commetlent sur les malières qui sont pour 
l'homme d'un usage journalier. L'ouvrage est divisé en 
deux parlies. La première comprend, après quelques 

pages consacrées aux métamorphoses des Insectes, à 

l'importance de la connaissance des larves, l'étude 

méthodique des différents groupes qui ont des repré- 
sentants parmi la faune des locaux habités par l'homme. 

La seconde partie étudie les Insecticides, les parasites 

et les moyens de les détruire. L'auteur préconise une 

série de procédés qui, appliqués exactement à chaque 
cas particulier, seront d’un grand secours dans la pra- 
tique. Mais toujours le meilleur procédé de se pré- 
server de l’action des parasites est encore de prévenir 
leur arrivée possible, par les soins de propreté et 
l'étanchéité absolue des vases destinés à contenir les 
produits susceptibles de destruction. 

J. MARTIN. 


Encausse (G.), Docteur en médecine de la Faculté de 
Paris. — L’Anatomie philosophique et ses divi- 
sions, prérédées d'un Essai de Classification mé- 
thodique des Sciences anatomiques. — 1 vol in-8° 
de 164 p. Chamuel, éditeur, 20, rue de Trévise, 
Paris, 1895. 

M. Encausse s'est livré à un exercice qui pouvait 
être de mode du temps des Philosophes de la Nature, 
mais qui a beaucoup moins d'intérêt à notre époque, 
où l’on a trop à faire, je le crains, pour discuter posé- 
ment des questions de définitions, de subdivisions et 
d'accolades. 

L'auteur expose assez longuement les opinions de 
quelques auteurs français sur la classification des 
sciences anatomiques et propose une classification 


nouvelle, Dans une seconde partie, il donne des ana- 
lyses d’un certain nombre de travaux peu connus d’a- 
natomie philosophique (paralléllisme des membres 
inférieurs et supérieurs, membres ‘céphaliques, triple 
dualité du corps humain, ete.), et termine par des cita- 
tions d'Oken, de Spix et surtout d’un certain Malfatti, 
qui donnent une bonne idée des effets de l'aliénation 
mentale appliquée à l'anatomie, 
L. Cuénor, 


4° £ciences médicales. 


Déjerine (J.), Professeur agrégé à la Faculté de Mé- 
decine de Paris, Médecin de l'Hospice de Bicètre et 
Déjerine-Klumpke (Mme), Docteur en médecine. 
— Anatomie des Centres nerveux. Tome I : Mé- 
«THODES GÉNÉRALES D'ÉTUDE. EMBRYOGÉNIE. HISTOGENÈSE 
ET HISTOLOGIE. ANATOMIE DU CERVEAU. — À vol. grand 
in-8° de 816 p. avec 401 figures dont 4ï en couleurs. 
Rueff et Cie, éditeurs, Paris, 1895. 

L'étude du cerveau humain comporte déjà une riche 
bibliographie, et cependant c’est avec une vive satisfac- 
tion que l'ouvrage de M. et M Déjerine a été accueilli 
par tous ceux qui s'occupent de Pathologie nerveuse 
ou de Psycho-physiologie. ' 

L'analyse d’un tel livre arrive bien tardivement, mais 
elle aura, pour cette raison même, à défaut de l'avan- 
tage de présenter un livre nouveau, n'ayant pas encore 
subi les critiques des lecteurs compétents, celui de 
constater un succès remarquable, non seulement en 
France, mais également, nous serions presque tentés 
de dire surtout, à l'Etranger. 

Et disons-le de suite, si le grand honneur en revient 
à l’auteur principal, à Déjerine qui a mis dans ce livre 
la quintescence d’un labeur infatigable etininterrompu 
de quinze ans de recherches cliniques et anatomo-patho- 
logiques, on ne saurait oublier le rôle important joué 
par ses collaborateurs et, en premier lieu, celui de 
Mme Déjerine-Klumpke qui, associée depuis long- 
temps aux recherches de son mari, a apporté, dans ce 
travail fait en commun, une collaboration des plus 
actives. 

Si nous avons parlé de collaborateurs au pluriel, 
c'es: que, dans ce livre, l’œuvre de l'artiste joue unrôle 
essentiel et qu'il est souvent plus pénible et plus ardu, 
pour un dessinateur de talent, de s’astreindre à re- 
produire rigoureusement la nature que de laisser de 
temps en temps son tempérament d'artiste corriger, 
améliorer quelques trajets de fibres peu élégants, de 
foncer certains points pour harmoniser le dessin. Or, 
dans cet ouvrage, toutes les coupes sont reproduites 
avec une exactitude scrupuleuse, une mise au point 
mathématique, et, pour ne rien laisser à l'imagination, 
presque toutes ont été dessinées après décalques faits 
au moyen d’agrandissements faibles, les détails étant 
repris sur des agrandissements plus forts. 

Enfin, il nous paraît Juste de signaler ici l'initiative 
intelhgente de l'éditeur, M. Rueff, qui a su entreprendre 
cette publication si riche et si documentée en planches 
originales. 

Un tellivre ne se résume pas, nous dirons même qu'il 
ne se lit pas, entendant par là qu’à l'exception des pre- 
miers chapitres, cet ouvrage constitue, surtout et avant 
tout, un véritable atlas du système nerveux cérébral, 
mais un atlas documenté, développé, pourvu d'une série 
de considérations indispensables. C’est aujourd’hui 
le livre qu'il faut avoir quand, étant en présence 
d’une pièce intéressante, dont l'examen présente des 
difficultés d’interprétation, on veut s'appuyer sur un 
guide éclairé, sur un contrôle sérieux. 

Des ouvrages decette nature ne sauraient être jugés, 
appréciés à la première lecture. Le livre de Déjerine 
est en réalité un instrument de recherches: c’est seu- 
lement après l'avoir manié qu’on peut tenter de porter 
un jugement. 

Le premier volume, le seul paru actuellement, com- 
prend deux parties : 


1104 


Dans la première on trouve exposées toutes les tech- 
niques utilisées pour l'étude du système nerveux. Nous 
sommes loin de l’année 1824, quand Rolando faisait les 
premières coupes minces dans les centres nerveux. 

Les méthodes de durcissement, qui permirent à 
Sulling de faire les coupes en séries, ont fait, dans ces 
dernières années, de rapides progrès grâce-aux acqui- 
sitions nouvelles que l’Histologie doit à la Chimie et à 
l’ingéniosité des constructeurs. 

Il en est de même des procédés de coloration et on 
peut suivre les progrès successifs réalisés depuis l’em- 
ploi du carmin par Gerlach jusqu'aux méthodes si élé- 
ga ntes et si instructives de Golgi et de Ramon y Cajal. 

Ces méthodes sont évidemmentconnues des histolo- 
gistes, elles sont reproduites dans tous les ouvrages 
spéciaux; mais, Ce qui donne un cachet d'originalité 
spéciale au chapitre consacré à leur exposition, c’est 
qu'on sent bien vite que l’auteur les a essayées, em- 
ployées, que ses critiques ou ses approbations sont ap- 
puyées par l'expérience, qu'il n'existe pas de partipris 
en faveur de l’une d’elles, mais que,suivant le but cher- 
ché, chacune peut donner des résultats heureux. 

On trouve dans le volume des coupes du cerveau en- 
tier, en grandeur naturelle, coupes qui, ainsi que nous le 
signalions plus haut, ont étédécalquées sur des pièces 
originales agrandies. La technique employée pour ob- 
tenir de telles pièces, la description des microtomes 
monstres, des microscopes à dispositif spécial, de l’ap- 
pareil à projection utilisé pour obtenir les décalques, 
intéresseront ceux qui voudront marcher dans cette 
voie. 

Dans les chapitres qui suivent, Déjerine expose nos 
connaissances actuelles sur le développement du sys- 
tème nerveux, sur l'histogenèse et l'histologie des élé- 
ments nerveux.Cette mise au point était nécessaire avant 
d'aborder l'étude complète des centreseux-mêmes. Il est 
impossible, en effet, de comprendre l’anatomie des 
centres nerveux et leur physiologiesans connaître l’his- 
toire de leur développement. Un grand nombre des 
planches sont ici empruntées au remarquable travail 
de His, quelques-unes à l’atlas embryogénique de 
Mathias Duval; mais un certain nombre de fisures sont 
dessinées d’après nature, et, bien que Déjerine n’ait pas 
pour les schémas une tendresse exagérée, préférant la 
reproduction scrupuleuse de la nature, nous devons si- 
gnaler ici les excellents schémas 52 à 63 dans lesquels 
il montre la formation des noyaux cérébraux, mode 
si important pour la conception, aujourd'hui encore 
si vague, des fonctions de ces noyaux émis de la péri- 
phérie vers l’intérieur. 

Le chapitre consacré à l’histologie générale du sys- 
tème nerveux de l’adulte est très intéressant, par-les 
faits nouveaux qu'ilmet en relief, La conception ancienne 
de Gerlach sur les anastomoses qui réunissent entre 
elles tous les éléments nerveux est aujourd'hui renver- 
sée. La brillante conception du. neurone appuyée sur 
les travaux de Golgi, de Forel, de His, de Ramon y 
Cajal, règne aujourd’hui en maitresse, La découverte 
des collatérales du cylindre-axe est venu, sinon simpli- 
fier, tout au moins éclairer d’un jour nouveau les idées 
sur les différents modes de conduction dans les centres, 
sur le rôle réciproque joué par les cellules entre elles. 

La deuxième partie consacrée à l'anatomie du cerveau, 
est la plus originale, Dans la première partie, ce sont 
plutôt les qualités du professeur, la clarté de l’expo- 
sition et la mise au point des questions nouvelles, que 
nous avons eu à signaler; mais, dans la deuxième par- 
tie de l'ouvrage, c'est surtout le travail personnel de 
Déjerine qui apparaît, 

L'étude des travaux étrangers sur la morphologie 
cérébrale est rendue plus difficile encore par la déter- 
mination différente que chaque auteur ou tout au moins 
chaque Ecole donne aux circonvolutions cérébrales : 
aussi est-on reconnaissant à Déjerine d'avoir traité lar- 
sement celle question de la synonymie, On pourra, 
grâce à ce travail, suivre avec moins de peine les travaux 
élrangers dans le texte original, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Le cerveau est examiné systématiquement par des 
séries de coupes microscopiques, mais les auteurs ont 
insisté sur la nécessité d'étudier comparativement des 
séries faites suivant des directions différentes, C’est le 
seul procédé permettant de se rendre compte de la 
marche des faisceaux. Aussi ont-ils donné trois séries 
différentes, les unes faites suivant le sens horizontal, 
les secondes suivant le sens verlico-transversal, en- 
fin les troisièmes sagittales. Il suffit de comparer les 
coupes se rapportant aux corps opto-striés, à la région 
de la capsule interne, pour constater les différences 
d'aspect de ces régions et l'utilité d’une telle multipli- 
cation des séries : 

Sigalons, parmi les déductions nouvelles inspirées 
de l'étude de ces coupes : la division de la capsule in- 
terne en deux régions, l’une supérieure ou thalamique, 
l’autre inférieure ou sous-thalamique, — et, dans cette 
région sous-thalamique, la discussion sur l’origine du 
faisceau de Turck, qui dérive, d’après Déjerine, non du 
lobe occipital, mais du lobe temporal ; — enfin le déve- 
loppement donné à l’étude de la région sous-optique 
de Forel, permettant de savoir la marche des fibres 
nerveuses qui, provenant de l'écorce ou des corps opto- 
striés, traversent cette région pour gagner la calotte et 
le bulbe. 

Après avoir étudié, dans un chapitre spécial, la struc- 
ture des circonvolutioes cérébrales, les auteurs abordent, 
dans le dernier chapitre de ce volume l'exposition des 
systèmes de radiation et d'association. C’est, après le 
travail analytique si rigoureux des pages précédentes, 
un ensemble synthétique des plus intéressants, puisque 
la connaissance exacte des trajets des faisceaux d’asso- 
ciation, des fibres commissurales pourrait nous donner 
la clef de bien des symptômes observés à la suite des 
lésions de l’encéphale, Mais combien d'erreurs ont été 
professées déjà sur le trajet et sur le rôle de ces diffé- 
rents faisceaux commissuraux ! Erreurs qui auraient 
pu être éyitées peut-être, si l'analyse avait été pour- 
suivie avec plus de rigueur. L'étude critique du fais- 
ceau sensilif ou faisceau longitudinal inférieur est cu- 
rieuse à cet égard, mais nous ne pouvons insister ici. 

Nous terminerons cette analyse, incapable de donner 
une idée suffisante de l’œuvre de M. et Mme Déjerine, 
en exprimant le souhait qu'après avoir suivi avec eux 
le trajet des fibres d'association et des fibres commis- 
surales, nous puissions suivre bientôt, sous leur direc- 
tion, les fibres de projection, dont l’étude doit commen- 
cer le second volume. 

Dr P. LaxGLois. 


Lyon (Dr Gaston), Chef de Clinique médicale à la Fa- 
culté de Médecine de Paris. — Traité élémentaire de 
Clinique thérapeutique — 1 vol. in-8° de 96% pages 
(Prix : 15 fr.). G. Masson, éditeur, 120, boulevard Saint- 
Germain, Paris, 1895. 

M. le D'G. Lyon a réuni dans cet ouvrage les divers 
moyens thérapeutiques actuellement employés. Toutes 
les maladies, quelque appareil ou quelque système 
qu'elles affectent, sont passées en revue, et leur des- 
cription est suivie de la méthode de traitement qui leur 
est généralement appliquée. 

Certaines questions, et, en particulier, les maladies 
de l'estomac, ont été traitées par M. G. Lyon avec 
une compétence spéciale. Les notions fournies par 
l'examen chimique du suc gastrique, par le chimisme 
stomacal sont exposées avec précision et détail. : 

La thérapeutique générale des dyspepsies s'appuie 
donc sur des données scientifiques d’une certaine 
rigueur, : < 

Ce livre, qu'on ne peut analyser ici aussi longuement 
qu'il l’exigerait, puisqu'il embrasse toute la pathologie 
interne, est exclusivement destiné au public médical. 

Il a été composé avec soin, élaboré avec patience. Les 
formules médicamenteuses en ont été choisies et sim- 
plifiées. Les indications des divers modes de traitement 
y sont données avec d’amples CÉÉRPR RENE d 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1105 
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS fonction dans tout le domaine considéré. — M, Paul 


Séance du 2 Décembre 1895. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — MM. G. Rayet et L. Pi- 
cart adressent leurs observations de la comète Perrine 
(16 novembre 1895) faites au grand équatorial de Bor- 
deaux. La Comète se rapproche rapidement du Soleil 
et de la Terre; elle doit devenir très belle. — M. Ros- 
sard communique les observations de la comète Swift 
(1895, 20 août) faites au grand télescope, et de la co- 
mète Perrine (1895, 16 novembre) faites à l'équatorial 
de 0°,25, à l'Observatoire de Toulouse. — M. Auric 
compare la durée de l’année solaire avec celle des di- 
vers calendriers; le calendrier perse donne la valeur la 
plus approchée, mais il est possible d'obtenir une 
approximalion plus grande qu'avec ce dernier calen- 
drier, en admettant que toutes les années dont le mil- 
lésime est divisible par 4 sont bissextiles sauf celles 
dont le millésime est divisible par 128. L'approxima- 
tion devient ainsi dix fois supérieure à celle du calen- 
drier grégorien. — M. Emile Picard a indiqué autre- 
fois une voie à suivre pour étendre aux équations diffé- 
rentielles linéaires ia théorie de Galois relative aux 
équations algébriques; il montre aujourd'hui qu’une 
équation auxiliaire, jouant un rôle essentiel, est définie 
dans son travail d’une facon trop particulière et qu'on 
est conduit de la manière la plus satisfaisante à la 
notion de groupe de transformation d’une équation 
linéaire, groupe qui est entièrement l’analogue du 
groupe de Galois pour une équation algébrique. — 
M. H. Poincaré fait une remarque sur un mémoire de 
M. Jaumann intitulé : « Longitudinales Licht »; il 
montre que les conséquences de la théorie proposée 
par l’auteur sont en contradiction avec les faits. — 
M. G. Floquet considère une équation différentielle 
linéaire, homogène, à coefficients elliptiques, demêmes 
périodes 2 w et 2 w', et développe sur un exemplesimple 


une méthode qui, dans certains cas, permet d'obtenir 


aisément les conditions d’uniformité de l'intégrale 
générale, puis son expression sous forme explicite, — 
M. J. Beudon étend la méthode de Cauchy aux sys- 
tèmes d'équations aux dérivées partielles d'ordre quel- 
conque, en démontrant le théorème suivant : Etant 
donné un système complètement intégrable, définissant 
z en fonction de æ,... x, et tel que toutes ses équations 
ont été amenées à être du même ordre p, si la diffé- 
rence entre le nombre des dérivées d'ordre p de z et 
le nombre de ces équations est inférieur au nombre 
des variables, la méthode de Cauchy est applicable et 
le système jouit des mêmes propriétés que les systèmes 
d'équations aux dérivées partielles du premier ordre. 
Dans le cas contraire, on devra employer la méthode 
de M. Darboux pour compléter le nombre des équa- 
tions. — M. Emile Borel, qui a indiqué autrefois pour 
les fonctions d’une variable réelle, admettant dans un 
intervalle donné des dérivées de tous les ordres, un 
développement en série tel que les dérivées de Ja fonc- 
tion s’obtiennent en dérivant la série terme à terme, 
a étendu ce théorème à une fonction de deux variables 
réelles, æ, y, admettant des dérivées partielles de tous 
les ordres dans un rectangle, par exemple dansle carré 
défini par les inégalités : 


EEE + 7 
— T < y EL TL T- 
De plus, le développement est convergent ainsi que 


toutes ses dérivées partielles (prises terme à terme) et 
ces dérivées représentent par suite les dérivées de la 


Adam démontre que la sphère et le cylindre sont les 
seules. surfaces qui, dans deux translations rectilignes 
distinctes, que l’on peut (d’après la théorie des sys- 
tèmes triples orthosonaux) toujours supposer rectan- 
gulaires, engendrent une famille de Lamé. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — Ch. V. Zenger adresse une 
note ayant pour titre : «Etudes de Physique moléculaire», 
où l’auteur dit avoir trouvé une relation simple entre 
la densité et la chaleur spécifique des éléments chi- 
miques, relation qui permet d'envisager sous un jour 
nouveau les actions moléculaires qui ont présidé à la 
formation des éléments eux-mêmes. — M. D. Hurmu- 
zescu a effectué une nouvelle détermination du rap- 
port ventre les unités électrostatiques et électromagné- 
tiques, en utilisant la méthode de Maxwell, fondée sur 
la mesure des forces électromotrices, et en modifiant 
cette méthode de facon à la rendre aussi précise que 
les autres procédés. La valeur de r est comprise entre 
3,000 5.141010 et3,0020.1010, — M, Georges Lemoine a 
étudié la décomposition provoquée par la lumière 
dans les dissolutions de chlorure ferrique et d'acide 
oxalique et utilise cette décomposition pour mesurer 
l'intensité de la lumière. L'auteur conclut, au moins 
comme première approximation, que la décomposition 
chimique du mélange de chlorure ferrique et d’acide 
oxalique est proportionnelle à l'intensité lumineuse. 
La réaction n’éprouve pas sensiblement de relard au 
début et cesse, ou à très peu près, avec la suppression 
de la lumière. — M.Ch. Moureu areconnu la présence 
de l’argon et de l’hélium dans la source naturelle de 
Maizières (Côte-d'Or); de plus, le volume de ces deux 
gaz est compris entre le 1/10 et le 1/5 du volume total. 
— M. Henri Moissan areconnu la présence dusodium 
dans l’aluminium préparé par électrolyse à la Praz 
(France), à Neuhausen (Suisse) et à Pittsburg (Etats- 
Unis); la teneur varie entre 0,1 et 0,3 %. Le sodium 
rend l'aluminium beaucoup plus facilement attaquable, 
car tout alliage non homogène est d’une conservation 
difficile : il se forme des petits éléments de pile qui 
facilitent les réactions chimiques. — MM. Troost et 
Ouvrard se sont demandé si les gaz argon et hélium, 
qui existent dans les eaux sulfureuses de Cauterets, 
proviennent simplement de l'atmosphère. Dans ce but 
ils ont examiné les gaz extraits de l’eau de Seine, et de 
l’eau de mer; ceux-ci donnent des traces à peine sen- 
sibles, et même souvent douteuses, du spectre de l’hé- 
lium. L'hélium contenu dans certaines eaux minérales 
provient probablement des roches contenues dans les 
terrains (raversés par ces eaux minérales. — M. Bou- 
chard ajoute que les propriétés médicinales de ces 
eaux ne sont pas dues à l’argon et à l’hélium, mais 
peut-être à des combinaisonsde ceséléments.—M.Louis 
Campredon donne un procédé pour déterminer expé- 
rimentalement le pouvoir agglutinant des houilles; il 
consiste à mélanger la houille avec un corps inerte et 
à soumettre le mélange à la carbonisation en vase clos. 
La houille retient sous forme de culot solide d’autant 
plus de matière inerte qu'elle est plus collante. Il 
n'existe en outre aucune corrélation entre la compo- 
sition d’une houille établie par l'analyse immédiate et 
son pouvoir agglutinant. — M. J. Férée a préparé de 
grandes quantités d’amalgame de chrome par l’élec- 
trolyse d’une solution de chlorure chromique dans 
l'acide chlorhydrique; cet amalgame répond à la for- 
mule Hy3Cr; comprimé à une pression de 200 kilos par 
centimètre carré, il abandonne du mercure et se trans- 
forme dans l’amalgame HgCr. Ces amalgames, distillés 
dans le vide au-dessous de 300°, donnent du chrome 


1106 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


pyrophorique à froid, qui s’enflamme spontanément à 
l'air en absorbant à la fois les deux éléments, azote et 
oxygène, L'acide carbonique, l'oxyde de carbone, 
l'acide sulfureux réagissent immédiatement sur ce 
chrome et le portent à l'incandescence. — M. Albert 
Colson, en distillant dans le vide le produit de la réac- 
tion du chlorure d’acétyle sur le nitrile lactique, a ob- 
tenu, outre l’éther acélique de ee nitrile, une masse 
visqueuse qui bout à 170° sous une pression de 15mil- 
limètres de mercure et donne des cristaux par refroi- 
dissement. Ce composé nouveau est un amide com- 
plexe répondant à la formule Az H (C2H30) [CO. CH (C? 
H5 0?) CH?].— MM. Ph. A. Guye et Ch. Goudet donnent 
de nouveaux exemples de la superposition des effets op- 
tiques des carbones asymélriques. Le pouvoir rotatoire 
d’un corps contenant plusieurs carbones asymétriques 
est la somme des pouvoirs rotatoires correspondants à 
chacun d'eux. — M. P. Termier a trouvé en Suisse des 
échantillons de quartz présentant deux formes nouvelles : 
le rhomboèdre ef et le scalénoëdre l,. — M. E. Mau- 
menéadresse une note portant pourtitre : « Etude miné- 
ralogique », — M. Garrigou-Lagrange, à propos des 
effets des révolutions tropiques du Soleil et de la Lune 
sur la pression barométrique, présente les conclusions 
suivantes : « 1° L’atmosphère éprouve, entre le solstice 
d'hiver et l’équinoxe du printemps, sur l'hémisphère 
nord, des mouvements d’oscillation correspondant aux 
révolutions tropiques du Soleil etde la Lune. Ces oscil- 
lations se manifestent par des mouvements baromé- 
triques. 2° L'action de la révolution tropique du Soleil 
se manifeste par un abaissement continu et progressif 
du gradient à partir du solstice d'hiver. L’abaisse- 
ment est dû à la jonction des maxima continentaux. 
3° La comparaison des années qui présentent le même 
caractère montre que l'intensité de l’action [lunaire 
est proportionelle à l'amplitude du mouvement de l’astre 
en déclinaison. C. MATIGNON. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M, Ranvier, dans une note 
sur la structure des ganglions mésentériques du pore, 
dit qu'on trouve à la base du mésentère plus d’une 
centaine de ganglions lymphatiques, reposant sur un 
organe rubané, constitué par du tissu érectile ou ca- 
verneux. Les ganglions ne sont composés que de folli- 
cules sphériques, de !/, à !/, millimètre de diamètre, 
disséminés dans toutes les parties du ganglion. Ilssont 
entourés d’une pseudo-capsule sans être isolés toutefois 
du tissu intermédiaire, Les follicules, comme d'’ordi- 
naire, sont caractérisés par la présence du réseau ca- 
pillaire. En somme, le ganglion tout entier est formé 
de tissu conjonctif réticulé et la lymphe peut circuler 
dans toutes les mailles de ce réseau. — M. L. Roule 
a exploré la Corse au point de vue zoologique. Ily a 
surtout étudié les poissons d’eau douce d’abord. L’au- 
teur a rencontré des truites, des anguilles et le Blen- 
nius Cagnota Val. Cette faune semble être un emprunt 
direct à certaines formes marines, sans aucun appoint 
fourni par le continent. Quant à la faune marine, les 
golfes. d’Ajaccio et de Valinco sont remarquable- 
ment riches en Poissons, Crustacés, Mollusques, 
M. Caullery, dans une étude sur l'anatomie et la 
position systématique des Ascidies composées du 
genre Sigillina Sav., montre que ce genre diffère des 
Polyclinidæ par la position du cœur et par celle des 
organes génitaux. Ce genre diffère également des 
Distomidæ, avec lesquels il n’a de commun que la 
position du cœur et du testicule et la structure de la 
tunique; lPauteur propose de réunir les Sigillina et 
une ascidie récemment décrite sousle nom de Poly- 
clinopsis dans une famille appelée Polyclinopsidæ. — 
M. Maquenne, dans une note sur l'accumulation du 
sucre dans les racines de betteraves, établit que l’os- 
mose est l’un des facteurs essentiels de l'accumula- 
tion des principes immédiats. Puisque l'égalité 
n'existe pas entre la composition chimique des diffé- 
rentes parties d’une même plante, il faut nécessaire- 
ment que la diffusion soit contrebalancée par une 
autre influence : c’est ordinairement la transformation 


chimique que subissent les principes immédiats au. 
cours même de leur migration qui produit cet effet. La 

différence de concentration des sucs cellulaires de la 

plante.s’explique par ce fait que les pressions osmo- 
tiques sont en raison inverse des poids moléculaires 
des corps dissous. Le poids moléculaire du saccharose 

étant double de celui des glucoses, la concentration 

du premier sera le double de celui du second, —. 
M Boule étudie les glaciers pliocènes et quaternaires 

de l'Auvergne. Les moraines des fonds des vallées du 

Cantal sont reconnues comme telles par tous les géo- 

logues ; l’auteur démontre que les brèches volcaniques 

du sommet des collines et des surfaces des plateaux 

sont également des moraines. — M. Fournier décrit 
la géologie et la tectonique du Caucase central. 

J. MARTIN. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 3 Décembre 1895, 


L'Académie procède à l'élection d’un membre titu- 
laire dans la troisième section (Pathologie chirurgicale), 
en remplacement de M. Verneuil. M. Charles Monod 
est déclaré élu. — M. Moncorvo communique ses 
recherches sur l'influence du tanin dans le traite- 
ment de la diarrhée dans l'enfance. Il a administré le 
tanin sous forme de tannigène, combinaison définie 
dediacétyl el de tanin, qui se dédouble lentement 
sous l'influence des sécrétions alcalines de l'estomac. 
Les doses administrées à des enfants de { moisà6ansont 
varié de 25 centigrammes à 2 grammes par 24 heures, 
Elles ont été très bien supportées etontdonné de bons 
résultats là où le salicylate de bismuth et le benzo-naph- 
tol avaient échoué. — M. Layetcommunique une série 
d'expériences, faites avec- le concours de MM. les 
D'S Le Dantecet Benech, pour vérifier l’unicité de 
la variole et de la vaccine ; il conclut à la négative. — 
M. le D' de Valcourt lit un mémoire sur les bains de 
mer à Cannes pendant l'hiver. — M,le D'J. Bertillon 
lit un mémoire sur la statistique des hernies. 


Séance du 10 Décembre 1895. 


Séance publique annuelle pour 1895. —M. Cadet 
de Gassicourt lit le « Rapport général sur les prix 
décernés par l’Académie en 1895 ». — M. Empis pro- 
clame les noms des lauréats des prix. — M.J. Berge- 
ron prononce l'éloge de M, Gubler. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 16 Novembre 1895. 


