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SIR WILLIAM CROOKES, D.Sc. FRS.
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REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
PARAISSANT LE 15 ET LE 80 DE CHAQUE MOIS
Direcreur : Louis OLIVIER, Docrerr às Scxces
TOME SIXIÈME
1895
AVEC NOMBREUSES FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE
PARIS
Georges CARRÉ, Éditeur
3, RUE RACINE, 3
1595
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15 JANVIER 1895
0 " REVUE GÉNÉRALE
DES
SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
LE MOUVEMENT BROWNIEN
ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES !
Les questions scientifiques n’ont pas toujours le
sort qu'elles méritent; parfois elles restent long-
temps méconnues, presque oubliées, mises en ré-
serve pour l'avenir. Ilen estainsitrop souventpour
celles qui touchent à la limite de deux sciences,
à ces domaines communs où chacun hésite à se ha-
sarder. C’est de l'un de ces phénomènes, découvert
par les savants voués à l'étude des êtres vivants,
observé tous les jours par eux, et qui appartient
pourtant aux sciences de la nature inanimée, que
je vais vous entretenir aujourd'hui; bien que
peu important en apparence, il touche pourtant à
l’une des questions les plus hautes de la philoso-
-phie naturelle.
Il
Les premiers observateurs à qui il fut donné
d'appliquer le microscope aux études d'histoire
naturelle furent saisis de surprise en voyant ré-
gner partout le mouvement et la vie. Dans une
goutte d’eau, ils virent se mouvoir entous sens
des êtres de formes nouvelles et singulières, et, à
côté d'eux, s’agiter aussi et s’animer en quelque
sorte les corps dépourvus de vitalité. Les parti-
cules innombrables, les mille détritus organiques
ou minéraux qui se trouvent en suspension dans
les eaux, se montrèrent eux-mêmes animés de
A CT"
1 Discours prononcé à la séance de rentrée de l'Université
de Lyon, le 3 novembre 1894.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4895,
mouvements singuliers, d'une agitation sur place
qui simulait, à s’y méprendre, l’aclivité des êtres
vivants. Ce phénomène fut aperçu d'une manière
plus ou moins incomplèle par les premiers obser-
valeurs, qui faisaient usage de la loupe ou de mi-
croscopes très imparfaits. Lorsque l'invention du
microscope achromatique, en 1824, ouvrit un
champ nouveau aux recherches, ces mouvements
singuliers furent l'objet d’études plus approfondies.
C'est au botaniste anglais Brown qu’'appartient
l'honneur d’avoir le premier, en 1827, fait une
étude systématique de ce phénomène, qu'on dé-
signe depuis cette époque sous le nom de mouve-
ment brownien.
Ces publications ne passèrent pas inaperçues,
et, dansles années suivantes, le mouvement brow-
nien fut l’objet de recherches et d'observations
assez nombreuses. Comme on pouvait s'yattendre,
ce furent les naturalistes micrographes qui s’en
préoccupèrent principalement. En effet, il n’est
pas une seule observation faite sur les organismes
vivant dans l’eau qui ne donne l'occasion de voir
ce phénomène ; il y atoujours, en suspension dans
le liquide, un grand nombre de particules d’ori-
gines diverses qui se montrent animées de cette
agitation caractéristique. Ces observations, ainsi
conduites, mirent en évidence quelques faits inté-
ressants, mais, en somme, n’aboutirent pas à des
conclusions suffisamment molivées. On ne sau-
rail s’en étonner: cephénomène, d'ordre physique,
1
ne peut guère être étudié avec fruit que par les
méthodes propres à cette science, et ne peut être
interprété qu'en le rapprochant des données ac-
quises par d’autres expériences ; c’est donc aux
physiciens qu'appartenait cette étude. Or ceux-ci
paraissent avoir généralement méconnu ou ignoré
le mouvement brownien; on ne le trouve presque
jamais mentionné dans les publications relatives
à la Physique moléculaire ou à la Théorie méca-
nique de la Chaleur, bien qu'il s’y rattache de la
manière la plus naturelle.
Cette indifférence s'explique en partie par ce
fait que le mouvement brownien était inexpli-
cable à l'époque où il fut découvert, et en dehors
du courant d'idées qui dominait alors sur la struc-
ture et les propriétés générales de là matière. Les
physiciens, ayant peu d'occasions de selivrer à des
observations microscopiques avec de forts grossis-
sements, condition indispensable pour cette étude,
furent amenés à regarder ce phénomène comme dû
à quelque cause accidentelle ou aux illusions du
microscope, et comme peu digne de leur attention.
Les naturalistes qui étudièrent le mouvement
brownien s'attachèrent surtout à un point de vue
qui le rapproche des phénomènes de la vie, objet
de leur science. Les êtres vivants que montre le
microscope sont souvent caractérisés par leurs
mouvements propres, dont l'existence, bien cons-
tatée, présente dès lors une grande importance.
Mais si tous les corps de petites dimensions, en
suspension dans l'eau, sont animés de mouvements
divers, que devient ce caractère? Comment dis-
tinguer les mouvements caractéristiques de la vie
de ceux qui appartiennent à la nature inanimée?
C’est cette distinction qui a surtout occupé les mi-
crographes, et, en effet, elle était fort nécessaire ;
plus d'un observateur novice a pris le mouvement
brownien pour une marque de la vitalité, et a cru
voir des microbes là où il n’y avait que des gra-
nulations ou des particules dépourvues de vie
propre, el souvent même des fragments de ma-
tières minérales ou organiques.
Un peu d'attention suffit en général pour distin-
guer les deux ordres de phénomènes. Les mouve-
ments des êtres vivants, quelque rudimentaire que
soit leur organisalion, montrent une tendance
déterminée vers un but, une direction propre, qui
suffit à leur donner un caractère spécial. Le mou-
vement brownien, au contraire, parail gouverné
par le seul hasard; c’est une suile de petites impul-
sions, orientées dans tous les sens indifféremment,
une sorte de trépidation sur place qui, pour un
observateur exercé, se distingue à première vue
des mouvements propres aux êtres vivants.
Est-il nécessaire de dire que ce mouvement
brownien ne peut, dès lors, être attribué à des
2 G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES
êtres vivants, trop petits pour être visibles avec
les plus puissants microscopes, qui, dans leur agi-
lation incessante, meltraient en mouvement les
particules visibles que nous observons? Une
pareille hypothèse est détruite par ce fait que le
phénomène se produit dans des liquides où aucun
être vivant ne saurait exister. Les substances les
plus toxiques, les acides ou les alcalis les plus
énergiques n'arrêtent nullement le mouvement
brownien; les températures élevées, qui détruisent
toute vie, l’accélèrent au lieu de l'arrêter. C'est
donc bien un mouvement propre à la nature inor-
ganique; découvert par les naturalistes, il rentre
dans le domaine des sciences physiques. Il con-
vient, avant de rechercher les causes qui peuvent
le produire, de nous faire une idée plus complète
des diverses circonstances du phénomène, et de
l’étudier dans ses traits essentiels.
Cette étude ne présente pas de difficultés bien
sérieuses; un microscope de puissance moyenne
suffitpour l’entreprendre, bien que certains détails
intéressants ne puissent être distingués qu'avec.
les meilleurs instruments que produit aujourd’hui
l'art de l’opticien. Une goutte d’eau tenant en sus-
pension quelque poussière de nature quelconque,
minérale ou organique, quelques lamelles de
verre, tel est le matériel nécessaire. La technique
micrographique nous fournit des moyens assez
faciles d'éviter les courants liquides, l’'évaporation,
les causes perlurbatrices qui compliqueraient le
phénomène.
L'observateur voit avec admiration, s’iln’est pas
depuis longtemps blasé sur l'intérêt de ce spectacle,
que, dans le champ du microscope, tout est en
mouvement. C'est l’agitation d’une fourmilière ;
chaque particule en suspension dans le liquide,
sans en excepler une seule, se meut infatigable-
mont en tous sens, sans s’écarler beaucoup de sa
posilion moyenne. Le mouvement est essentielle-
ment irrégulier; il semble qu'il résulte d'une suc-
cession rapide d’impulsions agissant en tous sens,
et sans être assujetties à aucune loi. C’est une sorte
de trépidation ou d'oscillation sur place, qui peut
néanmoins,à la longue, produire des déplacements
d’une certaine étendue, et faire cheminer les parti-
cules au sein du liquide qui les entoure. Si ces par-
ticules sont de forme allongée, ou présentent quel-
que point de repère sur leur surface, on reconnail
qu'elles tournent aussi sur elles-mêmes avec la
même irrégularité apparente. Chaque particule se
meut indépendamment de ses voisines; mais, par
une circonstance loute nalurelle, l'aspect général
du phénomène est surtout frappant lorsque ces
particules sont très nombreuses. Bien qu'à chaque
instant ces mouvements paraissent n'obéirà aucune
loi, néanmoins le phénomène, pris dans son en-
-
_ semble, est d’une régularitéévidente, et se retrouve
_ toujours avec les mêmes caractères généraux et la
même valeur moyenne de ces oscillations irrégu-
- lières. Il n'y a là aucune contradiction; bien
_ d’äutres phénomènes, gouvernés par le seulhasard,
_ montrent, lorsqu'on les considère dans leur en-
_ semble, cette régularité moyenne qui n’est pas
détruite par les variations individuelles et résulte
. du grand nombre des cas observés.
Un coup d’æil suffit à montrer que la rapidité et
l'amplitude du mouvement dépendent surtoutde la
grosseur des particules, etsont d'autant plus grandes
que ces particules sont plus petites. Au-dessus
de {rois ou quatre millièmes de millimètre de dia-
mètre, les oscillations sont rares et faibles; pour
._ des dimensions quinze ou vingl fois plus petites,
. qui correspondent à la limite de puissance du mi-
. croscope, l'agitation est, au contraire, extrêmement
active et si rapide que l'œil ne peut suivre ces
points mobiles, et ne les aperçoit que par instants.
Cet accroissement si rapide des oscillations lorsque
les dimensions des particules diminuent, est undes
caractères les plus importants du mouvement
brownien; ilnous donne à penser que le phénomène
prendrait un intérêt bien plus grand s’il était pos-
sible de le suivre plus loin, pour des dimensions
encoreplusréduites. Par malheur, nos microscopes
actuels ne peuvent dépasser cette limite, . et nous
savons aujourd'hui que nos successeurs ne seront
guère mieux pourvus :lanaturedelalumière oppose
un obstacle infranchissable aux progrès ultérieurs,
et nous devons renoncer à l’espérance de voir un
jour les phénomènes et les êtres que leur petitesse
dérobe actuellement à nos yeux.
A part les variations qui résultent des différences
de grandeur, les particules de diverses natures
agissent à peu près de même, quels que soient
. leur substance, leur forme, leur état. On peut expé-
rimenter avec des particules liquides, telles que
des globules d'huile en suspension dans l’eau;
_ celles-ci sont parfaitement rondes, et se compor-
tent comme les particules solides de forme irrégu-
_ lière. C'est là un point intéressant, qui nous montre
_ que cette irrégularité de forme ne joue aucun rôle
- essentiel dans le mouvement brownien. On peut
observer de même des bulles gazeuses en suspen-
- Sion dans l’eau; le phénomène se présente ici dans
des circonstances particulières qui doivent nous
arrêter un instant.
Certains minéraux possèdent, dansleur intérieur,
des cavités entièrement fermées, contenant des li-
quides et notamment de l’eau plus ou moins pure.
- Ces cavités se rencontrentassez fréquemment dans
- les grains de quartz qui constituent l'un des élé-
- ments des roches granitiques ; elles sont en géné-
ral assez petites et très bien appropriées à l’exa-
G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES #3
men au microscope, lorsque la roche a été réduite
en lames minces. On rencontre fréquemment dans
ces cavités une bulle gazeuse, en suspension dans
l’eau. Cette bulle fort petite montre avec une net-
teté remarquable le mouvement brownien, avec
ses caractères ordinaires.
Pas plus que la nature des particules en suspen-
sion, lanature duliquide qui les entoure n'intervient
dans lephénomène. Un grand nombre d'expériences
faites avec des liquides très divers et des solutions
variées, ont mis ce fait en évidence. Ce résultat est
en contradiction avec des observations anciennes,
mais la contradiction n’est qu'apparente. Certaines
substances dissoutes dans l'eau possèdent la pro-
priété de faire précipiter ou déposer au fond du
vase les particules en suspension dans le liquide.
Ces particules, une fois déposées, adhèrent à la
paroi, etleurs mouvementssetrouventainsi arrêtés ;
mais il en reste toujours quelques-unes en suspen-
sion dans le liquide ; celles-là se montrent douées
de leur activité habituelle.
Quelquefois les particules sont de telle nature
que, même déposées sur une paroi solide, elles ne
contractent avec elle aucune adhérence, et conti-
nuent à se mouvoir en roulant sur la paroi. Ce cas
est important, car il montre que ce n'est pas la
chute des particules à travers la masse liquide,
chute lente, mais inévitable, qui est la cause du
mouvement brownien.
Les liquides présentent cependant, au point de
vue qui nous occupe, une différence suivant leur
degré plus ou moins grand de fluidité. Les liquides
très mobiles, tels que l’éther ou l'alcool, montrent
le phénomène avecun peuplus d'intensité que l’eau ;
les liquides visqueux, tels que l’acide sulfurique ou
la glycérine, montrent à peine quelque vestige du
mouvement brownien. Ce fait, du reste, était à pré-
voir et serait assurément d'accord avec toutes les
explications théoriques que l’on pourrait proposer.
Pour achever de nous faire une idée d'ensemble
des caractères du mouvement brownien, il faudrait
mesurer l’amplitude de ce mouvement. Puisque le
phénomène est essentiellement irrégulier, il ne
peut être question que de mesurer une valeur
moyenne, en faisant un assez grand nombre d’ob-
servations. Pour desparticules ayant un demi-mil-
lième de millimètre, la vilesse moyenne peut être
évaluée à quelques millièmes de millimètre par
seconde. C’est peu de chose en réalité, mais, grâce
à l'énorme amplification du microscope, ces dépla-
cements sont bien au-dessus de la limite des gran-
deurs perceptibles et mesurables.
Il
Ainsi, les particules très petites en suspension
dans un liquide se montrent toujours animées
4 - G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES
d'un mouvement de trépidation caractéristique. A
quelle cause convient-il de rapporter ce mouve-
ment? Telest le problème qui se pose maintenant
pour nous. Remarquons d'abord que celle agita-
tion dure indéfiniment. Des préparations bien
closes peuvent êlre conservées plusieurs années,
sans changement appréciable. Les cristaux de
quartz contenant des cavités pleines de liquide
ont été formés à une époque très reculée; depuis
bien des siècles, rien n’a changé dans leur état el
leur structure. Le phénomène dont nous avons à
rendre compte est donc permanent; c’est là le ca-
ractère singulier el paradoxal qui constitue le
principal intérêt du problème.
En effet, dans les phénomènes physiques, le
mouvement tend sans cesse à se détruire par des
causes diverses, frottements, résistances passives.
Il ne peut subsister que s’il est entretenu par des
causes extérieures. Un corps ou un assemblage
de corps abandonné à lui-même finit toujours par
arriver à un repos définitif. D'une manière plus
générale, les modifications spontanées que subit
un corps, quelles qu’elles soient, transformations
physiques ou chimiques, ne peuvent se continuer
indéfiniment ; si le corps ne subit pas d'actions
extérieures, il finit toujours par arriver à un étal
stable, état de repos et d'équilibre, qui demeure
ensuile invariable.
Le mouvement brownien semble faire exception
à cette loi générale : il persiste indéfiniment, sans
cause extérieure visible. Cette exception est-elle
réelle, ou seulement apparente ? N’est-il pas pos-
sible que certaines actions extérieures, qui échap-
pent à l'observateur, produisent cette agitation
incessante? Nous voyons dans la Nature bien
d’autres mouvements, tout autrement considéra-
bles, qui ne s’arrêlent jamais : la surface des mers,
l'atmosphère, sont sans cesse agitées ; nous con-
naissons les causes de leurs mouvements. Un
examen plus approfondi ne nous montrerait-il pas
de même quelque cause extérieure qui agile ainsi
les particules en suspension dans l’eau, dans le
champ du microscope? A la question ainsi posée,
on ne peut répondre que par l'étude détaillée du
phénomène, dans des condilions aussi variées que
possible, en s’efforçant de réduire ou d'augmenter
dans les limites les plus étendues les causes exté-
rieures d’agitation,etexaminant les effets produits.
La première idée qui se présente à l'esprit est
d'attribuer le mouvement brownien aux mouve-
ments du sol, quiinterviennentdans beaucoup d'ex-
périences de précision, el font le tourmentdesphy-
siciens el des astronomes. Dans les observaloires,
on fait usage d'un vase plein de mercure pour
former une surface réfléchissant la lumière: ce se-
rait le miroir le plus parfait, exactement plan et
horizontal, siles frémissements de sa surface n’ac-
cusaient les moindres mouvements du sol, avec
une sensibilité extrême; parfois, plusieurs heures
se passent avant qu'on puisse en tirer parti etdis-
linguer l'image réfléchie sur le mercure. Dans
bien d’autres cas, des appareils tout différents
montrent la mème sensibilité et accusent par leurs
déplacements irréguliers la mobilité de la surface
du sol, ‘qui parait si stable à l’observation com-
mune. Il ne s’agit pas, en général, de mouvements
d’origine éloignée, véritables tremblements de
terre en miniature, qui, sans être bien rares, ne
sont pas assez fréquents pour gêner sensiblement
les observations. Ces vibrations du sol sont dues
le plus souvent à la répercussion des mille mouve-
ments qui constituent la circulation d’une ville et
son aclivité industrielle. C’est dire que leurs effets
sont très variables suivant les temps et les lieux ;
la nuit, en pleine campagne, on aura le plus sou-
vent uné stabilité à peu près parfaite. On peut y
ajouter encore par des supports flexibles qui iso-
lent les appareils du sol et amortissent les vibra-
tions. Observons le mouvement brownien dansces
conditions ; plaçons à côté du microscope un vase
plein de mercure, destiné à servir de témoin;
nous verrons que le mouvement brownien persiste,
[avec ses caractères et son intensité ordinaires,
même dans les instants de calme et de repos par-
fait, et qu'il ne s’accroit pas sensiblement quand
les vibrations du sol deviennent appréciables. Ces
expériences, souventrépétées, nous montrent avec
évidence que les vibrations du sol ne sont pas Ja
cause productrice du phénomène.
On pourrait aussi penser aux différences de
température existant dans le liquide soumis à
l'observation : mais il est possible, par des dispo-
silifs appropriés, de les réduire beaucoup sans af-
faiblir sensiblement le mouvement brownien. Au
reste, les courants liquides qui en résultent pro-
duisent des mouvements d'ensemble, communs à
toutes les particules voisines, qui ne ressemblent
en rien à l'agitation individuelle qui constitue le
mouvement brownien.
Une autre circonstance mérite une attention par-
ticulière. La lumière est indispensable pour l'ob-
servation ; elle peut agir sur les particules en sus-
pension, ne fût-ce qu'en les échauffant d’une ma-
nière inégale. On peut concevoir que, de ces diffé-
rences de température, résultent des mouvements.
Cette explication rendrait bien compte du carac-
tère individuel de l'agitation observée; elle mérite
donc un sérieux examen.
Pour mettre cette hypothèse à l'épreuve, il con-
vient de faire varier, autant que possible, la nature
et l'intensité de la lumière employée pour l’obser-
valion, et d'examiner s'il en résulte quelque diffé-
L
G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES 5
_ rence. Sans entrer dans le détail de ces expé-
riences, il suffira de constater que rien ne change
_ dans les apparences observées, lorsqu'on fait va-
rier la lumière dans des limites fort étendues.
D'autres causes hypotbétiques, telles que l'in-
_ fluence du magnétisme terrestre, des courants
électriques, ont été examinées et reconnues sans
. action sur le mouvement browuien, et par suite
incapables de le produire.
Ainsi, en dehors de toute cause d’agitation exlé-
rieure, les particules en suspension dans un li-
. quide sont animées d'un mouvement de trépida-
tion permanent. Contrairement à tous les aulres
_ phénomènes physiques, le mouvement brownien
- s'entretient et persiste indéfiniment sans cause
. extérieure connue. Cette conclusion est bien sin-
gulière : elle serait de nature à nous faire admettre
l'existence de quelque force nouvelle, que le mou-
vement brownien mettrait seul en évidence, si les
idées modernes sur la constitution des corps ma-
tériels ne nous donnaient une solution plus admis-
sible du problème.
III
Il nous faut maintenant quitter le terrain solide
de l'observation et de l'expérience pour entrer
dans le domaine incertain des hypothèses sur la
conslitution de la matière. On a beaucoup abusé
des théories et des hypothèses, on en a beaucoup
médit, et pourtant on ne saurait s’en passer; leur
importance scientifique est incontestable et elles
jettent parfois sur tout un ensemble de questions
une lumière inattendue. L'histoire des sciences phy-
siques nous montre, en effet, que les spéculations
théoriques ont été l’origine des plus grands progrès
et de la plus belle moisson de découvertes. Accor-
dons leur ce qui leur est dù, la considération que
méritent des services éminents, et cette confiance
limitée qui ne s'endort jamais et ne néglige aucun
moyen de contrôle.
Le point de départ des théories relalives à la
conslilution de la matière est l'hypothèse molécu-
laire. On pourrait concevoir, sans contradiction
logique, que la matière fût divisible à l'infini sans
changer de nature. Mais bien des raisons condui-
sent à penser qu'il n’en est pas ainsi, etquelescorps
matériels possèdent une structure granulaire,
qu’ils sont formés d'éléments très petits, égaux
entre eux, dont l'assemblage forme le corps doué
des propriétés que nous lui reconnaissons. Ces
éléments ou molécules peuvent posséder eux-
mêmes une structure plus ou moins complexe,
mais ne peuvent être divisés sans changer de
nature. Ainsi une goutte d’eau peut être divisée
en parties de plus en plus petites; ce sera encore
de l’eau, avec ses propriétés essentielles: mais
cette division ne peut être indéfiniment continuée ;
il viendra un moment où l’on sera arrivé à la plus
petite quantité d’eau possible : c’est la molécule.
Si l'on peut la diviser encore, on n'aura plus de
l’eau, mais ses principes constituants; le corps
aura changé de nature d’une manière complète.
Nous ne pouvons envisager ici, d'une manière
générale, le rôle qu'a joué, dans le développement
des sciences physiques, l'hypothèse moléculaire;
ce rôle est si important que cette étude compren-
drail le domaine presque entier de la Physique et
de la Chimie. Pour l’objet aue nous avons en vue,
la question importante, ce sont les rapports des
molécules entre elles, la matière qu'elles cons-
tituent par leur arrangement et leurs relations
mutuelles, la matière telle que nous la connais-
sons, telle que nous la montre l’expérience. Au
siècle dernier, et. jusqu’au milieu du nôtre, les
idées généralement admises sur ce point sont fort
simples en principe. Les molécules sont regardées
comme immobiles, ou du moinsleurs mouvements
sont considérés comme peu importants. Elles sont
liées les unes aux autres par des forces dépendant
de leurs distances ; ces forces sont supposées telles
que les propriétés de la malière, constatées expé-
rimentalement, se trouvent satisfaites. Pourun gaz,
par exemple, qui tend sans cesse à augmenter de
volume, ces forces sont répulsives; les molécules
tendent à s'éloigner les unes des autres, avec une
force qui décroit à mesure qu'elles s'éloignent
davantage. Sur ces bases, d’intéressantes théories
partielles ont élé constituées : la théorie des phé-
nomènes capillaires en est le plus remarquable
exemple. Leur caractère essentiel est toujours de
considérer les molécules comme en repos : lors-
qu'un corps se montre à nous dans un élat inva-
riable, ses molécules sont aussi en repos et en
équilibre sous l’action des forces qui les sollici-
tent.
Dans cet ordre d'idées, il n'y a évidemment au-
cure place pour le mouvement brownien ; un mou-
vement qui se perpétue au sein d'un corps sans
cause extérieure constitue une impossibilité et une
contradiction évidente.
Un élément de grande importance fut introduit
dans la question lorsqu'on eut l’idée, au premier
abord bien paradoxale, que les molécules sont
sans cesse en mouvement et animées de vitesses
considérables, même dans les corps qui nous pa-
raissent en repos parfait. Ces mouvements peuvent
être très divers : pour un corps solide, par exemple,
chaque molécule est supposée osciller autour d'une
position moyenne. Comme nous ne pouvors voir
les molécules individuellement, toute cette agita-
tion intérieure nous échappe; nous né percevons
que des effets moyens, résullantes des mouvements
6 G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES
d'un grand nombre de molécules. Lorsqu'un corps
nous parait en repos, c’est que les mouvements de
ses molécules se compensent les uns les autres;
ce repos n'est, en somme, qu’une apparence el
une illusion. Nous sommes dans la situation d’un
observateur qui verrait de loin une grande foule
d'hommes, sans pouvoir distinguer les individus
qui la forment; il ne percevrait que les mouve-
ments d'ensemble de celte foule, sans reconnaitre
l'agitation individuelle qui peut y exister, et pour-
rait croire à un repos complet, quineserait qu'une
illusion.
Cette théorie, qui fait jouer un rôle essentiel aux
mouvements moléculaires, a reçu le nom de Théo-
rie cinétique de la matière. Ces idées sont bien
anciennes, mais elles n'ont pris une forme définie
et n’ont acquis quelque crédit qu'à une date assez
récente, à la suite des découvertes faites par
quelques physiciens éminents sur les relations qui
existent entre la chaleur et le travail mécanique.
Si nous frappons à coups de marteau un mor-
ceau de métal, ce métal s’échauffe. Si nous agitons
de l’eau dans un vase, nous constatons aussi une
élévation de température. D'une manière générale,
toutes les fois que nous dépensons ainsi du tra-
vail mécanique sur un corps, sans lui faire subir
d'allération sensible, de la chaleur est produite;
une quantité de travail déterminé produit toujours
la même quantité de chaleur. Il y a donc une rela-
tion évidente entre la nature de Ja chaleur et celle
du travail mécanique ; la chaleur n’est que du tra-
vailemmagasiné, sous une forme quiéchappeànotre
vue.
La théorie cinétique admet que ce travail est
employé à augmenter les mouvements des molé-
cules, à accroitre la vitesse et l'intensité de leurs
vibrations. C'est là une idée fort naturelle ; on sait,
en effet, que, pourmettre un corps en mouvement,
ou pour accroitre sa vitesse, il faut dépenser du
travail mécanique. Un projeclile, un volant de ma-
chine à vapeur, ne passent pas du repos au mou-
vement sans exiger un travail considérable, qui
se trouve consommé ou plutôt emmagasiné sous
forme de vitesse acquise. La chaleur n’est donc
autre chose que l'agitation invisible des moléeules ;
comme un corps n’est jamais dépourvu de chaleur,
nous devons regarder ses molécules comme sans
cesse en mouvement.
Les vitesses de ces mouvements moléculaires
doivent être regardées comme très considérables :
il faut, en effet, beaucoup de travail mécanique pour
produire un peu de chaleur. L'expérience montre
que, pour échauffer une quantité d’eau quelconque
de 100°, il faut dépenser autant de travail que pour
lui imprimer une vitesse de 900 m, par seconde, On
pe peut donc pas évaluer à moinsde plusieurs cen-
taines de mètres par seconde les vitesses molécu-
laires. Les déplacements de ces molécules sont,
d’ailleurs, fort petits : elles exécutent des mouve-
ments de va-et-vient, des oscillations plus ou moins
complexes de forme, avec une rapidité extrême.
Un autre argument {très sérieux en faveur de ces
idées nous est fourni parle rayonnement de la
lumière et de la chaleur. Les corps portés à une
haute température envoient dans tous les sens des
rayons de lumière; moins chauds, ils émettent
encore des rayons de chaleur, analogues aux pré-
cédents, mais invisibles à nos yeux. Nous savons
aujourd'hui que ces rayons de lumière ou de cha-
leur sont constitués par des vibrations extrême-
ment rapides; il faut donc que quelque chose soit
en mouvement dans le corps qui les produit; si ce
corps était absolument en repos dans toutes ses
parties, la production de ces vibrations lumineuses
ou calorifiques deviendrait incompréhensible. Le
corps étant immobile en apparence, il faut que ce
repos apparent cache en réalité une agitation in-
térieure extrèmement active.
La théorie cinétique de la matière a conduit à
des aperçus fort intéressants sur un certain nombre
de phénomènes physiques et chimiques, et la part
qu'elle a prise dans l’œuvre scientifique de notre
époque est déjà considérable. On doit pourtant re-
connaitre que, dans la plupart des cas, les déve-
loppements qui seraient nécessaires pour consti-
tuer des explications précises des phénomènes,
présentent de grandes difficultés ; les calculs ma-
thématiques auxquels donne lieu la théorie ciné-
tique sont fort complexes, et n'ont pu être menés
à bien que pour un petit nombre de questions re-
lalivement simples. La théorie des gaz est, à vrai
dire, la seule partie de la Physique où les hypo-
thèses cinétiques aient pu constituer un corps de
doctrine, encore inachevé et sujet à plus d’une
difficulté, mais dont la haute valeur ne doit pas
être méconnue ; plus d’une vérification expérimen-
tale est venue lui apporter cet appui que rien ne
peut remplacer. Ces idées théoriques méritent
donc la plus sérieuse attention, et on est en droit
d'en attendre de grands services dans l'avenir;
les difficultés que nous éprouvons actuellement à
les développer d’une manièrerigoureuse ne doivent
pas nous décourager, el moins encore nous rendre
l'hypothèse fondamentale moins vraisemblable :
la Nature, a dit Fresnel, x redoute pas les difiicullés
d'analyse.
ii
Le mouvement brownien, dont nous nous
sommes un peu écarté sans le perdre de vue, se
rattache à la théorie cinétique d'une manière di-
recle, el ne prend toute sa valeur scientifique qu'à
la lumière de celle théorie, Comme nous l'avons
À
Û
der A à lèes, dé 1
G. GOUY — LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES 7
déjà remarqué en passant, ce phénomène est in-
conciliable avec les idées anciennes, qui admet-
taient que, lorsqu'un corps: est soustrait à toute
cause extérieure d’agitation, le repos apparent
auquel il arrive est un repos réel et complet. Bien
plus, l'existence même du mouvement brownien
dément cette affirmation ; le repos apparent
n'existe que pour les portions du corps que nous
pouvons distinguer à l’œil nu; le microscope nous
montre que, lorsque nous arrivons aux millièmes
de millimètre, il y a, dans les liquides, une agita-
tion permanente, et non le repos absolu que l’on
supposait y exister.
La théorie cinétique pouvail nous faire prévoir ce
phénomène, et elle nous l'explique dans ses traits
essentiels. Imaginons, pour un moment, qu'une
particule solide en suspension dans l’eau ait des
dimensions comparables à celles d’une molécule
d’eau. Cette particule se trouvera ainsi en relation
avec un petit nombre de molécules, animées de
vitesses de plusieurs centaines de mètres par se-
_ conde ; sans cesse heurtée par celle-ci, elle doit
nécessairement se mouvoir en {ous sens, d’une
manière irrégulière, suivant le hasard de ses ren-
contres avec les molécules qui l'entourent, et la
rapidité de ses mouvements sera comparable à
celle des mouvements moléculaires. C’est bien là
le mouvement brownien, mais, dans le cas idéal
que nous avons considéré, sa vitesse et son inten-
silé seraient incomparablement plus grandes que
dans le phénomène réel. Si maintenant la parti-
cule est très grande vis-à-vis des dimensions mo-
léculaires, elle sera en relation à chaque instant
avec un grand nombre de molécules; les effets de
celles-ci, n'étant pas en général de même sens, se
contrarient et se neutralisent en partie ; de plus,
la masse à mouvoir étant bien plus grande, le mou-
vement doit se produire de même que tout à
l'heure, mais sur une échelle très réduite. Si enfin
la particule est extrèmement grande et comme
infinie vis-à-vis des dimensions moléculaires,
aucun mouvement ne saurait plus exister.
Les choses se passent de même à nos yeux sur
une nappe d'eau agilée en tous sens, sur laquelle
flottent des corps de dimensions diverses. Les plus
petits de ces corps flottants sont agités comme
l’eau elle-même ; plus grands, ils n’éprouvent que
de faibles et rares déplacements; plus grands
encore, ils demeurent en repos. Nous retrouvons
ici ce caractèreessentiel du mouvement brownien :
l'accroissement de l'agitation à mesure que les
dimensions diminuent.
Les vitesses que nous observons dans le mouve-
ment brownien sont de quelques millièmes de
millimètre par seconde; les vitesses des molécules
peuvent être estimées à plusieurs centaines de
mètres par seconde; l’agitation moléculaire est
environ cent millions de fois plus rapide que l’agi-
tation visible quiconstitue le mouvement brownien.
Celui-ci ne nous montre donc qu'une résultante
bien affaiblie des mouvements moléculaires. On doit
en conclure que les plus petites particules que nous
pouvons observer au microscope sont encore bien
grandes vis-à-vis des dimensions des molécules.
C’est aussi la conclusion à laquelle sont arrivés
par d’autres voies les physiciens qui ont essayé
de se faire une idée des dimensions moléculaires.
Par des méthodes diverses, assez concordantes
pour qu’on leur accorde quelque crédit, ils sont
arrivés à évaluer l'intervalle des molécules dans
les liquides à la millième partie environ des di-
mensions des plus petits corps visibles au micros-
cope. Il faudrait donc environ un milliard de molé-
cules pour former le poids d’une des plus petites
particules sur lesquelles nous observons le mou-
vement brownien. Sans attribuer à ce résultat une
précision qu'il ne comporte pas, nous pouvons dès
lors comprendre pourquoi le mouvement brow-
nien ne nous montre qu'une bien faible image de
l'agitation moléculaire.
Il serait bien nécessaire de ne pas nousen tenir
à ces aperçus, et de serrer de plus près l’explica-
tions desphènomènes ; mais les notions expérimen-
tales et théoriques nous font encore défaut : en
science, il faut savoir attendre. Nous pouvons, du
moins, conclure qne le mouvement brownien nous
fournit ce qui manquait à la théorie cinétique de
la matière : une preuveexpérimentale directe. Sans
doute, nousne voyons pas et nous ne verronsjamais
les mouvements des molécules; mais nous voyons
du moins quelque chose qui en résulte directement
etsuppose d’une manière nécessaire une agitation
interne des corps. Il est donc bien à désirer que ce
phénomène, troplongtempsnégligé comme un acci-
dent sans importance, devienne l’objet de l’atten-
tion des physiciens et demeure compris dans la
sphère de leurs études; j'ai la ferme confiance que,
grâce à leurs efforts, nous pénétrerons de plus en
plus avant dans la connaissance des propriétés
intimes de la matière, déjà si féconde, et si riche
de promesses pour le développement scientifique
el industriel de l'humanité.
G. Gouy,
Professeur de Physique
à la Faculté des Sciences de Lyon
8 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES
LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ
DANS LES MINES
Plusieurs causes s'ajoutent pour augmenter, de
façon continue, les frais d'exploitation d’une mine :
la profondeur des couches, qui, en rendant néces-
saires des puits plus coûteux, conduit à les espacer
davantage et dès lors à percer des galeries plus
longues, plus chères à construire et à entretenir et
dans lesquelles l'extraction devient plus onéreuse ;
le rendement de l’ouvrier, qui diminue à mesure
que les chantiers s'enfoncent et deviennent plus
chauds; la main-d'œuvre, dont le prix s'accroit
tous les jours.
Dans quelques pays, cette augmentation du prix
_de revient se complique d'une diminution du prix
de vente. Cela est particulièrement vrai pour nos
houilles françaises, dont les produits ont à subir,
jusque sur nos marchés du Midi, la concurrence
toujours plus active des houilles anglaises.
Il est donc urgent d’enrayer cette marche ascen-
dante des frais d’exploitalion, qui serait falale à
plus d'une entreprise minière. Or, des facteurs que
nous avons signalés plus haut, il en est deux, la
profondeur des couches et le prix de la main-
d'œuvre, dont il ne faut pas songer à diminuer
l'influence progressive. C’est donc sur le troisième,
le rendement, rendement de l’ouvrier etrendement
des travaux d'aménagement, qu'il faut agir.
L'un des meilleurs moyens de l’augmenter, c’est
assurément d’avoir recours, dans les divers tra-
vaux de l’exploitation, à des engins mécaniques : à
des perforatrices, qui permettront l'avancement
plus rapide des travers-bancs, et diminueront la
durée d'immobilisation des capitaux dépensés pour
les construire ; — à des haveuses, qui, à égalité de
front de taille, rendront possible un abatage plus
intense; — à des locomoteurs, à des treuils, qui,
en donnant aux galeries et aux plans inclinés une
capacité de roulage et d’extraclion plus grande, les
meltront à même de desservir des chantiers plus
nombreux, — toutes ces machines permeltant
aussi une réduction connexe du personnel ouvrier.
Elles peuvent, on le sait, être actionnées par
les divers modes de force motrice : eau sous pres-
sion, vapeur, air comprimé, électricité.
L'eau sous pression perd dans les mines l’avan-
tage qui la fait, quelquefois encore, adopter pour les
installations ordinaires : celui de donner par sur-
croit un liquide utilisable pour divers emplois. Cet
avantage se changerait même le plus souvent dans
les travaux souterrains en inconvénient grave, car
l'exploitant a bien assez d’épuiser les venues d’eau
qu'il subit. Aussi ce mode de transport de l'énergie
n'est-il pour ainsi dire pas employé.
La vapeur, produite par des chaudières instal-
lées à lasurface,estquelquefois utilisée pour aclion-
ner des moteurs placés au fond; mais son emploi
ne peut être avantageux qu'avec de grosses ma-
chines, qui ne soient pas situées à plus de
300 mètres des générateurs. Comme il faut prévoir,
dans les mines d’un développement moyen, une
distance de transmission de 1.500 à 2.000 mètres,
on voit combien son emploi est'insuffisant.
Ces transports d'énergie à 1 et 2 kilomètres, l'air
comprimé peut très bien les réaliser; et, une fois
que ce fluide a agi dans les appareils mécaniques,
il contribue utilement à l’aérage des chantiers. En
fait, il a rendu et il rend encore de très grands
services. Mais il offre des inconvénients sérieux :
comme on ne peut, dans les mines, le réchauffer
avant son entrée dans la machine, il produit, ense
détendant, un refroidissement fort préjudiciable à
la bonne marche de cette dernière; il ne donne
ainsi qu'un rendement peu élevé, 30 °/, environ.
Bien autrement avantageux est l'emploi de l’élec-
tricité, qui permet d'obtenir un rendement plus que
double avec un prix d'établissement moitié
moindre !.
On peut avec elle transporter l'énergie à d'aussi
grandes distances qu’on le veut; cela permet de
l'envoyer dans les quartiers les plus excentriques
d'une exploitation, et d'utiliser des chutes hydrau-
liques parfois très éloignées. Ce dernier avantage
est surtout précieux, quand il s’agit d'une mine
surle carreau de laquelle le combustible n'arrive
pas facilement ?.
Les canalisalions électriques, moins coûteuses
que celles de l’air comprimé, d'une souplesse mer-
veilleuse, d’une capacité de transmission très
grande sous un poids relativement faible, four-
nissent le fluide, aussi bien au service de l’éclai-
1 Rendement de 65 °/,, pour une transmission de 10 che-
vaux-vapeur à 2.000 yards de distance (Communication de
M. Atkinson à la Société des Ingénieurs civils de Londres.
— Aer février 1891.)
? Un exemple topique est celui de la mine de Virginius
Colorado), située à 3.900 mètres d'altitude, dans le rayon
des neiges perpétuelles : le charbon, qui ne pouvait y arriver
que l'été par une petite voie de roulage, coûtait 100 francs la
tonne et faisait revenir la force motrice à 200 000 francs par
an. Actuellement cette force est empruntée à une rivière
coulant à 7.500 mètres de la mine, et transportée électrique-
ment jusqu’à elle dans des conditions à tous les points de vue
beaucoup plus avantageuses.
( G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 9
. rage qu'aux services mécaniques, et donnent ainsi
la lumière sans échauffer ni vicier l’air des galeries.
. Les engins électriques, puissants sous un petit
volume, très faciles à déplacer et à remettre en bat-
terie, ne nécessitent pas pour leur conduite des
ouvriers spéciaux, pourvu qu'on ait pris en les cons-
. {ruisant certaines précautions assez simples, qu'on
ait notamment rendu impossibles tous accroisse-
ments de vitesse ou d'intensité de courants au delà
des allures de régime !.
- L’électricité n'a même pas, au point de vue de
. la ventilation, l’infériorité qu'on pourrait lui sup-
poser sur l'air comprimé. On a, en effet, constaté
à Blanzy qu'un ventilateur Ser, débitant 113 mètres
. cubes d’air par minute, consommait, pendant le
même temps, { mètre cube d’air à 4 atmosphères.
- Un ventilateur électrique, installé comme le précé-
dent dansle chantier et actionné par le mêmepoids
de charbon brûlé au jour, donnerait facilement
100 mètres cubes d’air de plus. Que devient dans
ces conditions le petit appoint qu'apporteà l’aérage
le fluide sortant du moteur, quand ce dernier est
alimenté par l'air comprimé ?
L'électricité a cependant certains inconvénients.
_Le plus grave est de pouvoir enflammer les mélan-
pes grisouteux, qu'on trouve dès à présent dans
- beaucoup de mines de houille et qu'on rencontrera
_probablement dans toutes, à mesure qu'on exploi-
tera des couches plus profondes.
Il est évident que les étincelles des collecteurs et
des interrupteurs produiraient cet effet fächeux, si
on ne prenait des précautions spéciales pour l’em-
pécher; mais on peut, en entourant ces organes de
tissus métalliques analogues à ceux qu’on emploie
dans les lampes de mines, isoler, aussi sûrement
que le feu de ces dernières, fes étincelles suscep-
tibles de se produire. Pour les collecteurs, la récente
. invention des moteurs à courants polyphasés donne
le moyen de supprimer radicalementle danger, en
supprimant la cause elle-même.
Il faut aussi se prémunir contre les étincelles ré-
sultant des ruptures ou contacts des cäbles con-
ducteurs. Avec les premières canalisalions em-
ployées, on a eu de fréquents mécomptes : mais
avec celles qu'on fait aujourd’hui, la sécurité est à
peu près complète.
Enfin, il ne faut pas oublier que lemeilleur moyen
de prévenir les accidents dus au grisou, c'est de
diluer ce gaz dans une grande quantité d'air frais ;
or, l'électricité, en assurant la ventilation plus éco-
nomiquement que l’air comprimé, et, d'une façon
générale, en diminuant le prix d'extraction de la
————————————————————
<
“à 1 L'exemple des mines d’or de Faria (Brésil), où fonctionne
— depuis plusieurs années, sous la conduite d'ouvriers indigènes,
une installation électrique très complète, ne laisse aucun
— doute à cet égard.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,3
houille, permettra par cela même de consacrer une .
plus grande somme aux travaux de sécurité, en tête
desquels figure le service de l’aérage.
Quant aux dangers provenant du contact invo-
lontaire d’un conducteur, ils n’existent pas avec les
voltages modérés employés dans les mines.
Tout cela explique le rapide essor pris par les
applications mécaniques de l'électricité dans les
mines. Le premier essai, qui a été tenté, d’ailleurs
avec un plein succès, à Blanzy, pour actionner au
fond d’un puits de 500 mètres un ventilateur chargé
d’aérer une galerie de recherches, remonte à peine
à 1880. Et, en 1893, au Congrès d'Ingénieurs
de Chicago, M. Blackwell a pu signaler les appli-
cations de l’électricité dans plus de 300 mines.
En Amérique, le pays où ces applications se sont
le plus développées, de nombreuses et importantes
sociétés se sont créées pour la construction spéciale
du matériel électrique des mines. Comme le vieux
monde atout à gagner à suivre l'exemple des États-
Unis, le moment nous à paru bien choisi pour
exposer à nos lecteurs l’état actuel de la question.
Ayant d'étudier les divers modes d'utilisation de
l'électricité dans les mines, nous allons dire com-
ment elle est produite, et comment elle est trans-
mise aux machines qui la consomment.
Les dynamos génératrices, ordinairement instal-
lées au jour, sont actionnées, ou par des forces hy-
drauliques, captées à une distance plus ou moins
grande de la mine, ou par des machines à vapeur
installées sur le carreau même de cette dernière !.
Dans les deux cas, il faut, à cause de la disconti-
nuité de marche des outils actionnés et des grandes
variations qui en résultent dans le travail demandé.
se ménager une grande réserve d'énergie, en don-
nant aux bassins de retenue, aux générateurs de
vapeur, aux volants des moteurs, de grandes di-
mensions. Pour la même raison, il faut munir les
moteurs de régulateurs sensibles, proporlionnant
très vite l'énergie fournie à l'énergie demandée, et
les machines-outils d'appareils de mise en marche
graduée, notamment de rhéostats puissants.
Les courants qu'on produit ainsi varient ordinai-
rement de 220.à 500 volts; c’est bien exception-
nellement qu'ils atteignent 1.000 volts et plus.
1 Exceptionnellement, quand on a de l’eau à proximité de
la mine et qu'on peut l’écouler commodément par üne gale-
rie inférieure aux chantiers à desservir, on peut la dériver
dans la mine et utiliser la chute ainsi créée pour actionner un
moteur commandant des dynamos génératrices. Un exemple
classique est celui de la mine de Chollard (Nevada) : une
chute de 500 mètres actionne 6 roues Pelton, couplées avec
autant de dynamos Brush Compounds de 130 chevaux,
desservant chacune, par un circuit spécial de 1700 mètres,
un moteur placé à la surface, actionnant un broyage de mi-
nerais et divers engins métallurgiques. La force ainsicaptée
serait «a fortiori utilisable pour les travaux du fond.
1»
10 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES |
Pour les amener aux endroits où ils sont con-
sommés, on peut employer, comme à Anzin, des
câbles isolés au caoutchouc, recouverts d’une gaine
en Loile, etsupportés par des poulies de porcelaine:
ils donnent de très bons résultats, même dans les
puits très humides. Dans ceux où l’eau retombe en
pluie presque continue, des câbles nus, tendus
verticalement sur des cloches en porcelaine,
placées lous les dix mêtres, comme à Marles, con-
viennent mieux. Quand on a spécialement à
craindre les ruptures, on peut les protéger par
des. armalures en fer ou acier, ou les placer dans
des tuyaux en fer, ou des caniveaux au ras du sol.
toute sécurité, parce que, lors de la rupture du
conducteur principal, qui précède la fusion du
plomb secondaire, il est à craindre qu'il se pro-
duise une étincelle.
Le système Nolet, caractérisé par la subdivision
des conducteurs posilif et négalif en seclions rac-
cordées par des manchons, échappe à ce reproche :
le découplement du conducteur principal ne peut
produire d'élincelle, parce que le courant est préa-
lablement coupé à l’origine de la canalisation par
un jeu d’électros; el le découplement du fil auxi-
liaire n’en produit qu’une très faible et à l'intérieur
mème du manchon, ce qui lui enlève tout danger.
Fig. 1. — Type d'installation minière électrique. —A, génératrices ; — B,B, centres de distribution; — C,C, treuils de roulage:
—F,F,pompes; — E, réceptrices ; —D, perforatrices ethaveuses. En général, les réceptrices font partie intégrante dechaque
machine-outil.
Dans les terrains ébouleux, des cäbles sous plomb,
posés de manière à pouvoir glisser sur leurs sup-
ports et montés très lâches, se comportent bien.
Dans les mines grisouteuses, on emploie des
canalisations de Le câble Atkinson est
composé de deux fils concentriques isolés l’un de
l'autre : le fil extérieur, constituant le conducteur
sûreté.
principal; le fil intérieur, ne conduisant qu’une
faible dérivalion du courant, et composé de spires
pouvant s'allonger sans se rompre. Quand, par
suite de la rupture du premier, le courant passe
intégralement dans le second, celui-ci est fondu
sur une partie de son parcours, faite pour cela en
plomb, et cette fusion occasionne la chute d'un
poids qui détermine l'interruption du courant.
Ce système fort ingénieux est appliqué en An-
gleterre; on peut lui reprocher de ne pas donner
Mais il nous parait assez compliqué. Il serait dési-
rable qu'on trouvät un càble à la fois simple et
sur.
Ces préliminaires posés, nous allons voir l'élec-
tricité utilisée dans tous les grands services que
comporte l'exploitalion d’une mine : travaux de
recherches, traçage, abalage, roulage et extrac-
lion, épuisement, ventilation, préparation méca-
nique. La figure 1 donne le schéma d’une installa-
tion générale.
I. — TRAVAUX DE RECHERCHES
Dans lesmines, particulièrement dans celles dont
les gites sont irréguliers, il y a un grand intérêt à
pouvoir s’éclairer vite et économiquement sur la
position et l’impcrtance des couches. L'électricité
se prèle très bien à des investigations, non par les
ns + int tittt/ A
de lacs mène" mate in ft
\
sv déliboel
A un red
1
G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 11
. sondages au (répan, surtout réservés aux trous de
grand diamètre, mais par les forages au diamant,
qui permettent de percer très vite des trous de
petit calibre et de grande longueur.
On connait le principe de ces sondages : une
couronne de diamants noirs est disposée à la péri-
phérie d’un outil, qui travaille en tournant autour
de son axe, et détache ainsi un témoin cylindrique
- qu'on ramène à la surface. Rien n’est plus simple
que de faire commander cet outil par l’induit d'une
dynamo; c’est ce qu'a fait M. Taverdon pour-
sa perforatrice et ce qu'on pratique couramment
en Amérique, où la cherté de la main-d'œuvre
IT. — TRAGÇAGE
Pour l'ouverture des travers-banes, la perfora-
trice à air comprimé de 8 à 10 chevaux, si commu-
nément employée jusqu'ici, peut être ulilement
remplacée par la perforatrice électrique, quand
celle dernière remplit les conditions suivantes,
dont nous empruntons l'énoncé à un spécialiste
bien connu, M. Marlin ! : 1° grande légèreté, pour
qu'elle puisse être facilement maniée par deux ou
trois hommes ; 2° grande simplicité, pour qu’elle
puisse être conduite, entretenue el au besoin répa-
rée par des ouvriers non électriciens ; 3° grande
Fig. 2. — Perforatrice rotative Sleavenson. Elévation, plan et vue par bout. — M, dynamo-motrice enfermée dans une enve-
loppe de bronze parfaitement étanche, pouvant supporter un courant de 20 ampères sous 300 volts. c, barre calée sur
l'induit. /, roue dentée permettant de faire tourner à la main la barre ce. — sp, train d’engrenages tran$mettant à l’outil le
mouvement de rotation de la barre c.— D, mèche perforatrice. —R, N, pignon et écrou produisant l’avancement automatique
de la mèche. L’écrou N est fendu de manière à permettre, quand la vis B arrive au fond de sa course, le retrait rapide de
l’outil et son allongement. — P, W, engrenages hélicoïdaux permettant d'orienter l’outil dans deux plans orthogonaux.
impose aux mines une exploitation intensive.
Il faut citer notamment la machine Sullivan,
dans laquelle un moteur électrique de 2 ou 3 che-
vaux actionne, par un renvoi d’engrenages et deux
pignons d'angle, la tige perforatrice, d’ailleurs
appliquée contre le fond du trou par l’eau que
refoule une petite pompe mue par la machine
elle-même. Cette dernière est disposée pour pou-
voir faire travailler l'outil dans une orientation
quelconque par rapport à l'horizontale. Cette ma-
chine a percé des trous-de 37 à 78 millimètres de
diamètre, jusqu’à 160 mètres de profondeur dans
le quartzet le jaspe, jusqu'à 1.000 mètres dans des
terrains tendres. Dans le calcaire dur, la vitesse
d'avancement a atteint 5 mètres par poste de
8 heures, le coût du mètre étant de 10 francs en-
viron,
rusticité, pour qu'elle puisse fonctionner dans
l’eau, la poussière, la boue ; 4 absence, dans sa
construction, de substances pulvérisables ou com-
bustibles, telles que les isolants au coton, les mé-
taux cristallisables ou aigres.
La plupart des perforatrices électriques appar-
liennent au type percutant, le seul employé avec
l'air comprimé. Quelques-unes son! cependant ro-
tatives.
Perforatrices à rotation. — Ces dernières, dont les
outils sont calés sur les induits des dynamos qui
les conduisent, sont ulilement employées dans les
terrains relativement tendres, qu'une bonne mè-
che d'acier peut entamer. La figure 2 repré-
1 Conférence À l'American Institute of Electrical Engineers
faite en 1892,
A
12 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES
sente l’un des modèles les mieux conçus, la per-
foralion Sfeuvenson, employée aux mines de fer
de Clarin How (Cleveland). En absorbanten moyenne
15 ampères sous 300 volts, soit 6 chevaux électri-
T heures 80 à
ques, elle perce par équipe de 7
100 trous de 1,30 de profondeur. Les mineurs
gagnant 9 fr. 50 par équipe,
plus menu qu'à la main,
tonne.
Des essais comparatifs, faits dans ces mines sur
à eau
le minerai abaltu,
revient à 8 fr. 75 la
des perforatrices à main, à air comprimé,
la Compagnie Sprague ; la perforatrice Jones, dont
l’électro-moteur est logé dans un cylindre, qui se
fixe par un patin sur un trépied. L'avancement de
l'outil est produit par de l’eau sous pression ; à
cet effet, son axe porte à l'arrière un piston à gar-
niture étanche, qui roule sur une couronne de
billes destinées à atténuer le frottement résultant
de la rotation de ce piston. Une partie de l’eau ra-
fraichit la mèche.
Perforatrices à percussion. — Dans les perforatrices
dece type le mouvement alternatif du fleuret est or-
& ge _—
Lei
NN N
Dpt
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DS EN
KZ
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A F
Fig. 3. — Perforatrice percutante à deux solénoïides, syslème Bollon el Mountain. — N, électros. P, armature actionnant
directement le fourreau Q, dont la course est amortie à ses extrémités par des dash-pots à air à trous S, S. — M, filetage
sur lequel fait écrou le piston de la tige R, de manière à produire la rotation de l'outil sur lui-même (pour Uniformiser
l'usure) par le jeu du cliquet G en prise avec le rochet H. — J, J', plaques maintenant à frottement dur le rochet H— 1,
écrou pour serrer les pl: aques J, J'—K, ressortde l'écrou L. Me vis destinée à produire l'avancement de la perforatrice
sur son bäti. — On voit à la partie infé ricure de la perforatrice l'embase par laquelle elle repose sur ce bäti.
sous pression, à pétrole et électriques, ont donné
l'avantage à ces dernières, qui ont seulement l'in-
convénient de coûter, comme premier établisse-
ment, plus cher que les autres, celles à pétrole
exceptées. Voici le Lableau des résullals obtenus :
NATURE
DE
PAR I
ABATAGE
Y
I
LA PERFORATRICE
PRIX D'ACHAT
TROUS
À la main (simple
A la main (méca-
nique) |
À air comprimé "
eau sous pres-
minutes
? environ 18
environ 8 tr.| 100 à 130
|
|
| (1.30 m. en 45
|
Electrique \
tème Steavenson
Cilons encore comme perforatrices à rolation :
Celle de la Compagnie Jeffrey à Columbus (Ohio).
portée elle-
qui se
la perfora-
trice Atkinson Ravenskau et Mori, qui s'oriente par
montée sur une glissière verticale,
même par
coince contre les parois de la
une lige à longueur variable,
galerie ;
la rotation d'un secteur circulaire que commande
une vis sans fin ; la perforatrice Storey, adoptée par
‘
dinairement obtenu en le rendant solidaire d’une
armature, qui oscille sous l’action d’un ou plu-
sieurs solénoïdes, recevant le courant électrique
de génératrices extérieures. Très exceplionnelle-
ment, ce dernier sert à faire tourner une récep-
trice, dont l’induit actionne l'outil par l'intermé-
diaire d'une manivelle :
1° Perforatrices à manivelle. — À ce Lype appartient
la perforatrice Siemens et Hulslie (X891). Deux res-
sorts antagonistes, allachés de part et d'autre du
porte-oulil, régularisent le mouvement! de ce der-
nier, qui est, d’ailleurs, guidé par une glissière. Les
deux ressorts pourraient être remplacés par des
rondelles de caoutchouc, ou des matelas d’air. Un
mécanisme hélicoïdal à cliquet fait tourner le fleu-
ret autour de son axe, pour régulariser l'usure de
l'outil et celle de la roche. Une vis produit le mou-
vement d'avancement du fleuret, soil aulomali-
quement, soit à la main.
29 Perforatrices à deux solénoïides. — Ce sont les plus
communes : le mouvement de va-et-vient de l’ou-
til est produit par l’action de deux solénoïdes op-
posés sur l’armalure solidaire de l'outil.
L'une des premières perforatrices de ce type est
celle de Zall, dont l'invention remonte à 1880. Le
jeu d’un laquet solidaire du fleuret amène suc-
CP CSP SP PC PRE
G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 13
cessivementle courant à passer dans la bobinesupé- | bution du courant est assurée par les oscillations
rieure, auquelcasle fleurets’élève, et dansla bobine | qu’un taquet imprime à une ancre, communiquant
Nana tzZzZZ LÉERS
| ; LS
K
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SKK & ez É.
Fig. 4. — Perforatrice perculante, à un seul solénoïde, système Birkin (189). — À, gaine en fer doux entourant le sl
noïde B .—EG, armature du solénoïde, solidaire du fleuret. —H, cadre comprimant le ressort antagoniste F.— R, tige solidaire
de l’armature chargée d'interrompre le courant en P.— On voit sur la droite une manette destinée à produire l’avancement
de la perforatrice sur sa glissière, et à la partie inférieure le trépied supportant cette glissière.
inférieure, auquel cas le fleuret descend. Un dash- | avec le pôle positif du courant, de manière à
pot, espèce de piston qui comprime de l'air dans | amener cette ancre alternativement sur les deux
Fig. 5. — Perforatrice percutante Birkin à solénoïde sectionne. — BB'B, sections dusolénoïde. — E, porte-fleuret; e, com-
mutateur tournant avec la dynamo-génératrice; 4, rainures de ce commutateur au travers desquelles le tuyau g/f envoie
de l'air comprimé pour éteindre les étincelles. —V,W, rainures, les unes hélicoïdales, les autres droites, en prise respective-
ment avec les rochets Y et X que les cliquets d et c ne laissent tourner que dans un sens. À l’aller du fleuret, le rochet Y
tourne sous l'impulsion des rainures V et le rochet X, qui reste fixe, le guide par les rainures W. Au retour, le rochet X
cède et le rochet Y, immobilisé par d, force le fleuret à tourner par la réaction des rainures V.
un corps de pompe, amortit, par la résistance de | contacts en relation chacun avec un électro. Une
cet air, le lancé de l’armature à la montéeet aide | vis permet de régler l'écartement de ces contacts
au départ du fleuret pour sa course percutante. et du même coup la course de l'outil.
Dans la perforatrice Philips et Harrison, la distri- La perforatrice Bolton et Mountain (Gg.3) est plus
{4 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES
récente. L'armature n’est plus solidaire de l'outil, |
mais d’un fourreau Q, actionnant à son lour, par
l'intermédiaire d'amortisseurs à air, la tige percu-
lante KR.
Dans la perforatrice Z'hrelfall, es enroulements,
au lieu d’être placés de part et d'autre de l’arma-
ture, sont superposés et entourent celte dernière,
qui se meut entre deux pôles loujours de noms
contraires, mais sans cesse inversés par un COM-
mulateur tournant, mû par la dynamo chargée de
fournir le courant aux éleclros.
La perforatrice Hackay (A892) a son commutateur
placé entre les deux solénoïdeset manœuvré par un
bourrelet de la tige du fleuret. Cette tige porte aussi
un piston, qui souflle de l'air autour du foret pour
enlever la poussière de la pierre, au percement
de laquelle cet outil est principalement desliné.
Fig. 6. — Figure schémalique représentant le système Mar vin
théorique.
Dans le modèle Bolton, l'armature en fer doux est
remplacée par un électro-aimant solidaire du fleu-
ret, et mobile entre deux autres électros fixes,
opposés l'un à l'autre par des pôles de même nom.
Un piston, entrainé par l'électro mobile, bute, à
fond de course, sur des tampons qui le font passer
d’une position à l’autre, de manière à renverser le
sens du courant dans l’électro mobile, de sorle que
ce dernier est toujours repoussé par l’un des élec-
tros fixes et alliré par l’autre, lantôt dans un sens,
tantôt dans le sens opposé.
3° Perforatrices à un seul solénoile. Le fleuret est
éloigné du front de taille par l'action du solénoïde
malgré la résistance d'un ressort anlagonisle, qui,
lorsque le courant est interrompu, le ramène brus-
quement contre la roche. La perforatrice Birkin
(1891) (fig. 4)
4 l’erforalrices à solénoïdes sectlionnés. Au lieu de
est de ce type.
deux solénoïdes ou d’un solénoïde el d’un ressort,
un seul solénoïde peut suflire, à la condition de le
seclionner et d'envoyer par le commulaleur le cou-
rant de la dynamo génératrice dans les sections
différentes, de manière à faire allirer successive-
ment le porte-fleuret par les seclions extrêmes.
C’est une application du principe du moteur élec-
trique de M. Marcel Deprez. Telest le cas de la
perforatrice Birkin Mig. 5).
0
3° Perforatrices du type Marvin. Prendre la peine
de redresser, à l’aide d’un commutateur, les cou-
ranls allernatifs que donnerait sans lui la dynamo
génératrice, pour renverser ensuile, à l’aide d'un
nouveau commutateur, le sens de leur trajet pour
les solénoïdes qui doivent produire le mouvement
alternatif du fleuret, paraît être une complication
fort inutile. Aussi M. Marvin a-t-il songé à appli-
quer le système représenté schématiquement par
la figure 6 : la dynamo n’a pas de commutateur;
les extrémités de son armature aboutissent respec-
tivement à un disque collecteur plein el à un demi-
disque, et les solénoïdes sont reliés par leurs bouts
extrèmes au demi-disque, par leurs bouts voisins
au disque plein. Le fleuret prend alors un mouve-
ment de va-et-vient synchrone de la rotation de la
Fig. 7.— Fiqure schématique représentant le système Marvin
modifié, tel que cel inventeur l'a réalisé dans ses perfora-
trices.
dynamo, sans qu'on ait besoin d'avoir recours à un
mécanisme toujours compliqué pour renverser la
polarilé de l’armature.
Mais, pour réaliser ce système tel quel, il faudrait
ne faire tourner la dynamo qu'à la vitesse de 400
tours par minute, qu'on ne dépasse pas pour la
perforaltrice !, et ce serait trop peu. On pourrail
bien augmenter la vitesse de la dynamo, en lui fai-
sant commander ses collecteurs par un train d'en-
srenages réducteur; mais le système serait com-
pliqué.
Ilvautmieuxrendrelesdeux vitesses de ladynamo
et de la perforatrice indépendantes en munissant la
dynamo d'un commutateur ordinaire (fig. 7), par-
couru par deux balais tournant B,B,, reliés l'un au
collecteur entier, l’autre au demi-collecteur. On
gagne encore la suppression du commulaleur sur
la perforatrice, et une simplification précieuse dans
les connexions de l'appareil. C'est le dispositif qu'a
employé M. Harvin dans la perforatrice que repré-
sentent les figures 8 et 9.
M. van Depoële, et MM. Siemens el Halske construi-
sent aussi des perforatrices, qui sont des variantes
du même Lype.
DAT En DL EEE PR he 7 ES
\ Le nombre de coups varie, dans les perforatrices percu-
tantes, de 200 à 400 par miaute ; la course du fleuret est d’en-
viron 450 millimètres.
EC. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 15
un treuil à chaîne, mû aussi à bras d’homme.
Haveuse Michaëlis. — Son outil est mis en mouve-
ment par une came, espèce d’hélice montée sur
un tambour creux horizontal, que la dynamo fait
lourner par un {rain d'engrenages. La tige du porle-
outil est pourvue d'un piston pris entre deux res-
sorts : un ressort amortisseur des
III. — ABATAGE
Les perforatrices, dans les mines métalliques,
les haveuses, dans les houillères, tels sont les ou-
tils de l’abatage mécanique. Nous connaissons les
premières : ce sont exactement celles que nous
venons de décrire pour le perce-
ment destravers-bancs. Leshaveuses
sont des perforatricesspéciales, dans
purs nous retrouvons cepen-
- dantles deux grandes classes de per-
cutantes et de rotatives. Mais, à l’in-
_ verse de ce qui se passe pour les
_ perforatrices ordinaires, surtout
_ destinées à atlaquer des roches
- dures, les haveuses, uniquement
employées pour débiter des blocs de
houille toujours relativement ten-
dres, sont surtout rotatives. Et, dans
les types perculants, le mouvement
de va-et-vient de l'outil n’est qu'ex-
ceplionnellement produit, comme
dans la plupart des perforatrices de celte classe,
par le jeu d’un ou deux solénoïdes; il l'est habi-
tuellement par une dynamo dont le mouvement
rotalif est transformé en mouvement
rectiligne allernalif.
Haveuses à percussion. Haveuse Che-
not. — Son invention est antérieure à
"ni
ST
Fig. 8. — Perforatrice Marvin
{coupe transversale).
chocs el un ressort d'impulsion très
puissant (sa tension peut atteindre
2200 kilogrammes). Cette haveuse
est montée sur roues; elle a 2",70
de longueur, 320 centimètres de
largeur, 620 centimètres de hauteur ;
elle pèse 400 kilogrammes; elle
donne 120 coups à la minute.
Haveuse Sperry.— Cette haveuse, la
plus employée de toutes celles de ce
type, est représentée en détail par
la figure 10. Elle est montée sur deux
pelites roues et manœuvrée à l’aide
des manettes B, B'°.
Au Lype percutant appartient en-
core la haveuse van Depoële, établie par son auteur
sur le même principe que sa perforatrice et, comme
celle que nous venons de décrire, montée sur deux
petiles roues, munie de manettes et très légère
à Mmanœæuvrer.
Huveuses à rotation. — Dans ces haveuses,
dont le principe a élé breveté dès 1873 par
T
a 1 Œ
nt Dr
Fig. 9. — Perforatrice Marvin. — BB, solénoïdes. Les fils des solénoïdes, en cuivre nu, de section carrée, sont enroulés sur
e
s bobines en laiton isolées au mica et sont eux-mêmes isolés au mica à mesure qu’on les enroule : le tout est enveloppé
de mica, puis d’un tube de laiton relié aux fonds des bobines par une soudure capable de résister à l'échauffement des
fils. On constitue ainsi un solénoïde parfaitement abrité ctincombustible. — D, armature composée de trois parties soudées
entre elles, celle du milieu en fer, les deux autres en bronze. Cette armature porte des rainures hélicoïdes destinées à
assurer sa rotalion automatique, et on voit à sa droite un amortisseur de choc. — C, boite des bornes de prise de courant.
La vis que l'on voit à la partie inférieure de la perforatrice est destinée à amener à la main l'avancement de l'outil.
Dans un type plus récent, M. Marvin a remplacé l’armature en fer et bronze par une armature tout en acier; cet engin
donne 380 coups par minute avec des courses variant de 465 à 190 millimètres. -
1884. L'axe de la dynamo — laquelle est une
machine Gramme — commande, par des tambours
de friction et des poulies, une manivelle dont le
mouvement est transmis à l’oulil par l’intermé-
diaire de deux pislons solidaires, mobiles dans
un cadre cylindrique, qu'ils attirent et repous-
sent par la compression de matelas d’air. L’avan-
cement de l’oulil est produit à la main, à l’aide
d'une roue dentée et d’une crémaillère. La haveuse
_ se déplace parallèlement au front de taille par |
M. Taverdon, le mouvement rotalif de la dynamo
est directement utilisé pour faire tourner une
barre ou une chaîne sans fin :
1° aveuses à barre. — La barre peul porter un
taillant à son extrémité, — alors elle constitue un
véritable foret qui s'enfonce dans le charbon en
tournant autour de son axe et qu’on relire, le trou
fini, pour lui en faire commencer un autre à côté;
ou des ailettes tranchantes sur toute sa longueur,
— alors, elle fait une sape continue en se glis-
16 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES
sant dans la masse parallèlement à elle-même.
a) Haveuses à foret. Haveuse Brain, Arnot et
Baler. — Son outil est directement monté en pro-
longement de l'axe de la dynamo. Elle a l'avantage
de pouvoir se fixer très
près du sol, au moyen
de griffes sur une plaque
assujettie par un étan-
çon.
Haveuse Herculès. —
Du type à forets multi-
ples, très employé en
Amérique. Une douzaine
de forets sont actionnés
par des trains d’engre-
nages, que commande
un moteur Tesla à cou-
rants alternatifs. Les
forets sont disposés dans
un même plan, perpen-
diculaire au petit côté
du cadre, qui supporte
tout l’ensemble du mé-
canisme, et qui est porté
lui-même par un chariot
monté sur roues et mo-
bile sur rails. Le cadre
peut s’incliner sur le
chariot, de manière à
obliquer, comme on le
désire, par rapport à
l'horizon , le plan de
sous-Ccave.
b) Haveuses à barre den-
tée. Haveuse de Nostel.
— L'outil est constitué
par une barre hérissée
de dents d'acier, calée
sur le prolongement de
l'axe de la dynamo ou
sur un engrenage ac-
tionné par ce dernier à
raison de 500 tours par
minute.
La barre une fois en-
gagée dans le charbon,
on tire par un treuil à
câble d'acier mû à la main, la haveuse, sur une
voie parallèle au front de taille. Une barre de
1220 à 150 a fait, à Normanton, un havage de
20 à 35 mètres carrés par heure en consommant
environ 10 chevaux-vapeur; elle a abattu par
poste 160 tonnes, en économisant sur le travail
à la main 1 shilling par tonne, et en produisant
deniers de charbon marchand de plus.
Haveuse Jeffrey. — La barre dentée est ici paral-
1
volant C;; le pignon C,sentraine le bouton D; par un sys-
tème analogue; on diminue ainsi l'effet des chocs, atté-
nué encore par les fourrures en caoutchouc F;. Le rende-
ment de cette haveuse (rapport de son travail de choc à
l'énergie électrique dépensée) est, d’après son inventeur,
supérieur à 10 %.
lèle au front de taille, et commandée par des
chaînes sans fin; cet ensemble et la dynamo qui
l’actionne sont montés sur un châssis mobile, qui
peut glisser sur les longerons d’un chässis fixe pour
permettre à l’outil de
s'enfoncer dans le char-
bon. Ce glissement est
déterminé par un pi-
gnon qui engrène avec
une crémaillère du chàs-
sis fixe. La sous-cave
obtenue a environ 010
de hauteur sur 2 mètres
de profondeur ; il faut
6 minutes pour la faire ;
une minute et demie
suffit pour riper la ha- |
veuse parallèlement au
front de taille. La ha-
veuse pare ainsi 60 à
90 mètres carrés en 10
heures; c’est le travail
de 10 hommes, qu'elle
fait avec deux, en con-
sommantenviron 15che-
vaux électriques, L'éco-
nomie quelle réalise
ainsi sur le travail à la
main est de 20 à 25°/,.."
Cette haveuse est l'une
des plus employées.
Haveuse Goolden. — La
barre dentée, de 110
à 120 de longueur, per-
pendiculaire au front de
taille, est reliée par un
train d’engrenages à
l'axe de l'induit : elle
tourne à raison de 400
à 500 tours par minute,
pour les charbons durs.
L’entaille se fait comme
l'indique la figure 12,
en faisant pénétrer l’ou-
til dans le charbon par
la rotation dela machine
sur sa table lournante,
eten remorquant la haveuse sur sa voie. La dy-
namo consomme 10 à 12 chevaux; il faut 3 hom-
mes, un au cabestan, un autre à la haveuse, le
troisième à l'élayage de la sous-cave pour empé-
cher la chute du charbon sur l'outil. Une sous-cave
de 100 millimètres de hauteur, de 2 mètres de
profondeur, 100 mètres de longueur a été faite,avec
cette haveuse, en 4 heures.
Citons encore lahaveuse Atkinson, dont l'outil est
rt.
»
:tranchantes, d'abord pa-
qui est sa position de tra-
analogue à celui de la précédente, la haveuse
Carleton et Vallter, à deux barres dentées, l'une
pour la sous-cave, l’autre pour percer un trou hori-
_ zontal ou faire une sape horizontale ou verticale.
2° Haveuses à chaine sans fin. Haveuse New are,
de la Thomson Van Depoële mining C° (Fig 11). Cette
machine, particulièrement adaptée au service des
._ longues tailles, s’avance par touage sur chaîne
_ fixe. L'outil, une chaine
G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES
17
Un inconvénient consiste dans la nécessité de chan-
ger souvent les couteaux, à cause de leur usure
rapide : dans les charbons durs, les dents de la
haveuse Goolden doivent être changées lous les
3» mètres environ. M. Bain a proposé, pour y remé-
dier, de former la pointe tranchante d'un grain
d’iridium, enchässé et soudé à l'extrémité de la
pointe d'acier.
sans fin munie d'’ailetles
rallèle au front de taille,
prend graduellement,
sous l’action d'un train
à vis sans fin, la position
perpendiculaireàce front,
vail.
IV. — RouraAGE ET
EXTRACTION
Ce service peul être
assuré par des treuils et
des locomoteurs des
treuils, qui remontent, le
long des plans inclinés,
les minerais provenant
des exploitations en val-
La haveuse est munie
dehuitroues, quatre mon-
tées sur rails, quatre au-
tres perpendiculaires aux
premières, qui permettent delaripersanslatourner
- d'un front de taille à l’autre. Elle consomme 15 che-
vaux, elle nécessite deux hommes pour la conduire
et exécule une sous-cave de 10 centimètres de
hauteur; elle pèse 3 tonnes. Elle fonctionne avec
succès à la Jead
Run Mine (Ohio).
Haveuse Keil el
Vesterdall. — Sa
disposition gé-
nérale est la mê-
me que celle de
la Jeffrey; seule-
ment, l’oulil est
une chaine sans
fin, et non plus
une barre (il
existe du reste
des Jeffrey à
chaine). C'est le pelit côté de la chaine sans fin
qui attaque le charbon, en restant parallèle au
front de laille; l'avancement est produit perpen-
diculairement à ce front par une roue hélicoïdale
el une vis sans fin.
A la même catégorie appartiennent la haveuse
Hirst, dont la chaine peut tourner de 180 degrés
autour d’un axè vertical ; la haveuse Afkinson dont
la chaîne sans fin est circulaire, ‘et consiste en une
sorte de scie à mailles, menée par les dents d’un
disque mû par la dynamo.
Une supériorité du havage mécanique sur le
havage à la main est de pratiquer une sous-cave
moins haute (010 au lieu de 025), et de diminuer
ainsi la proportion du menu dansle charbon abattu.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
Fig. 11. — Haveuse rolalive à chaîne sans fin New-arc.
Fig. 12. — Haveuse rotalive Goolden. Ensemble du Montage.
lée, et qui peuvent aussi
être affectés à un roulage
horizontal, ou plus acces-
soirement à une exlrac-
tion verticale; — des locomoteurs, qui ne peuvent,
à cause de leur puissance, être utilisés qu'à la
surface ou dans les galeries aboutissant au jour
ou au puits d'extraction.
Treuils. — L'une des premières installations du
genre es£ celle
qui a élé faite,
en 1880, par la
maison Gramme
à la
Péronnière
(Loire ) elle
fonctionne en-
core parfaite -
ment, bien que
dans des condi-
tions difficiles.
Une machine à
vapeur, {tournant
à raison de G5
révolutions par minute, actionne deux généra-
trices, siluées au jour et faisant 4.300 tours.
Quatre càbles conducteurs amènent Je courant à
deux réceptrices, situées à 1.200 mètres de là, qui
actionnentelles-mêmes un treuil par l'intermédiaire
d’une poulie de friction en papier. Pour simplifier
la partie électrique, les dynamos tournent toujours
dans le même sens, et les manœuvres du treuil
s’exécutent par des embrayages et des change-
ments de marche mécaniques, comme s’il était mû
par une courroie. En comparant le travail brut de
la vapeur dans le cylindre au travail ulile en
houille élevée, on a trouvé 12,2 °/, comme rende-
ment avec une seule benne, 26,1 °/, avec quatre.
L'installation, suflisante pour élever 1.900 kilo-
EC
18 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES
ee ———————_—_—…"…"…"…"—"”—" —"…"—"—"—"——…—…—…—…—…"—"—"— — "— — — —
grammes de houille en 151 secondes à 40 mètres
de hauteur, a coûté 25.325 francs, sans compter le
câble (3 francs par mètre pour les endroits hu-
mides, 1 fr. 25 pour les endroits secs).
Aux mines de Æaria (Brésil), un treuil de 10 che-
vaux, analogue au précédent, mais dans lequel les
manœuvres sont assurées par une combinaison
d'embrayage Mégy, fonctionne avec un succès com-
plet.
Dans les houillères d'Albercanaïd (pays de Gal-
les), MM. Crompton et Howell ont installé un
treuil, que représente la figure 13. La génératrice
du type Crompton compound marche à 550 lLours,
au travail indiqué par la machine motrice est d’en-
viron 50 °/,.
Ce qu'on recherche maintenant dans les treuils
de construction récente, c'est une forme aussi
condensée que possible. On renonce aussi à l’u-
niformité danslesens du mouvement de la dynamo.
C'est dans cet esprit qu'a élé conçu, par M. Pi-
cou, le treuil fabriqué par la Société Edison de
Paris, pour les mines d’Anzin, où il remonte sur
un plan incliné un truck porteur d’une berline. La
dynamo, du type cuirassé, dont les fils et l'induit
sont bien protégés, dont les balais sont en char-
bon, actionne par un engrenage hélicoïdal un pre-
|
Fig. 13. — Treuil électrique Cromplon el Howell.
100 ampères, 800 volts. La réceptrice, siluée à
3.000 mètres de la première, du même type
Crompton, mais en série, tourne à raison de 600
tours, avec 450 volts et 80 à 160 ampères. Gette
installation remplace 27 chevaux, dessert un rou-
lage de 100 tonnes par jour, avec un rendement
de 65 °/,, el a coûté deux fois moins qu'une ins-
lallation équivalente à l’air comprimé ne rendant
que 30 ?
Dans les mines de houille de Zlawrnech (Mom-
montshire), l'électricité est transmise d’une géné-
ratrice extérieure, par un cäble isolé sous plomb,
le long d'un puits de 220 mètres et d'une galerie
de 670 mètres, très humides, à une réceptrice du
type Immish, qui actionne, par un ancien treuil
transformé, un roulage de bennes sur rampes de
1/8 et 1/12, de 270 mètres de longueur. Malgré les
frottements trop élevés du tambour et de son
càäble, le rapport du travail de traction sur le câble
mier arbre, qui attaque celui du treuil par un en-
grenage à chevrons. Une poulie à gorge recoit le
câble, qui n'y fait qu'un demi-lour, le poids du
chariot étant en partie équilibré par un contre-
poids attaché à l’autre bout du càble. L'appareil
est manœuvré par un inverseur el un rhéoslat à
liquide, à l'aide d'un seul levier, qui ouvre gra-
duellement le circuit avant de faire l’inversion du
courant : on évile ainsi complètement les élincelles
et les à-coups.
Dans le treuil 7komson-Houston, la dynamo ac-
tionne le tambour par des engrenages simples. Le
commutateur de changement de marche est com-
mandé par un levier distinct de celui du rhéostat
de réglage. Un levier de débrayage permet de
descendre la charge au frein.
Locomoteurs. — Le premier appareil du genre
qui ait circulé dans les mines ne remonte qu’à
1882 : il a été monté par la maison Siemens el
ad mr ne 5 mu nc à dut |) dd É MÉ SS
G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 19
Halske dans la houillère de Zuukeroda, près Dresde.
Il est constitué par une réceptrice, reliée par des
engrenages aux deux essieux qui sont moteurs.
Le courant, amené d'une génératrice de 15 che-
vaux, est pris, sur deux rails en fer à T renversé,
par des frotteurs à ressorts. Les trains, composés
de 10 à 15 wagons, pe-
sant vides 250 kilogs.
et contenant 500 kilogs,
de charbon, sont remor-
qués à la vitesse de 9
à 10 kilom. à l'heure
en palier. Pour une ex-
traction de 400 tonnes
en seize heures, la ton-
auxquels on n'a pu parer par l'emploi de ressorts
de suspension, emploi que rend diflicile la rigidité
de la transmission des dynamos aux essieux.
Locomoteur Schlesinger. — Ce locomoteur est le
premier qui ait été appliqué en Amérique; il date
de 1888, époque à laquelle il a été installé dans
les houilières de Zykens
Valley (Pensylvanie). La
force motrice est four-
nie par deux machines à
vapeur Arminglon de
60 chevaux, actionnant
une génératrice Thom-
son-Houston de 50 che-
vaux sous 220 volts. Le
ne kilométrique est re-
courant est amené par
venue à 0 fr. 2600 avec
roulage à la main,
0 fr. 1563 avec roulage
par chevaux, à 0 fr. 1134 avec l'électricité, L'éco-
nomie est notable.
Locomoteur de Marles. — Ce locomoteur est cons-
truit par la Société Edison, sur les plans de M. Picou.
L'arbre de la réceptrice,
parallèle à la voie, porte
un pignon, qui actionne une
roue calée sur un arbre in-
termédiaire; ce dernier,
par deux engrenages héli-
coïdaux , commande les
deux essieux, quisont ainsi
moteurs. Par-dessus la
machine se trouve le rhéo-
stat, dont le volant de
manœuvre est horizontal,
ainsi que les leviers d’in-
terruption
et dechan-
gement de
Fig. 14. — Locomoleur van Depoële, type surbaissé.
des càbles et un trolley
à la dynamo réceplrice
de 40 chevaux, qui
transmet son mouvement aux deux essieux, d’ail-
leurs accouplés, par un train d’ergrenages et
deux manivelles à 90° calées aux extrémités de
l’armature. Le locomoleur (fig. 15) a 2°90 de long
sur 160 de haut et 1"60
de large ; il pèse 6.100
kilos, y compris un poids
de 900 kilos, qu'on lui
a ajouté pour augmenter
l’'adhérence et avec elle
la puissance de traction.
Il circule sur des rails
de 0*90 d'écartement, à
joints cuivrés aux éclis-
ses, pour le retour du
courant, En cinq heures
et demie, il roule 700
bennes
parcourt
33 kilom.,
marche.Le | en chan-
courant k geant 232
est pris fois de
par deux marche. Il
frotteurs est con-
sur une duit par
voie aé- ; un hom-
= die, 45. — Loco ur Schlesinger (houillère de Lykens Valley). G
rienne for- Fig. 15. — Locomoleur Schlesinger (houillère de Lylens Vattey me, assis-
mée de vieux rails.
Le locomoteur, de 2 mètres de longueur, 015 de
largeur, 0760 d'écartement d’essieux, circule dans
une galerie de 175 de hauteur, sur une voie de0"60,
en rails de 10 kilogrammes, à courbes très raides.
Il remorque jusqu'à 25 berlines de 700 kilogrammes
chacune, à une vitesse de 8 kilomètres à l'heure
en palier. Il fonctionne bien, malgré les irrégula-
rilés de la voie, qui donnent des chocs incessants,
té d’un gamin pour la formation des trains et la
manœuvre des aiguilles; il remplace 7 mules
et 3 conducteurs, qui n'arrivaient à rouler que
560 bennes en 13 heures.
Locomoteur Van Depoële (fig. 14). — Sa puissance
est de 60 chevaux; il est remarquable par sa com-
pacilé (1 mètre de haut). Son trolley est à bras
articulés, pour suivre le conducteur malgré ses dé-
nivellations. On voit, sur les côtés, quatre lampes
20 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES
\\ NL
—
Fig. 16. — Locomoleur Jeffrey (mine de Shawnee).
électriques à projecteur parabolique, qui éclairent
parfailement la voie.
Locomoteur Jeffrey (g.16).— II fonclionne avec un
Shawnee. W pèse à tonnes, el peut en remorquer
facilement 30 sur une rampe de 4 °/,, à la vitesse
moyenne de 10 kilomètres à l'heure.
\
Ce Q
at
Fig. 17. — Locomolew: Edison.
|
plein succès depuis la fin de 1889, avec une force
électromotrice de 250 volts, dans les mines de
Locomoteur Edison. — Laréceptrice de 15 chevaux
commande les deux essieux accouplés, par une
nb Leds ct De dé, à ad:
G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 21
lransmission suspendue. Il est ordinairement pro-
tégé par une enveloppe qui n'est pas représentée
sur la figure 17.
Locomoteur Tinmish et Walker. — C'est un locomo-
teur-toueur, qui se remorque sur un càble, el qui
peut ainsi développer des efforts de traction très
considérables à de faibles vitesses: Aux WAarn
cliffe Silkstone Collieries un locomoteur de 10 che-
vaux, pouvant en développer 20, remorque environ
3 tonnes sur une longueur de 450 mètres, à la
vitesse de 5 kilomètres sur rampe de 1/9.
Tous cesexem-
ples prouvent
combien la trac-
tion électrique
s’adapte bien aux
besoins des mi-
nes. Étant donné
le succès de l'é-
lectricité pour
les transports à
la surface. et ses
qualilés spécia-
les qui la ren-
dent encore plus
propre aux trans-
ports souler-
rains , comme
l'absence de fu-
Le
a
a
V.— ÉPUISEMENT.
Pour assurer ce service, on emploie ordinaire-
ment des pompes foulantes, étagées dans un puits
spécial, et dont les pistons sont actionnés par une
tige rigide el massive, qui oscille verticalement,
sous l’action d'une machine à balancier installée à
la surface. Comme tout cet ensemble ne peut tra-
vailler qu'à faible vitesse, il faut racheter le petit
nombre de coups qu'il donne à la minute par un
gros débit à chaque course du piston. On est ainsi
amené à donner
au corps de pom-
pe une grande
hauteur et un
gros diamètre: il
en résulte un
“matériel très
massif, coûteux
à installer, difli-
cile à réparer.
Pour éviter cet
inconvénient, on
a quelquefois re-
cours à des pom-
pes plus conden-
sées, plus rapi-
des, du type de
Quillacq, instal-
SPIP
| ss
JP 5 tm
a "PT
SPLAD V4;
mée, on pouvait
prévoir la chose. $
En thèse géné-
rale, nous estimons, pour notre part, qu'une mine,
ayant sur une voie donnée un roulage important à
effectuer, doit trouver son avantage à s'adresser à
l'électricité !.
1 Comme le dit M. G. Richard (Lumière Électrique, T. XLII,
p. 21): « La supériorité de l’électricité pour la traction sou-
terraine sur le travail manuel ou celui des chevaux ne saurait,
je crois, être mise en doute, tant au point de vue de l’éco-
nomie qu'à celui de la sécurité de l'exploitation; et il suflira
de se rappeler la complication, le mauvais rendement et le
prix d'établissement élevé des grandes tractions par chaines
et par câbles pour admettre qu'on leur aurait certainement
préféré l'électricité, si les électro-moteurs avaient existé à
l’époque de leur établissement.» La traction électrique par
câbles existe cependant: à la mine de lord Durham (Angle-
terre), une machine électrique, pouvant développer 40 chevaux
en faisant 650 tours à la minute, attaque par l'intermédiaire de
deux couples d’engrenages, une poulie à gorge de 22,50 de
diamètre, sur laquelle passe un câble sans fin, qu'elle meut
à une vitesse de 4 milles à l'heure, et auquel on accroche
les wagons à mesure qu’ils sont prêts. Mais il vaut mieux
employer les locomoteurs, qui donnent un rendement plus
grand.
Les accumulateurs, employés pour alimenter les dynamos
de certains tramways électriques, sont, en général et fort
justement, semble-til, considérés comme inapplicables aux
locomoteurs miniers, en raison de leur poids, de leur encom-
brement et aussi de leur usure rapide sous l'influence des
vibrations, inévitables avec les voies souterraines.
Fig. 18— Pompe Goolden.
lées au fond, et
recevant leur va-
peur de chau-
dières siluées à la surface. Mais les conduites de
vapeur, encombrantes, donnant souvent lieu à
des fuites difficiles à réparer, sont toujours le
siège d'une condensation et d'une perte de pres-
sion qu'on peut évaluer à 15°/, pour une pro-
fondeur de 250 mètres, à 30 °/, pour une profondeur
double. Sil’on songe qu'une transmission électrique
très ordinaire donne un rendement de 70 °/, pour
des parcours incomparablement plus longs, on
trouvera que l'emploi de l'électricité élait tout
indiqué, sans compter qu'il devait permettre d’al-
léger encore beaucoup les pompes, en les faisant
marcher à leur plus grande vitesse possible. C'est
effectivement ce qui a été fait, en même temps que,
pour mêttre le travail des pompes plus en rapport
avec le travail constant de la dynamo,on a sup-
primé les points morts, en mullipliant les corps de
pompe et en calant convenablement les maxi-
velles sur l'arbre moteur.
C'est dans cet esprit que sont conçues la pompe
de la Gould Mining C° Seneca Falls N. Y.etlapompe
Goollen, chacune à trois pistons plongeurs verti-
caux. La seconde, employée à la houillère d'A7/ha-
lows (Cumberland) et représentée parla figure 18, a
os
2 G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES
sa dynamo complètement enfermée; elle refoule
540 litres par minute, sous une charge de 180 mè-
tres, àtraversun tuyau de 1.550 mètres de longueur.
La dynamo génératrice à une force de 20 chevaux
électriques ; le rendement (rapport de la puissance
effective de la réceptrice à la puissance effective de
la machine à vapeur) atteint 76,5.
La pompe de la /ubilee Colliery (Mig. 19 a ses deux
corps de pompe horizontaux. Sa génératrice, du
système O/dham, donne environ 38 chevaux élec-
triques: laréceplrice, du même type, à peu près 35.
Fig. 19. — Pompe de la
Celte dernière conduil, par une transmission à
cordes et engrenages, les deux pistons, dont le
diamètre est de 230 millimètres el la course de
760, et qui refoulent, à raison de 35 tours par
minule, 43 litres d'eau par seconde, sous une
charge de 4270. Dans un essai effectué le 23 jan-
vier 4891, on a trouvé pour le rendement, défini
comme plus haut, 85 °/,, ce qui est très beau.
Sans abandonner la dynamo comme moteur de
la pompe, on peul avoir recours, pour les petites
profondeurs, à une pompe centrifuge directement
attelée sur l'arbre de la dynamo. On y trouve l’a-
vantage d'avoir un ensemble {rès compact, très
robuste et donnant un grand débit, sans compter
que sa grande mobilité le rend très propre à assu-
rer l’épuisement d’un chantier provisoire, en ren-
voyant l'eau soit à la surface, si elle n’est pas trop
haut, soit dans l’un des collecteurs des grandes
machines fixes.
On peut actionner la pompe par un solénoïde sec-
lionné, comme on aclionne une perforatrice. Dans
le système de M. Van Depoële (fig. 20), qui esl assez
usité aux États-Unis, l’armature du solénoïde est
calée sur la tige de la pompe. Le mère électri-
cien a proposé de faire de cette armature le propre
piston d’une pompe à double effel; mais nous ne
croyons pas que le système ait élé appliqué.
Jubilee Colliery.
VI. — AÉRAGE
L'aérage est ordinairement assuré par des ven-
tilateurs puissants, installés à l’orifice de ‘puits spé-
ciaux, le plus souvent fort éloignés du centre de
l'exploilation. Aussi y aurait-il, dans bien des cas,
avantage à supprimer l'usine de force motrice,
entretenue près du ventilateur pour l'actionner, et
à envoyer à ce dernier l'énergie nécessaire, d'une
stalion centrale ; l'emploi de l'électricité est alors
tout indiqué !. ‘
Indépendamment de ces grands ventilateurs, qui
donnent l'air à tout un quartier d'exploitation, on
1 On peut citer, dans le genre, le ventilateur du puits Saint-
Claude à Blanzy, actionné dès 1881 par deux machines
xramme
G. LAVERGNE — LES APPLICATIONS MÉCANIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MINES 93
emploie aussi des ventilateurs moins puissants,
qu’on installe à l'intérieur dela mine, par exemple
pour aérer des chantiers en cul-de-sac. Jusqu'à
présent,ces ventilateurs étaientmus à bras d’homme
ou par l'air comprimé ; il est préférable de les
faire actionner par une dynamo. On peut alors
utiliser les divers ventilateurs électriques : Crooker
Wheoler motor C° N. Y., Simonds Manufacturing C°,
Kintner, Lundell, Beers, Bennett, Hill...
Ces ventilateurs souterrains peuvent parfois
prendre une importance considérable, Ainsi, dans
les houillères de Zaukerodu, à 400 mètres de pro-
fondeur, un ventilateur Shiele, de 0",96 de dia-
mètre, débitant 178 mètres cubes d'air à la minute,
à la pression de 20 millimètres, avec une force
de 1 ch. 66, reçoit son mouvement par l’intermé-
diaire d'une courroie, d’une dynamo à laquelle le
courant arrive d’une génératrice Siemens, située à
157 mètres d’elle, actionnée par une machine à
vapeur Dolgvrouki faisait 800 tonnes par minute.
nateurs synchronisés Westinghouse marchant à
3.000 volts. Pour l'exploitation des placers, la Ben-
nelt amalyamator C° de Sumint (Colorado) construit
un excavateur-amalgamaleur mû par l'électricité.
Cette dernière joue quelquefois, dans la prépa-
ration mécanique, un rôle plus spécial que celui
de moteur: c’est ce qui arrive dans les trieurs ma-
gnétiques. On peut citer : le trieur Æriedrichssegen
(Allemagne), pour séparer les minerais de fer de
la blende: le trieur Jaspar, qui permet de traiter
20 tonnes de matière brute en 10 heures, sans de-
mander plus de 2 chevaux ; le trieur Westrom,
TE
TT IT
Fig. 20. — Pompe direcle van Depoële (1891). — D, armature; 4’, tube de bronze. — C, bobine du milieu toujours excitée, qui
magnétise fortement l’armature D et l’enveloppe en fer du solénoïde. — B1,B2,...C1,C2,... deux séries de bobines latérales;
—f", 9), touches du commutateur séparées par un isolant F.— G,barre du commutateur. — I, taquet ; t, à, butées du taquet.
VII. — PRÉPARATION MÉCANIQUE
Sur le carreau de la mine, le minerai reçoit or-
dinairement un traitement destiné à le débarrasser
des impuretés qui seraient transportées en pure
perte et à le classer en diverses catégories. Les
opérations de cette préparation mécanique, fort
diverses avec la nature du minerai, exigent parfois
une force motrice très considérable. On aura tout
intérêt à la demander aux forces hydrauliques voi-
sines, transportées électriquement à l’atelier de
préparation mécanique.
A Aspen (Colorado), des broyeurs sont actionnés
par des dynamos. La Gold King Company de Tellu-
ride (Colorado) a installé, il y a 3 ans, un bocar-
deur de 100 chevaux äunealtitude de 3.300 mètres,
inaccessible aux combustibles, bois ou charbon ;
la transmission s’opère au moyen de deux alter-
employé en Suède; le trieur Sith, pour la puri-
fication du quartz et du kaolin ; les trieurs Ædison,
Thompson et Sanders…
Ces applications diverses de l'électricité, dont
nous venons d'épuiser la liste, se trouvent parfois
plus ou moins réunies dans une seule mine!, où
l'électricité peut, en outre, être utilisée sous d’au-
tres formes (éclairage, téléphones, sonneries, si-
gnaux) qui sont bien connues, et que nous n'a-
vons d’ailleurs pas à décrire ici, car elles n'ont pas
le caractère mécanique de celles que nous nous
sommes donné pour mission d'étudier.
Gérard Lavergne,
Ingénieur civil des mines,
! A citer notamment les mines de Faria (Brésil), Dalmalia
Californie), Aspen et Värginius (Colarado), Arizona (Etats-
Unis), la mine de lord Durham (Angleterre).
24 D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION
LES TOXINES
MÉCANISME DE LEUR ACTION
Dans le domaine des sciences expérimentales,
comme, du reste, sur d’autres terrains, tout cher-
cheur soucieux du progrès a pour devoir, lors-
qu'un fait d’une porlée générale vient d'être établi,
de s'attaquer à ce fait, de l’étudier, de l’analyser jus-
que dans ses moindres détails.Or, à certains égards,
il ne semble pas que les bactériologistes aient
loujours rempli scrupuleusement celte obligation.
Personne ne met plus en doute, et cela depuis
plusieurs années, les propriélés morbifiques des
sécrétions microbiennes : on sait, de science sûre.
que, pour provoquer la maladie, les agents patho
gènes usent, avant tout, des substances chimiques
qu'ils fabriquent. On a reproduit des accidents
caractéristiques en injectant ces substances, au lieu
d'inoculer les infiniment petits: on a constalé que
dans l'organisme, aussi bien que dans les milieux
de culture, les germes donnent naissance à ces corps
que l’on englobe le plus souvent sous le nom géné-
rique de /oxines. Le Professeur Bouchard a prouvé
que ces principes s'éliminent par la voie rénale:
Charrin el Rüffer les ont décelés dans le sang. De-
puis lors, en particulier pour le létanos, pour la
diphtérie, etc., Camara Pestana, Immerwabr, etc.,
ont réalisé des constatations de même ordre.
Le fait n'est donc plus discutable: il n'est nul-
lement nécessaire, désormais, de se dépenser en
efforts pour mettre en évidence la puissance nocive
des produits kactériens, lorsqu'on se borne à les
introduire chez un animal jusqu'à ce que mort
s'ensuive. La donnée générale est acquise : les
désordres morbides dérivent de la pénétration dans
les viscères des poisons engendrés par les microbes:
à cet égard, la cause est entendue, du moins si l’on
s'en lient, comme, du reste, on le fait habituelle-
ment, aux phénomènes élémentaires. En répétant
constamment l'expérience qui consiste à tuer un
sujet quelconque de laboratoire en lui administrant
des cullures stérilisées, on s'évertue à marquer le
pas sur place.
Il convient cependant de ne point oublier que
des modifications aussi nombreuses que diverses
se développent,dès que l'équilibre des forces vitales,
gage nécessaire de la santé, est rompu; par une
série d'étapes, on aboutit à la guérison où à la
terminaison fatale.
Il importe d'étudier ces étapes, de déceler, dans
leurs plus pelits délails, les phénomènes qui se
déroulent. En agissant de la sorte, l'esprit trouve
une ample satisfaction, la science progresse; en
outre, on combat plus efficacement les accidents,
quand on a saisi leur genèse : la pralique comme
la théorie réclament ces recherches.
I
Les désordres causés par l'infection répondent
à trois catégories principales de fails : les lésions
des Lissus, les allérations des liquides, les pertur-
bations fonctionnelles des appareils. A moins de
revenir aux aclions de présence, on doit admettre
que les bactéries, au cours des fièvres ou de toute
autre affection parasitaire, pour créer la maladie,
modifient la structure des viscères, la composition
des humeurs, le jeu des systèmes; de là l'obligation
d'examiner le rôle de ces bactéries ou de leurs
sécrétions au point de vue de l'anatomie, de la
chimie, de la physiologie pathologiques.
Les travaux concernant les changements apportés
dans la disposilion des cellules par la pénétration
des toxines sont relalivement nombreux: à cet
égard, il y a lieu d’atlénuer le reproche formulé à
l'endroit du défaut d’études détaillées.
On a établi la part qui revient aux substances
microbiennes dans la production de l’inflammalion :
ces substances ont paru susceptibles de se com-
porter à la façon des agents d'irrilalion: elles font
naitre l’æœdème ; elles sollicitent la diapédèse:; elles
allirent ou repoussent les organiles mobiles ou
mobilisés: elles nécrosent quelques-uns d’entre
eux, amenant äinsi la formalion du pus: elles font
dégénérer les épithéliums, pendant qu’elles pous-
sent à la multiplication directe ou indirecte.
Siles bactéries elles-mêmes sont présentes, ces
phénomènes s'accentuent: Ja phagocylose se
montre: la lésion locale, qui, le plus souvent, n’est
autre chose que l'indice de la défense de l'éco-
nomie, se réalise. ;
Il y aurait beaucoup à dire sur la signifisalion,
sur la portée générale, sur les causes, sur Le méca-
nisme, sur les conséquences de cette lésion locale,
dont la nature a élé si bien comprise, si bien inter-
prétée par le Professeur Bouchard: toutefois, pour
la mettre complètement en valeur, l'intervention
des parasites vivants est à peu près indispensable:
or, ici, notre but est, avant tout, de placer en évi-
dence la part qu'il faut attribuer aux sécrétions de
ces parasites dans la genèse des perturbations
mulliples dont l'ensemble constitue l’état morbide.
J'ai pu montrer, dès 1888, l'action de ces sécré-
lions sur le rein, établissant qu'un viscère donné
PRE VRP VUE
nr tube os. nn à.
D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION
19
Qc
chez un animal déterminé, peut, sous l'influence
d'un virus unique, offrir les altérations les plus
disparates : inflammalion aiguë ou chronique,
désordres interslitiels ou parenchymateux, dégé-
nérescence graisseuse ou amyloïde, hypertrophie
où atrophie avec artério-sclérose, thrombose, in-
faretus, etc.; ces variétés dépendent de la qualité,
de la quantité des produits microbiens introduits,
de la réaclion des tissus, de la durée du mal, de la
porte d'entrée de cesproduits, del'âge dusujet, etc.:
en tous cas, ici, le mécanisme est simple ; ces corps
traversent le fillre rénal pour s'échapper par
l'urine: ils détériorent ce filtre à la manière de la
cantharide, du mercure, du plomb, elc.
L'étude des changements offerts par les séreuses,
péricarde, péritoine, méninges, plèvres, syno-
viales, etc., n'a pas été oubliée. Au début, on atrop
insisté sur la nécessité de la présence de l'agent
pathogène; j'espère avoir récemment prouvé que,
si ces membranes subissent les eflets des prin-
cipes dérivés de la vie de nos cellules, comme chez
les brightiques ou chez les goutteux,elless’altèrent
par le fait du passage, autravers de leurs différentes
couches, des éléments extraits des cultures.
Les toxines, diphtéritiquesou autres, provoquent
des artérites, des phlébites. — Si les muscles, en
général, sont assez résistants, le myocarde semble
offrir plus de délicatesse. Au Congrès de Berlin,au
cours de la discussion relative aux myocardiles,
j'ai pu montrer une collection de pièces prouvant
que ces toxinessont capables d’engendrerces myo-
cardites.
En administrant, à plusieurs reprises, des doses
successives de poisons bactériens, on a fait naitre
des myélites diffuses ou systémaliques, des né-
vrites, des bronchiles, descongestions pulmonaires ;
on a provoqué des hypertrophies de larale, d'après
Nissen, hypertrophies que l’on considérait comme
l'expression de la présence des infiniment petits :
on à placé ainsi la notion loxique à côté de celle du
parasile actif.
Cette notion n’est point, du reste, une pure curio-
sité de l'esprit. Solidement assise, elle conduit à
favoriser l'élimination, la destruction, la neutrali-
sation de ces principes nocifs; elle apprend que
tout n’est pas lerminé, alors même que les germes
sont morts; il faut encore compter avec leurs sé-
crélions parfois très lentes à disparaitre; il faut
Surtout songer à la cellule, à la pathologie cellulaire
qui, en dépit des découvertes, demeure la pierre
angulaire de l'édifice. Les microbes, leurs dérivés
chimiques, constituent, à coup sûr, des agents étio-
logiques considérables; mais ce qui domine la
scène, ce sont les perturbations anatomiques ou
fonctionnelles des tissus, quelles que soient d’ail-
leurs les causes de ces perturbations.
Ces causes, infectieuses, chimiques, physiques,
peuvent intervenir sans réussir à provoquer le
plus minime dérangement, si elles n’ont pas
troublé le jeu des appareils ou changé leur struc-
ture : leur suppression ne mel pas un terme aux
désordres morbides, quand l'organile lésé n'est
pas pleinement revenu à l’état normal.
Si telles altérations, à l'exemple Ge certaines
hvpertrophies spléniques, semblaient réclamer,
pour devenir apparentes, l’aclivilé personnelle des
bactéries, tout au moins dans la majorité des cas,
il en est qui étaient tenues comme indiquant in-
failliblement celte activité: cerlaines _entérites
accompagnées de l’inflammalion des plaques de
Peyer, étaient de ce nombre.
J'ai démontré, il y a plus de sepl ans, qu'on
créait ces lésions en injectant les toxines pyocya-
miques dans les vaisseaux. J'ai élé heureux de voir
Sanarelli, dans son important mémoire sur la fièvre
typhoïde, rappeler cette découverte, en conslalant
que le bacille d'Eberth, localisé d’abord dans les
lymphatiques, fabrique des substances qui. en
franchissant les tuniques inteslinales, les détério-
rent profondément. Denys, Van den Bergh, ont
émis, pour le choléra, une hypothèse analogue.
A diverses reprises, j'ai insisté sur ce rôle d'éli-
minalion dévolue à cette partie du canal alimen-
taire; il y alà, en pathologie aussi bien qu’en phy-
siologie, une importante fonction, d'autant que,
dans ceconduit de la sortealtéré, la flore habituelle
prend un développement marqué.
A la catégorie des modifications anatomiques
d'originetoxique appartiennent également nombre
de changements observés du côté du foie ou des cap-
sules surrénales au cours des infections. Ces deux
viscères.— Abelous,Langlois,puis Charrin l'ont éla-
bli pour ces capsules —, jouent un rôle antitoxique ;
ce rôle, il est à peine besoin de le signaler, ac-
quiert toute son importance dans des maladies qui
ne sont, en définitive, que des empoisonnements.
Il est aisé, en injectant des cadavres microbiens,
soit dans les voies biliaires, soit dans la veine-
porte, de déterminer des dégénérescences hépa-
tiques variées, avec parlicipation du tissu conjonc-
tif, avec thromboses, artérites, angiocholites, etc.
Les éruptions culanées, les hémorragies capil-
laires de la peau, éruptions, hémorragies que font
apparaitre une foule de poisons d'origine externe,
peuvent aussi dépendre de la pénétration des sé-
crétions bacillaires, privées de Lout germe vivant.
On a là, une fois de plus, la preuve du rôle indé-
niable de ces sécrétions dans la genèse des lésions,
dans la production des troubles anatomiques.
Le progrès solide exige que l'on connaisse le
mécanisme de ces lésions, de ces troubles: il est,
en effet, dificile de réparer une brèche faile à une
26 D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION
EE ——— ——— —". ———————_—_— a
muraille, si l’on ignore son siège, ses dimensions,
les motifs de sa réalisation.
Il serait facile, sans perdre de vue les autres
procédés d'intervention propres aux germes, tels
que les aclions directes, la concurrence vitale, les
modifications vasculaires, ete., de développer plus
longuement les propriélés nocives des toxines
au point de vue histologique. Toutefois, nous l'a-
vons dil, ces modifications des tissus ont été re-
lativement assez étudiées; elles sont assez con-
nues.
Les changements apportés dans la composition
des liquides, par le fait de l'introduction de ces
toxines, sont plus obseurs ; il importe d'établir leur
réalité, d'autant que les résultats acquis aussi bien
que les espérances conçues permettent d’entre-
voir l'intérêt sans égal qui s'attache à ces re-
cherches.
Il
Le sang subit l'influence des produits micro-
biens et dans ses éléments figurés et dans ses élé-
ments solubles.
Les leucocytes Lantôt augmentent de nombre,
Lantôt diminuent; Rovighi, Biegansky, Pernice,
Alessi, Chatenay, Everard, Demoor, Massart, elc.,
ont établi cette donnée. Pour Botkin, les corpus-
cules éosinophiles deviendraient plus abondants ;
pour Vatkins, les globules rouges apparaitraient
plus crénelés, plus débiles, pendant que les pla-
ques hématiques, d'autre part, seraient plus nom-
breuses: pour Maurel, les cultures stérilisées dété-
rioreraient ces différents globules; pour d’autres
leur isotonie serail anomale.
L'oxygène fléchit de 12, 13, à8, 9° ; je l'ai
constaté avec Gley, avec Lapicque, comme j’ai vu,
avec Kaufmann, le sucre tomber de 0,940 à 0,710
par litre. — Slintzing prétend que l’eau augmente,
tandis que l’albumine diminue ; l’hydrémie accom-
pagne l'hypo-albuminose.
Mais le changement qui prime tous les autres,
c'est celui qui se développe lorsqu'on injecte des
matières bactériennes de façon à créer l’état ré-
fractaire, Il se produit, dans ces condilions, des
substances peu stables, que la dialyse, que des
congélations, que la chaleur altèrent, substances
dont les unes sont peu favorables à l’évolution des
germes vivants, dont les autres, tout en possédant
ces qualités réputées bactéricides, agissentsur les
poisons microbiens pour les neutraliser, pour an-
nuler leurs effets : ce sont là les principes anti-
toxiques.
A la découverte des premiers de ces éléments,
de ceux qui sont dits bactéricides, se rattachent
les noms de Flügge, Nussal, Nissen, Fodor, Buch-
ner, Stern, Zässlein, Gamaleïa, Bouchard, Charrin,
Roger, Gottslein, Szekely, Klemperer, Vosvinkel,
Czaplewski, Pekelharing, Nestchajew, Emmerich,
Fowitzki, Arkharoff, Mosny, Pansini, Kionka,
Kanthack, ete. À la découverte des seconds de ces
corps, de ceux qu'on appelle antitoxiques, sont
liés, avant tout, les travaux de Behring, de Kita-
salo, puis ceux d'Ehrlich, de Tizzoni, de Cat-
ani, etc.
On sait les heureux effets obtenus dans le trai-
tement de la diphtérie par Behring, Aronsohn,
Ebrlich, Wasserman, Kossel, plus tard par Roux,
Martin, Chaillou, elc., ou, dans celui du tétanos,
de la pneumonie, par des médecins, en particulier
par des médecins italiens, en injectant ces subs-
tances ou plutôt le liquide qui les renferme,
attendu qu’elles ne sont que très imparfaitement
connues ; elles existent dans le sang, plus spécia-
lement dans le sérum, comme l’a indiqué le
P' Bouchard ; de là la dénomination de sérothé-
rapie qui a remplacé celle d'hémo ou d'hémato-
thérapie.
Dans une série de recherches des plus impor-
tantes, Richet el Héricourt avaient vu que l’on
combattail certains virus, au premier rang une
septicémie, puis la tuberculose, en introduisant
le contenu des vaisseaux de sujets naturellement
ou arlificiellement vaccinés.
Depuis lors, nous venons de le rappeler, on à
beaucoup étudié ce liquide sanguin des individus
réfractaires; on à vu qu'en administrant des
toxines, en vaccinant des animaux, on faisait nailre,
dans ce liquidesanguin, ces composés bactéricides
ou antitoxiques, gräce à des modifications appor-
tées dans la nutrition. Il est, en effet, bien établi
aujourd’hui que ces matières ne sont pas incluses
dans les cultures employées pour immuniser.
D'une part, ces matières n'apparaissent que plu-
sieurs jours après la pénétration de ces cultures,
alors que ces cultures se sont en partie éliminées ;
d'autre part, ces cultures subissent, sans perdre
totalement leurs qualités de préservation, un
chauffage de 100° et davantage, tandis qu'à 70°
ces malières bactéricides sont allérées. ,
Ces éléments procèdent done de la vie des cel-
lules de l’économie que l’on a rendue résistante
aux virus. À ce point de vue, ils dérivent non pas
directement, mais bien indirectement des sécré-
tions bacillaires ; ces sécrétions changent la vila-
lité de l'organisme, comme le fait le plomb,comme
le réalise le poison du germe d'Eberth.
Qu'un ouvrier peintre en bâtiment absorbe des
sels plombiques : ses Lissus, qui poussaient la des-
truction des acides jusqu'à l’eau ou CO?, cesseront
de jouir de cette activité; cet ouvrier deviendra
goutteux. D'un autre côté, tel individu, très maigre
avant sa dothiénentérie, après sa maladie marche
PAPAS RP ED
D: 3 CHARRIN — LES TOXINES
: MÉCANISME DE LEUR ACTION
19
1
à l'obésité ; ses organitesnebrülent pluslesgraisses.
Les corps chimiques, d'origine bactérienne ou
non, définis ou non, en (raversant un être vivant,
en séjournant plus ou moins longtemps dans cet
être, sont donc capables de modifier sa vitalité,
de ralentir ou d'accélérer sa nutrition. Or, cette nu-
trition consiste, pour les élémentsfigurés, à puiser
dans les plasmas ce qui leur convient, à assimiler,
à retenir ce qui leur est nécessaire, à rejeter le su-
perflu. Les plasmas sont donc fatalement, forcé-
ment, ce que les font ces éléments figurés: ils
sont sous leur dépendance immédiate.
Aussi est-on surpris d'entendre parler, à propos
des doctrines de l’immunité, de théories cellu-
laires opposées à des théories purement humo-
rales, car on saisit mal une Lhéorie purement humo-
rale, non cellulaire. Si l’on fait usage de ce mot
« humoral », c’est pour abréger le discours, en
supposant que tout le monde comprend. Comment
concevoir, chez l'animal, des humeurs sans rela-
lion avec les cellules? Comment dans ces humeurs
faire apparaître des corps bactéricides ou antitoxi-
ques, alexines, antilysines ou autres, sans la
participalion de ces cellules? Aufant vaudrait
remonter à la génération spontanée! Autant croire
au quidquid e nihil !
Non, il n'y a, à certains égards, que des théories
cellulaires: les unes expliquent l’immunité par des
actions d’inclusion, de digestion des parasites au
sein de ces cellules: les autres imaginent que ces
cellules font ‘que les plasmas renferment des prin-
cipes défavorables aux agents infectieux ou à leurs
produits.
Ces principes sont surtout nuisibles aux infini-
ment pelits capables d’engendrer le mal dont on a
cherché à préserver l'organisme: autrement dit,
ces principes, s’ils sont nés à la suite d’une vacci-
nation contre le bacille de Lüffler, seront plus dan-
gereux pour ce bacille que pour tout autre. Toute-
fois, il en est dont l’action s’étend à d’autres virus.
Avec Courmont, j'ai vu le sérum des lapins
rendus réfractaires au germe du pus bleu atténuer
la bactéridie charbonneuse. Szekely, Szana, sou-
tiennent que les humeurs des sujets immunisés
contre la rage détruisent le B. prodigiosus. Cesaris-
bemel etOrlandiont fait des constatalionsanalogues
pour les microbes de la dothiénentérie ou du cho-
léra; telle anti-toxine agirait sur des venins.
Quoi qu'il en soil, en ce qui concerne l'origine
de ces produits protecteurs, on s’apercevra, si l’on
veut prendre la peine de jeter un coup d'œil sur ce
que nous avons écril, que notre opinion n’a pas
varié. On sera bien vite convaincu que nous n’avons
pas cessé de considérer cette immunité comme une
propriété cellulaire. C’est là, du reste, la formule
émise depuis nombre d'années par le Professeur
Bouchard. 11 serait, d’ailleurs, difficile de com-
prendre, dans certains cas, l'hérédité, la transmis-
sion, la durée de ces états réfractaires, en ralla-
chant ces phénomènes à une simple modification
des humeurs, c’est-à-dire de ce qui ne vit pas.
Le sang, sous l'influence des toxines, subit en-
core d’autres modificalions. D'après Fodor, son al-
calinité augmenterait. Je n’ai pu réussir, malgré le
concours éclairé de R, Drouin, à constater, à cel
égard, des différences très appréciables durant la
maladie pyocyanique.— Pour Maragliano, les sels
du contenu vasculaire, le chlorure de sodium plus
particulièrement, seraient en décroissance.
III
D’autres liquides organiques sont également
soumis à des changements, lorsqu'on injecte des
sécrétions microbiennes.
Le volume de la lymphe, à en croire Gaertner,
Rœmer, est en ascension: or, nul n'ignore l'impor-
tance considérable de cette lymphe, importance
bien mise en lumière par les travaux d’Heidenhain
et de son École.
L'urée, l'acide phosphorique de l'urine devien-
nent plus abondants, tandis que le chlore suit un
mouvement inverse. J'ai nettement enregistré ces
oscillations, avec l’aide de Chevallier, chez des
animaux dont la température centrale atteignait
40°, 41°, à la suite de la pénétration de principes
d'origineinfeclieuse.— Ces températures prouvent,
ainsi que nous l'avons élabli, Rüffer et moi, que
les toxines sont capables de provoquer l'hyperther-
mie, l'élément le plus saisissant de l’état fébrile.
Si l’on veut bien se souvenir que, dans l’accès
pyrétique de l’homme, le plus ordinairement, les
variations urinaires concordent avec celles que
nous avons indiquées: si, en outre, on remarque,
d'une part, que, pendant l’évolution de cet accès,
l'oxygène fléchit, alors que CO? s’accroit; si, d'autre
part, on rapproche ces données des expériences de
Le Noir et Charrin qui ont observé, après Fintro-
duction de cultures stérilisées, des modifications
identiques au point de vue de la respiration, on
reconnaitra aisément que ces cultures stérilisées,
autrement dit les produits bactériens, engendrent
la fièvre.
Trop fréquemment, on confond l'élévation ther-
mique avec cet état fébrile. Cette élévation n’est
qu'un seul des éléments de cet état qui, de plus, se
caractérise par des changements dans les échanges
nutritifs, dans les déchets de l'urine. Or, ici, ces
changements existent; l’analyse chimique corro-
bore l'indication du thermomètre.
Les indications du thermomètre conduisent
parfois à des notions inverses: l'hypothermie rem-
place l’hyperthermie. Le Professeur Bouchard, sui-
28 D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION
vant la nature des toxines utilisées, a vu ces deux Cette observation a été le point de départ d’une
accidents se réaliser. En dehors du choix de la | série d'expériences dont l'importance ne saurait
sécrélion bacillaire, la dose injectée, la porte d'en- | échapper à personne, attendu que loute cause
trée choisie, la rapidité de l'opération, constituent | propre à régir les vaso-moleurs est capable de
des causes de variations. déterminer nombre de phénomènes. |
D'ailleurs, en collaboration avec d'Arsonval, nous Gley et Charrin ont montré que ces principes
avons mis en évidence, grâce au calorimètre com- | pyocyaniques élèvent la pression, paralysent les
pensaleur, les influences diverses exercées par les | centres dilatateurs, retardent la vascularisation
matières bactériennes sur les sources intimes du ca- | qui survient dans le pavillon de l'oreille du lapin à
lorique. la suite de l'excitation du nerfauriculaire, accident
Les substances chimiques, nées de la vie des | désigné sous le nom de réflere de Snellen-Schiff.
germes, agissent sur les liquides glandulaires. Si l’on remplace ces principes du bacille du pus
Le plus grand nombre fait baisser, conformément | bleu par ceux du germe de la tuberculose, on
à ce que j'ai signalé avec Rüffer et Sherrington, le | provoque des perturbations d'ordre opposé; on
volume de la bile: quelques unes altèrent sa cons- | facilite l'élargissement des capillaires: on abaisse
litution, diminuent sa richesse, d'après Pisenti, en | la tension. Cet abaissement ne nous donne-t-il pas
principes solides. Cette notionn’est pas négligeable. | la clef des palpilations des phtisiques? Le cœur,
car, d’un côlé, tout le monde connait les fonctions | suivant la loi de Marey, n’accélère-[-il pas sa
antiseptiques de cette bile:; d'un autre côté, le rôle | marche, quand l'effort à réaliser diminue ?
de la flore du tube digestif s’accroit de jour en jour. Ainsi, gräce à ces travaux de physiologie patho-
La mydaléine, que fabriquent certains ferments | logique. qui demandent qu'on analyse dans les
figurés de la putréfaction, agit sur la source des | moindres détails les troubles symptomaliques,-
larmes; des toxines spéciales jouissent de propriétés | grâce aux méthodes que nous ne cessons de préco-
identiques, soit à l'égard de la salive, soit vis-à-vis | niser, grâce aux recherches qui exigent que l'on
des sucs de l'estomac. étudie les corps d'origine bactérienne, comme on
Les liquides intestinaux tantôt sont en plus petite | éludie, en toxicologie, en pharmacodynamie, le cu-
quantité, tantôt, au contraire, deviennent plus | rare, la strychnine, par exemple, on arrive à savoir
abondants. À ce sujet, ainsi que nous l'avons | pourquoi et comment lel désordre, en particulier,
signalé, il y a lieu de tenir compte des éliminations | apparait: on n'est plus obligé de s'en tenir à la
qui se font au travers des parois du conduit ali- | formule aussi vague que générale : « Les microbes
mentaire: parmi les principes formés par lesagents | créent la maladie à l'aide de leurs sécrétions. »
pathogènes, il en est qui se rendent directement Le plus souvent, que constate-l on au cours de
du sang dans la lumière de ce conduit. ces pyrexies infectieuses ? On enregistre de la fièvre,
Les modifications sanguines, lymphaliques, uri- | de l’albuminurie, de la diarrhée, des sueurs, des
naires, thermiques, glandulaires, respiraloires, | modifications circulaloires ou respiraloires, des
digeslives, ele., s'accompagnent de désordres cir- | phénomènes nerveux. Or, à la faveur des expé-
culatoires. riences dontnous proclamons l’ulililé, on saisit les
Maufredi, Traversa, ont nolé l'accélération car- | raisons de ces symptômes. On n'est plus étonné de
diaque; Kostiurine, Krainsky, ont enregislré une | voir l'état fébrile S'installer, puisque lon a appris
pareille constatation, en administrant la tubereu- | que les substances bacillaires favorisent l'élévation
line ou des corps putrides. — J'ai vu, avec Gley, le | de la température, l’augmentalion de l’urée, de
cœur changer de volume, se dilater à la fin de l'in- | l'acide phosphorique, la diminution du chlore, im-
jection, au point de ne plus battre: des phases | primant aux échanges une foule de variations.
d'arythmie précédaient ces perturbations. — Roger On est à même d'expliquer les différentes classes
a reconnu la diminution de l'excitabililé tant du | d'albuminurie, allendu que ces substances bacil-
laires altèrent le rein en le traversant, ouvrant ainsi
Les produits baclériens agissent donc sur la | la porte aux germes qu'un épithélium intact retient
fibre cardiaque d'une facon directe; ils inlervien- | longtemps, attendu que ces substances changent
nent également, dans le jeu de lacireulation, d’une | la constitution du sang ou de la lymphe, atlendu
manière indirecte, en aclionnant la pression, en | qu’elles accélèrent ou ralentissent la circulation.
influençant l'appareil nerveux. On reconnait ainsi que ces malières sont propres
En injectant de la tuberculine à des lapins, le | à engendrer les condilions les plus favorables
Professeur Bouchard a vu que le fond de l'œil se | au passage des éléments protéiques dans l'urine :
congeslionnail: il a réussi à substituer l’anémie, la | lésions du tissu rénal, surtout des glomérules ou
paleur, à celle congestion, en poussant dans les | des tubes contournés, adultérations humorales,
vaisseaux des loxines pyocyaniques. oscillations de vilesse, de tension; Max Herman,
myocarde que du pneumogastrique.
D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION
29
Von Platlers, Overbeck, Nussbaum, Zielonko, Ru-
neberg, etc., en liant tantôt l'artère, tantôt la
veine du rein, tantôt l’uretère, ont mis en évidence
le rôle des facteurs circulatoires.
Les perturbations intestinales dérivent habituel-
lement soit de l'inflammalion des luniques du ca-
nal alimentaire, soil de l’arrivée dans ce canal de
principes irritantis, soit de phénomènes vaso-mo-
teurs. Or, nous avons établi — est il besoin de le
rappeler ? — que les Loxines s'éliminent au travers
de l’intestin, passent de l'intérieur des capillaires
dans la lumière de cet inteslin, influencent les
nerfs des vaisseaux, favorisent la flore digestive,
déterminent enfin des entérites variées.
Qu'observe-t-on encore durant l’évolution des
pyrexies ? On observe une rapidité plus grande,
parfois une irrégularité des mouvements respira-
loires, des baltements cardiaques précipilés, aryth-
miques, dans certains cas des hémorragies, des
sueurs profuses, des manifestations nerveuses, elc.,
etc., toute une foule de désordres que l’on fait appa-
raitre en injectant des cultures stérilisées.
Bruschetlini, Nissen ont décelé dans le cerveau,
dans la moelle, la présence des produits du bacille
de Nicolaïer, ou B. du télanos ; d’autres auteurs ont
découvert, dans ces organes, des sécrétions appar-
tenant à d'autres infiniment petits. Dès lors, on
comprend la genèse des convulsions, des agilations
déréglées, des soubresauts, des paralysies préco-
ces, ete.; ces produits, ces sécrétions agissent à la
façon de l’alcool, du plomb, de la plupart des subs-
tances chimiques qui, en imprégnant les cellules
cérébrales ou médullaires, suscitent l’ensemble
des accidents réputés nerveux.
Ferré a montré que le virus rabique, en arrivant
dans le bulbe, modifie, en impressionnant les
origines du pneumo-gastrique, le fonctionnement
du cœur, comme celui des poumons. Courmont,
Doyon, Autokratoff, etc., ont nettement mis en
évidence, à propos des contractures du tétanos,
l'influence des toxines sur les nerfs sensilifs.
IV
Quand on connait exactement le pourquoi, le
comment d'une perturbation organique, on a plus
de chance de pouvoir s'opposer avec succès à sa
réalisation ; on est plus apte à mettre en œuvre la
thérapeutique pathogénique, la seule, ia vraie thé-
rapeulique.
Si vous n'avez pas subslilué la notion toxique à
la notion du germe vivant, agissant en personne,
vous combattrez ces albuminuries, ces entériles,
ces symptômes cérébro-spinaux, en persistant à
xous adresser aux antiseptiques proprement dits.
Sans doute, ces antisepliques sont uliles ; ils ont
leur heure; mais il arrive un moment où les mi-
crobes ont cessé de se mulliplier, ou tout au moins
un instant où, à côlé de ces microbes, les poisons
circulent en abondance. Si vous ne favorisez pas
leur élimination grâce à la diurèse, à l’action car-
diaque, grâce à la mise en jeu des divers émonc-
Loires; si vous n’aidez pas à leur destruction, par le
foie, par les capsules surrénales, la läche ne sera
que très imparfaitement accomplie.
Du reste, on veille avec plus de sûreté à la pré-
servalion des différents appareils, quand on sait
que leur structure, que leur fonctionnement peu-
veht être mis en péril par l’action des poisons bac-
tériens : or, seule l'étude des propriétés physiolo-
giques de ces poisons permetdeprévoir ces dangers.
Au cours d’une infection donnée, on s’inquiétera
médiocrement de l’état de la sécrétion biliaire, si
l’on ignore que telle toxine allère cette sécrélion. On
se préoccupera peu d'interroger la pression, si l’on
n'a pas appris que telle autre toxine la modifie. On
s’élonnera des congestions, des anémies locales,
si l'on ne possède pas la notion des attributs vaso-
moteurs des produits bacillaires: on invoquera
parfois à Lort le mécanisme des réflexes, dont le
rôle est limité.
L'existence de ces attributs, à notre avis, cons-
titue une donnée de première importance. Qui
commande aux vaso-moteurs influence, en effet,
les æœdèmes, les épanchements, les stases, la régu-
larité de la circulation, la formation des sucs glan-
dulaires, etc.
Je sais bien qu'on à nié la réalité de ces attributs;
toutefois il me sera bien permis de remarquer que
lesnoms de Morat, Arloing.Gley,enpareille matière,
dans des questions aussi spéciales, ont une certaine
autorilé. Or, ces auteurs admettent pleinement
que les substances d'origine bacillaire actionnent
la contraction des capillaires; la pathologie fournit
d’ailleurs une foule de preuves proclamant la réalité
du fait. Il est juste, d'autre part, de remarquer que
ces expérimentateurs ont fait de ces problèmes de
vaso-motricité un objet de recherches sans cesse
reprises; il s’agit là d’un domaine maintes fois
exploré par eux. Si done, sur le lerrain de la phy-
siologie, nous commettons une erreur, nous aurons
du moins l’excuse de nous lromper en bonne com-
pagnie, puisque les physiologistes sont avec nous,
S'il s'agissait dechimiotaxie, je comprendrais les
hésitations ; j'admettrais même des préférences en
faveur de l'opinion de Massart et Bordet;la manière
de voir de ces savants, dans ces études de chimio-
laxie, pèse, à juste litre, d'un grand poids.
Mais, à chacun son mélier : la chimie aux chi-
mistes, la botanique aux botanistes, l'histologie
aux histologistes, la médecine aux médecins; à ces
condilions, les inexactitudes en microbiologie se
feront plus rares.
; nJ tv k% > RL > LS
30 D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION
Il faut savoir combien sont délicates les tenta-
lives ayant pour but d'interroger la circulation des
plus petits vaisseaux ; il faut connaitre quelle ingé-
niosité ont exigée, de la part des Chauveau, des
Marey, des François-Franck,les appareils destinés
à ces travaux ! D'ailleurs, puisque le débat pendant
est d'essence de physiologie pure, je demande qu'on
le soumette à des physiologistes. Si l’on en découvre
un, un seul, jouissant d'une autorité indiseutée,
qui soutienne qu'il convient de procéder suivant la
méthode de nos contradicteurs, non d’après la
nôtre, je me déclare vaincu. Je doute même qu’on
en rencontre un qui considère que l'essai de nos
adversaires, au point de vue technique, constitue
une vérilable expérience de vaso-constriction ou
de vaso-dilatation !
On pourrait développer plus longuement encore
les raisons qui conduisent à introduire l'histologie,
la chimie, la physiologie dans la bactériologie.
Pourtant, les considérations énoncées fournissent
déjà un ensemble de preuves respectables. Les
résultats acquis, du reste, parlent assez haut.
La découverte des antiloxines, des principes
bactéricides, apporte à l'appui de la thèse défendue
d'excellents arguments.
Il est encore permis d'indiquer que la mise
en évidence des propriétés vaso-constrictives de
certaines toxines a fait utiliser ces toxines, non
sans succès, par M. Bouchard, à titre d'agents
hémostatiques. Avec Teissier, je les ai employées
pour relever les défaillances de la pression; avec
Gamaleïa, pour ralentir l’inflammation, les exsuda-
tions, la diapédèse. On peut également rappeler
que ces toxines, le plus souvent si nuisibles pour
nos cellules, sont parfois plus dangereuses pour
des bactéries ; quelques essais heureux de bactério-
thérapie tendent à le prouver.
Il n’est pas jusqu'aux activités phagocytlaires,
activités qui se développent sous l'influence de
l'injection, au sein de l’économie, des sécrélions
des germes infectieux, qui ne conduisent à une
mise en jeu plus raisonnée de la révulsion.
ÿ
Ainsi se vérifie, à chaque instant, l’assertion que
nous avons si souvent formulée, à savoir que, si
l'on applique à la microbiologie les procédés de
l'histologie, de la chimie, de la physiologie pa-
thologique, la théorie aussi bien que la pratique
y trouvent leur compte.
| C'est que, comme nous l'avons noté, en dépit de
l'importance des agents pathogènes, la plupart des
phénomènes morbides dépendent des modifications
des cellules. Mises en présence des germes ou de
leurs sécrétions, elles réagissent, $e plaignent à
leur manière; dans quelques circonstances, elles
=
acquièrent à ce voisinage une vitalité spéciale; elles
deviennent capables de produire ce qu'elles ne sa-
vaient pas antérieurement engendrer.
L'histoire des mécanismes de l’immunité montre
le bien-fondé de cette aflirmation dernière ; per-
sonne ne conteste l’origine organique des matières
protectrices, bactéricides où autres: chacun sait
qu'elles dérivent de l'activité des tissus, activité
métlamorphosée par le passage des toxines.
Pour Courmont el Doyon, la genèse des corps
morbifiques ne serait pas différente ; ces corps pro-
viendraient de l’économie elle-même, influencée
par le contact des produits microbiens. Ce qu'il y a
de nouveau dans cette théorie, c'est moins la con-
ceplion, le fait de la création de substances décou-
lant du fonctionnement des éléments anatomiques
soumis à l’action des principes microbiens, que
l'application à un cas particulier de cette donnée,
absolument établie d’ailleurs au point de vue ab-
solu. — Reste à justifier cette applicalion.
Les auteurs remarquent que, malgré les doses,
certains troubles ne se développent jamais immé-
diatement; il faut toujours qu'un temps plus ou
moins long s'écoule entre l'injection des toxines et
la manifestation de ces troubles: il existe une sorte
d'incubalion qui, pour eux, correspond à la durée
exigée par l'organisme pour engendrer la vérilable
malière nuisible.
De fait, quand on introduit des cullures stéri-
lisées, on peut déterminer deux ordres d'accidents.
Les uns se déroulent, pour ainsi dire, pendant
celle introduction : les autres, si on a laissé vivre
les sujets, éclatent au bout d’un nombre d’heures
variable ; dès 1889, nous avons montré, avec R'fter,
que des oscillations thermiques spéciales avaient
lieu deux jours après la pénétration des liquides
des bactéries.
Des parlicularités analogues accompagnent la
mise en jeu d'une foule de produits, surlout des
produits albuminoïdes; aussi les chercheurs qui
mesurent la toxicité des humeurs distinguent-ils
les effets rapides, instantanés, des effets lointains;
Rummo, plus que tout autre, a mis ces détails en
évidence. Même avec des composés inorganiques,
il est possible d'enregistrer des phénomènes de
celle nature; si vous employez tel sel de cuivre,
tel désordre ne se révélera que vers la sixième
heure ; le cyanure de mercure, quelques nitrates,
le plomb, parfois, donnent lieu à des accidents
tardifs. Le plomb, par exemple, en dépit des quan-
tiltés, ne produira l’albuminurie que le lendemain,
le surlendemain ou au delà.
C'est qu'il existe des poisons qui, à l’image des
alcaloïdes, agissent de suite, s’atlaquant de préfé-
rence au système nerveux; pour ces poisons, les
symptômes sont proportionnels aux volumes uti-
D' A. CHARRIN — LES TOXINES : MÉCANISME DE LEUR ACTION 31
lisés. C'est que d’autres exigent, avant de susciter
des signes anormaux, que la vitalité des cellules
soit changée anatomiquement ou fonctionnelle-
ment, que des décompositions, des transformations
_ se soient effectuées à leurs dépens; ces composés
réclament une incubation que les doses influencent
dans quelque mesure, sans que l’on puisse réduire
à zéro cette incubation.
Courmont et Doyon supposent que le corps mor-
bifique fabriqué par les tissus, à l’instigation des
toxines, est une diastase: ils invoquent, pour jus-
lifier cette affirmation, ce fait, que la grenouille, qui
prend le tétanos en été, ne le contracte pas en hiver;
faute de température, cette diastase n’est pas engen-
drée. — On peut répondre qu'il s’agit là d’un ani-
mal bien spécial, que ces êtres, durant la saison
froide, deviennent relativement peu sensibles à une
foule d'agents, liquides tétaniques ou autres,
on peut répondre aussi que le fait a élé contesté.
Les expérimentateurs lyonnais prétendent que,
si la pénétration des cultures stérilisées est impuis-
sante à provoquer les spasmes tétaniques d’une
facon immédiate, le sang d’un animal qui areçu ces
cullures possède cette propriété; ils concluent que,
sous l’action de ces cultures, les éléments anato-
miques ont engendré la malière tétanisante. Cette
démonstration entrainerait laconviction, si elle n'é-
lait passible de plusieurs remarques. Les troubles
que ce sang injecté fait apparaitre sont-ils réelle-
ment le tétanos, ou bien ne constituent-ils, ainsi
qu on l’a soutenu, que de légères trémulations, ou, à
la rigueur, des convulsiôns nullement spéciales ?
Il importe dene pasoublier que ce sang renferme,
en premier lieu, une partie des toxines introduites,
en second lieu, une partie des poisons des tissus,
poisons d'autant plus nombreux, d'autant plus
actifs, que ces tissus sont ceux d’un sujet malade.
Nul n’ignore, en effet, comme l’établissent l’étude
des échanges, l’analyse des urines, celle des gaz de
la respiration, qu'une affection donnée, toxique,
infectieuse, etc., perturbe la vie de l’économie,
conduit les cellules à fabriquer des toxiques inu-
silés ou des substances normales en proportions
inouies; ce sont là des faits qui n’ont pas besoin
d'être prouvés. — Ces poisons, assurément, ajou-
tent leurs actions à celles des principes micro-
biens : je l’ai signalé, il y a longtemps. Toutefois,
ces poisons ne sont pas cette diastase spécifique
invoquée par Courmont et Doyon; ce sont les dé-
chets indiqués depuis de nombreuses années.
Dans ces conditions, le liquide sanguin déter-
mine fatalement des phénomènes pathologiques,
quelquefois plus accenlués que ceux qui ont suivi
l’arrivée des sécrétions des germes ; il n’y a pas lieu
d'être surpris de ces résullats; seul, le contraire
serait étonnant.
Il importe donc de savoir, avec précision, si l’on
est en présence d’un produit caractéristique; or,
Conrad Brunner et d’autres, parmi eux un bacté-
riologue qui s’est avec distinelion occupé du téta-
nos, déclarent n'avoir pu saisir les preuves de son
existence ; dans la Semaine médicale allemande
de 189%, p. 100, on trouvera des expériences con-
traires à la manière de voir des savantslyonnais.
Les toxines pyocyaniques produisent, à l'exemple
des autres toxines, des désordres rapides, tels que
l'hémostase, la constriction des capillaires; elles
engendrent également des accidents éloignés qui,
sans être en rapports mathématiques avec les
doses, subissent néanmoins leur influence; parmi
ces accidents éloignés, l’hémorragie est, à coup
sûr, un des plus marquants.
Cet accident étant, pour ainsi dire, l'opposé de
ces arrêts de pertes sanguines, constatés immédia-
tementaprès la pénétration des cultures stérilisées.
on pouvait se demander si les Lissus, au contact de
ces cultures stérilisées, ne sécrélaient pas des ma-
tières nouvelles, jouissant d’altributs contraires à
ceux de ces cultures; la théorie de Courmont et
Doyon paraissait trouver là un argument. — Pour
achever la démonstration, il était nécessaire de
faire apparaitre, plus ou moins promptement, des
extravasations de sang, en injectant, à volume
moyen, le contenu vasculaire ou les extraits des
tissus des sujets porteurs de ces hémorragies.
Or, si on réalise cette expérience, l'on ne déter-
mine, sauf exception, aucune de ces extravasations,
du moins dans les quelques heures qui suivent, tan-
dis que le phénomène aurait lieu, si, à l'instigation
des corps bacillaires, les éléments anatomiques
avaient déversé, dans ce contenu ou ces tissus, des
principes hémorragipares ; ce que l’on enregistre,
c’estle resserrement des vaisseaux, parfois, Le len-
demain, des épanchements, hors de ces vaisseaux,
simplement parce que. en agissant ainsi, on a éga-
lement administré des composés pyocyaniques.
Ces hémorragies peuvent. en revanche, s’expli-
quer par la faligue qui résulte du spasme des ca-
pillaires, fatigue suivie d'un état prononcé de relä-
chement ; elles peuvent s'expliquer par des embo-
lies capillaires, par des variations de pression, par
des altérations chimiques du sang, etc., toutes
choses faciles à constater dans ce casparticulier.
Nul plus que moi ne tient en haute estime les
travaux de Courmont et Doyon; je crois leur théorie
possible, probable ', el cela parce qu'elle est basée
1 L'injection des humeurs des sujets qui ont reçu les toxines
pyocyaniques produit parfois assez vite un trouble spasmo-
dique de la marche, trouble que ces toxines introduites ne
causent pas, du moins immédiatement, trouble qui, de temps
à autre, s’observe dans cette maladie pyocyanique à forme
lente; ce fait dépose en faveur de la théorie de Courmont et
Doyon.
32
P.-T. MULLER — L'INSTITUT CHIMIQUE DE NANCY
sur des phénomènes dont la réalité n'est plus à
établir, phénomènes que j'ai contribué à mettre en
évidence dans la mesure de mes forces.
Que cette lhéorie soit un jour placée hors de
contestalion, c'est là une chose à laquelle je sous-
cris par avance. Ce que je dis, pour le moment, en
demandant qu'on ne me fasse pas aller au delà,
c'est que les preuves apportées ne sont pas inatta-
quables, c'est qu'il n'est pas absolument démontré
que cette pathogénie s'applique à tous les cas.
Pour l'immunilé, il est juste de noter que les
toxines, assurément, amènent les cellules à fabri-
quer des composés inconnus jusque-là, de nature
albuminoïde: mais il est juste également de retenir
que ce changement exige des jours, qu'il ne se pro-
duit pas en quelques heures, comme dans les
observations des auteurs de Lyon. —D’autre part,
ces cellules conservent, durant des semaines, des
mois, des années, le pouvoir d’engendrer les corps
bactéricides; il serait nécessaire d'admettre, si on
acceptait la manière de voir en discussion, que,
pour les substances morbifiques, cette propriété
est des plus passagères: si cette propriété était
persistante ou même peu durable, comment
concevoir ces guérisons qui surviennent au boul
d'une ou deux journées ?
Malgré les lacunes, malgré les desiderata de celte
doctrine si ingénieuse, je ne suis pas éloigné de
croire que l'heure est proche où il sera élabli
qu'elle renferme une part de vérité.
D' A. Charrin,
Médecin des hôpitaux, Professeur agrégé
à la Faculté de Médecine de Paris.
L'INSTITUT CHIMIQUE
A l'Étranger, les laboratoires universitaires
fournissent depuis longlemps aux jeunes gens les
facilités nécessaires pour éludier pratiquement la
Chimie. Il y a dix ans à peine, aucune de nos Fa-
cullés des Sciences ne possédait de laboratoire
bien aménagé où les personnes, voulant faire leur
carrière de la Chimie, pussent recevoir une solide
éducation pratique. Heureusement, enfin, cet élat
de choses commence à se modifier en France, etil
est ulile d'appeler sur cette urgente innovation
l'allention de tous ceux qui dirigent, dans notre
pays, le mouvement scientifique et le mouvement
industriel.
Dans l'introduction à son Rapport sur l'Industrie
chimique à l'Exposition de Chicago, M. Haller ! a
appelé l'attention sur ceite anomalie et indiqué
brièvement le but et l’origine de l'Institut Chimique
récemment créé à la Faculté des Sciences de Nancy
fig. 1,2 el 3). Dans l'exposé qui va suivre nous
nous bornerons à donner la description de len-
semble de cet Élablissement, la distribution des
laboratoires et des cours, l'esprit qui préside à
l'enseignement et les épreuves auxquelles sont
soumis les jeunes gens qui désirent donner une
sanclion à leurs études.
Les cours de l'Institut Chimique se divisent en
cours de Chimie pure et cours de Chimie appli-
quée. Les cours de Chimie pure comprenrent un
cours de Chimie physique
minérale et de Chimie organique (bisannuels) et
de Chimie analytique annuel.
annuel), de Chimie
1 Revue générale des Sciences, 1894, p. 473.
|
|
|
|
DE NANCY
Les cours de Chimie appliquée forment un cycle
de trois ans, où sont enseignées la Chimie indus-
trielle (grande industrie chimique, combustibles,
métallurgie du fer,céramique, couleurs minérales,
elc.), la Chimie agricole (sucrerie, féculerie, distil-
lerie, etc.) enfin la Chimie des matières colorantes
organiques el les notions de teinture et d'impres-
sion.
La durée des études des élèves de l'Institut Chi-
mique est, pour le moment, delrois ans; ces études
comprennent la fréquentation des cours et les tra-
vaux pratiques. Les laboraloires sont ouverts tous
les jours de la semaine du 3 novembre au 31 juillet,
de 8 heures à midi et de 2 heures à 6 heures. Les
élèves de première année assistent à tous les cours,
mais ils doivent porter plus spécialement leur
allention sur ceux de Chimie pure où on les initie
aux principes de la science. Ces cours forment, en
effet, la base de notre science ; ils sont indispen-
sables à tout chimiste qui veut se faire une ins-
truction solide et qui veut être, plus tard, dans la
spécialité qu'il aura choisie, capable de contribuer
aux progrès de son industrie. Pour atteindre ce
bul, aucune partie de la Chimie pure n'est né-
gligée. C'est ainsi qu'on à organisé un cours spécial
de Chimie physique: la Chimie se sert de plus en
plus des méthodes el des instruments des physi-
ciens; il importe d'initier de bonne heure les
jeunes chimisies aux nouvelles idées, si fécondes,
qui sont les produits de l'association des deux
sciences,
Les manipulations des élèves, failes sous la sur-
veillance d’un professeur et d’un chef de travaux,
per
P.-T. MULLER — L'INSTITUT CHIMIQUE DE NANCY 33
consistent dans la préparalion de produits miné-
raux el de quelques produits organiques; cinq
mois sont ensuite consacrés à l'analyse qualitative
et aux éléments de l’analyse volumétrique.
A la fin de juillet les élèves passent un examen
écrit, oral et appliqué, sur l’ensemble de la Chimie
pure. En cas d’insuccès, ils ne sont pas admis à
passer en seconde année.
Outre l’examen annuel, tous les élèves de l’Ins-
litut passent un examen oral au bout du premier
. semestre de chaque année.
- Les élèves de deuxième année suivent les cours de
Chimie minérale, organique et appliquée. Au labo-
ratoire, ils complètent leurs connaissances en ana-
lyse qualitative et s'occupent spécialement d’ana-
lyse quantitative. Le professeur de Chimie indus-
trielle dirige lui-même leurs travaux. Ils subissent,
j
licencié ès sciences physiques. Un cours de #athé-
matiques spéciales a été organisé à la Faculté des
Sciences; il s'adresse aux étudiants qui veulent
pousser jusqu’à cette licence physique, laquelle,
d’après la loi de 1889, permet de ne passer qu'une
seule année sousles drapeaux. L'étudiant studieux
peut en cing années ! acquérir avec assez de facilité
le diplôme de licencié, le diplôme de chimiste et
faire son année de service militaire, alors qu'il lui
faut six années pour obtenir le diplôme de chimiste
et accomplir trois ans de service militaire.
L'Institut Chimique de Nancy n’a pas été créé
seulement pour les étudiants qui suivent régulière-
ment les cours et les travaux du laboratoire; il
s'adresse à toutes les personnes qui ont fait des
études chimiques dans d’autres établissements et
qui désirent perfectionner leurs connaissances
los NE mur
4
Fig, 1. — Institut Chinmique de Nancy. — Entrée principale.
à la fin de l'année, un examen complet portant sur
l’ensemble de la Chimie pure !.
Un examen oral de Chimie appliquée ouvre l’en-
trée de la troisième année. Dans cette dernièreannée,
l'étudiant se consacre à la Chimie appliquée; au
laboratoire ilse familiarise avecla Chimie organique
dont il apprend les divers procédés analytiques;
ensuite, il s'occupe de faire soit un travail origi-
. nal, soit des analyses industrielles. C'est aussi
pendant cette année que certains élèves, ayant en
vue une fonction ou une industrie chimique déter-
minée, sespécialisent et se perfectionnent en répé-
tant les analyses oules opérations qu'ils auront à
faire dans la suite. L'examen de fin d'année com-
prend l’ensemble de la Chimie appliquée. L'Institut
Chimique confère un diplôme de chimiste aux jeunes
gens qui l’ont subi avec succès.
L'Institut Chimique dispense de la première an-
née d’études les jeunes gens qui ont le diplôme de
1 A la suite de cette épreuve, les élèves qui voudraient
quitter l'Ecole recoivent un certificat constatant leurs con-
naissances en Chimie générale.
praliques. Les professeurs sont à la disposition des
jeunes ingénieurs, par exemple, dont l'éducation
chimique est toujours faite d'une façon trop
hâtive. Trop souvent, hélas! dans nos usines fran-
çaises, le laboratoire est relégué au dernier plan;
s’il ne rend pas tous les services qu'on est en droit
de lui demander, c’est que l'ingénieur, obligé de se
livrer aux travaux les plus variés, n'y consacre
qu'une très minime portion de son temps, celle
qui correspond à la petite place que les études de
Chimie pratique ont occupée dans l'ensemble de ses
études. À ces hommes l’Institut Chimique pour-
rait être utile; le travail leur serait d'autant plus
profitable qu'ils ne seraient astreints à aucune
condition d'assiduité, de cours ou de semestres.
Moyennant une rétribution proportionnelle à la
durée de leur séjour, ils pourraient se faire en peu
1 40 Première année de Chimie et cours de Mathématiques
spéciales (2 cours par semaine) ; 20 seconde année de Chimie
et fréquentation de quelques cours de Physique; 3° une année
complète de Physique; licence; 49 troisième année de Chimie;
50 année de service mllitaire.
34 P.-T. MULLER — L'INSTITUT CHIMIQUE DE NANCY
SSP ER RER OR Re es
de temps une solide éducation pratique, dontils ne
larderaient pas à recueillir les fruits.
Les laboratoires de l’Institut Chimique (fig.4)sont
livrer à des recherches originales. On y adjoindra
sous peu un laboratoire de teinture.
Les sous-sols renferment des laboratoires amé-
Fig. 2. — Institut Chimique de Nancy. — Cûlé perpendiculaire au bäliment que représente la figure 1.
assez vastes pour donner l’enseignement pratique à
80 personnes à la fois !. Les élèves des trois années
manipulent dans trois laboraloires distinels, spa-
nagés pour l'analyse des gaz, les recherches physi-
co-chimiques et thermochimiques (pouvoir calori-
fique des combustibles), une salle de cristallisation,
Fig. 3. Institut Chimique de Nancy. — Coupe el élévalion sur cour.
cieux. bien aérés el bien éclairés. Un laboratoire
spécial est affecté aux personnes qui veulent se
1 Des constructions en cours d'exécution permettront, dès
l'année prochaine, de porter le nombre de places à 120.
une chambre noire pour les travaux phologra-
phiques et plusieurs magasins. Un atelier de me-
nuiserie, un alelier de mécanique, avee sou moleur
à gaz, complètent l'installation. Une dynamo el
une bolterie d'accumulateurs permellent l'emploi
… bricants, on a pu y réunir ely classer méthodique-
ment un grand nombre de produits qui représen-
tent synthétiquement la marche d’une industrie.
Pour fréquenter comme élève tous les cours et
-
de l'électricité dans toutes les parties du bàtiment.
Au premier étage trois vastes salles sont occu-
pées par la bibliothèque et par les collections,
complément indispensable des cours de chimie
appliquée. Grâce aux libéralités de plusieurs fa-
P.-T. MULLER — L'INSTITUT CHIMIQUE DE NANCY 35
savoir au service des industriels qui viennent les
consulter, mais ils se refusent en général à faire
des analyses ; une sfation ayroromique indépendante
de l'Institut a spécialement été créée dans le but de
permettre l'analyse rapide et à peu de frais de
tous les produits industriels, agricoles et alimen-
laires. s
Une Évole de brasserie, également indépendante
de l’Institut Chimique proprement dit et dirigée
: BE
| Û
: # LT
comen Me nee manne ommme ne simme unes um m eee e mens moments
69, 6e Re 2e
Fig. 4. — Institut Chimique de Nancy. — Plan du Rez-de-chaussée.
travaux praliques de l’Institut Chimique. il faut être
pourvu d’un baccalauréat classique ou moderne ; à
défaut de ce diplôme, le candidat doit subir, devant
une commission de professeurs, un examen oral
portant à peu près sur les malières de l'ancien
baccalauréat ès sciences et montrant qu'il est ca-
pable de suivre avec fruit les cours de l'École. La
rétribution annuelle est de six cents francs, à ver-
ser en deux fois chez le percepteur. L'État accorde
quelques bourses d’études données au concours.
Profondément convaincus de la nécessité et de
l'intérêt qu'il y a d'établir une union étroite entre
le corps scientifique enseignant el l'Industrie, les
professeurs de l'Instilut mettent volontiers leur
par l’un des professeurs, permet d'acquérir en peu
de tempsles connaissances chimiques et techniques
indispensables au brasseur. Lelaboratoire de l’Ecole
se charge également de toutes les analyses qui peu-
vent intéresser le fabricant de bière.
En résumé, l'Institut Chimique de Nancy, tel qu'il
est organisé actuellement, offre toutes ressources
à ceux qui veulent faire de bonnes études de Chimie
pratique; nous croyons qu'il peut rivaliser avec
n'importe quel établissement similaire de l’étran-
ger.
P.-Th. Muller,
Docteur ès Sciences,
Maitre de Conférences
à la Faculté des Sciences de Nancy.
36 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LA SOUDURE DE L'ALUMINIUM. — LA MESURE DES PETITES RÉSISTANCES EN ÉLECTRICITÉ
Le problème de la production industrielle de l’alu-
minium n’a cessé, depuis quelque cinquante ans, d’être
l'objet des incessantes et patientes recherches des sa-
vants et des ingénieurs. Leurs efforts ont été, en par-
tie, couronnés de succès. De métal rare, de métal de
laboratoire qu'il était, l'aluminium est presque devenu
un métal usuel. C’est pendant ces dernières années
surtout que les progrès ont été sensibles. La produc-
tion avait été en 1890 de 50 tonnes; elle a été en 1894
de 2,000, D'autre part, le prix du métal a diminué
dans les mêmes proportions : il était en 1886, de 165
francs le kilo; en 1889 de 55 francs ; en 1894 de 4 fr. 30.
Ce dernier prix est encore trop élevé et certains cher-
cheurs entrevoient la possibilité de l’abaisser de beau-
coup dans un avenir prochain.
Pour comparer impartialement le prix de l’alumi-
nium à celui des métaux ordinaires, il faut se souvenir
toutefois qu'en moyenne ceux-ci pèsent environ trois
fois plus que lui, à volume égal.
Malgré les progrès que nous venons de signaler,
l'aluminium est encore peu employé. Nous ignorons
souvent quelles sont les méthodes pratiques de le tra-
vailler, Par exemple, nous ne savons pas ou nous sa-
vons mal le souder. Il se ternit rapidement à l’air en
se recouvrant d’une mince couche d'oxyde. Cette pro-
priété, précieuse dans beaucoup de cas, en ce sens que
la couche superficielle protège les parties intérieures
du métal, rend la soudure excessivement difficile à
faire. Car, pour exécuter une soudure convenable, il
faut maintenir parfaitement propres les deux surfaces
à mettre en contact, C'est là le grand secret dont cha-
que mois on nous annonce la découverte d’un côté ou
d’un autre, Les journaux nous ont signalé l’été dernier
le procédé A, Delécluse. Il y a quelques semaines, 4he
Electrical Review mentionnait celui de M. Ludwig Oli-
ven. L'invention comporte un alliage spécial au moyen
duquel se fait la soudure, et un fourneau qui est destiné
à maintenir le métal à la température convenable et
est muni de balaiset autres outils servant à nettoyer et à
conserver propres les surfaces à mettre en contact. Ce
fourneaun’est employé que pour les grosses pièces;les
petites peuvent se souder au chalumeau ordinaire.
Sur un sujet aussi important, nous eussions désiré
des termes moins vagues, des explications plus précises
et au besoin des dessins explicatifs,
Signalons en passant, d’après le journal cité tout à
l'heure, qu'aucune usine n’existe actuellement en An-
gleterre pour la production de l'aluminium; mais
qu'une Société vient de se former, the British Alumi-
nium, Company, Limited, qui compte exploiter sur place
des matières premières qu'elle trouverait dans le nord
de l'Irlande,
Il est juste de remarquer à ce sujet que notre pays,
dont nous avons tendance à médire pour l’exciter à
surpasser ses voisins, possède depuis quelques années
d'importantes usines pour l'obtention de l'aluminium
par électrolyse et la fabrication des bronzes d’alumi-
nium. Les études industrielles poursuivies en deux ou
trois de ces établissements font espérer que dans un
avenir prochain l’aluminium francais saura tenir en
échec le métal étranger.
L'Elettricista nous signale une nouvelle méthode de
mesure des petites résistances électriques due au
D' Pasqualini. Nous nous contenterons d’en exposer le
principe sans le discuter.
On adjoint à un galvanomètre ordinaire G, et de
manière qu’elle agisse sur son aiguille, une bobine
double, formée de deux circuits équivalents CC’, com-
posés d’un très petit nombre de tours. L'un de ces cir-
cuits est disposé en série avec la bobine du galvano-
mètre et une boite de résistance R; l’ensemble est en
dérivation aux bornes de la résistance à mesurer { qui
est elle-même associée en série avec le second circuit
|
Fig. 1, — Schéma de l’installalion du D' Pasqualini pour
la mesure des peliles résistances.
de la bobine double et traversée par le courant prin-
cipal. Les connexions sont disposées de telle sorte que
les courants GC et C’ agissent en sens contraire sur
l'aiguille du galvanomètre. Le schéma ci-contre fera
comprendre la disposition que nous venons d'indiquer
(fig. 1). On modifie la résistance R jusqu'à ce que les
actions qui s’exercent sur l'aiguille du galvanomètre
s’équilibrent et que celle-ci reste au zéro,
Soient :
I, le courant principal;
i, le courant dérivé;
G, la résistance du galvanomètre G ;
k, son facteur de réduction;
r, la résistance commune de G et C';
k,, leur facteur de réduction.
a, x, a”, les angles de déviation dus à C,àCetà G.
Nous aurons:
ie nor tr;
mais :
a +a + —=0Ù0
par hypothèse : '
Donc,
1 1
nee D: VERRE Tee
QU SAR TORRENT PU
on
D'autre part,
I — i
GHr+R. 4 1
LRU l TT EN
en appelant K une constante.
Par conséquent,
l=K(G+r +R).
La constante K se détermine par une mesure préa-
lable où la résistance / est une quantité connue.
A. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique.
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BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3
2 ——
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BIBLIOGRAPHIE
$ ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Sturm (D: Rudolf), Professeur à l'Université de Breslau.
— Die Gebilde ersten und zweiten Grades der Li-
niengeometrie in synthetischer Behandlung.
1 Theil : Der lineare Complex oder das Straklengewinde
und der tetraedrale Complex. II Theil : Die Strahlencon-
gruenzen erster und zweiter Ordnung. (Traité synthé-
tique des figures du premier et du second degré dans la
géométrie linéaire. Première partie : Complexes linéaire
et tetraédral, Seconde partie : Congruences du premier et
du second ordre.) Deux volumes in-8° de x1v-386 p. et
x1V-365 p. (Prix de chaque volume, 15 fr.) Teubner,
éditeur, Leipzig, 1893-94.
Jusque vers 1820, on s’est surtout occupé en Géométrie
des figures formées par des points en nombre fini ou
infini (polyèdres, surfaces, courbes, etc.). L'espace était
considéré comme .le lieu des points, le point comme
l'élément générateur de l’espace. Un point est déterminé
par trois variables, ses coordonnées, dont chacune prend
un nombre infini œ de valeurs. C’est ce qu'on exprime
en disant que l’espace contient œ% points. Ce fut la
géométrie ponctuelle.
Ensuite, avec Poncelet, Mübius, Gergonne, Chasles,
Steiner. se fonda la géométrie planaire, où l'élément
générateur de l’espace fut le plan. Elle est identique au
fond avec la géométrie ponctuelle et voici pourquoi : il
y à aussi dans l’espace ® plans qu'on peut faire cor-
respondre aux æÿ points; chaque théorème «planaire »
correspond à un théorème « ponctuel » et vice versa.
C'est là le grand principe de dualité. Sur un plan la
dualité existe entre les points et les droites.
Les choses changèrent quand, en 1869, dans son livre
sur la Neue Geometrie des Raumes, Plücker fonda la
géométrie linéaire, où la droite apparaît comme l’élé-
ment générateur de l’espace ; cette géométrie ne se ra-
mène pas aux précédentes, car il existe non plus os,
mais bien æ$# droites dans l’espace ; elle est identique
avec la géométrie sur une surface du second degré dans
un espace à cinq dimensions, avec la géométrie ponc-
tuelle à quatre dimensions. On ne s’en est pas tenu aux
conceptions de Plücker; on a une géométrie sphérique,
circulaire... en considérant l’espace comme lieu de
sphères, de cercles. La chose capitale dans chacune
de ces géométries est le nombre de variables, ou coor-
données, dont dépend la figure prise pour élément gé-
nérateur de l’espace. Ne sont pas distinctes au fond,
grâce à une dualité généralisée, les géométries pour
lesquelles ce nombre est le même,
Quoi qu’il en soit, c’est dans la géométrie linéaire que
nous transporte M. Sturm. Il est un de ceux qui l'ont le
plus approfondie; ce sont ses propres travaux qu’il
nous expose ainsi que les recherches des devanciers
et des contemporains.
Dans l’espace ordinaire, ponctuel ou planaire, on
trouve, outre le polyèdre constitué par un nombre fini
d'éléments, encore la « surface » et la « courbe »,
figures constituées par æ? (points de la surface, plans
tangents de la même) et © éléments respectivement,
lieux deséléments assujettis à une ou deux conditions.
Dans l’espace « réglé » ou engendré par la droite, la
variété dés formations est plus grande. Outre la
figure formée par un nombre fini de droites, on trouve
successivement le « complexe », la « congruence », la
« surface réglée », figures à 5, œ2et œ éléments res-
pectivement, lieux des droites assuietties à une, deux,
trois conditions. Quatre conditions fournissent un
nombre fini de droites.
L'ouvrage dont nous rendons compte est un très
vaste et très complet traité des propriétés afférentes
aux complexes et aux congruences. Pour justifier son
titre « in synthetischer Behandlung », l’auteur reste sur
le terrain strictement géométrique. Il s’interdit tout
développement relatif aux applications des complexes
et des congruences faites par différents algébristes
(MM. Lie, Darboux, Picard, Appell, moi et d’autres)
aux équations, aux dérivées partielles, à l'équation diffé-
rentielle du premier ordre, etc,
Les droites d'un complexe issues d’un point engen-
drent un cône, ayant ce point pour sommet. Le « de-
gré » du complexe est celui du cône, c'est-à-dire le
nombre de points où ce cône est percé par une droite.
Dans une congruence (m, n), on distingue le nombre m
de droites issues d'un point et le nombre n de droites
situées dans un plan; m est l’ « ordre », n la « classe »
de la congruence : m et n se correspondent par dualité.
Le premier volume traite du complexe linéaire (pre-
mier degré) où le cône ci-dessus indiqué est un plan.
Ce complexe est envisagé successivement comme isolé
dans l’espace ou comme se coupant avec d’autres li-
néaires, Les propriétés en sont fort nombreuses, mais
la complication devient extraordinaire lorsque lon
aborde le second degré, les complexes quadratiques.
Aussi se borne-t-on pour ces derniers au complexe té-
traédral ou de Reye : c'est le lieu des droites coupées
par les quatre faces d’un tétraèdre dans un rapport
anharmonique constant,
Le second volume est consacré aux congruences des
deux premiers ordres et des sept premières classes, ou,
ce qui revient au même, à cause de la dualité, des deux
premières classes et des sept premiers ordres. Signa-
lons les relations entre la congruence {2, 2) et la sur-
face du quatrième degré dite de Kummer.
Grâce à une impression serrée et à un style concis,
le nombre des faits condensés dans cette monographie
de 750 pages est énorme; on assiste à un véritable ruis-
sellement dethéorèmes, Toutes les richesses de la langue
allemande sont mises à contribution pour établir une
nomenclature. Aussi le lecteur trouve très indispensa-
bles les dictionnaires qui terminent les deux volumes.
Bref, dans cet imposant travail, les mathématiciens
trouveront un répertoire encyclopédique étendu de nos
connaissances en géométrie linéaire. Léon AUToNNs.
Ganter (D' H.), Pr à l'Ecole cantonale d'Aarau, et Kru-
dio (Dr F.), Pr au Polytéchnikum de Zurich. — Die
Elemente der analytischen Geometrie der Ebene.
— 2° édition. 1 vol. in-8° de 168 p. avec 55 fig. dans le
texte. (Prix: 3 francs.) B. G. Teubner, Leipzig, 1895.
Dans plusieurs pays, notamment en Allemagne et en
Suisse, on voit, en général, les éléments de géométrie
analytique figurer aussi bien dans le programme de
l’enseignement secondaire classique que dans celui de
l’enseignement secondaire scientifique. C’est à ces éta-
blissements-là qu'est destiné l'ouvrage de MM. Ganter
et Rudio. Les auteurs ont fort bien compris le but d’un
pareil traité, en écartant, d'un premier enseignement,
la discussion de l'équation générale du second degré ;
par contre, ils ont consacré plus de place à une étude
approfondie des propriétés desconiques.C’esten celaque
ce livre diffère des ouvrages analogues. Siles limites
ont été restreintes, l'exposéest cependant d’une grande
clartéet d’une rigueur scientifique absolue.
La rapidité avec laquelle a élé épuisée la première
édition de cet ouvrage est une preuve certaine de son
succès, La nouvelle édition a recu de nombreuses amé-
liorations, tout particulièrement dans le choix des pro-
blèmes qui terminent chaque paragraphe H. Feu.
2° Sciences physiques.
Hovwe (Henry Marion). — La Métallurgie de l’Acier.
(Traduction françuise de Gustave Hock.) — Un vol. in-8°
(Prie : T5 fr.) Baudry et Cie, Paris, 189%.
Le Verrier (Urbain), Ingénieur des Mines. — Cours
de métallurgie professé à l'Ecole des Mines de Saint-
Etienne. (Métallurgie de la Fonte.) — 1 vol. in-4° de
240 p. avec 17 planches hors texte. (Prix : 15 fr.) Che-
valier, Saint-Etienne, et Baudry et Cie, Paris, 1894.
Billy (E. de), Ingénieur des Mines. — Fabrication de la
fonte. — Un vol. petit in-8° de 210 p.de l'Encyclopédie
scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par M. H. Léaute,
de Pinstitut. (Prix: broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.)
Gauthier- Villars et fils et G. Masson, Paris, 189%.
La métallurgie de l'acier n'avait fait l'objet d'aucun
traité étendu et complet depuis la publication de l’ou-
vrage de Percy qui date de près de vingt-cinq ans.
Cependant, pendant ces dernières années, cette branche
de l’industrie a fait des progrès énormes et s’est consi-
dérablement développée. Les applications de l'acier
deviennent chaque jour plus nombreuses à mesure
qu’on le prépare plus facilement,et il tend de plus en
plus à remplacer le fer pour les pièces forgées, la
fonte et le bronze pour les pièces moulées; enfin les
aciers spéciaux au chrome, au nickel, au tungstène,
atteignent des résistances énormes qui permettront
d’alléger considérablement certaines pièces métalliques
et qui ont déjà amené des modifications profondes
dans le matériel de la guerre et de la marine.
C'était une tâche ardue que d'entreprendre la rédac-
tion d’un trailé de métallurgie de l’acier; M. Howe l’a
accomplie magistralement,et son traducteur, M. Hock,
a fait une œuvre vraiment utile et qui justifie le travail
considérable qu'il s’est imposé.
Le livre de M. Howe est remarquable par la façon
dont l'équilibre est maintenu entre la partie théo-
rique et la partie pratique. Les théories et les méthodes
récentes pour l'étude physique des métaux y sont lon-
guement indiquées et discutées ; des chapitres spéciaux
exposent tous les faits connus relativement à l'influence
des divers éléments sur les propriétés du fer et for-
ment une chimie complète des alliages du fer. Mais on
y trouve aussi, outre la description des procédés mé-
tallurgiques, des chapitres d’un intérêt pratique consi-
dérable et dont la rédaction nécessitait une grande
expérience : tels sont les chapitres sur les soufflures,
les retassures et les moyens de les éviter, le travail à
froid et à chaud, l'influence de l'écrouissage sur les
propriétés des mélaux, etc., elc. À
Ce magnifique ouvrage est surtout remarquable à
deux points de vue : d'abord par sa richesse en docu-
ments de toute sorte avec indication des sources, do-
cuments qui forment de nombreux tableaux presque
tous interprétés graphiquement; ensuite par la cri-
tique éclairée que donne l’auteur à la suite de chaque
question; tous les points douteux, aussi bien dans les
théories que dans les procédés pratiques, sont soumis à
une discussion serrée, souvent mordante; il ne fait pas
bon être d’un avis opposé à celui de M. Howe; il dé-
coche à ses adversaires une série d'arguments, soigneu
sement numérotés et développés à part, et qui partent
comme autant de coups de poing. On sent que l'auteur
discute avec passion, el si cela le rend parfois un peu
trop sévère, cela donne un grand intérêt à la lecture
de certains chapitres.
En même temps que l'ouvrage de M. Howe sur l'acier,
la librairie Baudry met eu vente le cours de Métal-
lurgie de la fonte de M, Le Verrier, complétant ainsi
l'exposé de l'industrie du fer. Le savant professeur du
Conservatoire des Arts et Métiers a rédigé, avec sa
clarté habituelle, une monographie complète de la
RE —
1 I1 faut signaler ici que M. Hock a transformé les indica-
tions numériques des nombreux tableaux de l'ouvrage de
M. Howe; de facon à les exprimer en mesures francaises,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
fabrication de la fonte en tenant compte des plus ré-
cents progrès réalisés dans celte industrie, Cet ouvrage
comprend, après une description des minerais de fer,
l'étude de la fabrication de la fonte avec une foule de
détails pratiques sur les dimensions des hauts four-
|! neaux, les appareils accessoires, la conduite des opéra-
tions dans les différentes allures; puis viennent les
procédés de travail de la fonte, différents modes de
fusion, moulage. Une série de tableaux donne des
exemples d'analyses de fontes, de minerais, de laitiers,
de détermination du bilan d’un haut fourneau, etc. La
discussion, moins agressive que celle de M. Howe, est
loin de faire défaut dans cet important ouvrage qui
résume admirablement l'état actuel de la question
sans négliger aucun point de vue.
Dans le même ordre d'idées, il faut signaler un ou-
vrage de dimensions plus restreintes, publié par M. de
Billy sur la fabrication de la fonte.Le savant ingénieur,
qui avait déjà publié une remarquable étude sur les
hauts fourneaux des Etats-Unis et leur comparaison
avec ceux d'Europe, a su condenser, dans ce petit livre,
un grand nombre de données théoriques et pratiques
sous une forme particulièrement claire et métho-
dique. G. CrarPy.
Guenez (E.), Chimiste en Chef des Douanes à Lille,
ancien préparateur des cours de Céramique, Verrerie,
Teinture au Conservatoire. — Décoration céramique au
feu de moufie. — Un vol. in-8° de 200 pages de l'En-
cyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par
M. Léauté, de l'Institut. (Priæ: broché 2 fr. 50, relié3 fr.)
Gauthier. Villars et Masson, éditeurs, Paris, 189%.
Cet ouvrage est divisé en deux parties : dans la pre-
mière, l’auteur examine successivement la composition
des pâles céramiques et des couvertes, la cuisson des
“produits, les propriétés des couleurs vitrifiables et les
méthodes employées pour les obtenir. La seconde partie
est consacrée à la pratique; elle comprend l’étude de
la préparation complète des couleurs, la description
détaillée des procédés de peinture et de décoration au
feu de moufle, enfin l'exposé des opérations de dessic-
cation, de cuisson et de brunissage.
En suivant ce plan avec beaucoup de conscience et
de méthode, M. Guenez a pu présenter un traité qui se
suffit à lui-même pour mettre le lecteur au courant
d’une branche de l’industrie céramique où les difficul-
tés sont si nombreuses; grâce à lui, les peintres sur
faïence et sur porcelaine éviteront les essais sans ré-
sultats auxquels sont exposés ceux qui se préoccupent
uniquement de la partie technique et croient inutile de
posséder certaines connaissances chimiques.
Paul JANNETTAZ.
Bourgoin (A.-E.) Professeur à l'Ecole supérieure de
Pharmacie et à la Faculté de Médecine
Acides organiques à fonction complexe (2° partie).
Encyclopédie chimique publiée sous la direction de
M. Frémy. Tome VIL, 5° fascicule, 3° section. — Un vol.
in-8° de 950 pages. (Prix : 35 fr.) Vve' Ch. Dunod et
P. Vicq, éditeurs, Paris, 1894.
Ce volume, l'un des derniers de l'Encyclopédie,
comprend tous les acides à poids moléculaire élevé et de
fonction complexe, depuis l'acide glyoxylique C?2H50*.
Ces acides sont classés d’après la quantité d'oxygène
qu'ils renferment, sans distinction entre lasérie grasse
et la série aromatique.
L'ensemble est très complet et très consciencieuse-
ment étudié : la bibliographie relative à chaque corps
est, comme d'habitude, soigneusement indiquée à la
fin de sa monographie; mais la plupart des réactions y
sont encore exprimées en équivalents : il y avait là,
sans doute, quelque obligation à laquelle M. Bourgoin
n’a pu se soustraire et qu'il regrette sûrement autant
que nous, car elle restreint considérablement l’utilité
de l'ouvrage auprès des jeunes qui, n'ayant jamais fait
usage de cette notation, n'y verront plus qu'une langue
morte, incompréhensible pour eux. L, MAQUENNE.
de Paris. —
GR dé dla hs à à 4 -
‘ -
Ê
- Andrieu (P.)!, Chimiste-Agronome. — Le Vin et les
Vins de fruits. Analyse du mott el du vin. Vinifi-
cation. Suérage. Maladies du vin. Etudes sur les levures
du vin cultivées. Distillation. — Un vol, in-S° de
380 pages, avec T8 fig. dans le texte. (Prix : 6 fr.50.)
Gauthier- Villars et fils, Paris, 1894.
Le présent ouvrage est divisé en six parties. Dans la
première, l’auteur indique la constitution chimique du
raisin, du moût et du vin. La seconde partie, plus
longue que la précédente et la suivante, est consacrée
à la vinification, au traitement de la vendange et du
vin, La troisième partie traite du sucrage de la ven-
dange et des vins de sucre. Dans la quatrième partie,
il est question des boissons alcooliques ou vins
extraits des fruits, et notamment des cidres. Le rôle
des levures de vins se trouve expliqué, sous toutes
ses faces, dans la cinquième partie; la distillation des
vins et des fruits, en vue de la fabrication de l’eau-de-
vie, occupe la sixième et dernière. Deux appendices
terminent le volume : l’un a pour objet le refroidis-
sement ou le réchauffement des moûts, l'autre signale
une méthode préconisée par M. Müntz en vue de la
fabrication des piquettes de marc.
Dans ces 370 pages, sous une forme très condensée,
Pouvrage de M. Andrieu résume beaucoup de notions
utiles intelligemment compilées. De plus, dans la pre-
mière partie, nous signalerons un passage original :
celui où l’auteur, à la suite des alambics et des ébul-
lioscopes, décrit un-nouveau procédé de son invention
pour doser l'alcool dans les vins. Dans cet instrument,
appelé par M. Andrieu vino-alcoométre, on a mis à pro-
fit les variations de solubilité du sulfate d’ammonium
dans les mélanges d'eau et d’alcool, variations qui
sont inversement proportionnelles au titre alcoolique
puisque le sel, assez soluble dans l'eau, ne se mêle
pas à l'alcool pur. Nous ne pouvons qu'indiquer ici
le principe de la méthode; si les perturbations, cau-
sées par les matières extractives incorporées dans le
vin, ne dérangent pas la régularité du phénomène de
dissolution, M. Andrieu aura doté les praticiens d’un
procédé aussi rapide que celui de MM. Malligand et
consorts et nécessitant un outillage moins coûteux.
Laissant de côté les descriptions technologiques et
le matériel des caves, nous ferons simplementressortir
l'intérêt plus spécial que présente la cinquième parlie.
Le lecteur y voit exposées des théories et des expé-
riences ‘encore mal connues du public, et postérieures
à la publication de la plupart des traités d'œnologie.
En feuilletant ces pages, on apprend comment les tra-
vaux déjà anciens de M. Pasteur ont ouvert la voie
aux recherches microbiologiques de M. Duclaux, puis à
celles de MM. Martinand et Rietsch, sans parler des
mémoires publiés par MM. Marx, Rommier, Jacquemin.
Aux essais en petit dans les laboratoires succèdent
les tentatives en grand dans les celliers. M. Andrieu
en discute quelques-unes des plus intéressantes. D’a-
près ses conclusions, la question, tout séduisant que
soit son aspect, n’est pas encore complètement mürie
etne parait pas susceptible d’une solution pratique
absolument générale et applicable au Midi comme au
Nord. C’est à chaque groupe viticole qu'il appartient
de rechercher, par des expériences poursuivies dans les
caves de la région, quel est le meilleur mode d'emploi
des levures artificielles comme auxiliaires de la fer-
mentation. Antoine de Saporra.
Dumoulin (E.) — Les Couleurs reproduites en
photographie. — Un vol. in-8° jésus de 60 pages.
(Priz : À fr. 50.) Gauthier- Villars et fils, Paris, 1894.
1 Afin d'éviter toute confusion, nous préviendrons le lec-
teur que le nom d’Andrieu est également porté par un savant
agriculteur narbonnais : M. Louis Andrieu de l’Etang, inven-
teur du chromatomètre. Cet appareïl, comme l’on sait, per-
met d'apprécier la couleur des vins par comparaison avec les
teintes de la lumière polarisée. Malheureusement le prix
trop élevé du chromatomètre en restreint l’usage.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
3° Sciences naturelles.
Sachs (D° H.). — Das Hemisphærenmark des
menschlichen Grosshirns. 1. Der Hinterhaupt-
lappen (La substance blanche des hémisphères du
cerveau humain. 1. Le lobe occipital). Travaux de
la Clinique psychiatrique de Breslau. Avec une
préface du Professeur D' C. Wernicke. — Un vol. in-
folio de 32 p. avec 3 fig. et 8 planches. G. Thicme.
Leipzig, 1895. ÿ
Ce beau travail de Sachs inaugure une série de
monographies qui doivent être consacrées à l'étude
du cerveau et de ses fonctions à l’état normal et pa-
thologique. Mais ce premier mémoire, par la rigueur
scientifique de la méthode et l'importance des faits
d'anatomie et de physiologie cérébrales pour la pre-
mière fois conquis à la science, aussi bien d’ailleurs
que par la hauteur des vues psychologiques, a tout
de suite attiré et retenu lattention du petit nombre
des bons juges en pareille matière.
Le Professeur Wernicke, de Breslau, dans le labo-
ratoire duquel Sachs a réuni les matériaux de son
travail, compare très bien, dans la préface, les vastes
régions du syslème nerveux où il restera toujours
tant de terra incognitu, au « continent noir ». L'ana-
tomie de la substance blanche du cerveau en parti-
culier lui a toujours paru être en clinique Ja première
condition du diagnostic. Sachs associe au nom de
Wernicke celui de Lissauer, assistant de la clinique
de psychiatrie de Breslau, dont le concours amical lui
a été précieux.
Il s'agit d’une description des faisceaux de fibres
nerveuses à myéline de tout un lobe du cerveau, le
lobe occipital, ainsi que des régions limitrophes des
lobes pariétal et temporal, de la direction et des con-
nexions de ces faisceaux, au moyen de la méthode de
Stilling, perfectionnée par Meynert, celle des coupes
sériées de 1/10 de millimètre d'épaisseur et colorées
au Pal. Les faisceaux du lobe occipital peuvent être
classés, d’après leur mode de terminaison, en deux
crands groupes, dont l’un comporte trois subdivisions :
I. les fibres de projection ou de la couronne rayonnante
(Meynert), en rapport avec les centres nerveux situés
au-dessous de l'écorce (corps genouillé externe, pul-
vinar de la couche optique, tubercule quadrijumeau
antérieur} ; IL. les fibres d'association, qui se terminent
dans l’écorce, reliant entre eux, soit a) des points de
l'écorce du même hémisphère cérébral (fibres courtes
d'association), soit b) l'écorce du lobe occipital avec
celle d’un autre lobe (fibres longues d'association), soit
enfin ec) un-hémisphère avec Pautre (fibres calleuses où
interhémisphériques, qu’elles gagnent toutes l’'hémi-
sphère opposé ou se rendent en partie aux centres
sous-corticaux).
Toute cette puissante masse de fibres du lobe occi-
pital n’est rien moins qu’un feutrage inextricable.
Des faisceaux et des couches de fibres, de direction et
de connexion déterminées, apparaissent qui peuvent
. être suivis isolément grâce à leur structure différente
qu'aceusent leurs divers modes de réaction à la ma-
üière colorante. Après Wernicke, Sachs déduit même
deux lois de ces rapports anatomiques. Chaque fibre
atteint son butpar le pluscourt chemin autant que le lui
permet la structure du cerveau; il en résulte que les
plus courtes fibres sont situées près de Pécorce, les
plus longues près de la corne postérieure du ventri-
cule latéral, et que les fibres qui ont à peu près le
même but, après un trajet plus ou moins étendu, sui-
vent la même direction et finissent par se réunir en
faisceaux. La seconde loi biologique, également géné-
rale, est celle de la « variabilité ». Il n'y a pas, on le
sait, deux cerveaux entièrement semblables. Il en va
de même de l’ordre et du développement des différents
systèmes de fibres nerveuses : l'écorce et les fais-
ceaux blancs sont dans un rapport de dépendance réci-
proque et varient d’une manière concordante.
La corne postérieure du ventricule latéral est de tous
,
.
—
côtés environnée par trois couches superposées de
fibres : 1. La couche des fibres du corps calleux, inter-
hémisphériques (forceps corporis callosi), qui passent
d'un hémisphère à l’autre dans la région du bourrelet
du corps calleux; 2. la couche des fibres de projec-
tion (stratum sagittale internum), couronne rayonnante
du lobe occipital, dont les fibres se distinguent de
celles du forceps parlafinesse deleur calibre ; 3. la cou-
che des fibres d'association longues, intrahémisphéri-
ques (stratum sagittaleexternum), à fibres de fort calibre
comme celles du forceps : issues, semble-t-il, de toutes
les parties du lobe occipital, elles se rendent à peu
près toutes à l'écorce du lobe temporal, la plus grande
partie dans T,, une plus petite dans T,, le reste à la
pointe de ce lobe, reliant ainsi les deux lobes occi-
pital et temporal. ve
De cette troisième couche à l’écorce existe, inter-
posée, une masse considérable de fibres à myéline
dont le diamètre égale à peu près celui des trois
couches internes : elle est constituée par des fibres
courtes d'association, naissant et se terminant dans le
lobe occipital. Sachs énumère ces systèmes de fibres
propres à l'écorce (stratum proprium corticis). Des ré-
gions supérieures du calcar avis émanent trois sys-
tèmes qui relient l'écorce du cuneus au reste de l'écorce
du lobe occipital : 1° le sfratum calcarinum, dont les
fibres les plus longues relient le cuneus au gyrus lin-
qualis ; 2 le stratum cunei lransversum, n’appartenant
qu'au domaine du coin, mais dont les plus longues
fibres parviennent jusqu'au lobe pariétal supérieur et
peut-être jusqu'au gyrus angularis où pli courbe; 31e
stratum proprium cunei, montant verticalement au bord
de l'hémisphère. Le stratum verticale conveæitatis appar-
tient également aux fibres propres de l'écorce, ainsi
que les fibres d'association reliant les circonvolutions
des trois scissures occipitales. Une quatrième couche
réunit, à la face inférieure, comme stratum proprium
sulei collateralis, le gyrus lingualis au gyrus fusiformis.
L'importance des fibres formant la couche interne
de la substance blanche sagittale et qui, après avoir
constitué les deux forceps, passent dans le corps cal-
leux, a été signalée, on le sait, par Monakow, et, en
France, pour la première fois, par M. et M®e Déjerine
(1892). Sachs consacre quelques pages à réfuter une
doctrine qui semblait reposer sur des observations
d'Onufrowicz et de Kaufmann, mais qui s’écroule-avec
ces observations mêmes. Ces auteurs, ayant trouvé,
dans deux cas d'absence prétendue du corps calleux,
le tapelum du lobe temporal et occipital (c’est à tort
qu’on donne quelquefois le nom de tapetum aux fibres
ealleuses du forceps), en avaient conclu que le fapetum,
étranger au corps calleux, serait la partie postérieure
et inférieure d’un grand faisceau fronto-occipital, fais-
ceau dont l’existence a été ensuite admise dans les
manuels d'Obersteiner et d'Edinger. Or, il résulte de
la description et des dessins des publications d'Onu-
frowiez et de Kaufmann que, dans ces cas, il ne pou-
vait être question d’une absence véritable du corps
calleux : les fibres de cette commissure sont toutes
présentes (au moins dans les préparations de Kauf-
mann); seulement, au lieu de passer dans l’autre
hémisphère, elles étaient restées dans le même. De là
un faisceau fronto-occipital complètement inconnu sur
les cerveaux normaux. Bref, il s'agissait d’une sorte
d'hétérotopie du corps calleux. Plus récemment, Min-
gazzini a décrit un cerveau dont l'absence complète et
réelle du corps calleux avait entrainé celle des fibres
du forceps et du tapetum.
Quant aux fonctions du corps calleux, qui, contrai-
rement à l’ancienne idée de Foville, reprise ngguère par
Hamilton, est bien un faisceau de fibres d'association,
il ne servirait pas, selon Sachs, à relier, comme on
l’admet, des parties symétriques, mais bien des régions
«Jocalementet fonctionnellementtout à fait différentes »
des deux hémisphères cérébraux. Sachs témoigne donc
adopter la théorie de Schnopfhagen. Contre l'opinion
courante, il fait valoir le fait que les fibres calleuses,
40 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
avant d'atteindre la ligne médiane, se mêlent dans une
sorte de confusion inextricable, si bien que, selon
toute vraisemblance, ces fibres prennent des directions
fort diverses en allant d’un point d’un hémisphère à
un point de l’autre hémisphère. Rien ne prouve, ditl,
que ces fibres qui, au lieu d’atteindre leur but, comme
d'ordinaire, par le plus court chemin, gagnent dans la
plus grande confusion la ligne médiane, arrivent en-
suite à l’autre hémisphère et s’y disposent dans le même
ordre qu’elles avaient originairement,
Dans le forceps, la physiologie postule la présence
d'au moins deux voies nerveuses. Dans l'hypothèse
que la région corticale de la vision distincte des deux
yeux, correspondant à chaque région maculaire réti-
nienne, est représentée dans les deux lobes occipitaux,
il doit exister dans le forceps un faisceau qui, comme
une commissure, relie dans l'écorce les deux points
de la vision distincte. En outre, le lobe occipital droit
doit être relié avec le lobe temporal gauche par une
voie directe permettant,, grâce au réveil de l’image
auditive verbale, de nommer les objets vus dans la
moitié gauche du champ visuel, voie qui serait inter-
rompue dans l’aphasie optique de Freund, Cette voie
nerveuse se trouve sans doute à droite dans le f'orceps
et à gauche dans le {apetum.
Des théories d’une haute portée sur les conditions de
l’activité psychique dans lhypothèse anatomique des
voies générales d'association de l'écorce, telle que Mey-
nert l'avait proposée, terminent la partie critique du
mémoire de Sachs. Suivant Meynert, on le sait, chaque
point de l'écorce cérébrale serait en rapport anato-
mique direct avec chaque autre point, de sorte qu'entre
deux points quelconques, il existerait des voies d'asso-
ciation. Présenté ainsi dans sa généralité, cette hypo-
thèse ne parait pas tout à fait juste à Sachs. Ainsi, le
lobe occipital ne possède qu’une longe voie d’associa-
tion, le stratum sagittale externum (faisceau longitu-
dinal inférieur de Burdach), fibres d’association à long
trajet intrahémisphérique, qui le relie au lobe tem-
poral. Peut-être des fibres antérieures du stratum trans-
versum cunei assurent-elles encore une autre connexion
entre le cuneus et la portion postérieure du lobe pariétal.
Mais, ni sur la convexité, ni sur la face interne des hé-
misphères, il n'existe de connexions connues impor-
tantes du lobe occipital avec le reste du lobe pariétal ou
avec le lobe frontal qui, même de loin, égalent celles
qui relient le lobe temporal à ces parties de l’écorce.
Si l’on excepte le lobe temporal, le lobe occipital n’est
donc relié par aucun long faisceau d'association consi-
dérable aux autres parties du cerveau à fonctions phy-
siologiques distinctes. Les plus longs faisceaux du lobe
occipital demeurent dans les limites de ce lobe, à
l'exception peut-être de quelques fibres isolées (p. 2#).
Quelle différence avec le Icbe temporal! Outre la
grande connexion de ce lobe avec le lobe occipital au
moyen du stratum sagitlale exlernum, il est fortement
relié au lobe frontal par le fasciculus uncinatus. Le cingu-
lum, dont les plus longues fibres arrivent peut-être jus-
qu’au lobe frontal, associe le lobe temporal à l’avant-
coin (præcuneus), au lobule paracentral et à la portion
du gyrus fornicatus située au-dessus du corps calleux,
Le lobe temporal est relié au lobe parièlal par la partie
postérieure du fasciculus arcuatus, les parties anté-
rieures du stratum verticaleconveritatis, C’est, enfin, le
seul lobe qui possède de vraies fibres commissurales,
la commissure antérieure, dont les fibres, sans s’entre-
croiser ni se confondre sur la ligne médiane comme
celles du corps calleux, gagnent dans le même ordre
les deux hémisphères.
En regard de cette richesse extraordinaire des voies
d'association, qui vont dans toutes les directions, la
couronne rayonnante du lobe temporal est au contraire
relativement pauvre, Si l’on fait abstraction de la voûte
et de la connexion avec le corps mamillaire, il ne reste
qu'un mince faisceau passant par la capsule interne.
Ces puissantsliens d'association qui presque de toutes
parts unissent le lobe temporal avec les autres lobes
À
|
AË : BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
AL
cérébraux, semblent être l’expression anatomique de
l'importance capitale du langage pour la pensée de
l’homme. Telle est du moins la conception géniale de
Sachs. Le mot, l'image verbale auditive, possèdent des
connexions anatomiques immédiates, directes, avec
tous les autres centres de perception et d'idéation de
… l'écorce. Inversement, ceux-ci ne sont reliés entre eux
>
+2
me
tr
qu'indirectement par le centre du langage (Sprachcen-
trum). Toutes les différentes parties constituantes de
l’idée (Begriff}, formée, en dernière analyse, de résidus
mnémoniques des perceptions des divers sens, sont
ainsi essentiellement associées par le médium du mot,
manifestalion extérieure de l’idée.
Ainsi l'étude anatomique du cerveau nous révèle les
causes de l'extraordinaire puissance que le mot exerce
sur l’homme, dans la vie ordinaire comme dans l’hal-
lucination de l’aliéné ou la suggestion de l'hypnotisé.
Dans cette structure anatomique de l'organe de la
pensée, Sachs voit encore la cause probable de la supé-
riorité intellectuelle et morale de l'aveugle-né sur le
sourd-muet. Ii n'est pas rare, en effet, que le premier
arrive, en dépit de sa cécité, à un développement très
élevé des facultés supérieures de l'intelligence, « tandis
que le sourd-muet ne s'élève que rarement beau-
coup au-dessus d’un animal ».
Les dernières pages de ce travail sont consacrées à
la description des photographies, de grandeur natu-
relle, des coupes sériées du lobe occipital colorées au
Pal.
Jules Soury.
4° Sciences médicales.
Eaurent (D: E.), ancien Interne à l’infivmerie centrale
- des prisons de Paris. — Le Nicotinisme. Etude de
psychologie pathologique. — Un volume in-12 de
221 pages. Société d'éditions scientifiques, Paris, 1894.
M. Laurent, après avoir donné sur la plante qui fournit
le tabac quelques détails botaniques, empruntés au
manuel d'histoire naturelle médicale de M, de Lanessan,
parlé brièvement de la fabrication du tabac, plus briè-
vement encore de la composition du tabac et de l’action
de la nicotine sur l'organisme, indiqué rapidement les
usages thérapeutiques du tabac, résumé, d’aprèsle livre
du D° Depierris, l'histoire de l'introduction du tabac en
Europe, consacré, pour justifier le titre du livre « Etude
de psychologie pathologique », six pages à analyser les
causes qui amènent à fumer, énumère les multiples
dangers auxquels expose, dit-on, l'abus dutabac et même
son usage : carie dentaire, stomatite, gingivite, cancer,
pharyngite, laryngite, bronchite, asthme, gastralgie,
entérite, affections cardiaques, amaurose, céphalalgie,
hystérie, neurasthénie, tout y passe; mais loyalement
le D: Laurent avoue que le tabac, cet ennemi du genre
humain, est innocent d’une bonne part des méfaits que
lui attribue le zèle enflammé de ceux qui le pros-
crivent.
M. Laurent ne croit pas pouvoir affirmer que le tabac
entrave le génie, mais, à la suite de M. Maurice de Fleury,
il incline à le penser; la classification qu’il a faite des
grands écrivains en non-fumeurs et fumeurs lui paraît
démonstrative : Balzac, Gœthe, Hugo, Michelet, d’un
côté; mais de l’autre Byron, Musset, G. Sand, Th. Gau-
lier, Flaubert, de Goncourt : c’est à la première caté-
gorie qu'il décerne le premier prix de génie, les autres
sont tous des déséquilibrés.
M. Laurent pense également que pour être fumeur il
faut être atteint d’une maladie de la volonté, que
l'usage du tabac conduitàla mélancolie, et, parce qu'il
a connu des dégénérés qui fumaient, que les fumeurs
ne tardent point à perdre tout sens moral. C’est aussi
le tabac, paraît-il, qui est pour une bonne part respon-
Sable de la dépopulation de la France. Ajoutez que tout
fumeur est mal élevé, et que l'habitude de fumer cause
un préjudice annuel de plus d’un milliard à Ha fortune
publique de la France, et vous aurez épuisé la liste des
griefs de M, Laurent, On trouve encore dans son livre
un chapitre sur le tabac dans les écoles, un autre surle
tabac dans l’armée, et quelques pages intéressantes sur
les habitudes des prisonniers. L'ouvrage se termine par
quelques observations de suggestions faites à des hys-
tériques et à d’autres névropathes et qui ont eu pour
résultat de leur faire perdre l'habitude de fumer; cette
dernière partie s'intitule: Traitement du nicotinisme.
M. Laurent conclut en promettant d'accumuler « des
multitudes de faits pour que la preuve devienne enfin
aveuglante et éblouisse les yeux les plus obstinément
fermés. 1] continuera, dit-il, à marcher dans le chemin
de la vérité, » La Société contre l'abus du tabac a cou-
ronné cette œuvre d’édification. M. le Dr Laurent nous
saurait sans doute mauvais gré de la discuter plus lon-
guement, et de sembler y attacher plus d'importance
qu'il n’a fait lui-même, L. MAaRILLIER.
Grasset (Dr Hector), de la Faculté de Paris, Prépara-
teur au Laboratoire de Clinique chirurgicale de l'Hôtel-
Dieu. — Etude surle Muguet.— Brochure de 50 pages,
avec 2 planches. Société d'Editions scientifiques, Paris,
1894.
Dans ce travail, l'auteur cite plusieurs faits d’inocu-
lation positive du champignon du Muguet au lapin et
au cobaye et esquisse brièvement les lésions microsco-
piques ainsi provoquées par l’évolution du parasite, De
tous les modes d’inoculation, l'injection intraveineuse
est la plus efficace et réussit d'autant mieux que la
culture est plus récente, et qu’elle est inoculée à dose
plus massive, Les viscères sont envahis par des granu-
lations mycosiques et, dans cerlains cas, l'affection
expérimentale se complique d’une ascite abondante.
Cliniquement, l'examen microscopique de l’enduit
buccal, chez le malade, est parfois insuffisant pour
élucider son origine; la culture sur gélose glycosée est
seule capable de déceler, avec certitude, la présence
du champignon.
La plupart des résultats qui précèdent avaient déjà
été obtenus par G. Roux et Linossier; dans divers tra-
vaux, qui sont des modèles d'observation précise et
minutieuse, ils ont étudié les caractères botaniques
du champignon du Muguet et même provoqué, chez le
lapin, des lésions multiples de pseudo-tuberculose
mycosique, Nous n’aurions pas rappelé ces recherches,
antérieures à celles de H. Grasset, si ce dernier n’avait
accusé de « légèreté » les savants lyonnais, en leur re-
prochant de n'avoir fait que deux inoculations. Des six
inoculalions relatées par H. Grasset, quelques-unes
(Obs. v et vi) sont exposées d’une facon vraiment som-
maire et, sans aller jusqu’à renvoyer à son auteur un
reproche aussi grave, on peut regretter qu'il n’ait pas
apporté lui-même, dans les conclusions qui terminent
son travail, d’autres résullats d’un intérêt plus nou-
veau et plus décisif,
D' H. ViNcEnT.
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie. Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, — paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-$° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en couleurs.
505e et 506€ livraisons. (Prix de chaque livraison,
1 fr.) H, Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, Paris, 1894.
Les 505° et 506€ livraisons renferment des articles de
M, Glasson sur la fonction de juge, sur les juges de paix
et sur le jugement ; une étude de M, Théodore Reinach
sur les Juifs, leur histoire politique, littéraire et reli-
gieuse, l’état présent du judaïsme, son avenir et l’anti-
sémitisme; des études de M. M. Vernes sur le livre des
Juges et le livre apocryphe de Judith, dans l'Ancien
Testament; les biographies du grand peintre flamand
Jordaens par M. E, Bertaux; du mathématicien francais
Camille Jordan, membre de l’Institut, parM. L. Sagnet;
du Père Joseph, l’'auxiliaire de Richelieu, par M. L. De-
lavaud ; de l’empereur d'Allemagne Joseph II; du géné-
ral francais Joubert, par M. E. Charavay.
42 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
RE RER ee MR... Age
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 10 Décembre 1894.
M. le Secrétaire perpétuel annonce la mort de
M. Tchebichef, associé étranger, décédé le 8 décembre,
et celle de M. Ferdinand de Lesseps, membre libre,
décédé à la Chesnaye (Indre), le vendredi 7 décembre.
L'Académie présente M. d'Arsonval en première ligne
et M. Charrin en seconde ligne pour la chaire de Méde-
cine vacante au Collège-de France.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. S. Newcomb a cal-
culé les variations séculaires des orbites des quatre
planètes intérieures par la discussion de 62.000 obser-
vations méridiennes du Soleil, de Mercure, de Vénus,
de Mars, et de toutes les bonnes observations des pas-
sages de Mercure et de Vénus sur le disque solaire.
Les mouvements des périhélies de Mercure, de Mars,
de Vénus, présentent une différence bien plus grande
que les erreurs probables entre la valeur trouvée et la
valeur calculée. Ces écarts s'expliquent par deux hypo-
thèses : 19° La loi de Newton n’est pas entièrement
exacte et la force attractive doit être regardée comme
2% (0)e8 ler
variant suivant l'expression 7 QUE . 2° On peut attri-
buer les écarts à l’action de masses de matières encore
inconnues; un anneau de planétoïdes, placé entre les
orbites de Vénus, et de Mercure, ramènerait les écarts
au-dessous de leurs erreurs probables. — M, R. Perrin
énonce certaines propriétés non encore signalées des
suites récurrentes, qui conduisent à un procédé remar-
quablement simple et net pour la séparation et le calcul
des racines des équations numériques. — M. X. Stouff
communique une note sur la composition ‘des formes
linéaires et les groupes à congruence; il expose un
procédé pour définirune partie de ces groupes. —M.Ha-
damard compare entre elles les différentes expressions
de l’éliminant de trois équations f, (æ&, y) =0(f,,z,y) = 0
et f, (&, y) — 0, à deux inconnues x et y, et de degrés
m, n, p, et déduit de là des remarques applicables à
l'élimination.
2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Laussedat expose les
résultats remarquables obtenus par le Service topogra-
phique du Canada dans la délimitation de frontière entre
l'Alaska et la Colombie britannique, — M. C. Chapel
adresse une réclamation de priorité au sujet de la loi
énoncée récemment par M. Vallier sur la résistance de
l'air et ajoute quelques observations complémentaires.
—M.Fremont donne la théorie expérimentale du cisail-
lement et du poinconnage des métaux; la rupture
d’un métal par cisaillement, poinconnage et perfo-
ralion n’est pas le fait d’un glissement, comme on l’ad-
met généralement, mais d’un travail de traction: Les
diagrammes du travail nécessaire pour effectuer ces
opérations sont constitués par des courbes absolu-
mentidentiques pour un même métal, mais qui sont dif-
férentes pour le moindre changement dans la qualité
du métal, — M. Carvallo donne l'intégration des équa-
tions de la lumière dans les milieux transparents et
isotropes en supposant que, le milieu partant du repos,
les forces lumineuses viennent à agir brusquement à
partir de l’époque { — 0, — M. Hurmuzeseu a repris
l’étude de la force électromotrice qui se produit entre
deux électrodes, formées d’un même métal magnétique
sans force coercitive, plongées dans un liquide suscep-
tible de les attaquer et entre lesquelles on introduit
une différenee d’aimantation. Le fer aimanté est tou-
jours positif par rapport au fer non aimanté. La courbe
des forces électromotrices en fonction des champs
magnétiques présente un point d’inflexion, Les courbes
présentent la même allure avec le nickel sans toutefois
posséder le point d’inflexion. Avec le bismuth, l’élec-
trode aimantée est négative par rapport à celle non
aimantée. — M. Moissan a fait une étude approfondie
des différentes variétés de graphite préparées soit par
la cristallisation du carbone sous l’action d’un dissol-
vant métallique, soit par l’action d’une haute tempéra-
ture sur le carbone. Quelle que soit la variété de carbone
mise en expérience, une élévation de température suf-
fisante l’amène toujours à l'état de graphite; ce gra-
phite, amorphe ou cristallisé, possède une densité com-
prise entre ?,10 et 2,25. Sa température de combus-
lion est voisine de 660°, Il existe plusieurs variétés de
graphite dont la stabilité et la résistance aux agents
chimiques augmentent avec la température à laquelle
elles ont été portées. — M, Albert Trubert donne une
méthode rapide et précise pour déterminer les propor-
tions de carbonate de chaux et de carbonate de ma-
gnésie dans les terres, les cendres, etc, — M. Andouard
donne les propriétés et la composition du phosphate
d'alumine naturel de l'ilot du Grand-Connétable, situé à
27 milles à l’est de Cayenne; ce phosphate est très
soluble dans les acides et dans le citrate d’ammo-
niaque et, par conséquent, très assimilable; aussi il est
supérieur aux divers phosphates de chaux fossiles
connus, et donne à la végétation une impulsion remar-
quable. — MM. G. Bertrand et A. Mallèvre ont repris
l'étude de la pectase et de la fermentation rectique ; les
auteurs exposent les résultats suivants :1°le ferment ne
peut à lui seul coaguler la pectine; Zil ne provoque
cette transformation qu'en présence d’un sel soluble
de calcium, de baryum ou de strontium; 3° le préci-
pité formé dans ces conditions n’est pas, comme on
l'avait cru jusqu’à présent, de l'acide pectique, mais un
pectate alcalino-terreux. — M. Maumené donne le
principe d'un procédé nouveau pour épurer les alcools,
les sucres et un certain nombre d’autres malières orga-
niques; le permanganate de potasse, le chlore, le
brome détruisent les impuretés de l'alcool avant d’at-
taquer ce composé, de sorte que leur emploi en quan-
tité convenable donne une purification parfaite, On n'a
pasäcraindre d'ailleurs l’action nocive des sels de man-
ganèse dont l’innocuité est bien établie par des travaux
antérieurs de l’auteur. — MM. Hermite et Besançon,
dans une ascension de 1.500 mètres, ontétudié la varia-
tion de température et d'état hygrométrique du gaz
du ballon comparée à celle de air ambiant. La tempé-
rature du gaz s'est élevée progressivement pour attein-
dre la température de 46 et 470, avec une température
initiale de 18°, tandis que celle de. l'air variait seule-
ment de 43 à 19°; l’aérostat se transforme ainsi en une
véritable montgolfière. Le gaz se refroidit rapidement
peudant la descente ; il ne marquait plus que 35°5 tan-
dis que la température de l'air était de 14°. Les dia-
grammes barométriques à l’intérieur et à l'extérieur du
ballon étaient absolument identiques, GC. Marrenox.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Pomel décrit une nou-
velle grotte ossifère découverte à la Pointe-Pescade, à
l'ouest d'Alger Saint-Eugène, —M, Millardet : Note sur
l'importance de l'hybridation pour la reconstitution
des vignobles, — M. Raoul Pictet étudie l'influence
du rayonnement aux basses températures sur les phé-
nomènes de la digestion. Tous les corps dits mauvais
conducteurs de la chaleur deviennent de plus en plus
diathermanes, à mesure que la température s’abaisse ;
au-dessous de 100° toutes les vibrations calorifiques
traversent les corps les plus mauvais conducteurs, Un
animal étant soumis à ces basses températures, tout
son organisme, jusque dans la profondeur de ses tissus
|
|
F
Lis Lies
| NET CIS EURE
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
43
participe à la perte de chaleur ; la respiration, la cir-
culation augmentent rapidement. Cette combustion in-
tense se traduit aussitôt par un désir de compensation :
la faim. — M. Labbé donne la morphologie et la clas-
sification des Coccidies et pense qu'il est nécessaire de
se baser sur l’archéspore pour établir une classification
méthodique des Coccidies. — M. Reyt indique la suc-
cession des assises inférieures sur le pourtour de la
protubérance crétacée de Saint-Sever, — M. Repelin
fournit quelques données sur les calcaires à lithotham-
nium de la vallée du Chellif, — M. Henry a constaté
l'influence évidente de la sécheresse de l’année 1893
sur la végétation forestière en Lorraine. J. MARTIN,
Séance du 17 Décembre 1894,
Cette séance est la séance publique annuelle pour
1894. Après un discours de M. Lœwy, président,
M. Berthelot fait connaitre les prix décernés en 1894
et les prix proposés pour 1895, 1896, 1897 et 1898,
M. Bertrand lit une notice sur P.-L.-A. Cordier,
membre de l’Institut,
Séance du 24 Décembre 1894,
M. le Secrétaire perpétuel annonce la perte que la
seience vient de faire dans la personne de P. Fran-
çois Denza, directeur de l’observatoire du Vatican. —
M. Zeiller prie l’Académie de le comprendre parmi
les candidats à la place laissée vacante dans la Section
de Botanique par la mort de M. Duchartre. Plusieurs
lauréats adressent des remerciements pour les distinc-
tions accordées à leurs travaux.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Corniel a déter-
miné les éléments de la planète 1894 BE, qui possède
la plus petite distance périhélie de toutes les petites
planètes connues; cet astre est le mieux situé pour
faciliter la détermination de la parallaxe solaire. —
M. Capon a calculé les éléments de la planète BI et
les a reconnus identiques à celle de la planète 369, —
MM. Rambaud et Sy communiquent leurs observa-
tions de la comète d’Encke et des planètes BH et BI,
faites à l'observatoire d'Alger à l’équatorial coudé. —
M. G. Le Cadet adresse ses observations de la co-
mète d’'Encke, faites à l'équatorial coudé (0 m. 32) de
l'observatoire de Lyon. — M. J. Guillaume a fait à
l'observatoire de Lyon (équatorial Brunner),pendant le
troisième trimestre de 1894, des observations sur les
taches solaires, dont il communique les résultats, —
M. FE. Siacci fait remarquer que la note parue récem-
ment sur la transformation des équations canoniques
du problème des trois corps est la reproduction d’une
note antérieure. — M. P. Staeckel fait quelques re-
marques au sujet de la réclamation de M. 0. Staude.
— M. Emile Picard appelle l'attention sur deux nom-
bres invariants dans la théorie des surfaces algébri-
ques, — M. R. Perrin continue à développer l’exposé
de méthodes qui permettent la résolution des équations
numériques au moyen des suites récurrentes, —
M. Jules Andrade expose un théorème fondamental
relatif à la théorie des intégrales multiples, sur lequel
repose la notion des étendues intérieure-et extérieure
d’un ensemble à K dimensions et qui s’est trouvé taci-
tement admis jusqu'ici dans les théories nouvelles :
théorème établit analytiquement l'association de l’idée
de quantité à l'idée de contenant et de contenu,
comme cela doit être fait quand on rattache la notion
du champ d'intégration à la théorie des ensembles. —
M. A.Lafay montre qu’en généralisant la théorie des
abaques, on arrive à l'introduction naturelle d’abaques
à 16 et 18 variables.
29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Henri Salomon adresse
un mémoire relatif à diverses questions de météorolo-
gie et à l’origine des tremblements de terre, — M. Léo-
pold Hugo adresse une note sur la vision mentale à
l’occasion d’un frontispice de Fontenelle, — M. Vaschy
étend la notion de capacité à un fil parcouru par un
courant permanent et montre que cette capacité par
unité de longueur d’un câble a le même sens qu’en
ce.
électrostatique. La même notion s'applique au cas où
le courant, au lieu d’être permanent, est lentement va-
riable, quoique alors il ne soit pas rigoureusement
exact; mais lorsque les variations du courant sont très
rapides, la notion de capacité disparait, — M. Gouré
de Villemontée a éludié les potentiels électriques
dans un liquide conducteur en mouvement uniforme
et reconnu que le mouvement à travers des tubes de
verre larges, de même section dans toute leur étendue,
ne produit aucune différence de potentiel appréciable
entre deux points du liquide. — M. Raoul Pictet a
effectué des recherches expérimentales sur le rayon-
nement à basses températures. 1° Entre 170
et — 70°, l’afflux de chaleur est énorme et très
supérieur à la courbe de Newton établie pour 0°.
20 De — 4170° à — 100°, l'influence des enveloppes
protectrices isolantes parait à peu près nulle ; au
contraire, entre — 55° et + 11° les courbes obte-
nues varient avec l'enveloppe ct l'effet des parois pro-
tectrices semble devenir progressivement proportionnel
à leur épaisseur entre — 20° et + 10°. 3° La tempéra-
ture des corps mauvais conducteurs ne semble pas
avoir d'influence sur leur diathermanéité pour les
rayons émispar les corps très froids au-dessous de
— 70°, — M, Dussau adresse un mémoire relatif à un
procédé pour le traitement des eaux d’égout. —
M. Henri Moissan a reconnu que le bore et le sili-
cium déplacent nettement le carbone dans une fonte
ou dans un carbure de fer en fusion. Ces corps, main-
tenus à une température suffisante, se conduisent
exactement comme les solutions aqueuses de certains
composés, dans lesquels on précipite ou déplace tel
ou tel corps en solution ou en combinaison, — M. le
Secrétaire signale deux brochures de M. Adolphe
Carnot intitulées : « Analyse des eaux minérales fran-
caises exécutées au bureau d'essai de l'Ecole des
Mines » et « Minerais de manganèse analysés au bureau
d’essai de l'Ecole des Mines ». — M. J. Peyrou a fait
un grand nombre de dosages de l'ozone atmosphé-
rique par la méthode du papier ozonoscopique ioduro-
amidonné ; l’auteur a toujours trouvé plus d'ozone au-
dessus des plantes qu'au-dessus de la terre sans végé-
tation. La végétation favorise la formation de l’ozone
atmosphérique, et la quantité d'ozone produite est
d'autant plus grande que la végétation ambiante est
plus active. — M. A. Villiers explique la difficulté avec
laquelle certains sulfures sont attaqués par lacide
chlorhydrique tandis que les sels correspondants ne
sont pas précipités par l’acide sulfurique en présence
d’un léger excès d'acide, en supposant que les sul-
fures de ces métaux, au moment de leur mise en
liberté par les sulfures alcalins, se produisent sous un
état différent de celui sous lequel nous les connaissons.
— M. Delépine a préparé des combinaisons de l’hexa-
méthylène-amine avec l’azotate, le chlorure et le car-
bonate d'argent ayant les formules suivantes :
C5HI2A71,A7OSAg; C6H12A74, HAgCIl;
3CO3Ag?, 5C6HI2Azt, 15H20
— M. Albert Colson, en faisant agir le chlorure de
cyanogène sur le paraxylène dilué dans l’éther incom-
plètement sec, a pu obtenir de l’uréthane, un éther
cyané soluble qui présente la composition du nitrile
éthyllactique :
OC2H5
CHS—CH
CAz
et un éther cyané insoluble, isomère avec le premier,
et dont l’isomérie paraît être de nature physique. —
M. Charles Lepierre a entrepris l’étude méthodique
des chromates de fer; il a obtenu treize chromates,
dont deux seulement sont connus; tous ces sels sont
doubles et sont. tous ferriques; ils sont en général
hydratés et tous colorés. Les chromates de fer forment
une série parallèle à celle des suifates basiques du mé-
me métal; ils sont susceptibles d'application pour la
A4 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
peinture sur faïence et sur porcelaine, — M. A. Bach
indique un nouveau réactif permettant de démontrer la
présence de l’eau oxygénée dans les plantes vertes; il
repose sur le fait que l'acide perchromique en solution
éthérée transforme très facilement, en présence d’un
acide libre, l’aniline en une matière colorante violette.
Vingt-cinq espèces végétales examinées ont donné un
résultat positif en ce qui concerne la présence de l’eau
oxygénée, — M. Alph. Combes à déterminé la valence
du glucinium et, par suite, la formule de la glucine en
déterminant le poids moléculaire de l’acétylacétonate
de glucinium : GI (C5H702. — MM.L. ZornetH. Brunel
établissent que, contrairement à l'opinion générale-
ment admise, le groupe SO?, dans les sulfones aroma-
tiques, se met en position méta — M, Maumené
adresse une note sur la constitution des corps orga-
niques. C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ranvier, dans un tra-
vail sur la circulation de la lymphe dans les petits
troncs lymphatiques, a pu faire apparaitre ceux-ci en
les remplissant d’un liquide coloré, le bleu de Prusse
soluble, — M. Millardet donne un extrait de son tra-
vail sur l'importance de l’hybridation pour la reconsti-
tution des vignobles. — M, Racovitza présente une
étude sur le lobe céphalique des Euphrosines, —
M. Gruvel, étudiant le développement du rein et de la
cavité générale chez les Cirripèdes, trouve que, contrai-
rement à ce que l’on voit chez les adultes, il existe une
communication nette entre la cavité générale et le rein.
— M. Wedensky signale les différences entre le mus-
cle normal et le muscle énervé. — M. Prunet indique
les rapports biologiques du Cladochytrium viticolum
Prunet avec la vigne, — M, Flahault donne une carte
botanique détaillée de la France. — M. B. Renault
signale un mode de déhiscence curieux du pollen de
Dolerophyllum, genre fossile du terrain houiller su-
périeur. : J. Martin.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 18 Décembre 1894.
L'Académie procède au renouvellement de son bu-
reau pour l’année 1895. En vertu du règlement, le vice-
président de l’année 1894, M. Empis, devient de droit
président pour l’année 1895. M. Hervieux est élu vice-
président pour l’année 1895. MM. Cadet de Gassicourt
et Caventou sont maintenus par acclamation dans
leurs fonctions de secrélaire annuel et de trésorier,
MM. L. Colin et Tillaux sont élus, à l’unanimité,
membres du Conseil d'administration, — MM.A. Proust
et H.Bourgès présentent une communication relative
à une paralysie consécutive à une angine pseudo-mem-
braneuse, reconnue comme non diphtérique à l'examen
bactériologique. — M. Vallin présente quelques ob-
servations sur une communication récente de MM. La-
veran et Regnard, relative à la pathogénie et au méca-
nisme du coup de chaleur. Dans des expériences déjà
anciennes sur le même sujet, il est arrivé à des résul-
tats différents de ceux de MM. Laveran et Regnard ; mais
il montre que les conditions dans lesquelles il s'était
placé n'élaient pas les mêmes. -- M. le D' Teissier
(de Lyon) lit un mémoire sur le cœur forcé et le surme-
nage dans les exercices de sport. — M. le D' Doyen
(de Reims) lit un travail sur les résultats éloignés des
opérations pour affections non cancéreuses de l’esto-
mac.
Séance du 26 Décembre 1894,
La discussion sur la pathogénie et le mécanisme du
coup de chaleur continue. MM, Laveran, Vallinel
Le Roy de Méricourt présentent leurs observations.
— M. le D° M. Laugier lit une note sur la gangrène
des doigts à la suite de pansements phéniqués, — M. le
D' Mougeot présente ses recherches relatives à l’in-
fluence des courbes météorologiques sur les épidémies
de choléra en Cochinchine et leur gravité,
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 15 Décembre 1894.
MM. Gilbert et Cadiot présentent le résultat de
leurs recherches sur le foie des animaux tuberculeux.
Dans la presque totalité des cas, cet organe était le
siège de lésions tuberculeuses; ils ont trouvé quel-
quefois de la cirrhose et une altération de la cellule
hépatique. La dégénérescence graisseuse est très
rare, — M. Surmont et Brunelle (de Lille) montrent
que le chlorure de sodium introduit en excès dans la
circulation s’élimine au niveau de lestomac. — M. Ch.
Richet étudie les propriétés hypnotiques de deux nou-
velles chloraloses : l’arabino- et la xylochloralose. —
MM. Pachon et Carvallo ont pratiqué l’extirpation
totale de l'estomac chez le chat. Toutes les fonctions se
font régulièrement; tous les aliments, sauf la viande
crue, sont bien digérés, — MM. Abelous et Biarnès
étudient le pouvoir oxydant du sang et des différents
organes. Ils arrivent à celte conclusion que les oxyda-
tions organiques sont le résultat de l’activité d'un fer-
ment soluble oxydant. — M. H. Moreau a découvert
une communication entre les lymphatiques génitaux et
ceux du rectum chez la femme. — M. Ch. Richet mon-
tre que l’atropine rend l’asphyxie plus rapide, parce
qu’elle empêche le cœur de se ralentir. — M. Ausché
rapporte une série d'observations d’hématémèse due
à la neurasthénie,
M. Lapicque est élu membre de la Société par
39 voix contre 7 données à M. Sanchez-Toledo.
Séance du 22 Décembre 1894.
M. Pillet fait remarquer la fréquence de la stéatose
hépatique chez les oiseaux, les reptiles, les poissons.
Chez l’homme, le foie n’est généralement pas gras, mais
l’adipose peut survenir dans certaines conditions pa-
thologiques, particulièrement à la suite des maladies
tuberculeuses. — MM. Gaudier et Hilt ont trouvé que
la toxicité urinaire chez les cancéreux est supérieure à
celle de l’homme sain. — MM. Bar et Rénon ont ob-
servé, chez un enfant nouveau-né, le premier stade d’une
dégénérescence kystique des reins, représenté par l’ec-
tasie des canalicules biliaires. — M, Durante a observé
un cas de dégénérescence descendante des faisceaux
sensilifs, consécutive à une lésion cérébrale, — M.Con-
tejean présente une série de tracés, pris à l’aide d’une
pince cardiaque spéciale, qui semblent confirmer la
manière de voir de Fredericq qui estime que la con-
traction cardiaque est tétanique et se fait par une sé-
rie de secousses, — M. Féré cite quelques faits qui
établissent une ressemblance pathologique entre frères
jumeaux. — M. Gley rappelle que les physiologistes
ont signalé depuis longtemps le danger des inocula-
tions de suc thyroïdien. — M. Guignard décrit un
nouveau bacille chromogène. — M. Azoulay expose
une modification qu'il a apportée à la méthode de Golgi
pour la coloration des coupes des centres nerveux.
SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du T Décembre 1894.
M. Maumené expose ses idées sur les lois générales
de l’action chimique. La seule loi à laquelle obéissent
les combinaisons est la suivante. Lorsqu'un corps
simple, dont le volume par équivalent est V, agit sur
un autre de volume V', le nombre d’équivalents du pre-
mier qui agissent sur un équivalent du second est égal
au quotient de V par V’, Cette loi s'applique, quel que
soit l’état physique des corps, pourvu qu'ils soient
incapables de se mélanger. Cette loi est la seule qui
puisse rendre compte du mode d’action du chlore sur
la chaux hydratée dans la production du chlorure de
chaux. Dans cette préparation, quel que soit l'excès de
chlore, il reste toujours dé la chaux vive. La loi précé-
dente conduit à admettre que le chlore agit sur la chaux
dans le rapport d’un équivalent et demi de l’un pour
r-. TIRE sy de HE
un équivalent de l’autre, et que la réaction doit être
formulée
2C1-L3Ca0, HO — CaCl+ CaO, CIO + Ca O (HO
Ce résultat concorde rigoureusement avec les résultats
des analyses précises de M. Kolbe, de Lille, De même,
Ja loi précédente explique pourquoi le phosphure de
chaux, produit par l’action de la vapeur de phosphore
sur la craie, doit avoir pour formule Ph(CaO}, Puis,
cette loi permet d'expliquer pourquoi l’eau a la com-
position qu'on lui connaît. M. Maumené admet que,
lorsque l'oxygène et l'hydrogène se combinent à la tem-
pérature du rouge, ces deux gaz deviennent liquides ou
solides pour agir l’un sur l’autre. Ils doivent se con-
denser pour pouvoir s'unir. — M. Ponsot expose l’état
actuel de la question des cryohydrates et communique
les résultats de ses expériences personnelles sur cette
question. De Luc avait remarqué depuis longtemps que
la température minima, présentée par un mélange de
glace et de sel, est indépendante des proportions du
mélange, le sel étant en excès, et que cette tempéra-
ture est celle à laquelle une dissolution saturée de ce
sel se congèle. En 1875, M. Guthrie reprend l'étude de
cette question. Il constate que, si on fait congeler le
liquide obtenu en mélangeant de la glace et un sel, cette
congélation se fait à la température minima de ce mé-
Jlange, qu’elle est invariable pendant toute la durée de
la congélation, qu’il y à identité de composition du
liquide et du solide, et que ce dernier est en cristaux
transparents. Ces trois raisons lui semblent suffisantes
pour conclure à l’existence d'un composé défini, d’un
cryohiydrate, auquel, en équivalents, il attribue une for-
mule, soit pour le chlorure de sodium, Na CI + 10H0.
Il étudie un grand nombre d'exemples, et trouve, par
exemple
KO, AzO5 -L 89,2 HO, KO, SO3 + 114,2 HO.
Malgré la complexité des nombres d’équivalents d’eau,
les idées de M. Guthrie furent adoptées par un grand
nombre de savants, En 1877, Pfaundler émit l'opinion
que les cryochydrates étaient un mélange de glace et de
sel. Elle fut partagée par Masotto en 1890, et Schreene-
makers en 1893, qui étudièrent les mélanges de deux
sels avec la glace. M. Duhem (1893) démontra théori-
quement qu'il y a simplement un mélange de glace et
de sel. Il annonca aussi que la composition des cryohy-
drates devrait varier avec la pression. Néanmoins,
malgré ces publications, un certain nombre de savants
conservent les idées de Guthrie. En 1887, M. Etard
suppose qu'il obtient des hydrates identiques aux
cryohydrates de Guthrie. M. Engel, dans une commu-
nication du 3 novembre 1893, semblait conserver cette
opinion lorsqu'il recherchait une relation entre le
nombre de molécules d’eau fixées par la molécule
saline, et les poids atomiques des constituants de cette
molécule, Enfin, dans la dernière séance, M. Le Châte-
lier a dit que ce sont des mélanges d'hydrates mal
définis, etil pense que certains, tel que celui de bichro-
mate de potasse, sont amorphes, M. Ponsot montrera
tout à l'heure que l’expérience prouve le contraire.
L'auteur expose alors par quelles considérations on
peut expliquer les phénomènes cryohydratiques. Il
trace d’abord la courbe de solubilité du chlorure de
potassium, et remarque que, pour tous les points figu-
ratifs situés au-dessus, la dissolution est sursaturée.
Puis il considère une solution très étendue et il la
refroidit. De la glace se forme et la concentration aug-
mente. La courbe qui représente cette marche est
telle que le coefficient d’abaissement croît avec l’abais-
sement lui-même, sans présenter de maximum; donc
elle coupe la précédente au point cryohydratique. Toutes
les solutions, telles que le point figuratif est au-dessus
de cette courbe, pourront dissoudre de la glace. Au
contraire, les dissolutions relatives aux autres points
seront celles pour lesquelles de la glace pourra se pro
duire. Elles seront sursaturées de glace. Il y a donc une
DRE",
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
45
région où les dissolutions seront à la fois sursaturées
de glace et de sel. Si l’on part d’un point de cette ré-
gion, et qu'on procède successivement par addition
d'une parcelle de glace, puis de sel, le point figuratif
décrit nécessairement une ligne brisée qui s’appuie
alternativement sur les deux courbes tracées et arrive
au point cryohydratique, qu’il ne peut dépasser, Ce
point correspond à la température d'équilibre à la fois
pour la glace et pour le sel. L'auteur montre alors
qu'il existe un moyen de séparer la dissolution eryohy-
dratique en glace et en sel. Si la température ne peut
s’abaisser au-dessous du point cryohydratique, c’est
que si, par un mélange réfrigérant, on enlève de la
chaleur, la formation de glace et de sel en redonne, —
M. Ponsot expose ensuite les expériences qu'il a entre-
prises il y a plusieurs années, et qu'il a reprises der-
nièrement. Il indique d’abord les précautions néces-
saires pour produire une dissolution avec sa concen-
tration cryohydratique. Puis, pour rechercher si les
lamelles cristallines transparentes qui se forment
renferment des cristaux de glace, il s’est servi du
microscope. Il décrit le disposiuf auquel il a eu recours
et qui permet d'observer en lumière polarisée lorsque
la nature des cristaux se prête à cette étude. Au lieu
de la platine ordinaire du microscope, se trouve une
lame de verre sur laquelle on dépose une goutte de
liquide cryohydratique. Tout autour du cylindre qui
contient le microscope et la lame de verre, est disposé
un mélange réfrigérant, Les expériences ont d’abord
porté sur le permanganate de potasse. Quelques ins-
tants après qu'on a installé le liquide cryohydratique,
on voit, sans qu’on ait apporté aucun germe, se pro-
duire une abondante cristallisation. Dans le cas du
permanganate, on voit des lignes absolument incolores
avec bifurcations nombreuses (glace pure), entre les-
quelles sont des régions d’abord colorées en rose, Ces
dernières doivent être encore liquides, car, au bout de
quelques minutes, il se produit une quantité considé-
rable d’aiguilles cristallines en même temps que l’espace
intermédiaire devient incolore, Ces cristaux étant de
très petites dimensions, on peut les faire grossir en
faisant fondre. partiellement, puis en laissant refroidir
de nouveau. En répétant ce traitement, les cristaux
arrivent à être très nets. On peut alors reconnaître
qu'ils sont bien identiques aux cristaux de permanga-
nate obtenus par évaporation d’une dissolution saturée.
M. Ponsot est parvenu à obtenir des photographies de
ces cristaux; il projette une série de clichés représen-
tant les différentes phases du phénomène. Il a ensuite
étudié de la même facon le bichromate de potasse. Mais,
dans ce cas, il est impossible d'obtenir pour le phéno-
mène initial des clichés visibles en projection, Au
microscope, on distingue nettement les lamelles de
bichromate entre lesquelles se trouvent des lamelles
de glace non seulement sur le même plan, mais sur
des plans superposés. Une dissolution cryohydratique
contenue dans un tube donne d’abord une masse d’ap-
parence amorphe; mais, en la traitant par le même pro-
cédé que le permanganate, on arrive à obtenir des
cristaux très nets. M. Ponsot a étudié aussi les dissolu-
tions d’azotate de potasse, de sulfate de cuivre et de
chlorure de potassium. L'ensemble de ses expériences
confirme bien les vues de Schreenemakers et de
M. Duhem. Au point cryohydratique, il y a toujours
séparation de glace. Il n'y a pas de cryohydrate. II n’y
a qu'un mélange de glace et de sel. Il doit donc en être
de même dans la partie liquide. À la dénomination de
cryohydrates, M. Ponsot préférerait celle de cryosels. Il
existe des cryosels simples formés d’un mélange d’un
seul sel et de glace, et des cryosels composés. Quand
deux sels ne peuvent former un sel double, il n'y a
qu'une température minima unique. Mais s’ils peuvent
former un sel double, il y a deux cryosels. A l’une de
ces températures minima, on peut avoir dans la glace
un mélange de deux sels. Ce résultat montre comment,
à une même température, peuvent se faire plusieurs
sels cristallins dans un même dissolvant. De là son
46
intérèt pour l'explication de la formation des roches
éruptives, ou pour les reproductions minéralogiques.
Enfin, l’abaissement maximum du point de congélation
dans les dissolvants les plus connus, eau, benzine,
acide acétique, etc., mérite de prendre rang parmi les
constantes spécifiques d’un corps. — M. Engel se
défend d’avoir prétendu que les cryohydrates étaient
des sels à composition définie. Il les a simplement
considérés comme des sels avec une quantité d’eau
déterminée. 11 a pu parler d’une loi entre le nombre de
molécules d’eau fixées par un sel, tel qu'un chlorure
alcalin ou alcalino-terreux, et l’abaissement de la tem-
pérature, puis en déduire une relation entre le nombre
de molécules d’eau fixées et les poids atomiques du
métal et du métalloide, sans pour cela prétendre à
l'existence de combinaisons définies. Il n’a fait que
grouper un ensemble de résultats expérimentaux, —
M. Wyrouboff ne croit pas qu'on puisse traiter aussi
simplement les questions de saturation. On ignore
pourquoi les corps se sursaturent. On sait simplement
que les seuls qui puissent se sursaturer sont ceux qui
forment deux hydrates. Il à fait autrefois des expé-
riences à ce sujet, etila vu, par les propriétés opti-
ques, que les cristaux n'étaient pas des cristaux de
bichromate, mais des cristaux d'hydrates. On ne peut
dire en bloc qu'il se fait un sel et de Ja glace. Il peut
se faire un ou plusieurs hydrates. Il doit y avoir beau-
coup d’'hydrates inconnus à la température ordinaire.
Yest là ce qu'il serait intéressant d'étudier. — M, Pon-
sot fait remarquer que ce qu'il a voulu prouver, c’est
qu'il n'existe pas un sel unique renfermant tout le sel
et toute la glace, mais que, conformément à la théorie,
il y a un mélange de glace et de sel : ce dernier est
anhydre ou hydraté, mais, dans ce cas, c’est un hydrate
défini, le même qui cristalliserait dans la dissolution.
si on évaporait l’eau à cette température.
Edgard HaAunié,
SOCIETE CHIMIQUE DE PARIS
189%.
M. Lindet expose à la Société les derniers perfec-
tionnements réalisés par l’industrie sucrière au point
de vue de la concentration des jus, de la double carbo-
natation, de l'évaporation et de la cuite en grains. —
M. Maumené a appliqué à la purification du sucre et
des alcools le permanganate de potasse, déjà employé
à maints usages de ce genre, Il à obtenu ainsi d’excel-
lents résultats. E. CHaroN.
SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE FRANCE
Séance du 19 Décembre 1894.
M. Laisant : Sur une propriété {du mouvement d’un
point matériel dans l’espace, — M. Mannheim : Nou-
velle démonstration d’une propriété de l’indicatrice.
— M. Fauret : Addition à une communication précé-
dente sur un théorème de Mécanique. Paul GENTy.
SOCIÉTÉ PHILOMATHIQUE DE PARIS
du 9 Décembre 1894.
M. Laisant établit une propriété du mouvement
d’un point dans l’espace lorsque ce mouvement est
soumis à la loi des aires. — M. Bordas décrit les
glandes salivaires de l'abeille; il en trouve six paires.
Ces glandes ne sont pas également développées chez
les mâles etchez les neutres,
Séance du 5 Décembre
Séance
Séance du 22 Décembre 1894.
M. le D' Jousseaume : Diagnose de nouveaux Mol-
lusques de la mer Rouge. — M. Bietrix : Sur une éva-
luation de la pression dans le cœur des Poissons.
— M. Brongniart présente son ouvrage intitulé :
Recherches pour servir à l'histoire des insectes fossiles des
temps primaires, précédées d'une Etude sur la nervation
des ailes des insectes, Ch. Biocue,
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
1° SGIENGES PHYSIQUES.
Sir David Salomons, — Sur quelques phéno-
mènes observés dans les tubes à vide. — Ce mé-
moire traite des phénomènes connus sous le nom de
stries ou de bandes dans les tubes à vide. Autant que
l’auteur a pu l’apprendre par les documents qu'il a
consultés, personne jusqu'ici n'avait trouvé le moyen
de produire à volonté un nombre déterminé de bandes
brillantes et obscures dans un tube. Après des recher-
ches prolongées, ila réussi à produire ce résultat et,
dans le présent mémoire il décrit d’abord les méthodes
qui permettent de produire un nombre déterminé de
bandes obscures et brillantes dans un tube à videet,
secondement, un grand nombre de phénomènes inté-
ressants qui ont trait à-la production des bandes en
général. Voici quelques-unes des conclusions qui résul-
tent des expériences : Ces bandes s’obtiennent plus
facilement dans des petits tubes que dans des grands
et elles deviennent plus accentuées, probablement par
suite de l’inégalité du diamètre de ces tubes. Dans la
production des bandes le verre du tube semble jouer
un rôle, puisque les bandes sont difficiles à produire
quand elles ne touchent pas au verre du tube. Un cou-
rant extrêmement faible produit des bandes qui, dans
la plupart des cas, disparaissent quand le courant aug-
mente un peu et redeviennent visibles quand le cou-
rant continue à croître. L'auteur croit que, dans toutes
les recherches précédentes, on a trouvé que les bandes
ne pouvaient être produites que par le passage ‘d'un
courant intense. Il rappelle les travaux de MM, Warren
de la Rue, Gassiot et autres. Les expériences prouvent
cependant le contraire. La raison probable de ces résul-
tats est le fait qu'avec les appareils employés à cette
époque, il n'était pas facile de produire des courants
assez faibles. Quand on augmente l'intensité du courant
faible et que les bandes semblent disparaître, l'auteur
pense que cet effetest dû à une illusion d'optique; les
bandes existent, mais elles sont trop peu nettes pour
qu'on puisse les voir, peut-être parce que les bandes
sombres sont assez étroites pour échapper à l’observa-
tion. Quand une décharge électrique se produit dans un
grand tube qui contient un diaphragme percé d’un
trou, il semble se produire souvent un effet de poussée
(forcing effect). Toutes les bandes brillantes qui sont
produites au trou du diaphragme peuvent paraitre être
poussées à travers le trou vers le côté le plus long du
tube, Ce phénomène est mentionné parce qu'il est
apte à masquer plusieurs effets, si le courant n’est pas
réglé convenablement. Après que la première trace de
lumière est devenue visible dans un tube par suite du
passage d’un courant très faible, il n’est pas impos-
sible que les bandes sombres qui succèdent à cette
phase soientillusoires et qu’elles soient en réalité des
bandes brillantes; ce qui semble constituer les bandes
brillantes serait l'effet d’une superposition qui produi-
rait deux fois plus de lumière que ce qu’on appelle les
bandes brillantes, En réalité, les bandes brillantes
indiqueraient la position des bandes sombres, On peut
produire dansun grand tube des bandes qui n’occu-
pent qu’une faible portion de la section du tube, au
moins autant que l'œil peut en juger. En employant
les tubes de Crookes qui servent aux expériences sur
la matière radiante, on peut, dans des conditions con-
venables, produire des stries dans ces tubes. Dans des
tubes qui ont des électrodes extrêmement petites et
qui ne semblent pas aptes à produire des stries, on en
observe toutefois avec des courants très faibles. Le
tube, quand il agit comme un condensateur, laisse
passer un courant plus intense. D'après les considéra-
tions précédentes, il n’est pas impossible que, comme
on l’a soutenu relativement à l’origine probable des
bandes, elles consistent en une série de décharges à
travers le tube; la nature de cette décharge peut être
modifiée par l'introduction d'accessoires convenables
+
AANT Le
TPA TT
-ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 47
L
dans les tubes; pour examiner la nature de cette
décharge dans les meilleures conditions, il faut opérer
avec des courants très faibles, c’est-à-dire avec l’inten-
sité de courant minima nécessaire pour produire un
phénomène lumineux, -
2° SCIENCES NATURELLES.
3. Gowland Hopkins, démonstrateur de Physio-
logie et de Chimie à Guy's Hospital (Londres). — Les pis-
ments des Piérides ; contribution à l'étude des
substances excrétoires qui servent à l’ornement
des animaux. — Voici les principaux faits établis par
M. Hopkins : La plupart des résultats reposent sur des
observations originales, consignées dans le mémoire :
1°Les écailles desailes des Piérides blanches contiennent
de l'acide urique, qui joue le rôle d’un pigment blanc.
2° Le pigment jaune qui se retrouve dans FOSpEUe
des genres est un dérivé de l'acide urique. 3° L'étude
des propriétés de ce pigment jaune et les résultats de
Panalyse montrent que les pigments des divers genres
jaunes sont identiques. 4° On peut produire ce pig-
ment artificiellement en chauffant de l'acide urique en
tube scellé avec de l’eau à haute température. Le pro-
duit ainsi obtenu a été antérieurement décrit par
Hlasiwetz comme « acide mycomélique », mais l'au-
teur établit que la substance obtenue était en réalité
de Purate d'ammonium, coloré par un corps jaune,
probablement identique au pigment naturel. 5° L'iden-
tité des deux pigments — naturel et artificiel — est dé-
montrée par ce fait que, soumis à un même traitement,
ils donnent tous deux naissance à un dérivé pourpre,
qui à un spectre d'absorption très net et facile à iden-
tifier. 6° Le jaune artificiel n’a pu être obtenu à l’état
pur, mais il à été amené cependant à un degré de pu-
reté suffisante pour présenter nettement toutes les pro-
priétés du pigment naturel, 7° Le pigment naturel est
certainement une individualité chimique. L'auteur en
discute la constitution probable. 8° La substance jaune
(« acide lépidotique») etune substance rouge qui lui est
étroitement apparentée constituent, à elles seules, toute
la pigmentation chimique des écailles alaires des Pié-
rides colorées, bien que des modifications puissent se
produire par des effets optiques surajoutés. Il n'est
pas question dans le mémoire du pigment noir qui se
retrouve aussi dans ce groupe. 9° Si ces dérivés de l’a-
cide urique se retrouvent chez toutes les Piérides, ils
semblent en revanche ne se retrouver que dans ce
groupe parmi les Rhopalocères. Cela permet de faire
l'intéressante observation suivante : lorsqu'une Piéride
imite (münics) un insecte d’une autre famille, les pig-
ments sont dans les deux cas chimiquement distincts.
Le cas est très net pour les genres Leptalis et Mecha-
nitis, 10° L'existence de pigments distincts des pig-
ments des écailles est pour la première fois signalée :
ils se trouvent, par exemple, entre les membranes de
Vaile et constituent dans certains genres la base de la
décoration, 11° Ce qui achève d'établir la nature
excrétoire du pigment des écailles, c’est qu'au moment
où les Piérides jaunes sortent de la chrysalide, elles
peuvent rendre par le rectum une certaine quantité
d’une substance jaune qui ressemble exactement au
pigment de l'aile.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
D° J. Larmor : Portée de la théorie de Wiener sur
la localisation au sujet de l’action photographique
des ondes lumineuses stationnaires. Dans son mé-
moire, l’auteur discute la théorie de Wiener .Com-
parativement à celle de Mac Cullagh. — D° Sidney
Young : Influence des volumes relatifs d’un corps à
l'état liquide et à l’état de vapeur sur la tension de va-
peur d’un liquide à température constante. L'auteur à
examiné la question étudiée par le P' Batelli qui, dans
ses recherches sur la tension de la vapeur d’un liquide
à une température donnée, en relation avec les vo-
lumes relatifs du liquide et de la vapeur, avait conclu
que la pression est d'autant plus élevée que le volume
du liquide est plus grand, Ces résultats opposés à ceux
obtenus par M. Ramsay et par l’auteur portent ce der-
nier à croire qu'il y a eu erreur d'expérience prove-
nant soit de la présence de l’air, soit de l’impureté des
liquides examinés. M, Sidney Young prouve, par ses
expériences faites sur l’isopentane liquide, bouillant à
28° et obtenu à l’état tout à fait pur, que la tension de
vapeur de ce liquide est tout à fait indépendante de la
relation qui existe entre les volumes de ce corps à
l’état liquide et à l’état de vapeur. — M. Burke fait
une communication sur l'hypothèse du Pr J.-J. Thom-
son relative à la phosphorescence du verre qui serait
due aux rayons cathodiques. Beccaria avait déjà ob-
servé que les ampoules de verre dans lesquelles on a
fait le vide devenaient lumineuses, lorsqu'on les bri-
sait, à l’endroit même où se produisait le choc ; il attri-
buait ce fait au choc de l'air contre le verre. Les
recherches du P° Thomson sur l'électricité et le magné-
tisme montrent qu'il est possible de trouver une relation
entre les faits et la théorie de Crookes se rappor-
tant aux effets lumineux des tubes de Geissler. L’au-
teur a toutefois remarqué que les phénomènes lumineux
se produisaient seulement lorsque le bris de lampoule
avait lieu par le choc d’un corps solide contre un
autre corps solide ; ce qui prouverait que ces phéno-
mènes résultent du choc des morceaux de verre les uns
contre les autres etnon du choc de l’air contrele verre.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
M. A.-P. Laurie : Etude sur la force électromotrice
des alliages dans un circuit voltaïique. Dans sa commu-
nication, l’auteur donne le résultat de ses recherches
sur la détermination de la force électromotrice de
seize alliages. Ses résultats confirment ceux obtenus
par Matthiessen. Dans la plupart des cas, l'addition d’un
métal à un alliage provoque le déplacement d’un des
métaux qui le compose. Ainsi le mercure décompose
l’alliage d’or et d'étain, et le zinc, ajouté à l’alliage de
cuivre et d’étain, déplace ce dernier, —MM. G. W.Mac
Donald et Orme Masson : Sur un produit obtenu par
l’action de l’acide nitrique sur l’éthylate de sodium.
D’après les recherches de auteur, le produit principal
qui résulte de cette création serait un corps de for-
mule : CH?AZ{0H2, corps cristallisé, fortement explosif,
insoluble dans l'alcool, mais soluble dans l’eau. On à
obtenu le sel : CH2A7{0‘Co. L'auteur croit que ces
corps proviennent de l'acide méthylènedihydroxynitro-
samine qui à pour formule : CH?[Az(Az0)0H 2. — M. w.
À. Bone et J.-C. Coin : Sur la combustion incomplète
de quelques gaz des composés du charbon. En faisant
détoner l’acétylène dans l'oxygène, les auteurs ont
trouvé que la décomposition se faisait suivant l’'équa-
tion :
2C2H2402—2C0+2C+2H2
Si l’on fait détoner un mélange de cyanogène et d'hy-
drogène dans de l'oxygène, on remarque un accrois-
sement considérable de pression en même temps que
du carbone est mis en liberté, Ilest à remarquer aussi
qu'il se forme, dans ce cas, du méthane et de l’acéty-
lène. La quantité formée de ces deux corps est d’envi-
ron 1,7 °%; la réaction a lieu par suite de l'union di-
recte du charbon et de l'hydrogène à la température de
la combustion. D'après plusieurs expériences, les au-
teurs croient pouvoir conclure que, si l’on opère la
combustion d’un hydrocarbure contenant » atomes de
carbone avec n atomes d'oxygène, la réaction qui se
produit peut être exprimée comme suit :
Cn He On= n CO + 2 H2.
M. W.-H. Perkin jun. F. R. S. : Sur les dérivés du té-
traméthylène. L'auteur a obtenu la tétraméthylène
amine :
CH2—CH2
CH Ên. Aus
18 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 2
en traitant par le brome ou la potasse l’amide de l'a-
cide tétraméthylènecarbonique. IL a obtenu également
l’hydroxytétraméthylène :
CH?—CH?
|
CH? - CHOH
en traitant le chlorhydrate de tétraméthylène amine par
le nitrite d'argent; le chlorotétraméthylène, par lac-
tion du pentachlorure de phosphore sur l'hydroxyté-
traméthylène. L'auteura étudiéaussi l’action du brome
sur l'acide tétraméthylènedicarbonique de formule :
CH?2-CH,.COOH
| |
CH?—CH.COOH
Cet acide, traité par un excès de brome, en présence du
phosphore, donne l’acide dibromotétraméthylènedicar-
bonique :
CH2—CBr.CO0H
|
CH2—CBr.COOH
qui, traité par l’oxyde d'argent, donne l'acide dioxy-
tétraméthylènedicarbonique :
CH?2—C(OH).COOH
| |
CH?—C(0H).CUOH.
Le même auteurdécrit aussi l'acide dibrompentaméthy-
lènedicarbonique
CH2—CBr.COOH
27 |
\ CH2—CBr.CO0H
et ses dérivés. — MM. A. V. Crossley et W. H. Per-
kin jun. F. R.S.: Etude des dérivés de substitution de
l'acide pimélique ; mode de préparation et les proprié-
tés de l'acide éthylméthylpimélique :
COOH.CH (Me) (CH2)3 CH (Et) COOH
et de ses dérivés, — M. Bevan Léon : Sur les dérivés
de l'acide butanetétracarbonique et de l'acide adipique;
l’auteur attribue à ces dérivés la formule suivante :
HOOC COOH
NCR—CH?—CH?—RCT
H00C/ NCOOH
CH
M. A. L. Stern : Contribution à la chimie de la cellu-
lose et principalement de l’action de l'acide sulfurique
sur la cellulose et les produits de substitution de ce
corps. — M. J.-J. Sudborough : Action du chlore sur
une solution d’aniline dans le chloroforme ; à satura-
tion, on obtient la parachloraniline, ladichloraniline 2.4.
et la trichloraniline 2.4.6, — MM. Francis R. Japp.
F. R.S. et B. Davidson : Condensation du benzyl et
de l'éthylmalonate: Par l’action de l’éthylate de so-
diur sur un mélange de benzyl et d’éthylmalonate, les
auteurs ont obtenu l’éther monoéthylique de l'acide
benzoyImalonique
COOC2HE
CH5—C(OH)—CH< .
( NCOOH
C5H5—CO
et l'acide désylènemalonique qui a pour formule :
C5H5—C—=C—(CO OH)?
|
C'H5—CO
Ce dernier, chauffé à la température de son point de
fusion, se décompose en acide carbonique et acide dé-
sylène acétique
CéHi—C=CH—COOH
|
C5He—CO
dont ils étudient les propriétés,
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE
Séance du 29 Novembre 1894.
1° SciENcEs puysiques. — M. Gustav Benischke
(d’Innsbruck) ? Rôle du condensateur dansles circuits de
courants alternatifs. — M. J. Finger : Le potentiel des
forces intérieures, — M, G. v. Georgievics : Sur la
nature de la teinture. L'étude de la coloration de la
soie par le carmin d’indigo a conduit l’auteur aux ré-
sultats suivants : 1° L’acide sulfurique, ajouté au bain de
teinture, a une double action; il met l’acide colorant
en liberté et employé en excès, il joue le même rôle
que le sel de cuisine dans la teinture du coton avec
les matières colorantes de la benzidine, 2° Le coeffi-
cient de partage de la couleur entre la fibre et la solu-
tion n’est pas constant et diminue quand la concentra-
üon augmente. La loi de Henry, développée par Van'’t
Hoff et Nerst s'applique exactement dans le cas étudié,
Le coefficient de partage est plus grand avec les colo-
rants basiques et faible avec des colorants salins; les
colorants acides occupent une place intermédiaire.
L'ensemble de ces faits conduit à envisager l’action de
Ja fibre sur la couleur comme une action chimique, —
M.J.Herzig : Sur la quercétine et ses dérivés (10°com-
munication). La substance regardée par Libermann et
Hamburger comme Ja tribromquercétine a pour for-
mule C'#H$Br?0? et doit être regardée comme la quer-
cétine bibromée. La quercétine tétraéthylée donne, dans
les mêmes conditions, un dérivé bibromé. — MM. KHer-
zig et J. Rellak : Action des alcalis sur les dérivés
bromés de la phloroglucine. Le brome donne, avec
la diéthyle et la triéthylphloroglucine, un produit de
substitution tribromé, remarquable par sa stabilité
vis-à-vis des alcalis. Dans la préparation de la diéthyl-
phloroglucine par la méthode de Will Albrecht, il se
forme une quantité abondante de phloroglucide, —
M. Ernst Rosthner : Sur l’oxyde d’éthylène.
29 SCIENCES NATURELLES. — MM. Hilber et Richter sont
chargés de diriger des excursions géologiques, l’un
dans la Turquie d'Europe, l’autre dans la Scandinavie,
Séance du 8 Décembre 1894.
M. le Président annonce la mort de M. Cajetan v.
Felder, membre de l’Académie, survenue à Vienne le
30 novembre,
4° Sciences PHYSIQUES. — M. Karl Brunner : Forma-
tion de l'acide propyltartronique à partir du dibutyryl-
dicyanure, Le nitrile de l’acide butyrique normal est
transformé par l'acide sulfurique en deux amides :
l'un est identique avec celui de Maritz et fond à 107 ;
l’autre fond à 150° et possède un poids moléculaire
double du premier. Bouilli avec la potassé alcoolique,
le cyanure donne l'acide propyltartronique qui perd de
l'acide carbonique à 140-150° et fournit l'acide oxy-
valérianique, Le nitrile de l’anhydride isobutyrique
fournit aussi deux amides distincts et permet d'obtenir
l'acide isopropyltartronique décomposable en donnant
l'acide a-oxyisovalérique. L'auteur discute le méca-
nisme de ces réactions el propose des formules pour les
cyanures dimoléculaires, — M, Edouard Hübner :
Distillation des sels de chaux de quelques acides éthers
de la série aromatique. L'auteur à généralisé les résul-
tats signalés par Goldschmiedt et ses élèves et reconnu
que la position relative des groupes éthéré et carboxyle
est sans influence sur la marche de Ja réaction. —
M. Pomeranz à préparé l’éther phénylique de lal-
déhyde glycolique par l’action du monochloracétal sur
le phénolate de sodium et décomposition du produit
obtenu par HÉSO‘ étendu. Ce corps est, en dehors des
sucres et des corps chlorés, le premier exemple d’un
composé stable à la température ordinaire contenant
deux hydroxyles réunis au même carbone.
20 SCIENCES NATURELLES. — M. Gejza v. Bukowski
présente la deuxième partie de son travail sur la
« Faune des Mollusques dans l'ile de Rhodes »,
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
6° ANNÉE
30 JANVIER 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
LES HOVA DE
Les habilants de Madagascar n’ont jamais eu
d'appellation collective pour désigner la popula-
tion tout entière de l’ile. Les innombrables tribus
ou plutôt familles qui composaient cette popula-
tion, et que ne réunissait aucun lien politique ni
commercial, vivaient dans un isolement absolu et
ne se connaissaient point les unes les autres,
n'ayant entre elles d’autres relations que les razzias
et les pillages auxquels se livraient sans cesse les
voisins immédiats.
| C’est même assez récemment qu'un certain
nombre de ces familles se sont groupées dans un
but d'attaque ou de défense : la grande tribu des
Sakalava ne s’est formée que vers le milieu du
xvi siècle, celle des Belsimisaraka au milieu du
xvin°, et celle des Betsileo au commencement de
ce siècle. Quant aux habitants du centre de l'ile,
sur l’origine desquels je veux aujourd’hui donner
quelques renseignements, c'est Andrianampoini-
merina qui, Le premier, les a réunis en une nation
digne de ce nom. En 1787, lorsqu'il succéda à son
oncle, que ses sujets mécontents de son gouverne-
ment avaient déposé, il n’élait que l’un des nom-
breux petits chefs de l’Imerina et, comme tous ses
pareils, il ne commandait qu'à trois ou quatre vil-
lages; par son courage, par son intelligence, par
son esprit politique, on pourrait presque dire par
son génie, il a soumis à son autorité tous les autres
chefs de la région centrale et, en mourant en 1810,
il a laissé à son fils Radama [°° un royaume d’une
vaste étendue. Ce prince, qui hérita, en même
MADAGASCAR
chevaleresque et de ses qualités politiques, con-
tüinua son œuvre et la mena à bonne fin, plus vite
qu'il n’eût pu l’espérer, grâce aux conseils des
Européens. Il mourut en 1828, possédant la moitié
de l'ile et commandant au moins aux trois quarts
de la population totale.
I
En Europe, on donne le nom de Æova aux habi-
tants de l’Zmerina ou province centrale de l’île.
C'est une appellation erronée; leur véritable nom
est Antaimerinx où Ambanilanitra. Les Hova ne
sont que l’une des trois castes qui composent la
population de l’Zmerina *. Le nom d’Antaimerina ou
par abréviation #/erina veut dire les habitants de
l'Imerina (litt. : du pays nu, du pays où la vue
s'étend au loin); celui d'Ambanilanitra signifie les
hommes qui sont sous le ciel et vient de ce que les
habitants du massif montagneux se considèrent
comme plus près du ciel que les habitants des côtes.
Les Merina se: divisent en trois castes : les
Andriana ou les nobles, les Æova ou les hommes
libres et les Andevo oules esclaves. Ces castes n’ont
pas seulement une signification sociale, comme on
l’a cru jusqu'à présent, mais encore, comme mes
recherches me l'ont prouvé, uuesignification histo-
1 La reine Ranavalona re, ayant un jour reçu une
lettre d’un capitaine de navire portant la suscription
« S. M. Ranavalona, reine des Hova », sen montra très
blessée et ne parla de rien moins que de mettre à mort cet
impertinent qui ne la reconnaissait pas pour Reine de tous
temps que du royaume de son père, de sa valeur [ les Merina.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
2
\
50 A. GRANDIDIER — LES HOVA DE MADAGASCAR
LE ob RP TEE
rique etethnographique; en effet, les Andriana ou
nobles, qui se subdivisent en sept sous-castes 15
sont en réalité les descendants des immigrants ma-
lais;les Hova ou hommeslibres sont les descendants
deschefs des Vazimba quiétaientles premiers oceu-
pants du plateau central et qui, venus également de
l'Est, mais longtemps auparavant, appartiennent,
comme nous le dirons plus loin, à la race noire
indonésienne ?; les Andevo * ou esclaves com-
prennent, d'une part, ceux des Vazimba qui, après
avoir vécu côte à côte avec les immigrants malais,
ont fini par être soumis à leur autorilé dans la
seconde moitié du xvi° siècle par Andriamanelo, par
son fils Ralambo et par son petit-fils Andrianjaka,
d'autre part, soit des Malais et des Hova déchus de
leur rang pour crimes divers ou pour dettes, soil
des prisonniers faits dans les guerres avec les
autres tribus de Madagascar ou volés dans des raz-
zias, soit enfin des nègres africains apportés du
continent voisin et vendus par les Arabes. Il ne
faudrait pas croire que les deux premières castes se
soient conservées sans mélange; celle des Andrianä
cependant est encore assez pure, parce que les lois
interdisaient le mariage entre les femmes nobles
et les Hova sous peine de déchéance et d'expulsion
de leur famille et que les enfants d’un Andriana el
d'une femme hova suivaient la condition de la
mère. On peut même dire que les usages veulent
encore aujourd'hui non seulement que les gens de
1 Ces sept sous-castes sont : 10 l’Andriana par excellence,
ou le souverain, et sa famille proche, les Zanakandriana où
princes du sang: 20 les Zazamarolahy, qui appartiennent aussi
à la famille royale, mais sont à un degré plus éloigné du sou-
verain que les précédents; 3° les Zanakandriamasinavalona,
qui descendent d'Andriamasinavalona, roi ayant régné vers
1667: 4° les Andriantompokoindrindra (Mit. : les vrais maitres),
descendants d’Andriantompokoindrindra, qui, fils ainé de Ra-
lambo, était le roi légitime, mais qui céda la place à son frère
puiné Andrianjaka, parce qu’il préférait jouer au fanorona
(sorte de jeu de morelle) que de s’occuper des affaires publi-
ques; 5° les {ndrianamboninolona (litt. : qui sont au-dessus
des autres hommes); 6° les Andriandranando ; 7° les Zanakra-
lumbo. descendants du célèbre roi Ralambo par Andrianjaka,
qui régna au commencement du xvirt siècle. = Les trois
premières castes possèdent des menakely ou fiefs dont le sei-
gneur partage les revenus (hajia avec le souverain,
2 Les deux principales familles de la caste des Hova sont
les Tsimahafotsy et les Tsimiambolahy d'où sont sortis les
ministres de Ranavalona Ier et des dernières reines. On peut
encore citer celle des Za/fimbazaha qui a, parait-il, pour an-
cêtres mäles des naufragés européens. Celle des Tsiarondahy
est la dernière de toutes. Les formules de salutation ne sont
pas les mêmes pour les Hova que pour les Andriana : ces
derniers ont aussi le privilège de construire leurs tombeaux
d'une manière différente.
3 En réalité, le nom d’Andevo ne doit s'appliquer qu'aux
descendants des prisonniers de guerre ou des individus volés
dans les razzias; les Andriana ou Hova réduits en esclavage
pour dettes ou pour crimes ou par suite de Ja condamnation
à mort du chef de famille, qui entrainait la vente de la
femme et des enfants, s'appellent Zaza-Hova. Quant aux Afri-
cains amenés du continent parles Arabes, on leur donne le
nom de Masombika (Mozambiques; ; cette dernière catégorie
a été supprimée en 1877 par la reine qui a libéré tous les
esclaves venus d'Afrique.
caste différente ne s’entre-marient pas, mais même
qu'on ne cherche pas sa femme en dehors de son
clan et que les cousins épousent les cousines afin
de perpétuer les propriétés dans la famille. Aussi,
malgré la liberté extrême des mœurs à Madagascar,
les Andriana ont-ils pour la plupart le type malais
parfaitement caractérisé. :
Les Hova, qui sont, comme l'indique leur nom !,
les descendants des chefs des Vazimba qui occu-
paient le massif central avant la venue des Malais,
sont, au contraire, très mélangés ; en effet, les rai-
sons qui empêchaient l'introduction dans les fa-
milles nobles d'enfants nés de pères autres que des
Andriana, n'existaient pas pour eux, et les femmes
hova ne se faisaient point faule d'accorder leurs
faveurs aux Andriana, de sorte que, si l’on ne
trouve pas parmi eux de types malais dans toute
leur pureté, il y a cependant beaucoup de métis
qui en présentent cerlains caractères. En réalité,
comme nous l'avons déjà dit, les Hova appar-
tiennent à la race noire indonésienne, race qui a
peuplé l’ile entière el qui forme le fond de toutes
les tribus du centre, aussi bien que de celles de l'Est
et de l'Ouest, les chefs et les grands étant seuls
d'une race différente; car il est remarquable qu'il
n’y a pas une seule des tribus ou peuplades de
Madagascar dont les chefs ne soient d’un autre sang
que leurs sujets. Ce sont ces Hova qui sont cor-
véables à merci: descendant des vaincus, ils ont
été naturellement chargés par leurs vainqueurs,
les Andriana, de tous les travaux pour le service de
la Reine et du gouvernement ?.
Quant aux esclaves, qui forment une grande
partie de la population de l’Imerina, on retrouve
parmi eux, comme on peut le comprendre facile-
ment d'après l'énumération que nous avons faite
des éléments divers qui composent cette caste, des
types variés où les sangs jaune, mélanésien, afri-
cain et même blanc se confondent dans des pro-
portions très variables.
Il
A la suite de ces renseignements généraux sur
l'origine des habitants de la province centrale, il
n'est pas inulile de dire quelques mots de leur ca-
ractère, car on a porté sur les Merina (+w/go Hova)
des jugements contradictoires; certainsauleurs les
1 Le mot d'Hova signifie chef dans les tribus d'origine
indonésienne et non point roturier, comme on le dit toujours ;
dans l’Imerina, il est aujourd’hui synonyme d'homme libre.
2? La corvée, qui est en somme très dure à Madagascar, est
toujours obligatoire et gratuite. Tout homme libre (Hova) y
est soumis etil ne recoit aucune rémunération pécuniaire, ni
vivres, ni vêtements. L'un d’eux se fait-il remarquer par son
habileté dans un métier quelconque, il est de suite contraint
à travailler gratuitement, durant toute sa vie, pour le souve-
rain, — Les nobles des rangs inférieurs sont aussi astreints
à quelques travaux publics.
2]
k
b
F
ds
on
1
,
dépeignent sous les couleurs les plus noires et
les représentent comme ayant tous les vices que les
hommes, tant civilisés que barbares, ont pu inven-
ter depuis la création du monde; d’autres, au con-
traire, leur prodiguent les louanges et leur prêtent
une foule de qualités. Je ne surprendrai personne
en disant que ni les uns avec leurs éloges outrés,
ni les autres avec leurs critiques acerbes n'ont
pleinement raison, quoique tous exposent leur opi-
nion en toute sincérité. La raison de ces jugements
si différents n’est pas difficile à trouver; en etfet, la
plupart des Européens qui ont voyagé dans l’Ime-
rina ou qui y ont résidé, ont conservé une rancune
très compréhensible contre les chefs et gouver-
neurs Merina si hypocrites et si intéressés, quileur
ont à tout instant barré la route ou qui les ont
empêchés de se livrer tranquillement et fructueu-
sement à leur industrie et à leur commerce; il en
est aussi qui, nouveaux venus dans ce pays encore
barbare et ne pouvant par conséquent se rendre
compte des progrès déjà accomplis, établissent
entre les Merina et les peuples civilisés qu'ils vien-
nent de quitter une comparaison naturellement
toute au désavantage des premiers. Les autres, au
contraire, généralement des missionnaires établis
depuis longtemps dans l’Imerina, qui n’ont avec
ses habitants que des relations amicales et désinté-
ressées et non commerciales, et qui ont reconnu
en eux une intelligence remarquable et un fonds
de qualités sérieuses, les ont pris en amitié et se
sont attachés aux enfants et jeunes gens qu'ils
catéchisent et instruisent et qui semblent leur
témoigner une affection et une reconnaissance
plus extérieures que réelles, mais en somme assez
touchantes, quoique peu solides et peu durables;
ces missionnaires ont tout naturellement sur les
Merina une opinion très différente de celle des
voyageurs et des traitants.
Le caractère des Merina (vw/yo Hova) est, en
réalité, difficile à saisir et, à plus forte raison, à
définir. Personne ne peut nier qu'ils ont des dé-
fauts ou même des vices, mais ces vices sont, pour
la plupart, inhérents à l’élat social dans lequel ils
vivent depuis des siècles et non à leur nature propre:
il faut, en effet, ne pas oublier que des siècles de
tyrannie les ont faconnés à l’hypocrisie, au men-
songe et à l’avarice; qu'obéissant à des chefs dont
le bon plaisir était la seule loi et réduits à une
servitude des plus oppressives, ils ont naturelle-
ment toujours dû chercher à sauvegarder leur vie
par tous les moyens possibles, enfin qu'ils étaient
régis jusque tout récemment, un quart du siècle au
plus, par les superstitions les plus fächeuses qui
leur laissaient toute liberté pour se livrer à leurs
. passions brutales. Quant à moi, je ne puis m’éton-
:
cf
ner que, vingt-cinq ans après la suppression des
re
r
ce
ot
A. GRANDIDIER — LES HOVA DE MADAGASCAR 51
Ody (talismans), du Sikidy (sorte de jeu au moyen
duquel on disait la bonne aventure), des jugements
de Dieu par le Tangena, etce., les Merina aient
encore les vices dus à leur ancien état social; on
ne peut pas demander à un jeune homme qui,
en 1869 — date de la conversion de la Reine et de
sa Cour au christianisme, — était âgé d'une ving-
taine d'années par-exemple, et qui par consé-
quentavait déjà vécu de laviedes razann (ancêtres),
— d'avoir aujourd’hui, à 45 ans, dépouillé le vieil
homme et renoncé aux passions dont l’assouvis-
sement a été plus que partout facile et général.
Ce n'est point en quelques années qu'on modifie
le caractère de tout un peuple; le milieu dans
lequel ils ont vécu, l'hérédilé morale, qui a son
rôle incontestable, la forme tyrannique du gou-
vernement ne permettent pas d'espérer qu’un
changement complet puisse se produire avant
que plusieurs générations se soient succédé ; mais
ceux qui, comme moi, ont vu s’accomplir cette
intéressante et très importante révolution reli-
gieuse, ne peuvent nier qu'un premier pas, le plus
difficile, a été fait dans la voie du progrès et que,
si les Merina (vw/go Hova) ont encore aujourd’hui
les mêmes défauts qu'autrelois, je ne dis pas les
mêmes vices, puisqu'ils sont la conséquence de
leur état social, ils s’en cachent dans une certaine
mesure el, par leur attitude même, rendent hom-
mage aux vertus que les missionnaires sont venus
leur prêcher et dont ils reconnaissent par consé-
quent la valeur. Je suis persuadé que, — malgré la
vanité quelque peu enfantine des Merina (vwlgo
Hova) et leur outrecuidance, que les Européens
trouvent avec raison fort solte, mais qui n'est
que le résultat de leur ignorance et de leurs su-
perstitions, — ils n’en sont pas moins en cemoment,
de tous les Malgaches, les seuls susceptibles de
devenir, sous une direction prudente et éclairée,
une nalion réellement digne de tout notre intérêt,
Les Merina (vulgo Hova) ont la physionomie
presque toujours placide et plutôt agréable, la voix
douce, les gestes efféminés. Ils sont gais et polis ;
ils sont hospitaliers ; dans leur vie quotidienne
ils paraissent bons et simples, quoique fort dissi-
mulés et très rusés, mais ils deviennent cruels
par superstition ou par intérêt. Victimes, comme
tous les barbares, de la force brutale et d’une ex-
ploitation éhontée, contraints, ainsi que nous l’a-
vons déjà dit, de dissimuler leurs sentiments per-
sonnels, souvent sous peine de perdre la vie, ils
n'ont pas et ne peuvent pas avoir les notions de
justice, d'honnêteté, d’humanilé qui forment la
base de notre sociélé ; aussi n’ont-ils ni probité,
ni moralité, et, quoique pleins d’amour-propre,
sont-ils dépourvus de tout sentiment de dignité
personnelle; car la fourberie et le mensonge ne
sont point, à leurs yeux, des vices qu'il y ait lieu de
flétrir et dont il faille se cacher, mais plutôt des
qualités dignes d’admiration, puisqu'elles sont
une sauvegarde de leur vie, comme le montrent,
du reste, plusieurs contes célèbres !. Ils sont
avides, et demandent sans honte; ce sont, pour
la plupart, des maîtres fourbes qui, une fois en
possession du cadeau convoité, exploitent sans
scrupule leur bienfaiteur et se font même gloire
d'abuser de la confiance qu’on leur témoigne. Ils
sont très sensuels.
Mais, après avoir énuméré les défauts des Me-
rina (vulygo Hova), il n'est que juste de recon-
naître qu'ils ont aussi des qualités: nous avons
déjà dit qu'ils élaient d'ordinaire doux et affables
dans leurs relations entre eux et hospitaliers; ils
aiment les enfants et respectent les vieillards;
ils ont des manières galantes avec les femmes,
qui, dit-on, savent aimer, et la jalousie n’est
pas dans leur caractère. Ils ont un vrai culte pour
leurs supérieurs et observent scrupuleusement
la discipline. [ls sont bons patriotes et, lorsqu'ils
partent en voyage, ils emportent souvent un peu
de terre prise dans le sol même de leur mai-
son natale, qu'ils se plaisent à regarder; ils ne
craignent pas tant la mort que de ne pas être en-
sevelis dans le tombeau de famille. Le respect
des ancêtres et des traditions nationales est un
des traits saillants et intéressants du caractère de
tous les Malgaches. Les Merina sont d’habiles
commerçants; très intéressés, ils sont, par contre,
laborieux, persévérants dans leurs entreprises et
économes. Ils sont d’un tempérament plus délicat
que les autres peuplades de l'ile, mais ils sont
plus adroits et plus spirituels. Ils sont sobres (à
l'exception de quelques grands personnages), pa-
tients et ne se plaignent jamais de leur sort. Ils
ne manquent pas d'un certain courage, et maintes
fois ils se sont fort bien battus ; Carayon raconte
que, dans le combat que nous leur avons livré à
la Pointe-à-Larrée, ils se sont bravement conduits,
lançant avec adresse et sang-froid leurs sagayes à
bout portant et laissant sur le champ de bataille
119 morts!
1 L'exemple leur venait souvent de haut. Le trait suivant,
peu connu, donne bien une idée de leur manière de penser
et de faire. En 1825, un peintre distingué de l'ile Maurice,
nommé Copalle, fut mandé à Madagascar pour faire le por-
trait de Radama [er moyennant une somme fixée d’un com-
mun accord à 1500 arrivant à Foulpointe, il
trouva une lettre de ce souverain qui ne lui Gfirait plus que la
piastres; en
moitié du prix convenu. Indigné de ce manque de parole, il
se préparait à retourner à l'ile Maurice, lorsque le gouver:
neur de Foulpointe, Rafaralahy, le voyant décidé à quitter
Madagascar, lui remit une seconde lettre datée du même jour
que la précédente, où toutes ses conditions étaient acceptées.
radama Ier avait pensé que probablement Copalle, ayant fait
le voyage, aimerait mieux encore toucher 750 piastres que ne
rien avoir du tout!
52 A. GRANDIDIER — LES HOVA DE MADAGASCAR
III
Les chefs Merina ont toujours fait preuve d'esprit
desuite dans leur politique, et dès longtempsils ont
établi dans leur pays un ordre social très supérieur
à celui des autres peuplades malgaches. C'est sur-
tout dans l’organisation intérieure de l’Imerina
que se révèle l'inégalité des races malaise et indo-
nésienne pure. En 1595, les Sakalava de la baie de
Saint-Augustin ont reçu la visite d’une floite hol-
landaise, sous le commandement de l'amiral Cor-
nélis de Houtman, et, depuis cette époque, il n’y a
eu guère d'années où de nombreux navires, sur-
tout anglais, ne soient venus mouiller sur cette
rade et n'y soient souvent restés plusieurs se-
maines. Fous les vaisseaux qui allaient dans l'Inde
ou qui en venaient, y relàchaient, en effet, pour s'y
ravitailler et surtout pour y prendre de l’eau: car,
jusqu'à ce siècle, dans toutes les longues traver-
sées, il fallait faire escale pour renouveler les pro-
visions de toutes sortes. Or, ces Sakalava, qui, de-
puis trois siècles, sont en rapports constants avec
des Européens, n’ont jamais témoigné le moindre
désir de se civiliser; ils sont aujourd’hui tout
aussi sauvages qu'ils l’étaient lors de la découverte
de l'ile, et les fusils, qu’ils ont possédés dès le mi-
lieu du xvu° siècle, ne leur ont jamais servi qu'à
piller et à razzier leurs voisins ou à tuer leurs
ennemis personnels. Les missionnaires catholiques
qui ont essayé soit à Baly, soit à Tullear, de les ci-
viliser, ont dû renoncer à leur œuvre charitable;
les Norvégiens, qui, depuis un quart de siècle, ont
établi en divers points de la côte occidentale des mis-
sions et des écoles, n’ont pas encore vu leurs efforts
produire le moindre résullat appréciable. Ce que je
viens de dire des Sakalava, qui sont avant tout des
pasteurs, s'applique aussi, quoiqu’à un moindre
degré cependant, aux peuplades de la côte orien-
tale avec lesquelles nous sommes en rapport de-
puis deux siècles et demi, et qui sont des agricul-
teurs. Au contraire, les Merina (vw/yo Hova), qui
n'avaient eu jusqu'à la fin du siècle dernier, aucun
contact avec les Européens, avaient déjà, à cette
époque, une organisation sociale remarquable.
Mayeur, le premier blanc qui ait pénétré dans l'Ime-
rina, en 1774, el qui avait fait auparavant, par
ordre du célèbre aventurier Benyowsky, plusieurs
voyages dans le nord et dans l'est de Madagascar,
raconte avec admiration qu'il a trouvé établies
dans celte province centrale de l’ile des indus-
tries intéressantes, dont les produits s'échan-
geaient sur des marchés tenus chaque semaine, à
des jours fixes, dans les divers districts. Ce n’est
pas, en effet, un spectacle banal dans un pays sau-
vage que de voir arriver de grand matin, les jours
de marché, des files interminables de piétons, la
L. MAQUENNE — ASYMÉTRIE ET FERMENTATION >3
plupart au pas gymnaslique, tous chargés de mar-
chandises diverses, tous pressés, les enfants eux-
mêmes portant une charge proportionnée à leur
_ force. Voici, du reste, ce que dit Mayeur, l'homme
… qui a le mieux connu Madagascar, dans le manus-
… crit où il relate son second voyage fait en 1777 :
- _« Les Européens qui n’ont fréquenté que les côtes,
auront de la peine à croire qu'il existe dans l’in-
- térieur de Madagascar, à trente lienes de la mer,
dans un pays jusqu’à présent ignoré, qu'envi-
ronnent de toutes parts des peuplades brutes et
sauvages, plus de lumières, plus d'industrie,
une police plus active, des arts plus avancés que
sur les côtes, dont les habitants sont cependant
en relations constantes avec les étrangers. Cest
cependant la vérité! — Aucun peuple, ajoute-t-il
plus loin, ne joint à plus d'intelligence naturelle
une plus grande aptitude au travail; les hova,
en effet, n'épargent pas leurs peines dans leurs en-
treprises agricoles ou commerciales, el ils y mon-
trent une constance inébranlable et une activité
incroyable, déployant un travail continu dans
une besogne ingrate et pénible, (elle que la culture
de leurs terres stériles. »
Dès que les Merina (vu/go Hova) ont été en rapport
avec les Européens, ils ont cherché de suite à les
égaler, à s’assimiler leur civilisation; il est vrai
qu'ils ont commencé par nous copier dans nos actes
extérieurs, comme aujourd'hui dans la religion, à
quelques exceptions, ils s’altachent plus aux pra-
tiques qu’à la morale elle-même ; mais ce désir de
nous imiter suflit seul pour montrer quelle diffé-
rence il y a entre eux el les autres tribus, qui n'ont
jamais convoité que nos marchandises. Certes, les
voyageurs ont souvent ri de ces Merina (Hova) qui,
ASYMÉTRIE ET
en portant notre costume, en imitant notre tour-
nure el nos gestes, croyaient s'être élevés au ni-
veau de notre civilisation: il n’en est pas moins
vrai qu'il y avait là une tendance intéressante. Ces
hommes si fins et si intelligents, mais ignorants,
qui se rendaient parfailement comple de la supé-
riorité des vazaha ou étrangers, et qui étaient dé-
sireux d'atteindre leur niveau, se sont demandé
quelle pouvait être la cause de la différence si
grande existant entre eux et nous, et, notre costume
étant ce qui les frappait le plus, ils l'ont aussitôt
adopté, pensant ainsi devenir nos égaux ; l'illusion
ne dura pas longtemps, et ils se mirent de nouveau
à chercher la solution du problème qui les intéres-
sait;ayantreconnu, après de longues délibérations.
que les bœufs seuls n'avaient pas de religion, ils se sont
décidés à se convertir en masse au christianisme
auquel, avec toute raison, ils ont attribué le déve-
loppement si étonnant de lacivilisation européenne.
Au point de vue religieux, ils en sont encore,
comme je l’ai dit, aux pratiques extérieures, et la
morale des prédications faites journellement par
les missionnaires n’a point eu sur leurs mœurs tout
l'effet que l’on pourrait désirer; le germe n’en est
pas moins déposé dans un terrain que je crois bon
et où il se développera, donnant, plus tôt peut-être
qu'on ne le pense, une ample moisson.
Un changement dans l’élal social des Merina (vw/yo
Hova), Lel que celui qui sera la conséquence naturelle
et heureuse de notre protectorat, amènera forcé-
ment une profonde etpromple transformation dans
leur état moral et dans leur caractère. au plus
grand bénéfice d'eux-mêmes et de notre pays.
Alfred Grandidier,
de l'Académie des Sciences.
FERMENTATION
A PROPOS DES RÉCENTS TRAVAUX DE M. EM. FISCHER
_ Tout le monde connaît aujourd'hui l'étonnante
fécondité du principe de l’asymétrie, introduit
dans la science par M. Pasteur, il y a cinquante
ans. Né de l'étude cristallographique des différents
acides lartriques, il conduisait, entre les mains du
Maitre, d’abord à la notion de l’hémiédrie non
superposable, qui permet de conclure de la seule
forme cristalline d’un corps à ses propriétés opti-
ques, puis, par une extension des plus hardies, à
cette admirable suite de recherches sur la vie cel-
lulaire qui constitue maintenant une branche toute
spéciale de la science et dont la portée est telle
- que l'imagination se refuse à en voir les limites.
4 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
:
Plus tard, entre les mains de MM. Le Bel et
van ’L Hoff, le mème principe, passant de la molé-
cule cristalline à la molécule chimique, devenait la
base de la stéréochimie moderne ; l’action élective
de la cellule vivante sur les corps asymétriques
permettait de dédoubler les racémiques de syn-
thèse et, en conséquence, de vérifier les prévisions
de la théorie; voici enfin que M. Em. Fischer, dont
les travaux sur la structure et la reproduction arti-
ficielle des sucres sont déjà connus de nos lecteurs !,
1 Voyez à ce sujet : Maquenne, {4 Synthèse des Sucres,
dans la Revue du 30 mars 1890, et diverses chroniques dans
les numéros du 15 avril et du 30 septembre 1890
2+
* nd — es wi La CCE
5 L. MAQUENNE — ASYMÉTRIE ET FERMENTATION
vient de signaler une nouvelle relation entre l’a- | et la dulcite
symétrie des ferments el celle des corps qui sont | 5 ou DE 5
sensibles à leur influence. CH20H—C—C — C—C—CH0H
IA ls
OH H H OH
L'asymétrie dont nous parlons ici est celle-là
même à laquelle M. Pasteur faisait allusion dans
ses premiers travaux, la même aussi qui s’observe
dans la formule stéréochimique d’un corps aelif, en
un mot celle qui résulte de la non-superposabilité
d'une molécule, cristalline ou chimique, à son
image spéculaire. Je distingue ici entre la molécule
chimique et la molécule cristalline, parce qu'il me
semble impossible que cette dernière subsiste
encore dans les vapeurs actives dont la densité est
normale et dont, par conséquent, les molécules
élémentaires sont libres, au même litre que chez
les gaz parfaits.
Dans la théorie de MM. Le Bel et van ‘t Hoff, il y
a asymétrie et pouvoir rolatoire toutes les fois que
la molécule renferme un atome de carbone lié par
ses quatre valences à autant d'éléments ou de radi-
caux monovalents distincts : c’est le cas de l'acide
lactique :
H
|
CO‘H=C-CH:,
of
et du propylglycol:
H
CHOC CHF,
DÉS
qui sont les plus simples de tous les corps actifs
connus.
Lorsqu'un tel corps exerce le pouvoir rotatoire
dans un sens, son symétrique l’exerce dans l’autre,
avec la même intensité ; par combinaison molécu-
laire, stable seulement à l’état solide, deux corps
opliquement inverses peuvent toujours donner un
racémique, inactif par compensation et dédoublable
en ses deux composants actifs; enfin, si la molé-
cule admet un plan de symétrie, il est toujours
possible d’y concevoir un arrangement atomique
tel que son image lui soit superposable : d'où l’exis-
tence d'une quatrième forme stéréochimique qui
reste inactive dans toutes les circonstances et ne
se laisse jamais dédoubler, quel que soit d’ailleurs
le nombre de groupes asymétriques présents dans
la molécule.
L’acide paratartrique
H H
| | l
CO?H—C—C—CO?H,
OH oH
en sont des exemples bien connus.,
Il existe donc chez les corps asymétriques : 1° un
nombre pair 2 n d'isomères actifs, formant #
groupes de deux termes optiquement inverses, l’un
droit et l'autre gauche; 2° » racémiques, corres-
pondant à chacun de ces groupes, et, enfin 3° un
certain nombre d'isomères inaelifs par constilu-
tion. Ceux-ci, de même que les racémiques, se dis-
tinguent aisément les uns des autres et de leurs
isomères actifs : leurs solubililés, leurs formes
cristallines, leurs températures de fusion, leurs
densités, ete., sont nettement différentes; mais les
inverses optiques se ressemblent à tel point, par
leurs propriétés physiques et chimiques, qu'il est
parfois diflicile de les caractériser autrement que
par le polarimètre ou le sens de leur hémiédrie.
C'est qu'en effet ils possèdent, l’un par rapport à
l'autre, la plus grande analogie de structure qu'il
soit possible de concevoir entre deux corps qui ne
sont pas identiques. Celle analogie persiste, aussi
profonde, quand on combine deux corps optique-
ment inverses avec une même substance inactive;
elle disparait, au contraire, ainsi que M. Pasteur
a fait voir dès 1848, quand on les unit à un pro-
duit actif quelconque : c’est ainsi que les tarlrates
droits et gauches de cinchonine, de quinine, de
strgchnine et de brucine, montrent des différences
notables dans toutes leurs propriétés, que le tar-
trate droit d'asparagine cristallise aisément, alors
que son isomère gauche resle loujours sirupeux,
que l’acide tartrique droit se combine seul au ma-
late d’ammonium, etc.
Ces faits résultent évidemment de ce que la plus
grande dissymétrie des molécules ainsi constiluées
rend alors leur configuration géométrique plus
dissemblable; il n’en est pas moins curieux de voir
qu'il y a là, entre un corps actif déterminé et les
deux inverses d'un autre corps également actif, une
sorle de choix, une vérilable élection, qui est sou-
vent assez nette pour permettre d'effectuer le dédou-
blement d’un racémique en ses deux composants.
Une distinelion du même ordre a été faite autre-
fois par M. Pasteur au sujet de l'attaque des corps
asymétriques par les micro-organismes : le Pericil-
lium glaucum, par exemple, détruit rapidement
l'acide tartrique ordinaire droit, alors qu'il respecte
l'acide lartrique gauche; il résulte de là que l'acide
racémique, combinaison équimoléculaire des deux
acides lartriques aclifs, prend sous son influence
un pouvoir rolaloire lévogyre. Le fait est, d'ail-
leurs, d'une grande généralité, et nombre de com-
:
!
i
TT TE
L. MAQUENNE — ASYMÉTRIE ET FERMENTATION 55
posés racémiques de synthèse ont pu être ainsi
dédoublés et caractérisés par les moisissures, sous
les seules conditions de pouvoir être atlaqués par
_elles et de ne pas entraver leur développement.
Les levures se comportent de même vis-à-vis
des sucres, et il y a déjà plusieurs années que
M. Em. Fischer a vu l'acrose ou lévulose racémique
prendre, pendant la fermentation, un pouvoir rota-
toire vers la droite ; par une étude plus approfondie
- de l’action des ferments sur les sucres, le même
auteur vient d'arriver à de nouvelles conclusions
plus précises encore et de nature, il nous semble,
à rapprocher l'asymélrie vitale, telle que la con-
çoil M. Pasteur, de l’asymétrie géométrique des
chimistes.
IL
On sait que, parmi les seize aldohexoses
CH 20° prévues par la théorie, onze sont aujour-
d'hui connues : ce sont la #annose, la glucose, la ga-
lactose. la qulose et l'idose ordinaires droites, leurs iso-
mères gauches et enfin la évlose dextrogyre. Les trois
premières, c'est-à-dire les trois hexoses naturelles,
sont seules fermentescibles ; or, si l’on se reporte
à leurs formules de constilution, il est facile de
voir que ce sont précisément celles qui offrent la
plus grande analogie de structure moléculaire :
on en jugera, d’ailleurs, par les schémas suivants,
qui expriment, dans la notation stéréochimique ac-
tuelle, la configuration des trois hexoses fermen-
tescibles :
H HOHH H H OH OH
ele Eeel
CH20H—C—C—C—C—CHO con 66 (cm0
(AE EM a
OH OH H OH = NOMOH EME
d. glucose d. mannose
HAOHMOHLE
lea
CH20H—C <g —C — CG —CHO
| le
OH # H oh
d,. galactose
MM. Fischer et Thierfelder concluent de là qu'il
doit exister, pour que la fermentation se déclare,
un rapport nécessaire entre la dissymétrie du
sucre fermentescible et celle des principes actifs
du ferment ; remarquant, en outre, que ces prin-
cipes actifs, de nature albuminoïde, dérivent sans
aucun doute d’hydrates de carbone naturels et
vraisemblablement de la glucose droite, ils n’hési-
tent pas à dire que la levure, à l'aide de ses éléments
dissymeétriques, attaque seulement les espèces de sucres
dont la structure géométrique n'est pas trop éloignée de
celle de la glucose ordinaire \.
1 Em. Fiscmer et THIERFELDER, Ber. der. deuls. chem. Ge-
sels., t. XX VII, p. 2036.
<
L'importance d’un pareil résultat n’échappera à
personne; cependant, on peut se demander, comme
à la suite des travaux de M. Pasteur sur le dédou-
blement des racémiques par les micro-organismes,
s’il est logique d'étendre à un phénomène d'ordre
vital, et par conséquent trop complexe pour être
analysé jusque dans ses détails, les considérations
d'ordre expérimental ou spéculatif, qui ressortent
des études stéréochimiques.
L'action des ferments, en général, n’a du reste
rien d’absolu : l'espèce de levure employée exerce
une influence notable sur les résultats : toujours
la galactose fermente moins activement que ses
isomères ; elle n’est même pas attaquée par le
Saccharomyces apiculatus, non plus que le sucre or-
dinaire ni la maltose ; on ne saurait donc accepter
la manière de voir de MM. Fischer et Thierfelder
qu'avec beaucoup de réserve, si elle n’était fondée
que sur l'étude de la fermentation alcoolique. Tout
au moins faudrait-il montrer, pour que cette opi-
nion acquit une valeur vraiment scientifique, que
les produits actifs indéterminés que sécrètent la
cellule vivante, jouissent encore, en dehors de
celle-ci, des mêmes propriétés et sont, comme les
substances simples de la série tartrique ou l’or-
ganisme de la levure entière, capables aussi de
faire un choix entre les différents isomères actifs
qu'on leur offre.
C'est ce que M. Em. Fischer vient d'établir dans
un mémoire tout récent, relatifà l’action des dias-
tases (invertine et émulsine) sur les glucosides #.
On sait que les sucres réducteurs C£Ht206 s’u-
nissent aux alcools de la série grasse, en présence
d’acide chlorhydrique, pour former des espèces de
glucosides que l’hydrolyse dédouble en leurscom-
posants, comme les glucosides naturels. Avec l’al-
cool méthylique, en particulier, la glucose droite
donne deux composés stéréo-isomères :
H—C—0CH3 CH*0—C=H
/ CHOH /CHOH
0 à (DÉBTERX
\ CHOH \ CHOH
CH et CH
|
CHOH CHOH
|
CH20H CH20H
qui possèdent à la fois les fonctions d'alcool,
d'anhydride et d’éther.
Le premier a été découvert par M. Fischer lui-
même, l’autre par M. Ekenstein; tous deux sont
cristallisés et, ainsi qu'on peut le voir au seul
examen des formules précédentes, ne diffèrent
chimiquement que par l'orientation des groupes
saturant le dernier atome de carbone, celui qui,
dans la molécule primitive de la glucose, portait
l Ber. der. deuts. chem. Gesels., t. XX VII, p. 2985.
/ Gil
56
la fonction d’aldéhyde. Appelons-les, avec M. Fis-
cher. « et£.
L'expérience prouve que l'invertine de la levure,
additionnée de chloroforme pour éviter l’interven-
tion des ferments organisés, dédouble le composé
« à la façon des acides, c’est-à-dire par hydrolyse
simple, en glucose et alcool méthylique. Le com-
posé É, dans les mêmes conditions, n’est pas alla-
qué, un mélange des deux ne l’est que partielle-
ment, — de même que les benzyl et glycérylgluco-
sides bruts, qui renferment à la fois les deux iso-
mères correspondant aux méthylglucosides zet f.
Les glucosides de la série gauche, c’est-à-dire
ceux qui dérivent de la glucose lévogyre, résistent
tous, ainsi que ceux que l’on obtient en partant de
la galactose, de la rhamnose et de l'arabinose.
L'émulsine présente des singularités du même
ordre et on la voit encore rester sans aclion sur les
alcoyliglucosides gauches ; mais, à l'inverse de
l'invertine, elle n'attaque, parmi leurs isomères
droits, que les composés de la série 6.
II
Il y a done, de la part de ces albuminoïdes sin-
guliers, — si sensibles et si altérables qu'on pour-
rait dire qu'ils sont presque vivants encore, —
une action élective semblable à celle que nous
avions reconnue plus haut entre corps aclifs cris-
tallisables ou entre ferments et corps fermentes-
cibles. M. Fischer en tire quelques indications sur
la structure moléculaire probable des glucosides
naturels : remarquant, par exemple, que la plupart
des glucosides aromatiques, salicine, coniférine,
arbutine ou autres, sont altaqués par l’émulsine
seule, il les range dans la série 6, c’est-à-dire les
considère comme présentant la même constitution
stéréochimique que le 8 méthylglucoside.
La lactose, qui est aussi dédoublée par l’émul-
sine, mais résiste à l'invertine, ferait partie du
__même groupe, tandis que la saccharose et la mal-
/
F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE
tose, sur lesquelles l’émulsine n’agit pas, seraient à
classer dans la série 4; enfin l’amygdaline, qui est
complètement hydrolysée par l’émulsine, mais ne
perd avec l’invertine que la moitié de son sucre,
sans dégagement d'aldéhyde benzoïque ni de for-
monitrile, aurait une structure intime plus com-
plexe que celle de ses congénères.
Mais ce ne sont là que des conséquences hypo-
thétiques et discutables, sur lesquelles nous n’in-
sisterons pas davantage, d'autant plus qu’elles s’é-
cartent de notre sujet. Le point capital de toute
cette étude est, à notre sens, le choix que font
entre elles les substances aclives de toute prove-
nance, spécialement celles qui ont pour origine
le protoplasma vivant. Ce choix n’est sans doute
qu'un cas particulier des phénomènes d'isomérie
dont on connait un si grand nombre d'exemples,
etilne serait pas impossible de rapprocher tous
ces faits des expériences de M. Menschutkine sur
l'éthérification des alcools primaires, secondaires
el Lertiaires; cependant, l’isomérie stéréochimique
étant celle qui s’observe le plus fréquemment chez
les principes organiques naturels, il nous semble
que c’est elle qui doit atlirer davantage notre at-
tention, toutes les fois qu'on à en vue quelque
phénomène touchant de près ou de loin à la vie.
Les dernières recherches de M. Fischer, suite
naturelle de ses admirables travaux surles sucres,
nous donnent l'explication rationnelle d’un cer-
ain nombre de faits restés jusqu'à présent dans
le domaine dela Biologie; c'est pour cette raison
que nous avons cru ulile d'en rendre compte ici.
Remarquons, en terminant, que cette explica-
tion, — entièrement fondée sur la notion d’asy-
mélrie, — confirme de la manière la plus heureuse
les idées que M. Pasteur résumail autrefois en ces
quelques mots caractéristiques : « La vie est dominée
« par des actions dissymétriques, dont nous pressentons
« l'existence enveloppante. » L. Maquenne,
Docteur ès-sciences, Assistant au Muséum,
LE ROLE DE LA SCIENCE
DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE
D'une époque à une autre, d'un lieu à un
autre, l'industrie agricole se présente sous les
formes les plus diverses. Ce ne sont ni les mêmes
produits, ni les mêmes méthodes de production. A
quoi tiennent ces différences? Au climat et au Ler-
rain cerlainement, mais aussi aux débouchés, qui
décident, en définitive, du choix des opérations et
de la manière de les conduire. La demande pro-
voque l'offre et lui sert de régulateur: sans ache-
teurs, la production s'arrête; elle s’accroit à me-
sure que le marché s'étend.
Il
Quand, dans la deuxième moitié du siècle der-
nier, Turgot cherchait à déterminer les causes de
la supériorité de la culture des environs de Paris
'
|
|
|
RSS NT EP AR NT UT
is
RE A ÉR den Dé D ES tt té ds D ds di en nd nt ne DS
ur celle du Centre, il n'en trouvait d’autre que le
oisinage de la Capitale. Suivant lui, les plaines
depuis Poitiers jusqu'à Angoulême, une partie du
Berri, de la Tourraine, du Périgord, du Quercy,
taient, certainement, au moins égales en bonté
ux terres des environs de Paris, et cependant elles
‘étaient pas exploitées de la même manière.
_« La raison s’en présente d'elle-même, disait-il,
c’est que les denrées n’y ont pas la même valeur. En
effet, malgré les entraves que notre ancienne police
mettait au commerce des grains, l'immense consom-
mation de la Capitale et la concentration des dépenses
dans cette partie du Royaume y a toujours soutenu un
prix un peu au-dessus du marché général pour les
consommateurs, et qui, pour les vendeurs, n'a pas été
au-dessous, pour que la culture par fermiers n’ait pu
Se soutenir. Dans les provinces méditerranées, au con-
- traire, le prix moyen pour les vendeurs a été cons-
tamment (rès inférieur au prix du marché général,
_ c'est-à-dire au prix commun de la Capitale et des ports.
Dès lors la grande culture ou cullure par fermiers n’a
pu s’y établir !, »
2
La grande culture, appuyée sur le régime du
fermage, caractérisait à ses yeux la culture riche;
le métayage, avec la petite cullure, élait le mode
d'exploitation des pays pauvres. C'était, du reste,
. l'opinion dominante de son temps, celle que déve-
. loppait, vers la même époque, Quesnay, le chef de
l'Ecole des physiocrates, dans les articles Grains
et Fermiers de l'Encyclopédie. Les pays de grande
. cullure passaient alors pour avoir le privilège de
l'assolement triennal, qui ne comporte qu’une
- sole de jachères sur trois: on y employait les che-
- vaux à la charrue, et l'entretien des moutons y était
- d’un usage général. Dans les pays de petite culture
- dominait, au contraire, l’assolement biennal, dans
- lequel les céréales allernaient d'année en année
avec la jachère; c'était le bœuf qui était occupé
aux travaux de l'exploitation, et on n’y rencontrait
pas de troupeaux. Et, entre tous ces éléments ca-
_ ractéristiques des deux types de culture les plus
répandus, passaient pour exister des relalions
étroites de cause à effet. C'était s'avancer bien
loin par voie de déduction, et le temps a infirmé
- plusieurs de ces opinions d’autrefois; mais la base
sur laquelle elles reposaient ne manquait pas
cependant de solidité. Les difficultés d’écoule-
ment des marchandises agricoles maintenaient
alors l’agriculture du Centre dans un état naturel
d'infériorilé par rapport à celle de l'Ile de France, à
condilions égales de sol et de terrain.
Sans doute, c'est le débouché qui agit sur le
choix des modes d'exploitation, et si l’on sup-
pose que les autres éléments du problème qu'il
“s'est posé sont égaux, c’est évidemment la consi-
kdération du débouché qui prime tous les autres.
1 Turcor. Lettres sur le commerce des grains,
F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE 57
Son action est incontestable, mais il est à remar-
quer que le débouché s’est généralisé et qu'il n'agit
pas de même dans tous les milieux.
Le débouché s’est généralisé: c’est le fait de l’ac-
croissement de la population et du perfectionne-
ment des voies de communication ainsi que des
moyens de transports.
Le voisinage d’un marché n’a plus les mêmes
avantages qu'autrefois, ce n’est plus un obstacle
insurmontable que celui des déplacements de mar-
chandises ; souvent on a répété que les distances ne
comptentplus,c'estune exagération. Elles comptent
encore, et beaucoup pour quelques produils; mais
elles comptent de moins en moins pour le plus
grand nombre. S'il y a profit à être rapproché d'une
ville, iln’y a plus d’inconvénient aussi grand à en
être éloigné. La vente du lait en nature, la culture
maraichère, l'échange despaillesetdes fumiers,etc.,
supposent des centres de population peu éloignés,
bien que le rayon qui comporte ces opérations ait
pris une grande extension. Nos principales pro-
ductions agricoles, celles des céréales, des plantes
industrielles, de la vigne et du bétail sont mainte-
nant possibles partout chez nous. L'économie qui
peut résulter des nombreuses dépenses de trans-
port n’est plus rien, pour ainsi dire, à côté de celle
qui provient des facilités de la production. On ne
dédaigne pas les bénéfices d’un emplacement
favorable, on s’en passe sans trop de peine. Les
campagnes les plus reculées ont accès au marché
général; il y a plus, tous les pays du globe s’y ren-
contrent en dépit des espaces qui les séparent,
En s'étendant, le débouché rend à chaque mi-
lieu ses avantages naturels. Aussi, pour s'expliquer
les différences des systèmes de culture, convient-il
de plus en plus de faire abstraclion des silualions
pour s'arrêter de préférence aux conditions de
climat et de sol. L'influence du débouché n’a rien
perdu de son importance, c’est toujours elle qui
domine la silualion, mais elle tend à s'exercer
indistinetement partout. De fonction variable, elle
se transforme ainsi en fonction fixe, plus ou moins
susceptible d'élimination.
Sollicitée par les demandes, favorisée par l’ac-
eumulation continue des capitaux, la culture se
transforme sans cesse, en modifiant ses procédés.
Ses changements ne lendent pas à des résultats
toujoursidentiques en apparence :ilsse manifestent
par des méthodes diverses appliquées à l’accrois-
sement de productions souvent étrangères les unes
aux autres. Dans leur évolution cependant, ils pro-
cèdent de principes généraux qui sont toujours
les mêmes, et reposent sur le développement con-
tinu des facultés productrices du terrain.
C'est de cette conception du progrès continu de
la fécondité du sol que dérive la théorie classique
58
r
de la succession des périodes culturales de Royer.
Dans l'esprit de son auteur, elle était destinée à
servir d'éléments à un mode d'estimation quasi-
mathématique de la valeur des propriétés fon-
cières ; ce n'était qu'un travail accessoire, c'est
cependant tout ce quiestresté du travail d'ensemble
dont elle faisait partie; on a oublié le reste. Pour
Royer, les terres les moins fertiles appartiennent
à la période forestière, et ne peuvent être utilisées
avec profit que par le boisement. Sous l'influence
de l'enrichissement graduel du sol occupé par des
essences de résineux ou de feuillus, à la période
foreslière succède, après un certain temps, la
période pacagère, qui conduit elle-mème à la
période fourragère. La rentrée des fourrages fau-
chables, avec la stabulation et la production du
fumier qui en sont les conséquences, prépare de
nouveaux progrès. On passe ainsi à la période
céréale et, grâce aux litières qui sont obtenues en
abondance, les ressources fertilisantes augmentent
rapidement, si rapidement qu’on finit par en être
embarrassé. Le blé serait exposé à la verse, si on
n'introduisait dans les rotations des plantes indus-
trielles, comme les oléagineuses et les textiles,
qui sont des plantes essentiellement épuisantes.
Leur intervention caractérise la période commer-
ciale, celle qui est la plus riche de toutes, — la pé-
riode jardinière, plus productive encore, ayant
une place à part.
Sous une apparence plus scientifique, le comte
de Gasparin s’est inspiré de doctrines analogues
dans sa classificalion des systèmes de cullure. Ce
sont pour lui les systèmes de culture qu'il appelle
physiques, ceux qui consistent dans l’utilisation des
produits spontanés du sol, sans qu'aucun effort ne
soil fait pour en accroître la masse, qui marquent
les débuts de la culture. A ce type appartiennent
le système des forêts et celui des pâturages. Au-
dessus de ces modes d’exploitation du sol, avec
lesquels la nalure agit seule, se placent les sys-
tèmes wndro-physiques qui se distinguent par l'appui
que prètent les forces mécaniques aux agents na-
turels de la production. La charrue y joue un rôle
de plus en plus important. Dans cette classe
rentrent toutes les combinaisons culturales à base
de jachère, depuis la culture intermittente ou cel-
tique, marquée par des cullures séparées par de
longs intervalles d'abandon du terrain à lui-même
jusqu'à la cullure normale classique, qui com-
porte un an de repos sur trois pour les champs
cultivés. L'emploi des engrais inaugure enfin une
ère nouvelle, celle des systèmes androcliques, les
plus avancés de tous. Ce sont lantôt les engrais
obtenus en dépouillant des surfaces abandonnées
comme des landes, des bois, des roselières, tantôt
des engrais obtenus sur les terrains mêmes sou-
F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE
mis à la culture, et, dans ce dernier cas, on se.
trouverait en présence des formules les plus
élevées de la culture de son temps.
On en était là en 1850. Le problème cultural
consistait à accroitre la fertilité du sol par l’aug-
mentation des fumiers produits sur place. On ne
cherchait pas ailleurs et on ne le pouvait pas,
parce qu’il n'y avait pas alors à compter sur les
matières ferlilisantes de l’industrie. Aussi, se dé-
baltail-on contre une siluation souvent insoluble,
et le progrès agricole semblait-il assez étroitement
limité. Ses horizons se sont depuis considéra-
blement élargis.
Au fond, l’évolution de l’industrie agricole est
guidée par une tendance constante à l’augmen-
tation des produits du sol, augmentation de ces
produits en nature, augmentation en valeur aussi.
C’est à la masse de marchandises que l’agriculture
met à la disposition de la société que se mesure sa
puissance ; c’est à son accroissement que tient le
développement du bien-être au milieu des popu-
lations rurales. Aussi est-ce dans le chiffre du
produit brut qu'on a cherché à trouver l'élé-
ment caractéristique des situations agricotes. C'est
P.C. Dubost, le regretté professeur d'économie
rurale de Grignon, qui, dans ces derniers temps, a,
rappelé l'attention sur cette donnée essentielle,
déjà signalée par Léonce de Lavergne. Selon lui,
il n'y aurait d'autre base rationnelle à une classifi-
calion des systèmes de culture ; elle fournit à coup
sûr un moyen de comparaison d’une valeur incon-
testable. ‘
L'évaluation des produits bruts d’une exploi -
talion rurale n'est pas un problème aussi facile à
résoudre qu'on pourrail être tenté de le croire.
M.E. Levasseur en à signalé les difficultés, en 18914,
dans une longue discussion à la Société nationale
d'Agriculture ; nous en avons nous-même, quelque
temps après, montré les complicalions à peine
soupçonnées, dans un mémoire publié dans les
Annales ayronomiques de M: P. P. Dehérain. L’éva-
lualion de la production totale de l’agriculture
française considérée dans son ensemble est bien
plus ardue encore. Quand on en a étudié et dis-
culé les bases, on ne peut s'étonner des différences
que montrent les tentatives d'estimation faites
isolément, alors même qu'elles reposent sur des
données à peu près identiques. À la veille de la
Révolution française, Dupont de Nemours portait.
à 4 milliards de francs la valeur lotale des produits
de notre agriculture; selon Lavoisier, qui n'était
pas seulement un chimiste éminent, mais qui était
aussi un économiste distingué, elle n’était que de
2 milliards 700 millions. D'après la statistique.
décennale de 1852, elle atteignait 8 milliards 700
millions, et cependant, en 1860, Léonce de Laver-
ouais -Aloé cat din motéréter as sé tn ÈS
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Ë
”
|
F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE 59
gne ne la fixait encore qu’à 5 milliards. Elle aurait
passé, d’après les slalisliques décennales, à 11 mil-
liards 600 millions en 1862 et à 13 milliards
400 millions en 1882. C'est là le dernier chiffre
officiel, mais un chiffre qui, pas plus que les pré-
cédents, ne saurait être accepté sans observation.
Les calculs de l'administration peuvent comporter
des oublis, ils comportent manifestement des
doubles emplois, dont l’éliminalion ramène les
chiffres officiels à un peu plus de 10 milliards seu-
lement. Enfin, suivant M. Le Trésor de la Rocque,
qui s'est attaché à arriver à un chiffre aussi précis
que possible, notre production agricole totale ne
serait pas moindre de 19 milliards. D'un auteur
à l'autre, les résultats obtenus varient du simple
au double.
Quelles que soient les divergences de chiffres
qu'on puisse relever entre diverses évaluations, l’ac-
croissement de la production agricole de la France
dans le cours de ce siècle esl évidente. Elle ressort
d’une manière précise des estimations même les plus
discordantes. Si son importance semble s’arrèter et
dévcroitre depuis quelques années, ce n’est pas
dans la diminution des produits en nature qu'il faut
en chercher la cause, mais bien dans la diminution
des prix.
IE
C'est jusqu'à présent sous la sollicitation de
débouchés toujours plus étendus que s’est accrue
la force productive de l’agriculture ; l’art de l’ex-
ploitation du sol a profité de toutes les améliora-
tions qui ont été apportées dans l'organisation du
mécanisme social : il a profité des progrès généraux
qui ont favorisé l’essor de toules lesindustries ; ila
profité enfin de l'application de méthodes cullu-
rales nouvelles qui, celles-là, sont exclusivement
dues aux recherches directes des cultivateurs et aux
découvertes de la science, dont la pratique réalise
chaque jour un bénéfice plus considérable.
L'agriculture a suivi le mouvement général qui
a amené des transformations continues dans tous
les milieux: mais elle ne s’est pas contentée de se
laisser entrainerparles événements, de céder à l'im-
pulsion qui lui venait du dehors ; elle a marché
d'elle-même et substitué peu à peu à ses procédés
anciens de nouveaux procédés plus perfectionnés.
Jamais, du reste, elle ne s’est désintéressée du pro-
grès, et, si on veut se donner la peine de regarder les
choses de près, on s'assure bien vite que la répu-
talion d'industrie roulinière, qui lui est conservée,
n'est nullement justifiée. IL y a des cultivateurs
arriérés, ce n'esl pas douteux, comme il y a eu
et comme il y a des industriels indolents; mais de
tout temps l'agriculture a compté des hommes
d'avani-garde qui ont tracé la voie à leurs succes-
seurs. Et si, à certaines époques, l’espril d’initia-
tive a pu paraitre sommeiller chez ses représen-
tants, il est à coup sûr maintenant aussi éveillé
que partout ailleurs.
L’agricultureestune dépendance étroite duclimat
d’abord et du sol ensuite; son aclion s'exerce par
la culture des végétaux et le soin des animaux. Ses
efforts en vue de l'augmentation de la production
ont porté à la fois sur le climat, sur le sol, sur les
plantes et sur les animaux.
Contre le climat l’homme n'a guère d'empire.
Ceserail lropavancer que de dire qu'il n’en aaucun.
Sans aller jusqu'aux cultures en serre ou même
sous abri, qui affranchissent les horticulteurs des
accidents météorologiques en leur permettant de
régler, comme à leur gré, la température et l’état
hygrométrique de l'air, les cultivateurs ne sont pas
absolument réduits à l'impuissance. On sait, par
exemple, comment, dans la vallée du Rhône nolam-
ment, ils savent se défendre contre la violence des
vents par des haies de cyprès; on sait comment ils
réussissent depuis quelques années à garantir leurs
cultures contre les effets du rayonnement nocturne,
au printemps, en usant des nuages artificiels. Ce ne
sont là, sans doute, que des procédés d’une appli-
cation restreinte, mais ce ne sont pas des procédés
à dédaigner. Les études de météorologie agricole
n’auraient-elles d’autre résultat que de mettre en
évidence les condilions atmosphériques que com-
portela réussite de certains végétaux, qu'elles pour-
raient éviter bien des fausses opérations. On a es-
sayé de les déterminer: il reste beaucoup à faire
utilement dans ce sens. Ce serait rabaisser Ja
science météorologique que de la ramener à une
simple question de prévision du temps: elle a bien
des phénomènes à nous expliquer, et chacune de ses
explicalions contribuera à rendre l'homme plus
indépendant du climat. S'il ne peut le modifier
que dans une faible mesure, il peut du moins l'uti-
liser plus complètement à son avantage.
Le cultivateur doit, malgré tout, se plier au
climat et se conformer, en règle générale au moins,
à ses particularités; son indépendance du sol est
beaucoup plus grande. 11 peut, à la rigueur, le
constituer lui-même, et c'est ce que font dans bien
des cas les jardiniers; mais c’est là un mode de
culture comparable à la cullure sous verre, qui
n’a pas d'application sur de grandes surfaces.
L'agriculteur ne va pas aussi loin, il sait cepen-
dant de mieux en mieux adapter le terrain à ses
besoins. Le bon aménagement des eaux, l'ameu-
blissement et l’approfondissement de la couche
arable, l’usage des amendements el des engrais
permettent d'opérer des transformations considé-
rables, qui se traduisent généralement par des excé-
dents notables derécoltes, quand ce n’est pas par la
A Ai nt.
60 F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE
mise en valeur de terres naturellement stériles.
De tous ces moyens d’aclion, le premier est le
plus anciennement connu, celui qui produit ordi-
nairement les résultats les plus remarquables.
L'origine des irrigations se perd dans la nuit des
temps. et leur pratique, qui a été partout en hon-
neur aux premiers àges des civilisalions, n'a jamais
cessé d’être suivie. L'eau est un des éléments essen-
tels indispensables de la végétation. Dans les ré-
gions brûlées par le soleil, elle produit des mer-
veilles ; sous des climats plus modérés, elle amène
souvent des résultats considérables. Quand on parle
d'irrigation, l'attention se porte immédialement
vers les contrées de l'Algérie, de l'Italie, de l'Es-
pagne et celles de nos départements méridionaux,
dont les arrosages ont fait la richesse. Pour ne pas
avoir, en général, des conséquences aussi impor-
tantes, d'autres travaux d'utilisation des eaux ont
permis des cullures très rémunératrices, qui n'ont
été possibles qu'après leur exéculion. Sans les
eaux qui les fécondent, l'emplacement qu'occupent
les riches prairies de la Campine belge serait aussi
stérile que les dunes qui l’environent. On ne trouve
guère en France de bons prés naturels sans arro-
sage, mème sous le ciel brumeux de la Brelagne ;
la culture maraichère ne peut s'en passer nulle
part.
L'eau, qui est un stimulant puissant de la végé-
tation, est aussi un auxiliaire de l'homme dans ses
travaux d'amélioration; c'est un agent souvent tres
économique de transport des particules terreuses.
On y a eu recours avec profil en plusieurs circons-
tances, et notamment dans la Crau, pour super-
poser à un sol ingrat une couche de terre fertile.
Si l’eau estutile en agricullure à plusieurs points
de vue, son excès est souvent nuisible, et son éva-
cualion rend parfois autant de services aux culli-
valeurs qu'en a rendus son adduction. C'est en se
débarrassant des eaux surabondantes qu'on à con-
quis au domaine agricole de vastes espaces sur des
marais, sur des lacs et jusque sur de véritables
mers intérieures. Les moëres et les watteringues
du Nord, les marais de la Vendée n'ont pas d'autre
origine. Il n’est personne qui ne connaisse les pol-
ders de la Hollande; bientôt, peut-être, le Zuyder-
zée sera en partie desséché et gagné à la culture,
comme l'a été déjà l’ancienne mer de Haarlem. De
simples assainissements de terres humides ne
peuvent provoquer des transformations aussi frap-
pantes, mais ils sont susceptibles d’être appliqués
à des étendues beaucoup plus considérables, et,
dans leur ensemble, les eflets n'en sont pas
moindres. Ce sont des opéralions qui ont pris,
depuis 1850 surtout, un très grand développemenL.
La productivité du sol lient à son élat d'humi-
dilé el au régime des eaux; elle lient aussi à son
état d’ameublissement. Jusqu'au commencement
de ce siècle, on ne l'attaquait que superficielle-
ment, et on né pouvait faire plus avec les instru-
ments dont on disposait. Les progrès de la méca-
nique, secondés par la substitution du fer au bois,
ont amené une révolulion complète dans les pro-
cédés de culture. Notre matériel agricole s’est
modifié etcomplété sous toutes ses formes; il per-
met maintenant d'aborder des entreprises impos-
sibles autrefois. À la conquête du sol en superficie
succède sa conquête en profondeur, qui étend
de plus en plus les limites de sa production en
augmentant la masse des terres mises à la dispo-
sition des plantes. c
La préparation du sol a pour complément sa
fertilisation méthodique. Les procédés plus ou
moins empiriques qui ont été longtemps en usage
disparaissent maintenant devant des procédés de
plus en plus ralionnels. Ce n’est pas de notre épo-
que qu'ont élé soupçonnés les lois de la restitu-
tion; on les a entrevues depuis longtemps, mais
on ne pouvait arriver à les formuler avec quelque
précision qu'à la suite de la découverte des pre-
miers principes de la Chimie moderne. Jusqu'à
Lavoisier, on était forcément réduit à des hypo-
thèses sur le phénomène de la nutrilion végé-
tale. Ses premières études ont élé mises à profit
par l’agriculture, et, déjà en 1800, on en prévoyait
les conséquences pratiques.
« L'analyse chimique des plantes, — lit-on dans le
traité de la culture des grains de Parmentier, écrit,
avec la collaboration de labbé Rozier et d’autres
agronomes de son temps, — démontre jusqu'à l’évi-
dence la plus palpable et la plus matérielle que l’on en
retire de l'air, de l’eau, de l'huile, des sels, de la terre,
Si ces substances existent dans la plante analysée, elles
existaient donc auparavant dans Ja terre et, en partie,
dans l'atmosphère, puisque c’est dans ces deux im-
menses réceplacles qu’elles ont végété. »
« Tout élait à apprendre », si l'on veut, mais le
problème élail bien posé et sa solulion se prépa-
rail. On y a travaillé sans disconlinner, on y tra-
vaille encore, et s'il reste bien des questions à élu-
cider, les plus importantes semblent tranchées. Le
sol est devenu ainsi une manufacture où s’élabo-
rent les matières fertilisantes qui lui sont confiées
et dont on est parvenu à escompter les rendements
probables avec une certaine approximation.
Les agriculteurs ont accru leur puissance sur le
sol, ils ont su aussi plier les végélaux et les ani-
maux à leur domination. Sous ce rapport, la période
qui a précédé la Révolution française, ainsi que
celie de la Révolution et de l'Empire, ont élé mar-
quées par des innovalions si considérables qu'elles
doivent être complées parmi les plus brillantes de
l'histoire de notre agriculture. C’est dans les der-
nières années de l’ancienne Monarchie qu'ont été
- introduites dans nos assolements les cultures dela
pomme de terre et des fourrages annuels, qui ont
. préparé l'avènement de la culture alterne, de la
- vérilable culture moderne. C’est de l'Empire que
date la culture de la betterave à sucre, qui est
_ devenue la base de toutes les combinaisons agri-
_ coles de la région du Nord; le colza n’a pris d’exten-
_ sion que depuis ce même moment. C’est pendant
cette longue période d'années de transition entre
le régime ancien et le régime nouveau, que s’est
._ faite la vulgarisation du mouton mérinos. Depuis
lors on n’a guère ajouté aux ressources acquises :
lenombre desplantes culturales, celui des animaux
domestiquesn’ont pas augmenté ;les moutons méri-
nos, les plantes textiles et oléagineuses sont même
en voie de diminution, mais plantes etanimaux con-
servés ont été grandement améliorés. De nouvelles
races de bétail, de nouvelles variétés végétales ont
été créées; l’art de la culture s’est avancé, la
zootechnie a pris naissance. À l'ère des inventions
a succédé celle des perfectionnements.
Ce qui complique la profession agricole, c’est
qu'elle s'exerce, non, comme les industries ordi-
paires, sur des matières inertes, mais sur des êtres
vivants, qu'il faut défendre dans la lutte pour l’exis-
tence contre des accidents et des maladies de
toutes sortes. Tant qu'on n'a pas su en discerner
les causes, il a été difficile de s'y soustraire ou d’y
porter remède. Les progrès de l’entomologie, de la
botanique cryptogamique, la création de la micro-
biologie ont assis la pathologie végélale etanimale
sur des bases solides. Des laboratoires, les procé-
dés curatifs passent rapidement dans la pratique,
et l’agriculture y gagne une grande confiance dans
ses forces. È
III
Si incomplète que soil cette revue des progrès
de l’industrie agricole, elle montre que l’agricul-
teur n’a cessé de devenir de plus en plus indépen-
dant des agents essentiels de la production. Il
subissait autrefois la situation que lui imposait la
nature, il tend maintenant à s’en affranchir et, s’il
y arrive dans une assez large mesure, c'est parce
qu'il connaît de mieux en mieux les éléments sur
lesquels s'exerce son industrie.
Certes, les généralions qui nous ont devancés
ont fait beaucoup, mais elles nous ont laissé beau-
coup à faire. C'était sur les résullats de Pexpé-
rience, transmis par la tradition, que reposaient
autrefois les progrès agricoles; c’est l'observation
voulue et provoquée, appuyée sur les doctrines
scientifiques les plus rigoureuses, qui leur sert
maintenant de base. Jamais, du reste, la sûreté des
méthodes n’a été plus nécessaire qu'à l'heure ac-
tuelle. Jusqu'à ces derniers temps, les prix des
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
F. CONVERT — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'ÉVOLUTION DE L'AGRICULTURE 61
| produits du sol les plus importants se maintenaient,
pour la plupart d’entre eux, si même ils ne s’ac-
croissaient; il suffisait de conserver la masse des
denrées obtenues pour maintenir sa posilion éco-
nomique. Mais à cet état de stabilité, sinon d'élé-
valion des valeurs, succède maintenant un mou-
vement de déprécialion qui tend à se généraliser
et qui inquiète, non sans raison, toutes les per-
sonnes qui vivent de l’exploitation du sol, que ce
soient de simples ouvriers, des fermiers ou des
propriétaires. Pour conserver les chiffres de leurs
recettes, il faut de toute nécessité qu'elles livrent
plus de marchandises au marché; elles n’ont à
compler, pour y arriver, que sur l'augmentation
des rendements. L'accroissement des produits
peut seul compenser la diminution de leur prix
de vente, et sauvegarder à la fois les intérêts de
l’agriculture et de la société; c’est le but qu'il faut
viser sous peine de déchéance et le but qu’on ne
doit pas désespérer d'atteindre.
Sans doute, on pourrait concevoir une autre
solution aux difficultés du moment, si on envisa-
geait l'éventualité de la réduction de la population
rurale. Il ne serait même pas impossible que la
situation des personnes qui continueraient à en
faire partie s'amélioràät concurremment avec un
abaissement de la production en nature ou en
argent; il suffirait, pour cela, que la diminution
des produits fût moins considérable que celle
du personnel agricole. Chaque individu pourrait
alors prélenüre à une rémunération supérieure
à celle qu'il reçoit aujourd'hui; son quantum de
rétribution augmenterait. Dans quelques cas par-
ticuliers, ce n’est pas autrement, d’ailleurs, que se
sont dénouées des situalions agricoles qui sem-
blaient inextricables. L'histoire de l'Écosse en
offre un exemple remarquable; alors qu'une popu-
lation trop dense pour les ressources du pays y
vivait péniblement, ses habitants, moinsnombreux,
y jouissent maintenant d’un certain bien-être avec
des systèmes de culture moins actifs et moins
pénibles ; les päturages ont remplacé les champs
de céréales. Peut-être, si on cherchait bien, trou-
verait-on à citer en France quelques faits du même
ordre. Après tout, l’idéal d’une industrie quelcon-
que est moins de nourrir beaucoup de personnes
que de bien nourrir celles qu'elle occupe. Mais
l'exode d’une partie de la population rurale,
qu'elle se produise vers les villes ou vers l'étran-
ger, ne serait pas sans présenter de très graves
conséquences, et ce n’est qu'à défaut de mieux
qu'on pourrait s'y résoudre. Tout commande donc
de chercher à augmenter la production, et si, pour
certaines denrées comme le blé, on semble appro-
cher du maximum de récolte que peut utiliser la
consommation, on n'est pas encore à prévoir le
93%
62 J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
moment où on atteindra certe limite pour d’autres
marchandises.
L'agriculture tend, par la force des choses, à
devenir de plus en plus scientifique. C’est de cette
constatation bien établie que dérive l’impulsion qui
a été donnée en France, depuis 1876, à l’enseigne-
ment agricole sous toutes ses formes, depuis l’ensei-
gnement supérieur, nécessairement réservé à une
élite, jusqu'à l’enseignement élémentaire, acces-
sible à tous. Son organisation fait honneur aux
hommes qui en ont eu l'initiative; mais c'est dans
son utilité qu'il faut en chercher les causes pre-
mières. Les diverses institutions qu'il comporte,
issues des circonstances, ontété créées d’abord et
servies ensuite par des esprits dévoués qui ont été
des premiers à avoir foi dans leurs résultats.
La variété des connaissances scientifiques qui
intéressent les agriculteurs ne laisse pas que
d'être embarrassante. Si elle donne un grand at-
lrait aux études techniques, un attrait qui attire
de plus en plus vers elles la jeunesse studieuse, la
tâche qu'elle impose n’est pas moins ardue. El la
science marche si vite que ceux-là mêmes qui ont
pu se mettre au courant de ses données essen-
telles sont forcément débordés un jour ou l’autre
par ses progrès. Il n’y a plus à penser à suivre ses
modifications continues dans ses mulliples bran-
ches; l'intelligence la plus remarquable n'y réus-
sirail pas. On n’est pas à la fois ingénieur, méca-
nicien, chimiste, naluraliste, économiste, et on ne
peut pas l'être. Aussi a-t-on dû multiplier les éta-
blissements de recherches scientifiques pour per-
mettre aux cullivateurs de venir y puiser les
indications dont ils ont besoin pour la bonne
direction de leurs affaires, et ce ne sont pas les
praticiens les plus instruits qui en profiteront le
moins. Plus on sait, plus on éprouve le besoin de
savoir et d’avoir recours aux lumières des autres,
mieux on est placé pour en profiter. De toutes
nos industries il n’en est pas qui, plus directe-
ment que l’agriculture, n'ait à faire appel à la
science dans ce qu'elle à de plus général et de
plus élevé.
F. Convert,
Professeur d'Economie rurale
à l'Institut National Agronomique.
REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE :
I. — ANATOMIE CÉRÉBRALE.
Nous inaugurerons celte revue de Psychologie
physiologique en appelant l'attention sur les plus
récentes théories de la structure et des fonctions
du cerveau. Il y a quelques années, Turner (Edim-
bourg) et Waldeyer (Berlin) avaient montré l'im-
porlance d'une étude, plus approfondie et vraiment
1 En raison de la place nouvellement prise, dans le do-
maine desconnaissances positives, par la psychologie physio-
logique, cette science, — qui était déjà représentée dans la
Revue par des articles variés, — y sera désormais, indépen-
damment de tels articles, l'objet d’une revision annuelle.
Cette étude, s’inquiétant moins des menues acquisitions de
la science que du sens général des résultats, s'attachera sur-
tout à donner la synthèse des travaux récents et à en indiquer
l'orientation. Limitée à l’évolution contemporainede la psycho-
logie physiologique, elle laissera complètement de côte,
comme étant en dehors du programme de la Revue, la partie
métaphysique de la psychologie. Les deux parties, — positive
et métaphysique, — sont aujourd'hui tout à fait indépen-
dantes l’une de l’autre : correspondant à des besoins diffé-
rents de notre esprit, elles se posent des problèmes différents,
recourent à des méthodes diflérentes, et, tout en se servant
quelquefois des mêmes termes, ne parlent pas la même langue.
C’est ainsi, par exemple, que la conception des facullés de
l'âme, dont s’occupe la psychologie métaphysique, n’a aucun
sens en psychologie physiologique. Conformément à cette
distinction, c'est du point de vue de la science positive que
seront examinées ici les questions de psychologie. L'interpré-
tation métaphysique des faits observés échappe à la compé-
tence de la Revue.
La DirEcrIoN.
philosophique, de la morphologie des circonvo-
lutions cérébrales, non seulement pour la Physio-
logie el la Pathologie, mais pour la Psychologie.
Turner avait divisé le cerveau añtérieur des animaux
inférieurs en manteuu (pallium) et en rhinocephalon,
auquel appartient, par sa partie inférieure, la fossa
Sylvi. His, estimant que les anciennes divisions du
cerveau antérieur el du cerveau postérieur devaient
être réformées, vient de proposer une nouvelle
classification ! où, en dépit de l'opposition du cer-
veau proprement dit (comprenant Le cerveau anté-
rieur, intermédiaire et moyen) et du cerveau du
sinus où fosse rhomboïdale (Rhomenceyhalon), com-
prenant, avec le terriloire du pédoncule cérébelleux
supérieur, le cerveau postérieur el l'arrière-cer-
veau, on retrouve d'ailleurs toutes les grandes
subdivisions. His appelle Talamencephalon et divise
le cerveau intermédiaire en {halamus, metathala-
mus et epithalamus (ganglion habenulx, epiphyse) ;
il divise le cerveau des hémisphères en corps strié,
rhinencephalon et pallium.
Mais c’est Flechsig (Leipzig) qui, par le nouveau
principe de division de la convexité du cerveau
qu'il apporte, modifie le plus profondément les
idées analomiques et physiologiques reçues jus-
l His. Vorschlæge zur Eintheilung des Gehirns. Arch. f.
Anat. und Phys., 1894.
4
k qu'ici. La note préventive que ce savant vient de
… publier ! ne contient encore que de brèves indica-
veau antérieur des hémisphères doit être divisé en
centres de sensibilité et en centres d'association. Les uns
- et les autres ont sans doule des fibres d'association
À et des fibres calleuses; mais, seuls, les premiers
ont une couronne rayonnante, des faisceaux de
- projection renfermant des conducteurs centripèles
… et des conducteurs centrifuges : tels sont le faisceau
sensitif, la voie des pyramides, les radiations
optiques, le faisceau olfactif, le faisceau auditif, le
faisceau fronto-protubérantiel, le faisceau des
pédoncules cérébelleux supérieurs, etc. Ainsi, les
parlies postérieures des circonvolutions frontales,
les circonvolutions centrales, la sphère visuelle de
la scissure calcarine, la sphère auditive de la partie
postérieure de T,, la sphère olfactive du gyrus hip-
pocampi et de la partie inféro-postérieure du lobe
frontal, sont des centres de sensibilité, en rapport
avec la périphérie du corps.
Au contraire, les centres d'association n'ont point
de couronne rayonnante : ils sont exclusivement
associés à d’autres centres de l'écorce cérébrale et
doivent par conséquent avoir d'autres fonctions, dit
Flechsig, que celles des centres de sensibilité. Ils
forment quatre grands territoires strictement soli-
daires les uns des autres : le cerveau frontal anté-
rieur, le lobe temporal, l'insula, le lobule pariétal
postérieur. Les systèmes d'association qui réu-
nissent ces territoires à deux ou à un plus grand
nombre de centres voisins de sensibilité sont beau-
coup plus nombreux que les systèmes d'association
qui unissent directement les sphères sensibles
entre elles. -
Si l'on prend garde que ces derniers territoires —
les circonvolutions centrales, les sphères vi-
suelles, etc. — ne reçoivent pas seulement des
sensations de la peau, des muscles et articulations,
des rétines, etc., mais réagissent en déterminant
des mouvements appropriés des extrémités, du
tronc et de la face, des yeux, des paupières, etc.,
on inclinera à croire que chacun de ces territoires
corticaux possède son appareil moteur particulier,
au moyen duquel il incite les mouvements de
l'organe périphérique correspondant, mais ces
mouvements seulement, de sorte qu'il n'existe pas
en réalité une zone motrice, mais autant de zones
motrices qu'il y a de centres de sensibilité. Or, ces
voies nerveuses de projection n'appartiennent
point aux centres d'association, qui ne peuvent qu'in-
directement, par l'intermédiaire des neurones d’as-
sociation, exercer quelque influence sur les mou-
tions. Mais on y voit déjà que, d'après lui, le cer-
JS
1 Ueber ein neues Eintheilungsprincip der Grosshirn-Ober-
fläche. Neurol. Centralblatt, 1894, 674 sq. et 809. Cf., p. 807,
la Communication d'A damkiewicz.
cÈ
J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 63
vements. Ces centres d'association, incomparable-
ment plus développés chez l'homme que chez les
animaux, sont la marque la plus certaine de la
supériorité du cerveau humain sur celui des autres
Mammifères. Ces centres se sont formés aux dé-
pens de toutes les parties du cerveau. Ce sera
l’œuvre d’une histoire comparée du développement
cérébral de suivre, dans la série animale, leur
apparition successive, et d'acquérir ainsi une me-
sure exacte qu'il sera possible d'appliquer à la
comparaison du cerveau de l'Homme et des Verté-
brés en général.
Beevor et Horsley (de Londres), dans leurs
recherches expérimentales sur la zone motrice
corticale de l’Orang-Outan, chez lequel la distri-
bubon des centres fonctionnels du cerveau est la
même que chez l’homme, avaient aussi découvert
qu'il existe, dans la région motrice de ces anthro-
poïdes, des ilots corlieaux « complètement inexci-
tables » : ce fait leur avait paru, avec raison,
témoigner d'un degré plus élevé de développement
et de spécialisation fonctionnels.
C'est ce qui résulte encore de quelques considé-
rations aussi vraies que profondes de M. le Pro-
fesseur Pitres (Bordeaux) sur la nature des centres
corticaux du langage. L'étude des aphasies aura
plus contribué qu'aucune autre à nous révéler, en
même temps que les mécanismes de l'association
des images, la nature propre de l'intelligence. Les
vues très systématiques et très synthétiques pré-
sentées par M. Pitres au Congrès de Médecine in-
terne de Lyon (1894), sont au fond identiques à
celles de Flechsig. Les deux travaux ont d'ailleurs
paru presque en même temps, et la rencontre des
idées, comme il arrive souvent, me semble un sûr
garant de la solidité des doctrines. À propos de
l'aphasie sous-corticale, M. Pitres a montré ce qu'il
y à d’erroné dans la façon dont on conçoit généra-
lement les rapports des circonvolutions avec les
centres sous-jacents à l'écorce : On s’imagine à
tort, dit-il, que toutes les circonvolutions sont
reliées à ces centres par des faisceaux de pro-
jection directs passant par la capsule interne. Le
centre de Broca, par exemple, est surtout relié par
des faisceaux d'association aux autres centres, voi-
sins ou éloignés, de l'écorce cérébrale ; une infime
minorité de ses fibres traverse la capsule interne.
Le centre de Broca ne serait pas, par lui-même, un
centre moteur: lorsque ses lésions destructives ne
dépassent pas en arrière le sillon précentral, on
n’observe aucune paralysie de la langue, des lèvres,
du larynx, bref, des organes phonateurs, qu’il n'ac-
Lionne qu'indirectement. Une lésion destructive du
piedde la frontale antérieure (FA), où sont les cen-
tres de l’hypoglosse, du facial inférieur, du larynx,
du trijumeau, abolira au contraire les mouvements
64
J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
volontaires de la langue, des lèvres, du larynx :
c'est que ces centres ont des faisceaux de projec-
tion qui vont directement innerver les muscles
des organes auxquels ils se distribuent ; ce sont
les centres de sensibilité de Flechsig, expression qui
est au fond beaucoup plus exacte, on le sait, que
celle de centres moteurs. Au contraire, toute lésion
de déficit du pli de substance grise, comprisentre la
branche verticale de la scissure de Sylviusetlesillon
précentral, se manifeste par des altéralions qu'on
peut appeler, avec Pitres, purement psychiques :
perte des images phonéliques des mots, absence
d'incitalion psychomotrice, inertie consécutive,
sans paralysie vraie des organes de la phonation.
Quelle différence d'avecles phénomènes de para-
jysie glosso-labio-laryngée pseudo-bulbaire qui
suivent les lésions en foyer de la région capsulaire,
traversée par les faisceaux descendants de l'aire
corticale du facial et de l'hypoglusse ! La lésion de
cette partie de la capsule interne ne produit pas
plus de l’aphasie que celle des fibres de la partie
postérieure de cette voie nerveuse ne détermine
de la cécité ou de la surdité verbales. L'une pro-
voque des phénomènes de dysarthrie ou d’anarthrie
du langage, de l'hémiplégie, non de l'aphasie;
l’autre, de l’hémianesthésie, non, encore une fois,
de la surdité ou de la cécilé verbale. C’est que,
vraisemblablement, les « centres spécialisés » du
langage ne sont pas reliés directement par des
faisceaux de projection aux centres d'exécution
bulbo-médullaires. Qu'il s'agisse de l'articulation,
de l'audition ou de la vision des mots, les centres
respectifs de ces fonctions, F;, T;, P,, devront,
pour manifester leurs fonctions, emprunter le con-
cours des centres moteurs et sensoriels auxquels
ils sont associés par leurs faisceaux d'association.
Ces centres, que Pitres appelle des organes d’élabo-
ration psychique, et dont il met en lumière le ca-
ractère très élevé de spécialisalion fonctionnelle,
ne sont-ils pas les mêmes que ceux que Flechsig,
Beever et Horsley ont opposés aux centres de pro-
jection ? Ce sont bien des centres d'association. Et.
de fait, Flechsig n’a pas oublié de noter expressé-
ment que les centres du langage semblent tous
siéger sur des territoires limitrophes de ses centres
corlicaux de sensibilité el d'association.
L’écorce du cerveau n'étant un organe de repré-
sentations. et partant le siège de l'intelligence, que
parce qu’elle est un organe d'associations, suivant
la grande idée de Meynert, devenue aujourd'hui
le patrimoine des études d'anatomie et de physio-
logie du système nerveux central, tout essai de
démonstration des connexions cérébrales est en
même temps une tentalive d'explication des fonc-
tions de l'intelligence. C'est dans cet esprit que,
au cours d’un travail sur le Faisceau sensitif el sur
la Localisation cérébrale de la sensibilité générale 1,
nous avons écrit, au sujet des
ont leur origine dans les organes périphériques de
la sensibilité générale : « Mais les arborisations
terminales et les collatérales des prolongements
cylindraxiles des cellules des autres territoires de
l'écorce contractent sûrement des rapports de con-
tiguité, et partant fonctionnels, avec les éléments
nerveux des lobes frontaux-pariétaux, où rayon-
nent les fibres du faisceau sensitif. » |
Nous ne laisserons pas ces considérations d’ana-
tomie cérébrale sans rendre un légitime hommage
au magnifique ouvrage de M. le docteur Bris-
saud sur le Cerveau de l'Homme ?, œuvre d'art et
de science. Je ne connais aucune analomie du cer-
veau de l'homme qui ait jusqu'ici permis de péné-
trer aussi avant, etavec un guide aussi sûr, dans
le monde cérébral. Des esprits étrangers à ces
hautes études pourraient seuls méconnaitre Ja
portée philosophique et surtout psychologique
d’une lopographie du cerveau : ils ne sauraient
comprendre que la connaissance des foncelions du
syslème nerveux central n’a pu avancer et n’avan-
cera sûrement dans l'avenir qu'autant que l’ana-
tomie du névraxe a élé et sera plus avancée. La
doctrine moderne de l’hétérogénéité fonctionnelle
de l'écorce cérébrale n’a pas de plus sûr fondement
que la démonstration de l'hétérogénéité corres-
pondante de structure et de texture du manteau
des hémisphères. Si la physiologie expérimentale
el l'observation clinique ont quelquefois affecté de
ne relever que d’elles-mêmes et ont dédaigné l'ana-
tomie, ces velléités d'indépendance se sont bientôt
dissipées comme une courte ivresse. Si la considé-
ralion de l’élément anatomique ne saurait rien
nous apprendre sur ce qu'est en soi une sensation,
une image, un concept, il demeure constant que
toute représentation ou idée implique non seule-
ment l'existence d’un substralum anatomique,
mais varie avec l’élat de ce substratum, avec la
qualité et la quantité des éléments qui le consti-
tuent, à n'importe quel moment de la durée de ce
substratum, dans sa période d'évolution comme
dans ses phases d’involution. Si une fonction n'est
que l’aclivité d’un organe ou d'un groupe d'or-
ganes, il est incompréhensible qu'on prétende
étudier l’un sans connaitre l’autre, surtout quand
l'organe est connu ou peut être connu. Malheureu-
sement, le nombre est grand encore des psycho-
logues qui croient pouvoir se passer des données
de l'anatomie dans l'interprétation des fonctions
Revue générale des Sciences, 30 mars et 30 avril 1894.
E. Brissaup. Analomie du cerveau de l’homme, mor-
phologie des hémisphères cérébraux. À vol. in-4° dé texte et
un atlas in-folio. Paris, Masson, 1894.
1
2
territoires de .
l'écorce où se terminent les faisceaux nerveux qui |
du système nerveux central. Ces fonctions, ils
les considèrent comme des manières d'enlités
distinctes des organes, à la façon des spirites ou
des sauvages. Ils parlent ainsi d'intelligence, de
conscience, de volonté, elc., comme les docteurs
colastiques parlaient d'humanité et de pierréité
la remarque est de Spinosa). Que de physiolo-
sistes et de cliniciens eux-mêmes parlent encore
celte langue, et combien de philosophes, après
eux, cruyant avoir élé à bonne école, perpéluent
-ces erreurs en les vulgarisant dans les livres et
dans les cours! Je voudrais croire, mais je n'ose
l'espérer, qu'un ouvrage tel que celui de Brissaud,
… véritable monument élevé à la science de l’ana-
. Lomie du cerveau de l’homme, contribuera à ouvrir
une ère nouvelle dans la manière dont les psycho-
. logues étudient les phénomènes de l’innervation
- cérébrale.
II. — LE PROTOPLASMA ET LES FONCTIONS PSYCIIQUES
La question de l’origine et de la nature des phé-
nomènes psychiques est au fond réduclible à celle
_ de l’origine et de la nature de la vie. C’est le grand
mérite de la philosophie monisie des deux der-
niers siècles et du nôtre d'avoir cherché à sup-
primer l'opposition traditionnelle du corps et de
l'âme, de la matière et de l'esprit, pour les consi-
. Jérer comme les deux aspects d'un seul et mème
fait, comme l'apparence subjective el objective
d’un seul et même phénomène, comme les modes
- d’une seule et même substance, qui ne nous pa-
raissent autres que parce que nous les connaissons
différemment. Celte doctrine, exclusive du maté-
rialisme et du spiritualisme, et qui a définitive-
… ment vaincu l'antique dualisme, c'est le monisme.
Toutefois, c’est moins le monisme de Spinoza que
le monisme atomistique de Leibnilz qui domine au-
jourd’hui chez les naturalistes. Pour expliquer l’ori-
gine de la vie et deses propriélés psychiques, on a
dû étendre aux derniers éléments de la matière,
considérée comme la substance, comme l'être
unique et universel, les propriétés supérieures que
manifestent les êtres composés précisément de ces
mêmes éléments. Si l’agrégal est sensible, c'est
que la sensibilité élait en puissance dans les par-
lies qui le constituent. On incline donc à admettre
que loule malière serait, au moins en puissance,
capable de sentir, et que, dans certaines condi-
tions, cette sensibililé latente passe à l'acte. Cette
obscure tendance à sentir et à se mouvoir d’après
cerlains choix inconscients, se manifeslerait dans
les atomes, dans les molécules, et surtout dans les
plastidules, ou parties élémentaires du proto-
. plasma. Conçu de cette façon l'atome n'est plus
cetle masse solide et étendue (et pourtant indivi-
visible par définition) que les anciens philosophes
J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 65
—_——————————
ont admise par hypothèse. Puisque, en outre des
propriélés mécaniques, physiques, chimiques, les
dernières particules de la matière posséderaient
aussi des propriétés d'ordre biologique, telles que
celles de sentir, de percevoir et de se mouvoir, le
moyen de ne pas songer aux idées de Glisson sur
la vie de la nature et aux monades de Leibnilz?
Or, ce dynamisme ne serait que l'aspect subjectif
du mécanisme de la Nature. Car Leibnitz n'admit
jamais dans l’organisme l'existence d'un principe
contraire au mécanisme; il tenait que, dans les
corps, tout doit s'expliquer mécaniquement. Point
de corps sans mouvement; point de substance sans
effort : toute la Nature est pleine de vie. Ni force
plastique, niarchées ne sont donc nécessaires pour
animer le vaste mécanisme de l'Univers.
Or ces imaginalions ne sont pas des rèveries de
philosophes platoniciens ou panthéistes : parmi
ceux qui leur ont {trouvé quelque vraisemblance,
ou même davantage, les noms de Tvndall, de
W. Thomson, de Naegeli,de Zællner, d'Haeckel,de
Preyer, de Forel, de Luciani, etc., sont bien con-
nus des physiciens et des physiologisles.
Luciani (Rome) et, plus récemment, Auguste Fo-
rel (Zurich), pour ne rien dire d'un des derniers
essais de Haeckel (Téna) sur ce sujet, ont repensé
les mêmes doctrines en méditant sur les plus
grands problèmes de la vie et les propriétés psy-
chiques qu'on observe chez les ancêtres des Plan-
tes et des Animaux, comme chez les Invertébrés
ei les Vertébrés. Ces propriétés, à quelque degré
que ce soit, existant toujours el universellement
dans tout ce qui a vie, les fonctions psychiques
sont aussi inséparables du protoplasma que n'im-
porte quelle autre fonction biologique servant à
définir ce « complexus chimique moléculaire ! »,
Mais il en est de la nature des propriélés psychi-
ques, considérées dans leur essence, comme de
celle des autres propriétés de la vie : c'est là un
ordre de considérations qui, dépassant le domaine
de l'observation et de l'expérience, ne saurait être
objet de science; la critique de Kant l’a établi pour
tous les siècles. Aussi, Luciani ? applaudit-il au
triple principe de conservation introduit par
Preyer, c'est-à-dire au principe de conservation de
la vie, de la matière et de la force dans l'Univers,
considérées comme éternelles. Ce n’est pas le lieu
d'exposer les idées de Preyer à ce sujet; je préfère
insister sur les dernières théories des phénomènes
psychiques chez les organismes élémentaires.
L'étude des différents tropismes, c’est-à-dire des
PE ERP A PE PL PRET". à
1 Acex. Daxizewsxy, La substance fondamentale du pro-
toplasma et ses modificalions par la vie. (La Presse médicale,
1894, p. 107).
2 I Preludi della vita (Firenze, 1892) et Lo svolgimento
storico della fisiologia (Roma, 1894).
66
J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
changements de direction des mouvements déter- |
minés chez les plus anciens ancêtres des Plantes
et des Animaux, comme chez les Végétaux et les
Animaux eux-mêmes, sous l'influence des diffé-
rentes sources d'excilation — mécanique, physi-
que, chimique et physiologique — du milieu am-
biant, appliquée aux protoplasmas plus ou moins
différenciés, aux tissus, aux organes, aux appäa-
reils et aux systèmes, constitue le plus sûr fonde-
ment de la Psychologie physiologique. L'intensilé
de l'excitation étant connue, il est possible de
mesurer le degré d'excilabilité des différents êtres
vivants aux mêmes stimuli.
Or. ils’en fautbien, comme on devail le supposer
a priori, que le protoplasma soit uniformément
différencié et réagisse également aux mêmes
excitations. Certaines sensations des Vertébrés,
telles que l'audition et la vision, ne paraissent pas
mème exisler chez certains Protozoaires.Après Max
Verworn, Luciani écrit que rien n’autorise à croire
que le protoplasma des Amibes soit sensible à ce
que nous appelons les ondes sonores aériennes.
L'étude des organes des sens chez ces organismes,
dont quelques familles sont déjà pourtant très
différenciées, a montré que mème les Protozoaires
capables de distinguer les différences d'intensité
lumineuse, avec les longueurs d'ondes, ne, sau-
raient rien reconnaitre à distance. Les stimuli
acoustiques n'agissent que mécaniquement au
moyen de la transmission des vibrations commu-
niquées au milieu par les corps vibrants. Alors que
le phénomène de l'héliotropisme et du phototro-
pisme est si manifeste chez les Plantes et les Ani-
maux, et aussi chez les Bactéries et les Diatomées,
les Amibes rampent d’une extrémité à l'autre du
spectre solaire, du violet au rouge, du rouge au
violet, sans que la vitesse ou la direction de leurs
mouvements en soit en rien modifiée. La capacité
de sentir les rayons lumineux, et partant de réagir
à la lumière, résulterait donc d'une adaptation du
protoplasma à certaines condilions d'existence ". Il
est probable, d'ailleurs, que les réactions locomo-
trices notées chez les autres Protozoaires ou Proto-
phytes, voire chez les Plantes, chez les Invertébrés
et chez certains Verlébrés aveugles ou privés
d'yeux, dépendent bien moins de l'existence de véri-
tables sensations lumineuses ou chromaliques que
TT
1 Cf. pourtant Max Verworn, qui, dans la Physiologie gé-
nérale qu'il vient de publier (Allgemeine Physiologie, p. 389
et suiv., lena, G. Fischer, 1895), tient compte des dermatites
produites par les rayons chimiques de la lumière électrique,
se demande si toutes les formes cellulaires tenues jusqu'ici
pour insensibles à la lumière solaire ordinaire, ne réagiraient
pas à une lumière d’une intensité beaucoup plus élevée. S'il
en était ainsi, toute matière vivante réagirait à la lumière.
Le degré d'intensité nécessaire et suffisant pour cette réac-
tion différerait seulement avec les différentes formes de la vie.
des effets thermiques ou chimiques des ondes.
lumineuses. C'est, selon Forel, l'interprétalion la.
plus probable qu’on doive proposer des expériences
de prélendues perceptions dermatoptiques obser-
vées par Graber sur des lombrics décapilés, des ,
tritons aux yeux énucléés, des actinies, des Mol- .
lusques aveugles et des Protozoaires. Graber attri-
buait même à cette fonction la perception des
rayons ultra-violets chez les fourmis; on n'aurait
pu dire ainsi, avec Lubbock, qu'elles voyaient une
couleur que nous ne voyons pas. Mais ces sensa-
tions photodermiques, pour les appeler de leur
vrai nom, n'ont sans doule rien de commun avec
des sensations optiques. Outre qu’elles ne pour-
raient donner qu'une impression générale en rap-
port avec la nature différente de l'intensité et de
la qualité de la lumière, sans aucune notion de la
forme des objets, les faits observés s'expliquent
suflisamment par sensalions {actiles, par
celles de chaleur et de froid, de douleur ou de
plaisir !. Forel ineline pour des sensätions très
voisines de nos sensations thermiques, tout à fait
différentes de nos sensations optiques.
Il n'en reste pas moins que l'étude des phéno-
mènes de tropisme posilif ou négatif, de suspen-
sion ou d'arrêt des mouvements, de contractions
faibles ou fortes, partielles ou totales, du proto-
plasma amiboïde sous l'effet de stimulations efli-
caces, constitue un des plus solides fondements de
la Psychologie physiologique.
Une première induction légitime, qui résulle des =
expériences des physiologistes, c'est que les orga- .
nismes unicellulaires d’où sont sortis par diffé-
rencialion, au cours de l'évolution organique, les
Plantes et les Animaux, puisqu'ils réagissent à ces
stimuli, sont ercitables. Sont-ils sensibles ? Luciani ne
doute pas que les réactions motrices observées ne
soient « précédées el accompagnées » de processus
internes de caractère subjectif, c’est-à-dire psychi-
que. Ainsi, le caractère psychique des phénomènes
tropiques, positifs ou négalifs, se manifesterait
par des mouvements d'approche ou d’éloignement-.
de la sphère d’action des stimuli ufiles ou nui-
|
“4
les
sibles, et l'inversion de ces mouvements suivant le
degré d'intensité du même stimulus correspondrail
peut-être à des sensations « agréables » ou « désa-
gréables », encore que ces êtres courent souvent
à une mort certaine en s’empoisonnant avec des
substances qui leur sont funestes. N'importe; il en
va de même pour les organismes supérieurs, el ce
défaut d'adaptation n'implique pas plus l'absence
de caractère psychique de ces réactions chimio-
—————_—_—_—_—— _—_—_—_————….—…—…"…—…—
1 Foret, Expériences el Remarques critiques sur les sen-
salions des Insectes. Recueil zoologique suisse, IV, 145
et suiv.
CAS Co a Cl
UT E)
n 40 Lx (ON Er ee A0 +4
tropiques qu’il ne ruine le principe de la téléologie
mécanique. Un nouvel argument en faveur de la
nature psychique de ces mouvements, c’est que,
_ chez les Protozoaires, comme chez les Plantes
=
CT
;
*
et les Animaux, l’anesthésie chloroformique, par
exemple, suspend ou abolit la sensibililé.
Mais les mouvements réflexes et automatiques
des Protozoaires et des Protophytes, des Plantes
et des Animaux, dont la nécessité et la fatalité
organiques ne font point de doute dès que les
conditions internes et externes de leur production
sont réalisées, permettent-ils de conclure, comme
n'hésitent pas à le faire nombre de physiologistes,
qu'ils sont accompagnés de sensations et de per-
ceptions, voire de représentations, de conscience
et de volonté? « Nous affirmons, écrit Edouard
Heckel (Marseille), que certains végétaux présen-
tent des apparences de mouvements voulus, et la
volonté existe en eux certainement, si, comme
cela ne parait point faire doute peur certains
naluralistes, on discerne cette propriété dans les
mouvements complexes propres aux Infusoires. »
D'autres biologistes, tels que Luciani, après avoir
bien établi, il nous semble, que sensibilité et exci-
tabilité expriment la même chose considérée de
deux points de vue différents, si bien que ce qu'on
nomme excitabilité ou irritabilité n’est que l'aspect
objectif de la sensibilité, et que la sensibilité
est l'aspect subjectif de l'excitabilité, appellent
excitation et sensation l’état d'activité de ces
propriétés générales el fondamentales de tout
protoplasma vivant. Mais dire que les êtres ami-
boïdes, parce qu'ils ont des sensations, possèdent
« une âme », c'est-à-dire les propriétés de l’inner-
vation supérieure qui, chez les Mammifères,
servent à définir cel antique concept, n'est-ce
point abandonner le terrain solide de la science
expérimentale pour s’embarquer sur l'océan sans
rivage de la métaphysique? A quoi bon appliquer
ce vocable archaïque aux processus d’excitabilité
ou de sensibilité non seulement du protoplasma
des êtres amiboïdes, mais aux plastidules, molé-
cules vivantes dont ce protoplasma serait élémen-
tairement constitué?
Tout psychologue distingue un mouvement vo-
lontaire, c'est-à-dire un mouvement précédé d'une
représentation, d'un mouvement rétlexe et auto-
matique. L'apparence de la finalité intelligente
de ces derniers n’en impose plus à un esprit réflé-
chi. Si l'on parle de l « âme » des plastidules, de
l « àme » des Protistes et des Animaux, il faudra
parler de l’ « âme » des Plantes. Car la retraite
des vers de terre dans leurs galeries pendant le
jour et leur sortie le soir n’impliquent pas plus de
réflexion et de volonté que les mouvements nycti-
tropiques ou héliotropiques des Végétaux. Il est
J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
x
67
douteux que le ver distingue comme tel le jour de
la nuit, quoique ses ganglions cérébroïdes soient
particulièrement affectés par la lumière; mais l’en-
fouissement périodique dans son trou est, pour le
ver et pour son espèce, une condition de survie
absolue, puisque, autrement, les animaux diurnes le
dévoreraient. C'est là, Darwin le dit expressément
dans sa célèbre monographie, une « action d'ha-
bitude », issue de variations utiles, fixée par
l’hérédité et renforcée par la sélection.
De même, si les feuilles de beaucoup de plantes
se placent, la nuit, dans des positions très diffé-
rentes de celles qu’elles occupent dans la Journée,
le résultat de ce mouvement est la protection des faces
supérieures des feuilles contre les effets de la ra-
dialion nocturne. Les expériences de Darwin ont
montré que les feuilles qu'on force à demeurer
horizontales, pendant la nuit, souffrent beaucoup
plus de la gelée que celles qui peuvent prendre la
position verticale normale !. Le grand naturaliste
anglais en a-t-il conclu à une « âme » de la Plante
se protégeant efficacement par des mouvements
voulus, réfléchis et conscients? Non ; car il a vu les
feuilles de la plupart des plantes « prendre, le
matin, leur position diurne caractéristique, bien
que la lumière fût encore absente, et continuer à se
mouvoir selon leur habitude dans l’obscurité » : il
en a inféré que ces mouvements sont simplement
héréditaires comme ceux des vers de terre. De
même encore, si les folioles de certaines plantes
s'élèvent ou s'abaissent lorsqu'elles sont exposées
à un soleil brillant, c'est, dit Darwin « dans le bul
spécial d'éviter un éclairage trop intense ». « Il
est impossible, écrit-il ailleurs, si l'on examine
les plantes qui poussent sur un talus, ou au bord
d'un bois épais, de douter que leurs jeunes tiges
et leurs feuilles ne prennent les positions conve-
nables pour assurer à ces derniers organes l'éclai-
rage le plus complet et les rendre ainsi capables
d'opérer la décomposition de l'acide carbonique. »
Si la sensibilité géotropique de la plante, localisée
dans l'extrémité radiculaire, guide dans le sol la
radicule suivant les lois de moindre résistance,
cette sensibilité spéciale éveille bien, chez Darwin,
l'idée d’une comparaison avec les fonctions du
« cerveau d'un animal inférieur » : car le cerveau,
dit-il, placé à la partie antérieure du corps, reçoit
les impressions des organes des sens et dirige les
mouvements : iln’en conclut pas plus que Steiner,
Edinger, Ziehen ou Sachs ne l'ont fait pour le cer-
veau primitif des Poissons, des Amphibies, des
Reptiles, des Oiseaux ou des Mammifères, qu'une
« âme » habitel’extrémité radiculaire dela plante.
1 Ch. Darwin, la Facullé motrice dans les Plantes, p.286-
8, 410, 452-3, ettout le ch. xur.
L 2
68 J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
LORS EE Ce POSE DATE
Cette tendance à se mouvoir à certains moments
déterminés, même indépendamment de toute mo-
dification dans la quantité de la lumière, Darwin
l'attribue encore el Loujours, quoique ces mouve-
ments puissent êlre parfois extrèmement com-
plexes, à des habitudes héréditaires, nées de va-
riations uliles à la plante et devenues plus ou
moins organiques au cours de la lutte pour la vie,
par le fait de la sélection, de la ségrégation, etc.,
comme les mouvements réflexes et automaliques
des Animaux.
Quelle est la part de l'intelligence dans lous ces
processus psychiques, d'une complexité presque
infinie, qui ont assuré, avec la survivance des orga-
nismes les mieux adaptés, laperpéluitédes espèces
végétales et animales? Elle est nulle. Car l'intelli-
gence, entendue, avec Meynert, comme la résul-
tante d'images et de concepts associés, n'existe pas
encore dans la Plante ni chez l'Animal dépourvu
de centres nerveux d'association. « Les Plantes et
les Animaux fonctionnent précisément comme des
machines, à écrit Preyer, parce qu'ils ne. peuvent
fonctionner autrement, etils ne le peuvent pas,
parce que les conditions externes et internes de
la vie ne sont pas autres qu’elles ne sont ‘.» Avec
les actions du milieu cosmique, avec les effets de
l'usage des parties et de l'adaptation, la science
est capable de rendre raison des phénomènes phy-
siologiques comme des phénomènes morpholo-
giques, et la vie et la pensée, étudiées dans leurs
manifestations, font enfin partie de la conception
mécanique de l'Univers. « Il n’y a en jeu, dans la
malière organisée, que des propriétés physico-
chimiques, réductibles elles-mêmes à des mouve-
ments moléculaires. Dans tous les phénomènes
vitaux, il n’y a en jeu que des forces mécaniques
(physico-chimiques) » (Gley). Le mot « vital » lui-
même, employé pour désigner les propriétés des :
êtres vivants qu'on n’a puréduire encore àdes con-
sidérations physico-chimiques, paraissail provi-
soire à Claude Bernard. J'ai rappelé ailleurs ? que,
dans l’état actuel des sciences, il est possible de
relier directement la Psychologie aux sciences phy-
sico-chimiques : les fonctions du système nerveux,
c’est-à-dire des neurones, où les propriétés psychi-
ques du protoplasma ont subi la plus haute spécia-
lisalion, ne sont, comme la chaleur et l'électricité,
qu'une forme de l'énergie; bref, les phénomènes
psychiques possèdent un équivalent chimique,
thermique, mécanique, Toutes les forces cosmiques
aujourd'hui connues, y compris les forces PSYy-
chiques, sont convertibles lesunes dans les autres,
1 W. Preyrr, Éléments de Physiologie générale, trad. par
J. Soury, p. 285.
? J. Soury, les Fonctions du Cerveau (2° édit. 4892), p. 375
et suivantes.
l'énergie est, de tous points, applicable à la méca-.
nique cérébrale. « D’après cette loi, le mouvement »
cérébral qui se manifeste au dehors par la con-
traction musculaire, ne doit pas s’évanouir sans :
trace quand celte contraction a pris fin:il doit
agir d’une autre manière. » Et en effet, dans un
travail récent, M. Sommer (Wurzburg), que nous
venons de citer !, a démontré que la force qui, au
moment dela cessation du mouvement volontaire,
paraît se perdre, bien loin d’être perdue pour le
mécanisme cérébral, se transforme en un mouve-
ment inconscient parlant du cerveau qui, dans cer-
laines circonstances déterminées, arrête la marche
d'un réflexe, el se propage ainsi, en tout cas, aux.
appareils de la moelle épinière. C’est là un nouvel
et très sérieux essai de vérification de la loi de la
conservation de l'énergie dans la mécanique du
cerveau.
Qu’aucun des processuspsychiquesobservés chez
les Protozoaires ne soit conscient, c'est un point de
doctrine inébranlable pour Max Verworn comme
pour moi-même.
L'idée ou la représentation plus ou moins vague
d'un moi individuel, condition nécessaire des pro-
cessus conscients, ne peut, en effet, apparaitre que
lorsque les sensations et les représentations, pri-
milivement inconscientes, de chaque partie d’un
corps organisé, sont subordonnées entre elles et
rapportées à quelque ordre prédominant de sen-
salions, organe moleur et sensoriel (Steiner).
Chez les Protistes, aucun organe des sens ne pré-
domine encore et ne concentre comme en un foyer
les autres modes de sensibilité: il n'existe pas
encore d’organoïdes différenciés de sensibilité spé-
ciale, sinon de sensibilité générale. Les sensations
et les représentations restent isolées, sans liens
associalifs. « Le protoplasma n’a point de #01; il
n'est jamais individualisé, et pourtant il vit. »
(Preyer.) Puisque loutes les particules du proto-
plasma possèdent à peu près la même capacité de
sentir et de réagir, il est clair qu'aucune représen-
talion subjective d'un wi, quelque fugace et
obscure qu'on l'imagine, n’en saurait résulter.
L'association d'un ou de plusieurs groupes de
représentations constitue la pensée. Or, aucun de
ces processus psychiques, avec ses manifestalions
psychiques correspondantes, n'est nécessairement
conscient. Il en est ainsi des mouvements dits de
défense, de fuite, de nutrition et de reproduction.
La persistance, chez les Mérozoïles anucléés, après
mérotomie, de tous ces mouvements, le prouve
d'abondance. « L'absence de centralisation des
! Sommer, Exacte graphische Darstellung unwillkürlicher
cerebral bedingler Bewegungen. Wiener medizin. Presse,
30 sept. 1894.
-
À
J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
69
processus psychiques, de différenciation d’un orga-
noïde, siège de processus psychiques, l'autonomie
psychique de chaque fragment de protoplasma,
voilà, à écrit Max Verworn, un argument qui, seul,
suffirait à ruiner l'hypothèse de phénomènes de
conscience chez les Protozoaires. »
Chez les Métazoaires, au contraire, la différen-
. ciation morphologique et fonctionnelle des parties,
réalisée surtout par la division du travail physio-
logique, a réparti et localisé dans différents orga-
nes et systèmes des fonctions psychiques primiti-
vement immanentes à chaque particule du proto-
plasma des Protozoaires. Ces fails, qui forment, en
quelque sorte, la pierre d'angle de la Psychologie
nouvelle, ont inspiré à Luciani quelques réflexions
ingénieuses dont il faut tenir compte. L’éminent
professeur de Physiologie de l'Université de Rome
divise et subdivise les aclivités psychiques en in-
conscientes, subconscientes et conscientes. Les
premières seraient localisées dans les tissus et
organes du système végélalif, les autres dans les
divers segments de l'axe cérébro-spinal. Chez les
Animaux supérieurs on peut, ainsi que chez les
Amibes, au moyen de vivisections, diviserl'agrégat
psychique en une partie consciente et une autre
inconsciente : il suffit d’une section transversale
de l’axe spinal en un point intermédiaire entre les
gonflements cervical et lombaire, ces deux cer-
veaux accessoires médullaires, comme les nomme
Luciani. Chez l'homme, un traumatisme, une sec-
on ou un écrasement de la moelle épinière
réalisent les mêmes faits. De la partie supérieure
de l'agrégat psychique on peut, à volonté, élimi-
ner une ou plusieurs formes d'activité supérieures :
vision, audition, olfaction, etc., en extirpant tel ou
tel territoire délimité de l’écorce cérébrale. Enfin
on peut, comme Goltz, abolir en un temps toutes
les fonctions psychiques supérieures de l'organe
d'association, c’est-à-dire du cerveau antérieur, en
enlevant en une ou deux opérations toute l'écorce
des hémisphères. Le Mammifère ainsi décérébré
n’a plus qu'une manière de vie psychique réduite à
celle d’un amphioxus. L'idiotie et la démence, chez
l'homme,produisent des automates vivants de mème
sorte. Aux sensations, perceptions el représenta-
tions imparfaites de ces derniers êtres correspon-
dent des mouvements réflexes ou automatiques,
des impressions plus ou moins inconscientes.
Chez les organismes les plus rudimentaires
comme chez les plus complexes, des Prolozoaires
aux Métazoaires, on peut donc diviser en deux
ou plusieurs parties l’agrégat psychique : on
peut détruire une ou plusieurs de ses parties
en laissant subsister les autres. Seulement, chez
les premiers, comme chaque parlicule du corps
cellulaire a ou parait avoir les mêmes fonctions
psychiques que l’ensemble, ces processus ne sau-
raient présenter les altérations qu'on observe,
quant à ces fonctions, chez les organismes à spé-
cialisalions et à localisations psychiques très déve-
loppées. Je dis qu'il faut tenir compte de ces idées,
expression suffisamment exacte de nos connais-
sances sur les organes et les fonctions de la vie
psychique dans toule la série des êtres organisés
(Protozoaires etProtophytes, Végélaux et Animaux).
Ces faits d'observation et d’expérimentalion
prouvent, en tout cas, que, contrairement aux idées
reçues sur la nature de | « âme », l'unité des fonc-
tions psychiques n'existe jamais ni à aucun degré,
car l'apparition successive, au cours de l’évolution,
des organes el appareils de centralisation, de co-
ordination et de localisation, de plus en plus diffé-
renciés, n'a pu et ne pourra jamais réaliser qu'un
semblant d'unité. Même indépendamment des faits
d'arrêt partiel de développement du système ner-
veux central, des porencéphalies, des lésions des-
tructives circonscrites du cerveau, dues à la ma-
ladie, aux traumatismes ou aux vivisections, un
grand nombre d'états mentaux dans les psychoses
etles névroses, dans l'hystérie surtout, semblent
reposer sur une dissociation où désagrégalion
mentale donnant lieu à la formation de personna-
lités différentes et indépendantes. « L'hystérie, dit
PierreJanet,estune forme de la désagrégation men-
tale, caractérisée par la tendance au dédoublement
permanent et complet de la personnalité !. »
III. — LA THÉORIE DES NEURONES ET LES FONCTIONS
DE L'INTELLIGENCE.
La connaissance des connexions anatomiques,
celle, en particulier, de l’origine et des terminaisons
des faisceaux nerveux dans les différents centres
du myélencéphale, nous a toujours semblé la pre-
mière condition d’une intelligence véritable des
fonctions de la moelle épinière et du cerveau. De
grands progrès récents ? en ce domaine de l’ana-
tomie, dus à des procédés d’imprégnation et de
coloration des éléments nerveux, surtout aux mé-
thodes de Golgi et de Ramon y Cajal, d'Ehrlich et
de Nissl, ont fait apparaitre un monde, jusqu'ici
inconnu, de formes et de struclures nerveuses. Ce
n’est pas seulement l’Anatomie, c'est aussi la Phy-
siologie du système nerveux, et parlant la Psycho-
logie, qui sortent en partie transformées de ces
révélations dues à des procédés de technique. La
ruine définitive des réseaux diflus de Gerlach et de
Golgi, la fin de l'ère des anastomoses, la théorie
des neurones, ont inauguré une conception nouvelle
TP. Janet Etat mental des Hystériques. 1. Les stigmates
mentaux. II. Les accidents mentaux (1894). Quelques défini-
tions récentes de l'hystérie. Arch. de neurol., 1893.
2V. Eugenio Tanzi, 1 falti e le induzioni nell’ odierna
istologia del sistema nervoso. Reggio-Fmilia. 1893.
70 J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
de la nature et des rapports de ces élémentsnerveux
dont les fonctions, en dernière analyse, sont, chez
les Vertébrés supérieurs, celles de l'intelligence.
Nous reparlerons, dans cette Æevue, en nous
plaçant à un point de vue plus spécial, du grand
ouvrage de À. van Gehuchten : le Système nerveux
de l'Homme. Nous avons naguère rendu comple,
dans le même esprit, des Lecons sur la structure des
organes du système nerveux central de T Homme et des
Animaux, d'Edinger (4° édit. Leipzig, Vagel, 1894) !.