MM. Thomas et Roux présentent deux communica- 
tions : 4° De l'évocation spontanée des images audi- 
tives verbales chez les aphasiques moteurs (aphasie 
motrice de Broca); 2° Essai sur la psychologie des as- 
sociations verbales et sur la rééducation de la parole 
dans l’aphasie motrice. Ils ont constaté qu’en montrant 
bien aux malades les mouvements d’articulation, on 
arrivait assez rapidement à leur faire prononcer des 
syllabes et même des mots. — M, Ch. Contejean a re- 
cherché la cause pour laquelle les injections intra- 
veineuses de peplone empèchent la coagulabilité du 
sang. La peptone n’agit pas directement, mais bien par 
un ferment qui se produit par l'irritation desnerfs du 
foie, — M. Fournier présente des cultures de pneumo- 
coques sur sang délibriné; elles sont plus abondantes 
que dans tout autre milieu. 


Séance du 23 Novembre 1895. 


M. Gley démontre l'intervention du foie dans le phé- 
nomène de l'incoagulabilité du sangaprèsdesinjections 
intra-veineuses de peptone ; le foie sécrète probable- 
ment une substance sous l'influence de la peptone. — 
M. Phisalix pense qu'il existe à la fois, dans le sang 
de la vipère, un principe toxique et un principe immu-. 
nisant, le premier se détruisant sous l'influence de la 
chaleur, —M. Rémy-Saint-Loup présente des cobayes … 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1107 


ayant quatre doigts aux pattes de derrière, anomalie 


. qui s’est étendue à plusieurs générations et qu'ilattri- 


bue à un régime particulier qu'il fait suivre à ces ani- 


. maux. — M. P. Bonnier a étudié les fonctions de la 


vessie natatoire des poissons en relation avec celles 
du labyrinthe. — M. Mangin communique ses re- 
cherches sur un parasite de la fleur des Immortelles. — 
M. Nicolas (de Lyon)envoie une note sur les propriétés 
bactéricides du sérumantidiphtérique.—M. Iscovesco 
rapporte un cas d’hypothermie dans la paralysie géné- 
rale. — M. Beauregard a étudié un bloc d'ambre gris 
de 25 centimètres cubes ; on sait que l’ambre gris est 
un calcul intestinal du Cachalot. — M. Ch. Henry pré- 
sente un nouveau dynamomètre. 


Séance du 30 Novembre 1895. 


M. Suchard est élu membre de la Société. — 
M. Ranvier communique ses recherches sur la struc- 
ture des ganglions lymphatiques. Le ganglion peut être 
considéré comme une cavité pleine de lymphe, à l'excep- 
tion des travées et du tissu conjonctif. — M. G. Mari- 
nesco relate quelques cas de polynévrites avec lésions 
associées des centres nerveux.— M. Déjerine rapporte 
l'observation d’un malade atteint de sclérose primi- 
tive des cordons latéraux de la moelle et ayant pré- 
senté, pendant sa vie, de la paralysie spasmodique des 
quatre membres avec signes classiques de la démarche 
et exagération des réflexes. — MM, Haushalter et 


* Guérin communiquent l’histoire d’un idiot de 6 ans, 


ayant présenté de la cachexie, de l’ædème et de la 
nucléo-albuminurie qui ont disparu sous l'influence du 
traitement thyroïdien. — M. Arthaud envoie une note 
sur l'influence héréditaire de la tuberculose, 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 22 Novembre 1895, 


M. Béchamp a reconnu dans ses remarquables re- 
cherches que le lait est spontanément altérable. On a 
confondu jusqu'à ce jour sous le nom de matières or- 
ganiques deux choses absolument distinctes. 1° Les 
solutions de matières organiques dans un dissolvant 
quelconque, mixte physico-chimique, n’ayant jamais 
eu de vie ou n'ayant rien conservé de ses origines, si 
lesproduits en présence découlaient d'organismes ayant 
vécu; 2° les liquides physiologiques au s:ns réel du 
mot, produits dérivant directement d’un organisme vi- 
vant, tels que le sang, l’urine, le lait. La première es- 
pèce de matière organique est inaltérable, si on la 
conserve en présence d’un volume limité d'air ordi- 
naire et de créosote. Au contraire, la secondeclasse de 
substances dans les mêmes conditions, traitée de la 
même manière, ne tarde pas à subir des transformations 
diverses. Le lait par exemple est spontanément alté- 
rable ; les germes venant du dehors ne jouent aucun 
rôle dans les phénomènes d’aigrissement et de coagu- 
lation. En se placant dans les conditions qui lui avaient 
réussi avec les liquides de la première espèce, M. Bé- 
champ n’est pas parvenu à arrêter les transformations 
du lait. La coction prolongée, considérée à l'heure ac- 
tuelle comme un procédé permettant de censerver au 
lait ses propriétés et qualités, l’altère réellement; les 
microzymas qui sont les éléments vivants du lait per- 
dent dans ces conditions leur activité. M. Béchamp 
expose ensuite ses idées sur les microzymas existant 
dans tous les liquides et tissus de l'organisme, et surles 
microzymes de l’air, de la terre (microzymas géologi- 
ques) provenant des organismes détruits aux époques 
géologiques. Ces granulations moléculaires séparées, 
après la mort de l'individu, du substratum où elles se 
sont formées, n’en restent pas moins capables d'entrer 
en jeu lorsque les conditions de milieu deviendront fa- 
vorables à leur évolution. — M. George F. Jaubert 
communique l'historique très détaillé des safranines et 
des indulines ; il démontre, par une nouvelle synthèse 
de la safranine, que laformule de cette dernière doit être 
symétrique et correspondre à la constitution suivante : 


M. Jaubert a préparé aussi une série de safranines 
dans lesquelles le radical phénylique relié à l’azote 
azinique est remplacé par un radical méthylique, na- 
phtylique, etc. M.Jaubert poursuit ses recherches.—Il a 
été déposé à cette séance une note de M. Brizard sur 
quelques sels d'argent du ruthénium nitrosé, une note 
de M. Winter sur la température de congélation des 
liquides de l'organisme ; application à l'analyse du 
lait, et trois notes de M. Brochet sur l’action du chlore 
dans la série propylique. E. Caron. 


SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 8 Novembre 1895. 

M. Everett : « Le champ magnétique d’une bobine 
cylindrique ou d’un circuit plan. » C'est l'indication 
d’une méthode pratique de calcul. — M. Griffiths et 
Miss Dorothy Marshall : « La chaleur latente de va- 
porisation de l’eau.» La perte de chaleur due à la vapo- 
risation est compensée principalement par la chaleur 
fournie par un courant électrique : cette énergie peut 
être déterminée avec beaucoup de précision. On trouve : 


L = 107,05 — 0,1581 O. 


où Oest la température et où l’on emploie l'unité 
thermique à 15°. — M. Ramsay et Miss Marshall : 
« Sur une méthode de comparaison des chaleurs de 
vaporisation desdifférents liquides à leurs points d’ébul- 
lition. » Le liquide à étudier est enfermé dans une am- 
poule de verre, et mis dans une enveloppe extérieure 
remplie de la vapeur du même liquide. Un tube ouvert 
est fixé au sommet de l’ampoule, de facon qu'il y ait 
libre communicalion entre l’intérieur et l'enveloppe de 
vapeur, et aucune perte de matière. A l'intérieur de 
l’'ampoule est une spirale de fil de platine fin attachée 
à des bornes de platine qui sont scellées dans le verre. 
La température du liquide dans l’ampoule s’élève jus- 
qu’au point d'ébullition grâce à l’enveloppe de vapeur; 
alors, quand on lance un courant dans Île fil, l’intégra- 
lité de la chaleur développée est dépensée à convertir 
une portion du liquide en vapeur. Deux ampoules sem- 
blables sontreliées en série, etlerapport deleurs pertes 
de poids est en raison inverse des chaleurs de 
vaporisation des liquides. Il y a à faire une correction 
relative à l'inégalité de résistance des spires, et le rap- 
port desdifférences de potentiel aux deux bouts des deux 
spirales, quand le courant passe, est déterminé à cha- 
que expérience parla méthode de Posgendorff. M.Ram- 
say appelle spécialement l'attention sur les valeurs de 


X 
T° M étant le poids moléculaire, T la température ab- 


solue, et L la chaleurlatente, On remarque de curieuses 
différences dans le cas de l’eau, de l’alcool et de l'acide 
acétique. — M. Carey Foster exprime son admiration 
pour cette méthode, qui évite la nécessité de connaître 
la chaleur spécifique du liquide et de la vapeur. Après 
unediscussion à laquelle prennentpartMM.S.Thompson, 
Rücker, Abney, Rodger, Appleyard, Griffiths et Rhodes, 
M. Ramsay expose qu’une légère surchauffe de la va- 
peur n’altère pas sensiblement les résultats, puisque, 
au voisinage des températures auxquelies on opère, la 
chaleur latente varie peuavec la température. Ilestime . 
que d'expériences faites avec M. Young il résulte 
qu’une enveloppe de vapeur est absolument imper- 


* méable à la chaleur rayonnante venant de l’intérieur. 


1108 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 7 Novembre 1895. 


M. le Président donne lecture d’un télégramme 
adressé à Mme Pasteur à l'occasion de la mort de son 
illustre époux, membre étranger de la Société. Il com- 
munique également le texte du télégramme adressé à 
l'Institut de France à l'occasion de son centième anni- 
versaire, — M. Arthur Smithells publie le détail de 
ses expériences sur la température de la flamme de 
l’acétylène et sur la théorie de son pouvoir [lumineux. — 
MM. Frederick, D. Chattaway et Harry Ingle ont 
recherché de nouvelles méthodes pour la préparation de 
nouvelles séries d’hydrazines qui, théoriquement, doi- 
vent fournir six séries de dérivés substitués. Pratique- 
ment on n’en connaît que trois. Ils ont obtenu les hydra- 
zines quaternaires en faisant réagir le sodium ou l’éthy- 
late de sodium sur une amine secondaire jusqu’à rem- 
placement de l'hydrogène par le sodium. Ils décrivent 
la tétraphénylhydrazine (C6H5)2Az. Az(COH5)? et la té- 
traparatolylhydrazine (CéH*CH3#)?Az.AZ(COHICH#). — 
MM. G.-G. Henderson et David Prentice ont fait 
réagir les oxydes d’arsenic et d’antimoine sur cer- 
tains sels d'acides hydroxylés. Avec les citrates de po- 
tassium, sodium et ammonium, loxyde d’antimoine 
donne des composés de formule générale : 


SbOM®(CH607)2 x H20 


et l’oxyde d’arsenic donne des composés analogues. 
Ils ont pu obtenir également des composés avec les 
mucates, quoique beaucoup plus difficilement, Ce sont 
les corps : 
2SbOKC5HSOSKCSH?05.6H20 
et 
SbOKCS5HS0O8 .4H20 


— MM. E. Divers, F. R.S. et T. Haga ont déterminé 
indirectement par voie quantitative la formule du nitro- 
sosulfate de sodium qu'ils ont trouvé être : 


NaOAz : AzU.SOSNa 


Dans une deuxième communication,ils passent en revue 
une série de nitrososulfates dont ils fixent la composi- 
tion, —-MM, G.-L. Thomas et Sidney Young F.-R.-S. 
ont pu retirer l’hexane normal de l’éther de pétrole. 
Ils donnent les constantes physiques du corps qu'ils 
sont parvenus à isoler, et en décrivent les différentes 
propriétés, — M. Augustus E. Dixon décrit une 
sérié de thiocarbimides à radicaux acides et spéciale- 
ment les thiocarbimides à radicaux acides valérique et 
cinnamique. — M. A.-G. Perkin publie ses recherches 
sur les substances constituant le rouge retiré du Poly- 
gonum cuspidatum. Le corps principal est formé d’une 
glusocide : C21H2010,— M. G.-S. Newth : Note sur l’ac- 
tion de l’acide fluorhydrique sur le silicium. — M. G.-E. 
Show a étudié les periodures de théobromine qu'il a 
obtenus en saturant d'acide iodhydrique une solution 
de théobromine., II leur attribue la composition sui- 
vante : (QTH3#Az'O?HIP. — M. George Joung à pu 
réaliser la synthèse de la diphényloxytriazoline en 
faisant réagir la benzaldéhyde sur la phénylsémicar- 
bazide déjà décrite par lui. Cette synthèse se produi- 
rait suivant l'équation : 


CTH?Az30C7H60OHO0—C'HIIA7Z8O 


—MM.Wyndham,R.Dunstan F.R.S. et Francis H. 
Carr : Note sur la piperovatine et description de la 
dibenzaconine et de la tétracétylaconine. —M. A. Went- 
worth Jones publie le tableau des changements de 
volume moléculaire durant la formation de solutions 
diluées dans des liquides organiques; il croit que ces 
changements sont analogues aux variations observées 
dans la loi de Boyle pour certains gaz. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE 


Communications recues récemment : 


SCIENCES NATURELLES. — M. V, Ebner : Structure de 
la corde dorsale de l’Amphioxus lanceolatus. — M. AI- 
fred Nalepa : Nouveaux microbes de la bile (12° Com- 
munication). L'auteur décrit le Phytoptus macrotubercu- 
latus, le Phytoptus Ruhsaameni et le Trimerus gemmicolu. 


Séance du 24 Octobre 1895. 


M. C. Weierstrass, de Berlin, est élu membre hono- 
raire. — M, H. Seeliger, de Munich, est élu membre 
correspondant. 

SCIENCES PHYSIQUES. — M. Edouard Mazelle: Etudes 
sur la marche diurne de la variation de température de 
l'air. La variation diurne de la température, étudiée sur 
un ensemble d'observations poursuivies pendant dix 
ans, manifesteune double oscillation qui devient presque 
une oscillation simple pendant l'hiver, En hiver, les 
plus grandes variations coïncident avec le minimum de 
température, En été, on constate deux maxima et deux 
minima très nets.— M.J. Holetschek : Recherches sur 
la grandeur et l'éclat des comètes, Première partie : 
Les comètes jusqu’en 1760. — MM. Ederet Valenta ont 
étudié le spectre de l’argon dans sa partie rouge. Le 
gaz fourni par Lord Rayleigh était placé dans un tube 
bien fermé à la pression de 1 à 3 mm. Les lignes les 
plus caractéristiques correspondent aux longueurs 
d'ondes suivantes : x — 462856; 4596,22; 4522,49; 
4510,85 ; 4300,18; 4272,27; 4259,42: 4251,25. — M. Jo- 
seph V. Geitler : Etude des oscillations dans l’excita- 
teur de Hertz. —M.V.Lang: Etudes d’interférences des 
ondes électriques. Ces études sont fondées sur le même 
principe que les recherches acoustiques bien connues 
de Quincke, 

Séance du 7 Novembre 1895. 


Sir Archibald Geikie de Londres est élu membre 
correspondant étranger. 

SCIENCES PHYSIQUES.—M. J. Herzig : Sur l’hématoxy- 
line et la brassiline (3° communication). On peut éli- 
miner quatre atomes d'hydrogène de ces composés ou 
de leurs dérivés acétylés et alkylés, sans faire dispa- 
raître la fonction due à la présence de l’oxygène. Ces 
corps sont donc des dérivés tétrahydrés de combinai- 
sons aromatiques. — MM. Eder et Valenta : Sur le 
spectre du cuivre, de l’argentet de l’or, — M. Wilhelm 
Sigmund : Action de l’ozone sur les plantes. — Obser- 
vatoire de Vienne : Ensemble des observations météoro- 
logiques et magnétiques faites pendant le mois de 
juillet. 

Séance du 14 Novembre 1895. 


4° SCIENCES PHYSIQUES. — M, Puschl : Points d’ébulli- 
tion et température critique. — M. Richard Go- 
deffroy : Sur la constitution des hydrales de carbone. 
— MM. Kostanecki et J. Tambor : Recherches synthé- 
tiques dans la série de la gentisine. La gentisine est 
obtenue par la méthylisation de la 1,3,7 trioxyxanthone 
obtenue par condensation de l’acide hydroquinoncar- 
bonique avec la phloroglucine; la formule de constitu- 
tion est l’un des deux schémas suivants : 


0 
OCH: 
OH 

CO OH 

ASS 

0 OH 
CH:0 \Y 

CO OH 


20 SCIENCES NATURELLES.— M. Richter adresse une com- 
munication provisoire sur ses études géologiques de la 
Norwège entreprises à l’instigation de l’Académie. 


Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER 


PU VE S PORN ET TER" 


4 


CONTENUES DANS LE TOME VI DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


(Du 15 JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1895) 


I. — ARTICLES ORJIGINAUX 


Actualités scientifiques et industrielles 


La-soudure de l’Aluminium.......................... 
La mesure des petites résistances en électricité........ 
Les transmissions électriques. ...:.....:............. 
Sonnerie électrique industrielle destinée aux endroits 
HADUDR ER CURE uses -rer-pente reset 
Nouvelle bouée de sauvetage.................-....... 
Les locomotives électriques de Baltimore and Ohio Rail- 
TON rates Monet TT once dun due 
Troubles causés sur les lignes téléphoniques par une dis- 
tribution à courants alternatifs................... 
Communications téléphoniques entre les trains et les 
SAHDBS dE CR EMINS AC ETS Crete 
Le relèvement des câbles sous-marins................ 
Nouveau type de locomotive minière.................. 
Une nouvelle forme de trolley.............. ......... 
Le prolongement souterrain de la ligne de Sceaux... 
Les décharges électriques à travers les gaz......... 2e 
Jrefficacrtérdel’électrocution:......:-.......-.110..54. 
L'emploi des courants triphasés à la station centrale 
délectrictederChemnitz.- "7" ERR--0e...re 
Les propriétés magnétiques du fer sont-elles influencées 
par des renversements fréquents de polarité?...... 
Deux nouveaux explosifs de grande puissance....... - 
Detroinsarair Genette= 22e ssearteieceee 
ÉRISÉDASALETASWVEEL. 28 cel meieise mecs see cniseesietee 
L’électricité employée comme moyen de chauffage. .... 
Une sablière pour tramways. ...........:............ 
Les transports de force et les transformateurs de grande 
HS SAN GORE EE eer-e-rreERenoesceie 
Traitement électrolytique des sels d’aluminium........ 
Commutateur automatique.................... 
Nouveau système de distribution d'électricité; 
mpnocychque AUDE I Bel te... 
Sur l'extension de l'électrochimie industrielle.......... 
OCT AMP ANA CERTIÈNE. 2e eme seeeccie eue ciiaec ste 
Le Cinématographe de MM. Auguste et Louis Lu- 
FAR EE LR ER bat bd er ot CPS 
DORPI EU DER AÎUMINIUN eee este mmese e) se cie/e.e 
Action des courants alternatifs à haute tension sur 
l’'homme....... Food toc a ropiron ne Ho EnE nee 
La mesure des petits allongements dans les essais de 
PÉRSRACETTESEMEAUX- 2. - eee en ne LL ue 


La cémentation des lingots destinés aux plaques de 
blindage UT DEN se dabias der n slots siatele ie aaiiquie elle 
Les usines à transmissions électriques aux États-Unis. 
Un moteur-alternateur destiné aux recherches de labo- 
ratoire à University-College (Londres)............. 
Les locomotives de la Ballimore and Ohio Railroad 
CHOUINEME RE  Oo na d DE 
Le comparateur automatique enregistreur de M. le com- 
DATA ALIM den e ene SSe s'a eemes 
Le retour du courant dans les lignes de tramways élec- 
triques et la soudure des rails...,................ 
Exemples de transport d’énergie électrique à grande 
AS TE 08 OO one ET RE RON nr 
La technique de la séparation de l’Argon et l'analyse 
de l'air. Appareils de lord Rayleigh et du profes- 
SOLAIRE AMEAVEE SUR Eos even eme RM en ee 
Un nouveau type de compresseur d’air................ 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 


Un nouveau système de tramway à conducteur souter- 


L'IVTÉRS DODGE TOR RE MAEATE OR ES ee 


Astronomie et Météorologie 


CaspaRi (E.). — Les études récentes sur le Pendule... 


TeissereNc DE Borr (L.). — La Météorologie au Con- 
DDÉSES DANS Eee ie deb eee 
TissERAND (F.). — Revue annuelle d’Astronomie...... 


Botanique et Agronomie 


Coxverr (F.). — Le rôle de la Science dans l’évolution 
d'éVAOTICULINT eZ ANS Le Die enr eur e 


DEu£RaIN (P.-P.). — Revue annuelle d’Agronomie..... 
Ducasr. — L'état actuel de la Vinification en Algérie 

ATOME EE O0 CS R OUEST ST PE tre 
FAYMOREAU D'ARQUISTADE (A. de). — Les grandes ex- 


ploitations agricoles à Madagascar : Canne à sucre, 
Cotonnier, .Vanillier, Pignon d’Inde, Caféier, Ca- 
caoyer, Tabac, Aloës et Agavé, Riz et autres cul- 
ÉTEND a /ote e rataiRin ee te ete nt ae Se Ne M PACS 
LARÉALÉTRIER (A.). — Culture de l'orge de brasserie et 
du houblon ent HTANCO EEE ere meer trees 
Lezé (R.). — La laiterie moderne et l'industrie du lait 
CONGO TTE ME Eee eee ds sue lete ie ete le 
Lianier (O.). — La Botanique au Congrès de Caen... 
Roos (L.). — Etat actuel de la Vinification en France. 
Rousseaux (E.). — L’Agronomie au Congrès de Caen. 


Chimie 


CaxpLor (E.). — Industrie des chaux hydrauliques et 
déstiments en TANGER tr ra ee ee 
Cuarpy (G.).— Les recherches du Professeur W.Ram- 
say sur’ ArpontetilHéliume se. ee eee en 
— Les actions chimiques de la lumière et de la cha- 
leur, méthode de M. G. Lemoine........,.,....... 
Érarp (A.). — Revue annuelle de Chimie pure... ..... 
FreunpLer (Ch.). — La Chimie au Congrès de Caen... 
Hazcer (A.). — L'enseignement chimique à l’Étranger. 
HaboratoireSNONVEAUXS 220... -ees 
JEAN (Ferdinand) et Jean (Jules), — L'industrie des 
suifs comestibles et industriels... 
Le Cuareuier (H.). — Les alliages métalliques 
Le VerRieR (U.). — Revue annuelle de Métallurgie... 
Lewes (V.-B.). — La synthèse industrielle des hydro- 
carbures employés à l’éclairage................... 
Liver (L.). — Évolution de la sucrerie..... ........ 
MaquenxeE (L.). — Asymêtrie et fermentation, à propos 
des'travaux de M. Em. Fischer. :..............1. 
Marienon (C.). — Description des nouveaux labora- 


toires de la Faculté des Sciences de Lille....,.... 
Moissan (H.). — L'Institut de Chimie de la Faculté 

des Sciencesidenlnlle tree eee me nee ce Cl 
— Sur la préparation industrielle du carbure de cal- 

TUNER ae een nn CPS 
Müzzer (P.-T.). — L'Institut chimique de Nancy. 
Ozivier (L.). — Remarques sur l’industrie du sucre... 


29559 


56 
1008 


141 


1110 
— L'Oxygène est-il un -corps simple”{.:-..../. 141 184864 
— Remarques sur l’industrie du suif,. PSE CAE 4957 
RaYLEIGx (J.-W.) et Ramsay dues — Aron, nouvel 2211 
élémentide l'atmosphéte 0... 90 
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES. — Discussion sur l’Ar- 
103 


France tree. 


nee eee ce EE et LINE 4 5899 

— L'industrie des phosphates et superphosphates en 
Frances feer RONDS op nor Co t CHE bp oc CPE RER 1038 
URBAIN (E.). — Etat de la sucrerie en France......... 204 


— Une révolution dans l'éclairage au gaz. Utilisation 
vommerciale et industrielle du carbure de calcium 
pour, la production.de l’Acétylène......,........... 446 


Chi-urgie, Médecine, Hygiène, Microbie médicale 


HarTMANN (H.). — Revue annuelle de Chirurgie... ..... 937 
JAYLE (F.). — La Médecine et l’'Hygiène au Congrès de 
(ETES Bd DS TT NO RETOREL e .. 174 
Lacaze (Dr). — Pathologie de Madagascar. — Condi- 
tions sanitaires de Majunga à Tananarive. Hygiène 
du soldat et acclimatement du colon.... ......... 745 
LérTieNNe (Dr A). — Revue annuelle de Médecine... 1049 
RouLe (L.). — La Phagocytose normale. .............. 586 
SPRINGER (Dr M.) — Les progrès de la Pathologie gé- 
ÉTAE", lee tesrae Resrale store eee EN ces Pa STE Las ON CO ae 974 
Géographie, Géologie et Paléontologie 
BiGor (A.). — La Géologie au Congrès de Caen....:,. 169 
CausTiEr (E.). — Le münde malgache. Gé éographie et 
aspect général de Madagascar. Le sol, la flore, les 
forêts. Les races inälgaches et leur civilisation... 650 
DEnERAIN ER — Revue annuelle de Géographie. ...... 620 
FoucarT (G.). — L'état du commerce à Madagascar et 
l'avenir économique de Pile Re eee IEEE 718 
GRANDIDIER (A.). — Les Hova de Madagascar. Hs 4 
Hauc (E.). — Revuc annuelle de Géologie...:........ 1086 
Launay (L. de). — L'avenir géologique de l'or et de 


l'argent. Conséquences économiques et sociales... 362 
SUBERBIE (L.). — Les gisements aurifères de Mada- 


PASCALE ele ea ele dehrimmielneie ep ei ES PUS en Sie tele te NE NE 715 
XX: —— Questions d'Afrique. Le Soudan francais... 506 
XXX. — L'expansion francaise en Afrique....... + 20593 

Mathématiques 
Larsanr (C.-A.). — Les Mathématiques au Congrès de 
(GET SNA CR AR ARE ce Ve 159 
Mécanique appliquée et Génie eivil 
BRiILLOUIN DE — Les progrès des machines volantes. 

DÉADILTO ER EESEr ee C E  e 166 
CRONEAU (A.). — Revue rte des progrès de la Ma- 

HE POS UD Don POP D oc ados anne vin anne nte coca 451 
DEMENGE (E.).— Etat actuel du travail du Fer et de l’A- 

cier: 

Are partie : Forgeage et laminage........,........ 870 


2e partie : Produits de forge. Conditions géogra- 

phiques et économiques de la production.......... 917 
DWELSHAUVERS-DERY (V.). — Inscription des varia- 

tions de la température des parois métalliques des 


CYUNATES A YANEUD Eee ed secee TRE gore nMiTé) 
Gay (A.). — Les moteurs à pétrole de faible puis- 
FENTE E MOOT LAB NSAE DNA OA RC AE ô 513 
LAVERGNE (Gérard). — Les applications mécaniques ‘de 
l'électricité dans les mines. CHHASBbD ion Dose 8 
Viver (L.). — Le Congrès des Naval Architects à Paris 
GnFJuin A8 Are EE ere LEnRe PARTS or en MDe 816 
Wyrz (A.). — Les dernicrs progrès de la machine à 
VADOUT 5 hate nids mers DTA PO OI LI à SE . 615 
Physiologie 


CuarriN (A.). — Les Toxines : mécanisme de leur ac- 


TABLE IANAEYTIQUE DES MATIÈRES! 


DELice (Y.). —.Une science Us Ponte pu ouAH 


S DIQUE sr ser 30100 .-—,/. C0. arrété 
HERZEN (A.). — La digestion. iriptiquié des Albumines 1.1 
et la sécrétion interne de la rate...... RENTE . 494 
Ricner (Dr P.). — La morphologie physiologique de la 
marche del HOMME EEE Eee EE .. 335 
Soury (J.). — Revue annuelle de Psychologie physio- 
DISQUE SEP 0 née tas erineinese ie CE IR 62 


Weiss (G.). — La théorie chimique de la vision....... 253 
Physiqueoo1#107 | 


Bruvxes (Bernard). — Idées nouyelles sur la Photo- 
graphie des couleurs, d'aprés SEE derniers travaux 


de M. Otto Wiener.......:: PAPER UN ANS EX à 604 
BrizLouIN (M.). — Pour la matière: .14 x... La} 1) vad4032 
Cornu (A.). — Quelques mots de réponse à La Déroule. 

de l'Alomisme contemporain... 2.044417... .414: 204030 
Crookes (W.). — Les spectres de l'Argon,: 1: 1 sas 99 
Dee ar, — Les anomalies dans la de de l'A- 


2.30 sosie eut 107 
PIERRE 550 
GossarT (Eye — La Physique au Done de Caen... 160 
Gouy (G.). — Le mouvement brownien .ct les mouve- ! 
ments moléculaires. berne). 22,7 }-as sand 
GuizzauMEe (Ch.-Ed.). — L'Exposition de là \Sactétéf 
francaise de Physique. Séances de Pâques, 16 et 


LT An LRO NES ee ES AO 1.60. dre. LOT 
— La convention du-métreliens Minnie. 24e 386 
Lumière (Auguste et Louis). — La Photographie des 

couleurs. Ses méthodes et ses résultats.......... .. 1034 


Mararas (E.). — La liquéfaction de l'hydrogène. Déter- 
mination de la température critique et de la tempé- 
rature d’ébullition normale de l’hydrogène......., 617 

Mourer (G.). — L'Entropie, sa mesure et ses varia- 


tions : 

{re partie : Méthode, lois fondamentales.:...,.... 11900 

2e partie : Mesure de la reversibilité des transfor- 

mations isotherme USE CAEN ee . 4001 
— Le facteur thermique de l’évolution............., 1071 
OLszewski (K.). — La liquéfaction et la solidification 

del'ATrONM EME CARE Hour ADO BAT AU 
OsrwaLD (W. . — La déroute de PAtomisme contem- 

POTAINNE PPARMONEE ONE NÉMAIEUMEEECE tele Sn 4200983 
—-léttre sur l'Energétique. 20 PRO IEC Ie 1069 


Zoologie et Anatomie 


BEAuREGARD (H.). — Revue annuelle d’Anatomie..... MISE 
Jourpax (Et.). — Le tissu musculaire dans la série ani- 
males near receren-er ec eee CLP ECC 407 
KœuLer (Dr R.). — Revue annuelle de Zoologie... 0214 
Le Danrec (F.). — Les Coccidies............ ve AMEN 775 
— Les Myxosporidies....... PAR ee Me RIAULES 22e 1082 
Muixe-Enwarps (A.). — Les animaux de Madagascar. 
Conférence faite au Museum...... RARE ARCS . 693 
Prenant {A.). — Le corpuscule cé traLt et la division 
cellulaire... Do 15423 
Rerrerer (E.). — Le placenta des Carnassiers, d’après 
M. le Professeur Mathias Duval.............. 200902 
Rocné (G.). — L'état actuel de l'industrie francaise des 
pêches maritimes........................... : . 109 
Rouvizze (E. de). — La Zoologie au Congrès de Caen. 170 


Sciences diverses 


Gariez (C.-M.). — Les travaux de la Conférence biblio- 


graphique de Bruxelles........... 
Ourvier (L.). -- La Politique fronpatse à Madagascar. 753 


Kevues annuelles 


BEAUREGARD (H.). — Anatomie............. 

Crongau (A.). — Progrès de la Marine... 

DenéraiN (H.). — Géographic..... Fran ob 
DenéraiN (P.-P.). — Agronomie.................... 
Érarp (A.). — Chimie pure......... RE EU oee SLA pe 
xaRtEL (C.-M.). — Physique........... TO UD 1 DU 
Gartez (C.-M.) ysiq pe 


HarrManx (H.). — Chirurgie.......,.........s..e.s.. : 


1° Sciencesmäathématiques. 


F Eau RTS Mathématiques 
_ BAcnmaxx (P.). ee Zahlentheorie.….. 19185 Le 5106 lee 
Banpey (Dr E .). — Zur Formation quadratischer Glei- 
ChunegonQ ui sois ati zou les edit 


| CANtroR (M.). — Vorlesungen über Geschichte der Ma- 


Pbuthematik (32 volume}. l 5 25uimém 0e ee 0 Meke v < 


. Darsoux (G).:1— Lecons sur la Théorie générale des 


101 Surfaces et les applications géométriques du Calcul 
h« infinitésimal. 3e partie Lignes géodésiques et 
Dul courbure géodésique. Paramètres différentiels, Dé- 
formation des surfaces (3e fascicule). .........,.... 
ErgeruarD (Dr V.). — Ueber die Grundlagen und Ziele 
dérsRamtlehrez- PRET RM... He eee 
Ganrer (H.) et Rupio. — Elemente der Analytischen 
PMGaqmetrie der Ebene.. 2"... :04d-th 
GRASSMANN. — Gesammelte mathematische und he 
lische Werke (4er volume). 11e partie : Die Aus- 
dehnungslehre von 1844 und die Geometrische Ana- 
LR PR RP AN FREE LLC. 
GREENHILL (A.-G. ). — Les fonctions elliptiques et leurs 


applications, traduit de l'anglais par J, Griess..... 
Hexry (Charles). — ie de la théorie des Fonctions 
ÉRAIQUES PA cer ee ananas me ee Der dr 
HorzmüzLer (Dr G.): — Methodisches Lehrbuch der 
Elementar Mathematik....,.....,.......,.. 388 et 
KRArT (F.). — Précis de Calcul géométrique d’après les 
théories de Grassmann (en allemand)...,........... 
Laisanr (C.-A.).— Traité d'Aritmétique suivi de notes 
sur l'Ortografe simplifiée, par P. Malvezin........, 


LaALLEMAND (Ch.).— Rapport présenté à la Commission 
extraparlementaire du Cadastre sur l’état actuel du 


Bornage des propriétés en France................ 
Mérax (Ch.). — Lecons nouvelles sur l'Analyse infini- 
tésimale et ses applications géométriques.......... 
Ni wENGLo wsKI (B.).— Cours de Géométrie analytique : 
l'ASections/CONIQUES..-..,.....44.0.2- 0e sense - +0 
II. Construction des courbes planes et compléments 
DETMES RC OMIUES Aer = ere ep rem ceueeace ee 
ScxLesiNGER (Prof. Dr L.). — Handbuch der Theorie 
der linearen Differential-Gleichungen, t. 1........ 
Scuuzke (D° A.). — Vierstellige Logarithmen Tafeln, 
nebst mathematischen-physikalischen und astrono- 
mischen Tabellen für den Schulgebrauch........., 
Scorr (C.-A.). — An introductory account of certain 
modern ideas and methods in plane Analytical Geo- 
TR SR re a EM ape 


SrurM (Rudolf). — Traité synthétique des figures du 
premier et du second degré dans la Géométrie li- 
néaire. 4e partie : Complexes linéaire et tétraédral. 
2e partie : Congruences du premier et du second 
ordre (en allemand) RS: ELEC CEE OO 

Tanxerx (J.). — Introduction à l’Étude de la Théorie 
des Nombres etde l'Algèbre supérieure. Conférences 
faites à l'École Normale, rédigées et complétées par 
MM°K Borel'et J. Drach..7...... ne 

VERONESE (Giuseppe). — Principes fondamentaux de la 


Géométrie à plusieurs dimensions (en allemand)... 
WiRriNGer (W.). — Untersuchungen über Thetafunc- 
LATTES SM PR EP RER 


Astronomie et Météorologie 


Bicourpax (G.). — Sur la mesure micrométrique des 
petites distances angulaires célestes et sur un 
moyen de perfectionner ce genre de mesures...... 


31 


LeiVerRier (U.). — Métallurgie... 1, ...44.. al 


Harr (Ph.). 
VisciceNus. (D-W.-F.). Astronomische  Chrono- 
OP STES  een dien ote ete STE RTE Es 


Thermodynamique, Mécanique générale 
et Mécanique appliquée 


ALgeir1G (M.) et Rocue (C.). — Traité des machines à 
VADEU ST A ARSS seau n tes ae ss Etes c ei 
Bôcaer (M.). — Sur les développements en séries dans 
LthéoNeduipo enter, tes TER RS SRE 
Bourcer (C.). — Traité des bicycles et bicyclettes, 
suivi d’une application à la construction des vélo- 


CRE) EVA A, PR rs 
Caspari (E.). — Les chronomètres de marine......... 
CHaLox (P.-F.). — Aïde-mémoire du mineur.......... 
CRoNEAU (A.). — Construction pratique des navires de 


guerre... CRT SE RE ER RE A  e * 
Degaixs_(A.). — Instructions pratiques sur lutilité et 
l'emploi des machines agricoles. I. Labours. IL. Se- 


mailles HP GR ÉCOLES SEP ser a rec he es 
Dexrer (J.). — Charpenterie métallique. Menuiserie en 
femet.Serrurernie, Tee mrnamm ee te ARRET RSR QUE 
Dupesour et CRONEAU. — Appareils accessoires des 
CHAUTÉTES AEVAHEUT ANS: EPS 
GREENKILL (A.-G.). — Traité sur l’Hydrostatique (en 
ARTS) EE ER ee ES nos TEE 
Mixez (P.). — Régularisation des moteurs des machines 
LCA 9 GC EE UP PAR EN RAR M RES 
PAINLEVÉ (Paul). — Mémoire sur la transformation des 
équations de la Dynamique............,........., 
ResaL (H.). —- Traité de Mécanique générale. I. Ciné- 


matique. Théorèmes généraux de la Mécanique. De 
l'équilibre et du mouvement des corps solides, 
II. Frottement. Équilibre intérieur. Élasticité. Hy- 
SA RRNRE Hydrody namique. Hydraulique RCE . 
RicHaRD (G.). -— Les moteurs à gaz et à pétrole en 1893 
OR RTE SET ner ondes nn CAR ce 
VaLuER (E.). — Balistique des nouvelles poudres..... 
Wirz (A.). — Les machines thermiques (à vapeur, à 
air chaud et à gaz tournants)...................... 


2° Sciences physiques. 


Physique 
ApperT (L.) et Hexrivaux (J.). — La Verrerie depuis 
vingt ANS.....,-.-:142 4e sers denerseee denses 
Bepezz (F.) et CREHORE (A.-C). — Étude analytique 
et graphique des courants alternatifs.............. 
BerruiEr (A.). — Manuel de Photochromie interféren- 
CU SRS R R ni cn DEA AE AS IE / 
BruxEL (G.). — La Photographie pour tous........... è 
Brunes (Bernard). — Cours élémentaire d’ Électricité, 
Cozsox (R.). — La perspective en Photographie. ..... 
Demarçay (E.). — Spectres électriques................ 
Du Bois (H.). — Magnetische Kreise, deren Theorie 
und Anwendung ...........2....#se.sssssene tele 5 
Dumourix (E.). — Les couleurs reproduites en Photo- 
graphie................... ERREURS . 
Earz (A.). — Lecons pratiques sur les mesures Shysk 
ques (en anglais} re ses eurent ‘ 
Esraunié (E.). — Les sources d'énergie électrique. 
Fourrtær (H.). — Les lumières artificielles en Photo- 
graphie...........................-.............. 
Fucus (Gotthold). — Guide pour la détermination du 


poids moléculaire par les méthodes cryoscopiques 
et ébulliscopiques de Beckmann (en allemand)... 


H Soury (J.). — Psychologie physiologique... us y 62 
D — ne TISSERAND(E.),— Jisranonne Sym a fe Lino 1380: 
FANS II. — BIBLIOGRAPHIE 


DES MARS Rec en Sen . 1020 


242 


S98 


898 


1 œ 
a À 


348 


984 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


1112 
Gérarp (Eric). — Mesures électriques................ 1102 LANDAUER (J.). — Analyse au Chalumeau, ie à 
GUERRONNAN (A.). — Dictionnaire synonymique fran- LE VERRIER (U.): — Cours de Métallurgie. Droféssé à de 30 F 
cais, allemand, anglais, italien et latin des mots l'École des mines de Saint-Etienne. Mélalurgie de 2e rl 
techniques et scientifiques employés en Photogra- Ja RONtE ss eee Re RER VAR 38 
phie 860 | Moon (Ed.-G.). — Stéréochimie.. 107 
H£Ex (P. de) et DweLsnauvers-DERY (F. Osrwazn (W. ee — Les bases scientifiques de Ja Chimie re 
comparative des isothermes observées par M. Ama- analytique (en allémand)......-...:......... ASE 
gat et des isothermes calculées par la formule de RENARD (A.). — Dictionnaire d'Analyse des Énbstentls nor 
1 AE RO ACTE TS Ann dBésace EC RES 243 organiques industrielles et commerciales... ....... 132 
Hexry (A.). — Etude expérimentale de la vaporisation Rey (J.). — The Increase in Weight of Tin and Lead 
dans les chaudières de locomotives faites dans les on calcination (6930) RM Va MERE 565 
ATBLOLSIQULP ELITE ME REPARER Etre 243 | SERRANT (E.).— Applications de la Chimie à PArt mil. 
La Baume-Piuvinez (A. de). — La théorie des Pro- taire modénne te UNS NO RINNEEAT EUR TEL 
CES IPHOIO PANNES EE ere RE ue ere 600 | Serres (L.). — Traité de Chimie avec la Notation ato- 
Lecros (Ct V.). — Description et usage d'un appareil mique. Métalloides, Métaux, Chimie organique... 899 
élémentaire de Photogrammétrie. ........ ........ 468 | SorEL (E.). — La Distilation:L : ee MR CNNREES Se 829 
MarécraL (H.). — L’ Éclairage AMPArIS EE 2 Mere 132 | C 
Mie (P,1. — L’Électricité appliquée à à la : marine..... 187 : : 
Morrau (G.}: — Étude industrielle des gites métalli- SERIE NDS NE TEE 
LODES PNR RAI 0000 EE PER JR 168 Géologie, Paléontologie, Hydrographie 
MuLLIN (A.). — Instructions pratiques pour produire 
des épreuves photographiques irréprochables...... 388 | BernarD (F.). — Eléments de Paléontologie, 2e par- 
NicuoLs (E.). — A laboratory manual of Physics and LEP RNOBANE aTaés Mine Tao do nn de D RUE MÉCD0S dne 2 900 
apphed#blectricityes rence meitie come ee #32 | GirarD (T.). — La Géographie littorale. ..........1... 949 
Perir (P.). — La Bière et l'Industrie de la Brasserie... 1102 | Hirscn (A.). — Comptes rendus des séances de la Com- 
Pioncon (M.-J.). — Electricité industrielle : Lecons mission permanente de l'Association géodésique 
sur les notions fondamentales relatives à l'étude ct internationale réunie à Innsbruck, du 5 au 10 sep- 
à la mesure de l'Énergie électrique................ 71 tembre 1894, suivis des Rapports sur les travaux géo- 
— Lecons sur les notions fondamentales relatives à désiques accomplis dans les différents pays pendant 
l'étude pratique des courants alternatifs. .... ..... 1102 lTELDIÉLE A TNERE ee Eee PTE 56% 
PorxcaRE (H.). — Les Oscillations électriques. Lecons MarreL (E.-A.). — Les Abimes. Les eaux souterraines, 
professées pendant le premier trimestre 1892-1893, les cavernes, les sources, la spéléologie..... M BoE 566 
rédigées par Ob IMAUriITe elec ere 983 | Viccars (E. de). — Statistique générale des richesses 
PResroN (Th.) — La théorie de la Chaleur (en an- minérales et métallurgiques de la France et des 
BTAIS) Te Te ete PL PR RUE AS APE Enr En 987 principaux Etats de l'Europe... 949 
Sorer (A.). — Cours théorique et pratique de Photo- É 
BLAP TE CUP PEER TEE EEE Eee eee 187 Botanique 
LROMESON ÉD pee anne EN ET ÉRSIECtrOEMEE BerraaucT (F. — Les Prairies. Prairies naturelles ; 
canique, traduit de l’anglais par E. Boistel........ 600 ; GS 
En CA) ee (Conte lélémentaolde ia ie de Prades Tales Cane e EU E EEE 168 
Physique ÿ ; 1058 BROILLIARD (Ch.). — Le traitement des Bois en France. 133 
Ts OR OMR SPL aire ti eu SET er tr Dexaree (Clément et Henri) — Manuel de Culture 
Chimie fourragère .............. nereereereereseesessessss 468 
É GasrTiNE (G.). — Sur la résistance au Phylloxera des 3 
Arreer (L.\ et Henrivaux (J.). — La Verrerie depuis Vignes américaines. Moyens de la mesurer........ 1SS 
vinetiansuec ocean OR AR Mot ... 389 | Grvpes (P.). — Chapters in modern Botany.......... 433 
ANDRIEU (P.). — Le Vin et les Vins de fruits......... 39 | GérarniN (L) et Guëpe (H.). — Botanique. Anatomie 
Arno (J.-O.). — Steel Works analysis............…. 826 et Physiologie végétales One dnsseesestesee 602 
Beauper (L.), Percer (H.) et SatzzaND (Ch.). — Traité Jacos pe Corpemoy (E.). — Flore de l'ile de la Réunion. 1103 
de la Fabrication du Sucre de betteraves et de LapzanouE (M.-C. de). — Dictionnaire iconographique 
CANNES AA. ANANUENC EL MEME CROP + 826 des Champignons supérieurs d'Europe, Algérie et 
BerrueLor (D.). — De l'Allotropie des corps simples.. 77 Tunisie.........;................. ssghess sed TT 
Brrry (E. de). — Fabrication de la Fonte. ............ 38 | Laveroe (G.). — Le Black-Rot et son traitement pra 
BourGoin (A.-E.). — Acides organiques à fonction com- Que... stress ins HARAS sors 2390 
plète"(29partie) Eee PE RTE 3$ | Maaxix (A.). — Les lacs du Jura : MAT ! 
Cross (C.-F.) et Bevan (E.-J.). — Cellulose, an Outline N° 1. Généralités sur la limnologie jurassienne. 
of the Chemistry of the structural Elements of No 2. Végétations des lacs du Jura suisse... 861 
Pléntss tue Muse ICE nt en Ee mr ae 601 —  Florule adventive des saules télards de la région 
ErarD (A.). — Les nouvelles théories chimiques... 1021 lyonnaise ..................:...... rorsrerereeeses 986 
Garçon (Jules). — La Pratique du Teinturier. I. Les Massarr. (J.). 5 La Rôcapitulation et l'Innovation en 
méthodes et les excès de Teinture. Le Succès en Embryologie végétale. Ontogénie de la plantule. 
Teinture. II. Le Matériel de Teinture.......... 98% Organogénie de la feuille............. Pet er 24 
GascarD (A): — Contribution à l'étude des gommes MicnoTre (E.). — Traité scientifique et industriel des 
laques des Indes et de Madagascsr................ 156 plantes textiles. Supplément au tome II : L’Ortie. 1059 
Guenez (E.). — Décoration céramique au feu de Pasr (C:). — Électricité agricole...:................. 366 
MOoufe re ee RO | tele DL ie lie EU N U 38 | Queva (Ch). — Recherches PRE NUS CAE 
Hazer (A). — L’Industrie chimique.,............... 7» pareil végétatif des Taccacées et des Dioscorées..…… :861 
Hern (A.). — Les Alcaloïdes de l'Opium...... ....... 187 Ve es ARS ; i * 
Her (G.). — Grandzüge der Mathematischen Chemie. 349 Zoologie, Anatomie et Physiologie de l'Homme 
Hixricus (G.-D.). — The Elements of Atom-Mechanics. CHARS 
1er volume : The true atomic Weights of the Che- Augerr (E.). — Histoire naturelle dés tres vivants. 
mical Elements and the Unity of Matter RE NE a 756 I. Anatomie et Physiologie animales et végétales. 
Howe (H.-M.). — La Métallurgigde l’ TO ESS Do 35 II. Reproduction chez les animaux et compléments. 
Isrrart, — Cours élémentaire de Chimie, rédigé con- Classifications zoologiques et botaniques.......... 1060 
formément à la nouvelle Nomenclature proposée Bareson (W.). — Materials for the study of Va riation 
par le Congrès de Genève................. Edo . 065 treated with especial regard to discontinuity in the 
Jacquer (Louis). — Fabrication des eaux-de-vie....... 565 ONIPIN OFFSPOCIÉS =. cree PNR 10 DE 11 


sep ere crmipeeesee Ares .. 433 
AG Je A que du milieu, sur lès animaux.. 188 
LENBERGER (Dr WW.) et BauM (H.). — Anatomie des- 
criptivé et me du Chien...... re ee CR AS 
AUSSE (G.). — L'Anatomie philosophique et ses di- 
visions, précédée d’un essai de classification métho- 
dique des Sciences anatomiques............ : 1103 
“yan). — Le système nerveux le 
Asa SEA OS OCR DOI RL EE UE bi) 
Dre De l'origine du Pathétique et de la racine supé- 
 rieure du Trijumeau. RÉDSEEN PEr I CAPI EUS tee 985 
E N(A.). — Les microorganismes de la fermen- 
| LE op RE CRE TEE AUSE P SERRE OP SE .+ 566 
|  Meunter (VAGLOD) Ne Sélection et perfectionnement 
D animal. FHCO SRE SETÉSASOHET AE sara meet 
» Parowx (Corrado). — l'Hdeinihulogie italienne 
depuis ses premiers temps jusqu’à 1890 (en 
italien)... . RAUAXT DA PANIERS PE RSC ... 188 
PAULHAN (Er). — Les Caractères.........2...,,.... .. 520 
D NE Introduction à l’étude des Mollus- 
û TARN LA RD TNT DE DR UE fee ads d'A DA 
PLaNcHoN (L) |. — Produits fournis à la matière médi- 
…. ,, cale par la famille des Apocynées....... SERBIE RAS 
- Ricner (Ch.). — Trayaux de laboratoire : 
I. Système nerveux. Chaleur animale. 
II. Chimie physiologique. Toxicologie. 
III. Chloralose. Sérothérapie. Tuberculose. Dé- 
fense de l'organisme... ER MT OR nn en LE) 
- Sacus (H.). — La substance blanche des Hémisphères ñ 
du cerveau humain. 
MelobenLnia le Reese sde eere-tosaue NE BEF) 
Trouessartr (E.-L.). — Les Parasites des habitations 
humaines et des denrées alimentaires et commer- 
ciales-. PO En Ste GR Ua 1103 
4° Sciences médicales 
Chirurgie, Gynécologie, Ophtalmologie 
Augeau (Dr). — Applications de la Micrograplie et de la 
- Bactériologie à la précision du Diagnostic chirur- 
ICE RO TOR Lo nn oRe BHO ME TO Mn JAP 134 
Bauprox (Dr E.). — De l'Hystérectomie vaginale ap- 
pliquée au traitément chirurgical des lésions bila- 
térales des annexes de l’utérus..... SA TAB RSA 19 
HarTMANN (H.) et Quénu (E.). — Chirurgie du Rec- 
Oo PE SP Ge e ERA PTE 567 
Morax (V.). — Recherches bactériologiques sur l'étio- 
logie des conjonctivites aiguës et sur l’asepsie dans 
la “chirurgie oculaire. ...... LS TR MAT ÉTO 603 
Oruxr (L.). — Régénération des 0 os s et Résections sous- 
DÉRIOSTPBS Ne rentree séance F0 dE St MER: 
PÉAN. — Lecons de Clinique chirurgicale professées à 
l'Hôpital Saint-Louis pendant les années 1889 et 
LEE ob oten re oo n eo done bond 902 
Reczus (Dr P.) — Ciiniques chirurgicales de la Pitié.. +134 
— "La Cocaine en Chirurgie................ ete te 950 


Médecine, Hygiène et Microbiologie médicale 


 AUBEAU (Dr). — Applications de la Micrographie et de 
la Bactériologie à la précision du Diagnostic chi- 
rurpicalit-" 3.200. CETTE CPE RIM ENTER 
Bérexcer-Féraun. — Lecons cliniques sur les Tænias 
ded'Hommenirctré le. NTI eR es ent SPA : 
BerrranD (L.-E.) et Foxrax (J.). — Traité médico-chi- 
rurgical de l'Hépatite suppurée des pays chauds. 
Grands abcës du:foie...:..... RO ERA. ae 
Broca (L.) et Jacquer (L:). — Précis élémentaire de 
Dermatologie. III. Dermatoses microbiennes. Néo- 
DCR SSI RENE ORNE 0 
Crarcor, Boucnarp et Brissaup. — Traité de méde- 
Cine OMIS. Rs LES Eee AUS aa En LES En ed 


Déserine (J.) et Déverine -KiumPrxe (Mme). — Anatomie 
des Centres nerveux. I. Méthodes générales d’é- 
tude. Embryogénie. Histogenèse et Histologie. Ana- 


134 


19 


391 


603 


288 


1113 
tomie du cerveau..." BP COIN 0 ue . 1103 
DemeziN (D'). — La mort apparente du nouveau-né... 902 
DryeponDr (D° G.): — Guide pratique et médical du 
Voyageur.au Congo......:...1. re SIC 522 
Dupuy (E.). — Cours de pharmacie, t. II, Pharmacie 
Chimique. 1tr fascicule : Médicaments chimiques 
appartenant à la Chimic minérale,......... Héron 008 
Frarau (Dr E.). — Atlas du cerveau humain et du tra- 
jet des fibres nerveuses à l’usage des médecins et 
elnHantsienmedecine nd ertias er ME eue Éd 758 
FLecasic (D: P.). — Gehirn und Sccle.......:...4... 190 
Gazippe (V.) et Barré (G.). — Le Pain. I Physiolo- 
gie, Composition, Hygiène. 11. Technologie, Pains 
divers MALÉLATONS. FLE RUES ENS Te LRU 1060 
Garnier (Dr L.). — Chimie médicale. Corps miné- 
TAUX. COTPS OLDANIQUESS reel ME eee ner 950 
GRASSET (H.). — Etude sur le Muguets................ 4 
Harrezius (T.-J.). — Traitement des maladies par la 
Gymnastique SUÉdOISeA Rte Ce ... 158 
HarTmanx (H.j et Morax (V.).— Note sur la Péritonite 
aiguë généralisée aseptique. Quelques considéra- 
tions sur la Bactériologie des suppurations péri- 
MÉTIER Ce ec re tele Jante 1392 
Lay (H.). — La Syphilis des Centres nerveux........ 950 
Laurenr (E.). — Le Nicotinisme. Etude de Psychologie: 
pathol0oiqQueeEr- FA Sen i-C2OE 41 
— Les Bisexués : Gynécomastes et Hermaphro- 
dites 2e meet re IE cle neue 1023 
Leruzze (Dr M.). — Pus et Suppuration.............. 245 
Lorrer et VIALLETON. — Etude sur le Bilharzia hæmato- 
bia etila Bilharzose re ere Ier 158 
Lxox (G.). — Traité élémentaire de Clinique thérapeu- 
HUE 2e Aeu teen HVoeiE - dpi 1104 
Marrax (D'). — La Péritonite tuberculeuse chez les en- 
ET RE NS C0 na EU PGO Cp EE re 189 
Mesxer (Dr E.). — Le Somnambulisme provoqué et la 
Fascination eee ere RAT de Te ie .. 986 
Miquez (P.).— De la désinfection des poussières sèches 
des appartements au moyen de substances gazeuses 
RS EEE PE NET NS SRE re 3 901 
Moussous (A.).— Maladies congénitales du Cœur...... 758 
Nicoras (Dr A.). — Manuel d'Hygiène coloniale........ 159 
Nocarp (Ed.). — Les Tuberculoses animales; leurs 
rapports à avec la Tuberculose humaine............ 434 
Nocarp (Ed.) et LecLaixone (E.). — Les maladies mi- 
crobiennes des animaux.. ....... er cr PT ES 1061 
Pasteur (L.). — Publication de ses œuvres See 
Sr ir crraneulres leo ve oote LODEL) 869 
ReNTERGHEM (A.-W. van) et EEpeN' (F.van): — /Psy- 
chothérapiesu.1s...... rar . ui. saeinaunn te, ad. 828 
Sicaup (D: C.). — Traité des troubles fonctionnels mé: 
caniques de l'appareil digestif. Evolution naturelle 
de la dyspepsie 432244 4,4 01 miens trie 0. 5 469 
Sourrer (Henri). — Traité de Thérapeutique et de Phar- 
macologie, suivi d’un Memento formulaire des mé- 
dicaments nouveaux. ...... RNA MECS ER LEO UE 301 
Viau (G.). — Formulaire pratique pour les maladies de 
la bouche et des dents, suivi du Manuel opératoire 
de l'anesthésie par la cocaïne en chirurgie den- i 
tainer 1. mime RU Al ve del) 20390 
Werniore (C.) — Arbeiten aus der psychiatrischen 
Klinik in Breslau, HeftiIl...., 4.1. Léna 862 
Wurrz (R.). — Précis de Bactériologie clinique.:. 522 
5° Sciences diverses. 
BeaureGarD (H.). — Nos bêtes. Animaux utiles et nui- 
CH MR RS ET Sue 522, 640, 758 et, 950 
Biner (A.). — Psychologie des. grands calculateurs et 
joueurs d’échecs.....:.......... PISE : TT ba «1 289 
Granre ExcycLopénte (La). — Inventaire raisonné des 
Sciences, Lettres et Arts, 5050 et 506 livraisons... 
50e et HS IVraisONnS ect cran arte ro 0: 00 “ 
— 5090, 3106 et 5112,LyraisOnS.;...2,.- 1.1. rime 134 
= HlOoset pla DVraISONS.. a RE th ot 02110 - 190 
— Dlke eti510 LVrAISONSE Re dE het 245 