Nous considérons le Leitfaden der physiologischen
Psychoiogie, de Th. Ziehen (lena, Fischer, 2° édil.),
comme un des meilleurs livres qu'il soit possible
de méditer, avec les Beitraege zur erperimentellen
Psychologie, de Münsterberg, depuis que la doctrine
de Wundt, avec sa (héorie métaphysique de la-
perceplion, est décidément tombée, en Allemagne
comme en France, dans le diserédit qui frappe et
ruine Lôt ou tard toutes les philosophies de tran-
silion, incapables de renoncer jamais avec sincé-
rilé aux idées mystiques de la tradition, alors même
qu’elles parlent la langue scientifique du temps.
En France, comme en Allemagne et dans le reste
de l'Europe, les livres et les monographies de Psy-
chologie physiologique, conçus et écrits dans le
meilleur esprit scientifique, et dont les théories
sont déjà si éloignées de celles des Wundt et des
Sergi, augmentent chaque jour. Les Vortraege de
Heinrich Sachs (Breslau) sur /a structure et l'activité
du cerveau, l'aphasie et la cécité psychique, méritent au
plus haul point, ainsi que sa monographie sur
Panalomic du lobe occipital, d'attirer l'attention des
psychologues. Nous avons peut-être moins de
livres en France. Mais j'ai eu souvent l’occasion de
reconnailre l'étendue et l'exactitude des infor-
malions, la rigueur scientifique des méthodes, la
hauleur de vues de jeunes psychologues tels que
Paul Sérieux ?, Marinesco#, Maurice de Fleury‘,
Armand Paulier *, A. Rueff6.
Mais, dans celle revue annuelle, nous devons
plus insister sur l'histoire générale des idées, sur
celle des théories et des systèmes en Psychologie,
que sur la description des méthodes et des pro-
1 Cf. Revue générale des Sciences, 30 juin 1894.
? Sur un cas d'hallucinations motrices verbales, chez une
paralylique générale, par le Dr Paul Sérieux, médecin
adjoint à l'asile d’aliénés de Villejuif. — Arch. de neurol. 1894.
Marinesco et Paul Sérieux. Lésion lraumaltique du brijumeau
el du facial avec troubles lrophiques. Arch. de phys., 1893.
3 Sur la régénération des centres nerveux. C. R. de la Soc.
de biol., mai 189%. Ueber Veraenderung der Nerven u. des
Rückenmarks nach Ampulalionen; ein Beilrag zur Nerven-
trophic. Neurol. Centralbl. 1892. (Cf. A. Goldscheider. Lehre
von den troph. Centren. Berl. Klin. Wochenschr., 1894.
4 L'insomnie et son traitement, parle Dr M.de Fleury. Paris,
1894. Cf. Contribulion à l'élude de l'hystérie sénile (1890).
5 Recherches sur la nolion de surface en anatomie. Déler-
minalion de la surface des organes en général el du cerveau
en particulier, par le Dr Armand B. Paulier. Paris 1892.
5 Voy. Les Troubles de la parole, par Kussmaul. Traduction
( 747 DD'ECTCER
cédés techniques grâce auxquels le progrès de
celle science a été possible. Un savant et un psy-
chologue tel qu'Auguste Forel (Zurich), par exem-
ple, nous semble correspondre le mieux à cet
ordre de considérations. Aussi bien, c’estun devoir
pour la critique de saluer dans Forel un précur-
seur de la révolution dans nos idées sur la struc-
ture et les connexions des éléments du système
nerveux : je veux parler de la (héorie des neurones.
Forel a souvent répélé qu'une anatomie du cer-
veau sans histologie est un non-sens. Le travail
qu'il vient de publier, Gehirn und Sbele (Leipzig,
Vogel, 1894) !, nous fournit l’occasion désirée de
dire toute notre pensée sur l’éminent psychologue.
Avec His, eten même temps, il a inauguré la théo-
rie des neurones. Külliker et Max Schultze avaient
déclaré, on le sait, à maintes reprises, qu'on ne
pouvait démontrer l'existence d’anastomoses dans
le système nerveux central. Mais tous les anato-
mistes croyaient que ce mode de connexion devait
exister et que le système nerveux se composait de
deux éléments : des fibres et des cellules nerveuses.
His administra la preuve que, chez l'embryon, les
fibres motrices proviennent des grandes cellules
des cornes antérieures; les fibres sensitives, des
cellules des ganglions spinaux intervertébraux. La
fibre nerveuse n’est done qu'un prolongement de
la cellule, non un élément indépendant. S'ap-
puyant sur les résullals anciens de la méthode
d’atrophie de son maitre Gudden, et sur les faits
nouveaux d'histologie dus à la méthode de Golgi,
qui prouvent que les prolongements proloplas-
miques des cellules nerveuses se terminent
librement, Forel ne put se persuader de l'existence
d'un réseau anastomolique, admis par Golgi, for-
mé des plus fines arborisations des prolongements
nerveux des cellules ganglionnaires. D'abord, il
n'avait rien pu constater de pareil sur les prépara-
hions exécutées d’après la méthode de Golgi; en-
suite, le faitétaiten désaccord avec les expériences
de Gudden sur l’atrophie des nerfs sensibles.
Forel rejeta donc l'hypothèse des anastomoses : il
soulint que toutes les fibres du système nerveux
n'étaient que des prolongements des cellules ner-
veuses se terminant librement par de libres arbo-
risations (1887). Les éludes bien connues de Forel
sur les Invertébrés lui avaient appris que, chez
ces animaux, où n'existe pas de ganglions spinaux,
ce sontles amas de cellules nerveuses situées sous
la peau qui sont les cellules d'origine des neurones
sensitifs, terminés par de libres arborisations dans
les ganglions de la chaine ventrale. His, avec qui
française augmentée de notes, par le Dr A. Rueïï, chef de
clinique adjoint de la Faculté de médecine de Paris.
1 Gesellschaft deutscher Naturforscher u, Aerzte. Verhand-
lungen 41894. Allgem. Theil. Cf. Corresp.-Blatt fur Schweizer
ZÆrite. lahrg xxi1 (1892). Ueber die Theorie der Neuronen.
À rm dé DÉCRET Sn D déttée mn nt mot bé di —.. D. ds.
|
J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 71
Forel avait parlé de ces faits, exprima l'opinion
que les ganglions spinaux des Vertébrés devaient
être les homologues de ces ganglions sensitifs pé-
riphériques des Inverlébrés. Au cours de l’évolu-
tion phylogénique, ces ganglions ont reculé dans
l'intérieur vers les centres nerveux du névraxe, et
le prolongement périphérique des cellules de ces
ganglions a finalement formé le nerf sensitif, N'in-
sistons pas davantage : il est certain que là où,
comme dans la rétine, il y a, à la périphérie, des
cellules nerveuses sensibles, iln'existe point de gan-
glions spinaux sur le parcours des nerfs correspon-
dants. L'étude deces problèmes complexesexige,on
le voit, et Forel y insiste loujours avec raison, le
concours d’un grand nombre de disciplines biolo-
giques, telles que l’'Embryologie, l'Anatomie com-
parée, l'Hislologie et la Physiologie expérimentale.
Issu phylogéniquement des cellules épithéliales
différenciées, ontogéniquement du feuillet germi-
nalif externe de l'embryon, le système nerveux
n’est que la postérité de ces cellules, dont il doit,
par conséquent, posséder les propriétés générales,
en outre des propriétés spéciales acquises au cours
de l’évolution organique par l'effet de la division
du travail physiologique. Ces dernières propriétés
consistent surtout, selon Forel, dans la transmis-
sion des stimulus sous forme d'ondes, qu’il propose
d'appeler neurocymes (ondes nerveuses), sans pré-
judice de la nature physico-chimique, encore in-
connue, de ces mouvements moléculaires.
A l'hypothèse des réseaux nerveux du système
nerveux central a succédé la démonstration d'une
sorte de feutrage résultant des rapports réciproques
de contiguité des innombrables ramifications, d'une
longueur et d'une finesse extrêmes, des cellules
nerveuses : ces ramifications, Forel les compare,
comme l'avait fait Th. Meynert bien avant ces dé-
couvertes, à des bras de polypes, ce qui n'est pas
une simple comparaison et nous parait bien expri-
mer la nature des choses. La cellule nerveuse avec
ses prolongements et ses ramifications des deux
extrémités est un neurone (Waldeyer). Le sys-
tème nerveux tout entier, central et périphérique,
n’est qu'un complexus immense de systèmes de
neurones. On distingue : 1° des neurones centri-
pètes, sensitifs ou sensoriels : ils transmettent les
excilalions des sens au système nerveux central ;
2°desneurones centrifuges, moteurs : ils propagent
aux muscles l'onde nerveuse partie du système
nerveux cenlral. Le neurone moteur a sa cellule
d'origine dans le système nerveux central : ses
arborisations terminales s'appliquent, « comme
des serres », sur les fibres musculaires et déler-
minenl leur activilé contractile ou motrice. Ces
deux sortes de neurones périphériques sont toute-
fois subordonnées au prodigieux complexus de
systèmes de neurones associés constituant le cer-
veau. La complexité extraordinaire de cet organe
dépend beaucoup moins du nombre des cellules
que de la multitude et de la finesse presqueinfinies
des ramifications desneurones.
Entre le cerveau et les neurones périphériques,
la moelle épinière, la moelle allongée, le cervelet,
le thalamus opticus, elc., représentent des com-
plexus de neurones intermédiaires, et, après Stei-
ner el Edinger, Forel remarque que ces derniers
sont en grande partie plus anciens que le cerveau
des hémisphères, et que, par conséquent, ils
doivent posséder, chez les Vertébrés inférieurs,
des fonctions beaucoup plus importantes que chez
l'Homme. Steiner, on le sait, a défini le cerveau
un centre nerveux, parvenu d'homogène quil
était aux autres métamères, à une sorte d'hégé-
monie motrice et sensorielle s’exerçant sur les
autres segments du névraxe: il a démontré expé-
rimentalement que, chez les Poissonscartilagineux,
ce n’est pas le cerveau antérieur, mais le cerveau
moyen, beaucoup plus développé, qui commande .
Tous ces faits nous sont devenus familiers. Mais
voici des remarquessingulièrement pénétrantes du
précurseur de la théorie des neurones. La prin-
cipale source, dit-il, des erreurs en Psychologie
vient de l’usage d’un grand nombre de mots qui
ont élé forgés à une époque où l’on ne savait en-
core rien de l'Anatomie et de la Physiologie du
cerveau humair, La Psychologie classique et l’an-
cienne Physiologie, se croyant d’ailleurs aux anti-
podes, parlent pourtant également de sensations,
de perceptions, de représentalions, de sentiments,
de volonté, etc. Pour Forel, quirepoussela distine-
tion traditionnelle des phénomènes en somaliques
et psychiques, et qui déclare défuntes et « enter-
rées » les facultés de i’âme, la Psychologie et la
Physiologie cérébrale ne sont naturellement que
deux études d'un même objet considéré sous deux
aspects; les deux disciplines se confondent dans
une synthèse : la Psycho-physiologie. La théorie
des localisations cérébrales, les expériences sur le
système nerveux des Animaux, l'étude clinique et
anatomo-pathologique des lésions en foyer de
l'écorce, celle des maladies mentales el nerveuses,
l'Anthropologie criminelle et ses rapports avec la
Psychiatrie, la théorie de la suggestion, celle du
sommeil et des rêves, l'étude de l'intelligence nor-
male ou pathologique des enfants, des aveugles-
1 Sreixer (Heidelberg), Die Funclionen des Cenlralner-
vensyslems u. ihre Phylogenese. Ite Abthcilung, Untersu-
chungen ueber die Physiologie des Froschhirns. [te Abthei-
lung, Die Fische (1885-88). « Le cerveau des Vertébrés s’est
développé phylogéniquement du centre olfactif (11, p. 99). »
Le cerveau est défini par Steiner : « Un centre général des
mouvements associé aux fonctions d’un au moins des nerfs
supérieurs des sens (odorat, vue, ouïe). » Cf. surtout page 110,
24: la phylogenèse du système nerveux central.
72 J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
nés, des sourds-muets, etc., voilà qui peut surlout
nous apprendre comment l'écorce cérébrale fonc-
tionne, quels troubles, partiels ou généraux, soit
de nature centrale, soit de cause centripète ou cen-
trifuge, peuvent l'affecter.
Quel est le siège des sensations? Dans lecerveau,
répond Forel, au point d'arrivée de l'onde nerveuse
née de l’excilation périphérique. Là, et de proche
en proche jusqu'aux derniers confins de l'organe,
cette onde nerveuse réveille d’autres ondes ner-
veuses innombrables, ou neurocymes associés,
dont les vibrations, plus ou moins affaiblies, som-
meillaient en quelque sorte dans les neurones de
l'écorce. Pour variées que soient les associations,
elles n'en sont pas moins ordonnées entre elles.
L' « onde d'éveil » (le mot est de Forel) modifie
en partie toute la chaine de ces neurocymes asso-
ciés; celle ci réagit à son tour sur d’autres séries,
soit en arrêtant, soit en propageant à dislance les
ondes nerveuses. Les ondes qui, dans l'écorce, at-
teignent une certaine vitesse et s'élèvent à une
certaine hauteur s’écoulent en quelque sorte dans
la grande voie centrifuge des fibres des faisceaux
pyramidaux : ce sont les impulsions volontaires
des psychologues, qui, en atteignant les organes
bulbo-médullaires, excitent les cellules d’origine
des nerfs moteurs et déterminent les mouve-
ments. Les impulsions « volontaires » qui ne
sont pas suivies de contractions musculaires, les
grandes résulltantes centrifuges de l'aclivité cé-
rébrale qui sont inhibées, réfrénées, avant que les
neurones de la voie des pyramides aient été ac-
tionnés ou aient pu l'être, jouent un rôle capital
dans la vie psychique. Forel ne manquera pas sans
doute de nous édifier à ce sujet lorsqu'il dévelop-
pera ces rapides aperçus, car cel anatomiste est
doublé d’un aliéniste et d’un neurologiste de grande
marque. Peut-être admet-il, avec Breuer et Freud
(Nour. Centr. 1893), que ces sortes d’impulsions ren-
trées, si je puis dire, ces réactions arrêlées sans
diversions compensatrices, aussilongtemps qu'elles
n'ont pas perduleur puissance émotionnelle, etchez
ces dissociés intellectuels qu'on nomme hysté-
riques, sont une cause persistante de réveils hallu-
cinatoires plus ou moins inconscients qui se mani-
festent par les phénomènes moteurs de l'attaque
convulsive.
Outre la nature des synthèses d’associalion, la
durée, la forme, l'intensité du mouvement des
ondes nerveuses des neurones de l'écorce inter-
viennent dans le processus de la pensée (Denkpro-
cess). Car c’est bien des opéralions de la pensée
qu'il s’agit. L'activité des processus de celle-ci, ou
est devenue automatique par le fait d'innombrables
répélilions identiques ou presque identiques, ou
est restée plastique, créatrice, capable, au moyen de
combinaisons nouvelles, d'instaurer de nouveaux
enchainements de neurocymes.
Dans celte dernière catégorie de phénomènes,
qui comprend les opérations les plus élevées de la
raison, les sentiments éthiques et esthétiques, un
sentiment d'effort plus ou moins considérable,
l'attention se décèle toujours par des symptômes
subjegifs et objectifs. Dans la première, celle des
activités purement automatiques, reproductives,
héréditaires, des neurocymes, une excitation suffit
souvent pour provoquer le déroulement de toute
la chaine : c'est l'instinct. Cet automatisme peut
être créé, dans l’espèce par l'hérédité, chez l'indi-
vidu par l'habitude. Ces actes, souvent très com-
pliqués, par exemple ces instinets des fourmis si
magistralement étudiés par Forel, n’exigent, pour
se réaliser, que très peu d'éléments nerveux, Car,
encore que le cerveau des Fourmis soit relalive-
ment très gros, il est, en fait, extrêmement pelit.
Au contraire, les activités plastiques du cerveau ont
besoin, pour se déployer, de masses considérables
de substance nerveuse. L'activité plastique de l’in-
telligence des corneilles comparée à celle de la
poule, peut expliquer, abstraction faite de la taille,
le volume relatif du cerveau de ces deux oiseaux.
Forel ajoute expressément que les propriélés plas-
tiques de l’activité des neurocymes sont hérédi-
taires, mais seulement à lilre de dispositions,
qu'elles soient ou non développées par l'individu
qui en à hérité. « Ce sont des faits, cela, s’écrie
Forel, et non des théories. »
Voilà bien, en eflet, la partie vraiment scienti-
fique de cette haute profession de doctrine. La
brève esquisse qu'a donnée Forel des différents
élats de conscience et d'inconscience, du som-
meil et des rêves, mérile encore d'être méditée,
même lorsqu'on a présents à l'esprit les deux cha-
pitres sur la conscience, qui ouvrent son livre Der
Hypnotismus (Stuttgart, Enke, 1891). Forel étend
l'existence de la conscience, non seulement à notre
cerveau, mais aussi à toutes les autres parlies de
notre système nerveux, lesquelles nous sont aussi
bien subjeclivement qu'objectivement inconnues.
Notre conscience ordinaire, celle de la veille, n’est
qu'une conscience supérieure : voilà tout. Mais la
conscience est une propriété générale des neu-
rones vivants, et parlant du système nerveux de
tous les animaux. Il en a conclu naturellement que,
dans l’évolution phylogénique des Animaux, l’acti-
vilé plastique de l'intelligence doit avoir été pri-
milive, l’activilé automatique secondaire.
Ici je me sépare absolument de Forel pour les
raisons que j'ai dites plus haut. Je crois encore,
avec Forel, que, siles phénomènes psychiques qu'il
est possible de noter chez les Végélaux sont si
nombreux, c’est que les Végétaux, n'ayant point de
J. SOURY — REVUE ANNUELLE DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 13
système nerveux, c'est-à-dire de neurones, c'est
dans les cellules végétales constituant les plantes,
bien plutôt que dans la plante entière, qu'il faut
chercher à étudier l'individu véritable. Mais, si le
monisme peut revendiquer, pour la vie et les pro-
priétés élémentaires de toute vie, la même éter-
nité que pour la force et la malière, il ne suit pas,
selon moi, qu'on ait le droil de mellre la cons-
cience, ou une conscience quelconque, au nombre
de ces propriétés primordiales qui sont communes
aux êtres inorganiques et organiques. Que l'on
parle, après Haeckel, de l'embryon d'âme d'une
cellule organique, voire d’un atome, soil, — quoique
le mot « âme » dût être banni de la science en gé-
néral comme il l'est de la Psychologie moderne.
Mais rien ne décèle l'existence d’une conscience,
quelque rudimentaire qu'elle puisse être, ni dans
l'Univers sidéral, ni dans la vie des Végétaux, ni
dans celle des organismes où la division du travail
physiologique n’a pas encore déterminé l'appari-
tion d’un groupe de neurones associés. Ce ne sont
même pas les neurones, c’est l'association des
neurones qui, seule, réalise les conditions d’ap-
parilion d’une conscience. Et par ce mot, je n'en-
tends, pas plus que Forel, une conscience humaine,
telle qu'elle résulte de l’activité plastique d’un grand
cerveau aux innombrables neurones, Je ne doute
pas plus que lui de la conscience et de la plasticité
de l'intelligence des grands Singes anthropoïdes,
des Éléphants, des Dauphins, des Lézards, des
Oiseaux et des Chiens, voire des Invertébrés tels
que les Fourmis. Mais qu'est-ce que ces rares es-
pèces dans le gouffre sans fond du monde des vi-
vants? Une goutte d'eau dans l'Océan. Ni les Pro-
tozoaires dans leur ensemble, ni les Protophytes,
ni les Végélaux, au milieu desquels vivent et
passent presque inaperçus sur celte planèle les
dominateurs conscients des mers, des airs et des
continents, n’ont alleint ni réalisé les condilions
élémentaires de l'apparition de la conscience, et
cela à quelque degré que ce soit. Les fonctions
psychiques de ces multitudes presqueinfinies d'êtres
vivants sont, au fond, absolument identiques aux
nôtres, puisque les propriétés primordiales du pro-
toplasma sont partout les mêmes. Mais on peut
vivre el se survivre dans l’espèce, on peut lutter et
vaincre dans le combal de la vie universelle, on
peut s'adapter aux milieux, réagir aux excitations
internes et externes par des mouvements de dé-
fense el de protection apparents, sans qu'aucune
lueur de conscience, j'entends sans qu'aucune re-
présentation consciente, ne traverse le protoplasma
amiboïde d'un Protiste ou d’un Végétal.
Les habitudes ancestrales de ces êtres, ce qu’on
pourrait appeler leurs instincts héréditaires, sont
nées, nous l'avons dit, des variations utiles ac-
quises mécaniquement au cours des longues luttes
pour l'existence; fixées par l’hérédité, elles sont
devenues organiques par la sélection naturelle. En
somme, Descartes avail raison : tous les êtres vi-
vants ne sont que des automates : son erreur a été
de tirer l'Homme de la foule innombrable de ses
frères inférieurs. Inconscients ou conscients, les
processus psychiques n'en sont pas moins toujours
automatiques. La conscience n'ajoute rien, quand
elle existe, à ces processus, pas plus que l'ombre
au corps. Si la sensation et l'intelligence qui en ré-
sulte, quand les appareils des sens et les organes
psychiques ont apparu, ne sont, comme la vie elle-
même, qu'elles servent en partie à définir, que des
forces naturelles, elles ne sauraient se soustraire
aux lois d'airain du déterminisme universel.
Si les processus de l'intelligence, même la plus
haute et la plus différenciée, ne sont pas, comme
ceux d’un mollusque, susceptibles d’être détermi-
nés, soit avec nos mélhodes actuelles, soit à l’aide
de méthodes futures plus perfectionnées, bref, s'ils
échappent au nombre el à la mesure, ils ne sont
pas objets de science, et Kant a raison contre Her-
bart et Fechner, qui répétait que « la Psychologie
ne pourra jamais s'élever au rang d'une science
naturelle exacte » : il n'ya point de Psychologie. Il
ÿ à, au contraire, une Psychologie, si l’activité de
l'intelligence, comme celle de toutes les autres
fonclions des êtres organisés, se ramêne, avec la
Physique et la Chimie, à la Mécanique. L'unité
suprême de la Nature a sa plus haute expression
dans l'unité de la science. 11 n’y a pas deux Méca-
niques, une Mécanique céleste et une Mécanique
cérébrale; deux Chimies, une Chimie inorganique
et une Chimie organique; deux Physiologies, non
plus que deux Psychologies, l’une pourles hommes,
l’autre pour les Végétaux et les Animaux. Partout
éclate, avec l’infinité de la causalité, la continuité
des phénomènes naturels.
Si l’on connaissait mieux les éléments de la Mé-
canique moléculaire, les phénomènes les plus déli-
cats des formes supérieures de la vie, les phéno-
mènes d’innervalion eux-mêmes, pourraient être
représentés par quelque formule d'ordre cosmolo-
gique, car les diverses actions nerveuses, les sen-
sations, les images et les idées, ne sont, considé-
rées objectivement, que des systèmes de mou-
vements. Mais les sciences de la vie sont encore
très loin de la perfection relative à laquelle sont
déjà arrivées quelques sciences, telles que l'Op-
tique, et la théorie des mouvements cellulaires est
infiniment moins avancée que celle des ondulations
de l’éther.
Jules Soury,
Maitre de Conférences de Psychologie physiologique
à l'Ecole pratique des Hautes-Études.
—!
&
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LES TRANSMISSIONS ÉLECTRIQUES. — SONNERIE ÉLECTRIQUE INDUSTRIELLE DESTINÉE AUX ENDROITS HUMIDES, —
NOUVELLE BOUÉE DE SAUVETAGE
M. A. Siemens vient de faire, devant le North of En-
gland Institute of Mining and Mechanical Engineers, une
conférence d’un intérêt considérable sur les transmis-
sions électriques. L’éminent physicien a rappelé les pre-
mières applications du transport de l'énergie par l’élec-
tricité faites à Craigside et à Tunbridge Wells par lord
Armstrong et sir William Siemens. Il fallut, d’ailleurs,
plusieurs années avant que ces applications fussent
rises au sérieux et considérées comme réellement in-
dustrielles, Mais les tramwaysélectriques et leur rapide
développement — en France, malheureusement, nous
ne pourrions tenir un tel langage — ont bientôt prouvé
qu'il était possible de construire des moteurs élec-
triques fonctionnant parfaitement et sûrement. On
pourrait en citer qui ont fait plus de 100.000 kilomètres
avant d’avoir eu besoin d’une réparation quelconque.
MM. Siemens Bros and C° ont installé, dans leurs
usines de Woolwich, le système des transmissions élec-
triques au lieu du système ordinaire qui existait au-
paravant. Cet exemple mérite-til d’être suivi? Des
essais de comparaison sérieux entre la vapeuret l’élec-
tricité ont montré que celle-ci doit être préférée dans
la plupart des cas s’il s’agit de nouvelles usines. S'il
faut, au contraire, changer l’ancien système contre le
nouveau, les solutions varient beaucoup selon les cir-
constances. En règle générale, la transmission élec-
trique est la plus économique quand l'énergie doit
être transportée à de longues distances et à différents
endroits, dans les mines par exemple !.
Tel est l'esprit du discours de M. Alex. Siemens.
Le sujet est important et d'autant plus digne d’at-
tirer l'attention qu'il a été longtemps négligé. Depuis
quelques années, cependant, les ingénieurs semblent
sortir de leur longue insouciance et quelques essais
se font, mais trop rares et trop timides encore. Car il ne
s’agit pas d'adopter d'enthousiasme le système élec-
trique, ni de le rejeter avec parti pris; il s’agit de sa-
voir exactement et pour ainsi dire mathématiquement
quel est le mode de transmission le plus avantageux;
et si les solutions peuvent être différentes, dans quel
cas l’un ou l’autre de ces modes doit être accepté ou
repoussé. C'est pour cela que des essais nombreux
et soignés sont nécessaires.
M. Selby-Bigge vient, lui aussi, de traiter le même
sujet devant l’Iron and Steel Institute. « Il y a eu,
dit-il, une tendance de la part des ingénieurs à
considérer l'électricité comme applicable seulement
dans le cas où la puissance doit être transmise à une
grande distance. Il est nécessaire à présent d’envi-
sager un cas tout différent, celui où la puissance doit
être transmise dans un rayon n’excédant pas 300 ou
400 mètres, mais dans lequel l'électricité ait matière
à s’employer pour la marche de différentes classes
de machines, »
Il arrive souvent dans les anciens établissements que
la force motrice est produite par un certain nombre
de chaudières et de machines formant des groupes dis-
séminés et absolument indépendants. Les transmissions
par arbres et par courroies sont très longues et très
nombreuses; la vapeur est conduite quelquefois à de
très grandes distances du générateur lorsque la néces-
EE
1 Voyez à ce sujet la remarquable étude que M. Gérard
Lavergne a publiée dans le dernier numéro de la Revue.
(No du 15 janvier 1895, t. VI, p. 8 à 23.)
sité a imposé un emplacement bien déterminé pour le
moteur, De cette disposition résultent de graves incon-
vénients : d'une part, avec des chaudières el des
machines séparées, la surveillance se fait beaucoup
plus difficilement, et, d'autre part, on a beaucoup de
chances d’être obligé d'augmenter le nombre des
mécaniciens et des chauffeurs. Les machines sont de
faible force, partant d’un rendement peu satisfaisant;
elles marchent à basse pression et l’on sait que les
types de machines à haute pression sont plus écono-
miques. Dans les longues conduites de vapeur, on
trouve des pertes énormes par condensation et surtout
par suite des fuites inévitables dans les soupapes et
dans les joints. Enfin, les transmissions par arbres et
par courroies absorbent une quantité de travail dont
on ne se rend pas toujours compte el qui peut varier
de 3 à 69 °/, de la puissance transmise !. Nous avons
supposé jusqu'ici que tous les ateliers étaient en plein
fonctionnement. Or, ilarrive souvent qu'une bonne par-
tie des transmissions fourne à vide. Au-dessous de
quel taux le rendement ne peut-il pas alors descendre?
Supposons que l’on veuille reconstituer complète-
ment un de ces anciens établissements en adoptant les
transmissions électriques.
La première chose à faire sera de se rendre compte
de la puissance à fournir et de procéder aux mesures
nécessaires si, ce qui est le cas général, l'industriel
n'a pas de renseignements précis sur ce sujet, On di-
visera la force tolale en deux unités de puissance:
par exemple, pour 1.000 chevaux, on prendra deux
machines de 500 chevaux. Evidemment, même dans
l'esprit de M. Selby-Bigge, cette règle n’est pas absolue
et l’on peut imaginer des cas où il serait plus avanta-
geux de diviser la puissance tolale en trois ou même
en quatre unités.
L'emplacement des chaudières et des machines sera
ensuite déterminé. L'on a à cet égard la liberté la plus
grande ; le choix peut être fait en dehors de toute pré-
occupation relative à ladisposition des outils à comman-
der. La force sera transmise aux outils au moyen
de moteurs de puissance convenable. Voici, par
exemple, les nombres adoptés aux établissements d’ex-
traction de zine de la Vieille-Montagne. Ces établis-
sements ont élé, il y a quelque temps, entièrement
reconstitués par l'installation d'une importante dis-
tribution de puissance électrique. La machine généra-
trice est une Corlis compound de 600 chevaux tour-
nant à la vitesse de S0 tours par minute, associée à une:
dynamo-volant multipolaire, construite pour une ten-
sion de 500 volts. Les moteurs employés sont :
1ù 1 cheval
l 2 chevaux
6 Er
4 ï
3 10 %
fl] 14
à 45
1 64
2 80
La perte totale dans une installation de ce genre,
en admettant que le rayon d'action ne dépasse pas
! Nous rappelons à ce sujet une notice donnant des nom-
bres à peu près équivalents parue à cette même place dans.
la Revue générale des Sciences du 30 octobre 1894, page 762.
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 15
500 mètres, est d'environ 25 °/,, répartie comme suit :
Perte dans la dynamo génératrier. vl |
Perte dans les conducteurs. ..... PE LARUMA 3 } 25
Perte dans les moteurs.......... Na ae sd 15 |
L'économie journalière de charbon peut être, pa-
rait-il, de 4 à 7 kilos de charbon par cheval effectif.
Dans les anciens établissements les pertes dans les
conduites et dans les transmissions sont constantes,
que l'outil tourne ou non, Au contraire, dès qu'un
moteur électrique a cessé de travailler, on le met hors
circuit; les courroies, s’il y en a, s'arrêtent, et la perte
dans les cäbles devient rigoureusement nulle, C’est là
une des causes principales du relèvement du taux
général de rendement. A la manufacture d'armes
d’Herstal, il a été reconnu que, pour une certaine
partie des usines, l'installation électrique a fait tom-
ber la dépense journalière de charbon de 3 tonnes à
900 kilogrammes.
La surveillance et l'entretien d’une installation
électrique complète et bien comprise demandent très
peu d'hommes. Il v a de ce fait sur les salaires une
économie qui est parfois loin d'être négligeable.
Le tableau ci-joint, dù à M. Félix Mélott, donne,
d'après le calcul, une comparaison très intéressante
entre les transmissions mécaniques et les transmis-
sions électriques pour des charges variables :
Transmission électrique
Charge de la ma-
CHEN OMS Reese ee 1006 |750 500 333 [250 |200
Perte constante par
frottement." 50 50 59 50 50 50
Perte électrique va-
MADIe RSR eme 50 27 11 Pr5 ea) EU
Perte totale de la
CEE 100 71 61 54.51 52.2| 51.2
Puissance dispo-
NS 900 1672 |4:39 1278.5/197.8/148.8
Rendementp. cent..| 90 89.7| 81.6| 85.5] 79.1] 74.4
Perte dans les con-
ŒUCIÉUTS.. 5,0 18 10 4 1511000 %8 M0 AË
Puissance dispo-
nible aux moteurs| 882 |663 |435
Perte constante par
frottements ...... E3 53 53 53 53 5.8
Perte variable.....| 25 29 CPV A enTAr
Perte totale dans les s
MOIeUTER A U LE, 8s 73 61.5| 56.4! 54.7] 54
Puissance dispo-
nibler, 23:35 11019 1590%373-51220.41142.3119%
19: .1| 66.2| 57 41
Charge de la ma-
chine... ..[1000 550
Perte par frotte -
Puissance utile ....
Rendement total %
17.6
38.1
Voici, comme exemple, les rendements exacts me-
surés aux établissements de la Vieille-Montagne :
Rendement de la machine... .... 90 %
» dynamo génératrice. 90 là pleine
» des conducteurs.... 98 charge
» moyen des moteurs. 86 \
Rapport du travail utile au travail indiqué à la ma-
chine à vapeur 68,5 °/..
« En tenant compte de tout ce qui a été établi plus
haut, conclut M. Selby-Bigse, on verra que la puis-
sance électrique est appelée à devenir, prochaine-
ment, un facteur important dans les industries du
fer et de j’acier et dans les ateliers de construction.
« Appliquée aux mines pour les transmissions à lon-
gue distance ou aux usines pour la transmission à courte
distance et la concentration de puissance, elle sera la
source d’une grande économie sur les salaires, le com-
bustible et l'entretien, par rapport aux méthodes em-
ployées jusqu'ici. D'anciens établissements peuvent être
reconstitués avec avantage, comme le prouvent les
exemples de la Manufacture Royale d’Armes, des éta-
blissements d'extraction de zinc de la Vieille-Montagne
en Belgique, des établissements de production de l'acier
de MM. Long et C°, à Middleshorough ; que d'avantages
ont à leur disposition ceux qui projettent de fonder des
installations nouvelles ! »
Les journaux scientifiques anglais s'occupent actuel-
lement, en y attachant une certaine importance, d’une
sonnerie électrique susceptible de rendre de véri-
tables services dans l’industrie et qui présente quel-
ques détails originaux. Elle est destinée à être em-
ployée dans les mines, à bord des vaisseaux, et, par-
tout enfin où l’action de l'humidité peut se faire
sentir sur les sonneries ordinaires, les endommager et
les mettre rapidement hors de service. Les électro-
aimants, les contacts mobiles et toutes les parties déli-
cates de lappareil sont enfermées dans une boite
métallique munie d’un couvercle et d’un joint au caout-
chouc qui la rend absolument étanche (fig. 1). La base
Fig. 1, — Délails de la sonnerie.
de la sonnerie qui supporte le timbre de la boîte est
venue de fonte avec cette dernière. Le contact mobile
à travers lequel passe le courant se trouve à l’intérieur
et en regard de prolongements polaires latéraux des
électro-aimants. Ceux-ci, en outre, passent à travers
l’un des côtés de la boîte et leurs extrémités débor-
dent à l’extérieur. En face de celles-ci vient une lame
métallique supportant le bouton du timbre et retenue
par un ressort antagoniste. Dès que le courant passe,
le contact intérieur vibre et détermine des vibrations
synchroniques de la lame extérieure.
Il parait qu'il a été démontré par l'expérience que
cette sonnerie atteint absolument le but pour lequel
elle a été construite. Elle fonctionnerait même
lorsqu'elle est complètement plongée dans l’eau. La fi-
gure { ci-Jointe, reproduite d’après The Electrician, en
montre les détails.
L'Allgemeine ÆElekiriciläts Gesellschaft a fait derniè-
rement paraître sur le marché une nouvelle bouée de
sauvetage munie d’une lampeélectrique. Destinée à sup-
porter facilementlepoids de trois hommes, cette bouée
pèse un peu plus de 50 kilos. Dans son intérieur se trou-
vent des accumulateurs qui, dit-on, peuvent conserver
leur charge pendant deux mois et sont capables d’ali-
menter pendant 6 heures une lampe de 16 bougies.
Cette lampe est située au-dessus de la bouée et pro-
tégée par une sorte de cage métallique. Elle est égale-
ment entourée d’une forte lentille qui rend sa lumière
visible à une distance de 1 kilomètre et demi à 2,kilo-
mètres. Un jeu de ressorts convenablement disposés
maintient le circuit ouvert tant que la bouée est sus-
pendue et le ferme automatiquement aussitôt qu'on la
détache,
A. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique,
76 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE |
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Darboux (Gaston). — Membre de l'Institut, Doyen
de la Traculté des Sciences de Paris. — Leçons sur la
Théorie générale des Surfaces et les Applications
géométriques du calcul infinitésimal. Troisième
partie : Lignes géodésiquesetcourbure géodésique.
Paramètres différentiels. Déformation des sur-
faces. — Troisieme fascicule. 1 vol. in-5° de T5 payes.
(Prix : 15 fr.) Gauthier- Villars et fils. Paris, 1895.
Ce fascicule termine le troisième volume des Leçons
de M. Darboux, mais non l'ouvrage entier, ainsi que le
comportait le plan primitif. La théorie de la déforma-
tion infiniment petite a pris, en effet, un développement
tel que l’auteur a dù la réserver pour une quatrième
partie. :
Le fascicule actuel n’est donc que le complément du
précédent. Il se compose de deux chapitres bien dis-
tincts. Le premier contient l'application des méthodes
antérieurement exposées à la recherche de surfaces à
courbure constante, et tout d’abord de celles de ces
surfaces qui ont leurs lignes de courbure planes ou
sphériques dans un système, d’après la méthode de
M. Enneper. k :
Siu est le paramètre d’une telle ligne de courbure,
les coordonnées &,,% du centre de la sphère corres-
pondante par rapport au trièdre attaché à la surface
cherchée sont des fonctions de w seul. En écrivant que
ce centre reste fixe quand on se déplace sur la ligne
de courbure, on obtient une équation aux dérivées par-
tielles, qu'il faut joindre à celle qui caractérise les sur-
faces à courbure constante : la condition d intégrabi-
lité du système ainsi obtenue donne deux équations
différentielles ordinaires en #,,2,. L'intégration de ces
équations n’a pu être effectuée par M. Enneper : elle
est due à M. Dobriner. M. Darboux la présente sous
trois formes différentes, dont la dernière revient à ce
fait géométrique simple : les sphères qui contiennent les
lignes de courbure doivent avoir leurs centres en ligne
droite.
Avant trouvé des surfaces à courbure constante, on
eut en déduire une série d’autres par les méthodes de
MM. Bäcklund et Lie. Les quadratures que nécessile
l'emploi de ces méthodes peuvent ètre plus ou moins
réduites. L'intégration d’un certain système d'équation
de Riccati à deux variables conténant un paramètre
arbitraire permet de ramener à des calculs algébriques
l'application des méthodes de transformation.
Le second chapitre établit un rapprochement entre
la théorie des surfaces à courbure constante el celle
des surfaces minima, à l’aide de la géométrie généra-
lisée de M. Cayley. A MP
On sait que les relations métriques de la géométrie
euvent être exprimées sous forme projective par
l'introduction du cercle imaginaire à l'infini. On ob-
tient la géométrie de M. Cayley en remplacant ce
cercle (considéré comme une quadrique dégénérée)
par une quadrique quelconque. Comme il est indiffé-
rent de faire subir à la figure une transformation ho-
mographique, on peut ramener la quadrique fonda-
mentale, suivant qu’elle est ou non dégénérée, à être
le cercle imaginaire à l'infini ou une sphère ayant son
centre à l'origine, le premier cas étant celui de la
aéométrie ordinaire. ;
” Unetransformation assez simple relie, d'ailleurs, 1 une
à l'autre ces deux séométries. Si, à chaque point M de
l'espace, nous faisons correspondre l’un des points m,m
qui sont les centres des sphères de rayon nul passant
par l'intersection de la sphère fondamentale $ et du
plan polaire de M par rapport àS, à la figure F, com-
posée des points M, correspondra une figure f, com-
posée des points m. L'angle cayleyen de deux li-
unes de la figure F est égal à l’angle ordinaire cor-
respondant de la figure f. Quant à l'élément linéaire
cayleyen de la figure F, il est égal à l'élément ordi-
naire ds de la figure f, multiplié par =
2 —R°
respectivement le rayon de la sphère fondamentale et
la distance du point » au centre. On peut supposer que
la dénomination de longueur d’un arc de courbe ait été
D]
donnée à l'intégrale | : MER
JPREENS
arc : les lignes les plus courtes entre deux de leurs
points ne sont plus alors des droites, mais des cercles
orthogonaux à la sphère fondamentale. Si lon remarque
que l’on peut toujours supposer le point m intérieur à
cette sphère, on reconnaitra, dans la géométrie de la
figure f, la géométrie non euclidienne indiquée par
M. Poincaré dans la Revue du 30 janvier 1892 (p. 74).
Si maintenant lon demande la notion qui, en géo-
métrie cayleyenne, correspond à celle de surface mi-
nima, on pourra partir de la propriété qu'ont sur ces
dernières les lignes de longueur nulle de former un ré-
seau conjugué. En géométrie cayleyenne, les lignes
de longueur nulle sont remplacées par les lignes dont
les tangentes touchent la quadrique fondamentale, Or,
la recherche des surfaces Ÿ sur lesquelles ces lignes
forment un réseau conjugué dépend précisément de la
même équation aux dérivées partielles que celle des
surfaces à courbure constante.
On retrouverait, d'ailleurs, les même surfaces X en
{ranformant une autre définition des surfaces minima,
par exemple en considérant les surfaces dont les lignes
,oùR,esont
prise le long de cet
ui
asyraptotiques font un angle cayleyen égal à =, ou
9?
celles qui ontleurs rayons de courbure cayleyens égaux
et de ligne contraire, ou encore celles dont l'aire cay-
leyenne est minima.
J. HapamanrD.
Cantor (Moritz). — Vorlesungen über Geschichte
der Mathematik. Dritter Band (vom Jahre 1668 bis
zum Jahre 1759). Krste Abtheilung (Die Zeit von
1668 bis 14699), — Un volume in-8° de 251 pages avec
45 fig. dans le texte. (Prix : T fr. 50). B. G. Teubner,
Leipzig. 1895.
,
Le troisième et dernier volume, comprenant l’histoire
des Mathématiques depuis l'an 1668 à l'an 1759, se
divise en trois parties, dont la première, la seule parue
encore, contient un exposé des travaux publiés de
1668 à 1699. L'auteur nous présente, séparément pour
chaque branche, les progrès réalisés pendant cette
période, en attachant une grande importance à l’ordre
chronologique, afin de bien laisser entrevoir l'influence
qu'un géomètre a pu exercer sur un autre, Qu'il nous
suffise, pour montrer le haut intérêt qu'offre le présent
fascicule, de rappeler que c’est précisément à cette
époque que remonte la fondation du calcul différentiel
et intégral, c'est-à-dire que furent publiés les mémoires
de Leibnitz, de Newton, du marquis de l’Hospital, des
frères Bernoulli, de Tschirnhausen et d’autres.
Il serait superflu de faire ici l'éloge d’une œuvre que
le publie mathématicien a déjà su apprécier à sa juste
valeur; souhaitons simplement que les deux derniers
fascicules ne tardent pas à être publiés.
H, Feun.
2° Sciences physiques.
Berthelot (Daniel), Professeur agrégé à l'École supé-
_ rieure de Pharmacie, Assistant au Muséum. — De
l'Allotropie des Corps simples. — 1 vol, in-8°, de
85 p. G. Steinheil, éditeur, Paris, 1895.
Un corps simple peut se présenter sous plusieurs
états offrant des propriétés physiques et chimiques si
. différentes que l’on serait presque tenté de les consi-
dérer comme constituant autant d'éléments distincts, si
des masses égales de chacun d'eux ne possédaient la
faculté de s’unir à un autre corps pour former un com-
posé identique. C’est là le phénomène de l’ullotropte,
ainsi désigné pour la première fois par Berzélius. Cette
notion de l’allotropie a, depuis lors, été l’objet de nom-
breux travaux ; elle touche aux questions les plus inté-
ressantes de la Chimie, conduit naturellement aux plus
hauts problèmes de la philosophie naturelle, le pro-
blème de l'unité de la matière, par exemple. M. Daniel
Berthelot présente, dans sa courte brochure, très claire-
ment, l’état actuel de la question; après une courte
préface où l'importance du phénomène est bien mise
en évidence, viennent des monographies très substan-
tielles où l’auteur passe en revue les divers corps,
mélalloïdes ou métaux, qui possèdent des états allotro-
piques. Cilons particulièrement les études sur le fer, le
nickel, le cobalt, le soufre, le phosphore, le carbone;
relativement à ce dernier corps, des résultats d’une
haute portée ont été obtenusil y a quelques années déjà,
et M. Daniel Berthelot les expose parfaitement. Une
question fondamentale se posait : On pouvait se deman-
der si l’allotropie peut résister à la combinaison, de
telle sorte que deux états allotropiques fourniraient
deux séries de composés distincts, tant qu'on ne les sou-
mettrait pas à des réactions suffisamment énergiques
pour les ramener à un état identique; on se trouverait
alors en présence de cas qui approcheraient singuliè-
rement de la transmutation des éléments. MM. Berthe-
lot et Brodie ont découvert, sur les graphites et les com-
posés qui en dérivent, des faits capitaux dans cet ordre
d'idées : les graphites soumis à l’action d'un agent oxy-
dant donnent des oxydes graphitiques spéciaux pour
chaque variété de graphite, et chacun de ces oxydes
graphitiques produit des dérivés spéciaux qui le régé-
nèrent et ce nest que par une oxydation beaucoup plus
profonde qu'on les ramène {ous à l'état d'acide carbo-
nique. Dans un dernier chapitre, l’auteur résume les
divers fails connus, montre les résultats acquis, insiste
sur les conséquences scientifiques ou philosophiques;
il montre comment le fait que les transformations iso-
mériques sont accompagnées d’un dégagement de cha-
leur permet de comprendre comment un même corps
simple acquiert des propriétés nouvelles sans que sa
masse se modifie : c’est là le point acquis; quant aux
modifications internes de structure qui se traduisent
au dehors par les états allotropiques, on ne saurait les
expliquer avec certitude,on est réduit à des hypothèses
qui échappent, presque toujours, au contrôle de l'expé-
rience direcle. :
Lucien Porxcané,
Pionchon (M. ]J.), Professeur de Physique à la Fa-
cullé des Sciences de Bordeaux. — Electricité indus-
trielle. Cours fondé par lu Société des Amis de l'U-
niversité. Première année (1893-94) : Leçons sur les
notions fonamentales relatives à l'Etude et à la
Mesure de | Energie électrique. — Un vol. én-8°, de
300 p. avec fig. J. Laurens, Bordeaux, 1895.
Dans sa lecon d'ouverture, M. Pionchon expose net-
tement le programme de celte première année d’ensei-
gnement (le cours comprend douze lecons). Il veut
«inilier ses auditeurs à la connaissance des faits-d’où
procèdent les nombreuses notions impliquées dans
l’étude et la mesure de l’énergie électrique », C’est
dire qu'il ne faudra pas chercher encore, dans ce vo-
lume, de l'électricité industrielle proprement dite,
bien qu'un appendice renferme des renseignements sur
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 11
— ——
létalonnage des ampèremètres et des voltmètres indus-
triels, et des données numériques.
Le développement qu'on peut donner aux principes
mêmes de la science dans un cours d'électricté appli-
quée, dépend évidemment du temps dont on dispose.
M. Pionchon a pu consacrer six lecons à l’électrosta-
tique. Ce ne sont pas les lecteurs de son livre qui s’en
plaindront. Les titres des chapitres indiquent bien
d'eux-mêmes dans quel esprit l’œuvre est concue. No-
tion de charge électrique ou de quantité d'électricité. —
Notion detension électrique.—-Notion de potentiel élec-
trique. — Notion de capacité électrique. — Comment
nous sommes conduits à l’idée de la grandeur qu'il
s’agit dedéfinir et de mesurer, à quelle réalité physique
elle correspond, comment on passe d'une notion pre-
mière purement qualitative à la véritable définition
scientifique, c’est ce que l’auteur expose en un langage
facile et limpide, dans des pages qui peuvent être lues
par toute personne possédant les premiers. éléments
de l'algèbre, et qui seront lues avec fruit par tous ceux
qui ont à enseigner ces débuts de l'électrostatique.
Les lecons suivantes sont consacrées à l’électrociné-
tique et aux idées générales sur les générateurs et
récepteurs d'énergie électrique. Bernard BRüNHES.
Brunel (Georges). — La Photographie pour tous. —
1 vol. grand in-8° de 630 pages avec 330 fig. et 18
planches hors texte (Prix 12 francs.) Geoffroy, éditeur,
222, boulevard Saint-Germain, Paris, 1895.
A notre époque, la Photographie est devenue un
auxiliaire indispensable, aussi bien à l’homme de
science qu'à l'artiste ou au simple curieux. C’est en
s'inspirant de ce besoin réel que ‘M. G. Brunel vient de
publier son ouvrage : La photographie pour tous. Ecrit
dans un style concis et clair, ce livre est divisé en
sept parties qui traitent successivement : de la pra-
tique photographique (appareils, laboratoire, opéra-
tions, pose, développement, fixage, lavage, préparation
des positifs, cause des insuccès), du matériel photogra-
phique (appareils, obturateurs, objectifs, pieds, chàs-
sis, lampes), de la théorie de la photographie, de son
histoire, de son application aux sciences, aux arts et à
l'industrie, Or trouve encore dans ce volume un re-
cueil de formules photographiques et un index détaillé.
3° Sciences naturelles.
Bateson (William), Fellow of St-John's College, Cam-
bridge. — Materials for the study of Variation
treated with especial regard to discontinuity in
the origin of species. — Un vol, in-8° de 598 puges,
avec 209 figures dans le texte. (Cartonné, 26 fr. 25).
Macrnillan and Co., Londres et New-York, 1895.
Convaincu avec raison que l'étude soignée de la
* variation aidera beaucoup à la solution du problème
de l’origine des espèces, M. Bateson a entrepris de ras-
sembler tous les cas connus de variation animale (y
compris les monstres doubles ou triples viables, qui
ne sont aussi que des variations), de facon que les
conséquences découlent d’elles-mèmes de cette masse
de faits accumulés et coordonnés. D'où le titre modeste :
Materials for the study of variation. C'est une œuvre
considérable, de haute portée, qui reprend et complète
très heureusement les travaux de Darwin devenus
insuffisants; nous verrons plus loin qu'elle combat
d’une facon décisive quelques-unes des doctrines les
plus en faveur, notamment celle de l'atavisme.
Ce livre se divise naturellement en deux parties :
1° la collection des cas de variation; 2 les conséquences
théoriques.
Un caractère très universel des êtres vivants,
c’est que tout le corps ou certaines parties du corps
sont divisés en parties plus ou moins semblables,
qui se répèlent plus ou moins régulièrement dans un
ordre donné : ainsi les phalanges d'un doigt, les dents
d'un Vertébré, les anneaux d’un Insecte, les pétales
d'une fleur, etc, M. Bateson désigne sous le nom de
(o 2]
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
mérisme ce phénomène général de la répétition des
parties. Toutes les variations qui se présentent dans
ces parties répétées, tous les dérangements de la symé-
trie habituelle, forment un grand groupe de variation
méristique (Exemple : fleur de Tulipe tétramère au lieu
d'être trimère, tarse de Blatte à quatre articles au lieu
de cinq, femme à mamelles surnuméraires, polydacty-
lisme, dents supplémentaires ou absentes, elc.). A
signaler encore dans cette catégorie une variation bien
singulière que M. Bateson désigne sous le nom d’Ho-
mwæosis (métamorphose de Gæthe) : un appendice donné
prend la forme d’un autreappendice de la même série,
de constitution et de fonction toutes différentes.
(Exemple : pétales prenant l'apparence de feuilles ou
d’étamines, œil d’un Crustacé remplacé par une an-
tenne, antenne d’Insecte transformée en paite, etc.)
Une seconde sorte de variation, dite substantive,
groupe provisoirement toutes les variations de subs-
tance (taille, couleurs et marques colorées, variétés
dextres ou senestres, poils des mérinos, etc.). Les faits
rassemblés par M. Bateson, en nombre considérable et
abondamment illustrés, se rapportent presque tous à
la variation méristique envisagée chez tous les ani-
maux, domestiques et sauvages ; et à cette occasion, il
démontre que les animaux sauvages présentent tout
autant de variations que les domestiques, contraire-
ment à l’opinionrecue. Je ne saurais trop louer l'auteur
pour la méthode et la conscience qu'il à apportées
dans la collection des faits, épars dans toutes les
publications et très difficiles à grouper; les chapitres
relatifs aux vertèbres et aux côtes, aux dents des Mam-
mifères, aux membres et doigts, aux appendices
des Arthropodes, sont particulièrement développés et
complets. Tous ceux qui s'occupent tant soit peu de
variation trouveront là une mine de renseignements
précieux et sûrs, rédigés de première main, avec
toutes les indications bibliographiques désirables.
J'espère que M. Bateson complètera son œuvre en nous
donnant un livre semblable sur la variation subslantive,
encore moins connue que la variation méristique.
Quant aux conséquences théoriques de son tra-
vail, M. Bateson en exprime quelques-unes d’une facon
un peu dubitative et nuageuse (nouvelle conception de
l'homologie,non-répétition de la phylogénie par l’onto-
génie, influence de la symétrie sur la variation, etc.); je
ne résumerai que deux points d’une haute importance :
{1° Discontinuité de la variation, Comme on sait,
Darwin avait admis que la varialion spécifique était
généralement très lente et graduelle, et que c'était
la sélection naturelle qui, à chaque génération, con-
servait les petites variations favorables ; celles-ci s’ac-
cumulaient peu à pen jusqu'à former un type spéci-
fique distinct, Bateson, reprenant les idées exprimées
vaguement par Wallace et d’autres auteurs, montre au
contraire que la variation est presque toujours discon-
tinue, subite, pour employer l'expression francaise,
c'est-à-dire que de parents normaux sort brusquement
une variation notable, parfaite en elle-même, sans
qu'il y aiteu aucun intermédiaire entre celle-ci et le
type normal; cela est surtout bien net dans la variation
méristique, Ainsi, la Tulipe, typiquement à fleur tri-
mère, peut donner des « sports » qui sont tétramères ;
iln'yaetil ne peut y avoir aucun intermédiaire entre Les
deux fleurs, el ilest évident que la Tulipe tétramère est
aussi parfaite en son genre qu'une Tulipe normale.
Mème raisonnement dans le cas des mamelles surnu-
méraires, du polydactylisme ou du syndactylisme, etc.
La discontinuité de la variation une fois admise, cela
supprime bien des difficultés; il n'y a plus à se de-
mander comment la sélection naturelle peut conserver
des variations très petites et par suite peu ou point
utiles; il n’est plus besoin d'exiger un temps extrême-
ment long pour la formation des espèces; enfin cette
discontinuité de la variation rend parfaitement compte
de la discontinuité des espèces, qui est un fait absolu-
ment évident,
20 Suppression de l’atavisme. On a assez joué de
l'atavisme ou réversion pour que ce terme soit bien
connu de tous. Toutes les fois que, dans un organe
donné, une anomalie rappelait un état existant ail-
leurs, on la considérait comme un cas d’atavisme, c’est-
à-dire comme le retour matériel, la réopparilion de
l'organe tel qu'ilexistait chez l'un des ancèires de l’ani-
mal considéré ; ainsi une femme a deux utérus séparés
comme chez un Marsupial, au lieu d’un seul : retour
atavique de l'utérus d'un ancêtre se rapprochant des
Marsupiaux actuels; une femme a des mamelles sur-
numéraires comme un Carnivore : retour atavique d’un
ancêtre muni de nombreuses mamelles, ete. On a été
si loin dans celte voie qu'on a cherché des explications
alaviques pour toutes les anomalies musculaires, ner-
veuses ou vasculaires de l’homme, et naturellement on
en a trouvé. Mais, si l’on admet l'atavisme, on crée une
énorme difficulté à la théorie de l’hérédité : il faut
absolument que celle-ci rende compte du lien matériel
qui unitainsi l’animal actuel à tous ses ancêtres, quelque
éloignés qu'ils soient, même par des milliers de siècles.
Bateson, et je partage absolument sa manière de.
voir, nie à peu près complètement l’atavisme., Par
exemple, le Cheval dont les membres sont terminés
normalement par un seul doigt muni de sabot, peut
avoir à litre de variation deux doigts égaux et symé-
triques comme ceux d’un Mouton, ou bien un grand
doigt accompagné d’un plus petit muni d’un sabot, ou
encore trois doigts égaux, Toutes ces variations sont
également parfaites; or, il est cerfain que les deux pre-
mières ne peuvent avoir une signification atavique, car
jamais un ancêtre du Cheval n’a pu avoir deux doigts
égaux munis de sabots, Si l’on admet que le polydac-
tylisme, rappelant les nageoires des Poissons, à une
signification atavique, pourquoi la dénier au syndacty-
lisme, qui est une variation évidemment du même
ordre ? Or il est impossible que les ancêtres de l'homme
aient eu à la fois moins et plus de cinq doigts. Si l'on
interprète comme ataviques certaines varialions mus-
culaires de l'Homme, rappelant ce qui existe chez divers
Mammifères, Reptiles ou Oiseaux (!), on est forcé
d'étendre cette interprétation à toutes les anomalies
musculaires, ce qui amène à l'absurde. Rien n'autorise
à diviser les variations en ataviques et non alaviques :
car toutes les variations constituent évidemment une
seule classe de phénomènes inséparables.
*
d'à
|
!
E
Il n'y à donc pas d'alavisme, au moins pour les
ancètres éloignés; il n'y a que des variations plus ou
moins profondes, plus où moins parfailes, qui peuvent
s'exercer dans tous les sens. Cela simplifie considéra-
blement la théorie de l’hérédité.
En terminant cette analyse, je ferai remarquer, bien |
que M. Bateson n'ait pas touché ce point, combien les
faits qu'il expose sont d'accord avec la récente théorie
de Weismann sur le processus du développement; les
cas d'homæosis et un grand nombre d'anomalies mul-
liples en constituent presque la preuve expérimentale.
Mon seul regret, après avoir lu ce livre, c’est de cons-
tater notre infériorité vis-à-vis des Anglais et des Alle-
mands dans le magnifique développement de la doc-
trine transformiste: il n’est peut-être pas suffisant de
vivre sur la réputation de Lamarck et de Geoffroy
Saint-Hilaire 1. L. Cuénor.
l Cete prétendue infériorilé des Francais est-elle bien
réelle” Nous ne le pensons pas : s’il est vrai qu’en ces der-
nières années Anglais et Allemands ont émis beaucoup d’hy-
pothèses sur le mécanisme de la variation et de la descen-
dance, c'est aussi bien en France qu'en Angleterre eten Alle-
magne que les faits les plus propres à éclairer ces difficiles
problèmes ont été établis, Est-il besoin de rappeler les beaux
travaux de notre compatriote Léon Guignard? Ce sontles ob-
servations de ce savant, celles de Strasburger et de Flemming,
qui ont apporté un commencement d'explication anatomique
(et non pas hypothétique) au phénomène biologique de l’hé-
rédité. Quoi qu'il advienne, d'ailleurs, des vuss que de tels
travaux peuvent sugsérer, ils n'en constituent pas moins le
premier apport posilif que la science ait eu à enregistrer sur
ces questions. Cet apport vaut, à nos yeux, plus que toutes
les théories. (Note de la Direction.)
is
4° Sciences médicales.
Baudron (D: Emile), Ancien interne, — De l'hysté-
rectomie vaginale appliquée au traitement chirurgi-
cal des lésions bilatérales des annexes de l'utérus. (Opé-
ration de Péan). (Etude basée sur les observations du
D: P. Segond, prof. agrégé, médecin de la maison mu-
nicipale de Santé). -— Un vol. in-8° de 400 p. avec 38 fig.
(Prix : 10 fr.). Société d'éditions scientifiques. Paris, 1894.
Le livre de M, Baudron, écrit en vue de faire l’apo-
logie de la voie vaginale appliquée au traitement des
affections des annexes, est intéressant en ce qu'il nous
donne l’exposé complet de la pratique d’un chirurgien
expert, de son maitre P, Segond. On y trouve la descrip-
tion des divers manuels opératoires préconisés. Malgré
son vif désir d'arriver à poser en conclusion que «Phys-
térectomie vaginale est indiquée dans tous les cas de
lésions annexielles bilatérales », M. Baudron donne
quelques statistiques de chirurgiens opérant par l’abdo-
men, ce qui nous a permis de constater que, contraire
ment aux conclusions de l’auteur, il est actuellement
plus prudent pour les femmes de se faire opérer par le
ventre que par le vagin. Nous y voyons, en effet, que,
tandis que la voie vaginale, avec ses derniers perfec-
tionnements, donne entre les mains de M. Segond une
mortalité de 6,60 0/0, la voie abdominale entre les
mains de mon maître le professeur Terrier ou entre
les miennes ne donne que 2,70 0/0 de mortalité, dans
les cas suppurés. Aussi ne comprenons-nous pas l’aveu-
glement de l’auteur, N'empêche que cette thèse est des
plus intéressantes à lire pour les partisans de la voie
abdominale : car elle leur montre, à eux qu’on a quelque
peu accusés, dans des conciliabules d'opinion rétro-
grade, que leur méthode estencore défendable. 1] était
intéressant de le constater à la lecture d’un travail qui
certes n'avait pas été écrit pour l’établir.
D' HENRI HARTMANN.
Bérenger-Féraud (L-J.-B.), Ancien Président du
Conseil supérieur de Santé de la Marine. — Leçons
cliniques sur les Tænias de l'Homme. — 2° édition,
4 vol. in-8° de 560 p. avec 51 fig. (Prix : 12 fr.). O. Doin,
éditeur. Paris, 1894.
Nous assistons à un réveil de l'helminthologie :
depuis dix à douze ans, on l'enseigne dans nos écoles
de médecine, sinon d'une facon officielle (puisqu'elle
n’est encore consacrée par aucune chaire!, malgré lim-
portance considérable qu'elle a prise) tout au moins
d’une facon officieuse : les cours où on l'enseigne atti-
rent des auditeurs nombreux et attentifs et, chose
plus rare, les livres qui lui sont consacrés ont un
assez grand succès de librairie pour voir se lever l’au-
rore de la deuxième édition. Tel est le cas pour le pré-
sent ouvrage, Faut-il conclure de là qu'il ait une valeur
ou une importanceexceptionnelles ? qu’il soit le fruit de
longues et patientes observations personnelles? qu'il
nous renseigne avec précision sur l'état présent de la
science? qu'il ait coûté à son auteur de pénibles
recherches bibliographiques? Rien de tout cela.
Sans doute, cet ouvrage a bien son mérite, mais la
partie vraiment originale tiendrait en peu de pages :
elle consiste essentiellement en tableaux montrant la
fréquence du Ténia dans les hôpitaux des armées de
terre et de mer, tant en France qu’en Algérie, pendant
les années 1881 à 1890; la Tunisie et le Sénégal sont
aussi passés en revue. Ces statistiques, dressées avec
1 Depuis que ces lignes sont écrites, il a été créé à la Fa-
culté de Médecine de Lille, une chaire d’histoire naturelle des
arasites : c'est la première chaire de parasitologie fondée en
France. Nous saluons ävec une vive satisfaction celte inno-
vation, qui, nous l’espérons du moins, dans l'intérêt de la
science, devra étre appliquée tôt ou tard aux autres Fa-
cultés de Médecine, et notamment à celle de Paris. Nous pen-
sons toutefois qu'il vaudrait mieux dédoubler purement et
simplement les chaires d'histoire naturelle en chaires de zoo-
logie (comprenant la parasitologie) et de botanique.
(Note de la Rédaction.)
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
—1
©
grand soin, sont très instructives; elles ont malheu-
reusement le tort de n’établir aucune distinction entre
le Ténia inerme et le Ténia armé ; mais le reproche ne
saurait en être adressé à l’auteur, qui, lirant ses ren-
seignements des registres des hôpitaux militaires, n’a
pas eu la possibilité de contrôler la nature des Vers
énumérés.
L'impartialité me fait un devoir de dire que la partie
zoologique de ce livre ‘et elle est importante, puisqu'elle
en occupe à peu près la moitié) n’est guère au courant
de la science actuelle. l’auteur méconnait l'identité
des Tænia cucumerina el elliptica ; il admet, sur l’insuf-
fisante affirmation de Vital, l’existence du Tænia ser-
rata chez l'Homme ; il ignore totalement les observa-
tions faites, ces années dernières, par M. Leuckart et
par moi-même sur le Tænia madagascariensis ; il énu-
mère comme espèces distinctes le Ténia algérien, le
Ténia du Cap de Bonne-Espérance, le Tænia abietina,
le Ténia nègre, qui ne méritent aucunement cette qua-
lification, ainsi que tous les helminthologistes s’accor-
dent à le reconnaître, De même encore, il admet le
Tænia tenella, le T. lophosoma etle Ténia des tropiques,
qu'il range avec le T. flavopunctata parmi les « types
indéterminés ». Or, rien n’est mieux déterminé : on
sait que les deux premiers types sont des anomalies,
que le troisième est identique au Tænia saginata et que
le dernier rentre dans le genre Hymenolepis.
Je n’insiste pas sur un nombre considérable de fautes
d'impression, intéressant presque exclusivement les
noms d'auteurs, el montrant ainsi que M. Bérenger-
Féraud n’est guère familiarisé avec la lecture de ceux-
ci. En effet, quand un ouvrage récent expose avec
détails et de facon soigneuse une revue complète des
auteurs, anciens et modernes, nationaux et étrangers,
à quoi bon se donner la peine de recommencer un
semblable travail, qui exige des années d'un labeur
assidu, qui ne va pas sans la connaissance d’un certain
nombre de langues vivañtes et dont la fastidieuse mo-
notonie pourrait décourager les plus zélés? N’est-il pas
plus simple de « s’assimiler » la besogne déjà faite, de
la découper en tranches et de l'éparpiller dans un livre
dont, de la sorte, le nombre de pages peut doubler sans
trop de difficulté, d’une édition à l’autre ? J'aurais mau-
vaise grâce à insister sur ce détail, qui n’a guère d’in-
térêt que pour deux personnes, l’assimilateur et l’assi-
milé, La seconde moitié du livre est consacrée à l'étude
symplomatologique de l’helminthiase. C’est la partie la
plus originale, encore que Davaine nous ait donné,
dans son Traité des Entozoatres, des chapitres analogues
qui ne le cèdent à ceux-ci ni par la précision des
démonstrations ni par l’heureux choix des vbservations
mentionnées. Les chapitres consacrés à l'écorce de
racine de Grenadier, à l'extrait éthéré de Fougère mâle,
au Cousso et à la graine de Courge, sont intéressants
et résultent évidemment d'une longue et fréquente pra-
tique. Mais pourquoi étudier si longuement, en plus
de cent pages, une foule de ténifuges douteux ou notoi-
rement inefficaces? Il eût mieux valu développer le
chapitre trailant de la ladrerie, qui nous semble tout à
fait insuffisant. Dr R. BLANCHARD.
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie. Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, — paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-5° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en couleurs.
507e et 508° livraisons, (Prix de chaque livraison,
1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes, Paris, 1895.
A signaler dans les 507° et 508 livraisons des articles
sur la planète Jupiter par M. L. Barré; sur la chaine du
Jura et sur le département du même nom; sur le ter-
rain jurassique, sa faune et sa flore, ses principaux
facies et ses subdivisions, par notre distingué collabo-
rateur M. Emile Haug; sur la juridiction, par M. E.
H. Vollet et sur la jurisprudence, par M. E. Glasson ;
sur le Jute, par M. L. Knab.
80 ACADÉMIES ET SOCIETÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 31 Décembre 1894.
M. Richthofen est nommé Correspondant pour la
Section de Minéralogie en remplacement de M. Kok-
scharow, — M. V. Damato prie l'Académie de le com-
prendre parmi les candidats à une place de correspon-
dant pour la Section de Médecine et de Chirurgie, —
M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de
M. Stietljes. — Plusieurs lauréats adressent leurs
remerciements pour les distinctions accordées à leurs
travaux.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M.H.Deslandres com-
munique le résultat de ses observations de l'étoile & Her-
cule; ces résultats confirment le mouvement considé-
rable de cette étoile par rapport au soleil, — M. Picard
lit un rapport sur un mémoire de M. Riquier « sur
l'existence des intégrales dans un système différentiel
quelconque et sur la réduction d’un semblable système
à une forme linéaire et complètement intégrable de
premier ordre ». Le rapporteur conclut à l'insertion
de ce travail dans le Recueil des mémoires des savants
étrangers. — M. Walther Dyck adresse un travail
important relatif à la détermination du nombre des
racines communes à un système d'équations simulta-
nées et sur le calcul de la somme des valeurs d’une
fonction en ces points. — M. R. Perrin expose un
ensemble de remarqnes qui permettent de simplifier
notablement la résolution des équations numériques
au moyen des suites récurrentes, — M. N. Bougaïef
considère l'intégrale définie suivant les diviseurs
à D
\1 . :
N 9 (d) qui est une somme des fonctions 6 (d)
a, (n)
prises pour tous les diviseurs d du nombre entier n
entre les limites à et b inclusivement, et montre que la
théorie de ces intégrales, intimement liée avec la
théorie des intégrales numériques suivant les diviseurs,
donne des lois numériques nouvelles pour la théorie
des fonctions discontinues.
2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Colson, par l'étude
de la propagation el des interférences d'ondes électri-
ques de basse fréquence, est arrivé à des conséquences
importantes relatives à l'emploi des courants alterna-
tifs et du téléphone pour la mesure des résistances ;
l’auteur signale les erreurs graves auxquelles est sujet
ce procédé de mesure, et met en évidence les précau-
tions qui permettent de s’en affranchir, — M. Henri
Moissan à étudié les conditions de formation du gra-
phite dans le fer, en faisant varier la température et
la pression: il tire les conclusions suivantes : 1° à la
pression ordinaire, le graphite est d’autant plus pur
qu'il est formé à une température plus élevée; 2 ce
graphite est d'autant plus stable, en présence d’acide
nitrique et du chlorale de potassium, qu'il a élé pro-
duit à plus haute température ; 3 sous l'influence de
la pression, les cristaux et les masses de graphite
prennent l'aspect d’une matière fondue; 4° la petite
quantité d'hydrogène contenue diminue quand la
purelé augmente : un graphite chauffé dans le vide ne
donne pas d’eau par sa combustion; 5° l'attaque de la
fonte par les acides donne des composés hydrogénés et
oxygénés qui résistent à la température du rouge
sombre et se détruisent par la combustion. — M. Vil-
liers montre que le sulfure de nickel, au moment de
sa formation, se comporte, vis-à-vis le sulfure de so-
dium, autrement que le sulfure précipité; la différence
des propriétés s'explique par une modification molécu-
laire. Le sulfure de cobalt donne lieu aux mêmes re-
marques quand on le prépare avec des solutions très
diluées, — M. de Forcrand a étudié l’action du carbure
de calcium C?Ca sur l'alcool absolu en tube scellé à
180° ; il semble qu'il devrait se former de l’acétylène
et de l’éthylate de calcium ; mais, en réalité, l’auteur
a obtenu de l’acétylène, un carbure éthylénique et
plusieurs centièmes de formène, en même temps que
certaines combinaisons du type nCaO + n'C2H0, dont
lune serait 3CaO + 4C?H60, et l’autre CaO + C2H60,
— MM. E. Jungfleich et E. Léger donnent les résultats
de l'étude de l’oxycinchonine-$; ils font connaitre son
mode de préparation, ses propriétés physiques et
chimiques, celles de ses sels, de ses dérivés alkylés
ainsi que de ses éthers acétique et benzoïque et de
leurs dérivés, — M. A. Brochet a étudié l’action du
chlore sur les alcools secondaires en opérant sur les
alcools isopropylique et octylique secondaire ; la réac-
tion esttrèssimpleetdonne, avecles alcools R.CHOH.CH3,
des acétones de forme R.CO0.CCP, où le radical se chlore
d’après ses affinités propres. — MM. H. Parenty et
E. Grasset ont pu réaliser industriellement la prépara-
tion de sels cristallisés de la nicotine; ils ont surtout
fait l'étude physique et chimique du quadroxalate
2 (201) H#,CI0HN Az? et comparé son action physiolo-
gique à celle de la nicotine. Ce sel est huit fois moins
vénéneux que la nicotine caustique, tout en conservant
dans ses effets physiologiques les mêmes caractères
généraux. — M. Adolphe Renard a trouvé dans les
produits de la distillation du goudron de pin passant
au-dessus de 300°,un mélange de bitérébenthyle C204%,
bouillant à 332-338°, et de bitérébenthylène C20H38,
bouillant à 340-345°; ces deux hydrocarbures sont
facilement séparés par un traitement à l’acide sulfu-
rique ; les produits ultimes de la distillation contien-
nent le rétène, qu'il est facile d'isoler par expression et
cristallisation dans l'alcool, Enfin, la créosote de pin
présente, au point de vue de sa teneur en gaïacol,
une composition intermédiaire entre la créosote de
hêtre et celle du chêne. — M. Foveau de Courmelles
adresse une note intitulée : « Contributions à l'étude
de l’ozone. » C. MATIGNoN,
39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Perrin présente
quelques remarques sur les muscles et les os du
membre postérieur de l’Halleria punctata; ils appar-
tiennent bien au type saurien, mais présentent néan-
moins quelques caractères spéciaux qui rappellent
qu'on est en présence d’une espèce ancienne peu
modifiée; la présence de cinq farsaliens rapproche ce
genre du Palæohatteria, — M.Le Dantec fait des études
comparatives sur lesRhizopodes lobés et réticulés d’eau
douce, Les observations ont portésurtout sur l'Amoeba
proleus et la Gromia fluviatilis. Il conclut que le milieu
protoplasmique est très peu différencié et très peu sé-
paré du milieu extérieur chezles Gromies ; il enest, au
contraire, séparé fortement, chez les Amibes, par une
couche externe à tension superficielle considérable, —
M. Charles Janet a observé, sur les nids de la Vespa
crabro L., l’ordre d'apparition des premiers alvéoles, —
MM. Haug et Kilian ont examiné les lambeaux de re-
couvrement de l'Ubaye, et ont constalé que ce sont les
témoins d’ungrandpli couché de terrains à faciès brian-
connais, refoulé vers lesud-ouest sur un soubassement
de terrains à faciès dauphinois; sa racine est cachée
sous la zone du Flysch. — M. Renard a observé quel-
ques conditionsde propagation dela fièvre typhoïde, du
choléra et du typhusexanthématique dansl’armée. Lors-
que les {troupes sont abreuvées en eau de source ou en
eau filtrée, la mortalité due à ces maladies diminue
considérablement. J. ManriN.
dette it tnt de Mar te, dns pe à pt à
Séance du T Janvier 1895.
M. Cornu est élu vice-président pour l’année 1895. —
MM. Fizeau et Daubrée sont élus membres de la com-
mission administrative pour l’année 1895. — M. Mau-
rice Lœwy, président sortant, fait connaître à l’Aca-
démie l’état où se trouve l'impression des recueils
qu'elle publie et les changements survenus parmi les
membres et les correspondants pendant le cours de
l'année 1894. — M. Matheron est nommé correspondant
de la Section de Minéralogie en remplacement de
M. Scacchi. — La Section de Minéralogie présente la
liste suivante des candidats, pour la place laissée va-
cante par le décès de M. Mallard : 1° M. Hautefeuille;
2° MM. Barrois, Marcel Bertrand, de Lapparent, Michel
Lévy. — L'Ambassade impériale de Russie adresse à
M. le Président une lettre remerciant l’Institut, au nom
de S.M. l'Empereur Nicolas IT, de la part qu'il a prise au
deuil de la Russie à la suite de la mortdes,. M. l'Empe-
reur Alexandre III. — M. le Ministre de l’Instruction
publique adresse une lettre relative à la cérémonie
célébrée récemment en l'honneur de M. de Helmholtz.
M. Berthelot annonce qu'une souscription est ouverte
à Berlin pour l'érection d’un monument à M. de Helm-
holtz. — MM. Blanc, Le Châtelier, Willotte, adress-
sent des remerciements pour les distinctions accordées
à leurs travaux. — Mr veuve Elliot demande l’ouver-
ture d'un pli cacheté déposé par son mari, feu M. El-
liot. Ce pli contient une analyse du travail de M. Elliot,
qui a été honoré d’une mention dans la dernière
séance publique.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. le secrétaire perpé-
tuel signale, patmi les pièces imprimées de Ja corres-
pondance, la 30° année du « Journal du Ciel », publié
par M. Joseph Vinot. — M. H. West adresse une note
intitulée : « Pourquoi les chats retombent-ils toujours
sur leurs pattes? » — M.A. Gaiïllot, après avoir reconnu
que les tables du mouvement de Saturne, construites
par Le Verrier et fondées sur les résultats que lui a
donnés la méthode d'interpolation, représentent impar-
faitement les observations antérieures à leur publica-
tion, et plus imparfaitement encore celles qui ont été
faites dans les années suivantes, a cherché l’explication
de cette anomalie et trouvé une omission grave dans
les formules utilisées par Le Verrier. L'auteur énumère
-les modifications qu'il convient de faire subir à la
partie des tables représentant les perturbations dues
aux actions réciproques de Jupiter et de Saturne, en
même temps qu'il introduit de nouveaux termes cor-
rectifs pour tenir compte des perturbations dues à
l’action directe d’Uranus ou aux actions combinées
d'Uranus et de Neptune, et d'Uranus et de Jupiter. —
M. N. Coculesco continue l’exposé des raisonnements
qui le conduisent au développement approché de la
fonction perturbatrice. — M. Walter Dyck applique
sa méthode exposée dans la dernière séance à la réso-
lution de quelques problèmes et en particulier à la
détermination des racines communes à plusieurs
équations. — M. A.-J. Stodolkievitz expose quelques
considérations sur la théorie du système des équations
différentielles et applique ses résultats à la résolution
du système :
=, Xi dr; + X:,2 des + Xi dt
dr: = Xos dr, + Xe dis + Xs3 dr3
= X31 dr, + X3, das + X3,3 das.
— M. Demeczky cherche la condition nécessaire et
suffisante pour que deux substitutions A et B, échan-
geables entre elles, de forme quelconque, d'ordre n et
n', soit des puissances d’une même substitution R:; il
faut, et il suffit que les membres } et u soient premiers
entre eux (à et & sont les exposants entiers des pre-
mières puissances de A et B qui sont en même temps
des puissances de B et A); il y a alors ? (N) substitu-
tions R entre les subtitutions de forme A7 By, N dési-
gnant le plus petit multiple commun d’ordres n et”.
2° Sc:ENCES PHYSIQUES, — M, Th. Moureaux donne la
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 81
valeur absolue des éléments magnéliques au 1* jan-
vier 1895, déterminée aux observatoires du parc Saint-
Maur et de Perpignan. — M. Raoul Pictet a constaté
que des traces d’impureté suffisaient pour faire varier,
dans des limites très étendues la température critique.
Cette dernière s’élève dix à soixante fois plus que la
température d'ébullition du même liquide dans les
mêmes conditions, mais la variation a toujours lieu
dans le même sens pour ces deux températures. L'ob-
servation directe du point critique d’un liquide est
donc une méthode des plus sensibles pour constater la
pureté de celui-ci. — M. A. Delebecque a continué ses
recherches par les lacs français dans les Alpes, l'Aubrac
et les Pyrénées, en determinant leur profondeur, leur
altitude, la quantité de matières dissoutes, la transpa-
rence des eaux et la nature des terrains environnants.
— M. Henri Moissan a reconnu qu'une élévation de
température assez grande amène une variété quel-
conque de carbone à la forme de graphite foisonnant
ou non foisonnant; certains composés, en particulier
les corps iodés, peuvent déterminer cette transformation
à plus basse température, comme M. Berthelot l’a dé-
montré; mais ces réactions permettent simplement,
comme celle de l’iode sur le phosphore, de produire le
phénomène de polymérisation à une température plus
basse sans en changer le sens général. Le graphite est
la variété de carbone stable à haute température. —
M. A. Villiers utilise les différences très nettes cons-
tatées dans l’action de l'hydrogène sulfuré sur les sels
de nickel et sur les sels de cobalt pour rechercher qua-
litativement en quelques minutes les plus petites quan-
tités de nickel en présence d’un grand excès de cobalt.
Mais la séparation du sulfure de cobalt déterminant
l'entraînement d'une fraction de nickel, cette réation
ne peut être utilisée jusqu'ici pour une séparation
quantitative des deux métaux. C. MATIGNON.
3 SCIENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier présente
un travail sur les nerfs vaso-moteurs des veines, et
montre expérimentalement que celles-ci sont soumises
à ceux-là. — Le Prince Albert 1‘ de Monaco fournit
quelques renseignements sur les premières campagnes
scientifiques qu'il à faites, avec M.J. de Guerne, sur
la « Princesse-Alice ». — M. Armand Sabatier fournit
de nouvelles contributions sur quelques points de la
spermatogenèse chez les Sélaciens. — M. Et. de Rou-
ville étudie la genèse de l’épithélium intestinal; il ré-
sulte des observations de l’auteur que le tissu conjonc-
tif ne paraît pas uniquement destiné à relier entre eux
les différents tissus, mais est aussi capable de jouer
un rôle éminemment aclif, le rôle de tissu formateur.
— M. Piéri a effectué quelques recherches physiolo-
giques sur les Lamellibranches (Tapes decussata et Ta-
pidés), telles que résistance à l’asphyxie, énergie mu-
sculaire et action du milieu extérieur.
J. MARTIN.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 8 Janvier 1895,
M. le D' V. Babes (de Bucarest) adresse une note
dans laquelle il réclame la priorité de la découverte de
la transmission des propriétés immunisantes et cura-
tives par le sang des animaux immunisés. Dès 1889,
avant MM. Behring et Kitasato, Richet et Héricourt
(1890), il a montré, en effet (Ann. de l'Inst. Pasteur),
que l’on peut transmettre aux animaux susceptibles
l'immunité contre une maladie infectieuse au moyen
du sang des animaux fortément immunisés contre cette
maladie, et qu’en outre cette méthode empêche l'éclo-
sion de la maladie même chez les animaux auxquels le
virus a été inoculé antérieurement.
Séance du 15 Janvier 1895.
MM. les D'S Imbert, Leduc, Denigès, Carles et Ba-
rillé se portent candidats au titre de Correspondant
national dans la Division de Pharmacie, Physique et
82 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
Chimie médicales, — M. Motet est élu membre titu-
laire dans la Section d'Hygiène publique, Médecine
légale et Police sanitaire. — M. A. Pinard présente
une note destinée à servir à l'appréciation de la valeur
comparative des différents procédés employés dans le
but de ranimer les enfants nés en état de mort appa-
rente. Dans un grand nombre de cas observés à l’hô-
pital Baudelocque, l'insufflation et la flagellation ont
suffi à ramener les nouveau-nés à la vie; ce n’est que
dans quelques cas où cette méthodes ’est trouvée insuf-
fisante qu'on a dû employer les tractions rythmées de
la langue. — M. G. Colin (d'Alfort) présente plusieurs
critiques au sujet des dernières expériences de MM. La-
veran et Regnard sur la pathogénie du coup de chaleur.
Il croit que les conditions dans lesquelles les auteurs se
sont placés ne peuvent être assimilées aux conditions
dans lesquelles se produit, en général, le coup de cha-
leur chez l'homme,—M le D: Clozier (de Beauvais) litun
travail sur les zones histérogènes et les zones histérocla-
siques. —M. le D' Backerlil un mémoire surles proprié-
tés inhérentes à certains ferments figurés purs. — M. le
D'° Mouchet (de Sens) lit un travail sur l’élongation
des nerfs dans les paralysies post-traumatiques.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 29 Décembre 1894.
M. Charrin aobservé l’action des injections desucthy-
roidien comme traitement de lobésité. L'amaigrisse-
ment ne se produit que dans quelques cas, —MM, Au-
ché et Jonchère communiquent le résultat de leurs
recherches sur la toxicité urinaire dans la variole; elle
augmente notablement pendant la défervescence, —
MM. Henriquez et Hallion étudient sur le chien l’em-
poisonnement par les toxines diphlériques et éta-
blissent l'existence d’une période d’incubation. —
M. Lion à observé un malade atteint d'hémoglobinurie,
et d'hémoglobinhémie ; la cause de la maladie était due
à une infection par le pr oteus vulgaris. — MM. Dastre,
Gley et Malassez présentent quelques observations, —
MM. Widal et Besançon ont produit expérimentalement
chez un cobaye, une cirrhose tuberculeuse généralisée,
parinjection d'un produitde tuberculose humaine pré-
sentant un degré de virulence très atténuée. — M, Mosny
étudie l'influence sur le pneumocoquede sonassociation
avec le staphylocoque pyogène doré. — M. Retterer a
étudié embryogéniquement la formation des cavités arti-
culaires, — MM. Hallion et Comte ont observé, par
une nouvelle méthode, les réflexes vasculaires qui se
manifestent dans les extrémités, à la suite des exécra-
tions sensitives et psychiques. — M. P. Bonnier pré-
sente une note sur la tension des liquides céphalo-ra-
chidien et labyrinthique.
Séance du 12 Janvier 1895.
MM. Richet et Héricourt présentent une nouvelle
série d’expériences sur la sérothérapie dans la tuber-
culose, qui confirment absolument leurs premiers es-
sais, Des injections de sérum immunisant, pratiquées
sur une malade gravement atteinte, ont amené une
amélioration profonde dans l’état général. Les au-
teurs poursuivent activement leurs expériences. Ils
disent aussi quelques mots d'un essai de séro-
thérapie antisyphilitique. — M. Féré à observé la
persislance, après la mort, des mouvements du cœur
chez des embryons monstrueux, Il aégalement observé
qu'en injectant dans l'œuf, à dose excessivement
faible, des substances qui, à dose 6 élevée, sont térato-
gènes, le développement de l'embryon n’est plus dévié,
mais accéléré. — M. Kaufmann expose de nouvelles
expériences relatives à la pathogénie du diabète. —
M. Gley présente quelques observations. — M. Mathias-
Duval à observé deux anastomoses artério-veineuses
des fémorales; cette anomalie doit être considérée
comme la persistance d’un état embryonnaire très re-
culé. — M. Josué communique une observation de
ligature du canal thoracique, suivie d'infection d'origine
intestinale,
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 21 Décembre 1894.
M. Lippmann montre comment sa méthode interfé-
rentielle pour la photographie des couleurs permet de
reproduire, sous une forme tout aussi démonstrative et
beaucoup plus simple, l'expérience fondamentale de
M. Otto Wiener sur l’ interférence de deux ondes lumi-
neuses polarisées rectilignement, se croisant à angle
droit !, Gette dernière est, en effet, délicate à répéter et
exige une assez grande habileté, car elle nécessite la
préparation d’une couche sensible dont l'épaisseur ne
soit qu'une faible fraction des longueurs d'ondes lumi-
neuses, M. Lippmann peut opérer avec une couche d’é-
paisseur ordinaire. Il est nécessaire seulement qu'elle
soil sans grains comme les couches employées pour
la photographie des couleurs. Comme M. Wiener, il
fait tomber sur celte couche sensible, sous une inci-
dence de 45°, un faisceau parallèle de lumière, Pour
cela, la Due est fixée, la couche sensible à l’exté-
rieur, sur la face hypoténuse d'un prisme rectangle
isocèle, l'intervalle entre le prisme et la lame étant
rempli par de la benzine. Le faisceau, qui tombe nor-
malementsur la face d'entrée du prisme, subit la ré-
flexion totale sur la face externe de la couche, sans
qu'il soit besoin d’interposer du mercure en arrière, et
l'interférence entre le rayon incident et le rayon ré-
fléchi se produit comme dans lexpérience de M. Wie-
ner. Mais le faisceau n’est plus formé par une lumière
monochromatique unique; c'est un spectre complet,
De plus, il a été polarisé par un prisme biréfringent
de sorte qu'on obtient côte à côte sur la plaque photo-
graphique deux spectres, l’un provenant du faisceau
dont les vibrations sont normales au plan d'incidence,
l’autre, du faisceau dont les vibrations sont dans le
plan d'incidence. De ces deux sortes de vibrations, Les
premières seules sont susceptibles d’interférer, et par
suite capables de donner une photographie colorée,
L'expérience confirme ces prévisions. Après dévelop-
pement, on constate qu'un seul des deux spectres est
coloré, et c’est bien, conformément aux idées de Fres-
nel, celui qui provient du faisceau polarisé dans le plan
d'incidence. M. Lippmann montre combien M. Wiener
a passé près de la découverte de la photographie des
couleurs. E lle ne lui à échappé qu à cause de son ha-
bileté mème, que parce qu'il a réussi à préparer des
vvuches extraordinairement minces. Enfin cette nou-
velle expérience de M, Lippmann prouve irréfutable-
ment que sa méthode de photographie des couleurs
est bien réellement due à la production des ondes sta-
lionnaires, L'auteur signale en terminant que les phé-
nomènes ne sont plus les mêmes avec le papier sen-
sible Poitevin préparé au sous-chlorure d'argent violet.
C'est ce même corps avec lequel Becquerel ‘avait obte-
nu des couleurs fugitives. Les spectres sont alors tous
deux colorés, Leur variation d'intensité avec l'incidence
et leur aspect par transparence n’offrent plus les
mèmes caractères. Certainement ils ne sont pas dus à
des phénomènes d'interférence. — M. Raveau présente
une observation relative à l'interprétation de lexpé-
rience de M, Wiener. La théorie électromagnétique con-
duit à considérer dans la lumière deux quantités dirigées
ayant chacune un sens physique concret. Dans l'igno-
rance absolue où nous sommes du mécanisme des
actions photochimiques, onest en droit de se deman-
der si toutes les substances sensibles à la lumière sont
influëncées par la même action et si, en particulier,
pour les sels mapnetiques, ce ne serait pas la force
magnétique qui agirait, Si cette hypothèse élait vérifiée,
l'expérience de M. Lippmann donnerait des résultats
1 Voir : 40 le compte rendu de la Société de Physique du
6 février 1891, Revue du 15 février 1891, et 20 les numéros 11
et 12, avril-mai 1891, du Bulletin des Sciences Physiques, qui
contiennent la traduction in extenso du mémoire de M. Wie-
ner, par M. B. Brunhes, avec la planche originale,
Pr
chti tdi
|
|
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
inverses. — M. Lippmann reconnait que l’expérience
est possible à tenter, car un papier à la gélatine, im-
prégné de sels de fer, est sensible, — M. P. Janet
montre que la nouvelle méthode d'étude des courants
. alternatifs, fondée sur l'inscription électrochimique,
et qu'il a exposée dans la séance du #4 mai dernier,
permet de déterminer la forme du courant périodique
en fonction du temps. Laseule méthode connue jusqu'iei
est la méthode du contact instantané, due à M. Joubert.
M. Janet a déjà montré, en mars 1891, que cette pre-
mière méthode peut être perfectionnée par l'emploi de
la méthode stroboscopique, en rendant mobile le con-
tact. Avant d'entrer dans Fexposé de sa méthode,
M. Janet signale d’abord deux expériences curieuses.
Lorsqu'on ramène au point de départ le cylindre sur
lequel a déjà élé produite une inscription et qu’on l'in-
troduit sur le circuit d’une pile et d'un téléphone, on
entend dans celui-ci, lorsqu'on fait tourner de nouveau
le eylindre, un son musical qui reproduit la fréquence.
Peut-être y a-til là le germe d’un nouveau phono
graphe? En second lieu, lorsqu'on éclaire le cylindre
sur lequel s'inscrit un courant alternalif, au moyen
d'un tube de Geissler dont la bobine est alimentée par
le même alternateur, les traits bleus que tracent les
styles paraissent immubiles. S'il n’y avait pas identité
de périodes, les tracés auraient un déplacement stro-
boscopique en avant ou en arrière. — M. Janet aborde
alors l'exposé de sa méthode. La pointe en contact avec
le cylindre marque une trace rectiligne, parallèle à
l'axe de la courbe sinussoïdale, pendant tout le temps
que le potentiel reste supérieur à une valeur déter-
minée 4. Supposons uneseconde pointe reliée au même
point du circuit, mais présentant sur son trajet un ac-
cumulateur de force électromotrice e. Cette seconde
pointe sera portée à un potentiel supérieur à celui de
la première de la quantité e, et le trait qu’elle inscrira
sera plus long que le précédent, et correspondra, pour
la courbe du mouvement périodique à étudier, à toute
la partie de la période pour laquelle le potentiel est
supérieur à a—e. De là deux moyens d'obtenir le tracé
_ de la courbe périodique. D'abord on peut faire varier e
et obtenir un tracé de la courbe par points. Mais on
peut aussi obtenir directement l'image du courant pé-
riodique sur le papier en multipliant le nombre des
styles, et faisant varier d’une quantité constante le po-
tentiel entre les styles consécutifs. Cette méthode ne
rête qu'à une légère objection que l’auteur signale
ui-même : il peut se produire de légères dérivations
d’une pointe à l’autre par le cylindre et le papier.
Séance du 5 Janvier 1895.
M. Guillaume étudie la question du couplage élas-
tique des moteurs à gaz, dont les avantages, au point
de vue de l’atténuation des variations de vitesse du
moteur, sont fort discutés. Il étudie le cas où un mou-
vement vibratoire se communique à une masse par
l'intermédiaire d’un fil élastique. Dans le cas où
l'énergie s'emmagasine à l’état potentiel dans le fil, il
y a régularisation, tandis qu'il n'en est plus de même
si elle se transmet à l’état cinétique à la masse ; dans ce
cas, au contraire, il y à résonance. Le calcul montre
que le mouvement vibratoire se transmet avec la même
période, mais l'amplitude est multipliée par un coeffi-
cient variable avec la vitesse du moteur. M. Guillaume
a construit un appareil propre à mettre en évidence
ces variations. Il consiste en une masse suspendue à un
fil de caoutchouc dont l'extrémité supérieure est reliée
à une bielle de manière à recevoir un mouvement
sinussoïdal, Pour de faibles vitesses de la bielle, l’am-
plitude de la masse est la même que celle de la bielle.
Si la vitesse augmente progressivement, l'amplitude de
la masse augmente d’abord notablement, puis décroit
régulièrement pour devenir presque nulle dans le cas
de grandes vitesses. Un second dispositif consiste en
une planchette folle sur un axe de rotation, et auquel
elle est reliée seulement par un ressort en spirale.
L'amplitude du mouvement transmis présente encore
83
les mêmes particularités. L'amortissement, dans le cas
de la liaison avec du caoutchouc, est dù à ce que la
vitesse de transmission dans le caoutchouc est assez
lente et ne dépasse pas 30 à 40 mètres par seconde.
Incidemment, M. Guillaume signale que, si la vitesse
de transmission de la gravitation n’est pas infinie, une
roue qui tourne dans le champ de la gravitation doit
arriver au repos. It signale enfin une nouvelle forme
de l'expérience précédente, Une masse suspendue par
un fil élastique est reliée en dessous par un autre fil
élastique passant sur une poulie, à la bielle de l’appa-
reil précédent. On constate encore que, suivant les
valeurs de la vitesse, il y a régularisation ou réso-
nance; mais ces circonstances ne concordent pas avec
celles de la planchette reliée par un ressort. Enfin,
M. Guillaume présente un abaque permettant de sim-
plifier les calculs. Il est formé d’une série de fils de
caoutchouc suspendus entre deux tringles. Sur les
fils, on a tracé une sinussoide., En exercant une trac-
tion sur l’une des tringles, on modifie l'amplitude, —
La sirène ordinaire de Cagniard de Latour présente l’in-
convénient que l’organe producteur du son est en même
temps le moteur. De plus, le son ne devient pur que
pour les notes aiguës En outre, à cause des différences
de timbre, il serait bon, pour plus de précision, lors-
qu’on compare le son de la sirène à celui d'un autre
appareil, de pouvoir faire taire alternativement chacun
des deux sons. M. Pellat a réalisé une nouvelle
sirène dans laquelle les trous sont percés normale-
ment au plateau, et dont le mouvement est produit
par un petit moteur électrique. Un rhéostat permet
de faire varier la vitesse. Le petit moteur atteint très
rapidement une vitesse uniforme, et, par suite, déter-
mine rapidement un son constant. Le bruit de souffle
relatif aux sons graves dans la sirène ordinaire, est
presque complètement éliminé. La pression d'air né-
cessaire pour actionner la sirène est très faible. D'ail-
leurs, la hauteur du son parait sensiblement indépen-
dante de la pression du courant d'air. — M. Arnoux
signale, comme un bon moyen pour avoir une vitesse
parfaitement régulière, et, par suite, un son très
soutenu, de mettre sur le moteur un amortisseur, tel
qu'un disque de cuivre rouge. — M. Pellat fait une
autre communication relative à l’aberration astrono-
mique. Les astronomes de Greenwich ont trouvé que la
valeur de laberration est la même quand la lunette
est pleine d'air ou pleine d'eau. L’explication, fondée
sur l'entrainement de l’éther, semble à M. Pellat avoir
été présentée jusqu'ici sous une forme trop vague. On
peut donner à cette démonstration une forme beaucoup
plus rigoureuse que l’auteur développe. Elle repose sur
l'application dela formule de Fresnel pour la vilesse
d'entrainement de l’éther, Fresnel ne l’a établie théo-
riquement que dans le cas où le mouvement de la
matière a lieu dans la direction de la propagation de
la lumière, et M. Fizeau ne l'a aussi vérifiée que dans
ce cas. Cependant, M. Pellat l’applique ici dans le cas
où les deux mouvements n’ont plus la même direction.
Or, cette extension conduisant à une explication rigou-
reuse du phénomène, il semble que le résultat trouvé
par les observateurs de Greenwich démontre la légiti-
mité de l'extension de la formule de Fresnel. —
M. Guillaume rappelle que M. Michelson à vérilié la
formule de Fresnel avec une approximation plus
grande que M. Fizeau. — Enfin, M. Guillaume signale
une expérience d'acoustique offrant quelque analogie
avec la découverte de M. Lippmann pour la photogra-
phie des couleurs. M. Pierre Chappuis a remarqué que,
lorsqu'on frappe le long d'une palissade ou d’une
balustrade, on n'a plus un bruit confus, mais un son
pur d’une longueur d'onde déterminée. M. Lauriol a
fait la même observation au pied de l'escalier de la
cathédrale de Bourges. Aussi, M. Guillaume pense-t-il
que, si on suspend au-dessus les uns des autres une
série de filets à mailles larges, et si l’on produit au-
dessous un bruit confus, on devra percevoir un son
d'une hauteur bien déterminée. Edgard HaUDiÉ.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ PHILOMATIHNIQUE DE PARIS
Séance du 12 Janvier 1895.
M. Laisant expose les projets de congrès mathéma-
tiques internationaux proposés par divers savants.
M. Bioche donne les définitions géométriques des di-
verses espèces de surfaces réglées qui admettent pour
lignes asymptotiques des cubiques ganches.
Ch. Biocne.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
19 SCIENCES PHYSIQUES.
A. Schuster, F, R,S.,. et William Gan-
non. — Détermination de la chaleur spécifique
de l’eau en fonction des unités électriques inter-
nationales. Le principe de la méthode est
très simple. Le travail électrique produit dans un
conducteur est mesuré par / EGdt, E étant la diffé-
rence de potentiel entre les extrémités du con-
ducteur, CG le courant et # le temps. On maintient
la force électromotrice constante et on mesure / Cdt
directement à l’aide d’un voltamètre à argent. Il n’est
alors pas nécessaire de connaitre la résistance du
fil, et on évite ainsi la difficulté qu'il y a à évaluer
l’excès de Ja température du fil sur celle de l’eau dans
laquelle il est placé. On a aussi l'avantage de ne pas
avoir à mesurer le temps et, par suite, de pouvoir effec-
tuer les expériences plus rapidement qu'il ne serait
commode de le faire, si l'on devait mesurer avec
précision le temps pendant lequel passe le courant.
La valeur finale trouvée est :
J — 41804 Joules sur l’échelle du thermomètre à mercure en
verre francais dur,
sur l’échelle du thermomètre à azote,
sur l'échelle du thermomètre à hydrogène
4,1905 —
EANT —
à une température de 19°,1.
Dans la comparaison avec les résultats des autres
observateurs, il faut considérer d'abord la valeur que
M. Griffiths a obtenue dans une excellente série de me-
sures. Son résultat final (Roy. Soc. Proc., LV, p. 26)
est:
J — 4,1982 (1 — 0,00266 0 — 15) X 107.
Ceci se rapporte au thermomètre à azote. A une lem-
pérature de 190,1, la valeur serait réduite à 4,1936, qui
correspond ici à #,1905 à la même température. La
valeur de M, Griffiths doit être légèrement augmentée,
par suite du fait qu’il mesure réellement la différence
entre les chaleurs spécifiques de l’eau et de l'air.
Cette correction élèverait la valeur de J de 0,0011 en-
viron, ce qui donnerait, à 190,1, 4,1947 X 407, soit une
valeur plus grande de _ exactement que celle donnée
par les auteurs. La différence est faible, mais doit être
due à quelque erreur systématique, la concordance
des diverses valeurs obtenues dans chacune des deux
séries étant trop complète pour qu'on puisse admettre
que des erreurs accidentelles ordinaires aient causé
une différence aussi grande. La partie la moins satis-
faisante d’une mesure calorimétrique est toujours
l'application de la correction de refroidissement, et
les auteurs ont considéré comme très important de
réduire cette correction autant que possible. L'incerti-
tude de la correction de refroidissement ne dépend
pas nécessairement de sa grandeur; ainsi, on peut la
diminuer beaucoup en parlant, comme on l’a fait dans
la troisième série d'expériences, d’une température
initiale du calorimètre qui soit inférieure à celle de
l'enveloppe d'eau d’une quantité égale à celle dont la
température finale lui est supérieure; toutefois l'incer-
tiltude de la correction ne semble pas être diminuée
par ce procédé. On peut estimer raisonnablement lin-
certitude due à la correction du refroidissement en
calculant quelle erreur doit s'être produite dans l’obser-
vation de la vitesse de refroidissement, soit au début,
soit à la fin de l'expérience, pour produire une diffé-
rence d’un millième sur le rés:l'at final. On trouve -
dans les expériences actuelles que l'erreur aurait dù
s'élever à plus de 15 ‘/;. Les auteurs considèrent
comme improbable qu'une erreur aussi forte ait pu se |
produire toujours dans le même sens. À part la cor-.
rection de refroidissement, toutefois, il est difficile de
voir comment une différence d'un dixième ‘/, ait pu se.
produire, sauf par l’accumulation d’une série de pe-
tiles erreurs.
La différence entre la valeur actuelle et celle de
M. Grifliths a toutefoismoins d'importance que la diffé-
rence qui existe entrecelles-ci et l'équivalent déterminé
directement par Joule, Rowland et M. Miculescu. La
dernière valeur de Joule, qui doit seule être prise en
considération, est 752,65 livres-pieds à 644,7 F. Ce
nombre se rapporte au degré mesuré par le thermo-
mètre à mercure de Joule. Rowland laugmente de 3
pour le ramener au thermomètre à air, et une petite
correction relative à la variation de la chaleur spéci-
fique de l'appareil donne 776. La correction thermo-
métrique a été déduite d’une comparaison faite par
Joule lui-même avec un des thermomètres de Row-
land. M. Schuster a exéculé une comparaison précise
entre les thermomètres de Joule et les thermomètres
modernes, Le résultat montre que la correction est
moindre que celle qu'a admise Rowland et qu’elle
fournirait seulement 775 à la température indiquée.
On doit considérer comme très bonne la détermina-
tion de Rowland, qui, à la température des expériences
de Joule, donne 776,1, Voici la comparaison :
Équivalent en livres-pieds à Greenwich, à 4901,
rapporlé au thermomètre à azole « de Paris ».
Joule Rowland Griffiths Schuster et Gannon
114 116,1 719,1 718,5
M. Miculeseu a déterminé l'équivalent par une série
d'expériences qui semblent très bien conduites. Le
résultat est #,1857 x 107. Pour effectuer la compa-
raison avec les valeurs précédentes, il faut effectuer
une correction de température assez incertaine. Mais,
en prenant la moyenne des valeurs de Rowland et de
M. Grifliths comme la plus probable actuellement, on
trouve à 19°:
Joule Rowland Miculescu Griffiths Schuster et Gannon
715 118,3 716,6 780,2 719,1
Si l'on remarque que le nombre de Rowland, rap-
porté au thermomètre à azote de Paris, serait proba-
blement diminué d’une unité, on est frappé de la con-
cordance qui existe, d’une part, entre les trois
premiers nombres et, d'autre part, entre les deux der-
niers. La comparaison semble indiquer l’existence
d’une différence entre les valeurs obtenues par la mé-
thode électrique et la méthode directe. La cause
exacte de cette différence reste à déterminer.
20 SCIENCES NATURELLES
Henry EH. Dixon. BB. A., Assistant du Professeur
de Botanique, Trinity College, Dublin et 3. Joly. M. A.
Sc. Æ. IR. S. — Sur l'ascension de la sève. — Les
expériences entreprises par les auteurs les ont conduits
à croire que l'appel de sève qui se produit dans la
feuille pendant la transpiration, qu’il faille ou non le
considérer comme un phénomène purement capillaire,
est seul capable de déterminer l’élévation de la sève
par tension directe dans les grands arbres, Les princi-
pales expériences des précédents observateurs et quel-
ques expériences nouvelles les ont amenés à penser
que l'ascension se fait principalement par la lumière
du vaisseau et non par la paroi. La tension peut se
transmettre dans la sève ascendante sans rupture de:
la colonne liquide, en raison de la condition stable du
liquide ; cet état résulte : 1° de la stabilité interne des
liquides, lorsqu'ils sont soumis à une tension méca-
nique, qu'ils contiennent ou non des gaz en dissolu—
tion; > de la stabilité additionnelle que confère la
structure du tissu conducteur au liquide soumis à la:
tension, même en présence des gaz libres. Des expé—
à “ii
POPPIPET 0 PORN TR ER
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
85
riences directes sur de l’eau contenant de grandes
quantités d’air en dissolution ont permis d'étudier la
stabilité interne. De plus, en scellant, dans les vaisseaux
où l'eau était soumise à la tension, des copeaux de bois
de Tuvus baccata, les auteurs ont pu constater que leur
présence ne donnait lieu en aucun cas à une ruplure
du liquide en tension, et qu'elle se produisait de pré
férence partout ailleurs et d'ordinaire sur les parois de
verre, La seconde condition de stabilité résulte direc-
tement de la propriété des membranes qui sectionnent
les cavités vasculaires de s'opposer au passage des gaz
libres, tandis qu'elles sont perméables aux liquides. Les
relations d'énergie que la feuille doit soutenir avec son
milieu, dans l'hypothèse que l’évaporation aux surfaces
aqueuses capillaires est la cause principale de l'éléva-
tion de la sève, peuvent être mises en lumière par des
expériences où est utilisé le pouvoir bien connu d’un
vase poreux rempli d’eau, de faire monter le mercure
dans un tube auquel ce vase est scellé. Les auteurs
décrivent un machine où l’énergie, entrant sous forme
de chaleur par les surfaces capillaires, peut être en
partie employée pour faire un travail mécanique : une
batterie de douze pelits vases poreux, exposée à l'air
libre, détermine la rotation continue d’un volant. Si
on remplace les vases poreux par une branche en trans-
piration, la roue continue à tourner. Les auteurs suggè-
rent que, si la tension de la sève se transmet à la racine,
il doit se former, dans les capillaires de la surface
radiculaire, des ménisques capables de condenser rapi-
dement l’eau du sol ambiant. Ils montrent, par une
expérience, le pouvoir que possède même une racine
enlevée du sol de condenser de la vapeur dans une
atmosphère humide. Ils ont imaginé, pour éclairer plus
complètement les faits, un appareil composé de deux
vases poreux, réunis par un tube et remplis d’eau:
lun, « la feuille », est exposé à l’air et émet de la va-
peur ; la « racine », entourée de terre humide, satisfait
aux « demandes » de la « feuille », et un courant de
bas en haut s'établit dans ce tube.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
M. Womack : Modification de la méthode du galva-
nomètre balistique pour la détermination de la capa-
cité électro-magnétique d’un condenseur. Un des avan-
tages de la méthode indiquée par l’auteur résulte de ce
que l’on n'a pas besoin de connaître la résistance du
galvanomètre ou batterie. Elle peut rendre service au
cas où l’on a à déterminer simultanément la résistance
et la capacité électrique d’un câble sous-marin ou la ré-
sistance d’une ligne télégraphique ou téléphonique. —
MM. S.-P. Thomson et Miles-Walker : Images ma-
gnétiques. De même que l’on a fondé la théorie des
images électriques produites par les conducteursisolés,
de même on peut fonder la théorie des images magné-
tiques produites par les corps possédant une grande
perméabilité magnétique. Dans cette dernière théorie,
on remplace la charge électrique par le pôle magné-
tique, et le conducteur isolé est remplacé par un corps
d'une perméabilité magnétique infinie. — M. Ayrton
montre et décrit un appareil d'étude pour la vérifica-
tion des lois de Ohm. — M. le Pr W. E. Ayrtonet
EH. C. Haycraft ont imaginé un appareil très simple,
destiné aux manipulations faites par les étudiants et
servant à la détermination de l'équivalent mécanique de
la chaleur. Cet appareil donne des résultats assez
précis pour permettre de se passer des tables de correc-
tion. Les résultats obtenus par les étudiants ne diffèrent
pas entre eux de plus de 1/2 à { °/,. —MM.le P'Ayrton
et E. A. Medley cherchent à déterminer la force
électro-motrice maximum à laquelle une lampe à
incandescence peut atteindre, Selon eux, il est plus éco-
mique de rejeter une lampe qui commence à se détério-
rer que d'attendre qu'elle se brise complètement. On
doit se servir d’accumulateurs qui maintiennent autant
que possible constante la force électro-motrice,
*
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE LONDRES
MM. F. Stanley Kipping et William J. Pope
ont continué l'étude des dérivés sulfoniques des bro-
mures et chlorures de camphre; ils ont plus spécia-
lement étudié le bromure camphorosulfonique droit
C10H'50.S0?Br et le chlorure camphorosulfonique qui
est isomorphe et a la même constitution que le premier.
Ils ont aussi préparé les combinaisons racémiques de ces
deux corps. — Les mêmes auteurs font une communi-
cation surles dérivés halogénés du camphre, dont ils ont
obtenu septnouveaux composés; le chlorocamphre droit
et le chlorocamphre inactif : C'CHWOCI; le bromocam-
phre droit et le bromocamphre inactif : C'CH#OBr?;
le dichlorocamphre : C'CH!OC1, le dibromocamphre :
CHSOBr?et le chlorobromocamphre C'°H'*OCIBr; tous
ces corps présentent des particularités remarquables
au point de vue du dimorphisme et du polymorphisme.
— M. Stanley Kipping a continué l’étude des acides
diméthylpiméliques. — MM. William Goodwin et W.-H.
Perkin junior F, R.S. : Recherches sur l'acide hexahy-
dro-stoluique ; d’après ces auteurs, cet acide existe
sous deux formes stéréoisomères auxquelles on peut
attribuer les formules suivantes :
CHA? CH2
AS ADR
CH? HC—CH3 CH?2CH3CH
| | |
CH? HC.COOH CH? al. coo
NZ Ne
CH? CH?
Acide cis Acide trans
Cette opinion est appuyée encore par le fait de la dé-
couverte, par Baeyer et Rassow, de l’acide paraphé-
nylhexahydrobenzoïque :
CH2.CH2
C6H5.CH£ \CH.CO00H
NCH2.CH2/
qu'ils ont obtenu sous les formes cis et trans. —
MM. W. A. Bone et W. H. Perkin jun. F. R.S. : Ac-
tion des dérivés sodiques du malonate d’éthyle sur le
triméthylène dicarboxylate d’éthyle, Dans ce cas, il se
produit une simple addition représentée par l'équation :
2
/ CE
(COOC:H5}.C{ | -CH2(COOC2H5)? —
NCEH:
= (COOC2H5)2.CH.CH2 .CH2.CH(COOC?H5)2.
— MM. W. H. Perkin jun. F.R.S.etJ.-J.Sudborough
ont trouvé que l’on pouvait préparer les aldéhydes et
les alcools en faisant réagir le sodium sur les chlorures
d'acides en solution dans l’éther humide, Ils ont pu
ainsi préparer les corps suivants : l’aldéhyde n-butylique
et l'alcool n-butylique en partant du chlorure n. de bu-
tyryle; l’aldéhyde isoamylique et l'alcool isoamylique
en partant du chlorure d’isovaléryle; l'alcool benzilique
en partant du chlorure de benzoyle; enfin l'alcool o-to-
lylique en partant du chlorure de l’acide o-toluique. —
M. W. H. Bentley : Acide 8. &. éthylméthylpropio-
nique. L'auteur donne la description des propriétés
et de la préparation du corps qui a pour formule:
C2H$CH (CH°)CH?2COOH et dont il a étudié plusieurs dé-
rivés entre autres : l’éther éthylique, l’anilide et la p-to-
luide. — MM.James J. Dobbie et Alexander Lauder :
Sur les alcaloïdes de la corydaliscova; étude de la cory-
bulbine. Les mêmes auteurs font une communication sur
la corydaline dont ils ont obtenu le dérivé chloré
C22H?8C1A70*. En oxydant l’acide corydalique avec le
permanganate de potasse ils ont obtenu une substance
qui a pour formule C!!H13A703 qui contient deux groupes
métoxy et qui est probablement un oxydérivé de la di-
métoxyisoquinoline. — M. William H. Oates : Re-
cherches pour la détermination des composés du soufre
dans l'air,
86 ACADÉMIES ET SOCIETÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ ROYALE D'ÉDIMBOURG
Séance du 27 Novembre 1894.
P' M'Kendrich présente le compte rendu de ses
études sur le phonographe, et fait à ce sujet d’intéres-
santes projections. Il a, par ses recherches, contribué à
perfectionner beaucoup cet instrument. Il se sert de
résonnateurs métalliques coniques, et il a pu, par ce
moyen, arriver à supprimer le son nasillard qu'avait cet
instrument etàle faireentendre à un grand nombre d'au-
diteurs réunis dans une vaste salle, Au moyen de pro-
jeclions, il montre les photographies de plusieurs
plaques ayänt déjà servi et sur lesquelles on peut
voir la manière dont les différentes notes vocales les
impressionnent,
Séance du 3 Décembre 1894.
D' John Smith signale plusieurs particularités de la
dentition chez les Mammifères. La forme générale de
la dent chez les Mammifères est la forme conique,
aplatie sur un certain point et s’enroulant surson axe
en spire plus ou moins accusée ; si la courbe est for-
tement accentuée, il n’est pas facile d’en trouver l'axe,
L'auteur montre, en outre, qu'il y a toujours une partie
caractéristique dans la spire que présente la dent du
Mésoptodon, décrite par sir William Turner dans les
Comptes rendus de l'expédition de Challenger; cette
partie est toujours reconnaissable dans la dent hu-
maine. — M.Gregg Wilson fait ensuite une communi-
cation sur le développement du conduit de Müller chez
les Amphibiens. Il conclut que, chez ces animaux, ce
conduit se développe de la même manière que le con-
duit de Müller chez les Mammifères d’un ordre élevé.
— D' George Hay soumet une nouvelle méthode pour
régler la marche en mer. Son appareil consiste en
deux compas de mer superposés, dont les points nord
sont placés à une distance angulaire égale à la variation
magnétique. La direction réelle étantlue sur le premier,
on n’a qu’à lire le point auquel elle correspond sur le
second pour avoir la vraie marche à suivre. Cet appa-
reil, quoique très simple, n’a pas encore été employé
jusqu'ici, — P° Tait lit une note sur la constitution
des liquides volatils. Son équation, reliant pressions,
volumes et températures, est déduite de la théorie cin-
nétique des gaz. Elle s'applique aussi avec beaucoup
d’exactitude aux liquides tels que l’eau qui ne sont pas
volatils à la température ordinaire. On ne peut l’appli-
quer avec autant de précision aux liquides ayant un
point d’ébullition plus bas; elle ne s'applique pas du tout
aux corps tout à fait volatils, Le Pr Tait croit que
cela provient de l'existence de gaz ou de vapeurs dans
le liquide. — Le même auteur fait une deuxième com-
munication sur les points isothermes de l’éthylène. Il
a calculé, avec la plus grande exactitude et au moyen
de son équation, la pression de ce corps à une tempé-
rature donnée et son volume à un point voisin de l'état
critique d'après les observations d'Amagat. Le volume
de l’éthylène à une température donnée et sa pression
près du point critique ne peuvent pas être calculés di-
rectement au moyen de l’équation avec une aussi
grande exactitude, cela à cause de la grande rapidité
avec laquelle la différence desvolumes du corps liquide
et à l’état de vapeur diminue lorsque s'accroît la tem-
pérature en approchant du point critique. W. PEpntE.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 29 Décembre 1894.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : Sur les
configurations dans l'espace, L'auteur part de la confi-
guration (8%, 8) de Moebius (Journal de Crelle, t, 3,
p. 273), étudiée en détail par M. Neuberg en 1884. En
composant deux ef. (8%, 8,), il trouve une cf. (165, 16.),
décomposable de cinq manières différentes en deux cf.
(84, 8,). Il démontre que cette cf. (165, 16,), trouvée par
M. C. Andréeff (Comm. de la Soc. math. de Kharkow, t. 2,
p. 95), et toutes les cf. [(2—1}*, (2n—1),] qui s’en dédui-
sent, sont des configurations régulières, — M, W. Kap-
teyn présente un mémoire qui forme un trait d'union
entre la géométrie vectorielle et la géométrie du
triangle, Un des sommets et un des côtés adjacents du
triangle forment l'origine et l’axe réel des vecteurs.
Dans cet ordre d'idées, un point est déterminé par la
valeur correspondante du vecteur complexe, et les
équations des lieux géométriques présentent la parti-
cularité qu'elles ne changent pas quand on y remplace
simultanément la variable et les constantes par leurs
valeurs conjuguées. Comme introduction, l'auteur
applique le système de coordonnées à l'étude de la
droite, du cercle et des sections coniques. Ensuite, il
déduit des formules de transformation permettant de
trouver le vecteur complexe d’un point dont on connaît
les coordonnées normales et réciproquement, et la
relation entre les vecteurs complexes de deux points
inverses. Après cette introduction, il calcule les vecteurs
des points remarquables et s'occupe des équations des
droites, des cercles et des coniques remarquables. La
comparaison des résultats entre eux conduit à une
foule de relations en partie connues, en partie nou-
velles. Démonstration que les points de Brocard sont
les points Hessiens des points de Lemoine et des points
Hessiens du triangle. Transformation des points con-
jugués harmoniques par rapport aux points Hessiens.
— M. C. Easton: Sur la distribution des étoiles dans la
Voie lactée. Comparaison détaillée de l’œuvre de
l’auteur (voir Revue gén. d, Sc., t. 4, p. 684) avec la
Durchmusterung d’Argelander.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H.-A. Kamerlingh Onnes
lit un mémoire sur le laboratoire cryogène de Leyde, et
sur la production des températures les plus basses. Il
a commencé ses recherches, il y a dix ans, avec l’inten-
tion de faire circuler l'oxygène suivant la belle mé-
thode de M. Pictet, et d’en faire usage pour des expé-
riences, comme MM. Olszewski et Wrobleski, marchant
sur les traces de M. Cailletet, avaient fait usage de
l'éthylène.Il se proposait, en particulier, de déterminer
de cette manière les isothermes de l'hydrogène aux
températures les plus basses. Quant à la manipula-
tion de l’oxygène liquide, le but a été atteint complète-
ment, Les moyens mis en œuvre sont aussi petits que
possible; le laboratoire cryogène, comme il était à
désirer, ne forme donc qu’une partie du laboratoire,
assez bien équipé encore pour d’autres genres nouveaux
de recherches. L’oxygène liquide est versé dans un
appareil de verre, propre à laisser suivre les expériences
et à permettre les observations et les mesures. La
vapeur de l'oxygène est continuellement comprimée,
liquéfiée et versée de nouveau dans l'appareil. Avec
une petite quantité d'oxygène en circulation, on peut
maintenir indéfiniment un bain d'oxygène liquide
d’un quart jusqu’à un demi-litre, L'auteur ne se sert
pas des verres vides à double paroi de Dewar. Le bain
liquide est protégé contre la convection de la chaleur
par sa propre vapeur, qui refroidit une caisse spéciale
avec des fenêtres, construites de telle ‘sorte qu’elles
restent toujours libres de givre et permettent la for-
malion d'images nettes dans une lunette, La liqué-
faction de l'oxygène s'obtient par une chute de
températures obtenue dans deux circulations. Le ser-
pentin de condensation pour l'oxygène est noyé dans
l'éthylène bouillant au vide, dans un flacon de cuivre à
paroi mince, protégé efficacement contre l’afflux de
chaleur. Les vapeurs de l’éthylène retournent, par une
pompe pneumatique et un compresseur conjugués, dans
un condenseur et, de là, dans le flacon de cuivre. Le
condenseur de l’éthylène est refroidi par une cireula-
tion de chlorure de méthyle, et l'auteur signale que
l'emploi des deux derniers gaz, pour la liquéfaction de
l'oxygène, a été inauguré par M. Cailletet. Les circula-
tions sont arrangées, et le flacon de cuivre a été cons-
truitde manière à permettre d'opérer avec un minimum
de gaz condensés. En opposition avec les expériences
de Dewar, où il est question de très grandes quantités
d’éthylène (50 kilos), la circulation d’éthylène de
*
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NOTICE NÉCROLOGIQUE 87
1
l'auteur ne demande que 1 1/2-kilog. C'est avec cette
petite quantité d'éthylène et avec une force motrice qui
ne s'élève pas à plus de 6 ou 8 chevaux-vapeur, qu'il
obtient le bain permanent d'oxygène liquide décrit plus
haut. L'auteur a voué quelques années à surmonter
les difficultés qui restent dans l'emploi du compresseur
à plongeur de mercure de M. Caïlletet; il a réussi à
réaliser cette belle idée d’une manière plus parfaite,
- de sorte qu’il a obtenu un compresseur de laboratoire
. auquel on peut se fier pour comprimer les gaz purs et
_ précieux. Il en fait aussi usage pour préparer des gaz
purs par la distillation fractionnée à basse température.
Enfin, l’auteur fait quelques remarques sur l’emploi du
. formène, recommandé par MM. Cailletet et Dewar pour
_ la liquéfaction de l'oxygène et sur d’autres travaux en
voie d'exécution au laboratoire de Leyde pour préparer
la liquéfaction et peut-être la manipulation de l’hydro-
gène. — M. H.-A. Lorentz présente un mémoire : « Ver-
such einer Theorie der electrischen und optischen Ers-
cheinungenin beweglen Kürpern; (Essai d’une théorie des
phénomènes optiques et électriques dans les corps en
mouvement). — M. H.-W. Bakhuis Roozeboom {raite
des expériences de M. Spring, à Liège, sur la conver-
sion du sulfure de mercure noir en sulfure rouge. Il
démontre que ce cas appartient à la catégorie des
transformations d'une modification labile en un état
stable. Pour de telles transformations, il n'existe pas
une pression limite à température donnée comme
M. Spring a cru pouvoir le déduire des densités, —
M. A. P. N. Franchimont présente un mémoire de
M. P. van Romburgh, à Buitenzorg (Java), intitulé :
« Over eenige vluchtige bestand deelen vande op Java
gekweekte Cocabladen » (Sur quelques matières vola-
tiles des feuilles de Coca cultivées à l'ile de Java).
3° SCIENCES NATURELLES. — M. J.-L.-C. Schroeder van
der Kolk : « Contribution à la construction de cartes
des terrains sablénneux ». — M. H. van Cappelle :
« Etude du diluvium du sud-ouest de la Frise ». —
M. Th.-H. Mac Gillavry fait connaître les résultats
obtenus par M. D. Mac Gillavry au laboratoire
Bærhaave, à Leyde, dans ses recherches sur la faculté
de locomotion des germes de la phtisie P. ScHouTe.
CORRESPONDANCE
SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DES COURANTS DE GRANDE FRÉQUENCE
Dans la Revue du 30 décembre dernier, nous avons
résumé d’ingénieuses expériences de MM. Oliver Lodge
et Gotch touchant l’action qu’exercent sur les nerfs et
les muscles les courants de haut potentiel et de grande
fréquence. M. le D' Stéphane Leduc, professeur à l’E-
cole de Médecine de Nantes, nous fait remarquer à ce
sujet qu'en 1893; avant MM. Lodge et Gotch, il avait
découvert qu’au voisinage d’une bouteille de Leyde
commandée par une machine à frottement, la patte
galvanoscopique répond par une contraction unique à
chaque étincelle qui éclate entre les boutons de la
machine !.
. M.S. Leduc a montré, de plus, que non seulement
la grenouille, mais l’homme lui-même est sensible à
ce champ d'influence. A cette occasion, il a précisé les
conditions nécessaires pour rendre l’homme sensible
aux variations du champ électrique. Il a électrisé à
distance des personnes qui, par le simple approche-
ment des doigts, provoquaient l'apparition, dans l’in-
tervalle, d’étincelles de plus d’un centimètre de lon-
gueur. Il à pu ainsi à distance, c’est-à-dire sans aucune
communicalion conductrice avec les appareils électri-
ques, exciter les nerfs sensibles et moteurs de l'homme
et déterminer des contractions musculaires.
Les oscillations électriques ainsi produites à dis-
tance dans le corps de l’homme lui permettent à son
tour de faire contracter à distance, — et jusqu'à plu-
sieurs mètres, — la patte galvanoscopique, et cela
rien qu'en la montrant du doigt comme pour lui don-
ner l’ordre de se contracter.
Nous nous faisons un plaisir de porter ces faits à la
connaissance du lecteur.
NOTICE NÉCROLOGIQUE
PIERRE DUCHARTRE
Le 5 novembre 1894, s’éteignait brusquement, à l’âge
de 83 ans, l’un des hommes qui ont le plus honoré
l'enseignement des sciences naturelles en France
depuis un demi-siècle. Mais si une longue série de
travaux scientifiques poursuivis sans interruption pen-
dant près de 60 ans, si une érudition profonde et une
remarquable précision d'esprit ont assuré à M. Du-
chartre une place à part parmi les naturalistes de ce
siècle, il a été aussi et surtout un de ces hommes
rares dont les vertus honorent l'humanité.
Fils de ses œuvres, M, Duchartre avait trouvé dans
les plus hautes situations scientifiques la récompense
d’une vie de labeur ininterrompu et la sanction d’une
œuvre considérable: il y avait gardé le souvenir des
efforts de sa jeunesse, des difficultés sans nombre
qu’il avait surmontées, de la constance avec laquelle
il avait lutté ; non pour en tirer vanité, — sa modestie
était extrême, — mais pour encourager les débutants,
pu les soutenir, pour les aider de ses conseils et de
autorité qu'il avait acquise. Nous avons eu la conso-
——_—————
1 DrS. Leouc : Excitation électrique des nerfs sans élec-
trode et sans conducteur. Extrait des Archives d’'Electricité
médicale, n° de juillet 1893. — Courants alternatifs de haute
tension produits à l’aide de machines électrostatiques (Mé-
moire présenté à la Société française de Physique et à la
Société de Biologie). 1 broch. in-8° de 8 pages. Imprimerie
Centrale, Nantes, 1893.
lation de le voir une semaine avant sa mort; nous
l'avons trouvé alors tel que nous l’avions vu il ya de
longues années, supportant allègrement le poids des
ans, malsré des apparences délicates, travaillant tou-
jours, animé toujours de la même bienveillance, d’une
égalité d'humeur que rien n’altérait, comme il convient
à ceux dont la vie a élé tout entière vouée au bien.
Pierre-Etienne-Simon Duchartre est né le 27 octobre
4811, à Portiragnes, près de Béziers: l’un des aînés
d’une nombreuse famille, à laquelle la fortune ne
paraît pas avoir accordé toutes ses faveurs, il commenca
à Béziers des études qu'il termina à Toulouse, Le Droit
et les intérêts agricoles, qui se partageaient Ja vie de
son père, ne semblent pas l'avoir attiré jamais. C’est
en vain que, plus tard, il sera inscrit à la Faculté de
Droit de Toulouse par un père désireux de voir son fils
lui succéder dans ses fonctions d'avocat. Il n'avait
pourtant pas trouvé sa voie dès l’enfance, comme tant
d’autres. Ayant achevé ses études classiques avant
l’âge de 16 ans, requis pour subir les examens du
baccalauréat ès lettres, il eut l’idée d'occuper ses
loisirs en suivant les cours de sciences, Lauréat de la
ville de Toulouse en 1828, honoré l’année suivante d’un
prix unique de botanique qui lui valut des éloges spé-
ciaux, il résolut dès lors de se consacrer tout entier à
l'étude des plantes. Dès lors, rien ne put le détourner
de son but. Ni les efforts de sa famille, ni la privation
des ressources scientifiques, nile manque de direction,
88 NOTICE NÉCROLOGIQUE
ni trente années de labeur, ni les déboires et les dé-
ceptions ne purent le décider à changer de voie,
Aidé des conseils de Moquin-Tandon, alors profes-
seur à la Faculté des Sciences de Toulouse, il se mit à
explorer les Pyrénées et le Languedoc, dans l'espoir
de lever les doutes au sujet d'un certain nombre de
plantes décrites par Lapeyrouse et de faire connaître
la distribution géographique des plantes méridionales.
IL semblait alors devoir être l’un des continuateurs de
De Candolle et de Lamarck; il présenta à l'Académie
des Sciences, sur la géographie botanique des environs
de Béziers, un mémoire dont un long extrait fut inséré
aux Comptes rendus des séances.
Mais il fallait vivre; il fallait même trouver des res-
sources pour la famille, que le malheur éprouvait. Du-
chartre donna des lecons, à Toulouse d'abord, puis, à
partir de 1837, dans un pelit village de la vallée du
Lot, à Monsempron, près de Fumel. Privé des ressources
scientifiques qu'il avait eues jusqu'alors à sa disposi-
tion, n'ayant plus les livres et les riches herbiers, il
dut changer la direction de ses études. Pour se passer
de livres, il aborda un genre de travaux à peu près
nouveau; s'engager dans une voie nouvelle, c'était le
moyen de n'avoir pas à compter avec la bibliographie.
IL s'occupa donc d'anatomie, de morphologie et d’orga-
nogénie florales, se fit connaître bientôl par de bons
travaux qui furent imprimés aux Annales des Sciences
naturelles et recueillit les matériaux d'un grand travail
sur la Clandestine, qui fut présenté à l’Académie des
Sciences en 1843 et inséré au Recueil des Savants étran-
gers, sur un rapport favorable d’Ad. Brongniart. En
même temps il subissait les examens de la licence,
puis soutenait ses thèses pour le doctorat ès sciences.
Vers la fin de cette même année, le jeune Duchartre
arrivait à Paris, plein: de bonne volonté, mais sans
argent et sans autre appui que les travaux par lesquels
il venait de se faire remarquer. Decaisne l'y accueillit
comme il savait accueillir ceux qui luttaient avec
énergie; les deux jeunes savants furent bientôt des
amis dévoués. Decaisne, qui connaissait les difficultés
de la vie, aida Duchartre de son influence naissante, le
présenta à d’Orbigny qui l’admit, pour la botanique, à
la rédaction du Dictionnaire d'Histoire naturelle. Du-
chartre prit aussi une part aclive à la rédaction de
l'Echo du Monde Savant, de l'Encyclopédie du XIX®° siéele
et de plusieurs autres Revues. Pendant deux années, il
rédigea seul la Revue Botanique, recueil mensuel publié
sous le patronage de Benjamin Delessert; la mortimpré-
vue de ce protecteur des sciences vint interrompre cette
précieuse publication, Ce travail incessant n’absorbait
pas l’activité de Duchartre. Il trouvait encore le moyen
de résoudre les problèmes qu’il rencontrait au cours
de ses études bibliographiques, alliant toujours l’étude
personnelle et la critique de l’observation à l’érudition
la plus étendue.
Agrégé des Facultés des Sciences en 1848. il fut,
l’année suivante, à la suite d’un brillant concours,
nommé professeur de Botanique et de Physiologie vésé-
tale à l’Institut agronomique. Jusqu'à la fin de 1852,
époque de la suppression de cet établissement, il con-
sacra tout son temps à l’enseignement, alors nouveau,
de la Botanique appliquée à l'Agriculture et à la créa-
tion d’un jardin botanique agricole. En même temps,
ses recherches personnelles prirent nécessairement
une direction nouvelle; le jardin de l'Institut agrono-
mique lui fut un champ d'expériences; c’est là qu’il
élablit l'efficacité de la fleur de soufre pour combattre
l’'Oidium de la vigne, Il fut appelé, en 1853, à suppléer
A. de Jussieu dans l’enseignement de la Botanique à la
Sorbonne ; mais l’Institut agronomique cessa d’exister;
l'agrégation et les suppléances étaient alors considé-
rées comme des honneurs auxquels les rémunérations
paraissaient superflues, Duchartre reprit sa vie d’autre-
fois, vivant au jour le jour d’un travail assidu, Il ne se
décourageait pas pourtant; nous le trouvons en effet,
en 1854, parmi les fondateurs de la Société Botanique
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
1
:
de France, fondateurs dont il est resté le dernier sur- À
vivant. Jusqu'en 1861, il en rédigea seul le bulletin
bibliographique avec un soin et un talent remarqua-
bles. Il devint aussi secrétaire-rédacteur de la Société
centrale d'Horticulture et garda cette charge jusqu'à sa
mort, se faisant un devoir de mettre au service de ses
confrères une érudition qu’on ne prenait jamais en
défaut.
L'année 1861 mit un terme à ses peines. Il était
appelé à la chaire de Botanique de la Sorbonne, en
remplacement de Payer, dont il occupait depuis deux
mois le fauteuil à l’Académie des Sciences. Il avait
alors cinquante ans. Tout autre que M. Duchartre eût
pu croire que trente années d’incessantes études le
préparaient assez à l’enseignement de la Sorbonne, et
qu'il pourrait maintenant mettre simplement à la dis-
position de ses étudiants les trésors d’une science
acquise au prix d'efforts si soutenus. Pour lui, ses titres
nouveaux n’entrainaient que de nouveaux devoirs. Il se
recueillit, condensa en faveur des élèves de la Sorbonne
les résultats de trente années de travail et produisit un
livre aussi remarquable par la clarté de l'exposition
que par la masse des renseignements qu'on y trouve.
IL avait la difficile mission d’enseigner la botanique
générale en une série annuelle d'environ trente lecons;
les Eléments de Botanique lui permirent de décharger
son enseignement de l'exposé historique, des discussions
et des renseignements bibliographiques. Nous y trou-
vions le complément nécessaire des lecons claires,
précises et méthodiques du professeur, qui se plaisait
à nous signaler le point précis où l’on était arrivé, les
lacunes qui restaient à combler, les problèmes qu'il
restait à résoudre.
D'ailleurs, travailleur infatigable, M. Duchartre con-
tinuait sans interruption sa double tâche; professeur
toujours au courant de l’état présent de la science,
avec un sens critique qui n’atténuait pas sa bienveil-
lance, il s’attachait à résoudre les problèmes dont il
réunissait les données. Plus de 150 notes ou mémoires
publiés depuis 1861 jusqu’à la veille de sa mort prou-
vent qu'il ne se reposait pas,
Ses fonctions lui donnaient chaque jour l’occasion de
mettre sa science au service des autres. Nous aimons
à nous rappeler avec quelle inaltérable obligeance il
accueillait les jeunes gens dans son cabinet de travail,
avec quelle bienveillante attentionil nous écoutait,com-
ment il tirait d'un carton toute la bibliographie du
sujet en nous disant : « Jai quelques petites choses
là-dessus », Nous n'oublions pas surtout avec quel sou-
rire de satisfaction il entendait la confidence de nos
premières espérances, de nos premières observations
heureuses, et combien elle était encourageante cette
poignée de mains si franche qui nous révélait, au
départ, l'émotion de son grand cœur. Le dévouement
a rempli sa vie; à la Sorbonne, il ne vit que ses de-
voirs de professeur et les accomplit sans défaillance
jusqu’au Jour où l’âge le fit descendre de sa chaire; à
l'Académie, ils'est faitjusqu'au dernier jour un devoirde
présenter les travaux qu'on aimait à lui confier; il se
plaisait à les faire valoir et les exposait avec une clarté
remarquable.
Quelques semaines avant sa mort, que rien d’ailleurs
ne faisait prévoir, il offrit à l'Institut de Botanique de
Montpellier l'herbier qu'il avait formé pendant la pre-
mière partie de sa vie scientilique. Cette précieuse
collection, comprenant surtout les éléments de la flore
pyrénéenne el du Languedoc, révèle l'esprit méthodique
de M. Duchartre.
Tous ceux qui ont eu le bénéfice de son enseigne-
ment ont apprécié les qualités de son esprit; tous
ceux qui l'ont approché ont connu la générosité de
son caractère el conservent son souvenir comme celui
d’un ami aussi discret que dévoué.
Cu. FLAHAULT,
Professeur de Botanique
à la Faculté des Sciences de Montpellier,
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
N°3 15 FÉVRIER 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
LES COMMUNICATIONS ORALES ET MANUSCRITES
SUR L'ARGON
Paris, 14 Février 1895. College où M. Ramsay professe la Chimie. Le Président
de la Société Royale, lord Kelvin (Sir William Thom-
Le 30 Aoùt 189%, nous annoncions, dans le Supplé- | son) y avait convoqué tous les membres, non seule-
ment de la Revue, la découverte d’un nouvel élément de | ment de l’illustre Compagnie, mais aussi des Socitiés
l'atmosphère par lord Rayleigh et notre éminent colla- | de Chimie et de Physique de Londres, et toutes les
borateur le Professeur Ramsay. Le 30 Décembre 1894, | notabilités scientifiques du Royaume-Uni.
M. A. Etard exposait ici même les faits d'expérience qui
avaient conduit ces savants d’abord à supposer, puis à Grâce à la bienveillance dont la Société Royale ho-
établir l’existence, dans l’air, d'un gaz confondu jusqu’à | nore cette Revue, nous avons la bonne fortune de
présent avec l’azote. M. Etard, décrivant la marche | donner aujourd’hui à nos lecteurs la traduction com-
Suivie par les auteurs de la découverte, indiqua la facon | plète des manuscrits lus à cette occasion, manuscrits
dont ils avaient isolé le nouveau gaz et déterminé plu- | que la Société Royale n’a pas encore publiés dans ses
sieurs propriétés caractéristiques de ce corps. En | Proceedings. Ces mémoires sont ceux :
même temps, il appelait l'attention sur la révolution 1° De Lorn Rayzeien et du Professeur Ramsay sur
que cette découverte inattendue allait produire dans le | l'Argon, nouvel élément de l’Atmosphère ;
Système de la Chimie. La portée d’une telle révélation 2° De M. Wiccram CRooKkEs sur les spectres du nouveau
n'échappa à personne, et l'article, très commenté dans | gaz; ,
le monde scientifique, fit sensation à ce point que les 3: De M. K. OLszewski, professeur de Physique à
feuilles quotidiennes elles-mêmes en parlèrent. Cepen- | l’Université de Cracovie, qui est venu rendre compte,
dant, il était alors difficile de donner les preuves des | à la Société Royale, de ses recherches sur {4 liquéfac-
faits affirmés, car les savants auteurs s'étaient bornés | tion et la solidification de l'Argon.
à énoncer leurs conclusions d'une facon très som- A la suite de ces communications, nous publions ]s
maire. Pour des raisons que nous espérons pouvoir | discussion, si remarquable, à laquelle de tels travaux
indiquer prochainement, ils n'avaient consacré à l’ex- | ont donné lieu,
posé de leurs recherches qu’une brève communication Nous croyons utile aussi, pour achever de faire con-
ürale. Si extraordinaire semblait leur découverte, que, | naître au lecteur tout ce que l’on sait aujourd’hui sur
malgré leur haute notoriété, malgré leur habileté et | l'Argon, d'insérer, dans la présente livraison, le Mé-
leur perspicacité bien connues, des doutes s'élevaient | moire que le Professeur JAMES Dewar vient de sou.
dans l'esprit des chimistes. Beaucoup se refusaient:à | mettre à la Société de Chimie de Londres, sur un point
admettre qu'un gaz, existant dans l'atmosphère à la | particulier de ce grand sujet.
dose relativement énorme de 1 °/,, ait constamment Nos lecteurs ont certainement lu dans les Comptes
échappé à la multitude des chercheurs qui, depuis | rendus de l'Académie des Sciences parus dimanche der-
Gavendish, se sont occupés de l'analyse de l'air. | nier, 40 Février, la Note dans laquelle M. Berthelot à
Grande fut donc l'émotion du monde savant lorsqu'il | résumé la découverte des savants anglais. Il serait su-
ya deux semaines, lord Rayleigh et le P° Ramsay | perilu de la reproduire ici. Mais, en raison de l'impor-
exprimèrent à la Société Royale de Londres le désir | tance exceptionnelle qu'offre, pour la philosophie chi-
de luicommuniquer Les résultats deleurs investigations. | mique, la découverte de l'Argon, nous consacrons
La Société décida qu’une séance particulière serait | toute la première partie de ce numéro à ce grand évé
consacrée à l’audition de leur Mémoire et aussi à la | nement scientifique. Le lecteur trouvera dans les pages
lecture des travaux faits par deux de leurs amis sur | suivantes la traduction in extenso de tous les manus-
leur nouveau gaz. Cette séance a eu lieu le 31 Janvier | crits et travaux originaux qui viennent d’être soumis
dernier, et, par dérogation à l’usage, s’est tenue dans | aux Sociétés savantes sur l’'Argon.
le grand amphithéâtre et le laboratoire d’University La Direction.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 3
90 J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON
L’ARGON
NOUVEL ÉLÉMENT DE L'ATMOSPHÈRE
I. — DENSITÉ DE L'AZOTE DE PROVENANCES DIVERSES.
Dans une communication antérieure ! nous avions
reconnu que l'azote extrait des composés chimiques
est de 1/2°/, environ plus léger que l'azote atmos-
phérique.
Voici les nombres moyens trouvés pour les poids
de gaz contenus dans le ballon dont nous faisions
usage :
Azote du peroxyde.................... 2,3001
Azote du protoxyde........:..4........ 2,2990
Azote du nitrite d’ammonium.......... 2,2987
Pour l'azote extrait de l'atmosphère nous trou-
vions :
Azote obtenu par l'action du cuivre au rouge (1892). 2,3103
_ = fer 27011893). 2,3100
— l'hydrate ferreux....... (1894). 2,3102
Sur les conseils du Professeur Thorpe, nous avons
entrepris des expériences sur l'azote obtenu par
l’action de l'hypobromite de soude sur lurée.
L'hypobromite fut préparé avec les produits com-
merciaux combinés dans les proportions habituel-
lement indiquées pour les dosages de Purée. La
réaction fut très bien conduite, et le gaz pulse
dégager aussi lentement qu'on le désirait.
Dans la premièreexpérience, le gaz ne fut soumis
à aucun traitement, il traversait de la polasse el
de l'anhydride phosphorique. On reconnut bientôt
que cet azole était impur. Le gaz soi-disant inerte
et inodore attaquait fortement le mercure de la
trompe el avait une odeur de rat mort. Quant à
son poids, il était plus élevé que celui de: l'azote
atmosphérique. L'action sur le mercure el la mau-
vaise odeur de ce gaz disparurent, en grande par-
lie. en le faisant passer sur un métal chauffé au
rouge. On lui fit traverser un tube contenant du
cuivre en fil fin chauffé par des becs Bunsen, puis
un tube de fer rempli de fil de ce méial au rouge
vif, et, enfin, un tube à oxyde de cuivre.
On supprima même ensuite le passage sur le fer
en faisant seulement subir au gaz l'action du
cuivre au rouge vif. Le résultat moyen, rapporté
aux chiffres déjà donnés, fut : 2,2985.
Sans l'emploi de la chaleur, on ne peut empè-
cher l'attaque du mercure. Même lorsque l'on n'em-
ploie pas l’urée, mais que l’on fait barboter de
l'air à travers la solution d'hypobromite, on re-
connait encore que l'azote passant sur du mercure
1 RayLxiGn. Sur une anomalie reconnue dans la détermi-
nation de la densité de l'azote. Roy. Soc. Pro.,vol. LV, p. 340.
1894.
contenu dans des tubes en U ternit bientôt la sur-
face de ce métal.
Il était intéressant de comparer les résultats |
obtenus avec l'azote de l’urée à ceux obtenus avec.
les autres composés azotés. Le but que nous vis
sions ainsi ne put cependant être atleint par ce.
procédé : on ne pouvait, en effet, obtenir un gazs
pur en supprimant le traitement par un métal au
rouge. Cependant l'azote du nitrite d'ammonium
peut êlre préparé sans employer les tubes au rouge.
Son poids concorde avec les chiffres donnés pré-
cédemment, Le gaz sent, il est vrai, un peu l’ammo-
niaque, mais ce dernier est facilement séparable
par l'acide sulfurique, qui arrête aussi probable=
ment un peu de composés oxygénés de l'azote. Le“
poids moyen du gaz ainsi obtenu est 2,2987. 8
Nous reconnûümes que, malgré la faible odeur ni-
treuse, il n’y avait pas de différence appréciable
entre les densités du gaz préparé avec le nitrite
d’ammonium.avecousanstraitementparles métaux »
au rouge. Ce résultat est intéressant, car il montre *
que l'accord entre les nombres oblenus pour l'azote
préparé chimiquement, ne dépend pas de l'usage
de la chaleur pour sa purification.
Les cinq résultats obtenus par des procédés plus
ou moins distincts sont les suivants :
Azote du peroxyde........... ,......t.. Ag 2.3001.
Azote du protoxyde...................... ..:....2. 2.2990
Azote du nitrite d’'ammonium (purifié au rouge)... 2.2987
Azote del'urée Rec Le: -rerio ie 2,9985
Azote du nitrite d'ammonium (purifié à froid)....... 2.298
En MOYENNE... eee 2.2990M
Ces nombres, aussi bien que ceux déjà donnés
pour l'azote atmosphérique, doivent subir une ré-
duction de 0,0006 pour la contraction du ballon
lorsqu'on y fait le vide ?.
Si on les multiplie par le ) on ob-
tient le poids en grammes du gaz par litre. En pre-
nant ainsi les nombres moyens,nous trouvons que,
dans les condilions précédentes, le poids par litre
de l'azote des composés chimiques est 1,2505, celui.
de l’azote atmosphérique étant 1,2572.
11 est intéressant de comparer la densité de
l'azote chimique à celle de l'oxygène. Nous
avons :
Pa al
rapporl
Az? 9,2984
D TT AA
O7 2,6276
1 Ravumien. Sur les densités des principaux gaz. Roy. Soc.
Pro., vol. LILI, p. 134. 1893.
È J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON 91
Donc si O0? — 16, on a : Az° — 13,9954.
Ainsi, dans le cas de l’azote extrait des combi-
naisons, le rapport est très près de 16 à 14; dans le
cas de l’azote atmosphérique ce rapport est nota-
blement différent.
A la liste précédente on peut encore ajouter
l’azote préparé par d’autres procédés. De l’azote
fut extrait de l’atmosphère au moyen du magné-
sium. L’azote ainsi séparé fut alors transformé en
ammoniaque par l’action de l’eau sur l’azoture de
magnésium et ensuite mis en liberté au moyen
de l’hypochlorite de calcium. La purification fut
opérée, comme d'habitude, par le passage du gaz
sur du cuivre au rouge vif et sur de l’oxyde de
cuivre. Le résultat fut le suivant :
Tare du ballon vide (30 oct.-5 nov.)..... 2.82313
— plein (31/oct.)..--:.".0. 0.52395
POAS AU pAZ men nerviec mers one oioie ont 2.29918
Ce nombre diffère d’une façon inappréciable de la
moyenne des autres résultats 2,2990; on doit d’ail-
leurs noter soigneusement que ce gaz a fait primi-
tivement partie de l'atmosphère.
D’autres déterminations, faites avec des appareils
diflérents, de la densité de l'azote provenant
de la même source, c’est-à-dire de l’azoture de
magnésium préparé par l'action de l'azote atmos-
phérique sur le magnésium chauffé, peuvent être
encore notées ici. L’échantillon différait de celui
que nous venons de citer en ce qu'il n'avait pas été
traité par le cuivre au rouge vif. Après avoir traité
l’azoture par l’eau, l'ammoniaque fut chassée par
distillation et recueillie dans l'acide chlorhyärique ;
la solution fut évaporée, le chlorure d’ammonium
sec redissous dans l’eau et sa solution concentrée
traitée par une solution fraichement préparée
d'hypobromite de soude. L’azote fut recueilli dans
une cloche sur l’eau préalablement bouillie pour
en expulser l'air. L’azote passait dans le ballon vide
en traversant une solution d’hydrate de potasse et
deux tubes secs, dont l’un contenait de la chaux
sodée et l’autre de l’anhydride phosphorique.
A 18°,38 centigrades el sous la pression de
154%» % de mercure, 162°°,843 de cet azote pesaient
0<,18963 ; donc le poids du litre à 0° sous 760%" est
172521.
Le poids moyen d’un litre d'azote chimique est
14#,2505; donc l’azote chimique provenant de l'azote
atmosphérique sans avoir été traité par le cuivre au
rouge, possède la densité normale.
On reconnut aussi que l’ammoniaque provenant
de l’azoture de magnésium est identique à l'am-
moniaque ordinaire el ne contient pas d'autres
composés à caractères basiques. Pour cette déter-
mination, l'ammoniaque fut convertie en chlorure
_d'ammonium, et le chlore fut titré par le nitrate
d'argent préalablement dosé lui-même à l’aide de
chlorure d’ammonium pur sublimé. La solution
argentique était d’un titre tel que 1® précipitait le
chlore de 0%,001701 de chlorure d’ammonium.
1. — Le chlorure d’ammonium provenant d’un
échantillon orangé d'azoture de magnésium con-
tenait 66,35 °/, de chlore.
2. — Le chlorure d’ammonium d’un échantillon
noirâtre d'azoture d'ammonium en contenait aussi
66,35 °/..
3. — Le chlorure d'ammonium provenant d'azo-
ture contenant une grande quantité de magnésium
non attaqué, contenait 66,30 °/, de chlore.
Prenant pour les poids atomiques de l'hydrogène
1,0032, de l'azote 14,04, et du chlore 35,46, le
contenu théorique en chlore du chlorure d'ammo-
nium est 66,27 °/,.
Nous voyons que l'azote obtenu par l’azoture de
magnésium préparé lui-même en faisant passer
l'azote atmosphérique sur du magnésium au rouge
blanc, a la même densité que l'azote chimique, et
que le chlorure d’ammonium obtenu par l’azolure
de magnésium a le même titre en chlore que le chlo-
rure d’ammonium pur. On peut donc conelure: quele
magnésium au rouge vif ne sépare de l'azote atmos-
phérique aucune autre substance que l’azote capable
de former un composé basique avec l'hydrogène.
IT. — RAISONS POUR SUPPOSER L'EXISTENCE DANS L'AIR
D'UN ÉLÉMENT JUSQU'ICI INCONNU.
La différence des poids étant bien établie, il
était indiqué de rechercher si elle ne provenait
pas d'impuretés connues. Parmi celles-ci la pré-
sence de l'hydrogène dans le gaz, malgré son pas-
sage sur de l'oxyde de cuivre chauflé au rouge
blanc parut la plus probable. Mais on reconnut
que l'introduction intentionnelle de l'hydrogène
dans le gaz le plus lourd ne modifiait pas son poids
lorsqu'on le traitait comme précédemment avec
l’oxyde de cuivre. Cette explication fut donc aban-
donnée et il devint clair que la différence ne pou-
vait être attribuée à la présence de quelque autre
impureté connue.
D'autre part, il était possible que la légèreté du
gaz provenant de composés chimiques fût due à
une dissociation partielle des molécules Az? en
atomes. Pour contrôler cette supposition, les deux
espèces de gaz furent soumises à l’aclion de l’effluve
électrique ; toutes deux conservèrent leur poids
inaltéré. Les caractères chimiques de l’azote sont
tels qu’on pourrait penser que les atomes de l'azote
dissocié possèdent un caractère d'activité plus
grand, et que, même au cas où ils pourraient être
mis en liberté tout d'abord, ils ne tarderaient pro-
bablement pas à se recombiner. Leurs propriétés
présenteraient donc une analogie partielle avec
celles de l'ozone.
92 J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON
EEE EEE ES CUT EU GO
Pour contrôler cette hypothèse, un échantillon
d'azote chimique fut conservé pendant huit mois;
au bout de ce temps, la densité n'avait pas aug-
menté, elle était restée exactement la même.
Regardant comme élabli que l'un ou l’autre de
ces gaz peut être un mélange contenant un corps
beaucoup plus lourd ou beaucoup plus léger que
l'azote ordinaire, nous avons considéré les diffé-
rentes interprélations possibles. Excepté dans le
cas de l'hypothèse déjà rejetée de la dissociation,
il était difficile de concevoir comment le gaz d'ori-
gine chimique pouvait être un mélange.
Cette supposition conduirait à admettre deux
espèces d'acide azotique, faits inexplicables d’après
les travaux de Stas et de différents chimistes sur
le poids atomique de cette substance. L'explication
la plus simple était d'admettre l'existence d'un
nouveau corps dans l’air débarrassé d'oxygène, de
vapeur d'eau et d'anhydride carbonique. La pro-
portion n’en élait probablement pas très grande.
Si la densité du gaz supposé était double de celle
de l'azote, l'air en contiendrait 4/2 °/, seulement
en volume; si elle n'était qu'une fois et demie
cette dernière, il y en aurait alors 1 °/,; mais, en
acceptant cette explication même provisoirement,
il fallait admettre qu'un gaz, nous entourant de
toutes parts, existant en énorme quantité, élait resté
aussi longtemps sans même être soupçonné.
La méthode généralement appliquée pour recon-
naitre si un gaz est pur ou constitué par un mé-
lange de composants de différentes densités, est
celle de la diffusion. Par cette méthode, Graham
est parvenu à séparer partiellement l'azote el
l'oxygène de l’air, malgré la différence très petite
de leurs densités. Si l'atmosphère contient un gaz
inconnu de densité voisine de celle que nous lui
supposons, il sera possible de reconnaitre ce fait
par l'application de la diffusion à l'air ordinaire.
Ces expériences prouvèrent dès le début que l'at-
mosphère contient bien le gaz inconnu que les
résultats déjà donnés permettaient de prévoir.
Quoique celte méthode de la diffusion puisse
convaincre l'esprit tout d'abord, elle ne permel
pas d'isoler le nouvel élément de l'atmosphère : il
fallait donc chercher une méthode plus stricte-
ment chimique.
L'identification de l'azote (air phlogistiqué) avec
un des éléments constituants de l'acide azotique,
est due à Cavendish. Ce savant trailait par l'étin-
celle électrique une courte colonne de gaz renfer-
mée dans un tube recourbé et disposé sur le mer-
cure, L'air contenu dans ce lube élait en contact
avec une petite quantité de polasse.
En opérant ainsi sur des quantités très faibles
de matière, Cavendish a résolu un des problèmes les
l Roy. Soc. Proc., LV, p. 344. 1894.
plus importants de la chimie, et a le premier donné
la solution de la question actuellement posée. Voici
ses propres paroles :
« Tout ce que nous savons sur la partie phlogistiquée
de notre atmosphère (azote) se résume en ceci : Elle
n’est pas absorbée par l’eau de chaux ou par les alcalis
caustiques, elle ne se combine pas à l'air nitreux
(bioxyde d'azote), elle n’entretient pas la combustion
et la vie; son poids spécifique est un peu plus faible
que celui de l'air ordinaire.
« L’acide azotique, par son union au phlogistique
(hydrogène), est transformé en un gaz ayant les pro-
priétés de l'air phlogistiqué (azote); aussi est-il raison-
nable de supposer qu'une partie au moins de Pair
phlogistiqué (azote) de l'atmosphère provient de cet
acide uni au phlogistique; mais il est douteux que le
tout soit de cette nature. N'y a-t-il pas là un grand
nombre de substances comprises par nous sous cette
dénomination d’air phlogistiqué (azote)?
« J'ai fait diverses expériences pour voir si tout ou
seulement une partie de l'air phlogistiqué de l’atmos-
phère pouvait se transformer en acide nitrique, s’il n'y
avait pas là un corps de nature différente refusant
d'entrer en combinaison. Ces expériences démontrent
que la plus grande partie de l'air traitée comme je Pai
déjà dit, est absorbée; mais il y a un résidu non fixé.
Est-il de même nature que le reste? Pour m'en rendre
compte, j'ai traité comme ci-dessus un mélange d'air
ordinaire et d’air déphlogistiqué (oxygène) jusqu'à ce
qu'il ne restât plus qu'une très faible partie de gaz non
combiné.
« Pour enlever autant que possible l’air phlogistiqué
(azote), j'ai additionné le gaz restant d'air déphlogis-
tiqué (oxygène) et continué l’étincelle, jusqu’à ce que
je ne constatasse plus d'absorption. Ayant ainsi con-
densé autant que possible l'air phlogistiqué (azote), je
lai abandonné sur une solution de sulfure de potasse
pour absorber l'excès d’air dépklogistiqué (oxygène).
« Il me resta alors une petite bulle d’air non ab-
sorbée, environ _. de la quantité de gaz primitivement
traitée, Il y a done une partie de l'air phlogistiqué
(azote), de notre atmosphère qui diffère du reste et ne
peut être transformée en acide nitrique. Elle constitue
tout au plus x du tout !. »
Quoique Cavendish fût satisfait de ce résultal
el n'ait pas déterminé si le petit résidu qu'il avait
obtenu élait pur, les expériences déjà citées per-
mettent de croire que ce résidu élail réellement
différent de l'azote el contenait le gaz maintenant
appelé argon.
III. — MÉTHODE POUR COMBINER L'AZOTE LIBRE.
Pour éliminer l'azote de l'air afin d'en isoler
quelque autre gaz, nous pouvons uliliser divers
absorbants. Les éléments qui se combinent direc-
tement avec l'azote sont : le bore, le silicium, le
Lilane,le lithium, le strontium, le baryum, le magné-
sium, l'aluminium, le mercure, et, sous l'influence
de la décharge électrique, l'hydrogène en présence
des acides et l'oxygène en présence des alcalis. Un
—_——___—_————————
: Cavexnisn : Phil. Transact., vol. 18, p. 271. 1188.
J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON 93
mélange de carbonate de baryum et de charbon à
haute température jouil aussi de cette propriété.
Parmi ces produits le magnésium est certainement
le meilleur absorbant. Quand l'azote passe sur ce
métal chauffé dans un tube de verre porté au rouge,
le magnésium brûle avec incandescence; cette in-
candescence commençant à l'extrémité du tube par
lequel arrive le gaz, se propage peu à peu et régu-
lièrement jusqu'à ce que tout le métal soit converti
en azoture. 7 à 8 litres d'azote peuvent être absor-
bés dans un seul tube; l’azoture formé est une
substance poreuse, sèche, orangée.
IV. — PREMIÈRES EXPÉRIENCES POUR CGMBINER L'AZOTE
A L'OXYGÈNE PAR L'ÉTINCELLE EN PRÉSENCE DES
ALCALIS.
Dans le but d'isoler, par la méthode de Cavendish,
le gaz supposé, nous avons employé d’abord une
bobine de Rumkorff, de grandeur moyenne, ac-
tionnée par une batterie de à éléments Grove.
Les gaz étaient contenus dans un tube disposé sur
une grande quantité d’alcali faible, et le courant
était transmis par des fils isolés dans des bâtons
de verre courbés, traversant le liquide et venant se
terminer sous la cloche. On reconnut que les étin-
celles de 5 millimètres étaient préférables à un are
plus long. Quand les gaz mélangés étaient dans la
proportion normale, l’absorplüion était d'environ
30 centimètres cubes par heure, dix fois plus rapide
que dans les expériences de Cavendish.
Pour prendre un exemple, une expérience de
celte espèce fut faite avec 50 centimètres cubes
d'air, et cetair fut graduellementadditionné de nou-
vel oxygène jusqu’à ce que, ce dernier étant en ex-
cès, il n’y eut plus de contraction perceptible mal-
gréle passage del’étincelle durantune heure. Le gaz
restant fut alors transvasé dans-une petite éprou-
vetle graduée dans laquelle le volume fut reconnu
être de 1 centimètre cube. Trailé par un pyrogal-
late alcalin, il resta L°%°,32 de gaz. Ce petit résidu
ne peut être de l'azote, car, par l’action prolongée
de lélincelle, il ne se combine pas, quoique mêlé à
l'oxygène dans les proportions les plus favorables.
Le résidu fut alors réintroduit dans le tube pri-
mitif avec addition de 50 centimètres cubes d'air
et le Lout traité comme précédemment. Le résidu
fut de 2°%° 2 et, après l'enlèvement de l'oxygène, de
0°%°,76. Quoiqu'il paraisse presque impossible que
ce résidu puisse être de l'azote ou de l'hydrogène,
on pouvait cependant remarquer qu’à la fin de
l'expérience, l’étincelle se produisait dans des con-
ditions anormales. L'espace était très restreint et
la température plus élevée. Mais les doutes pos-
sibles disparaissaient quand on opérait sur une
toute pelite quantité.
En faisant agir l'étincelle sur un mélange de
> centimètres cubes d'air et de 7 centimètres cubes
d'oxygène pendant 1 h. 1/4, le résidu était de
0°®°,AT et, aprèsenlèvement de l'oxygène, de 0°%°,06,
Les expériences répétées ayant donné des résul-
tats similaires, il était clair que le résidu final ne
dépendait pas du passage de l’étincelle dans un
volume réduit, mais était dans un rapport relative-
ment constant avec la quantité d’air employée.
Un examen du résidu refusant de s’oxyder ne
pouvait être fait sans en préparer une plus grande
quantité. La solubilité du gaz dans l’eau permet-
tait d'expliquer les différences obtenues, ainsi du
reste que cela a été confirmé depuis. On put ce-
pendant rassembler dans un tube spécial, construit
exprès, une certaine quantité du gaz permettant la
comparaison de son spectre avec celui de l'azote
dans des conditions similaires; on reconnut que le
gaz n'était pas de l’azote. Tout d'abord on n'aper-
çoit pas trace des lignes principales de l’azote,
mais après avoir conservé le gaz pendant une heure
ou deux, ces lignes deviennent apparentes, de
l'azote aÿant pénétré dans le tube.
V. — PREMIÈRE EXPÉRIENCE POUR SÉPARER L'ARGON
DE L'AIR PAR LE MAGNÉSIUM AU ROUGE VIF.
Une expérience préliminaire, effectuée par
M. Percy Williams sur l'absorption de l'azote
atmosphérique exempt d'oxygène au moyen du
cuivre au rouge vif, le gaz ne passant pas sur ce
dernier, mais restant simplement à son contact,
donna comme résidu de densilé : 14,88. Ce ré-
sultat, quoique non concluant, était encourageant.
Un essai fut fait sur une plus large échelle en fai-
sant passer de l'azote atmosphérique sur du ma-
gnésium chauffé au rouge dans un tube plus large,
dans des conditions de contact plus intime, pour
obtenir une quantité plus considérable du gaz
pésant. En 10 jours on en réunit 1500 centimètres
cubes. — Recueilli sur le mercure, le gaz passa
sur de la chaux sodée,sur l’anhydridephosphorique,
sur du magnésium chauffé au rouge, puis sur de
l'oxyde de cuivre, de nouveau sur de la chaux
sodée et de l’anhydride phosphorique, et enfin fut
recueilli sur le mercure. Au bout de quelques
Jours le gaz était réduit à 200 centimètres cubes.
Sa densité était alors de 16,1. Par une absorption
plus considérable le volume fut encore réduit. La
densité du résidu devint 19,09. L’étincelle passant
pendant quelques heures à travers un mélange
d’une petite quantité de ce gaz et d'oxygène, son
volume fut encore plus réduit. La densité, déter-
minée par le calcul, devint alors 20.
Le spectre du gaz de densité 19,09, quoique
montrant les raies de l'azote, présentait quelques
autres lignes qu'on ne put identifier à celles de
quelque élément connu.
9% J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L’ARGON
NI, — PREUVE DE LA PRÉSENCE DE L'ARGON DANS L'AIR
AU MOYEN DE LA DIFFUSION.
Si l'azote atmosphérique contient deux gaz de
densités différentes, il sera possible de démontrer
ce fait par la méthode de diffusion.
L'appareil pour cetessai fut préparé suivant la mé-
thode de Graham, en réunissant un certain nombre
de tuyaux de pipe. On employa tout d’abord 12 de
ces tuyaux en 3 groupes, chaque groupe étant com-
posé de 4 tubes réunis en séries. Les 3 groupes
furent alors placés parallèlement dans un large
tube de verre fermé de façon qu’on pût maintenir
un vide partiel, à l’aide de la trompe, dans l’es-
pace compris entre les tuyaux. Une extrémité
était ouverte à l'air, l’autre extrémité réunie à un
aspirateur primitivement plein d’eau et disposé pour
attirer 2 °/, de l’air qui entrait à l’autre extrémité.
Le gaz réuni ainsi représentait une petite partie
de celui qui passait à travers le diffuseur. Il devait
être relativement riche en argon. Le courant de
l’eau de l'aspirateur ne pouvait être maintenu très
constant, mais la quantité de 2 °/, ne pouvait être
beaucoup dépassée.
L'air ainsi obtenu fut traité exactement comme
l'air ordinaire l'avait été pour la détermination de
la densité de l’azote atmosphérique, l'oxygène en-
levé par le cuivre au rouge vif et l'oxyde de cuivre,
l’ammoniaque par l'acide sulfurique, l'eau et l'a-
eide carbonique par la potasse et l’anhydride phos-
phorique.
Pour un poids total d'environ 2“3, l'excès de
poids de l'azote traité sur l'azote atmosphérique
ordinaire fut, dans quatre expériences, 0%',0049,
0%°,0014, 0%,0027, 0:",0013. L'excès moyen des
4 déterminations est 0#,00262. Si l’on supprime le
premier essai, où le vide fut maintenu pendant
deux mois, on trouve 0f,00187.
Le gaz, ainsi préparé avec l'air, était dans chaque
cas plus lourd que celui de l’air non traité et cela
beaucoup plus que les erreurs possibles de l’expé-
rience auraient permis de le supposer. L’excès
cependant était moindre que celui auquel on
aurait pu s'attendre et l'arrangement de l'appareil
pouvait être transformé.
Les expériences furent reprises avec des tuyaux
disposés en séries. La surface poreuse, en opérant
ainsi, était réduite, mais ce fait était partiellement
compensé par l'augmentation du vide. Deux expé-
riences, faites dans les nouvelles conditions, don-
nèrent un excès de : 4° 05,0037, 2° de 05,0033.
L'excès était plus grand que précédemment et
dû, sans aucun doute, à une plus grande action de
l'appareil de diffusion. On pouvait encore conclure
que l'azote atmosphérique est un mélange et non
un corps simple.
VII. — EXPÉRIENCES NÉGATIVES POUR PROUVER
QUE L'ARGON NE DÉRIVE PAS DE L'AZOTE CHIMIQUE.
L'existence de l'argon dans l'atmosphère esl
démontrée d’une façon très évidente par la compa-
raison des densités de l’azote chimique et atmos-
phérique, et par les expériences de diffusion que
nous venons de citer. Cependant, on pouvait com-
pléter ces recherches en étudiant au même point
de vue l'azote chimique. Dans ce but, 3 litres
d'azote chimique, dérivant du nitrite d'ammonium,
furent trailés par l'oxygène et en usant du procédé
qui avait donné un résidu avec l'azote atmosphé-
rique. Le gaz restant fut traité par Pétincelle
jusqu'à ce que son spectre montràt seulement des
traces très faibles des raies de l'azote. Le résidu
refroidi était de 4 centimètres cubes. On le passa
dans une autre éprouvette, on le traita par le
pyrogallate de potassium pour enlever l'oxygène.
On obtint un reste de 3°%,3. Si l’on avail opéré
avec l'azote atmosphérique, le résidu aurait dû
être de 30 centimètres cubes. Sur les 3°%,3 res-
tants, une part est peut-être le fait d’un accident;
le résultat de l'expérience n’en montre pas moins
que l’argon ne résulte pas du passage de l’étincelle
à travers un mélange d'oxygène et d'azote chi-
mique.
Dans une seconde expérience identique,
5.660 centimètres cubes d’azote extrait du nitrite
d’ammonium donnèrent un résidu final de 323,5
qui consistait principalement en argon.
La source de l’argon restant doit être attribuée
à l’eau employée pour la manipulation d’une aussi
grande quantité de gaz (6 litres d’azote el 11 litres
d'oxygène). L’acide carbonique recueilli d’une
manière identique et ensuite absorbé par la po-
tasse, donne des résultats semblables. On y trouve
toujours de l’argon. Des expériences négatives
furent aussi faites à l’aide de l'absorption de l’azote
par le magnésium. Dans une première expérience,
3 litres d'azote provenant du traitement du chlo-
rure d’ammonium par l’hypochlorite de soude et
réduit à 4°%3,5 par le magnésium, puis à 3 cenli-
mètres cubes par l’étincelle en présence d’oxy-
gène, donnèrent comme résidu un corps parais-
sant être l’argon.
Une autre expérience identique, effectuée avec
15 litres, donna un résidu de 3°"°,5 seulement.
Dans ce cas, Pazote atmosphérique donnerait un
résidu de 150 centimètres cubes: la quantité
trouvée n’en est que le quarantième au plus. On
peut considérer que les fuites de l'appareil ont
permis l'entrée d'environ 200 centimètres cubes
d'air pendant l'opération. D'autre part, l'azote
élail recueilli sur l’eau, qui pouvait aussi céder un
peu d'argon. Des expériences de cette nature,
dr:
LA
#
À
Æ
%
\bsolument négatives, sont extrêmement difficiles
exigent un temps fort long pour arriver à une
conclusion certaine.
VIII. — SÉPARATION DE L'ARGON EN GRAND.
. Pour préparer l’argon en grand, l’air esl débar-
assé d'oxygène par le cuivre chauffé au rouge. Le
ésidu passe alors d’une éprouvette dans un tube à
‘ombustion chauffé et contenant du cuivre, de facon
enlever toute trace d'oxygène.
- Le gaz restant est ensuite séché sur de la chaux
odéeet sur de l’anhydride phosphorique, après son
passage à travers un étroit tube en U à acide sulfu-
rique servant à suivre la marche de l'opération. Il
est alors dirigé dans untube àcombustion contenant
le la tournure de magnésium fortement tassée et
chauffée en rouge. De ce tube, il passe à travers un
second tube témoin etse rend dans une éprouvette
de 3 à 4 litres; un seul tube garni de magnésium
absorbe de 7 à 8 litres d'azote. La température
doit être presque celle de la fusion du verre, et le
courant de gaz doit être soigneusement réglé;
sinon, la chaleur développée par la réaction de
l'azote sur le magnésium déterminerait la fusion
du verre.
Le résidu du traitement de 100 à 150 litres
d'azote atmosphérique fut d'environ 4 à 5 litres.
On le fit passer à l’aide d’une pompe Sprengel à
“travers un tube contenant dans sa première moilié
“du cuivre et dans la seconde de l’oxyde de ce
-métal ; puis, à travers un second tube renfermant
de la chaux sodée et de l’anhydride phosphorique
disposés comme les deux absorbants précédents.
nil passait de là dans un réservoir de 300 centimè-
tres cubes de capacité, d'où on pouvait le chasser
“dans une éprouvette à l’aide du mercure. Il passait
“ensuite à travers un tube contenant de la tour-
-nure de magnésium chauffée au rouge brillant. Le
-gaz est ainsi débarrassé de toute trace d'oxygène,
d'hydrogène et d'hydrocarbures, et l'azote est ab-
sorbé peu à peu.
_ Le gaz diminue progressivement en pnee
finalement l'appareil estrempli d’argon pur; il est
réuni, d’ailleurs, à une pompe à mercure, pour
ne pas perdre de. gaz quand on change le tube à
magnésium. Avant de laisser refroidir le tube à
magnésium, on pompe soigneusement le gaz, que
l’on recueille dans une éprouvette. Tout l’argon est
ensuite transvasé du réservoir à mercure dans une
seconde éprouvette pleine d’eau saturée d’argon.
Pour empécher l'entrée d'oxygène ou d’azote, il est
préférable de recueillir sur le mercure. L'enlève-
_ ment total de l'azote se fait lentement, cependant
on y parvient habituellement en deux jours.
L'objection principale à la méthode de prépa-
ration de l'argon par l'oxygène est son extrême
J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON
lenteur. Nous pouvons cependant remarquer que
M. Crookes a appelé tout récemment l'attention
sur les aigrettes existant à l'extrémité des élec-
Lrodes en platine, entre lesquelles s'effectue la dé-
charge électrique alternante à haute tension. D'a-
près lui, elles proviennent de la combustion de
l'azote et de l’oxygène de l'air.
L'appareil employé consistait en un alternateur
de Méritens, actionné par un moteur à gaz, et les
courants étaient transformés en courants à poten-
tiel élevé par une bobine de Rumkorff. L'absorp-
tion la plus considérable à laquelle on puisse arri-
ver, est d'environ trois litres par heure, soil
3.000 fois plus rapide que dans l'expérience de
Cavendish. Il est nécessaire de refroidir l’appa-
reil, et il y a, de plus, maintes causes d’insuccès.
Dans une expérience de cette espèce, l'air total
| traité pendant sept jours s'élevait à 7.925°%, on y
avait ajouté 9.137 pour l’oxygène du chlorate de
potasse. Les septième et huitième jours, on fit arri-
ver de l’oxygène seul, environ 500! furent absor-
bés. Il restait dans le vase un résidu de 700. Donc
l’airet l'oxygène s’étaient combinés dans le rap-
port es Pe temps en temps an suivait au spec-
troscope la disparition graduelle de l'azote. Cette
dernière devint très lente vers la fin. Enfin la ligne
jaune caractéristique de l’azote disparut, et on ne
constata plus d'absorption en deux heures de
temps. Il est important de noter que, au fur et à
mesure de la disparition de l'azole, l’élincelle
changeait d'aspect, devenant plus étroite et plutôt
bleue que verte.
Le traitement final des 700° restants fut iden-
tique aux opérations déjà citées. Malgré des addi-
tions successives d'oxygène et d'hydrogène élec-
trolytiques, on ne peut réduire le volume au delà de
65°, Ce résidu ne s’ox yde plus, ilne présente plus la
ligne jaune de l’azote, même dans les conditions
les plus favorables. Quand le gaz a séjourné quel-
ques jours sur l’eau, les lignes de l'azote réappa-
raissent dans le spectre, et on ne peut les faire dis-
paraitre qu'en traitant de nouveau par l’étincelle,
pendant quelques heures.
IX. — DENSITÉ DE L'ARGON PRÉPARÉ PAR L'OXYGÈNE.
Une première estimation de la densité de
Vargon préparé par l'oxygène découle des faits
déjà connus nous donnant le volume du nou-
veau gaz contenu dans l’air. En admettant que
la différence de densité entre l’azote atmosphé-
rique et l'azote chimique soit la conséquence de la
présence de l’argon dans le premier, et que pen-
dant le traitement par l'oxygène rien nesoitoxydé,
à part l'azote, si :
— densité de l’azote chimique
D'— densité de l'azote atmosphérique
96 J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON
d = densité de l'argon
a = volume proportionnel de Vargon dans
l'azote atmosphérique,
la loi du mélange des gaz nous donne :
ad + (1 — à) D = D'
d’où
d= D + (D'— D)
a
Dans cette dernière formule (D'—D) et « sont
tous deux petits, mais ils sont connus avec une
grande approximalion. Par ce qui précède ‘nous
savons que :
donc si :
— 2,2990
D'=— 2,3102°
on trouve :
d = 3,318.
Ainsi, si Az? — 14, O0?
sera 20.6.
Une détermination directe par pesée doit être
faite; mais iln’a pas élé encore possible de re-
cueillir par ce moyen une quantité de gaz suffisante
pour remplir le ballon employé pour ces détermi-
nations.
Un mélange d'environ 400 centimètres cubes
d'argon avec un exeès d'oxygène pur à donné
comme poids 2,7315 ; le même volume d'oxygène
seul pesait 2,6270. L'excès de la première pesée
est de 0,1045.
Si «a est le rapport du volume de l'argon
au volume Lolal, le nombre pour ce gaz sera :
01045
— 16 et la densité de l'argon
2,6270 +
La valeur de « étant déterminée par un excès de
poids sur le poids de l'oxygène, on ne peut la con-
avec une très grande approximation.
Des analyses suffisamment concordantes par
deux méthodes donnent « — 0,1845; d'où, pour le
poids du gaz, nous obtenons 3, 193: done, si O?=— 16,
nailre
la densité du gaz, par rapport à l hydrogène, sera
19,45. Si on admet la présence d'un peu d'azote dans
le gaz, une correction conduit à la densité 19,7 pour
l'argon pur.
X. — DENSITÉ DE L'ARGON PRÉPARÉ AU MOYEN
DU MAGNÉSIUM.
On a déjà donné celte densité : elle est de 19,09,
et, après traitement par l'oxygène et l’étincelle, elle
s'élève à 20. Les meilleurs résultats d'une série
de déterminations ont comme moyenne
19.90. La difficulté réside dans l'enlèvement total
de l'azote. L'échantillon de densité 19,90 ne mon-
trait plus le spectre de ce gaz. La densité la plus
haute obtenue fut 20,38. Mais va a pu faire une
erreur en raison du poids élevé du ballon.
donné
XI. — SPECTRE DE L'ARGON.
Le spectre de l'argon consiste en un grand nombre.
de lignes distribuées sur la presque totalité du
champ visible. Deux lignes sont spécialement
caractéristiques. Elles sont moins réfrangibles que 4
les lignes rouges de l'hydrogène ou du lithium et
permettent d'identifier ce gaz. On trouvera ci- des-
sous une communication de M. Crookes sur ce
sujet. Ce physicien et M. le Professeur Schuster ont.
identifié, par l'étude spectrale, l’argon provenant de
l'azote atmosphérique traité par le magnésium, ct.
celui que l’on DEARÊte par l’étincelle en présence.
de soude.
XII. — SOLUBILITÉ DE L'ARGON DANS L'EAU.
L'eau à 12° dissout 3", 94 °/, d'argon préparé par.
l'étincelle ; à 13°,9 elle dissout 41,05 °/, du même
gaz préparé par le magnésium. Ce corps est done.
deux fois et demi plus soluble que l'azote etpresque
autant que l'oxygène. Ce fait nous amène à à remar=
quer que les gaz provenant de l'eau pure renfer=
meront une Toner d’argon plus grande que
celle de l'atmosphère. L'expérience confirme celte
remarque. On a pesé l'azote provenant du gaz de.
l'eau d'une citerne. Les poids furent 2,3221 gr. et
2,3327 gr., soit un excès de 24 milligrammes sur le
poids de l'azote pur et de 11 milligrammes sur
celui de l'azote atmosphérique.
XIIT. — CARACIÈRES A BASSE TEMPÉRATURE.
Des expériences préliminaires entreprises pOur
liquéfier l'argon à — 90° sous 100 atmosphèress
échouèrent. On ne constata pas trace de liquéfac-
lion. M. Olszewski reconnut que le point critique de.
ce gaz elson point d'ébullilion sont situés plus bas
que ceux de l'oxygène. Il a obtenu l'argon en cris
Laux blancs en opérant sur un échantillon très pur
préparé par le magnésium et ne renfermant pas
trace d'azote appréciable au spectroscope.
XIV.
Pour déterminer si ce gaz est un élément ou un
corps composé, NOUS avons entrepris une série de
recherches sur la vitesse de propagalion du sons
dans ce milieu. Rappelons à ce sujet que, de lan
vilesse du son dans un gaz, on peut déduire lem
rapport de la chaleur spécifique à pression cons=.
tante à celle à volume constant, d’après l'équation:
— RAPPORT DES CHALEURS SPÉCIFIQUES.
le
n=U—= \ 5 (+ œl) —
où
n est le nombre de vibrations.
À la longueur d'onde.
v la vilesse.
. sieurs termes disparaissent, et le rapport des cha-.
. leurs spécifiques de l’un des gaz peut être déduit
Le ed RE PAR e ee PNR EPP EL LUE AN OT
J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON
497
-:_-e le coefficient d’élasticité isothermique.
-d la densité.
(1 + at) le binôme de température.
C la chaleur spécifique à pression constante.
e la chaleur spécifique à volume constant.
-_ En comparant à la même température deux gaz
-obéissant avec une approximation suffisante à la
loi de Mariotte et en employant le même son, plu-
de celui de l’autre, si ce dernier est connu, par la
proposition suivante :
xd 1,4
NEC
è où, par exemple, À et d se rapportent à l'air pour
_ lequel ce rapport est 1,41 d’après Rôntgen, Wül-
ner, Kayser, Jamin et Richard.
Deux séries complètement différentes d'expé-
riences, — une dans un tube de 2 millimètres
de diamètre, l’autre dans un tube de 8 millimètres,
faites avec des échantillons de gaz complètement
différents, — ont donné comme rapport pour la
première série 1,65 et pour la seconde 1,61.
Des expériences de contrôle exécutées avec le
premier tube ont donné pour l'acide carbonique
1,276, au lieu de 1,288, moyenne des détermina-
lions faites jusqu'à ce jour.
La demi-longueur d'onde du son dans l'hydro-
gène a été trouvée de 73,6 au lieu de 74,5, moyenne
antérieure, et le rapport des chaleurs spécifiques
de l'hydrogène fut 1,39 au lieu de 1,402.
L'argon donne comme rapport des chaleurs spé-
cifiques 1,66. C'est done, comme on le verra plus
loin, un gaz dans lequel toute l'énergie est de trans-
lalion. s
Le seul gaz donnant des résultats semblables est
la vapeur de mercure à haute Llempéralure.
XV. — Essais POUR PRODUIRE DES COMBINAISONS CHI-
MIQUES DE L'ARGON.
Nous avons fait de nombreuses expériences pour
faire entrer l'argon en combinaison. Ces essais ont
été négatifs jusqu'à maintenant. Sous l'influence de
l'étincelle, l’argon ne se combine ni avec l'oxy-
gèneen présence des alcalis, ni avec l'hydrogène en
présence des acides ou des bases, ni avec le chlore
sec ou humide. Il ne réagit pas sur le phosphore ct
le soufre au rouge vif. On peut distiller le tellure
dans un courant de ce gaz; dans les mêmes con-
dilions le potassium et le sodium conservent leur
éclat métallique. IL n’est pas absorbé en passant
sur de la soude caustique ou sur de la chaux sodée
chaulfée au rouge blanc.
Le nitrate de potassium, le peroxyde de sodium,
à la même température, ne réagissent pas sur ce
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895
<orps. Il en est de mème des persulfures de sodium
et de calcium, dans les mêmes condilions. ll n’est
absorbé ni par le noir, ni par l'éponge de platine;
il n’est pas transformé par les oxydants, l’eau ré-
gale, l'eau de brome, les alcalis, l'acide chlorhy-
drique, le permanganate de potassium. Nous
essayons en ce moment l'action du fluor; les diffi-
cultés matérielles à surmonter sont considérables ;
nous essaierons aussi l’action de l'arc électrique.
Un mélange de sodium et de silice et de sodium
et d'anhydride borique sont aussi sans action;
l'argon résiste donc à l’action du silicium ou du
bore naissant.
XVI. — CONCLUSIONS
Il reste à discuter la nature du gaz ou du mé-
lange de gaz dont nous venons de considérer les
propriétés.
La présence de ce corps dans l'atmosphère est
nettement démontrée par l'augmentation de la
densité de l’azote atmosphérique par rapport à
celle de l'azote chimique. Si cette densité est 20,
l'air doit en contenir environ 1 % ; c’est, en effet,
ce que l’on constate approximalivement.
On peut aussi augmenter par diffusion la pro-
portion de ce gaz dans l'air; on constate ce fait,
comme nous l'avons vu, par l’augmentation de
densité.
La solubilité de l'argon dans l’eau permet aussi
de démontrer sa présence dans les gaz de l’eau en
excès par rapport à l'air.
Enfin, préparé par deux procédés différents,
d'une partpar le magnésium, d'autre part par
l'oxygène et l’étincelle, ce gaz est, aans les deux
cas, identique, ainsi qu'on le reconnait par l'étude
du spectre, par la densité et par la solubilité dans
l’eau.
L'argon est-il un élément ou un mélange d’élé-
menis ?
Clausius a montré que si K est l'énergie de trans-
lation des molécules d’un gaz et H leur énergie
cinélique, on à :
K S (CE c)
TRS ES
C et « élant respectivement les chaleurs spéci-
fiques à pression et à volume constants :
Donc, si pour l’argon, comme pour la vapeur de
mercure, le rapport des chaleurs spécifiques
C 2
Fee
il s'ensuit que K— H ou que l'énergie cinétique
totale du gaz est employée au mouvement de
translation de ses molécules.
Dans le cas du mercure, l'absence d'énergie
inter-atomique est regardée comme une preuve du
caractère mono-atomique de la vapeur de ce corps.
3*
58
Cette conclusion doit être également acceptable
pour l'argon. La seule hypothèse possible serait
d'admettre, si la molécule de l’argon est di- ou
poly-atomique, que les atomes n’acquièrent aucun
mouvement relatif même de rotation, conclusion
extrêmement improbable en elle-même et suppo-
sant la sphéricité d'un semblable complexus
d’atomes. Comme un gaz mono-atomique ne peut
être qu'un élément ou un mélange d'éléments, il
s'ensuit que l'argon ne peut être considéré comme
un corps composé. D'après la loi d’Avogadro, la
densité d'un gaz par rapport à l'hydrogène est la
moilié de son poids moléculaire. Comme la densité
de l'argon est 20, son poids moléculaire doit être 40.
Mais ici la molécule est identique à l'atome, donc
le poids atomique ou, si nous avons affaire à un
mélange, la moyenne des poids atomiques du mé-
lange doit être 40. (Les gaz étant pris, bien en-
tendu, dans les mêmes proportions que dans le
mélange.)
Il y a deux arguments, un pour et un contre
l'hypothèse que l’argon est un mélange. Nous cite-
rons, comme appuyant l'hypothèse de la com-
plexité de ce corps, les expériences de M. Crookes
sur la dualité de son spectre; eomme la combat-
Lant, les recherches de M. Olszewski. Ce dernier a,
en effet. constaté l'existence d’un point de fusion
et d'un point d’ébullilion constants, d'une lempé-
rature et d’une pression critique définies. Si on
comprime le gaz en présence du liquide, la pression
reste sensiblement constante jusqu'à ce que tout le
gaz soit liquéfié. Ces dernières expériences cons-
tituent un critérium bien connu de la pureté d'une
substance; celles de Crookes ne caractérisent pas
d'une facon certaine une nature complexe. Pour
conclure avec certitude, il est évident qu'il faudra
apporter de nouveaux faits. Cependant on peu
pencher, pour le moment, à considérer l'argon
comme un corps simple.
Il nous reste à discuter les relations d’un élé-
ment de poids atomique 40 avec les autres élé-
ments.
Tout d'abord, nous avions cru que l’argon est
un des éléments accompagnant le fluor dans la
‘lassificalion périodique; done, avec son poids ato-
mique 20, il devait prendre place entre le fluor 19
el le sodium 23. La découverte de la nalure mono-
atomique de sa molécule oblige à rejeter cette hypo-
thèse. La série des éléments possédantun poids ato-
mique voisin de 40 est la suivante :
Chl #4 Hi]
Potassiüm 29.1
Calernm à 10.0
Scandium... a ie TE
Il n’y a pas de doute que le potassium, le cal-
cium et le scandium sont sériés à juste litre dans
(J.-W. RAYLEIGH ET W. RAMSAY — DÉCOUVERTE DE L'ARGON
PO M RTE
les colonnes verticales avec le lithium, le gluci-
nium et le bore, et qu'ils présentent aussi certaines
relations avec le rubidium, le strontium et l'yt-
trium (pour ce dernier, ce n’est pas très cer-
ain).
Si l’argon est un élément simple, alors ce serait
une raison de douter que la classification des élé-
ments soit complète, et qu'il ne puisse exister
d’autres éléments que ceux que prévoit cette clas-
sificalion.
D'un autre côté, si l’argon est un mélange de
deux éléments, il pourrait trouver place dans le
huitième groupe l'un après le chlore, l’autre après
le brome.
Nouspouvons supposer que 37 (moyenne approxi-
malive entre les poids atomiques du chlore et du
potassium) est le poids atomique de l’élément le
plus léger. Alors, 40 étant le poids atomique
moyen du mélange des deux corps inconnus, si
nous supposons que le second élément a un poids
atomique compris entre ceux du brome 80 et du
rubidium 85,5, soit 82, le mélange devrait contenir
93,3 °/, du corps le plus léger et 6,7 °/, du corps
le plus lourd.
Mais alors il est fort improbable que 6,7°/, d’un
élément à poids atomique aussi élevé aient pu
échapper à l'observation durant la liquéfaclion.
Si nous supposons que l’argon appartient au hui-
tième groupe de Mendeléeff, alors ses propriétés ca-
dreront bien avec ce que nous pouvons supposer.
On peut, en effet, admettre que la série qui contient
IV IL et V I à vi
SP PR TES et CI
an 4 Sà2 2
Là vu
peut parfaitement se terminer par un élément à
molécule monatomique et sans valence, incapable
de donner de composés, ou, s'ilen donne, formant
des composés octatomiques. Ce corps sera, d'autre
part, une forme de transilion nous amenant au
polassium monovalent.
De telles conceplions sont purement spécula-
lives, elles sont cependant excusables : car elles
permettront peut-être de trouver un fil conducteur
et de porter la lumière dans les anomalies de cet
élément curieux.
Pour conclure, il n'y a rien d'étonnant que l'ar-
gon soit aussi indifférent vis-à-vis des autres corps.
Le mercure, en effet, quoiqu'également mono-
atomique, donne des composés qui, par aucun
moyen, ne sontstables à haute température à l’état
gazeux. Essayer à la température ordinaire de pro-
duire des composés de l'argon, c'est exactement
comme si l’on essayait de combiner le mercure
gazeux à 800.
Si nous considérons maintenant l'élat physique
de l'argon, pourquoi est-ce un gaz, malgré son poils
|
|
AN
|
|
LA
“
r
Ace
RU Te + PS)
:
W. CROOKES — LES SPECTRES DE L'ARGON 99
- atomique 40 ? Nous ferons remarquer que nous ne
- savonsnullement pourquoi le carbone, dontle poids
‘atomique est faible, est un solide.alors que l’azote
est un gaz. Nous expliquons ce fait en assignant
au premier une complexité moléculaire considé-
rable par rapport à la simplicité moléculaire rela-
tive du second. On doit s'attendre à ranger l’argon
parmi les gaz, en raison de sa densité relativement
faible et de sa molécule simple.
L'inertie de l'argon, d’où dérive son nom, nous
explique pourquoi il n'a pas encore été découvert
parmi les éléments composés.
On peut lui attribuer le symbole A si on le con-
sidère comme un corps simple t.
J.-W. Rayleigh et
Secrétaire perpétuel
de la Société
Royale de Londres.
W. Ramsay
deAa Société
Royale de Londres,
Prà University College,
LES SPECTRES DE L’ARGON
Grâce à l'amabilité de Lord Rayleigh et du
Professeur Ramsay, il m'a été permis d'examiner
le spectre de l’argon dans un très bon spectroscope,
et aussi de prendre des photographies de ses
spectres au moyen d’un spectrographe muni d'un
système optique entièrement en quartz.
L'argon ressemble à l’azote en ce qu'il donne
deux spectres distincts, suivant l'intensité du
courant d’induction employé. Mais, tandis que les
deux spectres de l'azote sont de caractère différent,
l'un présentant des bandes estompées et l’autre
des raies fines, les deux spectres de l’argon sont
constitués l’un et l’autre par des raies fines. Il est
toutefois très difficile d'obtenir de l’argon contenant
assez peu d’azoie pour ne pas présenter d'abord les
bandes de ce dernier gaz superposées à son système
propre de lignes. J'ai employé de l’argon préparé
par Lord Rayleigh, le Professeur Ramsay et moi-
même, et. si pur d’azole qu'il parût être, j'ai tou-
jours pu apercevoir les bandes de l'azote dans le
spectre. Toutefois, ces bandes disparaissent bien-
tôt quand l’étincelle d'induction a passé dans le tube
pendant un cerlain temps, qui varie de quelques
minutes à quelques heures. Les tubes à vide qui
conviennent le mieux pour montrer les spectres
sont de la forme ordinaire de Plücker et ont-une
partie capillaire au milieu. Pour pholographier les
‘radialions très réfrangibles qui sont arrètées par le
verre, j'ai employé un tube semblable présentant
une feuètre de quar!z à une extrémité.
La pression de l’argon qui donne la plus grande
luminosité et le spectre le plus brillant est 3 milli-
mètres. La couleur de la décharge est alors rouge
et le spectre est riche en radialions
rouges; deux particulièrement intenses ont des
longueurs d'onde de 696,56 et 705,64. En faisant
passer le courant, les traces des bandes de l'azote
orangé,
disparaissent bientôt et on voit le spectre absolu-
ment pur de l’argon. À cette pression le platine des
pôles est projeté sur les verres des lubes, par suite
de ce que j'ai appelé « évaporation électrique » ?
et je pense que l'azote résiduel est absorbé par le
métal finement divisé. Des absorptions semblables
sont fréquemment remarquées par ceux qui se ser-
vent beaucoup de tubes à vide.
En diminuant encore la pression et intercalant
une bouteille de Leyde dans le circuit, on voit la
couleur de la décharge lumineuse passer du rouge
à un beau bleu d'acier et le spectre présente un en-
semble de lignes presque entièrement différent. Il
n’est pas facile d'obtenir la couleur et le spectre
bleus entièrement privés de rouge. On obtient fa-
cilement le rouge en employant une grosse bobine ?
mise en marche par un courant de 3 ampères sous
6 volts. La couleur n’a alors aucune tendance à de-
venir bleue.
On peut obtenir la couleur bleue avec la grande
bobine en la mettant en marche par un courant
de 3, 84 ampères sous {1 volts et intercalant une
bouteille de 50 pouces carrés de surface. L’inter-
rupteur doit être réglé de façon à vibrer aussi
rapidement que possible. La lueur rouge est pro-
duite par l’étincelle positive et la bleue par l'étin-
celle négative.
J'ai pris des photographies des deux spectres de
l'argon partiellement superposés'. On peut ainsi
constater facilement leur dissemblance. Dans le
spectre de la lueur bleue, j’ai compté 119 raies et,
1 Ce mémoire, que la Sociélé Royale de Londres n'a pas
encore publié, à élé traduit, à l'intention de nos lecteurs, par
notre collaborateur M. E. Charon. (N. de la Direction.)
2 Roy. Soc. Proc. vol. 1, p.88, juin 1891 et Revue générule
des Sciences, numéro du 15 août 1891, t. Il, pase 497.
3 La bobine employée a environ soixante millesde fil secon-
daire, et quand elle fonctionne à plein débit,-elle dônne un tor-
rent d’étincelles de 2% pouces de long. La bobine la plus
petite donne des étincelles de 6 pouces quand on l'entretien
avec six éléments Grove d’une demi-pinte:
{: Des photographies des différents spectres de l’argon ct
d'autres spectres gazeux pour faire la comparaison ont été
projetées,
100
W. CROOKES + LES SPECTRES DE L'ARGON
ms
dans celui de la lueur rouge, 80 raies, ce qui fait
en tout 199 ; 26 d’entre elles paraissent être com-
munes aux deux spectres. .
_ J'ai dit que l'azote résiduel est éliminé quand on
fait passer l’étincelle dans le tube pendant quelque
temps après avoir soudé les extrémités de platine.
Ce n'est pas la seule facon de purifier l’argon.
Le Professeur Ramsay a eu l’amabilité de me
permettre d'apporter quelques tubes à vide dans
son laboratoire, pour les y remplir de son argon
le plus pur. À cette occasion j'ai simultanément
rempli, vidé et scellé deux tubes de Plücker, dont
l’un avait des extrémités de platine et l'autre des
extrémités d'aluminium. En étudiant le gaz immé-
diatement après les avoir scellés, j'observais dans
chaque tube le spectre de l’argon, souillé par un
veslige des bandes de l'azote. Le lendemain Île
tube à électrodes de platine n'avait pas changé,
mais celui quiavait des électrodes d'aluminium pré-
sentait lespectre pur de l'argon, les faibles bandes
de l'azcte ayant entièrement disparu pendant la
nuit. Après avoir fait passer l’étincelle pendant une
heure et laissé reposer le tube à extrémités de pla-
tine pendant plusieurs jours, j'obtins de nouveau
le spectre pur de l’argon. Quand on fait passer
l'élincelle à travers de l’argon contenu dans un
tube de quartz pur fondu sans extrémités métal-
liques intérieures, les bandes de l'azote ne dispa-
raissent pas du spectre de l’argon, les spectres de
l'argon et de l’azote continuent à être vus simulta-
nément.
J'ai rempli un tube à vide d'argon pur, et l'ai
maintenu en communication avec la pompe en
faisant les observations sur le spectre du gaz pen-
dant qu'on produisait la raréfaclion. J'employais
la grande bobine avec un courant de 884 ampères
sous 41 volts, sans interposer de bouteille de Leyde.
A une pression de 3 millimètres, le spectre élail
celui de la lueur rouge fine. Ce spectre persistait
pendant que la raréfaction augmentait jusqu'à ce
que, sous une pression d’un demi-millimètre envi-
ron, apparussent des lrainées de lumière bleue.
Sous un quart de millimètre, la couleur du gaz
incandescent élait bleu pur, et le spectre ne mon-
trait aucune trace de la lueur rouge.
On a fait alors une expérience pour voir si la
faible quantité normalement
dans l'atmosphère pouvait être décelée sans con-
centralion préalable. J'ai préparé de l'azote extrait
de l’atmosphère par la combustion du phosphore,
et on l'a purifié par la méthode habituelle. Ce gaz,
bien desséché sur l'anhydride phosphorique, fut in-
troduit dans un tube à vide, qu'on lava d'air en le
remplissant et le vidant deux fois, et le tube fut fina-
lement scellé à une pression de
d'argon contenue
52 millimètres. Je
l'employai pour pholographierle spectre des bandes
de l'azote à plusieurs reprises, et je l'exposai aueote
rant d’induction de la bobine pendant huit heures
en tout, sans remarquer aucun changement. La
dernière fois que je photographiai son spectre,
j'éprouvai de Ja difficulté à faire passer l’étineelle,
de sorte que j'augmentai l'intensité du courant et
que j'intercalai une petite bouteille. La couleur
passa immédiatement du jaune rougeàtre de l’a-
zote au bleu de l’argon, et, eninterposant le spec-
troscope, je vis les raies de l’'argon presque sans
aucun mélange des bandes de l’azote. Avec beau-
coup de difficulté eten employant une bouteille très
petite, je réussis à prendre une photographie de
ce spectre pour la comparer à celle du spectre de
Pargon fourni par le .P' Ramsay, les deux étant
prises sur la même plaque; mais bientôt le tube
cessa d'être conducteur, el je ne pus contraindre
l'étincelle à y passer qu'en emplovant un courant
d’une intensité dangereuse. Chaque fois qu'une
lueur passait, elle était d’une couleur bleue foncée.
En supposant que l'absorption contienne 4 ?/,
d’argon, les 3 millimètres d'azote, introduits d'a-
bord dans le tube, conliendraient 0,03 millimètres
d'argon. Après l'atmosphère de l'azote par le pla-
tine volatilisé, cette pression de l’argon serait voi-
sine de celle où la conduelibilité disparait.
Dans tous les cas où l’argon a été obtenu de
cette facon, le spectre a été celui du gaz bleu à
l'incandescence. On ne peut voir qu'un petit
nombre de raies rouges. Le passage du rouge au
bleu dépend surtout de la force et de la tempé-
rature de l’élincelle, en partie aussi du degré de
vide. [n'est pas improbable et je comprends que
des observalions indépendantes aient déjà con-
duit ceux qui l'ont découvert à la même concelu-
sion : que le gaz argon n'est pas un corps simple,
mais un mélange de deux éléments au moins, dont
l'un présente les lueurs rouges el l’autreles bleues,
chacun ayant son spectre distinct.
L'hypothèse que ce serait un gaz simple peut
toutefois s'appuyer sur l’analogie avec les autres
gaz, Ainsi, l'azote a deux spectres distincts : l’un ou
l'autre se produisent quand on fait varier la pres-
sion et l'intensité de l'élincelle. J'ai fait des tubes
à vide contenant de l'azote raréfié, qui présentent
successivement les bandes estompées ou le spectre
de raies fines quand on tourne simplement la vis
de l'interrupteur, exaclement comme on peut pas-
ser d'un spectre de l'argon à l’autre.
J'ai préparé des tubes contenant d'autres gaz
aussi bien que de l'azote à différentes pressions, el
j'ai étudié leurs spectres à la fois par l'observa-
lion directe et par la photographie. Le spectre
de raies fines de l'azole est loin d’être aussi re-
marquable par l'éclat, le nombre et la netlelé des
lignes que le sont ceux de l’argon, et une compa-
_ dications d’un manomètre à mercure,
K.OLSZEWSKI — LIQUÉFACTION ET SOLIDIFICATION DE L'ARGON
101
raison soignée ne montre pas plus d’une ou deux
coïncidences apparentes entre les raies des deux
spectres. Entre les deux spectres de l'argon et le
spectre de bandes de l'azote, il y a deux ou trois
lignes très rapprochées; mais, en projetant une
image agrandie des deux spectres partiellement
superposés, on voit que deux au moins d’entre
elles ne sont pas des coïncidences réelles.
J'ai recherché s’il y avait une indication de raies
dans les spectres de l’argon correspondant à la
raie de la couronne de longueur d’onde 531,7, à la
raie de l'aurore 557,1.et à la raie de l'hélium 587,5;
mais je n'ai pas réussi à découvrir de raies de l’ar-
gon suflisamment voisines de ces positions pour
coïncider dans les limites des erreurs expérimen-
tales.Jen'aipastrouvé d'autre gaz ou vapeur donnant
un spectre, qui fournissent des spectres entièrement
semblables à ceux de l’argon, etles coïncidences
apparentes dans quelques-unes des raies, qu'on à
remarquées dans un ou deux cas, ont élé très rares
et disparaitraient probablement si on employait
une dispersion plus forte. Autant donc qu’on peut le
conclure de l’étude du spectre, le verdict doit être
que lord Rayleigh et le P° Ramsay ont ajouté un
membre nouveau, sinon deux, à la famille des
corps simples !.
William Crookes,
de la Société Royale de Londres.
LA LIQUÉFACTION ET LA SOLIDIFICATION
DE L’ARGON
Ayantrecu, de l’amabilité du Professeur Ramsay
un échantillon du nouveau gaz, l’argon, j’ai exécuté
des expériences sur la facon dont il se comporte à
basse température sous de hautes pressions, pour
contribuer, au moins en partie, àla détermination
des propriétés de ce corps intéressant.
La quantité d’argon envoyée par le Professeur
Ramsay étaitde 300 centimètrescubes. Le gaz était
. contenu dans une ampoule de verre scellée, cons-
truite de telle facon qu'il pouvait être aisément
transvasé, sans perte appréciable, dans l'appareil
vide etsoigneusement desséché où l’on devait exé-
cuter les expériences projetées. L’argon qui m'avait
été fourni avait été, comme l’a indiqué le Profes-
seur Ramsay, desséché par l’anhydride phospho-
rique ; sa densité était 19,9 (H—1) ; mon ami pensait
qu'il pouvait contenir comme impureté 1 ou 2 °/,
d'azote, bien qu’on n'observàt pas le spectre de
l'azote en l’examinant dans un tube de Plücker.
On a fait en tout quatre séries d'expériences,
deux dans le but de déterminer la température
critique et la pression de l’argon, aussi bien que
de mesurer sa tension de vapeur à plusieurs autres
températures basses, tandis que deux autres séries
ont servi à déterminer ses points d’ébullition et de
solidification sous la pression atmosphérique aussi
bien que sa densité au point d’ébullition.
Une description détaillée de ces expériences
sera donnée plus lard; je donnerai seulement ici
une courte description de la façon dont elles
étaient conduites.
Pour les deux premières expériences, j'ai em-
ployé un appareil Cailletet. Le manomètre mé-
tallique avait été préalablement comparé aux in-
Comme
agent refroidissant j'ai employé l’éthylène liquide
bouillant sous une faible pression. Le tube de
verre de l'appareil Cailletet était disposé de telle
facon que la partie immergée dans l’éthylène li-
quide avait des parois relativement minces (ne
dépassant pas 1 millimètre), de façon à égaliser
les températures extérieure et intérieure aussi
rapidement que possible.
Dans les deux autres expériences, l'argon était
contenu dans une burette, fermée aux deux extré-
mités par des robinets de verre. En réunissant
l'extrémité inférieure de Ja burette à un réservoir
à mercure, on transvasait l'argon dans un tube
de verre étroit soudé par sa partie inférieure à la
partie supérieure de la burette et dans lequel on
liquéfiait l'argon et on mesurait son volume à
Vétat liquide. Dans ces deux séries d'expériences
l'oxygène liquide, bouillant sous la pression atmos-
phérique ou sous une pression réduite, était em-
ployé comme agent refroidissant. J'ai fait usage
d’un thermomètre à hydrogène dans toutes ces
expériences pour mesurer les basses températures.
I. — DÉTERMINATION DES CONSTANTES CRITIQUES
DE L'ARGON.
Aussitôt que la température de léthylène li-
quide avail été abaissée à — 128°6, l'argon se
condensait aisément en un liquide incolore sous
la pression de 38 atmosphères. En élevant lente-
ment la température de l’éthylène, le ménisque de
l’argon liquide devenait de moins en moins distinct,
1 Traduction faite, pour la Revue, par notre collaborateur
M. Raveau. (N. de lu Direction.)
102 K. OLSZEWSKI — LIQUÉFACTION ET SOLIDIFICATION DE L'ARGON
et, finalement, s’évanouissait aux températures
suivantes et aux pressions correspondantes :
EXP. TEMPÉRATURE PRESSION
Tteneeute —121.20 50.6 atmos.
Des des —121.6 50.6
SANS OO Care —120.5 50.6
BE hieire —121.3 50,6
Départ —121.4 50.6
(das avouoss —119.8 50.6
FAN AN: 2 —121.3 50.6
Dans les sept déterminations la pression cri-
tique trouvée a été de 50,6 atm.; mais les déter-
minations de la température critique présentent
de légères différences. Dans les expériences n° 3 et
Gil y avait moins d’argon liquide dans le tube que
dans les cinq autres: dans celles-ci le volume du
liquide dépassait celui du gaz.
En déterminant les tensions de vapeur de l’argon
dont on trouvera plus bas un tableau, j'ai re-
marqué de légères différences de pression suivant
qu'on produisait plus ou moins de liquide à la
même température. Cela prouve que l'échantillon
d'argon contenait une quantité appréciable d'un
autre gaz, plus difficile à liquéfier; c’est sans
aucun doute la trace d’azole dont on a parlé plus
haut. La moyenne des sept déterminations de la
température critique ést — 121° et ce nombre
peut être pris comme température critique de
l'argon.
A des températures plus basses on a observé
les tensions de vapeur ci-dessous :
EXP. TEMPÉRATURE PRESSION
BE Tate —128.6° 38.0 atmos,
Dre —129.6 39.8
OMAN —129.4 35.8
EE 151300 —129.: 35.8
17 129.6 35.8
1 see —134.4 29.8
14.. —135.1 29.0
RE —136.2 21.3
Teste ere —138.3 25.3
17 —139.1 23.1
Dans les expériences 9, 10 et 17, l'argon liquéfié
élait en quantité très pelile, car il ne s'élevait qu'à
une hauteur de 3 à 5 millimètres, et, dans les au-
tres expériences, la colonne d’argon liquide attei-
gnait ou dépassail 20 millimètres.
IT. — DÉTERMINATION DES POINTS DE FUSION
ET D'ÉBULLITION !
200° d'oxygèneliquide, préparés dans mon grand
appareil, sont versés dans un vase de verre à qua-
druple paroi de facon à isoler le liquide de la cha-
leur extérieure. Lorsque le liquide a élé versé,
sous la pression atmosphérique une grande partie
s'évapore, mais il en reste encore 70 environ,
bouillant sous la pression atmosphérique. On
1 Bulletininternationalde l'Académie de Cracovie, juin 189 ;
et Wicdemann’s, Beibläller, XV, p. 29.
plonge dans l'oxygène bouillant un tube calibré,
préparé pour recevoir l’argon qu’on veut liquéfier
et le thermomètre à hydrogène.A cette température
(—182°,7)l'argon introduitne présente aucunindice
de liquéfaction, même quand on le comprime en
augmentant d'un quart d'atmosphère la pression
qu'il subit. Ceci prouve que son point d’ébullition
est au-dessous de celui de l'oxygène. Mais, en abais-
sant la température de l’oxygène ! liquide au-des-
sous de — 187°, la liquéfaction de l’argon devient
manifeste. Lorsqu'elle se fut produite, je ramenai
la pression de l’argon à être exactement celle de
l'atmosphère, et je réglai la température jusqu'à
ce que l'équilibre pût se maintenir longtemps. Ce
procédé donne le point d'ébullition de l’argon sous
la pression atmosphérique. Quatre expériences ont
donné les nombres — 186°,7, — 186°,8, — 187° el
— 187,3. La moyenne est — 186°,9, que je consi-
dère comme étant le point d'ébullition sous la pres-
sion atmosphérique (740,5 millim.).
La quantité d’argon employée dans ces expé-
riences, ramenée à la pression et à la température
normales, était de 95,5 ; la quantité de liquide
correspondant à ce volume de gaz était approxi-
mativement 0°,114. Par suite, la densité de l’ar-
gon à son point d'ébullition est approximative-
ment 1,5. Deux autres déterminations de la den-
sité de l’argon liquide, pour lesquelles j'aiempioyé
des quantités de gaz encore plus faibles, ont donné
des nombres encore plus bas. Par suite de la faible
quantité d'argon employée dans ces expériences,
les nombres donnés ne peuvent prélendre à une
grande exactitude ; cependant ils prouvent que la
densité de l’argon à son point d'ébüllition (— 187°),
est beaucoup plus forte que celle de l'oxygène,
que j’ai trouvée, dans des conditions semblables,
égale à 1,124.
Sil'on abaisse la température de l'oxygène à
— 191° en faisant le vide lentement, l’argon se so-
lidifie en une masse cristalline, ressemblant à de
la glace; en abaissant encore la température, il
devient blane et opaque. Quand on élève la tem-
pérature, il fond; quatre observations que j'ai
faites pour déterminer son point de fusion ont
donné les nombres : — 189,0, — 190°,6, — 189°,6
et — 489°,4. La moyenne de ces nombres est
— 189°,6; et on peut prendre ce nombre pour le
point de fusion de l'argon.
Voici un lableau de comparaison des constantes
physiques dans lesquelles celles de l’argon sont
rapprochées de celles des autres gaz dits « perma-
1 J'ai déterminé à nouveau le point d'ébullition de l'oxy-
gène, en employant de grandes quantités d'oxygène, et un
thermomètre à hydrogène de dimensions beaucoup plus
grandes qu'auparavant. Latempérature en degrés est de 19,3
inférieure à celle que j'avais donnée précédemment.
Le
À
5
2
à-dire qu'il vient entre l’oxyde de carbone et l’oxy-
gène. La façon dont il se comporte pendant la
DISCUSSION SUR L’ARGON A LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
103
nents ». Au point de vue de la difficulté qu’il y a | quesaliquéfaction se produirait à une température
à le liquifier, il occupe la quatrième place, c'est-
plus élevée que celle de la liquéfaction de l’oxy-
gène. La température critique et son point d’ébul-
lition, beaucoup plus bas qu'on ne l'aurait prévu,
Tableau
TEMPÉRATURE
CRITIQUE
AU-DESSOUS
DE ZÉRO
—220.0
—146.0
—139.5
—121.0
—118.8
PRESSION
CRITIQUE
ATMOS,
Hydrogène (H°)
- Azote (Az)
Oxyde de carbone (CO)
Argon (Al)
Oxygène (0?)
Bioxyde d'azote (AzO
Méthane (CH4).............. Hoe
Loaouwee
liquéfaction le rapproche beaucoup de l'oxygène,
mais il en diffère entièrement par la propriété qu'il
possède de se solidifier; on sait que l'oxygène n'a
jamais été amené encore à l’état solide.
La grande densité de l’argon rendait probable
DENSIÎTÉ
DU LIQUIDE | COULEUR
AU POINT DU
D'ÉBULLITION| LIQUIDE
POINT PRESSION
DE DE SOLIDI-
SOLIDI- | FICATION
FICATION M.u
me |
? fe
—9214. 60
—207. 100
—189. ?
2
DENSITÉ
DU GAZ
incolore
»
bleu
incolore
»
EE
—485.
he he ne
DUR LOR RE
SSS0S0©C©
semblent être en relation avec la simplicité éga-
lement imprévue de sa constitution molécu-
laire.
K. Olszewski,
Pr de Physique à l'Université de Cracovie.
DISCUSSION SUR L’ARGON À LA SOCIÉTÉ ROYALE
Après la lecture des trois Mémoires qu'on vient de lire
el qui ont suscité l'enthousinsme de l'illustre assemblée,
les Présidents de la Société Royale, de la Société de
Chimie, de la Société de Physique, et plusieurs membres
de ces savantes Compagnies ont pris la parole pour te-
moigner à Lord Rayleigh et au Professeur Ramsay l'ad-
imiration que provoque, chez tous les amis de la science,
cette grande et mémorable découverte de l'argon.
À ve propos, plusieurs remarques d'une extrême im-
portance ont été émises au sujet des propriétés que les
faits d'expérience semblent assigner à l'argon.
Grâce à la bienveillance de AT. le Président et de
MO. les Secrétaires perpétuels de lu” Société Royale, la
Revue « la bonne fortune de pouvoir faire connaître à
ses lecteurs l« discussion qui « clos cette yrande journée.
He-P: Ramsay présente deux tubes de verre
scellés qui, dit-il, contiennent de l’argon et les
fait passer de main en main. Il dit que plusieurs
de ses amis l'ont prié de leur montrer le gaz.
Cependant ce gaz est tout à fait invisible.
Lorn KELvIN (Président de la Société Royale). — Ce
sera une satisfaction, j'en suis sûr, pour toutes les
personnes présentes, de lenir dans leurs mains un
de ces tubes et d’avoir réellement manié un tube
de verre contenant de J’argon.
D° ArMSTRONG (Président de la Société de Chimie). —
Je suis sûr que toutes les personnes présentes
aujourd'hui qui sont capables de juger une commu-
nication de celte espèce et toutes les autres au de-
hors s’uniront joyeusementau chœur queM. Crookes
aproposé de chanter. Mais je voudrais, parlant spé-
cialement au nom des chimistes, — et je sais que le
P' Ramsay se joindra à moi à cet effet et se disso-
ciera de son collaborateur, — je voudrais dire que
nous nous sentons parliculièrement obligés en cette
occasion vis-à-vis de Lord Rayleigh, non seulement
à cause de l'intérêt extraordinaire des détails
qu'il nous a fournis, mais plus particulièrement
à cause de l'exemple qu'il nous a donné. Vous
avez, Monsieur le Président, dans votre discours
de cette année, fait une excellente allusion à la
patience avec laquelle Lord Rayleigh a suivi à la
trace ce nouvel élément jusqu'à la découverte. Je
suis persuadé que les paroles que vous avez
prononcées rencontreront la plus vive approba-
tion partout où l’on pourra comprendre ce travail
(Applaudissements). La question agitée dans ce mé-
moire est certainement très grave. Je pense qu'il
sera parfaitement clair pour tous ceux qui ont
écouté les lectures qu'il y a un ensemble solide
de preuves démontrant qu'il existe dans l’atmos-
phère un élément qui à été longtemps inconnu et
un élément qui présente les propriétés les plus
extraordinaires. Ce mémoire n’est pas de ceux qui,
au point de vue des faits expérimentaux, peuvent
être discutés ici. Il n’est pas douteux qu'il soulè-
vera d'immenses discussions dans le monde entier,
On ne se contentera pas d'accepter tous ces résul-
tats comme élablis, sans les avoir vérifiés, et je ne
doute pas un instant que nous n’ayons bientôt de
nombreuses confirmations de l’exactitude de la
104
découverte. Mais, en mettant à part les faits exposés
dans ce mémoire, il y a une partie qui est entière-
ment, on pourrait presque dire, s’il est permis
d'employer cette expression ici, d'un caractère
furieusement spéculalif; c'est la partie qui traite de
la nature probable de cet élément. Le P' Ramsay,
dans ses remarques, a supprimé en quelque sorte
la difficulté d'une facon qui n'apparait pas quand
on lit le mémoire, parce qu'il est parfaitement clair
que, somme toute, les auteurs de la communication
ne sont pas bien convaincus de la légitimité d'une
applicalion de la méthode de Clausius à la déter-
mination de l'atomicité des gaz. Je pense qu'il
n'ont pas suflisamment tenu compte, dans cette
démonstration, des propriétés extraordinaires que
possède ce gaz.
L'azote, que nous connaissons, est une forme
très inerte de la matière ; mais on sait que le ca-
ractère de l'azote déduit de son étude dans l’atmos-
phère est un caractère tout à fait inexact. On sait
parfaitement que, considéré en tant qu’élément el
traité en tant qu'atome, l’azote est probablement
une des formes de la matière les plus actives que
nous connaissions, et que la grande difficulté qu'on
éprouve à réaliser sa combinaison avec d'autres
éléments, quand on étudie ce gaz, résulte de son
extrême affinité, de son extrême amour de soi-
même. Si nous pouvons déduire quelque chose des
propriétés que nous connaissons pour l'appliquer
à l'élément nouveau, l'argon, c'est, je crois, qu'il
a le même caractère que l’azote, mais à un degré
beaucoup plus élevé. Le P' Ramsay a indiqué que
si on rejette la conclusion que semblent adopter
les auteurs, il ne reste qu'une seule interprétalion ;
mais celle-ci est parfaitement admissible. Il est
très vraisemblable que les deux atomes existent, si
enserrés dans leur étreinte mutuelle qu'il leur est
absolument impossible de se rendre compte de ce
qui se passe au dehors, et qu'ils sont parfaitement
contents de continuer à rouler ensemble, sans rien
emprunter de l'énergie introduite dans la molécule.
Il y a beaucoup à dire en faveur d’une vue de ce
genre. Naturellement on ne peut pas la discuter in-
dépendamment de ce qui a été dit, que le gaz pouvait
être un mélange; mais il est très clair, d'après la
marche de la discussion, que les résultats indiqués
dans le mémoire ne sont pas aussi complètement
acceptés qu'on pourrait le croire. M. Crookes est
évidemment indécis au sujet de l'existence de
deux éléments, el la même impression est pro-
duite par l'exposé du P' Ramsay. Si l’on considère
comme prouvé par le spectroscope que nous avons
affaire à deux gaz, il n'y a pas de raison de ne pas
tirer la même conclusion pour l'hvdrogène et l'oxy-
gène. L'oxygène a, je crois, trois ou quatre spectres,
de sorte que la preuve spectroscopique, après
DISCUSSION SUR L'ARGON A LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
tout, bien qu'elle soit à coup sûr intéressante, ne:
semble pas justifier une pareille conclusion. La
grande difficulté qu'il y a, certainement, à accepter
la conclusion que nous avons affaire à un élément »
ayant un poids moléculaire de 40 et un poids ato-
mique de 40, provient de la difficulté de placer un
élément de cette espèce, ce qui me semble, en fait,
avoir amené les auteurs à la conclusion qu'il s’agit
peut-être d'un mélange. La difficulté disparaitrait,
naturellement, s'il s'agissait d'un corps complexe,
el je crois que c'est ce qu'a voulu dire le P° Ram-
say, quand il à rapporté l'un des nombres de
M. Olszewski. Cette valeur faible, — si grande en
comparaison de celle de l'azote déduite de la den-
sité du liquide, — est une raison qui nous amènerait.
à placer le corps plus haut dans l'échelle des élé-
ments, et à lui donner un poids moindre. Naturel-
lement, toutes ces questions devront être discutées
complètement plus lard : il y a des questions qui
ne peuvent ètre disculées que graduellement, à
mesure que nos Connaissances sur ce corps s'éten-
dront. Quant à son activité, il est possible qu'elle
ait été exagérée. Il est très difficile, dans un cas
comme celui-ci, de découvrir les meilleures condi-
tions dans lesquelles il faut se placer. Nous savons
parfaitement que, si nous n'élions pas en posses-
sion de l'étincelle électrique, nous ne pourrions
guère avoir découvert que l'azote peut se combiner
à l'hydrogène pour former directement l'ammo-
niaque. Nous savons que nous ne pouvons pro-
duire lacombinaison des deux que si nous sommes
en mesure d'enlever en même temps le corps pro-
duit; et celle condition peut bien jouer un rôle,
dans un cas comme celui-ci. On sait très bien qu'il
y a relativement peu de substances qui puissent se
combiner directement avec l'azote. Il est très vrai-
semblable que nous avons ici un élément quia des
affinités encore plus rares, mais il n’en résulte
nullement, — et les auteurs n'ont, d'ailleurs, pas
affirmé que tel fût le cas, — que nous ayons un
élément entièrement inactif, même sous la forme
sous laquelle il se présente à nous. Ge n'est pas ici
le moment de discuter la question complètement,
mais ces points méritent certainement d'être con-
sidérés, et ils sont au nombre de ceux qui donnent
au corps une telle importance, pour nous, chi-
mistes. En concluant, je ne puis que remercier
cordialement les auteurs de nous avoir fait cette
communication.
P' Rucrer (Président de la Société de Physique).
— Je crois qu'il est très important qu'en cette
occasion nous nous rappelions que nous assistons
à une réunion contradictoire de la Société Royale,
réunion qui va immédiatement faire connaitre
dans le monde le résultat exact de la discussion.
Il est, je pense, extrêmement important de dis-
Ê DISCUSSION
SUR L'ARGON A LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
105
tinguer aussi clairement que possible entre les
_ différents points douteux qui peuvent encore sub-
sister relativement au nouvel élément qui a été
décrit aujourd’hui et le fait certain qui résulte
. indubitablement des fails qui nous ont été expo-
sés, à savoir qu’en dépit des doutes qui ont pu se
manifester sur la question depuis quelques se-
maines ou quelques mois, il est maintenant hors
de toute discussion —- et je cite, en m'’exprimant
ainsi, les termes dont s’est servi le Président de
la Société chimique — que nous avons ici un
nouvel élément de l'atmosphère. L'importance
de ce résultat a déjà été indiquée; mais je vou-
drais une fois de plus insister sur le fait que
ce point fondamental est définitivement acquis,
sauf la question de savoir s'il y en a un ou
deux, et aussi abstraction faite de celle de savoir
si les diverses quantités physiques qui nous sont
indiquées aujourd’hui ont été mesurées avec la
précision qu'on pourra alteindre plus tard. Mais il
y a un point particulier sur lequel je voudrais ap-
peler l'attention. Il me semble que l’un des résul-
tats les plus importants qu'on ait obtenus au point
de vue physique est le fait que le gaz est mono-
atomique. Quelques-uns d’entre nous ont eu l'oc-
casion de voir le mémoire avant qu’il fût lu au-
-jourd'hui et connaissent peut-être un ou deux faits
qui, Je pense, n’ont pas élé actuellement mention-
nés par le Professeur Ramsay. Un de ces faits est
que les expériences nécessaires pour déterminer
le rapport des deux chaleurs spécifiques, qu'elles
aient été répétées deux fois ou plusieurs fois, ont
été, je le sais, exécutées par deux méthodes diffé-
rentes. Elles ont été faites dans un tube étroit et
elles ont été faites dans un tube large; de nou-
velles expériences de contrôle ont été exécutées
dans lesquelles d’autres gaz ont été comparés au
nouvel élément. Il n’y a plus de place possible
pour un doute sur un résultat de cette espèce,
quand les expériences ont été exécutées par deux
hommes tels que Lord Rayleigh et le Professeur
Ramsay. La question est de celles qui ne peuvent
supposer aucune erreur quand elle est traitée de
cette facon, et on doit accepler comme certain que
l'élément possède ce rapport particulier des cha-
leurs spécifiques. Alors se pose la question : Qu'en
résulte-t-il ? Je pense qu’on n’a peut-être pas sufli-
samment indiqué qu'il est nécessaire, pour qu'on
puisse obtenir ce rapport, en se basant sur la
théorie mécanique ordinaire des gaz, que l'atome
étudié soit considéré comme sphérique. Naturelle-
ment, je sais très bien que nos images des atomes
sphériques et autres ne sont, sans doute, qu’ap-
prochées de la vérité; mais si nous sommes ame-
nés à concevoir cel atome comme composé de
deux autres qui sont intimement unis l’un à l’autre,
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
nous devons néanmoins supposer, en partant de
ce point de vue, qu'ils sont réunis de façon à
constituer une sphère. Il n’y a qu'une facon de
réaliser cette condition, mais néanmoins elle crée
une difliculté, qui, je pense, n’a pas encore été
soulevée.Je puisseulement, pourconclure,direque,
quelles que soientles conséquences pour la grande
généralisation chimique de Mendeléeff, cette géné-
ralisation n’est, après tout, qu'une loi empirique
qui n’est basée actuellement sur aucune théorie
dynamique. Si elle tient bon aujourd'hui, cela for-
tifiera notre confiance en elle; mais, d'un autre
côté, je ne pense pas qu’elle soit sur le pied de ces
grandes généralisations mécaniques qu'on ne
peut détruire sans détruire immédiatement l’en-
semble de nos notions fondamentales sur la
science.
LE PRÉSIDENT. — Parmi les personnes présentes,
je pense que celles qui sont compétentes sur l’en-
semble du sujet, doivent désirer vivement prendre
la parole. Je prie chacune de faire des remarques
et surtout de poser des questions.
P' ROBERTS-AUSTEN. — Je voudrais dire que,
quand cette belle découverte a été communiquée
à l'Association Britannique, j'ai pris la liberté d'in-
diquer qu'il n'était pas prématuré de considérer ses
relalions avec la grande industrie métallurgique
où l'air est employé en quantités considérables.
Dans le seul procédé Bessemer, on prend environ
10 tonnes de fer, eton les met dans une cornue
appelée convertisseur. On fond le fer eton fait passer
de l'air dans sa masse pour enlever le carbone, le
silicium, le phosphore et autres impuretés. Cela
suppose qu'il ne passe pas moins de 100.000 pieds
cubes d’argon à travers le métal. Par conséquent,
1.000 pieds cubes d’argon ont passé quelque part.
Or, j'ai pris du métal Bessemer traité par le ferro-
manganèse el j'en ai extrait quarante fois son vo-
lume de gaz, dont un vingtième était de lazote.
Dans cet azote, je n'ai pas pu découvrir d’argon
qui n’ait pu venir de l’eau employée nécessairement
dans cette manipulation. J'ai pris une petite quan-
tité d'air, j'en ai extrait l’argon et j'ai obtenu exac-
tement la proportion indiquée par les auteurs, de
sorte que je suis parfaitement sûr que la manipu-
lation est correcte. Mais il reste à voir si l'argon
pénètre dans le fer, comme le fait certainement
l'azote, et, dans le cas où il le ferait, s'il y reste;
il y a certaines particularités qui différencient le
métal Bessemer des autres espèces d'acier, et il
serait du plus haut intérêt de réussir à les attribuer
à quelques-uns de ces mille pieds cubes d'argon
qui a passé, soit dans l'air, soit dans le fer, Je
voudrais indiquer qu'il eût été peut-être dési-
rable que les auteurs du mémoire aient dialysé
l'air à travers le caoutchouc au lieu d'employer
ah
106
exclusivement des pipes d'argile. Ayant été long-
temps associé avec Graham, je ne puis que dire
quel plaisir il aurait éprouvé s’il avait su que sa
méthode serait employée par les auteurs de ce
mémoire, dont l’un occupe la propre chaire de
Graham à University College.
Lorp RAYLEIGH. — J'ai très peu de chose à ajou-
ter à l'exposé que mon collaborateur le P° Ramsay
a fait de-nos recherches. Les recherches ont été,
sous beaucoup de rapports, très difficiles. Je ne
suis pas sans connaître les difficultés expérimen-
tales, mais certainement je ne les ai jamais ren-
contrées sous une forme qui fût en rien aussi pé-
nible et compliquée que dans ces recherches.
Chaque expérience qu'on essaie demande dix ou
quinze jours pour arriver à une conclusion défini-
tive, et le résultat a été nécessairement un progrès
beaucoup plus lent que nous n'avions espéré ;
beaucoup de questions sont restées ouvertes que
nous aurions désiré résoudre. L'une de ces ques-
tions a élé posée par le P' Roberts-Austen, à
savoir le caractère du gaz qui a traversé le caout-
chouc. Cette expérience était dans notre pro-
gramme, je dirai presque dès l'origine, mais jus-
qu'ici nous n'avons pas trouvé le temps de l'exé-
cuter. Les difficultés de la partie des recherches, à
laquelle j'ai été plus particulièrement mêlé, ont
été très grandes. La préparation de ce gaz, en
quantité suffisante pour pouvoir l'étudier, n’a pas
été facile, et quelques-uns des résultats, par
exemple ceux qui se rapportent à la densité du
gaz, ne sont, par suile, pas aussi satisfaisants el
aussi complètement établis qu'on aurait pu le dé-
sirer. Un point qui a été indiqué a trait à l'argu-
ment fourni en faveur de la mono-atomicité du
gaz. Naturellement, ce que prouve l'expérience, si
elle est bonne, c'est que la lotalité ou la presque
totalité de l'énergie qu'on fournit au gaz quand
on l’échauffe, est consacrée à augmenter l'énergie
du mouvement de translation et qu'il ne reste rien
qui puisse, comme dans le cas des autres gaz, êlre
attribué à un mouvement inter-moléculaire ou
inter-atomique. À première vue il semble assez
élrange qu'il ne doive y avoir aucune rotation dans
les molécules du gaz. Comment cela peut-il se faire?
Peuvent-elles être sans rotation, ou l'énergie de
leur rotation peut-elle être assez faible pour être
négligeable en comparaison de l'énergie totale du
mouvement? C'est unc difficulté qui, je pense, n'a
pas encore élé examinée par les savants qui s’oc-
cupent de la théorie dynamique des gaz; mais il
semble bien qu'ici nous devions admettre que celle
énergie n'existe pas ou qu'elle n'existe pas en pro-
portion appréciable.
Naturellement cette condition est comprise dans
l'idée qui a été suggérée el qui nous a été aussi
DISCUSSION SUR L'ARGON A LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
communiquée par le P° Fitzgerald, de Dublin, qui
nous écrit ce qui suit :
« La raison pour laquelle on admet qu'un rap-
port de1,66 entreles chaleursspécifiques prouvela
mono-atomicité d’un gaz, estque, dans un gaz mono-
atomique, il n’y a pas de mouvements internes de
quelque importance. Si donc les atomes dans une
molécule sont liés entre eux de telle façon qu'il ne
se produise presque pas de mouvements internes,
ce gaz se comporterait, en ce qui concerne la cha-
leur spécifique,comme un élément mono-atomique.
Que les atomes de l’argon soient unis très intime-
ment, cela semble probable, d’après sa très grande
inertie chimique. Par suite, la conclusion à Lirer du
rapport de ses chaleurs spécifiques est, peut-être,
non pas qu'il est mono-atomique, mais que ses
atomes sont reliés entre eux dans sa molécule de
telle façon que la molécule se comporte dans son
ensemble comme sielle était mono-atomique. »
Cet argument est sans doute parfaitement juste;
mais la difficulté subsiste de savoir comment on
peutimaginer deux moléculesreliées l’une àl’autre,
ce qu'on se représente grossièrement dans l’espril
et, je crois, d’une facon qui n’est pas très inexacte,
par cette image de sphères réunies et se touchant
l’une l’autre. Comment serait-il possible pour un
atome de forme aussi singulière que celui-là de se
déplacer sans acquérir une énergie de rotation
considérable? Cela est diflicile et, à mon avis,
la seule interprétation est que le gaz est mono-
atomique. Sans doute, tout ce sujet est de ceux sur
lesquels nous savons extrêmement peu de chose, la
vapeur de mercure étant le seul autre gaz connu
qui présente une propriété semblable. Je ne-suis
pas sûr qu'aucun autre point ait été discuté, mais
si on nous pose des questions, le P' Ramsay et moi
sommes {out près à donner de nouvelles explica-
tions, autant qu'il sera en notre pouvoir de le faire.
LE Présinexr. — Je désire faire une remarque,
comme président, mais relativement à la question,
actuellement agitée, de savoir dans quelles condi-
tions le rapport des chaleurs spécifiques pourrait
être exactement 1,66. Je n'admets pas qu'un atome
sphérique puisse remplir ces conditions. Un atome
sphérique ne serail pas absolument poli. En d’autres
termes, il doit être un point de Boscowich. Je ne
veux pas non plus admettre qu'une connexion
excessivement rigide entre deux atomes pourrait
leur donner la propriété de ne pouvoir prendre
aucun mouvement vibratoire relatif. Il faudrait des
liens absolument rigides pour donner la propriété
de ne prendre aucun mouvement vibratoire relatif,
els'il y avait des liens absolument rigides, l’union
des deux corps serait indissoluble et ils ne forme-
raient qu'un. En fait, je crois que la seule espèce
d'atomes que nous puissions concevoir comme
|
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9 SM ed
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CRTC à à CRD ENT, Lite ss
TU) VER TRS
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J. DEWAR — LES ANOMALIES DANS LA LIQUÉFACTION DE L'AZOTE
107
… donnant, dans la théorie dynamique de la chaleur,
rigoureusement le rapport 1, 2/3 est le point mathé-
_matique idéal de Boscowich, doué d'inertie et
. présentant aussi la propriété d'agir sur des points
voisins suivant une force dépendant de la distance.
à encore à demander s’il y a d'autres marques.
- Je ne désire pas clore cette très intéressante dis-
cussion. J'espère que nous aurons encore une dis-
_ eussion el de nouvelles questions.
._. iln'y a plus de remarques ou de questions à
. poser, je désire maintenant, au nom de la Société
À Royale, remercier le Sénat de l’Université de
Londres pour son hospitalité en cette occasion,
hospitalité qui, j'en suis sûr, nous a procuré à tous
une grande jouissance. J'éprouve un granä plaisir
à me joindre au Président de la Société de Chimie
el au Président de la Société de Physique pour
féliciter Lord Rayleigh et le P' Ramsay du brillant
succès qu'ils ont déjà obtenu (Vif applaudisse-
ments). à
Je me joins à mes confrères à la Présidence
pour leur souhaiter de plus en plus de succès dans
la continuation de leur travail et en les remerciant
cordialement au nom de la Société Royale pour la
communicalion qu'ils nous ont faite aujourd'hui
(Applaudissements).
LES ANOMALIES
DANS LA LIQUÉFACTION DE L'AZOTE
Lorsqu'on prépare à l’état liquide de grandes
quantités de gaz tels que l’azote, l'oxygène ou l'air
atmosphérique, les impurelés inhérentes à ces
corps ou entrainées par leur passage à travers les
pompes ne lardent pas à s’accumuler. Si on en-
ferme alors ces fluides dans des récipients où l'on
fait le vide, les impuretés se séparent en passant à
l'état solide. Si, prenant de l’air liquide, on en sé-
pare la matière solide et sion laisse le corps fluide
s'évaporer lentement, les dernières gouttes de li-
quide sont de l'oxygène presque pur.
Le gaz azote contenant 3 à 4 ,/° d'oxygène se
comporte de même à la liquéfaction.
En se servant d’un appareil spécial, on peut
éludier de faibles quantités de gaz pur el sec à
l'état liquide. Ces quantités peuvent s'élever de
100°° à un ou plusieurs litres, et le même échan-
tillon de gaz peut servir à répéter l’expérience au-
tant de fois qu'on le désire.
L'appareil très simple, que représente la figure
ci-jointe (fig. 1), permet d'observer la condensa-
tion du gaz à l’état liquide et l’évaporalion d'une
partie de ce liquide. Un tube de faible ouverture
et un peu effilé à son extrémité est placé dans
un ballon à distiller et plonge jusqu'au fond. On
scelle ensuite le col du ballon aux parois ex-
térieures de ce tube, qui est courbé deux fois à
angle droit et dont l’autre extrémité forme une
chambre close. La parie extérieure du col du bal-
lon porte une tubulure latérale par laquelle on
introduit du gaz parfaitement pur et sec en mème
temps que du peroxyde de phosphore, sous une
pression el à une température parfaitement déter-
… minées. On scelle ensuite cette tubulure. On intro-
duit alors avec précaution l'extrémité fermée du
petil tube dans une éprouvette renfermant de l'air
ou de l'oxygène liquides; cette éprouvette, fermée à
sa partie supérieure, porte un tube de dégagement
qui permet, au moyen d'une pompe à air, de dimi-
nuer graduellement la pression de la vapeur sur le
liquide qu’elle contient. On peut ainsi amener à l'é-
FF
F PRE REELE TN
7 ï L.,
Kis. 4. — Appareil pour observer la condensation du guz.
lat liquide le gaz qui se trouve dans la partie du
tube qu'entoure l'éprouvette. Cette disposition per-
met d'observer facilement le point où le liquide
commence à former différentes couches gazeuses,
lorsque la température du bain d'air liquide com-
mence à s'élever; il est facile aussi d'observer le
point exact où les dernières gouttes de liquide
renfermées dans le petit tube prennent la forme
gazeuse.
Au moyen de cet appareil, j'ai pu comparer
l'azote de l'air atmosphérique à l'azote extrait de
l’oxyde d'azote. Je n'ai pu lrouver entre eux au-
108 J. DEWAR — LES
ANOMALIES DANS LA LIQUÉFACTION DE L’'AZOTE
cune différence de propriétés. Toutefois, l’azole at-
mosphérique qui a passé sur du magnésium
chauffé, ne se comporte pas comme l'azote non
soumis à ce traitement. Bien que son point de con-
densation ne soitpas très éloigné de celui de l'azote
non traité, on peut se rendre compte que son point
de volatilisalion est plus élevé. Liquide, il s'évapo-
rera plus lentement.
L'azote préparé chimiquement a, après avoir
subi le traitement au magnésium, présenté les
mêmes modifications que l'azote atmosphérique.
Il se liquéfie et s’évapore à une température plus
élevée. Par conséquent, les effets produits par le
passage sur du magnésium chauffé sont les mêmes
pour l'azote atmosphérique el pour l'azote préparé
chimiquement.
Il se peut toutefois que, dans l’azole passé sur
du magnésium chauffé, il se trouve des impuretés
dont le point d’ébullition soit à peu près le même
que celui de l’azote primitif, ou encore que cette
quantité soit assez faible pour l'empêcher de se
liquéfier à — 200°.
On doit considérer, en effet, que le ballon de
150° contient les impuretés concentrées de
10 litres d'azote et que la pression de petites quan-
tités de matières étrangères peut être assez consi-
dérable pour empêcher la liquéfaction de s'opérer
à une température de — 200°. Soumis à des tem-
pératures encore inférieures, l’azotequi a passé
sur le magnésium donne des cristaux transparents,
mélangés à de l’azote liquide, tandis que l’azote non
soumis à ce traitement reste fluide. Tous les échan-
tillons d'azote liré de l’air et ceux d'oxygène, d’a-
bord purifiés, puis liquéfiés de la manièreindiquée,
se présentent sous forme de liquides transparents ;
la matière solide qui se sépare loujours lorsqu'on
liquéfie de l'air, de l'azote ou de l'oxygène en
grandes quantités, est formée d'impuretés.
Si l’on fixe un manomètre dans le ballon conte-
nant le gaz el si le tube condensateur est bien cali-
bré, cette méthode peut donner des résultats quanti-
talifs,attendu que l’on peut observer simultanément
la pression dans le ballon et le volume du liquide.
De plus, si l’on se sert de l'oxygène liquide pour
refroidir, on peut observer la pression de la vapeur
de deux ou plusieurs substances à la même lempé-
rature, et ces pressions peuvent être exprimées
par les chiffres de la pression de l’oxygène.On peut
done, parce moyen, comparer tous les liquides très
volatils à l'oxygène comme unité. Si l'on
connail avec une assez grande approximation la
pris
pression de la vapeur des substances renfermées,
on peutalors calculer exactement la pression fournie
»s formules sui-
par le gaz pour la liquéfaction. ?
vantes sont suffisamment approchées pour per-
meltre ce calcul ; Az et O y représentent les pres-
.
sions respeclives de l'azote et de l'oxygène
exprimées en centimètres de mercure, T représente
la température absolue :
: 583,8
Log Az — 9,07 2;
616,8
Log O = 8,5681 — ——;
k T
d’où :
Az 33
Log — — 0,5 —.
065 = 05081 +
D'après cette formule, si, dans le bain d'oxygène,
la pression est réduite à 2°, la pression dans
le ballon d'azote est de 178, de sorte qu'en-
viron les trois quarts de la masse primitive de
gaz apparaît à l’élat liquide. On doit remarquer
que ces expériences ont été simplement faites dans
un but qualitatif et non pas dans le but de séparer
un nouvel élément de l’air ou de l’azote. Leur objet
était surtout d'observer les points de condensation
et l’évaporation des gaz liquéfiables entre — 180°
et — 200°, à une pression moindre que la pression
almosphérique. Plusieurs causes d’impuretés peu-
vent donner des différences dans les quantités de
substance qui se liquéfie, en partant de volumes
égaux de gaz soumis à des traitements identiques.
Ainsi, une trace consistant probablement en hydro-
gène, et se trouvant dans un échantillon d'azote
soumis au traitement indiqué plus haut, a donné
seulement, comme liquide, un tiers du volume de
celui fourni par de l’azote chimiquement pur. Cette
différence est due à la concentration de l'hydrogène
ou autre substance non liquéfiable dans le tube
élroit où s'opère la liquéfaction.
Ce procédé peut servir à rechercher si, dans
l'air, la liquéfaction de l’azote et celle de l'oxygène
se font simultanément. On ne peut résoudre une
semblable question en liquéfiant l’airsous pression.
Toutefois, si deux ballons, semblables à ceux
décrits plus haut, sont remplis l'un avec de l'azote à
une pression de 0,79 de la pression atmosphérique,
l'autre avec de l'oxygène à 0,21 etpris tous deux à
la même température, on peut, en les mettant l’un
à côté de l’autre, observer l'instant précis où, dans
chacun d'eux, s’opérera la liquéfaction. On re-
marque que toujours l'oxygène se liquéfie quel-
ques secondes avant l'azote et reste liquide après
que ce dernier aété lolalement évaporé. Les points
d'ébullilion sont les mêmes pour l’azote et l'oxy-
gène pris sous des pressions respectivement égales
à celles où ils se trouvent dans l'atmosphère !.
James Dewar.
de la Société Royale de Londres,
Professeur de Philosophie naturelle
à l'Institution Royale.
1 Ce mémoire à été traduit, pour la Revue, par notre col-
laborateur M. J. Fayollat. (N. de la Dir.)
bec" ra Li
G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES
109
L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE
DES PÈCHES MARITIMES
Industrie extraclive, la pèche maritime, dans
quelque région et par quelque méthode qu’elle
s'exerce, a toujours pour but de ravir à la Nature
la plus grande quantité possible des produits que
celle-ci peut fournir. Les seuls perfectionnements
dont elle ait été l’objet dans ces dernières années
ont d’ailleurs été l'augmentation du tonnage, de
la puissance et de la vitesse des bateaux pêcheurs
et l’augmentation des dimensions des engins de
capture. Au lieu de se localiser au voisinage des
côtes, en effet, la pêche maritime s’étend aujour-
d'hui très au large et, tous les jours, les efforts de
la plupart des marins qui l’exercent tendent vers
l'exploitation de terrains demeurés jusqu'ici en
dehors de l’action de leurs engins.
I
Comme la chasse, la pêche ne procède d'aucun
principe scientifique dans sa technique. Une expé-
rience, acquise empiriquement depuis de longues
années et transmise à nos pêcheurs par les géné-
rations qui ont précédé la leur, est la base même
des méthodes employées de nos jours encore dans
_ l'exploitation des eaux marines. Variables suivant
les espèces zoologiques comestibles qu'elles per-
mettent de capturer, suivant les régions où vivent
ces espèces et suivant les conditions morales et
économiques de la population maritime qui les
emploie, ces méthodes peuvent être groupées
théoriquement de la façon suivante : pêche aux
pièges, amorcés ou non amorcés, fixes ou mobiles;
pêche à la main et pêche par dragage.
Ainsi, dans certains cas, spéculant sur la vora-
cilé des animaux qu'il veut capturer, le pêcheur
disposera un appät approprié dans un casier (une
nasse) ou sur un hamecon qu'il immergera dans
les eaux ou sur les fonds marins. C'est avec des
casiers ainsi appatés, par exemple, que seront pris,
sur nos côtes de l'Ouest, le homard, la langouste,
parfois la crevelte rose, et, dans les lagunes de la
Méditerranée, l’anguille.
Les hamecons amorcés sont montés isolément
ou en petit nombre sur des lignes, que les pê-
cheurs jettent du bord d'une embarcation immo-
bile, ou réunis par centaines et même par milliers,
sur des lignes qui sont placées sur les fonds ma-
rins (pêche aux palangres en Méditerranée, aux petites
el grandes cordes dans la Manche, aux harouelles à
Terre-Neuve). Dans d’autres cas, les hamecons ap-
pâtés sont trainés dans les eaux par les embarca-
lions qui se laissent dériver sous voiles (pêche de lu
morue à Islande), ou filent avec une vitesse qui, sui-
vant les animaux, varie de 3 à 7 nœuds (pêche du
maquereau breton et du germon).
Un certain nombre d'animaux marins comesti-
bles sont pêchés, à certaines époques de l’année,
avec des filets coulés au fond des eaux, de façon
que leurs nappes. se maintiennent verticales,
convenablement orientées par rapport aux cou-
rants marins et dissimulées dans les enrochements
et le milieu liquide {filets fixes). Au voisinage de la
côle encore, sur la partie du rivage qui découvre à
marée basse, on dispose des filets tenus fixes et
verticaux au moyen de pieux (Aauts et bas parcs); on
complète avec de petites murailles certains enro-
chements naturels, de façon à former des réser-
voirs n'ayant qu'une bouche d'écoulement, que
l'on munit d’une nasse dans laquelle, à la marée
descendante, se font prendre les animaux qui sont
montés avec le flot de la marée montante (écluses à
poissons). Des haies d'épines disposées comme des
enrochements permettent d'atteindre le même but
(pêcheries de Cuncale et de l'Arguenon). D'ailleurs,
dans la zone littorale qui ne découvre pas à marée
basse et que fréquentent à certaines époques des
bancs de poissons, sont disposés aussi des pièges
compliqués, en filets ou en roseaux, dans lesquels
ces animaux s'engagent sans en pouvoir sorlir
(madraques, trabacs, esturies, bordiques, etce.).
Pour certaines espèces qui, périodiquement, se
trouvent en banes serrés dans les couches superfi-
cielles des eaux marines, des filets, maintenus flot-
tants et verticaux (filets dérivants ou flottants), obéis-
sant au mouvement des flots ou fixés à des bouées
ancrées, ayant une longueur de quelques dizaines
à plusieurs milliers de mètres, étendent leurs nap-
pes en travers du passage de ces animaux, qu'ils cap-
turent dans leurs mailles (pêche de : surmulet, maque-
reau, boque, hareng, sardine, anchois, etc.). Parfois,
l'usage de ces filets est facilité par l’essaimage, de
chaque côté de leur nappe, d’un appt vers lequel se
précipitentlesanimaux et qui leurdissimulele piège
(sardine océanique). Des bancs entiers de poissons
peuvent être entourés par d’autres filets manœu-
vrés de telle facon qu'ils finissent par former un
réservoir flottant, dont les pêcheurs diminuent
progressivement les dimensions et dans lesquels
les animaux sont capturés comme au moyen d’une
grande épuisette (senne à morue à Terre-Neuve; lam-
paro, relz volant en Algérie).
110
G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES
Si un grand nombre d'êtres marins peuvent être
ainsi pèchés avec des pièges de fond ou de surface,
fixes ou mobiles, placés dans les eaux litlorales, à
l'embouchure des fleuves et dans les lagunes ou à
plusieurs milles des côtes, d'autres ne sauraient
ètre capturés qu'avec des engins qui les viennent
brutalement arracher aux lieux qu'ils habitent.
Aussi bien, dans certaines régions et à une certaine
distance des côtes, les procédés de capture que
nous venons de passer rapidement en revue sont,
soit impraticables, soit incapables de fournir des
récoltes d'une facon suivie dans des conditions
suflisamment rémunératrices pour les gens de
mer.
A la côte, les pêcheurs au ràteau (ou à la grapette)
détachent des rochers d'innombrables mollusques;
les pêcheurs au Laveneau (ou havenet) qui, à pied,
raclent le fond des flaques d'eau que laisse entre
les enrochements la mer qui se relire, ou promè-
nent leurs engins sous les rouleaux de grève, sur
les longues plages de sable, capturent les cre-
vettes ; les pêcheurs à la senne, dans l'Ouest, au
bourgin où à l’eissaugue en Méditerranée, après avoir
décrit, en partant du rivage avec leur filet dont
une extrémité est fixée à lerre, un large circuit en
mer, ramènent l’autre extrémité vers la plage et,
halant sur les deux bouts, atlirent à eux, enraelant
le fond, tous les animaux qui se trouvent sur le
passage de l’engin.
En mer, des plongeurs vont sur les fonds arra-
cher l'éponge ou le corail, qui sont recueillis d’ail-
leurs par d’autres procédés. Avec une drague que
remorque une embarcation, on enlève l’huitre sur
les bancs naturels où elle vil, tandis que, traînées
par des bateaux el dans certaines conditions sur
les fonds marins, des poches en filets, maintenues
béantes sous les eaux par divers moyens, englou-
tissent en raclant le sol les êtres qu’elles rencon-
trent dans leur course (chalul, bœuf, ganqui. ete.).
Il
Après avoir ainsi examiné dans son ensemble,
au point de vue de sa lechnique générale, l’indus-
trie des pêches maritimes, nous allons essayer de
nous rendre compte maintenant de son impor-
tance en France au point de vue des hommes
qu'elle emploie, du matériel qu'elle utilise et de
la valeur vénale des produits qu’elle fournit. Sui-
vant les régions côlières, lous ces éléments va-
rient d'importance,
Pour assurer le recrutement régulier de la flotte
de guerre, Colbert fil décider que tous les marins
français employés à la pêche ou à la navigation
commerciale
une période
devaient obligatoirement accomplir
d'instruction militaire à bord des
navires de la marine royale el que, — avant comme
après cette période, — tout en se livrant aux occu-
pations de leur profession, ils demeuraient à la
disposition du souverain qui pouvait les lever …
instantanément pour compléter les équipages de
ses navires el les envoyer guerroyer contre les
flottes étrangères. Comme compensation aux obli-
gations que leur imposait la loi, les marins furent
admis, quelques années plus fard, à jouir d’une
pension de retraite (la demi-solde) pour laquelle
il leur fallait avoir cinquante ans d'âge et justifier
de trois cents mois de navigation, tant au service
de l'État qu'à la pêche ou au commerce. Ainsi fut
instituée, presque en mème temps que le régime
de l'inscription maritime, la Caisse des invalides
de la marine, destinée à assurer le paiement de la
demi-solde aux gens de mer et alimentée : par une
retenue faite sur les salaires des marins, par une
part des prises de guerre, par le produit de la
vente des épaves, par des dons particuliers, ete...
Au milieu des changements considérables sur-
venus depuis deux siècles aux institutions fran-
çaises, l'inscription maritime s’est maintenue sen-
siblement identique à ce qu'elle était lors de sa
fondation. La loi garantit, en outre, aux inscrits,
le monopole de l’exploilation des eaux marines.
Nul ne peut, en effet, pratiquer — pour en tirer
profit — la pêche en mer, dans les étangs salés,
ainsi que dans les fleuves et rivières jusqu’au point
de cessation de salure des eaux, s’il n’est inscrit
maritime. En pratique, depuis déjà de longues an-
nées, le capilal que représente le matériel d’ex-
ploitation est, dans un cerlain nombre de points
et pour certaines pêches, fourni aux inscrils par .
des armateurs.
L'exercice des pêches marilimes esl soumis à
une réglementation spéciale. Pouvant être levés
subitement pour le service de l'État, d'une part, et
devant, d'autre part, justifier d’un lemps déter-
miné de navigalion pour jouir de la demi-solde, il
faut que les gens de mer soient placés, à bord des
bateaux qu'ils arment, sous une sorte de régime
militaire que nécessite encore leur isolement par
petits groupes, loin de toute autorité administra-
live. Sans doute, le matelot-pêcheur, qui seul
doit nous occuper ici, a la latitude de changer de
bateau, comme l'ouvrier change d'atelier, mais
ses mutations sont enregistrées par l'Administra-
tion qui doit loujours savoir exactement où le.
trouver, en cas de mobilisation, et qui ne doit lui
faire compter, pour son admission à la retraite,
que le temps où il est régulièrement embarqué.
Enfin, le nombre de marins dont peut ainsi dis-
poser l'autorité militaire, étant fonction, en
quelque sorte, de la prospérité des industries
océaniques, une réglementation particulière (à
l'examen de laquelle nous consacrerons quelques
Fox MR A a éd tit dm à
+
RC ERA PENSE AT EAT OT T
SOAIRNT Da EL EN
G, ROCHÉ — L'INDUSTRIE
lignes) a été prévue pour maintenir aux eaux une
productivité convenable qui, assurant aux inscrils-
pêcheurs un travail rémunéraleur, les empêchât
d'abandonner leur métier pour se livrer à d'autres
professions, sans rapports directs ou indirects
avec le milieu marin.
Vis-à-vis des gens de mer, l'État témoigne donc
d’une sollicitude particulière qui a été expliquée
pendant long-
FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES
ai
côte, etc., une plus ou moins grande étendue et
un nombre variable de ports de toutes importances.
Chaque quartier est subdivisé en syndicats !, ad-
ministrés par des agents subalternes (syndics), et
fait partie, d'autre part, d'une des grandes subdi-
visions militaires, ayant leurs chefs-lieux dans nos
cinq ports de guerre : les arrondissements mari-
times ?. La haute administration des services qui
concernent les
DÉS TER
temps par le W—=-— intérêts mo-
. ,+ EE ——
besoin qu'il a- TN = — raux et écono-
. E——— :
vait de leursap- P=E—— miques des gens
titudes spécia- 1 de mer (dont
= d Min —
les. En fait, a — nous nous oc-
l'administra- == cupons en ce
tion de la Ma- D — EE — moment) esl
rine assure non Et É— faite au Minis-
seulement les #2 E— tère de la Ma-
vieux jours de # —=— == ===] rine, à Paris,
sesinseritscon- EE — M=== E——)) Où, d'ulleurs
re NE E—— ere
tre la misère = — HTÈEE à —_ Comité spé-
qui étreint la GE FEES ii cial — le Co-
: — QE =
plupartdestra- = 6 Se 2 ù FE “HE mité consulla-
< Re D —— Me :
vailleurs âgés 55 = k ee u F- se nee =} tif des pêches
Pre 2 50 — ME te 4
d autres pro à É === M— == — E maritimes
fessions, mais EE, ee AE==---h ee — E composé de
elle les aide à Ë == 4 É=== ME Mie — = membres du
reconstituer EE : === JÉREE d2E Parlement , de
leur matériel 2 EE 3 a. HA 2 a — 2 savants, d’ad-
A 2 ==: ES: BEST = Rs
che,quand SES N 2HEEREEN 2 = lé ’
depê LE : = === ea : LE ministrateurs
il a été perdu === ppe- "Ni "0 A “= et de représen-
DEEE L'ÉÉÉSES\ ES 10 A = x
ou avarié par == EEE) : = = i= tants des in-
suite d'événe- ol 777 PA | | ë P2Yz2 EE P B 22 Ë Ë dustries mari-
ments de mer; =
nes, est destiné
récemment en- Bios . Fig. 2. Hig-"3: Fig. 4 Fig. 5. à fournir, dans
corepellevient Fee. fe Ronde nt Lontoede dd fiauednite Certains cas
de provoquer horizontale représente { personne). — Fig. 2. Nombres totaux des inscrits (chaque ressortissant à
D a ts Net a compétence,
de subvention- (chaque division représente 100.000 tonneaux). — Fig. 5. Tonnage moyen des Jesavisqui per-
ner) dans le
mème but,des mutualités entre pêcheurs; enfin,
elle doit soumettre au Parlement un projet de loi
pour l'institution de l'assurance des marins sur la
vie et sur les accidents de leur profession. Ajou-
tons qu'elle fait étudier pour les pêcheurs l'organi-
sation d'un service d'assistance et de crédit mutuel.
Pour assurer le fonctionnement des différents ser-
vices qui ont trait au recrutement des équipages
de la flotte, à la mobilisation des gens de mer et
aux institutions de prévoyance qui les concernent,
aussi bien qu'à l'application des règlements affé-
rents à la pêche et à la navigation, le littoral est
divisé en un certain nombre de quartiers, admi-
nistrés par un officier du Commissariat de la
Marine et comprenant, suivant la densité de la
population maritime, la configuration de Ja
bateaux (chaque division représente un quart de tonneau de jauge).
mettent au Mi-
nistre de prendre des décisions motivées sur les
questions d'ordres scientifique, économique ou
administratif concernant les pêches.
1 Les quartiers de la côte métropolitaine de la Méditer-
ranée et de la Corse sont pourvus, en outre, de prud’hom-
mies, sortes de tribunaux professionnels où les conflits qui
peuvent surgir entre pêcheurs, sont jugés rapidement et
sans frais par les élus des pêcheurs eux-mêmes. Ces prud’-
hommies ont d’ailleurs le droit de provoquer, de la part de
l'Administration, des mesures de police pour les pêches dans
leurs régions respectives.
2 Ces arrondissements maritimes sont ceux de :
4° Cherbourg : de la frontière franco-belge à Portbail.
Sous-arrondissements : Dunkerque, le Havre, Cherbourg.
20 Brest : de Portbail à Concarneau. Sous-arrondissements :
Saint-Servan, Brest.
30 Lorient : de Concarneau à Noirmoutier. Sous-arrondis-
sements : Lorient, Nantes.
4° Rochefort de Noirmoutier à la frontière franco-
G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANCAISE DES PÊCHES MARITIMES
EEE te TRE EE EE PE LC Se CE ain rh PR ]
riennes sont moins lucratives et que les eaux
Il océaniques, comme le régime des côles, se prê-
(ent mieux à l'exploitation des produits ma-
La population pêcheuse française compte envi
montant 22.000 bateaux de
rins.
ron 90.000 hommes t,
dimensions très va-
riables et jaugeant
dans leur ensemble
La production to-
tale de la pêché
francaise est d’en-
200.000 tonneaux. viron 96 millions
En outre 60.000 de francs, dont 87
hommes, femmes pour la pêche en
et enfants prali-
quent la pèche à
long des
pied le
grèves. (Fig. 4 à 5.
Si, dans cerlaines
régions, comme le
Boulonnais, la pê-
che maritime estde-
venueune industrie
considérable, ana-
logue dans son fonc-
lionnement aux in-
dustries similaires
de la côte anglaise,
on peut dire, d'une
facon générale, que
l'activité de la po-
pulalion est d’au-
Fig.
6. — Valeurs comparées des rendements annuels de La péchie en
baleau dans les cinq arrondissements maritimes.
!
bateau et 9 pour la
pêcheàpied (fig. 7).
Ces 87 millions sont
fournis par les di-
verses pèches dans
les proportions in-
diquéesparlafigure
8 et peuvent seré-
partirentre les cinq
arrondissements,
comme l'indique la
figure 6.
Nous devons, dès
maintenant, distin-
guer deux groupes
danslespêchesfran-
çaises : 1° la pêche
côtière ; 2° la grande
baleau (2709
Les cercles représentent
tant plus employée à la pêche que l’agriculture
Comparaison des valeurs annuelles de : la pêche
l'ostréicullure (61°), la pêche à pied {290 |
la production totale. |
|
régionale est plus ingrale, que les professions ter-
Fig, 8. — Comparaison
dements marins.
g. des valeurs
produils de la pêche en baleau. — 1, Poisson frais. II,
Morue. III, Sardine. IV, Hareng. V, Maquereau. VI, Ho-
mard et Langouste. VII, Thon et Germon,Crevettes, et Amen-
annuelles des divers
pêche. Celle-ci, qui a pour objectif immédiat la cap-
espagnole. Sous-arrondissements : PA de he ; ] à
So Toulon RUN SEE re fi ee re ture el la salaison de la morue, s'exerce dans les
franco-italienne, plus la Corse. Sous-arrondissements : Mar- | eaux de Terre-Neuve, d'Islande et de lamer du Nord.
seille, Toulon. | ? d.
Les quartiers d'Algérie sont placés sous l’autorité du con- 12.000 ; région bretonne, 41.000 ; région vendéenne ct sainton-
tre-amiral commandant la marine dans l4 colonie. eoise, 1.500; région gasconne et basque, 5.000; région cata-
1 Les inscrits-pécheurs sont ainsi répartis sur les côtes : lane et languedocienne, 7.900; région provencale, 4.500 ; région
résion flamande et boulonnaise, 10.000 révcion normande, corse S00; récion algérienne, 3.500.
G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES
113
IV
: Grande pêche. — Ayant pour théâtre de ses travaux
. des parages très éloignés des côtes de France, s'exer-
cant dans des conditions particulièrement difficiles
et pénibles de technique, la grande pêcheest l'objet
_ d’encouragements particuliers de la part de l’État.
Il trouve en elle, en effet, une aide puissante, four-
nissant aux marins qu'il ne peut conserver dans sa
_ flotte de guerre une école très rude de navigation.
| Aussi, cette industrie rapportant annuellement
. 13 millions environ, les primes qui facilitent son
exercice el qui lui sont accordées suivant l’impor-
lance des armements et la quantité des produits
FRS
FT
\r?
Fig. 9. — Terrains de pèche à Terre-Neuve.
pêchés atteignent-elles le chiffre de trois millions.
- A Terre-Neuve, en vertu dutraité d'Utrecht et de
conventions postérieures qui ont confirmé nos
droits, nous jouissons du privilège de pêcher les
animaux marins dans les eaux littorales de l'ile,
du cap Saint-Jean au cap Raye (en passant par le
Nord), et d'installer à Lerre, entre ces deux points
(French Shore), des bâtiments en bois (chauffauds.
temporary buildings) dans lesquels ces animaux su-
bissent les diverses manipulations que nécessile
leur conservation. Ce droit d’usufruit, qui est borné
à la pêche et à la préparation du poisson, dans des
eaux et sur une terre étrangère, est absolu (fig. 9.
La morue pêchée, rapportée à terre, est en effet,
… sur le rivage, préparée pour subir une conserva-
_ Lion définitive.
-
€
>: REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
-
Cependant, la plupart de nos pêcheurs se ren-
dant dans les parages de Terre-Neuve exploitent
plus particulièrement les eaux marines qui surmon-
tentles hautsplateaux sous-marins, les Bancs, situés
entre la colonie anglaise et les îles Saint-Pierre
et Miquelon (Grand Banc, Banc à vert, Banc Suint-
Pierre, ete.).Le poisson est là simplement soumis à
une salaisonlé- !
gère et entassé |
dans lacaledes | ne £ |
navires (salai- DOGGER'S BANK.
son en grenier).
Cette conser- :
vation préven-
tive, dite en TERRE
vert, permet
seulement d’a- NEUVE
mener le pro-
duit, soit à St- A
Pierre, soit
dans des cen- EE
tres déterminés de la métropole, où il subit, dans
des conditions convenables, les diverses manipula-
tions qui doivent assurer saconservaltion définilive,
S'Brieuc |} FAe
> NE se "à Ex AE
F A NS ŸS S SAS ESS > -Ÿ
RNA RSR Se MIE
RS SSSR ESS IS
nd ” Z Sas ni à LP D À £
8 5 À 6 5 4 & S SUÉÈRÉS
Fig. 41
C’est en vert, également, que se fait la salaison
de la morue pêchée dans les mers d'Islande. Les
Bretons pratiquent, là encore, le mode de salaison
dit en grenier ; les Normands et les Flamands sa-
lent en barils. Les centres métropolilains dans les-
quels la morue subit ses préparations conserva-
trices définitives sont : Saint-Nazaire, la Rochelle,
Bordeaux, Cette, Port-de-Bouc.
ge
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tonnage moyen des bateaux employés dans cha
G. ROCHE — E'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÈCHES MARITIMES
116
centaine de tonneaux et sont montés par un équi-
page de vingt à vingt-cinq hommes.
Neufs et tout armés, ils coùlent environ
60.000 francs. Leur armement annuel revient à
La pêche dans les mers d'Islande débute au mois
de mars et se termine en septembre ; celle à Terre-
Neuve débute en avril et finit en août. Pour obte-
nir les primes qui leur sont allouées, les armateurs
doivent jusüifier, d’ailleurs, de ce que leurs bateaux
UE
Avril
—
US
27
IWäight
| É
= Noy-Janvier |
|
À srart-Point
x CN 27
C.de la Hague IN dHanrg
- CHR
“de la Hague
Fig. 13. — Terrains pour la pêche haulurière du Hareng el du Maquereau, d'après le Dr Eugène Canu.
Neuve ont une jauge plus forte (125 à 300 Lon-
neaux). Quelquefois ils transportent, outre leurs
propres équipages, soit le personnel des saleries
du French Shore, soit des marins destinés à
armer des goéletles hivernant à Saint-Pierre.
ont stationné un temps déterminé, variable sui-
vant les régions, sur les lieux de pêche.
Le rendement général de la grande pêche est
d'environ 13 millions de francs, ainsi réparuis :
Islande, 5 millions; Terre-Neuve, 8 millions,
(fig. 10). La figure 11 représente les importances
comparées, en bateaux, des divers ports français di
où l’on arme pour Terre-Neuve, l'Islande et la Pêche côtière. — L'expression « pêche côlière »
esl un terme générique qui est appliqué à l’ensem-
ble des pêches exercées aux abordsdes côtes ou au
large, dans les mers qui avoisinentla France, Elles
mer du Nord.
Les bateaux qui vont en Islande sont générale-
ment, aujourd'hui, gréés en goélette, jaugent une
pére. 2 U HS re “4
G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES
117
ne nécessitentpas, comme la grande pêche, pour les
marins qui les pratiquent, de longs mois de séjour
loin de leurs foyers; mais quelques-unes, cepen-
dant, exigent une navigalion assez longue et diffi-
cile; d’autres, qui ont pour théàtre les régions
voisines du littoral, semées de récifs et parcourues
par des courants de marée variables et violents,
sont d'autant plus périlleuses qu'elles ne peuvent
utiliser que de faibles bateaux; quelques-unes,
enfin, sont exemples de dangers d’une façon gé-
nérale et, n'exigeant que de courts déplacements,
constituent des métiers qui, s'ils ne sont pas tou-
jours très rémunérateurs, ne sont jamais pénibles
comparativement aux autres industries maritimes.
On comprend donc sous cette appellation, en
même temps que la pêche des Boulonnais dans la
mer du Nord et celle des Grésillons dans l'Océan :
la pêche de la crevette sur les fonds littoraux,
celle du saumon à l'embouchure des rivières et
celle des poissons d’eau saumâtre dans les lagunes
de la Méditerranée.
La figure 12 montre la répartition des inscrits de
la pêche côtière suivant les quartiers, ainsi que
celle des bateaux qu'ils arment avec le tonnage
moyen de ces bateaux !.
Nous ne saurions examiner en détail, ici, les
industries ressortissant aux pêches dans les di-
verses régions de la France maritime. Nous nous
bornerons à indiquer la valeur de chacune des
principales, ainsi que les régions qu’elles ont pour
théâtre et les ports qu’elles intéressent.
La pêche du hareng, par exemple, exercée sur tout
le littoral de la Manche, de Dunkerque à Cherbourg,
par les marins de toute celte région, est faite par
les pêcheurs de Boulogne, de Saint-Valery-en-
Caux et de Fécamp, dans la mer du Nord, des
Shetlands au Pas de Calais (fig. 13), à partir du
mois de juin jusqu'au mois de février. Elle produit
annuellement 10 millions de francs, dont 4 mil-
lions pour la seule pêche hauturière des ports du
Boulonnais et de la Seine-Inférieure,
Ces mêmes ports arment les mêmes bateaux
pour la pêche du maquereau, en mars et avril, dans
les eaux avoisinant l'Irlande et le pays de Galles.
Le maquereau est d'ailleurs capturé dans les eaux
littorales françaises de Dunkerque au Croisic et
sur les rives méditerranéennes avec filets flottants
el à la ligne. La pêche du maquereau (fig. 13) pro-
duit la somme annuelle de 4.500.000 franes.
! La figure du tonnage moÿen comparé des bätiments
pécheurs permet de comprendre comment certains quartiers
où se trouve une nombreuse population maritime ne dispo-
sent que d’un nombre d’embarcations inférieur à celui de
quartiers moins populeux. Quelques ports, en effet, celui de
Boulogne par exemple, n’arment presque uniquement que
des bateaux de forttonnage, montéspar un nombre d'hommes
relativement grand et destinés à la pêche en haute mer.
Comme le hareng et le maquereau, /« sardine,
qui est pêchée dans les eaux côlières, de Lannion à
Saint-Jean-de-Luz, de Banyuls à Menton et de
Nemours à la Calle, est surtout destinée à fournir
des conserves alimentaires. Son exploitation la
plus active se fait entre Douarnenez et les Sables-
d'Olonne. En dehors des côtes bretonnes et ven-
déennes, ce poisson n’est guère utilisé que pour la
salaison, concurremment avec l'anchois. La pêche
de la sardine n’emploie que de faibles bateaux
montés par cinq ou sixhommes d'équipage. Elle pro-
duit, bon an, mal an, une douzaine de millions de
francs — encore que, sans qu'on en connaisse les
causes naturelles, ce chiffre soit soumis à d'assez
considérables variations.
La pêche du germon au large, dans le golfe-de Gas-
cogne, emploie de juin à octobre deux cents ba-
teaux d’une trentaine de tonneaux de jauge montés
par cinq hommes et trainant leurs lignes des côtes
d'Espagne aux côtes d'Irlande. Elle produit 2 mil-
lions et demi de francs par année, répartis surtout
entre les ports de Groix, du Croisic, des Sables, de
l'ile d’Yeu et de la Rochelle.
Les grands crustacés, homards et langoustes,
sont capturés au casier dans presque toutes les
régions rocheuses du liltoral, mais surtout depuis
l’'Aberwrac’h jusqu'à l'ile d'Yeu. Les pêcheurs de la
pointe du Finistère vont même poser leurs engins
jusqu'à plus de 20 milles au large. Produisant
en France (Corse et côtes méditerranéennes com-
prises) 3.500.000 francs, cette pêche n'est faite
(sauf à Hœdicel Houal) qu'avec de faibles bateaux.
Le saumon, quiest pris dans quelques rivières de
Normandie et de Bretagne, est pêché activement
à l'embouchure de la Loire, dans la Dordogne, l’A-
dour el la Bidassoa. Dans son ensemble, cette
pêche produit annuellement un million de francs.
La pèche purement littorale de la crevette (grise
ou rose) est très développée sur les côtes de la
Somme, dans la baie de Seine el sur les côtes ven-
déennes. Exercée au petit chalut et aux casiers
spéciaux, celte industrie fournit un rendement an-
nuel d'un million environ.
Enfin le poisson destiné exclusivement à être con-
sommé à l'état-frais, pèché au chalut ou aux cordes de
fond, au large ou à la côte, fournit aux pêcheurs
français uu rendement annuel de 36 millions de
francs. Boulogne et Trouville envoient pour cette
pêche leurs bateaux jusque dans la mer du Nord;
les chalutiers du Nord, de la Somme, de Normandie
(carton de la figure 13) draguent dans la Manche
jusqu'en vue des côtes anglaises; ceux du golfe
de Gascogne vont de Groix au fond du golfe de
Biscaye, trainant leurs engins à des profondeurs
variant de 30 à 150 mètres (quelquefois à plus
de 40 milles au large). Près de mille bateaux de
GRANDE PÈCHE
Doader Bank eu RER
IsiAh de ni Es
Terre-Neuve -- EEE —
Pêche au grand Chalut
dans fa Manche RS
et la Mer du Nord
Pêche du Hareng
sur les côtes d'Ecosse
et d'Angleterre
Pêche du Maguereau .—:
d'Irlande
Pêche aux
grandes cordes
A
Centres principaux
>} pour l'industrie des
/| conserves de poissons
Er Pêche de la Crevette rose
LC: ORochefort au petit Chalut ‘
(
b Marèpnes
à Saintes
Pêche du ; j A nr
Germon / e 2
Pêche
hauturière 2 (==
du Poisson frais =
5
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2 Bayonne
SA ean de Lux
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ÆEd.Oberlin Gr.
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Fig. 44. — Carle de la Distribulion des diverses industries ressorlissant aux pêches maritimes sur le littoral de la Manche 4
et de l'Océan. — Les grosses lignes, qui entourent tout ou partie des côtes, encadrent chacune les ports armant pour :
les pêches qu’elles indiquent. — Les pêches spéciales, na forment chacune une grande industrie, sont mentionnées, en |
divers points de la carte, par des légendes iaol68e. Les lignes fines et ponctuées qui émanent de chacune de ces légendes
indiquent, pou chaque pêche, les ports qui la pratiquent. — Les légendes inscrites vers le haut de la carte se rap- |
sortent à la grande pêche et indiquent les ports qui arment respectivement pour Terre-Neuve, l'Islande et le Dogger-
3ank (bancs de la mer du Nord). Les noms de localités portés sur cette carte sont, non pas ceux de tous les ports, mais |
ceux des quartiers et des principaux syndicats. |
D pdt
14 à 45 tonneaux, montés par cinq ou dix hommes,
font cette pêche, sur le plateau continental de nos
côtes de l'Ouest et du Nord.
En Méditerranée, la pêche au bœuf (analogue
à celle au grand chalut) est exercée
par des inscrits de Collioure, Agde,
Gette, Aigues-Mortes et Martigues,
en France, et par ceux d'Oran, Ar-
zew, Cherchell, Alger, Bougie, Phi-
lippeville et Bône,en Algérie (fig. 16).
Travaillant dans le golfe de Lion, les
pêcheurs de nos côtes métropoli-
taines ne font d’ailleurs pas de long
séjour en haute mer et viennent à
terre tous les matins, pour vendre
le produit de leur travail. Sur les
côtes de la Manche, de l'Océan et
DU
[HU
on
-G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANGAISE DES PÈCHES MARITIMES
119
soit que les sociélés qui en ont pris l'initiative
n'aient pas été administrées d’une facon suflisam-
ment rigoureuse, soit que les types de moteurs
fussent trop coûteux dans leur fonctionnement.
L'avenir nous réserve-t-il cepen-
dant de voir les fonds du large ex-
ploités au moyen de bateaux à va-
peur, ou tout au moins de bateaux
aménagés comme ceux de Boulogne
et s’adjoignant des chasseurs à va-
peur? On ne le saurait dire, mais ce
perfectionnement industriel servi-
rait, il faut le reconnaitre, les inté-
rêts du recrutement de la flotie na-
tionale — qui a bien plus besoin
aujourd’hui d'un très nombreux per-
: sonnel de chaufferie que de mate-
même d'Algérie, les bateaux tien-
lots de pont.
nent la mer de quatre à dix jours
(fig. 14).
Les Anglais et les Allemands em-
CTI
La pêche littorale du poisson frais,
faite au moyen de faibles bateaux,
est surtout active sur les côtes mé-
ploient aujourd’hui une grande
quantité de vapeurs pour la pêche
au large. Les seuls bateaux de ce
genre utilisés dans ce but, en
France, sont au nombre de 23, dont:
2 à Boulogne, 3 à Dieppe, 7 à Arca-
chon, 3 à Saint-Jean-de-Luz, 4 à
Agde, 2 à Oran et 2 à Alger. De plus, 23 chaloupes
Fig. 15. — Comparaison de la va-
leur totale des baleaux et des en-
gins de pêche dans les cinq arron-
dissements. (Chaque division ho-
rizontale représente 1000 francs.)
A TENTE ||
LR AN OMINNNNNITTT NL
tropolitaines de la Médilerranée.
D'ailleurs, de Marseiile à Menton,
le plateau continental est si étroit,
les eaux deviennent rapidement si
profondes qu'il est impossible de
pratiquer là autre chose que celte
petite pêche littorale, aux cordes,
aux casiers, aux filets flottants et même aux
également mues par la vapeur (dont 17 à Bou- filets trainants. Outre le maquereau, la sardine
t4 Nouvelle ù
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(Ce Cerbera
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Fig. 16. — Principaux ports de péche des côles métropolitaines de la Méditerranée.
logne et 6 à Dieppe) font la pêche aux cordes dans
la Manche. Enfin, tous les voiliers boulonnais sont
pourvus d’un cabestan à vapeur pour le halage
des engins à bord. Bien d’autres tentatives ont
été faites sur nos côtes pour généraliser l'usage de
la vapeur dans la pratique de la pêche hauturière ;
ces tentalives n'ont pas été couronnées de succès,
et l’anchois qui sont pêchés dans les eaux en-
vironnant le rivage, en Catalogne, dans le Lan-
guedoc et en Provence, avec des filets flottants
ou de grandes sennes, ces animaux, ainsi que
le thon et surtout les poissons destinés à être
consommés à l’état frais, sont encore pêchés
avec des engins dérivants, trainants ou fixes, ap
120 (, ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES
propriés aux habitudes spéciales de ces êtres.
Tous les pêcheurs qui, en France, travaillent
dans les eaux littorales doivent avoir, en effet,
une connaissance approfondie du régime des êtres
qu'ils veulent capturer et des conditions — océa-
nographiques en quelque sorte — du milieu où
ils posent leurs engins. Pour être empiriques, ces
notions n'en sont pas moins précises, el, sui-
vant les espèces de poissons, suivant l'époque
de l'année et même l'heure de la journée, les
pêcheurs varient la nature, la position et la ma-
nœuvre de leurs filets. Il n’est pas, dans les limites
des eaux qu'ils exploitent, un enrochement, un
haut-fond, une prairie sous-marine, ete., dont ils
ne connaissent la configuration et l'étendue. Au
surplus, les produits de leur travail ont une valeur
marchande supérieure à celle des produits de la
pêche au large qui ont subi l'action du glaçage.
Malheureusement, quelle que soit la fécondité des
eaux marines, l'exploitalion intensive des régions
littorales en a amené en grande partie une stérili-
sation qu'accentue la guerre acharnée faite avec
des engins trainants aux animaux comestibles qui
s’y rencontrent.
Les pêches littorales ne sont donc que de « petits
métiers ». En Méditerranée, elles sont l'occupation
des trois quarts des inscrits. Cet élat de choses
peut être bien figuré par la comparaison des va-
leurs totales des bateaux et des engins dans les
cinq arrondissements maritimes (fig. 15) et par
l'inspection des tableaux comparatifs de la répar-
tilion des bateaux et des inscrits dans ces mêmes
arrondissements (fig. 1, 2, 3, 4).
La figure 15 nous montre, notamment, que sur
les côtes métropolitaines de la Méditerranée la
valeur des engins est double de celle des bateaux
qui servent à leur manœuvre.
VI
Ramené à terre, le poisson, destiné à êlre con-
sommé à l’état frais, est vendu à des écoreurs (des
mareyeurs) dans les petits ports. Dans les ports
plus importants existent des criées, où les repré-
sentants des marchands de l'intérieur des terres
viennent acheter ce poisson, et dont la créalion a
souvent procuré de sérieux avantages pécuniaires
aux gens de mer. Du reste, les municipalilés ont
trouvé pour leur compte de sérieux profits dans
l'installation, par elles, de ces poissonneries, puis-
qu’elles perçoivent sur le montant de la vente des
produits marins un droit proportionnel à ce chiffre
de vente (3 à 5 Z) et qu'elles exigent, en outre,
une rétribution pour la place occupée sur le carreau
par le butin du pêcheur.
Quant aux animaux destinés à ! industrie des
conserves alimentaires, ils sont vendus dans les
poissonneries ou — plus généralement — achetés
directement sur les quais des ports et même sur
les lieux de pêche par les usiniers.
Parmi les animaux pêchés, les uns, en raison de
leur constitution spéciale, peuvent être expédiés
vivants vers les points de consommation (ho-
mards, langoustes, huîtres, etc.), les autres doi-
vent être prolégés contre une décomposilion fata-
lement rapide, — et pour une plus ou moins longue
durée, — par divers moyens qui varientsuivant les
animaux et l'éloignement de leurs lieux de capture
de la région où ils sont consommés. Si, dans
quelques ports de notre côte, on se borne (parti-
culièrement en hiver) à expédier le poisson dans
un emballage de paille ou de varech, il faut, le
plus généralement, pour ces expéditions, mettre
les produits marins dans des conditions telles que
les micro-organismes susceplibles de leur faire
subir une fermentation putride ne puissent s'y
développer. Naturellement, ces procédés, en
modifiant plus ou moins la substance comestible,
modifient également sa sapidilé.
Pour les produits de la pêche côtière (hauturière
ou littorale) destinés à être consommés à l’état
frais, leur conservation est assurée par le glaçcage.
La glace employée par les pêcheurs est importée
de Norvège ou fabriquée directement dans les
ports du littoral. Elle paralyse, tout le temps que
dure l’abaissement de température, l’activité des
levures ou des microbes et empèche leur sporula-
tion.
D'autres animaux doivent être l'objet d’une
conservalion plus longue. Ainsi l'on recourt, sui-
vant les cas et pour assurer celle-ci, à la dessicca-
lion (morue sèche), à la salaison (morue, hareng, sar-
dine, anchois, maquereau salés), où au fumage du
poisson (Aareng saur, saumon fumé); enfin, au lieu
dé les soumettre à l'action d’antiseptiques, on peul
stériliser définitivement les produits marins en les
soumellant à l'influence d'une haute température,
sous pression (sardine et thon à l'huile, hareng et ma-
quereau marinés, conserves de homard).
Certaines de ces opérations font, à proprement
parler, partie intégrante des opéralions de la
pêche et sont pratiquées à bord même des bateaux,
lors de la capture des animaux marins (glacage du
poisson frais); d'autres, commencées à bord des
embarcalions, ne sont achevées qu'à terre, en des
points avoisinant les lieux de pêche — où se trou-
vent des installations rudimentaires aménagées à
cet effet (morue salée de la côte de Terre-Neuve, sardine
et anchois salés de la Méditerranée) — ou dans de
grandes manufactures très éloignées parfois des
régions de capture (morue salée en vert à Terre-
Neuve et Islande et définitivement préparée en France,
hareng sulè d'Ecosse, maquereau d'Irlande). Enfin,
D
“
G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÊCHES MARITIMES
121
certains procédés de conservation nécessitent des
manipulations mulliples et conséquemment une
installation compliquée avec une main-d'œuvre
considérable qui ne peuvent être réunies que dans
des usines bien aménagées sur le littoral (hareng
saur, sardine et thon à l'huile, hareng et maquereau ma-
_ rinés).
Les pèches maritimes donnent donc naissance à
de véritables et très importantes industries secon-
daires, employant un personnel nombreux, faisant
fructifier un capital énorme et semant dans la
nation une richesse d'autant plus considérable que
le travail des marins-pécheurs est plus fructueux.
VII
Ayant ses débouchés dans l'alimentation publi-
que, l’industrie des pêches maritimes est directe-
ment influencée par la facilité et la rapidité des
moyens de transport. Bien qu'un grand nombre
de marchés de l’intérieur reçoivent aujourd'hui
dans de bonnes conditions les produits marins, de
grands perfectionnements peuvent être apportés
aux conditions d'écoulement de ces produits.
Dans létat actuel des choses, la situation éco-
nomique des pêcheurs n’est pas absolument fonc-
tion de la productivité des eaux qu'ils exploitent,
de la quantité de poissons qu'ils capturent. La
consommalion est parfois inférieure à la produc-
tion ; suivant l'époque de l’année — et mème le
jour de la semaine — le cours marchand des pro-
duits de la mer varie dans des proportions consi-
dérables ; enfin, entre le pécheur et le consomma-
teur, ces produits passent par des intermédiaires
si nombreux (encore que quelques-uns soient né-
cessaires) que les marins qui ont eu la peine de les
récolter, dans des conditions qu'il est inutile de
retracer, n’en recueillent qu’un salaire minime, eu
égard à la valeur des transactions commerciales
auxquelles ils donnent lieu.
Cependant, si nous devons désirer que le per-
fectionnement de notre réseau de voies ferrées, la
réduction des tarifs de transport et celle des droits
d'octroi permettent de livrer rapidement, en
grandes quantités et à bas prix, à l'ensemble de
la population française, un produit qui n'entre
aujourd’hui, il faut le dire, que pour une faible
part dans son alimentation, — iln’est pas que l’in-
suffisance de la consommation qui oppose un
obstacle au développement industriel des pêches
maritimes et spécialement de la pêche du poisson
frais. Si l’industrie des conserves exploite, en
effet, des poissons qui s’offrent aux pêcheurs en
masses serrées (variables d'importance, il est
vrai, suivant les années, mais fournissant parfois
des captures abondantes qui font compensation
aux mauvaises pêches), l'industrie du poisson
frais exploite des animaux qui, vivant sur les
fonds marins, sans opérer généralement de grands
déplacements, paraissent devoir permettre aux
engins un travail toujours fructueux. Or, en ce
moment même, une rumeur qui va grandissante
court non seulement sur nos côtes, mais sur les
côtes étrangères. C’est la plainte des pêcheurs qui
accusent une diminution progressive dans les ren-
demenis relatifs de leurs eaux. En fait, l'expan-
sion de l’industrie des pêches maritimes se trouve
donc limitée encore par la productivité des mers
qui est très nettement influencée par une exploi-
{ation toujours plus intensive des mêmes régions.
Cependant, ainsi que nous l'avons dit, nos pê-
cheurs se sont ingéniés à corriger cette producti-
vilé insuffisante des eaux, en recherchant auloin des
terrains d'exploitation vierges des investigations
humaines, et ont ainsi modifié profondément les
conditions économiques de leur industrie. Les em-
barcalions peu coûteuses, l'outillage précaire
dont ils se servaient, sont remplacés par des ba-
teaux et des engins assez puissants pour permet-
tre un travail difficile en haute mer. Le capital que
représentent de pareils armements est devenu
assez considérable pour que le patron ne puisse
plus, dans beaucoup de cas, être propriétaire —
armateur — du bàliment qu’il commande. Bien
plus, dans certains ports, le matelot-pècheur est,
depuis quelques années, et sur sa demande par-
fois, salarié au mois, au lieu d’être rémunéré à la
part de pêche qui représente mieux la valeur de sa
contribution de travail !. Est-ce l’aurore d'un nou-
veau régime de rétribution pour les gens de mer et
devons-nous nous attendre à voir s'établir sur notre
littoral, chez les pêcheurs, le prolétariat qui existe
dans d’autres industries et qui existe chez les pê-
cheurs d’autres nations? Le salariat au mois fera-t-il
place au salariatà l’'embarquement ou mème au sala-
riat à la journée de travail ? Si l'emploi d’un capital
plus considérable devait provoquer ce résultat, il
aurait une fàcheuse influence sur la situation mo-
rale et économique de la population maritime. La
concurrence vitale ne saurait manquer, en effet, d’a-
mener, d'une part, l’avilissement des gages, tan-
dis que, d'autre part, l'endurance proverbiale du
pêcheur, sa connaissance pratique du métier qu'il
exerce, son courage qui va jusqu’à la témérité,
toutes les qualités enfin qu'il possède et qui pro-
viennent, en grande partie, de ce qu'il sait ne
devoir être payé qu’au prorata de l'énergie qu'il
dépense individuellement, ne sauraient être le fruit
1 La part de pêche attribuée comme salaire au marin est
calculée d’après le montant de la vente des produits péchés,
ce chiffre étant divisé en un certain nombre de fractions dont
un nombre (variable suivant les ports et les industries) est
attribué à l’armateur, au patron et à l'équipage. 7
122 G. ROCHÉ — L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES PÈCHES MARITIMES
d’un métier où l'initiative personnelle du marin ne
pourrait modifier le taux de son salaire. Dans ce
cas, le pêcheur ne serait plus qu'un manœuvre
quelconque, travaillant sur un chantier spécial,
fournissant sa besogne sans goût, sans espérance
et sans bul,
Cependant les résultats de la pêche sont tou-
jours incerlains, et pour des gens qui ne peuvent
disposer d’avunces, on conçoit que la rémunération
au salaire fixe semble devoir être préférée, à pre-
mière vue, à la rémunération à l« part de pêche.
Peut-être serait-il possible de faire une juste
moyenne entre ces deux modes de rétribution du
travail des pêcheurs. A Arcachon, les marins de
la Société des pêcheries de l'Océan recoivent, en effet,
un salaire fixe et une part de pêche, mensuelle-
ment. En calculant convenablement le taux des
deux salaires, il ne parail pas impossible de rétri-
buer chacun suivant ses besoins essentiels, tout en le
rétribuant aussi sxivant ses œuvres.
VII
Comme nous l'avons dit, les pèches maritimes
sont soumises à une réglementalion spéciale, non
seulement pour prévenir les accidents qui peuvent
résulter pour les inscrits de leur condition d'exis-
tence à la mer, mais encore pour maintenir aux
eaux leur produclivité. Ces règlements généraux
qui concernent l'exercice des pêches sont soumis
dans leur application à des variations considéra-
bles suivant les régions.
Jusque dans ces dernières années, la capture,
en quelque abondance que ce soit, des animaux
marins comestibles adultes — et notamment de
ceux qui apparaissent, en bancs épais, à certaines
époques de l'année, à la surface des mers — n'a
jamais paru devoir influencer défavorablement la
productivité des eaux. Si l'administration a, pour
la pêche de ces animaux, réglementé l’usage des
engins très puissants, c’est que, très coûteux, ils
ne sont susceplibles d’être employés que par un
petitnombre d'inscrits et que, pouvant jeter sur les
marchés d'immenses quantités de poissons, leur
usage amène fatalement un avilissement des prix
de vente fort préjudiciable aux intérêts des marins
qui ne les possèdent pas (sennes Belot, relz vo-
lant, ete.).
Cependant, aujourd’hui où, comme nous l'avons
dit, les fonds de pêche s’appauvrissent, l’on sait
que la destruction des animaux reproducteurs qui
n'ont pas encore frayé est un des facteurs des plus
considérables de cel appauvrissement. D'autre
part, et de tout temps, le législateur s’est juste-
ment préoccupé d'empêcher, autant que possible, la
destruction des jeunes animaux, — dont la vente
ne saurait procurer de profils sérieux aux pêcheurs
el qui sont l'espoir des pêches à venir. Il a done
prévu des dimensions minima pour la maille des
filets {rainants et une taille minima pour la mise
en vente du poisson: enfin il a interdit, d’une façon
générale, la pêche aux filets trainants remorqués
par des bateaux sur les fonds côtiers, qui sont les
lieux de stabulation pour d'innombrables jeunes
individus.
Malheureusement, les Lolérances successives,
nécessitées par les inlérèls immédiats de la popu-
lation maritime et consenties en raison de la difli-
cullé d'assurer un service sérieux de surveillance,
ont rendu inefficaces les dispositions prescrites
pour la police des pêches maritimes. Aujourd’hui
donc, la France — comme les nations étrangères,
du reste — se préoccupe d'assurer, par une régle-
mentation assise sur d'indisculables bases scien-
tifiques, le maintien de la densité d'empoissonne-
ment des mers, tout en ménageant à la partie de
la population riveraine qui ne peut disposer que
de faibles bateaux, la facilité de gagner sa vie —
au jour le jour.
Les travaux exécutés par les naturalistes sur les
conditions de la reproduction et de la vie larvaire
des poissons marins comestibles aussi bien que
les résultats fournis en Norvège, à Terre-Neuve et
en Ecosse par la pisciculture marine, permettent
de pressentir la solution de ce difficile problème.
[Il parait démontré que la création de réserves
marines et l’applicalion dans nos eaux des mé-
thodes aquicoles, dont la lechnique est précise,
assureront la fertilité de nos eaux, en n'exigeanl
qu'un minimum de restrictions pour l’industrie de
nos pêcheurs et en ouvrant, au contraire, un large
horizon aux perfectionnements qui pourront se
produire dans les procédés intensifs d'exploitation
des mers. Or, il faut le reconnaitre, ce sera là une
conclusion pratique des travaux de tous les
naturalistes qui se sont consacrés aux recherches
de science pure sur la biologie marine,
Georges Roché,
Inspecteur principal des Pêches maritimes.
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2
A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL ET LA DIVISION CELLULAIRE
125
LE CORPUSCULE CENTRAL
ET LA DIVISION
La découverte, que firent il y a quelques années
Van Beneden et Neyt, d'un corpuscule de moins
d’un y. (5 de mm.) de diamètre, situé dans le pro-
toplasma cellulaire, changea la face de la morpho-
logie et de la physiologie cellulaires. Le noyau,
jusque-là considéré comme le primum agens dans la
cellule, comme l'organe directeur de son évolution,
fut deslitué de ce rôle prédominant, rôle qui dès
lors fut attribué au corpuscule. Bien qu'il n'y ait
pas de petites découvertes dans le domaine des
infiniment petits, nous avons à nous demander
cependant si cette trouvaille a l'importance que
CELLULAIRE
« lache polaire », « corpuscule aréolaire » ete., se
présente sous la forme d’une petite masse ronde,
formée d'une substance qui toujours est plus colo-
rable par les réactifs que le protoplasma dans
leauel elle est plongée et qui souvent se colore
d’une manière spéciale, élective, par l’emploi de
certaines méthodes récentes de coloration. On
avait cru, d’abord, le corpuscule central simple.
Puis une foule d'auteurs ont montré qu'il est
souvent double (fig. 4) et qu'il existe alors deux
granules juxtaposés pour le représenter. Quelques-
uns enfin, dans ces derniers temps, l'ont trouvé
a
Fig. 1. — Cellule séminale de la Scolopendre, Fig. 2. — Cellule géante de la moelle des os du Lapin, d’après Her-
avec un corpuscule central formé de deux
grains inégaux, duquel partent plusieurs fila-
ments radiés.
DENHAIN. — Le noyau, annulaire et irréguliérement bosselé, entoure un
espace central où l’on voit un microcentre principal ou groupe principal
de corpuscules centraux, cp. Dans les infractuosités du contour de ce
noyau, plusieurs groupes ou microcentres secondaires, bien moins nom-
breux en corpuscules (C, C, C, C).
l’on veut bien dire, si la destitution partielle du
noyau et l'attribution donnée au nouvel élément
découvert sont légitimes, dans quelle mesure le
corpuscule central joue dans la cellule un rôle pré-
dominant et en quoi consiste ce rôle. Hälons-nous
d'ajouter que jusqu’à présent, bien que, de l'avis à
peu près unanime, une fonction importante soit
certainement dévolue au corpuscule central, cepen-
dant on en est encore réduit à des conjectures
quant à la nature exacte de cette fonction.
Î
Le corpuscule central, appelé aussi centrosome. .
nommé plus anciennement « corpuseule polaire ».
multiple, formé de la réunion de grains en nombre
variable, de trois à une centaine (fig. 2). Dès lors,
l'expression de corpuscule central devient fautive.
Il convient de la remplacer par une autre ne pré-
jugeant pas du nombre de grains el s'appliquant
tout aussi bien au corpuscule simple ou double qu'à
l’ensemble des grains nombreux existant dans
d’autres cas. Le terme de »wcrocentre, proposé par
M. Heidenhain !, paraît heureusement choisi;
c’est, en effet, un centre autour duquel, comme
nous allons le voir, toutes les parties de la cellule
sont orientées, et c'est un microcentre, puisque
1 Martin Heimexaax. Neue Untersuchungen uber die Cen-
tralkorper, etc. Archiv fur mikr. Anal. Bd. XLIIT, 1894.
124
les grains qui le composent ont un micron el
moins de diamètre.
Dans le cas de deux ou plusieurs corpuscules
constitutifs d'un microcentre, on crul d'abordqu'ils
étaient de volume égal, et il en est souvent ainsi en
effet. Plus souvent cependant ils sont inégalement
volumineux (fig. 1). Heidenhain admet qu'alors
le plus gros est le plus ägé, et que les plus pelits
ont été formés par bourgeonnement du plus gros.
* Dans le cas aussi de deux ou plusieurs corpus-
cules juxtaposés dans une même cellule et formant
ensemble un même microcentre, on peut constater
ce
Fig. 3. — Cellule séminale du Cobaye. — Microcentre à deux
corpuscules inégaux reliés par un pont de substance liga-
menteuse c e (centrodesmose).
habiluellement que ces corpuscules ne sont pas
sans connexion entre eux, et qu'ils sont réunis par
une substance différente de celle qui les constitue
eux-mêmes, quoiqu’étant vraisemblablement de
même origine. Cette substance forme entre eux
une sorte de petit pont ligamenteux appelé par
M. Heidenhain centrodesmose (ligament du centre)
(fig. 3). Au début de la division de la cellule cette
centrodesmose grandit et devient un petit fuseau
clair, fibrillé, connu déjà depuis plusieurs années.
Ce petit fuseau s’accroil à son lour en un fuseau
central, qui fera partie dela figure de division de la
cellule.
Il est aujourd'hui reconnu, par les observations
de différents auteurs, qu'il peut exister dans une
même cellule plusieurs microcentres, composés
chacun d’un ou de plusieurs corpuseules centraux. Il
en est ainsi dansles cellules géantes, à noyau po-
lymorphe et irrégulier, de la moelle des os du
lapin; outre un microcentre principal occupant le
milieu de la cellule, on en trouve d’autres acces-
soires situés dans les dépressions de la face externe
du noyau (fig. 2).
Quant à la constitulion intime du corpuscule
A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL ET LA DIVISION CELLULAIRE
central, on comprend que cette question soit à
peine ébauchée, puisque le corpuscule est, par sa
petitesse, à la limite de nos moyens optiques d'in 4
vestigation. Tandis que la plupart des auteurs.
n'ont trouvé aucune structure au corpuscule cen-
tral et l'ont vu formé d'une masse homogène, d'au-.
tres ont décrit et figuré en son centre un grain plus
coloré; un autre auteur même (Brauer) lui a attri-
bué une structure analogue à celle du noyau.
Avant de quitter la question de morphologie, il
est utile de remarquer que les cas de corpuscule
double où multiple, avec centrodesmose, peuvent
recevoir deux interprétations différentes. Il est
avéré que deux corpuscules naissent d'un seul, en
d'autres termes qu'il y a division du corpuscule,
Il est d'autre part cerlain que l’état bicorpusculaire
peut se rencontrer tantôt dans des cellules qui sont
en voie de division, tantôt dans des cellules qui
Fig. 4. — Sphère altractive el corpuscule central, dessinés
d'après une image artificielle oblenue suivant le procédé
de HENKING. — C, corpuscule central, avec un grain cen-
tral; ZC, zone centrale ou médullaire; ZM, zone moyenne
ou corticale; ZP, zone périphérique ou irradiée de la
sphère attractive.
sont en repos absolu. Si donc, dans nombre de cas,
l’état bicorpusculaire du microcentre peut être
considéré comme lié à la division de la cellule,
ailleurs il est au contraire indépendant de celle-ci.
Une dernière observation est nécessaire. Quand
on à constalé dans l’intérieur du protoplasma cel-
lulaire l'existence d’un corpuscule coloré d’une
facon spéciale, est-on autorisé à le considérer
comme corpuscule central? Il est certain que la
cellule peut loger d’autres corpuscules que le cen-
trosomeetse présentant avec les mêmes caractères.
Quel sera done le critérium qui permettra de
mettre l'éliquette de centrosome sur le corpuscule
observé ? Ce critérium, qui ne fera le plus souvent
pas défaut, consistera dans la présence autour du
corpuscule d'une zone de protoplasma constitué
d'une manière spéciale, à laquelle van Beneden et
Neyt ont donné le nom de sphère attractive.
Bien que nous n'ayons pas ici l'intention d’en-
visager la sphère attractive en elle-même, il est
nécessaire cependant, en raison des relations in-
times qui la lient au corpuscule central, de donner
quelques indications sur sa constitution. La sphère
attractive se présente sous deux aspects principaux
v-
A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL EN LA DIVISION CELLULAIRE 125
très différents l’un de l’autre. En premier lieu, elle
figure autour du corpuscule central une aire diffé-
_ renciée, composée elle-même de plusieurs zones
(fig. 4) En second lieu, elle apparait sous la
forme de filaments qui irradient autour du corpus-
cule central et se continuent, d'autre part, avec les
_fibres du réticulum dont la cellule se compose. On
_a admis généralement, bien que cette opinion ne
soit pas absolument justifiée, que la première forme.
est celle de la sphère à l’état de repos et n’appar-
tient qu'aux cellules quiescentes ; la seconde
caractériserait l’état de mouvement de la sphère
et se trouverait exclusivement dans les cellules en
division.
Il
. Il nous reste, maintenant que nous sommes ren-
seignés sur la constitution morphologique du cor-
puscule central, à nous demander quelle est son
origine : question qui commande celle de la nature
de cet élément et de laquelle dépend à son tour la
question de la signification morphologique et phy-
siologique du corpuscule. Sur la genèse du corpus-
cule central trois opinions sont en présence.
Pour E. van Beneden et ses successeurs immé-
diats, le corpuscule central dérive d’un corpuscule
central préexislant, par division de ce dernier;
l’adage omnis nucleus « nucleo est applicable au cen-
trosome en changeant les termes. C’est sur le ter-
rain même qu'il habite, c’est-à-dire dans le corps
protoplasmique de la cellule, que le corpuscule
central se divise. Il en résulte que le corpuscule
central et ses descendants se maintiennent dans le
protoplasma à travers toutes les générations cel-
lulaires. IL est donc un élément de la cellule
constant et permanent: toute cellule le possède et
à tout moment de son existence.
Plus récemment, a surgi une autre opinion,
émise d’abord par O. Hertwig. Le corpuscule
central n’est peut-être pas constant et n’est
certainement pas permanent : il y 4 en effet des
cellules où son existence est encore inconnue,
et il y a des phases de la vie cellulaire où il dis-
parait aux yeux de l'observateur. Un corpuscule
central ne dérive pas nécessairement d'un élément
semblable, mais peut se former dans le noyau, sa
| substance étant empruntée soit au nucléole, soit
aux chromosomes nucléaires. Le centrosome,
lorsqu'il s’individualise, quitte lenoyau et vient ha-
biter le protoplasma pendant la division cellulaire;
c'est là qu'on l'a découvert et qu’on le trouve géné-
ralement, La division faite, la substance du corpus-
cule central redevient partie intégrante du noyau.
Dans une troisième opinion, moins catégori-
quement posée que les précédentes, le corpuscule
central est un produit de l'élaboration du proto-
plasme et devient un élément sui generis, qui mé-
-rile d’être placé à côté du noyau et du protoplasme
comme élémentconstituant de lacellule (Waldeyer).
On conçoit que, avec les deux premières opi-
nions précédentes comme bases, deux points de
vue différents peuvent exister, quant à la nature
du corpuscule central. Comme conséquence de la
théorie de van Beneden, ce corpuseule est aulto-
nome, de nature spéciale. Les auteurs, au con-
traire, qui, avec O. Hertwig, le font provenir du
noyau, lui attribuent nécessairement une nature
semblable soit au nucléole, soit aux chromosomes
nucléaires. Ces deux manières de voir s'appuient
d’ailleurs sur des réactions de coloration. Herlwig,
Henneguy et d’autres observent que le corpuseule
central, à la suite de certains procédés de colo-
ration (procédé de Flemming, par exemple), prend
la même couleur que le nucléole ou les chromo-
somes. Au contraire, Heidenhain, se servant d'une
méthode inventée par lui, trouve des différences
entre le centrosome d’une part, les chromosomes
et le nucléole d'autre part, quant à la facilité avec
laquelle ces divers éléments, une fois colorés, se
décolorent. La conclusion est que, dans le premier
cas, la substance du centrosome offre une parenté
chimique avec celle du nucléole (pyrénine) ou
celle des chromosomes (nucléine); dans le second
cas, au contraire, elle est chimiquement spéciale.
Reste maintenant à débattre la question la plus
grave, celle de la signification morphologique et
physiologique du corpuscule central, qui domine
peut-être toute la biologie cellulaire.
Au point de vue physiologique, quel est le rôle
du microcentre? Ce microcentre est-il un centre
principal, qui commande toutes les parties du
protoplasma cellulaire ou même de la cellule tout
entière, orientée autour de lui ; ou bien n'est-il que
l'effet secondaire du centrage de ce protoplasma,
dont la cause doit être cherchée ailleurs ? Faut-il
voir en lui le déterminant de la structure cellulaire,
ou bien n'est-il, suivant l'expression de Bürger,
qu'un « phénomène » de cette structure? En un
mot, est-il cause ou effet ?
Boveri et d’autres se sont placés au premier
point de vue. Pour Boveri, le corpuscule central
exerce une « suprématie matérielle » sur la cellule
et particulièrement sur le protoplasma cellulaire,
qui prend nécessairement autour de lui une dispo
silion caractéristique.
Van Beneden et plusieurs autres ont soutenu
une manière de voir qui s'écarte passablement de
la précédente, dans laquelle le corpuscule central
n’est la cause ni de la structure cellulaire ni des
modifications de cette structure, mais n'en es
pas non plus le simple effet. Pour lui et les par-
tisans de sa théorie, le corpuscule n’est qu'un
point central d'insertion pour les fibres du proto-
126
A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL ET LA DIVISION CELLULAIRE
plasma cellulaire, qui sont les seuls agents des
mouvements intracellulaires.
Avec Henking, Bütschli, Bürger et même
C. Schneider, le corpuscule central n’est plus un
élément de la cellule, un organe qui y remplit une
fonction; il n'a pas de valeur morphologique, et,
au point de vue physiologique, n’est qu'un aspect
particulier du plasma cellulaire. Bütsehli et Hen-
king ont illustré leur manière de voir de schémas
qu'il est intéressant de connaitre. Bütschli, dont
les efforts se sont loujours portés vers la création
artificielle des structures cellulaires, a montré que
dans des écumes oléo-gélatineuses, imitant la subs-
tance protoplasmique, de même que dans des
écumes d’albumine coagulée, les bulles d’air sont
souvent entourées d'une irradiation caractéristique,
et figurent ainsi autant de centrosomes. Irradiation
et centrosomes se produiraient grâce à ce que les
bulles d’air se contractent dans les écumes lors du
refroidissement et exercent ainsi de toutes parts
une traction dirigée vers le centre des bulles, qui
transforme la structure écumeuse et l’ordonne
radiairement. Le centrosome serait de même le
point de concentration des forces de diffusion
existant dans la cellule. Le schéma de Bütschli
pourrait être dit schéma des forces de traction.
L'interprétation change avec Henking et le
schéma aussi; mais l’idée fondamentale demeure
la même. Au lieu d'invoquer pour la production du
centrosome et de la sphère irradiée une force de
traction vers un centre, l’auteur fait intervenir une
force de pression s'exerçant à partir de ce centre.
Il réalise expérimentalement son schéma de la
façon suivante. Si on laisse tomber sur un carlon
enfumé une goutte de liquide d’une hauteur con-
venable, on constate au point de chute du liquide
un grain noir et autour de celui-ci une aire formée
de deux ou trois zones alternativement noires
et blanches, de laquelle partent dans tous les
sens de nombreux rayons blancs. En un mot,
l'image obtenue est très fidèlement celle du cen-
trosome et de la sphère avec son irradiation
(fig. 4). C'est là un schéma dit des forces de
pression, parce que l’auteur admet qu'à partir du
point de chute de la goutte liquide, il se fait une
pression centrifuge, de laquelle résulte le schéma
avec ses parties noires chargées de noir de fumée,
parce que la pression y était nulle, et ses parties
blanches dépourvues de parcelles de charbon,
parce que la pression en a chassé ces parcelles.
En somme, dans la pensée des derniers auteurs
que nous avons cilés, le corps central n’est plus
qu'une formation contingente, le résultat d'une
modification physique éphémère el inconstante
de la substance de la cellule ; c’est, par exemple,
une sorte de comprimé cellulaire.
HIT
Voici maintenant l'hypothèse que je me permets
d'émeltre sur l’origine et la signification du cor-
puscule central, et à laquelle j'ai été conduit parce
que les faits que j'ai observés ne sont pas en
harmonie avec la théorie de la permanence du
centrosome non plus qu'avec celle de sa prove-
nance nucléaire.
Le corpuscule central ne dérive pas nécessaire-
ment d’un élément semblable, préexistant dans le
protoplasma. Il n’est pas non plus une partie
nucléaire éliminée et émigrant dans le corps pro-
toplasmique. Il se forme dans le protoplasma d’une
cellule, lorsque cette cellule est arrivée par la voie
nutritive à son apogée, el qu'en conséquence elle a
alteint le coefficient de la masse chromatique qui
lui revient !. C’est un fait d'observation devenu
banal que tout organisme cellulaire bien nourri se
divise ; la division esl la conséquence immédiate
d’une nutrition abondante et se produit comme
pour prévenir une nutrition trop abondante et une
hypertrophie consécutive de la cellule. Comme
maintenant la division cellulaire est précédée et
sans doute déterminée par celle du corpusecule
central, ainsi qu'on le sait bien aujourd'hui, la
outrition de la cellule devra avoir pour suite immé-
diate la division du corpuscule central, et avant
tout sa formation, s'il n'est pas préformé dans la
cellule. D'après cela, le corpuscule central serait
un excédent chromatique qui, faute de trouver
place dans le noyau, tabernacle de la matière
idioplasmique (spécifique de la cellule et hérédi-
ture), et ne pouvant se surajouter à cette matière
qui est déjà au complet dans le noyau, demeure-
rait dans le protoplasma; ne pouvant prendre part
à la constitution de l’idioplasme, il servirait, on
va le voir, à assurer la transmission de ce dernier.
Silôt done l'équilibre nutritif de la cellule atteint,
etla masse nucléaire chromatique portée au quan-
tum caractéristique, il y aurait, comme premier
symptôme del’hypertrophiecommençante dela cel-
lule, hyperplasie chromatique, idioplasie excessive,
d'où apparition, dans le corps cellulaire, d'une par-
celle chromatique d'idioplasme, qui estle microcen-
tre. L'apparition de cette parcelle dans le protoplas-
ma cellulaire met la cellule en état de mouvement,
de cinèse, celte parcelle agissant comme irrilant
sur la cellule, soit en tant que simple corps étranger
et à la facon d'un micro-organisme intracellulaire,
soit en lant qu’excitant physiologique, spécilique,
de la cellule et fonctionnant comme microcentre.
1 On sait en effet que, pour chaque espèce animale, le
nombre des éléments chromatiques du noyau et par consé-
quent sans doute aussi la masse de chromatine y contenue
paraissent être fixes dans une cellule au repos.
A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL ET LA DIVISION CELLULAIRE
La division du microcentre se produit ensuite.
Cette division s’effectue d’elle-même ou n’est que
l'effet d'une cause existant d'autre part. Elle est sa
cause à elle-même si l’on admet, par exemple,
qu'elle consiste en une séparation physique des
éléments de nom contraire du microcentre (élé-
ments mâle et femelle, je suppose) en deux micro-
centres-fils. Elle ne sera qu'effet si l’on ne veut
voir dans cette division qu’une disjonction méca-
nique, due à une cause prochaine telle que la con-
traction des filaments du protoplasma cellulaire,
produite elle-même sous une influence éloignée
encore inconnue. La division du microcentre
(centrokinèse et centrodiérèse) précède celle du
noyau (karyokinèse et karyodiérèse), qui en est la
conséquence; la parcelle surnuméraire d’idio-
plasme donne l'impulsion à la cellule, qui agit sur
la masse totale de l’idioplasma pour la diviser et
la transmettre aux cellules-filles. e
Cette hypothèse, on le voit, est plus qu’un com-
promis entre la théorie du centrosome autonome
dans le protoplasma et celle du centrosome de
provenance nucléaire. Elle a une place à part à
côté de ces deux théories; elle fait du corpuscule
central une formation d’origine protoplasmique,
mais de nature nucléaire. Elle procède en partie
de l'hypothèse de Waldeyer, qu'elle complète et
surtout qu'elle détaille et précise.
Comme la théorie protoplasmatique de van Bene-
den, elle explique la présence du corps central
dans des cellules au repos, mais cependant déjà
aptes à se diviser. En raison de la nature qu'elle
attribue au centrosorne, qui serait un élément
idioplasmique, elle peut, mieux que cette théorie,
fournir l'explication du primum movens de la divi-
sion cellulaire, puisqu'elle. donne la suprématie
matérielle au centrosome. Contrairement à la
théorie de van Beneden, qui veut la permanence
et la constance du corps central, elle s’accorde
avec les faits négatifs concluant à l’absence de cet
élément et avec les faits positifs prouvant sa
dégénérescence.
Comme la théorie nucléaire d’Henking, elle
explique la coloration analogue que prennent les
chromosomes et le centrosome. Elle permet aussi
de comprendre pourquoi la division du microcentre
présente des aspects semblables à celle du noyau :
entre autres, de même qu'il apparait entre les deux
centrosomes-fils une centrodesmose qui se trans-
forme en pelit fuseau, de même il se forme entre
les chromosomes des deux noyaux-fils des fila-
ments connectifs formant une chromodesmose.
En somme, un pelit noyau (micronucléus) paraît
dans le protoplasma et s’y divise à côté du grand
noyau (macronucléus) : c’est le microcentre. La
division du premier est comme la maquette du
127
second ; le microcentre se comporte en cela comme
un « caryoïde » (xäpvsy, noyau; etèoç, image).
Faut-il maintenant donner à ces expressions de
micronucléus et de macronucléus une autre va-
leur que celle qu’elles ont au sens littéral? Faut-il,
comme on l’a fait de plusieurs côtés, leur donner
une signification phylogénétique, et comparer le
microcentre et le noyau des Métazoaires aux mi-
cronueléus et macronueléus des Infusoires ciliés ?
Les essais qui ont été faits dans ce sens ne sont
guère encourageants, parce que les auteurs (Hen-
neguy, Julin, M. Heidenhain) qui ont tenté de
semblables homologies, sont arrivés à des résul-
tats tout à fait discordants, puisque l’on a homo-
logué avec un égal suceès le micronucléus au micro -
centre et le macronucléus à ce même microcentre.
La règle que nous avons supposée exister tout à
l'heure serait donc que la cellule se fait un micro-
centre nouveau avec l’appoint nutritif qu'elle reçoit
pendant la période de repos. Cette règle parait
souffrir deux exceptions au moins, dans lesquelles
le corpuscule central dérive d’un corpuseule pré-
existant, conformément à la loi de van Beneden.
Ces exceptions s'expliquent du reste facilement.
Il est connu que dans certaines cellules (surtout
des cellules embryonnaires) plusieurs divisions
du noyau se succèdent sans interruption, précé-
dées chaque fois de la division du microcentre. Il
n’est pas impossible, dans ce cas, que la masse de
substance existant dans le microcentre de la
cellule-mère initiale soit supérieure à la quantité
nécessaire pour une division cellulaire, et que
l'énergie du corpuscule central ne soit pas épuisée
au bout d'une division.
Une seconde exception est celle des cellules
sexuelles, spécialement des cellules mâles, où la
division du microcentre se répèle deux fois sans
interruption, suivie de la division non interrompue
aussi du noyau. Il est possible, ainsi qu'Henking
déjà a été amené à l’admettre, qu’il se fasse ici
une réduction de la substance du microcentre
semblable à celle qu'on admet pour le noyau. On
sait, en effet, pour le noyau des cellules mâles, que,
par suite de la bipartition réitérée de la cellule
sans stade de repos interposé, la masse chroma-
tique du noyau est réduite au quart.
IV
Voyons à présent ce que devientnotre hypothèse
dans le cas spécial de la fécondation. On est d’ac-
cord pour admettre que les deux éléments con-
joints, le spermatozoïde et l’œuf, apportent dans
la fécondation une quantité égale de chromatine
nucléaire. Mais on diffère sur la question de savoir
si l'un et l’autre y apportent son centrosome. Les
| observations de Platner, Fol, Guignard et H. Blanc
128
A. PRENANT — LE CORPUSCULE CENTRAL ET LA DIVISION CELLULAIRE
RASOIR
sont pour l'affirmative, celles de Guignard étant
surtout démonstratives et. absolument inatla-
quables. Au contraire Boveri, Vejdovsky, Bühm,
Oppel, R. Fick, admettent que l'œuf mûr, au mo-
ment de la fécondation, est dépourvu de corps
central : Balbiani et Henneguy arrivent, d'une fa-
con un peu différente, à la même conclusion. C'est
Boveri qui le premier a développé cette idée que
le spermatozoïde fournit seul le centrosome pré-
posé à la conjugaison sexuelle et à la première di-
vision de l’œuf. « L’œuf mr, dit-il, possède tous
les organes et toutes les qualités nécessaires à la
division, à l'exception du centrosome, qui pourrait
inaugurer la division. Le spermatozoïde, au con-
traire, est pourvu d'un tel centrosome... » On a
montré depuis (R. Fick, Hermann) que ce cen-
trosome n'est autre que la « pièce d'union » du
spermatozoïde, c'est-à-dire cette partie qui réunit
la tête et la queue de cet élément,
Ainsi, dans cette deuxième manière de voir, que
nous accepterions volontiers, n'étaient les obser-
vations décidément contraires de Fol et de Gui-
gnard, le spermatozoïde et l'œuf sont bien, l'un
comme l’autre, des supports de la substance héré-
ditaire, des « porte-hérédité » (Vererbungsträger de
Hermann) : ils logent, en effet, dans leur noyau,
qui est la tête du spermatozoïde et la vésicule
germinative de l'œuf, une quantité équivalente de
subslance héréditaire. Mais le spermatozoïdeserait
le seul support de la substance fécondante, le seul
« porte-fécondant » (Befrüchtungsträyer de Her-
mann). L'œuf, par contre, en outre de sa fonction
dans l'hérédilé, n’est, en raison des matériaux de
réserve qu'il emmagasine, qu'un substratum
de matière nutrilive, un « porte-nourriture »
(Nährungsträqer). Au spermatozoïde il appartient
donc d'apporter la substance irritative (centro-
some. cause déterminante de la conjugaison des
noyaux sexuels. A l'œuf est dévolu de fournir les
matériaux de réserve (vitellus), capablespeut-être,
en fournissantun alimentaux premières cellules de
l'embryon,de régénérer aussi, en l’absence de tout
apport nutritif venu du dehors, la substance
irritative des premières divisions de la cellule
embryonnaire.
Il nous reste à examiner dans quelle relation
notre hypothèse, sur l’origine et la nature du cen-
trosome, se trouve vis-à-vis de la conception de
Weismann sur l'hérédité. On sait que le plasma
germinatif, idioplasma hérédilairement transmis-
sible, a pour siège la chromatine nucléaire. Comme
nous admettons dans notre hypothèse l'identité de
nature de la substance chromatique du noyau el
de celle du centrosome, nous nous trouvons dans
l'obligation de penser que l’une comme l’autre est
essentiellement formée par le plasma germinatif.
Or, comme le plasma germinatif est continu
et transmissible par la voie héréditaire, il ÿ au
rait en apparence quelque difficulté à admettre
que le centrosome fût en même temps cons-
titué par le plasma germinatif et créé à nouveau |
dans chaque cellule; les termes de plasma ger-
minalif et de création nouvelle semblent con-
tradictoires. Il ne faut pas oublier cependant que
c'est pour la théorie du plasma germinatif une
nécessité inéluctable, à laquelle n'a échappé
aucun de ceux (Weissmann, Külliker, O. Her-
twig) qui l'ont soutenue, que d'admettre la ré-
génération du plasma germinatif. Le double-
ment du plasma germinatif par voie de nutrition
est, en effet, un corollaire inévitable de la bi-
partition même de ce plasma lors de la division
cellulaire, puisque, de par la division, chaque cel-
lule-fille ne vient au monde qu'avec la moilié de la
substance chromatique qu'elle doit posséder. Nous
admettons, comme on l'a vu plus haut, que, cé
doublement effectué, l'élaboration du protoplasme
qui change le produit d'absorption de la cellule
en dépôt nucléaire, la nourriture en plasma ger-
minatif, continue à se faire. L’excédent de cet idio-
plasme (histogène ou germinatif proprement dit),
cette particule élémentaire de plasma germinatif,
cet ide surnuméraire, comme on pourrait dire
d'après Weissmann, est le centrosome.
En résumé, le corpuscule central est un organe
de la cellule, comme l'a exprimé van Beneden,
mais c'est un organe habituellement transiloire et
non permanent. Il est le produit de l’activité sécré-
toire d'une cellule abondamment nourrie, et c’est
le produit de sécrétion spécifique de la cellule.
C'est de l'idioplasme qui, ne pouvant fonctionner
comme un plasma germinatif, dont la cellule est
saturée, fonctionne en tant que plasma divisant,
De même que le cristal ajouté à une solution
saturée ne se dissout plus, mais provoque la
cristallisation de la solution, de même la parcelle
idioplasmique surnuméraire ne s’ajoule pas à l'i-
dioplasme du noyau, mais provoque la division de
celui-ci. La substance de l’héréditéest à elle-même
sa substance divisante.
Voilà pour les cellules somatiques.
L'œuf est une cellule où cette sécrétion ne se
fait pas, l’activité du protoplasma étant détournée,
absorbée par l'emmagasinement des malériaux de
réserve (substance nutritive). Le spermatozoïde est
une cellule où cette sécrétion (substance fécondante)
s'opère, au contraire, à l’exclusion de toute autre.
Nous savons quelles réserves comporte pour le
présent celte schémalisation du cas des cellules
sexuelles et de la fécondation.
A. Prenant,
Professeur d'Embryologie et d'Histologie
à la Faculté de Médecine de Nancy.
,
TT
dns
sh ns
é
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f
L
DE CHEMIN DE FER.
Au moment où l'attention de la population parisienne
est si vivement attirée par la question du chemin de
fer métropolitain, il est intéressant de considérer la
solution que vient de réaliser, pour le passage des
tunnels sous la ville de Baltimore, la Baltimore and
Ohio Railroad Company.
Dans la traversée des longs tunnels, la fumée des
locomotives à vapeur est une gène depuis longtemps
ressentie par tous les voyageurs, Même quand la voie
souterraine n’atteintpas la longueur de celle du Saint-
Gothard ou du Mont-Cenis, la fumée tend à rendre
irrespirable l'atmosphère qu'elle pollue. C'est pour
parer à cet inconvénient, dont la gravité augmente de
plus en plus avec la longueur croissante des parcours
en galerie, que la Bal-
timore and Ohio Rail-
road Company s'occupe
en ce moment de cons-
truire des locomotives
électriques d'un type
nouveau. Ces machines
seront destinées à trai-
ner sous le tunnel de Ho-
ward-Street les trains
de voyageurset de mar-
chandises.
On sait qu’en géné-
ral lesvoitures longues
des chemins de fer,
par exemple nos wa-
gons-salons, sont mon-
tées sur des trucks. On
appelle ainsi les sup-
ports de la cage, com-
posés chacun d'un ca-
dre reposant sur qua-
tre roues. La cage d’un
wagon-salon est ordi-
nairement fixée sur
deux trucks indépendants l’un de l’autre : cette dis-
position a pour but de permettre à toutes les roues
d’une voiture très longue d’épouser le mieux possible
la forme de la voie,
C'est ce système qui vient d'être appliqué, en raison
de la grande longueur que leur impose leur matériel,
aux nouvelles locomotives que nous décrivons. Cha-
cune comprend deux trucks ayant deux axes et quatre
roues motrices (fig. 1 et 2), A chaque axe corres-
pond un moteur de 300 chevaux supporté par le chàs-
sis du truck au moyen d’un ressort à boudin. L’ar-
mature du moteur est montée sur un arbre creux, à
l'intérieur duquel passe l'axe correspondant, La liaison
entre ces deux pièces est faite au moyen d'un accou-
plement élastique particulier permettant de donner au
moteur des mouvements dans n'importe quel sens. La
locomotive peut ainsi être employée indifféremment à
tirer ou à pousser. Elle est munie d’un frein et d'un
sifflet fonctionnant par l'air comprimé au moyen d’un
petit moteur électrique auxiliaire. L'abri du mécanicien
est percé de fenêtres de tous les côtés, de manière que
la vue ne soit obstruée dans aucune direction. Dans cet
abri sont placés tous les instruments de contrôle et de
commande nécessaires à la protection et à la conduite
de la machine.
Les figures 1 et 2 montrent de deux côtés différents
V'ig. 4. — Truck des nouvelles locomolives électriques de la Baltimore
and Ohio Railroad Company. Vue d'une extrémité.
=
19
Ce,
HAS ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ES LOCOMOTIVES ÉLECTRIQUES DU BALTIMORE AND OHIO RAILROAD. — TROUBLES CAUSÉS SUR DES LIGNES TÉLÉPHONIQUES
PAR UNE DISTRIBUTION A COURANTS ALTERNATIFS. — COMMUNICATIONS TÉLÉPHONIQUES ENTRE LES TRAINS ET LES STATIONS
un truck isolé, La locomotive complète pèse environ
100 tonnes et est capable de développer 1.200 chevaux.
Elle recoit le courant d’un câble extérieur au moyen
d'un trolley, La vitesse maximum qu'il est possible
d'obtenir est de 90 kilomètres à l'heure. La vitesse
moyenne des trains sera de 55 kilomètres environ,
égale, par conséquent, à celle que donnentles locomo-
tives à vapeur. Les essais préliminaires, faits il y a
quelque temps, ont été des plus satisfaisants, et le
nouveau service commencera très prochainement à fonc-
tionner !,
Nous signalons cet exemple avec plaisir. La traction
électrique à trolleys n’a, dans les souterrains, aucun |
des inconvénients qui la font quelquefois rejeter pour
les voies situées au ni-
veau du sol. Elle a,
d'autre part, sur la
traction à vapeur, l'im-
mense avantage de ne
pas vicier et rendre ir-
respirable l’atmosphè-
re des tunnels, Puisse
la démonstration de
Baltimore marquer un
progrès dans les appli-
cations de l'électricité
et dans la question des
métropolitains !
Certains troubles, qui
se sont produits à
Odessa l'été dernier,
causés par des phé-
nomènes d'induction,
nousmontrent decom-
bien de précautions il
est nécessaire de s’en-
tourer, lorsque l’on
construit des lignes té-
léphoniques à proximité de circuits parcourus par des
courants alternatifs ?.
Les lignes téléphoniques d'Odessa sont aériennes,
Les dynamos de la station centrale sont de deux types :
les unes marchent à 40 périodes et à 1.800 volts; les
autres marchent à 125 périodes et à 2.000 volts. Jusqu'à
ces derniers temps, l'éclairage du théâtre était fait par
des machines du premier type, avec une différence de
potentiel de 60 volts aux bornes du circuit secondaire :
l'énergie consommée était d'environ 80 kilowatts. On
pouvait percevoir un peu d'induction sur les lignes
téléphoniques voisines; mais l'effet produit était insi-
anifiant et incapable de troubler les communications
en quoi que ce soit. Il n’en fut plus de même lorsqu'on
brancha le circuit du théâtre sur le réseau alimenté
par les machines à 125 périodes,
On pensa d’abord que l'induction était due aux
càbles primaires; mais les lignes les plus influencées
les coupaient à angle droit, la distance au point de
croisement étant d'environ 7 mètres. On fit l'expérience
suivante : le réseau à basse tension, alimentant le
théâtre, fut remplacé par des rhéostats à liquide, aux
bornes des transformateurs, quifonctionnèrent dans ces
1 D'après The Electrical World, n° du 5
janvier 1895,
2 The Electrician, n° du 28 décembre 4894.
130
conditions. H fut alors impossible de déceler le moindre
courant induit.
L'examen des cireuits secondaires montra qu’un
grand nombre d’entre eux formaient ce qu'on appelle la
distribution en boucle, Ce système alavantage d'assurer
un voltage plus uniforme aux bornes des lampes, mais
présente l'inconvénient, quand il s'agit de courants
alternatifs, que les deux câbles voisins sont parcourus
par des courants de même sens, de manière que le
réseau complet forme une sorte de bobine gigantesque.
On explora le champ magnétique produit par cette
bobine au moyen d’une couronne de 100 mètres de fil
isolé, qui était enroulé sur une circonférence d'environ
1%,20 de diamètre et dont les extrémités aboutissaient
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
câbles primaires, les coupait alors à angle droit. On
supposa que ceux-ci étaient en communication d’une
manière quelconque avec les fils de ligne; mais un
examen attentif qu'on leur fit subir montra que l’un
d’eux, par négligence, avait été laissé détaché. L’induc-
tion cessa aussitôt que la connexion fut faite. L'isole-
ment des lignes était parfait; l'effet était purement
électrostatique. A la suite de cette observation, on fit
des expériences destinées à reproduire franchement
ces mêmes effets; on altacha à l’un des pôles de la
dynamo un circuit se dirigeant d’un certain côté de la
ville ; à l’autre pôle, un circuit se dirigeant dans le sens
opposé. Toute communication téléphonique fut impos-
sible. L'induction, très faible quand un seul circuit
à un récepteur téléphonique, En promenant celte cou-
ronne à travers le théâtre et en lui donnant en chaque
point diverses inclinaisons, on put y déterminer la
direction des lignes de force avec une rigueur suffi-
sante, L'induclion était particulièrement sensible près
du sol et à côté du foit, Ce toit, construit en fer, con-
centrail les lignes de force et semblait agir à la facon
des pièces polaires des champs magnétiques.
Dans un autre théâtre, où le système en bouele avait
élé appliqué, des troubles identiques se produisirent,
Aucun doule ne put.donce subsister.
La même ville d'Odessa à fourni un exemple remar-
quable d’induction électrostatique. Des troubles se
manifestèrent brusquement dans un quartier épargné
jusque-là. On venait d'installer une nouvelle ligne pri-
maire, courant parallèlement aux lignes téléphoniques
sur une distance d'environ 350 mètres. câbles
primaires élaient placés sur des poteaux en bois à
7 mèlres du sol; les fils téléphoniques, également sur
des poleaux en bois, élaient à {1 mètres du sol, et de
l'autre côté de la rue, large d’au moins 20 mètres. Il
n'y avail en cet endroit aucun branchement de trans-
lormaleur. L'effet fut d'abord signalé sur une ligne
téléphonique qui, parallèle pendant 30 mètres aux
Les
2. — Truck des nouvelles locomotives électriques de la Baltimore and Ohio Railroad Company. Vue du profit.
était attaché, devenait très forte quand on atfachait le
second. Les longueurs des doubles lignes de ces cir-
cuits étaient, l’une, de 8 kilomètres; l’autre, de 5 kilo-
mètres. Leur isolement, y compris les transformateurs,
était d'environ 300.000 ohms. Les ampèremètres les
plus sensibles ne décelaient pas le moindre courant.
Un correspondant du New South Wales Railway Bud-
get signale un exemple de communications télépho-
niques établies entre les trains et les diverses stations
du Wellington and Manawater Railway. Le procédé
employé est d’ailleurs des plus simples. Un fil télépho-
nique court tout du long de la ligne et communique
avec un poste à chaque station. Dans le fourgon du
conducteur a été également établi un poste auquel est
allachée une bobine de fil terminée à son autre extré-
milé par une agrafe en fer, Supposons qu'un (rain
soit forcé de s'arrêter entre deux stations : le conduc-
teur accroche son agrafe au fil téléphonique et sonne;
les roues et les rails servent de retour, Son appel est
entendu à toutes les stations qui peuvent alors y répondre
et communiquer avec Jui,
A. GAY,
Ancien Elève de l'Ecole Polytechnique
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
1317
BIBLIOGRAPHIE
1° Sciences mathématiques.
Tannery (Jules), Sous-Directeur des Etudes scienti-
fiques à l'Ecole Normale Supérieure, — Introduction
à l'Etude de la Théorie des Nombres et de l'Al-
gèbre Supérieure. — Conférences faites à l'Ecole Nor-
male, rédigées et complétées par MM. E. Borel et
J. Drack,— 1! vol. in-8° de 350 p. (Prix : 10 fr.).
“Nony et Cie, éditeurs. Paris, 1895.
La première partie de cetouvrage (Théorie des nombres),
rédigée par M. Borel, traite d'abord des congruences
numériques : a = b (mod. »#) qui expriment que les en-
tiers a et b différent d’un multiple de l’entier m, puis
de la résolution des congruences algébriques, pour
lesquelles on peut édifier une théorie analogue à celle
des équations entières à une inconnue ; pour attribuer
des racines à toutes ces congruerces, on est conduit à
introduire des symboles, dits imaginaires de Galois, dé-
finis par la condition de satisfaire à certaines d’eñtre
elles : cette introduction est faite du point de vue où
s’est placé Kronecker. L’ouvrage se poursuit par une
étude élémentaire des congruences binômes et de
la théorie des indices, étendue aux imaginaires de Ga-
lois, puis par celle de la congruence du second degré
qu'on ramène à la congruence binôme x? — D suivant un
module premier p ; quand un entier x vérifie cette con-
gruence, l’entier D est dit résidu quadratique du nombre
premier p : d'où la détermina'ion de l’un des nombres
p ou D, connaissant l’autre ; en particulier, quand D
est donné, on a le difficile problème résolu par Le-
gendre, à l’aide de la loi dite de réciprocité, et qui établit
une distinction essentielle entre les nombres premiers
des formes 4n + 1 et ën + 3; cette distinction se re-
trouve au chapitre suivant, qui traite de la représenta-
tion des entiers par des formes quadratiques, et, en
particulier, par des sommes de carrés : la propriété,
exclusive parmi les nombres premiers, de ceux qui ont
la forme 4#n + 1 d’être une somme de deux carrés,
conduit à ne plus les regarder comme premiers dans
l’ensemble des entiers lant réels qu'imaginaires, tels
que Gauss les a considérés.
La seconde partie (Algébre supérieure), rédigée par
M. Drack, est dominée par l’idée de mettre en évidence
l'introduction logique des symboles algébriques, comme
extension du groupe formé par les entiers positifs, re-
lativement à leurs modes de composition additif et
multiplicatif; d'où l'apparition des entiers négatifs,
puis de tous les nombres.rationnels, et enfin des
nombres a'gébriques, comme racines d’une équation
entière à coefficients entiers, wréductible à d’autres
équations à coefficients entiers et de degré moindre; si
l'équation est de degré n, n symboles apparaissent
ainsi à la fois, qu'on peut déterminer par les relations
symétriques élémentaires entre les coefficients et les
racines ; on est ainsi amené à considérer plus généra-
lement n symboles introduits simultanément par un
système d'équations, et l’on élablit que leur calcul re-
vient à un calcul de polynômes suivant un module R (x)
(c'est-à-dire effectué à des multiples près de R), R dé-
signantun polynôme à coefficients entiers qu'on nomme
le résolvant du système simultané; ces considérations
permettent d'établir la possibilité logique de l’intro-
duction des nombres algébriques, telle qu'elle a été
faite, et amènent à l'étude des relations qui existent
entre les fonctions rationnelles de n indéterminées :
cette étude entraine celle des groupes de substitutions,
dont la théorie est appliquée aux équations résolubles
algébriquement, et à la démonstration du célèbre théo-
rème d’Abel sur l'impossibilité de résoudre ainsi l’é-
ANALYSES ET INDEX
quation générale de degré supérieur au quatrième,
L'ouvrage se termine par des applications aux équa-
tions dites normales et abéliennes et des notes complé-
mentaires.
Dans la préface, M. Tannery insiste sur la grande
part de ses deux collaborateurs à l’œuvre commune : à
leur tour, MM. Borel et Drack s'associeront à nous pour
reconnaître ce qui revient à leur éminent maître des
qualités de clarté, d'élégance et de méthode, qu'on
trouve dans ce remarquable ouvrage.
M. LELIEUVRE.
Painlevé (Paul), — Mémoire sur la Transformation
des Equations de la Dynamique. — (Journal de
Mathématiques, 1894), 92 pages. Gauthier-Villars et
fils, éditeurs, Paris, 189%.
On ne saurait prétendre, dans une notice de quelques
lignes, faire un compte rendu circonstancié de 92 pages
remplies de calculs et de raisonnements serrés. Expli-
quons seulement en peu de mofs de quoi il est ques-
tions dans le Mémoire de M. Painlevé.
Soit S un système matériel dont la position est défi-
nie par R variables g. Les forces ne dépendent ni du
temps, ni des vitesses, mais seulement de la position
de S. La force vive ne dépend que de la position de S et
des vitesses, mais non du temps. On oblientalors les q
en fonction du temps, c’est-à-dire le mouvement du sys-
tème S, par l'intégration d’un système (A) d'équations
différentielles dit « système de Lagrange ».
Rien n'empêche d'imaginer un point $ ayant, dans
un espace E à R dimensions, les q pour coordonnées.
Alors s parcourt dans cet espace une mulplicité à une
dimension ou courbe trajectoire g. Le mouvement de
S est connu dès que l’on connait la nature géométrique
de g ainsi que la loi du déplacement de s sur g.
M. Painlevé cherche les systèmes de Lagrange « cor-
respondants » de (A), c’est-à-dire tels que la courbe y
soit la même que pour (A}, la loi du déplacement de
s sur g pouvant changer. Cette propriété doit, dans une
certaine mesure, resler inaltérée par un changement
de coordonnées effectué dans l’espace E. F
On obtient d’abord une intinité de systèmes corres-
pondants en changeant l'unité de temps. La nouvelle
unité peut être imaginaire, ce qui permet d'interpréter
en dynamique le femps imaginaire. Il y à aussi une
infinité de correspondants, signalés par M. Darboux,
lorsque les forces du système (A) proviennent d’un
potentiel. En dehors de ces correspondants ordinaires, il
n'en existe pas d’autres, à moins de sujétions spéciales
à imposer au système (A).
M. Painlevé étudie ces sujétions, Ure conséquence
intéressante est celle-ci : une certaine fonction qua-
dratique des vitesses (analogue à la force vive, mais
distincte) doit, à chaque instant du mouvement, dépen-
dre seulement de la position du système matériel et
uon du temps.
Quand il s'agit d’un savant comme M. Painlevé, les
épithètes louangeuses ne sont plus de mise. Bornons-
nous à signaler la grande importance que me parais-
sent avoir pour les progrès de la Mécanique rationnelle
le Mémoire présent ainsi que les travaux antérieurs de
MM. Darboux, Appell, Goursat... dont M. Painlevé
réclame souvent. Tout cela consiste, en effet, à étudier
les solutions des problèmes de Dynamique en elles-
mêmes, indépendamment du procédé de résolution.
C’est le premier pas vers une théorie des Invariantis eu
Mécanique. On sait combien cette notion d'invariance
a déjà transformé l'Analyse et la Géométrie.
LÉON AUTONNE,
se
132
2° Sciences physiques.
Maréchal (H.), Ingénieur des Ponts et Chaussées et du
Service municipal de la Ville de Paris. — L'Eclairage
à Paris. Etude technique des divers modes d'éclairage
employés à Paris. — 1 vol. gr. in-8° de 500 pages avec
241 fig. dans le lexte. (Prix, retié : 20 fr.). Baudry
et Cie, Rue des Saints-Pères, 15. Paris, 1895,
L'éclairage public et privé d’une grande ville pré-
sente, parmi tous les problèmes de l’industrie moderne,
un haut degré d'intérêt. La variété des procédés mis en
œuvre, la multitude des questions scientifiques, écono-
miques, sociales même, soulevées par ce problème,
l'intérêt immédiat que chaque habitant, à quelque
classe qu'il appartienne, doit attacher à tout progrès
réalisé dans cette voie, tout cela contribue à donner un
caractère attrayant à une étude au premier abord un
peu aride, et justifie la nécessité de l'important travail
d'ensemble que M. Henri Maréchal nous présente au-
jourd'hui sur l'éclairage de la Ville de Paris.
L’éclairage artiliciel, sous un climat tempéré où,
comme dans le nôtre, la longueur des nuits hibernales
dépasse de beaucoup le temps nécessaire au sommeil,
est un des besoins les plus impérieux de l’homme
civilisé; et l'abondance de cet éclairage constitue, on
peut le dire, le premier etle plus justifié des luxes qu'il
puisse se permettre, À ce point de vue, nous ne
pouvons omettre de signaler, en passant, les véritables
bienfaits que la lumière électrique a dès maintenant
répandus, en procurant à tous nos plus petits villages
des régions montagneuses un éclairage abondant et
économique. Il faut penser à cela, considérer en même
temps les grandes artères de nos villes si brillamment
éclairées, pénétrer aussi dans nos intérieurs où la veil-
lée se prolonge souvent fort avant dans la nuit pour
comprendre les merveilleux progrès qui ont été réali-
sés dans cette branche de l’industtie, Et si, à côté de
ce tableau tout moderne, on essaie de se représenter
l'obscurité traversée seulement par quelque mince
filet de Jumière tombant d'une lampe fumeuse ou
d’une mauvaise chandelle dans laquelle, il y a deux
cents ans seulement, vivaient nos pères, on est frappé
du contraste saisissant qui existe entre ces deux
époques relativement si rapprochées l’une de l’autre.
C'est ce contraste qui évidemment a inspiré à l’auteur
le premier chapitre de son ouvrage où il retrace à
grandes lignes le très curieux historique de l'éclairage
publie à Paris, depuis la mémorable chandelle que
Philippe V fit installer en 1318 à la porte du Châtelet,
jusqu'aux derniers développements du gaz et de l'élec-
tricilé. 5
C’est aujourd'hui entre ces deux agents que se par-
tage l'éclairage de Paris; aussi, à part un court cha-
pitre consacré aux « éclairages divers », ce sont eux
qui forment les deux grandes divisions de l’ouvrage.
Les chapitres IT, IT et IV sont consacrés à la produc-
tion, à la distribution et à l'utilisation du gaz.
Le principe de la fabrication du gaz est bien connu;
les détails le sont moins, et la description précise
qu’en donne l’auteur sera précieuse à consulter pour
les spécialistes; un des points à signaler est lPemploi
des fours à récupération dans la distillation de la
houille; les lecteurs de la Revue n'ont pas oublié l’in-
téressant article que M. Damour à récemment consacré
à ce sujet !.
La distribution du gaz est, en théorie, très simple :
une série de conduites se ramifiant à partir de l'usine
amène le gaz jusqu'au lieu d'utilisation sous une pres-
sion qu'on ne s'attache pas à rendre constante et qui,
en tous cas, est toujours supérieure à la pression mi-
nima de 20%® prévue par le Cahier des Charges : le
robinet est, chez le consommateur, le seul organe de
régulation, Toute difficulté de principe étant ainsi
écartée, l'auteur se consacre uniquement aux détails
techniques de Ja distribution (pose des tuyaux, raccor-
a
1 Voir la Revue du 30 juin 1894.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
dements, branchements, etc.). Gette latitude laissée
aux producteurs de gaz de ne pas chercher à régula-
riser la pression chez leurs abonnés est la véritable.
cause qui rend en principe la distribution du gaz
beaucoup plus simple que celle de l'électricité : il est.
pourtant curieux de constater quelques points d’ana-
logie entre les deux systèmes; c'est ainsi que l’auteur …
signale l'existence à Paris de grosses conduites, tout à »
fait analogues aux feeders des compagnies d'électricité, »
allant, directement et sans faire de service en route, de-
puis l'usine jusqu’au centre de l’agglomération qu’elles n
doivent desservir ; c'est ainsi également que les ré-.
seaux des divers usines à gaz communiquent tous entre
eux, de sorte que l'éclairage d’un point est toujours.
assuré, même si une usine vient à manquer. Des chiffres, «
très intéressants au point de vue statistique et écono-
&
mique, sur le prix de revient du gaz produit et du
distribue, complètent ces renseignements.
Le chapitre relatif à l’utilisation du gaz est surtout …
intéressant par la description des procédés
fectionnés et modernes d'éclairage au gaz (becs à récu-
pération, becs Auer, etc.). On y verra combien l’an-
tique papillon était imparfait et utilisait mal le gaz
dépensé. Il est complété par la reproduction
instructions de Dumas et Regnault pour la vérification
du gaz et par des tableaux contenant la durée de
l’éclairage à Paris aux diverses époques de l’année,
Deux causes contribuent à rendre les distributions
électriques plus compliquées que les distributions du
gaz : la première que nous avons signalée plus haut,
provient de la nécessité qu'il y a à fournir le courant
aux consommateurs sous une pression constante; la
deuxième, des efforts qui sont faits en vue d’écono-
miser le plus possible le cuivre immobilisé dans les
gaz
canalisations. De là une variété très grande de sys- «
tèmes, sinon dans les machines, au moins dans le
mode d'emploi de ces machines. Tandis que toutes
les usines à gaz sont semblables, ou à peu près, et.
mettent simplement en commun le gaz produit dans
une canalisation qui couvre tout Paris, les usines élec-
triques, elles, sont toutes très différentes, et ne des- …
servent chacune qu'une portion de la ville, un secteur,
partant en général de la Seine pour aboutir aux forti-
fications, Ces secteurs (non compris le réseau muni-
cipal des Halles) sont au nombre de cinq sur la rive
droite; la rive gauche, qui constituera un seul secteur
de grande étendue, est encore à peine desservie. Les
chapitres VI et VII sont consacrés à la description des
grandes stations centrales et des sous-stations de cha-
cun de ces secteurs : leur forme etleurétendue ont, pour
ainsi dire, imposé les systèmes de distribution adoptés,
et il suffit de jeter les yeux sur un plan des secteurs
électriques de Paris pour reconnaitre que les deux sec-
teurs extrèmes (s. des Champs Elysées, s. de la C!° Pa-.
risienne de l'air comprimé) doivent être alimentésà
haute tension. Cette description complète et met au
courant l'étude que Frank Géraldy avait consacrée à ce.
sujet, il y a quelques années, dans la Lumière Electrique.
Toutes lesstations centrales, quel qu’en soit le système,
comportent un certain nombre d'éléments communs
(chaudières, machines à vapeur, dynamos, etc.). On
trouvera, aucommencementdu chapitre VI, un substan-
tiel résumé de ce que la pratique a appris de plus gé-
néral à ce sujet.
Les chapitres VIT et IX sont consacrés à l'étude des.
per-
es
canalisations, le chapitre X à la distribution et à la
vente de l'énergie électrique; enfiu dans le chapitre XL
on trouvera des détails sur les différents modes d’é-
clairage électrique, ainsi que sur les installations
particulières, encore nombreuses, indépendantes des
secteurs et produisant elles-mêmes l’énergie électrique
dont elles ont besoin (gares, théâtres, grands maga-
sins, elc.). #. ï
Le problème de l'éclairage publie d'une grande ville
revient en définitive à ceci :produire, en chaque point
d'une chaussée supposée horizontale, un éclairement
ne descendant pas au-dessous d’un minimum déter-
x -
” ©
miné, Quelle est cette limite ? Jusqu'ici on n'avait guère
de données à cet égard, et c'était un peu empiriquement
que l’on disposait les foyers destinés à produire cet
éclairement : d’ailleurs, c’était là la meilleure marche
à suivre, eten pareille matière on ne peut songer à
une solution à priori du problème. Aujourd'hui que la
pratique a amené dans les grandes villes des résultats
déjà très satisfaisants, il est bon d'en faire pour ainsi
dire la synthèse et d'en tirer, pour l'avenir, tous les
enseignements possibles, À ce point de vue, le dernier
chapitre de l'ouvrage contient des renseignements fort
utiles sur l’éclairement des diverses rues de Paris; il
complète ainsi par des données pratiques nombreuses
et récentes le chapitre correspondant de l'ouvrage au-
jourd’hui classique de M. A. Palaz, intitulé Photometrie
industrielle.
Tels sont, rapidement résumés, les points techniques
que l’auteur à examinés, à propos de l'éclairage de
Paris. A côté de cette partie technique, une partie im-
portante de l'ouvrage est consacrée au côté économique
et juridique du sujet, et l'on y trouvera tous les
règlements, cahiers des charges, modèles de soumis-
sion, etc., soit en ce qui concerne le gaz, soit en ce
qui concerne l'électricité.
Il semble done qu'on ne pouvait traiter d'une ma-
nière plus complète un sujet aussi étendu ; aussi l’ou-
vrage de M. H. Maréchal restera un document essentiel
que devra consulter quiconque s'intéresse à l'éclairage
d’une grande ville.
P. JANET.
3° Sciences naturelles.
Broilliard (Ch.), Ancien Professeur à l'Ecole Fores-
tière. — Le Traitement des Bois en France.— Esti-
malion, partage et usufruit des foréts. — Nouvelle édition,
1 vol. in-8° de 700 pages. (Prix : 7 fr. 50). Berger-Le-
vrault et Cie, éditeurs. Paris et Nancy, 1894.
La nouvelle édition de ce volume est, dit l’auteur dans
sa préface, mieux qu'un livre nouveau, c'est un livre
renouvelé et forlilié; il en reste cependant un ou-
vrage pralique, que liront aisément et avec grand
prolit, tous les propriétaires de forêts.
Ils y trouveront d’abord des renseignements très
précis sur le cubage et l'estimation des bois, et les di-
vers modes de vente. Un chapitre important est con-
sacré à l'étude des différents régimes. M. Broilliard,
grand partisan de la méthode d'observation, décrit,
sans parti pris et d’après leur importance économique,
tous les modes de traitement des bois, mème les
plus modestes, taillis simples, taillis furetés, pineraies
du Midi ou de Champagne, oseraies même.
La mise en valeur par le reboisement, des terrains
incultes ou abandonnés, intéresse tous les déten-
teurs du sol. Enfin, des deux dernières parties de l’ou-
vrage, l’une est consacrée à l'examen de la structure
des bois, de leurs propriétés et de leurs usages; l’autre,
accompagnée de nombreux tableaux, traite, d’une facon
très claire, les questions délicates de l’estimation des
forèts, de partage et d’usufruit,
RARPENR
Ellenberger (D' W.), Professeur, et B&aum (D° H.),
Prosecteur à l'Ecole vétérinaire supérieure de Dresde. —
Anatomie descriptive et topographique du Chien.
Traduit de l'allemand par M. J. Denirer, Docteur ès
Seiences. — 1 vol. gr. in 8 de 666 p. avec 208 fig. dans
le texte et 31 planches lithographiées. (Prix : vartonné,
35 fr.) C. Reinwald et Cie, éditeurs, Paris, 1895.
Jusqu'à ce jour, il n’existait aucun travail d’ensemble
sur l'anatomie du chien. Or on comprend de quelle
utilté peut ètre une pareille monographie pour le
vétérinaire et l’éleveur d'une part, et, d’un autre côté,
pour le zoologiste, le physiologiste et le biologiste. En
effet, si le chien est un de nos animaux domestiques
— le plus aimé de tous, — il est en même temps un
des sujets auxquels on a constamment recours dans
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
133
les études de Physiologie et de Médecine expérimentale.
Le livre de MM. Ellenberger et Baum est le fruit de
plusieurs années d’études. Des centaines de chiens ont
‘été disséqués par eux, chaque détail anatomique a été
contrôlé sur plusieurs sujets. On pouvait craindre qu’il
y eût quelque difficulté à constituer une anatomie du
chien-type, étant donnée la variété des races canines,
Mais il n’en est rien : la différence de race n'a aucune
influence notable sur les variations dans les rapports
des muscles, des vaisseaux, des nerfs et des vis-
cères. :
En revanche, le système osseux présente des varia-
tions dues aux différences de races. C’est ainsi que cer-
tains chiens à pattes tordues, par exemple les bassets,
offrent des déviations du type général dues surtout à
la torsion des os des membres et se manifestant par
des changements dans l’orientation des différentes faces
des os. Mais c’est surtout dans la conformation de la
tête et la disposition des dents que s’impriment les
différences de races. On peut, à ce point de vue, dis-
tinguer deux grands groupes de races canines :
Les races à tête étroite et allongée, dolichocéphales,
comprenant le dogue, le chien d'arrêt, le lévrier, le
chien de cour ou d'attache, le chien de berger, le ca-
niche, le Saint-Bernard et le Terre-Neuve. Dans toutes
ces races, la largeur de la tête n’est que des deux tiers
de sa longueur. Dans les races suivantes, dites brachy-
céphales, la largeur de la tête atteint les sept huitièmes
de la longueur : ce sont le carlin, le boule-dogue et
l’épagneul. Enfin, il y a des races intermédiaires, telles
que le chien-loup, le griffon et le basset.
On consultera avec le plus grand intérêt le tableau
où l’auteur indique, pour les diverses races de chiens,
le rapport entre la longueur et la largeur de la tête et
celui entre la longueur de la boîte crànienne et celle
de la face. Ces variations des rapports du crâne et de
la face entraînent des modifications de la forme de la
voûte palatine, des crètes osseuses, etc., qui sont dé-
crites avec détails.
L'ouvrage est concu sur le plan ordinaire des livres
d'anatomie, et les différentes parties qui constituent
cette science sont trailées avec un luxe de détails que
lon n’est habitué à rencontrer que dans les traités
d'anatomie humaine. Le style de l'ouvrage, ainsi que la
terminologie employée, sont clairs et en facilitent
beaucoup la lecture. Des tableaux synoptiques très
complets résument la distribution des artères et des
nerfs dans les différentes parties du corps du chien.
L'ouvrage est illustré de nombreuses figures origi-
nales dans le texte et de 37 planches lithographiques,
dont un grand nombre en couleurs. Ces dernières,
accompagnées chacune d’une page de texte explicatif,
servent à l'étude de la topographie des régions. Elles
ont été obtenues par des coupes faites sur des cadavres
de chiens congelés. Quelques-unes ont été faites sur
des chiennes pleines et indiquent les rapports des
fœtus avec les viscères. Toutes seront de la plus haute
utilité tant pour les recherches de laboratoire que pour
le vétérinaire qui entreprend une opération.
En résumé, on ne peut que féliciter M. J. Deniker, le
savant bibliothécaire du Muséum, d’avoir mené à bien
la tâche ardue de la traduction de cet ouvrage et
d’avoir ainsi présenté aux lecteurs français une mono-
graphie qui répond réellement à un besoin de la science
moderne.
L'ouvrage est édité avec un soin tout particulier :
papier et impression ne laissent rien à désirer; les
figures sont remarquablement bien tirées. Cette édition
fait honneur à la maison Reinwald, qui ne s'arrête
devant aucun sacrifice quand il s’agit de publications
sérieuses et qui sont appelées à rendre service à la
science pendant de longues périodes, Ce n’est pas là,
en effet, un de ces ouvrages éphémères qui s’oublient
aussitôt parus; c’est un véritable livre de fonds, indis-
pensable à toute bibliothèque scientifique bien orga-
nisée,
Dr L. Laroy.
134
4° Sciences médicales.
Reclus (D' Paul), Chirurgien de l'Hôpital de la Pitié,
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, —-
Cliniques chirurgicales de la Pitié. —1 vol. grand
in-8° de 589 pages avec figures dans le texte. (Prix :
10 francs.) G. Masson, éditeur. Paris, 189%.
M. Paul Reclus aurait pu donner au troisième vo-
lume de ses Cliniques le titre de Lecons de thérapeutique
chirurgicale. Car l'analyse des signes morbides, la dis-
cussion du diagnostic tiennent en réalité peu de place
dans ce livre d’ailleurs intéressant, et écrit dans cette
forme élégante, avec cette érudilion sûre, qui caracté-
risent l’aimable chirurgien de la Pitié.
Mais, si M. Paul Reclus a sacrifié à l’esprit de la plu-
part de ses contemporains, en traitant la séméiologie
et le diagnostic en quantités négligeables, il s’est du
moins affranchi de ses tendances en jugeant que tous
les sujets fournis par les hasards de l'hôpital étaient
au même degré dignes d'attirer l'attention de ses audi-
teurs et d’être le but de sesétudes. Cela veut d'autant plus
être remarqué à un moment où la Clinique parait se
proposer seulement pour tâche de recueillir des faits
inédits ou extraordinaires, de dresser des statistiques
ou d'exposer des recherches de laboratoire, Voilà pour-
quoi nous sommes disposé à louer sans réserve les
excellents chapitres que l’auteur a consacrés au Traite-
ment des grands écrasements, aux Phlegmons du cou, aux
Abcès de la région ano-rectale, au Cancer de la lanaue, à
la Cure de l’Hydrocèle vaginale, au Varicocèle, etc. Les
élèves y trouveront les éléments nécessaires pour
éclairer leur jugement, et guider leur conduite dans les
cas les plus ordinaires de leur pratique.
A côté de ces sujets d'utilité courante, M. Reclus a
groupé quelques observations curieuses. Lune de
celles-ci est un cas de Tératome du scrotum observé
chez un homme de trente et un ans. Malgré l’âge du
malade, la tumeur, du volume d’une grosse pomme de
terre, fut facilement séparée du testicule et du cordon,
sans qu'il fùt possible de trouver « un seul point où un
pédicule quelconque ait paru exister ». Une autre variété
de ces inclusions fætales, celle-ci plus rare encore —
il s’agit d’un kyste ermoïide du raphé périnéal et du sero-
tum — fait l’objet d’une autre kecon. Relevons encore
l’histoire complète d’un Cancer de la tête du pancréas,
traité par l’entérostomie biliaire et pris, même après
examen direct au cours de l'intervention, pour un
calcul du canal cholédoque.
D'autres cliniques sont consacrées à la discussion des
sujets qui ont le plus passionné en ces derniers temps
la Société de Chirurgie : valeur comparée de la lapa-
rotomie et de lhystérectomie dans les suppurations
pelviennes et traitement des perforations intestinales.
Sur ces deux questions l’auteur reproduit purement et
simplement les déclarations qu'il avait faites devant
ses collègues et que nous connaissions déjà.
Mais deux chapitres méritent de retenir plus long-
temps notre attention : l’analgésie cocaïnique et la ma-
ladie kystique de la mamelle. M. Reclus a repris, en
effet, dans ce troisième volume l'apologie et la défense
de la cocaïne. Il a cherché à la laver de toutes les ac-
cusations dont elle a été l’objet; il va jusqu’à contester
les cas de mort inscrits au passif de la méthode, ou
du moins il les explique fort naturellement. Il décrit
avec soin le manuel opératoire (injection intra-der-
mique), et pose des règles précises relatives au titre de
la solution (1 °/,), et aux précautions qui doivent en-
tourer l’opéré,
Cet habile plaidoyer n’entraïnera guère, je le crains,
les convictions hésitantes, Le chirurgien de la Pitié
parait avoir obtenu le maximum en faisant adopter sa
méthode par quelques-uns de ses collègues pour les
interventions de courte durée. Mais je crois que pas un
de ceux-ci ne se risquerait à faire, comme M. Reclus,
une laparotomie, une taille hypogastrique ou une am-
putation avec le seul secours de la cocaïne! Le chloro-
forme, malgré des dangers que réduit, d’ailleurs, au
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
minimum un emploi prudent, ne paraît pas être prêt.
à être détrôné en France par un aucun autre anes-
thésique.
Quant à la maladie kystique de la mamelle, nous
ne faisons pas de difficulté pour reconnaitre à M. Reclus
l'honneur de l'avoir le premier isolée et décrite. La
description d’Astley Cooper, n’est vraiment pas « su-
perposable » à celle qu'a donnée M. Reclus dès son
premier mémoire sur la question. Mais combien il a
modifié la rigueur de ses principes antérieurs, en vertu
desquels les mamelles kystiques étaient frappées
sans pitié : les recherches de Quénu, de Rochard, de
Toupet et de Delbet l’inclinent aujourd'hui à regar-
der comme d’origine purement inflammatoire cette
affection, qu'il avait crue au début de nature épithé-
liale.
Quand nous aurons signalé une étude fort docu-
mentée de l’Ainhum — que l’auteur, gagné à des idées
nouvelles, sépare maintenant nettement des amputa-
tions congénitales des orteils — et la très intéressante
lecon sur les applications de l’eau chaude en Chirurgie,
nous aurons donné à peu près la substance de ce livre,
où l’on retrouve les habituelles qualités, solides et
brillantes, du maître qu'est M. Paul Reclus.
D' Gabriel MAURANGE.
Aubeau (D'), — Applications de la Micrographie
et de la Bactériologie à la précision du Diagnostic
chirurgical. — 1 vol. gr. in-8° de 40 pages avec
24 figures hors texte en photogravure. (Prix: 5 francs.)
Société d'éditions scientifiques. Paris, 1895.
L'idée d'appliquer la micrographie et la bactériologie
au perfectionnement du diagnostic chirurgical mérite
évidemment toute approbation. Mais, s’il faut féliciter
M. le D' Aubeau de l'avoir eue, on doit regretter la
facon dont il a essayé de la réaliser. Toute personne
tant soit peu initiée à la bactériologie, qui ouvrira son
livre, demeurera stupéfaite des commentaires qui
accompagnent ses photogrammes. Exemples : une
préparation de globules du sang humain déformés est
l’objet de cette désignation : « Globules rouges à noyaux
(dans l’empoisonnement par le chlorate de potasse). »
Or, de noyaux, nulle trace ; l’auteur a sans doute pris
pour de tels organites deux simples taches, bien visibles
sur la photographie. La planche suivante, intitulée :
« Cristaux d’'Hématoidine dans le sang », montre tout ce
qu'on voudra, excepté des cristaux. Etc., etc.
La tentative de M. Aubeau demande à être reprise
avec toutes les ressources dont disposent aujourd’hui
l’anatomie pathologique et la bactériologie. F0
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie. Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, —paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en couleurs.
509, 510° et 511: livraisons. (Prix de chaque livrai-
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes,
Paris, 1895.
On trouvera dans les 509°, 5108 et 511° livraisons la
biographie du grand philosophe allemand Kant et lex-
posé de ses doctrines, par M. E. Boutroux; celle du
général Kellermann, par M. Ch. Grandjean; celle du
célèbre astronome Képler, par M. L. Sagnet; celle des
rois de Perse qui ont porté le nom de Khosroës, par
M. E. Drouin; celle du grand empereur Khang-Hi, le
Louis XIV de la Chine, par M. E, Chavannes. A signaler
ensuite un article de M. Trouessart sur le Kangourou,
illustré de dessins; une étude sur le massif monta-
gneux des Karpathes, la description des îles Kerguélen,
possession francaise de l'Océan Indien, par M. Ch. De-
lavaud ; un article historique de M. P, Ravaisse sur les
Khalifats arabes et les différents princes qui s’y sont
succédé ; enfin, une étude géographique et historique
sur le Khanat de Kiva.
Es
RES
PRIME ETC
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 5
Fe. = ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
: 5 DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
“ ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
< 2 Séance du 14 Janvier 1895.
_ M. Hautefeuille est élu membre de l’Académie,
Section de Minéralogie, en remplacement de M. Mal-
lard. — La Kœnigliche Gesellschaft der Wissens-
chaften de Gôttingue invite l’Académie à envoyer des
délégués à Innsbrück pour la recherche des rapports
entre les variations de la pesanteur et la constitution
de l'écorce terrestre. — M. le Ministre des Affaires
étrangères adresse la traduction d’une étude de M.Lo-
renzo Sundt sur le lac Titicaca. — MM. von Richthofen
ét Matheron, nommés correspondants pour la Section
de Minéralogie, adressent leurs remerciements. —
MM. J. Coniel, Meslans, Sappin-Trouffy, adressent
leurs remerciements pour les distinctions accordées à
leurs travaux. — MM. H. Baïllon et Ed. Bureau prient
l'Académie de les comprendre parmi les candidats à
la place vacante dans la Section de Botanique. —
M. J. Carpentier prie l’Académie de le comprendre
parmi les candidats à la place d’académicien libre,
laissée vacante par la mort de M. de Lesseps.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. J. Janssen présente
à l’Académie l'Annuaire du bureau des longitudes. —
M. Poincaré adresse un procédé de vérification appli-
cable au calcul des séries de la mécanique céleste. —
M. Raoul Bricard présente un appareil qui résout le
problème de la transformation du mouvement circu-
laire en mouvement rectiligne au moyen de cinq tiges
articulées, et indique une proposition qui permet d’ob-
tenir un nombre infini de solutions du problème au
moyen de systèmes articulés. — M. Jules Drach in-
dique comment on peut étendre la méthode de Gallois
- à des systèmes différentiels très généraux et obtenir, à
aide de résultats dus à M. Lie, tous les types distincts
de transcendantes nécessaires pour les intégrer. —
M.E. Vessiot montre que la détermination des équa-
tions finies d’un groupe continu fini, dont on connait
les transformations infinitésimales, se ramène à l’inté-
gration d'une équation de Lie :
L'éns r
dfir;
dd T
ét: F1
6e (4) Xk f 0,
pour laquelle on connaît les équations finies du groupe
correspondant, au moins toutes les fois que le groupe
considéré est transitif. Cette proposition entraine la
conséquence suivante : l'intégration de toute équation
de Lie, dont le groupe correspondant est transitif,
dépend uniquement de l'intégration d'équations li-
néaires auxiliaires, — M. G. Koch adresse un mémoire,
écrit en allemand, sur le vol des oiseaux.