EN 6 


tits ABLE ANAËVTIQUET DES ENS 
= 516€ et 5110 livraisONS..... see semmmereccees 900!| Cure (P.).:— Propriétés magnétiques LAURE On 207 
— 518e et 519 livraisons 32! Yerses TEMPÉrALUTES Lee UE EU o Fete 09 
æ 520° et 521° livraisons 392! | Érarx (Li). Contribution à l'étude de vhs aptes 
p—10222 et 5H230iYTa1S0NnS 2. - niet: 434 | ESNDIDASIQUES Er etee EPS ROC EE io 1022 
Ft92%0 et 595 livrAisSOns-r cree ere ect ….. 469! |"FavoLrar  (J:). : Recherches sur ae dérivés à 
115260 et 5218 VT01SONS..----n-ree--=se-e--e..ere 522, | tartriques on structure dissymétrique.S=l£ ..... a NO 
Op 5288 et DOM ILVTaISONS EEE ER -eRr----ePeee 567 | Goavuez (M.-H.): — Contribution ä l'étude des arséniates 
HE HJ0 Mel DIE IVTASONS 2 E-e---cHR-----eree 603 et des ‘antimoniates cristallisés prépare par voie 
FÉNOOLONIVTAISOIS ee ee een eee e-Eee 640 humide etc. RE Cu RE ci do QU HAT 
tr 533e et 534c livraisons ........ ...:.. DB DH0 donc 863, |: Gramoxr (Arnaud de). — PR directe des 
fe DDOINTAISON: 22» san cu eee eee rte 950 minéraut: see OURS CREER 1021 
OS 0 INT ISO eee Ce eee 987 | Houzrevraue (L.).— De l'influence de l’aifnantation sur 
KŒNIGLISCHE (GESELLSCHAFT DER Ne ISSENSCHAFTEN de les phénomènes thermoélectriques... {il ........ 7. 899 
Güttingnepiszd 4h.nonse à AE Cou ndo 135 | LaveniR (P.). — Sur les variations des propriétés op- 
Lousroso (Cesare). — S Rratee te ‘falien). can LP tiques dans les métanges de sels isombrphes..... 388$ 
- MaLvEzIN (P.). — Notes sur l’Ortografe simplifiée. :. 2 1020 | Limp (C.). — Essai sur la préparation der mé- 

. Prévize (A. de). — Les Sociétés africaines. Leur ori- tallique : 94S 
gine, leur évolution, leur/avenir.i....l........7. 352 — Mesure directe des Forces électromotricés en unités 
 ReBièRE (A.). — Les Femmes dans la Science... 7. 190 absolues électromagnétiques......... RD —.. 1059 

Marie (T.). — Recherches sur les acides 'céfotique rot 
Re MÉHESIAUE RER eee A DEN Te 899 
PerREau (E.).-— Étude expérimentale della Dispersion 
THÈSES POUR LE DOCTORAT PRÉSENTÉES A LA FACULTÉ. et de la Réfraction desipaz en eedeente 1021 
ENCRES TE S - Pere 
DES SCIENCES DE PARIS (1894 1895) ET ANALYSÉES 55 sciences maturelis E 
DANS LA REVUE EN 1895 
Bixer (A.). — Contribution à l’étude du système ner- 
5 : , : veux sous-intestinal des Insectesik...4.........…. 900 
1 SOS PENSE SET Borpas (H.). — Rp glandulaires des Hyménop- 
BorEL (E.). — Sur quelques points de la théorie des téres.…... 9 LENTIPET |P JB ALL ABASE "0. 0. 639 
FONCUONSE ME ete Te ae ane ee none à eme seat 637! | CauLzLeryx (M). — Contabutiont à l'étude des Ascidies 
CAHEN (E.). — Sur la fonction £(s) de Riemann et sur COMPDSÉES EE Te eee ee rene et EAN AE 919 
dus) fonGtions AnalONUES a eee eo-s eee 364 | Fauror (L.). — Étude sur l'anatomie, l’histologie et le 
€arTan (E.). — Sur la structure des groupes de trans- développement des Actinies........... DR TO UD 757 
formations finis/ebtontinus,f..2.25- et. stosm 431 | Gain (E.). — Recherches sur le rôle phy te de 
Cousin (P.). — Sur les fonctions de nr variables com- lEanndans#lasVéeétations ner torche here 1022 
DICxES Et uen ON nee co eee ete le ie 1058 | Jacor ne Corpemoy (4. ). — Récherches sur les Mono- 
: DELEMER (J.). — Sur le mouvement varié de l’eau dans cotylédones à accroissement secondaire........... . 1059 
les tubes capillaires cylindriques évasés à leur en- Jamues (L.). — Recherches sur l'organisation et le dé- 
tirée et sur l'établissement du régime uniforme dans veloppement des Nématodes.......,........ DATE L 602 
CES MUDESS enr ieerese nero CARE ; 947 | Lornerter (A.). — Recherches anatomiques sur les 
Licour (E.).— Sur des fonctions d'un point analytique épines et les aiguillons des Plantes. Influence de 
à multiplicateurs exponentiels ou à périodes ration- l’état hygrométrique et de l'éclairement sur les tiges 
Dee Reese enr ae DAC LR 387 et les feuilles des Plantes à piquants.............. 985 
Du D2u _ Du - Marmier (L.). — Sur la Toxine charbonneuse........ 1023 
— Sur l'équation de la chaleur — Sr TT 387 | Mesnarp (E.). — Recherches sur la formation des 
E. 4 Ge huiles grasses et des huiles essentielles dans les 
ELIEUVRE (M). — Sur les surfaces à génératrices ra- CA EUR Tip Edo ce dau Aou S 00 Jon 10 DEEE 24% 
L Sr tes 1 Mes l 2 “E OS R ET nn 1101! | Mwsniz (E.). — Sur le mode de résistance des Verté- 
ES AQÈr LP PSE) HAUEEREMUEE (ES RSS dre brés inférieurs aux invasions microbiennes artifi- 
néairés aux dérivées partiélles du second ordre à CITES = eee rer here Apececieieue tee TRI 5 640 
on MR ea FR PE NEER 286 | Nunras (B. de). — Recherches histologiques el organo- 
pers 10. b leptiques sur les centres nerveux des Gastéro- 
tales dans la théorie des formes quadratiques et de ddes . 826 
la multiplication complexe d’après Kronecker. 286 Re Le (SANS Contribution CN te ee EE 
morphologie de l'armure génitale des Insectes..... 562 
2° Sciences physiques (Physique et Chimie). Poimaucr (G.). — Recherches anatomiques sur les 
Crypioramesivasculaires- 2216 ---- tCecMee-tre 520 
Barraz (E.). — Recherches sur quelques dérivés sur- Rapais (M.). — Contribution à l'étude de l'anatomie 
chlorés du phénol et du benzëne......7......,.... 860 comparée du fruit des Conifères....,....1......,. 789 
CamicneL (Ch.). — Etude expérimentale sur l'absorption Tuirier (A.). — Recherches géologiques sur le Lias de 
dénladumiérémmarles cristaut ce: rene 860 la bordure sud-ouest du Massif ardennais.......... 1022 
UT. — ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 
Académie des Sciences de Paris Séances des 28 janvier re ELA 191 
— # février NEED DEN ea 192 
Séances des 10 décembre ARE 100 T0 42 — 11 — Te CIO 193 
— 17-24 = Re RC ee 43 — 18-25 — MP MAS CURE DUB à LD 216 
= su EL EEE 80 -— 4 mars RP PORT 291 
— 1 janvier IRON RS st sl — 11 — RE OR LM LT 292 
= 14 = abs 20 135 — 18 — = res cette 353 
— 21 = eee 136 — 25 — RENE Eee 304 


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RE 20-2%upi ST % 


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Ge MOIS Si 799 

— 15 760 

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=... .eoda moe 2t5 NS SET TA ESS 193 

em murs poaoût RENE RS EE OA 829 

.—. .. 19-26 — Se ETS alt 864 

2uu nu 2259, septembre PT A NE TA 903 

bEUL .— J 16 — ENT EE TS 904 

nn: 28-30 — ERA PAR ES 951 

PUB. — +. 1-14. octobre RE ES 988 

noc1902i( 21 GE A ces ee fe EN epimp ts 989 

ON — 28 — ER ET ET ra 1024 

= 4 novembre RE Es 1025 

== Étlart5s En ee Le voie Te 1026 

— 18 — y se A nn te 1062 

= 25 — RM) 2e def def 1063 

ne. — 2 décembre aNeni-222n2 sg 1105 
VE Académie de Médecine z 

Séances des 18-26 décembre ASE Eee 44 

_ 8-15 janvier AO RE TE a sl 

— 22-29 — NS PRES PR 137 

— 5-12 février Re PE OS It 194 

— 19-26 _— 7 ca 0 mel CHAT 248 

— 5-12 mars A cn me 293 

— 19-26 — nn SR DE Po ter 305 

— 2 avril TE 355 

— 9-16 _— Me EE 394 

— 16-23 — ORNE PEN IN SELRS ER 437 

— 1-14 mai ET tone GR #71 

— 21 — ne Mapa men à ANS 524 

ee 28 _ Tama to cle 525 

— 4,2, juin Re 569 

— il _— RE 20 pen 510 

— 18-25 — RAR RE ere 606 

_ 2-9 juillet ROSES PTT: 64# 

— 16-23 — NE Dream are 761 

= 30 -- or SANS ER 194 

—  6-13-20 aout = PA een 830 

— 27 — D douar e ete pepe à 865 

— 3-10 septembre Te re 865 

— 11 — Se he Pelonenleu fans 904 

— 24 — PS RS ÉRARES 951 

— {er-8 octobre DNS 951 

— 15 — RER NES 990 

— 22 — ER SL ea lee Sat 991 

— 20 — NP R RENE TRE 1027 

_ 5-42 novembre RP AN ESS UE 1027 

— 19-26 — EE ee Ac Re 1064 

_ 3-10 décembre A a Name SO AUS PRO 1106 

Société de Biologie 

Séances des 15-22 décembre ADS et uses er tee 44 

— 29 — = ne sd sue Me Sels 82 

— 42 janvier 1 LEE IR DES Où TE PSV O5 82 

— 19-26 — = Re 137 

: 2-9 février Or ee de. : 194 

— 17-23 — RL ME CT ENS 248 

— 2-9 mars MO EE 293 

-- 16-23 - — bn. rage EU 355 

— 30 — On LP MO 356 

_ 6 avril — onde Me AC 39% 

= 21 — UT - DS 437 

— 4-11 mai —— Mae lie de Mac noie 472 


2TABLE/, ANALYTIQUE, DES/MATIÈRES 


,| Séances des 18-25 


SON TATES juin 
— 15-22 — 


— 6 ‘juillet 
— 13-20 — 
BA 97 ue 

= 19 octobre 


— ‘2 novembre 


= 16-23 — 
É 30 + 


Société française de Physique 


Séances des 1 décembre TT SRE ARE _ 144 
_ 21 —= DE RON OT RS Vo aie <32 

_ ÿ janvier REPRISE BEN TE 83 

— 18 — ET OS CE 138 

— 1er février ee nee helene 194 

DE 15 — ER A Ne 293 

—_ ler mars RAS Rome neo 356 

— 19 _— ER DE ES Et 394 

_ 5 avril ES ERA UC 437 

— 47-194 7 — A0. 240% 5102. 240 525 

= 3 mai REA AE RTE 0 370 

— 17 — TR EE 606 

_ si juin Ron ob eent 645 

— 21 — PAPA VA de dent 761 

— 5 | juillet ne CD Fo LE) 

— 19 _ LR RE 330 

— 15 novembre Re DE CU 1064 

Société Chimique de Paris 

Séances des 5 décembre 1898. RIRE ION 46 
— 14 — SE NET es tohle VIE 138 

— A4 - janvier 1895... CRC 139 

pe 95 — PES AN ARTE 294 

— 6-8-22 février EME IUTRE PAM AN 357 

— 6-8 mars CELEER ES Eu ON STAR EE ERES NA 395 

— 22 — por RS QUE 435 

— 26 avril ES RG re ele ANTO 412 

— 4er mai TEA IUEREER TEL: D'OPETE EE AN 526 

— 10 — he vrere teen D OUT 571 

— 2% — Re DOTE I TEE 646 

— 5-14 juin EE ASE TT Tu 646 

— 28 — SG ere ASS VOTE 196 

— 3-12 juillet RER AT ER 196 
Communieations 1 lee nosns antenne pare 865 
Séances des 8 novembre RCE PRO SET 1027 
— 22 — RENE RES 1107 

Société Mathématique de France 

Séances des 19. décembre 18Maoustrilunr si 46 
— 23 janvier RENE Sonore rte 198 

= 6 février EE ar te ait TE 195 
_— 20 —  inortobsno der 249 : 

_— 6 mars nice e ie de ele lpe ele BI 294 

= 20 — PR SR RE FE 396 

Æ 3 avril PR AUS 2 NN O NT EU 396 

— 15 mai SR ATEN API ENT 526 

Société Philomathique de Paris 

Séances des 9-22 décembre Rnousdoneten rt 46 
-- 42 janvier RERO en dede à 84 

= 26 — Pa CE LI OO DOE 11! 249 

_ 9-23 février ae een 249 

= If mai RS MS EM PNR 526 

= 22,, juin ACTE CE APRES 646 

= 43 juillet NE Eee ed 762 

LE 9-23 novembre Esp. NE. RRQ 1066 

Société Royale de Londres 

COMMUNCAHONSE em LE dass ece de -hhhenes LG 
ER. TE ST SE CE PETER TE USE 


1116 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES, 


Commun allons serrer eee e eee Men ee e te 195 Séance du ( 


EC CO OO OO On de one 2491 |= Communications en. PE ET ER ER EN SR 
= 0 ER ee TE OA TT 295 — 2 
M RE AE ME ee CRE 396 AAC Re 4 
Re oo imite don douacooe dUCe cost 413 | Séance du T novembre HÉÉERRETTSS COCb Lee VIORT 
EE CRT CL RL em PC M 526 ; "es 7 
= LT Si EP RÉ GENEEUR 0 2 OPITEU 571 Société Royale d'Edimbourg 
RE Rte AL Rat à 647 PRES 
Re 163 Séances des 21 novembre ASE RTC S6 
FN ES Bi LEURS Ne 1e SIT PCs PAS 866 -— 3 décembre RS Pr 86 
æ NS UND de Æ 1 gs IR ÆCPRARE V1) 
= cs ET RRe Er DAS Ci Ne FRS 932 — T janvier ARÔBE LEE rec t 140 
ROMENR Se Meet PT I CONSEILS ggy|: Communigations "ER ee 474 
ARE AR EC LRO. À 3 Séance du 17 avril ABS. eme -e0 ee DS 
Société d "si TE È c 
CLP ERREUR Académie des Sciences de Vienne 
SOTMUDILSANONSAANET AMI NUE NE MARINE ce ET Séances des 29 novembre 4894...... .......... 48 
FE MU Aie Acte ae os DÉC ENS ENe" SE — 8: décembre Let LC ES 48 
Séances des A1 janvier RÉF ES ad es dot 196 | Communications............:...... DT TRUE r 0 Mb 140 
i 2: Car AN AN ERA 251 Séances des 18 janvier 1895... 197 
— S février St Ten BA ie 251 ue 9 Le - à je 952 
_— S-92 inars CEE TT n399 arS 7 évier ER Rene 239 
CoMmMMICANONSES SLR de meer ee nee 866 LH 14-20 = a ? D 90 
AS nuresessssesesseesreseeessesssene .. 1066 ae q Are RE ARR Ne 2 338 
Séances des 25 octobre LOGE Enr ele Cire 1066 ee 14-21 LE otre ; 239 
a SRE EEE ET 4 M0 = 10-17 octobre SEAR he 1028 
COMMUNICATIONS EME EEE PER PE ET . 1108 
Société de Chimie de Londres Séances des 24 octobre 10 RÉ 20e 1108 
Si ARTE — 7-14 novembre Re Up RE 1108 
COMMUNICATIONS eee ere ce eree mrreer ce 41 
CR AE OU Rp CPR E EE EST CR 3 a Académie des Sciences d'Amsterdam 
ER ANRT qe ACCRA RE em On 252 | Séances des 29 décembre SO ee 86 
Séances des 21 février ANDRE CE re 20 — 26 janvier ASIE ER RU 197 
— 1 mars D NE . 38 — 23 février RE RE . 295 
— 21 — Te O0 A LC — 30 mars fasse cran 400 
— 21 (QUO) nee e RO VTE — 18 avril PSE energies 474 
— 27 — Ne ER OS PR A GPA — 25 mai AA TT CS 648 
= 23 avril SR 2 PuS01 | MCOMMUNICALONSR RER EE ee A EE EE re 867 
— 2 mai RS TB de 572 — De eee ee OR LEE L'ÉREEe 907 
GOMIMUDICAIONS 22e PLU re M cer ep eee 607 | Séances des 28 septembre 18m: Mae 992 
A eo one sen NEC Pot LA PAS Be Ro 647 — 26 octobre RO OS 1067 
IV. — CHRONIQUES 
Laurent (Achille), — L'empoisonnement des rivières — L'unification des méthodes d'analyse dans les tran- 
CHÉANSIPANOME LEA EME ee pere 439 SACHONSIALIAASNCTETICe ee eee CE De RCE 908 
Orivier (L.). — L'Argon et le système des éléments... 199 
V. — CONGRES 
Les travaux de l'Association francaise pour l’Avance- hinpton)2r mea ner PCR Dee 24% 
ment des Sciences au Congrès de Caen............ 159 | Congrès des Sociétés d'instruction populaire.......:... 797 
Congrès géologique international (session de Was- Le Congrès des Naval Archilects à Paris en juin 1895. 816 
VI. — CORRESPONDANCE 
Sur l'action physiologique des courants de grande fré- | Schmidt (lettre de M. Dwelshauvers-Dery)......... 832 
quence {lettroide MS. Leduc)... 4... 81 | Sur les expériences de Hannay et Hogarth citées dans 
Sur l'Enseignement chimique en France (lettre de M. Ch. | la Revue du 30 août 1895 (lettre de M. P. Margue- 
1 ET RE TR rein AE dot 358 | rite-Delacharlonny)e--#-"#7-"""tr0 errant 106$ 
| 


Sur un parallèle établi entre les machines Allis et 


“0b-9008 745) 


Lens iqu pente 
LE 


VI — NOTICES S NÉCROLOGIQUES 


F3 


Ut se (0 
EE TA 


PE PNEE De 


nue DIVERS 


ser 


Hommage à la mémoire de MRachenly. Ahomiea tr 1029 : 
Le monde mécanique et le monde énergétique. ....... 1030 


TABLE ALPHABETIQUE DES AUTEURS nee Her 


A: L., 110%. 

Abadie (Ch.), 761. 
Abadie (Dr), 991. 
Abbadie (d’), 243, 291, 951. 
Abelous, #4, #72, 606. 
Abney (capitaine), 251. 
Abraham, 393, 437. 
Adam.(A.), 565. 
Adam (P.), 989, 1105. 
Adamkiewicz, 761. 
Agassiz, 435. 

Aignan, 393. 


Alberda van Ekenstein (voir Ekens- 


tein). 
Albert Ier de Monaco, 81. 
Alheilig (M.), 898. 
Alvernhe (Dr), 392, 52: 
Amagat (E.-H.), 291, 
Amaral (A.-P. do), 64. 
Ambassade impériale de Russie, 81. 
Anderson, 251. 
Andouard, 42, 193, 195. 
. Andrade, 43, 353, 605, 989. 
André (D.), 193,.249,,393,,396, 526. 
Andreasch (R.), 197. 
Andrée (J.-A.), 604. 
Andrée (S.-M.), 470. 
Andrews (E.-R.), 547. 
Andrieu (P.), 39. 
Angot (A.), 1024. 
Apostoli, 354, 355 
Appell ( Re 387, 519. 
Appert,.(L,), 389. 
Appleyard, "867, 1066. 
Archdeacon, 861. 
Arctowski, 159. 
Argyll (duc d’), 474. 
Arloing, 510. 
Armstrong 
Armstrong 
Arnaudeau, 192, 523. 
Arnold.(J.-0.), 826. 
Arnoux, 83, D 
Arsonval ca 
Artaud, 293, 
Arth, 139. 
Arthaud, 1107. 
Arthus, 1027. 
Aston (E.) ), 648. 
Astre (Ch.), 355, 4170830, 
Athanasiu, 645, 1064. 
Attems (Carl), 1#0. 
Aubeau (Dr), 13#. 
Aubert (E.), 1060. 
Auché, 82. 
Audain (Dr), 994. 
Auger, 412. 
Auric, 1105. 
Ausché, #4. 
Auscher, 525. 
Ausset, 138, 


; 390,,010, 645, 760. 


989, 990. 


1 Les noms)imprimés ‘en, caractères gras 
sont ceux des auteurs des articles origmaux, 
Les chiffres gras reportent à ces articles. 


OITI4AHALA 


LI AT 


Autonne (L.), 37, 131, 186, 242, 

131, 637, 947, 1026, 1058, 4101: ) 
Ayrton, 85, 251. #5) 
Azam, 761. 


Azoulay, 4454194. LES 1! 3o1fu6) 


B ) 


Babes (V.), 81, 137:2248,:1945:830! 
Babinski, 1064. 49 
Bach, 44. \ { 


Bachmann (P.), 242. -1169 


Bachmetjew, 295. 

Backer (Dr), 82 

Backlund, 6%1. 

Baclé (L.), 1062. 

Baczewski, 1028. 

Baeyer!(A. de), 989. 

Baïlhache, 1026. 

Baillaud, 354. 

Baïllon, 185, 192 «3 

Baker (J.-L.), 252, 831. 

Bakhuis Roozeboom, 87, 400: 

Bakhuysen (voir van de SandetBakhuy- 
sen). 

Balitrand,495.0- ” 

Bailand, 291, 354,436, 643, 865,990, 
1063. 

Baly, 399. 

Bandsept, 1064. 


, 

Barbey, 568. 
Barbier, 760. 
Barbier (L.), 605. 
Barbier (P he ), 642. 
Bardes, 241. 

Bardey (Dr E.), 825. 
Barnett (R.-E.), 572. 
Barral (E.), 860. 

Barré (G.), 1060. 

Barré (L:), 490. 

Barillé, 81. 

Barthe, 139. 

Basin: (A.),:433. ii 
Basso, 829. 

Bateson (W.), 77. 

Battandier, 1925-6035, 

Baubigny, 396. 

Baudron (Dr I.), 79. 

Baum (Dr H.), 133. 

Baux, 353, 

Bayle, 400. 

Beadle, 295. 

Beattie, 140. 

Beaudet (L.), 826. 

Beauregard (H.), 522, 640, 158, S43% 

à 855, 950, 1061, 1107, 
Béchamp, 139, 1107. 
Becke, 295. 

Becker, 992, 

Bedell (F.), 788. 

Bedford, 1061. 

Bedson (Philipps), 867. 

Béhal, 411, 472, 569, 646, 193:1194,1.196 

865, 951. 

Behrens (Th.-H.), 868. 
Beilth (Donald), 140. 
Bellairs, 648. 


UT-.H) srsfod 
ous rsilo 
T4 ,(.A) sono 
À=-N) sn04 
+00 401 (snmoë 

ANSE TS 
) 1908 


Td0l ., 


Ort ,TE0t ,STA (4) s9iano4 
.B6I ,.L) 064 | 
Belliard, 568. £ER PSSPIOE | 
Bemmelen EE 6,0 ,26b104 
Bemmelen (W. van), 992: -H} esbroë 
Benech, 1106. 319 ,IT? ,oibrod 
Benischke, 48. bc Iorod 
Bentleyil85,1358,106 681 ,1& [of 


b13104 


Berdal, 355. 


Bérenger-Féraud, 19. LE? ,(0110)-45z0€ 
Berg, 193, OUT LT) sdszzot 


Ber ger (P: 137, 355, 1027222 ,bisdomod 
Bergeron. 161, 1106. - CùÜ sbrsdouoë 
Bergonié, 248. dossdonofl 
Bergson, 290. l busuobuoëd 
Berlemont, 646. 08 


Ffyoél 
Berlioz, 354, 355. E 08 «sisauod 
Bernard (Félix), 900, 990. sdli0o 
Bernardières (de), 1026. er fu 


Berrubé, 136. 

Berry (R.), 140. 

Berthault, 355, 468. 

Berthelot (D.),17, 436, 606, 607: a 

Berthelot (M.), 243,1136, 193,,246,- 2921) 
353, 9354, 436, 524, 1568.61; 
989, 1028. 

Berthier (A.), 565. 

Berthold Jeïteles, 440. 

Berthon, 188$. 

Bertillon (J.), 355, 1106. 

Bertrand (D'), 394. 

Bertrand (E.-C.), 1063. 11% 1p$14 

Bertrand (G.), 42, 136, 139,:192,:3517, 
606, 160, 761, 79%, 796, 1062, 1063. 

Bertrand (J.), 43, 136, 246, 292, 604: 

Bertrand (L.), 760. É 

Bertrand®(L.-E.), 391. nicol{irit 

Bertrand de Fontviolant, 4025. ©4142 

Besancon, 42, 82, 951. 

Besson (A.), 191, 760. 

Beudon, 193, 470, 1105. : 

Bevan (E.-J.), 295, 601. ë 

Bevan (L.), 48. 

Bevyerinck, 908. 

Biarnès, 44. 

Bierens de Hahn (D.), 904, 992. 

Bictrix, 46, 249. 

Bigot (A.), 469 ct 430, 251. 

Bigourdan (G.), 523, 755, 1020. 

Billy (E. de), 38, 564. 

Binet (A.), 289, 193; 900. 

Bioche (Ch.), 46, 84, 195, 249, 
646, 762, 1066. 

Birkeland, 524, 

Blache (R.), 830, 1027 

Blackman, 250. 

Blaise, 646, 194, 796, S65. 

Blanc, 81. 

Blanchard (Em. hi 471, 523, 051,988 

Blanchard (R.), 79, 189, 471. 

Blaschke (E) dos 

Bleicher, 355, 568. 

Bloch (M.), 1021. 

Blondel (A.), 193, 292. 

3ôcher (M.), 348. 

Bœkel, 19%. 

Boinet, 606, 645. 

Boissieu (de), #72. 

Boistel (E.), 600. 

Boix, 570. 


294,526; 


Bolam (H.-W.), 1061. 
Boltzmann, 140, 197. 
Bone (A.), 414. 
Bone (W.-A.), 47, 8 
Bonnal, 194, 604. 
Bonnet, 1027. 
Bonnier (G.), 192. 
Bonnier (P.), 82, 248, 472, 1027, 1107. 
Boot (J.), 199. 

Bordage, 433. Ah 
Bordas, 46, 355,606, 1026. ! 

Bordas (E.), 639: 7 

Bordier, 471, 644. 

Borel (A.), 642. 
Borel (E.), 131, 
Borrelly, 864. 
Bosek (Otto), 439. 

Bosscha (J.), 760. 

Bouchard, 288, 903, 1105. 
Bouchardat, 642. 

Boucherot, 525. 

Boudouard, 794. 

Bouffard, 864. 

Bougaïeff, 80, 247 

Bouilhac, 1026. 

Boule, 194, 1106. 

Bourgès, 44. 

Bourgoin (A.-E.), 38. 

Bourlet (C.), 466. 

Bourquelot, 761, 1026, 1063. 
Boussinesq, 605, 641, 642, 643, 759. 
Boutan, 191, 761. 

Boutroux, 471. 

Bouty (E.), 605, 762, 796, 1064. 
Bouveault (L.), 605, 642, 760. 
Bouvier, 291, 641, 762, 821. 

Bowden, 1066. 

Branly, 436, 410. 

Braquehaye, 830. 

Brauner, 439. 

Brenkeleveen (van), 198. 

Brenning (Dr), 471. 

Bricard, 135. 


QE 


193, 354,/637, 1105. 


Brillonin (M), 366 à 772, 948, 
1037 à 1034, 1101. 

Brioschi, 1024. 

Brissaud, 288. 

Brizard, 1107. 

Broca (A.), 195, 356, 194, 831. 
Brocard, 192. 

Brochet, 80, 136, 139, 247, 292, 351, 646, 


760, 1025, 1107. 
Brociner, 1063. 
Brocq (L.), 603. 
Broilliard (Ch.), 133. 
Brongniart, 46, 641. 
Brouardel, 1025. 
Brown (H.-T.), 295, 831. 
Bruce, 867. 
Brun (Ch.), 951. 
Brun (H. de), 131. 


Brunel (G.), 77. 


Brunel (H.), #4. 

Brunelle, 44. 

Bruner (L.), 471, 644 

Brunhes Bras 717, 353, 524, 609 
à 643, 762, 948. 

Brunner (Karl), 48, 252, 1028. 

Bryan, 140, 197, 866. 

Buchanan, 196. 

Budlay (K.), 439. 

Bukowski (Gejza v.), 48, 358. 

Burcker, 604, 646, 865. 

Bureau (Ed.), 135, 192, 193. 

Burke, 46. 

Burker, 1024. 

Burrow (W.), 358. 


EAUX 


GA TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 
pe ge RE NS PE PE Et 


€ 


LA. 403. IUOITA [qi 


Cadet de Gassicourt, 44, 606, 1106. 

Cadiot, 44, 794. 

Cahen (E.), 564. 

Cailletet, 294. 

Callandreau (0O.), 353. 

Calmette, 643. 

Cambier, 136, 139, 247, 

Camichel, 293, 860. 

Campredon, 524, 1105. 

Camus, 355, 394, 523. 

Canälot (E.), 299 à 335. 

Cannieu, 410. 

Cantor (Moritz), 76. 

Capon, 43. 

Cappelle (H. van), 87. 

Capstick, 249. 

Carey Foster, 1107. 

Cari- rene 521. 

Carles, 81. 

Carnot (A.), #3, 292, 353, 354, 641, 750. 

Carpentier (J.), 135, 291. 

Carr (F.-H.), 252, 867, 1108. 

oi e (E.), 292, 431. 

Carvallo (E.), 4 ee 135, 247, 29% 

Casalonga (D.-A.), 793, 989. 

Case, 251. 

Caspari (E.), 387, 404 à 40%. 

Castelnuovo, 793. 

Caullery (M.), 949, 1063, 1106. 

Cauro, 193. - 

Causse, 438. 

Caustier (E.), 293, 650 à 692. 

Cavalier (J.), 644, 796. 

Caventou, 44. 

Cayeux, 193, 246, 524. 

Cayley (A.), 192. 

Cazeneuve (P.), 355, 605. 

Cazes, 571. 

Chabrié, 294, 396, 604. 

Chalon le -F.), 564. 

Chapel, 42, 354. 

Chapman (A.-C.), 196, S61. 

Chappuis (J.), 471. 

Charcot, 288. 

Charcot (J.-B.), 248. 

Charlton Bastian (H.), 905. 

Charon (E.), 46, 139, 357, 396, 438, 472, 
226, 571, 646, 796, S66, 1028, 1107. 

Charpentier (P.), 247, 304. 

Charpy (G.), 38, 136, 29% et 298, 
131, SS2 à 585, 156, 189, 826, 899, 
946, 988, 1019. 

Charrin (A.), 24 à 3%, 42, 82, 293, 
355, 356, 525, 604, 606, 645, 161, 194, 
1026, 1027, 1064. 

Chassevant, 293, 1027. 

Chatin (A.), 292, 524, 568, 644, 865, 1062. 

Chatin (J.), 191, 433, 410, 525, 606, 761. 

Chattavay, 764, 1108. 

Chaussey, 293. 

Chauveau, 293, 436, 571, 644, 760, 991. 

Chauveaud, 137. 

Chauvin, 645. 

Chavanne, 241. 

Chéron, 829. 

Chikashigé, 1067. 

Chipault, 830. 

Chorley (J.-C.), 358. 

Chrétien, 988. 

Chrystal, 474. 

Claisse, 1027. 

Clève, 436, 604. 

Clowes (Frank), 473. 

Clozier, 82, 394. 


292, 357, 646. 


, 295, 898. 


1119 


Coculesco, 81. 

Coggia, 829. 

Cohen (3.-B.), 867. 

Cohn, 252, 295, 359, 992. 

Cein (J.-C.), 47 

Cole, 4174. 

Colin (G.), ru 355, 865. 

Colin (L.), 

Colin (le b. , ‘980. 

Collie (Norman), 252, 413, 861. 

Collin, 394. 

Colombo, 137. 

Colson (A.), 43, 135, 357, 523, 642,106. 

Colson (R.), 80, 187. 

Combalot, 194. E 

Combes (A), 44, 138, 646. 

Commenge (D'), 525. 

Comte, 82. 

Coniel (J.), 135. 

Contejean (Ch.), 
1061, 1106. 

Convert (F.), 536 à 62. 

Coote (A.-H.), 252. 

Cope (F.), 1067. 

Cordier (P.-L.-A.), 43. 

Coret (A.), 989, 990, 1025. 

Corlieu (Dr), 904. 

Corneau, 1026. 

Cornevin, 524. 

Corniel, 43. 

Cornil, 293, 471, 525. 
Cornu (A.;, 81, 52, 
1030 et 14031. 
Cornu (M.), 191, 192. 

Cosserat (E.), 605, 643. 
Cotton (A.), 523, 524, 761. 
Courmont, 194, 472, 79%. 
Courtade, 194. 
Courtier, 793. 
Cousin (P.), 1058. 
Craig (Th.), 354. 
Crehore (A.-C.), 788 
Crochetelle, 355. 
Croft, 251. 
Croneau (A.), 187, 
1101. 
Crookes (W.), 99 à 401, 527 
Cross (C.-F.), 295, 601. 
Crossley (A.-V.), 18. 
Crotte, 641. 
Crouzel, 605. 
Cruls, 435, 990. 
Crum Brown, #14. 
Cuénot (L.), 78, 
1103. 
Curie (P.), 138, 637. 
Curtis, 1064. 
Czapek, 439, 1028. 
Czermak (P.), 140. 


44, 19%, 525, 645, 761, 


607, 762, 829, 951, 


A5A à 163, 947, 


188, 433, 701, 950, 


D 


Daille, 137, 410. 
Damato, 80. 
Damour, 246. 
Damour (Emilio), 389. 
Dangeard, 136. 
Darboux (G.), 76, 292, 793. 
Daremberg, 644, 794, 990. 
rs 991. 
arier (Dr), 569, 644. 
Darzens (R.), 160. 
Dastre, 82, 248, 
642, 991. 
Daubrée, 81, 136, 523, 604, 1063. 
Dautscher (Victor v.), 439. 
Davidson (B.), 48. 


203, 354, 356, 437, 472, 


1120 


Debains (A.), 599. 

Debaussaux, 293. 

Debierre, 761. 

Debove, 394, 830. 

Debray, 471. 

Deer (N.-K.), 764. 

Defforges (G.), 471. 

Degrully, 604. 

Dehéraïin (H.), 620 à 632, 949. 

Dehérain (P.-P.), 35, 191, 393, 644, 
192, 4008 à 4046, 1063. 

Déjerine (Mr), 293, 353: 356, 394, 510, 
606, 645, 794, 1103, 1107. 

Déjerine (Mme), 356, 394, 1103. 

Delacre, 137, 866. 

Delage (Y.), 441 à 446. 

Delahaye (V.), 435. 

Delassus (E:), 643. 

Delaunay (N.), 525. 

Delauney, 1026. 

Delaurier, 354, 864. 

Delbet, 642. 

Delden (A. van), 475. 

Delebecque, 81, 435, 643, 861. 

Delemer (J.), 947. 

Delépine, 43, 136, 
395. 

Delezenne, 525. 

Delhôtel, 357. 

Deligny, 903. 

Delley (R.-M.), 252, 

Delmas, 1026. 

Delorme (D'), 525, 

Delvalez, 988. 

Demarcay (E.), 519. 

Demeczky, 81. 

Demelin (D'), 902. 

Demenge (E.), 
936. 

Denaiffe (Clément), 468. 

Denaiffe (Henri), 468. 

Denfer (J.), 242. 

Denigès (G.), 81, 354, 435. 

Deniker (J.), 133. 

Denza, 43. 

Depéret (Ch.), 136, 904. 

Desaint, 195, 292. 

Descroix (L.), 829. 

Deslandres (H.), 80, 247, 393, 568, 569, 
605, 641, 903. 109$. 

Desoubry, 412. 

Despagnet, 570. 

Devaux (R.-L.), 988. 

Devereux Marshall (Ch.) 
chall). 

Devivaise, 865. 

Dewar, 140% et 403, 760. 

Diard, 760. 

Diener (Carl), 439. 

Diesen (van), 198, 992 

Dieulafoy, 437, 471, 525 

Diners (E.), 252. 

Ditte (A.), 135, 191, 193. 

Divers, 528, 1108. 

Dixon (A.-E.), 641, 648, 1108. 

Dixon (H.-H.), 84. 

Dobbie (J.-J.), 85. 

Dojes (P.-H.), 198, 295. 

Donciu (L.), 197. 

Doran (R.-E.), 641. 

Douvillé, 400. 

Douxami, 525, 642 

Doyen (D'), LE. 

Doyon, ip sy 

Drach (J.), 131, 4: 

Dragendorf, 7 

Drillon, 193. 


139, 191, 291, 393, 


870 à 886, 947 à 


(voir Mars- 


, 510, 644. 


Drouin (R.), 139. 

Druce Lander, 867. 

Dryepondt (Dr G.), 522. 

Dubois, 355. 5x) 

Dubois (A.), 759. 

Du Bois (H.), 349. 

Dubois (Raph.), 248, 293, 352. 

Duchartre (P.), 87. 

Ducla, 192, 246, 291, 192, 829. 

Dudebout, 1104. 

Duez, 160. 

Dufau (E.), 989, 1026. 

Dufet, 246. 

Dufour (Ch.), 792. 

Dugast, 141 à 158. 

Dujardin-Beaumetz, 248. 

Dumoulin (E.), 39 

Dupare, 435. 

Dupasquier, 305, 646, 794. 

Duplay (S.), 606, 1064. 

Duponchel, 137, 491. 

Dupont, 616, 796. 

Dupuis (Ch.), 990. 

Dupuy (Edm.), 603. 

Durand (de Gros), 291. 

Durand-Fardel (Dr Ray.), 469. 

Durante, 44, 293, 471, 525. 

Duret (D'), 355. 

Dussau, 43. 

Dutil, 1024. 

Duval (Mathias), 82, 194, 248, 993. 

Dvwelshauvers-Dery (F.-V.), 243. 

Dwelshauvers-Dery (V.),, 923 et 
274, 832. 

Dyck (Walther), 80, 81. 

Dyer (Bernard), 607. 


E 


Earl (A.), 287. 

Easton, 86. 

Eberhard (Dr), 431. 

Ebner (von), 197, 1028, 1108. 

Eder, 1108. 

Edna Walther, 867. 

Edser, 399. 

Edwin M. Eagles, 140. 

Eeden (F. van), 828. 

Effront, 605. 

Eginitis, 990, 1025. 

Einthoven, S67. 

Ekenstein (Alberda von), 992. 

Elevy (Dr), 471. 

SRE (Dr W.), 133. 

Elliot, 

Elster, . 

Empis, #4, 1106. 

Encausse, 1103. 

Enestrom, 523. 

Enge!, 46, 396, 438, 646. 

Engei (Fr.), 859. 

Engel (R.), 989. 

Engelmann, 643, 868, 1028. 

Enriques (F.), 793. 

Esmarch, 525. 

Esmiol, 1063. 

Espine (d’), 524. 

Estaunié, 1102, 

Etaix (L:.), 1022. 

Etard (A.), 193, 524, 
1021. 

Etienne, 351. 

Eumorfopoulos, 196. 

Everett, 1107. 

Ewart, 474. 

Ewing, 140. 


780 à 785, 


. et .sn4nst14 
FE :i£0! ,19{bowox4 
CHE 6 SO (19 x91bars A 
Fabre (Aug.), 988, :c{ Jh.., {ol ! 
Fabre-Domergue, 52%): 1e 
Fabry (Ch. M493:9: pce 
Fairbaïn, 474: : ny} (rot 
RE 194: 3 T0: Wal 
Faure (Camille)! 93, 988. toD\-edou' 
Faurie, 642, 864. Où (it) zou 
Faurot (L.), 751. 
Fauvel (D), 137.:» 
Fauvel (P.), 904. 

Fava:rd, 523. f 03,9 .0 
Faye (H.), 193, 435, 989F01 Cl} wir 
Faymoreau d'Arquistadé (Alirde), 
208 à TEA! 201 (10) ilemossls9 
Fayollat (J.), 156.226 buse noilén 
Fayolle, 865. l ,301 {) sqqtieD 
Fchr (H.), 31, 16, 599) (788, 8254 8590 
Felder (Cajetan v.), 48. 16 1072) 
Fenton (E.), 867. (CH) toit 
Fenton (H.-J.-H.), 196,18311) nosrsn 

Féré} #44, 82,948, 355, 
991, 1027, 1064. 
Férée (J.), 4405. # 
Ferrand, 139, 644, 830, 904. J 
Féry (Ch.), 393. o 
Fick, 758. 
Fiesse (Ch.), 864. } 
Finger (J.), 48. 
Fischer (Ern.), 53. 
Fitzgerard (C.), 193. 
Fizeau, 81,246, 989. 
Flahault {Ch.), 44, 88,244, 
1059. 
Flammarion (C.), 247, 1063. 
Flatau (D'° Edward), 758. 
Flechsig (Dr P.), 190. 
Fleischmann (L.), 439. 
Fleissner, 197. 
Fleurent, 793. 
Fleury, 396. 
Flinders Petrie, 528. 
Floquet (Ch.), 431. 
Floquet (G.), 4026, 1105. 
Flower (Sir Will.), 760. 
Folet, 293. 
Fontan (D'), 830, 4027. 
Fontan (J.), 391. 
Forcrand (de), 80, 355, 393, 604, G4# 
Forel, 829. 
Forster (0. 252,0527. 
Fe 2)2. 
Foucart (G.), 18 à 744. 
Fouché (E.), 353. 
Fouché (M.), 1063. 
Fouqué, 643, 
Fouret, 46, 195, 1066. 
Fournier, 1106. 
Fournier (D°), 570. 
Fournier (A.), 471. 
Fourtier (H.), 243. 
Foussereau, 135, 138, 356, 570. 
Fouzes-Diacon, 866. 
Foveau de Courmelles, 80, 248, 
Franchet, 249, 646, 1066. 
Franchimont, 198. 
Francois (Maurice), 193, 1063. 
Francois-Franck (C.-A.), 644 
Frankland, 568. 
Frankland (E.), 764. 
Frankland (Percy), 414. 
Fraser (Th.-R.), 763. 
Frédérick, 1108. 
Frémont, 42. 
Frémont (Ch.), 642, 830, 1062. 


258,561, 985, 


* Krenkna, 197. 


À 


LL 


 Freundler, 1027. % 
Freundler (Ch.), 467 à 169. 
 Freycinet (de), 1025.22 ou 2), 941084 
_ Friedel, 294, 568SC «ou21smro(l-51d8 4 
Friedel (Ch.), 359, 565$ 2642.40) vtr 
… Fritsch (Anton), 140. Ti «mdrr 
Fuchs (de Vienne), 197, 6420? ,%219 71 
Fuchs (Gotth6ld), 1984, 
Fuchs (Th.), 140. 


fioso) ous 


i086 ,£19 


G Fe l [) 1 
G. C., 468, 949. ve: 
Gain (E.), 102220 ati ,£t ! 
(Gaillot, Sber-ivops£'h 0: : 


Galezowski (Dr), 194, 1027+ 

Galien Mingaud, 523,,° 

Galippe (V.), 194, 1060. 

Galt{Alex.), 396. 

Gannon, 84 

Ganter (H.), 37 

Garcon (J.), 984. 

Gariel (C.-M.), 294, 550 à 560,833 
à 839. 

Garnault, 248, 437, 525, 1027, 1063. 

Garnett (H.), 139. 

Garnier (Christian), 294: 

Garnier (J.), 191. 

Garnier (Dr L.), 950. 

Garrigou-Lagrange, 193, 1106. 

Gascard (A.), 756. 

Gastine (G.), 188. 

Gaubè, 570, 645. 


: Gaudier, 44, 194. 


Gautier (Armand), 246, 102+. 

Gay (A.), 36, 75, 130, 185, 241, 285,346, 
386, 388, 430, 465,517, 363,578 à 
5SS2, 598, 636, 187, 82+, 858, 897, 
1056, 1104. 

Gayon, 1027. 

Geddes (P.), 433. 

Gehuchten (A. van), 

Geikie, 1108. 

Geitler, 295, 1108. 

Geldard, 528. 

Genty (Paul), 46 

Georgievics (G. v.), 48, 439.7 

Gérard (E.), 292, 1062, 1102. 

Gérardin (L.), 602. 

Germe, 568. 

Gestel, 197. 

Giard (A.), 471, 1064. 

Gibier, 642. 

Gilbert, 44, 570, 794 

Gilchrist, 414. 

Gilson, 523. 

Gin, 471. 

Gintl (Heinrich), 140. 

Girard (de Toulouse), 248. 

Girard (Aimé), 246, 523, 569, 192. 

Girard (Ch.), 355. 

Girard (J.), 949. 

Gladstone (J.-H.), 764. 

Glendiuning (A.), 1061. 

Gley, 44, 82, 137, 355, 394, 
161, 865, 1026, 1064, 1106. 

Glücksmann (Carl), 1028. 

Godefiroy, 1108. 

Goguel (M.-H.), 788. 

Goguet, 569. 

Goldschmiedt (Guido), 1028. 

Gonessiat, 353. 

Goodwin (W.), 85. 

Gossart (E.), 160 à 164, 

Goudet, 1106. 

Gouré de Villemontée, 43. 


350, 985. 


223, 1615, 


Gourfein, 829. 

Goursat (E.), 195, 246, .2 
396, 326, 1026. 

Gouy (G.), 4 à 7, 411, 
1063. 

Gowland Hopkins, 41. 

Gramont (A. de), 435, 759, 1021. 

Grande Encyclopédie, 44; 19, 134, 190; 
245, 290,2352,r 392. 434, 469, 522, 567, 
603, 640, 863, 950, 987. 

Grandidier (A.), 49 à 53, 301. 

Grandjean, 196. 

Grandval, 568. 

Granger, 411, 866. 

Grasset (E.), S0 

Grasset (H.), #1. 

Grassmann (Hermann), 859. 

Greenhill (A.-G.), 518, 568, 1101. 

Greeves (A.), 861. 

Gregg W ilson, S6. 

Gregor Fee ), 14028. 

Gréhant (N.), 3:36, 569, 644, 194, QOÙ. 

Griess (J.), 518. 


- Grifliths, 524, 568, 1107. 


Griffiths (A.-B.), 951. 

Griffiths (E.-N.), 295. 

Grimaux, 758, 196, 1063. 

Grimbert, 991, 4027. 

Grobben, 1028. 

Gross (Dr), 248. 

Gruvel, 44, 137, 193. 

Gubler, 1106. 

Guecia, 435, 470. 

Guebhard, 292, 524, 568. 

Guède (H.), 602. 

Guénard, 525. 

Guenez (E.), 38. 

Guëniot, 131. 

Guépin, 137. 

Guerbet, 796. 

Guérin, 248, 829, 1107. 

Guermonprez, 830. 

Guerronnan (A.), 860. 

Guignard (L.), #4, 136, 192, 

Guilbaud, 355. 

Guillaume, 83, 138, 294, 195. 

Guillaume (Ch.-Ed.), 243; 987, 349, 
3274 à 380, 467, 525, 600, SS6 à 
894, 984, 1102. 

Guillaume (J.), 43, 192, 605, 1062, 

Guillot, 792. 

Guinard, 292, 394, 472, 761, 793. 

Guinchant (J.),.604, 64%, 864. 

Guldberg, 643. 

Gulland, 4174. 

Guntz, 139, 435. 

Guppy, 140. 

Guye (Ch.-Eug.), 388. 

Guye (Ph.-A.), 137, 241; 288, 292,:349, 
354, 410, 605, 641, 984, 1021, 1106. 

Guyon, 794. 

Guyot (A.), 193, 759. 

Guyou, 192, 291. 


195, 246. 


H 


H. D., 352. 

Haberlandt, 197. 

Hada (S.), 252. 

Hadamard (J.), 42, 76, 564. 

Haddon, 605. 

Haga (T.), 528, 1108. 

Haiser, 252. 

Haller (A.), 187, 19%, 
241, 565, 368, 604, 64, 
192. 

Hallion, 62. 


201 à 204, 
644, 157, 159, 


Hallopeau, 394, 437, GH, 644. 
Halphen, 646. , 
Halt, 1027. 

Hambly, 831. 

Hamburger (H.-J.), 199, 296, 868, 907. 

Hanot, 138, 606, 761. 

Hanriot, 137, 357, 990. 

Harcourt (A. Vernon), 521: 

Hardy, 193, 

Harlé, 136. 

Harris Morris (G:), 29, 339, 831. 

Hartelius (T.-J.), 758. 

Hartmann (H.), 19, 392,52:, 567, 93% 
à 944, : 

Haton de la Goupillière, 989. 

Hatt (Ph.),,1020. 

Haudié (Edgard), 46, 83, 138, 193, 394, 
356, 395, 438, 526, 511,.607, 645, 162 
796, 831. 

Hauer (V.), 358. 

Haug (Emile), 80, 641, 900, 1022, 1086 
à 4098. 

Haushalter, 1107. 

Hautefeuille, 135, 191. 

Hay (G.), 86. 

Hayay-25P:} bp 

Haycraîft (H.-C.), 85. 

Hayem, 248. 

Heberdey (Ph.), 197. 

Hébert (A.), 191, 246, 395; 
950, 1102. 

Hcen (P. de), 243. 

Held (A.), 187. 

Hellriegel, 989. 

Helm (G.), 349. 

Helmholtz (de), 81. 

Henderson (G.-G.), 440, 410$. 

Henderson (James), #14. 

Henneguy (EF.), 901, 1066. 

Henriquez, 82. 

Henrivaux (J.), 389. 

Henrot, 951, 990. 

Henry, 43. 


Henry (A.), 243. 

Henry (Ch.), 136, 192, 643, 1062, 1107. 

Henry (L.), 436, 193, 436, 605, 192 
1024. 


Hepperger (von), 439, 
Héricourt, 82, 4137, 394, 471, 990. 
Heringa, 992. 

Herissey, 1026. 

Hermary, 412. 

Hermite, 42, 136, 192, 951. 
Herrgott, 136, 191. 
Herroun, 866. 

Herselin, 865. 

Hervieux, #4,.525, 644, q91. 
Herzen (A.), 494 à 506. 
Herzfelder, 164. 

Herzig, 48, 1108. 
Hesselgren (E.), 643. 
Hescock (C.-T.), 139, 1067. 
Hibbert (Walther), 164. 
Hilber, 48. 

Hill (L.), 495. 

Hilt, 44 

Hinrichs (G.-D.), 156. 
Hirsch (A.), ETS 

Hirsch (R.), 1028. 

Hirst (H.-R.), 867. 
Hlawapch (Carl), 295. 
Hodgkinson, 252, 648. 

Hoek (P.-P.-C.), 992, 
Holetschek, 1108. 

Holland Crompton, 140, 295. 
Holzmüller (Dr G.), 388, 947. 
Hoppe-Seyler, 194, 830. 


469, 565,866, 


Howette, 435 

Houllevigue (L.), 899. 

Hoive (H.-M.), 38. 

Howorth, 358. 

Hua, 1066. 

Hubert, 1027. 

Hubert (A.), 864. 

Hubert (d'), 760. 

Hübner (E.), 48 

Hubrecht, 296. 

Hudelot, 137. 

Huggh Ramage, 295. 

Huguet (Dr), 865. 

Hugo (L.), 43, 136, 291. 

Hugot (C.), 792. 

Hugounenq, 248. 

Humbert (E.), 348. 

Humbert (Georges), 195, 
470. 

Hummel (J.-J.), 439. 

Hunt, 1066. 

Hurmuzeseu, 42, 19%, 1105. 

Huxley, 643 

Huygens (Christian), 904. 


246, 241, 396, 


Imbert (Dr), 81. 

Imhof, 1025. 

Ince (Walter-H.), 139. 

Ingle (Harry), 648, 1108. 
Inspecteur de la navigation, 194. 
Iscovesco, 1107, 

Istrati, 565. 


J 


Jack (William-R.), 90%. 

Jacob de Cordemoy (H.), 1059, 1103. 

Jacolin, 990. 

Jacquet (Louis), 565. 

Jacquet (Lucien), 603. 

Jacquiot-Constant, 193. 

Jacquot, 472. 

Jadin, 751. 

Jammes, 602, 794. 

Tandrier, 989. 

Janet (Ch.), 80, 246, 411, 1024. 

Janet (P.), 83, 133, 195, 294. 

Jannettaz (Paul), 38, 789, 825. 

Janssen (J.), 135, 292, 436, 605, 641,793, 
903, 988. 

Japp (Fr.-J.), 48, 196, 861. 

Jarry, 642, 795. 

Jaubert (G.-F.), 1107. 

Jaumann, 197, 

Javal, 865, 

Jay, 395, 646, 194. 

Jayle (F.), 4734 à 47%. 

Jean (Ferdinand), 4142 à 425. 

Jean (Jules), 412 à 425, 

Joergensen (Alfred\, 566. 

Joffre, 395, 526. 

Joly (A.), 641. 

Joly (J.), 84 

Jolyet, 525. 

Jonchère, 82. 

Jonnesco (Dr), 1027. 

Jonquières (de), 247, 292, 56$. 

Jordan (Ch.), 292, 354, 605, 

Josué, 82, 472, 794. 

Joubin (L.), 602. 

Joué, 605. 

Joung (G.), 1108. 

Jourdain (P.), 954. 

Jourdan (El), 407 à 412. 


Jousseaume, 46. 


Jowett, 252. 

Julius (W.-H.), 648. 
Julliard, 355, 356. 
Jungfleisch (E.), 80, 193. 


Ki 


Kaiser (Wilhelm), 197. 

Kalindero, 194. 

Kalt (Dr), 248. 

Kamerlingh Onnes (H.-A.), 86. 

Kantor (S ), 989. 

Kapteyn (J.-C.), 648. 

Kapteyn (W.), 86. 

Kaufmann, 82, 136, 138, 
394, 437, 991. 

Kellas (A.-M.), 571. 

Keisch, 248. 

Kelvin (Lord), 396, 1024. 

Kern (E.), 830. 

Kilian, 80, 246, 641, 643. 

Kirmisson, 569, 194, 1027. 

Klemencic, 295, 

Klobb, 951, 

Kluyver, 992, 116. 

Knoll, 295. 

Knott, 474. 

Koch (G.), 135. 

Koch (H. von), 136, 989. 

KϾhler (Dr R.), 188, 
639, 62, 988. 

Kéænigs (G.), 286, 470, 523, 526. 

Kæppen (Lothar de), 470. 

Kohn (L.);, 194. 

Koninck (voir Oeschner de Koninck). 

Konovaloff, 1095. 

Korda (Désiré), 353. 

Kostanecki, 1108. 

Koster Gzu (W.), 1068. 

KoubanoiT, 248. 

Kowalewsky, 641, 760. 

ER (TJ. de), 135, 138. 

Kraft (F.), 186. 

Kratshemer, 197. 

Kuenen, 868. 

Kunckel d'Herculais, 455, 523. 

Künstler, 793. 


274 à 


L 


L. B., 348, 1058. 
L. O. (voir L. Olivier). 
La Baume- Pluvinel (A. de), 600. . 
Labbé, 43. 
Labbé (A.), 246. 
Laborde (J.-V.), 137, 194, 248, 355, 760, 
830, 1027, 1062. 
Laborde (de Bordeaux), 606. 
Lacaze (Dr), 7245 à 353. 
Lacaze-Duthiers (de), 760. 
Lacour (E.), 387. 
Lacroix (A.), 194, 246, 394, 
Lafay, 43. 
Lafon, 246, 471. 
Lagneau, 355, 394. 
Lagrange (C.), 641. 
Lagrange (Dr F.), 471. 
Laguesse, 1027. 
Laigue (de), 1025. 
Laisant (C.-A.) 
294, 396, 467, 526, 1020. 
Lajoux, 568. 
Lalesque, 761. 
Lallemand (Ch.), 186. 
Laloy (Dr L.), 133. 
Lamy (H.), 950. 
Lancereaux, 293, 830. 