29 Sarences PysiQuEes. — M. Vaschy calcule quel est
le flux d'énergie qui entre par chaque élément dS de
la surface S, dans le volume V d’un cireuitconducteur
. maintenu dans un champ électrique stable, c’est-à-dire
parcouru par un courant permanent; ce flux est per-
pendiculare aux vecteurs Let h' considérés par l’auteur
et égal au quotient par4r de l'aire du parallélogramme
construit sur ces vecteurs comme côtés. — M. Joseph
de Kowalski a réalisé plusieurs dispositifs nouveaux
pour la production des rayons cathodiques; ses expé-
riences démontrent que ces rayons jouissent des pro-
priétés suivantes : 4° leur production n'est pas due
à la décharge des électrodes métalliques à travers le
gaz raréfié; 2° ils se produisent partout où la lueur
nommée primaire atteint une intensité assez considé-
rable, autrement dit, partout où la densité des lignes
du courant est assez considérable; 3° la direction de
leur propagation est celle des lignes du courant dans
la partie où les rayons se produisent, dans le sens du
pôle négatif au pôle positif. — M. G. Foussereau
généralise la démonstration de la formule de Fresnel
relative à l'entrainement des ondes lumineuses par la
matière pondérable, en supposant l’ébrantement quel-
conque et sans admettre que la direction de propasa-
tion coïncide avec celle du mouvement d'entrainement.
— M, E. Carvallo démontre le principe d'Huygens
dans les corps isotropes, en supprimant certaines
hypothèses qui le rendent applicable, dans toute sa
généralité, au type d’équation auquel conduit l'étude
de la dispersion et de la double réfraction, — M. Raoul
Pictet a effectué des recherches expérimentales sur le
point critique des liquides tenant en solution des
corps solides. Quand le liquide s'évanouit au-dessus
de la température critique, on ne constate aucun dépôt
solide dans le tube de verre qui reste transparent; la
variation de température critique est notablement plus
élevée que celle du point d’ébulition. — M. P.-P. De-
hérain insiste sur les avantages que présentent les
cultures dérobées d'automne; elles empêchent les pertes
considérables de nitrates que subissent à l’automne les
terres dépouillées de leurs récoltes en supprimant
l'infiltration, daus les couches profondes, des eaux
qui ont traversé le sol; en outre, enfouies comme
engrais vert, elles laissent réapparaitre au printemps
suivant, sous la forme éminemment assimilable des
nitrates, l'azote qu’elles se sont assimilé lPautomne
précédent. L'auteur calcule que l'extension des cultures
dérobées d'automne serait susceptible de doubler la
somme des matières fertilisantes distribuées chaque
année dans le pays. — M. Marsden Manson adresse,
de San Francisco (Californie), un mémoire intitulé :
« Les climats terrestres et solaires; leur causes et leurs
variations, » — M. J. Richard présente un nouvel
anémomètre à indications électriques multiples et
orientation automatique, qui est destiné au nouvel
observatoire érigé à l'ile de Jersey par le R. P. Deche-
verens, — M. A. Ditte, par une analyse minutieuse
de l’action de l’eau sur la dissolution de sulfure d’ar-
gent précipité, est arrivé à obtenir le sulfure cristallisé
par voie humide ; les petits cristaux obtenus sont gris
noirs et doués de l’éclat métallique comme ceux de sul-
fure naturel, — M. Vigouroux a recherché les condi-
tions les plus favorables à la formation du silicium
amorphe en réduisant la silice par le magnésium;
la décomposition se produit exactement, suivant l'é-
quation : Si0? + 2Mg = Si + 2M40; on ajoute seule-
ment un quart de magnésie au mélange pour éviter
une trop grande élévation de température. Le silicium
obtenu se présente sous la forme d’une matière puru-
lente, de couleur marron, parfaitement homogène. —
M. A. Villiers a étudié l’état protomorphique des
sulfures de zinc et de manganèse, c’est-à-dire l’état sous
lequel ils existent au moment de leur formation, état
différent de celui sous lequel nous les connaissons et
dans lequel ils se transforment souvent immédiatement.
— M. Oechsner de Coninck fait connaître les réac-
tions sensibles des hypochlorites, hypobromites et
hypoïodites alcalins, de l’hypochlorite de calcium et du
perchlorure de fer en solution aqueuse très étendue
sur les acides amidobenzoïques., — M. Albert Colson
a remplacé, dans les nitriles des oxyacides x, l'hydro-
gène de l'oxhydrile par un radical acide, et obtenu
des composés tel que l’acétate de cyanal :
136
/9(CH#CO)
CH5—CH
NCaAz
que la potasse et l’eau ne dédoublent plus immédiate-
ment en acide cyanhydrique et qui possède au contraire
beaucoup de stabilité vis-à-vis des réactifs. — MM. R.
Cambier et A. Brochet proposent la formule suivante
pour la constitution de l’hexaméthylènetétramine qui
se forme dans l’action du gaz ammoniac sec sur le
trioxyméthylène :
/ CH?—A7z=—CH?
Az—CH2—Az—CH?
\ CH2—Az— CH?
— M. Louis Henry montre que le produit obtenu par
MM. Trillat et Cambier dans l’action du trioxyméthy-
Jène sur le glycot éthylénique n’est pas le dérivé
méthylénique de ce glycol, comme l’admettent les
auteurs, mais bien le méthylal éthylénique :
O—CH?
CHOMAAE
O—CH?
— MM. G. Bertrand et A. Mallèvre montrent que la
transformation de la pectine en pectate alcalino-terreux,
sous l'influence de la pectase, n'est réalisable qu’en
milieu sensiblement neutre, l'action des alcalis sur la
fermentation pectique étant considérable et cette fer-
mentation dépendant des proportions relatives de fer-
ment, de sels de calcium et d'acides libres. La pectase
existe en dissolution aussi bien dans le suc cellulaire
des fruits acides que dans celui des racines de carotte ;
mais l'acidité du milieu masque sa présence, et son
action n'apparaît qu'après neutralisation.
C. MATIGNON.
30 SCIENCES NATURELLES. — M, Kaufmann a éludié
l'influence exercée par le système nerveux et la sécré-
tion pancréalique interne sur l'histolyse et fourni
aussi quelques faits éclairant le mécanisme de la gly-
cémie normale et du diabète sucré. — MM. Révil et
Vivien fournissent une élude du Pléistocène de la
vallée de Chambéry; à la Boisse, les auteurs ont pu
relever la série suivante, de haut en bas : #° Glaciaire
formé de marnes bleuàtres;3° graviers avec lentilles
de sables ; 2° marne de couleur gris cendré avec débris
de végétaux ; 1° sables fins fortement lassés, mais non
cimentés, Toutes ces assises sont d’une horizontalité
parfaite. — M. Harlé signale des restes d’hyènes
rayées qualernaires de Bagnères-de-Bigorre-(Hautes-
Pyrénées). — M. Ch. Depéret a étudié les phospho-
rites quaternaires de la région d'Uzès. Ces formations
sont tout à fait analogues aux phosphorites oligo-
cènes du Quercy, mais elles dätent seulement du début
du quaternaire. J. MARTIN.
Séance du 21 Janvier 1895.
M. Herrgott est élu correspondant pour la Section de
Médecineet de Chirurgie en remplacement de M, Rollet.
— MM. Bertrand, Hermite, Tisserand, Berthelot,
Daubrée, van Tieghem, Marey, sont chargés de pré-
senter une liste de candidats pour la place d’associé
étranger laissée vacante par le décès de M. Kummer.
— MM. L. Guignard et Dangeard prient l’Académie
de les comprendre parmi les candidats à la place
vacante dans la Section de Botanique. — M, F. de Ro-
milly prie l’Académie de le comprendre parmi les
candidats à la place d'académicien libre laissée va-
cante par la mort de M, de Lesseps.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. L. Hugo adresse
une note sur le rôle de la puissance cinquième dans le
système du monde. — M. F. Tisserand s’est proposé
de donner l'explication de l’irrégularité systématique,
constatée par M. Chandler, que présentent les époques
des minima d'éclat de l'étoile variable 8 de Persée
(Algol). Le calcul montre que l'existence d'un seul
satellite obscur, l’ellipticilé de son orbite et un faible
aplatissement de l'étoile principale & suffisent pour
ACADÉMIES ET SOCIETÉS SAVANTES
rendre compte de l'inégalité; l'aplatissement ferait À
tourner le grand axe de l'orbite d’un mouvement direct
et uniforme. — M. P. Tacchini donne le résumé des
observations solaires faites à l’Observatoire royal du
Collège romain pendant les 2°, 3° et 4e trimestres 1894.
Le phénomène des taches solaires et celui des protu
bérances sont en diminution par rapport aux observaës |
tions précédentes. — M. H. von Koch établit trois |
lemmes sur la convergence des déterminants d'ordre.
infini et les applique à la recherche des conditions de
convergence des fractions continues. — M. E. Vallier
a reconnu que l'énergie balistique des projectiles Es,
acier durei (type Holtzer) perforant des plaques en acier.
24.
doux, doit être représenté par l'expression :
E — KR? 4
où € représente l'épaisseur de la plaque évaluée en.
millimètres, K une constante spéciale à la plaque, etR.
la fonction suivante du diamètre a du projectiles:
AMEN CS LL EL
Avec les plaques surcémentées superficiellement
le procédé Harvey, l'expression E doit être multiphiée
par le facteur :
À 1,885 — 0.001148. ‘4
LL
La vitesse de perforation doit répondre aux deux con |
ditions suivantes : 1° fournir une énergie suffisant à
la perforation totale de la plaque etcorrespondant sen
siblement à l'expression : £
À KR?e; à
à à
2° fournir une quantité de mouvement assez forte pour |
que la pointe du projectile ait traversé la couche surcé» y
mentée avant le bris de l’ogive par cette dernière, =)
M. Sarrat adresse une suite à son précédent mémoire
concernant la démonstration du théorème de Fermat,
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Berrubé adresse une
note sur le plano-aérostat ou ballon dirigeable, =
M. Charles Henry s'est demandé si les successions
d'éclats, à des intervalles rythmiques, déterminent une”
diminution de la sensibilité lumineuse et les succes
sions à des intervalles non rythmiques une augmenta=" |
tion, en appelant rythmiques les nombres des formes !
On, 9On-L 1, 2m (2n+ 1) (2»+ 1).
L'auteur conclut de ses expériences qu'il est possible
d'augmenter la portée lumineuse d’un signal en ordons }
nant les successions d'éclats suivant une loi non
rythmique suffisamment complexe. — M. F.-S. de.
Touchimbert adresse le résultat de ses observations
sur les variations diurnes de l'aiguille aimantée de”
déclinaison. — M. A.-F. Noguës signale le tremble”
ment de terre chilo-argentin du 27 octobre 189%, re |
marquable par son intensité d'ébranlement, la longue
durée de la secousse, l'amplitude des oscillations ebn
l'absence des bruits souterrains, L'auteur, en analy=
sant les caractères présentés par cette secousse, fait"
remarquer que la Cordillère des Andes n’a pas opposé”
une barrière infranchissable à la propagation du
sisme. — MM. H. Moissan et G. Charpy ont préparé,
un acier contenant près de 0,6 °/, de bore; ils
ont reconnu que le bore communique au fer la pro=
priété de prendre la trempe, mais une trempe spéciale
correspondant à une élévation de la charge de rupture.
sans augmentation sensible de la dureté. — M. A. Vil-
liers continue l'étude des transformalions spontanées
des sulfures par l'examen de l'influence de la tempé=.
rature sur la transformation du sulfure de zine, |
amorphe. Il existe une température de transformation. |
au dessus de laquelle la modification se produit ins=" |
tantanément; cette température est variable suivant
les conditions de formation du sulfure. — M. Délépine.
montre que la méthode de Kjeldahl est insuffisante
n
|
|
|
|
|
|
k
à
j
{
a —
Miel nc a
ACADÉÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
137
RETHE +
pour doser l'azote dans les chloroplatinates, et que les
} erreurs peuvent atteindre les 2/3 de la teneur en azote.
— M. Hanriot a combiné l’arabinose et le xylose avec
le chloral pur en présence d’une trace d’acide chlorhy-
) drique et obtenu deux
CHSCFOS et un xylochloral auxquels il attribue la
arabinochlorals isomères
constitution suivante :
et CCE
27 |
£9 CH
; 0/ \C.OH—CH20H
# HO.HC CH
s CH-0
M:M. Delacre a fait la synthèse de l’anthracène en fai-
sant agir/le trichloracétate de benzyle sur la benzine en
| ‘présence du chlorure d'aluminium; il se forme un
composé éthéré décomposable par la chaleur en anhy-
dride et anthracène. 20 gr. d'éther benzylique donnent
9 grammes d’anthracène pur. — MM. Ph.-A. Guye et
J. Fayollat ont étudié le pouvoir rotatoire des éthers
tartriques, dérivant du tartrate d’éthyle ou du tartrate
d'isobutyle par introduction d’un seul radical acide
dans un des oxhydriles alcooliques. Les auteurs con-
eluent : 1° les éthers sont caractérisés par des pou-
voirs rotatoires positifs, algébriquement inférieurs à
celui du tartrate non substitué; 2° ces pouvoirs rota-
toires passent par un minimum algébrique atteint
dans la série isobutylique. — M. Duponchel adresse
trois mémoires portant pour titres : 1° Application des
rincipes de la nouvelle théorie atomique aux faits
ere de la thermochinie; 2° Sur l'interpréta-
tion à donner à la loi de Gay-Lussac concernant la con-
densation des atomes gazeux; et 3° Note sur l'interpré-
tation des formules des combinaisons bialomiques,
dans l'hypothèse de la nouvelle théorie cosmogonique.
C. MArTIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier expose la
morphologie du système lymphatique et traite de l’ori-
gine des lymphatiques dans la peau de la grenouille.
— M. Gruvel a rencontré un acarien parasite du Lam-
pyris splendidula qui se place entre les Gamasidés et
les Ptéroptinés. Il propose de lui donner le nom de
Stylogamasus Lampyridés. — M. B. Renaut a observé
quelques bactéries du Dinantien (Culm). Ce bacille, le
plus ancien décrit, rappelle celui de de Barÿ, Bacillus
megatheriun, mais d’une taille plus grande, d’un plus
grand nombre d'articles et de spores sphériques. Le
nouveau bacille, désigné sous le nom de Bacillus voraæ,
provoque la destruction des tissus de diverses manières.
— M. Chauveaud a étudié le développement des tubes
criblés chez les Angiospermes. Dans la vigne, les pre-
miers tubes ont présenté un développement direct, et,
d'ailleurs, dans le même faisceau (blé), on peut rencon-
trer les deux modes de développement, direct et indi-
rect ; de plus, la présence de cellules compagnes ne
caractérise pas absolument les tubes criblés des An-
giospermes. — M. Daïille adresse de nouvelles notes
concernant l’Uredo viticola.
J. ManTIN.
ACADEMIE DE MÉDECINE
Séance du 22 Janvier 1895
M. Le Roy de Méricourt présente un rapport sur
un mémoire du D Mougeot, relatif à l'influence des
courbes météorologiques sur les épidémies de choléra
en Cochinchine et leur gravité. — M. Péan a pratiqué,
avec le concours du D° Fauvel, chez un malade atteint
d'un carcinome du larynx et du pharynx, l’ablation
totale du larynx, de la portion supérieure de l’æso-
phage et de la moitié inférieure du pharynx, puis la
restauration de ces organes avec un appareil prothé-
tique construit, sur ses indications, par le D'Michaels.
Grâce aux nouvelles méthodes imaginées par MM, Péan
et Fauvel, ces sortes d'opérations sont devenues moins
meurtrières qu'autrefois, et, en outre, ce qu'aucun
chirurgien n'avait encore prévu, la restauration, par
les appareils prothétiques, des parties enlevées, permet
l'émission des sons vocaux, la respiration parles fosses
nasales et le passage des liquides de la bouche dans
l'estomac. — Une discussion s'engage au sujet de la
récente communication de M. Pinard sur la valeur com-
parative des différents procédés employés dans le but
de ranimer les enfants nés en état de mort apparente.
M. Laborde, analysant les faits invoqués par M. Pi-
nard, regrette qu'ils soient, en même temps, si peu
nombreux et si incomplets. Il conclut que, dans un
grand nombre de cas qu'il a réunis, les tractions ryth-
mées de la langue, bien appliquées, ont ranimé des
nouveau-nés en état de mort apparente quand tous les
autres procédés, y compris l’insufflation, avaient échoué.
— M. Guéniot croit que l'insufilation représente un
procédé beaucoup plus puissant que les tractions lin-
guales pour réveiller le réflexe assoupi de la respi-
ration, car il stimule l'appareil aérien tout entier, —
M. le Dr Poncet (de Lyon) lit un mémoire sur l’acti-
nomycose humaine à Lyon.
Séance du 29 Janvier 1S95
M. Babes a présenté récemment une réclamation de
priorité au sujet de la première constatation de la
transmission des propriétés immunisantes par le sang
des animaux immunisés. MM. Richet et Héricourt
font observer que, dès 1888, ils ont vacciné des lapins
avec du sérum sanguin de chiens qui avaient été préa-
lablement inoculés et que, par conséquent, la réclama-
tion de M. Babes n'est pas fondée. — M, P. Berger
présente un rapport sur une observation communiquée
par le Dr C. Monod et relative à un anévrisme de la
sous-clavière (3° portion), guéri par la ligature simul-
tanée de Ja sous-clavière, immédiatement au-dessus de
la clavicule et de la carotide primaire, C’est un nou-
veau succès à ajouter au revirement d'opinion qui s’est
opéré, dans ces derniers temps, en faveur de la mé-
thode de Brasdor dans le traitement des anévrismes
des gros troncs artériels siégeant à la base du cou, —
M. H. de Brun (de Beyrouth) fait une communication
sur le pneumo-paludisme du sommet, sur les symp-
tômes, la marche, le diagnostic et le traitement de
cette maladie, — M. le D' Pozzi lit un mémoire sur
un cas d’épispadias traité par la méthode de Thiersch.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séunce du 19 Janvier 1895.
M.- Guépin, se basant sur de nombreux faits cli-
niques, conclut que l’hypersécrétion prostatique avec
spasme de l’urèthre est accompagnée de stagnation ou
rétention des produits sécrétés dans les glandes et
qu'il faut tout d’abord chercher et combattre le spasme
uréthral, — M. Gley a cherché les plus petites doses
d'ouabaïine capables d'arrêter le cœur :elles n’atteignent
pas un centième de milligramme. — M. Lapicque a
dosé le fer dans le foie et la rate d’un fœtus à terme,
mort accidentellement. La quantité était faible et s'é-
cartait des chiffres observés chez les jeunes animaux.
— M. Marinesco présente une observalion de polyurie
essentielle chez deux frères. — M. Colombo a constaté,
dans des recherches faites sur des chiens, que le mas-
sage, appliqué localement sur la région correspondant
au siège de diverses glandes, active la fonction des
épithéliumns sécréteurs et augmente la quantité totale
des sécrétions. — M. Legrain a constaté que des injec-
tions sous-culanées de sérum des convalescents du
typhus, pratiquées sur des malades atteints de cette
affection, paraissent devoir apporter une amélioration
notable dans les cas graves. — M. Lion rapporte une
observation de transformation de la lymphadénie en
tumeurs disséminées dans les organes.
Séance du 26 Janvier 1895.
.MM. Wurtz et Hudelot ont trouvé que, pendant la
vie, sous des influences diverses, mais déterminant
138
toutes de la congestion intestinale (intoxication alcoo-
lique aiguë), les microbes de l'intestin pénètrent dans
le péritoine et dans le sans de la veine porte. —
MM. Hanot et Meunier ont observé que la cirrhose
hypertrophique avec ictère chronique s'accompagne
d'une leucocytose, laquelle constitue un nouvel argu-
ment en faveur de sa nature infectieuse et un nouveau
caractère qui la différencie des cirrhoses alcooliques.
— M. Ausset (de Limoges) donne des indications sur
la technique d’un examen bactériologique rapide des
eaux, — Claude Bernard a montré que la section de la
moelle provoque une diminution de la quantité de
glycogène contenue dans le foie. M. Kaufmann à
trouvé que le glycogène ainsi disparu se retrouvait
presque complètement dans les muscles du train pos-
térieur. — M. Trouessart présente ses recherches sur
la reproduction des chauves-souris et sur l’état des
organes génitaux pendant l'hivernage, — M. Lapicque,
ayant cherché à doser le fer dans l'urine, n’en à jamais
trouvé que des traces impondérables.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 18 Janvier 1895.
Dans la dernière séance, M. Pellat rappelait que la
formule de Fresnel, relative à l'entrainement de l’éther,
n’a pas encore été démontrée dans le cas où la direc-
tion du déplacement de la matière ne coïncide plus
avec la direction de propagation de la lumière, Dans le
cas où ces deux directions sont les mêmes, une pre-
mière démonstration a été donnée par M, Potier; mais
elle n’est pas générale. Depuis !, M. Foussereau en a
publié une nouvelle, applicable à un ébranlement
quelconque, et tout à fait générale, M. Foussereau
montre que sa démonstration s'étend au cas où la
direction de propagation ne coïncide plus avec celle du
mouvement d'entrainement, et il précise les conditions
nouvelles de la propagation. L'ébranlement primitif se
ropage comme s'il avait pour origine un point d'un
milieu fictif animé par rapport à l’éther libre d’un
mouvement de translation uniforme de vitesse déter-
minée et dirigée dans le même sens que la matière.
Une onde plane se déplace en restant parallèle à elle-
même, mais la direction des rayons lumineux dans
l’éther libre n’est pas normale au plan de l'onde. La
vitesse de propagation de la lumière par rapport à
l'éther libre s'obtient en composant géométriquement
la vitesse de propagation de la lumière dans le cas du
repos avec la vitesse du milieu fictif, Puis la vitesse
relative, par rapport au milieu en mouvement, par
suite par rapport à l'observateur, est la résultante géo-
métrique de la vitesse dans le cas du repos et d’une
vitesse dirigée en sens contraire du mouvement de
translation, Lorsqu'on à déterminé ainsi les conditions
de la propagation, il est aisé d'en déduire les consé-
quences relatives à la réflexion et à la réfraction, —
M. Curie expose les recherches de M. de Kowalski sur
la production des rayons cathodiques. L'auteur à
cherché à préciser la manière et les conditions dans
lesquelles ces rayons se produisent. Beaucoup de phy-
siciens en sont arrivés à penser qu'il s'agit là de radia-
tions analogues à celles de la lumière. Ainsi, on admet
généralement que les rayons cathodiques se produi-
sent nécessairement à la cathode elle-même et qu'ils
se propagent ensuite en ligne droite, M. Goldstein à
montré qu'il n’en est pas nécessairement ainsi. Il
prend un tube de Geissler séparé en deux par une
paroi en forme d’entonnoir, la cathode étant du côté
de la partie évasée de l’entonnoir; il voit, en outre de
ceux de la cathode, des rayons cathodiques s'épanouir
à la sortie de l’entonnoir. Ces rayons ne se produiraient
donc pas nécessairement à l'électrode elle-même,
M. de Kowalski à cherché à élucider cette question. Il
emploie un ensemble formé de deux tubes larges reliés
par un tube capillaire. L'appareil a la forme d’un H.
1 Journal de Physique, 3° série, t. I, p. 144.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
Avec un vide convenable, on voit des rayons catho
ques dans tout l’intérieur et aussi dans le tube capils
laire, ce qui est en contradiction avec la propagatio
rectiligne. L'auteur pense que les rayons cathodiqu
prennent naissance partout où apparaît la lueur, qu'il
appelle primaire, produite par le courant lui-même,
pense donc qu'il faut une certaine densité du courants
mais la présence d’électrodes métalliques n’est pas
nécessaire, En effet, il a pu faire naître encore ces
rayons daus un tube sans électrodes. Ce tube, large aux
deux bouts, présente au milieu une partie resserrée
Parallèlement au tube et à peu de distance est dispo
un excilateur dans lequel on fait passer des courants
de Tesla. En définitive, ces rayons se produisent par=
tout où le courant a une densité suffisante, Ils sont
dirigés tangentiellement au flux de courant, mais em
sens contraire, dans le sens du pôle négatif au positifs
etil n'y a émission de rayons cathodiques que dans
cette direction contraire. Le fait est très visible quand
on intervertit les pôles. M. Curie présente l'expérience
relative au tube en H, Il a fait construire un tube sem
blable à celui de M. de Kowalski, et a fait ménager,
de plus, deux renflements dans la région des gro
tubes qui se trouve en regard du tube transversal, Le
faisceau des rayons est dirigé normalement aux gros
tubes, et détermine sur la paroi en regard une vive
fluorescence. De plus, il montre avec quelle facilité les
rayons sont déviés par aimant, et réalise des dévia-
tions qui atteignent 90°. — Personnellement, M. Curie
a cherché si ses rayons ne sont pas effectivement des
rayons lumineux de petite longueur d'onde. Pour cela,
il a cherché si la lumière ultra-violette n’est pas déviée
par un aimant. Bien qu'il ait opéré avec un aimant
très puissant, et qu’il se soit adressé successivement»
aux ondes planes et aux faisceaux convergents et qu'il
ait fait porter ses recherches sur différents milieux,
l'air, le sulfure de carbone chargé de soufre, etc.…, les
résultat a toujours été négatif. Bien qu'un résultat
négatif puisse toujours être attribué à un défaut de
sensibilité, cependant d’autres considérations font
qu'il! n’est guère possible d’assimiler ces rayons à des:
rayons lumineux. Par exemple, on ne comprendrait
pas que ces rayons ne présentent pas de double réfrac-"
tion. — M. Guillaume signale à ce propos que M. J.-J.
Thomson a mesuré leur vitesse. Il a trouvé 200 kil. par
seconde, ce qui serait incompatible avec une vitesse de
radiations. Mais cette mesure prête à des critiques
sérieuses, car la durée d’où on déduit la vitesse est
d'un demi-millionième de seconde. E. HAUDIÉ.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 14 Décembre 189%.
M. Combes a appliqué à la détermination du poids
moléculaire du glucinium, le procédé qui lui a déjà
permis de confirmer la trivalence de Paluminium, Il à
préparé l’acétylacétonate de glucinium en traitant une
solution aqueuse d'acétylacétone par l’acélate de glu-
cinium. Le corps obtenu fond à 108°, bout très bien,.
sans trace de décomposition, à 270°, Très soluble dans
l'alcool, il eristallise dans le système orthorhombique.
La densité de vapeur conduit à lui attribuer la formule M
(C#H702) GI. L'auteur, en effet, a trouvé comme résul-
tats expérimentaux 7,26 et 7,12. Le chiffre théorique
est 7,16. La formule à appliquer si le glucinium était
trivalent conduirait à la densité 10,75. Donc le poids
atomique du glucinium est 9, la glucine doit être for-
mulée GI0, et le glucinium est bien à sa place dans la.
classification de Mendeléelf, — M. Wyrouboff, en pré=.
sence des résultats obtenus avec les silicotungstates,
conclut qu'il y a lieu de voir si l’on doit, pour la déter-.
mination de la valence, faire passer au premier rang
les propriétés et les réactions chimiques, ou les pro-
priétés physiques dont la valeur est déduite de lhypo- |
thèse d'Avosadro, — M. Thomas Mamert a préparé le
dérivé aminé de l’éther acétylacétique et l'aminoiso-
crotonate d’éthyle, ce dernier à l'aide de l’acide chlori-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
139
- socrotonique fondant à 59°. Ces deux corps sont iden-
… tiques. Il en conclut que l'acide isocrotonique répond
_ bien à la formule de M. Wislicenus et non à celle de
“ M. Fitlig. — MM. Bertrand et Mallèvre ont reconnu
“ que la pectase seule ne peut coaguler la pectine, et
à qu’elle ne provoque cette transformation qu'en pré-
“ Sence des sels solubles de calcium, qui l’accompagnent
- dans les végétaux. On peut d’ailleurs remplacer le dé-
- rivé calcique par un sel identique de baryum ou de
4 strontium. Il est douteux que le magnésium puisse
= jouer le même rôle. Le coagulum gélatineux obtenu
» n'est pas, comme on l’admettait, de l’acide pectique,
# -mais un pectate alcalino-terreux. — M. René Drouin
- aobtenu le thymol-glucoside et l’xnaphtol-glucoside par
la méthode de Michaël (réaction de l’acétochlorhydrose
sur les dérivés sodés des phénols). Le thymol-sluco-
side cristallise en paillettes incolores, nacrées, fondant
à 100, L'« naphtol-glucoside est grisàtre, en aiguilles
microscopiques; il s’altère par la chaleur et fond à 1#7°,
Ces deux composés sont solubles dans Palcool froid et
dans l’eau chaude, beaucoup moins dans l’eau froide.
Ils n’agissent pas à froid sur la liqueur de Fehling; trai -
tés par l'acide chlorhydrique étendu ou par l’émulsine,
ils dégagent une odeur très nette de thymol ou de
naphtol et les liqueurs deviennent réductrices, —
M. Friedel présente une note de M. Barthe sur le-do-
sage volumétrique du zinc.
ï
$
Séance du 28 Décembre 189#.
M. Delépine propose pour l’hexaméthylène-tétra-
mine la formule suivante :
Az CH? Az
27 x )H2
< CH ü 3H .
AZ CH? ——————Az
Il a, en effet, cryoscopé ce corps et obtenu des ré-
- sultats qui lui permettent de lui attribuer le poids mo-
… léculaire 140. Les faibles différences constatées sont
dues à une décomposition partielle, On comprend très
bien la décomposition du dérivé nitrosé de Griess d’a-
près la réaction :
7 \cEe
CH )CH
“# Az CH?——A7—A70
# CN 2 2/ :
CH CH CH —
Az CH2————— A; —A70
= A7 =CH2 = 2:
2{ : \ŸCH? 2 Az2+9CH20.
s CH ee ©CH + 2 A7249C
LE
à Il se forme de l’hexaméthylène-tétramine avec mise
en liberté d'azote et d'aldéhyde formique. L'hydrogé-
nation, contradictoirement aux faits annoncés, donne
.de la triméthylamine et de l’ammoniaque. La formule
de M. Delépine permet de se rendre parfaitement
comple du mécanisme de cette réaction. — M.Cambier
en son nom et au nom de M. Brochet, attribue à l’hexa-
méthylène-tétramine la formule suivante :
CH°?—A7=CH?
Az—CH?—A7z—CH?
NCH2— A7 CH?
D'après les auteurs, cette formule répond aux prin-
-cipaux dérivés de ce corps. Cette base se transforme en
mono-,di-et triméthylamine et cette réaction, contrai-
rement aux affirmations de MM. Delépine et Trillat,
-aurait lieu par simple dédoublement avec départ d'a-
cide carbonique et non par l’hydrogénation. — M. Vil-
_liers expose nos connaissances sur l’état naissant et
discute les conditions calorifiques des réactions. C’est
sous cet état que les éléments doivent exister dans les
-corps composés, Il est d’ailleurs possible, dans cer-
tains cas, de constater la persistance de cet état et
- d'isoler des produits, relativement instables, il est vrai,
- que l’on peut considérer comme ayant conservé une
certaine quantité d'énergie correspondant à leur trans-
formation. M. Villiers se réserve de revenir sur ces
faits et d'apporter des résultats expérimentaux. —
M. Haller présente une communication de M. Arth sur
les gaz des hauts fournaux. Les eaux de lavage de ces
gaz donnent un résidu salin renfermant °/, :
Tode.. Mere PR RE 1,43
CHOLET ERA ARR RE RE PCR LR 45.9%
POtASSIUNE ASE ER METRE 13.12
CalGQ REP M PR PS RE 2e 4.62
On pourrait récupérer 100 kilogrammes de ces sels
par 100 tonnes de fonte produite, soit 45,869 d'iodure et
24592 de chlorure de potassium. — M. Haller présente
aussi une note de M. Guntz sur les fluorures acides
de potassium et d'argent. Enfin, il communique en
son nom les résultats de l'oxydation du benzylidène-
camphre, On obtieut ainsi de l'acide camphorique. —
M. Ferrand a obtenu par la méthode de M. Friedel
trois sulfophosphures : les thiohypophosphates de zinc
Ph?S6Zn?, jaune, hexagonal; de cadmium : Ph?S@Cd?,
jaune orangé, en lamelles biaxes, et de nickel, Ni*S5Ph?,
noir, hexagonal. On obtient ce dernier en chauffant,
non du nickel, mais du sulfure de nickel, du soufre et
du phosphore. — M. Brochet a obtenu, par l’action
du chlore sur l'alcool isopropylique, l’acétone tétra-
chlorée dissymétrique CH?CI — CO — CCF. Ce produit,
traité par les alcalis, donne du chloroforme et un mé-
lange de mono et de trichloracétone. Cette réaction en
établit la constitution, Avec l'alcool octylique secon-
daire on obtient une pentachloracétone octylique, pro-
bablement de formule : C*H!1, CC—CO—CCH,
Séance du 11 Janvier 1895.
M. Maquenne, collaborateur de la Revue, est nommé
président pour 1895; MM. Béchamp et Sulliot, vice-
présidents pour deux ans. E. CHaroN.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
MM. Wyndham, R. Dunston F.R.S. et Henry Gar-
nett : Sur les principes constituants du Piper ovatum.
Cette plante médicinale de l'Inde, dont les principaux
effets sont de procurer une excessive salivation et une
anesthésie locale temporaire, est constituée par une
résine renfermant une substance appelée par les auteurs
piperovaline, de formule CIGH?21Az202. Les mêmes
auteurs en examinant la pariétaire officinale (anacyclus
pyrelhrum) ont trouvé une substance active analogue.
Ils l'ont appelée pellitorine. Ces deux corps semblent
être des dérivés de la pyridine ; mais ni l’un ni l’autre
ne possèdent de propriétés basiques. — MM. C. T.
Heycoch etF.H. Neville. Les expériences précédentes
des auteurs qui avaient porté sur les points de solidifi-
cation des alliages où le sodium, l'étain, le bismuth, le
cadmium, le thallium, servaient de dissolvants aux mé-
taux, ont été complétées et faites à des températures
supérieures à celles indiquées par les thermomètres à
mercure ; cela en se servant de pyromètres en platine.
Voici les résultats obtenus :
CORPS POINTS DE SOLIDIFICATION
AD OR ES CONTE 419
AMNIMOIRE de 20e ire 62€
Marnés UM ec 633
AT ON RER EP E rae 653
ADDED Se Resa 957
Cuivre: FE Prons 1081
Carbonate de sodium........ 848
Sulfate de sodium........... 883
Sulfate de potassium........ 1066
M. Walter H. Ince discute les procédés de prépara-
tion de l'acide adipique et décrit l'acide monobro-
madipique qui a pour formule :
CH2—CHBrCOOH
|
CH?—CH2—COOH
obtenu en chauffant? moléc.de brome et 1 moléc. d'acide
adipique en tube scellé à 160°. Chauffé avec la potasse
140
il donne l'acide hydroxyadipique : C*H*OH(CLOHR. —
M. H. Veley F. R.S. : Action de l'acide chlornydeique
sur les oxydes de calcium, baryum et magnésium. —
M. Holland Crompton établit que la chaleur latente
de fusion pour l'unité de poids d’un métal, multipliée
par le poids atomique de l'élément et divisée par la
température absolue de fusion, donne comme résul-
tante une valeur proportionnelle à la valence du métal.
Dans le cas de corps composés, la chaleur latente de
fusion moléculaire divisée par la température absolue
de fusion est également proportionnelle à la somme
des valences des atomes composant la molécule. Dans ce
cas toutefois on doit tenir compte du mode de liaison
des atomes dans la molécule. — MM. G. G. Henderson et
A.R. Ewing ont pu préparer, en dissolvant l'acide arsé-
nieux dans des solutions chaudes de tartrates acides
alealins, les sels suivants : les tartrarsénites de sodium :
CHiO6ASONa+-22H20 :; d'ammonium, de potassium, de
baryum : (C*H‘05AsO)?Ba+H20, de strontium et de cal-
cium. Ces sels dérivent probablement de l'acide tar-
trarsénieux : C‘IH'OSASOH non isolé qui doit être un
dérivé de l'acide arsénieux de formule :
CiH405
S
SOH
ou un dérivé éthéré de l'acide tartrique qui aurait pour
formule : COO—CHO(AsO)CHOH—COOH., — MM. Pat-
tison Muir et Edwin M. Eagles Note sur les
réactions de l'hydrogène sulfuré et des composés halo-
gènes du bismuth: le chlorure de bismuth et l'hydrogène
sulfuré produisent un thiochlorure de bismuth : BiSCI ;
le bromure de bismuth réagit de même, mais non
l'iodure. Ces composés (BiSCL et BiSBr) peuvent aussi
être obtenus en faisant passer un courant de chlore ou
de brome sur du sulfure de bismuth. Le thioiodure est
obtenu par l'action à haute température du sulfure de
bismuth sur l’iodure de bismuth.
SOCIÉTÉ ROYALE D'ÉDIMBOURG
Séance du 17 Décembre 189%.
M. Patrick Murray annonce la mort de M. Donald
Beilth. — M. H.B. Guppy rend compte de ses recher-
ches sur la germination des plantes daus les étangs et
les rivières. {l discute et établit les effets exercés par
l’action de la température et de la lumière, — M. J. C.
Beattie : Note sur l'annulation des effets de Hall dans
certains échantillons de bismuth. — M. G Romanës :
Note sur les avantages de la représentation graphique.
A
Séance du T Janvier 1895.
M. W. Peddie fait une communication sur un cas
d’extinctions du bleu et jaune et sur ses rapports avec
les théories de la lumière dichromatique. Il fait d’abord
l'historique de la théorie de Young et Helmholtz. —
1. Young, dans sa théorie sur l'extinction des couleurs,
admet l'hypothèse du manque de sensation, cette hypo-
thèse lui semblant plus simple que toute autre. Mais il
a soin de dire que l’on devra rejeter cette théorie si plus
tard on la trouve en désaccord avec les faits expérimen-
taux. — 2. Helmholtz ajoute ses vues à cette hypothèse en
étudiant la nature du mécanisme et, en adoptant impli-
citement les réserves de Young, il établit que, dans le cas
où ses idées seraient fausses, elles ne peuvent en rien
affecter la théorie de Young. — 3. Se basant sur les faits
antérieurs, E. Rose montra le premier la justesse des
observations de Helmholtz qui indiquait aussi la voie
dans laquelle on pouvait modifier les données théori-
ques. — #, Plus tard, les élèves de Helmholtz, Künig et
Dieterici, reprenant ces études, prouvèrent qu'il était
absolument nécessaire d'abandonner l’idée du manque
d'une sensation fondamentale. — 5, Künig trouva pour
différentes parties du spectre l'erreur moyenne de lon-
eueur d'onde qui peut être faite par l'addition de lu-
mière en quantités égales et provenant de parties voi-
sines du spectre, — 6, Helmholtz denna l'expression
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
——_—_—_—_—_————
des termes de ce principe fondamental en raison du-
quel la sensation totale varie avec la longueur d'onde.
IL établit alors trois équations exprimant les trois sen-
sations fondamentales avec les termes choisis (arbi-
trairement jusque-là) par Künig et Dieterici. Les der-
niers termes étaient connus par les expériences de ces
deux savants ; et il restait à trouver les coefficients in-
connus qui serviraient à établir les principes fonda-
mentaux de la longueur d'onde. Une hypothèse alors
facile à établir est celle-ci : l'erreur moyenne de la
longueur d’onde qui peut être faite en ajoutant deux
bandes très étroites provenant chacune de deux spec-
tres semblables, correspondent, pour une égalité appa-
rente, à une différence constante dans la sensation
totale, Helmholtz fit cette hypothèse dans le but de
déterminer les coefficients inconnus en se servant des
observations de Künig sur l'erreur moyenne. La pre-
mière justification de cette hypothèse, fut la démons-
tration de la concordance marquée entre les erreurs
moyennes trouvées par Kônig et les erreurs moyennes
calculées d’après l'hypothèse sur la différence cons-
tante de sensation. Ainsi donc les nouveaux principes
fondamentaux, donnés d'abord par Helmholtz comme
provisoires, peuvent être regardés comme vérifiés par
l'expérience et sans l’aide d’autre hypothèse que l'hy-
pothèse première des trois sensations fondamentales.
Toute cette étude est un bel exemple de circonspection
dans le développement scientifique d’une théorie. —
Dans le violet ou le jaune bleu, à l'extinction, ces deux
couleurs du spectre sont rouges et bleu gris, et le
spectre est diminué vers la zone bleue qui présente
une limite bien tranchée voisine de la ligne G. Une telle
extinction est rare. Le cas cité ici présente cette par-
ticularité de ne pas présenter de diminution du spectre
dans une autre ligne, Lesraies s'étendent entre la ligne «
vers la limite rouge et la ligne H vers la limite du
violet. Le point neutre est près de la ligne D sur la
partie la plus réfrangible, Le maximum d'intensité de
la couleur rouge se trouve en un point près de G sur la
partie la moins réfrangible, et le maximum d'inten-
sité de la couleur verte est situé sur un point à peu
près égale ment distant de B et de F, mais plutôt plus
près de F. Ce phénomène ne paraît pas facilement
explicable si l’on se sert de la théorie de Hering,
tandis qu'on peut s’en rendre bien compte en lui ap-
pliquant la théorie de Ycung et Helmholtz. — D' Noël
Paton : Maladie résultant de l'usage du corps thyroïde
comme nourriture. — Dr Richard Berry fait une
communication sur l'anatomie de l'appendice vermi-
forme et du eæcum. — M. le P° Tait rend compte de
ses études sur l’état final résultant du choc des molé-
cules. W. PEDDIE.
ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE
L'Académie a récemment reçu : :
Jo SCIENGES PHYSIQUES. — M. P. Czermak, de Graz :
Répartition de la température dans un fil fin parcouru
par un courant constant, — MM. Boltzmann el G. H.
Bryan donnent la deseription d'un phénomène méca-
nique présentant, l’analogie la plus complète avec l'é-
quilibre de température qui se produit entre deux corps
en contact, — M. Th. Fuchs : Sur la nature et la pro-
duction de la stylolithe, — M. Skraup : Aflinité de
quelques bases en solution-alcoolique. — M. Ratz :
Sur la einchotenine. — M Heinrich Gintl a constaté
que l'éthylglycolate de calcium se comporte à la distil-
lation sèche comme lacétate et fournit l’éther diéthy-
lique de la diacétone C2H50 — CH? — CO — CHÈ—C?H0.
__ M. Berthold Jeiteles a pu obtenir un nitrile et un
acide carboxylique en partant de l’isoquinoline.
20 SGIENCES NATURELLES. — M, Auton Fritsch présente
son ouvrage sur la Faune des charbons et des calcaires
de la Bohème, — M. Julius Pohl : Sur l'étendue et la
nature des transformations subies par l'OEnothera La-
marckiana, — M. Carl Attems : Les Myriapodes.
Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER.
|
N° 4
28 FÉVRIER 1895
| REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
L'ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION
EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
Le remarquable essor pris en ces dernières an-
nées par la viticulture en Algérie et en Tunisie
constitue un phénomène économique d’une grande
importance. Du 1* janvier 1879 au 31 décem-
_ bre 189%, l'étendue du vignoble algérien a
passé de 20.000 hectares à 114.887, soit une aug-
mentation d'environ 95.000 hectares en seize ans!.
Celle énorme extension coïncide avec la destruc-
tion d'une partie du vignoble francais par le phyl-
loxera.
Pendant cette période, les capitaux et les colons,
atlirés par les bénéfices réalisés par les premiers
viliculteurs, ont afflué dans la colonie. La culture
de la vigne a donc donné une impulsion énorme à
la colonisalion en la faisant sortir du marasme
dans lequel elle végétait. Le débouché du vin à un
prix très rémunérateur était assuré et les colons
pouvaient gagner beaucoup d'argent.
Aujourd’hui, les conditions économiques se sont
modifiées : les vignes de la Métropole sont en
grande partie reconstituées, et la produclion tend
à remonter vers le chiffre qu’elle atteignait avant
l'invasion phylloxérique. Il en est résulté une
baisse de prix considérable pour les vins.
La crise viticole qui a sévi l’année dernière,
aussi bien en France qu’en Algérie, par suite de
l'abondance de la récolte du vinet du cidre et de
————————
- ! La superficie du vignoble tunisien est seulement de
1.188 hectares.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
la mévente qui en est résultée, est venue montrer
le danger de la situation.
I ne faut cependant pas trop s'alarmer, parce
que le rôle du vignoble algérien, réduit à celui d'ap-
point du vignoble de France, est encore assez im-
portant pour que l’écoulement de ses produits soit
assuré. Nous pouvons facilementsoutenir la concur-
rence, parce que nous sommes placés dans de bien
meilleures condilions que beaucoup de vignobles
de France, où les gelées précoces, la pluie, la grêle,
détruisent souvent une partie de la récolte et où
l’on est encore souvent obligé de vendanger les
raisins imparfaitement mûrs par suite du manque
de chaleur. Les vignobles voisins de ladimite sep-
tentrionale de la culture de la vigne disparai-
tront au profit des pays mieux favorisés par le
climat.
D'autre part, nous pouvons produire les vins
alcooliques, corsés et riches en couleur que le com-
merce va actuellement chercher en Espagne, en
Italie, en Hongrie ou ailleurs.
Enfin, il faut avouer que l'Algérie et la Tunisie
ont jusqu’à cette heure produit beaucoup de mau-
vais vins ; que le commerce a pris l'habitude de
vendre les bons vins d'Algérie avec l'étiquette de
vins de Bordeaux et de Bourgogne, réservant la
dénomination de vins d'Algérie aux produits infé-
rieurs de toutes les provenances. Ces diverses cau-
ses ont contribué à déprécier nos vins et à en avilir
les cours.
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
La première de ces causes n’existe plus : nous
sommes en mesure, comme nous le verrons plus
loin, de produire régulièrement des vins parfaite-
ment réussis ; quant à la seconde, elle disparaitra
par voie de conséquence.
En résumé, nous constatons, d'une part, un en-
combrement progressif du marché par les vins
des vignobles reconstitués ; d'autre part, une amé-
lioration sérieuse dans la qualité des vins algériens
et tunisiens.
Cette tendance marquée à obtenir des vins de
bonne qualité répond donc bien aux conditions
économiques. C’est en produisant des vins solides
et bien constitués que les colons pourront soute-
nir avantageusement la lutte, et non seulement
conserver la place acquise, mais encore se créer
de nouveaux débouchés.
Dans les conditions économiques actuelles, la
culture des céréales ne peut être rémunératrice
qu'à la condition de bien cultiver le sol et d’em-
ployer les engrais. La production du bétail exige
la culture de plantes fourragères variées.
Sans doute, il serait désirable de voir la produc-
tion des céréales et celle de la viande prendre une
place plus importante dans l’agriculture de la co-
lonie ; mais on peut se demander si les bénéfices
que peuvent procurer ces deux spéculations sont
bien en rapport avec l'effort à faire.
Il ne faut pas oublier que, si les colons sont arri-
vés à faire de la vigne la culture principale, — on
a dit improprement « monoculture » puisque,
concurremment avec la vigne, on a toujours fait
des céréales, du bétail et des cultures arbustives
dans une proportion plus ou moins grande, — c'est
qu'ils y trouvaient leur avantage.
Eh bien, malgré la baisse des prix du vin, € ’est
encore la vigne qui donne les bénéfices ES plus
élevés, et tout fait prévoir qu'il en sera encore ainsi
pendant longtemps, si les colons continuent avec
constance et ténacité à poursuivre l'amélioration
de la qualité de leurs produits, dont la quantité
s'élève aujourd'hui à environ 4 millions d’hecto-
litres. — Ces préliminaires étant posés, nous allons
aborder la vinification en Algérie el en Tunisie.
Il
La vigne se trouve en Algérie et en Tunisie (carte de
la page 144) dans les conditions les plus favorables :
la végélationestexubérante, lesraisinssuperbes, et,
quant aux rendements, ils sont très salisfaisants.
Grâce à la quantité de chaleur et de lumière dont
le soleil nous gratifie, à la rareté des pluies, les
raisins peuvent toujours acquérir une maturité
parfaite. Le siroco seul vient parfois dessécher
partiellement les raisins, et diminuer la récolte.
Nous sommes donc dans d'excellentes conditions
comme producteurs de raisin eton peut se deman-
der comment, avec de tels éléments, les vins d’Al-
gérie et de Tunisie sont souvent défectueux.
C'est que l'abondance de chaleur, qui est l’élé-
ment essentiel d’une bonne maturité, est aussi un
obstacle pour la vinificalion.
La fermentation est d'abord très active, puis se
ralentit et demeure inachevée par suite d’une tem-
pérature trop élevée ; le vin reste douceâtre, puis
devient acide et se perd. Mais nous verrons dans la
suite de ce travail que rien n’est plus facile que de
vaincre la difficulté inhérente à la température et
de produire régulièrement de bons vins.
La vinification en Algérie et en Tunisie est sur-
tout caractérisée par l'élévation de la température
qui se produit dans les cuves ou foudres pendant
la fermentation. Nous étudierons donc spéciale-
ment les circonstances qui influent sur la marche
de la température et les moyens employés pour la
maintenir dans les limites les plus favorables à
la transformation complète du sucre en alcool.
Vendange. — La récolte des raisins a lieu depuis
le 15 août jusqu'au 15 octobre, suivant les loca-
lités et les cépages. Quand le siroco souffle avec
violence, il est prudent de suspendre la vendange,
si l'on n’est pas organisé pour refroidir les raisins
ou le moût.
C'est seulement à la maturité complète que le
grain atteint tout son développement et le maxi-
mum de sa richesse en sucre. Cest aussi le
moment où le bouquet est le plus développé et où
la coloration est la plus intense dans les cépages
rouges.
C'est donc à la maturité parfaite qu'il faut ven-
danger; mais il ne faut pas attendre plus tard,
parce que, lorsque les acides ont disparu, l’oxyda-
tion se porte sur la glucose.
La courbe ci-jointe (fig. 1), qui est la représenta-
tion graphique des résultats que nous avons
obtenus dans nos recherches sur la maturité,
montre l’accumulalion progressive du sucre dans
le grain de raisin.
Le procédé le plus habituellement employé par
les viticulteurs pour se rendre compte du degré
d'avancement de la maturité consiste dans la
délermination de la densité du jus à l’aide du
mustimètre.
Pour se servir de cet instrument, il suffit d'écra-
ser un certain nombre de grappes représentant,
autant que possible, l’élat moyen de développe-
ment, de filtrer le jus au travers d’un linge el d'y
plonger successivement le mustimètre et un ther-
momètre. Avec ces indications, les tables qui
accompagnent chaque instrument permettent de
trouver immédiatement la richesse du moût en
PR LT
ARS OF
= tnurtbarr HUE Mr EE it
lu nS | SAN
sucre et le degré alcoolique du vin qu’on obtiendra.
On peut vendanger quand le mustimètre reste
_ stationnaire.
La maturité est généralement indiquée par la
lignification plus ou moins complète du pédoncule
et sa coloration brune; les grains se détachent
facilement, sont savoureux et possèdent un goût
bien sucré.
Pratiquement, la vendange se compose de la
plus grande parlie des raisins arrivés à la matu-
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
143
rieur, diminue la perte de chaleur et permet d'at-
teindre plus vite le maximum de température. La
fermentation s'arrête un peu plus tôt, voilà toute
la différence,
Ce que l'on doit chercher avant tout, c'est un
bâtiment simple, solide et disposé de telle façon
que les manipulations puissent être exécutées le
plus économiquement possible et avec la main-
d'œuvre minimum. Il faut de larges ouvertures
pour élablir une bonne ventilation quand le besoin
rité parfaite, mélangés avec une certaine quantité
d’autres qui ne sont pas arrivés à cet état, et
d’autres qui l'ont dépassé.
Les raisins, placés dans des corbeilles, des
banastes, des comportes ou des bennes, sont
transportés au cellier sur une charrette attelée de
chevaux ou de bœufs.
Cellier. — Il faut des locaux simples et de gran-
deur proportionnée à l'importance du vignoble. Il
est tout à fait inutile de faire des murs d’une
_ grande épaisseur, d’enterrer le bâtiment sur une
ou plusieurs faces et de le munir de doubles portes
pour éviter l’action des rayons du soleil, puisque
la source de chaleur est à l’intérieur.
Les variations de la température du cellier sont
sans effet sensible sur la température des cuvées,
ainsi que nous l’avons maintes fois observé. Cela
tient à ce que la production de chaleur dans l’inté-
-rieur de la cuve est rapide et que sa déperdition
à travers les parois est très lente. Il suffit de com-
parer les graphiques de la fig. 5 (page 149) pour s’en
rendre compte. Le siroco, en échauffant l'air exté-
= EE
26) RS
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°# 5 _ os -
Fig. 4. — Courbe de la richesse saccharine du jus. Echelle : 5 divisions horizontales correspondent à 1 gr. °/, de sucre.
C4 J |
s’en fait sentir. En résumé, il faut éviter les dé-
penses inuliles, mais ne rien négliger au point de
vue de la commodité des diverses opérations que
nécessite la vinification.
Dans les grands vignobles, les instruments
nécessaires aux différentes manipulations (monte-
charges, fouloirs, pompes, pressoirs, etc.) sont ac-
lionnés par la vapeur ou l'électricité. La figure 2
(page 145) représente la pompe rotative mue par
l'électricité qu'emploient MM. Baudoin et Pech, au
domaine d’Abziza, pour le remontage du moût. Il
suffit d’accrocher le conducteur au càble principal
pour mettre l'appareil en mouvement. Si l’on veut
refroidir le moût en même temps qu'on le brasse
e tl’aère, on intercale un réfrigérant dans le circuit
Cuves et foudres. —-: Les cuves et les foudres sont
en bois; les cuves sont tronconiques, ouvertes ou
fermées. Les cuves se font aussi en fer et ciment,
avec ou sans revêtement de carreaux de verre;
elles sont à section elliptique ou cylindrique.
Si les cuves en fer et ciment, ainsi que les an-
ciennes cuves en maçonnerie à parois épaisses.
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Régions vilicoles de l'Algérie.
Chemins de fer. — —+—+— Càble télégraphique. — ---- Ligne de navigation. — Ouadis ou rivières temporaires. —
+—+—+ Limites des provinces. — £
© Centres des principales régions viticoles de l'Algérie.
L J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
conviennent pour la fermentation et pour la con-
servation des vins faits, elles ne conviennent pas
du tout pour loger le vin pendant le temps qui
s'écoule depuis le décuvage jusqu'au commen-
dépouiller et perdre
sa verdeur. Il en est
ainsi pour les im-
mensesfoudres qu’on
145
successivement se refroidir au contact des parois
de la cuve, il faut brasser la masse, les courants
qui s’établissent à l’intérieur étant insuffisants à
produire ce résultat. Le remontage à la cuve
(fig. 2), en établissant une circulation du moût,
= permet de réaliser
en partie ce deside
ratum. Du reste, pour
que la surface évapo-
rante de lacuve fonc-
rencontre parfois:
l'air qui filtre d’une
manière conlinue à
travers les douelles
tionne dans de bon-
nes conditions, il faut
de l'air sec en mou-
vement, circonstance
est en trop faible
quantité par rapport
à la masse du liquide
qu'ils renferment.
Les récipients en
qui ne se rencontre
pas toujours.
Pour le moment,
et en attendant que
bois etencimentavec
treillis en fil d’acier
répondent donc à des
besoins différents et
doivent êlre em-
ployés concurrem-
des expériences pré-
cises nous aient ren-
seignés à ce sujet, il
vaut mieux s’en tenir
au refroidissement
par l’eau #.
Quelle que soit la
ment. Ce qu'il faut
nature des vaisseaux
éviter pour les fou-
dres ou les cuves en
employés pour la fer-
mentation, il est né-
bois, c’estdeleur don-
ner de trop grandes
dimensions. Leur ca-
pacité ne devrait
guère dépasser une
centaine d'hectoli-
tres.
L'année dernière,
M. Toutée, viticulteur
en Tunisie, a préco-
nisé l’emploi des cu-
ves en tôle émuaillée
et recouvertes d’une
toile qu’on maintient
humide. Au point de
vue de la maturité du
vin, elles présentent
les mêmes inconvé-
nients que les cuves une dynano.
en fer et ciment ou en maçonnerie, mais elles
ont l’avartage de permettre le refroidissement de
la vendange, gräce à la conductibilité de leurs
parois.
Théoriquement, leur emploi semble préférable
à celui des réfrigérants, que nous étudierons plus
loin, parce que, dans la cuve Toutée, le calorique
disparait au fur et à mesure de sa production.
Mais, pour que toutes les parties du vin viennent
Fig. 2. — Pompe rotative employée pour le’ remontage du moût. —
La pompe est montée sur un chariot qui parcourt le cellier et qu'on
arrête successivement devant chaque foudre. Un ouvrier, ouvrant le
robinet inférieur du foudre, provoque l’écoulement du jus dans un
récipient extérieur; la pompe, puisant le jus dans ce récipient, le
remonte dans la cuve.— La pompe est commandée sur le chariot par
cessaire de les munir
d'un dispositif per-
mettantde maintenir
le chapeau immergé.
Cette immersion
s'obtient avec une
claie ou avec un fi-
let.
Lorsque la matu-
rité des cépages n’est
pas trop inégale, il
est bon de les mélan-
ger dans la cuve. Il
serait intéressant de
connaitre les raisins
qui doivent être as-
sociés ensemble et
dans quelle propor-
lion.
Dans les grands vignobles, pour ne pas entrave”
les travaux, on fait cuver les raisins à part et on
mélange les vins le plus tôt possible, au décuvage
si l'on peut, ou, tout au moins, dès que la vinifi-
calion est terminée.
EE —
1 L'observation faite par M. Rcos, au cours d'une mission
en Algérie, nous apprend seulement qu'avec des températures
initiales ayant un écart de 4°,5, la différence entre les maxima
a été de 9°,5, soit un abaissement de température de 5 degrés.
146
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
Il
Égrappage. — Dans certains celliers, on procède
à l’égrappage. Dans d’autres cas, on introduit la
vendange telle quelle dans la cuve.
Les partisans du fout à la cuvedisent que la grappe
apporte du tanin, des acides (bitartrate et acide
malique), qu'elle divise la masse et favorise ainsi
la fermentation. Ceux qui prônent l’égrappage
prétendent que la rafle introduit dans le vin des
matières albuminoïdes qui contribuent plus tard à
son altération, qu'il n’est rien moins certain qu’elle
apporte des acides, que la quantité de tanin
qu’elle peut céder au vin est minime et qu'enfin
elle absorbe une partie de l'alcool, de la couleur
et de l'acidité si la macération est prolon-
gée.
Deux éléments sont surlout à prendre en consi-
dération pour élucider cette question : la nature
du cépage et le degré de maturité de la raîfle.
Si la rafle est encore verte, elle contient une no-
table quantité de crème de tartre et peut contri-
buer à corriger le manque d’acidité du moût.
Lorsque la rafle est devenue brune, sa composition
est différente : elle contient moins de tanin, des
traces d’acidité, et son addition à la cuvée a moins
d'influence. Done, si la rafle est très verte, il faut la
rejeter; si sa proportion est élevée, il faut au moins
un égrappage partiel. Toutes les fois qu'on laisse
cuver longtemps, il vaut mieux égrapper.
D'un autre côté, bien que la plus grande partie
du tanin soit fournie par les pépins, il n’en est
pas moins vrai que la rafle en contient souvent
assez pour que son appoint ne soit pas inutile.
Quant à avancer que la rafle peut constituer un
milieu astringent, impropre à la fermentation,
c'est une exagération évidente, le moût ne conte-
nant jamais une quantité de principes astringents
capable d'empêcher l’évolution du ferment alcoo-
lique.
Il en est de même en ce qui concerne l'apport
de matières albuminoïdes, qui n’est pas à craindre,
parce qu'elles n'existent qu'en très petite quan-
tité au moment de la vendange.
Ainsi que l'a judicieusement fait observer
M. Bouffard, la perte d’alcool provient de ce que
la rafle contient une certaine proportion d'eau
(cette proportion peut varier de 35,5 à 81,3 ?/,,
d’après nos expériences) qui se met en équilibre
de composition avec le liquide qui la baigne et
devient du vin. Or, comme la rafle représente en
moyenne 3 à 4°/, du poids de la vendange — (d’a-
près nos recherches, cetle proportion peut varier
entre 1,7 et8,5 °/,),— on voit que la perte peut être
sensible et s'élever, dans les conditions favorables,
à près de !/, degré. Il en est de même pour les
autres éléments du vin: acidilé, couleur, etc. Il
faut remarquer que ces éléments ne sont pas per-
dus : nous les retrouverons sous forme de piquette
en épuisant les marcs par des lavages métho-
diques.
C’est bien à tort que M. Dessoliers cite une expé-
rience de cuvage où l'acidité a été en diminuant,
pour montrer que la rafle absorbe l’acidité du vin.
Il y a des causes d’enrichissement et de perte indé-
pendantes de la présence de la rafle, causes qu'il
est utile de signaler ici. L'analyse ne révèle que la
résultante de ces causes qui agissent en sens
inverse, résullante qui se traduit tantôt par une
augmentation, tantôt par une diminution de l’aci-
dité totale.
Supposons un moût contenant 25 ‘/, de sucre,
ce qui n'est pas rare en Algérie. Nous savons,
d'après M. Pasteur, que 100 grammes de sucre de
raisin donnent en fermentant 05,6 d'acide succi-
nique, soit O gr. 15 °/, pour le cas qui nous oc-
cupe. Cet acide succinique correspond à une aci-
dité totale de 1 gr. 90 par litre, évaluée en acide
tartrique. Il y a, en outre, la dissolution des prin-
cipes lanniques et la formation d’une petite quan-
tité d'acides volatils pendant la fermentation.
Voilà pour le gain.
D'autre part, la faible solubilité du bitartrate de
potasse dans l’eau alcoolisée est une cause de
TABLEAU I — Crème de Tartre
; Solubilité dans l'alcool
TEMPÉRATURE
à 10 ©, à 15 %
ee | een | on,
15 2.49 115
20 2.85 1.86
25 3.10 2219
30 4.08 2.70
40 2.95 4.00
QD——…"…"…"”-_—_—…—
perte. Le tableau ci-dessus (tableau 1) montre que la
solubilité de la crème de tartre diminue lorsque
la teneur en alcool augmente, et croit avec la tem-
pérature. Il y a bien d’autres causes qui intervien-
nent pour modifier l'acidité. Dans les nombreuses
expériences de vinification que nous avons faites
en Algérie, nous avons toujours constaté une aug-
mentation de l’acidité.
Lorsque les raisins ont subi l'influence du siroco,
la rafle retient non seulement le moût qui la
mouille, mais aussi les nombreux grains partielle-
ment desséchés qui restent adhérents au pédon-
cule. Dans cette circonstance, les rafles peuvent
être utilisées à faire du second vin.
On voit qu'il n’est guère possible actuellement
de fixer des règles précises sur l'influence de
l'égrappage. L'égrappage, comme le mélange des
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
147
———————————"—"—"—"—""— —”—”…"…"”…”—”…”…”…” "—"—…""——_———…—…"…"…"—"—"—————————————————
raisins à la cuve, sont des questions qui demandent
à être étudiées expérimentalement. Dès notre
arrivée en Algérie, nous avions fait planter les
variétés de vignes les plus méritantes pour entre-
prendre l'étude de ces questions; mais, devant
l'indifférence de ceux qui auraient pu nous faci-
liter notre tâche, nous avons dû abandonner ces
études.
résultats peu encourageants; mais cela tient à ce
qu'ils ont été faits, pour la plupart, dans des con-
ditions telles qu'il est impossible d’en tirer le
moindre renseignement précis.
Les industriels qui ont lancé prématurément
cette méthode dans la pratique sont parvenus à
la discréditer. Il faut attendre de connaître mieux
la biologie des diverses levures pour pouvoir les
Fig. 3. — Fouloirs-égrappoirs. — La vendange, venant du vignoble, est élevée, à l'extérieur du cellier, jus-
qu’à la hauteur du deuxième étage. Là elle est, au moyen du tonneau oscillant visible sur la droite de cette
figure, déversée à l’intérieur du bâtiment. Des ouvriers, armés de râteaux, la dirigent dans de grands enton-
noirs, au-dessous desquels se trouvent les cylindres égrappeurs et broyeurs. Ceux-ci séparent la grappe et
laissent tomber la vendange foulée dans les wagonets qui circulent au premier étage du cellier ; ces wago-
nets, passant successivement au-dessus des divers foudres du rez-de-chaussée, y déversent leur contenu.
La figure 3 montre les fouloirs-égrappoirs ins-
tallés au second étage (cellier de MM. Pech et
Baudoïin, à Abziza). Sur le plancher du premier
étage, des wagonets reçoivent la vendange foulée
etla conduisent au-dessus des foudres ou des cuves
à fermentation situés au rez-de-chaussée. Cette
disposition permet d'exécuter très économique-
ment les diverses opérations mécaniques à faire
subir à la vendange.
III
Levures sélectionnées. — Les essais tentés jusqu’à
présent pour opérer la fermentation à l’aide des
levures pures ou sélectionnées, ont donné des :
utiliser avec des avantages sérieux dans la pra-
tique de la vinification.
Il semble toutefois se dégager des expériences
entreprises avec les levures plus ou moins pures
fournies par le commerce qu'elles ont le plus
souvent une action favorable sur l'allure de la
fermentation et la nature des produits obtenus.
En ce qui concerne le bouquet, la nature des
raisins et les caractères qu'ils tiennent des condi-
tions de milieu ont une telle prépondérance que
l'influence de la levure est nulle.
Amélioration du moût. — Nous n'avons pas, comme
en France, à nous préoccuper du défaut de sucre
dans les raisins ; nos vendanges sont plutôt trop
148
r———
sucrées. À cet excès de sucre correspond souvent
un manque d'acidilé, que nous devons essayer de
corriger.
Contrairement à ce qui a été affirmé, l'acidité
décroit constamment avec l’accroissement de la
maturité. Pour s’en convaincre, il suffit d'examiner
la courbe de la figure 4 qui est la représentation
graphique des résultats obtenus dans nos recher-
ches sur la maturation.
Si nous comparons cette courbe à celle du sucre
(fig. 1, page 143), nous voyons qu'elles sont inver-
26,
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
insuffisante lorsqu'elle ne dépasse pas ce chiffre;
les vins obtenus sont plats et manquent de frai-
cheur. Il se peut toutefois que ce défaut n'existe pas
chaque année : cela dépend des conditions météo-
rologiques dans lesquelles s'effectue la maturité.
On à reconnu qu'un certain degré d'acidilé est
+.
nécessaire pour oblenir une coloration vive et
brillante, une prompte clarification du vin, et se.
montre favorable au développement du ferment al-.
2e: +:
2 4 H:
a
- &
S
18
Se
16 x
Ë : Hs :
14 .
1 5 Ë
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2 HS : ss
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= re] = 2 D w Die:
2 3 DE N- Es
2 _ a _
= 5 =
Fig. 4. — Courbe de l'acidité totale du jus (en H?S0i). 5 divisions horizontales correspondent à 1 gramme d'acidité parlitre.
sement proportionnelles.Si la proportion de sucre,
dans une certaine mesure, est fonction de l'inten-
sité de la lumière et de l'élévation de la tempéra-
ture, la désacidification est également favorisée par
ces deux facteurs.
L'acidité totale décroit brusquement à partir
de la véraison, puis de plus en plus lentement.
Si l'acidité persiste longtemps dans les raisins
de certains cépages, elle devient bientôt trop
faible dans d’autres.
Les nombreuses analyses des moûts de Carignan,
de Mourvèdre, d'OEillade, de Clairette et de Chas-
selas, que nous avons faites l’année dernière au
moment de la vendange, nous ont donné une aci-
dité totale voisine de 2,6 °/,, (tirée en SO‘H?). Cette
acidité, évaluée en acide tartrique, représente seu-
lement 4 grammes par litre.
Nous ne savons pas quelle est l'acidité totale
minima nécessaire pour la vinification des diffé-
rents cépages, mais on peut affirmer qu’elle est
(1) Cette courbe fait partie d'un ensemble de recherches
sur la maturation que nous avons faites en collaboration avec
M. Foussat, préparateur à la Station, et que nous publierons
prochainement.
par 100 kilogr. de vendange ou 50 à 100 grammes
ajoutant 200 à 250 grammes de phosphate de chaux
d’acide lartrique. Indépendamment de l’augmen-
tation d’acidité, le phosphate de chaux produit
une défécation analogue à celle du plâtre et aug-
mente la proportion d'acide phosphorique dans le
vin (phosphate de potasse et phosphate de chaux) …
d'environ 0 gr. 8 par litre.
Remarquons que l'acidité totale du moûtne nous
renseigne qu'imparfaitement sur l'influence de
l'acidité sur la fermentation et la qualité du vin
qu'on obtiendra. Il faudrait connaitre la propor-
tion de chacun des corps acides (acide tartrique,
bitartrate, acide malique, etc.) qui entrent dans la
somme acide et comment ils se comportent séparé-
ment. Quelques essais ont élé tentés avec l'acide
malique, mais les résultats obtenus ne sont pas
assez nets pour en parler ici.
On doit, avant d'introduire la vendange ou le
moût dans les foudres, les cuves ou les futailles,
s'assurer qu'ils sont dans un état de propreté ri-
goureux et exempts de germes de maladies. Ce
résullat est obtenu en nettoyant soigneusement
les vases vinaires dès qu'ils sont vides; puis, après
“
+
x
F
|
*
REP PR T L'UNTAIU E Re
4
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
149
ae RU DL SU ie
les avoir séchés, on les mèche. On recommence
le méchage dès que le besoin s'en fait sentir, de ma-
nièreà maintenir une atmosphère d'acide sulfureux,
IV
Fermentation. — Nous arrivons à la transforma-
lion du moûten vin, c'est-à-dire à la fermenta-
tion. La fermentation est un phénomène exother-
SAMEDI 22 Sept. DIMANCHE LUNDI.
MARDI
et, pendant qu’elle dure, la levure utilise une par-
tie de la chaleur pour vaincre l’afinité chimique
des atomes de la molécule de sucre et pour cons-
tituer les principes immédiats dont elle a besoin.
Il y a ensuite l'acide carbonique, qui emprunte
au liquide la chaleur nécessaire à son dégagement.
D'autre part, 5 parties environ du sucre initial
sont employées à d’autres usages que la production
MERCREDI JEUDI VENDREDI
40
Tate se tasneres metals reswMesosnllereswMeresrdleresnetcerMercsrwMete see seswMetcs
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CUVÉE
35
30 RSS:
MPÉRATURE
25
D
UE
Fig. 5.— Courbes des températures pendant la fermentation; série avec moùt non refroidi. — A, Température de la cuvée.
— B, Température du cellier !.
mique : la levure transforme en chaleur et en force
vive l'énergie potentielle accumulée dans le sucre.
Les résultats calorimétriques de M. Berthelot nous
ont appris qu'une molécule de sucre de raisin
(CSH:206) peut (exprimée en grammes) donner, en
brûlant, 713 petites calories. D'autre part, nous sa-
vons que, des deux corps que le sucre fournit, l’un,
- l'alcool, peut encore dégager 642 petites calories en
brûlant. La différence, 71, représente donc la chaleur
d'alcool et d'acide carbonique. En quatrième lieu,
il y a l'échauffement des parois du foudre ou de la
cuve. Il y a également toute la masse des pellicules
et des rafles (environ la moitié du poids du moût)
qui s’échauffe. Il y a, enfin, le refroidissement dû
au rayonnement etau contact de l'air.
Il résulte des expériences que nous poursuivons
depuis deux ans avec des appareils enregistreurs,
que, dans les conditions ordinaires, la tempéra-
TABLEAU II. — (CARIGNAN).
en
22 septembre 6 h. 1/2 soir (mise en
3 =
Alcool ce},
volume
Rapport de
l’Alcool ‘ en
V au Sucre en
poids
Acidité
totale en
SO‘H?
Rotation
Sucre °/o
é tube de 0.22
en glucose
TSSSeSSoe
D Dr Gr Oro Ur CE
bb bi CE 19
1.5
5.5
CHE
929
0.5
0.7
0.8
2:9
hp
mise en liberté dans le dédoublement d'une mo-
lécule de sucre de raisin, ou 180 grammes, en alcool
et en acide carbonique, Avec un moût contenant
18 °/, de sucre, la chaleur spécifique étant 1, l’élé-
valion de la lempérature atteindrait 71°. Si les
raisins, au moment de la cueillette, avaient une tem-
péralure de 29°, la tempéralure de la cuvée serait
portée à 71 + 29— 100"; elle entrerait en ébullition.
C'est là la tempéralure théorique qu’on obtien-
drait si, comme le dit M. Duclaux, « on pouvait
réaliser instantanément la transformation du sucre
sans employer de levure et sans perte de chaleur ».
Ces conditions ne sont pas réalisables dans la
pratique. La transformation n'est pas instantanée,
REVUE GÉN ÉRALE DES SCIENCES, 1805
ture maxima pendant la fermentation ne dépasse
jamais 40 à 45°. Quand la température a atteint 40°,
si les causes de refroidissement sont impuissantes
à faire baisser la température de la cuvée, la
levure reste bientôt inerte et la fermentation s’ar-
rête net.
L'expérience que relate le tableau IT est tout à
fait démonstrative. La température du cellier est
donnée par le diagramme inférieur de la figure 5,
1 Ce diagramme et le tableau qui l'accompagne, ainsi que
ceux qui vont suivre, font partie d’un ensemble de recherches
sur la fermentation que nous publierons plus tard.
2 Une erreur s’est glissée ici, par suite de la non-homo
généité des échantillons.
150
celle de la cuvée par la courbe supérieure. Quant
aux résultats analytiques, ils sont inscrits dans le
tableau IE (page 149).
On le voit, dès le 26, la fermentation est très
lente : elle s'arrête complètement le 27, et ne re-
prend qu'après quele vina été soutiré en trans-
ports de 4 ou 5 hectolitres de capacité. D’autres
cuvées nous ont donné des résultats absolument
semblables.
Lerefroidisse-
ment dans la cu-
MARDI 18 Sept MERCREDI
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
PARUS Re
Ge e recnMei serre rover est es Met este Le + 6 s7X]2 5 6!
Æ :
la figure 6 et les résultats analytiques sont consi- $
gnés dans le tableau HT ci-dessous : 4
Remarquons de suite que la fermentation est ici 4
bien plus active que dans l'expérience précédente,
à cause de la plus faible proportion de sucre. Cette f
activité de la fermentation se traduit par une élé-
valion rapide de la température. Avec les moûts …
très sucrés, la courbe de la température est plus
allongée.
Examinés au …
"SAMEDI :
microscope, les ,
JEUDI VENDREDI
globules de le-
ve n'estniassez ES — SEE |
sensible ni assez EEE = pese vure se montrent «
rapide pour que #2 ===. = vigoureux, tur-,
la levure repren- = RE gescents et très #
ne son aclivilé. réfringents.
C'est un fait qui 5 Dans les moûts
avait déja élé 22% = riches en sucre
remarqué par nt === === 5 ils sont moins
beaucoup de vi- % x gonflés et se ra:
liculleurs. mais Fig. 6. — Courbe de la température de la cuvée non refroidie. tatinent dès que
qui n'avait pas la température
encore été démontré expérimentalement. s'élève notablement. Sous l'influence de l'ac-,
L'élévation de la température dans la cuvée est
done limitée par les exigences de la levure, qui
n'agil plus au delà de 40°.
La température initiale de la vendange étant
comprise entre 20 et 25°, la chaleur sensible qui
reste dans la cuve varie entre 15 et 20°.
Toutes les fois que la richesse du moût en sucre
est telle qu'avecles conditions naturelles de refroi-
TABLEAU III. — (ARAMON).
tion osmotique du liquide, le protoplasma de la M
levure se contracte. 1
Voici maintenant (fig. 7 et tableau IV) les ré-
sullats obtenus avec une cuvée dont le moût a été
passé au réfrigérant. La fermentation s’est effec-
tuée entre 25 el 30°. Nous ne croyons pas nous,
tromper en disant que c'est la première expérience
suivie qui ait été faite pour déterminer l'influence M
| Alcool te), Sre ele Rapport de rs Acidité
DèRES e ç : L&e | l'Alcool®/, en à ; totale en
| en volume | en glucost Lau Sierre tube de 0.22 SOIHE
rm | || eee | See | SSI
18 septembre, 6 h. 1/2 soir (mise en cuve)........ #. » 16.92 » 2 a
DÉSERT NTI ET 14.66 5 xs"
dissement, la température maxima ne dépasse pas
10° avant la transformation totale du sucre, la fer-
mentalion complète du moût est possible.
L'expérience montre qu’en Algérie celte propor-
{ion de sucre ne doit pas s'élever au-dessus de 18
à 20 ©/,. Théoriquement les vins produits de-
vraient contenir 11 à12°/, d'alcoolenviron, mais en
pratique on oblient seulement des vins de 10 à
Aa)
Voici une expérience qui montre bien qu'une
cuvée abandonnée à elle-même peut fermenter
complètement lorsque le moût n’est pas trop sucré.
La c‘zrbe de la température es£ reproduite dans
de la réfrigération du moût sur la fermentation.
Il ressort de la comparaison de ces deux expé-
riences que l'allure de la fermentation est sensi-…
blement la même dans le moût réfrigéré el dans
celui qui ne l'est pas.Ilen est toutautrement quand
on opère sur des moûts très sucrés. è
Nous avons vu que, lorsque la température s'é-4
levait au-dessus de 40°, la levure passait à l'état
de vie latente et ne manifeslait plus son pouvoir de
ferment. Chaque levure possède ainsi une tempé-
rature critique, variable avec la composition du
milieu.
D'un autre côté, nous savons que la chaleur
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
RC
| dégagée croit avec la richesse en sucre du moût,
et, par là même, l’élévation de la température.
Ainsi un moût contenant 24 °/, de sucre peut
… mettre en liberté 941,5 au lieu de 71, soit une
. différence de 23°1,5 par litre.
- Il résulte de ces considérations que c'est la
… Chaleur qui joue le rôle de régulateur ct arrête la
. décomposition du sucre en suspendant l’action de
. la levure ; ce qui revient à dire que, toutes les fois
_ que les moûts sont très
_ sucrés, la fermentation
JEUDI 13 Sept VENDREDI
#0 10X7e + o 8 0}f2 4 e s10ÂI2 + os wMf2+t con: seswlfz2rtesrfste
que °° de cette liqueur sont incomplètement dé-
colorés par 10° de vin, il reste moins de 2 grammes
de sucre par litre, et la fermentation est terminée.
à:
Atténuation des effets de la chaleur. — On est arrivé
à atténuer l’influence de l'élévation de la tempé-
rature de différentes manières, que nous allons
examiner.
Quandla fermentation
SAMEDI : à
devient trainante, le re-
DIMANCHE
reste inachevée. EE == = montage à la cuve per-
Dans la majeure par- ‘ Ë === === mel souvent de ranimer
= — = , RCA d .
lie des cas, les moûts à TOURS De = MISES: l’activité de la levure.
des bons cépages ont , = = = : = Dans d’autres cas, on
— =——: É NS
uue teneur en sucre su- = == = fait barboter, dans le
périeure à 20 °/, en Al-
gérie. La plupart de
ceux que nous avons exa-
minés cette année en
renfermaient 24 à 25 °/,. Cette proportion peut
encore s'élever davantage, comme le montre la
courbe de la figure 1 (page 143). ;
D'autre part, nous savons que, si on rencontre
rarement les organismes étrangers en quantité
notable dans le vin en fermentation régulière ou
bien fini, le vin incomplètement fermenté est rapi-
. dement envahi parles ferments de maladies qui le
rendent bientôt imbuvable.
Fig. 1. — Courbe de la tempér 6e
fermentation. Série avec moût refroidi.
moût en train de fer-
menter, de l’airfinement
divisé. Le premier mode
opératoire a l'avantage,
tout en brassant et aérant la masse, d'abais-
ser de un ou deux degrés la température et
d'éliminer une grande partie de l'acide carbo-
nique. Mais ce procédé a l'inconvénient d'augmen-
ter la perte d'alcool, qui a varié entre 4 et 3
dixièmes de degré dans les essais que nous avons
pu faire. Cela tient à la tension élevée de la vapeur
d'alcool, qui est déjà de 44,5 millimètres à 20°. de
18,5 à 30°, et de 134 à 40°.
ature de la cuvée pendant la
TABLEAU IV. — Refroidissement du moût. — (Perrr-Bousouxr).
Alcoo! |, Sucre 0}, ; = Acidité totale
en volume en glucose Anne er en SO#H?
S lo
| À
AS Septembre! {mise en CUVE. ......:.....:...... eee ce » 18.00 » 3.30
4 Es LOGO CPP RC
Rapport de
On peut donc dire que, dans la vinification, l’es-
sentiel est d'obtenir une fermentation complète;
et, par vin fini, il faut entendre celui qui ne con-
tient pas plus de 2 grammes de sucre par litre,
environ. l
La diminution de la densité, qu’on apprécie avec
le mustimèêtre, permet de constater l'arrêt de la
fermentation ; mais cet instrument ne donne pas
toujours des indications précises sur la quantité
de sucre qui reste. Il vaut mieux avoir recours au
dosage du sucre par la liqueur de Fehling. On se
sert pour cela d’une liqueur dont 5° correspondent
exactement à 05,020 de glucose. Toutes les fois
|
|
|
|
|
|
!
Dans les conditions ordinaires, les pertes d’al-
cool par entrainement ne sont pas importantes,
parce que le dégagement gazeux qui se produit
par l'ouverture du foudre ou de la cuve cesse
d’être abondant lorsque la température est très
élevée.
Dans toutes les cuvées que nous avons pu sui-
vre, le rapport entre l'alcool en volume formé et
le sucre disparu a varié entre 0,55 et 0,58. Le ren-
dement théorique étant 0,61, il n'y a donc pas une
énorme disproportion entre le titre alcoolique des
vins et la richesse saccharine des moûts qui les pro-
duisent. Ces rapports sont du même ordre que ceux
observés en France. L’affaiblissement du rende-
ment en alcool se manifeste lorque l’action du
ferment alcoolique est annihilée,lorsque la fermen-
tation s’arrète en laissant le champ libre aux or-
ganismes étrangers qui se développent aux dé-
pens du sucre restant.
De plus, il y a longtemps que M. Pasteur à fait
remarquer que l'équation de la fermentation
alcoolique est essentiellement variable avec les
conditions dans lesquelles elle s'accomplit.
Il y a donc lieu de croire que la proportion d’al-
cool formé diminue au-dessus d’une certaine tem-
pérature et est également influencée par la ri-
chesse saccharine du moût, le degré alcoolique et
les autres variations qui se produisent dans la
composition du moût. Elle varie également avec
la nature des levures qui ont présidé à la décom-
position du sucre.
Ces pertes d'alcool, qui sont inévitables, ne
semblent pas être beaucoup plus importantes en
Algérie qu'en France, lorsque la vinification est
faile avec soin.
M. Dessoliers prétend que l'aération « a pour
effet de faciliter le développement des ferments
de maladies et d’accroitre l'acidité des vins ».
C'est le contraire qui est vrai. Pour que son expé-
rience fût démonstralive et autorisät ces conclu-
sions, il aurait fallu comparer des bordelaises aé-
rées à des bordelaises non aérées, sans les mécher.
Le repompage du moût est surtout utile après
la fermentation tumullueuse : car, l'aéralion
praliquée avec modération est une pratique re-
commandable, il serait dangereux de l’exagérer.
On arrive encore à pallier l'influence de la tem-
péralure en employant des foudres ou des cuves
de petites dimensions. On comprend, eneffet, qu’au
fur et à mesure que la capacité s'accroit, le rap-
port entre l'excès de Lempérature et la surface de
refroidissement augmente, puisque la capacité {et
par suite la quantité de chaleur dégagée) croit
comme le cube des dimensions linéaires, tandis
que la surface de re
comme le carré.
froidissement croil seulement
C'est ainsi que le vin de la cuvée mentionnée
au tableau If, qui renfermait 34 gr. 2 de sucre par
litre au décuvage, a été logé en transports. Là, la
fermentation est repartie, et le vin, examiné à
nouveau au 26 novembre, ne contenait qu’une pro-
1 gr. #4 par litre.
D'autres cuvées qui contenaient de 30 à 60 gram-
portion de sucre normale :
mes de sucre par litre au décuvage ont également
pu achever leur fermentation après avoir élé tirées
en transports.
I faut avoir soin de procéder au décuvage (tig.8
dès que lafermentalion menace de s’arrèéter l’action
de la chaleur sur la levure étant fonction du temps.
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
Il arrive cependant dans certains cas que, dans
les vins renfermant encore une notable quantité
de sucre indécomposé, la levure se développe dif-
ficilement ou ne se développe pas du tout, même |
si on ajoute un levain formé de ferments en pleine i
activité. Le vin est devenu un milieu impropre à
l’évolution de la levure, parce qu'il renferme sat
doute des produits d’excrélion toxiques provenant”
lui ont succédé après l’arrêt de la fermentation. 4
Enfin, on s’est appliqué à retarder l'élévation de
la es du mouût per le roses
sous une faible ane, au FE een noc- :
turne, et, s’il y à siroco, de les arroser, pour ob= 4
tenir un refroidissement notable, Ce moyen, qui est
excellent pour les petites et les moyennes exploi-
tations, ne saurait convenir aux vignobles impor-
lants. Pour ces derniers, les raisins sont arrosés et
placés dans un courant d air artificiel. |
On peut ainsi encuver les raisins à une tempéss |
ralure voisine de 20 degrés, ce qui permet de faire
partir la fermentation plus lentement et d’ac”
croitre la quantité de sucre décomposé avant que
le maximum de température soit atteint. Le re
froidissement des raisins est suffisant pour les
moûts dont la richesse en sucre ne dépasse pas 18
à 20 °/,; mais, pour les moûts plus sucrés, il est
souvent insuflisant. Cependant, même dans ce der M
nier cas, il n’est pas à dédaigner. Combiné avec les
tirage en transports trois jours après la mise en.
cuve, il permet d'atteindre plus sûrement le but
Si l'influence du siroco sur les fermentations en
cours est négligeable, il n’en est pas de même de
son action sur les raisins attachés aux ceps, dont la
empérature peut s'élever notablement. Cet échaufz
fement préalable de la vendange a pour effet de
faire partir brusquement la fermentation, si on n'a
pas soin de refroidir les raisins avant de les encu= |
ver. Le dégagement de chaleur estalors rapide, et,
comme l'écart entre la température initiale el celle
à laquelle les levures ne peuvent plus travailler es
faible, il en résulte que la fermentation s’arrêle
court quand la quantité de sucre reslant à trans=
former est encore considérable.
Un dernier moyen consiste à ajouter de l’eau au
moût pour le ramener au degré voulu. Pour éla=
blir cette influence de la dilution du moût, nous
citerons l'expérience d’une cuvée dont la fer-
mentation s’est effectuée dans les mêmes condi-
Lions que la cuvée du tableau IV. Après la mise en
cuve, le moût contenait 24,12 °/, de sucre: on lui a
ajouté environ 12 ‘/, d’eau, ce qui aréduit la
teneur en sucre à 21 °/.. Dans ces conditions la
fermentation a pu se lerminer à peu près complè-
tement; il ne restait que 3 gr. 37 de sucre par
x
j
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUMISIE 153
litre au décuvage. Les cuvées faites sans addition | loppement et la maturité des raisins pour l’an-
d'eau sont restées avec une proportion de sucre | née 1894. Si l’on compare ce graphique à la courbe
va riant de 30 à 60 grammes par litre. du sucre (fig. 1), on voit que, sous l'influence de la
Fig. 8. — Décuvage à la lumière électrique. — Le vin ayant été soutiré par la partie supérieure de la cuve, le row d'homme
g q que. À par la par I
(béant sur le tonneau de droite de la figure) sert à enlever tout le dépôt qui s’est accumulé au fond de la cuve.
Le mouillage à la cuve est tout indiqué lorsque | chaleur excessive (plus de 43°) qui s’est fait sentir
les raisins ont été plus ou moins flétris par le | à la fin d'août et au commencement de septembre,
Siroco. Les raisins exposés au siroco peuvent faci- | le sucre s'est notablement aceru ; la proportion à
lement gagner 2 à 3 °/, de sucre. Si une pluie sur- | dépassé 27,5 °/,. Puis, la pluie étant survenue
0
452
É
Hi É
HE HT HE H
& SAGE £ SRE PAT PE NE = ESS
= Û E 5
S - =
Fig. 9. — Courbe de la lempéralure maxima observée à Alger du 21 juin au 1er octobre.
vient, ils peuvent réabsorber l'eau qu'ils avaient | dans les premiers jours de seplembre, les raisins
perdue sous l’action d’une température élevée et | qui n'avaient pas trop souffert ont pu récupérer
d'une sécheresse prolongée, l’eau perdue, et le taux du sucre a diminué. L'ad-
La courbe ci-contre (fig. 9) représente les varia- | dition d’eau à la cuve ne présente done pas ici le
tions de la température maxima pendant le déve- | caractère frauduleux qu'on attache généraiement
154
au mouillage, puisqu'on se borne à remplacerl’eau
qui à été enlevée prématurément par le siroco et
qui pourrail être reprise naturellement si les cir-
constances climatériques venaient à changer avant
la vendange. Cette addition d’eau a lieu à la cuve,
au lieu d’avoir lieu au vignoble : voilà toute la dif-
férence,
VI
Réfrigération des moûts. — Nous venons de passer
en revue les divers moyens employés par les vi-
liculteurs pour préserver la vendange d’une trop
grande élévalion de température et permettre à la
levure de se développer dans des conditions nor-
males et d'achever la transformation du sucre. Il
MERCREDI. JEUDI *
MARDI 18 Sept
Le
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGERIE ET EN TUNISIE o
VENDREDI
&
le plus fort rendement en alcool. Les différentes
variétés de levures ne se comportent pas de la +
même manière vis-à-vis de la température, et leur
résistance individuelle est variable avec la compo- {
sition du milieu. Il est done impossible de fixer la
température optimum d'une manière précise, en
ce qui concerne la vinification ; mais l'expérience
montre que c'est entre 25 et 30° qu'on obtient les
meilleurs résultats. C'est donc dans cet intervalle
qu'il faut faire [a fermentation; mais nous pour-
rons sans inconvénient nous en écarter de quelques
degrés en dessus ou au-dessous. Toutes les fois
que cela sera possible, il vaudra mieux descendre «
au-dessous de 25 que de laisser Le moût s’échauffer
au-dessus de 30.
SAMEDI
DIMANCHE LUNDI
we + 0872 + 6 s 10M2 + 9° 8 10X]2 + e a 10Me # 6 s 10Â]2 # à a10M2 + 6 8 roXMe + o & 10e ss s 102 #6 810
BESSESI
£ £
Fig. 10. — Courbe de la température de la cuvée pendant la fermentalion; série avec moût refroidi.
nous resle à nous occuper du refroidissement des
moûts par les réfrigérants. C’est la méthode la plus
rationnelle, la plus pratique et la plus efficace.
C'est M. Brame qui parait avoir été Le premier à
utiliser le réfrigérant de brasserie pour refroidir
le moût de raisin; mais c'est à M. Dessoliers que
revient le mérite d’avoir employé cette méthode
d’une manière rationnelle. L'idéal serait d'enlever
le calorique au fur et à mesure de sa production
et d'effectuer la fermentation à une température
constante. En réalité, nous sommes obligés de
procéder autrement. Nous abaissons la tempéra-
ture du moût à un certain degré, elle remonte
ensuite; lorsqu'elle atteint l'élévation voulue,
nous la faisons redescendre, et ainsi de suite.
L'essentiel est de maintenir les oscillations au-
tour d’un certain degré de température. Quel est
ce degré et à quel moment faut-il réfrigérer ?
Pour la levure, comme pour les autres cellules
vivantes, il y a trois températures à considérer.
Ce sont : 1° une certaine limite inférieure au-
dessous de laquelle la vie ne se manifeste plus;
2 une cerlaine limite supérieure au-dessus de
laquelle la vie s'arrête également; 3° quelque part
dans l'intervalle, une température où la vie se
manifeste avec loute son énergie et toute sa force :
c’est l'oplimum de température. Dans le cas qui nous
occupe, celoplimum de température a lieu lorsque
la levure remplit le mieux les conditions que l’on
cherche, à savoir la transformation du sucre avec
Icise pose une autre question : c’est celle de sa="
voir quelle est la quantité de calories qu'il faut
soustraire au moût pour quela fermentation puisse
se poursuivre et se terminer entre 25 et 30°. Le
nombre des calories qu'il faut enlever au moût"
s'accroil avec l'augmentation de la richesse du
moût en sucre. Les expériences que nous avons”
faites nous ont montré qu'avec des moûls conte-
nant 2% à 25 °/, de sucre, dans les conditions ordi-
naires, il fallait enlever 20 petites calories par
litre à la masse de la vendange. C’est suffisant,
Voici un exemple qui nous est fourni par une F
cuvée de notre série d'expériences avec les moûts.
réfrigérés. Le graphique de la figure 10 représente
la marche de la température, et les résultats analy=
tiques sont consignés dans le tableau V (page 155),
Cette expérience montre que, lorsqu'on refroidil
le moût, il n’y a pas arrêt dans la fermentation,
comme nous l’avons vu précédemment avec une
cuvée abandonnée à elle-même. La fermentation
a dù être terminée le 24, la quantité de sucre r'es= |
tant à décomposer n'élant que de 7,14 par
litre, alors que 13%°,46 avaient disparu dans les. |
dernières 24 heures. e.
Remarquons, en passant, que la fermentation
devient de plus en plus lente au fur et à mesure |
qu’elle avance. Il y a plusieurs causes qui con-.
courent à produire ce résullat, notamment l'aug=
mentation de la proportion d’alcool.
D'autre part, le graphique de la figure 10 établit
… qu'il faut passer trois fois le moût au réfrigérant
- pour empêcher la température de s'élever au-dessus
de 30°. Comme le moût seul traverse l'appareil et
- qu'il ne représente que les 2/3 environ de la masse
totale, il s'ensuit qu’il faut lui enlever 30 petites cal.
par litre. En réalité, cenombre est un peu supérieur,
parce que nous ne tenons pas compte des calories
… dégagées pendant le temps de la réfrigération.
…_ La vitesse du refroidissement élant proportion-
- nelle à l'écart de température entre l’eau et le vin,
_ la méthode généralement suivie el qui consiste à
- recevoir, dans la même cuve, le vin que l’on vient
d'en extraire, pour le passer au réfrigérant, est
J. DUGAST — LA VINIFICATION
EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE 155
cessives pour chaque cuvée, si on ne veut pas laisser
le vin s’échauffer au-dessus de 30°, il en résulte que
le volume d'eau fraîche nécessaire est de 3 à 4 fois celui
du vin à produire.
Les réfrigérants ont pour organe commun une
série de tubes dans lesquels circule le moût à re-
froidir. Ils se distinguent, d’ailleurs, en plusieurs
catégories suivant que les tubes sont horizontaux
ou verticaux, suivant que l’eau coule dans des
tubes concentriques ou est distribuée en pluie sur
la surface des tubes qui renferment le vin.
La plupart de ces instruments fonctionnent assez
bien, lorsque le débit de l’eau et celui du vin sont
TABLEAU V. — Moût réfrigéré. — CarIGNan.
DATES
— Le MÉRÉCES RSNE EE
défectueuse, même si l’on prend soin de répandre
le moût refroidi en pluie à la surface du mare,
ainsi que cela avait lieu dans nos expériences,
L'’eflet utile baisse de plus en plus.
Il faut alimenter le réfrigérant avec le moût ini-
tial, régler le débit de manière à obtenir la tempé-
rature cherchée après un seul passage et conduire
- le moût refroidi dans une cuve spéciale, d'où il
sera ensuite dirigé dans la cuve d’origine. Dans
ces conditions, c’est donc un abaissement de tem-
pérature du moût de 10° qu'il faut produire à
chaque réfrigération,
D'un autre côté, comme il n’est pas avantageux
de chercher à obtenir l’échange intégral de tempé-
rature et qu'il est préférable de s’en tenir à un
écart de deux ou trois degrés, on voit qu'il y a plu-
tôt avantage à augmenter le nombre des réfrigé-
rations. Pour les moûts très sucrés, pouvant donner
1%à15°/, d'alcool, il faut compter sur 3 ou 4 réfri-
géralions successives à l’eau ordinaire.
Ce qui importe le plus pour pratiquer la réfrigé-
ration, c'est d'avoir de l’eau à sa disposition en
quantité suflisante. Avec les réfrigérants acluelle-
ment en usage, la température des eaux de source
variant de 20 à 22, il faut, pour que le refroidisse-
ment se fasse assez rapidement, disposer d’un vo-
lume d’eau égal à celui du vin.
Comme il faut trois ou quatre réfrigérations suc-
Es SODIOROPP (NS ER ER LOVE). 2eme rte |
& Rapport de es:
Alcool! °/, Sucre ‘lo , RE : Acidité totale
en volume en un lalconlo en vol. en SO‘H!
ne mens ne ns
» 23.65 » PE
8.8 1.857 0.56 4.
bo _— TA ES A Te net id mes Lo 10.0 4.076 0.55 4.5
22 — TU 6 VER EE POP TELE ETROe - 10.9 2.39 0.58 4.
22 — RDS DIRE ES RE MA nee ASS creR -RU 11.10 2.06 0.60 4.5
22 — SE ET CO SCT DO ON Por 11.32 1.833 0.60 4.
23 — GRETA RAR ER SAR RO ER R n Rrol dites de 11.40 1.693 0.57 UP
23 — NE Re A ES ce fd ape 20 fe hate too ee 0 AAC TS 1.12% 0.61 k.
23 — SN OS DIE TO reed nue dde deal Me dore 12.00 0.71% 0.60 4.
»
convenablement réglés. Les constructeurs pour-
ront cependant facilement les modifier, afin d’aug-
menter l'effet utile el de diminuer le temps de la
réfrigération. Ils devront également les munir
d’un dispositif permettant de placer des thermo-
mètres à l'entrée et à la sortie du vin.
Lorsque le volume d’eau fraiche dont on dis-
pose pour alimenter le réfrigérant est insufi-
sant, on pourra se servir de la même eau après
l'avoir préalablement refroidie par évaporation.
On peut imaginer divers moyens pour obtenir le
refroidissement de l'eau. M. H. Dessoliers emploie
une cheminée en briques creuses disposées en
chicanes. L’eau qui sort du réfrigérant est distri-
buée en pluie au sommet de la cheminée et des-
cend lentement sur les parois des canaux ; un ven-
tilateur placé à la base refoule l’eau en sens inverse.
M. Wohlhüler se-sert d'une tour en fer garnie de
balais de bruyère !. L'eau ainsi refroidie par évapo-
ration est recueillie au bas de l’appareil et renvoyée
dans leréfrigérant.La quantité d’eau perdue est mi-
nime, puisqu'elle se réduit à la quantité vaporisée
pour rafraichir celle qui reste. Ainsi, pour abaisser
de 30 à 20° la température de 100 hectolitres d’eau,
1 On pourrait encore faire circuler l'eau dans un système
de tubes poreux où elle serait refroidie par l’évaporation de
celle qui suinte par les pores.
156
il faut évaporer environ 460 litres d'eau, soit
4,60 °/,. Dans la pratique, les pertes s'élèvent de
SEEUD PER |
En résumé, les conclusions pratiques qui décou-
lent des recherches et des considérations que nous
venons d'exposer sommairement, peuvent être
résumées ainsi qu'il suit :
1° La vüufication en Algérie el en Tunisie se dis-
tinque de celle de la Métropole par l'élévation de la tempé-
rature qui se produit pendant la fermentation.
2% Toutes les fois que la richesse en sucre du moût ne
dépasse pas 48 à 20 °/,, la fermentation peut s'effectuer
complètement sans le secours des réfrigérants, à la condi-
tion qu'on ait soin d'encuver les raisins à une température
inférieure à 259.
3° Lorsque la proportion de sucre est supérieure à
20 0/
a) Türer le vin en transports lorsque la tempérarure
0 À faut employer l'un des trois moyens suivants :
atteint A0. Dans ces conditions, l& fermentation recom-
mence el se termine doucement;
b) Ajouter de l'eau au moût pour ramener la propor-
lion de sucre entre A8 et 20 °/,;
c) Passer le moût au réfrigérant el maintenir sa tem-
pérature entre 24 et 30° pendant toute lu durée de la fer-
mentation.
VII
Seconds vins. — En présence de la faveur crois-
sante dont jouissent les vins blancs, beaucoup de
viticulleurs emploient une partie plus ou moins
grande de leurs raisins rouges à faire du vin blanc.
Le moût qui s'écoule librement après le foulage
est utilisé à faire du vin blanc, tandis que le reste
de la vendange est entonné dans un foudre pour
faire du second vin, après addition d'eau.
Lorsque la quantité d'eau a été convenablement
calculée, on obtient des «seconds vins » suflisam-
ment alcooliques, colorés et riches en extrait qui
ont la plus grande analogie avec les vins ordi-
naires. Ces vins sont, du reste, vendus pour ce qu’ils
sont. Ces produils ne ressemblent donc pas aux
seconds vins de France si bien étudiés par M. A.
Girard et qui sont obtenus en ajoutant au mare
une cerlaine quantité d'eau et de sucre.
Vins de liqueur. — Pour oblenir des vins liquo-
reux,iliaut des moûts très sucrés. La fermentation
se développe lentement et, bientôt, grâce à l'alcool
formé et au sucre qui reste encore non transformé,
elle s'arrête tout à fait. Le vin est alors doux et
alcoolique. Pour en assurer la conservation, on
ajoute de l'alcool de vin de manière à porter sa
richesse à 18 °/, environ.
1 11] semblerait plus rationnel de refroidir directement le
moût en le faisant circuler dans des tubes recouverts d'une
toile mouillée, mais ce procédé n'« pas encore été essayé
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE
Si l'on veut conserver dans le vin une plus.
grande proportion de sucre indécomposé, on mute
à l'alcool plus tôt, au commencement de la fer-
l'alcool doit être suivie d’une forte agitation du
liquide pour que le mélange soit bien fait. 4
L'Algérie et la Tunisie pourraient facilement"
produire des vins de liqueur similaires à ceux qui
nous viennent d'Espagne ou d'ailleurs, el approvi="
sionner le marché français.
Piquettes. — 11 est avantageux d'extraire des
marcs tout le vin qu'ils reliennent encore malgré
les plus fortes pressions. Voici comment on pro-
cède : On prend le marc, que l’on émietle avec
soin avant de l’introduire dans Ja cuve et on le
tasse couche par couche. On remplit ainsi cinq
cuves. On verse ensuile de l’eau sur la cuve n° 1 e
ayant soin de la répartir sur toute la surface du
mare, jusqu'à ce que le vin commence à couler par
le robinet du bas de la cuve. Le petit vin qui coule
est porté sur la cuve n° 2 el ainsi de suite. Après
addition d'un volume d'eau représentant environs
3.5 fois le poids du marc et distribué en cinq arro-
sages successifs, le marc de la cuve n° 1 est com
plètement épuisé et le liquide qui sort de la cuves
n° 5 a une composilion voisine du vin restant dans:
le marc, La cuve n° 1, vidée et rechargée, devient
la cuve n° 5, et la cuve n° 2 passe au n° 4. Ce la=
vage méthodique des mares par déplacement
permet de les épuiser d'une façon complète.
Il est préférable, lorsqu'on le peut, de faire com=.
muniquer les cuves par un luyautage disposé de
manière à faire sortir le liquide déplacé, qui est
plus léger que l’eau, à la partie supérieure.
Les procédés de fabrication des piquettes en
France, soigneusement éludiés par M. Müntz, ne
différent pas de ceux employés en Algérie depuis
plusieurs années.
Mais, sinous sommes parvenus à oblenir des
vins sains et de bonne garde, il ne s’ensuit pas ques.
nous devions nous contenter de ce résullal. Nous
devons. au contraire, nous efforcer d'améliorer nos
produits en perfectionnant nos méthodes de fabris
cation. La vinification est tellement complexe que.
beaucoup de points importants restent encore obs
curs. Nous travaillerons à les éclairer et à porter l& |
fabrication du vin à ce degré de perfectionnement
que tous les viticulteurs soubaitent d'atteindre. :
} Pour faciliter notre tàche, il serait très ulile
d'annexer à la Station Agronomique une cave d'ex-
_ périences. On trouverait facilement un proprié-
aire qui se chargerait de fournir les moyens ma-
ériels pour exécuter ces sortes de recherches, à la
condition de l’indemniser des dépenses supplé-
_mentaires qu'elles exigent. Grâce à ce concours
| Simultané, on réaliserait presque sans frais l'éla-
. blissement d'une station œnologique.
Ce qu’il faut chercher, ce n'est pas à multiplier
les stations expérimentales, comme cela a été con-
Seillé quelque part par un auteur évidemment
_élranger aux recherches agricoles; c'est à doter
convenablement celles qui existent pour leur per-
mettre de travailler dans de bonnes conditions.
Nous éltonnerons certainement nos lecteurs en
+ leur apprenant que le Conseil Général d'Alger, seul,
| nous alloue une petite somme pour les essais de
vinification. C'est grâce au concours gracieux des
viliculteurs, parmi lesquels il convient de citer
M. Nelson Chierico, directeur de la Banque d’'Algé-
rie, et MM. Pech et Baudoin, que nous pouvons
chaque année entreprendre quelques expériences.
VIII
… JL nous reste maintenant à indiquer l'importance
commerciale de la vinification dans notre colonie.
les conditions sociales et économiques qui lui sont
particulières, et à formuler à ce point de vue
| quelques desiderata.
Statistique. — Le tableau suivant indique l'éten-
“due du vignoble algérien et sa production pendant
| les quinze dernières années :
2 TABLEAU VI
Production
en hectolitres
Nombre d'hectares
plantés en vigne
.899
51.949
63.847
3.011
Si l'on exceple de ce tableau l’année 1891, qui a
été tout à fait extraordinaire, on voit que, depuis
l'origine, le vignoble algérien et son produiten vin
n'ont cessé de s’accroilre d'une facon régulière.
Le Lableau montre aussi que le rendement en vin
par hectare s’est aussi accru.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGERIE ET EN TUNISIE 157
————_—_—_—_—_—_—_—_—_— ——
Muin-d'œuvre. — 1 y a deux catégories d'ouvriers
employés pour la vendange et la vinification : les
Européens et les indigènes. Parmi les premiers,
les Français sont malheureusement en trop petit
nombre. Le meilleur ouvrier étranger est, sans
contredit, l'Espagnol. Il est travailleur, économe
et àpre au gain. On le rencontre en très grand
nombre dans le département d'Oran et dans une
partie de celui d'Alger. Il est remplacé dans le dé-
partement de Constantine par l'Italien, en Tunisie
par le Maltais, qui ont surtout de la valeur pour
les travaux à la tâche.
Sans nourriture, le prix de la journée de l’ou-
vrier européen varie entre 2 fr. 50 et 4 fr., suivant
les localités et la nature des travaux, avec un tra-
vail effectif de 12 à 13 heures pendant l’élé et de
9 à 10 heures pendant l'hiver. Il y a enfin la main-
d'œuvre pénitentiaire qui rend des services dans
les environs des pénitenciers militaires. La journée
d’un pénilencier revient à environ 1 fr. 75.
Les ouvriers indigènes sont Arabes ou Kabyles.
Le Kabyle serait préférable à l’Arabe comme fond,
activité el intelligence ; cependant ce dernier, bien
conduit, est très utilisable: il est intelligent, fort,
mais paresseux : son fatalisme le porte à mener
une existence contemplalive et lui interdit Lout
progrès; il demeure réfractaire aux améliorations
qui se produisent autour de lui. Il vit, procrée et se
soucie peu du reste. Le Kabyle est plus énergique,
industrieux et agricole, et parait susceptible de coo-
pérer, dans une certaine mesure, à la colonisation.
Il y a encore les Marocains qui, tous les ans, à
l’époque des vendanges, arrivent en foule dans la
province d'Oran.
Numériquement, les ouvriers indigènes domi-
nent. La main-d'œuvre indigène ne vaut générale-
ment pas, comme qualité dans l'exécution, la main-
d'œuvre européenne, mais elle est plus nombreuse
et plus économique. Le prix de la journée varie
entre 1 fr. 50 et 4 fr., suivant les saisons et la na-
ture des travaux,
Toutes les fois que l’ouvrier indigène n’éprouve
pas un pressant besoin de gagner de l'argent, il
devient exigeant et exagère ses prélentlions.
L'emploi des machines et des instruments aclion-
nés mécaniquement permet de réduire le nombre
des ouvriers et sert de contrepoids économique à
l'élévation du prix de la main-d'œuvre.
Quoi qu'il en soit, les indigènes forment un
appoint indispensable à l’époque des grands tra-
vaux. Si, abandonnés à eux-mêmes, ils ne font
preuve d'aucune initiative, ils s’acquittent parfai-
tement des travaux que le colon leur apprend à
exécuter chez lui. Quelquefois la main-d'œuvre in-
digène est même employée exclusivement. Ces
ainsi que cela se passe chez le colonel Follet. Mais,
gx
158 J. DUGAST — LA VINIFICATION EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE %
dans la plupart des cas, on utilise concurremment
les ouvriers européens et les ouvriers indigènes.
Syndicats agricoles. — Quoiqu'on ne puisse nier
l'utilité des sociétés d'agriculture et des comices
agricoles, leur rôle, limité à la vulgarisation des
bonnes méthodes, nerépond pas complètement aux
nécessités actuelles. L'avenir est aux syndicats
agricoles, parce qu’ils peuvent rendre des services
immédiats et palpables. Ceux-ci ont pour but l’a-
chat en commun des engrais, soufre, sulfate de
cuivre,instruments et, en général, de toute matière
ulile à l’agriculture. Ils ont l'avantage de suppri-
mer autant que possible les intermédiaires coû-
teux et inutiles.
Il n'existe pas encore beaucoup de syndicats
agricoles en Algérie; ce genre d'association n'a pas
recu l’accueil qu'il mérite parmi les colons, sans
doute parce que nous sommes dans un pays de
grande culture et à population mélangée.
Il y a à Constantine le Syndicat Agricole du
département de Constantine; dans la province
d'Oran, le Syndicat d'Oran et celui de Constantine:
dans la province d'Alger, le Syndicat de Rouïba. Il
y en à également quelques autres.
En raison du grand intérêt qui s'attache en ce
moment à l'écoulement prompt et facile des pro-
duits, les syndicats ont tout intérêt à organiser à
côté du service des achats un service des ventes.
Ils peuvent arriver à réaliser une économie dans
les frais de transport en obtenant des Compagnies
de navigation des conditions plus avantageuses que
les prix habiluels. Les transports par chargements
complets coûtent bien moins cher et présentent de
sérieux avantages pour l'expéditeur.
Moyens de transport. — Ya longueur du réseau al-
gérien exploité, divisé en cinq Compagnies, est de
2.905 kilom.Il faut ajouter à ces lignes les chemins de
fer sur route établis par le Conseil Général d'Alger.
Les vins représentent une marchandise encom-
brante et donnent lieu à un trafic considérable que
les Compagnies devraient favoriser. Or, on peul
remarquer,en jetant un coup d'œil sur la carte in-
sérée dans cette étude (page 144), que les vignobles
sont surtout silués près du littoral, à proximité
d'un port d'embarquement, ou sur le parcours des
chemins de fer. Avec le système actuel, tel qu'il
résulte des contrats consentis par l'État, les Com-
pagnies n'ont pas intérêt à développer le trafic. Des
efforts sont faits depuis longtemps par les repré-
sentants de l'Algérie pour obtenir la réduction des
larifs qui entravent non seulement l'exportation
des vins, mais aussi celle de tous les autres produits
agricoles. Il faut cependant reconnaître que quel-
ques Compagnies ont déjà amélioré certains tarifs.
Les transports par eau, sur le littoral, sont plus
économiques que les transports par voie ferrée,
mais ils sont moins rapides et plus rés +
Quoi qu'il en soit, voici quelles sont, à l'heure
actuelle, les éditions auxquelles les différentes
Compgities transportent les vins en fûts : 3
I. — TARIFS DES CHEMINS DE FER DU P.-L.-M. ALGÉRIEN
Troisième série du larif général, quel que soil le tonnage.
De 1 à 100 kilom...... 0 fr. 12 par tonne et par kilom.
101 à 200 — .....… 0 fr. 11 — —
201 à 300 — ...... 0 fr. 09 — —
Au delà de 300 kilom.... 0 fr. 07 — —
Les expéditions sont axées d’après le tarif cor-"
respondant au parcours maximum. Les frais de
chargement et déchargement sont compris. Î
La Compagnie possède, en outre, des tarifs com-"
binés, qui sont les suivants :
1° D'une gare quelconque du P.-L.-M.
San à une gare quelconque du
P.-L.-M. FrAICAIS Se Re atee 15 fr. par bordelaise.
o D’ Alger à une gare quelconque du
Ÿp -L.-M. français............... . 14 fr. par bordelaise.
30 D'Alger à Paris-Bercy, par char- ;
gement des A0 tonnes... .. 35 fr. la tonne.
II. — TARIFS DES CHEMINS DE FER DE L'EST ALGÉRIEN
1° Tarif général, sans conditions de tonnage : 0 fr. 43 par
tonne et par kilom., plus 4 fr. 50 par tonne pour frais de M
chargement, de déchargement et de gare.
20 Tarif par chargement” d'au moins 3.000 kilog.,
pour ce poids :
De 1 à 300 kilom........ 0 fr. 10 par tonne et par kilom.
Au delà de 300 kilom...." 0 fr. 08
Les frais de chargement et dé chargement af fr.
sont à la charge re de l expéditeur,
ou payant
50 par tonné)
III. — TARIFS DES CHEMINS DE FER DE BÔNE-GUELMA
19 Tarif général, sans condi-
tions de tonnage ........ 0 fr. 43 par tonne et par kilom.
20 Par wagon chargé d’au L
moins 4.000 kilog...... - UML. M2 = a
30 Tarifs d'exportation :
Dear mSnikilon--tee 0 fr. 09 — —
51 à 100 — ...... 0 fr. OS = =
101 à 200 — ...... ON —= =
201 à 300 — ...... 0 fr. 06 = ==
300 et au delà...... . A0 fr 409 — —
Les frais de chargement el déchargement M
(1 fr. 50 par tonne) sont à la charge de l'expéditeur.
IV. — TARIFS DES CHEMINS DE FER DE LA C2 FRANCO-ALGÉRIENNEN
10 Tarif général, sans con-
ditions de tonnage SES 0 0 fr. 43 par tonne et par kilom.
99 Tarif spécial, par wagon chargé d'au moins 5.000 kilog. 4
DA lilomer-e 0 fr. 43 par tonne ct par kilom.
HO A MOURE E EA OMfr 42 — —
151 à 250. — .....… 0 fr. 11 — —
254 à 350 — .....…. 0 fr. 10 — —
Au-dessus de 350 kilom. 0 fr. 09 — —
Les frais de chargement, déchargement et de
gare (1 fr. 50 par tonne) ne sont pas compris dans …
ces tarifs.
V. — TARIFS DES CHEMINS DE FER DE L'OUEST ALGÉRIEN
19 Tarif pénéral sr. #.e. 0 fr. 13 par tonne et par kilom.
29 Tarif spécial (pour la prorince d'Oran)
De 0 à 100 kilom........ 0 par tonne ct par kilom..
Au-dessus de 100 kilom. 0 fe. — =
Les frais de chargement et de déchargement
(4 fr. 50 par Lonne) sont à la charge de l’expéditeur.
Quant aux tarifs de fret, d'Alger à Marseille, ils
sont compris entre 9 et 10 fr. la tonne.
J. Dugast,
Directeur dé la Station Agronomique d'Alger,
Pa
PA 2
C.-A.
LAISANT — LES MATHÉMATIQUES AU CONGRÈS DE
ARS
Les Présidents et Secrétaires des Sections du
dernier Congrès de l'Association française, tenu à
. Caen, ayant achevé de réunir les Mémoires soumis
aux diverses Sections, nous donnons ci-après,
grâce à leur concours, l'analyse des travaux les
plus importants qui ont été présentés.
(LA DIRECTION.)
I. — SECTIONS DE MATHÉMATIQUES, MÉCANIQUE,
ASTRONOMIE ET GÉODÉSIE.
_ Les travaux de ces Sections ont été très nom-
breux et très suivis, au Congrès de Caen. La
plupart des membres qui y assistaient ont pré-
senté des communications sur les sujets les plus
variés, et il y a eu, en outre, plusieurs mémoires
transmis par correspondance. On trouvera plus
loin la liste des uns et des autres. Ces études, par
leur nature spéciale, ne se prêtent guère, en géné-
ral, à une analyse, qui risquerait forcément d’être
obscure. Mais il y a lieu de signaler la part prise
aux travaux mathématiques par des hommes pra-
- Liques, tels que MM- Raffard et R. Arnoux; leurs
. communications sont de nature à intéresser aussi
bien les savants s'occupant de science pure que
. les ingénieurs ayant à appliquer chaque jour les
principes de la Mécanique dans l'exercice de leur
profession.
On notera aussi la très remarquable invention
présentée par M. Genaille sous le nom de Calcula-
teur. C’est un appareil d’une extrême simplicité,
qui permet d’effecluer rapidement les multiplica-
tions ou les divisions les plus pénibles, pourvu
qu on sache simplement additionner trois nombres
d'un seul chiffre. Le prix de revient de cet appa-
reil, s’il était construit industriellement, serait des
plus modiques, et il parait difficile d’aller plus loin,
au point de vue pratique, dans la voie des perfec-
tionnements. Voilà, du reste, une vingtaine d’an-
nées que M. Genaille poursuit patiemment ses tra-
vaux et ses recherches; et son nom est bien connu
de tous ceux qu’inléresse la question des machines
à calculer. :
En dehors des communications individuelles, il
y avait, avant l'ouverture du Congrès, à l’ordre du
jour des séances des première et deuxième sec-
lions, trois questions dominantes, formulées de
la manière suivante :
Première question. — Étude des moyens qui seraient
LES TRAVAUX DU DERNIER CONGRÈS
DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE
POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES
de nature à assurer un échange d'idées plus facile et plus
suivi entre les mathématiciens des diverses nations, et qui
pourraient contribuer ainsi aux progrès des sciences ma-
thématiques et au perfectionnement des méthodes.
2° Question. — Exposé de l'état d'avancement des tra-
vaux du répertoire bibliographique des seienees mathéma-
tiques, à l'époque du Congrès.
3° Question. — De l'utilité qu'il y aurait à essayer de
mettre plus complètement les mathématiques pures au ser-
vice des Sciences d'application, notamment en ce qui con-
cerne la mécanique.
La deuxième question ne comportail pas de
discussion ni de sanction. Le président, qui est en
même temps secrétaire de la Commission perma-
nente du Répertoire, a présenté un exposé duquel il
résulte que ce travail considérable est en très
bonne voie d'exécution, grâce aux concours em-
pressés et dévoués que cette entreprise a rencon-
trés dans tout le monde mathématique.
Sur la troisième question, les sections ont pris
une résolution par laquelle elles émettentle vœu que
des publications prennent pour tâche spéciale d'ex-
traire des travaux de Mathématique pure, et sur-
tout de Mécanique analytique, tout ce qui peut
présenter un intérêt au point de vue des sciences
d'application.
Sur la première question, qui est restée à l’ordre
du jour de plusieurs séances, de très nombreuses
observations ont été échangées. Elles ont abouti à
une importante résolution, un peu trop étendue
pour trouver place ici dans son texte entier, mais
dont nous voulons au moins reproduire le premier
paragraphe :
« Les première et deuxième sections donnent, en
« principe, l'adhésion la plus complète au projet de
« création de Congrès mathématiques internationaux,
« et se déclarent dès à présent disposées à appor-
« ter tout leur concours aux efforts qui seront faits
« dans cet ordre d'idées. »
La résolution contient, en outre, une chaleureuse
approbation des tentatives qui se font de toutes
parts, en Allemagne, en Italie, en Hollande, en
France, etc., sous des formes diverses, pour créer
une certaine unité dans l’amoncellement des pu-
blications mathématiques, et permettre aux tra-
vailleurs de guider leurs pas.
Ce n’est sans doute pas sans un peu d'élonne-
ment que plus d’un lecteur apprendra que les
congrès internationaux, si nombreux dans toutes
les autres sciences, et dans un grand nombre de
160
=
professions, sont encore à créer en ce qui concerne
les Mathématiques. Le mouvement qui commence
à se créer autour de cette question ne peut man-
quer d'aboutir.
Voici maintenant la liste complète des commu-
nications individuelles faites dans les diverses
séances :
FonranEau : Sur l'équilibre d'élasticité des corps
isotropes.
Coruienox : 1° Exemples de surfaces et de con-
tours pour lesquels la recherche du point de
passage de la résultante des pressions normales
également réparties sur chaque élément super-
ficiel, ne conduit à aucun résultat ;
20 Questions de mécanique et de géométrie :
Sur l'emploi très fréquent d'un procédé élé-
mentaire.
D'Ocacxe : Sur les surfaces de révolution, appli-
cables sur la sphère.
Gummaraes : Note sur les sections planes des cônes
quelconques du deuxième degré,
Lemoine : Suite de notes de géométrie.
Decannoy : Sur les arbres géométriques et leur
emploi dans la théorie des combinaisons chi-
miques.
G. Canton : Vérification, jusqu'à
rème empirique de Goldbach.
MM.
1000, du théo-
R. W. GENESE : Sur une inégalité trigonométrique.
DevonrerrAno : Calendrier perpétuel.
Vascax : Sur les actions en raison inverse du
carré des distances.
Figre : 1° Développement en série des racines
d’une équation;
20 Développement en série des intégrales des
équations différentielles linéaires ;
3° Étude sur la construction des courbes
planes.
Commt Coccoz : Note sur la construction des car-
rés magiques avec des nombres non consé-
cutifs.
G. Tarry : Géométrie générale dans l’espace.
D. GRAvÉ : Sur une question de Tchebychef.
Maizcarp : Contribution à l'étude du problème
cosmogonique.
Manuel : Sur une transformation du conoïde de
Plücker.
Laisanr : Sur l'extension de l'expression de la dé-
rivée logarithmique d’un polynôme entier.
Fonrës : Sur quelques particularités de la suite de
Fibonacci.
Rarrarb : Mouvements louvoyanls, comme moyen
de vérification de l'équilibre des pièces de mé-
canique par rapport à leur axe de rotation.
R. VW. GENESE : Sur l’enseignement des méthodes
de Grassmann.
G. Péano : Notions de logique mathématique.
P, Cousin : Sur une extension de la formule d’in-
terpolation de Lagrange.
FroLov : Sur les polygones circonscrits et inscrits.
En. Maiccer : 1° Sur une propriété des nombres
présentée dans un système de numération quel-
conque ;
2° Sur les carrés latins d'Euler,
G31 PARMENTIER : Chronologie des marches du ca-
valier aux échecs conduisant à des carrés semi-
magiques,
E. GOSSART — LA PHYSIQUE AU CONGRÈS DE CAEN
MM. R,. Arnoux : Sur une théorie générale et 1
“ee He Fégunnee des appareils industriels.
par À M. C. ne dans l’Intermédiaire,
P. H. Scnoure : Sur trois divisions régulières a
l’espace à # dimensions.
NeuserG : Notes diverses.
R£v. Simmons : Application de la géométrie il
résoluÉ on d'une classe de problèmes relatifs au
calcul des probabilités,
I. GEXAILLE : Calculateur pour faciliter les grands.
calculs arithmétiques.
Raour : Résolution des équations des- 2°, 3e el
4° degré, en prenant pour point de départ
l'équation identique de Cayley sur les motrices.
Lecornu : 4° Sur une équation différentielle du
2e ordre ;
2 Sur les aires des podaires;
3 Sur la théorie de l’escarpolette.
A. Go : Transformation d'un quadrangle.
Nous mentionnerons, pour terminer, la présence.
de M. de Saint-Germain, doyen de la Faculté des
Sciences de Caen, qui a très assidûment suivi les.
séances des première etdeuxième Sections, et qui a.
présenté fréquemment des observations d’un grand M
intérêt. Les auditeurs lui ont témoigné tout le prix
qu'ils attachaient à cette marque de courtoisie et 4
de bonne confraternité. L
Enfin, les Sections de Mathématiques, à l'unani-
mité, ont élu comme président pour le Congrès de
Bordeaux, en 1895, M. Rayet, doyen de la Faculté.
des Sciences de Bordeaux et directeur de l'Obser-.
vatoire astronomique de la même ville. C'est un
choix qui garantit pour l’année prochaine un suc-
cès égal au moins à celui qu'on a pu constater au
Congrès de Caen!.
C.-A. Laisant,
Docteur ès sciences,
Président des 11° et 2° Sections. M
IT. — SECTION DE PHYSIQUE,
A suivre les travaux de la Section de Physique, -
on pouvait continuer de vérifier la conclusion du -
magistral discours d'ouverture de M. Mascart : .
Le xix° siècle, qui va finir, s’appellera à juste
titre le siècle de l'Electricité. » Mais de brillantes.
communications des plus jeunes congressistes
apporlaient aussi cetespoir que la voie des grandes
découvertes du xx° siècle s'orientera vers la Phy=.
sique physiologique. L
Je voudrais, dans ce rapide exposé des séances
de la Section, mettre en lumière cette double.
l Puisque l'occasion m'en est offerte, la direction de la
Revue générale des Sciences voudra bien me permettre d’en
profiter pour remercie. très sincèrement les mathématiciens
qui, par leur présence ou leurs envois, m'ont rendu la täche
si facile et si agréable, comme président des première et
deuxième Sections au Congrèsde Caen, La meilleure part de
l’heureux résu'tat obtenu revient surtout à M. E. Perrin, qui
avait bien voulu accepter la tâche pénible de secrétaire.
E. GOSSART — LA PHYSIQUE AU CONGRÈS DE CAEN
161
_ tendance, la physionomie des séances et les ef-
forts accumulés en quatre jours à Caen, malin et
soir, pour l'avancement de la Physique.
M. LE Roy : Pendule de temps moyen et de temps
sidéral. — M. Le Roy présente un régulateur, dont
- l'axe des aiguilles à temps moyen est associé à
un rouage qui conduit l’axe d’un planisphère cé-
leste et lui fait opérer sa révolution en 23 heures,
. 56 minutes, 4 secondes; en sorte qu'on a ainsi,
devant les yeux, à toute heure, une représentation
permanente du ciel étoilé visible et la démons-
tralion pratique de la différence qui existe entre le
temps moyen et le temps sidéral.
M. Van DER MENSBRUGGRE : Tension superficielle et
évaporation des liquides. — M. Gossart analyse un
mémoire de M. Van der Mensbrugghe ! sur «la
cause commune de la tension superficielle et de
lévaporation des liquides ». L'auteur part de cette
idée que, dans l’évaporation d’un liquide qui a
sa couche libre sans cesse renouvelée, ce qui
préside continüment au nouvel arrangement mo-
léculaire de cette couche libre, c’est l’ensemble
des forces moléculaires auxquelles est due la co-
hésion intérieure. Il fait donc d’abord l'analyse
des forces qui créent cette cohésion autour d’un
point à plus grande distance de la surface libre
que le rayon d'activité moléculaire. Cette ana-
lyse montre que, près de la surface libre, dans
toutes les directions autres que celles de cette sur-
face, le degré de cohésion est moindre qu'au sein
du liquide et que, dans ces directions diverses, les
molécules superficielles éprouvent des écartements
. d'autant plus marqués qu'elles sont plus près du
niveau. Le double effet de cet écartement est une
force élastique de traction tangentielle (tension su-
perficielle résultante) et dans le sens normal une
force élastique, qui, lorsque la cohésion jointe à la
pression ambiante ne compense plus la répulsion,
détermine le dégagement des molécules hors de la
couche. Cette élasticité, développée continüment
dans la couche superficielle, sans équilibre stable,
exige un travail qu’effectue sans cesse l'ensemble
des forces intérieures, avec perte de chaleur liée à
ce travail. Les forces figuratrices dérivent ainsi du
degré de cohésion intérieure. L'espace me manque
pour citer les applications et vérifications expéri-
mentales souvent inattendues de cette théorie très
explicite.
M. E. Gossarr : Analyses chimiques par homéotropie.
— M. Gossart indique le degré de sensibilité que
peut donner sa méthode d'analyse chimique par
roulement de gouttes ou par homéotropie, et les
précautions à prendre pour l’atteindre, dans les
trois cas éludiés par lui jusqu'ici : dosage de
SE RS ed: 1.
! Extrait du Bulletin de l'Académie Royale do Belgique.
l'alcool dans les boissons spiritueuses, dosage des
impuretés alcooliques, dosage des falsifications
dans les essences végétales. Il décrit la marche à
suivre pour appliquer.cette même méthode à une
foule d’autres mélanges liquides.
M. CASALONGA : Principe de Carnot. — M. Casa-
longa fait une communication sur ce sujet : « Le
principe II de la Thermodynamique et le coefti-
cient des machines thermiques. » La discussion a
dû nécessairement prendre une allure animée entre
l'ingénieur M. Casalonga critiquant l'énoncé du
principe de Carnot et la non-influence du corps
qui recoit la chaleur transformable en travail, et
le physiologiste M. Broca, qui allait nous donner de
belles applications de son credo formel : « Les lois
de l’Energélique sont absolues. »
M. DEMERLIAC : Chaleurs spécifiques et de fusion de
la benzine. — Comme point de départ de tout un
ensemble de travaux sur les variations de la tem-
pérature de fusion des corps avec la pression,
M. Demerliac présente un mémoire où il décrit
avec soin toutes les précautions opératoires qu'il a
prises pour déterminer à nouveau avec précision
la température de fusion 4,95 et la chaleur de
fusion 28°,346 de la benzine chimiquement pure,
sous la pression normale. Ce travail a exigé, en
outre, la détermination de la formule empirique
donnant la chaleur spécifique de la benzine liquide
de + 5° à HE 30 et, pour obtenir la dilatation con-
sidérable de fusion, la loi des densités entre 0° et 20°.
M. Cu. ZENGER : L'électricité. Mouvement hélicoïdal.
— C’est avec un regret tout particulier que nous
sommes forcé de restreindre à un court résumé la
longue et importante causerie dans laquelle
M. Ch. Zenger, membre de l’Académie Impériale
d'Autriche, nous expose sa théorie sur la nature
du mouvement électrique et son système électro-
dynamique des mouvements planétaires.
On sait que, d'après l'éminent physicien de
Prague, l'électricité en mouvement ne serait autre
chose qu'un mouvement tourbillonnaire, en héli-
coïdes dextrorsum et sinistrorsum (hélices sur sur-
faces coniques) qui se rencontrent etse détruisent
au milieu de leur passage entre les deux pôles de
la décharge d'une machine quelconque. Des élec-
trogravures et des photographies de phénomènes
naturels accompagnateurs d'une trombe complètent
les démonstralions orales. Captivés par le sujet,
auteurs et auditeurs oublient les projections pré-
parées ; mais cependant, pour traduire expérimen-
talement son système électrodynamique des mou-
vements planétaires, M. Zenger nous fait assister à
un mouvement produit dans un champ électrique,
mouvement d’induction qui est rotatoire et orbital
tout à la fois. Un pendule conique, à boule creuse
de cuivre, installé au-dessus d’un électro-aimant,
162
E. GOSSART — LA PHYSIQUE AU CONGRÈS DE CAEN
prend ce double mouvement bien déterminé, dès
qu'on lance le courant.
M. Becoc: Formation de l'arc électrique. — M. Belloc
nous répèle ses expériences d’allumage de l'arc
électrique avec l'étincelle. L'arc électrique peut être
provoqué entre deux électrodes distantes de plu-
sieurs centimètres par le passage de l’étincelle
d'une machine électrostatique, cet allumage se
généralisant d’ailleurs pour toutes les électrodes
intercalées dans un long circuit qui parcourt toute
la Faculté. M. Belloc explique par là certains cas
de foudre qui se sont produits simultanément sur
des lignes de distribution électrique et il donne
quelques indications sur les variations de la dis-
tance d'allumage, suivant la nature des électrodes
en présence, la capacité et le potentiel de la ma-
chine et le sens du courant formant l'arc.
M.G. Becroc : Ærpérience de Grove. — M.Belloc fait
part de l'examen très consciencieux auquel il s’est
livré de l’échauffement électrique d’un fil métallique
plongé dans différents gaz. Il a fait varier la nature
et les dimensions des fils, la nature et la pression
des gaz, toutes les données du courant électrique.
Ses principales conclusions sont que : le pouvoir
refroidissant des gaz décroit toujours avec leur
masse ; mais la variation de ce pouvoir, lorsqu'on
fait varier la masse et que l’on part de températures
successivement croissantes, est constante pour
l'acide carbonique et croît beaucoup avec l'hydro-
gène.
M. RENÉ ArNoux : Appareils portatifs de mesures
électriques. — M. Arnoux présente à la Seclion un
nécessaire pour mesures électriques aussi robuste
que portatif. L'organe essentiel est un galvanomètre
toujours en installation dans toutes les positions
et mouvements brusques de la boîte, si ingénieu-
sement associé à un système de rhéostats, shunts
et interrupteurs qu'il se prête immédiatement à
toutes les mesures de grandeurs électriques et pour
tous usages, tant médicaux qu'industriels.
M. Snoozpren : L'industrie électrique en Angleterre.
— Cette intéressante conférence avait pour but
de prouver, à Caen, ville éclairée par des dynamos
Ferranti à courants discontinus de 2.200 volts,
que, d’après l'expérience anglaise, les machines
à courants continus valent mieux industrielle-
ment. Aussi, la démonstration a été faite par de
nombreuses courbes lapissant tous les murs de
la salle et qui avaientpour abscisse la grandeur
temps et pour ordonnée la grandeur monnaie. A
la demande de M. Zenger, M. Shoolbred nous com-
munique aussi ses expériences sur l'application
des accumulateurs, dits de Genève etdu type Tudor.
Puis M. Lecornu veut bien nous résumer les in-
téressantes explications qu'il avait déjà données
dans son usine.
—,
M. PescraRD : Les orques électriques. — M. Pes-
chard, avocat à Caen, dont la plupart des con-
gressistes ont admiré les belles collections ethno-
graphiques, après avoir fait l'historique des pre-.
mières applications de l'électricité aux grandes
orgues en France, entre dans la description détail-
lée du système électro-pneumatique, que, de-
puis 1860, il a perfectionné avec la collaboration
du célèbre organier Barker et qui fut adopté en.
particulier pour l'orgue de l’église Saint-Augustin
à Paris en 1868. Privé de ce concours depuis 1870,
M. Peschard a profondément modifié les soupapes.
électro-magnéliques destuyaux, qu'il nous montre.
ainsi que le moteur, qui consiste maintenant en un
soufflet placé à l'intérieur de la laye et qui fonc-.
tionne avec une seule petite soupape à double effet.
Après des lenteurs causées par l’antagonisme
d'étrangers venus s'instruire chez nous, l'applica-
tion industrielle commence à se développer et tout
fait espérer qu'elle restera française.
M. Tarry : La plume Edison. — M. Tarry montre
un exemplaire du journal hebdomadaire d'un émir
arabe, qui, n'ayant pu se procurer de caractères
d'imprimerie, a eu recours avec avantage à la
plume électrique perforante d'Edison. M. Tarry.
fait observer que le procédé est très rapide pour
l'impression jusqu’à plus de 2.000 exemplaires.
D: Broca : Surface focale dans les systèmes centrés.
— Par une étude théorique des systèmes centrés,
le D' Broca s’est proposé de remédier à ce défaut
commun des objectifs de chambre noire et de mi-
croscope, quin’ont pas la même mise au point pour.
le centre etle bord de l’image, l’image du plan que .
l'on observe étant une surface à courbure notable.
Étant donnée la possibilité de réaliser un système
centré de dioptres jouissant de points aplanétiques
au 4%° ordre près sur l’axe du système, on trouve
qu'ils sont, sur cet axe, les sommets d’une surface
pour les points de laquelle les droites de Sturm
sont confondues. L'image d’un plan est alors celte
véritable surface focale indépendante du dia--
phragme. L'auteur établit la relation qui doit lier
les indices des verreset les rayons de courbure des
dioptres, pour que le rayon de courbure de cette
surface focale soit infinie; il trouve que ce résultat
a lieu si la puissance Lotale du système de lentilles
de même indice, supposé comprimé jusqu'à une
minceur infinie, est nulle. Il a pu faire construire
un objectif, vérifiant loutes les conséquences par- …
ticulières des principes démontrés, l'existence de
points aplanétiques au 4%° ordre près, l'absence
d’astigmatisme sur les bords, l’aplanéité de la sur-
face focale, et il compte remplacer ce premier
instrument d’essai par un autre donnant tous les
résultats pratiques que promet la théorie.
Dr Weiss : La puissance des systèmes centrés. —
TL Lt FT TT
M. Broca, au nom du D° Weiss, nous montre les
_ avantages que présenterait une Aouvele définition
L: - de la puissance d’un système centré. Si, au lieu de
ps
# produit par l'indice du dernier milieu, on peut alors
étendre à un système de lentilles et de dioptres
. ce théorème commode d'après lequel la puissance
Ein système infiniment mince est la somme des
_ puissances des composants. De plus, la nouvelle
. définition a une signification physique importante :
c’est le diamètre apparent de l'image fournie par
. l'unité de longueur placée au foyer, ou bien le
. nombre par lequel il faut diviser le diamètre appa-
. rent d'un objet infiniment éloigné, pour avoir la
- grandeur de son image dans le plan focal.
M. Vérick : Présentation d'un microscope. — La
présentation de l'excellent microscope de M. Vé-
rick est faite par le D' Broca, qui en a fait à la Fa-
culté de Médecine de Paris uneétude approfondieet
qui répond à toutes les questions des naturalistes,
venus se joindre aux physiciens, comme particu-
lièrement intéressés à constater tous les avantages
que présente cet instrument de fabrication fran-
_ çaise sur les microscopes allemands des types les
plus réputés aujourd'hui. Le seul petit inconvé-
nient à citer serait le manque de profondeur de
_ foyer, qualité qui, du reste, est de moins en moins
recherchée aujourd'hui et ne s'obtient qu'aux dé-
pens de toutes les autres.
- M. Ricuarn : Le Vérascope. — M. Richard nous
apporte son vérascope, dont il a réservé la des-
- cription écrite pour les lecteurs de cette Revue !.
M. MaLnINEY : mage latente photographique. —
Le bromure de polassium modérateur. — M. Maldiney
- nous décrit les patientes recherches et délicates
expériences, quelques-unes poursuivies par la mé-
_thode de Becquerel, qui lui font rapporter à une
cause électrique l’image latente photographique, et
il nous intéresse aussi, en nous faisant part.
. comme à la Section de Chimie, de ses études sur
l'action du bromure de potassium, modérateur
dans le développement -des plaques photogra-
phiques.
D° Broca : Fonctionnement de l'appareil nerveux vi-
suel. — La célèbre loi de Fechner : « Lasensationest
fonction logarithmique de l'excitation, ou = »
n'est-elle qu'une loi psychique ou bien est- elle,
dans le cas de la vision, une loi expérimentale ? Tel
est le problème que le D' Broca résout dans le
second sens.
Tous ceux qui ont essayé de l’asseoir sur des
bases expérimentales se sont appuyés sur celle
ee OR NENASRRE
} Voyez la Revue du 15 septembre 4894.
1
l'inverse de la distance focale, on considère son
: dl
EE E. GOSSART — LA PHYSIQUE AU CONGRÈS DE CAEN 163
———————————————————— TT
hypothèse de Fechner plus ou moins voilée : «L'œil
perçoit une différence entre deux plages quand la
différence des sensations a atteint une certaine
valeur indépendante de l’éclairement commun, »
Or, cette hypothèse, qui entraine la loi, est-elle
exacte ? M. Broca prouve qu'elle est très sensible-
ment exacte, par la crilique des mesures astropho-
tométriques d’Herschell, de Stenheil, des mesures
spectrophotométriques de MM. Macé dé Lepinay el
Nicali et ses propres expériences.
Or, cette hypothèse entraîne mathématiquement
la nécessité de l'addition simple des sensations
binoculaires, seconde relation qui commande d’ail-
leurs aussi la première. Une expérience bien simple
du D° Broca intervient ici : Soit un disque rotatif
de Masson, présentant un trail noir interrompu ;
quand le disque tourne, on a des couronnes noires
et blanchesentre lesquelles la différence d'intensité
est inversement proportionnelle à la distance au
centre. Quel que soit l'éclairement, si avec l'œil
droit on distingue la p"° couronne, et avec l'œil
gauche la g%°, avec les deux yeux la dernière cou-
ronne distinguée est toujours la (p Lg)". Par
application de la loi de Fechner et une analyse
mathématique aussi simple que son expérience.
l’auteur conclut que la sensation due aux deux
yeux est la somme des sensations dues à chaque
œil séparé.
Quelle est alors la cause de la diminution du
rendement de l'œil, quand l'intensité lumineuse
augmente, et qui se traduit par ce fait que la sensa-
tion croit comme le logarithme de l'excitation? La
cause est-elle psychique? Non, les sensations des
deux yeux s’ajouteraient avec déchet. Elle réside
dans la loi de conservation de l'individu, qui se
présente ici sous deux formes : contraction pupil-
laire et migration du pigment. C’est là que l’auteur
voit l’affaiblissement du coefficient de rendement
de notre organe visuel, quand l'énergie excitatrice
croit.
La loi logarithmique est donc due ici à de mul-
tiples phénomènes de l'organisme, d'effet total
complexe; c’est une loi empirique comme celle de
la compressibilité des gaz.
D' Broca : Zmuyés accidentelles sur fond obscur. —
Pour justifier son essai de théorie, l’auteur expose
les faits incompatibles avec la théorie d'Helmholtz,
qu'il a longuement constatés et vérifiés en fixant
les corps éclairés avec un obturateur de chambre
noire s’ouvrant sans secousse.
7
Pour des fixations du Soleil, variant de 100 à 4",
le temps pour l'apparition de l'image est constant
etde 7",le temps pour le maximum d'intensité
de cette image également constant et de 15”; la
durée totale de l'image est au contraire variable
161
L. TEISSERENC DE BORT — LA MÉTÉOROLOGIE AU CONGRÈS DE CAEN
avec le temps de pose, depuis 4' jusqu'à 24 heures,
accompagnée dans ce dernier cas d’une véritable
neurasthénie pour l'observateur. Dans le cas
d’une surface faiblement éclairée, le temps pour
l'apparition diminue avec l'éclairage; quant aux
changements de couleur de l’image, l’auteur n’a pu
rencontrerces phasesfixes signalées par Helmholtz.
Tous ces faits excluent, comme explication, la
théorie basée sur la persistance des impressions
lumineuses: ils ne peuvent être dus à une réserve
d'énergie aceumulée pendant l’action de la lumière
et restiluée quand l’action cesse.
L'auteur cherche alors, dans la rétine qui vient
de travailler, une source d'énergie qui puisserendre
compte des particularités du phénomène. Après
l'action de la lumière, il y a une action inverse,
reconstitution de l'organe usé au moyen de maté-
riaux apportés par le sang. Les capillaires de la
membrane de Jacob, après l'impression lumineuse,
vident leur sang usé dans les veines et en reçoivent
du neuf, ce qui dure d'autant plus que l'impression
aura été plus forte. On a donc sur les terminaisons
nerveuses même une transformation d'énergie
qui se produit et qui doit exciter ces terminaisons.
La sensation lumineuse qui nous donne ces
images accidentelles sur fond obseur serait ainsi
due à un déchet que subit l'énergie potentielle
apportée par le sang, source extérieure, quand
s'opère le travail de reconstitution de la rétine.
D' GuéguarD : Aypothèses sur la physiologie de
la vision. — L'intérêt de ces communications se
trouve encore accru par une autre théorie très
explicite de la vision, basée sur deux hypothèses
physiques, qui nous est apportée ensuite par le
D' Guébhard, La place nous manque malheureuse-
mentpour reproduire ici la courloise discussion
entre les deux physiciens-physiologistes qui cons-.
latent nombre de points communs entre leurs deux
manières de voir, et le D' Guébhard rentre ensuite
dans la physique pure en nous expliquant : «Pour-
quoi les lointains viennent trop en photogra-
phie ».
M. E. Gossart donne une démonstration géomé-
trique élémentaire de la règle qui sert aux minéra-
logistes pour connaitre les directions d'extinction
des lames cristallisées en lumière polarisée paral-
lèle.
M. NEYRENEUr : Sur la réfraction du son. — Le Con-
grès se termine sur le mémoire de M. Neyreneuf,
qui. en sa qualité de Président de la Section, avait
voulu céder à tout le monde jusqu’au dernier mo-
nent son tour de parole.
Pour l'identification des lois de la réfraction du
lumière, M. Neyreneuf s'est
servi comme organe réfringent d’une grande len-
tille d'eau formant la paroi d'une caisse sourde,
son à celles de la
qui contient un limbre comme source sonore. Un.
cylindre de 36 centimètres de diamètre et 15 cen-
timètres d'arête, armé de tubulures, a pour bases …
concaves des lames de caoutchouc. Malgré les per- s
tes d'intensité dues aux réfractions sur les sur-.
faces air-eau, l’auteur peut trouver l'image sonore
avec sa Hu sensible. Les résultats les plus nelss
s'obliennent par tension et courbure considéra-# 4
bles des membranes, qu'on réalise en faisant écou-
ler l'eau, jusqu'à ce que les membranes viennent»
en contact sur un cercle central bordé par la sur-
face convergente. Quoique les expériences ne se.
prêtent pas à des mesures précises de longueurs
focales et d'indices de réfraction, elles sont réelle-"
ment coneluantes pour la constatation des points
focaux.
E. Gossart,
Maitre de Conférences ;
à la Faculté des Sciences de Bordeaux
IT. — Secriox nE MÉTÉOROLOGIE.
Cette Section s’est occupée de plusieurs des.
questions qui préoccupent le plus les météorolo-
gistes à notre époque. à
Il faut, en particulier, signaler les recherches.
faites pour améliorer nos méthodes de prévision du
temps. Un météorologiste persévérant, M. Guil-.
bert, qui habite le Calvados, a montré comment la
méthode de prévision, basée presque exclusivement
sur l'étude de la forme des lignes isobares, leur
espacement plus ou moins grand, peut être beau-
coup améliorée par l'observation critique des
nuages, ou mieux des successions, différentes de
nuages. L'observation des cirrus, préconisée bien.
souvent, donne, lorsqu'elle est interprétée avec.
soin, de très précieuses indications sur la position
des centres de dépression barométrique silués à.
plusieurs centaines de kilomètres de l'observateur.
Pour prévoir l’arrivée des orages ou la pluie, il faul.
prendre en considération l’épaississement progres-
sif des nuages qui, de cirro-stralus, passent à
l’allo-stratus plus ou moins cumuliforme, c’est-à-.
dire à un nuage de texture un peu fibreuse, mais M.
assez épais el légèrement mamelonné; ce sont les.
masses filamenteuses de M. Guilbert servant de pré-
curseurs de la pluie. L'auteur a pris l'excellente
habitude d'adresser, par carte postale, au prési-…
dent de la Commission météorologique de Caen, les 1
prévisions qu'il établit d’après l'étude de la situation
générale de l’atmosphère indiquée par le Bureau È
Météorologique et d'après les nuages. On peut ainsi.
vérifier par la suite si ses avertissements se sont
réalisés. C'est ce qui se produit dans la grande ma-
jorité des cas el, chose remarquable, tandis que le …
temps semble être au beau stable, M. Guilbert peut
annoncer avec succès l’arrivée d'une tempête qui a %
. pour avant-coureurs des nuages caractéristiques.
… - ILest hors de doute qu'il y a beaucoup à faire
- dans cet ordre d'idées ; aussi on s’atlache à mieux
connaitre les nuages, et on demande à la photo-
graphie d'en fixer les apparences pour arriver
à une classificalion raisonnée de divers types.
- M. Angot, qui se livre depuis plus de deux ans à
des recherches sur la photographie des nuages, a
…
présenlé à la Section de belles épreuves (13-18) des
cirrus et de leurs dérivés, ainsi que des cumulus
orageux : ces épreuves sont obtenues en interpo-
sant entre le ciel et la plaque sensible un écran
formé d'une auge à faces parallèles renfermant une
solution de bichromate de potasse ; on peut aussi
remplacer cette auge par un simple verre jaune
choisi avec soin, ou par des plaques de gélatine
colorées à l’éosine, comme M. Garnier, de Boulogne,
l’a fait il y a quatre ans.
La photographie rend bien d’autres services: elle
permel de fixer l'image si fugilive de l'éclair et en
a révélé les innombrables ramifications.
La vue d'un cliché comme ceux que présente
M. Marriott, secrétaire de la Société méléorolo-
gique de Londres, ou de ceux qui sont dus à
M. Zenger, le professeur bien connu de Prague,
permet de comprendre pourquoi des corps assez
voisins d’un paratonnerre sont souvent frappés par
la foudre qui se divise en branches nombreuses.
Sur une des vues prises à l'École Polytechnique
de Prague, on voit l'ombre de plusieurs monuments
se projeter au moment de l'éclair sur le fond du
ciel illuminé par le reflet des gigantesques étin-
_celles de la foudre.
On peut encore reproduire par la photographie
l'aspet si curieux du givre, du verglas sur les végé-
aux, l'aspect instantané d’une portion de l’atmo-
Sphère traversée par une chute de grêlons, ainsique
cela a été fait à la Sociélé météorologique de
Londres.
M. Zenger, qui pense que le Soleil joue un
rôle très prépondérant, par voie d’induction
électrique, dans les perturbations mécaniques,
tempêtes, orages, etc., qui se produisent au
Sein de notre atmosphère, a trouvé dans la
photographie un puissant auxiliaire pour suivre
ce qu'il considère comme les effets da Soleil sur
notre enveloppe gazeuse. En employant des plaques
sensibles chlorophyllées pour la photographie du
Soleil, il trouve que l’image de cet astre est entou-
rée à certains jours de zones blanches qui sont
généralement d'autant plus accusées que la tem-
pète est plus imminente. Par un beau temps fixe,
l'image du Soleil est bien circulaire et ne s'entoure
que d'une teinte plus ou moins foncée, mais uni-
forme, produite par la lumière du ciel. Mais si les
zones blanches apparaissent, on peut être assuré
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
L. TEISSERENC DE BORT — LA MÉTÉOROLOGIE AU CONGRÈS DE CAEN
que le beau temps sera de courte durée. Dans la
pratique, le diagnostic n’est pas aussi certain,
parce que le trouble atmosphérique que la photo-
graphie permet de soupconner peut s’atlénuer ou
se produire loin de l'observateur, mais il reste
cependant acquis qu’il y a une corrélation directe
entre les divers aspects des images du Soleil et
l'état de notre atmosphère ; l'interprétation de
cette corrélation peut être très différente suivant
les vues de chaque savant. M. Zenger voit, dans ces
_zones, la projection des mouvements tourbillon-
naires d'origine électrique se transmettant du
Soleil à notre atmosphère ; d'autres peuvent y voir
un effet oplique dû à la présence d’eau sous forme
solide, liquide ou même gazeuse dans les hautes
régions de l'atmosphère, pénétrant plus haut à l’ap-
proche des dépressions barométriques qui sont le
siège de vastes courants ascendants. Quoi qu'il en
soit, ces phénomènes, signalés il y a plus de dix
ans pour la première fois par M. Zenger, méritent
d'être étudiés et suivis en divers lieux du globe.
Comme on le voit, le rôle de la photographie en
météorologie est multiple. Elle a permis de repro-
duire l’aspect d’une de ces trombes violentes dési-
gnées sous le nom de Tornado en Amérique, de
photographier des grêlons, des arcs-en-ciel, ainsi
que l’a montré M. Mariott, secrétaire de la Société
météorologique de Londres : en France M. Richard,
pour rendre la reproduction des aspects de ces phé-
nomènes encore plus frappante, vient de construire
un petit appareil stéréoscopique, le vérascope, qui
permet de corriger les défauts dus à l’imperfection
des lentilles en ,regardant les clichés positifs à
travers les mêmes lentilles qui ont servi à obtenir
les négalifs.
Dans un ordre d'idées tout différent, la Section a
entendu avec grand intérêt la lecture d’un mémoire
de M. Vidal, professeur d'Hydrographie, sur le
mirage marin à Bastia.
Les recherches de M. Vidal ne s'appliquent pas à
la théorie du mirage, mais aux circonstances où il
se produit et à ses effets sur la dépression de l’ho-
rizon. Tandis qu'on croit généralement quele mirage
ne peut persister que par un temps calme, M. Vidal
montre, par des exemples, qu’à Bastia, pendant la
saison froide, le mirage est à peu près permanent
etse maintient par coup de vent, probablement à
cause de la différence de température entre l’eau
et l'air.
L'effet de ce mirage est de produire un aspect
inverse de celui de la réfraction atmosphérique
quand le déeroissement des densités est normal.
Lestables des dépressions apparentes de l'horizon.
dont les marins se servent journellement,sontcons-
truites dans l'hypothèse d’une surélévation de l'ho-
rizon géométrique. Or, d'après la théorie de Biot,
LL
166
quandil y a mirage, l'horizon est abaissé, la dépres;
sion apparente est plus grande que la dépression
vraie. Pour le phare du nouveau port de Bastia, visé
à une hauteur de 19 mètres au-dessus du niveau
de la mer, la dépression causée par le mirage esl
d'environ 40 secondes d’arc en moyenne. Comme on
suppose ordinairement un relèvement à peu près
équivalent, on voit que l’erreur commise dépasse
1 minute d’are, elle atteint même parfois 2 ou
3 minutes. Ces erreurs peuvent produire sur les
calculs qui servent à régler les chronomètres, quand
on ne prend pas la précaulion de descendre à terre
pour cette opération, des différences de temps
assez sensibles et par suite de grosses erreurs dans
les longitudes. Aussi M. Vidal a-t-il fait œuvre utile
en signalant ces faits aux marins et aux savants.
Les mouvements généraux de l'atmosphère on
fait l'objet de persévérantes recherches de la part
de M. Garrigou-Lagrange. Reprenant l’ordre d'idées
développé il y a quelques années par M. L. Teisse-
rence de Bort, à savoir qu'il existe à la surface du
globe un certain nombre de grandes aires de hautes
et de basses pressions qui sont en nombre limité,
se retrouvant d’une façon persistante et jouant un
rôle tel qu'on doit les considérer comme les grands
centres d'action de l'atmosphère, M. Lagrange a cherché
à préciser les transformations que subissent les
isobares de chaque jour sur l'hémisphère nord, sui-
vant les déplacements des grands centres d’action
de l'atmosphère. Jusqu'ici les lois de ces transfor-
mations sont à peu près inconnues, bien qu’elles
aient fait l'objet de plusieurs mémoires publiés
par d’autres auteurs. M. Lagrange a pensé que l’in-
fluence luni-solaire devait jouer un rôle dans la
répartition des isobares, puisque la marée lunaire
influe sur l'étendue des alizés, comme M. Poincaré
l'a démontré. Ces recherches n’embrassent pas
encore une période suflisante pour permettre de
définir les formes que présentent ces actions ; mais,
d'après les premiers résultats obtenus, on peut en
espérer de précieuses indications pour la prévision
du temps à longue échéance.
Les mouvements tourbillonnaires de l'air onl
motivé quelques remarques de la part de M. Guil-
bert, qui a observé plusieurs trombes dans le Cal-
vados; ces trombes ont toujours présenté un mou-
vement tourbillonnaire bien marqué, elles ont
coïncidé avec l'existence de ces nuages orageux de
forme intermédiaire entre le cirrus et le stratus dési-
gnés par M. Guilbert sous le nom de musses filumen-
euses; enfin, elles ont été (oujours suivies d’une
hausse du baromètre, ce qui veut dire qu'elles se
produisent d'ordinaire à l'arrière des dépressions
barométriques. À propos de leurs effets, plusieurs
membres ont fait remarquer combien sont nettes
les preuves du mouvement aspiratoire produit par
L. TEISSERENC DE BORT — LA MÉTÉOROLOGIE AU CONGRÈS DE CAEN
les trombes. M. Teisserenc de Bort, qui a observé
plusieurs de ces météores en Algérie et a comparé.
leurs caractères à ceux des trombes de Dreux et de
Maisons-Lalfilte, a insisté sur l’analogie qui existe
entre ces tourbillons atmosphériques et ceux qu'on
peut produire sur une petite échelle à l’aide des …
appareils de M. Weyher. Dans ces derniers comme «
dans la Nature, le mouvement vient d'en haut, mais.
l'air est ascendant el converge vers la base de la
trombe pour s'échapper vers le haut. Il a combattu
aussi celte opinion que les nuages sont nécessaires
à la formalion des trombes; dans les déserts il y a
constamment des trombes sans nuages.
À propos des courants ascendants, M. Garrigou-
Lagrange à présenté un appareil qu'il vient de
construire el qui donne d’intéressants résultats.
C'est une sorte de tube de Piteau dont les branches
communiquent avec un manomètre différentiel
analogue à la boite élastique d’un baromètre ané-
roide. Cette boîte porte un miroir qui réfléchit un
rayon lumineux et permet d’accuser ainsi sur un
écran toutes les variations de pression causées par
l'aspiration de l'air.
L'étude de la température des eaux dans le
Sahara a conduit M. Rolland, l'ingénieur des mines
bien connu, à quelques déductions curieuses sur
l'accroissement de la température avec la profon-
deur, Il trouve que, dans le Sahara algérien, entre
35 el 30 degrés de latitude, la température des
couches terrestres croit réellement en profondeur
d’au moins 1 degré pour 20 mètres et souvent plus
rapidement encore. Dans l'esprit de l’auteur, ce
fait intéressant ne doit pas être trop généralisé
avant qu'il ait pu être vérifié en dehors du bassin
artésien de l’Ouèd Rhir.
On se plaint souvent avec raison du peu d'éten-
due de la période pour laquelle on possède des
observations météorologiques : c’estàcombier celte
lacune dans une certaine mesure que se sont alta-
chés quelques chercheurs, parmi lesquels il faut
citer tout particulièrement M. l’abbé Maze.En com-
pulsant les vieux ouvrages et lisant des centaines
de chapitres traitant de choses diverses, il est
arrivé à retrouver des notes précieuses sur le temps
pendant l'hiver rigoureux de 1767-68. Le 1° dé-
cembre 1767, rapporte la chronique, les arbres
avaient encore leurs feuilles ; le 13 il n'y en avait
plus. Le froid s’accentua et en janvier le cidre fut
gelé, le rhum converti en une sorte de gelée: sur la
côtenormande des milliers d'huitres furent englo-
bées dans un bloc de glace. — Un observateur de
Caen a, du reste, fait des observations détaillées
pendant les années 1765-1769; celle série est très
instructive.— Dans le même ordre d'idées, M. Sieur
présente un relevé d'anciennes observations faites
à Niort depuis 1802 jusqu'à nos jours. — M. Angot
vaobtatmitest nn bre deth ati nsihontadan thai ahes duc dot dat et D nr
t >
7
… naissance du passé porte avec lui de grands ensei-
+
ORNE EL TO OP EE TR Bu cire
rappelle la série de Poitiers qui s'étend de 1774 à
2 1819.
…_ Toutescesrecherches, — assezingrates, car elles
. ne satisfont pas l’imaginalion par des aperçus bril-
. Jants, — offrent au point de vue scientifique un réel
intérêt et méritent d’être encouragées.
C’est par ces patients labeurs qu’on arrive à re-
. constituer l’histoire de l'atmosphère, et, s’ilest vrai
- que, dans le domaine des choses humaines, la con-
gnements, combien pouvons-nous espérer de
- l'étude de la succession des phénomènes de l’at-
mosphère régis par des lois bien plus fixes que
_ celles des phénomènes sociaux dont l'élément prin-
cipal, l'Homme, est toujours en progrès.
L. Teisserenc de Bort,
Météorologiste
au Bureau Météorologique de France.
IV. — SECTION DE CHIMIE.
Malgré le [petit nombre de membres qui ont
assisté aux séances de la Section de Chimie, les
_{ravaux intéressants n’ont pas fait défaut.
M. Friedel a décrit une série de sulfophosphures
nouveaux, dont la formule générale serait P*S°M?, M
représentant-un métal diatomique tel que le fer, le
cuivre, le mercure, l’étain, le plomb, etc. Ces sulfo-
phosphures ou thio-hypophosphates s’obtiennent
. aisément en chauffant en vase clos des quantités
équivalentes de soufre, de phosphore et du métal
… correspondant. L'opération devant être effectuée à
… haute température, M. Friedel a dû employer un
dispositif spécial pour permettre aux tubes de ré-
- sister. Ce dispositif consiste à remplir de sable sec
la gaine métallique dans laquelle on introduit le
- tube scellé. Ce dernier doit occuper seulement la
partie médiane de la gaine, de façon que les
extrémités de celle-ci puissent être fermées par
un bouchon de liège, et qu’on n'ait pas à les chauf-
. fer. Le tout est placé sur une grille à combustion.
Les divers sulfo-phosphures que M. Friedel a
obtenus sont presque tous cristallisés, mais plus
ou moins allérables, suivant la nature du métal
- qu'ils renferment. L’acide azotique et le chlorate
de potasse les attaquent très facilement. La po-
lasse et l'eau en décomposent quelques-uns. Ils
sont donc sensiblement moins stables que les
sulfo-arséniures et les sulfo-antimoniures connus
et semblent avoir une constitution un peu diffé-
rente.
Mentionnons ensuite une communication de
M. Despierres sur un composé renfermant du phos-
Phore lié à l'azote, et auquel il attribue la formule :
CHPÇ :
AzHC5H5
CH. FREUNDLER — LA CHIMIE AU CONGRÈS DE CAEN
167
Ce corps a été obtenu en traitant le chlorure de
phosphocrésyle C'HTP CP par l’aniline. Il présente
un certain intérêt, en ce sens qu'on pourrait le
transformer, par perte d’une molécule d’aniline, en
une sorte de diazoïque dans lequel un atome
d'azote serait remplacé par un atome de phos-
phore :
C7H.P — AzC6Hÿ.
M. Despierres a perfectionné, d'autre part, le
procédé de préparation du chlorure de phosphé-
nyle. Ce dernier se prépare en chauffant du mer-
cure phénylé avec du trichlorure de phosphore.
L'opération ne fournit un bon rendement que
lorsqu'elle s'effectue sous pression réduite.
L'action du chlorure d'aluminium ou deschlorures
métalliques anhydres sur les divers composés or-
ganiques (carbures, acétones et chlorures, etc.) a
donné lieu, comme on le sait, à un grand nombre
de synthèses très intéressantes qu'on a expliquées
par la formation intermédiaire de composés d'ad-
dition. Cette explication, fort plausible, du reste,
n'avait guère été appuyée par des faits d’expé-
rience; nous sommes redevables à M. Perrier, pré-
parateur à la Faculté de Caen, d’avoir entrepris
l'étude de ces réactions compliquées, et d’avoir
isolé un très grand nombre et une très grande va-
riété de ces combinaisons intermédiaires. Men-
tionnons, entre autres, celles du chlorure d’alu-
minium avec les acétones grasses ou aromatiques,
les carbures aromatiques, le cyanogène, ete. Ce
sont des matières très bien cristallisées, mais ex-
trêmement instables. L’eau et les divers réactifs
les décomposent instantanément, en donnant nais-
sance aux mêmes composés que l’on obtient par
l'action directe du chlorure d'aluminium sur les
deux substances mises en réaction. L'analyse de ces
composés a prouvé que ce sont de véritables pro-
duits d’addition.
M. de Rey-Pailhade a continué ses recherches sur
le philothion. Le philothion serait une partie consti-
tuante de la plupart des matières organisées végé-
tales et jouirait de la faculté de dégager de l’hy-
drogène sulfuré, lorsqu'on triture ces matières avec
du soufre. La chaleur, l'alcool et certains réactifs
lui enlèvent celte propriété. Sans mettre aucune-
ment en doute les résultats présentés par M. de
Rey-Pailhade, il nous semble que les propriétés
qu'il adécrites ne sont pas suffisamment caractéris-
tiques pour faire du philothion une substance spé-
ciale, différente de la chlorophylle ou des sucs
végétaux déjà connus.
Parmi les travaux les plus intéressants qui aient
été présentés à la Section, nous citerons celui de
M. Barral, préparateur à la Faculté des Sciences
de Lyon. L'action prolongée du chlore sur le phé-
nol fournit, entre autres produits, un kerachloro-
168
phénol x dont la constitution était douteuse. M. Bar-
ral l'a élucidée complètement en traitant cel hera-
chlorophénol par le perchlorure de phosphore; il à
obtenu ainsi un dichlcrure de benzène hexachloré CSCI®
que l'acide azotique transforme en quione tétra-
chlorée CSCI‘O?. Il résulle de cette réaction que le
chlorure C°CIF possède la constitution :
CP
CAN CI
al, IL
ne
puisque la quinone tétrachlorée a pour formule :
Cl |”
all CIN
Ô
L'hexachlorophénol & est lui-même une quinone
chlorée :
(0)
DAT
dE
ce qui explique sa facile transformation en chlora-
nile en présence de l’eau et des acides.
En chlorurant le phénol à saturation, en pré-
sence de perchlorure d'antimoine, M. Barral
obtenu un mélange d’octochlorophénols CSCISO très
difliciles à séparer; il a isolé l’un d’eux, qui fond
à 89,5-90° et que l'acide sulfurique fumant trans-
forme en un corps G5CIS0 à odeur camphrée et iso-
mère de l'hexachlorophénol &.
M. Desgrez, docteur ès sciences, a fait part à la
Section de ses intéressantes recherchessur l’Aydra-
lation des carbures acétyléniques, vrais ou substitués,
par l’eau sous pression et à haute température.
L'acétylène a fourni ainsi de l’aldéhyde, et les
autres carbures des acétones. L'opération se fait
dans des sortes d'autoclaves de forme tubulaire,
qu'on chauffe à 325° pendant quelques heures.
L'hydratalion de l’acétylène présentait certaines
difficultés, étant donnée la nécessilé d'opérer sur
des quantités un peu considérables de gaz. M. Des-
grez a résolu le problème d'une façon fort ingé-
nieuse, en employant, au lieu de charbon de bois
ou de chlorure de calcium saturé d’acétylène, de
l'acide acélylènedicarbonique, qui se décompose
sous l’action de la chaleur en acétylène et acide
carbonique dont la présence ne gêne pas.
Disons enfin que M. Desgrez a constaté la for-
malion des deux acétones isomères chaque fois que
la théorie le prévoyait, c'est-à-dire dans le cas de
l’hydralalion d’un carbure asymétrique RG — CR.
Une deuxième communication à élé faite par
CH. FREUNDLER — LA CHIMIE AU CONGRÈS DE CAEN
M. Desgrez sur des expériences qu'il a entreprises
récemment pour frer le cyanogène sur divers carbures «
aromatiques, en présence de chlorure d'aluminium.
Il a oblenu ainsi avec le benzène le nitrile ben- …
zoïque ; avec le toluène il se forme principalement.
du nitrile para-toluique. M. Desgrez se propose …
d'essayer la même réaclion sur d’autres corps que
les carbures, sur le benzonitrile, etc. Ë
La Chi physique n'a fait le sujet que d’une
seule communication. M. Freundler, docteur ès.
sciences, a rappelé brièvement les résultats qu'il a
obtenus en- étudiant l'influence des dissolvants
halogènés et des carbures aromatiques sur le pou-
voir rotatoire des éthers tartriques tétrasubslitués.
Des mesures cryoscopiques, effectuées simullané-
ment avec les mêmes dissolvants, lui ont permis de
formuler une relation qui semble être générale et »
qui est la suivante :
Lorsqu'un dissolvant allère le pouvoir rotaloire
d’un corps dissous, il se passe dans la solution un.
phénomène quelconque (combinaison moléculaire,
polymérisation, dissociation) dont l'existence est
révélée par des anomalies cryoscopiques. De plus, …
le chiffre: du pouvoir rolatoire varie avec la con= |
centration; il ne varie pas sensiblement, el les
chiffres cryoscopiques sont normaux lorsque le .
dissolvant n'influe pas sur la valeur de (4) D.
Ces relations peuvent servir de confirmation
générale à la loi de Biot; elles ont de plus, une
utilité pratique, en ce sens qu'elles permettront de
connaitre le pouvoir rotatoire réel d'une substance
solide.
Mentionnons encore deux courtes communica-
Lions : la première de M. Maldiney, préparateur à
la Faculté des Sciences de Besançon, sur un #ro-
mure double d'argent et depotassium AgBr.2KBr.3H°0,
qu'il a obtenu en exposant un plaque phologra-
phique à l’action d’une solution de bromure de …
potassium à 2 %. Le point intéressant est que ce.
composé, qui est soluble dans l’eau,se forme même …
lorsque le bromure d'argent a élé exposé à la lu-.
mière; on peut donc sauver par ce moyen une …
plaque qui a été surexposée.
Enfin M. Brissonnet, préparateur à la Facullé
de Besançon, a présenté à la Section quelques.
recherches sur les alcaloïdes des quinquinas, en
particulier sur la transformalion de la cinchonine
en quinine, par l'intermédiaire de la cupréine..
Cette transformation se fait, soil: par voie chi-.
mique (action de l'alcool iodé sur la bromo-cincho-
nine), soit par voie microbiologique. M. Brissonnel
pense avoir obtenu déjà le terme de passage, la
cupréine, et cela sous l'influence de certains fer-
ments.
Avant de clore ses travaux, la Section a émis un …
vœu pour obtenir la mise en discussion, au Con-
A. BIGOT — LA GÉOLOGIE AU CONGRÈS DE CAEN
É grès de Bordeaux (1895), d’une question assez im-
portante : celle de la fixation du genre des diverses
fonctions chimiques, aldéhyde, aldose, oxime, etc.
.
C
On sait qu'il règne sur ce point un grand désaccord
- dans le monde scientifique. Dans le cas où ce vœu
. serait pris en considération par le Conseil, la sous-
_ commission française de la nomenclature serait
chargée de préparer un rapport sur la question.
La Section a enfin procédé aux élections d'usage :
M. Ch. Lauth a été réélu membre du Conseil d'ad-
ministration, M. Grimaux, délégué à la commis-
sion des subventions, et M. Alph. Combes, maitre
de Conférences à là Faculté de Paris, président de
la 6° section pour le Congrès de Bordeaux.
Et Ch. Freundler,
Docteur ès sciences,
Secrétaire de la Section de Chimie.
V. — SECTION DE GÉOLOGIE.
La Section de Géologie a été vivement émue en
apprenant au début de ses séances la mort de
M. Cotteau, evrrespondant de l'Institut, un des
membres les plus fidèles des Congrès de l’Associa-
lion francaise, plusieurs fois président de la Sec-
tion de Géologie. L'on sait que M. Cotteau s'était
fait une spécialité de l'étude des Échinides fos-
siles, que notamment il a fait connaitre presque
loutes les espèces françaises et qu'il mettait avec
la plus grande affabilité à la disposition de tous
ses connaissances si vastes sur un sujel si spé-
cial.
Avec M. Cotteau disparait l'un des derniers re-
présentants du Comité fondé pour continuer la Pa-
: léontologie française de d'Orbigny, et il est à crain-
dre que cette importante publication ne vienne à
disparaitre. Cependant combien reste-t-il encore
de formes fossiles à faire connaitre ! En Normandie
seulement, M. L. Brasil signale et décrit un certain
nombre d'Ammonites nouvelles ou peu connues du Ju-
russique inférieur. Dans un premier fascicule de ses
Contributions à la Faune jurussigue de Normandie,
M. Bigot avait fait connaitre les espèces du genre
Triyonia : le deuxième fascicule, présenté à la Sec-
tion, donne la description des espèces du genre
Opis ; dans le troisième, MM. Bigot el L. Brasil font
connaitre la faune très variée d'un riche gisement
Aslartien qui leur a été signalé par M. Moisy, et
dont les fossiles, ensevelis dans des sables, dans
des conditions de conservation qui valent celles
des meilleurs gisements tertiaires, permettent
d'augmenter notablement le nombre des espèces
des sables de Glos décrites depuis longtemps par
Ziltel et Goubert. — Parmi les communications
relatives à la Paléontologie, citons encore les
notes de M. Péron sur les Brachiopodes du Crétacé
169
supérieur de Ciply (Belgique), de M. Cossmann, sur
quelques formes nouvelles ou peu connues des faunes du
Bordelais, de M. Lennier, sur les ossements quater-
naires recueillis aux environs du Havre.
La géologiestraligraphique comprenaitlerésumé
des études de géologie sur le bassin de Paris, résultant
des recherches effectuées par M. Ramond plus spé-
cialement sur de grands travaux publics en cours
d'exécution. M. Bourgeat a cherché à appliquer à
la classification du carbonifère du Nord la théorie des
faciès coralligènes. — M.le D° Guebhard a fait con-
naître la disposition octogonale des plissements
dans la région de Suint-Vallier.
Les études de M. Emile Belloc sur la formation des
lacs glaciaires et de M. Ferray sur les rivières souter-
raines du département de l Bure touchent à la géologie
actuelle. Lors de l’élaboration du projet d’adduc-
tion des eaux de l’Avre à Paris, on se souvient, sans
doute, des enquêtes auxquelles donna lieu la re-
cherche des points de réapparition de cette ri-
vière qui possède en parlie un cours souterrain.
M. Ferray s’est occupé de déterminer, surtout avec
l'aide des matières colorantes, les points de réap-
parition de cette rivière, de celles de l'Eure et de
l'Iton qui présentent le même phénomène ; il a pu
constater aussi que la disparition de ces cours
d'eau ne se faisait pas d’une façon brusque, que
leur débit s’affaiblissait peu à peu, qu'elles s'é-
taient creusé un véritable court souterrain, avec
lit de gravier, et enfin qu’elles sont certainement
alimentées en profondeur par de véritables af-
fluents dont l’apportaugmente notablement le dé-
bit du cours d’eau à sa sortie. M. Bigot a rappelé
d'autres exemples de rivières de la Basse-Nor-
mandie ainsi bues par le sous-sol et fait ressortir
l'intérêt de la coupe donnée par M. Ferray pour
montrerl'importance du travail chimique des eaux
souterraines, amenant la formation en profondeur
de véritables argiles à silex semblables à celles des
plateaux.
Dans le domaine de la géologie appliquée M. David
Levat a fait connaitre les gisements de phosphate de
chaux el de calamine de la Tunisie ; M. Pallary, les
formations de phosphates de chaux du quaternaire algé-
rien et le phosphate d'alumine du territoire de la com-
mune de Misserghin (Algérie).
Une des communications les plus importantes au
point de vue de l'intérêt général de la population
des villes est celle de M. Lennier. En présentant
la carte géologique de lu ville du Havre, M. Lennier a
montré quel rôle joue dans la conservation des
germes épidémiques la nature du sous-sol. Le
Havre est bâti en partie sur le flanc d’un coteau
formé par des éboulements crétacés, et surtout sur
une plaine d’alluvions, déposée en arrière du cor-
don littoral sur lequel s'élève le quartier du Perrey.
LL Le < WE Ce : à CR Pre
ATÙ E. DE ROUVILLE — LA ZOOLOGIE AU CONGRÈS DE.CAEN
Au Perrey, habité par une population pauvre,
entassée dans des habitations insalubres, les mala-
dies épidémiques sont à peu près inconnues. Par
une autre anomalie dont M. Louis Olivier a con-
tribué à faire connaitre les causes, les quartiers
hauts, en dépit des prévisions théoriques, se pré-
sentent dans la pratique comme des plus favorables
au développement des maladies épidémiques. La
raison en est que, par suite de l'impossibilité d’un
drainage nalurel, le sous-sol est contaminé, tandis
qu'au Perrey la mer, pénétrant facilement entre
les galets de l’ancien cordon littoral, assure la pro-
preté du sous-sol par un lavage quotidien. On
comprend dès lors de quelle importance est pour
l'hygiène d’une ville la connaissance de son sous-
sol et que la Section, sur la proposition de M. Len-
nier, ait émis le vœu qu'il soit procède à l'établissement
de la carte géologique détaillée des villes et que, pour
faciliter ve travail, chaque fois qu'une ercavation sera
faite sur le territoire d'une ville, avis en soit donné à la
personne chargée de l'établissement de la carte.
En dehors des séances consacrées aux commu-
nications, la Section, dans une excursion à May-sur-
Orne el Bretteville-sur-Laize, a pu en une seule
journée se rendre compte de l'intérêt que présen-
tent pour les études géologiques les environs de
Caen, avec leurs terrains si variés, leurs récifs juras-
siques, leur richesse fossilifère. Les membres ont
pu admirer dans les collections de la Faculté des
Sciences et dans la collection Deslongchamps les
riches séries locales, avec leurs fossiles si bien con-
servés, et surtout les Vertébrés, Poissons et Rep-
tiles, recueillis dans le Bathonien et le Lias supé-
rieur des environs de Caen.
A. Bigot.
Professeur de Géologie
à la Faculté des Sciences de Caen.
VI. — SECTION DE Z00LOGIE.
M. Armand Sabatier a fait une communication
sur quelques points obscurs de la spermatogenèse
des Sélaciens. Il démontre que les capsules dans
lesquelles se formeront les spermatozoïdes sont le
résultat de la multiplication amitotique des noyaux
et cellules constituant non un épithélium propre-
ment dil, mais une bande de tissu conjonctif plus
ou moins épaisse.
Chaque noyau acquiert une zone protoplasmique
propre, et alors commencent les divisions mito-
Liques. Chaque cellule ainsi constituée subit deux
divisions successives : les petites cellules résultant
de la dernière division formeront les spermato-
zoïdes.
Ces spermatozoïdes une fois formés, une nouvelle
généralion de spermatozoïdes tendrait à se pro-
duire. C'est alors que prennent naissance la « cellule
basale » et le « corps problématique », qui ne se-
raient pas autre chose que les deux noyaux résul
tant d'une première division amitotique d’une
nouvelle généralion de spermatozoïdes. Cette gé- …
nération s'arrête là, d’ailleurs, car la capsule sper-
malique va se détruire peu à peu. 04
M. Jourdain expose le résultat de l'étude qu'il a
entreprise du Trombidion. 11 insiste partieulière- …
ment sur deux organes (organes de l’olfaction el
de l’audition?) situés vers l'extrémité antérieure
de cet Acarien. Il signale les différences très inté- ”
ressantes qui existent entre la larve et l'adulte,
différences portant sur le nombre des pattes, la
forme et le nombre des ongles, la structure des
mandibules et des mächoires.
M. Henri Gadeau de Kerville entretient la Sec- ”
tion de la triplicité du cæcum chez les Oiseaux ; il
a observé la présence de trois cæcums de dimen-
sions presque égales, de même structure, el dé-
bouchant à la même hauteur dans l'intestin par
un orifice spécial, chez deux canards domestiques
adultes et chez une poule domestique, également
adulte. Ces trois animaux étaient atteints de pygo-
mélie, monstruosité relativement peu rare chez les
Oiseaux.
M. Gadeau de Kerville pense qu'il s’agit là d'un
de ces cas fréquents d'anomalies par augmentation
du nombre des parties; peut-être aussi peut-on sup-
poser que ce cæcum Surnuméraire est un carac-
tère ancestral, produit par atavisme.
M. Fauvel signale quelques cas d’asymétrie chez
les Insectes coléoptères.Ilcite, à ce propos, comme
présentant une asymétrie spécifique : trois Osorius
de Madagascar, deux ?/alydema, lune de Ceylan,
l’autre de l'ile Damma (Timor); un Diwmerus, de
Guinée; enfin une Doubledayu Au Japon. M. Fau-
vel cite aussi un cas d’asymétrie générique, offert
par le genre ?hylolinus du Japon, et quatre cas
d’asymétrie dans les genres Amblystomus, Badister,
Orescius et Licinus, qui forment la tribu des Licini
dans la famille des Carabides.
Dans tous ces cas, l’asymélrie constitue un ca-
ractère fixe et invariable des espèces, du genre et
de la tribu, et n'a rien de commun avec les phéno-
mènes tératologiques.
M. Sirodot présente des photographies d’un
squelette de Zophius pisealorius de grande taille
qu'il a fait préparer en conservant les ligaments.
Il formule quelques considéralions intéressantes
sur la signification desdiverses parties du squelette,”
et notamment : de Ja face, de l'appareil opercu-
laire, des tentacules supérieurs et des nageoires
pectorales,.
M. Künckel d'Herculais, assistant au Muséum
d'Histoire nalurelle de Paris, fait deux communica-
tions : l’une sur l'histoire biologique des Insectes
—
diptères qui vivent en Algérie aux dépens des Oro-
-banches ; l’autre, sur les invasions des sauterelles
dans l'Afrique du sud.
. M. Joyeux-Laffuie entretient la Section de Zoolo-
- gie des observalions failes par lui sur deux Æyper-
: oodon (H. rostratus) échoués à Beuzeval (Calvados).
M. Joyeux-Laffuie a surtout étudié le squelette et
” les dents de ces Cétacés, sur lesquels il fournit de
_ précieux renseignements.
. M. Adrien Dollfus signale des cas de dimor-
_ phisme sexuel chezles Crustacés Isopodesterresires
- (G. Hemilepistus et Mesoponathus). I présente en-
_ suite une nole sur les Idoteidæ des côtes de France :
les espèces des côtes françaises appartiennent,
. d'après lui, à trois coupes génériques : Zeplosonn,
… Tdotea, Zenobia; elles sont basées sur le degré de
. coalescence des segments du pléon avecle telson.
_ Dans une dernière communication, M. Adrien
Dollfus donne la liste des Crabes et des Bernard-
l'Ermite de la faune européenne qui, provenant en
majeure partie des collections E. Simon et Dollfus,
se trouvent actuellement au Muséum du Havre; il
_ cite 90 espèces, plus une vingtaine de formes non
_ encore déterminées.
- M.J. de Rey Pailhade se demande comment et
… où se fait la combinaison chimique de l'oxygène
avec les malières constitutives de l’être vivant. Pour
- lui, les matières avides d'oxygène proviennent des
L
:
à
tion des éléments anatomiques; soit 2° au sein
_ même de ces éléments.
ne:
=
Il se fait aussi, d’après l'auteur, une fixation
Due par les parties internes de la cellule,
— ct cela, au moyen du philothion, substance qui exis-
terait abondamment dans tous les éléments ana-
_(omiques ; ce philothion serait, comme l’hémo-
. globine du globule rouge vivant, insoluble dans le
plasma sanguin ; il se combine à l'oxygène libre à
… latempérature physiologique des êtres vivants.
__ M. Calvet a étudié les Bryozoaires marins de la
région de Cette, située entre Agde et Palavas. Il
donne la liste de 105 espèces, nombre qui dépasse
de beaucoup le chiffre qui a été publié dans les
catalogues établisjusqu'ici,surles différents points
des côtes françaises.
Parmi ces espèces, quelques-unes n'avaient pas
encore été signalées dans la Méditerranée. Celle
liste, encore incomplète, renferme plusieurs espèces
qui n'ont peut-êlre pas encore été décrites.
M. Calvet se propose de compléter ce travail
dans le courant de l'année.
M. A. Villotadresse à la Section de Zoologie une
note sur « le Polÿmorphisme des Gordiens ».
- L'auteur étudie en détail le phénomène de la chi-
_ tinisation des téguments ; il montre que, sous son
— influence, la forme des diverses parties du corps se
cellules et sont combinées soit : 1° dès leur excré- |
E. DE ROUVILLE — LA ZOOLOGIE AU CONGRÈS DE CAEN 171
modifie, et relève de nombreuses erreurs commises
par les naturalistes qui avaient pris pour des
caractères spécifiques de simples différencesd’äge.
M. A. Caraven-Cachin adresse le catalogue des
Poissons des eaux douces du département du Tarn;
cette liste contient 22 espèces.
M.Etienne de Rouville présente un Siphonæcetes
nouveau (Siphonœæcetes Sabatieri) pèché dans l'étang
de Thau, à une profondeur de 4 mètres. Celte es-
pèce est caractérisée par des différences de struc-
ture du rostre, du flagellum, de l’antennule, des
gnathopodes et des uropodes (les extrémités pé-
donculées des deux dernières paires d'uropodes
étant découpées en dents de scie); de plus. seule
des espèces des Siphonæcetesactuellementconnues,
elle seloge dans une coquille {Bitéium paludosum : B.
seabrum ; Rissoia ventricosa. À. subventricosa, R. mur-
ginata) avec un prolongement artificiel, un tube
formé de fragments divers et allongeant la coquille.
Dans une seconde communication, M. de Rou-
ville étudie le mode de remplacement des cellules
épithéliales de l'intestin moyen de l'Æydrophilus
piceus et du Dytiseus marginalis. Contrairement à
l'opinion de Rizzozero, il croit à une origine con-
jonctive sous-épithéliale de ces cellules de rempla-
| cement, ces jeunes cellules se divisant d’ailleurs,
directement (amitotiquement).
Avant de se séparer, la Seclion de Zoologie,
frappée des inconvénients graves qui résultent du
retard apporté parles formalités à remplir avant la
|! vente et la prise de possession des Cétacés échoués
sur la plage, a émis à l'unanimité le vœu suivant :
« Qu'il soit fait auprès des ministères compétents
(ministère de la Marine, et ministère de l’Instruc-
tion publique) des démarches pour que les délaisré-
glementaires soient très raccoureis ou même sup-
primés, et que les hommes officiellement compé-
tents soient mis en mesure de se livrer immédia-
tement à l’étude et à la préparation des Cétacés
échoués, en vue des intérèts de la Science et de la
conservation de pièces qui deviennent de plus en
plus rares et précieuses »,
La Section de Zoologie nomme Président de la
Section pour le Congrès de l’Association française,
qui se tiendra en 1895 dans la ville de Bordeaux,
M. le Professeur J. Pérez, de l’Université de Bor-
deaux. -
Pendant le coursdelasession, plusieurs membres
de la Section de Zoologie ont répondu aux invila-
tions de MM. les Professeurs Edmond Per-
rier, du Muséum, et Joyeux-Laffuie de Caen, el ont
visité les laboratoires maritimes de Saint-Vaast-la-
Hougue et de Lue-sur-Mer.
Etienne de Rouville,
Chef des Travaux zo0ologiques
à la Faculté des Sciences de Montpellier.
172
VII — SECTION DE BOTANIQUE.
M. Rapaïs signale dans le tégument des graines
de Sapins, de Cèdres et de Ginkgo deux faisceaux
libéro-ligneux longitudinaux, opposés l’un à l’autre,
analogues à ceux qui ont déjà été signalés chez les
laxoïdées, mais à structure concentrique. Une in-
léressante discussion s'engage au sujet des consé-
quences à tirer de ce fait relativement à la valeur
morphologique du Légument ovulaire et aux affi-
nilés desConifèresetdes Gymnospermes.Y prennent
part MM. Poisson, M. Cornu, Léger, Lignier.
M. Baitandier cherche à reconnaitre par l'étude
de l'aire des plantes actuelles les modifications
qu'a subies la flore d'Algérie, aux époques récentes,
sous l'influence des variations climatériques et de
l'extension du Sahara. Ses observations le mènent
à penser qu'en général les plantes, soit indigènes,
soit d'origine européenne, ont émigré vers le nord
à mesure de l'extension du Sahara. Toutefois cer-
laines autres, européennes ou orientales, semblent
au contraire avoir pénétré vers le sud. C’est avec
la flore d'Espagne que la flore algérienne présente
le plus d’affinités.
MM. B. Renault et C.-Eg. Bertrand ont trouvé
dans les schistes bitumineux d’Autun, dans des
coprolithes rapportés à l’Actinodon Frossardi, une
bactérie très abondante qu’ils dénomment Bacillus
permiensis. Ge bacille est très poly morphe : il peut
prendre les formes suivantes : bacille rectiligne,
isolé ou couplé en diplobacille, bacille en virgule
ou même spirille, chainelle de grains arrondis ou
streptobacille.
M. C.-Eg. Bertrand décrit une plante à structure
conservée du houiller moyen. Son stipe dorsiven-
lral porte deux rangées de petites frondes, dont
les inférieures plus grandes. Chaque fronde sup-
porte une petite ligule. Le stipe ne renferme qu'un
seul faisceau qui est médian, bipolaire, à lame
_ligneuse horizontale; les faisceaux frondaires s’en
délachent obliquement de chaque côté des pôles
trachéens. Tous ces caractères sont ceux des Séla-
ginelles ; cependant l'auteur donne à cette plante
le nom de Æiadesmiu membranacea, parce qu'il ne
connait ni les porte-racines ni les sporanges.
M. Queva a étudié des galles formées par l’#e-
terodera radiciolu sur des racines el des tubercules
de Dioscorea illustratu. Le némalode se tient tou-
jours à la périphérie du faisceau libéro-ligneux et sa
présence amène la formation de certaines particula-
rilés anatomiques, parmi lesquelles la formation de
cellules géantes etplurinucléées.semblables à celles
quiontété signalées dans des cas analogues. L'action
de l’AÆolerodera ne se montre ni nuisible ni utile à
la Dioscorie.
M. Radais présente el explique un nouveau mi-
rité, réalise certainement un grand progrès sur
ceux déjà connus.
M. Guignard signale l'existence, chez le Manihot,
d'émulsine capable äe dédoubler l'amygdaline. De
même que la papaïne des Papayers, ce ferment est "
localisé dans le latex. L.
M. Radais expose une nouvelle méthode de pré-
paration du carmin boralé qui permet de traiter
ensuile les coupes par l'alcool absolu, sans amener
la formation d'un précipité du carmin. K:
M. Cornu montre que, dans la noix de Kola du
Congo, l'embryon possède ordinairement 4 à 5 co-
Lylédons, tandis que dans celles du Niger il n’en a. ;
que deux. En outre, de jeunes plantes, nées de
ces deux sortes de noix, ont montré des feuilles
différentes el différemment distribuées. Les deux «
espèces doivent donc être distinguées : il propose #
pour celle du Congo le nom de Æol« Bulluyi. L?
M. Blanc expose les merveilleux résultats obte-
nus par les Russes dans la culture du coton au
Turkestan; la cause en est dans le choix de l’es- …
pèce et dans le mode d'arrosage. Il croit que la T
même espèce et les mêmes procédés pourraient »
admirablement réussir au Sénégal. L
M. Lignier a reconnu que la nervation dichoto- 1
mique n’est pas, comme on le croit ordinairement,
exceptionnelle chez les Cycadacées, mais qu’elle
est au contraire la règle. C’est là un nouveau point
de rapprochement des Cycadacées avec les Fou-
sères archéoptéridées.
Autres Notes communiquées ou analysées.
MM. Barrannier: Considérationssurles plantesréfugiées …
ou en voie d'extinction de la flore algérienne.
BezLoc: Note sur la flore algologique d’eau douce
d'Islande, :
DaneL : Etude anatomique sur les débuts de la
soudure dans la greffe.
Queva : Anatomie de la tige de la Vanille (Vanilla
planifolia, Andr).
Nez: Remarques sur la végétation des vases de la
Seine.
Durour : Influence du sol sur les parties souter-
raines des plantes.
Ga : Influence de la sécheresse sur la propaga-
tion et la multiplication de l'espèce chez les vé-
gétaux herbacés.
BLanc : Sur une plante textile de l'Asie centrale.
Jorer : Pereisc et Charles de l’Ecluse,
He: Organogénie florale du Dispo ge
Han: Sur les genres Euplelea et Eucontmia.
PARMENTIER : Histologie comparée de Magnoliacées.
Gaueneny : Note sur un hybride obtenu expéri-
mentalement entre le Papaver Rhæas et le P:
dubium. à
Gexrau DE Lawaruière: Sur l’état œcidien du Cr0= MA
narliun flaccidum.
Russes : Contribution à l'étude de l'influence du …
climat sur la structure des feuilles.
E. ROUSSEAUX — L'AGRONOMIE AU CONGRÈS DE CAEN
MM. Ed. Bonxer : Recherches historiques, bibliogra-
phiques, etc., sur quelques Doronicum.
Eug. Mesxarn : Recherches sur le mode de déga-
gement des odeurs en présence des agents
extérieurs. EE
0. Lignier,
Professeur de Botanique
à la Faculté des Sciences de Caen
VIII. — SECTION D'AGRONOMIE.
Les travaux de la Section d'Agronomie, présidée
… par M. Houzeau, directeur de la Station agrono-
mique de la Seine-Inférieure, ont présenté un très
grand intérêt, tant par la diversité des communi-
calions qui y ont élé faites, que par l'importance
des sujets à l’ordre du jour. Nous nous bornerons
à un très court aperçu des travaux soumis à la
Section.
M. Künckel d'Herculais présente l'ouvrage inti-
tulé : Le Pays du Mouton, les conditions d'existence
des troupeaux sur les Hauts-Plateaux et dans T Ertrême
Sud. Ce livre considérable, publié par ordre de
M. J. Cambon, Gouverneur général de l’Algérie,
est la synthèse d'une grande enquête, qui permet
de se rendre compte des problèmes multiples que
soulève la question du mouton. L'ouvrage com-
prend, entre autres, une description fidèle des
immenses régions du Sud où se pratique l'élevage
et où vivent les lroupeaux des tribus nomades,
avec des photogravures complétant la description ;
puis viennent la représentation orographique,
l'énumération des ressources que ces pays offrent
-en pâturages et en eau; les points d'eaux sur les
routes que suivent les troupeaux sont indiqués,
et l’auteur a fait ressortir l'intérêt qu'il y aurait à
les aménager et à les multiplier. L'ouvrage com-
prend, en outre, des chapitres consacrés à l'étude
des maladies parasitaires les plus graves du mou-
ton d'Algérie, à l'énumération et à lareprésentation
des plantes croissant sur les Hauls-Plateaux et le
Sahara Algérien et jouant un rôle dans l’alimen-
talion des troupeaux, à l'emploi des laines chez les
indigènes pour leurs usages personnels.
M. Sagnier insiste sur l'importance capitale de
ce travail: la grande préoccupation doit être de
multiplier les réserves d’eau qui, une fois établies,
rendront la vie possible aux moutons qui sont une
des richesses du pays; les réserves éviteront ces
pertes considérables qui se produisent dans cer-
laines années. Ce n’est pas tant la nourriture qui
manque, c'est surtout l’eau, dont l'ouvrage établit
les prises, la géologie ayant servi à déterminer les
points où des forages ou des retenues peuvent
permettre d’avoir de l’eau en quantité suffisantc.
M. Formigny de la Londe, président de la Société
d'Horticulture du Calvados, donne lecture de rap-
ports de plusieurs Sociétés d’horticulture de la
173
région, sur de nombreuses questions théoriques,
pratiques et commerciales, qui concernent l’arbo-
riculture, la culture maraichère et la floriculture.
Ces intéressants rapports montrent que ces bran-
ches de l’agronomie s'étendent de plus en plus et
vont sans cesse se perfectionnant en Normandie.
Simplement effleurée dans cette communication,
la cullure du pommier à cidre a spécialement fait
l’objet d’un long entretien de M.le docteur Travers,
qui a exposé l'historique et l'état actuel de cette
culture.
Une des questions qui ont le plus attiré l'atten-
tion, en ces derniers temps, est celle de l'utilisa-
tion de la tourbe. M. Weber a donné sur l’emploi
de cette substance les détails pratiques suivants,
auxquels l'expérience et la compétence de l’auteur
donnent une haute valeur. Comme litière, elle est
moins propre que la paille, à moins de soins spé-
ciaux; en outre elle est froide, elle ramollit les
fourchettes ; lorsque les animaux ne reçoivent
qu'une ration médiocre, ils vont chercher les grains
d'avoine dans la tourbe et prennent quelquefois
l'habitude d'en manger, ce qui, chez quelques su-
jets, a produit des entériles et des indigestions
graves; mais cela est rare et, dans certains cas, au
contraire, on a pu préserver de coliques des che-
vaux gourmands de litière en les mettant sur la
tourbe. Par contre, la tourbe constitue un excellent
couchage, elle est de beaucoup plus absorbante
que la paille et d’un prix peu élevé, faits qui plai-
dent en sa faveur.
La tourbe a une teneur en azote supérieure à
celle de la paille et constitue un très bon engrais,
après avoir servi comme litière. Les cultivateurs
des environs de Paris n'ont pas paru partager
celte opinion; mais, peut-être doit-on tenir compte
de ce fait qu'ils sont, avant tout, producteurs de
paille.
L'industrie a fait des applications très utiles de
la ouate de tourbe : couvertures pour absorber la
sueur des chevaux après le travail, étoffes absor-
bantes, ouates qui remplacent avec avantage, pour
les pansements vétérinaires, les étoupes de chan-
vre, etc. Il est bon d’ajouter que les qualités des
tourbes, au point de vue absorbant et au point de
vue de leur composition, varient avec les pro-
venances.
M. Xambeu présente quelques notes sur l’Agri-
culture en Saintonge avant 1789. M. Xambeu a su
tirer des Archives des documents qui indiquent
la situation de l'Agriculture en Saintonge avant
1789 et la statistique des récoltes à différentes
époques.
L'état des personnes de la classe agricole, les
conditions économiques de la propriété rurale,
les méthodes employées en agriculture avant 1789,
méritent d'être étudiés. 11 est possible de se pro-
curer des documents de bonne valeur dans les car-
tulaires, les archives. les registres paroissiaux, les
actes des notaires, les livres de raison et de
famille, etc. Un travail semblable dans les autres
régions pourrail apporter des renseignements
utiles non seulement pour l'histoire de l'Agricul-
ture, mais aussi pour celle de tous les faits géné-
raux qui ont modifié lentement et successivement
l'état économique de la nation française,
Dans un autre ordre d'idées, M. Xambeu commu-
nique des analyses comparatives faites en 1893, sur
les feuilles de chêne et sur le foin, d’après lesquelles
la valeur alimentaire des feuilles de chêne, récem-
ment tombées, serait approximativement la moitié
de la valeur alimentaire du foin. M. Xambeu attire
l'attention sur la présence du tanin, substance
astringente qui paraît nuisible à la digestion. Pour
la consommation ordinaire, il est nécessaire de
mêler les feuilles de chêne à de la paille ou à
d'autres substances alimentaires.
M. Levat donne communication d’une étude sur
l’état actuel de la production et de la consomma-
lion des phosphales, en insistant sur les causes du
développement de cette consommation : diffusion
des connaissances agronomiques, constitution des
syndicals agricoles, apparition sur le marché des
scories de déphosphoration, découverte récente
des phosphates riches de la Floride et de la Tu-
nisie, etc. L'auteur fournit, avec de nombreux
lableaux à l'appui, la statistique de la production
et de la consommation des principaux pays, ainsi
que les échelles de prix actuelles. 11 conclut que
les réserves de phosphate actuellement assurées
par les gisements connus, suffisent pour satisfaire,
au fur et à mesure de leur accroissement, aux be-
soins de l'Agriculture.
M. Bernard entretient la Section des relations
entre les cartes géologiques el les cartes à courbes
d'égal calcaire, montrant la constance minérale
que présente chaque formation géologique, chaque
fois qu'on ne sort pas d’une même région naturelle.
Il a vérifié le fail par de très nombreux dosages
de calcaire effectués à l'aide de son calcimètre. II
traite aussi de la variation du pourcentage du
calcaire suivant sa lénuité el sa vitesse d'attaque.
M. Magnien donne des résultats d'expériences
relalives à la culture du blé en 1893-94. M. Ma-
gnien s’est atlaché, depuis 1886, à instituer dans
différentes siluations climatériques et géologiques
de la Côte-d'Or, des expériences ayant pour base
l'emploi d'engrais chimiques et de semences de
choix. Les résultats qu'il a obtenus dansses champs
de démonstration, établis dans les conditions les
plus diverses, ont mis en évidence l'excellence du
procédé.
F. JAYLE. — MÉDECINE ET HYGIÈNE AU CONGRÈS DE CAEN
Signalons enfin les communicalions : de M. Dou-
met Adanson sur la Persicaire Géante; de M. Gain
sur l'influence de la sécheresse sur les tubercules
de pomme de terre; de M. Gurnaud sur l’ancienne
sylviculture et la nouvelle; de M. Auriol sur l’uti-
lisation du vent comme force motrice des instru-
ments agricoles.
En cours de session, la Société d'Agriculture de
Caen, présidée par M. le comte de Saint-Quantin,
a tenu un concours départemental d'animaux
reproducteurs de la race bovine normande, ce
qui a permis aux membres de la Section d'Agro-
nomie d'admirer une fois de plus les efforts de
l'Agriculture du Calvados et de lui rendre un nou-
vel hommage.
Eugène Rousseaux.
Ingénieur Agronome,
Préparateur à l'Institut National Agronomique.
IX. — Section pE MÉDECINE ET HYGIÈNE.
La Section n’a donné le jour à aucune commu-
nication retentissante, mais une série de ques-
tions fort intéressantes y ont été étudiées et discu-
tées.
M. Charrin est venu soutenir à nouveau l'origine
infectieuse de certains cas de rlumatisme chronique.
Chez deux malades, observés récemment, il a vu
survenir, au cours d'amygdalites subaiguë et aiguë,
des manifestations articulaires aiguës qui ont
laissé à leur suite des déformations persistantes
des jointures atteintes. Dans un cas, l’amygda-
lite était suppurée et le pus contenait des strep-
tococcus et des staphylococeus albus; or, dans la
sérosité péri-articulaire, on a trouvé de l’albus.
Dans 21 autres cas publiés antérieurement, l’albus
a été rencontré 11 fois, le streptocoque 4 fois,
l'aureus 2 fois, le colibacille 2 fois ; deux fois enfin
l'ensemencement est demeuré stérile. Ces recher-
ches ont pour but de démontrer que certaines
arthropathies chroniques reconnaissent manifes-
tement une origine infectieuse. Ce n'est pas à dire
d’ailleurs que des causes chimiques, toxiques,
humorales ou physiques, traumaliques,soil encore
nerveuses ou trophiques, ne puissent produire des
altérations plus ou moins similaires.
Le même auteur attire encore l'attention sur la
fréquence de l'entérite pseudo-membraneuse, affection
extrêmement commune, mais dont l'intensité et la
marche clinique sont des plus variables. Une
forme en particulier mérite d'êlre signalée : la
forme cachectique, qui dure de longues années,
amène un amaigrissement considérable et donne
aux malades un aspecttelqu'on ne peut se défendre,
en les voyant, de songer soit à un carcinome, soil
surtout, tant à cause de la durée de la lésion qu'en
tibatihi sie aan:
de 0, tnt tué dires
F. JAYLE. — MÉDECINE ET HYGIÈNE AU CONGRÈS DE CAEN
raison du teint qui assez souvent conserve quelque
coloration, à la tuberculose intestinale. La ma-
Jadie se caractérise surtout par des crises d'enté-
rile qui sont fréquentes et très douloureuses, el
s’accompagnent d’évacuations alvines, partie so-
lides, partie liquides, ressemblant parfois à de la
lavure de chair mélangée de glaires et de fausses
membranes. Le meilleur traitement consiste dans
l'administration d'acide lactique, l'usage de lave-
mentsrectaux au nitrate d’argentet la prescription
d’un régime sévère.
Non moins intéressantes sont les recherches de
Hallopeau et Tesse qui ont découvert des wlcaloides
phlogogènes dans l'urine d'un malade atteint d'une pous-
sée aiguë de dermatite herpétiforme. Dans l'intervalle
des crises de dermatite, les urines sont normales,
mais au moment des poussées leur quantité dimi-
nue beaucoup; elles se troublent en formant un
. dépôt très abondant, constitué presque exelusive-
ment par des urates. L'analyse de ce dépôt y
révèle également la présence d’alcaloïdes qui, in-
jectés à des cobayes, ont déterminé des phéno-
mènes inflammatoires locaux intenses, mais sans
grande réaction générale.
Avec Cuutru nous tombons dans cette question
si difficile du #railement des dyspepsies par les agents
- physiques, et par le massage en particulier. Pour l'au-
teur, le traitement diffère suivant qu'il s’agit d'hy-
- popepsie ou d’hyperpepsie. Contre l'hypopepsie,
on doit employer le massage après le repas, pen-
dant la digestion même; ce massage excite lente-
ment le muscle de l'estomac et réveille l’activité
sécrétoire endormie. Cependant dans la forme
grave de l'hypopepsie, alors que les glandes sont
atrophiées, le muscle alltéré, les fermentations
abondantes, il vaut mieux pratiquer le massage à
jeun, qui sert à tonifier l’estomac et à activer l’éva-
cuation retardée des résidus alimentaires. Dans
l'hyperpepsie, le massage donne de moins bons
résultats. Il faut toutefois distinguer l'hyperpepsie
générale ou chlorhydrique de l'hyperpepsie chloro-
organique. Celle-ci s'améliore par le massage pra-
tiqué à jeun, tandis que l’autre doit engager le
médecin à s'abstenir de toute manipulation. Quant
aux autres agents physiques, hydrothérapie, élec-
lrisation, etc., les conditions d'application en va-
rient avec les individus.
C'est encore le massage abdominal que vante Ché-
ron dans les ptoses viscérales (entéroptose, dilatation
de l'estomac, abaissement de l'utérus). Le décubi-
tus renversé et le massage abdominal pratiqué
dans cette position ramènent, en un temps très
court, les viscères à leur situation normale, et mo-
difient la dilatation de l'estomac en même temps
que le chimisme de cet organe.
Moins importante pour le praticien est la com-
175
munication de wrayliano (de Gênes) qui nous donne
le résultat de ses recherches sur la pigmentation du
sérum sanquin et sur l& pigmentation des ersudats : il
arrive à conclure que la pigmentation du sérum
sanguin, normal ou pathologique, et celle du sé-
rum des exsudats, proviennent de l'hémoglobine
des globules rouges que ce même sérum détruit.
Viennent ensuite une série de faits cliniques ou
anatomo-pathologiques : ;
Hallopeau et Jacquinet:à propos d’ux cas de dermo-
graphisme intense, s'attachent à démontrer que le
dermographisme n’est pas nécessairement d'ori-
gine toxique et que la saillie ortiée commence à se
produire sous l'impression lactile, avant que les
sensalions pénibles ne se manifestent.
Nepveu, de l'erumen histologique de pièces de béribéri,
conclut que cette affection est, au point de vue
anatomo-pathologique, d’ordre infectieux, qu'elle
détermine une karyokinèse leucocytique considé-
rable et cause la proliféralion de jeunes cellules
dans le tissu conjonctif des principaux organes des
centres nerveux.
Jeanselme rapporte l'observation d'une fenvme atteinte
à la fois de selérodermie et de goilre exophtalmique, et se
demande si les deux affections dérivent d'une
même cause sans qu'il existe entre elles aucune
subordination, ou s’il y a une relation de cause à
effet entre l’altération thyroïdienne et la sclérose
cutanée.
Le (rendre attire l’attention sur les bons effets
qu'il a obtenus, dans un cas de sewrlatine compliquée
d'accidents cérébraux, par des eaveloppements frouls,
et dans un autre de bronchopneumonie compliquée
de néphrite aiguë avec hématurie, par l’adminis-
tration, toutes les trois heures, de bains à 18° d’un
quart d'heure de durée.
Regnault et Azoulay étudient l'influence de l'effort
sur les diverses espèces de tremblements et donnent un
moyen pratique d'exagérer ces derniers.
Tison rapporte une observation de purpura infec-
tieux dont le diagnostic avec le typhus exanthé-
matique a été difficile.
Bouffé velate onze cas de psoriasis traités el quéris
par l'yection de liquides oryaniques et particulière-
ment de liquide testiculaire; il pense que le pso-
riasis est une maladie éosinophile.
Hallopeaun'admetpaslanature tropho-névrotique
de l'affection et reste sceptique à l'endroit du trai-
de Bouffé.
Prioleau cite un cas d'orchite, probablement à pneu-
mocoques, survenue chez un vieillard, quatre jours
après une pneumonie.
Guelpa émet l'idée que, dans la diphtérie, la fausse
membrane est une barrière qui empêche la résorption
des toxines sécrétées par le bacille de Klebs, d'où
la nécessité de respecter la fausse membrane.
170
Hallopeuu fait remarquer que les assertions de
Guelpa contradiction avec toutes les
données actuelles.
sont en
Ces différents points de médecine, quel que soit
leur intérêt particulier, sont loin d’avoir l'impor-
tance des questions d'Hygiène qui ont été abordées
et traitées au Congrès, et au premier rang des-
quelles nous devons citer celle des dangers que peut
offrir l'abus des exercices de sport.
M. Le Gendre, dans un rapport remarquable,
montre qu'à l'époque de la croissance et de la
puberté, l'organisme se trouve dans des conditions
physiologiques loutes particulières, qui le prédis-
posent à un certain nombre d’affections, Or, entre
la prédisposition et l’état morbide, la distance est
faible et peut être aisément franchie par l'excès
des exercices physiques. Il faut reconnaitre, en
outre, que chaque exercice physique met plus spé-
cialement en jeu tel ou tel appareil ; on comprend
dès lors que, si l'appareil surmené par l'exercice se
trouve en élat de moindre résistance, des accidents
puissent apparaitre. Le médecin hygiéniste, qui a
noté chez un adolescent que tel appareil s’est déve-
loppé avec excès et que tel autre est insuffisant,
peut tirer parti de tel ou tel exercice. Mais il est
rarement consulté, et c’est la mode ou la fantaisie
individuelle qui tiennént lieu de conseillers. On ne
saurait donc trop protester contre ce défaut de
choix et aussi contre l'abus et contre le défaut
d'entrainement qui transforment promptement un
exercice utile en une source d'accidents. Il faut
enfin faire remarquer qu'en donnant trop d’impor-
Lance aux exercices physiques, on tend à déplacer
l'idéal des enfants et des jeunes gens. L'idéal des
anciens élait le culte du corps et de l'esprit, l'idéal
moderne doit être le culte de l’esprit. L’engoue-
ment passionné pour les sports risque d'aboutir à
accélérer la décadence morale et intellectuelle de
notre race sans la reconsliluer physiquement. Si
l’on veut développer sainement les exercices phy-
siques el éviter en même temps les accidents qui
peuvent en résuller par suite de l'abus ou d’une tare
organique, il est bon : 1° de faire examiner chaque
enfant par un médecin, avant de le laisser se livrer
à tel ou tel exercice physique; 2° s’il y a quelque
tare des appareils circulatoire, locomoteur, diges-
tif ou du système nerveux, d'interdire les exer-
cices qui peuvent l’aggraver; 3° d'exiger toujours
un entrainement progressif; 4° d'encourager l’exer-
cice, mais de faire la guerre au sport dans les
élablissements scolaires.
Le Prof. Bouchard n'est pas moins opposé que
Legendre à l'abus de lout exercice physique. On
ne saurait trop combattre loute espèce de concours
y compris ceux de médecine), mais les concours
F. JAYLE. — MÉDECINE ET HYGIÈNE AU CONGRÈS DE CAEN
sportifs sont en particulier à surveiller. Les exer-
ciees physiques ont en effet des dangers de deux
sortes. Les uns procèdent de l'acte physique qui
s'effectue dans tout travail musculaire, les autres
des actes chimiques qui sont réalisés dans ce même
travail.
Au point de vue physique il y a une éléva-
tion de la température du corps pouvant atteindre
39°, 40° et même 41°. La mort peut s'ensuivre,
comme dans le coup de chaleur ; si tel n’est pas le
résultat de cette élévation de température, celle-ci
n’est pas cependant exempte de tout danger. Ainsi,
elle provoque la dyspnée, inoffensive pour quel-
ques-uns, mais mal supportée par ceux qui présen-
tent la moindre lare antérieure, la moindre défec-
luosilé du côté du cœur ou des poumons. Le
surmenage transforme de simples troubles fonc-
tionnels en lésions organiques définitives.
Au point de vue chimique, il y a excès de des-
truclion de matières à la suile d'abus des exercices
physiques; de cet excès de destruction résulte un
affaiblissement de l'organisme, une prédisposilion
à l'éclosion de loutes les maladies infectieuses.
On ne saurait, en outre, trop insister sur ce
fait qu'une fatigue physique ne repose pas d’une
fatigue intellectuelle et vient simplement se sura-
| jouter à celle-ci.
Il faut donc surveiller les exercices physiques,
les limiter et en combaltre énergiquement les
abus. Quant aux concours, si on veut absolument
les maintenir, il faut empêcher d’y prendre part
tous les enfants qui, après une épreuve, accusent
160 pulsations à la minute.
Alglave, de Coubertin, Tissie sontégalement d'avis
qu'il faut éviter tout abus dans les exercices phy-
siques. Dekhterew ajoute qu’en Russie les concours
sont absolument bannis de l'éducation physique, et.
que les exercices violents ne sont permis qu'après
un examen médical rigoureux.
L.-H. Petit, en s'appuyant sur des faits Lirés de sa
pratique personnelle, insiste à son lour sur l'in-
fluence facheuse que peuvent avoir les exercices
physiques sur le développement des affections car-
diaques, si l'on pralique ces exercices trop tôt ou
trop violemment à la suite de maladies infec-
lieuses. Après la scarlatine, la variole, la Lyphoïde,
etc., il faut surveiller de très près l'appareil cir-
culatoire des enfants, si l'on veut éviter le déve-
loppement d'affeclions persistantes.
L'auteur n’est d’ailleurs nullement ennemi de
l'exercice physique elsignale même, en passant, les
bons effets de la gymnastique médicale sur la dilatation
de l'estomac dont sont souvent atteints les scolio-
tiques. De ses recherches sur ce point, il conelul:
1° que la dilatalion de l'estomac est fréquente
dans la scoliose ; 2 que les exercices de gymnas-
n
4
:
e
+
H
æ
7
€
hi
L
U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE
177
lique raisonnés s'adressant à la scoliose ont un
retentissement favorable sur la dilatation de
l'estomac; 3° qu'il y a une relation entre la di-
latation de l'estomac et la scoliose.
Toujours àpropos de sport, Bergonié et Tissié ont
étudié sur un même coureur,le premier lesréactions
électriques des muscles et des nerfs après les grandes
épreuves de sport, l’autre la variation des déchets orqu-
niques dans les exercices sportifs.
Bergonié et Bordier rapportent encore une obser-
vation de névrite périphérique secondaire chez un
homme habitué à marcher avec des échasses.
Hallopeau fait remarquer à ce sujet que les
échasses ne sont pas seules à donner des névriles :
plusieurs des appareils mécaniques en usage pour
la locomotion et autres mouvements coordonnés
peuvent en effet donner lieu à des complications
nerveuses : tout récemment il en a vu un exemple
chez un homme qui faisait usage de la machine à
écrire. ù
F. Jayle,
Interne à l'Hôpital Broca.
REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE
Il est très difficile en métallurgie d’être rensei-
gné sur les innovations les plus récentes. Ce n'est
en général qu'au bout d'un assez long temps d’ap-
plicatiôn, que les procédés nouveaux sont divul-
gués, en tant que l’on peut avoir à leur sujet des
renseignements un peu précis. En pareille matière,
une revue est forcément très incomplète et en
retard sur la marche réelle de l’industrie.
Je n'ai donc pas la prétention, dans cet article,
de signaler tous les progrès intéressants qui ont
pu être accomplis pendant ces dernières années,
ni de netraiter que des sujetstout à fait nouveaux.
Je me bornerai à examiner quelques questions qui
offrent un certain intérêt d'actualité et à indiquer
les derniers progrès réalisés, à ma connaissance,
dans quelques-unes des branches les plus impor-
tantes de la métallurgie. J’ai cru devoir faire entrer,
dans le cadre de cette étude, des procédés et des
appareils qu'on ne peut pas qualifier de récents,
mais qui son{ encore peu connus en France et dont
on ne trouverait mention dans aucun des traités
généraux publiés jusqu’à ce jour.
Je ne parlerai pas des études théoriques très in-
téressantes qui se poursuivent, depuis quelques
années, sur la structure et les propriétés des mé-
laux. Ce sujet demande à être traité avec plus de
détail, et je me propose d’y consacrer un article
spécial.
I. — ACIER.
Les procédés de fabrication du fer et de l’acier
n'ont pas recu, depuis plusieurs années, de perfec-
tionnements essentiels.
La production de l'acier déphosphoré (procédé
Thomas ou fusion sur sole basique) devient sans
cesse plus importante. Le procédé Thomas-Gil-
christ permet de fabriquer des métaux très doux.
qui peuvent remplacer avec avantage le fer forgé
dans tous ses emplois. Le prix de revient en est
diminué par la valeur des scories employées
comme engrais, qui procurent un bénéfice de
quatre à cinq franes par tonne d'acier. Aussi
voit-on se produire une révolution dans le com-
merce des minerais : aujourd'hui on recherche
les minerais phosphoreux, et même on y paiele
phosphore.
Les fontes peu phosphoreuses ne peuvent se trai-
ter que sur sole. Dans quelques aciéries améri-
caines, on à cherché à diminuer le prix de revient
de ce traitement en augmentant la production des
fours. On a construitdes fours de cinquante tonnes.
où le chargement se fait par des appareils méca-
niques. Quelques-uns de ces fours monstres ont la
forme d'un berceau, et peuvent osciller sur des
galets pour faciliter la coulée. Les charges sont
coulées dans des lingotières de dix tonnes, et les
lingots laminés dans ur train universel, où les deux
paires de cylindres sont actionnées chacune par un
moteur : les plaques sont ensuite coupées, puis
laminées pour tôle.
Le procédé Talbot, essayé récemment en Amé-
rique, consiste à activer l’affinage en mélangeant
chaque charge de fonte avec les scories oxydées
de l'opération précédente, qui agissent comme un
décarburant énergique, et restiluent une partie du
fer scorifié.
La recarburation de l'acier par le charbon,
d'après le procédé Darby, que j'ai signalé dans
cette Revue !, est aujourd'hui pratiquée couram-
ment dans beaucoup d'usines.
Après avoir cherché bien des combinaisons pour
donner aux blindages à la fois la dureté superti-
cielle qui permet d'arrêter le projectile, et la dou-
ceur intérieure qui empêche la plaque de se fissu-
rer, on est revenu au procédé classique de durcis-
sement à la cémentation.
1 Voyez à ce sujet la Revue du 30 septembre 1891, p. 593
à 600.
178 U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE
——————_—_———
Les Américains ont osé appliquer à des masses
énormes ce système par lequel on durcit depuis
longtemps les petites pièces comme les limes, les
coins, les enclumes, etils ont parfaitement réussi.
Les plaques Harvey sont cémentées sur leur surface
extérieure, en les plaçant sur la sole d'un four à
réverbère chauffé par un grand nombre de foyers
latéraux, et les recouvrant d’une couche de char-
bon de bois : puis on les trempe par aspersion
d’eau sur les deux faces. Les usines françaises
ont obtenu des résultats encore plus remar-
quables en appliquant ce traitement à leurs blin-
dages en acier spécial, où il entre environ 3 °/, de
nickel et de chrome.
Le nickel donne à l'acier la structure fibreuse el
lui enlève loute aigreur. Le chrome contribue à
augmenter la dureté, sans rendre le métal cassant
comme le ferait un excès de carbone.
A ce progrès dans la cuirasse a répondu un pro-
grès dans l’art de la perforation. C’est en brisant
la pointe de l’obus que le blindage durci l’arrète :
on arrive à éviter cette rupture en coiffant l’obus
d'un capuchon en acier relativement doux, qui
s'écrase et amortlit le chac: la pointe du projec-
tile est ainsi préservée et peut pénétrer dans la
plaque. Toutefois, il n’est pas encore bien dé-
montré que les bonnes plaques harveyées ne puis-
sent résister même à ces obus nouveaux.
Un progrès qui intéresse toutes les industries el
qui peut être l’origine d’une véritable révolution
dans la métallurgie du fer, c’est la fabrication des
aciers riches en nickel, — On sait depuis plusieurs
années, par les travaux de MM. Hadfield, Riley, ete,
que si on force beaucoup la dose de certains mé-
laux ajoutés d'ordinaire en petite quantité à l’acier,
comme le manganèse et le nickel, on obtient des
alliages dont les propriétés sont toutes nouvelles :
ils ne sont pas magnétiques, et la trempe agit sur
eux tout autrement que sur l'acier.
Le ferro-nickel à 95 °/ parait être le plus inté-
ressant de ces composés. Recuit, il possède déjà
des qualités remarquables. La trempe augmente
sa résistance, mais elle augmente en même temps
son allongement: au lieu de l’aigrir, elle l'adoucit.
On arrive à 50 °/, d’allongement avec 35 à 40 kil.
de limite élastique, 70 à 80 de charge de rupture.
Si l’on veut durcir ce métal à la manière de l'acier
trempé, c’est-à-dire rapprocher sa limite élastique
de sa charge de rupture, il faut l’écrouir par le
travail à froid, ou encore le refroidir au-dessous
de —15°, température à laquelle ilredevient magné-
tique. La charge de rupture monte alors à 120 kil.:
la limite élastique est de 80. Le métal ne devient
pas aigre, il possède encore 10 à 20 °/, d'allonge-
ment. Dans les constructions, il pourrait supporter
un travail double de celui qu’on admet pour l'acier.
Cel alliage présente encore l'avantage de se
mouler facilement.
Le prix de ce métal nouveau est élevé (4 fr. 50
le kilogramme); il pourra baisser par une utilisa-
tion plus judicieuse de nos gisements de nickel,
D'ailleurs, l'inconvénient en est diminué par ce
fait que les riblons, riches en nickel, conservent
une grande valeur. Il est probable que ces métaux,
qu’on étudie aujourd’hui activement dans plusieurs
usines françaises, ne tarderont pas à jouer un rôle
important dans l’industrie: on parle déjà de re-.
faire avec eux le matériel d’artillerie ; ils pour-
raient rendre de grands services dans les cons-
tructions navales.
En ajoutant, avec le nickel, un peu de chrome
ou de tungstène, on augmente beaucoup la dureté;
on arrive ainsi à fabriquer des aciers dont la ré-
sistance dépasse 200 kilogrammes.
IT.
D'après ce que nous venons de dire, on voit
quelle importance pourrait prendre le nickel sil
était à des prix abordables. On en consommerait
facilement dix ou vingt fois plus que la quantité
produite aujourd'hui, qui n’a guère dépassé
6.000 (onnes par an. Malheureusement sa métal-
lurgie présente encore bien des difficultés. Pour
les minerais silicatés de la Nouvelle-Calédonie,on
en est encore aux anciens procédés longs et péni-
bles : fonte pour mattes, affinage progressif de
ces mattes en plusieurs opérations pour obtenir
du sulfure pur, transformer le sulfure en oxyde,
réduire ce dernier, et enfin fondre le métal. La
découverte des gisements du Canada menace de
déplacer le centre de cette industrie dont notre
colonie avait le monopole. Ge sont des filons puis-
sants de pyrites avec lesquelles on peut obtenir à
très bas prix des matles de nickel et de cuivre: la
séparation de ces deux métaux est diflicile; on ne
NICKEL.
connait pas encore de bon procédé chimique; mais
on applique, dit-on, depuis peu en Angleterre un
procédé électrolytique qui permettrait de livrer le
nickel pur à 2 francs le kilo. Le prix, qui s’élait
longtemps maintenu au-dessus de 5 francs, était
déjà tombé récemment à 3 fr. 50.
Les mines de Nouvelle-Calédonie ne peuvent
plus lutter qu’à condition de perfectionner les
moyens de traitement. M. Manhès à fait à ce sujet
des essais fort intéressants : il a montré qu’on
peut, en traitant les mattes au convertisseur,
comme on traite la fonte de fer au Bessemer, en-
lever {rès facilement la totalité du fer et même une
grande partie du soufre. Il a aussi trouvé des pro-
cédés nouveaux pour affiner le métal ainsi préparé.
Le traitement deviendrait presque aussi simple
que pour l'acier. Je ne puis que signaler ce sys-
‘2
La
_tè me dont les essais ne sont pas entièrement ter-
_- minés, mais dont l'application aurait une impor-
tance extrême pour notre industrie.
III, — MÉTAUX RÉFRACTAIRES.
# Jusqu'à présent, pour préparer les alliages du
… fer, on se sert, comme matière première, de fontes
% riches, telles que le ferro-manganèse, le ferro-
Done, fabriquées au haul fourneau ou au creu-
D: elles contiennent toujours beaucoup de car-
Eboe et souvent du silicium. Il y aurait un grand
# intérèt à disposer de métaux purs qui permet-
… traient de préparer des ferroïdes exempts de
—. carbone : ces alliages posséderaient sans doute
— des propriétés remarquables, car onsait que, dans
- les alliages de cuivre comme le laiton, de très
- faibles traces de corps étrangers suffisent à dimi-
nuer beaucoup la malléabilité.
On connait trois méthodes générales pour ob-
tenir à l’état de pureté les métaux réfractaires :
1° Réduction par le carbone et l'affinage dé la
fonte en la chauffant avec l’oxyde pur du même
métal. C'est l’ancienne méthode de Deville : très
pénible avec les tempéralures insuffisantes que
développent les fourneaux ordinaires, elle est
devenue pratique par l'emploi du four électrique
- de M. Moissan, qui a préparé ainsi tous les mé-
_ aux très mal connus jusqu'à ce jour. La réduction
… se fait dans un creuset ouvert au milieu de l’arc
voltaïque ; l’affinage, dans un creuset fermé, plein
… d'oxydes et chauffé de la même manière. Le pro-
ra cédé est encore trop coûteux pour l'industrie.
a: 2 L'emploi d’un réducteur métallique. C’est
… aussi Deville qui a fait autrefois la première appli-
- cation industrielle de cette méthode pour l’extrac-
… rivés à obtenir le manganèse pur en chauffant le
- protoxyde intimement métangé avec de la poudre
d'aluminium : le protoxyde est préparé en rédui-
sant dans un courant de gaz le minerai préala-
blement débarrassé de fer par digestion dans
l'acide sulfurique. On consomme 33 °/, d'alumi-
nium : au cours actuel, on pourrait préparer le
- manganèse à moins de 2 francs le kilogramme. Ce
. procédé réussirait sans doute pour d’autres corps,
Surtout en employant le sodium, qui ne serait plus
d’un prix inabordable avec les nouveaux procédés
d'extraction par voie électrolytique.
3° L’électrolyse de dissolutions ou de sels fon-
.dus. M. Placet a obtenu des dépôts galvanoplas-
tiques de chrome pur en employant comme bain
une dissolution d'alun de chrome. MM. Kænigswater
et Ebell (à Linden) annoncent qu'ils fabriquent du
manganèse électrolÿtique et des alliages de man-
ganèse. L'électrolyse des chlorures et des fluo-
rures fondus, qui est devenue le procédé courant
Et D'ÉSNTS LE ET te ‘ttes dre ie 1:18
U. LE VERRIER REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE 179
de fabricalion de l'aluminium, réussirait certai-
nement pour les autres métaux : la principale dif-
ficulté serait de préparer économiquement des
bains assez fluides.
IV. — ALUMINIUM.
L’aluminium, qui a excité une si vive curiosité
dans l'industrie, n’y a pas encore pris une place
importante. La production est encore très faible:
peut-être ne dépasse-t-elle pas en tout 1.000 tonnes
par an. Après avoir considéré comme un résultat
merveilleux de le produire à cinq francs, on s’aper-
çoit qu'il faudrait arriver encore bien plus bas
pour lui trouver des débouchés sérieux.
La fabrication n'a pas fait de progrès essentiel
depuis que les procédés d’Heroult et Kiliani et
ceux de M. Minet onl été installés. C’est toujours
par l’électrolyse du fluorure double d'aluminium
et de sodium fondu qu'on opère, et elle se fait à
peu près partout dans les mêmes conditions. On
est obligé d'alimenter le bain avec de l’alumine
pure, et, par suite, de soumettre d’abord les
bauxites à un traitement chimique très coûteux,
car le silicium et le fer qu'elles contiennent se
réduiraient aussi, et on ne possède aucun moyen
d'affiner le métal impur.
Le prix de revient actuel de l'aluminium parait
être dans les environs de trois francs. On pourrait
l'abaisser à 2, peut-être même à 1 fr. 50. Mais on
aura de la peine à descendre plus bas avec les
procédés électriques. Dans l’électrolyse même, il
n’y a que des perfectionnements de détail à es-
pérer. Le principal objectif serait de produire
d’abord l’alumine à bon marché. Il vaudrait en-
core mieux s’en passer et traiter la bauxite direc-
tement, M. Minet a fait à ce sujet des expériences
fort intéressantes. Son procédé d'électrolyse en
deux temps, consistant à épurer d’abord le bain
par une fusion rapide dans une cuve où le courant
précipite d’abord les corps étrangers, donnera
peut-être bientôt la solution du problème.
On a essayé un grand nombre d’alliages pour
augmenter la résistance de l'aluminium. Ceux qui
sont entrés dans la pratique industrielle sont les
alliages avec le euivre. Le métal à 3 °/,, bien la-
miné, donne 20 à 25 kil. de résistance et 15 à 20 os
d’allongement ; mais sa limite élastique est très
faible, défaut grave pour la construction. Le métal
à 6°/., d'un maniement moins facile, et qui ne se
travaille qu'à chaud, est plusraide, et conviendrait
peut-être mieux à ce genre d'emploi, quoique la
somme R + À (à laquelle on attache une impor-
tance exagérée) y soit un peu plus faible. Le wol-
framinium (alliage au tungstène et au cuivre) est
d'une préparation délicate; mais, bien travaillé, 1l
donne des résultats remarquables : il commence à
180
U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE
——_—_—_—_—————————
être employé en Angleterre et en Allemagne.
On n’emploie guère l'aluminium et ses alliages
que laminés. Les moulages sont difliciles à obtenir
sains. Cependant M. Roman parait avoir réussi à
surmonter ces obstacles. Il fabrique des pièces
coulées qui ont une résistance satisfaisante, nolam-
ment des tubes que l’on peut finir au tourou au
banc à lirer et qui reviendraient bien moins cher
que les tubes emboutis.
Si on examine ses applications actuelles dans
l'industrie, il faut reconnaitre que l'aluminium n'a
pas encore réalisé toutes les espérances qu'il avait
fait naître. Maïs ce n'est pas lout à fait sa faute; on
l'a peut-être mal pris; on veut, par exemple, lui
faire remplacer purement et simplement l'acier,
sans se rendre compte que, pour tirer parti d'une
malière nouvelle, il faut chercher le régime qui lui
convient, le mode d'emploi qui s'adapte à son lem-
pérament, et non vouloir la plier à un programme
qui a été fait pour d’autres.
Par sa nature, l'aluminium n’est pas fait pour
lutter avec l'acier : c'est le zinc, la fonte de fer, le
bois, parfois le cuivre qu’il pourrait remplacer avec
avantage, eL qu'il remplacera certainement dès
qu'il ne coûtera plus trop cher.
IL y aurait une combinaison forl intéressante à
essayer pour un constructeur entreprenant : c’est
l'emploi simultané du ferro-nickel et de l’alumi-
nium. Tous les deux contribueraient à diminuer le
poids par des moyens différents : l’un parce qu'il
est très résistant, l’autre parce qu'il est léger. Le
premier conviendrait pour les ossalures, les pièces
qui travaillent et dont on pourrait diminuer les di-
mensions; le second pour les pièces de remplis-
sage, les cloisons, et autres organes quinefatiguent
guère, dont on a déjà réduit l'épaisseur au mini-
mum,etqui, en acier, offrentunluxe de résistance.
Il serait sans doute facile de donner à une telle
construction un poids moitié moindre que le poids
actuel. Malheureusement ces deux métaux sont
encore trop chers.
[I n’ya,ensomme, aujourd'hui que deux applica-
tions imporlantes bien acquises à l'aluminium et
qui se développeront même sans baisse de prix :
c'est l'équipement militaire, et la fabrication des
embarcations portalives et démontables : dans ces
deux cas, l'avantage de la légèreté est assez grand
pour faire admettre les prix actuels. Il y a une
troisième application, plus vaste, qu'on peut con-
sidérer comme acquise au point de vue technique :
c'est la fabrication de tout ce qui dans un navire
la
même la
coque. À ce point de vue, l'adoption du métal n’est
ne joue pas un rôle Capital au point de vue de
résistance : cloisons, superstruclure,
qu'une question de prix.
Il y a cependant encore une difficulté, c'est son
attaque facile par l’action combinée de l'air et de
l'eau salée. Cette attaque se produit d’une façon -
très capricieuse : cerlaines plaques se comportent …
bien, d’autres se piquent et se percent très vite. Il
est probable qu'on arrivera à démêler la cause de
ces différences, et à y remédier. L’impureté de l’a-
luminium, les inclusions étrangères qu'il relient
quand on le coule, paraissent être le principal fac-.
teur qui hâte l'attaque. Les peintures ordinaires
tiennent mal sur l'aluminium; M. Guillaux est ar-
rivé à trouver un revélement qui donne déjà des
résultats salisfaisants; ce genre de difficultés est.
donc bien près d'être levé.
En dehors de ces grandes industries, l'aluminium
pourrait trouver des débouchés importants dans
bien des petites fabrications, comme les boites de
montre, les éluis, les boutons, ete. Il n'y a là
qu'une question d'habileté commerciale pour sa-
voir lancer de nouveaux produits.
Aussi, tout en constatant que les progrès de
l'aluminium sont lents, suis-je persuadé qu'ils ne
s'arréteront pas, et qu'il serait facile, avec des
études rationnelles et suivies, de lui trouver assez
d'emplois pour absorber une production bien supé-
rieure à celle que les usines actuelles pourraient
assurer. Il faut reconnaitre qu’à ce point de vue,
la France, patrie première de l'aluminium, s’est
laissé distancer. Cette industrie est loin de s'y
être développée autant qu'en Amérique, en Angle-
terre et surtout en Allemagne. Ce devrait être tout
le contraire, car notre pays est mieux dolé que
tout autre par la nature pour produire ce mélal, et
c’est lui qui fournit en grande partie aux étrangers
la matière première : les bauxites, dont laProvence
a des gisements inépuisables, el que nous savons
si peu uliliser pour nous-mêmes.
V. — TRIAGE MAGNÉTIQUE,
Le lriage magnétique a reçu des applications
importantes, surtout en Amérique. Il peut servir
dans trois cas différents :
1° Pour enrichir les minerais de fer magnétiques
en les séparant de leur gangue ;
2 Pour séparer des mêmes minerais la blende,
qui y est souvent mélangée;
3° Pour séparer la pyrile de la blende.
C'est la première de ces opérations qui a passé
surtout dans la pratique courante. La moilié des
minerais de fer du Lac Supérieur sont enrichis de
cette manière. Il suflit de les pulvériser, puis de
les passer au trieur magnélique. On peut étendre
ces procédés à tous les minerais de fer en les
chauffant (mélangés d’un peu de charbon) dans
une cornue où passent les gaz d'un gazogène :
l'oxyde de carbone les transforme en produits
magnétiques. — Pour trier la pyrite, il faut la
CET AT
U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE
181
griller de manière à la sulfatiser, tout en la désa- | vation dans les grillages qui exigent une haute
ul
grégeant; elie se brise alors plus facilement que la
blende, qui n’est pas attaquée par un grillage mo-
déré; une pulvérisation, suivie d'une préparation
mécanique complète, les sépare.
M. Blake a consiruit, pour réaliser ce grillage”
partiel, un four spécial où l’on fait arriver, entre
les flammes du foyer, de l’air chauffé dans des
régénérateurs. En présence de l'air chaud et pur,
ro
la pyrite se grille plus vite et à plus basse tempé-
. rature. La blende n’est pas oxydée, mais elle a une
tendance à décrépiter, ce qui diminue beaucoup
l'efficacité du traitement.
VI. — PROCÉDÉS DE GRILLAGE.
Le grillage des minerais esl une des opérations
les plus importantes, et qui intéresse un grand
nombre d'industries. On cherche de plus en plus à
utiliser les gaz pour la fabrication de l'acide sül-
furique, ce qui est le meilleur moyen de les rendre
inoffensifs. Aujourd'hui, en Belgique et en Alle-
magne, les blendes sont presque partout grillées
dans de grands fours à moufle desservant des
chambres de plomb : il faut, en effet, pour cet
. usage, que les gaz ne soient pas mélangés à ceux
des foyers.
En Europe, où l'on cherche surtout la perfection
du grillage, cette opération se fait, ou tout au
- moins s'achève dans des fours (à réverbère ou à
moufle) allongés, où l'on brasse le minerai à la
main en le poussant peu à peu le long de la sole
jusqu’à la partie la plus chaude.
En Amérique, où il y a grand intérêt à économiser
la main-d'œuvre, on voit employer, surtout pour
les minerais d'argent où il faut passer de grandes
masses de matières pauvres, les types les plus
variés de fours mécaniques.
Le type le plus simple est celui des fours ey-
lindriques tournants : dans les modèles les plus
récents, on leur donne une grande longueur et une
légère inclinaison qui permet à la matière de des-
cendre lentement de l’extrémité jusqu’au foyer :
on est arrivé ainsi à réaliser un grillage très com-
plet. — Les fours à sole, où la charge est brassée
par des agitaleurs, sont peut-être plus eflicaces pour
hâter l'oxydation : la difficulté est ici l'entretien du
mécanisme et des organes mobiles placés dans le
four. Parmi les appareils les plus récents, il en est
deux qui paraissent donner de bons résultats :
Le four Pearceaunesole circulaire et des râteaux
reliés à un arbre vertical creux, refroidi par un
courant d’air : cet air chauffé est injeclé sur le
minerai.
Dans le four Frash, l'arbre est refroidi par
un courant d'eau, ce qui assure mieux sa conser-
température. La construction particulière du four
Blake, ceù la sole circulaire, au lieu d’avoir une
pente régulière. est formée par une série de gradins,
est de nature à seconder le brassage, par l'effet des
chutes successives du minerai, qui chaque fois se
trouve baigné par l'air.
Dans beaucoup de fours récents, on envoie sur la
charge de l'air pur, chauffé soit dans des régéné-
rateurs spéciaux, soit par circulation dans les parois
creuses. C'est un moyen très efficace de hâter
l’oxydalion, car,dans les fours anciens, l’air venant
du foyer était trop pauvre en oxygène, l’air entrant
par les portes trop froid pour agir énergiquement
sur les sulfures.
Il est un mode de grillage spécial, difficile à
conduire, qui intervient dans la métallurgie du
cuivre et dans celle du plomb. C’est le rôtissage,
où l’on cherche à griller partiellement, pour faire
réagir ensuite l’oxyde sur le sulfure restant, de
manière à produire du métal et de l’acide sulfureux
(PS HE 2 PhO — 3 Ph SO). Cette opéralion se
fait en général très lentement, et les réactions sont
toujours incomplètes. MM. Nicholls et Christopher
James l'ont simplifiée en la dédoublant. Ils com-
mencent par griller complètement une partie de la
matte de cuivre dans un four approprié: puis ils
mélangent cet oxyde, préalablement essayé, en pro-
portion convenable avec du sulfure cru : on chauffe
la charge dans un four à réverbère, il se produit
une réaction très vive et on obtient rapidement
presque tout le métal réduit. Les réactions sont
beaucoup plus rapides et plus nettes parce que le
mélange estintime, et qu'on peut réaliser exacte-
ment le dosage voulu de soufre et d'oxygène. Ce
procédé est employé avec succès à la Cape Copper
Company (Wales): le grillage se fait dans de longs
cylindres tournants inclinés, où la matte pulvérisée
descend par son propre poids : il est très écono-
mique el très complet.
VII. — TRAITEMENT DES MINERAIS ZINCIFÈRES.
Le traitement des minerais complexes de zine est
une question toujours à l'étude ; il n'existe aucun
procédé pratique pour séparer ce métal du plomb;
on a fait beaucoup d’essais industriels en Amé-
rique. Tantôt, comme dans le procédé Emmons, on
dissout le zine à l’état de sulfate (par le sulfate de
sesquioxyde de fer, l’acide sulfurique) ; tantôt on
cherche à le volatiliser à l’état d'oxyde, en rédui-
sant dans des fours à cuve à allure chaude : dans
ce dernier cas, le plomb se volatilise en partie ou
en totalité, on ne sépare donc bien que le fer et le
cuivre, et il faut encore traiter les résidus par voie
humide pour isoler le zinc à l’état de sulfate so-
182
TT ANT EP er DIE Ne)
U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE
luble. Pour extraire le zinc métallique de ces dis-
solutions, on ne connait d'autre procédé que l’é-
lectrolyse, moyen difficile et coûteux ; cependant
la pureté du zinc obtenu est une compensation qui
pourrait, dans certains cas, rendre l’électrolyse
abordable. M. Choale a proposé de verser directe-
ment dans les bains électrolytiques l'oxyde de
zinc obtenu par volatilisation, qui les neutralise-
rait en se combinant à l'acide sulfurique mis en
liberté près de l’anode.
VIII. — ÉLECTROLYSE.
Le raffinage électrolytique du cuivre est mainte-
nant une opération courante; il est indiqué lorsque
le métal brut contient des quantités notables d’ar-
gent ou d'or, ou lorsqu'on veut avoir des cuivres
de pureté exceptionnelle. Il se pratique en Amé-
rique sur une vaste échelle, et les produits sont
vendus à si bas prix qu'il est bien difficile aux
usines de lutter, si elles ne traitent pas des cuivres
riches en métaux précieux. La fabrication directe
des tubes en cuivre électrolytique, par le procédé
Ellmore,donne des produits tout à faitremarquables
comme qualité, mais elle est sans doute coûteuse.
Depuis longtemps on cherche à traiter directe-
ment les mattes par l’électrolyse
essais connus en Europe semblent établir l'insuccès
définitif de ces tentatives. Dès que les anodes ne
sont plus en cuivre assez pur, on n’évite pas leur
désagrégation ; le bain s’altère, se polarise, la pro-
duction baisse ou on obtient du cuivre impur. A
plus forte raison les difficultés deviennent-elles
insurmontables quand on essaie d'électrolyser les
minerais : le procédé Siemens, où on dissolvait le
cuivre en traitant les minerais par du sulfate de
peroxyde de fer, et où on électrolysait les dissolu-
lions avec des anodes en charbon, n'a pas réussi
davantage.
On applique aujourd'hui dans quelques usines le
raffinage électrolytique du zine argentifère, obtenu
par la désargentation du plomb : il permet d'en
extraire du zinc très pur, recherché pour la fabri-
cation du plomb. Le bain est une dissolution de zinc
et de chlorure de magnésium : on emploie aussi
le sulfate de zinc mélangé au sulfate de potasse.
Dans l'installation des cuves électrolytiques, on
peut signaler deux dispositifs nouveaux qui permet-
tent d'augmenter le rendement ou de diminuer la
quantité de métal immobilisé. Au lieu d'employer
comme autrefois une série de couples disposés en
quantité et comprenant chacun une anode en mé-
Lal brut et une cathode en métal pur, on place dans
chaque cuve une série de plaques isolées que le
courant traverse toutes : l’une de leurs faces joue
donc le rôle d'anode, et l’autre celui de cathode :
chaque plaque se dissout d'un coté pendant qu’elle
les derniers |
| qui provoquent la séparation de croûtes d'alliage
-triple (plomb, argent et zinc), et on revivifie le
zinc en distillant cet alliage dans des cornues en
se nourrit de l’autre avec le métal pur provenant
de la plaque précédente. Dans quelques ateliers les
plaques fixes ont été remplacées par des disques
tournants, dont une moitié seulement plonge dans
le bain, tandis que l’autre frotte sur des brosses
et est neltoyée d'une manière continue. On dimi- .
nue ainsi les effets de polarisation. Les études
faites dans cette voie par M. Tomasi permettront
peut-être d'aborder, avec plus de chance de succès,
le problème du traitement direct des minerais ou
des composés métalliques.
Pour la fabrication de la soude, M. Hargreaves a
construit un appareil très original : la cathode est
constituée par la paroi latérale de la cuve, qui est
formée d'une toile métallique recouverte à l'inté-
rieur par un diaphragme d'amiante. Le transport
des ions se fait à travers ce diaphragme, et l’élé-
ment qu’on veut isoler se trouve amené à l’exté-
rieur de la cuve, et par suite soustrail aux réac-
tions secondaires. Il serait intéressant d'essayer ce
système pour l’électrolyse des métaux sujets à se
| réattaquer.
IX. — DÉSARGENTATION.
La désargentation du plomb se fait aujourd’hui
à peu près partout au moyen d'additions de zinc
graphite où il reste du plomb riche. On a obtenu,
dit-on, de très bons résultats en ajoutant au zinc
quelques millièmes d'aluminium : l’alliage serait
plus riche et les séparations bien plus nettes.
X. — DISTILLATION DES MÉTAUX.
La volatilisation des métaux dans les fours à
cuve est souvent une cause de perte el d'ennuis.
On est parvenu, dans certains cas, à en tirer parti
et à en faire un moyen d'extraction. Depuis long-
temps, on prépare en Amérique le blanc de zine et
oxyde de plomb employé en peinture par la
réduction directe des minerais chauffés dans des
foyers soufflés : le métal se volalilise et se dépose
à l’état d'oxyde dans les conduits. Ce système
permet de traiter certains minerais impurs, comme
la franklinite, qui seraient inutilisables dans les
fours à zinc ordinaires. Il est assurément bien
préférable aux errements suivis en Europe, où l'on
prépare les mêmes composés en prenant pour
matière première des métaux purs dont l’extrac-
tion et l'élaboration ont nécessité des dépenses
bien inutiles dans ce cas.
Une application fort intéressante de ce principe
a été faite en Auvergne, aux minerais d’antimoine,
par M. de Châtillon. Depuis plusieurs années, on
y traite les sulfures pauvres par grillage et réduc-
*
À
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Y:
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E
U. LE VERRIER — REVUE ANNUELLE DE MÉTALLURGIE
183
tion dans des cubilots chauffés à assez haute tem-
pérature pour volatiliser tout l’antimoine. Les
fumées aspirées par des injecteurs à vapeur dans
des chambres de condensation laissent déposer
de l'oxyde assez pur, qu’on peut vendre aux phar-
macies ou réduire au creuset pour extraire le
métal. On utilise ainsi des minerais à 10 °/,, tandis
que les anciens procédés ne permettaient d’em-
ployer que des sulfures très riches.
Dans une série d’essais fort intéressants, M. V.
Hempel a montré qu'il n'est pas impossible de
. recueillir du zinc métallique en chauffant un mé-
lange intime d'oxyde et de charbon dans un eubilot
soufflé à l’air chaud. Il faut que les matières char-
gées soient complètement sèches. Les gaz sont
aspirés par un ventilateur centrifuge qui les pro-
jette contre les parois d'un tambour en tôle. On
recueille une poudre qui contient la plus grande
partie du zinc à l’état métallique. Après l'avoir
comprimé, on peut liquater le mélal ou le distiller
en vase clos presque sans perte.
XI. — EXTRACTION DE L'OR.
L'industrie de l’or, si à la mode en ce moment,
s'est enrichie depuis quelques années d’un nou-
veau procédé : la cyanuration. On lessive les mi-
nerais avec une dissolution contenant en moyenne
1°/, de cyanure de potassium.
L'or dissous est précipité de la liqueur par du
zinc très divisé. Le lessivage doit se faire sans
agitation, par suite de la tendance du cyanure de
. potassium à se décomposer; pour la même rai-
son, il faut saturer les liqueurs avec de la chaux
quand les sulfures s’effleurissent et donnent des
dissolutions acides. La consommation de cyanure
est d'environ 500 grammes par tonne de minerai,
* etles frais de traitement peuvent se monter à
20 ou 30 francs. Dans quelques usines, on est
arrivé à les réduire à 10 francs.
Ce traitement a été adopté dans le Transvaal
pour les résidus d’amalgamation (Failings) : il
permet d'extraire environ 75 °/, de l'or contenu et
remplace avantageusement la chloruration, plus
coûteuse. Il n’est pas démontré que le eyanure
agisse sur l’or combiné, mais il dissout très bien
l'or nalif en parcelles ténues, ou l’or rouillé qui
échappe à l'amalgamation pour des raisons phy-
siques (parce qu'il surnage ou qu'il ne touche pas
le mercure). La cyanuration convient donc aux
minerais pyriteux ou ferrugineux ; mais on obtient
de mauvais résultats avec ceux qui contiennent
des sulfures de plomb et de zinc.
XIT. — COLLECTEURS DE POUSSIÈRE.
Le dépôt des poussières conLenues dans les gaz
des fourneaux a une grande imporlance au point
de vue économique quand on traite des minerais
argentifères ; il a toujours son utilité au point de
vue hygiénique. Autrefois, on se contentait de les
faire circuler dans les longs conduits : aujour-
d’hui on cherche à multiplier les surfaces de con-
tact refroidies, et à contrarier le mouvement des
gaz. Les conduits sont faits en parois minces (tôle,
ciment à ossature métallique, briques creuses, etc.);
on les coupe par des plaques de tôle placées de-
bout. À Tarnowitz les gaz traversent : 1° des fours
où se trouvent des serpentins ou des jeux d'orgue,
fermés par des tuyaux où circule un courant d’eau;
2° des chambres à fils, formées par de longs con-
duits voûtés, où l’espace est obstrué par une
forêt de fils de fer pendant d'un treillis placé sous
la voûte; ces conduits sont divisés par une cloison
longitudinale qui force les gaz à monter, puis à
redescendre en traversant deux fois cette espèce
de filtre. Dans certaines usines américaines, les
gaz, appelés par un ventilateur, se filtrent, ausortir
des conduites, dans des sacs de mousseline fer-
mant l'orifice d'un jeu de tuyaux.
Pour les manipulations des produits plombeux,
on a adopté une série de mesures hygiéniques : les
portes de travail, les trous de coulée, sont sur-
montés de holtes en tôle, avec appel d'air par un
ventilateur ; on les dispose, autant que possible,
de manière à faire tomber directement les produits
dans des récipients couverts. Pour la désargenta-
tion, le soutirage du plomb liquide se fait avec des
pompes, dans des appareils complètement fer-
més, etc.
Cette question a aussi son intérêt pour les hauts
fourneaux, où les gaz combustibles doivent être
bien épurés pour ne pas encrasser les appareils où
on les brûle. Dans les usines récentes, on a mulli-
plié les tambours en tôle sur Le trajet des conduites
de gaz. À Hayange on fait, en outre, filtrer les gaz
à travers des couches de paille de fer.
Les essais faits jadis pour provoquer la con-
densation des fumées par des décharges alterna-
lives paraissent abandonnés. Ce système, très
efficace dans un espace confiné, aurait beaucoup
moins d'action sur un courant d'air en mouve-
ment.
U. Le Verrier,
Professeur de Métallurgie
au Conservatoire National des Arts et Métiers.
ACTUALITES SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
18/4
ACTUALITES
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LE RELÈVEMENT DES CABLES SOUS-MARINS. — NOUVEAU TYPE DE LOCOMOTIVE MINIÈRE. — UNE NOUVELLE FORME DE TROLLEY
Depuis quelques années, depuis surtout que l'énorme
développement donné par la Grande-Bretagne à son
réseau de lignes sous-océaniques nous met, à l’égard
de nos voisins, en état de si manifeste infériorité, notre
commerce d'outre-mer, aussi bien que la défense de
nosintérèts politiques en
Afrique, en Asie et dans
le monde entier, récla-
ment la création et la
multiplication de servi-
ces télégraphiques ap-
partenant exclusivement
à la France. Au moment
où l'attention du Parle-
mentet du paysse porte
sur ces grandes entre-
prises, il est ntile d’exa-
miner tous les perfec-
lionnements techniques
qui rendent de tels tra-
vaux plus pratiques et
moins coûteux, De ce
nombre sont les progrès
récemment réalisés en
Amérique pour réparer
les câbles quand ceux-ci
setrouventendommagés
en quelque point de leur
parcours.
La réparation com -
prend plusieurs opéra-
tions bien distinctes :
1° La recherche et la
localisation du défaut ;
2 Le relèvement du
càble ;
3° Lu réparation pro-
prement dite.
De la première et de
la troisième partie, nous
ne dirons rien en ce mo-
ment.
Relever un cäble, c’est
le saisir et le hisser à
bord, Dans ce but, on
attache à l'extrémité d’un
long cordage un grappin
avec lequel on racle,
pour ainsi dire, le fond
de la mer. Le grappin,
dans sa forme la plus
menacant de l’étaler, où bien encore les branches, trop
faibles pour résister, se brisent et l’on risque alors de
trainer longtemps un objet devenu inutile,
Pour remédier à ces inconvénients, on utilise des
grappins perfectionnés. Nous citerons, parmi les an-
ciens modèles, le grap-
pin Jamieson (fig. 2). Sa
tige centrale T présente
une partie filetée V, sur
laquelle se visse une
boîte en fer ou acier B
portant les branches G
par l'intermédiaire d’un
pivot p. Les branches G
présentent un prolonge-
ment g qui vient buter
contre une sorte de pis-
ton P maintenu dans sa
position par un fort res-
sort d'acier. Lorsque le
grappin rencontre un
obstacle, les branches
tournent autour de leur
pivot et compriment le
ressort R par lequel elles
sont ramenées à leur
première posilion une
fois l'obstacle passé. En
vissant plus ou moins la
boîte B sur la tige T, on
règle à volonté la tension
du ressort et la force
pour laquelle les bran-
ches peuvent pivoter.
Le modèle Johnson et
Phillips qui nous est si-
gnalé par the Electrical
Review !, est un perfec-
tionnement du grappin
Jamieson. Nous y retrou-
vons (lig. 3) les organes
précédemment décrits :
le pas de vis V, le res-
sort R,le pivot p, etc. La
boite B est considéra-
blement agrandie et ca-
pable de recouvrir et de
protéger les branches G
lorsqu'un obstacle les
fait pivoter, On évite
ainsi les ruptures qui
AUUAMAUUAEL
CLLES
CA
. n sn LA
DPI SNR sorte d’é Fie. 2. Fie, 3 peuvent encore se pro-
norme hamecon pesant ……. Kate Ê Es ee : duire avec le grappin Ja-
. s o+ :i . Lio. 4, — ) le Û n EL NPD RE? DORE . > ICÉ
AIR le écart Fig. 1 Modèle de qrappin. Fig. 2 Grappin Jamieson. T, mieson, En outre, avec
de 3 à 6 branches (fig. 1). V
Lorsque le câble est sai-
si, il augmente par sa
résistance la tension sur
le cordage, tension qui
est indiquée à bord par un dynamomètre. Il ne reste
plus alors qu'à relever doucement,
La recherche du câble au moyen de tels engins pré-
sente de nombreuses difficultés. Supposons, par
exemple, que le fond de la mer soit rocailleux, Si le
grappin vient à rencontrer une roche qu'il ne puisse
soulever, il fait courir quelque danger au navire en
ge de fer; B, boite en fer ou en acier; R, fort ressort d'acier:
, vis de la tige; G, branche du grappin; g, prolongement de la
branche; P, piston; p, pivot. — Fig. 3. — Grappin Johnson el
Phillips. T, tige de fer; B, boîte en fer ou en acier; R, fort res-
sort d'acier; V, vis de la tige; G, branche du grappin.
ce dernier modèle, les
branches làchent le cà-
ble dans leurmouvement
de rotation si elles l'ont
déjà saisi, Au contraire,
avec le nouveau système, les branches sont suscep-
tibles de conserver le câble même lorsqu'elles sont
repoussées sous la boite.
Les mêmes inventeurs ont aussi produit un modèle
de grappin destiné aux terrains mous, dans lesquels
! Numéro du 4 janvier 1895.
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
le câble s'enfonce et devient insaisissable pour les grap-
pins ordinaires. Ce nouveau type se compose essentiel-
lement d’un corpsetde deux branches (fig. # et 5)qui sont
tous les trois de forme plane : le plan du corps est perpen-
diculaire au plan des branches. Lorsque ce grappin est
en service, c’est le corps qui repose sur le fond de la
mer et glisse, de sorte que l’une des branches, grâce à
sa faible épaisseur, pénètre :
facilement et fouille les cou-
ches boueuses dans lesquel-
lesle câble se trouveenterré.
Chaque sorte de travail
exige des instruments d’une
forme qui lui soit particu-
lière. Une machine destinée
à fonctionner dans des gale-
ries souterraines peut avoir
un aspect absolument difré-
rent de celui que possède
une machine construite dans
un but analogue, mais fonc-
tionnant à la surface du
sol. Par exemple, la loco-
motive minière que nous
représentons ci-contre ! ne
ressemble guère auxlocomo-
tives ordinaires, pas même
à celles qui sont mues par
l'électricité. Cette locomotive, tout récemment cons-
truite par la Jeffrey Manufacturing Company, remplit
Fig. 4.
Fig. 6. — Nouveau lype de locomotive minière.
des conditions foutes spéciales de solidité et de
simplicité, et ses différentes parties en sont faci-
lement accessibles, bien qu’elles soient protégées
très soigneusement par une forte carcasse extérieure.
Cette machine peut développer en moyenne 80 che-
vaux. Mais l’élasticité de ses moteurs permet d'augmen-
ter considérablement cette puissance. Elle a traîné en
palier, et à une vitesse de 45 kilomètres à l'heure, 65
wagons pesant chacun à peu près 550 kilos et portant
une tonne et demie de charbon, soit, en tout, en-
? D’après Electrical Industries. Janvier, 1895.
Fig. 4. — Grappin Johnson et Phillips projeté sur un plan
perpendiculaire au plan des branches. — Fig. 5. — Grap-
pin Johnson et Phillips projeté sur un plan parallèle au
plan des branches. (, corps du grappin; B, branches.
185
viron 136 tonnes. Son poids total n’atteint pas 10 ton-.
nes. Elle est surtout précieuse par l’exiguité de ses
dimensiéns : sa longueur ne dépasse guère 3 mètres, sa
largeur est de 1 m. 50 environ pour des voiesde1m.10,
et sa hauteur au-dessus des rails, de 0 m. 85.
Le rapprochement de ses roues lui permet d’abor-
der des courbes très prononcées el des galeries
très étroites. Elle peut donc
passer par des chemins
inabordables pour les mu-
lets ou les chevaux. Elle
procure, rien que de ce chef,
une très notable économie
et mérite à ce titre d’être
signalée à nos ingénieurs.
Les tramways électriques
à cäble aérien prennent
le courant qui leur est néces-
saire au moyen d'une pe-
tite poulie métallique qui
roule le long du câble, et que
l’onappelle généralementde
son nom américain, le trol-
ley, ou encore le &olly. l’un
des ennuis de ce système
est que le trolley glisse
parfois hors du càble. Le
tramway, séparé alors de
sa source d'énergie, reste en panne, et il faut quel-
quefois, pour remettre les choses en bon élat, une
Fig. 5.
Fig. 7. — Nouveau système de Trolley.
lutte assez longue entre le mécanicien et le trolley
récalcitrant. ë
Dans la nouvelle forme detrolley(fig.7)quenous signale
the Street Railway Review, un guide, retenu par un res-
sort, est placé de chaque côté de la poulie. Ces guides
maintiennent le système dans sa position régulière et
l'y ramènent si le trolley a réussi à sauter hors du
cäble, Quand on atteint un croisement de fils, les res-
sorts cèdent etil n’y a aucune interruption de courant ;
l'obstacle passé, les ressorts ramènent les guides à leur
place. APNGASS
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique,
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Lallemand (Ch.), Ingénieur en Chef des Mines, Direc-
teur du Service du Nivellement général. — Rapport
présenté à la Commission extra-parlementaire
du Cadastre, sur l'état actuel du Bornage des
propriétés en France. — 1 vol. in-4°, Imprimerie
Nationale, Paris, 1895.
Les fraudes et les contestations sur la contenance
des propriétés foncières ont élé de tout temps fort nom-
breuses, facilitées trop souvent par l’incertitude qui
règne sur les héritages. Le cadastre actuel n’a pas tenu
_ses promesses : comme il a été fait d’après la jouissance
du moment, et sans que les limites des propriétés eus-
sent été préalablement et contradictoirement fixées, il
est vite descendu à l’état de simple document pour las:
siette de l’impôt, et n’a pas tardé à se trouver aussi
dépourvu d'autorité que les livres terriers conservés
encore aujourd'hui dans quelques communes. Aussi
sa réfection est-elle urgente.
Le décret du 30 mai 1891 a institué, au Ministère des
Finances, une Commission extra-parlementaire pour
préparer la réforme. Le premier soin de cette Commis-
sion a été de se renseigner exactement sur l’état de
choses existant. La Commission a provoqué sur tout le
territoire une enquête pour déterminer la valeur de
nos plans cadastraux et la facon dont sont actuelle-
ment bornées les propriétés. Ce sont les résultats de
la seconde partie de cette enquête, confiée à des
Comités départementaux, que M. Ch. Lallemand a
condensés dans un fort intéressant Rapport.
Après avoir défini le bornage en général (que l’on
confond trop souvent avec la délimitation, alors que le
premier n’est que l'indication sur le terrain, à l’aide de
signes matériels, des lignes divisoires fixées par la se-
conde), et en particulier les diverses sortes de bornage,
l’auteur étudie chacune de ces dernières. Le bornage
continu est fort usité dans l’ouest; le bornage discon-
tinu est, au contraire, le plus employé dans le nord et
surtout dans l'est de la France. Comme type de bornage
discontinu bien compris, le Rapport décrit celui auquel
on procède actuellement en Alsace-Lorraine, où l’on
refait le cadastre ; c’est, à peu de chose près, le système
appliqué en Prusse et dans le grand-duché de Bade.
Dans l’est de la France, on emploie beaucoup, sous
le nom d’abornement général, un système de délimitation
collective des propriétés qui, en même temps qu'il fixe
les limites par des bornes, favorise le redressement de
celles qui sont sinueuses ou irrégulières, les échanges
de parcelles en vue du remembrement des héritages,
et la création des chemins d’exploitation. Cette opéra-
tion, décrite en détail par M. Lallemand, w’a d'autre
base légale que l'article 646 du Code civil; comme elle
mérite d’être encouragée, il serait désirable qu’elle fût
comprise parmi celles que notre législation consacre
comme exécutables par voie de syndicats agricoles.
L’enquête a prouvé qu'il existait en France
61.746.120 propriétés, d’une contenance totale ‘de
52,798.336 hectares, et d’une contenance moyenne de
85 ares, Plus de la moitié de ces propriétés et près des
deux tiers de leur superficie sont matériellement dé-
limités; mais les divers modes de bornage employés
sont loin de définir avec une certitude complèle les
parcelles. Ce qui le prouve bien, c’est l’'énormité de la
charge que les contestations relatives aux limites font
annuellement peser sur la propriété foncière. Une en-
quète parallèle à celle des Comités Aépartementaux,
TO Cd D Re Ÿ à
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
vf
faite par les procureurs généraux, et dont les résultats
sont aussi consignés dans le travail en question, per-
met d'affirmer que cette charge n’est pas inférieure à
un million et demi de francs. Ilest donc bien désirable
que la réfection de notre cadastre ne se fasse plus
longtemps attendre. Le Rapport de M. Lallemand est
certainement fait pour hâter la réalisation de celte ré-
forme. Gérard LAVERGNE.
HKraft (F.), Privat-docent à l'Université de Zurich. —
Abriss des geometrischen Kalküls, nach den
Werken des Professors D. Herman Günther Grass-
mann bearbeitet (Précis de calcul géométrique
rédigé d’après les théories de Grassman), 1 vol. in-8° de
vir, 256 p. Teubner, Leipzig, 1895.
Lelivre de M. Kraft est un exposé élémentaire des
idées de Grassmann en matière de calcul géométrique.
Le professeur Hermann Günther Grassmann (1809-1877)
est bien connu des géomètres par ses nombreux tra-
vaux sur la « mathématique générale », sur la généra-
tion des courbes planes, ete,
Le calcul géométrique a pour but de représenter par
les notations de l'algèbre les constructions mêmes de la
géométrie, Il diffère de la géométrie analytique en ce
qu'il s'attaque directement aux figures, sans passer par
l'intermédiaire des coordonnées, Il est évident qu'au
fond les deux procédés ne sont pas distincts; mais le
calcul géométrique offre ses résultats sous une forme
plus condensée, tout en étant, à notre avis du moins,
moins suggestif, moins propre à l'invention et plus à
la démonstration.
Quoi qu'ilen soit, les principes du calcul géométrique
sont très simples, Le « vecteur » est un segment de
droite défini en longueur, direction etsens. La « com-
position » des vecteurs concourants par la règle du pa-
rallélogramme ou du parallélipipède est représentée par
l'addition algébrique. Le « produit » de deux ou trois
vecteurs concourants esf l'aire du parallélogramme ou
le volume du parallélipipède construits sur ces vec-
teurs... Pour indiquer les rotations, on fait usage de
coefficients symboliques, lesquels affectent les lettres
représentatives des vecteurs, Par exemple la rotation
à 90° d’une droile dans un planest indiquée par l’ima-
ginaire ordinaire à — {/—1. En effet, deux pareilles ro-
tations ne changent que le sens du vecteur, 2=— 1;
quatre rotations replacent le vecteur sur lui-même,
it — 1. Tout cela mène droit à la notion des quater-
nions, qui sont fournis par une sorte particulière des:
multiplications symboliques.
Les conceptions de Grassmann, telles qu'elles sont
développées par M. Kraft, ont bien des affinités avec
les travaux de Chasles, Cauchy, Poncelet, de Jon-
quières, Bellavitis, Hamilton, Saint-Venant, Môbius et
bien d’autres. Nous ne chercherons pas à délimiter la
part exacte de chacun de ces savants, encore moins
discuterons-nous avec M. Kraft sur les mérites du
« mathématicien de génie » Grassmann. Nous nous
permettrons une seule remarque : l’auteur aurait pu,
croyons-nous, insister davantage sur les faits nouveaux
fournis par les procédés expliqués (son maitre Grass-
mann en a découvert beaucoup sur la génération des
cubiques planes, etc.) au lieu de s'attacher à retrouver
lagéométrieetla trigonométrie classiques, les propriétés
des déterminants, etc.
Il résulte de là que le livre, d’ailleurs intéressant, a
un caractère un peu indécis, bien abstrait pour un ma-
nuel d'étudiant, bien élémentaire pour un traité de
haute science, Léon AUTONNE.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
187
8° Sciences physiques.
ÆColson (R.), Capitaine du génie, Répétiteur à l'Ecole
Polytechnique. — La Perspective en Photographie.
— Un vol. in-18 avec fig. (Prix 1 fr. 50). Gauthier- Villars
et fils, éditeurs. Paris, 1895. :
La photographie tend de plus en plus à devenir un.
moyen graphique capable de produire des œuvres d'art.
Elle a mème sur les autres le grand avantage de pou-
voir donner facilement la fidélité dans la perspective.
Mais, pour que la sensation procurée à l’œil par l’image
obtenue ne déforme pas la perspective, et produise un
effet exact, il est nécessaire d'appliquer certains prin-
cipes. Ce sont ces principes que M. Colson expose très
clairement dans sa brochure, dont nous recommandons
la lecture à tousles photographes, amateurs ou pro-
fessionnels, qui désirent produire de véritables œuvres
d'art. La théorie est réduite aux notions indispensables
rendues aussi élémentaires que possible ; aussi cet ou-
vrage est-il d’un accès facile à tous ceux qui s’occupent
de photographie. Gaston-Henri NIEWENGLOWSKkI.
Minel (Pol), Ingénieur des Constructions navales. —
L'Electricité appliquée à la Marine. — Un volume
petit in-8° de 200 pages, de l'Encyclopédie scientifique
des Aide-Mémoire dirigée par M. Léauté, membre de
Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 francs.)
— Gauthier- Villars et fils, G. Masson, Paris, 1895,7
M. Minel a déjà écrit dans l'Encyclopédie des Aide-
Mémoire deux petits livres intitulés : Introduction à
l'électricité industrielle, tomes I et I.
Sa nouvelle étude « l’Electricité appliquée à la Marine »
apporte à ces ouvrages un complément qui sera très
apprécié de toutes les personnes qui s'occupent des
applications de l'électricité à la Marine. L'auteur a
réuni dans un nouveau volume un ensemble très com-
plet de renseignements relatifs aux installations d’éclai-
rage électrique à bord des navires et au matériel spé-
cial qui leur est affecté.
M. Minel, en sa qualité d'ingénieur de la Marine, a pu
apprécier le personnel d'élite qui aide les ingénieurs
dans leur tàche et qui cherche toutes les occasions de
s’instruire, C’est à ce personnel que sont destinés les
premiers chapitres de son livre, dans lesquels il décrit
rapidement la dynamo Gramme et la dynamo Desroziers,
dont les applications sont très nombreuses dans notre
marine; les divers modes d’excitation des dynamos à
courants continus ysont décrits avec une grande clarté.
Une étude toute particulière est consacrée au fonc-
tionnement des dynamos conduites directement par
des moteurs à vapeur dans les diverses conditions de
. régime imposées à ces derniers. On se rend compte
que l’auteur a eu l’occasion d'approfondir les questions
relatives à la régularisation des moteurs des machines
électriques. Les principes sur lesquels est établi le
fonctionnement des moteurs électriques sont l’objet de
quelques développements assez étendus,
Le chapitre VI traite spécialement des accumulateurs
et résume les principales notions relatives à ces appa-
reils, dont les applications acquièrent dans la Marine,
de jour en jour, plus d'importance, notamment en ce
qui concerne les sous-marins.
L'auteur étudie ensuite les diverses lampes élec-
triques en usage dans la Marine en insistant d’une
facon spéciale sur les particularités du fonctionnement
des foyers à are dont la puissance atteint des valeurs
élevées dans les projecteurs installés soit à bord des
navires, soit à terre pour la défense des rades.
Les derniers chapitres sont plus spécialement con-
sacrés aux installations proprement dites d'éclairage, et
aux dispositions prises pour établir à bord la canalisa-
tion des divers appareils.
Quelques exemples empruntés à divers navires en
service terminent cette intéressante étude, qui pré-
sente certains aperçus originaux et qui renferme en
peu de pages un grand nombre d’utiles renseignements.
A. CRONEAU,
Held (Alfred), Professeur à l'Ecole de Pharmacie de
Nancy. — Les Alcaloïdes de l'Opium. — 1 vol, in-8°
de 238 p. (Prix : 6 fr.). Rueff et Cie, éditeurs. Paris, 1895.
A l'heure actuelle, — c’est presque une banalité de le
répéter, — il y a peu de sciences qui soient l’objet de
recherches aussi suivies et aussi variées que la science
chimique. Le nombre d'hommes qui la pratiquent peut
s'appeler légion, et les usines qu'elle alimente se
comptent par milliers, tant sur le continent européen
qu’en Angleterre, en Amérique et dans les autres par-
ties du monde.
Les corps que la nature élabore, ‘ont été les pre-
miers à être soumis aux investigations des chercheurs.
Pendant une assez longue période, les savants se sont
bornés à étudier les meilleurs procédés d’extraction
des principes actifs contenus dans les corps organisés,
et àenétudier les applications. Les progrès de la science
aidant, l'apparition des méthodes synthétiques a natu-
rellement élargi le champ d'étude et provoqué l’ambi-
tion légitime d’une reconstitution systématique de tous
les corps qui sont à notre portée. Dans cette poursuite,
pour ainsi dire fébrile, de la recherche, dans ce labeur
incessant, l’ouvrier de la science n’est pas toujours
guidé exclusivement par l’idée spéculative, et l’es-
poir de tirer quelque profit matériel de son travail le
hante souvent. Il est superflu de rappeler que le labo-
ratoire de l'industriel a, en effet, réussi à remplacer,
dans bien des cas, celui de la Nature. Or, ces longues,
patientes et minutieuses recherches, entreprises par
les savants de toutes les régions du globe, publiées dans
des recueils de langues variées, nécessitent un travail
bibliographique assujettissant et pénible. Aussi sommes-
nous heureux de constater que, depuis quelque temps,
il se manifeste une tendance à recueillir, sous la forme
de monographies, tous les faits concernant une série, un
chapitre ou même un groupe de corps bien déterminés.
C’est dans cet esprit que MM. Daremberg et Charles
Girard ontentrepris la publication d’un certain nombre
de volumes de leur Bibliothèque de Chimie pratique, édi-
tée par MM. Rueff et C* avec un soin, et je dirai même
un luxe que peu d'ouvrages de ce genre ont encore
atteint.
Un des premiers de la série est celui sur les Alca-
loïides de lOpium, rédigé par M. A. Held. En raison de
ses fonctions, l’auteur, qui connaît à fond le sujet, non
seulement l’a traité en chercheur désireux d’épargner
aux hommes de laboratoire le laborieux travail biblio-
graphique ; mais il a encore songé aux praticiens, aux
pharmaciens, en leur indiquant, dans un premier
chapitre, la composition de l’Opium, l'extraction, la
séparation des alcaloïdes qu'il contient, le titrage et
les principaux usages de cette drogue précieuse.
Les douze chapitres suivants sont consacrés chacun
à un alcaloïde important contenu dans l’Opium. C’est
ainsi que sont traitées la morphine, la codéine, la pseudo-
morphine, la thébaïne, la codamine, la papavérine, la
méconidine, la narcotine, l’oxynarcotine, l’hydrocotar-
nine, la gnoscopine, la méconine. Chacun de ces alca-
loïdes est étudié dans sa composition, sa constitution,
dans les réactions qui le caractérisent et dans ses déri-
vés. Les propriétés physiologiques mêmes sont esquis-
sées. — L'ouvrage se termine par la toxicologie de
l’'Opium.
En résumé, cette monographie de l’Opium sera utile
non seulement au savant qui désire continuer l’étude
des principes contenus dans cette substance, mais en-
core au praticien, qui y trouvera des renseignements
précieux à tous les points de vue, l'ouvrage étant au
courant des recherches les plus récentes.
A. HALLER,
Correspondant de l'Institut,
Directeur de l'Institut chimique de Nancy.
Soret (A.), Professeur de Physique au Lycée du Havre.
— Cours théorique et pratique de Photographie.
Tome II.— 1 vol. in-18° de 320 p. avec 52 fig. (Prix :
5 fr.). Société d'Edilions Scientifiqu es. Paris, 1895
> FR
188 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
8° Sciences naturelles.
Gastine (G.). — Sur la résistance au Phylloxera
des Vignes américaines.Moyens dela mesurer.—
Une brochure de 16 pages. Aux bureaux du « Progrès
agricole et viticole », Montpellier,
Le nom de M. G. Gastine impose la lecture de ce travail
à tous ceux que préoccupe l'avenir de la viticulture
francaise. Ils ytrouveront l'exposé d’un plan métho-
dique d'observations à l'effet d'apprécier la résistance
de chaque cépage aux attaques du Phylloxera.
Cuéënot (L.), Chargé de cours à la Faculté des Sciences
de Nancy. — L'influence du Milieu sur les Ani-
maux. — Un vol. petit in-8°, de l'Encyclopédie scien-
tifique des Aide-Mémoire, dirigée par M. H. Léauté, de
l'institut. (Prix : Broché, 2 fr. 50; Cartonné, 3 francs).
Gauthier- Villars et fils et G. Masson, Paris, 1895,
Le milieu, les influences extérieures, agissent sur les
animaux à des degrés variables, et, si l’un des facteurs
vient à être modifié, il se produit chez les êtres vivants
des changements plus ou moins profonds. L'étude de
ces modifications, de leur importance, de leur durée,
de leur transmission par hérédité, etc., offre aux natu-
ralistes un vaste champ d'observations et elle donne
l’occasion d'aborder une quantité de questions d’une
haute portée philosophique. Mais les données relatives
à l'influence du milieu sur les êtres vivants se trouvent
disséminées dans un grand nombre de mémoires et
n'avaient jamais fait l’objet d’un travail d'ensemble.
M. Cuénot s’est donné la tâche de réunir les princi-
pales observations relatives à celte étude, de les coor-
donner et de les résumer pour les faire rentrer dans le
cadre d’un Aide-Mémoire.
L'ouvrage est divisé en trois parties. La première
traite de l'influence sur les animaux des facteurs pri-
maires : nourriture, température, lumière, pression,
espace, sels minéraux, humidité, etc. ; elle se termine
par une étude de l'adaptation des animaux marins à
l’eau douce et des animaux d’eau douce à l’eau salée.
Dans la deuxième partie intitulée : Influence du milieu
sur la sexualité, la reproduction et le développement,
M. Cuénot étudie d’abord l’action des circonstances
extérieures s.r la formation des sexes; cette action est
fort curieuse : les circonstances favorables, nutrition
abondante, optimum de température et de lumière, etc.
déterminant la production de femelles. Il passe ensuite
à l'influence du milieu sur la stérilité et sur les diffé-
rents modes de reproduction asexuelle, et à l’étude de
la néoténie ou prolongation de la vie larvaire. Le der-
nier chapitre, consacré à l’étude de l'adaptation aux
différents milivux, traite surtout des modifications pro-
duites chez les animaux par les phénomènes de conver-
gence, la dessiccalion, les facteurs cosmiques, puis par
l'adaptation à la vie dans les îles, dans les grands fonds,
ainsi qu’à la vie pélagique.
De cette étude M. Cuénot conclut que, lorsque les
conditions de milieu d’un individu changent, il arrive
souvent (mais pas toujours) que cet individu (ou sa
progéniture) se modifie, et, si les produits peuvent con-
tinuer à vivre dans le milieu nouveau, il en résultera
la production d'une variété ou d’une espèce nouvelle,
Mais il faut se garder d’exagérer, comme le font les
néo-Lamarkistes tels que Cope et Semper, la part qui
revient au milieu dans la formation des espèces : le
rôle principal revient à la sélection, ainsi que le veulent
les Darwinistes.
Le livre de M, Cuénot est intéressant et rempli de
faits. Il sera lu avec plaisir par tous ceux qui s’inté-
ressent aux sciences naturelles et aux problèmes
philosophiques qu'elles soulèvent, On peut, en parti-
culier, le recommander aux jeunes naturalistes, qui
pourront se convaincre, en le lisant, qu'il ne suffit pas
de s’enfermer dans un laboratoire pour faire de la z00-
logie; de plus, ils se rendront compte de l'intérêt que
présente l'étude des animaux dans la Nalure même et
dans le milieu où ils évoluent, D' R. KœuLer,
Parona (C.), Professeur de Zooligie à l'Université de
Gênes. — L'’elmintologia italiana da’ suoi primi
tempi all anno 1890. Storia, sitematica, coro-
logia e bibliographia. — Un vol. in-4° de 734 pages
avec une carte, (Priæ : 25 francs). Genova, 1894,
M. Corrado Parona, professeur de Zoologie à l'Uni-
versité de Gênes et auteur de travaux d’helminthologie
très appréciés, vient de consacrer à l’histoire de l’hel-
minthologie italienne un véritable monument, Dans
un fort beau volume, publié par ordre et aux frais du
municipe de Gênes, il nous donne un historique très
complet de cette branche spéciale des sciences médico-
naturelles en Italie, depuis l'Antiquité latine jusqu'à
l’année 1890. Il distingue trois périodes successives :
la première s'étend de l’époque romaine à Francesco
Redi ; la seconde ya de Redi (16261694) à F, de Fi-
lippi (1814-1867); la troisième, ou époque moderne,
commence avec de Filippi et Ercolani (1819-1883). Cette
division en trois périodes est très rationnelle et cor-
respond assez exactement aux trois grandes étapes
parcourues par les sciences naturelles, L'œuvre de
chaque auteur est résumée brièvement ; les résultats
essentiels en sont mis en lumière, sobrement, mais
avec précision.
La seconde partie est un catalogue des helminthes
rencontrés chez les animaux d'Italie. C’est, si l'on veut
me permettre celte expression, un « von Linstow ita-
lien », c'està-dire un compendium d’helminthologie
qui ne tient compte que des observations faites en
Italie, Dans une première liste, les helminthes sont
classés suivant leur ordre zoologique ; dans une seconde
liste, qui renvoie à la précédente, ils sont énumérés
suivant l’ordre zoologique de leurs hôtes,
La troisième partie traite de lachorologie, c’est-à-dire
de la « distribution des helminthes dans les diverses
résionsetprovinces italiennes.» L'auteur énumère, avec
rélérences bibliographiques à l'appui, les helminthes
observés jusqu’en 1890 dans chaque province : on passe
ainsi successivement en revue le Piémont, la Lom-
bardie, la Sicile, etc., puis le Tessin, le Trentin, Trieste,
Nice et Malte ! Vraiment, cette introduction de l'irré-
dentisme dans une question purement scientifique
est faite pour nous surprendre : elle ne s'explique par
aucune raison plausible, et M. Parona (qu'il nous per-
mette cette réflexion toute amicale, sur le sens de
laquelle ilne saurait se méprendre) a cédé trop facile-
ment à un courant d'idées qui entraine malheureuse-
ment, faut-il croire, jusqu'aux meilleurs esprits. Que
viennent faire ici le Tessin, qui depuis des siècles ap-
partient à la Suisse; Trieste et le Trentin, qui depuis
des siècles appartiennent à l'Autriche? J’admets que
M. Stossich, de Trieste, soit cité pour ses travaux sur
les helminthes de Vénétie; j'admets encore, à la grande
rigueur, qu'il soit fait mention de ses intéressantes
études surleshelminthes d'Istrie et de Croatie, puisque
M. Slossich écrit en italien. Mais je ne comprends pas
la raison qui a pu déterminer l’auteur à citer aussi les
travaux de Wedl et de Pintner, faits à Trieste, mais
publiés à Vienne, en langue allemande, les observa-
tions de Marston, faites à Malte, mais publiées à Lon-
dres en langue anglaise,
La quatrième partie, qui comprend près de 300 pages,
est un index bibliographique très complet de tous les
travaux publiés en langue italienne ou sur des helmin-
thes d'Italie, en comprenant cette expression géogra-
phique dans le sens irrédentiste, comme il vient
d'être dit. Chacun des 1146 travaux cilés est analysé
succinctement.
Enfin, l’ouvrage se termine par une liste alphabétique
des 894 espèces d’helminthes citées dans la seconde
partie, ainsi que par diverses tables.
Les critiques qui précèdent ne touchent pas, on le
comprend, au fond même de l'ouvrage. Celui-ci s'a-
dresse sans doute à un petit nombre de spécialistes ; il
leur sera fort utile et on doit louer sans réserve
M. Parona d’avoir concu et exécuté ce livre, qui lui à
4
nice tin an tr 0 Cr
LÉ
d
s
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
189
coùté de longues recherches bibliographiques. Il
montre d'une facon saisissante dans quelle mesure
considérable l'Italie a contribué aux progrès de l’hel-
minthologie, fondée par Francesco Redi, l’un de ses
plus illustres savants.
R. BLANCHARD.
4° Sciences médicales.
Marfan (D'), Professeur agrégé, Médecin des Hôpitaux.
— La Péritonite tuberculeuse chez les Enfants.
Lecons faites à l'Hôpital des Enfants-Malades. — 1 vol.
in-8° de 100 pages (Prix : 2 fr.) G. Carré, Paris, 1895.
M. Marfan a réuni sous ce titre les lecons qu’il fit sur
ce sujet à l’hôpital des Enfants Malades. C’est d’une
œuvre de clinique pure qu'il s’agit. L'auteur s’est guidé
sur ses propres observations.
Chez l'enfant, la péritonite chronique est presque
toujours tuberculeuse. Mais il s’en faut que l'invasion
du péritoine par le bacille de Koch donne toujours lieu
au même complexus symptomatique. La tuberculose
revêt des formes variables. Elle peut être localisée ou
généralisée. Localisée, elle porte son action vers un ou
plusieurs des organes abdominaux; généralisée, elle
envahit tout le péritoine, soit d’une facon aiguë, soit
en suivant une marche chronique.
Aiguë, la péritonite tuberculeuse fait partie de la
bacillose miliaire aiguë, généralisée presque d'emblée
dans l’universalité des organes, ou bien elle représente
un des épisodes de celte forme de tuberculose qui
frappe particulièrement les membranes séreuses. Dans
ces deux cas, l'attention ne se porte pas uniquement sur
le périloine.
Chronique, la péritonite est plus intéressante en soi-
même, parce que le péritoine est le point capital de la
localisation morbide.
C’est à cette étude que M. Marfan consacre la plus
grande partie de ses lecons.
La péritonite tuberculeuse chronique est fréquente
. dans la seconde enfance, surtout entre. sept et douze
ans. Diverses voies servent au bacille tuberculeux pour
gagner le péritoine. L’intestin, les ganglions mésenté-
riques iliaques, les organes génitaux, sont indiqués
par de sérieuses observations comme point de départ
de la tuberculose péritonéale. Mais M. Marfan, tout en
reconnaissant la possibilité de ces faits, ne croit pas
que ce soit là le moyen ordinaire de la pénétration du
bacille. La propagation au péritoine d’une bacillose
pleuro-pulmonaire antérieure n’estelle-même acceptable
que dans la moitié des cas environ. C’est à une conta-
mination par la voie sanguine que s'arrête de préfé-
rence M. Marfan pour établir le mécanisme habituel de
cette infection.
La tuberculose chronique du péritoine se traduit par
trois formes : l’ascite tuberculeuse chronique, la péri-
tonite fibro-caséeuse, et la péritonite fibro-adhésive.
Toutes trois, à des degrés divers, sont susceptibles de
guérir.
L’ascite tuberculeuse est la plus curable. Elle débute
par des douleurs vagues, des Coliques suivies de selles
faciles, quelquefois pâles, mal colorées par la bile, et
un appareil fébrile modéré. L’ascite apparait insidieu-
sement, sans développement des veines sous-cutanées
abdominales. Les signes fugaces de pleurésié s'obser-
vent souvent aux bases du poumon, Puis, tout s’efface,
et il ne reste plus que l’ascite, Celle-ci peut disparaître
totalement ou bien laisser quelques noyaux indurés
disséminés dans le ventre.
La péritonite fibro-caséeuse est d'ordinaire la suite de
la précédente. L’ascite diminue, s’enkyste. On trouye
des zones irrégulières de malité et de sonorité. Le
ventre est inégal, bosselé, présente ces masses appe-
lées gâteaux péritonéaux, quelquefois rassemblées
dans l’épiploon, qu'elles transforment en corde épi-
ploïque. On percoit, par la palpation, des frottements
qui déterminent parfois un bruit particulier, le cri
intestinal, Les troubles digestifs, la fièvre, l’'amaigrisse-
ment s'accentuent et aboutissent à la cachexie. Les
signes pulmonaires et les symptômes douloureux sont
inconstants. à
Le péritoine est souvent ici transformé en une cavité
multiloculaire par les adhérences nombreuses qui
relient les divers viscères et les anses du paquet intes-
tinal. IL s’ensuit des kystes, des collections purulentes,
quelquefois même stercorales qui, limitées et traitées
chirurgicalement, peuvent guérir. Le phlegmon péri-
ombilical en estune variété, En outre, des phénomènes
de compression sont la conséquence .de la répartition
irrégulière des masses caséeuses dans l'abdomen. Elles
rétrécissent le calibre des anses et provoquent une oc-
clusion plus ou moins complète ; elles compriment les
veines et déterminent des œdèmes; elles englobent les
nerfs et amènent des névralgies rebelles. Enfin, les
lésions péritonéales peuvent être l’origine d’une tuber-
culisation généralisée,
La péritonite fibro-adhésive est encore l’aboutissant
de la tuberculose. Il se produit une sorte de symphyse
intestinale. Elle est en général apyrétique; progressi-
vement, elle produit de graves désordres nutritifs,
l'atrophie des annexes digestives et la consomption. A
cette forme appartiennent encore les complications
dues à la compression, à la sténose des divers segments
du tube digestif. É
En terminant l'exposé clinique des formes de la péri-
tonite tuberculeuse, M. Marfan entre dans quelques
détails sur l’occlusion intestinale au cours de cette
affection. Puis, il donne les indications du traitement
médical et du traitement chirurgical.
D'une lecture facile, d’une compréhension aisée,
systématiquement débarrassées des obseurités théori-
ques pathogéniques, ces lecons constituent une mono-
graphie claire, où M. Marfan à mis au point l'étude
d'un sujet important de pathologie infantile.
D' A. LÉTIENNE.
Nicolas (D' Ad). — Manuel d'Hygiène coloniale.
— Un vol. in-8° de 100 pages (3 fr.). Félix Alcan,
éditeur, 108, boulevard Saint-Germain. Paris, 1895.
En 1893, la Société francaise d'Hygiène avait mis au
concours la rédaction d’un manuel d'hygiène coloniale.
Une Commission avait été instituée pour étudier les
mémoires envoyés, et c’est en recueillant tous les do-
cuments adressés à la Société que M. Nicolas a rédigé
le présent ouvrage. Déjà le D' Nicolas, qui avait dirigé
le service sanitaire d’une des grandes entreprises du
canal de Panama, et avait pu juger, sur les chantiers
d'Emperador et de la Culebra, de l'importance de l’hy-
giène dans les travaux conduits en pays tropicaux,
avait écrit un livre fort intéressant sur les chantiers,
en pays paludéen. Il était donc particulièrement dé-
signé pour composer ce manuel.
Le livre débute par l'étude du campement, ti est
exposée avec beaucoup de précision. Les conditions
hygiéniques d’un premier établissement influent con-
sidérablement sur l’avenir d'une colonie nouvelle ;
le choix d’une eau potable, l'enlèvement des nuisances,
la mise en culture des terrains ayvoisinant les chantiers
sont autant de mesures sanitaires qui peuvent modifier
rapidement un pays.
La seconde partie est consacrée à l’étude des condi-
tions de résistance du colon aux influences débilitantes
et pathologiques qui l'entourent, Quand il s’agit des
pays malariens, il faut malheureusement reconnaitre
que, pendant les premières années, alors que les ter-
rains ne sont pas encore assainis, 1l est presque im-
possible d'éviter les attaques. La race nègre elle-
même, si elle est moins atteinte par les accès de
fièvre intermittente, est éprouvée fortement par la
cachexie, M. Nicolas insiste avec raison sur ce fait
constant, quoique bien peu connu, que les troupes
indigènes paient presque toujours à la maladie un
tribut plus lourd que les troupes européennes. Mais,
quand il s’agit d’entreprise industrielle, il est néces-
saire encore de tenir compte des aptitudes de chaque
190
———————_—_—
race, modifiée souvent par les mœurs. J'ai souvent en-
tendu nos ingénieurs du canal de Panama se louer des
nègres de la Jamaïque, alors que les nègres de la Mar-
tinique, citoyens français, étaient des travailleurs in-
supportables, indisciplinés et par suite moins résistants.
Les conseils que donne le D* Nicolas à propos des
blanes sont excellents et ils sont certainement inspirés
par son séjour à ce canal interocéanique. Et quand il
écrit : « Le rapatriement est toujours notre pierre d’a-
choppement », peut-être at-il dans l’esprit cette dé-
pêche d’un agent supérieur de la Compagnie du Canal
auprès de qui un ingénieur demandait un rapatriement
pour un de ses employés français : « Un enterrement
coûte moins cher qu'un rapatriement, » Trop souvent,
nos colous qui s’exilent n'ont pas obéi en France aux
règles banales de l'hygiène, et le lourd tribut qu'ils
payent ensuile est souvent du aux tares organiques
ou nouvelles qu'ils emportent avec eux. Puisse ce
livre éclairer les uns et arrêter les autres !
D: P. LaANGLois.
5° Sciences diverses.
Rebière (A.), Examinaleur d'admission à l'Ecole Spé-
ciale militaire de Saint-Cyr. — Les Femmes dans
la Science, Conférence faite au cercle Saint-Simon. —
1 vol. in-8° de 86 pages. (Prix. 1 fr. 50.) Nony, éditeur,
Paris, 189%
M. A. Rebière, à qui l’on doit l’intéressant ouvrage
intitulé Mathématiques et Mathématiciens, a fait, au cercle
Saint-Simon, une conférence sur un sujet aussi curieux
qu'ignoré : Les Femmes dans la Science.
Le savant conférencier a passé successivement en re-
vue les six mathématiciennes les plus célèbres ; Hypatie,
Emilie du Châtelet, Marie Agnesi, Sophie Germain,
Marie Somerville et Marie Kowalewski. Nous en
extrayons les intéressants passages qui suivent :
Hvyearig était la fille de Théon, mathématicien, natu-
raliste, professeur de l'Ecole d'Alexandrie. Aucune
femme peut-être n’a réuni autant de gloire, de beauté
et de sagesse qu'Hypatie: on vantait son éloquence;
sa voix était qualifiée de divine; sa beauté était célé-
brée partout; on lui écrivait : à la Muse, à laphilosophe,
à Alexandrie.
Exue pe BReTEuIL, plus tard marquise du Châtelet,
qui savait, outre le français, le latin, l'anglais, l'italien,
eut pour maires de sciences Maupertuis, Clairaut, Jean
Bernoulli, Kænig, et le P. Jacquier. Nous citerons cette
appréciation de Voltaire, dont elle fut l’amie pendant
quinze ans : Une femme qui a traduit et éclairei Newton
est vraiment un grand homme, et cette autre d'Ampère :
Madame du Châtelet est un génie en géométrie.
Marie AGNest, l’oracle des sept langues, savait, outre
l'italien, sa langue maternelle, le latin, l'hébreu, l’alle-
mand, l'espagnol, le grec et le français. A dix-neuf ans
elleavaitsoutenu dans son salon cent quatre-vingt-onze
thèses philosophiques. Pour obéir à son père, Marie
Agnesi passe de la philologie et de la philosophie aux
sciences proprement dites, pour lesquelles elle se pas-
sionne bientôt. Le pape Benoît XIV félicita la mathé-
maticienne et lui donna une couronne de pierres pré-
cieuses et une médaille en or. 11 la nomma lectrice
(professeur) de sciences à Bologne.
Sopnre GERMaAIN, née en 1776, indignée et épouvantée
par la Terreur, n’osant plus sortir, se plongea dans
l'Histoire des Mathématiques de Montucla et se sentit
attirée irrésistiblement vers les sciences. Elle lut Be-
zout, malgré sa famille, la nuit, enveloppée dans ses
couvertures, tandis que l'encre gelait dans l’encrier.
Elle étudia principalement la Physique mathématique,
les Mathématiques générales, puis la Philosophie.
Voici quelques opinions compétentes sur Sophie Ger-
main : C'est probablement la personne de son sexe qui a
pénétré le plus profondément dans les mathématiques, car
ici il n'y a point de Clairaut. (Biot.) « Elle fut plus pro-
fonde mathématicienne que la marquise du Châtelet et que
Marie Agnes, dont elle eut l'esprit philosophique. »
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
(Chasles). De Prony l'appelle « l’'Hypatie du XIX° siéele. »
Mary SOMERVILLE avait pour père l'amiral écossais
Fairfax, Enfant, elle faisait des collections, observait
les astres, étudiait la chimie, avait un maitre à danser
et faisait quatre heures de piano par jour. Elle confec-
tionnait ses habits elle-même et apprenait la cuisine
chez un pâtissier, quand elle apercut un jour, pendant
une visite chez une amie de sa mère, à la fin d'un jour-
nal de modes, une espèce de problème avec des æet des
y. On lui dit que c'était de Palgèbre, et dès ce jour elle
ne cessa de s'occuper des sciences.
Elle est morte à 92 ans comblée d’honneurs : la reine
d'Angleterre lui accordait une pension; Victor-Emma-
nuel lui avait donné une grande médaille d’or; elle
faisait partie de la plupart des Académies.
Sopnie KowaLevsrt descendait de Mathias Corvin, roi
de Hongrie, protecteur des lettres et des sciences; elle
était fille du général d'artillerie Krukowski, commandant
l'arsenal, et petite-fille du général Schubert, mathéma-
ticien et topographe. Elle apprit à lire seule et com-
menca l'étude des mathématiques à 14 ans. Elle suivit
des cours à Berlin, où l'éminent géomètre Weierstrass
consentit à lui donner pendant trois ou quatre ans des
lecons de mathématiques. L'Université de Gœættingue
lui donna le titre de Docteur en philosophie et de Mai-
tresse des arts libéraux, sans oral, sur la production de
trois thèses originales très remarquables.
Sophie Kowalewski mourut jeune (41 ans) d’une at-
taque de pleurésie foudroyante, Elle fut, suivant Kro-
necker, «une des plus rares investigatrices dans les ma-
thématiques».
Le conférencier se propose de nous apprendre quelles
sont les femmes qui ont travaillé aux progrès des
sciences (les savantes professionnelles, les simples cu-
rieuses, les collaboratrices, les protectrices), etil recevrait
avec reconnaissance les documents, notes ou indica-
tions sur ce sujet. Nous joignons notre demande à là
sienne en priant nos lecteurs d'adresser les rensei-
gnements à M. Rebière (librairie Nony,17,rue des Ecoles,
à Paris). -L. BarRé,
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en couleurs.
509e, 5129 ef 513° livraisons. (Prix de chaque livrai-
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, vue de Rennes,
Paris, 1895.
Les 512° et 513° livraisons renferment : une mono-
graphie de la ville et du gouvernement de Kiew (Russie),
illustrée de magnifiques dessins, par M. Th. Volkrow ;
une description de la ville et du gouvernement de
Houang-Toung (Canton); un article sur la race des
Khirgis, son habitat, ses mœurs; une description, due
à la plume d’un de nos collaborateurs, M. E, Haug, de
l'étage jurassique qui porte le nom de Kiméridgien,
avec ses divisions, ses principaux faciès el les fossiles
caractéristiques qu'on y rencontre ; une curieuse étude
du Dr Saury sur la Kleptomanie (monomanie du vol);
deux articles d’un de nos collaborateurs, M. le Dr P, Lan-
glois sur la noix de Kola et ses propriétés physiolo-
giques et sur le Koumis (lait de jument fermenté);
l'histoire de la dynastie chinoise des Kin, par M. E. Cha-
vannes; enfin de nombreuses biographies, en parti-
culier celle de Kirchhoff, physicien allemand, par M. A.
Joannis; celle de Klaproth, chimiste allemand qui a dé-
couvert etétudié plusieurs terres rares; celle du grand
général francais Kléber, par M. E, Charavay; celle du
patriote polonais Kosciuszko, par M. Trawinsky;celle du
célèbre homme d’Etat et orateur hongrois Kossuth, par
M. E. Sayous; celle d’un autre homme d'Etat, le prince
Kong, qui vient d'être remis à Ja tête des affaires de la
Chine, par M. Ed, Chavannes; celle du grand réforma-
teur écossais John Knox, par M. Ch. Langlois; celle de
trois grands littérateurs allemands : Klopstock, par M. E.
Bailly; Kleist, un des grands romantiques du commence-
ment du siècle, et F, de Kotzebue.
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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
191
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 28 Janvier 1895.
M. le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-
Arts adresse une ampliation du décret par lequel le
Président de la République approuve l'élection de
M. Hautefeuille dans la Section de Minéralogie. —
M. le Secrétaire perpétuel annonce à l’Académie Ja
perte qu’elle vient de faire dansla personne de M. Gas-
ton de Saporta. — M. Xergott, nommé Correspon-
dant pour la Section de Médecine et de Chirurgie,
adresse ses remerciements. MM. Prillieux et
- Cornu prient l’Académie de les comprendre parmi
les candidats à la place vacante dans la Section de Bo-
tanique.
4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Le Roy montre
que la méthode d’approximations successives, au moyen
de laquelle M. Poincaré a résolu le problème de Diri-
chlet, ne réussit pas seulement pour l'équation de
Laplace, mais s'applique encore au refroidissement
d’un corps solide par communication. — M. le G*! Ve-
nukoff communique les principaux résultats du nivel-
lement de précision récemment fait en Russie; le plus
important d’entre eux est l'identité bien établie des
niveaux des trois mers : Baltique, Noire et d’Azof.
20 ScreNcEs PHYSIQUES. — M. S. Millet adresse un pro-
jet de communication avec la planète Mars. — M.R.
Pictet adresse une note intitulée : Etude de la consti-
tution des liquides etde leurs vapeurs aux températures
voisines du point critique par les dissolutions de corps
solides dans ces liquides, — M. le Ministre des Affai-
res étrangères transmet une lettre de Santiago du
Chili, relative au tremblement de terre du 27 oc-
tobre 1894, — M. l'Inspecteur général de la navi-
ation adresse les états des crues et diminutions de
‘la Seine observées chaque jour au pont Royal et au
pont de la Tournelle pendant l’année 1894. — M. P. Vil-
lard rapporte certaines expériences qui établissent
nettement la dissolution des solides dans les vapeurs,
- sans qu'il soit nécessaire pour cela d’invoquer l’exis-
_tence, au delà du point critique, de vésicules liquides
en suspension dans la vapeur. — M. Jules Garnier
tire les conclusions suivantes de l'examen de l’action
d'un courant électrique sur une série de métaux sul-
furés en fusion. 1° Le soufre combiné aux métaux, à
Pétat fondu, à l’abri de l’air et traversé par un cou-
moins l’anode, s’élimine peu à peu. 2° Dans un mélange
de sulfures métalliques fondus, à l'abri de l'air, tra-
versé par un courant électrique, la conductibilité du
mélange reste homogène à chaque instant, augmen-
tant peu à peu par suite de l’élimination successive du
soufre; les métaux et le soufre restant se groupent
entre eux de facon que chaque tranche élémentaire du
bain, prise perpendiculairement au sens du courant,
ait la même conductibilité électrique, — M. Moissan a
préparé un borure de fer cristallisé par l’action du
chlorure de bore sur le fer réduit ou par l’action du
Dore sur le fer. Ilest constitué par des cristaux brillants
de densité 7,15 à 489, attaquables par le chlore au rouge
et susceptibles de brûler dans l'oxygène; leur véritable
dissolvant est l’acide nitrique et, par conséquent, l’eau
régale. —M. P.-P. Dehéraïn présente, au nom de l’Asso-
ciation des anciens élèves de M. Fremy, une brochure
intitulée : « Edmond Fremy, 1814-1894»,— M. Dupon-
chel adresse deux nouvelles notes concernant l'adapta-
lion des principes de la nouvelle théorie cosmogonique
à l'interprétation des formules dans les combinaisons
chimiques. —M. A. Ditte examine en détail l’action du
. rant électrique, les électrodes étant du charbon, au
monosulfure de potassium sur le sulfure de bismuth
amorphe et déduit de là un procédé permettant d’ob-
tenir ce sulfure bien cristallisé. —M. A. Villiers étudie
l'influence des divers facteurs qui interviennent dans
la transformation du sulfure de zinc amorphe en sul-
fure cristallisé, savoir : la dilution, l’alealinité de la
liqueur, les sels étrangers, le mode de lavage. —
M. A. Besson a préparé le chlorobromure et le bromure
de carbonyleen faisant agir le bromure de bore BoBr*
sur l’oxychlorure de carbone; ce sont deux liquides,
très dilatables sous l’action de la chaleur, dont la va-
peur irrite les yeux et les voies respiratoires en provo-
quant une suffocation suivie d’oppression; ils sont len-
tement décomposables par l’eau froide et beaucoup
plus rapidement à 100° au contact du mercure. —
M. A. Rosenstiehl a reconnu que la soude, agissant sur
une solution alcoolique de violet cristallisé : A=C,CI,
donnait naissance à des corps de la forme géné-
rale A5=C, OR qui sont des dérivés du méthane-oxy-
méthane CH3.0.CH; leur existence et leur mode de
formation font ressortir à nouveau la fonction alcoo-
lique des rosanilines. — M. C. Tanret s’est demandé
si l’action de l’anhydride acétique sur les alcools don-
nait les mêmes résullats en présence de l'acétate de
soude fondu ou du chlorure de zinc; les sucres stables
se comportent de la même facon, les saccharoses et
les polysaccharides fournissent des résultats différents ;
le glucose ordinaire donne naissance à trois éthers
pentacétiques cristallisés que l’auteur appelle les pen-
tacétines «, 8 et y et dont il expose les propriétés, —
M. Delépine a déterminé le poids moléculaire de
l’hexaméthylène-amine et étudie son action sur les
acides minéraux, la nature de sa fonction basique, la
formation des dérivés de substitution, et les produits
de l'hydrogénation. — MM. H. Lecomte et A. Hébert
ont fait l'étude botanique du Koumounou ou Coula du
Congo francais et l’étude chimique de ses graines et
de l'huile qu’on en retire. L'huile de Koumounou, qui
est de la trioline presque pure, offre le curieux exemple
d’une matière grasse contenant un seul acide. —M.An-
toine de Saporta expose un nouveau procédé pratique
de dosage du calcaire dans les terres arables, qui
n’exige, comme matériel, qu'un bon densimètre, un
thermomètre du genre de ceux de l’alambic Salleron
et un matras jaugé. C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Kaufmann établit de
nouveaux faits relatifs au mécanisme de l’hyperglycé-
mie et l'influence du système nerveux sur la glycoso-
formation et l'histolyse, — M. Sabatier donne encore
quelques points de la spermatogenèse chez les Séla-
ciens et montre qu'il y a un parallélisme de pro-
cessus extrêmement frappant entre la spermatogenèse
chez les Sélaciens, chez les Crustacés décapodes, et
plus spécialement chez les Carides,chez les Locustides.
— M.Boutan a étudié le mode de fixation des Acéphales
à l’aide du byssus. L'auteur montre que les Arches
sont obligées, pour se fixer, de rejeter l’ancien byssus,
lorsqu'un décollement a eu lieu, pour en sécréter un
nouveau. Les jeunes peuvent se fixer à l’aide de l’an-
cien organe conservé. — M. Le Dantec éludie l’adhé-
rence des Amibes aux corps solides et expose que
l’adhérence se produit par attraction moléculaire. —
M. J. Chatin fouruit de nouvelles observations histo-
logiques sur les adaptations fonctionnelles de la cel-
lule épidermique chez les Insectes. — M. B. Renault
a découvert quelques Micrococcus dans le Stéphanien,
terrain houiller supérieur. Ce sont de petites sphères,
libres ou soudées par deux, de 2,2u de diamètre. Ge
M. hymenophagus complétait l’action destructive du
192
M. Guignardi. — M. Sipière traile le _mildew par un
procédé nouveau, le lysolage. La solution à 5 p. 1000
de lysol est pulvérisée, comme le sulfate de cuivre,
mais produit une économie annuelle de 28 ©°/0. IL faut
faire 3 opérations par an : 4° du 20 au 30 avril; 2 du
jer au 8 mai; 3 du ΰr au 8 juin. — M.Prunet a étudié
la chytridiose du Mürier. — M. Stanislas Meunier a
effectué des recherches expérimentales sur les condi-
tions qui ont déterminé les caractères principaux de
la surface lunaire.
J. MARTIN.
Séance du # Février 1S95
M. le Secrétaire perpétuel annonce la perte doulou-
reuse que l’Académie vient de faire dans la personne
de M. Arthur Cayley, correspondant de la Section
d'Astronomie depuis 1863. — La Section de Botanique
présente la liste suivante de candidats pour la place
laissée vacante par le décès de M. Duchartre : 1° M. L.
Guignard ; 2° MM. Baïllon,G.Bonnier, Ed. Bureau,
Maxime Cornu, Prillieux, B. Renault, Zeiller.
49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Hermite lit une
notice sur M. Cayley; il rappelle qu’il a fondé la théorie
des formes et donné à l’art analytique les notions
d'invariants et de covariants qui ont franchi les bornes
de l'algèbre et jouent maintenant un rôle considérable
dans la théorie des équations différentielles. — M. H.
Poincaré généralise certaines propriétés des fonc-
tions abéliennes par la considération des fonctions
spéciales, c’est-à-dire de celles qui doivent leur origine
à une courbe algébrique de genre p, p étant le nombre
de variables de la fonction abélienne, — M. Arnau-
deau soumet un travail portant pour titre : « Table
des nombres triangulaires de 1 à 100,000, suivie d’une
table des tangentes naturelles de 0° à 90°, pour des
angles variant de 30" en 30° avec textes explicatifs. » —
M. le Secrétaire signale un ouvrage de M. Charles
Henry intitulé : « Abrégé de la théorie des fonctions
elliptiques. » — M. Brocard adresse une note sur le ca-
talogue des travaux mathématiques annoncés ou pu-
bliés dans les Comptes rendus hebdomadaires des
séances de l’Académie, — M. J. J. Landerer commu-
nique le résultat de l'observation du passage de l'ombre
du quatrième satelliste de Jupiter, qui a eu lieu le
25 janvier, pour une distance du satellite au périjove
de son orbite de 10°23 seulement, en même temps
qu’il était éloigné de 84°59° du nœud le plus voisin, ce
qui constitue un ensemble de circonstances qui ne
doit se reproduire qu'après un espace de deux siècles.
Les résultats de l'observation s'accordent avec ceux
prévus par les calculs de M. Souillart. — M. J. Guil-
laume adresse ses observations du soleil faites à
l'observatoire de Lyon (équatorial Brunner) pendant
le quatrième trimestre de 1894; le nombre des taches
diminue ainsi que celui des facules. — M. Eugène
Laye expose une méthode analytique et graphique
pour le calcul des poutres droites continues solidaires
avec leurs piliers; cette méthode nouvelle s'applique
quelles que soient les liaisons des piliers avec leur
fondation, que ceux-ci soient encastrés à leur base ou
reposent sur rotule. — M. Guyou présente un nouveau
modéle de propulseur dont lidée lui a élé suggérée
par les expériences de M. Marey sur la natation des
poissons. Une manivelle, calée sur l'arbre moteur,
conduit, par l'intermédiaire d'un mécanisme quel-
conque, un point sur une courbe fermée dont le plan
est parallèle à la quille; une deuxième manivelle,
faisant avec la précédente un petit angle, imprime à
un second point un xnouvement identique sur une
courbe placée un peu en arrière de la précédente :
ce second point est en retard sur le premier d’un intér-
valle constant, et lorsque le rapport de la vitesse du
navire à celui de la machine sera tel que l’espace par-
couru dans cet intervalle soit celui qui sépare les deux
courbes, le second point décrira la même trajectoire
que le premier dans le liquide.
20 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Vañchy établit que,
ACADÉMIES ET SOCIETÉS SAVANTES
h
dans le langage de Maxwell, le vecteur est le dé-
À +T/h
placement électrique; sa dérivée est la densité du cou-
h
rant de déplacement, etle vecteur —est la densité du
courant de conduction. Le técleue résultant de ces
deux densités est la densité du courant total. Il en
résulte ce fait que les propriétés admises par Maxwell
à titre d'hypothèses sont mathématiquement exactes;
seuls le langage et les idées sur la nature des phéno-
mènes sont à modifier, — M. G. Moreau introduit
dans les équations du mouvement lumineux une force
constante pour le cas des milieux absorbants; l'appli-
cation de cette théorie à l'étude d'un corps cristallisé
dans le système rhomboédrique et qui présenterait le
pouvoir rotatoire le conduit à prévoir l'existence d'une
dispersion rotatoire anormale identique à la disper-
sion de la fuchsine. — M. Georges Meslin montre que
si l’on tient compte des chemins réellement parcourus,
on trouve, pour le biprisme de Fresnel, un retard nul
en chaque point, si l'on suppose négligeable l’épaisseur
de verre traversée; le retard en un point provient
donc, non de la différence géométrique des deux che-
mins, mais bien de la différence des deux retards im-
primés par les épaisseurs de verre traversées dans l’ap-
pareil qui se comporte, en un mot, comme formé de
deux lamelles de verre d'épaisseur différente et dont
la différence varie avec le point où l’on étudie l’action,
L'expérience confirme ces conclusions du calcul, —
M. Raoul Pictet a éludié l'influence des basses tem-
pératures sur la puissance d'attraction des aimants
artificiels permanents et reconnu que cette attraction
ausmente sensiblement quand la température diminue,
— M,Ducla adresse un mémoire intitulé : « Contraction
au moment de la formation d'un corps composé; clas-
sifications faites d’après ces contractions, — M. Ber-
thelot communique les résultats obtenus par lord Ray-
leigh et M. William Ramsay et la découverte de
l’argon, nouveau gaz constitutif de l’atmosphère !. La
solubilité du gaz s'élève à 40 centimètres cubes par litre
vers 12 à 14°; M. Olszewski le liquéfie et trouve que son
point critique està —121°,sous une pression de 50 atm.6;
son point d’ébullition est à —187° sous une pression de
740 millimètres. Le rapport des chaleurs spécifiques à
pression et à volume constants conduit à regarder la
molécule comzie monoatomique. — M. A. Rosen-
stiehl montre que l’iodure de méthyle forme, avec les
triamines complexes A#%==C—R, deux séries de combi-
naisons incolores : {° La première renferme un seul
atome d'azote totalement saturé. Les composés de celte
classe échangent le radical R avec un radical d'acide
et se transforment en matières colorantes, 2 La
deuxième série, formée par l'addition de 3 molécules
d'iodure de méthyle, renferme trois atomes d'azote
totalement saturés, Le groupe R, dans ce cas, ne s'é-
change plus contre un radical d'acide et ne se colore
plus. — M. G. Bertrand montre que la laccase, subs-
lance diatasique contenue dans le latex de l'arbre à
laque du Tonkin, est un agent provocateur de l’oxyda-
tion, L'hydroquinone et le pyrogallol s’oxydent rapide-
ment en présence de l’air et d'une trace de laccase; il
y a formation de quinone dans le premier cas et de
purpurogalline dans le second. — M. Battandier a
reconnu que tous les phénols en solution sulfurique
donnent avec la chélidonine une belle coloration d’une
intensité et d’une pureté extraordinaires,dont la teinte
varie d’un phénol à l’autre, — M. A, Michel-Levy à
étudié la réfringence des auréoles polychroïques des
minéraux; lorsque les auréoles sont bien développées,
à contours francs, à teintes foncées, la réfringence de
la partie pigmentée est nettement supérieure à celle
du corps non modifié et la différence entre les indices
de réfraction similaires peut dépasser, notamment dans
la cordiérite, une décimale du deuxième ordre.
C. MATIGNON.
1 Voir cette Revue : 1894, p. 958, et 1895, p. 89 à 107.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
193
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ed. Bureau présente
l’état actuel des études sur la végétation des colonies
* françaises, des pays de protectorat francais, et montre
les heureux résultats acquis et les desiderata pour
certains pays. — M. L. Roule, dans un travail sur le
développement du corps chez la Crevette et l’Ecrevisse,
Montre que le développement terminé et le corps achevé,
ce dernier est courbé en deux dans l’œuf. Cette courbure
s'établit d'emblée par la formation d’une fente de cli-
vage qui pénètre dans la cicatricule, la divise en deux
plans et grandit avec ces derniers.—M. Perez a observé
la production des femelles et des mâles chez les Méli-
ponites.—M.Em. Mer établit l'influence de l'état clima-
térique sur la croissance des arbres. — M. Cayeux
signale l'existence de nombreux débris de Spongiaires
dans les phtanites du précambrien de Bretagne; les
Spongiaires rencontrés appartiennent aux ordres des
_Monactinellidæ, Tetractlinellidæ, Lithistidæ et peut-être
des Hezxuctinellidæ. — MM. Sayn et Lory montrent
l'existence d'un Delta sous-marin dans le Crétacé su-
périeur,près de Châtillon-en-Diois.— M.Oustimovitch
adresse une note sur les phénomènes de la nutrition
dans l'organisme animal.
J. MARTIN.
Séance du 11 Février 1895.
M. L. Guignard est élu membre dans la Section de
Botanique, en remplacement de feu M, Duchartre. ”
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Faye présente les
tomes IV et V des Annales de l'Observatoire de Nice
qui contiennent les inégalités du premier ordre de la
planète Vesta produites par l’action de Jupiter, un ca-
talogue de 505 nébuleuses très faibles, observées au
grand équatorial de Nice, les observations météréolo-
giques faites sur le versant nord du mont Gros et les
observations magnétiques suivies d’une étude des per-
turbations des éléments. — M. J. W. Rasch adresse
un mémoire intitulé : Le mesurage du cylindre. —
M. Emile Borel considère un développement de
À, | ER
Taylor: À 5. z", où À, et B, sont des entiers réels et
n
complexes, premiers entre eux, et démontre qu’en sup-
posant B, < M où Mest un nombre déterminé, B, ren-
ferme des facteurs premiers dont le module augmente
indéfiniment avec n,si le développement représente
une fonction méromorphe. — M. J. Beudon montre
que la méthode de M. Darboux permet de ramener à
l'étude d'équations différentielles ordinaires l’intégra-
tion d’un système complètement intégrable, tel qu'à
. partir d’un certain ordre p, les dérivées d'ordre p S p,
sauf l’une d’entre elles, s'expriment en fonction de
cette dernière et des dérivées d’ordre inférieur. —
M. Wickersheim adresse une démonstration du pos-
tulatum d’Euclide. — M. Drillon présente une note re-
lative à un bélier horizontal.
2° Sciences PaysiQues. — M. J. Cauro établit qu'ilne
faut employer les bobines à double enroulement que
. pour des résistances faibles ; si la résistance augmente,
on introduit une erreur de capacité qui peut être plus
jade que celle que l'on veut éviter. La capacité se
a
it sentir dans les bobines à enroulement simple; elle
peut devenir prépondérante si la résistance est assez
grande, de facon à donner une self-inductionapparente
négative; enfin, ces effets de capacité sontnégligeables
dans les mesures faites avec les ponts de Wheatstone
ordinaires, — M. A. Blondel, après avoir établi la no-
tion du flux lumineux, en donne une idée concrète,
indépendamment de la cause qui le produit, par l’indi-
cation d’une méthode générale et directe de mesure de
ce flux, reposant sur les propriétés de la diffusion par
transmission. — M. Ch. Fabry montre que les formules
ordinaires des lames minces s'appliquent sans modi-
fication au phénomène du passage de la lumière à tra-
vers une lame mince dans le cas de la réflexion totale.
— M. A. Ponsot a étudié l’abaissement du point de
congélation des dissolutions étendues de chlorure de
sodium et reconnu que, pour des dissolutions trèséten-
dues, cet abaissement est toujours proportionnel au
poids de sel existant dans 100 grammes de dissolution,
ce qui contredit les résultats énoncés par Jones, Arrhé-
nius, Loomiset Pickering. —M. C. Fitzgerald adresse
un mémoire sur une nouvelle théorie de la précipita-
tion atmosphérique de l’eau. — M. Cornu lit un rap-
port sur un travail de M. Hardy relatif à l'application
des vibrations sonores à l'analyse de deux gaz de den-
sités différentes et en particulier à la recherche du gri-
sou. La méthode repose sur la variation de la hauteur
du son rendu par un tuyau sonore alimenté par un
gaz dont on fait varier la densité; cette variation de-
vient très sensible pour la production de battements.
— M. Jacquiot-Constant adresse une note relative à
un projet de téléphotoscope. — M. Garrigou-La-
grange établit des relations nouvelles entre les mou-
vements barométriques sur l'hémisphère nord et les
mouvements en déclinaison du Soleilet de la Lune. —
MM. Berthelot et André ont étudié la répartition de
l’alumine dans les plantes ; elle peut exister dans les
plantes annuelles pourvues de racines abondantes et
profondes, mais elle n'arrive aux feuilles qu’en dose
infinitésimale. — M. Henri Moissan, en faisant agir
la chaleur produite par un arc électrique dont l'in-
tensité est variable, sur un mélange d'acide titanique
et de charbon, a obtenu : 1° le protoxyde bleu de ti-
tane, 2° l’azoture de titane fondu, Ti2Az?, 3° le titane
fondu ou un carbure cristallisé Ti C. Le titane fondu est
le corpsle plus réfractaire obtenu jusqu'ici au four
électrique ; il est plus infusible que le vanadium; on ne
peutle préparer qu’au moyen de l’arc produit par une
machine de 100 chevaux. L'ensemble de ses propriétés
le rapproche nettement des métalloïdes et en particu-
lier du silicium. — MM. A. Haller et A. Guyot ont pré-
paré quelques dérivés de la phénolphtaléine et parti-
culièrement la diéthylphtaléine, soit par l’action du
chlorure de phtalyle surle phénétol en présence du
chlorure d'aluminium, soit par celle de l’iodure d’éthyle
sur la dissolution d’une molécule de phtaléine dans
deux molécules d’éthylate de sodium. — M. A. Ditte
analyse les diverses actions de l’acide sulfhydrique sur
les dissolutions d'or et celles d’un sulfure alcalin sur
le sulfure d'or. — M. A. Villiers indique une méthode
générale pour déterminer la cristallisation des préci-
pités qui consiste à congeler complètement le dissol-
vant où le précipité se réunit dans la partie centrale
du bloc de glace en subissant une pression considé-
rable. L'auteur applique sa méthode aux sulfures de
zinc et de manganèse et à l'hydrate d'oxyde de cuivre.
— MM. E. Jungfleisch et Léger ont constaté que la
cinchonigine est dimorphe; cette base fournit le pre-
mier exemple d’un corps dimorphe possédant le pou-
voir rotatoire moléculaire spécifique. Les deux formes
se changent facilement l'une dans l’autre; la forme
clinorhombique est stable à la température ordinaire,
la forme orthorhombique l’est vers 35°. — M. Etard
expose ses idées sur la pluralité des chlorophylles et
donne la description d'une deuxième chlorophylle
isolée dans la luzerne, à laquelle il donne le nom de
médicagophyile 8; ce nouveau composé répond à la
formule C#? H63 Az O!i, — M. A. Rosenstiehl compare
les formules des dérivés colorés et celles des dérivés
incolores de l'hexaméthyl-triamidotriphénylméthane
et déduit quelques remarques générales sur leur cons-
titution, — M. Louis Henry donne le mode de prépa-
ration et les propriétés d’un éther d’un genrenouveau :
le lactate de méthylène, à la fois éther d’acide et éther
d'alcool. — M. A. Andouard a comparé la valeur agri-
cole du phosphate d’alumine du Grand-Connétable à la
valeur des principaux phosphates de chaux fossiles
connus et reconnu que son assimilation était plus ra-
pide et qu’il donnait les meilleurs résultats.
C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. E. Sans adresse une
note sur un procédé de destruction du phylloxera. —
19% ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
M. F. Le Dantec étudie le rapport de la forme géné-
rale à la composition du corps chez les Protozoaires ;
il résulte que les fonctions de la vie individuelle s’accom-
pliraient dans le protoplasma, en l'absence du noyau,
si lon supposait maintenue constante, par un procédé
quelconque, la composition de ce protoplasma; des
expériences de M. Balbiani, on peut d'ailleurs conclure
que chaque forme d’'Infusoire est caractéristique d’une
composition chimique déterminée, ne se maintenant
constante qu'en présence du noyau. — M. Audouard
fait une étude de la valeur agricole du phosphate
d’alumine du Grand-Connétable, — M, A. Lacroix
rend compte des phénomènes de contact de la Iherzo-
lite des Pyrénées, Les roches sédimentaires modifiées,
appartenant au jurassique inférieur, sont des calcaires,
des marnes calcaires et des grès. J. Marrix.
ACADEMIE DE MEDECINE
Séance du 5 Février 1895.
L'Académie procède à l'élection de deux correspon-
dants nationaux dans la Ir Division (Médecine).
MM. Liégeois (de Bainville-aux-Saules, Vosges) et
.Teissier (de Lyon) sont élus.
M. Laveran présente un rapport sur deux mémoires
du D' Bonnal concernant la chaleur de l’homme pen-
dant le mouvement, et le mécanisme de la mort sous
l'influence de la chaleur, — M. J.-V. Laborde continue
sa communication sur la valeur comparative des diffé-
rents procédés employés dans le traitement de la
mort apparente en étudiant les procédés d’insufflation.
Il montre que, dans l’insufflation bouche à bouche,
l'air ne pénètre presque pas dans les voies respiratoires
et n’agit que comme simple excitant réflexe sur la
muqueuse buccopharyngée et laryngée. Dans l’insuffla-
tion à l’aide du tube laryngien, l'air pénètre en plus
grande quantité dans le poumon, mais y agit surtout
comme excilant de la muqueuse broncho-pulmonaire,
et non comme aliment respiratoire et hématosique.
D'ailleurs, cet air, qui est de l’air expiré par le prati-
cien, contient une notable quantité d’acide carbonique
qui exerce plutôt une action nocive Sur le sang. Aussi,
linsufflation laryngée ne devrait-elle être pratiquée
qu'avec la poire à insufiler. Le procédé du soufflet est
le meilleur de tous, mais il est difficilement applicable
dans le cas de l’asphyxie des nouveau-nés. — M. Je
D' Galezowski lit un mémoire sur les affections ocu-
laires qu'il a observées en Perse.
Séance du 12 Février 1895.
Le Président annonce à l’Académie la mort de
M. Regnault, ancien président, et lève la séance en
signe de deuil. Il annonce également la mort de
M. Farge (d'Angers), Correspondant dans la 1° Divi-
sion.
L'Académie procède à l'élection de deux correspon-
dants nationaux dans la Il° Division (Chirurgie).
MM. J. Boekel et Combalat sont élus.
SOCIETE DE BIOLOGIE
Séance du 2? Février 1895.
M. Mathias-Duval expose une théorie histologique
des actes cérébraux, basée sur les travaux anatomiques
de Golgi et de Ramon y Cajal, qui ont montré qu'iln'y
avait pas continuilé dans toute l'étendue du système
nerveux, mais simple contiguité des prolongements
des cellules nerveuses. M. Mathias-Duval considère les
extrémités des cellules nerveuses comme douées de
mouvements amiboides leur permettant de s’allonger
ou de se rétracter, de s’approther ou de s'éloigner.
Pendant le sommeil, ces extrémités sont rétractées et
éloignées les unes des autres; la transmission des
excitations ne peut plus avoir lieu, d’où impossibilité
de percevoir des sensations. — MM. Courmont et
Doyon ont trouvé que l’intoxication diphtérique expé-
rimentale produit, après une période d’incubation plus
ou moins longue, une forte hypothermie. Dans une
seconde note, ils étudient le: lésions intestinales
produites par la toxine diphtérique; celle-ci donne
lieu à une vaso-dilatation intense, puis à la formation
d’une entérite pseudo-membraneuse, — MM. Surmont :
et Gaudier (de Lille) ont étudié les inflammations
chroniques de la mamelle et reconnu qu'elles étaient
dues au staphylocoque blanc, — M. Marinesco a
observé des connexions entre le corps strié et le lobe
frontal, — M. P. Masoin a dosé l’oxyhémoglobine dans
le sang de trois myxædémateux. — M. Retterer a
étudié le développement des synoviales tendineuses et
des bourses muqueuses chez le lapin, — M. de Sil-
vestri présente quelques observations sur l’étiologie
de la dysenterie.
Séance du 9 Février 1895.
M. Nocard a constaté la présence fréquente de
microbes dans le sang, même normal, En outre, les
microbes peuvent passer de l'intestin dans les chyli-
fères, surtout après le repas et à la faveur des globules
graisseux. — M. Rénon à étudié la résistance des
spores de l’Aspergillus fumigatus. — M. Contejean,
continuantsgs études sur l’incoagulabilité du sang après
une injection intra-veineuse de peptone, a trouvé que
cette incoagulabilité devait être attribuée à une subs-
tance formée dans l'organisme sous l'influence de la
peptone, et que celte substance se formait dans le
foie et les masses intestinales. — M. Noé a étudié
l'élimination des médicaments dans les néphrites et
les crises urinaires, — M. Lépine (de Lyon) envoie une
réclamation de priorité au sujet de la théorie émise
dans la séance précédente par M.Mathias-Duval.Ceder-
nier réplique que ses idées sont plus générales et plus
compréhensives que celles de M. Lépine, — M. Galippe «
{
pau
rare
pr bou 07 aile fi ion
a 2.3? ruines ge À pa de
démontre qu'un grand nombre de calculs formés dans
l'organisme sont d’origine microbienne. — M. Azoulay
montre les dessins de coupes de la substance corticale
du cervelet. À
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 1° Février 1895.
M. Hurmuzesceu éludie la force électromotrice
d’aimantation., C’est de {8$1 que date la première expé-
rience dans laquelle on ait pu manifester l'influence
de l’aimantation sur les phénomènes chimiques. Si on
verse du sulfate de cuivre dans une cuvelte de fer
mince posée sur les pôles d’un électro-aimant, le cuivre w
se dépose suivant des lignesnormales aux lignes de force, \
par suite suivant des lignes équipotentielles. Dépuis,
de nombreux expérimentateurs ont repris cette ques-
lion, mais ils sont en désaccord sur le sens de la force n
électromotrice d’aimantation, Les uns trouvent que le
fer aimanté est négatif par rapport au fer neutre, c’est
à-dire que le premier est plus attaquable par l'acide {
que le fer neutre, D'autres concluent à un résultat
opposé. Les recherches théoriques de MM. Duhem et.
Janet confirment la seconde opinion. M. Hurmuzesecu a
repris cette étude, Il à substitué l’électromètre capil-.
laire au galvanomètre, De cette facon, il peutemployer
des liquides très résistants contenant très peu d'acide
et produisant une attaque plus régulière. Puis il s’af-
franchit des phénomènes de polarisation des sels den
fer et aussi des variations de résistance du sel suivant.
son orientation dans le champ. Il prend des électrodes
à la Wollaston dont le fil a une section notable, bien.
plane, et d’une orientation déterminée par rapport au
champ, Ces électrodes plongent dans les deux branches
verticales d’un tube de verre en U qui contient la dis-
solution à étudier, Une seule des deux branches est
placée. dans le champ d’un fort électro-aimant, Le
liquide employé a été uné dissolution faible d'acides
acétique ou d’acide oxalique, et les électrodes ont élén
formées tantôt d’un métal magnétique comme le fer
ou le nickel, tantôt d’un métal diamagnétique, comme
le bismuth., Les résultats se partagent en deux groupes,
suivant que l’électrode est disposée normalement au
champ magnétique, ou, au contraire, dans la direction
UE R
dE eo
du champ. Dans le premier cas, quel que soit le sens
“de l’aimantation, le fer aimanté est toujours positif
par rapport au fer non aimanté. La courbe qui repré-
cs ente la force électromotrice d’aimantation en fonction
. de l'intensité du champ s’élève constamment, en pré-
- sentant un point d'inflexion pourun champ de 2.400 uni-
tés. La courbe du nickel a la même allure que celle du
fer, mais les valeurs de la f.e.l m. sont beaucoup
plus faibles. Avec le bismuth, ces valeurs sont telle-
ment faibles qu’on ne peut que caractériser le sens du
phénomène. L'électrode aimantée est négative par rap-
pot à celle qui ne l’est pas. L'auteur s’est alors proposé
. Vobtenir théoriquement l’expression de la force élec-
-fromotrice d’aimantation. Le principe de la conserva-
_ tion de l'énergie lui fournit, sous certaines hypothèses,
- une expression en harmonie avec les résultats de l’ex-
_périence. M. Hurmuzescu signale en passant qu'il à
observé parfois une contraction de volume des sels de
fer. Il aborde ensuite l’étude du second cas dans lequel
_Pélectrode est disposée suivant la direction du champ.
Lorsque l’électrode placée dans le champ magnétique
plonge dans une dissolution exempte de sel de fer,
c'est-à-dire non magnélique, on rencontre encore une
. force électromotrice de même sens que dans le cas
précédent, mais beaucoup plus faible. L’électrode
placée dans le champ est donc encore positive par
rapport à l’autre. Mais, lorsque dans la dissolution i
sé forme un sel de fer, on voit la force électromotrice
diminuer et même changer de signe lorsque la disso-
lution devient riche en sel de fer. C’est probablement
la divergence des résultats obtenus suivant le degré de
_ concentration qui est la cause du désaccord entre les
travaux des expérimentateurs précédents. — M. Janet
rappelle les résultats qu'il a démontrés en 1887 sur
cette même question et montre comment il avait
. cherché à les vérifier expérimentalement, Il a démontré
par l'application du principe de l’équivalence, indépen-
damment de toute hypothèse, que la chaleur de com-
- binaison du fer dans un champ magnétique est néces-
Sairement plus petite qu’en dehors du champ. Ce
point, difficile à vérifier par le calorimètre, il a cherché
-à le contrôler indirectement par la force électromo-
ice. Celle-ci doit diminuer quand on prend une pile
dont le pôle négatif est formé par du fer ou du nickel,
et qu'on place la pile dans un champ magnétique. Bien
que lessdéterminations n'aient pas présenté une con-
cordance assez parfaite pour que l’auteur ait pu les
publier, cependantles valeurs trouvées pour laf.e.l.m.
: d’une pile, d’abord non aimantée puis aimantée, onttou-
jours différé dans le sens prévu. — M. Broca présente,
au nom de M. Weiss, un focomètre s'appliquant à la
-mesure de la puissance d’un système centré quel-
conque. Son principe est le suivant. On place dans l’un
des plans principaux du système à étudier un objet de
. dimension connue a, Appelons # l’angle sous lequel cet
objet est venu du point nodal correspondant. On a la
relation a — ftso, d'où on peut tirer f si l'on me-
_Sure 9. Pour cela, on observe l’image de a dans un
objectit étalon de distance focale connue, et au foyer
duquel se trouve un micromètre qui servira à mesurer
. Ja grandeur de l’image. De cette mesure on déduira
Je diamètre apparent + de l’image à travers le système.
On vérifie que l’objet est dans le plan focal du système
en constatant qu'il n’y a aucune parallaxe. D'autre
part, pour obtenir un objectif de distance focale déter-
minée, par exemple 10 centimètres, on accole l’une
contre l’autre deux lentilles ayant chacune une dis-
tance focale d'un peu moins de 20 centimètres, de
_sorte que le système est un peu trop convergent. Puis
on écarte progressivement les deux lentilles l’une de
_lautre jusqu’à ce que l’image d’une mire éloignée ait
exactement la dimension correspondant à la distance
focale assignée. L'appareil ainsi décrit suppose néces-
sairement le plan focal réel, pour que l’objet puisse
y être placé. Mais il est facile de le compléter pour le
cas d’un plan focal virtuel.
Edgard Haunté,
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 195
SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE FRANCE
Séance du 23 Janvier 1895.
. M. Païnlevé : Sur la transformation des équations
de la mécanique. — M. Desaint : Sur quelques appli-
cations de considérations mécaniques à la théorie des
fonctions. — M. Humbert étend à la surface de
Kummer les théorèmes'de Poncelet en prenant pour
côtés des polygones inscrits des droites appartenant à
deux des complexes du second ordre dont la surface de
Kummer est la surface singulière. -— M, Fouret pré-
sente une remarque sur une communication de
M. Mannheim, relative aux lignes de courbure des
ellipsoides. — M. Humbert ajoute quelques observa-
tions à la communication précédente.
Séance du 6 Février 1895.
M. Bioche donne des propriétés caractéristiques des
surfaces du troisième ordre qui admettent comme
ligne asymptotique une cubique gauche; il fait égale-
ment connaitre la condition pour qu'un faisceau de
coniques soit composé des projections d'une cubique
gauche. — M. Goursat expose une démonstration nou-
velle d’une formule de la théorie des fonctions ellip-
tiques dont il fait l’application au problème de lin-
version, — M. Balitrand adresse une note sur le
développement des coordonnées d’un point dans le
mouvement relatif et sur la courbure des lignes ortho-
gonales. M. D'OcaGne.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
SCIENCES NATURELLES
BL. Enill M., B., Professeur adjoint de physiologie,
University Collège Londres. — Influence de la pesan-
teur sur la circulation. — L’auteur, après avoir
présenté une critique des travaux de Blumberg et
Wagner sur la question et établi qu’on ne pouvait dé-
terminer le point d’indifférence par leur méthode, ex-
pose ses expériences qui ont porté sur un malade tré-
pané, et ensuite sur des chiens. La pression générale
normale devenait chez eux négative lorsqu'ils avaient
les pattes tournées vers la terre; positive, lorsqu'ils
avaient les pattes tournées enl’air. L’auteur a construit
un porte-animal qu'on peut faire tourner autour d’un axe
horizontal. La canule en relation avec le vaisseau en
observation était toujours placée dans cet axe, et en
rapport avec un manomètre hydrostatique fixe. Les
moments hydrostatiques et dynamiques ont été re-
cherchés et isolés en observant soigneusement les
effets de la section et de l'excitation des nerfs va-
gues et splanchniques et de la moelle épinière, ainsi
que l’action des anesthésiques du curare, et de las-
phyxie. Les expériences ont porté sur des lapins, des
chats, des chiens et des singes; dans toutes les expé-
riences, les animaux étaient anesthésiés et placés sur
une planche avec les membres étendus dans la même
direction que l’axe longitudinal du corps. Les pressions
veineuses ont été prises au moyen d’un manomètre
rempli d’une solution saturée de Mg SO, et en relation
avec un délicat tambour ou piston enregistreur. La
pression veineuse cérébrale a été prise au pressoir
d'Hérophile par la méthode décrite par l’auteur au
tome LV des Proc. of the N. Soc. Les tracés respiratoires
ont été pris au moyen d’une large bande de cuir passée
autour du thorax et en relation à chaque extrémité
avec un tambour de Paul Bert. Les tracés obtenus ont
permis d'arriver aux conclusions suivantes : (1) La pe-
santeur doit être resardée comme un facteur cardinal
en ce qui concerne la circulation du sang. (2) L’impor-
tante fonction de compenser les simples effets hy-
drostatiques de la pesanteur dans les changements de
position, doit être attribuée au mécanisme vaso-moteur
splanchnique. (3) Les effets du changement de position
constituent un critérium très délicat de l’état du méca-
nisme vaso-moteur. (4) La proportion de la compensa-
tion dépend largement des différences individuelles.
196
(5) La compensation est beaucoup plus complète chez
les animaux qui se tiennent debout, comme le singe,
que chez les lapins, les chats ou les chiens, et, par con-
séquent, probablement beaucoup plus complète chez
l’homme, (6) Chez certains singes anormaux, il se pro-
duit une compensation qui surpasse les effets hydrosta-
tiques. (7) Chez le singe normal et l’homme, la pesan-
teur ne détermine que de légères perturbations en
raison de la perfection du mécanisme compensateur.
{8) Lorsque le pouvoir compensateur est entravé par la
paralysie des vaso-constricteurs splanchniques, l'in-
fluence de la pesanteur devient d’une importance capi-
tale. (9) La position les pieds en bas est beaucoup plus
grave que la position les pieds en l'air, parce que,
lorsque le pouvoir de compensation à disparu, le sang
passe dans les veines abdominales, le cœur se vide et
la circulation cérébrale cesse. (10) La position les pieds
en l’air n’a, d’une manière générale, aucun mauvais
résultat. (11) Les positions horizontales et les pieds en
l'air font disparaitre la syncope produite par la position
les pieds en bas en faisant agir la pesanteur dans le
même sens que le cœur et en rétablissant ainsi la cir-
culation cérébrale, (12) Le bandage énergique de l’ab-
domen a le même résultat, tant que le cœur deméure
normal; aussi longtemps qu'une pression mécanique
est exercée sur les veines abdominales, la pression
sanguine ne tombe point, (13) Lorsque le cœur est at-
teint (empoisonnement par le chloroforme ou le cu-
rare, etc.), la pression n'est qu'incomplètement res-
taurée et il peut s'arrêter subitement par l’irruption
d'une grande quantité de sang déterminée par une
compression trop rapide de l'abdomen. On impose au
cœur plus de travail que dans son état d’affaiblisse-
ment il n’en peut accomplir. (14) L'inhibition sympa-
thique et l'accélération cardiaque sont des mécanismes
compensaleurs subsidiaires dans les positions les pieds
en l'air et les pieds en bas respectivement. (15) Le
chloroforme paralyse rapidement le mécanisme vaso-
moteur compensateur et agit sur le cœur, (16) L’éther
ne paralyse le mécanisme vaso-moteur compensateur
que très lentement, et seulement à des doses énormes,
(17) La paralysie vaso-motrice produite par ces anes-
thésiques dure longtemps après qu'on a cessé de les
appliquer. (18) Le chloroforme peut, en faisant dispa-
raître la compensation pour la pesanteur, tuer l’ani-
mal, s'il est placé de telle facon qu'il ait l'abdomen à
un niveau inférieur à celui du cœur. (19) L'élévation-
ou la compression de l'abdomen compense immédiate-
ment la paralysie vaso-motrice produite par le chloro-
forme. (20) La compression ou l'élévation de l'abdomen,
unie à la respiration artificielle et à la compression du
cœur à travers les parois thoraciques, est le meilleur
moyen de faire sortir un animal du collapsus chloro-
formique. Ces résultats concordent entièrement avec
ceux de Mac Williams, et sont en opposition avec ceux
de la commission d'Hyderahad. (21) La position les
pieds en bas inhibe la respiration; la position les pieds
en l’air l’accélère. (22) Ces phénomènes respiratoires
résultent probablement de l'excitation des terminai-
sons des nerfs sensitifs par les changements de tension
déterminés par les changements de position. La section
des nerfs vagues le fait en effet disparaitre. (23) Dans
la position les pieds en bas, la respiration est thora-
cique et l'abdomen rétracté ; dans la position les pieds
en l'air, la respiration est diaphragmatique, et l'ab-
domen se dilate librement. {24) Ces types de respi-
ration tendent à compenser les effets de la pesan-
teur sur la respiration, car la rétraction de l'abdomen,
dans la position les pieds en bas, vient en aide
mécaniquement aux veines abdominales, tandis que
les inspirations thoraciques aspirent le sang dans le
cœur. Dans la position les pieds en l'air, la libre expan-
sion de l'abdomen enlève tous les obstacles à la dilata-
tion compensatrice des veines abdominales.
La dernière partie de ce mémoire est consacrée à
l'étude des applications médicales, L'auteur suppose
que la syncope émotionnelle est due à la paralysie de
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
l'aire splanchnique, et il cite un cas où la syncope a
disparu immédiatement à la suite de la compression de”
l'abdomen. Le même traitement ou celui de l'élévation
de l'abdomen peut être appliqué dans le shock, le col:
lapsus chloroformique, et après les hémorrhagiess
graves. L'auteur rapproche les résultats auxquels il.
est arrivé de ceux qu'a obtenus sur l’homme le.
D: George Oliver en mesurant le diamètre de l'artère
radiale avec l’artériomètre, :
SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 11 Janvier 1895. ÿ
M. le P' Ramsay et M!e Dorothy Marschall, pour.
étudier les chaleurs de vaporisation de divers liquides
organiques, se sont servis de petits tubes laissant pas
sage à un fil de platine, qui permettait ainsi de fairem
arriver un courant électrique dans le liquide, et, par“
ce moyen, de lui communiquer la chaleur nécessaire à4
sa vaporisalion. Ce petit tube est enfermé à son tour
dans un manchon plus vaste renfermant de la vapeur
du même liquide. Avant de lancer le courant, on
amène le liquide à une température voisine de som
point d'ébullition, mais qui ne détermine pas encore
une vaporisation appréciable, Aussitôt que le courant
passe dans ce liquide, il détermine la vaporisation, ebl
toute la chaleur produite par le courant est employée
pour vaporiser le liquide, Pour deux liquides, la quan:
tité de chaleur totale dépensée, divisée par les quan="
tités de liquide réduites à l’état de vapeur, est égale àl
la quantité de leur chaleur latente de vaporisations
Comme liquide témoin, les auteurs préfèrent l'alcool à
l’eau à cause de son point d’ébullition qui est moins”
élevé et se produit plus uniformément. — M. Eumor-
fopoulos : Sur la détermination de la conductibilité eb
de l'émission de la chaleur. — M. A.-W. Porter : In
fluence exercée par les dimensions d’un corps sur
l'émission de chaleur exercée par sa surface. On croit
généralement que, pour un corps placé dans le vide ou
dans l'air, son pouvoir émissif est indépendant de ses”
dimensions, Les résultats expérimentaux obtenus par,
Péclet pour le cylindre et la sphère de différentes di=n
mensions démontrent bien, toutefois, que l’on doit
tenir compte des dimensions dans l’évaluation du pou:
voir émissif pour la chaleur, Dans ses expériences sur
des barres de métaux, l’auteur est arrivé à la même
conclusion que Péclet, Ayrton et Kilgour, et il a pun
établir que ce pouvoir émissif pouvait être représenté
par la formule :
e = h +
c
a (logR — loga)
dans laquelle e est le pouvoir émissif; 4, le rayon der
la barre ; R, le rayon du cylindre creux entourant cette
barre et dont on a calculé l'excès de température; À ebn
e sont des constantes. — M. G.-U Yule : Sur le pas:
sage d’une onde électromagnétique tombant en incis
dence normale sur une plaque conductrice diélectrique:
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
M.J. Y. Buchanan F. R.S. : Sur l'usage de la sphère
dans les études cristallographiques, L'auteur montre
que dans les études cristallographiques on peut, comme
dans les études astronomiques, se servir d'une sphère.
suc laquelle on peut tracer et mesurer des figures)
et des ares. Cette application peut servir dans tous
les cas où on a d'habitude recours. à la trigonométrie.
sphérique, — M. H. J. H. Fenton : Sur une nouvelle,
méthode de préparation de l'acide dihydroxytartrique
et de l'emploi de cet acide comme réactif pour les come
posés du sodium, Ce réactif est très sensible pour le
sodium et ses composés et ne réagit pas avec les sels
de potassium ou d'ammonium. — M. Alfred C. Clap-
man : Sur une huile essentielle du goudron, —1
MM. Francis, R.JappF.R.S.: Réactions des dikétones
1,2, sur les amines primaires de la formule générale
G H2. Az H, (2° communicalion). La benzyle et l'é-
lamine réagissent entre elles suivant l’équation :
Hs.CO CSHS.CAz(C2H5)
nn |+2C°H5AzH?— I
B6H5.CO C5H*.C Az
ï produisant une N éthyl-diphénylw méthylimidazol.
L'iodure d’éthyle fournit un dérivéde l’iodure d’ammo-
nium quaternaire :
Dc.cH5-+2H°0-+H:
C6HS.C.AzI(C2H°}
I > C.CHS
C5H5.C—— A7
. méthylamine donne avec la phénanthrènequinone
a N méthyl-diphenylène imidoazol.
* Enfin la phénanthrènequinone etla benzylamine réa-
_gissent suivant l’équation :
| CSH4.CO CSH5.C. O\
je | -- CSH°CH2AzH? — | C.CcH5+ H20 + H°
CHt.CO CSH4.C.Az/
en même temps qu'il se forme un composé plus soluble
ayant un point de fusion plus élevé et qui a probable-
à ment pour formule : C?# H!7 Az 0. — M. R. Meldola
F.R.S.et F. W. Streatfield : Sur les isomères du dini-
trodiazobenzène etleurs points de fusion. — M. Edward
Schunck EF. R.S. : Sur la matière colorante jaune de la
| Saphora Japonica. e
ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE
]
Séance du 18 Janvier 1895.
L
4° SciENcES PHYSIQUES. — M, G. Jaumann : Varialion
du potentiel donnant des élincelles. — MM. Boltzmam
et Bryan : Analogie mécanique de l’équilibre de la
chaleur entre deux corps au contact. — MM. Elster et
H. Gestel : Observations électriques faites au sommet
du Sonnblick. — M. Wilhelm Kaiser : Appareil simple
pour soumettre à l’électrolyse les corps examinés au
microscope, et applicable particulièrement à l'étude
électro-physiologique des infusoires et des bactéries. —
M. Frenkna : 1° Sur une relation étroite entre l’excen-
tricité des orbites des huit planètes principales et
l'excentricité des orbites de laiTerre et de la Lune;
29 Lois générales des aplatissements des ellipsoïdes de
rotation et relation particulière entre les aplatisse-
ments de la Terre, de Jupiter et de Saturne.— M. Adolf
-Kratshemer : Les mouvements cachés dans la nature.
Mémoire contenant les bases d’une nouvelle chimie.
— M. Wenieck adresse plusieurs reproductions pho-
tographiques parlielles de la Lune, obtenues en gros-
sissant les épreuves de MM. Lœwy et Puiseux, au
grand équatorial coudé de Paris, et supérieures aux
épreuves antérieures provenant de l’observaloire de
Eick. — M. Konrad Natterer : Examen chimique de
Veau de la mer de Marmara, prise à des profondeurs
variées, Expédition faite à bord du Taurus, — MM. Lipp-
mann et Fleissner : Sur l’apoquinine et son éther,
— M. Philipp Heberdey : Etude des cristaux artificiels
de bismuth et d’antimoine formés dans certaines opé-
ralions métallurgiques. — M. Léon Donciu : Action du
chloresur l’éthylène glycol. A 140-180° il passe la chlo-
rhydrine correspondante et il reste un mélange de deux
composés : l’un C2H?(0?C?H'} est un acétate, l’autre est
un alcool polyéthylénique. — M. Rudolf Andreasch a
: préparé l'acide diméthylviolurique par l’action de l’hy-
; droxylamine sur le diméthylalloxane et prépare tous
ses sels, qui sont d’une beauté remarquable. L’oxyda-
tion fournit l'acide diméthyldiliturique dont les sels
eristallisent bien et ont une couleur jaune verdâtre.
20 SCIENCES NATURELLES. — M. Haberlandt : Re-
cherches anatomiques et physiologiques sur les feuilles.
Organes absorbant etéliminant l’eau (2°communication).
— M. Fuchs : Etudes sur les fucoïdes, — M. Rudolf
:Sturany : Liste de la détermination des mollusques
recueillis par M. Natterer lors de son expédition sur la
mer de Marmara à bord du Taurus, — M. V. Ebnor :
Anatomie des Cyclostomes.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 197
ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM
Séance du 26 Janvier 189+.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H.-G. van de Sande
Bakhuyzen s'occupe des marées au Helder, à Ymui-
den et au hoek van Holland. D’après la méthode de
l'analyse harmonique, développée par M, Darwin (Report
ofthe British Association, 1883), il décompose les varia-
tions irrégulières des angles horaires du soleil et de
la lune en une série de mouvements à termes périodi-
ques, dépendant d’arcs proportionnels au temps et de
coefficients constants. La somme de ces termes pério-
diques, connue sous le nom de marées astronomiques,
fait connaitre la hauteur des marées, si cette hauteur
est une fraction insignifiante de la profondeur de la
mer; en des eaux peu profondes, la hauteur des ondes
est modifiée considérablement, D'abord, la forme si-
nusoïdale des ondes varie en une courbe représentable
par une série de termes périodiques dont l’accroisse-
ment des arcs dans l’unité de temps est un multiple
de celui de l'onde originale; ces ondes portent le nom
de marées accessoires. Ensuite, l’interférence de deux
ondes, pour lesquelles l’accroissement des ares est
différent, fait naître des ondes nouvelles pour les-
quelles l'accroissement des arcs est la différence et la
somme des accroissements des ondes originales; on
les appelles marées composées. Et enfin, on parle de
marées météorologiques causées par des variations an-
nuelles régulières de la pression atmosphérique, de la
température et de la force du vent. Les résultats dé-
posés dans des tables sont représentés graphiquement
dans le tableau suivant (fig. 1):
Æ É È
. — Tubleau de diverses marées.
ch =
# | _
Ce tableau fait ressortir le caractère particulier des
marées au Helder, Après avoir atteint une hauteur
maximum, le flux s'abaisse pendant une heure et
regagne un second maximum après deux heures. L’au-
teur réfute l’opinion courante qui voit dans cette par-
ticularité l'effet de l’interférence de deux marées dif-
férentes qui se propagent de l'océan Atlantique vers
la mer du Nord et dont l’une prend sa course par la
Manche, tandis que l’autre vient de la frontière sep-
tentrionale de l’Ecosse. II démontre que le phénomène
est causé par l'influence des marées accessoires de la
lune. A Ymuiden et au hoek van Holland, ces mêmes
marées accessoires, au lieu de causer deux maximums,
198
font naître des courbures anormales de la courbe ascen.
dante ou descendante, — Ensuite, M. Bakhuyzen pré-
sente un mémoire de M. H.-J. Zwiers intitulé : « Re-
cherches sur l'orbite de la comète périodique d'Holmes
et sur les perturbations de son mouvement elliptique. »
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals :
Sur la signification cinétique du potentiel thermody-
namique. D’après la thermodynamique, Les trois quan-
tités, température, pression, potentiel thermodyna-
mique, ont la même valeur dans chacune des deux
phases d’une même matière qui se trouvent en équi-
libre l’une avec l’autre dans un même espace. Quand
le système est influencé par des forces extérieures, la
pression varie dans l’intérieur des masses de chaque
phase; néanmoins, elle acquiert les mêmes valeurs,
de part et d'autre de la surface de contact, D’un autre
côté, la théorie cinétique à démontré la nécessité de
l'égalité des températures et celle des pressions, même
dans des cas plus généraux. Elle fait voir que l’état
stationnaire exige que la force vive moyenne ait la
même valeur par tout l’espace. Bien qu'à présent la
démonstration ne porte que sur l'état gazeux raréfié,
la théorie cinétique a le mérite d’avoir traduit la
condition de l’égalité des températures par la condition
plus intuitive de l'égalité de la force vive moyenne,
Au contraire, elle s’est peu occupée de la condition de
l'égalité des potentiels thermodynamiques. Pourtant,
cette égalité a une signification évidente dans le
langage de la théorie cinétique. L'égalité des tempé-
ratures et celle des pressions sont des conditions
d'équilibre pour chacune des deux phases consi-
dérées séparément. La nouvelle condition pour
qu’elles soient en équilibre l’une en contact avec
l’autre, s'exprime par l’égalité des nombres de molé-
cules qui traversent une partie de la surface de con-
tact de part et d'autre. Donc, il faut que légalité des
potentiels thermodynamiques, üéduite de considéra-
tions thermodynamiques, mène à des équations qui
exprimentl’égalité des nombres de molécules échangées
par les deux phases (voir Kamerling Onnes, Mém.
d'Amsterdam, 1881). L'auteur démontre cette thèse,
d'abord pour le cas d’une matière unique, ensuite
pour un mélange de deux matières. Enfin, il fait
voir que, dans le cas du mélange, la matière dont la
transmission dans la seconde phase exige le plus
grand travail, est en abondance dans la première phase.
— M. van der Waals présente encore un mémoire de
M. P.-H. Dojes intitulé : « Sur la théorie de la radia-
tion en rapport avec la représentation de Fourier. »
M. H. Kamerlingh Onnes fait un rapport relatif aux
mesures de M. L.-H. Siertsema sur la disper-
sion rotatoire magnétique dans l’oxygène, faites au
laboratoire de physique de Leyde, L'appareil, décrit
dans une communication antérieure (voir Rev. génér.,
t. IV, p. 519), est perfectionné à plusieurs points de
vue; il a servi à mesurer les rotations magnétiques
de l'oxygène à une pression de 100 atmosphères.
L'oxygène est préparé par l'électrolyse. Les mesures
se font d’après une méthode connue en analysant, à
l’aide d’un prisme de verre, la lumière qui vient de
traverser le polarisateur, le tube d'expérience et l’ana-
lyseur. Alors, on observe un spectre et une bande
noire, Un courant, d’une intensité comprise entre 35 et
65 ampères, donne des rotations d'environ 3 à #. Le
résultat, représenté dans la fig. 2, s’exprime très bien
par la formule :
u) —=
LE
868,028 0,07202
ne Gros
où À représente la longueur d'onde en millièmes de
millimètre; w à une erreur moyenne de 17,5. Cette
formule se déduit de l'équation :
C Dh)
w = — (r— ns)
À DÀ
de Mascart. La rotation du violet est à peu près le
ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES à
M
2:
\
double de celle du rouge, contrairement au résultat
donné par M. H. Becquerel. Ensuite, des mesures sont
faites sur l’air, et la dispersion rotatoire de l'azote
en est déduite par extrapolation. Cette dispersion |
s'exprime par la formule : |
560,41
= (:
D —=
+)
À
)2
avec une erreur moyenne de 19,1. — Ensuite, M. Ka-
merlingh Onnes fait deux communications de la pa
=
©
=
=
Rotations
#00 #50 500 550 800 650 100
Longueur d'onde.
Fig. 2. — Rotalions magnétiques de divers gaz.
de M. P. Zeeman : {° Mesures sur le phénomène del
Kerr dans la réflexion polaire normale sur le fer et le
cobalt. D'une série de recherches antérieures, il résul-
terait qu’on peut déterminer la phase dans le phéno-
mène de Kerr au moyen de la théorie de M. Lorentz
en ajoutant à la phase calculée une quantité à peu
près constante dans de très grandes limites de l'angle
d'incidence, la phase S, dite de Sissingh. Néanmoins,
une discussion graphique des résultats obtenus sur le
nickel semblait indiquer que S diminue avec l’angle
d'incidence, Mais, avant de décider cette question, il.
fallait combler une lacune, Le domaine des angles
d'incidence de 50° à 0° pour le fer, de 43° à 0° pour le
cobalt et de 25° à 0° pour le nickel, restait à explorer.
L'auteur à réussi à mesurer la phase à des angles d'in-
cidence très petits à l’aide du procédé de Sénarmont”
avec une plaque de quartz taillée parallèlement à l'axe,
la méthode des rotations à zéro et au minimum n'étant.
plus applicable. Par les formules de E. Wiedemann-*
Kirchhoff, l'épaisseur optique de la plaque peut êtres
éliminée. De cette manière, l’auteur trouve, en dehors
des limites antérieures, une valeur plus petite de S*
pour le fer et le cobalt. En somme, on ne saurait affir-
mer qu'une des théories proposées explique complète-
ment le phénomène de Kerr. D’ailleurs une théorie
complète aura à expliquer pourquoi la succession des
valeurs de $S pour le fer, le nickel, le cobalt, et proba-"
blement la magnésite, coïncide avec celle des maxima-!
de leurs magnétisations, 2 Détermination des cons-"
tantes optiques de la magnésite, — Enfin, M. Kamerlingh
Onnes présente une note préliminaire de M. A. Le
bret sur la variation du phénomène de Hall avec la!
température, En opposition aux résultats de MM, Drude
et Nernst, l’auteur trouve une relation à peu près
linéaire entre la température et l'effet de Hall, —"\
M. G. van Diesen : Marée orageuse à Scheveningues
le 23 et le 24 décembre 1894. — M. A.-P.-N. Franchi-
mont fait une communication sur une nouvelle classe)
de dérivés de l’urée, Aidé par M. van Brenkeleveen,…
l'auteur a commencé à préparer et à étudier les uréo-\
alcools ou uréols, dont on ne connaissait jusqu'ici aucun
CHRONIQUE
199
exemple. Pour cela, il a transformé le 2 chloréthanol
(cklorhydrique du glycol), en le chauffant avec un
- grand excès d’une solution alcoolique d’ammoniaque,
en chlorhydrate de 2 amino-éthanol, qui fut traité
avec l’isocyanate de potassium. L'uréo-éthanol 2, ainsi
obtenu, recristallisé par l’alcool absolu ou par lalcool
- isobutylique, forme des cristaux incolores fondant
- à 95°. Il est très soluble dans l’eau, les alcools méthy-
lique et éthylique, peu soluble ou insoluble dans les
alcools plus élevés et dans la plupart des dissolvants
- organiques ordinaires. Sa combinaison avec l'acide
- azotique est très soluble dans l’eau; portée dans
« l'acide azotique pur, refroidi par de l’eau, elle dégage
resque immédiatement un mélange de protoxyde
…— d'azote et d’acide carbonique sans aucune trace de
LS vapeurs rutilantes, et la solution, rendue alcaline par
… du carbonate de sodium, cède à l’éther un corps
. liquide qui, chauffé avec la potasse pure, fournit un
… azotate. Gette réaction prouve que le corps possède la
… fonction d'urée et aussi celle d'alcool, comme l’in-
dique la formule : CH?0H—CH?—AzH—CO—AzH?.
L’uréo-éthanol donne, par le chlorure de berzoyle et
la soude en solution aqueuse, un benzoate qui, cristal-
lisé par le benzène, fond à 129. Il possède, très
probablement, la fonction d’urée, tandis que celle
d'alcool s’est transformée en benzoate, Chauffé avec
l’anhydride acétique et l’acétate de sodium fondu,
l'uréo-éthanol fournit un dérivé diacétylique se fon-
dant à 102°. L'auteur est en train de préparer un
autre membre de cette série de corps, l’uréo-propanol 3.
— M. S. Hoogewerff montre un appareil pour le
jJaugeage des cornues, des pipettes et des burettes,
inventé par M. J. Boot et construit dans l’atelier Kobb
à Stützerbach,en Thuringe.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Th.-W, Engelmann
présente un mémoire de M. H.-J. Hamburger intitulé :
« Ueber die Reglung der osmotischen Spannkraft von
Flüssigkeiten in Bauch-und Pericardialhôhle » (Sur
la régularisation de la tension osmotique dans les
cavités ventrale et péricardiale). — Rapport annuel de
la Commission géologique.
P. SCHOUTE.
CHRONIQUE
L'ARGON ET LE SYSTÈME DES ÉLÉMENTS
La découverte de l’argon, dont nous avons publié
tous les détails !, suscite la revision d’une des ques-
tions les plus élevées de la philosophie chimique : la
relation que l’on soupconne exister entre les poids
atomiques et les propriétés des corps simples. Deux
savants chimistes, le D° Gladstone et notre éminent
. compatriote, M. Lecoq de Boisbaudran, viennent de
… publier, à ce sujet, des remarques d’un haut intérêt,
que nous croyons utile de reproduire ici.
…_ Rappelous d’abord, pour permettre de suivre leur
. critique, la loi de Mendeléeff, Si l’on écrit les noms
- des éléments à la suite les uns des autres selon l’ordre
crvissant de leurs poids atomiques, on observe, dans
… cette succession linéaire, des séries de corps où les
_ propriétés se reproduisent régulièrement après un
… certain accroissement de poids. En disposant ces sé-
… ries sous forme de rangées horizontales situées les
… unes au-dessous des autres, de telle sorte qu’elles con-
… tinuent de se suivre dans l’ordre croissant des poids
… atomiques, on peut grouper dans des colonnes verti-
… cales les corps similaires des diverses séries ou pé-
… riodes. On obtient ainsi la table de Mendeléef(page 200).
_ . Si cette table résume effectivement une loi de la
Nature, les lacunes qu'elle présente doivent corres-
pondre à des éléments encore inconnus, dont elle
prédit les poids atomiques et les propriétés domi-
nantes. Depuis de longues années, cette idée n’a cessé
de guider les chimistes, Doit-elle encore élairer la
marche de la science, ou convient-il, dans ce but, de
la modifier? Tel est le grave problème qui se pose
_ actuellement.
Sans voulcir traiter un tel sujet d’une facon com-
get MM. Gladstone et de Boisbaudran lui consacrent,
e premier dans le journal anglais Nature, le second
dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, les
importantes considérations que voici :
Remarques du D° Gladstone. — « L’admirable découverte
de l’argon par lord Rayleigh et le Pr W. Ramsay fait surgir
une foule de questions, principalement la suivante : L’argon
est-il un corps simple ? Si oui, quels sont ses rapports avec
les autres éléments?
« Certains inelinent à le considérer comme un état allo-
tropique de l’azote, de même que l'ozone est un état allo-
tropique de l'oxygène. Mais, jusqu'à constatation d’une
! Voyez dans le dernier numéro de la Revre le Mémoire
de Lord Rayleigh et du Pr W. Ramsay, et ceux de MM. W.
«Crookes, Olszewski et Dewar, et la discussion qui a suivi
à la Société Royale de Londres.
telle transformation de l'azote, l’argon a tous les droits de
figurer sur la liste des éléments.
« Au premier abord, le fait de donner naissance à deux
spectres, suivant les circonstances, semblerait militer en fa-
veur de l'hypothèse de deux corps compris dans le gaz aujour-
d'hui nommé argon. Mais cet autre fait que les deux
spectres offrent 36 lignes communes qui ne comptent pas
toutes parmi les plus fortes, me parait constituer un argu-
ment en faveur de l’unité fondamentale du corps.