1062. 


de Lies, 14 re AE 


191, 292, 293, 


282, 


46, 84, 459 ct 460, 


TABLE ALPHABÉTIQUE /DESIAUTEURS 


Lanchester, 1066..666 ,(.4-.L) enoz5bnsil 
Landauer (J.), 18934 ,£1 (19) owrstgodl 
Landerer (1.-3.), 1081 -(aoul 96) sn1qè 
Landouzy, 794. eat 160 (A) oniqédl 
Lang, 1108. 106 ,zy019 


Langemeyer (Dr), ac8. (1) zu018I 
Langlois, 190, 355, 47242525, G4b3 194 

901, 106%, 1104. SG EL ol 
Lannelongue, 11062, 4063: 1 9b yo a 
Lannoy (Stéphane dé), 470:! xost out 
Lapicque, 44/1137}/41384 203. on 529,1 

603, 1027. of D BÉCAN! 
Laplanche (M.-C. de), 2% 4.14) 54229 


Lapwoïth (A)$ 4781 (A 2() sanoit54 

Larbalétrier (A), 938 41924. 

Larmor (J.), 41. C'.(17 20 

Larrey (baron), 246, 951, 988.01 

Lasne (Henri), 644. 1} rt 

Lauder (A.), 85 : 

Laugier, 44. noinas se SJ 

Laulanié, 248, 570. ùT ,ù 

Launay (L. de), 362 à #29, 
6#1. ll 

Laurent (A.), 440. COX ZE A 

Laurent (E.), 41, 1023. 5x9} 

Laurie, 47, 295. ui 

Laussedat, 42. 

Laussedat (A.), 604. 

Lauth, 292, 616. 

Lavenir (A.), 388. 

Laveran, 44, 19%, 642, 994. 

Lavergne (Gaston), 350. 

Lavergne (Gérard), 8 à 23, 
243. 

Laye, 192. 

Layet, 1106. 

Leau, 241. 

Lebeau, 988, 1024, 1025. 

ebetlo 1065. 

Le Bel, 472. 

Lebret (A.), 198, 992. 

Le Cadet (G.), 43, 864. 

Lecercle, 642, 193. 

Lechappe, 291. 

Le Chatelier (A.), 81. 

Le Chatelier (H.), 
538, 830. 

Leclainche (E.), 1061. 

Lecomte (H.), 191, 246, 1060, 1103. 

Lecoq de Boisbaudran, 246, 292, 410, 
520, 568, 604, 759, 1062. 

Lecornu, 396. 

Le Dantec (Félix), 80, 191, 194, 640, 
275 à 280, 1082 à 1085, 1106. 

Ledé (Dr), 830. 

Le Dentu, 355, 437, 524. 

Leduc, 81, 394. 

Leduc (A. \, 247. 

Leduc (S.), 81. 

Lefèvre, 293, 472. 

Lefèvre (Léon), 29#. 

Lefrancois (voir Limonet). 

Léger, 193. 

Léger (E.), 80 

Léger (M.), 354. 

Legrain, 131. 

Legros (Ct V.), 468. 

Leidié, 641. 

Leleux, 471. 

Lelicuvre, 131, 1101. 

Leloir (H.), 355. 

Lemaire, 796. 

Lemaistre (Dr), 437. 

Lemoine (E.), 1020. 

Lemoine (G.), 247, 582, 

Lemoine (J.), 1020. 

Lemoult, 864, 865, 903. 


606, | 


186, 


529 à 


DEA 94 
304, 24, 


1105. 


- Lenderens (J.-B.), 


ABLE) ALPHABÉTIQUE DES | AUTEURS 


1123 


353..0001 ,101201{o1x 

Lepierre (Ch.), ÆTLET (.L) 1susbn 

Lépine (de Lyon), 1941 , ET 1919b084 

Leroux, 39%, 1021. 8011 ours 

Leroux (J.), 524. 210 (1) savons 

Le’ Ro (H.9$ 2867 

Le Roy, 191, 353. 4011 ,390t ,H0e 

Le Roy de Méritourt,c44/13%, 47444027. 

Le Royer (Alent}} G£h onelqte) we 

LeScϟrs CS SE LUEUR 

Lesseps (Ferdinand de), 42, .f! 

Lesska (Fr.), T6& ,(:6 .9-.M 

Létienne (Dr A.), 189; 245, < 603, 
758, BI ADEALA 1OSS I: led 

Letulle (Dr M.), 245. .(i É 

Levat, 526..880 ,1£0 ,9} ! 

Levavasseur (R.), 435, 410, 604) 793.2 

Leveau (G.), 989. 

Le Verrier (U.),38, 197 à 183, 

Lévi, 606, 761. 

Lévy (LAF&BT Li 

Lévy (Maurice), ei 903. 

Lewes (V.-B.), 

Lezé (R.), 539 

Lhuillier, 864. 

Lieben (Ad.), 295. 

Liebermann, 252. 

Liégeois, 194. 

Liévin, 568. 4 

Ligvoier (0.), 472 ct 133. 

Limb (C.), 792, 830,948, 1059. 

Limonet dit Lefranc Wiss 829. ? 

Lindet (Louis), 46, 224 à 234, 216. 
351, 192. 

Linder, 246, 292. 

Ling (Arthus L.), 252, 831. 

Linossier (G.), 355. 

Lion, 82, 137 

Liouville (R.), 470. 

Lippmann (de Vienne), 197: 

Lippmann (G.), 82,83, 247, 524 

Litleton (Mile F.-T.), 252. 

Livache, 436. 

Liveing, 760. 

Lobatschevsky, 1029. vif 

Lobry de Bruyn, 907, 992. 

Lockyer (N.), 568, 952,990, 991. 

Lodin (A.), 569. 

Loewy (Maurice), #3, 81, 439;:643, 159. 

Loir (D"), 434. 

Lombroso (Cesare), 902. 

Lorentz (H.-A.), 87. 

Lortet, 758: 

Lory, 193. 

Lothelier (A.), 985. 

Longuinine (W.), 990. 

Lovén, 903. 

Loven (Sven Ludwig), 1028: 

Lowy (E.), 439. 

Lucas (A.), 604. 

Lucas (Félix), 759: 


Tépine (R.), 934,988. 20 ,xuobosil 
I 


à 271: 
F +0 


Lucas-Championnière (J.), 248; 471, 
194, 1062. 

Ludwig, 568, 1027. 

Lumière (Aug.), 410, 601, 4034 à 
1035. 

Lumière (L.), 410, 601, 1034 à 
1058. 


Luxmoore (C.-M.), 8617, 1067. 
Luys, 525, 760. 
Lyon (G.), 1104. 


Mac-Callum (W.), 252. 
Mac-Clelland, 251. 


. | Macdonald (G.), 


cé ,001 e2iolensdl 


5711. 
Mac-Donald (G.-W.), 4 

| Macé, 829. 

. Macé de Lépinay{(d.), 435. 
| Mac-Gillavry, 87, 215. 
Mac-Kendrich, 86. 
Maclean (Magnus), 396. 
Mac-Laurin, 252. 
Magitot, 293, 355. 
Magnan, 760. 

Magnier dela Source, 1063. 
Magnin (Ant.), 861, 986. 
Mahler, 358. 

Malassez, 82. 

Malbot. (A.), 904. 

Malbot (H.), 904. 

Malgat (D'), 248 
Malherbe (de), 2#1. 


Mallèvre (A.), 42, 136, 139, 1062, 


Maltézos (C.), 435, 829. 
Malvezin (P.), 1020. 
Mamert (Thomas), 138. 
Manceau, 1025. 
Maneuvrier (G.), 642. 
Mangin, 525, 1107. 
Mangin (L.), 524. 
Mann (Harold-H.), 648. 
Mannheim (A.), 46, 354. 
Maquenne (L.),.38, 
357,. 433, 468, , 150, 
1022, 1106. 
Marchal, 606, 1063. 
Marchand (Dr), #71. 
Marchaux, 1027. 
Marchis, 294. 
Maréchal (A.), 132. 
Marey, 136, 160, 830. 
Marfan (Dr), 189. 


860, 


53 à 56, 
899, . 903, 


Marguerite-Delacharlonny (P.), 1068. 


Marie (T.), 899. 

Marillier (L.), #1, 522, 

Marinesco, 137, 194, > 
1107. 

Marion, 1024. 

Marjolin, 293. 

Markoff (André), 524. 

Marmier (Louis), 1023. 

Marmorek, 248, 356. 

Marqfoy, 1024. 

Marre (Eug.), 350. 

Marsden Manson, 135. 

Marshall (B.-C.), 527. 


8 
8, 


Marshall (Oh. Devereux), 572. 
196, 1407. 


Marshall (Dorothy), 
Martel, 990. 
Martel (E.-A.), 566, 
Martin (F.), 1065. 
Martin (J.), 
193, 194, 
394, 435, 
604, 606, 
19%, 829, 


2465 248, 292; 
436, 410, 471, 
642, 643, G44, 


864, 865, 904, 951, 988, 


28, 987, 1023. 
356, 606, 1027, 


43444, S0, 51,.436,11317,192 
293,354, 35b; 
524, 1568, 569, 
160, 761,793, 
989; 


990, 1026, 1027, 1063, 1103, 1106. 


Martin (K.), 907, 1068. 
Martinaud (V.), 643, 988: 
Martinet, 642. 

Mascart, 410. 

Masoin, 194, 355. 
Massart (Jean), 214. 
Masséé (Jean), 826. 
Massey, 568. 

Massieu, 795. 

Massol, 792, 865. 
Matheron, 81, 135. 
Mathias (E.), 61% à 649. 


Matignon (C.), 42, #4, 80, 81, 136, 137, 
193, 246,.2£8, 291, 


191, 192, 


292, 354, 


139, 


355, 394, 435, 470, 471, 429 à 493, 

523, 524, 568, 569, 604, 606, 641, 649, 

760, 761, 193, 194, 829, $30, 864; 

903, 904, 951, 988. 989, 990, 1024; 
1026, 1027, 1062, 106-. 1106-5404 

Mäaumené, 42, 44, 46, 435,439, TR 
472, 569, 571, 606, 646, 865, 1106. ‘ 

Maurain, 793. f 

Maurange (G.), 134, 289,,392,,567, 603; 
194, 902, 950. 

Maurin (Ch.), 983. 

Mayencon, 292. I 

Maze (abbé), 393, 7192. il 

Mazelle (E.), 1108. At 

Medley, 85, 251. 

Meerens (Ch.), 568. 

Mégnin (P.), 991. 

Meldola (R;),197: 647,.1066. 

Mendel (Prof.), 758. 

Mendeleef, 903. 

Mensbrugghe G. van der), ÿ5L, 

Mer ( (Em.), 193 

Méray (Ch.), 347. 

Mertens (F1.), 295; ‘ 

Meslans, 135. 

Meslin (G.), 192. # 

Mesnard (Eug.), 244. 

Mesnet (Dr E.), 986. 

Mesnil (F.), 640, 1023. 

Mettetal, 1024. 

Meunier, 138. 

Meunier (Stanislas), 492, 4026. 

Meunier (Victor), 901. 

Meyer, 355, 645. 

Michaels (Dr), 137. 

Michel-Lévy (A.), 193; 644, 793. 

Michotte (F.), 14059. 

Mignet (F.), 1024: 

Mignot (Dr), 951. 

Miles Walker, 85. 

Millardet, 42, 44. 

Millet (S.), 194. 

Mills (Ch.), 1067. 

Milne-Edwards 
207%. 

Minchin, 399, 647, 1066: 

Minel (P.), 187, 859. 

Minguin, 568: 

Ministre de la Guctre, 989. 

Ministre de l'nstruction publique, 81. 

Ministre des Affaires étrangères, 135, 
191. 

Miquel (P.), 904. 

Mirallié, 293, 356, 645 

Mirinny, 435. 

Mislawsky, 645. 

Moëssard, 568, Es 

Moissan (H.), 42, 43, 80; 81, 136, 494, 
195, 472% à 499 154% 515, yet 
568, 644, 642, 951 "188, 990, 1025, INTER 

Mojsisowics (deŸ, 1063 

Molteni, 438. 

Moncoryo! 865, 1106. 

Mond (L.), 866. 

Monet (E.), 470. 

Monod, 472. 

Monod (C.), 137, 1106. 

Monod (Ed.-G.), 467. 

Montessus (de), 569. 

Montessus de Bällore (dé), 

Moody (Gérald-T.), 439, 

Morat (de Lyon), 248. 

Morax (V.), 392, 603. 

Moreau (G.), 192, 353, 468. 

Moreau (H.), #4. 

Moreigne, 357. 01 #30 8 

Moret de or 1026. 


(A.), 


292,902: 


11 


1Q 


% TABLE ALPHABÉTIQUE DÉS AUTEURS ! 


Morisani, 355. 

Morisot, 793. 

Morris Travers, 861. 

Mosnier (A.), 247. 

Mosnv, 82. 

Mossé (A.), 1027. 

Motet, 82, 644 

Mott (Fr.-W.), 763. 

Mouchet (Dr), 82. 

Mougeot, #4, 131. 

Mounet, 291. 

Mourcaux (Th.), 81. 

Mouret, 248. 

Mouret |G.), 909 à 947, 1004 à 
1008, 1071 à 1081. 

Moureu, 1027, 1062, 4105. 

Mourier (Dr), 761. 

Mourlot (A.), 792. 

Moussous (A.), 758. 

Mouton, 1064. 

Moynier de Villepoix, 292. 

Mulder, 907, 992. 

Muller, 643. 

Müller (P.-T.), 32 à 35. 

Müller (Th.), 247 

Mullin (A.), 388. 

Munro, 474. 


N 
Naber, 399. 
Nabias (B. de), 826. 
Nalepa (Alf.), 252, 1028, 1108. 


Nansen, 643. 

Nastukoff, 989. 

Natterer, 197. 

Nencki, 1027. 

Nepveu, 606. 

Nerville (F. de), 788. 
Neville (F.-H.), 139, 1067. 
Newall (F.), 249. 

Newcomb (S.), 42, 641. 
Newth (G.-S.), 1108. 
Neumann, 604. 

Nicaise, 569, 606, 991. 
Nichols (Edward), 432. 
Nicolaïew (de), 903. 
Nicolas (Dr Ad.), 189. 
Nicolas, de Lyon, 1107. 
Niewenglowski (B.), 431, 519. 
Niewenglowski (G.-H.), 187. 


Nivière, 864, 1027. 
Nobécourt, 1021. 
Nocard (Ed.), 19%, 434, 569, 991, 1061, 
Nodel, 865. 
Noé, 19%, 437, 569. 
Noguës, 136, 990. 
Nolan, 642. 
Nordenskiold, 470. 
Norman Collie (voir Collie). 
Norman Lockyer (voir Lockÿer). 
0 
Oates (W.-H.), 85. 
Obermayer (Albert v.), 1028. 
Ocagne (M. d’), 195, 249, 295, 393, 396, 
1020. 


Œschner de Coninck, 
393, 569, 570, 194, 

Œttinger (Carl), 358 

Olivier (E.), 355, 602. 

Olivier (L.), ou L. O., 87, 134, 200, 
235 à 238,358, 361,425 à 427, 
253 et 254, 151, 908. 

Ollier (L.), 289, 1062. 

Olszewski (K.), 104 à 403, 796. 


135, 


246, 247, 


Omelianski, 1026. 
Onimus, 1027. 
Oosting (H.-J.), 296, 1068. 
Orme Masson, 41. 
Orton, 1067. 
Osaka (Y.), 252. 
Osmond (F.), 1026. 
Ostrousky, 604, 645. 
Ostwald (W.), 988, 
1069 à 4071. 
Oudemans, 906. 
Oustimovitch, 193. 
Ouvrard, 903, 1105. 
Overeem (M. van), 648, 907. 


P 


Pabst (Camille), 566. 

Pachon, 44, 570, 865. 

Pagnoul, 436. 

Painlevé (Paul), 131, 195, 
829. 

Pallas, 759. 

Panas, 248, 993, 644 

Papavasiliu, 295. 

Paquier, 524, 

Parenty (H.), 80. 

Päris (Amiral), 291. 

Parmentier (F.), 1025. 

Parona (Corrado), 188. 

Paschl (C.), 1098. 

Passy (Jacques), 291. 

Pasteur (L.), 869, 954, 988, 1094, 
1029. 

Pate, 764. 

Patein (G.), 989. 

Paton (Noël), 140, 474. 

Pattison Muir, 140. 

Paulhan (Fr.), 520. 

Péan, 137, 355, 525, 902, 991. 

Pech de Cadel, 903. 

Peddie (W.), 86, 140, 474, 528. 

Pekelharing (C.-A.), 475. 

Pélabon (H. ), 903. 

Pellat, 83, 395, 435, 438, 607, 645 

Pellet (A.), 604. 

Pellet (H.), 826. 

Pelsencer (P.), 434. 

Penck, 641. 

Pépin (P.), 605. 

Perchot, 410. 

Perez, 193. - 

Périer (Ch.), 606. 

Perkin (A.-G.), 252, 439 
1108. 

Perkin (W.-H.), 47, 
474. 

Perman (E.-P.), 572. 

Perreau (F.), 1021. 

Perrier (E.), 294. 

Perrier (G.), 471, 643. 

Perrin (A.), 80, 989. 

Perrin (H.-W.), 295. 

Perrin (R.), 42, 43, 80. 

Perroncito, 761. 

Perrot, 796. 

Perrotin, 990, 

Petit (H.), 354. 

Petit (P.), 133, 5@6, 1102. 

Pétrie (voir Flinders Petrie). 

Pétrovitch, 435, 1025. 

Peyrou (J.), 43. 

Peytoureau (S.-A.), 862. 

Phipson (T.-L.), 1062. 

Phisalix, 436, 606, 19%, 1063, 4106. 

Picard (Em.), 43, 247, 292, 295, 
643, 792, 1105. 


228, 164, 1067, 


48, 85, 252, 358, 


1024. 


354, 


N T1 24 LR" 7 + TF8 Mr ve 
A PR AE DRE RS 


953 à 958, 


291, 333, 159, 


1028, 


id 


119 ,51u0099$ 


Picart (L.), 1105. 
Pickering (J.-W.), 641. Dis 
Pickcring (S.-U.), 764. :25F 
past (Raoul), 42, 43, 81, 36, 194, 1020 


Dane 81, 1062. 

Pigeon (L.), 355.. 

Pillet, 44, 794, 991, 1027. 

Piltschikoff. "992 

Pinard (A.), 82, 830, 1064. 

Pionchon, 11, 410, 1102. 

Pittard (Eugène), 416. 

Pizon, 248, 794. 

Planchon (L.), 288. 

Platt, 951. 

Plimpton, 358. 

Pocher, 472. 

Pohl (Julius), 140. 

Poincaré (A.), 435, 643, 951, 1026. ‘ 

Poincaré, (H.), 135, 492, 216, 247,435, 
983, 1105. 

Poincaré (L.), 71, 
899, 948, 1021, 4059. 

Poirault (G.), 520, 761, 829. 

Pollak (F.), 252. 

Pomel, 42, 

Pomeranz, 48. 

Poncet (Dr), 137, 525, 991. 

Ponsot (A.), 45, 46, 193, 247, 523, 570. 

Pope (W.-J.), 85, 252, 358, 439. 

Porter (A.-W.), 196. 

Pousson, #70. 

Pozzi (Dr), 137, 355. 

Prada (Manuel Vasquez), 1025. 

Prenant (A.), 123 à 428. 

Prentice (D.), 1108. 

Preston (Th.), 281. 

Préville (A. de), 352. 

Prillieux, 191, 192. 

Prompt, 246. 

Proust (A.), 44. 

Prud'homme, 295, 438, 


288, 353, 639, 860, 


472, 646, 796, 


984. 
Prunet, 44, 192. 
Prunier, 991, 1027. 


Puiseux, 439, 643, 159. 
Pum (G.), 252. 
Purdie, 607, 1067. 
Puschl, 1108. 

Putnam (G.-R.), 568. 


Q 


Quénu, 524, 567. 
Quesneville (G.), 989. 
Queva (Ch.), 861. 


Rabaut (Ch.), 568. 

Raciborski (M.), 761, 829. 

Racovitza, 44, 248, 761. 

Radais (Maxime), 789. 

Rafly, 249, 295, 396, 526. 

Raichline, 645. 

Raillet, 472. 

Rambaud, 43, 604. 

Ramsay (W.), 90 à 99, 192, 197, 
354, 393, 524, 527, 760, 866, 867, 1107. 

Ranvicr, 44, 81, 1106, 1107. 

Raoult (F.-M.), 792. 

Rasch (J.-W.), 193. 

Rateau (A.), 348. 

Ratz, 140. 

Raveau (C.), 82, 1066. 

Rayet (G.), 292, 1063, 1105. 

Rayleigh (J. W.), 99 99, 192. 


Rebière (A.), 190. 
coura, 641. 

clus a IE AN .. 64 qu! me 
ddro À 
SR : ë 


enaut (de Lyon), 293. 
| Renaut (B.), 137. 
unie (Edward-H.), 867. 
-Rénon, #4, 194, 355, 437, 525, 645, 
19%, 1027. 
Renou (E.), 291. 
 Renterghem (A.-W. van), 828. 
Repelin, on 
_Repin, 2 
Resal (H, Se 16, 291, 898, 988. 
 Rettérer (E), 82, 993 à 1000. 
Retzius, 192. 
Revil, 136, 642. 
Rey (Jean), 565. 
 Rey-Pailhade, 525. 
Revt, 43, 246. 
Rhodes, 866, 1066. 
Richard (G.), 825. 
Richard (J.), 135, 394. 
Richard (P.), 1063. 
Richelot, 293. 
Richer (D' P.), 3335 à 343, 437. 
Richet (Ch.), 44, 82, 137, 389, 394, 471 
525, 510, 990. 
Richter, 48, 1108. 
_Richthofen (von), 80, 135. 
Rietsch, 865. 
Rigollot (H.), 760. 
Riquier, S0. 
Ritter, 435. 
Rivals, 292, 354, 568, 604, 642. 
Rive (de la), 523. 
Rivière, 161, 1026. 
Robin (A.), 570, 991. 
Rochard (J.), 606, 608, 1027 
Roche (C.), 898. 
Roché (G.), 409 à 422, 291. 
Rocques (X.), 246. 
Roger, 248, 356, 525, 191. 
Roguel (F.), 641. 
Romanès (G.), 140. 
Romburgh (P. von), 87, 296. 
Romilly (F. de), 136, 292. 
Roos (L.), 393 à S15. 
Roques (Ferd.), ?69. 
Roques (G.), 355. 
Rosard, 291. 
Rose (T.-K.), 607, 867. 
Rosensthiel (A.), 191, 192, 193, 357, 393‘ 
438, 472. 
Rossard, 354, 1024, 1105. 
Rosthner (Ernst), 48. 
Rouché, 292. 
Roula (Franz), 1028. 
Roule (L., 193, 586 à 593, 760, 
1106. 
Rousseau, 990. 
Rousseaux (E.), 133 et 134. 
Roussy, 356. 
Rouvier (G.), 569. 
Rouville (E. de), 420 et 174. 
Roux, 645, 1106. 
Rücker, 399. 
Rudio (F.), 31. 
.- Rué, ns 
. Ruhemann, 1061. 
Ruiz-Castizo (José), 1026. 


© 
+ 
[ec] 


CU . el V'T$ 91" 


TABLE, ALPHABÉTIQUE DES, AUTEURS ! 


Sabatier, 191, 760. 

Sabatier (A.), 81. 

Sabatier (P.), 353, 569, 571, 604. 
Sachs (H.), 39. 

Saillard (Ch.), 826 

Saint-Loup (Remy), 1063, 1106. 
Saint-Philippe (Dr), 431. 
Salisbury (marquis de), 951. 
Salomon (H.), 43. 

Salomons (Sir David), 46. 
Salvert (F. de), 524, 604. 
Sanchez-Toledo, 4% 

Sande Bakhuysen (van de), 197. 
Sans (E.), 193. 

Saporta (A. de), 39, 191. 
Saporta (G. de), 191, 359. 
Sappey, 248. 

Sappin-Trouffy, 135, 864. 
Sarrat, 136, 1062. 

Sarrau, 159. 

Sauvageau (C.), 350, 520, 566, 390. 
Sauzier, 904. 

Saville Shaw, 867. 

Savoire, 606. 

Sayn, 193. 

Scheurer-Kestner, 990. 
Schlesinger (Prof. Dr L.), 599, 642. 
Schlæsing père, 246, 292, 864. 
Schlæsing fils, 605, 989, 1024. 


Schoute (P.-H.), 87, 199, 296, 400, 474 


415,648, 868, 908, 992, 1068. 
Schrader, 643. 
Schrawhofer {Franz), 1028. 


SchrϾder van der Kolk (J.-L.-C.), 87 


Schubert, 247. 
Schulhof, 1025. 
Schulke (Dr A.), 859. 
Schumann (V.), 252. 
Schunck (Edward), 197. 
Schur {W.), 1062. 
Schuster (A.), 81, g 
Schutzenberger, 355, 523, 269. 
Schwarz, 643. 

Scott (C.-A.), 348. 

Sedgwick (Miss A.-P.), 473. 
Seeliger (H.), 1108. 

Séguier (J.-A. de), 286. 
Seguy, 393, 192. / 

Sellier, 525. 

Senderens, 569, 604. 

Sergent, 431, 472. 

Serrant (Ern.), 899. 

Serres (Louis), 899. 

Serret (Paul), 864, 865, 904. 
Seynes (de), 435. 

Sharp, 866. 

Shelford Bidwell, 1066. 
Sherrington (C.-S.), 763. 
Shields (J.), 866. 

Show, 1108. 

Siacci, 43. 

Sibenrock, 1028. 

Sidney Young, 46, 1108. 
Sicrtsema (L.-H.), 198. 
Sigalas, 470. 

Sigaud (Dr C.), 469. 
Sigmund (W.), 1108. 
Silvestri (de), 194. 

Simon, 395, 438, 569, 196. 
Sipière, 192. 

Skinner, 251. 

Skraup, 140, 252. 

Smith (John), 86. 

Smithells (A.), 1108. 


— 


Smits (A.), 1068. l 
Société Royale de Londres, 103 ! R 


à 407%. = 

Sonstadt (E.), 1067. l Ï 

Sorel (E.), $25, 839 à 846, 1038 
à 4049. 


CUT 


FF 
Pr 


Soret (A.), 187. % 
Sorter (A.-W.), 5%6. # 
Sottas, 510, 606. 2 
Soulié, 412, 323, 510. . 


Soulier (Henry), 351, 644. 
Soupault, 830. 


EUR 


Souques, 525. LA 
Soury (J.), 41, 62 à 2 351, 158, 191, 2 

863, 902, 986. + 
Springer (Dr M), 971 à 97% 7 
Stæckel (P.), 43, 903, 988. 5 
Stanley Kipping (F.), 85, 295, 358, 439, " 

512. Ù 
Starch, 606. 4 
Steindachner, ua “| ; 


Stern (A.-L.), 4 À 
Stieljes, 80. à 
Stodolkiewitz (A.-J.), 84, 353, 436, 

Stokvis (B.), 992. 

Stoney (Johnston), 399. È 
Stouft, 42. à 
Streatfeld (F.-W.), 197, 
Stricht (Van der), 355. 
Stroobant (P.), 755. 
Sturany (Rudolf), 197. 
Sturm (Rudolf), 37 
Suberbie (L.), 745 à 217%. 
Suchard, 1107. 
Sudborough (J.-I.), 
Sulliot, 159. 

Sundt (Lorenzo), 135. 
Suringar (W.-F.-R), 296. 
Surmont, #4, 194. 
Swyngedauw (R.), 
Sy, 43, 604. 


1066. 


48, 85, 521, 528. 


159, 192. 


T 


Tacchini (P.), 136, 393, 

Tait, 86, 140, 474. 

Tambor, 1108. 

Tannenberg (Wladimir de), 354. 

Tannery (:), 131. 

Tannery (P.), 246. 

Tanret, 191, 294, 354, 
646. 

Tarchanow, 606. 

Tardy, 642. 

Tarnier, 248. 

Tassilly, 393, 641. 

Tchebichef, #2. 

Téguor, 829. ù 

Teisserene de Bort (L.), 164 à 
46%, 436. 

Teissicer, #4, 193. 

Teissier (de Lyon), 194. 

Teissier (P.), 761. 

Termier, 1027, 1106. 

Testut (Léo), 394. 

Thézard, 568, 760. 

Thierry (de), 435. 

Thiriet (A.), 1022. 

Thiroloix, 356. 

Thomas, 395, 645, 196, 1106. 

Thomas (G.-L.), 1108. 

Thomas (V.), 247, 357, 568, 160, 192. 

Thomas-Mamert, 866. 

Thompson (Silvanus-P.), 85, 600, s6b 
1066. 

Thoulet (J.), 248, 353. 

Thybaut {A.), 988. 


238, 524, 57, 


1126 


Tieghem (van), GA 

Tilden (Will.-A.), 

Tillaux, 44. 

Tillie (J.), 763. 

Tillo (Alexis de), 
990, 102€, 

Timiriazeff, 248. 

Tissandier (G.), 523. 

Tisserand (F.), 136, 380 à 384, 989, 
1063. 

Tissot, 293, 354, 356, 645. 

Torrés (Léonardo), 393. 

Touche (P.-E.), 760. 

Touchimbert (F.-S. de), 136 

Toulouse (E.), 1027. 

Traguair, #74. 

Traverso, 354. 

Treik (Jos.), 252. 

Tresse, 247. 

Troost, 903, 1105. 

Trouessart, 138, 79%, 1103. 

Trouillet, 761. 

Trubert (A.),.42, 605. 

Tudor Cundall (J.); 867. 

Tamlirz (O.), 358. 

Turner (Six W.), 47 


136, 759, 193, 089, 


14. 
U 


Urbain (E., 204 à 223,146 à 450, 
826, 1028. 


v 


Vaillant (L.), 248, 526. 
Vaillard, 569. 

Valcourt (Dr de), 1106. 
Valenta, 1108. 

Vallier (E.), 136, 155, 989. 
Vallin, 44, 525. 
Vallot (J.), 566. 
Valois, 570. 

Vaquez, 293. 

Varet (Raoul), 353, 
646, 864, 903, 988, 
Vaschy, 43, 135, 192. 

Väudin (L.), 435, 864. 
Vautier, 642, 643, 1064. 
Vayssière, 643. 

Veley (H.), 140. 

Venukoff (général), 191, 642 


Verneuil, 395, 606, 608, 641. ° 
een 1022, , 

LL dRë CHEN hs8:l 
Verschaffelt (J.), 907. 
Vesque, 394. 
lVedsioti(e)}1 13%. ) 
Vialleton, 158. 

Viard Di) 102700 ai TA 
Viau (G.), 901. 

Vieille (P.), 755. 


[AHIIA f 


Vigouroux, 135,246; 292, 569, 1026, 
1063. 

Villard, 191, 605, 759, 795, 642 

Villars (E. de), 949. 

Ville (J.), 410. 

Villiers (At), 43, 80, 81, 135, 136, 
139101011498, 1291, 29480 395, 
865. 


Vincent (DrH.), 522. 

Vinot (J.), 81, 605, 829. 

Violle (J:),410, 642, 643, Te 106%. 
Vislicenus (D.-W.-F.), 242 

Vitzou (Ales.-N. |, 904. 

Vivet (L.), 816 à S24, 898, 947. 
Vivien, 136. : 
Vogel (Dr), 400. 
Vogt.(Carl), 475, 523. 
Vries (J. de), 86,992, 1067. 
Vuillemin, 293, 1063. 
Vuillemin (D° C.), 758. 


W 


Waals (J.-D. van der), 198, 648, 907. 

Wallace Walker (J.), ‘607, 648, 831, 867, 
1067, 

Wallerant, 293,523, 4062, 

Wallon, 355. 

Wardell Stles (D' Ch.), 471 

Wassmuth (A.), 439. 

Wedensky, 44 

Wesscheider (R.), 252. 

Weierstrass, 246, 353, 4 

Weineck, 358. 

Weisack, 292. 

Weiss (G.), 195, 253 à 269, 1021 

Weiss (Pierre), 393, 438, 195. 

Welsch, 606. 

Wenieck, 197. 

Wentworth Jones, 1108. 

Wernicke, 862. ï ! 


ERRATA 

P, 46, au licu de Faurel, lire Fouret. 
P:1685, = Thomson (S. P.), lire Taomrson (S. P.\. POST — 
P:M431} _ J. Drack, lire J. DracH. P. 439, — 
189 139, —— Wyndham R. Dunsion, lire WyÿNp#au Pe927 — 

R. Duxsran. 1 159, - 
P:4194 — Audouard, lire ANDOUARD. P. 864, — 
PA98 — Alfred ©. Clapman, live ALrre C. 


; DES AUTEURS 


fDIAO 24 J0IT HAE RC SUV: ATON 


Wertheimer (E.), 391. 


RÉERA o1. 


Nes r dar, ee 
Wickersheiïm, 


Wiener (Otto), 609. 
Wilkomm (Moriz), 1028. 
Williamson (S.), 1067. 
Willotte, 81. 
Winogradsky (S.), 
Winter, 1026, 1107. À 
Wirtinger (Wilhelm), 358, 1028, 1058. 
Witz (A.), 243, 348, 432, G43 à 647%, 
825, 829, 859, 1058, 1101. 
Womack, 85. 
Workler ner 474: ? 


1062. 


CR : — ,23MI44 


Worms; 764105liqe 81 ,2591u002 251 
Worohine, 4025: AJ 44 2017410842 
Wright (Lewis T3; BY 16q —- "| 
Wulker:(MllerC:},:252. —" at mo0 À 
Wurtz, 1437, 522 osent 


Wyndham R. Dunstans:1139;252, 867, 

1108. 
Wiyÿnne (W.2P.),-572; 867:041u02 ao A 
Wyrouboft, 46, 138, 394, 395, 4028:10 2 


6/99 1 — 


x À 


XXX.. 506 à 514, 593 à 595. 


y 


Yersin, 570. 
Young (Gvorges), 164. 
Yule (G.-V.), 196, 399. 


VA 


Zachariadès, 1064. 

Zdenek Peske, 439. 

Zeemann (P.), 198, 992, 1068. 

Zeiller, 43, 492, 360, 604. 

Zenger (Ch.-V.), 353, 411, 568, 569, 605, 
641, 864, 865, 903, 904, 1105. 

Zickel, 1028. 

Zochios, 435. 

Zorn (L.), 44. 

Zwaardemaker (B.), 908. 

Zwiers (H.-J.), 198, 295. 


CHAPMAN. 
Ebnor (V.), lire von Eëxer. 
Harvis Morris, lire Harris Morris. 
Anslrong (Dr), lire ArMSrROoNG (D"). 
Sarran, lire SARRAU. 
Guinchaut, lire GuINCHANT. 


CAUATUA 840 AUQTIASLHIJZ AJAZT 


.10E (D: Jontiodtio 7 | ; 


AHAS (brsubs X) <e dd 


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RO EE GRO SEE DE EE LA) mi 


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AgimMes. — Les {Les eaux souterraines, lés cavernes, 

les sources, la spéléolagie)cssic /7...,.........:... 566 
ABSORPTION DE LA LUMIÈRE. — Étude expérimentale sur 

1" par léficristAux2s.l) ii M..1....... otre OU 


ACÉrYLÈNE. — Une révolution dans l'éclairage au gaz. 
Utilisation commerciale ‘et industrielle du carbure 
104 deéfcaltitm pour là production de l—........... 446 
Sn lReciaiTape al LME: LA MER 598 


- ACIDE SULFURIQUE:. — Triadbüsteie del — en France... 839 
ACIDÉS) BIBASIQUES. — Contribution à l'étude de quel- 


QUES... Se cort 022 
ACIDES CÉROTIQUE ET MÉLISSIQUE. — Recherches Sur 

LES do 00e RSS DRE PE RACE 899 
ACIpEs -ORGANIQUES à-fonction complète (2° partie)...._ 38 
AcIER. — La métallurgie AE PR RME S ne De 38 
ACTINIES. — Étude sur VAnatomie, PERS et le 

deyeloppementides 4 le. in 757 
AGRICULTURE. — Le rôle de la science Hans lévolution 

CAPES RER RER RER Ps AR TR PI dd 56 
AGRONOMIE. — L’— au Congrès de Caen M RER RE 173 
Revue anne lee M. se nées à ol e mure auoo eos 1008 
AIGUILLONS DES PLANTES. — Recherches SRE 

sur les épines et les —............ DS enenere 985 
AIMANTATION. — De l'influence de } — sur les phéno- 

mèdes thermo-électriques........ HaEcE hodoooa-ce 899 
ALBUMINES. — La digestion iriptique des — et la sé- 

crélion interne de la rate. ....:....... RE NE %. 494 
ALGÈBRE SUPÉRIEURE. — Introduction à l’étude de la 

Théorie des nombres et de l —......... See ete 131 
ALLIAGES. — Les — métalliques...... GUESS an OU 529 
ALLOTROPIE. — De l’ — des corps simples............ 77 
ALUMINIUM. — La soudure de = ..:................ 36 
ÉNALVSR AU CHA LME LUS 22 SR Papiers anus ee ee een US 189 
ANALYSE INFINITÉSIMALE. — Lecons nouvelles sur l — 

et ses applications géométriques................. 
ANALYTISCHEN GEOMETRIE DES ÉBEXE. 

GE Es OM ER SAT D RO PE Era 
ANATOMIE. — Revue annuelle d' —....... 
ANATOMIE PHILOSOPHIQUE. — L’ — et ses divisions LME 1103 
ANESTHÉSIE. — Manuel opératoire de l — par la co- 

CAM ENICMIPUEPTE Ten LAIRE. mer 901 
ANIMAUX DE MapaGascar. — Les —,,................ 693 
ANTIMONIATES. — Contribution à l’étude des arséniates 


et des — cristallisés préparés par voie humide.... 788 
APOCyNÉES. — Produits fournis à la matière médicale 

par la famille des —..... De re MA ee route ie sequere 288 
APPAREIL DIGESTIF. — Traité des troubles fonctionnels 

mécaniques de |’ —, Evolution naturelle de la dys- 

HARAS RES Eee ne cer clelelaiste PEER . 469 
APPAREILS ACCESSOIRES des Chaudières à vapeur...... 1101 
ARGENT. — L’avenir géologique de l’or et de l —. Con- 


séquences économiques et sociales...,............ 362 
ARGON — [’ —, nouvel élément de l’atmosphère...... 90 
EE ER EM SSP RS OR LE 99 
— La liquéfaction et la solidification de TE 101 
ÉRPAISCHS SOS SUR A RER TEEN Eee SES 103 
— L’ — et le système des éléments. 620 rie M LE) 
— Les recherches du professeur W. Ramsay sur l — 

BE MES ee cb nor ee ocre PRES .. 207. 


4 Les chiffres gras renvoient aux articles originaux. 


TABLE ALPHABÉTIQUE. DES MATIÈRES : 


ET LES NOUVELLES } 


LAS à O8E 


{ 


— La Sas de la ne de l°= et l'Analyse: 


GPS RESTE LA ES RES Faces ONU 
Anrrutiques | — Traité d’ — suivi de Notes sur l’ Orto- j 
tografe simplifiée........ HD OC AE 4 oJ..4#41020 
ARMURE GÉNITALE. — Contribution à à l'étude de Ra Mor- 
phologie de’ l’ — des Insectes.........111. 4.140 862 
ARSÉNIATES. — Contribution à l'étude des— Pt des 
antimoniates cristallisés préparés par “Voie ‘hu 
mide.... Hp oies 0 CE ETES 
ART MILITAIRE. — Applications de la Chimie à " — 
IMOBPEUAEAR Een eee. c-=0E: 1-0: tin8839 
ASCIDIES COMPOËÉES. — Contribution à létudé des —.:::949 
ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L’AVANCEMENT DES SCIEN- 
CES. — Lies travaux de l° — au Congrès de 
Caenñmstiey 17. ne SE MANS ARE DS ae . 159 
ASSOCIATION CÉbDÉSIQCE : INTERNATIONALE: = Comptes® ? 
rendus des séances de la Commission permanente 
de l —, réunie à Innsbruck du 5 au 10 Septem- 
bre 1894, suivis des Rapports sur les travaux 
géodèsiques accomplis dans les différents, pays 
pendant 4 dernièrerannée 1." Rene 56% 
ASTRONOMIE. — Revue annuelle d’ —.................. 380: 
ASTRONOMISCHE CHRONOLOGIE. ......u...ssssce TELE AS 
ASYMÉTRIE et férmentation à propos des travaux de 
NÉS MSCRER Ne NL creme Eee ce 53 
ATOMISME. — La déroute de | — contemporain....,... 953 
— Quelques mots de réponse à la Déroule de Pl — 
CONLETIDOTN REC ee ea 02e Ho De 1030 
Arom-MEcnaxics. — The Elements of — 4er vol. : The ; 
true atomic Weights of the chemical élements and 
NO HI OLEMALTOT RER ren Ne tee oeee 156 
Azore. — Les anomalies dans la liquéfaction de l'—.. 107 
B 
BacTÉRIOLOGIE. — Applications de la Micrographie et 
de la — à la précision du Diagnostic chirurgical... 134 
Précis de CHNIQUE. 2. pe ee 522 
BaALISTIQUE des nouvelles poudres. 155 
Baryum. — Essai sur la préparation du — métallique.. 948 
BenzÈne. — Recherches sur quelques dérivés surchlo- 
Tes AUMPhEnOME DATES ERP ER RE EE CE LEE 860 
Bères. — Nos —. Animaux utiles et nuisibles. 522, 
A D AE RENE ee PR ee A PRES . 640, 758, -950 
Brcyeues. — Traité des — et bicyclettes, suivi d’une 
application à la construction des vélodromes..; 466 
Brcyczerres. — Traité des bicycles et —, suivi d’une 
application à la construction des vélodromes...... 466 
Bière. — La — et l’industrie de la Brasserie........4. 1102 
Bicmarziose. — Étude sur le Bilharzia hæmotobia et 
ESS EE oomonseé PR An An de Oro 758 
BIOMRGANIQUE: a — 0 NS De 441 
BisexuËs. — Les —; Gynécomastes et Hermaphrodites. 1023 
BLack-Ror. — Le — et son traitement pratique....... 390 
BorNAGe. — Rapport présenté à la Commission extra- 
parlementaire du Cadastre sur l’état actuel du — 
despropriétés en EranCe ere eee 186 
BoraniQue. — La — au Congrès de Caen.............. 172 
. Anatomie et phy siologie VépétalEs RENE CDe- CE 602 
ren any. — Chapters in Modena RE 433 
Boucue. — Formulaire ue pour les maladies ‘de 
lar=etdesdents PA. Per re Ut . 901 


CONTENUES DANS:T LES/ARTICLES ORIGINAUX, LA BIBLIOGRAPHIE, LES CHRONIQUES 


bruwrseerr 


1128 


TABLE ALPHABÉTIQUE. DESMATIERES 


Bouée. — Nouvelle — de sauvetage... . Éotaiie &r 
BRASSERIE. — La bitre et l’industrie de la —......... 


€ 


CABLES SOUS-MARINS. — Le relèvement des 2°,....... 
CALCUL GÉOMÉTRIQUE. — Précis de — d’après les théo- 
ries de Grassmann (en allemand)................. 
CALCUL INFINITÉSIMAL. — Applications géométriques 
dur PR EEE 


ciécheCS eee or nn MT MeE de 
CARACTÈRES. — Les —. 6 
CarBuRE DE CALCIUM. — Une rÉv volution dans l'éclai- 
rage au gaz. Utilisation commerciale et industrieile 
du — pour la production de l’Acétylène.…. 
— Sur la préparation industrielle du —... 
Cer.LuLose, an Outline of the Chemistry of the structu- 


ralmblementsOPePIants. ecrire F5 oo de 
CÉMENTATION. — La — des lingots destinés aux pla- 
QUES INTRO EEE RE RE SPA das : 


CENTRES NERVEUX. — Anatomie des —, I. Méihudes 
générales d'étude : Embryogénie, Histogenèse et 
Histologie. Anatomie du cerveau..... tre 

CERVEAU HUMAIN. — Atlas du — et du trajet des fibres 
nerveuses à l'usage des médecins et étudiants en 
MÉHECINB Eee sine cles ee me sise 

CHaLeur. — La théorie de la — (en anglais). SSSR EE 

— Les actions chimiques de la lumière et de la —. 
MethoderdetM°G: Lemoine." eee. ce 

CHaMpiGoOxs. — Dictionnaire iconographique des — 
supérieurs d'Europe, Algérie et Tunisie........... 

CHARPENTERIE MÉTALLIQUE. — Menuiserie en fer et ser- 
PATES ES) LE PSE M ANNEE Re PRE SERRES 

CHaux HYDRAULIQUES.— Industrie des — et des ciments 


GTMETANCER SR ete ee dre e dela ne silo steel ; 
CHIEX. — Anatomie descriptive et topographique 
du 


Came. — La — au Congrès de Caen. 
— Cours élémentaire de —, rédigé conformément à la 
nouvelle nomenclature proposée par le Congrès de 
Genève ; 
— Applications de la — à l’art militaire moderne.... 
— Traité de — avec la notation atomique. Métalloïdes, 


Métaux, Chimie organique. ..... TER CHERE 
CHmtE ANALYTrIQUE. — Les bases scientifiques de la — 
(en allemand) ..... TRES Moser 2 Ebelécobes 
CHIMIE MÉDICALE. — Corps minéraux.Corps organiques. 
Chimie PURE. — Revue annuelle de —.......... sobre 


CniRurGIE. — Revue annuelle de —........... ...... 
CHiRURGIE OCULAIRE. — Recherches bactériologiques sur 
lPétiologie des CE RA aiguës et sur l’asepsie 
dans la —........ .. 
CHRONOMÈTRES. — Les — de : marine. 
Cimexrs. — Industrie des chaux hydrauliques et des — 


BNMETANCE Mn and see area TIC de Re 
CINÉMATOGRAPHE, — Le — de MM. Auguste et Tout 

ÉDTPET BE de SE More dll Este So So dE Sas 
CLiNiqu E CHIRURGICALE, — Lec ons de — professées à 

l'Hôpital Saint-Louis pendant les années 4889 et 


1890. Da lere te stnt re MUR LES ete s Hess Le 
CLINIQUE THÉRAPEUTIQUE. — Traité élé mentaire de — 
CLINIQUES CHIRURGICALES de la Pitié. 
CocaixE. — Manuel opératoire 

en chirurgie dentaire..…..... 
—].a — en chirurgie 
Coccipies. — Les —.... 
Cœur. 
COMMERCE A GET = 

économique de l'ile:....... Pan PRE 7 NOR tn ET es 
COMMUNICATIONS TÉLÉPHONIQUES. entre Les trains et les 
stations de chemins de fer 
COMMUTATEUR ÉLECTRIQUE... .. e 
COMPARATEUR AUTOMATIQUE ENREGIS 

M. le commandant Hartmann..... PR, 
CouPREssEUR D’AIR. — Un nouveau type de —...,..: 
CoOxXFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE. — Les travaux de la — 


19 


1102 


de Bruxelles, . :. 
CoXGRÈS GÉOLOGIQUE 
hinetan 2 tro: 
CONJONCTIVITES 


Pr 
international. Sn de. Wasab 


N° RU. TAAUITA/IDPIO 
AIGUES. — Peche bacté 


rurgic: oculairas.20{ainomehot 21010. shine. aue9 603 
CONVENTION DU MÈTRE, —"La—<{.af). site ::11886 
CoRPUSCULE, CENTRAL. —. Le — et. la division: teellacil — 

aire. ne casse NN MP ESS ti0e PONET AE 


CouLEURS REPRODUITES. — Lesi — en photographie::.11-3% 


CourANTS ALTERNATIFS. — Troubles causés-sur les di: 


gnes téléphoniques par une distributiôh à —....:0° 129 
787 


— Actions des — à haute tension sur l’homme... 
— Étude analytique et graphique des 4=!4..41i4u.211 788 
— Leçons sur les notions fondamentales relatives à 
liétuderdes =" en 1102 
COURANTS DE GRANDE FRÉQUENCE. — Sur l'action phy=1/1#111 


SLR CUNIILUEL 


siologique des —....... ral Jamal 25h naNEIeneT 
CouRANTS TRIPHASÉS. — [L'emploi des — à li station: 
centrale d’électricité de Chemnitz.........4.1rau, 250814 
CRYPTOGAMES VASCULAIRES. — Recherches ranatomi=: 1110 
ques sur les — lot. * 1190520 
CULTURE FOURRAGÈRE. — Manuel de ee er 468, 
D Au 
DÉBRAYAGE. — Nouveaux appareils de — et freinage 
AUTOMALIQUES RE EEE eee ee ou: 29 à (LL) 
DÉCHARGES ÉLECTRIQUES. — Les — à travers les gaz... 283 
DÉCORATION CÉRAMIQUE au feu de moufle............... 38 
Dexrs. — Formulaire pratique pour les maladies de la # 
Lee Poe HHosremoasone rer rene ire I 
DÉRIVÉS TARTRIQUES. — RécHétches sur quelques — 
de structure dissymétrique...... Se Me SE TUE - 156 
DERMATOLOGIE. — Précis élémentaire de —. I. Derma 
toses microbiennes. Néoplasies........... PE CO 
Désixrecrion. — De la — des poussières sèches des 
appartements au moyen de substances gazeuses et 
VOTATHES en ee CES EEE = e D PRET 904 


DIAGNOSTIC CHIRURGICAL. — Applications de la Micro- 
graphie et de la Bactériologie à la précision 
CO Eee Vers SAR En RE RE CA EE 134 

DioscoRäEes. — Recherches sur l’anatomic de l'appareil 


végétatif des Taccacées et des —.................. 861 
DisrersION. — Étude expérimentale de la — et de la 

Réfraction des gaz... ect rude lat 
DisSrANCES ANGULAIRES CÉLESTES. — Sur les mesures 

micrométriques des petites — et sur un moyen 

de perfectionner ce genre des mesures............ 105 
DiSTILLATION. — La —. mt ee He Mo rnT82) 


DisTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ. — ‘Un nouveau système 
de —;, système monocyclique du D' L, Bell........ 564 
DESON CELLULAIRE. — Le corpuscule central et 


Re — Traité des troubles fonctionnels mécani- 
ques de l'appareil digestif. Évolution naturelle de 
LEE Mo ee PEER PE Er drole hn409 

E 
Eaux-DE-Vie. — Fabrication des —......... PERS +250 
ÉCLAIRAGE. — L'—' Paris. sur. A RARES 132 


ÉCLAIRAGE AU Gaz. — Une FU RUDne dans v —. Utli- 
sation commerciale et industrielle du carbure de 
calcium pour la production de lAcétylène......... 446 


ÉLecrrierré. — Les applications mécaniques de l — 
dansiles Mines. eee et a TE AT Dès Th 8 
— L’— appliquée à. la Marine..,..,........""2 AB 
— L’' — employée comme moyen de chauffage... . 46% 
— Cours élémentaire d'—...... MR ame 918 
ÉLECTRICITÉ AGRICOLE... . » . » : : ner sb 1e E PO D 
ÉLecrrierry. — A laboratory Manual oË Physics and 
RO ME manne a TT Pt eee D) 
TRO-AIMANT, — L’ — et l'Électro-mécanique....... 600 
crRo-cyimtE. — Sur l'extension de ? — industrielle, 296 
CTRO-MÉCANIQUE. — L’Électro-aimant et l —...... 600 
ÉLecrroeurion. — L’ellicacité de l —.. ...... Er PL 


ologiques 224 
sur l’étiologie des — ét: sur/l'asepsie dans la chi 2120 


mt E. 


À Besevra-Marnenarix, -— Methodisekes Lehrbuch 


: fLQIzROC 388 ct 947 
D uenr DES RIVIÈRES — en Australie... 439 
ÉTIQUE. — Lettre SES LE EAUOIE AU LUE 1069 


» Énerem ÉLéommiQue. =: Électricité industrielle : Le- 
“ çons sur les notions fondamentales relatives à l'é- 


D DeBude et aa mesure. de. L—<;l 7 Mani JA ANT 71 
_  — Exemples de transport d'— À grande distance... . 982 
DS LPS sources di ent encens séismes sou 1102 
_ ENSEIGNEMENT calMiQue. — [2 — à ‘l'étranger. Labo- 
ratôires nouveaux) .2l0nQn bem A2 201 
BE Sur.l';-—-en Francerntsil. MULHSU AR in, 20 35S 
_ Exrropie. — 1 —;, sa mesure et ses variations : 
#01 1l'e partie. Méthodes, Lois fondamentales. ...... 909 
2e partie. Mesure de la reversibilité des transfor- 
ES MMA ESODHÈRMES naine eee cer R ee ce 1001 
- Épixes. — Recherches anatomiques sur les — et les 
| :* aiguillons des plantes. [nfluence de l’état hygromé- 
ë trique et dé l'éclairement sur les tiges et les feuilles 
D 2ièdes plantes aepiquantssaeul 4 UML IonnNE Sen 985 
._  ÉPREUVES PNOTOGRAPHIQUES. — Instructions pratiques 
pour produire des — irréprochables.............. 388 
20 DU DU, du 
ÉQUATION DE LA CHALEUR. — Sur | — = 387 
; RELMNUE x 
EqQuarions DE LA Dyxamique. — Mémoire sur la trans- 
MIO MANON dE nnnen eue for e doye 131 
ÉQUATIONS ZINÉAIRES. — Sur les intégrales des — aux 
dérivées partielles du second ordre à deux varia- 
HIS TA ÉPeNdANTES re de Eu Rs 0 sec 7 PÉANES 
ESSAIS DE RÉSISTANCE DES MÉTAUx. — La mesure des” 
petits allongements dans les —............. AoVee 822 
ÊTRES VIVANTS. — Histoire naturelle des —, I. Anato- 
mie et Physiologie ammales et végétales. II. Re- 
production chez les animaux et compléments. — 
Classifications zoologiques et botaniques.......... 1060 
EXPANSION FRANÇAISE. — L' — en Afrique........... 593 
EXPLOITATIONS AGRICOLES A MapaGascar. — Les gran- 
des —. Canne à sucre, Cotonnier, Vanillier, Pignon 
d'Inde, Caféier, Cacaoyer, Tabac, Aloës et Agavé, 
Rizeautres CIIUTES AE es eee eme ee LE 0B 
Expcosirs. — Deux nouveaux — de grande puissance 128 
F 
FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION. — Le —...,. 107L 
Fascixarion. — Le Somnambulisme provoqué et 
DE LS EPS EE tr 986 
FEMMES. — Les — dans la Science................... 190 
FERMENTATION. — Asymétrie et —, à propos des tra- 
ADR PMEEM ARR SCR ET RE A EC rer 53 
— Les microorganismes de la —.................... 566 
Feuizze. — La Récapitulation et l'Innovation en Em- 
k bryologie végétale. Ontogénie de la plantule. Orga- 
3 nogénie de EE - 24% 
FIBRES NERVEUSES. — Atlas du cerveau humain ct du 
trajet des —, à l'usage des médecins et étudiants 
nmédecine eee mea era ie mn sn 758 
Hroserdeilile.de la RéUNION.. 672.0 MErntenie- er ce 1103 
Foncrioxs. — Sur des — d’un point analytique à mul- 
tiplicateurs exponentiels ou à périodes ration- 
HE à ESA NS TO EH LL EN Se 387 
— Sur quelques points de la théorie des —........... 637 
— Sur les — de x variables complexes.............. 1058 
Foncrioxs ELLIPTIQUES. — Abrégé de la théorie des —. 467 
os Et lEUTS APPHCAIONS en e - = ee pda e 24 518 
Foxcrion % (5). — Sur la — de Riemann et sur des 
NON SENTIMENTS RESTO UE 964 
HONTE Fabrication dela... ee ct ce 38 
Forces ÉLECTROMOTRICES. — Mesure directe des — en 
unités absolues électromagnétiques................ 1059 
Fonceace. — État actuel du travail du fer et de l'a- 
cier : 


{re partie : — et laminage : 
2% partic : Produits de forge. Conditions géogra- 
phiques et économiques de la production.......... 917 
FORMES QUADRATIQUES. — Sur deux formules fonda- 
mentales dans la théorie des — et de la multiplica- 


FABLE AUPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 


tion complexe d’après Kronecker. 


FREIN À AIR. — Le — Genett........................ 428 

FREINAGE. — Nouveaux appareils de CPE age et de — 
automatiques...... D Or PE 1100 

Frurr pes ConIFËREs. — Contribution à l'étude de 
l'anatomie comparée du —............ SUEù NIVISQ 

G 

GasréroPones. — Recherches histologiques ct organo- 
leptiques sur les centres nerveux des —.....,,..., 826 

GÉMEN UN SEC RER NT AREA O ETS ON 

GÉoGraPpuie. — Revue annuelle de —.. 