« Si l’argon est un élément, quelle est sa place dans la
table de Mendeléeff? C'est là une grosse question qui va pas-
sionner physiciens et chimistes. La densité de l’argon lui
assignerait 20 comme poids atomique ; mais, puisque la
détermination de la vitesse du son dans ce gaz semble con-
duire à doubler ce chiffre, les problèmes suivants se posent :
« Dans l'hypothèse où le poids atomique serait 20 :
« 19 L’argon remplirait une place actuellement vacante
dans la table de Mendeléeff, à l'extrémité de la série hori-
zontale qui va de l'hydrogène au fluor, et au sommet de la
huitième colonne verticale, séparé du fer par une série hori-
zontale ;
«29 L'argon suivrait.la loi périodique quant à son point
de fusion. Ce point serait à très basse température comme
pour l'azote, l’oxygène et le fluor; or, tel est le cas;
« 39 L'argon suivrait aussi Ja loi au point de vue de son
volume atomique. Ce volume serait petit, et il semble en
être ainsi ;
« 40 Un trait saillant de l’argon est de ne pas former de com-
posés stables à température élevée aux environs de son point
d’ébullition; c’est là une propriété commune aux éléments
de la huitième colonne;
« 50 Le poids atomique 20 (ni 21, ni 22) s’accorde bien
avec la loi de périodicité dans la colonne où se rangerait
l’argon.
« D'autre part, si le poids atomique devait être fixé à 40,
on se trouverait en présence des sérieuses diflicultés que
voici : :
« 1° On ne saurait où le ranger; le placer juste avant ou
juste après le calcium dérangerait toutes les séries subsé-
quentes ;
« 20 La périodicité relative au point d’ébullition serait
rompue ;
«30 La loi périodique serait aussi atteinte au point de
vue du volumé atomique ;
« 4° L’inactif argon se trouverait rapproché des métaux
des terres, métaux qui forment des combinaisons d’une
remarquable stabilité;
«59 Les poids atomiques de trois éléments : potassium (39),
calcium et argon (39,9 environ) différeraient entre eux de
moins d’une unité, ce qui serait une anomalie.
« À l’encontre de ces considérations se dresse le puissant
argument tiré du rapport des chaleurs spécifiques de l'ar-
gon. Pour apprécier les valeurs respectives de ces hypo-
thèses, je n'attends rien des raisons à priori ci-dessus, sur-
tout en l'absence de détails relatifs aux expériences sur la
200
CHRONIQUE
vitesse du son, et avant que nous ayons quelques notions
sur les composés de l’argon. Aucune conclusion sûre n’est
possible auparavant. Il ne s’agit pas d'opposer en une telle
question la Physique à la Chimie, car la vraie théorie de la
place de l’argon parmi les éléments devra s'accorder avec
tous les faits que le physicien et le chimiste s'appliquent
l’un et l’autre à relever. »
Voici maintenant les considérations que développe
M. Lecoq de Boisbaudran :
Remarques sur les poids atomiques. — « Depuis bien long-
temps, je m'occupe de chercher des relations entre les poids
atomiques des éléments et, si je n'ai pas encore publié mon
« Les corps 20,0945 et 36,40 doivent être relativement
abondants dans la Nature ; mais le corps 84,01 cet surtout le
corps 132,71 y doivent être rares.
« L'élément 36,40 doit être plus volatil que le soufre et
l'élément 20,0945 plus volatil que l'oxygène. Enfin, les élé-
ments 84,01 et 132,71 doivent être respectivement plus vola-
tils que le sélénium et le tellure. k
« Au moment de présenter cette Note à l'Académie, je-ls,
dans la Revue générale des Sciences, le mémoire de MM. Ray-
leigh et Ramsay, et j'y vois que ces savants ont peusé à
rattacher l’argon à une famille qui viendrait prendre le hui-
tième rang dans la classification de M. Mendeléeff. Il me
semble qu'ils ont parfaitement raison. Les considérations
Table de Mendeléeff
VII VII
H Li G1 (?} Bo (Ce Az O0 FI
Poids atomriques............. 7 9.3 11 2 1% 16 19
DIHéLENCE SEE eee ce 16 14.7 16.5 16 17 16 16.5
Na Ma Al Si Ph S CI
Poids atomiques............. 23 24 27.5 28 J1 32 39.0
ERFODENCLS Aer ape eniieee 16.1 16 20 20.3 20.4 419257
K Ca Se Ju V Cr Mn Fe Co Ni
Poids atomiques............. 39.1 40 4% (?) 48 5178 52.4 55.2 56 5 59
Diners rein De 24.4 | 25 2 ( 21.7 | 25.6 | 24:8
Cu Zn Ga (?) (?) As Se Br
Poids atomiques............. 63.5 65 68 71 75 18 s0
Différences etre ceree NÉE) 22.5 19 17.8 19
Rb Si A(H(L) Zr Nb Mo (?; Ru Rh Pd
Poids atomiques............. 85.4 87.5 $9.6 9) 9% 95.8 99 103.5 104.1 105.2
DiTÉTeNCeS- cesse 22.5 24.5 23.4 28 28 322
Ag Cd In Sn Sb Te I
Poids atomiques... ....""".. 107.9 112 113 118 120 128 127
Différences.2e 2er 24.7 25 24 21 19
Cs Ba Ce La Di
Poids atomiques eue crce 132 6 137 157 139 147 »
(?). (& Er (?) C2) Ta W (?) Os Ps Pt
Poids-atomiques............. 165(?) | 469 (?) | 470.6 175 (?) | 182 18% 198.6 195.7 196.7
Poids atomiquesi.=#"......
essai de classification des corps simples, c’est que cette étude
présente de grandes difficultés et que les erreurs sont aisées
à cornmettre. On trouve parfois des relations intéressantes
en classant les éléments suivant des systèmes non seulement
différents, mais incompatibles.
« Telle qu’elle était il y a quelques années, cette classi-
fication a donné le poids atomique du gallium avec une
exactitude très satisfaisante et m'a permis de modifier assez
heureusement le poids atomique du germanium, alors déter-
miné provisoirement par M. Winkler sur une matière encore
impure,
« Ces deux petites réussites seront, je l’espère, mon excuse
auprès de l’Académie, si j'ose lui transmettre aujourd'hui
certaines déductions de ma théorie qui semblent pouvoir se
rattacher à la question de l'argon.
« Le corps si brillamment découvert par MM. Rayleigh et
Ramsay vient peut-être, en effet, prendre place dans une fa-
mille d'éléments dont aucun terme n’était encore connu.
« Cette famille, dont ma classification parait permettre de
supposer l'existence, serait de nature métalloïdique et com-
prendrait des éléments ayant pour poids atomiques :
36,40 + 0,08; 84,01 + 0,20 ; 132,71 +0,15,
si l'on prend arbitrairement 0 = 16,
« L’atomicité de la nouvelle famille serait théoriquement
paire (octo-atomique), mais les éléments qui la composent
semblent devoir être privés de Ja faculté de se combiner aux
autres éléments.
20,0945 ;
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
d'après lesquelles j'ai présupposé l'existence d’une nouvelle
famille métalloïdique et octo-atomique ne sont point les
mêmes que celles qui ont conduit M. Mendelteff à sa classi-
fication, mais elles ne leur sont point contraires; loin de là.
Ce sont des points de vue différents qui permettent, je le
crois, de voir différents côtés d’une mème vérité et dont cha-
cun présente des avantages spéciaux. Ma classification se
réclame de l'avantage de permettre le calcul, exact ou très
approché, des poids atomiques. »
On voit combien les recherches dont l'argon va être
l'objet dans tous les laboratoires de Chimie promettent
d'être intéressantes. Nos lecteurs se rappellent que
lord Rayleigh et le Pr Ramsay ont réservé la question
de savoir si, leur gaz étant formé de molécules mono-
atomiques, tous les atomes qu'il contient se rapportent,
à un seul élément ou à deux, Si la justesse de la se-
conde hypothèse venait à être établie, les poids ato-
miques des deux éléments seraient peut-être très dif-
férents l’un de l’autre et donneraient lieu, dans ce cas,
à une tout autre revision de la table de Mendeléeff,
Louis OLIVIER.
Erratum. — Dans le dernier numéro de la Revue,
p. 131, le nom de M. J. Drach a été imprimé Drack au
lieu de Drach,.
Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER.
6° ANNÉE
L
a ——
Ê
à
£.
:
N° 5
re
15 MARS 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENC
#
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE À L'ÉTRANGER
LABORATOIRES NOUVEAUX
Dans un travail publié à l’occasion de l’Exposi-
- tion de Chicago !, nous avons exposé, d'une facon
très succincte, les réflexions que nous a suggérées
- l'état actuel de l'Industrie chimique dans l’ancien
- el le nouveau monde. Nous avons fait voir, en
$ nous appuvant sur des documents aussi précis que
le comporte la matière, la situation respective des
. diverses nations rivales de l'Europe, etavonsenfin
… insisté sur les causes principales de la supériorité
“incontestable et incontestée de l’industrie chi-
- mique de l’une d’entre elles.
Notre exposé ? s’adressait non seulement aux
1 Rapport fait à M. le Ministre du Commerce et de l’In-
dustrie. Paris, Imprimerie nationale. 2° édition en cours de
publication chez MM. J.-B. Baillière, Paris.— Revue générale
des sciences du 15 juillet 1894, p. 473.
? Qu'il nous soit permis de faire remarquer que le cri d'a-
larme jeté par M. Haller a été entendu beaucoup plus qu'il
ne se le figure. Les articles qu’il a publiés ici-méme et celui
que M. Moissan a consacré, dans cette Revue, à son Rapport,
ont vivement ému, en France, les pouvoirs publics, le corps
enseignant et les chefs de la grande Industrie.
Les nombreuses lettres, les demandes de reproduction que
nous avons reçues à ce sujet, l'importance que la presse,
française et étrangère, a accordée à ces articles, ne laissent
aucun doute sur le grand retentissement qu'a eu dans le
monde entier et surtout en France la patriotique angoisse de
M. Haller. La campagne de réformes qui se prépare en ce
moment en vue du relèvement de notre industrie par la
science, campagne à laquelle la Revue tient à honneur de coo-
pérer, a eu pour point de départ la courageuse initiative de
- notre éminent collaborateur. I] est de notre devoir de le dire,
“alors que sa modestie et son ardent désir de progrès lui dis-
Simulent les résultats naïssants, mais pourtant très nets, de
ses efforts. Louis Orivier.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
Pouvoirs publics, mais encore aux Industriels et
aux particuliérs, et avait pour but d'appeler l’at-
tention de tous les hommes soucieux de l'avenir
de notre pays, sur l'organisalion et l'esprit de nos
Ecoles, partant, sur la nécessilé, qui s'impose,
de différencier les études suivant les aptitudes qui
se révèlent chez les intelligences appelées à servir
d'auxiliaires à l'Industrie.
Résumons, à nouveau, en quelques mots, l’es-
prit qui préside, chez les différentes nations envi-
sagées, à l'éducation de cette parlie de la jeunesse.
Il
De toutes les nations de l'Europe, l'Allemagne est
celle où la spécialisalion a été poussée le plus loin,
dans toutes les branches du domaine intellectuel.
Cette éducation, que nous ne pouvons nous empê-
cher de considérer comme défectueuse, au point
de vue de la haute culture et quand il s'agit de
former des esprits synthétiques, a, jusqu’à pré-
sent, produit les meilleurs résultats dans la pra-
tique industrielle, grâce à une conception très
pette et à une organisation très judicieuse de la
division du travail. Lechimiste ne franchit la porte
d’une usine qu'après avoir fréquenté les Universités
oules Ecoles polytechniques et leurs laboratoires,
y avoir fait ses preuves, et s'être assimilé de la
science théorique tout ce dont il pourra avoir be-
soin dans la suite. Aussi le peuple allemand, té-
moin des succès obtenus avec son système d'ins-
5
202
truction, est-il fier de ses Écoles et de ses savants,
et ne leur marchande-t-il ni les subventions ni la
considération.
En Angleterre, les mœurs sont tout autres :
futur chimiste éntre dans l'Industrie sans pré-
paration préalable, se familiarise avec les pro-
cédés en usage dans les usines et s’inilie plus
lard, quand il en a le temps et le courage, aux
parlies de la science qui peuvent lui être dequelque
ulilité dans le cours de sa carrière.
A part quelques esprits éclairés, et en dehors des
milieux scientifiques, la population, comme les
pouvoirs publics, se désintéresse du haut ensei-
gnement, s’il n’est purement classique. Constatons
cependant qu'un revirement semble se produire,
depuis que l'Industrie anglaise est si vigoureuse-
ment malmenée par sa rivale allemande".
En Amérique, où l’adage lime is money hante les
cervelles dès l'enfance, où les efforts de toute la vie
tendent vers la conquête des richesses, le futur chi-
miste ou ingénieur, après avoir fait des études aussi
sommaires que variées dans les 4iy4 schools, va de-
mander aux Universités la science strictement né-
cessaire pour pouvoir tirer parti de la richesse que
lui offre lesol et de celle qu'une industrie naissante
peut lui fournir. Il ne se soucie guère dela haute
culture, et, confiant dans son énergie, il ne consi-
dère ses acquisitions intellectuelles que comme des
armes auxiliaires dans la lutte pour l'existence.
Dans ce pays d'initiative, où l’on a cependant,
dans certains milieux, une juste intuition des
ressources que recèle la science, la générosilé pri-
vée offre des millions de dollars par an pourfonder
et doter les Universilés, et le peuple contribue à
leur succès, par l’intérét moral qu'il leur Bone et
le respect dont il les entoure.
En France, notre centralisalion à outrance a fait
de la Capitale la grande éducatrice de tout ce qui,
intellectuellement, doit contribuer au progrès de
la Science et de l'Industrie. Nos écoles de Paris ont,
pourainsidire, gardéle monopole del’Enseignement
supérieur, el se considèrent encore, dans une cer-
laine mesure, comme les dispensatrices de toute
Le même
le
vraie science.
faire l'ingénieur, le mécanicien, l'artilleur, le phy-
sicien, le chimiste, le professeur, ete.
élant que l'élève sortant de ces Ecoles ait une forte
qu'il soit avant tout un
esprit dislinqué, un esprit encyclopédique. W est cela, en
effet, etnous pouvons dire, sans exagération, que,
par la variété et l'élévation des connaissances ac-
quises, nos Ingénieurs et nos Professeurs tiennent
ioule sert d’aillèeurs pour
I
l'essentiel
éducation mathématique,
1 Ce revirement est, depuis quelques années, très prononcé
et mérite toute notre attention. La Revue lui consacrera un
article spécial. (N. de la Direction.)
A. HALLER — L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE A L'ÉTRANGER
une place des plus honorables, sinon la première, …
parmi leurs confrères internationaux. Mais cette
éducation à outrance des polytechniciens et des
normaliens en particulier, a étouffé tout esprit d’i-
niliative, et, par suite du monopole inflexible dont
nee les premiers et des privilèges qui at-
tendent les autres, l'effort intellectuel produit à
20 ans est un litre suffisant à toutes les situations
qu'ils peuvent briguer dans le cours de leur exis-
tence. À moins de se révéler comme un génie,
dès le début de la carrière, les travaux person-
nels, originaux, sont considérés par beaucoup
d'entre eux comme des passe-temps inutiles. C’est
le maudarinat implanté systématiquement, et on
sait où il mène les peuples qui en sont affligés. A
ces Ecoles, on peut appliquer ce que M. Liard dit
avec beaucoup de justesse des anciennes Univer-
sités !: « Les corps qui ont un long passé sont in-
duits volontiers à penser qu'ils doivent durer lou-
jours, et leur foi en eux-mêmes, ou leur longue
habitude de vivre lesempêche de se transformer, »
Quant à nos Industriels, confiants dans l'État-
Providence el dans les hommes de science que
celui-ci leur fournit,
cercle et se gardent de faire le moindre effort, le
plus petit sacrifice pour subventionner une œuvre
quelconque ou pour aider à donner uneorientation
nouvelle à notre enseignement national.
L'accueil fait récemment, aux Chambres, à la pro-
position aussi timide que trop modeste de M. Denys
Cochin en vue de la ecréalion d’un laboratoire de
ils tournent dans le même.
+
chimie industrielle à Paris, la réserve aussiaveugle.
que persistante des ile de la fortune qui,
à l'instar des Américains, pourraient s'intéresser
- aux choses de l’enseignement, nous font un 0
de continuer à metlre sous lee yeux de nos 1e
teurs les efforts individuels et collectifs qui se pro-*
duisent hors de France, dans la voie qui nous
occupe.
Il
Angleterre. — Indépendamment de l'Institut *
chimique nouvellement créé à Londres et sur
lequel nons avons appelé l'attention dans notre
Rapport déjà signalé, la Cité vient d’être dotée d’un
élablissement no et qui fait le plus grand.
honneuràl'homme généreux et éclairé qui l'aconçu.
M. L. Mond, l'industriel auquel la grande Industrie
chimique anglaise estredevable denombreux per
fectionnements, — se souvenant des projets for—
mulés, dès 1843, par Faraday et Brande en vue del
création d’un Institut Chimique destiné non seule=
ment à l'Enseignement pratique, mais aussi à de
travaux originaux, — a formé le projet d'org anise
1 L'Enseignement supérieur en France. T, Il, p. 85.
… et d'entretenir, à ses frais, un vaste établissement
_ consacré à des recherches systématiquement originales ,
- dans l’ordre des sciences chimiques et physiques.
Dès l’année dernière, M.Mond afait l'acquisition,
- dansle voisinage dela Royal Institution, de bâtiments
qui seront aménagés suivant les progrès les plus
récents. Au point de vue financier, cet Institut, —
… placé sous le haut patronage et la direction de la
- Royal Institution et dont le nom sera Znstitut Davy-
. Faraday, — sera largement doté, tant pour subve-
nir au traitement du corps des savants appelés à le
diriger, que pour faciliter les recherches. Les labo -
ratoires seront ouverts gratuitement non seule-
ment aux nationaux des deux sexes, mais encore
aux étrangers.
Cet établissement, destiné, nous le répétons, aux
recherches exclusivement originales, dépassera
comme importance et comme ressources tout ce
qui a élé créé dans cet ordre d'idées en Grande-
Bretagne, depuis de longues années. $
Belgique. — Dans un pays aussi pratique que la
Belgique, où les esprits sont loin d’être pénétrés
des bienfaits que peut procurer la science pure, la
tâche de créer un établissement comme celui au-
quel M. le Professeur Spring vient de consacrer
plusieurs années d’un travail laborieux, n’a pas été
facile.
_ L'Institut Chimique de l'Université de Liège,
exécuté d’après des plans choisis parmi les 84 qu'a
conçus M. Spring, est un modèle du genre. L'établis-
sement comprend trois subdivisions : la première
. estconsacrée à la Chimie générale, la deuxième à
- laChimieanalytique et la troisième àla Technologie.
- Sont de plus distincts les laboratoires destinés
aux médecins, pharmaciens et ingénieurs, pour
qui l'étude de la Chimie est secondaire, et ceux
destinés aux jeunes gens qui veulent faire de la
Chimie leur carrière. L'ensemble de ceslaboratoires
comprend 200 places pour les exercices pratiques.
Deuxamphithéâtres, dont l’un peut recevoir 242 per-
sonnes et l’autre 52, des laboratoires de Chimie
physique, une chambre obscure, une installation
_ électrique avec moleur de cinq chevaux, une bi-
bliothèque, des salles de collection, et enfin un
logement au premier étage pour le directeur, font
de cet Institut l’un des plus complets et des mieux
organisés du Continent. Les sommes affectées à la
construction et à l'aménagement s'élèvent à plu-
sieurs centaines de mille francs. »
Allemagne. — Pour donner l'instruction aux deux
ou frois mille chimistes qu’elle peut offrir an-
_ nuellement à l'industrie, l'Allemagne se trouve
dans l'obligation de renouveler souvent ses labo-
ratoires et de les agrandir. Fel est le cas de l'Ins-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1825
A HALLER — L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE A L'ÉTRANGER
F
203
litul Chimique de l'Université de Halle, Bien que
cet établissement ne date que de 30 ans environ,
en raison de son exiguité, le Gouvernement prus-
sien a dû le reconstruire à nouveaux frais et
n'a pas hésité à dépenser 300.000 mares, soit
315.000 fr.
Dans le pays où lés laboratoires de chimie sont
de véritables usines, où l’enseignement pratique
de cette science à été inauguré il y a plus de
60 ans, et où la recherche est organisée systéma-
tiquement depuis de longues années, il est facile
de comprendre que l’aménagement des différentes
pièces destinées aux manipulations, est fait aussi
soigneusement que possible. Les moindres détails
sontminutieusementétudiés,et,suivantleursavoir,
les élèves ont à leur disposition des tables plus ou
moins perfectionnées, des places où ils peuvent se
livrer aux opérations les plus délicates. — L'Ins-
tilut renferme naturellement une installation élec-
trique et mécanique, un ventilateur et des loge-
ments non seulement pour le directeur, mais encore
| pour ses assistants et les garçons de laboratoire.
Russie, — La distance qui nous sépare de cette
vaste contrée, la difficulté que nous éprouvons à
nous inilier à sa langue, font que nous ignorons,
dans une certaine mesure, lesefforts considérables
que font les Russes pour se mettre scientifique-
ment à la hauteur des peuples occidentaux.
Il y à peu d'années, on inaugurait à Charkoff, —
qui possédait déjà une Université florissante, —une
École Technique qui n’a pas sa pareille en France.
Outre l’enseignement de la Mécanique, on y pra-
tique celui de la Chimie en vue de la formation
de chimistes industriels. Sont annexées à cette
Ecole de véritables pelites usines, où l'étudiant
peut assister à la fabrication de l'alcool, des bois-
sons fermentées, du sucre, de la céramique, des
ciments, etc., aux opérations de teinture et d’im-
pression. Une usineà gazmodèle permet de suivre
toutes les phases de la fabrication du gaz et de
l'utilisation des sous-produits. L'état n’a pas dé-
pensé moins de 4 millions de francs pour l'érection
de ce vaste établissement.
Enfin, tout récemment, l’Université de Saint-
Pélersbourg à inauguré des laboratoires gran-
dioses et où rien n’a été négligé pour donner l'ins-
truction théorique et pratique à 230 élèves à la
fois. Laboratoire de Chimie générale, laboratoires
de Chimie organique, laboratoires distincts d’ana-
lyse qualitative et d’analyse quantitative, labo-
ratoires de technologie, laboratoires de recher-
ches, laboratoires spéciaux pour les professeurs el
pour les déterminations physico-chimiques, instal-
lation mécanique, bibliothèque, logements du di-
recteur, des assistants et des hommes de service,
5*
204 E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
tout a été prévu dans ce vaste Établissement, qui a | l'édification et l'aménagement des laboratoires. |
deux étages et qui ne compte pas moins de 95 mè- Ainsi, de quelque côté que nous tournions nos
tres de longueur sur 20 de largeur en moyenne. | regards, nous pouvons constater que nation
L'État y a consacré près de 900.000 fr. grandes et petites n'hésitent pas à faire les plus.
lourds sacrifices dans le but de doter leurs Unive 2
Roumanie. — La Roumanie, de son côté, s’ef- | sités de laboratoires destinés à former des auxi-
force de prendre part à ce mouvement qui porte | liaires pour l'Industrie, des professeurs et des,
toutes les nations civilisées à s'organiser pour | chimistes pour laboratoires d'analyses ou stations"
faire jouir leurs enfants des bienfaits de l’ensei- | agronomiques. Liège, avec ses 82.000 âmes; Halle,
gnement supérieur. Sous impulsion éclairée de | avec ses 42.000 âmes, Bucarest ont des Etablisses
M. le Professeur Istrati, la Faculté de Bucarest | ments que non seulement nos principales Univers
va bientôt être pourvue d'un Institut de Chi- | sités françaises, mais encore la plupart de nos
mie modèle, dont les plans ont, en partie, élé | grandes Ecoles de Paris peuvent leur envier.
inspirés par ceux de l'Institut Chimique de À Halter
Nancy. Une somme d'un million et demi et Correspondant de l'Académie GE Sciences
huit hectares de terrain sont demandés pour Directeur de l'Institut Chimique de Nancy.
ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE
EN FRANCE
#4
La fabrication du sucre (saccharose) employé à | actuellement appliquées, en même temps qu'il #
l'alimentation s'opère dans deux sortes d'usines : | crit l'outillage employé et les opéralions pratiquée
les sucreries et les rufineries. Les premières pro- | dans les usines. Le deuxième article, essentiel
duisent du sucre brut, c’est-à-dire insuffisamment | ment crilique, a pour but, étant connus les procé- |
purifié, et l’extraient soit de la canne, soit de la | dés de fabrication, de rechercher comment ils se!
betterave. En France, la sucrerie ne recourt qu'à | sont transformés, sous quelles influences, d'ordre |
la betterave. La raffinerie met en œuvre les sucres | scientifique ou économique, l’industrie sucrière à
des deux provenances, pour les livrer ensuite à la | évolué, enfin dans quelles voies l’état actuel de la
consommation sous la forme marchande que tout | science et de la législation semblent l'engagers
le monde connait. _[ M. L. Lindet, un maitre en ces matières, a bien
Les deux arlicles suivants traiteront uniquement | voulu se charger de cette importante et très déli=
de la sucrerie indigène. Le premier, dû à M. E. Ur- | cate étude. 2
. . . 7 2
bain, expose les bases scientifiques des méthodes La DIRECTION.
I. — PROCÉDÉS DE FABRICATION 1
L'industrie du sucre de betterave est de beau- | du sucre épuré ne date donc que de la seconde
coup postérieure à la fabrication du sucre. Celle-ci ! moitié du xvr° siècle. Jusqu'à la fin du xvn° cet
remonte à une haute antiquité et semble avoir eu | substance fut exclusivement retirée de la canne: }
l’Inde pour berceau. Importé en Europe au temps Cependant notre célèbre agronome Olivier del
d'Alexandre le Grand, le sucre indien, comme on | Serres avait dès 1605 signalé la présence du sucre)
l’appelait alors, s’y répandit peu jusqu’au x | dansla betterave. Cette observation ne pouvait créer
siècle. Pendant les Croisades, les Vénitiens, frappés | tout de suite la grande industrie que nous avon$
du port tout spécial de la canne à sucre et de | à décrire : il fallait inventer des procédés d'extra€-|
l'usage qui en était fait en Orient, entreprirent de | tion donnant des rendements suffisants; ces procéz|
la propager; gràce à leurs efforts, celte plante fut | dés ne commencèrent à apparaitre qu’en 1747 à]
bientôt cultivée en Egypte, en Arabie, en Nubie, à 4 cette époque un pharmacien allemand, Margr
Malte, à Chypre et à Candie. Vers 1420 les Portu- | obtint de la belterave blanche de Silésie 6,2 °/,
gais l’apportèrent aux îles du Cap-Vert et aux | sucre, et de la variété rouge 4,5. C'était un grand
Açores. C'est alors que l’on apprit à pratiquer, | progrès. Cinquante ans plus tard, Achard, petit-fils |
d’une façon rationnelle, l'extraction et le traite- | de réfugié français à Berlin, améliora la méthode au
ment du jus sucré. Il fallut encore un siècle d’ef- | point de la rendre susceptible d'application pra=!
forts pour fonder le ruffinage. L'obtention courante " Lique. Ce beau résultat inouiéta les Anglais : ils!
4
4
|
|
a # =
1 E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL
nn Le re CN ef RO PP VE LR, | at
CE vs te)
DE LA SUCRERIE EN FRANCE 205
EE.
| une menace au commerce de leurs colo-
ni s, et résolurent d'étouffer dans l'œuf l’industrie
naissante. Dans ce but, ils offrirent à Achard, nous
ditL. Walkhof, 600.000 francs pour prix de sa dé-
couverte, sous la condition de la leur céder com-
plètement et de ne divulguer ses procédés à per-
sonne. Achard refusa.
Ses essais et ceux de ses imitateurs se trouvè-
rent néanmoins entravés, en raison du bas prix du
SE %
2
Mig |. — Miqure schématique représentant l'aspect moyen
des anciennes belteraves à sucre.
sucre colonial. Mais, en 1810, un événement extra-
rdinaire en détermina la reprise : le blocus conti-
tental Supprima tout d’un coup l'arrivée du sucre
n France. Conseillé par Chaptal, Napoléon résolu
{le tenter, en vue de la production du sucre, la
ulture de la betterave : 32.000 hectares de terre
urent immédiatement affectés à cel essai et un
aillion de francs distribué à titre d'encouragement
lux chercheurs. Benjamin Delessert, de glorieuse
némoire, réussit à monter une usine où fut, pour
ja première fois, pratiquée, dans des conditions
\cceptables de rendement et de prix, la fabrica-
Jion du sucre de betteraves.
Depuis lors, cette industrie n’a cessé de grandir,
sous l’influence des travaux de Chaptal, Payen,
Crépel-Delisle, Derosne, Mathieu de Dombasle,
Champenois, Dubrunfaut. La production qui, en
France, était de 4 millions de kilogrammes en 1825,
s’est élevée au chiffre énorme de 699:300 tonnes
pour la campagne 1889-1890, et on l'estime à
800.000 tonnes, soit 800 millions de kilogrammes,
pour la campagne 1894-1895.
Peu d'industries offrent l'exemple d'un aussi
rapide développement. Si, depuis ses débuts, ses
méthodes générales sont demeurées, dans ce
qu'elles ont d’essentiel, à peu près les mêmes, elles
n'ont cependant cessé de s’affiner; les opérations
où se trouvent appliquées ces méthodes, se sont
grandement perfectionnées, et graduellement l’ou-
tillage lui-même a changé. Nous nous altacherons
surtout, dans les pages qui vont suivre, à en ex-
poser l’état actuel.
Fig. 2. — Bellerave blanche de Silésie à collel vert, actuel-
lement cultivée en vue de la sucrerie,
I, — ACHAT DES BETTERAVES.
La première opération de la sucrerie consiste à
bien choisir la betterave. Le choix des races à em-
ployer à varié suivant la façon dont a été perçu
l'impôt sur le sucre. Quand cet impôt frappait uni-
quement le sucre fabriqué, sans tenir compte de
la richesse saccharine de la plante, on cultivait la
betterave blanche à collet rose et les races voisines,
dont la figure 1 rappelle l’aspect moyen. Ces races
étaient beaucoup plus pauvres en sucre que la bet-
terave actuellement cultivée. Aujourd’hui, en effet,
que l'impôt est perçu, en majeure partie, sur le
poids de matière première (plante effeuillée) intro-
duite dans l'usine, le fabricant a tout intérêt à faire
entrer chez lui la plus grande quantité de sucre
possible sous forme de betterave. C'est pourquoi
l’on cultive actuellement en France, en vue de la
sucrerie, la betterave blanche de Silésie, notamment la
206 E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE ï
race silésienne à collet vert, acclimatée en France
par MM. de Vilmorin (fig. 2). On voit que les races
aujourd'hui cultivées en vue de la sucrerie sont
beaucoup plus petites, plus coniques, plus effilées
que les anciennes, leur forme se rapprochant un
peu de la forme du navet. Cette obtention de varié-
tés très riches en sucre a été le résultat d’une sélec-
tion patiemment et méthodiquement pratiquée.
Toutes les races susceptibles de grande richesse
saccharine sont loin de convenir également bien
aux diverses régions. Le rendement de chacune
d’elles en sucre dépend, dans une large mesure, de
l'appropriation de la race au terrain. Le fabricant
se trouve don£ inléressé à déterminer lui-même la
graine à cultiver : aussi est-ce lui qui, dans la plu-
part des cas, la fournit à l'agriculteur. Ce choix de
la graine est extrêmement important: mais, comme
il requiert un examen physique et chimique très
soigné, on compte en France les industriels qui le
pratiquent.
Pour l’effectuer, on prend, parmi les betteraves
destinées à fournirles graines, celles qui offrent le
meilleur aspect, la forme la plus régulière et un
poids en rapport avec leurs dimensions. À l’aide
d'une sonde, on prélève une certaine quantité du
jus de la racine, et l’on en détermine ensuite
au polarimètre la richesse saccharine !, Quand on
a ainsi fait, en janvier, le choix de la racine. on
la plante, vers la fin de mars ou le commencement
d'avril; la blessure qu'elle a reçue est insignifiante
et ne l'empêche pas de pousser : la même année,
généralement en octobre, on en recueille la graine.
Certaines sucreries des environs de Paris, craignant
de ne pas trouver dans leur voisinage les meilleu-
res terres pour la culture des porte-graines choisis,
envoient ceux-ci chez des cullivateurs du Nord de
la France.
A la sucrerie de Chevry-Cossigny, gràce un
laboratoire parfaitement outillé et à un personnel
suffisant, il a été fait, à la fin de la campagne 1894-
1895, jusqu'à quinze cents examens de porte-
graines par jour, et cela pendant un mois. Ainsi
faite chaque année, la sélection des graines assure
la régularité des rendements. On ne saurail trop
engager les industriels à adopter cette pratique.
La richesse saccharine de la betterave élant
fonclion non seulement de la race, mais encore du
node de culture, le fabricant doit aussi se préoccu-
per de la manière dont seront cultivées les graines
à
RES R RCE RE RE | 7 SNS an
1 C'est la méthode de diffusion aqueuse à froid de Pellel.
On prélève 46r05 de jus, que l'on introduit dans un ballon
jaugé de 50 centimètres cubes avec i gramme de sous-acétate
de plomb. On ajoute de l'eau, on abat la mousse au moyen de
quelques gouttes d’éther, et on complète le volume à 50 centi-
mètres cubes. Le liquide, bien agité, est filtré, puis soumis à
une mesure saccharimétrique, dans un polarimètre dont le tube
interne a 20 centimères de longueur. Le résultat multiplié
par 2 indique directement la teneur en sucre de la betterave,
qu'il confie à l’agriculleur. Dans ses traités avec ce |
dernier, doivent donc être déterminés les engrai {
les soins et les facons qui seront donnés à
plante. Sans entrer dans les détails que requiert]
partie agronomique du sujet!, nous devons cepe
dant en indiquer quelques points : 4
Se basant sur la fixité des rapports entre les
éléments fertilisants et le sucre dans le ju
M. Pellet a rangé les constituants minéraux des
engrais dans l'ordre d'importance que voici :
Acide phosphorique,
Magnésie,
Chaux,
Potasse el soude,
Ammoniaque.
Suivant cette classification, on a intérêt à em*
ployer comme engrais de la betterave les super:
phosphates, ainsi que les phosphates fossiles.
On doit aussi chercher à entretenir dans le sol
70 à 80 kilogrammes de sels de potasse à l'hectare
l'addition de chlorure de potassium est très prati
quée en Allemagne.
Le fabricant doit enfin tenir compte, dans ses
traités, de ce fait que les betteraves donnent un
rendement plus éleyé en sucre lorsqu'elles son
semées sur un défoncement que lorsqu'elles son
cultivées sur labour ordinaire (par exemple, elles
peuvent donner 17°/, de sucre au lieu de 40) ?
En général, l'industriel paie la betterave — sui=
vant les régions et l'éloignement de l'usine — :
raison de 18 à 25 francs les mille kilos, pour 1
division 7° du densimèêtre#. Au-dessus de cette den:
silé, il accorde au cultivateur de 0 fr. 40 à O0 fr. 6
par 1.000 kilogrammes de betteraves et par dixième
de degré; mais, si la densité estinférieure à 7°, I
fabricant retient de 0 fr. 60 à 0 fr. SO dans les
1 Un article spécial sera consacré, dans la Revue, à la cul
ture de la betterave. (N. de la Direction.)
? M. Pagnoul a déterminé, dès 1869, l'intluence de l'écart
ment des plantes et a montré que les betteraves, en cultuk
serrée, sont plus riches en sucre et contiennent moins
sels. Il a démontré également que la diminution de poid
qui se produit est largement compensée par la plus grand
proportion de sucre et la qualité du jus.
Parmi les savants qui ont le plus contribué à définir ce
diverses conditions de sélection et de culture, il est juste d
citer en première ligne Violette et H. Pellet. Leurs procédés
actuellement employés, permettent de porter courammenti
16 ° /o la richesse en sucre de la betterave,
8 M. de Vilmorin à établi qu'il y a un rapport fixe entre A
teneur saccharine du jus et sa densité.
Le petit appareil flottant qui sert à déterminer cette der
sité est ainsi gradué : plongé dans l’eau pure à 4° de temp
rature, il s’y enfonce presque entiérement; au point d'afileu
rement il marque 0, ce qui correspond à une densité di
1000. Les divisions suivantes 19, 20, 3°, 4° correspondent
des densités de 1010, 1020, 1030, etc. Ces degrés sont divis
eux-mêmes par dixième 401, 192 2, etc., représentant des d
sités de 1011, 1012, 1013. — La vérification et le poinconna]
du densimètre ofliciel ont été rendus obligatoires par la,
de juillet 1889.
mêmes conditions. Enfin, lorsque le sucre atteint un
prix convenu à l'avance, — généralement 35 francs
les 100 kilogrammes, — il est attribué au cultiva-
teur une majoralion dans le prix d'achat. C’est là
une sorte de participation dans les bénéfices et un
encouragement pour l’agriculteur à apporter tous
es soins à la culture de la betterave et à obtenir
L. produits riches en sucre.
A leur arrivée à l'usine, les betteraves sont
Il
PEL UNE TR EE NS
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
= _
207
de petits trous et tournant avec une vitesse de
quinze lours par minute dans une caisse remplie
d'eau courante. Le tambour est légèrement incliné
pour permettre aux betteraves de tomber dans un
épierreur muni de bras verticaux qui, soulevant les
betteraves, les jettent dans le monte-charge qui
les porte au coupe-racines, tandis que les pierres,
plus lourdes et plus petites, tombent au fond du
bac, d’où on les retire d'heure en heure.
Big. 3. — Magasin de betteraves el silos
pesées, on procède à la détermination de leur jus,
puis les racines sont placées en silo (fig.3), ou en
magasin ; là elles attendent leur mise en œuvre.
Le silo doit être bien aéré, avec des cheminées,
de distance en distance, pour éviter
les fermentations qui ne manqueraient
pas de se produire au détriment du
sucre (fermentation lactique).
L
Il, — OPÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
DE LA SUCRERIE,
A la surface des racines adhèrent
MHoujours de l’humus, de l'argile im-
pure ou du sable qui, s'ils n'étaient
enlevés, mettraient rapidement hors
de service les couteaux des coupe-
racines. C’est pourquoi la première
opération de la sucrerie est le lavage.
Les betteraves sont amenées à l'ap-
pareil laveur au moyen soit de brouet-
ies poussées à bras, soit d'un transporteur hy-
lraulique (fig. 3 bis), si l'usine est à proximité
lun cours d’eau. Quand ce dernier mode de trans-
port est possible, il y a, en général, avantage à
employer ; il est peu coûteux et diminue considé-
‘ablement la main-d'œuvre.
|: Le lavageet l'épierrage se font dans un tambour
le trois mètres de longueur, percé d’une infinité
Figure 3 bis. — Délail du
transporteur
— Coupe verticale. — Le
transporteur est constitué
par un caniveau en maçon-
nerie où de l'eau coule avec
une certaine vitesse.
s’en servir, on enlève le
couvercle, et on laisse tom-
ber, par petites quantités,
les betteraves, dans le cani-
veau. Elles sont entrainées
par l'eau jusqu’au laveur.
établis au-dessus du caniveau (transporteur hydraulique) où elles sont déversées,
puis entraïnées par un courant d'eau.
Le coupe-racines est constitué par un disque
portant un cerlain nombre de couteaux disposés
horizontalement ; les betteraves sont découpées en
lanières très minces appelées cossettes et, ainsi
divisées, tombent, par un canal appelé
nochère (fig. 6) dans les vases diffuseurs.
La fabrication proprement dite com-
mence à ce moment.
IIT. — EXTRACTION DU JUS SUCRÉ.
Les opérations précédentes ont uni-
quement pour but de préparer la ra-
cine de la betlerave aux opérations
ultérieures d'extraction. Cette partie
de la plante, qu’on appelle communé-
ment la racine, formée en réalité par
une racine véritable et une tige tubé-
riforme étroitement unies, renferme,
après la première année de son exis-
tence,une abondante réserve de sucre.
Cette réserve s’épuise au cours de la seconde
année quand on laisse le végélal évoluer dans
les conditions naturelles, c’est-à-dire fleurir et
monter en graine. Elle existe à l’état de disso-
lution dans les vacuoles des cellules parenchyma-
teuses.On cherchait autrefois à exprimer le suc de
ces vacuoles en räpant la betterave et en la pres-
sant au moyen d'une presse hydraulique ou conti-
hydraulique.
Pour
295 meet à A
À
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pure
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end in SAR te A arte
1)
(lL
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Fig. 4 — Diffuseur fixe à bayonnelle des Anciens Elablissements Cail. — La partie supérieure de la
ligure représente, en coupe verticale, un diffuseur muni de son calorisalewr. Un diffuseur voisin (non
figuré ici) déverse son jus, par la partie supérieure, dans le calorisateur. Le serpentin de ce calorisateur
réchauffe le jus, lequel ensuite, passe, par la partie inféricure, dans le diffuseur figuré ici. Ce diffu-
seur, rempli de cossettes, enrichit le jus qui y accède. Après une série d’épuisements de cette sorte, le
Jus est enlevé, et les cossettes épuisées sont, au moyen de la porte de vidange,ä bayonnette quitfomme le
fond du diffuseur, déversées dans la fosse au lion située au-dessous.
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
U
209
nue. Mais, depuis un certain nombre d'années, les
procédés de cette sorte ont été remplacés, dans la
lupart des fabriques, par la diffusion. Cette opé-
ation consiste à faire macérer dans l’eau la bette-
autres. En réalité, dans le procédé de la diffusion,
le phénomène est un peu plus complexe : le coupe-
racines a, en effet, sectionné quantité de cellules,
lesquelles mettent par suite en liberté dans le
fes ve
}
l'eau.
Lurs d'eau.
hydrautiques
et de 1 calurisateur,
plancher.
rtauçhor,
P Calorisateur.
Eu
LÉGENDE: À
LAS LES Dilusurs, 16 Rabluec de we À
ff D Faiscran triple do
ÿ aaupapes. saur.
£ Tuyauteric circulaire 4 T Robinet du joint bhydra:
lique.
#_F Tuyautoris cirealaire au jus 1 Robinet de priso de vapeur.
G Tuxauterie circulaire Als va- V Robinet de jaugo du diffuseur
peur.
Æ Tuvauterie cireulaire des re- ‘Y Contropoids de ls porte.
1 lusautedie cirealaire pour joints
J l'urgceur automatiquedes retours
1] K Plyque d'assise de 2 diffuseurs
L Cercle intérieur iportant le
M Cercle ostérieur portsot lo
*N fMlancher d'égouttazs.
N 9 Céaducteur à cosseues.
Q iwlinot- de vapeur
ange d'air du diffu-
ZX Porte du bas du difluseur.
Z Pattes d'assiso du diffuseur.
1 Crochets d'appui de porte.
? Élévatour 4 cossettes.
3 Coupe d'un diffuseur et calori- —
sateur.
4 Tige "ouvrant la porte ot les
crochets.
5 Écrou-support do celle Ugo.
6 Vis crouse.
7 Biellettes d'attelage dela porte
8 Nœud d'amarre de biel-
leutes.
9 Chappo d'attelago déta
tningle des crochets .
10 Tubulure pour .
Fig. 5. — Ballerie de diffusion. — Dans l'angle droit inférieur de la figure est représenté en élévation un diffuseur et son
calorisaleur. Quatorze couples de cette sorte sont reliés l’un à l’autre et disposés en cercle, comme le montre la partie cen-
trale de la figure (projection horizontale de la batterie). Le plan vertical, qui se trouve au-dessus, représente la coupe ver-
ticale de trois vases de diffusion peu éloignés et montre, au-dessous de chacun de ces appareils, les fosses où tombent les
cossettes épuisées. Ces cossettes sont recueillies à l’aide d’une vis d'Archimède située horizontalement. Cette vis les porte à
un élévateur extérieur, — Sur la gauche de la figure et vers le bas est représentée la commande des robinets adaptés
aux diffuseurs.
rave sectionnée en tranches minces par le coupe-
racines. Elle repose sur le principe de la dialyse de
. Graham, les membranes cellulaires laissant passer
au travers de leur propre substance les corps sus-
ceptibles de crislalliser, à l'exclusion de tous les
liquide ambiant une grande partie de leur contenu
colloïde aussi bien que cristalloïde !,
Pour se rendre compte de la variété de matières
LU RS RP D ee
1 Cet apport est évalué à 4 °/o.
210
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
que la macération des tranches de betteraves peut
ainsi entrainer dans le liquide ambiant, il est ulile
de remarquer que ces tranches renferment en
moyenne (s'il s’agit de la betterave blanche de
Silésie à collet vert) :
[TL
Le tableau de la page 211, emprunté à Schei-
bler !, précise le détail de cette composition. Cha-
cune des matières comprises dans ce tableau joue
dans la fabricalion un rôle, soit utile, soit nuisible,
que l'industriel doit connaitre. Voyons d'abord la
TU TNT
DT
DIT
ni
il
| | |
il
ll
l
Fig. 6. — Ballerie de 42 diffuseurs avec porle de vidange à bayonnelle, système Dujardin. — A la partie supérieure se
trouve le coupe-racines qui déverse les cossettes au moyen d’une glissière (nochère) dans les vases diffuseurs. Au-des-
sous de ces appareils se trouve la « fosse au lion » qui recoit les cossettes épuisées.
1: Has iuca re RL TR UE 83.5
DASUCLO eme etre nee Ne L CLR 10.5
3. Cellulose, pectose et pectine OS. 0.8
4. Albumine, caséine, asparagine et autres
matières neutres et azotées.......... 1.5
5. Acides malique, pectique; substances
gommeuses; matières grasses, aro-
matiques et colorantes ; huiles essen-
tielles ; oxalates, sels minéraux,
notamment phosphates, chlorures,
sulfates de potassium, sodium et cal-
Cum, etc: OC ce. mec ape 3.7
MoLal AE Mod PE. IE 100,0
facon dont ces substances se comportent pendant
la macéralion.
Batteries de diffusion. — L'appareil où s'accomplit
ce travail s'appelle la batterie de diffusion. IL se
compose (fig. 5) de 8, 10, 12 et même 14 difu-
seurs. Chaque diffuseur,représenté en coupe par
1 Scnetgcer. Manuel-agenda des fabricants de sucre,
1 vol, in-8°, Gallois et Dupont, 1895.
{
dernier est chauffé soit par un serpenlin,
4
- par un système de tubes repliés, où circule de
(as
PDU
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|
Ë
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4
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À
Get e NN D A 00 LEE Er ed
diffuseur et un calorisateur,
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 211
la figure 4 (page 208), est un vase d’une capacité
variable, qui est souvent de 20 hectolitres. Il est
formé d’un cylindre en tôle ; sur le couvercle se
trouve une porte de remplissage et sur le fond
inférieur une porte de vidange, rendue étanche
au moyen d'un tube de caoutehouc et d'un joint
hydraulique.
Chaque diffuseur est, par le haut, chargé de cos-
settes de betteraves et d’eau (fig. 6), puis coiffé
d’un couvercle que l’on sertit. Il est, comme le
montre en coupe la figure 4, raccordé à un appa-
reil de forme cylindrique nommé ralorisateur. Ce
soit
à la sortie de chaque diffuseur versle haut et chasse
le liquide vers le calorisateur, puis vers le diffuseur
suivant.
La figure 6 représente un mode un peu différent
d'association des diffuseurs.
Quand les jus ont une densitésuffisante, ils sont
soutirés etenvoyés au bac mesureur. Nous ne pou-
vonsici entrer dans lesdétails delamiseen marche;
ce qu'il importe de bien fixer, c’est que la diffusion,
phénomène d’osmose, s’opère en épuisant la cos-
selle par des lavages méthodiques.
Les cossettes épuisées sont destinées à la nour-
riture du bétail et constituent une alimentation
très estimée. Mais il faut, avant de les lui donner,
Tableau schématique de la composition de la betterave.
11.5 à 17 % de |
matières s0-
lubles
l’eau
Jus | Du non sucre
dans
=
5.5 à 21.0 %
de matières
. sèches de la
betterave...
Des cendres
Des matières
Des matières
4.0 à 5.0 % de matières insolubles dans l'eau
Du sucre
Potassium, sodium, rubidium.
Calcium, magnésium, fer et man-
ganèse en combinaison avec le
chlore, acide sulfurique, phos-
phorique, silicique et nitrique.
Des sels incom-
bustibles
Mèmes métaux en combinaison avec
des acides oxalique, citrique, ma-
lique, succinique, pectique, etc.
formés (par la
combustion) en
carbonates
|
Des sels el
|
{ Protéiques (albumine, etc.).
Plasmatiques.
Asparagines et acides divers.
Bétaïne.
azotées....
Dextrane.
Matières pectiques solubles.
Chlorophylle,
Chromogène.
Graisses, etc.
Arabinose.
non azotées...,., |
Cellulose,pectose et matières colorées
… la vapeur. Tous ces couples, constitués par un
sont associés en
série circulaire (fig. 5, plan horizontal) et reliés
- l'un à l’autre, de telle sorte que deux diffuseurs
_ voisins communiquent entre eux par l'intermé-
… diaire d’un calorisateur. On détermine dans tout
. bas et,
ce système une circulation des jus. Suivons le
trajet du liquide, en partant d’un diffuseur (fig. 5
et 6). La solution sucrée sortant de ce vase
entre, par le haut, dans le calorisateur du couple
suivant et s'y trouve portée à une température
d'environ 85°, puis, continuant sa descente dans ce
cylindre, esl refoulée dans le diffuseur auquel il
est raccordé; elle pénètre dans ce diffuseur par le
à mesure qu'elle s’y élève, s'y enrichit en
sucre. Après quoi, elle se déverse dans un autre
calorisaleur, puis dans un autre diffuseur, et ainsi
de suite, jusqu'à ce qu'à force de s'enrichir, elle
atteigne la densité convenable.
Le passage du jus d’un diffuseur à l’autre s'opère
gràce à la pression d’une colonne d’eau, qui s'exerce
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
exprimer l'eau qu’elles renferment; on se sert à
cet effet des presses Klusemann, que représentent
les figures 7 et 8.
Conduile de la diffusion. — Le travail de la diffu-
sion a principalement pour objet : 1° l'épuisement
maximum de la cossette ; 2° l'obtention du jus à
son maximum de densité. La pratique a démontré
que l’on pouvait arriver à limiter la perte de sucre
à 2 °/,, du poids des betteraves. Le fabricant a évi-
demment un grand intérêt à produire des jus à leur
maximum de densité, parce que, dans la suite du
travail, il y aura moins d’eau à évaporer. Du reste,
enconduisantla diffusion d'une manièrerationnelle,
on obtient un jus dont la densité est sensiblement
égale à _ de la densité initiale du jus de la bette-
rave.
L'expérience démontre que la température
maxima à laquelle on peut chauffer le jus dans la
diffusion varie de 80° à 90° C. Lorsqu'on chauffe
trop, le jus devient impur; certaines matières or-
ge
nn 2 \ fe EU ORLIEATENT
4 / À IBERGREEN
10 on
1,6
2 METLI8
4 , e _e 5 Fig. 8. — Presse à cosseltes, système Klusemann. — Les cossettes, versées dans la
Fig. 7. — Presse Klusemann pour enlever l’excès d’eau que renferment les cossettes RE fret desc en dont dns M'A ne Teil, dos
épuisées et les rendre ainsi propres à l’alimentation du bétail. — Un élévateur PRE PRES ’ : Bxea ressent. l settes dep ss DIE
à godet monte les cossettes épuisées dans l’entonnoir de la presse, dont la É Ê
e e i contre les planchers des divers compartiments dé pareil. L'eau sort par la par
ig.8 montre la coupe verticale. tie latérale perforée et les cossettes descendent suivant la vis formée par les bras.
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
ganiques se dissolvent : il peut y avoir formation
d'acide mélapectique, —- véritable fléau de la fa-
bricalion, tous les métapectates étant solubles.
Voici, pour fixerles idées, unexemplede l'échelle
des températures aux calorisaleurs pour une bal-
terie de douze diffuseurs dont dix sont en activité,
en commençant par le diffuseur qui doitêtre vidé :
Diffuseurs Températures
TE TE een 45
Ze run État Re os 60
DANS esse - decor e 85
Déeeete 23000 Me MA RTE 85
DR PR. ii. are 85
(EE 2 tn LA ONE 85
HSE to SEE 85
Ra DA un 85
SLR ES ec 0e 70
AO et er 50
L'épuisement est d'autant meilleur que la durée
du contacl entre les cossettes et le liquide est plus
considérable ; cependant il importe de travailler un
peu vite, parce que le Lemps provoque des altéra-
lions du jus.
Le contrôle de la diffusion se fait, dans les su-
creries, au moyen d’un bac jaugeur qui mesure les
quantités de jus entrant en travail, et surtout par
les analyses répétées du chimiste. En laissant,
par-exemple, 0,5 de sucre pour 100 de betteraves
dans les cosseltes, on perd inutilement de 3.000 à
3.500 kilogrammes de sucre par million de kilo-
grammes de betteraves, c'est-à-dire une somme
très importante. On conçoit alors toute l'utilité in-
dispensable d’un contrôle chimique, et cependant
certaines sucreries françaises ne l'ont pas encore
chez elles.
IV. — CHAULAGE DES JUS ET CARBONATATION.
La diffusion ayant extrait de la betterave le jus
sucré el l'ayant dissous dans l’eau, la dissolution
obtenue renferme à la fois du sucre et à peu près
toutes les substances solubles qu'énumère le tableau
(page 211): matières azotées, sels minéraux et orga-
niques, acides organiques, etc. Elle est d’abord un
peu colorée et légèrement trouble : à l'air, sa colo-
ration augmente et son état trouble s’accentue en-
core: ils’y forme de gros flocons noirs. Si la solution
élait quelque temps abandonnée à elle-même, son
sucre ne tarderait pas à s'altérer : il serait vite in-
verli parles acides organiques etsubirait, en partie,
la fermentation laclique. Aussi importe-t-il de dé-
barrasserle plus rapidement possible la solution des
principes autres que le sucre. La méthode employée
à cet effet consiste dans l'emploi de l'hydrate de
chaux et consécutivement, de l'acide carbonique :
la chaux forme avec certains acides organiques
et minéraux des composés à peu près insolubles
et, avec le sucre, un sel, le‘saccharate de chaux,
qui reste dissous dans l’eau. L'acide carbonique
agissant sur ce sel, lui prend la chaux pour former
213
du carbonate de chaux insoluble, el isole le sucre,
lequel demeure à peu près seul en solution.
Défécation. — Dans un certain nombre de fabri-
ques on ne chauffe pas les jus au sortir de la bat-
terie de diffusion, et l’on se contente d'y ajouter,
en une seule fois, {oute la quantité de chaux néces-
saire pour faire ensuite la carbonatation. Ce pro-
cédé nous semble défectueux, et nous pensons qu'il
y à lieu d'opérer un chauffage et une addition
fractionnée de la chaux. Cette pratique, observée
dans le plus grand nombre des fabriques, donne
les meilleurs résultats.
Donc, les jus sortant des diffuseurs, on les addi-
tionne d'un litre de lait de chaux à 20° Baumé
pour 8 hectolitres de jus, et on les porte, /e plus rapi-
dement possible, à + 95° C; c'est là ce qu’on appelle
la défécation ; on envoie ensuite les jus désignés aux
bacs d’altente de la première carbonatalion:; ils y
reçoivent un dixième de leur volume de lait de
chaux à 20 ou 25° Baumé, soit 2 kilos à 2 k. 5 de
chaux anhydre par hectolitre de jus.
L'avantage de cetle méthode est celui-ci : La pe-
tite quantité de chaux employée est suflisante
pour saturer les acides organiques en liberté,
acides qui, sans cetle précaution, intervertiraient
la saccharose à la température où il est nécessaire
de porter le liquide sucré pour coaguler une cer-
laine quantité de l’albumine végétale dissoute dans
le jus. D'autre part, er procédant comme nous
venons de l'indiquer, on facilite considérablement
le passage des jus carbonatés dans les filtres-
presses, opération que nous décrirons plus loin.
Principe des carbinitations. — Le jus sucré qui a
subi une première défécation contient encore une
grande quantité de matières organiques et de sels
minéraux, dont il importe de se débarrasser. À cel
effet, on n'emploie plus actuellement que le pro-
cédé dit de la double carbonatalion, imaginé, il y a
quelque quarante ans, par Périer et Possoz : Le
jus étant addilionné de la quantilé de chaux néces-
saire, il se forme, au sein du liquide, des com-
posés organiques à base de calcium, du sulfate de
chaux peu soluble et des saccharales de chaux
solubles :
CI2H22011Ca0
el
C'2H120112Ca0
En agissant sur ces saccharales, l'acide carbo-
nique les décompose ; le carbonate de chaux forme
entraine, en se précipitant, les composés insolu-
bles que les matières précédemment citées forment
avec la chaux.
La pratique a démontré qu'il y a tout avantage
à répéter cette opération. Avant d’en décrire la
technique, ilest ulile d'indiquer comment se prépa-
214
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
rent, dans les sucreries, la chaux et l'acide carbo-
nique destinés au chaulage et àla carbonatation.
Préparation de la chaux et de l'acide carbonique. —-
Pour produire cet acide carbonique et la chaux né-
cessaire à la défécation, les sucreries possèdent un
four à chaux. Ce four (fig. 9) est continu, muni, vers
le bas, de plusieurs foyers extérieurs dont la flamme
débouche dans le four par une série de canaux;
des ouvertures, placées à la base, permettent de
retirer de temps en temps la chaux vive. Le haut
du four est rétréci et clos par un couvercle qui
ji
il
ca
&
S SE
quise forme. Le four étant chargé au préalable avec
du calcaire, on allume un feu de coke surles foyers
extérieurs. La température s'élève et bientôt la dis-
socialion du carbonate de chaux se produit : on
oblientlachaux vive d’une part et, de l’autre, l'acide
carbonique qui vient s'ajouter à celui qui est pro-
duit par la combustion du coke.
Dans ces condilions il se forme un mélange
gazeux qui contient généralement de 25 à 32
de son volume en gaz carbonique. Toutes les deux
heuresonintroduit,parl'orificecirculaire supérieur,
des charges composées de 1 volume de coke contre
qi
Fig. 9. — l'our à chaux avec monle-charge hydraulique. — A gauche, vue de l'extérieur: à droite, coupe
du four et du monte-charse. — Le monte-charge élève et transporte à la gueule du four le calcaire et
le coke. — La coupe montre, à la partie supérieure du four, l’orifice du tuyau circulaire qui recueille les
gaz du four. — Sur les côtés, trous d’air et trous pour passer les ringards. — Sur la gauche de la coupe
est figuré un foyer.
porte un orifice circulaire, également fermé, et que
l'on n’ouvre que lorsqu'on introduit les charges de
calcaire et de coke. Au-dessous du couvercle se
trouve un canal circulaire où viennent se rassem-
bler les gaz du four; un tuyau latéral en fer y est
fixé, par lequel les gaz s'échappent et se rendent
au laveur, où ils sont épurés et refroidis.
Des ouvertures, fermées par des bouchons en
fonte, sontpraliquées dans la maçonnerie el servent
à surveiller la marche du four; elles permettent
également d'introduire une barre de fer, avec la-
quelle on fait descendre le calcaire après avoir
retiré une certaine quantité de chaux vive; elles
donnent encore le moyen d'introduire une terlaine
quantité d'air destiné à brûler l'oxyde de carbone
volumes de calcaire. Le Lirage énergique du four
est assuré par une pompe aspirante et refoulante,
d'une grande puissance, qui aspire le gaz du four,
puis Île refoule dans les chaudières à carbonater.
Le lait de chaux se prépare dans des bacs ma-
lareurs au centre desquels se trouve un agitateur
constitué par un axe vertical muni de bras hori-
zontaux.
Première carbonatation. — Le jus, déféqué et chau-
lé, est introduit dans les chaudières de première
carbonatation (fig. 10). Ces chaudières, au nombre
de trois, sont de grandes caisses en forte tôle,
d’une contenance de 45 hectolitres, à fond un peu
incliné afin d'en permettre la vidange ; elles ontun
Lo héie pl maire FN etat sn le ad be A Te à ab
4
£
|
|
ul
don Lébdes in lé ni rt dé DÉS LS ad dé pe à à
tuyau est placé un serpen-
glent l’arrivée du gaz carbo-
l'introduction
dans le ser-
. pentin, tandis
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
215
couvercle léger pour empêcher les projections, et
présentent en avant une ouverlure qui permet
d'observer la marche de l'opération. Sur le fond de
la chaudière se trouve, disposé en forme de carré,
le tuyau d'arrivée du gaz carbonique ; ce tuyau
est percé d’une infinité de petits trous par lesquels
le gaz se dégage. Autour du
tin réchauffeur à trois circon-
volutions, dans lequel circule
la vapeur; deux robinets rè-
série de boîtes (fig. 12) constituées comme suit :
chacune comprend un fort cadre en fonte de
forme quadrangulaire. De part et d'autre de ce
cadre sont fixées, sur ses montants, deux plaques
de fonte perforées, qui se trouvent, par consé-
quent, être parallèles l’une à l’autre et séparées
seulement par l'épaisseur du
cadre. Ces plaques perforées
sont revèlues d’une toile de
lin, au travers de laquelle se
fait, comme nous allons l’indi-
quer, la filtration.
nt EN
nique, ainsi que celle de la
Les boîtes, constituées com-
me il vient d'être dit, sont
vapeur. L'introduction du jus
se fait par un tuyau latéral
placées debout à côté les unes
desautresAB ABABABAB..
venant d’un monte-jus qui en-
voie le jus de la défécation à
(fig. 11), et c'est dans l'inter-
la carbonatation. Le travail
s'opère de la manière sui-
vante: on commence à chauf-
fer pendant que l’on fait arri-
ver le gaz carbonique. Il se
produit, à la suite, des bulles qui soulèvent la
masse et forment une mousse volumineuse; l'on
abat cette mousse en l’arrosant de temps en temps
avec quelques cuillerées de graisse fondue. Toul
en carbonatant, on continue de chauffer jusqu'à ce
que le jus soit
à la tempéra-
ture de 7;
on cesse alors
de la vapeur
qu'on laisse
l'acide carbo-
nique se déga-
ger jusqu’à ce
qu'il ne reste
ju]
Fig. 10. — Chaudière à carbonater (coupe) repré-
sentée à toute petite échelle. — A la partie infé-
rieure se trouve le tuyau formant carré et per-
foré de trous qui distribue l'acide carbonique.
— A l’intérieur et sur le côté, thermomètres.
valle qui sépare deux boites
consécutives qu’ arrive le li-
quide boueux. Il entre par le
robinet D et est distribué par
une canalisation à tous les in-
tervalles compris entre les boites. Le jus, filtrant
au travers de leurs toiles, pénètre dans toutes les
boites. Chacune de celles-ci porte, à sa partie in-
férieure, un robinet R par où s'écoule le jus
filtré. Ce jus est recueilli dans la bassine D.
Deuxième
carbonatation.
— Le jus est
ensuite en-
voyé à la deu-
xième carbo-
natalion. Les
chaudières
employées à
cet usage sonL
au nombre de
deux et sem-
_ plusqu’uneal- blables, en
_ calinité égale toutes façons,
à 1 gramme 20 aux chaudiè-
de CaO par li- res de pre-
tre”, mière carbo-
On a REES" Fig. 11. — Filtre-presse. — _ ABA AB. , boîtes filtrantes. Te liquide boueux entre par le natation. Le
que partout robinet D; le jus filtré sort par les robinets R. Les robinets C et C! servent à faire pas- jus y est ad-
supprimé la
décantation qui suivait les carbonatations. Cette
manière d'opérer est plus rapide et donne un
. jus plus clair. Il a fallu, par contre, augmenter le
Ta
nombre des filtres-presses et en faire deux bat-
teries.
- Le filtre-presse (fig. 11 et 13) se compose d’une
—————————————
! En sucrerie, l’alcalinité est toujours, quel que soit l’al-
cali ou l'alcalino-terreux quila donne, exprimée en chaux.
ser un courant d’eau destiné à nettoyer le filtre.
ditionné d’un
lait de chaux de manière qu'il y ait environ
0,7°/, de chaux, et carbonate dans les mêmes
nr tre On arrête la carbonatation lorsque le
jus possède encore une alcalinité de 0, 45 10,20
par litre. Cette alcalinité est généralement due
aux alcalis naturels de la betterave : la soude et
la potasse.
Le jus est envoyé à la deuxième batterie de
216
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
filtres-presses, filtré dans les mêmes conditions et | procédé, actuellement à l'étude, donnera peut-être
réchauffé dans des chaudières analogues à celles
de la carbonatation, mais ne possédant pas natu-
rellement de tuyau d'arrivée du gaz carbonique.
Le jus qui sort de ces
chaudières est filtré dans
d'excellents résultats. Le lecteur nous pardonnera
de ne pas lui donner de détails à ce sujet, puisque
l'application induslrielle n'en a pas été encore
faite en dehors des usines
où elle s'étudie.
des filtres à cadres, garnis
de toiles (ces filtres suf-
fisent à arrèter les der-
nières substances insolu-
bles qui n'auraient pas
été enlevées après les
passages aux fillres-pres-
ses), puis envoyé aux ap-
pareils d'évaporation ‘.
Indépendamment
deux carbonatations, cer-
taines usines traitent les : | “à
jus par le gaz sulfureux.
On salure ainsi cerlaines
des
ui
bases, on précipite aussi l'ig.
quelques matières élran-
gères, et l’on produit ainsi une décoloration assez :
marquée du sirop.
On a proposé aussi, pour supprimer les earbona-
12, — Elément de fillre-presse.
V. — ÉVAPORATION ET
CUITE DES JUS
La solution sucrée élant
débarrassée de la plu-
part des malières étran-
gères provenant des cellu-
les de la plante, il con-
vient d'isoler le sucre de
la solution.
Pour lui permettre de
cristalliser, il faut con-
centrer fortement le jus
carbonaté et filtré. Cette
concentration comporte
deux phases bien dis-
tinctes : la première, évuporation ou concentration,
consiste en la réduction du liquide à peu près à la
moilié du volume primilif du jus. qui sera trans-
Fig. 13.
lalions, un traitement électrolvtique des jus. Ce
1 Dans presque toutes les sucreries on a supprimé les
filtres à noir qui ne produisent pas un effet actif proportion-
nel à leur prix d'achat et d'entretien.
— Autre système de fillre-presse à lavage.
formé en sirop; la seconde, dite cuite de sirop, com-
prend une nouvelle concentration jusqu'à la eris-
lallisalion du sucre.
Concentration du jus. — Par l'évaporalion de
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 217
14 kilogrammes d’eau, 100 kilogrammes de jus
fournissent approximalivement, en sirop, 26 kilo-
grammes qui, par la cuite, se réduisent eux-mêmes
à 14 kilo-
_ grammes de
M. Rillieux, en Amérique, employa la vapeur dé-
gagée par les sirops et les jus en ébullition pour
l’évaporation d'une autre partie de jus moins con-
centré. Enfin,
en Europe,
masse brute - Degrand,
cristalline. Cail,Derosne,
Le chauf- Robert, Roth,
fage à la va- Fischbein,
peur est Walkhoff, A-
moins dan- ders, de See-
gereuxetplus lowits, etc.,
, économique
que le chauf-
fage à feu nu
employé pré-
cédemment.
Pendant lon-
etc., inven-
tèrentou per-
fectionnèrent
des appareils
basés sur le
même prin-
glemps, l’é- cipe.
vaporation du L'appareil
jus se faisait aujourd'hui
dans des employé à
chaudières à
peu près par-
air libre;
mais la tem-
pérature d'é-
bullition,é-
tant trop éle-
vée, amenail
fatalement et
une colora-
tout, à quel-
ques varian-
tes près, est
le système,
dit à triple
effet (fig. 14),
dû à MM. Cail
et Cie,ouune
variété de ce
tion du liqui-
Fig. 14. — Triple effet, système Cail.
de en brun et
type, l'appa-
une transfor-
reil Dujardin
mation d’une
(fig. 13). Cet
parlie du su-
cre cristalli-
sable en su-
cre incristal-
lisable. Onre-
courut enfin
appareil se
compose de
trois chaudiè-
resoucaisses,
situées à côté
les unes des
autres sur le
à la concen-
tration dans
même plan,
le vide, où
et communi-
l'ébullition a
lieu à une
température
assez basse;
et la différen-
ce entre la
température de la vapeur dans les tubes chauf-
feurs et celle du liquide étant plus considérable,
on obtient, à surface de chauffe égale, plus d'effet
utile et, par suite, une concentration plus rapide.
En 1812 Howard construisit la première chau-
dière à évaporation dans le vide; plus tard,
quant de telle
sorte que la
vapeur émise
par le liqui-
de, pendant
qu'onchauffe,
puisse être employée à vaporiser le jus contenu dans
la suivante. L'évaporation est facilitée par un vide
relatif que produisent, d’une part, une pompe à air
et à eau, d'autre part, la condensation des vapeurs
sortant des chaudières. Chacune de celles-ci 2st
constituée par un cylindre à parois de fonte, dirisé
218
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
en trois compartiments superposés. Le comparti-
ment inférieur renferme un système de tubes ver-
ticaux, visible sur la partie gauche de la figure 15 :
chaque tube débouche dans le compartiment
moyen. Le jus à concentrer remplit, d’une part,
tous ces tubes, d'autre part, le fond du comparti-
ment moyen. L'espace compris entre ces tubes esl
occupé par la vapeur servant au chauffage.
La chaudière de gauche est chauffée par la va-
eu d’échap-
pement des
machines de
l'usine; sous
l'influence de
celte vapeur,
le jus est
rapidement
porlé à l’é-
bullition : les
vapeurs qu'il
émet se ren-
dent entre les
tubes de la
seconde chau-
dière, échauf-
fent le jus
qu'ils renfer-
ment el le
portent à l'é-
bullition : ce
dernier agit
demême à l’é-
de la seconde, et 28° à 30° en quittant l’appareil.
M. Horsin-Déon construit actuellement, sur le
même principe, des appareils à quadruple, quin-
tuple et même sextuple effet. Le jus, dans ce der-
nier cas, est réchauffé dans les deux premières
caisses, Les vapeurs produites dans ces caisses
servent au chauffage de l'appareil à cuire, ainsi
qu'à celui des chaudières à carbonater. L'économie
de chauffage réalisée dans ces conditions est de
30 % sur le
combustible
utilisé par le
triple effet
ordinaire.
Les sirops
sortant du tri-
ple effet sont
filtrés méca-
niquemenl
dans les mê-
mes condi-
tions que les
jus qui y en-
trent. Les fil-
tresemployés
sontde même
sorte (filtres
Puvrez, Da-
neck, elc.).
Quel que
soit le filtre
gard du jus de
la troisième
Fig. 15. — Appareil à triple effet pour la concentration du jus sucré. — La chauditre
de gauche montre la disposition interne des trois chaudières : chacune est divisée par
conomie réa-
lisée par la
chaudière. deux cloisons horizontales, en trois compartiments superposés. Les deux chaudières suppression
ns se de droite montrent, vers la base de leur dôme, des orifices, trous d’homme, ete., lale d ER
Ce système servant à introduire à l'intérieur des trois chaudières de l'acide chlorhydrique pour totale du noir,
réalise une les nettoyer. — Suivant une génératrice de leur surface cylindrique on voit des varie de O fr.
= lunettes en cristal permettant d'observer du dehors le niveau du liquide à l'intérieur, re
importante Ces chaudières possèdent un revêtement de bois destiné à diminuer la déperdition de 75 à 4 fr. 50
économie de Chaleur. par 1.000 ki-
combustible , log. de bette-
puisque la vapeur envoyée dans la première chau-
dière chauffe indirectement les deux autres.
Le degré de vide n'est pas le même dans ces
trois caisses : si nous représenlonsla pression dans
la dernière chaudière par une colonne mereurielle
de 11 centimètres, la pression sera 38 centimètres
dans la deuxième, et 65 centimètres dans la pre-
mière, à + 96° C., dansla seconde à 82 C, dans
la troisième à + 54° C, Le jus qui arrive dans la
première caisse en vertu du vide relatif qui existe
dans l'appareil, passe done successivement dans
les deux autres et sort d'une manière continue de
la troisième. À
Les robinets sont réglés de facon que le jus ait
une densité correspondant à environ 10° Baumé
en sortant de la première chaudière, 18° en sortant
raves, soit environ de O fr. 50 à 1 franc par 100 ki-
log. de sucre. À l'heure où nous écrivons ces
lignes, le bas prix du sucre brut (24 fr. 75 les
100 kilog.) a forcé les industriels à faire des réfor-
mes et à diminuer considérablement leur main-
d'œuvre.
On s'était aperçu, depuis longtemps, que l'in-
fluence de la décoloration sur la pureté du sucre
de premier jet est secondaire, el que la principale
aclion du noir se réduit à une purification méca-
nique; dans ces conditions, la suppression de la
filtration sur noir s'imposait.
Cuile du jus. —- Le sirop filtré est ensuite concen-
tré jusqu’à cristallisation. Cette concentration s’ef-
fectue dans la chaudière à cuire (fig.16, 17 et18). C'est
employé, l'é-.
Eeh
Natyairetsn À sofa COUPER ENS Pr à: {
she
Gedhpg à
CN
- Enfin, quand la hauteur
+
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 949
————————————……—…——………—…——…… —…—— ._"————————————————————————————______——_——.—_____—__————_—_—_—
une chaudière cylindrique, chauffée par trois ser-
* penlins intérieurs (fig. 17), munis chacun d’un robi-
net placé extérieurement, adapté sur le tuyau qui
amène la vapeur directe des générateurs. Les ser-
pentins sont superposés; on peut donc, suivant la
hauteur du sirop, chauffer
d'abord par le serpentin
inférieur, puis par le pre-
mier el le second réunis.
du sirop dépasse le ser-
pentin supérieur, on in-
troduit la vapeur dans
les trois serpentins. Les
sirops arrivent par un
tuyau à robinet, appelés
par le vide de lappa-
reil. Ce tuyau débouche
dans la chaudière à la
hauteur du deuxième ser-
pentin.
Comme dans l'appareil
précédemment cilé, la
chaudière est pourvue de
lunettes en cristal per-
metlant d'observerlasur-
face du sirop en ébulli-
tion, ainsi que la façon
dont s'opère la cuite. La
chaudière à cuire est mu-
nie,à sapartie supérieure,
: d’un manomètre et d’un
thermomètre, et sur le
côté se trouve un enton-
lition tumul-
lueuse ne
manque pas
de former. Au
sommet se
trouve un dû-
me ; un large
luyau s'y a-
dapte, par le-
quel s'échap-
pe la vapeur
résullant de
l’évapora-
tion. Cette va-
peur est aspi- Fig. 17 et 18. — Chaudière à cuire avec condenseur latéral. — La figure 17 repré sente la
coupe verticale intérieure de la chaudière. On y voit les trois serpentins où circule la
rée, en mère vapeur qui chauffe la chaudière,
temps que
l'air, au moyen d’une pompe à air et
Conduile de la cuite en grains. — On commence à
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
Fig,
16.
noir à robinet permettant l'introduction d'un peu
de graine destinée à abattre lamousse qu’une ébul-
— Chaudière à cuire avec grand condenseur de
vapeur supérieur.
faire le vide dans la chaudière, puis on ouvre le
robinet qui commande l’arrivée du sirop filtré.
Lorsque le niveau dusirop dans la chaudière s’ap-
proche de la première lunette, on ferme ce robinet
et on commence à chauffer par le premier serpen-
tin. On chauffe jusqu'à ce
que le sirop soit concen-
tré de manière à don-
ner la preuve au crochet.
Pour cela, une goutte de
sirop prise entre le pouce
et l'index doit donner
lorsqu'on écarte ces deux
doigts, un filet qui se
rompt en formant deux
crochets. À ce moment,
on introduit une nouvelle
charge desirop, et bientôt
après on commence à
apercevoir de petits cris-
taux. On règle alors l’ar-
rivée du sirop, et, la
cristallisation se conti-
nuant, les cristaux aug-
mentent progressivement
de volume.
En observant sur une
lame de verre un échantil-
lon prélevé de temps en
temps, le cuiseur suit Ja
marche de l'opération et
s’assure que le grain se
nourrit régulièrement.
Lorsque le niveau du
sirop parvient à la partie supérieure de la chau-
dière, l’ouvrier ferme l’arrivée du sirop et continue
à cuire jus-
qu'à ce que le
grain soit ar-
rivé à son dé-
veloppement
normal (en
terme de mé-
tier cette o-
pération se
nomme le
serrage de la
cuite).
Lorsque la
cuile est ter-
minée, On ar-
rêle le jeu de
la pompe; on
eau. | ouvre le robinet à air adapté un peu au-dessous
du dôme,
contenu
puis la soupape du fond, et tout le
la chaudière, ce qu’on appelle la
a
ER
220 E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL
DE LA SUCRERIE EN FRANCE ER
masse cuite du premier jet, tombe dans un enlon-
noir auquel est adaptée une goullière en pente,
qui conduit cette masse grenue et épaisse dans de
grands bacs rectangulaires où on la laisse refroidir
pendant une heure ou deux.
La masse cuite de premier jet estensuile turbinée.
VI. SÉPARATION MÉCANIQUE DU SUCRE.
Pour opérer la séparation du sucre et du sirop, on
peut se servir des formes, des caisses ou des turbines
(fig.19 et 20). Depuis l'emploi des chaudières à cuire
dans le vide, on n'utilise plus que les turbines. Elles
sont formées d'un tambour en toile métallique fine,
ouvert à sa partie supérieure el
consolidé de toutes parts par
des bandes de fer. Le tambour
est fixé à un axe vertical repo-
sant sur un coussinel; cet axe
porte à son extrémité supérieure
un cône de frottement, auquel
un cône semblable, fixé sur un
axe horizontal, portant une
poulie motrice, imprime un
mouvement très rapide de ro-
lation, qui se transmet au tam-
bour et lui communique une
vitesse de 1.200 tours à la mi-
nule.
La masse cuite, en se re-
froidissant, à pris une certaine
consistance. Il est nécessaire di
la désagréger avant de la por-
I
Il
|
ïl
aux cristaux ; enfin, pour produire une épuration
plus complète, on dirige un jet de vapeur pen dati
quelques instants sur les cristaux, et on arrête en
suite la turbine. 4
Au moyen d'une pelle en cuivre à manche court,
on relire le sucre de la turbine, on le met en sacs,
que l'on porte ensuite dans un magasin spécial.
Le sucre est étendu là sur le plancher et on favo-
rise sa dessiccation en entretenant dans celle pièce
une température propice.
Le sucre ainsi oblenu {sucre de premier jet) forme
de pelits cristaux réguliers, parfaitement blancs,
susceplibles d’être immédiatement livrés au com-
merce : cependant la majeure
partie est livrée à la Raffinerie,
quijn’a d'autre travail qu'à le
meltre en pains el le livrer en-.
suite à la consommation.
: VIT, — EXTRACTION DES SUCRES
DE ®% ET 3° JETS.
Le lurbinage quenous es
de décrire a séparé du sucre
cristallisé des jus très com-
plexes, en général assez trou
bles, appelés mmélasses, et qui
retiennent, malgré les opéra
tions précédentes, de grandes.
quantités de sucre. Il est indis-
pensable d'extraire ces quanti=
tés. À cel effet, la mélasse
résullant du premier lurbi-
ter aux turbines. On se sert à
uage est parlagée en deux par=
cet effet d'une malureuse, caisse
quadrangulaire à l'intérieur de
laquelle se meut un cylindre
armé de dents. La caisse est surmontée d’un enton-
noir dans lequel on jette, à l’aide d’une pelle, le
contenu des cristallisoirs. La masse cuite est réduite
en bouillie homogène; un tiroir, fixé à la base
de la caisse, permet de recueillir la masse lorsque
celle-ci à acquis la fluidité voulue. On la recoil
dans une boite en tôle et on la porte rapidement
aux turbines.
Lorsque la masse est introduite dans le-tambour,
on met celui-ci en mouvement. Sous l'influence de
la rotation, le sucre se distribue verticalement au-
{our des parois. La mélasse qui entoure les cris-
Llaux traverse seulela toile métallique, et est lancée
contre la paroi d’un réservoir en fonte qui entoure
le tambour; cette mélasse se rassemble dans le
fond du réservoir, et un Luyau en permet l'écoule-
ment dans un bac destinéà cetusage. Afin d'obtenir
un produit plus pur, on laisse le sucre dans le tam-
bour, en y ajoutant une certaine quantité d’un
sirop pur, qui déplace la mélasse restant adhérente
Fig. 19. — Turbine à mouremuntstpérieur pour
séparer du sucre crislallisé les mélasses.
Lies :
1° Égouts pauvres, produits
depuis le commencement du
turbinoge jusqu'au moment où l'on clairce; M
2% Égouts riches, produits à partir du moment où
l'on commence à elaircer jusqu'à la fin du turbi
nage; un dispositif, imaginé par M. Thomas, peræ
mel la séparation automalique des égouts.
Les égouts riches, relativement purs, rentrent
dans le travail à la deuxième carbonalalion.
Les égouts pauvres sont concentrés à nouveau
et fournissent les sucres des 2° el 3"° jets. ;
En effet, ces égouts contiennent beaucoup de su
cre, qu'il importe de recueillir ; mais, comme il
contiennent une forle proportion de malièress
élrangères, la cuite en grains ne peut pas être ems
ployée. On cuil seulement jusqu'à l'épreuve dilè
du filet el on envoie cette masse cuile dans de
crislallisoirs très profonds de forme quadrangu
laire, où le refroidissement est retardé par un
température de 40° à 45°, que lon mainlient dan
la salle où se trouvent les bacs cristallisoirs (em
plis. Au bout de quelques jours la cristallisation
Hd
&
>
42
“
F
E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 221
estterminée, on vide alors les cristallisoirs et on | dans peu de sucreries en raison du prix de son
urbine la masse. Le sucre produit est brun clair, | installation. Voici, brièvement, en quoi il consiste :
ét doit être épuré par le raffinage avant d'être li- | À mesure que le grain se forme dans la chou-
vré à la consommation. Les égouts du turbinage | dière à cuire, le sirop s’appauvrit au point de se
du 22° produit sont concentrés à nouveau, et la | rapprocher de la constitution finale de la mélasse.
masse cuite (3°° jel) ainsi formée est envoyée aux | Au lieu d'introduire du sirop pur, on fait seule-
“emplis. Mais la cristallisation est longue, demande | ment des charges avec du sirop de même pureté
au moins 4 à 5 mois. Le sucre lurbiné (3%° jet) est | que celui qui reste après la formation du grain. Il
d'une couleur plus foncée que le précédent et est | restera donc au turbinage du sucre blanc, d'un
livré dans les mêmes conditions que le 2° jet au | côté, et de la mélasse marchande.
raffineur. Pour obtenir ce résultat, voici, d'après M. H
- Le sirop dégagé du 3"° jet forme les mélasses | Déon, comment M. Steffen opère :
Fig, 20. — Turbine à mouvement inférieur. — H, tambour dans lequel on introduit le sucre à turbiner, — J, cylindre
en fonte contre lequel est projetée la mélasse. — EÆ, axe central porté sur coussinet.
-qui ne donnent par concentralion que peu ou mème « Les masses cuites, retroidies méthodiquement el
- pas de sucre cristallisable. Elles sont vendues aux | en mouvement sont recues dans des bacs ayant un
isti ; Fa ; double fond formé d’une toile métallique. Une su-
istillateurs et employées par ceux-ci à la fabri-
; ; Te 0 6 cette aspire l'égout qui souille le grain et celui-ci reste
calion de l'alcool, ainsi qu'à l'extraction des sels | seul dans le bac. Pour nettoyer ce grain qui retient
potassiques des vinasses formant le résidu de la | encore de la mélasse interposée, on le lave avec une
distillation alcoolique. clairce un peu moins impure, que l’on suce de la même
s 4 : anière: puis avec une troisième plus pure, ef ainsi
La mélasse de betterave est noirâtre, visqueuse, | © USE È plus pure,
un goût lutô è a de suite, jusqu’à ce que l’on clairce avec du sirop pur.
un goût repoussant, plutôt salin que sucré; elle | Gn obtient ainsi dans le bac du sucre tout à faitblanc.
marque généralement de 42° à 45° Beaumé. « Les clairces successives servent à traiter les
- Sa composition moyenne est la suivante : masses cuites suivantes, et l'excédent est introduit
ne méthodiquement dans l'appareil à cuire, »
è 0]
ps Le sucre est alors turbiné pour enlever les
Es : . € à dernières traces de clairce, et séché ensuite dans
—. M. Steffen a proposé, pour évier le travail des
” me Qnme :h “6dé : 1 :
“2% e{ 3% jets, un procédé de crislallisation en 1 Horsix-DEow, Bulletin de la Société Chimique de Paris
mouvement, très élégant. qui n’a été installé que | (25 janvier 1895).
9922 E. URBAIN — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
des cylindres tournants où circule de l'air chaud.
Ce procédé ne s’est pas encore généralisé. D'ail-
leurs, il reste encore de la mélasse dont nous avons
déjà donné la composition, et qu'il importe de
traiter.
VIII. — DÉSUCRAGE DES MÉLASSES.
La forte proportion de sucre cristallisable con-
tenu dans les mélasses a naturellement conduit les
industriels à chercher les moyens d'extraire ce
sucre. Il en est résulté un grand nombre de mé-
thodes dont nous n’éludierons que les principales :
. Osmose imaginée par DUBRUNFAUT.
. Osmose calcique (DuBRUNFAUT, SCHOLVIEN).
. Désucrage par la baryte (DUBRUNFAUT.
Désucrage par la strontiane (DUBRUNFAUT, STAMMER.
SCHEIBLER).
5. Désucrage par la chaux (STEFFEN).
+ co ho
6. Désucr: igepar le saccharocarbonate dechaux (MM.Borvis |
et LoisEAU).
LLC EL
il
Tous les cadres sont percés à la partie inférieure.
et à la partie supérieure de deux séries de trous;
qui forment quatre canaux. Deux de ces canaux
servent au passage de la mélasse, etles deux autres”
servent au passage de l’eau pure. L'appareil est
monté de Lelle façon queles deux canaux à mélasse
(le canal supérieur et le canal inférieur) commu
niquent avec les chambres paires, tandis que les.
canaux à eau pure, disposés de la même façon,
communiquent avec les chambres impaires.
Lorsque l'osmogène est prêt à fonctionner, on
envoie la mélasse dans les chambres paires, et on
fait circuler de l’eau chaude dans les chambres”
impaires. À travers la membrane, il s'établit un.
double courant. Les sels et RES principes très
diffusibles passent dans l'eau plus rapidement que.
le sucre. La mélasse se trouve en même temps di
D cé DEN À Lau alé
MN ik ll
. Ve
cs
- 1
Li |
Fix 21 — Osmogène.
Nous n'entrerons pas dans les détails des dif-
férentes opérations, el n'indiquerons ici que les
principes qui les guident.
Osmose. — La présence d'une partie de sel
(chlorures de potassium et de sodium) empêchant
la cristallisation de 4 parties de sucre, ona cherché
à éliminer la majeure partie dessels que renferment
les mélasses. À cet effet, on soumet la mélasse à
une dialyse. L’osmose ou dialyse repose sur ce prin- |
cipe que la mélasse enfermée dans un vase à parois
poreuses (membrane animale, papier-parchemin,
terre cuite non vernissée), qu’on plonge dans l’eau
pure, abandonne, par diffusion, les sels minéraux
qu'élle renferme bien plus rapidement que le sucre.
L'osmogène employé à cet effet (fig. 21) se com-
pose d’une série de cadres en bois dur, entre les-
quels on interpose, de deux en deux, une feuille
de papier-parchemin. Ces cadres sont serrés les
uns contre les autres au moyen de tiges en fer et
de boulons à écrous; on assure l'étanchéité du
système au moyen de garnitures de caoutchouc.
y
ad Vpn er
"
luée ; et on fait sortir cette mélasse de l'osmogènen
avant que le sucre ne diffuse lui-même. Les mé
lasses osmosées sont recuites, et, après un séjour
de quelques semaines dans les cristallisoirs,aban=
donnent de 20 à 25 kilog. de sucre par hectolitren
de masse cuite, Ce qui reste est soumis à unes
nouvelle osmose, et ainsi de suite. S
Osmose calcique. — On prépare le saccharale
monocalcique en ajoutant un lait de chaux à la
mélasse, on osmose ensuile; le saccharate monos
calcique, comme tous les sels de chaux, ne diffuse
que fort lentement. Onélimine ainsi presque toutes"
les matières étrangères ; le saccharate monocal=
cique est ensuile carbonaté, elle sirop repasse pal
toutes les phases des opérations décrites plus hauls
Ces procédés nous semblent destinés à céder |
la place aux procédés de désucrage par les agents.
«
chimiques.
Désucrage par la baryle. — Peligot a étudié less,
différentes combinaisons que forment les alcalino=
terreux avec la saccharose. Il résulte de ses travaux
:
d’autres sont insolubles. Le principe sur lequel
Slappuie le désucrage des mélasses est donc celui-
à : Entrainer le sucre dans une combinaison inso-
luble, que l’on puisse recueillir et laver, et dépla-
cer ensuite le sucre de cette combinaison par un
réactif convenable (CO? ou SO?).
“ Si l'on dissout dans trois parties. égales d'un
même sirop des quantités de baryte, strontiane et
chaux proportionnelles à leurs poids moléculaires
espectifs, de telle façon qu’il existe une molécule
e la base par molécule de saccharose, on obtient
des précipités suivants à l’ébullition :
“ CH°2011Ba0........... Saccharate monobasique
DA CLEH20M2Sr0.......... » bibasique
= C'2H220'13Ca0...... ... » tribasique. À
‘On voit que dans la première liqueur tout le
sucre est entré en combinaison; elle est à peu près
désucrée, tandis que laseconde contient au moins
la moitié du sucre primitif, et la troisième les
deux tiers.
Le procédé de désucrage à la baryte serait donc
“excellent, n'était la difficulté de récupérer la baryte,
— qui coûte d’ailleurs fort cher, — et le carbo-
nate de baryte retrouvé à la fin de l'opération
étant difficilement caustifiable.
»
… Désucrage par la strontiane. — I semblerait que la
cherté encore plus considérable de la strontiane
ait dû rendre impossible l'emploi de cet agent
11 Cependant, les conditions du travail
“ainsi que la facile récupération du carbonate de
Strontiane, fontreconnaitre au procédé Scheibler
par la strontiane de nombreux avantages. Le point
“nouveau et le plus intéressant de ce procédé est
%e suivant :
*: Le saccharate bistrontique, précipité à chaud, se
-dédouble, au contact de l'eau froide, en hydrate de
“strontiane et en un saccharate monostrontique
soluble.
En projetant dans la liqueur quelques cristaux
d'hydrate de strontium, on détermine la cristallisa-
lion de l’hydrate : Sr (0H)? + 8H?0, tandis que,
Si l’on ajoute à la liqueur quelques parcelles
de monosaccharate, c’est ce dernier qui cristal-
lise C'H2011Sr0 + 5H20.
Les principes scientifiques qui touchent aux pro-
priétés des solutions sursaturées trouvent ici une
très intéressante application. En comparant l’an-
cien procédé à la baryte et le procédé actuel à la
-Strontiane, on reconnait à ce dernier les avantages
suivants :
1° Étant donné que BaO — 153 et SrO — 103,5,
on voit que, pour séparer une même quantité de
sucre, il faut moins de lérre alcaline, puisque, des
trois molécules de Sr0O employées primitivement,
deux repassent à l’état d'hydrale cristallisé, propre
à de nouvelles opérations.
2 Le carbonate de strontiane repasse à l’état de
strontiane caustique par euisson à + 800° dans les
fours à chaux ordinaires, tandis que la baryte
demande l’emploi du charbon et une température
de + 1100°.
Cependant, on emploie généralement la chaux,
qui n’a presque pas de valeur, dont on trouve le
carbonate partout, tandis que la withérite ou la
strontianite sont peu répandues.
Désucrage par la chair. — On prépare le saccha-
rate tricalcique en ajoutant à une solution de sac-
charate monocalcique, provenant de la mélasse en
traitement, de petites quantités de chaux vive fine-
ment divisée. Il se produit à froid du saccharate
tricalcique; la chaux n'entre pas en dissolution,
elle attire le sucre de la liqueur et le fixe à l’état
de
C'2H220113Ca 0.
Le saccharate tricalcique est grenu, facile à fil-
trer et à laver à froid (on se sert pour ces opéra-
tions de filtres-presses).
Au lieu de chauffer le saccharate et de le décom-
poser ensuite par carbonatalion, un certain nombre
d'usines s’en servent pour le chaulage des jus, qui
sont en même temps enrichis. (Procédé Steffen.)
Le sucre isolé du saccharate tricalcique est d’une
pureté qui n’est pas sensiblement inférieure à
celledes sucres traités par la baryte et la stron-
tiane.
Désucrage par le saccharo-carbonate de chaux. —
MM. Boivin et Loiseau précipitent le sucre de la
mélasse sous forme desaccharo-carbonate de chaux,
insoluble dans l’eau de chaux. Ils traitent la mé-
lasse par la chaux, en faisant passer un courant de
gaz carbonique. Il faut éviter dans cette opération
que la température dépasse + 25° C.
Le saccharo-carbonate de chaux est une masse
pâteuse, qu'on lave à l'eau de chaux ou par exos-
mose : il se débarrasse de toutes ses impuretés. Sa
composition serait :
SUCRE ee er ee Cr lii e 43 %
CAO PEER ee EEE: 39
COLLE MANIA Tee ne CETTE 18
IL est dédoublé par la chaleur et saturation en
sucre et carbonate de chaux !.
Edouard Urbain,
Chimiste industriel.
1 Les clichés des figures 3, 3 bis, 6, 10, 12, 13, 14 et 20 ont
été obligeamment mis à la disposition de la Revue par
M. J. Fritsch, éditeur, 30, rue du Dragon, à Paris. Nous
devons la figure 4 aux anciens établissements Cail et les
figures 5, 11, 15, 16, 18, 19 et 21 à la Sucrerie indigène el
coloniale.
19
19
EE
II. — ÉVOLUTION RÉCENTE DE LA SUCRERIE
La sucrerie française, sollicitée par la crainte
de la concurrence étrangère, encouragée par des
lois sagement étudiées, a, pendantces dix dernières
années, accompli une évolution des plus intéres-
santes, réalisé de très grands progrès. Ces progrès
n'ont peut-être pas profité toujuurs à ceux en
faveur desquels ils avaient été conçus. Les fabri-
cants ont vu diminuer le nombre de leurs usines,
et ont fait de lourds sacrifices, de puissants ef-
forts, sans qu’un bénéfice suffisant vint les en ré-
compenser; les cullivateurs ont peut-être gagné
un peu au nouvel état de choses ; mais les ouvriers
de sucrerie travaillent moins nombreux qu’autre-
fois, travaillent pendantun temps pluscourt, ettou-
chent un salaire moins élevé; le consommateur lui-
même paie au même prix le sucre de son ménage.
Seul, le Trésor a profité de la surproduction.
Si nous pouvons, à cerlains points de vue,
regretter les conséquences de ces progrès, nous ne
saurions regretler le principe qui a présidé à
leur accomplissement. Il fallait que ces progrès
fussent réalisés quand même par la culture et par
la fabrication. Déjà les nations voisines avaient
subi la révolulion à laquelle la France sucrière
se préparait; nous ne pouvions rester en arrière,
sous peine de voir, malgré les droits de douane,
le sucre, produit à meilleur compte à l'étranger,
envahir nos marchés, et notre commerce d’expor-
tation anéanti. La sucrerie de cannes elle-même,
si longtemps abandonnée à sa routine, se préoc-
cupait de modifier son outillage et sa fabrication.
L'évolution dont nous parlons plus haut est
aujourd'hui accomplie. Elle a amené une surpro-
duction considérable et que l’on ne pouvait pas pré-
voir. Nos marchés regorgent de sucre, et la valeur
du sucre brut, en dix ou douze ans, a diminué de
moitié. A partir d'aujourd'hui, la criseestouverte,et
il faut nous attendre à assister maintenant à des
bouleversements dans l’industrie du sucre, qui
seront les conséquences des progrès accomplis.
Nous ne voulons pas, dans cet article, présager
de l'avenir et prévoir ces bouleversements ; nous
voulons faire simplement de l'histoire el voir com-
ment les modifications apportées tant à la légis-
lation spéciale, tant à la culture de la betterave,
qu'à la fabrication du sucre, ont été de nature à
amener la sucrerie à la silualion dans laquelle elle
se trouve aujourd’hui.
I. MODIFICATIONS DANS LA LÉGISLATION DES SUCRES
ET LEURS CONSÉQUENCES
En 1884, le 29 juillet, fut votée une loi dont le
principe fixail l'impôt sur la betterave entrant dans |
L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
. année el portée, de 6 k. 250 pour la campagne
la sucrerie, au lieu de le faire porter sur le sucre
extrait; elle obligeait les fabricants à exiger des
cullivateurs des betteravesriches, et à ne travailler
qu'au moyen des appareils et des procédés lesplus
perfectionnés. 4
Cette loi du 29 juillet 1884 ne frappait pas d’une v
façon brutale la sucrerie : établissant un impôt pro-
gressif, elle laissait le temps à la sucrerie nouvelle M
de s'organiser. L'organisation fut si rapide que
l'État se crut autorisé à modifier, trois ans plus:
lard, par la loi du 4 juillet 1887, les dispositions «
édictées par la loi de 1884. :
La loi du 29 juillet 1884 fixe à 50 franes le droit *
à percevoir sur 100 kilog. de sucre, et autorise les
fabriques à s'abonner, moyennant une prise en 4
charge, qui est, par 100 kilog. de betteraves mises
en œuvre, de 6 kilog. quand la fabrique emploie
la diffusion, de 5 kilog. quand elle emploie les
presses, l'excédent de rendement étant libéré d'im-
pôt; elle alloue aux fabriques non abonnées un
déchet de 8 ?/, sur le montant total de leur fabri- «
calion. Mais cette disposition ne doit durer que.
trois ans, el à partir du 1% septembre 1887 toutes
les fabriques devront être abonnées.
La prise en charge, à partir de cette époque, 1
doit être relevée progressivement d'année en
1887-88, à 7 kilog. pour la campagne 1890-91. Mais,"
comme nous le disions plus haut, le rendement"
était tel déjà que l'État intervint. La loi du 27
mai 1887 impose les excédents de 10 franes par 100
kilog.; celle du 4 juillet 1887 porte le rendement"
légal à 7 kilog. pour 1887-88, à 7 k. 250 pour 1888-«
89, à 7 k. 500 pour 1889-90, à 7 k. 750, où il est
encore aujourd'hui, pour 1890-91. De plus, les
droits sur les sucres sont portés à 60 francs. La loi
du 24 juillet 1888 relève de 10 à 20 francs, celle
du 5 août 1890 relève de 20 à 30 francs la taxe des
sucres considérés comme excédents de rendement.
L'impôt a donc été progressif ; il s’est élevé au
fur eLà mesure que les perfectionnements s'accom-
plissaient, et ne s'est arrêté que le jour où l'on a
senti qu'ils étaient suffisants. C’est donc sous ce
régime, qui consiste à prendre en charge les bette-m
raves entrant à l'usine, comme si le fabricant de-"
vait en retirer 7,75 °/, de sucre (imposable à 60 fr.
les 100 kilog.) el à ne faire payer que 30 francs par
100 kilog. de sucre excédant, que la sucrerie se
trouvait placée en 1890. De plus, une disposition
de la loi du 4 juillet 1887 déchargeait d'impôt, à
raison de 44 ‘/, de leur poids, les mélasses sor-M
lant des fabriques et destinées à être expédiées en
distillerie ou à l'étranger (Art. 6). :
L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
Ce régime est encore celui sous lequel la sucrerie
fonctionne aujourd’hui. Mais la loi du 29 juin 1892
utorise les fabricants qui, au 1° novembre, crai-
gnent de ne pas atteindre pour la moyenne de
leur campagne le rendement légal, à renoncer aux
dispositions ci-dessus el à payer l’impôt sur le
sucre produit ; elle leur alloue sur toute leur fabri-
cation un déchet de 15 °/, imposable, comme les
excédents, à 30 francs les 100 kilog. Le calcul
démontre que, si le fabricant prévoit obtenir,
comme moyenne, un rendement inférieur à 9,12,
il a avantage à demander ce régime, mais qu'il aau
. contraire avantage à prendre l'abonnement quand
ilprévoit un rendement supérieur.— De plus, cette
même loi porte à 45 francs la taxe des excédents
- obtenus au-dessus de 10,5
Ha 30 francs ceux Cblenus de 7,7
. chiffre.
C'est à cette législation spéciale qu'il faut atlri-
buer surtout l’augmentalion de rendement que les
fabricants ont obtenu. Leurs betteraves étaient plus
- riches, les procédés de travail plus parfaits; mais,
c'est que
à les fabricants, soucieux de profiter des avantages
… que la loi leur offrait, faisaient tous les sacrifices
15°/, jusqu'à ce
C
E si ces nditone se trouvaient réalisées,
»°/, tout en maintenant |
!
… pour les remplir. Le tableau I donne, en même |
Le que la production du sucre (compté en raf-
-liné, y compris le sucre des mélasses), les ren- |
EE obtenus dans les dernières campagnes :
‘4 Tableau I
Sucre produit
Rendement 0/0
(en raffiné)
ANNÉES
des betteraves
1881-82...
1882-83
1883-84
1884-85.
1885-86.
1886-87...
1887-88
1888-89
1890-91...
800.
1894- 95 (estimation)...
Cette législation permettait également aux fabri-
cants de bénéficier des excédents de fabrication
et de diminuer d'autant le prix de revient de leur
sucre fabriqué.
Nous avons dressé le tableau Il,
… la quantité de sucre en excès du rendement légal,
obtenu depuis 1884-85, en même temps que le gain
‘ réalisé de ce fait par le fabricants, en établissant
- les calculs sur les bases des différentes lois aux-
- quelles il a été fait allusion plus haut :
qui indique |
225
Tableau II
Sucro Bénéfice Bénéfice
représentant | réalisé par les rapporté à
ANNÉES l'excédent fabricants sur 100 kg.
de fabrication | les excédents de sucre
en tonnes en francs en francs
LE fr. fr.
1884-85..... 22.700 11.350.000 4,16
1885-86..... 78.800 39.400.000 14,82
1886-87.....| 152.100 16.050.000 179%
1887-88..... 94.000 47.000 000 13,99
1888-89.....| 106.400 42,560.000 10,31
1889-90.....| 200.000 80.000.000 10,00
1890-91... ... 111.200 33.360.000 5,42
1591-92.....| 140 800 42,240 .000 7,38
1892-93... 99.000 29.700.000 5,67
1893-94... 107.700 32.310.000 6,27
On comprend, en examinant surtout la dernière
colonne de ce tableau, que l'État ait cru légitime,
pour restreindre le sacrifice qu'il faisait, d’aug-
menter successivement la taxe des excédents, de la
fixer à 10 francs en 1887-88, à 20 francs en 1888-
89, à 30 francs en 1890- O1, et en même {temps
d'augmenter le rendement légal, de 5 à 6 °/, qu'il
élait en 1884-85, à 7,79 °/, en 1890-91.
Le bénéfice de certains fabricants exportateurs,
du fait des excédents est encore plus considérable :
car les sucres vendus à l’exportation sont libérés
d'impôt, et l'impôt de 60 francs par 100 kilog. est
remboursé aux fabricants sur des sucres qui ont
pu ne payer que 30 francs.
L'État a profité lui-même de cette surproduction
qu'il avait déterminée ; le rendement des contri-
butions indirectes sur les sucres a augmenté, en
effet, de la façon suivante ({ableau I) :
Tableau III
LOST NE ME Re ee 92.600.000
TOOL TE PRE vues Re À 108.500 .000
18820 ITA TER NE F 109,100,000
LS OU. cr A AR nee 133.100.060
RSOU NE ARR RE LA 153.900.000
AS DRE Te A ane 163.000 .000
QE
II, — MODIFICATIONS DANS LA CULTURE
ET LEURS CONSÉQUENCES.
La substitution des betteraves riches aux bette-
raves pauvres a eu pour effet d’abaisser le rende-
ment cultural par hectare dans la proportion de
33.000 à 25.000 kilog.; c’est chose connue, en effet,
que le rendement des espèces riches est inférieur
à celui des espèces pauvres. Maïs la betterave a été
payée à un prix plus élevé, comme l'indique le ta-
bleau ci-après (IV), en sorte que, si l’on caleule la
somme d'argent payée à la culture par hectare, on
voit que le cultivateur reçoit par hectare autant
d'argent qu'autrefois. La nouvelle culture ne l’a pas
entrainé à plus de frais ; l'élévation du prix des
graines est insignifiant ; il emploie plus de nitrate
226 L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
et plus de superphosphate, mais moins de fumier.
Ses labours ne sont pas plus profonds et ses
binages ne sont pas plus fréquents; sa situalion ne
s’est donc pas à ce point de vue sensiblement mo-
difiée :
Tableau IV
| Rendement Prix Somme payée
ANNÉES à des 1000 kg. | à la culture
l'hectare de betteraves | par hectare
1881-82...... 33.800 kg. 20,90 fr. 706 fr.
1882-83..... 34.900 21,00 733
1883-84...... 35.300 20,60 727
1884-89 ...... 31.300 19,10 298
1885-86...... 29.500 22,10 670
1886-87......| 31.900 24,00 765
1887-88 ..... | 22.500 26,00 585
1888-89...... 24,500 Oo! 27,50 674
1889-90...... 32,300 31,00 1001
1890-91......| 29.300 24,80 727
1891-92......| 25.200 26,30 663
1892-93......| 25.600 27,00 691
L
Le cultivateur a réalisé cependant un certain bé-
néfice au détriment du fabricant, en payant les
pulpes moins cher que par le passé. Au moment
où la diffusion s’est établie en France, le culti-
vateur n’a accepté qu'avec une grande défiance les
pulpes fournies par ce procédé, qui sont beaucoup
plus aqueuses que les pulpes de presses. Il en est
résulté une dépréciation, dont la culture ressent
la betterave riche, se trouve accentuée encore par
l'économie réalisée sur le prix d'achat. Il est facile,
en effet, de se rendre compte par le tableau ci-des-
sous (VI) que 100* de sucre extrait sont payés à la
betterave moins cher aujourd’hui qu'autrefois :
Tableau VI
Somme payée
à la betterave
déduction faite
de la pulpe, rapportée
Prix de 1000 kg.
de betteraves
déduction
faite du prix à
des pulpes
à 100 kg.
de sucre extrait
1881-82
1882-83
1883-84
1884-85
1885-86
1886-87
1887-88...
1888-89
1889-90
1890-91
1891-92
1892-93
29.50 fr.
36.75
32.85
.00
),79
3.95
25.00
.00
.10
.10
.80
.10
Le graphique ci-contre (fig. 1) montre la diminu-
tion du prix que le fabricant à eu à payer à la bette-
rave par 100* de sucre extrait; il montre en même
temps comment le prix des 1000% de betteraves s’est
rapproché insensiblement du prix des 100% de
sucre, au fur et à mesure que le rendement s’est
élevé à 10 °/,.
Tableau V
om,
Prix Prix Somme payée
Rendement Prix de la pulpe de la pulpe à la culture par h.
ANNÉES en pulpe de 100 kg. de 1000 kg. de 1000 kg. fournie déduction faite
de betteraves de pulpe de betteraves par un hectare des pulpes
ASSIS IE RM PR 24,1 10,16 fr. 2,85 fr. 96 fr 610 fr
ASS BR RE remet ne 25,2 9,91 2,90 87 646
ABS Lines cena le ei 24,2 9,59 2,31 82 645
RRECES MR STE DOUÉ 26,5 8,61 2,21 71 527
1880-86 5e Pal enetr 29,6 8,65 2,56 76 591
RESC= BTE RER CN AS 39,7 119 2,76 88 677
LOST DB NE rl ete 34,8 6,36 2,21 50 D930
ASRBE BE RAR era 39,1 6,02 215 53 621
ET ER Ne Er ACTE 36,6 513 1.98 64 937
(ICTDE Eee RO AE 38,1 4.84% 1,74 o1 676
CREUSE M De 39,4 4.81 1,89 48 611
1002209 Ne er ie 40,1 4.96 1,99 51 6#1
a ——EEZEZEZ———————————Z————————Z—————_————— — —" " ———— EEE NM OT AR
les heureux effets. Si l’on calcule, comme nous
l'avons fait dans le tableau ci-dessus(V), le prix de la
pulpe fournie par un hectare, on voit que ce prix
a diminué de moitié, tandis que le rendement en
betteraves à l'hectare n’a diminué que de 30 °/,.
Le cultivateur a donc profité un peu de la situa-
tion nouvelle, mais les bénéfices qu'il a obtenus
ne sont rien en comparaison de ceux du fabricant.
L'économie de main-d'œuvre etde frais de fabrica-
tion que le sucrier réalise du fait de l’adoption de
III. — MODIFICATIONS DANS LA FABRICATION ET LEURS
CONSÉQUENCES.
Contrôle chimique. — De tous les progrès réalisés
en sucrerie, le plus nécessaire est sans contredit,
comme l'a fail dernièrement remarquer M. Hor-
sin-Déon dans une communication faile à la
Société Chimique, l'établissement du contrôle chi-
mique. Ce contrôle a pris d’autantplus d'importance
dans ces dernières années que la fabrication est
En a
ve
ed iris
+
Panne he ge xs
vive
CE ée Eh
abipais tte aiaia € €
geante; elle ne doit
laisser, en effet, dans
les pulpes, dans les
écumes, dans les mé-
tés de sucre reconnues
_ pratique industrielle ;
| sucre à l'évaporation
_ à obtenir en premier
. jet le plus de sucre 20f
SRE PUS de
- aujourd'hui dans les 27 € ©
. . . œ Le)
sucreries des chimis- © % &
4 tes d'une compétence Fig, 1, — Prir
Ë simples manœuvres; 29
2
… instruction technique
£ dehors d'elle, au mo-
FE
ï
1#
possible; elle ne doit
faire usage que de
bonnes eaux, de bon ;
calcaire et de bon char-
bon. Nous possédons
absolue, qui suivent,
nuit et jour, au labo- 2
_ ratoire, la fabrication, -500
jamais des conditions
qui lui permettent
d'obtenir de hauts %
_ outre, analysent cons- 6
‘tamment les matières 4
premières, eaux,char- 2
bons et calcaires em- 30
. ployés dans le travail.
Les chimistes de su-
crerie ne sont plusde ,
a
il leur faut une instru- 8
ction générale el une
très développées afin
de résoudre les difré-
rents problèmes qui :
se posent lantaucours 4
de lafabricationqu'en 2
ment où ils sont ap-
pelés à surveiller les
cultures, donner des
conseils sur la nature
Ve
_ afin qu'ellene s’écarte 80
rendements, etqui,en gg
1881-82k
devenue plus exi- 38
36
_lasses que les quanti- %
comme minima par la 30f
elle doit pousser aussi 2
loin que possible l'é-_
_puration des jus, évi-
ter d’entrainer du
et à la cuite, chercher 22
L-]
Legs
ENT NL
L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
D
_ des sols, l'emploi des engrais, etc.
Ils ont le mérite de s'être faits seuls; car
1883-8
F
nes
as: sssss:
10 eo œ œ
10 ] œ -
co œ œ L=°] [==] Lee]
d'achat de la betterave en fonclion du
œ
œ o o
x 10 7) œ -
a a Fa 2 A ÉA
LE o œ ze a œo
Diffusion.
1890-91
1891 92
Es
1892-93
sucre.
1892-93
227
nous ne possédons que
depuis deux ans l’E-
cole Nationale des in-
dustries agricoles de
Douai, où l’on étudie
la sucrerie d’une fa-
con complète. A l'E-
cole Centrale, à l’In-
stitut National Agro-
nomique, à l'Ecole de :
Physique et de Chi-:
mie, les cours de su-
crerie ne sont pas:
assez étendus pour
qu'un élève puisse
rendre immédiate-.
ment, au sortir de ces
écoles, ces nombreux
services qu'on doit lui :
demander ensucrerie.
L'enseignement de la
sucrerie est donc, en
France, insuffisant,
surtout si on le com-
pare à ce qu'il est en
Allemagne et dans
d’autres pays produc-
teurs. Espérons quela
création de l'Ecole de
Douaisera suivie de la
création d'autres éco-
les spéciales, et que
les fabricants ne se-:
ront plus désormais
obligés de faire faire
aux chimistes leur
instruelion technique
avant d'obtenir les
conseils qu'ils en at-.
tendent. — Il existe
une association des
chimistes de sucrerie, :
qui, par les commu-
nications et les tra-
vaux de ses membres,
contribue largement
à l'instruction géné-
rale; et c'est dans
son bulletin comme
au cours de ses séan-
ces que beaucoup de
chimistes de sucrerie
sont venus parfaire
leur instruction.
- Mais le chimiste, malgré son activité
TT CL
el son habileté, ne parviendrait pas à obtenir ces
hauts rendements si les appareils qu’il est chargé
de contrôler élaient défectueux. Ces appareils se
sont aujourd'hui beaucoup perfectionnés, et, pour
réaliser les progrès dont nous allons parler, il a
fallu en grande partie renouveler le matériel.
Le changement le plus radical auquel le matériel
de la sucrerie a été soumis a consisté dans la sub-
stitution des appa- .
reils de diffusion ,
aux anciens appa-
reils de ràpage el 8
de pressurage, — 60
ce qui a permis
d'obtenir une ex- 2
: : 500
traction de jus plus 7
complète etplusra- à
pide, et de dimi- #9
nuer la main-d'œu- 2
vre dans des pro- 400
porlions considé- 8
rables. Aujourd’hui D
toutes les sucre- .
ries possèdent ces 39
appareils; les seu- gg
les usines qui aient 60
conservé des pres- 40
ses continues sont 20
les sucreries-distil- 200
leries, parce qu’el- À
> P q 60
les sont soumises à
une législation spé-
ciale. Nous donnons
ci-contre (fig. 3) un 80
graphique qui indi- 6
que avec quelle ra- 40
pidité s’est faite, de
rt sh. 6 ados
Ë - : FH
L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
entre lacourbe qui représente les usines existantes
et celle qui nous montre les usines employant
les anciens procédés de purification, en même
temps que de l'horizontalité de la courbe des
usines employant la double carbonatation, et l’on
est amené à penser que ce sont les premières,
celles dont tout l'outillage imparfait étail en rap--
port avec les procédés d’épuration suivis, qui ont
été sacrifiées dans
« la lutte de centra-
lisation et ont dis-
paru. Leur outil-
lage, et vraisem-
blablement- leurs
capitaux ne leuront
pas permis de résis-
ler.
L'épuration phy-
sique et chimique
des jus a fait l'objet
des études les plus
attentives. Le chau-
lage des jus, leur
carbonalation, la
surveillance des
températures pen-
dant les carbona-
talions, l'examen
du gaz acide carbo-
nique, le dosage de
l'alcalinilé que l’on
doit laisser dansles
jus après la 1" el
la2° cerbonalalion,
le passage immé-
diat des jus aux fil-
Ë tres-presses, sans
1881/4802 la sub- MS MEME NES NS INS ONE EE RCE décantation préala-
slitution de ladifum 3 3 2 $ % 2 = 2 2 2 2 >? ble, ont permis de
sion à l’anci CNRS M D Nr ee Ce D eu ane ;
DOIERPIO Fig. 3. — Extraction du jus. Usines et râperies employant les presses RORPSES très loin
cédé des presses,
aussi bien dans les
usines que dans les postes nommés improprement
ràaperies.
Épuration des jus. — Dans toutes les usines, le pro-
cédé de la double carbonatalion a été substitué au
procédé de la défécation et à celui de la carbona-
tation simple. Le graphique de la figure 2 montre
de quelle façon l’un et l’autre de ces deux derniers
procédés ont disparu de 1881 à 1888. II montre
également que le nombre des fabriques a passé |
de 497 (1882-83) à 368 (1891-92) : la sucrerie s'est
centralisée et tend à s'exercer aujourd'hui dans un
nombre restreint d'usines; mais on ne peut s'em- |
pêcher d'être frappé de la coïncidence qui existe |
hydrauliques, les presses continues et la diffusion.
la purificalion. La
substitution aux
anciens filtres-presses, dont les dimensionsétaient
restreintes, de grands filtres-presses à nombreux
el larges plateaux, a diminué la main-d'œuvre:
l'adoption des lavages ralionnels, des purgeages
à l'air comprimé, a donné des écumes mieux épui-
sées.
D'autres progrès ont été réalisés, tels que la
séparation de la pulpe folle des jus verts, au moyen
de tamis, tels que la séparation de l’albumine
coagulée par la chaleur, avant chaulage, tels que
l'emploi de la chaux vive ou de la chaux en poudre,
pour remplacer l'emploi du lait de chaux et éviter
d'étendre d’eau le jus qu'il faut évaporer; mais ces
modifications du travail n'ont pas élé suivies d'une
L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
_ les rendements et les prix de revient.
Il n’en est pas de même de la sulfitation des jus
_ et des sirops, qui s’est faite dans un grand nombre
_ d'usines etqui a permis d'améliorer le travail dans
_ une certaine proportion.
_ Une mesure radicale a été prise par nos fabri-
_ cants: celle de substituer la filtration à travers
_ des tissus de coton à la filtration à travers le noir
_ animal; la sucrerie comptait en 1884-85 environ
._ 3.000 fillres à noir; à cette époque sont apparus
| les filtres à tissus, fil-
_ tres à poches, ou fil- 5995: HE
_ tres mécaniques, et go
_ l’économie de matière 60Ë
40
_ première, d'appareils,
de main-d'œuvreetde 2
1 charbon nécessaire à
la revivilication, que se
les fabriques ont réa- 49:
lisée du fait de cette 29
innovalion, a élé ju- 300%
_ gée considérable; car 8
# façon assez générale pour qu’elles aient influé sur | évaporantel cuisant à l’air libre ont dû disparaitre
au fur et à mesure que la fabrication tendait à se
centraliser.
Dans une dizaine de fabriques, on a employé,
. pour l’évaporalion des jus, des appareils à qua-
druple effet et à chauffage multiple ; ces appareils,
imaginés par M. Rillieux et construits par M. Hor-
sin-Déon, permettent, gràce à leurs dispositions el
à la disposition des réchauffeurs de jus et de
sirops qu'ils alimentent, de réaliser une économie
de combustible qui peut s'élever à 30 °/..
Dans ces appareils,
en eflet, la première
caisse est alimentée
par de la vapeur di-
recte etle jus, qui bout
à 105°, fournit de la
vapeur non seulement
à la deuxième caisse,
mais aussi à des ré-
chauffeurs dans les-
quels circulent conli-
nüment des jus qui
_ des filtres à tissus
_ s'estélevé de 0, en 1884-85, à 1950 en 1892-93.
Les filtres les plus communément employés sont
les fillres dits mécaniques. Ceux-ci sont formés
. d’une série de poches en tissus de coton, main-
tenues sans cesse gonflées au moyen d’une carcasse
métallique ; les poches sont placées dans une caisse
autoclave et la filtration du jus ou du sirop s'y fait
de l'extérieur à l'intérieur pour sortir ensuite de
la caisse. Les filtres les plus répandus sont ceux
de Kasalowski, de Daneck, de Philippe, etc.
at dile 02
Evagporalion des jus et cuisson des sirops. — Les
fabriques sont toutes pourvues aujourd’hui d'ap-
pareils à triple effet pour l’évaporation des jus
dans le vide, toutes pourvues également de chau-
dières à cuire dans le vide. Là encore, comme l'in-
dique le graphique ci-dessus (fig. 4), les usines
>
w
H À POPEIPUE LM D di, ri, isa
ut
|
les fabricants n'ont pe doivent subirletravail
pas cru devoir s’'arrè- : de la carbonatation
. ler aux inconvénients »99 ou de l'évaporation,
que ces filtres présen- gg ou des sirops qui doi-
- Laient au point de vue 60 vent entrer dans la
de la purification des 40% chaudière à cuire; on
_ jus, bien moins com- a prend aussi sur la se_
plète que par l'emploi 80 conde caisse de la va-
desfiltres à noir,etils bi e HE peur pour chauffer les
les ont adoptés d’une 4 jus de première car-
J
facon générale. Le 20% bonatation, pour ali-
RAD OC CE MONITOR Semen ele SAC AIO IS AE
See œ “e S S D nr Se GR R e Feb £ :
noir n'était plus que + $ © $s & © © æ æœ © Z à teurs delabatterie de
DAS D done f oDAe et 2 ed EU (Os ON up à
HER A0 en 41809 0 EN MER + = (diffusion; \ensorte-que
tandis que le nombre Fig. 4. — Evaporalion du jus el cuisson du sirop. la vapeur entrantdans
la première caisse
travaille en quadruple effet dans l’appareil d’éva-
poration, et en double effet dans les réchauffeurs
el détermine, par conséquent, une économie consi-
dérable de combustible. — M. Horsin-Déon cons-
truitégalement des quintuple et sextuple effets
à chauffages mulliples dont le fonctionnement est
encore plus avantageux.
En dehors de l'emploi de ces appareils, on a pu
réaliser, avec les anciens appareils à triple effet,
de sérieuses économies de vapeur, et de combus-
tible par conséquent, en faisant précéder la pre-
mière caisse d’une chaudière, dite circulateur, qui
recoit la vapeur direcle, et dans laquelle passe le
jus qui se rend à celle première caisse; la vapeur
du jus qui bout dans le circulaleur alimente des
réchauffeurs. En faisant ruisseler le liquide le long
des parois des tubes de la chambre de chauffe,
230
L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
——————…—…—…—…"—"—"—"—…"—"…"…"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"— …—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—….…—…—…—…—…—…—…"…—…——…——…—…"…—…—…—"…—…—…—…—_—_—…—…—…————
en plaçant dans ces tubes mêmes des Liges de
bois, de façon à diminuer le volume occupé par
le liquide, en remplissant les tubes incomplète-
ment, on est parvenu à mieux utiliser la surface
de chauffe, et à rendre, au moyen d'une même
quantité de vapeur, l'évaporation plus active.
Des dispositifs spéciaux, dits ralentisseurs, dé-
sucreurs, ont été interposés dans le triple effet et
dans la chaudière à cuire sur le trajet des vapeurs,
de façon à récolter avec plus de soin que jamais
les gouttelettes sucrées que l’évaporation entraine.
Cristallisation, turbinage, travail des 2° et 3° jets. —
Les fabricants s'attachent aujourd'hui à obtenir
en 1° jet le plus de sucre possible, de façon à
immobiliser moins de sirop d'égout, et à rentrer
plus vite dans l’argent qu'ils ont payé à la culture.
Plusieurs, dans ces dernières années, ont fait
rentrer les siropsd'égoutsoitdans la carbonatation,
soit dans la cuite, en commençant par les plus
purs, ceux qui proviennent du clairçage à la va-
peur, et continuant par ceux qui proviennent du
purgeage. Ces sirops, comme l’a montré M. Steffen,
nourrissent les cristaux de sucre et s’appauvrissent.
Ce procédé, dit de la cuite méthodique, permet de
diminuer l'importance des bas produits et de
nourrir les petits cristaux, qui, sans celte précau-
tion, traverseraient les Lloiles de la turbine et
seraient perdus pour les premiers jets.
Certains fabricants ont adopté le système de
cristallisation en mouvement et de refroidissement
lent, qui consiste à loger la masse cuite chaude
dans des bacs cylindriques, munis d'une double
enveloppe et d'agilateurs puissants. On envoie
dans la double enveloppe de l’eau froide, on met
les agitateurs en mouvement, et on fait descendre
lentement, en 24 ou 36 heures, la température de
la masse à 30-35° C. ; ce procédé permet aux cris-
taux de sucre de s’accroitre encore aux dépens
du sucre contenu dans le sirop qui les baigne, et
est encore de nature à permettre au fabricant
de bénéficier immédiatement du sucre qu'il peul
retirer en premier jet.
D'autres, dans le même but, ont muni les chau-
dières à cuire d'agilateurs et ont faitde la cuite en
mouvement. Le travail est plus régulier et on évile
la formation des petits cristaux,
Dans un grand nombre de fabriques, on a di-
minué d'une façon notable la main-d'œuvre néces-
sitée par le turbinage, en adaptant au-dessous des
bacs de cristallisation un système de nochères et
de distributeurs automatiques.
Le travail des 2* et des 3°* jets n’a pas été sensi-
blement modifié, et l'on n’a pas adopté sérieu- |
sement le système de cristallisation en mouvement
pour ces masses cuites. Le seul progrès que l’on
!
ait cherché à réaliser dans ce travail, consiste à
cuire en grains les seconds jets en amorçant la
cristallisation dans la chaudière même au moyen
de sucre déjà formé. Cette pratique est loin d'être
générale, et l'on se contente de les cuire en cuite
claire dans des appareils à vide, qui ont rem-
placé presque partout les anciennes bassines à
air libre.
Quant à l'extraction du sucre des mélasses, elle
est limilée à deux ou trois usines. Les autres pré-
fèrent profiter de la loi du 4 juillet 1887 dont nous
avons parlé et vendre leurs mélasses à la distillerie.
Outillage général. — L’outillage général de la su-
crerie est meilleur qu’autrefois ; les générateurs
semi-tubulaires et tubulaires ont remplacé les
générateurs à bouilleurs. Les machines utilisent
mieux la vapeur et ont un rendement supérieur.
Les pompes à eaux, à écumes, sont plus perfec-
tionnées; les monte-écumes, qui employaient beau-
coup de vapeur, ont fait place à des pompes.
Le four à chaux s’est perfectionné ; la prépa-
ration du lait de chaux se fait, en général, au
moyen de malaxeurs mécaniques qui suppriment
une partie de la main-d'œuvre.
Les modifications que nous venons de résumer
ont eu pour conséquence de rendre la fabrication
plus économique et d’abaisser d’une façon consi-
dérable le prix de revient.
Tout d'abord, comme nous l'avons dit, le travail
a été plus soigné, les pertes ont été évitées dans
tous les postes ; le contrôle chimique s’est exercé
partout ; et, dans ces conditions, la fabrication
a pu réaliser de fortes économies.
Elle en a réalisé encoreensubstituant la fillration
sur les toiles à la filtration sur le noir, en poussant
plus loin la purification par carbonatation et sulfi-
tation, en rendant plus rapide l'évaporation, en
faisant rentrer les égouts dans le travail de pre-
mier jet, en améliorant l'outillage général.
Elle en a réalisé enfin en centralisant la fabri-
cation. La diffusion permettait de travailler une
plus grande quantité de betteraves en 24 heures ;
les appareils d'évaporation élaient plus puissants ;
aussi a-t-on vu le nombre des fabriques, malgré
l'élévation de la quantité de sucre produit, dimi-
nuer en dix ans de 28 °/,, en même lemps que
diminuait le nombre des journées de travail; com-
mencée vers le 20-25 septembre, la fabrication est
terminée aujourd'hui entre le 15 décembre et le
1 janvier. Il n'en fallait pas davantage pour dimi-
nuer les frais généraux et abaisser le prix de
revient.
L’estimation de cet abaissement du prix de
revient, imputable aux modifications citées plus
me s'est abaissée
29 millions à13mil-
IE DE VENT Es PP TT
L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
231
D — ——— —
_ haut,estimpossible à établir; elleéchappeau calcul,
mais ceux qui connaissent l’ industrie verrontimmé-
diatement que l'abaissement est considérable.
Nous pourrons plus facilement, et grâce aux
chiffres fournis chaque année par l'Administration
des Finances, calculer la part qui, dans cet abais-
sement du prix de revient, est imputable à la dimi-
nution de main-d'œuvre, et à l’économie réalisée
sur le combustible.
Si l'on calcule la
somme d'argent
payée aux hommes, 6f
femmes et enfants,
par campagne, On 5f
voit que cette som-
7fr
4fr
progressivement de
3fr
lions de francs. Cet »$,
abaissementrésulte
de ce que les ou- if
vriers, les femmes
et les enfants sur-
a eo r 10 L‘°} œ
CRE : FLE æ F a
toutontétéde moins = S 9 £ £ %
. F œ œ œ œ œ œo
en moins occupes a + Fe — S _—
Fig. 5
à la sucrerie, qu’en
1881-82, 49 mille
hommes, 8.500 femmes, 8.000 enfants travaillaient
pendant la période de défécalion, et que, pendant
la même période de 1892-93, la sucrerie ne de-
mandait plus que le concours de 42.500 hommes,
3.800 femmes, 3.000 enfants. Cet abaissement ré-
sulte encore de ce que chacun d'eux a travaillé
1887-88
1888-89
1889-90
1890-91
1891-9
1892-93
1893-94
. — Prix du charbon et de la main-d'œuvre en fonction
du sucre extrait.
l'indique la dernière colonne du tableau VII.
Nous pouvons calculer également la diminution
du prix de revient du fait des économies de char-
bon que les appareils mieux compris ont permis de
réaliser (voir tableau VIII, page 232 et fig. 5).
IV. — ÉTAT ACTUEL DU COMMERCE DES SUCRES.
Importations, exportations, consommation. — L'a-
baissement du prix de revient, qui résulte des
faits exposés plus
haut (bénéfices sur
les excédents, dimi-
nution du prix des
100 kilos de sucre
extraits payé à la
betterave, diminu-
tion de la main-
d'œuvre et de la
quantité de charbon
brûlé, fabrication
plus économique et
plus soignée, etc.),
aeupourrésultatun
abaissement pres-
que proportionnel
du cours du sucre.
La consommation
n'en à guère profité : car elle a vu la taxe aug-
menter au fur et à mesure que la production lui
offrait du sucre à meilleur marché. Cette Laxe, qui
était de 40 francs en 1881, a été élevée à 50 francs
par la loi du 29 juillet 1884, et à 60 francs par
celle du 27 mai 1887; en sorte que le prix du
Tableau VII
oo
NOMBRE DE JOURNÉES
DE TRAVAIL
ANNÉES
hommes femmes enfants
1881582: 4.975.000 707.000 658.000
1882-83....... 5.521.000 807.000 135.000
1883-84....... 5.226 ,000 745.000 611.000
1884-85...... 3.592.000 436.000 400 000
1885-86....... - 3.335.000 356.000 334,000
1886-87..,.... 4.280.000 440.000 383.000
1887-88....... 3.227.000 293.000 255.000
1888-89....... 3.604.000 320.000 258.000
1889-90..,.... 4.988.000 464,000 315.009
1890-04... :. 4.812.000 413.000 329.000
1891=92:5:2 7: 4.110.000 320 .000 248.000
1892203250: 3.849.000 297.000 231.000
1893-94.,..... 3.900.000 274.000 214.000
SALAIRE JOURNALIER ; :
TE = — |SOMME PAYÉE|MAIN-D'ŒUVRE
aux ouvriers par 100 kg.
hommes femmes enfants des deux sexes |de sucre ext.
3,97 fr 2,00 fr 1,76 fr.|21.300.000 fr.| 6,34 fr.
3,91 2,00 1:18 |23.689.000 6,53
4,05 2,01 1,78 22.346.000 5,00
3,90 1,92 1,73 [15.117.000 5.33
3,12 1,89 1,67 13.884.000 529
3,68 1,92 1,68 17.712.000 4,08
3,70 1.86 1,67 14.378.000 & A7
3,69 1,92 1,71 14.719.000 3,91
3,65 ra 1,47 |20.444.000 2,92
3,66 1:76 148 |19.596.000 3,18
3,72 1,81 158 |16.624.000 2,87
3.66 1,76 152 [15.539.000 2 07
» » » 13.443.000 2,61
moins longtemps et résulte enfin de ce que le sa-
laire moyen des ouvriers a subi une diminution
regreltable. La somme payée à la main-d'œuvre,
rapportée aux 100 kilog. de sucre extrait, s'est
abaissée alors de 6 fr. 50 à 2 fr. 60, comme
sucre, chargé de son impôt, esl resté sensiblement
constant.
On a reproché aux raffineurs d’avoir maintenu
le cours du sucre raffiné à un prix trop élevé, en
augmentant d’une façon exagérée leurs bénéfices;
232 L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
A ——_—_—_—_—_— ©
ce reproche est peut-être fondé en face des cours | de modifier l’état actuel, de diminuer le stock
des deux dernières années ; mais c’est bien plutôt | énorme de sucre que nous avons accumulé, el
à l'augmentation de l'impôt que l'on doit d'avoir | d'éviter la crise qui est ouverte aujourd'hui. 3
vu le cours du raffiné se maintenir. La différence
TUE - .
qui existe entre les chiffres de la première et ceux \. IMPORTANCE ACTUELLE DE LA FABRICATION.
de la deuxième colonne du tableau IX représente Les chapitres qui précèdent nous permettent
le prélèvement du raffineur. d'être bref sur l’état actuel de la fabrication; ils
Cet abaissement progressif du prix du sucre a | nous ont montré les modifications apportées aux
été encore plus accentué en 1895: le cours esl | appareils et aux procédés par les fabricants sou-
aujourd’hui de 25 francs les 100 kilos, et l'on est
Tableau 1X
Tableau VIII
Cours
Cours
dusucreblanc| du raffiné Cours
SES du raffiné
Charbon emploÿè |, 22 fr. la tonne) |
employé par 100 kg.
de sucre extrait
N°3 (impôt déduit)
ANNÉES par 100 kg.
de sucre extrait
a
extérieur, ceux également qui sont relalifs à la | main-d'œuvre 2 fr. 60, paie au charbon la somme
consommation, on voit qu'il n'y a rien à espérer. | de 3 fr. 60; nous avons vu comment les fabricants
L'importation, sous le coup de la surtaxe de | ont su profiter du bénéfice des excédents, comment
8 francs imposée par la loi de douane de 1889 | ceux-ci leur ont permis de toucher par sac de
68,39 fr. | 143,120fr:
6,22 fr. 64,09 3 114,31
6,44 59,00 5 105,62
5,94 45,97 104,33
6,02 45,58 104,64
ST 35.83 É 96,45
5,15 35,17 43,55 98,55
308 40,08 106,88
4,48 SEE] PCA 55 115,43
4,20 . | 35,9% 106,18
4.07 Æ ...| 36,89 107,05
3.65 38.64 : 105,16
3,30 42,63 6 113,78
3.61 32,46 105,11
amené à se demander si les conditions du marché | cieux de diminuer le prix de revient; nous avons
extérieur et intérieur sont capables d'amener bien- | vu qu'aujourd'hui la fabrication, pour obtenir
tôt une modification de prix. Malheureusement, | 100 kilos de sucre, paie à la culture environ
quand on étudie les tableaux de notre commerce 23 francs (déduction faite des pulpes), paie à la
|
|
Tableau X
mm
| 1MPORTATIONS EXPORTATIONS CONSOMMATION
: QT ro] ST ge =
ANNÉES | Sucre Sucre Sr brut Sec Sucre consommé Sucre destiné
| des colonies étranger È fi s ee raffiné tonnes) {en raffiné) au sucrage des vins
| tonnes) (tonnes) re, 7 ve : (tonnes) et des cidres (tonnes!
ee ee
SRE ..| 420.200 89.300 43.800 | 106.500 389.000 39.000
CSC SEMRURT es 107.200 51.400 127 700 | 134.000 372,000 20.600
SIDE Re 111.700 31.300 194.700 143.409 410.000 33.400
OUT BE RSR EE 106.600 59.500 158.509 111.300 409.700 34.200
FÉERIES 106.690 65.400 95.300 117.300 425.800 28.900
1893 : 7.21 °410.200 33.600 153.200 103.700 380.000 16.600
EEE SET RE SU
aux sucres raffinés étrangers, a peut-être un peu | sucre environ 6 francs quand ils n'exportent pas,
baissé: mais l'exportation ne se déveioppe pas, et | 12 francs quand ils livrent le sucre à l'étranger.
la consommation reste la même; la quanlité de Il nous reste, pour terminer cet article, à exa-
sucre employé au sucrage des vins, des mares et | minerde quelle façon se trouve répartie en France
des cidres. et qui, d'après la loi du 27 mai 1887, ne | la fabrication, et quelle importance elle possède
paie que le droit réduit de 24 francs, tendrait à | par rapport à la fabrication du sucre dans le monde
diminuer {lableau X): on n’apercoit donc pas, dans | entier.
les six dernières années, un mouvement capable La fabricalion du sucre est, en France, localisée
|
|
e dans vingt-deux départements. C'est dans la
. région du Nord, surtout dans le Nord, l'Aisne, le
_ Pas-de-Calais, la Somme, elc., que l’on produit la
quelques années, des essais fort heureux ont élé
faits daus le Centre et dans le Midi, et tout porte
à croire que la région du Nord ne conservera pas
LR
HTSEIRE
NréRieuRe
SERRE
EX
2
Fig. 6. — Carte indiquant les départements producleurs de sucre. — L'intensité des teintes est proportionnelle à la
- quantité de sucre fabriqué. ?
1re teinte 2e {einte 3e teinte
Seine-Infèrieure Eure Ardennes
Aube Loiret Marne
Haute-Marne Vaucluse Seine-et-Oise
Yonne : Eure-et-Loir
Côte-d'Or Puy-de-Dôme
Cher
Indre
Saône-et-Loire
majeure partie du sucre. Le climat y convient spé-
cialement bien à la culture de la betterave. Depuis
1 Cette carte a été faite sur le canevas d’une carte
muette, mise obliseamment à la disposition de la Revue par
la maison Eh. Delagrave.
+ teinte 5e leinle 6° teinte
Oise Somme Nord
Seine-et-Marne Pas-de-Calais Aisne
toujours le monopole exclusif de la fabrication.
Le tableau XI indique les chiffres auxquels s'est
élevée la production de 1893-1894.
La France, tant par sa sucrerie indigène que
par sa sucrerie coloniale, donne environ 7 °/, du
23%
sucre produit dans le monde entier. On estime, en
effet, que la betterave et la canne ont, en 1893-
1894, livré à la consommation la quantité énorme
de 7.346.000 tonnes.
La figure 7 représente la production du sucre
en France et dans nos colonies comparée à la
production totale dans les cinq parties du monde.
Tableau XI
.200 tonnes
.400
5.000
.000
.700
.200
.200
Ardennes.... .000
Marne, Eure-et-Loir, Puy-de-
Dôme, environ
Eure, Loiret, Vaucluse, environ
Seine-Inférieure, Aube, Haute-
Marne, Yonne, Côte-d'Or,
Cher, Indre, Saône-et-Loire,
environ
5.000
.000
La France a perdu malheureusement en Europe
le premier rang qu'elle occupait autrefois. Elle est
devancée par l'Allemagne, par l'Autriche-Hongrie
et par la Russie, et ne fabrique que 15 °/, du sucre
produit en Europe.
L. LINDET — ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
duites sous l'influence de la loi de 1884 ont eu
pour effet de déterminer une crise qui est loin
d’être encore résolue, et nous serions disposé à
examiner la situation à l'étranger, comme nous le
conseille le programme qui préside à la rédaction
de ces revues des grandes industries, si nous pou-
vions trouver dans cette situation un remède à la
nôtre.
Mais il n'en est rien. La surproduction que -
Tableau XII
Amérique (Guadeloupe, Martinique,
Marie-Galante, etc... "71% 77.000 t.
AS1e{Cochinchine eee tree. 30.000
Afrique(Réunion, Nossi-Bé, Mayotte) 37.000
Total, 144.009 L.
nous avons constatée en France, nous pouvons la
constater dans loute l'Europe. De tout côté, on a
réalisé les mêmes progrès, diminué de la mème
façon la main-d'œuvre,et augmenté le stock. Grâce
aux relations quiexistent entre les savants et les
fabricants du monde entier, tous les pays produc-
teurs possèdent les mêmes appareiis, font usage
des mêmes procédés; grâce au jeu des droits de
douanes et des primes à l’exportalion, les cours du
À N ù k
|
Î
| NN
2",
| Î
L NS
Guadeloupe
Marünique
Fig. 7.
Aux colonies, notre sucrerie est assez prospère :
mais sa prospérité est loin d'atteindre celle des
colonies anglaises et espagnoles. Le Lableau XII
indique, d’ailleurs, les chiffres de production des
colonies francaises pour l’année 1893-1894.
En se reportant aux chiffres qui indiquent la
quantilé de sucre importée des colonies françaises
chaque année, on voitque la presque Lotalité du sucre
fabriqué aux colonies est destinée à la métropole.
Nous venons de voir que les améliorations pro-
AMERIQUE
IR
NASNE
7:
k
|
LE VVIVI\IQO È S LR
Cochinchime Réunion etc
7. — Tableau représentalif de la produclion française, indigène el coloniale et de la production étrangère.
sucre se sont équilibrés; le monde entier possède
le même sucre, fabriqué de même, vendu au même
prix ; la crise est donc générale, et il est probable
que chacune des nations productrices de sucre,
après en avoir longtemps souffert, la résoudra de
la même facon en diminuant ses emblavements el
en sacrifiant une partie de ses fabriques.
L. Lindet,
Docteur ès Sciences,
Professeur de Technologie
à l'Institut National A gronomique
Je
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À
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p"
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; IT.
|
|
A cet exposé si complet de l’état actuel de la su-
-crerie en France, nous voudrions ajouter quelques
remarques relatives au rôle de la science et aux
| conditions sociales du travail dans cette industrie.
. Voici les renseignements que nous avons recueillis
à ce sujet:
- Rôle de la science. — Bien que les articles précé-
. dents n’aient pu entrer dans tous les détails tech-
niques de la fabrication, ils nous la montrent
directement tributaire de la Mécanique, de fa
Physique et de la Chimie. Des ingénieurs sont né-
cessaires pour monter les machines, en régler la
manœuvre, en diriger la marche, en Do
sans cesse l agencement. Non moins indispensables
sont les Chimistes pour effectuer, au cours de toutes
les opérations, les nombreuses analyses sans les-
quelles il serait impossible d'apprécier la qualité
du travail. Jour et nuit, ils doivent suivre, pas à
pas, toutes les phases de la fabrication, consignant
. leurs analyses sur un registre que consulle cons-
-tamment, à titre de guide, le directeur de l'usine.
- IL est, par exemple, nécessaire d’être sans cesse
renseigné sur la densité exacte des jus de diffu-
sion, leur teneur en sucre, leur coefficient salin et
leur Chcfcient organique. Il faut connaïlre, toutes
| “les deux heures, la teneur en acide Morte du
| gaz fourni par le four à chaux ; on doit se préoccu-
- per de l’alcalinité des jus de Hours et deuxième
» carbonatation de chaque chaudière, et, par l’exa-
. men des analyses de masse ne s'assurer de
l'épuration des sirops et des jus, A etc.
- D'autre part, le chimiste a encore pour mission
“très importante de rendre possible le contrôle
- chimique de la fabrication dont a parlé M. Lindet.
Le problème est le suivant : On à introduit sous
forme de betteraves une certaine quantité de
sucre dans l'usine; à la fin de la fabrication, on
doit retrouver cette quantité en additionnant :
1° le sucre obtenu à l’état cristallisé ; 2 le sucre
immobilisé dans les mélasses ; 3° le sucre que l’on
sait, par de nombreuses analyses, perdu dans les
résidus de fabrication : cossettes épuisées, eaux de
vidange des diffuseurs, écumes de carbonatation,
- eaux de lavage des filtres-presses. Si la fabrication
s’est opérée dans de bonnes conditions et si le
contrôle a été bien fait, la balance s'établit à peu
de chose près. La différence qui existe toujours
représente les pertes indéterminées ou inconnues; dans
un bon travail, ces pertes ne doivent pas dépasser
0,2 du poids de la betterave; elles résultent des
ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 235
— REMARQUES SUR L'INDUSTRIE DU SUCRE
fuites de jus aux serpentins, des entrainements de
sirops dans les appareils à cuire, de la destruction
du sucre dans ces mêmes appareils.
Privé de contrôle, le fabricant ne sail com-
ment il travaille, puisqu'il ignore la valeur indus-
trielle de sa matière première, les pertes qu'il
subit en cours de fabrication. Il se trouve ainsi
dans l'impossibilité de remédier à un travail défec-
tueux.
Or, disons-le, quoi qu’il nous en coûte : tandis
que toute la sucrerie allemande est pourvue de ce
contrôle et, pour l'exercer avec précision, en-
tretient un personnel de chimistes versés dans la
pratique de leur art, —la moitié au plus de nos
sucreries françaises possèdent un laboratoire ; en-
core, dans cetle quantité, un certain nombre em-
ploient pour leur contrôle non pas un chimiste,
mais des ouvriers à qui on a appris à se servir
d’un polarimètre et à délerminer une densité.
La facon tout à fait défectueuse dont sont me-
nées beaucoup de petites sucreries résulte, sans
aucun doute, de la maigre estime où elles liennent
le travail scientifique et de leur parcimonie en-
vers l'homme de science.
Il
Situations faites aux Ingénieurs et aux Chimistes. —
La plupart des sucreries sont la propriété de so-
ciétés qui gèrent elles-mêmes leurs affaires finan-
cières, mais confient la direclion de l'usine à un
administrateur. Celui-ci peut être, en même temps,
le chef technique de la fabrication ou attribuer cet
emploi à uningénieur, plus rarement à un chimiste,
placé sous ses ordres. Suivant l'étendue de leurs
fonctions et l'importance des manufactures, ces
directeurs reçoivent des traitements très variables :
dans les grandes sucreries, leurs appointements an-
nuels atteignent quinze mille francs et, dans quel-
ques cas, s'élèvent jusqu'à vingt-cinq mille. Dans
les usines de moyenne importance, leur rétribution
annuelle est souvent de six mille francs ; elle des-
cend à trois mille six cents francs dans les petites
sucreries.
Les chimistes qui ne sont pas chefs de fabrica-
tion, sont beaucoup moins rémunérés. Quand ils
ne font que surveiller le travail, régler la marche
de l'usine par leurs analyses et assurer la compta-
bilité du contrôle chimique, ce qui est d'extrême
importance, ils sont, en général, peu payés. Il
est, par exemple, {rès rare que le chimiste en chef
gagne six mille francs par an; les autres chimistes,
attachés comme lui d’une facon continue à l’éta-
236
blissement, ne recoivent guère que deux ou trois
mille francs; mais, ainsi que leur chef, ils sont
logés à l'usine et chauffés gratuitement. Les ap-
pointements des débutants logés toute l’année à l’u-
sine ne sont que de dix-huit cents francs.
Indépendamment de ces employés attachés à
demeure aux sucreries, les directeurs engagent
chaque année, pour la durée dela campagne, c'est-
à-dire de septembre à janvier, de jeunes chimistes
rétribués au taux maximum de deux cents francs
par mois. Il existe même beaucoup de sucreries qui,
pourvues d'un directeur, n’entretiennent des chi-
mistes que pendant la période de fabrication; cer-
laines n’offrent pas plus de deux cents franes par
mois au technicien qu’elles chargent de conduire
toute la fabrication; elles rétribuent à un taux
moins élevé ses aides, petits chimistes qui savent
seulement faire les mesures polarimétriques et
les analyses vulgaires du métier.
all
Mode de recrutement des Ingénieurs et des Chimistes.
— Le personnel dirigeant des sucreries se recrute
le plus souvent parmi des administrateurs, ingé-
nieurs ou chimisles ayant déjà occupé, dans la
mème industrie ou des industries similaires, des
positions moins élevées et y ayant donné des
preuves de capacité. Beaucoup ont commencé par
entrer dans les usines avec des petits traitements
et, progressivement, se sont élevés aux situations
importantes. Il est intéressant de considérer leurs
origines. |
On peut dire, d’une façon générale, que les
grandes sucreries, celles qui consomment au moins
deux cent mille kilos de betterave par jour, sont
pourvues d'un excellent personnel scientifique.
L'Ecole Centrale des Arts et Manufactures leur a
fourni beaucoup d’administrateurs et d'ingénieurs
et un certain nombre de chimistes. Plusieurs direc-
teurs ou chefs de fabrication d'usines importantes
sont ingénieurs civils des Mines, sortis ou non de
l'Ecole Polytechnique, ou anciens élèves de nos
Écoles d'Arts et Métiers. Ces Écoles ont, en outre,
produit des ingénieurs occupant, dans diverses
sucreries, des positions moyennes.
Parmi les très nombreux jeunes gens qui ont
fait au Laboratoire Frémy, au Muséum, l'appren-
tissage de la Chimie, beaucoup sont actuellement
placés dans les sucreries el certains y ont conquis
de belles situations, soit comme chimistes, soit
comme directeurs. Plus récemment l'École Natio-
nale d'Agriculture de Grignon, l’Institut National
Agronomique et quelques Stations Agronomiques
ont aussi fourni au personnel dirigeant et spécia-
lement chimique des sucreries de très utiles
recrues,
ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
D'autres chimistes, pourvus, pour la plupart, de
situations moyennes ou médiocres, sont anciens
élèves des écoles industrielles et des cours insti-
tués, dans les grandes villes, par les municipalités
ou diverses sociétés d'enseignement profession-
nel; quelques étudiants des Facultés des Sciences
ou plutôt préparateurs non bacheliers des labo-
ratoires de chimie de ces Facultés, sont actuelle-
ment engagés dans l’industrie sucrière.
L'École des Industries Agricoles, fondée à Douai
il y a deux ans, l'École Industrielle de Saint-
Quentin préparent actuellement à la sucrerie un
personnel de chimistes capables d'en diriger
toutes les opérations.
De son côté, l'École de Physique et de Chimie de
la Ville de Paris a, depuis quelques années, com-
mencé de fournir à l’industrie sucrière des jeunes
gens connaissant d'une façon suffisante les prin-
cipes généraux de la Chimie et, d’une facon très
précise, la technique de leur future profession d'a-
nalystes. On sait que ces jeunes gens, sortis, pour
la plupart, des écoles primaires supérieures de
Paris, entrent à l'École de Physique et de Chimie à
la suite d’un examen largement équivalent, pour la
partie scientifique, à l'examen du baccalauréat ès
sciences. L’excellent enseignement qu'ils recoivent
et les travaux de laboratoire très soignés qu'ils font :
à l'École Les préparent à devenir de bons chimistes
industriels. Mais ilconvient de remarquer que peu
sont munis de cette culture générale de l'esprit
sans laquelle les notions spéciales apprises dans
l'exercice d'un mélier — chimique ou autre — fruc-
tifient si difficilement.
Pour le perfectionnement de la sucrerie, souhaitons
que dans les écoles techniques quila concernent on
se préoccupe de donner aux élèves, indépendam-
ment de la connaissance du métier, une instruction
générale suflisante.
La facon dont beaucoup de petites sucreries
recrutent leurs chimistes temporaires estpour elles
une cause manifeste d'infériorité. Ne les engageant
que pour quelques mois, elles risquent de ne trou-
ver, quand vient l'époque de la fabrication, que des
jeunes gens non pourvus d’une situation, ceux que
la concurrence des capacités a déjà éliminés soit des
usines, soit du personnel enseignant des écoles. La
modicité des appointements qu'offrent les fa-
briques pour les quatre mois de la campagne
sucrière ne leur permet pas, d’ailleurs, de s’adres-
ser à de fins chimistes, d'une notoriété bien établie.
Le recrutement s’en ressent.
Il est vrai que la répugnance des autres indus-
tries à bien rétribuer les gens de science diminue
la concurrence que les sucreries pourraient ren-
contrer et laisse parfois dans l'attente d'une situa-
tion tolérable de jeunes savants ayant vraiment de
A gendre bag Mate 2
“eva af
a
“ la valeur et ne trouvant pas, malgré cela, dans les
anulfactures un débouché acceptable.
Il est regrettable que nos lois ou nos mœurs uni-
érsitaires ne permettent pas aux professeurs,
maitres de conférences et préparateurs de Chimie
- de la Faculté des Sciences de Lille de ne commen-
cer leur enseignement qu'après la fin de la cam-
» pagne sucrière (commencement de janvier). S'il en
était ainsi, les sucreries pourraient, sans dépense
- exagérée, obtenir pendant la période de fabrication
le concours constant de vrais savants. Sans doute,
- plusieurs jeunes maitres éprouveraient, le jour de
. leur entrée à l'usine, un réel embarras; au début,
tous auraient à apprendre la technique spéciale du
- métier. Mais, après un court apprentissage, ils ne
- Larderaient pas à devenir, de par la supériorité de
leur savoir, des collaborateurs infiniment précieux,
capables de tourner les difficultés imprévues qui
se présentent si souvent au cours des opérations
industrielles, el de perfectionner les procédés de fa-
brication. Ilest, au contraire, presque chimérique
d'attendre le progrès de petits employés à œillères,.
ne connaissant guère que les opérations courantes
de la sucrerie, le dosage au polarimètlre ou par les
liqueurs titrées, etne pouvant par conséquent faire
œuvre que de manœuvres.
Si nos professeurs et préparateurs des Facultés
étaient appelés plus souvent dans les fabriques,
nul doute que, rentrés dans leurs laboratoires, ils
s’efforceraient d'y résoudre, au moyen de toutes
- les ressources que l’État mel à leur disposition, les
problèmes rencontrés à l’usine.De leur côté, les in-
dustriels, ayant appris le chemin des laboratoires,
. sauraient à qui aller soumettre, avec chance de
succès, les desiderata de leur mélier.
L'utilité des recherches scientifiques pour faire
progresser l'industrie est, en l'espèce, particu-
lièrement évidente: nousn'’en voulons pour preuve
que les amélioralions récemment apportées aux
procédés de la sucrerie et qui sont principalement
dues à des savants. Il n’est que juste de rendre.
à ce propos, hommage à la science de MM. Pellet,
Siderski, L. Lindet et Horsin-Déon.
—
IV
Siluation des Ouvriers. — Nous avons parlé des
chimistes, occupons-nous maintenant des ouvriers.
Dans les environs de Paris, dans la Beauce et
dans la Brie, il est impossible de constituer, avec
les gens du pays, les deux équipes que requiert
le travail de jouret le travail de nuit des sucreries.
D'une part, la besogne de nuit répugne à l'ou-
.vrier français qui, dans la plupart des autres in-
dustries, n’y est pas habilué; d'autre part, dans
les diverses usines, si abondantes aux environs de
ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE 237
=
Paris, l'ouvrier est en général occupé toute l'an-
née. Dans toute cette région, dans la Beauce et
dans la Brie, la sucrerie n’emploie guère que des
ouvriers belges. Ceux-ci sont le plus souvent
d'excellents travailleurs. S'ils sont dénués d'initia-
tive, ce qui, en l'espèce, n’est pas un défaut, ils se
montrent, par contre, pleins de qualités très
utiles : ils sont soumis, respectueux, parfailement
tranquilles, et la dure besogne ne les effraie pas.
Presque tous sont payés à la tâche et gagnent au
moins cinq francs par jour. Seuls, les chefs de bat-
teries de diffusion, les cuiseurs et les surveillants
sont rémunérés au mois. Tous trouvent, en gé-
néral, dans les usines, cet avantage facultatif, dont
profitent la plupart, d’y être logés et nourris au
prix d’un france vingt-cinq centimes par jour (!.
Dans les sucreries du Nord, des gens du pays
et un certain nombre de Belges forment le per-
sonnel ouvrier. Presque tous sont rétribués à la
tâche : on prend pour base du calcul le nombre
des chaudières de première carbonatalion qui
ont été carbonatées dans la journée et la nuit:
ce nombre est.à peu près, de 49 : la chaudière étant
payée vingt-cinq à trente centimes, chaque
ouvrier d'une équipe de douze heures gagne au
moins cinq francs. Les ouvriers rétribués au mois
touchent de cent vingt à cent cinquante francs et
sont, en général, chauffés.
Quand se termine la campagne sucrière (janvier),
les ouvriers demeurent plusieurs mois sans travail :
beaucoup se trouvent alors plongés dans une
affreuse misère. Quelques-uns — mais c’est une
infime minorité — exercent, dans la région, les
méliers de maçon et de menuisier.
En mai, ils sont employés, par les cultivateurs
des régions sucrières, aux plantations de bette-
raves: en juin, les binages les retiennent encore
aux champs. Puis vient la moisson des céréales qui
les occupe en juillet et août, d’abord dans nos dé-
partements du centre, finalement dans le nord de
la France. Cette migration les ramène, en sep-
tembre, dans les sucreries.
En résumé, bien que les salaires soient, dans les
sucreries, sensiblement égaux à ceux de beaucoup
d'industries, les ouvriers qu'elles emploient se
rouvent souvent dans une situation pénible. Est-
il possible d'améliorer leur condition?
Avant de répondre à cette question, il convient
d'examiner diverses obligations que la loi impose
aux patrons et les bénéfices que leur laisse le sys-
tème actuel.
(4) Le tableau des salaires dressé par M. Lindet {tableau
VII, page 231) indique la paie quotidienne, déduction faite
du logement, du chauffage et de la nourriture.
238
W
Surveillance des fabriquespar l Elal. — Lans chaque
sucrerie l'État entretient des employés, au moins
trois, qui, jour el nuit, à tour de rôle, contrôlent
la fabrication. Ils pèsent les betteraves, s’assurent
qu'aucune quantité de sucre ne sort de l'usine sans
passe-debout, tiennent compte du nombre des dif-
fuseurs remplis et vidés, prélèvent des échantillons
de sucres turbinés et de mélasses et les envoient
au Laboratoire des Contributions indirectes du Mi-
nistère des Finances. Ces échantillons y sont ana-
lysés, de sorte que l'État est continuellement ren-
seigné sur les quantités de sucre fabriquées par
chaque usine et passibles de l'impôt.
Ce service régulier semble s'exercer à la satisfac-
lion générale. Nous ne saurions en dire autant du
contrôle des densimètres dont l'Élatimpose l'usage
pour toutes les transactions de la sucrerie. Partout
on se plaint de la mauvaise graduation de ces ins-
truments. La négligence aveclaquelleils sontéprou-
vés avant d’être livrés au public cause un véritable
préjudice au commerce. La réforme d'un tel état
de choses est urgente.
VI
Bénéfice des Patrons. — Le raffinage, qui suit im-
médiatement la sucrerie, se compose de quelques
opérations peu compliquées et qu'il y à avantage
à faire subir simultanément à de très grandes
quantités de sucre. Une raflinerie emploie, pour
cette raison, beaucoup plus de sucre que ne peut
en produire une grande sucrerie : elle collecte le
plus souvent tout à la fois la production de beau-
coup de ces établissements et celle d'usines colo-
niales de sucre de canne.
Indépendamment de cette circonstance, qui
empêche les sucreries de monter chez elles la raf-
finerie, la façon dont l'impôt est appliqué au sucre
entraine aussi cette division du travail. Dans le
but de ne pas prendre l'argent du fabricant avant
ÉTAT ACTUEL DE LA SUCRERIE EN FRANCE
qu'il ait lui-même réalisé la vente de son sucre, …
l'État n’exige le paiement de l’impôt qu'au moment
de la vente, donc après raffinage. Jusqu'à ce mo-
ment le raflineur est, dans une large mesure,
garant de l'impôt à payer, et obligé, de ce fait, à «
des dépôts considérables. La raflinerie exigeant :
donc, tant pour l'achat du sucre que pour la
garantie de l'impôt, d'énormes capitaux, il n’y à
qu’un tout petit nombre de raffineurs en France : 28,
— tandis que les fabricants de sucre sont environ
350. De cette situation résulte pour les raffineurs
la possibilité, dont ils usent, de se syndiquer etde
maintenir, on pourrait presque dire au taux de
leur choix, le prix du sucre rafliné. Tandis que,
comme le montrentles graphiques de M. Lindet,
le prix du sucre brut ne cesse de s'avilir, le con-
sommateur continue de payer au même prix le
sucre qu'il achète chez l’épicier. Les modifications
apportées à la législation de 1884 frappent dure-
ment le fabricant sans profiter au consommateur.
Ne dirait-on pas que la loi a été faite par les rafli-
neurs el comme pour eux-mêmes ?
A l'heure actuelle, la sucrerie française non seu-
lement ne gagne pas d'argent, mais en perd : un
grand nombre d'usines vont se trouver cette année
dans la nécessité de fermer. Comment, dans ces
conditions, demander aux fabricants d'accueillir
plus libéralement les savants, d'augmenter les
traitements des ingénieurs et des chimistes et les
salaires des ouvriers qu'ils emploient ?
Deux remèdes au mal actuel semblent cepen-
dant devoir surgir prochainement : beaucoup de
fabricants de sucre, désireux de se soustraire à la
tyrannie du raffineur, se préoccupent de chercher
un procédé pratique de raffinage applicable dans
leurs usines, — et c'est là un sujet d'investigation
que nous devons signaler aux hommes de science.
D'autre part, un grand nombre de sucriers nt en
ce moment la pensée de se syndiquer pour opérer
le raffinage. Là est le salut de leur industrie et
l'intérêt du public, si nos lois ne changent pas.
Louis Olivier.
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ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
239
. Laligne souterraine allant de la gare de Sceaux au
jardin du Luxembourg sera très prochainement inau-
gurée. Cette ligne nous paraît doublement intéres-
“sante. D'abord, au point de vue pratique, elle était
d’une incontestable utilité, La gare de Sceaux se trou-
vait trop éloignée, et les Parisiens, ne pouvant s'y
_ rendre assez facilement, délaissaient volontiers la par-
-tie de banlieue qu'elle dessert, cependant très jolie et
- très digne d’être un but favori pour leurs promenades
- dominicales. Et puis, ce petit bout de souterrain est
un avant-goùt du métropolitain dont la construction
est de plus en plus retardée; c'est un premier pas fait
- en avant; il faut nous en contenter, faute de mieux.
2
È lautre part, au point de vue scientifique, la construc-
… tion de la ligne est à citer : elle a soulevé beaucoup de
F difficultés que les ingénieurs ont complètement réso-
- lues. Nous allons en exposer rapidement les princi-
à pales 1.
…—…. La ligne part de Fancienne gare de Sceaux et passe
… sous la rue Denfert-Rochereau et le boulevard Saint-
Michel pour finir près du jardin du Luxembourg, à
… l'angle de la rue Gay-Lussac, Ce sont là des voies très
fréquentées, et le Conseil municipal de Paris, qui n’é-
- tait que médiocrement favorable au projet, imposa Ja
- dure condition que la circulation ne devrait pas être
interrompue. D'un autre côté, un important tramway,
celui qui va de Montrouge à la gare de l'Est, suit abso-
lument le même trajet, Il ne fallait pas songer à sup-
primer un seul jour son service ni même à diminuer
Son parcours. Enfin, les nombreux égouts et les multi-
ples conduites qui courent sous les trottoirs de Paris
contribuaient à accroître les obstacles, en même temps
que les catacombes qui se trouvent en grande quantité
dans ce quartier et dont les arches menacaient parfois
de se rompre sous le moindre effort. Nous pouvons
ajouter encore que la voie longe l'Observatoire; aussi
les savants astronomes de cet établissement concurent-
ils Ja crainte que le passage des lourds convois ne vint
troubler leurs mesures précises et délicates. Il fallut
prendre les précautions suffisantes pour les rassurer :
une épaisse couche de sable fut introduite entre les
- murs du tunnel et le sol des jardins de l'Observatoire.
SE 0 7 OR
! Les détails qui suivent ont été, en partie, empruntés à
Engineering. N° du 25 Janvier 1895.
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LE PROLONGEMENT SOUTERRAIN DE LA LIGNE DE SCEAUX
D’ailleurs, pendant le cours des travaux, de nombreux
trains de ballast ont parcouru ce chemin sur une voie
provisoire, et nous ne croyons pas que l’on ait eu à
leur reprocher le moindre méfait contre le calcul des
trajections astrales. Nous pouvons donc avoir bonne
confiance en l'avenir.
A son départ, la ligne a été construite à ciel ouvert.
La présence du square (marqué sur le plan, figure 1,
près de la station Denfert) rendait cette solution facile.
Un tablier métallique porte la chaussée qui traverse la
place entre le square et l’ancienne gare de Sceaux. A
la sortie du square, le peu de profondeur du niveau de
la voie n’a pas permis de creuser un tunnel propre-
STATION OÙ
LUXEMBOURG
Fig. 1. — Plan du trajet de la ligne souterraine du Luxembourg.
ment dit. On a eu recours, pendant environ 90 mètres,
au système de couverture très souvent employé dans
les métropolitains anglais. Il comprend deux poutres
longitudinales reposant sur des colonnes en fer ayant
une section à double T et réunies par des traverses
d'environ 9 mètres. Ces traverses sont supportées à
leurs extrémités par des murs de soutènement (fig. 2).
Entre elles, sont construites des arches en briques qui
forment la voûte.
En cet endroit, la voie présente une courbe d'environ
220 mètres de rayon et pénètre sous la rue Denfert. A
l’angle de l'avenue de l’Observatoire et du boulevard
Saint-Michel se trouve la station de Port-Royal. Comme
on disposait, en cet endroit, d’un espace considérable,
la partie attenante à cette station est restée découverte
sur une longueur d’environ 80 mètres. Au delà, se
trouve un pont oblique par rapport à la voie et suppor-
tant l'extrémité du boulevard Saint-Michel. Ce pont est
fait de deux poutres longitudinales réunies par des
traverses entre lesquelles se trouvent, comme tout à
l'heure, des arches en briques. Ces traverses sont sou-
tenues par une pile centrale, et, à leurs extrémités,
par des murs de soutènement. Après le pont, le tunnel
ordinaire recommence. La figure 3 donne une demi-
coupe de ce tunnel. Un peu avant d'arriver à la station
du Luxembourg, la formation des quais a nécessité son
élargissement, et sa forme a été modifiée ainsi que
l'indique la figure 4. A la hauteur même de la station,
la chaussée est portée par un pont formé de 6 poutres
de près de 17 mètres de long et de 1%,50 de hauteur,
réunies par des traverses entre lesquelles ont été
construites de petites voûtes. On voit que le même
système se retrouve dans toutes les constructions en
240
fer qu'a nécessitées la ligne, Au delà du pont a été
creusé un bout de tunnel destiné aux manœuvyres de
machines,
Lorsqu'elle quitte l’ancienne ligne, la voie a une
pente de 1,6 pour cent. Au bout de 300 mètres, cette
pente est de 2,1 pour cent. Au-dessous de la rue Den-
fert, elle redevient égale à4 ,6 pour cent. C'estd’ailleurs
le chiffre moyen
pendant tout le par-
cours. Lesrails sont,
au départ, à 4,50
au-dessous du sol. A
la station de Port-
Royal, ils atteignent
plus de6®,30 et près
de 41 mètres au
bout de la ligne, Une
telle profondeur n'é-
tait pas exigée pour
le parcours actuel ;
mais elle a été adop-
tée en vue du raccord
avec le futur métro-
politain, Dans le pe-
tit tunnel qui suit la
station du Luxem-
bourg, la voie a été
rendue horizontale
IOEE DURE couche de Fig. 2,— Voie à couverture
ballast, L’inclinaison mélallique.
nécessaire pourrait
être facilement rétablie en cas de prolongement de la
ligne. s 1 AR
Pendant les travaux, avons-nous dit, les ingénieurs
ont été constamment gênés par les égouts, par les
multiples canalisations qui se trouvent sous les rues
de Paris, et surtout par la présence des anciennes car-
rières et des catacombes, Les voûtes de ces excavations
se trouvent de
12 à 20 mètres
au-dessous du
niveau desrails.
Mais leur pré-
sence était à
considérer avec É
attention, ainsi
que le prouvè-
rent de nom-
breux affaisse-
ments de mai-
sons du quar-
tier. Aux en-
droits où le toit
de la carrière
avait subsisté,
on construisit,
pour soutenir le
mur latéral du
tunnel, un autre
mur allant du
sol au sommet
de la voûte de cette carrière. Au
les cas de l’écroulement du toit, on
allant jusqu’au niveau de l'ancien sol. Les parois
en furent faites en solide maconnerie sur laquelle on
placa une forte voûte soutenant directement les murs
du tunnel. La figure 5 montre un exemple de cette
dernière disposition. Nous avons vu, d'autre part, com-
ment on a donné satisfaction aux astronomes de l’Ob-
servatoire en ce qui concerne la partie du tunnel qui
longe les murs de leur jardin. Quant aux égouts et aux
conduites diverses, ce fut plutôt un ennui continuel
qu'une véritable difficulté,
Les travaux de construction de la ligne devaient, 4
priori, satisfaire à trois conditions importantes :
1° Etre menés le plus rapidement possible ;
2° Exiger le minimum de dépenses;
Trottoin
Chaussee
<
\
\
Egout
Î
des quais,
contraire, dans
creusa un puits
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
Fig. 4. — Tunnel élargi pour la formation
3° Ne point interrompre la circulation publique.
Voici quelle fut la solution adoptée : ,
Les deux voies du tramway Montrouge-Gare-de-lEst
furent transportées près de chaque trottoir. Les voi-
tures continuèrent à être autorisées à circuler dans lan
rue Denfert et le boulevard Saint-Michel, excepté aux:
endroits où il existe des rues parallèles, D'autre part,
on laissa toujours.
libre au moins une
moitié de la chaus-…
sée : une tranchée.
était ouverte où mê-
me une série de fos-
ses dans lesquelles …
on élevait les piles …
sur une certaine lon-.
gueur. Cela fait, le.
niveau de la rue
était abaissé suivant
la forme de l'arche
du tunnel et sur une
largeur correspon-.
dant à la moitié de
celui-ci, Là-dessus,
on coulait une cou-.
che de plâtre qui
servait de fondation
à la maconnerie de
la demi-arche. Le …
travail était achevé .
de cette facon, puis
le niveau de la rue rétabli, et on recommencait pour
Pautre moitié du tunnel. La circulation resta done
absolument libre pendant les fouilles et l'enlèvement
des terres. Cette méthode, quoique un peu lente, a
donné d'excellents résultats.
Trois types différents de construction ont élé em-
ployés dans les proportions suivantes : tunnel en ma-
1 connerie, 19,1
pour cent; cou-
verture en bri-
queset fer, 15,2.
pour cent; voie.
à ciel ouvert,
5,1 pour cent.
La figure3 mon-
tre une section …
du tunnel. Sa.
largeur est de 9.
mètres ; la hau-.
teur des murs
latéraux de 3
mètres, leur é-"
paisseur de 1
m. #0. Ils com-
prennent des vi-
des destinés au
Fig. 5. — Exemple d'un mur du Lunnel Passage descon-m
soutenu parla voûte d'un puits infé- duites de drai=
rieur. nage, et, de 15
mètres en 15,
mètres, des refuges pour les hommes qui travaillent
sur la voie, Un petit chemin de 0,44 de largeur leur
est, en outre, réservé le long des murs, Nous avons
vu que la forme du tunnel change aux environs de la
station du Luxembourg; en cet endroit, la largeur to:
tale est de 16,80, l'épaisseur des murs latéraux de
3 mètres, la largeur des quais de mètres, et la dis-
tance entre quais de 6,80 (fig. 4). Lorsque la voûte est
faite en briques et en fer, l'épaisseur des murs de
soutènement est portée à 1",50. s
Dans le cas d’une ligne telle que celle qui nous oc=
cupe, c’est-à-dire presque entièrement souterraine, la
question du renouvellement de l'air était de premières |
importance, Sans précautions spéciales, l'atmosphère
viciée, tant par le passage des locomotives que par la
présence des hommes, deviendrait rapidement irresple
Le
Ê
|
= ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 241
- rable; car, si nous en jugeons par ce qui passe, à cer-
- tains jours, sur les lignes de banlieue, la ligne de Vin-
- cennes, les lignes de la Compagnie de l'Ouest, par
… exemple, il faut s'attendre à voir parfois sur la voie du
“ Luxembourg une circulation considérable, et dans ses
- stations le séjour continu d’une foule sans cesse renou-
;
velée. Aussi a-t-on construit de distance en distance
des puits qui débouchent dans le tunnel par des ouver-
- tures pratiquées soit dans les murs latéraux, soit à la
.
. Jair vicié dans une chemi-
. gares,
partie supérieure des voûtes. En outre, une sorte de
canal qui coule tout le long
du tunnel, est en commu-
nication avec un puissant
. ventilateur installé dans le
sous-sol de la station du
Luxembourg et poussant
née construite tout près
de là; il est mü par l’élec-
tricité. La génératrice de
courant se trouve à la sta-
tion Denfert qui contient
aussi des dynamos destinées
à l'éclairage des autres ga-
reset de la ligne, ainsi qu’à
la manœuvre des monte-
charges.
Nous dirons, avant de
terminer, quelques mots
sur la disposition des trois
Pour la première, place
_ Denfert, le vieux bâtiment
circulaire a été conservé, Le niveau des rails se trouve
à 5 ou 6 mètres au-dessous du sol de la salle d’enre-
gistrement des bagages. Un pont en fer a été jeté au-
- dessus de la voie. Il donne accès par trois passages
au quai de départ, au quai d'arrivée et au monte-
charges pour les bagages. Deux escaliers, situés de
chaque côté du pont, servent, l’un à l’arrivée, l’autre
au départ. Les murs de cette station, ainsi d'ailleurs
que ceux des deux autres, ont été recouverts de tuiles
vernissées blanches, et les arches, situées entre les tra-
- verses en fer, de briques également blanches. Il y a là
un supplément de dépenses qui est largement com-
pensé par la qualité de la lumière obtenue. La largeur
-des quais est de 5 mètres. Conformément à l’usage
généralement adopté en Angleterre, ils sont au niveau
du marche-pied des wagons; on sait que chez nous ils
sont placés plus bas. On pourrait toutefois trouver
des exemples du contraire : la ligne de Vincennes
nous en offre plusieurs.
La station de Port-Royal est à cheval sur la voie, Elle
a environ 140 mètres de hauteur et est portée sur
8 colonnes en fonte. La figure 6 en montre le plan
général. La salle des bagages est au niveau de la rue;
en face de l'entrée, se trouve un escalier divisé en trois
parties. La partie centrale sert à la descente, et les
deux autres à la montée, On arrive ainsi à une salle
d'attente et de distribution des billets d’où partent
deux groupes d’escaliers aboutissant aux quais de la
voie. Le premier groupe est destiné à la descente, le
second à la montée. Les flèches marquées sur la figure
indiquent le sens dans lequel marchent les voyageurs.
J'alle
d'attente
Fig. 6. — Plan de la station de Port-Royal.
On sait qu'aucune construction spéciale n’a été
faite pour la gare du Luxembourg, qui est la station
terminus. La Compagnie n’a pu obtenir l’autorisation
de bâtir dans le jardin, et, comme il était impossible
de songer à occuper une portion quelconque du boule-
vard, elle a été obligé d'acheter une maison privée dont
elle utilise le rez-de-chaussée et les caves. Cette maison
est située à l'angle de la rue Gay-Lussac et du boule-
vard Saint Michel. Dans les caves, se trouve la machi-
nerie nécessaire aux monte-charges ; au rez-de-chaussée,
la salle d'attente et la dis-
tribution des billets, De là,
on passe par un escalier à
une plate-forme placée à
4 mètres au-dessus des
rails d’où partent d’autres
escaliers aboutissant aux
quais. Comme dans les
deux premières stations,
les passages donnant accès
à la voie ont élé divisés en
deux parties bien distinc-
tes : la première destinée
aux voyageurs qui partent,
la seconde aux voyageurs
qui arrivent, Ces derniers
sortent directement dans
la rue.
M. Barclay Parsons, in-
génieur en chef de The
Board of Rapid Transit Com-
missioners of New-York, à
écrit dernièrement un rap-
port sur les Moyens de communications rapides dans les
grandes villes. Il y dit quelques mots de la ligne du
Luxembourg, qu’il regarde «comme l'exemple le plus
important, en Europe, de construction souterraine:
car c'est le seul cas où l’on se soit efforcé de pro-
duire une œuvre réellement élégante ».
M. Parsons ajoute que les difficultés nombreuses
qui se sont présentées ont été remarquablement vain-
cues. Il donne aussi les conclusions auxquelles ont été
conduits les ingénieurs francais. Ils ont reconnu qu'il
était préférable :
1° D’employer autant que possible la maconnerie au
lieu du fer;
20 D’éviter dans la maconnerie l’emploi des pierres
de trop grandes dimensions;
3° D’amener et d’enlever les pierres au moyen de
trains se mouvant sur la partie de la voie déjà cons-
truite ;
4 De placer les rails aussi près que possible de la
surface du sol, car la dépense à faire croit consi-
dérablement avec la profondeur à laquelle on tra-
vaille,
Quant au prix de revient de cette intéressante
petite ligne, il est encore impossible de l’évaluer exac-
tement, mais il a, paraît:il, certainement dépassé celui
qui avait été prévu. Le devis s'était élevé à près de
9.000.000 de francs, et la maison dans laquelle se trouve
la station du Luxembourg a déjà coûté, à elle seule,
1.450.000 francs.
A. Gay,
Ancien élève de l'École Polytechnique
249 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques. Denfer (J.), Architecte, Professeur à l'Ecole Centrale.
Ë — Charpenterie métallique. Menuiserie en fer et
Bachmann (Paul). — Zahlentheorie. Versuch Serrurerie. Tome I. (Généralités. Résistance du fer,
einer Gesammtdarstellung dieser Wissenschaft in ihren
Haupttheilen. Zweiter Theil. Die analytische Zahlen-
theorie —1 vol. in-8° de 500 p. (Prix : 15 fr.) B.G. Teub-
ner, éditeur, Leipzig. 1895.
Dans la Revue du 45 novembre 1893, M. Hadamard a
rendu compte du premier volume de l'ouvrage con-
sacré par M. Bachmann à l’Arithmétique supérieure, Le
second volume, objet de la présente notice, traite des
questions relatives à la théorie des nombres entiers,
mais où interviennent les procédés et notions de l’ana-
lyse infinitésimale, notamment les quadratures, les
séries, les produits infinis, etc.
La majeure partie du livre (dix chapitres sur treize)
est consacrée à la résolution, en nombres entiers x et
y, de l'équation indéterminée à deux inconnues :
f(x, y)= ax? + 2bxy + cy?=m, [a, b, ce, m— entiers],
ou, si l’on veut, à la représentation d’un entier m par
la forme quadratique binaire arithmétique f (æ, y).
On convient, ce qui est naturel dans la matière, de
ne pas considérer comme essentiellement distinctes
les formes f (x, y) et f (Ax + By, A'zx + B'y), les
quatre entiers A, B, A’, B' étant assujettis seulement à
la relation AB°-— BA" = 1. Toute la théorie est alors
dominée par la proposition suivante, à la démonstra-
tion de laquelle ont travaillé beaucoup de géomètres et
surtout Dirichlet : « À une valeur numérique donnée
« pour le discriminant b?— ac, correspond un nombre
« fini de formes quadratiques que l’on saura toutes
«construire. » Les formes quadratiques sont aussi
étudiées au point de vue de leur genre (matière trop
compliquée pour être développée ici) et de leurs rap-
ports avec la théorie des fonctions elliptiques.Citons
aussi cette importante proposition : Toute progression
arithmétique fournit une infinité de nombres premiers.
Les trois derniers chapitres sont consacrés aux
fonctions arithmétiques (zahlentheoretische), c’est-à-
dire à celles qui n’ont de sens que pour les valeurs
entières de la variable n. C’est par exemple le cas des
fonctions qui indiquent :
Combien un entier n a de diviseurs,
Quelle est la somme de ces diviseurs,
Combien il y a de nombres premiers ou premiers
avec n, non supérieurs à n, etc., etc.
L'étude des fonctions arithmétiques est extrèmement
ardue. On se contente le plus souvent de calculer leurs
valeurs moyennes, Ou bien on substitue à ces fonctions
d’autres plus simples (valeurs asymptlotiques), telles
que lerreur commise s’évanouisse pour » infini. Les
valeurs asymptotiques ont une grande importance dans
le calcul des probabilités, à cause de la loi dite des
grands nombres.
Je citerai aussi ce curieux résultat : la probabilité
pour que deux entiers, pris au hasard, soient premiers
entre eux est =. x étant 3, 1415926...
Bref, le livre de M. Bachmann fournit les indications
les plus précieuses sur l’état actuel de l’arithmétique
supérieure, science si attrayante par sa difficulté
même. Léon AUTONNE.
Vislicenus (D, W. F.), Professor an der Universität
zu Strasburg. — Astronomische Chronologie. —
4 vol. gr. in-8° de 160 p. (Prix : Cartonné, 6 fr. 25.)
B. G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1895,
2
de Pacier et de la fonte. Assemblages. Planchers en fer.
Supports métalliques.) — 1 vol. grand in-8° de 584 pages
et 479 figures, de l'Encyclopédie des Travaux Publics.
(Prix : 20 francs.) Gauthier-Villars et fils. Paris, 1895.
On a souvent dit de notre époque qu’elle porterait
dans l’histoire le nom de siècle du fer. Celui de siècle
de l'acier lui conviendrait mieux encore, si une périvde
un peu plus longue nous séparait de l’année 1900; car
l'acier, plus élastique et plus résistant que le fer, et ne
coùtant guère plus que ce dernier, se substituera cer-
tainement à lui, le jour prochain où on saura le fabri-
quer avec des qualités constantes, faciles à reconnaître
et à garantir, Qu'on emploie pour les édifier le fer ou
l'acier, un ouvrage sur les charpentes métalliques est
assuré de traiter une question qui restera longtemps à
l’ordre du jour, et ce n'est pas le plus mince éloge qu'on
puisse faire d'un livre. Celui de M. Denfer est du reste
concu de manière à être longtemps consulté avec fruit.
A côté de tous les renseignements pratiques dont le
constructeur a journellement besoin, se trouvent, fort
complètement et fort clairement traités les problèmes
théoriques que l'architecte et l'ingénieur peuvent avoir
à résoudre. Aussi ne pouvons-nous analyser, en quel-
ques lignes, un ouvrage aussi technique, nourri: de
détails et de chiffres, et nous devons nous borner à une
nomenclature, forcément un peu sèche, des chapitres.
Dans le premier, sont exposées les'xénéralités rela-
tives aux métaux ferreux: fers, fontes, aciers, et sont mi-
nutieusement décrites les formes commerciales des fers.
Dans le second, plus théorique que le précédent,
sont étudiées les questions relatives à la résistance des
métaux.
Le troisième chapitre est consacré aux assemblages
des éléments métalliques, en relation si intime avec la
solidité des constructions, Le suivant traite des chaïi-
nages, linteaux et poitrails.
Dans le quatrième chapitre est étudiée, avec tous les
détails qu’elle mérite, l’importante question des plan-
chers en fer.
Dans l2 cinquième chapitre on trouvera groupées
toutes les notions qui se rattachentaux supports verti-
caux (colonnes en fonte, poteaux et piliers en fer).
Cette liste montre assez par elle-même quele volume
en question n’est que le tome premier de l'ouvrage
complet. Celui-ci donnera, daus tous leurs détails, les
moyens d'édifier rationnellement les constructions
métalliques. Déjà, dans une simple page d’une haute
importance pratique, il rappelle les moyens trop sou-
vent négligés d’accroitre la durée de ces constructions.
On oublie, en effet, trop généralement, que ces ou-
vrages, parus immenses et alors élevés au prix de
frais et de labeurs énormes, sont voués, dans un avenir
relativement proche, à une ruine certaine. Le fer périt
fatalement par l'oxydation; celle-ci, lente sur les sur-
faces planes qui sèchent vite, est rapide sur les parties
qui restent longtemps mouillées, et s'accélère d’autant
plus que la rouille déjà produite fait éponge etconserve
l'humidité favorable à une corrosion plus profonde,
Quand l'oxydation attaque un assemblage, elle donne
lieu à une augmentation de volume irrésistible et arra-
che les meilleurs éléments de jonction.
On n’a pas oublié l'émotion produite par les résultats
de l’enquête à laquelle, sous la pression de catas-.
trophes récentes, on a procédé pour se rendre compte
de l’état des ponts de nos chemins de fer,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2,
D
[9
Et pourtant les précautions qu'il suffirait de prendre
pour rendre bien longuement durables les constructions
métalliques sont d’une simplicité élémentaire et d’un
prix presque nul. Elles consisteraient à peindre conve-
nablement les fers avant de les assembler, à ne jamais
jonctionner deux pièces sans interposer une matière
molle capable de durcir, à remplacer dans les joints
rivés le mastic libre par une bande d’étoffe mince en-
duite de ce mastic à l’état presque frais, à procéder à
la peinture définitive avec un soin minutieux et à la re-
nouveler assez souvent, enfin à disposer les fers sou-
mis aux intempéries de manière que l’eau de pluie ne
séjourne pas à leur surface,
Pourquoi faut-il que des précautions aussi élémen-
taires, qui ne majoreraient que d'un ou deux francs le
prix des cent kilos du métal employé, et qui décuple-
raient facilement la durée des ouvrages, soient si rare-
ment observées ! Espérons que les constructeurs, mieux
avertis par l'appel aussi désintéressé qu'éclairé que
leur adresse M. Denfer, seront à l’avenir plus soigneux,
Gérard LAVERGNE.
2° Sciences physiques.
Henry (A.), Ingénieur en Chef des Mines, Ingénieur en
Chef du Matériel et de la Traction à la Compagnie P.-L.-M,
— Etude expérimentale de la Vaporisation dans
les Chaudières de locomotives, faite dans les ateliers
du chemin de fer P.-L.-M. — (3° fascicule des Annales
des Mines de 1894.) Vue Ch. Dunod et Vicq. Paris, 1895.
L’essai des chaudières et des machines motrices n’est
pas un métier; c’est un art pour lequel il faut à l’expé-
rimentateur, en plus des ressources matérielles indis-
pensables à une opération de ce genre, un grand
dévouement, un profond savoir et un véritable tempé-
rament scientifique. Un essai bien fait a une portée
considérable quand il aboutit à des conclusions nettes
et précises; la théorie y trouve un appui et un contrôle,
la pratique en retire des données sûres et indiscuta-
- bles. Il n’est donc pas étonnant qu'on attache tant
d'importance à une étude expérimentale signée d’un
nom connu et estimé, et exécutée dans les conditions
voulues, pour qu'on ne puisse en contester les résultats,
Le travail des ingénieurs de la Compagnie du P.-L.-M.,
que viennent de publier les Annales des Mines, mérite
d'être classé parmi les meilleurs de l'espèce, Commencé
sur l'initiative et sous la direction de M. Henry, avec
la collaboration de MM. Chabal, Foucher, Trudon et
Mottet, cet essai a duré cinq ans; M. Henry en avait
communiqué partiellement les résultats au Congrès des
chemins de fer de 1889, mais la mort l'empêcha d'en
tirer toutes les déductions, et M. Marié fut obligé de
coordonner les données recueillies et d’en présenter
l’ensemble au public,
Le but de ces recherches était de mettre en lumière
l'influence de la longueur des tubes à fumée des chau-
dières de locomotives, tant sur la puissance de produc-
tion que sur le rendement économique de l'appareil;
on se proposait aussi de déterminer les meilleures
conditions d'établissement à adopter relativement aux
différences de tirage, aux changements de forme du
foyer (foyer ordinaire, foyer avec voûte en briques ou
avec bouilleur Tenbrinck), à l'étendue des grilles, au
nombre et au diamètre des tubes. Ce programme fut
élargi dans la suite et étendu à l'épreuve des tubes
à ailettes, système Serve, qui furent substitués aux
tubes lisses,
Le mémoire inséré aux Annales des Mines décrit
d’abord longuement les divers appareils employés au
cours de ces recherches, appareils de mesure de l’eau
d'alimentation, de pesage du combustible, de mesure
du tirage, de mesure des tem ératures, de détermina-
tion de l’eau entraînée, d’ana yse des gaz, etc.
Un second chapitre trace le programme et relate la
marche des expériences. Vient ensuite le calcul des
résultats, et l’exposé de ces résultats.
Tout cela ne peut être analysé, et nous renvoyons le
lecteur au lumineux exposé de M. Marié, Signalons
seulement les conclusions de ce remarquable travail :
Pour le foyer, les grandes surfaces de grille sont
avantageuses; les longs tubes améliorent le rendement,
mais limitent la puissance de production; une longueur
de 4,50 paraît, à tous égards, la plus avantageuse.
L'influence du tirage sur la puissance est considérable;
mais il convient de prendre des dispositions pour en
faire varier l'intensité dans les plus larges limites
possibles : c’est le meilleur moyen de donner à la
puissance de la locomotive l'élasticité dont elle a
besoin et de permettre de régler cette puissance sur le
travail à développer à tout instant. On doit chercher à
multiplier le plus possible le nombre des tubes.
Un fait d'une grande importance pratique se dégage
de cette étude : on voit que le rendement d’une chau-
dière déterminée, d’un type donné, peut varier consi-
dérablement avec les dimensions relatives de ses
diverses parties (grille, surface de chauffe, car-
neaux, etc.), et avec les conditions de son fonctionne-
ment (tirage, activité du feu, qualité du charbon, etc.).
En. particulier, une chaudière du type locomotive peut
donner de 7,0 à 10,5 kilog. de vapeur par kilogramme de
charbon, c’est-à-dire qu’elle est, pour ainsi dire à
volonté médiocre ou excellente.
L'étude expérimentale faite par les ingénieurs du
P.-L.-M. contribuera grandement au perfectionnement
des locomotives : l'initiative des promoteurs de cet
important travail n’a pas été stérile, et ils ont, de plus,
le mérite d’avoir produit une œuvre vraiment scienli-
fique. A. Wirz.
Heen (P. de) et Dwvelshauvers-Dervy (EF. V.). —
Etude comparative des isothermes observées par
M.Amagat et des isothermes calculées par la for-
mule de Van der Waals.— Une brochure de 12 p.et
d planches, extraite du Bulletin de l’Académie Royale
de Belgique, 1894.
Si l’on applique la formule de Van der Waals au cal-
cul des expériences de M. Amagat sur les isothermes
de l'acide carbonique, on obtient une concordance mé-
diocre pour l'isotherme de 198, et mauvaise pour celles
qui correspondent à des températures inférieures à 100°,
à tel point que les valeurs calculées de p et de pv, pour
un volume spécifique donné, dépassent le double des
valeurs observées lorsqu'on atteint 500 atmosphères ;
la concordance devient beaucoup meilleure si l’on
suppose le covolume et la pression interne variables
avec la température (voir à ce sujet la communication
faite par M. Amagat à la Société francaise de Physique,
le 16 mars 1894). En prenant, pour chaque isotherme,
une valeur particulière de ces quantités, la concor-
dance entre les résultats du calcul et ceux de l’expé-
rience est assez satisfaisante. Les divergences qui
subsistent conduisent les auteurs à la conclusion
que l’on devrait introduire un terme de condensation
interne, pour tenir compte des écarts aux faibles pres-
sions, La variation du covolume qui donne la meilleure
concordance entre le calcul et l'expérience conduit à
attribuer à cette quantité une valeur qui augmente
de 0,001 environ par degré, entre 30° et 258°, Cette va-
riation n’est autre que la dilatation ‘cubique moléculaire,
que l’on trouverait ainsi, pour l’acide carbonique, sen-
siblement égale à la dilatation cubique d’un grand
nombre de liquides organiques. Ch.-Ed. GuiLcaume.
Fourtier (H.). — Les Lumières artificielles en
Photographie. — 1 vol. in-8° de 160 pages avec 19 fig.
et 8 pl. (Prix : 4 fr. 50). Gauthier- Villars et fils, édi-
teurs. Paris, 1895.
Celivre,admirablement édité comme toutes les publi-
cations de la maison Gauthier-Villars et fils, contient
des spécimens d'illustrations vraiment remarquables.
Ce sont des reproductions de photographies dues à di-
vers amateurs, et qui, faites au moyen des lumières
décrites dans l'ouvrage, permettent d’apprécier les
mérites des méthodes qu’il préconise.
1O
rad
pa
8° Sciences naturelles.
Congrès géologique international. Session de Was-
hington. — 1 vol. gr.in-8° de 530 p. et 40 figures avec
nombreuses planches et cartes hors texte. Imprimerie du
Gouvernement. Washington, 1895.
Le gros volume dans lequel sont résumés les travaux
du Congrès de Washington est, pour la plus grande
partie, consacré à la géologie des Etats-Unis, et il nefaut
point trop se plaindre que les discussions sur des sujets
qui sont le but du Congrès semblent sacrifiées à l’ex-
posé des faits siintéressants dela Géologie américaine. Il
semble prématuré,en effet,de vouloir établirune classifica-
tion génétique des dépôtspléistocènes, alors qu'onn'est pas
fixé en France et en Angleterre sur la position relative
des deux faunes quaternaires et qu'on discute encore
la réalité d’une phase interglaciaire; des discussions de
ce genre ne peuvent aboutir qu'à montrer l'incertitude
des données qui sont la base de la discussion. D'un
plus grand intérêt est l'exposé des principes qui doivent
servir à établir la corrélation chronologique des roches clas-
tiques, On trouvera dans les notes de MM. Gilbert, Mc
Gee et Lester Ward des choses excellentes sur ce sujet.
La fin du volume est consacrée au compte rendu des
excursions géologiques auxquelles le Congrès a donné
lieu. M. Mc Gee, avecle concours de MM. G. H. Williams,
Bailey Willis, N. H. Darton, y a résumé la géologie des
environs de Washington, et M. C, Van Hise l’histoire de
la région précambrienne du lac Supérieur dont il a
donné une excellente petite carte d’ensemble et des
cartes de détail. L’excursion finale aux montagnes
Rocheuses a été l’occasion pour M. Emmons de donner,
avec la collaboration de nombreux géologues, un véri-
table Guide (221 p.13pl1.28 fig.) danslarégion parcourue.
Cette excursion a été une des plus grandes attractions
du 5° Congrès, dont les membres, dans un parcours de
plus de 9,000 kilomètres accompli en 25 jours, ont
traversé deux fois la distance qui sépare la côte de
l'Atlantique du bord ouest du grand bassin du Colorado.
Nous trouvons dans les procès-verbaux du Congrès
l'annonce de la création d’une Commission internatio-
nale de bibliographie géologique, On jugera de l’impor-
tance et de Putilité du travail que se propose d’exé-
cuter cette Commission par le programme exposé par
M. de Margerie. Il s’agit : 4° de dresser la liste des
bibliographies géologiques qui existent déjà; 2 de
faire l'inventaire des parties de la littérature spéciale
qui n'ont pas été l’objet de ce dépouillement, de ma-
nière à arriver à la mise au clair, une fois pour toutes,
de la bibliographie rétrospective ; 3° de procéder à
l'enregistrement périodique de la bibliographie cou-
rante, Souhaitons que la Commission mène son projet
à bonne fin et que la bibliographie géologique rétros-
pective avance plus rapidement que la carte géologique
d'Europe, entreprise par le Congrès et dont nous at-
tendons toujours les premières feuilles, promises pour
4891 et 1892. Mais il est probable que l’exécution de
cette bibliographie comporte de solides difficultés, car
elle n’a pu paraitre, comme on l'avait projeté, à la suite
du voiume du Congrès de Washington.
A. Bicor,
Mesnard (Eugène), Préparateur à la Sorbonne. —
Recherches sur la formation des Huiles grasses
et des Huiles essentielles dans les Végétaux.
(Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de
Paris). — 4 broch, in-8° de 142 p. avec 3 pl. @. Mus-
son, éditeur. Paris, 1895.
L'état où nous voyons la physiologie des plantes
depuis un quart de siècle n'est pas fait pour encou-
rager, On à bien découvert quelques lois, précisé des
phénomènes, groupé certains faits, mais en si petit
nombre qu'on peut se demander s'il ne fauf pas
regrelter tant d'efforts appliqués à des problèmes qui
paraissent encore insolubles, La somme des faits éta-
blis n’est pas en rapport avec l’activité déployée. Où
faut-il chercher la cause de cette impuissance ? M. Mes-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
nard nous le dit : il déclare en commençant que l'étude
du contenu de la cellule n’est pas suffisamment faite,
qu’il est encore impossible d'établir les grandes lignes
de l’histoire de la biologie cellulaire; sans doute, aussi,
il appartient à la technique microchimique de définir
les relations qui peuvent exister entre les différentes
substances renfermées dans la cellule végétale et
d'établir des équations chimiques qui résument les
principaux faits; mais, nous dit plus loin M, Mesnard :
« Les réactions microchimiques, on le sait, ne fournis-
sent pas toujours des résultats absolus. Elles laissent,
lorsqu'on à fait de longues observations, certaines
impressions qui prennent dans l’esprit la force de la
vérité, mais qu'il est prudent, néanmoins, de ranger
jusqu'à nouvel ordre dans la catégorie des hypo-
thèses, » Après cet aveu d’impuissance, il nous dé-
clare que son travail est exclusivement basé sur des
réactions microchimiques; nous le regrettons; la
microchimie est d'un puissant secours, mais elle ne
saurait révéler à elle seule le mode de production et
l'origine des huiles grasses ou essentielles, pas plus
que des autres substances qui gravitent autour d’elles;
elle a pu aider l’auteur à « examiner les principaux
points de l’histoire d’une cellule à protoplasme chlo-
rophyllien »; mais elles n’ont pu lui donner la solution
des problèmes qu’il rencontrait. Aussi, en dehors des
transformations chimiques au sujet desquelles il
annonce des faits positifs, nous trouvons surtout dans
ce travail des hypothèses émises, sans essai de confir-
mation, sur des points d’un intérêt réel pour la ques-
tion qu'il s’est posée. Une opinion personnelle, fondée
sur l’observation de la cellule, aurait sa place dans le
débat. Le physiologiste ne doit pas, ce nous semble,
négliger la morphologie cellulaire, dont la connais-
sance exige des qualités si rares!
Si toutefois M. Mesnard a tenu à ne se révéler que
comme chimiste, ne lui demandons pas autre chose.
Dans ce domaine, il nous donne de précieux rensei-
gnements; son mémoire sera lu avec profit. Il ne croit
pas, contrairement à l'opinion courante, qu’une dias-
tase intervienne, d'ordinaire, dans la mise en œuvre
des réserves oléagineuses; il pense que les matières
albuminoïdes hydratées sont les agents de la disloca-
tion des matières grasses, et qu’elles les entraînent
dans les parties où elles-mêmes vont se déposer à la
maturation de la graine. En dehors des graines, l’huile
se forme dans toutes les parties vertes de la plante.
Les réactions microchimiques permettent de déter-
miner sans peine le lieu d'élection des essences dans
les pétales des fleurs et ailleurs; elles sont toujours
un produit de transformation du protoplasme chloro-
phyllien; elles n'apparaissent que lorsque l'activité
chlorophyllienne est amoindrie; l'huile essentielle
n’est pas le seul produit de désassimilation de la
cholorophylle; il faut encore considérer comme tels
les tanins, des matériaux constitutifs du latex, des
pigments colorés, etc.
Si M. Mesnard n’abandonne pas les études où il s’est
engagé, les Algues et les Champignons Phycomycètes
lui fourniront certainement d'utiles sujets d'observa-
tion et d'expérience.
Ch. FLAHAULT,
Massart (Jean), Assistant à l'Institut Botanique de
Bruxelles. — La Récapitulation ét l'Innovation
en Embryologie végétale. Ontogénie de la plan-
tule. Organogénie de la feuille. — Un volume in-8°
de 100 pages, avec figures et quatre planches. Imp. An-
noot-Bræckmann, Ad. Hoste successeur. Gand, 1895.
Le développement de l'individu représente-t-il, sous
forme condensée, les diverses phases de l’évolution de
la race? M. J. Massart étudie deux chapitres particuliers
de cette grande question, limitant ses recherches à
l’évolution de la plantule et de la feuille. Sa conclusion
est que les exemples de récapitulation sont rares chez
les Végétaux et ne portent guère que sur des carac-
tères provenant d’ascendants peu éloignés.
et remit ii le One dem Cl Ds à M ai
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 24
Qt
4° Sciences médicales.
Letulle (D' M.), Professeur agrégé à la Faculté de Mé-
decine de Paris, Médecin de l'Hopital Saint-Antoine. —
Pus et suppuration. — Un vol. petit in-8° de l'Encyclo-
pédie scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par M. H.
Léauté, de l’Institut. (Broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.)
Gauthier- Villars et fils et G. Masson, Paris, 1895.
Comme son titre l’indique, l'ouvrage est divisé en
deux parties principales : l’une où sont exposés les
caractères physiques, chimiques et histologiques du
pus ; l’autre, relative à la suppuration, à ses causes, à
son mécanisme, à son évolution,
M. Letulle commence par établir les caractères des
divers liquides purulents, leur aspect, les indications
w’on en peut tirer, les raisons de leur coloration va-
riable, suivant la proportion de leucocytes, de granu-
lations graisseuses, d’hématies qu’ils renferment. Le
pouvoir chromogène des microbes pyogènes influe sur
les colorations du pus, qui devient lactescent avec le
staphylocoque blanc, jaunâtre avec le staphylocoque
doré, bleu avec le bacille pyocyanique. La densité du
pus oscille entre 1021 et 1040. Sa consistance va de la
fluidité extrême des sanies à la solidité caséeuse du
pus mastic. L’odeur douceâtre ou presque nulle des
abcès développés à l’abri de l’air prend un caractère
infect, fécaloide auvoisinage des voies digestives, am-
moniacal dans les voies urinaires, putride dans les lé-
sions gangréneuses. La quantité du pus est très faible
dans les abcès miliaires, énorme dans certaines col-
lections pleurales ou péritonéales.
M. Letulle insiste avec raison sur la nécessité d’exa-
miner le pus issu d’un abcès quel qu'il soit. Dans la
présence de corps étrangers grossiers, de fragments
d'étoffe, de projectiles, d’esquilles osseuses, de cail-
lots, de détritus alimentaires, de calculs urinaires ou
biliaires, d'urine, de bile, de lait, on trouve desenseigne-
ments positifs sur la nature et l’origine de la maladie,
Il en est de même pour la constatation de parasites, hel-
minthes, hydatides, grains d’actinomycose, etc.
Le pus en général se compose d’une partie solide
contenant des éléments figurés cellulaires ou autres et
d'une partie fluide, séreuse. Elles sont dans le rapport
de 4 à9 dans les pus séreux ossifluents ; de 2 à 7 ou
3 à 8 dans les autres cas. Le pus est le plus souvent
alcalin. Sa composition chimique est très complexe,
dépendant de nos humeurs, de nos tissus et des orga-
nismes étrangers qu’il contient.
L'examen microscopique du pus y montre des glo-
bules purulents de divers ordres : leucocytes mono-
nucléaires, leucocytes éosinophiles, leucocytes polynu-
cléaires neutrophiles, granulations graisseuses, cellules
fixes conjonctives ou endothéliales, lymphocytes et
éléments embryonnaires, noyaux libres, En outre, on
peut rencontrer, suivant la qualité du pus, des corps
étrangers extrêmement variables et qui sont invisibles
à l'inspection macroscopique tels que des corpuscules
métalliques ou autres et des corpsorganiques. Ces der-
niers sont soit des cellules provenant de l’organe qui
a fait les frais de la suppuration, soit des fibres con-
jonctives ou élastiques, soit des cristaux d’hématoïdine,
des cristaux d'acides gras, de cholestérine, des con-
crétions biliaires ou urinaires, soit des agglomérations
de cellules cancéreuses. On y découvre des parasites
divers comme l’échinocoque, le cysticerque, la filaire
de Médine, la bilharzia hematobium, des amibes, etc.
Le pus renferme encore parfois des sporozoaires, coc-
cidies ou des champignons, saccharomyces, aspergillus,
penicillium, etc. Enfin, suivantle cas, toutes les va-
riétés des microbes pyogènes peuvent y être décélées,
La deuxième partie de l'ouvrage débute par une des-
cription magistrale du foyer de suppuration. Les di-
vers stades de la nécrose liquéfiante des tissus y sont
exposés avec une fougue entrainante, toujours main-
tenue par une rigueur analytique poussée jusqu'aux
confins de nos connaissances histo-chimiques, Il y a là
une dizaine de pages de pathologie générale qui font
honneur au remarquable auteur de L’« Inflammation ».
L'étude des causes de la suppuration est justement
réduite par M. Letulle à celle des microbes pyogènes.
Ces causes sont, en effet, de deux ordres : chimiques ou
infectieuses, Or celles-ci se confondent pour ainsi dire
en une seule, car la colonie microbienne n’agit en
somme que par les substances pyogéniques, chimiques
qu’elle produit. Dans la plupart des cas observés en
clinique, la suppuration est d'origine infectieuse. Les
microbes sont pyogènes accidentellement ou habituel-
lement. M. Letulle dresse une liste détaillée des espèces
les plus communes de ces deux catégories.
Les substances pyogéniques, produits vitaux des mi-
crobes, déterminent de la part des tissus conjonctif et
vasculaire les réactions essentielles du phénomène
morbide. Introduits dans l'organisme par effraction, à
la faveur d’un traumatisme minime, souvent ina-
percu, les agents pathogènes se propagent le long des
conduits naturels; ils peuvent être transportés au loin
par les canaux sanguins ou lympathiques suivant le
mode embolique. Arrêtés en un point quelconque de
organisme, les germes se développent, pullulent tandis
que les clasmatocytes se mobilisent et prolifèrent et
que les leucocytes sortent des vaisseaux. Pendant ce
temps la phagocytose a lieu, mais sous l'accroissement
continu des microbes, sous la production constante de
leurs toxines, les éléments fixes des tissus se détruisent,
La masse des leucocytes disloque les lignes cellulaires ;
les appareils cellulaires se morcellent; l’action des
ferments diastasiques complète la nécrose, la liqué-
faction des éléments ; des poisons organiques se pro-
duisent, tels les leucomaines et ptomaines du pus que
l’on commence à connaître.
Dans cette action complexe, le terrain où évolue le
germe morbide joue un grand rôle. Suivant l'orga-
nisme envahi, suivant l’organe atteint, le même mi-
crobe n’aura pas les mêmes effets. La fonction pyo-
gène qui est elle-même facultative, n’est pas une preuve
de virulence exaltée.
Le livre de M. Letulle comprend, en outre, des dé-
tails techniques précis sur les méthodes d'examen du
pus, la coloration des éléments histologiques ou des
micro-organismes. Toute une partie est réservée, avec
figures à l'appui à l'étude de quelques pus spéciaux
(actinomycose, helminthiase, tétanos, etc.).
C’est, en somme, un traité sur un point capital de la
pathologie générale. Modestement présenté sous pré-
texte d’aide-mémoire, l’ouvrage, par la clarté de l’ex-
position, l'allure du style, la netteté et la précision
scientifiques, donne au lecteur la plus entière salis-
faction et témoigne du goùt de son auteur pour les
études auxquelles il se voue, Dr A. LÉTIENNE.
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-8 colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en cou-
leurs. 514° et 5152 livraisons. (Prix de chaque livrai-
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes,
Paris, 1895.
Les 514° et 515e livraisons renferment les biographies
de l'écrivain polonais Kraszewsky, par M. Trawinsky ;
du philosophe allemand Krause, par M. Cramaussel;
du révolutionnaire russe Kropotkine, par M: Charnay ;
de Mme de Krüdener, par M. Debidour; de l'écrivain et
moraliste français La Bruyère, par M. P. Souday; du
naturaliste français Lacépède, par M. L. Harn; un
article de M. Léon Sagnet sur la famille, les usines et
les canons Krupp; une étude de M. Larbalétrier sur le
labour, son but, ses conditions et les différentes espèces
de labour aujourd’hui usitées; deux notes de M. Ch.
Vélain sur les roches appelées Labradorites et sur les
masses éruptives désignées sous le nom de laccoli-
thes ; enfin une description du Labrador, due à M. L.
Didier.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 18 Février 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Paul Tannery, qui
a prêté son concours au déchiffrement de l'inscription
astronomique de Keskinto, montre quelles conclusions
importantes on peut en tirer sur l'état de la théorie
des planètes immédiatement avant Hipparque. —
M. H. Poincaré montre que la méthode de Neumann
s'applique encore à la résolution du problème de
Diriclet, lors même que la surface sur laquelle ôn
suppose répandue une couche double de matière atti-
rante n’est pas convexe, pourvu que la densité y de
l'électricité en équilibre sur la surface satisfasse à
l'équation / bydw — 0, L'auteur développe en outre
certaines propositions auxquelles il fut conduit par
l'extension du problème précédent, — M. Resal fait
l'historique des diverses formes proposées pour l'in-
trados des voûtes en anse de panier; il détermine en
outre une forme analogue à la forme primitive de
Huyghens dont la construction est commode, mais de
manière qu’elle soit plus agréable à l'œil. — Le même
auteur fait hommage du tome [ de la seconde édition
de son « Traité de mécanique générale, comprenant les
lecons professées à l'Ecole polytechnique ». — M. Ap-
pell présente un ouvrage intitulé : Théorie des fonctions
algébriques et de leurs intégrales, dont il est l’auteur, en
collaboration avec M. Edouard Goursat. Le but des
auteurs est d'exposer la conception de Riemann pour
la représentation des fonctions algébriques et de leurs
intégrales sur une surface formée de feuillets super-
posés, et de faire connaître les principales découvertes
auxquelles ont donné lieu les travaux du grand géo-
mètre dans la voie ouverte par Abel, Cauchy, Puiseux
et Jacobi. — M. G. Humbert démontre l’existence
d’une surface du sixième ordre, liée aux fonctions
abéliennes de genre trois,
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Prompt adresse un mé-
moire relatif à la congélation de l’eau. — M. Kilian
signale une secousse seismique constatée à Grenoble
le 3 février, à 6 heures 240” du matin. — M, V. Ducla
adresse une classification générale des corps simples
d’après les quantités de chaleur absorbées par 1 déci-
mètre cube de chaque corps, à l’état solide, pour une
élévation de température de 4°, — M. Arm. Gautier
rappelle qu'en 4877 il remarquait que la chlorophylle
des épinards, qu'il venait d'obtenir cristallisée, diffé-
rait de celle d’autres végétaux par sa pauvreté en azote,
sa plus grande richesse en oxygène et ses propriétés
spéciales, et qu'il établissait ainsi la preuve de la
pluralité des chlorophylles. — Le même auteur adresse
une note sur la valeur agricole des phosphates d’alu-
mine, où il montre que la facilité d'assimilation de
ces phosphates ne saurait s'appliquer qu'aux phos-
phales indirectement issus des fermentations des
matières azotées, animales ou végétales, phosphates
généralement amorphes ou indistinctement et partiel-
lement cristallisés. — M. Aimé Girard revient sur sa
méthode de dosage des composés tanniques par la
fixalion de ces corps par une membrane animale de
composition délinie et constante, et établit que l’opé-
ration, conduite avec des fils convenablement apprêtés,
conduit à des résultats précis et concardants avec les
autres méthodes. — M. Lecoq de Boisbaudran fait
remarquer que l’argon, dans sa classification des poids
atomiques, viendrait prendre place dans une famille
d'éléments dont aucun terme n’était encore connu,
éléments dont l’atomicité serait théoriquement paire,
mais qui devraient être privés de la faculté de se
combiner aux autres éléments. — M. Vigouroux
énonce les propriétés du silicium amorphe obtenu en
réduisant la silice par le magnésium; il paraît se
rapprocher du silicium cristallisé et n'a rien de com-
mun avec les variétés amorphes « et B décrites par
Berzélius. — M, Lindet établit que c’est à l’action d’une
diastase, renfermée dans le tissu de la pomme et ap-
partenant au type des laccases, qu’est due l’oxydation
du tanin de ce fruit; cette diastase produit directe-
ment l'oxydation, ou dédouble le tanin en molécules
plus oxydables, — M. X. Rocques, à la suite d’un grand
nombre d'analyses d’eaux-de-vie, conclut que, dans
leur examen, les éléments d’appréciation les plus
nets paraissent être la quantité totale des substances
volatiles étrangères à l'alcool éthylique, les teneurs en
éthers et en alcools supérieurs et le rapport de ces
deux substances. Si, à ces données chimiques, on joint
la dégustation faite par des personnes exercées, on à
en main des éléments suffisants pour établir, dans
beaucoup de cas, la nature des eaux-de-vie,. — M. H.
Dufet expose l'étude comparée des cristaux de ferro-
cyanure, ruthénocyanure et osmiocyanure de potas-
sium ; ces cristaux biaxes présentent un isomorphisme
parfait tant au point de vue cristallographique qu’au
point de vue optique.
C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — MM. H. Lecomte et A. Hé-
bert ont étudié les graines de Moäbi au point de vue
botanique et chimique. C’est une plante de la famille
des Sapotacées dont l’écorce, très épaisse, contient
dans un système de laticifères articulés un latex
abondant, épais, et fournissant par coagulation un
produit assez riche en gutta-percha. — M. Lafon a
observé les modifications du sang par le traitement
thermal de l’eau de la Bourboule, source Choussy-
Perrière. Il résulte de trois années d’observations que
les globules rouges augmentent de nombre dans le
cas de chloro-anémie; dans la leucocytémie, le nombre
des globules blancs diminue. — M. A. Labbé étudie le
noyau et la division nucléaire chez les Benedenia,
coccidies polyplastidées, parasites de la Sepia offici-
nalis. — M. Ch. Janet a observé la ponte de la Vespa
crabro et indique le mode de conservation de la chaleur
dans le nid par l'enveloppe générale. — M. Reyt
complète ses observations sur l'étage Tongrien supé-
rieur ou Stampien dans la Chalosse, et démontre
l'influence de mouvements généraux post-tongriens,
indépendant des grands mouvements post-éocènes qui
les ont précédés, — M. A. Lacroix présente quelques
considérations sur le métamorphisme de contact
auxquelles il à été amené par l'étude des phénomènes
de contact de la Iherzolite des Pyrénées. — M.Cayeux
étudie la composition minéralogique et la structure
des silex du gypse des environs de Paris. |
3. Marti.
25 Février 1895.
M. le Ministre de l’Instruction publique, des Beaux-
Arts et des Cultes adresse ampliation du décret par
lequel le Président de la République approuve l’élec-
tion de M. Guignard dans la Section de Botanique. —
M. Weierstrass est élu associé étranger en remplace-
ment de feu M. Kummer, — MM. Bertrand, Fizeau,
Berthelot, Schlæsing, Larrey, Damour, sont chargés
de préparer une liste de candidats pour la place d’aca-
démicien libre, vacante par le décès de M. de Lesseps.
— M. Linder prie Abd ie de le comprendre parmi
les candidats à cette place,
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Resal étudie Ja
Séance du
: ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
19
5
a |
pénétration d’un projectile dans les semi-fluides et les
solides et donne une nouvelle expression de la résis-
tance à la pénétration, en faisant intervenir les notions
que nous possédons maintenant sur la cohésion des
semi-fluides et la résistance au cisaillement des solides.
La profondeur de la pénétration est représentée par
une expression de la forme : A log. vulg. (1 + n V,),où
V, représente la vitesse du mobile au moment de la pé-
nétration. — M. Emile Picard indique une classe bien
délimitée d'équations dont la théorie parait susceptible
d’être approfondie avec détails et dont l'intégrale géné-
rale est une transcendante uniforme jouissant de pro-
priétés intéressantes, — M. de Jonquières énonce la
propriété suivante. Le produit II (a) de n nombres en-
tiers différents a, b, c,.… multiplié par le produit IT (a-b)
de leurs différences deux à deux, a pour valeur un
multiple } des n premières factorielles, c’est-à-dire :
m{a).m(a— b) =A.n!(n—1)!...3!2!
ilen indique en outre quelques conséquences concer-
nant les dépendances mutuelles des déterminafions
potentielles. — M. Bardes adresse un mémoire relatif
aux lois fondamentales d’une synthèse algébrique. —
M. Humbert arrive à la conception d'une surface du
sixième ordre se rattachant à la surface de Kummer
par les considérations suivantes : Une sécante issue,
d’un point O (x, 0,,#,, æ) coupe une surface de qua-
trième ordre K (x,, æ,, &,,) — 0 en quatre points
d, @, 4, &, qu'on peut répartir en deux couples de
trois manières. Si 4,, a, et &,, a, est un de ces groupe-
ments, les couples 4,, &,, et ,, a,, déterminent sur la
sécante une involution du second ordre, dans laquelle
le point O à un conjugué m. Cette construction donne
trois points #%# sur toute sécante issue de O et le lieu
des points »%, quand la sécante varie, constitue la sur-
face du sixième ordre annoncée, — M. Leau énonce
un théorème relatif à l’existence de solutions holo-
morphes pour un système d'équations ‘fonctionnelles
d’un type très général, et étend, sur certains points,
au cas de plusieurs variables, la théorie développée par
M, Kœnigs, — M. Tresse applique sa méthode géné-
rale de la recherche des invariants différentiels d’une
multiplicité analytique soumise aux transformations
d’un groupe continu de Lie, à l'équation particulière ;
dy (: : dy
FF NN EL
et indique les résultats très simples obtenus, — M. N.
Bougaief énonce quelques théorèmes reliant entre eux
le nombre et la somme des diviseurs du nombre # qui
ne surpassent pas n.
20 ScieNCES PHYSIQUES. — M. Deslandres a fait l'étude
spectrale de la planète Jupiter au point de vue des va-
riations spéciales de longueur d’onde ou des déplace-
ments que la rotation impose à la lumière. L’expé-
rience montre que, lorsqu'un corps est éclairé pardiffu-
sion, sa lumière subit le déplacement, non seulement
par rapport à l’observateur, mais aussi par rapport à la
source. — M. Poincaré était arrivé à la conclusion
précédente par le calcul ; la lumière réfléchie par la
planète a subi une triple absorption : par l'atmosphère
Solaire, par l'atmosphère planétaire et par l’atmo-
sphère terrestre. Les raies dues à ces différentes absorp-
tions ont subi des déplacements différents, — M. C.
Flammarion montre l'usage que l’on peut faire de la
photographie pour la détermination exacte de la posi-
tion du pôle, en laissant les étoiles marquer, par leur
mouvement autour de ce point, leurs trainées sur la
plaque destinée à enregistrerce mouvemént.— M. Lipp-
mann fait connaître un dispositif qui ne fait interve-
uir, dans la mesure du temps, que des instruments de
précision inanimés et supprime par conséquent l’équa-
tion personnelle dont l'erreur résiduelle demeure
toujours voisine de 5 de seconde. — M, d’Abbadie
annonce que M. Bréguet lui avait fait voir autrefois un
dispositif qui permettait d'arriver au même résultat,
— M. de Malherbe adresse une note relative à l'emploi
d’un ballon captif pour les explorations au pôle Nord.
— M. Schubert adresse une note concernant un projet
de traversée de la Manche au moyen d’un canal tubu-
laire immergé. — M. Carvallo demande l'ouverture
d’un pli cacheté relatif à l'établissement théorique des
lois de l'absorption cristalline : 4° pour le rayon ordi-
naire, l'indice de réfraction et le coefficient d’absorp-
tion sont constants, quel que soit l'angle du rayon lumi-
neux avec l'axe; 2° la loi de l'indice de réfraction
extraordinaire n’est pas altérée sensiblement par l’ab-
sorption ; 3 l'absorption du rayon extraordinaire est
représentée par la formule :
k ko
ke
— = — cos?0 + = sin? 4
n° n°? ne
où k, n, 6 représentent le coefficient d'absorption. l’in-
dice de réfraction et l'angle de la normale à l’onde
plane avec l’axe cristallographique. — M. A. Ponsot
établit des relations nouvelles relatives à l’abaissement
du point de congélation et à la diminution relative
de la tension de vapeur dans les dissolutions étendues ;
il conclut que la croissance de l’abaissement molécu-
laire à partir d’une dissolution convenable n’entraine :
pas nécessairement la dissociation en ions dans les
dissolutions étendues, ni une constitution spéciale
de ces dissolutions. — M. A. Leduc s’est proposé
d'étudier les abaissements moléculaires des dissolu-
tions très diluées en remplacant la mesure de varia-
tions de températures très faibles par celle de pres-
sions relativement considérables, Il établit la relation
qui existe entre l’excès de pression et la concentration
de la dissolution en s'appuyant sur la loi de van t’Hoff :
Sp RTE RE
100 (u=—= ul) M
ou u etu' sont les volumes spécifiques du dissolvant pur
à l’état solide et à l’état liquide, — M. Paul Charpen-
tier donne la description d’un pressomètre sensible,
pour la mesure des pressions des fluides et qui peut
être utilisé pour déterminer les tensions de vapeur,
saturées dans le vide, ou en présence d’un gaz étranger
pour la densimétrie ou l’alcoométrie. — M. Georges
Lemoine mesure l'intensité de la lumière par l’action
chimique produite, en opérant avec des mélanges de
chlorure ferrique et d'acide oxalique; il fournit les ré-
sultats d'expériences faites avec la lumière directe du
soleil et avec des lumières colorées. — MM. Haller et
Th. Muller ont effectué l'étude ébullioscopique de
certains colorants du triphénylméthane et reconnu
que les chlorhydrates des matières colorantes du
triphénylméthane amidé ne sont pas dissociés, tandis
que les chlorures d'ammonium et le chlorhydrate de
nitrosodiméthylaniline le sont de la facon la plus nette.
— M. de Koninck adresse une réclamation de priorité
concernant les propriétés signalées dans les sulfures
de nickel et de cobalt, — M. A. Mosnier à préparé
quelques combinaisons nouvelles de l’iodure de plomb
avec d’autres iodures métalliques ou organiques, les
iodures d'ammonium, de sodium, de lithium, des mé-
taux alcalino-terreux, — M, V. Thomas signale
quelques combinaisons formées par le bioxyde d'azote
et les chlorures de fer soit directement, soit à l’état de
dissolution :
re2CI5AzO; 2Fe2CI6,AzO; Fe CI, AzO + 2H° 0.
MM. A. Brochet et R. Cambier ont étudié l'action de
l’aldéhyde formiquesurle chlorhydrate d hydroxylamine
et le chlorhydrate de monométhylamine; il se forme,
dans le premier cas, l'oxyme correspondante en quan-
tité calculée et, dans le second, la triméthyltriméthy-
lène-triamine (CH3 Az CH?), — MM. Ph. A. GuyeetL.
Chavanne ont recherché si la position du maximum
{x}? dans la série des éthers amyliques dérivés des
acides gras de la série normale était modifiée par une
élévation de température entre 60 et 70°; ce maximum
248
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ET TT TT TT TT TT TT em
ne change pas. Les mêmes auteurs ont trouvé aussi une
valeur maxima dans une série d’éthers oxydes dérivés
de l'alcool amylique actif. Ces maxima du pouvoir rota-
toire correspondent avec ceux qu'indique la formule
du produit d’asymétrie, — M. Timiriazeff établit :
4e que la protochlorophylle de M. Monteverde est
identique avec sa protophylline naturelle; 2° quil
n'existe pas de différence notable entre les protophyl-
lines artificielle et naturelle. C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Sappey présente à
l'Académie un atlas d’anatomie descriptive de
M. Laskowski, — M. Milne-Edwards présente le pre-
mier fascicule du « Bulletin du Muséum d'Histoire
naturelle ». —M. Koubanoff adresse un travail sur les
champignons du paludisme, — M. Laulanié fournit
de nouvelles recherches sur les variations corrélatives
de l'intensité de la thermogenèse et des échanges
respiratoires. En faisant intervenir certaines condi-
tions (inanition, contraction musculaire, tonte et
hydrothérapie), on constate que la valeur des caracté-
ristiques biologiques, le coefficient respiratoire en
CO?, par exemple, subit des fluctuations considérables.
— M. Raphaël Dubois démontre que le sommeil hi-
vernal de la marmotte est une auto-narcose carbonico-
acétonémique. Les principes somnifères, toxalbumines,
toxines et autres produits semblables n’existent pas
chez la marmotte en hibernation ; mais lauteur a
trouvé de l’acétone dans le sang, de telle sorte qu’en
injectant 5 centimètres cubes de ce liquide dans le tissu
cellulaire d’une grosse marmotte, il s’est produit une
torpeur prolongée, mais sans hypothermie, — M. L.
Vaillant, dans une étude sur le Rhinatrema bivittatum
Cuvier, de l’ordre des Batraciens Péromèles, montre
que ce batracien n’est pas un Ichthyophis glutinosus,
comme le faisait Peters, mais que le genre Epicrionops
Boulenger est identique au genre Rhinatrema. —
M. Pizon, dans une étude sur l’évolution du système
nerveux et de l’organe vibratile chez les larves d’As-
cidies composées, montre que chez les larves de
Fragarium et d'Amaroucium, l'organe vibratile est une
portion de la vésicule endodermique primitive, Le
ganglion définitif est une production du système ner-
veux larvaire, — M. Racovitza montre que le rôle
des Amibocytes, chez les Annélides polychètes, est de
déposer du pigment excrétoire dans l’épiderme et de
digérer au profit de l’organisme entier les substances
de réserve qui s’y sont accumulées. — M. Thoulet
indique quelques applications de locéanographie à la
Géologie. J. MARTIN.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 19 Février 1895.
M. le Président annonce la mort de M. Dujardin-
Beaumetz, membre de l'Académie.
M. Panas fait un rapport sur un mémoire de M, le
Dr Kalt, intitulé : Traitement de l’ophtalmie des nou-
veau-nés, — Il présente ensuite un deuxième rapport
sur un travail du D' Malgat (de Nice), relatif au trai-
tement de la conjonctivite granuleuse par l’électrolyse.
— A propos des récentes réclamations de priorité sur
la constatation de la transmission des propriétés immu-
nisantes par le sang des animaux immunisés, M. Babes
(de Bucarest) fait savoir qu'il est le premier qui ait
annoncé des résultats certains (1889). MM. Richet et
Héricourt, en 1888, n'avaient parlé que de probabilités.
— M, Laborde poursuit sa communication sur la va-
leur comparative des différents procédés employés
pour ranimer les enfants nés en état de mort appa-
rente. Il démontre que, en principe physiologique, fa
méthode des tractions rythmées de la langue est
supérieure aux autres procédés. — M. Tarnier prend
la défense de l'insufflation; il fait remarquer que,
contrairement à l'opinion de M, Laborde, l’air insufflé
à l'enfant par le praticien ne contient pas d’acide
carbonique. Il conclut en disant que les procédés
d’insufflation, qui ont fait leurs preuves, doivent rester
dans la pratique. — M. Kelsch présente quelques
remarques à propos du coup de chaleur; il montre
qu'une partie des troubles fonctionnels graves, qui
portent l'étiquette coup de chaleur, ressortissent à des
facteurs individuels, à des dispositions morbides, na-
lives ou acquises, à des lésions latentes, en un mot à
des tares pathologiques silencieuses jusqu'alors, qui,
sous le coup d'efforts trop longtemps soutenus, se
démasquent brusquement et se déploient en manifes-
tations plus ou moins tumullueuses, pouvant aboutir à
un dénouement fatal.
Séance du 26 Février 1895.
M. le D' Gross (de Nancy) se porte candidat au titre
de correspondant national dans la Ie Division (Chi-
rurgie). — MM. Bergonié (de Bordeaux) et Hugou-
nenq (de Lyon) sont élus correspondants nationaux
dans la IV° Division (Physique et Chimie médicales,
Pharmacie).
M. le Président annonce le décès de M. Alphonse
Guérin, ancien président, et lève la séance en signe
de deuil, après que M. Lucas-Championnière a eu
donné lecture du discours qu’il a prononcé au nom de
l’Académie aux obsèques du défunt.
SOCIETE DE BIOLOGIE
Séance du 17 Février 1895.
M. Morat (de Lyon) envoie une note à propos des
idées nouvelles sur le système nerveux; il estime qu'il
faut distinguer nettement les phénomènes #rophiques
des phénomènes fonctionnels; le corps de la cellule
représenterait le centre trophique, tandis que le rôle
fonctionnel serait échu au chevelu cellulaire. Il croit,
en outre, qu'il ne faut pas accepter sans réserves les
hypothèses de M. Mathias Duval sur la contractilité des
prolongements cellulaires. M. Dastre soutient les
idées de M. Morat. M. Mathias Duval défend son
hypothèse et n’admet pas la distinction entre centre
trophique et centre fonctionnel. — M. Foveau de
Courmelles fait une communication sur la distribu-
tion de l’ozone atmosphérique et ses rapports avec les
épidémies ambiantes, — M, Féré présente quelques
remarques sur l’évolution de l'instinct chez les jeunes
poussins, — M. Garnault a recherché des relations
entre la forme du crâne et la topographie du rocher.
— M. Girard (de Toulouse) a trouvé dans un kyste de
l’épididyme une substance albuminoïde que ni la
chaleur, ni l’acide acétique n’ont pu précipiter, —
M. Oechsner de Coninck envoie une note sur les
réactions des urines pathologiques. IL montre que la
réaction avec le nitroprussiate de soude n’est pas
spéciale à la créatinine, mais peut provenir aussi de
l'acétone.
Séance du 23 Février 1895.
M. Marmorek est parvenu à préparer du sérum anli-
streptococcique doué d’un pouvoir préventif et curalif
assez intense. On avait jusqu'alors échoué dans ce genre
de recherches parce qu’on n'avait pas pu obtenir des
microbes et des toxines assez virulents. — M, Roger
rappelle qu'il a entrepris depuis quatre ans des expé-
riences analogues, — M. Mouret décrit une lésion
expérimentale du pancréas provenant d’une injection
d'huile aseptique dans le canal de Wirsung, suivie de
la ligature de ce dernier, — MM, J.-B, Charcot et
Marineseo relatent l’observation, chez un malade de
treize ans, d’une paralysie bulbaire supérieure subaiguë
à type descendant, — M. Hayem présente une série de
coupes de l'estomac montrant qu'il est possible d’étu-
dier la muqueuse stomacale avant le début de l’auto-
digestion de l'estomac, — M. Mathias Duval présente
quelques observations sur la reproduction des chauves-
souris et sur leurs embryons, — M. Bonnier, par
l'étude physiologique de l'oreille, est arrivé à consi-
dérer le limaçon, non comme un résonnateur, mais
comme un appareil enregistreur,
| al dt sb dés ind he Dé dirt létttmstent dit dit à
un
sd,
.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
249
SOCIÉTÉ PHILOMATHIQUE DE PARIS
Séance du 26 Janvier 1895.
Ch. Bioche donne la condition pour qu’un faisceau
de coniques soit constitué par les projections d'une
cubique gauche. — M.Franchet présente un important
mémoire sur les Ombellifères de la Chine.
Séance du 9 Février 1895.
M. Biétrix présente quelques considérations sur les
notions de la cime et l’endothélium à propos du réseau
branchial des poissons.
Séance du 23 Février 1895.
M. André fait une communication sur des théorèmes
empiriques d’arithmétique. — M. Biétrix présente
quelques observations complémentaires sur une com-
munication précédente. Il indique la différence qu'il y
a lieu d'établir entre des formations non semblables
portant en anatomie générale le nom de lacunes. —
M. Bioche donne un procédé élémentaire pour cons-
truire, avec une grande approximation, la longueur
d’une circonférence de rayon donné. — M. André fait
remarquer que la formule du pendule peut ètre rem-
placée par la formule { —\e très rapprochée.
Ch. Brocne.
SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE FRANCE
Séance du 20 Février 1895.
Elections : Sont élus membres de la Société : MM.Lé-
meray, Fontès, Maillet, Emile Borel.
M. Rafy fait une communication sur certaines équa-
tions différentielles du premier ordre. I indique le moyen
de former des équations dont l'intégrale générale s’ob-
tient en remplacant la dérivée de la fonction inconnue
par une constante arbitraire, et qui ne se présentent
pas sous la forme considérée par Clairaut. 11 pose le
problème général qui consiste à trouver toutes les
équations jouissant de cette propriété, — M. Goursat
présente quelques observations sar le même sujet,
, M. »'OcAGne.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
1° SCIENCES PHYSIQUES
F. Newall, — Note sur le spectre de l'argon.
— Au cours de recherches spectroscopiques qui eurent
. lieu en mai et juin 1894, l’auteur remarqua la présence
fréquente, sur ses photographies, d’un spectre de
_ lignes qui lui sembla avoir été ignoré jusqu'alors.
Les conditions dans lesquelles ce spectre se montra
pour la première fois, le conduisirent à lui donner le
nom de « spectre à basse pression »., Ayant choisi les
meilleures photographies qu’il avait obtenues, M. Newall
y mesura 61 lignes; il reconnut que 17 étaient complè-
tement nouvelles et faisaient partie du nouveau spectre,
- tandis que les autres lignes appartenaient aux spectres
du mercure, de l’azote, de l'hydrogène et de différents
hydrocarbures. Depuis, M. Newall prit connaissance
des communications faites à la Société Royale de
Londres et dans lesquelles lord Rayleigh et W. Ramsay
ont exposé le résultat complet de leurs recherches sur
l'argon, et il est arrivé à la conviction que les lignes
nouvelles de son spectre à basse pression étaient les
lignes du spectre de l’argon. Voici les conditions dans
lesquelles le spectre de l’argon est apparu dans les
recherches de l’auteur : Un tube de verre est scellé her-
métiquement à une pompe pneumatique à mercure
(du type Tôpler-Hagen), dans laquelle une couche
d’acide sulfurique concentré flotte à la srface du mer-
cure. On fait le vide dans le tube jusqu'à la dernière
limite possible, puis on laisse rentrer l'air. On refait
le vide, et la pression est réduite jusqu'à d’at-
mosphère (— 0,14 mm.) ; si, suivant la méthode du P*
J.-J. Thompson, on entoure alors le tube d’une bobine
de fil traversée par un courant alternatif de haute fré-
quence, produit par la décharge d’un condensateur,
un brillant effluve se produit à travers le gaz restant
dans le tube. L'auteur fit passer ainsi la décharge pen-
dant 30 minutes, pendant lesquelles il prit une photo-
graphie du spectre produit. Pendant ce temps, la pres-
" 1
sion du gaz dans le tube tomba de la valeur de ——
112
d’atmosphère (0,13 mm.) à (0,085 mm.). Le spectre
montra fortement les bandes de l’azote, ainsi que les
lignes du mercure et du cyauogène, faiblement les
lignes de l'hydrogène ; on ne trouva ni les lignes de
l'oxygène, ni celles de l’argon. La décharge passa de
nouveau pendant 30 minutes, et une nouvelle photo-
graphie fut prise; la pression tomba de ee d’at-
mosphère (0,076 mm.) à = (0,015 mm.). Le spectre
de l’azote s’effaca considérablement, et il apparut un
certain nombre de fines lignes qui, malgré toutes les
recherches, ne purent être identifiées avec celles d’au-
cune substance connue. La nature de la méthode d’in-
vestigation du spectre de M. Newall est telle qu'il
n'est pas difficile de trier, parmi les nombreux spectres
qui apparaissent superposés sur la plaque photogra-
phique, les lignes qui appartiennent à l’un quelconque
de ces spectres. Jusqu'à présent, l’auteur a pu mesurer
72 lignes de son spectre à basse pression, mesures qui
sont données dans letableau de la page 250. Côte à côte,
on trouvera les mesures des longueurs d’onde détermi-
nées par M. Crookes pour les lignes de l’argon. La
concordance de ces mesures montre d’une manière
concluante qu'il s’agit, dans les deux cas, du même
spectre. Entre H, et la longueur d'onde 370, l'accord
est tout ce qu’on doit espérer, étant donné le fait que
les mesures de l’auteur ne sont que préliminaires et
qu'il ne pourra donner que plus tard une série de va-
leurs absolument exactes; entre H, et He, il ya,entre
les deux séries de mesures, une différence systéma-
tique de trois dixièmes de mètre qu'il a été jusqu’à
présent impossible d’expliquer. En tous cas, la concor-
dance du groupement et de l'intensité ne laisse aucun
doute quant à l'identité du spectre de lignes à basse
pression de M. Newall et du spectre de l’argon. L’au-
teur a réduit ses mesures d’après l’échelle de lon-
gueurs d’onde de Rowland, et il conclut, d’après la
ligne Hg (F), que c’est l'échelle d’Augstrom dont
M. Crookes s’est servi pour réduire ses mesures. Mais
la différence entre les échelles n’est pas suffisante
pour qu'on lui attribue les différences citées plus haut.
M. Newall a répété plusieurs fois ces expériences avec
de légères variantes ; les résultats obtenus ont été
constants en ce qui concerne le spectre de l’argon. IL
faut seulément noter/que, si on continue à faire passer
la décharge dans le tube, la pression s’abaisse jusqu’à
une certaine valeur minimum, après quoi elle remonte
lentement et d'une faible quantité jusqu’à une valeur
qui se maintient à peu près fixe, Il est intéressant de
voir ainsi l'existence de l’argon s'affirmer dans des
circonstances tout à fait nouvelles, qui constituent
pratiquement un nouveau mode de séparation de
largon d’avec l'azote, séparation qui consiste à se
débarrasser de l'azote en faisant passer la décharge
électrique au travers en présence d'hydrogène ou d’hu-
midité et d’un peu d’acide.
Capstick,— Sur le rapport des chaleurs spéci-
fiques de quelques gaz composés. — Ce rapport a été
déduit de la mesure de la vitesse du son dans les gaz
en question, mesure pour laquelle on a employé la
méthode de Kundt, Voici quelques résultats :
Ÿ
Chlorure de méthylène.......... CHACLEAPAES TRE. 1,219
Goroforme 2120 ee CHGPMAN Mee 1,154
Tétrachlorure de carbone....... (HUE SEM 1,130
Chlorure d'éthylène............. CHAINE EE 1,137
250
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
Tableau des longueurs d'onde
H. F. NEWALL
SUR
LA PHOTOGRAPHIE
songueur ss.
Longueur! Ltensité
d'onde
4579.8
4847
808.
4766,6
12
4482.
#460.
4431.
4426.
4421.
#14.
4401.
4400 .
DPI ve
Quoique l'intensité fût
seulement de 5, le
groupe CAz a ef-
facé cette série de
lignes.
415.8
130.9
10%.
1082,
075,8
072.4
1069.
œ
CS = © Œ RO CI ET LS
oo &e Qt et
DRE
MESURE DES LIGNES
WILLIAM CROOKES, — 2% Janvier 1895
_ Les déux spectres de l'argon
BLEU
Longueur
d'onde
Intensité
ROUGE
œ ; FA
Longueur | tensité
d'onde
487.9 L
Chlorure d’éthylidène........... C?H?CI2...... he;
Ethylène........ re rene ner 1,26%
Bromure d’acétylène........,... CHSBL A EEE 1,198
Chlorure d’allyle.….. b 14 4
Bromure d'allyle. 2/0 ee ; 5750047088
Formiate.d’éthyle:-1. 9000 HCOOC2H5. ...-. 1,194
Acétate:de méthyle: M". CH$COOCH®... . 1,137
Hydrogènessulfure 221 H?S....
Anhydrie carbonique te AOUA
SUMUTEITeNCATDONELE LEE ES CS?
On voit que les corps isomères ont sensiblement le
même rapport y. L'auteur donne une démonstration de
la formule : ;
PEN
pour calculer 8, rapport des deux coefficients d’acerois-
sement avec la température, de l'énergie intérieure de
la molécule et de l’énergie de translation. Le rap-
port RES
7 estconstant pour les paraflines etleurs déri-
vés halogènes monosubstitués, ce qui prouve que
pour ces corps le rapport de l'accroissement de l’énergie
totale à l'accroissement de l'énergie cinétique detrans-
lation de la molécule est proportionnel au nombre d’a-
tomes de la molécule.
20 SCIENCES NATURELLES
E.-F, Blackman (B. Sc. B. A.), Démonstratewr de
Botanique à l'Université de Cambridge. — Recherches
expérimentales sur l'assimilation et la respira-
tion chez les végétaux. — I. Sur une nouvelle mé-
thode pour étudier les échanges d'acide carbonique dans
les plantes. — II. Sur les voies que suivent les échanges
gazeux entre les feuilles aériennes et l'atmosphère.
I — M. Blackman donne dans ce mémoire la descrip-
tion d'un appareil qui permet d'apprécier exactement la
quantité de CO? exhalée par une graine en germina-
üon ou une portion de feuille, et cela d'heure en
heure, sans interruplion, pendant un temps aussi long
qu'on le désire, et aussi d'évaluer l’absorption de CO?
la plus active, même pour des périodes qui ne dépas-
sent pas 15 minutes, par la même surface foliaire;
grâce à cet appareil, on peut apprécier simultanément
et séparément les quantités de CO? absorbées par les
deux surfaces foliaires. Un courant d'air, contenant
une quantité de CO° aussi petite qu'on la peut désirer,
peut être constamment amené à une partie du tissu
considéré, tandis que simultanément on fait des do-
sages du CO? exhalé par la respiration d’une autre
partie de ce tissu dans un courant d’air, exempt de CO?,
Le dosage du CO? se fait par la méthode bien connue
de l’absorption par une solution de baryte qu’on titre
par l'acide chlorhydrique, L'innovation consiste en ceci
qu’une petite quantité de la solution de baryte (infé-
rieure à 15 c. ce.) est employée dans chaque expérience,
et qu'après l'absorption toute la quantité dont on s'est
servi est titrée dans le tube mème où l’absorption a
eu lieu. Les burettes contenant les solutions types sont
toujours en communication avec le tube où se fait
l'absorption par des voies où l’air ne peut pénétrer, et
il ne pénètre pas d'air dans la chambre d'absorption
qui ne soit purgé de CO?, à l'exception du courant
soumis à l’examen, Les deux courants d'air qui traver-
sent constamment l'appareil sont produits par deux
aspirateurs d'un type spécial qui, construits sur le
principe de la bouteille de Mariotte, fournissent un
écoulement goutte à goutte pratiquement constant,
quel que soit le niveau de l’eau à leur intérieur, et sont
adaptés à fonctionner régulièrement avec une vitesse
d'écoulement très faible de 50 à 100 c. c. par heure.
Les courants qui traversent l’appareil n'ont jamais à
traverser une couche de liquide et sont si exactement,
lorsqu'ils atteignent la plante, à la pression atmosphé-
rique, que fout risque est évité d’extraire mécanique=
ment des g az de la partie soumise à l’examen. L’air est
privé de CO? au moyen d’une tour pleine de grains de
| verre où coule constamment un courant de solution
ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
25£
forte de potasse. Le générateur de CO? se compose
. d’un grand tube contenant des fragments de marbre,
où le courant d'air passe à une vitesse constante, tandis
que de l'ACI, très dilué, ruisselle sur ces fragments
à une vitesse très lente, que des arrangements spéciaux
rendent constante et indépendante des variations exté-
rieures de température. Lorsque la quantité de CO?
- produite reste au-dessous de 2 °/,, le générateur fonc-
fionne très régulièrement, Les récepteurs où sont
placés les fragments de plante à étudier sont aussi petits
que le permet la nécessité de garder en bon état ces
fragments de plante, pour que les changements de
* composition du gaz soient aussitôt que possible sensi-
bles dans le courant d'air qui va de ces récepteurs aux
les dosages sont faits, et que le courant d’air ne passe
plus à travers les chambres d'absorption, il passe à
travers une colonne d’eau qui présente une résistance
. égale à celle de la solution de baryte dans la chambre
. d'absorption, ce qui permet à la vitesse du courant de
À demeurer constante, On arrive à une approximation
» suffisante dans les recherches dont il s’agit par l’em-
loi de solutions normales au 20°, On se sert conne
e réactif coloré de la phénolphtaléine, et des réactions
- spécialement délicates peuvent être obtenues pour
marquer la fin du titrage, puisqu'on s’est débarrassé
de tout le CO? atmosphérique. Les burettes, étroites et
A 1 à 1
graduées en & de c. c., peuvent être lues au c. c.
avec un dispositif simple pour éviter la parallaxe. Des
séries de dosage de contrôle ont été souvent faites
avec des erreurs qui ne dépassaient pas 0.1 °/. Cela
correspond à _ c. c. de CO®. Dans des expériences de
courte durée, = c. ce. de C0? peut être dosé avec assez
d’exactitude pour qu'on tire des conclusions fermes.
IH, L'acide carbonique pénètre-t-il dans la feuille et
en sort-il parles stomates ou à travers la cuticule? C’est
là une question que les traités récents de botanique
- résolvent de la manière la plus diverse. Les travaux de
Graham, de Frémy, de Barthélemy, de Boussingault,
avaient amené à penser que c'était à travers la cuti-
cule que se faisaientles échanges gazeux ;lesexpériences
de Mangin (1888) sur la cuticule isolée ont établi, en
revanche, que cette diffusion est impuissante à rendre
compte de la totalité des échanges gazeux de la feuille.
Grâce à l'appareil décrit plus haut, on à pu évaluer
les quantités de CO? émises ou absorbées par les deux
faces de la même feuille, placées dans les mêmes con-
ditions. De nombreuses expériences sur la respiration
de diverses feuilles épaisses et minces, n'ayant des
… stomates que sur une de leurs faces, ou des stomates
… diversement distribuées sur les deux faces, s'accordent
à montrer que les stomates sont le siège de l'exhala-
-tion du CO?, Quand il n’y a pas de stomates à la face
supérieure d’une feuille, elle n’exhale pas par cette
surface de CO?, ou, du moins, n’en exhale que des
traces. Quand il y a des stomates sur les deux faces, les
quantités relatives de CO? sont proportionnelles au
nombre de stomates sur chaque face. Les expériences
sur l'absorption du CO? donnent les mêmes résultats.
Une expérience très simple montre que les stomates
sont, pratiquement, la seule voie par où le CO*° pénètre
dans la feuille. Si l’on enduit de cire une partie de la
face inférieure d'une feuille dont la face supérieure ne
porte pas de stomates, il ne se forme pas d’amidon dans
cette partie de la feuille, tandis qu’il s’en forme dans
les parties avoisinantes, La théorie de l’échange cuti-
culaire avait trouvé son appui le plus solide dans les
expériences de Boussingault, qui avait montré que,dans
des conditions identiques, des feuilles de Nerium Oleander
- assimilaient moins de CO? quand la face supérieure,
qui ne porte pas de stomates, avait été couverte d’un
enduit, que lorsque cet enduit était appliqué sur la
… face inférieure qui est stomatifère, Mais il faut remar-
… quer que Boussingault placait les feuilles dans une
… atmosphère coutenant 30 °/, de CO2. Or, l'assimilation
du CO? ne se fait bien, pour cette feuille, que dans une
- de Mis!
w
chambres d'absorption par des tubes étroits. Lorsque
atmosphère qui en contient de faibles quantités, de
sorte que si, lorsque les stomates restaient ouverts, la
décomposition €u C0? était moins active, c'était non
pas parce qu'il pénétrait dans la feuille une moindre,
mais, au contraire, une plus grande quantité de ce gaz.
Dans une atmosphère qui ne contient qu'une faible
proportion de CO, la feuille dont les: stomates sont
ouverts décompose une plus grande quantité de ce gaz
que celle dont les stomates sont bouchés. L'auteur
est arrivé à la conclusion que, dans les conditions nor-
males, les stomates sont pratiquement la seule voie
par où le CO? pénètre dans la feuille ou en sort. Puisque
l'oxygène diffuse plus facilement que le CO? à travers
‘les petites ouvertures, le même fait se vérifie probable-
ment pour l'oxygène et pour tous les échanges gazeux.
‘Dans des conditions anormales, lorsque les stomates
ou espaces intercellulaires sont bouchés et que la ten-
sion du C0? dans l’atmosphère qui environne la feuille
est assez grande, le CO? peut passer par osmose à
travers la cuticule. La fermeture des stomates, qui se
produit dans l'obscurité, n'empêche pas la distribution
des échanges gazeux de concorder avec celle des sto-
mates. L’exhalaison de CO? par une branche feuillue
placée en pleine lumière {expérience de Garreau) n’est
due qu'aux imperfections des conditions, à l’existence
de parties non encore mûres, de tissus qui ne sont pas
suffisamment verts ou qui ne sont point suffisamment
éclairés. Des feuilles vertes, mûres, isolées des autres
parties de la plante et complètement éclairées assimi-
lent tout leur CO? respiratoire et n’en exhalent jamais,
en si faible quantité que ce soit.
SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 25 Janvier 1895.
M. Medley a fait une étude des lampes à incandes-
cence, dont voici les principales conclusions. Les
lampes actuellement employées donnent un nombre
de bougies qui augmente à mesure que la lampe sert
depuis plus longtemps; une lampe Edison-Swan, qui
est marquée 100 volts,S bougies, donne à 100 volts un
éclairement moyen de 10 bougies (anglaises), et la
puissance moyenne dépensée par bougie est environ
43 watts; de sorte que la lampe consomme 43 watts;
avec Les lampes de ce type, il ne devient jamais éco-
nomique d'enlever une lampe et de la mettre de côté
avant que le filament n’ait brûlé; on n’a pas d'économie
notable en les poussant, M. Ayrton attribue l’amélio-
ration des lampes à l’usage, à ce fait que le vide y de-
vient de plus en plus parfait.
MM. Anderson et, Me Clelland: Sur le maximum de
densité de l’eau et son coefficient de dilatation au
voisinage de cette température. On a employé le ther-
momètre à liquide(le dilatomètre) contenant une quan-
tité de mercure telle que, dans l'intervalle de tempé-
rature étudié, le volume intérieur occupé par l'eau
reste bien constant. On observe dès lors la dilatation
réelle et non la dilatation apparente. On a fait des
expériences à diverses pressions, Pour la température
du maximum de densité :
A ! atmosphère, on a trouvé........
Alm — Ps rise 4°,1823
A 2 — — esse 40,1756
M. Rhodes estime qu'on n'a pas pris des précautions
suffisantes pour le calibrage du thermomètre, et ne
croit pas que la température soit connue dans ces
expériences, à moins d'un dixième de degré.
Séance du 8 Février 1895.
On procède au renouvellement du Bureau. M. le ca-
pitaine Abney est nommé président.
M. Croft présente quelques appareils à banc d'op-
tique, polariscopes, ete. — M. Skinner : Sur la pile
à étain et chlorure chromique. C’est une pile qui a été
étudiée par M. Case, de New-York : elle a été pré-
sentée comme ne donnant pas de f, é.m. à la tempéra-
ture ordinaire, mais en ayant une notable à 1009.
L'auteur a trouvé que, directement reliée à un galva-
nomètre, elle ne donne rien en effet à la température
252
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES D.
ordinaire, et donne quelque chose à 100°; mais sa
f. 6. m., mesurée par la méthode de Poggendorff, est
0 volt 4% à 15° C, et 0 volt 40 à 97°, La pile primitive
consistait en une lame d'élain et une de platine plon-
gées côte à côte dans une solution de chlorure chro-
nique; les piles étant reliées, on a la réaction :
Cr?CI5 E Sn = 2CrCl° + Sn CR
Quand on détache les pôles, et que la pile se refroidit,
il se produit la réaction inverse. L'auteur a substitué
à l’étain un amalgame d’étain,
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
MM. Arthur L. Linget Julian L. Baker ont étudié
l'octacétylmaltose CH (0OC2H30)03, qu'ils ont pré-
parée par l'action de l’anhydrique acétique et de
l'acétate anhydre de sodium sur la maltose portée à
l’état d’ébullition. Ils en décrivent les propriétés et
donnentson pouvoir rotatoire :(x)o — + 62,22 pour le
corps dissous dans le chloroforme, et (4), = + 59,84
pour le corps dissous dans l'alcool. — Les :nêmes au-
teurs communiquent leurs recherches relatives à l’ac-
tion de la diastase sur lamidon, L'analyse et les déter-
minations cryoscopiques attribuent au corps ainsi
obtenu la formule C2H2#01; son pouvoir rotatoire esl
(4)n = 143. Toutefois, d'après l'examen des; autres
propriétés de celle substance, on peut lui donner pour
formule : C2H20010 EL H20. — M. Martin O. Forster
a étudié laction de l'acide azotique fumant sur les
dérivés du dibromocamphre. Dans cette réaction, il y
aurait départ de deux atomes d'hydrogène que rem-
placerait un atome d'oxygène. Le corps obtenu, soumis
à l'analyse, correspond à la formule C!'H:2Br202 —
M. E. Diners, F.R.S , a préparé le sulfate acide d'hy-
droxylamine AZH20HH?S0* par l’action du chlorhydrate
d'hydroxylamine cristallisé sur l'acide sulfurique pris
en quanti é calculée. Le produit est ensuite chaufré
plusieurs heures à 100° pour chasser l'acide chlorhy-
drique, puis abandonné sous le dessiccateur jusqu'à
cristallisation. — M.S, Hada, en traitant un nitrate
de mercure par l’hypophosphite de potassium, à
obtenu un précipilé instable d'un sel double de nitrate
et hypophosphite de mercure HgH?PO2?,Hg4A703,H20.
Ce sel fait explosion à 1000, De la même manière, il à
pu préparer l’hypophosphite de bismuth Bi(H?PO2“H°0.
— M. A.-G. Perkin fail une communication sur le
Kamala, — M. Mac-Laurin, dans ses recherches rela-
tives à l’action du cyanure de potassium en solution
aqueuse sur l'or et l'argent en présence de l'oxygène,
a trouvé que les quantités d’or et d'argent dissoutes
par une solution donnée de cyanure sont proportion-
nelles aux points atomiques de ces métaux. Les
grandes variations de solubilité de l'or et de l'argent,
dans une solution de cyanure, peuvent s'expliquer par
le fait que la solubilité de oxygène dans les solutions
de cyanure diminue à mesure qu'augmente la concen-
tration. — M. William J. Pope est arrivé, par
l'étude des formes cristallines, à caractériser les iso-
mères de l'acide diméthylpimélique que l’on avait pu
distinguer déjà par l'étude de leurs propriétés chimi-
ques. — MM. W.-R. Hodgkinson et A.-H. Coote ont
fait réagir le magnésium en poudre sur quelques
composés de Ja phénylhydrazine et plus spécialement
sur l’acétylphénylhydrazine el la benzoylphénylhy-
drazine. Ce dernier corps donne, lorsqu'on le traite
par le magnésium et qu’on le chauffe dans une cornue,
une série de produits de décomposition parmi les-
quels on à trouvé l’hydrogène, l'azote, l’ammo-
niaque, du benzène, de l’aniline et du benzoate d’am-
monium, — M. R.-M. Delley : Nelation entre les équi-
valents de réfraction et éléments, et la loi périodique.
— M.J, Normann Collie à éludié l’action de la cha-
Paris. — Imprimerie K. Leve, rue Cassette, 17
leur sur le 8 amidocrotonate d'éthyle. En distillant ce.
corps, le produit qui se forme le plus abondamment
est léthoxylutidine : L:
2C6H11Az02—CH13Az0-+ AzH3-LCO+CO+C2+ CHE,
La réaction donne également naissance à une petite
quantité de diméthylpyrrol et à un dérivé de la série
pyridique. On n'a pu diazoter le 8 amidocrotonate par
l'acide chlorhydrique et le nitrite de sodium; toute
fois, l'action des vapeurs nitreuses a fourni un produit
d'addition :
CSHSAz20 + A702-LH20=C5H10A750%.
M. M. Haya et Y. Osaka communiquent leurs tra-M
vaux sur l’acidimétrie de l'acide fluorhydrique. —
Mile C. Wulker, à la suite de ses recherches sur les
anciens objets d'art en argent provenant du Pérou, «
croit pouvoir déduire qu'ils étaient faits avec de l'ar-
gent natif, — Mile F -T. Litleton à étudié les change-
ments moléculaires subis par l'argent lorsqu'on en
fait l’amalgame. — M. W.-H. Perkin junior a préparé
les principaux dérivés de l'acide sulfocamphylique ; il
en décrit les propriétés et les modes de préparation. M
%
— M. W. Mac-Callum junior a pu préparer plusieurs
nouveaux dérivés de l’éthylorthotoluidine, — MM. Wyn-
dham R. Dunstan, F.R.S., el Francis H. Carr ont
continué l'étude des dérivés de la benzoconine et de
l’aconitine; ils communiquent les résultats relatifs à »
la diacélyLl et à la triacétylaconitine, au bromhydrate »
de pyraconitine et à l’aconine, — MM. Wyndham
R. Dunstan, F.R.S., et H.-A.-D. Jowet : Sur quel-
ques chlorures d’or de l’aconitine; les auteurs attri-
buent à ces corps la formule : C**H#A70* AuCI.
ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE
Séance du 24 Janvier 1895.
M. le vice-président annonce que M. Jos. Treik a ins-
titué l’Académie des Sciences sa légalaire universelle."
1° Sciences puysiques. — M. Weisaek envoie les
photographies partielles de la lune représentant Linné
et Triesnecker. — M. R. Wegscheider a déterminé les
constantes d’affinité des acides polybasiques et de leurs
éthers non acides, Le même auteur communique ses
recherches sur les constantes physiques de l'acide
hémipinique et la formation de ses éthers, il discute”
l’asymétrie des deux fonctions acides de ce corps. —M
M. Félix Pollak : Sur l’éther éthylique de l'acide
nicolique et sa transformation en f-amidopyridine,
CSHGAz? + 2 HCI.
20 ScIENCES NATURELLES. — M. Alfred Nalepa : Nou-l
veaux microbes de la bile {11° communication).
Séance du T Février 1895.
1° Sciences PnysiQuEs, — M. Victor Schumann : Sur
la photographie des rayons de petite longueur d'onde.
— M. Fortner Notice sur la ecinchotenine, —
M. &. Pum : Action de l'acide iodhydrique sur la cin-M
chotine et l’hydroquinine. — M. Skraup : Sur la cin-
chotine et la cinchotenine. Traitée par PC, la cin-
chotenine donne un chlorure d'acide correspondant
à un acide carboxylique; la cinchonine contient un
groupe vinyle, — M. K. Brünner : Nouveau mode de
formation du 2,3 diméthylindol par l'acide isobuty-
rylformique et préparation de son dérivé nitrosé et
du picrate, — M. Haiser : Etude de l'acide inosique.
L'auteur attribue à cet acide la formule C'OHISAZPO? ; il
possède trois fonctions acides distinctes auxquelles
correspondent des sels mono et bibasiques bien cris-
tallisés. L'étain et l'acide chlorhydrique le dédoublent
en sarcine, acide phosphorique et acide trioxyvaléria-m
nique. — M. Liebermann : Formule des dérivés de la
quercéline, — M. Paul Cohn : Sur quelques dérivés du
phénylindoxagène (2° communication) et sur la forma-
Lion de l'oxyde de cyclophénylenbenzylidène.
Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVER M
+
N° 6
NS QE) ee SCT niet US
30 MARS 1895
É REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
- L’excitation des nerfs est certainement un des
hénomènes les plus curieux de la physiologie ;
étude de cette question se présente dès l’abord
s deux aspects. Il faut rechercher quels sont
divers excitants d’un nerf déterminé et voir
l'effet produit varie avec la nature de l’ex-
on ; cette considération a conduit Jean Muller
a doctrine de l'énergie spécifique des nerfs,
èslaquelle l'excitation d'un nerfproduit, àune
tion de degré près, toujours le même effet.
r que cet énoncé soit rigoureusement exact,
t ajouter : « en admettant que le nerf soit
s ses connexions normales. » Dans ces con-
lions, un nerf moteur excité d’une facon quel-
ue produil toujours la contraction musculaire,
erf auditif, la sensation sonore, le nerf optique,
nsation lumineuse, etc. En second lieu, il faut
mander si tous les nerfs, quels qu’ils soient,
vent être excités par les mêmes procédés. En
ral, un nerf quelconque est sensible aux ac-
S mécaniques, électriques, chimiques, calori-
iiques; il n’y à d’un nerf à un autre qu'une question
degré. Au premier abord, les nerfs de sensibilité
iale semblent échapper à cette loi ; outre les
tants ordinaires applicables à tout nerf, cha-
in d'eux entre en jeu sous une action spéciale :
nerf auditif sert à percevoir les sensations so-
res, le nerf optique la lumière, etc. ; mais, en y
dant de plus près, on constate que l’action du
npeul être purement mécanique etque les causes
s sensations olfaclives ou gustatives sont très
aloguesaux excitations chimiques. —Reste donc
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
le nerf optique qui seul paraît sensible aux radia-
tions lumineuses ; nous allons voir ce qu’il faut
penser de cette exception.
Faisons d’abord remarquer que l'exception n’est
pas aussi absolue qu’on pourrait le croire. Il ré-
sulte, en effet, de certaines expériences de d’Arson-
val que les radiations lumineuses peuvent, dans
certaines conditions, influencer l’excilalion des
nerfs moteurs. Mais, de plus, ilsemble que lalumière
n’excile pas directement le nerf optique. En tout
cas, elle n'agit pas sur ses fibres en un point quel-
conque de leur trajet ; car la papille, qui est formée
par leurentrée dans le globe oculaire, correspond
précisément à une lache aveugle dans le champ de
la vision. Il y a plutôt lieu de se demander si, entre
l'arrivée de la lumière sur la réline et l'excitation
du nerf optique, il n'y aurait pas quelque action
intermédiaire ramenant l'excitation à l’un des
modes précédents !,
! Les anatomistes assignent dix couches à la rétine: la plus
interne est formée par l'épanouissement des fibres du nerf
optique, les plus externes par la terminaison de ces fibres et
un revêtement cellulaire. L'épaisseur de la rétine de l’homme
estd’environ 0 millimètre 4 au pôle postérieur de l'œil; delà elle
diminue régulièrement jusqu’à l’orra serrala, où elle n’est plus
que de Omillimètre 1. L’orra serralalinite la rétine un peu en
avant de l'équateur de l'œil. Le nerf optique, en entrant‘dans le
globe oculaire en dedans et un peu en dessous de son pôle
postérieur, traverse toute l'épaisseur de la rétine, puis ses
fibres s'épanouissent en formant la couche interne de 10 y
d'épaisseur environ. Les fibres se recourbent ensuite vèrs
l'extérieur et, par une série d’intermédiaires, vontse terminer
dans la couche des cônes et des bätonnets, membrane de
Jacob, épaisse de 50 y environ. C’est la neuvième couche:
elle est revètue par des cellules pigmentaires dans lesquelles
6
D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISIQN
Ï
Déjà, en 1842, Moser avait comparé l'action de
la lumière sur la rétine à l'impression de la plaque
photographique ; les travaux de Niepce et de
Daguerre venaient de paraitre, et Île vapproche-
ment élait trop séduisant pour ne pas êlre tenté.
Cependant Moser n'apportait aucun argument sé-
rieux à l'appui de son idée. Talma, élève de Don-
ders, fit de vains efforts dans une voie analogue,
supposant dans la rétine une ou plusieurs sub-
slances susceptibles d'être modifiées sous l'action
de la lumière, et qui, par leur décomposilion ou
leur recombinaison, exciteraient les terminaisons
du nerf optique. Héring admellait les deux pro-
cessus produisant, comme nous le verrons plus
loin, des effets complémentaires. Mais toutes ces
théories manquaient de base: on cherchait en vain
la substance qui se modifiait.
Depuis longtemps, les anatomistes avaient at-
tiré l'attention sur diverses productions colorées
de la rétine ; outre les granulations des, cônes des
Oiseaux, dès 1839 Krohn avail signalé un pigment
rouge dans les bätonnets des Céphalopodes; Leydig
avait observé des fails analogues chez les Insectes
les terminaisons du nerf optique sont plus ou moins en-
foncées. Ces cellules ont un noyau dans leur portion externe
Fig. 1. — Coupe schématique de la rétine passant par la
papille et la fosse centrale.
incolore, et du pigment dans leur portion interne se prolon-
geant par des filaments entre les bätonnets. Puis vient la
choroïde. Au pôle postérieur de l'œil il se produit une mo-
dification remarquable de la
rétine. Les bâtonnets dispa-
raissent peu à peu, tandis
que les cônes s’allongent et
diminuent d'épaisseur. Fina-
lement la membrane de Ja-
cob a doublé, en même temps
les autres couches ont dimi-
uué, de sortequ’à la face in-
terne de l'œil ilen est résulté
une dépression, c'est la fosse
centrale ou fovea centralis ;
elle ne contient que des cô-
nes. Cette fosse centrale se trouve au milieu d’une région
pigmentée jaune, portant pour cela le nom de tache jaune
ou macula lutea. L'entrée du nerf optique forme la papille,
tache blanche très visible à l’ophtalmoscope, insensible à la
lumière et nommée punclim cæcum. La fovea centralis, au
contraire, est l'endroit où l’acuité visuelle, c'est-à-dire la fa-
culté de percevoir les détails, est la plus parfaite. Cette
acuité va en diminuant jusqu’à l'orra serrala.
Fig. 2. — Cüne, bâlonnets el
cellules pigmentaires.
bätonnets de la réline étaient parfois rouges,
Leydig trouva que la rétine fraiche du même anis
mal présentait parfois des reflets salinés rouges
(1857). Enfin Schullze signala la mème couleur chez
un Mammifère, le rat, et dansles cônes du hibow
Mais ces faits isolés n’élaient connus que de fort |
peu de savants; ils n'avaient pas cours dans |
science ; aussi Boll fit-il une véritable découverte
lorsqu'en 1876 il signala dans les bâtonnets de la
grenouille une couleur rouge qui se modifiail souk
l'influence de la lumière. Ce qui fit entrer la ques
Lion dans une phase nouvelle, c’est qu'il établit que
cette couleur était constante chez les grenouilles
tenues à l'obscurité. La rétine des animaux reslés
à la lumière était plus pàle, elle était incolore chez
ceux tenus au soleil. On pouvait d’ailleurs suivrt
la décoloration sur des rélines extirpées à des
grenouilles conservées à l'obscurité ; car chez ces
animaux le phénomène peut mettre plusieurs mi
|
|
|
rapide et a lieu dans l'œil même, quelques instants
après la mort. |
Le fait capital établi par Boll fut que chez les
grenouilles ensoleillées la couleur se reproduisail
mènes étaient dus à une matière colorante ; il fül
plutôt porté à l’attribuer à la structure lamellaire
des bàtonnets, et, en fait, il ne se prononça pasi
catégoriquement.
En 1871, Holmgreen avait observé qu'en applis
curilé; les années suivantes Dewar avait fait ur
étude assez complète de ces phénomènes éle
triques, étudiant l’effet des diverses radiations
variant les conditions de l'expérience.
En rapprochant ce fait de ceux découverts p
servé à Kühne de trancher la question après l'avoir
éludiée sous toutes ses faces, dans les années q
suivirent immédiatement la découverte de B
Pour faire cette démonstration, Kühne cherchæà
isoler cette substance !; il y parvint au moyen
d’une solution de bile ou de cholate de soude, Me
ci le manuel opératoire qu'il recommande:
ex
1 Pourpre rétinien, Pourpre visuel. Sehpurpur. Rhodo-
psine. Erythropsine, À
|
#
Res ee a
D' G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
19
©
©
bœuf cristallisé ; au moment de faire une expé-
rience, on en prend une certaine quantité, on
“chasse l'alcool au bain-marie et on fait une solu-
ion aqueuse du résidu de 2 à 5 °/,. Ge liquide
jouit de la propriété de dissoudre le pourpre ré-
Minien; il ne se conserve pas comme la solution
alcoolique. Cela fait, il faut choisir judicieusement
Panimal qui servira à l'expérience. La grenouille
convient particulièrement; son pourpre, étant
moins sensible à la lumière que celui des Mammi-
fères, nécessitera moins de précautions, et son
observation à la lumière du jour sera plus facile.
Il faut, d’ailleurs, se tenir en garde contre une
source d'erreur : toutes les rétines ne donnant pas
des solutions exemptes d’hémoglobine, celles de
la grenouille, du crapaud, de la salamandre, du
Hhibou, sont très favorabies, les globules du sang
\de ces animaux ne se disolvant pas facilement dans
la bile. Le lapin et le cheval peuvent aussi servir, à
la condition d’exciser l'aire vasculaire : car, en de-
hors d'elle, la rétine ne contient pour ainsi dire
pas de vaisseaux. Ilimporte, bien entendu, de main-
tenir ces animaux à l'obscurité et de n'employer
que des rétines aussi fraiches que possible.
“ Supposons que l'on ait choisi la grenouille;
om algré la moindre sensibilité de son pourpre réli-
nien, il faudra éviter la lumière du jour. Le mieux
ést de se placer dans une chambre noire, et de
IStéclairer avec un brûleur de Bunsen contenant un
agment de chlorure de sodium; la lumière jaune
qui en résulle, quoique n'étant pas absolument
inactive, agit assez peu pour permettre de faire
toutes les expériences dont nous parlerons dans la
suite. On enlève les rétines; pour cela, il suffit de
Maire une section circulaire de l'œil suivant un plan
perpendiculaire à l'axe optique et d'exciser la
papille. On saisit ensuite ces rétines par le bord
avec une petite pince et on les place dans la solu-
tion indiquée plus haut. Kühne recommande de
prendre 1 centimètre eube de liquide pour 20 à
30 rétines. De temps-en temps on agite doucement ;
lau bout d’une heure on laisse reposer quelques
“heures, et on passe sur un filtre très fin en décan-
| tant. Le résidu sera lessivé, ce qui donnera des
| Solutions plus étendues, utiles pour certaines
| études. Si l’on veut des solutions plus concentrées,
‘on ne peut les obtenir-en augmentant le nombre
des rétines, mais en évaporant dans le vide en pré-
Isence de l’acide sulfurique. La solution est géné-
ralement transparente ; parfois cependant des corps
en suspension la rendent légèrement louche.
Portée à la lumière du jour, elle a une belle cou-
leur rouge, puis passe au jaune et devient finale-
iment incolore comme de l’eau. Si la concentration
\dars le vide est poussée assez loin, il se dépose
june espèce de vernis très hygrométrique, ayant la
couleur du carmin ammoniacal, et dans lequel le
microscope permet de reconnaitre des particules
violettes presque noires.
En étendant d’eau les solutions, il ne se produit
pas de décomposition; car, par concentration dans
le vide, on peut leur rendre toutes leurs propriétés
primitives. En concentrant ainsi, on voit la couleur
virer de plus en plus au pourpre violet ; cela permet
d'expliquer en partie la différence de teinte de la
rétine des divers animaux, la longueur des bâton-
nets variant avec les espèces, ce qui correspond à
une variation de concentration. Cependant, il y a
encore une autre cause, car chez le mouton et chez
l’homme où les bätonnets sont très courts, la rétine
üre cependant fortement sur le violet; tous les
pourpres ne sont pas identiques entre eux.
Les solutions de pourpre rétinien ne se conser-
vent pas, elles moisissent et se putréfient rapide-
ment sans perdre leur couleur. On peut retarder
ces effels par l'addition de 2 à 3 °/, de benzoate de
soude, mais jusqu'ici on n’a pu les éviler complè-
tement. Cela tient évidemment au manque de pré-
cautions; aujourd’hui on arriverait certainement à
conserver les solutions inaltérées en les recueillant
d’une façon aseptique et maintenant leur stérilité.
Par dialyse, la solution biliaire passe incolore ; il
reste sur le diaphragme un magma rouge aussi
sensible à la lumière que la rétine elle-même.
Kühne a fait une étude très complète de l’action
des divers réactifs sur le pourpre rétinien ; les uns
retardent sa transformation, les autres le fixent
plus ou moins, mais, ces propriélés n’ayant qu’un
intérêt secondaire au point de vue où nous nous
plaçons, je signale le fait sans insister davantage.
Nous verrons cependant plus loin que la possibilité
de cette fixation a permis de faire certaines expé-
riences importantes.
Les lransformations du pourpre rétinien sont
accompagnées de phénomènes de fluorescence,
qui pendant longtemps ont paru d'un intérêt se-
condaire. Nous verrons plus loin que, suivant Pari-
naud, ils jouent, au contraire, un rôle de premier
ordre dans certains actes de la vision.
IT
Voyons maintenant d'un peu plus près comment
le pourpre rétinien se comporte vis-à-vis de la
lumière. Nous avons déjà dit que la solution rouge
passe au jaune, puis se décolore. Ce passage du
rouge au jaune par des teintes intermédiaires ne
résulte pas d’une moindre teneur en pourpre réti-
nien par suite de la décoloration d’une partie de
celui qui se trouvait dans le liquide; car, si à l’obs-
curité on fait des solutions de plus en plus éten-
dues, et qu'on vienne à les examiner au jour, on
leur trouve une couleur pourpre, rouge, carmin,
256
rose, lilas. Elles passent par toute la gamme des
rouges et des roses ; jamais elles ne virent à l’orangé
ou au jaune. Il y a donc formation d'un produit
intermédiaire, le jaune rélinien (SeAgelb).
Pour se rendre un comple plus exact des pro-
priétés optiques de ces deux corps, le pourpre et le
jaune rétiniens, Kühne fit une étude spectrosco-
pique de leurs dissolutions. Pour cela, il plaçait le
liquide devant la fente du collimateur dans une
petite cuve d'épaisseur décroissante de haut en
bas; il avait ainsi dans le champ l'absorption pro-
duite par diverses épaisseurs de solution. Le résul-
tat de ces observalions est représenté dans la
figure 3.
Fig. 3. — Spectres d'absorption du pourpre et du jaune
réliniens. — PR : Courbe d'absorption du pourpre réli-
nien. — SS : Spectre solaire, raies de Frauenhôfer. —
JR : Courbe d’absorption du jaune rétinien,
On voit que l’on n’a pas de bandes caractéris-
tiques comme celles que présentent les solutions
d'hémoglobine, par exemple. Au début de l'expé-
rience, alors que le liquide ne contient encore que
du pourpre, le spectre d'absorption peut être sen-
siblement représenté par la première courbe ; la
lumière agissant, on passe peu à peu à la deuxième :
à ce moment la solution est jaune franc. Puis tout
disparait, la décoloratior se produisant.
Le pourpre rélinien en place sur la rétine se
comporte-t-il comme la solution? Pour s'en assu-
rer. Kühne formait un spectre dans une chambre
noire, et promenait, dans les diverses régions de
ce spectre, unerétine de grenouille couverte de son
pourpre, qu'il observait par transparence. Ou bien,
ce qui permettait certainement mieux la compa-
raison, il plaçait dans les différentes régions du
speclre des rélines de grenouille aussi semblables
que possible, et, à côlé de chacune d'elles, il met-
lait une goutte de la solution de pourpre comprise
entre deux lames de verre. L'effet produit par le
pourpre, en place sur la rétine ou en solution, était
sensiblement le même, autant du moins qu'il est
possible de le juger dans une expérience de ce
genre.
Un fait très important est que la décomposition
du pourpre se produit d'autant plus rapidement
que l'absorption est plus grande.
Voici les chiffres approximatifs que donne Kühne
pour la rapidité de décomposition du pourpre
dans les diverses régions du spectre.
D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
Du Jaune verdätre à l'Indigo. 2 à 10 minutes,
20
JAUNE ee re re 2 —
Orangé "et Violet. 17.7 £ 30 ee
Ultya-violot 2eme. * 45 —
ROUPES CENTRE ere encore plus.
De même, la loi de décomposition du jaune réli-
nien est sensiblement la même que la loi d'absorp=
tion ; ici l'observation est plus facile que pour la
décomposilion du pourpre : car, dans ce dernier
cas, dès l'apparition des premières traces de jaune,
on a affaire à une superposilion de deux phéno-
mènes qui ne suivent pas la même loi. Il suffit de
jeter un coup d'œil sur les courbes tracées plus haut
(fig. 3), pour voir que certaines radiations agissent
exclusivement sur le pourpre, d’autres sur le jaune
d'autres enfin sur les deux substances à la fois
Lors de l’action de radiations complexes, l'effet
lotal doit être égal à la somme des effets dus à
chaque radialion, et Kühne fait remarquer que
l'on esttenté d'admettre, à l'inspection des courbes
que la sensation de lumière blanche provient de
la décomposition simultanée du pourpre et du*
jaune. En effet, en prenant des radiations complé
mentaires, on voit qu'en général l’une au moins
agit sur le pourpre, l’autre sur le jaune ; aucuné&
des deux substances n'échappe. Mais il y a des
combinaisons complémentaires qui font exception:
à cette règle, par exemple rouge et vert bleu; em
rouge n'agit sur aucune des deux substances, par
conséquent le vert bleu seul et le blane qui résulte
de son mélange avec le rouge agissent de la même
facon sur les deux substances rétiniennes. Il
faut renoncer à celte explication de la perception
du blanc.
HI
Après celte élude, il y avait tout lieu de suppo 3
ser que le pourpre rélinien jouissait, dans l'œil
vivant, des mêmes propriétés que celles décrites
pour les solutions ou les rélines extirpées, et que;
comme Moser en avait émis l'hypothèse, lors de læ.
vision, le pourpre se décomposait dans les parties!
éclairées de la rétine, qui se comportait, au moins
d’une facon passagère, comme une plaque photo
graphique; c'est ce que Kühne mit en évidene
par une série d'expériences d'une élégance extrême
Si, après avoir exposé à la lumière pendant um
temps plus ou moins long une grenouille ou un
lapin, on vient à enlever la réline à la lumière d
sodium, comme nous l’avons dit plus haut, on lui
trouve des nuances variant depuis le pourpre
jusqu'au blanc en passant par des (ons orangé |
chamois, jaune. Si maintenant, au lieu d'éclairer!
toute la rétine, on ménage certaines régions, il
pourra se produire sur cette réline de véritables.
photographies. *
Voici le manuel opératoire indiqué par Kühneï
-On extirpe, à la fumière du sodium, l'œil d’un
pin conservé à l'obscurité, et on le fixe, la pu-
iètres de hauteur. La boîte est couverte par un
rre dépoli sur lequel on figure avec du papier
le dessin à reproduire; par exemple, on col-
parallèment les unes aux autres des bandes
à5 centimèlres de largeur espacées d’autant.
-dessus la plaque de verre on met un couvercle
ir. On porte l'appareil au grand jour, de préfé-
ce à cielouvert, el, suivantlalumière, —ceciest
question d'expérience, — on le découvre pen-
tun temps variable de 2 à 7 minutes. L’œil, placé
s l'eau salée, est ouvert à la lumière du sodium
examiné au grand jour. Pour bien enlever la
ine, l'œil est coupé en deux suivant l'équateur;
puis on le place sur une lame de plomb, et on dé-
coupe la papille à l’aide d’un emporte-pièce d'en-
wiron 3 millimètres de diamètre. Au moyen d’une
pelite pince, la rétine s’enlève facilement. On la
dépose sur une petite bille de marbre collée sur une
ame de verre. Pour rendre l'examen plus facile,
on peut, avant d'enlever la réline, placer pendant
gt-quatre heures dans une solution d’alun à 4°/,
Pœil partagé en deux, puis, la rétine étant sur la
e de marbre, laisser sécher à l’obscurité pendant
semaine environ. La sensibilité au jour est
s considérablement diminuée : l’optogramme,
cest le nom donné par Kühne à ces sortes de
hotographies, — est fixé.
our obtenir de bons optogrammes chez les ani-
ux vivants, il faut disposer d’ane chambre noire
lumière venant d'en haut par un manchon
scendant jusqu'à 30 centimètres environ de la
e de travail.
ur la partie inférieure de ce porte-lumière on
‘ra meltre une plaque en verre dépoliportantun
in, des verres de couleur ou une planche noire
que. Dans l'installation de Kühne, l'ouverture
ieure avait 45 centimètres de largeur sur 55 de
gueur avec cinq espaces clairs el quatre noirs
ée que par la lumière du sodium; à 25 centi-
1èlres au-dessous de son ouverture inférieure, il
ya un repère pour la position de l'œil de l'animal.
Pour le maintenir immobile, on pourra employer le
e avec respiration BSCIE ou fixer l'œil à
a ide de fils passés dans la conjonctive et la sclé-
rolique. On pourra aussi dilater la pupille par
tropine, on évitera ainsi en même temps les
ariations d'accommodation. Après un temps con-
| d'exposition, 10 secondes à 7 minutes, on
capite l'animal et on opère comme plus PERTe
… L'expérience réussit aussi sur la grenouille;
D' G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 257
outre l'avantage qui en résulte au point de vue
économique, on peut, pour certaines recherches, en
tirer des renseignements intéressants, cet animal
ayant de très grands bâtonnets; mais il se pré-
sente quelques difficultés. Entre autres, il faut dans
ce cas un éclairage fort long, et il est très difficile,
après l’action de la lumière, d'enlever la rétine
sans entrainer, avec la couche des cônes et des bà-
tonnets, des cellules pigmentaires, dont la couleur
sombre est fort gênante. L’éclairage au soleil, qui
permettrait d’abréger l'opération, ne donne pas de
bons résultats; on n’oblient que des images dif-
fuses : il faut se résigner à opérer à la lumière
indirecte et à allonger le temps de pose. D'ail-
leurs, pour éviter les entrainements de pigment,
il faut un éclairage le plus doux possible. Un pro-
cédé qui réussit aussi assez bien consiste à produire
un œdème artificiel ; la couche des cellules pigmen-
taires est alors moins adhérente à la membrane de
Jacob ; il suffit pour cela de curariser la grenouille
et de la maintenir dans l'eau un certain temps.
Parfois l'entrainement du pigment aux endroits
impressionnés produit des optogrammes très nets;
mais, même sans cela, dans les cas bien réussis, ces
figures peuvent supporter des grossissements de
100 diamètres et rester visibles,
Les images que l'on obtient ainsi sont forcé-
ment petites, mais cependant très visibles à l'œil
nu ; ainsi les bandes de 5 centimètres de largeur
placées à 25 centimètres d’un œil de lapin donnent
sur la rétine des lignes de 1%*,5: chez la grenouille,
placées à 15 centimètres, elles ont 0®#,6. Lorsque
l'opération a été bien conduite, les clairs sont
égaux aux noirs ; un excès de pose donne des traits
sombres plus minces, qu'on a même parfois peine
à trouver. La rétine du lapin offre une bande hori-
zontale plus riche en pourpre rétinien. C'est là une
disposition favorable : car, par la différence entre
cette zone et les zones voisines, on juge très bien
de l'influence plus ou moins grande exercée par
la quantité de cette subslance. Pour avoir des
images très régulières, Kühne recommande de
choisir de préférence pour point de formation de
ces images la région située au-dessous de la banda
dont nous venons de parler, parce qu'elle est plus
homogène que la partie supérieure. En examinant
les couleurs produites dans ces oplogrammes avec
divers temps de pose, on trouve que le pourpre
rétinien, dans l'œil vivant, se décolore comme il le
fait sur la rétine isolée ou dans la solution biliaire
On constate dans tous les cas qu'au cours de la
décoloration il résulte du mélange du pourpre el
du jaune rétiniens les teintes rouge, rouge brique,
orange, chamois, jaune.
Au lieu d'employer la lumière blanche dans ces
expériences, on peut faire usage de radiations
RE
19
(9
Dr G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
colorées. Après ses premiers travaux, Boll croyait
que chaque lumière monochromatique colorait la
rétine d’une facon spéciale, que la lumière blanche
seule la décolorait complètement. Mais on constata
bientôt, et Boli lui-même le reconnut, que le vio-
let, le bleu et le vert pouvaient agir comme la
lumière blanche; le jaune et le rouge parurent
d’abord inactifs. En réalité, même le rouge, la
moins aclive des radiations, peut, à la condilion
d’être assez intense, complètement blanchir la ré-
tine. Ainsi, une grenouille placée en élé sous des
verres rouges, en plein soleil, perd tout son pourpre
rétinien en deux heures environ; quand on enlève
la rétine, elle est noire de pigment, mais le micros-
cope permet de constater que les bàätonnels sont
incolores. On a même pu faire des optogrammes
en lumière rouge: il faut beaucoup de temps, et
aux endroits atteints par la lumière la rétine est
rouge, orange, chamois ou jaune. Si, au contraire,
on se sert de radiations très réfrangibles, on 0h-
tient plus rapidement tous les phénomènes précé-
dents, avec cette différence que les stades de déco-
loration se composent de la gamme des roses.
De celte étude, Kühne tire les deux conclusions
suivantes très imporlantes :
1 — Dans larétine vivante ou isolée, il n'y «, par suite
de lu décomposition du pourpre rélinien, formation que
d'un seul produit coloré, le jaune rélinien, qui, avec le
+ pourpre non encore décomposé, donne à la rétine ses di-
verses couleurs.
2 — Dans laréqion duspectretrès réfrangible, le jaune
rétinien est décomposé aussi rapidement que le pourpre ;
la rétine se decolore alors par la gamme des roses, landis
que, dans la région moins réfranaible, elle passe par
lorangé, le chamoïs et le jaune.
Ces deux conclusions du beau travail de Kühne
sont irréfutables, elles ne font pour ainsi dire que
résumer les résultats des expériences.
IV
Mais, quelle est l'influence de ces transforma-
tions du pourpre rélinien sur la vision? Est-ce bien
par l'intermédiaire des modifications apportées
par la lumière dans le pourpre ou le jaune rélinien,
que le protoplasma des cellules visuelles est excité?
Ce qu'il y a de certain, c’est que la décomposition
du pourpre rélinien n’est pas consécutive à l’exci-
tation. Elle n’est pas, par exemple, comparable à
l'acidité des muscles après la contraction; car le
phénomène se produit sur le pourpre isolé en
solution. La propriété d'être sensible à la lumière
ne suflil pas pour qu'une substance puisse être
considérée comme visuelle, il faut au moins
encore qu'elle soit située au bou endroit. Ainsi,
le pigment jaune de la #ueulu, qui est sensible
à la lumière, ne peut cependant être considéré
comme substance visuelle, car il se trouve dan:
les couches antérieures de la rétine et n’est pa
en rapport avec la membrane de Jacob. Voyoni
donc où se trouve le pourpre rétinien.
Le pourpre rétinien se trouve seulement sur les
bätonnets des Vertébrés; par conséquent, che
tous les Invertébrés etchez les Vertébrés n'ayant
que des cônes, la vision se fait sans que cette
substance inlervienne; c’est ce qui arrive, pa
exemple, chez les serpents. Mais, de plus, chez
l'homme, c’est la fovea surlout qui donne la vision
la plus parfaite : or, elle ne contient que des cônes:
ct, par suite, pas de pourpre, même après un long
|
#
admettre que dans certains cas cette substances
peut être incolore. 1
S'il est vrai que chez certains animaux celle
L
substance soit le pourpre rétinien, la vision doib
%
n'ont jamais les grenouilles aveugles; elles n’onl
que des bâätonnets décolorés, peut-être leurs cônes
ces constatations démontrent qu'ils ont gardé
faculté de voir.
rélinien ne puisse être une substance visuelle. Il
est d’ailleurs difficile d’en supposer une seule, pa
suite des impressions si complexes que doit pe
cevoir l’œil, comme intensité lumineuse et eomm
variété de coloration.
Aussitôt les conclusions de Kühne connues, le
pourpre rélinien perdit une grande partie de sa!
valeur. L'enthousiasme provoqué par la découverte
de Boll avait élé trop grand: une réaction se pro
duisit. Le fait qui parut le plus fâcheux fut l'absence
du pourpre dans la fover; certes, celte substance |
avait des propriélés remarquables, pouvait jouer
dans l’œil un rôle peut-être important, mais com=
ment en faire une substance visuelle, puisque
c'était précisément là où elle manquait que la,
vision était le plus parfaite? D'ailleurs le travail |
259
de. Cependant les propriétés de cette sub-
citer à nouveau la sagacité des anatomistes et
es physiologistes. Certains d’entre eux persis-
ent à en faire une subslance visuelle, sans
river à établir l'accord entre les divers phéno-
nes cités par Kühne; Beauregard émit une idée
Mes plus réfrangibles.
Le Professeur Charpentier, de Nancy, et M. Pari-
naud méritent une mention spéciale pour leurs
recherches sur la sensibilité des diverses parties
de la rétine. Ces travaux, publiés dans divers
mémoires depuis plus de dix ans, quoique conte-
nant parfois des opinions hypothétiques, mettaient
en évidence des faits remarquables permettant de
discuter sur de nouvelles bases les objections de
Kühne. ;
jé D'après Charpentier, il y aurait lieu de distinguer
nettement la sensation purement lumineuse de la
sensation chromatique. Lorsqu'on présente à l'œil une
face lumineuse de plus en plus intense, on passe
la première sensation à la seconde; ce passage se
| rès rapidement dans la fovea, et l'écart auq-
te en dehors d'elle. La fovea est moins sensible
sensations, aussi bien lumineuses que chromatiques,
o ses environs immédiats ; cet effet est surtout accusé
artant delà, un élève de Charpentier, Bernardy,
fait une tentative d'explication du rôle joué parle
jourpre rélinien. Pour lui, ce pourpre servirait à la
ceplion des sensations purement lumineuses ;
is il se demande s’il intervient dans les effets
omatiques. Encore il n'émet la première propo-
ition que comme unehypothèse.Ilest d’ailleurs fort
né par l'absence de pourpre dans la fovea, et sur
ce point ne peutserallier à l’opinion de Kühneetde
nders. Bernardy fait remarquer que le pourpre
linien peut être à un état de plus grande insta-
1 TR ner * LE Fe
bilité dans le voisinage du pôle postérieur de l'œil,
| où un réseau vasculaire très riche fait prévoir une
| grande activité dans les échanges, et que, si le
| pourpre est très rare dans la fovea, par contraste
) avec les régions voisines, cette partie peut sembler
t incolore; d'autant plus que la teinte rose trèsclaire
qu'elle aurait, serait masquée par la couleur jau-
nâtre des couches rétiniennes en avant de la foveu.
Un fait qui viendrait à l'appui de cette hypothèse,
| c’est que Kühne n’a jamais pu voir de pourpre dans
les bätonnets du voisinage de la foveu. Peut-on
\ admeltre une telle différence entre ces bâtonnets
reprendre l'étude du rôle du pourpre rétinien et de |
et ceux qui se trouvent à faible distance 1?
y
Trois auteurs viennent de faire paraitre les
résultats de leurs méditations et de leurs travaux
sur le rôle du pourpre rétinien ; cesont : Ebbinghaus
(de Hambourg), Kænig (de Berlin) et Parinaud (de
Paris).
Le premier n'apporte aucun résultat expé-
rimental nouveau ; il se serl de ceux des autres,
cherchant à en tirer des conclusions. Kænig, au
contraire, inspiré par la lecture du Mémoire
d'Ebbinghaus, entreprend une série de mesures sur
l'absorption des radiations par le pourpre et le
jaune rétiniens et cherche à interpréter leur rôle.
A cet effet, il adopte la théorie de la vision des
couleurs de Young-Helmhollz, tandis qu'Ebbin-
ghaus utilise celle de Hering ?.
Quant à Parinaud, ses expériences sont orientées
dans une voie peu explorée jusqu'ici; sa manière
de voir sur l'utilité du pourpre rélinien et sur la
vision des couleurs est absolument différente de
celle des auteurs antérieurs, comme nous le verrons
plus loin.
Mais examinons ces {rois mémoires d'un peu
plus près :
Celui d'Ebbinghaus, intitulé « Théorie de la Vi-
sion des couleurs », paru en 1893, est divisé en
quatre parlies, dont la troisième seule nous inté-
resse directement pour le sujet qui nous occupe.
1 Je néglige en ce moment les travaux de Parinaud, cet
auteur les ayant rapportés avec leurs conclusions dans un
Mémoire de la plus haute importance, dont je parlerai plus
loin.
2 Théorie de la perception des couleurs. — On peut s’expli-
quer l'impression différente produite par les diverses radia-
tions colorées par une différence dans l'excitation des termi-
naisons du nerf optique; mais cette hypothèse a paru,
à la plupart des physiologisies, contraire à la doctrine de l’é-
nergie spécifique des nerfs de Jean Muller, et ils ont préféré
voir une différence dans l'élément anatomique lui-même ; nous
verrons cependant que telle n’est pas l'opinion de Parinaud.
En tout cas, il n'est pas nécessaire de supposer autant de ter-
minaisons nerveuses que de couleurs ; l'expérience démontre
que l'on peut produire toutes les impressions chromatiques
à l'aide d’un petit nombre de radiations simples.
Théorie de Young-Helmholtz. — 1] 3 a trois perceptions
élémentaires, le rouge, le vert et le violet (bleu pour Kæœnig).
Une perception lumineuse quelconque, celle d'une autre
radiation simple par exemple, provient de la superposition de
ces trois perceptions élémentaires dans un rapport déterminé.
Helmholtz a tracé trois courbes correspondant à ces trois
couleurs et donnant pour chaque radiation simple du spectre
la quantité de rouge, de vert et de violet, qu’il faut prendre
pour produire le même effet. C’est ce que l'on appelle les
courbes de répartition du rouge, du vert et du violet dans le
spectre.
Théorie de E. Hering. — Hering admet aussi trois éléments
de perception élémentaire, mais donnant lieu chacun, suivant
le sens du phénomène, à des impressions complémentaires,
blanc-noir, rouge-vert et jaune-bleu. Les deux sens du phé-
nomène sont ce qu’il appelle l’assimilation et la désassimila-
tion, la première donnant lieu au noir, au vert et au bleu, la
seconde au blanc, au rouge et au jaune.
260
D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 4
—_—
Après avoir examiné la {héorie de Young-Helm-
holtz et celle de Hering, Ebbinghaus opte pour
cette dernière et admet que le pourpre rélinien
est la substance visuelle correspondant à la per-
ception jaune-bleu, et voici comment il justifie
cette hypothèse:
Le pourpre rétinien existe sous deux formes:
une forme rouge, bien éludiée, existant chez la
grenouille et le lapin ; une deuxième forme, plus
violette, se trouvant chez l’homme et les Vertébrés
supérieurs. L'une et l'autre absorbent les radia-
tions du milieu du spectre solaire et laissent
passer celles des extrémités. Le spectre d’absorp-
tion occupe sensiblement l'espace compris entre
les raies G et F de Frauenhofer; pour la forme
violette, il s'étend un peu plus du côté des radia-
tions à grande longueur d'onde, et en sens inverse
pour la forme rouge. Les maxima correspondant
à ces deux courbes d'absorption partagent l’es-
pace D-E en trois parties égales.
L'un et l’autre pourpre, éclairé par les radiations
qu’il absorbe, se transforme en un jaune rétinien
unique, dont le spectre d'absorption se trouve
dans la région à courte longueur d'onde à partir
de E-F environ, où les deux spectres chevauchent
un peu l’un sur l’autre, comme cela résulte de la
figure tirée du mémoire de Kühne.
Pour rechercher les relalions existant entre ces
faits el la perception des couleurs, Ebbinghaus
s'adresse à un cas simple : au dullonien, pour lequel
il n’y a dans le spectre que deux couleurs : le jaune
et le bleu.
L'endroit de plus grande intensité d'action du
jaune dans le spectre solaire est entre les raies
Det E ; chez lés uns il se trouve plus près de D,
chez les autres il est voisin de E, etil n’y a pas de
cas de transition; le maximum d’insensité du bleu
est entre les raies F et G. Cela conduit à cette
conclusion remarquable :
|
|
| 1
F G
Fig. 4. — Courbes el spectres d'absorplion des deux variétés
de pourpre rétinien et du jaune rélinien. — Les courbes
indiquées sur la figure résultent des recherches de Kœnig
et Dieterici; les spectres représentés au-dessous sont dé-
duits des travaux de Kühne; le tout a été rapporté aux raies
de Frauenhofer pour permettre la comparaison. Bien en-
tendu, les courbes variant avec la nature de la source
lumineuse, cette comparaison ne peut être qu'approxima-
tive.
Les endroits auxquels les deux groupes de daltoniens
voient le marimum d'intensité du jaune dans le spectre
|
solaire, coëncident très exactement avec les régions où, se
trouvent les maxima d'absorption pour les deux va-
riétés de pourpre rétinien. Plus loin, le point où, pour
les deux groupes de dalloniens, le bleu est le plus lumi-
neux, correspond au maximum d'absorption du jaune
rétinien. 4
Ebbinghaus ne peut admettre que ces coïnci
dences soient fortuites : aussi il n'hésite pas à en
conclure que le pourpre rélinien est destiné à
perception du jaune et le jaune rétinien à la pers
ception du bleu. ‘21
Voici finalement quel rôle il
stances visuelles :
Dans l'œil des daltoniens, ces substances vi
suelles sont au nombre de deux: une blanche etle
pourpre rélinien. La première, par sa transformas
tion, donne lieu à la perception du blanc et du gris:
L'influence de la longueur d'onde des diverses
radiations sur cetle transformation peut se dé
duire,si cette hypothèse est vraie, de la répartilions
de l'intensité lumineuse dans le spectre pour les”
achromatiques totaux, ou de l'étude du minimum
d'excitation, les sensations élant alors uniquement
lumineuses et nullement chromatiques. Quant au
pourpre rétinien, sa transformation en jaune donnes
lieu à la perception des radiations jaunes et cette
deuxième substance joue le même rôle pour le
bleu. Quand on a des radiations complexes, là
décomposition simultanée du pourpre et du jaune
réliniens peut donner la sensation blanche.
Enfin, Ebbinghaus admet chez l'individu à vision
normale une troisième substance, dont une pre
mière transformation donne lieu à la perception
du rouge, et une deuxième à la perception du vert,
etil se demande si ce n’est pas cetle substance
qui donne un aspect verdàtre à certains bätonnelss
de la grenouille au lieu de la coloration rouge dun
pourpre rélinien. — En somme, on voit que le més
moire d'Ebbinghaus est surtout composé d'hypo#
thèses. à
Kœnig se proposa de reprendre d’abord l'étudés
des coefficients d'absorption du pourpre et du jaune
rétiniens de la grenouille; puis, après s'être fa
miliarisé avec ce genre d'expériences, d'arriver à
l'œil humain. Mais, l’occasion s’élant présentée :
dès le début, d’avoir une rétine humaine dans de”
très bonnes conditions, il en profila, ses appareilsn
étant montés, pour faire une série d'observations" |
C'est Le résultat de ce travail effectué en collaboï
tion avec Mile Kôtigen qu’il vient de publier !, et
est assez important pour être rapporté avec détail
|
attribue aux sub
1 Pror. A. Kœxic et Mile KE. Kürrcex : Uber den men
schlichen Sehpurpur und seine Bedeulung für das Sehens
Sitzungsberichte der Küniglich Preussischen Academie de
Wissenschaften zu Berlin. Classe vom 21 Juni 1894. 3
D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
261
4
; Y
. La partie expérimentale du travail de Kœnig
- comprend la détermination des coeficients d’ab-
| sorption du pourpre et du jaune rétiniens pour
- toute l'étendue du spectre lumineux. L'appareil
J destiné à ces mesures était un spectrophotomètre
- dérivé de celui de Vierordit et éclairé à l’aide d'un
| bec Auer. Les substances soumises à l’expérience
étaient dissoutes dans le liquide préconisé par
* Kühne et, pouréviter. autant que possible, leur dé-
composition par la lumière, elles n'étaient traver-
-sées que par la région du spectre sur laquelle on
-opérait. Le coefficient d'absorption fut déterminé
« pour 12 longueurs d'onde équidistantes comprises
- entre 640 py et 420 up; et la détermination de
- chacun de ces coefficients résulte de la moyenne
d'au moins 15 observations.
L'œil employé fut énucléé par M. Schüler pour
un mélano-sarcome de la grandeur d’une lentille,
siégeant près de l’orra serrata. Dans toute la por=
tion de rétine non lésée, l’acuité visuelle était
| normale. Vingt heures avant l'opération, un ban-
peu opaque fut appliqué sur l’œil ; on ne le sou-
« leva que quelquefois, presqu'à l'obscurité, pour
Praire des instillations de cocaïne. L'œil fut enlevé
à la lumière du sodium, et porté à l’obscurité
40
près filtration, le lendemain on put, avec le
liquide, remplir deux fois la petite cuve d'absorp-
Men plus de ces premiers coefficients, on rechercha
Mceux d’un mélange de pourpre et de jaune. Le
ration, la solution n'était pas complètement
impide, et la décoloration à la lumière du jour
Jui laissait une teinte jaunâtre ; il fallait, par con-
}Séqueni, tenir compte de l'absorption après déco-
loration.
Les résultats de ces expériences sont consignés
dans un tableau donnant les chiffres obtenus pour
thaque solution et la valeur moyenne, plus la valeur
de l'erreur probable dans chaque cas. Pour la lon-
gueur d'onde 420 y, on trouve, au premier rem-
plissage et à la moyenne, une valeur impossible
du coefficient d'absorption. Nous ne donnerons pas
| REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
ce tableau, il vaut mieux se reporter à la figure 5
(page 262) sur laquelle ces résultats sont repré-
senlés par une courbe.
Absorption par le jaune rétinien. — Lors du
deuxième remplissage de la petite cuve d'absorp-
ton, la solution ne fut pas, après détermination de
l'absorption par le pourpre rélinien, portée immé-
diatement au grand jour, maisplacée dans un grand
appareil spectral où on l’exposa aux radiations
vertes, dont la longueur d'onde était environ
520 py. Celte lumière ne produisit pas la déco-
loration, mais la transformation en jaune réli-
nien, puis on fit la même détermination que pour le
pourpre. Celte solution, portée au grand jour, au
lieu d’avoir la couleur rouge de la précédente, était
d'un jaune ambré très intense; son spectre d’ab-
sorption étail surtout prononcé du côté du bleu.
Nous verrons plus loin si elle pouvait être consi-
dérée comme ne contenant que du jaune rétinien
ou s’il fallait y supposer un restant de pourpre.
Cette partie du mémoire de Kænig, purement
expérimentale, ne se discute pas; je regrette seule-
ment que l’auteur n’ait donné aucun détail sur la
facon dont il déduit les coeflicients d'absorption de
ses expériences,
VI
Nous arrivons maintenant à l'interprétation du
rôle joué par le pourpre et le jaune rétiniens. Ici
Kühne est obligé d'introduire des hypothèses plus
ou moins légilimes ; en tout cas, ses raisonnements
sont très ingénieux el très séduisants.
Occupons-nous d’abord du pourpre. Dès le pre-
mier abord, une personne au courant de ces ques-
tions, peut remarquer une grande analogie dans la
répartition de l'absorption par le pourpre rétinien
et celle de l'intensité lumineuse dans le spectre
pour les achromatiques de naissance. D'après les
recherches de Hering et celles de Kænig, c’esl
encore la loi de répartition de l'intensité lors de
l'excitation minima chez les dichromatiques et les
trichromatiques !. IL est donc probable que l’ab-
sorplion par le pourpre rétinien et la valeur de
l'excitation produite par la lumière incidente sont,
dans ces conditions, deux phénomènes variant dans
le même rapport. Mais, pour pouvoir faire unecom-
paraison exacte, il ya lieu d'observer queique chose
de très important.
1 Les trichromatiques sont les personnes ayant la sensation
complète des couleurs : elles percoiventles trois couleurs fon-
damentales dela théorie Young-Helmholtz;les dichromatiques
sont ceux auxquels il manque le rouge ou le vert. Les achro-
matiques n’ont aucune sensation colorée. Pour des lumières
extrêmement faibles, les trichromatiques et dichromatiques ne
percoivent que des sensations lumineuses nullement chroma-
tiques.
ç*
262
D' G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
Supposons qu'effectivement l'impression lumi-
neuse résulte de l’absorption de la lumière par
le pourpre rélinien. Comme cette quantité de
lumière dépend : 1° de l'intensité du faisceau inci-
dent, 2° du coefficient d'absorption, il faut, pour que
l'impression lumineuse soit proporlionnelle au
coefficient d'absorption, qu’elle ne dépende que de
lui, c'est-à-dire que l'intensité du faisceau incident
ë.040
0.14
0.035"
O.12
0.030
0.10
©.025
0.08
0.020 .|
0.06
U.015 ;
© 010 0.04
©.005 0.02
640 620 600 580 560 540 500 480 460 440 420 400
Fig. 5. — Courbes montrant la proportionnalité de l'impression lumineuse à l'absorption par le pourpre rétinien.
soit toujours lamême pour les diverses radiations.
De plus, à quel moment cette intensité doit-elle
être la même pour toutes les radiations? Au moment
où elle tombe sur la couche de pourpre rélinien,
c’est-à-dire après qu'une partie du faisceau incident
aura été absorbée par les milieux quise trouventen
avant. Il faut donc déterminer un spectre tel que
chacune de ses radiations, après avoir traversé les
milieux transparents de l’œil, tombe sur la couche
de pourpre rélinien avec la même intensité, c'est-
à-dire lamême énergie ; puis il faut tracer la courbe
des impressions qu'éprouverail en regardant un tel
spectre un achromatique lolal de naissance, puis
celle d’un dichromalique ou un trichromatique
lorsque l'intensité est assez faible pour être au
minimun d’excitation. Si réellement la perception
Coefficients d'absorption du pourpre rétinien.
— + — Courbe des impressions lumineuses chez l'achromatique total.
—++— Courbe des impressions lumineuses déduites de l'excitation minima.
— —— Coefficients d'absorption du jaune rétinien.
....... Répartition du bleu dans le spectre.
de l'intensité lumineuse est proportionnelle à l’ab-
sorptlion par le pourpre rélinien, les deux courbes
ainsi déterminées doivent avoir leurs ordonnées
proportionnelles à la courbe des coeflicients d’ah-
sorptlion du pourpre !. Pour faciliterla comparaison,
on a, sur la figure 5, choisi l'unité de longueur
pour les ordonnées de chaque courbe en sorte
qu'elles aient toutes la même ordonnée maxima.
0.16
L'analogie qui existe entre ces trois courbes,
est, à mon avis, des plus remarquables, quand on
songe à la complexité de la question. Dans l'in-
1 Pour faire le calcul des ordonnées des courbes, Kœnig a
utilisé les résultats de divers expérimentateurs ; voici quelles
sont les sources auxquelles il a puisé :
Pour la répartition de l'intensité lumineuse dans le spectré
solaire chez lachromatique total : mesures de Donders,
E. Hering, A. KϾnig cet C. Dicterici, en particulier ces der=
nières sur un homme de 55 ans.
Répartition de l'énergie dans le spectre solaire : S. P. Lan-
gley.
Absorption par le pigment de la macula lulea : chiffres
déterminés par Sachs, dont on a pris la moyenne, faute d'au"
tres indications.
Absorption par le cristallin chez l’achromatique total #
expériences faites spécialement sur un cristallin analogues
Grandeur de l'excitation minima dans un spectre avec égale
D' G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
tervalle de 500 py. à 600 pp, elles se coupent plu-
sieurs fois et il est impossible d'avoir une coïn-
cidence plus parfaite. De 500 pp: à 400 pp. la courbe
des coefficients d'absorption du pourpre est trop
haute ; mais il ne faut pas perdre de vue que la lu-
mière solaire, pour laquelle Langley a déterminé
la répartition de l'énergie, était probablement
plus riche en radiations très réfrangibles que la
lumière définie comme donnant le spectre solaire
et pour laquelle Les courbes ont été calculées. Il est
aussi vraisemblable qu'il y ait eu quelque erreur
sur l'absorption dans la macula. La petite diffé-
rence, entre la courbe de l’achromatique total et
celle des dichromatiques et trichromatiques, tient
certainement à ce que, chez ces derniers, on a né-
gligé l’aclion du cristallin. Mais, même en n'ad-
- meltant aucune de ces raisons, la similitude des
trois courbes est suflisante pour qu'on puisse con-
sidérer l'absorption par le pourpre rétinien comme
proportionnelle à l'impression lumineuse chez les
achromatiques totaux, et chez les dichromatiques
et lrichromaliques lors d’une intensité assez faible
pour ne pas encore donner lieu à la sensation co-
lorée. Il n'ya qu'une objection, qui reste Loujours :
l'absence du pourpre dans la fovea signalée par
Kühne; nous verrons plus loin ce qu'il faut en
penser.
Mais, arrivons à l'absorption par le jaune réti-
nien. Immédiatement, on voit que le maximum
- d'absorption de lasolution se trouve dans la région
bleue du spectre, de sorte qu’en admettant que le
pourpre serve à la perception des sensations lumi-
neuses proprement dites, on peut se demander s’il
n'y a paslieu de considérerle jaune rétinien comme
jouant le même rôle pour le bleu.
À
… Pour vérifier cette hypothèse, Kœnig a construit
F la courbe représentative du bleu dans le spectre
… d’après des expériences failes par C. Dieterici et
Kœnig sur des dichromaliques et des trichro-
d matiques, où les résultats furent les mêmes. Cette
£ courbe fut déterminée comme les précédentes,
—… mais en négligeant l'absorption par les milieux de
… l'œil, faute de données.
—. En regardant les courbes tracées de cette façon,
“on remarque immédiatement qu'à gauche de l’or-
— donnée maxima la courbe de répartition du bleu
“est trop haute. En second lieu, une ondulation très
- répartition de l'énergie : recherches de A, Kænig en collabo-
ration avec R. Ritter.
Dans ce second cas on n'avait pas encore la valeur de
l'absorption par le cristallin, aussi on n’a tenu compte que
de celle de la macula lutea.
Enfin, il fallait tenir compte de la différence d'épaisseur du
pourpre dans la rétine et la solution ; pour cela, on a supposé
le pourpre également réparti sur cette rétine. Tous ces chifres
sont donnés dans un tableau ou l'on trouve aussi les valeurs
des ordonnées des courbes.
263
nette vers la longueur d'onde 500 py fait voir que
certainement il reste encore dans la solution du
pourpre non transformé. Pour en tenir compte,
Kænig fait à cet égard des suppositions absolument
arbitraires ; il me semble bien plus logique d’indi-
quer simplement la cause probable de l'erreur sans
chercher à l'évaluer numériquement, ce qui est
impossible.
On peut aussi ajouter que le fait d'avoir négligé
l'absorption par les milieux de l'œil, en parti-
culier par le pigment jaune de la macuta, peut
donner des écarts assez notables.
Kœnig admet done que le jaune rétinien est la
substance visuelle pour la perception du bleu;
voyons comment cette hypothèse et la précédente
vont se concilier avec d’autres faits expérimen-
taux.
Le point le plus important, celui devant lequel
toutes les théories de la vision basées sur l'utilité
du pourpre rélinien sont tombées, est la vision
dans la Jovea centralis. Kœnig se propose de
démontrer que ce qui a paru un écueil aux autres,
vient à l'appui de sä théorie. Mlle Franklin, travail-
lant dans le laboratoire de Kænig et se livrant à
des recherches sur le minimum d’excitation des
diverses régions de la rétine par les radiations
simples, avait remarqué que, dans certains cas, un
point lumineuxsitué au-dessous du point defixation
disparaissail. Cette observation, vérifiée par plu-
sieurs personnes, mérilait une étude plus appro-
fondie de la vision au niveau de la fovea et de son
entourage immédial.
Si l’on regarde une lumière monochromalique
d'intensité croissante, on a d’abord la sensation
achromatique grise de l’excitation minima; ce n’est
que plus tard que la perception colorée se produit.
La lumière rouge fait exception, les deux phéno-
mènes étant presque simultanés. Prenons, au con-
traire, un point lumineux dont l’image rétinienne
se fasse tout entière dans la /ovea ; lors de l’inten-
sité croissante, il présentera immédiatement son
caractère coloré, sauf pour un certain jaune de
500 py environ. Il y a donc une très grande diffé-
rence pour les perceptions lumineuses en dehors
et en dedans de la fovea. Ce même phénomène
peul se mettre en évidence d’une autre manière,
encore plus instructive peut-être. La tête élant
bien appuyée, on fixe un point monochromatique
d'intensité décroissante. À un moment donné, il
disparait sans perdre son caractère coloré. Si, à
ce moment, on déplace légèrement l'œil, un point
rouge continue à rester invisible, un point vert
reparait comme point achromatique; un point
bleu reparait avec sa couleur, puis devient achro-
matique et enfin disparait. Les points jaunes dont
il a été question plus haut deviennent presque
264
incolores avant leur disparition dans la fovea et
ne semblent pas reparaitre par le déplacement.
Voici les propositions émises par Kœnig pour
expliquer ces phénomènes :
1° Dans la fovea centralis à n'y « pas de pourpre
rétinien :
29 La sensation lumineuse achromatique se produisant
lors de l'excitation minima, est due à la décomposition
du pourpre rétinien ;
3° La décomposition du jaune rélinien, résultant du
pourpre, produit lu sensation du bleu.
4° Les substances visuelles encore inconnues pour le
rouge el le vert sont plus difiicilement décomposubles que
le pourpre et-le jaune rétiniens.
Si cela est vrai, la /oveu est aveugle pour le bleu,
et les personnes dichromatiques ou trichroma-
tiques ont une foveu monochromatique et dichro-
matique. On peut déterminer la grandeur de la
région jouissant de celte propriété, en regardant
une série de points bleus d'intensité lumineuse
convenable ; certains points disparaissent. Kænig
a trouvé que, pour son œil droit, l'angle ausommet
du eône de champ aveugle pour le bleu étail d’en-
viron 70'; plus que le diamètre apparent de la
lune. Aussi, tenant un bon verre bleu devant l'œil,
arrive-t-il à faire disparaitre l'image de la lune
dans la fovea. Il y a, bien entendu, quelque difli-
culté à maintenir la fixation du regard, carinstinc-
tivement on se sert du bord de la fovea: mais, avec
un peu d'habitude, l'expérience réussit très bien.
On peut se demander comment ce fait ne frappe
pas tout lé’ monde; mais il suflit de se rappeler
que la suppléance d'une tacheaveugle sur la rétine
par les régions voisines se fait avec une perfection
telle qu'il faut des procédés spéciaux pour mettre
cette lacune en évidence. C'est le cas des parties
cachées par les vaisseaux de la rétine, et surtout
celui de la papille, punctum cæcum de Mariotte, qu'il
est impossible de percevoir sans une expérience
bien faile; ce n’est donc pas un argument à invo-
quer.
Kœnig, en faisant des études de couleurs com-
plexes, a pu s'assurer de la parfaite cécité de sa
fovez pour le bleu, et, en poursuivant son raison-
nement, il arrive à une confirmation nouvelle de
ses hypothèses. Si réellement le pourpre rétinien
est la seule substance donnant lieu à la perception
lumineuse, le reste servant aux phénomènes chro-
matiques, les achromaliques totaux doivent être
aveugles dans la fovea. C'est ce que l'expérience a
prouvé sur un sujet amené chez Kœnig par M. Si-
mon; aussi il n'hésite pas à formuler la proposi-
tion suivante :
D° Chez les achromutiques totaux, le pourpre rétinien
est la seule substance visuelle, et le jaune qu'il fournit
est indécomposable.
Dr: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
|
Une observation venant à l'appui de celte ma-
nière de voir, est que, chez les achromaliques, on
trouve toujours une faible acuité visuelle, et sou-
vent du nystagmus, le sujet se servant pour voir
non pas de la fovea, mais des parties voisines; s'il
ne s'y forme pas de point de fixation, il pourra se
servir d'un point variable et il en résultera de
petites oscillations du globe oculaire (rystiymus).
Enfin, que doit-il se passer dans la vision avec
les régions pourvues de pourpre rélinien, au voisi-
nage de la fovea? Le pourpre rélinien se transfor-
manten jaune donne lieu à une sensation purement
lumineuse ; puis, lors d’une intensité plus grande,
le jaune se décompose à son tour en donnant la
perception du bleu; par conséquent, lors d'une
source lumineuse croissante, on doit voir cette
lumière virer au bleu. Ce fait a été étudié par
M. F. Tonn chezles daltoniens pour le rouge, etchez
les daltoniens pour le vert ; on n’a pas d'observations
pour les trichromatiques. Cependant cette lacune
a moins d'importance qu'il ne semble ; car on à vu
que, pour les uns et les autres, la répartition de
l'intensité lumineuse dans le spectre lors de l’ex-
citation minima est la même, ainsi que la réparti-
tion du bleu pour les grandes intensités: les résul-
tats trouvés par M. Tonn peuvent done être
considérés comme applicables aux lrichroma-
tiques.
Cet expérimentateur a étudié la répartition du
bleu dans le spectre pour une! intensité lumineuse
variant dansla proportion de 1 à 240 (fig. 6). Lors de
faibles intensités, la courbe correspondante con-
corde avec la courbe de perception lumineuse chez
les achromaliques totaux; par transformation gra-
duelle, l'intensité lumineuse allant en croissant,
elle se rapproche de la courbe de répartition du
bleu, déjà citée. Dans la figure 6, on a tracé cinq de
ces courbes pour les intensilés relatives, 1, 10, 30,
60 et 240 : le phénomène est nettement mis en évi-
dence. Les différences entre ces courbes font voir
qu'il y a décomposition du pourpre rétinien el
décomposilion proportionnellement croissante du
jaune. Les ordonnées ont été choisies en sorte que
la surface comprise entre la courbe et l'axe soit
toujours la même, c’est-à-dire qu'il y ait toujours
la même quantité tolale de bleu dans le spectre.
M. Tonn a aussi étudié la répartilion spectrale
du rouge et du vert et a trouvé qu’elle ne variait
pas avec l'intensité de la lumière employée; les
courbes correspondantes sont représentées sur la
figure (fig. 6).
On conçoit que l'impression produite par un
mélange de couleurs varie avec l'intensité totale
du faisceau incident, quoique le rapport entre les
intensilés des diverses radialions composantes
reste le même ; il en résulte des perturbations
(ns Lé
;
É
u
n.
D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION 265
dans les lois du mélange des couleurs de Newton.
De plus, si l’on prend deux faisceaux complexes ou
simples de couleur différente, lorsqu'on aura pro-
_duit approximativement l'égalité d’intensité, cette
égalilé ne subsistera plus toujours quand l’inten-
sité des deux faisceaux sera amplifiée dans la
même proportion : c’est le phénomène signalé par
Purkinje. Kœænig émet donc encore les deux pro-
positions suivantes :
6° Les exceptions à la loi du mélange des couleurs de
=
D ; 7 7 T T
730 650 630 610 590 570 3550 530 510
490 470 450 430
une très bonne explication ; elle revient à peu près
à celle de Kænig, mais elle est indépendante de
toute hypothèse sur le pourpre ou le jaune réti-
niens. Charpentier s'appuie simplement sur ce fait,
qu'il a établi, que la courbe représentative des im-
pressions en fonction de l'intensité ne suit pas la
même loi pour les diverses radiations simples.
En admettant ces interprétations de Kænig, il
resterait, pour avoir une théorie chimique complète
de la vision, à trouver les substances visuelles du
Fig. 6. — Courbes montrant la répartition du rouge, du vert et du bleu dans le spectre. — 1, 10, 30, 60, 240 :
Courbes représentatives de la répartition du bleu dans le spectre pour des intensités de ce spectre variant
proportionnellement au chiffre marqué. — R : Courbe de répartition du rouge, la même pour tous les spectres.
— G : Courbe de répartition du vert, la même pour tous les spectres.
Newton et le phénomène de Purkinje s'expliquent par
ce fuitque, lors de l'augmentation d'intensité du faisceau
incident, le rapport des valeurs d'excitation pour les sensa-
tions produites par la décomposition du pourpre rétinien
et du jaune rétinien changent ;
T° Le phénomène physiologique correspondant à la sen-
…— sation du blanc n’est pas une augmentation du processus
Fe
produisant lu sensation grise de l'excitation minima.
Hering avait cherché ailleurs la cause des excep-
_tions à la loi de Newton, et l’attribuait à la diffé-
rence d'absorption par les différentes zones de la
macula ; il avait remarqué, en outre, que, pour des
surfaces éclairées très petites, ces exceptions ne se
produisent plus. Mais il suffit de remarquer que
l'on tire de la théorie de Kæœnig une explication
très simple du fait: pour de grandes surfaces lumi-
neuses l'intervention du pourpre explique l’excep-
tion à la loi de Newton; pour de petites surfaces
l’image tombe entièrement dans la fovea, où il n’y
a pas de pourpre et par suite pas de cause d’ex-
ception. Charpentier a donné de ces phénomènes
rouge et du vert. D'après certains faits observés
par Kænig et Zumft, le lieu de perception de ces
radiations serait dans l’épithélium pigmentaire.
Des recherches récentes de Somya viennent aussi
à l'appui de cette hypothèse : il paraïitrait que, lors
de la perception du vert, on constate dans la cho-
roïde de fines modifications; or la choroïde est
tout contre l’épithélium pigmentaire.
Quant aux cônes, Kænig leur attribue des pro-
priétés absolument différentes qu'aux bàlonnets;
ce seraient des appareils dioptriques destinés à
concentrer la lumière en des points déterminés où
se produit la perception du rouge et du vert; mais
les arguments apportés par Kœnig à l'appui de
cette manière de voir sont très faibles. Il faut tout
de même signaler les faits observés par van Gen-
deren Stort, Angelueci et Engelmann: sous l'in-
fluence de la lumière, les cônes se raccourcis-
sent, leur foyer se déplace par conséquent, et la
perception du rouge et du vert se fait moins
bien.
266
VII
J'arrive maintenant à l'important mémoire de
Parinaud. Le but que s’est proposé cet auteur, c’est
de déterminer la sensibilité des différentes régions
de la rétine pour les diverses radiations, et d’étu-
dier comment cette sensibilité varie avec l'éclairage
ambiant. L'instrument employé est un spectroscope
dont la lunette a été remplacée par un tube portant
un écran en verre dépoli, sur lequel il se formera
un spectre. En superposant à cet écran un papier
noir, percé d'un trou d’épingle, on aura un point lu-
mineux très pelit, permettant d'éludier la sensi-
bilité de régions très limitées de la rétine pour une
radiation quelconque. En remplaçant le trou par
une fente, on fera la même étude pour des régions
plus étendues. L’intensité lumineuse se règle au
moyen d'un diaphragme à ouverture variable, placé
contrelalentille du collimateur,eLilestévident que.
pour une radiation donnée, la sensibilité de la
réline est en raison inverse de l'ouverture du dia-
phragme. Les recherches ont porté sur les radia-
tions correspondant aux raies de Frauenhofer.
Dans une première série d'expériences, Pari-
naud a éludié la sensibilité de surfaces assez
étendues de la rétine pour les différentes radia-
tions:
1° Après un séjour de vingt à trente minutes à
l'obscurité absolue: c’est ce que l’auteur appelle
réline adaptée ;
2° L’expérimentaleur recevant, sans que son œil
soit protégé, la lumière diffuse ambiante dans les
conditions où la vision s'exerce ordinairement :
rétine non adaptée.
Prenant comme unilé la sensibilité correspon-
dant aux raies E et F de Frauenhôfer, voiei celles
pour les autres radiations d'un bec Auer; il est
évident que les résultats varient un peu suivant
la source lumineuse employée :
Rétine adaptée.......
Raies de Frauenhôüfer À B C D EIRE CRE
1
= — — {
400 AUD 1
l 1
étine non adaptée. RE ee _
100 100 60 4100 500 1500
Les mesures pour la réline non adaptée devien-
nent très difficiles dans larégion violette.
Ces résultals, traduits en courbes (fig. 7),
encore plus frappants.
On voilneltement sur ces courbes qu'il estimpos-
sible de déterminer la répartition de l'intensité
lumineuse dans un spectre, ni même le point où
cette intensité passe par un maximum, car l’adap-
tation plus où moins grande de la réline conduit,
suivant les cas, à des résultals différents. L’in-
fluence de celte adaptation, nulle pour les radia-
lions rouges, vaen augmentant : mesure qu’on se
sont
D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
déplace vers le violet: mais il y a un fait des plus
remarquables. L'accroissement de sensibilité ne
porte pas sur la sensation chromatique, mais seu-
lement sur l'intensité lumineuse de la couleur, qui,
tout en paraissant plus lumineuse, semble moins
salurée, c'est-à-dire que ladaptation produit la
même impression que si l’on ajoutait de la lumière
blanche à la radiation colorée. Finalement, sous
une très faible intensité, la sensibilité pour la sen-
A BC D E F G h
1500
Fig. 7. — Courbes de la sensibilité de la réline. — La courbe
supérieure donne la sensibilité de la rétine adaplée, la
couche inférieure celle de la rétine non adaplée.
sation lumineuse l'emporte si bien que la radia-
ion colorée la plus pure parait blanche. Bien
entendu, cet effet ne se produit pas pour le rouge,
qui, n'étant pas influencé par l'adaptation, aura
toujours son caractère chromatique. On arrive à
ce fait que, l’excitant restant le même, la sen-
salion varie.
Une seconde série d'expériences a pour but la
comparaison de la sensibilité de la fovea avec les
régions voisines, et le résullat de celte étude est
que la modification fonctionnelle créée par l'adap-
lation est nulle dans la fovea. Il y a pour la rétine
adaptée la même différence entre la fovea et les
parties voisines que celle qui existait, dans les expé-
riences précédentes, entre la rétine nonadaptée el .
la rétine adaptée. A la lumière il n’y a pas de dif-
férence entre la fovea et les parties voisines; aussi
D' G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
267
toujours, dans cette fovea, a-t-on immédiatement
la sensation chromatique, quelle que soit intensité
du point lumineux soumis à l'expérience.
Cette étude n’est pas aisée, car, lors de la rétine
adaptée, la fovez étant moins sensible que les
parties voisines, il est très difficile d'y maintenir
l'image d’un point; instinctivement on l'amène sur
le bord plus favorable à la vision : dans ces condi-
tions, il faut un véritable exercice pour arriver à
faire de bonnes observations.
La mise en évidence de l'adaptation de la rétine
a, à mon avis, une importance de premier ordre,
outre les déduclions qu'en tire Parinaud. Elle
permet, en effet, de se rendre compte du désaccord
existant entre les divers observateurs et des excep-
tions se produisant lors du minimum d'excitation
- pourlerouge.
Nous voilà done en présence de trois faits :
1. Influence inégale de l'adaptation pour les
diverses radialions ; -
2. Influence sur la sensibilité lumineuse seule-
M menti;
| 3. Influence nulle dans la fovea.
On en conclut immédiatement que les cônes sont
étrangers à l'accroissement de sensibilité causé
par l'adaptation, et que cette fonction ne peut ap-
partenir qu'aux bâtonnets et au pourpre rétinien.
L'action de la lumière est donc différente pour les
cônes et pour les bätonnets. Voyons à quelles mo-
difications elle peut correspondre.
Nous connaissons :
1. Les transformations du pourpre rétinien (Boll,
Kühne, etc.) ;
2. Des déplacements du pigment, connus sous
le nom de migration du pigment (Brücke, Boll,
Czerny, Angelucci, Kühne, etc. !);
3. Des variations dans la forme des cônes (An-
gelucci, van Genderen Stort, Engelmann).
Mais il y a une différence considérable entre la
première de ces modificationset les deuxsuivantes :
elle seule ne se produit que sous l'influence de la
lumière, les autres peuvent être obtenues par des
excitations quelconques, électriques, calorifi-
. ques, etc. Le pourpre rélinien a donc un rôle
prépondérant comme élément spécifique. Si on se
- rappelle ses propriétés et qu'on cherche à les
rapprocher des résultats expérimentaux de Pari-
naud, comme lui, on arrive fatalement à cette
conséquence que c'est l’impression des cônes par les
radiations simples qui nous donne la sensation de cou-
leur, tandis que, les bâtonnets et le pourpre ne don-
nent qu'une sensation lumineuse achromatique.
Parinaud fait remarquer que la perception des
—. sensations lumineuses pures n'appartient pas ex-
6
1 Voir le détail à la fin de l’article.
clusivement aux bâtonnets ; elle se fait aussi au
moyen des cônes, l’action des bâtonnets étant sim-
plement surajoutée principalement pour la vision
nocturne. La fonction chromatique est cérébrale ;
il n’est pas nécessaire de supposer dans la rétine
des organes de perception et dans le nerf optique
des conducteurs spéciaux pour diverses radiations,
les fibres optiques ayant un pouvoir analogue à
celui du fil du téléphone, qui transmet indistinc-
tement tous les sons quels que soient leur hauteur
et leur timbre !.
Les bätonnets et le pourpre étant principale-
ment destinés à favoriser la vision nocturne, les
individus chez lesquels cette substance fera défaut
seront atteints d’'héméralopie. Cela se présente, ac-
cidentellement chez certains hommes et normale-
ment chez certains animaux, la poule par exemple.
Chez les oiseaux de nuit, au contraire, on devra
trouver une rétine (rès riche en pourpre rélinien ;
on sait que c’esteffectivement lecas chez le hibou.Je
ferai cependant observer que, d’après Kühne, chez
certaines espèces de chauves-souris, les bälonnets
seraient dépourvus de pourpre.
VIII
Enfin, Parinaud aborde une question extrème-
ment délicate : Par quel mécanisme le pourpre ré-
tinien produit-il l'augmentalion de sensibilité de
la rétine?
L’excilabilité des terminaisons du nerf optique
devient-elle plus grande ou y a-t-il accroissement
de l'intensité de l'excitation ?
La première hypothèse explique difficilement
l'énorme différence qu'il y a, pour certaines radia-
tions, entre la rétine adaptée et la rétine non
adaptée ; de plus, pourquoi le rouge et le jaune ne
bénéficieraient-ils pas de la même action ?
Comment peul-il y avoir accroissement dans
l'intensité de l'excitation ? Helmholtz, Setchenow,
Becquerel, étudiant la vision du spectre ultraviolet,
avaient déjà cherché à expliquer cetle visibilité
par la fluorescence de la rétine. Ils avaient élé
obligés de renoncer à cette hypothèse, les phéno-
mèênes de fluorescence observés étant beaucoup
trop faibles pour pouvoir être invoqués. D'ailleurs,
à quoi élaient-ils liés? Ewald et Kühne ont dé-
montré qu'ils étaient dus au pourpre rélinien et
qu'ils variaient beaucoup suivant les cas. Le
pourpre rélinien donne lieu à une fluorescence
blanche ; pour le jaune provenant du pourpre mo-
difié, la lueur est verte et elle s’accentue lors de la
1 Je me demande si cette «explication des perceptions chro-
matiques ne rencontre pas quelques difficultés, en présence
de certains cas d’altération unilatérale de la vision des cou-
leurs.
268
décoloration du jaune sur une rétine isolée. La
fluorescence de la rétine blanche est bien plus
faible lorsque la décoloration s’est produite sur
l'animal vivant. L'on conçoit dès lors que Helm-
holtz et Setchenow,ayant observé des rétines extir-
pées à des animaux n'ayant pas subi l’obseuration
préalable, ne devaient pas trouver le phénomène
bien accusé.
Lorsque la rétine, par suite de l'adaptation, s’est
fortement chargée de pourpre, elle peut donner
lieu à une fluorescence blanche très intense; mais,
comme on le sait, cette action ne se produira que
sous l'influence des radiations à courte longueur
d'onde. Divers auteurs ont fait voir, en effet, que la
partie la moins réfrangible du spectre ne produi-
sait pas la fluorescence ; le pourpre n'aura donc au-
cune action sur laperceplion des radiations à grande
longueur d'onde, ce que l'expérience a fait voir.
Parinaud ne pense pas que celte fluorescence
soit d'ordre purement physique, mais il la consi-
dère comme analogue à celle que présentent les
pyrophores, c’est-à-dire d'ordre physico-chimique
et donnant lieu à une mise en liberté d'énergie,
car, en même Lemps qu'elle se produit, il y a dé-
veloppement de forces éleclro-motrices variables
suivant l’état de la rétine el son éclairement, ainsi
que l'ont fait voir Holmgreen, Dewar, J. Chatin.
Le phénomène de Purkinje, dont j'ai déjà parlé,
trouve dans celle théorie son explication loute
naturelle ; les différences observées lors de la va-
rialion d'intensité des lumières soumises à l’expé-
rience tiennent simplement à une adaptation plus
ou moins grande de l'œil.
On voit que, si la théorie de la vision des cou-
leurs n'est pas encore bien établie, certains points
paraissent au moins très vraisemblables. Les
auteurs récents dont nous venons de rapporter les
travaux paraissent s’accorder pour assigner au
pourpre rélinien un rôle important dans la per-
ceplion des sensalions lumineuses ; c’est d’ailleurs
la seule chose sur laquelle ils s'entendent à peu
près. Quant à ce qui est de la perception des effets
chromatiques, il y a déjà désaccord entre Ebbing-
haus et Kœnig, le premier adoptant la théorie
de Hering et faisant des dérivés du pourpre rélinien
des substances pour la perception du bleu et du
Jaune, le second se ralliant à la théorie de Young-
Helmholtz, les dérivés du pourpre ne servant qu'à
percevoir le bleu. Parinaud s'écarte complètement
des autres auteurs: les bâlonnets elles dérivés du
pourpre ne jouent, pour lui, aucun rôle dans les
phénomènes chromatiques : il rejette toute théorie
basée sur la perceplion de trois ou quatre couleurs
élémentaires à l’aide de substances visuelles et de
terminaisons nerveuses distinctes ; l’effet d’une
radiation quelconque peut être perçu par un
D: G. WEISS — LA THÉORIE CHIMIQUE DE LA VISION
cône quelconque et transmis par la fibre optique
correspondante aux centres où se développe la
sensation chromatique. Pour moi, c'est à la théorie
de Parinaud que je me rallie de préférence, au
moins pour l’ensemble des faits ; mais il n’y a pas
lieu ici de rapporter toutes les objections que l’on
pourrait faire à Ebbinghaus et à Kænig.
IX
Pour compléter celte étude, il y aurait un der-
nier point à élucider : comment se produisent les
transformations inverses de celles quenous venons
d'étudier? Le pourpre rétiniense forme-t-il à l’aide
de matériaux nouveaux pour donner le jaune ré-
tinien, puis un produit incolore, ou la transforma-
lion exactement inverse peut-elle se produire sous
certaines influences ? On conçoit l'importance de
cette question à propos de la théorie de Hering.
Un fait remarquable semble appuyer cette dernière
manière de voir: des solutions biliaires de pourpre
rétinien, bien débarassées d'alcool et d'éther,après
décoloration à la lumière du jour, peuvent dans
l'obscurité reprendre quelque couleur. Au bout de
40 minutes environ on peut arriver au jaune clair,
au bout de deux heures au rose pâle. Ce phénomène
peul se reproduire plusieurs fois, mais il est tou-
jours peu accentué. Voyons ce qui se passe sur la
rétine. Une rétine de grenouille reprend sa couleur
à l'abri de la lumière au bout de 4 à 2 heures lors-
qu’elle est en place ; séparée, elle reste décolorée
ou présente les phénomènes que nous venons de
signaler pour la solution des pourpres réliniens.
De même, une réline en place ne se décolore
qu'au bout de 3 minutes, alors que, danslesmèmes M
conditions, une rétine séparée ne demande qu'une
demi-minute pour être blanche : il y a donc dans
les couches sous-jacentes à la rétine une cause
puissante de régénéralion. On ne peul altribuer
cette action à la nutrition par la circulation dans
le réseau vasculaire choroïdien ; voici, en eflet, une
expérience de Kühne très probante à cet égard. On
expose une grenouille à la lumière vive : enlevant
un œil et l'ouvrant, on vérifie quela rétine est déco-
lorée ; on extirpe alors l’autre œil; il est, par cela
même, dépourvu de circulation et, malgré cela, la
régénération du pourpre rétinien se produil à peu
près aussi rapidement que sur l'animal vivant,
c'est-à-dire en une ou deux heures. On peut, du
reste, varier l'expérience : détachonslaréline d'une «
grenouille avec Loutes les précautions indiquées
précédemment, portons-la à la lumière, puis, une
fois décolorée, remettons-la en place, à l'obscurité;
elle aura repris sa couleur en moins d'une demi-
heure. Ce temps, moindre que dans l'expérience
précédente, peutsembler étonnant :c’estqu’icinous
avons seulement détruit le pourpre rélinien; les .
É: :
V.-B. LEWES — LA SYNTHÈSE INDUSTRIELLE DES HYDROCARBURES 269
RE ——————————
_ matériaux de réserve des couches sous-jacentes
ont été ménagés. Dans le premier cas, au contraire,
. sur l'animal vivant la décoloration n’était produite
que lorsque les couches élaient provisoirement
_épuisées. Je n’indiquerai pas les autres variantes
de cette expérience, qui d’ailleurs peut aussi se
. faire sur des Mammifères, mais plus difficilement.
. C’est donc dans la couche des cellules pigmen-
_laires qu'il faut chercher la matière première du
. pourpre rélinien. Mais quelle est-elle ? Capranica
considérait qu'elle consistait en une substance
- jaune colorant des globules très réfringents qui se
trouvent dans ces cellules pigmentaires; cette opi-
_ nion n'a pas obtenu la faveur des biologistes.
Aujourd'hui on attribue ce rôle au pigment qui se
… trouve à la partie interne et dans les prolongements
- protoplasmiques de ces cellules, et sur lequel la
- lumière à une action évidente.
J'ai, en effet, déjà dit, lors de la descriplion des
optogrammes, que les parties de rétine exposées à
la lumière avaient une grande tendance, lorsqu'on
les enlevait, à entrainer avec elles le pigment sous-
Jacent. Cela tient à ce que, sous l'influence de J'ex-
citation lumineuse, le protoplasma pousse de véri-
tables jets entre les cônes el les bâtonnets, et le
pigment suit la même marche. Ce fait est connu
sous le nom de migration du pigment ; il ne peut se
mettre en évidence qu’à l’aide de préparations his-
tologiques délicates, dont la technique est exposée
dans les traités d’anatomie microscopique, entre
autres dans celui de M. Ranvier. Pourquoi le pig-
ment se déplace-t-il ainsi? C'est ce que l’on ne
peul pas dire encore : c’est à des recherches ulté-
rieures à décider si ce phénomène est, comme
beaucoup de physiologistes tendent à le penser, en
relation avec la régénération du pourpre rétinien.
C'est un des points importants à élablir mainte-
nant. D' G. Weiss,
Professeur agrégé de Physique
à la Faculté de Médecine de Paris.
‘La combinaison directe du charbon et de l'hydro-
- gène dans l'arc électrique est une véritable syn-
+ thèse, et, si nous pouvions former, de celte façon,
de l’acétylène en quantité suffisante, il serait très
facile d'obtenir, en partant de l’acétylène, tous les
; autres carbures d'hydrogène qui peuvent être em-
—… ployés pour l'éclairage. Si, par exemple, on fait pas-
“à peine visible, il se convertit rapidement et facile-
ment en benzol; à une plus haute température on
obtient de la naphtaline, tandis que, par l’action de
l'hydrogène, il peut se former de l'éthylène et de
léthane. Du benzol nous Lirons facilement l’ani-
line el toute cette série de magnifiques substances
“colorantes qui, depuis vingt-cinq ans, font les
“délices du beau sexe, tandis que l’éthylène, ob-
“tenu de l’acétylène, peut facilement être converti
en alcool éthylique par l'acide sulfurique et l’eau;
“on peut, à nouveau, tirer de l'alcool une riche
“variété d’autres nee organiques, de sorte
que l’acétylène peut, sans exagération, être con-
“sidéré comme une des grandes clefs de voûte de
l'édifice organique, et, une fois qu'on aura trouvé
pue méthode peu coûteuse et pratique de le pré-
_ parer, il est difficile de prévoir tous les résultats
“quil sera possible d'eblenir par la suite.
… En 1836, on reconnut que, lorsqu'on prépare le
“potassium en distillant du carbonate de potasse
3 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
ns
* LA SYNTHÈSE INDUSTRIELLE DES HYDROCARBURES
EMPLOYÉS À L'ÉCLAIRAGE
uni à du carbone, il se forme de petites quantités
d’un produit accessoire, composé de potassium et
de carbone, que l'éau décompose avec dégagernent
d'acétylène; en même temps, Wôühler, en faisant
fondre un alliage de zinc et de calcium avec du
carbone, obtint un carbure de calcium, el vit dans
ce corps la source d’où l’on pourrait obtenir de
l’acétylène par l’action de l’eau.
Aucun autre résultat ne fut obtenu jusqu’à l’an-
née 1892: cette année-là, L. Maquenne prépara du
carbure de baryum en chauffant à une haute tem-
pérature un mélange de carbonate de baryte, de
magnésium en poudre et de charbon de bois; le
produit, traité par l’eau, dégageait de l’acétylène.
Un peu plus tard, Travers fit du carbure de cal-
cium en chauffant ensemble du chlorure de calcium,
du carbone et du sodium. Toutefois, aucun de ces
procédés ne promettait de donner des résultats
pratiques au point de vue commercial, car le
prix naturellement élevé du potassium, du sodium,
du magnésium, ou du mélange calcium-zine qu'il
fallait employer, rendait {rop coûteuse la produc-
tion de l’acétylène au moyen des carbures.
Par l'emploi du four électrique, M. €. L: Wilson
a récemment remarqué qu'un mélange contenant
de la chaux et de l’anthracite en poudre, se trans-
forme, en fondant sous l'influence de la Llempéra-
ture de l'arc, en une masse lourde, semi-métal-
ç**
270
V.-B. LEWES — LA SYNTHÈSE INDUSTRIELLE DES HYDROCARBURES
lique. Il examina celte masse; comme elle n'étail
pas ce qu'il cherchait, il la jeta dans un baquet
d'eau: le bouillonnement violent de l'eau qui en
résulla indiqua le dégagement rapide d’un gaz,
dont l'odeur intense força l'attention de l’expéri-
mentateur ; au contact d’une flamme, le gaz brüla,
donnant une flamme fumeuse, mais cependant
lumineuse.
M. L.T. Wilson, en étudiant la cause de ce phé-
nomène, vitbientôt que, dans un four électrique con-
venablement construit, de la craie ou de la chaux
broyée menu, mélangée avec du carbone en poudre
sous une forme quelconque, que ce soit du charbon
de bois, de l’anthracite, du coke, du charbon ou
du graphite, peut se fondre on formant un composé
connu sous le nom de carbure de calcium, conte-
nant 40 parties en poids de l'élément calcium,
base de la chaux, et 24 parties de carbone; si l'on
y ajoute de l’eau, une double décomposition se
produit : l'oxygène de l'eau se combine avec le
calcium du carbure pour former de l'oxyde de
calcium ou chaux, tandis que l'hydrogène s’unit au
carbone du carbure pour former de l’acétylène. Le
coût du gaz ainsi produit permet non seulement de
l'employer directement dans le commerce, mais
encore de s'en servir pour produire une grande
quantité d’autres composés.
La production du carbure de calcium au moyen
de la chaux et de toute espèce de carbone nous
rend pratiquement indépendants du charbon de
terre et de l'huile, et met dans nos mains le pre-
mier agent par lequel la Nature produit vraisem-
blablement ces grands emmagasinements souler-
rains de combustible liquide si largement utilisés
aujourd’hui.
Le carbure de calcium est une substance gris
foncé, ayant un poids spécifique de 2,262; lorsqu'il
est pur, une livre anglaise de cette substance pro-
duira, en se décomposant, à pieds cubiques,
3 pouces (un mètre cube 60) d'acétylène. Mais, à
moins qu'il ne soit très frais, et qu'on ait pris des
précautions pour le préserver de l'air, la surface
extérieure est légèrement attaquée par l'humidité
atmosphérique, de sorte que, dans la pratique, la
production ne dépassera pas cinq pieds cubiques
(un mètre cube et demi). Toutefois, la densité el
la dureté de la masse la garantit beaucoup contre
l'action atmosphérique, de sorte que, lorsqu'elle
est en morceaux, elle ne s'altère pas très vite; au
contraire, à l’état de poudre, elle est influencée
rapidement.
L'acétylène qu'on en tire, lorsqu'on dose ce gaz
en l’absorbant avec le brome, — et, à litre de con-
trôle, par l'argent, — donne 98 °/, d'acélylène el
2 0/, d'air, et des traces d'hydrogène sulfuré, la
présence de celle impureté élant due à des traces
de sulfate de chaux —- gypse — existant dans la
chaux employée à sa fabrication, et à des pyrites
qu'on rencontre dans le charbon employé.
L'acétylène est un gaz clair, sans couleur, à
odeur extrémement pénétrante, ressemblant un 1.
peu à celle de l'ail; son odeur forte offre une très 3
grande sécurité quand on l'emploie, puisque la …
moindre fuite se perçoit de suite; il est certains
que son odeur est tellement forte qu'il serait abso- LA
lument impossible de pénétrer dans une chambre
contenant une quantité dangereuse de ce gaz. Î
Cela est un point très important à signaler, car M
les recherches de Bistrow et de Liebreich montrent
que le gaz est toxique: il se combine avec l'hémo-
globine du sang pour former un composé similaire «
à celui que produit l'oxyde de carbone; mais le
grand danger de ce dernier gaz, c'est que, n'ayant |
pas d'odeur, sa présence ne se révèle qu'aux pre-
miers symptômes d'empoisonnement, tandis qu'on
n'a point à craindre un pareil danger avec l’a-
célylène. 5
L’acétylène est soluble dans l'eau et dans la
plupart des autres liquides, et, à la température -
et à la pression ordinaires de 60° Fahrenheit et ”
30 pouces de mercure (76 em.), 10 volumes d'eau -
absorberont 11 volumes du gaz; mais, dès quele gaz
est dissous, l'eau, étant saturée, cesse de l'absorber. #
De l’eau déjà saturée de gaz de houille Le
pas l’acétylène si facilement, tandis que le gaz est
pratiquement insoluble dans de l’eau salée saturée, 4
—. 100 volumes d’une solution de sel saturée ne
dissolvant que 5 volumes du gaz. Le gaz est bien
plus soluble dans l'alcool, qui, à la pression et à
la tempéralure normales, absorbe six fois son
propre volume d’acétylène, tandis que 10 vo-
lumes de parafline, dans les mêmes conditions,
absorberont 26 volumes du gaz. C’est un gaz lourd,
ayant un poids spécifique de 0,91.
Lorsqu'on approche une lumière de l'acétylène,
il brûle avec une flamme lumineuse et très fameuse ;
et lorsqu'un mélange d'un volume d'acétylène «
et d’un volume d'air est allumé dans un cylindre, «
une flamme d’un rouge terne descend le long dun
cylindre, en laissant derrière elle une masse de“
suie, et en répandant une épaisse fumée noire.
Lorsque l'acétylène est mélangé avec une fois
etun quart son propre volume d'air, le mélange |
commence à être légèrement explosif, la violence
explosive augmentant jusqu'à ce qu’elle atteignem
un maximum avec environ douze fois son volume
d'air, et elle diminue graduellement jusqu'à ce
que, avec un mélange d’un volume d'acélylène pour
vingt volumes d'air, ce gaz cesse d'être explosif.
Le gaz peut être condensé en liquide par la pres:
sion ; Andrew admet qu'il se liquéfie à une pression
de 21,5 almosphères, à une température de 0° C.,
hs AI
+ «
LM ER Las pote
- landis que Cailletet avance qu'à 1° C. il a besoin
- d’une pression de 48 atmosphères. Le liquide ainsi
produit est mobile, et extrêmement réfringent ;
- quand on le répand dans l'air, le passage du liquide
-à l'état gazeux absorbe tant de chaleur qu'un peu
- du liquide qui s'échappe est converti en un solide
semblable à la neige, qui prend feu quand on y
applique une lumière, et brûle jusqu'à ce que le
“solide se convertisse en gaz et soit consumé.
. Dans mes recherches sur le pouvoir lumineux de
“a flamme, j'ai fait voir que tous les carbures
d'hydrogène présents dans le gaz de houille el
- autres flammes lumineuses sont convertis en acé-
“iylène par la cuisson qui a lieu dans la zone
intérieure non lumineuse, avant qu'aucun effet
«lumineux se soit produit, et que c’est l’acély-
- lène qui, par sa décomposition rapide à 1200° LÉ
fournit la flamme lumineuse avec ces parcelles de
carbone qui, chauffées à l’incandescence par des
agents divers, donnent à la flamme le pouvoir
d'émettre de la lumière. L'acétylène apparaissant
ainsi comme une source de lumière, on croirait
- que nous avons dans ce gaz le plus puissant des
- hydrogènes carbonés gazeux éclairants, et l'expé-
. rience montre que tel est le cas.
“_ Par suite de sa richesse intense, l'acétylène peut
seulement être consumé dans de petits becs à
“flamme plate, mais, dans ces conditions, il émet une
D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
19
11
lumière plus grande que celle donnée par tout
autre gaz connu, son pouvoir éclairant, calculé
pour une consommation de à pieds cubiques (1"50)
à l'air, n'étant pas au-dessous de 240 bougies.
POUVOIR ÉCLAIRANT DES CARBURES POUR UNF CONSOMMATION
DE 5 PIEDS CUBIQUES (150) DE GAZ
Bougies
Méthane terme 5e
DEN NO EREPERRRE = 39.7
PrOpPANE ee... 06,7
Bthylènet 70.0
Buthylene st ne 123,0
Acélyleness. 1" 240.0
Il est établi que le carbure peut être produit à
environ £ # (100 fr.) la tonne; on en déduit que
ce produit aura un grand avenir devant lui, car
une tonne produira 11.000 pieds cubiques de gaz
(environ 4.000 mètres cubes). La chaux délaissée
comme un produit accessoire coùterait 10 shil-
lings (12 fr. 50) la tonne, et le gaz coûterait ainsi
6 sh. 41/2 d. par 1000 pieds cubes (8 fr. par 330 mè-
tres cubes, soit 2 fr. 40 par 100 mètres cubes), et,
en pouvoir éclairant, il serait égal au gaz de houille
de Londres à 6 pence (0 fr. 60) les mille pieds
cubiques. Sa production facile le rendrait propre à
l'éclairage à la campagne, tandis que son grand
pouvoir éclairant le rendrait utile pour enrichir les
gaz de houille pauvres ‘.
Prof. Vivian B. Lewes,
de la Society of Arts de Londres.
Le nombre des travaux et mémoires qui parais-
logie que dans n'importe quelle branche des
sciences, et il est superflu d'insister sur la difficulté
“et il demande à la Société Zoologique de France
“détudierun projet qui présenterait de grands avan-
“ages. Il propose de réunir les différents recueils de
bibliographie zoologique en une seule publication
| qu'un bureau central, international, placé par
exemple près d'une grande bibliothèquezoologique,
à Londres ou à Naples, serait chargé de préparer.
En outre, et c’est là ce qui constitue l'originalité
du projet, ce bureau confectionnerait des fiches
dont chacune porterait le titre de l’ouvrage avec
Vindication très brève du sujet traité. Ces fiches
1 Mém. Soc. Zool. France, 1894.
REVUE ANNUELLE
DE ZOOLOGIE
seraient classées dans un index 44 hoc et pour-
raient être envoyées aux abonnés. Ce bureau de-
xrait, en outre, informer sans retard chaque abonné
de la publication de tout ouvrage touchant à l'ob-
jet de ses recherches. Il suffirait d'indiquer au bu-
reau les points sur lesquels chacun veut être ren-
seigné et de s'abonner aux fiches correspondantes.
Lesindications portées sur les fiches pourraient être
très courtes. Field donne comme exemple : Nitsche,
Studien über das Eichwild. Zool. Auz. XI. p. 181-191,
qu'on pourrait caractériser ainsi : Anatomie, Dents,
Ramure (Tératologie) ; jambe (squelette).
Ce système offrirait des avantages que chacun
peut apprécier, et sa réalisalion ne parait pas pré-
senter de bien grandes difficultés, car il ne serait
pas plus difficile de faire, pour la science, ce que
font certains bureaux qui découpent, dans les
journaux politiques, les articles intéressant leurs
abonnés et les leur envoient.
1 Résumé d’un travail que l’auteur vient de présenter à la
Society of Arts de la Grande-Bretagne et de publier dans le
journal anglais Nature (n° 1317).
212
C’est en grande partie afin de faciliter ou de sup-
primer des recherches bibliographiques très
longues et très pénibles que la Société Zoologique
d'Allemagne a conçu un projel vraiment considé-
rable : la publication d’un ouvrage qui s'inli-
tulerait Das Work Species Animalium recentium, sorte
de catalogue raisonné de toutes les espèces ani-
males actuellement vivantes ou connues aux temps
préhistoriques, décrites jusqu'à ce jour ‘. Le nom
de chaque espèce serait suivi de la synonymie, de
données bibliographiques, d'une description suf-
fisante et d'indications géographiques. Une Com-
mission, composée de MM. Brauer, Carus, Düder-
lein, Ludwig, Môbius, Schulze et Spengel, s'occupe
actuellement de cette importante queslion el s’est
déjà entendue avec différents zoologistes pour faire
paraitre, le plus tôt possible, trois premiers vo-
lumes comprenant un grand groupe de Vertébrés,
d'Arthropodes et d'animaux inférieurs. M. Büttger
s'est engagé à faire les Anoures ou un groupe de
Reptiles, M. Ortmann un groupe de Crustacés
Décapodes, et M. Ludwig, les Holothuries. Déjà, à
la réunion de la Société Zoologique qui s’est tenue
à Munich, du 9 au 11 avril 1894, M. Orlmann a pré-
senté le manuscrit relalif au genre Palinurus et
M. Ludwig celui des Molpadides.
IL y a donc lieu d'espérer que cette grande entre-
prise ne reslera pas à l’état de projet. Mais, pour
que cette publication remplisse son but et four-
nisse aux Zzoologisies des documents vraiment
uliles, il faut qu'elle fixe l’élat de la science à un
moment donné; il faut qu'une fois commencée,
elle se continue activement et soil rapidement ter-
minée. Quoi de plus inutile, dans leur ensemble, et
de plus grotesque, que ces ouvrages commencés
il y a trente ans el qui ne sont pas encore achevés
aujourd’hui, dont les premiers volumes, vérilables
fossiles de la science, n'ont de commun que le
nom avec ceux qui paraissent maintenant! Il est
donc nécessaire quele nombre des collaborateurs
soit assez élevé pour que chacun puisse lerminer
le groupe dontil s'est chargé dans un laps de
temps très court, quelques années au plus. Les spé-
cialistes ne manquent pas qui pourraient se parta-
gerla besogne, etla Société Zoologique d'Allemagne
trouverait, si son œuvre doit être internationale,
des collaborateurs assez nombreux pour que tous
les manuscrits lui fussent remis en temps utile.
Cette publication constiluerail un monument
impérissable à l’usage des zoologistes du siècle
futur, auxquels elle transmettrait l'état de la z00-
logie à la fin du xix° siècle, qui, pendant ces trente
1 Senurze, Bericht d. Commiss. f. die Species Animaliumn
recentium. Verhdl. d. Deults. zool. Gesell. auf, d. vierste Jah-
resversammlung, 1894.
D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
“et 2. et b) pourvu d’un granule nucléinien qui
; Il 5
dernières années, a vu éclore lant de travaux im-
portants. k
Afin d'établir un certain ordre dans cette Revue,
où je ne puis effleurer que quelques sujets, j'exa-
minerai suctessivement, autant que cela est pos- 1
sible, les travaux relatifs à l'organisation et au .
développement des Animaux, puis ceux qui se.
rapportent à la Zoologie pure, à l'étude des Faunes
et à la Géographie zoologique. 1
I. — PROTOZOAIRES.
Depuis 1880, époque où Laveran découvrit les.
parasites endoglobulaires qui causent l'impalu- …
disme, ces êtres et quelques formes voisines ont
été beaucoup étudiés, mais à peu près exelusive-
ment par des médecins, qui, n'ayant en Zoologie
que des connaissances très vagues, avaient émis
sur l'évolution de ces organismes les idées les plus
invraisemblables. Labbé! a repris l'étude des pa-.
rasites du sang des Vertébrés, qui passent, soit
leur existence entière, soit une partie au moins,
à l'intérieur des globules, en laissant de côté les «
questions de clinique ou de pathologie, et en se.
plaçant au point de vue purement zoologique.
Envisagé de celte manière, le sujet était presque
complètement neufet l'auteur est arrivé à des ré-
sultats fort intéressants ?. Il a été amené à dis-
linguer chez ces êtres deux groupes très nelte-
ment dislinets. Les Æ:emosporidies où H:æmogréqu-
rines (fig. 4, 2 el 3), qui forment le premier
groupe, se développent dans l'intérieur d’un glo-
bule de Vertébré à sang froid. Ils s'y présentent
d'abord sous forme d'un organisme allongé (fig.1.4
s’entoure d'une membrane, acquiert une forme
grégarinienne et sort du globule (fig, 4, 4, et 2, c)
pour mener, dans le sérum, une existence libre, au:
cours de laquelle des conjugaisons (fig. 1, «) pour-
ront même avoir lieu. Lareproduction est toujours
intraglobulaire. Les parasites rentrent par l’extré-
mité pointue dans un globule, s'y recourbent de
1 Arch. Zool. Exper., 3° série, t. IL.
2 D’après Labbé, le nombre des espèces animales hébergeants
des parasites endoglobulaires est relativement restreint. Less
Invertébrés n’en ont jamais présenté, pas plus que les Pois-
sons. Parmi les Batraciens, on n'en trouve que chez la Gre
nouille (R. esculenta) qui est fréquemment infestée par plu=
sieurs espèces différentes. Parmi les Reptiles, c’est chez les
Lézards et les Tortues d'eau douce qu’on en rencontre le
plus souvent. Il n’est pas rare d'en observer chez les Oiseaux,
mais il est curieux de constater que, tandis qu'en Italie la
plupart des espèces sont infestées, à Paris et dans le Nord de
la France, quelques espèces seulement (Alouette, Pinsonÿ#
Etourneau, Geai) renferment des parasites. Enfin, parmi less
Mammifères, l'homme est le seul qui présente, dans les cas
d'impaludisme, des parasites endoglobulaires. ;
Tout récemment, A. Billet (C. R. Soc. Biologie, 1895) a cons
taté l'existence de ces parasites chez les Ophidiens.
D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZUOLOGIE
213
façon à faire coïncider leurs deux bouts et devien-
_ nent sphériques: ils s’entourent d'une membrane
et forment un kyste ou eyloryste (fig. 3, a), qui
_ donne naissance à des sporozoïles (fig. 3, db, e, d)
renfermant chacun une partie du noyau divisé (il
. ya toujours un nucléus de reliquat »). Les spo-
rozoïtes, mis en liberté par la rupture du kyste et
= ;
“Diverses phases de la reproduction du Drepanidium
Fig. 4. — Halleridium du sang de l'Alouette : p
mwæba du sang de l'Homme ; 4, parasite endoglob
eos du sang du Pinson; parasite endo
globulaire (a
du globule, pénétreront dans un nouveau globule
recommenceront le cycle d'évolution que je viens
. de résumer. ;
Les Gymnosporidies (Gig. 4, 5 et 6) passent toute
eur existence dans l’intérieur d’un globule, géné-
lement d'animal à sang chaud. Le parasite qui
pénétré dans le globule, y prend, soit une forme
aæ@boïde, soit une forme en croissant (fig. 4, 5el
: kyste, se divise en un ecerlain nombre de sporo-
I20ïles (fig. 4,c, d, —5, 6, —et 6, c, d)avecnucléus de
reliquat. Il y a des formes disporées (Halteridium du
d
|
a), puis se transforme en spore qui, sans donner |
sang de l’alouette, fig. 4) et monosporées (H:emamaæba
de l’homme, fig. 6). Quant à la forme flagellée, ou
polymitus (fig. 7.), considérée par les auteurs
comme un stade de développement, ce n’est qu’un
produit artificiel dû au refroidissement du sang
quand il sort de l’animal : c'est une forme #ou-
ranle; elle prend naissance dans les préparations.
Fig. 3 Fig. 6 Fig. 7
e. Fig. 1-7. — Parasiles endoglobulaires du sang des Vertébrés, d'après Labbé.
US. 1. — Drepanidium du sang de la Grenouille; 4, parasite endoglobulaire dans son globule ; b, parasites libres: €, con-
ugaisons, — Fig. 2. — Danilewska du sang du Lézard; à, b, phases endoglobulaires; €, parasites libres. — Fig. 3. —
3,4, Cytocyste; b, ce, division du contenu du cytocyste; d, sporulation.
arasites endoglobulaires (4,b) et sporulation (c,d)
ulaire ; b,c et 4
. — Fig. 5. — Hæma-
, différentes phases de la sporulation. — Fig, 6. — Pro-
et sporulation (b). — Fig. 7. — Polymitus d'Halleridium.
Les aflinités des parasites endoglobulaires sont
fort intéressantes. Les Hæmosporidies ne diffèrent
des Grégarines que par leurs kystes, qui ne sont
Jamais intracellulaires chez ces dernières, et des
Coccidies que par leur phase libre: elles relient
donc ces deux groupes de Sporozoaires. Comparées
aux Grégarines, les Hæmosporidies offrent une
infériorité incontestable: la dégradation parasi-
taire est encore plus sensible chez les Gymnospo-
ridies : celles-ci sont des Coccidies acystiques à
phase adulte amæboïde et dégradées par une
| Sporulation intracellulaire.
2714
D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE ;
Aussi Labbé divise-t-il les Sporozoaires en :
Cytozoaires, qui, pendant une période au moinsde
leur existence, ont une vie intracellulaire (Gréya-
rines, H:emosporidies, Coccidies, Gymnosporidies) et
Hislozoaïires, qui n'ont pas de stade d’accroissement
intracellulaire (Hyxosporidies, Microsporidies, Sar-
cosportdies).
Les autres travaux qui se rapportent aux Pro-
tozoaires ne présentent point l'importance du pré-
cédent : je ne signalerai que ceux qui traitent de
la division chez ces êtres. Les phénomènes s'y pré-
sentent souvent avec des caractères étranges, bien
différents de ceux que l’on est habitué à rencontrer
chez les Métlazoaires.
Ainsi Blochmann!, chez
les Euglènes, et Schau-
dinn ? chez les Fora-
minifères, ont décrit
des modes de division
très particuliers. Rom-
pell * a observé les cen-
trosomes chez un Infu-
soire parasite des Ve-
balia : c’est la première
fois qu'onles rencontre
chez les Infusoires, el
Ischikawa * a reconnu
que, chez les Noctilu-
ques, ces corps se for-
———
ponges siliceuses, appartenant aux familles des
Homorhaphidés, Hétérorhaphidès, Desmacidonidés et
Azxinellidés, et en suivre l'évolution dès les pre-
miers stades de la segmentation et de la forma- |
tion des feuillets, dont l'étude n'avait pas été abor-
dée par Delage. Voici, d’après Maas, comment
s'opère la métamorphose : La larve présente une
couche de cellules externes flagellées, recouvrant
une masse cellulaire centrale. Lorsque la fixation
est opérée (fig. 8), les cellules externes perdent
leurs flagella (et) et s'enfoncent dans la massse
centrale, dont les cellules subissent en même
temps une différenciation : les unes (e) s'aplatis-
sent et, se portant vers
la périphérie, s’étale-
ront en une couche con-
Linue, qui est l’ectoder-
me définitif, où lapisse-
ront les cavités sous-
dermiques; les autres
(ñ) resteront en place et
constilueront les divers
éléments du parenchy- :
me de l'Eponge. Pen-
dant ce temps, les cel-
lules primitivement ex-
ternes qui s'étaient in-
vaginées, s'organisent |
par pelits groupes; cha-
ment aux dépens du Fig. 8. — Coupe d'une larve de Clathria Coralloïdes, wne sons deviendra nee
protoplasma. minute après sa fixation, d'après Maas. — ect, cellules ec beille vibratile, dont la
todermiques flagellifères de la larve s’invaginant dans la + Rarege AR 4
DR 4 masse des cellules centrales m; certaines de ces dernières SENÈSE est inter prélée
IT. — SPONGIAIRES. le Vo MEN ES 7 Ù Fe |
cellules (e) se portent sur la pe riphérie et se constituent en d'une manière un peu
“ couche externe continue, qui deviendra l’ectoderme définitif me,
Les recherches les de l'Eponge; sp. spicules. différente par Delage et
plus récentes sur le dé-
veloppement des Eponges ont abouli à des résul-
lats qui renversent complètement les idées an-
ciennes sur la signification de l'organisme chez
ces animaux. Il y a deux ans à peine qu'à la suite
de ses recherches sur l'embryologie de quel-
ques Eponges siliceuses, Delage est arrivé à cette
conclusion surprenante que l’épiderme de l'Éponge
adulte est constitué par des cellules primitive-
ment internes, tandis que les cellules externes de
la larve rentrent à l’intérieur après la fixation.
Ces résultats étaient en désaccord formel avec les
Opinions courantes et ils avaient été admis avec
quelques réserves par les zoologistes. Ils viennent
d'être confirmés tout récemment par Maas, dont le
travail offre le plus grand intérêt. Ce savant a pu
étendre ses recherches à un certain nombre d'E-
1 Biol. Centralblatt. Bà XIV.
2? Zeils. f. wiss. Zool. Ba LVII.
3 Zeils. f. uiss. Zool. Bd LVIII.
4 Journ. Coll. Sc. Japan. vol. VII.
5 Zool. Jahrbücher. (Abth. f. Anatomie) Bd VIT.
par Maas.
Nüldecke! a confirmé, chez la Spongille, la pé- «
nétration, dans l'intérieur de la larve, des cellules .
externes flagellées ; mais il admet que ces cellules
se résorbent complètement et ne sont l'origine
d'aucune formation. Ces divergences d'opinion ne
larderont pas, sans doute, à être expliquées: mais
le fait important, et désormais acquis à la science,
qui se dégage de ces recherches, c'est qu'il n'est
plus possible de considérer les Eponges comme «
des animaux à trois feuillets, dont l’'endoderme
formerait les corbeilles vibratiles. Les deux feuil-.
lets primaires s'établissent, chez la larve, par les.
procédés ordinaires, mais c'est là le seul carac-
tère que les Eponges partagent avec les Méta-
zoaires, car, dès que les deux feuilletssont formés, w
le développement prend une allure toute particu-.
lière. Il se produit une véritable inversion des
feuillets, une partie de l’endoderme produisant les
cellules de recouvrement de l'Éponge adulte,
! Ibid. Bd, VIII.