GÉOGRAPHIE LITTORALE. — La —....... ré 

GéoLocie. — La — au Congrès de Caen.: 

— Revue annuelle de —...... PR US PONS GIE SERES 

GÉOMÉTRIE ANALYTIQUE. — Cours de — : 
IMSECUONSICOMQUES Mae 2e a EC de nc L 131 
IT. Construction des courbes planes et compléments 
relalifs aux Coniques....-..". "4.1. o 519 

GÉOMÉTRIE À PLUSIEURS DIMENSIONS. — Principes fon 
damentaux de la — (en allemand).....:..,....... 185 


GÉOMÉTRIE LINÉAIRE. — Traité synthétique des figures 
du premier et du second degré dans la —, 1re par- 
tie : Complexes linéaire et tétraédral. 2® partie : 
Congruences du premier et du second ordre (en al- 


TEA) RSR EE 37 
GEOMETRISCHE ANALYSE. — Gesaimmelte mathematische 

und physikalische Werke. 1er volume, 1'e partie : 

Die Ausdehnungslehre von 1844 und die —........ 839 
GescnicaTe DER MaTuEeMATIK. — Vorlesungen über — 

BU MEN EE NC MM OO ANR EEE 76 
GESELLSCHAFT DER WISSENSCHAFTEN. — Kæœnigliche — 

deG CIRE rent eee enr Ce re reed 
GISEMENTS AURIFÈRES DE MADAGascaR. — Les —..... 715 
GITES MÉTALLIFÈRES. — Etude industrielle des —..... 468 
GomMES LAQUEs. — Contribution à l'étude des — des 

Indestettde Mañarascan ei PETER ere 756 
GRANDE ENcycLopÉDiE — Inventaire raisonné des 

Sciences, Lettres et Arts. 05e et 506c livraisons... #1 
50 72 6 DUB VI AISONS A Eee DR EL 19 
50985100 AZI VPAISONS "2 ones 134 
5 DE ete PV TAISON UE a Re pee 190 
Hate Role ANTAISONS MEL ee M PER MERR 245 
SG el Te lITrAISONS PL RCE ERA TS RE 290 
OS RONDE AISONS RL ee eee MP tr AU 
— 520° et 521€ livraisons. DIS à TANT T Crete TRES 392 
— CLVI2SENENTALSONS EE SR eee ET SRE 134 
-- CRDP DU DIN TAISONEE ES AT EC Eee ER CEE 469 
— RPC IVLAISONS Sr ven eee CE CLP 522 
— et 90 lIVEAISONS, es re De Se 567 
— Lens ALIVTAISONS ME LEE ect Enr 603 
— TN PLIS ONE Ne Re es ne ee ee EURE 640 
_ AE AO FRA 0 RE ER PEER SR ne 863 
— 535€ livraison .:......-: RARE NE RTE SLR RER En a 950 
RD) OBNIUTAISONE ER I AE Er CO CCE 987 
GRAPHOLOGIE (entitallen)- 22e. eee 902 
GROUPES DE TRANSFORMATIONS. — Sur Ja structure des 

A IS ICONS Te Le ea er mec eeD NE R 431 
GYMNASTIQUE. — Traitement des maladies par la — 

SUÉDOISE As tr ci de ECC icheus RP EEE Fo 75e 

H 

Hérivm. — Les recherches du professeur W. Ramsay 

sur l'Argon ét sur L'—.-......................... 297 
HELMINTHOLOGIE. — LL’ — falierme depuis ses premiers 

temps jusqu'à 4890 (en italien).................... 188 
Héparire. — Traité médico-chirurgical de l — sup- 

purée des pays chauds. Grands ‘abcès du foie...... 391 
Hourcox. — Culture de l’orge de brasserie et du — en 

Rance LEE pr RE ER state DER ete ira 958 
Hova. — Les — de Madagascar...:............... 49 
Huizes. — Recherches sur la formation des — grasses 

et des — essentielles dans les Végétaux. ........:. 244 
HyprocarBures. — La synthèse industrielle des — em- 

ploÿées à l'éclairage. .".27"2eN0n0RS Harecre di 5e 269 


PILE à 


1130: TABLE! ALPHABÉTIQUE! DES MATIÈRES T 


HyproGène, — La liquéfaction de P=, Détermination 
de la température critique et de La Se dé: 


bullition normale de l’-22} Jia... 2. in HTAA 617 
HYDROSTATIQUE. — Traité sur y =" (en anglaïs).0!.4 1404401 
HyG@rèxe. — La Médecine : et 1 =: au-Congrès: der 

aenue3e de CRE LEULFA LES) PE Lot 2h nel 1. en 174 

COLONIALE. — Manuel d’ —:..41 44.8 189 

OPTÈRES. — Appareil glandulaire des =—.:.1:.22. 639 
HYSTÉREOTOMIE VAGINALE. — Do l' — appliquée au 
traitement chirurgical des lésions bilatérales des 

annexBs de Futérus ft. Her. CRE ANR, Er. MAO 19 

I 
INoREASE IN Weicnr or TiN. — The — and Lead on 
©Calcination (1630). 565 
INDUSTRIE CHIMIQUE. — 157 
INFLUENCE DU MILIEU, — [° — sur les animaux....... 188 
Inxsecres. — Contribution à l'étude du système nerveux 

soûsintestindlides 241. than. MIE, pe, 0 + 900 
INSTITUT CHIMIQUE. — L? — de Néncy re 32 
Ixsrrrur pe Crime. — 1’ —de la Faculté des Sciences 

delle! #04 5 RAR PALAU CAR AUETURE CES BEI IE Ps FO LOU . 477 
INSTRUCTION POPULAIRE, — Congrès des Sociétés d” —, 797 
ISOTHERMES. — Étude comparative des — observées pas 

M. ne et des — calculées par la formule de 

MAVan'der Was? Lie MONITEUR Ar 281 . "243 

J 
Joueurs D’ÉcHEecs. — Psychologie des grands calcula- 
LEULEI NS NES ERA EE AEENRC 289 
L 
Ligoraroires. — Description des nouveaux — de la 
Faculté des Sciences de Lille. ......... AAA sé 499 


— l’enseignement chimique à l'étranger. — Nous 201 
Lacs pu JuRk — Les — : 
No 1. Généralités sur la limnologie juras 


ienne.... 861 


No 2. Végétations des lacs du Jura suisse......... S61 
LAIT coNcENTRÉ. — La laiterie moderne et l'industrie 

Ho, Hooavuodobe ct béniaaosdebdades sente 539 
LAMINAGE. — Etat actuel du travail du fer et de la- 

cier : 

ixéipar te For ere OR. UE. Len 870 

2° partie : Produits de forge. Conditions géogra- 

phiques et économiques de la production.......... 917 
Leap.— The Increase in Weight of Tin and —onCalci- 

En At Essence Sn Abbé EEE aan 565 
Lras. — Recherches géologiques sur le — de la bor-- 

dure sud-ouest du Massif ardennais......:..... 1022 
Line pE Sceaux. — Le prolongement souterrain de 

Es o000b50 td a- dec 239 


LINEAREN DIFFERENTIAL-GLEICHUNG 


der Theorie der —, t. I 599 
LoBArscHEvskY. — Hommage à la mémoire de —.... 1029 
Loge occiprraz. — La substance blanche des hémi- 

sphères du cerveau humain : I. Le —....... SEC 39 
Locomorives ÉLECTRIQUES. — Les — de la Ballimore 

and Ohio Railroad Company... DAC 129, 895 
Locomorive MINIÈRE. — Nouveau type de —......... . 485 
L'OGARITHMEN TarELN. — Vierstellige —, nebst mathe- 

matischen, physikalischen und astronomischen Ta- 

bellen für den Schulgebrauch,...,....,.... SOLE 859 
Lumière. — Les actions chimiques de la — et de la 

Chaleur, méthode de M. G. Lemoine.............. 582 
LUMIÈRES ARTIFIELLES. — Les — en Photographie.... 243 

M 
MaëuiNEs AGRICOLEs. — Instructions pratiques sur l'uti- 

lité et l'emploi des — sur le terrain. I. Labours. 

II. Semailles. IT. Récoltes. 41) 099 
Macuxes Azzcis et Scumipr. — Sur un parallèle établi 

PAUPAIGS == PODOT ET OP UONLE. épais 832 


MacniNE À vareur, — Les dernicrs progrès de la —,, 618 


Macnines A vdpEuR 22 Pratt dés 11. 4750.29lninoastsgs 
Maënixes raermiques. —. Los 2 (vapeur hair chat de 
26t à gaz tonnants).....,.,...,,77. 804 57. 101109203480 
MacminEs voLanres. — Le progrès des —. Stabilité., 766 
MapaGascar. — Le monde Re Géographie et 


Les Animaux de —, Animaux sauvages et anifiau 0 
‘domestiques. se RE EN er a L 


Macneriscne KReIsE, deren Théorie und Anwendunig. 19 349 


MALADIES MICROBIENNES. — Les — des animaux... 7: 
MaAxtPuLATIONS DE Puysiquet = Cours | élémentaire! * 10 

CNE En nee RL t 1058 

MARCHE DE L'Houme, — La morphologie physiologique 
- delai rage eme 20e etais Me NO TE NT 33 
MARÉES AIDES RTE MT CRE PONS EN à - 102 } 
Massir ARDENNAIS. — Recherches géologiques sur 16” 

Lias de la bordure sud-ouest du —............ 12 
MarnéMarTIQUuES. — Les — au Congrès de Caen. ..... 159' 
MATHEMATISCHEN CHEMIE. — Grundzüge der —. ....1 349 
MATIÈRE ——-POUT IA cecile CU DE ER 1032 
MECANIQUE GÉNÉRALE. — Traité de —. 1. Cinématique. 


tique. Hydrodynamique. Hydraulique.............. 898 
Mépecne. — La — et l'Hygiène au Congrès de Caen.. 174 
ratée MN esee sn sn nie set Se NL UO ele 288 
— (Revue annuelledebr ee pere Es 1049 
MENUISERIE EN FER. — Charpenterie métallique, — et 
S'ÉTEUTERLE, ee co at EU UE 0 Se Te AE) 
MESURES ME LECRRIQUES RE Er ep 1102 
MESURES PHYSIQUES. — Lecons pratiques sur les — (en 
ANCTDIS) ER Eee eee 10 E 0 don 0 Chsmiotru bon 281 
MérazzLurGie. — Cours de — professé à l'École des 
Mines de Saint-Étienne. Métallurgie de la Fonte... 38 
Revue annuelledel—--#4-sec2s-fircee rene ee LT 
MéréoroLoaiE. — La — au Congrès de Caen se . 164 


MicroGRAPHIE. — Applications de la — et de la Bacté- 


Mixéraux. — Analyse spectrale directe des —.... 
Mineur. — Aide-Mémoire du —.....,........,..,..2.. 56% 
Mozzusques. — Introduction à l'étude des —..,...... 43% 
MoNpE ÉNERGÉTIQUE. — Le monde mécanique el 


MonDE MALGACHE. — Le —. Géographie et aspect gé- 


Monve mécanique. — Le — et le monde énergétique.. 1030 
Mowocoryzipones. — Recherches sur les — à accrois- 


Morr APPARENTE. — La — du nouveau-né 
MoreurR-ALTERNATEUR. — Un— destiné aux recherches 


MorEurs A GAZ ET A PÉTROLE. — Les — en 1893 et 
IS0 Eee Ee PR Rte SONT O yU nettes de Na AIO 
MoTEURS A PÉTROLE. — Les — de faible puissance. ... 573 
MOTEURS DES MACHINES ÉLECTRIQUES. — Régularisation 
CNRS AE SN REDor DE NE A ve Qt) 
MOUVEMENT BROWNIEN. — Fes — et les mouvements 
moléculaires .......... Re Se Te RCA 1 
MOUVEMENT VARIÉ DE L'EAU, — Sur le — ‘dans les tubes 


aspect général de —, Le sol, la flore et les forûts. 
Les races malgaches ét'Iéut vilsationt 27H À. 


Les grandes cultures À 2! Cañnés! 
nier, vanillier, pignon d'Inde, cu 
table aloës, agave, riz, blé, Viÿhe 


, 
4: 


Les gisements aurifères de —:,...,... z :FPRY1528 
L'état actuel du commerce à — et PAYER: Bcbho 1 ue 
miqnedelIlE EEE RENE REP RSR 


La’ pathologiede =" 
La politique française à — . 


Théorèmes généraux de la Mécanique. De léqui- 
libre et du mouvement des Corps solides. IT. Frot- 
tement. Equilibre intérieur. KÉlasticité. Hydrosta- 


riologie à la précision du Diagnostic chirurgical... 134 


RO TR D DORE Pr So TOR TIRE OCDE ere LIEN 


néral de Madagascar. Le Sol, la Flore, les Forèts. 
Les Races malgaches et leur civilisation.......... . 650 


Den ET) 
os De 


sement SeCONUAITE, . eee este emels è 


de laboratoire à University College (Londres)...... 858 


capillaires cylindriques évasés à leur entrée et sur 
l'établissement du régime uniforme dans ces 


TDDES te eme LEE re RS EE a an “ete JE 
MouvEMENTS MOLÉCULAIRES. — Le mouvement brons 

mien (ét 18 ramener craie C an ER PHP 1 
Muaugr. — Étude sur le —......... RP RARE Su 4100 


MULHrIPLICATION COMPLEXE, — Sur deux formules fon- 


TABLE ALPHABÊTIQUE ! DES IMADIÈRES’ ! 


gcalamentales dans la théorib des fôrmes ;quadratiques 14, 1! 
et dedè-id'aprèsyKronceken.!.… .saanannur.e24102867 
MaitosPoRIDIES. — Les.—...........,.{alucraot.sns 61082 
88 . hdilidéte — eob e’ iT201% 
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NÉMATODES..— . Recherches, gr l'organisation et le dé- | 
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Nouveau;x£. —: La mort apparente du —............ 902 
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Évyres COMPLÈTES DE PASTEUR. — Publication 
de 2- eme snite nee ennrmpeiaestes renom tif: 
Or. — Les alcaloïdes de l — 
Bi — L'avenir géologique de | — et de l'argent. Con- 
séquences économiques et sociales................ 362 


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OrGE DE Brasserie. — Culture de  — et du houblon 
Men, France. mere.» : CRE DR dar anse OU 
ORIGIN OF SPECIES. — Materials for the study of Varia- 
tion treated with especial regard to discontinuity in 
re se Re RE SR ET mal SET ne | 
OrriE. — Traité scientifique et industriel des Plantes 
. - textiles, supplément au tome IL : L' —............ 1059 
OrroGrare. — Notes sur l’ — simplifiée.............. 1020 


OsCILLATIONS ÉLECTRIQUES. — Les —. Lecons profes- 
sées pendant le premier trimestre 1892-1893 par 


M. H. Poincaré, rédigées par Ch.Maurin.......... 983 
OxxGèxe. — L’ — est-il un corps simple?............. 361 
[A 

Pa. — Le —. I. Physiologie, composition, hygiène. 
II. Technologie, pains divers, altérations.......... 1060 
ParéonroLocie. — Eléments de —, 2° partie.......... 900 


Parasires. — Les — des habitations humaines et des 
denrées alimentaires ou commerciales....,......., 1103 
PASTEUR (L.). — Souscription internationale pour éri- 


ger, à Paris, un monument à —..,..... een à os EE 
Paraérique. — De l'origine du — et de la racine supé- 
rieure du Trijumeau...... Mere: cepdee UT RD 


PATHOLOGIE DE MADAGASCAR. — Conditions sanitaires 
de Majunga à Tananarive. Hygiène du soldat et ac- 
climatement du colon.. ete are 10 
PATHOLOGIE GÉNÉRALE. — Les progrès de la —.....,,. 974 
Pècues MarirIMes. — L'état actuel de l’industrie fran- 


PARCS — + = se emerGrih nes So ete Use ns 109 
Penpuce. — Les études récentes sur le —...... HR 401 
PERFECTIONNEMENT ANIMAL. — Sélection et —......... 901 
Pérrronire aIGuE. — Note sur la — généralisée asep- 

tique. Quelques considérations sur la bactériologie 

des suppurations péri-utérines.,........ rec -POU 
PÉRITONITE TUBERCULEUSE. — La — chez les énfants., 189 
PersPECrivE. — La — en Paosrapie 
Puacocyrose. — La — normale..,............. 
PHarMaciE. — Cours de —, t, Il, 6 Pharmacie chi- 

mique. 1er fasc. Médicaments chimiques apparte- 

nant à la Chimie minérale............... rer en OU 
PHARMACOLOGIE. — Traité de Thérapeutique et te —, 
suivi d’un Memento formulaire des médicaments 

NOUVEAUX ......... Lors Edo Re ronr ee El 
Paénoz. — Recherches sur “quelques dérivé és surchlorés 

du — et du Benzène...... APS Er ec > crc" 000 
PuosPHates. — L'industrie des — et superphosphates 

en France........ SAAB ne RÉ NAE co OE ...-1038 


PHOTOCHROMIE INTERFÉRENTIELLE. — Manuel de —..,, 565 


PHOTOGRAMMÉTRIB. — DANSE) et usage, dun appa-os il 
reilélémentairerde 2... 4 aemuièsn dessu st 01 01468 
Pnorocrapmie, — La — pour tous! ah ofsmsonaroMilerd T1 
Cours théorique .et-pratique de —,t1l....:24,:4:20 41871 
— Dictionnaire synonymique français, allemand, an+ 1,11 
glais, italien et latin des mots KcRRques et scienti- | 


-ffiques employés en —..:h.hiunall....,sasses son s S6DIT 
Pnorocrapmie pes CouLeurs. —! Idées nouvelles sure; 1 
la —, d'après les derniersttravaux de M.Otto Wiener. 609: 
— La —., Ses méthodes et ses résultats. ,....,.....1084 
PuyLLoxera. — Sur la résistance au — ‘des vignes 
américaines. Moyens de la mesurer............... 188 
Puysics. — A laboratory manual of — pad applied 
Electricity. ..--..... Éntre ec eere PCT LEE 432 
Puaysique. — La — au Congrès der Caen: ur 160 
— Revue annuelle de —............. GERt has ol 550 
Pzacenra. — Le — des Carnassiers, d' ADS M. le Pro- À 
fesseur Mathias Duval................... 1e 21993 
PLANE ANALYTICAL GEOMETRIE, — An introductory ac- 
count of certain modern ideas and, methods 
AN rire se neeOMOU € 302555 E De SIN se) 048 


PLANTES A PIQUANTS. — Influence de l’état, hygromé- 
trique et de l’éclairement sur les tiges et les feuilles 


Des}. hist ee EL 2.5 Ad ROS .. 11985 
PLANTES TEXTILES, — Traité scientifique et industrie] 
des —: Supplément au tome HI : L’Ortie....,.... 1059 


PLanruLe. — La Récapitulation et l'Innovation en Em- 
bryologie végétale. Ontogénie de la —. Organogénie 
de la feuille..... ÉCART One LABO GHUte co . 244 
Poips MOLÉCULAIRE. — Guide pour la détermination 
du — par les méthodes cryoscopiques et, ébullio- 


scopiques de Beckmann (en allemand)............, 984 
POLITIQUE FRANÇAISE A MapaGascar. — La —........ 793 
PRaïRIEs. — Les —; prairies naturelles, prairies de 

FAUCHBEE EE SECTE Sade o o 2 ot HAS TT T0 468 
PROCÉDÉS PHOTOGRAPHIQUES. — La théorie des —...... 600 


ProDUITS DE FORGE. — État actuel du travail du fer et 
de l'acier : 


{re partie : Forgeage et laminage...... 

2e partie : Conditions géographiques et économiques 

de la production. ...2..:....4. étre ANA ET ENS 917 
PROGRÈS DE LA Marine. — Revue annuelle des —.... 451 
PROPRIÈTÉS RAA TEE DES CORPS à diverses tempé- 

LATTES ee at: ? Euiurele aufve Lpre tofs « PEUT OE .. 631 


PROPRIÉTÉS MAGNÉTIQUES DU FER. — Les — ‘sont: elles 
influencées par des renversements fréquents de 


polar idee -Serne-2er 0 tent red 385 
PSyYCHIATRISCHEN KLinik. — Arbeiten aus der — in 

Breslau, HeftAl- re .te.2e ur as ne TT ce 102 
PsycHoLociE PHYSIOLOGIQUE. — Revue annuelle de —. 62 
PSYCHOTHÉRAPIE an ut be -rhlereuroe- ed ReNT IE ES 828 
Pusiet=Süppuralion eee: eeet arc cd cn 215 
QUADRATISCHER GLEICHUNGEN. — Zur Formation —.... 825 

R 

Races mazGacnes. — Le monde malgache. — Géogra- 


phie et aspect général de Madagascar. Le Sol, la 
Flore, les Forèts. Les — et leur civilisation. ...... 650 


Rare. — La digestion tryptique des albumines et la 
sécrétion interne de la —..... ee te ....... 494 
RaumLeure. — Ueber die Grundlagen und Ziele der —. 431 
Recrum. — Chirurgie du —.....:. AE PME EPA SE TT 
RÉFRACTION DES Gaz. — Étude expérimentale de la Dis- 
persion et de la ==##1...".25.00 000 TRES ES SCA 021 
RÉGÉNÉRATION DES 0S et Résections sous-périostées..,. 289 
RÉSISTANCES EN ÉLECTRICITÉ. — La mesure des peti- 
LOS ce sssscrercr eue: cerise eCR 36 
REVUE ANNUELLE. — AgTONOMIC...................... 1008 
—— ATDALOMIE. = AU ART EUNENMENEE TT ON RÉAMEEE 847 
— Astbionmie.s MONTS ARE AN ER REGERE 2725 880 
EE Chimic pare... 222-2200. AE MAR AMENER 780 
Chris TE ANS TENTE RER 20087 


= Géographie... 0e. Far er NAN 620 


1132 


— Géologie... EEE 

— Médecine 

Métallureies- 2e enr ee 0e CE eee 122 
PHYSIQUE. er APRES DEL 10900 
—#Proprés/do lt Manet... 1-7 -ecuncecte 451 
— Psychologie physiologique.......::............. 62 
— Loologie........ ne EN A e nu D ne ete ee re 271 


RICHESSES MINÉRALES ET MÉTALLURGIQUES. — Statisti- 
que générale des — de la France et des principaux 


RL Ternes. etre Deere ce ELE-cr 99 
s 
SABLIÈRE. — Une — pour tramways.......... eee 465 
SAULES TÊTARDS. — Florule adventive des — de la ré- 
MODNLYONNASE See eme eee ccrrrrin 986 
SCIENCES ANATOMIQUES. — i de classification mé- 
DHOMIQUO TE RER P RE rErere 1103 
SRE OBITAIUNA — 1... eee een 790 


SELS D’ALUMINIUM. — Traitement électrolytique des —. 517 
SELS 1SOMORPHES. — Sur les variations des propriétés 


optiques dans les mélanges de —................. 388 
SÈLECTIoN et perfectionnement animal................. got: 
SÉPARATRUR: — Le — Sweet......:...:........0..e 129 
SERRURERIE. — Charpenterie métallique, menuiserie en 

NES MEME RER tot GPO NT Cat tube 242 
SOCIÉTÉS AFRICAINES. — Les —. Leur origine, leur évo- 

HTITOHSIEUTEAVENILEe---- ec --ceshee-ccccce 352 


SOMNAMBULISME. — Le — provoqué et la Fascination... 986 
SONNERIE ÉLECTRIQUE industrielle destinée aux endroits 
humides. 


19 
Soupax FRANÇAIS. — Question d'Afrique. — Le —.... 506 
SOUDURE DES RAILS. — Le retour du courant dans les 
lignes de tramways électriques et la —........... 980 
SPECTRES ÉLECTRIQUES. — Les —..................... 519 
SRERPAWIORESE ANALYSIS ee Cheese 826 
SITÉRÉDAHIMIE een nu ina ans aie eine se cie nie sie sie ei 167 
SUBSTANCES ORGANIQUES. — Dictionnaire d'analyse des 
— industrielles et commerciales 432 
Sucre. — Remarques sur l'Industrie du............... 235 
— Traité de la fabrication du — de betteraves et de 
CAMES Trac en LEURS CRIE 
SucRERIE. — État dela — en France 
== oo CD PÉR PREE E Scan 
— L'unification des méthodes d'analyse dans les tran- 
LOC SRE ne Pro br ma 908 
Suir. — Remarques sur l’Industrie du —.............. 425 


Suirs. — L'’Industrie des — comestibles et industriels.. 412 
SuPERPHOSPHATES. — L’Industrie des phosphates et — 


SRITENTOR AMAR ec no op PES donoo ete 1038 
SUPPURATION. — PUS @L-——...................ecl La PE 
SUPPURATIONS PÉRI-UTÉRINES. — Quelques considéra- 

tions sur la bactériologie des —................... 392 
Surraces. — Lecons sur la théorie générale des — et 

les Applications géométriques du calcul infinitési- 

mal. 3° partie : Lignes géodésiques et courbure 

géodésique. Paramètres différentiels. Déformation 

des surfaces (3° fasci 76 

— Sur les — à génératrices rationnelles............. 1101 
Sypgizis. — La — des centres nerveux............... 950 
SYSTEME NERVEUX: 0 — eme recr---ces- 350 

— Contribution ‘à l'étude du — sous-intestinal des 

Insectes 22/2187 2 ace mme deu sous sirele siens ee le sue S00 

T 
Taccackes. — Recherches sur l'anatomie de l'appareil 
végélatif des — et des Dioscorées...,.............. 861 


Tenrurier, — La pratique du —. I. Les méthodes et 
les essais de teinture. Le succès en teinturê. IT. Le 


matériel de teinture........ L Ms 22 TE k 
Taéories chimiques. — Les ioyelles TN ee eme 
THÉORIE DES NOMBRES. — Introduction à l'étude de à 


— et de l’Algébre supérieure. Conférences faites à 
l'École normale rédigées et complétées par MM. E. 
Borct et J-Drach SE 
TuéoRIE DU POTENTIEL. — Sur les développements en 
Séries dans la"... 0-0 Re DB: dE 
THÉRAPEUTIQUE. — Traité de — S de Pharmacologie 
suivi d’un memento formulaire des médicaments 
nouveaux . TRADE: 
THETAFUNCTIONEX. — Untcersuchungen über —. 
Tissu MUSCULAIRE. — Le — dans la série animale... 
Tæxras. — Lecons cliniques sur les — de l'homme... à 
TorPiLLEUR en aluminium ............. RSS NE 
ToxiNEes. — Les — ; Mécanisme de leur action. 
ToxINE CHARBONNEUSE. — Sur la —.:. 
TRAITEMENT DES BOIS. — Le — en France... 
TRAITEMENT DES MALADIES par la Gymnastique suédoise. 
TramMways. — Un nouveau système de — à conducteur 
souterrain 
TRANSFORMATEURS. — Les transports de force et les — 


de’srande=puissance 2er sat eee CRUE 
TRANSMISSIONS ÉLECTRIQUES. — Les — 14 
— Les usines à — aux Etats-Unis......... ; 557 
TRANSPORTS DE FORCE. — Les — et les transformateurs 
dé randespuissance te. 2-40 -ee SR (D 
TRAVAUX DE LABORATOIRE de M. Ch. Richet : 
I. Système nerveux. Chaleur animale. 
I. Chimic physiologique. Toxicologie. 
III. Chloralose. Sérothérapie. Tuberculose. Dé- 
fenseMde lOPPANISMÉ.---- tres Re ci 
TRHUMEAU. — De l'origine du Pathétique et de laracine 
SUDÉTIEUTE AU ee ee CCE CCC CEE . 985 
TRoLLEY. — Une nouvelle forme de —........... RQ 
TUBERCULOSES ANIMALES. — Les — ; leurs rapports avec 
la tuberculose humaine............ ot due pére 434 
V 
VaAPORISATION. — Étude expérimentale de la — dansles 
chaudières de locomotives faites dans les ateliers 
QU 'P PTS M inerte due me ONE DES ALP) 
VARIATIONS DE LA TEMPÉRATURE. — Inscriptions des — 
des parois métalliques, des cylindres à vapeur..... 773 
Vécéraïion. — Recherches sur le rôle physiologique 
de l'eau dans la" "#0 SET 201022 
VERTÉBRÉS. — Organes de nutrition et de reproduction 
chez ICS NA eee PR ro unsteeee OT ORADR 
— Sur le mode de résistance des — inférieurs aux in- 
vasions microbiennes artificielles... Se 640 
VERRERIE. -— La — depuis vingt ans......... 5 389 
Vin. — Le — et les Vins de fruits......... .......... 
VixiricarTion. — L'état actuel de la — en Algérie et 
en LUTISIB. Re ee ee STAR ENST o et ul 
— Etat actuel de la — en France............... 1408 
Vis DE FRUITS. — Le Vin et les-—........... DNS O0 39 
Vision. — La théorie chimique de la —........ Me 0 
VoyacGeur au CoxGo. — Guide pratique hygiénique el 
médical du —..""#": 0 Se NO e à Bu pue SLT ne 
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ZARLENTHEORIE DADoUE AB HE fe 12 
ZooLocie. — La — au Congrès de Caen....:::4..". . 170 
— Revue annuelle de —............ PR tre 271 


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