D' R. KŒHLER — REVUE
ANNUELLE DE ZOOLOGIE
bo
rh)
dis que l’ectoderme s’enfonce dans les tissus
profonds et fournit probablement les éléments des
corbeilles vibratiles.
=
IT. — VERS.
Les recherches entreprises par Jammes! sur
Nématodes montrent que certains organes
de ces êtres ont une structure plus simple qu'on ne
dmettait jusqu'à maintenant. Ainsi, pour cet
auteur, les dispositions fort complexes, qui ont élé
crites avec beaucoup de détail dans le système
veux des Ascaris en particulier, n'existent pas.
e système nerveux et la couche granuleuse cons-
tuent un seul et même tissu résultant de la trans-
| formation de l’ectoderme après qu'il a sécrété la
cuticule. La plupart des cellules de cet ectoderme
_se transforment, comme on sait, en fibrilles anas-
| fomosées: les autres conservent leur forme et
persistent au sein de la couche de fibrilles; on les
| retrouve chez l'adulte, en différents points : elles
sont particulièrement nombreuses autour du pha--
px ef au voisinage des orifices génital et anal.
L Mais on ne saurait voir, dans ces amas de cellules,
des ganglions distincts : encore moins peut-on
parler de xefs à trajet compliqué. Le système
nerveux ne s’est pas séparé de l’ectoderme chez
es Nématodes parasites, et ce caractère parait dû
: la présence d’une cuticule, car il semble d'autant
plus accentué que l'adaptation au parasitisme est
“plus marquée. En effet, chez les formes libres où
Ia cuticule est très mince, les cellules qui entourent
Vœsophage se différencient en un collier nerveux
distinct ?. $
L'étude du développement a conduit le même
auteur à des résultats très intéressants. La seg-
m_omentation de l’œuf, régulière, aboutit à la for-
mation d'une morula pleine qui, par délamination,
e partage en une couche ectodermique et une
masse centrale de protendoderme; un nouveau
clivage sépare ensuite le mésoderme, qui s’écarte
de l’endoderme, tout en conservant avec lui des
communications sous forme de ponts protoplas-
m_offre donc un caractère mésenchymateux et se
“présente comme un schizocèle comparable à celui
des Plathelminthes ; seulement,tandis que.chezces
- derniers, le caractère mésenchymateux du méso-
derme s’accentue de plus en plus, chez les Néma-
odes, ce feuillet, en se régularisant, prend la dis
1 Recherches sur l’organisation et le développement des
Nématodes. Thèse de doctorat ès sciences naturelles, Paris.
1894.
ë. 2 Villot a déjà reconnu que, chez les Gordius, le cordon
nerveux ventral ne peut pas être séparé de l'hypoderme, avec
les éléments duquel il est en continuité; ses observations
sont confirmées par Jammes.
=
$,
pe
-miques traversant la cavité générale. Ce feuillet
position épithéliale que l'on connait et limite une
cavité générale spacieuse. Cette . ressemblance
dans le mode de formation du feuillet moyen chez
les Plathelminthes et les Némathelminthes doit
être notée avec soin, car elle établit entre ces deux
groupes un lien de parenté qu'on n'avait pas en-
core soupçonné.
Je suis obligé de passer très rapidement, mal-
gré l'importance qu'ils présentent, sur les nom-
breux travaux dont les Plathelminthes ônt été l’ob-
jet: beaucoup de ces travaux sont surtout descrip-
tifs, tout en renfermant des données anatomiques.
Tels sont les mémoires de Loos ‘sur les Distomes
des Poissons et des Batraciens d'Allemagne, de
Monticelli ? sur les Trématodes endoparasites {avec
une étude anatomique d’un Distome qui vit dans
les canaux gastrovasculaires du Beroe ovata et qu’à
cause de la forme de sa ventouse l’auteur a appelé
D. calyprocotyle), de Will * sur le Caryophyllæus, de
Stiles { sur l'appareil excréteur des Tænias, d'Ols-
son * sur les Cestodes de Suède, de Goto ÿ sur les
Trématodes ectoparasites du Japon. Ce dernier au-
teur a discuté avec beaucoup de talent les homolo-
gies des différentes parties del’appareil génital des
Plathelminthesetil montre en particulier quele ca-
nal de Laurer des Endoparasites et le canal vitello-
intestinal des Ectoparasites sont des formations
homologues. Jesignalerai également plusieurs mé-
moires sur la Bilharzia hæmatobia, dont l'étude pa-
rait être à l’ordre du jour et qui a fait l’objet des
recherches de Sonsino ‘, de Loos $, et de Lortetet
Vialleton *. Les deux savants français viennent de
publier uneimportantemonographie de ce Distome:
mais, malgré leurs efforts, ils n'ont pu découvrir
l'hôte intermédiaire de la Bilhareia.
IV. — ARTHROPODPES.
Le mémoire que Roule ‘ vient de publier sur
le développement du Porcellio est un des rares
travaux où le développement d’un Crustacé soil
suivi, sans idée préconçue, depuis les débuts de
la segmentation jusqu'à la formation des organes.
Les données que nous possédions sur cette ques-
tion élaient très incertaines, soit par suite du
manque de renseignements surles premiers stades,
soit à cause de la préoccupation constante que les
1 Bi_lioth. Zool. Bd. XVI.
2 Zool. Jahrbücher, Bd. VII.
3 Zeits. f. wiss. Zool. Bd. LVI.
1 Centralblatt f. Bakler. u. Parasitk. Bd. XI.
5 Svenska Vel Acad. Handl. Bd. XXV.
6 Journ. Coll. Sc. Japan; vol. VIT.
7 Atti Soc. Toscan. Sc. Nat., vol. IX.
8 Loos ir Læeucxarr. Die Parasilen des Menschens. Bd.
, p. 519-5928.
% Annales Univers. Lyon. T. IX.
10 Ann. Sc. Nat. Zool., Te série, t. XVIII.
=
276
auteurs avaient de retrouver les indices d’une
gastrulation. D'après les observations de Roule sur
différents types, la gastrula n'’existerait pas chez
les Crustacés et l’on aurait toujours confondu avec
une invagination gastrulaire la formation du s/o-
modeur qui fournit une portion importante de l'ap-
pareil digestif. N’est-il pas étrange, en effet, qu'on
décrive une gastrula par embolie précisément chez
des Crustacés, tels que l'Écrevisse, qui sont des
D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
= end
L
EX 4 Fast
Fig. 9. — Formalion des feuillets embryonnaires chez les Crustacés Edriophthalmes, d'après Roule : coupes
transversales d'embryon de Porcellio à dif{érents stades :
ect, ectoderme; p, protendoderme se différen-
ciant en endoderme end et en mésoderme »;n, chaîne nerveuse.
types très modifiés ‘et dont l'embryogénie est con-
densée ?
Roule s'est donc proposé de revoir très atlen-
tivement les premières phases du développement
des Crustacés et il a commencé par les Edrioph-
thalmes. Ila choisi deux types, le Porcellio seaber et
V’'Asellus aquaticus, qui peuvent servir d'exemple
pourmontrer l’uniformité génétique du blastoderme
malgré les différences dans le mode de segmenta-
tion. L'œuf de l’Asellusest, en effet, petit, relative-
ment pauvre en vitellus et il subit une segmenta-
tion totale, mais inégale; chez le Porcellio, au con-
traire, il est gros, riche en vitellus et offre une ci-
catricule qui seule subit la segmentation. Malgré
cette différence, l'œuf se convertit dans les deux
cas en une planulr formée d’un blastoderme à une
seule couche entourant une masse centrale de vi-
tellus (fig. 9). Des cellules nées par division sur la
face interne de ce blastoderme (#t) pénétreront
dans le vitellus et donneront naissance à un tissu
| files régulières de cellules qui s’enfoncent dans le
vitellus, qu’elles découperont comme à l'emporte- :
pièce (fig. 9, e, end); puis, se recourbant par leur »
bord libre, ellesiront à la rencontre l’une de l’autre
pour se réunir et se souder (fig. 9, d). Le tube ainsi
formé est l’entéron, limité par des cellules endo-
dermiques ; il est tout d’abord rempli de vitellus,
derme.
Ce mode de formation du blastoderme et des
feuillets. embryonnaires s’observerait, d’après
Roule, non seulement chez la plupart des Crusta-
cés, mais encore chez beaucoup d’autres Arthro-
podes, el il serait assez disposé à le considérer
comme caractéristique de ce groupe. J'aurai sans
doute l'occasion de revenir plus tard sur ce sujet,
car cel auteur annonce une série de mémoires sur
le développement des Arthropodes.
Il ne peut pas être question, bien entendu, d’é-
; a
mésenchymateux (y) qui représente le protendo-.
a
4
derme. Ces cellules émeitent des expansions pseu- |
dopodiques et se nourrissent du vitellus à la ma-.
nière de phagocytes. Elles naissent d'abord sur
toute l’étendue du blastoderme, mais leur forma=si
tion ne tarde pas à devenir plus active dans deux"
régions symétriques (fig. 9, b), parallèles à l'axe
longitudinal de l'embryon, de chaque côté de la“
future ligne médiane ventrale; il en résultera deux
qui sera résorbé ; quant aux cellules mésenchyma-
teuses restées en dehors, elles deviendront le méso-
tent quelque peu du type observé chez les
driophthalmes, on peut citer les Cirrhipèdes.
après les récents travaux de Groom !, le seg-
entation de l’œufest totale et inégale et lespetites
cellules ectodermiques entourent une grosse cel-
lule centrale chargée de vitellus, comme chez l'A-
lus. Au pôle opposé au pôle germinatif, cette
ernière fournira un certain nombre de cellules
ésodermiques, puis elle se divisera en cellules
“endodermiques qui perdront leur vitellus pen-
dant que l'intestin se faconnera. Il y a ici un rac-
courcissement du développement qui n’a rien d'é-
tonnant chez des êtres aussi modifiés que les
irrhipèdes.
2 Ces mêmes Crustacés ont aussi fait l’objet des
recherches de Gruvel?, qui aétudié différents points
de l’organisation des Balanes et des Lépadides
- adultes. Il s'est rendu compte du mode de forma-
tion du test des Balanes, dont la partie interne est
“sécrétée par le manteau, landis que la partie ex-
“terne est formée par des glandes particulières. Il
“démontre l'absence d'un cœur, déjà nié par moi-
_même , mais dont l'existence était admise tout der-
Miérement encore par Nussbaum, et il prouve quela
“circulation du liquide nourricier dans le capitu-
lum et dans le pédoncule des Lepadides s'effectue
räce aux contraclions du corps. Il confirme mes
“observations sur la structure des éléments ner-
veux et il a pu s'assurer que l'œil, loin d’être,
“omme le prétendait Nussbaum, un organe atro-
phié et inutile, peut recevoir les rayons lumi-
neux et être impressionné par eux. Le même au-
“eur nous donne des renseignements très précis
Sur les appareils d'excrétion des Cirrhipèdes. Les
brganes rénaux, découverts par Hoeck, sont des
Sacs clos ne s’ouvrant pas à l'extérieur chez l’a-
…lulte : ce sont des reins d’accumulation, ainsi que
je l'ai déjà indiqué; toutefois, les produits qu'ils
éxcrèlent peuvent passer, par osmose, dans la ca-
Nité générale qui communique avec l’extérieur.
lest du moins ce qui arrive chez l’adulte, car pen-
dant le jeune âge les reins s'ouvrent au dehors,
mais les orifices externes s’oblitèrent dans la suite
du développement 3. Les glandes cémentaires et
kiles cellules épithéliales pigmentées du manteau
“ont aussi des appareils excréteurs.
- En injectant des matières colorantes dans la ca-
xité générale d'après la méthode de Kowalevsky,
Gruvel a observé que ces cellules pigmentées éli-
ge
gi
Eu 1 Philosoph. Transact., vol. CLXXXW.
I Arch. Zool. Exp., 3° série, t. I.
“© C.R. Acad. Sc. Paris. t. CXIX.
19
—!
—!
minaient l'ehtroth et le carmin d'indigo, tandis que
les reins excrétaient le carmin. Il y a donc, dans
les appareils excréteurs des Cirrhipèdes, une di-
vision de travail comparable à celle qui a été dé-
couverte par Kowalevsky chez d'autres Arthro-
podes.
Je ne voudrais pas passer sous silence une inté-
ressante observation, faite par Hofer ‘, d'une Écre-
visse dont l’un des pédoncules oculaires était trans-
formé en un appendice biramé ayant la constitu-
tion typique d'un appendice de Cruslacé. Ce fait
fournit un argument de grande valeur à opposer aux
naturalistes qui, à l'exemple de Claus, considèrent
les pédoncules oculaires des Podophthalmes comme
une simple portion de la tête, et elle confirme au
contraire l’opinion de ceux qui leur attribuent la
valeur de véritables appendicgs ?.
La question doit d’ailleurs être élargie et la so-
lution qu'elle comporte doit être étendue à tous
les Arthropodes. La plupart des zoologistes fran-
çais, suivant l'exemple de Perrier, accordent à la
région de la tête des Arthropodes qui porte les
yeux la valeur d'un segment, d'un méride. L’ana-
tomie comparée confirme cette manière de voir.
Ainsi Bordas #, qui vient d'étudier les nombreuses
glandes salivaires des Hyménoptères, rapporte les
différents groupes glandulaires à chacun des six
mérides qui constituent la tête d'un Insecte. Les
glandes salivaires thoraciques et post-cérébrales
correspondent au méride oculaire; les glandes
supracérébrales, sublinguales, mandibulaires, ma-
xillaires et linguales répondent respectivement
aux mérides des antennes, du labre, des mandi-
bules et des màchoires supérieure et inférieure.
J'aurai l'occasion d'analyser tout au long dans
cette Revue le travail de Bordas sur l’appareil glan-
dulaire des Hyménoptères et je prie le lecteur de
vouloir bien se reporter au compte rendu que j'en
ferai.
Kowalevsky #, dont j'ai déjà cité le nom toul à
l'heure, a poursuivi les recherches qu'il a com-
mencées depuis quelques années sur l'appareil
glandulaire, et en particulier sur les reins et les or-
ganes formateurs des globules sanguins des Ar-
thropodes. Il a imaginé une méthode très élé-
gante consistant à injecter, chez les animaux en
expérience, des cultures de bactéries pathogènes
afin d'observer comment celles-ci se comportent
vis-à-vis des phagocytes. C’est au cours de ces re-
1 Verk. Deuls. Zool. Gesell. 1894.
: On peut citer, à l'appui de cette manière de voir, une
disposition remarquable observée chez les Coccides mâles,
dont l’ouverture buccale est oblitérée et qui, à la place des
pièces masticatrices atrophiées, portent des yeux.
3 Ann. Sc. Nat. Zool., t. XIX.
i C. R. Acad. Sc. Paris et Bull. Acad. Imp. Sc. Péters-
bourg {%), t. XXXNTI.
D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
cherches, faites surtout à un point de vue physio-
logique, qu'il découvritchez différents Orthoptères
{Acridiens et Locustiens) un fait nouveau et abso-
lument inattendu: c’est la pénétration, dans le
cœur, de tubes de Malpighi qui y décrivent plu-
sieurs replis, puis passent dans la chambre péri-
cardiale.
L'étude anatomique des Insectes ménage rare-
ment de ces surprises, car leur organisation est
assez uniforme; en revanche, l'observation alten-
live du genre de vie et desconditionsd’existence de
cerlaines espèces fournit souvent des résultats fort
intéressants. Tels sont ceux que Künckel d'Her-
culaïs, dont l’autorité est grande en cette malière,
a résumés, l’an dernier, dans diversesnotes !. Cest
d’abord une étude sur la phase dite pseudochrysalide
des Insectes vésicants à évolution retardée, où il
établit que la prétendue hypermétamorphose
est comparable à un enkystement et ne s’ac-
compagne jamais de phénomènes d'histolyse ou
d'histogenèse : aussi Künckel propose-t-il de rem-
placer ce terme, très impropre, par celui d'yp-
noilie, qui exprime d'une manière plus exacte l’ar-
rêt de développement subi, C’est ensuite une série
de travaux sur les Diptères parasites des Criquets
d'Algérie. L'un de ces Diptères, un Bombylide.
rappelle, dans son développement, les Coléo-
ptères vésicants, car il passe l'hiver en hypnodie.
La proportion de ces Diptères parasites est plus
élevée dans les gisements du Tell (38 °/,) que dans
ceux des Hauts-Plateaux {8 °/,); et, comme ils
jouent un rôle considérable dans la destruction
des Sauronotus, on s'explique pourquoi le Tell est
la région subpermanente et temporaire, et les
Hauts-Plateaux, la région permanente d'habitat
de ces Acridiens. D'autres Diptères, tels que le
Sarcophaga clathrata, se développent à l'état de
larve dans l'intérieur même des Criquets ; en ab-
sorbant l'oxygène, en dévorant le tissu adipeux de
leur hôte, ces larves amènent une insuffisance gé-
nérale de la nutrition qui produit l’atrophie des
organes génilaux. C’est un nouvel exemple de cas-
tralion parasitaire. Il est inutile d'insister sur l'in-
térêt que nous avons à connaitre exactement le
genre de vie de ces parasites qui pourraient être
des auxiliaires très précieux dans la lutte contre
les Criquets. Les Anthony et les Tdiu. qui ont la
propriété de fouir la terre pour y déposer leurs
œufs, détruisent également un grand nombre de
sauterelles grâce à leurs larves oophages. Or,
Künekel a observé que, si ces Diplères sont capa-
bles de pénétrer dans les terres fortes. ils sont
impuissants à traverser les sols légers. D’où il ré-
sulte que les œufs de Criquets placés dans les ter-
\ C. R. Acad. Se. Paris, t. CXNIII.
. loppement extérieur de cet animal.
utilisent surtout leur respiration pulmonaire, qui
res fortes pourront être détruits par les parasites, À
tandis qu’il importe de surveiller attentivement …
les gisements d'œufs situés dans les terrains sa-
blonneux, qui seuls produisent de véritables ar
mées de sauterelles, |
V. — VERTÉBRÉS.
Semon ! vient de faire paraitre le premier
fascicule d'un ouvrage consacré à l'étude des
matériaux recueillis par lui en Australie et"
dont la partie la plus importante comprendra
l'exposé au développement du Ceratodus, de V Hat-
lerir, des Monotrèmes et des Marsupiaux. Tous ces »
types sont, en effet, très anciens et Hæckel a pu, à
Juste titre, lesappeler des/ossiles vivants : aussile plus
grand intérêt s'attache-{-il à la connaissance de leur *
embryologie. ;
Le premier fascicule qui vient d’être publié est
relatif au Ceratodus, type intermédiaire entre les
Batraciens et les Cyclostomes, et traite du genre
de vie, de la segmentation de l'œuf et du déve-
Contrairement à l'opinion générale, il n'y à
qu'une seule espèce de Ceratodus, le C. Forsteri, car
le Barramunda, qu'on croyait être une deuxième
espèce, est un Osteoglossum. Actuellement les Cera-.
lodus sont localisés dans deux cours d’eau du
Queensland et ne se trouvent nulle part ailleurs en.
Australie. Ces cours d’eau, qui, au moment des
pluies, charrient d'énormes masses de liquide, sont
presque à sec pendant une partie de l’année; les
Ceratodus se réfugient alors dans les trous où l'eau
stagne. Ils ne s’enfoncent jamais dans la vase,
comme on l’admettait, et c’est à ce moment qu'ils.
$
leur permet de vivre pendant très longtemps dans
de l’eau non renouvelée et même souillée par des
malières organiques; mais ils meurent très rapi-
dement hors de l'eau et ils ne partagent pas du
tout avec les ZLepidosiren la propriété de passer l’élé Fe
hors de l’eau, enfouis dans la vase: Vienne une È
année de sécheresse exceptionnelle, qui dessé-«
cherait complètement les deux seuls cours d'eau "
où on le trouve maintenant, et le Ceratodus dis- ‘
parailra pour jamais, ainsi qu'il a déjà disparu, #
sans doute pour la même raison, des autres cours +
d'eau d'Australie. 4
L'œuf du Ceratodus est entouré d’une mem-"
brane gélatineuse résistante. La segmentation 3
qu'il subit rappelle, dans ses grands traits, celle de |
l’œuf des Ganoïdes et surtout des Batraciens. Il sé 4
forme une invagination gastrique et le blastopore
se prolonge sur la face dorsale de embryon, vers
! Zool. Forschungsreise in Australien und dem Malaischen |
Archipel. Bal.
fermant, pour le moment, que des données sur le
développement extérieur du Ceratodus, la partie la
lus; c, embryon au moment où il sort de l'œuf.
plus importante de son travail est réservée pour
ün autre fascicule. Néanmoins, on peut déjà en re-
lenir cette conclusion très importante, que, d’une
manière générale, le développement du Ceratodus
séloigne de celui des Ganoïdes, tandis qu'il pré-
te des affinilés très étroiles avec celui des Ba-
raciens, d’une part, el avec celui des Cyclostomes,
de l'autre.
“ Semon ! vient de résumer, dans une note préli-
Minaire, ses recherches sur les membranes fœtales
des Monotrèmes et des Marsupiaux. Je crois préfé-
able d'attendre, pour en parler, la publication de
on travail définitif et je me contenterai de signaler
disposition des membranes chez le Phascolarctus
creus, dont l’allantoïde, lrès développée et vas-
ularisée, sert à la respiration, disposition bien
différente de celle qu'on a observée chez d'autres
1 Verh. deuts. Zool. Gesell. 1894.
Fig. 10. — Développement du Ceratodus Forsteri d'après Semon. — a, formation des replis médullaires
“on apercoit une ligne onduleuse 0 qui prolonge le blastopore; b, embryon, dont l'extrémité céphalique est dégagée du vitel-
Marsupiaux et qui rappelle le type des Placentaires
inférieurs.
- VI. GÉOGRAPHIE ZOOLOGIQUE ET ÉTUDE DES FAUNES.
On sait que la division proposée par Wallace en
six grandes régions zoologiques a été quelque peu
critiquée et qu’en particulier certains naturalistes
se sont élevés contre la séparation des régions
Palæarctique et Néarctique qu'ils réunissent en
md
nn LE CCE É
(m) entre lesquels
uue seule région appelée Holarclique. C'est pour
répondre à ces critiques que Wallace ! a examiné
de nouveau la distribution des Oiseaux et des
Mammifères dans les régions en question. Il
trouve que, pour les Mammifères, les régions
Palæarctique et Néarctique renferment respecti-
vement 58 °/, et 56 °/, des genres qui n'existent
pas dans l’autre région. Pour les Oiseaux, il y a
plus des 2/3 des genres Palæarctiques et un peu
moins des 2/3 des genres Néarctiques qui ne se
trouvent pas dans l'autre région. Ces chiffres
justifient suffisamment, d’après lui, les divisions
qu'il a établies.
A la vérité, ces chiffres sont exacts, mais Wallace
a négligé d'indiquer que beaucoup des genres pro-
pres à la région Néarctique s’y trouvaient localisés
dans une portion restreinte. C'est ce que n'a pas
Nat. Sc., vol.-IV.
280
manqué de faire ressortir Carpenter ! qui, repre-
nant une idée déjà émise par Merriam *, démembre
la région Néarctique en deux parties : l’une, qu'il
appelle Poréale, comprend le Canada et la partie
septentrionale des Etats-Unis, et l’autre, qu'il ap-
pelle Sonoréenne, s'élend jusqu'aux limites de la
région tropicale. Or il y a une très grande analogie
entre la faune septentrionale de l'Amérique du
Nord et celle de l'Europe et de l'Asie tempérées,
tandis que la région sonoréenne possède une faune
tout à fait à part. Les chiffres suivants, donnés par
Carpenter, font neltement ressortir celte diffé-
rence :
MAMMIFÈRES [OISEAUX
D'autres groupes d'animaux, les Reptiles par
exemple, fournissent des résultats analogues, et
j'ajouterai que l’élude de la répartition des Scor-
pions a également conduit Pocock * à admettre
l'indépendance de la région Sonoréenne. Aussi
Carpenter propose-l-il d'appliquer le nom d’Holare-
tique, ou de Grande région septentrionale, à l'ensemble
desrégions Palæarctique et Boréale, et de faire de la
région Sonoréenne une deuxième grande région
ayant la même importance et la même indépen-
dance que la première. Celle division très ration-
nelle sera évidemment adoptée de préférence à
celle de Wallace.
Faunes marines. — Les progrès réalisés depuis
quelques années dans la laxonomie des Eponges et
qui sent dus en grande partie à l'étude des formes
rapportées par le Challenger, sont tels que celui
qui s'occuperait aujourd'hui de ces animaux en
suivant les travaux de Bowerbank, de Haeckel et
d'O. Schmidt, ne serait plus compris et semblerait,
comme le dit Topsent, parlerune langue morte. L'ou-
vrage de Bowèrbank se trouvant dans toulesles bi-
bliothèques et servant encore aujourd'hui de base à
la détermination des Eponges de nos côtes, il faut
savoir gré à Hanitsch * et àTopsent* d’avoir cherché
à le rajeunir en publiant, en regard des anciennes
dénominalions, les noms conformes à la nomencla-
ture actuelle. Topsent a fait, en particulier, une
revision complète des espèces de Bowerbank : il a
D' KR. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
supprimé les noms inuliles et établi la synonymie
des autres. LE:
Ce même auteur commence la publication d'une
monographie des Spongiaires de France ‘. il admet
la classification des Eponges en Cwrarea, Triden
norix, et Désmospongia, ces dernières divisées elles=M
mêmes en Zetraclinellida, Monasconida, Curnosa @lM
Monoceratinu. La monographie des Tétractinellidésm
vient de paraitre. En publiant la série de mono
graphies qu'il annonce el pour la rédaction des=
quelles il possède une compétence toute spéciale,
Topsent comblera une grosse lacune et son œuvré
sera appréciée à sa valeur par les zoologistes de
profession, auxquels elle permettra d'aborder le
détermination, si difficile, des Eponges de nos
côtes.
J'en pourrai dire autant des travaux du baron de
Saint-Joseph? qui poursuit, depuis de longues
années, l’étude des Annélides des côtes de Bre
tagne et qui a publié successivement en 1887, 1888»
et 189%, trois mémoires renfermant de nombreuses
observations sur les formes observées par lui. C'eslk
peut-être le dernier mémoire qui renferme les |
parties les plus neuves et les plus originales. Je
veux parler des chapitres consacrés aux Polychètes
sédentaires dont la classification a élé complètes
ment remaniée. De Saint-Joseph a ulilisé, pour
l’établir, les caractères Lirés des plaques unciales M}
dont l'application avait élé tentée récemment par
Marenzeller; lestableaux qu'il donne permettront
aux zoologistes d'arriver facilemént à la détermina
lion de ces Annélides.
Je signalerai encore, en parlant des travaux rela
tifs à la faune de nos côtes, l'excellent ouvrage de
Joubin * sur les Némertes qui est, comme les pré-
cédents, un travail de Zoologie pure. C'est le pre
mier volume d’une collection qui, sous le titre de
Faune Francaise, comprendra une série de mono:
graphies où chaque spécialiste trailera un groupé
d'animaux, et qui parait sous les auspices de Raphi
Blanchard et J. de Guerne. Le livre de Joubif
inaugure cette série de la manière la plus brillante
Les publications relatives aux grandes exploras
lions marilimes continuent à se succéder, moins
nombreuses peut-être que les années précédentes!
je n’en citerai que quelques-unes. Quelques fasck
cules de l’'Expédition du ?/unklon ont paru; ils se
rapportent notamment aux Salpes ‘ el aux Méduses
Craspédotes *. Des notes préliminaires sur les
Hydraires, les Turbellariés, les Schizopodes, les
Alcyonnaires, les Pantopodes, les Opisthobranches"
1 Nat. Sc., vol. Y.
? 1b., vol. III.
3 Ib., vol. IV.
1 Transact. Liverpool Biologic. Soc., vol. VIL.
5 Rev. Biol. Nord de la France, t. IN.
1 Arch. Zool. Exp, 3° série, t. IL.
2 Ann. Sc. Nat. Zool., 4e série, t. XVII.
5 Les Némertiens, Faune Française, Paris 1894.
i Ergebnisse der Plankton Expedilion, Bd. IT, 1894.
5 Ib,
PNR LE) PT, TR DSP PA On, TE pre, di die te à À ts ml Mic fs
Mi TANT Eng DEP À us ÊRS AS a
:
D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
PIN
LS
et les Mollusques recueillis par l'A/batross ont été
publiées par Clarke, Woodworth, Ortmann, Studer,
Schimkewitsch, Bergh et Stearns !. Les Crustacés
cueillis par lZnves- x
tigator dans l'océan
sques par Schmidt *
les Echinodermes
- des mers polaires ter-
mine la série des pu-
blications de l'Expé-
. dition Norwégienne
au Pôle Nord *. Les
_ Crustacés de l’Æiron-
delle, étudiés par Mil-
_ne Edwards et Bou-
_vier, font l'objet du
_ seplième fascicule des
Résullats des campa-
“ges scientifiques du
Prince de Monaco,
publication toujours
“éditée avec le plus
grand luxe. La place
me manque pour fai-
re une revision de ces
différents travaux, el
je ne puis faire une
mention spéciale que
pour un petit nom-
bre d’entre eux.
- Ayant eu entre les
mains les échantil-
lons des Crustacés re-
eillis par le Blake,
le Æassler, le Travail-
ont pu entreprendre
Sur les Galathéidés
in travail d'ensemble
ui renferme des do-
uments fort intéres-
Sants ©. L’anatomie montre que les trois fa-
illes (Gutatheidés, Diptycinés et Æyléinés) com-
4 Bull. Mus. Comp. Zool. at Harward College, vol. XXY.
> Ann. Mag. Nat. Hist. (6), vol. XII et XIII.
8 Jb.
va Journ. Asiatie Soc. Bengal, vol. LXII.
Den Norske Nordhavs Expedilion,t. XXII.
© Ann. Sc. Nat. Zool., % série,t. XVI.
m
prises dans cet ordre ne dérivent pas l'une de l’au-
tre, mais proviennent chacune d’une forme macrou-
rienne primitive, qui s’est séparée des Pagures
pour donner les Ga-
lathées. Boas a déjà
montré que cette for-
me commune devait
se rattacher aux As-
taciens. .
LesGalathéidésont
des représentants à
tous les niveaux, de-
puis les Porcella-
riens qui sont exclu-
sivement côliers et
les Galathées litto-
rales, jusqu'aux for-
mes des grandes pro-
fondeurs. C’est dans
les régions moyen-
nes, vers 1.000 ou
1.500 mètres, que le
groupe parail avoir
trouvé son niveau de
prédilection; c’est là
qu'habite le genre
Galatheu, qui est le
type le plus primitif.
Cette zone moyenne
semble avoir été le
point de départ des
Galathéidés, départ
qui s’esteffectué dans
deux directions difré-
rentes : en rétrogra-
dant vers les côtes,les
Galathées ont donné
les Porcellaniens ; en
s’enfonçant dans les
profondeurs, elles
sont devenues les
Munidés qui passent
aux formes aveugles
des grands fonds. Il
est curieux de cons-
taler que cette évo-
lution est différente
de celle des Pagu-
riens : car c’est dans les grands fonds qu’on trouve
les Pagures les plus primitifs, voisins des Ma-
croures !.
L'étude de la répartition géographique des Gala-
théidés nous apprend que ces Crustacés sont
t; (d'après Ludwig.)
è en avan
A
œ
Le]
. — Pelagothuria natatrix. — En a le disque natatoire est reployé en arrière; en à il est diri
Fig. 11
! Report Results of Dredying by the U.S. Steamer « Blake ».
Mém. Mus Comp. Zool., vol. XIV.
282
D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
représentés par les mêmes genres dans les deux
grands bassins océaniques Atlantique et Indo-
Pacifique; la séparation de ces deux bassins, c’est-
à-dire la formation de l’isthme de Panama, s’est
donc effectuée à une époque récente où tous les
genres de l’ordre étaient déjà disséminés et elle ne
remonte pas à l'époque précrélacée, comme le
croyaient d'abord Milne Edwardset Agassiz. Une fois
cette barrière élevée, des différences très sensibles,
mais purement spécifiques, se sont produites. Ce
sont également des différences de même ordre
qu'on observe entre les Galathéidés des côtes
E. et O. de l'Atlantique.
Dans la Revue de Zoologie de 1894, j'ai dû me
borner à indiquer la découverte d’un genre très
curieux d'Holothurie pélagique que Ludwig avait
rencontré parmi les Echinodermes recueillis par
Agassiz dans le Pacifique. Le travail complet de
Ludwig sur les Holothuries de l’'A/batross venant
de paraitre !, je puis donner quelques détails sur
ce singulier animal. La Pelagothuria natatrix (fig. 11
ressemble extérieurement à une Méduse ; son corps
proprement dit, cylindrique, a une longueur de
> centimètres environ; en avant, il s’aplatit et
s'élargit en un grand disque ayant 8 ou 9 centimé-
tres de diamètre, soutenu par un cerlain nombre
de rayons qui se prolongent en dehors du disque
comme autant de filaments.
Ludwig s'est assuré que ce sont les vésicules
ambulacraires des tentacules péribuccaux qui, fai-
sant hernie à travers les téguments, se prolongent
au dehors et s'allongent corsidérablement pour
constituer ces rayons. L'organisation interne esl
très simple et l’on pourrait être embarrassé sur la
place à attribuer à cel être singulier, si la forme
du tube digestif, qui offre deux courbures, et la
présence d'un système aquifère, très reconnais-
sable, quoique réduit, n’indiquaient ses affinités.
Ludwig admet que les Pélagothuries sont des
Élasipodes devenus pélagiques et qui ont perdu
les tubes ambulacraires, l'anneau calcaire pharyn-
gien et les corpuscules des téguments, dès que le
disque nalatoire s’est constitué.
Les exemplaires de Pelagothuria ont été capturés
entre Panama et les iles Galapagos, par des pro-
fondeurs variant entre 700 mètres et 2.000 mètres :
ce sont donc des pélagiques profonds.
Les travaux d’Apstein? sur les Thaliacés et de
1 Ib., vol
? Loc. cit.
XVIL:
Maas!' sur les Craspédotes de l’Expédition du
Planklon, fournissent des renseignements sur la”
répartition bathymétrique et géographique de ces !
animaux, Le courant de Floride et le Gulf Stream,
forment une barrière naturelle divisant l'Océan em
deux grandes régions distinctes : une région froide
au Nord, el une région chaude au Sud de celte
ligne. Les Salpes sont presque exclusivement desM
habitants des mers chaudes; quand elles s’aventul
rent jusqu'aux régions seplentrionales, c’est tou
jours dans des courants chauds. Ce sont aussi des
animaux de surface. Les observations de Chun etl
de Dohrn, qui ont trouvé en Méditerranée des
Salpes à des profondeurs de 600 à 1.300 mètres, nés
sont qu'en contradielion apparente avec cette as
Le
ne descend pas au-dessous de 13° en Méditerranée
lundis qu'elle s’abaisse bien au delà de ce chiffre
danslesocéansouvertsoüules zones profondes, etpan
conséquent froides, ne peuvent pas abriter des
animaux qui recherchent les eaux chaudes.
sensibles que les Salpes aux changements de tems=
péralure et elles peuvent s’enfoncer à plusieurs
centaines de mètres, bien qu'on les trouve assez
rarement dans les profondeurs. Mais la faune des
eaux froides est toujours très distincte de celle des
par le Rhopalonema velatum et divers Liriope.
Les Appendiculaires et les Alciopides offrent
dans leur répartition des différences de même
ordre. D'autre part, on observe que telle espèces
qui, dans les mers froides, vil à la surface, se rens,
contre à 200 ou 300 mètres de profondeur dans les
mers tropicales. Aussi Maas?, qui s'est particuliè=
asserlion, peul-être exacte, semble un peu prém 1
turée et elle n’est pas basée sur un nombre sufss
fisant de faits pour qu'on puisse l'accepler dèsi
maintenant sans réserve.
D' R. Kœhler,
Professeur de Zoologie
1 Loc. cit. LA
2 The effect of temperature en the distribution of marine,
animals. Nat. Se., vol. V. à
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
283
C'est un problème bien difficile et bien digne d'exci-
7 sans cesse l’insatiable curiosité de l’homme que le
ioblème de l'électricité, Aussi n’est-il point de phéno-
ènes plus étudiés et, en même temps, plus utilisés
que ceux qui s’y ratiachent, Nous employons l'électri-
ité à tous les usages. lei, elle nous donne la lumière
ou la chaleur; là, elle fait tourner nos machines et tra-
“ailler nos outils; là encore, elle transmet à travers
Pespace, à travers lesmers mêmes, nos pensées etnos pa-
roles. Nous lui attribuons aussi, parfois avec un peu trop
enthousiasme, il faut l'avouer, la faculté de guérir un
n nombre de maux, Les chercheurs, mettant à profit
s merveilleuses propriétés, torturent, avec son aide,
a matière et l’obligent à former des composés inconnus
usqu’à nous ou à nous livrer des corps nouveaux. Et,
ose étrange, cet agent dont nous avons fait notre do-
le et continuel auxiliaire, nous est absolument in-
manu. Nous ignorons sa nalure et c’est vainement que,
squ'à ce jour, nous nous sommes demandé par
uciles mystérieuses aclions il produit les effets que
nous utilisons, Mais notre espoir en la science esl
nace ; sans être jamais découragés, les savants. con-
uent à chercher obstinément; ils serutent les
moindres détails dans les manifestations des phéno-
ènes et leur demandent sans relâche le mot de la
belle énizme. Nous suivons ces recherches d’un œil
entif et patient, persuadés qu’elles seront Lôt outard
buronnées de succès.
‘Une conférence faite par le Pr J.-J. Thomson devant
Royal Intitution of Great Britain est, à ce point de vue,
rticulièrement intéressante. Elle traite des décharges
ectriques à travers les gaz; or, les phénomènes qui
ous permettent le mieux de préciser l’action de l’élec-
Bicité sur l'infiniment petit de la matière, sur la molé-
aile, semblent devoir être surtout d’une très grande
Hécondité.
Les expériences citées peuvent se diviser en deux
ties : celles qui ont rapport au passage de l’électri-
du gaz à l’électrode ou réciproquement, et celles
sont destinées à montrer les propriétés de l’effluve
quand le phénomène se produit dans un milieu entière-
ment gazeux. :
Prenons un tube à décharge, long d'environ 14 m. 50
bobservons, au moyen d’un miroir tournant, le pas-
Sage d’une étincelle due, par exemple, à la rupture du
cuit primaire d’une bobine d’induction. Nous cons-
läterons ainsi que l’illumination suit, à travers le tube,
direction du courant, c'est-à-dire qu'elle prend
Maissance à l’électrode positive et se dirige avec une
sse énorme vers l’électrode négative. Mais, arrivée à
te dernière, elle semble rencontrer un obstacle.
ne disparait pas brusquement dans cette électrode
mme un lapin dans son trou, dit M. J.-J, Thomson
Au contraire, elle hésite un moment avant d'y entrer.
ar suite de ce retard, il y a accumulation d'électricité
iSitive autour de l’électrode négative et la chute de
tentiel peut y atteindre 200 ou 300 volts. L'électricité
mble donc avoir beaucoup de difficultés pour passer
Un gaz dans un métal: Quelques expériences peuvent!
montrer plus clairement encore : soit un long tube à
harge en travers duquel est fixéeune mince feuille
platine (fig. 1); un petit canal semi-circulaire en
communication avecun tube barométrique relie les deux
ions séparées par la feuille de platine. La décharge,
laulieu de passer à travers celle-ci, prend la route beau-
Coup plus longue du tube auxiliaire. Si nous élevons la
#
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LES DÉCHARGES ÉLECTRIQUES A TRAVERS LES GAZ, — L'EFFICACITÉ DE L'ELECTROCUTION
cuvelte inférieure de manière à fermer par un bourre-
let de mercure ce tube auxiliaire, la décharge est
obligée de traverser soit la
lame de platine, soit le bour- < T >
relet de mercure, ou encore \ )
de traverser l’un et l’autre; Dé
aussi la voyons-nous refluer
totalement ou en partie vers
le tube principal.
Remplacons le diaphragme
métallique par une mince
feuille de mica; la cuvette
étant baissée, la décharge
passera encore par le tube
auxiliaire. Mais, quand celui-
ci est obstrué par du mercure,
elle traverse le mica plutôt que
le métal.
Une autre expérience metlra
le même phénomène en évi-
dence. Deux longues électro-
des rectilignes sont fixées à
un vase sphérique (fig. 2), de
telle sorte que lextrémité
d’une électrode soit à une
grande distance de son point m
de jonction avec le verre. Si, partiments sont reliés
après le vide partiel, nous ÿ l’un à l'autre par un
faisons passer uncourantaller- ‘Jutage A er
if l’effluv lieu de iail- que support un tube
natif, EOUMES Gr HE EE barométrique vertical.
lir entre les extrémités des Ce dernier tube plonge
deux électrodes, ira de l’extré- dans une éprouvette
milé de l’une à l'endroit où remplie de mercure.
l’autre entre dans le verre,
préférant à un chemin métallique un chemin beaucoup
plus long à travers le gaz.
Une observalion intéressante faite, dans le même
ordre d'idées, par les Professeurs Liveing et Dewar est
que la lumière produite par une décharge qui passe à
travers un gaz contenant
des poussières métalli-
ques n’en présente nulle-
ment les raies lorsqu'on
l'examine au spectros- ec:
cope, ce qui prouverait
que les ondes électriques
et lumineuses évitent de
contourner le métal.
La difficulté que l’élec-
tricité positive rencontre
pour passer du gaz à l’é-
lectrode dépend, comme
il fallait s’y attendre, de
la nature du gaz et de
celle de l’électrode; elle
varie selon leur position relative au point de vue
électro-chimique. Prenons, par exemple, une ampoule
contenant deux électrodes fixes et une électrode mo-
bile reliée à un électromètre, ampoule que nous
pouvons remplir de différents gaz. Employons d’abord
des électrodes métalliques et de l'oxygène. L'élec-
trode mobile recoit une charge positive, en quelque en-
droit de l’ampoule que nous la placions. Si, au con-
traire, nous employons de l’hydrogène à la pression
atmosphérique, la charge de l’électrode mobile sera po-
sitive dans les parties de l’ampoule éloignées de l'arc
Fig. 1.— Tube à décharge.
— Le tube est horizon-
tal et séparé en deux
compartiments égaux
par une mince cloison
verticale de platine ou
de mica. Les deux com-
Fig. 2.— Ampoule à décharge.
— Les deux électrodes sont
rectilignes. Les lignes cour-
bes représentent les trajec-
toires de l’effluve.
284
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
et négative dans les parties qui en sont rapprochées.
Quand la pression diminue, la région négative se con-
tracte et disparait complètement vers un tiers d’atmo-
sphère. Si, dans ces conditions, nous remplacons les
électrodes métalliques par des électrodes en cuivre
oxydées à la surface, nous obtenons dans toute l’am-
poule une charge positive.
Considérons, maintenant, non plus une décharge pas-
sant d'un gaz à une électrode ou réciproquement, mais
une décharge restant, pour ainsi dire, emprisonnée
dans le milieu où elle a pris naissance. L'ingénieuse
disposition employée par le P' Thomson pour produire
une telle décharge est représentée schématiquement
par la figure 3. Les deux pôles d’une machine de
Zimshurt sont en communi-
ur, + 15 cation avec les armatures in.
térieures de deux bouteilles
de Leyde (parties droite et
gauche de la figure) dont les
LE | armatures extérieures sont
| [bus | E reliées par un fil métallique
l'A LA) formant bobine. On charge
| la machine de Wimshurt jus-
\ qu'à ce que l’étincelle Jail-
ee lisse entre ses pôles. La dé-
= charge des bouteilles de Ley-
Fig. 3. — Dispositif pour de est, on le sait, oscillatoire,
produire dans une äm- et la bobine métallique est
poule à, décharge un \arcourue par des courants
ie intérieur. — À Sinusoidanx excessivement
voient deux électrodes Tapides. Le nombre des pé-
terminant chacune une riodes que l’on produit ainsi,
bouteille de Leyde. Par quoique moins grand que ce-
leur armature extérieure Jui donné par la disposition
ces bouteilles sont re- de Hertz, est au moins égal
liées l'une à l'autre au à plusieurs millions par se-
moyen d'un fil enroulé,
en un point de son par-
cours sous forme de bo-
bine. A l’intérieur de la
bobine se place une am-
poule à décharge, non
représentée ici.
conde. Si, dans la bobine,
nous placons une ampoule
remplie de gaz raréfié, elle
jouera le rôle du circuit se-
condaire d’untransformateur,
et des courants, dont la direc-
tion sera perpendiculaire à
l'axe de la bobine, y prendront naissance, Ces cou-
rants sont décelés par un auneau cireulaire brillant.
Si le gaz est de l’air, le spectre de l'anneau change
complètement avec la pression. M. Newali, qui a fait
quelques travaux sur ce sujet, a trouvé que vers 0, 12»
de pression, le spectre était celui de l’azote, puis, au-
dessous, celui du mercure, et ensuitevient une couleur.
verlt-pomme qui semble due à un composé sulfuré pro-
venant de l’acide sulfurique qui a servi à dessécher le
gaz!, Le spectre du mercure s'explique par l'emploi de
la pompe à mercure, A une pression intermédiaire
entre celle qui révèle le mercure et celle qui révèle le
composé sulfureux, on trouve un mélange des deux
spectres; mais le dernier semble mieux caractérisé près
de la surface de l'anneau.
Si ampoule contient de l'oxygène pur, l'anneau est
remplacé par une sorte d'incandescence totale de cou-
leur variable donnant un spectre continu coupé de
raies brillantes. Le cyanogène produirait des effets
analogues, ainsi d’ailleurs que tous les corps capables
de se polymériser. Y aurait-il, d’une part, formation,
sous l'effet de la décharge, dela modification polymé-
rique, et, d'autre part, retour graduel à l'état primitif?
Et cette action chimique produirait-elle une lumière
phosphorescente? Peut-être ; en tous cas, l’incandes-
cence de loxygène disparait aux températures où
l'oxygène ne peut plus exister.
Il est possibleencore de montrer que ladécharge élec-
trique est très mal conduite par les métaux. Au lieu
d'une bobine métallique, on en dispose deux, côte à
1 Ce spectre vert-pomme est en réalité celui de l'ergon.
Voir Revue générale des Sciences du 15 mars 1894, p. 249:
NEwaALL : Spectre de l’argon.
nl
côte (fig. #). Une ampoule à gaz raréfié, placée dans l’'u
d'elles, sert de galvanomètre: En effet, l'éclat de la dé”
charge est une fonction de l'intensité du courant qui.
parcourt la bobine. Si nous placons une ampoule dans!
la seconde bobine, elle absorbe une portion de l’éner=1
gie due à la décharge; cette absorption amène une dimisi
nution dans l'éclat de la première ampoule. L'effet
dépend de la conductibilité du corps placé dans la se
conde bobine, quoique ne lui étant pas directement\
proportionnel : en effet, un conducteur parfait ne de=
vrait pas produire de diminution d'éclat, pas plus qu’un |
Corps qui serait absolument non-conducteur. Pouru
périodicité et des dimensiens données, il y a une cons.
ductibilité qui produit l'effet maximum, Un morceau dt
laiton, c'est-à-dire d’excellent conducteur, placé dan
la seconde bobine, n'a presque pas d'effet sur la pre=
mière; un conducteur médiocre peut, au contraires
faire disparaître presque complètement l’illuminalio L.
: . |
AGE
h C9
9 o
o
| /
WE AN +
{ (
KT RE
Fig. 4. — Modification du Fig.5. — Dispositif pour.
disposilif précédent. —
Le fil reliant les bouteilles
de Leyde forme deux bo-
bines.
monter les varialions
de conductibilité élec-
lrique d'un gaz sui «
vant la pression.
Comparons les effets dus à une ampoule à gaz raréfiéw
et à une ampoule remplie d’une solution d'acide sul
rique, Celle-ci produit un effet plus petit que la pres
mière, Ce phénomène peut être dù a une conductibrlités
plus grande ou plus faible. C’est la dernière hypothèse
qui est bonne; car, si nous augmentons le degré de la
solution sulfurique, la conductibilité croit, ainsi que |
l'effet produit. À
La conductibilité d’un gaz raréfié augmente jusqu'à
une certaine pression limite, pour diminuer ensuite
Une expérience très simple le prouve. L'appareil em
ployé est représenté par la figure 5. Il se compose ded
deux ampoules, dont l'une est intérieure à lautr à
L'ampoule intérieure est remplie d'air à basse pres=M
sion, tandis que, dans l’espace compris entre les deux
ampoules, on a fait un vide aussi parfait que possiblem!
L’ampoule extérieure contient un peu de mercure. La
pression due aux vapeurs de ce métal est excessivement
faible aux températures ordinaires, mais augmente,
considérablement dès qu'on chauffe. Nous sommes»
donc maitres de produire un degré quelconque de vides
L’ampoule extérieure est entourée par la bobine de las
figure 3. Quand l’espace compris entre les deux am
poules est conducteur, il forme écran relativement aux
courants de la bobine, c’est-à-dire que les courants.
qui y prennentnaissance annulent l'effet d’induction sur
l’ampoule intérieure. Au contraire, des courants d’in=\
duclion peuvent y prendre naissance si le milieu inter
médiaire n'est pas conducteur, Nous pouvons ainsi
observer que, lorsque le mercure est froid, le milieun
intermédiaire est mauvais conducteur, mais que s&
conductibilité augmente avec la température, |
On trouve encore que, dans un champ magnétique
la décharge est aidée lorsqu'elle marche dans le sens.
des lignes de force et retardée dans le cas contraire.
Que conclure de l’exposé de ces phénomènes? Pau»,
vons-nous en donner une explication satisfaisante? Le
Professeur Thomson l'a partiellement tenté. Voici, par 4
exemple, celle qu'il propose à la suite de ses expé-
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 28
OC
ences relatives à l'influence exercée sur l’effluve par
nature du gaz et des électrodes :
- « L’explication la plus probable de ces résultats me
semble être l'hypothèse que le passage de l'électricité du
#az à l’électrode ouréciproquement est facilité par la for-
Mmation d’une sorte de composé chimique entre le gaz et
e métal, Dans tous ces composés, le métal est l'élément
Jectro-positif et se charge positivement ; le gaz est l’élé-
nent électro-négatifet se chargenégativement. Considé-
ons maintenant le cas où la charge négative est sur le
Saz et la charge positive sur le métal; alors le gaz et le
métal possèdent les charges qui leur sont propres et
Sont parfaitement prêts à se combiner, c’est-à-dire
ils favorisent, dans ce cas, le passage de l'électricité
gaz au cuivre. Supposons, au contraire, que le gaz
t électrisé positivement, le gaz et le métal ont alors
les charges contraires à celles qui leur sont propres
lürsqu'ils se combinent, et, avant que leur union puisse
Jonner autre chose qu'un composé excessivement in-
Stable, il faut qu'un phénomène auxiliaire ait lieu : c’est
échange des charges. Ainsi, les conditions de la com-
binaison du gaz et du métal sont plus complexes si le
Léaz est électrisé positivement que s’il l’estnégativement,
, par conséquent, en admettant que le passage de l’é-
lectricité implique une sorte de combinaison chimique,
nous voyons que l'électricité négative passera plus fa-
cilement du gaz au métal que l'électricité positive,
onsidérons maintenant le cas où le gaz était de l'hy-
drogène, el les électrodes du cuivre oxydé, L'hydrogène
combine alors, non avec le métal, mais avec l’oxy-
ne pour former de l’eau, corps dans lequel lhydro-
ne est l'élément électro-positif : c’est, dans ce cas,
Phydrogène électrisé positivement qui est le plus
propre à la combinaison. La conséquence est que la
fœharge positive sera plus facilement abandonnée et la
arge négative plus facilement conservée, ce qui est
actement le contraire de ce qui se passe quand les
électrodes sont en métal nu. » :
Sans en discuter le fond, nous nous permettrons de
ritiquer cette explication, L'emploi des termes élec-
ricité positive et électricité négative ne nous satisfait
bas. Ces termes correspondent à des hypothèses an-
ennes qui ont rendu compte d’un certain nombre de
its, mais qui ont dù ensuite être abandonnées, parce
qu'elles étaient impuissantes à expliquer de nouvelles
découvertes. Pourquoi donc les faire renaitre ici ? On a
coutume, il est vrai, de les employer encore dans l’en-
gnement; mais c'est beaucoup plus pour faciliter
Pexposé des phénomènes que pour en donner une expli-
ation véritable, Ce que nous aurions désiré comme
sonclusion de ces intéressantes expériences, c’est une
théorie large et élevée, ou tout au moins un essai de
théorie, capable de rendre compte de tous les résul-
lats connus et non point une explication partielle, sa-
faisante seulement pour quelques-uns d’entre eux.
est là le véritable et grand problème auquel, pen-
ant plus d’un siècle, ont vainement travaillé les sa-
ts et les penseurs depuis Franklin jusqu'à Maxwell
ët Hertz. Sans doute, l’œuvre de ces deux derniers phy-
Ciens marque un pas immense dans les conquêtes de
a science. Mais Ja Nature détient encore une bonne
tie de son secret. Non seulement nous ignorons le
stérieux mécanisme des phénomènes électriques;
is nous ne connaissons même pas de loi générale
où nous les déduirions avec précision. Nous entre-
“\oyons à peine quel rôle jouent dans la propagation
de l'énergie électrique les corps que nous appelons
ons conducteurs et ceux appelés diélectriques.
Cependant, quelles que soient les difficultés que
importe l’étude d’un tel problème, il importe d’avoir
onfiance. L'histoire des sciences, bien qu'aucune
d'elles ne soit encore parfaite, nous y autorise par de
ümbreux exemples. Les astres semblèrent longtemps
j
|
Û
|
;
|
|
|
hos ancètres décrire dans l’espace des courbes capri-
ieuses et compliquées que de nombreuses et étranges
Ypothèses pouvaient à peine représenter grossière-
hent. Nous savons aujourd'hui à quelles lois simples
ils obéissent; nous tracons leur route avec une telle
sûreté que Le Verrier à pu, les yeux fixés sur ses
seules équations, dévoiler au monde étonné la présence
dans le ciel d'une planète encore inconnue et détermi-
ner sa position, ses dimensions et sa trajectoire.
Les phénomènes dus à l’interférence ou à la polari-
sation des rayons lumineux ne paraissaient-ils point,
eux aussi, incompréhensibles? Fresnel, couronnant
l'œuvre d’illustres devanciers, nous a doté d’une théo-
rie rationnelle et féconde; nous expliquons les expé-
riences anciennes, nous en prévoyons de nouvelles et
la nature semble se conformer docilement aux résul-
tats de nos calculs, Un jour viendra certainement où,
à son tour, la science électrique, encore si confuse,
s'illuminera d'une merveilleuse clarté. .Pour faire
jaillir la lumière, il suffit de l’heureuse inspiration
d'un homme de génie et, pour provoquer cette
inspiration, de l'événement le plus futile en appa-
rence, d'une pomme tombant aux pieds d’un Newton.
On connaît la théorie qui a été émise par M. d’Arson-
val sur l’effet du foudroiement. M. Louis Olivier l’a
exposée ici même l'an dernier ! : il a décrit la série
des phénomènes qui se produisent dans l'organisme
soumis aux courants de haut potentiel et de grande
fréquence, et il a montré, d’après les observations de
M. d’Arsonval, que le mécanisme de la mort entraînée
par ces courants peut être très complexe : il y a
d’abord contraction rapide, puis contracture des mus-
cles : les mouvements cessent, et, les poumons ne se
dilatant plus, il y a asphyxie; au début de la période
d'immobilité qui engendre l’asphyxie et avait fait
croire à la mort réelle, l'organisme peut être rappelé à
la vie par la respiration artificielle. Mais si, pendant
qu'on pratique cette opération, on continue d’électriser
l'animal en expérience, ce traitement élève la tempé-
rature du corps au point de coaguler l’albumine du
muscle cardiaque, et la mort ne peut plus être évitée.
Aussi M. d’Arsonval nous dit-il : « Dans beaucoup de
cas, la mort due au choc électrique n’est qu'apparente ;
traitez le foudroyé comme un noyé, il y a beaucoup de
chances pour que vous le rappeliez à la vie ». Pour
cette raison l’éminent physiologiste mettait en doute
l'efficacité de l’électrocution pour produire instantané-
ment la mort. Comme ce mode d’exécution des crimi-
nels était, depuis quelque temps déjà, employé dans
l'état de New-York et tenu par les Américains pour un
procédé élégant, une sorte de raffinement de civilisa-
tion, Popinion de notre savant compatriote provoqua
une véritable émotion aux Etats-Unis. Les Journaux
s’en mêlèrent et organisèrent une longue campagne les
uns pour soutenir l’électrocution, les autres pour la
combattre.« Afin d’en finir avec un aussi peu attrayant
sujet, dit un correspondant de l’Electrician ?, le gouver-
nement de l'Etat résolut de nommer un Comité qui
assisterait à une exécution par l'électricité et dont le
rapport ferait foi vis-à-vis du public; M. A. E. Kennelly
et le D' À. H, Goelet furent désignés pour cette mission,
qu'ils accomplirent le 28 janvier dernier, Les résultats
de leurs observations sont décisifs quant à l'efficacité
de cette manière de déterminer la mort. Leur rapport
dit que la mort vint « instantanément et sans dou-
leur ». Nous ne mettons aucunement en doute lexac-
titude des observations de MM. Kennely et Goelet:
mais avaient-ils bien le droit de généraliser ? Il nous
souvient d’un accident dont on parla beaucoup l’an der-
nier : un ouvrier atteint par un courant alternatif à
haute tension fut rappelé à la vie bien qu'ayant recu
très tardivement les soins nécessaires et présenté pen-
dant plusieurs heures tous les symptômes de la mort.
On ne saurait donc être trop réservé quand il s’agit
d'apprécier les effets immédiats de l'électrocution.
A. Gay,
Aucien élève de l'Ecole Polytechnique.
1 Revue générale des Sciences, 1894, t. V, pages 313 à 324.
2 No du 22 février 1895,
BIBLIOGRAPHIE ,
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Le Roux (J.), Professeur de Mathématiques spéciales
au Lycée de Brest. — Sur les intégrales des équa-
tions linéaires aux dérivées partielles du second
ordre à deux variables indépendantes. Thèse pour
Le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol.
gr. in-8 de 96 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs.
Paris, 1895.
La thèse de M. Le Roux est un des meilleurs travaux
qui aient élé présentés comme thèses dans ces der-
nières années à la Faculté des Sciences de Paris. Elle
fait le plus grand honneur à son auteur, qui, parti d’un
modeste échelon dans l’enseignement primaire, avait
cru bon de conquérir d’abord le titre d’agrégé et avait
obtenu le premier rang au concours de 1889. C’est là
pour nos jeunes travailleurs un encouragement et en
mème temps un bel exemple de travail ordonné et per-
sévérant qui, du reste, n’est point isolé dans notre
Université. Ë k
On sait quelle place tiennent aujourd'hui dans la
science les équations aux dérivées partielles du second
ordre et particulièrement celles qui ont la forme étu-
diée par Laplace, Leur rôle dans les théories phÿsiques
est déjà ancien et il s'affirme chaque jour ; MM. Dar-
boux et Ribaucour leur ont rattaché quantité de ques -
tions géométriques, et l’on sait que les belles Lecons
de M. Darboux sur la Théorie des Surfaces roulent en
grande partie sur ces célèbres équations. Malheureu-
sement, le nombre de celles que l’on sait intégrer est
assez restreint, ce qui fait que nombre de problèmes
qui se ramènent en dernière analyse à ces équations
restent en suspens, attendant chacun une solution
nouvelle de chaque équation nouvelle que l'on saura
intégrer. É .
C’est donc vers cette intégration que doivent se
porter actuellement les efforts. On connait les beaux
résultats dus à M. Picard et notamment sa méthode des
approximations successives qui est devenue, dans ses
mains habiles, un instrument théorique des plus élé-
gants. M. Le Roux fait servir cette méthode à la repré-
sentation de l'intégrale générale au moyen de certaines
intégrales particulières qui dépendent d’une constante
arbitraire et qu'il appelle principales; si z (æ, y, à) est
une intégrale principale par rapport à la variable x,
l'intégrale définie à limite variable x,
TC
2= f
To
Î (x) z (x, y, à) da
est une solution nouvelle de l'équation, quelle que
‘soit la fonction arbitraire f (x). Il y a de même des
intégrales principales par rapport à la seconde va-
riable y. Les variables x, y sont les paramètres des
caractéristiques. ne : j
Toute intégrale de l'équation différentielle proposée
admet ainsi une représentalion au moyen de deux
intégrales définies dont elle est la somme ; il suffit de
connaître une intégrale principale pour chacune des
variables æ, y. Dans certains cas, la fonction z(æ, y, &)
est principale à la fois pour les deux variables, et sa
connaissance suffit alors pour l'intégration complète
de l'équation, Tel est le cas de la fonction w, introduite
par M. Darboux. L'auteur étudie avec détail les déve-
loppementsen séries des solutions de l’équation, ainsi
que leurs singularités, qu'il distingue en propres, acci-
dentelles, mobiles. Les premières dérivent exclusivement
des coefficients de l'équation différentielle ; les secondes
dépendent au contraire des conditions aux limites ; les
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
dites mobiles. L'auteur élablit diverses propriétés de
ces lignes critiques; il prouve, entre autres, ce théo-M
rème que certaines intégrales, qu'il appelle normales,
ne peuvent admettre d’autres lignes criliques acciden=
telles que des caractéristiques. À:
La troisième partie de la thèse de M. Le Roux a pour
objet l'application des considérations théoriques des:
deux premières parties à des exemples particuliers. Las
célèbre équation d’Euler et de Poisson est la première
à laquelle il s'attache. Mais les travaux de M. Appell
et de M. Darboux ont déjà complètement résolu las
question en ce qui concerne celle équation. Aussi
M. Le Roux a-t-il tenu à montrer que sa méthode
générale pouvait donner des résultats plus nouveaux,
et c’est ce qu'il a fait de la facon la plus heureuse en
intégrant complètement l'équation différentielle :
où ÿ (y), 2 (æ) sont des fonclions quelconques de y et
de x respectivement. Un aussi beau résultat clôt digne
ment le remarquable travail. de M. Le Roux. Tous les
géomètres lui sauront gré d’avoir donné une méthode
générale véritablement capable de conduire à de
résultats nouveaux. G. Kœxtes.
Seguier (J.-A, de), — Sur deux formules fonda
mentales dansla Théorie des formes quadratiques
et de la multiplication complexe d'après Kronec-…
ker. Thèse pour le doctorat ès sciences mathémathique
de la Facullé des Sciences de Paris. — 1 vol. in-8°,
Gauthier- Villars et fils. Paris, 1895.
Quatre parties différentes dans le vaste domaine des
Mathématiques ont, pour le moment, le privilège pres.
que exclusif de fournir les candidats docteurs de sujets
de thèse. Ce sont :
La géométrie (d’après le traité de M. Darboux sur les
surfaces), les équations différentielles, les propriétés
générales des fonctions (d'après MM. Poincaré, Picard,.
Appell, Painlevé); les groupes continus de M. Lie. i
Cesthéoriesont,eneffet, recu des maîtres de la science
des accroissements considérables et récents. Cela les à
mises à l’ordre du jour et, pour ainsi dire, à la mode.
Rien de plus naturel et de plus légitime que les préfé-s
rences des candidats. Mais, par contre, il est équitable
de marquer d’une facon spéciale les thèses où le sujet
est moins d'actualité. C’est Le cas pour MM. Padé (Revue.
du 30 mai 1892), Auric (Revue du 15 septembre 1894),
enfin pour M. de Seguier. À
L'Arithmétique supérieure etses liens intimes et pro-l
fonds avec les fonctions elliptiques passent à juste titre
pour une des parties les plus ardues de la science. Lan
matière a exercé la sagacité des plus illustres géo=u
mètres et notamment de Kronecker. La publication"
des œuvres du savant berlinois ne fait que commencer
(voir dans la Revue du 30 novembre 1894 ma notice sur.
la théorie des intégrales définies d’après KroneckerM)
publiée par M. Netto). M: de Seguier semble avoir eux
pour but de faire, pour la portion arithmétique de las,
théorie des fonctions elliptiques d’après Kronecker, 1e
même travail de coordination, avec perfectionnements
partiels, que M. Netto pour les intégrales définies,
La matière de la thèse a beaucoup de portions com
munes avec l'ouvrage de Bachmann sur la théorie des,
nombre (voir Revue du 15 mars 1895); mais M. de Seguiem
approprie l'étude des formes quadratiques aux idées |
plus récentes et plus profondes de Kronecker, Les rap:
as
FA :
ea rés nr
fo
ports des formes quadratiques avec les fonctions ellip-
tiques sont particulièrement mis en lumière à propos
de la multiplication complexe. Gette opération consiste
à construire les fonctions elliptiques de l'argument vu
à l’aide des fonctions elliptiques de l'argument w, le
multiplicateur # étant un nombre complexe, c’est-à-
ire imaginaire.
Voilà, à mon grand regret, tout ce que je puis dire,
sur la très intéressante thèse de M. de Seguier, sans
dépasser le cadre d’une simple notice. Les discussions
de l’arithmétique supérieure sont peut-être les choses
u monde qui se prêtent le moins à être résumées et
analysées. On n’a guère que le choix entre une repro-
duction presque intégrale et une espèce de table de
matières, comme celle que je viens de dresser pour la
présente thèse. LÉON AUTONNE.
2° Sciences physiques.
Ear1 (Alfred), Late Scholar of Christs College at Cam-
_ bridge. — Practical Lessons in physical Measu-
rement (Lecons pratiques sur les mesures physiques.)
— 1 vol. in12° de 350 p. avec 145 fig. (Prix : Relié,
6 fr. 25). Macmillan and C°, éditors. London and New-
York, 1895.
11 est peu de physiciens, parmi ceux qui ont oublié
leurs propres débuts, qui n'aient été plus d’une fois sur-
pris en voyant l'embarras d’un candidat aux grades
universitaires se trouvant pour la première fois en con-
tact direct avec un appareil d'expérience. Cela tient à
ce que l’enseignement ne ménage aucune transition
entre les cours uniquement théoriques, où le travail
manuel est entièrement sacrifié au travail purement
intellectuel, et le laboratoire, dans lequel on applique
Ses cinq ou six sens à l'étude de problèmes qui dépas-
sent déjà les éléments.
C’est cette transition que l'auteur a voulu ménager,
et l'ouvrage qu'il offre à ses confrères est le résultat
des essais qu'il a tentés dans son enseignement pour
combler une lacune qui l'avait aussi frappé.
L'ouvrage part des premiers éléments pour s'élever
graduellement aux notions plus complexes de la con-
naissance, non seulement des méthodes de travail, mais
surtout des idées en elles-mêmes.
La méthode suivie d’un bout à l’autre de l’ouvrage
est plus que simplement pratique; elle est philoso-
phique en ce sens que l’auteur insiste, chaque fois
qu'il introduit une notion nouvelle, sur le procédé
sensoriel et intellectuel qui nous en donne la connais-
sance. Cette voie ne peut être assez recommandée, dès
que l’on possède les premiers éléments de la science,
que l'on s’habitue trop à considérer comme une suite
d’axiomes, ou tout au moins de faits acquis et indiscu-
tables.
Quelques exemplesferontbien comprendre la manière
suivant laquelle l’auteur procède dans la plupart des
cas. S'agit-il des méthodes d'observation considérées
dans toute leur généralité, il montre que « la mesure
directe n’enseigne rien de plus que l'égalité ou l'inéga-
lité de deux quantités ». Plus loin, à propos de la défi-
nition du temps. il fait observer que « des grandeurs
différentes par leur nature peuvent posséder des points
de ressemblance, qui permettent de les expliquer l’une
par l’autre, ou, plus ordinairement, l’idée qui nous est
le plus familière, en raison de notre expérience quoti-
dienne, nous sert à mieux comprendre la notion la
moins usuelle ». Le temps lui-même ne devient une
notion nette que mis en rapport avec des changements
qui surviennent dans les objets qui nous entourent, et
fous ces changements doivent être comparés à une autre
variation, de laquelle on a pu démontrer qu'elle s’ef-
fectue avec une grande régularité. La discussion rela-
tive au choix de cette variation nous fait parcourir de
nouveau le chemin qu'ont dù franchir nos devanciers,
ces génies trop oubliés, auxquels nous devons nos ins-
truments de travail, et, avanttout, — je dirai même
parmi ces derniers — une connaissance exacte d’une
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
PINOT TS
287
foule de choses si usuelles aujourd’hui que nous
croyons en avoir apporté la notion en naissant.
Tout cela est bon à dire au moment où l'étudiant
va commencer à apprendre par lui-même; l’auteur
aurait pu, sans doute, le dire en moins de mots,
et il aurait dù éviter de tomber dans des erreurs
comme celle que contient la phrase .suivante : « Des
masses égales ne sont nécessairement égales que par
l'égalité d'attraction que la Terre exerce sur elles. »
Si nous passons à la païlie pratique de l’ouvrage,
mêlée, du reste, pour chaque sujet, à la partie pure-
ment didactique, nous aurons surtout à reprocher à
l’auteur d’avoir perdu un peu trop de temps en exer-
cices que l’on doit posséder absolument au sortir
de l’école primaire; nous voulons parler du calcul
des superficies et des volumes des figures les plus
simples, comme le carré ou le cube, à moins toute-
fois que l’usage du système britannique de mesures
ne réussisse à rendre difficiles à saisir des notions qui
nous paraissent évidentes.
Ces quelques réserves faites, il nous parait que les
exercices vraiment pratiques sont choisis et gradués de
manière que l'élève qui les aura exécutés en y
appliquant son intelligence et ses soins, en tirera le
plus grand profit, aussi bien pour la connaissance des
relations des grandeurs, que pour son habileté ma-
nuelle.
Par exemple, les figures géométriques sont évaluées
non plus seulement en déplacant fictivement certaines
de leurs parties de facon à simplifier le problème; on
les découpe en réalité, et les dispose de manière à pou-
voir les mesurer aisément. Un cercle est divisé en sec-
teurs, que l’on rapproche ensuite pour figurer approxi-
mativement un quadrilatère, dont la superficie est
aussitôt estimée. Pour que la notion du plan entre dans
l'esprit des élèves par deux sens à la fois (sans parler
du sens olfactif), l’auteur recommande de distribuer à
toute la classe de petits blocs de craie que chacun des
élèves devra roder de facon à obtenir trois plans s’ap-
pliquant exactement l’un sur l’autre; le procédé ne
diffère pas en principe de celui que l’on emploie en
optique, et, du même coup, les élèves y apprendront un
tour de main.
Les mesures plus complexes, que l'on peut exécuter
avec des appareils d’une construction élémentaire, sont
décrites dans un chapitre qui constitue comme le
résumé de l’ouvrage entier.
Nous avons dit en passant ce qui nous paraissait être
des imperfections de cet ouvrage; il ne nous reste plus
qu'à souhaiter de voir l’idée qui la fait naître de
mieux en Inieux comprise.
Ch.-Ed GuiLLaAuME.
Preston (Thomas), Professor of natural Philosophy,
University College, Dublin. — The theory of Heat (La
théorie de la Chaleur). -— Un vol. in-8° de 7C9 pages.
Macmillan and C°, Londres, 1895.
L'auteur a voulu écrire un traité sur la chaleur com-
prenant aussi bien les questions théoriques que les faits
expérimentaux; mais il a tenu avant fout à rester à la
portée de tous ceux qui n’ont qu'une éducation scien-
tifique moyenne ; son livre ne s'adressant pas à une
classe spéciale de personnes, telle que des candidats
à un examen particulier, il avait toute liberté de déter-
miner lui-même son plan, n’élant assujetli à suivre
aucun programme, Il a pu ainsi laisser de côté cer-
taines théories, ne pas insister sur la description
d'expériences inutiles pour ceux qui désirent surtout
avoir un tableau d’ensemble. Le livre commence par
une partie consacrée aux diverses théories sur la nature
de la chaleur, à l'exposé des propriétés générales de
la matière ou de l'énergie; on pourrait peut-être pré-
férer que cette introduction fût au contraire reportée à
la fin de l’ouvrage, mais elle est très clairement écrite,
très intéressante à lire. Viennent ensuite plusieurs
chapitres consacrés à la thermométrie, la calorimétrie,
les changements d’état, la propagation de la chaleur.
288
On trouvera consignés là les résultats les plus récents,
décrites les méthodes de mesures les plus perfection-
nées. La dernière partie est réservée à la thermodyna-
mique ; elle constitue un traité élémentaire particuliè-
rement soigné de cette science : elle renferme une
exposition claire des principes fondamentaux et de
leurs conséquences; des notions succinetes sur la
fonction caractéristique de M, Massieu et le potentiel
thermodynamique de M. Duhem. Lelivre du savant pro-
fesseur de Dublin est, sans contredit, l’un desmeilleurs
traités élémentaires que l’on ait écrits sur la chaleur ;
il aura en France le succès qu'il a déjà obtenu en
Angleterre.
< Lucien Porxcaré.
Ostwald (W.), Professeur de Chimie à l'Université de
Leipzig. — Die wissenschaftlichen Grundlagen der
analytischen Chemie. (Les bases scientifiques de la
Chimie analytique.) — 1vol. de 187 pages, W. Engel-
mann, Leipzig. 1895.
On a trop souvent considéré la Chimie analytique
comme une science plutôt empirique, faite de procédés
plus ou moins perfectionnés, à tel point qu’un traité de
chimie analytique n’est souvent apprécié qu’autant.
qu'il fournit le plus grand nombre de solutions, — on
pourrait presque dire de-recettes, — donnant la marche
à suivre dans tel ou tel cas compliqué. M. Ostwald a
cherché à réagir contre cette tendance et à montrer
que les méthodes de Ja Chimie analytique, bien que
nées exclusivement de l’expérience, sont la confirma-
tion des principes de la Chimie théorique tels qu'ils ont
été développés en ces dernières années,
L'ouvrage comprend deux parties : la première, toute
théorique, est relative aux opérations les plus géné-
rales de laChimie analytique : le lavage des précipités,
leur agglomération par Île repos, les méthodes de
séparation par distillation fractionnée, les extrac-
tions par des dissolvants, ete. Un chapitre spécial
est consacré à la théorie des dissolutions, aux équilibres
chimiques, aux réactions chimiques; l’auteur insiste
avec raison pour montrer que ces conceptions peuvent
souvent guider le praticien dans les opéralions que
comporte la Chimie analytique.
La seconde partie, relative aux applications, ne com-
prend que des généralités sur les diverses méthodes
qui servent à doser les bases et les acides ; toute cette
partie est traitée au point de vue spécial de la disso-
ciation électrolytique. Ce n’est évidemment qu’un lan-
gage nouveau pour représenter des choses anciennes.
Cette manière de faire, à coup sûr originale, ne man-
quera pas de soulever quelques objections. Elle est
cependant très suggestive, et, au point de vue purement
didactique, elle a certainement des avantages dont tout
lecteur impartial se rendra compte en étudiant l’ou-
vrage de M. Ostwald.
Les méthodes expérimentales n’élantesquissées qu’à
grands traits, ilne faudra pas chercher dans cet ouvrage
un traité complet de Chimie analytique; cela n’a du
reste pas été l'intention de l’auteur. Cet intéressant petit
manuel s'adresse surtout au praticien désireux d’étu-
dier de plus près les principes sur lesquels on peut
édifier aujourd’hui la Chimie analytique, ainsi qu'aux
personnes curieuses de suivre de près le mouvement
des idées en ce qui concerne l’enseignement de cette
science.
Ph. A. GUY£.
3° Sciences naturelles.
Planchon (Louis), Docteur en médecine, Chargé du
cours de Matière médicale à l'Ecole supérieure de Phar-
marie de Montpellier. — Produits fournis à la ma-
tière médicale par la famille des Apocynées. —
1 vol. yr. in-8° de 360 p. avec 25 fig. Imprimerie Hame-
lin frères. Montpellier, 1895.
Le travail que M. Planchon a présenté comme thèse
au concours d’agrégation est une étude de matière
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
médicale; peu de familles naturelles fournissent plus
de médicaments et de poisons que celle des Apocynées;
mais la plupart des espèces appartiennent aux régions
tropicales; elles nous arrivent difficilement, les pro-
duits perdent leur efficacité en peu de temps, et sont
assez mal connus pour que les fraudes (dont la phar-
macie n’est pas exempte) s’yintroduisent facilement, Il
en résulte que la thérapeutique, déroutée parfois par
des insuccès attribués à une substance qu’elle n’a pas
réellement entre les mains, abandonne l'emploi des
substances les plus actives et les plus utiles, Ajoutons
que l'analyse chimique n’est pas encore poussée assez
loin pour qu'on sache tout le parti qu’on pourra tirer.
des glucosides contenus dans les diverses parties de
ces plantes. La famille fournit, en outre, à l’industrie
des bois, des textiles, des matières colorantes, des
caoutchoucs, etc. On y trouve des aliments à côté de
poisons redoutables; il arrive même que, grâce à des
phénomènes particuliers de localisation, diverses par-
ties de la même plante aient des propriétés très diffé-
rentes. Ajoutons encore que ces plantes sont répan--
dues dans presque toutes les régions intertropicales :
l'Inde, la Malaisie, l'Amérique, les Antilles, l'Afrique
centrale, Madagascar et les Mascareignes en possèdent
un grand nombre.
Il y a évidemment quelque mérite à tenter de mettre
de l’ordre dans le chaos ; on ne refusera pas ce mérite
à M. Planchon. Fidèle à son sujet, il a adopté pour
cette étude un ordré arbitraire, le plus commode quand
on ne se préoccupe pas de connaître le développement
et l’évolution des objets étudiés. Il se trouvait en pré-
sence d'une foule de produits qu'il se proposait de
grouper. Il les a rapprochés d’abord suivant les organes
qui les fournissent; il reconnait bien que cet ordre a
l'inconvénient de séparer des espèces voisines, de
scinder parfois en deux ou plusieurs fragments l'étude
d'une même plante; mais cet inconvénient est inévi-
table, Chacun des chapitres, consacrés aux fruits et
graines, aux organes végétatifs, au latex et à ses pro-
duits, etc., subit une nouvelle division d’après la dis-
tribution géographique des végétaux dont il est
question. Un index bibliographique et une table alpha-
bétique étendue permettent de s'orienter au milieu du
dédale des faits etdes descriptions dans lequel devront
nécessairement s'engager, à la suite de M. Planchon,
tous ceux qui s’occuperont de la matière médicale des
Apocynées.
Ch. FLartauzr.
4° Sciences médicales.
Chareot, Bouchard, Membre de l’Institut, Profes-
seur de Pathologie générale à la Faculté de Médecine de
-Paris, et Brissaud, Professeur agrégé à la Faculté de
Médecine de Paris, Médecin de l'Hôpital Saint-Antoine.
— Traité de Médecine. Tome VI. — 1 vol. yr. in-8°
de 1400 pages avec 220 figures. (Prix : 25 fr.). G. Masson,
éditeur, Paris, 1895.
Avec ce volume finit le Traité de Médecine, A son
début en 1891, la publication de ce grand ouvrage avait
remporté auprès du monde scientifique médical le
plus légitime succès, Ses volumes successifs ont été
accueillis avec une faveur croissante et attendus avec
impatience, Le sixième tome clôt avec grand honneur
cette publication. Entièrement consacré aux maladies
du système nerveux, il est dû à la collaboration des
plus estimés des élèves de Charcot. Chacun d'eux y à
apporté le fruit de ses recherches favorites et la compé-
tence qu'il s’y était acquise. ; : À
C’est ainsi que M. Brissaud a écrit les chapitres im-
portants des localisations cérébrales et les pages rela-
tives aux questions générales : apoplexie, aphasie, .
hémorrhagie cérébrale, ete. La pathologie du bulbe
rachidien a été exposée par M. Guinon, à qui l'on doit
aussi les méningites, les compressions médullaires et
la syringomyélie, M. Pierre Marie a traité les myélites
infectieuses et toxiques et les scléroses médullaires;
hé it dé
dd à mod à nie mt ddate, alle —. nés tit
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 289
M. Lamy, la syphilis cérébrale et spinale et la paralysie
agitante. Les névrites, de M.. Babinski, les psychoses, de
M. Ballet sont de véritables traités. Les névralgies et
paralysies ont été décrites par M. Hallion.
Les monographies sur l’acromégalie, le myxædème
ont été rédigées par M. Souques. Les chorées par
M. Blocq et les névroses, neurasthénie, épilepsie et
hystérie, par M. Dutil, terminent le volume.
On ne saurait, vu l'importance de ce livre et sa grande
étendue (il contient près de 1400 pages), entrer ici dans
des développements d'analyse. Le Traité de Médecine
prend d’ailleurs place parmi les ouvrages classiques.
D' A. LÉTIENNE.
Ollier (L.), Professeur de Clinique chirurgicale à la
Faculté de Lyon, Correspondant de l'Institut. — Régé-
nération des os et Résections sous-périostées.
— 1 vol. in 8° de 180 p. de l'Encyclopédie scientifique des
Aide-Mémoire, dirigée par M. H. Léauté, de l'Institut.
. (Prix : broché ? fr. 50; cartonné, 3 fr.) G. Masson et
Gauthier- Villars, éditeurs, Paris, 1895.
La collection des Aide-Mémoire Léauté, dans laquelle
ont déjà été publiés tant de livres utiles, vient d'ajouter
à leur série un abrégé du Traité des Résections du Pro-
fesseur Ollier. C’est le maître lui-même qui a résumé
dans ce petit volume de 180 pages ses recherches sur
la régénération des os et leur application aux résec-
tions sous-périostées : il a dressé ainsi, dans une forme
concise et claire, Le bilan de son œuvre chirurgicale, qui
est l’une des plus considérables du siècle.
Après un {très rapide exposé de l’origine et de Fhis-
toire des réseclions, l’auteur rappelle d’abord les expé-
riences physiologiques qui ont servi de base à la mé-
thode chirurgicale qu'il a préconisée. Ces expériences
ont successivement et définitivement démontré les pro-
priétés ostéogéniques du périoste et spécialement de sa
couche profonde, la possibilité d’en réveiller la vitalité
par des irritations appropriées, l'importance de l’inté-
grité du canal périostéo-capsulaire pour la reconstitu-
ion des néarthroses, enfin le rôle joué par le cartilage
de conjugaison dans l’accroissement des os longs.
De ces fondements physiologiques l’auteur a déduit
la technique des résections sous-périostées qu'il pra-
tique depuis plus de trente ans déjà. Les résultats sont
connus de tout le monde : ils ont entrainé l’unanime
adhésion des chirurgiens de tous les pays. Le Pr Ollier
les a résumés dans le présent Aide-Mémoire, dont le
but est de donner une idée synthétique de la méthode
opératoire à laquelle son nom est attaché,
D' Gabriel MAuRANGE.
5° Sciences diverses.
Binet (Alfred), Directeur adjoint du Laboratoire de
Psychologie physiologique des Hautes Etudes à la Sor-
bonne. — Psychologie des grands Calculateurset
Joueurs d'échecs. — Un vol. in-16 de 364 p. (Prix :
3 fr. 50.) Hachette et Cie, Paris, 1895.
L'ouvrage de M. Binet comprend, comme le titre
l'indique, deux parties distinctes. Dans la première,
l’auteur rend compte des observations qu'il à faites
sur deux calculateurs prodiges, Inaudi et Diamandi.
La seconde est le résumé d’une enquête à laquelle il
s’est livré sur les plus forts joueurs d'échecs, en parti-
culier sur ceux qui jouent « sans voir ». L'unité du
livre est pourtant réelle : calculateur ou joueur, le
sujet est surtout étudié au point de vue de la mémoire
des images. Les observations de M. Binet sont d’une
précision extrême; il en expose le résuliat en suivant
d'aussi près que possible le contour des faits. De ce
compte rendu impartial se dégagent cependant des
idées intéressantes, qui nous présentent sous un jour
- assez nouveau certains phénomènes de la mémoire.
Parlons d’abord des calculateurs. L'opinion généra-
- lement admise est que les calculateurs prodiges visua-
lisent leurs opérations. Mondeux, Colburn, ele., étaient
calcul de tête, qui implique la présence simultanée,
dans la mémoire, d'un grand nombre de chiffres sur
lesquels on opère sans en laisser échapper aucun
tandis qu'on passe aux autres, implique une espèce
d'hallucination visuelle, une vision intérieure, Tel
n’est pas le cas d’Inaudi. Il entend les nombres; c’est
son oreille qui les retient; les chiffres « résonnent à
son oreille avec son propre timbre de voix », Ajoutons
que ses lèvres remuent pendant qu'il travaille, qu'il
prononce intérieurement les noms des chiffres, et que
l’image auditive se renforce, dans son cas, d’une image
motrice, M. Binet a étudié cette mémoire auditive de
très près; il en a mesuré l'étendue et les limites.
L’ensemble de ces observations est intéressant, moins
intéressant cependant, à notre avis, que les trois cha-
pitres qui suivent et qui concernent le calculateur
Diamandi. C’est un visuel que Diamandi, du moins
pour ce qui touche au calcul mental, et, par là, il res-
semble à la plupart des calculateurs connus. Mais
l'étude de ce calculateur a conduit M. Binet à des
conclusions assez inallendues sur la mémoire visuelle
des chiffres. On pourrait croire, en effet, que, si un
calculateur du type visuel retient par cœur, après
l'avoir regardée un moment, une série souvent consi-
dérable de chiffres tracés sur le papier, c’est qu'il en
a tiré une espèce de photographie mentale. Il rever-
rait alors cette photographie tout d’un coup, et retrou-
verait les chiffres en les lisant, un à un, sur la feuille
de papier imaginaire que lui représente sa mémoire,
Ce n’est pourlant pas ainsi que les choses se passent,
et M. Binet a imaginé des expériences ingénieuses pour
le démontrer, D'abord, si la mémoire visuelle n’est
que la lecture d’une photographie mentale, le sujet
reverra mentalement les chiffres avec la couleur qu'ils
avaient sur le papier; il ne lui faudra donc pas un sur-
croît de travail pour se rappeler que tel chiffre est en
rouge, tel autre en bleu. Ensuite, si l’acte de visualisa-
tion est chez lui une reproduction photographique de
la vision réelle, il n’aura pas plus de peine à retenir
la position exacte des chiffres sur le papier que ces
chiffres eux-mêmes, puisqu'il ne les répète jamais
qu’en les revoyant. Or, l'expérience a montré qu'il
faut trois fois plus de temps à M. Diamandi pour ap-
prendre à la fois les chiffres et leurs couleurs (quand
ces couleurs sont différentes), que pour apprendre les
chiffres seulement. Et en ce qui concerne les posi-
tions, il s'en faut également que M. Diamandi voie tout
le tableau qu’il a confié à sa mémoire : l’expérience
établit qu'il ne peut pas énoncer les chiffres avec la
même rapidité ni avec la même exactitude dans tous
les sens; il y a des directions que son attention suit
plus facilement que les autres, et ces directions sont
justement celles que son attention à suivies en appre-
nant ces chiffres. Ainsi, dans £e cas particulier au
moins, l'image visuelle ne s'imprime pas, d'elle-même,
dans une mémoire qui la recevrait passivement; l’ac-
livité mentale joue un très grand rôle. M. Binet ne
nous parait pas avoir dégagé cette conclusion assez
neltement; l’idée est pourtant importante, et même,
en y regardant de près, on verrait qu'elle est ce qui
fait l'unité du livre; elle pourrait servir de transition
entre la première partie de l'ouvrage et la seconde,
celle qui traite des joueurs d'échecs.
M. Binet étudie, chez les joueurs d'échecs, cette
mémoire spéciale qui leur permet de jouer une partie,
et même plusieurs parties, sans voir l’échiquier. Que
cette mémoire se rencontre chez beaucoup de‘forts
joueurs, cela n'a rien d'étonnant, puisqu'elle est im-
pliquée en parlie dans l’aptitude même à jouer aux
échecs. Le jeu n’est guère possible, en effet, sans la
prévision d’un nombre plus ou moins considérable de
coups, qui modifieront chaque fois l'aspect général de
l’échiquier et, par conséquent, de la partie, Même, la
force de combinaison aux échecs consiste, au fond,
dans la faculté de se représenter simultanément un
plus ou moirs grand nombre de parties possibles résul-
des visuels. Il semble, d’ailleurs, assez naturel que le ‘ tant d’un coup donné, pour suivre ce coup jusque dans
290
_ses conséquences les plus lointaines. Mais en quoi
consiste ici la représentation mentale? Les auteurs
qui ont traité du « jeu sans voir » admettent tous que
ce tour de force repose sur la mémoire visuelle. Taine
a écrit sur ce sujet une page bien connue : « Il est
clair, dit-il, qu'à chaque coup la figure de l’échiquier
tout entier, avec l'ordonnance des diverses pièces, esl
présente, comme dans un miroir intérieur ; sans quoi
l’on ne pourrait prévoir les suites probables du coup
qu’on vient de subir et du coup qu'on va commander. »
Et Taine décrit le cas d’un de ses amis qui, « les yeux
contre le mur, voit simultanément tout l’échiquier et
toutes les pièces telles qu’elles étaient en réalité au
dernier coup joué».
Tel n’est pas du tout le résultat des recherches de
M. Binet, Il s’est adressé aux meilleurs joueurs d'échecs,
à ceux surtout qui sont répulés pour jouer sans voir;
il a recueilli leurs témoignages; il les a confrontés
entre eux, et de cette enquête parait se dégager la
nécessité d'admettre une forme nouvelle de la mémoire
visuelle, que l’auteur appelle « la mémoire visuelle
géométrique ». Essayons de caractériser cette mémoire,
telle que les joueurs eux-mêmes la décrivent,
Tous s'accordent d’abord à dire que, pour arriver à
se passer de léchiquier, il faut le connaître à fond : un
bon joueur sans voir est toujours un fort théoricien.
C'est qu’on n'arriverait pas à se graver dans la mé-
moire une série de coups et de positions « si on ne
savait pas donner aux coups et à la position une signi-
fivution précise ». Comme le dit très bien M. Binet,
celui qui ne comprendrait pas le sens des coups aurait
autant de peine à les retenir qu'un illettré à se graver
dans l'esprit une ligne imprimée. Il suffit, au contraire,
à celui qui sait lire et qui comprend le sens des mots,
de jeter un coup d’œil sur la ligne pour savoir repro-
duire, au besoin, la succession des lettres qui la com-
posent. Si le joueur peut se rappeler les coups joués
dans cinq et même dix parties, ce qui fait un total de
plus de 300 coups, « c’est qu'il a conscience des raison-
« nements qui ont amené ces coups et qu'il se rend
« compte de la genèse psychologique de la partie; c’est
« parce que, pour son esprit, la partie n’est pas une
« lutte entre des poupées de bois, mais une lutte entre
« des idées ». Parmi les joueurs consultés par M. Bi-
net, il en est qui expriment ce fait sous une forme sai-
sissante : « Je suis souvent porté, dit l’un d'eux, à ré-
sumer dans une épithète générale le caractère d’une
position, Je la saisis comme le musicien saisit dans son
ensemble un accord... Une partie vous à l'air simple,
familier, ou bien original, excitant, suggestif, et l’on
éprouve du plaisir à voir cela comme si l’on revoyait
une ancienne connaissance. » On s'explique ainsi que
le « joueur sans voir » s'arrange de manière à orienter
différemment chacune de ses parties, de manière à
leur donner à chacune sa direction particulière, La
difficulté ne commence pour lui que lorsque des posi-
tions à peu près identiques donnent à deux parties
simultanées la même physionomie.
Mais, dira-t-on, la mémoire visuelle ne joue-t-elle
ici aucun rôle? Si le joueur se représente la physio-
nomie et la marche d’une partie dans son ensemble,
encore faut-il qu'il la voie à un moment donné, qu'il
imagine la position de chaque pièce ainsi que l’en-
semble, Tous les joueurs s'accordent en effet sur ce
point; mais ils s'accordent aussi à peu près tous à
déclarer qu'ils réduisent ici à son strict minimum le
travail de visualisation. D'abord, ils ne voient pas
l'échiquier en entier, mais seulement la région de
l'échiquier sur laquelle le combat est actuellement
engagé; ils évoquent de l’échiquier, tour à tour, les
‘diverses parlies dont ils ont besoin. Puis, la-forme des
pièces ne leur apparaît que d’une manière très vague ;
quelques-uns seraient incapables de dire à quel type
appartiennent les pièces avec lesquelles ils jouent
mentalement. C'est donc qu'ils ne se représentent
pas l’image de chaque pièce elle-même, — Pourtant, il
faut bien qu'ils se représentent quelque chose; sinon,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
comment auraient-ils l’idée de l’ensembie? — C'est sur
ce point que l'enquête de M. Binet-aboutit à une con-
clusion véritablement curieuse, et qui s'accorde d’ail-
leurs avec tout ce qui précède : ce que le joueur se
représente de chaque pièce, ce n’est pas, à proprement
parler, sa forme, c'est sa puissance, c’est-à-dire ses
mouvements possibles. Les figures ne se répartissent
pas pour lui selon leurs couleurs; elles se divisent en
hostiles et alliées. Il en oublie les contours exté-
rieurs; il ne se souvient que de leur action et de
leur portée. C’est ainsi que la tour représente «une
marche en ligne droite », le fou « une force oblique ».
Un novice seul, dit un des joueurs consultés,
verra l’échiquier et la forme particulière des pièces,
parce qu'il ne saisit pas leur signification intérieure.
Ainsi, ce que le « joueur sans voir » se represente
surtout, à un moment donné, d'une partie qu'il joue,
c'est un double système de forces, chacune douée d’un
pouvoir propre, et dont les unes sont commandées
par lui, les autres combattues. Ce qu'il retient de l’en-
semble de la partie, c’est surtout la variation de ces
forces dans leurs rapports réciproques. La faculté de
voir mentalement, telle qu'on l'entend d'ordinaire, est
accessoire; elle intervient seulement pour remplir,
pour colorer un schème par lui-même incolore et
purement géométrique.
M. Binet propose de nommer mémoire visuelle géomé-
trique cette forme nouvelle de la mémoire. C’est, si je
ne me trompe, la faculté de retenir virtuellement des
images visuelles en leur substituant un schème abstrait
de mouvements possibles qui permettrait au besoin de
les reconstituer, mais qui permet surtout de se passer
d'elles. Dans le cas particxlier des échecs, ce schème
est celui de la direction et de l’action respectives de
chaque pièce, et des rapports variables que ces forces
entretiennent entre elles dans tout le cours d’une
partie. C'est la signification de chaque pièce, et aussi
celle de la partie, qu'on se fixe dans l'esprit. La partie
d'échecs étant envisagée comme un ensemble, on en
démèêle les articulations, on l’organise dans son imagi-
nation : ce sont, pour ainsi dire, les progrès de cet
organisme qu'on suit à travers la partie entière. Ne
vaudrait-il pas mieux appeler cette mémoire « mémoire
visuelle d'organisation »?
Mais le mot n'importe guère. 11 faut savoir gré à
M. Binet d’avoir mis en lumière une forme de la mé-
moire qui n'avait guère été étudiée. De quelque nom
qu'on l'appelle, le psychologue devra en tenir compte.
Et de l’ensemble du livre de M. Binet se dégage, à
notre avis, la très intéressante conclusion que la
mémoire des images est chose moins simple qu'on ne
pense, et que l’activité du sujet y joue un très grand
rôle,
H. BerGson.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-S° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en cou-
leurs. 516° et 517° livraisons. (Prix de chaque livrai-
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes,
Paris, 1895.
Les 516° et 517° livraisons renferment des articles sur
l'acide lactique et la lactose par notre collaborateur
M. C. Matignon; sur la laine, son industrie et son
commerce, par MM. Larbalétrier, Goguel et Knab; sur
le lait, sa formation, sa composition, sa digestibilité,
les microorganismes qu'il renferme, par notre colla-
borateur le D' Langlois; sur le laiton et sur les sco-
ries qu'on appelle laitier en métallurgie, par M. L. Knab;
sur les deux genres de mammifères qui ont pour type
le lama et le lamantin, par M. E, Trouessart; les biogra-
phies du grand prédicateur Lacordaire, par M. E. H. Vol-
let; de La Fontaine, par M. FE. Brunetière; de Mme de
la Fayette, par M. Asse; du général La Fayette, par
M. E. Charavay; du célèbre naturaliste Lamarck, par
M. le D' Hahn; de Lamartine, par M. E. Tourneux,
Th D Pret
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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 4 Mars 1895.
M. Guyou lit une notice sur la vie et les travaux de
M. l'amiral Pâris, membre de la Section de Géogra-
phie et de Navigation.
4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Résal donne une
famille de lignes, qu’il appelle axoïdes, telles que deux
segments de sa normale, limités par deux lignes don-
nées (directrices), soient égaux; ces lignes résolvent le
problème qu'on est amené à se poser en mécanique
appliquée quand on se donne le profil d’un tuyau dont
la section est variable, ou bien l’intrados et l’extrados
d'une voûte en berceau. — Le P. Repin rectifie
quelques théorèmes énoncés antérieurement par le
théorème suivant : Un seul carré pair devient un cube
lorsqu'on lui ajoute 47, savoir le carré de 500, lequel
devient alors le cube de 63. — M. le Secrétaire per-
pétuel signale les Lecons autographiées surl'intégration
des équations différentielles de la Mécanique et ses
applications de M. P. Painlevé, et un Essai de Géogra-
phie générale de M. Christian Garnier, —M. Rosard
communique ses observations de la planète Wolf BP,
faites à l’observaloire de Toulouse(équatorial Brunner).
2° ScExcEs pHysiQues. — M. Amagat examine et dis-
cute les valeurs de ia pression intérieure et du viriel
des forces intérieures dans les fluides en s'appuyant
sur les résultats fournis par l'étude de la com-
pressibilité des principaux gaz. La pression inté-
: d Tam :
rieure:r— T T — p, est une fonclion manifestement
différente de la quantité +’, appelée aussi pression inté-*
rieure et définie par l'équation de Clausius :
3 3
KT —;:(Pp+x)v
quand on y a remplacé le viriel des forces intérieures
par 3 7 y. En outre, on ne vérifie pas l'hypothèse de
M. Sarrau, à savoir que le travail moléculaire relatif à
la variation de volume dv serait représenté par 7'dv
dans le cas où le volume des molécules et l'amplitude
des mouvements stationnaires seraient très pelits rela-
tivement aux distances intermoléculaires. — M. E.
Renou donne l’ensemble des observations météorolo-
giques faites pendant le mois de février au parc de
Saint-Maur. Ce mois particulièrement froid donne une
moyenne de basse température qui n’a pas été cons-
tatée depuis 1740. — M. J. Carpentier présente un
certain nombre de vues panoramiques obtenues par
agrandissement de clichés 4 1/2 X 6 fournis par la
photojumelle à répétition. L'emploi de préparations
orthochromatiques et d’un verre compensateur à teinte
jaune foncé donne à ces photographies des finesses de
détail remarquables. — M. V. Ducla adresse un mé-
moire relalif aux constantes calorimétriques des divers
corps, rapportées à l'unité de volume. — M. Léopold
Hugo adresse une note sur l’analogie entre le gâteau
d'argent fin, après expulsion de l'oxygène, etles régions
volcaniques de la lune. — M. A. Villiers a reconnu
que les deux fonctions acide et alcali, que peut rem-
plir le sulfure de zinc, n’appartiennent pas à un même
corps, mais à deux variétés distinctes par leurs pro-
priétés physiques et chimiques et non susceptibles de
se transformer directement l’une dans l’autre entre
. O0 et 100°. La théorie de M. Jungfleisch sur la constitu-
tion des cinétiques rend compte de ces faits et en re-
coitelle-même une nouvelle vérification, — M. E. Mou-
net a fait l’étude des chaleurs de dissolution et de
dilution de l’acétate de soude, en prenant comme
abscisses les concentrations et comme ordonnées les
chaleurs de dilution; il obtient à 150 une courbe
presque rectiligne montant rapidement de la concen-
tration 0 à la concentration 10, puis une courbure très
nette entre les concentrations 5 et 17,5; enfin, à partir
de cette dernière concentration, la courbe tend à de-
venir asymptotique à une droite parallèle à l'axe des
abscisses. — M. Délépine signale l’action des acides
sur les iodures d’ammonium de l’hexaméthylène
amine comme un nouveau mode de formation des
amines primaires ; ilindique aussi l'utilité de l'emploi
du réactif bismuthique qui permet de séparer les
amines d’avec l’'ammoniaque; même au cas relatif à
l’amylamine, il permet de séparer cette base de la base
insoluble dans l’eau, laquelle donne un bismuthate
très soluble. — M. Jacques Passy établit que toute
production d’odeur s'accompagne de la diffusion
dans l’atmosphère et de l’apport à la muqueuse olfac-
tive d’une substance odorante, dont la présence peut
être décelée par l'emploi d'un agent chimique appro-
prié, qui, détruisant cet individu chimique, détruit en
même temps l'odeur correspondante. — M. A. Müntz
déduit des recherches sur les exigences de la vigne les
conelusions suivantes : 1° l’absorption de l'azote et de
la potasse est beaucoup plus considérable que celle de
l'acide phosphorique ; 2" l'azote est absorbé en grande
quantité par la vigne, et, contrairement à des idées
très répandues, les famures azotées doivent intervenir;
3° dans le Midi, Pazote est absorbé en plus forte pro-
portion que la potasse; dans les régions plus sep-
tentrionales, c’est la potasse au contraire qui est
absorbée plus abondamment ; # la vigne du Midi,
beaucoup plus productive, n’exige pas une somme de
matériaux nutritifs notablement supérieure à celle des
vignes des climats plus tempérés; 5° la quantité des
éléments fertilisants mise en jeu par la vigne pour
produire un hectolitre de vin est trois ou quatre fois
plus considérable dans les pays plus septentrionaux
que dans le Midi.
C. MATIGNON.
3° SctENCES NATURELLES. — M. d'Abbadie indique un
remède prophylactique des fièvres paludéennes; c'est
l'emploi d’une fumigation journalière de soufre sur le
corps. — M. Lechappe adresse une note relative à
l'emploi de l’alun dans le traitement des maladies de
la vigne, — M. Balland fournit certaines données sur
la composition de quelques avoines francaises et
étrangères de la récolte de 1893, qui permettent de
les distinguer des principaux types. — M. Durand(de
Gros) donne de nouvelles considérations sur l’ana-
tomie comparée des membres, surtout en ce qui con-
cerne les caractéristiques morphologiques du bras et
de l’avant-bras chez les Vertébrés supérieurs (torsion,
flexion. etc.) et désirerait que les variations de la con-
formation des membres fussent indiquées dans la no-
menclature morphologique de la Zoologie. — M. Ed.
Perrier, à l’occasion de la communication de M. Du-
rand (de Gros), rend hommage à ce savant qui, un des
premiers, chercha à établir cette proposition : « Les
Vertébrés ne sont pas des animaux simples, mais bien
des animaux composés résultant de l'association d'un
certain nombre d'individualités, dont les vertèbres, qui
se répètent régulièrement d'une extrémité à l’autre du
corps, sont les indicationslesplus nettes, » — MM.E.L.
Bouvier et G. Roché ont étudié une maladie qui a
sévi sur les langoustes à la fin de l'année dernière,
mais qui à disparu très rapidement. Cette maladie
était due à un cocco-bacilleet se manifestait à l’exté-
19
de}
19
rieur par des plaques œdémateuses sur les premières
articulations des pattes. — M. Moynier de Villepoix
présente quelques rectilications sur la formation de
la coquille des Mollusques. -- M. Guébhard fournit
de nouvelles données sur les partitions anormales des
Fougères,
J. MARTIN,
Séance du 11 Mars 1895.
La Commission chargée de préparer uneliste de can-
didats pour la place d'académicien libre laissée va-
cante par le décès de M. F. de Lesseps, présente en
première ligne M. Adolphe Carnot, en seconde ligne
MM. Lauth, Linder,de Romilly, Rouché — M. G.
Darboux présente la médaille exécutée en l'honneur
du cinquantenaire de l’entrée de M. Joseph Bertrand
dans l'enseignement.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Rayet adresse
ses observations de Ja planète BP (M. Wolf, 23 fé-
vrier 4895), faites au grand équatorial de l'observatoire
de Bordeaux. — M. Emile Picard présente quelques
remarques sur les courbes définies par une équation
différentielle du premier ordre ; en particulier, il dé-
montre qu'il n'existe pas de courbe intégrale se rap-
prochant indéfiniment d’un point singulier, correspon-
dant à une équation différentielle du premier ordre,
sans y arriver avec une tangente déterminée, — M. E.
Goursat précise certains points de la méthode de
M. Darboux pour l'intégration des équations aux déri-
vées parlielles du second ordre, méthode qui ramène la
détermination de l'intégrale à l'intégration d'un sys-
tème d'équations différentielles ordinaires (E). En gé-
néral, ce système, variable avec la fonction arbitraire
2 (v) dont dépend l'intégrale intermédiaire nécessaire,
ne peut être intégré que si l’on a particularisé cette
fonction ; il n’en est plus de mêmie lorsque deux ‘sys-
tèmes de caractéristiques de l'équation aux dérivés
partielles du second ordre sont confondues; si l’équa-
tion admet une intégrale intermédiaire d’un ordre
quelconque, renfermant une fonction arbitraire, il
suffit d'intégrer un système unique d'équations diffé-
rentielles ordinaires, pour pouvoir en déduire sans
aucune intégration nouvelle Pintégrale générale qui
appartient à la première classe d'Ampère, — M.E.
Cartan énonce le théorème suivant, relatif à certains
groupes algébriques : Si un groupe transitif n’admet
pas de transformation distinguée et que son plus grand
sous-groupe invariant intégrable soit de rang zéro, on
peut toujours, au moyen d'un changement de variables
et de parametres convenable, faire en sorte que les
coefficients des transformations infinitésimales de ce
groupe soient des fonctions rationnelles des variables
elles équations finies dépendent alsébriquement des
variables et des paramètres. — M. Desaint démontre
quelques théorèmes : 19 La fonction inverse arithmé-
tique de la fonction eulérienne de seconde espèce
admet une dérivée dont les zéros sont tous réels.
2° Les fonctions entières de genre pair «w, dont le
multiplicateur exponentiel du produit mfini de facteurs
primaires de M. VWeierstrass est de la forme :
,0+2 Fe
Aë”
où A est une constante, x, réels et x positifs, jouissent
de celte propriété que si leurs zéros sont réels, les
zéros de leur dérivée sont tous aussi réels. — M. de
Jonquières donne la démonstration d’un théorème
énoncé récemment sur les nombres entiers.
2° SCIENCES PHSIQUES. — M. J. Janssén insiste sur
l'intérèt des observations des éclipses de lune, obser-
vations qui peuvent éclairer la constitution des hautes
régions de l'atmosphère, — M, Lecoq de Boisbaudran
communique un travail documenté sur les volumes des
sels dans leurs dissolutions aqueuses; il en conclut que
pour obtenir des solutions laissant cristalliser à leur
sommet, et non plus sur le fond, des substances solides
plus lourdes qu'elles, il faut prendre, comme subs-
pr CIS
ACADÈMIES ET SOCIETES SAVANTES
lances montantes, des corps donnant une contraction
notable par cristallisation en solution sursaturée et
comme substances auxiliaires des corps n’agissant
pas chimiquement sur les substances montantes, non
isomorphes avec elles et fournissant des solutions
lourdes, de facon que la substance montante soit seu-
lement un peu plus dense que la solution complexe,
— M. A. Blondel expose une méthode pour la mesure
directe de l'intensité lumineuse moyenne sphérique
des sources de lumière et donne la description de l’ap-
pareil nouveau, le lumen-mètre, utilisé par cette mesure.
Le lumen-mètre permet de faire des mesures compa-
ratives ou des mesures cn valeurs absolues. — M. de
Montessus de Ballore donne une évaluation appro-
chée de la fréquence des tremblements de terre à la
surface du globe en s'appuyant sur la constance des
rapports qui existent entre les observations historiques
sismologiques el sismographiques faites à des époques
différentes dans une même région. — M. Mayencon
adresse une nole sur la perméabilité du platine à l'hy-
drogène et à l’oxysène. — M. Berthelot a reconnu
que l’argon pouvait entrer en combinaison avec cer-
tains composés organiques, et notamment avec la va-
peur de benzine., — M. Schlæsing a étudié les pertes
d'azote entrainé par les eaux d'infiltration en profitant
de l’abaisse ment de témpérature qui s’est maintenu
pendant quelques semaines, abaissement qui per-
mettait d'être assuré que les rivières ne recevaient au-
cun apport d’eau de ruissellement et s’alimentaient
uniquement par des eaux souterraines provenant des
infiltrations de la pluie dans le sol, en même temps
que la végétation aquatique bien alanguie ne consom-
mait guère de nitrates. Le dosage de l'acide nitrique
dans les cours d’eau donnait ainsi les titres nitriques
moyens des eaux d'infiltration de leurs bassins. L’au-
teur en conclut que les pertes d'azote par infiltration
ne sont pas aussi grandes qu'on le pense ; la nitrifica-
Lion est sous la dépendance de la matière organique,
aclive ou lente, selon la proportion de cette matière,
en sorte que la perte d’azole est comme un impôt pro-
portionnel, qui pèse peu sur les terres pauvres et ne
grandit qu'avec la richesse des champs. — MM. Cha-
tin et Muntz ont repris l'analyse détaillée des co-
quilles d’huitres et appliquent leurs résultats pour
donner l’explication de l'emploi des écailles d huitres
en agriculture et dans l'ancienne thérapeutique. —
M. Vigouroux expose ses méthodes d'analyse du sili-
cium amorphe titrant 99,60 2/, : lasilice est dosée par
le chlore, le silicium est attaqué par les carbonates
akcalins et les métaux sont recherchés dans le produit
du traitement par un mélange des a:idesfluorhydrique
et azotique. —MM. Brochet et Cambier ont élendu l’ac-
tion de l’aldéhyde formique sur les sels ammonia-
caux en faisant varier les conditions de proportion
relative et de température; à froid, le chloraydrate
d'ammoniaque donne l’hexaméthyiène-amine avec une
série de composés intermédiaires ; à chaud on obtient
du chlorhydrate de monométhylamine en quantité (héo-
rique, —M. Paul Rivals a fait l’élud: thermique des
dérivés chlorés du chlorure d'ac‘tyle dans le but de
comparer leur chaleur de formation à celle des al-
déhyde chlorés isomériques : problème intéressant à
cause de la différence des fonctions des deux séries
d'isomères et des groupements subslitués, — MM:P.-A.
Guye et Ch. Jordan ont effectué le dédoxblement de
l'acide «-oxybutyrique de synthèse en ses deux com-
posants dextrogyre et lévogyre en passant par l’inter-
médiaire des sels de brucine suivant la méthode de
M. Pasteur. — M, E. Gérard expose toutes les rai-
sons d'ordre physique et chimique qui caractérisent
nettement l'acide daturique découvert par lui comme
une espèce chimique bien déterminée et non comme
un mélange, suivant l'opinion de M. Arnaud.
C. MarTIGNON.
3° SciExers NATURELLES., — M. Kaufmann dans ses
recherches sur la présence du glycogène dans le sang
des animaux normaux et diabétiques montre que la
1
DA Re DCS dd Sd de dé ns dat tn nl ed dde à à dé dE ne À US SL Sa dd Sd dd ds ge D ge lt à
hat
a dé hbte i
ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
293
matière glycogène est un élément constitutif du sang
normal, et que le sang des animaux rendus diabétiques
par l’extirpation du pancréas renferme une quantité de
glycogène beaucoup plus considérable que celui des
animaux sains. — M. Tissot montre que la quantité
totale de CO? dégagée par un musele placé dans Pair,
n’a aucun rapport avec les phénomènes d’activité phy-
siologique dont le muscle isolé est encore le siège;
seule la quantité d'oxygène absorbée est en relation
avec les phénomènes physiologiques du muscle. —
M. Vuillemin, dans une étude sur la structure et les
affinités des Microsporon, montre qu’ils s’éloignent des
Saccharomyces dont ils n’ont même pas les bourgeons
pour se rapprocher des algues du groupe des Cénobiées.
— M, E. Caustier a étudié le développement embryon-
naire d’un Dromiacé du genre Dicranodromia et a pu
constater les relations étroites qui existent entre ce
Dromiacé et les Anomoures et les Macroures.
M. Wallerant a observé une nouvelle combinaison de
formes présentée par des cristaux de quartz recueillis
dans les dépôts tertiaires des environs de Paris, Ils
présentent une disposition analogue à celle observée
dans l’améthyste.
J. MARTIN,
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 5 Mars 1895.
M. Renaut (de Lyon) expose le résultat de ses re-
- cherches sur les cellules nerveuses multipolaires et
leurs prolongements protoplasmiques etexplique, d’une
facon nouvelle, découlant de l'observation directe des
faits, comment s'opère leur articulation, — MM. Cornil
et Durante citent plusieurs accidents cérébraux cu-
- rakles dus à la grippe. — M. Lancereaux résume les
effets comparés des boissons alcooliques chezl’homme
et leur influence prédisposante sur la tuberculose. Il
montre les progrès croissants de la consommation des
boissons avec essences qui sont particulièrement nui-
sibles et il fait voir la nécessité d’en interdire le débit.
— Suite de la discussion sur la valeur comparative
des tractions rythmées de la langue et de l’insulflation.
— M. Richelot lit un mémoire sur un procédé défi-
nitif d'hystérectomie abdominale totale pour fibromes
utérins.
Séance du 12 Mars 1895.
M. le Président annonce la mort de M. Marjolin,
associé libre, — M. L. Collin, au nom de M. Debaus-
saux, cite de nouveaux faits relatifs aux accidents cé-
rébraux dus à la grippe. — M. Magitot résume ses
recherches sur le phosphorisme : les ouvriers employés
sont susceptibles d’absorber par les voies respiratoires
$
à Ja fabrication des allumettes au phosphore blanc
des vapeurs phosphorées qui provoquent une intoxica-
tion lente, le phosphorisme. Ce dernier se manifeste
par un certain nombre de phénomènes, en particulier
une déchéance dans la nutrition, qui se traduit surtout
par un accroissement considérable de la déminérali-
‘sation de l'organisme. Il en résulte une modification
. profonde du système osseux qui imprime une gravité
. inusitée aux accidents qui peuvent l’atteindre., Il se
produit généralement, mais cependant seulement dans
le cas d’une lésion préalable, une nécrose spéciale
des mâchoires, dite nécrose phosphorée, qui entraine
la mutilalion ou la mort. La thérapeutique consiste
dans un régime lacté exclusif, l'emploi de l’oxygène,
- de l’essence de térébenthine, l'exercice, Le remède
radical serait l'interdiction légale de l’emploi du
phosphore dans la fabrication des allumettes. —
. M. Panas cite un empyème du sinus maxillaire, com-
pliqué d’ostéopériostite orbitaire, avec perforation de
la voûte; abcès du lobe frontal et atrophie du nerf op-
tique ; mort. — M. Folet (de Lille) cite une grossesse
utérine gémellaire avec rétention, pendant 15 ans, d’un
fœtus mort à terme ; laparatomie, extirpation du sac
et de son contenu ; guérison.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 2 Mars 1895.
, M. Vaquez cite de nouveaux faits qui prouvent
l’augmentation du nombre des globules rouges dans
la cyanose chronique. — M. Lapicque a constaté le
même phénomène. — MM, Guinard et Artaud font
une communication sur la période latente dans les
empoisonnements par les toxines microbiennes, —
M, Kaufmann a constaté qu'après la section du bulbe
la quantité d’urée qui se trouve dans le sang augmen-
tait notablement. — M. Chassevant montre que cer-
tains sels métalliques accélèrent la fermentation lac-
tique. — M. R. Dubois envoie un travail sur le som-
meil hibernal de la marmotte.
Séance du 9 Mars 1895.
M. Kaufmann a constaté la présence constante du
glycogène dans le sang normal de l’homme et des ani-
maux. — MM. Déjerine et Mirallié font une commu-
nication sur les troubles trophiques et vaso-moteurs
dans la syringomyélie, — M. Charrin présente un ap-
pareil, dù à M. Chaussey, qui permet de recueillir
du sérum absolument pur et exempt d'hémoglobine., —
MM. Chauveau et Tissot ont étudié le dégagement
gazeux d'un muscle séparé du corps. — M. Lefèvre
envoie une note sur l'action des bains froids.
M. Dastre montre que la fibrine est parfaitement di-
gérée par des solutions salines faibles et aseptiques.
SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 15 février 1895.
M. Camichel a fait une élude expérimentale de
l'absorption de la lumière par les cristaux. Les spectro-
photomèires employés jusqu'ici ne conviennent qu’im-
parfaitement, Les uns ne se prêtent guère à l'étude des
cristaux. D’autres conviennent très bien à ce cas, mais
ne réalisent pas les conditions nécessaires pour l’appli-
cation rigoureuse de la loi de Malus. M. Camichel a
réalisé un appareil qui en permet une application
rigoureuse, De plus il donne des plages monochroma-
tiques très étendues et permet de ne se servir que d’une
portion très faible du cristal. On peut ainsi utiliser soit
les cristaux de petites dimensions, soit ceux qui ne
sont homogènes que dans une faible étendue. Enfin la
comparaison ne porte plus, comme dans les appareils
ordinaires, sur deux points différents du cristal; on
utilise le même point. Dans cet appareil les deux parties
du faisceau qui tombe sur le spectroscope proviennent
- l’une d’un faisceau réfléchi par la partie supérieure
argentée d’une glace; l’autre a traversé la partie infé-
rieure, non argentée, de la glace. C’est sur le trajet du
faisceau transmis qu'est placé le cristal, derrière la
fente d’un collimateur muni d’un nicol mobile au centre
d’un cercle divisé. Le faisceau réfléchi, éclairé par la
même souree que le précédent, est fourni par un colli-
mateur contenant deux nicols, dontle secondest mobile.
Entre les deux est un compensateur Soleil, dont l’un
des prismes se déplace devant l’autre au moyen d'une
vis micrométrique. Le spectroscope ne porte pas d’ocu-
laire. Dans le plan focal où se peignent les deux
spectres est une fente parallèle à l’arête du prisme. En
y placant l'œil, on voit deux demi-cercles lumineux de
mème couleur, exactement juxtaposés, provenant des
deux parties du faisceau. En agissant sur le compensa-
teur, on amène les deux demi-cereles au même éclat;
et, lorsque l’égalité des deux plages est obtenue, la ligne
de démarcation disparaît complètement. Pour mesurer
avec cet appareil un coefficient d'absorption, il suffit
de déterminer les deux rotations 4 et « imprimées aux
rayons jaunes par le compensateur, d’abord sans inter-
position du cristal, puis après avoir amené le cristal
derrière la fente. Le coefficient de transmission est
donné par le carré du rapport des sinus, puis par une
exponentielle; on en déduit le coefficient d'absorption,
M. Camichel a étudié diverses questions. Il a d’abord
294
montré que les deux vibrations principales d'un cristal
ne s’influencent pas mutuellement pendant leur pas-
sage à travers le cristal. Puis il a prouvé que, de même
que pour les corps isotropes, une seule exponentielle
suffit bien pour représenter la loi de l'absorption en
fonction de l’épaisseur. IL s’est ensuite demandé si la
théorie de l’ellipsoide d'absorption suffisait pour tous
les systèmes cristallins, Pour les quatre premiers sys-
tèmes elle s'applique en toute rigueur, et de plus les
axes de cet ellipsoïde coïncident avec les axes d’élas-
ticité optique. Ces résultats ont été vérifiés en parti-
culier sur la tourmaline, En ce qui concerne les
systèmes dissymétriques, les cristaux clinorhombiques,
tels que l'épidote, présentent encore un ellipsoide dont
l’un des axes coïncide avec l’axe binaire du cristal, Les
deux autres sont dans le plan de symétrie et rectangu-
laires, mais distincts des axes optiques. Quant aux tri-
cliniques, le phénomène est encore représenté par un
ellipsoide, mais sans aucune coïncidence entre les axes,
Cette obliquité des axes d'absorption par rapport aux
axes optiques a déjà été signalée par MM. Laspeyres et
Ramsay, et M. Becquerel. L'auteur l’a confirmée en
reprenant l'étude de l’épidote (clinorhombique), puis
étendant cette étude à l’axinite (triclinique) et aux
cristaux colorés chimiquement ou accidentellement
tels que le sulfate double de potassium et de cobalt
(clinorhombique), et le sel de Sénarmont, Enfin M. Las-
peyres et M. Ramsay (1887) ont cru tous deux observer
que les maxima et minima d'absorption n'étaient pas
rectangulaires. Mais leurs expériences, relatives à l’épi-
dote, sont trop peu précises et sujettes à caution.
M. Camichel a abordé des expériences quantitatives sur
l'épidote qui est le seul cristal clinorhombique qu’on
puisse étudier, et il a contrôlé ses résultats par une
seconde méthode.Les phénomènessontrisoureusement
représentés par la théorie de l’ellipsoide et les axes
sont parfaitement rectangulaires. — M. Carvallo con-
firme les conclusions précédentes, en rappelant que
M. Becquerel, par l'absorption précisément, avait déjà :
constaté la rectangularité des axes. Mais la pénurie de
cristaux clinorhombiques est fâcheuse, car il est à
penser que les axes ne seraient pas rectangulaires pour
tous, par exemple pour ceux qui sont doués du pouvoir
rotatoire. Quant à la règle de l’ellipsoïde, elle est, en
effet, suffisammentexacte lorsqueles indices principaux
sontpeu différents, comme dans les cas étudiés par
M. Camichel, mais, avec des indices assez différents,
il y aurait des divergences notables. Ce sont là des
conséquences forcées des équations de Ia lumière, si
ces équations sont bien des équations aux dérivées
partielles dont les termes principaux sont du second
ordre, et si les termes relatifs à labsorption et à la
polarisation rolatoire sont des termes d'ordre impair.
— M. Janet présente un thermomètre à zéro inva-
riable dù à M. Marchis. C’est un thermomètre dont
le réservoir est en platine et directement soudé à la
tige de verre, Le réservoir est protégé à l'extérieur
par quatre baguettes de verre. Le remplissage exige
des précautions particulières, car il ne faut chauffer le
mercure qu'au-dessous de 150°, sinon il y aurait amal-
gamation.: Le thermomètre de M. Marchis est bien
exempt de toute bulle d’air et de toute trace d'oxyde.
L'invariabilité du zéro a été contrôlée en faisant par-
courir au thermomètre un grand nombre de cycles. Le
zéro est absolument invariable à rs de degré près.
L'appareil a en outre l’avantage de se mettre très rapi-
dementen équilibre de température. — M, Guillaume
craint que, à la longue, l’amalgamation ne se produise
dès 1009, D'autre part, les baguettes qui protègent le
réservoir doivent empêcher de tasser suffisamment la
glace pour obtenir le zéro. Néanmoins, bien que les
thermomètres en verre dur présentent aussi au bout de
quelques années un zéro presque invariable, la fixité
du zéro de ce nouveau thermomètre est digne d’attirer
l'attention, De plus l'étude des coefficients de pression
extérieure et intérieure présenterait quelque intérêt.
ACADÉMIES ET SOCIETES SAVANTES
Il serait curieux de savoir si la relation entre ces deux
coefficients est encore satisfaite. Enfin la grande rapi-
dité de ses indications le rendrait précieux dans cer-
tains cas en météorologie, Et ce procédé de soudure du
platine au verre pourrait avec avantage être utilisé pour
la construction des lampes à incandescence, — M, Caïl-
letet et M. Gariel signalent successivement qu'ils
avaient, chacun de leur côté, fait, il y a plusieurs
années, de nombreux essais pour obtenir des thermo-
mètres à réservoir de fer ou de platine, qui, par la rapi-
dité de leurs indications, rendraient de grands ser-
vices comme thermomètres médicaux.
Edgard Haupté.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 25 Janvier 1895.
M. Villiers présente une série de faits venant ap-
puyer l'hypothèse déjà ancienne d’après laquelle les
éléments entrant dans la constitution des corps com-
posés, ne sont pas dans le même état de condensation
que celui sous lequel nous les connaissons (état proto-
morphique). M. Villiers montre que certaines proprié-
tés des sulfures de cobalt, de nickel, de platine, de
zinc, cadrent très bien avec cette hypothèse. Dans cer-
tains cas, ces corps, fraîchement préparés, n’ont pas
les propriétés qu'ils présentent au bout de quelque
temps. On peut admettre que primitivement, venant
d’être précipités, ils sont à cet état que l'auteur appelle .
protomorphique. -- M. Tanret a étudié la formation
des éthers des sucres à l’aide de l’anhydride acétique
en présence soit d'acétate de soude fondu, soit de chlo-
rure de zinc, Les résultats obtenus dans les deux cas
avec le glucose sont différents, comme on l'avait déjà
reconnu, M. Tanret a réussi à obtenir 3 pentacétines
du glucose cristallisées. Le dérivé à fond à 130° et est
légèrement dextrogyre («= + 4°); le dérivé B fond à
850 (at — + 59°); le dérivé y fond à 1140 (ai — 101°,75).
La pantacétyldextrose de Kænigs et Erwig fondant à
1119 est un mélange des composés 4 et 8. On peut
d’ailleurs en opérer facilement la séparation grâce à
leurs solubilités différentes dans l'alcool et l’éther, —
M. Delépine a répété l'hydrogénation de l’hexaméthy-
lèneamine par le zinc et l'acide chlorhydrique. Opérant
à froid, il faisait passer les gaz dégagés dans l’eau de
baryte. IL n’a obtenu que des traces d’acide carbo-
nique etil a bien obtenu, comme il l’avait annoncé
antérieurement, de la triméthylamine; aussi, après ses
expériences, il maintient que l'hydrogénation est bien
la cause de la formation de la triméthylamine, —
MM. Friedel et Chabrié ont obtenu les séléniophos-
phures correspondant aux sulfophosphures décrits an-
térieurement par M. Friedel. Ils prennent naissance au
rouge par réaction de leurs éléments constituants, mis
en présence dans les proportions voulues, Les auteurs
ontainsi préparé les séléniophosphures d'argent, de fer,
de plomb, de cuivre et d’étain, répondant aux for-
mules : PSe#Agi, PSesFe?, PSeCu?, P2Se6Pb?, P?SefSn ;
les dérivés argentiques et cupriques sont en aiguilles
visibles à l’œil nu. Dans leurs dosages, pour recueillir
le précipité de sélénium, MM. Friedel et Chabrié ont
obtenu des résultats satisfaisants en se servant de
filtres en terre poreuse. On lave le filtre à lalcool, on
le sèche à 110° avantet après la filtration; la différence
de poids dans ces deux cas donne le poids de silénium.
— La Société a recu une note de M. Prud'homme sur
les matières colorantes sulfonées et une note de
Léon Lefèvre sur la constitution du vert à l’iode,
SOCIETE MATHEMATIQUE DE FRANCE
Séance du 6 Murs 1895.
M. Laisant, à propos d’une équation différentielle
linéaire du quatrième ordre, signale un produit continu
composé avec l'unité imaginaire dont la valeur est
réelle, — M, Bioche signale une valeur approchée de x
qui permet de trouver par une construction très
simple la longueur d’une circonférence de rayon donné
L
Caù La
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
295
ou le rayon d'une circonférence de longueur donnée,
— M. Picard étudie les courbes intégrales de l’équa-
tion différentielle du premier ordre et du second degré.
— M. Carvallo donne une démonstration simplifiée des
équations de Lagrange qui permet d'éviter le change-
ment de variables par lequel on passe des coordonnées
des x points aux paramètres dont dépend la position
de la figure. On applique le théorème des travaux vir-
tuels directement au moyen de ces paramètres. —
M. Rafy signale une classe d'équations linéaires
d'ordre quelconque dont on obtient l'intégrale générale
en y remplacant chaque dérivée par une constante arbi-
traire. M. D'OCAGNE.
SOCIETE ROYALE DE LONDRES
SCIENCES PHYSIQUES
E. N. Griffiths, — Chaleur latente de vapori-
sation de l’eau. — Etude de la chaleur latente de ya-
porisalion entre 10° et 60°; les nombres trouvés con-
cordent bien avec ceux de Regnault et de Winkelmann.
Il résulte de la comparaison de ces nombres que la
chaleur latente, entre 0 et 100° peut être très bien re-
présentée par la formule :
L = 596,73 — 0,600 6.
La densité de vapeur de l’eau, déduite de la formule de
Clapeyron :
De À
J Ÿ ar
où l’on remplace Let J par les nombres de M. Griffiths,
est la même que la densité obtenue directement par
l'expérience tant qu'on reste à une pression inférieure
à 440 m/m; au-dessus, la densité réelle est environ
1,02 fois la densité théorique.
SOCIETE DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 21 Février 1895.
M. A.-P. Laurie, M. A., rend compte de ses expé-
riences sur la force électromotrice d’un courant tra-
versant une solution d’iode dans l’iodure de potas-
sium. Il a remarqué que la force électromotrice devient
plus faible à mesure que diminue la quantité d’iode
dissoute. Par exemple, pour une solution conte-
nant 0,1 °/, la force électromotrice est de 1,460 volts;
pour une solution à 0,001 °/, elle devient 1,369 volts.
Si la solution d’iodure de potassium est tout. à fait
exempte d’iode, cette force électromotrice est égale à
4,172 volts. Si l’on prend comme dissolvant de l’iode
l’iodure de cadmium, les résultats sont à peu près
identiques. — MM. C.-F. Cross, E.-J. Bevan et
C. Beadle : Contribution à l'étude des propriétés chi-
miques de la cellulose. Ces auteurs ont examiné les
réactions des sels doubles de la cellulose avec les sels
de zinc et l’action des composés de la cellulose et de
l’acétate de zinc sur le chlorure d’acétyle à froid (30°).
Le mode de décomposition de ces acétates de la cel-
lulose semblerait leur donner comme formule
C6H6O (OAc)'. — MM. Holland Crompton et Miss A.
Vhitteley ont continué leurs recherches sur la déter-
mination des points d’ébullition de différents mé-
langes organiques. — MM. Joseph Reddrop et Huggh
Ramage décrivent une nouvelle méthode pour la dé-
termination volumétrique du manganèse. Ils ontrepris
la méthode proposée par L: Schneider, qui consiste à
oxyder les sels de manganèse par le peroxyde de bis-
muth en présence de l’acide nitrique. Ils remplacent
le peroxyde par le bismuthate de sodium préparé
exempt de chlore et ils sont arrivés ainsi à des résul-
tats plus précis. — M. P. Stanley Kipping continue à
étudier l'acide bromocamphorique et les produits
d’oxydation d’un dibromocamphre, — MM. Horace,
T.BrownF.R.S.etG.Harris Morris font unecommu-
Bication sur l’action de la diastase sur une pâte froide
d’amidon, — M. H.-W. Perrin F.R.S.: Surla rotation
magnétique de quelques hydrocarbures non saturés.
ne
ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE
Séance du 1% Février 1895.
1° SctENCES PHYSIQUES. — M. D. Geitler : Etude des
oscillations électriques dans le résonnateur de Hertz,
— M. Bachmetjew : Distribution du magnétisme dans
les fils de fer. — M. Klemencic : Observations sur le
magnétisme circulaire et le magnétisme axial. —
M. Carl Hlawapch : Nouvelle combinaison naturelle
de cuivre et d’antimoine : ce minéral, cristallisé en
forme de tables, renferme du plomb, du bismuth, un
peu de soufre et d’argent, et le composé Cu? Sb qui n’a
pas encore été observé.
20 SCIENCES NATURELLES. — M. Becké lit un long mé-
moire relatant les travaux géologiques et minéralo-
siques accomplis sous la direction de la Commission
des études pétrographiques de la chaine centrale
des Alpes de l'Est.
Séance du 20 Février 1895.
1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F1. Mertens : Sur
la composition des formes linéaires quadratiques.
99 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ad. Lieben : Réduction
de l’acide carbonique à la température ordinaire, L’a-
cide en solution aqueuse est transformé par l’amal-
game de sodium uniquement en acide formique et
avec un rendement presque théorique; la réaction se
passe en présence ou en l'absence de la lumière, ou
même en solution acide, mais le rendement est dimi-
nué. Le zinc, l'aluminium ne réduisent pas CO* en pré-
sence des acides, ni les amalgames d'aluminium et
de magnésium, àmoins d'opérer en liqueur alcaline. —
— MM. Knoll et Paul Cohn ont préparé l’o. bromo-
phénylnaphtylcétone par la condensation de Portho-
bromochlorure de benzoyle en présence de AlCL;
c'est un corps cristallin fondant à 89°; on le caractérise
facilement par un dérivé sulfuré (point de fusion 1#3°)
et üne oxime (fusion 1552).
32 SCIENCES NATURELLES, — M. Papavasiliu. La tem-
pète de Lokris du 20 au 27 avril 1894.
ACADEMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM
Séance du 23 Février 1895.
4° SCIENCES MATHÉMAT:QUES. — Rapport de MM. J. C.
Kapteyn et H. G. van der Sande Bakhuyzen sur le mé-
moire de M. H. J. Zviers, intitulé : « Recherches sur
l’orbite de la comète périodique d'Holmes et sur les
perturbations de son mouvement elliptique ». In-
troduction (combinaison des développements de
MM. Gibbs et Fabritius en un ensemble utile au calcu-
lateur), définition de l'orbite provisoire, définition des
éléments définitifs de l'orbite, calcul des perturba-
tions (jusqu’au 26 juillet 1890). En 1899, la comète se
rapprochera de la Terre une seconde fois.
20 SciENCES PHYSIQUES. — Rapport de MM. van der
Waals et H. A. Lorentz sur le mémoire de M. P. H.
Dojes intitulé : « La théorie du rayonnement en rap-
port avec les idées de Fourier ». La recherche de l’au-
teur a trait aux sujets auxquels Kirchhoff, Clausius, etc.
ont appliqué la seconde loi de la théorie mécanique de
la chaleur. A côté du principe de l’équilibre de la tem-
pérature, il s’est servi de l'hypothèse du rayonnement
particulaire de Fourier. Ainsi il admet que chaque
élément de volume d’un corps émet des rayons vers
toute direction, et que ces rayons, absorbés en partie
par les couches enveloppantes, arrivés à la surface
unie, obéissent, à leur passage dans le milieu envi-
ronnant, aux lois ordinaires de la réfraction. Pour un
corps terminé par un plan perpendiculaire à une di-
mension assez considérable, il calcule l'énergie émise,
pendant l'unité de temps, par un élément de la sur-
face en des directions limitées. L'expression contient
deux constantes qui ne dépendent pas de la tempéra-
ture et de la durée des vibrations; l’auteur les appelle
les coefficients d'émission et d'absorption spéciliques
296
du corps. De plus l'expression contient l’angle du
rayon réfringé, l'indice de réfraclion et un coefficient
qui détermine la partie de l'énergie qui est réfléchie,
Quant à l'influence du milieu environnant, l'équation
est d'accord avec un résultat connu de Clausius. En-
suite, l’auteur s'occupe du cas de deux matières rayon-
nantes et absorbantes, siluées de part et d’autre d’un
plan. L’égalisation des quantités d'énergie émises fait
voir que le quotient des deux nouveaux coefficients
mulliplié par le carré de la vitesse de propagation, à la
même valeur pour les deux matières. Enfin l’auteur
étudie un corps rayonnant en contact avec un milieu
diathermane comme l’éther. Il trouve que la densité
de l’énergie rayonnante dans l’éther ne dépend que de
la température des corps et que deux milieux diather-
manes en équilibre avec le même corps rayonnant
admettent la même quantité d'énergie en des cubes
dont les arêtes sont égales aux vitesses de propaga-
tion, etc. — Communication de M. H.J Oostineg, faite
par M. H. Kamerlingh Onnes : « Sur les différences
de phase des vibrations forcées transversales et longi-
tudinales de fils tendus de caoutchouc, » Dans sa
thèse (Groningue, 1889) intitulée: « On der houden tril-
lingen van sespannen draden » (Vibrations continuées
de fils tendus), l’auteur a augmenté la connaissance
des vibrations continuées et forcées par l'emploi de
cordes de caoutchouc et par la construction d’un ins-
trument nouveau qui imprime un mouvement circu-
laire à l’un des bouts de la corde, l'autre bot: restant
fixe. Dans la dernière partie de cette thèse, la corde
est tendue dans la direction d'un diamètre du cercle,
de manière qu'on imprime, au point d'attachement, à la
fois une vibration transversale et une vibration longi-
tudinale, de même période, et d’une différence de
phase égale à un quart de la période. Dans ce cas, la
corde peut présenter à la fois des nœuds des deux vi-
brations, qui, en général, ne coïncident pas, la vitesse
de propagation n'étant pas la même pourles deux vi-
brations. Alors les points de la corde décrivent des
ellipses ou des lignes droites. La note présentée con-
tient une extension de l'étude expérimentale par l’em-
ploi de la photographie. Les trajectoires de points
marqués blancs se montrent sur les photogrammes ; de
plus, on apris soin de pholographier une échelle de
comparaison à côté de la corde vibrante. L'auteur s’est
servi encore d'un second instrument à l’aide duquel il
était à même d'imprimer au bout mobile de la corde
une vibration rectiligne sous un angle de 459 avec l’axe
de la corde. Ainsi il a pu contrôler à maints points de
vue, ce qu'il avait trouvé auparavant. L'auteur dé-
montre que le rapport entre les vitesses de propaga-
tion des vibrations longitudinale et transversale varie
æec la tension, — M. A.-P.-N, Franchimont lit deux
conmunicalions de M. P. van Romburgh. La pre-
mière se rapporte à quelques produits par addition du
trinitrobenzène symétrique. D’après M. Hepp, le trini-
trobefzxène symétrique forme des produits colorés, par
additi %ux amines aromatiques. Maintenant l’auteur
a obst que d'autres corpsazotés se comportent d’une
ficon : salogue. Ainsi la brucine qui forme des aiguilles
d’un br à rouge, fondant à 1580, tandis que la stry-
chnine xe S'y combine pas dans les mêmes circons-
‘ind! fournit des aiguilles d'un jaune d'or
fondant à 1 le skatol des aiguilles d’un rouge
orange fondantäM820, le pyrrol des aiguilles jaune d’or
fondant à 95° et perdant le pyrrol en quelques heures à
Vair, à 25°, Toutes ces combinaisons se composent
d'une molécule sur une molécule de trinitrobenzène.
La pyridine et la quinoléine ne s'y combinent pas; au
contraire le trinitrobenzène cristallise dans la pyridine
en cristaux compacts. Avec la pipéridine, la nicotine et
la phénylhydrazine, on obtient bien des colorations
rouges, mais pas de produits cristallisés, Enfin
quelques autres corps nitrés tels que :
ta . an. L’ind
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
RE NN RS PR M A
CHE, Az(CH3,2 (1).(AzH2) (3).(AzO2) (4),
C5H5.Az(CHE)2 (1). AzHCH3(3).(AzO?) (4),
donnaient, par addition d’une molécule àune molécule
du trinitrobenzène (1.3.5), des produits d’un rouge
cramoisi fondant à 130 et 144%, Dans la seconde com-
munication, M. Romburgh s'occupe de quelques déri-
vés nitrés de la diméthylaniline. Tant par la nitration
de la diméthylaniline dissoute dans beaucoup d’acide
sulfurique que par celle de la métanitrodiméthylaniline
avec l'acide azolique faible, Pauteur obtint un dérivé
dinitré dont Pun, qui est jaune, fond à 176, et l’autre, qui
est rouge, fond à 112°, Le composé jaune contient un
groupe Az0? facilement remplacable par nitration ulté-
rieure ; il se forme deux corps trinitrés, un jaune fon-
dant à 154° el un orangé fondant à 196°. Le composé
rouge ne fournit que le dernier dérivé trinitré orangé.
Tous sont transformés dans le même produit tétranitré,
c’est-à-dire la tétranitrophénylImonométhylnitramine :
C'H(Az02)(2.3.4.6) (AzCHS.AzO2) (1).
Les transformations diverses que l’auteur a fait subir
aux dérivés dinitrés et trinitrés susdits le conduisent à
leur assigner les formules suivantes :
Trinitrodiméthylaniline
= C6H?.A7z(CH3)2{1).(Az02)3(2.3.
C'H?. Az(CH3)2(1).(Az02)3(3.4
(LB4S)
(1960)
\
Dinitrodiméthylaniline
(1760) = CSHS. Az(CHS)2(1).(Az02)2/3 ,4),
(1120) = C6HS. Az CH3)2(1).(Az02)2(3.6):
3° SCIENCES NATURELLES. — M. A.-A.-W, Hubrecht
offre un mémoire intitulé « Die Phylogenese des Amnions
und die Bedeutung des Trophoblastes » (la philogénèse
de l’amnion et la signification du trophoblaste), 11 ré-
sume ces résullats dans lesthèses suivantes. Les expli-
cations courantes de la philogénèse de l’amnion sont
inexactes. Il est improbable qu'on trouve le dévelop-
pement le plus primitif de l’amnion chez les Oiseaux.
La manière dontse forme l'amnion de Sorex, explique
celle de Cavia, Pteropus, Mus et Arvicola. En partant
de ces formes, il devient possible de réunir, quant à la
formation de l'amnion, les autres Mammifères et les
Sauropsides. D'un autre côté, le trophoblaste de Sorex,
qui donne naissance à l’amnion, peut être comparé à
la couche ectoderme extérieure des Amphibies. De là,
la possibilité de déduire, par hypothèse, l’amnion des
Amuniotes de formations qu'on trouve déjà chez les
Anamniotes. S'il #st nécessaire de distinguer les trois
divisions Ornithodelphes, Didelphes, Monodelphes
comme d'origine indépendante l’une de l’autre, les
nouveaux résultats de la paléontologie sont favorables
au point de vue de l’auteur. — M. W.-F.-R. Suringar
« Sur les relations de parentage dans le règne végétal ».
— Rapport de MM. Th.-W. Engelmann et Th. Place sur le
mémoire de M. H.9J. Hamburger « Ueber die Reglung
der osmotischen Spannkraft von Fliüssigkeiten in Bauch-
und Pericardialhühle » (Sur la régulation de la tension
osmotique des fluides dans les cavités ventrale et péri-
cardiale), Examen expérimental systématique du mé-
canisme de la résorption des fluides comme l'urine, la
bile, ete, Des fluides introduits dans la cavité ventrale
de lapins et de chiens sont résorbés par les vaisseaux
capillaires de la circulation du sang en un quart
d'heure ; les vaisseaux lymphatiques ne s’en occupent
pas. Cette résorplion, au lieu d’être un phénomène
vital, comme le croient MM. Heidenham, Starling et
Tubby, est démontrée être de nature exclusivement
physique. L'auteur a obtenu en effet des phénomènes
analogues de résorption et de régulation de la force
osmotique par l'intermédiaire de membranes artifi-
cielles.
P.-H. ScHouTE.
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11
=
Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER
» 6° ANNÉE
NP 7
15 AVRIL 1695
tel. à dé
REVUE GÉNÉRALE
ES SCIENCES
|
|
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| PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS
OLIVIER
LES NOUVELLES RECHERCHES DU PROFESSEUI
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h
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mA
SUR L'ARGON ET L’'HÉLIUM
l'étude du corps isolé par Lord Rayleigh et lui-
même, a fait, le 29 mars 1895, devant la Société Chi-
mique de Paris une conférence dans laquelle il a
exposé ses plus récents résullats, dont quelques-
uns sont de la plus haute importance.
L'un des points qui restaient à éclaircir, ainsi qu'il
ressort des mémoires publiés dans la Æevue du
15 février 1895, est celui de savoir si l’argon est un
corps simple ou bien un mélange de deux corps.
Certaines raisons, notamment la dualité du
spectre de l’argon signalée par M. Crookes, tendent
à faire considérer l’argon comme un mélange !.
M. Ramsay a cherché si cette hypothèse était en
contradiction avec les autres propriétés de l'argon
et il a procédé à une nouvelle série de détermina-
lions des constantes physiques. La densité de l’ar-
gon n'avait été déterminée que d'une façon appro-
chée; une série de déterminations a fourni les
chiffres réunis dans le tableau I ci-contre.
La moyenne de ces déterminations est 19,901. Si
l’on admet en même temps la nature mono-ato-
mique du gaz, le poids atomique sera 39,8. Il n’y a
“pas de place pour un tel corps dans la classifica-
tion de Mendeleeff; tandis qu’il y a une lacune,
1 L'existence de deux spectres est facile à constater même
sans spectroscope. Un tube d’argon, apporté par M. Ramsay
| au laboratoire de M. Cornu. à l'Ecole Polytechnique, montrait
muunc lueur qui passait du rouge au bleu quand on introdui-
sait dans le circuit une résistance supplémentaire.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
Le Professeur Ramsay, qui poursuit avec activité | dans la huitième colonne correspondant à un corps
dont le poids atomique serait approximalivemenul
38, placé entre le chlore 35,5 et Le potassium 39,1.
On se trouverait donc d'accord avec la loi pério-
Tableau I
DATE POIDS D'UN LITRE DERBURE
DE L'EXPÉRIENCE EN GRAMMES RP RECRUE
DU
|
(1) 26 nov. 1894. 1.7184 19.904
(2) 27 nov. 1894. 1.173 19.825
(3) 22 déc. 1894. 1.770% 19.814
(4) 16 févr. 1895. 1.7534 19.959
(5) 19 févr. 1895. 1.1842 19.969
6) 24 févr. 1895. 1.7810 19.932
dique en admettant que le véritable poids alo-
mique de l’argon est 38 et que sa densité est légè-
rement augmentée par la présence d'une petite
quantité d’un corps plus lourd; on peut remarquer
que dans la huitième colonne du tableau de Men-
deleeff il y a encore une lacune correspondant à un
corps ayant pour poids alomique environ 82.
Le rapport des deux chaleurs spécifiques a fait
aussi l’objet de nouvelles expériences de la part de
M. Ramsay. Les nombres oblenus sont résumés
dans le tableau IT (page 298).
La moyenne de ces déterminations est 1.645. Le
résultat primitivement obtenu se trouve donc con-
firmé; mais il faut remarquer que la valeur théo-
rique pour un gaz monoatomique est 1,666; la va-
À
298 G. CHARPY — RECHERCHES DU P"
RAMSAY SUR L'ARGON ET L’'HELIUM
leur plus faible trouvée pour l’argon pourrait être
attribuée à la présence d'un petit nombre de mo-
lécules diatomiques.
Si l’on se place à ce point de vue, on peut sup-
poser que les molécules d’argon, généralement
Tableau II
RAPPORT
DES
CHALEURS
SPÉCIFIQUES
DENSITÉ [LONGUEUR D'ONDE TEMPÉRATURE
DE =
dans
l’argon
———
——
de
l'argon
ns
dans
l'air
, EX È
L'ARGON de l'air
92 19.59 41705 1.653
9.96 33.173 31. j. 6.5 1.641
oi 34.10 3l.c He 8.6 1.629
94 34.932 31.: 11.5 1.659
mono-atomiques, sont susceptibles de s'associer et
de former un petit nombre de molécules diato-
miques. On serait dans un cas analogue à celui
qui se présente pour la vapeur d’iode, dont les mo-
lécules se dédoublent à mesure que la température
s'élève. M. Ramsay a considéré celte hypothèse, et,
pour la contrôler, il a étudié la loi de dilatation de
l'argon. Il a comparé les indications d'un thermo-
mètre à argon et d'un thermomètre à hydrogène et
a obtenu les résullats suivants {tableau IIT) :
Tableau III
QG T7 FN 10 a
TEMPÉRATURE | NS LONSEN AM vozume | 2° —R
DE MERCURE At
Thermomètre à hydrogène
497.3 0.9976 2.6735
763.6 1.000% 2.6705
992.6 1.0028 2.6797
1073.8 1.0036 2.6713
1218.5 1.0052 2.672$
1385.1 1.0070 2.6833
Thermomètre à argon (1l'° série)
— 87.44 455.6 0.9976 2.493
+ 14.15 701.7 1.000% 2.44%6
+ 14.40 702.6 1.000% 2.4162
+ 14.27 699.7 1.000% 2.4366
+ 99.96 906.5 1.0028 2.4379
+-100.06 904.8 1.0028 2.4322
Thermomètre à argon (2° série
+130.39 1060.0 1.0027 2.
185.25 1200.3 1.0052 2.
Thermomètre à argon (3° série)
+ 12.05 760.9 1.000% 2.6698
—+-248.01 1384.0 1.0070 2.6750
— 87.44 495.7 0.9976 2.6613
Comme on le voit en examinant les chiffres de la
dernière colonne, la quantité R est constante pour
un même thermomètre avec les mêmes écarts que
pour l'hydrogène; c'est-à-dire que, entre — 87° et
+ 240", l'argon suit aussi exactement que l'hydro-
gène les lois des gaz parfaits. On doit donc écarter
l'hypothèse d’une associalion des molécules et
considérer que, si l'argon est un mélange, il est
formé de deux corps différents dont l'un est mo-
no-alomique et l’autre existe en très petite quantité.
Dans un autre ordre d'idées, M. Ramsay a
cherché quel est le rôle de l’argon dans la Na-
ture ; il s'est demandé, en particulier, si ce gaz
existe dans les Animaux et les Végétaux. Les
essais ont porté d'une part sur des souris, d'autre
part sur des petits pois.
Les animaux ou végétaux étaient d’abord dessé-
chés, puis brûlés au moyen du chromate de plomb ;
on recueillait les gaz produits; ils renfermaient
une quantité d'azote égale à environ 11°/, du
poids de substance employée. Cet azote, soumis à
l’action de l’étincelle électrique en présence d’une
solulion alcaline, n’a pas laissé de résidu appré-
ciable ; il ne contenait donc pas d’argon.
Ne trouvant pas d’argon dans les corps orga-
nisés el ne pouvant le combiner à aucun élément !,
M. Ramsay eut l’idée de le chercher dans les mi-
néraux susceptibles de donner des corps gazeux
par leur décomposition. L'un de ces minéraux, la
clévite, minerai d'urane découvert par Nordenskiold,
donne, d’après Hillebrand, environ 2°/, d’azote
quand on le traite par l’acide sulfurique.M.Ramsay,
ayant rempli du gaz de la clévite un tube de
Geissler, vit que le spectre avait un grand nombre
de lignes communes avec le spectre de l'argon.
L'analyse montre que ce gaz ne contient qu’une
faible quantité d'azote, qui peut être éliminée par
l’étincelle électrique. Le gaz restant donne comme
spectre d'abord un certain nombre de lignes de
l'argon, mais pas toutes : il faut peut-être voir là
la démonstration de la nature complexe de l’argon
retiré de l'atmosphère, mais il faut attendre les
résullats d’une étude approfondie des différents
- spectres. En outre, le gaz de la clévite montre un
cerlain nombre de lignes, parmi lesquelies une
jaune très brillante, distincte des raies du sodium
el dont la longueur d'onde correspond exactement
à celle de la raie D, du spectre solaire. Celle raie
D, avait élé observée souvent jusqu'ici dans le
spectre des protubérances, dans la région où le
spectre de l'hydrogène commence à s’affaiblir
notablement. On était donc porté à l’attribuer à un
gaz dont la densité serail moindre que celle de
l'hydrogène : l’hélium.
Tout semble indiquer que ce gaz vient d’être
obtenu par le Professeur Ramsay et que l'un des
auteurs de cette merveilleuse découverte de
l'argon vient encore ajouter sur la liste des élé-
ments un nouveau corps dont l’étude promet
d'être féconde en résultats.
Georges Charpy,
Docteur ès sciences.
! On a vu que M. Berthelot, en faisant agir l’eflluve élec-
trique sur un mélange d'argon et de vapeurs de benzine, est
parvenu à combiner ces deux corps.
: 6 rl Ein Css de, NE APS - ee Tien
s .
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 9299
ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE
DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS
EN FRANCE
- Jusque dans les premières années du xIx° siècle
. on ne connaissait d’autres mortiers hydrauliques
| que les mélanges de chaux grasse et de pouzzo-
- lane; la chaux était labriquée sans règles et aucune
| explication satisfaisante n'avait été donnée du dur-
- cissement des mortiers. On reconnaissait bien que
- certaines chaux présentaient des qualités remar-
- quables, mais sans savoir à quoi les attribuer: on
- fabriquail aussi quelques ciments naturels à prise
rapide, tels que ceux de Parker, en Angleterre, de
Guéthary et de Boulogne en France; ces ciments
étaient très irréguliers et leur emploi restait très
limité.
I. —- HISTORIQUE -
- Il appartenait à Vicat de découvrir les causes de
- l'hydraulicité des chaux et de faire voir que tout
calcaire contenant une certaine quantité de si-
lice et d'alumine peut donner, après cuisson et
exLlinction, un produit susceptible de durcir sous
Veau. Non seulement Vicat indiqua que l'on peut
“transformer en chaux hydraulique certains cal-
_caires argileux, mais il montra que, par des
«mélanges en proportions déterminées de chaux
grasse et d'argile, on peut obtenir les mêmes
résultats qu'avec les calcaires naturels. Ces décou-
“vertes fondamentales ont véritablement donné
naissance à l’industrie des chaux et des ciments, et
méthodiques de l’illustre ingénieur que cette fabri-
cation doit son rapideessor; on s’en fera une idée si
l'on songe aux nombreuses usines qui produisent
actuellement, en Europe seulement, plusieurs mil-
Jions de tonnes de produits hydrauliques. Ainsi,
lœuvre de Vicat a été des plus fécondes, et l'on
ne rappellera jamais trop souvent combien elle a
contribué à la grandeur et à la prospérité de notre
pays par le mouvement industriel considérable
“qu'elle a déterminé.
…srande. La raison en est très simple : Vicat avait
“parcouru la France en tous sens et avait examiné
tous les gisements propres à être exploités pour la
fabrication des chaux ou des ciments. Ces indi-
c’est aux recherches patientes, aux observalions
cations précieuses, qui furent publiées dans les
Annales des Ponts et Chaussées, ne tardèrent pas à
être utilisées, et de nombreuses usines de chaux
hydrauliques se fondèrent de tous côtés; la fabri-
cation de ces chaux naturelles étant beaucoup
moins coûteuse que celle de la chaux artificielle,
celle-ci ne pouvait plus soutenir la lutte que dansles
cas très rares où les prix de transport lui laissaient
un avantage sur les produits naturels. C'est ainsi
que les usines établies aux environs de Paris ont pu
exister jusqu’en ces dernières années; actuellement
une seule de ces usines, montée sous la direction
de Vicat en 1826, continue de fabriquer des chaux
hydrauliques dont les qualités sont appréciées;
elle est située aux Moulineaux et appartient à
MM. Deschamps et Fauh.
Les conditions de fabrication des ciments arti-
ficiels sont toutes différentes : ces ciments doivent
être surcuits, et, comme ils ne sont pas soumis à
une extinction après cuisson, il faut que leur com-
position soit très régulière pour éviter la présence
de la chaux en excès; leur teneur en chaux et en
argile doit être comprise entre des limites très
étroites. On trouve très rarement dans la Nature
des calcaires contenant précisément ces éléments
en proportions convenables et se présentant en
masses assez considérables pour permettre une
exploitation économique. Les calcaires à chaux
grasse et l'argile sont, au contraire, abondants et
il est possible, dans bien des cas, de les mélanger
intimement pour en faire du ciment artificiel. Ce
produit présentant de nombreux avantages, no-
tamment dans les constructions à la mer, et son
prix étant resté pendant longtemps très élevé, c’est
surtout de ce côté que se sont tournés les efforts des
industriels, et la fabrication du ciment à prise lente,
ou ciment Portland, est celle qui est actuellement
la plus répandue, surtout à l'étranger. Quant aux
ciments naturels à prise rapide, qui ne peuvent être
produits que par des calcaires d’une composition
spéciale, leur fabrication est restée limitée aux
régions où l’on a pu trouver des gisements exploi-
tables de ces calcaires.
A côté des ciments Portland et des ciments na-
turels se placent d’autres produits, tels que les ci-
ments de grappiers, fabriqués avec les refus de
l'extinction des chaux; leur production, qui date
d’une trentaine d'années, a suivi celle des chaux
hydrauliques. Les ciments de laitier ont fait leur
“4
300 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
apparition depuis quelques années seulement et
se fabriquent principalement dans la région de
l'Est, à proximité des hauts fourneaux qui four-
nissent une partie de leurs matières premières.
II. — TuÉORIE DES CHAUX ET CIMENTS
Avant de parler de la fabrication et des usines
qui produisent les chaux el les ciments, nous
croyons devoir résumer en quelques lignes le côté
théorique de cette question.
Les chaux etles ciments sont composés essentiel-
lement (tableaux I et Il] de silice, d'alumine, de
peroxyde de fer et de chaux ; on y rencontre encore
de petites quantités de magnésie, d'acide sulfu-
cédé sans apporter aucune sôlution sérieuse. Les
recherches de M. H. Le Chatelier ont permis d'ar-
river enfin à des connaissances exactes sur la cons-
titution des produits hydrauliques. L'importance
des travaux de ce savant a été considérable, parce
qu'ils ont fourni au chimiste et à l'industriel des
bases scientifiques indiscutables pour poursuivre
de nouvelles études ou pour donner à la fabricalion
des règles précises. Voici, résumées très briève-
ment, les données principales établies par M. H. Le
Chatelier :
L'élément constitutif essentiel des chaux est le
silicate de chaux Si0?, 3Ca0 ; il se forme sous l’in-
fluente d’une température élevée par la réaction
TABLEAU I. — Composition chimique des principales chaux hydrauliques
PEN Re ee ; | OXYDE : _.. |Pacine PERTE [|NONDOSÉ| ,
DÉSIGNATION DES CHAUX SILICE |ALUMINE) LE Len | CHAUX IMaGNésie| ur | au FEU leregrres| TOTAL
ES NE RE SNSSERRENE A EEMNnE EEE AE CONNECTE CONNUE CEE CNE CNRS
Chaux du Teil (Pavin de Lafarge).| 23.60 1.40 0.80 64.70 1.40 0.50 1.60 » 100.00
5 4.30 1.35 60.40 0.50 0.60 9.85 0.15 100.00
4295 2.85 62.95 1.05 0.50 10.15 » 100.00
5.09 1.80 57.00 3.90 1.40 15.80 » 100.00
: 5.94 2.31 61.28 4205 » 15.25 0.32 100.00
11° 4.60 2.30 59 1.40 » 20.80 » 100.00
28.1: 215 1.10 0.80 0.40 6.80 0.45 100.00
21.6 1.60 1.30 1.70 » 12.70 » 100.00
b 2.05 1.30 6.65 » 19225 » 100.00
Befte TT TE on 0 SDS 16.30 5.41 2.09 A5 0.90 14.90 0.35 100.00
Societé | Seilley HSE db 00e 18.90 6.23 1.87 1.29 0.54% 12.10 0.32 100.00
des chaux { Saint-Bernard......| 17.80 5.51 1.39 0.50 0.65 13.88 0.17 100.00
de l'Aube. | Ancy-le 20.50 4.70 1.30 1.00 | 0.50 10.80 | 0.20 10000
XGUIIIEY 2.0 - se ee eee meer 15.40 Tee 2.18 1.18 0.93 18.03 » 100.00
Vitry-le-Francois Vve 20Ze- |
ed Ne RNA EE 14.70 6.10 2.30 62.65 0.73 0.53 12.60 0.29 100.00
us “ { Chaux légère..| 22.40 5.15 2.10 56.10 1.50 1.00 10.55 » 100.00
| Virieu-le-Grand. } Chauxlourde..| 26.65 6.50 2.85 51.80 1.40 1.30 9.50 » 100.00
Chaux artificielle des Moulineaux.| 21,85 5.00 3:45 51.80 0.55 0.75 10.90 » 100.00
rique, quelquefois de la potasse et de la soude,
de l'acide titanique, du manganèse. Enfin, dans
les produits fabriqués, on trouve de l’eau et de
l'acide carbonique provenant de l’extinction pour
les chaux. de l’éventement pour les ciments.
La théorie des chaux et des ciments n'est pas
encore parfaitement connue, malgré les travaux
scientifiques considérables qui ont élé entrepris sur
ce sujel. Mais s’il reste encore bien des points
obscurs. du moins est-on fixé aujourd’hui sur les
phénomènes principaux qui produisent le durcis-
sement des gangues hydrauliques.
Sans indiquer nettement les réactions qui s'o-
pèrent pendant la cuisson et au moment de la
prise, Vicat avait élabli d’une manière irréfutable
que le durcissement des chaux hydrauliques esl
dû à la combinaison de la silice et de l’alumine
avec la chaux. le rôle de l’alumine étant toutefois
secondaire.
Jusqu'en ces dernières années on en élait resté
au même point; bien des hypothèses avaient été
émises, les théories les plus divers:s s'élaient suc-
de la silice, quand celle-ci est à un état extrême
-de division, sur la chaux: il reste une certaine
quantité de chaux non combinée qui servira plus
tard à déterminer la réduction de la masse en
poudre par son extinction.
Dans les ciments Portland il existe, en outre du
silicate de chaux, de l’aluminate de chaux et un
silico-aluminale de chaux qui sert de fondant pour
faciliter la combinaison de la silice avec la chaux.
Les ciments à prise rapide contiennent une plus
grande quantité d’aluminale de chaux: ils ren-
ferment aussi du ferrile de chaux.
Quand les produits hydrauliques en poudre fine
sont mis au contact de l’eau, les réactions suivantes
prennentnaissance : l'aluminate de chaux s'hydrale
rapidement et crislallise :
A120%, 3Ca0 + Aq = Al203,3Ca O, 12H°0.
Le silicate de chaux se dédouble en chaux, qui"
se lransforme en hydrate, et en silicate mono-
calcique :
Si0?, 3Ca0 + Aq = Si 0?, CaO, 25H20 + 2Ca0, H* 0.
+ SE is Ma adm mie Gent
+ ere
|
É
:
$
F
4 ]
;
22
F RU Dares
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 301
La prise proprement dite est produite par l'hy-
dratalion rapide de l’aluminate de chaux; les
ciments à prise prompte, riches en aluminate,
doivent à ce sel leurs propriétés spéciales. Le sili-
- cate de chaux se combine plus lentement avec
l’eau; c’est à la cristallisation du silicate mono-
calcique que l’on peut attribuer surtout le durcis-
sement lent et progressif des mortiers. Le rôle de
l’aluminate de chaux est nul dans les chaux hy-
drauliques, puisque, s’il existe, il est détruit par
l'extinction !.
favorables pour produire une masse de plus en
plus dure et résistante.
La prise des mortiers est souvent accompagnée
de réactions plus complexes que celles dont nous
venons de donner un aperçu très sommaire: le
sulfate de chaux, les sels contenus dans l’eau de
gächage, les matières qui se trouvent mélangées
aux agglomérants, soit accidentellement, soit par
suite de défauts de fabrication, peuvent intervenir ;
tantôt ils modifient simplement la prise et ils
peuvent avoir une influence utile; et concourir
TABLEAU II, — Composition chimique des principaux ciments artificiels et naturels
DÉSIGNATION DES CIMENTS SILICE
Portland
Boulogne …
Frangey (Quillot frères) ................
Vicat
Ciments naturels
\
ASS NE Ne ne de ee mere alretante |
l
Porte ({ Prompt
de France } Portland naturel
f“Prompt....-.-.. bo Lee
| Portland naturel
Valbonnais, très lent
7: { Uriage, demi-lent
DnceE | Grande-Chartreuse, lent
{ Valentine
| Roquefort
Voreppe
Marseille.
Ciments de grappier
Virieu-le-Grand (Jurron et Cie).
Pavin de Lafarge. Le Teil
Seilley
Saint-Bernard
Ciments de lailier
Donjeux
Saulnes...... LÉO
ALUMINE
PERTE
AU FEU
ACIDE
SULFUR.
OXYDE
DE FER
CHAUX |MAGNÉSIE TOTAL
CEE
RUSSE
be be Q9 19 I æ IN IN C9 C5 CS 19
de QE de C9
Il ne suflisait pas de faire connaître les combi-
naisons des éléments constitutifs des ciments et
des chaux pour donner une explication complète et
satisfaisante de la solidification des gangues hydrau-
liques; il fallait faire voir le mécanisme même des
crislallisations des sels formés en présence de
l’eau. M. H. Le Chatelier y est parvenu {rès heureu-
sement en démontrant que la prise el le durcis-
sement sont dus à des phénomènes de sursatura-
tion; c’est en se déposant de solutions sursaturées
que l’aluminate et le silicate de chaux peuvent
cristalliser en longues aiguilles qui s’enchevètrent
et se trouvent ainsi dans les conditions les plus
1 L’aluminate de chaux parait cependant avoir une action
assez sensible dans certaines chaux qui renferment 5 à 6 %
d’alumine; à indice d’hydraulicité égal, ces chaux prennent
beaucoup plus vite que les chaux siliceuses. L’aluminate de
chaux peut, d’ailleurs, subsister après l’extinction ou bien ètre,
pour ainsi dire, régénéré par la chaleur souvent considérable
maintenue dans les tas d’efflusement.
même à la résistance: tantôt leur rôle est nuisible
etilest quelquefoisassezimportantpour déterminer
la destruction des mortiers. Il en est de même des
conditions dans lesquelles se trouvent conservées
les gangues ; l’étude des actions physiques et chi-
miques auxquelles elles sont soumises et des
transformations qu’elles subissent offre un champ
de recherches très étendu et présente un intérêt de
premier ordre.
La fabrication des chaux et des ciments est basée
sur la composition chimique et la constitution
physique des matières qu’elle met en œuvre. La
proportion relative des éléments qui composent
ces matières a une importance capitale; c’est ainsi
que Vicat avait été amené à classer les chaux d’après
leur indice d'hydraulicité, c’est-à-dire d’après le
rapport de la silice, de l’alumine et de l’oxyde de
fer d’une part, à la chaux d'autre part. D'après
cette classification, les chaux faiblement hydrau-
302 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
liques ont un indice compris entre 0,10 et 0,16;
entre 0,16 et 0,31 on a les chaux moyennement
hydrauliques ; les chaux hydrauliques proprement
dites ont un indice variant de 0,31 à 0,42; l'indice
des chaux éminemment hydrauliques est de 0,42
à 0,50; au-dessus de 0,50 on a des ciments à prise
lente et à prise rapide.
Cette classification n'est certainement pas très
précise; on l'utilise cependant encore aujourd’hui,
mais pour les chaux seulement; celles-ci toutefois
se classent surlout d'après le temps qu’elles
mettent à faire prise sous l’eau.
Les recherches de M. H. Le Chatelier lui ont
permis de formuler des règles plus rigoureuses,
surtout pour les ciments. Dans les chaux hydrau-
liques il faut un excès de chaux pour produire
l'extinction, mais il ne doil pas être trop élevé.
Dans les ciments à prise lente, qui sont surcuits et
qui ne sont pas modifiés par l’extinction, la com-
position peut être précisée très exactement.
La limite supérieure de la teneur en chaux est
donnée par la formule suivante :
Ca 0, Mg0O
Si0? + ALOS =
C'est-à-dire que la chaux, et la magnésie qui
existe toujours en faible quantité dans les ciments,
doivent être saturées complètement par la silice et
l’alumine.
Si l'on diminue la quantité de chaux au delà
d'une certaine proportion, la silice est en excès et
il se forme du silicate dicalcique qui se pulvérise
spontanément après la cuisson, et donne un ciment
de qualité très médiocre; il faut donc éviter la for-
mation de ce silicate, et la quantité de chaux devra
être suffisante pour que, le silico-aluminate étant
formé, il en reste assez pour que le silicate trical-
cique puisse se produire. On a ainsila formule qui
donne la limite inférieure de la teneur en chaux :
Si0:—(AI2 05, Fe203)., ,
Ca O,Mg 0 æ
à
Les ciments à prise rapide contiennent moins de
chaux que les ciments Portland, mais leur cuisson
est poussée beaucoup moins loin et ils renferment
une assez grande quantité d’alumine. Il n'y a pas
de règle absolue indiquant quelle est la meilleure
composition à rechercher pour ces ciments. Les
calcaires naturels employés pour la fabrication de
ces produits peuvent être de composition assez va-
riable, tout en donnant des résultats satisfaisants.
La valeur du ciment est donc liée essentiellem ent
à celle du gisement exploité, et le fabricant ne peut
que s'efforcer d'utiliser seulement les bancs que
l'expérience indique comme supérieurs aux autres.
La fabrication des chaux et des ciments peut
se diviser en trois grandes classes : fabrication des
chaux hydrauliques, des ciments naturels et des
ciments artificiels; nous passerons en revue succes-
sivement chacune d'elles en indiquant les princi-
paux centres de production et en décrivant quel-
ques-unes des installations les plus intéressantes.
IT. — FABRICATION DES CHAUX HYDRAULIQUES
Les chaux qui résultent d’un mélange fait à l’u-
sine sont dites artificielles ; les autres, qualifiées de
naturelles, proviennent d'un mélange naturel de
calcaire et d'argile.
$ 1. — Chaux hydrauliques artificielles.
Comme nous l’avons dit plus haut, la seule
usine qui fabrique encore de la chaux artificielle
est située aux Moulineaux, près de Paris; créée
en 1826 par MM. Brillant et de Saint-Léger, elle
commença à fonctionner sous le contrôle de Vicat,
et les procédés employés alors sont restés à peu
près les mêmes aujourd'hui. La craie, extraite en
galeries, est mélangée avec de l'argile dans des
malaxeurs verticaux; le mélange sort de l'appareil
en pâle ferme, qui est découpée en pains et séchée
sur les fours dans lesquels la cuisson s'opère en-
suite à la manière ordinaire. A la sortie des fours,
les morceaux cuits sont arrosés largement et mis
en tas; l'extinction s'opère pendant 10 à 15 jours;
après quoi la chaux est blutée; les parties les plus
cuitesrésistentà l’exlinctionetrestenten morceaux,
que l’on broie à l’aide de meules horizontales; on
obtient ainsi du ciment à prise lente.
L'usine, dirigée actuellement par M. Fauh, pos-
sède dix fours, et la production est de 15 à 20:000
tonnes par an environ.
S 2. — Chaux hydrauliques naturelles.
Les usines qui fabriquent de la chaux hydrau-
lique sont lrès nombreuses en France: on peut
affirmer que, dans aucun autre pays, la produc-
tion de la chaux n’est aussi considérable. L’énu-
mération de toutes les usines serait beaucoup trop
L
RE ft Se 0 D
PE ENT PARENT
PACE NTT
eng hate
longue et ne présenterait pas d'intérêt. Nous nous .
bornerons à celles qui ont une certaine importance.
À. Région du Midi. — Le département qui vient en
première ligne est celui de l'Ardèche, dans lequel
on produit presque autant de chaux que dans le
reste de la France, gràce aux usines du Teil, dont
la production dépasse 300.009 Lonnes par an.
La chaux de la Société Pavin de Lafarge, du Teil,
est trop connue pour que nous ayons à insisler sur …
ses qualités; il nous suflira de dire qu'elle est em-
ployée dans toutes les parties du monde.
Fondée en 1830, l'usine de Lafarge au Teil prit
un rapide essor, et sa prospérilé n'a fail que.s’ac-
très remarquables
_ gueur sur 100 mè-
sente en bancs de
S
chant de grosses a
_ masses à l’aide de (y
Néons sé mnité ts ie) SSS
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 303
EEE EEE EL EL
croître par suite de l'absorption d'établissements
concurrents existant dans les environs.
La réputation si méritée de la chaux du Teil est
due, non seulement à une direction éclairée et aux
soins constants qui entourent la fabrication, mais
aussi aux gisements
exploités, qui sont
comme puissance el
homogénéité.
L'extraction se
fait à ciel ouvert el
le front de laille
présente un déve-
loppement de 7 à
800 mètres de lon-
tres de hauteur; le
calcaire fait partie
des marnes né0co-
miennes et se pré-
très grande puis-
sance variant de 20
à 40 mètres d'épais-
seur. Pendant long-
temps onaexploité ?!
la carrière en déla- {
-- hauteur 1717
mines très fortes : SÙ
celles-ei ont atteint »
jusqu'à 10.000 ki-
los: on débilait en-
suite les gros blocs
avec des mines à
acide. On préfère
maintenant em-
ployer uniquement
des mines de moin-
dre importance.
Les usines du Teil
pouvant être con-
sidérées comme le
de calcaire et de charbon; la cuisson est continue,
et, à mesure que l'on met de nouvelles charges de
calcaire, on extrait, à la partie inférieure, de la
chaux cuite. La chaux est reçue directement dans
des wagonels ou des tombereaux,et elle est portée
aux chambres d'ex-
linction. Étalée d'a-
bord sur une plale-
Plate forme
forme, où elle est
arrosée avec une
quantité d’eau dé-
= ___ Briques ET =
nes terminée, elle est
LAN mise immédiate-
a ment en las sur 2
NS mètres environ de
LS à hauteur dans de
grands hangars soi-
fe LES sérceuurx eneuse t l
este us de briques D semen CIos.
Yefractatres, sco- np: <
° res, etc, mélanges ( Fig. 3.)
RES IL est, en effet,
très important d'é-
vilter que la chaux
se refroidisse pen-
dant l'extinction :
la chaleur favorise
l'hydratation de la
chaux et sa réduc-
tion en poudre. A-
près un temps qui
varie de 8 à 15
jours, la chaux est
considérée comme
À suffisamment élein-
te, elLelle est prête
à être blutée. On là
fait passer d'abord
à travers une grille
dont les ouvertures
ont O0 m. 06 de côté,
Æaçonnerie
a jpriques f
il 74 actaires
LS Manchon aertifère ,
#4 auto -distributeur
\ puis dans des blu-
Leries garnies de
nie poor le toiles métalliques
ES 5 char, rgement de læ
—. chaux cuite en
_crottes dans les
du numéro 40. Les
morceaux qui res-
type le plus parfait ÆTE 0 TE Cas FC tent sur la grille
des fabriques de TS ENS sont des incuits el
chauxhydrauliques, des surcuits; les
nous les décrirons Fig. 1. — Coupe verticale schématique d'un four pour la cuisson des premiers sont ren-
plus spécialement;
cette fabrication est, d'ailleurs, très simple.
Les pierres à chaux, une fois cassées en morceaux
aussi réguliers que possible, sont portées aux fours ;
ceux-ci ont une forme ovoïde (fig. 1); les anciens
fours avaient 12 mètres de hauteur, les nouveaux,
dont la figure 2 représente l'extérieur, en ont 18.
Le chargement se fait par couches alternatives
chaux hydrauliques.
voyés aux fours ; les
seconds sont, après avoir été concassés el
broyés, mélangés au ciment de grappier. Le
refus des bluteries est composé de grappiers
proprement dits, entourés de chaux en poudre et
de parlies éteintes, mais qui sont restées agglo-
mérées; on fait passer le tout entre des meules
horizontales écartées de 10 à 14 millimètres; il
304
“4
E. CANDLOT -— INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
s'opère une sorte de décorticalion qui laisse intacte
les grappiers el réduit en poudre fine les parties
tendres. Après blutage, on a une chaux lourde, qui
est mélangée avec les produits du premier blulage.
Les grappiers, qui élaient autrefois rejetés, sont
ulilisés maintenant à la fabrication d'un ciment à
prise lente ou ciment de grappiers. À la condition
d’être contrôlé très soigneusement, ce produit pos-
sède des qualilés qui lui permettent de rivaliser
avec les ciments Portland. Le ciment de grappiers
est toujours conservé longlemps en silos avant
d’être expédié.
Fig. 2. — Usines de la Sociélé J. et A. Pavin de Lafarge, au Teil
hauteur, Des wagonets chargés de chaux cuite sortant
Telles sont, en général, les principales opérations
que l’on renconlre, avec quelques variantes, dans
toutes les usines de chaux. Les principales diffé-
rences viennent de la forme des fours; du traite-
ment des grappiers, de l'extinction; dans beaucoup
d'usines on mélange à la chaux les grappiers qui
ontélé éteints et réduits en poudre ; on augmente
ainsi la résistance du produit; c'est ce que l’on ap-
pelle réincorporerles grappiers. Enfin, nous verrons
plus loin que l'on fabrique quelquefois, avec les
mêmes produils des fours, en les séparant simple-
ment par des blulages, de la chaux légère, de la
chaux lourde et du ciment,
Les dimensions des fours varient beaucoup, mais
le même mode de cuisson est employé partout.
Pour le broyage des grappiers, on se sert, au Teil,
de broyeurs spéciaux, dits broyeurs Lubac; dans
d'autres usines on utilise les meules ou les broyeurs
à boulets, système Morel.
La chaux du Teil est essentiellement siliceuse ;
bien que, d'après son indice d'hydraulicilé, qui est
de 0,39, elle ne rentre que dans la catégorie des
chaux hydrauliques proprement dites, elle peut
être considérée comme chaux éminemment hy-
draulique : sa prise s'effectue en 24 heures et elle
pèse, au mètre cube, 800 kilos.
\ its ET
D
di}
Ardèche). — Massifs des grands fours à chaux de 18 mètres de
des fours se dirigent vers les chambres d’extinction.
La Société Pavin de Lafarge possède plusieurs
usines au Teil et à Cruas; dans ces usines réu-
nies on compte 100 fours.
Le nombre des ouvriers est de 1.800 et, comme
nous l'avons dit plus haut, la production dépasse
300.000 tonnes par an.
Dans le même département, on peut ciler encore,
comme usine importante, celle de MM. Valelte,
Viallard, à Cruas, qui fabrique environ 20 à 25.000
tonnes par an el emploie des procédés analogues
à ceux du Teil.
Après les usines du Teil, la plus importante de
la région du Midi pour la fabrication de la chaux
hydraulique est celle de Gontes-les-Pins, à peu de
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SAN
SCIENCES, 1895
REVUE GÉNÉRALE DES
306 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX
HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
distance de Nice (figure 4); elle a été créée en
1867. La carrière a 150 mètres de longueur sur
40 mètres de hauteur; le calcaire appartient au
terrain crélacé. Les fours sont au nombre de 12:
ils ont 10 mètres de hauteur. L'exlinction et le
blutage se font comme au Teil, les grappiers sont
broyés à part el vendus comme ciment. L'indice
d'hydraulicité de la chaux de Contes-les-Pins est
assez élevé : il varie de 0,42 à 0,50; c’est donc une
chaux éminemment hydraulique. La production
annuelle est de 25.000 tonnes !.
À Marseille quelques usines produisent de la
chaux hydraulique ; mais elles fabriquent principa-
lement des ciments naturels, sur lesquels nous au-
rons occasion de revenir.
2. Region du Sud-Ouest. — Dans le Sud-Ouest nous
trouvons d'assez nombreuses usines : dans le Lot-
| soulie el, un peu plus tard, une autre usine à
Puyonem: elles sont devenues la propriélé de la
Sociélé Dordognaise, qui fabrique environ 7.000 à
5.000 tonnes.
Une autre usine, construite par M. Malleboy, à
Saint-Astier même, produit 4 à 5.000 tonres
par an.
Enfin, l’année dernière, M. Eymery, qui exploi-
tait déjà une usine depuis 1883, a fait construire, à
Saint-Aslier,une usine qui est actuellement la plus
importante de la région : elle possède 10 fours et
sa production est de 10.000 lonnes par an.
Les carrières exploitées à ciel ouvert ont une
hauteur variant de 15 à 35 mètres; celle de M. Ey-
mery a une longueur de 200 mètres sur une hau-
teur moyenne de 30 à 35 mètres.
3. Région de l'Ouest. — Dans les départements de
Fig. 4. — Fabrique de Chaux hydraulique de Conles-les-Pins, près Nice (Alpes-Maritimes).
et-Garonne, à Sauveterre-la-Lémance, à Libos, à
Castelfranc; dans le Lot, à Cahors. Ces usines pro-
duisent aussi des ciments naturels et nous en
parlerons à propos de ces ciments. À Sauveterre,
l'épaisseur du gisement de pierres à chaux atteint
36 mètres: l'indice d’hydraulicité des calcaires
varie de 0,05 à 0,38. La chaux contient un peu de
magnésie, mais elle est, malgré cela, très estimée
dans la région.
Les usines de Saint-Astier (Dordogne) ont pris
depuis quelques années une assez grande exten-
sion. La première usine de cette région a élé créée,
en 1833, par M. Mounel, au village de Laborie; elle
appartient aujourd'hui à M. Lestiboudois el sa
production est de 6.000 tonnes par an.
La Société générale des Chaux de Saint-Astier
date de 1873 et 7.500
tonnes.
M. Mallet a établi en 1876 une usine à La Mas-
produit annuellement
1 Cétte usin briquer du ciment Portland
irtificiel: elle m ge, par voie sèche et par voie humide, les
calcaires trop riches en argile de la carrière avec des craies
presque pures qui l'on trouve dans les environs.
l'Ouest les seules usines intéressantes sont celles
de Marans (Vendée) ; elles sont au nombre de
quatre; la principale est exploitée par M. Nivet.
Les calcaires utilisés pour la fabrication de la
chaux appartiennent au terrain oxfordien ; ils sont
extraits à ciel ouvert et se présentent par couches
de 2 à 3 mètres d'épaisseur sur une hauteur de
6 à 8 mètres; le découvert alteint 4 mètres en-
viron. À
L'usine Nivet possède 13 fours produisant 60 à
710 mètres cubes de chaux par 24 heures; on prévoitun
agrandissement de l'usine qui porterail le nombre
des fours à 45.
L'extinclion se fait très soigneusement et dure
15 à 30 jours ; les grappiers ne sont pas ulilisés.
La densité de la chaux est peu élevée, le poids du
litre est de 0 k. 500 environ; malgré cela, elle
donne des résistances satisfaisantes, qui altei-
gnent, en pàle pure, près de 4 kilos par centimètre
carré après un mois, el 13 à 14 kilos après un an.
M. Nivel à imaginé un appareil très ingénieux
pour l'essai des chaux et des ciments, qui permet
de faire, sur la même éprouvelle, des essais à la
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 307
traction, à la compression, à la flexion el au cisail-
lement.
À Echoisy (Charente), six usines exploitent des
calcaires analogues à ceux de Marans ; l'indice
d'hydraulicité de ces chaux est de 0,28 seulement ;
la produclion
de ces usines
est peu impor-
lante.
… A. Région du
Centre. — L'u-
. sine la plus an-
. cienneet la plus
. renommée
_ dans celte ré-
_gion est celle
de Paviers (In-
dre-et-Loire).
_ Sa construction
remonte à l’an-
née 1841; elle
_est exploitée
_ actuellement
par M. Huguet.
L'extraction du
calcaire se fait
+
-engaleries aux-
couches de 1 mètre à 1 mètre 50 d’épais-
5 x x
seur; elles sont très homogènes. Les fours
ont au nombre de 12: la chaux est
“éteinte et blutée par les moyens ordi-
sentent rien de particulier; l'extraction se fait à
ciel ouvert ; les bancs sont assez nombreux et leur
composition est variable ; l'indice d'hydraulicité
est généralement plus élevé dans les couches in-
férieures.
Les grappiers provenant du blutage
sont broyés séparément et sont vendus
comme ciment.
Les usines de Beffes trouvent leur
principal débouché à Paris, où elles ex-
pédient chaque année des quantités de
plus en plus considérables; la chaux
arrive à Paris par eau, et le prix de
transport est très réduit.
La chaux de Senonches (Eure-et-Loir
est l'une des plus anciennes de France:
bien avant que l’on connût les proprié-
tés des chaux hydrauliques, elle était
estimée et on l'employait presque ex-
clusivement dans tous les grands tra-
vaux de Paris et des environs. Comme
à Paviers, le calcaire s'extrait en gale-
ries auxquelles on accède par des
puits de 30 mètres de profondeur: on
exploite trois banes de 0,50 à 4 mètre
d'épaisseur.
La composi-
tion de la chaux
de Senonches
Canal dela est à peu près
Memeau ]a même que
celledelachaux
du Teil ; sonin-
dice d'hydrau-
ée : elle atteint jusqu'à 28 °/,. L'usine
uguet produit annuellement environ
20.000 tonnes de chaux.
Il existe dans les environs, à Trogues,
ique; ces usines sont relativement ré-
“centes, les plus anciennes sont celleside
sine de Louvières (Vibry-le-Francois) pour as-
surer la succession continue des opérations de-
puis l'extinction de la chaux jusqu'au charge-
ment du produil fabriqué. — En À circulent les
wagoncts apportant la chaux cuite et arrosée.
La matière est dèversée dans la grande chambre
d'extinction B, où elle séjourne quelque temps. Au
bas de cette chambre une hélice H amène la chaux,
au travers de la trémie D, dans le blutoir I.La chaux
blutée tombe dans une trémie E, et de là dans
l'empochoir F qui sert à l'ensacher. Les
sont transportés par le pont P G dans le bateau.
— M, M, M, magasins ; C, chemin de service ;
K, K, calcaire ; O’, O’, O, argile,
sacs
naires: les grappiers sont réincorporés. £ LL LLOOLDA licité atteint
a chaux est lourde, elle pèse 0 kil. 800 dre 0,40 ; elle peut
au litre ; sa teneur en silice est très éle- Fig. 5. — Schéma de la disposilion adoptée à l’u- donc être clas-
sée parmi les
chaux éminem-
ment hydrauli-
ques. Toutefois
depuis quel-
ques années, la
qualilé le cette
chaux parait se
modifier el sa
réputalionn'est
MM. Picardeau et Daumy. Actuellement, la fabri-
le chaux par an. Puis viennent les usines de
“MM. Polliet, Baillot et Villevielle, de M. Lan-
+ et plusieurs autres de moindre impor-
_lince. |
— Les procédés employés dans ces usines ne pré-
e]
|
E
plus aussi grande qu'autrefois.
A Laigle (Orne), on trouve quelques fours à chaux ;
les calcaires sont de même nature et s’exploitent
de la même facon qu'à Senonches, mais l'indice
d'hydraulicité de la chaux est moins élevé.
5. Région de l'Est. — L'usine de Louvières (fig. 5),
près Vitrv-le-François, a été 1574.
Me V'° Roze-Robert exploite celte usine, qui esl
créée en
»
æ AZ
RAT me.
s Chaux de l'Aube.
actuellement une des plus importantes de la
région.
_ Les calcaires appartiennent au terrain crétacé
supérieur ;
longueur de 500 mètres et ont, en totalité, 50 me-
tres d'épaisseur.
Les fours, au nombre de 8, ont 11 mètres de
hauteur ; l'extinction est très soignée ; les grap-
piers sont réincorporés à la chaux.
par an. La chaux de Louvières a un indice d'hy-
draulicité de 0,33 à 0,35; elle est caractérisée par
une proportion Saaire assez élevée, environ
6 à 7°/,, et se rapproche ainsi be de Ja
composition des chaux de Tournai. La prise de
cette chaux est assez rapide.
A Vitry-le-François même, la Société Pavin de
Lafarge a établi une usine où elle fabrique du
ciment de laitier et de la chaux hydraulique ana-
logue à celle de Louvières.
La Société des Chaux de l’Aube, dont le siège
. social est à Troyes, exploite plusieurs usines à
Ville sous-la-Ferté et Mussy-sur-Seine (Aube), à
Côtes-d'Alun (Haute-Marne), et à Ancy-le-Franc
(Yonne).
L'usine la plus importante est celle du Seilley à
Ville-sous-la-Ferlé (fig. 6). Les calcaires appar-
- tiennent à l'étage oxfordien; le front d'abatage de
la carrière a 30 mèlres de hauteur.sur 100 mètres
de large ; les bancs sont très nombreux ; leur épais-
seur varie de 0",20 à 0",70.
Les fours sont au nombre de treize. L'extinction
dure 10 à 45 jours; les grappiers sont réincorporés
à la chaux; seuls, les grappiers ayant résisté à
deux extinctions successives sont broyés à part et
endus comme ciment.
Comme la chaux de Vitry, celle du Seilley con-
ient une assez forte proportion d'alumine; son
indice d'hydraulicité est de 0,41.
La production annuelle de cette usine est de
10.000 tonnes.
L'usine de Saint-Bernard à Clairvaux est à peu
près de même importance que celle du Seilley; elle
possède quinze fours (fig. 9).
A Mussy-sur-Seine se trouve l’usine de la Gra-
ière, qui possède dix-huit fours et produit environ
8.000 tonnes par an (fig. 7)
A Côtes-d’Alun, il n'existe que quatre fours pro-
duisant 3.000 Lonnes (fig. 8).
L'usine d'Ancy-le-Franc (Yonne) est de créalion
plus récente.
La carrière, ouverte dans le terrain oxfordien, a
ne hauteur de 50 mètres sur 70 mètres de lon-
ueur. Les bancs sont au nombre de douze ; ceux
Mu haut sont seuls exploités; 25 ont une épaisseur
de 20 mètres.
LES 2
3
PET TTIN.
Y
les bancs exploités s'étendent sur une.
La production de l'usine dépasse 26.000 tons:
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 309
Les fours ont 9 mètres de hauleur et cubent
45 mètres. L'extinetion est faile à la manière ordi-
naire ; les grappiers sont réincorporés entièrement
à la Rire
Cette chaux est un peu moins alumineuse que
celles de Ville- sous- “la: Ferté; son indice d'hydrau-
licilé est de 0,41, sa ire apparente est de
06,650.
ha production annuelle de l'usine est de
5.000 tonnes. En raison de sa situation avantageuse
sur le canal de Bourgogne, et à proximité du che-
min de fer, cette usine est TRS à se développer
rene
A Xeuilley Mosanes -et-Moselle) se trouve une
usine importante de chaux hydraulique; les car-
rières, ouvertes au sommet d’une colline, sont
situées au-dessus du gueulard des fours; cé ci
sont au nombre de vingt-six. L'extinction se fait
dans de grandes chambres; les grappiers sont
réduits en poudre très fine à l'aide du broyeur
Morel, et ils sont réincorporés entièrement à la
chaux. | à
La chaux de Xeuilley se rapproche des chaux de
l'Aube et de la Haute-Marne par sa composition;
elle renferme une assez forte proportion d’alumine;
elle est classée parmi les chaux éminemment hy-
drauliques, bien qué son indice d'hydraulicité soit
seulement de 0,35 à 0,37. La production est de
15.000 tonnes environ par an.
6. Région du Sud-Est. — Dans le département de
l'Ain, plusieurs usines fabriquent de la chaux
Es denlique: la plus importante est celle de
MM. jurron et C*, à Virieu-le-Grand.
Les calcaires, appartenant à l'étage oxfordien,
sont extraits à A ouvert sur une hauteur de 35 à
45 mètres. La composition des bancs est assez
irrégulière : elle varie de 18 à 2 95 1) , d'argile; aussi
produit-on des chaux de div erses natures et aussi
des ciments à prise lente et à prise rapide.
La fabrication diffère un peu de celle des autres
usines. À la sortie des fours, après avoir retiré les
incuits, on arrose la masse et on la relève en Las;
après 6 à 7 jours, on blute, el on a ainsi la chaux
légère; il reste une grande quantité de morceaux
non éteints qui sont plus ou moins vitrifiés ; on les
fait passer dans des meules, auxquelles on laisse un
écartement de 10 à 15 millimètres. Les parlies
tendres sont seules réduites en poudre; on les
passe aux bluloirs et on obtient la chaux lourde:
enfin, les parties les plus dures rejetées par les
bluloirs sont pulvérisées finement et constituent
le ciment à prise lente. C’est, comme on le voit, le
traitement des grappiers comme au Teil; l'usine de
Virieu a été la première, il yalrente-cinq ans en-
viron, à pratiquer ainsi l'utilisation des grappiers.
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312
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
Les chaux de Virieu se distinguent par une prise
très rapide et une densité apparente élevée; la
chaux légère pèse 0,750 au litre, et fait prise en1à
à 18 heures; la chaux lourde pèse 16000 à 4,100
el prend en 6 à 8 heures.
L'usine de MM. Jurron et Ci‘ possède vingt fours
à feu continu; la force motrice cest donnée par une
chute d'eau de 120 mètres pouvant développer
600 à 700 chevaux, mais dont on n'utilise qu'une
partie. =
La production est de 25 à 28.000 tonnes, dont
20 à 30°/, en chaux légère, 60 à 70 °j, en chaux
lourde et 21) °/, en ciments.
Les autres usines de la région se trouvent à
Béon (Culoz), à Bons, el à Buséal, près Virieu.
Dans la région du Sud-Est, on peut encore
classer les usines de l'Isère dont nous aurons à
parler principalement à propos des ciments natu-
rels; la fabrication de la chaux, dans ce dépar-
tement, est relativement peu importante; les
principales usines sont celles de Montalieu et de
Bouvesse: elles possèdent vingt-neuf fours et pro-
duisent 30.000 tonnes de chaux légère, de chaux
lourde et de ciment de grappiers.
IV. —— FABRICATION DES CIMENTS ARTIFICIELS
Il y a deux sortes de ciments artificiels : les ci-
ments du type Portland et les ciments de lailier.
$ 1. — Ciments du type Portland
1. Région du Boulonnais. — C’est dans la région
du Boulonnais que se fabrique la plus grande partie
du eimeut Portland produit en France; la produc-
tion totale étant de 350.000 Lonnes environ, les
usines du Boulonnais livrent, en effet, à elles
seules, près de 300.000 tonnes par an à la consom-
malion.
La plus ancienne usine est celle de Boulogne,
dont la création remonte à l'anaée 1845; à cette
époque, M. Demarle trouva les procédés convena-
bles pour trailer les marnes argileuses de Neuf-
chàtel, dont les gisements avaient élé découverts
par Vical. Ces procédés sont encore suivis dans
toutes les usines de la région, el on n'y a fait que
des modificalions de délail peu importantes.
Les marnes crélacées employées par les usines
du Boulonnais forment un puissant gisement qui
est exploité à Dannes, Camiers, Neufchätel, Samer,
Desvres, Lumbres, elec.
L'exploilalion des carrières se fait à ciel ouvert:
le découvert est généralement très faible; le cal-
caire est lendre, friable et s’extrait facilement à
la pioche sans qu'il soil nécessaire de recourir à
la mine.
La carrière de l'usine de Boulogne, exploitée
actuellement par la Société des Cimenls francais,
est située à Neufchatel; la même Société possède
une autre usine à Desvres. Ces usines réunies for-
ment un des établissements les plus importants
qui existent pour la fabrication du ciment Port-
land; on ne peut lui comparer que les grandes
usines de MM. White brothers, en Angleterre, et
celles de MM. Alsen et Sohne et Dyckerhoff, en
Allemagne. Leur production atteint 430.000 tonnes
par an, el pourrait être plus grande encore.
Les procédés employés pour la fabrication du
ciment Portland sont à peu près les mêmes dans
toutes les usines du Boulonnais: les marnes sont
délayées fig. 12) avec 50 à 60 % d'eauet réduites ainsi
en bouillie claire; comme elles contiennent une
proportion d'argile un peu inférieure à celle qui
est nécessaire, on ajoute une pelite quantité d’ar-
gile du Gault qui, à Boulogne, est extraile des fa-
laises situées à l’ouest du port.
A la sorlie des délayeurs, la pâle est envoyée
dans les bassins doseurs; ce sont de grandes cuves
dans lesquelles des agilaleurs mélangent intime-
ment la pâte; des échantillons, destinés à faire con-
naître si la composilion de la pâle est normale,
sont prélevés dans ces bassins et analysés rapide-
ment; selon que l’on a trouvé trop ou trop peu
d'argile, on introduit dans le bassin une quantité
déterminée de pâle plus calcaire ou plus argileuse.
La pâte n’est considérée comme bien dosée que si
la proportion d'argile ne s'écarte pas de plus d'un
demi pour cent du dosage normal, qui est généra-
lement 20 à 22 %.
Après avoir élé dosée, la pâte doit être desséchée
complètement: ce résullat est obtenu de différentes
façons. Tantôt la pâte est envoyée dans de grands
bassins, d'une contenance de 2.000 à 3.000 mètres
cubes, où elle reste plusieurs semaines: quand
elle est suflisamment ferme, on la lransporte sur
des séchoirs constitués par des aires chauffées par
le gaz de fours à coke. Tantôt la pâle est envoyée
directement sur les fours où s'opère la cuisson;
elle est alors séchée par la chaleur perdue de ces
fours. Dans le premier cas, la pâle sèche est cuite
dans des fours ordinaires, semblables aux fours à
chaux, mais surmontés d’une cheminée très élevée
qui détermine un lirage énergique; la cuisson est
intermittente. Quand Ja cuisson doil avoir lieu
dans les fours Hoffmann, la pâte, à la sortie des
grands bassins de repos, est mise en briques et
séchée dans des séchoirs spéciaux. Les fours Hoft-
mann sont analogues à ceux qui sont employés
pour la cuisson de la brique; ils ont généralement
18 compartiments.
Les fours qui sèchent la pète venant directement
des bassins doseurs sont appelés fours anglais ou
fours-séchoirs: ils sont groupés au nombre de 10,
12 ou même davantage, et les produits de la com-
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314 E. CANDLOT — J! DUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
bustion sont envoyés par de larges
conduits horizontaux à une chemi-
née unique; c'est dans l'intérieur el
sur le dessus de ces conduits que la
pâte liquide est envoyée et se dessè-
che pendant que la cuisson s'opère
dans le four. Les fours-séchoirs (fig.
10) sont intermittents.
Une quatrième espèce de four est
aussi employée, mais seulement à
Boulogne : c’est le four à étage ou
four Dietzch; il ressemble à un four
ordinaire dans lequel la partie supé-
rieure serait transportée, parallèle-
ment à elle-même, à peu de distance
de la partie inférieure el raccordée
à celle-ci par un conduit horizontal.
Les pâtes sèches sont introduites
dans la cheminée à 3 mèlres environ
au-dessus du conduit horizontal; cette
partie s'appelle le réchauffeur. La
pâte, en effet, est porlée à une tem-
pérature élevée par les gaz produits
par la cuisson el qui la traversent.
La cuisson s'opère dans la zone su-
périeure du four proprement dit, le
réchauffeur formant la cheminée; à
cel endroit, des portes pratiquées de
côté et d'autre du four permettent de w
venir, avec de longues pelles, faire «
tomber la pète du réchauffeur dans
le creuset et, en même temps, d'y ré-
pandre le charbon nécessaire pour la
cuisson. Le feu est très vif jusqu'à
2 à 3 mètres au-dessous des portes,
puis, à mesure qu'il descend, le ci-
ment cuit se refroidit et il sort du
four tout à fait froid. Des regards,
ménagés à quelque distance au-des-
sous du creuset, permettent de ringar-
der pour faire descendre la masse si
elle est restée collée contre les pa-
rois du four. La partie inférieure du
four à élage a 7 à 8 mètres de hau-.
teur et la partie supérieure 45 à 25
mètres. Ce four, très employé en
Allemagne el en Suisse, n'a pas été
adoplé par les usines françaises mal-
gré tous ses avantages; il n’en existe
plus qu'un aux usines de Bou-
logne.
Le ciment, à la sortie des fours, esL
trié soigneusement; les morceaux
bien euits sont noirs, lourds, {rès
durs; les incuits sont jaunes ou
gris, mais toujours légers et peu
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E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 315
résistants; on les met de côté pour les repasser
aux fours.
“ La réduction du ciment en poudre s'opère à
l’aide de concasseurs à mâchoires, de cylindres la-
mineurs, qui ré-
duisent les roches
en fragments de
à 8 millimètres,
et de meules ho-
rizontales. Le pro-
duit des meules
est passé dans des
bluteries, et tou-
tes les parties en-
core trop grossiè-
res retournentaux
meules; la pou-
dre fine est en-
voyée dans les
magasins où elle
est mise en ba-
rils ou en sacs.
Telle est, dans ses grandes lignes, le mode d’opé- |
rer employé par les usines du Boulonnais; il y a
très peu de variation d’une usine à l’autre, et les
seules différences viennent des soins apportés à la
Fig. 41. — Emploi de la locomotive électrique pour remorquer les wagon-
nels de marne dans la carrière de MM. Darsy, Lefebvre el Lavocal, à
Neufchälel (Pas-de-Calais). — Le courant est envoyé à la locomotive au
moyen d’un cäble aérien sur lequel glisse un trolley.
fabrication. À Boulogne, les fours sont, en majorité,
des fours ordinaires intermittents; il existe aussi
un certain nombre
de fours-séchoirs,.
système Johnson,
deux fours Hoff-
mann four
coulant
Dietzth.
et un
syslème
La mou-
ture s’opêre à l ai-
de de
seurs, de
concas-
lami-
noirs et de meules
horizontales; il en
existe 58 paires
dans les usines de
la Sociélé.
Le nombre des
ouvriers
1200.
est de
La plus ancienneusine du Boulonnais, après celle
de Boulogne, a été fondée en 1860 à Neufchâtel par
Big. 12.— Fabrique de ciment de MM. Darsy, Lefebvre el Lavocat. — Délayeurs réduisanten bouillie claire les marnes calcaires
employées à la fabrication du ciment,
310
"1
:
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
MM. Darsy et Lefebvre: elle est exploitée aujour-
d'hui par MM. Darsy, Lefebvre et Lavocat (fig. 12
el 1%). La carrière est située à côté de celle de la
Société des Ciments francais et à 1500 mètres envi-
ron de l'usine. Le transport des marnes de la car-
rière aux délayeurs se fait à l’aide de wagonets
remorqués par une locomotive électrique (fig. 11)
construite par M. Hillairet: c'est la première ap-
plication de l'électricité, comme force motrice,
dans les usines du Boulonnais.
Le traitement des malières premières s'opère
comme à Boulogne: les fours sont à séchoirs, el on
emploie, pour la mouture, des cuncasseurs, des la-
minoirs et des meules. L'usine occupe 150 ouvriers
et produit 25.000 tonnes par an.
Viennent ensuite les usines de MM. Sollier et C°
fondées, en 1869, à Neufchàätel également, où l’on
trouve les mêmes procédés de fabrication. Ces
usines possèdent 19 fours ordinaires intermittents,
dits à dôme (fig. 13), 12fours anglais et 17 paires de
meules ;la production est de 30.000 tonnes par an.
On trouve encore, à peu de distance de Neufchà-
tel, l'usine créée par M. Dupré et exploitée actuel-
lement par M. Basquin; sa production est de 10.000
à 45.000 tonnes par an.
L'usine de la Société des Ciments de Dannes,
à Dannes fig. 10), et celle de MM. Delbende et Cie, à
Desvres, ont été construites à peu près à la même
époque, vers 1882; ces usines possèdent des fours-
séchoirs et produisent chacune 20.000 {onnes envi-
ron annuellement.
La Compagnie Nouvelle des Ciments Portland du
Boulonnais à Desvres est une des dernières sociétés
élablies dans la région de Boulogne; sa production
est la plus importante après celle de la Société des
Ciments français. Les fours, au nombre de 25, sont
du système Johnson: elle peut fabriquer 40.000 à
90.000 Lonnes par an.
Il existe encore quelques peliles usines à Samer,
à Lumbres, à Lothingen, à Camiers.
En dehors de la région du Boulonnais, mais dans
le Pas-de-Calais cependant, nous devons ciler en-
core l'usine de MM. E. Cambier et Ci située à
Pont-à-Vendin. Les matières premières employées
par MM. E. Cambier et OC" sont, comme dans
toutes les usines anglaises, la craie pure el l'argile
mélangées par voie humide en proportions conve-
nables. Les mélanges se font à l’aide d'appareils
semblables à ceux des usines du Boulonnais, les
fours sont du système Johnson : la production est
de 15.000 lonnes par an.
Il existe encore une usine de création plus ré-
dans le Pas-de-Calais.
Celle usine emploie la voie sèche el produit an-
cente à Perne-en-Artois,
nuellement 5.000 à 6.000 tonnes: elle est dirigée
par M. Parsv.
v
Le succès des usines du Pas-de-Calais est dû
surtout à leur régularité de fabrication assuréepar …
des procédés très parfails de dosage des matières
premières. Les grands travaux maritimes exécutés …
en France depuis une quinzaine d'années ont con- -
tribué puissamment à développer leur essor, et, si
le port de Boulogne permettait d'expédier au loin
à des prix avantageux, il n’est pas douteux que ces
usines trouveraient dans l'exportation un débou- =
ché qui pourrait augmenter encore dans des pro-"
portions importantes leur production. Les ciments *
français sont, en effet, justement appréciés à l’é-
tranger, et leur prix élevé en restreint seul la
vente dans plusieurs pays où on les préférerait
certainement aux ciments anglais ou belges.
2. Région du Sud-Est. — Le fils de Vicat,
M. J. Vicat, a créé, en 1858, une usine pour la
fabrication du ciment Portland arlificiel à Vif,
près de Grenoble. La préparation des matières.
se lait d’une manière toute différente de celle
qui est employée däns les usines du Boulonnais.
On emploie un calcaire argileux, qui est cuit
modérément et donne, après mouture, un ciment
prompt; ce ciment est mélangé dans un malaxeur
avec de la chaux grasse éteinte et blutée; le mé-.
lange se fait en proportions déterminées de ma-
nière à obtenir toujours la même composition; lan
päte ainsi obtenue est mise en briquelles qui se
solidifient rapidement; après un certain lemps de
séchage à l'air, les briques sont enfournées et lan
fabrication est ensuite la même que dans les autres
usines.— Les fours sont du type ordinaire à cuisson »
intermittente ; ils sont au nombre de 42. L
La Société J. Vicat et Gi, actuellement dirigée“
par M. Merceron-Vical, produit 20.000 tonnes de
ciment Portland par an; elle crée en ce moment”
près de Marseille, en collaboration avec M.Armand, #
une nouvelle usine qui présentera des procédés den
fabrication intéressants et qui produira 15.000 à
20.000 tonnes par an. 1
Plusieurs autres usines de l'Isère fabriquent du
ciment Portland artificiel, mais en quantité relali- |
vement restreinte, et nous aurons surtout à parler,
de ces usines à propos des ciments naturels.
M. Romain-Boyer, à Marseille, fabrique aussi du
ciment artificiel depuis quelques années; il emploie
le procédé des mélanges de poudres à sec; la cuis- à
son s'opère dans des fours ordinaires intermittents. !
3. Région de l'Yonne. — Dans l'usine de MM. Quil=
lot frères, à Frangey (Yonne), on trouve le pro="
cédé du traitement des matières premières dit pars
voie sèche. Les calcaires, appartenant à l'étage
oxfordien, se présentent par bancs dont la teneur
en argile varie de 14 à 30 °/,; après dessiccalion,
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 317
cils sont broyéstrès finementet mélangésinlimement
à sec; la poudre est finalement humectée légère-
ment et mise en briques comprimées fortement, Ces
diverses opérations s’exécutent à l’aide de moyens
L'exploilation de la carrière se fait à ciel ouvert
et par gradins. La cuisson s'opère dans un four
Hoffmann à 20 compartiments. C’est la seule usine,
avec celle de Boulogne, qui emploie ce genre de
Fig. 13. — Fabrique de ciment de MM. Sollier et Cie à Neufchätel (Pas-de-Calais). — Carrière et plan
incliné remontant la marne aux délayeurs. — Batterie de 11 fours intermittents avec grandes cheminées,
dits fours à dôme. (Types des fours de ce genre employés dans les usines du Boulonnais.)
très ingénieux dont la description dépasserait le
cadre de cette étude; elle a été donnée par M. De-
bray, ingénieur en chefdes Ponts et Chaussées, dans
un Rapport à la Commission des Ciments en 1888.
four pour la cuisson du ciment ; elle a, d’ailleurs,
pleinement réussi, etles résullats qu'elle oblient
sont de tous points satisfaisants. La production an-
nuelle est de 20.000 à 25.000 tonnes.
Fig. 14. — Fabrique de ciment Portland de MM. Darsy, Lefebvre et Lavocal à Neufchälel (Pas-de-Calais).
318 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
Dans lemême département, l'usine Chantemille, à
Moulot, produit quelques milliers de tonnes et tra-
vaille par voie sèche ; mais elle emploie des fours
ordinaires intermittents.
4. Région Parisienne. — Enfin une usine a été
créée récemment par la Compagnie Parisienne des
Ciments Portland à peu de distance de Mantes, sur
la Seine; les matières premières employées sont
la craie pure et l'argile plastique traitées par voie
humide. Les procédés de mélange el de dosage
sont semblables à ceux des usines du Boulonnais;
l'usine est construite pour produire 15.000 {onnes
par an.
Telles sont les seules régions dans lesquelles on
fabrique actuellement du ciment Portland artificiel,
dont la production est, comme on le voil, encore
assez restreinte. Gette industrie n’a pris un cerlain
développement que depuis une quinzaine d'années.
En 1880 la quantité de ciment fabriqué en France
dépassail à peine cent mille tonnes; maintenant
elle atteint le chiffre de 350.000 tonnes environ.
Dans le même espace de temps la production du
ciment Portland en Allemagne est passée, de 100 à
200.000 lonnes, à près de 1.800.000 tonnes;
dans plusieurs autres pays tels que la Russie, le
Danemark, la Suède, la Belgique, la fabrication du
ciment, qui existait à peine, est devenue très im-
porlante et prend chaque année plus d'extension.
Les causes de lä progression si lente du ciment
en France viennent de ce que l'emploi de ce pro-
duit n’est pas général comme en Allemagne, en
Angleterre, en Danemark, en Russie; la grande
quantité de chaux hydrauliques, de ciments nalu-
rels, de ciments de grappiers et de-produils divers
vendus sous le nom de Portland empêchent aussi
la fabrication du ciment artificiel de se dévelop-
per. Des progrès importants réalisés dans la fabri-
cation ont cependant permis d'abaisser très sensi-
blement les prix de revient, et les prix de vente
tendent à se rapprocher de plus en plus de ceux
des ciments naturels ; quand les ciments artificiels
se vendront à des prix relativement réduits, leur
usage se généralisera cerlainement davantage, et
on peut prévoir que leur production augmentera
alors très rapidement.
$ 2. Ciment de laitier.
Depuis quelques années un nouveau produit
hydraulique à fait son apparition et a pris un
certain développement dans la région de l'Est
nous voulons parler du ciment de laitier. La fabri-
introduite en Alle-
magne il y a une dizaine d'années, mais elle ne
calion de ce ciment a élé
parail pas avoir prospéré dans ce pays. En France,
la première usine a été montée par M. Henry à
donnent des résullals moins satisfaisants pour ce
Saint-Dizier: puis est venue celle de MM. Raty
et Ci° à Saulnes (Meurthe-et-Moselle); il en existe
maintenant d'autres à Neuves-Maisons (Meurthe-
et-Moselle\ et à Vilry-le-François ; cette dernière …
dirigée par MM. Gonod et Girardot, anciens as-
sociés de M. Henry, et établie par la société Pavin
de Lafarge. Enfin M. Henry a installé une nouvelle
usine dans le Cher, à Bourges. La Société générale
du Portland laitier, dont le siège social est à Gre-
noble, a exploité plusieurs usines à Saint-Ismier M
(Isère), à Laudun (Gard), au Boucau(Pyrénées-Orien-
tales). Celle dernière a été détruite par un incendie.
La fabrication du ciment de laitier est très simple
et nécessile une installation relativement peu im—
portante. Les malières premières sont, d’une part,"
le laitier de haut-fourneau préparé spécialement,
et, d'autre part, de la chaux éleinte en poudre. Le.
laitier de composilion convenable ne se rencontre
pas partoul: il doit avoir une certaine teneur en
silice, en alumine et en chaux; de plus, il est indis-
pensable qu'immédiatement après la sorlie du
haut-fourneau il ait été soumis à un refroidis-s
sement brusque. On réalise généralement cette
condilion en le faisant tomber dans de grands
bassins pleins d’eau ou dans un courant d’eau
froide. Le laitier ainsi traité a l'aspect d'un sable
à grains poreux, boursouflés: on l'appelle Zaitier
granulé.
Après être resté à l'air pendant un certain temps,
le laitier granulé est desséché complètement dans
des appareils de diverses sortes; il est ensuite
réduiten poudre fine à l’aide d'appareils de broyage
appropriés; ce sont les broyeurs Morel ou less
meulelons à meules verticales qui sont employés
le plus souvent; les meules horizontales ordinaires
travail.
La chaux éteinte et blutée finement est mélangéen
alors avec la poudre de lailier en proportion con=…
venable, indiquée par l'expérience. Ce mélange est
introduit dans un appareil appelé homogénéisateur ;
il consiste généralement en un cylindre cannelé,
dans lequel roulent des boulets en fonte de di-
verses dimensions. L'appareil, fermé hermélique-
ment, est mis en marche el tourne pendant un
temps plus ou moins long, variant de {1 heure
3 heures. A la fin de l'opération, le mélange de lam
chaux et du lailier est absolument intime et les
ciment est prêt à être employé. Dans d’autres ap=
pareils, l'opération est continue; le cylindre es
alors assez long et les matières, introduites à un
des extrémités, sont entrainées par le mouvement
de rotation et sortent de l’autre côté, après avoir
élé sur leur parcours mélangées par l’action des
boulets. (4
Le ciment de laitier, pour être de bonne qualité,"
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LA 12 2
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 319
doit être extrêmement fin; ce sont les opérations
de séchage et de broyage du laitier qui sont les
plus onéreuses dans cette fabrication.
Les usines de S'-Dizier, de Saulnes et de Vitry
ont une imporlance à peu près égale: elles peuvent
fabriquer chacune 10 à 15.000 tonnes par an.
V. — FABRICATION DES CIMENTS NATURELS.
Les ciments nalurels à prise rapide sont de tous
les produits hydrauliques ceux qui ont été connus
elle a élé remplacée par l'usine de M. Dumarcet
à Provency qui, étant la dernière créée, a été
installée avec tous les perfectionnements in-
diqués par l'expérience (fig. 13 et 16). Elle
est située à 400 mètres de la gare de Provençy
et à 150 mètres des carrières: celles-ci, comme
toules les carrières de la région de Vassy, s'ex-
ploilent à ciel ouvert; le découvert est de 2"50
environ, puis on trouve 7 bancs ayant chacun
une épaisseur de 1 mètre à 1,50 m.; entre les bancs
Fig. 15. — Carrière de M. Dumarcet, fabricant de ciment de Vassy, à Provençy (Yonne).
les premiers; Vical, dans un ouvrage publié en
1898. parle, en effet, des ciments de Guéthary, de
Boulogne, qui étaient alors fabriqués avec des
galets, de Pouilly-en-Auxois. Les usines qui pro-
duisaient ces ciments étaient très modestes, et elles
ont presque toutes disparu depuis longtemps.
Les régions où la fabricalion des ciments nalu-
rels a pris lé plus d'extension sont l'Yonne, la Côte-
d'Or, l'Isère et les Bouches-du-Rhône, On trouve
encore des usines produisant ces ciments dans le
Lot, le Lot-et-Garonne et la Dordogne.
4. Région de Vassy. — Les principales usines de
l'Yonne se trouvent groupées aux environs de
Vassy. Ce fut vers 1830 que l'on commença à uli-
liser pour la fabrication du ciment à Vassy les
… calcaires du Lias supérieur, abondants à cet en-
droit (fig. 15)!. MM. Gariel et Garnier fondaient,
à cetteépoque, uneusine qui n'a disparu qu'en 1887;
1 Les marnes calcaires de Vassy sont trèsriches en fossiles,
en débris de squelettes d’animaux prébistoriques; M Millot,
setrouveune matièreschisteuse quiest inulilisable.
Les calcaires propres à la production du ciment
sont reconnaissables à leur teinte et à leur dureté.
La fabrication des ciments naturels est très
simple: la cuisson s'opère dans des fours continus
de capacité assez restreinte et semblables aux
fours à chaux ; à Provencey, les fours n’ont pas de
cheminée ; dans d’autres usines, ils sontsurmontés
d’une cheminée de peu de hauteur, en forme de,
trone de cône. La cuisson est modérée; il suffit
d'enlever l'acide carbonique des calcaires et l’on
doil éviter de les vitrifier; les pierres cuites sont
légères, spongieuses, de couleur jaune-clair. La
mouture s'opère à l'aide de broyeurs verticaux el
de meules horizontales. Après blulage, le ciment
est mis en sacs ou bien il est conduit aux silos
La production de l'usine Dumarcet est de 14.000
à 45.000 tonnes par an.
notamment, en a trouvé dans ses carrières des spécimens re-
marquables.
Fig. 17. — Transvort des pierres à ciment du Mont Jalla à l’'Usine de Ciment de la Porte de France. — Gare d'arrivée.
_: lesusines de
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 321
Par rang d’ancienneté, viennent ensuite les
usines de MM. Millot, à Marsy et à Sainte-Colombe ;
l'importance de ces usines est à peu près la même
que celle de M. Dumarcet; puis, les usines Faure,
actuellement Joudrier et Ci, créées vers 1854.
L'usine Pré-
vost date de
1871 ,etcelle
de M. Bou-
gault de
1884. Ces
usines pro-
duisent de
8.000 à 10
mille ton-
nes, et les
procédés
qu'elles em-
ploient ne
présentent
rien de par-
liculier.
2. Région
de la Côte-
d'Or. — Une
des usines
les plus an-
ciennes de
la Côte-d'Or
est celle de
M. Landry à
Venarey-les-
Laumes.
L'exploita-
tion de la
carrière est
conduile de
la même fa-
con que dans
Vassy; les
* bancs utili-
- sables sont
au nombre
deseize; leur
épai Fi an ci N re d'arrivé s aéri à >orte-de-France, montrant le
épaisseur est Fig. 18.— P) ofil de la gare d'arrivée des bennes aériennes à la Po ë g ss LS nc
déchargement des pierres à ciment dans les cheminées de descente.
en moyenne
de 0,30 à 0®,40, la teneur en argile varie de 25 à
30 °/,. La pierre s'extrait à la pince ou à la mine;
elle est assez tendre dans les bancs supérieurs et
dure dans les bancs inférieurs; après un certain
temps de séjour à l'air, elle s’effrite et finit par se
réduire en petit fragments, La cuisson s'opère dans
des fours continus ordinaires, sans cheminée; pour
la mouture, on emploie des meules. L'usine de
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
Venarey produit 8.000 à 10.000 tonnes par an.
M. Journault a élabli, il y a peu de temps, une
usine à Marigny-le-Cahouët; cette usine est bien
outillée et dispose d'une force motrice assez con-
sidérable: elle est éclairée à la lumière électrique :
Sa produc-
lion est de
6.000 à8.000
lonnes et
Pourrait
êlre facile-
ment aug-
mentée,
Les usines
Tripier, si-
luées à Ve-
narey el
dans les en-
vIrons. pro-
duisent
10.000 à
15.000 ton-
nes.
A Pouilly.
l'usine Dé-
lang . fabri-
que environ
6.000 tonnes
par an.
3. Région
de l'Isère. —
La fabrica-
lion du ci-
ment nalu-
rel a pris
dans l'Isère
une impor-
tance consi-
dérable ;
c'est une
des indus-
tries les plus
prospèresde
ce départe-
ment.
Les prin-
cipales usi-
nes sont groupées autour deGrenobledans un rayon
de 40 kilomètres; elles sont au nombre de sept:
Grenoble (Porte-de-France), Seyssins, Voreppe,
St-Laurent-du-Pont, Vif, Valbonnais,St-Ismier.
La Société Delune et Ci°, qui exploite les produits
réunis des maisons Dumollard et Viallet, Carrière
et C°, Dupuy de Bordes et C*°, sous le nom de
Société Générale et Unique des Ciments de la
7:
322
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
Porte-de-France, est la plus importante de toute
la région: elle produit, en effet, à elle seule, à peu
près autant que toutes les autres usines réunies.
Le gisement de la Porte-de-France a été décou-
vert en 1842 par le capitaine du génie Breton; il
appartient au lerrain néocomien. Remarquable par
son homogénéité et sa constance de composition, ce
gisement présente dès difficultés d'exploitation
assez sérieuses: la Société Delune et Ci° a réussi à
les vainere cependant, grâce à des procédés très
ingénieux. L'un des plus intéressants, qui à déjà
élé décrit plusieurs fois, est le câble de 600 mètres
de portée qui permet de descendre le calcaire du
mont Jalla à l'usine. (Fig. 17, 18, 19.)
Comme au Teil, les usines Delune et Ci‘ doivent
aux carrières qu'elles exploitent leur réputation et
leur prospérité. Le ciment prompt de la Porte-de-
France est, en effet, très supérieur à tous les au-.
tres produits similaires, el, pour cerlains travaux,
son emploi se recommande d'une manière exclu-
sive : aussi est-il connu non seulement en France,
mais à l'étranger, et les ouvrages exécutés avec
ces ciments sont innombrables. La Société Delune
exécute elle-même des travaux, et elle a su tirer
un excellent parti des qualités remarquables de
ses produits, notamment pour les canalisations
d'eaux libres ou sous pression, les pierres factices,
le cimentage des rues, etc...
Outre le ciment prompt, la Société Delune fa-
brique du ciment demi-lent, du ciment Portland
naturel, et du ciment artificiel.
La fabricalion des ciments naturels de l'Isère ne
diffère pas de celle qui est usitée généralement ; le
calcaire est cuit dans des fours coulants, et la
moulure s'opère à l'aide de concasseurs et de
meules; dans quelques usines, on emploie le
broyeur à boulets système Morel. À la sortie des
fours, le ciment est trié soigneusement; les mor-
ceaux vilrifiés forment le ciment à prise lente et
demi-lente ; ceux qui n'ont pas atteint un commen-
cement de ramollissement sont mis de côté pour
la fabrication du ciment prompt : leciment à prise
lente et à prise demi-lente est conservé en silos
pendant plusieurs semaines; le ciment prompt ne
doit pas être mis nécessairement en silos et s'ex-
pédie souvent immédiatement.
Les usines Thorrand et Ci, à Voreppe, datent
de 4874; l'exploitation des calcaires, qui terminent
la série jurassique, se fait en galerie. MM. Thorrand
et C° fabriquent des ciments naturels à prise
prompte, demi-lente et lente; ils produisent égale-
ment une cerlaine quantité de ciment artificiel.
La Société Vicat et C, dont nous avons déjà
parlé, a ouvert en 1876, à Saint-Laurent-du-Pont,
près de la Grande-Chartreuse, une exploitation de
ciment naturel dans le lerrain néocomien; elle
produit dans cetle usine des ciments à prise
prompte et à prise lente. En 4869, la mème Sociélé
avait élabli une usine à Uriage, près Grenoble,
dans laquelle elle fabrique du ciment naturel à
prise rapide. L’extraclion se fait à ciel ouvert,
tandis qu'à Saint-Laurent-du-Pont elle s'opère en
galeries; les terrains d'Uriage appartiennent au
Lias.
La Société Guingat et C* exploile de nombreuses
carrières dans la région de Grenoble, à Vif, à Com-
boire, Claix, Crolles, Siéroz.
A Vif,se trouvent encore des carrières exploilées
par l'usine Berthelot.
L'usine de MM. Pelloux el C*, à Valbonnais,
date de 1869; la pierre appartient au Lias et s’ex-
ploite en galeries.
La Société Générale du Portland-laitier possède
les carrières de Saint-Ismier, découvertes en 1853,
et appartenant au terrain oxfordien. L'extraction
se fait par galeries.
On estime à 180.000 tonnes la quantité de ci-
ment fabriquée par les usines de l'Isère. Ces
ciments avaient un imporlant débouché en Italie
+
PPT UT
et en Suisse, mais la vente à l'exportation a di- =
minué depuis l'élévation des droits de douane et
la création d'usines dans ces contrées. La plus
grande partie des ciments de l'Isère est employée
en France même, principalement dans les dépar-
tements du Sud, du Sud-Est et du Centre.
4. Régionde Marseille.— L'industrie des ciments à
été créée dans les Bouches-du-Rhône par M. H. de
Villeneuve, ingénieur des Mines, qui, sur les indi-
cations de Vicat, produisit le premier le ciment
de Roquefort. Bien que les usines actuelles soient
toutes à la Bédoule, les produits qu’elles fabri-
quent en grande partie ont conservé le nom de
Ciment de Roquefort.
C’est encore à M. de Villeneuve que l'on doit la
découverte du ciment de la Valentine, en 1853; ce
ciment, fabriqué avec des calcaires argileux du
crélacé supérieur, qui se trouvent sur tout le bassin
d'exploitation du lignite de Valdonne, est à prise
demi-lente; l'extraction des pierres se fait en ga-
leries. Ces ciments sont fabriquésactuellement par
la Société À. Armand et C*, qui possède quatorze
fours coulants et produit 30.000 tonnes par an.
La plus importante des usines de la Bédoule est
celle de MM. Romain-Boyer et C! (fig. 20, page 324);
située au pied d’une colline élevée, cette usine a
élé disposée très heureusement en vue d'une
exploitation rationnelle et économique; la coupe
des terrains et celle de l'usine, que nous devons à
l'obligeance de M. Romain-Boyer, permettent de
se rendre compte très facilement des diverses
phases de la fabrication (fig. 21, page 325).
L
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 323
Les couches exploitées, au nombre de sept, ont
des épaisseurs comprises entre 11 à 68 mètres;
leur composition est très variable et, par un choix
judicieux et un contrôle constant, on peut ainsi
trouver dans ces calcaires les éléments de la fabri-
cation du ci-
ment prompt,
du ciment de-
mi-lent, du
Portland na-
turel et de la
chaux hy-
draulique.
Enfin, en mé-
langeant les
produits de
certaines cou-
ches, on peut
fabriquer du
ciment arli-
ficiel de très
bonne £ qua-
lité.
La fabrica-
lion des ci-
ments natu-
rels nc pré-
sente rien de
particulier :
le ciment
Portland ar-
Lificiel est pré-
paré par voie
sèche ; les
calcaires sont
séchés, puis
réduits en
poudre fine et
mélangés en
même temps
intimement
en proportion
convenable.
La poudre est
mise en bri-
ques compri-
mées forte-
ment ; celles-
ci, après avoir été desséchées à l'air, sont cuites
dans des fours ordinaires intermittents; la suite
de la fabrication s'opère comme dans les autres
usines. — La production la plus importante est
celle du ciment prompt.
MM. Romain-Bover et C° fabriquent en totalité
10.000 tonnes de produits par an.
Les usines de MM. Rastoin frères, situées à la
Fig. 19. — Vue générale du système des cäbles métalliques tendus du sommet du mont
Jalla (Isère) au débarcadère des pierres à ciment à la Porte-de-France.
Bédoule égalenient, produisent environ 20.000
tonnes, dont 12.000 tonnes de ciment dit de Ro-
quefort. Les ciments sont analogues à ceux dont
nous avons parlé plus haut; l'extraction se fait
aussi à ciel ouvert. Ces usines possèdent 13 fours
coulants à
feu continu
et douze pai-
res de meu-
Les pro-
duits des usi-
nes de Mar-
seille sont
destinés
presque ex-
clusivement
à l’exporta-
tion. Le ci-
ment de Ro-
quefort se
vend à très
bas prix par
suite du peu
de frais que
nécessile sa
fabricat lt Mn ;
l'extraction
des pierres
est très faci-
le ; la cuis-
son est mo-
dérée, et la
mouture de
ces roches
tendres et
spongieuses
est des plus
simples.Aus-
si, ce ciment
trouve-t-il
un débouché
facile dans
les pays où
le bon mar-
ché est sur-
tout appré-
cié ; depuis
quelque Lemps on peut constater une tendance au
développement de la fabrication du ciment arti-
ficiel ; déjà nous avons fait voir que MM. Romain
Boyer et Ci° produisent ce ciment avec suc-
cès. L'usine en construelion de MM. Vical et
Armand à Valdonne, dont nous avons parlé égale-
ment,viendra augmenter encore,dans une propor-
tion importante, la fabrication de ce ciment; enlin,
1 U9 JIN9 JUOUTO
324 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
ooo!'r
ND 97792
Z
d'autres usines, qui n'avaient produit jusqu’à pré-
sent que des ciments naturels;ont aussi l'intention
de fabriquer du Portland artificiel. La région de
Marseille parait ainsi destinée à devenir, dans
quelques années,un centre très important de fabri-
cation des ciment{s naturels et artificiels.
5. Regions du Lot, de Lot-et-Garonne et de la Dor-
done. — Après les trois régions dont nous venons
de parler, on ne trouve plus d'exploitations impor-
tantes de ciments nalurels que dans le Sud-Ouest:
dans les départements du Lot, du Lot-et-Garonne
et de la Dordogne. Les usines sont assez nom-
breuses: il en existe à Cahors, à Castelfranc, à
Libos, où 4 usines produisent environ 8.000 tonnes
de chaux et de ciment par an. Les plus importantes
sont celles d’Allas-de-Berbiguières (Dordogne et
de Sauveterre-la-Lémanse (Lot-et-Garonne). A
Allas, on produit uniquement du ciment naturel à
prise prompte et à prise lente: la production
atteint 14.000 {onnes par an.
A Sauveterre, il existe cinq usines qui fabriquent
de la chaux et du ciment à prise lente. D'après
M. Gipoulou, qui a bien voulu nous donner des
renseignements sur ces usines el qui est fabricant
lui-même, la production est de 20.000 tonnes de
chaux et de 5.000 tonnes de ciment.
Les calcaires appartiennent à la formalion juras-
sique ; ils sont un peu magnésiens el assez riches
en alumine. Les produils sont généralement esti-
més, ils s'emploient exclusivement dans la région.
VI. — ESSAIS DES CHAUX ET CIMENTS
A la suite des indications générales que nous
avons données sur la fabrication des chaux et des
_ciments, il nous parait utile de dire quelques mots
des essais qui servent à contrôler la qualité des
produits soit à l'usine, soit sur les chantiers.
Les essais exéculés couramment sontlessuivants:
détermination de la prise, de la densilé apparente,
de la finesse de mouture, de la résistance à la
{raclion. Quand on veut se livrer à un examen plus.
approfondi, on a recours à l'analyse chimique, à
l'essai de l’invariabilité du volume, à la délermi-
nalion du poids spécilique, de la résistance à la
compression, à la flexion, etc.
L'essai de prise est indispensable pour les chaux,
et, très souvent, on n'en fait pas d'autre sur ces
produits, bien qu'à lui seul il soit insuffisant pour
permettre d'apprécier leur valeur : il est également
très utile pour les ciments à prise rapide ; en ce
qui concerne les ciments à prise lente, on lui de-
mande seulement une indicalion sur la manière
dont se comportera le mortier au moment de son
emploi sur le chantier. L'expérience se fait à laide
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET
de l'aiguille Vicat, qui est composée essentielle-
ment d’une tige cylindrique, dont la base, limée
carrément, présente une surface de 1 millimètre
4 nr
- carré et dont le poids Llotal est de 300 grammes. 3 à ÉRÈE
| On est convenu d'admettre que la prise commence ÿ 3 IS let
. à se produire quand l'aiguille ne peut plus traver- 1 à ra]
- ser complètement la pâte de chaux ou de ciment, JS | Ÿ È
et qu'elle est complète, quand l'aiguille ne peut DE ù)
à plus pénétrer d'une manière appréciable dans cette ÿ | à [Ès
. pâte. Pour faire l'essai, on gâche à consistance | È TES
; plastique la chaux ou le ciment et on introduit la là à) ÿ
. pâte dans un récipient cylindrique de 0",08 de dia- ESS
; mètre et de 0%,04 de hauteur. Ce récipient est con- 1 | 8 TE
- servé dans l’eau quand il s’agit des chaux et à A RETIRE
. l'air si l’on essaie des ciments. APRES
-
Les chaux font prise en 24 à 48 heures ou même
. davantage selon qu’elles sont plus ou moinshydrau-
_ liques. Les ciments Portland prennent dans un
temps qui varie entre une heure et six à huit
heures; la prise des ciments prompts est de 3 à
10 minutes.
L’essai de la densité apparente consiste à dé-
terminer le poids d’un litre du produit en poudre.
- Celui-ci est introduit dans la mesure à l’aide d’un
_ entonnoir muni d’un tamis qui permet à la poudre
- de tomber lentement et d’une manière uniforme
- sans qu'elle puisse se tasser. Cel essai est utile
- pour les chaux: il l’est moins pour les ciments, et,
- dans tous les cas, il n’a de valeur que si l’on cen-
- naît la finesse de mouture du produit examiné,
- celle-ci ayant une très grande influence sur la
densité apparente.
- La finesse de mouture se détermine en faisant
passer l’agglomérant à travers trois tamis ayant
. respectivement 324, 900 et 4.900 mailles par centi-
- mètre carré; pour les chaux on remplace ce der-
»nier tamis par un tamis de 2.025 mailles par
- centimètre carré. La finesse de la poudre est con-
sidérée comme satisfaisante quand il ne reste
aucun résidu sur le tamis de 324 mailles; les chaux
ne laissent généralement que 2 à 3 °/, sur le tamis
de 900 mailles et 15 à20°/, sur celui de 2.025 mailles.
Les ciments ne sont pas aussi fins ; le résidu sur le
lamis de 900 mailles atteint 5 à 6 °/, et 25 à 30 °/,
sur celui de 4.900 mailles. Il faut faire une excep-
po pour les ciments de laitier, qui sont extrême-
- ment fins et ne laissent parfois que 10 °/, de ré-
. sidu sur le {amis de 4.900 mailles.
… Les essais de résistance se font sur les produits
— gächés en pâte pure ou sur des mortiers composés
- d'une partie d'agglomérant pour trois de sable
- normal, en poids. On place la pâte dans des moules
— en forme de 8; quand elle a fait prise, on la retire
- des moules et on conserve dans l’eau les briquettes
ainsi formées. Au bout de sept jours, on fait un
premier essai en rompant, à l’aide d'un appareil
Raprin
2,000
1aà
dde
Zrhelle «de
1 2 pubés ns tS er S
Marta viclatson des couches
DES CIMENTS EN FRANCE 395
|
| 9465|
us de
osilion et la composilion des gisements utilisés pour la fabrication des cm
p
la région de Marseille.
montrant la dis
1, — Coupe des lerrains exploites par l'Usine Romain-Boyer el Cie,
Lo]
326 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
spécial une série de briquettes; le deuxième essai
se fait après vingt-huit jours. Quelquefois on com-
mence à rompre des briquettes deux jours après
leur fabrication!
Le sable normal employé pour la confection des
mortiers est un sable spécial dont les grains fins
ont été éliminés par un tamis de 144 mailles par
centimètre carré et les gros grains par un lamis
de 64 mailles par centimètre carré: on oblient
ainsi un sable bien calibré et très régulier.
Les essais de résistance à la traction ne deman-
dent qu'un matériel très simple et peu coûleux el
peuvent être faits partout. Il n'en est pas de même
des essais à la compression, qui nécessitent l'em-
ploi d'appareils encombrants et d’un prix très
TABLEAU
altéralion etaucun changement de forme, on con-
sidère que le produit essayé ne contient pas de
malière susceptible de déterminer de gonflement :
son volume est invariable.
Les gonflements sont accélérés et augmentés
considérablement par l’action de la chaleur ; aussi
a-l-on songé depuis longtemps à maintenir les
éprouvettes dans l’eau bouillante pour déceler
plus rapidement la présence de la chaux libre. Ge
procédé, préconisé par M. H. Le Chatelier, est loin
d'être admis généralement: les fabricants y voient
de nombreux inconvénients et ne le considèrent
pas comme concluant: bien des raisons pour el
contre ontélé données, el il est encore assez diffi-
cite actuellement de se prononcer sur la valeur de
III, — Résistance des Chaux et Ciments.
RÉSISTANCE PAR CENTIMÈTRE
= > —
Traction
CARRÉ
Compression
PATE PURE
en Sn
1 jours | 28 jours
— —
k. K.
Chaux hydraulique... ..:...:......... 2: 5.0
Ciment naturel (prompt) ............ UE 12.0 18.0
Cinentrarifciel ANSE RES EEE 28.0 38 0
MORTIER 1 : 3 PATE PURE MORTIER 1: 3
.
Tjours | 28 jours || 7 jours | 28 jours | 7 jours | 28 jours
K. k. Ko k. k. k.
2.0 5.0 30.0 40.0 40.0 60.0
8.0 12.0 100.0 150.0 80.0 120,0
15.0 20.0 300.0 450.0 180.0 250.0
élevé ; aussi sont-ils exécutés seulement dans des
laboratoires possédant un outillage complet. On
crase Lantôt les briquettes qui ont été utilisées
pour les essais à la traction ou bien des cubes de
#0 centimètres carrés de surface.
Les résistances des divers produits hydrauliques
sont très variables: le tableau II ci-dessus indique
les résultats que l’on peut obtenir avec des chaux
ou des ciments de bonne qualité.
Il est très important de savoir si le produit à
employer ne gonfle pas après avoir fait prise; ce
défaut très grave, dû à la présence, dans la chaux
ou le ciment, de chaux non combinée et anhydre et
provenant soit d'une extinction incomplète, soit
d'un mauvais dosage, est presque loujours la
cause des accidents qui se produisent dans les
maçonneries, souvent très longtemps après leur
confection.
L'essai destiné à renseigner sur ce point s'appelle
essai d'invariabilité de volume où essui de déformation :
il s'exécute de diverses facons: le procédé le
plus employé consiste à faire des galettes de
pale pure qui sont conservées sous l’eau: si,
après 28 jours, ces galettes ne présentent aucune
) Par suite de leur forme, les briquettes se rompent tou-
jours : à l'endroit où leur section est la De petite; celle-ci
est exactement de cinq centimètres carrés
cet essai; il est à remarquer, d’ailleurs, qu'il n'a
été adopté dans aucun pays jusqu’à présent.
On peut reprocher aux essais que nous venons
d'exposer brièvement de manquer de précision et
de fournir des éléments de comparaison plutôt
que des données positives. À part quelques es-
sais, tels que la détermination de la finesse de
mouture, du poids spécifique, l'analyse chimique,
dont les résultats ne dépendent pas de l’habilité
de l'opérateur, le tour de main joue trop souvent
un rôle important, el c'est un inconvénient très
sérieux, car les chiffres trouvés diffèrent souvent
considérablement d’un laboratoire à un autre. La
Commission d'Unification des Méthodes d’Essai des
Matériaux de Construstion, instituée par le Ministre
des Travaux publics, a décrit minutieusement la
manière d'exécuter les essais; indications
seront très utiles et conduiront à une plus grande
régularité et à une interprétation plus facile et
plus juste des expériences sur les chaux et les
ciments. Il est certainement à souhaiter que l’on
trouve un procédé qui puisse donner sur la valeur
des produits hydrauliques des renseignements
précis et indiscutables; il y aurait aussi avantage
à restreindre le nombre des essais, car aujourd'hui
on ne peul arriver à se faire une opinion sur la
qualité d’un produit qu’en réunissant les résultats
ses
de plusieurs essais et en les comparant entre eux.
- Cependant, malgré toutes leurs imperfections,
PNEU
les moyens de contrôle que l’on possède actuelle-
ment peuvent rendre de grands services aux fa-
bricants, en leur permettant d'assurer la régularité
de leurs produits et, à ce titre, ils doivent s’atta-
cher à les suivre et à les appliquer avec méthode.
VII. — CONSIDÉRATIONS SUR LES CONDITIONS D'EXPLOI-
TATION DES USINES — COMPARAISON AVEC L'ÉTRANGER.
Par le rapide exposé que nous avons fail
des principales usines, et malgré des omissions
certainement très nombreuses, on aura pu se
rendre compte de l'importance de l’industrie des
chaux et des ciments. Nous avons à examiner
maintenant de quelle manière les usines sont diri-
gées et à rechercher si les fabricants se préoccu-
pent des progrès à réaliser et s'inspirent des
recherches scientitiques faites sur leurs produits.
La fabrication des chaux élant très simple et une
usine pouvant se constituer à peu de’frais, il en ré-
sulle que, très souvent, l'expérience acquise par la
pratique, en dehors de toute connaissance tech-
nique, suflit pour diriger une usine de chaux quand
‘la production n'est pas très grande. Mais, dès que
l'installation prend une certaine extension, le
fabricant a besoin de posséder des connaissances
plus sérieuses; la nécessité de livrer des produils
réguliers, tout en opérant sur des masses considé-
rables, exige en même temps une grande expé-
rience et des connaissances techniques assez
étendues. La chaux, même lorsqu'elle est de qua-
lité supérieure, se vend à un prix très réduit; il
faut donc que l’iudustriel veille avec soin à éviter
les manœuvres inutiles, à exécuter les transforma-
Lions subies par le calcaire, depuis la carrière jus-
qu'à l’expédition de la chaux, avecle minimum de
. main-d'œuvre et avec des moyens simples et peu
coûteux; il doit être, en outre, chimiste, pour pou-
voir suivre la composition de la carrière et expéri-
menter les produits fabriqués, et mécanicien, pour
entretenir el perfectionner son outillage.
Les fabriques de ciment naturel se trouvent à
peu près dans les mêmes conditions que les usines
de chaux, avec cette différence que l'exploitalion
des carrières est généralement plus difficile et doit
être suivie de plus près; les installations méca-
niques sont également un peu plus compliquées.
Dans les usines de ciment artificiel les difficultés
Sont plus grandes : il faut un personnel plus nom-
breux, un outillage plus compliqué, une force
motrice beaucoup plus puissante: les mélanges
demandent des soins tout parliculiers, la cuisson
et la mouture également: des connaissances appro-
fondies de Chimie et de Mécanique sont ici indis-
pensables. Dans les grandes usines de chaux, la
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 327
direction est éclairée, et on ne néglige rien de ce
qui peut assurer une fabrication irréprochable: les
usines du Teil offrent à cet égard le meilleur
exemple que l'on puisse citer. Maisil existe encore
beaucoup trop d'usines où l'empirisme règne en
maitre et où les seulespréoccupations sont d'éviter
des dépenses de perfectionnements et d’arriver au
plus bas prix de revient possible, sans s'inquiéter
de la bonne qualilé des produits. ILest vrai de dire,
comme nous l’avons déjà fait remarquer, que les
chaux ont une valeur marchande très réduite, ne
laissant pas une grande marge aux bénéfices et
obligeant à réduire au strict nécessaire les frais de
personnel. Mais il suflirait que les fabricants, au
lieu de repousser systématiquement loute idée de
progrès, cherchassentäserendre compte desamélio-
rations qu'il leur serait possible de faire: celles-ci
sont en général très simples et, sauf dans le cas
d'installation tout à fait défectueuse, très faciles à
appliquer. L'exlinetion, par exemple, est de loutes
les opéralions celle qui demande le plus de soins et
qui, au contraire, est presque Loujours peu soignée.
Il y a longtemps que M. H. Le Chatelier a attiré
sur ce point l'attention des fabricants en signalant
les dangers d’une extinction imparfaile; à plusieurs
reprises, il a indiqué la méthode à suivre pour
améliorer cet élat de choses et fait voir que l’on
peut arriver à des résultats parfaits sans aug-
menter sensiblement les frais de fabricalion.
Les fabricants de ciment, surtout de ciment ar-
üficiel, ont fait depuis quelques années des efforts
très réels pour améliorer leurs usines et leurs pro-
duits; mais il y aurait beaucoup à faire encore de
ce côté; il y a surtout une tendance fâcheuse de
beaucoup de fabricants à lutter contre la concur-
rence à l’aide d'expédients plus ou imnoins heureux:
ils ne paraissent pas se rendre compte que la con-
fiance inspirée aux consommateurs par une fabri-
cation soignée et régulière est le plus sûr élément
de succès. C’est donc vers une perfeclion toujours
plus grande des produits fabriqués, tout en s’effor-
çant d’abaisser normalement le prix de revient,
que doivent tendre les fabricants qui se soucient
moins de réaliser des bénéfices immédiats, mais
éphémères, que d’assurer l'avenir deleur industrie.
Pour cela, des études patientes sont nécessaires; il
faut un personnel éclairé, se lenant au courant
des recherches scientifiques et des progrès tech-
niques de toutes sortes, réalisés soit en France,
soit à l'Etranger.
Aucun exemple ne justifie mieux cette manière
de voir et n’est plus concluant que l'extension prise
par l'industrie du ciment en Allemagne. Nous
avons dit que cette fabrication était encore peu
développée il y a vingt ans à peine, tandis qu'au-
jourd’hui il exisle en Allemagne plus de cent
328 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
usines produisant près de deux millions de tonnes
de ciment. Non seulement les usines se sont mul-
tipliées, mais leurs produits sont, en général, ex-
cellents, ei, sur plusieurs marchés d'exportation,
ils font prime et prennent la place des ciments an-
glais. Mais, danslesusines allemandes, le directeur
est toujours un spécialiste ayant des connaissances
techniques très étendues ; à côté de lui, même
dans les usines de moyenne importance, il y a un
chimiste ayant à sa disposition un laboratoire bien
outilié. Dans les grandes usines, on trouve, en
dehors du chimiste, des ingénieurs chargés spécia-
lement des fours, d’autres des appareils de mou-
ture : les contremaitres eux-mêmes sont instruits
et n'ont pas, comme dans beaucoup d'usines
françaises, un profond mépris pour lout ce qui est
science et théorie.
A côté de cette organisation puissante desusines,
l'Association des fabricants allemands vient centra-
liser, pour ainsi dire, les recherches, et, tous les
ans, des rapports sur les questions les plus inté-
ressantes, étudiées par divers fabricants, sont lus
à la réunion de l'Association. Ces travaux, mis
ainsi en commun, ont contribué beaucoup à la
prospérité de celte industrie et lui ont permis de
faire des progrès rapides.
En raison du grand nombre d'usines, il s'est créé
un personnel d'ingénieurs et de docteurs qui, à la
sortie de l'École ou de l'Université, ont étudié spé-
cialement la fabrication du ciment soit dans les
usines, soit chez les techniciens qui s'occupent
exclusivement de celte industrie et qui possèdent
des laboratoires d'essais et de recherches.
Si nous comparons aux usines allemandes les
usines anglaises, nous ferons encore davantage
ressortir la supériorité de la direction scientifique
sur la routine. En Angleterre, aucun progrès sé-
rieux n’a élé réalisé dans la fabrication du ciment:
quelques grandes usines ont bien fait des ten-
talives pour apporter des améliorations soit dans
les fours, soit dans les appareils de mouture; mais,
en ce qui concerne la qualité du produit fabriqué,
on s’en soucie fort peu, et l’on estime que le ci-
ment élait trouvé très bon il y a vingt ans et qu'il
n'y à aucune raison de chercher à faire mieux
maintenant. Aussi les fabricants déclarent-ils eux-
mêmes qu'ils n’ont pas besoin de laboratoire: au
lieu d’un essai chimique qui, en moins d'une heure,
leur donnerait un résulat précis, ils préfèrent re-
courir, quand ils doivent déterminer les propor-
tions des mélanges de craie et d'argile, à un essai
de fabrication à pelite échelle qui leur demande
huit jours. 11 n’est pas nécessaire de démontrer les
résullats funestes de pareils errements : la dépré-
cialion des ciments anglais en a été la conséquence;
l'importance des usines diminue, les prix s’avilis-
sent, les débouchés se ferment, et les usines alle-
mandesenlèventaux Anglais leürs meilleursclients.
Nous ne saurions trop insister sur ces exemples,
car ils sont de nature à éclairer les fabricants et à
leur faire voir nettement de quel côté ils doivent
diriger leurs efforts. Les guides, d’ailleurs, ne
manquent pas: les travaux si remarquables de
M. H. Le Chatelier ont donné, sur la constitution et
les propriétés des produits hydrauliques, des indi-
calions précises; les recherches poursuivies dans
les laboraloires de l'Administration des Ponts el
Chaussées peuvent fournir des renseignements très
uliles. Est-il nécessaire de rappeler que les décou-
vertes de Vicat ont eu pour point de départ des
essais de laboratoire? Des expériences exécutées
avec méthode et des déductions purement théo-
riques des phénomènes observés ont suffi pour
créer une grande industrie, et, er quelques années,
Vicat à pu obtenir un résultat que la pratique seule
pendant des siècles avait lé impuissante à laisser
même entrevoir.
La place est encore grande pour les perfection-
nements, bien des questions restent douteuses, et,
dans bien des cas, on en est réduit aux hypothèses:
des recherches sur la cuisson, la mouture, l'extine-
tion, l'influence du silotage, etc., peuvent conduire
à de nombreuses améliorations : la résistance des
mortiers à l'eau de mer, aux variations de tempé-
rature, les phénomènes de prise, la constance de
volume, sont aulant de sujets d’études présentant
le plus grand intérêt.
A côté des efforts que l’on est en droit de de-
mander aux industriels, il ne faut pas oublier que
tous ceux qui utilisent, dans les constructions, les
produits hydrauliques, doivent avoir sur les pro-
grès de la fabrication des chaux el des ciments une
influence non moins importante. Aiguillonnés sans
cesse par la concurrence, les fabricants peuvent
être entrainés à sacrifier la qualité de leurs pro-
duits à l'abaissement du prix de revient; il appar-
lient aux Ingénieurs des Ponts et Chaussées, des
Chemins de fer, aux Officiers du Génie, aux Archi-
tectes, de réagir contre ces tendances en exerçant
sur les livraisons un contrôle constant et éclairé.
Les conditions de réception, tout en ne soumettant
pas le fabricant à des exigences qui ne seraient
pas justifiées, doivent l'obliger à suivre de très
près sa fabrication. L'absence de contrôle laisse
le champ libre aux produits de qualité inférieure
qui, à la faveur du bas prix, envahissent le marché
et paralysent les fabricants soucieux de bien
faire. Si les fournitures sont surveillées attentive- e
ment, il en résulle une émulation salutaire entre
les usines concurrentes qui, sachant que leurs
efforts peuvent être appréciés, n'hésilent pas à
faire des sacrifices pour maintenir leur réputation.
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ee
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Ter
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Ce contrôle des produits fabriqués nécessite des
études sérieuses et ne peut être réellement efficace
que si les constructeurs ont la possibilité de
s'adresser à des laboratoires bien outillés et bien
dirigés. lei encore, c'est à l'Étranger que nous
devons chercher des exemples. En Allemagne, en
Suisse, en Autriche, en Russie, des laboratoires
officiels sont à la disposition des fabricants et des
ingénieurs ; tous les essais sur les produits hydrau-
liques peuvent y être exécutés; on y fait, en outre,
des recherches spéciales destinées à éclairer les
fabricants et les consommateurs. Le Lype le plus
parfait de ces laboratoires est celui de M. Tetmayer
à Zurich; c’est à lui que l’on doit en grande partie
le grand développement pris par la fabrication du
ciment en Suisse depuis une dizaine d'années.
En France, il.existe bien de nombreux labora-
toires établis principalement par des Ingénieurs
des Ponts et Chaussées qui ont eu à diriger de
grands chantiers; des recherches extrêmement
intéressantes y ont été faites, et les travaux de
MM. Alexandre à Dieppe, Coustolle à la Rochelle,
- Guérard à Marseille, pour n’en citer que quelques-
uns, ont élé d'une utilité incontestable. Les labo-
ratoires de Calais et celui de Boulogne, dirigé
actuellement par M. Feret, et créés par MM. Guil-
lain et Vétillart, ont donné à la fabrication du
- ciment dans le Boulonnais une impulsion décisive;
le cahier des charges type, élaboré par M. Guillain,
a eu sur cette industrie l’influence la plus heu-
reuse. Enfin, MM. Durand-Claye et Debray se sont
attachés à maintenir le laboratoire de l'École des
Ponts et Chaussées au niveau de tous les progrès
et à perfectionner sans cesse les procédés d'essais ”.
Nous devons encore mentionner le laboratoire de
la Ville de Paris, qui exerce un contrôle constant
sur les ciments et les chaux employés dans les
travaux de la Ville, et le laboratoire établi par le
Service du Génie militaire à Boulogne-sur-Mer.
be cs ne
PER Use
UE
LL
LL
Ai ads à ns
3 Mais tous ces laboratoires ne rendent pas les
14 mêmes services à l’industrie que ceux de Zurich,
à de Berlin ou de Vienne; ils sont, en effet, destinés
à éclairer les administrations qui les ont instilués,
et ils se trouvent fermés aux industriels qui,
généralement, ignorent les recherches que l'on y
fait et ne connaissent même pas toujours les résul-
Lats des essais exécutéssur leurs propres produits.
Un laboratoire central auquel tous les fabricants
pourraient avoir recours, soit pour demander des
conseils, ou enfin pour trancher des différends
dans la réception des livraisons, rendrait des ser-
vices considérables à l'industrie des chaux et des
ciment(s.
1 M. Debray a beaucoup contribué à faire connaitre l'état
; d'avancement de ces questions à l'étranger, notamment par
ses études sur les conférences de Dresde, Berlin et Munich, et
sur les laboratoires de Berlin et de Zurich.
F
PP RUSSE. PCR PR
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAUTLIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 329
On devrait évidemment demander le paiement
des essais, comme cela se pratique à l’Étranger;
mais les intéressés l’accepteraient d’autant plus
volontiers qu'ils se sentiraient ainsi plus à l’aise
pour s’adresser au laboratoire.
Le laboratoire de l'École des Ponts et Chaussées,
par l'autorité et la compétence de ses directeurs,
par l'oulillage très complet qu'il possède déjà et
par sa situation, est tout indiqué pour remplir ce
rôle de Station Centrale d'Essais, dont la création
serait certainement accueillie avec la plus grande
salisfaction.
S'il nous était permis de formuler un vœu à ce
sujet, nous l’adresserions à M. Guillain, qui a
rendu à l'industrie des chaux ei des ciments les
plus éminents services, el qui aurail ainsi un nou-
veau litre à la reconnaissance des fabricants.
Comme conséquence de l’instilution d’un Labora-
toire Central, on pourrait espérer que les fourni-
tures de ciment et de chaux seraient soumises à
un contrôle plus sérieux. Dans la plupart des
grands chantiers, les livraisons sont examinées
avec attention, et des cahiers des charges précis
indiquent les essais à exécuter: mais il est loin d’en
être ainsi dans une foule de constructions publi-
ques ou parliculières qui, sans avoir l'importance
des travaux des ports, par exemple, exigent cepen-
dant l'emploi de matériaux de bonne qualité.
Généralement, l'ingénieur ou l'architecte se con-
tentent d'imposer des produits dont la réputation
est bien établie, à l'exclusion de tous autres, ce
qui les dispense de tout examen; très souvent
même, on se borne à indiquer la provenance sans
indication de marques. Les inconvénients de pa-
reils procédés n'ont pas besoin d’être démontrés;
la renommée d'une usine, bien qu’elle constitue
une garantie, n’est pas suflisante pour négliger de
contrôler ses fournitures. D'autre part, des usines
plus récentes, mieux outillées et fabriquant dans
de meilleures conditions, peuvent se voir dans
l'impossibilité de placer leurs produits si l'on se
refuse à priori à les examiner, sous prétexte qu'ils
ne sont pas connus, et l’on paralyse ainsi la con-
currence, l'initiative et le progrès; enfin, des ci-
ments ou des chaux ne sont pas nécessairement
de bonne qualité s'ils proviennent d'une région où
il existe des usines réputées, et, si l’on soumettail
bien des produits acceptés comme bons à un
examen sérieux, on serait certainement frappé du
grand nombre de ceux qui devraient être consi-
dérés comme absolument défectueux.
Cet élat de choses ne pourra se modifier que le
jour où les produits hydrauliques seront mieux
connus; il faut reconnaitre, en effet, que bien peu
de directeurs de travaux ont des notions exactes,
mêmes sommaires, sur les chaux et les ciments, et
330 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
peuvent, par conséquent, apprécier leur valeur.
Quelques essais simples, mais suffisants dans bien
des cas, permettraient d'éliminer beaucoup de
produits de mauvaise qualité, et l'on verrait bientôt
la fabrication s'améliorer très sensiblement, sur-
tout pour les chaux, qui re sont, pour ainsi dire,
jamais soumises à la moindre épreuve. Ce résultat
serait atteint rapidement si, dans l’enseignement,
on attachait plus d'importance aux matériaux de
construction et si, dans les cours et dans les exa-
mens, Gn donnait une place plus grande aux pro-
duits hydrauliques, trop délaissés actuellement.
Dans ce qui précède, nous avons eu en vue sur-
tout les moyens propres à donner aux produits
fabriqués une plus grande perfection: il est évident
que cette préoccupalion, bien qu’elle doive con-
server la première place, ne fera pas négliger au
fabricant lout ce qui peut simplifier son outillage
et diminuer ses frais de fabrication. Dans cet ordre
d'idées les points sur lesquels des économies sont
à réaliser dans les usines actuelles sont : la main-
d'œuvre, le combustible et la mouture. La main-
d'œuvre sera d'autant plus réduite que l’on évitera
les transports inutiles, que l’on emploiera des ap-
pareils mécaniques, vis, courroies, élévateurs, etc.,
toutes les fois que cela sera possible; l'agence-
ment général de lusine a ici une importance capi-
tale. Il y aurait, en général, beaucoup d'amélio-
rations à faire dans la cuisson des chaux et des
ciments, et c’est sur les fours que les études peuvent
être surtout fructueuses. En Allemagne, cette
question à été l’objet de recherches approfondies
qui ont conduit à des résultats pratiques très inté-
ressants ; la consommation de combustible pour la
cuisson el le séchage, qui était de 409 à 500 kilos
par tonne de ciment, il y a quelques années, a été
réduite à 200 et 250 kilos; certaines usines même
ne dépensent que 160 à 180 kilos.
Les bénéfices à réaliser sur la mouture ne
peuvent pas être aussi élevés, car les procédés
actuellement employés sont assez perfectionnés,
au moins dans les grandes usines. Dans les fa-
briques de ciment, on utilise à peu près exclusi-
vement les meules: dans les usines de chaux, le
broyeur Morel est employé assez fréquemment
pour la mouture des grappiers. A l'étranger il y a
une tendance à supprimer les meules pour les
remplacer par des broyeurs à boulels, mais ceux-
ci sont encore très discutés.
VIIT. — CONDITIONS ÉCONOMIQUES.
4. Production, Débouchés el Concurrence étrangère.
— Le développement de la fabrication des chaux et
des ciments en France est dû principalement aux
grands travaux exécutés depuis une cinquantaine
d'années pour la construction des ports, des ca-
naux, des chemins de fer, ete. Les nombreux
gisements de pierres propres à la fabrication de
la chaux hydraulique, indiqués par Vicat, ont
permis de maintenir cette industrie constamment
en mesure de suflire à tous les besoins. Sauf dans
la région du Nord et du Nord-Est, aucune chaux
étrangère n'a été importée en France: les chaux
belges de Tournai sont employées dans les dépar-
tements du Nord et jusqu’à Paris et Rouen: fabri-
quées dans des conditions toutes particulières
permettant d'obtenir un prix de revient extrème-
ment réduit, ces chaux arrivent par canaux el se
vendent à très bon marché: les usines de la Marne
et de l'Aube ne peuvent pas lutter contre elles,
bien que leurs produits puissent être, bien sou-
vent, considérés comme supérieurs. 1{l est regrel-
table que, dans les grands travaux de l'État, tout
au moins, on continue à employer les chaux belges ;
il y aurait certainement une augmentation de
dépenses en réservant ces fournitures à l'industrie
française, mais elle serait largement compensée
par le surcroit d'activité donné à nos usines.
Si, dans le Nord, nous recevons de la chaux de
l'étranger, par contre, dans le Midi, nous en expor-
tons de grandes quantités. Les expéditions se font
principalement par les ports de Marseille et de
Cette. Les usines de celte région trouvent d'impor-
tants débouchés dans les colonies françaises, puis
en Orient, dans l'Amérique du Sud et jusqu’en
Australie.
Dans toute l'Europe, c’est la France qui produit
le plus de ciment naturel à prise rapide, et, pen-
dant longtemps, elle a eu pour ainsi dire le mono-
pole de cette fabrication; aussi, l'exportation de
ce ciment a-t-elle élé toujours assez aclive. Les
prineipaux débouchés étaient la Suisse el l'Italie,
l'Allemagne, puis l'Orient. Mais, depuis quelques
années, la Suisse et l'Italie produisent aussi des
ciments naturels, et, grâce à des droits excessifs,
mettent des obstacles sérieux à l'entrée des ci-
ments français; l'exportation n’a pas élé atteinte
encore très sérieusement, mais elle a diminué
dans des proportions assez sensibles, et il est à
prévoir qu'elle continuera à décroitre: le marché
d'Orient reste ouvert aux ciments de Marseille, qui
s'expédient aussi en Tunisie, en Égyple, dans
l'Amérique du Sud.
Ily a peu d'années que nous ne sommes plus
tributaires de l'étranger pour les fournitures de
ciment Portland. Jusqu'en 1880, on peut dire que
les usines anglaises fournissaient la plus grande
partie du ciment consommé en France. Ce fut seu-
lement en 4885 que, sur l’iniliative de M. Guillain,
les usines anglaises ne furent plus admises à sou-
missionner pour les travaux de l'État ; dès lors, les
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 331
usines françaises purent se développer et elles
prirent rapidement de l'extension. Les ciments
étrangers ont maintenant disparu à peu près com-
plètement et les ciments du Boulonnais com-
mencent às’exporler. Les débouchés sont toutefois
En ce qui concerne la concurrence étrangère sur
les marchés d'exportation, les usines françaises ne
se tronveraient pas, en général, dans des condi-
tions défavorables si les difficultés de transport ne
les mettaient trop souvent dans un état d’infériorilé
ANÇGLETERR
|
A]
fl
|
Hi]
ÉRA
RER HR CRUE RL O Chaux hydrauliques
=, =
LORS
À Anvers.
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Il
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Fig. 22. — Réparkhtion de l'Industrie des Chaux hydrauliques et des Ciments en France, avec indicalion de son impor-
tance relative suivant les régions. — Dans chaque cercle, le demi-millimêtre carré correspond à uné production annuelle
de 140.000 tonnes. (Sur cette carte est aussi représenté le système des canaux susceptibles de servir au transport).
assez restreints; les principaux sont maintenant
les colonies francaises et surtout l'Indo-Chine.
puis l'Espagne et le Portugal, l'Amérique du Sud.
Les Etats-Unis, qui importent chaque année près
de 500.000 tonnes de ciment Portland, reçoivent
très peu de ciments français : il y aurait là, pour
nos usines, un champ très vaste à exploiter; on
peut en dire autant pour le Canada.
manifeste. Les usines allemandes et belges bénéfi-
cient d'une main-d'œuvre un peu moins élevée et
de prix de charbon très bas, mais leur grand
avantage sur nous consiste surtout dans les faci-
lités qu’elles trouvent à l'expédition de leurs pro-
duits. Tarifs très réduits de chemin de fer vers les
ports, voies navigables bien outillées, ports fré-
quentés par de nombreux steamers de lignes régu-
332 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX
re AS Nr YU
HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
lières el par des voiliers ayant besoin de fret de
sortie, tout se trouve réuni, en Allemagne el en
Belgique, pour favoriser l'exportation.
En France, nous n'avons guère que le port de
Marseille qui permelte d'exporter dans des condi-
lions avantageuses ; les porls de la Manche et de
l'Océan sont de présenter les ressources
suffisantes pour que nous puissions lutter contre
les usines étrangères. Les grandes lignes françaises
loin
TABLEAU IV. — CHAUX. — Quantités de chaux
importées et exportées en 1891.
IMPORTATIONS
Pays de provenance
AT R A PO Se ee ee rise re A 25.073
Bélier mere me ee 2re 191.940
D'ISS CEA FR ever one 3.192
BILLES PAYS RC e Or EC TEE 106
220.851
EXPORTATIONS
Pays d'entrée
ANEMACT EE EE CE CE .569
Belrique se eee ee cceete .163
Portugal"
Espagne........
SUISSE eee
Grèce...
2)
AT
427
1951
=
l'O NE RS HE 00
Turquie ..… .128
Enyple tea A cree tee .080
MEXIQUO SERRE ST Tree .436
AUSÉDIE RME eee #1. 1IS
RUTISIE RE Eee eee ent ee cr TR ee .007
.910
.107
Ce
de navigation demandent des prix inabordables
et ne peuvent être utilisées que dans des cas par-
ticuliers ; il faut, presque toujours, s'adresser en
Angleterre pour avoir du fret par vapeur à des
TABLEAU V.— CHAUX. — Importations et Expor-
tations avec indication des points par où les
chaux sont entrées en France ou en sont sorties
(voir fig. 23).
Æ 1893 1894
POINTS
D'ENTRÉE ir D TES
OU DE SORTIE EXPOR- | IMPOR- || EXPOR- | IMPOR-
TATIONS | TATIONS||TATIONS | TATIONS
Hazebrouk à Charle-
VAL. ee ere ee 1.508
Longwy à Pontarlier. 8.35:
183.649
3| 54.522
1.365| 188.429
9.318] 59.071
Bellegarde à Modane.| 35.452 80]! 41.351 100
Nice à Perpignan...| 107.532 21] 115.708 13
3ayonne à Saint-Na-
LAALR, ; Aa cree Cie 1.654 28 3.085 »
Brest à Dunkerque... #60 413] 445 #42
|
LATAUX.. 7e. Grece 154.959! 238.730|| 171.272] 248.115
L
prix raisonnables ; mais les vapeurs doivent faire
escale dans les ports français et demandent des
suppléments de fret, que n'ont pas à payer les
usines anglaises. Dans les ports d'Anvers, de
Rotterdam, de Hambourg, outre les vapeurs des
lignes régulières, qui sont très "nombreuses, on
trouve de grandes quantités de voiliers qui ar-
Fig. 23. — Imporlalion el exportalion des Chaux en 1894. —
4 m/m correspond à 10.000 tonnes. (Les carrés les plus
foncés se rapportent à l'exportation.)
rivent de lous les points du monde et qui ac-
ceptent des frets extrèmement réduits,parce qu'ils
prennent le ciment comme lest. Les tableaux IV à
VIL, et les figures 23, 24 et 25 résument les mou-
vements des importations et des exportalions
depuis quelques années.
L'examen des chiffres de ces tableaux fait voir
que, si les importations de ciment diminuent légè-
rement, nos exportations diffèrent peu en 1894 el
en 1891; il y a une légère augmentation pour les
chaux. Mais le fait le plus frappant est la quantité
considérable de chaux importée en France, quan-
lité dont l'accroissement parail suivre chaque
année une marche constante. Ainsi, nous voyons
que, fabriquant moins de ciment que plusieurs
pays voisins, nous en exportons cependant autant
TABLEAU VI. — CIMENTS. — Importations et
Exportations avec indication des pays qui im-
portent leurs produits en France et de ceux qui
reçoivent nos ciments.
IMPORTATIONS
PAYS DE PROVENANCE Ain Se À
1891 1892 | 1893 | 4894
— | —— ——— —
tonnes | tonnes | tonnes | tonnes
Belgique .... ...... 14.072] 12.658| 10.548 »
ARPIETeRLO Re 7.845 3.472 3.492 »
Espagne...... are 1.535 895 768 »
SUISSBE Mere Crus » » 281 »
Aufres pays... 2.090 1.14 ae »
ODA UL Eu do Le 26.005| 18.1611 16.801! 1%.23à
PAYS D'ENTRÉE EXPORTATIONS
RUSSIE" deu 5.487 4.530 »
Allemagne...... 2 6.139 4.675 »
Portugal -...... da 9.586 4.281 »
Espagne...... 28-049) 32-918 »
Étahe "5-2: : 22.943 18. »
SUISSE... -: | NL 90) SU »
Roumanie... .. .. » 45 =};
Burquiescr. ON Po LE CO IE »
Egypte ...... Hire. » Ex »
BROSSE. PAT 6.1 »
AIDERIC Sr 00 2932056 |416: »
HUMISIE-.- 20 5.893 6° »
Indo-Chine ..... : » 5 »
ATITESINETS ee ere 38.411! 15.2 »
—
RONA Eee 181.413] 152.915] 174.848] 185.128
que de la chaux, dont la production est chez nous
beaucoup plus importante que dans aucune autre
TABLEAU VIL — CIMENTS. — Importations et
exportations avec indication des points par où
les eiments sont entrés en France ou en sont
sortis (Voir fig. 24 et 25).
- 1893 1894
POINTS
D'ENTRÉE Te MR
OU DE SORTIE EXPOR- | IMPOR- || EXPOR- | IMPOR-
TATIONS | TATIONS || TATIONS | TATIONS
——__——————— | | | | |
tonnes | tonnes || tonnes | tonnes
Hazebrouk à Charle-
VAUT NP à Re de out 1.472 | 10.546 6.612 | 10.320
Longwy à Pontarlier.| 6.906 383 7.569 295
Bellegarde à Modane.| 22,090 18 || 27.210 16
Nice, Marseille, Cette,
Perpignan........ 100.571! 203 |1116.2782 135
Bayonne à Saint-Na-
ACIE DO nte den 3.987 1.256 4.1%% 1.393
Brest à Dunkerque..| 39.8225%| 5.804 || 23.2481| 2.077
MOTAUX AS ARR l134.848 | 18.210 [185.121 | 14.234
1 Marseille, 86.276 tonnes.
2 Marseille, 103.101 tonnes.
# Boulogne, 36.617 tonnes,
4 Boulogne, 20.742 tonnes.
contrée, et, tandis que l'importalion du ciment est
très restreinte, celle de la chaux dépasse de beau-
E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE 333
coup l'exportation. Comme résultat économique
de cette situation, nous pouvons constater que,
d'après la statistique de 1891, la valeur des chaux
exportées s’est élevée à 3.171.495 francs, tandis
que nous en avons achelé à l'Étranger pour
6.294.285 francs; la même année, nous avions
vendu pour 8.708.995 francs de ciment à l'expor-
lation, et la valeur du ciment importé n'était que
de 1.248.336 francs. Ces chiffres doivent être à peu
près les mêmes en 189%; le commerce des ciments
Fig. 24, — Exportation de Ciments dans la région
du Pas-de-Calais.
parait donc être beaucoup plus prospère que celui
des chaux; toutefois, il faut remarquer que le
ciment exporté est, en très grande majorilé, du
ciment naturel à prise rapide, l’exportation tolale
Fig. 25, — Exporlalion des Ciments du Dauphiné et
de la Provence.
étant de 185.121 tonnes en 1894; les sorties par les
ports de Marseille et de Cette sont, à elles seules,
en effet, de 110.901 tonnes; or celle région pro-
duit très peu de ciment Portland: celui-ci s'exporte
à peu près uniquement par le port de Boulogne, et
on voit que les sorties par ce port n'ont jamais
alteint 40.000 tonnes par an.
La stalistique des importalions et des exporla-
lions donne des indications intéressantes sur les
résultats du nouveau régime douanier; si l'impor-
lation du ciment diminue depuis 1891, les drails
de douane y sont pour peu de chose; l’abaissement
des prix de vente éloigne beaucoup plus les ci-
ments étrangers. Par contre, ces droils n'ont eu
aucune influence sur l'importation considérable
334 E. CANDLOT — INDUSTRIE DES CHAUX HYDRAULIQUES ET DES CIMENTS EN FRANCE
des chaux belges en France; la conclusion serait
donc que les droits devraient être augmentés sur
les chaux; mais peut-être serait-il préférable de
renoncer à toute protection et de chercher à ob-
tenir la diminution des droits qui frappent nos
produits à leur entrée dans certains pays el qui
sont, pour n'en citer que quelques-uns, de 20 francs
par tonne en Russie, de 12 francs en Ilalie, de
7 francs en Suisse. On pourrait donner ainsi à
notre commerce d’exporlation une plus grande
extension et favoriser d’une manière certaine le
développement de cetlte branche de l’industrie
nationale.
La nécessité pour nos fabricants de rechercher
des débouchés à l’exportation commence d'ailleurs
à se faire sentir; l'excès de production a déterminé
dans certaines régions un abaissement très sen-
sible du prix de vente. Il y a quinze ans à peine, la
chaux se vendait 20 à 30 francs à l'usine, et le
ciment Portland 50 francs la Lonne. Aujourd'hui,
les prix des chaux les plus estimées varient de
12 à 15 francs à l'usine, et les ciments Portland
valent 30 à 35 francs. Les ciments naturels se ven-
dent 15 à 20 francs dans la région de Vassy, et
25 à 30 france dans l'Isère. On conçoil d’ailleurs
que celte industrie soit soumise à des fluctuations
nombreuses, la consommalion étant très variable
selon qu'il y a pénurie de travaux ou que plusieurs
grands chantiers viennent à s'ouvrir. L’exportalion
serait le régulateur qui permettrait l'écoulement
des produits pendant les années de crise en évi-
tant l’avilissement des prix.
2. Voies de transport. — Les transports des ci-
ments et des chaux se font généralement par la
voie ferrée. Les usines du Boulonnais et de l'Isère
ne peuvent pas uliliser les canaux ; par contre, les
ciments de Boulogne s'expédient par mer sur
toutes les côtes de l'Océan et de la Manche à des
prix très réduits.
Les transports par eau sont employés surtout
par les usines du Teil, celles de Beffes, de l'Aube,
de la Marne; par les usines de ciment de Vassy,
de Pouilly, par celles de Frangey et de Pont-à-Ven-
din (voir la carte, fig. 22).
Il existe peu d'usines utilisant l'eau comme
force motrice, presque toutes se servent de mo-
Leurs à vapeur. Les combustibles employés, aussi
bien pour les machines que pour la cuisson, sont
en très grande majorité de provenance française.
Autrefois, les usines du Boulonnais s’approvision-
naient en parlie en Angleterre el en Belgique:
mais, depuis quelques années, grâce aux réduc-
lions de prix des tarifs de chemin de fer, les
mines du Pas-du-Calais fournissent à peu près
xclusivement les usines du Boulonnais.
Le combustible employé pour la cuisson est le
coke ou le charbon maigre. On peut estimer à
300.000 tonnes au moins la quantité de combus-
tible consommée par les fabriques de chaux el de
ciment.
3. — Situation des Ouvriers. — Les ouvriers em-
ployés dans les usines de chaux et de ciments
sont, en majorité, des manœuvres; les ouvriers
spéciaux sont peu nombreux : quelques chefs cui-
seurs et quelques meuniers suflisent, même dans
les usines très imporlantes. Bien que les ouvriers
soient exposés presque constamment à la pous-
sière, ils n'en sont pas très incommodés ; la pous-
sière de chaux présente cependant quelques incon-
vénients el tous les ouvriers n’y résistent pas très
bien. La poussière de ciment ne paraît avoir au-
cune influence sur la santé des ouvriers et, dans
cerlaines usines, ou en voil qui depuis vingt ou
trente ans passent toute la journée dans une al-
mosphère saturée de poussière, et ne s'en ressen-
tent nullement. ,
Il serait avantageux, surtout dans les fabriques
de chaux, de débarrasser les ateliers de la pous-
sière ; le bien-être des ouvriers doit être recherché
non seulement dans un but humanitaire, mais
dans l'intérêt même du travail produit, qui est
plus considérable si l’ouvrier se trouve dans de
bonnes conditions hygiéniques. En Allemagne, les
usines sont toujours pourvues de ventilateurs qui
enlèvent les poussières.
Dans toutes les usines les ouvriers sont assurés
contre les accidents,soit par le fabricant lui-même,
soit par des compagnies. Aux usines du Teil on
s'est préoccupé depuis longtemps d'améliorer les
conditions matérielles et morales des ouvriers et
diverses inslitutions de prévoyance ont été créées.
La sollicitude de MM. Pavin de Lafarge pour leur
personnel à eu les plus heureux résultats et il est à
désirer que cet exemple soit suivi par toutes les
grandes usines, dans lesquelles on devrait s'inté-
resser davantage aux ouvriers en multipliant les
mesures qui peuvent les mettre à l'abri des chô-
mages. Les ouvriers sont d’aulant plus dignes
d'intérêt qu'ils sont presque tous dociles el assidus
au travail ;les grèves sont extrêmement rares dans
les fabriques de chaux et de ciment.
L'étude que nous venons de faire sur l'état de la
fabrication des chaux et des ciments en France est,
nous le craignons, bien incomplète ; nous espérons
cependant avoir fait voir que cette industrie, par
le nombreux personnel qu’elle occupe, par Îles
malières premières qu'elle met en œuvre, par ses
transaélions, contribue dans une large part à la
prospérilé nationale. Auxiliaire des ingénieurs
D' P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME 335
qui, depuis le commencement de ce siècle, ont
exécuté tant de travaux remarquables,son histoire
est liée au développement de nos ports, de nos
canaux, de nos chemins de fer ; par les services
qu'elle a ainsi rendus, par la valeur qu’elle donne
aux produits de notre sol, par son origine, c’est une
industrie essentiellement française. Elle a encore
bien des progrès à réaliser, el nous y avons insisté
longuement ; il est permis cependant d’espérer
que, dans un avenir prochain, elle pourra être com-
parée , comme précision el perfection , à nos
grandes industries métallurgiques et chimiques.
Mais la marche en avant ne peut se maintenir
que si les débouchés restent assurés, et si la lutte
sur le terrain économique ne vient pas retarder
des perfecltionnements qui ne sont possibles que
dans les périodes de prospérité. Les fabricants
doivent, avant tout, compter sur leur initiative et
leurs efforts pour ne pas laisser péricliler leurs
usines ; il n’est pas toutefois inutile de demander
aux pouvoirs publics de leur venir en aide en ac-
tivant l'ouverture des grands chantiers et en faci-
litant tous les moyens propres à développer 1'ex-
porlation. E. Candlot.
Principaux ouvrages à consulter sur les chaux
hydrauliques et les ciments.
H. Le Cuarecter, — Recherches expérimentales sur
la constitution des produits hydrauliques. Annales des
Mines, mai-juin 1887.
H. Le CHaATELIER. — Procédés d’essais des maté-
riaux hydrauliques. Annales des Mines, septembre-
octobre 1893.
H. Le CaareLier. — Constitution chimique des Pro-
duits hydrauliques. Revue génér. des Sciences, janvier 94.
Catalogue des échantillons de matériaux de construc-
tion réunis par les soins du Ministère des Travaux pu-
blics (Exposition universelle de 1878).Paris, Dunod 1878.
A. GoBin. — Etude sur la fabrication des chaux hy-
drauliques dans le bassin du Rhône, Annales des Ponts
et Chaussées, octobre 1887.
A. GoBix. — Etude sur la fabrication et les proprié-
tés des ciments de l'Isère, Annales des Ponts et Chaus-
sées, juin 1889. |
Prost. — Note sur la fabrication et les propriétés des
ciments de laitier, Annales des Mines, juillet-août 1889.
CasranHEIRA pas NEvVES, — Estudos sobre cimentos
estrangeros imporlados em Portugal. Revista de obras
Publicas Minas, juillet-août 1894.
R. FÉREr. — Notes sur diverses expériences concer-
nant les ciments. Annales des Ponts et Chaussées,
mars 1890,
. R. FéRer. — Sur la compacité des mortiers hydrau-
liques. Annales des Ponts et Chaussées, juillet 1892.
CAMERMAN. — Les ciments Portland et les ciments
de laitier, Gand, A. Hoste, 1892,
Duranp-CLaye. — Chimie appliquée à l’art de l’ingé-
nieur. Paris, Baudry et Cie, 1885,
TurGAn. — Les grandes usines, Société J, et A. Pa-
vin de Lafarge, août 1889.
P. ALEXANDRE. — Recherches expérimentales sur les
mortiers hydrauliques. Annales des Ponts et Chaussées,
septembre 1890,
H. Boxxami. — Fabrication et contrôles des chaux
hydrauliques et des ciments. Paris, Gauthier-Villars et
fils, 1888.
E. Canpcor. — Ciments et chaux hydrauliques. Pa-
ris. Baudry et Cie, 1891. ;
P. DéBray. — Laboratoires de l'Ecole des Ponts et
Chaussées. Note sur leurs origines, leurs installations,
les appareils et méthodes d'essai employés et leurs
travaux. Paris, Imprimerie Nationale, 1891,
P. Degray. — Institut royal d'essais mécaniques
techniques de Berlin, Charlottenbourg. Rapport dressé
à l’aide de renseignements communiqués par M. le
Pr Martens, directeur de cet Institut, Paris, 1891,
P. Desray. — L'Institut fédéral Suisse d’essais sur les
matériaux. Rapport dressé à l’aide des documents et
des renseignements communiqués par M. le Pr Tet-
mayer, directeur de cet Institut. Paris, 14891.
P. DeBray. — Note sur les conférences tenues pour
l'unification des méthodes d'essais des matériaux de
construction à Munich, les 22, 23 et 27 septembre 1884,
à Dresde les 20 et 21 septembre 1886; à Berlin les 19
et 20 septembre 1890, Paris, 1891.
P, ALEXANDRE. — Commission des méthodes d’essai
des matériaux de construction. Rapport général sur les
matériaux autres que les métaux. Paris, Roths-
child, 1894. E. C.
LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
DE LA MARCHE DE L’il0MME
Un homme qui marche fait mouvoir ses jambes
de manière à placer alternativement ses pieds l'un
devant l’autre sur le sol.
Si l’on veut mettre quelque clarté dans une étude
sur la marche, il faut d'abord nettement définir ce
qu'on entend par pas, la marche, après tout, n'étant
qu'une succession de pas. Or, qu'est-ce qu'un pas?
Littré nous dit qu'un pas, c’est l’action de mettre
un pied l’un devant l’autre pour marcher. On dé-
signe aussi par pas, l'espace qui se trouve compris
d’un pied à l’autre quand on marche. Ainsi, dans
de langage ordinaire, un pas est constitué par la
série des mouvements qui se produisent entre le
déplacement d'un pied et celui de l’autre pied.
M. Marey a fait très justement remarquer qu'au
point de vue scienlifique, celte définition devait
être étendue, et qu'il fallait désigner par pas la
série des mouvements qui s'exécutent entre deux
positions semblables d'un même pied, de sorte que
le pas de M. Marey correspond à deux pas du lan-
gage ordinaire : c’est un double pas (fig. 1). J'accepte
la définition de M. Marey; mais je crois préférable
de conserver le nom de double pas, qui a l'avantage
de ne rien changer à la signification généralement
386 D' P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME
admise, et par suite ne saurait prêter à aucune
confusion.
Donc, c’est le double pas que nous devons con-
sidérer.
Le double pas est exécuté par chaque membre
non plus successivement, mais simultanément, de
manière que le double pas droit, par exemple,
empièle sur le double pas gauche de la moitié de
sa longueur ou d'un pas, et réciproquement
(fig. 1).
Il est nécessaire, pour la commodité de la des-
criplion, de distinguer plusieurs phases dans le
double pas :
Il est un moment où, les deux jambes étant
écartées à la manière d'un com-
pas, les deux pieds reposent à
la fois sur le sol, l’un par le
talon, l'autre par la pointe. C’est
la période de double appui (fig. 2).
Puis, le pied qui est en ar-
rière quitte le sol pour se por-
ter en avant. À ce moment le
corps ne repose plus que sur un
pied; c’est la période d'appui uni-
latéral. Gelte période est beau-
coup plus longue que la pre-
or
a —
la jambe portante est oblique en sens inverse,
c'est-à-dire en haut et en avant, et la jambe oscil- ,
lante est antérieure.
Ainsi done, ces diverses phases du double pas se
succèdent dans l'ordre suivant (fig, 2) :
1° Période du double appui;
2° Pas postérieur ;
° Moment dé la verticale; |
° Pas antérieur ;
Période
de
l'appui unilatéral.
co
rs
Ces distinctions nous seront d'un grand secours
dans les descriptions qui vont suivre.
Nous éludierons successivementles mouvements
des membres inférieurs, du torse et des membres
supérieurs,
I — MOUVEMENTS DES
INFÉRIEURS.
MEMBRES
1° Période du double appui. —
Pendant cette période, les deux
pieds portent à la fois sur le sol,
mais ils ne le touchent jamais
de toute leur longueur en même
temps. On peut même dire qu'il
est fort rare qu'un seul pied pose
sur le sol dans toule son éten-
due, alors que l’autre y touche
2e Pas simple Pas simple PR TE 3
miere. postérieur. antérieur. encore sl légèrement que ce SOIL,
La marche se compose donc RE À ou, si cela se produit, c'es =
; il ë À se | 0 SDS ae se P À ES Le
a une succession de doubles ap- aan emps extrememen
re etide SE TAteraux à Fig. 4. — Un double pas. — La. jambe court
puis et d’appuis unilatéraux al- émante est figurée par des traits pleins. COUrl.
ternalivement droits et gauches. La jambe
Dans la phase d'appui unilaté-
ral, une des jambes, celle qui porte sur le sol (ou
jambe portante), exécüle dans son ensemble un
mouvement de rotalion dont le centre est au pied
et la circonférence à la hanche, pendant que la
jambe qui se meut (ou jambe oscillante) décrit un
mouvement analogue, mais en sens opposé, le
centre de rotation se trouvant à la hanche. Mais
il faut ajouter que ce dernier centre subit en
même temps un déplacement en avant, consé-
quence du mouvement de la jambe portante.
Dans ce double mouvement qu'exéculent simul-
tanément la jambe portante et la jambe oscillante,
il arrive un moment où la jambe porlante passe
par la verticale, la jambe oscillañte la croisant,
vers ce même moment, pour devenir antérieure,
de postérieure qu'elle élait. Ce moment, que je
désignerai sous le nom de moment de la verticale,
nous servira pour diviser la période d'appui uni-
latéral en deux phases : une première phase, ou
pas postérieur, est celle qui précède le moment de
la verticale. Dans celle phase le membre portant
est oblique en haut et en arrière, le membre oscil-
lant est postérieur. La deuxième phase, ou pas an-
dérieur, est celle qui suit le moment de la verticale :
oscillante est
par un trait pointillé.
représentée En effel, au moment où le pied
qui est en avant va loucher le
sol par le talon, le pied qui est en arrière s’est
déjà soulevé partiellement, et le talon s'est dé-
taché du sol. Au milieu de la période de double
appui, tout le corps porte de manière très mani-
feste sur le talon d'un pied et sur les doigts de
l'autre. Puis, le pied qui est en avant abaisse sa
pointe et prend contact avec le sol dans toute son
élendue, en même temps que le pied qui est en
arrière se fléchit progressivement dans ses articu-
lalions mélalarso-phalangiennes et que la surface
d'appui diminue de plus en plus, de telle manière
que, lorsque l'appui sur le pied antérieur est com-
plet, c'est-à-dire lorsque les doigls reposent aussi
fortement sur le sol que le lalon, le pied postérieur
est bien près de s'en détacher, si ce n’est déjà
chose faile.
En résumé, dans la période du double appui, les
deux pieds se déroulent sur le sol, du lalon à la
pointe, l'un pour le quitter, l’autre pour s'y appli-
quer, avec celte particularité que ces deux mouve-
ments ne sont pas absolument simultanés et que le
premier a déjà commencé lorsque le dernier se
produit.
Pendant cette période, les deux jambes ne sont
nant dede :
D' P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME 337
pas en extension complète ; elles sont très légère-
ment fléchies, mais la jambe postérieure l’est à un
degré plus marqué.
1° Période de l'appui unilatéral. — La jambe por-
tante arrive au contact du sol par le talon et en
extension complète. Plus tard, lorsque le pied est
complètement appuyé, le genou se fléchit légè-
rement, puis ils’étend à nouveau progressivement
de manière à se rapprocher de l'extension, qui est
presque complète au moment de la verticale. En-
_ suite cette extension s’exagère pendant tout le pas
antérieur et ne cesse que tout à la fin, de manière
à se transformer en légère flexion pendant la pé-
riode du double appui. Cette flexion ne fait que
Pas postérieur.
Moment
de la marche. M. Marey a montré que la vitesse de
ce mouvement n’est pas uniforme et subit une
accélération vers la fin de chaque double pas.
Ce mouvement se combine avec d’autres qui sont
les suivants :
1° Oscillations verticales. — À chaque pas le torse
tout entier subit un soulèvement suivi d’abaisse-
ment, et les deux mouvements constituent une os-
cillation dans le sens vertical, dont l'amplitude est
de 3 à 4 centimètres. Il se produit une oscillation
pour chaque double pas, de telle manière que
chaque point du torse ou de la tête décrit dans
l'espace,pendantlamarche, unelignerégulièrement
ondulée. Les minima correspondent aux périodes
Pas antérieur.
de la verticale.
———
Double appui.
Appui uniletéral.
Double appui.
Fig. 2. — Différents temps d'la marche,
s’exagérer pendant le double appui jusqu'au mo-
ment où le membre va devenir oscillant.
Jambe oscillante. — Au moment où la jambe va
devenir oscillante, le genou est donc fléchi, et celte
flexion s’exagère pendant toute la durée du pas
postérieur pour diminuer au moment de la verti-
cale, et pendant tout le pas antérieur, à la fin du-
quel elle arrive en extension, pour se transformer
de nouveau en jambe portante.
Si nous considérons, à un même moment, les
altitudes respectives des deux membres inférieurs,
nous voyons que, pendant le pas postérieur, les
deux jambes sont fléchies, mais à un degré bien
différent, la jambe portante l'étant fort peu. Au
moment de la verticale, la jambe portante est en
extension et la jambe oscillante qui la croise
est fléchie. Pendant le pas antérieur, le contraste
persiste dans le même sens jusque tout à la fin, où,
pendant un court moment, la jambe oscillante
s'étendant complètement avant que le talon touche
le sol, les deux membres sont en extension
complète.
IT. — MOUVEMENTS DU TORSE.
Le mouvement le plus important est le mouve-
de double appui et sont la conséquence forcée de
l’obliquité qu'affectent à ce moment les deux
membres inférieurs. Les maxima se produisent
au moment de la verticale, c'est-à-dire au moment
où le membre inférieur portant, d’oblique qu'il
était au double appui, devient perpendiculaire
au sol.
2° Oscillations transversales ou horizontales. — En
même temps que le torse se soulève et s’abaisse, il
se porte d'un côté sur l’autre, et ce mouvement de
va-et-vient latéral constitue ce qu'on appelle les
oscillations transversales ou horizontales. Elles
sont la conséquence du transport du corps du côté
de la jambe portante, dont le but est de rappro-
cher le centre de gravité de la base de sustentation.
C'est donc au milieu de l’appui unilatéral que se
produit le maximum d'amplitude de l’oscillation.
Ces oscillations transversales sonten nombre double
de celui des oscillations verticales.
3° Mouvements d'inclinaison en avant ct en arrière. —
Bien que fort peu marqués dans la marche ordi-
naire, ces mouvements n’en existent pas moins. Si
l'on considère l’axe du torse aux différentes phases
du pas (fig. 3), on voit que, pendant le pas posté-
ment de translation, qui est, en définilive, le but | rieur, le corps est penché en arrière, qu'il l'est en
338 D' P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME
avant pendant le pas antérieur, et qu'au moment
de la verticale et des doubles appuis il est sensi-
blement vertical.
4° Mouvements de torsion. — Ces mouvements sont
la conséquence des mou-
vements contrariés des
épaules et des hanches,
qu'il est opportun d'étu-
dier maintenant.
D° Mouvements du bassin.
—En outre de la transla-
tion et des oscillalions ver-
licales et horizontales déjà Li
étudiées à propos des mou- =
ment de ce côté, puis se relève et devient presque
horizontal au moment de la verticale, puis enfin
encore redescend toujours du même côté jusqu’à
ce que le double appui se reproduise et le ramène
à l'horizontale. Le centre du mouvement serait
encore l’une des articula-
tions coxo-fémorales, celle
du côté de la none por-
tante. Ces divers mouve-
8e ments du bassin s’observent
très nettement sur des pho-
tographies qui représen -
tent l'homme marchant vu
de face. :
En somme, jamais le côté
oscillant du bassin ne s'élève
vements du tronc dans son Fig. 3.
ensemble, le bassin est
soumis à deux sortes de
mouvements qui se pas-
sent autour de deux axes
rieur et l’axe verlical.
A. Rolation autour d'un axe vertical. — Dans le pas
postérieur, la face anté-
rieure du bassin est tour-
née du côté de la jambe
oscillante, pour se porter
du côlé opposé lors du
pas antérieur. Au mo-
ment même de la verti-
cale, le bassin est par-
faitement perpendiculai-
re à la ligne de marche
(fig. 4}. Ce mouvement
est une conséquence iné-
vilable de l'écartement
des deux membres
rieurs,
quels la méme
(traits pleins),
tante (traits pointillés).
: l'axe antéro-posté-
Moment de la verticale.
Moment de la verticale.
Moment de la verticale,
infé-
celui qui est en
arrière relenant la han-
che à laquelle il est atla-
ché, celui qui est en a-
ant entrainant
Moment de la verticale.
avec lui
la hanche qui lui corres-
pond.
Le centre de ce mouve-
Fig. 4.
ment parail êlre à l'articulation coxo-fémorale de
la jambe portante, pendant que l'articulation de la
jambe oscillante occupe la périphérie.
B. Rotation autour d'un axe antéro-postérieur. — A
la période de double appui, alors que, comme nous
venons de le voir, l'axe transverse du bassin est le
plus oblique par rapport à la ligne de marche, le
même axe parail bien horizontal, c'est-à-dire que
les deux articulations semblent
Mais aussitôt que la
le bassin
coxo-fémorales
situées à la même hauteur.
jambe quitte le sol, incline manifeste-
— Deux doubles pas successifs, pendant les-
jambe est portante, puis oscillante
ou inversement oscillante, puis por-
— Projection sur plan horizontal de l'axe des
hanches aux différents temps de la marche.
—:
au-dessus du niveau du côlé
portant. Il ne fait que bais-
ser très nettement dans le
pas postérieur, un peu moins
nettement dans le pas antérieur.
° Mouvements des épaules. — Les mouvements de
rolalion du bassin autour
d'un axe verlical, quenous
avons signalés il n’y à
qu'un inslant, entraine-
appui. raient forcément tout le
lorse dans le même sens,
si un mouvement de rola-
lion des épaules en sens
inverse ne venait le con-
trarier el maintenir la rec-
lilude du torse.
Il existe donc entre la
ligne des épaules et la li-
gne des hanches un dé-
faut de parallélisme aux
différents temps de la
marche, se produisant de
la facon suivante ! :
C'est à la RE du
double appui que l'angle
formé par l'axe des épau-
les el par celui des han-
Appui unilatéral droit.
Double
Appui unilatéral gauche,
Double appui.
Appui unilatéral droit.
Double appui.
Appui unilatéral gauche.
ches est le plus considérable.
Au moment de la verticale ils sont parallèles.
Si l’on songe que ces deux axes ne sont pas dans
le même plan vertical, mais que le plan des épaules
es£ toujours postérieur à celui des hanches, on voit
de suite comment leur rotation en sens inverse à
pour effet de rapprocher l’une de leurs extrémités
1 J'appelle ligne ou axe des épaules ou des hanches, la
ligne qui joindrait le centre des deux articulations scapulo-
humérales ou coxo-fémorales.
D: P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME
339
en éloignant l'autre, de telle sorte que, dans le
pas postérieur, la plus grande ouverture se trouve
du côté de la jambe portante, pendant que du côté
de la jambe oscillante le plan des épaules se rap-
proche de celui des hanches. C’est l'inverse dans
le pas antérieur (fig. 5). Le mouvement de rota-
lion de l'axe des épaules est la conséquence des
mouvements de balancement des membres su-
périeurs.
1° Mouvement d'inclinaison latérale. —- Enfin, il
faut encore signaler, au nombre des mouvements
qu'exécute le torse pendant la marche, un mouve-
ment d’'inclinaison lJaté-
rale qui penche le haut
du torse du côté de la
jambe portante. Cette in-
clinaison latérale a pour
effet d’'abaisser l'épaule
correspondante pendant
que l'autre épaules’élève.
Elle atteint son maxi-
mum d'amplitude au mo-
ment de la verticale. Le
redressement s'opère
pendant la phase du dou-
ble appui. Puis lincli-
naison se reproduit de
l'autre côté. Ces mouve-
ments d’inclinaison la-
térale ne sont pas sans
analogie avec ce qui a
lieu pendant la slation
hanchée.
Moment de la verticale.
Moment de la verticale.
Moment de la verticale.
.
Moment de la verticale.
III. —— MOUVEMENTS DES MEMBRES SUPÉRIEURS.
Les mouvements des membres supérieurs s'o-
pèrent en sens inverse de ceux des membres in-
férieurs. Quand la jambe droite, par exemple, est
en arrière, le bras droit est en avant et vice versa.
Ils consistent en des oscillations pendulaires dans
le plan antéro-postérieur.
Au moment du double appui, ils subissent leur
plus grand écartement. Au moment de la verticale,
ils se rapprochent tous deux du même plan trans-
versal, alors que leur direction se croise.
Dans la moitié postérieure de son oscillation, le
membre supérieur est complètement étendu ; dans
la moilié antérieure, il se fléchit légèrement au
coude.
IV. — ACTION MUSCULAIRE.
On a cru longtemps, sur la foi des frères Weber,
que toute l'action musculaire pendant la marche
se concentrait sur le membre portant destiné à
soutenir seul toute la charge du torse, et que le
Fig. 5. — Projection sur plan horizontal de l'axe des hanches
el de celui des épaules aux différents temps de la marche. de
membre oscillant exécutait son oscillalion sous la
seule influence de la pesanteur, à la manière d’un
pendule. Il est bien démontré aujourd'hui, depuis
les travaux de M. Marey, de Carlet, de Duchenne
de Boulogne et de Boudet, de Paris, que la jambe
oscillante est essentiellement active el que ses
mouvements ne sauraient s’exéculer sans Île con-
cours de la contraction musculaire. Il suffit de
regarder un homme qui marche pour s’en con-
vaincre.
Nous examinerons l'action musculaire sur le
membre inférieur au moment où il touche terre
du talon pour devenir membre portant, et nous
suivrons les modifications
qu'elle subit pendant les
diverses phases du pas,
pour continuer notre élu-
de sur le même membre
au moment où il va de-
venir oscillant, puis pen-
dant toutes les phases
de son oscillalion.
Appui unilatéral droit.
Double appui.
Appui unilatéral gauche.
Double appui.
1. —- Membre portant. —
Projeté en avant par une
action musculaire que
nous étudierons plusloin,
Double appui. le membre oscillant re-
tombe pour ainsi dire sur
le sol par le seul effort de
la pesanteur. À ce mo-
ment il est dans un état
relächement muscu-
laire à peu près complet.
Mais aussitôt qu'il commence à supporter le
poids du corps, avant même que le pied ne touche
le sol dans toute son étendue, la contraction mus-
culaire s’y révèle. Le moyen fessier commence à
se contracter, et sa contraction énergique se main-
tiendra tout le temps de l'appui unilatéral, pour
empêcher le bassin auquel est suspendu le membre
qui oscille de basculer latéralement (fig. 6, n° 4,
2, 3, 4, 5, 6, 7). Le moyen fessier el probablement
aussi le petit fessier situé au-dessous du moyen
sont les agents directs qui s'opposent à la chute
latérale du bassin. Leur action est secondée par
la contraction simullanée de deux autzes muscles
qui sont la partie supérieure du grand fessier et le
tenseur du fascia lata.
Le grand fessier, d’ailleurs, se contracte dans son
entier pendant toute la durée du pas postérieur et
empêche ainsi le tronc de basculer en avant. Mais
son action cesse généralement au moment de Ja
verticale et ne se produit pas pendant le pas anté-
rieur. La contraction du grand fessier est bien
plus évidente, si l’on marche le corps penché en
Appui unilatéral droit.
Appui unilatéral gauche.
340 D° P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME
a
avant. Elle devient inutile si l’on marche le corps
renversé en arrière.
Le gros muscle de la cuisse, le quadriceps, est
également un des premiers muscles qui se con-
tractent sur la jambe portante (fig.6, n° 2, 3, 4)
Il maintientl’extension du membre qui, sans lui,
fléchirait sous le poids,mais sa contraction ne dure
que pendant le pas postérieur, elle diminue au
moment de la
verticale pour
cesser complè-
tement ensuite
pendant la du-
rée du pas an-
térieur. AM ICe
moment, en ef-
fet, la ligne de
gravilé du tor-
se passant bien
en avant de
l'articulation
du genou, la pe-
santeur suflit
à maintenir
l'extension de
l’article.
Quant aux
muscles de la
jambe, ils sont
tous légère-
ment tendus
pendant Lout le
pas postérieur.
Mais à peine la
la jambe aussitôt que celle-ci a quitté le sol.
2. — Membre oscillant. — Noici donc que la
jambe, de portante qu'elle était, devient oscillante.
A ce moment, le muscle gastrocnémien et les pé-
roniers se relächent (fig. 7, n°9), et en même temps
les extenseurs des orteils et le jambier antérieur
se contractent pour soulever la pointe du pied
et l'empêcher,
dans lemouve-
ment d’oscilla-
tion qui va se
produire, de
heurter le sol.
À la cuisse,
les fléchisseurs
de la jambe
sont contractés
pour maintenir
la jambe en
flexion. Le tri-
ceps fémoral
estrelàché,ain-
si que les fes-
siers. Mais les
fléchisseurs de
la cuisse sur le
bassin, parmi
lesquelsle cou-
turicretle droit
antérieur, se
contractent
dans le but de
ramener la
verticale est- A 6 cuisse et toul
elle franchie, Fig. 6. — Figures demi-schémaliques représentant douze posilions successives le membre en
que les mus- d'un homme qui marche (d'après les séries- chronophotographiques obtenues avant. La jam-
î Se avec le concours de M. Albert Londe). — De 1 à 7, double pas avec la jambe 6
cles postérieurs droite portante et la gauche oscillante ; de 7 à 12, double pas suivant avec la be oscillante
et latéraux se
contractent vi-
jambe droite devenue oscillante et la gauche portante. Nos 4 et 7, double
appui; 2 et 8, fin du double appui; 3 et 9, pas postérieur; 4 et 10, moment de
la verticale; 5, 6, 11 et 12, pas antérieur; du n° 12 l’homme revient à la posi-
tion du n° 1, de sorte qu'avec ces douze figures le cycle de la marche est
exécute ainsi le
pas postérieur,
goureusement
el leur contrac-
lion augmente d'intensité jusqu'à la fin (fig. 6 el 7,
n' 048).
Le muscle du mollet soulève énergiquement le
talon qui quitte le sol, et pousse en même temps
tout le corps en haut et en avant. C'est lui le véri-
table agent de propulsion. Mais dans ce mouve-
meut la voûte du pied tendrait à s’affaisser si elle
complet.
n'élail maintenue par l'action des muscles péro-
niers latéraux.
Les muscles postérieurs de la cuisse, quisont les
fléchisseurs de la jambe, commencent à entrer en
contraction sur la jambe portante pendant le pas
antérieur (fig.6et7,n%5,6,7,8,9). Leurcontraction
s’accentue de plus en plus et a pour effet de fléchir
passe la verli-
cale ets’avance
pour accomplir le pas antérieur. C'est à ce mo-
ment fig. 7, n° 10) qu'une contraction éner-
gique du quadriceps élend vigoureusement la
jambe sur la cuisse. Mais cette contraclion est ra-
pide et cesse brusquement avant même que le
membre soit en extension complète. Le gonfle-
ment que l’on observe sur le n° 11, fig. 7, est l'in-
dice non de la contraction, mais du relächement
du muscle, comme nous le montrerons tout à
l'heure.
Nous retrouvons là un de ces exemples de con-
traction balislique que nous avons étudiés plus
haut. Lors donc que l'extension est produite, le
quadriceps et les autres muscles du membre sont
D: P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME
dans le relâchement. Le membre descend alors de
son propre poids jusqu'à la rencontre du talon
avec le sol.
D'autres actions musculaires se montrent sur le
reste du corps.Je signalerai seulement les spinaux,
qui entrent en contraction du côté de la jambe os-
cillante seulement, et le deltoïde, dont la contrac-
tion des faisceaux antérieurs et postérieurs tien-
nent sous leur dépendance les mouvements des
membres supérieurs.
V. — FoRMEs
EXTÉRIEURES
Les actes mus-
culaires si nom-
breux el si variés
que nous venons
d'étudier ne sont
pas sans influer
grandement sur la
forme extérieure.
Nous étudierons
successivement la
forme des fesses.
des cuisses, des
jambes et des
pieds.
4. Formes des
fesses. — Ce qui
caractérise la for-
me des fesses dans
la marche, c'est
la saillie consti-
tuée du côté de la
jambe portante
341
centualion du sillon latéral externe de la cuisse et
la séparation fort nette des masses charnues du
droit antérieur, du vaste externe et du vaste in-
terne (fig. 6, n°3, et PI. I, n° 1,n° 5). Cette contrac-
tion est, en somme, une contraction statique; elle
maintient le membre en flexion légère et résiste à
l’action de la pesanteur, qui entraineraitla flexion
complète sur un membre abandonné à lui-même.
Cette contraction dure tout le temps du pas posté-
rieur. Elle cède peu à peu pour faire place au relà-
chement complet
où qui existe pendant
RES :
PRET toule la durée du
pas antérieur. Ce
| relàächement du
[RN quadriceps se tra-
Ù duit extérieure-
EN | ment par la pro-
duction du bour-
-) | relet sus-rotulien
occasionné par la
saillie de l'extré-
milé inférieure du
vaste interne relà-
ché. L'extrémité
inférieure du vas-
te externe relà-
ché amène aussi
) US la production du
GUESS relief caractéris-
IN tique (fig. 6, n° 6,
\ et PI. I, n°8, 9et
720) 10). Mais toute la
masse musculaire
est refoulée laté-
ralement par la
par le moyen fes-
sieret la partie su-
périeure du grand
fessier, saillie qui occupe toute la moitié supé-
rieure de la fesse de ce côté et qu'accentue la dé-
pression rélro-trochantérienne qui l'accompagne.
La fesse du côté de l'oscillation est au contraire
aplalie dans toute son étendue (fig. 6 et 7).
2. Formes des cuisses, — Les deux cuisses pendant
la marche offrent un contraste frappant, dû en par-
üiculier aux élats physiologiques différents du
muscle quadriceps sur les deux jambes à un même
moment.
D'autre part, il y a dans les formes de chaque
membre même opposition complète entre le pas
postérieur et le pas antérieur.
Sur le membre portant, au moment où il a pris
franchement contact avec le sol, la contraction du
triceps fémoral est énergique. On remarque l'ac-
Fig. 7. — Suile des phases de la fiqure 6.
12 tension du fascia
lata et dela ban-
delette ilio-fémo-
ro-tibiale. En somme, la cuisse à ce moment est
étroite transversalement et ressemble assez à la
cuisse de la jambe portante de la station hanchée.
Pendant que le musele quadriceps se relàche, on
voit progressivement s'accentuer le relief des
muscles postérieurs de la cuisse, dont la contrac-
lion commence pendant le pas antérieur.
Lorsque le membre a quitté le sol, on constate,
dès le début de son oscillation, les reliefs formés
par les muscles fléchisseurs de la cuisse, droit an-
térieur, couturier et tenseur du fascia lata, en
mème temps qu'à la partie postérieure de la cuisse
les fléchisseurs de la jambe forment une saillie
fort distincte. Ces formes sont,en somme, celles du
membre oscillant pendant le pas postérieur. Mais
les choses changent au moment de la verticale
et pendant le pas antérieur, les formes de la
342
TS FPT
D° P. RICHER — LA MORPHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE DE LA MARCHE DE L'HOMME
cuisse sont extrêmement curieuses à étudier.
C'est le moment où la contraction des fléchis-
seurs de la jambe cesse, el des muscles postérieurs
de la cuisse, la contraction passe au muscle anlé-
rieur, au muscle quadriceps qui lient sous sa dé-
pendance l'extension de la jambe qui se produit
alors. Mais celte extension de la jambe est rapide
et soudaine. Elle est produite par une contraction
musculaire brusque cessant aussitôt. Celle contrac-
Lion a lieu au moment dela verticale alors que, la
jambe se trouvant fléchie, le musele est distendu,
circonstance éminemment favorable à l'énergie de
l'effort musculaire. Elle cesse vers le milieu du pas
antérieur, bien avant que la jambe ait achevéson
mouvement d'extension. La photographie instan-
tanée nous a permis de saisir le moment où cesse
celte contraction (fig. 7, n° 11, et PI. I, fig. 2). La
forme de Ja cuisse est saillante en avant, fortement
bombée, mais le modelé uniforme du muscle
montre bien que le relâchement musculaire s'est
déjà produit. Nous avons donc sur celte image un
muscle reläché, mais soulevé, projeté en avant
pour ainsi dire, à la manière d'une masse fluc-
tuante, par le mouvement même du membre. D'ail-
leurs, cette masse inerte, pour ainsi dire, subissant
la loi de la pesanteur, retombe bientôt sur elle-
même, ce que la photographie instantanée nous
montre au moment d'après (PI. I, fig. 3), alors
que l'extension de la jambe s’est complétée en
vertu de l'impulsion acquise et de l'inertie du
membre et que le talon ne touche pas encore le
sol. À ce moment, en effet, la cuisse est considéra-
blement aplatie, son diamètre antéro-postérieur,
{ant accru tout à l'heure, a beaucoup diminué.
ar contre, la cuisse s'est élargie transversalement
par suite du refoulement ou plutôt de la chute des
masses musculaires en bas et sur les côtés.
Nous saisissons ici, grâce à ja chronophologra-
phie, deux phases très distinctes du relàchement
musculaire du quadriceps, qui impriment à la
cuisse une forme toute différente , bombée en
avant ou aplalie, large d'avant en arrière ou {rans-
versalement.
A l'œil nu, ces phénomènes musculaires se {ra-
duisent sous la forme d'un vérilable ballottement
du muscle.
3. frormes de la jambe et du pied. — C'est sur
la jambe portante, au moment où la jambe oscil-
lante l’a dépassée,c’est-à-dire pendant le pas anté-
rieur, que l'on voit la contraction des jumeaux
accentuer les plans du mollet, en même lemps que
s'aceuse le relief du soléaire et que se raidit le
tendon d'Achille. Ces formes s’atcentuent de plus
en plus jusqu'au moment où le pied quitte le sol.
Elles sont accompagnées de modifications de la
face externe de la jambe marquée de sillons lon-
gitudinaux dus à la contraction des péroniers
fig. 6, nos 5, 6, 7).
Toutes ces formes s’éteignent alors que la jambe
est devenue oscillante, le triceps sural devient
mou et comme flottant. Les surfaces qui répon-
dent aux péroniers sont plus uniformes ; mais, au
même moment, de nouvelles saillies se montrent
à Ja face antérieure du cou-de-pied et sur le dos
du pied. Elles sont dues aux cordes tendineuses
des muscles extenseurs du pied et des orteils.
VI. — CONCLUSIONS
De tout ce qui précède sur la marche type, on
peut tirer les quelques conclusions suivantes fort
curieuses, si on les rapproche des idées ayant gé-
néralement cours :
Le corps dans son ensemble n'est jamais penché en
avant de façon manifeste. |
Les deux pieds ne portent jamais en même temps sur
le sol sans toute leur étendue. On peut même dire que
l'instant pendant lequel le pied touche le sol entièrement
en même temps que l'autre pied appuie sur les orteils,
passe avec la rapidité d'un éclair: si même il existe fran-
chement.
La jambe placée en avant el dont le pied louche
terre n'est que très légèrement fléchie et se trouve toujours
placée bien en avant de la ligne de gravité du torse.
On voit combien nous sommes loin de cette fi-
gure que tout le monde a dans l'œil et qui esl
comme le schéma artistique de la marche : tout le
corps fortement penché en avant est soutenu par
un des membres inférieurs notablement fléchi et
dont le pied fortement appuyé sur le sol forme la
base de sustentation, par laquelle passe la ligne de
gravité du corps. L'autre membre inférieur égale -
ment fléchi est rejeté en arrière el touche le sol
par les orteils.
Mais ne nous hätons point d’incriminer les ar-
Listes : dans certaines condilions données, l’homme
qui marche se rapproche bien du type dont nous
venons de parler !.
D' Paul Richer,
Chef de Laboratoire
à l'Hospice de la Salpétrière.
1 Cet article sera reproduit dans un ouvrage de l’auteur qui
paraîtra prochainement à la librairie Doin sous ce titre: lPhy-
siologie artistique de l'homme en mouvement.
PR —
PLANCHE Ï. — VUE LATÉRALE DE LA MARCHE SUR TERRAIN HORIZONTAL
34
L'EMPLOI
L'emploi des courants alternatifs tend à se répandre
de plus en plus, sous la forme de courants alternatifs
simples, ou sous la forme de cou-
rants polyphasés. Les premiers
présentent de nombreux avanta-
ges au point de vue de l'éclairage
des grands secteurs; mais ils se
prêtent plus mal à la distribution
de la force motrice, Les seconds
sont préférables sous ce dernier
rapport, mais ils donnent parfois
qu'ils servent à alimenter des
lampes; aussi, adoptés dans les
installations privées pour les
transports de force, ils étaient,
en général, rejetés dans les Sta-
tions centrales. Cependant, à bien
examiner la question, c'est sur-
tout une affaire de pratique et
d'expérience que d'obtenir un
bon réglage de la tension; il est
donc à présumer, vu la tendance
logique qu'ont les Compagnies
électriques à favoriser l'installa-
tion des moteurs sur leurs ré-
/
ä | 27
lieu à des ennuis de réglage lors- | J ?
|
seaux, que les courants polyphasés jouiront, le temps |
aidant, d’une vogue de plus en plus grande.
La ville de Chemnitz
DES COURANTS TRIPHASÉS A
*
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LÉ
NE: AOL LE D @ N
ATAT KA
Fig. 4. — Schéma de l'induil des allernateurs.
— À,, B;, C;, A», bobines induites.
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LA STATION CENTRALE D'ÉLECTRICITÉ DE CHEMNITZ.
régulateur, dont on peut, du fableau de distribution,
modifier à volonté la position, C’est là un arrangement
nouveau, dont on trouve un autre
exemple à Ja stalion des tramways
de Dresde. Un petit moteur à cou-
rants continus, excité en série par
un courant que fournit l’une des
excitatrices, peut tourner dans
les deux sens ; à cet effet, un
commutateur permet de changer
à volonté la direction du courant
qui traverse l'armature. Ce mo-
teur, dans son mouvement de ro-
tation, élève ou abaisse, par l’in-
termédiaire d'une vis sans fin, un
poids additionnel du régulateur.
Les dynamos sont du type R
Siemens et Halske à courants tri-
phasés. Ce sont des machines de
180 kilowatts, accouplées directe-
ment, et pouvant fournir, sur
chaque conducteur, 52 ampères
sous une différence de potentiel
de 2.000 volts. Elles sont à induit
fixe et inducteur mobile. L’induc-
teur se compose de 40 pièces po-
laires réunies en forme d'étoile. La vitesse, étant de
150 tours par minute, correspond à 50 périodes. L’in-
duit est formé d'un cer-
— _
n’a pas craint d'entrer ré- (Vi) (V2 tain nombre de minces
solument dans les voies Sr 1 plaques de fer serrées
nouvelles. Etant appelée (a Ç s sur une carcasse en fonte.
à fournir à ses clients, dis- () L Le tout forme un vaste
persés sur un très grand \ anneau, à la surfacein-
rayon, non seulement lé: térieure duquel se trouve
clairage, mais aussi la CES une série de fentes, au
force motrice, elle à a, nombre de trois par pôle.
adopté les courants tri- Dans ces fentes sont lo-
phasés à haut voltage avec gées les bobines induites.
sous-stations de transfor- Voici quel est est le
mateurs!.Le marché pour mode d’enroulement de
l'installation complète È ces bobines. Supposons,
fut passé avec MM. Sie- Ts 2 [ pour plus de simplicité,
mens et Halske en 1893. I MES | que la machine soit seu-
Les travaux furent com- (Nil | lement à 8 pôles : nous
mencés au mois d'août — —— | aurons donc 24 fentes,
de cette même année; à EC =: numérotées, sur la fi-
la fin du mois de mai (are gure 1, de 1 à 24. Un fil
suivant. ils étaient com- | | de l'induit vient d’arrière
plètement terminés. | | en avant à travers la
Trois chaudières Stein- | | fente 1, par exemple, re-
nuiller sont employées ; | | tourne en arrière par la
elles marchent à 13 kilos fente 4, pour revenir en
de pression environ, et | avant par la fente 1, el
sont munies de char- | ainsi de suite autant de
geurs automatiques MMM MMM fois qu'il est nécessaire.
Leach, actionnés chacun Fig. 2 Schéma de L = , as PR DE PL TT NES Les fentes 23-?, 3-6,
par un petit moteur à € nn ARE UNE RES CAR [lampe témoin, d'$ etc., sont associées
: 13002 s. 9, 9, commutateurs. :, lampe témoin. k À me
champ tournant. Les ma- __’C; "D, commutateurs. — 4, Ci, Ci, Co, Co, etc., bornes des de la mème facon.
chines, également au commutateurs C et D. — «, b, a, b', barres métalliques des com- Les bobines ainsi for-
nombre de trois, sont à mutateurs C et D. — G, G', glissières des commutateurs C et D. mées peuvent être, dans
triple expansion etäcon- —M;, M, M;, M"... câbles venant des alternateurs. chacun des trois groupes,
densation.
Leurs tiroirs sont réglés automatiquement par le
1 D’après l’Elekbrolechnische Zeitschrift et The Electrician.
bobines A,,
A,, À
VE
HE 49
réunies en série où en
quantité selon la tension que lon désire obtenir. Par
exemple, dans le cas où l'on veut un haut voltage, les
puis B,, B,, B,, B,, et enlin G,,
hs L ié
C,, C;, C,, sont associées en série. Trois des extrémilés
sont réunies et les trois autres attachées aux bornes de
la machine.
Le couplage des alternateurs de la Station de Chem-
nitz se fait au moyen d’une disposilion assez originale.
Les petits transformateurs ordinairement employés sont
ici supprimés, chaque alternateur étant pourvu d’un
circuit auxiliaire, aux bornes duquel on à un voltage
égal à la 80° partie de celui du circuit principal. Les
càbles M,,etM, (fig.2), parlant du circuit auxiliairede la
première machine, aboutissent aux bornes C, C;', D, D;
de deux commutateurs G et D. Les cäbles venant des
autres machines aboutissent aux bornes C, C' et D, D,
d'une part, C, €, et D, D," d'autre part.Le commutateur
D possède en outre une borne complémentaire d. Deux
glissières G, G' mettent en communicalion chacune
des bornes C, C,, elc., avec celle des barres circulaires
a, a, b, b', qui lui est contiguë, Les barres b E' sont
. reliées d’une manière permanente. Les barres « a’ sont
deux commutateurs g, g'.
auxquels aboutissent les
. deux bornes d’une lampe L,
d’un voltmètre V, et une
borne d’un second voltmè-
tre V,, dont l’autre borne est
en communication avec d.
Si l’on veut avoir le vol-
tage fourni par la ma-
chine 1, on place la glis-
sière-GASure Cet 0 la
glissière G surdet l’on met
le voltmètre V, en circuit
Pour coupler en parallèle
deux machines, 2 et 3 par
exemple, on commence par
s'assurer, au moyen de la
manœuvreprécédente,qu’el-
les donnent le méme vol-
tage, puis on met le volt-
mètre V, hors circuit. La
glissière G est placée surC,
C;’, la glissière G sur D, D,',
puis la lampe L et le volt-
mètre V, sont réunis par
l'intermédiaire de g, g' aux
barres a et b. Quand le
voltmètre arrive au zéro et
que la lampe s'éteint, la
coïncidence de phases
existe, il ne reste qu'à cou-
pler les allernateurs.
Les câbles allant des ma-
chines au tableau de distri-
bulion sont souterrains. Ils
aboutissent, par l'intermé-
diaire des coupe-circuits fu-
sibles et des instruments de
mesure, à trois barres hori-
zontales qui peuvent être
séparées dans leur longueur
Fig. 3. — Elévalion el demi- en plusieurs parties au
coupe d'une sous-slalion de moyen d’interrupteurs. Il
en communication avec
transformaleurs.— À, base est ainsi possible de tra-
en fonte. — C, con vailler à une partie du ta-
Don none Due bleau pendant que l’autre
= = En “ Farc rie
roi. — B, appareils divers. partie est en service.
Les conducteurs sont cal-
culés pour transporter le
courant nécessaire à 10 000 lampes de 16 bougies brû-
lant en même temps. Les câbles de haute tension sont
du type biconcentrique de Siemens et Halske, sous
plomb et armés de rubans de fer. Leur section varie de
3 X 16m? à 3 X 50 "2 Ils forment une longueur
totale de 10 kilomètres environ, Le réseau à basse ten-
sion comprend à peu près 20 kilomètres de câbles bi-
concentriques armés, dont les sections varient de
3 X 25 à 3 X 70 "m2 ef 7 kilomètres de conducteurs
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
Ja ventilation tout en
345
isolés ordinaires de 35 à 40m? de section. Le point
central du réseau se trouve à 1.800 mètres de lastation,
le point le plus éloigné à 3,600 mètres.
La tension est abaissée par les transformateurs de
2.000 volts à 120. Ces transformateurs, qui élaient pri-
mitivement au nombre de 19,sont maintenant au nombre
de 24 et représentent une puissance totale de plus de
Fig. 4. — Diagrammes des connexions failes dans une sous-
station de transformateurs. — HT, câbles à haute tension.
— C, et C», interrupteur et plombs fusibles. — BT, cäbles
à basse tension. — CA, câbles aériens,
500 kilowatts. Ils sont placés dans des colonnes en fer
de 4 mètres de haut et de 1",20 de diamètre. La figure
3 représente l’une de ces colonnes: la partie gauche à
été coupée pour en montrer l'intérieur. Elles reposent
sur une base en fonte A et sont formées de deux
cylindres superposés séparés par une cloison CG, qui
sépare en deux parties I et II l’intérieur de la colonne.
En outre, une couver-
ture E est disposée de
manière à permettre
100 172
empêchant la pluie ou !
la neige de pénétrer. ; : i
La partie supérieure I !
est munie de trois por- i
teset contient le trans-
formateur.Ses noyaux,
au nombre de trois, o HE GE
sont formés de feuilles 3
de fer isolées et dispo- Fiw.5. — Courbe du courant d'ex-
sées verticalement de citation. — T, durée de la pé-
riode du courant produit par
l'alternateur.
manière à dessiner un
prisme dont la base
serait un triangle équi-
latéral. Ils sont réunis haut et bas par des plaques de
fer qui ferment les circuits magnétiques. Les bobines à
basse tension sont placées à l’intérieur des bobines à
haute tension, Entre elles, on à réservé un espace vide
pour la ventilation, de même qu'entre les premières et
les noyaux intérieurs. Une marche continue à pleine
charge n’élève pas la température de plus de 50 degrés.
Les bobines sont montées en étoile,
340
La partie inférieure I de chaque colonne comprend
tous les appareils accessoires, coupe-circuits fusibles,
attaches de câbles, interrupteurs, etc. La figure # montre
le diagramme des connexions, qui est d’ailleurs exces-
sivement simple.
Les mesures d'isolement du réseau ont donné les
résultats suivants :
I. — Cübles pour basse tension, essai fait à 109 volts. —
Résistance d'isolement du conducteur intérieur, les
deux autres élant à la terre : 446 mégohms.
Résistance d'isolement du conducteur du milieu, les
deux autres étant à la terre : 208 mégohms.
Résistance d'isolement du conducteur extérieur, les
deux autres étant à la terre : 172 mégohms.
Longueur soumise à l'essai : environ 18 kilomètres.
En mettantles transformateurs en circuit, l'isolement
par rapport à la terre était de 210.000 ohms.
II. — Cübles pour haute tension, essai fait à 960 volts. —
Résistance d'isolement du conducteur intérieur, les
deux autres étant à laterre : 301 mégohms.
Résistance d'isolement du conducteur du milieu, les
deux autres étant à la terre : 150 mégohms.
Résistance d'isole-
ment du conducteur
extérieur, les deux au-
tres étant à la terre:
114 mégohms.
Longueur totale sou-
mise à l’essai:environ
10 kilomètres.
En mettant les trans-
formateurs en circuit,
l'isolement par rap-
port à la terre était de
#01.000 ohms.
Les capacités du ré-
seau de haute tension,
non compris les trans-
formateurs, sont de
0,47 microlarad entre
le conducteur inté-
rieur d'une part, les
deux autres conduc-
teurs et la terre d’au-
tre part ;
1,06 microfarad en-
tre le conducteur du 2004
lieu, d'une part, les
deux autres conduc- VA
: Ë
teurs et la terre d'au- E
tre part ; 7
2,12 microfarads en-
tre le conducteur ex-
térieur d'une part, les
deux autres conduc-
teurs et la terre d'autre part,
A la fin du mois de novembre 189%, la Station fournis-
sait le courant à 5.220 lampes à incandescence de
16 bougies, à 152 lampes à arc et 29 moteurs d’une
puissance tolale de plus de 29 chevaux. Le prix est
de 87 cent, 5 le kilowatt-heure pour l'éclairage et de
22 cent. 5 pour la force motrice, On peut aussi traiter
à forfait quand il s’agit de courant à fournir à des
moteurs, Le tarif est alors de 17 cent. 5 le cheval-
heure.
Les moteurs à champ tournant de la maison Siemens-
Halske ont un inducteur fixe construit de la même
facon que l'induit des alternateurs. L'induit à tambour
est fermé sur lui-même, Ces moteurs auraient, dit-on,
des rendements très élevés, On trouverait, par exemple,
pour un moteur de # chevaux, 50 °/, à la charge de
demi-cheval, 87 0/, à la charge de 4 chevaux, 86 ?/, à la
charge de 7 chevaux. ;
Des essais excessivement intéressants ont été faits
dans le but de déterminer les courbes de courant pour
la machine d'excilation, l’alternateur à vide et en
charge.
Fig. 6. — Courbe donnée par l'al-
lernaleur marchant à vide.
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
1472
L'appareil employé est un pelit moteur à champ
tournant présentant quelques dispositions spéciales :
son armalure n'est pas en court circuit; elle est tra-
versée par le courant de la machine d’excitalion, IF
tourne alors synchroniquement : son arbre porte des
anneaux el des contacts qui, à un moment arbitraire-
ment choisi de la révolution, relient d'abord un con-
densateur avec le cireuit à étudier, puis déchargent ce
condensateur à’ travers un galvanomètre. Quand la
vitesse du moteur est suffisamment grande, la dévia-
tion du galvanomètre reste constante: elle est alors
proportionnelle à la différence de potentiel des arma-
tures du condensateur et par suite à l'intensité du cou-
rant au moment de la phase qui correspond au con-
tact.
La figure 5 montre la courbe du courant d'’exci-
lation. On y remarque une fluctualion, qui est due
aux réactions d’induit et dont la période est six
fois celle de lPalternateur. Si T est la période de
celui-ci, { le temps, la courbe de la figure 5 est re-
présentée approximativement par la formule (1) ei-
dessous.
La courbe du cou-
rant de l'alternateur
000 tournant à vide est
L | donnée par la figure 6.
Elle est à peu près
symétrique par rap-
port à l'axe des abs-
cisses et par rapport
aux ordonnées des
maxima et des mi-
nima. Sa formule est
approximativement la
formule (2) ci-dessous.
Entin, la figure 7
donne la courbe du
courant de l'alterna-
teur travaillant à plei-
Ê ne charge. Elle est sy-
| métrique par rapport
le à l'axe des abscisses,
mais non par rapport
aux ordonnées des mi-
C nima et maxima. Elle
Su correspond à la for-
2000 ‘ CE
Ë mule (3) ci-dessous.
Ë On voit que les deux
dernières courbes dif-
fèrent relativement
peu de la fonction si-
nus, qui est la fonction
théorique, Que signi-
lient exactement Îles
légères déformations
& 2e
Va
Fig. 7.— Courbe donnée par l'aller-
nateur marchant à pleine charge.
Il PET TT
Ro LE ee
+ G% in ( T
dl 10r/ . /Bnl
2) sin = + 0,087 sin ( E +=)+ 0,032 sin (= x).
\
À , 2x t 1 ? 107 /
(3) sin DUR 15 Sin (+
qu'elles montrent et quels en sont les effets? Nous
sommes encore très inexpérimentés sur ce sujet;
mais c'est qu'il y a bien peu de lemps que nous sa-
vons enregistrer fidèlement les courbes des courants
alternatifs, et il nous semble permis de penser que
nous parviendrons à lire, sur ces courbes, les détails de
construction et de fonchonnement de nos alternateurs,
de mème que nous lisons aujourd'hui les détails cor-
respondants sur les diagrammes des machines à va-
peur.
A. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
341
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Méray (Ch.), Professeur à la Faculté des Sciences de
Dijon. — Leçons nouvelles sur l'Analyse infinité-
simale et ses Applications géométriques. Pre-
mière purtie. PRINCIPES GÉNÉRAUX. — Ün vol. gr. in-8°
de xxu1-405 p. Prix : 13 fr. Gauthier-Villars et fils,
éditeurs. Paris, 1895.
L'espace nous manque pour analyser comme nous
le voudrions une publication de cette importance, que
tout le monde, au surplus, voudra lire: nous passe-
rons donc sous silence l'indication détaillée de son
contenu et nous nous bornerons à dire en gros le bien
que nous en pensons, le but que l’auteur veut at-
teindre.
Dans ce magnifique ouvrage, qui sera un véritable
monument de la science francaise, M. Méray ne veut
emprunter au monde extérieur que les notions que
notre esprit en tire relativement aux nombres entiers
et aux combinaisons les plus simples «que l’on peut
effectuer sur ces symboles ; il déduira de là les règles
du calcul algébrique ainsi que la notion complète du
nombre fictif de l'analyse moderne; il ne s’appuiera
sur aucune considération infinitésimale proprement
dite ; l’idée d'infini n'y figure à proprement parler que
sous sa forme la plus accessible, qu'après tout nombre
entier il y en a d'autres, et l'idée de limite est ratta-
chée à celle-ci d’une facon très simple. C’est avec ce
bagage peu encombrant et dénué de toute métaphy-
sique que l’auteur édifie sa théorie générale des fonc-
tions.
Celle vaste exposition de ce qui constitue à propre-
ment parlér toute la science mathématique ne repose
que sur des calculs algébriques relativement simples.
Le premier volume contient l’exposé des généralités et
des propriétés communes à toutes les fonctions analy-
tiques; les suivants renfermeront l’étude des princi-
pales fonctions particulières aujourd’hui connues et les
premières applications de l’analyÿse infinitésimale Dans
ce premier volume, il n’est jamais fait appel aux pre-
priétés d'une fonction particulière, si simple qu’elle
soit, et cependant l’auteur s’élève graduellement des
propositions les plus élémentaires jusqu'à la théorie
des équations différentielles totales et partielles. Il ne
fait usage d'aucune considération géométrique ; il ne se
sert que de la représentation graphique habituelle des
nombres imaginaires, dans le simple but de faire
image et de simplifier les énoncés relatifs à la théorie
des fouctions.
On concoit qu'avec un pareil objectif, et voulant dé-
gager le plus possible l'Analyse de toute considération
relative au monde extérieur, l’auteur ait repris l’idée de
nombre à son origine même, le nombre entier, et qu’il
ait édifié sans autre secours que l’idée de nombre entier
et celle d’addition de nombres entiers, l'ensemble com-
plet des nombres fictifs que l'analyse emploie. Les trois
premiers chapitres sont consacrés à ce travail ; ils sont
admirablement ordonnés, d’une logique absolue, et je
ne vois aucune critique à faire à cette partie du volume.
Je dois rappeler d’ailleurs, en passant, que M. Méray
est le premier qui ait résolu ces questions passable-
ment difficiles. Depuis quelque temps, on a beaucoup
écrit sur ce sujet et beaucoup prêté aux Allemands,
comme d'habitude; mais, en comparant les dales de
publication et en tenant compte de l’enseignement
public de M. Méray, il est facile de fixer son opinion à
ce sujet. Au reste, l’idée de variante qu’emploie l’au-
teur pour parvenir au nombre incommensurable, bien
qu'à peu près identique à celle de suite rationnelle et
infinie, me parait donner à celte exposilion sa forme
la plus simple et la plus lumineuse.
Viennent ensuite les séries. Elles sont un objet de
prédilection pour l’auteur, qui en fait la base de tout
son système et la représentation naturelle de toutes
les fonctions dignes de ce nom. Celte théorie, bor-
née aux choses essentielles et débarrassée du fatras
qui l'accompagne dans plus d’un ouvrage, est ici
magistralement exposée. Sans insister sur des règles
de convergence plus ou moins menues, en tout cas
utiles seulement pour l'étude des fonctions particulières,
l’auteur s'occupe d’abord des propriétés générales des
séries : la comparaison de deux séries; la transfor-
mation d'une série par le groupement et le déplace-
ment des termes; l’addition, la soustraction et la mul-
tiplication des séries. Puis il passe à l'étude des sé-
ries entières à variables en nombre quelconque, dans
laquelle il débute par la progression géométrique à
plusieurs raisons, et par la recherche des aires de
convergence. Ensuite viennent diverses propriétés
dont il sera fait grand usage dans la théorie des fonc-
tions : le développement d'une série entière où l’on
met à la place de chaque variable une somme de nou-
velles variables; la continuité ; le théorème d’Abel,
relatif aux valeurs des variables situées sur les cercles
de convergence ; les valeurs que peut atteindre ou dé-
passer le module de la somme d'une pareille série, etc.
L'idée de fonction est alors introduite d’une facon
définitive, Sans se soucier à ce moment de l’origine
que peut avoir une fonction à étudier, point sur le-
quel il s’appesantira très soigneusement plus tard,
M. Méray dit que cette fonction est olotrope dans les
aires Sr, Sy, -.., avec les olomètres ër, êy, -.-, quand,
pour tout système %, Y,, ... de nombres pris dans les
aires en question, on peut développer la fonction en série
entière et convergente par rapport à &—%o,% — Yo, :+.»
pourvu que les modules de ces différences soient
moindres respectivement que ër, y, .... Les aires con-
sidérées sont quelconques d’ailleurs, à contours sim-
ples ou multiples.
C'est cette notion de l'olotropie que M. Méray subs-
tiltue aux anciennes propriétés primordiales altribuées
aux fonctions, d’être uniformes et pourvues de dérivées
de tous ordres dans les aires en question, Pour Jui,
cette notion est inséparable de l’idée de fonction utile
et maniable; il rejette des calculs courants toute fonc-
tion qui n’est olotrope dans aucun groupe d’aires, et
son système ne lui attribue aucune propriété de carac-
tère général.
Nous ne voulons pas entamer ici de discussion avec
l’auteur sur le point de savoir si son idée est la seule
qui se prête à l'étude des propriétés des fonctions. Nous
ferons simplement observer qu'il est le seul à pos-
séder un système complet d'analyse, et que toutes Les
démonstrations qu'il donne sont uniformes, théori-
quement très simples, et rigoureuses comme celles de
l’Algèbre la plus vulgaire; au reste, les autres auteurs,
dans beaucoup de questions, emploient aussi les sé-
ries et font, sans le dire, les mêmes hypothèses que
M. Méray.
Les dérivées des divers ordres s’obtiennent sans con-
sidération d’infiniment pelits, d’une facon purement
algébrique, en quelque sorte, en développant la sé-
rie f(æ + À, y + k, .… ) et en la mettant sous la
forme f (x, y, ...) + hfz + kfy, ..., les quan-
tités fx, fy, étant d'autres séries convergentes.
L'auteur montre que ces coefficients sont des fonc-
tions olotropes de æ, y, dans les aires considérées.
Il est alors amené tout naturellement à chercher com-
348
ment, de l'existence d'une série entière et convergente,
donnée à priori, on peut tirer, dans certains cas, l’exis-
tence d’une fonction olotrope dans certaines aires, et
sous quelles conditions cela a lieu. Il est évident déjà
que loute série entière et convergente dans les cercles
ex, ey, … est une fonction olotrope dans les cercles plus
petits ôr, y, . avec les olomètres px — ôæ, py — dy, .. On
s'appuyant sur l'idée si importante du cheminement,
l’auteur traite de cette question dans le cas le plus gé-
néral, en supposant toutefois les aires obtenues par
raccordement, Sr, Sy, ..., imperforées.
M. Méray déduit alors de la théorie des séries les
propriétés les plus importantes des fonctions olotropes,
puis il passe au calcul inverse des dérivées,
Dans ce chapitre, qui traite de ce qu'on entend com-
munément par intégralion d’une différentielle totale
exacte d'ordre quelconque, l’auteur part de l’idée de
fonction primitive; il n'y est question ni de quadrature,
ni de somme d'infiniment petits. D'ailleurs, nulle
part dans son ouvrage, l’auteur ne cherche l'origine de
nouvelles fonctions dans ces opérations autrefois
mystérieuses de différentiation, d'intégration... ...
Il n’y est, à proprement parler, question ni d’infini-
ment petits ni d’infiniment grands, quantités vagues
dans bien des cas, fantômes numériques mal définis,
qui laissent Le doute si souvent après eux, tant que les
démonstrations auxquelles ils servent de support n’ont
pas été entourées de précautions parfois délicates,
longues et minutieuses. Les raisonnements de M. Méray
portent sur des nombres déterminés, sur des êtres
numériques précis.
IL n’est pas dans notre but, avons-nous dit, de faire
ici une analyse complète et détaillée de l'ouvrage de
M. Méray. Nous espérons en avoir assez dit pour en-
gager nos lecteurs à étudier attentivement la construc-
tion de l’auteur. Seuiement, qu'ils y prennent garde, la
lecture d’un livre pareil n’est pas aussi commode que
celle d’un roman; malgré tout le soin que l’auteur à
apporté à l'exécution de son œuvre, toute la clarté qu'il
y à mise, il est difficile à suivre dans cette longue suite
d’abstractions profondes où il se joue des plus grandes
difficultés, et plus d'une fois le lecteur, après avoir pris
une idée générale de quelques chapitres, devra revenir
en arrière, approfondir chaque point, se résoudre à
n'avancer que lentement dans la théorie. Mais qu'il se
console : le véritable étudiant en mathématiques ne
saurait mieux employer son temps qu'en le consacrant
à se pénétrer profondément des doctrines du grand
analyste, E. Huugerr.
Scott (C. AÀ.), Professor of Mathematics in Bryn Maur
College. Pensylvania. — An introductory Account of
certain modern ideas and methods in plane ana-
lytical Geometry.—- 1 vol. in-8° de 288 p. avec 64 fig.
(Prix : relié, 12 fr. 50). Macmillan and C9, éditeurs,
London et New-York, 1895.
Le livre de M, Scott est divisé en 13 chapitres dont
les principaux traitent des sujets suivants : coordon-
nées ponctuelles et linéaires et leur transformation,
principe de dualité, propriétés et tracé des courbes,
homographie et involulion, transformation projective
et linéaire, théorie de la correspondance.
Dans cet ouvrage, l’auteur, supposant de la part du
lecteur une connaissance assez approfondie de la Géo-
métrie cartésienne et du Calcul différentiel, cherche à
présenter d'une facon systématique certaines idées et
méthodes, familières dans les Mathématiques supé-
rieures, mais qu'on a rarement l’occasion d'acquérir dans
des livres d'ordre moins élevé, Il évite toutefois d’em-
piéter sur ce qui est, à proprement parler, la théorie des
courbes planes supérieures, dont l'ouvrage peut d’ail-
leurs être considéré comme une introduction.
Jusqu'à un certain point, le champ que M. Scott s’est
fixé coïncide avec celui des derniers chapitres du
Traité des sections coniques de Salmon, mais les deux
livres ne font pas double emploi, la manière dont ils
sont traités diflérant notablement, LB:
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
MWitz (Aimé), Docteur ès sciences, Ingénieur des Arts
et Manufactures, Professeur à -la Faculté libre des
Sciences de Lille. — Les Machines thermiques (à
vapeur, à air chaud et à gaz tonnants). — Un vol.
petit in-8° de l'Encyclopédie scientifique des Aïide-
Mémoire, dirigée par M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix :
broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier - Villars et
fils et G. Masson. Paris, 1895.
« L'objet de ce livre est d'établir un parallèle entre
« les diverses machines thermiques, et de les rappro-
« cher dans un tableau d'ensemble. de manière à faire
« mieux ressortir le caractère spécial de leurs cycles
« respectifs. » C'est ainsi que l’auteur, dans la préface,
définit le but qu'il s'est proposé et qu'il réalise magis-
tralement. 8
Les cycles de Watt, de Stirling, d’Ericson, de Joule,
sont examinés avec soin et discutés. M. Witz consacre
plusieurs pages à l'importante question des régénéra-
teurs et à celle, qui lui est connexe, des isodiabatiques
de Rankine,
Assurément l’un des plus compétents en ces matières,
le savant professeur de Lille expose en termes fort
clairs les avantages particuliers des moteurs à vapeur
d’eau et des machines à gaz tonnants; et, de leur com
paraison, il conclut au grand avenir de ces dernières,
appelées, pense-til, à supplanter les premiers dans
beaucoup d'applications.
Il est certain que les machines à gaz de gazogène arri-
vent à donner aujourd'hui des consommations infe-
rieures à ce que dépensentles meilleures machines à va-
peur; mais, quoi qu'on ait dit, celles-ci nous paraissent
encore susceptibles de perfectionnements importants,
D'abord, l'emploi des isodiabatiques permet d'aug-
menter un peu le rendement générique, en éle-
vant la température moyenne de la source supérieure,
Cette idée a été mise en pratique par M, Normand sur
plusieurs torpilleurs. L'eau d'alimentation est en partie
réchauffée avant son entrée dans la chaudière avec la
la vapeur qui a déjà travaillé. Il est sans doute pos-
sible de faire mieux encore.
Ensuite, l'entrée en scène des turbines à vapeur,
sérieusement cette fois, nous parait devoir limiter
l'essor des machines à gaz, Avec l'air comme fluide
évoluant, Les turbo-moteurs ne peuvent devenir prati-
ques à cause de la difficulté qu'il y aurait à réaliser
la compression préalable de ce fluide, tandis qu'avec
les liquides vaporisables il en est tout autrement. La
turbine à vapeur, outre ses avantages au point de vue
de la disposition mécanique, pourrait aussi procurer,
nous en avons la conviction, de très faibles consomma-
tions. Sans user de liquides spéciaux, vaporisables à
plus de 200° centigrades, le rendement pratique pour-
rail alteindre environ 0,20, ce qui correspondrail à
une dépense de 0 kg. 450 seulement de bonne houille
quelconque par cheval et par heure.
Quoi qu’il en soit de cette discussion, le petit livre
de M. Wilz présente un réel intérêt. La lecture en
est facile, agréable même, oserions-nous dire, malgré
les nombreuses formules qu'il à fallu inévitablement
y mettre, On trouve aussi dans l'introduction et dans
quelques chapitres un historique sommaire de l'inven-
ton des divers moteurs thermiques.
Nous pouvons ajouter que l’exécution typogra-
phique en est soignée, comme pour les autres vo-
lumes de | « Encyclopedie des Aiïde-Mémoire ».
Comme erratum, signalons principalement une
transposition de nombres qui s’est glissée (p. 71) dans
l'évaluation du rendement théorique du cycle de
Stirling, A. RATEAU.
Bôcher (Maxime), Privat-Docent an der Harward Uni-
versity zu Cambridge (Massachusetts). — Ueber die
Reihenentwickelungen der Potentialtheorie (Sur
les développements en séries dans la théorie du poten-
tiel). Avec une préface de F. Klein. — 1 vol. in-8° de
260 pages avec 113 figures. (Prix : 10 francs.) B. G.
Teubner, Leipzig, 1895.
De - Léa D ap, ) + dE de
é
349
2° Sciences physiques.
Du Bois (H.) — Magnetische Kreise, deren Theo-
rie und Anwendung. — { vol. in-8°, de 385 p. avec
94 fig. (12 fr. 50). Springer. Berlin, 1895.
L'idée d’assimiler les systèmes magnétiques à un
circuit fermé a été émise, pour la première fois, sans
doute, par Euler, dans ses célèbres Lettres à une prin-
cesse d'Allemagne; 11 admet, pour expliquer les phéno-
mènes dont l’espace environnant est le siège, l'exis-
tence d’une matière sublile, décrivant, avec une grande
vitesse, des circuits fermés, en passant de préférence
dans les corps magnétiques. Toutelois, cette idée ne
reposait pas encore sur une base expérimentale assez
solide pour être généralement acceptée ; les expériences
de Coulomb vinrent ensuite, magistralement dévelop-
pées dans leurs conséquences par Poisson, et la théo-
rie des pôles magnétiques fut établie. Telle est la puis-
sance de persuasion de tout ce dont la forme est très
parfaite, que la théorie de Poisson survécut aux tra-
vaux de Faraday et aux commentaires de Maxwell; il
fallut que l’industrie s’en mêlàt, que les recherches
faites en vue de perfectionner la machine dynamo mon-
trassent tout le parti que l’on pouvait tirer, au point de
vue de la pratique, de la considération d’un circuit ma-
gnétique fermé, pour que cette idée prit, dans la Phy-
sique moderne, la place à laquelle elle a droit,
Jusqu'ici, les auteurs qui s'étaient occupés du circuit
magnétique s’élaient contentés d’en développer un
aspect particulier. Lord Kelvin, Gisbert Kapp, Caba-
nellas, Hopkinson, Ewing, à qui l’on doit beaucoup.
avaient apporté chacun sa pierre à l'édifice, Mais leurs
mémoires épars étaient d’un accès difficile, qui devait
rebuter plus d’un chercheur; c’est dans le but d'en
faciliter l’étude, que le Congrès des Electriciens, tenu
à Francfort en 1891, émit Le vœu qu'un ouvrage didac-
tique, consacré exclusivement au cireuit magnélique,
vit bientôt le jour. M. du Bois, dont les recherches sur
la question sont bien connues, était tout désigné pour
entreprendre ce travail.
La méthode suivie par l’auteur est le développement
progressif de la théorie, avec le contrôle permanent de
l'expérience. Un tore uniforme est entouré d’une spi-
rale parcourue par un courant électrique ; on n’observe
aucune action magnélique à l'extérieur, et cependant
l’état particulier du tore est révélé par divers phéno-
mènes mesurables; son diamètre est légèrement dimi-
nué, un faisceau de lumière réfléchi sur säa surface
change de caractère au point de vue de la polarisation,
la conductibilité électrique et thermique est modifiée,
ainsi que le pouvoir thermo-électrique.
Mais, vient-on à introduire une irrégularité quel-
conque dans le circuit magnétique, aussitôt certaines
lignes de force, qui étaient auparavant entièrement en-
fermées dans le milieu magnétique, aboutissent à sa
surface, ou, tout au moins, à un point où elles subissent
une réfraction, et ce point devient un centre d'action
a l'extérieur (nous évitons ici d'employer l’expression
d'action à distance, qui a le sens précis d’une action
sans l'intervention d’un milieu intermédiaire),
En ouvrant complètement le lore, de manière à le
remplacer par un barreau, placé cependant dans un
circuit magnétisant fermé, on arrive au cas typique où
les actions à l'extérieur sont le phénomène le plus ap-
parent ; c’est là que la force démagnétisante devient,
pour la première fois. évidente; on y reviendra plus
d’une fois au cours de l'ouvrage, et dès le début, pour en
donner la valeur dans le cas d’un ellipsoide, qui contient,
comme cas parliculiers : sphère, barreau, disque, etc,
Quant au magnétisme permanent, il est envisagé
comme une hystérèse de très longue durée, assimila-
tion un peu hardie, mais qui est confirmée par un ordre
de phénomènes tout différent : la variation du zéro des
thermomètres, et ses déplacements quasi-permanents,
qui peuvent être expliqués d’une manière analogue. La
théorie des aimants permanents exige, du reste, pour
être comprise dans toule sa généralité, la connaissance
de certaines notions qui ont fait leur apparition dans
les sciences mathématiques avec les quaternions:; l’au-
teur les passe en revue dans le troisième chapitre, con-
sacré à la répartition lamellaire ou solénoïdale des
vecteurs dans l’espace; la théorie des aimants s’en dé-
duit par une simple adaptation.
. Après une théorie générale de l'induction magné-
lique, on revient à l'étude approfondie du toroïde dans
un champ magnétique, et, comme préparation aux cas
de la pratique, on étudie les tores sectionnés une ou
plusieurs fois,on calcule l'attraction des pôles el la force
portante des aimants
Ayant ainsi préparé le lecteur à létude pratique du
Circuit par une théorie très complète, l’auteur aborde
l'étude expérimentale des propriétés générales du cir-
cuit. Puis, dans un chapitre qui aurait pu, logiquement,
ètre classé dans la première partie, il montre l’analo-
gie des phénomènes magnétiques avec ceux que l’on
peut envisager comme se produisant dans un circuit,
ou qui, tout au moins, dépendent d’un potentiel; tels
sont les phénomènes de filtration, de diffusion, de
conduction de la chaleur et de l'électricité, enfin la
polarisation diélectrique. Le circuit des machines dy-
namos sous les formes les plus ordinaires est trailé
dans un chapitre spécial, auquel il faut ajouter, comme
complément très instructif pour la pratique, le cha-
pitre suivant, consacré à divers électro-aimants et trans-
formateurs. Le rôle de l’entrefer, l'action des disconti-
nuités même très faibles, étudiées par Ewing et Low,
l'action de la pression et l'influence du poli des sur-
faces en contact, étudiées dans ce chapitre, conduisent
à celle conclusion que, lorsqu'un cireuit magnétique
est composé de plusieurs parties, les pièces doivent
être polies et fortement pressées entre elles, si l’on ne
veut pas s’exposer à diminuer beaucoup son aclion.
L'ouvrage se termine par la description des procédés
de mesure du champ et de l’induction magnetique ; on
n'avait pas allendu jusque-là, bien entendu, pour don-
ner une idée de ces mesures, dont il-était nécessaire de
connaitre au moins le principe pour comprendre la
base expérimentale des théories, mais dont la descrip-
lion détaillée élait subordonnée à la connaissance
des phénomènes,
Nous voudrions relever, dans cette dernière partie,
plus d’un progrès auquel l’auteur a contribué; mais
ce que nous avons dit suffira pour montrer que l'ouvrage
de M. du Bois comble, de la manière la plus heureuse,
une grosse lacune, et sera bien accueilli par tous ceux
qui, élevés dans les anciennes théories des forces ma-
gnéliques, voudront se mettre, sans un (travail déme-
suré, au courant des idées modernes, sur un sujet d'un
haut intérêt pratique, et auquel le physicien ne peut
rester étranger. Ch.-Ed. GuiLLAUME.
Helm (G.) — Grundzüge der mathematischen Che-
mie.— 1vol.in-S°de135p.W. Engelmann. Leipzig, 1895,
Sous le titre de Chimie mathémalique, M. Helm étudie
successivement ce qui concerne l'énergie en général,
l’entropie, l'intensité chimique et ce qu'il appelle la
liberté des phénomènes physiques, terme par lequel il
faut plus spécialement comprendre les règles des phases
énoncées par M Gibbs et leurs applications aux phéno-
mènes chimiques. Ce sont évidemment là des nolions
fondamentales, que l’on a raison de faire entrer dans le
cadre de l’enseignement de la Chimie théorique, A ce
point de vue, le petit ouvrage de M, Helm, qui fait une
large part aux travaux de MM. Gibbs, Helmholtz, Horst-
mann, Ostwald,donne, sous une forme condensée, une
idée nette de la facon dont cet enseignement est com-
pris à l'étranger; il serait évidemment désirable que
ces principes fondamentaux fussent envisagés partout
de Ja même manière. Si tel n’est pas encore le cas,
c'est une raison de plus pour les spécialistes de se tenir
au courant des divers ouvrages publiés sur ces ques-
tions, et c'est à ce titre que nous croyons bien faire en
signalant aux lecteurs de la Revue l'intéressante bro-
chure de M. Helm. Ph. A. Guyg.
390
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
3° Sciences naturelles.
Lavergne (Gaston), Déléqué du Ministère de l'Agricul-
ture, et Marre (Eug.), Professeur départemental d'A-
griculture de l'Aveyron. — Le Black-rot et son trai-
tement pratique. — Une broch. in-18° de GO pages
avec fig. et planches. (Prix : 0 fr. 80). Féret et fils, édi-
teurs à Bordeaux ; A. Bru, éditew' à Rodez. 1895.
La redoutable maladie de la vigne, connue en Amé-
rique sous le nom de Black-rot, s'est montrée en
France pour la première fois en 1885 et a été étudiée
par MM. Viala et Ravaz. On chercha d’abord à la dé-
truire en arrachant, puis brûlant les souches malades ;
mais on reconnut bientôt le procédé impossible à con-
tinuer, car la maladie s’étendait toujours. Actuelle-
ment, le Black-rot est répandu à peu près dans tout le
Midi de la France; on le traite comme le Mildiou par
l'emploi du sulfate de cuivre, et l'on réussit à limiter
et à prévenir ses dégâts. Mais, en 1894, il a causé d'im-
menses ravages dans VlAveyron. C'est pourquoi
MM. Lavergne et Marre, qui l'ont étudié et suivi sur
place dans ce département, convaincus de l’efficacité
des traitements préventifs, ont voulu en vulgariser
l'emploi parmi les vignerons dans un petit livre d'un
prix modique. Ce livre est écrit sans aucune prétention;
les auteurs s'y appliquent à rendre justice à leurs
devanciers, MM, Viala, Ravaz, Prillieux, etc., il nous
paraît répondre au but qu’ils se sont proposé, et
rendra service à ses lecteurs. C. SAUVAGEAU.
Van Gehuchten (A.), Professeur à la Faculté «le Mé-
decine de l'Université Catholique de Louvain. — Le sys-
tème nerveux de l'Homme. — 1 wol, gr. in-8° de
XVI1-707 p. Uyspruyst-Dieudonné. Louvuin,. 1895.
Ce premier essai de synthèse des résultats des ré-
centes découvertes touchant l'histologie du système
nerveux, tels qu'ils ont pu être réalisés au moyen des
méthodes de Golgi et d'Ehrlich, est à tous égards une
œuvre considérable, Rien de plus justifié que l'accueil
favorable qu'il a recu du public dans l’Europe entière,
Grâce à la clarté de l'exposition et au nombre des
figures, il est aujourd’hui relativement facile de se re-
présenter cette structure de l’axe cérébro-spinal qui
nous parait la condition même de l'intelligence des
fonctions du système nerveux central, La connaissance
des connexions anatomiques, celle en particulier de
l'origine, du trajet et des terminaisons des voies ner-
veuses dans les différents territoires du myélencéphale,
voilà le fondement de toute conception scientifique
des fonctions de la moelle épinière et du cerveau. Les
derniers progrès en ce domaine sont dus à de purs
procédés de technique microscopique, à des méthodes
d'imprégnation mélallique etde coloration, qui ont fait
apparaitre un monde jusque-là inconnu de formes et
de structures. Et, comme l'événement l'a prouvé, ce
n’est pas seulement l'anatomie, c’est la physiologie du
système nerveux, je le répète, qui est sortie transfor-
mée de ces révélations, A côté de Golgi, de Ramon y
Cajal, de Kôlliker, dé van Lenhossek et de Retzius, le
nom de van Gehuchten figurera parmi ceux des réfor-
mateurs de l'anatomie du système nerveux.
Dans lelivre que nous annoncons, comme dans l'é-
tude magistrale de van Gehuchten que nous avons sous
les yeux, sur la structure des lobes optiques chez l'em-
bryon de poule!, on acquiert sans peine la conviction
que l'esprit de synthèse n’a point, quoi qu'on dise,
fait tort à ce savant histologiste. J’estime, au contraire,
qu'il n'a montré dans tous ses ouvrages autant de pé-
nétration et de crilique que parce qu’il domine la ma-
tière si vaste de l'anatomie, entièrement renouvelée,
du système nerveux.
Voici l'économie de ce grand corps des doctrines
contemporaines sur l’analomie du système nerveux de
l'homme. Le livre s'ouvre par sept lecons consacrées
à la morphologie macroscopique de l’axe cérébro-spi-
nal, Suit une lecon sur les méninges. La deuxième
partie, précédée de deux lecons sur lhistologie géné-
rale, sur la structure interne des éléments histolo-
siques entrant dans la constitution du système nerveux
central, ainsi que sur la signification physiologique de
ces éléments, traite de l'anatomie topographique de
l’axe cérébro-spinal étudié successivement par régions:
moelle épinière, arrière-cerveau, protubérance annu-
laire, cerveau moyen, cervelet, cerveau intermédiaire,
cerveau antérieur. Chacune de ces régions forme le
sujet-de plusieurs chapitres où l’auteur étudie : 4° la
structure interne de la région au moyen de séries de
coupes transversales ; 2° la circulation artérielle et vei-
neuse ; 3° la description des nerfs périphériquesappar
tenant à la région. Enfin, la troisième partie, et laplus
importante à lire et à relire (lecons XXXII-XXX VII),
résume sous forme de vue générale ou de synthèse les
faits et la doctrine de l'œuvre entière.
L'auteur y étudie la division des faisceaux nerveux
du névraxe en voies longues et en voies courtes. Les
premières, reliant l'écorce cérébrale avec les organes
périphériques, soit par voies centripètes, soit par voies
centrifuges, comprennent la voie motrice ou des pyra-
mides, la voie sensitive ou des fibres du ruban de Reil,
les fibres des pédoncules cérébelleux inférieurs et supé-
rieurs, y compris le faisceau corlico-protubérantiel. Les
secondes, formées d'éléments nerveux à prolongement
cylindraxile relativement court, soit ascendant, soit
descendant, ne sortent pas de l'axe cérébro-spinal.
Placés à tous les niveaux du névraxe, moelle épinière,
moelle allongée, protubérance annulaire, cerveau
moyen,ces neurones comprennent les fibres du faisceau
fondamental des trois paires de cordons de la moelle
épinière (antérieur, latéral et postérieur), et celles du
faisceau longitudinal postérieur, les fibres commissurales
du corps calleux, de la commissure blanche antérieure, des
fibres d'associalion, longues et courtes, des hémisphéres
cérébraux. Van Gehuchten se demande si ces éléments
des voies courtes sont des neurones moteurs ou des neu-
rones sensitifs. « Ce sont peut-être, écrit-il, des neu-
rones miles, des neurones neutreï, ayant pour fonction
de relier entre eux soit des éléments moteurs soit des
éléments sensitifs, — ou bien de relier des éléments
moteurs à des éléments sensitifs, et de répartir ainsi
sur une étendue un peuplus considérable l'ébranlement
recueilli par leurs prolongements protoplasmiques. » Les
proiongements cylindraxiles de ces neurones neutres
constituent les fibres commissurales, soit les fibres com-
missurales longitudinales, qui existent en nombre incal-
culable dans la moelle épinière, la moelle allongée,
la protubérance annulaire et le cerveau moyen, soit les
fibres commissurales transversales, qui forment une par-
tie notable de la substance blanche du cerveletet du
cerveau antérieur.
La dernière lecon, très sommaire, traite du système
nerveux sympathique.
Le point cardinal de ce livre, comme de toute élude
actuelle sur la structure du névraxe, c'est la théorie
des neurones. Le principe de la contiguité substitué
partout à celui de la continuité dans les rapports des
éléments du système nerveux, voilà qui a fermé l'ère
des anastomoses, comme fa dit Ramon y Cajal. Le
réseau nerveux diffus, de nature protoplasmique ou
cylindraxile, de Gerlach ou de Golgi, révoqué en doute
presque en même temps par Forel (1887) et par His, a
élé définitivement dissocié en individus organiques
indépendants dont les extrémités se terminent libre-
ment, et donnent bien plutôt l'aspect d'un feutrage que
celui d’un réseau au système nerveux, La dualité de la
fibre et de la cellule nerveuse n'existe plus. La cellule
nerveuse el son prolongement cylindraxile, apparu
avant son prolongement protoplasmique ou dendrite
(His), ne font qu'un seul et unique élément nerveux,
qu'il s'agisse du système nerveux cérébrospinal ou du
système sympathique. Ces unilés nerveuses, ce sont
les neurones.
Van Gehuchten insiste avec raison sur la modifica-
lion profonde que, avec Ramon y Cajal et Külliker, il
a fait subir à la théorie de Golgi et de ses élèves, voire
ét na de. put fé
de Nansen, touchant le rôle physiologique des prolon-
gements protoplasmiques. D’après Golgi, le prolonge-
ment cylindraxile est seul de nature nerveuse; tous les
autres prolongements cellulaires ne constituent que
des appareils de nutrition destinés à puiser dans les
vaisseaux les éléments nutritifs nécessaires à la vie de
la cellule. Or, ces rapports des dendrites avec les vais-
seaux sanguins ont été contestés par « tous les auteurs
qui ont appliqué la méthode au chromate d’argent à
l'étude de la structure des centres nerveux ». Ce qui
démontre, avec la nature nerveuse des prolongements
protoplasmiques, leur fonction de conductibilité, c'est,
par exemple, que, dans le bulbe olfactif des mammi-
fères, les prolongements protoplasmiques des grandes
cellules mitrales recoivent directement l’ébranlement
nerveux que leur transmettent les prolongements
cylindraxiles des fibres olfactives, et que, dans les
lobes optiques des oiseaux, les arborisations terminales
des fibres du nerf optique transmettent également
l’'ébranlement nerveux aux dendrites des cellules de
ces ganglions.
La seule différence, non quant à la nature nerveuse
des prolongements cylindraxiles et protoplasmiques,
mais quant au mode de conduction nerveuse, c’est que
le sens ou la direction de cette conduction est inverse
dans les deux espèces de prolongements cellulaires.
Dans les prolongements protoplasmiques, l’ébranle-
ment nerveux est toujours transmis des ramifications
terminales ou dendritiques à la cellule du neurone;
dans les prolongements cylindraxiles, il est transmis
de la cellule nerveuse aux arborisations terminales "du
cylinäraxe. Là, la conduction est cellulipète, ici celluli-
fuge. « Cette hypothèse, dit van Gehuchten, que nous
avons émise le premier d'une facon quelque peu dubi-
tative en 1891, et que nous avons développée dans nos
recherches ultérieures, à été défendue également par
Ramon y Cajal sous le nom de théorie de la polarisation
dynamique des éléments nerveux. » Or, cette hypothèse,
contre laquelle Golgi a dirigé de sévères critiques, est
en parfait accord avec les faits.
Ainsi, le sens suivant lequel s'exerce la conductibilité
varie dans les deux espèces de prolongements d’un
neurone. Le contact utile entre éléments nerveux,
l'articulation (Ramon y Cajal) entre neurones super-
posés, bref, la transmission d’un élément nerveux à un
autre élément nerveux, a lieu exclusivement entre les
arborisations terminales du prolongement cylindraxile
d’un neurone et les ramifications terminales des pro-
longements protoplasmiques, peut-être aussi le corps
cellulaire, d’un autre neurone. Le prolongement cylin-
draxile (quelquefois un même neurone peut avoir deux
et mème plusieurs prolongements cylindraxiles) ne
recoit jamais l’'ébranlement nerveux des prolongements
protoplasmiques, ni des arborisations cylindraxiles
avec lesquelles il entre en contact : il ne propage que
l’'ébranlement nerveux qui lui arrive de sa cellule
d’origine et il ne le transmet qu'aux ramifications pro-
toplasmiques ou au corps cellulaire d’autres neurones.
Demème,un prolongement protoplasmique ne transmet
jamais à sa cellule d’origine que l’ébranlement ner-
veux qui lui est communiqué par des arborisations
cylindraxiles. On concoit que le principe d'unité rela-
tive de conduction nerveuse puisse être désormais
invoqué, ce qui était impossible (Golgi l’a noté) dans
la théorie des anastomoses du réseau nerveux
diffus. M. van Gehuchten aurait pu insister sur ce
point.
- Quant au corps cellulaire du neurone (mais quelles
des parties constituantes de ce corps?), il conserve sa
haute importance physiologique : c’est à lui qu'arrivent
les ébranlements nerveux recueillis par les dendrites
ou recus directement par le contact d’arborisations
cylindraxiles d’autres neurones voisins; c’est de lui
que partent les ébranlements nerveux que propagent
le prolongement cylindraxile et les ramifications col-
latérales. de ce prolongement, à la suite soit d’une
excitation transmise par les ramifications dendritiques,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
soit d’une « modification spéciale survenue directement
dans la cellule elle-même ».
C'est encore, il nous semble, avec toute raison, que
van Gehuchten a établi comme criterium de la nature
fonctionnelle d’un prolongement nerveux, abstraction
faite des caractères morphologiques, qui sont loin
d’être toujours distincts, le sens ou la direction suivant
laquelle il conduit l'ébranlement nerveux. Pour les cel-
lules nerveuses unipolaires des animaux inférieurs, les
prolongements protoplasmiques seraient remplacés par
le corps cellulaire lui-même. C’est ainsi que les prolonge-
ments périphériques des cellules des ganglions cérébro-
spinaux doivent être tenus pour des prolongements
protoplasmiques. Enfin, la cellule nerveuse, centre
fonctionnelle du neurone, est aussi le eenlre génétique
et le centre trophique de cet élément nerveux. L'action
trophique de la cellule s'exerce non seulement sur le
prolongement cylindraxile, mais sur le prolongement
protoplasmique : tout nerf périphérique de sensibilité,
qu'on doit considérer comme un prolongement proto-
plasmique, dégénère après une section qui le sépare
de sa cellule d’origine dans un ganglion spinal.
11 me faut, à regret, fermer ce grand livre de van
Gehuchten, où tant d’autres problèmes de la vie des
neurones sont indiqués et discutés avec profondeur,
sans que la considération de l’élément anatomique soit
jamais un seul instant perdue de vue. C'est la seule
méthode qu'on doit suivre dans rétude des fonctions
du système nerveux. Tout semble indiquer que les
conquêtes de l’histologie du névraxe vont être aussi
rapides qu’elles ont été éclatantes. Jules Soury.
4° Sciences médicales.
Soulier (Henri), Professeur de Thérapeutique à la
Faculté de Médecine de Lyon. — Traité de Thérapeu-
tique et de Pharmacologie, suivi d'un Memento
formulaire des médicaments nouveaux. — 2 grands
vol. in-8°, de 1000 p. chacun (Prix : 25 francs).
G. Masson, éditeur, Paris, 1895.
L'ouvrage de M. Soulier représente six semestres de
lecons professées dans notre grand centre universitaire
de Lyon. On y remarque la préoccupation constante de
tenir le lecteur aussi bien au courant des travaux
étrangers que de ceux qui se font chez nous; ces der-
niers y occupent une place honorable, qui leur est
malheureusement trop souvent refusée dans les publi-
calions francaises.
Les praticiens verront avec satisfaction qu'une large
part a été faite à la pharmacologie proprement dite,
à la description des médicaments, à leurs formes chi-
miques et pharmaceutiques : l’auteur n'a pas pour cela
négligé la pharmacodynamique ou action physiologique
des substances toxiques médicamenteuses, constituant
la partie, sinon la plus pratique, du moins la plus inté-
ressante et la plus savante. ,:
Après avoir montré toute l'importance que lon doit
attribuer à l’expérimentation, M. Soulier met, avec
raison, le praticien en garde contre la tendance que lPon
a trop généralement à conclure de l'organisme sain à
l'organisme malade. C'est ainsi que la précieuse pro-
priélé fébrifuge de la quinine n'aurait pu être décou-
verte par l’analyse physiologique.
Pourtant il serait injuste de ne pas reconnaitre que
la découverte de quelques merveilleux agents thérapeu-
tiques est due exclusivement à lexpérimentation : tout
ce qui est resté d’utile dans la pratique des anesthé-
siques est sorti des laboratoires : il est vrai qu'il s'agit
ici d'organismes sains, ou considérés comme tels, et
que l’anesthésie chirurgicale est, pour celle raison,
purement physiologique,
Très judicieusement, le savant maitre lyonnais
insiste pour que le praticien ne se dessaisisse pas pré-
maturément de la thérapeutique empirique, basée sur
l'observation et sur la clinique, tant que la physiologie
et la pathologie expérimentales ne seront pas plus
avancées.
Fan Rs in eur à
Il examine les rapports de la thérapeutique avec la
bactériologie et critique, avec raison, ceux qui s’obsti-
nent à vouloir tuer des parasites souvent plus résis-
fants que les organismes qu'ils habitent : il aurait pu
citer le cas de ce médecin qui avaitentrepris de rendre
le sang acide pour empêcher le développement des
sermes de la tuberculose !
L'examen des méthodes microbicides directes ou indi-
recles, de: l'asepsie et de l’antisepsie, et, en un mot,
de toute la bactériothérapie, occupe une place impor -
{ante et donne lieu à une analyse critique des plus
approfondies.
A propos des alcaloïides végétaux, des ptomaïines et
des leucomaïnes, l'auteur se livre à des incursions
très instructives dans le domaine de la physiologie
des centres nerveux, et montre qu'aucune des acquisi-
lions nouvelles de la science ne lui est étrangère on
indifférente.
La transfusion du sang etses dérivés, tels que le lavage
interne de l'organisme par la méthode de Dastre et Loye,
Jui suggèrent des réflexions et des remarques impor-
tantes,
L'étude des régimes, si négligée dans la plupart des
ouvrages de thérapeutique, se montre ici plus déve-
loppée qu'ailleurs, mais, à notre sens, d'une manière
encore insuffisante ; pourtant on lira avec intérêt les
chapitres consacres à la diète carnée, au végélarisme,
aux diverses cures, au régime antidiabélique, etc.
Dans certains cas, il est indispensable de fournir à lor-
wanisme des éléments constituants qui lui font défaut,
et au sujet des idées de Schultz sur l’importance du
soufre dans certaines chloro-anémies, M. Soulier rap-
pelle à propos les recherches de M. Louis Olivier sur le
rôle respiratoire de ce métalloïde et la théorie du philo-
thion de M. de Rey-Pailhade.
Après laydrothérapie, c'est la kinésithérapie qui four-
nit une étude originale de l'influence de l'exercice et
des diverses théories contradictoires relatives aux
rapports de la chaleur et de la contraction muscu-
laire.
l'action du froid, de la chaleur, de la
lumière, Vaéropiézothérapie, la climatothérapie. sont
trailés d'une manière très pratique. Notons encore
l'électricité et ses applications : le médecin le moins
familiarisé avec la physique actuelle pourra très rapi-
dement se meltre au courant des idées el des procédés
nouveaux en lisant les quelques pages d’une grande
clarié consacrées à la technique.
La médicution antithermique el particulièrement Je
rôle de l'eau froide dans la méthode balnéaire, si
bien étudié par Weill, Roque, Tripier et Bouverel, S'y
lrouvent largement traités.
La précision, la netteté et l'absence de tout verbiage
inutile ont permis à l’auteur de réunir, sous un volume
convenable, une grande quantité de documents dont
l'assimilation est considérablement facilitée par un
style élégant, parfois humoristique et souvent relevé
d'henreuses citations littéraires.
Nous ne saurions trop féliciter M. Soulier d'avoir
évilé toute vue d'ensemble systématique et de s'être
laissé guider plutôt par la méthode naturelle qui con-
siste à grouper où rapprocher les choses qui offrent le
plus de points communs ou d'analogies.
Le nouveau Traité de Thérapeutique et de Pharmaco-
loqie sera certainement apprécié par tous les praticiens
soucieux de se rendre compte de ce qu'ils font ou doi-
vent faire, et dont les connaissances thérapeuliques ne
se borneront pas à savoir consulter un formulaire de
poche ou à collectionner des annonces de spécialités
pharmaceutiques. On ne saurait trop en recommander
aussi la lecture aux expeclants exclusifs, serviteurs
infidèles de la « Natura medicalrix », qui dissimulent
mal leur ignorance sous le mépris qu'ils affichent pour
les médications empiriques ou rationnelles, dont les
bons effets ont été prouvés par la clinique.
Dr Raphaël Dusors,
Professenr à la Faculté des Sciences de Lyon.
Le massage,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
5° Sciences diverses.
Préville (A. de) — Les Sociétés Africaines. Leur
origine, leur évolution, leur avenir. — Un vol.
in-8° de 342 p. avec cartes en couleurs dans le texte,
(Priæ : 6 fr.) Firmin-Didot et Cie, Paris, 1895.
M. de Préville expose lui-même de la facon suivante
l'intention qu'il a eue en écrivant cel ouvrase sur les
Sociétés africaines : « Je me suis proposé comme ob-
jectif spécial d'examiner, dans leur constitution essen-
lielle et dans les modifications qui naissent de leur
contact réciproque, les diverses formes de société sous
lesquelles se trouvent groupés les habitants du conti
nent africain, »
La première « zone sociale » qu'étudie l'auteur, est.
celle des déserts du Nord. Il y distingue « quaire ré>=
sions : celle des pasteurs cavaliers, celle des chame-
liers, celle des chevriers et celle des vachers ». Un
paragraphe est réservé aux habitants sédentaires des
oasis. :
La seconde zone examinée est celle des montagnes
de l'est, la troisième celle des déserts du sud. Le
quatrième chapitre est consacré aux Boers de l'Afrique
australe, le cinquième à la zone équatoriale, le sixième
à la région du dourah et des pasteurs du Nil Blanc,
L'auteur termine par la recherche de l'origine des
races africaines, et des condilions de régénération
sociale de la race noire.
Telles sont les grandes lignes de cel ouvrage.
On ne peut qu'applaudir au. dessein de M. de Pré-
ville. Réunir les innombrables détails rapportés par
les explorateurs sur la vie sociale des peuples africains,
depuis quatre-vingts ans, et en former une vaste syn-
thèse, voilà certes une entreprise digne d’encoura-
gement, On sait que c’élait le projet de Robert Hart-
mann, et qu'il l'a partiellement exécuté en publiant
le premier volume de Die Nigrilier. Mais ce premier
volume date de 4879; le second est attendu en vain,
depuis seize ans, et le sera vraisemblablement toujours.
Nous éprouverions donc une certaine satisfaction à voir
la science française aboutir, là où la science germa-
nique, d'habitude si pleine de confiance en elle-même,
hésite ou même se montre impuissante, Mais nous ne
sommes pas certain que les études antérieures de
M. de Préville l’aient suffisamment préparé à la tâche
immense qu'il a entreprise. On est quelque peu étonné
de ne pas le voir faire meilleur usage des observations
des grands voyageurs qui ont parcouru l’Afrig”.… uepuis
quarante ans, Pourquoi ne s’estil pas davantage
servi des relations de Barth et de Nachtigal, de Rohlfs
et de Wissmana? Comment n’a-til pas tiré meilleur
parti dans son premier chapitre des travaux d’'Henry
Duveyrier?
Cet ouvrage ne nous parait donc pas suffisamment
documenté, et, d’un mot, l’exécution ne répond pas
aux intentions de l’auteur, qui, nous le répétons,
étaient excellentes. HD:
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand tn-5° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte el planches en cou-
leurs. 18° et 519° livraisons. (Prix de chaque livrai-
son, À fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, vue de Rennes,
Paris, 1895.
Les 518° et 319° livraisons renferment des articles
très intéressants sur le laminage, sur Îles différentes
sortes de lampes, par M. L. Knab; sur le lancement des
navires par M. Kerlero du Crano; sur la langue aux
points de vue anatomique, physiologique et patholo-
gique, par M.le DFA. Cab; sur l’enseignement des
langues vivantes, par M. A. Bossert; une monographie
du département des Landes, due à M. A. M. Berthelot,
et illustrée d’une magnifique carte en couleurs ;
la biographie de l'abbé de Lamennais, par Ch. Adam et
celle du grand géomètre Lamé, par M. L. Sagnet,
k
L
*
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he. à +.
PORTO CPP JE PER
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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
393
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 18 Mars 1895.
M. le ministre de l'Instruction publique, des Beaux-
Arts et des Cultes adresse ampliation du décret par
lequel le Président de la République approuve l’élec-
tion de M. Weierstrass comme Associé étranger. —
M. Adolphe Carnot est élu Membre libre en rempla-
cement de feu M. de Lesseps.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. O. Callandreau a
continué l’étude du problème des lacunes dans la zone
des petites planètes d’après les méthodes exposées
antérieurement; il donne les résultats des calculs
poussés jusqu'aux termes du troisième degré et en te-
nant compte du carré de la petite quantité n —2n,. —
M. Darboux présente une réimpression fac-similé de
l'ouvrage de Néper : Mirifici logarithmorum canonis
construclio et eorum ad naturales ipsorum numeros
habitudines. — M. F. Gonessiat à continué ses re-
cherches sur le déplacement du pôle ; de l’ensemble de
ses observations, poursuivies pendant dix années, l’au-
teur conclut que la correction de la latitude se com-
pose d’un premier terme indépendant de l’oscillation
annuelle, et de deux autres termes dépendant de deux
périodes nouvelles : l’une de 650 à 660 jours, l’autre de
9 à 10 ans. — M. A.-J. Stodolkievitz montre que les
coefficients X doivent satisfaire à certaines conditions
d’inlégrabilité dont la forme est autre que celle des
conditions connues dans le cas où le système donné
des équalions différentielles :
dirty = Xrs dei + Xr2 die + Xys des + Xrs dry,
équivaut au système relatif:
dtrzs = Ar1 d®, + Aro das
M M9), (04 2 6,» — 14,9, ... n —4).
— M. Paul Païinlevé donne une définition générale du
frottement, d’après laquelle le théorème de Gauss sur
l'écart prend la forme suivante : Pour que l'écart d’un
système soit constamment minimum, il faut et il suffit
que le système soit sans frottement. — M, Le Roy
expose des considérations mathématiques qui per-
mettent de résoudre, avec une entière rigueur, le pro-
blème du refroidissement d’un corps solide parrayon-
nement, c'est-à-dire trouver une fonction continue
V (&, y, z, t) jouissant des propriétés suivantes :
M= g (5 y 2)
pour { — 0. Les résultats précédents s'étendent au cas
où il y a des sources de chaleur intérieures au corps,
où le pouvoir émissif n’est pas le même en tous les
points de la surface, où le milieu ambiant n'est pas à
une température uniforme, enfin où la conductibilité
varie avec la température.
29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Moreau déduit de la
théorie de l'absorption de la lumière dans les cristaux
uniaxes les conclusions suivantes : 1° L’onde ordinaire
qui vibre perpendiculairement à l'axe a un coefficient
d'absorption constant, et la réfraction de l’onde n’est
pas sensiblement modifiée par l'absorption quand le
cristal est peu absorbant. 2° L’onde extraordinaire sera
absorbée suivant une seule exponentielle et le coefficient
d’absorplion variera avec l’inclinaison de l'onde sur
l'axe du cristal. 3° Les formules obtenues représentent
bien les résultats obtenus par M. Camichel dans l’é-
tude de l'absorption de plusieurs variétés de tourma-
line, — M, Jules Andrade reprend la question de la
discontinuité de la couche électrique ; il établit l’exis-
tence de cette discontinuité par une démonstration
rigoureuse. La raison analytique de cette disconti-
nuité de la force est de même nature que celle que la
Géométrie indique dans le cas d’une densité À cons-
tante. — M. Edm. Fouché expose un appareil imitant
les mouvements exécutés par certains animaux pour se
retourner sur eux-mêmes, sans appuis extérieurs ;
abandonné à lui-même, il exécute certains mouve-
ments et change en même temps son orientation de
près de 1809. — M. Ch. V. Zenger montre qu’en com-
binant deux miroirs de même rayon de courbure, et en
disposant les surfaces symétriques de manière que le
miroir convexe soit placé au milieu de la distance
du grand miroir concave et de son foyer, il est pos-
sible de diminuer l’aberration sphérique au point que
les images soient absolument exemptes de toute aber-
ration de forme, — M. Lucien Poincaré établit qu'en
combinant le mercure avec les sels alcalins des ha-
loïdes, et particulièrement avec l’iodure de sodium, on
constitue des piles secondaires liquides où les deux
électrodes restent, après la charge, entièrement métal-
liques, le sodium se combinant avec le mercure pour
former un amalgame. Ces piles fournissent un nouvel
exemple de la possibilité de remplacer, en principe, les
accumulateurs à plomb par d’autres combinaisons. —
M. Bernard Brunhes a étudié l’effet d’une force élec-
tromotrice alternative sur l’électromètre capillaire et
reconnu que l’électromètre se comporte de la même
facon vis-à-vis d’une force électromotrice constante ou
d’une force électromotrice alternative, à partir de la
position du maximum de la constante capillaire. L'ex-
périence s’interprète simplement comme par compa-
raison avec la charge d’un électromètre idiostatique
pour une force électromotrice alternative. — M. Désiré
Korda s’est demandé si, lors de la réduction des
oxydes métalliques par le charbon, une partie de l’é-
nergie chimique mise en jeu ne se manifeste pas aussi
sous forme d'énergie électrique. Les bioxydes de
baryum et de cuivre donnent nettement une force élec-
tromotrice, une fois arrivés à une température élevée,
l’un directement avec le charbon, l'autre indirecte-
ment, c’est-à-dire par interposition d’un carbonate
alcalin en fusion. — M. Baux adresse une note rela-
tive aux procédés employés pour essayer les robinets.
— M. J. Thoulet signale l'application de la photo-
graphie à la détermination exacte du plan de certains
bains de sable dont la positionet les contours varient
fréquemment et dont le levé est rendu ainsi à peu près
impossible. La connaissance du plan exact à des
époques et dans des conditions déterminées rendrait
service à la navigation. — M. Berthelot développe ses
expériences d'essais pour faire entrer l’argon en com-
binaison, Sur 100 volumes du nouveau gaz, 83 ont été
condensés successivement à l’état de combinaison chi-
mique, produite sous l'influence de l’effluve, en pré-
sence de la vapeur de benzine, — MM. Paul Sabatier
et J.-B. Lenderens ont étudié l’action de l’oxyde
azoteux sur les métaux et sur les oxydes métalliques ;
les oxydations réalisées par l’oxyde azoteux diffèrent
peu de celles que donne l’oxyde azotique étudié de
même au-dessous de 500. — M. Raoul Varet à déter-
miné la chaleur dégagée dans la combinaison du mer-
cure avec les éléments chlore, brome, iode et oxygène;
les nombres obtenus sont très voisins de ceux obtenus
par M. Nernst dans des conditions différentes. Le
même auteur a reconnu que la transformation de
l’'oxyde jaune de mercure en oxyde rouge ne donne
394
lieu à aucun effet thermique sensible, tandis que celle
des iodures dégage 3cal. — M. H. Le Châtelier a dé-
terminé la chaleur de formation de quelques oxydes
calcinés insolubles dans les acides, en les faisantentrer,
au moyen de la bombe calorimétrique, dans certaines
réactions vives donnant un état final bien déterminé; il
a opéré sur le protoxyde, le sesquioxyde, le carbonate
et le silicate de fer, — M. Paul Rivals donne l'étude
thermique des aldéhydes chlorés, l’aldéhyde mono-
chloré et l’aldéhyde trichloré ou chloral; il compare
leur chaleur de formation et leur chaleur de substitu-
tion à celles des chlorures d'acides chlorés isomères.
Le même auteur a trouvé que la transformation de
l’aldéhyde monochloré en son polymère cristallisé
correspond à un phénomène thermique de 4414, —
M. G. Denigès signale une combinaison du sulfate de
mercure et du thiophène dont la facilité de formation
et l'insolubilité rendent l’emploi très précieux, non
seulement pour déceler des traces de thiophène, mais
encore pour doser et extraire ce dernier dans les ben-
zènes commerciaux. — M, G. Tanret, à propos de son
étude des éthers acétiques des sucres, fait quelques
remarques sur l’état des corps primitivement cristal-
lisés que la fusion a rendus amorphes ; il fait observer
que le passage de l’état amorphe à l'état cristallisé se
fait avec un dégagement de chaleur très notable, l'état
cristallisé correspondant au système le plus stable,
— MM. Ph.-A, Guye et Ch. Jordan ont entrepris l'é-
tude des principaux éthers actifs de l’acide oxybuty-
rique actif; leur pureté à été constatée par l'égalité
des valeurs observées et calculées de la réfraction mo-
léculaire, qui donne une précision du même ordre que
l'étude analytique. Les pouvoirs rotatoires dans la
série passent par un maximum, conformément aux
prévisions de la théorie. C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES, — M. Dastre présente un
mémoire sur les transformations de la fibrine par
l’action prolongée des dissolutions salines faibles, Cette
substance albuminoïde se conduit envers ces disso-
lutions faibles comme envers les solutions concentrées,
c’est-à-dire qu'elle se délile, se résout en poussière et
se dissout partiellement si l’on a éloigné tout micro-
organisme, On trouve dans la solution une fibro-albu-
mine «, analogue au fibrinogène coagulable vers 55°;
une fibro-globuline $, analogue à la sérum-globuline
coagulable au-dessus de 75°; enfin des propeptones, des
propeptoses et des traces de peptones, — M. Müntz,
dans une note sur les rapports qui existent entre la pro-
duction du vin et l’utilisation des principes fertilisants
par la vigne, montre à quel point les exigences de ce
végétal sont indépendantes de la quantité de vendange.
— M. Balland compare quelques procédés de décorti-
cation des blés, — M. Tissot, continuant ses recherches
sur l’acide carbonique dégagé par les muscles isolés
du corps, démontre que cet acide provient de deux
sources : 1° d’un phénomène physique : dégagement de
l’acide carbonique préformé, contenu dans le muscle
à l’état de dissolution ou de combinaison très instable ;
2° d'un phénomène physiologique : produ:tion de CO?
sous l'influence de l'activité vitale du muscle, —
MM. Apostoli et Berlioz fournissent les résultats d'un
an de recherches sur l’action thérapeutique des cou-
rants alternatifs à haute fréquence (auto-conduction de
M. d’Arsonval), leur influence sur l’état sénéral et dans
les manifestations pathologiques les plus diverses.
Pour cela, les malades soumis à ce traitement étaient
placés chaque jour, pendant 15 ou 20 minutes, dans le
grand solénoïde de M, d’Arsonval. Les effets ont été nuls
chez certaines hystériques et dans plusieurs cas de
névralgies localisées; par contre, les arthritiques, les
goutteux, les rhumatisants, les glycosuriques, etc., ont
retiré de ce traitement un réel bénéfice. L'état général
de ces malades s'améliore dès les premières séances
par la restauration des forces, le réveil de l'appétit, le
retour du sommeil, etc.; puis, les troubles locaux, dou-
loureux ou trophiques, s’'amoindrissent, et enfin, paral-
lèlement à cette amélioration symptomatique, la diu-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
rèse devient plus satisfaisante, Les combustions aug-
mentent : car, à lanalyse, le- rapport entre l'acide
urique et l'urée se rapproche du rapport moyen _. Les
auteurs ont, de plus, constaté une diminution considé-
rable de sucre chez trois diabétiques également soumis
à ce seul traitement, Comme on le voit, ces courants
ont doncsurtoutune influence puissante surles troubles
fonctionnels provoqués par un ralentissement ou une
perversion de la nutrition, — M. M. Léger continue
ses recherches histologiques sur le développement des
Mucorinées et trouve une structure commune à un
certain nombre de genres, mais variable avec l’âge de
ces Champignons. — M. Traverso fait la description
géologique de l’Ossola (Alpes Lépontines).
J. MARTIN.
Séance du 25 Mars 1895.
M. le ministre de l’Instruction publique adresse am-
pliation du décret par lequel M. le Président de la Répu-
blique approuve l'élection de M. A. Carnot comme
Membre libre en remplacement de feu M. de Lesseps,.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Baïillaud et Ros-
sard adressent leurs observations de la planète BV
(Charlois), faites au grand télescope de l'observatoire
de Toulouse, — M, H. Petit communique les observa-
tions de la planète BT (M. Wolf, 16 mars 1895) faites à
l'observatoire de Besancon (équatorial droit), —
M. Emile Picard établit le théorème suivant sur la
théorie des surfaces et des groupes algébriques. Lors-
qu'une surface algébrique dans un espace à n dimen-
Sions :
SCA EAN 000 0) =
admet un groupe G continu et fini de transformations
birationnelles, si le groupe G est à » paramètres, on
peut s'arranger de manière que les coefficients des
fonctions rationnelles des æ qui donnent le groupe,
soient des fonctions uniformes des > paramètres
s’exprimant au moyen des transcendantes de la théorie
des fonctions abéliennes ou de leurs dégénérescences.
-- M. A. Mannheim énonce une propriété générale des
axoides : Les développées successives d’un axoïde sont
des axoïdes par rapport àdes courbes engendrées de la
même manière. — M, Thomas Craig généralise une
formule établie par M. Darboux. — M. Wladimir
de Tannenberg indique une classe assez étendue de
systèmes d'équations aux dérivées partielles, pour la-
quelle le problème de l'intégration comporte une sim-
plification. — M. Emile Borel énonce le théorème
suivant: Elant donnée une équation linéaire aux déri-
vées partielles à coefficients analytiques, toute intégrale
analytique de cette équation est donnée par la formule :
2
EN | 18 (DL
0
où æ,, æ&,... æ* sont les variables ; 6 une intégrale par-
ticulière dépendant de n + 2 constantes &, &, ...,
An, , &; / (x) une fonction réelle arbitraire de la va-
riable réelle 4. — M, Chapel établit des équations du
mouvement des projectiles dans l'air en tenant compte
de la loi de la résistance-de l’air, vérifiée expérimentale:
ment entre 300 et 1100 m; ces équations donnent la s0-
lution complète du problème pour le tir de plein fouet.
— M. Alfred Grandidier offre la feuille Nord de la carte
de la province centrale de Madagascar : l'Ime-
Los 1 CC Qose.; Gn sn LR)
à 20,000
rina,
29 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Delaurier adresse une
note ayant pour titre : Indication d’un procédé facile
pour faire le vide parfait, même dans un très grand
récipient, sans aucun mécanisme, — M. Berthelot
annonce que M. Ramsay a découvert l’argon dans un
minéral naturel, la clévite ou clévéite, à côté de l'hélium,
élément hypothétique contenu dans le Soleil. —
M. Berthelot signale une fluorescence magnilique, jaune
verdâtre, produite dans une de ses expériences sur l’ar-
.
‘s
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 353
RE —"—"—"———"———— ——"———""———"—"—"—— — —————…— —
gon ; cettefluorescence, étudiée au spectroscope, porte à
regarder l’aurore boréale comme produite par un dérivé
fluorescent de l’argon ou de ses congénères. —
M. Schutzenberger a effectué des recherches sur les
métaux de la cérite dans le but de préciser les poids
atomiques de ces métaux. Les méthodes fondées sur la
transformation du sulfate en bioxyde ou inversement
. sur la conversion du bioxyde en sulfate, manquent de
base fixe. — M. Dubois a appliqué à la magnésie et à
la glucine la méthode qui, avec l’alumine, lui avait
donné la cryolithe potassique et la leucite; il a pu
ainsi obtenir des fluorures doubles de magnésium et
de potassium, ainsi qu'un silicate de magnésie et de
-potasse bien cristallisés. — M. Léon Pigeon indique
un nouveau mode de préparation commode de l'acide
chloroplatineux et de ses sels : il consiste à réduire l’a-
cide chloroplatinique par la quantité calculée de dithio-
nate de baryte cristallisé ; la réaction se passe suivant
l'équation :
PICISBa + S205Ba + 2H20 — PICUH? + 2HCI + 2S0Ba.
— M. de Forcrand a déterminé la chaleur de formation
de l’acétylure de calcium en se basant sur sa décom-
position par les acides; ilest formé, comme l’acétylène
lui-même, avec absorption de chaleur à partir de ses
éléments. — MM. J. Ville et Ch. Astre ont étudié
Vaction de l’acide o.-aminobenzoïque sur la beuzoqui-
none. Cet amine-acide se comporte à la facon des
amines primaires à fonctions simples et présente cer-
taines propriétés communes avec les diacétones —
M. E. Petit a suivi les variations des matières sucrées
pendant la germination de l'orge. La proportion de
sucre réducteur augmente constamment jusqu’au neu-
vième jour; l'accroissement est maximum du deuxième
au troisième jour. Le saccharose augmente aussi d’une
facon continue, mais avec une période d’accroissement
très lent du troisième au sixième jour. il y a une rela-
tion entre les quantités de sucre réducteur et de sac-
charose existant dans l’orge pendant la germination.
— MM. F. Bordas et Ch. Girard recommandent l’em-
ploi du permanganate de chaux dans l’épuration
chimique des eaux ; l’eau traitée par ce corps ne con-
tient plus de matières organiques et se trouve privée de
tous microorganismes; elle ne contient que de faibles
quantités de carbonate de chaux et des traces d’eau
oxygénée qui continue à assurer l’asepsie du liquide.
C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Kunckel d'Herculais
adresse un mémoire intitulé : « Recherches sur la
structure intime des organes tactiles chez les Insectes
diptères; différenciation de ces organes en vue de la
gestation, » — MM. Berthault et Crochetelle ont exa-
miné un blé provenant d'un terrain salé en Algérie.
Les sels, en pénétrant dans la plante, provoquent un
ralentissement de l’activité végétale; puis les très
fortes chaleurs amènent le dépérissement. — M. E.
Olivier conteste l'opinion de M. Guebhard sur la for-
mation des frondes anormales des fougères. —
MM. Van der Stricht et Walton ont pu étudier l’ori-
gine et la division des noyaux bourgeonnants des
cellules géantes sarcomateuses. J. MARTIN.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séunce du 19 Mars 1895.
M. Le Dentu lil un rapport sur deux communications
de M. le D° Duret (de Lille), la première relative à la
gastropexie, la seconde à la néphrolithotomie et à la
néphrectomie dans les calculs ramifiés du rein. —
M.P. Cazeneuve décrit un nouvel appareil permettant
de stériliser le lait à la température de l’eau bouillante
et d'assurer sa conservation indéfinie, — M. Magitot
émet le vœu que l’Académie désigne une Commission
chargée de rechercher les voies et moyens capables de
conjurer ou d’atténuer les dangers du phosphorisme
chez les ouvriers des fabriques d’allumettes. — A pro-
sume ses recherches sur la nécrose phosphorée, —
M. Colin lit un travail sur la pathogénie du coup de
chaleur. Il établit que le moyen par lequel l'organisme
se débarrasse de l'excédent de calorique venant de
l'exercice ou d’une source extérieure est la double
transpiration. Pour combattre l’hyperthermie, il im-
porte donc de favoriser la transpiration.
Séance du 26 Mars 1895.
L'Académie procède à l'élection de deux correspon-
dants étrangers dans la Il° Division (Chirurgie). MM. Mo-
risani (de Naples) et Julliard (de Genève) sont élus.
— M. Lagneaulit unrapport sur un mémoire du D° J.
Bertillon, relatif au surpeuplement des habitations et
à son influence sur la validité et la mortalité. —
MM. G. Linossier et G. Roques font une communica-
tion sur la glycosurie alimentaire; ils concluent que
l’on doit se montrer très réservé dans l'interprétation
de ce symptôme, car ils l’ont observé chez des gens très
bien portants,
Séance du 2 Avril 1895.
L'Académie procède à l'élection d’un Correspondant
national dans la IV® Division (Physique et Chimie mé-
dicales, Pharmacie), M. Bleicher (de Nancy) est élu. —
— M. P. Berger fait un rapport sur un cas d’épispa-
dias complet, opéré et guéri par le D° Pozzi, au moyen
de la méthode de Thiersch ; il avaitété traité auparavant
par un autre chirurgien au moyen du procédé de Du-
play, mais le résultat fut nul. — M. Laborde fait un
rapport sur un mémoire du D° Camus, relatif à un cas
de goître suffocant, avec dyspnée paroxystique et mort
apparente, guéri par les tractions rythmées de la
langue. — M. Péan fait une communication sur un Cas
d'hermaphrodisme; il s’agit d’un enfant dont on ne
put déterminer définitivement le sexe qu'après avoir
ouvert l'abdomen et recherché les organes génitaux au
dedans. — M. Le Dentu fait une communication sur
l’ostéotomie du maxillaire supérieur, qui, combinée
avec la section de la cloison nasale, peut servir de
temps préliminaire à certaines uranostaphyloraphies.
— M. H. Leloir fait connaître un certain nombre d’af-
fections cutanées peu connues qui se produisent à la
suite de l’influenza.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 16 Mars 1895.
M. Déjerine rapporte deux cas d’atrophie muscu-
laire progressive par polyomyélite chronique. —
MM. d’Arsonval et Charrin ont étudié les effets d’un
mélange de 96°/, d'acide sulfureux et de # % d'acide
carbonique, indiqué par Pictet comme très diffusible ;
à cause de cette propriété c'est un désinfectant puis-
sant. — M. Rénon rapporte un cas de tuberculose
aspergillaire ayant évolué vers la guérison et amené
la formation de tubercules fibreux.— M.Berdal donne
une méthode pour la coloration des coupes de la
moelle. — MM. Apostoli et Berlioz envoient une note
sur l’aclion thérapeutique des courants de haute fré-
quence ; ils augmentent l’activité nutritive et doivent
être employés dans les maladies dites par ralentisse-
ment de la nutrition. — M. Linossier adresse une
note sur l’absorption cutanée de l'acide salicylique. —
M. Féré rapporte un cas de cri réflexe chez un hémi-
plégique.
Séance du 23 Mars 1895.
M. Gley a recherché les modifications de structure
de glandules thyroïdiennes après l’extirpation de la
glande thyroïde. — M. L. Meyer montre que les trau-
matismes influent sur la localisation des substances
solubles injectées dans l’organisme. — M. Masoin a
trouvé que l’oxyhémoglobine diminue dans le myxæ-
dème et se relève après la guérison, sans atteindre
toutefois la normale. — MM. Langlois et Guilbaud
ont étudié l’action de l’antipyrine sur les centres ner-
pos de la communication de M. Magitot, M. Péan ré- { veux; elle agit d’abord et surtout sur les centres
cérébro-bulbaires et n’atteint la moelle qu’en dernier
lieu, — M, Tissot établit une double origine au gaz
carbonique exhalé d'un muscle séparé du corps: déga-
gement purement physique de gaz préformé, et forma-
lion due à l'exercice des propriétés physiologiques sur-
vivantes du muscle.
Séance du 30 Mars 1895.
MM. Roger et Charrin ont continué leurs recher-
ches sur le pouvoir thérapeutique du sérum antistrep-
tococcique et ont obtenu plusieurs guérisons dans des
cas de fièvre puerpérale et d’érysipèle. — M. Mar-
morek a obtenu, par ce même sérum, de nombreuses
guérisons dans des cas d’ érysipèle. — M. Thiroloix
communique le résultat de ses expériences sur la sec-
tion des nerfs du foie chez les animaux normaux ou
rendus diabéliques par l’extirpation du pancréas. —
M. Dastre a décelé la présence du glycogène dans la
lymphe, mais il ne le croit pas à l'état libre. —
M. Gaube a déterminé les sels minéraux dominant
d'un certain nombre de ferments albuminoïdes. —
M. et Mme Déjerine signalentles connexions du noyau
rouge avec la corticalité cérébrale. — M. Mirallié a
étudié le mécanisme de |’ agraphie dans l’aphasie mo-
trice corticale, — M. Marinesco à observé les lésions
de la moelle épinière à la suite des amputations; il à
trouvé une hémiatrophie portant sur la substance grise
et sur la substance blanche du côté de l'amputation,
— M. Roussy donne quelques indications sur l’action
d'une diastase qu'il a isolée.
SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE
Séance du 1° Mars 1895
M. Amagat poursuit ses études sur la pression inté-
rieure elle viriel des forces intérieures dans les fluides.
Il à déjà montré antérieurement que la fonction qui
représente la pression intérieure dans l'équation gé-
dp
CT
Pour des pressions suffisamment grandes, celte pres-
sion alleint un maximum positif, puis décroit, et peut
même, dans le cas de hydrogène, prendre des valeurs
négalives. L'idée de pressions intérieures négalives a
paru difficile à admettre, Cependant il n’est nullement
nécessaire que la pression intérieure soit essentielle-
ment positive, car, par un pur artifice d’algèbre, on
peut à volonté faire passer une portion ‘de L'effet
du covolume dans la pression intérieure et réciproque-
ment, D'ailleurs, tout ce qui va suivre est indépendant
de la forme particulière adoptée pour l'équation des
fluides. On appelle encore pression intérieure une
autre fonction + telle que W = 3ur, W étant le viriel
des forces intérieures, défini par Clausius, et qui n’esl
nul que pour les gaz parfaits. M. Amagat calcule les
valeurs numériques du viriel pour les principaux gazet
en déduit les valeurs correspondantes de cette nou-
velle pression intérieure. Elle suit une marche ana-
logue à la première, mais prend des valeurs entière-
ment différentes et devient bien plus rapidement
négative. Or M. Sarrau à démontré que les fonctions
r et deviennent égales à condition de supposer que
le volume des molécules et l'amplitude des mouve-
ments stationnaires sont petits par rapport aux dis-
tances des molécules, Il à d’ailleurs prévu que cette
hypothèse ne doit guère pouvoir être appliquée aux
fluides, mais qu'elle doit plutôt concerner les solides,
Les déterminations de M, Amagat démontrent bien que
la constitution des fluides ne répond nullement à cette
hypothèse. D'ailleurs, M. Amagat démontre directement
nérale des fluides doit être de la forme x —
: rie : dp .
que, si le coeflicient de pression — est fonction du
T
dt
volume seul, retr sont des fonctions très différentes.
Il passe ensuile à la représentation graphique du
viriel, Les valeurs de W se lisent très facilement sur
les isothermes représentant les produits pv en fonction
de p, et on obtient de plus le lieu des points qui
ACADÉMIES ET SOCIETES SAVANTES
séparent les deux régions où les valeurs du viriel
sont de signes contraires. Ces considérations mon-
trent que “les deux fonctions x et x, quoique dis-
tinctes, devraient cependant s ’annuler en même
temps. Par suite, l'hypothèse que l'énergie intermo-
léculaire est fonction de la température seule et qui a
fourni l'expression de la fonction x; ne peut pas être
considérée comme suffisamment exacte. L'auteur se
propose d'entreprendre une nouvelle étude sur ce
point. — M. Broca éludie la forme des surfaces focales
dans les systèmes optiques centrés. IL est rare qu'un
objectif photographique ou de microscope soit au point
à la fois sur le centre et aux bords, même quand il ne
présente pas d’astigmatisme. Lorsque, dans un instru-
ment, l’astigmatisme n’est pas complètement corrigé, il
est très difficile de définir le plan focal conjugué ‘d’un
plan perpendiculaire à l'axe; il faut faire intervenir la
position du diaphragme. Mais la difficulté disparait
pour Jes points où l’astisgmatisme est nul ou mini-
mum.M. Broca a fait, il y a plusieurs années,
étude de la position de ces points, dont le nombre est
forcément limité. L'étude des propriétés des transfor-
mées cptiques permet de résoudre le problème proposé.
M. Broca énonce les propriétés les plus remarquables
de ces transformées. L'ordre des contacts de deux
courbes est conservé dans leurs transformées. La
transformée optique d'un cercle ne dépend nullement
de la position du centre du cercle sur l’axe. Puis l’au-
teur établit les conditions pour que la transformée
optique d’un plan soit un plan. Il à fait construire un
objectif photographique remplissant ces conditions. Cet
instrument présente à peine d'astigmatisme aux bords,
et il est réellement impossible de trouver une diffé-
rence de mise au point entre le centre et les bords. IL
justifie donc les calculs théoriques de l’auteur. Cepen-
dant ilne pourrait être utilisé pratiquemement, car il
présente une grande distorsionet est très peu lumineux.
— À propos de la communication précédente, M. Fous-
sereau expose un point qu'il a été amené à étudier et
qui l’a conduit à des considérations très ingénieuses
sur l'explication de la netteté des images rétiennes. Il
s’est proposé de déterminer, dans le cas des lentilles
infiniment minces, la forme des surfaces focales cor-
respondant à un plan. Ce problème correspond au cas
ordinaire où la partie centrale de la lentille (pour lais-
ser de côté l’aberration des rayons marginaux) est
éclairée à la fois par des faisceaux venant des diffé-
rents points duchamp. L'image d'un pointsecomposant
de deux droites focales, il existe deux surfaces focales
-différentes P' et P/ correspondant à une surface donnée
P. Lorsque P est un plan, P' est une surface de révolu-
tion du second degré dont la convexité est toujours
tournée vers le sens de la propagation de la lumière.
P" a une forme analogue, mais sa courbure est une
peu moins prononcée. P' et P’ sont d’ailleurs tangentes
entre elles en un peint S situé sur l'axe principal. Au
voisinage de S, P° et P" diffèrent assez peu, et on a des
images assez nettes. M. Foussereau étudie ensuite le
cas des images virtuelles, et le cas des lentilles diver-
gentes, Ilse demande ensuite s’il n’y a pas une rela-
tion entre la forme des surfaces focales et celle de l'é-
cran rétinien, On sait que la fosse centrale a une cour-
bure plus prononcée que celle du reste du cristallin.
La courbure de la fosse centrale ne correspond-elle pas
justement à la courbure des images données par le
cristallin? Ainsi s’expliquerait la netteté des images
percues par l’œil, M. Foussereau signale ensuite les
Fe relatifs aux miroirs sphériques. L'une des sur-
faces focales est un plan, et au voisinage du points les
deux surfaces sont plusécartées que pour une lentille,
les images sont donc moins nettes. Enfin les résultats
précédents s'appliquent à l’ensemble d'un nombre
quelconque de lentilles infiniment minces situées à des
distances finies, pourvu que le faisceau les traverse
toutes en leur partie centrale, sinon les phénomènes
d’aberration de sphéricité viendraient s y ajouter,
Edgard HAUDIÉ.
une.
1
4
L
|
.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 6 Février 1895.
M. Delhotel présente un filtre à sable facilement
nettoyable, permettant, malgré son petit volume, de
filtrer sous pression de grandes quantités d’eau bour-
beuse. L’encrassement de la surface du filtre est com-
battu par un tourbillonnement produit par le courant
d’eau à filtrer. Avec ce filtre, on a pu clarifier à grand
. débit des eaux chargées de précipités chimiques très
. fins. Des eaux difficilement filtrables sont rendues
limpides grâce à un collage au sulfate d’alumine. L’ap-
pareil comporte, en outre, un distributeur automa-
tique des réactifs : sulfate d’alumine, carbonate de
soude, chlorure de baryum, permettant d'opérer les
transformations voulues du liquide à filtrer. — M. Ber-
lemont présente, au nom de M. Etienne, un régulateur
de température à mercure, automatique, sans mem-
brane de caoutchouc. Cet appareil donne un écart
maximum de à degrés pour les hautes températures et
de 2/10 de degré pour les températures voisines de 30°.
Il a été, en outre, adressé à la Société un mémoire de
M. Julliard sur l’acide dioxystéarique et sur la syn-
thèse de l’huile de ricin, et une note de M. A. Colson
sur les éthers cyanés et nitriles d'alcool.
Séance du 8 Février 1895.
M. Hanriot a préparé, en faisant réagir le chloral,
en présence d'acide chlorhydrique, sur le xylose et
sur l’arabinose, des composés correspondants aux pro-
duits similaires du glucose qu’il a précédemment étu-
diés. Ces nouveaux dérivés renferment un groupe
CHOH de moins que leurs homologues. Ils donnent,
par les mêmes procédés, des éthers acétiques et
benzoïques. Le prunose de M. Garros paraît fournir un
. composé différant de l’arabinochloral. Cette formation
de chloralose permet de reconnaitre facilement une
quantité très faible d’arabinose, même en présence de
xylose ou de glucose. — M. V. Thomas à obtenu, par
action du bioxyde d'azote sec à froid sur le chlorure
ferrique, une poudre brune répondant à la formule
2 Fe?Ul5, AzO. À chaud, au-dessus de 40°, la poudre
obtenue est rouge. Le corps brun donne le corps rouge
sion élève sa température à 60° dans le bioxyde
d'azote. En chauffant fortement ces composés, un cou-
rant de bioxyde les réduit, et on obtient du chlorure
ferreux. C'est aussi Le résultat trouvé en traitant direc-
tement le chlorure ferrique par le bioxyde d'azote à
chaud, — M. Lapicque a essayé de doser le fer de l’u-
rine humaine, On considérait que ce liquide en ren-
fermait des quantités très faibles, mais appréciables.
Si on opère ce dosage par des procédés différents, on
ne trouve pas de fer appréciable. En additionnant
l'urine d’une quantité de fer faible mais bien déter-
minée, M. Lapicque a pu retrouver 90 à 95% du fer
ajouté. On peut donc conclure que l'urine normale ne
renferme pas de fer en quantité dosable, — M. Ma-
quenne a étudié la maturation des betteraves et lac-
cumulation du sucre dans leurs racines. Si on mesure
la pression osmotique par l’abaissement du point de
congélation, on reconnait qu’elle est sensiblement
la même dans le système aérien et dans le système
souterrain. Dans ce dernier cas, la pression osmotique
correspond sensiblement à la quantité de sucre qui se
trouve dans lesystème. On peut en conclure que, dans
le suc cellulaire, le sucre est à l’état de liberté et
non en combinaison avec quelque autre principe im-
médiat. L’accumulation du sucre dans cette partie de
la plante parait due à une tendauce à l'équilibre de
pression osmotique entre Les feuilles et les racines.
Séance du 22 Février 1895.
M. Villiers a étudié les différences existant entre
les sulfures de zinc basique et acide obtenus par pré-
cipitation, par l'hydrogène sulfuré, d’un zincate alcalin
ou d'un sel de zinc. Ces produits, chimiquement et
physiquement différents, n’ont pu être transformés l’un
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
307
dans l’autre entre 0 et 1007. Certains oxydes et sulfures
sont ainsi susceptibles de présenter des propriétés dif-
férentes, variables d’après leur mode de préparation ;
mais, en général, ces formes sont aisément transfor-
mables les unes dansles autres. En congelant certaines
solutions ou plutôt certains corps, M. Villiers a pu
aussi reproduire des transformations que l’on n'obtient
généralement que por une élévation de température
quelquefois considérable. En traitant ainsi le sulfure
de zinc amorphe, très soluble dans le sulfhydrate de
sulfure de sodium, on obtient un sulfure insoluble dans
les mêmes conditions. Le sulfure rose 4e manganèse
donne un sulfure vert. L’oxyde de cuivre bleu, hydraté
amorphe et instable, est transformé en oxyde bleu,
cristallisé, stable. Les sesquioxydes n'ont pas été
obtenus cristallisés par cette méthode : cependant, l’a-
lumine ainsi traitée perd sa solubilité dans les acides
et présente quelques indices de cristallisation, —
M. Et. Barral, en traitant par le chlore le pentachlo-
rophénol suspendu en poudre fine dans l'acide chlor-
hydrique concentré, a obtenu de l'heptachlorophénol
CSCHO. Ce corps, fusible à 98°en gros prismes opaques
blancs, se décompose à 130° d’après l'équation :
CSC HO—HCI+CiCI0,
en acide chlorhydrique et hexachlorophénol «, qui
donne à son tour du chlore et du dioxydiphénylène
d'après l'équation : À Ÿ j
2C5CI50—C12CIS02+2C12.
L’hexachlorophénol «x peut aussi s’obtenir en chlorant
le phénol en présence du perchlorure de fer anhydre
ou en traitant par le chlore à 90° le pentachlorophé=
nol tenu en suspension dans l'acide chlorhydrique
M. Barral dépose, en outre, les mémoires suivants :
1° Formation d'éthers du pentachlorophénol par action
des chlorures d'acides sur l’hexachlorophénol en pré-
sence du chlorure d'aluminium ; 2 Action du chlorure
d'aluminium sur l’hexachlorophénol; % Sur le parabi-
chlorure de benzène hexachloré. Constitution de l'hexa-
chlorophénol et de la quinone. — M. G. Bertrand, en
opérantà l'abri des micro-organismes, a constaté que la
laccase, ferment soluble de la sève de l'arbre à laque
oxyde directement les corps sur lesquels elle agit. fl ÿ
à dégagement d'acide carbonique dans cette action: ce
phénomène est surtout très net avec l'acide gallique et
le tanin. Ces réactions doivent jouer un rôle très im-
portant dans la respiration végétale, — M. Lindet a
trouvé dans la pomme à cidre un ferment soluble dont
les propriétés oxydantes sont identiques’ à celles de la
laccase. C’est à cette réaction que serait due la colo-
ration que prennent les pommes broyées, par action du
ferment sur le tannin du fruit. L'action de la chaleur
détruit ce ferment, mais on peut foujours obtenir la
réaction en additionnant aux pommes cuites ou au jus
bouilli, le précipité obtenu dans un jus frais non
chauffé et traité par l'alcool. — MM. Brochet et Cam -
bier décrivent quelques nouveaux dérivés de l’hexamé-
thylène-amine et les bases résultant de l’action de
l’aldéhyde formique sur les chlorhydrates d'hydroxy-
lamine, de méthylamine et d’ammoniaque — M, Mo-
reigne à reconnu que, dans les dosages d'azote par
le procédé Kjeldahl, l'emploi du perchlorate de
potasse pour favoriser l’oxydation donne lieu à une
perte d'azote. Celte‘perte est proportionnelle à la quan-
tité d'azote de l’essai, la quantité de perchlorate em-
ployé restant fixe. Si cette dernière quantité varie, la
perte est proportionnelle à celte variation jusqu'à une
certaine limite maxima, elle-même variable d'après la
richesse en azote de la substance à analyser. Cette perte
peut atteindre au quart de l'azote total, — M. Rosens-
tiehl présente une note sur l'instabilité du tétraméthyl-
diamidodiphénylhydrol, et une notesurla tétraméthyl-
benzidine, produit de l'oxydation du tétraméthyldiarmi-
dodiphénylhydrol. — M. Lescœur adresse une note sur
le dosage volumétrique des métaux,
E. CHaron.
308
CORRESPONDANCE
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 7 Mars 1895.
M. F. Stanley Kipping a obtenu, en distillant le sel
de calcium de l'acide «x -ux diméthylpimélique avec
de la chaux sodée, une huile dont il a pu isoler le
diméthylkétohexaméthylène à l’état de pureté. En trai-
tant ce produit par l'hydroxylamine, il a préparé une
oxime CS H15 Az 0 facilement cristallisable de l’alcool,
— M. R.T. Plimpton et J. C. Chorley emploient pour
titrer les solutions d’iode, l’hyposulfite de baryum
Ba S03H,0, préparé par BaCË et l’hyposulfite de
soude. —MM. F.Stanley Kipping et William J.Pope
ont étudié les points d’ébullition des modifications ra-
cémiques du II monobromocamphre et du II mono-
chlorocamphre dextrogyres et ont remarqué que ces
modifications racémiques ont le même point d’ébulli-
tion que les autres isomères jouissant de l’activité
optique. — MM. E. Howorth et H. Perkin junior
F. R.S. ont préparé les éthers phényliques des glycols
méthyléniques et éthyléniques. L’éther diphénylique
du glycol méthylénique a été obtenu en faisant
digérer du chlorure de méthylène dans une solution
alcoolique de phénate de sodium. Il a pour formule:
CSH5.0CH2.0.C6H5, L'éther phénylique du glycol éthylé-
nique C5H°0.CH2.CH20H se forme par l’action de la
chlorhydrine du glycol sur le phénate de sodium. Les
mêmes auteurs ont pu réaliser la synthèse de l’x méthyl-
butyrolactone. En faisant digérer l’éther éthylique du
méthylmalonate de sodium dansune solution alcoolique
de l’éther phénylique de la bromhydrine du glycol, ils
obtiennent le ÿ-phénoxyéthyl-a-méthyl-malonate éthy-
lique : (COOC:H*}2.C(CH*).CH?.CH2.0.C5H5 qui, par sa-
ponification, se convertit en acidey-phénoxyéthyl-2-mé-
thylmalonique :(COOH)2.C{CH:).CH2.CH2.0.C6H5. En trai-
tant cet acide par l'acide bromhydrique et en faisant
digérer le produitde la réaction avec du carbonate de so-
dium, il se forme du phénol et l« méthylbutyrolactone.
— MM. H. Bentley et W. Burrow ont préparé l'acide
méthylisobutylacétique : (CH3/?CH.CH?CH)CH3)COOH).
Ils sont partis du bromure d’isobutyle qu'ils ont
chauffé avec le dérivé sodique du méthylmalonate
éthylique ; ils ont obtenu ainsi le méthylisobutylma-
lonate éthylique : (CHS)?.CH.CH2C(CHS)(COOC?)He)2 qui
leur à fourni l'acide par saponification. Ils en ont pré-
paré les dérivés avec l’aniline et la p. toluidine.
ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE
Séance du T Mars 1895.
419 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M.Wilhelm Wirtinger:
Théorie des fonctions @. L'auteur montre que les
propositions relatives à ces fonctions, énoncées récem-
ment par M. Poincaré, se déduisent comme cas parti-
culier d'un théorème plus général, — M. Mahler :
La chronologie des Babyloniens.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. O. Tumlirz : La chaleur de
solidification des solutions. — M. Weineck envoie une
nouvelle collection de photographies de la lune, photo-
graphies qui sont des agrandissements de clichés faits
à l'Observatoire de Paris en utilisant le nouvel équa-
torial coudé, — M. Carl Œttinger : Transformation
du triamidophénol dans le 1, 2, 3,5, phentetrol par
hydratation; ce produit nouveau donne une combinai-
son acétylée et un chlorhydrate caractéristiques.
39 SCIENCES NATURELLES, — M. Gejza v. Bukowski :
Faune des Mollusques de l'ile de Rhodes (2° article). —
M. V. Hauer : Sur deux Crustacés peu connus.
CORRESPONDANCE
SUR L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE EN FRANCE
Au sujet de léducation scientifique des chimistes
qui se destinent à l’industrie, nous indiquions tout
récemment! que les idées émises ici-même par M. A.
Haller semblent sur le point de recevoir un commen-
cement de réalisation, M. Ch. Friedel, membre de
l'Institut, professeur à la Sorbonne, nous fait remar-
quer, à ce propos, l'importance des efforts tentés de-
puis quelques années dans le même but par un groupe
de chimistes et d'industriels, et nous fait l’honneur de
nous adresser la lettre suivante, que nous nous em-
pressons d'insérer :
L. O.
« Monsieur le Directeur,
« Dans la note dont vous accompagnez le très inté-
ressant et très utile article de M. Haller sur l’enseigne-
ment chimique à l'étranger (Revue générule des Sciences,
6° année, n° 5), vous attribuez à votre éminent colla-
borateur l'initiative « de la campagne de réforme qui
se prépare en ce moment pour le relèvement de notre
industrie par la science ».
«Je ne voudrais diminuer en rien la part qui revient
à mon savant ami M. Haller dans cette campagne, à la
fois par la création de l’Institut Chimique de Nancy et
par les publications clairvoyantes et courageuses qu'il
a faites depuis l'exposition de Chicago,
« Mais il pourrait paraître singulier à ceux que ces
questions imporlantes intéressent que le besoin de
perfectionner notre outillage scientifique et de le
mettre davantage au service de l'industrie nationale
fût resté jusqu'à ce jour inapercu de ceux sur lesquels
pèse la responsabilité de l’enseignement chimique.
1 Voir Revue générale des Sciences, 1895, t. VI, page 236.
«Il n’en est rien: c’est sous l'impression très vive de
ce qu'il était indispensable de faire que deux chimistes,
un industriel et un professeur, provoquèrent la création
de l'École municipale de Physique et de Chimie, qui
rend de si grands et bons services sous la direction de
mon cher confrère M. Schützenberger.
. «Plus tard, lorsque, par suite de circonstances mal-
heureuses, la chaire de Chimie minérale du Muséum
d'Histoire naturelle allait être supprimée, plusieurs
membres de la Section de Chimie de l’Académie des
Sciences, M. Schützenberger, M. Gautier et le signataire
de ces lignes firent une démarche auprès du Ministre
de l’Instruction publique pour obtenir le maintien de
la chaire, ou tout au moins celui du laboratoire fondé
par M. Frémy et qui élait à Paris la seule école ouverte
à tous pour l’enseignement élémentaire de la Chimie.
Le ministre, — c'était alors M. Léon Bourgeois, —
frappé des arguments sérieux qui lui furent présentés,
promit que le laboratoire ne serait fermé que quand il
aurait été remplacé par un autre. Mais les ministres
passent et leurs promesses avec eux. Le laboratoire fut
supprimé, Il n’est pas encore remplacé.
« Depuis lors, tous les ministres de l’Instruction pu-
blique ont été saisis de la question et vivement solli-
cités à la fois par les professeurs de chimie et par les
industriels. M, Poirrier a posé, il y a deux ans, au Sénat,
des questions pressantes, sur ce sujet, à M. Dupuy, et
obtenu de lui les meilleures promesses.
M. Denys Cochin a si bien plaidé la cause de la
science à la Chambre qu'il a obtenu d’elle plus que des
promesses: la preuve d'une grande bonne volonté dans
des circonstances vraiment difficiles.
Un deuxième vote de la Chambre semble avoir rendu
momentanément stérile le premier; mais la question
est posée; elle devra maintenant être résolue. Il ne
NOTICE NÉCROLOGIQUE
faut pas que l'on puisse dire, alors qu’il se crée partout
des laboratoires nouveaux, qu’à Paris on détruit ceux
qui avaient été organisés à grand’peine. Il importe de
rouvrir ceux-ci en les mettant dans les meilleurs con-
ditions possibles et en leur donnant le développement
nécessité par les besoins actuels à la fois de l’ensei-
gnement scientifique et de l’enseignement industriel,
ont les éléments se confondent,.
« Vous voyez, Monsieur le Directeur, que l’état actuel
de l’enseignement pratique élémentaire de la Chimie
est un sujet de préoccupation depuis des années pour
les intéressés, savants ou industriels. J'aurais pu citer
encore la Chambre syndicale des Produits chimiques
et la Société Chimique qui y ont cherché des remèdes,
stimulées par M. Adrian, vice-président de l’une et
président de l’autre.
« Les articles de M. Haller sont venus ajouter des ar-
guments plus précis et plus pressants à ce qui avait été
dit dans le même sens. On ne peut que lui en être très
reconnaissant.
« Veuillez agréer, etc. Ch. FRIEDEL,
de l'Institut.
La nouvelle de la mort du marquis de Saporta a été
douloureusement ressentie par tous ceux qui s’intéres-
sent aux sciences naturelles : son nom était, en effet,
connu de tous, en raison de la haute portée de ses tra-
vaux, qui, bien que très spécialisés dans leur objet,
s’élevaient aux questions les plus hautes, aux plus
grands problèmes de l'histoire de la vie à la surface du
globe. Loin de se confiner dans une sèche observation
des faits, il s'était efforcé de les interpréter, de saisir
les liens qui les rattachent les uns aux autres, et,
“frappé des rapports qu'il constatait entre les types de
plantes observés par lui à l’état fossile et ceux qui
vivent aujourd'hui, il s'était fait, en ce qui concerne le
monde végétal, le champion résolu des doctrines évo-
lutionnistes. A plusieurs reprises, soit dans des ou-
vrages de vulgarisation, soit dans des articles publiés
dans les revues les plus répandues, il avait exposé ces
doctrines, et s'était attaché à faire ressortir les enchai-
nements qu’il avait reconnus entre les flores anciennes
et la flore actuelle, à montrer par quelles séries de
transformations s'était constituée cetie dernière. La
peine qu'il avait prise ainsi pour faire connaître à tous
les esprits cultivés cette partie de l’histoire de la Terre
. n'était pas demeurée stérile, et ses lecteurs avaient
apprécié la forme élégante et facile sous laquelle il sa-
yait présenter, de manière à les rendre accessibles à
tous, des connaissances aussi spéciales.
Ce précieux talent d'exposition, M. de Saporta l'avait
appliqué tout d’abord à des travaux delittérature et d’his-
toire, qui l’avaientseuls occupé jusqu’au delà de sa tren-
tième année, car il n'avait pas trouvé tout de suite la voie
dans laquelle son om devait briller d’un si vif éclat,
Né à S'-Zacharie (Var)le 28 juillet 1823, Louis-Char!es-
Joseph-Gaston de Saporta avait vu dans sa jeunesse son
père, et surtout son aïeul maternel, Boyer de Fonsco-
lombe, s’occuper de sérieuses études d’entomologie; ce
dernier notamment a laissé un nom bien connu dans
cette branche des sciences naturelles, Toutefois, si
de Saporta avait puisé auprès d’eux le germe des
goûts qui devaient plus tard l’entraiîner vers la bota-
nique fossile, il n’en avait pas eu conscience et ce
germe était resté latent. Une impulsion fortuite devait
suffire à son développement. Frappé de la ressem-
blance avec certains végétaux vivants d'empreintes de
Conifères et de Nymphéacées, les unes d’Aix, les autres
de Manosque, qui étaient arrivées entre ses mains, il
se mit en rapport avec Ad. Brongniart, pour lui signa-
ler ces empreintes et lui offrir de se livrer sur ces gise-
ments à des récoltes suivies, afin de lui envoyer les
échantillons qu'il pourrait trouver. L’illustre fonda-
teur de la paléontologie végétale, frappé de la sagacité
des remarques qui lui étaient soumises, s’empressa
d'encourager son correspondant à entreprendre l’ex-
ploration des riches gisements qu'il avait à sa portée,
mais le poussa à en étudier lui-même la flore, en lui
promettant l’aide de ses conseils. La tâche n’était
certes pas sans attraits, mais elle était singulièrement
—ardue et la voie à parcourir était loin d'être frayée
…. les premiers jalons de l'étude des Dicotylédones fossiles
| | venaient à peine d’être posés en Autriche par Unger et
j six Ml
NOTICE NÉCROLOGIQUE
LE MARQUIS DE SAPORTA
par M. C. d’Ettingshausen, Heer commençait seule-
ment ses travaux sur la flore tertiaire de la Suisse, et
pour la France le terrain était absolument vierge : car
Ad. Brongniart n'avait guère touché aux plantes de
l’époque tertiaire et semblait avoir reculé devant la
masse rapidement croissante des documents, d’uneinter-
prétation particulièrement délicate, fournis par les ter-
rains récents. Plus d’un eût hésité à se lancer à la
conquête d’un domaine aussi vaste et d’abord aussi
difficile ; mais de Saporta avait le tempérament
enthousiaste et résoiu du pionnier, il comptait sur
appui qui lui était promis, et, libre de toute entrave,
il n'avait pas à craindre de se voir détourné de son
chemin. Tout autour de lui, à peu de distance des trois
lieux de résidence, Aix, Saint-Zacharie, Fonscolombe,
entre lesquels se partageait sa vie, se trouvaient
répartis des dépôts appartenant à toute une série de
niveaux successifs, à l’'éocène supérieur, à l’oligocène,
au miocène, au quaternaire, qui devaient lui fournir
les plus riches éléments d'étude : il se mit aussitôt à
l'œuvre et se consacra dès lors tout entier à la paléon-
tologie végétale,
Au bout d’un très petit nombre d’années, il avait
recueilli une quantité considérable d'échantillons, et il
en avait, grâce à de patientes recherches comparatives,
mené l'étude à bonne fin. Dès 1860, il faisait connaître
les premiers résultats de ses recherches dans une
courte note, à laquelle succédait l’année suivante un
exposé méthodique, plus développé, de la constitution
de la flore de chacun des niveaux qu'il avait explorés.
En 1862, il commencait la publication de ses admi-
rables Etudes sur la végétation du Sud-Est de la France
à l’époque tertiaire, et depuis ce moment pas une année
ne s’est écoulée qu'il n'ait marquée par de nouveaux
travaux, par de nouvelles découvertes, s’attachant à
perfectionner sans cesse son œuvre, n’hésitant jamais
à signaler et à rectifier les quelques erreurs inévitables
qu'il avait pu commettre dans un premier examen de
matériaux encore incomplets. De ces flores tertiaires
qu'il avait tout d’abord étudiées, il en est deux dont il
a toujours continué à s'occuper avec une prédilection
toute particulière, à savoir la flore éocène supérieure
d'Aix, et la flore aquitanienne de Manosque. Grâce à
lui, la flore d’Aix est aujourd’hui la mieux connue de
toutes les flores fossiles spéciales à une localité unique,
et l’étude approfondie qu'il en a faite l’a amené, entre
autres résultats intéressants, à faire justice des inter-
prétations trop hâtives qui avaient fait croire à la pré-
dominance des types australiens dans la flore éocène
européenne. Il a montré, d'autre part, comment, de
cette flore des gypses d'Aix, on est passé peu à peu,
par élimination de certains types tropicaux, à la flore
oligocène, en particulier à la flore aquitanienne telle
qu’on l’observe à Manosque, et il a fait voir que cer-
taines espèces de cette dernière, directement dérivées
d'espèces éocènes reconnues à Aix, représentent mani-
festement la souche d'espèces vivant encore aujour-
d’hui dans la même région.
Remontantà l’origine de lasérie tertiaire, ila étudié de
même la flore fossile de Sézanne, et, avec la collaboration
260
de M. Marion.celle de Gelinden, il a pu constater l’exis-
tence, dans les dépôts paléocènes, de bon nombre des
types habituels des couches tertiaires plus récentes.
Il a suivi ainsi de proche en proche les transforma-
tions de la flore depuis le début jusqu'à la fin de
Pépoque tertiaire, où l’élude des tufs de Meximieux et
des cinérites du Cantal lui a permis de reconnaitre les
différences que présentait alors la flore de nos pays
suivant l'altitude et l'exposition, les types subtropicaux
occupant les stations les moins élevées, tandis que sur
les montagnes vivait une flore de Conifères et d'arbres
feuillus voisine, à beaucoup d'égards, de celle qu'on
observe aujourd'hui sur les mêmes points.
Avec ses recherches sur la flore quaternaire, de
Saporta a complété de la facon la plus heureuse cette
histoire si intéressante des modifications graduelles par
lesquelles a passé le monde végétal, ainsi que des con-
ditions climatériques qui ont présidé aux phases suc-
cessives de son évolution.
Cette élude des flores tertiaire et quaternaire
semblerait, tant les matériaux en sont nombreux et
tant elle a élé féconde en résultats, avoir dû occuper la
vie entière de son auteur; elle a été loin cependant de
suffire à son activité, et à peine avait-il terminé la
troisième partie de ses Etudes, que, tout en préparant
déjà la revision, sur de nouvelles séries d'échantillons,
de la flore d'Aix, il entreprenait, pour le recueil de la
Paléontologie francaise, la description des végétaux
jurassiques de la France, à peine connus encore, et qui
allaient faire de sa part, pendant une série d'années,
l'objet des observations les plus intéressantes.
Bien qu'il se soit à peine occupé de la flore paléo-
zoïque, de Saporta a porté cependant ses investiga-
tions, en ce qui concerne certains types particuliers,
jusqu'aux premiers âges du globe : lorsque les travaux
de M. Nathorst remirent en question l'attribution de
bon nombre d’Algues fossiles, en particulier des Bilo-
bites, il prit une part active à la discussion qui venait
de se rouvrir, et, reprenant l’examen détaillé de quel-
ques-unes de ces empreintes problématiques des for-
malions les plus anciennes, ils’efforca, par de nouveaux
arguments, d'en démontrer la nature végétale. Si le beau
travail qu'il leur a consacré n’a pas porté la conviction
dans tous les esprits, il a prouvé du moins qu'il restait
encore plus d'un point obscur à éclaircir, et il à puis-
samment contribué, tant par lui-même que par les
nouvelles recherches qu'il a suggérées, aux progrès de
nos connaissances sur ce sujet encore litigieux.
Il s’est attaché, en outre, à rechercher, dans les
couches houillères et permiennes, les premiers repré-
sentants de certains groupes de Gycadées el de Coni-
fères, et il a fourni notamment à l'histoire des Salisbu-
riées des documents nouveaux du plus grand intérèt.
Enfin, la flore crétacée a été à son tour l’objet de ses
travaux; malgré la pauvreté de la plupart des dépôts
crétacés de notre pays, il a pu en faire connaître
quelques types remarquables, mais c’est dans ceux du
Portugal qu'il a trouvé les éléments les plus précieux :
les explorations de la Commission géologique portu-
gaise ayant amené la découverte de riches gisements
d'empreintes, c’est à lui que l'étude en fut confiée, et
peu de mois avant sa mort il avait eu le plaisir de voir
arrivée au terme de son exécution cette magnifique
Flore mésozoique du Portugal à laquelle il travaillait de-
puis plusieurs années et qui vient d'enrichir la science
de faits d’une si haute importance, Il à notamment
constaté l'existence des Dicotylées à des niveaux aux-
quels on ne les avait pas encore observées en Europe,
etila pu en faire remonter la première apparilion
jusqu'à la base même du crétacé, où il semble qu'on
assiste en quelque sorte à leur éclosion, dans des
couches succédant immédiatement aux dépôts néoju-
rassiques à flore encore composée exclusivement de
Cryptogames et de Gymnospermes,
De Saporta a ainsi exploré dans son entier toute
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11
_c’est en même temps celle d'un ami. Pour la science
NOTICE NÉCROLOGIQUE
la série des couches de l’écorce-terrestre, etil a su tirer
des docuirents qu'il a étudiés les résultats les plus re-
marquables au point de vue philosophique. Il en a
augmenté l'intérêt par la facon dont il a su les mettre «
en lumière, et par les essais de synthèse qu'il s’est ef=
forcé d'en déduire : si parfois, comme dans son ouvrage F
en collaboration avec M. Marion sur l’évolution du
règne végétal, il a fait une large place à des hypothèses, :
d’ailleurs nullement dissimulées, et aussi séduisantes
qu'ingénieuses, le plus souvent les déductions qu'il "
présente découlent si naturellement du rapprochement
des faits observés, que la conviction s'impose et qu'on
ne peut se refuser à admettre des filiations en faveur
desquelles il fait valoir des arguments si probants; à M
cet égard son étude sur l’Origine paléontologique des «
arbres cultivés où utilisés par l'homme peut être citée «
comme un modèle. î
Le marquis de Saporta était, depuis 1876, Correspon- M
dant de l’Académie des Sciences, et l'Académie royale U
de Belgique avait tenu également à l'inserire au nombre
de ses membres, à titre d’Associé étranger. Bien qu'il
eût dépassé sa soixante-dixième année et qu’il eût res-
senti déjà quelques atteintes du mal qui devait l’em-
porter, il avait conservé, avec une merveilleuse saga-
cité de jugement, une vivacité d'esprit, un enthousiasme
pour les recherches, que peu d'hommes, même à leurs
débuts, ont possédés au même degré et que peuvent
seuls apprécier ceux qui avaient la bonne fortune d’être
en relations avec lui, Travailleur infatigable, il avait,
vers la fin de 1894, fait connaître ses dernières obser-
vations sur les Nymphéinées crétacées et tertiaires, et
l’année 1895 devait être consacrée par lui à de nouveaux #
travaux ; mais, le 26 janvier, la mort, en le frappant
subitement, venait mettre à néant ces projets, dont la
réalisation nous eût encore apporté tant de précieuses
révélations.
Toujours prêt à répondre aux appels qui pouvaient
lui être adressés par ses confrères en botanique fossile,
même par les plus jeunes, à les faire profiter de sa
science, à entrer avec eux en échange d'idées, à leur
communiquer avec une inépuisable générosité les vues
nouvelles qui lui venaient à l’esprit, à se prêter à des M
discussions dans lesquelles il apportait à la fois une M
conviction passionnée et une merveilleuse courtoisie, «
il laisse à tous le souvenir d’un maitre profondément M
respecté et il emporte les regrets de tous. Pour
quelques-uns, qu'il honorait d’une bienveillance plus M
intime, sa perte est particulièrement douloureuse, car
paléontologique, c’est celle. d’un des savants les plus
éminents, d’un des plus lumineux esprits qu’elle ait
comptés parmi ses adeptes. R. ZEILLER,
Ingénieur en chef des Mines,
Chargé de cours à l'Ecole des Mines.
Erratum. — Lans le récent article de M. Lindet sur
l'Evolulion récente de l'Industrie du Sucre (Revue du
15 mars dernier) trois coquilles ont altéré l’exactitude
de deux tableaux et de deux phrases. Il convient de
les corriger ainsi :
P, 225, 2° colonne : Supprimer le 2° alinéa, :
P.232,2° colonne: Supprimer la 7° avant-dernièrelig.
Le bénéfice des fabricants exportateurs n’est pas
plus considérable que celui des fabricants qui livrent
à la consommation intérieure. Le bénéfice que les uns
et les autres tirent des excédents consiste à obtenir
60 francs sur des sucres qui n’ont été soumis qu'à un
droit de faveur de 30 francs. C’est l'Etat ou la raffine-
rie qui rembourse ces 60 francs, et le bénéfice du fa=m
bricant ne se traduit que par une somme de 30 francs.
P. 232, {re colonne, à lire : « Sous le coup de la sur-
taxe de 7 francs imposée aux sucresbruts el de 8 fr
aux sucres raffinés, l'importation des sucres étrangers
a un peu baissé, »
=
Le Directeur-(férant : LOUIS OLIVIER
6° ANNÉE Ne
8 30 AVRIL 1895
REVUE GÉNÉRALE
- DES SCIENCES :
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
L'OXYGÈNE EST-IL UN CORPS SIMPLE?
La découverte de l’argon par Lord Rayleigh et le
Professeur W, Ramsay ramène, d’une facon particu-
lière, l'attention des chimistes sur l’éternel problème
des éléments. Les corps actuellement réputés simples,
et provisoirement tenus pour tels, ne contiennent-ils
en réalité qu’une matière unique, spécifique et irré-
ductible à toute autre? Ont-ils, d'autre part, été étudiés
à l’état d'absolue pureté, et peut-on arriver à déceler
en certains d'entre eux, à côté de l'élément dominant, |
quelque impureté, passée inapercue, qui trahirait
l'existence d’un corps nouveau ?
Beaucoup de chimistes se posent actuellement ces
questions. L’un des plus autorisés pour examiner de
tels sujets, M. E. C. C. Baly, préparateur du P' Ramsay
à University College (Londres), vient de présenter, à
ce propos, à la Société Royale de Londres, une Note
importante, dont nos lecteurs trouveront ci-après
(page 399) la traduction littérale. L'auteur s’est demandé
ce que signifient les deux spectres de l’oxygène. Ré-
sultent-ils des vibrations différentes d’une seule et
même molécule, ou bien, ce qui serait tout à fait
étrange, correspondent-ils à deux gaz dus à la disso-
ciation de la substance actuellement appelée oxygène?
M. Baly indique à ce sujet quelques expériences im-
portantes. Mais il les rapporte d’une facon si sommaire
qu'il est aujourd’hui impossible de discuter ses résul-
tats. Il ne nous renseigne aucunement sur l’origine
de l’oxygène sur lequel ses recherches ont porté. Ce
gaz a-t-il été extrait, dans des conditions convenables,
des composés oxygénés, ou a-t-il été pris à l'air, et,
si oui, représente-t-il simplement de l’air privé d’azote,
d'argon, d'acide carbonique, de vapeur d’eau...? La
distinction serait intéressante : car, dans ce dernier
cas, il ne semble pas & priori impossible qu'un parent
chimique de l'oxygène véritable ait été confondu avec
lui. IL paraïtrait beaucoup plus extraordinaire que
l'oxygène extrait des combinaisons püt être dédoublé,
Mais M. Baly est muet sur ce point. Son silence est
probablement volontaire, et nous devons, en attendant
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
un complément d’information, lui faire crédit de la
correction de ses démonstrations, Le fait qu’il annonce
est celui-ci : Si l’on soumet l'oxygène à l’effluve élec-
trique, le gaz qui se porte à la cathode offre, après
l'expérience et tout en restant de l'oxygène (0°), une
densité sensiblement différente de celle de l'oxygène
non électrisé. Dans le cas des étincelles longues, la
densité est moindre, C’est l'inverse quand on fait agir
des étincelles courtes. Serait-ce à dire que la densité
ordinaire de l’oxygène représente simplement la ma-
jeure partie des densités des molécules du gaz, et que
leffluve ait pour effet de trier ces molécules, en ras-
semblant celles qui sont de même poids?
Encore unefois, il est impossible de rien discuter Y
a-f-il eu formation d’ozone (05 au lieu de 0?)? Les
électrodes de platine employées ont-elles été, avant
l'expérience, privées des gaz ordinairement occlus dans
le métal ? La pureté de l'oxygène primitif a-t-elle été
suffisamment établie pour écarter l'hypothèse du trans-
port d’un corps étranger vers une des électrodes? Nous
n’en savons rien, — Quant à la dualité du spectre de
l'oxygène, nous devons aussi, pour ne pas être, outre
mesure, enclins à y chercher l'indication d’une dualité
chimique, nous souvenir que les spectres de quelques
corps, celui du cadmium par exemple, varient suivant
les conditions de l’effluvation, suivant que l’étincelle
est plus ou moins condensée,
Quoi qu'il en soit de ces doutes, permis en attendant
une description plus détaillée, on ne peut s'empêcher
de penser que M. Baly a évidemment dù en être, tout
le premier, assailli; s’ils ne l’ont pas arrêté, c'est selon
toute vraisemblance qu'il a cru les avoir écartés par
l'expérience, Le seul fait que l’auteur a poursuivi ses
investigations dans le laboratoire et sous la direction
du Professeur Ramsay, semble constituer, à ce sujet,
la meilleure des garanties, et impose aux chimistes
l'examen minutieux de ses conclusions. Il nous a paru,
pour cette raison, utile de les signaler tout particu-
lièrement au lecteur, Louis OLIVIER,
8
302
L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT
L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L’'OR ET DE L'ARGENT
CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES
Il y a environ undemi-siècle, quand, vers 1848, on
découvrit les grands gisements d'or de Californie,
puis ceux d'Australie, ce fut, parmi les économistes,
un cri d'alarme : l'or allait baisser de prix, l'argent
allait être drainé en Europe pour les besoins de
l'Asie el disparaitre de la circulation; il fallait à
tout prix éviter celte calastrophe, et la crainte fut
poussée si loin qu'en Belgique et en Hollande no-
tamment, pour se protéger contre l'invasion de
l'or qu'on redoutait, on cessa un moment de l’ad-
mettre dans les caisses publiques.
Cinquante ans environ ont passé, el voici qu'un
nouvel âge de l'or semble commencer, mais salué,
tout au contraire, comme le prélude possible et
impatiemment attendu d’un réveil industriel et
commercial ; c’est avec joie que l'on voit, depuis
deux ou trois ans, la production de l’or augmenter
d'une facon remarquable, et personne, croyons-
nous, n’est plus atteint de frayeur à l’idée que ces
masses d’or, chaque jour jelées dans la circulation,
puissent devenir surabondantes; au contraire, on
aperçoit là un moyen de sortir de la crise qui sévit
actuellement sur le monde entier, en ramenant le
métal précieux dans les pays à change déprécié,
en facilitant partout, avec la circulation monétaire,
les relations d'échange, etc., ete. Pourquoi cette
différence d'appréciations? C'est que, dans l'inter-
valle, un fait capital s’est produit, que l’on n'avait
pas suprévoir el qui, cependant, nous parait, malgré
des ressauts momentanés tels que celui auquel nous
assistons présentement, destiné à s'accentuer en-
core dans l'avenir : l'argent s’est de plus en plus dé-
précié par rapport à l'or: son prix, qui était d'en-
viron 218 francs le kilo vers 1848, qui étail même
monté à 226 de 1860 à 1863, est lombé à près de
100 francs pendant l’année 1893; en conséquence,
tous les peuples, pris de panique, ayant cherché à
se débarrasser du métal avili pour se précipiter sur
l'or, ce dernier s'est fait de plus en plus rare, le
mouvement s'est accéléré par ses conséquences
propres, et dans les pays où l’on a essayé d'y ré-
sister isolément, par mesures fiscales inconsidérées,
comme aux États-Unis, on s’est trouvé acculé à la
crise intense que supporte actuellement ce pays.
L’essor récent de la production aurifère ne fait
done que tempérer, dans une faible mesure, un état
de choses que l’on considérait généralement comme
un malheur; il faudrait un tout autre dévelop-
pement des mines d'or que celui auquel on s'al-
tend aujourd'hui pour renverser cel élal en sens
contraire.
Mais, dans ces conditions, il est permis de se
demander — el la question se pose, en ce moment
mème, de tous côtés dans les congrès des bimétal-
listes — si ces changements de valeur des mon-
naies, lellement nuisibles au commerce général,
ne sont pas la conséquence logique d'un phénomène
nalurel et géologique, et s'il n'existe pas, entre
les prix de l'argent et de l’or, un certain rapport
rationnel vers lequel on doit tendre falalement de
plus en plus à mesure que la conquête de la Terre
par l’homme sera plus avancée. Nous ne proposons
assurément pas de fixer d'avance ce rapport par
une loi; car, outre qu'il est impossible de Le prévoir
exactement d'avance, l'intervention de la loi hu-
maine ne peul être que funeste lorsqu'elle essaie
de fausser momentanément les lois naturelles qui
la dominent de si haut: mais il serait certainement
bon de faire entrer celte loi dans nos prévisions
d'avenir pour régler, en conséquence, toutes ces
graves questions de choix d’un élalon moné-
taire, d'achat de métaux précieux à l'Étranger, de
constitulions de réserves métalliques, ele., ec.
C'est ce rapport dont la Géologie va nous permettre
d'apprécier, — sinon la valeur, qui nous esl abso-
lument inconnue, — du moins, ce qui est déjà
beaucoup, la tendance.
Nous allons donc, avant tout, chercher à nous
faire une idée des quantités relatives de métaux
précieux qui peuvent être encore à notre dispo-
sition dans l'écorce lerrestre.
Il
Ces quantités, disons-le lout d’abord, sont très
loin d'être inépuisables. L'homme a été singuliè-
rement gàlé depuis un siècle environ, depuis un
demi-siècle surtout, par lessor extraordinaire qui
s'est produit dans ses connaissances scientifiques,
dans son aclivilé industrielle, dans sa prise de
possession de la Terre. Le commencement du
xx° siècle ne fera, sans doute, qu'accentuer et
accélérer les tendances du xIX°; mais il faut bien
se rendre comple que ce développement extraor-
dinaire de la puissance humaine ne durera pas
toujours ni même très longtemps: l’époque dans
laquelle nous vivons peut bien, sans illusion
d'oplique, être considérée comme une époque
spéciale, comme une phase particulière et critique
dans l'histoire de l'humanité. Nous agissons tous:
aujourd'hui plus ou moins comme ces mineurs de
l'Ouest américain qui, cherchant uniquement le
minerai riche, le « minerai payant», gaspillent à
ont tlto nest nt. té dire un era) Le
vins
Lean re -
nl de 2 dti aie à ble dont ad A at ie dihies ias th tésié auties dt dent) RSR
L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT
363
jamais les ressources en minerai plus pauvre qui
peuvent se trouver à côté; que leur importe! Le
premier gite une fois épuisé, ne trouvent-ils pas
bien vite un filon voisin qui leur prodiguera ses
nouvelles richesses? mais, avec la fièvre de l'or
qui travaille le monde entier, il n’est pas besoin
que l’homme blanc soit depuis bien longtemps
installé dans un pays pour que tous les filons riches
qui s'y trouvent soient découverts et, une fois
découverts, rapidement taris et vidés; alors les
prospecteurs repartent plus loin vers les pays
vierges ; oui, tant qu'il y a des pays vierges; mais,
du train dont nous allons, la richesse minière
de la Terre tout entière sera connue et mise en
- valeur d'ici à bien peu de temps, et alors les
années de disette succéderont aux années d’abon-
dance.
Il est trop évident que le nombre des gisements
d’or et d'argent qui existent à la surface du globe,
est absolument limité; mais il n’est peut èlre pas
inutile de dire que ce nombre, limité en théorie,
est également très réellement restreint en pra-
tique. Surlout lorsqu'il s’agit de l'or, cette rareté
apparait aussitôt quand on observe combien, dans
Lous les pays de civilisation un peu ancienne, en
Europe particulièrement, ces gisements d’or, qui
ont pourtant existé jadis là comme ailleurs, nous
en avons la preuve, ont disparu, ayant été lous
épuisés. Suivantune vieille remarque, souventcitée,
de de Humboldt, l'or, à toutes les époques, est venu
des confins de la civilisation, des étapes les plus
récentes de celle-ci en pays barbare, de ce que l’on
pourrait appeler ses Marches.
Sans doute, si l’on examine une liste des gise-
ments de métaux divers existant dans un pays
quelconque, on pourra s'étonner, surtout après
cette observation, de voir combien ceux d’or sont
nombreux, presque aussi nombreux souvent sur
le papier que ceux de tel métal infiniment plus
commun, comme le plomb, par exemple; mais
cela tient à ce qu’on classe comme gisements d'or
des roches qui parfois ne renferment que quelques
grammes d’or à la tonne, ‘une teneur de 0,0005 ?/,,
par exemple, alors que lateneur d'un gite de cuivre
sera lout au moins de 2 ou 3 ‘/, el celle d’un gite
de plomb de 8 ou 10 °/,.Il y a, dans cet ordre d'idées,
un élément psychologique qui nous parait appelé
àäavancer, dans une large mesure pour l'or, l’époque
où tous les gisements auront été reconnus : c’est
l'attraction extraordinaire qu'exerce ce métal sur
l'esprit humain. Si le nombre de tous les filons d’or
exploitables encore à découvrir à la surface de la
terre est À, celui des filons d'argent B, il serait
assez logique de supposer que, chaque année, les
nombres des filons mis en valeur pour chacun des
métaux sont dans un rapport se rapprochant de
A :
F et alors cette proportion devrait se maintenir
jusqu’au dernier jour; mais en réalité, le rapport
est certainement et a toujours été beaucoup plus
grand qu'il n’aurait dû l'être; d’où cette conclusion
nécessaire que tous les filons d’or auront été re-
connus et épuisés longtemps avant les filons d’ar-
gent; et de même, ceux-ci avant les filons de
plomb, etc.,etil en est ainsi parce que, séduits par
le prestige de l'or, le prospecteur au début aussi
bien que l'actionnaire plus tard se précipitent
vers les mines du noble métal qui leur fait espérer
des fortunes énormes, même lorsque ces mines
sont, en réalilé, destinées à un échec prochain.
L'histoire des mines du Farwest américain en a
donné une preuve typique: ce n’est que lorsque
l'or a manqué qu'on s’y est rabattu sur l’argent,
puis sur le cuivre et le plomb. A ce propos, on a pu
affirmer sans invraisemblance que, si l’on faisait
la somme de tous les capitaux engagés aujourd’hui
dans les mines d’or, le nombre de celles qui font
des pertes est tel que le capital total ainsi calculé
serait loin d’être rémunéré. Une mine, par hasard,
dont les actions auront décuplé en quelques jours,
produit, à cet égard, le même effet démoralisant
qu'un gros lot gagné par un ouvrier àla loterie : aus-
sitôt tous ses compagnons s’empressent de prendre
des billets. Nous en voyons aujourd'hui un exemple
notable avec le succès de quelques mines d’or du
Transvaal, dont certains financiers sans scrupule
ont immédiatement profilé pour écouler dans le
public des actions de mines d’or de toutes sortes,
placées dans Lous les pays,sans aucun rapport avec
celles qui ont réussi et vouées, pourla plupart, à une
faillite certaine.
Il
Nous venons d'indiquer, en passant, une diffé-
rence entre les filons d'or el d'argent au point de
vue de ce qu’on peut appeler le coefficient psycho-
logique d’altraclion: et, comme ce coeflicient psy-
chologique a exercé son influence depuis l'origine
de l'humanité, comme, en outre, les minerais d'or
d’affleurement se présentent sous une forme beau-
coup plus frappante, beaucoup plus facile à recon-
naître que ceux d'argent, souvent à l’état d’or
natif au lieu de terres argentifères chlorurées ou
bromurées, semblables à des boues quelconques, il
est bien certain que l'extraction de l’or disponible
est beaucoup plus avancée que celle de l'argent
et, par suite, que le terme de cette extraction est
plus proche.
Nous n'avons, d’ailleurs, pas besoin de remar-
quer que l'or est une substance singulièrement
plus rare que l'argent; cette rareté relative est la
cause première de la différence de valeur considé-
364
L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L’'OR ET DE L'ARGENT
rable qui existe entre les deux métaux; et l’on
peut même essayer d’en indiquer la cause géolo-
gique. Tout se passe, en effet, dans l'écorce ter-
restre comme si, à la suite de la fluidité première
que nous supposons à notre planète, les éléments
s'élaient groupés, dans ce bain fondu, suivant leur
densité, par couches concentriques d’autant plus
rapprochées du centre qu'ils étaient plus lourds;
en sorte que nous rencontrons aujourd'hui à la
surface une majorité d'éléments chimiques à faible
poids spécifique, tels que la silice, les alcalis, les
métaux alcalino-terreux, tandis que la partie cen-
trale présente, d'après les mesures astronomiques,
une densité de deux à trois fois plus forte. Les
mélaux lourds, qui se sont accumulés au début
vers le centre, ne se sont donc élevés vers la sur-
face, qui seule nous est accessible, que dans des
circonstances rares et sous l'influence, par exemple,
de minéralisateurs spéciaux, en sorte que la fré-
quence des métaux dans les couches superficielles
est une conséquence de deux facteurs : d’une part,
leur faiblesse de densité; de l’autre, leur affinité
plus grande pour les minéralisateurs. L'or, dont
la densité est 19,26, landis que celle de l'argent
est 10,5 et qui, en outre, est tellement rebelle à
tous les agents chimiques, se trouve tout naturel-
lement en quantités beaucoup plus faibles dans
l'écorce superficielle.
En résumé, le nombre des gisements d'or et
d'argent existant à la surface du globe est loin
d'être pratiquement illimité; ce nombre est beau-
coup plus grand pour l'argent que pour l'or, et la
découverte des gites d’or est, pour des causes psy-
chologiques, toujours très en avance sur celle des
gites d'argent.
Mais, dans la production minière, le nombre des
gisements exploités n’est qu’un élément d'évalua-
tion qu'il faut compléter par la teneur totale de
chacun d'eux. Or, cette teneur dépend essentielle-
ment de la profondeur à laquelle on peut des-
cendre, ainsi que de la façon dont le gite se mo-
difie en profondeur. En ce qui concerne les limites
d'extension verticale des mines, l'homme, malgré
sa seience et son orgueil, se heurte encore à des
limites infranchissables qui lui ont élé imposées
par la Nature et que toute son énergie, toute son
avidité du gain ne peuvent lui permettre de dé-
passer, car elles dépendent de sa propre constitu-
tion physique. Ces limites liennent à l’accroisse-
ment de température bien connu qui se produit
lorsqu'on s'enfonce. En général, dans la plupart
de nos mines, où l'on est au plus descendu jus-
qu'ici à 1.100 ou 1.200 mètres de profondeur, cette
élévation de température n’est pas un obstacle in-
surmontable; mais, dans certaines mines où l’aug-
mentalion de chaleur se produisait plus rapide-
ment, par suite de circonstances spéciales, notam-
ment par le contact avec des roches éruplives, au
Comstock, par exemple, on a pu se rendre compte
de la nature des difficultés qui en résultaient.
Dans le filon du Comstock, la température était
arrivée à 32° à 400 mètres, 38° à 500 mètres, 40°,5
à 600 mètres, 41° à 700 mètres; dans ces condi-
tions, on a eu beau renouveler les postes des mi-
neurs toutes les trois heures, inonder d'eau les
chantiers, fournir à chaque ouvrier jusqu'à 50 li-
vres de glace par poste, des hommes sont tombés
frappés d’apoplexie, et il a fallu renoncer à la lutte
dans les chantiers les plus profonds.
Cette limite qui, dans ce cas spécial, a été at-
teinte particulièrement vite, le serait, suivant
toutes probabilités, à peu près partout au plus
tard à deux kilomètres de la surface, et, de ce côté-
là également, le champ d'investigation du mineur
est absolument restreint, étant réduit à une très
mince croûte superficielle de l'écorce terrestre.
D'ailleurs, longtemps avant d'arriver à cette
limite absolue, le mineur est interrompu presque
toujours par l'accroissement des frais d'extraction,
d’épuisement, etc., qui finit par supprimer abso-
lument son bénéfice. Mais on peut répondre à
cette dernière restriclion qu'en ce qui concerne
les frais, un accroissement notable dans la valeur
de la substance extraite, telle qu’il peut s’en pro-
duire un pour l'or, reculerait immédiatement cette
limite pratique et parfois permettrail de reprendre
le travail dans une mine que l’on considérait
comme devenue inexploitable.
Ces considérations générales, relatives aux li-
mites d’exploitabilité en profondeur, sont com-
munes à toutes les catégories de filons d’un métal
quelconque; au contraire, il est un ordre de phé-
nomènes qui varient essentiellement suivant la
nature du métal exploité et qui introduisent une
grande diversité dans l’histoire industrielle des
divers gisements : ce sont les modifications de ces
gites en profondeur. Pour l'or et l'argent, en par-
ticulier, les conditions sont absolument différentes,
et c'est sur celte quesliof, dont l'étude a évidem-
ment une importance de premier ordre pour l'a-
venir des deux mélaux, que nous nous proposons
maintenant d'insister.
III
Quand il s’agit de l'or, les premiers gisements
que l’on découvre en pénétrant dans une région
nouvelle sont toujours des alluvions; ces alluvions
sont plus ou moins récentes et l’homme com-
mence, en remontant la pente des vallées à la re-
cherche du métal précieux, par rencontrer des al-
luvions de plus en plus anciennes jusqu’à ce
qu'enfin il soit amené à passer de ces alluvions
| il. de
L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 365
aux gisements dont la destruction par les cours
d’eau a fourni les placers, c’est-à-dire aux filons
(exceptionnellement, comme dans le Transvaal,
aux couches sédimentaires anciennes). Dans ces
filons eux-mêmes, la partie qu'il aborde au début
est nécessairement l’affleurement, le chapeau du
filon, et ce n’est que progressivement qu'il arrive
à exploiter ce filon dans la profondeur. Or, en sui-
vant cet ordre d’investigations, c'est absolument
comme s'il repassait en sens inverse la série des
étapes successives que la Nature a franchies dans
la préparation mécanique et chimique à laquelle
elle a soumis ces minerais, les enrichissant peu à
- peu, pour nous les présenter enfin dans les pla-
cers sous leur forme la plus facile à aborder et la
plus concentrée.
La Nature, en effel, dans les aclions métamor-
phisantes qu’elle a exercées sur le gisement d’or
primitif par l’action continue des eaux superfi-
cielles, a commencé par avoir affaire à un filon
constitué dans toute sa hauteur par des groupe-
ments minéralogiques analogues à ceux que nous
n'y rencontrons plus aujourd'hui qu’en profondeur,
c'est-à-dire, le plus souvent, par du quartz associé
avec des sulfures divers, parmi lesquels le sul-
fure de fer, plus ou moins arsenical, domine et
contenant l’or à l’état de fines inclusions dissémi-
nées. Cette forme de gîtes de profondeur, soumise
à l'influence oxydante des eaux, a subi une trans-
formalion essentielle, due à l'altération du sulfure
de fer, qui s'est dissous en sulfate et reprécipité
parliellement en sesquioxyde. Pendant ce temps,
l'or qui n’entre en dissolution qu'avec une diffi-
culté extrême-et se précipite aussitôt sous la
moindre aclion réductive, est passé, de l'élat de
combinaison complexe où il était d’abord, à l’état
libre, en même temps que, par suite de la dispari-
lion des sulfures associés, la teneur en or du mi-
nerai subsistant se trouvait augmentée. C'est aux
affleurements de filons aurifères que l’on trouve
ces beaux quartz cariés, plus ou moins ferrugi-
neux, où l'or a l'air de suinter par tous les pores,
et ces hématites aurifères, minerais riches, qui,
dans la profondeur, font place à des composés
plus difficiles à traiter ou même absolument réfrac-
laires à nos procédés de traitement actuels.
Les affleurements de filons, où l'or avait déjà
subi cette première concentration chimique et cet
enrichissement, sont la partie qui, soumise ensuite
à l’action destructive des eaux torrentielles, ont
produit, par une vérilable préparation mécanique
analogue à celle qu’on reproduit artificiellement
dans la méthode hydraulique, les alluvions auri-
fères, c’est-à-dire les placers, où l’or est non seu-
lement à l’état libre, mais encore rassemblé en
une couche relativement mince près du fond du
lit de l’ancien torrent, contre ce que l’on appelle
le bedrock.
La conséquence bien simple, c’est que la grande
phase de prospérité d’une région aurifère corres-
pond à la découverte des alluvions; c’est lorsque
l'on se trouve mettre la main sur un champ nou-
veau d’alluvions aurifères qu'il se produit soudain
une brusque augmentation dans la production au-
rifère; mais ces placers ne durent pas bien long-
temps, et les affleurements des filons que l’on at-
taque ensuite sont également, après une première
phase prospère, rapidement épuisés; alors on
entre dans les gisements de profondeur, beaucoup
moins riches, donnant des minerais beaucoup plus
difficiles à traiter métallurgiquement, mais qui,
eux, sauf les variations purement accidentelles
inhérentes à tous les filons, ont des chances pour
conserver à peu près la même teneur moyenne en
s’approfondissant.
Là encore, cependant, il y a une restriclion à
faire; car nombre de filons d’or, au lieu d’être de
grandes fentes de dislocation continues en profon-
deur, peuvent être assimilés à des fissures de re-
trait causées par le refroidissement d'une roche
éruptive dont l’or est plus ou moins directement
émané, et ce genre de fissures se coince très vite
quand on s'enfonce; non seulement la teneur du
minerai diminue, mais les dimensions géométri-
ques elles-mêmes se réduisent el peuvent arriver
à zéro.
La conclusion, c'est que, pour toutes les causes
possibles, une région aurifère doit s'appauvrir peu
à peu et, après quelques années d'exploitation, ne
plus donner que des minerais à basse teneur. Avec
quelle rapidité ces faits se produisent, c’est ce que
l'exemple de la Californie et de l'Australie nous
montre aussitôt.
En Californie, la production d’or s’est élevée en
1853 à 336 millions ; en 1860, elle est tombée à 233;
en 1868 à 114; en 1880, à 91 ; en 1891 à 63,2; ces
chiffres, sans commentaire, sont assez éloquents.
En Australie, la statistique brute est moins con-
cluante, si l'on prend l’ensemble du pays, parce que
l’immensité des territoires inexplorés à fait jus-
qu'ici qu'aussitôl un centre épuisé, on en trouvait
un nouveau équivalent ; mais, si l’on prend un dis-
trict restreint, l'épuisement se fait sentir en 25 ou
30 ans au plus. En outre, même pour le pays en-
üer, la proportion de l'or d’alluvion diminue
chaque année par rapport à celle de l'or de filons.
Eu 1868, des alluvions donnaient 65 °/, de l'or
dans la province de Victoria, les filons 35 °/,; en
1891, c'est juste l'inverse, les filons arrivent à
67 °/,, les placers à 33 °/..
Un calcul du même genre, étendu au monde en-
tier, donne, suivant M. Suess [tableau I) :
366
Tableau I
1848-75 1876 | 1890
ANINVIONS ES. cart ad tt ere 81.78 % 65.28| 44.2
AMIONS- certe -rombelt 12.02 34.16| 47.8
Sédiments (conglomérats du
Kransvaall er ictere 2 » » 8.0
De même, si l’on prend un gisement dont l’ex-
traordinaire fortune attire en ce moment tous les
regards, celui du Witwalersrand, dans l'Afrique
australe, découvert en 1887, il a donné en 1888
22 millions d'or; en 1889, 36 millions; en 1890,
44,5; en 1891, 78; en 1892, 129; en 1893, 140; en
1894, 213; il est probable qu’on arrivera, en 1896,
à un chiffre de 250 ou 300 millions, qui sera un
maximum; mais la merveilleuse régularité de ces
gites permet de calculer, dès à présent, à peu de
chose près, la quantité d'or qu'ils renferment, et,
en supposant même qu'il n'y ait aucune déception,
on voit que, d'ici à 25 ou 30 ans, ces gites entreront
à leur tour dans la période d’épuisement après
avoir fourni peut-être sept ou huit milliards.
Si l’on réfléchit que la production aurifère ac-
tuelle est, comme nous le dirons bientôt, à peine
suffisante pour les besoins de la consommation,
on ne peut dès lors se défendre d’une certaine in-
quiétude (qu'il ne faudrait pourtant pas exagérer,
ainsi que nous le verrons) à l’idée de ce qui arri-
vera dans un avenir {rès prochain, quand la Terre
aura élé entièrement occupée par l'homme, du
moment que même des gisements aussi exception-
nels que ceux de Californie, d'Australie ou du
Transvaal ont à peine une existence précaire d'un
quart de siècle ou d’un demi-siècle.
IV
C’est ici le lieu de se demander quelles sont les
ressources géologiques en or sur lesquelles les siè-
cles prochains peuvent encore compter. Ces res-
sources sont de deux catégories différentes : il y a
d’abord les gisements situés dans lés pays encore
inconnus; puis, dans les pays anciens, ce qu'il
reste à prendre de minerais el surtout de minerais
ayant été jusqu'ici rebelles à nos procédés de trai-
tement métallurgiques. Dans le premier ordre
d'idées, il est évident que l'Afrique et l'Asie cen-
trales, l'Amérique du Sud, les territoires vierges
des Montagnes Rocheuses, l’intérieur du continent
australien nousréservent encore bien des surprises,
etil est assez probable que ces surprises vont se
mulliplier d'ici à quelques années, en raison même
de la remarquable poussée d'expansion coloniale
qui se produit partout à la fois; il n'y a done pas
lieu de craindre une disette d'or dans un avenir
immédiat et il est parfaitement possible, probable
L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT
même que, pendant un certain nombre d'années,
les économistes pourront se moquer des géologues
qui annoncent uneraréfaction future de l'or. Néan-
moins, quand lous les pays encore inconnus auront
été parcourus et « prospectés », les gisements ainsi
découverts se tariront en un laps de temps qui ne
dépassera guère un demi-siècle; alors il faudra
bien se relourner vers la seconde catégorie de mi-
nerais aurifères qui copslilue peut-être laressouree
la plus assurée pour l'avenir.
Il y a, en effet, une proportion considérable de
minerais aurifères où l'or est dans des combinai-
sons telles, notamment avec l'arsenic, qu’il est
actuellement impossible de l'en extraire avantageu-
sement. Les filons à minerais de ce genre sont, ou
bien complètement négligés, ou, s'ils en renferment
d'autres moins réfractaires, exploités pour ces der-
niers, — les minerais rebelles étant rejetés avec les
gangues dans les résidus, les haldes, ce que les
anglais appellent les lailings.
Or, si nous avons insisté plus haut sur les
bornes imposées par la Nature aux investigations de
l’homme, en ce qui concerne le développement des
procédés chimiques ou des méthodes métallurgi-
ques, il nous semble qu'il n’existe aucune limite
à l'ingéniosité humaine et, surtout si un commen-
cement de raréfaction de l'or vient en augmenter
le prix, il est infiniment probable que les minerais
aujourd'hui rebelles pourront être traités fructueu-
sement. Il arrivera alors ce qui s'est produit quand,
récemment, on à repris avec des connaissances
nouvelles les mines de plomb, d'argent, de cuivre,
où les Anciens avaient travaillé pendant des siècles :
les seules parties qu'ils avaient négligées au Lau-
rium {en Atlique), en Sardaigne, dans la province
de Carthagène et à Rio-Tinto, en Espagne, etc.., ont
suffi à alimenter des industries très fructueuses.
De ce chef également, l’époque où l’or manquera
aux besoins humains nous parait devoir être con-
sidérablement retardée ; ce qui n’empêche pas que,
si l’on veut faire des prévisions à longue échéance,
cette disette de l'or est à prévoir, non seulement
d’une facon absolue, mais surtout relativement à
l'argent.
En ce quiconcerne le métal blanc, les conditions
de gisement sont, en eflet, très différentes de ce
qu’elles sont pour l'or, et sa raréfaction doit être
infiniment moins rapide. Les gisements d’argent
appartiennent à deux catégories bien distinctes :
ceux à minéraux d'argent proprement dits et ceux
à sulfures divers argentifères, dont on retrouve sou-
vent l'équivalent dans la profondeur des premiers.
Il y a, tout d'abord, entre l'or et l'argent une
différence bien tranchée : c'est que la forme allu-
vionnelle, source pour l'or des richesses les plus
grandes, en même temps que les plus précaires,
us dt mudtiitden ets «than detente 1e) dÉRCRRETÉ sd) Ge de GUÉ SSS S dn Dbaies dé nt dé note) bn de sé de d'é néibé di bé
L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT
307
ne se présente pas pour l'argent. La raison en est
que les sels d’argent, et notamment le sulfate qui
tend à se produire par l’oxydation des sulfures
plus ou moins complexes existant dans les filons,
présentent une certaine solubilité, en sorte que,
dans l’action métamorphisante des eaux, l'argent,
au lieu d’être trituré et concentré mécaniquement
comme l'or, se dissout et disparait. Il y a bien des
gites d'argent sédimentaires, tels que les schistes
cuivreux et argentifères du Mansfeld ; mais l'argent
qui y est contenu est de l’argent précipité chimi-
quement d’une dissolution, non de l'argent rema-
nié mécaniquement. D'où cette conclusion qu’une
région argentifère ne donne pas au début les
mêmes grandes espérances, bientôt décues, qu'une
région à placers aurifères et, par suite, ne parait
pas s’appauvrir aussi rapidement.
Quelque chose de comparable se produit pour les
affleurements des filons où, par suite de la solu-
bilité du sulfate d'argent, une partie de l'argent a
disparu, en sorte qu'on tombe, tout au début d'une
exploitation filonienne, non sür une partie excep-
tionnellement riche comme pour l'or, mais sur une
partie plutôt légèrement appauvrie qui, il est vrai,
compense cet appauvrissement par des facilités de
traitement toutes spéciales.
Cette zone d’affleurement desfilons d'argent com-
prend des chlorures et bromures d’argent, ayec un
peu d'argent natif, les autres métaux, tels que le
fer, le manganèse, etc., qui pouvaient exister à
l'état de sulfures en profondeur ayant passé à l’état
oxydé, le sulfure de plomb lui-même étant par-
tiellement à l’état carbonaté.
Au-dessous de cet affleurement, on trouve, sur
une hauteur qui peut varier de quelques mètres à
plusieurs centaines de mètres, suivant le relief du
Lerrain, jusqu'au niveau hydrostatique qui marque
la séparation entre la zone où les eaux superficielles
circulent dans le sol et, par suite, renouvellent
leur oxygène et celle où ces eaux sont à l'état sta-
tionnaire, une forme de gisements d'argent allérés
qui, par un phénomène cette fois comparable à ce
que nous avons vu pour l'or, est exceptionnelle-
ment riche.
Là une grande partie des sulfures de fer, cuivre,
zinc, elc., ayant été dissous, la teneur en argent du
minerai s'est trouvée augmentée en même temps
qu'une certaine proportion d'argent enlevée à la su-
perficieetentrainée par leseaux descendantes venait
encore l’accroître ; en outre, les combinaisons com-
plexes où l’argent était engagé en profondeur se
sont trouvés simplifiées; souvent une partie de
l’antimoine et de l’arsenic a disparu; bref, l'argent
a passé à l’état de sulfures tel que l'argyrose, de
sulfo-antimoniures, tels que lesargents rougeset les
argents noirs, et se présente sous des formes excep-
tionnellement riches et facilement amalgamables.
Au-dessous du niveau hydrostatique, tout cela
change et l'on n'a plus que des minerais maigres
à sulfures complexes: en sorte que, là encore,
comme pour l'or, le début des exploitations donne
souvent des résultats qu'on ne retrouve plus ensuite
et qu'un certain épuisement se fait sentir après
qu'on a traversé la zone riche, appelée au Mexique
la zone de la bonanza.
11 y a toutefois, avec l'or, même en se bornant
aux filons, cette différence capitale que la chute est
infiniment moins brusque et moins complète : cer-
taines mines d'argent, comme celle de Kongsberg,
notamment, gardent même jusqu’à 600 et 700 mè-
tres leurs minéraux d'argent (argent nalif et argent
sulfuré) semblables à ceux de la superficie ; puis, la
période de la bonanza manque complètement dans
une très nombreuse catégorie de gites, tels que
ceux de galène argentifère où, par suite, aucun
appauvrissement ne se fait parfois sentir; en
outre, les combinaisons de minerais rencontrées en
profondeur sont, à de rares exceplions près, trai-
tables assez aisément par des procédes métallur-
giques déjà connus et expérimentés.
Il en résulte que la production d’argent ne subit
pas, lors de la découverte d’une région argentifère
nouvelle, ces brusques à-coups qui sont si sensibles
pour l'or; on peut donc infinimert plus compter sur
l'avenir des gisements jusqu’à de grandes profon-
deurs. La preuve bien simple en est que, tandis
que l’or a depuis longtemps, sauf en Hongrie, dis-
paru d'Europe, l'argent continue à y ètre exploité
fructueusement dans nombre de mines, et le serait
immédiatement en proportion beaucoup plus forte
s'il se produisait le moindre relèvement de son
prix. Il existe des mines, telles que celles de
Bohême ou de Saxe, où les exploitalions se pour-
suivent paisiblement depuis quatre ou cinq siècles,
parfois jusqu'à plus de 1.000 mètres de profondeur,
et où, jusqu'à ces profondeurs extrêmes, on a trouvé
des parties riches alternant irrégulièrement avec
des parties pauvres, comme au débutdes exploita-
tions. L'époque où les mines d'argent du monde
seront épuisées est donc tellement lointaine qu'il est
toul à fait inutile d'y songer et il est bien certain
que le dernier filon aurifère aura été abandonné
depuis longtemps alors qu'on extraira encore des
quantités considérables d’argent.
Les graphiques ci-joints (fig. 4, 2 et 3) et le lLa-
bleau IT indiquent : la production de l'or et de l'ar-
gent en millions de kilogrammes (fig. 1); les prix
annuels moyens de l'or et de l'argent en francs ‘
D
1. La valeur normale d’un kilogramme d’or fin est de
3431 fr. et celle d’un kilogramme d'argent de 218 fr. 89 (le prix
de 218,89 est le prix ofliciel, loi du 6 juin 1803, alors que le
prix réel, déduction faite des frais de monnayage, est de
920 fr. 55 ou, sans ces frais, de 222,22).
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L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT
(fig. 2); les rapports des prix et des productions
comme le montrent le graphique de la figure 2
et poids des deux métaux précieux (fig. 3).
=“
el le tableau IT. L'une des raisons en est que l’on a
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2000
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Fig. 3. — Rapports des prix et des productions (en poids) de l’or et de l’argent.
Cette pléthore future qu'on doit prévoir pour
mis en pratique de nouveaux procédés métallurgi-
l'argent relativement à l'or vient déjà de s’annoncer
ques, au moyen desquels toute une catégorie de
Tableau II
EEEZEZEZEZ————aEaELELEaLaLaLaLpLuLuau
oR ARGENT
| — ——
ANNÉES Production Pri Production | p. ESPEORE RADAR
annuelle LS annuelle SRE DER DES
1.000 kilogs | francs | 1.600 kilogs | francs | PRODUCTIONS PRIX
2 Em RSS LEE EE RSS EME CCE Ge NUS ENCRES 0 RNSENEEERE DSREEESE D
18 #1 à 1859 55 3437 130 218.89 14.19 15.73
1851 198 886 221.31 4.41 15.56
1856 206 905 223.69 4.39 15:39
1861 198 1,101 223.12 5.56 15.47
1866 192 1.339 221.16 6.97 15.53
171 1.969 211.31 44001 15.84
172 2.450 193.20 14.24 17.36
161 2.593 190.43 16.10 18.12
Hscc oo Et 20 MORE OO A 0 155 2.169 189.67 17.86 18.11
135 2.896 185.17 19.97 18.61
146 2.957 175.22 20.25 19.67
163 2.994 178.42 18.36 19.31
160 2 901 166.50 18.30 20.70
159 2.990 164.14 18.80 21,00
166 3.885 157.51 23.40 21.89
186 3.139 156.22 20.10 22.07
179 3.922 174.55 21.91 19.79
197 4.266 466.09 21.62 20.75
een = note aietainitereie Ie aie me a iele 9/0 3 sente ue ete ee LS 220 4.751 145.70 21.62 23.67
Le
e
=
Lo]
129.72 21.41 26.59
depuis vingt ans, par une surproduction telle que | minerais abandonnés jusqu’à ces derniers temps
le prix du métal blanc a baissé de près de moitié, | ont pu être traités, et le prix de revient du métal
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 8*
370
s'est abaissé par là de telle sorte qu'il est
encore resté sensiblement au-dessous du prix
de vente. Mais on peut se demander si ce
prix de vente tellement abaissé ne va pas se
relever, et c’est ce que quelques personnes ont
cru pouvoir affirmer en remarquant qu'il était
arrivé à être bien voisin du prix de revient, estimé
au minimum, il y a quelques années, à 80 francs
le kilo (25 pence 1/2 l’once). A coup sûr, le prix
de revient évalué lui-même, non pas par rapport
à l'or, qui n’est qu'un instrument d'échange, mais
par rapport aux principales substances indis-
pensables à la vie, est une limite minima que le
prix de vente ne peut franchir; mais il nous
semble qu’en supposant le prix de revient inca-
pable de varier lui-même, on est dupe d’une illu-
sion; car il suffit qu'un procédé de traitement
nouveau intervienne pour que ce prix diminue.
En ce moment, les dernières nouvelles qui nous
parviennent de l’Ouest américain nous apprennent
que les mineurs d'argent, après avoir été un
moment découragés par la baisse du métal blanc,
ont installé en grand de nouveaux appareils per-
mettant de traiter les minerais de seconde classe
jusque-là délaissés, notamment par la concentra-
tion aux rue vanners et le combination process, ou par
les procédés de lexiviation, et que la produc-
tion d'argent, un instant décrue aux États-Unis
dans les deux dernières années, va très probable-
ment remonter au moins à son chiffre antérieur.
Au Mexique, on s’habitue de plus en plus à uli-
liser les minerais maigres, dont une grande par-
tie passe la frontière, à la faveur de tarifs doua-
niers bien compris, pour aller se faire traiter par
mélange avec d'autres minerais aux États-Unis.
Si, en outre, une légère hausse de l'argent vient
à se manifester, comme c’est possible, soit par
suite des grands arrivages d’or actuels, soit en
conséquence des mesures légales prises aux États-
Unis, la production de l’argent augmentera faci-
lement encore dans des proportions considérables,
et il en résultera fatalement, au bout d’un temps
plus ou moins long, une baisse nouvelle de ce
mélal, qui pourra, il est vrai, être retardée de
quelques années, mais qui n'en finira pas moins,
croyons-nous, par se produire un jour avec une
force irrésistible.
\
Ce sont les conséquences économiques de cette
prévision que nous voudrions maintenant exa-
miner ; el, pour cela, il nous faut sortir du do-
maine géologique pour étudier, si sommairement
que ce soit, la contre-parlie de la production des
deux métaux, c'est-à-dire leur consommation et
notamment leur emploi monétaire.
L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT
La consommation des métaux précieux se divise
en deux parties : l’une qui, bien que destinée
surtout au luxe, est naturelle et nécessaire, c’est
leur utilisation dans la bijouterie, l’orfèvrerie, ete.,
et jusqu'à un certain point, dans les monnaies;
l’autre, tout artificielle et dépendant de la vo-
lonté du législateur, correspond aux détermina-
tions légales prises dans le choix de l’étalon moné-
taire, dans les achats opérés par l'État, ete.
Logiquement ce devraient être la première et ses
rapports avec la production qui régleraient la
seconde ; mais c'est trop souvent l'inverse qui se
produit.
La consommation industrielle de l'or et de l’ar-
gent est beaucoup plus considérable qu’on ne le
croit, et présente cette particularité qu'elle n’est pas
influencée, autant que celle d’autres substances
plus nécessaires, par les variations de prix du
métal. Son évaluation est assez difficile. Cepen-
dant quelques chiffres, que nous emprunterons
à M. Suess, permettent de s’en faire une idée.
Aux États-Unis, en 1890, d’après la Direction
des Monnaies, 23.000 kilos d’or environ ont passé
dans l’industrie. À Birmingham, la consommalion
industrielle a pu être évaluée à 11.300 kilos ; en
Suisse, à 9.800 kilos d’or fin, dont 7/9 pour l'hor-
logerie et 2/9 pour la bijouterie ; en Allemagne,
à 15.500 kilos. Si l’on tient compte de tous les
autres pays ; si l’on réfléchit, en outre, que l'or
étant au pair, les orfèvres se contentent souvent
de fondre de la monnaie d’or, qui échappe ainsi à
toute statistique, on voit que, sur 186.000 kilos
d’or produits en 1890, 90.000 au moins ont passé
dans l'industrie de l'Europe et des États-Unis. La
consommalion de l'Inde sous forme de bijoux
arrive, en outre, à un chiffre qu’on peut apprécier
-en addilionnant les importations et la produclion
du pays, chiffre d'environ 35.000 kilos, — ce qui,
avec 90,000, donne 125.000.
En ajoutant à cela les pertes par l'usure, les
sinistres, etc., on arrive à s'expliquer ce fait, en
apparence paradoxal et néanmoins bien conslaté,
que le stock monélaire du monde civilisé, malgré
les 27 ou 28 milliards d’or qui sont sortis de
terre depuis 1848, soit à peine aujourd'hui d'une
vingtaine de milliards en or.
Pour l'argent, la consommation industrielle est
également grande, mais reste, au contraire, très
en dessous de la production.
Nous avons classé, en partie, l'emploi monétaire
des mélaux précieux parmi les emplois qui sont.
l'effet d’une loi naturelle. Cela demande une expli-
cation : car il est évident qu'à priori on aurait pu
choisir comme monnaie, c'est-à-dire comme ins-
trument d'échange, loute autre substance que les
métaux précieux, ou bien encore l’un d'eux exclu-
re
L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT 3
—]
=
sivement au détriment de l’autre. Mais, pour être
adoptée en des pays éloignés par des inconnus, il
fallait que cette monnaie eût une valeur propre
bien déterminée et constante, qu’elle fût inalté-
rable, toujours identique à elle-même et facile-
ment divisible : ce qui a immédiatement restreint
le choix à quelques métaux, parmi lesquels l'or et
l'argent, entre lesquels s’est divisée, à peu près
par parties égales, la faveur de l'humanité.
En restant toujours sur le domaine des néces-
silés naturelles et sans empiéter encore sur le rôle
de la loi dans cette question, on voit également
qu'un seul métal peut difficilement suffire pour
tous les usages qu'on réclame d’une monnaie : il
y a,eneflet, des limites maxima et minima de poids
et de dimensions qui règlent très étroitement
l'emploi pratique des monnaies ; il nous suffira de
remarquer combien la pièce de 5 francs d'argent
alteint déjà la taille extrème au delà de laquelle une
pièce serait tout à fait incommode à manœuvrer el,
d'autre part, la pièce de 5 francs en or était à la
fois trop légère et trop petite. Il en résulte que,
dans l'usage courant, chaque métal a son æppli-
cation bien distincte ; il faut un métal inférieur,
cuivre ou nickel, pour l’appoint; puis de l’argent
pour les très pelites sommes, les achats cou-
rants, etc.; de l’or pour les valeurs comprises
entre 5 et 100 francs et, au delà, la monnaie de
crédit, sous forme de billets de banque, chèques
ou virements. C’est ainsi, toutes les enquêtes mo-
nétaires failes en France l'ont bien montré, que
se répartissent les choses en pratique, et, dès que
les paiements deviennent un peu forts, l’usage
de plus en plus général est de les opérer en papier
ou par écritures commerciales. La conséquence,
c’est que, même pour l'emploi monétaire, il ne
dépend pas autant qu'on le croit de la volonté du
législateur de substituer l'or à l'argent ou l'argent
à l'or et, d'autre part, qu'en raison de l'emploi
déjà très généralisé du papier pour les fortes
sommes, la quantité de numéraire nécessaire, en
laissant de côté les règlements internationaux,
tend à être beaucoup moins forte qu’on ne le
croit souvent et surtout n’est nullement propor-
tionnelle à l’activité commerciale d’un pays.
Il y a, d'ailleurs, un élément sur lequel M. des
Essarts a appelé l'attention, et qui importe autant
que la quantité de numéraire : c’est sa vitesse de
circulation ; il est certain qu'une pièce de monnaie
changeant trois fois de mains dans un temps
donné produit autant d'effet utile que trois pièces
se déplaçant une seule fois.
En résumé, l'or et l'argent ont, aussi bien dans
leur rôle monétaire que dans la consommation
industrielle, des emplois de premier ordre et abso-
lument distincts, où il ne dépend de la volonté de
personne de les substituer l’un à l’autre, et la con-
séquence logique et fatale, c’est que ces métaux
précieux sont, au même titre que deux substances
quelconques, réglés par la loi générale de l'offre
et de la demande, sans qu'il soit aucunement pos-
sible d'empêcher l'augmentalion de prix de celle
qui sera la plus recherchée où une diminution de
celle qui sera produite en quantité surabondante,
VI
C'esl en face de cet élal de choses que les Congrès
des Bimétallistes viennent proposer aux grands
Etats d'établir artificiellement un équilibre entre
les deux mélaux en se faisant, eux, consommateurs
du surplus de production qui entrainerait une
baisse de l’un d’eux et en relevant par leurs achats
le prix de cette marchandise dépréciée; suivant
eux, il n’y aurait là aucun risque à courir, car des
oscillations en sens inverse seraient appelées à se
produire entre les deux mélaux sans jamais s’é-
carter beaucoup dans un sens ou dans l’autre d'un
rapport fixe, en sorle que l'Etat, jouant simple-
ment le rôle de régulateur ou de volant, achèterait
alternativement de l'or et de l'argent et se trou-
verait finalement dans la même situation qu'au
début. Par là, disent-ils, on remédierait au manque
de numéraire, qui serait, à leur avis, la cause pre-
mière de la crise industrielle et commerciale par
laquelle passe le monde entier; en outre, les agri-
culteurs de France et d'Allemagne trouveraient,
dans un relèvement du métal blanc, un remède à
la prime d'exportation que touchent actuellement
les agriculteurs concurrents de la République Ar-
gentine, de l'Inde ou d’autres pays à étalon d'argent,
le blé ou la viande produits dans ces pays étant
payés en argent ayant conservé toule sa valeur
d'achat, tandis qu’exporté en or il esi soldé en or
échangeable contre une quantité d'argent à peu
près double. La solution bimétalliste serail donc
une entente entre tous les grands Etats ayant pour
effet de régler d’une façon définitive le rapport de
l'or et de l'argent.
11 n’est pas besoin de montrer — on l’a fait assez
de fois — combien est illogique et irrationnelle
l’idée de fixer légalement le rapport entre deux mar-
chandises, alors que le législateur est incapable
d'agir ni sur leur production, ni sur la majeure
partie de leur consommation, qui sont les véritables
éléments déterminants du prix. Mais peu importe
à des esprits hantés de ces idées socialistes qui
tantôt prennent l'étiquette du protectionnisme, el
tantôt celle du bimétallisme; suivant eux, il suffit,
pour arrêter une marée montante, de placer en
face des vagues un bout de muraille avec une pan-
carte portant : « De par la loi el la volonté de l'Etat
sacro-saint, défense à la mer de monter. » Nous ne
372
ar cn
L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT
nous arrêterons done pas au côté théorique de la
question, etnous essaierons seulement de faire voir
que pratiquement leur solution esl aussi irréali-
sable que dangereuse pour notre pays.
Irréalisable, elle l’est assurément; car, en sup-
posant même conclue par impossible celte espèce
d'association dont ne veut aujourd’hui à peu près
aucune des parties appelées à être contractantes,
nous croyons avoir assez montré que cela n'empé-
cherait pas les oscillations dans le cours des deux
métaux et surtout la baisse future à prévoir pour
l'argent; il en résulterait, dès lors, que chacune des
parties, dans l'attente d’une rupture toujours pos-
sible de l'acte international, chercherait à accumu-
ler la majeure partie du métal le plus cher, c'est-
à-dire presque toujours de l'or, et que la lutte pour
l'or, au lieu de s’atténuer, deviendrait de plus en
plus aiguë.
Quant au danger que présenterait la solution
pour la France aussi bien que pour l'Angleterre, il
est, ce nous semble, encore plus évident. Ces deux
pays sont, en effet, créditeurs du monde entier;
leur balance commerciale, toujours défavorable,
n’est compensée que par les intérêts des emprunts
contractés vis-à-vis d'eux par le reste du monde;
on peut les comparer à des rentiers qui vivent,
non seulement de leur travail acluel, mais aussi du
produit du travail ancien de leurs ancêtres. Or, le
jour où lous les pays étrangers, qui ont des mil-
lions à nous payer par an, pourraient le faire à leur
choix en argent ou en or, ils le feraient assuré-
ment en argent dont la valeur réelle ne pourrait
manquer de rester inférieure à la valeur nominale,
et, très rapidement, le stock d’or, qui fait la situa-
tion de ces deux grands pays si forte, serait drainé
et remplacé par du métal déprécié. Ce n'est pas
une légère augmentation dans la valeur de notre
stock d'argent, déjà beaucoup trop grand, qui
compenserait cette perte. Ces inconvénients sont
tellement manifestes que le retour au bimétal-
lisme, préconisé comme une panacée universelle,
nous parail singulièrement peu probable. Les in-
convénients contraires, auxquels on croirait remé-
dier par là, sont, d’ailleurs, ou très exagérés ou
dus à de tout autres causes.
En premier lieu, est-il vrai que la disette du
numéraire et la rareté de l'or, qui tend à devenir
en Europe l’étalon unique, soient les vraies causes
de la crise industrielle actuelle? Comme nous le
remarquions plus haut, la quantité de numéraire
n'est nullement proportionnelle à l’activité com-
merciale, el l'Angleterre, qui en a beaucoup moins
que nous, fait pourtant beaucoup plus d’affaires:
il suflil que ce numéraire circule plus vite et sur-
tout qu'on y supplée par le crédit, par les vire-
ments, les chèques, les billets, ete., comme on
tend à le faire de plus en plus dans les pays civi-
lisés. Sans doute, un certain nombre de pays dans
l'Europe méridionale sont actuellement très gênés
par le manque de métaux; mais leur malaise,
comme celui du monde entier, lient à des causes
beaucoup plus complexes et, en particulier,
croyons-nous, à l'état d'insécurité profonde où
nous vivons par suite de l’ingérence abusive des
doctrines socialistes.
Quant à l'appui que le bimétallisme apporterait
à nos agriculteurs, outre que ce serait une appli-
calion nouvelle de la méthode trop généralement
usilée qui consisle à venir au secours de quelques
producteurs bien visibles et réclamant fort au dé-
triment de l’universalité des consommateurs, nous
croyons que, si on laissait la maladie suivre son
cours normal, elle trouverait son remède en elle-
même. On se fonde, en effet, sur ce que, dans les
pays à monnaie dépréciée qui sont nos concur-
rents, cette dépréciation constitue une prime pour
l'industrie locale,pourlesexportateurs du pays,ete.,
et il est certain qu’un phénomène de ce genre
commence par se produire; mais, à moins que ce
pays n'ait contracté aucune dette à l'Étranger el
ait, en outre, une balance commerciale favorable,
ce qui est un cas tout à fait hypothétique, il arrive
bientôt que la nécessité de faire à l'Étranger les
règlements en or constitue une gêne destinée à
s'accroilre de jour en jour et pouvant même
amener une banqueroute analogue à celle de la
Grèce ou du Portugal, qui alors paralyse singuliè-
rement l'essor de l’industrie nationale. En outre,
si, au début, la monnaie dépréciée conserve à peu
près dans le pays son ancien pouvoir d'achat pour
les substances diverses et pour la main-d'œuvre,
cet état de choses ne dure généralement pas bien
longtemps; peu à peu, les prix de ces substances
s'élèvent à leur tour, finissent par atteindre l’équi-
libre primitif et souvent même le dépassent, sur-
tout si le change vient à s'améliorer légèrement;
alors les exportateurs, au lieu de toucher une
prime, ont une perte à subir.
VI
Le danger le plus réel de la situation actuelle,
c’est que l’on peut arriver à manquer de monnaie
d'or, et, pour y remédier, on a pu, avec quelque
raison, préconiser le monométallisme argent. En
se fondant sur cette disette de l’or altendue, les
Bimélallistes disent que, seule, la somme des deux
métaux, or et argent, peut suffire à nos besoins.
Mais ce danger même ne nous parait pas telle-
ment grave et surtout imminent ; en effet, pour le
moment du moins, la production d’or paraît desli-
née à augmenter très sensiblement ; quant à sa
consommalion, les Etats-Unis, qui auraient pu de-
L. DE LAUNAY — L'AVENIR GÉOLOGIQUE DE L'OR ET DE L'ARGENT
373
—————_———————— —……——…—…—…—…………………_……’“__““—…—êaêapapapapaEaEaE
venir des concurrents redoutables sur le marché ! le prix de toutes les autres substances payables en
de l'or, s'ils l'avaient adopté comme étalon unique,
paraissent disposés, tout au contraire, à pousser
jusqu’au bout leur périlleuse expérience en adop--
tant, pour le plus grand plaisir des silvermen, la
frappe libre de l'argent ; enfin, les quantités consi-
dérables de métaux précieux qui, depuis des siè-
cles, ont été s’accumuler en Asie, ne sont peut-être
pas destinées à y rester indéfiniment immobilisées à
l'état de trésors et de bijoux. L’humanité tout
entière a connu jadis cet état de crainte et
de suspicion réciproque où chacun cherche
à rassembler sa richesse sous la forme la plus
réduite, la plus palpable et la plus facilement dis-
simulable, c'est-à-dire à l’état de lingots d'or et de
bijoux; puis la possession de la terre, qui est
encore une chose matérielle et tangible, a sem-
blé assurée assez complètement par les lois et les
contrats pour qu'on adoptät une forme plus pro-
ductive de fortune : les placements territoriaux ;
enfin, l'usage des valeurs mobilières, d’abord
redouté, s'est répandu de plus en plus en raison
de ses commodités spéciales pour les échanges,
les partages, les transmissions, de son revenu
plus considérable au moins au début, etc. ; nous
avons vu, rien que dans le dernier demi-siècle, ce
goût des valeurs mobilières se répandre en France,
jusque dans les couches les plus profondes de la
population, avec une intensité qui n’est pas sans
danger. Semblable évolution peut fort bien finir
par se produire en Asie, et la victoire actuelle du
Japon sur la Chine qui va, sans doute, provoquer
en Chine un mouvement dans le sens européen,
ne sera peut-être pas sans y contribuer. Ce jour-là,
une grande quantité d'or et d'argent viendrait
aussitôt alimenter notre consommation.
Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, nous avouonsne pas
comprendre le grand danger qu'il y aurait, sauf une
période de crise passagère, à ce que la valeur de
l’or augmentàäl peu à peu, commeelle nous parait,
en effet, appelée à le faire un jour fatalement; et
le mal serait assurément beaucoup plus grand si,
au lieu de laisser les choses suivre leur cours nor-
mal, on essayait d'arrêterle flot par une digue qui,
brusquement, céderait en produisant des désas-
tres.
Quelles peuvent être, en effet, les conséquences
d’une raréfaction de l’or? Supposons que la valeur
de l'or vienne à doubler, ce qui revient à dire que
or diminuerait de moitié, comme le rapport des
prix de ces substances entre elles n’en serait pas
modifié, on ne s’en apercevrait qu'à une chose :
c'est que le pouvoir d'achat de l’or anciennement
accumulé se trouverait deux fois plus grand. C’est
là le fait dont il faut envisager les conséquences
pratiques et sociales.
Pratiquement, on dit : La monnaie d’or manque-
rait; mais, si la pièce de 10 franes valait demain
20 francs, il en faudrait nécessairement deux fois
moins pour un paiement égal, et c’est à cela que
la chose reviendrait. Si l'on voulait, en raison de
ses commodités pratiques, garder à la pièce de
20 francs ses dimensions en même temps que sa
valeur ancienne, il suflirait d'y introduire moitié
de cuivre : ayant moitié moins d’or à un prix
double, on aurait une monnaie identique.
Quant aux conséquences sociales, elles se résu-
ment en ceci que la puissance du capital se trou-
verait augmentée par rapport à celle du travail ;
mais Lant de causes morales et légales influent en
sens contraire qu'elles contrebalanceraient sans
doute, et au delà, cet inconvénient. Déjà le Laux de
l'intérêt est si réduit, la difficulté de placer son
argent avec sécurité est telle qu'à la vieille écono-
mie française se substitue peu à peu, au grand détri-
ment de la fortune publique qui est, au fond, la
somme de celle des particuliers, l'habitude de
mangerson revenu jusqu'au bout,souvent même le
capital avec le revenu, de placer en viager, etc.
Le jour où ces habiludes seraient généralisées,
le conflit actuel entre le capital et le travail se
résoudrait de lui-même parla destruction du capital.
En tout cas, il ne faut pas oublier — et c’est,
croyons-nous, le point essentiel à considérer pour
nous, Français, dans la solution à adopter — que,
parmi ces rentiers et ces capitalistes si décriés,
notre pays lui-même tient la première place, en ce
sens qu’il possède aujourd'hui une très forte partie
de l'or du monde entier. Il est donc de notre intérêt
général de voir ce stock d’oraugmenterde valeur;
l'échanger contre de l'argent destiné à se dépré-
cier de jour en jour serait une folie si insigne que
l'intérêt mal entendu d’un groupe quelconque
d'individus ne pourra certainement pas décider à
l’'accomplir.
L. De Launay,
Professeur à l'École Supérieure des Mines,
374
CH.-ED. GUILLAUME — L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
SÉANCES DE PAQUES, 16 ET 17 AVRIL 4895
L'exposition de la Société de Physique a été,
celle année, exceptionnellement brillante, et d’un
caractère particulièrement artistique. En lui don-
nant ce dernier qualificalif, nous ne pensons pas
seulement aux magnifiques photographies, qui ne
seraient déplacées dans aucune exposition d’art
décoratif; nous voulons parler de l’ensemble, fort
bien ordonné, de beaux el bons appareils que nous
avons pu admirer dans ces deux soirées.
Chaque science ne peut pas revendiquer annuel-
lement une grande découverte. La chimie absorbe
en ce moment l'attention, depuis que lord Rayleigh
el le Professeur Ramsay ont ouvert un sillon nou-
veau et qui s'annonce d’une inépuisable richesse ;
ne nous montrons pas jaloux : notre tour viendra
une autre année.
L'exposition révèle une grande somme d’efforts
couronnés d’un légitime succès. Dans les années
de recueillement, l'outillage se perfectionne; il
sera prêt lorsqu'on en aura besoin.
C’est encore la Photographie qui, cette année,
s'est montrée la great attraction. Depuis l'an der-
nier, les progrès ont été importants, et nous allons
tâcher de les résumer. Un signe de la grande
extension que prend cet art, mis hier seulement à
la portée du simple amateur, c'est la fascination
qu'il exerce sur les constructeurs ; il en est peu
qui ne lui aient sacrifié peu ou prou et plusieurs
sont allés au-devant du succès.
La maison Carpentier, qui avaitouvertla marche,
n’est pas restée slalionnaire. L’excellente jumelle
qu'elle a lancée il y a trois ou quatre ans a fait
ses preuves, el est devenue partie intégrante de
l'outillage du voyageur. De nouveaux modèles ont
élé créés, avec un plus grand champ ou un foyer
plus long, afin de remédier au plus gros défaut de
ce genre d'appareils : la pelitesse des épreuves.
Mais celle pelilesse cesse d’être un défaut lorsqu'il
s'y ajoute l'extrême finesse permettant un fort
agrandissemen! : ainsi, lesclichés pris par M.J. Val-
lot, du sommet du Mont-Blanc, tout auprès de son
observatoire, donnent une idée bien nelle de
l’admirable panorama que l’on contemple de ces
hauteurs. Il est difficile d'obtenir, sans le secours
du stéréoscope, un relief plus accentué.
C'est dans la même voie des appareils à répéti-
tion que se sont engagées les maisons Duboscq,
Échassoux et Richard. Nos lecteurs connaissent,
par la description qui en a été faite dans cette
Revue! l'appareil réversible de ce dernier conslruc-
teur, qui donne des effets d’une frappante réalité.
La loi des contrastes nous amène aux admirables
résullats obtenus, à l'Observatoire de Paris, par
MM. Loewy el Puiseux, qui ont dépassé, du pre-
mier coup, tout ce qui avait été fait jusqu'ici
comme photographies lunaires. La faible durée de
la pose, la stabilité de l’appareil et sa grande dis-
tance focale (18 mètres) sont autant d'éléments de
leur succès. Les clichés, très nets, permettent un
agrandissement considérable. Dans les derniers,
le disque entier de notre satellilte serait repré-
senté par un cercle de 4 mètres de diamètre,
Les agrandissements sur papier gélaliné ob-
tenus par MM. Auguste et Louis Lumière, les
coryphées de l'industrie photographique, ont
beaucoup attiré l'attention; il s’agit d'épreuves
instantanées (rès rapides, du format 13 >< 48,
agrandies jusqu’à 2 mètres dans leur plus grande
dimension, el ayant conservé, dans cette lransfor-
malion, une grande nelteté. Leur cinématographe
(appareils chronophotographiques de M. Marey el
de M. Demeny, kinétographe d'Édison)leur a permis
d'obtenir la reproduction, par projection sur un
écran, de scènes animées.
Le stéréoscope, auquel la photographie a donné
une grande importance, a subi, dans ces dernières
années, quelques perfectionnements représentés,
dans l'exposition par le stéréochromoscope de
Fig. 4. — Sléréoscope de précision de M. L. Cazes.
M. Léon Vidal, construit par M. Nachet, et le sté-
réoscope de précision, de M. L. Cazes, réalisé par
M. Pellin. Dans le premier de ces instruments, on
1 J, Ricmarp : La perspective photographique et la per-
spective oculaire (le Vérascope). Revue gén. des Sciences, t. Ne
pages 649 à 654, 189%.
Te
CH.-ED. GUILLAUME — L’'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
379
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place trois photographies d’un même objet, vues
au travers d'écrans qui leur communiquent les
trois couleurs fondamentales. Deux de ces épreuves
sont vues à l’aide de l’œil gauche, et sont des
épreuves gauches; la troisième se présente devant
l'œil droit. En combinant convenablement les par-
lies claires et sombres des clichés, on favorise
plus ou moins les trois couleurs, et on obtient, en
même temps que le relief stéréoscopique, la colo-
ralion exacte de toutes les parties de l’objet.
L'instrument de M. Cazes, décrit dans un opuscule
auquel nous empruntons la figure 1, consiste en
deux miroirs M et M', montés sur deux tringles A
et B à angle droit, et qui renvoient sur deux petits
miroirs #% et »', que nous nommerons miroirs
oculaires, les images gauche et droile placées
devant eux. Le tout est monté sur un pied CG à
douille D. La mobilité des quatre miroirs sur
leurs supports permet de chercher la position qui
donne les meilleurs résultats, el d'étudier les
variations de l'impression d'ensemble qui accom-
pagnent leurs déplacements. L'emploi de déux
miroirs pour chaque œil éleud indéfiniment les
limites de dimension des épreuves utilisables.
Signalons enfin les photographies de l’arc élec-
trique obtenues par M. Violle. Si nous les mettons
à part, c'est parce qu'elles sont, croyons-nous,
une première réalisation d’un plan de travail con-
sistant à faire, à l’aide de la photographie, la pho-
tométrie de l’arc électrique. Cette tentative répond
à une préoccupation actuelle, celle d'ouvrir à la
photographie une place plus large dans la Photo-
mélrie, à laquelle les récents travaux de M. Picke-
ring ont apporté une importante contribution.
2 Il
La Photographie ne pouvait être mise ailleurs
qu’en têle de cet article. La classification logique
en a souffert, mais nous allons en reprendre le fil.
La Cinématique et la Mécanique appliquée nous
ont offert plus d'un dispositif intéressant.
Les mécanismes articulés de M. Delaunay, pro-
fesseur à l’Université de Saint-Pélersbourg, nous
montrent la continuation de l’œuvre du grand ma-
thématicien Tchébichef. Le duplicateur, appareil
qui transforme un mouvement de rotation en un
autre de vitesse angulaire #oyenne double, le trans-
metteur pantographique, l'hyperbolographe sont
d'une grande ingéniosité, et pourraient (les deux
premiers surtout) rendre de réels services dans la
construction des machines. Nous voudrions nous
étendre plus longuement sur deux mécanismes
très simples, l’un qui remplacerait peut-être avec
avantage le parallélogramme de Watt, l’autre, que
son inventeur appelle ellipsographe, et qui, en réa-
_lilé, résout automatiquement le problème plus
général de la projection orthogonale. Ces deux
mécanismes sont représentés dans les figures 2 et 3.
Dans le premier{fig.2), le point A est fixe, ainsi que
le point E; le triangle CDE est assujetti à se dé-
tie
[NX
(SN
| <
{ N à
| NS
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| N
| Ne
N
N
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| Es D
C! 4l \ &
| sb:
| ;
A
Fig. 2. — Schéma d'un mécanisme articulé de M. Delaunay,
susceplible de remplacer le parallélogramme de Watt.
placer de telle sorte que les points Cet D tournent
respectivement autour des points À et B. Dans
ces conditions, le point E décrit une courbe de
sixième ordre, dont une portion assez longue est
pratiquement confondue avec une droite. M. Delau-
nay a modifié ce disposilif en enchaïnant quatre
triangles en un circuit fermé; le sommet libre de
chacun d’eux décrit une portion de droite, corres-
pondant à un même mouvement du point moteur.
Les tringles AB, BC de la figure 3 sont assujet-
_E
NC
\
Q— QUE = .
A\ j (GC
D*X de
IN CL É
Code
B
Fig. 3. — Schéma de l’ellipsographe de M. Delaunay.
lies à la condition que les points A et C parcourent
deux segments de droites situées dans le prolon-
gement l’un de l’autre. Ces tringles en entraînent
d’autres, DE et EF, qui forment un losange avec
les premières. On voit immédiatement que tous
les mouvements de gauche à droite effectués par le
point B seront imités par le point E. Les mouve-
376 CH.-ED. GUILLAUME — L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
ments de haut en bas seront réduits dans une pro-
portion qui dépend de la position des points D
et F sur les premières tringles. Si l’on assujettit le
point B à se mouvoir autour d’un point fixe G,
on réalise l’ellipsographe.
C'est encore un problème du même ordre qu'a
abordé M. Amet dans sa réglette, construite par
MM. Benoist et Berthiot, el qui sert à donner une
valeur approchée des foyers des lentilles dont la
courbure est connue. Il suffit, pour cela, de placer
un curseur sur un point
| d’une échelle divisée indi-
quant le rayon d'une des
LA faces, d'amener un autre
| curseur en contact avec le
| À premier, etde tendre un fil
| entre l'extrémité du pre-
mier et un point du se-
cond marquant le rayon
de la seconde face. Le fil
coupe, sur une division,
l'indication de la distance
Z \ focale pour une valeur dé-
terminée de l'indice.
La maison Digeon a ex-
posé plusieurs appareils
intéressants :
un sphéromè-
| tre, complétant un appareil
de M. U. Le Verrier, et des-
| | {iné à déterminer les varia-
| | tions de .dimension des
sphères soumises à une
pression préalable; un sclé-
| romètre, du système Mah-
ler-Digeon, consistant, en
| une molette que l’on pres-
|
|
|
|
|
|
|
144474
se, avec une force mesura-
ble, contre la matière dont
on veut déterminer la du-
reté: en donnant un mou-
vement à la molette, on
cherche la pression né-
cessaire pour marquer une
trace visible; enfin, un ap-
pareil destiné à l'essai des
papiers à la traction et à la
flexion, dans lequel la bande de papier à es-
sayer,
Fig. 4. — Pince de l'appa-
reil pour l'essai des pa-
piers. — d, noyau ser-
rant automatiquement la
bande de papier contre
les joues de la pince.
maintenue par la pince à noyau repré-
sentée ici (fig. 4),est soumise à des efforts allant en
augmentant d'une manière continue,et donnés par
un poids agissant sur une came à bras de levier
variable. Au moment de la rupture, le système est
maintenu en place par un système de cliquets.
Il faut nous limiter, et nous ne pouvons malheu-
reusement que mentionner en passant le loch élec-
trique à hélice système Baule, le gyroscope de M. l’a-
miral Fleuriais, la règle typographique et la boussole
directrice de M. le capitaine Delcroix, construits par
M. Demichel; le vélomètre de M. le capitaine de
Place et quelques autres appareils des maisons
Noé, Gautier, Berlemont, Pillon et Velter; nous
espérons pouvoir y revenir à une autre occasion.
Nous ne voudrions toutefois pas quitter ce sujet
sans nommer le bélier hydraulique de M. Decœur,
construit par MM. Rouart frères, et permettant
d'élever l’eau à une grande hauteur en se servant
d'une faible chute. Les perfectionnements apportés
à ce vieil appareil sont de nature à lui donner un
regain de jeunesse. Le bélier en lui-même est fort
instructif, parce qu'il nous donne une image du
principe très général dont celui de Carnot est le
cas particulier le plus important, et qui consisteen
ce que l'on peut augmenter le potentiel en consen-
tant à une perte compensatrice.
III
Nous ne quittons qu'à moilié la Géométrie et la
Mécanique en disant quelques mots des mesures
de précision.
Les ingénieux appareils installés à l'Observa-
toire de Paris par M. Maurice Hamy, et les travaux
préliminaires de M. Macé de Lépinay, dans le but
de déterminer de nouveau la masse spécifique de
l’eau, rentrent dans cette catégorie.
M. Hamy s’est proposé de mesurer les défauts
des tourillons d'une lunette. Dans ce but, il place,
sur le cylindre à étudier, une petite fourche qui
remplace ici le support du tourillon : cette fourche
fait partie d'un équipage monté pour la mesure
des déplacements par la méthode de M. Fizeau qui,
depuis trente ans qu'elle a été imaginée par l'il-
lustre doyen des physiciens français, a déjà rendu
lant de services divers.
M. Macé de Lépinay a entrepris une nouvelle
détermination de la masse du décimètre cube
d’eau. Ce travail comprend deux opérations con-
sistant dans la mesure d'un corps de forme géo-
métrique simple et sa pesée dans l'air et dans
l'eau. Le corps choisi est un cube de quartz, dont
l'étude détaillée a été entreprise par un procédé
optique. Les courbes d’égale épaisseur ont été
déterminées, et il ne reste plus, pour connaitre
exactement son volume, qu'à mesurer l'épais-
seur sur quelques points des bords par le procédé
des franges de Talbot, que M. Macé de Lépinay a
élaboré. Ce procédé ne permet d'atteindre les der-
nières limites de la précision compatible avec les
données du problème que si l'on connaît, avec une
grande exactitude, la valeur de la longueur d’onde
de la lumière employée. Les mesures faites par
M. A. Michelson sur les raies du cadmium, me-
sures exécutées au Bureau international des Poids
n
__et Mesures, fournissent les données nécessaires
au calcul de ces expériences. Les recherches de
l'éminent professeur de Chicago augmentent ainsi
- considérablement la valeur des mesures par les
._ procédés interférentiels.
IV
Passons maintenant en revue quelques appa-
_ reils de laboratoire. Le thermomètre à réservoir
+ enplatine, combiné par M. Marchis et exéculé par
- M. Hémot, se distingue par l’invariabilité de son
échelle et la rapidité de ses indications; mais il
. présente peut-être quelques inconvénients qui se
révéleront à l'usage; ils ont élé discutés dans une
séance de la Société, et nous n'y reviendrons
pas ici, nous réservant de reprendre la question
lorsque la pratique de cet instrument aura fixé sa
valeur. Il y a, dans sa construction, plus d'une
- difficulté vaincue, qui témoigne de l’habileté du
constructeur.
C’est dans la même voie, de la soudure du verre
sur le platine, et même sur le cuivre (cette derrière
par l'intermédiaire d'un émail) que M. Chabaud
nous a montré les nouveautés les plus intéressantes
de sa construction: il est parvenu à résoudre ce
problème réputé presque désespéré, de souder di-
rectement au verre dur, des tubes de platine dont
le diamètre atteint 2 centimètres. Les plus pe-
tits tubes ont été soumis à une pression de plu-
sieurs centaines d’atmosphères, et se sont déchirés,
mais sans se détacher du verre.
Les nouveaux procédés étudiés par M. Chabaud
lui ont permis de construire un calorimètre de
Bunsen, entièrement soudé, et dont le tube ré-
cepteur est en platine. Ce détail, qui, à première
vue, peut paraître insignifiant, n’en est pas moins
d'une grande importance, puisqu'il permellra
d'employer, sans précautions spéciales, le calo-
rimètre de Bunsen à l'étude des chaleurs spéci-
fiques pour de grands intervalles de température,
et même des chaleurs de combustion.
La soupape de sûreté pour trompe à eau,
construite par M. Chabaud, ainsi que celle de
M. Berlemont, rendront des services aux physiciens
distraits.
Les nouveaux thermomètres à petit réservoir,
qu'expose M. Chabaud, sont les plus rapides que
nous ayons vus jusqu'ici; ils rendront, croyons-
nous, des services partout où l'on voudra mesurer
des variations très rapides de la température, sans
abandonner l'instrument idéalement simple, le
thermomètre à mercure, qui, il faut le dire, est
resté bien loin en arrière, au point de vue de la
faible masse durécepteur, des appareils électriques,
bolomètres et radiomèlres divers. Les mesures en
ballon, l'étude des variations de la température
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 18905.
CH.-ED. GUILLAUME — L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
311
de l'air dans certains cas, par exemple durant
le foehn, tireront un grand profit de ces thermo-
mètres minuscules.
Les tubes qui ont servi à M. Villars pour l'étude
des gaz très purs, étude dans laquelle il a obtenu
des résultats remarquables, le calorimètre de
M.Junkers, construit par MM. Ducretet et Lejeune,
le chalumeau pour lumière oxyéthérique de M. Mol-
téni, utilisant l'oxygène et la vapeur d’éther pour
la chauffe d’un morceau de craie, complètent la
série des appareils divers, à l'usage des labora-
toires, qui ont vu le jour pendant l’année écoulée.
y
L'Électricité fait encore très bonne figure à l'ex-
position, bien que les beaux temps des inventions
retentissantes s’éloignent déjà de nous. La Société
Cance, avec ses lampes à arc de faible consomma-
tion, la maison Bisson et Bergès, qui exploite les
brevets Brianne, et la Société de l'Éclairage holo-
phane, rivalisent par les flots de lumière dont elles
égaient l'exposition. L’avènement de la lampe à
arc de 2 ampères, construite à la fois par les deux
premières maisons que nous avons cilées, marque
un progrès dans l'éclairage par l'arc, qui était ré-
servé jusqu'ici aux cas où l’on pouvait s’en tirer
par un petit nombre de foyers puissants. Les globes
mignons exposés par M. Cance diffusent parfaite-
ment la lumière de l’are en un disque de 3 ou 4
centimètres de diamètre.
Nous ne pouvons quilter l'arc électrique sans
rappeler les importantes applications auxquelles
il a donné lieu dans ces dernières années : les pro-
cédés Cailletet, le procédé Cowles pour la prépa-
ration de l'aluminium, et, d’une manière générale,
toute la métallurgie de cet élément, enfin, la pré-
paration en grand de certains mélaux, tels que le
chrome et le titane, que l’on n'avait possédés jus-
qu'ici qu'en très petites quantités, marquent une
étape dans la chimie minérale. Les tra vaux les plus
importants dans cette voie sont dus à M. Joly et,
plus encore, à M. Moissan. L'éminent chimiste
avait exposé divers échantillons de ces métaux,
que l’on peut qualifier de nouveaux au point de
vue de leur utilisation dans l’industrie. Une autre
application de la chaleur de l’arc a été faite au
graphitage des charbons. On sait que toutes les
variétés de charbon, le diamant lui-même, soumis
à la température très élevée qui s'établit entre les
électrodes d'un four électrique, se transforment
en graphite. Ce principe a été utilisé par MM. Gi-
rard et Street pour donner aux crayons de char-
bon une plus grande conductibilité. Cette propriété
devient précieuse dans l’électrolvse à l’aide d'’élec-
trodes en charbon, en usage dans l’industrie.
Les appareils de mesures ont subi quelques per-
g**
378 CH.-ED. GUILLAUME — L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
fectionnements. L'électromètre absolu de MM. Abra-
ham et Lemoine, construit par M. Carpentier, et
le galvanomètre de M. P. Weiss rendront des ser-
vices dans les laboratoires. Dans ce dernier instru-
ment, l'équipage aslalique consiste en deux ai-
guilles verticales parallèles, formant un circuil
magnétique presque fermé, et possédant un mo-
ment d'inertie très faible, comparé à leur moment
magnétique. Le galvanomètre très sensible a pris
une importance considérable depuis l'extension
des travaux au bolomètre, et c'est à ce genre de
recherches, si magistralement développées par le
Professeur Langley, que l’on doit les derniers per-
fectionnements de cet instrument. Le dispositif de
M. Weiss permettra, sans doute, de pousser plus
loin la précision de ces mesures.
Le compteur de quantité d'électricité, construit
par MM. Ducretet et Lejeune, d'après les plans de
M. E. Grassot, utilise de la façon la plus heureuse,
l'idée, déjà ancienne, d'employer l’électrolyse à
cette mesure. Un fil d'argent, vertical, plonge dans
un creuset du même métal, rempli d’une solution
de nitrate d'argent. Il est en dérivation sur le cir-
cuit principal, et le courant qui le traverse l'use
peu à peu par le bas. Il descend dans le creuset,
en entrainant, à l’aide d’une crémaillère, une roue
actionnant un mécanisme d’horlogerie; la trans-
formation est, on le voit, d’une simplicité idéale.
Le magnétomètre de M. Hospitalier, et l'appareil
de M. Pellat pour la mesure des pouvoirs induc-
teurs spécifiques, construits par la même maison,
répondent chacun à un problème important de
Physique pratique. Ces appareils seront présentés,
sans doute, à la Société de Physique, dans le cou-
rant de l'été, et nous préférons laisser à l'excellent
chroniqueur de la Revue, le soin de les décrire en
détail, avec la compétence que chacun luireconnail.
Nos lecteurs connaissent les ingénieux procédés
par lesquels M. Janet détermine les constantes des
courants interrompus ou alternatifs, à l’aide de la
méthode électrochimique. Les recherches déjà cé-
lèbres de M. d’Arsonval sur les effets physiolo-
giques des courants de haute fréquence, ont êlé
aussi exposés très en détail dans cette Revue. Ces
derniers travaux ont donné à plusieurs construc-
teurs, — MM. Ducretet et Lejeune, M. Figueras,
M. Gaiffe, — l'occasion de combiner d'intéressants
dispositifs. Les appareils de ce dernier construc-
teur se distinguent par leur forme compacte el
leurs dimensions peu encombrantes.
Dans le même ordre d'idées, l'ozonateur statique
de M. Bonelti répond à une préoccupation actuelle :
celle d'employer l'oxygène, ainsi transformé par
l’effluve, au traitement des affections des organes
respiratoires. | *
Les phénomènes complexes, dont les lignes télé-
graphiques sous-marines sont le siège, peuvent
dificilement être étudiés sur ces lignes elles-
mêmes, qui sont employées jour et nuit à partir de
l'instant où elles sont posées; mais on peut les
remplacer par des lignes artificielles ayant même
résistance et même capacité. C’est dans un but
d'études de cette nalure, que la Direction générale
des Postes et Télégraphes a fait construire un mo-
dèle du càble Marseille-Alger. L’exécution en est
fort élégante, et la mise hors cireuil des résistances
et des capacités se fail avec la plus grande facilité,
et sans erreurs possibles.
Les càbles souterrains à circulation d'air sec
sont, croyons-nous, une nouveaulé. Le toron de
fils isolés est enveloppé par un tube, dans lequel
on fait passer un courant d'air chaque fois que le
besoin s'en fait sentir, c'est-à-dire lorsque l’isole-
ment tombe au-dessous d’une certaine valeur, On
enlève ainsi l'humidité, et on arrive à décupler
l'isolement. Ce système, inventé par M. Barbarat,
et les actinomètres et relais de MM. Maréchal et
Rigollot ont été adoptés par l'Administration des
Télégraphes.
L'actinomètre électro-chimique est fondé sur un
phénomène découvert par Becquerel, et dont
MM. Gouy et Rigollot ont trouvé la forme la plus
sensible. Une plaque de cuivre oxydée, plongée
dans une solution de chlorure, bromure ou iodure
métallique, se charge d'électricité sous l'action de
la lumière, el fait naître un courant dans un circuit
fermé sur une autre plaque plongée dans la même
solution. Cette transformation de l'énergie rayon-
nante en énergie électrique, peut servir de mesure
à la première, depuis que les détails du phénomène
ont été étudiés par MM. Maréchal et Rigollot.
Parmi les applications diverses de l'électricité,
signalons encore les belles reproductions galvano-
plastiques de M. Ch. Rivaud, et les clichés en nickel
d’une grande durelé, obtenus par M. Boudréaux.
VI
L'Optique est toujours représentée par de très
beaux appareils qui ont valu aux maisons Duboscq
et Pellin leur réputation universelle. Le stéréos-
cope médical du D' Parinaud, le miroir à foyer va-
riable de M. Piltchikoff, l'hématospectroscope, ap-
pareil imaginé par le D° Maurice de Thierry pour
déceler des traces infimes d’hémoglobine dans une
solution, le spectrophotomètre de M. Melander,
enfin le focomètre de M. G. Weiss sont les princi-
pales nouveautés exposées par cette dernière mai-
son. On voit figurer pour la première fois, à l’ex-
position, les glaces platinées transparentes, cons-
truites par le procédé Dodé, modifié par MM. Pil-
lon et Veller. Le spectre artificiel, ou, plus exac-
tement, la toupie pour l'obtention du spectre par
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CH.-ED. GUILLAUME — L'EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
une illusion d'optique, a été introduit en France
_ par la maison Ducretet. Cette curieuse expérience,
de M. Ch.-E. Benham, a donné lieu, en Angleterre,
à une discussion qui n'est pas encore close; en
réalité, on n’est pas fixé sur cette genèse des cou-
leurs par la rotation d’un disque blanc et noir, et
il se pourrait bien que la théorie en dût être cher-
chée dans les phénomènes oscillatoires découverts
par Young et décrits plus récemment par M. Aug.
Charpentier et M. Shelford Bidwell.
La mesure de l'intensité lumineuse des sources
doit à M. Blondel de sérieux progrès. Nous avions
déjà vu son photomètre exécuté en commun avec
le D° Broca. Son lumen-mètre (fig. 5 et 6), construit
par la maison Sautter Harlé, est la réalisation de
Fig. 5. — Vue générale du lumen-mètre de M. Blondel.
la méthode des écrans diffuseurs qu’il a préconisée.
La source L que l’on veut étudier, est placée au
centre d’une sphère opaque SS(fig. 6) qui n’en laisse
échapper que deux fuseaux de lumière //f" limités à
deuxplans diamétraux verticaux. Les flux lumineux
sont réfléchis par deux zones Z et Z' d’un miroir
en forme d’ellipsoïde de révolution, dont les foyers
sont respectivement le centre de la sphère SS, et
un point situé à 3 mètres de distance; on place à
ce second foyer l'écran diffuseur, qui tient lieu
alors de source éclairante. L’angle du fuseau est
de 18, et, dans le cas tout à fait général, il faut
dix mesures pour étudier complètement la source;
mais, lorsque celle ci est de révolution autour d’un
axe vertical, on peutse contenter de deux mesures
379
la tache, donne immédiatement une valeur pro-
portionnelle à l'intensité moyenne sphérique.
VII
Il nous reste à dé-
crire quelques appa-
reils et deux ou trois
expériences qui ont
échappé à notre clas-
sification. Mention-
nons la sirène à mo-
teur indépendant,
: He Fig. 6. — Représentation sché-
imaginee par M. Pel- malique du lumen-mèlre de
__ M. Blondel. — L, source lumi-
lat, et que nos lec neuse. — SS, sphère opaque ne
laissant passer que deux fais-
ceaux de lumière ff. —Z Z,
miroir ellipsoidal.
teurs connaissent par
la présenlalion qui
en a élé faite dans
une séance de la Société ; l'audiomètre de
M. Ch. Henry, construit par M. Radiguet, et des-
tiné, à déterminer l’acuité de l'oreille. Les vibra-
tions émanées de la source sonore sont con-
duites aux deux oreilles simultanément par des
tuyaux portant des diaphragmes iris, montés de
telle sorte qu'ils ne puissent pas recevoir d’ébran-
lement par l'intermédiaire des parties métalliques
de l'appareil. La surface libre du diaphragme se
substitue ainsi à la source, et l’énergie perçue par
l'oreille est proportionnelle à cette surface.
Sur les confins de l'Optique et de l'Électricité se
trouvent un grand nombre de phénomènes décou-
verts récemment, et qui attirent de plus en plus
l'attention des philosophes. Le mystère qui enve-
loppe encore les rayons cathodiques, malgré les
splendides expériences de M. Lenard, celles de
M. Goldstein, de MM. Wiedemann et Ebert, les
mesures de M. J.-J. Thomson, ne semble pas près
d’être dévoilé. Aucune expérience ne parait par-
faitement décisive pour choisir entre les diverses
théories émises en vue d'expliquer ce singulier phé-
nomène. M. de Kowalski a apporté à la discussion
un élément nouveau, en montrant que ces rayons
se forment non seulement sur la cathode, mais en-
core en tout point du tube qui présente un élar-
gissement brusque sur le parcours du flux allant
de la cathode à l’anode. L'expérience, montée par
les soins de M. P. Curie, est parfaitement nette.
Le phénomène électro-statique de Kerr, à l'étude
duquel M. J. Lemoine a apporté quelques contri-
butions, a été présenté à la Société par ce dernier.
Il consiste dans la double réfraction que subit la
lumière dans un milieu transparent tel que le sul-
fure de carbone, placé dans un champ électrique.
Les phénomènes, découverts par Ira Remsen,
sur la stabilité plus ou moins grande des sels de
fer suivant l'intensité du champ magnétique au-
à angle droit. La mesure photométrique, faite sur ! quel ils sont soumis, a fourni à M. Hurmuzescu
380
F, TISSERAND — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE
l’occasion d’un curieux travail sur la force électro-
motrice d'aimantation, c’est-à-dire la différence
de potentiel qui se manifeste entre deux lames
plongées dans la même solution el diversement
aimantées : c’est un des plus curieux cas de réver-
sibilité qu'il soit possible d'observer.
Enfin, la purification extrême à laquelle M. Bi-
det a soumis certains composés organiques l’a
conduit à trouver que la coloration, prise par ces
derniers sous l’action de la lumière, est due le plus
souvent aux traces d'impuretés qu'ils contiennent.
Quelles sont ces impuretés, en quantité infime, et
qui, cependant, caractérisent souvent une subs-
tance? On ne saurait le dire encore, mais, en rap-
prochant ce fait, suivant l'exemple de M. Curie,
de la conductibilité de certains corps due tout en-
tière à une cause du même ordre, on trouve, dans
cette analogie, une confirmation frappante des
vues de Maxwell. Le pouvoir absorbant pour les
radiations, qui produit à la longue la coloration,
est connexe de la conductibilité. Si l’on envisage
ces curieux phénomènes à un autre point de vue,
on est surpris de voir le rôle très important que
jouent, dans les phénomènes les plus ordinaires,
les causes qui sembleraient, au premier abord,
n'avoir aucune action. Les recherches de la nature
de celles qu'a exécutées M. Bidet sont pénibles,
et demandent, en même temps que des soins
minutieux, une très grande persévérance.
Ces recherches valent-elles les peines qu'elles
coûtent? Le spectateur, étranger aux luttes pour la
recherche de la vérilé, eût pu émettre un doute à
ce sujet il ya quelques mois à peine ; la découverte
de j’Argon, qui a dû le jour à un long travail de
patience el de mesures précises, est le meil-
leur argument en faveur de semblables recher-
- ches.
Ch.-Ed. Guillaume,
Docteur ès Sciences,
Physicien au Bureau international
des Poids et Mesures.
REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE
L'Astronomie a fait des progrès importants dans
l'année qui vient de s’écouler; pour les retracer
tous, il faudrait plus d'espace que je n’en dispose,
et je devrai me borner aux faits les plus saillants.
ÏJ. — DÉCOUVERTES DE COMÈTES
En 1894, on a découvert trois comètes nouvelles,
et retrouvé deux comètles périodiques.
41.— Comète de Denning.— Cet astre, très faible, a
été découvert le 26 mars par M. Denning. Avec un
intervalle d'observations de quatre jours seule-
ment, M. Schulhof a calculé une orbite parabo-
lique, el trouvé, entre ses éléments et ceux de deux
anciennes comètes, une ressemblance qui lui a
permis d'annoncer que la nouvelle comète était
probablement périodique. L'événement a justifié
celle prévision : au bout de dix jours, l'orbite
parabolique était notoirement insuflisante. Une or-
bite elliptique, calculée à l’aide d’un mois d’obser-
valions, assigne à la comète une durée de révolu-
tion d'environ sept ans. M. Hind et M. Lamp
pensent que ce serait la comète de Brorsen, qui
n'a pas été revue depuis 1879. Il est probable que,
si les deux astres ne sont pas identiques, ce sont
du moins deux fragments d’une même comète.
9. — Comète de Gale. — Découverte le 1% avril à
Sydney par un astronome amateur, avec un téles- ;
cope de trois pouces d'ouverture, elle est devenue
visible à l'œil nu pendant quelques jours. Une
photographie prise à l'Observatoire de Paris par
MM. Henry révèle la présence d’une queue assez
longue. Avec une pose de deux heures, M. Bar-
nard a obtenu une belle épreuve qui montre l’a-
vantage de la photographie pour l'étude des dé-
lails des queues de comètes.
3. — Comète de Tempel (1873 IT). — Cette comète
a été retrouvée par M. Finlay au Cap de Bonne-
Espérance, presque exactement (à moins de 3° de
distance) à la position calculée par M. Schulhof,
ce qui est un beau résullat, quand on songe que
la comète n’avait pas été revue depuis 1878; le
moment du passage au périhélie avait élé prédit
par M. Schulhof à quelques heures près.
4. — Comète d'Encke. — Cette comète célèbre,
qui est la seule à témoigner de la résistance d’un
milieu interplanétaire, a été retrouvée simullané-
ment le 31 octobre, par M. Perrotin à Nice et par
M. Wolf à Heidelberg. Elle à fait pendant vingt
ans l'objet des profondes recherches de M. Back-
lund. Malheureusement, cet astronome a renoncé
à poursuivre ces études absorbantes. Le monde
savant regrette sa déterminalion, tout en la com-
prenant, car M. Backlund vient d’être appelé
à la direction du bel Observatoire de Poulkovo,
où il continuera à rendre de grands services à
la science.
5. — Comète de E. Swift. — Gelte comète, d’un
éclat très faible, a été découverte le 20 novembre
- dernier en Californie par M. E. Swift, qui se pré-
pare, comme on voit, à suivre dignement les
traces de son père. A la simple lecture de la dé-
pêche faisant connaître la découverte, M. Schulhof,
constatant le sens direct du mouvement de l'astre
et sa faible vitesse, eut le pressentiment que la
comète devait être périodique. M. Perrotin a bien
oulu nous envoyer télégraphiquement deux ob-
-servalions faites à Nice les 22 et 29 novembre; en
-y joignant une observation obtenue à Paris par
M. Bigourdan, M. Schulhof put calculer une orbite
parabolique qui mit en évidence une très grande
ressemblance de la nouvelle comète avec une co-
- mète découverte à Rome en 1844 par de Vico, qui
avait été cherchée à plusieurs reprises, mais sans
- succès, et que l’on considérait comme perdue.
- L'identité des deux astres a été confirmée par les
observations et les calculs ultérieurs.
. A la fin du siècle dernier, on disait de Messier
- que c'était un véritable furet pourla découverte des
- comèles. On en pourrait dire autant de M. Schul-
hof, à cause de son flair particulier pour pres-
sentir leur périodicité, d'après certains indices qui
échapperaient à des calculateurs très habiles.
Cette découverte de la comète de de Vico est un
événement astronomique important, et il est bon
d'y insister. La comète était très belle en 1844,
ar on put mème l’apercevoir à l'œil nu durant
quelques jours. M. Faye avait calculé à cette
époque une orbite parabolique reposant sur un
intervalle de cing jours d'observation seulement.
Quelques jours après, la comète se refusait nette-
ment à suivre la parabole. M. Faye détermina une
orbite elliptique et annonça que la comète devait
revenir tous les cinq ans et demi. Elle a manqué
sept fois au rendez-vous, et s’est décidée à y pa-
raitre la huilième fois; c'est un beau succès pour
la science, et, en particulier, pour le doyen res-
pecté des astronomes français qui, dans sa verte
vieillesse, voit confirmer brillamment les calculs
qu'il faisait il y a un demi-siècle.
On peut trouver surprenant que la comète ait
échappé si longtemps aux recherches, car elle n’a
pas cessé d'occuper les positions qui lui avaient
été assignées. Mais il faut remarquer que, si on
a revue en 1894, c'est qu'on disposait d’un ins-
ment puissant, ce qui n'avait pas eu lieu dans
es retours antérieurs. On en doit conclure seule-
ment que la comète, qui était très brillante en
84%, a perdu depuis presque tout son éclat; elle
est contentée d’un beau moment dans son exis-
ence. Ce fait parait devoir se généraliser. C’est
dinsi que La comète Holmes de 1892, qui a été très
lumineuse pendant quelques jours, est devenue
bientôt invisible dans les plus fortes lunettes,
F. TISSERAND — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE
381
sans que, pour cela, son éloignement de la Terre
et du Soleil ait varié beaucoup. Il semble donc
qu'à certaines époques, sous l'influence de causes
encore inconnues, sans doute de crises intérieures,
les comètes se présentent sous un éclat excep-
tionnel qu'elles sont impuissantes à maintenir, et
retombent ensuite dans une extrême faiblesse.
Il. — DÉCOUVERTES DE PETITES PLANÈTES
Ces découvertes en 1894 ont été au nombre de
23, dont 11 faites à Nice, 6 à Heidelberg, 2 à Bor-
deaux, 1 à Paris et 4 à Marseille. On en avail
compté 31 en 1892 et 40 en 1893. A la fin de 1894,
le nombre des petites planètes était juste de 400.
Du 2% mars au 1° décembre, on n’en a trouvé au-
cune, et cependant de nombreux clichés photogra-
phiques ont été obtenus et examinés, notamment
à Nice. Bien que les mois d'été soient moins favo-
rables aux découvertes, parce que les nuits sont
plus courtes, et que la région moyenne dans la-
quelle se meuvent les petites planètes est moins
élevée sur l'horizon dans nos latitudes, on peut
en conclure que le nombre des astres qui restent
à découvrir, du moins ceux qui sont assez bril-
lants, décroit très sensiblement.
Parmi les planètes de 1894, il s’en trouve une,
BE, qui a excité un vif intérêt : la rapidité de son
mouvement dans le sens perpendiculaire à l'équa-
teur céleste avait fait penser que son orbite devait
être fortement inclinée sur l'écliptique, au moinsau-
tant que celle de Pallas. Cette induction n’a pasété
confirméeentièrement:l’inclinaison, quiestnotable,
avait été exagérée parce que la planète était rela-
tivement très voisine de la Terre, presque autant
que Mars dans son plus grand rapprochement.
C'est, de toutes les petites planètes connues actuel-
lement, celle qui passe le plus près de la Terre, et
elle est appelée à fournir une détermination très
précise de la distance qui nous sépare du Soleil.
Les découvertes de ces dernières années ont
beaucoup étendu les dimensions de l'anneau des
petites planètes, du côté de Marset de celui de Ju-
piter. On sait que, dans l'intervalle de ces limites
extrèmes, la distribution des astéroïdes est loin
d’être régulière. On avait signalé depuis longtemps
des zones dépourvues de petites planètes, consti-
tuant de véritables lacunes dans l’ensemble. Un
assez grand nombre de ces lacunes ont été com-
blées par les découvertes récentes, et ne doivent
être regardées désormais que comme des régions
de pauvreté relative: il n’en reste plus que deux
principales, qui correspondent à des mouvements
angulaires deux fois ou trois fois plus rapides que
celui de Jupiter. Nous sommes heureux de signaler
à ce sujet les recherches de M. le général Parmen-
tier, qui tient une comptabilité scrupuleuse des
382
astéroïdes suivant leurs distances au Soleil, et ins-
crit chaque nouveau venu à sa place, heureux de
voir respectées les deux zones encore vierges.
M. O. Callandreau a fait des éludes théoriques sur
les lacunes en question.
Il serait lrès intéressant de connaître exacte-
ment les diamètres des petites planètes: on y
arriverait en mesurant les angles sous lesquels on
les voit de la Terre. Mais ces angles sont malheu-
reusement bien petits, et disparaissent dans les
diamètres factices que les meilleures lunettes don-
nent à tous les astres indistinctement. C'est tout
juste si l’on peut résoudre le problème pour les
quatre anciennes petites planèles, qui sont cer-
tainement les plus grosses. On avail cru jusqu'ici
que Vesta, qui se présente avec le plus grand
éclat, et peut même devenir visible à l'œil nu dans
des conditions favorables, avait aussi le plus fort
diamètre, M. Barnard, utilisant la puissante lunette
de l'Observatoire Lick, a montré que le plus gros
des astéroïdes est Cérès, dont le diamètre de
850 kilomètres est à peu près le È de celui de la
Terre ; viennent ensuite Pallas et Vesta, avec des
diamètres de 500 et de 400 kilomètres. Ses obser-
valions ne laissent aucun doute sur l’ordre de
grandeur de Cérès et de Vesta: car la première
planète se présentait sous un angle deux fois plus
grand que la seconde, el cependant elle était plus
éloignée de la Terre au moment des observations.
Il faut en conclure que Vesta réfléchit beaucoup
mieux que Gérès la lumière du Soleil.
Ilsemble qu'on ne fasse pasune hypothèse tropin-
vraisemblable en fixant à130 kilomètres le diamètre
moyen des astéroïdes, jusqu'à la douzième gran-
deur; c’est à fort peu près le _ du diamètre de la
Terre. En supposant que les densités soient les
mêmes, on voit que la masse de chacun de ces
petits astres ne serait que la millionième partie de
celle de la Terre. M. Perrotin a d’ailleurs conjec-
turé d'une facon plausible que leur nombre ne
serait guère que de 700 ou 800. Soyons plus large,
et mettons en 1000. L'ensemble ne fera que la mil-
lième partie de la masse de la Terre; c’est bien peu
de chose dans l’ensemble du système planétaire.
III, — RECHERCHES DE MÉCANIQUE CÉLESTE
Planèles. — Nous avons cette année à signaler
quantité de résullats inporlants. On sait que Le
Verrier a consacré de longues années à calculer
les positions des planètes, en prenant pour base
la loi de Newlon, et à confronter le résullat
de ses calculs avec l'observation. Il à trouvé un
accord satisfaisant pour toutes les planètes, sauf
deux. Mereure a présenté une petite anomalie qui
a conduit Le Verrier à admettre l'existence
d'une ou de plusieurs planètes intra-mercurielles ;
F. TISSERAND — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE
mais Saturne a montré des irrégularités bien
nettes, quoique faibles, dont la cause était en-
core ignorée. Cette difficulté a été éclaircie par
M. Gaillot, chef du Bureau des Calculs à lOb-
servatoire de Paris; par une longue collaboration
avec Le Verrier, il était, mieux que personne,
à mème de discerner les points où les calculs
de l’illustre astronome demandaient à être com-
plélés. Il a reconnu quelques oublis, très excusables
dans d'aussi longs calculs, et, en les réparant, il a
eu la satisfaction de voir que Saturne rentrait dans
l'ordre, et obéissait exactement à la loi de Newton.
C'est un beau travail, qui assure à M. Gaillot la.
reconnaissance des astronomes. À
M. Newcomb, astronome américain, placé à la
tête de la science, à entrepris de reprendre les «
théories de Mercure, Vénus, la Terre et Mars, en
tenant compte de toutes les observations laissées
de côté par Le Verrier, ou faites après lui, et en …
introduisant des données uniformes quimanquaient »
à son illustre prédécesseur, On jugera de l'étendue *
du travail en considérant que M. Newcomb n'a pas …
discuté moins de 62.000 observations.
Cette discussion l’a conduit à des conclusions
importantes : en premier lieu, l'excès du mouve-…,
ment du périhélie de Mercure, mis en évidence par =
Le Verrier, a élé pleinement confirmé et même
un peu augmenté. Mais, en outre, de légères ano- |
malies ont été constatées dans le mouvement de
Vénus. M. Newcomb pense que l'on pourrait les
expliquer en admettant un anneau de petites pla-"
nètes, non plus entre le Soleil et Mercure, mais
entre Mercure et Vénus. Il reconnait, loutefois,
que cette hypothèse soulève une difficulté sérieuse,
car il n’est guère admissible que ces petites pla-
nètes aient échappé jusqu'ici à l’attention des ob=
servateurs. M. Newcomb a proposé une autre so=,
lution, qui consiste à modifier très légèrement lan,
loi de Newton; les astronomes ne s’y résignerontw
pas sans peine; ils attendront encore des lumières.
nouvelles des observations et des spéculations
{héoriques ultérieures avant de formuler un juge-
ment définitif. Plus que jamais les observations de
précision conservent leur importance pour con=
trôler sans cesse la solution approchée des pertur-
bations planétaires, dont on doit se contenter en
l'absence d’une solution mathématique rigoureuse
reconnue impossible.
Satellites. — Les mouvements des planètes n’ont
pas été seuls l'objet de recherches théoriques im=
portantes; les études failes sur les satellites ont
présenté aussi de l'intérêt. Ainsi, la discussion de
l'ensemble des mesures faites sur les satellites de
Mars a mis en évidence un mouvement de rotation
de leurs orbites, qui est causé par l'attraction du
- renflement équatorial de la planète, et conduira à
la détermination de l’aplatissement de Mars, élé-
ment dont la faiblesse a échappé jusqu'ici aux
mesures directes. Le même effet se produit pour
. le cinquième satellite de Jupiter; il n’était pas dou-
> teux à l'avance. Seulement, l'orbite est presque
exactement cireulaire ; néanmoins, les observations
ont révélé la trace de la rotation qui avait été pré-
dite. Enfin, le satellite de Neptune continue à mani-
fester des dérangements dont la cause était restée
- énigmatique, et que nous avons attribués à l’action
du renflement équatorial de la planète. On peut
. même se faire une idée de la grandeur de l’apla-
tissement de Neptune, que les plus puissantes lu-
- nettes ne mettront sans doute jamais en évidence,
tant le disque de la planète nous parait pelit.
Comètes. — « Le ciel, disait Képler, est plein de
comètes, comme la mer de poissons. » S'il en est
ainsi, la pêche de 5 comètes en 1894 n'a guère été
fructueuse; mais il faut remarquer que nous ne
voyons qu'une faible partie des comètes, celles
qui viennent à passer assez près du Soleil pour
réfléchir une lumière suffisamment intense, per-
mettant de les apercevoir.
- Quelle est l’origine des comètes? C’est une ques-
- tion qui a été très controversée parmi les aslro-
3 nomes, les uns pensant qu’elles décrivent aulour
du Soleil des ellipses dont l’extrémité la plus éloi-
gnée est beaucoup plus voisine de nous que les
“étoiles; les autres les regardant volontiers comme
-venant des régions stellaires. Cette dernière opi-
nion soulève une difficulté insurmontable : à cause
“du mouvement rapide du système solaire, une
comète qui y pénètre, à moins d’avoir exactement
la même vitesse en grandeur eten direction, devrait
décrire généralement une hyperbole bien caracté-
risée, el non pas une parabole ou une ellipse. Or,
on n’observe pour ainsi dire pas de comètes hy-
perboliques; il y en a bien quelques-unes, en très
etit nombre, et encore, pour l’une d'elles, une
comète de 1886, M. Thraen a reconnu que c’étaient
es perturbations des planètes qui l'avaient rendue
yperbolique : auparavant, elle était parabolique.
lest donc nécessaire d'admettre que les comètes
ue nous chbservons font partie intégrante du sys-
ème planélaire. M. Fabry, astronome de Marseille,
a exposé dans une thèse importante, les raisons
qui militent en faveur de cette manière de voir.
IV. — PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE
… Carte photographique du Ciel. — L'entreprise in-
ernationale de la Carte photographique du Ciel
«Se poursuit dans des conditions satisfaisantes. On
“sait que le travail a été réparti entre dix-huit
“observatoires situés dans les deux hémisphères.
F. TISSERAND — REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE
383
Dans l'Amérique du Sud, les événements poli-
tiques ont causé un retard qui n’est que mo-
mentané, nous en sommes convaincu. L’entre-
prise comprend deux parties distinctes : d’abord
un calalogue de toutes les éloiles jusqu'à la
onzième grandeur inclusivement, qui renfermera
les positions précises d'environ deux millions d’é-
toiles. On peut dire que, quand il sera terminé,
ce sera une œuvre grandiose, à laquelle demeu-
rera attaché le nom de l'amiral Mouchez. Chaque
observatoire devait obtenir de 1.000 à 1,500 clichés
photographiques. Dans trois de ces établisse-
ments, cette partie du travail est aujourd’hui ter-
minée; dans d’autres, elle est faite aux deux tiers
ou à la moitié. Il y avait lieu de se demander si,
dans ces conditions, il n'était pas opportun de
réunir à Paris un Congrès pour préparer la publi-
calion définitive. Cette proposition, formulée par
M. Gill, le savant directeur de l'Observatoire du
Cap de Bonne-Espérance, va être soumise aux
membres du Comité international, el si, comme il
y a lieu de s’y attendre, les réponses sont favora-
bles, le quatrième Congrès astro-photographique
se réunira au mois de mai 1896.
La seconde partie du travail comprend l'exéeu-
tion de la carte proprement dite, contenant toutes
les étoiles jusqu'à la quatorzième grandeur inclusi-
vement; on estime qu'il y en aura environ 30 mil-
lions. Cette partie est moins avancée que le Catalo-
gue, parce que les 1.000 ou 4.500 clichés attribués
à chaque observatoire doivent être faits avec des
poses d’une heure, tandis que cinq minutes suffi-
sent pour les clichés du Catalogue. L'intervention
du Congrès serait encore ici très utile.
Un crédit annuel vient d’être voté pour per-
mettre aux observatoires d’Alger, Bordeaux, Pa-
ris et Toulouse, de publier la région de la carte
qui les concerne.
Photographies lunaires de MM. Lœwy et Puiseux. —
MM. Lœwy et Puiseux ont fait à l'Observatoire,
avec le grand équatorial coudé, de belles photo-
graphies de la Lune. Les images directes sont les
plus grandes que l’on ait obtenues jusqu'ici ; elles
ont 018 de diamètre, En les agrandissant ensuite
vingt-cinq fois avec une source de lumière artifi-
cielle, on obtient une image de la Lune de 4"30
de diamètre, sur laquelle on distingue une quan-
lité de détails, jusqu’à la dimension de 1 à 2 ki-
lomètres !. Il convient de rappeler les belles
épreuves obtenues antérieurement par MM. Henry.
Il est curieux de mettre en regard une série de
0
1 À une récente réunion de la Société Astronomique de
France, un certain nombre de ces clichés ont été mis par
projection sous les yeux du public par M. Puiseux, qui a fait
sur la géographie lunaire une conférence très intéressante,
384
dessins de la Lune faits sous la direction de Do-
minique Cassini vers 1671 ; le rapprochement est
instructif et fait saisir tous les progrès réalisés.
V. — ATMOSPHÈRE DE MARS
C'est une question intéressante au plus haut |
degré de savoir si cette planète a une atmosphère,
si cetle atmosphère est composée des mêmes gaz
que la nôtre, et si, en particulier, elle contient
de la vapeur d’eau, car on sait quel rôle impor-
tant joue cet élément à la surface de la Terre.
Cette question doit être abordée par le spectros-
cope; mais elle est très diflicile à résoudre, car
tout porle à penser que l’atmosphère de Mars
doit être très peu dense; de plus, les rayons lumi-
neux qui nous viennent de la planète n’ont tra-
versé qu'une faible épaisseur de son atmosphère,
et ne peuvent rapporter que des traces légères du
séjour qu'ils y ont fait.
Le spectroscope ne donne que la somme des
effets produits par l'atmosphère de la Terre et par
celle de Mars. Le premier de ces effets est d’ail-
leurs beaucoup plus intense que le second; il est
donc très diflicile de les séparer et de les compter
chacun à sa juste valeur. M. Janssen a pensé que
le meilleur procédé consistait à faire les observa-
üons dans une station élevée et par une tempéra-
ture très basse, car on diminuerait ainsi beaucoup
l'intensité du spectre tellurique, sans toucher au
spectre de Mars. Il a réalisé ces conditions sur
l’Etna en 1867, pendant des nuits très froides, de
sorte que les rayons réfléchis par la planète Mars
n'avaient à traverser que des parties très rares de
notre atmosphère, et presque entièrement dé-
pouillées de vapeur d’eau. M. Huggins et M. Vogel
ont suivi une méthode différente, en comparant à
plusieurs reprises, et quand ces astres avaient la
même hauteur, le spectre de Mars et celui de la
Lune ; ce que le premier avait en plus devait être
attribué à l'atmosphère de Mars. Toutes ces obser-
vations ont montré que Mars possède une atmos-
phère de constitution semblable à la nôtre.
M. et M°° Huggins ont cru apercevoir une bande
qui n'a pas sa correspondante dans le spectre
tellurique et indiquerait la présence d'un gaz
différent de ceux de notre atmosphère. Cependant,
un astronome américain très connu, M. Campbell,
a Cru pouvoir affirmer que le spectroscope n'in-
dique pas la présence d'une atmosphère. Cette
contradiction tient sans doute à ce que l'effet
qu'il s'agit de constater est très faible, et que la
moindre différence dans les instr uments emplovés
suflilt à le masquer. Les fails constatés par
MM. Janssen, Huggins et Vogel ne paraissent pas
pouvoir être mis en doute. Ajoutons que les obser-
vateurs, qui se sont voués à l'étude de Mars, ont
F. TISSERAND — REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE
- que, si la distance de ces nébuleuse n’est pas plus
remarqué, à de certains moments, dans la visibi-
lité des détails de la surface, des différences M
qui ne peuvent guère s'expliquer que par la pré-
sence de nuages dans l'atmosphère de la planète;
c'est une nouvelle preuve qui a bien sa valeur,
VI. — VITESSE RADIALE DES NÉBULEUSES
Nous connaissons les distances qui nous séparent
d'un certain nombre d'étoiles, vingt-cinq environ; M
elles sont comprises entre trois cent mille fois et
trois millions de fois la distance de la Terre au So-
leil, Les nébuleuses sont, sans doute, plus éloi-
gnées; toutes les tentatives faites pour évaluer leurs
distances ontéchoué jusqu'ici; aucune d’elles n’est
connue, même grossièrement. Si l'on veut bien
considérer que plusieurs nébuleuses occupent sur
la voûte céleste des étendues considérables, on est #
conduit à leur attribuer des dimensions réellement «
prodigieuses. L'intérêt qui s'attache à ces astres 4
augmente encore, quand on songe que la plupart
sont des mondes en voie de formation, et que le.
système solaire tout entier est sorti de l’une d’entre.
elles. Un astronome américain, M. Keeler, est par-
venu à déterminer les vitesses avec lesquelles un.
certain nombre de nébuleuses, une quinzaine, se
rapprochent ou s'éloignent de nous. En défalquant "
l'effet apparent produit parle mouvement de trans- ÿ:
port du système solaire, il reste la vitesse réelle, M
ou plutôt la composante de celte vitesse suivant M}
le rayon visuel. Or, ces vitesses réelles atteignent M
50 et même 60 kilomètres à la seconde pour cer-
taines nébuleuses. Ce beau résultat, qui transporte
notre petit kilomètre à des distances immenses,
repose en grande partie sur les travaux d’un by
sicien français, M. Fizeau. On en peut conclure
1
dress
grande que vingt millions de fois la distance dun
Soleil, au bout d un siècle on les aura vues se en
ess légèrement sur la voûte céleste, à peu près
de l'épaisseur d’un des fils aa tendus au |
foyer de nos lunettes. Sielies sont encore plus loin 4
on attendra deux siècles, dix siècles s'il le faut.
On finira par savoir le ee de leur éloignement. 4
On voit que la patience et l'abnégation doi-"
vent être des verlus astronomiques par excel=h
lence. Mais les astronomes les pratiquent depuis |
longtemps ; ils ont pris l'habitude de travailler.
pour leurs successeurs, trop heureux quand ils”.
peuvent attacher leur nom à l'une des pierres de, j
l'édifice scientifique qui grandit tous les jours, eb
ne sera jamais terminé !. bi
F. Tisserand, 2
de l’Académie des Sciences,
Professeur d’'Astronomie à la Sorbonne,
Directeur de l'Observatoire de Paris.
1 Ce travail a été lu à la Société Astronomique le3 avril 1895:
Fi ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
| ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
. LES PROPRIÉTÉS MAGNÉTIQUES DU FER SONT-ELLES INFLUENCÉES PAR DES RENVERSEMENTS FRÉQUENTS DE POLARITÉ?
Si nous aimantons un barreau de fer doux, l’induc-
tion magnétique % est représentée, en fonction de
l'intensité du champ 3, par une courbe semblable
1 dépensé dans l’aimantation est exprimé par l’inté-
… grale:
1 1 û ma 1
JR 4% ou, en notation anglaise Se JUH dB:
Si, maintenant, nous prenons un barreau soumis à
uñe force 3€, et que nous le soumettions à des forces
décroissantes jusqu'à — JC pour revenir ensuite à %,
la courbe
est une courbe cyclique de la forme de celles que re-
- présente la figure 2. Le travail dépensé pour faire par-
… courir un tel cycle au barreau de fer, n’est pas nul; il
a pour valeur :
1 fe a 8,
47
ou bien encore :
JR 45,
ces intégrales étant prises le long du contour fermé.
Ce travail est ce qu'on appelle la perte par hystérésis.
» C'est, avec les courants de Foucault, l'une des causes de
dépense d'énergie dans les transformateurs, dépense
d’ailleurs remarquablement faible, puisque l’on sait
- que les transformateurs industriels atteignent facile-
ment des rendements de 96 °/,.
M. Partridge, dans The Electrician du 7 décembre
dernier, fit remarquer que cette perte d'énergie est
généralement plus forte quand le transformateur a
déjà un certain temps de service que lorsqu'il est
neuf. À quoi tient cette différence? Estelle due à une
sorte de fatigue moléculaire du métal qui lui donne-
rait une certaine paresse et ferait qu'il exige plus de
travail pour obéir à la force du champ alternatif qui
le sollicite? C’est dans le but de jeter un peu de lumière
sur cette question que lé professeur Ewing a procédé
aux expériences dont il nous expose les résultats dans
The Electrician du 11 janvier,
II a tout d’abord tenu compte de deux observations
faites dans le même journal, le 14 et le 21 décembre,
par M. Blathy et M. Mordey. M. Blathy remarqua que,
si l’on chauffe un transformateur à 150° pendant quel-
ques heures, la perte dans son noyau augmente de près
de 25 °/,. M. Mordey constata les mêmes effets par suite
d’un échauffement modéré, mais long. Pour se mettre
à l’abri de ces causes d’erreur, M. Ewing employa des
noyaux de petit volume et d’une grande surface de
refroidissement, Ces noyaux étaient au nombre de trois,
1 Dans les ouvrages francais, l'induction magnétique, l’in-
tensité d’un champ d’aimantation et l'intensité d’aimantation
“sont généralement représentées par les symboles 93, 3,3;
dans les ouvrages anglais par B, H, L
à celle de Ja figure 1, et on démontre que le travail -
formés de vingt disques plats de transformateur de
0 mm. 345 d'épaisseur,
Les bobines magnétisantes étaient faites chacune
d’une seule couche de fils et comprenaient 141
tours.
Si l’on soumet un fer absolument doux à l'action
d’une force alternative d’aimantation, les premiers
renversements de polarité affectent, en effet, les pro-
priétés magnétiques du fer, etil faut plusieurs douzaines
de renversements pour obtenir la courbe cyclique
régulière dont nous avons parlé. Il ne s'agissait donc
pas, dans le cas du professeur Ewing, d’un cycle
parcouru un nombre restreint de fois; il s'agissait, au
contraire, d'une action répétée très souvent et très
longtemps. En fait, après avoir étudié préalablement
sur les trois noyaux de fer la courbe 93 —f(3€) (c'est-
à-dire la perméabilité), et les valeurs [3€ d 3, on relia
les bobines de ces noyaux au réseau de la Cambridge
Electric Supply Company, depuis le 29 novembre jusqu’au
10 décembre; elles étaient en série avec une lampe
qui servait en même temps de résistance et d'indica-
teur de courant, Le nombre des périodes était de 80
par seconde, A la suite de ces 11 jours, les trois an-
neaux furent soumis aux mêmes essais qu'au début
des expériences. Le résultat fut contraire à toutes les
prévisions : on ne put trouver la moindre trace d’alté-
ration dans les propriétés magnétiques du fer. Nous
reproduisons d’ailleurs ci après (Tableau 1) les nom-
bres obtenus dans les expériences précédentes. -
Fis. 1. — Perméubilité magnélique d’un noyau de avant
el après les renversements. — (Les valeurs Hde lintensité
du champ sont portées en abscisses; les valeurs de l'in-
duction magnétique B, en ordonnées.) — Les états de
perméabilité avant les renversements sont marqués par le
signe 0; les états de perméabilité après les renversements
sont marqués par le signe X.
Ces nombres ont servi à construire la courbe de la
figure 4, où le signe 0 correspond à une mesure faite
au début, et le signe X à une mesure faite à la fin des
expériences. On voit que tous les points, quels qu ils
soient, appartiennent bien à une seule et même
courbe,
386
TABLEAU I
donnant les valeurs correspondantes de 33 el de JC
MESURES FAITES AU DÉBUT
DES EXPÉRIENCES
MESURES FAITES A LA FIN
DES EXPÉRIENCES
— —— —
JC 33 JC D)
0.79 780 0.93 1200
444 1930 1.27 2630
1.62 4270 1.87 5200
2.30 6610 2.65 7480
2.94 8100 3.81 9540
3.12 9360
La figure 2 représente en groupe les courbes cycli-
ques obtenues par suite des premières et des secondes
Fc. 2. — Courbes cycliques oblenues avant et après les ren-
versements. — (Mèmes abscisses et mêmes ordonnées que
dans la figure 1.) — Les courbes tracées en traits pleins
(—) ont été obtenues avant les renversements; les courbes
tracées en tirets (-- -) ont été obtenues après les renver-
sements.
mesures. Les unes sont représentées par des traits
pleins, les autres par des petits tirets. Ilest absolument
impossible de ne pas les réunir en un groupe uni-
pue: Ces courbes ont donné les nombres suivants (Ta-
eau I).
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
TABLEAU II
donnant les différentes valeurs de la perle par hystérésis
MESURES FAITES AU DÉBUT
DES EXPÉRIENCES
MESURES FAITES A LA FIN
DES EXPERIENCES
He) He]
JISOTLE)
780 1200 140
1950 2630 510
4270 5200 1470
6610 1480 2590
8100
Si, de ces nombres, nous formons une courbe, nous
obtenons la courbe de Ja figure 3, qui présente absolu-
ment le même caractère que celle de la figure 1.Les va-
leurs de la perte par hystérésis sont exprimées en ergs.
Ainsi, le résultat des expériences a été absolument
négatif, et cependant la période d'essai était assez
longue pour déceler un changement quelconque, si
l'effet signalé par M. Patridge avait eu pour cause
une fatigue moléculaire du fer.
3000
(e) 2000: 4000 6000
Fic. 3. — Perle par hyslérésis avant el après les renverse-
ments. — (Les valeurs de l'induction magnétique B ont
été portées en abscisses; les valeurs de la perte par hysté-
résis ont été portées en ordonnées et exprimées en ergs.)
— Les signes 0 et X sont ceux de la figure 1.
Il serait intéressant de procéder à des expériences
analogues relativement aux effets signalés par M. Blathy
et M. Mordey. C’est peut-être à l'élévation de tempéra-
ture qu'est due la variation des propriétés magnétiques
des noyaux des transformateurs.
A. Gay,
Ancien élève de l'École Polytochnique.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 387
| BIBLIOGRAPHIE
… be is nl. (2 ns | 4
1° Sciences mathématiques.
“Lacour (E.), Professeur de Mathématiques spéciales au
…. Lycée Saint-Louis. — 1° Surdes fonctions d’un point
analytique à multiplicateurs exponentiels ou
+ à périodes rationnelles ; — 2° Sur l'équation de
bai Du Du du. He Dan
_ la chaleur : <> +3 A ses pour le Doc-
torat de la Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol. gr.
in-8° de 75 pages. Gauthier-Villars et fils, éditeurs.
Paris, 1895.
4. — Dans son célèbre Mémoire sur les Fonctions
abéliennes, Riemann fonde la solution du problème
de l’inversion sur les propriétés de la fonction @ dans
laquelle on a remplacé les variables par les intégrales
de première espèce correspondantes. La fonction ainsi
formée est uniforme sur la surface de Riemann af-
fectée de coupures : elle ne change pas quand la va-
riable franchit une des coupures 4; elle se reproduit
multipliée par une exponentielle, dont l’exposant est
tune intégrale de première espèce, quand la variable
franchit une des coupures b. Il est évident que la dé-
rivée logarithmique de cette fonction croît de fonc-
lions rationnelles du point analytique (x, y), quand ce
“point franchit une coupure b : on peut donc dire que
les modules de périodicité de cette fonction sont ra-
“lionnels en x et y.
“ M. Lacour a étudié deux catégories générales de
jonctions qui comprennent, comme cas très particu-
lier, cette fonction de Riemann et sa dérivée logarith-
-mique.
w Dans une première partie, M. Lacour étudie une
“onction qui n’a que des pôles et dontles valeurs, aux
deux bords d’une coupure, diffèrent par un facteur
exponentiel ayant pour exposant une fonction li-
néaire donnée des p intégrales de première espèce. Il
montre que les coefficients de ces fonctions linéaires
une peuvent pas être pris arbitrairement et sont assu-
jettis aux conditions suivantes : lorsqu'on a ramené à
.J'unité tous les mulliplicateurs qui correspondent aux
coupures 4, ce qui est toujours possible, l’un des coef-
cients doit être entier dans chacune des fonctions
“linéaires qui forment les exposants des multiplicateurs
relatifs aux coupures b. Ces coefficients entiers inter-
“viennent quand on cherche l’excès du nombre des
éros de la fonction sur le nombre de ses infinis. La
“considération de certaines intégrales curvilignes
“ouruit d'importantes propositions qui relient, les uns
“aux autres, le théorème d'Abel, son extension aux
fonctions à multiplicateurs constants, et le théorème
“de Riemann sur les zéros de la fonction @ transformée,
“comme nous l’avons dit, en fonction d’un point ana-
lytique.
« Dans la deuxième partie, M. Lacour étudie des fonc-
“tions n'ayant que des pôles et admettant sur les 2 p
“coupures, 2 p modules de périodicité formés de fonc-
lions ralionnelles données arbitrairement. I] montre qu’il
existe toujours des fonctions répondant à la question;
pour cela, il établit d’abord ce fait que les pôles et
Jes résidus de la fonction sont liés par p relations
Qui, dans certains cas, peuvent se réduire à des iden-
lités. Puis, et c’est là un résultat des plus remarqua-
bles, il donne l'expression générale de la fonction
pen on connaît les pôles et les résidus. Cette expres-
sion est fournie par une somme d’intégrales définies
“dans lesquelles la variable figure comme un para-
“mètre. La vérification de la propriété fondamentale de
“la fonction ainsi formée résulte, d’une part, des théo-
ANALYSES ET INDEX
rèmes donnés par M. Hermite sur les intégrales défi-
nies affectées de coupures et, d'autre part, des rela-
tions précédemment établies entre les pôles et les
résidus.
Dans une troisième et dernière partie, M. Lacour
montre que les fonctions nouvelles qu'il introduit dans
l'analyse se présentent nécessairement comme inté-
grales de certaines équations linéaires à coefficients
algébriques, avec second membre.
2. — M. Lacour donne d’abord un résultat élégant,
analogue au théorème connu de Thomson, sur l’inver-
sion, dans la théorie du potentiel : il détermine les
transformations réelles qui ramènent l’équation à la
mème forme; en laissant de côté les transformations
évidentes résultant des considérations d’homogénéité
et des formules du changement d’axes coordonnés, il
trouve qu'il n’y a qu’une transformation répondant à
la question: c’est une certaine transformation homo-
graphique pour les coordonnés. Ce résultat, qui se
rattache aux travaux de M. Lie, permet de déduire de
la solution d’un problème sur la chaleur la solution
d’un autre problème.
L'auteur établit ensuite une formule analogue à celle
de Green, par la considération de l'équation adjointe.
Il fait deux principales applications des résultats qu'il
obtient :
1° En étudiant les polynômes qui vérifient l’équa-
tion et en montrant qu'ils sont exprimables à l’aide de
ceux que M. Hermite a déduits de la différentiation
d’une exponentielle du second degré en x et y;
20 En établissant, par une voie purement analytique,
relativement à une fonction w existant entre deux
plans parallèles au plan des y, des formules que les
physiciens avaient été conduits à admettre d’après les
propriétés de la chaleur.
P. APPELL,
de l’Académie des Sciences.
Caspari (E.), Ingénieur hydrographe de la Marine, Ré-
pétiteur à l'Ecole Polytechnique. —Les Chronomètres
de Marine. — 1 vol. petit in-S°de 200 p. avec fig., de
l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par
M. H. Léauté, de l'Institut. (Priæ : broché, 2 fr. 50;
cartonné, 3 fr.) — Gauthier- Villars et fils et G. Masson,
éditeurs. Paris, 1895.
Le véritable titre de cet ouvrage serait : Quelques
mots sur l’étude des marches chronométriques et leur
détermination. C’est qu'en effet l’auteur, négligeant à
peu près complètement la description matérielle des
chronomètres, leur construction, leur histoire, etc.,
nous offre l'étude ou plutôt un résumé de l'étude de
leur mouvement. Nous ne nous enplaindrons pas, car ce
n’est certes pas là le sujet le moins intéressant et le
moins instructif de tous ceux que l’on pouvait traiter
à propos des chronomètres.
Un court chapitre est consacré à rappeler le nom et
le rôle des principales parties de leur mécanisme. Nous
abordons ensuite leur théorie.
La durée des oscillations du régulateur doit être in-
dépendante : 1° de leur amplitude (condition d’isochro-
nisme), 2° de la température. L'isochronisme s'obtient
soit par un choix rationnel des points d'attache de la
virole du balancier (méthode de Pierre Le Roy), soit
par la modification de la forme circulaire des extré-
mités du spiral (méthode de Phillips). On annule les
effets dus à la température par l’emploi des balanciers
compensés (balanciers bimétalliques, par exemple).
En pratique, l’isochronisme et la compensation ne sont
388
jamais irréprochables; d'autre part, de nombreuses
causes accidentelles d'erreurs viennent ajouter leurs
effets à l'imperfection inévitable de Ja construction :
influence de la masse du spiral, déformation deslames
du balancier sous l'effort des forces d'inertie, frotte-
ments des pivots, résistance de l'air, humidité atmos-
phérique, électricité et magnétisme, mouvements des
navires, etc., etc. Il est donc tout naturel de rechercher
les moyens de corriger les indications des chrono-
mètres. On admet généralement que leurs marches
peuvent se représenter par une formule algébrique
simple. Suivant M. de Cornulier, la marche est une
fonction du premier degré du temps et de la tempéra-
ture, de la forme
m = Mo + al + b0.
Lieussou a proposé la formule
m = Mo + alt + ce (O — 0)?
© étant la température de réglage.
D'après Yvon Villarceau, la marche est une fonction
continue du temps et de la température qu’il a déve-
loppée par la série de Taylor en bornant le développe-
ment aux premières et deuxièmes puissances des va-
riables, ce qui donne, en égalant les dérivées à des
constantes, une expression de la forme :
M = My + al + al + b6 + c0? + dé0.
On peut admettre à priori la formule et déterminer
un certain de marches qui serviront à en calculer les
coefficients. Les déterminations des marches se font
par des observations d'état (méthode graphique de
M. Mouchez, méthodes algébriques de Daussy, Vincen-
don-Dumoulin, etc.). Pour le calcul des coefficients,
nous avons les méthodes de Lieussou, Yvon Villarceau,
Cauchy, etc. Il est encore possible, au lieu de calculer
la formule des marches, de représenter graphique-
ment le phénomène par une courbe (constructions de
MM. Mouchez, Rouyaux, Fleuriais,de Carfort, etc). Enfin
un certain nombre de méthodes sont là la fois graphi-
ques etalgébriques : par exemple, celle de M. de Serres.
M. Caspari nous donne ensuite quelques détails sur
l'application des chronomètres à la détermination des
longitudes (méthodes de Daussy, Vincendon-Dumoulin,
Ploix, etc.) et termine par l’exposé rapide des épreuves
et concours auxquels sont soumis ces instruments, en
France, en Allemagne, en Angleterre, en Hollande.
Ce petit ouvrage est digne d’être lu avec grand inté-
rèt par ceux que n’effrayent point les équations algé-
briques les plus simples etla construction de quelques
courbes. Les savants et les marins devront se souvenir,
en le consultant, qu'il n’est qu'un mémento et n'y
point chercher une étude absolument complète des
mouvements chronométriques, ni la discussion appro-
fondie des diverses méthodes et formules qui se ratla-
chent à cette étude,
Nous nous permettrons de regretter que l’auteur
n'ait pas intercalé dans ses exposés des exemples et
des applicaticns numériques. L'esprit du lecteur
(nous parlons du lecteur profane, curieux d'apprendre
et de connaitre) s'y serait reposé de la sécheresse des
formules purement algébriques en même temps qu'il
aurait trouvé une facilité de plus pour comprendre
et juger. A. Gay.
Hollzmüller (D°G.), Direktor der Gewerbeschule zù
Hagen i, W. — Methodisches Lehrbuch der Ele-
mentar-Mathematik. — 3 wol.in-8° (Prix: 10 fr.
B. G. Teubner, Leipzig. 1894-95.
Ce livre de mathématiques élémentaires, quiest des-
tiné aux éièves des écoles réales et professionnelles de
l'Allemagne, ne pouvait être écrit avec plus d'autorité
que n’en possède le Dr G. Holzmüller, à qui ses 21 an-
nées de directorat de la Grande Ecole professionnelle
de Hagen ont donné une grande compétence dans la
matière. Cet ouvrage est précieux par le grand nombre
d'applications et de problèmes pratiques qu'il renferme
et qu'on a rarement l’occasion de trouver.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
2° Sciences phyÿsiques.
Lavenir (A.). — Sur les variations des propriétés .
optiques dans les mélanges de sels isomorphes.
— Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de
Paris, — Imprimerie Chaix, Paris, 1894. 6
La thèse présentée par M. Lavenir à la Faculté
des Sciences-de Paris est remarquable à [un double
point de vue : par la précision des méthodes expéri-
mentales et par l'analyse minutieuse et savante des
résultats.
Dans son introduction, l’auteur passe en revue les
diverses formules et hypothèses à l’aide desquelles on.
explique les propriétés optiques des cristaux mixtes
formés du mélange de sels isomorphes.
Lorsqu'on envisage les indices de réfraction, deux
formules sont en présence. D'une part la formule publiée
en 1876 par Mallard !, donnant l'indice moyen N, d'un
sel mixte, lorsqu'on connaît les indices n et n'des sels”
composants et la composition chimique du mélange.
Cette formule est, comme on sait : ;
1 KR
NE Ts ho (1)
n n° n
K et K'désignant les nombres de molécules de chaques
composant qui entrent dans une molécule du cristal
composé ; |
D'autre part, la relation trouvée expérimentalement
par M. Dufet? et établie plus tard théoriquement par
Mallard 3 : |
N = Kn+ Kr/. (ID)
Jusqu'à ce jour, dans la limite des erreurs, ces deux
expressions rendaient compte des résultats expérimen-
taux obtenus par M. Wyrouboff et M, Dufet, Il était donc
impossible de trancher en faveur de l’une ou de l’autre,
car la différence calculée N — N, atteignait à peine une
unité du quatrième ordre décimal.
Ce n’est qu'en employant, avec beaucoup de pré-M
cautions, la méthode très sensible de réflexion totale
de M. Pulfrich que M. Lavenir est parvenu à résoudre
cette intéressante question. La marche, très scienti-
fique, qu'a suivie l’auteur dans ses recherches, mérites
une attention spéciale. s
Ilaexpérimenté sur les sels de Seignette (tartrate potas
sique, tartrate ammonique et tartrate mixte de potas
sium et d’ammonium). Après avoir mesuré séparément
les neuf indices principaux, il a cherché à relier ces
indices par des relations, indépendamment de la compo
sition chimique, déduisant ainsi des mesures optiques
mêmes les valeurs des coefficients K et K’. L'analyse chi
mique, effectuée ensuite sur les cristaux mêmes, a mon
tré que les valeurs K et K', calculées par la formule de
MM. Dufet et Mallard, étaient dans la limite des erreurs
identiques aux valeurs déduites de l'analyse chimique ;.
tandis qu'il n’en est plus de même si l’on déduit K et K\
de la première formule de M. Mallard. La relation (I).
se trouve donc confirmée par cette étude délicate, dont
les résultats peuvent se résumer dans les trois propos
sitions suivantes : +
1° Dans un mélange de cristaux isomorphes, un indië
quelconque est fonction linéaüre des deuæ indices corres
pondants des sels composants.
2 Cette fonction est la même pour les trois indices.
3° Les deux coefficients de cette fonction représentent
fraction de molécule de chacun des cristaux composants qi
entre dans une molécule du cristal composé. à
Ch. Eug. Guye.
Mullin (A.), Professeur de Physique au Lycée de Gre
noble. — Instructions pratiques pour produire ee à
épreuves irréprochables.— 1 vol. in-12 de 210 pages
avec fig. Gauthier-Villurs et fils, éditeurs, 55, Quai des
Grands-Augustins, Paris, 1895.
‘ Ann. des Mines, 6° série, 1876. *
? Bull. Soc. Min., 1878, t. 1, p. 58.
5 Bull. Soc. Min., 1881, p. 71, et Ann. des Mines, 1881.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
389
_ Appert (L.) et Henrivaux (J.), Ingénieurs. — La
. Verrerie depuis vingt ans. — { vol. in-8° de 150 p.
- avec fig. (Prix :6 fr.). Bernard et Cie éditeurs, 53 ter,
quai des Grands-Augustins, Paris, 1895.
> M. Appert, le maître de verrerie bien connu, et
M. Henrivaux, directeur de la Manufacture de glaces
de Saint-Gobain, viennent de publier un ouvrage : La
Verrerie depuis vingt ans, auquel les progrès accomplis
pendant ce laps de temps, et le développement inces-
sant des branches artistiques de l’industrie du verre,
donnent une réelle actualité.
Le nouveau livre n’est — son titre l'indique — ni un
ouvrage didactique ni un ouvrage d'ensemble ; son but
-est de présenter tous les progrès scientifiques ou indus-
triels touchant de près ou de loin à l’industrie du verre.
Les auteurs commencent par la verrerie artistique et
décorative, dans un chapitre qui n’est qu'un compte
rendu fort long de l'Exposition de 1889. Ils y donnent
des renseignements intéressants, et des descriptions
- parfois séduisantes des belles œuvres exposées par les
touts francais, italiens, hongrois, etc. Regrettons
seulement, avec les auteurs eux-mêmes, la forme
donnée à ce compte rendu, qui, suivant l’ordre d’un
catalogue que le lecteur ne connait pas, n’est pas assez
synthétisée, et exige un véritable effort pour com-
prendre les nouveaux procédés et suivre les progrès
réalisés. La plupart de ces procédés : superposition de
verres diversement colorés, émaillage à chaud sur
paraison, émaillage à froid, suivi de cuisson, décora-
tion galvanique, taille, gravure, colorationsnouvelles par
l'or, l’urane, l'argent, sont cependant indiqués en
général au cours de ces descriptions, auxquelles un
- spécialiste pourra trouver de l'intérêt,
- Les auteurs passent ensuite en revue les fabrications
-de la grande industrie verrière : Le verre à vitres, avec
Ro de détails, la glacerie avec moins de détails encore,
la bouteille, en insistant surtout sur les travaux de
M. Salleron, relatifs à la résistance, et une série d’ap-
»plications nouvelles ou déjà anciennes du verre : dalles
et tuiles, rideaux, cuves et tuyaux. Signalons dans
cette nomenclature, comme intéressant, les vitres per-
forées, cette récente fabrication de M. Appert, dont on
nesaurait troprecommander l'application aux problèmes
de ventilation et d’aérage; les cuves et tuyaux de
erre, découverte également nouvelle de M. Appert,
“enfin le soufflage mécanique, installé à Clichy par le
même maître de verrerie, perfectionnement bien connu,
mais sur lequel, en raison de son intérêt, nous regret-
tons que l’auteur n'ait pas donné un peu plus de
détails.
La seconde partie de l'ouvrage de MM. Appert et Hen-
rivaux est consacrée à l’étude de la fusion du verre et
spécialement des fours de verrerie ; c’est un exposé
d'ensemble de la question du chauffage, exposé que
’on trouve rarement complet dans les ouvrages didac-
tiques ou spéciaux. Malheureusement, nous sommes
obligé de faire quelques réserves, et de ne pas partager
toutes les idées des auteurs sur cesujet ; le reproche que
nous leur adressons, est d’avoir reproduit sans discus-
sion les opinions des inventeurs de fours, exposant
avec une égale fidélité les idées vraies et les idées
ausses : c’est ainsi qu'ils semblent attribuer une
wrande importance à la radiation de Siemens, qui,
Sans doute, a correspondu à une amélioration dans la
construction des fours de verrerie, mais n’est, selon
ous, qu'une formule commerciale trouvée par l’inven-
teur pour prolonger la durée de brevets périmés
en 1882, formule consacrée, il est vrai, par la jurispru-
dence, mais qui n’en est pas moins dénuée de portée
cientifique. Sans pouvoir aborder ici une discussion,
bservons seulement que la dissociation sur laquelle
iemens échafaude sa théorie n’a rien à voir en la
atière, attendu qu'il résulte des travaux de Mallard
t Le Châtelier, que le phénomène est nul à 1500° et
nsignifiant à 20000; cela seul suffit à infirmer la pré-
endue radiation,
Plus grave encore à notre sens est la reproduction
du raisonnement de Siemens qui prétend réaliser une
économie de 50 °/, par l'emploi des produits brûlés
dans son four Biedermann : la fausseté de ce raisonne-
ment, spécieux, en vérité, mais qui contientune pétition
de principe, a été démontrée; il est donc regrettable
de voir ainsi reproduite une assertion de nature à jeter
la confusion dans les esprits et à induire en erreur les
industriels qu'intéresse la question des fours.
En résumé, le lecteur trouvera, dans le chapitre, une
description complète des nouveaux procédés de chauf-
fage, mais il ne devra pas accepter sans examen les
idées théoriques qui y sont émises : ces idées, n'étant
autres que celles des inventeurs de fours, sont néces-
sairement sujettes à caution,
La suite de l'ouvrage passe en revue-les appareils
dont disposent les ingénieurs pour contrôler la marche
des fours, Dans cet ordre d'idées, les plus grands pro-
grès ont été accomplis depuis vingt ans : le problème
de la pyrométrie est résolu, la bombe calorimétrique
de M. Mahler a rendu industrielle la mesure du pouvoir
calorifique des combustibles solides ; enfin, les analyses
de gaz sont devenues un moyen pratique et courant de
réglage des fours. Les auteurs décrivent très soigneu-
sement ces différents progrès; une seule omission
importante est à signaler : la burette à analyser le gaz
du Dr Bünte, dont il n’est nullement question, bien
qu’elle soit usitée en France depuis plusieurs années, et
que, complétée par uu eudiomètre de Bunsen ou de
Riban, elle soit actuellement l'appareil le plus simple,
le plus industriel, que nous possédions. L
L'ouvrage se termine par un examen des défauts de
verre, étude très complèle, mais à notre sens trop
scientifique, car, s'il est bon de savoir ce qu'est un
défaut de verre, il serait plus utile encore de pouvoir
l’'éviter, et, à cet égard, les indications sont un peu
vagues. Ce reproche ne s'adresse d’ailleurs pas à ce
seul chapitre : l'ouvrage de MM. Appert et Henrivaux
est d’un bout à l’autre trop descriptif, trop dépourvu
d'esprit critique. Un maître de verrerie y trouvera bien
les progrès accomplis depuis vingt ans, mais ne devra
pas y chercher les moyens d'améliorer sa propre fabri-
cation.
Emilio Dawour,
3° Sciences naturelles.
Travaux du laboratoire de M. Charles Richet, Pro-
fesseur à la Faculté de Médecine de Paris. Tome 1. Sys-
tème nerveux. Chaleur animale. 1 vol. in-8° de
590 pages avec 96 fig. dans le texte (Prix : 12 fr). —
Tome II. Chimie physiologique. Toxicologie.
1 vol. in-8° de 570 p. avec 129 fig. (Prix : 12 fr.) —
Tome III. Chloralose, Sérothérapie, Tuberculose,
défense de l'organisme. 1 vol. in-8° de 580 p. avec
25 fig. (Prix : 12 fr.). — Félix Alcan, éditeur, 108, boul.
St-Germain, Paris. 1893-1895.
Tous les physiologistes connaissent déjà la plupart
de ces mémoires, fruits d’une expérimentation patiente
et rigoureuse, dans lesquels ils ont trouvé nombre de
faits nouveaux et importants, des méthodes nouvelles
et ingénieuses; mais ils sauront gré à M. Richet d’avoir
réuni dans un même recueil des études disséminées
dans des publications différentes et de leur permettre
de les consulter plus facilement. Aussi bien, ainsi
groupées suivant la nature du sujet, elles forment par-
fois, par les développements successifs qu’elles appor-
tent à une question, une véritable monographie, basée
sur des recherches originales, de certains chapitres de
la physiologie. Telles sont, par exemple, celles qui
traitent de la chaleur animale, des échanges respira-
toires, des mécanismes régulateurs de la calorification.
Quant à l’esprit dans lequel ces travaux ont élé exécu-
ter, il suffit d’en parcourir quelques-uns pour s'assurer
que M. Richet et ses élèves se sont toujours fidèlement
conformés à la règle qu'il trace lui-même au physiolo-
giste : « Il faut serrer de près les faits, expérimenter,
expérimenter toujours, en variant les conditions du
390
problème et ne faire d’hypothèses que lorsqu'on ne
peut plus s’en dispenser. » :
Il n’est pas possible d'analyser même succinctement
les nombreux mémoires réunis dans ces trois volumes :
il faudra nous borner à signaler, très en gros, les ré-
sultats expérimentaux les plus saillants.
Le T, 1 (Système nerveux, chaleur animale) débute
par un travail intitulé « Contribution à la physiologie
des centres nerveux et des muscles de l’écrevisse », qui
a enrichi la physiologie générale du muscle de données
nouvelles sur la durée du temps perdu, sur l'addition
latente, le tétanos rythmique, la contraction initiale, la
contracture, l'onde secondaire.
Les « Recherches de calorimétrie » ont été faites
avec un appareil imaginé par l’auteur, le calorimètre
à siphon, fondé sur le principe de la calorimétrie à air.
L'air est amené à la surface d’un vase clos, rempli de
liquide et communiquant avec un siphon amorcé ; l’é-
coulement du liquide par le siphon mesure la dilata-
tion et par conséquent l’échauffement de l'air. M. Ri-
chet passe en revue les diverses influences qui modi-
fient la calorification, taille, nature du tégument,
température extérieure, De nombreuses expériences
résumées sous forme de tableaux montrent bien qu'avec
l'augmentation de volume de l’animal, la quantité de
chaleur produite par kilogramme de son poids dimi-
nue, qu'au contraire les chiffres deviennent concor-
dants si on les rapporte à l'unité de surface : si l’on
lient compte de la nature du tégument, le nombre de
calories produites par l’unité de surface diminue ou
augmente suivant que le tégument est plus ou moins
bien protégé. Relativement à l'influence de la tempé-
rature extérieure, M. Richet trouve que la radiation ca-
lorique atteint son maximum chez le lapin vers 149.
Dans ce même travail il rapporte les bellesexpériences
par lesquelles il a montré que les lésions du cerveau
réagissent sur la calorification.
Dans sa « Contribution à l'étude de la calorimétrie
chez l’homme », M. P. Langlois applique le calori-
mètre à siphon à l’étude de la radiation calorique chez
l'enfant et constate, entre autres résultats, chez ses
sujets, un optimum de radiation pour une température
extérieure d'environ 18°.
Une série de mémoires traite ensuite des échanges
respiratoires. —«Échangesrespiratoires chezl’homme »,
par MM. Hanriotet Ch. Richet. « Mesure descombustions
respiratoires chez le chien. » « Mesure des combustions
respiratoires chez les Mammifères. » « Mesure des com-
bustions respiratoires chez les Oiseaux » par M. Ch. Ri-
chet. La méthode qui a servi à ces recherches à déjà
été exposée sommairement dans la Revue générale des
Sciences, 1890, p. 554, On trouvera dans ces travaux une
quantité considérable de déterminations et de chiffres,
utiles à consulter : les principales conclusions qui s’en
dégagent, c’est que les combustions respiratoires sont
proporlionnelles à l'étendue de la surface cutanée, loi
qui se vérifie pour les diverses espèces animales, et que
la quantité de GO? produite par unité de surface est
sensiblement la même chez les animaux à sang chaud.
L'étude des phénomènes physico-chimiques de la res-
piration et de la calorification amène une autre ques-
lion du plus haut intérêt : c'est celle de leur régulation
par le système nerveux. M. Richet s’est occupé à diffé-
rentes reprises de ces curieux mécanismes qui mettent
en harmonie l’activité fonctionnelle avec les différents
états, et en quelque sorte avec les besoins de l’orga-
nisme. C’est ainsi qu'il montre que si, par le chloral,on
supprime l'influence régulatrice du système, les com-
bustions deviennentproportionnelles au poids du corps,
et non plus à la surface tégumentaire. « De l'influence
du chloral sur les actions chimiques respiratoires chez
le chien, » — Quand un animal est soumisà une ltempé-
rature élevée, sa respiration devient extrêmement fré-
quente. La polypnée thermique active lévaporation
pulmonaire, laquelle empêche l’animal de s’échauffer :
mis sur une balance, il subit une perte de poids due
presque uniquement à cette exhalation aqueuse. « Ré-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
gulation de la température par la respiration, » « Expé-
riences sur le poids des animaux. »— La polypnée ther-
mique était déjà bien connue sous le nom impropre de
dypsnée thermique; mais M. Richet en a mieux déter-
miné le mécanisme et fait voir que la fonction hypo-
thermisante ou physique du bulbe est distincte de sa.
fonction chimique ou respiratoire, À ce même ordre
d’études il faut rattacher le « frisson, comme appareil.
de régulation thermique », travail inséré dans le t. HE
Le frisson produit par la sensation du froid est aussi.
un moyen de lutter contre le froid, puisqu'il meten jeu.
par une série de contractions rapides et simultanées.
l’ensemble des muscles du corps. Re
Du travail de M. Saint-Hilaire : « Influence de la TS
pérature organique sur l’action de quelques substances.
toxiques », il résulte en particulier que l’élévation de la
température à pour effet d'accélérer les réactions (oxi=
ques. C’est aussi une des conclusions d’un mémoire de
M. Rallière : « Recherches sur la mort par hyperthermie
et sur l’action combinée du chloral et de la chaleur ù
d’un autre de M. Richet : « Influence de la pression et".
de la température sur l’asphyxie des poissons (t. Il). ù
Dans un travail qui figure dans le t. II : « De l’influence”
de la température interne sur les convulsions »,
MM. Langlois et Richet ont cherché à donner la théorie,
de ces rapports entre l’activité.des poisons el la tem-
pérature.
IL reste encore à citer, dans le t. 1 : « Mouvements
de la grenouille consécutifs à l’exciltation électrique »,
par M. Ch. Richet. — « Influence de la durée et de Pin-
tensité de la lumière sur la-perception lumineuse »,
par M. Ant. Bréguet et Richet. — « Expériences sur le
cerveau des Oiseaux. » — « Cécité psychique péri
mentale chez le chien. » — « Durée des phénomènes.
réflexes dans l’anémie chez les animaux à sang froid. »,
— « Deux expériences d’inhibition sur la grenouille »,,
par M. Ch. Richet. — « Sensibilité musculaire de lan
respiration », par MM. P. Langlois et Richet. |
Le t. IT est plus particulièrement consacré à la Chimie
physiologique et à la Toxicologie. Les « Recherches
expérimentales sur la polyurie », par MM. Moutard-"
Martin et Richet, ont trait à l'influence des injections
d’eau, de substances salines ou sucrées sur la sécrétion
urinaire et au mécanisme de leur action. MM. Etard et
Richet ont exposé un « Procédé nouveau de dosage des,
matières extractives et de l’urée de l’urine » qui repose,
sur la comparaison de l’action du brome sur l'urine en
solution acide eten solutionalcaline. D'autre part, l’uréem
est dosée, non pas en mesurant le volume du gaz azote
dégagé, mais en dosant par différence l’hypobromiten
décomposé dans la réaction :le titrage de l'hypobromiten
se fait avec une solution de protochlorure d’étain dans,
l'acide chlorhydrique. Ce dernier procédé a été employé
également par MM. Gley et Richet pour le « Dosage den,
l’azote total de l'urine ». M. Richet a recherché 1e
moment précis où se fait « l’Elimination des bois-M
sons. » à
Un mémoire très important et très. documenté de
toxicologie générale, de M. Richet, sur « l'Action phy-
siologique des métaux alcalins », montre qu’il faut étu-M
dier les rapports de la toxicité, non avec le poids absolu
des substances employées, mais avec le poids molécu-
laire, et que, pour des subsiances chimiques similaires;
les doses toxiques sont proportionnelles au poids molé=«
culaire. On trouvera dans le t, HI un autre travail quim
traite du même sujet : « Vie des poissons dans divers
milieux, et action physiologique des différents sels den
soude. »
Les intéressantes expériences de MM. Abelous el
Langlois sur les « Fonctions des capsules surrénaless
de la grenouille », et les « Fonctions des capsules sur
rénales chez les cobayes », ont déjà été résumées danse
ce journal. |
Dans un travail intitulé «Poids du cerveau,de la rates
du foie chez les chiens », M. Richet cherche à établis
que la pesée des organes peut fournir des renseignés
ments sur leur fonctionnement. C'est ainsi que le poids
TR
Rires
Y
_du foie et la surface cutanée suivent une même courbe,
c’est-à-dire qu'ils vont en augmentant par rapport à la
taille, à mesure que l’animal devient plus petit, sans
doute parce que le foie a des fonctions chimiques,
liées à la déperdition de calorique qui se fait par la
surface. Le poids de la rate est sensiblement propor-
tionnel au poids du corps. Pour le poids du cerveau, il
semble qu’il y ait un élément fixe servant à l’intelli-
gence, et un autre élément, variant avec le poids ou la
surface. Dans le t. II, on trouvera sur le même sujet :
« Poids du cerveau, du foie et de la rate chez l'homme,
chez les Mammifères, »
Le t. II renferme encore : « Expériences sur le rôle
du cerveau dans la respiration », par M. Pachon. —
« Notes de technique physiologique. » — « Faits relatifs
à la digestion des Poissons. » — « Diastases des Pois-
sons », par M. Richet. — « Sur la vie des animaux en-
fermés dans du plâtre », par MM. Richet et Rondeau,
— « Influence des pressions extérieures sur la ventila-
tion pulmonaire », par MM. Langlois et Richet, —
« Sensibilité gustative aux alcaloïdes », par MM. Gley
et Richet. — « De l’élimination des iodures », par
J. Roux. — « De la cocaïne », par Delbosc.
Parmi les travaux publiés dans let. IT, il faut d'abord
signaler ceux de MM. Hanriot et Richet sur « l'Action
physiologique du chlorose », sur les « Effets thérapeu-
tiques et hypnotiques du chloralose »; de M. Féré sur
« Le chloralose chez les épileptiques, les hystériques
et les choréiques ». Ce corps, obtenu par MM. Hanriot
et Richet, en faisant agir le chloral anhydre sur Ja
glucose, jouit de la propriété, précieuse pour le physto-
logiste, de supprimer la perception des excitations
douloureuses, tout en laissant persister les réflexes et
même en exagérant le pouvoir excito-moteur de la
moelle. La thérapeutique a utilisé, avec d’heureux
résultats, ses effets hypnotiques dans diverses affec-
tions.
M. Heim a étudié « l'action physiologique de la Pa-
risette », MM. Langlois et Varigny « l’action de quel-
ques poisons de la série cinchonique sur le Carcinus
Mænas », M. Langlois : « La toxicité des isomères de la
cinchonine dans la série animale », et la radiation calo-
rique après traumatisme de la moelle épinière »
M. Triboulet : « La chorée du chien ».
De MM. Carvallo et Pachon, nous trouvons de très
intéressantes expériences sur « la Digestion pancréa-
tique dans le jeûne, et sur la digestion chez un chien
sans estomac » ; de M. Richet, des études sur « l'Exci-
tabilité réflexe des muscles dans la première période
du somnambulisme », sur « Quelques faits relatifs à
l’excitabilité musculaire », sur « les Paralysies et anes-
thésies réflexes ».
Une grande partie de ce volume est consacrée aux
recherches de MM. Héricourt et Richet sur l’hematothé-
rapie, la vaccination contre la tuberculose, et la tuber-
culose expérimentale en général.
« Etude physiologique sur un microbe pyogène et
septique. — Immunité conférée à des lapins par la
transfusion peritonéale de sang de chien ». — Effets
des injections du sang d'animaux tuberculosés, »
« Technique des procédés pour obtenir du sérum. »
« De la vaccination contre la tuberculose humaine par
la tuberculose aviaire. » « Tuberculose expérimentale
du chien : influence de la doseet des substances so-
lubles. » « Tuberculose aviaire et tuberculose humaine
chez le singe » par MM. Richet et Héricourt, «Le sérum
du chien dans le traitement de la tuberculose » par
M. Héricourt, « Etudes chimiques sur le bacille de la
tuberculose aviaire » par M. Bouveault.
Dans un chapitre intitulé e de l’'Hématothérapie en
sénéral, qui sert d'introduction à cette série de
mémoires, M. Richet remonte à l’origine de la question
et établit ses droits et ceux de son collaborateur à la
découverte du principe de l'hématothérapie, devenue
depuis lors la sérothérapie. Sans doute, comme il le
reconnaît, l'expérience première a été modifiée et
remarquablement perfectionnée. Mais le lecteur impar-
)
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
991
tial conviendra, eneffet, que, dès 1888, les deux expéri
mentateurs avaient nettement défini le but à atteindre,
ainsi que le principe de la méthode, lorsque, trans-
fusant du sang de chien au lapin pour rendre ce
dernier animal réfractaire à un micro-organisme par-
ticulier, le Staphylococcus pyosepticus, et se servant, à
cet effet, soit du sang d’un chien intact, soit du sang
d’un chien qui avait subi auparavant desinoculations de
ce staphylocoque, ils disaient : « Cette influence du
sang de chien donnant aux lapins une sorte d’immu-
nité pour les maladies auxquelles résiste: le chien,
s'étend peut-être à d’autres micro-organismes (le char-
bon, la tuberculose). » C’est donc bien une méthode
générale d'immunisation que MM. Héricourt et Richet,
cherchaient äès lors dans la transfusion du sang d’ani-
maux réfractaires ou immunisés. Leurs tentatives pour
l'appliquer à la vaccination contre la tuberculose sont
exposées dans les mémoires énumérés plus haut.
On lira encore avec intérêt dans les deux derniers
volumes des lecons professées à la Faculté de Méde-
cine par M. Richet sur la « Physiologie et la Médecine »,
le « Rythme de la respiration», « J'Inanition », « les
Défenses de l’organisme »,
E. WERTHEIMER,
4° Sciences médicales.
Bertrand (L. E.), Médecin en chef de la Marine et
Fontan (J.), Professeur de Chirurgie à l'Ecole de Mc-
decine Navale de Toulon. — Traité médico-chirurgi-
cal de l'Hépatite suppurée des pays chauds.
Grands abcès du foie. — Un vol. in-8° raisin de
732 pages avec tracés et fiqures. (Prix : 13 fr.). Société
d'Editions scientifiques. Paris, 1805.
Cet important ouvrage de plus de 700 pages, que
MM. Berirand et Fontan, familiarisés avec la pathologie
des pays chauds, étaient mieux autorisés que personne
à entreprendre et à mener à bonne fin, est Le traité le
plus complet qui ait paru sur la matière. Concu dans
un esprit essentiellement clinique, ce travail substan-
tiel, fortement documenté, renferme, outre de nom-
breux tableaux statistiques, une série de 133 observa-
tions, dont un grand nombre personnelles et inédites.
Bien que les auteurs aient mis à contribution tous les
documents ayant trait à ce sujet épars dans la littéra-
ture médicale francaise et étrangère, ce n’est pas une
compilation aride et indigeste; mais, au contraire, une
œuvre très personnelle, où ils apportent les précieux
résultats de leur pratique et de leur expérience, et
éclairent quelquefois d’un jour nouveau les points
encore obscurs de l’histoire de cette affection. Après un
rapide historique où nous voyons comment, à la suite
des recherches des médecins anglais dans les Indes, les
remarquables travaux des médecins militaires de
l'Algérie et des médecins de la marine ont peu à peu
fixé d’une facon définitive la pathologie actuelle dans
ses grandes lignes, viennent quelques considérations
sur la distribution géographique de l'hépatite suppurée :
endémique dans tous les pays intertropicaux, et même
dans quelques contrées d'Europe, cette affection a une
prédilection spéciale pour certaines régions (Indes,
Egypte, Sénégal).
L'anatomie pathologique est traitée d’après les travaux
les plus récents; après avoir décrit en détail les nom-
breuses variétés d’abcès du foie et les lésions histolo-
giques qui les caractérisent, les auteurs arrivent à
cette conclusion personnelle que toutes les formes
peuvent se réduire à une seule variété anatomique, ayant
toujours le même processus : nécrobiose par embolie
microbienne. Un important chapitre est consacré à
l'étude des causes multiples qui entrent en jeu dans
la genèse de cette affection. La dysenterie domine
l'étiologie; elle est notée dans 80 °/, des cas envi-
ron. Des tableaux instructifs conceruant la répar-
tition saisonnière de l'hépatite et de la dysenterie
montrent que la plus grande fréquence de l’hépatite
coïncide non avec le maximum des grandes chaleurs
392
atmosphériques, mais avec l'époque des plus grandes
variations thermiques. Malgré de nombreuses recher-
ches, la pathogénie reste encore le point obscur que des
études bactériologiques plus approfondies ne tarderont
pas sans doute à élucider. Tous les auteurs admettent,
sous peine d’être en contradiction avec les saines tra-
ditions de la bactériologie, que la cause essentielle de
la suppuration du foie est la pénétration et la pullula-
tion de microbes dans cet organe, Mais où commence
la divergence, c'est quand il s'agit d'interpréter la
nature de ces micro-organismes. L'examen bactériolo-
gique (qui a surtout porté sur des abcès hépatiques
dysentériques) a révélé tour à tour la présence de
staphylocoques, de streptocoques, de l’amæba coli
(amibe), par laquelle Kartulis explique la genèse de la
dysenterie et de l'hépatite qui la complique, du bacille
spécial découvert par Ghantemesse el Widal, et consi-
déré comme le microbe spécifique de la dysenterie,
Contrairement à l'opinion généralement acceptée,
MM. Bertrand et Fontan considèrent la dysenterie, non
comme une affection spécifique, mais comme une af-
fection polybactérienne banale, dans la pathogénie de
laquelle ils attachent plus d'influence aux associations
microbiennes qu’à l’action isolée et exclusive de tel où
tel microbe. Ils sont logiquement amenés à soutenir,
dans l'hépatite suppurée, la cause du microbisme pyogé-
nique banal. Leurs expériences sur les animaux, leurs
recherches bactériologiques, les nombreux faits clini-
ques qu'ils ont pu observer à l'hôpital Saint-Mandrier,
les conduisent, en effet, à cette conclusion que tous les
abcès du foie, quelle que soit leur nature, sont dus
uniquement à l'intervention des microbes pyogènes
ordinaires (le staphylococcus albus serait le plus fré-
quent). . A 1
Au contraire de la théorie du parasitisme spécifique,
leur doctrine « ramène au même mécanisme toutes les
« variétés d’abcès du foie, avec cette condition différen-
« tielle que la voie suivie par les microbes est tantôt le
« système biliaire, tantôt les artères hépatiques si
« l'entrée microbienne s'est faite par la circulation
« générale, tantôt les vaisseaux portes si c’est par l’in-
« testin que l'infection a commencé. » L'étude clinique
occupe une large place, et est faite, pour ainsi dire, au
lit du malade. De nombreuses observations judicieuse-
ment distribuées nous montrent les diverses formes
que peut revêtir cette affection ; les moindres symptô-
mes sont analysés en détail. Cette étude est d'autant
plus importante que l’.épatite se présente rarement
avec un appareil symptomatique complet; le diagnostic
est l’un des points les plus délicats de son histoire, et
cependant il importe d’être fixé le plus tôt possible sur
la présence du pus dans le foie, car tout retard dans
l'intervention peut aggraver le pronostic déjà si redou-
table. Après quelques observations sur le traitement
médical, qu'on devra instiluer avec confiance, mais
sans s’obstiner à perdre un temps précieux, et qu'on
reléguera au second plan dès que- la suppuration de-
vient probable, les auteurs abordent la question de
l'intervention chirurgicale, Les indications sont nette-
ment posées, et toutes les phases de l'opération minu-
tieusement décrites; le curettage proposé, et mis plus
de vingt fois en pratique par l’un-d’eux, peut être con-
sidéré comme un perfectionnement notable,
Les conclusions suivantes qui terminent le chapitre
nous paraissent résumer très heureusement la conduite
à tenir :
jo La présence constatée du pus dans le foie fournit
une indication impérative de lui donner issue;
20 L’évacuation faite de bonne heure améliorant
singulièrement le pronostic, il faut rechercher le pus
par la ponction exploratrice hâtive et répétée, toutes
les fois qu’il y a présomption de suppuration ;
3° La ponction exploratrice étant inoffensive, et
mème parfois profitable, doit être répétée un certain
nombre de fois sans aucune crainte;
4° Quand le pus est trouvé, l'indication d'ouvrir étant
urgente, il faut renoncer à tous les procédés de lenteur;
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
!
de
5° L’évacuation par les canules de trocart étant for- &e
cément incomplète, on doit écarter les ponctions avec
ou sans drainage ; -
6° L'incision directe, vraiment large, est seule capa-
ble de guérir les grands abeès du foie; ;
1° La résection d’une côte, les sutures pleurales ou
péritonéales, le curettage, le double drain constituent
les derniers perfectionnements de cette méthode et M
transforment le pronostic des abcès du foie.
D' H. ALVERNHE. -
Hartmann (H.) et Morax (V.). — Note surla péri-
tonite aiguë généralisée aseptique. — Quelques.
considérations sur la bactériologie des suppura-
tions péri-utérines.— In Annales de Gynécologie et”
d'Obstétrique, 1894.
MM. Hartmann et Morax poursuivent, dans les An-
nales de Gynécologie et à la Société de Chirurgie leurs
intéressantes études sur la bactériologie du péritoine
et des suppurations annexielles. Reprenant les re-
cherches de Schrüder et Blumm, auxquelles manquait.
la démonstration anatomique, ces auteurs prouvent par
deux faits l'existence de la péritonite aiguë généralisée
aseptique. Dans les deux cas, l'examen bactériologique
du liquide recueilli directement au cours de l'opération M
sur la séreuse, est demeuré négatif. Cette péritonite, .
dont le pronostic est relativement bénin, n’a pas de
caractères cliniques pathognomoniques, Seule, son M
évolution peut permettre de la séparer du processus »
infectieux.
MM. Hartmann et Morax ont noté la même absence
de micro-organismes dans tous les cas de salpyngites
catarrhales ou parenchymateuses et d’hydrosalpyngites,
de même que dans trois faits de grossesse tubaire avec
hémosalpynx et deux d'hématocèle pelvienne.
Dans 33 collections suppurées formées aux dépens.
des annexes, 13 fois le pus était stérile ; dans les
20 autres cas, il contenait des gonocoques à l’état pur »
ou associés au Bacterium Coli, des streptocoques, des
pneumocoques, et une seule fois le Bacterium Coli à
l'état pur, Comme pour la péritonite aseptique, les
commémoratifs, la marche de la température, les
autres signes cliniques ne renseignent que très insuffi-
samment sur la nature septique ou non septique des
suppurations péri-utérines. Aussi, dans la pratique, vaut-
il mieux se prémunir toujours contre les dangers de la
contamination possible du péritoine et admettre dans.
tous les cas la virulence du pus. C’est le seul moyen de
se mettre à l'abri de tout accident,
Dr Gabriel MAURANGE.
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des,
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-8 colombier, avec nombreuses æ
figures ‘intercalées dans le texte et planches en cou-n
leurs. 520e et 521€ livraisons. (Prix de, chaque livrai-
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes,
Paris, 1895. |
Les 520: et 521e livraisons renferment une mono-M
graphie de la Laponie, due à MM. A. M. Berthelot pour 4
ce qui concerne la géographie proprement dite et à
M. Zaborowski pour ce qui concerne l’ethnographie 3
une étude sur le lapin, au point de vue de l’économie
rurale, par M. Larbalétrier; un article sur la sécrétion,
des larmes, par le Dr P, Langlois; des articles sur le“
larynæ au point de vue anatomique par M. J. Flamma=
rion, sur la pathologie et la chirurgie du larynx et sul
la laryngoscopie par M. G. Coupard, sur les nerfs laryn=
gés et leur fonction par le Dr P. Langlois ; sur la luté
rite, terre’ rouge chargée d'oxyde de fer, provenant dem
la désagrégation des roches, par M. Ch. Vélain; sur la}
latitude, au point de vue astronomique, par M. Ch. de]
Villedeuil;enfin la biographie du grand mathématicien}
francais Laplace, par M. L. Sagnet.
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
» Séance du 127 Avril 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Tacchini transmet
les résultats obtenus relativement à la distribution en
latitude des phénomènes solaires observés pendant les
e, 3° et 4° trimestres de 189%. Depuis quelque temps,
lactivité solaire se manifeste de préférence au sud de
'équateur. — M. E. Goursat énonce le théorème sui-
vant, relatif à la théorie des équations aux dérivées
artielles du second ordre : Soit S—F(æ, y, z, p, q,?, t)
une équation de second ordre où le second membre
# holomorphe dans le voisinage des valeurs :
£ os or F0» Pos Jo l'or Co»
des variables correspondantes ; soient # (x) et 4 (x),
deux fonctions holomorphes dans le domaine des points
*, et y, respectivement, et telles que l’on ait :
® (To) = os CA (To) = Po» go" (to) = To
Do) = 20 ? (Yo) = Jo Ÿ” (Yo) = b.
Si, en outre, les deux dérivées partielles DFADF sont
Dr Dé
nulles pour ces valeurs initiales, l'équation admet une
intégrale holomorphe dans le voisinage du point
0 Yo) Se réduisant à + (x) pour y =, et à Ÿ (y) pour
— 4, . — M. Désiré Andre établit un ensemble
e propriétés des séquences des permutations circu-
laires, qui rappellent les propriétés énoncées pour les
permutations rectilignes, mais sont en général beau-
coup plus simples. — M. Maurice d'Ocagne applique
la théorie générale de la probabilité des erreurs au cas
particulier des nivellements de haute précision,
20 ScIENCES PHYSIQUES. — M. J, Rué adresse une
hote sur les courbes des chemins de fer et sur les
moyens pratiques à employer pour les vérifier ou pour
les rectifier. — M. H, Deslandres expose le résumé
omplet et définitif des expériences relatives au rayon-
nement ultra-violet de la couronne solaire pendant
Péclipse totale du 16 avril 1893. Les observations anté-
rieures, limitées à la partie la plus intense du spectre
Jumineux, ont été étendues à une portion trois fois
plus grande, s'étendant jusqu'aux longueurs d'ondes
pour lesquelles x = 295. L'auteur donne la liste des
aies nouvelles appartenant à la couronne. — M. Ch.
Péry indique un procédé permettant d'obtenir, par la
Hhotographie de réseaux dans des conditions particu-
ières, des réseaux quadrillés résolvant complètement
& problème de la photogravure avec des demi-teintes.
établit une formule permettant de déterminer rapi-
ément les meilleures conditions d'emploi du réseau
ans les conditions les plus diverses. — M. A. Aignan
ablit qu'il n’y a pas lieu de substituer à l'expression
A pouvoir rotatoire spécifique de Biot : GQ=R= un
expression nouvelle et inexacie introduite par
* Guye sous le nom de déviation moléculaire :
re 7
Q) 0 Æ :
quelle est une quantité variable qui diminue à me-
re que la dilution augmente et que l’on dissout le
pps actif dans un dissolvant plus léger. — M. G. Se-
guy donne la description d’un radiomètre de cons-
uction symétrique, tournant sous l’action d'un éclai-
ment dissymétrique.— MM. H. Abraham et J. Le-
ioine présentent un nouvel électromètre absolu pour
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
De cet MU é DÈT RTE RS Pr LE Enr +, 1e "ai
la mesure des hauts potentiels ; c’est un électromètre-
balance à disque plan et anneau de garde analogue à
celui que M. Baille a construit sur le principe bien
connu donné par lord Kelvin ; ils présentent aussi un
modèle simplifié. Avec le modèle étalon, on a le mil-
lième pour des potentiels dépassant 40.000 volts ; avec
le modèle simplifié on mesure au centième, et toujours
en valeurs absolues, des potentiels qui atteignent
100.000 volts. — M. Pierre Weiss a modifié le type
habituel du galvanomètre astatique de Thomson et
réalisé un nouveau galvanomètre beaucoup plus sen-
sible et beaucoup plus sûr dans ses indications. Le
système astatique est formé de deux longues aiguilles
verticales, parallèles à l'axe de rotation et dont les
pôles de nom contraire sont en regard, de facon à réa-
liser un circuit magnétique presque fermé ; la sensi-
bilité, définie d’après MM. Mather et Sumpner, dépasse
4.500; l’aimantation est d’une grande constance. —
M. l'abbé Maze communique une première note sur
les plus anciennes observations thermométriques et
météorologiques faites à Paris par le prêtre astronome
Ismaël Boulliau, et une seconde note pour établir que
le premier thermomètre à mercure n’a pas été employé
par Fahrenheit, mais bien par Ismaël Boulliau, 62 ans
avant lui, — M. P. Déhérain conclut de l’ensemble de
ses observations sur les eaux de drainage que le rap-
port de la pluie au drainage a été, en 1893, de 6,5 et
la perte d'azote de 51 k. à l’hectare, de sorte que, pen-
dant une année de mauvaises récoltes, une terre de
qualité moyenne perd une quantité notable d’azote
nitrique, et cette quantité croît avec l'étendue de la
jachère; en 1894, le rapport de la pluie au drainage est
de 61,2 et la perte à l’hectare de 1 k.96 ; une récolte
luxuriante de cètte dernière année, qui a été proba-
blement la plus forte que nous ayons jamais eue pour
le blé, n’épuise pas plus le sol qu’une récolte médiocre.
En outre, les pertes des terres nues sont infiniment
plus fortes que celles des terres emblavées, d’où luti-
lité de maintenir le sol couvert de végétaux le plus
longtemps possible, et par suite, de faire suivre toutes
les fois qu’on le pourra, la récolte du blé d’une culture
dérobée d'automne, — M. Ramsay donne quelques
développements sur les résultats qu'il à récemment
transmis au sujet de l’argon. — M. Tassilly donne les
procédés de préparation et l'étude thermique des 10-
dures anhydres de baryum et de strontium. — M. de
Koninck adresse en son nom et au nom de MM. Le-
crenier et Ledent une réclamation de priorité .rela-
tive aux propriétés des sulfures de nickel et de cobalt.
— M. de Forcrand a fait l'étude thermique de l’al-
coolate de calcium (C2H60)' (Ca0)*, obtenu par l’action
de l'alcool éthylique absolu sur l'acétylure de cal-
cium. Il établit, en outre, que l’éthylate de baryte est
une combinaison d'addition de formule (C2H50) (BaO,
de sorte que l’action des alcools sur les oxydes alcalino-
terreux ne donne pas de véritables alcoolates métal-
liques, mais des combinaisons d’addition. — M. A.
Rosenstiehl donne les résultats de son étude des
bases ammoniées, dérivées de l’hexaméthyltriamido-
triphénylméthane. Ces bases sont trivalentes, c’est-à-
dire contiennent leurs trois atomes d'azote à l'état
d'ammonium:; elles sont d'une alcalinité comparable à
celle de l’hycrate de tétréthylammonium; elles déco-
lorent les solutions de fuchsine et précipitent leurs
carbinols quand ceux-ci sontinsolubles.—M Delépine
a étudié les combinaisons de l’hexaméthylène-amine
avec les chlorure et iodure mercuriques,ainsi que l’ac-
tion du chlorhydrate de phénylhydrazine. Il se forme
divers chloro- et iodomercurates, tousbien cristallisés,
39%
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
dans le premier cas, et l'anhydroformaldéhyde phé-
nylhydrazine dans le second. :
C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Leroux adresse une
note ayant pour titre : Recherches sur l’éclosion de
l'œuf des sexués du Phylloxéra de la vigne. — M. 9.
Richard fournit les résultats d'analyses des gaz de la
vessie nafatoire des poissons, faites à bord du yacht
Princesse-Alice. Les recherches ont porté sur trois
espèces de poissons : Serranus cabrilla,Conger vulgaris,
Simenchelys parasiticus, pris respectivement à 60, 175
et 1674 mètres de profondeur; malgré ces différences,
la quantité d'oxygène trouvé est voisine de 87 % même
pour les cas extrèmes. — MM. Camus et Gley étu-
dient l’action du système nerveux sur les principaux
canaux lymphatiques. Les auteurs ont réussi à enre-
gistrer les mouvements de la citerne de Pecquet et du
canal thoracique, et démontrent que les vaisseaux
lymphatiques recoivent, comme les artères, des nerfs
qui président à leurs mouvements, Les expériences
prouvent aussi l'existence dans le nerf splanchnique
des fibres vaso-dilatatrices. — M. Vesque étudiant le
genre Eurya de la famille des Ternstræmiacées,
montre que la situation de la fige est constante dans
ce genre qu'il divise, à la suite de l’étude florale, en
# sections : Eueurya, Euryodes, Gynandra et Meristo-
theca. — M. A. Lacroix présente une note sur les ro-
ches basiques constituant des filons minces dans la
lherzolithe des Pyrénées. J. MARTIN.
ACADEMIE DE MEDECINE
Séance du 9 Avril 1895,
M. Dieulafoy présente, au nom de M, Collin, un ap-
pareil destiné au tubage du larynx. — M. Debove
communique un rapport sur deux mémoires du
Dr Clozier, intitulés : 1° Des zones hystérogènes et hysté-
roclasiques, et 2 De l’origine gastro-intestinale des hysté-
ronévroses, — M. Hallopeau présente à l’Académie un
androgyne.
Séance du 16 Avril 1895.
L'Académie procède à l'élection de deux correspon-
dants nationaux dans la 1re Division (Médecine),
MM. Testut (de Lyon) et Bertrand (de Cherbourg)
sont élus, — M. G. Lagneau signale deux cas d’her-
maphrodisme qu'il a eu l’occasion d'observer et montre
que les cas de ce genre ne sont pas si rares qu’on le
croit généralement.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 6 Avril 1895.
M. Kauffmann, reprenant l'étude de l’une des ques-
tions les plus discutées de la physiologie contempo-
raine, cherche à élucider le problème de la formation
et de l’origine du glycogène. IL rappelle les idées de
M. Dastre. Ce dernier estime que le glycogène se ren-
contre dans tous les tissus, mais qu'il est lié à la cel-
lule qui l'a produit et qu’il ne peut être entraîné par
le ‘orrent circulatoire. En outre, le glycogène ne peut
exister dans le plasma, car celui-ci renferme une dias-
tase qui le transformerait aussitôt en glycose. M.Kauff-
mann estime, au contraire, que le foie est le grand
producteur de glycogène et que, si on trouve cette
substance dans les différents tissus, c’est qu’elle y a
été transportée et déposée par le courant sanguin.
Quant à la diastase dont on proclame l'existence dans
le plasma, personne n'a encore pu la trouver chez l’ani-
mal vivant. — MM. Richet et Héricourt onf guéri ra-
pidement, par des injections de sérum d’un âne ino-
culé expérimentalement, un cas de syphilis tertiaire
avec sommes ulcérées, rebelle à tout traitement, —
MM. Guinard et Artaud ont étudié les modifications
cardio-vasculaires produites par l’injection de malléine
et de tuberculine., — M. et Mme Déjérine ont examiné
ee rie du ruban de Reil avec la corticalité céré-
brale.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 15 Mars 1895.
M. Leduc expose une nouvelle méthode pour me-
surer l’abaissement moléculaire du point de congéla-
tion des dissolutions très diluées. Cet abaissement a
donné lieu à des recherches nombreuses qui se par-
tagent en deux groupes, Le premier comprend les
expériences de Rüdorf, de Coppet et de M, Raoult, Ces
auteurs n’ont pas cherché à étudier les dissolutions
très étendues. Les abaissements sur lesquels ils opé-
raient étaient de l’ordre de 1°, Le second groupe se
rapporte au cas des dissolutions extraordinairement
étendues, où les abaissements sont de l’ordre du
centième de degré. Ces expériences ont été entre-
prises à la suite de l’hypothèse d’Arrhénius, que
les sels dissous pourraient bien être décomposés en
leurs ions. Mais les résultats obtenus présentent de
grandes divergences. Ainsi, dans le cas du chlorure de
sodium, M. Arrhénius et M. Pickering trouvent des
courbes entièrement discordantes. Tout récemment,
M. Ponsot, par des déterminations très soignées, a
trouvé une courbe toute différente des deux premières,
M. Leduc à songé à mesurer les abaissements de tem-
pérature avec une précision beaucoup plus grande en
se fondant sur l’abaissement de la température de
fusion d’un mélange d’eau etde glace lorsqu'on exerce
une compression, Cet abaissement étant de 0°,0076 par
atmosphère, une variation de pression de 1°% de mer-
à - LS ë
cure correspond à un abaissement de +=, de degré.
La mesure des excès de pression peut donc donner les
abaissements de température avec une précision sura-
bondante, La méthode consistera, dans le cas d’une
dissolution aqueuse, à introduire la partie de l’éprou-
vette contenant la dissolution au milieu d'un récipient
qui renferme un mélange d’eaupure et de glace ràpée,
sur lequel on exercera différentes pressions. Un regard
portant un microscope permettra d'examiner à chaque
instant la dissolution. On fera varier la pression dans
lerécipient, et, par suite, la température du mélange
d eau et de glace, jusqu’à l’ameneràla température de
congélation de la dissolution étudiée, Il est possible
de saisir exactement cette température, car, tant qu’elle
n'est pas atteinte, des parcelles de glace introduites
dans la dissolution y fondent; si elle est dépassée, des
aiguilles se forment. La seule difficulté de la méthode
consisterait dans les dosages nécessaires pour déter-
miner les abaissements absolus moléculaires. Cette.
détermination, en valeur absolue, a d’ailleurs moins
d'intérêt que l'étude beaucoup plus facile de la forme
exacte de la courbe. M. Leduc établit ensuite la for-
mule qui donne l’expression de l’augmentation de
pression en fonction de la pression osmotique, et des
volumes spécifiques du dissolvant à l’état solide et à
l'état liquide. Elle peut se démontrer par un raisonne-
ment direct, indépendant de toute formule théorique.
Puis, au moyen de la formule de Van t’Hoff, des va-
leurs de l’augmentation de pression, on pourra déduire
la valeur du coefficient isotonique qui fixe la fraction W
du sel décomposée en ses ions. Bien que lintérèt soit
moiudre, ces formules sont applicables aux dissol-
vants autres que l’eau, Enfin, M. Leduc montre qu’on
peut déduire facilement et directement des formules
précédentes l’expression, dont M, Ponsot a déjà donné
une première forme, de la différence entre la pression
maxima de vapeur de la glace et de l’eau en surfusion
à la même température. Cette formule donne une |
valeur de 0®%,0%% pour un abaissement de température
de 14°. C’est bien le nombre trouvé expérimentalement |
par Dieterici, — M. Wyrouboff trouve que les écarts
de la loi de Raoult sont trop grands pour qu'il y ait
lieu de songer à y appliquer la précision des méthodes
purement physiques, — M. Leduc montre que ce sera
précisément un moyen d'éviter une grande partie des |
erreurs et de diminuer beaucoup les écarts. — M. P.
Charpentier décrit un pressomètre sensible pour la
r
mesure des pressions des fluides. C’est essentiellement
un baromètre à siphon dans lequel le mercure de la
branche ouverte est surmonté d’une colonne d’un
liquide plus léger, huile ou eau, contenue dans un
tube de section plus faible que la surface libre du
mercure. Les variations de niveau dans ce tube, par
Suite des variations de la pression atmosphérique,
Sont beaucoup plus grandes que celles du mercure.
Dn peut les rendre environ dix fois plus grandes,
est-à-dire qu'on peut obtenir une décimale de plus
dour la mesure de la pression atmosphérique. L'auteur
ose le tarage de l'appareil et établit la formule
où se déduit la hauteur barométrique. Il se propose
Pappliquer ce dispositif à d’autres usages, notamment
pour la densimétrie, — D'après M. Pellat, il y aurait
lieu de rechercher si les déformations du ménisque du
liquide n’introduisent pas des erreurs appréciables.
1e Edgard Haunié.
SOCIÈTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 6 Mars 1895.
« M. Hébert a analysé les matières grasses extraites
de quelques graines oléagineuses du Congo francais.
La graisse des graines de Penza contient 70 °/, d’acide
oléique et 30 °/, d'acides gras solides{acides arachique
et stéarique); la matière grasse de Moabi renferme
50 °/, d'acide oléique et 50*/, d'acides gras solides
acides myristique, palmitique, stéarique et peut-être
nargarique); l'huile de Koumounou est constituée par
de la trioléine à peu près pure. M. Hébert donne les
endements des graines en matière grasse, les carac-
ères des huiles qu’on en extrait et la composition des
bureaux, — M. Jay décrit en son nom et au nom de
M. Dupasquier une nouvelle méthode d'obtention du
hosphate de potassium. On utilise la réaction connue
lu phosphate monocalcique sur le sulfate neutre de
potassium ; il se forme du sulfate de calcium et du
hosphate monopotassique. Mais, au lieu de passer
omme actuellement par la préparation de lacide
hosphorique, on fait agir directement sur le phos-
hate tricalcique une solution de sulfate dans l'acide
ulfurique. Le phosphate de potassium est ensuite
éparé en lessivant la masse, produit de la réaction.
H Joffre conclut de recherches poursuivies pendant
ois années que les végétaux paraissent absorber la
hatière organique de la terre arable, — M. Lescœur
présente une note sur le mouillage du lait.
Séance du 8 Mars 1895.
Le perchlorure de fer en solution éthérée est réduit
ét transformé en protochlorure par le bioxyde d’azote,
insi que l’a reconnu M. Thomas. De plus, on obtient
Me combinaison du protochlorure et du bioxyde ré-
bondant à la formule :
FeC, AzO,2H?20,
n évaporant la solution éthérée et en abandonnant le
oduit sirupeux obtenu à cristalliser. Cet hydrate est
n'eristaux noirs.Si l’on évapore la solution à 60°-100,
n obtient le sel anhydre : FeCl2,4z0 en cristaux
unes. Ces deux composés se dissolvent dans l’eau
Sans dégagement gazeux. Le fer qu'ils renferment doit
re au minimum, car lesulfocyanure ne produitaucune
bloration et le ferrocyanure donne un précipité blanc.
M. Delépine a préparé les produits d’addition sui-
ants de l’hexaméthylène-amine : le bismuthate :
4 5(CSH12AzHI), 3 (Bil5, HI, 4 H20)
2chloromercurates :
CSH1?Azi, 2 HgC/2, H?0,
o C5H12Az4, HCI, 2HgCI2H20,
iodomercurate :
CSH1?A71,2 Hgl?, H20,
- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
395
l'iodamylate :
C6H12A74, CSH!1]
les triiodures d'iodamylate et d'iodométhylate, le triio-
dure d’iodhydrate trihydraté :
CSH12Az4, HI, I°+3H20.
En traitant par les acides l’iodométhylate et l'iodamy-
late, il a obtenu de l’éthylamine et de l’amylamine,
plus une autre base qu'il étudie. Traités par l'oxyde
d'argent, ces iodalcoolates donnent des ammoniums
quaternaires extrêmement alcalins. Ces ammoniums,
traités par les iodures alcooliques, donnent des iodal-
coolates différents des composés primitifs. Le chlorhy-
drate de phénylhydrazine donne avec l’hexaméthylène
amine, un composé cristallisé, fondant à 100, et parais-
sant identique au produit obtenu en faisant réagir la
phénylhydrazine sur l'aldéhyde formique. M. Delépine
a essayé d'appliquer à la séparation des méthylamines
une réaction déjà signalée par Henry. C'est celle de
l’aldéhyde formique, qui se combine avec ces bases en
donnant des produits différents. La triméthylamine ne
se combine pas à cet aldéhyde et peut, par conséquent,
être très facilement séparée de la combinaison avec la
diméthylamine, bouillant à 66°-67%, En traitant aussi
par l’aldéhyde formique les amines obtenues par l’ac-
tion de l’ammoniaque à froid sur l’azotate de méthyle,
on n'obtient pas ou très peu de triméthylamine ; mais
on obtient surtout le composé CH?= Az-CH, bouillant
à 166°,déjà signalé par Henry,et du bisdiméthylaminomé-
thane bouillant à67°, Ge derniercomposé se combine aux
iodures de méthyle, de méthylène, d’éthyle, d’amyleetau
bromure d’éthylène. — M. Simon afaitréagir les amines
aromatiques sur un certain nombre de composés céto-
niques dissymétriques. Il a étudié notamment dans ces
conditions, l'acide pyruvique, ses éthers, l’acide phé-
nylglyoxylique, son éther éthylique. L’acide pyruvique
donne 3 produits distincts. Mais on n’a obtenu ni sté-
réoisomères, ni isomères de structure. L’aniline, l’or-
tho et la paratoluidine, la métaxylidine, la 8 naphtyla-
mine se comportent dela méme manière. Seules les
proportions relatives des différents produits diffèrent.
Une base fait exception : l’, naphtylamine, en effet, ne
donne rien à froid en solution éthérée,-même au bout
de plusieurs jours. Cette réaction à froid a donné les
trois produits obtenus par Bottinger pour l’aniline
dans des conditions différentes, —M. Villiers, par re-
froidissement intense et prolongé de l’alumine préci-
pitée et en suspension dans l’eau, a obtenu de l'alu-
mine cristallisée hydratée renfermant,comme Palumine
de la bauxite, 4 molécules d’eau de cristallisation. —
MM. Verneuil et Wyrouboff se sont proposé d’ex-
traire du cérium absolument exempt de didyme soit
de la cérite, soit d'un mélange en n'importe quelles
proportions de cérium, lanthane et didyme. Ils ont
aussi cherché une méthode de dosage aussi exacte que
possible du cérium en présence du didyme ou du lan-
thane. En se basant sur une réaction connue, mais mal
interprétée, ils ont pu parvenir à un procédé simple et
expéditif de séparation du cérium. Le nitrate céroso-
cérique se dissocie en présence d’azotate d'ammonium.
Pour réussir cette séparation, on dissout à chaud les
oxydes de cérium, lanthane et didyme, provenant de la
calcination des oxalates, dans de l’acide azotique fort.
On concentre à consistance sirupeuse de facon à laisser
un léger excès d'acide, On ajoute un poids de nitrate
d'ammonium égal au poids des oxydes employés. On
dissout dans 20 fois le poids d’eau et on fait bouillir.
On obtient un précipité jaune très clair qu’on filtre et
lave avec une solution d'’azotate d'’ammonium à 5 °/°.
Par calcination, on obtient l’oxyde Ce30, tout à fait
exempt de didyme. La réaction n’est pas quantitative :
l’acide azotique agit sur Ce Of — Ce 0?,2Ce0, le réduit
en donnant un composé d’oxydation moindre qu’on
peut représenter par Ce0?, (2 + n) CeO. Ce produit,
traité par l’eau et l’azotate d’ammonium, donne bien
CeO?, 2CeO, qui se précipite, mais il reste nGeO en solu-
396
tion. Cette réaction, qui a échappé aux chimistes jus-
qu'alors, rend illusoires les procédés de séparation
fondés sur l’insolubilité des nitrates basiques de cé-
riumet les explications théoriques admises jusqu'alors,
notamment celles de M. Auer. Pour arriver à une pré-
cipitation complète pour un dosage, on ne peut em-
ployer ce procédé. On pourrait répéter les précipita-
tions d'oxyde cérosocérique; mais il reste toujours une
partie du protoxyde de cérium dans la solution et, de
plus, l’oxyde Ce*0* semble se réduire de plus en plus
au fur et à mesure qu'augmente le titre en bases plus
fortes : DiO et LaO. On peut tourner la difficulté : à la
liqueur contenant les trois métaux à l'état de protoxy-
des et une grande quantité d'ammonium, on ajoute en
excès de l'eau oxygénée, puis, goutte à goutte, de l’am-
moniaque très diluée (1/10). Il se forme un précipité
rouge oransé de peroxyde CeO*, qui disparait petit à
petit à l’ébullition et fait place à un corps analogue à
l’oxyde cérosocérique., On le lave avec une solution de
nitrate d'ammonium à 5 °/,, on arrête la précipitation
par l’ammoniaque lorsqu'une prise d'essai, traitée par
l’eau oxygénée et l’ammoniaque, donne un précipité
parfaitement blanc. On ne peut empêcher la précipita-
tion d'un peu de didyme. Néanmoins ce procédé est
bien supérieur aux procédés proposés jusqu'ici el
mérite toute notre attention à une époque où la
chimie des terres rares semble sur le point d'opérer
une véritable révolution industrielle. — M. Engel a
reconnu jadis que le palladium précipité par l'acide
hypophosphoreux décompose cet acide et les hypo-
phosphites en hydrogène et acide phosphoreux. Le
composé connu sous le nom d’hydrure de cuivre
réagit de la même facon, même après avoir été
lavé avec l’eau bouillante et l'acide chlorhydrique
dilué. A lébullition il décompose indéfiniment l’hypo-
phosphite de baryum. — M.Chabrié,en soumettant un
mélange d’aldéhydate d’ammoniaque et d’éther à lac-
tion de l'hydrogène sulfuré, a obtenu un corps cristal-
lisé, fondant à 60°-63° et se:décomposant au-dessous de
100°, On peut lui donner la formule développée :
CHE CH
SH ON |
| —4zH—/ |
H H
Il a bien,en effet,les propriétés des sulfures et des aldé-
hydes ; on reconnaît qu'il est bien différent de la thial-
dine, produit de la réaction de l'hydrogène sulfuré sur
l'aldéhydate d’ammoniaque sec. — M. Baubigny à
envoyé une note sur les caractères analytiques d'un
mélange de sels de baryum, de strontium et de cal-
cium.
Er. CHaroN.
SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE. FRANCE
Séance du 20 Mars 1895.
M. D. André : Sur les permutations quasi-alternées,
— M. d'Ocagne : 1° Sur l'influence des erreurs toujours
de même sens dans les nivellements de précision.
2° Rectification approchée du cercle. — M. Laïisant :
Relation entre les cercles de courbure et les asymp-
totes. — M. G. Humbert : Génération géométrique
des asymptotiques de Ja surface de Kumner, —
M. Raffy : Sur une classe d'équations différentielles du
premier ordre, dont on obtient l'intégrale générale en
y remplacant Ja dérivée par une constante arbitraire.
— M. Goursat fait connaître une classe étendue de
solutions du problème dépendant de deux fonctions
arbitraires.
Séance du 3 Avril 1895.
M. D. André : Sur la structure des permutations
circulaires. — M. Lecoruu : Sur une équation fonction-
nelle, — M, Fleury : Sur un paradoxe du calcul de
l'infini, M. D'Ocacxe.
ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
SCIENCES PHYSIQUES
Lord Kelvin, P.R. S., Magnus Maclean, EF,
R.S.E., et Alex, Galt, F.R, S. E, — Electrisa-
tion de l'air et d’autres gaz par leur passage à
travers l'eau et d'autres liquides. — Les expériences
suivantes ont été exécutées dans le cours de juillet
1894 et sont la continuation d'expériences commencées
en 1868 au Laboratoire de Physique de l'Université de
Glasgow, qui furent interrompues pour diverses raisons
avant qu'aucun résultat décisif eùt été obtenu, À
4. — Un tube de verre en UV, avec des branches ver-
ticales (fig. 1), chacune mesurant environ 18 pouces de
longueur (0 m. 45) et {1 pouce de diamètre (0 m. 025 ),,
est fixé à un support non isolé (non représenté sur la.
figure). La moitié supérieure de l’une des branches est
enduite, extérieurement et intérieurement, d’un vernis
blanc ; l’autre branche est remplie de petits fragments,
de pierre ponce imprégnée d'acide sulfurique con=
centré ou d’eau. Un fil de platine, touchant la pierres
ponce par une de ses extrémités, la met en reJatio
avec l’électrode isolée d’un électromètre à quadrant E
Un vase de métal M entoure les deux branches du
tube en U sans les toucher et les protège des influences,
électriques extérieures; ce vase est mis en communi=
OINEE
Fig. 1. — Disposilif employé pour montrer l'électrisation del
l'air lorsqu'on lui enlève l'humidilé qu'il contient. — MA
vase de métal entourant les deux branches d’un tube en U
dont l’une est remplie de fragments de pierre ponce im
prégnée d'acide sulfurique. — LE, électromètre à qua
drants. À
calion par un fil métallique avec l'enveloppe extérieure
de l’électromètre. La partie du fil de platine à décou=
vert entre le tube en YU et l’électromètre est si courte:
qu'il n’est pas nécessaire de la protéger contre les!
influences extérieures, Le tube de dégagement d’une
soufflerie ordinaire est lié à l'extrémité non isolée du!
tube en U. On souffle alors de Pair à travers le tube
pendant une heure environ, sans arrêt. Lorsque lal
pierre ponce est imprégnée d'acide sulfurique, l’élecz
tromètre accuse, dansle cours de3/4 d'heure, une élec-
trisation positive d'environ 9 volts; quand la pierre
ponce est imprégnée d’eau, on n'observe aucun effet.}
La première expérience montre clairement que lair,
en passant à travers le tube en LU, abandonne del
l'électricité positive à l'acide sulfurique; l'air dessé»
ché, qui s’échappe du tube, doit, par conséquent, êtres
chargé d'électricité négative, Une expériénce analogue
dans laquelle la pierre ponce imprégnée d'acide sulfu=1
rique élait remplacée par des grains de chlorure d&l
calcium anhydre, donna le même résultat. On nota
toutefois que l’électrisation ne commence à se produire!
que lorsqu'on entend un bruit de barbotement, dù au
passage de l'air à travers un liquide rassemblé dans la
courbure du tube (provenant probablement de la con-|
densation de l'humidité de l'air par H?S0 ou Ca CP).
On a depuis vérilié que, s'il ne se produit pas d'effet)
électrique quand la pierre ponce est imbibée d’eau}
pure, c’est parce qu'il ne se rassemble aucun liquide}
dans la courbure du tube, — Lorsqu'on remplace le
tube en U par un tube droit, afin d'empêcher une,
AE OS Pa re Te de -
accumulation de liquide dans le tube, et lorsqu'on fait
passer l'air à travers le chlorure de calcium ou la
pierre ponce imprégnée d'acide sulfurique, on n’observe
plus aucune électrisation définie, excepté dans le cas
où le chlorure de calcium a été chauffé, avant l’expé-
ience, à 480 ou 200° et introduit encore chaud dans le
tube : l’électrisation est alors positive et très forte.
2. — Les expériences ont été continuées avec l'ap-
pareil représenté dans la figure 2. Un vase métallique
protecteur M est mis en communication au moyen
d’un fil mécanique avec l’une des paires de quadrants
d’un électromètre E. De l’eau, placée dans un vase
intérieur de verre ou de métal À, est également reliée
2. — Disposilif montrant l'électrisalion de l'air lorsqu'il
arbote à travers l’eau. — A, vase intérieur contenant de
l'eau reliée par un fil métallique à l'électromètre à qua-
drants E.
par un fil de platine avec l’autre paire de quadrants
de l’électromètre. Pour isoler l'appareil, on supporte
le vase A par un bloc de paraffine; le tube de verre qui
plonge dans l’eau est ajusté dans un second bloc de
paraffine, percé d’un canal à l’autre extrémité duquel
-s’emboîle le tube servant à l’entrée de l’air venant de
a soufflerie. Si l’on souffle de l'air à travers l’eau, on
observe que le vase À se charge d'électricité positive !.
Pour prévenir l’éclaboussement de l’eau hors du vase,
ou peut adapter un couvercle de papier à l’orifice; ou
bien on incline le vase comme le montre la figure 3,
de facon que les bulles d’air viennent crever contre la
‘paroi intérieure du vase. La moyenne des résultats de
Mig: 3. — Légère modification du dispositif représenté dans
& fiqure 2, el destinée à empécher l’éclaboussement des
gouttes d’eau hors du vase.
trois expériences donna üne électrisation positive d’en-
viron 6 volts en un quart d'heure.
3: —_ Puisque le vase s’électrise positivement, l’air,
sil est entré à l’état neutre, doit être électrisé négati-
ement après son passage. Pour le prouver, on se
sert de l’appareil représenté dans la figure 4. Il con-
Siste en un grand vase de fer-blanc VV, de 123 centimètres
de diamètre et 70 centimètres de hauteur, renversé sur
un baquet en bois revêtu de plomb, supporté par trois
morceaux de bois. En remplissant d’eau le baquet
on confine une certaine quantité d’air dans le vase
PO RC ER 2
4 En soufflant de l'air dans le vase sans que le tube plonge
dans l’eau, on n’observe aucune électrisation,
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
a ————_——_———
397
VV. CC est un écran métallique, en communication
avec le vase VV et l’électromètre E. L'écran entoure
l'électromètre et l'appareil figuré à sa droite qui est
destiné à laisser tomber de l’eau goutte à goutte dans
le vase VV; l'écran empêche ainsi toute influence
électrique extérieure qui pourrait altérer les résultats
des expériences, Cette protection de l’électromètre est
absolument nécessaire, surtout si d’autres expériences
électriques se font à proximité ou si des câbles servant
au transport de l'électricité passent dans la salle. En
faisant marcher l'appareil à écoulement d’eau et en
soufflant de l’air ordinaire du laboratoire à travers le
vase VV, on trouve que l'air s’électrise négativement
et d’une quantité égale à environ 5 volts en une heure;
L- == & 7
SN a —— fus)
LTTLIIITTITTTTTTTITT TITI IT IT TITI IST ALT T LITE TILL LITTLE IL
Fig. #4. — Appareil destiné ‘à montrer que l'air s'électrise
négativement lorsqu'on fait tomber de l'eau goutte à goutte
au travers. — VV, vase en fer-blanc retourné sur un ba-
quet rempli d’eau. — CC, écran métallique entourant l’élec-
tromètre à quadrants E et le récipient, figuré à sa droite,
duquel l’eau tombe goutte à goutte à travers l’air confiné
dans le vase VV.
on a vérifié en même temps un phénomène déjà re-
connu auparavant : c’est que plus l’air est exempt de
poussières, moins il s’électrise négativement par la
chute des gouttes d’eau. La courbe 6 montre l’électri-
sation d’un air assez riche en poussières; on obtient la
courbe 7 après avoir laissé tomber pendant 16 heures
des gouttes d’eau à travers l’air ayant servi pour obte-
nir la courbe 6; on voit que cet air, ayant été débar-
o ES 10 15 20 25
ï I =
Temps en minutes
|
Fig. 5. — Courbes montrant l'électrisation de l'air au tra-
vers duquel on a laissé tomber des gouttes d’eau. — La
courbe 6 a été obtenue après avoir laissé tomber les gouttes
d'eau pendant quelques instants seulement; la courbe 7
après que l’eau eut coulé pendant 16 heures et que l'air eut
été ainsi débarrassé de la majeure partie de ses poussières.
— Les abscisses représentent le temps en minutes; les or-
données les volts négatifs. — Les signes X indiquent le
moment où chaque goutte d’eau est tombée.
rassé par ce moyen d'une grande partie de ses pous-
sières, s’électrise beaucoup moins fortement. A Ja place
d’une soufflerie, on peut se servir d’un aspirateur qui
extrait l'air du vase; on filtre l'air qui entre dans le
vase au moyen d’un tube rempli de ouate. Les courbes
4 à 5 ont été obtenues successivement en faisant mar-
398
cher l'aspirateur de plus en plus longtemps, et, par
conséquent, en filtrant l'air de plus en plus; on voit
que l’électrisation diminue à mesure que les poussières
sont éliminées.
|
(
|
|
e 50 60 ol
6 di = À
Fig. 6. — Courbes montrant l'électrisation de l'air au hravers
duquel on a laissé tomber @es gouttes d'eau. — L'air dont il
s’agit a té auparavant filtré à travers de la ouate pour le
débarrasser de ses poussiéres. La courbe { provient de l'air
le moins bien filtré et contenant le plus de poussières; la
courbe 5 provient de l'air qui a été le plus complètement
débarrassé de ses poussières. — Les abscisses représentent
le temps en minutes, les ordonnées le degré d’électrisation
en volts.
— Si on prend de l'air presque complètement débar-
rassé de poussières et ne donnant plus qu'une faible
électrisation quand on laisse tomber des gouttes d’eau
au travers, et si on le souffle dans un tube débouchant
o 1] 10 25 20
(Zemps en mhnutes |
Fig. 7. — Courbe montrant l'électrisation de l'air qui a bar-
boté dans l'eau avant d'entrer dans le vase NV. — Les
abscisses représentent le temps en minutes, les ordonnées
l'électrisation en volts négatifs.
sous l’eau à l'intérieur du vase VV, de façon que l'air
barbote dans l’eau, on observe, en 12 minutes, une
électrisation négative moyenne de 5 volts. De même,
si l'on interpose, entre la soufflerie et le vase VV, un
tube en U renfermant, dans la courbure, de l’eau à
travers laquelle l'air devra barboter, on trouve que
l'air du vase VV s’électrise négativement d'environ
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
EE
8 1/2 volts en 25 minutes, La courbe 8 montre l’électri-
sation de l’air qui a barboté dans l’eau du tube en Y
avant d'entrer dans le vase VV.
— La figureS montre en coupe longitudinale et trans-
versale un dispositif intercalé soit entre la soufflerie
et le tube en U, soit entre le tube en U et le vase VV.
Ce sont des toiles métalliques placées entre de petits”
bouts de tuyau de plomb, maintenus ensemble par un
tuyau de caoutchouc. Douze toiles métalliques, placées
entre la soufilerie et le tube en UJ, avec ou sans ouate
entre elles, n’ont aucun effet sur l'électrisation subsé-"
Toile metalli Plo
ER M MT TT ET
RENNES É
tallique,
FSSSSSSSSRENNNNINEEESENNSIENNNNNT
Z LPO Dr
CSL SS SSII STI IS ISS ASS ITL LILI SSII SL 4
Æbonite;
Fig. 8. — Coupe longitudinale el b'ansversale d'un disnones 1
inlercalé entre la soufflerie et le lube en UV ou entre le
tube en W el le vase VV (lg. 4) et destiné à montrer l'in-
[luence des toiles métalliques sur l'électrisation de Pair.
quente de l'air par le barbotement dans l'eau; mais,
placées entre le tube en Yet le vase VV, elles désé-
lectrisent presque complètement l'air, même sans
ouate. Une seule toile métallique n’a qu'un petit
effet. 4
4. — Après avoir exécuté les diverses recherches,
précédentes, les auteurs firent une série d'expériences
quantitatives dans lesquelles ils utilisérent l'appareil
représenté dans la figure 2; on mesure alors l’électrie\
sation du liquide et non directement celle du gaz ayant
barboté au travers. À 3 centimètres au-dessus de lan
surface du liquide dans le vase A, on placa un écran,
composé d’un mince disque de cuivre, d'un diamètre.
inférieur de 6 millimètres à celui du vase, et destiné à
éviter la projection de gouttes d’eau au dehors du
vase, — Si l’on place dans le vase A 200 cc. d’eau d’ap-,
provisionnement de laville de Glasgow (venant du Loch
Katrine), et qu'on fasse passer de l'air au travers, la
moyenne de 17 expériences montre une électrisation «
de l’eau égale à 4 volts positifs. — Si l’eau renferme
une goutte d’une solution saturée de sulfate de zinc
l'électrisation positive est la moitié de celle qu'on
obtient avec de l’eau pure; si l’eau renferme 5 gouttes,
de la solution, l’électrisation est presque nulle. Avec
de plus fortes proportions de sulfate de zinc, jusqu'à.
saturation, l’électrisation devient légèrement négalive.n
_— Avec l’ammoniaque on observe les mêmes faits, |
mais l'électrisation reste toujours positive. — 7 expé-
riences avec l'acide sulfurique montrèrent une faible
électrisation positive qui alla en décroissant de 1/4 volt,
en 10 minutes, pour 0,5 °/, d'acide dans l’eau, jus
qu'à 1/16 volt, dans le mème temps, pour l'acide con-
centré, — 7 expériences avec l'acide chlorhydrique
montrèrent une faible électrisation négative, qui alla
en croissant de 1/2 volt, en 10 minutes, avec 4/30 076
d'acide en soiution dans l’eau, jusqu'à 4 1/# volt, dans
le même temps, pour une solution, — Le chlorure de
calcium ajouté à l’eau produit à peu près les mêmes
résultats. — 10 gouttes de benzène ou d’huile de paraf:
fine réduisent l’électrisation à 1/2, 30 gouttes de ben
zène à 1/3 de celle obtenue avec de l'eau pure. =
Moins de 40 °/, d’une solution saturée de phénol ajous
tée à l’eau n’a aucun effet sur l’électrisation ; avec
25 0/,, l'électrisation est réduite au 1/3 ; avec 100 °/s
elle est réduite au 1/6, — En faisant barboter de l'air
pendant 10 minutes à travers 200 ce. d’eau contenant |
les proportions suivantes d’une solution saturée de sel
marin, on obtient les électrisations ci-dessous :
«)-0,004 % de solution saturée de sel dans l’eau 2,4 volts positifs
, 70 k
b) 0,02 » » » 4 »
ue
ci 0,1 »” » » 0.6 » |
d) 0,5 » » » 0,# » |
e) 2,0 » , » 0,15 » ,
[) 4,0 » » » 0,0 »
10 gouttes d'alcool absolu dans 200 c.c. d’eau w’ont
as d'influence sur l’électrisation ; 50 gouttes la ré-
duisent à 1/2, 100 gouttes à 1/4; 25 à 50 % d’alcool
dans l’eau ne donnent plus qu’une électrisation posi-
M tive négligeable.
| 5. — En faisant barboter de l’anhydride carbonique
# àtravers de l’eau pure dans le vase A, on obtient
une électrisation positive de 8 3/4 volts en 10 mi-
> nutes. — Dans le même temps, de l'oxygène donne
une électrisation positive de 1/2 volt. — L'’hydro-
gène produit des effets différents suivant les cas.
Si, avant d'être employé, il a séjourné dans un gazo-
mètre, la moyenne de l’électrisation produite par son
passage à travers l’eau est de 2 volts positifs en 10 mi-
-nutes. Si l'hydrogène passe directement des flacons où
on le prépare dans l’eau du vase A, l'effet obtenu est
plus grand; quand l'hydrogène est préparé au moyen
de zinc et d'un mélange d'acides sulfurique et chlor-
hydrique et d’eau, l’électrisation se produit en 30 se-
condes et on enregistre plus de 10 volts; quand Phy-
drogène est préparé avec du zinc et de l’acide sulfu-
rique dilué, lélectrisation positive est de 6 volts en
7 minutes. - Lorsqu'on produitl’hydrogène directement
dans le vase À en y mettant de l’eau, un peu de zinc
granulé et en y laissant tomber quelques gouttes
d'acide sulfurique pur, on observe, lorsqu'il n’y à pas
d'écran pour empêcher l’éclaboussement de l’eau, une
\ électrisation négative au bout de quelques minutes
| (environ 9 volts). Lorsqu'on place un écran en cuivre à
“ 7 centimètres au-dessus de la surface du liquide, l’élec-
trisation est de 2 volts négatifs en 2 minutes, puis
l’électromètre revient au zéro en 5 minutes, et enfin,
dans les 6 minutes suivantes,.il arrive à marquer 6 volts
positifs. L’électrisation produite parle bouillonnementne
commence généralement à être perceptible qu’à la fin de
la première minute de l'expérience, et elle continue à
augmenter faiblement une minute ou plus après que le
barbotement a cessé. L'interprétation de ces expé-
riences est difficile et devra, sans doute, être cherchée
dans les propriétés de la matière.
E.C. Baly. A.I. C.—A quoi correspond le double
spectre de l'oxygène ? (Note communiquée par le Pro-
fesseur W. Ramsay F. R. S.) — Les deux spectres de
l'oxygène semblent être de nature différente. Ils se
comportent différemment, et il y a des raisons de sup-
poser qu'ils se rapportent à deux gaz vraiment dis-
tincts. Plusieurs hypothèses peuvent d’ailleurs être
faites à ce sujet : ou ils résultent de vibrations diffé-
rentes de la même molécule, ou bien ils correspon-
dent, soit à deux modifications différentes de Voxy-
- gène, soit à deux gaz nés de la dissociation de ce que
|
4
;
4
nous appelons actuellement l'oxygène. Il m’a paru
utile de faire des expériences en vue d’éprouver cette
dernière hypothèse. J'ai fait éclater l’étincelle dans
de l'oxygène contenu dans un appareil semblable à
celui employé par le professeur J. J. Thomson pour
ses expériences sur l’électrolyse de la vapeur. J'ai em-
ployé des électrodes de platine creuses, reliées cha-
cune. à une pompe à mercure de Sprengel. Dans mes
premières expériences, la distance entre les électrodes
était de 35 millimètres et la pression de 380 millimè-
tres : c’est la plus haute pression qui permet d'obtenir
les deux spectres. J’eus soin de déterminer la densité
de l'oxygène avant de faire passer les étincelles ; cette
densité servit, en quelque sorte, de témoin de la pu-
reté du gaz. A la suite de quoi, les portions de gaz re-
cueillies à l’anode et à la cathode furent pesées; le
tableau ci-joint indique les densités ainsi obtenues.
Les résultats de ces expériences sont conformes à
ceux que J, J, Thomson a obtenus avec des étincelles
de longueurs inégales : avec les longues, il obtenait à
la cathode un gaz plus léger qu'à l’anode; c'était l’in-
verse avec les étincelles courtes, Les gaz de l’anode
n'étaient pas si bien définis que ceux de la cathode,
quoique la différence fût dans le même sens. L'erreur
maximum probable de la pesée était 0 gr, 0001. Cette
ACADÉMNIES ET SOCIETÉS SAVANTES
399
erreur portait exactement sur la seconde décimale des
densités. On peut juger de l’exactitude des résultats
en les comparant aux densités de l'oxygène non sou-
mis à l’effluve :
DENSITÉ DU GAZ
recueilli
à la cathode avecde
courtes étincelles
DENSITÉ
DE L’OXYGÈNE
non soumis
à l’eflluve
DENSITÉ DU GAZ
recueilli
à la cathode avec de
longues étincelles
15.78 2.88 16
15.79 ÿ.87 16.
15 80 5.89 16
15.79 ».88 16
5.88 : 16
16.0:
Moyenne des résultats obtenus par d’autres expéri-
mentateurs — 15,887. La densité de l'oxygène à la
cathode après trois jours d'exposition aux courtes
étincelles était : 15,75.
Je continue ces expériences,
SOCIÉTÉ PHYSIQUE DE LONDRES:
Séance du 8 Mars 1895
M. Naber: Nouvelle forme de voltamètre à gaz. Dans
cet appareil, oxygène et l'hydrogène peuvent être re-
cueillis séparément, et le niveau du liquide à l’exté-
rieur et à l’intérieur de la burette peut être le même.
— M. Johnston Stoney : Héliostat local. Dispositif
pour sidérostats. L’héliostat local est un héliostat
réglé pour un lieu donné, pouvant seulement être
réglé par des latitudes assez peu différentes (par
exemple, un appareil pourra servir par toutes les îles
Britanniques). L'auteur indique des perfectionnements
apportés à l'appareil qui sert pour les observations de
spectroscopie sidérale et au réglage du sidérostat. —
M. G. Yule : Forme simple d’analyseur harmonique.
C’est une modification de l'appareil d'Henrici. —
M. Minchin : Mouvements de l'énergie dans le milieu
qui sépare des particules électrisées, en l’attirant en
vertu de la gravitation. Entre autres remarques, signa-
lons que l'énergie du milieu est à la surface du
soleil de 16 chevaux-heures par centimètre cube ; à la
surface d’Arcturus, elle serait 8.100 fois plus grande.
Séance du 22 Mars 1895
MM. Rücker et Edser: Réalité objective des sons
résultants. La question de la réalité objective des sons
résultants d’addition et de soustraction a donné lieu à
des discussions ; les auteurs ont mis en évidence cette
réalité dans certains cas, en montrant que ces sons
mettent en vibration des corps susceptibles de ré-
sonner, Comme résonnateur, ils ont employé un dia-
pason ; à l’un des bras de la fourche est fixée une
pièce de bois mince, d’environ ÿ centimètres carrés,
tandis qu'un miroir argenté est fixé à l’autre, et la
hauteur est réglée avec beaucoup de précision, à
64 vibrations doubles par seconde. Pour déceler un
mouvement dû à la résonance de l'appareil, le miroir
fait partie d’un système de miroirs destiné à produire
les franges d’interférence de Michelain. Si l'extrémité
de la verge se déplace de = de pouce (£ longueur
d'onde lumineuse), les bandes d’interférence dispa-
raissent. Comme source sonore, on emploie une sirène,
dont on règle la hauteur en observant la disparition
des battements avec un diapason dévié ou par la mé-
thode stroboscopique. Un large cône de bois, placé
entre la sirène et le diapason résonnateur, sert à ren-
contrer le son sur le disque de bois qu'il porte. La
sensibilité de ce dispositif est telle que, lorsqu'un
grand diapason de Kænig, donnant 64 vibrations par
seconde, est frappé, mais trop légèrement pour qu'un
400
observateur qui a son oreille contre le diapason ne
puisse pas entendre la note fondamentale, les franges
d’interférence disparaissent instantanément. L’appa-
reil n’est pourtant pas sensible à d'autre note que celle
qui à 64 vibrations par seconde. On a fait de nom-
breuses expériences en employant divers jeux de trous
de la sirène et, dans tous les cas, lorsque le son ob-
tenu par addition ou soustraction des nombres de
vibration correspond à 64 vibrations par seconde, les
franges d'interférence ont disparu. On a essayé aussi
de voir si le son résultant inférieur de Kœnig, quand
l'intervalle est plus grand qu'une octave, est objectif :
dans ce cas, les auteurs n’ont pu mettre en évidence
l'existence objective d'aucun son.
ACADEMIE DES SCIENCES D’A
Séunce du 30 Mars 1895.
1° SCIENCES PuysiQues. — M, Bakhuis Roozeboom
fait une communication relative à ses expériences sur
l'absorption de l'hydrogène par le palladium, faites en
commun avec M. le D' Hoitsema. A leur opinion, les
expériences de MM. Troost et Hautefeuille n’ont pas été
poursuivies assez loin pour permettre une conclusion
quant à l'existence de Pd?H. Les auteurs ont poursuivi
ces recherches de 0° à 190° et dans un intervalle de
pressions de 0 mill. à 6 atm. Si l’on désigne parp la
pression de l’hydrogène gazeux et par C la quantité de
gaz absorbé, exprimée en atomes pour {atome de Pd, on
obtient en général une courbe delaformeci-jointe (fig. 1.)
Aux tempéralures inférieures, la partie Il est presque
horizontale ; aux températures élevées, elle disparaît à
ISTERDAM
1
NOTICE NÉCROLOGIQUE
peu près. Les raccords de cette partie avec les deux
autres sont toujours graduels, Les valeurs C! et C2 qui
correspondent aux changements de direction les plus
forts, se déplacent avec la température, La dernière
peut passer par 0.5 à une température déterminée,
mais variant avec l’état du
palladium.1l résulte de tout
ceci qu’on ne peut accepter
l'existence d’une combinai-
son Pd*H, qui disparaitrait
dès que la concentration de
l'hydrogène absorbé aurait
dépassé la valeur de C!, De
mème la conception de la
coexistence de deux sortes
de solutions solides ne s’ac-
corde pas avec la totalité des
phénomènes. Et ainsi il ne
reste qu'une seule conception
possible, celle d'une seule - de
solution, dont la teneur en hydrogène s'enrichit gra-
duellement avec la pression. Cependant la partie presque
horizontale de la courbe donne à cette absorption un
caractère spécial, qu’on pourra peut-être expliquer enat-
tribuant à l'hydrogène, absorbé dans le Pd; les qualités
que ce même gaz à l’état libre acquerrait aux environs
de sa tempéralure critique, située beaucoup plus bas.
2° SCIENCES NATORELLES, — M. G. M. van Bemmelen
présente, au nom de la Commission géologique, un
mémoire du Dr Vogel intitulé : Les fossiles des Pays-
Bas dans le Musée de Leyde,
Fig. 1.
P. H. Scnoure.
NOTICE NÉCROLOGIQUE
BAYLE
M. Bayle, ancien professeur de Paléontologie à l'École
des Mines, est mort récemment, après une longue car-
rière entièrement consacrée à la Science et à l'Ensei-
gnement. M. Douvillé a pronencé son éloge funèbre
dont nous extrayons la notice suivante :
Bayle est né à la Rochelle en 1819. Dès son enfance
ses relations avec la famille d’un illustre naturaliste,
d'Orbigny, développèrent en lui un goût des plus mar-
qués pour l'histoire naturelle; mais sa vive intelligence
n’en élait pas moins ouverte à tous les sujets
d'étude.
Recu à l'Ecole Polytechnique en 1838, il en sortit
dans les premiers et fut classé dans le corps des
Mines. Ses professeurs à l'Ecole des Mines surent vite
discerner quels services on pouvait attendre -de ses
aptitudes spéciales: : il fut nommé bientôt professeur de
Géologie à l'Ecole des Ponts et Chaussées, et peu après,
en 1845, Elie de Beaumont le chargeait d’inaugurer à
l'Ecole des Mines l’enseignement de la Paléontologie.
Aucun choix ne pouvait être plus heureux : aux qua-
lités du naturaliste, Bayle joignait la rigueur du rai-
sonnement et l'esprit de méthode du mathématicien:
aussi combien de fois la justesse de son coup d'œil, la
précision de son jugement n'ont-elles pas provoqué
l'admiration de ceux qui venaient le consulter,
En 1855, ses premiers travaux sur les Rudistes mon-
trèrent qu'il était dès ce moment en pleine possession
de son talent, Doué d’une habileté manuelle étonnante,
il était arrivé à préparer d’une manière complète des
pièces dont on soupconnait à peine l'existence et, par
cela même, il tranchait définitivement une discussion
longtemps pendante entre les savants de cette époque.
Les qualités solides du naturaliste ne doivent pas
nous faire oublier le professeur; tous ceux qui ont eu
l'honneur d’être au nombre de ses élèves se rappellent
sa parole claire et précise, avec quel art il savait rendre
attrayantes les descriptions les plus arides! Dessina-
teur hors ligne, il excellait à faire revivre sous les yeux
de ses auditeurs émerveillés les antiques créatures
disparues. Rarement il a été donné d'entendre un pro-
fesseur plus brillant, et les applaudissements de ses
auditeurs ne lui étaient pas ménagés. <
Tout à coup, son activilé parait se ralentir; son
œuvre, son œuvre écrite, du moins, s'arrête presque
brusquement. Et cependant jamais il n'avait autant
travaillé : tous les jours on pouvait le voir dans son
laboratoire depuis le matin jusqu’à la nuit, occupé à
préparer et à classer ses chers fossiles, donnant à ses
élèves l'exemple de l’assiduité et du travail. C’est que,
renonçant à ses travaux personnels, il venait d’entre-
prendre une œuvre considérable, et il sentait qu'il Jui
restait juste assez de temps pour la mener à bonne fin.
JI avait résolu de constituer à l'Ecole des Mines une
collection äe Paléontologie qui püt rivaliser avec les
plus belles. Tout était à créer; aussi, rien ne lui coûte
pour atteindre ce but, ni son temps, nises démarches.
Séduits par son rôle et son ardeur, des géologues lui
apportent ou lui lèguent des collections importantes ;
en 1861 il fait acheter la collection Deshayes, et les
nombreuses séries de coquilles vivantes qu'il y trouve,
lui permettent de rapprocher pour la première fois
dans une collection publique les formes vivantes des
formes fossiles, Aiïdé par le regretté Bayan, il inaugu-
rait le classement zoologique qui seul peut mettre en
évidence les modifications que les animaux disparus
ont éprouvées dans la série des temps. j
La collection qui, à son arrivée à l'Ecole des Mines,
ne se composait que de quelques vitrines, occupe
maintenant 17 salles et plus de mille mètres carrés ; et
encore ces chiffres ne donnent-ils qu'une bien faible
idée de la tâche accomplie; il faut parcourir pas à pas
ces longues rangées de tables et de vitrines pour se
rendre compte de la grandeur réelle de l’œuvre.
Aussi le nom de Bayle ne périra pas : la collection
qu'il a si patiemment créée, cet admirable instrument
de travail qu'il a mis à la disposition de tous, restera
comme un exemple et comme un témoignage de ce
qu'une volonté ferme peut réaliser dans une vie
entière consacrée à la science.
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Le Directeur-(férant : LOUIS OLIVIER
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11
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6° ANNÉE
9 15 MAI 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENC
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE
Lorsque Regnault fit connaitre les résullats de
ses mémorables expériences sur la loi de Mariotte,
ce fut pour la majorité des savants une vraie décep-
tion d'apprendre que cette loi, d'une expression
mathématique sisimple, n’était qu'une approxima-
tion. Pour un peu, l’on aurait considéré cette con-
naissance plus exacte des phénomènes comme un
recul de la Science, jusqu'au jour où ces perturba-
tions ouvrirent aux chercheurs des aperçus nou-
veaux sur la Physique moléculaire. Si les lois de
Képler étaient rigoureuses, comme peuvent le
souhaiter les amis de la symétrie, sans doute le
calcul des éphémérides en serait facilité; mais il
nous manquerait, entre autres, un moyen d'évaluer
les masses des planètes dépourvues de satellites, et
tout un côté de la Physique céleste demeurerait
dans l'ombre.
Ces considéralions sur le rôle éminent des per-
turbatons dans la science s'appliquent tout parti-
culièrement aux recherches sur la Pesanteur. Il
peut sembler, à première vue, que les récentes
études sur le pendule, qui arrivent à peine à ajouter
une décimale à celles sur lesquelles on pouvait
compler depuis longtemps, aient nécessilé une
somme de travail hors de proportion avec les résul-
iats acquis. Mais ce sont précisément les dernières
décimales qui contiennent les données gràce aux-
quelles on peutpénétrer plusavantdanslanature des
choses. C'est la mesure des fractions de milligramme
et de micron qui nous mettra sur la trace de lois
nouvelles que nous ne soupconnons pas encore.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
Là Géodésie en est arrivée à ce point où les irré-
gularités visibles de la surface de la Terre commen-
cent à influer sur la forme de l’ellipsoïde idéal par
lequel on se plait à représenter le niveau également
idéal des mers, et où les nouvelles mesures vien-
nent déformer cet ellipsoïde de quantités supé-
rieures à celles que permettaient de prévoir les
erreurs probables des mesures antérieures.
Dès lors, l'objet de la science va se modifier.
Considérant les grandes lignes acquises comme des
lois asymptotiques, l’altention se portera de pré-
férence sur les déviations elles-mêmes : bien loin
de chercher à les atténuer ou à les éliminer, on
s’efforcera de les mettre en pleine lumière, et de
rattacher la Géodésie à la Géographie. Et comme
la surface n’est que l'enveloppe d’un noyau inconnu
dont elle dépend, il faudra solliciter le concours
des géologues et des physiciens.
Le rôle des observations du pendule dans celte
circonstance est de tout premier ordre. M. Helmert
va jusqu à leur attribuer, en ce qui touche à l’é-
tude du Sphéroïde, un degré de certitude supérieur
à celui qu’il accorde aux mesures directes d’ares
de méridien ou de parallèle. Et de fait, si la
science n'a plus affaire à la baguette divinatoire
et au pendule explorateur, elle trouve pourtant
dans cet admirable appareil de physique un organe
nouveau pour pénétrer les mystères des profon-
deurs du Globe.
Cela était d’autant plus opportun que les der-
nièresannées, en développant dansunelarge mesure
9
402
"+. MN CVS CN dd.
“ + _ ke , "k + te D,
E. CASPARI — LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE
notre connaissance du monde sidéral par l’appli-
cation de la spectroscopie et des autres méthodes
optiques, avaient moins fait pour l’obscur sous-sol
de notre propre demeure. Il n’est pas facile, au
premier abord, de concilier la classique hypothèse
d'un noyau fluide avec les déductions de Lord
Kelvin qui attribuent à l'ensemble de la Terre une
rigidité supérieure à celle de l'acier, et bien des
points d'interrogation se posent. En présence des
températures et des pressions qu’on est amené à
supposer dans les profondeurs, nos idées courantes
sur la Physique sont en défaut, el l’on n’a encore
aucune notion netle sur l'étal possible de la ma-
tière dans de semblables conditions.
Mais, même abstraction faite des résultats de cet
ordre qu'on peut en attendre, le pendule est fait
pour intéresser vivement les physiciens, par la
précision que comporte son observation, par les
détails ingénieux des expériences, par ses relations
avec la métrologie, etc. C'est par son moven que
Newton, et après lui Bessel, ont établi que la pesan-
teur agit de la même manière sur tous les corps,
quelle que soit leur nature ou leur densité. On se
rendra compte de l'infinie variété des recherches
auxquelles se prête cet appareilsisimple,en consul-
tant les deux volumes que M. Wolf a consacrés à
l'historique du Pendule et qui ont été publiés par
la Société française de Physique (tomes IV et V);
il suffit de lire les noms qui y figurent depuis Ga-
liée : Newton, Huyghens, les Bernoulli, Clairaut,
Euler, d'Alembert, Laplace, Poisson, Bessel, Fou-
‘aull, pour ne citer que les plus illustres parmi les
morts. On remarquera d’après cela que cette bran-
che de la Physique a élé traitée avec succès dans
notre pays. Sans doute, c'est à Galilée que revient
l'honneur d'avoir établi d’abord les lois de la gra-
vité, à Newton celui de les avoir rattachées à l'at-
traction universelle, à Huyghens la découverte du
centre d’ocillation et l'application du régulateur
aux horloges. Mais c'estau P. Mersenne et à Picard
que l’on doit la première détermination de la
pesanteur. Celui-ci trouve encore la mème lon-
gueur à Cetle, Paris, Uraniborg: mais peu après
Richer observe que le pendule à secondes est plus
court à Cayenne que sous nos latitudes. Puis, les
Académiciens du xvur° siècle, Bouguer et La Conda-
mine, portent le pendule en Amérique ; Borda exé-
cule la première mesure avec un appareil très
précis ; de Prony propose le pendule réversible,
qui sera repris plus tard par Bohnenberger et
Kater; Du Buat étudie la résistance de l'air au
mouvement, et Poisson en fait la théorie. Après cet
essor, il faut bien convenir que c’est à l'Étranger
que se font les plus importants travaux de la pre-
mière moilié du siècle, et que, jusqu'à la mémo-
rable expérience de Foucault, et malgré Biot, Frey-
cinet et Duperrey, nous n'avons pas beaucoup de
résullats à mettre en parallèle avec ceux de Kater,
Sabine, Foster, Baily, Bessel. Mais ces dernières
années ont vu un revirement dont la science fran-
çaise à droit d'être fière, et les travaux de M. le
commandant Deforges sont la digne continuation
d'une grande tradilion scientifique ‘. Nous nous
proposons d'en donner un aperçu dans ce qui suit.’
[
Au premier abord, rien n’est plus simple que la
théorie du pendule ; on peut l'établir presque
sans calcul, et les musiciens savent qu'un fil d’un
mètre avec une petite balle de plomb bat la se-
conde. Mais la formule élémentaire n’est vraie que
pour un point matériel, suspendu par un fil
inextensible et sans masse à un support abso-
lument fixe, exécutant dans un milieu sans résis-
tance des oscillations infiniment pelites. Huyghens
(1673) fit voir comment on peut trouver le pen-
dule simple synchrone d’un pendule matériel
ou composé ; il détermina le centre d’oscillation
et sa réciprocité avec l’axe de suspension. Daniel
Bernoulli (1747, donna la formule de réduction à
l'arc infiniment petit.
On pouvait donc ramener au pendule idéal les
observations d'un pendule matériel quelconque. Les
premiersobservateurs, Bougueret LaCondamine, et
aprèseux Borda, s’efforcèrentnéanmoins dese rap-
procher le plus possible du pendule simple. Mais le
pendule de Borda, si perfectionné qu'il fût, restait
un appareil d’observaloire, et les éléments de ré-
duction élaient susceplibles d'erreurs et difficiles à
vérifier. Le pendule réversible fournit un appareil
facilement transportable et dont la longueur pou-
vait se mesurer avec précision. De la réciprocité
des axes de suspension et d'oscillation il suit que
si l’on échange ces axes, en faisant osciller lependule
alternativement sur les deux couteaux qui les
matérialisent, el si l’on arrive à égaliser la durée
de ces oscillations, leur distance sera précisément
la longueur cherchée. Kater réalisait cette égalité
par le réglage des couteaux, ce qui était délicat :
Bohnenberger se contentail d'en approcher en
donnant aux couteaux une posilion fixe, el fit voir
qu'on pouvait calculer la durée théorique de l'os-
cillation d'un pendule de celte longueur, pourvu
que le centre de gravité ne fût pas au milieu de la
distance de ces deux axes. C'est sur ces principes
que Repsold construisil un appareil d’après les
indications de Bessel, et c’est celui qui est univer-
sellement adopté de nos jours.
1 Voir : Séances de la Société francaise de Physique, année
1888. Mesure de l'intensité absolue de la pesanteur, etc. (Pro-
cès-verbaux du Comité international des Poids ét Mesures
pour 4891). Mémorial du Dépôl de la Guerre, tome XV:
1er fascicule, 1894.
i
js doi ipi ASSET SEP RE ER LE,
< À es: £ - =
E. CASPARI — LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE
403
L'effet du milieu dans lequel a lieu le mouve-
ment, est complexe. D'abord, la perte de poid
hydrostalique entraine un accroissement de la lon-
gueur du pendule synchrone, qu'on peut calculer.
La résistance proprement dite du fluide se tra-
duit par une communication de force vive à celui-
ci; dans un fluide parfait, cette perte est considérée
comme une fonction de la vitesse, qui fait décroitre
les amplitudes sans affecter les durées. Mais il res-
sort précisément des expériences du pendule que
l'air n'est pas un fluide parfait et qu'il est néces-
saire d'avoir égard au frottement interne de ses
moléeules. La détermination expérimentale de ces
effets est due à Bessel, et leur théorie mathéma-
tique à M. Stokes. Bessel a montré, de plus, qu’on
peut éliminer l'effet total de l’air par la réversion,
pourvu que le pendule soit symétrique dans sa
forme extérieuré, et que les observations aient
lieu sur les deux couteaux dans les mêmes limites
d'amplitude. Il ya, dureste, un moyen excellent de
se mettre à l'abri de cette cause d'erreur : c’est
d'opérer dans le vide.
On voit comment on est arrivé peu à peu à sub-
stituer au pendule presque simple une pièce” plus
compliquée et plus lourde, pouvant se retourner.
Mais, par une étrange aberration, comme l’observe
M. Wolf, on donna à ce pendule massif un sup-
port formé d'un frêle trépied, composé de minces
tubes en laiton. De là des perturbations nouvelles,
qui déroutèrent d’abord les observateurs, mais
qui, finalement, ont conduit le commandant Def-
forges aux derniers perfectionnements et à une
précision supérieure.
L'effet de la suspension comprend deux ordres
de faits : d’une part, le roulement et le glissement
du couteau de suspension; d’autre part, l'entraine-
ment du support. Le couteau le plus parfait n'est pas
une arête rectiligne, mais un cylindre dont la cour-
bure est appréciable, et sur lequel l'appareil roule
au lieu de pivoter. Bessel apprit à éliminer cet
effet par l'échange des couteaux. Il avait, ainsi
qu'Oppolzer et Peirce, pressenti que ce roulement
devait être accompagné d'un glissement ; le com-
mandant Defforges a eu le mérite de mettre ce glis-
sement en évidence et de mesurer cette quantité
excessivement petile à l’aide d’un appareil très déli-
eat dont le principe lui avait été suggéré par M. Cor-
nu:ilse fonde sur l'observation du déplacement des
franges d’interférence produites par la réflexion de
la lumière sur deux glaces parallèles, dont l’une
est fixe et l’autre suit le déplacement du couteau.
Ce procédé est tellement sensible qu'il rend visi-
bles des déplacements d’un centième de micron.
C'est sur le même principe qu'est basée l'étude
faite par M. Defforges de l'entrainement du sup-
port par le pendule en mouvement. Peu sensible
pour les anciens pendules, assez légers el oscil-
lant sur des supports très résistants, cet effet à
pris une grande importance avec le pendule Rep-
sold. Il est dû à la composante horizontale de la
réaclion du pendule sur le support, et consiste en
un déplacement latéral de celui-ci, synchrone avec
l'oscillation du pendule ; MM. Peirce, Cellérier et
Plantamour en ont fait la théorie. Ce déplacement
peut être évalué soit par l’observation de la défor-
mation statique, soit par celle qui se produit
réellement quand le pendule est en mouvement ;
les deux coefficients, statique et dynamique, ne
sont pas égaux, et, chose très curieuse, l’observa-
tion a conduit à préférer le premier. Le comman-
dant Defforges explique ce fait paradoxal en le rat-
tachant au glissement même du couteau.
Mais, en présence des incertitudes qui peuvent
encore subsister sur la vraie valeur de cette cor-
rection, le savant officier a cru préférable de
l’éliminer, au moins dans les mesures absolues ; il
y arrive par l'emploi de deux pendules de même
poids et de longueurs différentes, oscillant alterna-
tivement sur le même support avec les mêmes
couteaux. La différence seule des longueurs
des pendules intervient dans le résultat final,
et l’on a de plus l'avantage d'éliminer aussi
l'effet inconnu de l'écrasement du couteau dans
le mouvement, et surtout celui de l'équation per-
sonnelle sur le pointé de l’arête, quand on mesure
la distance des couteaux. Cette mesure se fait
au moyen d'un comparateur muni de deux micros-
copes, dont chacun pointe alternativement une des
arêtes et une division d’une règle étalon. Kater,
qui employa le premier ce procédé, remarqua avec
surprise que les résultats différaient notablement
selon qu'on pointaitlecouteauobseursurle fond clair
oule couteau éclairé sur fond noir. Cette questionn’a
été complètement élucidée que par M. Defforges,
qui a montré que, dans le second cas, toute la partie
courbe de l’arête devientinvisible dans le micro-
scope, et qu’il faut pointer l’arète sombre sur fond
blanc, en l’amenant entre deux fils parallèles du
micromètre ; mais on sait que ces poinlés dissy-
métriques sont sujets à des erreurs assez impor-
tantes.
Il
C’est d’après les principes qui viennent d’être
exposés qu'a été conçu l'appareil du Service géo-
graphique pour la mesure de l'intensité absolue
de la Pesanteur, construit par Brunner. Il com-
prend :
1° Deux pendules de même poids (à kilogr.)
ayant respectivement 1 mètre et 0",50 entre les
arêtes de leurs couteaux communs;
2° Un plateau en bronze servant de support et
40%
E. CASPARI — LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE
destiné à être scellé à deux piliers en maçonnerie :
à ce plateau est fixée une cloche en cuivre rouge
qui enveloppe le pendule, munie de regards fer-
més par des glaces, et dans laquelle on peut faire
le vide :
3° Un appareil pour mesurer l'entrainement du
support;
4° Un appareil pour mesurer le glissement du
couteau ; .
3° Un appareil destiné à l'observation des coïn-
cidences :
6° Un comparateur pour la mesure de la dis-
tance entre les arêtes.
La durée des oscillations s'évalue par la mé-
thode des coïncidences : le commandant Defforges
a notablement modifié celle de Borda, en lui subs-
lituant une méthode stroboscopique, c'est-à-dire
basée sur la persistance des impressions très lumi-
neuses d'une faible durée. Elle permet de noter
les coïncidences aussi bien quand les vitesses sont
de sens contraire que lorsqu'elles sont de même
sens : d'où une vérificalion précieuse. Elle permet
encore d'atteindre une grande précision en peu de
temps, d'autant plus vite que l'amplitude est plus
grande; mais, méme avec des amplitudes de deux
minules d'arc, on obtient encore l'approximation
de a dans lFobservalion des äurées en 34 mi-
nutes. La pendule des coïncidences est elle-même
réglée par des observations astronomiques, ou
comparée à une pendule sidérale dont là marche
est exactement connue.
La série d'observations la plus importante a été
faite à Breteuil, au pavillon du Bureau internatio-
nal des Poids et Mesures, en 1888. Les détails des
opérations ont élé consignés dans les procès-ver-
baux du Comité international, publiés en 4891, On
trouvera dans celte publication l'exposé des pré-
cautions minulieuses qui ont été prises pour élimi-
ner les différentes causes d'erreur : délerminalion
exacte de la durée. réduction à la température
moyenne, à une pression constante et à l'arc infi-
niment pelit; mesure de la longueur, détermina-
tion du centre de gravité. Les observations ont été
faites par MM. Defforges et Benoît, à la pression
atmosphérique et dans le vide partiel à 10 milii-
mètres de mercure.
M. Defforges admet que le résullat calculé est
exact à ie près de la valeur de / ou de celle de 9,
soit environ à microns sur la longueur du pendule
à secondes, bien qu’« priori le calcul de l'erreur
probable par la méthode ordinaire semble donner
mieux. Nous pensons que celle réserve, appuyée
sur l'étude détaillée des perturbations, est très
sage. M. Helmert évaluait à Lu l'erreur des meil-
leures déterminations. Si l'on réfléchit aux inéga-
liés de marche des meilleurs régulateurs, à celles
que comportent les observations astronomiques, à
la difficulté d'évaluer exactement la lempérature,
on se convaincra que ce résultat est déjà fort beau.
Observons encore, d'après M. Defforges, que le
glissement du pendule sur son support qui, me-
suré direclement, équivaut à un déplacement de 5
de micron seulement, a pour effet d'allérer la lon-
gueur du pendule de 58 microns, c'est-à-dire
10 fois l'erreur probable de la détermination.
D'autres séries ont élé failes de 1887 à 1891, à
Nice, Paris (Observatoire), Greenwich, Rosendaël-
lès-Dunkerque, Alger, Marseille et Rivesaltes.
I
Ces observalions sont encore assez longues. En
effet, l'emploi de deux pendules avec échange des
couteaux conduit à faire 8 séries d'observations, et
16 si l’on retourne les pendules sur leur plan de
suspension de façon à échanger entre eux les deux
bouts du couleau, d’après le précepte de Baily. Un
pendule à couteaux échangeables n'est d’ailleurs
pas un pendule invariable, et nécessite de fré-
quentes mesures au comparateur. Cet appareil se
prêle donc malaisément aux délerminalions ra-
pides et nombreuses en des points différents, qui
sont nécessaires pour éludier à fond la répartition
de la pesanteur sur le globe.
Les délerminations absolues n’ont pas besoin
d'être fort multipliées, et, pourvu qu'on trouve à
s’y rattacher, des observations relalives suffisent.
Freycinet et Duperrey ont employé dans ce but
le pendule invariable. Mais il est difficile qu'il
reste absolument invariable pendant un long voyage,
el la vérification dépend du retour au point de
départ : si un changement s’est produit, celte in-
certitude affecte toutes les observations.
Le commandant Defforges a trouvé le moyen de
réaliser un pendule invariable à deux axes, en
rendant les couteaux fixes : on pourra encore lui
appliquer le principe de la réversion en faisant
occuper successivement au centre de gravilé deux
positions symétriques par rapport au centre de
figure, à quoi l’on arrive par le déplacement d'une
masse intérieure : c'est ce qu'on a appelé le pen-
dule énversable. Le commandant Defforges a pu, de
plus, tirer des observations mêmes un crilérium de
l'invariabilité de la distance des couteaux. En
opérant dans le vide, mesurant à chaque stlalion
l'élasticité du support etse servant de la méthode
des coïncidences, on oblient des résultats très pré-
cis. M. Defforges proscrit l'emploi du chronomètre,
el cette exclusion parait justifiée par la difliculté
de conserver la régularité de marche dans le trans-
port par terre : il n’en serait pas de même si le
chronomètre voyageait à bord d'un navire, l'ex-
périence ayant montré qu'un bon garde-lemps,
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E. CASPARI — LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE 405
————————————————————.—.
bien compensé el à spiral isochrone, ne présente
pas d'irrégularités dans sa marche diurne, si la
fusée est bien faite, et c'est là le cas des montres
modernes.
Huit séries d'observations suflisent avec le pen-
dule inversable, et le comparateur est supprimé :
lês observations peuvent donc être menées rapide-
ment et l'inventeur l’a prouvé tout dernièrement
dans ses voyages aux États-Unis et dans le Turkes-
tan russe : il avait déjà fait vingt-six stations entre
Edimbourg el Biskra de 1890 à 1892. L'appareil
s'est montré pratiquement invariable, puisqu'à
deux ans de distance, à Alger et à Paris, les durées
d’oscillations ont été trouvées les mêmes, à —— et
400.000
1 ", ms. x
à x de leur valeur près. La différence de pesan-
teurs absolue et relative, en quatre stations où les
deux avaient élé mesurées, est en moyenne de
’ roximat: d ré
: l’approximation de semble assurée.
150.000
IV
Après avoir décrit la méthode d'observation, il
convient d’en examiner les résultats. Les premiers
observateurs du pendule avaient pensé à en faire
un élalon de longueur. Cette application fut pro-
posée, dès 1674, par Picard, qui avait trouvé
cette longueur constante dans toute l'Europe :
plus lard, quand on en connut la variation entre le
pôle et l'équateur, on proposa dans ce but le pen-
dule à secondes équatorial. Mais, comme le remar-
quèrent les commissaires de l’Académie en 1791,
l'adoption de cet étalon fait intervenir dans la
fixation de l'unité de longueur deux considéralions
qui lui sont étrangères : celle du temps et celle de
l'intensité de la pesanteur. Aujourd'hui que nous
savons, par les expériences de Breteuil, que, malgré
les plus grands soins, l'approximation de la lon-
gueur en un point bien précis est de at et que
nous connaissons les incertitudes auxquelles donne
lieu la réduction à l’équateur, nous trouverions
que cet étalon n’est pas assez exact, surtout à côté
des admirables mesures de MM. Michelson et
Benoit, qui ont établi la longueur du mètre à moins
e ee, près, en le rapportant à une longueur
d'onde lumineuse. Ajoulons qu'en choisissant pour
unité de longueur une fraction du méridien, on ne
fut guère plus heureux : comme l’a fort bien dit
M. Faye, le mètre est la longueur d'une règle de
platine déposée aux Archives, à quoi l’on peut
ajouter comme renseignement qu'il est sensible-
ment Er de la longueur d’un méridien terrestre.
Au point de vue de la Physique, le pendule a
servi à Newton et à Bessel à démontrer que la
pesanteur agit de la même manière sur toute ma-
tière, quelle qu’en soit la nature : M. Wolf pense
qu'on pourrait reprendre ces expériences avec des
appareils plus précis.
REVUE GÉNÉRALR DES SCIENCES 1895.
Une des applications les plus intéressantes du
pendule est celle qu'on en a faite à la détermina-
tion de la figure du Globe. Peut-il servir à trouver
l’aplatissement de la Terre avec une précision
comparable à celle qui résulte des meilleures me-
sures d’arcs de méridien ou de parallèle? Des sa-
vants éminents l’ont pensé. Ils remarquaient no-
tamment qu'il est beaucoup plus facile de répartir
les stations du pendule sur la surface entière de
la Terre, tandis que les mesures géodésiques n’ont
que les continents pour champ d'exploration. Le
théorème de Clairaut donne une relation linéaire
approchée entre l’aplatissement, la force centri-
fuge à l'équateur et la différence relative de pesan-
teur entre l'équateur et les pôles, et, pourvu que
la figure de la Terre soit sensiblement celle d’un
ellipsoïde de révolution faiblement aplati aux
pôles, cette formule ne dépend d'aucune hypothèse
sur la distribution des masses dans l’intérieur.
M. Helniert s’est basé là-dessus pour admettre
que, dans l'espèce, les observations du pendule
ont plus de valeur probante que celle des longueurs
de degrés. Mais, pour tirer des observalions une
conclusion relative à la forme du niveau des mers
prolongé sous les continents, il est nécessaire de
les réduire à ce niveau. La formule de Bouguer, qui
exprime celte réduction en fonction de l'altitude
du point d'observation déduite du nivellement, a
le grave inconvénient de contenir la densité aux
alentours du point considéré et la densité moyenne
de la Terre : elle n’est donc plus indépendante de
la distribution des masses atlirantes. Son applica-
tion aux observations failes à Quito par son auteur
lui-même, comparées à celles faites sous la même
latilude au voisinage du niveau de la mer, a révélé
ce fait singulier qu'il faudrait, selon l'expression
de M. Faye, traiter les continents comme s'ils
n'existaient pas; Laplace en avait même conclu
que la densité moyenne du continent américain au
voisinage de Quito élail presque égale à celle de
l’eau, ce qu'il expliquait en admettant l'existence
de vastes cavités souterraines dans ce pays émi-
nemment volcanique. Mais cette observation n’est
pas unique, el toutes les fois qu’on à opéré à de
grandes altitudes continentales, le résultat a été
le même : défaut de pesanteur sur les continents,
excès de pesanteur sur les mers. M. Faye a pro-
posé pour ce fait paradoxal une explication très
ingénieuse, en faisant remarquer que la tempéra-
ture du fond des grands Océans communiquant
avec les mers polaires est très voisine de zéro,
qu'ainsi le refroidissement doit marcher plus rapi-
dement sous les mers; que là, par conséquent, la
croûte solide est plus épaisse et plus dense que
sous les continents. Nous trouverons la confirma-
tion de cette loi dans les observalions du comman-
So
106 E. CASPARI — LES ÉTUDES RÉCENTES SUR LE PENDULE
dant Deflorges: M. Stokes a essayé de faire voir
par la théorie même que, dans la formule de Bou-
guer, il fallait faire abstraction des masses sons-
jacentes jusqu'au niveau de la mer, au moins
quand on recherche l'allure générale du phéno-
mène : car, pour ce qui concerne des accidents lo-
caux importants, tels que des montagnes isolées,
l'expérience a montré que leur attraction doit
entrer en ligne de compte. M. Faye admet qu'en
gros il s'établit ainsi une compensation.
M:Helmert a proposé une méthode de réduetion,
qui consiste à supposer les masses voisines de la
surface physique condensées sur une surface inté-
rieure à la Terre, dont on peut calculer le potentiel,
et il a élabli des relations entre ce potentiel fictif
el le potentiel vérilable dont dépend la forme de
la surface de niveau : il a ensuite appliqué ces
formules à la revision de toutes les observations
du pendule publiées jusqu'en 1880. Il est arrivé
ainsi à réduire la grandeur des écarts, mais
sans les faire disparaitre, el il reconnail que la
différence de pesanteur entre les continents et
les mers est très réelle. Nous sommes donc ici en
présence d’une anomalie bien démontrée, et, dès
lors, sans exclure les observations du pendule de
celles qui peuvent concourir à fixer la forme du
sphéroïde, nous serons conduits à penser que la
précision avec laquelle elles nous renseignent sur
l'aplatissement est très inférieure à celle qu'on
pouvait attendre dela valeur des résultats par-
iels.
V
Mais, par cela même, si l’on ne peut guère espérer
perfectionner le résultat d'ensemble, le pendule
prendra un rôle éminent dans la détermination de
la marche de ces anomalies et de leur distribution
à la surface du géoïde. C’est là le point de vue
auquel se place la science actuelle, et l'adjonction
_ projetée de géologues à l'association des géodésiens
en est la caractéristique. Ces études représentent
comme des coups de sonde : plus ceux-ci sont mul-
lipliés, mieux on connait le relief sous-marin.
L’éxactitude absolue des résuitats n’a plus le même
intérêt : une erreur constante sur la longueur n'al-
térera pas plus les résultats relatifs qu'une erreur
sur le zéro de réduction ne change la forme d'un
banc de sable. M. de Sterneck a entrepris un grand
nombre de déterminations très serrées au moyen
d'un pendule invariable : pour opérer plus vite, ilse
sert d'un chronomètre, ce qui, nous l'avons déjà dit,
peut prêter à des objections pour les voyages sur
lerre ferme. Ces objections ne peuvent plus être
opposées aux observations que MM. le commandant
Defforges et le capitaine Bourgeois ont faites avec
le pendule inversable. La première série comprend
24 slalions choisies dans le voisinage du méridien
de Paris entre les latitudeside 55257! N.(Édimbourg
et 34 51'N. (Biskra). On y a ajouté un certain
nombre de déterminations antéricures du Service
géographique, et on a tout réduit au niveau de la
mer au moyen dela formule de Bouguer. Cette rédue-
tion à d’ailleurs été calculée pour trois valeurs dif-
férentes (2,0 — 2,4 — 2,8) de la densité superli-
cielle, avec la densilé moyenne de 5,53 (Cornu et
Baille). On a ensuite calculé pour les mêmes points
la pesanteur théorique par la formule de Clairaut,
avec l’aplatissement de Clarke, en partant de la
valeur y = 9,81000 trouvée pour Paris. Les résidus
ou différences des deux séries, généralement très
supérieurs aux erreurs possibles d'observation, et
très peu influencés par les hypothèses différentes
sur la densité, sont la confirmalion de ce que nous
avons dit plus haut,
M. Defforges, ayant eu plusieurs stations com-
munes avec les anciens observateurs, a pu déter-
miner les corrections à appliquer à leurs résultats
pour les rendre comparables aux siens. IL a pu
uliliser ainsi les observalions de Kater, Foster,
Sabine, Biot, Freycinet, Duperré, Lutke: il a réduit
de la même manière les observations de Bessel, el
celles de Basevi et de Heaviside aux Indes. Lui-
même a naguère porlé son pendule aux Elats-
Unis, de Washington à San Francisco, avec cinq
stations intermédiaires !, et, tout dernièrement
encore, dans le Turkestan russe et au Caucase.
M. Collet, professeur à la Faculté des Sciences de
Grenoble, a observé un pendule du Service géogra-
phique dans la région des Alpes Dauphinoises.
Parlout et toujours s’est vérifiée la loi que le
commandant Defforges formule ainsi :
« La pesanteur est distribuée très inégalement
«_ sur le Globe. La loi de Clairaut, vraie dans
« l’ensemble, est presque partout masquée par des
« anomalies locales importantes.
« Les lilloraux des diverses mers paraissent
« caractérisés par des anomalies faibles el presque
« constantes, variables d'une mer à l’autre.
« Lesiles présentent un excès considérable de
« pesanteur; sur les continents, la pesanteur est
« en défaut, et ce défaut croit généralement avec
« l'altitude du sol et la distance de la mer?, »
Voici (tableau [) quelques chiffres particulièrement
caractéristiques; l’anomalie de la pesanteur y est
exprimée en unilés de la 5° décimale, et lesigne +
est affecté au cas où la pesanteur observée est plus
grande que la pesanteur théorique déduite de la
formule de Clairaut, et réduite avec celle de
Bouguer.
1 Comples rendus, t. CXVIII, p. 229.
2 Mémorial du Dépôt de la querre, 4. IV, Observations du
Pendule, 12° fascicule, 1894.
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ÉT. JOURDAN — LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE
7,7 ner: Lee, 22 7
407
Tableau I
Spilzbere ee... alutude 6” anomalie + 88
Clermont. 2. 25 406 — 63
La Bérarde (Oisans 1738 —121
ÉCOSSAIS 20 + 93
Bad erreur ee 1050 —126
Sainte-Hélène... ....... 9 +225
Bonin-Sima .….....-... 2 +-326
CAPOT. mer 12 + 39
Calcutta 6 26
Moré (Himalay 4696 —198
San Francisco 114 1
Salt Lake City 1284 —-243
Pour apprécier l'importance de ces inégalités, il
suffit de considérer que celle de Moré est de plus
du dixième de la variation totale entre l'équateur
et le pôle.
Tableau II
L = 0m993827
g = 9"”S0870
Biot (1808-24... 0.993859 9.80889
Sabine (1827)......... 0.993860 9.S0890
Helmert (calcul). ..... 0.993S82 9.80922
Peirce (1875)... ...... 0.993950 9.80989
Defforges (1890)...... 0.993960 9.80999
Il n’est pas sans intérêt de donner ici (tableau Il)
les résultats oblenus successivement, depuis un
siècle, à Paris. La différence entre Borda et le com-
mandant Defforges est de 129, à peu près égale à
ILest fort difficile de donner des éléments mus-
rulaires une définition basée sur les caractères
morphologiques de ce système organique et em-
brassant toutes ses formes. Cette opinion, qui
est exacte lorsqu'on ne considère que les Ver-
tébrés, s'impose encore davantage si l'on tient
compte des connaissances qui résultent de l'étude
des tissus des animaux inférieurs; aussi nous pen-
sons que la contractilité, c'est-à-dire la manifes-
tation de la propriété essentielle de l'élément
musculaire, est le seul caractère qui soit commun
à Lous les lissus de ce groupe.
Mais est-il possible de distinguer toujours et
facilement la contractilité musculaire des mouve-
ments protoplasmiques que manifeste le sarcode
de toute cellule vivante ? Faut-il comprendre sous
la dénomination de fissu musculaire tous les élé-
ments doués du pouvoir de changer de dimension
ou de forme, ou bien faut-il faire un choix parmi
eux, et quel est alors le signe qui nous autorise à
les distinguer avec certitude ?
Le protoplasma des cellules vivantes peut se
mouvoir avec lenteur et en totalité dans sa masse ;
c'est là un phénomène général, une simple mani-
l’anomalie observée dans le massif du Pelvoux, la
plus grande de France.
M. Helmert avait été conduit à exclure le résul-
tat de M. Peirce comme ne cadrant pas avec l’'en-
semble : on voit combien ce nombre se rapproche
de celui de M. Defforges.
D'autres méthodes on! été proposées pour l'étude
de la pesanteur ou de ses variations. M, Mascart a
empleyé un gravimètre à hydrogène, tant pour la
mesure de la gravité en divers lieux que pour celle
de ses variations en un même point, et M. Berget
a utilisé le même appareil pour déterminer la
constante de l’atiraction. MM. d'Abbadie et Bou-
quet de la Grye ont fait, par d’autres moyens,
l’étude des variations de la pesanteur en un même
lieu, et M. de Jolly a employé la balance ordinaire
à la recherche des variations le long d'une même
verticale.
Nous n’avons pas fait entrer ces intéressants
travaux dans le cadre de notre élude, parce que
seules les observations du pendule fournissent
une série assez étendue de résullats comparables
entre eux pour permettre d'établir un ensemble de
conclusions.
E. Caspari,
Ingénieur-hydrographe de la Marine.
Répétiteur à l'Ecole Polytechnigne.
LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE
festation d'une propriélé des éléments anatomi-
ques. Il peut aussi émettre des prolongements sous
la forme de pseudopodes, de flagellums ou de «its,
Ces derniers deviennent même l'apanage d'un
groupe de cellules épithéliales que l’on a appelées
cils vibratiles et auxquelles on donne aussi quel-
quefois le nom d'épifhélium moteur. À cause de la
similitude des propriétés, ce dernier groupe est
celui qui estle plus difficile à distinguer des cel-
lules musculaires.
Les caractères qui distinguent les épithéliums
moteurs à cils vibraliles des épithéliums moteurs à
fibrilles musculaires et des tissus musculaires en
général sont les suivants : L'apparition d’un appen-
dice moteur, pseudopode transitoire, flagellum ou
cil, n’a pas entrainé de modification essentielle
dans la forme de la cellule, qui appartient toujours
au type épithélial. Cette partie motrice du proto-
plasma cellulaire ne se distingue pas par ses pro-
priélés optiques, par ses réactions histologiques
du reste du protoplasma cellulaire; elle peut même
se rétracter et se confondre alors avec le reste du
protoplasma de la cellule. Enfin, si l'on réfléchit à
la distribution de ces cellules à eils vibraliles dans
408
le règne animal tout entier et à la nature des mou-
vements auxquels ils peuvent donner naissance,
on voit qu'il n'existe plus aucun lien entre les épi-
{héliums moteurs etles épithéliums musculaires et
qu'il est impossible de faire dériver les seconds des
premiers. Les mouvements auxquels les battements
des cils vibratiles donnent naissance, s'effectuent
toujours à la surface d’un organe ou à la surface d'un
organisme ; ils peuvent entrainer un déplacement
de la cellule ou de l'association cellulaire à laquelle
ils appartiennent: ils peuvent aussi déplacer les
corpuscules qui se trouvent à sa surface; mais, par
leurs mouvements. ils ne changent ni la forme ni
les dimensions des organes ou des organismes
dont ils font partie. Au point de vue physiologique
la distinction est ainsi complète.
Le role des cellules à cils vibratiles tend à s’ef-
facer de plus en plus à mesure que l'on s'adresse
à des êtres plus haut placés dans la série. Il semble
que le but atteint par les cellules à cils vibratiles
soit réalisé par d’autres éléments anatomiques qui
tendent à les suppléer d’abord, à les remplacer
ensuite, el qui sont les cellules musculaires.
Le lissu musculaire apparail sous forme de cel-
lules du type épithélial dispersées en surface au mi-
lieu des éléments adaptés aux fonctions sensilives
ou glandulaires dans les couches ectodermiques ou
endodermiques des Cælentérés. A cel élat il est ca-
pable de modifier la surface du corps, il peut y faire
apparaitre des plis; il peut aussi raccourcir un tube,
modifier son calibre. Les manifestations les plus
élémentaires de son pouvoir nous sont offertes par
les changements d'état que peut présenter l'Hydre
d'eau douce. Ce n’est que plus lard, et par suite
d'une adaptation de plus en plus parfaile à une
fonction déterminée, que ces cellules se groupent
en organes spéciaux, en muscles qui serviront à
des changements de forme des organes ou à la loco-
motion de l'animal. — soil que, faisant partie du
derme comme chez les Mollusques, ils permettent
à ces animaux des déplacements lents ebréguliers,
soil que, en rapport avec des leviers, comme chez
les Arthropodes et les Vertébrés, ils facilitent des
mouvements plus actifs et des eflorts bien plus
robustes. La cellule musculaire en accomplissant
mieux ses fonctions s'écartera davantage de la
forme de la cellule épithéliale d'où elle procède;
elle prendra de plus en plus le cachet de son rôle :
elle deviendra une fibre musculaire.
Nous ne commencerons pas l'étude du tissu mus-
eulaire par un lableau de classification des diffé-
rents étals morphologiques sous lesquels il peut
se montrer. Nous préférons suivre les modificz-
Lions successives que la cellule de contraction pré-
sente chez les différents types de la série animale ;
nous verrons ensuite s'il est possible de les ralla-
ÉT. JOURDAN — LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE
cher à un certain nombre de formes fondamen-
lales. -
Si l'on considère l'élément musculaire à ses
débuts, c'est-à-dire lorsqu'il apparait à l’état de
simple essai chez les types inférieurs de la série
ou lorsqu'il se montre dans les premiers stades de
l’évolution des Vertébrés, on voit que, dans les deux
cas, le Proloplasma non différencié de la cellule
l'emporte en volume sur la brille musculaire à
peine ébauchée. L'élément qui plus tard deviendra
un faisceau musculaire strié de Vertébré n'est
représenté alors que par une cellule à noyau mul-
tiple, dite #yoformative. Le protoplasma de cette
cellule produit une fibrille à laquelle plusieurs
autres ne Lardent pas à s'associer jusqu'à ce que le
protoplasma formateur ne soit plus représenté que
par quelques traits granuleux accompagnés de
noyaux. Ces élats évolutifs peuvent rester perma-
nents chez différents types d'Invertébrés.
Le lissu musculaire des Cœlentérés dérive toul
enlier de la cellule ectodermique à prolongements
contracliles que Kleinenberg avait dénommé cel-
lule neuro-musculaire et qui à élé appelée depuis
cellule épithélio-musculaire (P1., fig. 1). Cet élément
musculaire se compose d’une cellule qui porte à son
extrémité profonde des prolongements en forme
de fibres. Une élude attentive démontre que ces
prolongements sont dus à l'existence d’une fibrille
fusiforme qui s’est formée au sein du protoplasma
de la cellule ectodermique. L'élément musculaire
semble ainsi provenir de l'association d’une cellule
et d’une fibrille, et, suivant l'importance relative de
l'une ou de l’autre de ces parties, la forme générale
de l'élément variera. La cellule est lantôt haule,
cylindrique, munie même d’un cil, tantôt courte el
pavimenteuse. Le pied de ces cellules s'étale sur
un corps fusiforme dont la longueur est des plus
variables et qui se distingue Loujours de la masse
non différenciée du protoplasma cellulaire par une
homogénéilé plus grande, par un élat physique
différent, par la forte coloration qu'elle prend sous
l'influence des réaclifs histologiques.
Ces cellules épithélio-musculaires peuvent rester
éloignées les unes des autres, dispersées à la base
des couches épithéliales ectodermiques. Elles res-
lent bien dislineles, ne se confondent pas en fais-
ceaux, conservent leur individualité anatomique et
forment une nappe musculaire dont l'activité el lim-
portance physiologique peuvent s’aceroilre par l'ap-
parilion de plis de plus en plusprofonds à sa surface
(PL, fig. 2). Quelquefois la partie épithéliale de la
cellule s’atrophie,landis que les fibrilles musculaires
s'accalent else soudent avec celles des cellules voi-
sines, cle façon à constiluer une forme cellulaire nou-
L
|
ÉT. JOURDAN — LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE
109
elle composée de plusieurs éléments agrégés. Elles
réalisent alors l'aspect que l’on rencontre dans les
muscles des cloisons mésentériques desActiniaires,
où elles sont très répandues. Mais cel état n'est
que secondaire et ne correspond pas à un véritable
stade de l’évolution du tissu musculaire. La plu-
part de ces fibres sont lisses. Les stries transver-
sales apparaissent chez les formes pélagiques. On
. Lrouve, dans les appendices du vélum des Méduses,
des cellules épithélio-museulaires à fbrilles striées
en travers, landis que, dans la forme hydraire des
mêmes espèces, on ne rencontre que des éléments
musculaires lisses. Oa remarquera que l’apparilion
des stries correspond à une activilé plus grande
du tissu musculaire.
Les fibres musculaires des Vers sont aussi va-
riées que les différents Lypes dont la réunion cons-
litue cet embranchement. Chez les Turbellariées,.
elles se rapprochent par leur aspect de la cellule
conjonclive : elles sont ramifiées et forment sous
les couches épithéliales et dans le parenchyme du
corps un plexus de fibrilles qui émanent de ces
cellules et qui sont difficiles à débrouiller. Elles
réalisent ainsi une autre forme d’élément muscu-
laire, la fibre mésenchymateuse de Hertwig, qui
peut exister seule ou être annexée aux cellules
épithélio-musculaires dans d'autres organismes,
chez lesquels elle sert aux mouvements des appa-
reils de la vie de nutrilion.
Les Hirudinées possèdent des fibres musculaires
semblables. Les éléments contractiles des Néma-
todes sont comparables à ceux des Cœlentérés.
Chez les Vers annelés nous rencontrons un élal
d'évolution plus avancé du tissu musculaire, qui
résulte d’une différenciation plus complèle de la
cellule épithélio-musculaire. Les fibres qui cons-
tituent les [uniques musculaires des parois du corps
de ces animaux varient de forme dans des limites
assez grandes. On peut cependani les rapporter
à deux types : les unes sont à peu près cylin-
driques, les autres sont nettement lamelleuses.
Mais entre ces deux extrèmes il existe une série
intermédiaire d'éléments. plus ou moins ruba-
nés, qui permettent de passer de l’un à l'autre.
Ces fibres musculaires sont lantôt fusiformes el
courtes : elles sont alors visibles dans toute leur
étendue dans le champ du microscope. D'autres
fois elles prennent des dimensions longitudinales
beaucoup plus grandes : leurs extrémités sont rom-
pues, et il est fort diflicile d'apprécier exactement
leur longueur. On peut distinguer comme parlie
constitutive de ces fibres une substance contrac-
tile remarquable à sa coloration intense el à son
aspect homogène, et-un noyau accompagné d'un
corps protoplasmique plus ou moins abondant.
L'existence d’une membrane d'enveloppe semble
douteuse : nous pensons même que dans la plupart
des cas elle n'existe pas ; c'est tout au plus si au
niveau du noyau on aperçoit une mince pellicule
hyaline qui semble maintenir le nucléus en contact
avec lélément auquel il appartient; mais celte
membrane rudimentaire ne tarde pas à disparaitre
dès que l’on s’écarte du noyau.
Lorsque ces fibres sont lamelleuses, elles mon-
trent toujours un bord plus épais que l’autre; le
bord épais porle même une arèle de renforcement,
le bord mince est déchiqueté et garni de prolonge-
ments irréguliers.
La substance contractile de ces fibres est le plus
: souvent parfaitement homogène, et un examen
attentif de pièces bien fixées montre qu'il est
impossible d'y découvrir des stries tranversales ou
longitudinales. On remarque, il est vrai, quelque-
fois un aspect spécial qui pourrait faire croire à
l'existence d'une grossière strialion transversale.
Les réaclifs colorants, et en particulier l’héma-
toxyline, font voir, en effel, des segments alterna-
Lifs, clairs et sombres, qui donnent à la fibre une
apparence plutôt zébrée que striée; ilest facile de
remarquer que ces fausses sirialions correspon-
dent, à de vérilables épaississements de la sub-
slance musculaire et doivent êlre considérées
comme des ondes de contraction n'ayant rien de
commun avec les slries transversales des muscles
des Arthropodes et des Vertébrés (PL, fig. 3).
Les éléments musculaires sont cependant striés
chez quelques Vers annelés. On en trouve un trèsbel
exemple chez la Protula intestinum (PT. fig. 4). Les fi-
breslamelleuses dela région postérieure du corps de
cette espèce offrent une véritable striation, tantôt
transversale, Lantôt oblique, loujours bien régu-
lière et bien indiquée surloul dans les régions
sombres de la fibre. Ces stries sont très fines, ne
se distinguent bien qu'avec l'aide de forts grossis-
sements. On remarque que, ici encore, la présence
de cesstries correspond à une contraction brusque,
Les Annélides Lubicoles du type des Protules sont,
en effet. remarquables par la vilesse avec laquelle
elles contractent leur abdomen et s'enfoncent dans
leurs tubes.
Cel exemple de striation transversale n’est pas
unique chez les Vers ; nous rappellerons celui des
fibres musculaires longitudinales des Chétogna-
thes, où l'on trouve des strialions transversales
aussi netles et aussi fines que les précédentes. IL
s’agit ici encore d’un groupe dont les représen-
tants appartiennent à la faune pélagique et mènent
par conséquent uae vie aclive.
Les fibres musculaires des Annélides ont tou-
jours des directions parallèles; il en résulte
qu'elles ont beaucoup de tendance à former des
lames ou des étuis contracliles, dont l'épaisseur
410
e
ÊT. JOURDAN — LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE
peut s’accroitre par l'apparition de plis, qui finis-
sent par décomposer la couche primitive en grou-
pes distincts, qui deviennent tout autant de mus-
cles. Le plus souvent la fibre s’est complètement
dégagée de la cellule épithéliale génératrice ; sa
nature et sa filiation sont donc difficiles à établir
chez l'adulte. Elle peut aussi contracter avec l’épi-
thélium des parois du corps, dans certains cas du
moins, des rapports curieux et difficiles à expli-
quer ; les extrémités libres des fibres museulai-
res peuvent se continuer avec les pieds des cel-
Inles épithéliales, soit directement par la base
effilée de la cellule, soit par l'intermédiaire d'un
renflement creusé en calice, dans lequel la cel-
lule est implantée. Cette disposition a été décrite
chez plusieurs Vers annelés et chez les Arthro-
podes.
Enfinle groupedes Syllidiensest remarquablepar
les fibrilles striées qui garnissent la paroi dela
trompe de cette famille : il est encore difficile de
bien comprendre la nalure exacte de ces éléments
et la place qu'il est possible de leur assigner dans
les Lissus musculaires.
Il
Chez les Mollusques, le système musculaire n’est
pas constitué par des fibres arrangées parallèle-
ment, mais par des éléments disposés en réseau
formant dans le derme une couche musculaire
dificile à dissocier. Ces fibres sont cylindriques,
fusiformes, très longues, et, au lieu de se terminer
en pointe, elles se pénicillent à leur extrémité,
indiquant ainsi leur structure fibrillaire. Elles sont
unicellulaires et sont formées d'une gaine épaisse
et réfringente de substance contractile disposée
autour d'un axe sarcodique granuleux, riche en
glycogène el où se trouve logé le noyau. La sub-
stance contractile tantôt entoure le noyau, tantôt
occupe un seul côté de la fibre. La disposition des
fibrilles peut aussi se modifier d'une autre facon ;
au lieu d’être disposées en faisceaux parallèle-
ment à la direction générale de la fibre, elles pren-
nent quelquefois une direction oblique, de sorte
qu'elles décrivent autour de l'axe de véritables
tours de spire, tantôt läches el dessinant, sur
la fibre des stries obliques, tantôt serrées au
point quel'élémentmusculaire offre l'apparence des
faisceaux musculaires striés (PL, fig. 5). Elles réali-
sent ainsi un lype particulier de lissu musculaire
à fibrilles spiralées qui est assez répandu chez les
Lamellibranches, où, dans plusieurs genres, il con-
stitue les muscles adducteurs des valves, et
aussi chez les Gastéropodes etles Céphalopodes. Le
véritable lissu musculaire strié est donc rare chez
les Mollusques; on le rencontre cependant dans les
muscles du Perten jarobeus, où la finesse de la stria-
tion transversale égale celle des mêmes tissus chez
les Mammifères.
La strialion (transversale, qui est exceptionnelle
dans les formes précédentes, devient la règle chez
les Arthropodes. Dans les tuniques musculaires de
l'intestin des Insectes, les éléments de contraction
sont représentés par des fibres en forme de ban-
delettes striées en travers, qui se divisent à leurs
extrémités et vont s'anastomoser avec des prolon-
gements semblables de fibres voisines, formant
ainsi une sorte de réseau musculaire, Ces fibres
sont pourvues d'un noyau placé en dehors de la
substance contractile dans une masse protoplas-
mique qui accompagne l'élément. Les muscles de
la vie de relation sont constitués chez les Arthro-
podes par de grosses fibres qui correspondent en-
tièrement par leur structure aux faisceaux striés
primilifs des muscles des Vertébrés. Leur étude
peut donc se confondre avec celle de ces derniers.
. Le tissu musculaire des Vertébrés se divise en
deux groupes bien distinets suivant qu'il appartient
aux organes de la vie de nutrition ou qu'il fait
partie des muscles de la vie de relation. Dans le
premier cas, les éléments conslilutifs de ce lissu
se laissent facilement ramener à la forme cellulaire ;
dans le second la cellule myoformative primitive
a proliféré, son noyau s’est mulliplié et les indivi-
dualilés nucléaires qui ont résulté de sa proliféra-
lion sont restés réunis sous une même enveloppe
cellulaire, constituant ainsi une cellule volumi-
neuse polynucléée, qui est devenue le faisceau
strié primilif. |
Les éléments musculaires à un seul noyau sont
représentés parlesfibres de la tunique intestinale et
par celles qui font partie du myocarde (PI., fig. 6).
La cellule musculaire des parois de l'intestin est
fusiforme ; elle offre des stries longitudinales qui
correspondent à des fibrilles disposées autour du
noyau à la façon d’une enveloppe corticale. Les
éléments du muscle cardiaque dérivent de cette
forme cellulaire, mais ils en diffèrent par la
présence d'une striation transversale des plus
neltes. Les fibres musculaires du cœur de la gre-
nouille peuvent servir de forme de passage; elles
sont fusiformes, composées de fibrilles qui tendent
à se dissocier, à se diviser en pinceau à chacune de
leurs extrémités. Ces fibrilles sont de longueurs
inégales el disposées irrégulièrement chez les
autres Vertébrés; il en résulte que l'aspect de
l'élément peut être complètement changé sans que
sa constitution essentielle soit différente.
Le système musculaire de la vie de relation se
présente chez les Vertébrés avec des caractères
tellement différents que, si l’'embryogénie ne nous
venait pas en aide, il serait fort difficile de ratta-
cher les grosses fibres qui le constituent aux élé-
D ne, À
PIE
ti
Fc. 3.
Fic. 8.
LÉGENDE
: L2
F1a. 1. Cellules épithélio-musculaires des tentacules de Sagastia parasitica (d’après Hertwig). — Fio. 2. Deux cellules
musculaires de l’ectoderme du plateau buccal d’Anthea cereus (d’après Hertwig). — KFic.3. Fibres musculaires de l’'Her-
mione hystrix : À, vue d’ensemble de la fibre avec ses épaississements au niveau des ondes de contraction; B, un des nœuds
de contraction montrant la fausse striation transversale. — Fic. 4. Fibre lamelleuse de Protula intestinum : A, ensemble
de la fibre; B, striation vraie que cette fibre présente lorsqu'on l'observe à un fort grossissement. — Fic. 5. Segment d’une
fibre musculaire à fibrille spirallée de Sepiola Rondeletüi (d’après Baïlowitz). — Fic. 6. Fibre musculaire lisse ou fibre-
cellule montrant le noyau central et La striation longitudinale (d'après Ranvier). — Fie. 1. A, Faisceau strié primitif
des muscles de l'Homme (fragment montrant les stries transversales) : a, stade anisotrope ou disque épais; à, strie isotrope
montrant, au milieu, le disque mince g; #, noyau. B, Faisceau musculaire de la Grenouille, divisé en fbrilles : k, noyau
(d'après Ptôhr). — Fi. 8. Fibrille de laile de lHydrophile, dissociée par la demi-dessiccation après un séjour .de vingt
quatre heures dans lalcool au tiers; coloration à l'hématoxyline : c, disque épais; m», disque mince; @, espace clair;
h, strie intermédiaire. Gross. : 2.000 diam. (d’après Ranvier).
LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE
(Article de M. Ét. Jourdan)
REVUE GÉNERALE DES SCIENCES, t. VI, no 9. Imp. phot. Alfred ARON, 30, rue Lebrun, Paris.
ÉT. JOURDAN — LE TISSU MUSCULAIRE DANS LA SÉRIE ANIMALE FAT:
ments dérivés des cellules que nous venons de
décrire. Ici, comme chez les Arthropodes, le
faisceau strié primitif provient de cellules dites
myoformatives dont le protoplasma édifie des
fibrilles très fines, qui se présentent, dès qu'elles
apparaissent, avec des stries transversales très
nettes. Ces fibrilles restenten contact, et, à mesure
que les dimensions de la cellule augmentent, le
nombre des noyaux s’accroil aussi par division du
noyau primitif, de telle sorte que l'élément muscu-
laire finit par être constitué par une grosse fibre à
noyaux multiples encombrée de fibrilles muscu-
laires. Get élément nouveau a pris le nom de fuis-
ceau strié primitif (P1., fig. 7). Ces fibres diffèrent des
éléments des autres tissus par leur volume consi-
dérable, puisqu'on avait même admis que dans
certains muscles elles allaient d’une extrémité à
l’autre de l'organe. On leur accorde aujourd’hui
des dimensions moins considérables, et l'opinion
précédente n’est plus admise que pour les muscles
courts ne dépassant pas 3 à 4 centimètres; lors-
qu'ils constituent des muscles plus volumineux, les
faisceaux striés se terminent dans la masse muscu-
laire par des extrémités en pointe; mais ces dimen-
sions longitudinales peuvent aussi dans ce cas
s’accroitre et aller, d’après quelques auteurs,
jusqu'à 12 centimètres. Leur épaisseur, bien moins
grande, varie également entre 15 et 150 millièmes
de millimètre.
On décrit à ces faisceaux striés une membrane
d’enveloppe qui porte ici le nom de swrcolemme. On
rencontre dans leur épaisseur des noyaux nom-
breux dispersés au sein de l’élément ou situés
immédiatement au-dessous du sarcolemme. Le
protoplasma édificateur de la fibre a presque com-
plètement disparu et la substance musculaire est
constituée par des fibrilles qui donnent au faisceau
primitif une situation longitudinale bien nette.
Chacune de ces librilles est composée de tranches
qui ont des propriétés optiques différentes. Les
parties également réfringentes de chaque fibrille
occupant les mêmes niveaux dans l'élément, il en
résulle que le faisceau tout entier est zébré de
stries transversales alternativement claires et
foncées. Ce dessin se montre àvec beaucoup de
netteté chez les Arthropodes, à cause de la grande
épaisseur des stries, On a pu alors, en appliquant
à leur étude les matières colorantes et la lumière
polarisée, distinguer des bandes transversales
foncées, très sensibles à l’action des teintures em-
ployéesenhistologie, et d'autres claires, réfractaires
aux mêmes agents. Ces stries se succèdent régu-
lièrement d’une extrémité de la fibre à l’autre dans
l'ordre suivant (Pl.,fig.8): à une bande foncée, appelée
aussi disque épais succède une üande claire, divisée en
deux par un petit espace qui offre les mêmes ca-
ractères que le disque épais ; ces le disque mince.
Enfin, des lentilles suffisamment puissantes lais-
sent distinguer, au milieu du disque épais, un mince
espace clair appelé série intermédiaire. On a pu
ainsi établir la succession suivante : un disque
mince, une bande claire, un demi-disque épais, une
bande claire ou strie intermédiaire, un demi-disque
épais, une bande claire, un disque mince, et ainsi de
suite. La substance musculaire se trouve ainsi
divisée à l'infini et les moindres changements de
forme de chacune de ces particules entraine des
modifications immédiates de la totalité de l’élé-
ment.
Les faisceaux striés primitifs des Arthropodes
et des Vertébrés représentent sans doute le degré
ultime d’adaptation du protoplasma cellulaire aux
fonclions motrices.
IT
Si nous voulons maintenant établir une classifi-
cation des tissus musculaires, nous voyons qu’une
division naturelle semble s'imposer à l'esprit
comme conséquence du travail d'analyse que nous
venons de faire.
Les tissus de contraction peuvent se rattacher de
près ou de loin à la forme cellulaire du type épithé-
lio-musculaire ; ils représentent ainsi un premier
groupe de Llissus musculaires. Ces éléments peu-
vent aussi réaliser d'emblée le type fibrillaire :
la cellule myo-formative évolue alors rapidement
chez l'embryon, elle est difficile à saisir ou échappe
même complètement chez l'adulte ; ils forment le
second groupe dans cette première catégorie d'é-
léments musculaires.
Si nous considérons maintenant les origines-de
ces tissus, nous voyons que, lorsque la cellule mus-
culaire prend naissance chez l'embryon aux dépens
de l’ectoderme ou de l’endoderme, ou même du
mésoderme épithélial, elle a conservé souvent de
son origine un cachet qui l'éloigne de la cellule
conjonctive et qui en fait quelque chose de spécial :
elle se rattache directement à l'élément épithélio-
musculaire, soit que ces caractères se montrent
chez l'adulte, par exemple chez les Cœlentérés, les
Echinodermes et les Annélides, soit que l’onarrive
àasaisir lesstades decette évolution chez l'embryon :
la substance contractile de l’élément se présente
alors comme une parlie surajoutée au protoplasma
de la cellule, annexée à lui, pour ainsi dire, au
début, finissant par l’encombrer ensuite.
Lorsque la cellule musculaire dérive des élé-
ments migrateurs qui se sont séparés hätivement
des feuillets épithéliaux de l'embryon, le proto-
plasma tout entier de la cellule a acquis la facullé
musculaire sans que nous voyions se séparer de
lui, au moins dans la plupart des cas, une partie,
412 F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES
s
UIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
d’où la
difficullé de distinguer ces éléments des cellules
lixes du tissu conjonclif; il suffit, pour adopter
celle opinion, de penser aux fibres musculaires des
Mollusques, à celles des parois des artères el de
l'intestin des Vertébrés.
Que l'on adopte ou non les idées de Hertwig en
embryologie, on est bien obligé de reconnaitre
qu'elles facilitent la classificalion des Lissus mus-
culaires, et que ceux-ci peuvent présenter un /ype
épilhélinl où un /ype conjonctif : d'où la classification
admise par plusieurs zoologistes, qui divisent les
tissus musculaires en lissus musculaires épitheliaux
el lissus musculaires mésenchymateux. Nous voyons
seulement des phénomènes secondaires d’adapta-
lion à des fonclions semblables faire converger
vers une forme commune des éléments bien dis-
une fibrille plus spécialement contractile :
linels à l’origine: c'est ainsi que Jes stries trans-
versales qui décomposent la substance contractile
en particules susceptibles de changer de forme
plus rapidement, se montreront en même temps
que nous verrons se manifesler des contractions
brusques.
Ces striations apparaissent dans les fibres mus-
culaires, d'une facon tout à fait indépendante de
leurs origines ; leur existence est liée à la vigueur
el à la rapidité de la contraction : eiles ne sont en
rapport ni avec la forme, ni avec les relations de
parenté de l'élément qui les possède, mais elles
nous en révèlent les propriétés physiologiques el
sont l'indice d'une adaptation plus parfaite.
Et. Jourdan,
Professeur à la Faculté des Sciences
et à l'Ecole de Médecine de Marseille.
L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
L'industrie des suifs se rapporte au groupe des
industries dites préparatoires, dont le but principal
estde fournir à d’autres industries, plus spéciales,
leur matière première. Les divers produits que les
fondeurs de suif livrent au commerce sont des-
linés à la fabrication des chandelles et des bou-
gies, à la savonnerie, à la parfumerie et à la cor-
roierie, au graissage des essieux de voiture et des
grosses pièces mécaniques, enfin à la fabrication
du beurre artificiel.
Ces produits dérivent des substances vulgaire-
ment désignées sous le nom de corps gras. Ges corps
sont des glycérides ou éthers de la glycérine.
La glycérine élant représentée par la formule
C3H5 (OH),
on peut remplacer chacun deses 3 groupes OH par le
radical monoatomique d'un acide.Si, par exemple,
on introduit ainsi trois fois dans la molécule de la
glyvcérine le radical C6 H#0?de l'acide palmilique,
on oblient un éther gras : le lripalmitate de glv-
cérine :
CHS(CI6H3102)?,
Cet éther existe dans la graisse du bœufetcelle
du mouton. Cette graisse est, en réalité, un mélange
de plusieurs éthers constitués semblablement par
la combinaison de la glycérine avec un acide par-
liculier. Les acides qui, dans le suif, se trouvent
unis à la glycérine, sont
1° l'acide
2° l'acide
3° l'acide
4° l'acide
CI6H?20?
CUH5#102
Ct8H3%07
C'SH31G2
palmitique: 4..."
margarique
SIÉATIQUE,.
oléique, ....
Ils forment respectivement :
1° le tripalmitate de glycérine ou tripalmiline
29 le margarate de glycérine ou margarine
3° le stéarate de glycérine.. .. ou stéarine
4° l’oléate de glycérine........ ou oline
Le suif est donc un mélange de tripalmitate, de
margarale, de stéarate et d'oléate de glycérine.
Tandis que la constitution des acides palmitique,
stéarique et oléique semble aujourd’hui bien fixée,
il ne semble pas permis d'affirmer que l'acide
margarique représente un composé du même
ordre; peut-être la malière ainsi appelée et qui
correspond à la formule brute C'TH%0? est-elle, en
réalité, un mélange de plusieurs acides voisins.
La margarine, quiest le glycéride de cette subs-
lance, est solide à la température ordinaire; il en
est de même de la tripalmiline et de la stéarine.
L'oléine pure est, au contraire, liquide : c'est elle
qui conslilue la majeure partie des huiles, no-
lamment de l’huile d'olive. Plus sa proportion est
grande dans un suif, plus ce suif est mou.
C'est sur le phénomène dela saponification que re-
posent toute la chimie et l'industrie des corps gras;
ce phénomène consiste en ceci : Quand on traite
ces substances par un alcali, on unit à cet alcali
l'acide qui élait combiné à la glycérine et l'on met
celle-ci en liberté.
On peut aussi, en faisant agir un acide minéral
sur les corps gras, l’unir à leur glycérine et mettre
en liberté les acides gras.
Ce sont là les réactions fondamentales utilisées
dans toute l'industrie qui sera décrite ici.
(LA DIRECTION).
:
|
F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
13
J. — HISTORIQUE
L'emploi du suif des amimaux pour l'éclairage
est fort ancien. La candela des Romains était une
sorte de torche que l'on obtenait en plongeant dans
du suif fondu la moelle de certains végétaux. Les
Celtes et les Gaulois savaient faire des chandelles
de suif avec mèche de lin ou de chanvre; vers le
milieu du x1° siècle, ces fibres furent remplacées
par la mèche de coton. L'éclairage par la chandelle
constituait déjà un progrès sur l'éclairage par
l'huile et par les Lorches de résine. Les statuls des
chandelliers de Paris et une ordonnance du
. x siècle concernant leur corporation l(émoignent
de l'importanee qu'avait alors la fabrication des
chandelles et montrent qu'à cette époque on savait
préparer la chandelle plongée et la chandelle roulée.
En 1815. Braconnol et Simonin tentèrent de faire
des chandelles plus dures et moins sujeltes à cou-
ler,en employant seulement la partie la plus solide
du suif, qu'ils arrivaient à séparer de l’oléine au
moyen de l'essence de térébenthine. Cette tenla-
tive n'eut pourtant aucun succès industriel.
En dehors de son emploi pour l'éclairage, le
suif trouvait quelques débouchés dans les savon-
neries du Nord; mais il n’a pris réellement de l'im-
portanee, au point de vue industriel, que vers 1836,
grâce aux beaux travaux de Chevreul sur les corps
gras, vérilable point de départ de l'industrie
sléarique: et il est à remarquer que toules les
découvertes, tous les perfectionnements qui ont
été réalisés dans cette industrie sont dus à des
savants français : Chevreul, Gay-Lussac, Camba-
cérès, de Milly et Motard, Frémy, Bouis, Dix.
Hugues, Michaud. L'industrie stéarique, créée en
France, fut très florissante jusque vers 1873: mais
ensuite elle n’a pu se développer comme à l'Étran-
ger, par suile el des condilions économiques qui
pèsent sur notre industrie en général et d’une légis-
lation spéciale qui affecte lastéarinerie depuis 1874.
L'acide oléique et la glycérine, produits secon-
daires de la fabrication des bougies stéariques, ont
lrouvé (le premier dans la savonnerie) de nombreux
débouchés, quiont contribué à maintenir la valeur
commerciale du suif. Il faut néanmoins reconnaitre
que des causes nombreuses el puissantes tendent à
diminuer l'importance de l’industrie du fondeur de
suifetla valeur de lamatière première qu’ilemploie.
La bougie stéarique, qui constituait un progrès
très notable sur la chandelle de suif, voit, en effet,
sa consommalion se restreindre de plus en plus par
suite du développement qu'a pris l'éclairage par
le gaz, par l'électricité, et surtout de l'importation
de plus en plus considérable deshuiles minérales,
américaines et russes, destinées à l'éclairage.
Dans le domaine industriel, la découverte de la
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
| Saponification sulfurique, permeltant d'employer,
pour la fabrication des bougies, les huiles de
palme concurremment avec le suif, l'emploi en
savonnerie des huiles de koprah, l'extraction de la
glycérine des lessives des savonniers et l'invention
de nouveaux explosifs resfreignant les débouchés
que trouvait la glycérine dans la fabrication des
dynamites, pèsent lourdement sur le cours du suif.
Si la dépréciation de la valeur du suif ne s’est
pas manifestée d’une facon plus désastreuse en
présence de tant de facteurs défavorables, il faut
en chercher la cause dans la découverte de la mar-
garine par Mège-Mouriès (1869), découverte qui a
ouvert au suif des débouchés extrémement impor-
tants, en créant l'industrie des suis comestibles
et de la margarine, et qui seule peut s'opposer à
l'extrème abaissement du prix du suif.
Lôin de protéger cette industrie de la margarine,
de ce beurre de bœuf, qui rend tant de services à
l'alimentation, on a vu les Pouvoirs publics, incités
par la coalition des intérêts agricoles, chercher à
entraver le développement de cette industrie, espé-
rant ainsi relever les prix des produits de la laite-
rie, el par suile, la valeur des fermages.
Sans cesse menacée dans ses intérêts, toujours
sous le coup de projets liberticides, l'industrie de
la margarine n’a pu se développer en Francecomme
elle l'a fait au delà de nos frontières : les fabriques
les plus importantes ont pris le parti de se trans-
porter à l’Étranger, d'autres ont fermé. et cette in-
dustrie, qui, tout en consommant une grande quan-
tité de lait, ouvrait à la partie la plus importante
des abats, — le cinquième quartier, — des débou-
chés grace auxquelsle prix du suif de boucherie pou-
vaitse maintenir à un Laux rémunérateur pour l'agri-
culteur et l'éleveur, tend de plus en plus à péricli-
ter dans le pays même où elle avait pris naissance.
La fabrication des saindoux composés, pouvant
concourir par leur bon marché avec les lards
compounds des Américains, était devenue assez
imporlante en France et avait ouvert de nouveaux
débouchés aux suifs comestibles. Les droits.de
48 francs par 100 kilogrammes qui frappent les
graisses alimentaires addilionnées d'huiles végé-
tales à leur entrée dans Paris arrêteront le dévelop-
pement de cette industrie, et le cours du suif, qui
ne pouvait se relever qu'en raison directe de l’im-
portance des débouchés du suif comestible, coni-
nuera à baisser {il est aujourd'hui à 55 francs.
La découverte de Mège-Mouriès, en créant l'in-
dustrie de la margarine et des suifs comestibles,
a modifié notablement l'industrie du fondeur de
suif. Jusqu'en 1886 les fondeurs de suif {exception
faite pour quelques-uns) se bornaient à préparer
sous le nom de Suif aux cretons, Suif à l'acide.
Suif de place, petits Suifs, etc., la malière pre-
F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES
AA
SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
mière destinée à la stéarinerie el à la savonnerie.
La découverte de la margarine, la baisse continue
du cours du suif à fabrique décidèrent les fondeurs
de suif à s'outiller pour la fabrication des suifs
comestibles, de l’oléo et de la margarine.
Le moment était-d'autant plus propice que le
prix élevé du beurre leur permellaitd'écouleravan-
tageusement leurs produits, le prix du suif en
branches, réglé sur le cours du suif à fabrique,
élant tombé à un prix incroyable de bon marché.
La même transformation de l’indusirie du fon-
deur de suif eut lieu à l'Étranger, notamment en
Hollande, el aux États-Unis, mais sur une échelle
beaucoup plus vaste: car cetle industrie n’a pas
eu à compter avec les tracasseries qui, Sous pré-
texte de protéger l’Agricullure, sont faites en
France aux fabricants de margarine.
Nous prendrons comme lype, pour la descrip-
tion de l'industrie du fondeur de suif, un fondoir
produisant le suif comestible et le suif à fabrique.
II. — SUIFS COMESTIBLES
Les Suif$comestiblescomprennentun ensemble de
dérivés du Suif de boucherie, dit suif en branches :
les premiers jus, l'Oléo-Margarine el la Margarine.
$ IL. — Fremier traitement du Suif en branches.
Le suif en branches provient de l’abatage des ani-
maux de boucherie et fait partie du cinquième
quartier, constitué par la peau, la tête, les cornes
et le suif. Les lieux de production du suif en bran-
ches sont: 1° les abattoirs municipaux: 2° les
abattoirs particuliers; 3° les boucheries.
On distingue deux sortes de suif en branches:
celui qui provient directement de l'abattoir et celui
qui est fourni par les étaux des bouchers. Le pre-
mier est généralement en gros morceaux, d'une
couleur blanc-rosé, opalin, d’odeur franche et de
saveur fraiche: il est supérieur au suif d’étal, tani
au point de vue de la fraicheur et de la qualité que
du rendement; mis de suite en fabricalion, il n'a
pas le temps de prendre le goût de suif: il con-
vient pour la production des suifs comestibles de
première qualité.
Le suif d'étal est en petits morceaux; il est or-
dinairement inférieur comme fraicheur au suif de
l’'abaltoir, parce qu’il séjourne chez les bouchers
avant le ramassage par les voitures des fondeurs.
Dans les grandes villes, le suif des élaux est re-
cueilli tous les jours par les garçons fondeurs:
dans les villages ou centres peu importants, le suif
n’est enlevé qu'une ou deux fois par semaine.
Le fondeur paie le suif en branches à raison de
70 °/, de rendement sur le cours ofliciel du suif
frais fondu; le suif en branches donnant en
moyenne un rendement en suif fondu de 80 °/,, cet
écart de 10 °,, constilue la rémunération des frais
de fabrication et le bénéfice du fondeur. Ainsi, le
suif fondu étant coté 56 fr. 50 les 100 kil., et le
rendement accordé élant de 70 °/,, le prix du suif
en branches ressort à 39 fr. 55.
Le fondeur fabricant de margarine se base géné-
ralement, pour établir son prix d'achat du suif en
branches, sur les prix auxquels il a vendu ses pro-
duils le mois précédent, défalcation faile de ses
frais généraux, ainsi que de ses frais de main-
d'œuvre et d'enfûlage.
Dans les centres où l'industrie des suifs comes-
libles a une certaine importance, l'organisation du
fondoir à pour base la participalion des bouchers,
qui s'engagent à livrer leurs suifs moyennant un
prix approximalif fixé à l'avance. A la fin de l’an-
née, défalcation faite des frais généraux, des inté-
rêls payés aux actionnaires et de 5 °/, des béné-
fices attribués au personnel, les bénéfices nets
résultant des opérations du fondoir sont répartis
entre les bouchers participants, el ce au prorala de
leurs fournitures de suif pendant l’année. Cette
organisalion es{ celle du Fondoir Central de Paris.
L'industrie du fondeur de suif est représentée par
le Syndical Général des Corps Gras, qui compte
quatre cents adhérents.'et il existe une société de
secours muluels pour les ouvriers fondeurs de suif.
Fontoirs. — Le suif en branches, après avoir élé
épluché à l'abatloir, est porté au fondoir, où l'on
procède au triage des morceaux el à la sélection
des différentes sortes de suif.
Le suif de mouton, ayant une odeur swi yeneris
trop prononcée, el le suif de veau, s’allérant trop
facilement, n'entrent pas comme matière première
dans la fabrication de la margarine.Ces deux sortes
de suifs éliminées, on choisit les morceaux prove-
nant de la loile, du ratis, du nillet, destinés à fournir
une qualité supérieure. Les autres morceaux, mé-
langés avec les belles parties du suif d’étal, ser-
vent à fabriquer une qualilé également fraiche,
mais secondaire comme finesse de goût.
Fubrication du premier jus. — Sous le nom de pre-
mier jus, on désigne le suif obtenu par fusion, à
basse température, des suifs en branches frais.
Cette dénominalion est réservée aux suifs débar-
barrassés de tripalmiline et de stéarine et desli-
nés à l'alimentation et à la fabrication de l’oléine.
Les morceaux de suif, une fois triés, sont por-
tés dans un atelier spécial, fortement aéré, où ils
subissent une dessiccation partielle, qui à pour
effet de conserver le suif frais jusqu'au moment
de la mise en fabrication. En Amérique el dans
quelques fondoirs francais, le suif, après triage,
est jeté dans des bacs d’eau glacée, el lavé à plu-
F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS AS
sieurs reprises pour enlever le sang et les impu-
retés.
Au moment de sa mise
_à la fonte, le suif est di-
visé en pelits fragments
par une machine à ha-
cher, puis soumis à un
broyage qui réduit le suif
en une sorte de pulpe, de
_sorle que la graisse peut
se séparer des cellules
graisseuses el des mem-
branes, par la fusion.
La figure 1 représente le système de hacheur-
broyeur le plus usité. Cet appareil, placé au-dessus
des cuves de fusion, est monté sur une boile en
fonte et formé de qua-
tre cylindres superpo-
sés; les deux cylindres
supérieurs sont armés
de grosses dents ai-
guës ; les cylindres in-
férieurs ont une den-
ture plus fine; ils sont
animés d'un mouve-
ment de rotation diffé-
rentiel. Le suif, déchi-
queté et écrasé par son
passage entre les ev-
lindres, estdélachépar
des raclettes et tombe
dans la cuve à fondre.
La fusion du suif
broyé s'opère dans une
cuve en bois de sapin
blanc munie d'un ser-
pentin - barboleur en
fer étamé reposant sur le fond. Un robinet-
genouillère, pourvu à son extrémité d’une crépine,
et une bonde complètent l'appareil (fig. 2, récipient
supérieur). |
La cuve, élant remplie d’eau jusqu’au liers de sa
hauteur et chargée du suif provenant des broyeurs,
est chauffée au moyen du barbotteur de vapeur.
Afin d'éviter la surchauffe de la graisse et d'activer
la fonte, l’ouvrier fondeur remue continuellement
la masse du suif au moyen d'une sorte d’aviron en
bois. Sous l’action de la chaleur, la graisse fond et
Fig. 1. — Hacheur-broyeur.
Modèle de
frères.
MM. Boyer
Fa
Æ
vient surnager, tandis que les cellules et les mem-
branes se déposent.
Dans quelques usines on procède, durant la fonte,
à un lavage de la graisse, en changeant l’eau de la
chaudière à plusieurs reprises. La graisse fondue
est décantée, au moyen de la genouillère, dans un
bain-marie placé au-dessous de la cuve de fusion,
comme le représente la figure 2. Ce bain-marie est
Fig. 2, — Appareil pour la fonte des premiers jus.
Modèle de M. Bréhier.
formé d’une cuve en fer étamé munie d’un robinet
de vidange fixé un peu au-dessus du fond, pour
permetlre l’écoulement de la graisse. Cette cuve
est placée dans une double enveloppe en bois for-
mant bain-marie, chauffé, au moyen d’un barboteur
de vapeur, à environ 60 degrés.
Pour aider à la séparation et à la précipitation
des débris de membranes et des impuretés rete-
nues dans la graisse fondue, l’ouvrier y projette
soit du sel marin, soit des mélanges de sels alca-
lins et de sel marin. Après deux heures de repos,
environ, la graisse étant bien clarifiée, on la fait
s’écouler par le robinet situé au-dessus du fond du
bain-marie, soit dans des jalots, soit dans des fûts
préalablement déodorisés par la vapeur, si elle est
destinée à la vente comme premier jus. Les impu-
relés sont évacuées par
le robinet de vidange
fixé au fond de l’appa-
reil, et mises de côté
pour servir à la fabri-
cation du suif indus-
triel.
Afin d'éviter l’entrai-
nement, par le barbo-
leur, des corps étran-
gers’tels que l'huile et
le mastic provenant
des joints du généra-
teur, tels aussi que les
gaz provenant des ma-
tières en décomposi -
tion de l’eau de la chau-
dière , M. Bréhier a
construit un système
de cuve chauffée au
moyen d'un courant
de vapeur circulant dans une double enveloppe
(fig. 3). La fonte du suif en branches se fait directe-
Fig. 3. — Cuve Bréhier chauffée par un courant de vapeur
d'eau circulant dans une double enveloppe.
ment sans eau, on évite ainsi les pertes de graisse
qui, dans le système précédent, se produisent pen-
dant l'écoulement de l’eau. La fonte au moyen de
416
celle cuve ne supprime pas l'emploi du bain-marie
reposoir.
Pour les belles qualités de premier jus, la tem-
pérature de fusion ne dépasse pas environ 60 de-
grés: pour les qualités secondaires, la température
peut être portée jusqu'à l'ébullition de l’eau.
Quel que soit le système de cuve à fondre em-
ployé, la fonte des suifs comeslibles ne se fail
jamais à feu nu, afin d'éviter un goût de cuit qui
rendrait la graisse impropre à lalimentalion.
Lorsque le premier jus doit servir à la fabrica-
ion de l'Oléo. il est, au sortir du bain-marie de
repos, réparti dans des bacs d'une contenance
d'environ 50 kilos, que l’on porte immédiatement
dans une chambre chauffée à 38 degrés et Lenue à
l'abri de tout courant d’air.
On l’abandonne au repos, dans ces conditions,
pendant 48 heures ; la malière grasse cristallise,
c’est-à-dire que la stéarine se solidifie, landis
que l’oléine, fluide à la température de la chambre
chaude. reste englobée dans les particules con-
crètes de stéarine. La masse prend alors un aspecl
grenu tout différent du suif refroidi brusquement:
dans cet état, le premier jus est apte à subir la
pression, qui à pour but de séparer l’oléine de la
sléarine.
Usaye des premiers jus. — Les premiers jus sont
grenus, de couleur jaune, ils ont la saveur agréable
de la graisse fraiche; ils ne laissent pas à la dégus-
Lalion la saveur sui generis du suif. Ils trouvent des
débouchés importants dans la fabricalion de l'o-
Jéine et des saindoux factices, surtout en ce qui
concerne les premiers jus de mouton.
Depuis quelques années, les Américains, ayant
besoin de trouver des débouchés pour les quantités
considérables d'huile de coton comestible qu'ils
produisent, ont, en effet, employé les premiers jus
de mouton et de bœuf pour-solidifier celle huile,
qu'ils sont parvenus à blanchir. Ce mélange, addi-
tionné de saindoux, constitue le lard compound,
qui, grâce à son bon marché, a trouvé des débou-
chés considérables, soit comme saindoux artificiel,
soit comme graisse à friture. En France, la pro-
duetion des saindoux étant peu importante, on
emploie également les premiers jus de mouton pour
fabriquer, par mélange avec des sean lards et des
huiles de coton, de sésame ou d'arachide, des sain-
doux factices vendus sous les dénominalions de
«saindoux de fabrique », « graisse ménagère ».
Le rendement du suif en branches en premier
jus est variable. Il est en fonelion de l'état de
l'animal abattu, de l'état de siceité du suif. Le
rendement moyen est environ de TÙ °/, pour le
suif de bœuf; il est un peu moins élevé. pour le
suif de mouton et de veau.
F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
Lage de la presse doit être fait rapidement: l’opé-
$ II, — Fabrication de l'Oléo.
Le premierjus est constitué par deux glycérides,
l'un concret, la stévrine, autre liquide à 38 de-
grés, huileux, loléine, qui se sont déjà séparés
par le fait de la cristallisation du premier jus. Ce
mélange ayant un point de fusion trop élevé pour
convenir à la fabrication de la margarine, il faut
en retirer la partie huileuse qui constitue l'oléo !.
Par ses propriétés physiques el organoleptiques,
l’oléo offre une grande analogie avec la graisse du
beurre ; el c’est la seule partie du premier jus qui
convienne pour la fabrication du beurre artificiel :
on l'isole de la stéarine au moyen de la presse.
hydraulique. A cet effet, le premier jus venant de
la chambre chaude où il a cristallisé, estréparti, à
raison d'environ un kilo, dans des servielles de |
forte toile, que l'ouvrier plie de façon que la ma-
lière grasse enfermée dans le tissu forme un gà-
teau de 18 centimètres >< 20 et d'environ 4 cenli-,
mètre d'épaisseur. Les servielles ainsi garniessont
disposées par 4 où 6 sur une forte plaque de tôle
élamée, chauffée préalablement à 50 degrés, qui
recouvre le plateau de la presse.
Sur chaque rangée de 4 ou 6 gäleaux, l’ouvrier
place une plaque de tôle élamée, qu'il sort d'un
bain d'eau maintenu à 50 degrés. Lorsque la
presse est montée, elle comporte 160 à 200 gâteaux.
qui sont maintenus entre les plaques chaudes par
des guides passant entre des glissières. Le mon- :
ralion exige le concours de trois ouvriers.
La séparation de l’oléo commence au cours du
chargement: sous l'action de la chaleur et du
poids des plaques detôle, l’oléo filtre à travers les
serviettes et s'écoule dans un récipient placé sous
la gouttière du plateau de la presse. E
La presse hydraulique est mise lentement en
action, au début, et la pression est poussée pro-
gressivement jusqu'à 150 kilos. Quelques margari-
niers pressent alors rapidement jusqu'à 175 kilos,
puis laissent brusquement tomber la pression.
Au cours du montage de la presse et durant la
pression, la température des plaques, qui au début
élait de 50 degrés, s’est abaissée, de sorte que la
pression finale ne se fait qu'à environ 40 degrés.
température à laquelle l'oléo, encore liquide, se.
sépare de la stéarine, qui reste emprisonnée dans
les servielles sous forme de gàäleaux durs, semi-
transparents, constituant le swf pressé.
Le lravail de la presse donne un faible rende-
ts med 10 D dd
1 L’oléo est, comme on voit, le nom industriel d'une subs-
tance constituée fondamentalement par de l'oléine dans la-
quelle sont dissous certains des autres principes immédiats
du suif.
» à À
share sa ruée ddr 2e.
FA
(Note de la Direction.)
,
DONNE Ter ee ep
F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
ment, il est fort pénible pour les ouvriers; aussi
emploie-t-on, dans les margarineries importantes,
des presses à doubles chariots permettant de pré-
parer une presse sur un chariot pendant que le
second subit la pression; on gagne ainsi un temps
fort appréciable. Pour diminuer la main-d'œuvre
el la fatigue occasionnées par le montage des pla-
ques chaudes, M. Moranne a construit un système
de presse à doubles chariots et à plaques mobiles
sur les colonnes de la presse et pouvant être sus-
pendues, au moyen de taquels, pendant le mon-
tage ‘et le démontage de la presse. Ces plaques
sont chauffées par circulation d’eau chaude à Lem-
péralure convenable pour la pression.
L'oléo refroidie lentement se présente sous un
aspect grenu, de couleur jaune; sa saveur rap-
pelle celle du beurre fondu; elle est entièrement
fusible dans la bouche.
Certains fondeurs, ne transformant pas eux-
mêmes l’oléo en margarine, vendentleurproduction
aux margariniers. Les oléos destinées à la vente
sont enfülées au sorlir de la presse et mises à re-
froidir lentement pour provoquer la cristallisation.
On trouve dans le commerce différentes marques
d’oléos, dont les prix varient suivant qu'elles sont
extra, premières ou secondes.
L'unique emploi de l'oléo est dans la fabrication de lu
mugarine; Son principal marché est Rotterdam, où
les Américains en expédient régulièrement des
quanlilés considérables (fig. 7). Le marché de Pa-
ris est beaucoup moins important.
La sléarine ou suif pressé provenant de la fabri-
calion de l’oléo comestible sert à la préparation
des saindoux artificiels, et le suif pressé industriel
est recherché en stéarinerie en raison de son ren-
dement en acides concrets.
$ 8. — Fabrication de l'Oléo-Margarine
et de la Margarine.
En 1869. M.Mège-Mouriès entreprit, à l’insligation
de Napoléon IT, des recherches ayant pour but de
procurer à la classe peu aisée de la population, une
graisse alimentaire saine, pouvant remplacer éco-
nomiquement le beurre. Après une série d'essais el
de recherches sur les conditions physiologiques
dans lesquelles se forme le beurre chez les Mam-
mifères, M. Mouriès prit en 1869 un brevet pour la
fabrication d'un beurre artificiel qu'il dénomma
oléo-maryarine. Une première fabrique de marga-
rine fut installée à Passy et fonctionna jusqu'en
1870. Elle fut détruite par l'invasion allemande.
Une nouvelle usine fut installée en 1872 à Poissy.
D’après le procédé Mège-Mouriès, on obtenait la
transformation du suif en oléo-margarine en faisant
digérer pendant deux heures à une température
de 45° la graisse de bœuf fraiche, préalablement
417
broyée, avec de l’eau additionnée d'une pelite
quanlité de carbonate de soude et d'estomac de
mouton ou de porc. Sous l’action de la pepsine de
l'estomac, les membranes subissaient une sorte de
digestion artificielle favorisant la séparation de la
matière grasse, qui, clarifiée, mise à cristalliser et
soumise à l’action de la presse hydraulique pour en
séparer la stéarine, fournissait l’oléo.
L’oléo, fondue à basse température, lavée, puis
malaxée, opérations par lesquelles la pâte devenait
lisse et homogène, conslituait la graisse de ménage
ou de conserve, produit neutre de goût, résistant
d'une facon remarquable à la rancidité et convenant
aux préparations culinaires.
Pour transformer l’oléo-margarine en margarine
ayant la pâte, la couleur et l’arome du beurre de va-
che, Mège-Mouriès émulsionnait l'oléo avec du lait
et de l'eau dans laquelle avaient macéré des frag-
ments de mamelle de vache. Il obtenait ainsi une
sorle de crème épaisse, qui ressemblait à celle du
lail et qui, séparée de l’eau et du petit lait par ba-
rattage, colorée en jaune, puis soumise aux opéra-
tions de malaxage, lissage, etc., usitées dans la fa-
brication du beurre, fournissait un produit ayant
les plus grandes analogies avec le beurre de vache.
Le 12 avril 1872, le Conseil d'Hygiène, sur un rap-
port favorable de Boudet, autorisa la fabrication et
la vente de l’oléo-margarine.
Il se forma aussitôt une « Société Anonyme d’Ali-
mentation » au capilal de 800.000 francs, pour
l'exploitation des brevets Mouriès. Celle Société
réussil à faire adopter la margarine par la consom-
malion et à ouvrir au simili-beurre des débouchés
importants.
En France, la fabrication de la margarine n'a
acquis une réelle importance qu'à partir de 1886,
époque à laquelle les fondeurs de suif transforme-
rent leur industrie et s’outillèrent pour la fabrica-
tion des suifs comestibles.
Depuis le brevet Mège-Mouriès, la préparation de
l’oléo et de la margarine s’est sensiblement modi-
fiée ; grâce aux perfectionnements apportés à l'ou-
tillage mécanique des margarineries, on a pu sup-
primer la digestion du suif avec la pepsine dans la
préparation du premier jus, ainsi que l’émulsion
de l'oléo avec la mamelle de vache, sans pour
cela nuire à la qualité des produits.
Actuellement, la fabrication de la margarine con-
siste à baratter l'oléo, provenant du traitement
des premiers jus, avec du lait et une petite quan-
tité d'huile végétale (de coton, sésame, ou arachide)
destinée à modifier la pâte de la margarine, trop
courte et trop cassante lorsqu'elle n’est formée que
de graisse animale.
L’oléo, fondue à environ 45 degrés, est introduite
dans une barette-tonneau (fig. 4) ou dans une
418 F. ET J. JEAN — L’INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
baralte à double effet, avec du laitet de l'huile | loppent dans le lait resté entre. les particules de
végélale portés à la même (empérature. malières grasses, que la margarine prend l’arome
Sous l'action du baratlage, l'oléo se trouve | du beurre.
émulsionnée avec le Une fois égouttée,
on soumet la matière
grasse au travail du
malaxeur-lisseur, a-
fin d'en chasser le
pelil lail el de don-
ner à la pàle l’homo-
généité du beurre.
Elle est souvent
passée, avec une pe-
lite quantilé de beur-
re pur, au malaxeur
horizontal (fig. 5),
d’où la pàte sort prête
à être emballée pour
les expéditions.
laivel l'huile, les par-
ticules grasses se di-
visent de plus en plus
et se mélangent inti-
mement avec l'huile
et le beurre du lait.
Le baratlage dure
environ deux heures:
au cours de l'opéra-
lion, la température
du mélange s’est a-
baissée graduelile -
ment, de sorte qu'à
la fin elle est infé-
rieure au point de
fusion de l’oléo. On La margarine se
vend en molles, ou
sépare alors, par vi-
dange, le pelit-lait de en pains d'une livre.
la crème, que l'on fait Fig. 4. — Baralle à oléo-margarine. Pour l'exportation
tomber dans un bac elleestemballéedans
ou caisses de 25 à 50 kilos.
d’eau glacée, où, sous l'action d'un refroidissement | des cuveaux de cinq kilos ou de 25 kilos ou en füts
brusque, les parties grasses sont concrétées en
pelites masses grummeleuses retenant, interpo- La qualité de la margarine dépend de la frai-
sée, une certaine quantité de lait. cheur du suif ayant servi à fabriquer l'oléo, de la
Au moyen d'une sorte de panier à claire-voie, la | qualité du lait et de l'huile employés pour le
Fig. 5. — Malaxeur horizontal pour le mélange de lu margarine et du beurre
matière grasse concrète est retirée immédiatement | barratlage et de la quantité de beurre pur dont on
du bain d’eau froide et versée dans des wago- | l'adilionne souvent pour augmenter son parfum ;
nets perforés, où elle séjourne pendant un temps | les qualités extra peuvent soutenir la comparaison
variable suivant la température de l'atelier. | avec les beurres de bonne marque.
C'est au cours de cet égoultage et de ce repos, Les margariniers atlachent une grande impor-
el sous l’action des ferments lactiques qui se déve- | lance à la qualité du laiteL à sa mise en œuvre au
hT8
F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
419
moment précis où il a acquis tout son parfum
sous l’action de certains ferments. C'est là le point
délicat de la fabrication des margarines extra.
Quant aux margarines de qualités secondaires,
obtenues par barattage avec des laits coupés ou
des petits-laits, comme elles sont neutres de goût,
on cherche à leur donner l’arome du beurre en
les additionnant d'une petite quantité de compo-
sitions à base d'eau de laurier-cerise, d'essence
d'amandes amères, d’éther butyrique, etc.
Le procédé Hansen, appliqué avec succès, en
Suède et en Danemarck, pour le mürissement du
lait destiné à la fabrication du beurre, lrouvera
certainement son applicalion en margarinerie et
permettra de donner au simili-beurre le parfum si
recherché des beurres de Normandie, sans que
l’on ait recours à ure addilion de beurre nalurel.
La margarine a trouvé des débouchés importants
dans l’alimentation de la population ouvrière. Les
Syndicats et les Sociétés coopératives de consom-
mation achèlent des quantités considérables de
margarine, principalement dans le nord de la
France et dans les pays houillers.
Depuis 1885, la France exporte ses margarines
en Angleterre; nous résumons dans le tableau
ci-joint les quantités de Margarines importées
de France, comparativement aux Margarines de
provenance élrangère et aux quantités de beurre
d'origine francaise.
Cette diminution dans notre chiffre d'exporla-
tion tient à ce que l’industrie de la margarine,
toujours sous le coup de projets de lois prohibitifs,
n'ayant pas {rouvé en France la sécurilé indispen-
sable au développement de toute industrie, plu-
sieurs margariniers ont créé en Anglelerre et en
Belgique des usines travaillant spécialement pour
l'exportation. Le suif en branches indigène a donc
vu ses débouchés se restreindre de ce chef au profit
des suifs étrangers.
Les adversaires de la margarine attribuent la
mévente des beurres à la concurrence que fait au
beurre nalurel le beurre artificiel.
Sans nier que ce dernier, de plus en plus accepté
par la consommalion, qui trouve dans la marga-
rine un produit sain! et bon marché, fasse une
certaine concurrence au beurre naturel, dont le
prix n’est pas à la portée de toutes les bourses, il
suffit de consulter les statistiques rapportées plus
haut pour reconnaitre que la cause principale de
la mévente de nos beurres en Angleterre tient à la
concurrence des beurres étrangers.
La valeur de nos beurres de Normandie exportés
en Angleterre est, en effet, restée sensiblement la
même depuis 25 ans, malgré la terrible concur-
rence qui leur a été faite parle Danemark {en 1889,
cet Elat exportait pour 70 millions de couronnes
de produits de laiterie), puis par l'Australie et la
Nouvelle-Zélande.
Tableau I. — Exportations de la margarine et du beurre de France en Angleterre
MARGARINE BEURRE
LNNGES | INPORTATIONS TOTALES IMPORTATIONS DE FRANCE IMPORTATIONS DE FRANCE
À —" à
Anbtés 4 prix SE É prix antilés fe , prix
quantités valeur moyen quantité valeur moyen quantités valeur moyen
ÎTe fr. kgs fr. fr. fr. ÿ
Dre 76.366.975! 1.80 64.466. 2.90
4.30 74.056.600! 1.66 56.000,52 2 81
ABS TES 63.807.000! 97.008.175] 1.52 | 2.: 2090 18505 06,041.9 2.72
1888. “6.987.190! 81.707.825] 1.43 | 2. 3.723.02à| 12469 59.471 .72: 2,70
1889. 62 08% 500! 91:3:6.525| 1.47 | 2.0 5.188 650! 1.95 16.836.825! 2:71
1890. 99.992.300! 79.581.025] 1.47 | 2,5 4.384.575| 1 97 11.138. PAT
1891 61.711.500! 88.955.075] 1.44 | 3. 6.589.390| 1.90 HD 05107282
1892 63.267.500! 92.822.100! 1.42 | 2, : 4.816.873] 1.85 15.692: 2.19
1893... ..| 65.001.650! 91.405.600! 1.40 | 2.065.100! 4.009.425| 1.99 66.976.875| 2.84
On voit que, si l'importation tolale de la marga-
rine à augmenté en Angleterre, l'importation des
margarines françaises y a diminué.
Les quantités de margarines et graisses simi-
laires exportées par la France, qui-étaient, pour les
neuf premiers mois de l’année 1892 de 7.590.600
kilos et de 5.999.000 en 1893, sont tombées en 1894
à 181.700 kilos pour la même période de temps.
Il ressort, en effet, du tableau ci-dessous (p. 420
que l'Australie et la Nouvelle-Zélande,qui n'expor-
laient, pour ainsi dire, pas de beurresen Angle-
1 1] résulte d'un important travail de M. A. Jolles, direc-
teur au Laboratoire Chimique à Vienne, que vient de publier
la Revue Inlernalionale des Falsificalions, la preuve qu’au
point de vue de la digestibilité, lamargarine a la méme valeur
que le beurre naturel.
420
Lerre avant 1888, ont augmenté leurs exportalions
d’une facon formidable depuis cette époque :
En 1889 les exportations decepaysontété 815.750kg.
180 acer 1 BÉitbsn on don ir 1e . 2.024.900
A PSS SNS ane de AE …. 2.120:900
1892, Rte cn ee CCR. 4.376.000
1593 SR Eee Loco SCENE TA 8.482.450
Les exportations de ces pays, annoncées pour
1894, seront de 75 ‘/; plus importantes que celles
de 1893, comme l'indique le relevé ci-dessous don-
nan! les quantités de beurres entrées en Angleterre
el venant de ces contrées, pendant les mois de
janvier 1893 et janvier 4894.
JNVICTMSOS ER ER e LELCRT es
2.057.1450kg.
Janvier 1894...
3.494.250
Voilà donc, avec le Danemark, les véritables et
dangereux concurrents de nos cultivateurs beur-
riers. Ceux-ci, pour le plus grand nombre, se sont
endormis sur les lauriers qu'ils avaient conquis à
une époque où ils étaient à peu près les seuls sur
le marché anglais : ils ont dédaigné d'appliquer les
nouveaux procédés découverts par la science pour
la fabrication de leur beurre, qu'ils auraient pu
améliorer beaucoup, ainsi que l'ont fait quelques
Sociétés coopéralives de laiterie, installées suivant
les règles et lois du progrès : en Vendée, en Bre-
tagne, etc. Ces Sociétés, en effet, obtiennent pour
leur beurre des prix de beaucoup supérieurs à
ceux que les cullivateurs de ces mêmes provinces
obtenaient auparavant avec leur mode primitif et
routinier de procéder.
La question de la réglementation, de la fabrica-
Lion et de la vente de la margarine doit venir pro-
chainement devant le Parlement. Si l'on en juge
d'après la volonté nettement exprimée par la
Chambre en 1892, le projet de la Commission saisie
de la question est beaucoup trop radical pour avoir
chance d’être adopté. L'économie de ce projet
vise l'exercice des fabriques de margarine, l'inter-
diction de baratter l’oléo avec du lait, de la mé-
langer avec du beurre et la séparation absolue du
commerce du beurre de celui de la margarine.
Les fabricants de margarine sont tout disposés
à accepler l'exercice el la surveillance de leurs
usines el toute réglementation ayant pour objet
d'empêcher la fraude des beurres par la margarine.
Ils estiment que ces mesures ne peuvent que con-
Lribuer à éclairer le publie sur la qualité et l’inno-
cuilé des produits qu'ils fabriquent et à développer
la consommalion de la margarine, trop souvent
offerte au public, par les fraudeurs, sous le nom
de beurre el vendue comme telle à un prix trop
élevé.
Maisils considèrent comme équivalente à la prohi-
bition de la margarine l'interdiction de baratter
l'oléo avec du lait et la séparation commerciale
F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
————————————— e
qui serait imposée aux débitants, lesquels devraient
opter entre la vente exclusive du beurre et celle
de la margarine.
Le développement de l’industrie de la margarine
est une des conséquences d'une évolution indus-
trielle el économique qui ne va pas, évidemment,
sans léser des intérêts parliculiers, mais qu'une
société démocratique doit accepter et favoriser dès
qu'il s'agit de intérêt général; il faut done laisser
au consommaleur la liberté d'acheter tel produit
qui lui convient, à la condition cependant que sa
bonne foi ne puisse être surprise: que le beurre
qui luiest vendu soit bien du beurre pur, et que la
margarine lui soil vendue pour ce qu’elle est.
LIT. — Surrs A FABRIQUE.
Les suifs qui ne conviennent pas à la fabrication
des graisses comestibles et les résidus de la fabri-
cation des premiers jus servent à la fonte des
suifs industriels désignés sous le nom de Suif aux
cretons, Suif à l'acide ou Suif de place.
A côté de ces suifs, qui ont leurs débouchés en
stéarinerie el en savonnerie, on trouve des suifs
de colle, de boyauderie, d'équarrissage, des suifs
d'os, ete. Ces sortes de graisses, qui trouvent leur
emploi dans la savonnerié ordinaire, sont produites
par des usines spéciales el ne rentrent pas dans
les opérations des fondoirs de suif proprement
dits.
La préparation du swf «ur crelons n'exige pas
l'emploi des produits chimiques. Le suif, haché et
broyé par des machines, est chauffé dans des
chaudières à feu nu ou mieux à la vapeur libre, ou
circulant dans une double enveloppe. La graisse
dégagée sous l’action de la chaleur est séparée
par décantation, et le résidu de la fonte est sou-
mis à lPaclion de la presse pour en extraire la
graisse emprisonnée dans les membranes. Les
pains ou cretons, résidus de celle pression, sont
vendus comme engrais azolés.
Le suif aux cretons est employé par la savonne-
rie fine et la corroierie: sa fabrication a diminué
d'importance depuis que beaucoup de savonniers-
parfumeurs se sont outillés pour fondre dans leurs
usines le suif en branche destiné à leur fabrica-
tion, et que Amérique fournit des quantités con-
sidérables de suifs fondus sans acide, par la va-
peur directe, comme les suifs Plata, Prim City,
Western, ele.
Le principal marché des suifs américains et aus-
traliens est Londres: en raison de leur qualité el
de leur prix, ces suifs sont assez recherchés par la
sléarinerie el la savonnerie et font concurrence
aux suifs français sur le marché anglais.
La fonte aux crelons étant d'un faible rendement
parce que, malgré la pression, on n'arrive pas à
|
1
À
à
À
s
F. ET J. JEAN — L'INDUSTRIE
DES SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
421
extraire la totalité des matières grasses retenues
dans les cretons, le swif de place ou suif à l'acide est
préparé suivant le procédé indiqué par d’Arcet.
Après avoir élé hachées et broyées, les graisses
sont soumises à une ébullition prolongée avec de
l’eau additionnée d’acide sulfurique à 66 Baumé,
dans la proportion de un kilogramme par cent ki-
los de graisse. Sous l’action de l’acide et de la cha-
leur, les membranes et les cellules graisseuses
sont dissoutes complètement et la totalité de la
graisse vient surnager. Elle est décantée dans des
en acide stéarique et en acide oléique des suifs
mis en fabrication.
IV. — IMPORTANCE ET FLUCTUATIONS
DE L'INDUSTRIE DU SUIF
Le nombre des fondoirs importants est de 428 :
mais, si l'on doit comprendre comme fondeurs les
épiciers en gros, qui fondent eux-mêmes le suif en
branches et fabriquent la chandelle pour leur elien-
tèle, le nombre total des fondeurs existant en
France est un peu supérieur à 4.000.
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Fig, 6. — Cours moyen annuel du suif de place \.
jalots en bois, où elle forme, par refroidissement, Nos grands fondoirs, comme les usines de
des pains de suif pesant 25 kilogrammes ; c’est
sous celte forme que le suif de place est ordinaire-
ment livré à la stéarinerie et à la savonnerie, tandis
que le suif de province est expédié en fûts.
Le suif de place est vendu sous la garantie du
titre, qui doil être de 44°,5; la tolérance pour la
teneur en humidité et impuretés est de 1/2 °/,;
une teneur plus élevée donne lieu à une réfaction
sur le prix de vente en faveur de l'acheteur.
L'introduction de la garantie du titre dans les
contrats de vente a eu pour effet d'empêcher la
fraude du suif par addition de graisses inférieures
dont le titre est toujours plus bas que celui du suif
de boucherie: c’est ordinairement d’après le titre
du suif que les stéariniers évaluent le rendement
MM. Tricoche, Pellerin, le Fondoir Central, ete., ne
peuvent ètre comparés comme importance aux
usines similaires établies en Amérique el en Aus-
tralie. La maison Armour et C°, de Chicago, qui -
produit la margarine et le suif industriel et les
peaux pour tannerie et mégisserie, n’a pas son
égale au monde; son chiffre d’affaires pour l’année
1893 était de 673 millions de francs.
Les usines de Swift, Nelson Morris, quoiqueayant
un chiffre d’affaires moins considérable que la
maison Armour, sont encore, et de beaucoup, plus
‘importantes que nos usines européennes.
! Graphique communiqué par M. Maurice Duclos, courtier
assermenté.
Tierçons Frances
000
30,000
29,000
28,000
27,000
26,000
25,000
24000
23,000
22,000
21,000
20,000
19,000
18,000
17,000
16,000
15,000
14,000
13,000
12,000
11,000
10,000
9,000
8,000
7,000
6,000
5,000
4,000
3,000
200
190
18 0
17 0
60
50
#0
30
Fig. 7. — Jnporlalions el ventes mensuelles d'oléo-margarine américaine à Rollerdam.
1883
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42% F. ET J. JEAN — L’INDUSTRIE DES
SUIFS COMESTIBLES ET INDUSTRIELS
La production de ces fabriques, françaises et
étrangères, a traversé depuis cinquante ans el
traverse encore des crises accusées par les varia-
tions de cours que résume le graphique de la
figure 6. L'étude des causes qui ont influencé ces
cours, permet de présager l'avenir réservé à celte
industrie.
C'est en 1843 que fut établie la cote officielle du
cours du suif de place ; son prix moyen était alors
de 114 francs les 100 kilos.
À parlir de 1818, le prix du suif, qui avait atteint
137 francs en 1847, baisse d’une facon continue,
par suite de la créalion des stéarineries travaillant
par saponificalion sulfurique et distillation, pro-
cédé permellant d'utiliser les huiles de palme con-
curremment avec le suif pour la fabrication des
bougies stéariques.
A cette cause de baisse vinrent s'ajouter les im-
portalions d'huiles de coprah, qui ont trouvé, à
partir de 1851, des débouchés importants dans les
savonneries, qui employaient auparavant exclusi-
vement le suif,
De 1851 à 1855, les cours augmentent d'une
façon continue pour atteindre leur maximum, soil
148 francs(fig. 6). Durant cette période, les cours se
sont élevés sous l'influence de la spéculation et de la
guerre de Crimée; puis ils ont subi un mouvement
de baisse, qui s’est continué et accentué par suite
des importations de plusen plus considérables des
huiles minérales, américaines et russes, des huiles
de palme et de coprah.
À parlir de 1863, l'importalion des pétroles, qui
était de 6.000.000 de kilogrammes, va en pro-
gressant pour atteindre en 1889 le chiffre de
165.000.000 kilos. En 1864, commencent les em-
plois industriels de la glycérine, et le cours du
suif remonte l’année suivante à 114 francs pour
retomber, en 1869, à 100 francs (fig. 6.
En 1870, il revient à 114 francs; mais alors
interviennent, en 1873, les d’accise de
30 francs sur la bougie stéarique. Les effets de ce
droit se font sentir d’une facon désastreuse pour
celte industrie, et, sur 50 stéarineries existant à
droits
celte époque, 19 cessent leur fabricalion, el le
cours du suif descend à 92 francs.
En 1875, la spéculation fait remonter le cours à
100 francs: mais il ne larde pas à descendre à
S1 francs sous lPimportalion des pétroles, qui
atteint à celte époque 63.000.000 de kilogrammes,
alors qu'en 1873 elle n'était que de 45.000.000 de
kilos.
A la suite du dégrèvement du droit de à francs
sur les savons (mars 1878), de la diminulion mo-
mentanée de l'importation des pétroles et de l’ex-
tension considérable prise par les emplois indus-
triels de la glycérine, notamment dans la fabrica-
lion de la dynamite, le cours du suif remonte à
102 francs, el le prix de la glycérine, produit
secondaire de l'industrie stéarique, s'élève de 90 à
205 francs.
C'est à celle époque que l'industrie stéarique
atteint son maximum de production, soil 30.116.000
kilogrammes (fig. 6); la production de la glycé-
rine augmente également el son exportation aux
États-Unis atteint 3.500 tonnes.
A partir de 1885, le cours du suif descend gra-
duellément pour arriver à 56 francs, sous l'influence
de la crise commerciale, de l'importation des
pélroles, qui s'élève à 126.000.090 de kilogrammes,
et du développement de la consommation de la
bougie de paraffine à l'étranger ; aussi la produc-
duction de l'industrie sléarique descend-elle à
27.000.000 de kilogrammes après avoir élé de
30.000.000 en 1882.
En 1886, les fondeurs, devant la baisse continue
du suif industriel, s’oulillent pour la fabrication
des suifs comestibles et paient le suif frais un prix
plus élevé ; d'où relèvement des cours du suif à
fabrique qui remonte en 1888 à 66 francs (fig. 6et8).
En 1892 et 1893, les cours remontent d'une façon
continue jusqu à 90 francs ; cette reprise, due à des
causes passagères, lelles ‘que le drainage du suif
comeslible, ramassé par les Américains pour la
fabrication des saindoux faclices, de la grande
sécheresse de l'année 1893 et de la diminution des
imporlalions d'huiles de palme et de coprah, ne se
maintient pas longtemps, et en 1894 Île cours
retombe à 56 francs pour ne plus se relever, la pro-
duction de la stéarine ayant diminué d'un tiers par
rapport à l’année 1893.
L'octroi de Paris ayant décidé, en ces derniers
temps, d'imposer les graisses comestibles conte-
nant des huiles végétales au larif de la matière la
plus imposée, soit 48 francs les cent kilogrammes,
comme pour les huiles comestibles, la fabrication
de ées produits se trouve singulièrement entravée.
Ces graisses à bon marché ne peuvent, en effet,
supporter des droits aussi élevés, et les fabricants
seront contraints de renoncer à loule addition
d'huile, si cette application des droits estmaintenue
et s'étend aux villes qui ont prévu des droits d’oc-
troi sur les huiles comestibles. Celte question ne
laisse pas d'être fortennuyeuse pour les fabricants ;
car si on supprime l’addilion d'huile dans la mar-
garine, onoblient une pâte cassante, el le produit
ne répond plus aux désiderala du consommateur.
Ces nouveaux droits sont une source de contes-
tations continuelles entre la Ville et les fabricants,
qui prétendent qu'on les oblige à payer des droits
pour des produits ne contenant pasd’huile végétale,
alors que, par contre, le Laboratoire Municipal
k
“
déclare ces mêmes produits huilés : d'où gros
_ procès. Un fabricant de margarine a actuellement
un procès de 98.000 francs avec la Ville, et un
fabricant de saindoux a dû verser 50.000 francs
pour droits en litige.
La crise que subitactuellement l'industrie du suif
est certainement la plus grave qu'elle ait supportée
depuis 1843. Les cours du suif tombent d'une
façon effroyable; le suif de place, coté 56 francs
en mars, est tombé en avril à 51 francs; on prévoit
même des prix encore plus bas pour les mois
suivants, et rien ne fait présager un relèvement
ultérieur des cours.
Comme en France, l'industrie du fondeur de suif
subit, en Amérique, une crise fort grave, crise due
à la surproduction du suif à fabrique; et surtout
due à la mévente des oléos.
Les oléos américaines expédiées à Rotlerdam
trouvaient, jusqu'en 1893, des débouchés considé-
rables sur notre marché; mais les droils protec-
teurs de 20 francs par 100 kilos qui ont été établis
- lors de l'élaboralion du nouveau régime douanier,
ont eu pour effet de fermer le marché français aux
oléos américaines; d’où surproduction sur le mar-
ché hollandais, et malgré les bas prix pratiqués,
le stock d'oléos américaines s'’augmente d'une
façon formidable (fig. 7 et 8).
Les droits de surtaxe de 3 fr. 50 sur le poids brut
{ce qui fait 5 francs sur le poids nel) des suifs ne
venant pas, en France, directement de leur pays
d'origine, n'ont pas élé sans porter un préjudice
sérieux aux suifs américains, dont le principal
marché est à Londres. Si ces droits ont eu pour
effet de protéger un peu notre suif indigène, ils
ont une influence néfaste pour la savonnerie fine,
qui s’approvisionne à Londres. On ne trouve pas,
en France, des suifs ayant les qualités des suifs de
REMARQUES SUR L'INDUSTRIE DU SUIF 425
La Plala, tant au point de vue de la régularité de
la qualité, que des prix. Les suifs américains et
australiens ont un prix de vente différent selon
qu'ils sont beaux, ordinaires, elc.: ainsi, le meilleur
mouton est coté 62 fr. 50; le beau, 58 fr. 75: l’ordi-
naire, 7 francs.
Il en est de même pour les suifs de bœuf; ainsi
le « meilleur bœuf » vaut 57 fr. 80, alors que le
« bon » vaut 54 fr. et l «ordinaire » vaut 53 fr.
De cetle élude des fluctuations subies par le
cours du suif, il ressort que, depuis 50 ans, la valeur
commerciale du suif de place, qui sert de base aux
transactions qui se font sur les malières grasses, a
diminué de un franc par kilogramme. Les princi-
paux facteurs qui ont contribué à abaisser la valeur
commerciale de celte matière première sont : le
dégrèvement des droits sur le pétrole (février 93),
l'extension de plusen plus grande qu'a prise l’éclai-
rage par le gaz, l'électricité, les bougies de paraf-
fine et l'huile minérale, l'emploi des huiles de
palme, des suifs végétaux de Chine dans l'industrie
stéarique, des huiles de coprah dans la savonnerie.
et la surproduction de la glycérine, résultant du
traitement des lessives de savonnerie,
Si l’on ajoute qu'à la suite de la guerre de 1870-71
des stéarineries importantes se sont créées à l'Etran-
ger, là où la France exportait de la stéarine et des
bougies, et que les droits de 30 franes qui pèsent
depuis 4873 sur la bougie stéarique sont absolument
néfastes pour cette industrie, on voit que la dépré-
ciation de la valeur commerciale du suif ne peut
être enrayée que par le développement de l’indus-
trie des suifs comestibles, qui ouvre au suif frais
des débouchés importants à des prix rémunéra-
Leurs pour Péleveur.
Ferdinand el Jules Jean.
REMARQUES SUR L'INDUSTRIE DU SUIF
Depuis que les recherches de Chimie organique,
qui ont fondé la théorie des fonctions, ont établi la
constitution de la glycérine et de ses éthers, ces
corps semblent peu attirer l'attention des savants.
Après avoir retracé l’histoire, justement célèbre.
de ces composés, les professeurs ne leur accordent,
dans les cours, qu’une descriplion sommaire, et
les jeunes gens qui préparent des thèses de Chimie
organique en vue du doctorat ès sciences semblent
dédaigner ce groupe de substances si communes.
Lacomplexité de ces corps donne pourtantà penser
qu'ils sont encore loin d’avoir livré leurs derniers
secrets. Mais on dirait que la science subit, comme
la vie mondaine, les caprices de la mode; celle-ci
détourne aujourd'hui les chercheurs dessubstances
vulgaires, au grand détriment de nos indusliries,
nécessairement fondées sur l'emploi de malières
très répandues. Oublierail-on l'immense intérêt
qu'ont eu pour la philosophie chimique ces.admi-
rables travaux de Chevreul qui, nousmontrant des
mélanges dans les graisses naturelles. ont introduil
dans la science la notion de principes immédiats, el
créé, du mème coup, l'industrie stéarique ?
MM. F. et J.Jean ontrappelé, dansl'article qu'on
vient de lire, les savantes investigationsde Darcet,
qui ont conduit au procédé de fonte à l'acide, el
les idées qui ont guidé Mège-Mouriès dans la pré-
paralion de la margarine. On ne saurait trop allirer
426
REMARQUES SUR L’INDUSTRIE DU SUIF
les savants vers ces grands problèmes del'industrie,
qu'ils ne pourront éclairer sans réaliser, en même
temps, un grand progrès scientifique.
Peut-être les professeurs de nos Facultés porte-
raient-ils davantage sur ces questions leur alten-
tion et celle de leurs élèves, siles programmes de
la licence ès sciences physiques exigeaient, dans
une plus large mesure, la connaissance des opéra-
tions industrielles tributaires de la Physique et de
la Chimie. Il est regrellable, #ême pour la science
pure, que l’on puisse obtenir le diplôme de licencié
en n'ayant étudié que dans les livresla fabrication
du savon, des bougies, du gaz, du phénol, des ma-
tières colorantes, du verre, de l'acier, etc. La vi-
site des usines, l'étude, sur place, des procédés de
fabrication, sont éminemment suggessives el
devraient, à notre avis, s'imposer aux candidats
comme conséquence indirecte du détail et de la
précision des questions inscriles au programme
de l'examen.
Quoi qu'il advienne de ces vœux, il ne semble
pas inulile, — limitant nos observalions au sujet
particulier qui vient d’être traité ici, — de faire
remarquer le haut intérêt que présenterait, sans
aueun doute, pour lu Science et pour l'Industrie, V6-
tude méthodique des questions suivantes :
Quiconque a un peu éludié la Chimie aura été
frappé, à la lecture de l’article de MM. F. et J.
Jean, de l'écart qui semble exister entre certains
produits industriels et les principes immédiats
qu'on à coutume de montrer dans les cours. Si
nous ne nous trompons, nos manuels classiques
ne mentionnent pas l'oléo. La description qu'en
donnent MM. Jean indique bien que celte subs-
tance se rapproche beaucoup de l'oléine ou oléate
de glycérine. Mais quels sont, au juste, les rapports
de ces deux matières? La Science et l'Industrie
seraient, au même titre, intéressées à le savoir.
Il ne serait pas moins important de définir chimi-
quement l’oléo-margarine, d'en fixer la nature et
le procès chimique de formation.
Ajoutons qu'à l'heure actuelle or ignore la cons-
titution exacte de la margarine. On ne sait si la
substance qualifiée d'acide margarique el qui
parait répondre à la formule brute CH*0°, re-
présente un seul acide où un mélange de subs-
tances voisines. Les phénomènes chimiques qui
se produisent dans la fabrication de la margarine
sont encore entourés d’obseurité.
Le mécanisme intime des réactions qui, au cours
des opérations industrielles, conduisent des acides
stéarique, oléique et palmitique à leurs dérivés
poly etory, est très mal connu. Dans les transactions
commerciales il est nécessaire de tenir compte de
ces derniers acides ; on y parvient au moyen de la
cool, dont ils décolorent une quantité proportion-
nelle aux lacunes (ou désaturations de carbone)
qu'ils contiennent; mais, outre celte indicalion,
facile à obtenir, il serait très utile de préciser les
relations de réaction de ces divers composés et
la façon dont ils se comportent sous l'influence du
traitement industriel. On n'a sur ce sujet que de
vagues aperçus.
Signalons enfin les services que rendrait à l'in-
dustrie des conserves alimentaires l’étude chimi-
que et microbiologique dessuifs etdeleurs dérivés.
On sait quels soins tout spéciaux imposent à cette
industrie les graisses unies aux viandes à conserver.
Les points de fusion, en général très peu élevés,
des corps gras exigent des condilions particulières
de préparalion, et entrainent cette conséquence
fâcheuse de la fonte spontanée de la graisse à l’in-
térieur de la boite de conserve dans les pays chauds,
Ne pourrait-on oblenir des principes immédiats
du suif quelque dérivé à point de fusion relative-
ment élevé ? j
Cette question du rôle de la graisse dans les con-
serves est extrêmement importante, en raison de
la facilité avec laquelle la saponifient d'une part
diverses levures et moisissures, d'autre part les jus
abandonnés par les viandes et les légumes. L'ac-
lion même des graisses sur les parois de la boîte
ou du vase de conserve mérite toute attention : les
boites mélalliques contenant du cuivre, les pote-
ries vernissées au sulfure de plomb décomposent
lentement les graisses; il se forme des stéarates
el des oléates de cuivre et de plomb, lrès vénéneux.
Indépendamment de ces questions qu’il impor-
terait de mettre à l'étude, il semble intéressant de
considérer la facon dont la science intervient ac-
tuellement dans l’industrie du fondeur de suif.
Les transactionssurles matières grasses reposent
sur la détermination du /i/re, d'après le procédé
du chimiste Bouis, et les tables dressées par Dalican
et EF. Jean permettent aux sléariniers de se rendre
compte du rendement de leurs suifs en acides
sléarique et oléique et en glycérine.
Les fondoirs n’occupent pas de chimistes; les
contremaitres sont, en effet, au courant des opé-
“ations nécessitées pour la déterminaison du titre:
et vendeurs et acheleurs font eux-mêmes cette
délermination. Ce n'est qu'en cas de désaccord
entre vendeur et acheteur que les fondeurs ont
recours à des chimistes acceptés par le Syndicat
des Corps Gras et de la Stéarinerie ?.
Depuis que l’oléo a pris une grande extension,
1 Les laboratoires qui s'occupent spécialement de recher-
ches sur les corps gras sont ceux de MM. d’Eudeville, Mil-
lian et Jean (d'Eudeville à Paris, Jean à Paris, Millian à
liqueur de Hubl, solution litrée d'iode dans l’al- | Marseille).
PPTT TR
REMARQUES SUR L’INDUSTRIE DU SUIF
par suite de son emploi en margarinerie, il se
produit une énorme quantité de suif pressé, à
haut titre, que l’on mélange souvent avec des
graisses de qualité inférieure pour les ramener au
litre du suif de place, soit 4%5. Ces suifs n’ont
plus la composition du suif pur de la boucherie;
bien qu'ils en aient le titre; et il arrive fréquem-
ment que leur emploi en sléarinerie donne lieu à
de graves mécomptes. D'autre part, dans les mo-
ments où la glycérine atteint des prix élevés, on
peut livrer à la stéarinerie des suifs déglycérinés
en parlie, sans que l'acheteur soit mis en garde
contre cette manœuvre, puisque le titre ne l’indique
pas. Nous estimons donc, —- d’après les renseigne-
ments qui nous ontété fournis à ce sujet —, que la
stéarinerie aurait grand intérêt à exiger le contrôle
du titre par d’autres méthodes, au lieu de s’en rap-
porter uniquement au titrage, quine donne qu'une
garantie relative ”.
_ Les falsifications des suifs se font avec du sel
marin, du plàtre, de l'alun, de la chaux, du carbo-
nale de soude, de la fécule. L'analyse chimique
etl'examen microscopique servent à les déceler.
L'industrie recourt aussi aux chimistes pour
dépister les fraudes relatives à l'emploi de la
margarine dans la falsification des beurres.
En 1887 fut promulguée la loi réglementant
la vente de la margarine, loi qui oblige le ven-
deur à éliqueler ses produits el à ne vendre
la margarine que pour ce qu'elle est. (Loi du
1% mars 1887.
Cette loi ne peut ètre appliquée qu'avec le
concours du chimiste. À Paris, le Laboratoire
Municipal est chargé du contrôle des beurres: en
province cette tâche est dévolue soit aux labora-
Loires municipaux, soit aux Stations agronomiques.
Les laboratoires particuliers sont généralement
chargés des contre-expertises. Certains chimistes
se sont spécialisés pour cette question ?.
Jusqu'en ces derniers temps (1890), l'analyse
des beurres et la recherche des falsifications étaient
1 La détermination du titre a une grande importance pour
estimer la valeur du suif; voici, à ce sujet, l'indication que
nous communique un spécialiste très autorisé : selon qu’un
suif titrera plus ou moins de 44°5, le vendeur subira une
réfaction de 0 fr. 50 par 100 kilogr. ou une augmentation équi-
valente, sison suif titre plus de 4405; un suif titrant 4405
vaut 53 fr. 70, un suif titrant 45 degrés vaut 55 fr. 60, un
suif titrant 46 degrés vaut 56 fr. 50.
2 MM. Lhôte, Magnier de la Source, Jean, pour Paris;
M. Lescœur à Lille,
te
19
à)
choses peu aisées. Il résulte, en effet, de très nom-
breuses recherches poursuivies en France et à
l'Etranger, que la composition des beurres peut
varier dans des limites assez larges selon leur
origine, et il est bien. établi, maintenant, que.
selon la race des vaches, le genre d'alimentation,
la date de parturition, etc., les beurres renferment
des quantités d'acides gras fixes et volatils, qui se
traduisent à l'analyse par des maxima et minima:
l'expert est donc exposé à déclarer purs des
beurres fraudés, et vie versa, lorsque la fraude
a été praliquée assez habilement pour que le
mélange donne des résultats restant compris dans
les limites observées pour des beurres naturels.
ainsi que cela a élé démontré par les travaux de
MM. Helnner, Angel, Bachmeyer, Reichardt, Ma-
gnier dela Source. Jorissen, Wauthers, Jean, Zune.
Depuis 1890, la question de l’analyse des beurres
anotablement progressé.et lechimiste,en effectuant
les déterminations indiquées par le Congrès inter-
national de Chimie de Bruxelles, telles que celle
de la densité, l'examen au microscope, la déter-
mination de la réfraction à l'oléoréfractomètre de
MM. E. H. Amagat et F. Jean, de l'indice de sapo-
nification, du chiffre d'acides volalils, peut aujour-
d'hui reconnaitre la fraude, dans la très grande
majorité des cas.
En outre des méthodes chimiques mises en
œuvre pour dépister les falsificalions du beurre
naturel par la margarine, on a quelquefois signalé
la possibilité de distinguer, au moyen du micros-
cope, la margarine naturelle du beurre et la mar-
garine artificiellement introduite dans cet aliment.
Les cristaux des deux sortes de margarines seraient
un peu différents.
On voit par là combien de recherches d'ordre
scientifique s'imposent à l’industrie et au com-
merce du suif, pour en assurer le progrès et le
développement. L’associalion syndicale des fon-
deurs lui rendrait évidemment un service inesti-
mable en prenant l'initiative de tels travaux : il
lui appartient d'instituer plus qu'un service régu-
lier d'analyse et d'inspection : l’organisation sys-
tématique de travaux de science pure qui, portant là
lumière sur la chimie des suifs et de leurs produits
d'extraction, auraient pour conséquence le per-
fectionnement industriel.
Louis Olivier.
128 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
DEUX NOUVEAUX EXPLOSIFS DE GRANDE PUISSANCE — LE FREIN A AIR GENETT — LE SÉPARATEUR SWEET
L'arsenal des substances explosives vient de s’enri-
chir de deux composés dont la puissance de destruction
semble incomparable. Ces corps dérivent, lun et
Pautre, du nitrométhane.
On sait que le gaz des marais ou méthane, CH#, en
échangeant l’un de ses quatre atomes d'hydrogène
contre le radical AzO? de l'acide nitrique, produit le
nitrométhane : CH3AzO?., Ce corps, formé avec ab-
sorption de chaleur, ainsi que la plupart des composés
de l'azote, se décompose comme eux en reslituant au
monde extérieur l'énergie accumulée dans sa molé-
cule, Il se rattache ainsi à la classe des substances
qualifiées d’explosives, Or, récemment, l’un des répré-
sentants les’plus éminents de la science chimique en
Allemagne, le Pr Victor Meyer, a obtenu, à l’état de
purelé, un dérivé sodé du nitrométhane ! dont le pou-
voir détonant parait dépasser tout ce que l’on avait
jusqu'à présent pu concevoir. Ce dérivé vient d'être
étudié par M. Zelinsky, professeur de Chimie à l'Uni-
versilé de Moscou ?.
Le nouveau corps résulle de la substitution d’un
atome de sodium à l’un des trois atomes d'hydrogène
du nitrométhane :
CH“ CHSAzO?
Méthane Nitrométhane
CH?NaA70?
Nitrométhane sodé
Pour le préparer, M. V. Meyer dilue dans de l’éther
ordinaire une certaine quantité de nitrométhane, puis
ajoute, en solution alcoolique, le corps qui résulte de
l’action du sodium sur l'alcool (éthylate de sodium). 11
se forme un précipité, qu'on lave à l'éther, puis qu'on
dessèche ensuite au moyen de l'acide sulfurique
concentré, La composition centésimale de ce corps
répond à la constitution moléculaire CH?NaAzO® citée
ci-dessus. Ce composé, comme on voit, est anhydre.
L'emploi de la soude alcoolique, au lieu d’éthylate de
sodiam, ne conduit, au contraire, qu'au dérivé hydraté.
Mème sous cette dernière forme, le nitrométhane
sodé est un corps délonant. Chauffé au bain-marie sur
un verre de montre, il perd son eau d’hydratation, et
tout à coup le composé déshydralé explode avec une
grande violence. Si, à l’aide d’une baguette de verre,
on vient à toucher une parcelle du composé anhydre
déposée dans une éprouvette légèrement chauffée,
l'explosion est telle qu'elle pulvérise l'éprouvette.
M. A. E. Tutton rapporte, dans un récent numéro du
journal anglais Nature *, l'expérience suivante, faite
par M. Zelinsky: On prend un verre de montre de
grande dimension ou une forte plaque de métal; on
arrose ce verre ou celte-plaque de minuscules gouttes
d’eau, puis on y laisse tomber un très petit morceau de
nitrométhane sodé, Au bout de quelques secondes, si
la quantité d’eau n’a pas été excessive, il se produit
une détonalion assourdissante avec flamme et épais
nuage de fumée. Onatteint aussi ce résultat sans recours
à l’eau, en frappant le corps à l’aide d’un objet dur sur
Ja plaque tout à fait sèche,
M. Nef, à qui l’on doit quelques dérivés des nitropa-
raffines, avait déjà, comme le remarque M. Tutton,
signalé l'instabilité du dérivé sodé et l'éventualité de
l'explosion spontanée de ce corps #, M. Zelinsky vient
1 Berichle der Deulschen
n° 1610.
2 Ibidem. E
3 Numéro 1318, vol. 51, 1895.
5 Annalen der Chemie, 280, n° 273.
Cliemischen Geselschaft, 27,
aujourd'hui compléter celte indicalion, en constatant
que l’explosion résulte {toujours du contact du composé
anbydre avec une toute petite quantité d’eau. Par mé-
sarde, nous dit le savant chimiste auquel nous ‘em-
pruntons ces détails, un des aides de M. Zelinsky avait
placé environ 5 grammes de nitrométhane sodé dans
un récipient de verre dont les parois étaient un peu hu-
mides. Il en résulla soudain une explosion lerrible qui
brisa tous les appareils placés sur la table; la vague
atmosphérique ainsi produite éteignit du coup tous les
becs du laboratoire.
Le procédé imaginé par M. V.Meyer, pour infroduire
le sodium dans la molécule du nitrométhane, peut servir
aussi à y faire entrer, au lieu de sodium, du potas-
sium. En employant, à cet effet, l’éthylate de potas-
sium, M. Zelinsky a obtenu un dérivé potassique du
nitromélhane, dont la conslitution est exprimée par la
formule CH?2KA70°.
Ce corps est encore plus instable que le dérivé sodé,
Quand on l'isole, il explode spontanément à la tempé-
ralure ordinaire. À mesure que, pour le préparer, on
verse la solution alcoolique d’éthylate de potassium, on
voit le nitrométhane potassique se précipiter en cris-
taux parfaitement définis. Mais la forme cristalline ne
tarde pas à disparaitre, et le corps devient amorphe.
Si l’on essaie de le séparer du liquide par filtration,
une explosion se produit invariablement dès que le
composé à perdu la plus grande partie de la solution-
mère.
En résumé, les expériences de M. Zelinsky nous
montrent, dans les dérivés sodique et potassique du
nitrométhane, deux corps dont la puissance explosive
paraît tellement formidable qu'elle empêchera peut-être
de les utiliser dans l'industrie ou à la guerre. Comment
oser manier, autrement qu'au laboratoire et avec d’in-
finies précautions, des corps dont le moindre choc
provoque la rupture avec un tel dégagement d'énergie ?
Pour toutes les voitures et notamment pour celles
des. tramways, pour les véhicules comme pour les
monte-charges et les élévateurs, qu'on met en mouve-
ment sans en surveiller la marche, la question des:
freins est devenue de première importance. On de-
mande à ces appareils d’abord d'assurer la sécurité du
système, ensuite de n'être que très peu compliqués.
Le frein que la Genett Air Brake Company vient de
créer mérite à ce titre d’être décrit ici. k
Ce frein, destiné surtout aux tramways, peul, avec
quelques légères modifications, s'appliquer aussi aux
ascenseurs, Une pompe à air, portée par le châssis de
la voiture, est actionnée par un excentrique placé sur
l'un des essieux (1 et 2, fig. 1) !. A la partie inférieure
de cette pompe 1 et sur le côté, se trouve un petit
cylindre régulateur dont le piston intérieur (et non vi-
sible sur la figure) est sollicité par deux forces : l’une,
due à Pair comprimé, s'exerce de bas en haut; l'autre
est produite par un ressort antagoniste dont on règle
la force à volonté au moyen d’une vis. Ce cylindre régu-
lateur est en communicalion avec un réservoir inter-
médiaire (6). Tant que la pression de Pair n°y a pas
atteint une valeur déterminée à l'avance, la pompe
fonctionne; au contraire, dès que l’on dépasse celle
pression-limite, le ressort antagoniste cède et le piston
1 La description est faite d'après Lngineering, auquel nous
avons emprunté nos figures.
d'étèn dt
hat ls de dns int bé
CNRS PEN CR
:
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 129
s'élève, entraînant avec lui, au moyen de sa tige, un
étrier et deux soupapes placées à la partie supérieure
de la pompe-à air. Celle-ci cesse alors de fonctionner,
La Genett Air Brake Company a récemment intro-
duit dans sen frein quelques perfectionnements qui
sont représentés dans la figure 2. Le principe et le
Fig. 1. — Délails du frein à air Genetl. — 1. Pompe à air. — 2, Excentrique actionnant la pompe 1. —
3. Robinet de frein. — 4. Cylindre de frein. — 5. Réservoir principal. — 6. Réservoir intermédiaire.
son piston se mouvant, pour ainsi dire, dans l’air libre.
L'action du régulateur est assez sensible pour que le
moindre abaissement de la pression dans le réservoir
intermédiaire remette la pompe en action, même
quand il ne faut qu’un seul coup pour atteindre de
nouveau la pression-limite. Au commencement d’un
voyage, la pression est celle de l'atmosphère; mais,
après une centaine de mètres de parcours, elle atteint
15 kilos, et lorsque, après un arrêt, cette pression est
diminuée de { ou 2 kilos, il ne faut pas plus de 12 mè-
tres pour la rétablir.
Le robinet de frein (3) est susceptible d’être mis en
communicalion :
1° Avec le réservoir intermédiaire (6);
2 Avec le réservoir principal (5) ;
3° Avec le cylindre de frein (4);
4° Avec un tuyau d'échappement (nou visible sur la
figure).
L’énumération des quatre positions que ce robinet
est susceptible d'occuper fera comprendre aisément son
fonctionnement :
La première position met encommunication le réser-
voir intermédiaire et le réservoir principal et permet à
la pompe de les remplir d’air à la pression désirée.
En tournant le robinet à sa seconde posilion, on re-
lie le réservoir principal au cylindre de frein, dont on
provoque ainsi le fonctionnement, En même temps, le
réservoir intermédiaire se trouve isolé et conserve sa
pleine pression.
Pour désarmer le frein, on tourne le robinet à sa
troisième position : on intercepte ainsi toute commu-
nication avec les réservoirs et on relie le cylindre de
frein au tuyau d'échappement. Comme jusqu'ici le ré-
servoir intermédiaire est resté à la pression normale,
la pompe à air ne fonctionne pas, ce qui évite de don-
ner à la voiture un supplément de charge au moment
du démarrage. C’est seulement après celui-ci, que le
conducteur ramène le robinet à sa première position.
Enfin, pour enlever la poignée du robinet, il faut l’a-
mener à sa quatrième position, qui rompt absolument
toutes les communications.
fonctionnement de l'appareil restent les mémes; mais
la tige d’excentrique est excessivement réduite, et ce-
lui-ci est enfermé dans une caisse que l’on remplit
Fig. 2. — Elévation el plan du frein à air Genell
perfeclionné.
d'huile. On a ainsi l'avantage de préserver l'appareil
de la poussière et d'assurer un graissage parfait.
La vapeur qui arrive dans les cylindres des machines,
contient toujours un peu d’eau entraînée avec elle. Cette
eau, s'accumulant dans les cylindres, occasionne, en
raison de son incompressibilité, le phénomène dit du
coup d'eau. Ce coup d’eau, véritable choc sur le fond du
130 ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
cylindre, porte une atteinte constante à la solidité des
organes. Aussi a-t-on, depuis longtemps, cherché à
supprimer celte adduction d’eau liquide, lors de l’ad-
nussion de la vapeur, Les appareils imaginés dans ce
but portent le nom de séparatewrs Celui que représen-
subit de direction et se sépare de la vapeur pour
tomber au fond de la cage de l'instrument.
D'ailleurs, pendant tout le trajet de la vapeur, les
choses sont arrangées de telle facon que l'eau soit
entrainée aussitôt après sa séparation. Toute celle qui
Fig. 1.
— Séparalew: d'eau pour machines à vapeur.
Fig: Aret:2:
A, support du cylindre; -B, cylindre de la machine:
tent les figures 4 et 2 ! a extérieurement la forme du
cylindre, et est construit de telle facon que la section
de passage offerte à la vapeur soit toujours égale à
celle de la conduite d'arrivée. Ainsi qu'on le voit par
É s flèches ble anches de la figure 2, la vapeur arrive par
la partie supérieure et pénètre d’ abord en descendant,
puis fait une courbe brusque. La puissance de sé para-
tion, si nous pouvons nous exprimer ainsi, semble être
en raison inverse du rayon de ce coude. L’ eau entrainée
se refuse, par suite de son inertie, à ce changement
1 American machinist. N° du 20 décémbre 1894.
— À gauche (fig. 1),
C, bäti entourant la
forme de cylindre vertical, le séparateur D, pourvu de ses accessoires. — A droite (fig.
sur lequel s'écoule l'eau de la surface intérieure de la conduite d'arrivée ;
Fig. 2.
appareil complet
placé sur un cylindre .
glissière ;
sur le cylindre B est monté, sous
2), coupe du séparaleur. À, cône
B, crible recouvrant le toit C.
est contenue à la surface intérieure de la conduite
d'arrivée s'écoule sur le cône A et se rend directement
à la chambre à eau,
Le courant de vapeur, à son entrée dans le séparateur,
frappe un toit conique formé d’une plaque de métal C,
recouverte d'une sorte de crible B, que l’eau traverse
dans un seul sens; par conséquent, il est impossible à
toute goutte d'eau séparée de la vapeur de venir S'y
mêler une seconde fois. La surface intérieure du sépa-
rateur est recouverte d’un crible semblable à celui du
petit toit supérieur. Une fois qu'une goutte à traversé
ces cribles, elle s'écoule directement à la chambre à eau.
À. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique,
4 es
TD ET) M
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 431
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
11 Sciences mathématiques.
Niewenglowski (B.), Professew: de Mathématiques
spéciales au Lycée Louis-ie-Grand, membre du Conseil
supérieur de l’Instruction publique. — Cours de Géo-
métrie analytique, à l'usage des élèves de la Classe de
Mathématiques spéciales et des candidats aux Ecoles du
Gouvernement. Tome I. Sections coniques. — 1 vol.
grand in-8° de 483 pages (Prix : 10 fr.). Gauthiers- Vil-
lars et fils, Paris, 1895.
Le nouvel ouvrage de M. Niewenglowski n'est que le
premier volume d’un cours de Géométrie analytique qui
en occupera {rois. À en juger par l'étendue de ce vo-
lume, on se figure aisément le degré de développement
qu'atteindra le cours complet, qui comprendra non
seulement les connaissances exigées des candidats à
l'Ecole Polytechnique ou à l'Ecole Normale, mais da-
vantase encore, l'auteur n’entendant pas se limiter aux
seules théories prescrites par les programmes, Les
queslions étrangères sont, d’ailleurs, distinguées par
une impression en caractères plus petits. La géométrie
plane fait l’objet des deux premiers volumes; le.troi-
sième sera consacré à la géométrie à trois dimensions.
Le tome I, seul paru, est divisé en vingt chapitres et
est intitulé « Sections Coniques ». A vrai dire, il contient
la ligne droite, le cercle, la partie essentielle de la
théorie des coniques, la théorie des tangentes et celle
des enveloppes, la transformation par polaires réci-
proques. On y trouve, et au delà, ces notions, ces
aperçus qui, sans appartenir vraiment aux programmes,
ouvrent des horizons à l'élève laborieux et contribuent
si souvent à en faire un lauréat. Des applications choi-
sies et de nombreux exercices proposés permettent
l'assimilation rapide des théories. Les questions sont
fréquemmment résolues par plusieurs méthodes. Le
dernier chapitre, qui est l'étude des sécantes com-
mures à deux coniques, est concu d’après les idées
développées par M. Kænigs dans ses lecons de l’agré-
gation mathématique : c’est dire que l'ouvrage est au
courant des derniers progrès.
Une place importante a été réservée aux coordon-
nées trilinéaires et aux coordonnées fangentielles. L'au-
teur introduit ces dernières avec toute la discrétion
que comporte un pareil cours : les considérant à peine
dans la théorie de la droite et dans celle des tangentes,
c'est seulement après la transformation par polaires
réciproques qu'il en donne les principales applica-
tions, alors que cette transformation en permet une
interprétation lumineuse.
L'ordre adopté est celui qui convient le mieux aux
débutants, Mais, comme le déclare l’auteur lui-même,
cet ordre n’est pas nécessaire, et rien n’empêchera
d'étudier, avant les coniques, les généralités relatives
aux courbes planes,
Les définitions sont posées avec netteté et précision,
à commencer par celles qui concernent les questions
de sens, d'orientation, souvent troublantes pour les
commençants. Les procédés sont symétriques, l'exposi-
tion très méthodique. Si j'ajoute que MM. Gauthier-Vil-
lars ont imprimé l'ouvrage avec leurs soins habituels,
j'aurai dit, je pense, qu’il constitue an bon guide pour
s'acheminer vers l'Ecole Polytechnique, vers l'Ecole
Normale, ou même vers des examens d’ordre supé-
rieur. G. FLoQuer.
Eberhard (D V.), Professor au der Universität zu Ko-
nigsberg in-8°. — Uber die Grundlagen und Ziele :
der Raumlehre. — 1 broch. de XXX pages. B. G.
Teubner, éditeur, Leipzig, 1895.
Cartan (Elie), Préparateur à l Ecole Normale supérieure.
— Sur la Structure des Groupes de transforma-
tions finis et continus. Thèse pour le doctorat de Wu
Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol. in-8° de 156 p.
Librairie Nony et Cie, 17, rue des Ecoles. Paris, 189%.
On sait l’analogie profonde qui existe entre un
groupe l, (groupe de M. Lie) de transformations fini
et continu, et un groupe Fl; (groupe de Galois et de
M. Jordan) de substitutions, La structure de F, c’est-à-
dire la facon dont se comportent vis-à-vis les uns des
autres les sous-groupes contenus dans F', fournit l'i-
mage exacte des propriétés :
pour [;, d’un système S d'équations aux dérivées par-
tielles du premier ordre ou aussi d’une équa-
tion différentielle linéaire (recherches de
MM. Picard et Vessiot);
pour le, d’une équation algébrique E.
Par exemple, si l se ramène à des sous-groupes de
moins en moins compliqués, S est intégrable et E so-
luble par radicaux. En pareil cas, M. Jordan dit
que l est résoluble; et M. Lie que F, estintégrable, Tels
sont encore les groupes F, simples, demi-simples, non
simples, qui correspondent aux groupes l, simples et
corn posés.
La structure de l, se reconnait à des caractères assez
faciles. Le groupe étant engendré par des transforma-
tions infinitésimales, le symbole de chaque pareille
transformation-produit est une fonction linéaire et
homogène à coefficients constants des symboles des
transformations infinitésimales du groupe, La structure
ne dépend que des valeurs choisies pour ces coeffi-
cients. Intervient aussi une certaine équation algé-
brique À, dite caractéristique, entièrement analogue à
celle qui se présente dans la réduction des substitu-
tions linéaires à leur forme canonique. Sur les racines
et les coefficients de A se reflètent les propriétés essen-
tielles de F, celles qui sont indépendantes du choix
des variables. À indique aussi l'intégrabilité, la sim-
plicité ou la non-simplicité de FL et fournit même un
élément de classification plus compliqué, le rang.
La thèse est consacrée à l’exposé et à l'application
de certaines règles pour la construction effective des
groupes, règles fondées sur les caractères ci-dessus
indiqués.
Les résultats finaux que l’on entrevoit sont les sui-
vants : 4° Tout F,, qui n’est pas intégrable, provient
de l'association de sous-groupes intégrables avec des
sous-groupes simples; 2° le nombre de types distincts
pour les groupes simples est très restreint, dix ou
douze.
La proposition est de la plus haute importance en
Analyse : l'intégration des systèmes S d'équations aux
dérivées partielles, dans leur immense variété, se ra-
mène à un très petit nombre de problèmes distincts, à
traiter directement chacun par les procédés du calcul
intégral.
Le fond de cette très intéressante thèse appartient à
M. Lie et à ses continuateurs MM. Engel, Umlauf,
Killing.., dont M. Cartan se réclame d’ailleurs expli-
citement. Mais l'auteur a complété et précisé beaucoup
de démonstrations et même rectifié des erreurs de
“M. Killing. Le tout constitue donc un très honorable
travail de doctorat.
Léon AUTONNE.
132 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
2° Sciences physiques.
Edward Nichols, Professeur de Physique à l'Univer-
silé Cornell, Ithaca, New York. — A laboratory ma-
nualof Physics and applied Electricity.— Vol. 1,Ju
nior Coursesin général Physies ; Vol.H, Senior Courses and
outlines of avanced work. — Deux volumes de XIV-294%
et IV-444 pages, avec 108 et 245 fiqures. dans le teæte el
quatre planches. (Prix : 30 fr.) New-York et Londres,
Macmillan et C°, 1895.
IL existe aujourd'hui un bon nombre de traités de
manipulations de Physique, rédigés en vue des divers
examens universitaires ou adaptés aux besoins tech-
niques spéciaux des ingénieurs, des électriciens, des
médecins, des pharmaciens, etc. ; à la grande pénurie
d'autrefois a succédé l’état actuel, qui n’est pas encore
la pléthore, mais qui paraît largement suffisante.
On doit se féliciter du développement de ce genre
de littérature, car il témoigne des grands progrès réa-
lisés par l’enseignement de la Physique théorique et
appliquée : sans travaux pratiques, les élèves ne sau-
raient s'intéresser à la Physique comme il convient, et
ils Papprendraient mal; aussi fait-on aujourd’hui par-
tout des exercices de laboratoire.
Les divers ouvrages relatifs à l’école pratique de phy-
sique ont une physionomie toute particulière, suivant
le genre de lecteurs auxquels ils s'adressent et suivant
le pays dans lequel ils ont été publiés; ils ont con-
servé une certaine originalité, qu'on ne retrouve plus
du tout dans les traités de Physique, qui ne changent
suère que de langue et d’éditeur en traversant le Rhin
ou la Manche; les premiers présentent à cet égard un
grand intérêt, parce qu'ils reflètent les méthodes spé-
ciales d'enseignement des maitres et des écoles, avec
le caractère propre des hommes et le génie particulier
des professions et des races pour lesquels ils ont été
écrits.
L'analyse du Manuel de Physique appliquée de
M.Edward Nichols nous fait connaître la méthode d’en-
seisnement adoptée dans les universités américaines.
A la lecture de la table des matières, on s’apercoil
immédiatement de la tendance essentiellement pra-
lique des programmes : la Mécanique physique, la
Chaleur et l'Electricité, voilà les préoccupations domi-
nantes de celui qui enseigne; l'Acoustique et
l'Optique sont mises au second plan et l'Optique phy-
sique est écartée presque totalement. L’Electricité est
le plus largement développée : dans le volume même
destinéaux commencants (Junior course), on aborde
des questions d'électricité relevées, telles que la me-
sure des forces électromotrices, la recherche des sur-
faces équipotentielles dans un liquide conducteur, la
détermination du décrémentlogarithmique d’une oscil-
lation, la mesure des capacités, l'étude de l'induction
mutuelle, etc, Un grand emploi est fait des procédés
graphiques, qui donnent des résultats plus suggestifs
que les méthodes de calcul. Le commentaire des opé-
rations et le rappel de la théorie est très concis et fort
bref : il s'adresse à des élèves avancés déjà, auxquels
il est même possible de proposer quelques intégrales
faciles. A certains égards, nos candidats à Ja licence
auraient donc avantage à suivre le Junior course des
universités américaines : par contre, ils trouveraient
superflu de démontrer expérimentalement le théorème
du parallélogramme des forces et le principe des mo-
ments, etils témoigneraient peu de goût pour la véri-
fication des lois de la pesanteur par la machine d’At-
wood, et divers autres exercices du premier chapitre.
Le second volume diffère essentiellement du premier
par sa rédaction aussi bien que par son programme ;il
convient d'exposer les questions et de les discuter
d'une manière spéciale quand on s'adresse à des audi-
teurs déjà formés par une longue fréquentation des la-
boratoires et par la pratique des instruments clas-
siques; ce sont. d’ailleurs, des travaux d’un autre genre
qu'il faut leur proposer. M. Nichols les emprunte à la
chaleur, à la photométrie et à l'électricité; les exer-
| cices relatifs à cette dernière branche de la Physique
sont les plus développés et ils forment deux chapitres,
consacrés séparément aux courants continus et aux
courants alternatifs. Cette partie du second volume
présente un grand intérêt, parce qu'elle renferme des
indications réellement originales : elle s'adresse évi-
demment à des physiciens désireux d'approfondir l'é-
tude de l'électricité pour devenir des ingénieurs élec-
triciens habiles et:compétents. Plus de cent expériences
sont indiquées, fort brièvement il est vrai, mais avec
assez de détails pour permettre aisément leur réalisa-
tion, et avec un commentaire suffisant pour suggérer
souvent d'intéressantes variantes dans l'exécution,
Le second volume se termine par une esquisse de
travaux et de recherches (outlines of avanced work in
general Physics); ce programme s'applique à l'étude de
l'influence de la température sur diverses constantes, à
la détermination du rendement des sources de lumière
et de leurs courbes d'intensité, à la spectro-photomé-
trie, à la composition du spectre invisible, à l'optique
physiologique, et enfin à l'exploration du champ ma-
“nétique terrestre. Bien que l'utilité de cette partie de
l'ouvrage soit contestable, attendu que les savants qui
s’adonnent aux recherches originales n’ont guère besoin
de puiser des idées dans un livre de ce genre, il faut
reconnaître néanmoins que les jeunes physiciens,
enfin débarrassés du souci des examens proprement
dits, pourront lire avec profit ces monographies, qui
leur serviront de modèles et de guides. Ce ne sont as-
surément pas des modèles de thèses de doctorat, mais
ce sont du moins des types de mémoires dans lesquels
des débutants trouveront des indications profitables,
En somme, ce traité américain de manipulations
présente un réel intérêt pour un lecteur francais.
L'exécution typographique est parfaite et les figures
sont gravées avec une remarquable netteté.
Nommons enfin les collaborateurs de M. le Pr Ni-
chols, qui se sont partagé avec lui la rédaction des
différentes parties de l'ouvrage : ce sont : MM. Moler,
Bedell, Hotchkiss et Matthews ; ils ont signé les cha-
pitres qui leur ont été confiés. A. Wirz.
ERenard (Ad.), Docteur ès sciences, Professeur de Chimie
à l'Ecole supérieure des Sciences de Rouen. — Diction-
naire d'analyse des substances organiques in-
dustrielles et commerciales. — 1 vol, in-8° de
440 p. avec 28 fig. (Prix relié 10 fr.) Baudry et
Cie, éditeurs. Paris, 1895.
L’essai des produits organiques, industriels, pharma-
ceutiques ou alimentaires est, comme on le sait, par-
liculièrement délicat: Le dosage de leurs éléments
utiles, la recherche des impuretés qu'ils renferment
toujours, soit naturellement, soit par fraude ou falsifi-
cation, exigent l'emploi de méthodes spéciales, dont la
plupart des traités de chimie ne font même pas men-
Lion.
Ces méthodes sont, par suite, peu connues, et il nous
arrive quelquefois d'être réellement embarrassés, lors-
qu'une pareille question se présente dans nos labora-
toires, où une routine, regrettable autant pour la
science que pour l'industrie, nous oblige à rester
constamment dans le domaine de la la chimie pure. Il
uous manquait un manuel de lessayeur des matières
premières organiques.
Un tel ouvrage ne pouvait être mené à bien que par
quelque spécialiste dûment autorisé ; par sa situation,
par ses relations et par ses profondes connaissances
en chimie générale et industrielle, M. Renard était,
mieux que personne, en état de le faire; en le faisant,
il nous rend service et nous l’en remercions.
Dans son petit volume, le savant professeur de Rouen
passe en revue les principales substances industrielles
de nature organique; pour chacune d'elles il indique
sommäairement la marche à suivre pour déterminer sa
composition qualitative ou quantitative; l'analyse des
alcools, du beurre, des huiles, des matières colorantes,
des essences, du lait, du pétrole, des sucres, du
BIBLIOGRAPHIE — :
‘vin, etc., est l'objet d’une étude toute spéciale; des
tableaux intercalés dans le texte donnent les princi-
paux résultats analytiques nécessaires à la compa-
raison; de nombreux index bibliographiques permet-
tent, s’il y a lieu, de remonter aux publications origi-
nales des auteurs cités; enfin, l’ordre alphabétique des
matières rend les recherches aussi faciles que possible,
tellement faciles même que l’auteur a pu se passer de
table.
C'est sans doute ce mode d’arrangement qui a con-
duit M. Renard à donner à son livre le nom de Dic-
lionnaire; peut-être eût-il été préférable de choisir un
titre qui fit mieux ressortir le but de louvrage et
n’obligeàt pas à le lire pour en apprécier la valeur pra-
tique.
Cette valeur est grande, et nous espérons que le
succès permettra à l’auteur, avec de nouvelles éditions,
de nous tenir au courant des progrès accomplis dans
l'analyse des matières organiques industrielles; son
livre prendra alors certainement place à côté des
recueils qui, comme le Fresénius, restent en perma-
nence sur la table des laboratoires.
L. MAQUENNE.
3° Sciences naturelles.
Geddes (P.), Professeur de Botanique à l'Université dE-
dimbourg. — Chapters in modern Botany. — 1 vol.
in-8°, Crown de 201-x11 pages avec S fig. — Londres,
J, Murray, 189%,
Dans ce livre, tout à fait au courant des derniers
progrès de la science, le savant professeur d'Edim-
bourg traite des points les plus captivants de la bio-
logie végétale. Les chapitres qui concernent les plantes
inseclivores et le mouvement végétäl mérilent surtout
d'être signalés. L'auteur passe en revue les genres
Nepenthes, Cephalutus, Sarracenia, Darlingtonia, Drosera,
Dionæa, etc., et cite Les célèbres expériences qui con-
duisirent Charles Darwin à écrire son ouvrage sur les
plantes carnivores. M, Geddes rappelle ensuite les re-
cherches d’après lesquelles le D Raphaël Dubois, le
distingué professeur de physiologie de la Faculté des
Sciences de Lyon, tout en constatant chez les plantes
à urnes, et notamment chez les Nepenthes, la présence
indéniable d'un ferment digestif, affirme que, dans le
cas où le liquide de l’urne est stérilisé de facon à sup-
primer l’action des bactéries, il ne se produit pas la
moindre indication du phénomène de digestion. D’a-
près M. Dubois, il ne faudrait donc voir dans le pré-
tendu carnivorisme ou inseclivorisme des plantes à
urnes qu'un phénomène de putréfaction, dû à l’action
des bactéries. En admettant que l’on doive laisser de
côté l'interprétation de Ch. Darwin, comment expli-
quer la présence de la substance visqueuse et déli-
quescente ? Faut-il y voir une relation avec la transpi-
ration? Cette substance aurait-elle pour but d'empècher
ou tout au moins de ralentir l’évaporation, si active
dans les régions tropicales? Serait-elle capable de
puiser la vapeur d'eau dans l’atmosphère à la facon
des racines aériennes des Orchidées, ou bien encore
aurait-elle pour but de faciliter, en vertu de l’osmose,
la circulation du courant transpiratoire indispensable
dans le processus de la vie végétale ? Ici s'ouvre un in-
téressaut champ d’investigation pour les physiologistes.
Quoi qu'il en soit, en supposant qu'on trouve là l’ex-
plication de ce qui se passe chez les plantes à «scidies,
M. Geddes estime qu'il est impossible de l’invoquer
dans le cas des mouvements si remarquables, avec
augmentation de sécrétion, des Drosera et surtout des
Dionées, Et même, si, au point de vue théorique, l’in-
sectivorisme n’est réellement que la seconde partie du
processus, au point de vue du bénéfice acquis par ta
plante, il joue incontestahlement le premier rôle,
Passons maintenant aux mouvements plus généraux.
Pour Ch. Darwin, la circumnulation modifiée est la
‘source principale de tous ces mouvements. Elle est
ntodifiée, dans son amplilude et sa direclion, par
[
GA À nd
NALYSES ET INDEX 433
un stimulus interne ou externe, de facon que la
plante se trouve toujours dans les meilleures condi-
lions possibles. Grâce à cette explication, une diffi-
culté considérable pour la doctrine de l'évolution se
trouve écartée en partie. On pouvait, en effet, se de-
mander comment ces différents mouvements se pro-
duisaient tout d’abord. Wiesner, l'éminent professeur
de Botanique de l'Université de Vienne, ne croit pas
la circumnutation aussi fréquente que le prétend
Ch. Darwin. Il objecte que certaines tiges ou feuilles
croissent selon une ligne droite parfaile, Il ajoute que
certaines courbures, telles que celles dues au géotro-
pisme et à l’héliotropisme, ne peuvent pas être inter-
prétées comme étant des modificalions de la cireum-
nutation ; certaines parties de plantes chez lesquelles
on n'observe pas de circumnutation, sont cependant
capables de courburès géotropiques. Francis Darwin,
qui assistait son père dans ses recherches sur les
mouvements végétaux, déclare ne pouvoir abandonner
l’idée de la généralité de la cireumnutation, en admet-
tant même que cé phénomène ne soit pas aussi ré-
pandu qu'on le croyait d’abord. Du reste, la question
peut encore êlre envisagée à un autre point de vue, si
l’on admet, avec Vochting, la rectipétalité, force régu-
latrice par laquelle les irrégularités inhérentes à la
croissance seraient réprimées au bénélice de l’accrois-
sement rectiligne. La circumnutation serait la mani-
festation extérieure de ce phénomène.
Signalons enfin le chapitre où il est traité de la
symbiose, et dans lequel M. Geddes cite les expé-
riences de Stahl, récemment répétées par M, Gaston
Bonnier, professeur à la Sorbonne.
En somme, le petit volume de M. Geddes est d’une
lecture bien attrayante et mériterait certainement les
honneurs de Ja traduction.
Edmond BorDAGE,
Directeur du Muséum d'Histoire naturelle
de la Réunion (Bourbon).
Chatäin (J.), Professeur adjoint à la Faculté des
Sciences de Paris, Membre de L Académie de Médecine. —
Organes de nutrition et de reproduction chez les
Vertébrés. — Unvolume petit in-S° de 1T6 pages, fai-
sant partie de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mé-
moire dirigée par M. H. Léauté, membre de l'Institut.
{Prix : broché, 2 fr. 50 ;‘carlonné, 3 francs ) Gauthier-
Villars et fils et G. Masson, éditeurs, Paris, 1895.
M. Chatin a précédemment publié dans l'Encyclopédie
des Aide-Mémoire deux volymes d'anatomie comparée
sur les organes de relation chez les Vertébrés et chez
les Inverlébrés (voy. Revue générale des Sciences.
15 mai 1894, p. 338, et 20 août 1894, p. 625) ; le présent
volume traite des organes de relation et de reproduc-
tion chez les Vertébrés, et est rédigé dans le même es-
prit, au point de vue del’anatomie comparée pure.
M. Chatin étudie successivement pour chaque groupe
de Vertébrés (Mammifères, Oiseaux, Reptiles, Batra-
ciens, Poissons et Acràniens) : l’apparen digestif (ca-
vité buccale. tube digestif, foie et pancréas, thymus
el corps thyroïde); l'appareil circulatoire (cœur, vais-
seaux, lymphatiques, rate); lappartil respiratoire,
(larynx, trachée, poumons, branchies, vessie natatoire);
l'appareil excréteur (reins et capsules surrénales) et
les organes de reproduction,
C'est un résumé suceincet ef clair, malgré l'absence de
fizures, des connaissances anatomiques indispensables
à l'étudiant, la physiologie et le développement étant
complètement laissés de côté, sauf à propos des reins
où l'organogénie est indispensable pour bien com-
prendre les faits. Une courte bibliographie termine le
volume.
L. CuÉxor.
Pelseneer (P.), Professeur agrégé à la Faculté des
Sciences de Bruelles. — Introduction à l'étude des
Mollusques. — 1 brochure in-8° avec figures. H. La-
mertin, éditeur. Bruxelles, 1895,
134 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
4° Sciences médicales.
Nocard (Ed.), Professeur à l'Ecole Vétérinaire d'Alfort.
— Les Tuberculoses animales; leurs rapports
avec la Tuberculose humaine, — { vol. pelit in-8° de
210 pages, de l'Encyclopédie scientifique des Aide-mé-
moire, dirigée par M. H. Léauté, de Pinstitut. (Prier
2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) — Gauthier-Villars et fils et
G. Masson, éditeurs. Paris, 1895,
Il n'est pas de maladie qui frappe un aussi grand
nombre d'espèces animales; pas un de nos animaux
domestiques n'y est complètement réfractaire; il
n'existe entre eux que des différences de réceptivité :
ceux qai, dans les conditions naturelles, échappent à
la contagion, ne résistent pas aux inoculations expé-
rimentales; nos basses-cours elles-mêmes sont fré-
quemment dépeuplées par la tuberculose; l’homme,
enfin, lui paie un si lourd tribut qu'à Paris les der-
nières statistiques évaluent à plus de 23 °/, le nombre
des décès qui lui sont dus.
C'est ainsi que débute le nouveau livre que M, le
Pr Nocard vient de faire paraître dans l’Encyelopédie
des Aide-Mémoire. Personne mieux que le savant
professeur d’Alfort ne pouvaitécrire ce volume, où il
parle d’une maladie, vérilable panzoolie universelle,
entretenue dans l'espèce humaine par toutes les causes
de contagion qui nous viennent des animaux.
Il énumère d'abord les espèces atteintes. Les bovidés
le sont très souvent dans certaines régions, il en est où
l'on estime à 25 °/, de la population totale le nombre
des tubereuleux. Le chapitre premier est consacré à
l'étude de la tuberculose des bêtes bovines. On {rouve
dans ce chapitre un véritable historique de la maladie.
Il décrit les lésions, l'histologie de ces lésions, l'histo-
rique de la découverte de Ja spécificité de la tubercu-
lose, celle du bacille, la techniquè pour sa recherche,
sa culture. Dans la partie clinique, il énumère les
symptômes, puis Le diagnostic clinique, le diagnostic
bactériologique, le diagnostic expérimental, enfin le
diagnostic par la tuberculine. Cette partie de l'ouvrage
est des plus intéressantes, c’est un exposé historique de
la tuberculine et de son utilité dans le diagnostic de
la tuberculose bovine, On devait s'attendre à voir cette
partie magistralement traitée par celui qui s’est fait
l'apôtre de l'application de la tuberculine. :
Le paragraphe suivant est consacré à l'étiologie et à
la pathogénie,
Il-débute par des anecdotes qui le rendent attrayant
et nous raconte que depuis longtemps on croyait dans
certains pays que la phtisie était contagieuse et qu’on
y prenait des mesures de désinfection. Puis, les tra-
vaux de Villemin, de Chauveau, de Koch, défilent sous
les yeux du lecteur, Au point de vue de Pétiologie de
la tuberculose dans Les étables il faudrait citer toutes
les pages, qui sont toutes des plus intéressantes.
A propos de l’hérédité, l'auteur termine ainsi : « En
résumé, s’il est vrai que le bacille de Koch puisse par-
fois passer de Ja mère au fœtus, il n'est pas moins vrai
que ce passage est chose absolument exceptionnelle ;
ce que la mère malade transmet à ses produits, ce n’est
pas la maladie elle-même, c’est la prédisposition, l’ap-
titude à la contracter; en d’autres termes, on naît tu-
bereulisable, on ne naît pas tuberculeux. »
Résistance du bacille aux causes de destruction,
action des antiseptiques: tel est le titre du paragraphe
suivant. On y voit, à propos de l’action de la chaleur,
que le lait tuberculeux n’est plus dangereux après
ï minutes de chauffage à 85°.
A propos de la transmission expérimentale de la tu-
berculose, l’auteur passe en revue les divers modes
d’inoculation, injection intra-péritonéale, sous-cutanée,
intra-veineuse, dans la chambre antérieure de l'œil,
sous l’épiderme par piqûres ou scarification, linha-
lation ou l’ingestion de matières tuberculeuses.
Il arrive ensuite à établir l'identité de la tuberculose
des animaux et de celle de l’homme; il n’y a plus de
doute que pour la tuberculose aviaire,
Dans la partie consacrée aux produits virulents il
parle de l’usage de la viande et du lait des animaux
tuberculeux. I s'élève contre la gravité des mesures
excessives qui affirment la nécessité de la saisie totale,
quelle que soit la bonne qualité apparente de la viande,
si limitées que soient les lésions tuberculeuses; et il
approuve les prescriptions adoptées en Allemagne en
1892, et qui sont bien plus modérées, en ce sens qu’elles
ue proscrivent pas l'usage de la viande des animaux
tubereuleux, s'il n'existe pas de tuberculose géné-
ralisée,
A propos du lait, il cite ce fait qu'en Danemark on
emploie aujourd’hui la pasteurisation du lait pendant
15 minutes à 65°, ce qui non seulement permet de
conseiver le lait et de ne pas l’'employer de suite, mais
pratique qui offre encore le grand avantage de sup-
primer à peu près tout le danger de l’usage du lait el
de ses dérivés, le beurre et le fromage.
Enfin, arrivent la police sanitaire et la prophylaxie ;
l’auteur nous y montre les services que la (uberculine
peut rendre pour aider à la prophylaxie.
Le chapitre 11 est consacré à la tuberculose du pore,
moins fréquente que celle du bœuf, Le chapitre ut à la
tuberculose du cheval qui est relativement rare.
Le chapitre 1v, à la tuberculose des petits ruminants,
le mouton et la chèvre, qui sont très rarement tuber-
culeux, mais à qui on peul inoculer artificiellement la
maladie,
Le chapitre v traite de la tuberculose du chien et
du chat. Il cile des cas de tuberculose donnés par le
chien et le chat à l'homme, et inversement, Aussi con-
seille-t-il d’éloigner des appartements les animaux qui
toussent, comme étant dangereux surtout pour les
enfants, leurs habituels compagnons de jeu.
Au chapitre viet dernier, il se déclare partisan de
l'identité de la tuberculose des oiseaux avec la tuber-
culose humaine, La cause de la tuberculose aviaire
n'est pour lui qu'une variété de bacille de Kock. Il
s'appuie sur ce que, par passages nombreux par lé
cobaye, on arrive à obtenir des lésions identiques à
celles produites par la tuberculose humaine et quelle
que soit la provenance du bacille, il est impossible de
noter une différence entre les aclions produites par
les tuberculines préparées par l’un et par l’autre.
Il recommande en terminant l'usage de la tubercu-
line pour le diagnostic chez les oiseaux, précieuse pra-
tique qui permet d'édicter les mesures de prophylaxie.
En somme, ce livre est une véritable et courte mono-
graphie de la tuberculose, car il touche à toutes Les
questions intéressant l'histoire de cette maladie et, au
point de vue de la prophylaxie, il est destiné à rendre
les plus grands services en permettant à tous, méde-
cins, vétérinaires, hygiénistes, de se meltre au courant
de la question de la tuberculose.
Dr Loin,
Directeur de l’Institut Pasteur de Tunis.
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-S° colombier, avec nombreuses
fiqures intercalées dans le texte et planches en cou-
leurs. 522° et 523° livraisons, (Prix de chaque livrai-
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes,
Paris, 1895.
Les 522 et 523e livraisons renferment une étude
sur la détermination de Ja latitude en mer par M. Ker-
lero du Crano ; une monographie géographique et his-
torique du Latium par M. À. M. Berthelot; un article
sur le genre botanique Laurier, l'histoire des conciles
tenus dans la célèbre basilique de Latran, à Rome ; la
biographie du grand chimiste francais Lavoisier avec
une étude sur son œuvre par M. Marcelin Berthelot,
membre de l’Institut; la biographie du cardinal La-
vigerie, par M. E. Krüger, celle d’E. Lavisse, par M. C«
Langlois, et celle du financier Law, par M, H. Monin.
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pe ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
435
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 8 Avril 1895
M. Agassiz adresse une leltre sur la formation, par
la Société des Chimistes américains, d’un Comité pour
la souscription au monument que l’Académie a pro-
posé d'élever à Lavoisier,
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. M. Zochios énonce
un certain nombre de théorèmes sur les substitutions.
— M. Mirinny adresse une note ayant pour titre:
Etude sur la synthèse mathématique et sur la résolu-
tion générale des équations. — M. H. Faye présente
à l'Académie, au nom du président, M. Cruls, le travail
de la Commission chargée de déterminer les localités
du Brésil qui offriraient les plus sérieuses garanties
de suecès pour la translation de la capitale de cet
empire dans une région plus saine et plus sûre; il
donne la siluation géographique du district proposé
pour la capitale future. — M. Cruls, dans une lettre
adressée à M. Faye, résume les opérations essentielles
exéeutées par la Commission d'exploration du plateau
central du Brésil, dans le but d'y transférer la capi-
tale.
2° SciENCES Pnysiques. — M. le Secrétaire perpétuel
signale, parmi les pièces imprimées de la correspon-
dance, un ouvrage de M. Houette ayant pour titre :
Les courants de la Manche. — M. Alfred Basin adresse
un mémoire intitulé : Le paquebot insubmersible. —
M. A. Poincaré présente une nouvelle note sur les
relations entre les mouvements atmosphériques et les
mouvements de la lune, il signale les déplacements
en latitude moyenne des lignes de maxima baromé-
triques de la zone tempérée avec les mouvements en
déclinaison de la lune, et montre que les conditions
atmosphériques sont puissamment et régulièrement
influencées par la lune à chaque révolution tropique
el à chaque révolution du nœud. — M.J, Macé de
Lépinay discute les expériences encore inacheyées
. qu'il a entreprises pour la détermination de la masse
du décimètre cube d’eau distillée à 4° : d’après l’ordre
de la grandeur possible de l'erreur finale, l'erreur sur
la détermination de cette masse correspondra à 6 mil-
ligrammes. — M. H. Poincaré expose les considéra-
lions qui ont fait contester la signification de l’expé-
rience de M. Fizeau sur le spectre cannelé, pour mettre
en évidence la permanence du mouvement lumineux
pendant un très grand nombre d’oscillations. Une ana-
lyse plus complète conduit aux mêmes conséquences
que la clairvoyance de M. Fizeau avait devinées d’a-
vance, — M. de Thierry décrit un nouvel appareil dit
héma-spectroscope comparateur, spécialement desliné
à la recherche des quantités infinitésimales de sang
dans un liquide quelconque et à déceler sa présence
dans les taches, etc. D’après lauteur, cet appareil
pourrait rendre des services à la Médecine légale, à la
Chimie et à la Physique, par l'étude comparée des
spectres d'absorption de liquides quelconques exa-
minés sous une grande épaisseur, — M. Pellat déerit
uu appareil permettant de déterminer avec une grande
précision le pouvoir inducteur spécifique des diélec-
triques solides ou liquides; il expose son mode d’em-
ploi pour les solides. — M. A. de Gramont a déjà
exposé une méthode d'analyse spectrale directe qui lui
permet actueliement de reconnaitre le sélénium dans
les minéraux, IL donne la longueur d'onde des raies
dont la présence a été observée d’une manière certaine
dans les minéraux et qui offrent un caractère analy-
lique ; il cite plusieurs minéraux qui donnent facile-
ment les raies du sélénium, — M, Guntz a observé
que le lithium pur absorbe l'azote à une température
inférieure au rouge sombre: cette propriété permet de
montrer facilement la présence de l’argon dans l’azote
retiré de l'atmosphère et même de préparer ce gaz. —
M. Victor Delahaye adresse une note : Sur l’argon
considéré comme un azoture de carbone, — M. E. Mau-
mené à reconnu que le sesquioxyde de manganèse
provenant de la réduction du permanganate de potasse
est soluble dans les eaux sucrées; il a pu en dissoudre
05,500 dans 15 grammes de sucre et 30 grammes
d’eau. De l'étude des composés formés et de l’action
sur l'alcool et un grand nombre de matières orga-
niques, l’auteur conclut que Mn20# doit être mis au
rang des oxydants dont la réduction est lente, —
M. G. Deniges indique comment on peut utiliser la
combinaison de sulfate basique du mercure et de thio-
phène qu'il a signalée, pour le dosage quantitatif du
thiophène ; il indique un second mode de dosage plus
facile que le précédent en profitant de la formation
d'un autre composé peu différent, — M. L. Vaudin
rend compte de ses expériences sur le phosphate de
chaux du lait et formule ainsi ses conclusions : 1° Le
lait contient de l'acide citrique à l’état de citrate al-
calin, qui contribue à maintenir en dissolution le phos-
phate de chaux qui est contenu dans cette sécrétion.
2 Cette dissolution n'a lieu que grâce au rôle impor-
tant que joue, dans ce phénomène, la lactose en pré-
sence des citrates alcalins. 3° Toutes les influences
qui peuvent modifier ou détruire l'équilibre molécu-
laire des sels dissous dans le lait, tendent à précipiter
du phosphate tricalcique avec excès de chaux à l’état
de citrate, C. MATiGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. de Seynes présente un
mémoire sur la structure de l'hyménium chez un
Marasmius. Les éléments de cet hyménium n’offrent
aucun des caractères d’un baside: il montre une ten-
dance très nette à prendre les caractères d’un revète-
ment épidermique. — MM. Dupare et Ritter ont
entrepris une monographie géologique et pétrographi-
que du grès de Taveyannaz, dans ses rapports avec de
flysch. Ce grès est plutôt un conglomérat à petits
éléments, constitué par de très petits galets de roches
éruptives diverses et d'éléments détritiques, Ces ro-
ches ont beaucoup d'analosie avec celles du Vicentin.
Le grès de Taveyannaz est donc probablement formé
au détriment des projections volcaniques de cette
région qui auraient été amenées par des courants
marins. — M. André Delebecque envoie une note sur
le carbonate de chaux de l’eau des lacs. La quantité de
carbonate de chaux dissoute varie suivant la profon-
deur et suivant les saisons. M. Delebecque attribue ces
différences, en partie à la décalcification par la vie
organique, en partie aux variations de la tension de
l'acide carbonique de l'air qui influe sur la quantité
de bicarbonate de chaux dissous,
J, MarTiX.
Séance du 16 avril 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, G. B. Guccia s'est
demandé quel était l’abaissement produit dans le rang
nn (n+ n- 2) de la courbe gauche C suivant laquelle se
coupent deux surfaces algébriques d'ordre n et n,
quand les surfaces possèdent en un même point de
l’espace des singularités quelconques. — M. Petro-
vitch donne deux formules relatives à la sommation
des séries a l’aide des intégrales définies. — M. R. Le-
vavasseur, en raison de l'importance qui s'attache à la
recherche de tous les types de groupes desubstitutions
136
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
dont l’ordre égale le degré, a indiqué tous les types
correspondants aux ordres p°, p? q, pq?, pq ?, p,qetr
étant trois nombres premiers différents tels qu'on ait
p >gq=>7r. — M. Stodolkievitz donne les conditions
d’intégrabilité pour le système général :
(IE AO XL 4 dx, c'e X,, dx, ROC x dr
dans le cas particulier où entre les variables ai il y à
deux variables indépendantes et toutes les autres sont
variables dépendantes. — M. C. Maltézos remplace la
règle de Rondelet sur les bois et les pièces chargées
debout par la formule très simple :
N
S
55.200 É) AO MS0 2e 113,4,
4
qui concorde parfaitement avec la précédente, La
courbe des charges limites pour les bois, fer et fonte,
entre des limites assez étendues du rapport de la lon-
sueur de la pièce au plus petit côté de la section trans-
versale, se rapproche beaucoup et peut au besoin se
remplacer par un arc d'une parabole unique.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M, J. Janssen donne les
résultats de diverses observations de températures mi-
nima faites cet hiver au sommet du mont Blanc etdans
diverses stations intermédiaires, Le minima relevé au
sommet à été trouvé de — #30, — M. Alexis de Tillo,
pour étudier la variation séculaire de la direc-
tion de l'aiguille aimantée, a coordonné systlé-
matiquement les meilleurs cartes magnétiques,
21 cartes isogoniques et 7 cartes isocliniques. L'en-
semble du phénomène séculaire est représenté pardes
courbes irrégulières qui forment des 8 ou, en trails
généraux, des lemniscates à boucles de différentes
srandeurs. Le sens de la marche dépendde Ja partie de
la courbe. M.N.Gréhants'estproposé de rechercher
quels sont les gaz qui se dégagent des charbons main-
tenus incandescents par l'arc électrique; il a reconnu
qu'il se dégage de l’oxyde de carbone en petite quan-
lité. Si éclairage a lieu dans des salles qui sont de
faibles dimensions, comme certaines salles contenant
des machines productrices d'électricité, le dégagement
du gaz toxique dans l'air confiné peut contribuer à pro-
duire, chez les ouvriers, les maladies souvent très
graves qui ont été constatées. — M. Edouard Branly
a étudié la déperdition électrique par Pillumination de
corps médiocrement conducteurs; l'observation du
bois, du marbre, du verre chauffé, conduit à quelques
résultats intéressants, Avec une illumination produite
par un corps chauffé au rouge sombre, le phénomène
dépend surtout de la surface du corps incandescent, la
nature du conducteur illuiainé parait èlre sans -effet ;
au contraire l’éclairement par des rayons réfrangibles
donne une déperdition qui dépend de la nature des sur-
faces. — M. Daniel Berthelot propose une nouvelle
méthode pour prendre la température d'un milieu par
le simple examen d’un rayon lumineux qui l'a tra-
versé. Elle est fondée sur les propriétés des gaz, indé-
pendante de la nature de l'enveloppe thermométrique
et même de sa forme el de sa dimension; elle permet
d'opérer sur les gaz contenus dans l'intérieur des
hauts fourneaux du four électrique, ete. La méthode
est particulièrement recommandable pour l'évaluation
des hautes températures. — M. L. Teisserenc de
Bort signale l'existence de varialions anormales de
pression avec la hauteur : 1° l’écart entre la pression
mesurée et la pression calcülée présente une variation
diurne bien marquée; les écarts négatifs augmentent
de valeur et de fréquence pendant la journée ; 2° lPam-
plitude de la variation croit, dans une certaine mesure,
avec celle de la température; elle est aussi maximum
en été el minimum en hiver, — M. Berthelot à éludié
le spectre de fluorescence de l’argon chargé de vapeurs
de benzine el soumis à l’action modérée de l'effluve,
dans certaines conditions où la dose de gaz absorbé ne
dépasse pas quelques centièmes, L'apparition des raies
par fluorescence, dès la pression àtmosphérique
semble indiquer l'existence d’une combinaison hydro-
carbonée de l’argon, de l’ordre de lacétylène ou plu-
tôt de l'acide cyanhydrique, de même à l’état de disso-
ciation électrique. La fluorescence et les raies de
l’'argon présentent des relations frappantes avec la
fluorescence et les raies de l’aurore boréale et de la
lumière zodiacale. — M. Pagnoul a effectué des re-
cherches sur l'azote assimilable et sur ses transforma-
tions dans la terre urable : 1° les pluies, lorsqu'elles
sont abonaäantes, peuvent donner lieu, sur les terres
riches, à un entrainement considérable d'azote ni-
trique ; 2° les plantes qui recouvrent le sol peuvent
empècher cette déperdilion, comme Pa déjà établi
M. Dehérain ; 3° le sulfure de carbone, sans tuer le fer-
ment nitrique, arrêle momentanément son action;
4° la forme ammoniacale parait être un état transitoire
que prend l'azote organique pour passer à la forme
nitrique, el le sulfure de carbone ne fait que l’arrèter
momentanément dans cette période de sa transforma-
lion ; 5° la forme nitreuse serait aussi un état transi-
toire et instable de l’azote passant de la forme orga-
uique à la forme nitrique. — M. P. F. Clève a reconnu
la présence de l’hélium dans le gaz retiré d’un échan-
tillon de clévéite. — M. H. Le Châtelier a préparé et
étudié un certain nombre de combinaisons définies des
alliages métalliques, les composés Sn Cu, Zn? Cu, AlCu;
tous ces corps sont durs et cassants comme les phos-
phures, les sulfures, les carbures et ne participent en
rien à la malléabilité des métaux constituants, —
M. Louis Henry a reconnu que les Fases amidées
Cn Hn AZ I réagissent avec énergie sur les aldéhydes
aliphatiques ; le résultat final apparent consiste dans
l'élimination d'une molécule d’eau et dans la forma-
tion d’une imine aldéhydique monosubstituée, selon
la formule : :
00 V JA1X
RC 1 H,47 -X=H:0-LR—0Q
H al
L'imine formée se polymérise en général. La réaction
est d'autant plus intense et plus énergique que le poids
moléculaire de l’aldéhyde et celui de lamine sont
moins élevés, c'est-à-dire que les composants COH et
AzH? représentent une fraction plus considérable du
poids des molécules totales, L'aplitude à la polymé-
risalion des imines obtenues dépend à peu près des
mêmes circonstances, — M. H. Cousin à préparé deux
dérivés halogènes nouveaux de la pyrocatéchine, la
pyrocatéchine trichlorée CSHSCIO? et une pyrocaté- :
chine bibromée CéHiBr°20?, — M. Livache établit que
la distinction des huiles végétales en huiles siccatives
et en huiles non siccalives est exacte, sous la réserve
que l’oxydalion des huiles ne s'effectue qu’à la tempé-
rature ordinaire. Les expériences montrent que la
transformation en un produit élastique analogue à
celui fourni par les huiles siccatives peut s'effectuer
pour loutes les matières grasses sans exception, à
condition de les soumettre à une température conve-
nable. La transformation sera plus où moins longue,
mais le produit formé restera solide, et présentera,
outre la transparence et lélasticité, des propriétés
chimiques identiques à celle de la linoxine,
39 SCIENCES NATURELLES., — MM.Chauveau et Phisalix
fournissent une contribution à l'étude de la variabilité
el du transformisme en microbiologie, à propos d’une
nouvelle variété de bacille charbonneux (Bacillus
anthracis elaviformis). Cette nouvelle race qui s'obtient,
en faisant passer le B. Anthr dans un ganglion
lymphatique du cobaye, est caractérisée par une ab-
sence totale de virulence, mais elle à perdu tout elfet
immunisant, — M. Balland, en rapprochant la compo-
sition de queiques avaines francaises de 1893 et 1894,
montre que si le poids des grains, des cendres et de
amande par rapport à la balle, n'a pas sensiblement
varié pour les avoines de méme provenance, il n'en
est pas de même des matières azotées, des malières
grasses et de la cellulose résistante,
J, Manrix.
4
:
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e!
SE ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 16 Avril 4895.
M. Hallopeau fait une communicalion sur la signi-
fication des mots androgyne et gynandre, — M, le D'
Lemaistre lit un travail sur l'influence des poussières
de porcelaine sur la santé des ouvriers et la fréquence
de la sclérose suivant l'âge. — M, le D' Saint-Philippe
lit un mémoire sur les bons effets de l'antipyrine dans
certaines diarrhées de l'enfance.
Séance du 23 Avril 1895.
M. Dieulafoy établit que les amas lymphoiïdes des
trois amygdales offrent, surtout chez les jeunes sujets
prédisposés, une porte d'entrée et un asile sûr au
bacille de la tuberculose. Il en résulle une forme de
tuberculose parfois presque latente, souvent larvée,
qui prend Le masque de la vulgaire végélation adénoïde
ou de la vulgaire hypertrophie amygdalienne. Cette
tuberculose peut guérir; mais elle peut aussi envahir
les réseaux lymphatiques et les ganglions lymphatiques
du cou, en produisant des adénopathies cervicales tu-
berculeuses. Enfin, de ganglions en ganglions, de ré-
seaux en réseaux, le bacille peut aborder la grande
veine lymphatique ou le canal thoracique, être lancé
par la circulation veineuse dans le poumon, et y cons-
tituer la tuberculose pulmonaire. — M. Le Dentu cite
un cas de pneumalocèle consécutive à une fracture du
crâne, guérie par la trépanation; il donne quelques
indications sur le traitement de la pneumatocèle.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE =
Séance du 27 Avril 1895.
M. Kauffmann a décelé nettement la présence du
glycogène dans le plasma du sang d'un animal rendu
diabétique par l’extirpation du pancréas, — M. Dastre
ne croit pas qu'on puisse en conclure que le glycogène
soit à l’état libre dans le sang d'un animal à l’état nor-
mal, — M. Garnault expose ses recherches sur l'or-
gane de Jacobson. — MM. Rénon et Sergent décrivent
un cas de tuberculose aspergillaire chez l’homme,
caractérisé par des lésions de pneumonie chronique
seléreuse et par la disparition des bacilles. — M, Z.
Lévy décrit l’ædème dela substance cérébrale, tel
qu’on le constate par l'examen microscopique. —
M. P. Richer présente des photographies montrant sur
un sujet en marche la contraction qu'il a appelée ba-
listique. — M. Noé étudie l'influence de la tension
artérielle sur l'élimination.
SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 5 Avril 1895,
M. Charpy expose ses recherches sur la trempe de
l'acier. Il résume d’abord l’état de la question. Les
premières recherches précises ne datent que de 1868.
C'est alors qu'on reconnut que l'acier ne prend la
trempe que s’il a été chauffé au delà d’une certaine
température voisine de 700°, et qui est celle à laquelle
de l'acier, qu'on laisse refroidir lentement, manifeste le
phénomènede larecalescence.Il se produit àce moment
un dégagement de chaleur qui suffit pour reporter l'a-
cier au rouge clair. En même temps, il y a variation
de la plupart des propriétés physiques. Ce phénomène
thermique a ensuite été étudié avec plus de précision
par M. Osmond avec le couple platine — platine rhodié
de M. Le Châtelier, M. Osmond a découvert, en outre,
deux autres dégagements de chaleur plus faibles vers
740° et 860°. M. Chärpy étudie ces dégagements de
chaleur en chauffant électriquement un échantillon
d'acier, puis le laissant refroidir, et en tracant par
inscription photographique Ja courbe des variations
de température en fonction du temps, aussi bien pen-
dant léchauffement que le refroidissement. La courbe
8
d'un acier très dur (à —— de C) manifeste par un res-
saut brusque l'absorption de chaleur à 700° pendant
4131
l'échauffement, et le dégagement correspondant pen-
dant le refroidissement. La recalescence et les autres
dégagements de chaleur plus faibles sont encore
plus visibles si, à l'exemple de M. Osmond, on con-
struit la courbe correspondant aux dérivées de la pré-
cédente, c'est-à-dire la courbe qui représente les va-
rialions de la vitesse d'échauffement ou de refroidis-
sement, Pour des aciers moins durs, c’est-à-dire moins
riches en carbone, la recalescence devient moins accu-
sée, mais les autres dégagements de chaleur à7409 et
S60° deviennent plus sensibles. Ces divers dégagements
dechaleur se manifestent dans un refroidissement lent,
mais dans le refroidissement brusque de la trempe
ils n'ont plus lieu. La trempe semble done consister
dans la suppression de certains dégagements de cha-
leur, et cetle suppression empèche'en même temps
certains changements d'état, La trempe maintient
l'acier hors de son état normal. Le métal ne peut y
revenir que si on le chauffe. M. Charpya cherché à
découvrir et à préciser le rôle des trois dégagements
de chaleur principaux dans la variation des propriétés
dumétal. Le point A,, relatif à 7009, est altribué depuis
longtemps à une transformalion du carbone. Un acier
normal recuit contient un carbure Fe’C, qui se dé-
compose au-dessus de 7009. La (trempe empêche la
recombinaison du fer et du carbone, le carbone reste
à L'état de dissolution. On en à une confirmalion dans
le traitement par l'acide azotique étendu. La dissolu-
tion d’un acier dans cet acide produit une coloration,
due au carbure, et d'autant plus grande que là teneur
en carbone combiné est plus grande, C’est là un mode
de dosage rapide utilisé dans l'industrie; après la
trempe, la coloration est beaucoup plus faible, car le
carbone non combiné ne produit pas de coloration.
Le point A, relatif à 740° correspond à un changement
d'élat caractérisé par la possibilité de déformations
sous pression conslante. Voici comment M. Charpy
l'a démontré. En élirant un acier non trempé, la courbe
des allongements en fonction des charges présente à
un moment une partie recliligne, c’est-à-dire qu'il se
produit à un moment un allongement sous pression
constante. Cette partie rectiligne se retrouve dans les
courbes d’écrasement, de flexion, de torsion. Elle n’a
plus lieu quand l'acier est trempé. Sil s'agit bien là
d’un changement d'état comme la liquéfaction, la
série des courbes pour diverses Lempératures doit
présenter des modifications analogues aux isothermes
d’Andrews pour l'acide carbonique. Effectivement le
palier horizontal se produit sous des charges plus
faibles et à une étendue moindre à mesure que la
température augmente. Ce changement d'état est
encore confirmé par la varialion rapide des propriétés
magnétiques pendant l'allongement sous charge cons-
tante. Quant au point A, relalif à 8400, il semble,
d’après M. Charpy, n'avoir aucune influence sur les
propriétés mécaniques. Mais il correspond à une
variation des propriétés magnétiques signalée par
M. Curie. — MM. Abraham et J. Lemoine pré-
sentent deux modèles d’électromètres absolus, des-
tinés aux potentiels très élevés, Ce sont des électro-
mètres-balance. L'un est un appareil de précision
destiné à donner le en et capable de mesurer jusqu'à
45,000 volts. L'autre est un modèle simplifié permet-
{ant d’atleindre 100.000 volts; il donne encore le cen-
tième, Dans le modèle de précision, le plateau attiré à
un diamètre de 6 centimètres et est au centre d'un
anneau de garde de {1 centimètres. Il est suspendu à
l'extrémité du fléau d’une balance de précision à
court fléau, portant un contrepoids à l’autre extré-
mité. Il est maintenu centré dans le plan de l'anneau
par des cordons légers à peine tendus. La balance, le
plateau et l'anneau de garde sont reliés au sol. L'autre
plateau, qu'on fait communiquer avec le conducteur
dont il s’agit de mesurer le potentiel, est porté par
une genouillière montée sur un pied à crémaillère et
ses déplacements peuvent être mesurés au centième
de millimètre. La genouillère sert à réaliser le paral-
lélisme des deux plateaux. C'estavec l'œil qu'on règle,
el avec une grande précision, le plateau central par
rapport à l'anneau de garde, Les plateaux ont été tra-
vaillés par le procédé de retouches locales et sont
dressés au centième de millimètre. On peut opérer
en équilibre instable en soulevantle plateau inférieur
jusqu'à ce que laltraction équilibre la surchage. La
balance culbute alors, Les mesures se font ainsi très
neltement. On peut aussi opérer en équilibre s'able,
car le fléau porte au-dessous du couteau central un
quatrième couleau auquel on peut suspendre un poids
variable. Les mesures d'un même potentiel pour
des distances diflérentes entre les deux plateaux
confirment Ja sensibilité du millième, Dans le
modèle simplifié, le réglage des plateaux se fait
en fléchissant légèrement les tiges de support qui
sont en cuivre doux ; d'autre part, l'isolement a été
renforcé, — M. Fierre Weiss a modifié d’une ma-
nière ingénieuse le galvanomètre astatique de Thom-
son à quatre bobines, et en a beaucoup accru la sen-
sibilité. Le syslème astatique est formé de deux
longues aiguilles verticales parallèles à l’axe de rota-
tion et dont les pôles de noms contraires sont en re-
gard, Ces deux petits barreaux sont collés sur une
bande de mica. Les avantages de ce disposilif sont fa-
ciles à apercevoir. La sensibilité d’un système asta-
tique est d'autant plus grande que le moment magné-
tique est plus grand par rapport au moment d'inertie.
Aussi, dans la disposition ordinaire, a-ton avantage
à prendre dés barreaux aussi courts que possible et à
en disposer parallèment plusieurs dans chaque paire de
bobines. Mais on est limilé dans cette voie par la force
démagnétisante que les aimants voisins exercententre
eux. Au contraire, le nouveau dispositif formant un
circuit magnétique presque fermé, la force démagné-
üsaute est presque nulle, et on peut donner à l'acier
le maximum d’aimantation permanente. Puis, en rap-
prochant les deux aiguilles, on augmente à volonté le
rapport du moment magnélique au moment d'inertie.
On à également avantage à rapprocher Les deux paires
de bobines jusqu’au contact et à prendre leur diamètre
extérieur aussi petit que possible. On peut res-
treindre ce diamètre : car M. Weiss démontre qu'on
à intérêt à diminuer la valeur généralement adoptée
pour le rapport du diamètre extérieur au diamètre in-
térieur et à la prendre égale à 3. En appelant, avec
MM. Ayrton Mather et Sumpner, sensibilité d’un galva-
nomèlre, le nombre de divisions qu'il indique pour
1 microampère divisé par la racine carrée de la résis-
tance, l'échelle étant à une distance du miroir égale à
2000 divisions, et la durée de l’oscillation simple étant
de 5 secoudes, l’auteur à pu, avec un instrument d’es-
sai, grossièrement réalisé, sans le secours d'un côns-
tructeur, obtenir une sensibilité égale à 1500 alors que
le premier galvanomètre bolométrique de Langley ne
donnait que 31, et que le galvanomètre le plussensible
qui soit connu, l'appareil récent de M. Wadsworth, ne
donne que 1300, el encore cette valeur n’a-t-elle été
atteinte qu’en construisant des bobines suivant le pro-
fil théorique et avec du fil de cinq grosseurs difré-
rentes, Enfin le dispositif de M. Weiss a encore l’avan-
lage d’assurer une grande constance à J’aimantation ;
l'amplitude de Pimpulsion est bien proportionnelle à
la quantité d'électricité induite, l’astalicité est plus
facile à réaliser, et le système est moins sensible aux
{répidalions, — M. Pellat présente, au nom de M. Mol-
teni, un nouveau chalumeau pour la lumière oxyéthé-
rique. Dans ce modèle, la carburation de l'oxygène
par l’éther ou la gazoline se produit sans danger, car
l'appareil est bourré- de laine d'amiante imbibée, et
l’espace offert au mélange détonant est très petit.
L’oxygène ainsi carburé peut remplacer le gaz d'éclai-
rage pour alimenter un bec Drummond. M. Moltenia
combiné aussi un nouveau modèle de régulateur à
main pour arc électrique eten a rendu commodes les
divers mouvements de déplacement.
Edgard Haunié.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 22 Mars 1895.
M. Engel à reconnu qu'à la température de 15° à 16°,
l'acide chlorhydrique attaque le. cuivre jusqu’à une di-
lution représentée par HCI-10H°0. L'attaque rapide avec
l'acide concentré, surtout si l’on a ajouté un peu de
chlorure de platine, devient extrêmement lente, même
pour des concentrations de beaucoup supérieures à
HCI + 10H20, lorsque l'acide setrouve saturé de chlo-
rure cuivreux, Il faudrait plusieurs années pour attein-
dre la limite où s'arrête la réaction. — M. Simon a
reconnu que, dans la condensation des bases aroma-
tiques primaires avec les éthers de l'acide pyruvique
il se forme, pour chaque (erme, un produit blane,
bien cristallisé, insoluble dans l’eau, soluble dans
l'alcool chaud, un peu dans l’éther, le benzène et le
chloroforme, Ces composés n’ont aucun rappwrt avec
les produits résullant de la condensation de l'acide
pyruvique avec les bases. Leur équation de formation
serait :
CHÈ—CO—CO!R+CH3—CO—CO?2R+2C5H5AzHE —
CH3—C—CO—CH?2—C—CO?R
Î | + 2H20+ROH.
Az—C6H° Az—C°H5
I y aurait soudure de deux chaines carbonées ; on au-
rait une condensation analogue à celle observée par
Classen et Wislicenus en présence du sodium, ou à
celle réalisée par Miller et Plochl avec l’aldéhyde en
présence d’aniline, — M. Tanret a reconnu que les
pentacétines du glucose ou les hexacétines des inosiles
actives fondues dans un tube effilé restent amorphes
en se solidifiant, À cet élat, leur point de fusion est
notablement abaissé : la pentacétine « fond à 52° (pri-
mitivement 1302), la pentacétineg fond à 350 (primiti-
vement 86°). Mais ces corps amorphes portés, « à 4009
pendant quelques secondes, 8 à 60° pendant 7 à
8 heures, recristallisent et reprennent leurs points de
fusion primitifs 1409 et 86°, La même transformation
s'accomplit aussi en solution. On observe au moment
de la transformation un dégagement de chaleur très
notable, Il y a donc une grande analogie entre ces
phénomènes et ceux que présente le soufre. M. Tanret
a pu, en maintenant fondu à 1059 du glucose anhydre,
l'obtenir cristallisé. Le glucose ainsi cristallisé aurait
en solution récente un pouvoir rotatoire moindre que
remonte &p — + 52. Le glucose posséderait donc la
trirotation, — M. Maumené applique sa théorie gé-
nérale à un borure de fer signalé par M. Moissan. —
M. Rosenstiehl, répondant à une communication anté-
rieure de M. Prudhomme, démontre qu'il a nettement
défini ce qu'il ya de spécial dans la fonction chimique
des rosanilines : ces corps sont à la fois alcools et
amines. Il répond aussi à une objection de M. Prud-
homme qui se refuse à voir dans les fuchsines des
éthers, que cette fonction est la conséquence de leur
constitution, Ces corps sont à la fois éthers et amines.
Ils ressemblent aux sels. Ce caractère, très net pour
les dérivés triamidés, s’atténue pour les dérivés dia-
midés. Au
s’accentuant dans les dérivés du triphénylméthane
entre deux extrêmes, d’une part, le triplénylcarbinol
à caractères voisins des acides et, d'autre part, son
dérivé triamidé nettement basique, — M, Prudhomme
a reconnu que, relalivement à la propriété de former
des laques solides avec l’alizarine dans leau distillée,
la glucine se conduit comme les protoxydes. On sait
que, dans ces conditions, les sesquioxydes ne donnent
ces composés qu'avec le concours de la chaux. —
M. Causse a adressé une note sur le dosage de l'azote
. # 4 r: 1 . , 3
organique par le procédé de Kjeldahl. Il a étudié d’a-
bord l'influence des doses variées de mercure ou de
son oxyde, puis celle du sulfure de sodium, enfin celle
de la soude, sur le pourcentage en azote.
E. CHaron.
le glucose ordinaire. En quelques heures ce pouvoir |
contraire, le caractère alcoolique va en:
Les
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 21 Mars 1895.
M. Zdenek Peske propose, pour la détermination
volumétrique du sucre, de se servir d’une solution
cuprique ammoniacale, Sa méthode n’est qu'une
modification de celle de Pavy. IL empêche la rapide
oxydation de la solution cuprique réduite en recou-
xrant cette solution d'une couche d'huile de parafline
à point d’ébullition élevé. L'auteur a essayé aussi de
faire passer dans la liqueur un courant de gaz indiffé-
rent, mais n’est point arrivé par ce moyen à des ré-
sultats satisfaisants. — M. Otto Bosek a repris l’étude
de l’action de l'hydrogène sulfuré sur les solutions
d'acide antimonique ; un excès d’une solution aqueuse
d'hydrogène sulfuré sur une solution d’acide antimo-
nique, à la température ordinaire, produit du penia-
sulfure d’antimoine, ce qui est d'accord avec les
résultats obtenus par Bunsen. Si l'on fait agir l'hydro-
gène sulfuré sur des solutions d’acide antimonique,
la quantité de pentasulfure d'antimoine formé aug-
mente si l’on abaisse la tempéralure et si l’on accroît
la force du courant d'hydrogène sulfuré. Mais, au con-
traire, il y a augmentation de la quantité de trisulfure
si l’on élève la température ou si l’action de l'hydrogène
sulfuré devient moins vive. — M. B. Brauner : Action
de lhydrogène sulfuré sur les acides antimonique,
arsénique et tellurique. L'auteur représente cette
action par les équations suivantes :
(1) 2H3SbO! + 5H2S — Sb?S5 + SH20
(2 2HSSbO Æ 5H2S — Sb?S3 S2 + 8H°0.
IL Il
Il se forme probablement en premier lieu une modi-
fication du pentasulfure, à laquelle on peut attribuer
la formule : H#SbS'. Si l’on chauffe de l'acide antimo-
nique avec de l'hydrogène sulfuré en solution contenant
de l'acide hypochloreux ou de l’acide sulfurique, on a
un précipité de pentasulfure d’antimoine ; on n'obtient
pas d'acide oxysulfoantimonique ni d’oxysulfoanti-
moniate, comme cela est le cas pour l'acide arsénique.
A la lumière solaire le pentasulfure d’antimoine est
converti en trisulfure et en soufre comme lorsqu'on
le chauffe à 220°. — M. Bohuslav Brauner a continué
ses recherches relatives à la détermination du poids
atomique du tellure et a trouvé pour ce corps le
chiffre 127,71, différent de 0,86 de celui attribué à
l’iode (126,85). La position occupée par ce corps dans
le système périodique ne lui assigne pour poids ato-
mique que 123-125. L'auteur incline à croire que le
tellure n’est pas un corps simple. — M. G. Harvis
CHRONIQUE
439
Morris : Sur l’hydrolyse de la maltose par le ferment.
— M. Gérold T. Moody fait une communication sur
l'acide éthylbenzène-sulfonique dont il étudie les sels
et les modifications isomériques.— MM. A.-G., Perkin
et J.-J. Hummel ont trouvé que les principes colo-
rants qui se trouvent dans la Todalia aculeata et l'Edo-
via meliæfolia sont dus à la présence de la berbérine.
— MM. F. Stanley Kipping et William J. Pope
décrivent une nouvelle série de chlorures sulfoniques
dérivés du camphre et isomères des chlorures sulfo-
niques ayant pour composition C'0H!/CISO?CI; ils
proposent de nommer ces corps chlorures de chloro-
camphènesulfonique. Ils ont préparé le chlorure d’#
chlorocamphènesulfonique : l’x chlorocamphènesul
fonamide C'OHCISO?AzH? ; l'2 dichlorocamphèn®
CI0H!CP ; le chlorure de 6 chlorocamphènesulfonique
et la 8 chlorocamphènesulfonamide,
ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE
Séance du 14 Mars 1895.
1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Suen fait voir deux
photographies de la Lune faites par MM. Lœwy et Pui-
seux à l’aide du grand équatorial coudé et fait une
longue communication sur les conclusions qu'il est
possible d’en tirer. — M. v. Hepperger adresse un mé-
moire sur la quantité de lumière envoyée par la Terre
à la Lune.
20 SCIENCES NATURELLES. — M. Carl Diener : Sur les
céphalopodes de certaines parties de la Sibérie, parti-
culièrement du côté de Wladiwostok. — M, Czapek :
Sur l'héliotropisme et le géotropisme.— M. K. Budlay :
Sur l’ostéogénésie.
Séance du 21 Mars 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Victor v. Dauts-
cher : Ellipses passant par trois puints donnés et assu-
jJetties à certaines conditions. — M. Eduard Weyr :
Théorie du mouvement d’un système soumis à un cer-
tain nombre de liaisons. — M. A. Wassmuth : Sur
les transformations et les changements de coordonnées.
— M. Leonhard Fleischmann : Réparlition du cou-
rant électrique à la surface d’un corps animé d'un
mouvement de rotation.
20 SGiENCES PHYSIQUES. — MM. G. v. Georgievies et
E. Lowy : Sur la théorie de la teinture. L'étude de
l'équilibre qui se produit entre le bleu de méthylène,
l’eau et la cellulose satisfait aux lois énoncées précé-
demment par l’auteur; les résultats sont indépendants
de la structure de la matière teinte. Quand la tempé-
rature varie, les effets varient avec cette matière.
CHRONIQUE
L'EMPOISONNEMENT DES RIVIÈRES EN AUSTRALIE
Que les progrès de la civilisation soient surtout |
marqués par les perfectionnements successifs apportés
à tous les engins de destruction, ce n’est une idée nou-
xelle pour personne : chacun sait, au moins en gros,
à quels résultats on est aujourd'hui parvenu à cet
égard ; et qui donc n'a jamais rêvé aux forces nou-
xelles dont la science disposera demain ?
Mais le point de départ, les armes, les moyens plutôt,
dont l’homme ausé d'abord soit pour sauvegarder sa
sécurité, soit pour assurer sa subsistance, ne voilà-t-il
pas un sujet vers lequel on tourne moins souvent ses
Yeux et sa pensée? IL ne peut s'agir pour nous que
d'en montrer un très petit côté; encore l'intérêt en
est-il piquant, car nous voulons parler de peuplades
considérables qui, à notre époque et sur la mème terre
qu'une race très avancée, encadrées pour ainsi dire
par cette race, vivent encore d’une existence qui ne
doit rien qu'à la nature, à peu près comme aux pre-
miers âges de l'humanité,
Il n’y a guère plus d’un siècle que l’Europe se préoc-
cupe de l'Australie. En 1750, Cook y plante le pavillon
britannique ; en 1788, le gouverneur Philipp y amène
un millier de condamnés, des convicts, qui sont les
premiers colons de ce continent aussi vaste que l’Eu-
rope. D'autres y viennent après ceux-là !; l’élevage
prend des proportions incroyables; la prospérité se
développe rapidement; enfin, vers 1860, l'existence de
gites aurifères étant soupconnée, puis confirmée, c'est
de toutes les parties de l'univers que se précipitent en
foule des explorateurs avides.
Bien que-tout le monde sache cela aujourd'hui, ces
souvenirs sont bons à rappeler pour rendre invraisem-
1 Depuis longtemps déjà l'Australie n'est plus le centre de
déportation que l'on s’imagine trop souvent. La colonie de
Victoria n'a jamais laissé aborder sur sa rive la lie de la
métropole; la Nouvelle-Galles du Sud n'a subi ces importa-
tions pestilentielles que jusqu'en 1840, et, depuis 1850, la
Tasmanie elle-même ne recoit plus de convicts.
blable ce fait que, au centre d'une population totale
de plus de quatre millions d'habitants, se maintiennent
encore des aborigènes étrangers ou réfractaires à
toute tentative de culture sociale : auprès d’eux passe,
sans les entrainer, le grand courant économique qui,
chaque jour, depuis un siècle, a rapproché davantage
leur pays des nations civilisées.
Naturellement ils échappent à la statistique encore
plus qu'à la civilisation. Le recensement de 1891 ne
donne comme exacts que les chiffres relevés dans la
Nouvelle-Galles du Sud (8,280) et dans Victoria (565),
On est réduit à des conjectures pour le Queensland
(70,000), pour l'Australie du Sud (23,700), pour l'Aus-
tralie du Nord, Au total on parle ordinairement de
200,000,
Ces aborigènes vivent uniquement de leur chasse et
de leur pêche. Contre les oiseaux, ils ont, en plus de
leurs flèches rapides, cette arme non moins sûre, le
boomerang ‘, dont le maniement est resté pour tous les
voyageurs un objet d'étonnement et d’admiration.
Contre les poissons, ils ont recours à des procédés plus
primitifs encore etauxquels s'attache pour nous comme
un renom de barbarie : avec la belle insouciance de
nomades qui peuvent dévaster une région, quitte à se
transporter ailleurs où les appellent des ressources
nouvelles, ils empoisonnent les rivières et les étangs.
Le problème se pose de savoir à quels végétaux sont
empruntés des poisons tels que la chimie la plus
savante hésiterait peut-èlre à en citer d'aussi actifs.
C'est précisément le point-sur lequel ont attiré l’atten-
tion les recherches du D' Greshoff, attaché au fameux
jardin botanique de Builenzorg (Java). A son tour,
M. H. Maiden, de Sydney, en a fait l'objet de ses
études, et, dans un numéro de l’Agricultural Gazette of
New South Wales ?, tout en sollicitant les renseigne-
ments dont pourraient profiter ses travaux, il publie
Ja liste des plantes que les noirs utilisent, à sa con-
naissance, pour prendre du poisson.
« D'une manière très générale, dit en substance
M. Maiden, les écorces ou les feuilles que l’on jette dans
les cours d’eau pour tuer, ou au moins pour engourdir
le poisson, renferment des éléments tanniques; mais,
sans rien affirmer, j'incline à penser que l'agent vrai-
ment acuf est une saponine analogue à celle qui donne
à l'écorce de nos acacias, par exemple, son goût persis-
tant d’amertume. Quoi qu'il en soit, nul doute que
l'analyse chimique des plantes qui nous occupent ne
puisse fournir la matière d'une étude originale et
féconde, »
Voici comment procèdent à l’ordinaire les nègres de
la Nouvelle-Galles du Sud. Dans la largeur d’un cours
d'eau, ils plantent des pieux destinés à retenir des
claies d'écorce ou des paquets, des bolles de feuillage.
En très peu de temps le poisson effaré, éperdu, comme
enivré, vient se henrter contre la digue, et les noirs
postés à proximilé s'er emparent facilement, Cette
sorle d'ivresse ne se prolonge guère au delà d’une
heure environ ei ne laisse après elle aucune trace
fâcheuse au point de vue de l'alimentation.
Sir W. Mac Arthur, en ces derniers temps, aurait
élabli que, dans les comtés de Cumberland et de
Camden (Nouvelle-Galles du Sud) les aborigènes em-
ploient l'écorce de l’acacia faleata,un petit arbre qui se
rencontre dans les districts côtiers, connu quelquefois
! Nous avons eu entre les mains un boomerang rapporté
par M. le Dr Adrien Loir, ancien directeur de l'Institut Pas-
teur australien. C’est une sorte de latte assez mal dégrossie,
ct recourbée, dont les deux branches, de 30 centimètres en-
viron, forment un angle de 110 à 1200. Cet engin, lancé avec
force, suit d’abord, à un pied du sol, une ligne horizontale,
puis brusquement se redresse à 20 ou 50 mètres du chasseur,
et, dans son tr jet vertical, va frapper la proie visée.
2H, Mainex : Fish-poisons of the Australien aboriyenes, in
Agricullural Gazelleof New: South MW ales, n° du 4er juillet 1894.
PATES Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11
ES
CHRONIQUE s
sous le nom de nickory (noyer d'Amérique) etvulgaire-
ment désigné dans le pays par le mot de weetjellan.
Chose curieuse : les noirs font aussi usage de cette
écorce pour des pansements dans le cas de certaines
maladies cutanées.
Tout à fait au sud de la mème colonie, on se sert de
l'écorce et des feuilles d’un autre nickory où « bois
noir » (acacia penninervis). è
Les nègres de l’intérieur du Queensland emploient
dans les petits lacs l'écorce du « goobang » ou « cooba »,
saule indigène (acacia Salicina), Au contraire, dans le
Queensland du nord, la préférence est pour le manglier
aquatique frais (Barringtonia racemosa), vulgairement
« Yakooro », dont l'écorce est d’abord débitée en petits
morceaux, puis martelée sur la pierre. Quant à une autre
variété, le Barringlonia speciosa, qui croit aussi dans
le Queensland, les Australiens le dédaignent; mais il
est, dit-on, très apprécié pour le même usage par les
indigènes des îles Fidji; seulement on se sert de l’enve-
loppe extérieure du fruit, et non pas de l'écorce à pro-
prement parler, =
Avec le Careya australis, autre précaution : pour des
raisons isnorées, les noirs emploient lécorce de la
racine dans les eaux salées et l'écorce de la tige dans
les eaux douces.
Ailleurs on préfère l'écorce broyée du Cupania pseu-
dorhus ; ailleurs encore, les feuilles pilées de la Derris
uliginosa.
La Derris elliptica est plus en faveur à Java et, semble-
til aussi, dans l’îile de Bornéo. Examinée par le
Dr Gresholf, elle a révélé des propriétés extrêmement.
vénéneuses : une décoction de racine, au 300.000, est
fatale à un poisson. Le seul élément actif que l’on ait
pu isoler, mais non à l’état de pureté, est une subs-
lance résineuse, nommée derrid, qui ne contient pas
d'azote el n’est pas une glucose, A peine soluble dans
l’eau, elle se dissout au contraire avec facilité dans
l'alcool, dans l’éther, dans le chloroforme; mêlée à de
la potasse, elle donne des acides salicylique et protoca-
téchique; une solution dans l’alcoo! produit un réactif
légèrement acide qui entraine pour des heures l’in-
sensibilité partielle de la langue. Au 500,000, la solu-
tion est presque instantanément mortelle pour le
poisson.
Quant à l'eucalyptus, pourtant si répandu, on ne voit
pas qu'il soit d’un grand usage ; à peine esl-il nommé
par quelques voyageurs, Sir Thomas Mitchell dit, par
exemple, en parlant du Lachlan : « La rivière offre
des endroits profonds et nous complions sur une bonne
pèche; mais notre guide nous apprit que le lit avait été
récemment empoisonné, d'après la coutume adoptée
par les indigènes pendant la saison sèche, En effet,
tous les-trous étaient remplis de branches fraiches
d’eucalyptus, et le courant en prenaitune teinte noire, »
[ s’agit probablement de l'Eucalyptus microthecu, que
M. E. Palmer dit avoir vu employer de la même façon
dans l'intérieur du Queensland.
Signalons enfin, comme servant au même but, d’a-
près divers témoignages : le Tephrosda purpurea,
nommé en quelques endroits Jerril-jerry ; le Bujfa
ægyptiaca à l'état vert, une variété de courge dont le
nom est bun-bun; un Polygonum, probablement le
Polygonum orientale, qui agit si bien que les poissons
ne tardent pas à apparaitre mourants, le ventre en
l'air, à la surface de l’eau, sans rien perdre d’ailleurs
de leurs qualités alimentaires, ele., ele,
Tels sont, ajoute en terminant M. Maiden, quelques-
uns des très nombreux végélaux actuellement connus
comme employés contre le poisson. Si incomplète que
soit l’'énumération, encore vaut-il la peine de recher-
cher scientifiquement à quelle substance est due leur
action. C’est évidemment par hasard que les abori-
gènes l'ont découverte ; aux savants de l'expliquer.
Achille LAURENT.
Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER
;
D VAMOMEATEP
6° ANNÉE
N° 10
30 MAI 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
UNE SCIENCE NOUVELLE : LA BIOMÉCANIQUE
Le but del'Embryogénieest, comme on sait, de dé-
couvrir les phases successives que parcourt le jeune
être, depuis l’état d'œuf jusqu’à celui de plante par-
faite ou d'animal complètement développé. Les
naturalistes de tous les pays se sont appliqués,
avec un zèle admirable, à cette tâche ; d'innom-
brablestravaux, portant sur tous les types d’ani-
maux et de végétaux, ont fait la lumière sur pres-
que tous les points, et l’on peut dire qu’il ne nous
reste rien de bien essentiel à apprendre sur ce
chapitre. L’Embryogénie descriptive, c'est-à-dire
le comment de l'autogenèse est à peu près connue.
Par contre, le pourquoi de l'ontogenèse reste dans
une obscurité presque complète. Par le pourquoi, il
faut entendre ici non pas la raison finale, mais la
cause immédiate des phénomènes. On sait très
bien que l'œuffécondé est une simple cellule, que,
pendant le développement, il sedivise et que toutes
les cellules nées de sa division font de même,
toujours dichotomiquement, jusqu'à ce que le
matériel llulaire qui forme la substance de l'être
ait été produit en totalité. On connait les arran-
gements successifs que prennent toutes cellules
jusqu'à ce que la forme définitive ait été enfin
réalisée. Mais on ne sait pas pourquoi les cellules
prennent les places et les dispositions qu’on leur
voit prendre, pourquoi elles s’arrangent suivant
les groupements si variés que nous montrent les
stades successifs de la vie embryonnaire. On sait
aussi quelles formes, quels caractères histologiques
revêtent les cellules à chaque stade; mais on ne
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
sait pas pourquoi l’une devient cellule nerveuse,
l’autre fibre musculaire, une troisième élément
glandulaire, une autre enfin, élément conjonctif.
En un mot, on sait le comment de la différencia-
tion anatomique et histologique, on n'en connait
pas le pourquoi. EL, chose singulière, cette question,
importante entre toutes, semble avoir, moins que
beaucoup d’autres, excité la sagacité des -natura-
listes. La cause en est sans doute qu'il fallait bien
connaitre les phénomènes avant de chercher leur
interprétation; sans doule aussi cela tient, pour une
part, à ce qu'il est plus facile de décrire une chose
que de l'expliquer. Toujours est-il que, pour cent
travaux d'embryogénie descriptive, ilen est à peine
un relatif aux causes de l’évolution ontogénétique.
Encore la plupart de ceux qui ont tenté d'ex-
pliquer l’ontogenèse ont-ils eu recours à l'hypo-
thèse plutôt qu’à l'expérience. Le problème semble
si ardu, si diflicilement accessible à l’expérimen-
tation, et, d'autre part, la tendance est si forte de
devancer par l'imagination le progrès si lent de
l'observation et de l'expérience, qu’il n'en pouvait
être autrement..
Notre but ici n’est pas de résumer même briève-
ment ces théories ni de les criliquer !. Rappelons
seulement que les théories les plus en honneur
! Cette étude et cette critique ont trouvé place ailleurs,
avec tous les développements qu’elles comportent dans l'ou-
vrage suivant qui sort de presse en ce moment :
Yves Derace, La structure du Protoplasmeet les Théories
sur l'Hérédilé et les grands problèmes de la Biologie générale.
In-8°, xvi-815 pages, avec figures. Paris, Reinwald, 1895.
19
412 Y. DELAGE — UNE SCIENCE NOUVELLE
LA BIOMÉCANIQUE
aujourd'hui demandent l'explication de tous
les phénomènes à la prédéterminalion des varur-
lères. Tous les caractères et propriétés de l'or-
ganisme futur seraient représentés dans l'œuf
fécondé par autant de germes distincts, qui n’au-
raient qu'à se développer pour éelore et se montrer:
au point et au moment voulus, el qui, contenant
en eux-mêmes toutes les raisons de leur évolution
ne demanderaient rien aux conditions ambiantes
que ces forces banales, chaleur, lumière, humidité,
aliments, partout également nécessaires à l'entre-
tien de la vie.
Ur, ces théories sont condamnées par les faits.
L'isotropie de l'œuf, démontrée par les travaux de
Pflüger, de Drieseh et de O.Hertwig, leur est fatale,
el les phénomènes de régénération, de dicho-
génie, ele., leur portent le dernier coup.
Pour qui veut raisonner d'après les données
posilives de l'expérience, iln'y a pas dans l'œuf
de yermes prédestinés. D'autre part, l'hérédilé n'est
point, comme quelques-uns semblent le croire,
une force de l'évolution: elle n'esl
qu'une calégorie de phénomènes: elle n'explique
rien el demande elle-même à ètre expliquée. En
sorle que la question se pose ainsi : Comment
l'œuf, — simple cellule de constilution physico-chi-
nique déterminée, mais non composé de germes
directrice
prédestinés, — abandonné à lui-même, sans le se-
cours de forces évolutrices spécialement chargées
de le conduire, peut-il parcourir les phases succes-
sives de son développement ?
Il s'agit done de chercher s'il n'existe pas de
forces qui, agissant sur l'œuf pendant son dévelop-
pement, déterminent, pour chaque cellule, au
moment voulu, sa position dans l’ensemble et le
sens de sa diflérencialion histologique. Car tout, en
somme, dans les êtres organisés, quels qu'ils soient,
se réduil à ces deux facteurs : l’arrangement des
cellules et leur différenciation histologique: tout le
problème de l'ontogenèse se ramène à ces deux
questions posées à chaque cellule : Comment es-tu
venue ici? Comment es-tu devenue cela?
Évidemment, il ne saurail êlre queslion, à
l'époque actuelle, d'aborder ainsi la question dans
loute sa généralité, el ce sera beaucoup si nous
arrivons à montrer qu'il existe, indépendam-
ment de germes prédestinés et de tendances héré-
dilaires quelconques, des forces agissant sur l’ar-
rangement des cellules et sur leur différenciation
histologique. Or, ces forces existent et il est facile
de le montrer.
1. —— ACTEURS DE LA DIFFÉRENCIATION ANATOMIQUE.
Les principaux facteurs de la différenciation
anatomique sont les /ropismes el les laclismes, €'est-
à-dire les déplacements des cellules et des organes
sous l'influence des agents mécaniques, physiques,
chimiques ou physiologiques. On‘dit qu'il y à
tropisme lorsqu'une partie se déplace par torsion
ou flexion, sans que les relalions des cellules, les
unes par rapport aux autres, soient modifiées, par
exemple lorsqu'une fleur se tourne vers la lumière
ou qu'une racine s’infléchit vers le sol; il y a
lisne, au contraire, quand des cellules libres se
déplacent et contraclent de nouveaux rapports,
ainsi lorsque des leucocytes se porlent sur un
point pour attaquer el détruire des tissus morli-
liés. D'une manière générale, on peut dire que
tous les agents exercent sur tous les éléments un
tropisme ou un tactisme fort ou faible, parfois si
faible qu'il parait nul, positif ou négatif, c'est-
à-dire atlirant les cellules vers la source d'in-
fluence ou les repoussant loin d'elle.
Cilons, entre autres, la pesanteur, le contact, la
pression, la chaleur, la lumière, l'électricilé, l'hu-
midité, les agents chimiques de toute nature, enfin,
les éléments cellulaires eux-mêmes qui exercent
les uns sur les autres, et selon leur nature, des
altraclions ou des répulsions.
La plupart de ces tropismes sont bien connus,
surlout des botanistes qui, chaque jour, observent
les effets du géotropisme posilif sur les racines,
négatif sur les liges, du thermotropisme, du pho-
totropisme, ele. etc., sur la plupart des plantes.
Mais ces phénomènes ne se montrent d'ordi-
naire que sur les plantes développées: il reste à
prouver qu'ils se manifestent également pendant
l’ontogenèse sur les éléments nés de la division
de l'œuf, exercent leur influence sur les dispositions
relalives que prennent ces éléments, et détermi-
nent ainsi leurs groupements en tissus, et l’arrange-
ment des organes d’où résulte la forme du corps.
Pfeffer 1888) a montré que des cellules animales
ou végétales, isolées ou plus ou moins libres (Bac-
téries, Flagellates, Volvoces, sont sensibles à une
grande variété d'excilants chimiques, se rappro-
chant des uns, s'écartant des autres, selon leur
nalure, chacune ayant en quelque sorte un coelli-
cient chimiotactique propre.
Roux (189%) ‘, en isolant les blastomères d'un
œuf segmenté et en examinant leurs mouvements
dans un liquide indifférent, a constaté que les uns
s’alliraient et les autres se repoussaient, eLil à
donné le nom de rytotropisme à ce phénomène. II
eùt mieux fait de dire cylolurtisme. Ces forces
lac
allractives el répulsives existaient aussi dans
l'œuf intact etne pouvaient manquer d'exercer une
influence sur la position relative des éléments el
sur la forme de l’ensemble. L'action altractive de
l'oxygène sur les leucocytes et sur les divers élé-
PR RE TR er
| Avant lui, Hartog avait décrit sous le nom d’adelpholarie
des phénomènes très semblables.
Edit
Ds ‘oo. #1, ie Es
ments est bien connue. Aussi, loutes les fois que
l'on voit, dans un embryon, des éléments libres se
porter vers les points où l'oxygène a un plus facile
accès, on est en droit d’attribuer leur déplacement
à un chimiotactisme dont ce corps est l'agent.
Herbst (1894) attribue à cette cause la migration
des blastomères dans l’œuf de l'insecle, du centre,
où ils prennent naissance, vers la surface où ils se
rendent tous. D'ailleurs, ce chimiotactisme n'est
pas égal pour tous les éléments; il est plus grand
pour certains, moindre pour d’autres, négatif pour
d’autres encore, chacun selon sa nature se rendant
au point où la proportion d'oxygène est oplima pour
lui. Je ne doute pas que, dans les Éponges, la sortie
des cellules ectodermiques, d’abord internes chez
la larve libre, puis externes après la fixation, et la
rentrée des cellules ciliées qui suivent une marche
inverse, ne soient dues à ces causes. Lorsque l’on
voit, dans la plupart des larves, les cellules méso-
dermiques, libres entre les deux feuillets princi-
paux, se porter, les unes sous l’épiderme pour
former le derme et les muscles du corps, les autres
contre l'endoderme pour former son chorion, le
parenchyme de ses glandes et les muscles de la
vie végétalive, il est naturel d'attribuer ces mou-
yements à un cytolactisme émanant des cellules
endodermiques et ectodermiques, ou à un chi-
miotactisme ayant pour agent l'oxygène plus
abondant à la surface du corps que dans la cavité
digestive, plutôt qu’à une évolution de gemmules
que personne n'a vues, ou à une tendance héré-
ditaire métaphysique.
L'action déterminante de l'oxygène sur la forme
du corps se montre d'une facon évidente chez cer-
lains champignons. Le mucor à -grappes forme
dans l'air un thalle filamenteux,comme font d’ordi-
naire toutes les moisissures. Si l'on diminue la
proportion d'oxygène, ce thalle s’égrène, et la
plante s’émielte à la manière d’une levure, Elle
n'en végèle pas moins sous cette nouvelle forme,
et, dès qu’on lui rend l'oxygène, reforme un thalle
filamenteux. Ici donc, l'oxygène est la cause immé-
diale de la solidité d'union des cellules nées de
la division d'une même cellule-mère, union d'où
résulte la forme entière du végétal.
La température a une action morphogène non
moins énergique. Driesch (1893) a pu, en élevant à
30° des embryons d’oursin, obtenir des larves chez
lesquelles les cellules endodermiques, au lieu de
S'invaginer, se dévaginaient au dehors, produisant
ainsi un type embryologique tout à fait nouveau,
l'exogastrula où gastrula chez laquelle le sac digestif
pend hors de la bouche comme une hernie. Si une
modification de la température peut, à elle seule,
_ renverser le sens d’une invagination, pourquoi
serait-il impossible que celte même température,
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
Y. DELAGE — UNE SCIENCE NOUVELLE : LA BIOMÉCANIQUE : 443
combinant son action à celle des autres agents du
tropisme, soit une cause déterminante effective de
l'invaginalion normale, au lieu d’être, comme on
l’admet, une simple condition banale nécessaire à
sa production comme à l'entrelien de toutes les
autres manifestations vilales ?
On sait aujourd'hui que les nerfs ne se forment
pas tout entiers dans les tissus, mais que leur cy-
lindre-axe émane des centres et pousse dans les
tissus comme fait une racine dans le sol. Leur
gaine de Schwann et leur enveloppe protectrice
de myéline, au contraire, est formée d'éléments
empruntés sur place aux tissus embryonnaires
qu'ils traversent. Si l’on s’en tient à la théorie des
germes prédestinés où des tendances héréditaires loca-
lisées, est-il possible de concevoir que ce fila-
ment axile du nerf, aille passer, sans la moindre
erreur, précisément là où l’attendent les cellules
qui devront former sa gaine et aille se jeter préci-
sément dans les fibres musculaires qu’il doit in-
nerver et dans les cellules périphériques qui doi-
vent former les éléments des organes des sens
corréspondauts ? Cela devient tout simple, au con-
traire, si l'on admet avec Herbst (1894) que le fila-
ment nerveux exerce une attraction newrotactique
spécifique qui fait arriver à lui les éléments capa-
bles de former sa gaine, et qui le dirige lui-même
vers les terminaisons sensilives et musculaires
auxquelles il doit aboutir. Et cela n’est pas spécial
aux nerfs. C'est sans doute par suite d'actions ana-
logues que les colonnes sanguines, endiguées par
un simple endothélium, se renforcent d'éléments
conjonctifs, musculaires et élastiques, que les mus-
cles se forment leur périmysium, les épithéliums
glandulaires leur parenchyme, etc. En sorte qu'au
neurotactisme de Herbst nous pouvons en ajouter
une foule d'autres et les réunir sous la dénomina-
lion générale de biotactisme.
En somme, et sans insister sur des exemples
qu'il serait facile de multiplier, nous pouvons dire
que l’on a le droit de concevoir l’arrangement des
cellules d’où résulte la forme du corps et des
organes comme la résultante des pressions, trac-
tions, refoulements, dus à un cloisonnement inégal
en les divers points et d'une multitude de tro-
pismes- et de lactismes, ayant pour causes les
agents mécaniques, physiques, chimiques, et les cel-
lules elles-mêmes, chaque cellule prenant, sous l’ac-
tion des forces multiples quiagissent surelle de toute
part, la position d'équilibre pour laquelle toutes
les forces se neutralisent en une résultante nulle,
[l, — LA DIFFÉRENCIATION HISTOLOGIQUE.
3ien plus encore que la précédente, la diffé-
renciation histologique se montre soumise à
l'influence de forces indépendantes des /erdanres
10*
444
Y. DELAGE — UNE SCIENCE NOUVELLE : LA BIOMÉCANIQUE
héréditaires et des yermes prédestinés. ei nous
n'avons plus seulement des raisons de croire, nous
avons des preuves formelles de l'existence de
ces forces organiques. Si la prédestination des
parties était réelle ou s’il y avait vraiment une
tendance héréditaire de chaque partie à ressembler
à la partie correspondante des parents, on ne
pourrait voir un même élément subir, selon les
circonstances, des évolutions toutes différentes.
Or, c’est ce qui a lieu cependant.
Hüter a montré que, dansles luxations anciennes,
les parties enduites de cartilage se dénudent de
ce revêtement sur les points où elles cessent de
frotter et que du cartilage se développe là où une
surface osseuse, munie de son périoste, est soumise
à des frottements répétés. Si donc le cartilage arti-
culaire ne peut se maintenir que là où un frotte-
ment s'exerce; s’il se développe là où il ne devrait
pas exister sous la simple influence du frottement,
— n'est-il pas démontré que des éléments, non pré-
destinés par des germes ou par des tendances
héréditaires à former du cartilage, sont capables
d’en former; et n'est-il pas légitime d'admettre que,
là où cette substance se forme normalement,
l'hérédité et les germes spécifiques n'y sont pour
rien, et qu'enfin le frottement est la cause déter-
minante de leur production ?
Les exemples de ce genre abondent; nous allons
en citer quelques-uns parmi les plus frappants :
Lorsqu'une fracture n'est pas convenablement
immobilisée, les plaies osseusesse cicatrisent sans
se souder : les fragments restent mobiles et, à Ja
longue, il s'établit une pseudarthrose. Or, ces
pseudarthroses, bien qu’elles soient moins par-
faites que les articulations normales, n’en ont pas
moins tous les organes qui se rencontrent dans
celles-ci. Il se forme des surfaces articulaires
polies, revêtues de cartilage, des ligaments péri-
phériques contenteurs et même un rudiment de
synoviale. Il n’y avait point là cependant d'articu-
lation chez les ancêtres et aucune tendance héré-
ditaire n'a pu intervenir; d’autre part, s'il y avait
eu une prédestination cellulaire, elle n'eût pas
permis cette formation d'organes nouveaux aux
dépens de cellules non destinées à les former. C’est
qu'il n'y a rien de tout cela, il y a simplement des
cellules banales qui se sont transformées ici en
cartilage sous l’action des frottements répétés,
là en ligaments sous l’action de tensions éner-
giques, ailleurs en synoviale sous l'influence de
frottements plus doux.
On sait que, dans les épiphyses des os longs, la
cavité centrale est comblée par des tissus spon-
gieux, formés de lamelles osseuses. Ces petites
lamelles donnent plus de solidité à l’os sans aug-
menter sensiblement son poids. En outre, on a re-
marqué que leur orientation n'élait pas quel-
conque; elles sont presque toutes dirigées dans le
sens des plus fortes pressions que l'os a à subir.
On pourrait croire qu'il y a là une disposition
héréditaire introduite dans l'espèce par la sélee-
tion naturelle parce qu'elle est avantageuse. Or,
W. Roux a montré qu'il n’en était rien, et en voici
la preuve : il arrive parfois qu'une fracture se
cicatrise en position vicieuse, les deux fragments
de l'os étant réunis par un cal oblique. Ce cal
oblique se creuse à la longue d’une cavité qui
reste occupée seulement par du tissu spongieux.
Eh bien, dans ce tissu, les trabécules osseux se
montrent disposés suivant les lignes de plus grand
effort, c'est-à-dire obliquement par rapport à
l'axe de l'os et par conséquent d'une manière qui
ne s’est j'amais rencontrée dans aucun ancêtre de
l'individu. Donc, sans germes, sans lendances
héréditaires, les actions mécaniques exercées sur
l'os ont suffi à déterminer l'orientation la plus
avantageuse de ces petites lamelles,
On a remarqué que, lorsqu'un vaisseau se
ramifie, les branches de divisions’écartent d'autant
plus de la direction primitive du vaisseau qu'elles
sont plus petites, el, si la division comporte deux
branches, une grosse el une pelite, la première
continue à peu près la direction du vaisseau primitif,
tandis que la seconde s’en écarte presque à angle
droit. Ces dispositions sont avantageuses, car elles
facilitent l'admission du sang dans la branche
qui doil en recevoir la plus grande quantité el
réduisent au minimum les pressions contre ies
parois et le travail du cœur. En outre, on pourrait
les croire déterminées par l’hérédité ou par des
germes contenus dans l'œuf, puisqu'elles se
retrouvent semblables chez l'enfant et chez les
parents. Celle opinion est ruinée par l'observation
suivante : voici une artère qui se divise en deux
branches égales, formant un angle égal avec la
direction primitive; liez en une : au bout d’un
temps suffisant, l'autre branche se sera d’elle-
même placée sur le prolongement du tronc el le
vaisseau lié formera un angle droit avec celui-ci.
La pression du sang aura accompli d'elle-même,
à l'encontre des tendances héréditaires, la dispo-
silion organique la plus avantageuse suivant les
lois de l’hydrodynamique.
On pourrait multiplier beaucoup ces exemples.
Pour ne pas allonger cet article, je n’en citerai
plus qu'un, mais qui est vraiment bien frappant :
S'il est une disposition organique qui semble
déterminée par les tendances héréditaires de l’es-
pèce ou par la prédestination des parties char-
gées de la constiluer, c'estassurément le placenta.
Sans la muqueuse ulérine avec toutes ses disposi-
tions merveilleuses, sa vascularité énorme, ses
erypies profondes, son aptitude à l’hypertrophie,
le placenta parait impossible. Or, c'est un fail
connu que, dans les grossesses extra-utérines, sous
l'influence de l'irritation produite par l'œuf fé-
condé, la paroi abdominale développe un placenta
si parfait qu'il permet au fœtus de parcourir jus-
qu'au bout les phases de son développement. Il
n'y avait pas là, cependant, de tendances hérédi-
taires, et s’il y avait une prédestination quelcon-
que dans les tissus de la paroi abdominale, elle ne
pouvail qu'empêcher la formation d'un organe si
différent. Mais il n’y a ni tendances héréditaires, ni
germes prédestinés; chaque élément fait et de-
vient, en chaque point, ce qu'il peut, selon sa
nature et selon les conditions auxquelles il est
soumis.
On a donc le droit d'admettre qu'il en est de
même dans le placenta normal.
La cause de cette adaptation remarquable des
tissus aux nécessités normales ou accidentelles de
l'organisme n’est autre que l'excitation fonctionnelle.
C'est W. Roux qui, le premier, a attiré l'attention
_ sur ces phénomènes; c'est lui qui, le premier, a
tenté d'en donner une explication physiologique
en montrant que partout chaque organe, chaque
tissu, chaque cellule, chaque élément de cellule
même se développe dans le sens où il travaille et
s'adaple sans cesse à sa fonction. De là résulte une
automorphose générale de toutes les parties de l’or-
ganisme, et une autoréqulation constante de l’en-
semble et de ses parties. Il a donné à la science de
ces phénomènes le nom de Mécanique du développe-
ment, auquel je propose de substituer celui de
Biomécanique, plus large, plus compréhensif et plus
rai, car ce n’est pas seulement pendant la période
de formation du corps, c'est pendant toute la vie
et dans tous les phénomènes de la vie que ce
mécanisme développe ses eflets.
Il està remarquer que la plupart des faits sur
lesquels s'appuie la théorie biomécanique sont
connus depuis longtemps. Les tropismes, les Lac-
. tismes, les pseudarthroses, les placentas extra-
“utérins ne sont point des nouveautés. La chose
n'en est que plus intéressante. Ce qui est nouveau,
c'est leur groupement, le jour sous lequel on les
envisage et surlout le fait que l'on trouve en eux
une conception toute nouvelle de l’évolution et une
explication de phénomènes que l'on attribugit à des
enlilés métaphysiques, comme l’atavisme ou l'héré-
dité, ou à des germes représentatifs qui n'existent
. que dans certaines imaginations.
D'ailleurs Roux n'a pas été, tant s’en faut, jus-
qu'au bout de la conception qu'il a si puissam-
ment contribué à édifier. Il n’abandonne point sa
théorie de La mosaique ; il laisse à l'hérédité la plus
Y. DELAGE — UNE SCIENCE NOUVELLE : LA BIOMÉCANIQUE 445
ne nn D
grande part dans l’explication des phénomènes évo-
lutifs et persiste à croire à la prédestination des di-
verses parlies de l'œuf. Il faut mettre de côté ces
vieillesnotionsruinées par lesfaits, et considérer les
. choses comme je vais tenter de l'expliquer en ter-
minant.
L'œuf n’est rien autre chose qu'une simple cel-
lule et il ne contient ni germes spécifiques ni ten-
dances quelconques. Il a une constitution physico-
chimique déterminée, quelque peu différente dans
chaque espèce et dans chaque individu, mais qui
n'est que l’une des innombrables conditions indis-
pensables au développement des caractères de
l'organisme qui naïîtra de lui. Les cellules nées de
sa division sont loutes dans le même cas que lui.
Aucune ne sait ce qu'elle a à faire, ni ne tend à le
faire en dépit de tout. Toutes sont soumises à des
forces, tactismes et tropismes, venant du milieu ou
des cellules voisines; toutes se nourrissent, s’ac-
croissent et se multiplient selon les conditions
qu’elles rencontrent; toutes ainsi s'étendent, se
tassent, se poussent, et chacune enfin occupe à
chaque instant, dans l’ensemble, la position
qu'exige la résultante des forces qui agissent sur
elles. Mais, par le fait qu'elles augmentent de
nombre, qu’elles s’accroissent selon leurs natures
diverses, avec des vitesses différentes, cette résul-
tante change à chaque instant; et, par suite, à
chaque instant, change aussi la forme de l'agrégat
qu'elles constituent par leur réunion. Puis inter-
vient l'excitation fonctionnelle, d'abord faible el
indécise, presque semblable pour toutes, puis de
plus en plus pressante et de mieux en mieux déter-
minée à mesure que se précisent les organes qu’elle
a contribué à former. Et ainsi, peu à peu, se déve-
loppe l'organisme jusqu'à son complet achève-
ment.
L’hérédité, c'est-à-dire la ressemblance du pro-
duit aux êtres qui l’ont engendré, est un résultat
nécessaire et nullement mystérieux. Comment
cette” ressemblance pourrait-elle faire défaut
quand le point de départ, l'œuf, est semblable et
que les routes suivies sont semblables aussi? Cela
n’est pas plus étonnant que de voir dans un fleuve
les tranches d’eau, qui se succèdent loujours de
nouveau, se précipiter à la cascade, s’étaler dans
le lac, se rétrécir dans la plaine, s’engouffrer dans
le tourbillon, ronger les mêmes rives, élargir le
même delta et se perdre au même endroit dans la
mer.
Mais ce qui est spécial aux êtres vivants, c'est
que chezeux l'hérédité est obligatoire par un simple
effet de la délicatesse de leur structure: car l’eau
n’en sera pas moins de l’eau si, au lieu de circuler
dans le fleuve, elle se perd dans les profondeurs
de l'Océan, se congèle dans les glaces du pôle ou
446
E. URBAIN — UNE RÉVOLUTION DANS L’'ÉCLAIRAGE AU GAZ
s'élève sous forme de nuages dans l'air. Elle a
mille manières d'être, et son histoire peut changer
tous les jours sans qu’elle cesse d’être de l’eau.
L'œuf, au contraire, est, comme je l’écrivais déjà
il y a trois ans, une structure extraordinairement
délicate qui est prise dans ce dilemme: rencontrer
à chaque instant des conditions identiques à celles
qu'a rencontrées l'œuf du parent à la phase cor-
respondante, el réagir à ces influences identiques
par une modification identique et, par suite, suivre
un développement identique, ou... périr désor-
ganisé. Si done il a véeu, c'est qu'il a rencontré, à
chaque moment voulu, ces conditions identiques,
et il n’est pas étonnant que, identique à l'origine à
l’œuf maternel et ayant suivi la même évolution, il
soit arrivé au même bul.
Cependant l'identité n’est pas parfaile : entre
l'identité absolue, qui produirait l’'invariable, et la
différence grave, qui entrainerait la destruction,
il y a place pour la vwrivtion quand les différences
sont faibles, pour la dchogénie quand elles sont
plus fortes, pour la fératogénie quand elles attei-
gnent leur maximum.
Ainsi, à la place de l'hérédité, — qui n'est pas une
force évolutive et qui n'explique rien, — à la place
des germes prédestinés qui ne sont qu'une hypo-
thèse impossible !, il faut mettre les facteurs po-
sitifs de l’ontogenèse, c'est-à-dire des forces ac-
tuelles, toutes réductibles à des effets mécaniques,
physiques, chimiques ou physiologiques simples.
Notre connaissance de ces forces est encore extré-
mement incomplète, Nous en savons assez cepen-
dant pour être convaincus que là git la véritable
explicalion des phénomènes, mais il reste énormé-
ment à faire encore. Aussi devons-nous, sans nous
rebuter devant les diflicultés extrêmes du pro-
blème, aborder avec courage l'étude de la science
nouvelle : la Biomécanique.
Yves Delage,
Professeur à la Sorbonne.
UNE RÉVOLUTION DANS L'ÉCLAIRAGE AU GAZ
UTILISATION COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE DU CARBURE DE CALCIUM
POUR LA PRODUCTION DE L'ACÉTYLÈNE
Un article de M. le P°B. Vivian Lewes, paru
ici-même le 30 mars dernier, faisait connailre une
récente et très importante découverte de M. T, L.
Wilson relative à la synthèse industrielle de l'acé-
tylène au moyen du carbure de calcium. Sur ce
même sujet, le D° Suckert a fait récemment, de-
vant les membres du Franklin Institute, de Philadel-
phie, une conférence qui donne d'intéressantes
indications praliques sur cetle industrie nouvelle ';
il la montre prête à transformer d’une manière
profonde la fabrication et l'emploi du gaz de
l'éclairage et à absorber une part considérable des
forces motrices naturelles.
Ces renseignements complémentaires permel-
tent aujourd’hui d'apprécier, en connaissance de
cause, les conditions matérielles du nouveau pro-
cédé d'éclairage, et, en particulier, d'en calculer
exactement le prix de revient. Ce prix est telle-
ment bas qu'il menace d'apporter une véritable
perturbation dans notre vieille industrie du gaz
de houille, depuis longlemps si prospère.
[
M. T. L. Wilson, dont M. Lewes a exposé ici
mème les intéressants travaux, a reconnu qu'un
EE
\ Journal of Franklin Institule, 15 mai 1895.
mélange intime de chaux et de charbon, soumis à
la haute température d’un four électrique, analogue
à celui que M. Moissan avait imaginé, fournit,
après fusion, un carbure de calcium de formule
CaC? capable, au contact de l’eau, de dégager des
quantilés considérables d’acétvlène pur, d'après la
réaction :
‘ CaC? L 92H20 = Ca(OH}? + C°H2.
Ses premières recherches, qui datent de 1888,
furent faites avec une machine dynamo qui four-
nissait un courant de 150 ampères sous 60 où 70
volts. Le four se composait{fig.{, p.447) d'un creuset
de graphite B reposant sur la partie centrale d’une
plaque de charbon carrée, de O0 m. 30 de côté el
0 m. 025 d'épaisseur, encastrée dans des briques
À, qui entouraient le creuset, et munie, sur un de
ses côtés, d'une tige de fer #b prolongée au delà du
revêtement extérieur du four, pour être mise en
communication avec l’une desbornes de la dynamo
D, l’autre borne / étant reliée à un crayon de char-
bon mobile C qui pénétrail à l'intérieur du creuset.
Pour mettre le four en marche, on plaçait le
crayon de charbon en contact avec le fond du creu-
set; on l'en écarlait ensuite à mesure qu'aug-
ut nie EURE ES ENT NON PURE RENE ne
i Je crois en avoir donné la preuve dans l'ouvrage cité
j plus haut.
_ goudron (rai); la pâte était
mentait la force électromotrice de la dynamo len-
tement excitée. L'arc jaillissait et fondait la
substance à traiter, que l’on introduisait par une
ouverture ménagée dans le couvercle E du creuset.
Ce couvercle était constitué, soit par une substance
isolante, soit par du graphite, qu’un lutisolait du
creuset. Le crayon de charbon, de 30 centimètres
_ de longueur et3 centimètres de diamètre, était
recouvert exlérieurement d’un dépôt de cuivre
électrolytique, pour augmenter sa conductibilité,
et percé, dans toute sa lon-
gueur, d’un canal, non visi-
ble sur la figure, qui per-
mettait l'introduction de gaz
réducteurs.
Les résultats que donna
ce premier four justifièrent
la reprise des expériences
sur une plus grande échelle :
la Wason Aluminium Com-
pany fut fondée, et une pre-
mière installation établie à
Spray (Nouvelle-Colombie).
La Gynamo dont on y dispo-
sait fournissail un courant
de 2.000 ampères sous
35 volts, et représentait une
puissance d'environ 100 che-
vaux-vapeur.
Le premier carbure de cal-
cium préparé dans ce four
s'obtenait en mélangeant
30 kilogrammes de chaux
pulvérisée avec 50 litres de
préalablement chauffée jus-
qu'à siccilé.
D'autres essais furent faits
enmélangeant, à poidségaux,
de la chaux et du charbon
finement pulvérisés. Le car-
bure obtenu, presque pur,
représen{ait en poids le tiers
du mélange employé.
Depuis ces premiers essais, des résullats plus
concluants vinrent prouver que, particulièrement
à l’aide des courants alternatifs, il était possible
d'obtenir économiquement un carbure de calcium
d'une pureté remarquable, si bien qu'une usine
fonctionne aujourd'hui et produit le carbure en
quantités dépassant une tonne par jour.
tampon d’argile e.
cée par un volant 4.
II
Examinons maintenant dans quelles conditions
économiques il est possible de réaliser cette fabri-
calion.
E. URBAIN — UNE RÉVOLUTION DANS L’'ÉCLAIRAGE AU GAZ 447
Les proportions théoriques nécessaires à la pro-
duction de 100 kilogrammes de carbure sont 87,5
kilogrammes de chaux pour 56,25 de charbon,
dont deux tiers se combinent au calcium et Île
troisième sort du four à l'état d'oxyde de carbone
d'après la réaction :
CaO + 3C — CaC? + CO
87.5 + 56:95 — 100 + 43.75.
Il est nécessaire d'employer une proportion de
charbon plus considérable, une notable partie de la
houille employée disparais-
sant sous forme de produits
volatils. Les proportions les
plus convenables corres-
pondent à des poids égaux
de chaux et de charbon.
Fig. 1. — Four électrique employé par M. Wülson.
A, maconnerie extérieure du four. B, creuset de char-
bon ou de graphite. C, crayon de charbon consti-
tuant l’électrode mobile. D, dynamo. Le fil w, qui
part de la dynamo, est relié à une tige de fer &
fixée à une plaque de fer b, qui supporte le creu-
set; le fil w'est réuni à une douille métallique €, qui
entoure la partie supérieure du crayon de charbon.
Le revêtement A est fait de briques cuites iso-
lantes, et le four est recouvert de deux plaques de
charbon munies d'un trou central par lequel le
crayon C pénètre dans le creuset. — d, trou de
coulée, qui, pendant l’opération, est fermé par un
— Les plaques de charbon E
reposent sur le bord supérieur du revêtement A
qui s'élève au-dessus des bords du creuset, lais-
sant un intervalle / entre B et E.
Le déplacement vertical du crayon de charbon est
obtenu au moyen d'une vis g qui peut être dépla-
Le calcaire et la houille,
matériaux nécessaires à cette
fabrication , peuvent être
obtenus à très bon compte
par une usine située à pro
ximité de gisements impor-
tants, d'autant plus qu'on Y
peut utiliser le poussier de
houille et que les sous-p11-
duits, d’une grande impor-
tance industrielle, que donne
aujourd'hui l'industrie du
gaz de l'éclairage (goudrons,
sels ammoniacaux, elc.), en
pourraient être extraits par
une distillation préalable. Il
y a,ên effet, avantage à n'in-
troduire dans le mélange de
chaux et de charbon que du
coke, carbone presque pur.
De plus, l'hydrate de chaux
obtenu dans l’action de l'eau
sur le carbure ne manquerait
pas d'emplois, soit qu'on le
fasse rentrer dans la fabri-
cation ducarbure de calcium,
soit qu'on l'utilise pour la
production de ciments, elc.
Un dernier élément du prix de revient est la pro-
duction de la chaleur dans le four au moyen du
courant électrique. On a pu jusqu'ici oblenir
10 kilogrammes de carbure par cheval-vapeur et
par vingt-quatre heures ; mais il est très probable
qu'avec des fours alimentés automatiquement, bien
isolés au point de vue calorifique et dont on utili-
serait la chaleur perdue pour échauffer les matières
premières avant leur introduction dans le four,
une installation de quelque importance pourrait
accroître cette proportion jusqu'à 15 kilogrammes
environ par cheval-vapeur et 24 heures,
]
148
E. URBAIN — UNE RÉVOLUTION DANS L'ÉCLAIRAGE AU GAZ
Le D" Suckert donne, à titre de renseignements,
les chiffres suivants, établis par un industriel
dont l’usine se trouve à proximité de dépôts impor-
tants de calcaire et de houille, et relatifs à la pro-
duction de 150 tonnes de carbure de calcium :
Tableau I
7
LA PRIX
TONNE | EN FRANCGS
|
Extraction de 270 tonnes de eal- |
CALE A Rem ae RE Mens LS 6,25 SE
Transport de 270 tonnes de cal- \ np250
Caire as eus ARS .. AND2UDD
Frais de broyage de 150 tonnes
derChaux dre mie 0e 6.25 937 50
Extraction de 200 tonnes de
Roule a enr 18275 DAT ETES
Travail de fusion du carbure. . 3.150 »
Prix de 150 tonnes..... 12,500 00
Cela met la Lonne de carbure au taux de 83 fr. 35
en tant que malière première et force motrice;
ajoutant la main-d'œuvre et les frais généraux, on
peut ne pas dépasser 100 francs par tonne. On ne
tient pas compte ici de la vente des produits.
Un traité s’élabore en ce moment entre l’Ælectro-
Gas Company de New-York et la Niagara-Falls
Power Company qui permettra d'employer immédia-
tement une puissance de 1.000 chevaux-vapeur
pour la nouvelle fabrication, et bientôt 5.000 che-
vaux ; et M. Suckert ne doute pas de voir prochai-
nement employer de la sorte la majeure partie de
la puissance dont dispose cette Compagnie.
I
Voyons maintenant dans quelles conditions
pourra se faire l’utilisation de la substance ainsi
produite.
Sa principale application, — la seule réalisée
jusqu'ici, — est la préparation du gaz acétylène ;
mais tout fail croire que ce ne sera pas la seule;
ce gaz se prêlerait fort bien à la fabricalion des
cyanures et d’autres produits azotés; son pouvoir
réducteur permettrait de l'utiliser dans la métal-
lurgie du fer, de l'acier et d’autres métaux. Il pour-
rail enfin servir à la synthèse de composés orga-
niques variés,
100 kilogrammes de carbure de calcium pour-
ront donner pratiquement 30 mètres cubes de gaz
acétylène, doué d’un pouvoir éclairant 40 à 12 fois
supérieur à celui du gaz d'éclairage ordinaire. Les
chiffres précédemment indiqués donnent, par suile,
un prix de revient d'environ 30 centimes par mètre
cube pourle nouveau gaz,
Le carbure de calcium peut être aisément trans-
porté du lieu de production à celui d'utilisation :
il ne subit au contact de l'humidité atmosphérique
qu'une altération superficielle et se recouvre d'une
enveloppe protectrice de chaux.
Deux procédés se présentent pour la production
de l’acétylène: ou bien le consommateur peut, au
moyen du carbure, produire lui-même son gaz en
quantités aussi petites qu'il le voudra, ou bien une
usine centrale peut liquéfier l’acétylène et le dis-
tribuer sous cette forme dans des réservoirs spé-
ciaux.
Deux méthodes ont été expérimentées pour la
production directe de l'acétylène en petites quan-
tités : dans l’une, le carbure est contenu dans une
jarre fermée, où l’on peut introduire de petites
quantités d’eau d'une manière intermittente. Le
gaz produit se rend dans un gazomètre, d'où il
peut être extrait pour l'utilisation (fig. 2, p. 448).
L'autre méthode dispense d'un gazomètre el
permet la. production de quantités grandes ou
pelites de gaz, d'une manière continue, par un
dispositif semblable à celui connu des chimistes
sous le nom de Briquet de Gay-Lussac. On submerge
partiellement dans l’eau un récipient en forme de
cloche, ouvert à sa partie inférieure, el contenant
le carbure suspendu sur un crible à la partie supé-
rieure de la cloche; le gaz produit est extrait au-
dessus du carbure. Tant que dure lPutilisation, l’eau
reste en contact avec le carbure et la production
d’acétylène est continue; dès que le gaz cesse de
sorlir, il s'accumule dans la cloche et oblige par sa
pression l’eau à descendre au-dessous du carbure.
La production s’arrèle pour reprendre dès qu'une
quantité suflisante de gaz sera sortie. L'appareil -
est automatique et très régulier dans son fonction-
nemen£.
Tableau II
a
C2H2 Co?
LP ES RE
PRESSION TEMPÉRATURE PRESSION
a
atm.
el De
9 ©:
RCE
Ainsi, le transport du carbure de calcium se fe-
rait à domicile comme se fait aujourd’hui celui du
charbon, et une manipulation très simple suflirail
pour charger l'appareil et renouveler la provision
de carbure épuisée.
E. URBAIN — UNE RÉVOLUTION DANS L'ÉCLAIRAGE AU GAZ
449
IL semble cependant que le transport de l’acéty-
_ lène sous forme liquide serait préférable. L’acéty-
lène se liquéfie plus facilement que l'acide carbo-
_ nique. Le tableau II indique, aux diverses tem-
_ pératures, les pressions nécessaires pour liquéfier
_ les deux gaz.
_ Sa densité, à l’état liquide, à la température or-
l’acétylène se trouve dans sa forte leneur en car-
bone : pour 100 parties en poids, il renferme 92,5
de carbone et 7,7 d'hydrogène, et cette grande
quantité de carbone, en suspension dans la flamme
de l’acétylène, lui donne un éclat merveilleux,
d’une très grande blancheur, quand il est brûlé en
flamme assez mince pour permettre la combustion
j
|
|
\
e RÉ ENE e
L [| Il (|
LABS Mass EL ENRE
D
|
:;
ont
se rendre, par le bas de ce vase, au brüleur.
. dinaire, serait environ 0,50, de sorte qu'un mètre
cube d’acétylène, à l’état liquide, occuperait un
volume un peu supérieur à 2 litres, et posséderail
. celui de 12 mètres cubes de gaz ordinaire ou de
… 5litres de pétrole ".
-_ Laraison du pouvoir éclairant considérable de
—_—_ .———————————_—_———_—_—_—_—_—a—aZaZaZaZLZLELR
# 1 Au sujet de ce pouvoir éclairant, voyez l’article de M. V.
— BL: Lewes dans la Revue du 30 mars dernier,
r
*
ï »
sous ce faible volume un pouvoir éclairant égal à
Fig. 2. — Production minime et intermittente el mise en réserve de l'acétylène.
A la partie inférieure et à gauche se voit la jarre qui contient le carbure de calcium : l'eau arrive par un
entonnoir latéral; le gaz sort par un tuyau latéral qui l'amène dans le gazomètre contenant de l’eau.
À la partie moyenne du gazomètre débouche un tube dans lequel le gaz de ca récipient s'engage pour
complète. Sa flamme devient, en effet, facilement
fuligineuse, en raison même de sa grande richesse.
C'est ainsi que, brûlé à raison de 5 pieds cubes
(LA litres) à l'heure, il donne un pouvoir éclairant
de 250 candles anglaises (25 carcels environ), alors
que le gaz ordinaire ou le gaz à l'eau dépasse
rarement 20 candles.
Un fait très remarquable est que la lempérature
de cette flamme d’acétylène, qui semble devoir être
très élevée, est en réalité bien inférieure à celle de
450
E. URBAIN — UNE RÉVOLUTION DANS L'ÉCLAIRAGE AU GAZ
la flamme du gaz ordinaire : des expériences ré- | mins de fer, voitures, bateaux, bicycles mêmes. II
centes ont montré quelle
ne dépasse pas 900°, tan-
dis que la température du
gaz ordinaire dépasse 1.400?.
Pour une même quantité de
lumière émise, la quantité
de chaleur dégagée par la
combustion du gaz acéty-
lène dépasse très peu celle
dégagée par la lampe à in-
candescence.
Une usine centrale peul
liquéfier des quantilés con-
sidérables de gaz acéty-
lène et l'expédier dans
de petits réservoirs analo-
gues à ceux des figures 3
el 4. L'acélylène liquéfié s’y
vaporise sous une pression
de 14 atmosphères, si bien
que, pour une installation
un peu importante, il sera
nécessaire de faire passer
le gaz dans un réducteur de
pression placé à la partie
inférieure des réservoirs,
que l’on construit aujour-
d'hui d'après un brevel pris
en Amérique le 19 mars
dernier: la pression peut
être ainsi abaissée jusqu'à
quelques centimètres d'eau.
IV
Voici donc un gaz doué
d'un pouvoir éclairant con-
sidérable, que son prix de
revient main{(e-
nant plus économique que
le gaz ordinaire, transpor-
table sous un
restreint
rend dès
volume très
soit sous forme
solide, à l'état de carbure
de calcium, soit sous forme
liquide, doué d'une odeur
pénétrante qui permet d’en
déceler facilement les plus
minimes quanlilés .
geant
déga-
moins de chaleur ,
et consommant moins d’o-
xygène pour une égale
quantité de lumière produite,
— Appareils contenant
3 et 4. portatifs
l'acétylène liquide et permettant de le brûler à la
partie supérieure. ; d
La partie supérieure de ces appareils, partie qui
constitue le brüleur et sa tige, peut être indépen-
Fig.
dante du récipient; elle se visse sur lui, de facon
à servir pour une série de réservoirs.
permet d’alimenter ainsi
des lampes portatives, cha-
que lampe pouvant avoir
ainsi son réservoir particu-
lier.
Enfin, signalons une der-
nière application, qui per-
met de employer de concert
avec celui du gaz d'éclai-
rage ordinaire : le prix de
revient de ce dernier gaz
est considérablement aug-
menté par la nécessité de
lui donner un pouvoir é-
clairant déterminé ; de là
l'emploi de houilles très ri-
ches et chères (cnnel-coal,
boyhead). 11 serait possible
de distribuer un gaz moins
riche en carbone, ‘mieux
approprié au chauffage et à
la force motrice, et qui
pourrait être enrichi, pour
ses applications à l'éclai -
rage, au moyen d'un ré-
servoir d’acétylène liquide.
Il y aurait là, croyons-
nous, une économie vérita-
ble.
Des recherches sont d'ail-
leurs poussées activement
du côté des applications de
l'’acétylène au chauffage el
à la force motrice. Sous
sa forme liquide, il serail
très précieux pour la force
motrice, pouvant être uti-
lisé et comme gaz com-
primé et comme combus -
lible.
Il nous a paru que celle
importante applicalion de
découvertes chimiques ré-
centes mérilail d’être
gnalée sans relard aux lec-
teurs de la Aeyue : elle cons-
lilue, en eflet, plus qu'un
essai industriel intéressant,
el il est évident que, dès
à présent, il y a moyen d’en
faire, sur notre sol, l'ob-
si-
jet d'une {rès grande et très prospère industrie.
De plus, ce gaz se prête merveilleusement, sous
sa forme liquide, à Lous les éclairages isolés
, che-
Édouard Urbain.
Chimiste-Industriel.
E
he #
+
» Z4
a CP ARR + te ne “di: à + MÉDRÉS
454
REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE
EAMVITESSE, — LA COMBUSTION MIXTE AU CHARBON
ET AU PÉTROLE. — LES NOUVEAUX MATÉRIAUX. —
PLAQUES DE BLINDAGE. — PROJECTILES A COIFFE. — OBUS A GRANDE CAPACITÉ D'EXPLOSIF. — LES NOUVEAUX
NAVIRES CONTRE LES PROJECTILES A EXPLOSIF. —
BATAILLE
I. — LA VITESSE.
Il n'y a guère de nation maritime où le nombre
de navires rapides ne se soit pas accru dans une
forte proportion au cours de ces deux dernières
années. Les flottes des différents pays sont, au point
de vue de la vitesse, plus homogènes à l'heure
actuelle qu'il y a deux ans; les escadres modernes
seraient plus mobiles que leurs devancières. C'est
une très grande supériorité que de pouvoir grouper
un ensemble de navires filant un ou deux nœuds
de plus que ceux de l’ennemi : la bataille de Yalu
l'aurait nettement prouvé si c'était là un fait qui
eùl eu besoin d’être démontré. £
Nous ne pouvons, dans cette courte revue des
progrès accomplis, donner la liste des nouveaux
navires rapides dont se sont enrichies les flottes
TUBES LANCE-TORPILLES, — LES ENSEIGNEMENTS DE LA
DE YALU.
essais, tandis que le ZLancier, auparavant le plus
rapide de nos torpilleurs, avait filé 25 n. 79.
Parmi les contre-torpilleurs, les nombreux petits
navires anglais du type Æavock ont donné d’excel-
lents résultats; le Zavock a filé 27 n.177;, le Hornet
27 n. 313, le Ferret 27 n. 519, le Daring, 27 n. 706;
l’Ardent, qui est un Daring allongé de 5 m. et élargi
de 30 cm., a atteint 27 n. 94 en développant une
puissance de 4.360 chx.
Si l’on passe ensuite aux navires de plus grande
dimension, on trouve le croiseur japonais Yoskino,
sorte de Piemonte agrandi, qui a filé 23 n. 03, et les
grands croiseurs américains à {rois hélices, Columbia
et Minneapolis, qui ont atteint, le premier 22 n. 87,
le second 23 n. 07. Enfin, le cuirassé italien Surdeyna
a donné aux essais une vilesse de près de 20 nœuds,
bien que ne marchant pas à toute puissance.
Tableau des vitesses maxima obtenues dans les essais récents
7e pgegogoeogeogqeoeOOOOOO OO
NOMS DATE |LONGUEUR TIRANT | épra- |[PUISSANCE | NOMBRE
DES CLASSE NATIONALITÉ DE A LA LARGEUR | D'EAU BRENT EN DE VITESSE
BATIMENTS L'ESSAI FLOTTAISON DTEE CHEVAUX | TOURS
me | ne | ns | ne ; Es ———_
mèt mèêt met. tonn chevaux nœuds
Chevalier... torpilleur francais 1894 4% 4.50 2.08 123 2100 » 27.92
Daring ..... contre-torpilleur| anglais 1894 56 5.5 1.89 220 463% 387 271.106 1
Ardent ..... fd. d. 189% 61 5.8 1293 250 4361 396 27.94
Yoshino.…... croiseur japonais 1893 116 14.2 6.00 | 4220 15000 2 » 23.03
Minneapolis croiseur américain 1894 125 18 7.10 | 7500 20630 132 23.07
Sardegna..…. cuirassé italien 1894 125 23.45 9.50 [13760 16440 4 » 19.64
des différents pays: nous nous bornerons à men- |
lionner ceux d’entre ces navires qui ont dépassé
P
- leurs anciens et tiennent aujourd'hui, au point de
vue de la rapidité, la première place parmi les
navires de leur classe.
Le torpilleur de haute mer le Chevalier, construit
au Havre par M. Normand, a atteint 27 n. 22 aux
1 Nous donnons ici le chiffre de l'essai officiel; pour le Da-
ring, comme pour quelques autres contre-torpilleurs de cette
Série, on indique quelquefois des vitesses plus élevées, qui
ont été atteintes, paraît-il, aux essais préliminaires faits par
les fournisseurs (près de 29 n. pour le Daring); il nous pa-
rait préférable de nous en tenir aux résultats de l’essai ofliciel
fait dans les conditions du marché.
? Chiffre prévu.
3 Le, déplacement peut atteindre 14,120 tx., les soutes à
charbon supplémentaires une fois remplies.
ñ La machine de la Sardegna est faite pour développer
une puissance maximum de 21.070 chevaux.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
Parmi les résultats que nous venons de citer,
ceux donnés par la Columbia et le Minneapolis sont
les plus instructifs. La vitesse dépasse, en effet,
notablement celle qu’on aurait été en droit d’at-
tendre au cas où l’on aurait employé deux hélices
seulement. L'avenir montrera si l’utilisation très
supérieure de ces deux navires est ou non un fait
isolé pour les navires à trois hélices ; en tout cas,
comme rien n'empêche de faire des navires sem-
blables, comme forme et comme disposition d’hé-
lices, aux grands croiseurs américains ou dérivés
de ceux-là, la supériorité des trois hélices à l’allure
maximum reste un fait bien acquis dont il convient
de profiter.Il est probable que cette année on sera
également fixé sur la question d'économie de
charbon à l'allure de route; selon toute vraisem-
blance, la consommation doit être moindre sur
10**
452
les navires de guerre à trois hélices que sur ceux à
deux hélices jumelles. Les essais du Dupuy-de-Lôme
et de nos cuirassés à trois hélices permettront
d'ailleurs d’élucider cette importante question.
En ce qui concerne les navires à deux hélices,
le Re Umberto à donné 18 n. 2 pendant trois
heures, en faisant 17.000 chx avec des machines
calculées pour en fournir 19.800, et la Sardegna à
filé 19 n. 6% avec 16.440 chx, tandis que les
machines sont prévues pour 21.070 chx au lirage
forcé, ce qui permettrait de dépasser notablement
la vitesse alleinte aux essais. Le procédé qui con-
siste à ne pas pousser les essais, de peur de fatiguer
les machines et les chaudières, est sans doute
plus justifié quand on opère, comme le font
les Anglais, sur une série de bâtiments semblables:
l'habitude en Angleterre est alors de ne faire
les essais complets, avec mesure de vilesse sur les
bases, que pour un seul bâtiment du type; on ne les
recommence pas pour les autres, et l’on se contente
de s'assurer du bon fonctionnement de l'appareil
moteur et évaporaloire. Lorsque les navires sont
dissemblables, il parait prudent de procéder à des
expériences comportant des essais aux plus fortes
allures. Néanmoins, dans le cas particulier du Xe
Umberto et de la Sardegna, les résultats obtenus
sont assez beaux pour donner moins de poids aux
critiques que soulèvent, à juste titre, des expé-
riences incomplètement poussées; car il s’agit de
navires ayant déjà réalisé des vitesses très supé-
rieures à celles des autres bâtiments de leur classe,
et, quand bien même on ne pourrait leur faire
développer la puissance prévue, ils sont certains
de pouvoir à volonté forcer au combat les grands
navires qu'ils rencontreront ou leur échapper.
Dans ces conditions il importe moins de s'assurer
que les machines fonctionneront sans échauffe-
ments, chocs ou avaries, quand on les poussera aux
très grandes allures.
Parmi les nouveaux paquebots transatlantiques,
il y aurait à citer le Saint-Paul et le Saint-Louis,
encore en construction chez M. Cramp pour
FZnlernational Navigation Company. Ces navires
doivent entrer en service cette année; on compte
qu'ils feront la traversée d'Amérique en Angleterre
à 20 nœuds de vitesse environ.
Il. — LA COMBUSTION MIXTE AU CHARBON
ET AU PÉTROLE.
Lors des essais de la Surdegna, on s’est servi
avec plein succès de la combustion mixte au char-
bon et au pétrole. Les bons résultats de l'emploi
du combustible liquide sur les torpilleurs et les
croiseurs italiens avaient déjà attiré très juste-
ment l'attention et amené d’autres pays, la France
entre autres, à expérimenter la combustion mixte.
A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE
Les essais de la Surdegna montrent le parti que
les Ilaliens comptent tirer du pétrole sur leurs
navires de guerre.
Il est à remarquer que les Lentalives faites pour
injecter des résidus de pétrole sur le charbon
qu'on brûle dans les chaudières marines sont à
peu près localisées dans le bassin de la Méditer-
ranée., Cela tient à ce que les pétroles russes four-
nissent des résidus de distillation très peu coù-
teux et facilement utilisables; le pétrole améri-
cain, dont la décomposition par la chaleur donne
des produits plus volaltils, ne se prête pas aussi
bien à un emploi de ce genre.
III. — LES NOUVEAUX MATÉRIAUX.
La recherche de la légèreté avait conduit, il y à
déjà deux ans, à employer aluminium pour la
construction du FVendenesse. On sait que M. Nor-
mand fait en aluminium certaines pièces secon-
daires du lorpilleur de haute mer /e Forban.
Le métal qu'on emploie dans ce cas est un al-
liage à 3 °/, de cuivre. Les résultals d'essais sont
de plus en plus satisfaisants, el il n'est pas rare
aujourd'hui de trouver des éprouvettes qui cas-
sent sous une charge de 25 à 26 kil. en donnant
un allongement de 16 °/;, environ. Aussi a-t-on, au
cours de ces dernières années, construit en alumi-
nium des baleinières, des chalands et de pelils
torpilleurs-vedettes. L'exemple donné par la
France parait d’ailleurs devoir être suivi, car FA-
miraulé anglaise a commandé plusieurs tubes
lance-torpilles en aluminium qui seront mis en
essai sur des torpilleurs; les accessoires de coque
des torpilleurs de première classe anglais pèsent
environ à tonneaux ; leur poids s’abaissera à 4 EL à
lorsqu'on aura substitué l'aluminium au bronze; il
en résultera donc une économie de poids fort im-
porlante.
En un mot, on voil que, si l'introduction de l’a-
luminium dans les constructions navales se fait
lentement, les expériences se multiplient de divers
côtés, et il est certain que l'emploi des alliages
d'aluminium est appelé à se développer.
L'aluminium permet de diminuer le poids des
pièces à cause de sa grande légèreté; il a été sur-
tout employé jusqu'ici pour celles auxquelles on
ne demande pas une très grande solidité. En par-
liculier, pour les pièces de machines, ilne faudrail
s'en servir qu'avec une extrême prudence, parce
que ces alliages se recuisent vers 100° et devien-
nent mous vers 220°, Mais on peut réduire le poids
des pièces de machines en substituant à l'acier or-
dinaire de l'acier au nickel. Il y a différentes va-
riélés de ces aciers; on en a essayé qui conlien-
nent jusqu'à 25 °/, de nickel et qui ont donné en
France et en Amérique des résultats surprenants,
FICTENTVTT SE
A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE
453
mais coûtent très cher; celui qu’on emploie aux
États-Unis pour les canons et pour quelques pièces
de machines est un alliage à 3,25 °/, qui, après
trempe et recuit, a une résistance à la rupture de
60 kilos avec un allongement de 23 °/, et au-dessus
et une limite élastique de 35 à 38 kilos.
Ilyale plus grand intérêt pour les pièces de
machines à employer des aciers mi-durs, amé-
liorés par la trempe ou la double trempe. La ca-
racléristique la plus importante pour toutes les
pièces mobiles est une limite élastique élevée, qui
parait le plus sûr garant contre les chances de
rupture; c'est grâce à l'emploi de semblables
aciers à haute limite élastique qu'on pourra dé-
passer les vitesses de piston de 4",80 à 5,10 à la
seconde, usitées aujourd'hui avec l'acier doux sur
la plupart des navires étrangers, et l’on sait que
c’est de la vitesse du piston que dépend le poids
de la machine. D'ailleurs, même pour les pièces
fixes, l'acier à haute limite élastique ne présente
que des avantages, surtout si ces pièces compor-
tent des surfaces de frottement. C’est pourquoi
l'emploi d'acier au nickel ou de métaux similaires
nous parait correspondre à un progrès très impor-
tant dans la construction des machines des nou-
veaux bätiments.
IV. — PLAQUES DE BLINDAGE.
Il ressort des essais récents de plaques de blin-
dage que la supériorité des aciers spéciaux fran-
cais ne s'est pas démentie et que le procédé de
surcémentation Harvey présente des avantages
inconteslables.
Dans différentes circonstances, des plaques en
acier spécial de Suint-Chamond, dont la face anté-
rieure n'avait pourlant pas été surcémentée, se
sont très bien comportées. Néanmoins, presque
toutes les usines qui fabriquent des plaques de
blindage ont fait l'acquisition du procédé Æurvey,
et les usines francaises les plus importantes, telles
que Swint-Chamond, Rive-de-Grier, Châtillon, Suint-
Etienne et enfin le Creusof, traitent aujourd’hui par
ce procédé les excellents aciers spéciaux qu’elles
produisent afin d'ajouter à la puissance défensive
de leurs plaques. Là où l’on avait tenté de recourir
pour la surcémentation à l'emploi de carbures
d'hydrogène, on n’a pas obtenu des résullats aussi
Salisfaisants qu'avec le procédé Æurvey proprement
dit, et on emploie maintenant parlout ce procédé
tel que nous l’avons décrit il y a deux ans ‘.
Ce mode de surcémentalion, au moyen de char-
- bon d'os très riche en phosphore, a pour effet de
transformer la face antérieure de la plaque en une
L A. Croxeau : Les progrès récents de la marine. Rev. gén.
des Se., t-IV, page 450.
sorte de fonte très phosphoreuse. La modification
n'est que superficielle; le tableau suivant, dressé
par HW. Weuver d’après le dosage de rails surcé-
mentés, montre comment la teneur en carbone
varie depuis la surface jusqu'au point où la surec-
mentalion cesse de produire son effet :
Distance à la surface
m/m 1,6 3,2 4,8 6,4 9,5 12,7 16 19 25,4 32 38
Dosages 0,76 0,42 0,32 0,30 0,30 0,29 0,29 0,29 0,27 0,26 0,26
L'épaisseur de la couche durcie n'étant pas pro-
portionnelle à l'épaisseur de ia plaque, on voit
que l'augmentation de résistance est moins grande
pour les plaques très épaisses que pour celles
d'épaisseur moyenne ou faible.
Lorsque les projectiles sont animés de lrès
grandes vitesses, le procédé Harvey ne denne pas
des avantages bien marqués. En compulsant un
grand nombre d'essais, M.le Directeur des Construe-
lions navales Bertin est mème arrivé à cette conclu-
sion que, lorsque le projectile n’est pas brisé, il
parait y avoir plus de chance pour qu'il perfore
complètement que si la plaque était en acier doux:
cela s'expliquerait, d’ailleurs, en considérant que.
si la surface est améliorée par la surcémentation.
le reste du métal doil êlre loin de bénéficier du
traitement qu'on lui fait subir. Cela n'est nulle-
ment une critique des plaques Harvey, c’est la
simple constatation d’un fait.
Quand on se battra, il est probable que l'ennemi
ne viendra pas offrir le flanc à petite distance; les
projectiles qui tomberont sur les plaques ne frap-
peront pas, à coup sür, à la- fois normalement et
avec une très grande vitesse au choc. Le fait que
nous refatons est intéressant à connaitre, mais il
n'a pas, à notre avis, de portée pratique plus
grande qu'un autre fait également curieux et ins-
tructif au point de vue du travail de rupture du
projectile : en examinant le mode de fragmenta-
tion, on voit que les plaques Harvey n’ont pas non
plus de grands avantages aux faibles vitesses aux-
quelles le projectile est brisé en gros fragments
comme aux vitesses forles, mais un peu inférieures
à celles pour lesquelles il y a pénétration. Ce qu'il
faut retenir, c’est qu'aux vilesses intermédiaires,
pour lesquelles il y aurait eu pénétralion ou dislo-
cation de la plaque avec de l'acier ordinaire, le
projectile se brise en petits fragments, et qu'aux
très grandes vilesses il perfore, car on esb ainsi
amené à cetle conclusion pralique que, pour tirer
eflicacement contre les plaques Harvey, il faut
communiquer aux projectiles une force vive plus
grande qu'il n’est nécessaire pour avoir simple-
ment perforalion : les obus de rupture nécessite-
ront désormais des canons à lrès grande vitesse
initiale.
On parle en ce moment en Amérique d’un nou-
154 A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE
——————…—…—…—…—…———…——…——…—.—.—.—.——.—————————]—]—]—]— — —— ————]—— — — —
veau perfectionnement qui aurait été apporté à la
fabrication des plaques de blindage par l'usine
Carnegie ; voici les renseignements que nous avons
trouvés à ce sujet dans certains journaux améri-
cains :
Les ingénieurs de Pitisbury auraient eu l'idée
de prendre une plaque traitée par le procédé
Harvey et de la soumettre, après réchauffage, à
un laminage énergique; puis ils lui auraient fait
subir la trempe ordinaire à l’eau glacée.
Une plaque de 432 millimètres harveyée aurail
élé réduite par ce traitement à une épaisseur de
356 millimètres. Au polygone d'Indian-Head, elle
fut soumise à l'essai réglementaire pour les pla-
ques de cette épaisseur, essai qui se fait avec le
canon de 254 millimètres. Le premier coup fut
Liré avec”une vitesse au choc de 567 mètres. La
pointe pénétra de 178 millimètres et s'aplalit, le
projectile élant brisé en pelits fragments; il n'y
eut pas la plus légère fente dans la plaque. Celle-
ci étant intacte, on eut l’idée de la soumettre à
l'essai des plaques de 381 millimètres, et on tira
sur elle, avee le même canon, un projectile pesant
297 kilos, de manière à avoir une vitesse au choc
de 581 mètres, ee qui correspond à la puissance
maximum du canon américain de 24 millimètres;
l'obus fut tiré sur la même verticale que le précé-
dent et tout près du premier point d'impact. Le
projectile fut brisé en tout petits fragments et ne
laissa sur la plaque qu’une empreinte sans pro-
fondeur; il n'y eut aucune fente. On se décida
alors à faire subir à la plaque un tir dans les con-
ditions exigées pour les plaques de 432 millimè-
tres (canon de 305 millimètres, vilesse au choc
581 mètres). Le projectile tomba aussitôt après
avoir traversé la plaque, dans laquelle il découpa
un trou net sans causer de fentes rayonnantes,
Il serait téméraire de tirer des conclusions d'une
expérience unique, sur laquelle on ne possède que
les renseignements fournis par quelques journaux ;
cependant ces résullats nous ont paru assez inlé-
ressants pour mériter d'être relatés ici, d'autant
plus qu'ils ont déjà attiré l'attention d'un certain
nombre d'industriels européens.
On remarquera, en passant, les conditions régle-
mentaires assez rigoureuses imposées pour les es-
sais et dont les chiffres précédents permettent de
donner une idée.
V. — PROJECTILES A COIFFE,
A chaque progrès de la défense correspond un
progrès des moyens d'atlaque: à l'apparition des
plaques Harvey ont répondu les tentatives faites
dans divers pays pour munir les projectiles de
coiffes en fer ou en acier doux. La coiffe enacier
doux a environ 12 mm. d'épaisseur à la pointe el
épouse la forme de la pointe de l'ogive (fig. 1). Le
mode de tenue est variable. Danstes premiers essais
faits à Okhta en juin et juillet 1894, la coiffe était
maintenue simplement par aimantation; dans
l'expérience du 5 octobre 1894 d’Zndian-Head, la
coiffe, tenue par aimantaltion, élait, en outre, fixée
par trois vis équidistantes placées à 38 mm. de la
404 .— "
Fig. 1. — Projectile à coiffe.
base de la coiffe el mordantsur l’obus. Les construc-
teurs francais assujettissent leurs coiffes par pose à
chaud età froid, le refroidissementamenant ainsiun
certain degré de serrage comme pour les freltes.
Les essais faits à Okhtaet à Zndian-Head aux dates
relatées plus haut ont été décrits d'une manière
détaillée dans une très intéressante étude de M. le
chef d'escadron d'artillerie Fallier, publiée dans
la Revue d'Artillerie !. Les résultats sont très nets:
jusqu'à l'incidence de 20° sur des plaques d’épais-
seur égale au calibre, jusqu'à celle de 10° sur des
plaques de 1,67 fois le calibre, l’obus à coiffe
s’est montré très notablement supérieur au projec-
tile sans coiffe. L'obus à coiffe, lorsqu'il ne traverse
pas, a une perforation très supérieure à l’obus sans
coifle, el il traverse, tiré dans des conditions où
l'obus sans coiffe est arrèlé. Sous des incidences
supérieures aux précédentes, la supériorité dispa-
rail, l'obus à coiffe el l’obus sans coiffe deviennent
équivalents, la coiffe ne protégeant plus l'obus.
Si, pour les incidences voisines de la normale, la
supériorité de l'obus à coifle est démontrée, il
convient cependant de remarquer que de nouvelles
expériences sont indispensables avant qu'on puisse
admettre ce nouveau dispositif en toule sécurité.
Il faut êlre sûr que la coiffe est assez solidement
tenue pour ne passe détacher de l'obus au moment
du tir, quand le projectile estencore dans le canon.
Lors des expériences que nous avons citées plus
haut, le détachement d’une coiffe tenue par simple
aimantalion a causé à O/hla la rupture d’un canon ;
l’arrachement de la coiffe d’un obus, tenue à la
méthode américaine par aimantalion el vissage, à
occasionné à /adian-Head un Ur irrégulier, après
lequel on a constaté de fortes dégradations dans
1 Revue d'Arlillerie, Janvier 1895, p. 330.
A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE
455
l'âme ‘de la pièce. Bref, l'adoption du dispositif à
coiffe doit dépendre avant tout de la sécurité qu'of-
frira le mode de lenue; nous devons reconnaitre,
d’ailleurs, que celui adopté par les industriels fran-
cais a donné jusqu'ici toute satisfaction:
VI. — PROJECTILES À GRANDE CAPACITÉ D'EXPLOSIF.
Toute étude sur les progrès accomplis dans la
marine de guerre doit avoir pour base les résultats
obtenus avec les obus. La protection, qu'elle soit
fondée sur l'emploi d’une cuirasse de ceinture ou
d'un pont et d’une tranche cellulaire, avec ou sans
cuirasse de flancs, joue sur les navires de guerre
modernes un rôle trop prépondérant pour que
toutes les autres qualités du navire ne se trouvent
pas grandement influencées par elle. Devra-t-on
demander cette protection à un blindage épais
voisin de la flottaison? à une tranche cellulaire
surmontant un pont blindé ? faut-il accepter le
sacrifice d'argent etde poids que coûte l’apposition
d’une cuirasse mince sur les flancs des croiseurs?
Dans ce cas, quelle épaisseur convient-il de donner
à cette cuirasse pour qu’ellesoit efficace? Cela dépend
uniquement du genre d’obusquel'ennemiemploiera
et de ses effets destructeurs.
Or, aujourd’hui, on a le choix entre deux espèces
d’obus : l'obus plein et l’obus à grande eapacité
d’explosif; et par obus à grande capacité d’explosif
nous entendons un obus en acier à parois sufli-
samment épaisses, mais contenant cependant une
très forte quantité d’explosif et dont le dispositif
d’inflammation est placé à l'arrière.
De tels obus peuvent être tirés de plein fouet à
des vitesses de 500 mètres, grâce aux faibles pres-
sions que développent les nouvelles poudres lentes,
. et donnent alors un groupement assez dense pour
fournir beaucoup de coups au but. Tandis que
lobus plein ne causera le plus souvent que des
dégâts de peu d'importance, l’obus à grande capa-
cité d’explosifoccasionnera, en éclatant, des avaries
telles que le navire qui en aura recu un très petit
nombre, peut-être un seul, sera probablement hors
de combat. La puissance destructive de ces engins
est trop connue pour que nous ayons besoin d’in-
sister. Le commandant qui aura dans ses soutes
des obus pleins et des obus à grande capacité
d’explosif n’hésitera pas, et, suivani les règles qui
ont été posées par M. le chef d’escadron d'artillerie
Vallier, auquel on estredevable d'excellentes études
sur ce sujet, dès qu'il sera à trois mille mètres envi-
ron de l'ennemi, il devra cesser d'employer des obus
de rupture pour recourir uniquement aux obus à
grande capacité d’explosif.
Ceci posé, il y aurait le plus grand intérêt à
Savoir quels sont les engins que possèdent les
diverses nations maritimes et quelles épaisseurs
d'acier traverseraient ces obus. Malheureusement,
s’il est hors de doute qu'il est possible de fabriquer
des obus à grande capacité capables de percer des
plaques compound ou des plaques d’acier d'épais-
seur moyenne et d’éclater ensuite, s’il est certain
qu'il existe de semblables projectiles dans diffé-
rents pays, il est difficile d’avoir sur ces obus des
renseignemen{s précis; car Ceux qui les possèdent.
ont le plus grand intérêt à maintenir secrète
l'existence d'une catégorie d'engins gui doit leur
assurer une supériorité écrasante contre ceux qui n'en
posséderaient pas. Néanmoins, en compulsant les
renseignements peu nombreux qu'on peut recueillir
sur ce sujet, le plus intéressant de tous aujourd’hui,
le seul presque qui ait une importance capitale, on peut
conclure que plusieurs d’entre les nations euro-
péennes doivent posséder de ces terribles engins.
L'Allemagne s'esi approvisionnée depuis plu-
sieurs années, pour son matériel de siège, d’obus de
15 centimètres, qui contiennent 15 kilos 600
d’explosif; étant donnée l'unité de direction qui
existe dans ce pays, il nous parait évident que de
semblables engins doivent se trouver sur les navires
de guerre. Ce n'est d’ailleurs pas une simple pré-
somption quand on se rappelle que, dès le mois de
mars 1888, les représentants de l’Amirauté alle-
mande, du Ministère de la Guerre prussien et des
Ministères de la Marine et de la Guerre d'Italie,
procédaient à Rübeland à des expériences avec des
obus à fusée de culot système Wo/f et CŸ et von
Fôrster, fusée percutante avec retard réglable à
volonté. Ces expériences ont été faites avec des
obus à moins grande capacité que le projectile en
usage actuellement; mais il faut tenir compte qu’il
s’agit là des premiers essais qui ont dû servir de
pointde départ etpermettre le perfectionnement que
représente la charge de l'obus actuel. À Rübeland,
le but se composait d'une plaque compound de
12 centimètres appuyée sur un matelas en bois de
chêne de 60 centimètres, formé de deux rangs de
madriers. La plaque avait 2" 25 de longueur sur
1% 70 de hauteur. Derrière la muraille, à une dis-
tance de 5" 60, se trouvait la chambre d’éclatement
destinée à recevoir les projectiles. On tira quatre
coups sur cette plaque avec un canon du calibre
de 21 centimètres; les projectiles étaient des obus
Krupp en acier avec ogives massives, pesant
98 kilos et contenant 1 kilo de pyroxyle humide
en grains. On les tira de manière à avoir une
vitesse au choc de 420 mètres. Pour le premier
coup on remplaca la charge d’explosif par du lest,
l'obus traversa la plaque, le matelas et la chambre
d’éclatement malgré le double revêtement en
troncs de sapin placé au fond de cette dernière.
Les trois autres coups furent tirés avec des obus
A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE
chargés et amorcés: le premier de ces obus
traversa la plaque, la muraille, le revêtement de
la chambre d’éclatement, le massif en terre de
2 mètres d'épaisseur environ faisant suite à ce
revêtement, — et éclata en l'air. Les deux autres
obus traversèrent les mêmes obstacles et éclatè-
rent dans le massif en terre.
A l'arsenal de Pol en Autriche, il y a plusieurs
années déjà, un obus de rupture en acier du calibre
de 15 cm., armé d’une fusée au culot, a traversé,
à la vitesse au choc de 475 mètres, deux plaques
en fer laminé de Styrie, de 12 em. chacune, ados-
sées à un matelas en bois et a éclaté au delà.
Nous avons vu que le Ministère de la Guerre et
le Ministère de la Marine d'/{ulie étaient représentés
aux essais faits à Pübeland; d'ailleurs, on sait que la
maison Armstrong, un des fournisseurs allitrés de
l'Italie, est depuis longtemps en possession de la
lyddite et d’une fusée de culot; il est donc assez
vraisemblable que l'Italie doit être en mesure de
se servir d'engins analogues à ceux que parait
posséder l'Allemagne.
Aux États-Unis, on a fait depuis quelques années
des expériences sur des projectiles chargés soit
d'emmensile, soit de coton-poudre, et on a
employé dans ce but des projectiles du calibre de
152 millimètres el au-dessus, armés d’un détona-
teur, On est, dit-on, salisfait des résultats; cepen-
dant ils paraissent inférieurs à ceux qui ont été
obtenus avec les obus à grande capacité d'explosif
essayés en Allemagne, car il suffirait de 5 à 8 centi-
mètres d'acier pour faire détoner le projectile même
sans fusée à cause de la chaleur développée par le
choc et le passage du projectile. Voici, d’ailleurs, le
résumé des expériences récentes faites avec des
projecliles chargés de coton-poudre humide, munis
d’un détonaleur avec amorce de coton-poudre sec.
Un obus de 36 kilos 3, ainsi chargé et Liré avec
une vitesse de 430 mètres, produit dans de la terre,
par exemple sur les flancs d’une colline, une
énorme excavalion; mais contre une plaque de
177 millimètres il détone au dehors en produisant
assez peu de dégàts. En accroissant la charge de
poudre derrière l’obus de manière à lui donner
une vitesse de 550 mètres, l’'obus se brise dans le
irou percé à travers la piaque el éclate en ouvrant
une énorme brèche. D'ailleurs, pour bien apprécier
ces résultats, il convient de dire que les parois de
l’'obus n'avaient comme épaisseur que 7 mill. 6;
on se propose actuellement de confectionner des
obus de 254 millimètres contenant 31 kilos 7 de
coton-poudre el qui seront Lirés avec une vitesse
initiale de 520 mètres,
En résumé, on voit que si en Amérique on ne
parait pas encore arrivé à avoir un obus à grande
capacité d’explosif traversant des plaques d'acier
d'épaisseur moyenne el détonant seulement à
l’intérieur, on a compris toute importance de ce
problème, et on n’a pas hésilé à se lancer dans
une série d'expériences pour ne pas resler en
retard sur quelques grandes marines européennes.
Quant à l'Angleterre, à la suile d'une série d’es-
sais qui ont été faits sur le Welle à Portsmouth,
l’'Amirauté a décidé l'emploi dans la marine d’un
nouvel obus qui servira pour lous les canons se
chargeant par la culasse depuis le calibre de
9 millimètres jusqu'à celui de 152 millimètres.
Le nouveau projectile est en acier fondu. Dans le
but d'augmenter sa pénétration, sa fusée, au lieu
d'être, comme jusqu'ici, à l'avant du projectile,
sera disposée à l'arrière. Le projectile du canon
de 413 millimètres pèsera 726 kilos, vide, et re-
cevra une charge d’éclatement d'environ 91 kilos.
D’après le Naval and military Record, cette charge
serait constituée par de la poudre à canon; mais il
est bien invraisemblable qu'ayant à sa disposition
des explosifs tels que la /yddite *, la marine anglaise
remplisse des nouveaux projectiles aussi perfec-
lionnés avec de la poudre ordinaire; ce qui nous
confirme encore dans celle opinion qu'il s'agit
effectivement d’obus à grande capacité d’explosif,
c'est qu'il a été annoncé qu'au courant de cette
année, avant même que les projectiles ne fussent
prêts à être livrés, il serait fait des installations
spéciales pour leur arrimage el leur manipulation
à bord de tous les bâtiments; et, s'il s'était agi
uniquement du remplacement d'obus à poudre par
d'autres obus à poudre d'un système nouveau, il y
a Lout lieu de penser qu'on n'aurait eu à faire que
des modifications sans importance el non pas à
procéder à des installations spéciales. Enfin, nous
avons une autre raison plus sérieuse de croire que
les Anglais possèdent un obus à grande capacité
d’explosif : leurs nouveaux cuirassés, type Wagni-
licent et Renown, sont lotalement différents des
anciens au point de vue de la protection; la posi-
tion du pont blindé dans la partie centrale et, par
suite, sa forme, l'épaisseur et la hauteur de la cui-
rasse de flancs, ont été choisies de manière à
combiner une protection eflicace contre les obus à
explosifs puissants. Le HMagnificent, le Renown, ne
sont pas seulement des cuirassés nouveaux consli-
tuant, avec des modifications de détail, un nouvel
anneau d'une longue chaine; ils sont, pour la
construction anglaise, quelque chose sortant tout
à fait de l'ordinaire. Dès que les journaux anglais
ont donné quelques indications sur le Waynificent,
celle transformalion radicale nous a sauté aux
1 Comme utilisation officielle de la lyddite, nous ne con-
naissons qu’un mortier de 305 millimètres de 13 calibres seu-
lement de longueur, destiné à armer un croiseur de première
classe en projet.
hé ds in non états: 7e
A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 457
veux el nous a remis en mémoire cette phrase par
laquelle, il y a deux ans, en rédigeant le second tome
denotre «Cours de Construction pratique des Navires
deguerre»,nousrésumions des chapitresécrits avec
l'impression très vive de la révolution que devait
entrainer à brève échéance, dans la protection et
l'attaque des navires, l’apparition des obus à
explosifs puissants : « Nous avons tàché de mon-
trer que les navires de guerre devaient être atta-
qués par des obus à explosif et qu'ils devaient à
l'avenir être éludiés en vue de résister à ces obus;
cela conduit à des navires analogues aux cuirassés
italiens et aux grands croiseurs cuirassés anglais,
américains, russes, espagnols, etc... » Eh bien,
notre avis de constructeur, c'est que, pour les An-
- glais, le Jagnificent est le type du navire destiné à
résister aux projectiles à explosif puissant. Et,
comme on ne se défend que contre les projectiles que
l'on a, la simple vue de la coupe au milieu des
cuirassés, type Maynificent, suffirait pour nous per-
suader que les Anglais ont des obus en acier à
grande capacité d'explosif, capables de traverser
des plaques d'acier d'épaisseur moyenne. :
VII. — LES NOUVEAUX NAVIRES
CONTRE LES PROJECTILES A EXPLOSIFS.
La flotte anglaise va s'enrichir d'ici quelque
temps de neuf nouveaux cuirassés d’escadre
Magnificent, Victorious, Illustrious, Majestic, Prince
Georges, Mars, Jupiter, Cæsar, Hannibal. Les Anglais
onttrès justement qualifié le premier de ces navires
de bâtiment qui marque une époque (ax epoch
marteing ship). Le mot cuirassé est un de ces Lermes
génériques dont onse sert pour désigner les navires
les plus dissemblables comme protection: il suffit
qu'un navire ait une cuirasse verlicale pour qu'on
emploie ce mot. Les nouveaux bâtiments sont, à
ce titre, des cuirassés comme les navires précé-
dents, comme l’Znflexible, la Devustation, le Tra-
falgar ou le Royal Sovereign, et pourtant du ÆRoyal
Sovereign au Magnificent, il y a un abime. Le Royal
Sovereign est cuirassé contre les projectiles de rup-
Lure, le Maynificent el ses frères sont étudiés en
vue de résister aux projectiles à grande capacité
d’explosif.
Les Anglais ont renoncé, par un brusque revire-
ment, à un type que l'Amirauté jugeait excellent, il
ya moins de {rois ans, et adopté une protection
basée sur de tout autres principes. Rien ne saurait
mieux le montrer que la comparaison de la coupe
au milieu du Royal Sovereign et de celle du Jagni-
ficent placées en regard l’une de l’autre (fig.2 et 3).
Sur le Royal Sovereign (fig.2), on a établi, à la hau-
leur de la flottaison, une bande cuirassée haute de
2%,59 environ, régnant sur les deux tiers de la
longueur du navire; l'épaisseur de ce blindage de
ceinture varie de 457 millimètres au milieu à
355 millimètres aux extrémités de la ceinture: le
can supérieur monte à 0,915 au-dessus de l’eau,
le can inférieur descend à 1",677 au-dessous: des
cloisons transversales cuirassées complètent la
ceinture; un pont en acier de 76 millimètres
d'épaisseur la recouvre.
Au-delà de ces traverses, à l'avant et à l'arrière,
la protection des fonds est assurée par un pont
blindé à 76 millimètres qui part de chacune des
traverses et s'abaisse en allant vers les extrémités
et en abord. Ce pont, entièrement au-dessous de
l'eau, est recouvert par une tranche cellulaire très
compartimentée.
L'œuvre morte au-dessus de la ceinture est pro-
tégée sur une hauteur de 2",90 au-dessus de l’eau:
et sur une longueur de 44,195, par un blindage de
127 millimèlres d'épaisseur appliqué sur les
flanes ; des cloisons blindées obliques s'étendent
sur le pont p+otecteur des extrémités de cetle mu-
raille blindée aux redoutes des tourelles, épaisses
de 432 millimètres, et ferment la batterie blin-
dée.
Sur le Wagnificent (fig.3), tout est changé : il n'y a
plus de cuirasse de ceinture à proprement parler :
la cuirasse épaisse de flottaison, destinée à résister
aux obus de rupture, a fait place à une cuirasse de
229%/% harveyée, capable, dans bien des cas, de
résister aux projecliles de rupture, mais à coup
sûr d’arrèter les projectiles à grande capacité d’ex-
plosif, et, comme on a probabiement reconnu la
nécessité de renforcer la cuirasse d'œuvres-mor-
tes pour éviter qu'un des projectiles ne traversät le
blindage mince et n’éclatàt derrière, on a assigné
la même épaisseur à celte cuirasse, si bien qu’au-
dessus de la floltaison comme au-dessous la pro-
tection des flancs est fournie par une cuirasse
épaisse de 229%/" ; alors on a donné à ce blindage
une hauteur de 4.788 : 3,205 au-dessus de l’eau et
1*,83 au-dessous. Cette bande cuirassée, de 67 mè-
tres de long, est terminée aux deux bouts par des
cloisons inclinées sur l’avant et sur l'arrière, de
manière à aller rencontrer la base des barbettesen
forme de poire, cuirassées à 356"/" au maximum,
comme les parties les plus épaisses des cloisons.
On à ainsi constitué une haule citadelle cuirassée
d'un peu plus de 91 mètres de long de sommet en
sommet. Le pontblindé, qui, dans la partie cen-
trale, se trouvait placé à la hauteur du can supé-
rieur de la cuirasse épaisse sur les cuirassés pré-
cédents, est remplacé, sur le Magmficent, par un
pont en dos d'âne qui monte dans l'axe à 91 c/m
au-dessus de la flottaison afin de permettre de
loger les machines et les chaudières, mais redes-
cend en abord à 183 au-dessous de la flottaison
de manière à rejoindre le can inférieur de la cui-
458 A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE
rasse !. Le cofferdam triangulaire limité par le pont
blindé en question, la muraille des flancset la
plate-forme horizontale, qui prolonge le pont prin-
cipal, forme un cofferdam destiné à être rempli
de matières obturantes. Le pont blindé a 64%/"
d'épaisseur au milieu et 102*/" dans la partie qui
forme talus.
En résumé, Sù William While est arrivé à des
navires analogues aux cuirassés italiens et aux
grands croiseurs
américains en à-
doptant les é6-
paisseurs de cui-
combattu la mise en chantier du Royal Severeiqn.
Le point que nous avons tâché d’élucider a une
telle importance que c'est à peine si nous osons .
parler incidemment des autres perfectionnements
qu'on trouve sur le Z/agnificent, de crainte d'affai-
blir l'impression qui se dégage du paragraphe
précédent. Il convient pourtant de signaler la
diminution du calibre de la grosse artillerie ; au
lieu des canons de 342 "/" du Royal Sovereign, le
MWagynificent rece-
vra des canons
de 0305. Toute
l'artillerie sera
rasse qui, avec
les derniers per-
feclionnements
dus au harveya-
ge, lui ont paru
nécessaires pour
soustraire le na-
vire aux projec-
du nouveau mo-
dèle adopté en
Angleterre el se
composera de
canons frellés
construits sui -
vant l'excellent
tiles à grande
capacité d'explo-
sif; c'est exacte-
ment la transfor-
mation que nous
avions prévue,
comme nous le
rappelions un
peu plus haut.
Les circonstan-
ces dans lesquel-
les cette transfor-
mation radicale
de la défense
s’est accomplie
système préconi-
sé en Angleterre
par Longridge !,
en France par
Schullz et actuel-
lement par le ca-
pitaine d'artille-
rie Hoch.
Le service des
munitions pour
la moyenne et la
petite artillerie
est diflicile sur
les navires mo-
dernes dès que
sont également lessoutesne peu-
curieuses à men- ventpasèêtre pla-
lionner. Lors de cées directement
la miseen chan- Fig.2. — Coupe au milieu du « Royal Sovereign», protégé principalement au-dessous des
s : contre les obus de rupture. :
lier du Royal canons; aussi ä-
Sovereign, les plans ont été discutés pour ainsi dire
publiquement ; la discussion portait sur le plus ou
moins de hauteur à donner à la cuirasse de flancs,
question intéressante sans doute, très intéressante
même, mais bien peu importante comparée à une
modification du tout au tout comme celle que nous
venons de voir.
Lors de la mise en chantier du Hagnificent, les
plans de M. White n’ont pas été communiqués, et
ce n’est que longtemps après qu'on a connu cette
véritable révolution qu’il avait accomplie, et qui
n’a soulevé, à notre connaissance, aucune cri-
tique de la part de ceux-là mêmes qui avaient
1 La flèche du pont, en dos d’âne, est donc de 2,74.
t-on imaginé, en adoplant une disposition pro-
posée d’ailleurs en France en 1891, d'installer
un long couloir qui règne en abord sous le pont
blindé et permet de desservir des pièces nom-
breuses sans que les soules soient immédiate-
ment à l’aplomb. Enfin, le Wagnificent aura un
approvisionnement de charbon considérable ; dans
1 Tous les nouveaux canons de calibre supérieur à 76 m/w
et notamment ceux de 305 — 203 T. R. et 152 T. R. sont bien
des canons Longridge comme construction; si nous disons
« préconisé », c'est qu'à notre avis le vrai canon Longridge
serait un canon court à volée renforcée, étudié pour utiliser
le mieux possible les pressions que peuvent développer les
poudres actuelles; or le nouveau canon anglais a 45 calibres,
A propos du canon de 305, les essais de Woolwich montrent
une précision vraiment surprenante.
ROC à
en fil d'acier, -
DT à à
_ 3"05 de hau-
Contre un en-
A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE
459
les lignes d’eau du plan il contient 800 tonnes de
charbon, mais ilpossède des soutes de réserve
_ qui permettent de loger un approvisionnement
double, si bien qu'il pourra marcher pendant
28 jours à la vitesse de 10 nœuds, ayant ainsi une
vitesse franchissable de 6.700 milles environ. Avec
le mode de protection du Wagnificent une telle dispo-
sition est tout à fait logique ; en effet, quand on a
œ—r—
TT —
encore sur des navires qui viennent à peine d'être
achevés, comme le Centurion et le Barfleur. Le Re-
nown, tout différent des précédents, est construit
exactement d’après les mêmes principes que le
Magnificent. Ia sur les flancsune cuirasse en deux
virures, dont la plus élevée a 452"/" d'épaisseur
etla plus basse 203"/%, Cette haute cuirasse de
flancs forme une citadelle terminée à ses extré-
mités par des
teur au-dessus :
de l'eau, peu |
importe que |
l'immersion |.
cloisons de 254
à A59%)/EY vez
| nant buter con-
| tre les barbet-
augmente de
tes blindées à
045 ou 050:
la protection
garde la même
152%/", Le pont
qui a la même
forme que celui
valeur; il n’en
est pas de mé-
me lorsqu'on à
simplement
0*90 au-dessus
du Wagnificent,
est cuirassé à
16"/" dans le
talus et à 51"/"
dans la partie
de l’eau, com-
me sur le Xoyal
Sovereign et mé-
me moins, Car
alors la surim-
mersion com-
promet grave-
ment le bäti-
ment s'il ren-
horizontale. Le
Renown est un
bätiment dou-
blé en bois de
42.550 ton -
neaux destiné
àfiler18 nœuds
environ.
Ainsi, lesAn-
glais pensent
nemiavant d'a- | que, dans les
voir consommé | / mers les plus
7 . . :
unegrandepar- : AC lointaines, ils
. A .
tie de son char- L a OÙ pourront avoir
eee. affaire à des
Voici, pour Eh adversaires
terminer , les
données prin-
cipales de ces intéressants navires :
Longueur à la flottaison............ 149 m. 97
LRO RE RE DEC SR CEE 22 m. 86
Hirant.d’eau moyen......:.......... 8 m. #1
Différence ....... DA CRE Ds 0 m. 30
LEH ESA ARE PRE environ 15150 tx.
Puissance en chevaux au tirage naturel 10130 chx.
Puissance en chevaux au tirage forcé. 12160 chx.
Vitesse maximum au tirage naturel.. 16 n. 5
Vitesse maximum au tirage forcé... 31 n. 5
Armement : 4 canons de 305"/" dans deux tou-
relles barbeltes blindées à 356"/": 12 canons de
152®/® à tir rapide; 6 canons de 66 tir rapide:
12 canons de 47 et 8 mitrailleuses Maxim.
Si les Anglais ont changé le type de leurs cui-
rassés destinés au service des mers d'Europe, ils
ont également renoncé pour les stations lointaines
à l’ancien système de protection que l’on retrouve
Fig. 3. — Coupe au milieu du « Magnificent », protégé contre les obus
à grande capacité d’explosif.
possédant des
obus à grande
capacité d'explosif, et nous ne pouvons nous empè-
cher d'admirer la décision, l'esprit de suite et la
rapidité avec lesquels ils sont en train d'accomplir
le renouvellement de leur flotte cuirassée, qui s’en-
richira à bref délai d’une escadre fort importante
de bâtiments à la hauteur des derniers progrès.
Les Italiens avaient, dira-t-on, précédé les
Anglais dans cette voie ; nous le reconnaissons,
et nous tenons le Re Umberto et la Sardegna pour
d'excellents cuirassés, tout en faisant, comme pour
les précédents, nos réserves sur le décuirassement
des extrémités et surtout de l’avant ; mais,lors de
l’adoption de ce type de bâtiments, les conditions
de la lutte étaient tout autres qu'aujourd'hui ; les
principes sur lesquels était basée la protection
étaient sujets à discussion, et, tout en reconnaissant
160 A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRESYDE LA MARINE]
la grande valeur de ces navires, on pouvait ne pas
se rendre compte que, contrairement à ce qui à
lieu en général pour les bâtiments de guerre, ils
deviendraient plus modernes en vieillissant; tout
ce qu'on peut leur reprocher aujourd'hui est, en
eflet, d’avoir une cuirasse un peu mince s'ils se
trouvaient avoir à lutter contre un ennemi pourvu
de projectiles à explosif puissant, capable de tra-
verser des plaques d’acier d'épaisseur moyenne.
Les Ilaliens ont eu la chance de devancer le pro-
grès : Les Anglais, qui pouvaient faire de plus grands
sacrifices pour leur flotte, se sont bornés à le sui-
vre, mais ils ont agi résolument et sans perdre de
temps.
Toutefois, si les renseignements qui ont été pu-
bliés à propos des derniers cuirassés mis en chan-
tier en Italie sont exacts, les cuirassés Aamraglio
di Suint-Bon et Emanucele Filiberto montrent que les
[taliens surveillent attentivement tous les progrès
de l'artillerie ; notre impression est qu’ils doivent
avoir des résultats d'expérience leur permettant
de savoir ce qu'ils font et ou ils vont. Depuis long-
temps ils ont renoncé à la ceinture épaisse, qu'ils
considéraient, étant donné son peu de hauteur,
comme une protection illusoire: à un moment où
les projectiles de rupture étaient les plus redou-
tables, ils ont eu recours à un pont blindé sur-
monté d'une tranche cellulaire : de celte idée sont
sortis l'Ztalia el le Lepunto lancés en 1880 el 1883.
Puis la petite artillerie à tir rapide ayant fait son
apparilion, ils ont fait le Xe Umberto, la Surde-
gna, la Sirilia lancés de 1888 à 1891, où la protec-
tion précédente est combinée avec une cuirasse de
flancs de 100 millimètres ne régnant que sur une
partie de la longueur. Aujourd'hui, ils s'inquiètent
des dégats que pourrait faireun projeclile à grande
capacilé d'explosiftraversantcette épaisseur d'acier
ou mêémerencontrant les parties décuirassées de
l'avant et de l'arrière, et alors ils meltent en
chantier des navires cuirassés de bout en bout sur lu
presque lotalité des œuvres mortes et dont l'épaisseur
varie de 25 centimètres au milieu à 10 centimètres
aux extrémités, le ponten dos d'âne, appelé à jouer
le rôle de pare-éclats, étant blindé à 40 millimètres
dans la partie horizontale et à 75 millimètres dans
le talus. Notons en passant qu'ils n'ont pas sacrifié
la vilesse, qui doit être d’au moins 18 nœuds. Mais
on sent que tous leurs efforts Lendent à avoir une
protection eflicace, et que, à leur avis, elle consiste
dans l'apposition sur les flancs d’une haute cui-
“asse, de bonne épaisseur moyenne, avec un pont
blindé placé aussi bas que possible.
Nous altachons tellement d'importance à l'emploi
des projectiles à grande capacité d’explosif, el
aux moyens qu'on à imaginés dans les divers pays
pour s’en garer, qu'il nous parait utile de résumer
ce qui précède en quelques lignes. On a trop de
tendance en France à appeler croiseurs les navires
qui n’ont pas un blindage de ceinture épais, sans
réfléchir que, quand il s'agira de se battre, il n'y
aura ni cuirassés, ni croiseurs, mais des navires «le
combat, el que, pour résisler à des projectiles donnés, il
est logique d'employer le même mode de protection, à
moins qu'il ne s'agisse d'un destructeur de paque-
bots ou de petits bateaux rapides protégés par leur
grande mobilité. Nous ne détestons rien tant que
d'employer des termes anglais quand on peut se
servir de mots français; mais chez nous le mot
cuirasse de ceinture, qui devrait être réservé uni-
quement au cas où il n'existe qu'une bande étroile
de cuirasse à la flottaison, a recu une telle exten-
sion que nous croyons utile de mettre en regard
les termes anglais et français pour donner toute
sa portée à l'expression de notre pensée : le mode
de protection des nouveaux navires anglais et ita-
liens est caractérisé par l'apposition d'une exirusse
dé flancs (side protection) au lieu de l'ancienne cuirasse
de ceinture (bel) absolument condamnée par ces
marines. Voici ce qu'on peut lire dans un numéro
du Times d'un des mois derniers : « The Hajestic
« shows a very large area of side protection; — in
« fact, the ship may bé described as side-armou-
« red in contradistinetion to Che term belted. The
« change bears evidence lo the growing apprecia-
« Uon of {he value ofrapid fire and high explosive
« shells. » — « Le Majestic a ses flancs protégés
« par un blindage sur une très grande surface. —
« En fail ce navire peut être dépeint comme un
« bâtiment cuirassé sur les flancs, par opposilion à
« ceux qui ont une cuirasse de ceinture. Cette ré-
« volution montre le cas de plus en plus grand que
« l’on fait de la valeur du tir rapide et des pro-
« jectiles à explosifs. » Aucune phrase ne serait
capable de mieux exprimer nolre opinion sur les
nouveaux cuirassés des deux grandes marines an-
glaise el italienne.
VIII. — TUBES LANCE-TORPILLES.
Les navires de combat modernes sont presque
tous armés de tubes lance-torpilles. I y aune ten-
dance générale à substituer aux anciens tubes
tirant au-dessus de l’eau des tubes sous-marins.
Avec certaines espèces de Lorpilles, la disposition
des tubes au-dessus de l’eau peut présenter quel-
que danger pour le bâtiment qui reçoit cette
installation: d'autre part, le lancement des tor-
pilles parait beaucoup plus efficace avec des tubes
sous-marins bien inslallés qu'avec les anciens
lance-lorpilles situés au-dessus de la flottaison.
Les essais faits sur le Royal Sovereiyn ont confirmé
pleinement ceux du Vulean et du PBlenheim. Le
Royal Sovereign a sept tubes fixes, deux au-dessous
Rés. sn %é |
|
|
|
de l’eau, dont on a décrit sommairement l'instal-
_ lation! et cinq au-dessus, deux de chaque bord,
un dans l’axe à l'avant. L’essai fut fait, le bâtiment
marchant à 12 nœuds de vitesse environ, en tirant
sur un but formé par trois cadres et figurant un
navire de 9144 de long. Les trois torpilles de tri-
bord, lancées à 550 mètres de distance à peu près,
frappèrent le but ; les torpilles furent alors sorties
de l'eau, mises dans les tubes de bàbord et tirées
d'une distance un peu plus grande; dans ce nou-
veau tir, celle lancée au-dessous de l’eau donna
seule un bon résultat. Quant au tube de l'avant,
A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE 161
lors de la mise en chantier du Royal Sovereign, en
se réservant la faculté de pouvoir se servir des
tubes au-dessus de la flottaison, dans le cas où ceux
que l’on essaiera pour tirer au-dessous de l’eau ne
donneraient pas de suite des résultats parfaits.
Tout à l'heure, à propos des tubes du Royal
Sovereign, nous avons mentionné qu'ils étaient
tous fixes. Il semble que, dans certaines marines,
il y ait tendance à supprimer la faculté de pointer
les tubes au-dessus de l'eau, sans doute, entre
autres raisons, parce qu'il est plus facile de pro-
téger un tube fixe. Au-dessus de la flottaison, le
TIR LR TEEN QN Y
NINQKKK
Fig. 4 — Dispositif Lloyd et Hulchinson pour Lubes lance-torpilles
son coup ne valut rien, comme il arrive d'ordinaire
avec cette disposition de tube. A la suite des excel-
lents résultats obtenus avec leurs tubes au-dessous
de l’eau, les Anglais ont multiplié sur les nouveaux
bâtiments les tubes lance-lorpilles sous-marins;
c'est ainsi que, sur les cuirassés type Maynificent,
qui recevront seulement cinq tubes lance-torpilles,
il y en aura quatre au-dessous de la flottaison ; le
cinquième, placé au-dessus, est à l'arrière dans une
partie où il n’est pas possible d'en mettre un au-
dessous de l’eau.
En France, on prévoit sur les nouveaux bàti-
ments, les installations nécessaires pour disposer
les tubes lance-torpilles, soit au-dessus, soit au-
dessous de l’eau ; autrement dit,on prend la même
précaution qu'avaient sagement prise les Anglais,
| Revue gén.des Sciences pures el appliquées (1° août 1893).
lancement se fait presque toujours aujourd'hui
avec de la poudre ou des substances similaires. En
France, on se sert de poudre; en Angleterre, les
expériences récentes ont conduit à remplacer la
poudre ordinaire par la cordite, à laquelle on attri-
bue la faculté de donner une pression plus uni-
forme sur l'arrière de la lorpille et des vitesses
plus régulières, tout en salissant moins les tubes;
la cordite ne donne d’ailleurs pas plus de fumée
que la poudre dont on se sert actuellement pour les
canons. En Italie, on a abandonné la ballistite, pour
revenir à la poudre à canon, qui corrode moins
les tubes et donne des pressions plus régulières.
À ce dernier propos, nous signalerons un per-
fectionnement récent du mécanisme des tubes
lance-torpilles, qui a été inventé et brevelé par
MM. Lloyd et Hutchinson, des chantiers Zl{swick. Ce
462
A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE
perfectionnement consisie à pourvoir l'arrière du
tube d’une chambre de combustion dans laquelle
commencent à se détendre les gaz provenant de la
détonation de la charge explosive. Ces gaz passent
ensuite dans l’intérieur du tube lance-torpilles à
travers des orifices étroits qui s'opposent à l’en-
trainement dans le tube de parcelles incomplète-
ment brûlées, eten mème temps retardent suffisam-
ment l’échappement des gaz afin de produire, dans
la chambre, une pression capable d'assurer une
combustion rapide et uniforme, tout en ne laissant
passer les gaz dans le tube de lancement qu'à une
pression assez modérée afin de ne pas risquer
d’abimer la Lorpille . Cet appareil peut consister en
une porte creuse À (fig. 4) fixée sur l'arrière du
tubelance-{orpillesetrenfermantles deux chambres
Det B. La petite chambre D sert à recevoir la car-
touche, la chambre B constitue la chambre de com-
buslion. Étant donné le petit volume de cette
chambre et la difficulté qu’éprouvent les gaz à s’en
échapper, la pression et la température s'élèvent
dans l’espace D B, et l'explosion se fait bien com-
plètement. Les gaz ne peuvent passer de la chambre
B dans le Lube lance-torpilles G que par les petits
trous F; ils se détendent alors de manière que
la pression atteigne la valeur qu'on s’est assignée.
IX. — LES ENSEIGNEMENTS DE LA BATAILLE DE ŸALU.
Les flottes de guerre font assez-justement à
beaucoup de personnes l'impression de superbes
machines dont on ne saurait bien apprécier la
valeur, tant qu’elles ne sont pas appelées à fonc-
tionner. Et comme, sur toutes les questions rela-
tives à la guerre navale, les avis les plus différents
trouvent des partisans, l'attention est naturelle-
ment attirée sur le moindre engagement livré sur
mer avec des engins modernes et dans des condi-
tions à peu près analogues à celles où l’on se trou-
verait dans une grande guerre maritime. Les
guerres du Chili et du Pérou, la guerre civile du
Chili, la guerre civile du Brésil ont donné lieu à de
nombreux comptes rendus et à d'ardentes contro-
verses. Il devait « fortiori en être ainsi des combats
livrés sur mer pendant la guerre sino-japonaise et
surtout de la grande bataille de Yulu; comme les
premiers renseignements sur les circonstances
d'un combat ne peuvent manquer d'être insufti-
sants et même un peu contradictoires, et qu’il est
dans la nature humaine de chercher à interpréter
les faits de la façon la plus conforme aux idées
qu'on s’est habitué à tenir pour bonnes, les ensei-
gnements qu'on à cherché à tirer de la bataille de
Yalu s'appliquent à toutes les branches de l'art
naval et conduisent aux conclusions les plus dis-
! On sait que, dans ce but, on ne dépasse guère une pres-
sion de 2 k. 800 par centimètre carré.
cordantes. Nous n'avons pas l'intention de faire ici
un exposé des renseignements certains que l'on
peut posséder dès à présent, mais seulement de
meltre en garde contre des conclusions trop géné-
rales ou un peu hätives, et de montrer quels sont
les points qui nous paraissent devoir mériter d'atti-
rer réellement l'attention.
On a dit que la bataille de Yalu avait révélé la
nécessité de proscrire le bois à bord des navires,
même pour les emménagements. Cette nécessité
était si connue des marins ou des ingénieurs qui
ont assisté à des expériences de polygone que, sur
certains navires français, le Æoche entre autres, on
avait, il y a déjà six ans, proscrit le bois et fait en
tôle d’acier tous les meubles dont on n'aurait pas
pu se débarrasser au moment du combat. Il en est
de même pour les superstructures hautes et non
protégées et les hunes militaires ; la bataille de
Yalu n'arien appris de nouveau aux personnes dont
l'attention avait déjà été appelée sur ces sujets.
Au point de vue de la défense, les deux princi-
paux cuirassés chinois, le 7ng-Yuen et le Tschen-
Yuen, sont reslés au feu pendant près de cinq
heures sans que leur cuirasse ait été entamée; les
quelques empreintes de projectiles de gros calibre
que l’on a relevées sur l’un d'eux montrent que
-l’obus n'a pas pénétré de plus de 8 centimètres.
Pour bien apprécier ce résultat, il faut songer que
l’escadre japonaise, maitresse de la distance, grâce
à la supériorité de sa vitesse, s’est, pendant la plus
grande partie du combat, tenue à 2.000 ou 3.000 mè-
tres de l’escadre chinoise et que, d'autre part, elle
ne possédait qu’en très petit nombre les obus en
acier chromé en usage dans les principales ma-
rines ; si les cuirasses des navires chinois étaient
faites avec des plaques compound d’ancienne fa-
brication, d'autre part, il ne faut pas négliger de
dire qu'elles n'ont été à peu près frappées que par
des obus en fonte. Nous avons d’ailleurs entendu
dire que les Japonais n’avaient d'ailleurs tiré pen-
dant cette longue bataille qu'une faible quantité
de coups de gros calibre. Tout cela nous semble
de nature à expliquer comment, avec des pièces à
peu près équivalentes comme puissance aux meil-
leures pièces des plus forts calibres en usage dans
les marines européennes, les Japonais n'ont pas
réussi à perforer des cuirasses un peu démodées,
D'ailleurs, les pièces de gros calibres des navires
japonais ont fait leur office, puisqu’un seul obus
de rupture a suffi pour faire sombrer le croiseur
cuirassé chinois Æing-Yuen. Ce navire, atteint à
l'arrière à la hauteur de la floltaison, s'enfonça
d’abord de l'avant, puis bascula pour couler par
l'arrière. Le coup avait vraisemblablement perforé
le pont blindé et, en allant sortir dans les fonds,
peut-être en déterminant une explosion sur son
|
k
A. CRONEAU — REVUE ANNUELLE DES PROGRÈS DE LA MARINE
163
lrajel, a suffi pour causer la perte du navire. En
constatant que ce croiseur cuirassé et que le croi-
seur protégé Zschi-Yuen avaient été coulés, landis
que les gros cuirassés T'schen-Yuen et Ting-Yuen
avaient pu fuir, on a tiré cette conclusion que la
protection assurée par le cuirassement était bien
supérieure à celle fournie par une tranche cellu-
laire et un pont blindé. Nous sommes tout à fait
d'avis que rien ne vaudrait; comme protection,
une cuirasse suffisamment haute et suffisamment
épaisse, régnant de bout en bout, s'il était pos-
sible de l'installer; mais, pour nous en tenir à la
flotte en question, il suffit de jeter un coup d’œil
sur les plans des grands cuirassés chinois pour se
rendre compte qu'étant défendus aux extrémités
exactement comme des croiseurs, ainsi que le sont
tous les cuirassés anglais et américains, le même
coup qui a envoyé un croiseur cuirassé par le fond
les y aurait envoyés également. Le seul enseigne-
ment à tirer de ce que les croiseurs n’ont pas som-
bré dans ces conditions, c’est qu’ils ont eu la chance
de ne pas recevoir un projectile aussi mal placé.
-Ce qui est certain, c’est que la flotte japoñaise,
qui a élé victorieuse, avait une protection d’un
poids moindre que la flotte chinoise.
Il est très intéressant d’examiner l'artillerie des
deux flottes. Nous tirons d’une élude très intéres-
sante de M.le Capitaine d'artillerie Rollin! les indi-
cations suivantes. Si l’on récapitule l’ensemble
des divers vaisseaux de la flotte chinoise, on trouve
pour la totalité de l'artillerie :
25 canons de gros calibre Soit 185
29 canons de moyen calibre ‘(ou171) bou-
131 (ou 117) de petit calibre dont 81 mitrailleuses| ches à feu.
L'ensemble de l'artillerie japonaise comprenait :
13 canons de gros calibre ) Soit 250
91 canons de moyen calibre et : bouches
146 canons de petit calibre dont 54 mitrailleuses) à feu.
M. Rollin ne donne pas ces nombres comme ab-
solument exacts, mais il fait avec raison remar-
quer que les quelques inexactitudes qui pourront
plus tard être relevées sont de peu d'importance,
et ne sont point, en tout cas, de nature à modifier
le caractère très tranché et nettement différent des
- deux artilleries opposées. Les Japonais avaient
des pièces de gros calibres très puissantes et très
perfectionnées, mais en nombre moitié moindre
que celles des Chinois; très inférieurs à cet égard,
ils avaient une artillerie moyenne bien supérieure,
triple de celle des Chinois, et une très forte pro-
portion de canons à tir rapide. Les pièces de petit
calibre étaient à peu près en nombre égal dans les
deux flottes. On compare souvent l'artillerie en
mettant en regard les poids de la salve que peu-
vent lancer deux flottes; ce poids s'élevait, d’après
le Militar Wochenblutt, à 7.067 k. 5 pour la flotte
DA Revue d'Artillerie, & livraison, janvier 189.
chinoise et à 5.844 kil. pour la flotte japonaise.
En résumé, l'artillerie japonaise pourrait pa-
raitre très inférieure comme puissance si on ne
lenait pas compte de l'avantage que lui donnait le
lir rapide; c’est à celte supériorité de leur arme-
ment, dont ils ont su profiter, que les Japonais sont
redevables de la victoire, comme l'a constaté le Ca-
pitaine von Hannelen|Rev.du Cerclemilit.). Les canons
à tir rapide ont donné aux Japonais un immense
avantage en semant partout des pluies d’éclats, en
mettant souvent le feu aux navires chinois et en cri-
blant tout ce qui n’était pas abrilé contre leur tir.
Le rôle prépondérant joué parle canon à tir ra-
pide est un fait qui se dégage nettement de l’étude
de la bataille de Yalu ; afin de tirer de leur arme-
ment le meilleur parti possible, il semble que les
Japonais aient eu soin de se tenir le plus souvent
à une distance suflisante de l’ennemi pour que
l'armement de la flotte chinoise en pièces de gros
calibres ne devint pas dangereux pourleurs navires.
En un mot, c’est gràce à sa vitesse supérieure que la
flotte japonaise a pu profiter de sa supériorité d'ar-
mement en pièce de moyens calibres à tir rapide.
Nous pensons, comme M. le Capitaine Æollin,
« que la bataille de Yalu n’est qu'une image impar-
faite de ce que pourrait être actuellement une
grande bataille navale. » Nous avons la ferme con-
viction que les obus à grande capacité d'explosif
joueront désormais un rôle prépondérant, et, à
Yalu, iln'y avait ni obus à grande contenance d'ex-
plosif ni même à petite. Mais ce qui nous semble
à retenir, c'estque, pourbienutiliser ses munitions,
suivant l'armement que l’on possédera, il est in-
dispensable d’avoir la supériorité comme vitesse.
Le combat de Yalu aduré cinq heures, une bataille
livrée avec les nouveaux explosifs sera terminée
beaucoup plus vite, mais ilimporte que, pendant
la première période qui décidera, du reste, de la
journée, on soit mailre de ses distances ; on ne le
restera peut-être pas quand de part et d'autre des
navires auront été endommagés, mais à ce moment
le sort de la journée sera réglé.
En résumé, les caractéristiques de la flotte japo-
naise étaient une protection moindre, une force
offensive plus grande comme artillerie de moyen
calibre à tir rapide et comme vitesse, et, toute
question de personnel à part, c'est à cela que nous
attribuons son succès.
Ce sont des enseignements dont il convient de
profiter, mais avant toutil ne faut pas oublier ceci :
Dans lu prochaine querre navale européenne, là victoire
appartiendra à celui qui aura des obus en acier à forte
capacité d'explosif avec fusée de culot retardée.
A. Croneau,
Ingénieur des constructions navales,
Professeur à l'Ecole d'Application du Génie maritime.
164 ACTUALITES SCIENTIFIQU
ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
L'ÉLECTRICITÉ EMPLOYÉE COMME MOYEN DE
L'emploi de l'électricité comme moyen de chauf-
fage est encore tout à fait exceptionnel. Sans doute,
elle conserve dans ce cas les qualités de souplesse et
de commodité qui lui sont propres. Mais son prix de
revient est beaucoup trop élevé, et la chaleur qu’elle
produit beaucoup trop coûteuse. Cependant, ce serait
une erreur grossière de comparer les prix de revient
immédiats de la calorie qu'ils produisent pour obtenir
la valeur relative de deux moyens de chauffage. Par
prix de revient immédiat, nous entendons le prix de
revient unitaire de la matière ou de l'agent employé au
chauffage divisé par le nombre de calories produites
par unité. Une telle comparaison serait souvent tout à
fait fausse. Voici
un exemple em-
prunté, il est vrai,
à l'éclairage, mais
qui peut facile-
ment avoir son
correspondant
quand il s’agit de
chauffage : un
commercant pos-
sède une arrière-
boutique assez vas-
te, qui était éclai-
rée primitivement
par plusieurs becs
de gaz. Il ne s’y
tient pas d’une
manière conti -
nuelle; mais il à
très souvent be-
soin d'aller y pren-
dre ou y porter
quelques objets.
Aussi, quand il a-
vait l'éclairage au
)
RE
RO eut 12 NS
tammentses becs,
sinon à pleine
pression,au moins
en veilleuse,
L’électricité, au contraire, lui à permis d'annuler
complètement la dépense de lumière aux moments où
celle-ci est inutile, et il s’est trouvé que, par ce fait,
la dépense totale est devenue moins forte avec l’élec-
tricité qu'avec le gaz, Ce sont surtout des cas semblables
qui peuvent rendre le chauffage électrique plus écono-
mique que ses rivaux.
Il en est ainsi, parait-il, au Vaudeville-Theatre à
Londres, où l’on vient de l’installer avec succès !. Pre-
uons donc l'exemple d’un théâtre, puisqu'il nous est
offert, el voyons quels peuvent être les frais accessoires
supprimés par l'électricité. Elle ne demande point de
chaudière spéciale, et par conséquent point d’empla-
cement pour celle chaudière, ni d’ouvrier pour la sur-
veiller et la conduire, Il en résulte une diminution de
main-d'œuvre, une augmentation de l’espace dispo
nible, considération qui n’est pas à dédaigner dans les
théâtres de nos grandes villes, et, en même temps, une
augmentation de sécurité au point de vue des incendies
et explosions. Les compagnies d'assurances sont loin
d’être indifférentes sur ce sujet. Quant aux appareils
Fig, 1. — Radiateur Cromplon fixé à un mur.
CHAUFFAGE — UNE SABLIÈRE POUR TRAMWAYS
de chauffage proprement dits, ceux qu'emploie lé-
lectricité sont moins coûteux et moins difficiles à
entretenir, Is tiennent moins de place et peuvent être
répartis dans une salle d’une manière plus rationnelle.
N'offrant aucun danger d'incendie, il est possible de
les poser en des endroits où l’on n'aurait jamais songé
à poser d’autres appareils. Il résulte de ce fait une
économie, en ce sens qu'il n'y a point de parties de la
salle surchauffées au détriment des parties voisines, el
par conséquent pas de chaleur perdue, Enfin, les appa-
reils électriques ne demandent aucune préparation
préliminaire avant leur emploi, ni aucune surveillance
particulière pendant celui-ci, Un bouton à tourner au
moment convena-
ble, voilà tout le
travail qu'ils ré-
clament.C'est peu,
en vérité, et cela
se traduit par une
diminution de
main-d'œuvre,
Ajoutons qu'au
moment où les
théâtres s’éclai -
raient au gaz,
beaucoup d'entre
euxn'élaientpour-
vus d'aucun mo-
ven de chauffage ;
le gaz, en brülant,
ARRET ANEEE produisait la cha-
1 | leur nécessaire. Il
en résultait une
économie Consi-
dérable pour le
directeur, en mé-
me temps qu'un
fort mal de têle
pour les specta-
teurs , au moins
pour ceux des é-
tages supérieurs.
Les Anglais a -
vaient adopté une
expression pour désigner ce mal de tête: ils l’appelaient
le theatre head-ache, Quand vint la suppression obliga-
toire de l'éclairage au gaz, le mal de tête disparut en
même temps que la chaleur produite par les becs; il
fallut songer à établir des moyens de chauffage qui
n'existaient pas jusqu'alors.
Des installations non prévues dans les plans primi-
tifs et faites ainsi après coup sont toujours gênantes,
Aussi mest-il point étonnant qu'on ait cherché à utii-
ser l’électricité que, pour l'éclairage, on était obligé
d'introduire dans la salle et qui, de plus, avait avantage
d'offrir des appareils peu encombrants el inoffensifs
pour la santé des spectateurs. La direction du Vaude-
ville-Theatre entreprit des essais dans ce sens, Elle
installa quatre grands radiateurs du type Crompton-
Dowsing de manière à chauffer les parties les plus im-
portantes du théâtre et les fit fonctionner pendant une
semaine, Ces radiateurs ont chacun une surface d’en-
viron 0®8# et prennent 12 ampères sous une tension
de 100 volts, Les essais ayant été trouvés satisfaisants,
on a installé dix-huit radiateurs fixes d'environ 18 à
19 décimètres carrés de surface et prenant chacun
3 ou # ampères sous la mème tension de 100 volts, On
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 465
continue à employer en même temps deux grands | — pour aider à l’action du frein et obtenir un arrèl
radiateurs mobiles.
L'intensité totale ainsi u-
tilisée est d'environ 90 am-
pères. ce qui correspond,
en admettant que le chauf-
_fage dure quatre heures,
à 360 hectowatts-heure.
Admettons 0 fr. 12, pour
prix de l’hectowatthenre,
nous obtenons une dépense
de 43 fr. 20 par représen-
tation. Mais nous devons
ajouter que le prix de
0 fr. 12 pour l’unité élec-
trique est excessivement
élevé et que, dans beau-
coup de cas, on peut sans
grande erreur le réduire de
moitié au moins,
On atteint aisément, au
Vaudeville-Theatre, la tem-
pérature très suffisante de
15 à 16° C., température
que l’on règle naturelle-
ment avec une extrême fa-
cilité. Les radiateurs ne
peuvent, d'autre part, se
surchauffer: ils sont munis
plus rapide. L'encombrement des rues de nos villes et
la nécessité d'éviter des ac-
cidents qui, sans précau-
tions spéciales, se produi-
raient à chaque instant, font
de cette question de Ja
promptitude de l'arrêt une
question de première im-
portance.
Notre figure 3 représente
une nouvelle sablière due à
M. Emil Heiïz, Bell Building,
Paterson, N.-J. 1 Elle a pour
but d'obtenir, quand cela
est nécessaire, un arrêt
aussi rapide que possible.
tout en limitant la dépense
de sable au strict néces-
saire. La sablière ne se
vide ainsi que partiellement
et peut fonctionner un grand
nombre de fois avant que
l'on ait besoin d'y tou-
cher et de renouveler son
approvisionnement. Elle se
compose de la sablière pro-
prement dite, ou boite de
sable S, d’une boîte inté-
decoupe - circuits fusibles Fig. 2. — Modèles divers de radialeurs Cromplon mobiles. rieure C, d'un ressort à
qui empêchent le courant -
de dépasser une intensité donnée.
Leur installation complète n’a pas coûté plus cher
que l'installation du chauffage à eau chaude, par
exemple. Les frais d'entretien et de surveillance sont
pour ainsi dire nuls.
Si l'on ajoute à cela
les avantages parli-
culiers qu'ils offrent
au point de vue de la
sécurité et de la com-
modilé, on voit que
leur adoption se com-
prend parfaitement à
tous les points de vue.
Nous reproduisons
deux dessins repré-
sentant : l’un (fig. 1),
un radiateur fixe
Crompton attaché au
mur par des oreilles
et des écrous, l’autre
(fig. 2) un certain
nombre de radiateurs
mobiles du même ty-
pe. Ils donneront une
idée de l’aspect de ces
appareils; nous re-
grettons de ne point
pouvoir fournir; faute
de les avoir, quelques
boudin O, d'un tampon
P, d'une soupape V, d’un pivot D et de deux tiges A
et B. Ces deux tiges sont solidaires et mues par une
pédale, que manœuvre le conducteur. Une pression sur
la pédale abaisse le tampon P et ouvre la soupape V.
Le diamètre du tam-
pon est plus petit que
—_ celui de l'ouverture
inférieure, de sorte
> qu'il reste un vide
V4 circulaire à travers
PAA lequel s'écoule le
{/ sable, dont le débit
est ainsi parfaite-
ment réglé. Aussitôt
que la pression sur
la pédale cesse, sous
l’action du ressort O,
le (tampon P se relève
etlasoupape se ferme.
Le tampon, par
son mouvement de
descente, aide à dé-
gager l’ouverture des
\ matières étrangères
: qui auraient pu s’y
NC accumuler., En outre,
si lon donne sur la
ie __ pédale plusieurs pe-
7 tits coups successifs,
il peut jouer le rôle
détails sur leur mode pis, 3. — Sablière pour lramway.— À et B, Tiges de commande de la d agitateur ct déter-
particulier de cons- Soupape et du piston. — €, Boîte intérieure contenant le ressort 0. — miner, s'il en est
truction et de fonc- P, Tampon, — V, Soupape. — D, Pivot de la soupape. — S, Boite conte- besoin, l’écoulement
tionnement. nant le sable, — Derrière la sablière se trouve la roue. du sable. D'autre part,
Les voitures roulant sur rails, locomotives, tramways,
etc., portent très souvent des sablières, c'est-à-dire des
boîtes remplies de sable, destiné à être projeté sur ces
mêmes rails dans les moments opportuns. La projection
du sable à pour but d'augmenter le coefficient de frot-
tèment soit pour empêcher le patinement des roues,
soit, — et c’est le plus souvent le cas pour les tramways,
la soupape, par sa po-
sition, préserve l'ouverture inférieure de la boue qui, en
raison de la proximité du sol, a tendance à s'y accumu-
ler, et qui, sans cette précaution, pourrait, surtout par
les temps de gelée, en bouchant complètement la sa-
blière, empêcher son fonctionnement. A. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique,
L Asnerican Machinist. N°9 4. Vol. 18, 1895,
466
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Bourlet (C.), Docteur ès sciences, Professeur au Lycée
Henri IV. — Traité des bicycles et des bicy-
clettes, suivi d’une application à la construc-
tion des vélodromes, — 1 vol. petit in-8° de 230
pages avee 33 fig. de l'Encyclopédie scientifique des
Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté,
de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50 ; cartonné, JT)
Gauthier-Villars et fils et G. Masson, Paris, 1895.
Cet ouvrage est dû à la collaboration d'un habile
mathématicien et d’un cycliste consommé réunis dans
la personne de l’auteur; il en est résulté une œuvre
très originale et d’une saveur particulière, où le lan-
gage propre au nouvel exercice (1 auteur ne nous en
voudra pas de dire « l'argot ducycle ») s allie aux déve-
loppements mathématiques, et s’insinue au milieu des
formules. Presque tout était à faire, du moment où
l’on voulait donner une théorie complète des diverses
actions qui entrent en jeu dans le mouvement du
bicycle ; les quelques mémoires déjà parus sur cette
question très à l’ordre du jour se bornent, en effet, à
traiter des aspects particuliers où à résoudre quelques
questions de détail. ; <
Ce traité est divisé en trois parties, relatives respec-
tivement au problème cinématique et mécanique de
l'équilibre, à la dépense d'énergie dans la propulsion,
et sa consommation dans les divers frottements, enfin
à la construction d’un vélodrome,
La courbe que décrit le vélocipède se calcule aisé-
ment, à l’aide d'une intégrale double, lorsqu'on con-
naît l'angle variable que forment entre elles les tan-
gentes aux trajectoires des deux roues; cette équation
tout à fait générale, que l’auteur établit tout d’abord,
sera utilisée plus tard, lorsque les conditions d’équi-
libre auront montré quelles relations doivent être sa-
tisfaites entre la vitesse de la machine, le rayon de
courbure de la ligne parcourue et son inclinaison sur
l'horizontale, L’inclinaison maxima dépend, du reste,
du coefficient de frottement avec le sol, et c'est la
valeur plus ou moins grande de ce dernier qui fixe,
dans chaque cas, le rayon minimum que l’on peut
décrire à une allure donnée. Cette question est traitée
très à fond dans le premier chapitre. L'auteur montre
comment, lorsque l'équilibre est rompu, on peut le ré-
tablir par un mouvement du guidon. Il nous enseigne,
entre autres, que l’aisance du rétablissement croit
comme le carré de la vitesse. Lorsque le guidon n’est
plus maintenu, il faut, pour que l'équilibre soil pos-
sible, que la roue directrice tourne d'elle-même du
côté de la chute; cette condition n’est pas réalisée
dans toutes les machines, et l'on n’est guère parvenu à
la satisfaire à coup sûr que par des tàätonnements suc-
cessifs : l’auteur donne, comme condition essentielle,
que la fourche soit légèrement recourbée en avant à
sa partie inférieure. Nous reproduisons ces détails,
parmi beaucoup d'autres, pour montrer la nature des
résultats auquel l’auteur arrive, par une analyse ri-
voureuse. Si nous avions un reproche à adresser à
cette première partie de l’ouvrage, c’est précisément
que le calcul y est parfois un peu trop serré. Les habi-
tudes de rigueur du professeur l'ont entraîné à donner
la démonstration complète de certains théorèmes assez
évidents. Le défaut, si tant est que cette tendance
puisse être ainsi qualifiée, est de ceux dont on se cor-
rige trop aisément. 1
Si les questions d'équilibre peuvent être traitées
d'une facon complète avec les seules ressources du
calcul, il n’en est pas de même de la propulsion et de
la consommation d'énergie. lei, le raisonnement n’est
plus qu'un guide, mais l'expérience doit, avant tout,
être consultée, et, malheureusement, les expériences
dans ce domaine sont peu nombreuses et pas très con-
cordantes, Les résultats sont donnés par l’auteur avec
une réserve dont on ne saurait trop le louer; mais
cette synthèse qu'il a faite du peu que l’on sait en
cette matière aura le grand mérite de montrer la
nature des expériences à faire et les lacunes à com-
bler. La discussion conduit à adopter une formule
contenant une constante et les deux premières puis-
sances de la vitesse, Les constantes de cette formule
peuvent être déterminées par l'expérience, pour un
cycliste donné, et pour une route de qualité connue,
Nous ne parlons pas de la machine, que l’on suppose
n’absorber qu'une portion infime du travail total, Le
travail à la montée s'ajoute à celui que l’on vient de
calculer et l’on peut établir un abaque donnant, pour
toutes Les vitesses et toutes les pentes entre certaines
limites, la puissance à dépenser pour soutenir sa
vitesse. On pourrait penser, au premier abord, que
toutes les combinaisons de-vitesse et de pentes, con-
duisant à la même puissance totale, seront équiva-
lentes pour le cycliste. C'est une grave erreur, contre
laquelle l'auteur met en garde, fort judicieusement.
La puissance moyenne est un critérium insuffisant des
efforts du cycliste ; l'effort maximum sur la pédale en
donne une plus juste idée. Ce résultat de l'expérience
conduit à une intéressante dissertation sur les deux
qualités du cavalier, la force et l'endurance, qualités
bien différentes l’une de l’autre, et qui classent les
coureurs en cyclistes de vitesse et de fond. Nous som-
mes heureux de voir, dans ce chapitre, faire bonne jus-
tice de certains préjugés concernant le poids de la ma-
chine, que l'on allège souvent d’une facon ridicule.
Le rôle des vibrations comme source de consommation*
est bien mis en lumière ; c’est là que l’on doit cher-
cher la vraie raison pour laquelle il est avantageux de
démonter les pièces mobiles, frein et garde-crotte.
Il nous paraît que la formule à trois termes, à la-
quelle on s’est tenu jusqu'ici, est encore trop simple,
si l'on cherche à ébaucher une théorie analytique du
pneumatique; il semble que, pour les terrains rabo-
teux tout au moins, on doive faire intervenir des puis-
sances négatives de la vitesse; le fait, tout paradoxal
qu'il paraisse, se fonde sur ce que, aux faibles
vitesses, le caoutchouc suit les dénivellations et les
fait partager à la machine, tandis que, aux allures
plus vives, l’obstacle s'imprime tout entier dans le
caoutchouc et le mouvement se fait sensiblement en
ligne droite. C’est là, disons-le, une opinion person-
nelle, qui ne repose pas sur des expériences systéma-
tiques, mais seulement sur un embryon de théorie,
La plupart des vélodromes ont été construits d’une
facon très irrationnelle ; ils se composent, en général,
de deux lignes droites, parallèles, raccordées par des
demi-circonférences. Il en résulte que, lorsque le
cycliste passe brusquement de l’une à l’autre de ces
sections, il devrait donner brusquement à la machine
une inclinaison correspondant au nouveau rayon de
courbure de la piste. Mais alors, comme le rayon des
tournants est le plus souvent assez restreint, il est
nécessaire de les incliner vers l'intérieur, afin que
l'angle de la machine avec la voie ne tombe pas au-
dessous de l'angle de frottement, et que le cycliste
ne dérape pas. On serait donc conduit, rationnelle-
ment, à construire la voie de telle sorte qu'une section
en pente vers l’intérieur succède à une piste de niveau.
Ces deux sections seraient séparées par une tranchée,
:
s,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
ce qui condamne le système. On a cherché un palliatif
en raccordant les deux parties par une section très
courte formant bosse, sur laquelle on cherche tant
bien que mal son équilibre ; il en est résulté de nom-
breux accidents, comme on eùt dù s’y attendre, Le re-
mède très simple, indiqué par M. Bourlet, consiste à
adopter une courbe de raccordement telle que le cycle
reste en équilibre en se penchant d’un mouvement
gradué au moment où il quitte la section rectiligne,
En admettant, comme condition, une vitesse d'inclinai-
son constante, on arrive, pour déterminer la courbe,
aux deux intégrales de Fresnel, qui donnent une
* spirale nommée par l’auteur la courte de Cornu. Si la
vitesse aux virages était toujours la même, le raccor-
dément des deux droites parallèles par deux portions
symétriques de courbes de ce genre serait parfait;
mais il faut compter avec certaines limites de vitesse
et avec des dimensions souvent restreintes de la piste;
c’est pourquoi il faut éviter les plus faibles rayons de
courbure et relier les deux segments de courbes de
Cornu par un arc de cercle. Un tableau calculé par
M. Bourlet donne les constantes de ces courbes pour
des vitesses déterminées, et des dimensions connues
de la piste. La surface ainsi calculée est une surface
d'équilibre, mais on peut la parcourir à des vitesses
assez différentes si le frottement sur le sol est sufli-
sant. Lorsque la piste a une largeur assez grande, la
section du virage doit, naturellement, présenter une
forme convexe, puisque, pour une même vitesse
linéaire, la force centrifuge diminue à mesure que le
rayon de courbure augmente. -
Cette troisième partie de l'ouvrage est, en quelque
sorte, la plus inattendue et, sinon la plus documentée,
du moins celle qui conduit au plus grand nombre de
résultats pratiques. Nous ne doutons pas que, lorsque
le traité de M. Bourlet sera connu comme il le mérite,
il ne contribue sérieusement à l'amélioration des
pistes vélocipédiques. CH.-Ep. GUILLAUME.
Henry (Ch.). — Abrégé de la théorie des Fonctions
elliptiques, à l'usage des candidats à la licence mathé-
inatique. — 1 vol. in-8°, de 126 pages. Nony, Paris, 1895,
La théorie des fonctions elliptiques passe, à juste
titre, pour l’une des plus ardues dans l'étude des
mathématiques supérieures. Il existe plusieurs ou-
vrages qui ont pour objet d’en présenter un exposé
'complet; mais aucun, du moins en France, n’offrait
aux candidats à la licence les éléments esséntiels qui
leur sont nécessaires pour l'examen. C’est cette lacune
que M. Ch. Henry s’est proposé de combler, en prenant
pour base de son travail la méthode d'exposition que
l’on trouve dans la dernière édition du Cours d'analyse
de M. Jordan. « Mettre en relief, dit-il, les idées prin-
« cipales, signaler nettement l’cbjet qu'on se propose,
« éviter les longues transformations algébriques qui ne
« servent qu'à la masquer, telle est la pensée qui a
« présidé à la composition de cet opuscule, d'ailleurs
« purement didactique. »
L'ouvrage, fort bien ordonné, répond à ce pro-
gramme modeste, mais d’une exécution difficile en rai-
son même de cette modestie. IL se divise en quatre
parties : Généralités concernant les fonctions elliptiques ; la
fonction pu; les fonctions snu, enu, dnu; les fonctions 6.
Il est certain qu'après l'étude de l'excellent volume
de M. Ch. Henry, on ne peut pas se flatter de posséder
à fond et complètement la théorie des fonctions ellip-
tiques. Mais on en sait les éléments essentiels, néces-
Saires pour l'examen de la licence, etl’on est par cela
‘même préparé à l’étude des mémoires et des ouvrages
spéciaux, si l’on désire s'initier à ces belles et difficiles
Spéculations de la haute analyse mathématique.
M. Ch. Henry a donc rendu à la science et à l’ensei-
gnement des mathématiques supérieures un grand
service, par la publication de ce petitmanuel, précieux
Instrument entre les mains des candidats, et introduc-
lion utile pour les mathématiciens qui veulent pousser
plus avant leurs études ultérieures. C.-A, Latsanr.
2° Sciences physiques.
Monod (Ed.-G.). — Stéréochimie. (Exposé des
théories de Le Bel et van't Hojf, completées par les tra-
vaux de MM. Fischer, Baeyer, Guye et Friedel, avec une
préface de M. Ch. Friedel.) — 1 vol. in-8° de 164 pa-
ges avec fiqures. (Prix : 5 francs). Gauthier-Villars et
fils, éditeurs. Paris, 1895,
Voici un petit volume qui sera, j'en suis sûr, consi-
déré comme le bienvenu par la plupart de nos jeunes
chimistes français, car, depuis que l’on parle de la
stéréochimie et des travaux qui s’y rattachent, per-
. sonne n’avait eu l’idée, dans notre pays, de réunir les
principaux faits acquis à ce sujet et d’en constituer
un ensemble doctrinal. utilisable à la fois par le mai-
tre et par l'étudiant. L’essai de M. Monod est réussi
et son exposition est aussi claire que pouvait le per-
mettre le cadre restreint qu'il s'était tracé.
Après avoir établi la symétrie parfaite du groupe
CR'etfondé sur cette symétrie l'hypothèse du tétraèdre,
l'auteur examine d’abord les cas les plus simples de
dissymétrie, au point de vue géométrique comme aux
points de vue optique et cristallographique. Il est
peut-être à regretter qu'ici M. Monod n’ait pas suffi-
samment mis en lumière l'importance des recherches
mémorables de M. Pasteur sur l'acide tartrique, qui
sont, en définitive, le point de départ et la base fonda-
mentale de toute notre stéréochimie moderne; à re-
gretter aussi, pour les commencants, qu'il n'ait pas
eu recours, à propos des isomères opliques, à la com-
paraison si simple d'un objet avec son image dans un
miroir plan.
L'auteur étudie ensuite, dans différents chapitres,
les corps à deux, trois, quatre, n atomes de carbone
asymétriques simplement liés ; à ce sujet il rappelle
les derniers travaux de M. Em. Fischer sur la confi-
guration des sucres, puis il passe aux composés éthy-
léniques, examine l’isomérie fumarique et enfin, par
l’intermédiaire des acides muconique et hydromu-
coniques, essaie de passer logiquement des corps à
chaîne longue aux composés cycliques, cyclohexane
ou benzène. Ici une observation me parait nécessaire,
qui d’ailleurs ne tcuche aucunement aux doctrines
stéréochimiques : M. Monod nous dit que les tétraè-
dres s'ajoutent les uns aux autres toujours de Ja
même manière, à mesure que leur chaine s'allonge;
il en conclut que forcément ils donnent naissance à
un contour polyzonal lorsqu'on ajoute un seul atome
de carbone, convenablement placé, à une molécule
en C, et il nous montre à l'appui un schéma renfer-
mant cinq tétraèdres simplement liés, dont les deux
extrêmes attendent, pour former un cycle, qu'on
complète la figure par un sixième atome de carbone,
alors qu'ils devraient presque se toucher, puisque
l’angle intérieur du pentagone régulier est celui qui
répond le mieux à l'angle des arêtes de deux tétraë-
dres dont le sommet commun est sur la droite qui
joint leurs centres de gravité.
Ce sixième atome de carbone est une carte forcée ;
puis, pourquoi nous dire que l’on peut étre bien certain
que les schémas sont tels que le dessin les montre, alors
qu'on n’en sait absolument rien ? Et, s’il est vrai que
l’on peut calculer les angles faits par les faces de télraèdres
consécutifs, quand ceux-ci sont réguliers, quelle est donc
la valeur de ces angles dans l'acide caproïque, l'acide
laurique et Pacide mélissique ?
L'auteur aurait certainement mieux fait de passer
directement au benzène, dont la stabilité, infiniment
plus grande que celle de ses hydrures, s'explique,
dans le même ordre d'idées, par l'absence, dans sa
molécule, de toute tension ou déformation notable de
chaque système de tétraèdres simplement ou double-
ment liés; la condensation de l'acétylène était encore
ici le meilleur moyen de passer de la série grasse à la
série aromatique.
M. Monod examine donc successivement les dérivés
du cyclohexane et ceux des chaînes fermées à liaisons
168
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
simples et doubles; l'exposition est un peu rapide et
nous recommanderons à ceux qui ne sont pas encore
familiarisés avec les notions d'isomérie dans l’espace
de ne pas s’en tenir à une seule lecture : ils pourraient
croire qu'un dérivé cyclique tel que (CH GXY (cyclo-
hexane bisubstitué 1.1) peut évidemment exister sous
deux formes isomériques cis et trans (page 94) ou qu'il
y a quelque différence fondamentale entre l'inosite,
l’hexachlorure de benzène et l'acide hydromellique.
On ne voit pas, en effet, pourquoi l’auteur termine ce
chapitre en disant : l'étude des dérivés de l'inosite con-
duit au benzène ; au contraire, les constitutions des heæa-
chlorures et de l'acide hydromellique dérivent de l'étude
du benzène; sans doute, veut-il dire par là que, pour
établir la constitution des hexachlorures de benzène,
on à suivi une marche inverse de celle qui a conduit à
la » formule de l’inosite ; mais, si l’on avait raisonné à
leur égard de la même manière, ce qui eût été, au
fond, plus simple et même plus logique, si l’on s’était
fondé, par exemple, sur leur transformation bien
connue en trichlorobenzène, ne serait-on pas arrivé
à des schémas différents de ceux que l’on admet au-
jourd'hui? Et dès lors pourquoi être aussi affirmatif ?
L'auteur donne ensuite les formules stéréochimiques
des neuf inosites possibles (à signaler quelques fautes
d'impression dans les schémas), celles des acides
hydrophtaliques de M. Bæyer et enfin celles des deux
hexachlorures de benzène, d’après M. Friedel.
L'ouvrage se termine par un exposé succinct des
travaux de M. Ph, Guye sur les variations du pouvoir
rotatoire et le produit d’asymétrie; pas un mot sur la
stéréochimie des composés de l'azote ni sur la position
favorisée de M. Wislicenus.
En résumé, la stéréochimie de M. Monod rend
compte, aussi nettement que possible, des doctrines
actuelles relatives à l’isomérie dans les trois dimen-
sions des corps carbonés ; les observations que nous
avons cru devoir faire sur quelques points ont simple-
ment pour objet de prévenir les commencants de ce
qu'ils pourraient y voir de {rop absolu ou de trop
dogmatique ; en l’étudiant ils ne devront jamais oublier
que l'hypothèse du tétraèdre n'est aucunement néces-
saire à la chimie de l’espace et qu'elle n’est qu'un
moyen commode de matérialiser la notion fondamen-
tale de dissymétrie.
Sous sa forme actuelle, le livre de M. Monod peut
déjà rendre de grands services ; il deviendra excellent
quand l’auteur, encouragé par le succès que nous
lui souhaitons, l'aura étendu un peu davantage.
: L. MAQUENNE.
Moreau (G.), Ancien élève de l'Ecole polytechnique
et de l'Ecole Nationale supérieur des Mines. — Etude
industrielle des Gites métallifères. — Un vol, gr.
in-8° de 450 p. avec SO fig. dans le texte. (Prix,relié 20 fr.)
Baudry et Cie. Paris. 189#.
M. Moreau déclare, dans sa préface, qu’il a supposé
connus les faits relatifs aux gites métalliffères et s'est
seulement attaché à mettre en évidence les caractères
permettant d’apprécier-la valeur d’un gîte. C’est donc
une sorte d’aide-mémoire du prospecteur que cet ou-
vrage, el il a les avantages et les inconvénients de ce
genre de publication, Il contient l'indication d'un très
srand nombre de faits, de résultats utiles à connaître,
mais il ne peut suffire à faire disparaître l'ignorance
ordinaire des prospecteurs, que déplore M. Moreau. Il
est surtout intéressant en ce sens qu’il montre comment
se relient ensemble les diverses parties de l'éducation
de l'ingénieur des mines. Cet enchaïnement nécessaire
n'est généralement pas indiqué dans les traités spé-
ciaux non plus que les très sages conseils que donne
l'auteur dans le chapitre intitulé « Etudes minières »,
G. C.
Legros (C! V.) — Description et usage d’un appa-
reil élémentaire de Photogrammétrie. — 1 vol.
in-8° écu, de 87 pages (Prix:
tions scientifiques. Paris, 1895.
1 fr. 50), Société d’Edi-
3° Sciences naturelles.
Berthault (F,), Professeur à l'Ecole Nationale d’Agri-
culture de Grignon. — Les Prairies ; prairies natu-
relles, prairies de fauche. — Un volume petit in-8°
de 223 pages, de l'Encyclopédie scientifique des Aide-
Mémoire, dirigée par M. Léauté, membre de l'Institut.
(Priæ : broché, 2 fr. 50; relié, 3 francs). Gauthier-
Villars et fils et G. Masson, éditeurs, Paris 1895.
Denaifre {Clément et Henri). — Manuel pratique
de culture fourragère. — Un volume grand in-8° de
316 pages, orné de 107 figures. (Prix : 5 francs.)
G. Carré, 3, rue Racine, Paris.
Par la situation qu'il occupe à l'Ecole de Grignon,
par les nombreux voyages agricoles qu'il a exécutés,
M. Berthault se trouvait tout désigné pour rédiger
l'ouvrage que nous signalons aujourd'hui, Dans ces
pages, en effet, l’auteur ne se contente pas seulement
de décrire les divers systèmes d'exploitation des prai-
ries suivant leur situation et les conditions dans les-
quelles elles sont placées, mais il fait, en outre, pro-
liter le lecteur d'une quantité de détails intéressants
qu'il a recueillis dans les divers centres des pâturages
de notre pays. Toutes les personnes qui s'occupent
d'agriculture et d'élevage prendront connaissance de
cet aide-mémoire avecle plus grand fruit, M. Berthault
y étudie uniquement les prairies naturelles et parti-
culièrement les prairies de fauche, dont il démontre
l'importance dans ses considérations générales. Il
laisse de côté les prairies artificielles et temporaires.
Dans les prairies naturelles, l’auteur distingue les
prairies de fauche, qui sont fauchées ‘et fanées, les her-
bages destinés à engraisser les bestiaux qui les paissent
et les päturages qui nourrissent les animaux sans
pouvoir les engraisser.
Après avoir indiqué la classification des prairies de
fauche suivant leur situation : hautes, basses ou
moyennes, ou suivant leur régime: arrosées par dé-
bordement, par l’eau des rivières ou étangs ou simple-
ment par la pluie, l'ouvrage aborde l'étude des prairies
dans les divers étages géologiques, donnant ainsi, avec
juste raison, dans le sujet traité une grande part aux
considérations d'ordre agrologique.
Sont ainsi passés en revue : les terrains primitifs et
granitiques, volcaniques, les terrains de transition,
les étages permien et triasique, jurassique, le lias, le
système oolithique, les régions crétacées, tertiaires,
les contrées du miocène lacustre et du pliocène.
M. Berthault indique les diverses parties de la France
correspondant à chacun de ces terrains, la composition
générale du sol, les engrais à y apporter, les modes
d'irrigation appliqués, enfin la composition botanique
des fourrages récoltés; partout l’auteur montre l'étroite
relation qui existe entre la végétation des prairies el
la couche géologique qui les porte,
La seconde partie est consacrée à l'étude de Ia créa-
tion des prairies, de leur exploitation et de leur défri-
chement, Après l'exposé des inconvénients que l’on
rencontre dans Ja création spontanée des prairies, qui
à pour risques le développement d'espèces peu avan-
lageuses, vient l'examen des exigences de la production
du foin en éléments fertilisants. A propos de la com-
position des sols des prairies, M. Berthault rappelle
leur enrichissement en azote, étudié il y a déjà long-
temps par M. Dehérain à Grignon et dont le méca-
nigme biologique est expliqué aujourd’hui, grâce aux
travaux de savants éminents.
L'auteur aborde ensuite la préparation mécanique du
sol à mettre en prairies : nivellement, formation de
pentes pour la bonne répartition de l’eau, labours ou
défoncement, etc., et la préparation chimique de ce
même sol par le fumier et, si l'analyse de la terre l’in-
dique, par les phosphates ou superphosphates, le
chlorure de potassium, la chaux; M. Berthault montre
le bon eflet produit par le nitrate de soude répandu au
printemps; il discute la composition des graines des-
tinées à l'ensemencement des prairies et étudie ces
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
469
graines et la pratique de leur semis. La destruction des
Jantes nuisibles, le fauchage;, le fanage, la valeur des
_ foins sont l’objet d’autant de courts chapitres,
Enfin l'ouvrage se termine par quelques considé-
rations sur le défrichement des prairies, qu’on doit exé-
cuter quand leur altération est arrivée à un certain
_ point; on peut ainsi mettre en utilisation pour les cul-
_ tures suivantes l’azote accumulé dans le sol.
Le plan du second livre que nous signalons res-
semble beaucoup à celui du précédent ouvrage, mais
on peut constater qu'il a été écrit dans un ordre d’idées
plus spécial et plus immédiatement pratique; grâce
aux dimensions de ce manuel, MM. C. et H. Denaiffe
ont pu développer certaines parties de leur sujet,
. notamment l'étude des plantes de prairies, bien plus
. que ne le pouvait faire M. Berthault, limité dans le
cadre des Aide-Mémoire de la collection Léauté. Les
diverses plantes fourragères : graminées, légumineuses
. ou autres, les principaux végétaux nuisibles aux prai-
_ries sont présentés avec grands détails au point de vue
historique, botanique, agronomique et cultural; un
assez grand nombre de figures et de tableaux com-
plètent ces renseignements; les auteurs s'occupent
aussi de l’ensilage et de la sidération.
Quant au reste de l'ouvrage, nous aurions à répéter
presque textuellement ce que nous avons dit à propos
des « Prairies » de M. Berthault. MM. Denaiffe arrivent,
du reste, d'une facon générale aux mêmes conclusions.
En résumé, leur manuel est écrit d’une facon très
consciencieuse et pourra rendre de grands services
aux cultivateurs et propriétaires intelligents, qui sont
heureusement de plus en plus nombreux et qui aban-
donnent les procédés routiniers pour suivre la voie
plus rude, mais plus féconde tracée aujourd’hui par la
science agronomique. A. HÉBERT.
4° Sciences médicales.
Sigaud (D°C.). — Ancien Interne des Hôpitaux de
Lyon. — Traité des troubles fonctionnels méca-
niques de l'Appareil digestif. Evolution naturelle
de la Dyspepsie. — | vol in-8° de 240 pages. (Prix:
6 francs.) O0, Doin, éditeur. Paris. 1895,
Ce livre a une double origine, dit l’auteur : l’appli-
cation d’une méthode et l'observation d’une certaine
classe de malades, La méthode, c'est la palpation uab-
. dominale….; les malades appartiennent exclusivement
à la clientèle de cabinet, seule susceptible de donner les
renseignements nécessaires sur l’histoire de la mala-
die, les conditions d’hérédité, seule capable d’intro-
spection.
C’est dans les premières années dela vie qu’on trouve
les accidents qui sont le point de départ de toute dys-
pepsie : nourrices, sevrage, maladies éruptives, coque-
luche, etc. Plus tard apparait La stase gastro-cæcale,
préparée de longue date, puis favorisée par les con-
ditions anti-hygiéniques de la vie; vers trente ans les
signes de gonflement, renvois, oppression, congestion
de la face, etc , considérés seuls jusqu'ici comme ca-
ractéristiques de la dyspepsie, ne sont que l'indice de la
maladie confirmée, installée et rarement modifiable.
Donc l'intestin joue un rôle prédominant dans la
dyspepsie; on le trouve toujours malade dans les an-
técédents du dyspeptique : c’est à la phase intestinale
de la digestion que répondent les symntômes les plus
en vue ; lastase au niveau du côlon et de l’estomac, la
première prédominante et antécédente, sont de règle;
la dyspepsie se réduit à une insuffisance de la péri-
staltique gastro-intestinale.
Telle quelle, cette dyspepsie domine toute a patho-
logie, comme la gastrite de Broussais : on la retrouve à
l'origine du plus grand nombre de nos maladies, chro-
niques ef aiguës : « Les relations pathogéniques sont
immédiates avec les états chroniques et médiates avec
les pyrexies, » et la connaissance de ces faits « dis-
pense absolument d’avoir recours à certaines abstrac-
lions, comme l’arthritisme, l’herpétisme, etc. ».
Ces troubles, purement mécaniques, se manifes-
teront sous un aspect très différent suivant que le ma-
lade est anatomiquement vigoureux, de forte consti-
tution, ou, au contraire, un sujetde charpente délicate,
de faible constitution : chez les forts, la résistance de
l'appareil mécanique est considérable, ce qui explique
une période latente très prolongée, pendant laquelle
les troubles de nutrition générale, seuls signes appré-
ciables, sont pris pour les causes de la dyspepsie;
chez les faibles, les paroïs cèdent tout de suite et pro-
gressivement, la dyspepsie s’épuise en troubles loca-
lisés, peu ou pas de manifestations viscérales éloignées.
On a affaire à un processus tout à fait analogue au
cœur forcé : suivant l’état du myocarde, il y a une pé-
riode de lutte, de compensation plus ou moins pro-
longée, puis l’asystolie éclate, progressivement rapide
pour les uns, retardée et subitement extrême pour les
autres.
Que deviennent là dedans les ploses ? La stase cæcale
prédominante rompt l'équilibre de la statique du tube
digestif, produisant une surcharge pour les ligaments
suspenseurs, en même temps que la tension abdomi-
nale diminuée favorise l’entéroptose : « L'entétoropse
devient ainsi une simple complication dela dyspepsie et
se trouve déchue de la dignité d’entité morbide à la-
quelle les travaux de Glénard tendent à l’élever. »
L’estomac joue un rôle très effacé dans cette ma-
uière de comprendre la dyspepsie : beaucoup plus ré-
sistant que l'intestin, il ne se laisse compromettre que
très tard, obéissant à la longue aux lois de la tension
abdominale, et se laissant forcer alors parallèlement
aux parties subjacentes du tube digestif.
Dès lors, la dislocation est complète, la dyspepsie
est constituée, entrainant à sa suite la déchéance de la
nutrition générale, et livrant l’organisme sans défense
aux maladies occasionnelles ‘et aux {ares chroniques.
Des sécrétions stomacales ou intestinales, il n’en est
pas question : il faut donc croire qu’elles ne jouent
aucun rôle dans la dyspepsie; le tube digestif est un
grand tuyau d'évacuation, son seul trouble de fonc-
lionnement est l'engorgement avec les conséquences
de cette obstruction dans la partie située en amont,
Mais alors, qu'est ce que c’est que la digestion?
Nous ne pouvons que souscrire à cette conclusion de
auteur : « Les vrais dyspeptiques ne sont pas toujours
ceux qu'on pense, » : Dr Ray. Duranp-FARDEL,
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en cou-
leurs. 524° et 525° livraisons. (Prix de chaque livrai-
son, 1 fr.) H, Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes,
Paris, 1895,
Les 524 et 525° livraisons renferment des articles
sur les légats du pape par M.E.-H. Vollet; sur les
légations en droit international, par M. E. Lehr; sur
le legs, en droit romain par M. G. Regelsperger, et en
droit actuel par M. Ch, Strauss; sur les légions ro-
maines, par M. A.-M. Berthelot; sur la légion étrangère
en France; sur l’ordre de la Légion d'honneur; une
étude numismatique sur les légendes gravées sur les
monnaies, par M. Prou; une étude musicale sur le
leitmotiv par M, Alfred Ernst; enfin les biographies
de Ledru-Rollin, par M. A. Debidour, celle du poète
Leconte de Lisle, par M. Ph. Berthelot; celle de l’auteur
dramatique et critique littéraire Jules Lemaitre par
M. Ph. Berthelot; enfin une étude très complète et très
consciencieuse sur le grand mathématicien et philo-
sophe Leibnitz : dans la première partie, M. E. Boirac
nous donne sa biographie, la liste de ses œuvres, sa
doctrine, sa métaphysique, sa psychologie, sa théodi-
cée, sa morale; dans une seconde partie, M. Tannery
nous fait voir l'œuvre de Leibnitz dans l'histoire des
mathématiques, :
470 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 22 Avril 1895,
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. G. Kœnigs donne
une démonstration rigoureuse du théorème suivant,
énoncé par Sylvester : Toute surface algébrique peut
être déerite par le moyen d’un système articulé. —
M. G. Humbert énonce un certain nombre de proprié-
tés des courbes de quatrième classe de la configuration
de Kummer, Ces propriétés correspondent, en partie, à
celles de la surface du sixième ordre qu'il a précédem-
ment étudiée.
29 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Lecoq de Boisbaudran
vérifie expérimentalement que les substances qui pos-
sèdent la propriété de se dilater notablement par cris-
tallisation de leurs solutions très sursaturées et de se
contracter par dissolution dans des liqueurs très char-
gées d’autres substances convenablement choisies,
peuvent cristalliser au fond de solutions plus lourdes
qu'elles, — M. Stéphane de Lannoy montre qu'il est
possible, en augmentant les précautions expérimen-
tales, d'établir avec exactitude la dilatation de l’eau,
sans apporter de modifications sensibles aux appareils
en usage aujourd'hui, En éliminant certaines causes
d'erreur, faciles à faire disparaitre, il arrive à déter-
miner les volumes de l’eau à 0°,1 près pour toutes
les températures. — M. J. Violle à déterminé la cha-
leur spécifique du carbone sur un morceau de gra-
phite. Au-dessus de 10009, la chaleur spécifique meyenne
du graphite croît linéairement avec la température sui-
vant la formule :
= 0,355 + 0,00006 L.
M. Violle a montré, en outre, que la chaleur cédée par
1 gramme de graphite solide depuis sa température de
volatilisation jusqu'à 0° est 2050 calories. Il déduit de
là la température d’ébullition du carbone : 3600°, —
M. Edouard Branly montre que, dans certains cas, la
surface de contact de deux métaux différents oppose une
résistance aux courants électriques qui la traversentnor-
malement, et que cette résistance peut être importante.
Nulle pour certains couples, celte résistance a pour d'au-
tres une valeur dépendant d’une foule de circonstances.
— M. Pionchonindique une méthode optique permettant
d'étudier les courants alternalifs qui présentent, au
moins pendant quelquesinstants, une parfaite régularité
d’allure. Cette méthode repose sur l'examen strobosco-
pique des images produites dans un saccharimètre à
pénombre ; entre le polariseur et l’analyseur de cet
instrument, on place un solénoïde muni, suivant son
axe, d’un tube de verre plein de sulfure de carbone
ou de liqueur de Thoulet. — MM. Auguste et Louis
Lumière présentent une note sur la photographie en
couleurs naturelles par la méthode indirecte. Ils s’at-
tachent à vaincre les difficultés que présentent deux
points de la méthode de MM. Cros et Ducos du Hauron :
le triage des couleurs et la superposition des mono-
chromes, — M. Ph.-A. Guye, à propos d’une note
récente de M. Aignan, fait remarquer qu'il n'a pas pro-
posé de substituer à la rotation spécifique de Biot, la
déviation moléculaire, Il ajoute que, pour tous les
corps actifs qu'il a fait étudier dans son laboratoire,
la loi de Biot s’est trouvée en défaut : la quantité (x)
dépend de la température, du dissolvant, de la con
centration. — MM. J. Ville et Ch. Astre étudient quel-
ques dérivés de l'acide quinone-di-o-aminobenzoïque. Ils
montrent que l’action des réducteurs et du chlorure de
benzoyle sur cet acide décèle dans ce composé la per-
sistance de la fonction quinone. Ils terminent en don-
nant la formule de constitution de l'acide quinone-di-o-
aminobenzoiïque. C. MATIGNON.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. Nordenskiold rend
compte des résultats qu'il a obtenus en perforant les
roches granitiques littorales de la Suède dans le but
d'obtenir de l’eau douce, A 35 mètres, on a rencontré
une nappe d’eau située dans les fentes de glissement
des roches, ayant pu arriver à 3 mètres au-dessous
du niveau du sol, et pouvant fournir 20,000 litres d’eau
douce par jour. — M. Daille adresse une nouvelle
note relative à l'Uredo viticida. — M. Cannieu, en
présentant quelques remarques sur le nerf intermé-
diaire de Wrisberg, montre qu’il existe chez les Ron-
geurs et qu'il a des homologues chez les Poissons
osseux. — MM. Pousson et Sigalas cherchent à éta-
blir le pouvoir absorbant de la vessie chez l’homme.
Ils concluent de leurs expériences que l’épithélium
sain est imperméable ; que l'absorption a lieu :
1° lorsque le sujet, quoique ayant la vessie saine,
éprouve le besoin d’uriner, lPurine baignant alors la
portion prostatique de lurètre ; 2° lorsque l'épithé-
lium vésical est altéré, — M. J. Chatin montre que le
siège de la coloration chez les huîtres brunes réside
dans des cellules spéciales, les macroblastes, situées
presque exclusivement dans les branchies., J. Marrix.
Séance du 29.Avril 1895
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. le secrétaire perpé-
fuel signale les Formules ou Propositions extraites du
cours de M. Weierstrass. — M. G. B. Guccia traite
la question suivante : En supposant qu'un faisceau de
surfaces algébriques d’ordre x possède, en un point O
de l’espace, une singularité base quelconque, exprimer
l’abaissement uw, que le point O produit dans le nombre
4 (n —1} des points doubles du faisceau. — M. R. Le-
vavasseur cherche les types de groupes à de substi-
tutions, dont l’ordre p® égale le degré, en distinguant
le cas p = 2 du cas p premier impair, précédemment
examiné. — M. Beudon applique la méthode de
M. Darboux pour mettre en évidence un type d'équa-
tions aux dérivées partielles de deuxième ordre, ad-
mettant une intégrale intermédiaire du troisième
ordre. — M. R. Liouville signale un, cas particulier
de l'étude du mouvement d'un solide soumis à la pe-
santeur et fixé par l’un de ses points, l’ellipsoïde d’i-
nertie demeurant quelconque ; sans obtenir jusqu’à
présent la solution générale, il arrive à calculer une
solution dépendant de cinq constantes arbitraires au
lieu de six, — MM. Perchot et J. Mascart ont abordé
le problème de la recherche des solutions périodiques
dans le cas d’unepetite masse attirée par deux masses
égales décrivant une circonférence autour de leur
centre de gravité commun, supposé fixe; ils appli-
quent à cette question la théorie de M, Poincaré et
obtiennent des résultats ne différant pas sensiblement
de ceux de M. Carl Burrau. — M. Edouard Monet :
Sur les poutres à treillis reposant sur deux appuis.
— M. Lothar de Kœppen envoie une note sur la mul-
tisection des angles par la voie mathématique.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. S. M. Andrée expose un
projet d'expédition en ballon aux régions arctiques,
remplissant les conditions suivantes : 1° le ballon
aura une force ascensionnelle capable de porter trois
personnes, tous les instruments des observations, des
vivres pour # mois et le lest, le tout évalué à 3000 k.;
20 Je ballon offrira une imperméabilité suffisante pour
rester trente jours en l'air; 3° le remplissage du ballon
s'effectuera dans les régions polaires ; 4° le ballon sera
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 4
—
=
dirigeable dans une certaine mesure. — M. Emile
Blanchard expose les raisons qui le conduisent à ad-
mettre l'existence d’une mer polaire. — M. G. Def-
forges rend compte des mesures de l'intensité de la
pesanteur qu'il vient d’effectuer en Russie dans cinq
stations distinctes : l’anomalie positive de la pesan-
teur au bord de la mer et l’anomalie négative conti-
nentale sont nettement mises en évidence. —M. Louis
Bruner donne les résultats de ses recherches expéri-
mentales concernant la détermination de la chaleur
spécifique des liquides surfondus. Cette quantité ne
varie que faiblement avec la température et se rap-
- proche de la chaleur spécifique du liquide non sur-
fondu, en restant tout à fait distincte de la chaleur
spécifique du corps solide pour les mêmes tempéra-
tures. — Le mème auteur a remarqué que l’hydrate de
bromal immédiatement cristallisé ne revient que peu
à peu à son état primitif; il présente l’anomalie si-
gnalée par M. Berthelot sur l'hydrate de chloral; le
thymol, le menthol n’éprouvent pas le mème phéno-
mène. — M. Gouy, à propos de la note récente de
M. Poincaré, revient sur la production des franges
d'interférences au moyen du spectroscope, laquelle,
d'après la théorie de M. Gouy, n'implique pas la régu-
larité du mouvement lumineux incident.-— MM. Gin
et Leleux ont déterminé les résistances spécifiques
des solutions de saccharose dans l’eau distillée ; voici
leurs conclusions : 1° la résistance varie avec la con-
centration, elle présente un minima pour une dilution
un peu supérieure à une molécule-gramme pour
10 litres de solution; ?° elle est fonction de la tempé-
rature et, pour une densité de courant déterminée,
représentée par une expression de la forme :
y = À — Bt + CE; 3° la résistance est représentée
T
par la formule y — x — $ (1 + =) en fonction de la
densité æ du courant. — M. Ch. V. Zenger donne des
détails sur la catastrophe de Laiïbach du 14 avril der-
nier; il en montre la coïncidence avec les ouragans,
les chutes abondantes de météorites et d'étoiles filantes,
les perturbations magnétiques, coïncidences qui ne
laissent aucun doute sur leur origine commune : l’ac-
tion éiectrodynamique du soleil et les passages d’é-
toiles filantes. — M. Maumené adresse une note sur
les alliages de cuivre et d'aluminium. — M. Raoul
Varet a recherché les chaleurs de combinaison du
mercure avec les éléments par deux méthodes dis-
tinctes : 1° en faisant agir sur le sel mercureux mis en
“uvre un excès d’iodure de potassium dissous; 2° en
employant la même solution d’iodure alcalin, mais
additionnée diode. — M. Granger a étudié l’action
des combinaisons halogénées du phosphore sur le
cuivre métallique, il a pu isoler un biphosphurede cuivre
CuP? et le phosphure CuÿP?. — M. Charles Lepierre a
poursuivi l'étude de l’action du sulfate d’ammonium
fondu sur les différents sels métalliques par les sels
de manganèse ; il se forme, suivant les conditions, les
composés : ZS01 Mn. SO' Am? ; SO* Mn, SO' Am?, 6 H20et
{SO*#Mn?.S05Am?. — M. A. Béhal a repris l'étude et
la purification des amides campholéniques ; il en existe
deux seulement, fusibles respectivement à 86° et à 13695.
La seconde, chauffée avec l'acide chlorbydrique en
présence d’alcool étendu, donne la première; elle est
susceplible de fixer deux molécules d'acide iodhy-
drique. Le diiodhydrate obtenu donne, dans des con-
ditions convenables, l’olide campholénique sous deux
états distincts. L'auteur a pu passer de l’acide campho-
lénique liquide à l'acide solide; leur isomérie ne pa-
rail pas se rattacher à l’existence du pouvoir rotatoire.
— M. G. Perrier a pu obtenir des combinaisons cris-
tallisées, formées par l'union du chlorure d'aluminium
anhydre avec les composés nitrés appartenant à la
série aromatique, le nitrobenzène, le paranitrotoluène,
le nitronaphtalène «, le paranitranisol. — M. Ph. La-
fon signale la réduction de la liqueur de Febling par
le sulfonal et l'erreur en résultant que l’on peut com-
meéllre dans la recherche du sucre dans les urines des
personnes soumises à son traitement, — M. James
Chappuis montre que la diastase du blé est détruite
par l’eau oxygénée, de sorte qu’on peut faire du pain
blanc avec des farines de toutes qualités; en particu-
lier, on peut incorporer aux farines premières 20 pour
100 de farines secondes et obtenir un pain blanc. —
M. Léon Boutroux tire les conclusions suivantes
d’une étude sur Les causes produisant la couleur du
pain bis : le gluten peut donner de la couleur au pain
par dessiccation, mais non par fermentation. Le son
peut donner de la couleur par l’action de l'oxygène de
l'air en présence de l’eau, mais non par fermentation.
L'acidité du levain, loin d’être à craindre à ce point
de vue, est une protection contre le brunissement,
-C. MATIGNON.
39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Giard fournit une
contribution à l’étholosie du genre Thaunaleus Krôyer
(famille des Monstrillidæ) et apporte un nouvel argu-
ment en faveur de la théorie parasitaire au moins chez
les jeunes, car l’auteur a trouvé un Copépode de ce
genre sur une annélide : Polydora Giardi Mesnil. Les
adultes menaient une existence pélagique., — M, Ch.
Janet présente quelques observations sur les Frelons.
— M. Debray fait de nouvelles recherches sur la bru-
uissure et donne le nom de Pseudocommis au champi-
gnon qui produit ces enduits d'apparence gommeuse
que l’on rencontre quelquefois à la surface des tissus
des végétaux. — M. Bordier étudie l’aclion des étin-
celles statiques sur la température locale des régions
soumises à ce mode de franklinisation. La température
de la peau s’accroit lorsqu'elle est soumise à létin-
celle ; elle continue de s’accroitre après que les étin-
celles ont fini de jaillir. — MM. Héricozurt et Richet
ont trailé un cas de sarcome par la sérothérapie, La
guérison est survenue. J. MARTIN,
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 7 Mai 1895,
M. le Président annonce la mort du D' Marchand
de Fécamp), associé national, — M. R. Blanchard lit
un rapport sur un mémoire du D' Ch. Wardell Stiles
(de Washington), intitulé : De la rareté du tænia solium
dans l’Amérique du Nord. — MM. Cornil et Durante
communiquent un nouveau cas de méningite grippale
chez une femme, qui s’est terminé par la mort, —
M. Dieulafoy termine sa communication sur la tuber-
culose larvée des trois amygdales. Il expose les moyens
prophylactiques qui doivent avoir pour but d'empêcher
la pénétration du bacille de la tuberculose, d’une part
par la respiration, d'autre part par l’alimentation, —
M. le Dr Lagrange (de Bordeaux) lit un travail sur
l’électrolyse dans le traitement des rétrécissements des
voies lacrymales. — M. le D' Elevy (de Biarritz) lit un
travail sur les phénomènes électriques des bains,
Séance du 1% Mai 1895,
M. A. Fournier lit un rapport sur un travail du
D' Régis, concernant la paralysie générale juvénile
d'origine hérédo-syphilitique. L'auteur conclut d'un
grand nombre d’observations que la paralysie générale
juvénile est presque toujours le résultat d’une syphilis
héréditaire, tout comme la paralysie générale de l’a-
dulte procède, en général, d’une syphilis acquise, —
M. Le Roy de Méricourt rend compte d’un ouvrage du
D' Brenning, concernant les empoisonnements par les
serpents. — M. J. Lucas-Championnière cite un cas
d’acné hypertrophique du nez qu'il a enlevé simple-
ment avec le thermocautère, et qui a été suivi d’une
réparation parfaite sans aucun traitement. — M. Cor-
nil discute la communication de M. Dieulafoy, sur la
tuberculose larvée des trois amygdales. II montre que
les amygdales hypertrophiées sont très rarement dues
à un processus tuberculeux. Les végétations adénoïdes
sont quelquefois le siège de tubercules, mais dans une
proportion moindre que celle indiquée par M. Dieula-
foy,
472 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 4 Mai 1895.
M. Sergent a produit expérimentalement une tuber-
culose des voies biliaires en injectant le bacille de
Koch dans le canal cholédoque, -— MM. Pocher et
Desoubry établissent la présence de microbes dans le
sang du cœur, mais en plus grande quantité dans le
cœur gauche que dans le cœur droit; il semble donc
qu’en passant dans le poumon, le sang s’y débarrasse
de ses microbes, — M. Féré a trouvé qu'en greffant des
portions de blastoderme sous la peau d’un poulet
adulte, les greffes prolifèrent et forment de pelites
tumeurs dans lesquelles on trouve du cartilage. —
M. Dastre présente un appareil destiné à recueillir le
sang et à en extraire la fibrine à l’abri de l'air, —
MM. Josué et Hermary ont guéri, avec le sérum antis-
treprococcique de Roger et Charrin, une femme atteinte
de fièvre puerpérale, — MM. Langlois et Abelous ont
constaté chezdes rats blanes auxquels on avaitenlevé les
capsules surrénales, la présence de capsules accessoires.
— M, Raillet présente une douve du foie provenant
du bœuf du Sénégal, et trouvée aussi chez l'homme,
Séance du 11 Mai 1895.
M. Jacquot adresse une note sur un cas de septicé-
mie puerpérérale, traité et guéri par le sérum antistrep-
tococcique. — M. Monod envoie une note sur Îles mi-
crobes trouvés dans le foie d’une femme morte
d’éclampsie puerpérale après avoir présenté des acci-
dents infectieux. — M. Bonnier fait une communica-
tion sur les rapports de l'appareil ampullaire de
l'oreille interne et les centres oculo-moteurs. —
MM. Courmont el Doyon envoient une note relative à
l'action de la toxine diphtérique sur le système ner-
veux de la grenouille, — M. Guinard adresse un tra-
vail sur l'action excito-sécréloire de la morphine. —
M. Lefèvre envoie une nouvelle note relative à l’in-
fluence des mélanges réfrigérants sur l'organisme, —
M. Soulié communique une note sur la migration des
testicules dans les bourses,
SOCIÈTE CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 26 Avril 1805.
M. Béhal avait préparé quatre campholénamides,
ainsi qu'il l’a communiqué antérieurement. Il a reconnu
depuis que deux de ces produits étaient des combinai-
sons moléculaires et non des isomères. D'une part, la
camphoroxime, déshydratée par l'acide chlorhydrique,
fournit l’amide campholénique fondant à 86°. D'autre
part, cette même camphoroxime, traitée à froid par le
chlorure d’acétyle ou le chlorure de thionyle, ne donne
que l’amide fondant à 130°,5. Les amides fondant à
106 et à 92, qu'avait préparées M. Béhal, sont des
combinaisons moléculaires, dissociables par l'alcool
à 60°. On passe de l’amide fondant à 130,5 à l’amide
fondant à 86°, par l’action de l’acide chlorhydrique en
solution alcoolique, ou par l’acide iodhydrique en
solution benzénique, L’amide fondant à 130°,5 fixe
deux molécules d'acide iodhydrique; le produit de
cette réaction, neutralisé en solution aqueuse, donne
en abondance une campholénolactone fondant à 30»,
bouillant à 2380. On obtient en même temps l’amide
fondant à 86°. L'acide campholénique solide, fusible
à 50°, dérive de l’amide fusible à 869, L’amide isomé-
rique donne l'acide campholénique liquide, bouillant à
1529 sous 1302, On passe de l’acide liquide à l’isomère
solide par un procédé identique à celui qui a servi à
passer d’une des amides à son isomère. On éthérifie
l'acide liquide par l'alcool en présence d’acide chlorhy-
drique, et on saponifie l’éther formé. Si on éthérifie
l'acide liquide par l’action de son sel de soude sur
l’iodure d’éthyle, on obtient un éther qui, saponifié,
régénère l'acide liquide. L’acide solide, le nitrile cor-
respondant et l’amide fondant à 86° sont inactifs;
l’acide liquide, son nitrile et son amide, sont lévo-
gyres. On pouvait considérer les dérivés inactifs comme
des racémiques; un essai de dédoublement à l’aide des
sels de strychnine et de cinchonine n’a pas donné de
résultats. — M. Le Bel présente un appareil évitant
certains calculs dans les recherches cristallographi-
ques et fournissant les indices d'une face quelconque,
— M. Maumené présente quelques observations sur
l’action du permanganate de potasse en présence du
sucre. Il présente aussi un alliage parfaitement cris-
tallisé et très homogène, renfermant une partie d’alu-
minium pour sept parties de cuivre, et un autre alliage.
également cristallisé, renfermant une partie d’alumi-
nium pour trois de cuivre. — MM. Auger et de Bois-
sieu ont préparé la vanilline à l’aide du méthylène-
eugénol. Ce composé est transformé par la potasse en
dérivé iso, fondant à 519-529, et distillant dans le vide
vers 4720-1730, Le méthylène-isoeugénol ainsi obtenu,
oxydé en solution acétique par l'acide chromique,
fournit la méthylène-vanilline, fondant à 155°-156°, On
peut passer de ce dernier produit à la vanilline. —
M. Maquenne communique, au nom de M. Prud-
homme, le résultat de ses recherches sur le bleu pa-
tenté, sel calcique du métaoxytétraéthyldiamidotriphé-
nylcarbinol disulfoné. Cette couleur n’est décolorée
par la soude caustique concentrée qu'après plusieurs
jours d'action, La solution incolore, obtenue à froid,
présente les propriétés suivantes : traitée par un
acide, elle se recolore lentement à froid, rapidement
à l'ébullition, en redonnant le bleu primitif. On obtient
la recoloration même après addition d’ammoniaque ou
d’un carbonate alcalin à la solution neutre. On obtient
le leuco-dérivé du bleu en chauffant avec de la poudre
de zinc cette solution décolorée par la soude. Acidifiée
par l’acide acétique en excès et oxydée par l’oxyde puce
de plomb PbO?, on obtient de la tétraéthylbenzidine.
Le produit non sulfoné, soit le métaoxytétraéthyldia-
midotriphénylcarbinol, traité par la soude en solution
alcoolique, réagit de même. De ces réactions, M. Prud--
homme conclut qu'en présence de soude caustique à
froid, il se forme un anhydride par réaction d’un hy-
droxyle en méta dans un des noyaux benzéniques sur
l'hydroxyle du carbone central. — M. Rosenstiehl à
étudié l’action de l’iodure de méthyle sur le triphényl-
méthanetriamidohexaméthylé, sur son carbinol et sur
les éthers mixtes de ce dernier. D'après lui, la formule
de MM. E. et O. Fischer représente bien la constitution
du triamidotriphénylcarbinol. Ce corps est à la fois al-
cool et triamine. Tant que deux des azotes sont en-
core trivalents, la fonction alcool entre en jeu d’abord
en présence des acides. Lorsque les azotes sont sa-
turés complètement et à l’état d’ammoniums, la fonc-
tion alcool ne réagit plus sur les acides, mais seule-
ment sur les alcools. On n'obtient plus que des éthers
mixtes avec les dérivés de cette classe. Ces corps am-
moniés sont très fortement alcalins; ils agissent
comme la soude caustique et décomposent les fuch-
sines en les saponifiant. De plus, ces réactions per-
mettent d'interpréter ce qui se passe dans la fabrica-
tion du « vert méthyle ». Les composés incolores
obtenus en méthylant la rosaniline ne sont pas des
dérivés de la leucobase, comme le croyaient A.-W. Hof-
mann et Ch, Girard, mais des dérivés de carbinols el
très probablement d’éthers mixtes. Ces corps, en effet,
se forment de préférence en milieu alcoolique. Si on
traite par la soude une solution alcoolique de violet
cristallisé, on obtient non le carbinol, mais l’éther
mixte correspondant. La base du violet hexaméthylé,
traitée par l’iodure de méthyle, ne donne pas de vert,
mais, de suite, le carbinol triiodométhylé des produits
contenant de l'azote secondaire, donne du vert. Les
azotes secondaires s'opposent à la saturation totale de
l’azote qui conduirait à des matières incolores. Enfin,
M. Rosenstiehl conclut : Les fuchsines, les rosanilines
sont amidées au mème degré que les leucobases dont elles
dérivent. Si ces dernières sont trois fois aimidées en para,
on retrouve intacte la fonction triamine dans les fuch-
sines el dans les rosanilines correspondantes. E, CHarow.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
#13
——————— TT
Tableau II
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
SCIENCES PHYSIQUES
M. Frank Clowes. —Composition des atmos-
phères extinctives produites par les flammes. —
Dans un travail précédent, l’auteur a déterminé les
proportions d'azote et de gaz carbonique qui, ajoutés à
l'air, forment des atmosphères
artificielles éteignant les flam-
mes, Il a énoncé les résultats
généraux suivants : 1° Les flam-
mes obtenues à l’aide de mèches
s’éteignent dans des atmosphè-
res de composition à peu près la
même, tandis que les flammes
formées par les gaz exigent des
compositions différentes, 2° Pour
éteindre une même flamme, il
faut des doses bien plus consi-
dérables d'azote que de gaz car-
bonique. 3° La proportion mini-
ma de gaz inerte qui produit
l'extinction, ne dépend pas du
volume de la flamme, Dans une
nouvelle série de recherches,
l’auteur s’est proposé de déter-
miner quelle est, au moment où
a lieu l'extinction, la composi-
tion de l’atmosphère produite
par chaque flamme brûlant dans
un volume limité d’air à la pres-
sion normale. Des essais préli-
minaires ayant démontré la né-
cessité d'opérer à l’abri de l’hu-
midité et à pression constante,
on a fait usage de l'appareil re-
présenté sur la figure 1. La com-
bustion se produit dans une clo-
che de verre dont la base plonge
dans le mercure d’une éprou-
vette à pied assez profonde. Au
sommet de la cloche est un tube en U contenant du
mercure et servant de manomètre, et un tube de verre
Fig: 1. — Appareil
servant à détermi-
ner la composition
des atmospheres ex-
linclives produites
par les flammes.
à robinet permettant d'extraire les gaz pour faire l’a-.
nalyse. Pendant la combustion on maintient la pres-
sion invariable en élevant ou abaissant la cloche sur
le mercure. Le tableau I indique les résultats des
analyses ; les nombres représentent la moyenne de
deux et souvent trois expériences :
Tableau I
COMPOSITION %
de l'atmosphère
résiduelle
produisant
l'extinction
A
02 | Az? | CO:
COMPOSITION %
de l'atmosphère
artificielle
SUBSTANCES produisant
l'extinction
COMBUSTIBLES BRULÉES
pe
Alcool absolu
Alcool méthylique
Paraffine
Colza et paraffine
Chandelles......,.....
Cr QE
pa
Cr Où Or Hs
JR
C9 QD O9 bn en
De © 02
ræ
CO IO He O9
L'auteur compare en outre ces résultats, à la com-
position des gaz expirés par les poumons; il fait usage
du tableau I donné par le D° Haldane :
ANALYSES DE L'AIR EXPIRÉ
Air expiré aussitôt après l'inhalation| 11.4 | 78.4 4.2
Air expiré 40°” après l'inhalation. ...| 14.9 | 84.4 3.1
ER A TT EUR MEN A
Composition moyenne..............
Les conclusions générales qu'on peut tirer de ce
travail sont les suivantes : 1° Les flammes provenant
des combustibles gazeux ou liquides; soumis à l’expé-
rience produisent, dans une atmosphère limitée, une
diminution de la dose d'oxygène de manière à la ra-
mener à la proportion contenue dans les atmosphères
artificielles extinctives. 2° Les flammes des chandelles
ou des lampes qui s’éteignent dans une atmosphère
limitée, produisent une atmosphère de composi-
tin à peu près identique à celle des gaz expi-
rés par les poumons. 3° Les atmosphères extinctives
obtenues après combustion d’une lampe ou d’une bou-
gie et l'air expiré par les poumons après une inspira-
tion d'air pur sont respirables sans danger. 4° L'extine-
tion de la flamme d’une lampe ou d'une bougie
n'indique pas nécessairement l'impossibilité de la vie
dans une atmosphère,
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 21 Mars 1895 (suite)
M. A. Lapworth a repris l'étude des acides 8 étoxy-
naphtalènesulfoniques, précédemment entreprise par
MM. Armstrong et Amphlett et par M. Percival. Ce der-
nier avait déjà remarqué qu’en sulfonant une solution
de $ méthoxynaphtalène, on obtenait deux acides cor-
respondants dont l’un pouvait facilement s’isoler. Arms-
trong et Amphlett avaient supposé qu’en traitant une
solution de $éthoxynaphtalène dans du sulfure de car-
bone au moyen de chlorure de sulfonyle, il se formait
principalement l'acide 8 éthoxynaphtalènesulfonique
2 : 1°. M. Lapworth confirme cette hypothèse; en effet,
en éthylant l’acide 2 : 1’ naphtolsulfonique, il a obtenu
un acide dont les dérivés ont une constitution sem-
blable à ceux de l'acide instable produit par sulfo-
nation du g éthoxynaphtalène. Il a préparé, en outre,
le chlorure de l'acide 2 : 1° 8 éthoxynaphtalènesulfo-
nique CH7(OEt)SO?Cl; l'acide mononitrosulfonique
en nitrant le 2: 1’ 8 éthoxysulfonate de potassium, et
enfin toute une série de composés des acides 8 éthoxy-
naphtalènesulfoniques. En disulfonant l’éthoxynaph-
talène à la température ordinaire, on n'obtient que
très peu d’un seul acide disulfonique dont l’auteur
détermine la constitution. Cette étude le porte à
croire que la manière dont l’acide 2 : 1’ est formé par
l'acide 2 : 1 indiquerait que le changement isomé-
rique ne se fait pas directement, mais qu'il y a un
changement isomérique intermédiaire. — Miss A.-P.
Sedgwick et M. N. Collie ont préparé un grand nom-
bre de composés pyridiques en partant de l'acide
déhydracétique ; ils ont d’abord obtenu, en partant de
cet acide, la diméthylpyrone :
CH3.C—0—C.CH3
nl. CO. Cu
et la lactone de l’acide triacétique :
CHS,C—0—CO
I
HC.CO.CH?
Traité par une solution diluée de permanganate de
potasse, le premier de ces corps fournit deux acides :
d'abord l'acide y chloro x’ pyridinedicarboxylique qui,
fondu avec la potasse, donne l'acide y oxy ax pyridine-
| dicarboxylique, qui possède toutes les propriétés de
3 > qui Pp E
A
174
l'acide chélidamique; ensuite l'acide « méthyl y chloro x
pyridine carboxylique qui, chauffé fortement, se décom-
pose en + chloropicoline ; cette dernière, oxydée par
le KMnO', donne l’acide y chloropicolinique. Lorsque
la lactone de l’acide triacétique est chauffée avec de
l'ammoniaque, il se forme de la dioxypicoline que l'on
peut quantitativement convertir en «y dichloro 4 mé-
thylpyridine qui, par oxydation, produit l'acide ay di-
chloropicolinique. L'xy diéthoxypyridine a été obtenue
en faisant bouillir la dichloropicoline avec l'éthylate
de sodium. — MM. Percy Frankland F. KR. S. et
James Henderson, en partant de l'acide sarco-
lactique, préparé suivant la méthode de Percy Frank-
land et Mac Gregor, ont obtenu les sarcolactates
d’éthyle et de méthyle, l'acétylsarcolactate d’éthyle
et le benzoylsarcolactate d'’éthyle, Les auteurs don-
nent le pouvoir rotatoire de chacun de ces corps
et discutent les relations qui existent, au point de
vue optique, entre ces corps et les dérivés corres-
pondants de l'acide glycérique. Il résulle de leurs
recherches que la substitution du groupe éthyle au
groupe méthyle produit un effet moindre sur ‘le
pouvoir rolatoire du lactate que sur celui du glycé-
rate. L'accroissement du pouvoir rotatoire obtenu en
acétylant le lactate est plus grand que l'accroissement
dû à la diacétylation du glycérate. L'introduction du
groupe benzoyle change le signe du pouvoir rotatoire.
Dans les éthers sels de l'acide glycérique il y a dimi-
nution de la densité en montant la série du composé
méthylique où composé butylique ; la même anomalie
existe dans les lactates ; ainsi l’acétyllactate de mé-
thyle est moins dense que le lactate de méthyle, Il
est à remarquer que plus grande est la diminution de
densité par acétylation, plus grand aussi est-l’accrois-
sement du pouvoir rotatoire, En benzoylant, la densité
de ces corps augmente, mais le pouvoir rotaloire di-
minue considérablement et va jusqu'à changer de
signe. — MM. James Workler et James Henderson,
en électrolysant le camphorate alloéthylique de potas-
sium.ont obtenu les sels éthyliques d’un acide non
saturé C’HO? et d'un acide dibasique saturé CISH300";
ils ont appelé ces acides allocampholytique et allo-
camphothétique. Le premier donne un dibromure qui
a pu être converti en un isomère du campholactale de
Fittig et Woringer. Les résultats obtenus semblent
indiquer que cet acide camphorique contient le
groupe : CH—CH(COOH). C.(COOH). -- MM. A. Bone
et W.-H. Perkin junior F. R.S. ont entrepris l'étude
de l'acide triméthylsuccinique et de son isomère
l'acide diméthylglutarique dans le but de savoir si
l'acide triméthylsuccinique existe sous deux modifi-
cations, Ils ont préparé cet acide de deux manières
différentes : 1° par l’action de l'x bromisobutyrate
d’éthyle sur le dérivé sodique de l’x cyanopropionate
d’éthyle ; 2° par l’action de l’« bromisobutyrate d’éthyle
sur le dérivé sodique du méthylmalonate d’éthyle,
Dans les deux cas les auteurs ont obtenu un seul et
même acide triméthylsuccinique qui, à l’état de pureté,
fond à 152°. Il se forme toujours à côté de Jui son
isomère l'acide diméthylglutarique. Chauffé avec
l'anhydride acétique, l'acide triméthylsuccinique
donne un anhydrique fondant à 38:39, Les auteurs
ont également préparé un acide cyanotriméthylpro-
pionique :
(CHE), , CAZ
C=C=CH:
CO'H/ NH
SOCIETE ROYALE D'EDIMBOURG
La Société à recu récemment les communicalions
suivantes :
MM. Gulland et Noel Paton : Sur l'absorption des
hydrates de carbone par l'intestin, — M, Gilchrist :
Sur la torsion du corps des Mollusques, — M. Tait :
Surune propriété curieuse des déterminauts.—M,Crum
Brown : Sur un nystagmus normal, — Sir W, Turner :
|
|
|
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
—————
Sur les restes de l'antropopithèque trouvés récem-
ment à Java, par M. Dubois : On a trouvé un crâne,
une troisième molaire et un fémur gauche, On les a
trouvés sur le bord d’une rivière de Java, à quelque
distance l'un de l’autre, et à des époques différentes.
M. Dubois suppose qu'ils établissent l'existence d'une
race qui rattache le singe et l’homme : M, Turner ob-
serve qu'il n'est point certain que ces trois débris ap-
partiennent à un mème être; en comparant le crâne
à divers spécimens de crânes, il n’est pas du tout
convaincu qu'il n'ait pas appartenu à ur être humain.
Le fémur a une forme qui se retrouve dans une collec-
tion d’ossements humains, et les dents ressemblent
autant aux dents d’un homme qu'à celles d’un singe :
il considère que les débris appartiennent à un type
humain ‘inférieur, — M, Chrystal : Théorème relatif
à l’équivalence des systèmes d'équations différentielles
linéaires ordinaires à coefficients constants, et son
application à la théorie de ces systèmes. — M. Knott :
Changement de volume des tubes de fer et de nickel
aimantés. — M. Peddie compare le cas de cécité
jaune-bleu, décrit par lui, il y a quelque temps, au
cas récemment décrit par V. Vintschgan et Hering.
Dans le cas actuel, ce qui n'avait pas lieu dans le pré-
cédent, toute l’étendue du spectre est visible. Aussi loin
que les observateurs aient pu aller, la présence du
rouge semble être aisément reconnue; mais toutes les
autres couleurs semblent à peu près, ou entièrement
grises, Il ne semble exister qu'un point neutre (auprès
de D, dans la partie jaune du spectre), — M. Munro
donne une conférence sur la recherche des habitations
lacustres. — MM. Crum Brown et Fairbairn : Sur
lPaction du mercaptide de sodium sur l'éther dibromo-
malonique, — MM. Ewart el Cole : Sur les branches
dorsales des nerfs craniens et spinaux, chez les Elas-
mobranches. — M. Traguair : Sur les poudres phos-
phorescentes. — M. Tait : Sur la surface d'onde
électromagnétique, — M. le due d'Argyll : Sur la
formation des glaces de deux vallées (le Glenaray et le
Glenshira). W. PEDDIE.
ACADEMIE DES SCIENCES D’AMSTERD:
Séance du 18 Avril 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P.-H. Schoute s'oc-
cupe du nombre des types de cristaux du système ré-
gulier dans l’espace 2? à n dimensions. Il représente un
cristal du système régulier dans &# par le symbole
(CNT En)
. än), où les segments déterminés par les
êtres 2-1 limitants sur les axes sont rangés par ordre
Je grandeur croissante. En faisant suivre 4,_, du sym-
bole (a,, &, ..., An-,) de e"=! par œil y a deux cas à
distinguer. Si 4, est infiniment grand, &, l’est tout
de même; si 4, à une valeur finie, on obtient trois
types différents de * en posant 4 = 41, an > Gn— Cb
fini, &, infini, Ainsi chaque type de el mène à trois
iypes de & ou à un seul, selon que 4, est fini ou in-
fini; pour un des trois types nouveaux le dernier élé-
ment estinfini. Si doac #, et y, représentent le nombre
des types de 2? à élément dernier fini et infini, on trouve
les relations récurrentes :æn —=?2%n-, et Yn =%n, + Yn—
OÙ Zn — 2 ln EÙ En — Yn—= En — Yn-,- POUr n—2 on
trouvez? 7,—1. Donc ones œr 211; 7yn 2011
etlenombre totaldes types des ,c.-à-d, 4» + yn =2 —1.
Pourn—=#,0ona:
TARA A) A6; (2, 7, HE 199, (1, #, Æ#, co 96
(A4) GB 4, SO PO AU EME NS Ro) EE 02
(4, 1, #, k) 96, (1, k, l,m 84.411, 15100, ca . 24
(A) 4 Æ d) 192, (1, A do) SIEMENS tee 18
(1! & ke à GE M ME de 06 A co to del RS
Dans ce tableau les nombres qui suivent les symboles
indiquent le nombre des corps limitants, Dans ces
15 types, seulement le premier (16), le treizième (24)
et le dernier (8) sont des êtres réguliers dans le sens
géométrique. À j
” 20 SCIENCES PHYSIQUES, — M. H, Kamerlingh Onnes
NOTICE NÉCROLOGIQUE 15
communique les travaux exéculés au laboratoire de
Leyde par M. A. Lebret, et ayant trait au phéno-
mène de Hall. Dans la première communication, il
décrit une méthode pour la mesure de ce phénomène
appelée méthode de compensation, qui à l'avantage
d’être une méthode à zéro, n’exigeant qu'une observa-
tion momentanée et éliminant ainsi toutes ces pertur-
bations qui exigent du temps pour s'établir, La plus
“importante de celles-ci est le changement de tempé-
rature des électrodes secondaires, découvert par M. von
- Ettinghausen. La seconde communication s'occupe de
k la dissymétrie du phénomène de Hall dans le bismuth,
* où l’on trouve une valeur différente pour cet effet en
… employant des directions opposées du champ magné-
… tique. L'auteur à réussi à trouver dans une plaque
… deux directions exemptes de dissymétrie ; il explique
… ce résultat en supposant que le changement de résis-
tance par le champ magnétique diffère dans deux
directions perpendiculaires, Nommant K, et K, les
- changements de résistance pour ces deux directions,
- Je phénomène de Hall est donné par la formule :
#
Les K, — K: sine,
LI
2
où & représente l'angle de la direction des électrodes
primaires avec l’un de ces axes.
1 3° SCIENCES NATURELLES, — M. C.-A. Pekelharing
… s'occupe du rapport entre le fibrine-ferment du sérum
sanguin et le nucléo-protéide tiré du plasma sanguin.
- Il ya trois ans, l’auteur a démontré (Revue générale,
11, p. 464) que le fibrine-ferment est une combinaison
de chaux et du nucléo-protéide du plasma sanguin. qui
est cédé au plasma sanguin pendant la destruction
des éléments du sang. Quoiqu'on accepte générale-
ment que plusieurs nucléo-protéides, en collaboration
- avec des sels de chaux, peuvent causer la coagulation
- de matières fibrinogènes, MM. Wright, Lilienfeld et
“ jalliburtun ont énoncé récemment l'opinion qu'il
… y à pas de rapport entre le fibrine-ferment et le
nueléo-protéide. L'auteur réfute principalement les
arguments de M. Halliburton, sans doute les plus
importants de ceux par lesquels sa théorie a été atta-
… quée. D'abord M. Halliburton remarque que l'alcool
voagule les nucléo-protéides, tandis que, d’après la
méthode de M. Schmidt, le fibrine-ferment est préparé
en diluant avec de l'eau la substance précipitée du
sérum sanguin par l'alcool, conservée pendant quelque
“ emps sous l'alcool. Au contraire, l'auteur a trouvé
que le fibrine-ferment, préparé d’une manière artifi-
- cielle en traitant le nucléo-protéide du sang avec de
- l’eau de chaux et de l’acide carbonique, ne perd que
- partiellement sa solubilité pendant une conservation
… de longue durée sous de l'alcool et que, plus tard, il
- est encore à même de céder à l'eau un fibrine-fer-
“ ment très aclif, La seconde difficulté de M. Halliburton
a trait au plasma dont la coagulation a été prévenue
par du sulfate de magnésium ; ce plasma se coagule
sous l’action du fibrine-ferment et non pas sous l'ac-
tion du nucléo-protéide. L'auteur trouve que des so-
lutions de matières fibrogènes pures ne se coagulent
pas non plus, après addition de sulfate de magné-
sium, malgré la présence d'une grande quantité de
nucléo-protéide, à moins qu'on n’ajoute une quantité
relativement considérable de sels de chaux. Aussitôt
que la combinaison du nueléo-protéide avec de la chaux
s'est formée, la présence de MgSO, ne contrarie que
très faiblement la coagulation. Le ferment tiré artifi-
ciellement du nucléo-protéice du plasma sanguin fait
coaguler le plasma contenant MuSO, tout aussi bien
que le fait le fibrine-ferment du sérum. Le troi-
sième argument de M. Halliburton se base sur
conduite différente du nucléo-protéide et du fibrine-
ferment introduits dans la circulation du sang; seule-
ment le nucléo-protéide cause la coagulation intra-
vasculaire, Par rapport au fibrine-ferment préparé
d’après la méthode Schmidt, ou celle de Hammarsten,
l'auteur confirme ce résultat ; il l’attribue à l’état de
dilution extrème. Cela est d'accord avec l'expérience
qu'après l'introduction de ces solutions de ferment
on observe souvent la «phase négative » de M, Wright,
c’est-à-dire un ralentissement de la coagulation du
sang sécrété par les vaisseaux, précisément comme
après l'introduction d’uhe quantité de nucléo-pro-
téide trop pelite pour causer la thrombose. Cependant,
après l'introduction d'une solution plus concentrée
du ferment, comme elle peut être obtenue d’après la
méthode de M.Gamgee, dans la veine d'un lapin,
l’auteur constatait une coagulation intervasculaire
aussi importante que celle causée par la combinaison
dunucléo-protéide avec de la chaux, précipitée par l'ad-
dition de l'acide acétique au sérum sanguin dilué.
L'auteur n'a pu trouver aucune trace de différence
entre le fibrine-ferment du sérum et la combinaison
obtenue à l'aide de l’action de la chaux sur le nucléo-
protéide tiré du plasma sanguin. — M. Th. H. Mac
Gillavry présente une brochure de M. A. van Delden
intitulée : Les réactions du beurre hollandais par rap-
port aux méthodes nouvelles d'examination; il y
ajoute un apercu de deux méthodes dont il se sert à
démontrer la présence de très petites quantités d’oléo-
margarine ou d’autres huiles. Première méthode :
La matière est examinée à l'aide de la lumière cireu-
lairement polarisée tandis qu’elle est refroidie à 4°C
ou échauflée jusqu'à #5°C. Seconde méthode : Pour
constater la présence d'huiles, une pièce de beurre
est mise sous le microscope dans un espace où la
température est augmentée de 20°C à 24°C. A côté de
cet espace se trouve un espace capillaire qui aspire
l'huile contenue dans le beurre. Cette petite quantité
peut être examinée d’après la première méthode.
P.-H. Scnoure.
| NOTICE NÉCROLOGIQUE
— Les sciences naturelles viennent de faire une perte
=eusible dans la personne de Carl Vogt, que la mort a
“enlevé, à l’âge de 78 ans, le 5 mai dernier, Son nom
mélait connu, non seulement de tous les naturalistes,
- mais encore du grand public, dans lequel il avait depuis
longtemps pénétré; car Vogt fut aussi un vulgari-
ateur, un de ceux qui veulent que la science ne soit
“pas seulement l'apanage du laboratoire et de quelques
initiés, mais qu'au contraire elle rayonne et se répande
ans les masses.
Son œuvre scientifique, qui comprend la Zoologie
“et l'Anatomie comparée, l’'Embryogénie, l'Anthropo-
CARL VOGT
logie, la Géologie et la Paléontologie, est considérable.
IL a étudié toutes ces sciences avec un égal succès;
mais il avait une faveur marquée pour les deux pre-
mières. Vogt fut le collègue et le collaborateur de ces
savants qui, dans des domaines divers, illustrèrent
l'Académie, puis l'Université de Genève : les Marignac,
les de La Rive, les Edouard Claparède, les Pictet de La
Rive, etc.
Né à Giessen, le à mai 1817, Carl Vogt était fils d'un
naturaliste ; il étudia d’abord la médecine, travailla
ensuite chez Liehig, — il tournait alors ses regards
vers la chimie, — puis il suivit son père, appelé à
476
Berne comme professeur. C’est dans cette ville que,
sous la direction de Valentin, il commença ses pre-
miers travaux d'anatomie et de physiologie. =
A 20 ans, il débuta par un travail sur le liquide
amniotique, un opuscule de quelques pages, dans le-
quel il indique la teneur des composants des liquides
en question, à 3 mois 1/2 et à 6 mois de la vie fœtale.
Ce travail fut publié dans les « Archives » de Johannes
Müller, de Berlin, Dans les mêmes «Archives», Vogt fit
paraître une étude sur la Neurologie du Python ligris,
dont il avait eu en mains de remarquables échantil-
lons, et sur le système nerveux des Reptiles en général.
Puis il résida à Neuchâtel, attiré par la célébrité
d’Agassiz, avec lequel il se lia, ainsi qu'avec Desor et
d’autres naturalistes neuchâtelois. Ce fut une belle
période d'activité scientifique. Il sortait chaque semaine
de l’ « usine » Agassiz une trentaine de pages d’im-
pression.
Vogt, cependant, travaillait pour son compte, et, en
1842, il publia l’Embryogénie des Salmonés. A cette
époque, l’'Embryogénie était dans son enfance, et
Vogt eut la gloire d'être un des premiers àentreprendre
l'étude de cette branche. Il en avait compris toute
l'importance au point de vue de l'anatomie comparée ;
aussi ne la délaissa-t-il jamais ; en 18%4, il publia un
mémoire sur l’'Embryogénie des Batraciens; en 1846, ses
Recherches Sur l'Embryogenie des Mollusques Gastéropodes,
et, ces dernières années, il s’occupait beaucoup de
l'embryogénie de la Chauve-souris.
C’est grâce à Agassiz et Desor que l'attention de Vogt
se tourna vers les glaciers, dont l’étude scientifique ve-
nait d’être commencée par Venetzet de Charpentier: il
occupa avec eux la fameuse cabane des Neuchätelois
sur le glacier inférieur de l’Aar, Son livre de début en
Géologie fut: Montagnes et Glaciers, paru en 1843 en
langue allemande.
De 1844 à 1846, Vogt résida à Paris, où il fit la con-
naissance de la plupart des naturalistes français ; il y
fonda la Société des Médecins et Naturalistes alle-
mands, puis il visita l'Italie. En 1847, il retourna à
Giessen, où il était appelé comme professeur à l'Uni-
versilé, mais il n’occupa jamais effectivement sa chaire,
car, en 1848, survinrent, en Allemagne, les événements
que l'on connaît et auxquels il prit une part active.
Il fut même un des trois régents de l'empire allemand.
Mais, devant les baïonnettes prussiennes, il fut obligé
de se retirer, Condamné à mort, il passa la frontière à
grand'peine, déguisé en paysan, et se retira à Berne,
où il prit ses lettres de naturalisation. Il reprit alors —
surtout à Nice, dont il a pour ainsi dire découvert la
faune marine — ses études zoologiques, et, en 1852, il
fut appelé à occuper la chaire de Géologie à l'Académie
de Genève. Ce ne fut que plus tard qu’il obtint la chaire
de Zoologie et d’Anatomie comparée, science qu'il pro-
fessait avec le plus de plaisir.
En juillet 4861, Vogt fit, en compagnie d’un riche
particulier de Francfort, un voyage scientifique au
Pôle Nord, à l'île de Jan-Mayen et en Islande; il en est
resté un livre intitulé: Nordfuhrt qui est, en quelque
sorte, un des meilleurs guides pour ces régions.
Nous n'avons pas la prétention d'indiquer, dans cette
courte notice, quels ont été les nombreux travaux de
Carl Vogt dans tous les domaines, ni même de passer
à l'analyse de ceux que nous citerons. Nous ne rap-
pellerons que ses principaux ouvrages, parmi les-
quels les Recherches sur les animaux inférieurs de la
Méditerranée, et — celui-ci fit beaucoup de bruit — son
Mémoire sur les Microcéphales ou Honunes-Singes, paru
en 1867.
Ses livres les plus connus furent presque tous publiés
en langue allemande, et ne furent pas tous traduits,
Les Lettres physiologiques, qui furent traduites dans
presque toutes les langues d'Europe, sont de 4845 (trad,
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
NOTICE NÉCROLOGIQUE
franc. de 1874). En 1846 parurent en deux volumes :
Lehrkuch der (reologie und Pelrefaktenkunde, ouvrage qui
arriva à sa cinquième édilion en 1879, En 1847, Océan
et Méditerranée; en 1850, Scènes de la vie des animaux;
en 1851, Recherches sur les sociétés d'animaux; ces trois
ouvrages aussi en allemand, Plus tard (186%) parurent
les Leçons sur Homme, les Mammifères (1882), el, de 1886
à 1894, sa dernière œuvre, le Traité d'Analomie com-
parée pratique, — ce qu'il y à actuellement de plus com-
plet en cette matière, — en collaboration avec son
ancien élève, — devenu son assistant et son sup-
pléant, — M. Emile Yung.
Vogt s’élait toujours vivement intéressé à la diffu-
sion de la science; je crois qu'il fut l’un des premiers
quise servirent des illustrations desmémoires originaux
pour les publications populaires.
Il fut un conférencier célèbre : ses conférences sur
le darwinisme, données en Suisse et dans différentes
villes d'Allemagne, eurent un retentissant succès. Il
cessa ses tournées de conférences lorsqu'éclata la
guerre de 4870, au sujet de laquelle il prit le parti des
vaincus, sachant bien cependant qu'il se fermait des
portes, jusque-là grandes ouvertes, de l’autre côté du
Rhin; c'est là un rare exemple de désintéressement.
Ses lettres politiques sur la guerre de 1870-71 furent
publiées à la fin de ce terrible événement, et Vogt ne
reparut plus en Allemagne. Il fut d’ailleurs toujours
un adversaire de Bismarck,
Peu de temps avant sa mort, Carl Vogt mettait la
dernière main à un grand ouvrage sur les Poissons
d'Europe, et il disait à ceux qui lui parlaient de
cette œuvre : « J'ai commencé par les Poissons, je
finirai par les Poissons. » En effet, au début de sa car-
rière, il avait collaboré à l'Histoire naturelle des Poissons
d'eau douce d'Agassiz. Ce groupe de Vertébrés l'inté-
ressait particulièrement; dans son cours, il s’y arrêtait
volontiers, et, en 1835, il avait fait paraitre l'Education
artificielle des Poissons, continuant l'impulsion donnée
dans ce sens par Coste.
Vogt faisait partie de cette élite intellectuelle, qui
pouvait dire avec l’auteur latin : « Rien de ce qui est
humain ne m'est étranger, » Travailleur infatigable, il
se délassait d'une occupation en en entreprenant une
autre, el il se lancait dans toutes avec la même ardeur.
Comme ces grands hommes de la Renaissance, ou
comme quelques-uns de ces grands esprits du xvure siè-
cle, il embrassait plusieurs choses à la fois et les do-
minait toutes. IL publia un volume de nouvelles, fit de
la peinture, écrivit même des vers. e
Vogt laisse après lui plusieurs élèves. Parmi les
plus connus, nous pouvons citer les professeurs Arnold
Lang de Zurich, et Emile Yung de Genève.
Carl Vogt fut pendant de longues années président
de l'Institut national genevois ; il était chevalier de la
Légion d'honneur, et, depuis le 27 juin 1887, membre
correspondant de l'Académie des Sciences de Paris,
Eugène Prrrarp,
Professeur au Collège de Genève.
Errarum. — Dans le récent article de MM. KF.et J, Jean,
sur l'Industrie des Suifs comestibles et industriels (Revue
du 15 mai dernier), nous avons indiqué que le gra-
phique de la page 421 avait été dressé par M. Maurice
Duclos, courtier assermenté; bien involontairement
nous avons omis de marquer que les deux graphiques
des pages 422 et 423 avaient été également faits par
lui.
Rectilions aussi (page 41%, 2€ colonne, #4* ligne) une
coquille qui tendrait à élablir une confusion entre
l'oléine et l'oléo. Lire : « Cette dénomination est ré-
servée aux suifs destinés à l'alimentation et à la fabri-
cation des oléos, »
Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER
————_—_—_—_—_—_—_—_————.————.—.._ _—_—_—_—_—_—_—_—…—…—…—…—…—…—…—…—"—…"…"…"….…—"….—".—.—.—…"—.—"—….—.)—"—_—_—
6° ANNÉE
N° 41
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIEN
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
LES NOUVEAUX SERVICES ET INSTITUTS
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE LILLE
I — L'INSTITUT DE CHIMIE
La Municipalité et l’Académie de Lille viennent
d'inaugurer les nouveaux bâtiments des Facullés.
Tous ceux qui s intéressent aux progrès de l’ensei-
ynement supérieur en ont élé très heureux. On com-
prend donc que les Universités étrangères, l'Insti-
tut, les Facultés francaises et les grandes Ecoles
aient envoyé à Lille d'importartes délégations.
Ces fêtes universilaires ont élé très cordiales.
Les discours el les banquets n’ont pas fait défaut;
la séance d’inauguration, dans laquelie le maire,
M. Géry-Legrand, a remis les bàtiments au Ministre,
M. André Lebon, a été des plus réussies, et nous
avons assisté au défilé, avec élendards, des Écoles
etdes nombreuses Sociétés diverses quisont,comme
on le sait, très vivaces dans la Flandre française.
Cette réorganisalion des Facultés avait élé étu-
diée et préparée sous les ministères de M. Berthe-
lot et de M. Spuller. La ville de Lille, riche et
prospère, à tenu à honneur de participer, par moi-
lié, à toutes les dépenses, lesquelles se sont
élevées au chiffre respectable de 3.500.000 francs.
Voici quelle a élé la réparlilion de ces dépenses :
1° INSTITUT DES SCIENCES NATURELLES.
fr.
Dernieres en 270.000
Constructions. ....., 425.010
Hola Er 695.C00 695.000
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
15 JUIN 1895
FE DORÉ RER RTE Pre 695.000
2° INSTITUT DE CHIMIE.
TÉLLOLR EEE et eee 182.000
Constructions ........ 483.000
IEC ESE 665.000 665,000
39 Facuzté DE Droit Er DES LETTRES.
DÉFPAONS EN CE Sr 200.000
1COnSILUCLHIOns 690.000
Dofale era 890.000 890,000
4° INSTITUT DE PHYSIQUE.
Gonstrichons er 447.000 47,000
Construit sur une par-
celle de terrain of-
ferte par la Facullé de
Médecine.
5° BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE.
Terrains Er ces 126.500
Constructions "0 304.500
TOR er 481.000 481.000
6° HÔTEL ACADÉMIQUE.
Terrains etimmeubles, 240.000
RÉPAr LION ER Re 81.500
TOP EE TER.E 321.500 321.500
3.499 ,500
De plus, dans un large esprit de prévoyance, la
ville de Lille a voulu assurer le fonclionnement de
ces Instituts en leur distribuant une somme an-
11
4718
nuelle de 20.000 francs, et cela pendant vingt ans,
pour être employée au mieux des intérêts de l'En-
seignement supérieur. Cette somme vient S’ajouter
aux subventions annuelles de l'État.
Enfin, nous ne devons pas oublier qu’un géné-
reux donateur, M. Philippart, a tenu à prendre sa
part de collaboration dans cette création scienti-
fique en faisant aux Facultés un don de 400.000 fr.
C’est un bel exemple de l'heureuse influence que
peut avoir la fortune privée sur l'avenir scienti-
que de nos grands établissements.
Les Facultés de Lille méritaient, d’ailleurs, lar-
gement tous ces bienfaits : leur prospérité est crois-
sante et elles possèdent de nombreux élèves, ré-
partis de la facon suivante :
DR ann m0 du 343
Médecine... MD ee
Étudiants } Pharmacie ...... 134
| SCIENCES Creer 129
lettres sm mr 305
DOtAL ec 1.335
La visite de ces différents inslituts, assez voisins
les uns des autres, est des plus intéressantes. La
séparalion en différents services des élèves d’une
même faculté permet de trouver aisément des ter-
rains de valeur peu élevée el possède l’immense
avantage de réunir les laboratoires similaires. La
ville de Lille a pu ainsi donner un très grand
espace à quelques services; l’enseignement et la
recherche s’y développeront en toute sécurité. Plus
tard, sibesoin en était, leur agrandissement seferait
avec facilité.
Nous avons admiré les belles installations des
laboratoires des Sciences naturelles, l’élégant am-
phithéätre des cours de Physique, et enfin nous
avons visité longuement les nouveaux laboratoires
de l’Institut de Chimie, sur lequel nous donnerons
quelques détails.
On sait combien nous étions en relard sur ce
point vis-à-vis des nations étrangères et surtout
de l'Allemagne. Aussi, depuis dix ans, les efforts se
sont-ils portés de ce côté, et, grâce à l'impulsion
énergique donnée par M. Liard, directeur de l’En-
seignement supérieur, nous avons inauguré suc-
cessivement, en France, l’Institut Chimique de
Nancy, celui de Montpellier, aujaurd'hui celui de
Lille, et demain nous inaugurerons celui de Paris.
L'Institut Chimique de Lille, qui n'a coûté au
total que 670.000 francs, et qui peut contenir aisé-
ment une centaine d'élèves, a élé entièrement
construit en briques. EL cela est d’une grande im-
portance. On abandonne enfin un luxe extérieur
tout à fait inutile pour consacrer l'argent à l’amé-
nagement intérieur absolument indispensable. Les
architectes se plaisent aux grandes façades, aux
larges escaliers, aux longues colonnades ; laissons
les construire les Écoles de Droit, les Facultés des
H. MOISSAN — L'INSTITUT DE CHIMIE DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE
LILLE
Lettres, mais, de gräce, ne leur confions plus les
laboratoires de Chimie et de Physique !.
On à raconté plaisamment que, pour faire un
canon, on prenait un trou et que l’on mettait du
bronze autour. La véritable formule d'un institut
chimique devrait être de prendre un jardin et de
mettre des laboratoires autour, C'est ce que l’on a
fait à Lille. Tout l’ensemble de l'édifice, dont M. Ma-
tignon donne dans ce numéro même une intéres-
sante description, comporte les services de Chimie.
Une véranda qui fait le tour du jardin les réunit
tous, et la disposilion en est heureuse.
Les laboratoires de Lille ne sont pas construits
sur le modèle des laboratoires de Zurich ou d’Alle-
magne, el j'estime que leur disposition se prèle
mieux aux habitudes françaises.
On a abandonné avec raison la grande salle où
Jes étudiants sont réunis et serrés comme les sol-
dats d'un régiment: on a préféré une suite de
salles spacieuses, élevées, très bien éclairées, dans
lesquelles se meuvent avec facilité une quinzaine
d'élèves sous la direction continue d’un prépara-
teur. ;
Auprès de ces laboratoires, une salle très aérée
permet la préparation de gaz toxiques, tels que le
chlore et l'hydrogène sulfuré. De nombreuses cages
à tirage se trouvent aussi dans les murs et servent
aux évaporations d'acides.
Les amphithéâlres, qui contiennent de 120 à
150 élèves, sont d’une grande simplicité.
Peut-être pourrions-nous reprocher à certains
laboratoires une aération générale insuflisante et
des moyens de chauffage défectueux ; mais ce sont
là des détails auxquels il sera facile de remédier.
De plus, nous avons élé très surpris de ne pas
rencontrer dans un aussi bel établissement la plus
petite dynamo, indispensable aujourd'hui aux
recherches du chimiste, Il est à désirer que quel-
que généreux donateur comble rapidement celte
lacune. Les sous-sols de l’Institut de Chimie sont
déjà préparés pour recevoir une machine d’une
dizaine de chevaux, qui donnera avec facilité
la force électrolytique ou calorifique et qui assu-
rera, en même temps, l'éclairage de tout le bàti-
ment.
L'ensemble de l'Institut est divisé en deux par-
lies égales : l’une appartient à la Chimie générale
el l'autre à la Chimie appliquée. Dans la première
se trouvent les laboratoires de préparation au Cer-
tificat d'étude des sciences chimiques, physiques
el naturelles; les laboratoires de préparation à la
RP Re SR En Re, UE
! Je dois faire une exception pour les laboratoires de la
Sorbonne, dans lesquels M. Nénot a pu, en habile architecte,
sacrifier à la pierre de taille et donner pleine satisfaction
aux professeurs. Mais je me souviens aussi qu’une exception
confirme la règle.
C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ
9
&
=
licence et à l'agrégation, le laboratoire du profes-
seur, M. Willm, et celui de ses assistants, enfin les
laboratoires des jeunes gens qui prépareront leurs
thèses de doctorat.
De ce côté donc, la science régulière et toute la
filière des grades qui conduisent l'étudiant des
portes du lycée au doctorat ès sciences. Là. se fera
une science méthodique, régulière, à idées géné-
rales dont tout peuple a besoin, idées sans les-
quelles la recherche scientifique perdrait bientôt
toute fécondité.
Dans l’autre partie du bâtiment, M. Buisine
dirige la Chimie appliquée. Nous y avons rencontré
de beaux laboratoires séparés, ayant chacun une
destination spéciale.
Dans le premier, on étudie les malières colo-
vantes el la teinture. Dans le deuxième les fermen-
tations industrielles et la brasserie. Dans le troi-
sième les produits chimiques. Le quatrième esl
consacré plus spécialement à l'analyse des
denrées alimentaires et des produits industriels.
Enfin, un laboratoire de Chimie agricole est
déjà installé, dans l’espérance de la création pro-
chaine d'une chaire de cette science, qui esl
appelée à rendre de grands services à l’agricullure
du Nord.
A ces laboratoires est adjoint un musée indus-
triel en voie de formation.
Ici, plus de diplômes, plus d'examens; on ne
demande à l'élève qui vient heurter à la porte,
que de la bonne volonté, üu travail et de l’assi-
duité.
La rémunération à payer pour occuper une
place est bien peu de chose : 30 francs par mois.
Plusieurs bourses offertes par la Ville, des dis-
penses accordées par le Conseil de la Faculté
peuvent même y faire admettre le travailleur peu
fortuné, qui montre des dispositions pour l'étude
de la Chimie appliquée.
Un règlement bien concu, relatif aux chercheurs
et aux élèves des laboratoires de Chimie indus-
trielle, a réglé les conditions générales des études.
Cette organisation nous semble des plus heu-
reuses, el il ya Lout lieu d’espérer qu’elle donnera
de bons résultats. L'originalité pourra s'y déve-
lopper en toute liberté, et l’industrie, déjà si riche.
du département en recevra une force et une
vigueur nouvelles.
L'installation de ces beaux laboratoires a, d’ail-
leurs, transformé en partie toute la Faculté des
Sciences. Et, depuis son éminent doyen, M. Gos-
selet, jusqu’au dernier préparateur nommé, tout
le monde semble rempli d'énergie et d'ardeur.
Cet enthousiasme nous est un sûr garant des
publications à venir. On n'entend parler que de
travaux à faire, que de recherches nouvelles. Les
groupements affectueux entre maîtres et élèves se
forment de toutes parts, et, dans quelques années,
par le fait même de cette brillante installation, les
professeurs de Lille se trouveront heureux de
rester dans leur belle Faculté, et ainsi sera résolue
une parlie de cette grosse question de la décentra-
lisation de la Science francaise.
Henri Moissan.
le l'Académie des Sciences,
l'rofesseur à l'Ecole Supérieure de Pharmacie
I — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ
En 1887, lors du transfert à Lille des Facultés de
Droit et des Lettres de Douai, une convention con-
tenant les dispositions suivantes ful signée entre
la Ville et l'Étal :
« Il sera construit un Institut de Physique pour la
Faculté des Sciences sur le terrain disponible de la
rue Gauthier-de-Châtillon.., »
« Il sera construit un Institut des Sciences naturelles,
Zoologie, Botanique, Géologie, sur un terrain d’une
contenance approximative de 4.500 mètres, limité par
les rues Malus, de Bruxelles et Brûle-Maison. »
«IL sera construit un Institut de Chimie générale et
de Chimie industrielle sur un terrain d’une conte-
nance de 8.000 mètres à l’angle des rues Barthelemy-
Delespaul et Jeanne-d’Arc. »
C'est à l’inauguration de ces Instituts et d’un
nouvel édifice destiné à la Faculté de Droit el à la
Faculté des Lettres, que le Conseil Général des Fa-
cultés et la Municipalité de Lille viennent de con-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
vier les savants français et étrangers. Les trois
Instituts ont été bâtis en deux ans et demi sous la
direction de M. Mongy avec la collaboration de
MM. Batteur et Bourdon; la construction, l’amé-
nagement et le mobilier ont coûté 1.600.000 francs.
L. — INsriTur DE Puysique.
Cet Institut est constitué par le bâliment que
représente la figure 1 (page 480). Les figures 3 el
# donnent le plan du rez-de-chaussée et du pre-
mier étage de ce monument.
L'enseignement de la Physique ! est donné dans
trois salles distinctes : deux petits amphithéätres
pour les leçons fermées et un grand amphithéätre
réservé aux cours publics. Ce dernier (fig. 2), qui
{ 1 professeur, 2 maitres de conférences, 1 chef de tra-
vaux pratiques, 3 préparateurs.
A'TS
ont. nul de bois à : …n
ysique.
de Ph
— Institut
1.
12.
Fi
Grand'amphithéatre de l'Institut de Physique
C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ
peut contenir plus de deux cents auditeurs, permet | laboratoires de recherches sont installés au rez-de-
de répondre facilement à toutes les exigences de | chaussée: en outre, de gros piliers en maçonnerie
l’enseignement expérimental; de larges fenêtres | isolés et de fortes tablettes en ardoise, fixées dans
latérales, distribuant abondamment la lumière, | les angles des murs, sont largement répartis dans
peuvent être fermées par un déplacement rapide toutes les salles.
de rideaux, de sorte que quarante secondes sufli- | Les manipulations des élèves ont lieu au pre-
sent pour transformer cette vaste salle en une mier élage, dans un ensemble de dix-huit pelites
UP est 2
Fig. 4.
chambre noire parfaite. Pour les cours publics
du soir, une plaque diffusante formant plafond
fournit la lumière nécessaire à l'éclairage.
Les salles de collection sont en façade, au pre
mier étage, dans la partie la moins humide de
l'Institut ; un monte-charge électrique permet
d'amener facilement les appareils à l'étage infé-
rieur.
En raison de la stabilité de plus en plus néces-
saire pour les expériences de précision, tous les
— Institut de Physique. — Plun de l'élage. — À, grand amphithéätre. — B, C, D, E, salles
F' Ÿ, salles des préparateurs, — G
| $ de collections. —
Ho X, salles de manipulations.
pièces dont la disposition permel au chef des tra-
vaux une surveillance et un contrôle faciles.
L'électricité est distribuée dans tout l'Institut.
soit directement, à l’aide de deux dynamos action-
nées par un moteur à gaz Crosley de huit chevaux
et demi, soil par l'intermédiaire d’une batterie
d’accumulateurs constituée par 40 éléments Tudor.
L'aile gauche du second élage possède une ins-
tallation complète de photographie. A signaler
aussiles deux pavillons extrêmes de la façade, des-
C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ 483
. Linés à recevoir les appareils enregistreurs du ser- | une cour intérieure ; ils occupent une superficie
vice météorologique départemental. de 4.500 mètres et peuvent recevoir plus de cent
Fig. 5. — Instilul de Chimie.
Fig. 6. — Façade postérieure de l'Institut de Chimie.
chimistes. Peu de laboraloires présentent une aussi
heureuse disposition Lant au point de vue de l’aéra-
“ Les bäliments du nouvel Institut (fig. à à 9) sont | lion que de la distribution de la lumière.
… distribués autour d'un vaste quadrilatère formant Deux services distincts se partagent à peu près
Il. — Insritur DE Cuimre.
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186 C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ
également l'Institut :la Chimie générale !, à droite. | el la Chimie appliquée ‘, à gauche. La Chimie gé-
A1UIY:) 2) JNIIJSUI
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conférences,
1
chef
de 1ra-
nérale possède deux amphithéatres :
dans le plus grand se donnent les
cours préparatoires au certificat d'é-
tudes des sciences physiques. chi-
miques et nalurelles, dans l’autre les
cours de licence et d’agrégation. A
chacun d'eux sont adjointes des sal-
les de préparation et des salles de
recherches pour les préparateurs.
Un grand laboratoire (fig. 10) permet de donner
l'enseignement pratique à soixante élèves à la fois :
il est complété par une salle de balances et un
plein-air pour les manipulations susceptibles de
dégager des gaz ou des vapeurs délétères.
Trois services distincts el isolés, comprenant
chacun un cabinet, un laboratoire et une salle de
balances, sont réservés au professeur el aux deux
maitres de conférences. Au milieu d’eux et égale-
ment isolé se trouve un petit service constitué par
un laboratoire et une salle de conférences ; c'est là
que les candidats à l'agrégation font leurs lecons
sous la direction d'un professeur; obligés d’ac-
quérir une somme de connaissances théoriques
assez considérable pour le concours si difficile de
l'agrégation, ils viennent, à leur gré, se reposer de
leur travail au laboratoire où ils retrouvent l’ana-
lyse ou la préparation commencée la veille ; le voi-
sinage des professeurs leur permet d'ailleurs
d'avoir à chaque instant les renseignements dont
ils ont besoin.
Un laboratoire recevant la lumière du nord esl
consacré aux recherches physico-chimiques exi-
seant des températures constantes (thermochimie).
L'ensemble du service de la Chimie générale est
complété par des chambres noires et par des labo-
raloires. installés au sous-sol, pour les calcinations
et les préparalions faites à hautes températures.
La Chimie appliquée possède un amphithéätre
pouvant contenir cent auditeurs et une salle de
travaux pratiques pour quarante chimistes. Des
laboratoires techniques, avec leur outillage spécial,
sont consacrés à la Chimie agricole, à l'Industrie
des fermentations (brasserie, vinaigrerie, distil-
lerie), à la préparation et à l'application des ma-
lières colorantes (teinture, apprèls, impression),
à l'analyse des produits alimentaires et industriels
et à la photographie.
Les grandes salles de la facade du premier
sont destinées aux collections et au logement d’un
musée de Chimie appliquée; là seront classés les
produits qui représentent les élapes successives de
la malière employée dans les diverses industries.
Il manque malheureusement à ce vaste Institut
1 { professeur, 4 chef de travaux, préparateur,
#7
ME la
C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ 487
a ———…——.—.——.—..….…—….…—…—.—…—.——_
une installation électrique permettant une distri-
bution permanente dans les divers services. Au
moment où les recherches physico-chimiques
prennent une place de plus en plus importante
dans la science, où la Chimie des hautes tempé-
_ ratures, reposant sur l'emploi de l'arc électrique,
_ nécessite des courants puissants, où l'électrolyse
Cl, cé L menidl
est à la veille de révolutionner la grande industrie
_ chimique, où l'effluve vient de montrer une fois
_ deplus la puissance et l'originalité de son action
pavillon n° 1, la Zoologie !, pavillon n° 2; et la
Botanique?, pavillon n° 3.
La Géologie comprend un amphithéâtre et une
salle de conférences pour l'enseignement, des la-
boratoires de recherches pour les professeurs et
les candidats au doctorat, deux salles de travaux
pratiques (géologie et minéralogie) pour les can-
didats à la licence. Ces services généraux sont
complétés par des laboratoires particuliers pour
l'analyse, les recherches spectroscopiques, les
Fig. 10. — Grand laboratoire de l'Institut de Chimie.
. dans la combinaison de l’argon, tout laboratoire
de chimie doit avoir à sa disposition une source
puissante d'électricité.
Il n’y a là évidemment qu'un retard ; les pou-
_voirs publics sauront bientôt, il faut l’espérer,
concilier leur bonne volonté avec les difficultés
budgétaires, et accorder les crédits suffisants pour
celle installation, dont la nécessité s'impose.
III. — INSTITUT DES SCIENCES NATURELLES.
L'Institut(fig.11 à 15) est occupé par: laGéologie!,
12 professeurs, 2 préparateurs.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
études microphotographiques, et par des salles
pour le dépôt des cartes.
Une salle est réservée dans l'Institut à la Société
Géologique du Nord de la France; c’est là que se
font les réunions de cette société, fondée en 1870
par le professeur-directeur actuel M. Gosselet ; les
travaux originaux des membres sont réunis dans
un Bulletin spécial, bien connu des géologues.
Les collections sont placées au premier étage,
dans la partie ouest des bâtiments: deux vastes
1 1 professeur, À maître de conférences, 4 chef de travaux,
1 préparateur.
? 1 professeur, 1 maître de conférences, 2 préparateurs.
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Fig. 11. — Jns
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Fig, 13, — Laboratoire de Zoologie à l'Instilul de
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492
C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ
salles sont consacrées l’une aux minéraux, l’autre
aux fossiles, dont les collections sont fort riches,
particulièrement celles qui se rapportent à la ré-
gion du Nord. /
Le laboratoire des recherches de Géologie est le
seul laboratoire des Facultés de Lille qui se rat-
tache à l’École des Hautes Études.
Dans le service de la Zoologie, il faut surtout si-
gnaler au premier étage la grande salle des tra-
vaux pratiques (fig. 13), entièrement vitrée sur
trois de ses faces: la lumière, qui arrive ainsi de
tous côtés, rend particulièrement faciles les obser-
vations microscopiques dans une ville où le ciel est
souvent brumeux.
Un aquarium, maintenu à température constante
par un thermo-siphon, possède des circulations
d'eau douce et d’eau de mer: il permet, avee la
grenouillière et le chenil qui Pavoisinent, de four-
air aux professeurs et aux étudiants les animaux
de toute espèce nécessaires à leurs recherches
ou à leurs études. En outre, les laboratoires sont
largement dotés de tous les appareils modernes
nécessaires à la microchimie: les élèves peuvent
ainsi s'initier facilement à tous les procédés de re-
cherches les plus récents.
La Zoologie dispose, pour son enseignement, du
Musée zoologique de la ville, installé au rez-de-
chaussée, dans la façade ouest de l’Institut, où se
trouve une entrée principale donnant accès au
publie, admis à le visiter le dimanche et le jeudi.
Au service de la Zoologie se rattache le labora-
toire maritime du Portel, près Boulogne, fondé par
M. le P' Hallez ; bien que l'installation n’en soit
encore que provisoire, il possède déjà un matériel
scientifique et un matériel de pêche assez complets.
Chaque année, pendant la saison, de nombreux sa-
vants français et étrangers viennent y poursuivre
leurs recherches. Il est question de l'agrandir et
de le transporter dans un ancien fortin déclassé,
que le Génie céderait au Ministère de l'Instruction
publique.
Le laboratoire de Botanique a une entrée parti-
culière dans la rue Malus. Au rez-de-chaussée sont
les salles de cours etles herbiers ; au premier étage
la partie orientale est consacrée à l'enseignement
de la licence, la partie ouest est occupée par les
laboratoires de recherches. Le second étage est
affecté aux travaux pratiques du certificat et aux
travaux photographiques.
La grande salle des travaux pratiques de la
licence, semblable à celle de la Zoologie, peut rece-
voir 22 élèves admis à travailler en tout temps ;
elle contient, en outre, la collection des pièces
anatomiques destinées aux travaux pratiques des
élèves et des meubles où sont exposés chaque
semaine les objets de démonstration.
L'une des salles d'herbiers est occupée par l’her-
bier général, l’autre renferme les herbiers particu-
liers, parmi lesquels il convient de citer l'herbier
de Lestiboudois. Le professeur dispose, en outre,
de l’herbier de Cussac et de l'herbier phanéroga-
mique de Desmazières, conservés au Musée muni-
cipal.
La grande salle des collections contient les
pièces anatomiques et les objets d'étude conservés
dans l'alcool, la collection des germinations, une
collection très étendue d'empreintes végélales, des
collections de fossiles végétaux à structure con-
servée !. Une autre salle renferme une collection
de charbons formés par des accumulalions d'algues.
Quelques laboratoires sont réservés à la micropho-
tographie, à la physiologie, etc.
Le service de la Botanique n’a pas de jardin ;
mais ses cullures peuvent être faites au Jardin
botanique municipal, situé dans une autre partie
de la ville, à trois kilomètres du laboratoire. Ce
Jardin botanique, complètement indépendant de
l'Université, ne donne qu'imparfaitement salisfag-
tion aux desiderata du laboratoire; il y a là une
situation qui sera cerlainement modifiée à bref
délai. Vu l'éloignement du Jardin botanique et la
grande difficulté d'y installer des expériences
physiologiques de quelque durée, les travaux du
laboratoire sont surtoul dirigés vers l'anatomie el
la paléontologie végétales.
IV. — EXNSEMBLE DES SERVICES,
La Faculté des Sciences de Lille (non compris les
Mathématiques) occupe ainsi à elle seule une su-
perficie de 15.000 mètres, c’est-à-dire les trois
quarts de l’espace dont dispose la nouvelle Sor-
bonne pour les Facultés des Lettres et des Sciences,
l'École des Chartes, la Bibliothèque universitaire
et l’'Adminislration académique. Tous les services
possèdent de vastes laboraloires satisfaisant aux
meilleures condilions d'hygiène, et la plupart
d’entre eux sont, dès maintenant, pourvus d’un
mobilier et d'un matériel scientifiques répondant
aux méthodes de recherches les plus récentes et les
plus précises.
Par son enseignement et ses laboratoires de re.
cherches, la Faculté assure la préparation au cer-
lificat d'études des sciences physiques, chimiques
et naturelles, aux grades universitaires (licence el
doctorat) et au concours de l'agrégation. En outre,
la chaire de Chimie appliquée, avec ses cours ap-
propriés aux besoins industriels et agricoles du
pays, et ses laboratoires spéciaux, permet aux
futurs ingénieurs de recevoir une éducation tech-
1 Toutes les collections existantes au laboratoire ont été
rassemblées par le Professeur M. Bertrand.
hs ste Bt lriténs it das im bd due dés damihité pt
cadtluetenslones ss. du à té. à)
S fon ctEt de. nds...
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éosbetupal,s »
sde ni.
C. MATIGNON — DESCRIPTION DES NOUVEAUX LABORATOIRES DE LA FACULTÉ
493
_ nique aussi large que possible; les étudiants en
_ Chimie appliquée sont admis à la Faculté sans
aucun diplôme : ils peuvent se consacrer unique-
ment aux études chimiques relevant d’une indus-
. Lrie spéciale, mais ils sont assujettis, dans tous les
cas, à une assiduité régulière au laboratoire. L’en-
e seignement pratique vient d’être augmenté, cette
} année, d’un cours de Physique industrielle; les
k succès qui en ont marqué les débuts, montrent
que celle création correspondait à un besoin
… réel, et font espérer que ce cours public sera
transformé bientôt en chaire de Physique appli-
quée.
à
-etla Ville de Lille d’avoir fait trop grand, et se
demanderont-ils avec anxiété quels sont les
étudiants qui vont peupler ces vastes laboratoires!
Qu'ils se rassurent : leurs craintes ne sont pas
fondées, La ville de Lille compte actuellement
deux cents étudiants en sciences qui assurent, dès
maintenant, à la Faculté un recrutement suffisant;
mais ce chiffre n’est qu’un minimum et est destiné
à s’accroitre constamment. Une fraction assez im-
à
“à Peut-être quelques lecteurs accuseront-ils l'Etat
porlante des étudiants du ressort de l’Académie
quittent la région après les examens du baccalau-
réat pour continuer leurs études à Paris; avec nos
tendances actuelles de décentralisation, les futurs
étudiants du Nord apprendront peu à peu à oublier
_ le chemin de la capitale et à rester à Lille, où la
- Faculté pourra, désormais, leur fournir, aussi bien
- que la Sorbonne, les matériaux nécessaires à leurs
… études et à leurs travaux. D’autre part, on peut
— dire que, jusqu'à ces dernières années, il y avaiten
…_ lrance une scission presque complète entre l’en-
- seignement théorique et l’enseignement pratique;
les écoles professionnelles négligent, en effet, leur
éducation scientifique générale, tandis que les
srandes écoles ne consacrent qu'un temps beau-
coup trop restreint aux travaux du laboratoire.
Les Facultés des Sciences, avec leur organisation
_ actuelle, peuvent donner une part égale à la
…_ théorie et à la pratique ; elles suppriment ainsi celte
scission préjudiciable aux intérêts généraux de la
. science, et se créent, du même coup, un privilège
« quileur assure un avenir certain. Au milieu de la
…_ région industrielle et agricole la plus productive
…—. delaFrance, cette situation privilégiée doit donner
…. «des résultats particulièrement heureux. Les indus-
2
industriel.
triels connaissent par expérience le rôle de plus
en plus prépondérant de laScience dans l'Industrie ;
ils se trouveront amenés naturellement à prendre
le chemin de nos Instituts, dont les portes leur sont
maintenant largement ouvertes.
Si l'industrie allemande est aujourd'hui sans
rivale dans le domaine des matières organiques,
c'est que ses chefs se sont formés dans les labora-
toires des Universités allemandes, et qu'ils onttous
collaboré à quelque recherche originale avant de
pénétrer dans leur usine. Cette supériorité tient
d'ailleurs beaucoup plus à l'admirable organisation
scientifique allemande qu'à la valeur incontestée
des maitres qu’elle possède.
La grande industrie chimique continue à vivre
chez nous; mais les industries récentes, comme
celles des matières colorantes, ne se développent
qu'avec peine, et, cependant, les maitres ne man-
quent pas en France. Les idées originales intro-
duites en Chimie, dans ces dernières années, onl
presque toutes germé sur le sol français : la sté-
réochimie a été conçue par Le Bel,en même temps
que par Van L'Hoff. Les recherches expérimentales
de Raoult sur les abaissements des points de con-
gélation ont élé le point de départ de la Physico-
chimie. Moissan a ouvert des horizons nouveaux
en créant la Chimie des hautes. températures:
Berthelot vient de montrer en Physiologie végétale
le rôle important de l'azote, considéré jusqu'ici
comme un élément inactif, etc... ; mais si ces idées
fécondes sont nées en France, c'est surtout en Alle-
magne que les premières d’entre elles ont recu leur
plein développement. On devine aisément quelle
serait la production française et quel bénéfice ma-
tériel il en résulterait pour le pays si les savants
français, au lieu d’être entourés seulement de quel-
ques élèves, se trouvaient fortement encadrés par
une pléiade de jeunes chimistes, recevant l'inspi-
ration du maitre, et destinés à porter ensuite dans
l’industrie la méthode et l'esprit scientifiques ac-
quis sous sa direction.
La création des Instituts de Lille marque une phase
importante dans le développement de notre outil-
lage scientifique: à ce point de vue il était inté-
ressant de la signaler à l’attention des savants et
de tous les amis de la Science.
GC. Matignon.
Maitre de Conférences de Chiünie
à la Faculté des Sciences de Lille.
Remarque. — Tout en applaudissant à la création de ces beaux laboratoires, nous ne pouvons nous empê-
cher d'exprimer un regret : celui de ne pas trouver, à côté des nouveaux Instituts de Lille, un Institut de
—…._ Mécanique, comme il y en à tant en Angleterre, pourvu d'ateliers de dessin et de construction et surtout
| destiné à l'étude expérimentale des machines. Un grand laboratoire de cette sorte serait particulièrement
bien placé au centre même d’une région où l’exploitation minière, la grande construction mécanique, la
lilature et le tissage requièrent tout un personnel d'ingénieurs versés dans la connaissance pratique des
machines. Un tel Institut produirait, sans aucun doute, des élèves aptes à perfectionner ultérieurement l'outillage
La DIRECTION,
A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES
LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES
ET LA SÉCRÉTION INTERNE DE LA RATE
Dans un précédent article, nous avons étudié la
digestion peptique des albumines !; or, l'estomac
est loin d'être le seul organe où se digèrent les ali-
ments protéiques; il s'en peplonise à peu près au-
tant dans le duodénum, gràce surtout au suc pan-
créatique. Quelques savants vont même jusqu’à
conférer au duodénum le premier rôle dans la
digestion de cette catégorie d'aliments, et jusqu'à
réduire celui de l’estomac à la simple désinfection
des #ngesta, gràce aux propriétés microbicides du
suc gastrique.
Ils invoquent en faveur de leur manière de voir
les quelques expériences où l’on a réussi à extir-
per la presque totalité de lestomac, à réunir le
cardia au pylore (la partie la moins active de ce
viscère) et à conserver les animaux en vie; ou
bien celles où l’on a pu nourrir les animaux en in-
jectant les aliments dans le duodénum au moyen
d'une sonde, introduite par une fistule stomacale,
en bouchant ensuite le pylore au moyen d'un petit
ballon de caoutchouc. Mais, chose curieuse, jamais
on ne fait suivre ces faits de ceux qui prouvent que
l'inverse est également possible, c'est-à-dire que
les animaux peuvent vivre aussi s4ns pancréas ;
sans parler des anciennes expériences, qui con-
sistent à faire dégénérer ce viscère en l’injectant
de 25 ou 30 cc. de paraffine, par son conduit ex-
créteur, ni des cas où il est complètement désor-
ganisé par un processus pathologique, tubercu-
leux ou cancéreux, — on a, dans ces derniers temps,
réussi, dans un grand nombre de cas, à l’ertirper
complètement; sans doute les animaux ne vivent
pas longtemps, mais ils meurent de la dénutrition
qui accompagne la cachexie diabétique et non
d'inanilion; d’ailleurs, dans les expériences de
M. Hédon, la moitié du pancréas étant extirpée et
l’autre transplantée dans le lissu cellulaire sous-
cutané des parois abdominales, de facon à déver-
ser sa sécrétion au dehors, aucune participation
du sue pancréalique à la digestion n’est plus pos-
et cependant ces animaux vivent et se
portent bien, et ne deviennent diabétiques que
lorsqu'on enlève la « greffe pancréatique ».
sible,
Le pouvoir digérant du suc propre du duodérum
et de l'intestin grêle est trop insignifiant pour
qu'on songe à lui attribuer la peptonisation d’une
quantilé suflisante d'albumines: c'est donc bien
dans l’estomac qu'elle a lieu.
1 No du 15 septembre 1894.
Il s'ensuit que la digestion stomacale et la di-
gestion duodénale peuvent chacune, à la rigueur,
suffire aux besoins de l'organisme, et font à peu
près autant l’une que l’autre. .
I
Les faits fondamentaux relativement à la pepto-
nisation de l’albumine par la « pancréaline »,
comme on s’exprimait il y a une trentaine d'an-
nées, ont été constatés par Corvisart, Schiff et
Meissner. Ces savants ont eu recours soit à des
expériences sur le suc naturel du pancréas, soit à
l'étude des propriétés protéolytiques d'infusions
pancréaliques.
Les expériences surles animaux vivants (pres-
que toujours des chiens ou des chats) ont élé pra-
tiquées de trois manières différentes :
1° En établissant des fistules pancréatiques (ca-
nule très mince, fixée dans le conduit excréteur),
afin de recueillir directement le suc sécrété par la
glande et d'opérer avec ce suc des digestions
«artificielles »: cette méthode est incertaine, à
cause de l'extrême délicatesse de l'organe, qui
cesse bientôt de fournir un suc normal ; cependant,
dans les cas où son application a bien réussi,
elle a donné des résultats identiques aux deux
‘autres.
2° En pratiquant des fistules duodénales, ana-
logues aux fistules slomacales dans le but d'étu-
dier la marche de la digestion de petits cubesd'al-
bumine coagulée dans le duodénum vivant et nor-
mal ; il faut pour cela les enfermer dans de petits
sachets e7 membrane Jibreuse, qui a la propriété de
résister au suc pancréatique, sans en empêcher la
pénétration; on à ainsi la certitude que l’albu-
mine à bien été digérée par ce suc et non par le
suc gastrique qui aurait dissous les sachets. La
présence de la canule ne trouble en rien la santé
des animaux.
3° En emprisonnant le duodénum, après y avoir
introduit une quantité mesurée d’albumine cuite,
entre deux ligalures, dont l’une est placée sous
l'anneau pylorique, et l'autre à la limite du jeju-
num;le suc pancréatique se déverse ainsi libre-
ment dans cette espèce de récipient vivant dont
on peut, si l’on veut,exclure labile,ce qui n’exerce
d’ailleurs pas de grande influence sur la digestion
de l’albumine. Ce procédé oblige de sacrifier au
bout de quelques heures les animaux qui ne sau-
raient survivre, afin de constater la quantité d’al-
A. HERZEN —- LA DIGESTION
TRYPTIQUE DES ALBUMINES
495
bumine dissoute pendant le laps de temps qui s'est
_ écoulé depuis l'opération.
à
A
«
Il est vrai qu'avec les deux dernières méthodes,
une partie de l’albumine est digérée par le suc
propre du duodénum ; mais ce suc à lui seul n'en
digère que fort peu et une dose très constante,
landis que des quantités digérées par le suc
pancréatique sont très considérables et que son
pouvoir digérant varie énormément selon les con-
_ ditions de l'expérience. On peut, du reste, se débar-
rasser de la sécrétion duodénale en pétrissant for-
tement entre les doigts le duodénum, de façon à
produire une ecchymose sous-muqueuse étendue,
qui met ses éléments glandulaires hors d’aclivité ;
mais cela n’a point de grande utilité.
Voici les résultats fournis par l’ensemble de ces
premières recherches :
Corvisart observa que, chez les chiens en pleine
digestion, le pouvoir digérant du suc pancréatique
augmente pendant quelques temps, pour diminuer
ensuile ; le maximum coïncide avec la huitième
heure après le repas, le minimum est atteint entre
_ la treizième et la quinzième heure. =
Meissner trouva que, chez les animaux à jeun, le
pancréas ne possède aucun pouvoir peptonisant.
Schiff fit une nombreuse série d'expériences et
constata qu'à jeun les pancréas de rats, de cobayes,
de lapins, de chats et des chiens jeunes ou de
petite taille, ne possède, en effet, aucun pouvoir
peplonisant : l’albumine emprisonnée dans le duo-
dénum y reste des heures entières sans se dis-
soudre, l’'infusion du pancréas ne digère point et se
putréfie très rapidement; au contraire, chez les
corbeaux et chez les chiens adultes et de grande
laille, le pancréas conserve un certain pouvoir
digérant, même si les animaux sont à l’état de
jeûne complet, après avoir digéré la veille un repas
copieux ; dans ces conditions, l’infusion pancréa-
tique d’un gros chien peut digérer 10 à 12 grammes
d’albumine. Cet élat se maintient chez les chiens
jusque vers la quatrième heure après le repas,.et
c’est alors seulement que le ferment protéolytique
se manifeste s'il n’y en avait point. ou devient rapi-
dement abondant s’il y en avait une faible quan-
lité; pour les chiens et pour les chats, les périodes
du maximum et du minimum fixées par Corvisart
sont exactes: chezles lapins et les cobayes, la dimi-
nution commence plus tard, vers la onzième heure
après le repas, tandis, que chez les rats, elle com-
ménce plus tôt', Au moment du maximum, l’infu-
Sion pancréatique d’un gros chien peut digérer
jusqu'à 50 ou 60 grammes d’albumine.
Il résulte, en somme, de ces premières recherches
1 M. Somrr, Ueber die Function der Milz. Archiv.
Ueilkunde, 1862.
REVUE GÉNÉRALE DES SC IENCES,
lür
1595,
que le pouvoir peptonisant du suc ou de l'infusion
pancréalique n’est pas continu, mais intermittent,
qu'il apparait régulièrement eat le culmen de
la digestion stomacale et que, lorsqu'il est présent,
il est très considérable,
A cette époque l’eau de fontaine el l’eau distillée
élaient malheureusement les seuls véhicules dont
on se servit pour les infusions pancréatiques ; or
ces infusions aqueuses se putréfient avec une
grande facilité, souvent avant d’avoir achevé la
digestion, ou même avant de l'avoir commencée :
elles entrent en putréfaction d'autant plus vite
qu'elles sont peu actives; celles qui ont un pouvoir
digérant considérable se maintiennent beaucoup
plus longtemps et digèrent une grande quantité
d’albumine avant de donner les premiers signes de
putréfaction. La même chose a été constatée en
1866, par le Professeur Albini, de Naples, pour le
suc pancréatique naturel !. Néanmoins, un certain
nombre de physiologistes qui ont répété les expé-
riences des trois auteurs cités plus haut, — évi-
demment sans suivre toutes leurs prescriptions.
— n'ont eu très souvent que des digestions nulles
ou insignifiantes el de rapides putréfactions; quel-
ques-uns d’entre eux ont même soutenu que le
pancréas ne fournissait aucun ferment protéoly-
tique et que leurs prédécesseurs avaient pris la
putréfaction pour la digestion. Il y a 25 ans, j'ai
dû entrer en lice encore une fois pour défendre
la réalité de la peptonisation pancréatique ; depuis
l'adoption du véhicule de v. Wittich et du mien
(l'acide borique à 4 à 5 %), qui excluent complé-
tement la putréfaction, sans empêcher la diges-
tion, cette question est devenue oiseuse; si quel-
qu'un s'inléressait à cette phase historique de
nos connaissances sur la digestion pancréalique
des albumines, je le renverrais à mon article publié
en 1869, à llorence*?. L'emploi de la glycérine
comme véhicule des infusions pancréatiques n'a
pas définitivement tranché la question de la diges-
tion copieuse de l’albumine par ces infusions. En
1879, Lussana y revint dans son Manuel de Physio-
logie ; tout en reconnaissant que le suc pancréa-
tique est le suc digérant par excellence, puisqu'il
saccharifie les amidons, émulsionne les graisses et
peptonise les albumines, l'auteur, sans tenir
compte des infusions glycériques, soutient encore
la thèse de la putréfaction (pour les infüsions
aqueuses, sans doute), et fait, en outre, les deux
restrictions suivantes :
1° Le réactif de Millon (nitrate nitreux de mer-
cure), dont on se servait presque exclusivement
1 Rendiconlo d. R. lis.
1866.
2 A, Herzex, Digestione dell’
Firenze, 1869.
Academia d. Sc. e Nal. di Napoli
Albumina, etc, {mparziale,
Giornale medico,.
11 t*
496
alors pour démontrer la présence des corps albu-
mineux dans un liquide, donne, avec l'infusion
pancréalique elle-même, la réaction caractéris-
tique ;
20 La glycérine à elle seule dissout une partie de
l’albumine coagulée, que l'on croit avoir été di-
gérée par le suc pancréatique.
Dans un travail publié la même année à Rome,
j'ai répondu à la première de ces restrictions qu'il
était bien facile de distinguer la faible réaction
offerte par l'infusion eile-même de la réaction
énorme qui se produit lorsqu'elle a digéré de l’al-
bumine ; quant à la seconde, j'ai entrepris une
série d'expériences pour la contrôler; on sait que
des cubes d’albumine coagulée se conservent indé-
finiment dans la glycérine; si celle-ci est concen-
trée, ils se durcissent et se racornissent: si elle
est diluée d’une ou deux fois son volume d’eau,
ils conservent pendant des mois entiers leur as-
pect, leur forme et leur volume initiaux; il
parait donc que la glycérine ne les dissout pas;
cependant, décantée et traitée par le réactif en
question, elle donne indubitablement la réaction
caractéristique des corps albumineux en dissolu-
tion; l'albumine coagulée contient doncun tel corps
et l’abandonne à la glycérine. J'ai trouvé que l’eau
a également la propriété d’en extraire ce corps el
qu'une fois qu'il a été extrait par l’eau, l’albumine
ne cède plus rien à la glycérine !. Il est bon, sans
nul doute, dans des expériences quantitatives dé-
licates, de commencer par laver ainsi l’albumine
avant de s’en servir; maisje ne crois pas que cette
précaution soil nécessaire dans des expériences
comparalives, où il s’agit de différences massives :
de l'absence plus ou moins totale de digestion, ou
de la digestion de 10 à 20 ou de 20 à 40 grammes
d'albumine., et quelquefois de 40 à 60 grammes.
Depuis, j'ai néanmoins répété les expériences de
Corvisart, de Schiff et de Meissner, avec de l'albu-
mine « lavée », et elles m'ont donné exactement
les mêmes résultats qu'avec l’albumine coagulée
telle quelle; j'ai donc abandonné le lavage préa-
lable de l’albumine, comme étant superflu.
Aujourd'hui, la présence et l'abondance, dans
les infusions pancréatiques, d’un puissant ferment
proléolytique, du moins pendant la période diges-
live indiquée plus haut, ne fait plus aucun doute.
Ce ferment est actuellement désigné par le
mot de /rypsine, el l'on appelle quelquefois les
produits finaux de la transforinalion tryptique des
albumines /ryplones, pour les distinguer despeptones
qui résultent de la digestion peptique des albu-
mines: peplones el {ryptones ne sont pas tout à fait
1 V. pour les détails : Herzen, La glicerina e la digestione
pancrealica. Trans. della Reale Accademia dei
Roma, 1879.
Lincei.
A. HERZEN -_ LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES
identiques. La trypsine se distingue de la pepsine
par les caractères fonctionnels suivants :
Elle est active dans un milieu neutre ou même
légèrement alcalin ; une très faible acidité (1 pour
1.000 d'HCI) n'empêche pas son activité; mais, pour
peu qu’elle augmente, elle l’enraie de plus en plus
et finit par l’arrèler ; le mélange neutralisé reprend
son activité. La trypsine ne supporte pas les degrés
énormes de dilution qui sont favorables à l’activilé
de la pepsine et ne digère rapidement et copieuse- :
ment qu'à la condition d'être relativement très
concentrée ; en infusant un pancréas dans 20 à 40
fois son volume de véhicule, l’on a à peu près la
concentralion la plus favorable. On se souvientque
Schiff a démontré que, dans des expériences conve-
nablement conduites, la quantité d’albumine digé-
rée est proportionnelle à la dose de pepsine pré-
sente el que la pepsine se détruit en digérant; je
ne sache pas que pareille constatation ait été faite
par rapport à la trypsine. ;
Il
Nous avons vu que la trvpsine apparait en quan-
tilé notable % heures environ après le repas; il
semblerait qu'un changement visible dût se passer
dans le pancréas au moment où il devient le siège
de cette nouvelle activité; lorsqu'une glande entre
en fonction, elle se congestionne; or le pancréas,
pàle et anémique avant le repas, rougit et se con-
gestionne bientôt après; il fournit alors un suc
abondant, mais ce suc ne contient que deux de ses
ferments, celui qui saccharitie les amidons et celui
qui émulsionne la graisse, el ne contient pas le
troisième; au contraire, lorsque la trypsine v
apparait, on ne constate dans la glande aucun
changement appréciable. Un changement corres-
pondant se passerail-il ailleurs, dans un autre vis-
cère? :
Les anciens savaient déjà que la rate est tantôl
petite, contractée el anémique, tantôt (urgescente,
beaucoup plus volumineuse et pleine de sang; ils
soupconnaient vaguement un rapport entre celte
congestion splénique, qui coïncide avec le culmen
de la digestion, et la digestion elle-même : mais
ils pensaient que la rate contribue à la formation
du sue gastrique: ils savaient, cependant, que
l'extirpation de la rate u’exerce aucune influence
sur la santé générale.
Cuvier, en se basant sur des considérations d’a-
nalomie comparée, a exprimé l'opinion que la rate
pourrail bien contribuer à la formation du suc
pancréatique, mais il ne donne aucune preuve à
l'appui.
Hälons-nous d’en venir aux fails posilifs. J’em-
prunte au grand travail de Schiff les données bi-
bliographiques suivantes :
+ tattoo ot an) a Sd "De di de À et à
|
|
|
_ Leuret et Lassaigne, en 1825, ont constaté que
la rate commence à se congestionner au moment
où l'estomac déverse abondamment son chyme
dans le duodénum et où les chylifères se remplis-
sent. La coïncidence est bien réelle, mais il n'ya
aucun rapport de causalité entre ces deux faits :
si on lie le pylore bientôt après le repas, la rate se
congestionne quand même plus tard.
Dobson, en 1847, a constaté que, chez le chien,
3 heures après le repas, la rate est encore aussi
petite et aussi anémique que pendant le jeûne;
qu'elle commence à se dilater pendant la 4° heure
après le repas; que à heures après le repas elle
atteint sa turgescence maximale: qu’elle diminue
ensuite à partir de la 7° heure et atteint vers la
12° heure son volume minimum.
Landis, en 1847, a établi que, chez le lapin, le
poids de la rate, relativement à celui du corps,
est le même 2 heures après le repas qu'après
48 heures de jeûne; qu’il augmente considérable-
ment dès la 5° heure et reste très élevé jusqu’à 1
12° heure. ;
En 1855, Schônfeld, sous la direction de-Van
Deen, a comparé le poids de la rate à celui du corps
chez six lapins jeünants et digérants du même âge.
Voici (tableau 1) ce qu'il a trouvé :
Tableau I.
HEURES POIDS RAPPORT
AU POIDS DU CORPS
APRÈS LE REPAS
DE LA RATE
.180
.137
138
996
1.062
à 2.140
La coïncidence de ces différentes observations
sur le volume et sur le poids de la rate chez le
chien et chez le lapin, avec les résultats des expé-
riences de Schiff sur la présence de la trypsine
dans le pancréas, est de toute évidence.
Plusieurs autres observations ont confirmé ces
faits. Dittmar et Vogel, en 1850, ont étudié à ce
point de vue les changements de volume de la
rate chez l’homme, au moyen de la percussion;
ils ont trouvé qu’elle commence à gonfler 4 heures
après le repas, atteint environ 2 heures plus tard
son volume maximum et diminue ensuite peu à
peu, pour revenir au minimum.
Dans les nombreuses expériences que j'ai faites
plus tard (depuis 1877) sur des chiens, j'ai
observé quelques irrégularités dans l'apparition
de la dilatation splénique : non pas qu’elle se
produise jamais en dehors de la période digestive
A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES
EE
=
[de]
1
avec laquelle elle coïncide habituellement, mais
elle manque quelquefois, au moment où elle
devrait être très prononcée; j'ignore si, dans ces
cas, une congestion faible et fugace s'élait produite
plus tôt ou si, aucontraire, le phénomène se serait
produit plus lard; il m'a semblé qu'il faisait défaut
lorsque l'animal sacrifié au moment le plus favo-
rable, à une forte congestion de la rate (1° neure
après le repas), n'avait pas jeüné assez longtemps
avant de recevoir le dernier repas. J'ai prié M. le
D° Weith, de Lausanne, alors interne à l'hôpital
cantonal (1882), de faire à ce sujet quelques
observations sur les convalescents; il semble
résulter de ces observations que, lorsque le pre-
mier déjeuner du matin est très copieux, la rate
est gonflée vers midi, heure du diner, et que, au
contraire, si le premier repas est très léger, la
rate ne gonfle que vers 4 heures, après le second:
on dirait qu'après avoir une fois fonctionné, elle a
besoin d’un certain temps pour pouvoir fonelionner
de nouveau, et que, pour la mettre en activilé,
il faut que le repas ait une certaine importance.
Le synchronisme frappant qui existe entre la
congestion de la rate et la présence de la trypsine
dans le suc ou dans l’infusion pancréatiques a
poussé Schiff à répéter toutes ses expériences pré-
cédentes, relativement à la digestion tryptique des
albumines, sur des animaux dont la rate avait éle
extirpée depuis longtemps, ou chez lesquels elle
était empèchée de se dilater par la ligature de son
bile, faite au moment même de l'expérience.
Toutes les méthodes précédemment employées
ont élé mises en œuvre de nouveau chez un très
grand nombre de chiens et de chats; presque
toutes les expériences ont été doubles, c'est-à-dire
exécutées en même temps et de la même manière
sur deux animaux, choisis aussi semblables que
possible, et dont l’un seulement avait la rate
extirpée ou liée. Pour tous les détails, je renvoie
au travail original de Schiff cité plus haut; je ne
puis donner ici que quelques exemples typiques
de ces différentes expériences :
1. — Infusions.
1° Ligature du hile splénique. — Deux chats, à jeun
depuis 19 heures, recoivent de la viande à discré-
tion; une heure après le repas, ils sont éthérisés,
la rate, contractée, est sortie de l'abdomen; son
hile est entouré d'un fil solide; chez l’un des
animaux on lie fortement le hile; chez l’autre on
ne serre pas le nœud, de facon à ‘laisser la cireu-
lation splénique parfaitement libre; les deux rates
sont replacées dans la cavité abdominale et la
plaie est sulurée. Remis de l’éthérisation, les
animaux n'ont pas l’air souffrant. Ils sont sacrifiés
G heures plus tard; la digestion stomacale est plus
195
A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES
avancée chez celui dont les vaisseaux spléniques
sont liés: les deux pancréas, découpés en menus
fragments, sont infusés chacun dans 100 centi-
mètres cubes d’eau et tenus pendant une heure à
l'éluve à 35°; ensuite on décante cette eau et on la
remel à l'éluve avec des cubes d'albumine. Ré-
sullat : en Theures l’infusion provenant du chat
sans ligature digère 17 grammes d’albumine;
l'autre #e digère rien, même au bout de 12 heures".
Un grand nombre d'expériences semblables ont
élé pratiquées sur des chats et surtout sur des
chiens: elles ont toujours donné le mème résultat.
Mais, malgré la perfection de la digestion stoma-
cale, on pourrait, dans ce cas, accuser le trauma-
tisme de l’absence de la digestion duodénale: il
fallait donc répéter ainsi ces expériences :
2° Extirpation de la rate. Deux chiens, dont l’un
a subi un mois auparavant la splénectomie el se
trouve en parfaite santé, sont opérés de la manière
suivante, à jeun: éthérisation, ligature du pylore,
injection de 50 grammes de peptone et 2 grammes
de dextrine dans l’estomac par lœsophage mis à
nu et ouvert: ligature de l’œsophage, en aval de
l'ouverture (pour l'écoulement de la salive déglu-
lie). Les deux animaux sont sacrifiés au bout
de 5 heures; chaque pancréas est infusé dans
100 grammes d'eau pendant 3/# d'heure, à l’étuve
à 39°; bien que la mort soit survenue avant le
moment le plus favorable, l'infusion provenant du
chien avec rate digère en 12 heures 17 grammes
d’albumine: celle du chien sans rate ne digère rien
en 18 heures.
Les nombreuses expériences faites de cette ma-
nière ont toujours donné le même résullat; le
chien sans rate avait souvent subi la splénectomie
plusieurs mois avant l'expérience ; on a toujours
eu soin de constaler sa parfaite santé.
2, — Digestion dans le duodénum.
1° Ligature du duodénum à ses déux bouts. — Deux
chiens, à jeun depuis 47 heures, reçoivent de la
viande à discrélion, et sont, immédiatement après
le repas, opérés de la manière suivante : éthéri-
salion, laparotomie, Higature du pylore et du con-
duit biliaire. introduction de 30 à 40 cc. d’albu-
mine dans le duodénum (aprèsla production d'une
ecchymose sous-muqueuse très élendue), ligature
à la limite du jejunum : plus, chez l’un des deux
animaux, ligature du bhile splénique. Sacrifiés
7 heures plus lard: dans le duodénum du chien à
rale liée, l'albumine est intacte; elle a disparu dans
celui de l’animal témoin.
Des expériences de ce genre ont souvent été ré-
Les infusions vées inactives ont été quelquefois lég
rement acidulées |
elardant la putréfaction.
observer plus longtemps,
> acélique pour pouvoir les |
pétées, habituellement sur des animaux qui avaient
depuis longlemps subi la splénectomie : le résultat
a Loujours été le même.
Il est clair qu'on peut combiner les expériences
de ce lype avec celles du précédent; on n'a qu'à
faire l’infusion du pancréas dès qu'on a sacrifié
les animaux. Ces infusions ont toujours donné un
résultat concordant avec celui que fournissait le
duodénum ; celles qui provenaient des animaux Lé-
moins ont digéré les doses habituelles d’albumine :
les autres rien. On se souvient que, chez les chiens
normaux de grande laille, Schiff a trouvé, même à
jeun, une petite quantité de trypsine; chez les gros
chiens dératés, il n’en a jamais lrouvé.
2 Digestions dans le duodénum normal muni de
| fistule.
Comme il s'agit ici d'innombrables observations
poursuivies pendant des semaines et des mois
entiers sur les animaux porteurs de fistule duodé-
nale, d'abord avant la splénectomie, el puis après
celle opération, je préfère donner en peu de mots
la manière de procéder qui fournit les meilleurs
résultats, plutôt que de citer un exemple concret.
Après avoir élabli chez un chien une fistule duo-
dénale et avoir attendu que l'animal soit complè-
tement revenu à l'élat normal, on introduit tous
les jours dans son duodénum une quantité mesu-
rée d'albumine, toujours la même, renfermée dans
un petit sachet de membrane fibreuse, fixé à la ca-
nule par un fil de quelques centimètres, et l’on ob-
serve le temps que met cette dose d’albumine à se
digérer. On arrive ainsi à élablir que, lorsque l'ani-
mal est à jeun, elle met, par exemple, 5 à 6 heures
à se dissoudre: si les deux ou trois dernières
heures tombent sur celles qui suivent immédiate-
ment l'ingestion du repas, rien n'est changé; mais,
si on introduit l'albumine 4 heures après le repas.
elle disparait beaucoup plus vite, en la moitié du
temps environ. Cela élant dûment constaté par
un grand nombre d'observations, on exlirpe la
rale, et, après guérison complète, on recommence
les expériences : on trouve alors que le temps em-
ployé pour la dissolution de Falbumine est tou-
jours de à à 6 heures, que l'animal soit à jeun ou
en pleine digestion; l'accélération que l'on avail
auparavant après la 4 heure de la digestion sto-
macale, et qui coïncidail avec l'apparition de la
trypsine dans le suc et dans l'infusion pancréa-
tiques et avec la dilatation de la rate, manque à
présent. La digestion len/e de l'albumine est sans
doute due à l’action du suc propre de la muqueuse
duodénale, tandis que sa digestion rapide est due
à la trypsine du sue pancréatique ; celle-ci ne se
produit pas lorsque la rate manque.
Toute cette longue recherche, dont, je le répète.
je #'ai cité que quelques exemples, conduit forcé-
vise mé
A. HERZEN — LA DIGESTION
TRYPTIQUE DES ALBUMINES 199
ment à la constatation du fait que, lorsque la rate
est extirpée ou lorsqu'elle est empêchée de se dila-
ter par la ligature de son hile (et j'ajouterai en-
core: lorsque, spontanément, pour une raison
quelconque, elle n'entre pas en congestion), la
lrypsine fait défaut dans le suc et dans l’infusion
pancréaliques pendant la phase digestive, pendant
laquelle elle s’y trouve chez l’animal normal. En
d'autres termes, la conclusion forcée que ce fait
impose, c’est que non seulement la présence de la
rate, mais sa congestion est nécessaire à la for-
mation de la trypsine. Le pancréas d'animaux pri-
vés de leur rate se comporte toujours (même en
pleine digestion) comme celui d'animaux normaux
à l’état de jeûne.
IT
Telest le fail. Quant à l'explication, celle que Schiff
en a donnée, il y a plus de trente ans, ne pouvait
ètre que très semblable à sa théorie de la pepto-
génie; l’état des connaissances acquises à cette
époque n'en permetlait point d'autre; pour la for-
mation de la pepsine, Schiff avait conclu que les
glandules de la muqueuse stomacale ont besoin,
pour la produire, de certaines substances qui ne
se trouvent pas toujours dans le sang, qui y
manquent à l’état de jeûne et qui lui sont fournies
soit par les aliments, soit par les produits de la di-
gestion. Pour la formation de la trypsine, il con-
clut que le pancréas la produit aux dépens d'une
partie des subslances peplogènes; mais cette partie
doit ou bien subir dans la rate (pendant sa conges-
tion) une modification préalable, afin de pouvoir
êlre utilisée par le pancréas, ou bien être modifiée
dans le pancréas lui-même, sous l'influence d’une
substance fournie par la rate congestionnée ; 1 penche
pour cette dernière alternative.
Relativement au rôle de la rate, cette explication
est encore vraie aujourd'hui; relativement à l’ori-
gine de la trypsine, elle ne correspond plus à nos
connaissances actuelles; j'aiexposé, dans mon petit
volume sur la digestion stomacale, la modification
qu'a dù subir celle de la peptogénie !; j'exposerai
plus loin la transformation, tout à fait analogue,
que doit subir celle de la #ryplogénie; je ferai seule-
ment observer ici que, quels que soient les change-
ments devenus nécessaires dans la théorie des
faits constatés alors par Schiff, les faits eux-
mêmes restent absolument entiers et sont aujour-
d'hui ce qu'ils ont toujours été, pourvu qu'on se
place dans les mêmes conditions. Or, les condi-
tions dans lesquelles Schiff était obligé de se ser-
yir de la méthode des infusions (la seule que ses
successeurs aient mise en œuvre) étaient, à certains
? A. Herzex. La Digestion slomnacale, Paris 1886, p. 30etsuiv.
égards, très défavorables: il n'avait à sa disposition
que l’eau comme véhicule des infusions pancréa-
tiques; et, la trypsine exigeant pour déployer
toute son activité un milieu neutre ou très légère-
ment alcalin, il était sans cesse talonné par le dan-
ger de la putréfaction el condamné à une méthode
expéditive, celle des infusions rapides; celles-ci
ont cependant, à d'autres égards, des avantages
incontestables etn’ont pas peu contribué aux deux
grandes -et belles découvertes de Schiff dans la
physiologie de la digestion : l'influence des pepto-
gènes sur la production de la pepsine et l’influence
de la rate sur celle de la trypsine.
Cette méthode est abandonnée aujourd’hui,
grâce aux véhicules antiseptiques qu'on possède,
et au déplacement des problèmes actuellement à
l'étude ; il ne faut pas oublier que la question des
proferments n'existait pas à cette époque et que les
infusions provisoires non seulement remplissaient
parfaitement leur but, mais répondaient, et ré-
pondent encore, mieux que les extractions com-
plètes en usage aujourd’hui, aux questions qu’on
cherchait à élucider *.
Lorsque, il y a plus de trente ans, j'entrai
comme assistant au laboratoire de Schiff, à Flo-
rence, il était en train, tout en poursuivant d’autres
recherches, de répéter les expériences sur l’in-
fluence de la rate sur la production de la trypsine ,
de sorte que j'ai eu la chance de les voir toutes
exécutées par lui-même à maintes reprises; il
lenait à convaincre le nombreux auditoire d'élu-
diants et de médecins qui se pressaient à son
cours. Plus tard, j'ai assisté à une nouvelle répé-
lition de ces expériences, mais cette fois avec l'em-
ploi de la glycérine que v. Wittich venait de pro-
poser comme véhicule des infusions digestives.
Dans les années subséquentes, je les ai moi-même
répétées en me servant soit de la glycérine, soit
de mon propre véhicule, de la solution d'acide
borique, saturée à Ia température ambiante. Elles
ont toujours donné le même résultat, sauf quel-
ques rares exceplions, d’ailleurs faciles à expliquer.
Ainsi, pour moi, cette influence de la rate sur la
digestion pancréatique, en tant que fait directe-
ment constaté et très facilement constatable, ne
saurait faire l’objet du moindre doute, et je ne
puis m'empêcher d'exprimer encore une fois mon
admiration pour la perspicacité et la persévérance
de celui qui, malgré la méthode dont il disposait
pour l'étude des infusions pancréaliques, a réussi
à enrichir la science d’un fait de cette importance.
1 Les extractions complètes offrent le danger de la transfor-
mation « spontanée» des proferments en ferments actifs:
c'est là la grande source d'erreur à laquelle la plupart des
successeurs de Schiff n'ont pas échappé. Plus on prolonge l'ex-
traction, plus aussi on égalise les extraits actifs et inactifs;
ces derniers finissent même par l'emporter sur les premiers.
ov0
ÉCP AR. L'é
A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES
d’ailleurs suffisamment établi par les expériences
sans infusions, dont j'ai donné des exemples plus
haut, et qui sont à elles seules décisives.
Cependant les physiologistes accueillirent le ré-
sultat de Schiff avec un scepticisme complet; on ne
s'était pas encore familiarisé avec l’idée des sécré-
tions internes et de l'influence à distance, entre un
organe el l'autre, qui en résulte; au lieu de répéter
les expériences de Schiff, on fit le silence autour de
son travail. Je ne connais que trois ou quatre ten-
‘atives de critique à prétentions expérimentales ;
elles n’ont aucune valeur et sont à peu près de la
‘orce de celles qui furent adressées de différents
cotés à ses constatations relativement à l'influence
des peplogènes sur la production de la pepsine
active (v. p.29,40, 41,43 de ma Ziyest. stom.). A titre
de curiosité scientifique, je n’en citerai qu'une ici :
En 1868, six ans après la publication du grand
travail de Schiff, parut à Milan une critique «expé-
rmentale » de Lussana !. L'auteur y donne une
description incomplète de trois expériences sur
lesquelles il se fonde pour rejeter les résultats de
Schiff; il exlirpe la rate à trois chiens, elles sacri-
fe ensuite pour infuser leur pancréas et étudier le
pouvoir digérant des infusions. Elles ont digéré:
Che. le premier chien, 15° 40 (!) d’albumine en
% heures ; infusion acidulée; peptonisation non
vérifiée ;
Chez le deuxième chien, 20 centigrammes (!),
sans indication du temps employé; infusion acidu-
lée ; peplonisation non vérifiée ;
Chez le troisième chien, l'infusion est divisée en
deux moitiés, dont l’une est acidulée et l’autre
laissée neutre; mises à l’étude pour 12 heures,
chacune avec 1 gramme {!} d'albumine ; la moitié
neutre ne digère rien, la moitié acidulée 25 centi-
grammes ; peptonisalion non vérifiée.
Les quelques centigrammes d'albumine disparus
sont évidemment à mettre sur le compte de la dis-
solulion microlytique de l'albumine par l'acide
très dilué, et il serait au fond inutile de s’occuper
davantage des deux premiers chiens, qui semblent
parler clairement en faveur des faits constatés par
Schiff; il est cependant intéressant de noter que le
deuxième chien a été sacrifié 4 jours après la splé-
nectomie el que l’autopsie a révélé chez lui «un
processus d'enléropéritonite » : le troisième chien
ä, il est vrai, été sacrifié 3 mois après la splé-
nectomie, mais « son pancréas avail une couleur
rouge foncé » et «les vaisseaux en offraient l’as-
pect qu'ils ont à l’état d'inflammation chronique ».
Schiff n'aurait tenu aucun compte de telles expé-
riences ; il les aurait tout simplement considérées
comme non avenues, à cause de l’élat pathologique
1 Annali Universali di Medicina, Milano, 1868.
des animaux: et c’est ce que Lussana aurait dû
faire.
Reste le premier chien, qui semble avoir été bien
portant, et dont l'infusion pancréatique semble,
en effet, avoir donné une faible trace de digestion,
— à moins, cependant, quil ne s'agisse d’une
simple dissolution par l'acide; c'est là une supposi-
tion bien naturelle, attendu que ce chien a été sa-
crifié rois heures après le repas, — de sorte que,
s’il avait possédé la plus active des rates, il n'aurait
pas encore eu de trypsine dans son pancréas, puis-
qu'elle n’y apparait que 4 heures après le repas:
son pancréas s’est comporlé comme il le devait,
c'est-à-dire comme celui d'un chien à jeun ; l’au-
teur a donc rendu cette expérience nulle en tuant
l'animal quelques heures trop tôt.
. Néanmoins, il conclut de ses malheureuses ten-
tatives : d’abord que l’absence de la rate ne dimi-
nue en rien le pouvoir peptonisant du suc pancréa-
tique, attendu que, même à l’état physiologique, il
ne digère pas davantage (!) et que, le pancréas ma-
lade perdant sa faculté peptonisante, il est naturel
que Schiff ne l'ait pas trouvée chez ses lapins
dératés.
Que dire d’une pareille critique ? Il n'y a qu'à
s’incliner et à avouer que Schiff aurait dû faire deux
ou trois expériences sur des chiens, ou au moins
sur des chats, avant de conclure! Mais il est triste
de penser que quelques méchantes petites cri-
tiques de ce genre puissent jeter le doute sur le
résultat de recherches poursuivies pendant de
longues années, et faire adopter dans la littérature
physiologique la phrase stéréolypée : « L'hypo-
thèse de Schiff n'a pas soutenu le contrôle expéri-
mental. »
Si les résultats de Schiff ont jamais couru un
danger sérieux, du moins en apparence, cela a été
au moment de la belle découverte des proferments
par Heidenhain et ses élèves.
De même que la muqueuse gastrique ne forme
pas d'emblée la pepsine aclive, mais la propepsine,
qui s'accumule dans ses glandules entre une diges-
tion et l’autre, le pancréas ne forme pas d'emblée
la trypsine active, mais une substance destinée à
devenir trypsine dans certaines condilions et dans
une certaine phase de l'acte digestif : la pro/rypsine
(ou zymogène pancréalique.
Nous en savons plus long sur la transformation
de la protrypsine en trypsine active que sur celle du
ferment gastrique ; elle semble consister simple-
ment en une oxydation. Les recherches de Ileiden-
hain sont bien connues: je n'en rappellerai iei que
l'essentiel :
Le pancréas d’un chien à jeun ne contient point
de trypsine, mais seulement de la protrypsine;
son infusion (glycérique) ne digère pas. Lorsque
A PT ET ON NT
èé
l'a
A. HERZEN — LA DIGESTION
TRYPTIQUE DES ALBUMINES »01
le chien est en pleine digestion, l'infusion de son
pancréas digère; elle contient de la trypsine active.
Si l’on prend le pancréas d’un chien à jeun el
qu'on le divise en deux moitiés, pour en infuser
une tout de suite et l’autre seulement au bout de
2% heures d'exposition à l’air, la première infusion
ne digère pas, la deuxième digère (pourvu, bien
entendu que le pancréas, au moment de la mort,
contienne du proferment): il est clair que la pro-
trypsine qu'il contenait s'est spontanément trans-
formée en trypsine active.
Or, il suffit de soumettre une infusion pancréa-
lique riche en protrypsine et pauvre en (rypsine,
et par conséquent inactive, ou à peu près, à un
courant d'oxygène, pour la transformer en une
infusion possédant un pouvoir digérant d'autant
plus considérable que l'infusion contenait plus de
zymogène. La transformation dont il s'agit con-
siste donc en une oxydation : la trypsine est de la
protrypsine oxydée !.
J'ai souvent répété ces expériences de Heiden-
hain, toujours avec le même résultat; j'ai, en outre,
élé amené dans le cours de mes recherches ulté-
rieures à conslater un fait de biochimie fort inté-
ressant. Malgré les services incontestables que
l'acide borique m'a rendus dans ces recherches,
en empêchant absolument la putréfaction, sans
ralentir la digestion, il n'a pas répondu entière-
ment à mon espoir : il nempèche pas complète-
ment la transformation graduelle du zymogène
(par une lente oxydation directe); elle est seule-
ment sensiblement ralentie par ce véhicule, sur
lequel la glycérine concentrée l'emporte sous ce
rapport; mais, comme le retard de la digestion
causé par la glycérine est un inconvénient très
grave, et qu'on est obligé de la diluer d’au moins
deux fois son volume d'eau (ce qui permet la
lente transformation du zymogène), j'ai voulu voir
si le zymogène contenu dans le liquide borique
résisterait davantage après asphyxie des animaux
au moyen de l'inhalation d'acide carbonique ou
d'oxyde de carbone. J'ai fait deux doubles expé-
riences avec chacun de ces gaz :
1° Deux chiens, l'un à jeun, l'autre en pleine
digestion, sont tués par inhalation de CO?; le pan-
créas du chien à jeun ne manifesta qu'une digestion
extrêmement tardive et lente; celui du chien en
pleine digestion offrit le pouvoir digérant habituel
dans ces conditions; ainsi le CO? ne nuit pas à la
trypsine et ralentit seulement l'oxydation de la
la protrypsine.
! Cette oxydation spontanée du zymogène pancréatique a in-
duit en erreur plus d'un observateur; elle constitue le danger
des longs séjours à l'étuve : à la longue, foules les infusions
linissent par digérer, et mème celles des animaux à jeun plus
que les autres, puisqu'elles contiennent plus de zymogène.
2° Deux chiens, l’un à jeun, l’autre en pleine
digestion, sont tués par inhalation de CO; le pan-
créas du chien jeûnant ne digéra absolument rien;
celui du chien en pleine digestion se montra, lui
aussi, absolument inactif.
Ou bien ces deux chiens étaient malades, et
leur pancréas ne contenait point de zymogène, ou
bien le CO avait détruit ferment et proferment,
Non, car sous l'influence d’un courant d'oxygène
(que j'ai cependant dû prendre plus abondant et
plus prolongé que d'habitude), ces deux infusions
acquirent un pouvoir digérant très considérable.
Donc, le CO ne nuit pas à la protrypsine, il en
empêche seulement l'oxydation; de plus, il réduit
la trypsine; enfin, comme il faut, pour la recons-
tiltuer, employer un courant d'oxygène beaucoup
plus abondant et prolongé qu'avec les liquides
protryptiques ordinaires, il est clair que le CO ne
chasse pas simplement l'oxygène de la trypsine,
mais se met à sa place : j'avais dans mes infusions
de la protrypsine oxycarbonée. J'ai donc ainsi
trouvé, chemin faisant, un phénomène qui est le
pendant de ce qui se passe avec l'hémoglobine
sous l'influence de CO.
J'ai plusieurs fois répélé ces expériences avec
le même résultat; mais le CO? n’offrant qu'un
avantage insignifiant et le CO délruisant toute
possibilité de faire les expériences comparatives
qui étaient mon vrai but, je les ai abandonnées.
Revenons au zymogène de Heidenhain.
Le fait établi par cet éminent physiologiste, de
la formation et de l'emmagasinage continus de la
protrypsine dans le pancréas, et sa transformation
en trypsine active pendant la phase culminante
de la digesiion prouvait irréfutablement que
celte substance avait une origine indépendante de
toute influence extérieure au pancréas lui-même,
et semblait, par conséquent, renverser tous les
résultats de Schiff relativement à l'intervention
de la rate. Cependant, les faits constatés par
Schiff subsistaient quand même ; on se trouvait en
face de deux séries de faits, en apparence contra-
dictoires; je dis ex apparence, car les faits bien
observés ne peuvent pas être en contradiction
les uns.avec les autres, et, lorsqu'ils semblent
l'être, cela vient de ce que nos théories explica-
tives de ces faits sont fausses ou incomplètes. IL
me sembla qu'en modifiant l'hypothèse de Schiff
relativement à la manière dont la rate intervient
dans la tryptogénie, ou arriverait facilement à
concilier les faits établis par Heidenhain avec les
faits établis par Schiff, et à montrer que, loin de
s'exclure, ils se corroborent réciproquement.
Sans doute, le zymogène se forme continuelle-
ment et, par conséquent, indépendamment de la
rate et de sa congestion périodique; il s’accumule
502 A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES AL BUMINES
dans les cellules glandulaires pendant le jeûne et
se trouve en abondance dans le pancréas d’ani-
maux privés de la rate; mais il ne se transforme
en trypsine active qu'en présence de la rate et en
proportion directe avec la dilatation splénique; il
se pourrait donc que la rate produisit pendant sa
congestion fonctionnelle une substance inconnue
(une véritable « sécrétion interne », comme on
s'exprime aujourd'hui), substance qu, entrainée
par le courant sanguin, allät transformer le zymo-
gène inerte, déposé dans le pancréas, en trypsine
active, destinée à passer dans le suc de la glande,
et que l’influence exercée par ce produit splénique
sur le zymogène fül une condition sie qu& non de
la transformation de celui-ci en trypsine, du moins
dans le pancréas vivant, puisque, dans le pancréas
mort, il se transforme par oxydation directe.
Cette hypothèse était confirmée par le fait qui
ressort des recherches de Schif et de Heidenhain,
à savoir que le contenu du pancréas en zymogène
est, à un moment quelconque du jeûne ou de la di-
gestion, toujours en proportion inverse avec son
contenu en trypsine, et vie versa, landis que son
contenu en trypsine esten proportion directe avec
la dilatation splénique. Le tableau IT rend la chose
évidente :
RE —
reuses; au point de vue de mon but spécial, elles
ont même constitué une série d’insuccès, bien que
toutes aient été de brillantes confirmalions des ré-
sultats de Schiff, et soient, à ce point de vue, fort
instructives !. Comme j'ai plus tard considérable
ment perfectionné la méthode et obtenu des résul-
Lals dont la netteté ne laisse rien à désirer, il me
paraît inutile de m’arrêter ici sur mes expériences
de Florence, et préférable de passer fout de suite à
celles que j'ai faites à Lausanne. Entre celles-là et
celles-ci, j'avais constaté les qualités précieuses de
l'acide borique au 4 à 5°}, comme véhicule des
infusions digestives, et j'ai fait une série d'essais
de digestion tryptique de la fibrine ; les infusions
boriques digèrent beaucoup plus vite que les gly-
cériques, et la fibrine cède beaucoup plus vite que
l’albumine à l'influence de la trypsine. C’est pour-
quoi j'ai adopté exclusivement l'usage de l'acide
borique en solution aqueuse, saturée à 43 ou 20° C.,
et j'ai toujours conduit de front deux essais pour
chaque liquide digérant : l'un avec la fibrine.
l’autre avec l’albumine. Les expériences avec tri-
turation des deux viscères ayant toujours donnéle
même résultat que celles avec mélange de leurs
infusions préparées séparément, je les ai abandon-
nées, comme étant superflues. Enfin, pour avoir
Tableau II
MOMENT DE LA MORT CONTENU EN ZYMOGÈNE
A jeun Maximum.
2 ou 3 heures après le repas. Id.
Env. 4 heures » Diminution.
6 à Theures » Minimum,
8 à 10 heures ) Id.
Ausmentation.
Maximum.
12 à 16 heures
24 heures
CONTENU EN TRYPSINE DILATATION SPLÉNIQUE
Rien ou minimum, Minimum.
, Id.
Commencement.
Apparition.
Maximum.
Maximum. -
Diminution. Diminution,
Minimum ou rien. Minimum.
d. Id,
IV
Quelque probable que fût mon hypothèse, il fal-
lait en démontrer la justesse par des expériences
directes ; je me proposai d'essayer de saisir dans la
rate elle-même la mystérieuse substance fournie
par sa sécrétion interne, non pas pour l'isoler chi-
miquement (nous ne savons pas même isoler Ja
pepsine, ni la trypsine), mais pour en constater la
présence en la faisant agir sur du zymogène. J’en-
trepris donc des expériences consistant soit à trilu-
rer ensemble un morceau de pancréas inaclif avec
un morceau de rate congestionnée, pour infuser
ensuite ce mélange des deux organes, soit un mor-
ceau de chacun d’eux séparément afin de voir si la
première infusion ou le mélange des deux der-
nières seraient actifs.
Mes premières tentatives ne furent pas très heu-
dans les liquides à comparer la même dose initiale
de zymogène, j'ai toujours ajouté à la portion d'in-
fusion pancréatique qui devait agir seule, le même
volume de véhicule simple que celui de l’infusion
de rate que je mélangeais à la portion destinée à
révéler l'influence du ferment splénique.
Plusieurs chiens ont été Lués à différentes
époques de la digestion stomacale et leurs pan-
créas immédiatement infusés dans environ dix fois
leur volume de solution boriquée:; deux rates forte-
ment congestionnées ont été infusées, l’une dans
de l’eau distillée bouillie, l'autre dans la solution
boriquée {je ne parle que de ces deux rates, parce
que ce sont elles qui m'ont servi dans les exemples
suivants). Toutes les infusions sont préparées en
l Voir pour les détails, A. Herzen, Sulla funz. dig.d. milza
« Imparziate ». Firenze, 1877, ou « Moleschott's Untersuchun-
sen »,v. XIL, fase, 1.
ÉD) dit de
_ les tenant 16 à 18 heures à l’étuve à 40°; de cha-
cune des infusions pancréatiques, je mets à l'étuve
huit échantillons (quatre pour la fibrine et quatre
pour l’albumine) dilués ainsi :
No 1, avec deux fois son volume d’eau distillée bouillie.
NP:2, Nr — de solution boriquée.
No 3, — — — d’infusion boriquée de rate.
No 4 — — — d’infusi
No #4, infusion aqueuse de rate.
_ J'observe les progrès de la digestion au bout de
. L'heure, 3 heures, 6 heures et 24 heures; les deux
. premières observations sont les plus importantes,
. surtout pour la fibrine qui se digère très vile, les
deux dernières le sont surtout pour l’albumine
qui se digère très lentement. J'ai complètement
A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES 503
l. Infusion pancréalique presque inactive.
DIGESTIONS AU BOUT DE
A —
1 heure 3 heures 6 heures 24 heures
ï 6 10
(Ne «| 0
MD ne NUS 0 (l 1 1
Fibrine., [Re 3- i 8 10
No xs 1 10
"5 ae (l (0 (l 2
. No:9:;: (0 0 0 0
Alt e &
Albumine No 0 i s 5
No’. (0 2 5 8
2. Infusion pancréalique presque inactive.
DIGESTIONS AU BOUT DE
D —
1 heure 3 heures 6 heures 24 heures
ce { \o ñ 1
Ne renoncé aux réactions chimiques sur les produits | Fibrine.. | Ÿ < ù Ê 1
# de la digestion, ainsi qu'aux pesages des restes PÈRE 5 10
. d’albumine ou de fibrine, soumis à l’essiccation; N° 1. 0 (D 0 1
avec un peu d'habitude on estime très exactement | Albumine À Ê° 5: ÿ À £
à l'œil nu pour la fibrine, avee une loupe pour No 4. 0 3 6 8
F# F3 F'la2
10
9
- &
| 7 A4
6
2 4 A3.
# il
| 3
2. «A1
à 1 2
0
Re 6” 127 24°
% Fig. 1. — A signifie albumine et F fibrine. N° 1, infusion boriquée de pancréas, plus deux volumes d’eau;
No 2, la même, plus deux volumes d'acide horique au #4 à 5 °/,; N°3, la mème, plus deux volumes d’infu-
sion boriquée de rate congestionnée; N° 4, la même, plus deux volumes d'infusion aqueuse de la même
> rate. À gauche, sont les dixièmes de la dose habituelle d'albumine ou de fibrine; en bas, les heures 1,
l’albumine (en cas de doute) la marche et l’éner-
gie de la digestion. Comme je prends toujours la
même quantité de liquide digérant et de subs-
tances à digérer, toutes mes expériences sont
comparables entre elles, et je puis indiquer en
- dixièmes de la quantité initiale de fibrine ou d'al-
. bumine celle qui, au moment de l'observation, a
été digérée ; cela n’est sans doute qu'une indica-
tion approximative; mais les différences dont il
s’agit sont tellement grandes que cela suflit; au
fond, nous n'avons besoin que de savoir si tel ou
lel liquide digère vite et beaucoup, peu et lente-
ment, ou pas du tout.
Cela dit, voici deux exemples de mes expé-
viences :"
"date lt Et ht
- ! On en trouvera un certain nombre dans le travail que j’ai
publié, en 1883, dans le vol. XXX des Archives de Pflüger.
Dans ces deux expériences, l'énorme laccéléra-
tion de la digestion de la fibrine sous l'influence
des deux infusions spléniques est de toute évi-
dence; quant à l’albumine, elle n’est digérée d’une
facon tant soit peu appréciable que sous cette in-
fluence ; comme c’est le n° 4 qui digère le plus,
on pourrait ètre tenté d'attribuer son action à là
neutralisation de l'infusion pancréatique borique -
par l'infusion splénique aqueuse ; à ce soupçon, le
n°3 constitue une réponse suffisante: en outre,
lorsqu'il y a de la trypsine active dans le pancréas,
l'acide borique ne retarde la digestion que fort
peuet pas toujours: il l’accélère même quelque-
1 La seule indication qui ne soit pas absolument exacte
ici, c’est celle du moment où foute la substance à digérer
disparait; il est probable, par exemple, que le No 3 avait
tout dissous au bout de 7 ou 8 heures et le N° # au bout di
4 ou 5 heures. Mais c'est le commencement qui importe et
non la fin.
504 A. HERZEN
fois, sans qu'il m'ait été possible de déterminer les
fait; enfin, j'ai ob-
résullals avec
faites
conditions dans lesquelles il le
des
avec
tenu exactement les mêmes
infusions pancréaliques el spléniques
de la glycérine neutre.
Dans quelques-unes de mes expériences, la di-
gestion par le mélange des deux infusions à été
encore beaucoup plus rapide; j'ai quelquefois vu
disparaitre toute la dose habituelle de fibrine au
bout de la première heure: quelquefois j'ai, dans
ce cas, ajouté une nouvelle dose de fibrine, et je
lai souvent vue
troisième heure:
alors, elle aussi, plus rapide, mais elle a rarement
totalité, mème au bout de
disparaitre à son tour avant la
la digestion de l'albumine était
élé dissoute dans sa
24 heures.
La figure 1 représente graphiquement la marche
habituelle, moyenne, d'une telle expérience.
LA DIGESTION TRYPTIQUE
DES ALBUMINES
ou d'animaux en pleine digestion) exercent sur les
infusions pancréaliques peu ou point actives, la
mème influence que les infusions de rates conges-
tionnées et dilalées, mais à un bien moindre degré,
si bien que quelquefois elle est inappréciable. J'ai
aussi trouvé quelques irrégularités dans le pan-
présence d’une certaine quantité de lryp-
sine alors qu’il ne devait pas y en avoir; ce sont
les cas ou le repas PESSQens n'a pas élé assez
copieux et où le pancréas n’a pas expulsé toute la
trypsine qu'il a produite; c’est contre de telles
irrégularités qu'on se prémunit au moyen d’un
repas préparatoire très abondant.
Il serail dificile d'obtenir une
riences plus concordantes entre
dant, en outre, plus parfaitement, aussi bien avec
celles de Schiff qu'avec celles de Heidenhain. Je
me crois donc autorisé à conclure que : Dans le
créas :
série d’expé-
elles, et concor-
Fig. 2. Digestion par le mélange de deux infusions.
Fibrine, 3 heures d'étuve.
et 4. Quantité primilive, conservée dans l'alcool.
&œt
conservé dans l'alcool.
La figure 2
flacons d'une expérience semblable; le volume
réel du liquide digérant est, en proportion avec la
masse à digérer, deux fois plus considérable que
celui de l'alcool dans cette figure.
L'infusion pancréalique provenant d'un animal
en pleine digestion (six à sept heures après le
repas) fait ordinairement à peu près ce que font
dans cet exemple les numéros 38 el 6, et souvent
bien plus encore.
Le nombre total de mes expériences dépassail
de beaucoup celui des exemples que j'ai publiés en
1883 ; je
elles ne
les ai souvent répélées depuis, et jamais
m'ont fait faux bond, — sauf, naturelle-
ment, les cas, peu fréquents d'ailleurs, où la con-
gestion de la rate ne se produit pas, el qui on
utilité; en effet, les infusions de
rates contractées et anémiques (d'animaux jeünant
aussi leur grande
représente fidèlement l'uspet des
Atbumine, 12 heures d’étuve.
et 5. Reste laissé par l’infusion pancréalique seule, rincé et conservé dans l'alcool.
et 6. Reste laissé par le mélange des infusions du même pancréas el d'une rate congeslionnée, rincé et
pancréas vivant, lu protrypsine se transforme en t'yp-
sine active sous l'influence d'une substance qui se pro-
duit dans la rate, en quantité proportionnelle à l'inten-
silé de sa congestion.
J'ai exposé, au Congrès des Médecins allemands,
tenu à Strasbourg en 1886, quelques flacons sem-
blables à ceux qui sont figurés plus haut ; les phy-
siologistes qui les ont examinés ont lous reconnu
que les différences entre les restes laissés par les
infusions pancréaliques seules et le mélange des
infusions pancréalique el splénique, sautaient aux
yeux ; un des physiologistes les plus éminents
d'Allemagne me fit à ce sujet, dans une conversa-
tion particulière, une objection qui me fit des-
cendre l'âme dans le talon, comme on dit en russe :
zymogène pancréalique est
« très avide d'oxygène: d'autre part, la rate con-
« lient beaucoup de sang, et, notamment pendant
« Vous savez que le
E
Ÿ
« sa dilatation, elle en est gorgée; vos infusions
« spléniques sont intensément colorées d'hémoglo-
« bine dissoute ; dès lors, l'accélération incontes-
« table et considérable de la digestion que vous
« obtenez en les mélangeant à des liquides pro-
« tryptiques, pourrait s'expliquer tout simplement
« par la rapide oxydation du zymogène aux
« dépens de l’hémoglobine. » :
Bien que celte objection n’atteignit en aucune
facon les expériences si nombreuses el si variées
de Schiff, et bien que j'eusse à lui opposer des
arguments de probabilité, tels que la vénosilé bien
connue du sang contenu dans la rate, l'identité des
résultats obtenus après asphyxie par CO?, et même
par CO, elle ne laissa pas que de m'embarrasser
fortement ; elle méritait, en tout cas, une mise à
l'épreuve expérimentale directe; aussi m'empres-
sai-je, dès mon retour à Lausanne, d'exécuter l'ex-
périence suivante :
Le pancréas d'un chien normal, à jeun, est in-
fusé dans de la glycérine pure; cette infusion, une
fois prête à être examinée, est divisée en huit par-
lies égales: ces huit portions sont mélangées à
huit échantillons de sang reeu directement dans
un volume double de glycérine et dont quatre pro-
venaient d'un autre chien à jeun, el quatre d'un
chien en pleine digestion, avec une rate fortement
dilatée. Les quatre échantillons furent pris, pour
chaque animal, de l'artère et de la veine fémorales,
et de l'artère et d’une grosse veine spléniques ; les
huit flacons sont mis à l'étuve à 40° avec la dose
habituelle de fibrine.
Il est évident que le sang artériel, fémoral et |!
Splénique des deux animaux contenait plus d’oxy-
hémoglobine que leur sang veineux; il devait done,
d’après l'objection de mon collègue, exercer sur le
zymogène une influence puissante et égale; au
contraire, d’après mon explication, c’est le sang
veineux splénique qui devait seul exercer cette
influence, et surtout celui de l’animal digérant.
Voici le résultat de l'expérience :
Au bout d’une heure de digestion, il n’y avail
encore aucune {race visible de digestion sous l'in-
fluence du sang fémoral, artériel ou veineux, ni du
sang splénique artériel du chien jeunant; pre-
mières traces de digestion sous l'influence du sang
splénique veineux de cet animal; digeslion assez
avancée sous l'influence du sang fémoral, artériel
ou veineux, et du sang splénique artériel du chien
digérant ; fibrine presque entièrement disparue sous
l'influence du sang splénique veineux de l’animal
digérant !.
La réponse ne saurait être plus claire: le produit
de la sécrétion interne de la rate, celui du moins
1 Voir Semaine Médicale 1887.
A. HERZEN — LA DIGESTION TRYPTIQUE DES ALBUMINES
205
qui concerne la rapide transformation de la pro-
trypsine en trypsine active, esl entrainé par le cou-
rant sanguin; il se trouve dans le sang de la cireu-
lation générale en quantité appréciable, mais faible
pendant la dilatation de la rate, pendant laquelle
il est abondant dans le sang splénique veineux:
lorsque la rate est contractée, il y en a des traces
dans le sang splénique veineux seulement.
Cette expérience, plusieurs fois répélée, m'a
toujours donné le même résultat. Ce n’est donc pas
le sang comme tel qui favorise la transformation
du zymogène pancréatique en -trypsine; c’est le
sang en lant que véhicule de la substance inconnue
qui jouit de cette propriété et qu'il puise dans la
rale.
Je ferai observer, en conclusion, que cette fonc-
lion digestive de la rate n'exclut nullement les
fonctions hématopoïétiques que la plupart des
physiologistes lui attribuent : elle pourrait bien,
au contraire, être intimement reliée à ces fonctions.
Jusqu'à présent, je n'ai pas rencontré, dans la
littérature physiologique, de critique sérieuse des
recherches que je viens d'exposer succinctement ;
je n'ai vu que deux ou trois courtes allusions dubi-
latives, sans faits à l'appui, ou avec une seule
observalion, défectueuse el dénuée de toute va-
leur ; à deux de ces allusions j'ai répondu en 1893
et 4894 !: il est inutile d'yrevenirici. Mais en voici
une nouvelle : Dans le n° d'avril 1895 des Archives
de Physiologie, MM. Carvallo et Pachon relatent une
très intéressante expérience qu'ils ont faite sur un
chat : ils ont réussi à extirpercomplètement l'esto-
mac età suturer l'æœsophage au duodénum ; l'ani-
mal a guéri et se porte bien, ilestseulement un peu
délicat quant à la qualité des aliments; loutes les
albumines dont son organisme a besoin sont donc
digérées presqueexelusivement par le suc pancréa-
tique (en petite partie, sans doute, aussi par le suc
brunnerien et entérique). Les auteurs se proposent
de pratiquer chez ce chat l'extirpation de la rate,
et croient que cela constituera un « experimentum
crucis » pour ou contre les résultats de Schiff et les
miens : pour, peut-être ; mais contre certainement
pas ; car c'est une de ces expériences qui sont déei-
sives en cas de résultat positif, mais quine prouvent
rien en cas de résultat négalif; en effet, l'alterna-
tive est celle-ci :'’ou bien, après la splénectomie,
le chat mourra d'inanition, ou bien il survivra el
continuera tant bien que mal à se nourrir ; dans le
premier cas il sera prouvé une fois de plus, et par
une nouvelle méthode, qu’en l'absence de la rate,
le pancréas ne digère pas les albumines; dans le se-
cond cas, les microbes, que les auteurs font inter-
RE —
1 Rate et Pancréas, C. R. des séances de la Sociélé de
Biologie, S. du 29, 7,93. Le Jeüne, le Pancréas et la Rate,
Archives de Physiologie, n° de janvier 1894.
506
venir pour une si large part dans les expériences
faites avec des infusions, et qui seront plus abon-
dants que jamais dans l'intestin de leur chat, pour-
ront donner libre cours à leur action protéoclaste,
et, aidés des sues intestinaux, ils réussiront peut-
être à conjurer une inanition rapide, ce qui ne prou-
vera absolument rien contre l'absence de trypsine.
D'ailleurs, ni Schiff, ni moi, nous n'avons jamais
prétendu que le zymogène se transforme en tryp-
sine exclusivementsous l'influence du fermentsplé-
nique, et l’on sait qu'il se transforme peu à peu
« spontanément », dans le pancréas abandonné au
contact de l'air, rapidement dans les infusions
aqueuses et lentement danslesinfusions boriquées;
il suffit peut-être que le pancréas, surchargé de
zymogène, en déversàl une partie dans l'intestin,
avec les autres constituants de son suc, pourqu'il
s'y transformät en trypsine; cela n’est cependant
guère probable, car rien de pareil ne s’est produit
dans les expériences de Schiff au moyen de fistules
duodénales et dans le duodénum converti en réci-
pient passif chez ses chiens dératés.
Quant aux microbes, leur ingérence élail assuré-
ment très dangereuse à l’époque où l’on se servait
de l'eau comme véhicule des infusions:;: je la crois
insignifiante ou nulle dans les infusions glycériques
etboriquées ; je les ai souvent conservées avec des
restes non digérés au fond, des semaines et des mois |
y
LE SOUDAN FRANÇAIS
entiers, sans y constater la moindre trace de putré-
faction ; elles finissent seulement, si elles sont mal
bouchées, par se couvrir, à la longue, d’une couche
de moisissure. Ne serait-il pas fort curieux, d’ail-
leurs, que les microbes s’'introduisissent seule-
ment dans les flacons contenant des infusions pan-
créatiques aclives ou des mélanges d’infusions
spléno-pancréatiques, et point dans ceux qui con-
tiennent des liquides protryptiques inactifs ?
Tout cela ressemble, à s'y méprendre, à un retour
du spectre de la putréfaction, sous le nom plus
moderne d'influence des microbes. On oublie seu-
lement une chose : c’est que le suc et les infusions
pancréatiques aqueuses se putréfient d’autant plus
facilement et rapidement qu'ils sont moins actifs.
La méthode des infusions mélangées est la seule
qui puisse résoudre définilivement la question
dont nous nous sommes occupé, et, à mon avis,
elle l’a résolue. Le liquide protryptique seul ne
digère pas, ou très tardivement et lentement; l’ex-
trait splénique ne digère absolument rien; le mé-
lange des deux digère vite et beaucoup; voilà le
fait. On ne veut pas de notre explication. Qu'on en
fournisse donc une meilleure, et nous serons,
Schiff et moi, les premiers à la reconnaitre.
A. Herzen,
Professeur de Physiologie
à lUniversité de Lausanne,
QUESTIONS
D'AFRIQUE
LE SOUDAN FRANCAIS
On discute beaucoup en ce moment du Soudan
et à propos du Soudan. Le régime militaire et le
régime civil auxquels notre colonie a été successi-
vement soumise trouvent d'ardents défenseurs, De
là des polémiques plus ou moins passionnées qui,
comme toutes les polémiques, dépassent souvent
leur but. On nous permettra peut-être d'apporter,
au milieu de ces divergences de vues, la note posi-
tive à laquelle sont habitués les lecteurs de la Æe-
Vue.
Le Soudan (fig. 1, p. 509) n’est pas de ces heu-
reuses colonies qui n’ont pas d'histoire : il en a
une, glorieuse, très glorieuse même, où tous les
corps de la marine ont prouvé à nouveau, par
nombre d'actions d'éclat, leur vaillance, leur en-
durance el leur héroïsme. Officiers et soldats, tous
ont accompli leur devoir avec l'énergie et le dé-
vouement qui caractérisent les lroupes francaises.
Au début de cette étude, c’est un hommage que
nous nous empressons de leur rendre, précisé-
ment parce que nous serons amené à discuter de
très près la valeur de l’œuvre-matérielle qu'ils ont
accomplie.
I. — Du SÉNÉGAL AU NIGER.
Ce qui déconcerte, en effet, quand on étudie la
marche de nos affaires en Afrique occidentale, c’est
la comparaison entre le programme inilal et le {ra-
vail réalisé.
De quoi s’agissait-il tout d’abord? De joindre
l'Atlantique au Soudan central par une voie ferrée.
On était en 1879, au moment où l'on discutait les
tracés du chemin de fer transsaharien, et les
Sénégalais, le brave général Faidherbe en tête,
opposaient au chemin de fer parlant du Sud-
algérien une ligne ayant le Sénégal comme point
de départ. Comme il arrive souvent en France
quand deux solutions sont présentées pour un
seul problème, on mit tout le monde d’accord
en acceptant le principe des deux voies de pé-
PP RP CURE QT
nt Le
- nélralion. Le colonel Flatters partit d'Algérie et
périt misérablement au cours de son second
voyage d'exploration : son désastre amena l’ajour-
nement indéfini des projets de transsaharien, re-
. pris depuis avec une louable persévérance, mais il
faut l'avouer, sans beaucoup de chances de succès,
Ë Du côté du Sénégal, on ne rencontra pas au
- début les mêmes diflicultés. On put reconnaître
3 topographiquement les territoires à traverser jus-
- qu'au Niger, et dresser un avant-projet de voie de
4 pénétration. Cette voie devait être mi-ferrée, mi-
fluviale. De Dakar. notre grand port sur l'Allan-
tique, un chemin-de fer, aboutissant à Saint-Louis
… (263 kilomètres), permettait d'éviter les inconvé-
- nien{s de la barre du Sénégal. De Saint-Louis à
… Kayes, le fleuve Sénégal, quoique n'étant navigable
- que pendant quelques mois, présentait des facilités
de transports suffisantes pour ajourner la construc-
lion d’une voie ferrée de 500 à 900 kilomètres sui-
vant qu’on eût coupé au plus court à travers le
désert de Ferlo ou qu'on eût suivi le cours du Sé-
négal. À partir de Kayes, par un second chemin
. de fer de 550 kilomètres environ, on pouvait at-
- teindre le Niger à Bammako, c’est-à-dire près du
_ point où le grand fleuve africain commence à
| être navigable.
Le programme se résumait ainsi dans la cons-
truction de 800 kilomètres de chemin de fer, qui
- ouvriraient au commerce français tout le Soudan
occidental.
- Le Parlement se rendit avec réserve aux raisons
qui lui furent présentées. À partir de l’année 1880,
- il vota des crédits assez importants en vue de
- commencer la ligne de Kayes au Niger, que l’on
- S'accordait à juger assez facile à établir, d’après
les reconnaissances faites en 1879-1880 par diverses
- missions topographiques. Seulement, l'expansion
de la colonie du Sénégal vers le Niger ne conserva
pas le caractère pacifique qu'on s'était plu à lui
attribuer tout d'abord. Aussi, le Parlement, après
- avoir voté les crédits aflérents à la première sec-
tion de la ligne, — celle de Kayes à Bafoulabé, —
se montra réfractaire à pousser une expérience
qui lui parut devoir être fort onéreuse pour ses
linances métropolitaines. Il ne faut pas oublier
qu à ce moment, la France était engagée un peu
- partout : au Tonkin, à Madagascar surtout, et que
- les affaires du Soudan devaient alors être menées
- avec la plus extrême prudence. On regrettera
i peut-être qu'il n'en ait pas toujours été ainsi.
II. — LA QUESTION TOUCOULEURE,
Il n'est pas difficile de montrer les origines des
» résistances du Parlement.
OUnconnail El Hadj Omar, le prophète toucouleur,
né au Sénégal, près du poste de Podor, vers 1840,
LE SOUDAN FRAN(AIS 507
el qui, après des guerres fort sanglantes, s'élail
créé un vaste empire dans le Haut-Sénégal et dans
le Moyen-Niger.
EL Hadj Omar échoua dans ses entreprises contre
le Sénégal, fut battu par Faidherbe, et ne put ainsi
rallacher à ses possessions les provinces toucou-
leures du Bas fleuve, celles où il avait vu le jour.
Par contre il imposa sa domination aux popula-
tions du Moyen-Niger, depuis les contreforts du
Fouta Djallon jusqu'aux abords de Tombouctou.
Sil ne conserva pas Tombouctou, qui échappa à
son influence après sa défaite, près du marigot de
Goundam, par les Touareg, par contre, il réussit à
s'implanter dans le Macina. Et, bien que les Peulhs
de ce pays, dépossédés par El Hadj Omar, aient
fini par tuer leur vainqueur, les Toucouleurs se
maintinrent dans le Macina grâce à l'appui des
Habés, population d'humeur indépendante, puis-
sante dans la région et que El Hadj Omar avait, en
somme, délivrée de la tutelle des Peuhls.
L'empire toucouleur ne survécut pas à son fon-
dateur, en tant qu'empire unitaire, Mais les pays
conquis restèrent sous la domination de la famille
d'El HadjOmar. Trois des fils du conquérant furent
rois. Ahmadou eut la plus belle part : le Haut-Séné-
gal (avec les places fortes de Nioro dans le Kaarta.
de Goubanko dans le pays de Kita, de Koundian
dans la vallée du Bafing) et le Moyen-Niger avec
Ségou.
A Tidiani, échut le royaume du Macina. Agui-
bou reçut en partage le pays de Dinguiray entre
le Haut-Sénégal et le Haut-Niger.
Les fils d'El Hadj Omar et les chefs toucouleurs
se rappelaient les lultes soutenues contre les Fran-
çais du Sénégal. En vingt-cinq ans, on n'oublie pas
des défaites retentissantes. Aussi, quand, en 1880,
nousrésolimes de nous avancer du Bas-Sénégal vers
le Niger, nous nous trouvämes en face de la puis-
sance toucouleure.Ily avait à résoudre une question
toucouleure. Voyons comment elle fut résolue.
Une mission toute pacifique, confiée au capi-
taine Galliéni, partit du Sénégal à la fin du mois
de janvier 1880. Elle passa à Bafoulabé, à 130 ki-
lomètres de Médine, où l’on construisait un nouveau
poste sur k ligne de Kayes-Médine au Niger: elle
constata l'hostilité de la place forte toucouleure de
Goubanko, voisine du village malinké de Kita,
avec lequel elle signa un trailé de protectorat, et
elle arriva au commencement du mois de mai dans
le pays bambara du Bélédougou. Jusque-là le
voyage s’élail fait sans encombre : il n’en fut plus
de même quand la mission s’approcha du Niger.
Le 41 mai, à deux jours de marche de Bammako. la
petite troupe du capitaine Galliéni fut assaillie par
les Bambaras : elle eut 15 tués, 16 blessés et 7 dis-
parus. Les assaillants furent toutefois repoussés,
508
et le capitaine Galliéni, précipilant sa marche,
put rejoindre le lendemain, à Bammako, deux
sections secondaires de sa mission qui avaient
exploré d’autres routes.
L'avertissement élait sérieux. Néanmoins le
capitaine Galliéni, n’écoulant que son courage, sui-
vant d’ailleurs ses instructions, traversa le Niger et
se dirigea vers Ségou où résidait Ahmadou, le prin-
cipal chef des Toucouleurs. Or, Ahmadou recul la
nouvelle mission française comme il avait reçu,
en 1864, la mission du lieutenant de vaisseau
Mage que Faidherbe lui avait envoyée: pendant
neuf mois, du 1° juin 1880 au 1° mars 1881, le capi-
taine Galliéni et ses compagnons furent en quelque
sorte internés à Nango, à 40 kilomètres à l’ouest de
Ségou. Aux avances qui lui furent faites, Ahmadou
répondit par des fins de non-recevoir jusqu'au jour
où il prit peur en apprenant la marche en avant
d'une colonne française.
Le lieutenant-colonel Borgnis-Desbordes, de
l'artillerie de marine, nommé commandant supé-
rieur du Haut-Sénégal, à la fin de l’année 1880,
avait formé une colonne de 83#hommes, dont 424
combattants, afin d'assurer le libre parcours sur la
ligne de Kayes au Niger. Il se proposait de cons-
truire un poste à Kila, à 300 kilomètres de Kayes,
à 180 kilomètres environ de Bafoulabé, et à
200 kilomètres à peu près du Niger navigable.
Kita était peuplé de Malinkés hostiles aux
Toucouleurs de Goubanko. C’est même pour cela
que les chefs de la vilie avaient traité avec le
capitaine Galliéni quelques mois auparavant, cer-
tains ainsi d'être protégés contre les Toucouleurs
qui les avaient asservis depuis une trentaine d’an-
nées.
Le colonel Borgnis-Desbordesfitconstruire un fort
à Kita,et, pendant quele personnel non combattant
procédait à cette édification, il partit en colonne
contre Goubanko, qui témoignait toujours de son
hostilité. Après un bombardement de quatre
heures, l'assaut fut donné: la ville fut prise après
une lutte acharnée qui nous coùla des pertes sen-
sibles. Cela se passait le 7 février 1881.
L'événement eut un retentissement énorme dans
tout le Soudan. Les Toucouleurs de Ségou, en ap-
prenant la destruction de Goubanko, demandèrent
à Ahmadou de mettre à mort la mission Galliéni.
Mais le sultan savait que c'était provoquer la
marche d'une colonne francaise sur Ségou : il pré-
féra signer le traité d'amitié que lui proposait le
capilaine Galliéni. Le 1% mars 1881, l'accord était
conclu; vingl jours après, la mission pouvait quitter
les États d’'Ahmadou. et l’on put penser alors que la
pénétralion vers le Niger allait pouvoir dorénavant
s'effectuer quand survinrent de
nouveaux ei graves évènements.
pacifiquement,
|
LE SOUDAN FRANCAIS
—_—_—_—_—_—_—_—_———…——…—…—…—…—…"…"—…"…"…—"—"—"…"—"—"…"—"—"—"…"—"—"—"— — ——— —————
III. — PREMIÈRE GUERRE CONTRE SAMORY.
Depuis plusieurs années un nouvel El Hadj Omar
terrorisait la rive droite du Haut-Niger: c’était
Samory, un Malinké, d'abord marchand, puis petit.
chef de guerre, qui était parvenu, en quelques
années à se tailler un vaste royaume tout autour de
Bissandougou, le centre du pays de Ouassoulou.
Samory est un conquérant soudanais qui, quand
il est vainqueur, brûle les villages, tue les hommes
âgés, prend les jeunes gens pour en faire des
guerriers, emmène les adultes etles femmes pour
en faire des esclaves. En 1881, Samory opérail
dans le nord de ses États, etses bandes de sofas as-
siégaient la ville de Kéniéra, située à 40 kilome-
tres de Siguiri, à 200 kilomètres au sud de Kita.
Les indigènes effrayés craignaient une invasion
de Samory dans le Haut-Sénégal. Ils demandèrent
qu'on surveillät les agissements du chef malinké
et qu'au besoin on protégeàt les gens de Kéniéra.
C’est dans ces conditions que le commandant supé-
rieur, par intérim, envoya en mission auprès de
Samory le lieutenant indigène Alakamessa. C'était
une mission évidemment pacifique : on demandait
à Samory d’épargner Kéniéra. Le conquérant,
qu'Alakamessa dut aller trouver loin du Niger, à
Galaba, prit la démarche comme un ordre d’avoir
abandonner ses projets de conquête. Alakamessa,
menacé de mort, revint à grand'peine à Kayes.
C'était incontestablement une grave injure in-
figée au prestige de l'autorité militaire française.
Peut-être que la sagesse eût consisté à laisser
Samory tranquille, quitte à se défendre énergi-
quement s'il avait franchi le Niger et menacé notre
mouvement vers le Niger. Mais le colonel Borgnis-
Desbordes pensa qu'il était de notre intérêt «le
laver l'injure faite à notre oflicier et de tenter
d'arrêter, par une campagne énergique, la marche
éventuelle de Samory sur la rive gauche du Niger.
C'est dans ces condilions que la colonne du Haut-
Sénégal, dont l'objectif pour la saison 1881-1852
était le simple ravilaillement des forts de Bafou-
labé et de Kita, fut dirigée contre Samory. Partide
Kita, le 16 février 1882, avec deux cents hommes de
troupe, le lieutenant-colonel Borgnis-Desbordes
se dirigea sur Kéniéra où il arriva le 26. L'armée
de Samory avait, suivant la mode soudanaise.
édifié deux réduits fortifiés (sagnés), d'où elle sur-
veillait la ville assiégée. La pelite troupe francaise
enlève le sagné du nord; Samory évacua avant
l'allaque du sagné du sud : c’élait un succès, mais
sans profit, car, depuis plusieurs jours, les défen-
seurs de Kéniéra s'étaient rendus à Samory. Et,
quand la pelite colonne revint sur ses pas, elle
fut poursuivie par les troupes de Samory, don
elle ne fut délivrée qu'après le combat de Koba.
PRE PE NP UP DE
. Aussi, franchissant le N
Elle revint à Kita le 11 mai 1881,
sauvé les gens de Kéniéra,
n'ayant pas
et ayant décidé
_Samory à entrer en hostilités avec nous. La péné-
tration de la France vers le Niger cessait d'être
pacifique. C'est à main armée qu’elle allait déci-
_ dément avoir à se faire.
Samory n'élait pas un homme à reculer devant
nous. Son échec du marigot de Koba n'était pas de
LE SOUDAN FRANCAIS | 309
Soudan. Le fort de Bammako, commencé le 1° fé-
vrier, fut terminé à la fin du mois de mars
c'est au moment où la colonne du colonel Des-
bordes se préparait à rentrer à Kayes que l’on
signala la marche des bandes de Samory : 4.000 fan-
tassins el 200 cavaliers, commandés par Fabou.
s'avançaient vers Bammako. Le lieutenant-colonel
_ Desbordes les attaqua sur la route de Kita, au
marigot d'Oneyako, les 2, 3 et 5 avril 1883. Le
12
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Fig. 1. — Le Soudan francais.
telle nature qu’il pût désespérer de nous vaincre.
iger,ilenvoya un de ses lieu-
nt. Fabou, menacer directement la colonne
qu'au printemps de 1883 le lieutenant-colonel
Borgnis-Desbordes dirigeait de Kita sur Bam-
mako. Cette colonne ne comprenait pas moins de
. 540 hommes. Elle commenca par enlever la place
forte toucouleure de Mourgoula, au sud-est de
Kila, la place bambara de Daba, avant de fonder,
sur le Niger, le fort de Bammako, point terminus
de notre voie de pénétration du Sénégal vers le
lieutenant de Samory fut baltu ; toutefois laduréede
la lutte indique assez son opiniätrelé. Fabou tenta
de revenir à la charge : il fut encore battu trois
fois. Mais Samory en était quitte pour reformer
de nouveaux contingents. Kabou resta sur la rive
gauche du Niger, à la hauteur de Tangabé, à 100 ki-
lomètres sud-ouest de Ségou : la ligne de Kita-
Bammakou n’était pas encore garantie contre les
attaques de Samory!
L'année 1884 ne fut signalée par aucun événe-
ment de guerre important. Mais un fait politique
510
grave se produisit : Ahmadou quitta Ségou pour
se rapprocher du Sénégal, et il alla se fixer dans
le Kaarta, à Nioro, d'où il put nous surveiller de
plus près. Il menacait nos communications au nord,
tandis que Samory nous inquiétait vers le sud-est.
Le commandant Combes, commandant supérieur
du Haut-Sénégal pour la saison 1884-1885, marcha
sur Samory, qui assiégeait le petit poste français
de Nafadié, au Sud-Est de Niagassola, où s’édifiail
un fort. La lutte fut chaude : en peu de temps, dix
combats furent engagés jusqu'à ce que Samory,
battu au marigot de Kokoro (13 juin 1885), songeal
à se replier. Mais c'était pour revenir plus en forces
l'année suivante. Il fallut que le lieutenant-colonel
Frey l’attaquàäl à nouveau.
Cetle fois, la déroute d'une de ses colonnes,
dispersée à Fatako-Djingo,amena l'almamy à trai-
ler el à nous reconnaitre la possession des térri-
loires situés au nord du Niger et de son affluent
de gauche. le Tankisso.
INT — T'ACCALMIE.
Cetle paix nous permit de nous débarrasser d'un
nouvel adversaire, le prophète Mahmadou-Lamine
qui agita la vallée supérieure du Sénégal, et dont
le lieutenant-colonel Galliéni nous débarrassa au
cours de la campagne de 1887-1888. Elle eut aussi
l'avantage d'amener Ahmadou à traiter égalementet
à conclure, en mars 1887, une convention en vertu de
laquelle il placait ses États sous notre protectorat.
Une ère de tranquillité s'ouvrit ainsi pour le
Soudan. On profita de celle accalmie pour orga-
niser nos nouvelles possessions. Le Haut-Sénégal
et le Haut-Niger furent détachés de la colonie du
Sénégal et formèrent la colonie du Soudan fran-
cais. La reconnaissance du Niger fut commencée
par la canonnière Viger, commandée par le lieute-
nant de vaisseau Caron. Binger partit pour son
beau voyage à travers la boucle du Niger. Enfin,
on s’occupa de prolonger, par un pelit chemin de
fer Decauville de 0,50, l& ligne de chemin de fer
de Kayes à Bafoulabé.
Ajoutons que Samory fit preuve alors de dispo-
silions conciliantes. Il avait envoyé en Franée son
fils, le célèbre Karamokko. Il consentit, à son tour,
à signer, avec le capitaine Péroz, un second traité
par lequel il nous abandonnait le pays situé entre
le Tankisso et la rive gauche du Niger.
De celte manière, les Élats élaient séparés de la
colonie anglaise de Sierra-Léone, ce qui facilitail
la conclusion d'un arrangement fixant au sud-
ouest la frontière du Soudar français.
V. — NOUVELLES CAMPAGNES CONTRE ATIMADOU.
Cet élat de paix pouvait-il durer en raison du
9
caractère lurbulent des populalions soumises
LE SOUDAN
FRANÇAIS
Les uns prétendent que oui. D’autres affirment le
contraire. Ce qui est certain, c’est que la lutte
reprit avec Ahmadou d'abord, avec Samory en-
suile.
Le commandant Archinard, de l'artillerie de ma-
rine, commandant supérieur du Soudan en 1888-
1889, s'attacha tout d’abord à compléter l'organi-
sation administrative de la colonie, à s'occuper du
chemin de fer, à envoyer le lieutenant de vaisseau
| Jaime en mission vers Tombouctou avec le Niger
et le Wage. Plus tard, il dut rouvrir la période des
guerres, à la suite de l'affaire de Koundian.
Koundian était une ville forle toucouleure, une
des anciennes citadelles que El Hadj Omar avail
construiles dans le pays Bambara, et qui s'élevail
dans la vallée du Sénégal, à 60 kilomètres dans le
sud-est de Bafoulabé. Les gens de Koundian auraient
voulu continuer leurs déprédations habituelles
chez les populations voisines, qui étaient jadis
sous leur dépendance. On leur fil des remontrances.
amicales d'abord, plus énergiques ensuite, Les
Toucouleurs, toujours prêts à la lutte, se laissèrent
entrainer par les fanatiques de leur race. Koun-
dian devint un centre de résistance. Rien ne dit
qu'il n'aurait pas élé possible d’avoir raison des
Toucouleurs de Koundian par l'intermédiaire du
chef des Toucouleurs, notre protégé Ahmadou,
sultan de Ségou et de Nioro. Mais on préféra
trailer isolément la question de Koundian. Des
fautes furent commises pendant un intérim de
gouvernement; les gens de Koundian commencè-
rent les hostilités et on dut finalement avoir
recours à la force brutale, Le commandant Archi-:
nard marcha contre la ville, qui fut canonnée et
enlevée d'assaut après un vif combat.
Ce fut, il est vrai, le seul acte de guerre de la sai-
son 1888-1889, mais il eut les plus graves consé-
quences. Ahmadou, qui est loin d'être un homme
de guerre, poussé par les chefs de son royaume, se
prépara à entrer en lutte ouverte avec nous. Il fil
alliance avec Abdoul Boubakar, le chef du Fouta
sénégalais, avec Samory, el bientôt un mouvement
hostile se manifesta sur toute notre ligne depuis
le Moyen-Sénégal jusqu'au Niger.
Le lieutenant-colonel Archinard ne voulul pas
attendre que la coalition pût nous assaillir de
toutes parts. Il se prépara résolument à la guerre
en allaquant d’abord les Toucouleurs. À la fin de
l'année 1889. il concentra une colonne avec laquelle,
le 6 avril 1890, ilenleva Ségou à Madani,qu'Ahmadou
son frère, avait laissé dans ses provinces du Niger.
Puis ilrevint vers le Kaarla, où Ahmadou concen-
trait ses troupes; il prit les forteresses toucouleures
d'Ouossébougou à l’est de Kaarla, de Koniakary,
au sud-ouest de ce même pays, remettant à l’an-
née suivante la suile de ses opérations de guerre.
or
MAN à PR ni LL Kong QE DÔME 5 ar cons A lin Pr du td ah aus HÈ LE
LE SOUDAN FRANÇAIS
o11
Le 1% janvier 1891, il entrait à Nioro, évacué par
Ahmadou; le 3 du même mois,ilsurprenait à Youri
les Toucouleurs désorientés par la vigueur avec
laquelle ils étaient attaqués. Ahmadou, défait,
s'enfuit auprès de son frère Tidiani dans le Macina,
et les Toucouleurs du Moyen-Niger durent se rési-
gner à revenir vers le Sénégal, en abandonnant
les provinces qu'El Hadj Omarleur avait conquises.
Cet exode, dont on à beaucoup parlé à l'époque,
ne laissa pas d’agiter tout le pays. Le lieutenant-
colonel Archinard dut retourner à Ségou complé-
ter la soumission des pays voisins de l’ancienne
capitale d'Ahmadou, et, marchant brusquement
vers le sud-ouest, il alla fondre sur les conlingents
que Samory concentrait dans la vallée du Milo, à
proximité de notre poste de Siguiri.
VI. — NOUvELLE GUERRE CONTRE SAMORY.
Samory, battu, abandonnaKankan où un nouveau
poste fut fondé, battit en retraite sur Bissandougou,
son ancienne capitale, qu'il livra aux flammes après
les combats de Kokouna et de Diamanko (9 avril
1891) où il opposa une vive résistance à notre
colonne.
Nos troupes, épuisées par celte audacieuse cam-
pagne, revinrent sur leur base d'opération. Leur
chef, atteint d’une bilieuse hématurique, ren-
tra en France fatigué — on le serait à moins — par
ses trois commandements consécutifs, et, pendant
ce temps, les bandes de Samory, reconstituées,
viennent prendre position autour de Kankan.
C'est une nouvelle guerre en expectative!
Au lieutenant-colonel Humbert, qui eut le com-
mandement du Soudan pendant la saison 1891-92,
‘échut la lourde tàche de commencer la désorga-
nisation des troupes de Samory qui avait pu, avec
le concours des Anglais de Sierra-Leone, se créer
des {roupes d'élite, armées de fusils à répélition, et
largement approvisionnées de munilions de guerre.
Kankan est débloqué, Bissandougou est réoccupé,
les villes de Sanankoro et Kérouané sont prises et
conservées comme bases d'opérations pour la pro-
chaine campagne, campagne remarquable à tous
égards au point de vue militaire et qui fit le plus
grand honneur au commandant de la colonne : le
lieutenant-colonel Combes.
Dans un raid fantastique de 900 kilomètres, la
colonne Combes parcourut le pays qui s'étend à
l’ouest du Milo jusqu’au Baoulé, affluent de droite
du Niger et jusqu’au fleuve Cavally, qui s'écoule
dans l’océan Atlantique. La partie principale des
troupes de Samory fut atteinte, bousculée, pour-
suivie l’épée dans les reins, disloquée finalement,
- pendant que, dans le Haut-Niger, les capitaines
Briquelot et Dargelos, à la tête de colonnes secon-
daires, traitaient de la même manière les bandes
avec lesquelles Samory tenait les provinces voi-
sines de Sierra-Leone. En quelques semaines, toute
la région qui s'étend entre le Niger, la république
de Liberia et le Haut-Cavally était conquise et
maintenue sous notre autorité par les postes de
Farannah, de Kissidougou et de Beila. Samory
perdait toutes les provinces qui étaient le berceau
de sa puissance.
Pendant ce temps, au nord, le colonel Archi-
uard, revenu au Soudan, formait une colonne, tra-
versait le Kaarta, passait à Ségou, écrasait à
Djenné ceux qui voulaient menacer nos possessions
du Moyen-Niger, allait à Mopti, et à Kori-Kori,
près de Bandiagara, la capitale du Macina, met-
tait en fuite les contingents qu'Ahmadou avait pu
grouper autour de lui, après avoir succédé à son
frère Mounirou, lequel avait hérité de Tidiani.
La double et brillante campagne de Combes el
d’Archinard détruisait ainsi au Soudan toute résis-
tance sérieuse contre nous. On put espérer que
dorénavant le Soudan conquis, et bien conquis,
l'œuvre de pénétration économique allait re-
prendre. On se prit à penser à nouveau au chemin
de fer du Niger. On prépara une mission hydrogra-
phique sur le fleuve; on substitua le gouvernement
civil au gouvernement militaire pour bien montrer
que l’ère des conquêtes militaires élait close. Les
détracteurs systématiques du Soudan n'avaient
guère de motifs pour continuer leurs critiques,
quand une catastrophe vint tout remettre en
question.
VII. — ESPÉRANCES ET DÉCEPTIONS
L'anéantissement de la colonne Bonnier à Dou-
goï (12 janvier 1894), quelques jours après l’oceu-
pation militaire de Tombouctou, montra à tout le
Soudan stupéfail, au lendemain même des reten-
tissantes victoires d’Archinard et de Combes, que
les Français n'étaient pas invincibles. Nos adver-
saires reprirent d'autant plus confiance que le
Gouvernement, afin d'éviter le retour de ces pé-
nibles événements, avait donné des ordres formels
pour que les garnisons de nos postes restassent sur
la plus expresse défensive : cela se comprenail
d'autant mieux que toutes les forces disponibles
furent envoyées dans la région de Tombouctou,
dont la garnison exige, avec les postes voisins,
un bataillon de troupes indigènes.
Samory, que le colonel Bonnier avait battu, le
4 décembre 1893, à Faragara, près de Ténétou, re-
prit espoir. Chassé du Haut-Niger, il pensa retrou-
ver dans les territoires Tiéba une compensation
aux pertes qu'il avait éprouvées; il concentra une
partie de ses bandes dans la vallée du Bagoé, mena-
çant Sikasso, la capitale de Babemba, le fils et
successeur de notre allié Tiéba. En même temps,
son lieutenant Sékouba hâtait sa marche, au sud,
vers le pays de Kong, que Binger a, on s'en sou-
vient, placé sous notre protectorat.
Les derniers événements de la Côte d'Ivoire, l'é-
chec de la colonne du lieutenant-colonel Monteil
aux environs de Kong (février-mars 1895), la re-
traite que nos troupes ont dû subir devant Sa-
mory, montrent que notre vieil adversaire, si sOu-
vent battu, est, aujourd'hui, plus puissant que
jamais. Nous lui avons pris ses États du Haut-
Niger, c’est vrai : seulement il s’est refail un
royaume aux environs de Kong et il a pour luile
prestige que lui donnent à la fois ses derniers
succès et nos récents désastres.
Voilà dans quelle situation se trouve aujourd'hui
le Soudan après quinze ans de luttes! Notre péné-
lration vers le Niger a abouti à une guerre de con-
quêtes dont on ne prévoit pas la fin. Sans doute,
nos arrière-neveux nous devront cette colonie dont
ils sauront évidemment tirer de larges profils.
Mais notre généralion, tout en songeant à l'avenir,
doit-elle se rappeler les mots d'Horace : Quid ferre
recusent, quid valeant humeri? Or l'examen de nos
dépenses pour le Soudan prête à de sérieuses
méditations. En voici le relevé annuel depuis l’o-
rigine.
RES ADO PR dote 1.300.000 francs
ABS EE CE 6.685.000
CP NEOE Dont 8.173.000
BRAS COCA RE 1.690.000
ASE Eee te: >.631.000
LRO dc o0c .000
Tor te be th .000
IST RER eepee ou .000
LSSSE Te met PrN eee 2.000
MSSOSAE. t'es arte 89.000
ASDD sas ae RPM EE .457.000
ARS. NE ere 1.983.000
RPM 7.529.000
LO0BEE bes ehe 8.009.000
BOAT E is re 12.230.000
soil, au total, plus de 84 miilions de francs.
Évidemment, il ne faut pas exagérer la valeur,
comme élément d'appréciation, de semblables cal-
culs. Ce serait un jeu enfantin que de comparer
entre elles les additions des différents services
civils et militaires de notre pays. Mais, en ce qui
concerne le Soudan, on voit les dépenses tripler
en quelques années, alors qu'on cherche vaine-
ment la contre-partie des sacrifices imposés au
pays. El, de plus, ce qui prouve la situation abso-
lument anormale, c’est que les dépenses supplé-
mentaires sont passées de 2.340.000 francs en 1892
et 2.289.800 francs en 1893 à 6.011.000 en 1894.
VIII. — NOTRE ŒUVRE ÉCONOMIQUE AU SOUDAN
Qu'est devenu le programme du général Faid-
herbe au milieu de cetle série d’expéditions mili-
LE SOUDAN FRANÇAIS
D NO Re TES VE
laires sans cesse renouvelées? Peu de chose pour
le moment.
Certes, on a construit la ligne de Dakar à Saint-
Louis, ligne dont l'exploitation donne des résultats
très satisfaisants. Elle a assuré la pacification
totale du Cayor, et, chaque année, on voit diminuer
les charges imposées à la métropole à titre de
garanties diverses. Le lotal de ces garanties était
de 2.676.000 francs en 1886 : il est descendu à
1.268.000 francs en 1892 et à 1.174.000 francs
en 1894.
De Saint-Louis à Kayes, la navigation du Séné-
gal s'effectue très facilement dans la période des
hautes eaux. « Du 15 juillet au 15 septembre, écrit
le commandant Andry, des navires de mer de 1.500
à 2.000 tonneaux, peuvent remonter jusqu'à Kayes.
Depuis 1890, les approvisionnemens de l’État pour
le Soudan sont transportés directement de Bor-
deaux à Kayes par des steamers de 2.000 ton-
neaux.
« Du commencement de juillet au 15 octobre,
des navires de 400 tonneaux ont accès à Kayes
avec un lirant d’eau de 2",50 : enfin, des bateaux
de 50 tonneaux peuvent alteindre la capitale du
Soudan français jusqu'au 15 novembre. Le voyage,
aller et retour, de Saint-Louis à Kayes est de
10 jours.
« On pourrait évacuer, chaque année, par le Sé-
négal, 100.000 tonnes de marchandises, dans
chaque sens. » :
A cet égard, de réels progrès ont élé réalisés et
il importe de signaler encore la création, en 1891,
d’un service régulier de bateaux à vapeur entre
Saint-Louis et Kayes.
Mais où en sont les travaux du chemin de fer
du Niger? Aux débuts de la conquête du Sou-
dan, on a commencé la construction de la ligne
de Kayes à Baloulabé: seulement dans quelles
conditions? Au moment où se formaient des co-
lonnes qui allaient guerroyer dans le Haut-Pays !
A la fin de 1886, on n'était encore arrivé qu'à Dia-
mou, à 54 kilomètres de Kayes, el c'est gräce à
l’activité du colonel Galliéni qu'en 1888, on par-
vint à Bafoulabé. À ce moment, on avait dé-
pensé 13.745.471 francs pour les 132 kilomètres
exécutés.
Depuis il à fallu procéder à une réfection par-
tielle de certains passages défectueux, modifier
quelques parties du tracé, ce qui à occasionné
une dépense supplémentaire de 41.200.000 à
1.300.000 francs. En somme, cest seulement à
partir du 1° janvier 1893 que la voie a pu être
ouverte à l'exploitation commerciale.
D'après les renseignements qui nous ont élé
communiqués, les recettes du chemin de fer ont
élé les suivantes :
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L
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3
È
:
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n Àd
u
NT ERREUR
+
bobsis.Q L' @M @ N) DA dS
A. 07
129.600 fr. 17
269.365 fr. 83
À Bafoulabé était le point terminus de la pre-
mière section de la ligne du Sénégal au Niger. Les
colonels Galliéni et Archinard, désireux de faciliter
les ravitaillements de nos postes, ont fait établir un
Decauville le long de la route qui va de Bafoulabé
_ à Badumbé. En 1887 et 1888, on a consiruit une
ligne de O m. 50 entre Bafoulabé et Dioubéba
(43 kilomètres). Cette voie à faible échantillon
(4 k. 500 par mètre courant) a rendu de très grands
services, mais elle a été bientôt hors d'usage. On
lui a substitué en 1890-91 sur les 38 premiers kilo-
-mèêtres, une voie de O0 m. 60 sur lesquels on a
d'abord effectué une traction à l’aide de mulets.
Plus tard, en raison de la grande mortalité de ces
animaux, on a remplacé la traction animale par la
traction mécanique. Les cinq derniers kilomètres
de la voie de 0 m. 50 ont été récemment remis à
la voie de 0 m. 60, en attendant une transforma-
tion inévitable en voie de 1 mètre : curieux témoi-
gnage de l’unité de vues qui préside à nos affaires
du Soudan. -
IX. — LES VOIES DE COMMUNICATION AU SOUDAN
En vue de remédier aux inconvénients divers
résultant du ravitaillement de nos ports par les
moyens actuels qui sont lents, pénibles et onéreux.
on a décidé d'étudier très soigneusement le pro-
longement de la ligne actuelle.
Dans le courant des années 1891 à 1893, les
commandants Marmier et Joffre ont procédé à
une étude sur place du chemin de fer, lequel
serait à la largeur de un mètre, la seule qui con-
vienne pour les pays chauds où les orages sont si
nuisibles à la plate-forme des voies. La longueur
de la ligne serait de 433 kilomètres groupés en
trois sections : Bafoulabé à Kita par Badumbé
(200 kilomètres), Kita à Bammako (196 kilomètres),
Bammako à Toulimandio (42 kilomètres, dont 5
empruntés à la section précédente), de manière à
.- aboutir à un point où le Niger est navigable de
dut tél
1
|
|
|
juillet à janvier, pour les bateaux calant de 1,50
à 2 mètres. Entre Bammako et Toulimandio se
trouvent les roches de Sotuba, qui sont un obstacle
très sérieux à la navigation.
Que coûterait ce chemin de fer?
39 millions, disent les auteurs des projets, en
majorant de 40.000 francs le coût kilométrique
» de la voie Dakar-Saint-Louis qui, prévu pour
68.000 francs, a finalement atteint 70.000 francs.
Evidemment, dans le Haut-Sénégal le travail est
autrement difficile que dans le Bas-Fleuve, et on
peut se demandersi cette majoration est suffisante.
Or, si les 54 premiers kilomètres de la voie de Kayes
LE SOUDAN FRANÇAIS
513
à Bafoulabé sont revenus à 156.500 fr., par contre,
les derniers, matériel roulant compris, n’ont coûté
_ que 83.500 fr. On peut donc penser qu'avec l’expé-
rience du passéle chiffre des prévisions pourra être
d'autant plus adopté définitivement que les tra-
vaux d'art sont très peu nombreux, et que les
officiers qui ont tracé les plans, appartenant-au
régiment des chemins de fer, sont particulièrement
compétents dans l'espèce.
Le commandant Andry, qui a été longtemps
chef du bureau militaire au Ministère des Colonies,
a, à ce propos, fail une étude économique du
Soudan. Il pense que le chemin de fer, quand il
aura atteint le Niger, pourra réaliser un produit
kilométrique de 9.315 francs, alors qu'avec
8.200 francs on couvrirait les frais d’exploitation
et les charges du capital. Nous donnons ces
chiffres à titre d'indication, ne voulant pas les
discuter et n’ayant même pas besoin de les dis-
cuter.
La question du chemin de ferdoit,en effet,serégler
par des considérations autres que celles tirées de
calculs plus ou moins exacts sur le développement
éventuel du commerce soudanais, car le Soudan
est aujourd'hui un pays dévasté par un demi-
siècle de guerres incessantes. Il possède des
régions actuellement riches, telles les vallées
supérieures du Niger et les contreforts du Fouta-
Djallon; il présente de sérieuses espérances dans
le Moyen-Niger, grace aux plaines inondées chaque
année entre Ségou et Tombouctou où, parmi les
produits naturels, le coton se rencontre en abon-
dance. Avec la paix, les indigènes repeupleront
leurs villages déserts et l’action du soleil africain
sur les alluvions fertilisantes du fleuve ramènera
la richesse signalée jadis par les voyageurs du
moyen àge, avant les conquêtes des Musulmans du
Nord.
Mais ces considérations sont pour l'avenir. Le
_présent exige de plus positives raisons : le Soudan
n’a pas présentement une grande valeur écono-
mique.
Si sa conquête était à refaire, il est de toute
évidence qu’on procéderait autrement; mais ces
regrets sont superflus, et l’on doit se demander
simplement si l’on peut, si l'on doit maintenant
abandonner nos acquisitions.
La réponse est aisée. On ne peut évacuer le
Soudan sous peine de compromettre toute notre
œuvre en Afrique : c'est menacer l'existence de
nos colonies du Sénégal, de la Guinée et de la
Côte d'Ivoire, c’est laisser, dans toute l'Afrique du
Nord, libre carrière à nos rivaux, à nos ennemis ;
c'est s’exposer à recommencer un jour dans des
conditions autrement lourdes notre œuvre d'expan-
sion africaine.
14
H. MOISSAN — SUR LA PRÉPARATION DU CARBURE DE CALCIUM
[l faut se résigner à rester à Tombouctou,àSégou, | prolongement éventuel de 120 kilomètres sur
à Bammako et à Beila, et à protéger contre les
Samorys un front de bandière d'environ 1.500 kilo-
mètres. Comment dès lors ravitailler des postes
éloignés les uns des autres de centaines de kilo-
mètres? De Toulimandio. à Tombouctou il y a,
par le Niger, de 7 à 800 kilomètres : pour tenir le
fleuve et ravitailler nos postes, il faut des canon-
nières et des chalands; or, l'expérience du Haye
et du Viger prouve qu'on ne fera œuvre sérieuse
que le jour où l'on pourra arriver facilement aux
bords du fleuve.
La construction méthodique du chemin de fer
est la conséquence même de l'obligation où nous
sommes de garder nos conquêtes. Chose singulière,
qui eût paru monstrueuse aux initiateurs du pro-
gramme de 1879, les transactions commerciales
viendront par surcroit. Elles atténueront simple-
ment les charges d’exploilation de cette voie
essentiellement militaire.
Sans doute, il y a d’autres choses à faire. Le
Ministre des Colonies annonce l'ouverture d'une
route de 400 kilomètres allant de Konakry (Gui-
née-Française) à Farannah sur le Niger avec un
Kouroussa. Cette voie dait ravitailler le Haut-
Niger, mais elle ne servira pas à grand’chose pour
la vallée moyenne du fleuve. En effet, car elle ne
saurait sérieusement êlre opposée à la route de
Bafoulabé à Bammako et encore moins au chemin
de fer de Kayes au Niger. On parle encore du
Transnigérien du capitaine Marchand, allant de
la côte d'Ivoire à Mopti par le Bandama, fleuve
qui se déverse dans l'Atlantique, et le Bagoë, le
grand affluent du Niger; 200 kilomètres du chemin
de fer relieraient les biefs navigables des deux
cours d’eau. Seulement, car il y a un seulement,
Samory devra être vaincu avant que l’on songe
à utiliser celte voie que le puissant chef musul-
man menace de ses nouvelles possessions de
Kong.
Il faut donc s’en lenir au programme de 1879 et
poursuivre le chemin de fer du Niger; ce sera le
seul moyen pratique de réduire les dépenses mili-
taires de la colonie et de hâter l’apparition de ce
jour fortuné où le Soudan rendra un peu de ce qu’il
aura coûté!
XXX.
SUR LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE
DU CARBURE DE .CALCIUM
Dans un article paru dans le dernier numéro de
la Revue générale des Sciences, M. Urbain attribue,
d’après le D' Suckert, la préparalion électrolytique
du carbure de calcium à M. L. Wilson, de la Caro-
line du Nord. M. Urbain fait remarquer que les
recherches de M. Wilson ont été commencées en
1888, puis il donne d'intéressants détails sur le
four électrique de M. Wilson. Je tiens sur ces
différents points à faire une réclamalion
priorité.
1° M. Wilson assure qu'il a commencé ses séries
d'expériences dès 1888. Comme il n'a rien publié
sur ce sujet à cette époque, celte date ne peul
avoir aucune signification. En science, la publica-
tion seule établit la priorité.
2° M. Wilson a pris en Amérique une patlente
n° 492.317 du 21 février 1893) ayant pour titre :
Réduction electrique des composés métalliques réfrac-
laires.
de
Je ferai remarquer que ma première recherche
sur le four électrique à réverbère et à électrodes
mobiles a élé publiée aux Comptes Rendus de l'Aca-
démie des Sciences à la date du 12 décembre 1892.
Dans cette première Note, je signale la réduc-
tion par le charbon, sous l’action de la chaleur
de l'arc, des oxydes regardés jusqu'ici comme
irréductibles :
« L'oxyde d'uranium, qui est irréductible par le
charbon aux plus hautes températures de nos fourneaux,
est réduit de suite à la température de 3000. En dix
minutes, il est facile d'obtenir un culot de 120 grammes
d'uranium. Les oxydes de manganèse, de chrome sont
réduits par le charbon en quelques instants. »
Je cite aussi, dans cette Note, la formalion acci-
dentelle du carbure de calcium par l’action des
vapeurs de calcium sur les électrodes de charbon.
Examinons maintenant ce que renferme la
patente n° 492.377 de M. L. Wilson.
Je ne discuterai pas la forme de son four, qui
rappelle, à s’y méprendre, le four Cowles et le
four Grabau; je ne veux retenir que la valeur des
résultats. D'ailleurs, M. Wilson n’a pas séparé
dans son four l’action calorifique de l'arc de son
action électrolytique. Cela se reconnait facilement
à ce qu’il dit de la magnésie.
Dans la descriplion de son brevet, M. Wilson
H. MOISSAN — SUR LA PRÉPARATION DU CARBURE DE CALCIUM
15
insiste longuement sur l’action de l’are électrique
sur la magnésie, sur un mélange de charbon et
d'alumine ou de charbon et de magnésie. Ilindique
que la magnésie oul’alumine peuvent être amenées
à l'état liquide sous l’action de l’arc et il détaille
avec soin les difficultés que présente, pour la
« machinerie », la résistance d’un semblable bain
au passage régulier du courant. C'est alors, — et
là est le fond même de son brevet, — qu'il ajoute
du charbon en poudre pour former une masse
_ fritée et éviter tout bain liquide. Il doit ensuite
reprendre le métal produit en faisanttomber, sur
le mélange précédent, du cuivre liquide qui four-
nira un bronze d'aluminium. Voilà le point impor-
tant du brevet de M. Wilson.'Il insiste beaucoup
sur ce qu'il ne se produit pas de bain de fusion.
En passant, et à la fin de son brevet, il dit seule-
- ment:
«Je crois mon invention applicable à la réduction
« des métaux suivants, à savoir: Baryum, Calcium,
« Manganèse, Strontium, Magnésium, Titane, Tungstène
« et Zirconium. Dans la fabrication des bronzes, je me
« propose de l’appliquer à la préparation des bronzes
« contenant du Silicium et du Bore. » =
Pas un seul procédé de préparation, pas une
analyse des produits obtenus.
Et plus loin M. Wilson ajoute :
«J'ai déjà employé mon invention pour la réduction
«de l'oxyde de calcium et la production du carbure de
« calcium. »
Un point, c'est tout. — Sans dire s'il existe un
ou plusieurs carbures de calcium, M. Wilson insiste
à nouveau, dans ses revendications, sur ce fait qu'il
ajoute assez de charbon pour ne jamais obtenir un
bain fondu. Il regardait à cette époque la prépa-
ration du carbure de calcium commeélectrolytique.
Du reste, M. Wilson, en 1895, a changé d'avis, car,
dans une demande de brevet faite en Allemagne en
janvier 1895, il dit textuellement :
« Jusqu'à présent, on considérait la fabrication du
« carbure de calcium non comme un procédé de fusion,
« mais comme une opéralion électrolytique; j'affirme
« cependant que la formation du carbure de calcium,
« réalisée dans les conditions ci-dessus, doit être con-
« sidérée comme un simple procédé de fusion, »
D'un brevet à l’autre, les idées de M. Wilson ont
complètement changé;cela peut tenir à la Note
que j'ai publiée, en mars 1894, à l’Académie des
Sciences de Paris, Note dans laquelle j'ai étudié
complètement la préparation régulière, les pro- |
priétés physiques et la composition chimique du
carbure de calcium.
Du reste, dans sa patente de 1893, M. Wilson,
qui n'a su trouver qu’un mot pour le carbure de
calcium, qui n'a même pas indiqué qu’il était dé-
composé par l’eau en donnant de l’acétylène, a
breveté une grande partie de la Chimie minérale.
Je lui ferai sur ce point une seule remarque. Il in-
siste beaucoup sur ce que les produits obtenus
sont des poudres et non pas des matières fondues.
Dans ces conditions, il est impossible d'obtenir le
Titane, que M. Wilson dit avoir préparé. Ou il n’a
pas fait l’expérience, ou il n’a fait aucune ana-
lyse du produit recueilli. Après mes premières re-
cherches sur le Manganèse, le Chrome, le Tungs-
tène, le Molybdène, l'Uranium, j'ai passé deux
années à étudier cette préparation du Titane. Je la
regarde comme une des plus difficiles de la Chimie
minérale, et, lorsque l’on n'opère pas la fusion des
corps (ainsi que M. Wilson le réclame si bien), il
est impossible d’obtenir le Titane.
Dans un brevet qui traite particulièrement de la
fabrication des alliages d’Aluminium et de Magné-
sium, cette revendication touchant le carbure de
calcium, la préparation du Baryum, Calcium, Stron-
lium, Manganèse, Magnésium, Titane, Tungstène
el Zirconium, me parait exagérée. Cette revendica-
tion est une de ces phrases banales que l'on em-
ploie souvent à la fin d’un brevet lorsque l’on veut
englober un certain nombre de questions à étudier.
Elle ne peut avoir aucune valeur au point de vue
de la priorité des découvertes.
J'ai élé surpris que tous les chiffres relatifs aux
propriétés physiques et chimiques du carbure de
calcium pur et cristallisé cités par M. Lewes, à
Londres, el reproduits par M. Hempel, à Berlin,
aient été tirés de ma Note à l'Académie des
Sciences du 5 mars 189%, sans qu'on ait rappelé
que ces expériences m'appartenaient.
Pour en revenir au brevet de M. Wilson, je n’ai
qu'un mol à ajouter : La science ne se contente pas
d'une assertion, elle demande des preuves. Il ne
suflit pas de dire: « J'ai obtenu tel ou tel corps »,
il faut donner la méthode de préparation, les ana-
lyses des produits obtenus, leur formule de consti-
tution et leurs propriétés. C'est ce que M. Wilson,
dans son brevet, a oublié de faire.
H. Moissan,
de l'Académie des Sciences,
Professeur à l'Ecole Supérieure de Pharmacie,
516
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LES TRANSPORTS DE FORCE ET LES TRANSFORMATEURS DE GRANDE PUISSANCE — TRAITEMENT ÉLÉCGTROLYTIQUE
DES SELS D'ALUMINIUM == COMMUTATEUR AUTOMATIQUE =
L'emploi de l'électricité à rendu réellement pratique,
au point de vue industriel, l’utilisation des chutes d’eau.
En France, nous en trouvons quelques exemples, mais
c’est surtout en Suisse, pays beaucoup plus favorisé sous
ce rapport, qu'il faut les chercher. La Suisse s’est cou-
verte, depuis une dizaine d'années, d'une multitude
d'usines, empruntant à des sources naturelles l’énergie
qui leur est nécessaire, Nous en avons donné, l'an
dernier !, une liste déjà longue, mais cependant très
incomplète et n'offrant qu'une faible idée du nombre
presque colossal des installations hydrauliques qui ont
surgi chez nos voisins. On connait, d'autre part, la
gigantesque entreprise des Américains : ils vont uti-
liser une partie des chutes du Niagara; les travaux
d'aménagement sont sur le point d'être terminés. C'est
par milliers de chevaux qu’ils comptent l'énergie dont
ils bénéficieront.
Malheureusement, il arrive très souvent qu'il est
impossible d'installer une usine industrielle à Pendroit
même de la chute d’eau, Les raisons peuvent en être
très diverses : c’est, par exemple, la difficulté des
moyens de communication. Ou bien encore, la somme
d'énergie fournie par la source est trop grande pour
être complètement utilisée sur place. On a recours
alors à un transport de force, problème dont l’électri-
cité offre une solution qui est souvent la plus simple
et la plus économique, et quelquefois aussi la seule
possible pratiquement : c’est ainsi que le courant fourni
par les dynamos du Niagara sera utilisé à des distances
de plusieurs centaines de kilomètres. Mais ce n’est pas
impunément que l’on transporte la force de cette
facon; il y a perte en route. Quelle est la valeur de cette
perte, et comment peut-on la réduire à un minimum ?
La puissance fournie par une génératrice est propor-
tionnelle au produit EI du courant I qu’elle fait naître
par la différence du potentiel Eà ses bornes. Il en est de
même de la puissance utilisée par un moteur, I étant,
dans ce cas, le courant qu'il recoit. D’autre part, le long
d'un circuit, l'énergie perdue est proportionnelle au
produit RI? de la résistance électrique R du circuit par
le carré du courant qui le parcourt, Que faut-il donc
pour diminuer la perte de charge dans un transport
de force? Il faut évidemment diminuer R et I. Dimi-
nuer R, c'est-à-dire augmenter la section des conduc-
teurs, n’est pas en général une solution économique.
Elle exige des dépenses de cuivre exagérées ; elle est, en
outre,peuavantageuse, puisque R n’entre qu’au premier
degré dans l'expression de la perte d'énergie. C’est
done I qu’il importe surtout de diminuer. Mais alors, à
égalité de puissance, il fautaugmenter E dans la même
proportion que l’on diminue I, ce qui conduit à l'emploi
des dynamos à très haut voltage, On s’est aventuré avec
prudence dans cette voie : on se bornait avant ces der-
nières années à destensions ne dépassant pas 1.000 où
1.500 volts. C’est qu’en effet, si les tensions de quelques
centaines devolts sont inoffensives, les tensions élevées
sont terriblement dangereuses. Aujourd’hui cependant,
on envisage avec sérénité des tensions de 3.000 et
même 5.000 volts. Mais on n’emploie jamais directe-
ment le courant fourni sous de grandes différences de
potentiel. On abaisse celles-ci au moyen des transfor-
mateurs avant de livrer le courant aux clients. Le trans-
formateur recoit, par exemple, un courant de 10 am-
pères sous une tension de 5.000 volts; il rend, abstrac-
1 Revue gén. des Sciences du 30 novembre 1894, t, V, p. 874.
tion faite des pertes inévitables, un courant de 500 am-
pères sous une tension de 100 volts, Des deux côtés
le produit EI est le même et égal ici à 50,000, La
puissance utilisable reste donc aussi la même : théori-
quement, le transformateur rend intégralement lé-
nergie qu'on lui fournit, mais sous une autre forme.
En pratique, il en absorbe un peu.
Nous laisserons de côté, pour l'instant, la trans-
formation des courants discontinus en courants
continus, en courants polyphasés, etc., pour ne nous
occuper que de la transformation des courants alter-
natifs simples en courants alternatifs simples — cas
qui comprend d’ailleurs la transformation, phase par
phase, des courants polyphasés. Les appareils qui
réalisent cette transformation, c’est-à-dire ceux que
lon a plus particulièrement l'habitude d'appeler des
transformateurs, sont, théoriquement et pratiquement,
les appareils les plus simples que l’on puisse imaginer.
Ils ne présentent aucune partie mobile et sont ainsi à
Pabri d’une importante cause de perte d’énergie, due
aux frottements et résistances passives des pièces en
mouvement. Mais d’autres causes viennent absorber
un peu de l'énergie qu’on livre à ces appareils : ce
sont les aimantations et désaimantations du fer, les cou-
rants qui circulent à travers les fils des transforma-
teurs, puis ceux que l’on appelle courants de Foucault et
qui naissent toujours à l’intérieur du noyau, quels que
soient les soins que l’on prenne pour les éviter. Cette
absorption d'énergie produit de la chaleur, qu’il peut
être intéressant d'enlever au transformateur, tant au
point de vue de son rendement qu'à celui de sa con-
servation. Cette question, à peu près négligeable cepen-
dant pour des transformateurs de puissance relative-
ment faible, devient excessivement importante lorsque
cette puissance augmente, soit que l’on ait à éclairer
un secteur très peuplé et très resserré, soit que l’on ait
à fournir l'énergie nécessaire à une grande usine, Les
deux hypothèses se réalisent très souvent lorsqu'il
s’agit d’un réseau gigantesque tel que celui du Niagara.
On obtient alors une dépense d'installation bien plus
faible et un rendement bien meilleur en employant des
transformateurs aussi puissants que possible. On en
construit qui sont de 100, 150 et même 200 kilowatts.…
150 et 200 kilowatts correspondent respectivement à
environ 200 et 270 chevaux-vapeur. De tels transfor-
mateurs, lorsqu'ils sont en service, doivent être refroidis
par un artilice quelconque. On a proposé, tantôt une
circulation d'huile, tantôt une circulation d’eau, Le
liquide, huile ou eau, est refroidi à sa sortie du trans-
formateur et y retourne ensuite. De telles méthodes
sont efficaces, sans doute, mais-ne laissent pas d’être
un peu compliquées, surtout lorsque la masse à re-
froidir est considérable. La General Electric Company eut
récemment à étudier de puissants transformateurs pour
Ja Cataract Construction Company. Elle s’inspira du mode
de refroidissement des grandes dynamos, refroidisse-
ment dù au courant d’air engendré par la rotation de
l'armature. Les transformateurs ne présentant aucune
pièce en mouvement, il fallait produire artificiellement
un courant d'air, À cet effet, elle adjoignit un venti-
lateur spécial au transformateur convenablement tra-
versé par des canaux à travers lesquels est poussé l'air
froid, La puissance qu'il est nécessaire de fournir au
ventilateur varie avec la distance à laquelle il se
trouve du transformateur, en même temps qu'avec la
capacité de celui-ci, En moyenne, il n’absorbe guère
nant À ant. +.
TS OO I PE
ll
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 51
———
plus qu'un quart ou un demi °/, de l'énergie fournie
au transformateur. L'air peut être envoyé sous lappa-
reil par les conduits qui servent à loger les câbles pri-
maires ou les câbles secondaires. La disposition est
alors simple et peu coûteuse.
L'Industries and Iron décrit un procédé tout nouveau
de traitement électrolytique des sels d'aluminium. La
méthode con-
siste à soumet-
s tre , comme
dans le procé-
dé Minet, à l’ac-
F tion du courant
électrique un
mélange fondu
de ces sels .
Dans la masse
plonge un tu-
yau H (fig. 1),
amenant de la
vapeur d’eau.
Les sels qui
semblent don-
ner les meil-
leurs résultats
sont le chlo-
rure et le fluo-
rure, On ob-
tient un mé-
lange satisfai-
sant en em-
ployant, par
exemple, le
chlorure d’alu-
minium et de
sodium avec de
la cryolithe, et un excès de chlorure de sodium, dans
les proportions suivantes :
. Chloruredouble d'aluminium etde sodium 145 °/,
Cryolithe 55
Chlorure de sodium.................... 30
Voici un autre mélange où une partie du chlorure de
sodium est remplacée par du chlorure de potassium :
LE OEM EE on PSE eo E
Chlorure d’aluminium PSE
Chlorure de sodium...
Chlorure de potassium
Naturellement, ces proportions ne sont pas fixes;
elles peuvent varier selon les circonstances. On peut
aussi employer un mélange de chlorure d'aluminium
et de chlorure d’un métal alcalin ou alcalino-terreux
avec le fluorure d'aluminium et le fluorure de sodium.
L'emploi de la cryolithe ou des deux sels qui la
constituent, — fluorures d'aluminium et de sodium —
donne l'avantage que l'aluminium fond et coule en
globules, tandis que les chlorures employés seuls don-
nent un aluminium en poudre qu’il faut traiter une
seconde fois avant de pouvoir l’employer. Un excès de
chlorure de sodium rend le bain plus liquide et favo-
rise la dissolution de la cryolithe,
L'appareil employé dans ce procédé d'électrolyse est
représenté dans la figure 1. F est un fourneau ayant
un foyer f ouvert dans le haut; les bords de cette ou-
verture portent un creuset tronconique A; T est une
chaudière fournissant dela vapeur d’eau par le tube H,
dont le débit est réglé au moyen d’un robinet f, Le
- creuset A est un récipient en fer doublé d'une couche
de charbon aggloméré L, qui sert de cathode. Une
borne S’ et un conducteur N établissent la connexion
avec le pôle négatif d’une machine dynamo-électrique
ou d’une autre source d'électricité 0. L'anode G est un
… tube en charbon suspendu à une barre de fer D posée
sur des supports en bois EE, rattachée par la borne S
et le conducteur P au pôle positif de la source d’élec-
tricité. Au lieu d’un seul tube en charbon, on peut
évidemment en employer plusieurs disposés côte à
côte. Les matières destinées à former le mélange
électrolytique peuvent être fondues séparément et in-
troduites à l’état mou dans le creuset. Quand le cou-
rant passe, l'aluminium libre va se déposer à la ca-
thode, le chlore et le fluor se dégagent à l’anode. En
même temps, par le tube G, ou par un tube particulier,
si on le préfère, arrive un courant de vapeur venant de
la chaudière T, L'eau se dissocie et fournit de l’hydro-
gène, qui transforme le chlore et le fluor en acide chlor-
hydrique et acide fluorhydrique. Une hotte J et une
cheminée K sont disposées au-dessus du creuset pour
favoriser l'évacuation des gaz ainsi formés, dont l’action
sur les organes respiratoires est pernicieuse, On peut
également tendre des étoffes humides, l'eau dissolvant
de grandes quantités d’acide chlorhydrique ou fluorhy-
drique. La température de fusion du mélange est le
rouge sombre. — Ce procédé ne diffèreessentiellement
de celui de M. Minet que par l’adduction de la vapeur
d’eau au sein de la masse fondue,
Beaucoup d'opérations où l'électricité est utilisée exi-
gent une surveillance particulière, notamment pour
régler le temps pendant lequel le courant doitagir. Par
exemple, dans les industries électrolytiques, un ouvrier
est chargé de fermer ou d’ouvrir, à certaines heures
déterminées, les circuits électriques, C’est pour sous-
traire ce service aux erreurs dues à la négligence, que
The Charls Plumb Electrical Works, de Buffalo, viennent
de le rendre tout à fait auto-
matique 4, Ces usines fabri-
quent, à ceteffet, le commuta-
teur quereprésentelafigure 2.
Un ressort D tend à faire
tourner autour de son pivot P
le levier S. Ce mouvement est
contrarié par un levier C, ca-
pable lui-même de tourner au-
tour de p et retenu par deux
lames-ressorts FF, rattachées
aux extrémités d’un circuit
auxiliaire dont nous verrons
tout à l'heure le rôle. Lesbor- |
nes 1 et 2 sont en communi-
cation avec un réseau ou une
génératrice électrique, les
bornes 3 et4avecles appareils
d'utilisation. D'autre part, un
poids B est sus-
ceptible de glis-
ser le long d’une , -E
tige t. Ce poids © |
est retenu par JC]
l’armature A
d'un électro-ai-
mant qui est in- NE yat
tercalé dans le circuit auxiliaire. Ce
circuit,comprenant un
, ou deux éléments de
Der | pile, se ferme lorsque
Tr l'aiguille d’une horloge
Drm! | convenablement pré-
D parée occupe une cer-
Pie, 2 taine position. À ce
NAT ee ;
RE moment, l’armature A
est attirée; le poids B, devenu libre, tombe sur le re-
pos » et, dans sa chute, fait pivoter le levier C. Ce
mouvement rend libre le commutateur S et lui permet
de céder à l'action du ressort D. Le circuit principal
est ainsi rompu. Le circuit auxiliaire l’est aussi de son
côté, aux bornes FF. On évite ainsi la décharge trop
prolongée des piles. Pour remettre l’appareilen état de
fonctionner, il suffit de ramener à leur première po-
sition le poids B, le levier C et le commutateurs.
A. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique.
1 The Electrical World, No du 5 janvier.
518
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Greenhill (A.-G.), Professeur de Mathématiques au
Collège de Woolwich, membre, de la Société Royale
de Londres. — Les Fonctions elliptiques et leurs
Applications, traduit de l'anglais, par M. J. Griess,
Professeur au Lycée d'Alger. — Un volume in-8° de
572 pages. (Prix : 15 fr.) G. Carré, éditeur. Paris, 1895,
Le goût naturel et l'éducation dé beaucoup d’étu-
diants francais les portent, quelquefois avec excès, vers
les idées générales. Pour ne parler que de Mathéma-
tiques, quel professeur n’a rencontré des élèves de nos
Ecoles et de nos Lycées parfaitement instruits des
théories générales et incapables d’en faire une applica-
tion précise, cependant très facile, possédant, par
exemple, la notion d’intégrale définie dans toute sa
rigueur, sans savoir effectuer les quadratures les plus
élémentaires.
IlLest utile que quelques ouvrages viennent réagir
contre ces tendances; pour cela, on ne peut trouver
mieux que les livres anglais, dans la plupart desquels
les idées générales sont amenées peu à peu par l’étude
des faits mathématiques ou des questions posées par
les sciences physiques. C’est à ce titre que se recom-
mande l’ouvrage de M. Greenhill; dont on ne peut mieux
caractériser l'esprit qu'en reproduisant la pensée de
Fourier qui lui sert d'introduction : ;
« L'étude approfondie de la Nature est la source là
« plus féconde des découvertes mathématiques. Non
« seulement cette étude, en offrant aux recherches un
« but déterminé, a l'avantage d'exclure les questions
« vagues et les calculs sans issue; elle est encore un
« moyen assuré de former l’Analyse elle-même et d’en
« découvrir les éléments qu’il nous importe le plus de
« connaître et que cette Science doit toujours conser-
« ver. Ces éléments fondamentaux sont ceux qui se re-
« produisent dans tous les effets naturels. »
M. Greenhill se place ainsi à un tout autre point de
vue que les auteurs des excellents traités francais sur
les fonctions elliptiques : Briot et Bouquet, Halphen,
MM. Tannery et Molk. 1] renonce aux avantages d'unité
et d’enchainement logique que ces auteurs obtiennent
en établissant d’abord, par des considérations générales
ordinairement empruntées à la théorie moderne des
fonctions, les formules et les théorèmes relatifs aux
fonctions elliptiques, pour les appliquer ensuite à la
Mécanique, à la Physique mathématique, à la Géomé-
trie, à l’Arithmétique; mais il trouve, en revanche,
l'avantage bien précieux d’intéresser immédiatement le
lecteur qui n’est pas un pur mathématicien, en lui
fournissant, dès les premières pages, de belles et im-
portantes applications des fonctions elliptiques.
L'auteur suit en ceia une méthode d’exposilion ana-
logue à celle de M. Hermite, qui, dans son beau Mé-
moire Sur quelques applications des fonctions elliptiques,
commence par montrer comment un problème sur Ja
chaleur conduit aux fonctions doublement périodiques
de seconde espèce,
M. Greenhill, en traitant d’abord des questions entiè-
rement élémentaires, montre de même que les fonc-
tions elliptiques s'imposent à l'Analyse pour la résolu-
tion de problèmes simples de Mécanique, Géométrie,
Physique mathématique. Il commence par les anciennes
méthodes de Legendre, Abel, Jacobi, en partant de la
notion de l'intégrale elliptique et de la fonction inverse;
il ne suppose donc chez le lecteur aucune connaissance
sur la théorie générale des fonctions, ni sur la théorie
particulière des fonctions elliptiques; et il l'amène peu
à peu, par l'étude de problèmes élégamment choisis,
sans caractère artificiel, à posséder tous les points
essentiels du sujet.
La traduction de M. Griess n’est pas entièrement
conforme à l'édition anglaise : M. Greenhill en a aug-
menté l'intérèt par des remaniements et d'importantes
additions, notamment par un appendice de 50 pages en-
tièrement nouveau, — Voici une analyse sommaire de
l’ouvrage :
Le livre débute par l'étude des oscillations du pen-
dule simple; les expressions des coordonnées de lex-
trémité du pendule en fonction du temps conduisent à
la définition analytique des fonctions elliptiques d’une
variable réelle et à leurs représentations géométriques
et mécaniques. La périodicité du mouvement pendu-
laire conduit naturellement à la notion de la période
réelle des fonctions elliptiques, sn, en, dn, et aux
formules donnant les valeurs de ces fonctions, quand
on ajoute à l'argument la demi-période. La période
imaginaire est ensuite introduite et interprétée méca-
niquement, comme le produit de à par la période de l’os-
cillation d'un pendule décrivant l'arc supérieur dumême
cercle, sous l’action de la pesanteur changée de sens.
Après une courte digression sur la dégénérescence
des fonctions elliptiques en fonctions circulaires ou
hyperboliques, Pauteur revient au mouvement pendu-
laire, et, par la comparaison des mouvements de deux
pendules, dont l’un fait des révolutions complètes,
tandis que l’autre exécute des oscillations, il établit les
formules qui correspondent à l'échange du module
avec son inverse. Puis, viennent quelques applications
élégantes, surfaces minima, équation d’Euler, desti-
nées à graver les premières formules dans l'esprit du
lecteur.
Dans le second chapitre, l'auteur considère les inté-
grales elliptiques de toutes les formes possibles; il
donne leurs valeurs au moyen des fonctions elliptiques
inverses ; il introduit la notation de Weierstrass, quand
le polynôme sous le radical est du troisième degré.
Ces premières notions, dans le cas de la variable
réelle, suffisent. pour l'intelligence des applications
géométriques et mécaniques auxquelles est consa-
cré Je chapitre 11. La variété des problèmes choisis
en rend la lecture très intéressante, et contribue à
familiariser Le lecteur avec le maniement des formules.
Le chapitre 1v traite du théorème d’addition. Ce der-
nier est encore rattaché au mouvement simultané de
deux pendules en retard l’un sur l'autre; l’auteur en
déduit la construction de Jacobi, et une application des
plus intéressantes à la construction des polygones de
Poncelet, inscrits à un cercle et circonscrits à un autre.
M. Greenhill, après avoir très heureusement modifié et
complété la partie relative aux pentagones, montre
comment ses résullats peuvent être identifiés avec ceux
qu'Halphen a trouvés dans le 11° volume de son Traité,
et donne quelques théorèmes nouveaux. Une dernière
application se rapporte à Ja Trigonométrie sphérique et
conduit au tableau des 33 formules données par Jacobi
dans ses Fundamenta.
Le chapitre v envisage le théorème d’addition sous
forme algébrique; sa lecture suppose la connaissance
d’un certain nombre de théorèmes d’Algèbre supérieure
relatifs à la théorie des formes.
Le chapitre suivant conduit aux intégrales de
deuxième et troisième espèces et aux fonctions Z (u) et
x (u, 4). 4
Dans le chapitre vit paraissent les fonctions £u et ou
de M. Weierstrass. Elles servent à compléter la solution
de problèmes qui n'avaient pu être terminés précé-
demment (chainette en rotation, élastique gauche algé-
|
|
F
D. do
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
19
brique, pendule sphérique, toupie). Le théorème d’ad-
dition pour les intégrales elliptiques de troisième
espèce est élabli par une extension de la méthode
d’Abel, précédemment employée : elle conduit tout
naturellement à la considération des intégrales pseu-
do-elliptiques. Toute celte partie a.été profondément
remaniée par M. Greenhill; les calculs ont été plus
développés et appliqués à la détermination de certaines
herpolhodies algébriques (déjà faite partiellement par
Halphen), ainsi qu’à l'élastique gauche.
La double périodicité des fonctions elliptiques est
mise en évidence par la considération des ovales de
Descartes (chapitre vin). Puis, vient un chapitre très
original,sur les développements des fonctions elliptiques
en produits de facteurs et en séries ; ces problèmes sont
rattachés à des questions de Physique mathématique,
et en particulier aux théories électriques de Maxwell.
Le dernier chapitre se rapporte à la théorie de la
transformation. Après l'avoir d’abord rattachée aux
considérations physiques du chapitre précédent, l’au-
teur reprend la théorie algébrique générale, en suivant
la méthode indiquée par Jacobi dans ses Fundamenta.
Un nombre considérable de résultats sont indiqués
dans ce chapitre.
L’appendice contient l'étude de l'angle apsidal dans
les petites oscillations d’une toupie, la théorie du
mouvement d’un solide de révolution dans un liquide
indéfini, l’étude de la chaïnette sphérique et de quel-
ques cas particuliers du mouvement d’un corps pesant
le révolution suspendu par un point deson axe. |
En résumé, le principal caractère du livre de
M. Greenhill est d’intéresser le lecteur aux fonctions
elliptiques, en montrant comment leur théorie se rat-
tache à la résolution de toutes sortes de problèmes de
Géométrie, de Mécanique, de Physique. Cet ouvrage
rendra de grands services à tous ceux qui désirent
étudier cette théorie : aux Physiciens et aux Ingénieurs,
il fournira un instrument de calcul puissant, avec des
exemples variés sur la manière de l'appliquer ; aux étu-
diants en Mathématiques, il facilitera l'intelligence des
débuts de la théorie et inspirera la curiosité de lire les
grands traités. Mème pour des candidats à la licence
mathématique et physique, la lecture des cinq premiers
chapitres sera des plus aisées; elle leur apprendra
rapidement le maniement des fonctions elliptiques avec
les notations de Jacobi et de M. Weierstrass.
- Terminons en signalant la facon particulièrement
élégante dont M. Greenhill a donné des exemples d’in-
tégrales pseudo-elliptiques, notamment dans le mou-
vement du pendule conique, dans celui d’un corps
pesant autour d'un point fixe, dans le problème de
la chainette sphérique, dans l'étude du mouvement
d'un solide de révolution dans un liquide indé-
fini : ces exemples sont en partie nouveaux, en partie
tirés d’un mémoire étendu sur les intégrales pseudo-
elliptiques, que M. Greenhill vient de publier dans les
Proceedings of the London Mathematical Society et qui se
rattache directement aux paragraphes correspondants
de son livre. Un autre point, sur lequel M. Greenbill a
fait des recherches personnelles d’un grand intérêt, est
la théorie des équations modulaires; le mémoire ori-
pre de l’auteur, cité avec éloge par Halphen, vient
’être traduit par M. Laugel dans les Annales de l'Ecole
Normale Supérieure. P. APPELL,
de l'Académie des Sciences,
Professeur de Mécanique rationnelle
à la Sorbonne.
Niewenglowski (B.), Professeur de Mathématiques
spéciales au Lycée Louis-le-Grand. — Cours de Géo-
métrie analytique. Tome IL — 1 vol. in-8° de
292 payes avec 180 fig. (Prix : 8 fr.) Gauthier-Villars,
éditeur, Paris, 1895.
M. Floquet a analysé, dans la Revue du 15 mai der-
nier, le premier volume de cet ouvrage. Le second,
concu dans le même esprit, vient de paraitre. Il traite
de la construction des courbes planes et des complé-
ments relatifs aux coniques.
2° Sciences physiques.
Demarçay (Eug.), Ancien Répétiteur à l'Ecole Poly-
technique. — Spectres électriques. — 1 vol. in-4° de
92 pages avec 1 atlascontënant 40 planches. (Prix :25 fr.).
Gauthier-Villars et fils, éditeurs, Paris, 1895.
L'analyse spectrale, de date si récente, est-déjà de-
venue une science considérable : elle est, en particu-
lier, d’une application, non pas seulement'avantageuse,
mais tout à fait nécessaire, dans les recherches de
Chimie minérale,
Dans toutes les sciences, le perfectionnement des
méthodes d'observation entraîne, à coup sûr, le progrès
de nos connaissances et le développement consécutif
de nos idées, :
Pour ce qui concerne l'application de l’analyse spec-
trale aux recherches courantes de Chimie minérale, il
est essentiel de se borner à l'emploi de procédés
simples, faciles d'exécution et rapides. Si ces condi-
tions ne sont pas remplies, le chimiste a, dans son la-
boratoire, de fort beaux instruments. .…. dont il ne se
sert pas.
En analyse spectrale chimique, on ne saurait, il est
vrai, se contenter d’un seul procédé; mais le nombre
des modes opératoires doit être restreint au minimum
absolument indispensable.
Dans l’état actuel de la Chimie minérale, les mé-
thodes spectrales pratiques paraissent se réduire aux
suivantes :
1° Flammes activées ou non par des souffleries ;
20 Etincelle des bobines du genre Ruhmkorff, avec ou
sans condensation du courant induit ;
3° Bobine à court fil de M. Demarcay.
L'étincelle, non condensée, des bobines Ruhmkorff,
donne de bons résultats pour beaucoup de corps, mais
elle est impuissante, ou peu avantageuse, dans l’analyse
spectrale de certaines substances et, en particulier,
dans celle des métaux réfractaires tels que : Ti; U;
Ts: Si; Ir; Di; Th, etc.
L'’étincelle Ruhmkorff condensée donne bien les
spectres de tous les corps, mais les raies brillantes qui
appartiennent en propre à cette étincelle, jaillissant
dans l'air, compliquent les résultats, rendent les re-
cherches laborieuses et ôtent de la certitude à l’obser-
vation, car plusieurs des raies du corps étudié peuvent
être masquées par celles de l'air.
L’arc électrique offrirait des avantages, si son emploi
était à la portée de tous les chimistes et ne nécessitait
pas une installation coûteuse et compliquée.
Un procédé permettant d'obtenir des effets voisins de
ceux de l’arc, mais d’une facon simple et réellement
pratique, était, il y a encore peu d’années, un deside-
ratum pour les spectroscopistes.
C'est, dirigé par le désir de combler cette lacune de
l'analyse spectrale, que M. Demarcay fit des recherches
et eut la très heureuse idée de diminuer considérable-
ment la tension des étincelles induites et d'en aug-
menter de beaucoup la quantité ; la bobine qu'il a fait
construire à pour caractères : la brièveté des circuits
inducteur et induit; la grosseur des fils; enfin, la
grande surface du condensateur du courant primaire.
Cette bobine fournit des étincelles fort courtes, mais
très nourries, dans lesquelles les métaux réfractaires
se volatilisent et donnent généralement des spectres de
lignes d'une merveilleuse beauté, tandis que le spectre
secondaire de l’air est absent et que le spectre primaire
de l’air est lui-même assez faible.
En écartant un peu plus les pôles de la bobine De-
marcay, on développe souvent des spectres de bandes
très brillants, ainsi que cela se voit, par exemple, avec
le chlorure de gadolinium.
On peut dire qu’en général, les spectres de la bobine
Demarcay sont assez analogues, comme constitution, à
ceux des étincelles non condensées des bobines à long
fil, mais ils possèdent toutefois une plus grande inten-
sité relative et absolue, dans les régions bleues et
violettes.
1e)
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
En tenant compte de cette particularité, les spectros-
copistes pourraient, à la rigueur, se servir de la bobine
Demarcay, tout en ne possédant que des dessins spectraux
faits avec les étincelles non condensées des bobines
à long fil, mais cela exigerait quelque attention et
quelque peine, Aussi, M. Demarcay a-t-il pensé que les
chimistes auraient intérêt à pouvoir consulter des des-
sins représentant spécialement les raies fournies par
la bobine à court fil, surtout dans la partie la plus ré-
frangible du spectre, région où ces raies sont généra-
lément le plus développées.
Un recueil de dessins spectraux bien faits exige, pour
ètre confeclionné, beaucoup de temps et de travail :
M. Demarcay a jugé que le mieux était de concentrer
tous ses efforts sur la partie du spectre dans laquelle
les effets de sa bobine sont le plus caractéristiques el
de donner des images spectrales très soignées et très
étudiées; il a donc exécuté son travail au moyen de la
photographie, et il s’est borné à reproduire les raies
depuis le vert-bleu jusqu'à l’ultra-violet avancé.
M. Demarcay a consacré de nombreuses années à
cette recherche, et ses amis scientifiques savent quels
soins et quelle conscience il y a apportés. Ceux qui ont
fait des dessins de spectres peuvent seuls apprécier un:
pareil travail à sa juste valeur.
On a publié bier des spectres photographiques, mais,
à part peut-être quelques heureuses exceptions, ces
documents n’ont guère d'intérêt que pour les spectros-
copistes de profession; leur application pratique par
les chimistes est souvent bien difficile, la photographie
donnant toutes les raies produites dans l’étincelle :
celles des impuretés aussi bien que celles du corps
étudié. Le triage des raies photographiques est donc
nécessaire, et c’est un travail aussi long que fastidieux.
Bien que les raies de l’air soient très atténuées dans
le procédé de M. Demarcay et que cet auteur ait em-
plové des substances aussi pures que possible, l’usage
pratique des belles photographies publiées aujourd'hui
exigerait encore une certaine prudence, si le triage des
raies n'avait pas été fait, Mais l’auteur n’a pas manqué
d'indiquer, sur les planches et dans le texte, toutes les
raies étrangères jusqu'à un ordre de grandeur qui
dépasse de beaucoup celui auquel on s'arrête dans Îles
observations spectrales courantes. L'ouvrage de M. De-
mareay à, par cela même, un caractère vraiment clas-
sique, et il sera certainement consulté avec fruit par
les personnes qui se servent du spectroscope.
LEcoQ DE BoisBatDRaAN.
8° Sciences naturelles.
Poirault (G.). — Recherches anatomiques sur
les Cryptogames vasculaires.Thèse pour le doctorat
de la Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol. in-8°
de 150 p. avec fig. G. Masson, éditeur, Paris, 189%.
Le groupe des Cryptogames vasculaires a déjà fourni
un grand nombre de travaux anatomiques ; tous les or-
ganes, tous les tissus ont été l’objet de recherches at-
tentives; M. Poirault a su cependant y trouver les élé-
ments d’une thèse fort intéressante en étudiant certains
détails de structure de plus près que ne l'avaient fait
ses devanciers, Il a divisé son travail en chapitres cor-
respondants aux différents organes végétatifs, dans
lesquels il expose ses observations relatives à tel tissu
ou à tel détail histologique mal connu ou controversé;
à vrai dire, ce n’est pas uneétude d'ensemble du groupe,
mais plutôt une série denotes histologiques surun grand
nombre de plantes du groupe. L'auteur y fait preuve,
non seulement de connaissances bibliographiques très
étendues, qui lui permettent de faire des rapproche
ments aussi documentés qu'intéressants avec les Pha-
nérogames, mais aussi d'une incontestable habileté
d'histologiste, A cause de la diversité des sujets traités,
il est impossible d'en donner une analyse détaillée et
je citerai seulement quelques résultats.
On sait que l’endoderme, et celui de la racine par-
ticulièrement, présente autour de ses cellules un cadre
subérifié ou lignifié qui, en section transversale, si-
mule un épaississement, sur les parois radiales, appa-
rence qui est due non à un épaississement, mais à un
plissement de ce cadre. Or, d'après les uns, ce plisse-
ment existerait réellement sur les cellules vivantes et
serait dû à une diminution de la tension cellulaire, les
parties cellulosiques pouvant revenir sur elles-mêmes
et le cadre, moins élastique, se plissant pour suivre la
membrane dans son raccourcissement. D'après les
autres, les plissements ne se montreraient pas dans
la racine vivante, ils ne seraient pas un phénomène
physiologique, mais un simpleaccident de préparation.
Or, M. Poirault a constaté, chez diverses plantes, des
faits qui éclairciront peut-être laquestion : c’est la pré-
sence d'endodermes non plissés, mais dont le cadre
est rompu transversalement en divers points et dont
les lèvres de rupture sont garnies d'un dépôt calleux ;
ceci indique en effet que le phénomène a lieu durant
la vie de la cellule, et se traduit par un plissement ou
par des fentes suivant l'élasticité du cadre, mais ne
nous en montre pas la cause intime.
Bien que le liber de la racine des Cryptogames vas-
culaires ait été souvent décrit, on n'avait pas encore
réussi à y démontrer la présence de tubes criblés;
l'auteur, en appliquant les procédés histologiques les
plus récents, a prouvé qu'il en était pourvu et que l’on
y retrouvait les deux sortes de tubes désignés par
M. Lecomie sous les noms de type Courge et de type
Vigne. É
M. Poirault insiste aussi sur les communications
protoplasmiques de cellule à cellule, dont il donne des
dessins très probants, sur la généralité de la présence
des cristalloïdes dans les noyaux, sur la terminaison
des nervures dans les feuilles... etc... Son travail,
comme nous le disions en commencant, renferme un
grand nombre de résultats intéressants ; la lecture en
sera indispensable non seulement à ceux qui auront à
étudier les Cryptogames vasculaires, mais aussi à tous
ceux qui s'occupent de biologie cellulaire: malheu-
reusement l’auteur n'a pas cherché à faciliter cette
lecture, car il a omis les résumés et les conclusions
d'usage, qu'on ne trouve nià la fin de chaque cha.
pitre ni à la fin du volume.
C. SAUVAGEAU.
Paulhan (Fr.). — Les Caractères. — 1 vol, in-S° de
250 pages (Prix : 5 francs). Félix Alcan, éditeur, 108,
boulevard Saint-Germain, Paris, 1895.
Ce livre de M. Paulhan est la suite naturelle de ses
travaux sur l’activité mentale et les éléments de l’es-
prit. Après avoir formulé un ensemble de lois abs-
traites, régissant d'après lui les combinaisons les plus
générales qui existent entre les phénomènes psychiques,
représentations et tendances, il cherche aujourd'hui à
montrer comment « les diverses manifestations de
ces lois abstraites produisent des catégories différentes
de types psychiques ». Ces lois, au nombre de quatre :
lois d'association systématique, d'inhibition systéma-
lique, d'association par contraste, d'association par
ressemblance et contiguité, se ramènent — les trois
premières, du moins — à une loi générale de finalité.
On pourrait, au reste, sans faire intervenir aucune con-
ception de cet ordre, les interpréter comme de
simples lois de mécanique psychique, comme l’expres-
sion des rapports généraux qu'élablissent entre nos
tendances leurs différences de grandeur et de direction.
Toutes les formes de caractère se laissent ramener,
pour M, Paulhan, à n'être que des formes particulières de
l'association systématique. « Les qualités générales du
caractère, son allure propre, ne proviennent que de la
perfection relative de cette association et de l'aspect
que prennent corrélativement les manifestations de
l'autre grande loi de l'esprit, l'inhibition systématique,
ainsi que les associations par contraste ou par conti-
suité et ressemblance, » Quant au fond du caractère, il
résulte de la nature même des tendances : d'une part.
des qualités générales que peuvent offrir les tendances :
PET
| stade
PR
leur pureté (au
énergie, leur persistance, leur souplesse, leur « sensi-
bililé », et aussi leur nombre; d’autre part, de leurs
objets divers. Un même caractère, pour être connu dans
son ensemble, doit être envisagé successivement sous
ces divers aspects, et il est telles appréciations diffé-
rentes, d'une même personne, qui désignent des ma-
nières d'être qui ne sont ni semblables, ni opposées,
mais absolument hétérogènes, et qui, par conséquent,
peuvent être simultanément exactes. On peut être simul-
tanément capricieux, gourmand, et mou, « Si nous
jugeons une personne capricieuse, nous mettons en
lumière les rapports généraux des diverses tendances
qui sent en elle, la facon dont elles s'associent, se com-
battent et se remplacent », dans le cas particulier, leur
défaut de cohésion, La mollesse, c’est une qualité géné-
rale du caractère qui tient à la faiblesse des tendances:
la gourmandise, c’est la prédominance, l'intensité par-
ticulière, au milieu de tendances généralement faibles,
d'une tendance relativement forte, le goût des saveurs
agréables et l'impulsion à les rechercher.
Le degré de cohésion des tendances et la forme
particulière de leur association nous permettra d'établir
les types suivants : {1° les équilibrés, « chez lesquels la
syslématisation résulte non pas de la prépondérance
d'une tendance qui se soumet toutes les autres, mais
de J’harmonie des tendances fortes, bien développées
et qui s’équilibrent, et forment un ensemble unifié sans
que l’une d'elles cherche à dominer plus ou moins
longtemps qu'il ne faut pour conserver l’harmenie
générale », 2° Les unifiés, chez lesquels l'harmonie
résulte de la subordination de l’ensemble des tendances
à l’une ou à quelques-unes d’entre elles. 3° A côté de
ces formes où prédomine l'association systématique,
viennent s’en ranger d'autres qui résultent de la
prédominance de l’inhibilion systématique : les réfléchis,
les maitres d'eux-mêmes. Ce sont, en réalité, el
M. Paulhaa le reconnait lui-même, des unifiés chez
lesquels l'inhibition des tendances adverses est moins
parfaite, chez lesquels, en d'autres termes, la diffé-
rence d'intensité des tendances est moins grande : il
y aura donc chez eux des luttes intérieures. des conflits,
mais dont l'issue ne sera pas douteuse. 4° Lorsque
les tendances luttent à forces égales, un autre type
apparaît : celui de l'inquiet, du nerveux, du con-
trariant, de l'agilé. Le conflit est alors permanent, l’équi-
- libre loujours instable, l'harmonie définitive impossible,
59 Si la cohésion des tendances continue à diminuer, ce
relâchement du lien d’association qui avait permis les
luttes intérieures les supprime en augmentant encore:
les tendances se satisfont chacune pour son compte, sans
être entravées ni empéchées par les tendances opposées :
on a alors affaire aux impulsifs, ou, si chaque système de
tendance est en lui-même cohérent et unifié aux com-
posés, aux mulliples, le débauché chaste, l'amateur de
courses de faureaux, plein de pitié pour les souffrances
des animaux, ete. 6° Mais ce défaut de cohésion, qui était
exceptionnel chez l’impulsif et ne se manifestait que
lorsque telle ou telle de ses tendances revêtait ane spé-
ciale intensité, qui, chez le multiple, n’atteignait pas
l'intégrité de chacune de ses synthèses partielles, peut
s'étendre à l'esprit tout entier, et on est alors en pré-
sence du type de l'incohérent, de l'émielté, qui revêt
mille aspects divers : le faible, le suggestible, V'étourdi,
le distrait par légèreté, ete., et qui trouve sa plus com-
plète expression dans le caractère hystérique. Si nous
passons maintenant à l'examen des qualités générales
des tendances elles-mêmes, nous verrons se dégager
de nouveaux types : l'abondance et la multiplicité des
goûts et des tendances nous donnera les caractères
amples et riches, leur pelit nombre les caractère étroits
et fermés, ce que les Anglais appellent one-sideness.
Remarquons que les tendances elles-mêmes peuvent
être plus ou moins complexes. Chez l’un, l'amour se
réduira à l'instinct sexuel; chez l’autre, ce sera une
tendance synthétique où des sentiments esthétiques,
des sentiments tendres, de l'estime, de la reconnais-
sens psychologique du mot), leur
921
sance, des affinités intellectuelles, etc., entreront en
composition. Ces éléments psychiques, ces tendances,
peuvent être composés de tendances élémentaires,
cohérentes entre elles et harmoniques, ou bien, au
contraire, d'instincts et de goûts dont l’unité finale est
le résultat d’un conflit, d’une lutte : cela nous donnera,
d’une part, les tranquilles, et de l’autre les troublés,
Suivant que les tendances dans leur ensemble seront
faibles ou fortes, énergiques ou languissantes, nous se-
rons en présence des passionnés, des entreprenants, des
audacieux, d'une part; des indifférents, des paresseux,
de l’autre, De la persistance des tendances, résultent
l’obstination, la constance, la persévérance : de leur mobi-
lité, la faiblesse, l'inconstance. Mais une tendance peut
revêtir des formes indéfiniment diverses et s'adapter,
restant en son fond toujours identique à elle-même, aux
changements incessants des circonstances, et l’on a
affaire alors à la souplesse de caractère, ou demeurer
toujours invariable, ne s'adapter point : c'estle propre
des caractères raides, raideur qui se voile de douceur
ou se trahit par une rudesse extérieure, Remarquons
enfin que, parmi des hommes doués de passions égale-
ment fortes et tenaces, les uns sont plus aisément que
les autres déterminés à l’action, ou, pour mieux dire,
plus rapidement : la rapidité de la réaction est indé-
pendante de son intensité et de sa durée. Si nous nous
placons à ce point de vue, nous rangeons dans une ca-
tévorie les vifs, les impressionnables, etc.; dans une
autre, les froids, les lents, les flegmatiques. Notons tou-
tefois que les réactions lentes sont d'ordinaire celles
qui correspondent aux tendances les plus persistantes,
les plus tenaces. Si, enfin, nous nous placons au point
de vue de l'objet des tendances, la classification des
caractères sera celle même des inclinations et des ins-
tincts; on les peut répartir en trois grands groupes :
types déterminés par la prédominance des tendances
vitales, types déterminés par la prédominance des ten-
dances sociales, types déterminés par la prédominance
des tendances supra-sociales; quelques exemples pris
dans chaque groupe indiqueront nettement à quoi cor-
respond cette classification : dans le premier groupe,
nous trouvons le gourmand, le sexuel, l'homme chez qui
prédominent les jouissances esthétiques de l'œil ou de
l'oreille, l’intellectuel, ete.; dans le deuxième, l'amant,
l’ami, le patriote, le mondain, l'avare, le vaniteur, le
modeste, l'ambitieux, V'humble, eic.; dans le troisième,
les mystiques, les hommes épris de la vérité, etc. Il ne
faut pas confondre l’homme qui aime le vrai avec le
simple intellectuel. « Ce que celui-ci aime surtout, c’est
l'exercice de son intelligence; ce qu'aime l’autre, c’est
l'objet de cet exercice. »
M. Paulhan a consacré la dernière partie de son
livre au caractère individuel. Il montre que, chez un
même individu, plusieurs types coexistent normale-
ment. « Les types purs sont extrêmement rares, et
la pureté absolue n'existe pas. » A côté de la ten-
dance maitresse, il subsiste toujours des goûts parti-
culiers qui ne s’harmonisent qu'incomplètement avec
elle; il n'est pas d'homme au caractère si impulsif
qu'il ne soit, à certaines heures, maître de lui-même ;
il n’est pas d’incohérent, à moins de nous adresser
à des cas franchement pathologiques, qui ne con-
serve encore dans sa conduite quelque cohésion, A côté
de tendances amples et souples, il peut y en avoir,
chez le même individu, qui soient très raides et très
pauvres de contenu. Il faut aussi établir avec grand soin
la nature des relations que chaque tendance ou système
de tendances soutient avec tout l’ensemble, et tenir
compte de l’état transitoire ou relativement définitif de
ces tendances : une tendance significative chez un
vieillard, l’ardeur amoureuse, ne l’est pas chez un jeune
homme, et, si c’est un trait de caractère à noter chez
un enfant que d’être réfléchi, le même degré de con-
centration intellectuelle demeurera sans signification
et sans portée chez un adulte, Il ne faut pas non plus
perdre de vue les substitutions de tendances qui se
peuvent produire en raison des circonstances dans un
222
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
caractère déjà relativement équilibré : toutes ne sont
point possibles, parmi les tendances, celles-à seules
peuvent émerger et recouvrir les tendances actuelle-
ment dominantes, qui se manifestent déjà obscurément
dans un caractère : en observant, par exemple, de
quelle manière un jeune homme est amoureux, on peut
prévoir s’il sera ou non ambitieux.
M. Paulhan à terminé son livre par une analyse du
caractère de G. Flaubert où il s’est efforcé de mettre
en pratique les règles générales de méthode qu'il a
formulées et de trouver une illustration aux lois abs-
traites qu'il a établies,
Il y aurait certes plus d’une critique à adresser à cet
ouvrage, mais elles porteraient soit sur sa forme, sur
les vices de composilion qu'on y pourrait aisément
relever, sur la confusion très grande qui règne dans
les détails et qui contraste avec la clarté et la netteté
de l’ensemble, soit sur l'interprétation que M. Paulhan
a donnée des lois générales d'association qu’il a étu-
diées avec une si pénétrante originalité; mais les unes
et les autres seraient ici hors de leur place, et, tel qu'il
est, le livre de M. Paulhan renferme à la fois la plus
scientifique analyse de ce qui constitue le caractère et
la meilleure classification des divers types psychiques
qu’un psychologue francais ait encore publiées.
L. MARILLIER.
4° Sciences médicales.
Dryepondt (D'G.).— Guide pratique hygiénique
et médical du voyageur au Congo. (Publications de
l'Etat indépendant du Congo.) — Un vol. in-8° de
130 pages. Imprimerie van Campenhout, 13, rue de la
Colline. Bruæelles, 1895.
Publié par les soins de l'Etat indépendant du Congo,
ce manuel a été écrit non pour les médecins, mais
pour les Européens qui, pendant leur séjour au Congo,
peuvent, et le cas est fréquent, se trouver éloignés de
tout secours médical, L'auteur s'est efforcé de résu-
mer, dans une langue simple, en s’abstenant soigneu-
sement des termes techniques, les principales notions
acquises sur la pathologie des pays intertropicaux.
La première partie est consacrée à de brèves consi-
dérations sur les règles d'hygiène que devra suivre le
voyageur (vêtements, couchage, nourriture, etc.).
L'auteur passe ensuite en revue les affections spé-
ciales qu'on rencontre le plus communément au
Congo, indiquant pour chacune d’elles les principaux
symptômes et le traitement. La malaria et, après elle,
les maladies de l'appareil digestif dominent toute la
pathologie. Bien que n’admettant pas le traitement
préventif de la fièvre par la quinine, l’auteur ne peut
s'empêcher de reconnaître qu'il est utile de prendre
pendant une huitaine de jours un demi-gramme de
quinine chaque fois qu'on change d'habitat, et de
même après une marche forcée ou après avoir traversé
ul pays marécageux.
Après quelques courtes notions de petite chirurgie,
l'opuscule se termine par quelques indications prati-
ques sur le bagage médical du voyageur.
L'Etat du Congo a adopté de petites pharmacies
portatives dans lesquelles les médicaments sont pres-
que tous en tabloïdes, c’est-à-dire comprimés. Ce
mode de préparation a le double avantage de réduire
le volume des médicaments, tout en assurant mieux
leur conservation.
Cet ouvrage, destiné, dans la pensée de l’auteur, à
être une sorte de vade-mecum du voyageur au Congo,
sera consulté avec fruit par tous les Européens des-
tinés à vivre dans les régions tropicales.
D' ALVERNHE.
WVurtz (R.), Chef du Laboratoire de Pathologie expéri-
mentale à la Faculté de Médecine de Paris. — Précis de
Bactériologie clinique. — 1 vol. in-16 de 500 pages
avec 42 fig. (Prix : 6 fr.). G. Masson, éditeur, Paris, 1895.
Cet ouvrage se divise en trois parties, Dans la pre-
mière sont exposées les méthodes générales d'analyse
bactériologique et d'examen microscopique. Les
procédés de culture et les inoculations, ainsi que la
technique des prélèvements à faire sur le cadavre en
évitant, suivant les judicieux préceptes que l’on doit à
M. Wurtz lui-même, d'attribuer un rôle pathogène
aux microbes adventices qui se sont développés après
la mort ou pendant l’agonie; l'étude bactériologique
du sang et du pus complètent ces premiers chapitres.
Les manifestations viscérales des maladies infec-
tieuses font l’objet de la seconde partie, dans laquelle
nous signalerons notamment la question si impor-
tante des pleurésies et celle des angines. Toutes les
connaissances nécessaires pour le diagnostic bactério-
logique de ces affections y sont résumées, et l’on est
mème frappé des nombreux renseignements qui ont
pu être réunis dans ce Précis de Bastériologie clinique.
Enfin, dans la troisième parlie, sont traitées les ma-
ladies infectieuses générales ou locales telles que
l’érysipèle, la fièvre typhoïde, le choléra, le tétanos,
la diphtérie, etc. Chaque microbe pathogène est l’objet
d’un tableau synoptique dans lequel sont très heureu-
sement condensés ses caractères morphologiques et
biologiques. |
Les étudiants en médecine et tous ceux qui s'inté-
ressent aux applications indispensables de la bactério-
logie à la clinique trouveront, dans l'excellent ouvrage
de M. Wurtz, un exposé très clair des connaissances
les plus utiles pour l'isolement, l'étude et la détermi-
nation des microbes pathogènes. Et ceux, même, qui
sont familiarisés davantage avec les notions de la bac-
tériologie, y apprendront maints détails de technique,
personnels ou inédits, qui leur permettront de bénéfi-
cier ainsi de la pratique si compétente de leur
auteur. D' H. ViINcENT.
5° Sciences diverses.
Beauregard (H.), Assistant de la Chaire d'Anatomie
comparée au Muséum. — Nos Bêtes. Animaux utiles
et nuisibles. — Ouvrage paraissant en livraisons les
5 et 20 de chaque mois. Chaque livraison, contenant
8 pages de teæte et une planche en couleur, est vendue
séparément 90 centimes. A. Colin, éditeur, 5, rue de Mé-
zières, Paris, 1895. ‘
Dans cet ouvrage, l’auteur s’est proposé de vulga-
riser un certain nombre de connaissances précises sur
les animaux qui nous entourent et dont les plus com-
muns sont en général fort mal congus. Chaque espèce
est l’objet d’une étude sérieuse et attrayante.
Les premières livraisons parues sont consacrées à
l'étude des différentes races de chiens et de chevaux qui
se trouvent en France,
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de #8 pages grand in-8 colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en cou-
leurs. 526° et 527° livraisons. (Prix de chaque livrai-
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes,
Paris, 1895.
Les 526° et 527° livraisons de la Grande Encyclopédie
renferment : une étude de M. À. Joannis sur les Len-
tilles sphériques, le calcul de leurs formules, la discus-
sion de ces formules et la construction des images
données par les lentilles convergentes et divergentes,
étude suivie de quelques mots de M, Knab sur la fabri-
cation des lentilles; un article sur les Lémuriens ac-
tuels et fossiles, par le D' Trouessart; une description
de la famille de végétaux fossiles connus sous le nom
de Lépidodendrées, par MM. Harn et Jobin; une mono-
graphie de l’ordre des Lépidoptères (papillons), avec la
description de leur métamorphose et de leurs mœurs,
leur classification et leur distribution géographique,
par M. A. Jobin; un article sur la lèpre, par M. H. Four-
nier ; les biographies de Léon XII, par M. E. Vollet;
de Léopold I: et Léopold Il, rois des Belges, par M. E.
Hubert; de Lesage, par M. Ph. Berthelot,
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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANT
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 6 Mai 1895.
M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de
M. Carl Vogt, Correspondant de la Section d’Anatomie
et de Zoologie. Il signale parmi les pièces imprimées
de la correspondance : le Bulletin de la Société d'Etude
des Sciences naturelles de Nimes, 1894; une brochure de
M. Galien Mingaud ; les années 1891 à 189% de la
Bibliotheca Mathematica ; dix notices de M. A. Favard;
une note de M. G. Enestrom.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. M. G. Bigourdan dé-
montre que l'orbite de la comète de 1771, considérée
jusqu'ici comme hyperbolique, est au contraire ellip-
tique ; cette question constitue un point intéressant la
recherche de l’origine des comètes. — M. Bouquet de
la Grye lit un rapport sur la table des nombres trian-
gulaires de M. Arnaudeau. Cette table permet de faire
rapidement les opérations numériques et donne des
produits de dix chiffres: elle remplace avantageuse-
ment les tables de logarithmes. — M. G. Kæœnigs com-
plète une note qu'il à communiquée le 22 avril. IL dé-
montre que toute condition algébrique imposéé au
mouvement d’un corps, est réalisable par le moyen
d’un système articulé. Cette proposition peut être géné-
ralisée : Soient n points M,,M,..., M,,soumis à des liai-
sons algébriques, c’est-à-dire représentées par des
équations algébriques entre les coordonnées de ces
points; il est toujours possible de réaliser ces liaisons
par un système articulé reliant entre eux les n points
donnés. Le même théorème est vrai si, au lieu de
points, on prend des corps solides soumis entre eux à
certaines liaisons algébriques. — M. de la Rive définit
un espace à quatre dimensions et en établit les pro-
priétés générales: comme application, il obtient le
volume de l’ellipsoide à trois axes inégaux et retrouve
les propriétés de trois diamètres conjugués de cette
surface.
29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Gaston Tissandier pré-
sente quelques observations sur le projet d'expédition
en ballon aux régions arctiques de M. S.-A. Andrée. Les
pertes de gaz, par suite des variations de température,
n'ont pas permis jusqu'ici des voyages aériens de plus
de vingt-quatre heures; pour rester en l'air plusieurs
journées consécutives, il faudra des constructions nou-
velles des aérostats. — M. Aimé Girard confirine, par
ses expériences nouvelles sur l'application systématique
de la pomme de terre à la nourriture du bétail, ses
conclusions précédentes : la pomme de terre riche et à
grand rendement doit être considérée comme un four-
rage de premier ordre. — M. A. Müntz étudie les effets
de la fumure sur la qualité des vins : quand le rende-
ment n’est pas artificiellement poussé, par le mode de
taille, au delà d’une certaine limite, la qualité des vins
ne se ressent pas de lexagération des fumures; en
demandant à la vigne de plus fortes récoltes, par l'effet
combiné de la fumure et de la taille, on n’obtient que
des vins inférieurs. —M. A, Ponsot communique une
note intéressante sur les cycles isothermes fermés ré-
versibles et équilibrés par la pesanteur ; il fait remar-
quer, en terminant, que la relation fondamentale de
Van ’Hoff : xv — iRT, applicable seulement à quelques
solutions, ne l’est que dans un cas très particulier du
phénomène osmotique. — M. Albert Colson, partant
de ce fait que la pression a pour effet de relever le
point de congélation des liquides qui se contractent en
se solidifiant et, d'autre part, qu’à pression constante,
le point de fusion de liquides renfermant quelques
centièmes de matières étrangères s’abaisse en raison
inverse du poids moléculaire du corps étranger dissous
dans le liquide, a cherché expérimentalement s’il existe
une relalion entre le poids moléculaire d’un corps
dissous et la pression nécessaire pour ramener le dis-
solvant à se solidifier à une température fixe, constante.
L'abaissement de température de congélation des dis
solutions, plutôt que le poids moléculaire du corps
dissous, est lié à la pression compensatrice, — M. A.
Schuster soumet à l’Académie les raisons qui le por-
tent à croire que M. Poincaré (Comptes rendus, p. 758) a
tiré d’une analyse incontestable un résultat qui lui
paraît faux. La régularité des vibrations, mise en évi-
dence par les observations de MM. Fizeau et Foucault,
n'existe pas dans le mouvement lumineux, mais esl
produite par l'appareil spectral. — M. A. Cotton cite un
certain nombre de corps actifs qui absorbent inégale-
ment les deux sortes de rayons, l’un circulaire droit,
Pautre gauche, se propageant avec des vilesses diffé-
rentes. Il décrit un mode d'observation permettant de
comparer entre elles la différence de vitesse des deux
rayons et la différence de leurs absorptions. — M. H.
Moissan n'a pu obtenir de combinaison de l’argon avec
le bore et le titane qui s'unissent directement à l’azote ;
le lithium et l’uranium n’ont pas d'action sur ce gaz.
A la température ordinaire ou sous l’action d’une étin-
celle. d’induction, un mélange de fluor et d’argon
n'entre pas non plus en combinaison. — M. Raoul
Varet rend compte de ses expériences sur la détermi-
nation des chaleurs de formation des sulfate, nitrate el
acétate mercureux et cite les nombres obtenus. —
M. P. Schützenberger communique les nouveaux ré-
sultats quil a obtenus dans l’étude du sulfate de
cérium préparé par la méthode Debray; Foxyde de
cérium est accompagné, dans la cérite, de petites
quantités d'une autre terre à poids atomique plus faible,
1437 ou 134, susceptible, comme l’oxyde de cérium
(Ce?203), de se convertir par oxydation en un bioxyde
dont le sulfate, isomorphe avec celui de cérium, forme,
comme ce dernier, des sulfates doubles insolubles
avec les sulfates alecalins et dont le bioxyde calciné pré-
sente une couleur brun rougeâtre, même sans l’inter-
vention du didyme., — M. Eugène Gilson a reconnu
la présence, dans la membrane cellulaire des champi-
#nons, d'un corps possédant toutes les propriétés de la
chitine. Ue fait est intéressant; jusqu'ici on n'avait
trouvé la chitine que dans le règne animal, sa présence
dans la membrane cellulaire des champignons con-
stitue un nouveau point de rapprochement entre ces
êlres et les animaux, Dans tous les champignons ana-
lysés, Ja cellulose fait défaut; elle y est remplacée par
la chitine, qui joue, dans la membrane, le rôle de sub-
stance squeleltique, comme la cellulose dans la mem-
brane cellulaire de toutes les phanérogames et d’un
grand nombre de cryptogames, C. MATIGNON.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. Blanchard présente
une notice sur les travaux de James Dana, et M. Dau-
brée rappelle les travaux minéralogiques et géologi-
ques de ce savant. — M. Blanchard présente une no-
tice sur les travaux du z0ologiste Carl Vogt qui vient
de mourir, — M. Künckel d'Herculais, reprenant
l'étude des appareils odorifiques, les compare dans
les différents groupes d’Hémiptères hétéroptères. —
M. Wallerant montre que, au moins à l’époque
charmoutienne, le massif vendéen fut, comme le pla-
teau central, recouvert en grande partie par les eaux
marines jurassiques. — MM. Camus et Gley ont
recherché l'influence du sang asphyxique et de quel-
ques poisons sur la contractilité des vaisseaux lym-
phatiques et ont trouvé que les influences toxiques
ACADÉMIES KT SOCIÈTÉS SAVANTES
provoquent des changements de calibre des vaisseaux.
— M, d'Espine conclut de ses études à la présence
d'un streptocoque spécial dans le sang, au début d'une
searlatine typique. J. MARTIN.
Séance du 13 Mai 1895.
1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. -— M. André Markoff, pro
fitaut d'un extrait des papiers laissés par l’auteur, ré-
tablit la démonstration d’un théorème de Tenébychef :
Soit y le plus grand diviseur premier des nombres
1492, 1442, 1 +6? , 1-4 NE,
le rapport £ croît indéfiniment avec N. — M. F. de
PP N
Salvert présente sous une forme plus simple les for-
mules de transformation des fonctions elliptiques de
troisième espèce et les formules relatives à l’expres-
sion des fonctions complètes qu’il a données dans une
note précédente. — M. A.-J. Stodolkievitz complète
une note sur l'intégration du système des équalions
différentielles. — M. Lippmann décrit un cœlostal
donnant une image du Ciel immobile par rapport à la
terre, Il se compose d’un miroir plan monté sur un
axe qui repose sur des coussinets fixes. Le miroir et son
axe sont parallèles à la ligne des pôles. Un moteur fait
tourner leur système avec une vitesse uniforme d’un
tour en quarante-huit heures sidérales, dans le sens du
mouvement des étoiles. L'auteur indique les avantages
de cet appareil.
20 SciENGES PuYsiQues, — M, L, Hartmann décril un
comparateur automatique enregistreur pour mesures à
bouts et en fait ressortir les nombreux avantages. —
M. Cornu fait remarquer que les travaux de MM. Hart-
mann et Mengin apportent à la Commission internatio-
nale du mètre de nouveaux éléments pour terminer les
études relatives aux prototypes à bouts. — M. Gouy
rappelle que, dans les expériences d’interférence faites
sans le secours du spectroscope, la différence de
marche est limitée par la complexité du mouvement
lumineux, Il montre que l’on peut reculer presque in-
définiment cet obstacle, avec les sources de lumière
actuelles, par une disposition expérimentale appro-
priée. — M. A. Cotton a été conduit par des mesures
de pouvoir rotatoire, au moyen de la méthode qu'il à
indiquée précédemment, au phénomène de la disper-
sion anormale des corps absorbants, beaucoup plus gé
néral que celui de l'absorption inégale. — M. Bernard
Brunhes publie les conclusions très intéressantes de
l'application qu'il à faite, à l'absorption cristalline, de
la théorie électromagnétique de la lumière. — M. Bir-
keland a trouvé le système d’intégrales des équations
de Maxwel pour un milieu absorbant homogène et iso-
trope; il indique quelques résultats de ses recherches.
_ M, Etard conclut de ses expériences : 1° que les
sels de chrome et les sels rouges de cobalt possèdent,
à la facon des terres rares ct des sels d'uranium, de
fines bandes spectrales; 2° que les spectres de ces imé-
taux, tout au moins, sont des spectres de molécules, à
la facon de ceux fournis par les matières organiques,
telles que les chlorophylles; 3° l'hypothèse d’après la-
quelle, à chaque bande du spectre d’une terre rare,
correspondrait un élément, n'est pas nécessairement
vraie, d’après l'exemple du cobalt; # les bandes
peuvent se déplacer notablement ou cesser d'exister
pour un même élément, selon la nature des molécules
en dissolution où du composé observé. — M. Raoul
Varet a complété ses recherches sur les sels de mer:
eure en reprenant l'étude thermochimique des chlo-
rure. bromure, iodure et oxyde mercureux; il donne
les chaleurs de formation de ces composés. — M. Ram-
say a constaté la présence de l’argon et de l’hélium
dans le gaz emprisonné dans une météorite. — M, H
Le Chatelier présente une note rectificative sur la
combinaison définie des alliages cuivre-aluminium. —
M. Campredon expose une méthode très rapide pour
le dosage du soufre dans les fontes, les aciers et les
fers, — M. Maxime Cari-Mantrand montre que l'on
peut facilement purifier l'alcool dénaturé. Le procédé
est basé sur la solubilité, dans le tétrachlorure de car-
bone, des impuretés pyrogénées des méthylènes com-
merciaux et sur la séparation de l'acétone et de l'al-
cool méthylique, mélangés à l'alcool vinique, par une
distillation en présence d’un chlorure alcalin en disso-
lution. — M. Tanret a constaté l'existence de trois
états isomériques du glucose ordinaire, caractérisés
par le pouvoir rotatoire de leurs dissolutions, faites à
froid et observées immédiatement: il les désigne par
les lettres &, 8, y: pour le glucose «. p -+106°;pour
vOg": œ
52%; pour le glucose y 5— + 22, 5
y D,
x 1
le glucose B=—+
Les dissolutions des glucoses x el y, abandonnées à elles-
mêmes, au bout de cinq à six heures, acquièrent un
pouvoir rotatoire identique à celui du glucose 6. Le
même pouvoir rotatoire se développe instantanément,
lorsqu'on ajoute à l’une ou à l’autre de ces dissolutions
une trace de potasse, La eryoscopie a donné pour ces
trois glucoses le même poids moléculaire. — M. Ber-
thelot a mesuré la chaleur de transformation des trois
slucoses, préparées par M. Tanret, les uns dans les
autres. Dans l’état anhydre, le changement du glucose *
en glucose 8 absorberait — 121,55, Le changement du
glucose y en glucose & absorberait — 0°*,67, Dans l’é-
{at dissous, les différences sont bien moindres et ne
surpassent guère les erreurs d'expérience. — M. Grif-
fiths a déterminé la composition chimique d’un pig-
ment brun retiré des élytres de la calandre cuivrée; sa
formule est CI4H 15470; l’auteur lui a donné le nom de
cupréine, — M. Louis Mangin a. vérilié, par l'analyse
de l’atmosphère du sol, que le défaut d'aération du sol
est un des facteurs du dépérissement des arbres dans
les villes. ï C. MaArIGNoN.
30 SGIENCES NATURELLES. — M. J. Leroux, dans ses
recherches sur l'éclosion de l'œuf des sexués du
Phylloxéra, conclut que le temps minimum nécessaire
à l’éclosion est non seulement supérieur à quarante
jours, mais qu'il est au moins égal à quarante-quatre,
si ce n'est à quarante-huit. Le procédé de préservation
des vignes, consistant en deux pulvérisations insecti-
cides, l’une au commencement de septembre, l’autre à
la fin d'octobre, est donc applicable, — M. L. Mangin,
poursuivant ses recherches sur l’aération du sol dans
les promenades et plantations de Paris, montre l'im-
portance de la composition de Vair dans le sol sur le
développement des feuilles des diverses essences.
Le retard dans la feuillaison provient d’un appauvris-
sement en oxygène, — M Cayeux démontre lexis-
tence de nombreux cristaux de feldspath orthose dans
la craie du bassin de Paris, dans toutes les assises du
Turonien et du Sénonien. L'orthose s’est formée in situ.
— M, Paquier fournit un certain nombre de docu-
ments sur les gypses des environs de Serres (Hautes-
Alpes) et de Nyons (Drôme). — M. Douxami, dans une
étude sur le miocène des environs de Bourgoin et de
la Tour-du-Pin, montre que tous les cailloutis des
plateaux du bas Dauphiné septentrional.ne sont pas
pliocènes ; la plus grande partie estlacustre et diffère
des poudingues marins à cailloux impressionnés de
Voreppe, — M. A. Guébhard fournit des documents
sur la présence d’Ostrea (Exogyra) virgula dans le Juras-
sique supérieur des Alpes maritimes.
J, Mani.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 21 Mai 1895.
M. Cornevin (de Lyon) est élu Correspondant natio-
nal dans la III division (médecine yélérinaire). —
M. Le Dentu lit un rapport sur un mémoire de
M. Quénu concernant deux cas d’anévrisme, l'un de
l'artère iliaque externe, l’autre de la fémorale com-
mune, existant sur le même sujet, traités au moyen de
l'extirpation et guéris. — M. À. Chatin à trouvé que
PE 7
V7 2 VA
déni “a nn émis ets sm date he 3 A éesné,
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ET
\
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
non seulement jes coquilles d'huitres, mais aussi la
chair de ces animaux renferme une notable proportion
de phosphore. La coloration verte de certaines huîtres
est due à la présence de diatomées. — M. Hervieux fait
l'historique de la variolisation ancienne et moderne; il
étudie ses procédés divers, les accidents et les dangers
qu’elle entraine, — M. Dieulafoy répond aux observa-
tions de M. Cornil à propos de la tuberculose larvée
des trois amygdales. Il montre que la plupart des
grosses amygdales sont tuberculeuses ou sont un récep-
tacle pour le bacille. — M. le D' Commenge lit un
travail sur les maladies vénériennes dans l’armée fran-
caise et anglaise, — M. le D' Garnault lit un travail
sur le massage rythmé des muqueuses dans le traite-
ment des affections du nez, de la gorge et des oreilles.
Séance du 28 Mai 1895.
MM. Esmarch (de Kiel) et Durante (de Rome) sont
élus Correspondants étrangers dans la If° division (chi-
rurgie). — M. J. Chatin fait une communication sur
le chromatisme chez les Huîtres et son processus his-
tologique. — M. Péan communique une observation
de vessie et urètre surnuméraires congénitales chez
une jeune fille de 15 ans. — M. Vallin étudie la ques-
tion des intoxications alimentaires, Il indique les ma-
ladies du bétail qui rendent les viandes dangereuses
pour l’homme, et il montre la protection insuffisante de
la législation actuelle et des règlements sur la police
sanitaire des animaux. — M. Hervieux conclut à la
non-identité de la vaccine et de la variole et à l’impos-
sibilité de remplacer la première par la dernière, —
M. le D' Delorme cite un cas de névrite traumatique
ascendante guérie par la compression forcée. — M. le
D' Poncet (de Lyon) communique un nouveau cas d'ac-
linomycose de la face guéri par la médication iodurée.
SOCIETE DE BIOLOGIE
Séance du 18 Mai 1895.
M. Roger montre que, si les produits microbiens
favorisent en général le développement des infections,
ils peuvent exercer quelquefois une action thérapeu-
tique. — Par injection de toxine pyocyanique, M. Char-
rin est parvenu à produire expérimentalement chez un
lapin lépilepsie spinale. — MM. Sellier et Jolyet ont
montré que l'hyperglobulie qui se manifeste aux hautes
allitudes n’est pas due à la diminution de pression de
l'air respiré, mais à la diminution de tension de l’oxy-
sène dans le mélange oxygène-azote respiré.— MM. Bar
et Rénon communiquent un cas d’ictère grave ayant
amené la mort chez un nouveau-né atteint de syphilis
hépatique. — M. Contejean montre que l’ablalion de
la zone motrice du cerveau chez un chien produit non
seulement une diminution de la sensibilité tactile, mais
aussi une diminution de la sensibilité réflexe. —
M. Fabre-Domergue croit que les injections de sérum
dans le traitement du cancer n’exercent pas une action
vraiment curative, mais simplement une action modi-
licatrice en détruisant soit l'élément néoplastique, soit
l'élément leucocytaire et en diminuant ainsi la tumeur.
— M. Langlois expose ses recherches sur l'action
comparée des sels de cadmium et de zinc dans la
marche de la fermentation lactique. — M. Guénard
envoie une note sur l’action cardiaque de la morphine.
— M. Soulié adresse une communication sur la struc-
ture des ligaments de l'utérus et la migration des
uvaires chez la femme. &
Séance du 25 Mai 1895.
M. Mangin est élu membre de la Société, — M. Ri-
chet défend la sérothérapie du cancer contre les eri-
liques de M. Fabre-Domergue, Les injections ne sont
pas faites dans la tumeur même, ce qui détruit l’argu-
mentation de ce dernier. — M, Souques décrit une
dégénération ascendante du faisceau de Burdach con-
sécutive à l’atrophie d’une racine cervicale postérieure.
— M. Féré a constaté que la diminution de l’ampli-
tude de l'onde diphragmatique qui se produit du côté
D29
paralysé est surtout marquée dans l'hémiplégie infan-
tile, — M. Luys montre les photographies de nouvelles
fibres qu’il a rencontrées dans la région protubéren-
tielle, — MM. Lapicque et Auscher ont constaté la
présence de fer dans le pigment du diabète bronzé. —
M. Rey Pailhade expose ses nouvelles recherches sur
le philothion. — M. Delezenne a constaté l’absence,
dans le pneumogastrique, de fibres motrices pour
l'utérus et la vessie.
SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séances des 17 et 19 Avril 1895.
M. C. E. Guillaume à, dans unarticlespécial, rendu
compte de l'exposition des expériences et appareils ré-
cents faite par la Société en ces séances de Pâques,
Pendant ces séances la Société a entendu quelques
communications, une remarquable conférence et fait
une très intéressante visite industrielle dont nous allons
rendre compte.
Le17avril, M. N.Delaunay, professeur à Novo-Alexan-
dria (Russie), a fait une communication sur la représen-
tation géométrique du mouvement d’un corps pesant
autour d’un point fixe dans le cas traité par Mme Sophie
Kowaleski et présente des modèles en carton de mécanis-
mesarticulés d’une remarquable ingéniosité.— M.Raoul
Pictet a exposé un travail théorique et expérimentalsur
le point critique des liquides. Tout d’abord il montre
que la mesure de la température critique d’un liquide
fournit une méthode sensible pour déceler la présence
d’impuretés. IL observe la température critique et le
point d’ébullition de certains liquides tels que le chlo-
roforme, le chloréthyle, le pental, l’éther sulfurique,
d’abord à l’état de pureté, puis après y avoir ajouté un
peu d’alcool, d’aldéhyde, d’eau oude camphre. Il en ré-
sulte une variation du point critique dix à soixante fois
plus grande que celle de la température d’ébullition.
D'autre part, M. Pictet a cherché à déterminer expéri-
mentalement quelle est la puissance dissolvante des
vapeurs des liquides portés à une température supé-
rieure à leur point critique. Il a étudié les dissolutions
dans l’éther du camphre sous ses trois états allotropi-
ques et plus spécialement le bornéol, puis du phénol,
du gaïacol et de l’iode. Ces expériences l’ont conduit à
des conséquences inattendues sur le pouvoir dissolvant
des vapeurs surchauffées. On constate que tous les corps
cités restent dissous dans la vapeur d’éther, Ils forment
donc une solution gazeuse. De même les vapeurs d’al-
cool ont la propriété de dissoudre lalizarine comme
l'alcool liquide, Ces nombreuses expériences viennent
à l'appui de la théorie formulée par M. Pictet en 1877
et dans laquelle il admet que laliquéfaction des vapeurs
se présente sous deux formes distinctes, l'une à des
températures supérieures au point critique et qui se
produit au centre des vapeurs en des points dont le
nombre est proportionnel à la pression ; l’autre, au-
dessous du point critique, à la pression de la vapeur
saturée. La pesanteur n’agitque dans Le second cas pour
rassembler au fond duréservoir la masse de gouttelettes
permanentes. É .
Le 19 avril, la Société est allée visiter l'installation
de distribution de force et d'éclairage par courants po-
lyphasés, aux ateliers Weyher et Richemond, à Pantin.
M. Boucherot, en présentant cette instaliation, en
a fait ressortir les principaux avantages : d’abord,
dans les grandes usines, l'électricité seule permet de
concentrer en un seul point la production de force mo-
trice, car elle seule fournit le moyen de la répartir
ensuite à volonté, Puis les courants biphasés ont été
préférés au courant alternatif simple pour plusieurs
raisons. Les génératrices et les moteurs polyphasés ont
une puissance spécifique plus grande et un rendement
plus élevé que les génératrices et moteurs à courant
alternatif simple. Les moteurs polyphasés ont un dé-
marrage, comme celui des moteurs à courant continu,
beaucoup plus facile que celui des moteurs monophasés
à arlifice de démarrage dans lesquels le couple à ce
926
ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
moment est environ le dixième du couple en charge.
Enfin, par l'introduction de résistances variables däns
l'induit, on peut faire varier la vitesse comme dans le
cas des courants continus, ce qu'on ne pourrait faire
avec des courants monophasés. Les courants biphasés
ont été préférés aux triphasés, carils se prêtent mieux
à des distributions mixtes de force et d'éclairage. Les
deux circuits des courants biphasés n’ont pas besoin
d’être équilibrés très rigoureusement. D'autre part les
cénératrices et moteurs biphasés sont d’une construc-
tion beaucoup plus simple. Les machines adoptées sont
du type Brown. Les trois allernateurs sont de 130 che-
veux chacun. L'un d'eux est muni d’un embrayage ma-
gnétique de Bovet, qui permet de ne le mettre en route
qu'en temps opportun. Ils sont montés en série. Quant
aux moteurs à champ tournant, il fautprendre queiques
précautions au démarrage, Un moteur supérieur à trois
chevaux ne peut pas être mis directement sur une ca-
nalisation. Les artifices varient suivant le type de mo-
teurs et ont été l’objet d’une étudespéciale, notamment
pour les moteurs destinés au pont roulant,
Edgard Haunié.
SOCIÈTE CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 1° Mai 1895.
M. Levat donne quelques indications sur la produc-
tion des phosphates dans le monde, et s'étend toul
d’abord sur les produits de la Floride. Il aborde ensuite
la question des phosphates algériens et étudie les
conditions de leur exploitation. Il termine sa commu
nication en donnant quelques indications sur l’indus-
trie des scories basiques obtenues dans le procédé
d’affinage Thomas-Gilchrist, — D'après M. Joffre, les
plantes absorbent surtout les combinaisons solubles
dans l’eau de l’acide phosphorique. Cette absorption à
notamment lieu lorsque la plante, ayant utilisé les
matières de la graine, n’est pas encore assez déve-
loppée pour évaporer par ses feuilles une grande quan-
tité d’eau et utiliser ainsi les substances peu solubles
qui y existent. Ces résultats expliquent les faits re-
connus par MM. Schlæsing et Prunet relativement à
l'action des engrais agissant mieux, mis en raies, que
mélangés à la terre. Dans le premier cas, en effet, les
parties solubles se transforment moins rapidement en
composés insolubles. M. Joffre a constaté expérimen-
falement sur les betteraves que l'absorption d'acide
phosphorique, en employant des superphosphates
comme amendement, est bien supérieure à celle que
l’on constate en faisant végéter la plante dans la cendre
d'os. Er. CHARON.
SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE FRANCE
Séance du 15 Mai 1895.
M. Laisant présente, au nom de M. Maupin, une
note sur une question de probabilités traitée par d'A:
lembert dans l'Encyclopédie, et une note sur une ap-
plication de la règle des partis au jeu de la manille
aux enchères, — M. Bioche étudie les surfaces du
troisième ordre à trois points doubles et à centre. —
M. Ray signale uné identité relative aux courbes
unicursales. — M. Goursat cherche tous les arcs com-
mensurables avec la circonférence et dont une ligne
trigonométrique a pour carré un nombre rationnel. Il
montre que ces ares sont les ares de 0°, 30°, 45°, 6°,
90°, et ceux-là seulement pour le premier quadrant.
SOCIETE PHILOMATIQUE DE PARIS
Séance du 11 Mai 1895.
M. D. André fait une communication sur fa struc-
ture des permulalions circulaires, comparée à celle
des permuütations rectilignes. — M. Léon Vaillant :
Sur une espèce de torlue de Madagascar. — M. Kœæ-
nigs : Sur la réalisation du mouvement d'un solide de
révolution autour d’un point fixe et sur les systèmes
articulés, Ch. Broone.
SOCIETE ROYALE DE LONDRES
1° SCIENCES PHYSIQUES
Alfred WW, Sorter, — La question de l'hysté-
résis diélectrique. — Dans la charge et la décharge
alternative d'un condensateur, il y a une dissipation
supplémentaire d'énergie; dans une expérience faite
avec un condensateur de cinq microfarads, on a trouvé
que la dissipation de l’énergie, déduite de l’amortisse-
ment des oscillations électriques, est égale à celle qui
aurait eu lieu si on avait ajouté 59 ohms à la résis-
tance du circuit. Les expériences qui suivent ont eu
pour objet de chercher si celte dissipation supplémen-
taire est due simplement à la viscosité du diélectrique
ou à une véritable hystérésis, à un retard à la charge
par rapport à la différence de potentiel établie entre
les plateaux. Les intéressantes expériences de Riccardo
Arno et de P, Janet ne peuvent décider la question.
Une pile de 11 volts est en communication perma-
nente avec un rhéostat de 850 ohms. Le condensateur
peut être relié à deux contacts, l’un fixé à l’une des
extrémités À du rhéostat, l’autre en un point variable,
intermédiaire B, du même rhéostat. Le point B peut
être déplacé d’une manière continue et réglé avec soin.
Un commutateur permet de charger le condensateur
et de le décharger alternativement dans un balistique.
On fera croître très lentement la f.é, m. aux bornes
du condensateur, de O à la moitié de la f. 6, m. maxi-
mum; ce sera, par exemple, ici 5 volts, 5. La courbe
représentative obtenue, en prenant pour abscisses les
f.é. m, et pour ordonnéesles charges correspondantes,
atteint ainsi un certain point P. Si, à partir de là, on
décharge brusquement, on a une impulsion au balis-
tique; mais impulsion n’est pas celle qui correspon-
dait à la décharge totale; cela peut tenir à la viscosité
ou à l’hystérésis, On laisse le condensateur fermé sur
le galvanomètre un moment : puis on fait croitre de
nouveau la f. 6. m. entre les plateaux, en partant encore
de O volt, et allant cette fois jusqu'au maximum
11 volts, toujours très lentement. On atteint un point S
de la courbe représentative, On repart de S en faisant
décroître très lentement la f.é, m. jusqu’à 5 volts 5. Ces
opérations se font en déplacant le curseur mobile B
sur le rhéostat, On atteint alors un point Q qui a la
même abscisse que le point P. Si ces points sont con-
fondus, c'est qu'il n’y a pas d’hystérésis appréciable ;
si, au contraire, ils sont distincts, si leurs ordonnées
sont inégales, c’est qu'il y a hystérésis : on à dans ce
cas une courbe analogue à celle qui représente l'ai-
mantation d’un morceau de fer en fonction du champ
magnétique. Pour voir s'ils sont confondus, un fois
arrivé à ce point Q, on décharge brusquement le con-
densateur, L'expérience prouve qu'on a exactement la
même impulsion que quand on provoquait la décharge
brusque à partir du point P. A f. é. m, égales, on a donc
la même quantité d'électricité, mise en jeu dans la dé-
charge, que la valeur de la f. é. m. soit atteinte en crois-
sant ou en décroissant. On en conclut que le conden-
sateur présente des effets de viscosité diélectrique,
mais qu'on n'a pu y découvrir aucune trace d'hysté-
résis.
2° SCIENCES NATURELLES
G.Massee, Assislant principal, Royal gardens, Kew.—
Note sur la maladie des choux et plantes similaires,
connue sous le nom de « Doigt et Orteil » (Finger
and Toe). etc, — La maladie connue en différentes par-
tiesde la Grande-Brelagne sous le nom de « Doigt et Or-
teil» (Finger and Toe), « renflement », tumeur (clubbing
où anbwry) attaque les navets, les raves, les choux, les
radis, en un motla plupart des plantes sauvages, cultivées
de l'ordre des crucifères; elle atteint en outre plusieurs
plantessauvagestelles que laravenelle, le vélar, la bourse-
à-pasteur, l’alliaire (sisymbrium alliaria). La maladie est
caractérisée par la formation de nombreux nodules sur
la racine qui se contourne et meurt bientôt en formant
uné masse gluante et fétide, Berkeley étudia Le premier
ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
D27
cette maladie, etses recherches lui révélèrent l'existence
d’un élément morbigène iusque-là inconnu, mais qu'il
ne put déterminer avec précision ; il constata l'effet
utile des cendres de bois et l’attribua aux sels de potasse
qu’elles contiennent. Woronin établit que la maladie
avait pour cause un micro-organisme, apparenté aux
champignons, auquel il donna le nom de plasmodiophora
brassicæ. Voelcker montra que la maladie ne se dévelop-
pait point sur les plantes qui poussaient dans un terrain
riche en chaux. L'auteur à repris la question dans une
série d'expériences prolongées à Kew pendant # ans. —
I. Des plants de choux sains plantés dans un sol qui
avait produit deux années auparavant une récolte de
choux malades, devinrent malades à leur tour. Des
plants témoins provenant des mêmes semences et cul-
tivés dans un sol stérilisé demeurèrentindemnes. Som-
merville a déjà démontré que des navets sont atteints
par la maladie quand ils sont semés dans un sol pro-
venant d’une zone infectée. A. Expériences faites dans
uñe solution stérilisée d'engrais stable. — IH. Le contenu
de deux flacons fut infecté par l’addition de tubercules
écrasés de racines de choux malades. On ajouta dans
Fun des flacons 2 °/, d’une solution saturée d’hydrate
de potassium et dans l’autre 2°/, d'acide sulfurique du
commerce, Un jeune plant de choux parfaitement
sain fut placé dans chaque flacon; au bout de deux
mois, le plant placé dans le flacon contenant l’hydrate
de potassium était très vigoureux et parfaitement
exempt de toute maladie; l’autre, au contraire, était for-
tement atteint, beaucoup pius que les plants témoins
cultivés dans un sol infecté qui n'avait point été traité
par l'acide. Des expériences semblables poursuivies
consécutivement pendant plusieurs années ont toujours
douné le même résultat. — III. Deux jeunes plants de
choux montrant des symptômes nets de la maladie ont
été placés dans des flacons contenant les mêmes pro-
portions d'hydrate de potassium et d'acide sulfurique
que précédemment. Au bout de deux mois, le plant
cultivé dans la solution contenant l'hydrate de potas-
sium était parfaitement sain, les nodules de la racine
avaient disparu; l’autre plant était très malade, Des
résultats analogues furent obtenus en substituant à
l'hydrate de potassium de l’hydrate d’ammonium et à
Vacide sulfurique de l'acide chlorhydrique. — IV, Deux
plants de choux atteints de la maladie furent placés
dans deux flacons de la solution stérilisée. Le liquide
de l’un de ces flacons fut saturé pendant une semaine
- d'acide carbonique, l’autre flacon ne fut soumis à aucun
traitement particulier. Au bout de deux mois la maladie
s'était développée au même degré dans les deux plants,
ce qui prouve que le CO? n’exerce pas d’action sur le
développement des Plasmodisphoræ. B. Expériences faites
dans un sol stérilisé — N. Deux pots de terre stérilisée
à la vapeur furent infectés avec des racines écrasées de
choux malades. La terre d’un des pots fut mélée à de
la chaux vive, celle de l’autre à de l’engrais d’os ayant
une réaction acide. Un plant de chou sain fut planté
dans chacun des deux pots, et au bout de äeux mois
le plant cultivé dans le pot contenant de la chaux vive
était resté parfaitement sain tandis que l’autre était très
malade.— VI. Deux potscontenant l’un de la terre mêlée
de chaux vive, l’autre de la terre mêlée d'engrais d’os
acide recurent chacun un plant de chou malade, Au
bout de deux mois, la maladie était plus développée
sur chacun des deux plants qu’au moment où ils avaient
été plantés, ce qui prouve que la présence de la chaux
ne suffit point à arrèter le développement de la maladie
une fois déclarée. Les observations et expériences pré-
cédentes prouvent :-1. Qu’outre les plantes cultivées,
plusieurs plantes sauvages, de l’ordre des crucifères,
sont attaquées par la Plasmodiophora, d'où la nécessité
de détruire ces plantes dans les champs et le long des
haies. 2. Les germes de la maladie subsistent dans le
sol qui a produit une récolte malade et conservent leur
vitalité au moins deux ans. 3. Le développement de la
Plasmodiophora est favorisé par la présence des acides
et entravé par celle des alcalis, ce qui les rapproche
davantage à ce point de vue des champignons que des
bactéries, 4. Pour stériliser un sol infecté, on peut
employer soit la chaux, soit un engrais contenant des
sels de potasse; ce dernier procédé est le meilleur, car
non seulement il détruit les germes qui sont dans le
sol, mais arrête également la maladie dans les plants
qui en sont atteints, et ces sels constituent de plus un
des aliments nécessaires à la croissance des navets.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 27 Mars 1895
M. le D' Amstrong, président, rend compte de la
marche de la Sociélé pendant la dernière session; il
rappelle la remarquable découverte. de lord Rayleigh
et du Pr Ramsay et remet à lord Rayleigh, au nom de
la Société de Chimie de Londres, la médaille Faraday
« en reconnaissance des services qu'il a rendus à la
science par la découverte de l’Argon ». — M. le
Pr Ramsay fait ensuite une communication sur l&
découverte de l'hélium ! dans la clévite, et M. Crookes
sur le spectre du gaz retiré de la clévite. — M. le Pré-
sident continue ensuite son rapport sur la marche de la
Seciété et fait l’éloge des membres défunts durant
l'exercice de ses fonctions. — La Société vote, par
acclamations, des remerciements à M. le Dr Amstrong
et passe à l'élection de son bureau pour la session qui
vient de s'ouvrir. — M. A. Vernon Harcourt est élu
président. MM. Atkinson, Ph. D., Horace, T., Brown,
FE. R. S., FE. R. Japp, F. R:S., Ludwig Mond, F°R.S,;,
C. 0. Sullivan, FE, R. S., W. C. Roberts-Austen, F. R.S.
sont nommés vice-présidents, Sont élus secélaires :
MM. J. M. Thomson, W. R. Dunstan, F. R. S., Raphaël
Meldola, F. R.S., trésorier : M. T. E. Thorpe, F. R. S.
Séance du 23 Avril 1895
MM. William A. Tilden F.R.S. ct O. Forster ont
trouvé que, dans la réaction du chlorure de nitrosyle
sur les amides, le groupe AzH? est d’abord remplacé
par le chlore; mais,comme il se forme en même temps
une molécule d'eau, le chlorure qui résulte de cette
réaction est transformé en un acide correspondant de
formule plus ou moins compliquée suivant les condi-
tions de l’expérience. L’acétamide, la benzamide, Ha
malonamide, l'acide aspartique, l’urée et l’uréthone
suivent cette règle. La glycosine et l’asparagine don-
nent un acide chloré correspondant aux dérivés
amidés. Du fait que la glycosine et l'asparagine peu-
vent échanger le groupe AzH? contre un atome de
chlore, les auteurs concluent que ces substances
doivent être représentées par des formules les faisant
dériver des composés amidés des acides acétique et
suceinique. — MM. William A. Tilden F.R.S. et B.
C. Marshall, dans leurs recherches sur les produits
obtenus par l’action du chlorure de nitrosyle sur l'as-
paragine en solution dans l'acide chlorhydrique, et
miéux, en solution dans l'acide chlorosuceinique, ont
obtenu un corps fondant à 174° et doué d’un pouvoir
rolatoire [x] — — 19.67 à la température ordinaire.
Ils ont préparé les sels d'argent et de cuivre de cet
acide qui, par son point de fusion, semble être l’iso—
mère de l’acide chlorosuccinique dextrogyre, obtenu
par Walden en partant de l’acide malique. Les valeurs
des pouvoirs rotatoires des deux composés sont à peu
près les mêmes, car l’acide obtenu par Walden a un
pouvoir rotatoire de 20,6 à 20°,8. La légère différence
pour l'acide lévogyre est due probablement à une dis-
sociation partielle dans l’eau. — M. Lewis T. Wright
publie ses recherches sur les produits gazeux de la
partie non lumineuse d’un bec de gaz.— M. J.-J. Sud-
borough prépare les acides benzoïques diorthosubs-
titués en chauffant les nitriles avec l'acide sulfurique
à 120°-130°. Les acides amidés ainsi obtenus sont con-
vertis en acides correspondants au moyen du nitrite de
sodium suivant le procédé Bouveault. L'auteur a pu
+ PAGE 7e 5 ET TRE ER EE
1 Voir Revue générale des sciences, n° 7. p. 297.
x
préparer ainsi toute la série des acides bromoben-
zoïques. — M. J.-J. Sudborough, dans la préparation
des dérivés substitués de la deoxybenzoïne,
CSI CO CH? CS H*,
qui consiste à chauffer un mélange de déoxÿbenzoïne,
d’éthylate de sodium et de différents halogènes en tube
scellé à 450 160°, a remarqué la formation constante
d’une grande quantité de slilbène. Ses expériences le
portent à croire que ce corps provient de l'action de
l’éthylate de sodium, L'analyse montre que le corps
produit à côté du stilbène est de l'hydroxydibenzyle. Si
l’on emploie le méthylate de sodium il ne se forme pas
trace de stilbène; le méthylate de sodium, joue en effet
le rôle d'un agent substituant — MM. A. G. Perkin el
J. Geldard ont trouvé que les principes colorants
contenus dans les baies de Perse sont formés de rham-
nazine (éther diméthylique de la quercitine), de rham-
nétine (éther monométhylique du même corps) et de
quercitine même CI54007, — MM. E. Divers F. R.S.
et T. Haga, d'après leurs recherches sur le nitrosulfate
de potasse, sont convaincus qu'il ne peut exister un
isomère du corps obtenu par Pelouze par l’action de
l’oxyde d'azote sur le sulfite de potassium; ceci con-
trairement à l'opinion de Houtsch. soutenant que le sel
obtenu par Raschig est un mélange de denx isomères.
Les auteurs croient pouvoir conclure que les nitr sul-
fates n'ontaucuneanalogieaveclesisonitramines comme
le pense Traube, mais qu'ils ont plutôt une constilu-
tion analogue à celle d'un sulfate, Ils leur attribuent
la formule : KO.4720.S0%K, contraire à celle de Hantsch
KO Az. Az. SOSK
N74
O0
“qui en ferait des sulfonates.
SOCIETE ROYALE D'EDIMBOURG
17 Avril 1895.
M. Flinders Petrie fait une communication sur une
nouvelle race en Egypte; il expose les résultats de
son travail en Egypte durant la dernière saison. La
végion où il s'est engagé est à environ 30 milles au
nord de Thèbes, sur la rive ouest du Nil. En étudiant
le plateau près de Thèbes, à environ 1400 pieds au-
Séance du
dessus du niveau actuel du fleuve, on a découvert des
restes de l’homme paléolithique, Jusqu'ici les pierres,
trouvées dans les sables, étaient arrondies par l’action
de l’eau, Ou a trouvé sur le plateau des pierres tailiées
à arêtes aussi vives que Jorsqu’elles sortaient des
mains des artisans paléolithiques, qui venaient habiter
sur les coteaux quand le fleuve remplissait la vallée
sur une largeur de 8 ou 9 milles et à une profondeur
de 100 pieds. Les pierres sontde même type (en forme
de feuilles et en forme triangulaire) que celles des
galeries d'Europe. M. Pelrie est retourné à la place
où il avait travaillé cette année, parce qu’il y a vu les
ruines d'une petile ville égyptienne et d'un temple
dont les antiquités sont resiées intactes. C'était un
temple dédié au dieu Set, qui représente l'esprit du
mal. Autrefois les Fgypliens adoraient en même temps
les frères Set et Horus, mais plus tard l'adoration de
Set fut interdite, Elle dura jusqu'à la dix-hnilième
dynastie, environ 1550 avant Jésus-Christ Dans le
temple on a trouvé une table sculptée sur laquelle
est une représentation de Set, avec une tête d'animal,
donnant la vie au roi, I n'y a pas trace de la dernière
occupalion grecque. Mais la découverte de cette ville,
appelée Nubl où Ombos, explique un passage obscur de
la 15° salire de Juvénal. On a trouvé des vases et
d’autres articles sous les fondations du temple, qui est
supposé dater du temps de Thothmès II, La poterie
est très importante au point de vue de la fixation des
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES
dates de l’histoire ancienne de l'Egypte. Environ à un
quart de mille de la ville et du temple sont les ruines
d'une autre ville, dans laquelle on trouve des objets
dont aucun n'élail connu dans aucune autre ville
égyplienne, Trois où quatre milles plus loin, une autre
ville où également il n’y à aucune ruine égyptienne.
Dans la première, on a trouvé 2000 tombes dont 1600
ont ét» étudiées dans le détail par M. Petrie. On pen-
sait, au début, qu'elles pouvaient appartenir à la race
qui existait avant l'établissement de la civilisation
égyplienne, mais il n'en est pas ainsi. Les Egyptiens
couchaient Le corps tout de son long et l'embauimaient,
et les tombes élaient assez creusées pour que la terre
ne touchàt pas le corps Dans le cas actuel, le corps
est couché sur le côté et plié, les coudes touchant les
genoux, et la tète du côté du sud, la face tournée à
l'ouest, et pas de trace d'embaumement, La tombe est
une tranchée ouverte, et la Lerre est rejelée sur le
corps. Ces tombes ressemblent à celles trouvées par
Schliemann, à Mycènes. Les crânes sont très déve-
loppés, le front très haut, les sourcils et les os du nez
fortement marqués, et les dents droites ne présentent
aucune trace du type nègre. Les femmes ont de longs
cheveux, dont quelques échantillons sont très bien
conservés, Tout cet aspect correspond au type libyen-
amorile, reconnu par le professeur Sayce et d’autres
savants, On à trouvé dans les tombes des vases rouges
pleins de cendres de bois, Il n’y à pas trace de créma-
lion; les « grands feux » dont parle la Bible, et qu'on
faisait aux funérailles de certains des rois juifs s nt,
sans doute, une imitation de ceux que faisaient les
Amorites, voisins des Israëlites, Il y a des rayures sur
ces vases, mais point d'hiéroglyphes. Les tombeaux de
celle race sont dans le passage qui conduit aux tombes
des Egyptiens de la quatrième dynastie ; ainsi cette
race à existé après la première grande période de la
civilisation égyptienne, D'autre part, on trouve des
restes de la douzième dynastie au-dessus des tom-
beaux de cette race. Il est probable qu'elle à été con-
temporaine des seplième, huilième et neuvième dy-
rastlies, etqu'à cerlains égards elle était aussr civilisée
que les Egyptiens, dont elle envahit le pays, el avec
lesquels elle n'avait aucune relation La date de cette
invasion est d'environ 3000 ans avant Jésus-Christ, Les
formes ressemblent à celles qu’on trouve à Malte et
qu'on suppose généralement être de la race des Phé-
niciens, mais que M. Petrie croit être des Libyens.
Dans lenterrement, la tèêle est souvent séparée du
corps; quelquefois le bras est coupé, des os sont arra-
chés et l’on a extrait la moelle, Ce qui prouve que
celle race.praliquait au moins le cannibalisme dans
ses cérémonies; une partie du corps élait partagée
‘de facon que les vertus du défunt passent aux vivants.
L'usage du tour à polerie élail inconnu; lous les vases
sont faits à la main et ont une forme gracieuse. C’est
un signe évident que la race n'avait pas de relation
avec les Egyplens, qui se servaient du tour pour faire
leurs poteries. Dans leurs représentations des oiseaux,
les piedsnesontjamaisfigurés ; tandis que, chezles Egyp-
tiens, les pieds sont toujours en évidence La race ne
vient pas du sud, ear elle n’a aucun rapport avec la
race nègre, Elle ne vient, sans doute, pas du nord, car la
civilisation égyplienue est sans interruplion à Mem-
phis à partir de la quatrième dynastie. Elle vient pro-
bablement de l’ouest, car Ja région occupée élait op-
posée à l’ousis de lPouest, d'où une race envahissante
parlait pour marcher vers l’est. M. Pelrie pense que
les Amorites de Svrie et celte race appartiennent tous
deux à la race libyenne qui habitait le nord de l'Afri-
que, et qui, vers la fin de la dixième dynastie, se
bilurqua en deux branches, lune allant vers la Syrie,
l'autre s'avancantsur là région ouest du Nil, détruisant
les populalions qui y habilaient, mais incapable de les
refouler vers le nord et de s'étendre jusqu'à Memphis.
W. Pepe,
Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER
PR OT CPI RS OO
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Lande chtis mé,
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j
6° ANNÉE
KE 12
30 JUIN 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS
OLIVIER
LES ALLIAGES MÉTALLIQUES
Les alliages métalliques occupent dans l’indus-
trie une place très importante. Ils sont presque
toujours employés de préférence aux métaux purs,
en raison des qualités spéciales qu'ils possèdent.
La dureté considérable de l'acier, du bronze, du
laiton, rend précieux tous ces alliages pour la
confection des pièces mécaniques, et les font em-
ployer de préférence au fer, au cuivre et au zinc:
la fusibilité et la fluidité de la fonte et du bronze
permettent d'obtenir très économiquement, par
… moulage, des pièces compliquées qu'il serait diffi-
cile de préparer avec le fer ou le cuivre pur. Ges
qualités des alliages ont élé reconnues depuis les
temps les plus reculés : les Grecs et les Romains
employaient un alliage complexe et assez variable,
connu sous le nom d'arain; plus anciennement
encore, on fabriquait déjà un métal semblable qui
a donné son nom à une période des temps préhis-
toriques : l’âge de bronze. La question des alliages
peut done, en tout temps, être considérée comme
un sujet d'actualité ; mais les progrès considérables
faits depuis quelques années dans la métallurgie
de cerlains métaux, difficiles à obtenir jusque-là,
ont rendu cette actualité plus grande que jamais.
L'abaissement du prix de revient de l'aluminium
et du nickel employés déjà sur une grande échelle
dans la fabrication du lailon à l'aluminium et de
l'acier au nickel, l'obtention au four électrique du
silicium, du chrome et d'autres métaux rares, per-
mettent d'espérer que des progrès importants se-
ront réalisés d'ici peu d'années dans l'industrie
des alliages.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
D'un autre côté, la période de tätonnement de
la science, dans ses applications aux alliages,
semble (oucher à sa fin. On parviendra certaine-
ment, à très bref délai, à débrouiller définitivement
une question restée assez obscure jusqu'ici. Tandis
que les progrès faits par la Chimie depuis le com-
mencement de ce siècle ont donné à un grand
nombre d'industries une impulsion toute nouvelle,
l'industrie des alliages a échappé à ce mouvement:
elle continue à progresser lentement par l'emploi
de méthodes empiriques peu supérieures à celles
qu'employaient nos ancêtres. Chaque progrès est
le résultat de tätonnements en nombre illimité que
des notions scientifiques précises permettraient
sinon de supprimer complètement, au moins de
réduire dans une très large mesure. La science,
en effet, en établissant, comme cela est son objet
exclusif, des relations générales entre les différents
faits particuliers, permet d'arriver à la connaissance
des phénomènes naturels complexes par l’observa-
tion directe d’un beaucoup plus petit nombre des
faits élémentaires qui les composent.
Pour se rendre compte combien, dans l'état ac-
tuel, les notions scientifiques relalives aux alliages
sont peu répandues, il suffit d'ouvrir un traité
quelconque de Chimie générale. C’est à peine si l’on
consacre quelques lignes à ces corps malgré leur
importance capitale, el ce que l’on en dit est tout
à fait vague ou même incompréhensible, quand cela
n'est pas inexact. On invoque des résullats d'expé-
riences remontant déjà à un demi-siècle, on insiste
gravement sur ce que la densité des alliages n'est
12
530
H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES
= APS APE TTTTE
pas exactement la moyenne de celle des métaux
consliluants, comme si une moyenne semblable se
rencontrail jamais dans aucun mélange chimique,
soit combinaison, soit dissolulion. On est bien
d'accord pour admettre l'existence de combinai-
sons définies dans les alliages, mais on ne donne
pas la composilion d'une seule d’entre elles, et les
raisons mêmes invoquées pour prouver leur exis-
tence sont presque toutes erronées; on donne
tantôt l'accroissement de fusibilité des métaux par
leur mélange, ce qui est, au contraire, le caractère
de l'absence de combinaison, ou bien encore l’exis-
tence de temps d'arrêt au refroidissement, qui
n'ont en réalité rien à faire avec les combinaisons
définies.
On serait porté, d’après cela, à penser que les
recherches expérimentales sur les alliages métal-
liques ont été jusqu'ici fort peu nombreuses el
dépourvues d'intérêt. En fait, il existe sur cette
question des travaux très importants, dus, pour le
plus grand nombre, à des savants anglais : Crace-
Calvert, Mallet, Matthiessen, Roberts-Ausien,
Lodge, Kamenski, à côté desquels il faut rappeler
ceux d’un savant français, M. Riche. L'objet de
éet article est de résumer les plus intéressantes
de ces recherches et de montrer comment elles
ont établi définitivement quelques vérilés très
importantes, notamment l'existence et la formule
chimique des composés définis qui existent dans
certains alliages usuels : les bronzes, les lai-
tons, ete., et surtout comment elles ont défini, en
en prouvant l'efficacité, un certain nombre de mé-
thodes d'investigation applicables à tous les cas
semblables.
J
Le problème qui se pose dans l'étude scienti-
fique des alliages aussi bien que dans leur étude
industrielle, est de rattacher leurs différentes pro-
priétés aux causes immédiates dont elles dépen-
dent, c’est-à-dire de trouver une relation entre la
dureté, la malléabilité, la fusibilité, la conducti-
bilité électrique des alliages, et cérlains fac-
teurs élémentaires plus simples el plus généraux.
On peut, dès à présent, considérer comme un
fait acquis que les deux facteurs élémentaires les
plus importants de beaucoup, et peut-être même
les seuls à envisager, son :
1° La constitution chimique, c'est-à-dire la nature
el la proportion des métaux mélés, la nature des
cie
combinaisons diverses eldes mélanges isomorphes
qu'ils forment, enfin l'élat chimique de ces diverses
malières : élal crislallisé ou amorphe avec leurs
différentes variélés allotropiques.
2° La conslhitution physique où structure, c'est-à-dire
la forme et la dimension des divers cristaux, des
diverses agglomérations élémentaires dont la
réunion conslitue la masse solide et compacte du
métal.
Constitution physique. — L'expérience des usines
a fait voir depuis longlemps que l’on modifiail
considérablement les propriétés mécaniques des
métaux par un choix convenable des procédés
de travail employés dans la fabrication, leur
constitution chimique restant d'ailleurs inva-
riable. Un métal fondu et un métal forgé n'auront
pas la même malléabilité; un métal écroui el un
métal recuil n'auront pas la même limite élas-
tique. Mais la complexité des procédés de tra-
vail rend impossible l'établissement de lois pré-
cises rallachant les qualités du métal au travail
qu'il a subi. Heureusement la même expérience
des usines a montré que le travail mécanique des
métaux modifie en même temps leur structure
physique, qui est accessible à l’expérimentalion
directe et conserve les traces permanentes des
transformalions successives du métal pendant son
élaboration. Pendant longtemps on s’est contenté,
pour caractériser cette structure, de l'aspect des
cassures. Mais aujourd'hui on a recours à l'examen
microscopique, beaucoup plus précis, des surfaces
métalliques, altaquées, après un polissage préa-
lable, par des réaclifs convenables. Sorby, l’auteur
de cette méthode, employait, pour les fers et les
aciers, une attaque à l'acide; pour les mêmes mé-
taux, M. Osmond emploie simplement un polissage
très prolongé, qui laisse en relief les parties les plus
dures du métal; M. Guillemin emploie, pour les
bronzes, l'oxydation à température ménagée, qui
produit une coloration différente des divers élé-
ments constlitulifs de l’alliage; M. G. Charpy, pour
tous les alliages du cuivre, constitue une pile avec
l’alliage étudié el un alliage de composition voi-
sine, ce qui permet de limiter strictement l'attaque
aux éléments les plus altérables du métal. L'une
ou l’autre de ces méthodes, complétée par la repro-
duction photographique des surfaces atlaquées,
permel une étude très précise de la structure du
métal. Mais, jusqu'ici, il ne s'est encore dégagé
de ces études aucune conclusion générale, c'est-à-
dire d'ordre scientifique. Pour ce motif, il ne sera
pas parlé, dans cette étude, desrecherchesrelalives
à la structure, malgré les services qu'elles ont déjà
rendus à l’industrie.
Constitution — Les propriélés des
alliages dépendent de la nature et des proportions
des métaux alliés; c’est là un fait tellement évident
qu'il n’y a pas lieu d’y insister plus longtemps.
Mais la composition chimique élémentaire ne sufit
pas, à elle seule, pour délinir toute la constilution
chimique.
’
eur a
H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES
534
chimique : il faut tenir compte de l’état de com-
binaison des éléments en présence.
Pour définir la constitution chimique d’une roche
naturelle, d’un granite, par exemple, il ne sufñlit
pas de se reporter à son analyse chimique élémen-
taire, il faut connaitre les combinaisons définies
{mica, feldspath, etc...) qui y existent. De même,
pour les alliages, il se forme des combinaisons dé-
finies qui doivent nécessairement intervenir dans
la déterminalion des propriétés du métal. En fait.
cette influence est considérable et la démonstra-
tion de cette influence a été le résultat le plus im-
portant des recherches qui vont être résumées ici.
Il suffira, pour le moment, d'indiquer que la dureté
considérable de quelques alliages des métaux mous
est la conséquence de l'existence de certaines com-
binaisons définies qui n'ont rien gardé des pro-
priélés des métaux constituants.
Les différents états allotropiques d’un métal ou
d’une combinaison ont des propriétés très diffé
rentes; ce sont les différents états d'un carbure
de fer qui entrainent les différences profondes
existant entre les propriétés de l’acier trempé el
de l'acier recuit. De même le ferro-nickel, ou alliage
de fer et nickel à 25 % de nickel, existe sous deux
modifications allotropiques, dont l’une est magné-
tique et l’autre ne l’est pas, dont l’une possède une
très grande dureté, l’autre, au contraire, esl
remarquable par sa grande malléabilité,
Ces quelques exemples suffisent pour montrer
le rôle capital de la constitution chimique des
alliages, el, par suite, l'intérêt que présente son
étude complète ainsi que celle des relations qui
existent entre cette constitution et les principales
propriétés des alliages. Mais cette étude présente
une difficulté spéciale qu'il faut bien mettre en lu-
mière pour faire comprendre l'obscurité qui règne
encore sur la question des alliages et les raisons qui
ontempêéchélestravaux remarquables faits jusqu'ici,
de porter les fruits qu’on était en droit d’en espérer.
L'ordre logique à suivre dans une semblable
étude, serait d'étudier d’abord la constitution chi-
mique des alliages, et, une fois cette constilution
connue, de chercher quelle influence elle aura sur
les propriétés plus complexes des mêmes métaux.
Mais il n'existe aucun moyen direct d’éludier cette
constitution : les méthodes d'analyse immédiate
dont dispose la Chimie minérale, sont tout à fail
rudimentaires et inapplicables dans la majeure
partie des cas. On arrive bien à séparer quelques
combinaisons définies par l’action des acides sur
certains alliages renfermant excès d’un métal faci-
lement attaquable; mais on a rarement la certilude
dissoudre tout le métal libre.
à dissoudre une certaine
combiné; celle mé-
d'être arrivé à
sans avoir commencé
quantilé du même mélal
thode peut donner des indications intéressantes,
mais ne saurait conduire à une conclusion certaine,
et surtout elle n’est applicable que dans des cir-
constances exceptionnelles.
D'autre part, l’opacité des métaux met en dé-
faut, d’une façon absolue, les méthodes optiques
qui permettent, en pétrographie, par un examen
rapide au microscope, de reconnaitre immédiate-
ment la constitution chimique d’une roche.
On est obligé, dans l'étude des alliages, dé pro-
céder au rebours de l’ordre logique, de commencer
à éludier leurs propriétés complexes : propriélés
mécaniques, électriques, magnétiques, etc., et de
tirer ensuite des faits ainsi observés des induc-
tions relatives à la constitution chimique, ce qui
nécessite l'intervention d'hypothèses plus ou moins
arbitraires dans lesquelles le sentiment personnel
tient une large part. Il en est résulté que les con-
clusions des diverses recherches sur les alliages
ont été parfois contradictoires, et n’ont fait souvent
qu'augmenter l'obscurité apparente de la ques-
tion. C’est là sans doute le motif du silence gardé
sur ce sujet dans tous les traités de Chimie.
Si, au lieu de n’envisager à la fois qu'une seule
propriété des alliages, comme l'ont fait les diffé-
rents expérimentateurs qui les ont étudiés jus-
qu'ici, on fait intervenir à la fois toutes leurs pro-
priétés, le problème se simplifie immédiatement :
on reconnait que certaines induclions relatives à
la constitution chimique sont identiques, quelle
que soit celle des propriétés du mélal prise comme
point de départ, et peuvent, en conséquence, être
considérées comme définitivement acquises; pour
les autres, au contraire, il y a désaccord absolu; il
ne faut donc y voir que des hypothèses erronées.
On passera rapidement en revue les études faites
jusqu'ici des différentes propriélés des alliages er
indiquant seulement celles de leurs conséquences
qui semblent définitivement établies.
Il
Conductibililé électrique. — Les expériences sur la
conductibilité électrique sont au nombre de celles
qui ont jeté le plus grand jour sur la constilution
chimique des alliages. '
Il semble à priori que, dans le cas d’alliages
conslilués par la juxtaposition de cristaux des
deux métaux, la conductibilité doive être la somme
des conductibilités propres des quantités des deux
métaux entrant dans l’alliage. Celte conséquence
se vérifie, d'après les expériences de Matthiessen,
pour un certain nombre d’alliages dont la courbe
de conductibilité est formée par la droite joignant
la conductibilité des deux mélaux pris à l’élal
de pureté. Le graphique de la figure 1 (page 532
résume ces résultats.
532
H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES
Mais en général, la conductibilité des alliages est
bien inférieure à celle qui serait ainsi calculée par
À do > +
> Zn! |
dc PR 2er : |
" ad! = En (4
2 20 LT = 2 L
à | ne |
Se Sn >. TI Sn
RSS LORS nor à Re C
*& | nn 0
=
À | |
È | (
SD = Last LE
È Î
S o dc 28 100
Composition en volume de T'alliaye
Fig. 1. — Courbes de conduclibililé d'un cerlain nombre
d'alliages.
la règle des mélanges, et, de plus, il suffit de l'ad-
dilion de très peliles quantités d'un métal à un
excès d’un autre, pour produire une chute déjà
Conductbilité rapporté à Ag= 200
Fig. 2. — Courbes de conductililé des alliages
Pb-Bi, Pb-Sb, Sn-Bi, Sn-Sb.
considérable de conductibilité, comme le montrent
les graphiques des figures 2 et 3 reproduisant
d'anciennes expériences de Matthiessen.
Ag
Cu |
Conductibilité rapporté à Ag = 100.
100
o 20
Composition ex volume de l'alliage .
Fig. 3. — Courbes de conductibililé des alliages
Au-Ag, Au-Cu.
On ne peut, jusqu'ici, rattacher d’une façon cer-
{aine celle parlicularilé à la constitution chimique
de l’alliage, sans faire des hypothèses discutables.
Malthiessen avait conclu à l'existence de transfor-
mations allotropiques, mais cette conclusion est
contredile par l'étude des autres propriétés. Il
semblerait plutôt que cet accroissement de résis-
tance doive être allribué à la produetion de mé-
langes isomorphes. Cette conclusion semble diffi-
cilement contestable dans le cas des alliages du
fer avec le nickel et le manganèse, de l'argent
avec l'or.
Dans certains cas, les courbes de conductibilité
Cu)
S À | |
à
= Jo |
Û /)
> 10 | SbCu* / L
à 1 7 l
à |
|
E -
SP |
à |
He FAT
L CE
Ê © À 50 100
Corposiion #1 volirre ds L'aiiage :
Fig. 4. — Courbe de conduclibililé de l’alliage Sb-Cu.
présentent une allure plus irrégulière encore : on
observe, pour une certaine composition, un relève-
ment de la conductibililé; la courbe présente un
maximum anguleux : c'est le cas des alliages dont
Q
Q
: CCu
{l
]
|
is |
(l ] F
RCA
+ 60.| L
à
3
à E
S
$
à (re |
ÿ |
à |
à DR — —5 7 —5 7 |
LS 0 50 ; 100
Composition: en volurre de alliage .
Fig. 5, — Courbe de conductibililé de l'alliage Sn-Cu.
les courbes sont reproduites dans les figures 4, 5
ci-dessus el 6 (page 533).
A première vue, l'existence de ce maximum
semble bien correspondre à une combinaison dé-
finie ; l'exactitude de cette interprétation est dé-
montrée par le fait que l'on retombe ainsi, pour
ces combinaisons, sur les mêmes formules que
par les autres méthodes; ainsi, pour les alliages
élain-cuivre, on lrouve la formule Sn Cu? à 61,8 °/,
\
H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES
233
_de cuivre, à laquelle conduisent également l'étude
des densités, des dilatations, des forces électromo-
trices, et les méthodes de séparation chimique.
100 5 =
Ag
Au
<
Û
S
+ 60 E
"à
Ë
à
à Sn Au
Ê Sr |
So
È | Ex lue QUI Dre
SE 5o 109
Composition en volume de l'alliage ,
Fig. 6. — Courbe de conduclilité des alliages Sn-Au, Ag-Cu.
L'étude des conductibilités électriques permet
encore de caractériser d'une facon très nette Les
transformations allotropiques que les métaux
éprouvent sous l'influence d'une élévation de tem-
péralure. Chaque variété allotropique possède une
courbe de conductibilité distincte en fonction de
la température, et le point d'intersection des
>
Resistance electrique
Température
Fig. 1. — Résistance électrique du fer, du nickel et de leurs
alliages.
courbes deux à deux donne la température de
transformation de ces variélés l’une dans l’autre,
L'étude des mèmes courbes permet de reconnaitre
l'influence de la trempe sur la conservation, à la
température ordinaire, des variétés normalement
stables à chaud. Voici, à titre d'exemples, quelques
courbes semblables relatives au fer, au nickel,
et à un certain nombre de leurs alliages (fig. 7).
La comparaison des points de transformation
des métaux purs avec ceux deleurs alliages permet,
en outre, de reconnaitre si, dans les alliages, les
métaux existent simplement juxtaposés ou à l’état
soit de combinaisons, soit de mélangesisomorphes.
Dans le premier cas, on doit retrouver les points
de transformation propres à chacun des métaux à
leur température normale; dans le second cas, on
doit observer, en outre, les points de transforma-
tion de la combinaison, si elle en possède; enfin,
dans le troisième cas, les points de transforma-
tion se déplacent d'une façon continue avec la
composition de l’alliage; cette condition, qui est
remplie dans les alliages de fer et nickel, esl une
preuve certaine de l’isomorphisme de ces métaux.
La force électromotrice de dissolution des alliages
donne les indications les plus précises sur l’exis-
tence des combinaisons définies. Si les cristaux
des différents métaux sont simplement juxtaposés,
sans aucun mélange chimique, la force électro-
motrice observée est pour toutes les compositions
celle du métal le plus facilement attaquable. S'il
se forme une combinaison définie, la force électro-
motrice du métal le plus facilement aftaquable ne
s’observe que pour les proportions de ce métal
dans l’alliage supérieures à celle qui correspond à
la combinaison définie ; pour cette composilion, il
se produit un changement brusque dans la valeur
de la force électromotrice. Les expériences de
Laurie, faites par cette méthode, dont le principe
est dû à OErstedt, ont permis d'établir avec certi-
Sn Cu’ |
Force électromatrice
ER TR Dep IE
Cu % en poids
Fig. 8. — Force électromolrice de l'alliage Sn-Cu.
tude l'existence des combinaisons définies sui-
vantes :
Sn Cuÿ — Zn? Cu — Sn Au
La courbe de la figure 8 se rapporte aux alliages
du cuivre et de l’étain.
Enfin, dans le cas des mélanges isomorphes, il
semble que la force électromotrice doive varier
D94
H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES
d'une façon continue avec la composition de Pal-
liage.
Le pouvoir thermo-électrique des alliages varie d’une
facon considérable avec leur composition: mais
on n'a signalé jusqu'ici aucune relation définie
entre cette variation et celle de la constitution
chimique; les mesures de pouvoir thermo-élec-
trique ne semblent donc pas utilisables, pour le
moment, dans une étude d'ensemble sur les al-
liages métalliques.
Les propriétés magnétiques, moins étudiées encore,
sont, pour le même motif, sans applicalion ac-
Luelle.
Densité. — La densité d’un mélange mécanique ne
peut différer beaucoup de la moyenne des densilés
des corps constituants; il en est rarement ainsi, au
contraire, dans les mélanges homogènes chimiques
combinaison ou dissolution). On peut dont espérer
tirer quelques indications des mesures de densité.
Des expériences extrêmement nombreuses ont élé
faites dans celte voie, mais sans conduire à aucun
résultat bien intéressant. Les variations de densité
résultant des combinaisons entre corps similaires
sont toujours très faibles; en fait, dans les alliages
métalliques les écarts entre les densités observées
el les densités calculées par la règle des mélanges
ne dépassent pas 3%, c'est-à-dire sont de lordre
des variations de densité qu’un métal pur peul
éprouver. Aussi les expérimentateurs les plus
habiles n'arrivent-ils qu'à des résullals très dis-
cordants ; M. Riche, dans une étude sur les alliages
de cuivre el d’étain, a mis en évidence l’impor-
tance de ces écarts et a montré que, si l'on
pouvait, dans une certaine mesure, les atlénuer, on
ne pouvait espérer les supprimer complètement.
IL a fait voir queles densités prisessur des barreaux
sont out à fait différentes de celles que l’on observe
sur la limaille. Voici quelques-uns des résultats
obtenus par ce savant (Tableau |) :
Tableau I
oo
COMPOSITION DE L'ALLIAGE BARREAU X LIMAILLE
|
eee
lÉtainmure tr. trente
SES MÉbortran vue He 1.32
SRLCUR se be ET ire 7.8#
IISILOURS EP 7.93
DIN OUS... ER Mreotre 8.23
Sn Cu, 8.99
Sen EE Te Ut LE 8.Sà
RSR. ÉÉRTEE e 8.73
SOUL NOM ETS 9.04
|
Les causes de ces irrégularités ne sont pas com-
plètement connues; la plus importante pour les
alliages riches en cuivre semble être la variation
de densilé de ce métal qui, à l'élat pur, d'après
Marchand, pourrait aller de 7,7 à 8,94. En outre,
il existe dans les barreaux des vides résultant
soit des bulles de gaz dégagées pendant la soli-
dificalion du métal fondu, soit des solutions de
continuité amenées par l’inégale contraction des
cristaux juxtaposés qui n'ont pas le même coel-
licient de dilatalion. Ces deux causes d'erreurs
peuventêtre supprimées par l'emploi de la limaille, -
mais de nouvelies causes d'erreurs remplacent les
précédentes. La désagrégalion du métal ne peul
ètre oblenue sans un écrouissage qui fait varier
irrégulièrement sa densilé; enfin, les phénomènes
bien connus de liquation font que la limaille n'a
pas la même composition et par suite la même
densité suivant le point où elle a été prise.
Les expériences faites par M. Riche sur la
limaille d’alliage de cuivre et d’étain montrent
nettement, malgré les discordances des résultats,
qu'on ne saurait admettre que ces alliages soient
conslilués par la juxtaposition de cristaux de
cuivre et d'élain. La densité reste à peu près cons-
lante el égale à 8,9 depuis le cuivre pur jusqu'à
l'alliage Sn Cu’, puis, pour les teneurs en cuivre
moindres, elle décroit régulièrement jusqu'à la
densité de l’élain 7,3. Le graphique de la figure 9
résume ces résullals : :
el Sn Cus
œ
l
Densité
an ren ec |
Cu % enpoids
Fig. 9. — Courbe des densiles de l'alliage Sn-Cu.
Ces résultats s'expliquent très simplement si l'on
admet l'existence de la combinaison Sn Cu’ en lui
altribuant une densité égale à celle du cuivre.
Coefficient de dilatation. — Des expériences faites
par Crace-Calvert sur la dilatation des alliages
de cuivre et élain ont donné les résultats résamés
dans le diagramme de la figure 40 (page 535.
Le maximum de cette courbe correspond à la
méme composition Sn Cu’. On ne peut expliquer
celle allure de la courbe de dilatation sans
admettre l'existence de la combinaison définie
correspondante. Un mélange mécanique de cuivre
et d'élain aurait nécessairement donné une courbe
continue. Mais les expériences semblables ont été
jusqu'ici fort peu nombreuses.
L'usibilité, — L'étude de la fusibilité des alliages,
H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES BBÈE
qui à à peine été abordée jusqu'ici, semble appelée
à fournir des renseignements très précis sur leur
constitution en raison des renseignements très
- nombreux que l’on possède déjà sur la fusibililé
de mélanges similaires : mélanges d'eau et de sels
ou dissolutions ordinaires, mélanges de sels entre
eux, mélanges de composés organiques.
Cocfficient de dilatation
100
Cu % en poids
Fix. 10. — Courbe des valeurs du coefficient de dilatation de
l’alliage Sn Cu.
Un premier fait qui résulte de l’étude des fusi-
… bililés est que les alliages ne sont pas des corps
.amorphes à la facon des verres ou des résines, mais
. des agrégats des corps cristallisés constitués à la
facon des roches naturelles ou encore des mélanges
- de sels obtenus par fusion. Les corps amorphes
- passent progressivement de l’état amorphe à l'état
fondu en traversant l’état pâteux sans qu'aucune
absorption brusque de chaleur latente vienne
“accuser une discontinuité quelconque du phéno-
… mène. Rien de semblable dans la solidification
“des alliages, qui commence brusquement par la
» formalion de cristaux parfois discernables à la
vue, et affirmant dans tous les cas leur existence
par un dégagement subit de chaleur latente:
De là cette conséquence très importante qu'il
est permis d'élendre aux alliages les fails observés
- dans l’action de la chaleur sur différents mélanges
_ crislallisés.
—_ Un mélange semblable fondu, puis soumis au
… refroidissement, ne se solidifie pas en totalité à une
empérature constante, comme le fail un corps
… isolé. La solidification commence à une tempéra-
… Lure déterminée, qui dépend de la composition du
à mélange, puis ne progresse qu'au fur er à mesure
“que la température s'abaisse, et devient finale-
_ ment complèle à une seconde température égale-
… ment déterminée. Le point de solidification com-
… mencante est celui qui doit être considéré comme
è le point de fusion ou de solidification du mélange,
…— de l'alliage étudié. Il correspond au point de cris-
… tallisation des solutions aqueuses. La correspon-
… dance des températures de solidifcation et des
compositions des mélanges est représentée habi-
tuellement par ce que l’on appelle la courbe de
solubilité des sels ou la courbe de fusibilité des mé-
langes. Si l’analogie existant entre ces phénomènes
échappe parfois, c'est en raison des méthodes expé-
rimentales différentes que l’on est conduit à em-
ployer dans le cas des solutions aqueuses et des
mélanges à point de fusion élevé. Dans le premier
cas, il est plus facile de déterminer à une tempé-
rature donnée la composition du liquide qui lais-
serait déposer des matières solides par un chan-
gement très faible de sa composition, et, dans le
second cas, la température à laquelle commence à
se solidifier un mélange de composition donnée;
mais il est bien évident que les courbes obtenues
par ces deux procédés sont identiques.
On sait aujourd'hui d'une façon certaine que les
courbes de solubilité ou de fusibilité semblables
jouissent de la propriété suivante. Elles sont
composées de la réunion d'autant de branches dis-
tinctes qu'il peut, du mélange liquide, se déposer
de corps solides à un état chimique différent. Cha-
cun des corps en présence, chacun de leurs états
allotropiques différents, chacune de leurs combi-
naisons chimiques différentes ont des branches
distinctes, qui se coupent deux à deux. Elles ne
peuvent, en laissant à part les cas exceptionnels
de sursaturation, être observées expérimentale-
ment en dehors de la région limitée par leurs
points muluels d'incersection. Dans le cas de corps
isomorphes, qui peuvent donner naissance à une
infinité de mélanges solides chimiques différents,
on observe une courbe unique sans points angu-
leux, qui est en réalilé l'enveloppe d’une infinité
de branches de courbes correspondant à chacun
des mélanges isomorphes qui se forment.
Les conséquences de celte loi, ou, si l’on préfère,
les faits particuliers qu'elle résume, sont les
suivant(s :
1° Cas de deux corps ne donnant ni états allotro-
piques différents, ni combinaisons, ni mélanges isomor-
phes. La courbe complèle de fusibilité (solubilité)
sera composée de deux branches correspondant
l’une au dépôt de l'un des corps à l’état solide,
l'autre au dépôt du second. Ce sera le cas, par
exemple, de la solulion de chlorate de potasse
dans l'eau, du mélange de chlorure de sodium et
de carbonate de soude fondus. Dans le premier
mélange, la courbe totale se compose de la courbe
proprement dite de solubilité du chlorate de po-
tasse partant du point de fusion de ce sel, et de la
courbe de congélation des solutions diluées, qui
part du point de fusion de la glace.
Pour le second système, les deux branches de
courbe partent, l’une du point de fusion du chlorure
de sodium, — elle correspond à la cristallisation
de cesel, —et l’autre du point de fusion du carbo-
536
H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES
nate de soude. Elles sont l'une el l'autre limitées à
leur point d'intersection commun.
Un certain nombre d'alliages métalliques présen-
tent une courbe de fusibilité semblablé, composée
de deux branches partant chacune du point de fusion
d'un des mélaux purs. On peut par analogie en con-
clure que l’alliage solide est constitué par la juxta-
position de cristaux des deux métaux constituants.
Tel est, par exemple, le cas des alliages d'étain
avec le zinc, le plomb, le bismuth, dont les courbes
de fusibilité déterminées par Rudberg, Person, ele.,
sont reproduites dans la figure 11.
Zn
Lu
5
5 Pb
Pe Bi
É Sn
Æ
+
ARR EE ET
109
Fig. 11. — Courbes de fusibililé des alliages Sn-Bi, Sn-Pb,
Sn-Zn.
Aux lempéralures inférieures à celles du point
d'intersection des deux courbes il ne peut exister
aucun mélange liquide des deux corps en pré-
sence. Le mélange correspondant à ce point-limite,
se trouvant à la fois sur les deux branches de la
courbe, laisse déposer à la fois les deux corps
mêlés et dans les proportions mêmes où ils exis-
tent dans le mélange liquide. La cristallisation
n'allère donc pas lacomposition de ce liquide et il
se solidifie par suite entièrement à température
constante. Ces mélanges à température de solidi-
fication constante ont été désignés par Guthrie sous
le nom de mélanges ou alliages eutectiques. Des mé-
langes semblables ont souvent, en raisonde la fixité
de leur point de fusion, été pris à Lort pour des
combinaisons définies.
Les mélanges d’une composition quelconque,
soumis au refroidissement, laissent cristalliser
d'abord celui des deux corps qui est en excès, par
rapport à la composilion du mélange eutectique,
el peu à peu la composition de la partie liquide
se rapproche ainsi de celle de ce mélange ; en
même temps la température s'abaisse jusqu’à celle
de solidification correspondante. De sorte que, pour
des alliages de composition quelconque, la soli-
dification s'achève toujours à la même tempéra-
ture, celle de solidification de l’alliage eutectique.
2° Mélanges de corps donnant des combinaisons. —
Lorsque les corps mélés peuvent se combiner
comme le font les sels avec l’eau en donnant des
hydrates, ou les sels entre eux en donnant des
sels doubles, la courbe de fusibilité (solubilité) est
formée de plusieurs branches distinctes, comme
cela a été établi, pour la première fois, par les
expériences classiques de Læwel sur la solubilité
du sulfale de soude, du carbonate de soude, du
sulfate de magnésie. La branche relative aux com-
binaisons présente, dans certains cas, une forme
particulière tout à fait caractéristique. Si la com-
binaison peut fondre, sans se décomposer, en
abandonnant un de ses constituants à l’élat solide,
condilion réalisée pour quelques hydrates, en très
petit nombre, il est vrai : le dihydrate de chlorure
de calcium, le pentahydrate d’hyposulfite de so-
dium et pour un très grand nombre de sels doubles
obtenus par voie ignée tels que le carbonate de
lithium el potassium, le sulfate de cuivre et de po-
tassium, ete.,— la branche de la courbe de fusibilité
se rapportant à la combinaison présente générale-
mentun maximum de température pour un mélange
de composition peu différente de celle de la combi-
naison. Cette tempéralure maxima, qui est voisine
de celle de fusion de la combinaison, peut d'ail-
leurs être supérieure à celle de fusion de chacun
des constiluants.
L'existence d'un semblable maximum doit être
considérée comme l'indice cerlain d’une combi-
naison; mais la réciproque ne serait pas exacte,
c'est-à-dire que l'absence de maximum ne prouve-
rail nullement l'absence de combinaison. C'est
ainsi que Roberts-Austen a caractérisé l'existence
des combinaisons SbAI et AuAl° par leur point de
fusion, qui est supérieur à celui de chacun des
métaux consliluants.
Voici (fig. 12, page 537) les courbes de fusibilité
de quelques alliages semblables. Ces courbes de
fusibilité conduisent à admettre les combinaisons
définies
Sn Cu’, Al? Cu Al Cui,
Sb Cu, et
3° Mélanges isomorphes. — Certains corps fondus
ensemble ont la propriété de crislalliser ensemble,
par refroidissement, en se mélant dans les cris-
taux en proporlions variables; ce fait, dans le cas
des corps transparents, se reconnait facilement
par l'examen optique, notamment par la mesure
de l’angle des axes, dont l’écartement varie d’une
facon continue avec la composition des cristaux.
Les expériences de fusibililé de mélanges sem-
blables faites sur des composés organiques fon-
dant vers 100° ou sur des sels fondant au rouge,
ont montré qu'alors la courbe de fusibililé est
continue et tend à se rapprocher de la droite, joi-
gnant les points de fusion des deux corps consti-
tuants. Par suite, dans le cas des corps isomorphes
à points de fusion voisins, les mélanges n'auront pas
une fusibilité plus grande que les corps séparés.
third sm x dédait dn don dx à
a É-dÉ
C'est ce qui arrive pour les alliages de fer et nickel,
métaux certainement isomorphes. La courbe de
Courbes de fusibihté
E AG
ÂAllisges Aluminium-Cuivre
—— Ætan-Cuivre
———— Animoine-Cuivre
tures
eral
4
Temp
109
5
Equivalent de Cuvre Z
Fig. 12. — Courbes de fusibilité des alliages Al-Cu, Sn-Cu,
Sb-Cu.
fusibilité des alliages d'argent el d'or présentant
le même caractère, on est conduit, par analogie,
à admettre dans les alliages de ces métaux la forma-
lion de mélanges isomorphes. Voici, d’après Scher-
tel, la courbe de fusibilité de ces alliages (fig. 13).
1100!
1000°
Fig. 13. — Courbe de fusibililé des alliages d'or el d'argent.
11 est un cas complexe d'isomorphisme encore
peu étudié jusqu'ici, mais certainement beaucoup
plus fréquent qu’on ne le suppose, dans lequel un
corps donné se mélange isomorphiquement avec
une de ses combinaisons qu'il forme sans que les
deux corps en combinaison soient isomorphes
entre eux. Cette propriété a élé découverte par
M. Bakhuis Roozeboom, dans le chlorure d’am-
monium, qui se mêle isomorphiquement au chlo-
rure double de fer et d'ammonium sans le faire
avec le chlorure de fer en excès; la même propriété
existe dans le sulfale de soude qui, par fusion
ignée, se mêle isomorphiquement avec le sulfate
double de calcium et de sodium, peut-être aussi
dans le chlorure de sodium avecun chlorure dou-
ble de sodium el d'argent. Les courbes de fusibi-
lité sont, dans ce cas, assez complexes, mais n’ont
H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES MÉTALLIQUES 537
puisse définir leur allure caractéristique. Il ne se-
rait pas impossible que la plupart de nos alliages
usuels (bronze, laiton, etc.\ appartiennent à celle
dernière catégorie.
Liquation. — Le phénomène bien connu de la
liquation est la conséquence immédiate du mode
de solidification des alliages qui a été rappelé plus
haut. Les premières parties qui se solidifient sont
un mélal pur ou une combinaison et les dernières
un alliage eutectique de composition tout à fait dif-
férente. Si les différences de composition d'un point
à l’autre d’un lingot sont aussi faibles qu'elles le
sont souvent, cela lient aux faibles différences de
densité que présentent parfois les métaux alliés, et
surtout à un mode de cristallisation spécial rap-
pelant celui des solutions sursaturées. Le premier
métal qui se dépose cristallise en lamelles ou ai-
guilles très fines qui restent en suspension dans le
liquide et forment un feutrage au milieu duquel
la solidification totale s'achève. Sans cela, si les
choses se passaient comme pour les solutions
aqueuses où le sel se dépose en gros cristaux au
fond des vases, on devrait toujours retrouver dans
une région du lingot une partie avant la composi-
tion de l’alliage eutectique, ce qui, en fait, n’arrive
que d'une façon exceptionnelle et seulement pour
les alliages de métaux dont les densités sont très
différentes, comme le plomb et le cuivre.
Les différences de composition dues à la liquation
ont été étudiées avec une grande précision par plu-
sieurs savan{s : Levol, Péligot, Roberts-Austen, en
raison de l'importance considérable de cette ques-
tion dans la fabrication des monnaies. Ces savants
ont reconnu qu'il existait généralement pour deux
mêmes métaux plusieurs alliages sans liquation;
ils ont parfois conclu à l'existence d’autant de
combinaisons définies distinctes; c’est là une er-
reur qu'il importe de signaler. L'absence de liqua-
tion appartient non seulement aux combinaisons
définies, mais encore à tous les mélanges eutecti-
ques à point de fusion minimum, à certains mé-
langes isomorphes, et même à des mélanges quel-
conques dans lesquels la précipitation du premier
métal a commencé à se faire d'une façon uniforme
dans toute la masse et en cristaux suffisamment
petits pour que le défaut d’homogénéité puisse
échapper à l’analyse chimique.
Proprièlés mécaniques. — On ne peut guère men-
tionner que les recherches déjà anciennes de Crace-
Calvert comme ayant eu pour objet de mettre en
évidence les relations existant entre les propriétés
mécariques d'un alliage el sa composition chi-
mique. Si les alliages sont constitués par la juxla-
pas encore élé suflisamment étudiées pour que l'on ! position de cristaux des métaux constituants, on
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
12°
D38
H. LE CHATELIER — LES ALLIAGES
MÉTALLIQUES
peut supposer que leur dureté est intermédiaire
entre celles des métaux constiluants et varie sui-
vant leurs proportions relatives. Pour comparer la
dureté des différents alliages, Crace-Calvert mesu-
rait l'effort nécessaire pour y faire pénétrer une
pointe d'acier donnée d'une quantité déterminée.
Voici, à litre d'exemple, lareproduction des résultats
de deux séries d'expériences relatives, l’une aux
alliages du zine et de l’étain, l’autre du cuivre el
de l'étain (Tableau I). Une colonne donne les efforts
observés, l’autre les effets calculés par la règle des
mélanges en parlant de la composition chimique.
L'unité employée pour exprimer les efforts a été
choisie de telle sorte que le chiffre correspondant
à la fonte grise soit égal à 1.000,
Tableau II
COMPOSITION DURETÉ
de ëe
l'alliage
—
observée calculée
On voit que, dans le cas des alliages de zinc el
d’étain, l’accord du calcul et de l'expérience est
assez satisfaisant; pour les alliages da cuivre et de
l'élain, au contraire, il n’y a aucune concordance.
Il semble donc, à première vue, n’y avoir aucune
conclusion générale à déduire de ces expériences
contradictoires. Mais si, au lieu d'envisager isolé-
ment le mémoire de Crace-Calvert, on le rapproche
des autres recherches failes depuis sur les mêmes
mélaux, la conclusion est lout autre. Les expé-
riences plus récentes montrent en effel que, si
l’'alliage zinc-élain est bien constilué par la juxta-
position de cristaux de zinc el d’étain, il en est
tout autrement pour les alliages de cuivre et d’élain
dans lesquels existe une combinaison définie répon-
dant à la formule Cu Sn. Les alliages riches en
élain sont constitués par la juxtaposition de eris-
laux d’étain et de la combinaison en queslion;
ceux riches en cuivre renferment du cuivre et la
Le
donc en réalité, être fait dans le premier cas en
méme combinaison. calcul de la dureté doit
partant des chiffres relatifs à l'élain et à la combi-
naison ; dans le second cas relatifs à la combinaison
et au cuivre. En altribuant à cette combinaison le
nombre 1500, on aurait, entre le calcul et l’expé-
rience, un accord analogue à celui qui existe pour
les alliages d'élain et de zinc.
Il semble done bien exister une relation directe
entre la dureté d’un alliage et sa constitution chi-
mique. En Lous cas, cet exemple suffit à montrer que
les combinaisons définies des alliages métalliques
ont une influence capitale sur leurs propriétés
mecaniques.
Analyse chimique immédiate. — Les méthodes chi-
miques auraient pu être appliquées les premières à
l'étude de la constitution chimique des alliages ;
en fait, ce sont les dernières que l’on ait songé à
uliliser. Pour isoler les combinaisons définies
existant dans les alliages, on peut employer des
procédés analogues à ceux que met en œuvre l’a-
nalyse organique immédiate. Généralement les
combinaisons sont moins facilement attaquables
que le plus attaquable des éléments constituants;
on pourra donc, dans un alliage préparé avec un
excès du métal le plus attaquable, dissoudre la
partie non combinée au moyen d'un réactif conve-
nable. Ainsi, dans les alliages cuivre-étain avec
excès d'étain, on dissout l'excès de ce métal par
l'acide chlorhydrique concentré qui laisse inal-
térée la combinaison SnCu’: dans les alliages
cuivre-zine avec excès de zine, on dissout le zinc
par le chlorure de plomb qui laisse inaltérée la
combinaison Zn? Cu. Mais celle méthode a élé peu
employée jusqu'ici; elle n'a guère servi qu'à con-
trôler les résultats obtenus antérieurement par
des procédés différents.
Conclusion. — En résumé, le fail saillant qui se
dégage de l'ensemble de ces études est l'existence,
dans un certain nombre de cas, de combinaisons
définies, qui ont une influence capitale sur toutes
les propriétés des alliages : dureté, fusibilité, con-
ductibilité électrique, ete. Les méthodes qui ont
été mises en œuvre pour caraclériser ces combi-
naisons pourront, sans difficulté. être employées
dans tous les cas semblables.
Un second fait, qui ne se dégage pas aussi netlle-
ment, mais se laisse cependant entrevoir, esl
qu'à côté des combinaisons définies il doit exis-
ler des mélanges isomorphes, c'est-à-dire des
espèces de combinaisons à proportion variable
dont l'importance ne serait pas moindre que celle
des vérilables combinaisons. Les recherches à
venir diront ce qu'il y a de fondé dans celle suppo-
silion. — Dans Lous les cas, il n'entrerait, dans la
conslilulion des alliages que des métaux eristal-
lisés, c'est-à-dire que l’assimilalion souvent faile
des alliages aux dissolulions et aux verres serail
dénuce de lout fondement. H. Le Chatelier,
Ingénieur en chef des Mines,
Protesseur à l'Ecole Supéricure des Mines.
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R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE
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LA LAITERIE MODERNE
ET L'INDUSTRIE DU LAIT CONCENTRÉ
L'utilisalion industrielle des produits du lait
est venue, dans ces dernières années, apporter de
nouvelles et bienfaisantes ressources à nos agri-
culteurs, qui ont tant à souffrir dans leur lutte
pour la vie.
Que l'on considère, en effet, soit les pays pro-
ducteurs du blé, que l’avilissement des prix frappe
de coups si cruels, soit les vignobles des Charentes,
_ de la Vendée, du Poitou, dont le phylloxera a di-
_ minué, presque jusqu'à l’anéantissement, les beaux
revenus d'autrefois, on aperçoit dans les régions
malheureuses les industries du lait s'établir peu à
peu, se répandre et faire entrevoir le salut dans
une situation paraissant fort compromise.
Mais ce n'est plus la laiterie d'autrefois qui au-
rail été suffisamment rémunératrice pour contri-
buer à redonner la vigueur dans les exploitafions
agricoles et à ramener la fortune. Ce ne sont pas
les quelques litres de lait que la ménagère utili-
sait naguère de son mieux, dans de peliles pièces
noires el humides, qui pouvaient devenir une source
de bénéfices, de taille à figurer dans les comptes
de nos grosses fermes d'aujourd'hui.
Les laiteries se sont transformées ; celles qui
se sont élevées dans les pays dont nous parlions
sont de grandes et belles usines, propres el
— aérées, et dans lesquelles l’activilé et la science
des ingénieurs, des mécaniciens, des chimistes, a
lrouvé un vaste champ pour s'exercer.
La lailerie moderne est devenue une industrie
“comme la sucrerie, la distillerie, et elle a grandi
en groupant autour d'un centre des efforts et des
capilaux qui, isolés, se trouvaient d'avance con-
damnés à demeurer éternellement stériles: vw-
Jjourd'hui l'industrie de lu luiterie égale en importance
et en mouvement de capitaux notre célèbre industrie
viticole.
D'immenses progrès ont élé réalisés : on a appris
par l’analyse à connaïilre la malière première mise
en œuvre; au moyen de l'écrémage mécanique, on
est parvenu à traiter le lait aussitôt après la traite
eLà préparer ainsi un champ d'une pureté parfaite
et des plus convenablement appropriés pour
recevoir les ferments que l’on aura à ÿ ensemen-
cer.
Ce sont ces perfeclionnements, dans lesquels la
science a la belle part, que nous nous proposons de
passer rapidement ep revue dans cet article, en in-
sistant plus particulièrement sur les procédés peu
connus ou nouveaux et surtout sur celle belle in-
dustrie du lait concentré qui nous parail si pleine
d'avenir.
J: — ANALYSE DU LAIT.
On peut dire qu'il y a quelques années à peine,
la composition du lait n'était pas connue : dans
les traités spéciaux, on se repassait d'âge en âge
d'anciennes analyses que chaque auteur rééditait
sans contrôle. On assignail presque une composi-
tion immuable au lait de vache, et il a fallu les
méthodes, si délicates, de M. Duclaux, les autres
procédés, si rapides et si pratiques, d'Adam et de
Marchand pour que l’on se trouvät en silualion
de mulliplier les essais et d'étudier les influences
si intéressantes de la nourriture et des races des
animaux sur le produit qu'ils fournissent.
Dans ces derniers temps, on a découvert des
procédés d'analyse pratiques el encore plussimples
que les précédents. L’acide acétique (de Laval,
l'acide chlorhydrique (Lezé), l'acide sulfurique
(Babcock, puis Gerber) ont élé proposés pour
isoler la matière grasse du lait, el aujourd'hui un
dosage se fait en quelques minutes. Les acides
dissolvent ou détruisent la caséine, la matière
grasse s’isole sans peine, et l’on parvient à réunir
les globules en un tout unique en chauffant quel-
que peu et surtout en augmentant la tendance à la
séparation par l’applicalion de la force centrifuge.
La qualité du lait fait l'objet d’un autre genre
de recherches; on sait combien ce précieux liquide
s’altère vite sous l'influence des agents de fermen-
lation; il apparait de l'acide lactique, et, lorsque la
proportion de cet acide atteint 4 à 6 grammes par
litre, le lait tourne, la caséine se précipite.
Lés laits en voie d'altéralion sont des laits ma-
lades, et leur introduction dans le travail d'une
laiterie est dangereuse : car les fermentations se
propagent vile et le lait atleint peut devenir la
source d'une contamination générale et l’origine
de désastres difliciles à réparer.
On se rend compile de l’état de bonne ou mau-
vaise santé des laits, soit en dosant leur acidilé en
acide lactique (Dornie , soit en les gardant à l'é-
tuve, en notant les phénomènes de tourne, d'o-
deur, etc., soit enfin en les essayant par la présure
(Lezé). Ce dernier procédé est d’une grande sim-
plicité : on prend 100 ec. du lait à essayer, on les
chauffe à 35° dans un bain-marie et on leur ajoute
! Oce. i de présure diluée dans neuf fois son vo-
| lume d’eau, soit done 1 cc. de présure ordinaire
commerciale au 1/10. On note exactement, sur un
compteur à secondes, le moment de cette addi-
tion, puis celui de la coagulation; les laits normaux
se coagulent avec une bonne présure du commerce
en trois ou quatre minutes ; un lait qui se coagule
beaucoup plus vite ou plus lentement doit être re-
gardé comme suspect ; l'essai de la présure indique
déjà très bien si le lait est altéré, si on y a ajouté
de l’eau ou des sels alcalins pour le conserver, elc.
La matière première étant connue, il faut exa-
miner le parti qu'on devra en Lirer et les traile-
ments industriels que l’on pourra lui faire subir.
Le lait peut être consommé comme lait et vendu
en nalure, ou transformé en beurre ou en fromage
La consommation du lait en nature a augmenté
dans ces dernières années dans des proportions
énormes : les médecins l'ont ordonné fréquem-
ment dans nombre de maladies et d'autant plus
volontiers que le commerce du lait s’est notable-
ment moralisé, Nous n'en sommes plus, à notre
époque, à ces étranges mixtures dont nous par-
laient nos livres d'autrefois. On ne met plus dans
le lait ni cervelle de cheval, ni amidon, et la seule
fraude courante — conséquence d'une mesure
adoptée au Laboratoire municipal — est l'écré-
mage suivi d’une addition d’eau. D'après le Labo-
ratoire municipal, un lait contenant 32 grammes
de matière grasse par litre est considéré comme
naturel; quelques marchands de lait ne se gènent
pas alors pour écrémer au quart du lait renfermant
42 à 45 grammes de matière grasse etune addition
de 15°/, ou 16 ‘/, d’eau ramène la densité à son
taux normal de 1,031 environ ‘. Mais, celte petite
fraude écartée, il reste pour le vendeur une grosse
question à résoudre : la conservation du produit.
II. — CONSERVATION ET TRANSPORT DU LAIT
Le lait est malheureusement assez instable; sa
structure, $on harmonie ou sa composition chi-
mique changent soit sous l'influence du temps, soil
sous l’action, plus destructrice, des organismes mi-
croscopiques.
Avec le temps, la crème se sépare el monte à la
partie supérieure du liquide ; mais, dans ce cas, une
simple agitalion peut reconstituer le lait avec toutes
ses propriélés primitives. Si les microbes ont com-
mencé dans le liquide, très favorable à leur dévelop-
pement, leur œuvre désorganisatrice, le malheur
est irrémédiable : la caséine, qui était à l'état de
1 Nous ne pouvons nous empêcher de déplorer la fameuse
moyenne du Laboratoire municipal. Nous la voudrions plus
élevée : 31,5 ou 40 grammes par litre par exemple ; et, si les
laitiers disaient que il y a des vaches, les Hollandaises, qui ne
donnent que 30 grammes, ce qui est vrai, on leur ré pondre ait
de les vendre et d’en acheter de meilleures. Avec la moyenne
de 32 grammes, il y a une porte ouverte à la fraude ; à
,0 grammes, on serait peut-être conduit à vendre le lait un
peù plus cher, mais le consommateur y gagnerait encore.
R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE
suspension, se précipite; elle se sépare du sérum
devenu acide : le lait est tourné et impropre à
l'alimentation.
Or, ces germes malfaisants sont partout : on les
trouve dans l’air, dans les eaux ; ils se rencontrent
sur les parois des vases qui recoivent le lait, sur
les vêtements des ouvriers, sur leurs mains, el il est
si diflicile que la contamination du lait ne se pro-
duise pas que l'on peut, au contraire, affirmer
d'avance qu’elle est inévitable et que le lait gardé
à l'air sans précautions spéciales se désorganisera
tôt ou tard, mais se désorganisera sûrement.
Pour le commerce de Paris ou des grandes
villes, on se contente ordinairement de pasteu-
riser le lait à une température de 70° à 75°; on en
prolonge ainsi la conservation pour un ou deux
jours, et c’est un délai suffisant dans la pratique.
On trouve également dans le commerce des
laits conservés par le froid et qui ne subissent
aucune altération sensible tant que la température
reste basse.
Ce sont ces laits pasteurisés ou refroidis que
consomme surtout la ville de Paris ; l’on sail
qu'il s'en vend, tant en bidons qu'en bouteilles,
jusqu'à à et 600.000 litres par jour en hiver.
Le transport s'effectue sans grandes précaulions
dans des wagons ouverts, eLil est à regretter que
l’on n’ait pas encore adoplé en France les wagons
réfrigérants des Américains. A Paris, on con-
somme du lait arrivé en bidons et détaillé par les
marchands spéciaux, les crémiers ou les épiciers
et du lait livré en bouteilles fermées, cachetées
même.
Les bouteilles viennent de l’exploitation et ar-
rivent emplies et cachelées, ou bien on les emplit
à Paris. À cause des énormes dangers et des frais
de casse, c’est ce dernier procédé qui est le plus
employé.
Ce commerce dulait en bouteilles parait, au pre-
mier abord, très rémunérateur pour le vendeur :
car le prix du litre varie de 40 à 60 ou 70 centimes.
Cependant il reste limité, car le transport des
bouteilles ne laisse pas que d'être assez coûteux
et difficile.
On peut dire qu'en général le lait ainsi offert au
consommateur est très pur, très frais ; mais son
prix est aussi bien élevé; on a quelque peine à
payer un litre de lait 60 à 70 centimes, alors que le
détaillant de lait, l'épicier qui mesurent le litre de
lait exactement dans des éprouvelles maintenues
très propres, le livrent à 30 ou même à 20 centi-
mes. Il faut ajouter toutefois que ce prix de 20 cen-
times est un prix de réclame, car nous ne croyons
méme en très
à 23 centimes le
pas qu'il soit possible de livrer,
99 à
24
grosses quantilés, à moins de
litre, du lait de bonne qualité.
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R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE
941
Les prix varient, du reste, quelque peu suivant les
saisons. En hiver, lorsque les vaches sont nourries
au sec à l’étable, c’est le moment où les demandes
se produisent soit pour la fabrication des froma-
ges mous, Brie, Camembert, soit pour la consom-
mation dans les villes; le prix du lait est alors
plus élevé. Les différences sont de 3 à 4 centimes
entre les cours d'hiver et d'été.
Les laitiers nourrisseurs ont aussi à Paris un
assez fort commerce de lait en nature, et de lait
réellement bon. Il faut mettre au rang des préju-
gés ou des souvenirs les vaches phtisiques, nour-
ries dans des étables malpropres avec des débris
de légumes ramassés sur les {as d'ordures. Au-
jourd'hui la plupart des nourrisseurs possèdent
de beaux établissements dont ils sont fiers et qu'ils
aiment à laisser visiter !.
En résumé, les grandes villes, Paris entre autres,
sont abondamment alimentées de lait de bonne
qualité et à prix raisonnable.
Mais, ce résultat étant acquis, il est un autre
problème dont l'hygiéniste et l'industriel doivent
aussi se préoccuper. Depuis longtemps on cherche
à assurer au lait une conservation plus prolongée.
Les moyens pour cela sont tout indiqués : il faut
ou soustraire le lait à l’ingérence des microbes,
ou bien détruire ou immobiliser les organismes
existant dans le liquide. Pratiquement, il paraît
impossible d'éviter l’ensemencement: on a beau
apporter dans les manipulations les précautions
les plus grandes, les soins les plus attentifs, filtrer
le lait, on ne fait que prolonger relativement peu
l'existence de ce liquide fragile.
Nous ne parlons pas de l'emploi des antiseptiques
dans cette question de la conservation : ces sub-
stances, quelles qu’elles soient, sont nuisibles à la
santé du consommateur ou dénaturent le goût du
liquide ; elles devraient être absolument proscrites.
La stérilisation par la chaleur apporte une solu-
lion au problème : il est évident que du lait bien
stérilisé, et gardé dans des vases disposés de telle
sorte que toute contamination nouvelle devienne
impossible, se conserverait indéfiniment.
Mais, si cette solution assure, en réalité, la con-
1 Qu'il nous soit permis de ne pas partager cette opinion
de notre distingué collaborateur. Nous avons plusieurs fois
visité les étables où les nourrisseurs de la banlieue de Paris
entretiennent des vaches laititres, et, loin de trouver partout
les conditions d’espace et de propreté que requiert l’hy-
siène la plus élémentaire, nous avons souvent été frappé et
de l’entassement exagéré des bestiaux dans des locaux insuf-
fisamment aérés, et surtout de ce fait que les animaux y sé-
journent d’une facon presque continue, jour et nuit, pendant
des semaines et des mois, sans aller au pâturage, qui, en
effet, n’existe pas aux alentours. Dans ces conditions la tu-
berculose a beau jeu, et les statistiques de vaches pomme-
lières publiées, depuis quelques années, par M. Nocard
montrent bien le danger que peut faire courir à la santé pu-
blique le lait produit dans beaucoup de ces vacheries, vraiment
défectueuses à ce point de vue. (Nole de la Direction.)
servation cherchée, elle n’est cependant pas abso-
lument satisfaisante. La stérilisation exige, pour
être complète, une température de 102° au moins,
el déjà à 75° ou 80° le lait s'altère, la caséine
change de nature, et du lait chauffé dans les en-
virons de 100° brunit et prend un goût de cuit
désagréable : ce n’est plus le lait primitif, à la cou-
leur crémeuse et à l'arome si délicat. Il n'est pas
devenu impropre à l'alimentation, tant s’en faut;
les enfants se trouvent très bien de la consomma-
tion de ce lait, et l'emploi de cet aliment stérilisé
a déterminé, dans certaines circonstances, une
diminution sensible dans la mortalité infantile !.
Mais les inconvénients signalés n’en subsistent
pas moins, et ils sont nombreux.
Dahl, en Suède, a imaginé un moyen de stérili-
sation qui, tout en restant bien efficace, parfait, ne
dénature pas le lait traité. Ce savant a remarqué
qu’à la température de 75° on détruit à peu près
tous les organismes nuisibles, mais que cette tem-
pérature n’atleint pas les spores de ces orga-
nismes. Il a alors institué le procédé suivant :
Il chautfe le lait à stériliser à 70° environ pendant
une demi-heure; il le laisse refroidir ensuite et le
conserve un nombre d'heures variable avec la
température ambiante, jusqu’à ce que la plupart
des spores soient devenues adultes: c’estune affaire
de quelques heures seulement dans l’étuve à fer-
mentation, ou d’une journée entière si la tempé-
rature est relativement basse ou si l’on place les
vases hermétiquement clos qui contiennent le
lait, dans une chambre à 12° ou 15° seulement.
Alors, on fait subir au lait une deuxième chauffe
à 70°, suivie d’un nouveau refroidissement, el l’o-
pération est ainsi répétée jusqu'à cinq fois de
suite ?.
Le lait de Dahl se conserve plusieurs années sans
allération aucune : il est frais et doux, parfaitement
inaltéré; mais le procédé est d’une application
délicate et l’auteur n’a pas donné tous les rensei-
gnements sur les temps el les températures.
Enfin, dernier gros inconvénient, ce procédé est
d'une application lente et coûteuse.
En résumé, on voit que la stérilisation du lait
n’est salisfaisante ni par les unes ni par les autres
de ces méthodes: il a fallu chercher autre chose.
C'est un Français, Martin de Lignac, qui, vers
le milieu de ce siècle, a eu le premier l’idée heu-
reuse de conserver le lait par la concentration ou,
1 Voir, dans la Revue générale des Sciences, les articles du
D' Budin sur la stérilisation pratique du lait pour l’alimen-
tation de la petite enfance (Revue du 15 novembre et du
15 décembre 1893).
2 Le principe de cette méthode a été imaginé.par Tyndall,
puis vulgarisé par le D: Koch. Il est aujourd’hui d'usage
courant dans les laboratoires pour stériliser la gélatine.
(Note de la Direction.)
5142 R.
en d'autres Lermes, par le départ de la plus grande
quantité d'eau que renferme normalement ce li-
quide. Sur ce principe est aujourd'hui fondée une
grande industrie, qu'ilnous fautmaintenant décrire.
III. — INDUSTRIE DU LAIT CONCENTRÉ
La réalisation de lPidée conçue par Marlin de
Lignac semble au premier abord des plus faciles,
puisqu'il suffit théoriquement de faire bouillir le
LEZÉ —— LA LAITERIE MODERNE
Puis, le lait, après avoir été pasteurisé (fig. 1.)
est concentré dans le vide partiel, car l’évaporation
à l'air libre présenterait les inconvénients du cuit.
que nous avons signalés.
L'appareil à concentrer (fig. 2), photographié
dans la grande condenserie de MM. Genvrain frères,
est semblable à celui des sucreries ou des raffine-
ries : c’est une grosse chaudière de cuivre chauffée
par un double fond et des serpentins. Les vapeurs
Fig. 1. — Ensemble des appareils à pasteuriser el à sucrer le lail destiné à la condensation. — Sur la gauche se voient
TE À: RUE 2 s : 3 : te pe
les appareils destinés à pasteuriser le lait; le lait est ensuite sucré dans les cuves figurées à droite, puis il est aspiré,
jar le tube qui plonge dans l'une des cuves, jusqu’à l'étage supérieur, où il est envové dans les appareils 4 condensa-
: £ Jusq { | ; À
ton.
lait pour en séparer l’eau. En pratique, la question
est un peu plus complexe, l'opération assez déli-
cate. L'expérience a montré que la concentration
ne peut donner de bons résullats que si l’on opère
sur des laits parfaitement sains. D'où la nécessité
d'examiner el d'analyser les laits traités, de re-
Jeter les laits malades, et, enfin, de pasteuriser les
laits reconnus bons par les essais préalables.
Les analyses sont des plus simples, étant entendu
qu'elles ne doivent porter que sur la qualité du
lait. On les exécute pratiquement par le dosage de
l'acidité, el mieux par la présure, ainsi que nous
l'avons proposé.
du liquide amené à l’ébullition sont condensées
au contact de l’eau froide ; l'injection est faile
dans nos appareils aussi près que possible de la
chaudière à cuire; cette disposilion nous a donné en
pratique des résultats d'autant meilleurs que nous
avons pris la précaution de placer la chaudière à
7 ou 8 mètres du sol pour soulager la pompe à air.
Il est inutile d'insisier sur ces détails, mais il
nous parait intéressant de décrire comment se fail
une cuile de lait, cette opération étant restée jus-
qu'à présent enveloppée d'un certain mystère par
les ouvriers cuiseurs, qui ont intérêt à faire valoir
leurs talents.
R. LEZÉ -— LA LAITERIE MODERNE
Nous supposons donc que nous disposons de
l'appareil à cuire avec son condenseur, d’une abon-
dante source d’eau fraîche el d’une pompe à air
met en marche la pompe à air et on amène le vide
à 62 centimètres de mercure environ, c’est-à-dire
que, si l’on faisait communiquer l’appareilavec un
Fig. 2 — Appareil pour opérer la concentration du lait. (Cet appareil est situé à un étage supérieur
à celui de la figure 1}. — La chaudière, visible au centre de la figure, est, par sa partie supérieure,
mise en communication avec l’appareil de condensation formé par le grand cylindre vertical placé
auprès d'elle. Les vapeurs aqueuses chassées par l'ébullition circulent dans le tube central qui tra-
verse ce cylindre. Dans l’espace annulaire compris entre le tube et son manchon est violemment
injectée l’eau froide destinée à déterminer la condensation.
el à eau pour enlever les eaux et les vapeurs.
Nous disposons également de lait encore chaud
venant d’être pasleurisé.
L'appareil à évaporer étant vide, bien propre, on
long tube plongé dans une cuvelle à mercure placée
à l'air, le mercure s’élèverait dans le tube à
62 centimètres; les appareils que nous faisons
construire permettent, sans difficulté, de pousser
D41
Fr
R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE
le vide jusqu'à 71 ou 72 centimètres. Après s'être
assuré de l'étanchéité de l'appareil, on ouvre le
robinet d’adduction de lait chaud; on commence
l'injection de l'eau dans le condenseur. La tempé-
rature s'élève peu à peu dans le vacuum, sous
l'influence du lait chaud ; toutes les pièces
s'échauffent:; on arrive à 52° et à 68 centimètres de
vide.
On commence à donner la vapeur dans le
double fond, au moment où celui-ci est recouvert
par le lait; il se fait une ébullition tumultueuse,
le lait s'envole (suivant l'expression vulgaire) et
l'ouvrier cuiseur est obligé d'apporter la plus
grande attention pour éviter les pertes de lait par
entrainement dans le condenseur. Il ouvre, de
temps à autre, le robinet de rentrée d’air pour
apaiser celte ébullition, il surveille le robinet de
vapeur du double fond, celui de l’arrivée du lait.
Cette mise en marche est très délicate et exige de
l'habileté et du sang-froid.
Peu à peu l’ébullilion s'apaise et le cuiseur règle
tous les robinets pour que, l'admission du lait
se faisant d’une façon continue, la température
reste dans les environs de 50° à 52° et la pression
de 66 à 68 centimètres.
Le cuiseur ne doit pas quitter un moment son
appareil, car il a à surveiller les températures, les
pressions, l'alimentation de la vapeur el du lait,
la bonne arrivée d’eau dans le condenseur et l’é-
vacuution de cette eau à température normale. Si
les fonctions de cet ouvrier ne sont entourées d’au-
cun mystère, elles ne laissent pas que d'exiger
beaucoup d'attention et d'expérience. [ne faut pas
perdre la tête dans ce poste : on cuit à la fois plu-
sieurs milliers de litres de lait, et ce sont plusieurs
centaines de francs qui sont en jeu; une cuite
manquée est bonne à jeter ou à donner aux pores,
car son introduction sur le marché pourrait porter
un coup désastreux à la renommée de la marque
du fabricant.
Toutes choses étant bien réglées, l'alimentation
du lait se faisant continuellement, l’ébullition est
active; on voit, par les lunettes de l'appareil, le lait
soulevé en vagues tumultueuses et violemment
agilé : des gouttelettes s'éparpillent en poussière
au-dessus du liquide, sans cependant qu'il y ait
d'entrainement au dehors.
Peu à peu le niveau monte, le liquide devient
plus visqueux, s'étale en larmes sur les glaces qui
servent de regard. On donne la vapeur dans les
serpentins aussitôt qu'ils sont recouverts, el on
continue à emplir la chaudière jusqu’à ce que le
lait atteigne environ la moitié de la capacité totale.
Lorsqu'on a condensé le volume voulu, on prend
des échantillons au moyen de la sonde et on exa-
mine la consistance de la pâle.
Il est nécessaire d'apporter une grande attention
à cette épreuve, car elle est destinée à renseigner
sur la qualité de la cuite faite.
Le cuiseur doit tendre à concentrer autant que
possible ; mais il ne faut pas, cependant, qu'il dé-
passe la limite de solubilité du sucre de lait; si
celui-ci se dépose, le lait est sableux : les petits
cristaux de lactose produisent à la dégustation une
sensation de sable dans le liquide päteux. Il faut
essayer, à plusieurs reprises, si la pâte, ramenée à
la température ordinaire, est bien liée, filante
comme la mélasse et onctueuse. Le point précis est
difficile à atteindre : aussi le bon cuiseur doit-il
rester en decà et ne terminer la concentration qu'au
dernier moment.
A cet effet, lorsqu'il approche du point voulu, il
coupe la vapeur de chauffage et active le courant
d’eau dans le condenseur; la température baisse à
45° et le vide at!eint 70 ou 71 centimètres.
On écoule la pâte dans un refroidissoir approprié
et on l'amène lentement, en 1 heure à 2 heures,
à la température ambiante, tout en l’agitant tou-
jours, mais sans brusquerie.
Il est d'usage de sucrer le lait avant de le con-
centrer (fig. 1) :le sucre agit comme antiseptique el
contribue, d'autre part, à donner à la pâte cette
consistance sirupeuse que recherche le consom-
mateur ; le lait bien condensé ressemble à du miel,
il en a le goût et est à peine plus fluide.
Nous en avons examiné un assez grand nombre
d'échantillons et nous avons trouvé qu’en moyenne
de bons lails non écrémés ou écrémés à peine {les
fournisseurs s’acquittent parfois de ce soin) don-
nent à la concentration un produit dont le la-
bleau [ ci-joint résume la composition.
- TABLEAU 1. — Composition du lait concentré.
Composition
DENSITÉ ENVIRON 1,30
en 100°
Beurreil(matiéreprasse) ASE Tree 7 10
Sucreide lait (lactose): 2. RES TELE 12
Sucre decanne (aJOuté]):.%--.:-"-""-e"# 38
Mat. albuminoïdes (caséine, etc.)........... 10
Cendres/(mat. fixes) "RC UE PEER ER ERREC TE 2
Da, RO ER nr Rec cCde 28
100
Dans la pratique, en ajoutant la quantité de sucre
de canne convenable, on peut admettre qu’il faut
1 litre 200 à 300 pour faire une boite de lait con-
centré de 450 grammes, correspondant au volume
de 350 centimètres cubes si la densité est 1,3; c’est-
à-dire que, si l’on défalque le sucre ajouté (133
grammes ou 84 centimètres cubes, par boite de
430 grammes\, il reste 350 — 84— 266 centimètres
cubes qui ont été fournis par le lait primitif.
Done, 1.300 centimètres cubes de lait naturel
donnent : 266 centimètres cubes de lait concentré,
à"
4
ne
F2
R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE 545
sans sucre ; 350 centimètres cubes de lait concen- 2 ; à
tré sucré. IV. — DÉRIVÉS DU LAIT.
On obtient pratiquement 70 à 73 boiles de lail BEURRES ET Fe bn
concentré par 100 litres de lait travaillé, et, si l'on Beurre. — Le beurre est fabriqué en barattant la
considère le prix de vente du lait concentré dans
le commerce, il est facile de se convaincre que
l'industrie dont nous avons démontré l'utilité, est
aussi rémunératrice.
Cependant, ici se pose naturellement une grosse
question : Ce lait concentré trouve-t-il acquéreur?
Nous répondrons : Oui, l'acquéreur est partout: la
consommation n'ira qu'en augmentant.
Le lait concentré régénère le lait naturel par une
simple addition d'eau; le lait naturel se reconstitue
avec Loutes ses propriétés premières : son goût dé-
licat, sa bonne odeur, douce et agréable; mais.
cependant, ilest sucré. Ce n’est pas un grave défaut,
car le lait n’esl qu'exceplionnellement consommé
sans sucre; on sucre le thé ou le café auxquels on
ajoute du lait; on sucre le lait donné aux pelils
enfants, et que d'avantages alors viennent com-
penser et au delà le petit désagrément de cette pré-
sence presque inévitable du sucre. Le lait concentré
ou condensé se conserve presque indéfiniment: il
est toujours prèt, on l’a sous la main, une boîte
entamée ne s’allère qu’en un temps très long, elle
peut rester ouverte plusieurs jours sans aucun in-
convénient, et, enfin, dernière considération, qui a
bien sa valeur; on est cerlain de la bonne qualité
du produit, car, du lait qui aurait élé malade :
ou contaminé seulement , aurail tourné dans
l'appareil à cuire au moment de la concentra-
tion.
Aussi, déjà voyons-nous cette consommation du
lait concentré aller rapidement en augmentant: en
Angleterre, chaque ménage a sa provision de
quelques boîtes de lait condensé et trouve un
avantage énorme à ne pas êlre obligé de compter
sur le lailier, qui peut faire défaut.
L'industrie du lait concentré parait aussi appelée
à un grand développement en France. Puisque
nous nous trouvons, — avec notre climat doux et
humide, notre sol riche et largement arrosé, nos
belles races indigènes laitières, — dans les meil-
leures conditions pour produire par énormes quan-
lités un lait savoureux, nous devrions chercher à
profiter de celte situation pour développer encore
notre production laitière en vue de cette applica-
tion tout indiquée.
C'est un débouché nouveau qui nous est offert,
débouché énorme, puisqu'il aboutit non seulement
à la consommation locale, mais qu'il atteint aussi
etsurtoutle commerce d'exportation, l'alimentation
de nos marins et de nos colonies, qu'il s'adresse à
ces gros consommateurs qui sont le Brésil,
l'Inde, etc.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
crème, et il est intéressant de constater les progrès
faits dans l'exécution des opérations de cette indus-
trie.
Dans les belles laiteries modernes, la crème est
ensemencée avec des ferments purs et on arrive
à l'amener au point précis de sa meilleure utilisa-
tion. On observe maintenant les températures, les
acidilés: tout est si bien étudié que l’on ne ren-
contre plus dans la fabrication les manques ou les
mécomptes que lon attribuait autrefois aux
orages où aux odeurs mauvaises.
Si l'on n'a pas fait de grands progrès dans la
construction des barattes, on a cependant étudié
de plus près leur fonctionnement, et le temps n'est
pas éloigné où l’on se convainera de cette vérité
que le barattage est surlout intéressant au point
de vue desréactions chimiques qui se passent dans
la baratte. On commence à entrevoir les effets el
les conséquences de l'acidité qui s'y développe
et l'on arrive à préparer des beurres d’un arome
très fin, d’un goût exquis, en observant lesphases
de l’acidification et en mettant à profit l'action de
l'acide apparu.
Nous avons apporté d'Amérique les plans d'un
nouveau malaxeur, le #argo (Simon et fils, cons-
tructeurs à Cherbourg), que l’on a adopté partout
aux Etats-Unis et au Canada. Avec un fargo, on
fait, sans supplément de force, le travail de trois
ou quatre malaxeurs à table.
L'industrie du beurre a subi depuis quelques
années une transformalion complète : au lieu de
l'écrémage spontané si incertain, on a adoplé
presque partout l’écrémage au moyen de la force
centrifuge. Les appareils construits dans le but
d'effectuer cette séparalion mécanique de la crème
légère et du liquide plus dense, qui est le lait sans
matière grasse, ont surgi nombreux et ont élé de
jour en jour plus perfectionnés. La dernière écré-
meuse centrifuge parue, l'afa-colibri (fig.3), permet
de traiter 50 à 60 litres de lait à l'heure en faisant
tourner à la main et sans aucune fatigue un petit
appareil facile à manier.
Avec les écrémeuses, avec la possibilité d'obtenir
sûrement des crèmes fraiches et pures, les fabri-
cants se sont préoccupés davantage des soins de
propreté dans la lailerie, au grand profit de l’amé-
lioration de la qualité de leurs produits.
Le beurre fin, délicat, bien présenté, est mar-
chandise courante maintenant, au grand agrément
du consommateur, et, de ce fait, la consommation
tend à augmenter quelque peu. Cependant elle
reste encore bien faible, et à Paris, en particulier,
122%
Réservoir à lait____
Ouverture pour la soupape
Coupe régulateur __
Flotteur en
Pointe pour tenir 1e bOI_ 4
__Soupape à tige avec crochet
_Tube d'alimentation
Sortie de la crême__----— "0" Sd DR Ferblanteries
Vis du lait écrémé---—-
Tube central HN Disques Alfa
Bol ET A PA) *_ Crème ,
Lait écrémé__# f | Axe du bol |
Coussinet
Anneau en caoutchouc pour coussinel—""" ‘La | __ Protecteur de la roue d'entraînement
Bague en caoutchouc pour joint du bol____ 7 _Roue d'entrainement
Douille supérieure _____ —- te ”_Cliquet d'arrêt de la roue
se 2 3 -Manche de la lanière
Rondelle en acier____ mr
Ress Or tee——
Boîte renfermant le ressort____
Bâti__ _— à ÈS
DS à
Plomb_____ Le Vis pour fixer la lanière
Vis pour fixer lécrémeuse ___ __. X Feutre pour huiler
= = fl mms ‘Axe de la roue d'entraînement
Fig. 3. — Écrémeuse centrifuge alfa-colibri.
R. LEZE — LA LAITERIE MODERNE
DAT
elle n’est guère que de 8 à 9 kilos par lêle el par
an, alors qu’elle atteint 15 ou 16 kilos à Londres.
Il serail à désirer pour l’industrie de notre pays
Dans ces dernières années, la production a recu
un accroissement rapide : le nombre des vaches a
augmenté d'une vingtaine de mille tous les ans: il
que laconsommation indigène s’accrûüt encore : car | doit être à peu près, à l'heure actuelle, de 6.700.000
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ZZ } Fromages
K Beurres
Fig. 4. — Carle montrant la réparlilion, en France, des industries du lail ‘beurre, fromage, luil concentré, margarine À,
la facililé, le bas prix d’inslallalion des beurreries
ont multiplié singulièrement le nombre de nos pro-
ducteurs. Examinons de plus près cette question :
1 Cette carte a été dressée sur le cancvas d’une carte muette
obligeamment prètée à la Revue par la maison Delagrave.
à 6.800.000 sur toute l’étendue de notre territoire:
| c'est done une production de 75 à 80 millions
d'hectolitres de lait par an.
Notre commerce d’exportalion n'a pas suivi la
marche ascendante de notre production: il a subi,
AS
R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE
au contraire, dans le cours des vingt-cinq der-
nières années, d'étranges fluctuations, dont les
raisons n’ont pas élé toujours connues. Le ta-
bleau 11 indique quelques chiffres de minima ou de
maxima :
T\ncrac I, — Exportations de beurre frais, fondu
ou salé. — Valeurs en millions de francs.
1872... : te 56.1
1816. 103.8
1879 67.4
1882. 114.7
1887 74.4
1890. 109
ARR LE ER Dre ete 66.9
IL semble que la baisse s'accentue désormais el
pour un temps bien long : car notre principal
marché, l'Angleterre, recoit des quantités de plus
en plus fortes de beurres d'Australie, de Nouvelle-
Zélande et du Canada. Cetle concurrence est ter-
rible pour notre produelion indigène; elle a déter-
miné une baisse générale des prix, el, la consom-
malion n’allant nulle part en augmentant aussi
vile que la production, la baisse durera peut-être
longtemps encore.
C'est dans ces raisons économiques inéluelables
que l’on trouve l’origine de la dépréciation des
marchandises; elles ont baissé de valeur comme
les blés, comme les sucres, les alcools et il est
inutile de rechercher ailleurs l’origine de la dimi-
nulion constante des prix.
On a cependant songé à passer la mauvaise
humeur sur quelque chose el on accuse la marga-
rine de quantité de méfaits. La margarine est fa-
briquée avec la graisse des Bovidés et le lait
comme malière première, La graisse, qui doit
êlreextrèmement fraiche, est scindée en deux pro-
duils : après avoir subi une fusion préalable et
une cristallisalion par le repos, on sépare, au
moyen de presses hydrauliques, une matière grasse
fondant à basse température, l’o/éo, d'une autre
graisse fondant à température plus élevée, le swif
pressé, qui consisle en majeure partie en sléarine
et est employé dans la fabrication des bougies.
L'oléo est reprise et barattée avec du lait, L'émul-
sion des deux matières est refroidie brusquement
en vue d'en immobiliser la structure, et le produit
oblenu est délaité, puis malaxé comme le beurre
nalurel.
La margarine, dans la plupart des usines, est
fabriquée avec un très grand souci des soins de
propreté et elle constitue alors un produit très
sain, d'un goût et d’un parfum agréables et que
1 Voyez à ce sujet l’article de MM. F, et J. Jean sur l'in-
dustrie des Suifs comestibles el industriels dans la Revue du
15 mai dernier, (Note de la Réd.)
l'on a bien souvent peine à distinguer du beurre
naturel,
Comme son prix reste inférieur au prix du
beurre, des gens de mauvaise foi n’ont pas tardé
à songer à préparer des mélanges qu'il à été
ensuite très facile de faire accepter pour du beurre
pur. Il y avait tromperie sur la qualité de la mar-
chandise et les fraudeurs tombaient sous le coup
de la loi, On a poursuivi et frappé durement
quelques-uns d’entre eux; mais on à gardé pour
beaucoup d'autres — et surtout pour les puissants
— une scandaleuse complaisance.
On pouvait se retrancher, pour laisser les coupa-
bles impunis, derrière une difficulté réelle : la mar-
garine ressemble beaucoup au beurre; elle en est,
si l'on voulait nous pardonner un jeu de mots, la
sœur de lait; elle possède presque toutes les pro-
-priétés du produit naturel dont il est diflicile de
la distinguer; l'analyse chimique est presque im-
puissante, car on en est arrivé, dans la fabrication
moderne, à imiter les réactions de la nature el à
faire du beurre véritable !rès analogue à celui de
la vache, C'est cette margarine que l’on a alors
accusée d'être la cause première de l’avilissement
des prix, et quelques intéressés que l’audace n'ef-
fraie pas ont même élé jusqu'à conseiller, jusqu'à
demander la suppression de l’industrie.
Le Gouvernement à répondu oui et non. Oui,
pour satisfaire les demandeurs, et non parce que
les gens sensés voient sans peine que celle sup-
pression serait une faute, que les industries chas-
sées de France iraient à notre détriment se réédi-
fier à l'étranger, et que l'Agriculture ne pourrait
que souffrir de l’abaissement conséculif, inévitable,
du prix des graisses, dont la margarine est le seul
débouché, et aussi peut-être un peu d'ane dépres-
sion dans le prix du lait,
Il faut bien remarquer, en outre, que la marga-
rine n'intervient probablement pas beaucoup dans
la cote des marchandises naturelles. On fabrique
à peu près en France par an 160 à 200 millions de
kilogrammes de beurre. La production de la mar-
garine doit être d'environ 20 millions de kilos. Il
paraitra démontré que son influence est bien faible
si nous ajoutons que les prix sont en parlie régis
par le marché anglais et que l'Angleterre, en 185,
a importé pour plus de 304 millions de francs de
beurre.
Cependant, les Danois el les Suédois nous four-
nissent un enseignement dont il serait bon de pro-
fiter, En Danemark, en Norvège, en Suède, loin de
poursuivre la fabrication de la margarine, on: l'a
plutôt encouragée : ouvriers, pelits bourgeois,
agriculteurs, ont consommé ce produit, el les
beurres de qualité supérieure et de prix élevés ont
pris le chemin de la Grande-Bretagne,
Nous occupions, il y a quelques années à peine,
le premier rang parmi les importateurs dans ce
pays. Aujourd’hui, c'est le Danemark qui a conquis
la première place; nous avons, malgré la position
géographique et la qualité de nos produits, été
dépassés par celte intelligente nation *. <
En résumé, nous voyons que la margarine ne
devrait pas porter le poids des péchés dont on la
charge, et qu'il est complètement inutile de tra-
vailler si laborieusement à édifier une loi nouvelle
pour poursuivre des fraudeurs que l’on ne veut
pas atteindre, puisqu'on pourrait les frapper avec
les lois existantes et qu'on ne le fait pas.
Les industriels raisonnant bien ont laissé de côté
Loutes les récriminalions inutiles et se sont appli-
qués à améliorer leur commerce autrement que
par des plaintes stériles : ils se sont efforcés de
supprimer les intermédiaires, dont les bénéfices
sont énormes, et se sont adressés directement aux
consommateurs. La vente aux particuliers s’est
développée, s’est généralisée, et les deux parties
les plus intéressantes y ont trouvé leur compte.
Mais celle vente directe est souvent bien difi-
cile; elle ne peut être abordée que par de puis-
sants producteurs fabriquant plusieurs centaines
de kilos de beurre par jour, el consentant à faire
dans les villes les frais d'installation d’une bou-
tique et de tout un matériel de chevaux et de voi-
tures pour les livraisons à domicile. Quelques
industriels y ont pleinement réussi, et le consom-
mateur a bénéficié de la concurrence.
Fromages. — La production fromagère n'a pas
progressé si rapidement que les deux autres indus-
lries du lait.
Si nos excellents fromages de table, si renommés
dans le monde, ont conservé leur vieille répu-
lalion, on n’a guère éludié ni amélioré les an-
ciens procédés d'une préparation demeurée empi-
rique.
Il est cependant facile de se convaincre que c'est
dans ces préparalions surtout que la science aurait
à intervenir, escorlée de son outillage bactériolo-
gique ?,
1 Voyez, à ce sujet, les statistiques publiées par MM, F. et
3. Joan dans leur article sur l'industrie du suif, cité plus
haut. (Note de la Direction).
= Nous pensons, cependant, que la science francaise com-
mence à être bien orientée, dans celte voie, sräce surtout
R. LEZÉ — LA LAITERIE MODERNE 549
Peut-être le Lemps n'est-il pas loin où les grosses
fromageries industrielles feront suivre toutes les
réactions, loutes les cullures d'organismes dans
des laboratoires spéciaux; les élèves de nos Écoles
d'Agriculture contribueront sans doute à ces désira-
bles progrès. el les écoles spéciales, nouvellement
instituées par le Gouvernement, formeront des
praticiens instruits, comprenant tout l'intérêt des
recherches scientifiques dans cette industrie.
Il existe maintenant plusieurs de ces excellentes
écoles à: Pétré, dans la Vendée; Mamirolle, dans
le Doubs: Coigny, dans la Manche; Coëtlogon, près
de Rennes; et Kerliver, dans le Finistère, cette
dernière école étant réservée aux jeunes filles,
Espérons que nous ne serons plus, comme il y à
quelques années, encore obligés de chercher à
l'Étranger nos directeurs d'établissements, et que
notre industrie nalionale profitera de la science de
nos nationaux,
NV. — CONCLUSION.
Nous avons essayé, dans cel arlicle, de mettre
en relief les services déjà rendus par la science
dans des fabrications qui sont de son domaine.
Nulle part ailleurs, on ne voit si constamment
intervenir le rôle des organismes, el l’on n’a pas
davantage à se préoccuper des moyens de les uli-
liser ou de les combattre.
C’est par la science, par la diffusion de l’ensei-
gnement, par la création de stations expérimen-
tales, par une élude plus approfondie de nos dé-
bouchés, que nous pourrons ressaisir, dans celle
spécialité de la laiterie, la première place, celle
que nous devrions incontestablement occuper,
en raison des avantages que nous donnent et notre
climat et notre sol; mais, pour lous ces progrès,
c’est sur nous-mêmes que nous devons compter.
Souhaitons le développement des associations,
des sociétés coopératives, de l'initiative. indivi-
duelle en vue de ce but désiré. Déjà, on peut le
dire, quelques beaux résullats, obtenus par des
sociétés actives ou des syndicats, sont venus nous
faire bien augurer d'un avenir plus heureux pour
la prospérité de notre Agriculture.
R. Lezé,
Professeur d'Indüstrie agricole
à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Grignon.
aux importants travaux de M. Duclaux ct à l'impulsion qu'ils
ont donnée à la rénovation de notre industrie fromagére.
\ole de lu Direction .
DoÙ
C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE
REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE
Nous ne pouvons, pas plus que les années pré-
cédentes, avoir la prétention de passer en revue,
même sommairement, tous les travaux se rappor-
lant à la Physique, qui ontété portés à la connais-
sance du monde savant depuis un an. Nous sommes
obligé de faire un choix qui, malheureusement, ne
peut être qu'arbitraire, el nous devons
nous excuser dès le début des omissions que pré-
sentera notre travail, omissions qui en diminue-
ront l'intérêt, mais qui sont cependant nécessaires.
Sur quelques points, notre silence s’expliquera,
parce que les sujels correspondants ont élé déjà
traités dans la Revue, ce qui est un avantage, car
non seulement, ainsi, les lecteurs sont renseignés
plus tôt qu'ils ne l’auraient été par nous sur les
questions d'actualité ; mais, de plus, ils ont eu des
indications plus complètes que celles que nous
eussions pu donner. Mais aussi, par là, notre revue
annuelle, dépouillée des sujets les plus actuels el
les plus intéressants, n'en sera que plus lerne.
C'est ainsi que nous échappe l'indication de Ja
découverte si intéressante de l’argon : sans parler
de l'importance capitale de la preuve faite de
l'existence d'un corps si répandu et qui avait
échappé à toutes les recherches faites jusqu'à pré-
sent, combien n'aurait-il pas été ulile à divers
points de vue d’insister sur les travaux de Lord
JW. Rayleigh et de M. William Ramsay pour
montrer le rôle de la Physique et des données pré-
cises qu'elle a fournies dans cette découverte qui,
au premier abord, parailrail devoir intéresser sur-
tout la Chimie.
N'est-ce pas, en effet, le fail que la densité de
l'azote extrait de l'air est loujours supérieure à
celle de ce gaz retiré de l’ammoniaque ou d'un
autre composé azolé qui a conduit à penser que les
deux sortes de gaz n’élaientpas identiques ? Les dif-
férences étaient faibles : le poids de 1 litre d'azote
extrait de l’air est de 1 gr. 2572, celui de 1 litre
d'azote retiré d'une combinaison est seulement de
1 gr. 2505. Mais la discussion des méthodes em-
ployées permellait de conclure que cette différence
ne pouvait être allribuée à des erreurs d’expé-
rience.
ainsi
N'est-ce pas, d'autre part, l'emploi de la diffu-
sion, suivant la méthode de Graham, qui fournit
une preuve que l'azolé atmosphérique est un mé-
lange de deux gaz ?
L'étude du spectre de l'argon, celle de la solubi-
lité de ce gaz et de l'azote atmosphérique, celle du
point crilique, du point d'ébullilion, du point de
solidificalion, sont des recherches qui sont enlière-
ment du domaine de la Physique, el qui ont cepen-
dant fourni les preuves les plus évidentes de
l'argon comme élément distinct de l'azote.
Nous ne pouvons que renvoyer à la lecture des
mémoires originaux ! pour l'examen des méthodes
employées; et nous nous bornerons à insister
sur l'importance des déterminations précises en
Physique. Comme on l’a dit, en une boutade spiri-
tuelle, la découverte de l’argon est le triomphe de
la troisième décimale.
Nous signalerons encore, parmi les travaux qu'il
convient de relire pour avoir une idée des progrès
de la Physique, les articles suivants :
Les expériences de M. Raoull sur la tonométrie
el la eryoscopie? ; l’article de M. L. Poincaré sur
les rayons cathodiques et l'hypothèse de la matière
radiante *; enfin l’article sur la récente exposi-
tion de la Société de Physique,
Il reste encore assez de travaux pour que la
Revue annuelle de Physique puisse présenter de
l'intérêt, el nous ne pourrons nous en prendre
qu'à nous-même si nous ne savons en lirer parli.
l
Ainsi que nous le remarquions déjà en 1894, l’A-
coustique parait une partie un peu négligée par les
physiciens, el nous aurons peu de choses à signa-
ler.
M. Neyreneuf a poursuivi ses éludes sur la pro-
pagation du son et, notamment, il a mis en évi-
dence le phénomène de la réfraction par l'action
de lentilles; la substance réfringente étant l’eau.
les lentilles employées produisent un effet inverse
de celui que produirait pour la lumière une len-
lille de même forme. M. Neyreneuf réalisa une
lentille biconcave par une ingénieuse disposition,
et put mettre en évidence l’image acoustique du
corps sonore, en explorant l’espace avec une
flamme sensible.
L'étude de la voix a donné lieu à des recherches
de M. G.-J. Burch et de M. Hermann : le premier
reliait la plaque d’un léléphone à un électromètre
capillaire dont les indications étaient recueillies
par la photographie. M. Hermann a utilisé les tra-
cés phonographiques, en fixant un miroir sur un
style parcourant le sillon du phonographe. Un fais-
ceau de lumière fine se réfléchissait sur ce miroir
el allait impressionner une plaque photographique
| Rev. gén. des Se., 1895, p, 89.
2 Ibid, 1894, p. 409.
Ibid, p. 701.
Ù Ibid, 1895 p. 374.
C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE ol
à distance, de manière à amplifier considérable-
ment le déplacement du style. Nous n'avons pas
vu que des résultats généraux nouveaux aient élé
obtenus.
Enfin, nous croyons savoir que, en France, de
. nouvelles recherches ont été faites sur la vitesse de
Ë propagation du son; mais nous devons attendre,
. pour en parler, qu'elles aient été publiées ou au
moins annoncées.
Il
- Il ne semble pas que la construction des instru-
ments d’ Optique ait réalisé de sensibles progrès,
… soit que les questions de cet ordre aient été
quelque peu négligées, soit que les appareils dont
on dispose maintenant répondent d'une manière
- suffisante aux besoins des observateurs, des expé-
rimentateurs:
Il serait injuste, toutefois, de ne pas signaler les
recherches poursuivies avec constance par M. Ch.-
NV. Zenger qui pense que les constructeurs, pour
obtenir de bons résultats, auraient intérêt à s’ins-
. pirer des condilions dioptriques de l'œil, c'est-à-
dire employer des milieux peu réfringents et dont
la dispersion soit à peu près identique. M. Zen-
. ger propose l'emploi de deux crowns, les moins
. réfringents et dispersifs, de verre phosphaté plus
: réfringent et moins dispersif, que le erown, boraté.
… La première lentille est plus convexe, la seconde
— plus concave, ce qui permet d'obtenir à peu près le
… minimum d'aberration sphérique.
2 Le système préconisé par M. Zenger et auquel il
a donné le nom d' objectifs apochromatiques symé-
triques doit présenter de réelles qualités; nous
souhaiterions qu'il pût être réalisé et étudié prati-
quement.
Le problème de la détermination de la distance
focale, et, par suite, de la puissance d'une lentille
Bou d’un système de lentilles a déjà reçu diverses
solutions; il aexercé, cette année particulièrement,
lingéniosité des chercheurs, et de nouveaux foco-
. mètres ont été imaginés; nous croyons intéressant
de les signaler sommairement.
M. A.-L. Herchoun s’est occupé spécialement des
- objectifs photographiques, c'est-à-dire des sys-
* tèmes convergents. Il étudie les faisceaux qui ont
traversé deux fois l'objectif après s’être réfléchi
Sur un miroir plan perpendiculaire à l'axe de
zelui-ci, et il cherche à réaliser les conditions sui-
vantes : 1° l'image coïncide avec le point lumineux ;
2? le faisceau émergent est parallèle. Les résultats
fournis par ces deux observations permettent de
déduire la distance focale et la position des points
nolaux.
- M. Th. Guilloz a eu principalement en vue la dé-
- Lermination rapide de la puissance dioptrique des
verres de lunettes : pour y arriver, il regarde à
travers un trou sténopéique devant lequel on
place à une distance variable la lentille àexaminer,
dont la partie utile est limitée par un diaphragme
à ouverture circulaire. De l’autre côté de la len-
üille est un écran dans lequel est percé un trou de
même diamètre que le diaphragme. Le trou pourra
Loujours être vu nettement, quelle que soit la dis-
tance à laquelle se fasse son image, puisque les
faisceaux arrivent à l'œil par un trou sténopéique.
Le champ visible sur l'écran est limité par la
surface du cône qui a pour base la portion utilisée
de la lentille et pour sommet le trou sténopéique.
L'image du trou, d'autre part, est variable avec la
position de la lentille par rapport à ce trou. Une
discussion simple montre que, si la lentille est à
une distance du trou moindre que la distance fo-
cale, on voit une partie de la carte en dehors du
trou: celle partie diminue quand la lentille s’é-
loigne de l'œil, et les bords du trou disparaissent
pour la position pour laquelle le foyer coïncide
avec le trou sténopéique. En continuant l’éloigne-
ment, le champ est d'abord moindre que l’image
du trou; il lui devient égal de nouveau, et les bords
de l'écran réapparaissant, et au delà, le trou de-
vient visible dans le champ qui croit.
Sans qu'ilsoitnécessaire d’insister, on comprend
qu'il y ait possibèlité d'appliquer ces résultats à la
détermination de la distance focale.
M. Guilloz, en se basant sur cette idée, a cons-
truit un appareil simple qui donne directement,
par simple lecture, la puissance d’un verre et qui,
dans le cas de verres cylindriques ou sphérocylin-
driques, indique la direction des génératrices du
cylindre et la puissance des méridiens principaux.
Les valeurs sont obtenues avec une approxima-
tion suffisante pour la pratique.
Le focomèêtre de M. Weiss présente plus de gé-
néralité que les précédents dans son emploi et plus
d'exactitude en même temps. Il comprend un objet
de grandeur connue qui doit être placé au foyer
de la lentille ou du système étudié, de telle sorte
que les faisceaux qui auront traversé celui-ci soient
parallèles ; ils tombent alors surune lentille de puis-
sance connue et forment une image au foyer. Réci-
proquement, si l’image se produit au foyer de cette
dernière, c'est que l’objet est au foyer du système
étudié. D'autre part, on reconnait immédiatement
que les grandeurs de l’objet et de l’image sont
proportionnelles aux distances focales du système
et de la lentille fixe : il suffit done de mesurer la
grandeur de l’image pour en déduire la distance
cherchée. A cet effet, celle image est regardée à
l'aide d’un oculaire qui permet également de voir
un réticule placé dans le plan focal de la lentille
fixe; ce rélicule cs! mobile à l'aide d’une vis micro-
592 C.-M. GARIEL -— REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE
mélrique qui permel de mesurer l’image avec
exactitude.
La condition essentielle, c'est que l’image se
lasse dans le plan du rélicule : on arrive à satis-
faire à cetle condition plus facilement qu'on ne
pourrail le croire, en faisant varier la posilion de
l'image jusqu'à ce que Loule parallaxe ait disparu.
L'expérience montre que, en répétant la mesure
plusieurs fois, on arrive à la mème valeur avec
une grande exactitude.
L'appareil a élé construit de manière à pouvoir
servir pour des lentilles et des systèmes quel-
conques el, nolamment, à pouvoir être adapté
directement à la monture des microscopes et per-
mettre la mesure de la puissance de l'objectif.
C'est un appareil qui est appelé à rendre des ser-
vices réels et qui permellra, on peut l’espérer.
d’avoir surles microscopes des renseignements plus
précis que ceux qui sont donnés ordinairement.
Nous rappellerons que M. Weiss a montré
quelle signification il convenait de donner à la puis-
sance d'un système pour que la définition puisse
s'appliquer à tous les cas. Mais il n’y à pas lieu
d'insisler, la question ayant élé trailée entière-
ment dans la Æerue yénérale des Sciences \,
La détermination des indices de réfraclion est
une queslion qui présente un grand intérêl à divers
points de vue. On utilise notamment cette donnée
pour se renseigner sur les modificalions intimes
qui se produisent dansles corps sous des influences
diverses, sous l'influence la chaleur, par
exemple, sous celle de la proportion des subs-
tances dissoutes., ele. M. W. Hallwachs, étudiant
les dissolulions du sel marin dans l’eau, a cherché
la différence des indices de réfraction. Pour cela il
emploie une cuve dont le fond est constitué par
une glace pleine et qui est divisée en deux parties
par une autre glace perpendiculaire à la première :
les deux liquides à comparer sont placés de part
el d'autre de celle dernière. On fait arriver dans
l’un d'eux un rayon rasant la surface de cette glace,
de manière qu’il passe dans l’autre liquide et sorte
par le fond : on détermine l'angle que fait le rayon
de
émergent avec la normale. el la connaissance de
cel angle permet de trouver la différence des in-
dices des deux liquides par une formule simple.
La méthode interférentielle permet d'arriver à
des résullats précis lorsqu'il s'agit de comparer
deux subslances dont les indices sont peu diffé-
renls: deux faisceaux. émanés d'une même source,
lraversent une même épaisseur des deux subs-
el, étant donnent
franges d'interférence dont la position dépend des
lances réunis ensuile, des
indices à comparer, Pour pouvoir déterminer ce
1 Hev. gén. des Sc., 189% 976
tome V, p.
déplacement, en éliminant les causes étrangères,
comme la différence de dispersion entre les deux
substances examinées, il convient d'opérer gra-
duellement, en partantde deux parcours identiques;
c'est ce que l’on oblient aisément pour les gaz
dont, gräce à leur compressibilité, on peul faire
varier à volonté la quantilé dans un espace donné.
Pour les liquides. il n'en est pas de même:
M. A.-H. Borghesius, qui a fait des recherches sur
les solutions de sels alcalins, a levé ingénieusement
la difficulté: dans une cuve fixe en verre, contenant
le liquide dissolvant, il place deux petites cuves
reliées entre elles et contenant la solution à étu-
dier : les cuves sont mobiles et leurs déplacements
sont égaux et de sens contraire. Les deux fais-
ceaux qui doivent interférer traversent ces deux
cuves (oujours sous la même épaisseur de liquide :
mais, en déplaçant les petites cuves, on remplace
progressivement d’un côté le liquide dissolvant
par la solution et inversement de l’autre côté. Le
déplacement des franges est donc continu et facile
à suivre, et on en déduit aisément la différence des
indices de réfraction.
La même méthode a été appliquée par M.James
Chappuis pour l'étude de la variation de l'indice
de réfraction de l'acidé carbonique dans le voisi-
nage du point critique. Dans une cuve d'eau est
placé un bloc d’acier percé d’une cavité eylin-
drique fermée par des glaces épaisses et dans la-
quelle on introduit l'acide carbonique: l’un des
faisceaux traverse celle cavité, l’autre passe dans
l’eau de la cuve, dans laquelle il rencontre une
lame de verre qui compense l'action des regards
du réservoir à acide carbonique. Nous reviendrons
sur les résullals obtenus.
I
Les faits relalifs à la vision intéressent les phy-
siciens aussi bien que les physiologistes; nous
croyons done devoir signaler l’apparilion des
images anaglyphes, qui donnent l'impression du -
relief par vision directe el sans stéréoscape. On sait
que, pour avoir la nolion du relief, il faut que
chaque œil voie une image ayant une perspeclive
spéciale et que les deux images soient fusionnées:
la photographie donne directement des images
avec le point de vue convenable à chacune, el, dans
le stéréoscope, l'emploi de prismes ou de lentilles
prismaliques assure la fusion des deux images.
Celle-ci peut d’ailleurs êlre oblenue par des miroirs
convenablement disposés, comme dans le stéréos-
cope de Wheatstone, qui vient d’être ingénieuse-
ment modifié par M. Cazes pour oblenir un grand
champ, en vue spécialement de l'application de la
méthode stéréoscopique à la topographie.
Mais tout autre moyen de réaliser ces conditions
ME Mmes :E Li +4 De,
même résultat. M. Ducos de
Hauron fait imprimer sur un papier blanc les deux
images stéréoscopiques, l’une en rouge, l’autre en
bleu ; ces deux images, correspondant à des points
doit conduire au
_ de vue différents, ne se superposent pas. Si on
Lu de
- garde avec un verre bleu, seuls les traits rouges
regarde cette planche en couleurs avec un verre
rouge convenablement choisi, les traits rouges ne
se distingueront pas et se confondront avec le fond
blanc, qui sera vu rouge également; maisles traits
bleus apparaïtront en noir. Inversement, si on re-
seront distincts et paraïtront noirs. Si donc, on
place un verre rouge devant un Ͼilet un verre
bleu devant l’autre, chaque œil ne verra que le
- dessin de la couleur opposée à celle de son verre
et le verra noir. On aura donc deux images dis-
_linctes et elles se fusionneront naturellement,
LL
puisqu'elles sont vues au même endroit; c'est, en
effet, ce qui se produit, et le relief apparait très
neltement.
Nous devons dire que l'idée n’est pas nouvelle
absolument et que l'application en a été faite à Ja
Société de Physique, si nous ne nous trompons, il
y a bien des années; les images étaient des
épreuves photographiques de stéréoscope ordinaire
qu'on projetait à travers des verres colorés etqu’on
regardait comme on le fait pour lesimages ana-
glyphes.
Signalons sans insister l'apparition à Paris du
kinétoscope d'Edison ; on sait que ce n'est qu’un
phénakisticope dans lequel les images sont très
nombreuses et correspondent à des instants très
“rapprochés. Aussi, a-t-on l'impression du mou-
P
vement réel et voil-on se dérouler des scènes rela-
tivement de longue durée.
Disons également que MM. Lumière sont arrivés
à réaliser le même effet en projection d'une ma-
nière satisfaisante,
Enfin indiquons le chalumeau à lumière oxy-
éthérique de Molteni, d’un emploi fort commode
- pour les projections ; il utilise les vapeurs d’éther
ou de gazoline ; l'oxygène est fourni par un réser-
voir facilement transportable où il est comprimé.
Les mesures photométriques, qui, pendant long-
-Lemps, ont été assimilées à des expériences de
laboratoire, sont entrées peu à peu dans la pratique
au fur et à mesure que, de nouvelles sources lurni-
D
| Mau
neuses étant découvertes, il devenait nécessaire
de les comparer au point de vue du rendement.
M. Blondel, qui s'est occupé spécialement de
ces questions, a inventé et fait construire un appa-
reil destiné à la mesure du flux lumineux; il a
introduit cetle expression, par analogie avec celle
employée dans l'étude de la chaleur rayonnante,
pour la substituer à celle de quantité de lumière, qui
est encore employée quelquefois : il a donné le nom
C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE
D)
| de lumen-mètre à cet appareil dont Ja description à
été donnée récemment dans la Revwe p. 319).
Pour la photométrie, l'unité théorique esl
celle qui a été proposée par M. Violle. Sa valeur
est-elle absolument constante? Et, dans le doute,
ne pourrait-on pas adopler une autre unité qui
pourrait être toujours reproduite identique à elle-
mème d'une manière cerlaine? MM. Lummer et
Kurlbaum ont donné une ingénieuse solution de la
question : ils proposent d'adopter pour étalon
une plaque de 1 centimètre carré de platine porté
à une température telle que, pour le faisceau
émis, il existe un rapport invariable entre son
intensité observée directement et celle qu'on
observe après le passage d’une couche d'eau
d'épaisseur fixée à l'avance.
Pour réaliser cet étalon, ils emploient une
petite lame de platine traversée par un courant
électrique dont on pourra faire varier l'intensité
d'une manière continue pour faire varier aussi
continûment la tempéralure. Le faisceau traverse
une cuve dont les parois, en quartz de 1 milli-
mètre d'épaisseur, sont distantes de 2 centimètres;
le faisceau tombe ensuile sur un bolomètre qui
permet de faire deux observations successives,
l’une quand la cuve est vide, l’autre quand elle
est pleine d'eau. Ils proposent d'amener la tempé-
rature de platine à une valeur telle que l'intensité
dans le second cas sera réduite à 0,1 de sa valeur
primitive. L'idée est ingénieuse el pourrait être
avantageusement adoptée s’il est vrai que l'erreur
ne puisse dépasser 0,3 °/,.
Les comparaisons photométriques ne peuvent se
faire dans le cas de colorations différentes :
M. D. N. Rovel y est pourtant parvenu dans une
étude sur la mesure du pouvoir réfléchissant
des mélaux : son appareil était composé d'un
disque, tournant assez rapidement autour d'un
axe perpendiculaire à son plan. Ce disque était
recouvert par moitié par les substances étudiées,
qui renvoyaient à l’observateur, par réflexion, la
lumière qu’elles recevaient d'une source placée
dans le voisinage. Lors de la rotation, l’observa-
teur percevait une impression spéciale : celle
d'une espèce de vacillement, lorsque les faisceaux
réfléchis différaient de plus de £ de leur valeur;
cette sensation disparaissait pour une différence
moindre, et cela quelle que fût la couleur de ces
plaques. Cette observalion, quoiqu'elle paraisse ne
pouvoir être utilisée que dans des cas bien
spéciaux, demanderait confirmation.
M. G. Lemoine a continué les recherches qu'il
avait entreprises sur la mesure de l’action chi-
mique des radiations solaires, en utilisant la dé-
composition que produisent celles-ci dans un
mélange d'acide oxalique et de chlorure ferrique.
L'application de cette méthode n'était pas sans
soulever quelques objections basées sur ce que, la
réaction qui se produit étant exothermique, il n’y
a pas une relation nécessaire entre les grandeurs
de la cause et de l'effet. M. Lemoine, s'appuyant
sur ce que la chaleur dégagée est faible et se
dissémine rapidement dans la masse, conclut
que, dans les conditions de ses expériences, il
doit y avoir proportionnalité. Sans entrer dans le
détail des mesures el des corrections qu'il faut
faire subir à celles-ci, nous dirons que, pour la
lumière naturelle du Soleil, les nombres ont varié
dans le rapport de 1 à 30 environ entre le 21 dé-
cembre el le 16 mai : M. Lemoine a étudié égale-
ment l'effet des lumières colorées comparativement
à celles de la lumière naturelle.
Il importe de remarquer que les résultats
obtenus fournissent des renseignements sur l’in-
tensité de l’action chimique, mais ne peuvent rien
apprendre sur l'intensité lumineuse, car il n’exisle
aucune relation entre ces éléments: la forme trop
abrégée du titre du travail présenté par M. Le-
moine pourrait donner une idée inexacte du but
qu'il s’est proposé.
M. Janssen, en vue principalement de l’appli-
cation à la Photographie des corps célestes, a
employé un nouveau procédé pour comparer les
radiations émises ou diffusées par les astres, en
déterminant les Lemps nécessaires pour produire,
dans une plaque sensible, un dépôt d’une opacité
déterminée. Les intensités de ces deux sources
seraient entre elles en raison inverse des durées
nécessaires pour obtenir le même résultat.
Bien entendu, il ne s'agit pas de mesures photo-
métriques proprement dites, mais de mesures de
l'activité chimique; mais, même à ce point de vue,
etce n’est pas sans quelque embarras que nous
l’avouons, nous n'avons pas bien compris le prin-
cipe de la méthode, étant donné que la loi qui lie
les effets photographiques à la durée de la pose
est compliquée, autant qu'il résulte des observa-
tions faites.
M. Maréchal, en collaboration avec M. Rigollot,
a entrepris l'étude des actions électrochimiques de
la lumière; l’actinomètre qu'il a employé com-
prend une petile cuve, contenantde l'eau salée, dans
laquelle plongent deux lames métalliques, l’une
de cuivre pur, qui est soustraite à l’action des ra-
diations, l’autre de cuivre oxydé, qui recevra celles-
ci ; les lames sont reliées à un galvanomètre: c'est
donc une disposilion analogue à celle de l’actino-
mètre de Becquerel. Nous ne pouvons indiquer les
résullals expérimentaux déjà obtenus ; mais nous
signalerons que M. Maréchal a montré que son ap-
pareil peut être utilisé comme un véritable relais
lumineux très sensible, permetllant d'enregistrer,
C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE
sur un appareil télégraphique quelconque, les
signaux lumineux émis par le miroir des instru-
ments délicats. Ajoutons, d'autre part, que les
observations faites sur la lumière du jour ont con-
duit M. Marchal à émettre une hypothèse, qui mé-
rite d'être étudiée, sur une relation qui peut exister
entre les variations diurnes du magnétisme ter-
restre et la luminosité du ciel aux diverses heures
du jour.
La question controversée de la température
minima à laquelle apparaissent des radiations
susceptibles de donner naissance à la sensation
lumineuse a donné lieu à quelques recherches.
M. S. Téréchine a montré qu’un fil de platine émet
une faible lumière jaune gris-à 358°. M. P. Gray
est arrivé à un résullat analogue et donne 370°
comme température minima de la luminosité :
mais le phénomène n'est perceptible que si l’obser-
vateur est resté préalablement, pendant un temps
assez long, dans une chambre noire; pour une
moindre durée, la luminosité n’est appréciable
qu'à 470,
IN
Jusqu'à ces dernières années, par suile sans
doute des besoins de l’industrie, on a recherché
spécialement les moyens d'obtenir de hautes tem-
péralures, et on a étudié les phénomènes corres-
pondants; ce n’élait que très exceplionnellement
qu'on réalisait des abaissements de température,
et, en général, ils étaient très limités et on ne les
utilisait que dans des cas très restreints. Mais,
notamment depuis les recherches de M. Caillelet
et de M. Pictet, les conditions ont changé, et la
production du froid est devenue d’un usage cou-
rant; non seulement on est arrivé à utiliser, même
-dans l’industrie, la soustraction de grandes quan-
tiltés de chaleur, mais encore on est parvenu à de
très basses températures : tous les gaz ont été
liquéfiés, et l’on sait que M. Dewar, par exemple,
emploie Pair liquide d'une manière courante ou à
peu près.
Une question se pose nécessairement : comment
vont varier, à ces températures très basses, les
phénomènes qui dépendent des conditions calori-
fiques? Les lois physiques ne peuvent être valable-
ment appliquées que dans les limites des expé- :
riences qui ont servi à les obtenir, el il n'est pas
prudent de les appliquer par extrapolalion en
dehors de ces limites, dès qu’on s’en écarte d’une
manière sensible. On n’est donc pas en droit d’uli-
liser leslois obtenues, jusqu'à présent, à des tem-
pératures inférieures de 100 et 200" à celles aux-
quelles ont élé faites les mesures qui ont conduit à
l'adoption de ces lois. On conçoit qu'il y a là un
très vaste champ d'étude, qui réserve sans doute
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C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE
Or
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bien des surprises; malheureusement, les condi-
tions à remplir pour ces recherches sont loin d'être
faciles à réaliser et il n'y a que peu de laboratoires
qui soient outillés en vue des expériences aux-
quelles nous faisons allusion.
M. Pictet, qui a à sa disposition une installa-
tion importante, a déjà commencé à explorer cette
voie et y a trouvé des résultats intéressants qui
s'écartent, souvent sur bien des points, de ceux
- qu'on connaissait: c'est ainsi qu'il a montré que,
… àtrès basse température, l’affinité chimique n'existe
plus; les corps qui, à la température ordinaire,
_ se combinent le plus énergiquement, sont sans
action les uns sur les autres à —100°. Nous trouve-
rons plus loin diverses recherches que M. Pictet a
pu faire et qui présentent un réel intérêt. Mais
nous tenons à signaler ici certains résultats
relatifs à la propagation de la chaleur à basse tem-
pérature, résultats qui correspondent à des ano-
malies apparentes et qui sont dus, en sommie, à
ce que, à ces basses températures, tous les corps
deviennent plus diathermanes. Aussi, par rapport
à ce que nous connaissons, les faits sont plus com-
plexes et paraissent-ils difficilement explicables
tout d’abord. Nous ne pouvons résumer toutes les
expériences de M. Pictet à ce sujet el nous nous
bornerons à en citer quelques-unes.
M. Pictet a recherché quelle était l'influence, sur
le réchauffement, des substances considérées ordi-
nairement comme s'opposant au passage de la
chaleur. A cet effet, un vase était refroidi vers
— 165° et abandonné dans l’atmosphère à la tem-
pérature du laboratoire(+11°); tantôt ce vase était
nu, tantôt il était recouvert de coton en couches
variant de 10 à 50 centimètres, ou de bourre de
soie, ou de laine, ou de sciure de bois, ou de liège
räpé, etc. Sans entrer dans le détail, nous dirons
que de — 165° à — 100° environ, le réchauffement
se fait presque absolument de la même manière
dans tous les cas, qu’il y ait ou non une substance
isolante, quelle que soit la nature de cette subs-
tance, et quelle que soit l'épaisseur de la couche.
De — 100° à —70°,on commence à distinguer une
différence, mais elle est faible et, pour une même
substance, n'est pas du tout en rapport avec l’é-
paisseur de la couche isolante. La différence s’ac-
croit à mesure que la température s'élève, mais il
faut arriver jusqu’à — 20° pour que les effets obser-
vés soientà peu près proportionnels aux épaisseurs
des enveloppes protectrices.
La cristallisation du chloroforme est utilisée
d'une manière courante, par M. Pictet, pour obte-
nir absolument pur ce liquide en vue de l’anesthé-
sie : ce phénomène a donné lieu également à des
effets curieux dont nous signalons les principaux :
Une éprouvette, contenant le chloroforme et un
thermomètre, est introduite dans un réfrigérant
à — 120° ou —125°: la température du chloroforme
s'abaisse, et, quand elle a atteint — 6895, la cris-
tallisation commence; quand les trois quarts du
chloroforme sont cristallisés, on arrêle l’opéra-
tion ; la température est — 69° ou — 69°,5, tandis
que la température du réfrigérant a été maintenue
à — 125° par l’action des compresseurs.
En répétant l’expérience dans un autre réfrigé-
rant plus grand où la température peut être main-
tenue à — 80°, il semblait qu'on devait être assuré
de la cristallisation du chloroforme à —69°, Mais il
en fut tout autrement : la température dece liquide
atteignit —80° sans donner trace de cristallisation ;
ce n’était pas le phénomène de surfusion, car des
cristaux de chloroforme obtenus d'autre part à
—68°5 furent projetés dans le liquide à — 80° sans
amener la cristallisation, et même ils fondirent.
Enfin une éprouvette à — 68°, contenant des cris-
taux contre la paroi etdu liquide au centre, futintro-
duite dans le grand réfrigérant à — 80°. La tem-
pérature s’abaissa dans l’éprouvette jusqu'à — 80°
et les cristaux fondirent successivement.
L'expérience plusieurs fois répétée donna les
mêmes résultats.
Mais, d'autre part, une éprouvette, contenant du
chloroforme en partie liquide et en partie cristal-
lisé, et dans laquelle était plongé un thermomètre,
fut abandonnée à l’air, pour une pesée, puis sou-
mise à l’action des rayons solaires. La température
s’éleva à — 48°, puis à — 34°, sans que les cristaux
fondissent, quoique leur point de fusion fût de
—68°.
Ces faits curieux nous ont paru mériter d’être
signalés avec quelques détails, tant ils sont con-
traires à ce qui se produit ordinairement. M. Pictet
en a donné l'explication en admettant que, aux
très basses températures, le chloroforme liquide
ou cristallisé est diathermane pour les radiations
peu réfrangibles, pour la chaleur obscure : cette
explication n’est pas immédiate, d’ailleurs, et il
faut faire intervenir l'écart de température entre
le point de cristallisation et la température de
l'enceinte; nous ne pouvons nous y arrêter et nous
devons renvoyer au travail de M. Pictet!.
Nous signalerons l’action sur les êtres vivants
qui, au point de vue physiologique, est bien inté-
ressante, et nous nous bornerons à dire que
M. Pictet, avec des vêtements chauds et couvert
d’une pelisse, a pu rester pendant 8 minutes dans
un grand réfrigérant à —10%°, la tête en dehors, de
manière à respirer l'air du laboratoire, n'ayant
presque aucune impression de froid à la peau.
Nous passons sous silence les autres effets, curieux
1 Arch. des Sc. phys. el nat. de Genève, 1894.
290
également, d'ailleurs; mais ce résultat parail sin-
gulier. Il peut s'expliquer cependant.
L'évaluation des basses températures ne se fait
pas aisément : à moins d’une installation spéciale,
on ne peut guère utiliser le thermomètre à hydro-
gène, et les indications données par le thermo-
mètre à alcool sont inexactes; M. Chappuis, qui
s’est occupé de la question, a reconnu que, dans les
appareils de ce genre fournis par les constructeurs,
l'écart avec le thermomètre à hydrogène pouvail
atteindre 7° à la température de — 79°. Ces thermo-
mètres ne sont même pas comparables entre eux,
et, à celte température, leurs indications peuvent
différer de 1°, M. Chappuis propose de remplacer
l'alcool par le toluène; les thermomètres construits
avec ce liquide restent comparables à 0°,04 près:
il y a donc lieu d’en généraliser l'emploi.
- M. Marchis s’est proposé d'améliorer le thermo-
mètre en supprimant le déplacement du zéro, qui
est dû, comme on le sait, à un travail moléculaire
lent qui a lieu dans le réservoir : il a supprimé cel
inconvénient en consiruisant des réservoirs en pla-
tine auxquels on soude des tiges en verre. Dans
ces conditions, le zéro est presque absolument in-
variable, ainsi qu'il résulte d'observations variées
el nombreuses, qui montrent que le zéro est inva-
riable à 0°,001 près.
On peut se demander, il est vrai, si ce réservoir,
dont les parois sont assez minces en somme, ne
pourra être déformé par des chocs, des pressions,
et si la variation de volume du réservoir qui en
résultera n’amènera pas de graves perturbations
dans la position du zéro, malgré les dispositions
adoplées pour éviler ces accidents; on peul
craindre aussi l’atlaque lente du platine par le
mercure, surtout si l'appareil est maintenu pendant
un certain temps à des températures élevées. Mais
ce thermomètre se met rapidement en équilibre de
lempéralure à cause de la faible épaisseur et de la
conductibilité des parois du réservoir, el c'est là
un avantage très réel dans un certain nombre de
cas où le thermomètre de M. Marchis pourra être
utilement employé. Disons, d’ailleurs, que, en vue
de ce résultat, des thermomètres analogues avaient
déjà été construits antérieurement, surtout pour
les usages médicaux, mais leur emploi ne s’est pas
étendu.
Des procédés divers ont élé utilisés pour la me-
sure des lempératures élevées : M. Daniel Berthe-
lot en asignalé un nouveau, basé sur les variations
des propriétés opliques des gaz. Il obtient des
franges d'interférences produiles par la réunion de
deux faisceaux ayant traversé chacun un tube rem- |
pli d’un gaz; l’un de ces tubes est placé dans le
milieu dont on veut déterminer la température,
l’autre est en dehors el soumis à la température
C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE
ordinaire. Les franges occupent des positions qui
varient avec les températures: on peut, en faisant
varier la pression du gaz soumis à la température
ordinaire, ramener le système de franges à la posi-
lion qu'il occuperait si, dans les deux tubes, le
gaz avait la même pression et la même tempéra-
ture. De la variation de pression, on déduit aisé-
sément la température cherchée, en se basant sur
la proportionnalité qui existe entre la réfraction et
la densité, quelles que soient les causes de varia-
tion de celle-ci. Les expériences de vérification,
basées sur la détermination des points d'ébullition
de divers corps, ont montré que la méthode pro-
posée présente une grande exaclitude. Elle est
intéressante en ce qu'elle est indépendante de la
forme et du volume du récipient qui contient le
gaz: seules, les positions des points d'entrée et de
sortie du faisceau dans le gaz chaud, doivent êlre
bien déterminées ; aussi, semble-t-il que celte mé-
thode pourra être ‘utilisée dans les opérations
industrielles.
V.
La délerminalion des coefficients qui caracté-
risent certaines propriétés des corps a été l’objet
de diverses recherches; parmi celles-ci, nous cite-
rons l'étude de la chaleur de vaporisalion, faite par
le Professeur Ramsay et M'° Dorothy Marschall.
Dans leurs expériences, le liquide à vaporiser est
placé dans un tube plongé dans une atmosphère
de la vapeur du même liquide, de telle sorte que,
après un certain temps, le liquide est porté à son
point d’ébullition. Dans ce liquide se trouve une
spirale de platine dans laquelle on fait alors pas-
ser un courant : la chaleur qui se dégage sertentiè-
rement à provoquer le changement d'état. Une
pesée donne la quantité de liquide vaporisé; pour
déterminer la quantité de chaleur correspondante,
on répète une expérience analogue avec un liquide
dont la chaleur de vaporisation est connue, comme
l’eau ou l'alcool. Il est clair qu'on peul alors cal-
culer aisément la chaleur de vaporisation du
liquide étudié.
MM. P.J. Hartoget J. A. Harker se sont occupés
spécialement de la chaleur de vaporisation de
l'eau sous la pression atmosphérique : ils ont em-
ployé l'appareil de M. Berthelot, mais ont adoplé
des dispositions spéciales pour obtenir un rayon-
nement constant pendant les diverses phases de
l'opération. Le nombre 525, qu'ils ontoblenu ainsi,
est inférieur à celui qui a été donné par Regnaull :
mais il satisfait bien à la relation théorique en
admettant, pour les autres données qui y entrent,
les valeurs fournies par les recherches les plus
récentes. :
La mesure de la chaleur spécifique de l'eau a élé
C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 551
ë l’objet de plusieurs séries de travaux : on sait,
d'ailleurs, que la question est importante, puisque
- ‘cette donnée est liée à la valeur de l'équivalent
_ mécanique de la chaleur. Nous ne pouvons entrer
dans le détail des expériences et nous nous bor-
- nerons à citer quelques résultats obtenus.
Des recherches de M. Griffiths on déduit, pourla
. valeur de l'équivalent mécanique de la calorie, le
nombre 427 kilos 25, qui ne diffère que de +, de la
. valeur trouvée par Rowland, et de = de celle due
à Joule. MM. A. Schuster et William Gannon ont
trouvé un nombre très voisin de celui de M. Griffiths.
On est peu renseigné sur la chaleur spécifique
- des liquides en surfusion et l’on ne peut guère citer
* que les recherches faites par M. Martinetti pour l’eau
juqu'à la température de — 6°. M. Louis Bruner
s'est proposé d'obtenir des résultats sur une plus
grande étendue en opérant sur des liquides orga-
niques : il a choisi le thymol, dont le point de fu-
sion est 49°,5, et le paracrésol, qui fond à 33°. Pour
le premier, il a pu maintenir la surfusion jus-
qu'à 9° ; pour le second jusqu'à 6°. Il serait sans
intérêt, dans ce rapide résumé, de reproduire les
nombres qu'il a obtenus, et nous nous bornerons à
dire que, pour ces deux corps, la courbe représen-
tative tourne sa concavité vers |’ æ posilif.
Le même auteur a étudié, d'autre part, la cha-
leur de solidification de l’hydrate de bromal, et il
a vérifié que, comme l'a indiqué M. Berthelot, ce
corps, quoique cristallisé, ne revient pas immédia-
tement à l’état d'équilibre moléculaire définitif et
qu'il ne rend que peu à peu la chaleur qu'il a
absorbée lors de la fusion. L'hydrate de bromal ne
se dissolvant dans l’eau qu'avec une faible absorp-
tion de chaleur, il a utilisé l’action de la potasse,
qui décompose ce corps en bromoforme et formiate
de potasse. Il a reconnu que la quantité de chaleur
dégagée varie avec le temps qui s’est écoulé depuis
la solidification : ainsi la réaction, qui dégage
12 calories environ avec l'hydrate de bromal non
fondu, en dégage 14,68 si l’on opère sur un échan-
tillon solidifié depuis une heure et broyé, et en dé-
gage jusqu'à 16,12 après le même lemps si le corps
n'a pas été broyé. Les différences mesurent les
quantités de chaleur qui avaient élé retenues. En
faisant varier les conditions, on reconnait que la
chaleur retenue n’est rendue que successivement
et avec une vitesse variable suivant le cas.
M. L. Bruner a étudié le thymoletle menthol au
même point de vue et n’a rien trouvé d’analogue :
il y a là un phénomène intéressant, qu’il serait eu-
rieux de voir étudier sur d'autres corps.
La déterminalion de la température du maximum
de densité de l’eau a donné lieu à diverses recher-
ches. MM. Anderson et Mac Cleland ont étudié l'in-
fluence de la pression el, en se servant du dilato-
mètre, ils ont obtenu les températures de 4°,1844 :
4°,1823 el #,1156 respectivement, pour des pres-
sions de 1 atmosphère, 1,5 atmosphère et 2 atmos-
phères.
M. de Coppet a borné ses recherches à l'étude du
phénomène à la pression ordinaire; mais il en a
minutieusement discuté les conditions. Il a em-
ployé la méthode primitive de Hope et de Tralles,
reprise plus tard par Despretz; mais il a reconnu
que l'observation des thermomètres, par le refroi-
dissement seul du liquide ou par son seul réchauf-
fement, entrainail nécessairement une cause d'er-
reur, et qu'il fallait combiner les deux actions et
coupler les résultats obtenus. IL a fait un grand
nombre de mesures, desquelles, toutes corrections
faites, il a déduit la valeur de 3°,982 pour la tem-
pérature du maximum de densité de l’eau : ce
nombre se rapproche beaucoup de ceux donnés par
M. Scheel, 3°,960, et par M. Krestlung, 3°,973.
La connaissance du point critique peut être uti-
lisée pour reconnaitre la pureté des corps sur les-
quels on opère. M. Pictet, qui a fait des recherches
à ce sujet, a reconnu que cette mélhode donne des
résultats très supéricurs à ceux que fournit la dé-
termination de leur point d'ébullition : d'après ce
savant, la sensibilité serait de 10 à 60 fois plus
grande. C’est ainsi que, pour le chloroforme pur.
auquel on ajoutait une petile quantité d’alcool, le
point crilique a passé de 258°,8 à 255°, soit une
différence de 3°,8, tandis que la température d'ébul-
lition variait seulement de 0°,1 à 0°,2. Pour le
chloréthyle, auquel on mélangeait également de
l'alcool, le point critique s’abaissait de 6°, tandis
qu'il n’y avait qu'une variation de 0°,6 pour le point
d’ébullition. Enfin, pour le pental, qu'on addition-
nait d'aldéhyde, l’abaissement du point critique
était de 1°,7; le point d'ébullition se déplaçait de
moins de 0°,1. Il y a là une constatation qui peut
rendre des services dans certains cas.
Cette influence nolable des impuretés par rap-
port au point critique a été étudiée, à un autre
point de vue, par M. J.-P. Kuenen, qui attribue à
des matières étrangères des phénomènes singu-
liers observés par divers auteurs et desquels
M. Galitzine avait conclu que, au-dessus de sa
température critique, l'éther sulfurique peut exis-
ter sous deux états de densité très différente. En
opérant sur de l’éther purifié avec le plus grand
soin, M. Kuenen a observé des différences vingt
fois moins considérables que celles qu'avait signa-
lées M. Galitzine ; M. Kuenen pense que ces diflé-
rences, faibles d'ailleurs, sont dues probablement
à ce que, au moment de la fermeture du tube à la
lampe, une petite quantité d’éther serait décompo-
sée par l’action de la chaleur.
M. Villard est arrivé à des résultats analogues;
598
C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE
en opérant sur des gaz très purs, protoxyde d’a-
zote, acide carbonique, dans un appareil sem-
blable à celui employé précédemment par
M M. Cailletet et Colardeau, il a été conduit à con-
clure que l'appareil contient un fluide homogène :
il n’y a donc qu'une seule densité. Suivant cet au-
teur, les résullals opposés qui ont élé signalés
doivent être expliqués par des impuretés : un cal-
cul simple montre que la présence d'un gaz étran-
ser, même en quantité minime, suffit à expliquerles
irrégularités constatées.
M. Villard a exécuté d'autres expériences du
même genre, dans lesquelles il a utilisé la disso-
lution de l'iode dans l'acide carbonique; il en
a conclu nolamment que l'acide carbonique en
vapeur, pour se colorer par l'iode, n'a pas besoin
d'être saluré, encore moins d'être mélangé de
liquide.
M. Piclet opérant sur des dissolulions élhérées
de divers solides, de bornéol, par exemple, a vu que,
à la température critique, alors que toute la masse
devenail gazeuse, aucun dépôt de solide ne se pro-
duit : doit-on en conclure que, dans ce cas, à une
température inférieure au point de fusion du solide
et malgré la pression, le solide passe tout entier à
l'élat gazeux et se mélange à la vapeur? M. Pictel
nee pense pas, et, reprenant une hypothèse qu'il
avait formulée antérieurement, il admet que la li-
quéfaction des gaz peul se faire de deux façons :
au-dessous du point critique, à la pression de la
vapeur salurée, où au-dessus du point critique ;
mais alors l'équilibre obtenu n’est pas stable, il se
produit seulement de petites gouttelettes qui dis-
paraissent successivement par évaporation, mais
qui sont remplacées immédiatement par d’autres
goulteleltes qui prennent naissance. Dans le cas de
l’expérience citée plus haut, le bornéol serait en
dissolution dans ces gouttelettes liquides.
On voit que les recherches de M. Villard sonten
contradiction avec cetle-hypothèse.
M. James Chappuis a pensé que l'indice de ré-
fraction devait présenter un changement caracté-
ristique à la température critique; en employant
la méthode interférentielle dont nous avons parlé
plus haut, il a éludié la variation de l'indice de
réfraclion de l'acide carbonique en le comparant à
celui de l’eau. II a trouvé que de 35° à 31°,61 iln'y
a pas de varialion dans les franges : la réfraction
ne change pas; mais, au-dessous de cette dernière
température, les franges se déplacent : la réfrac-
lion diminue. C’est ce changement qui caracté-
riserait le point critique, dont la température
serait ramenée à 31°, 40 après les corrections exi-
gées par le {hermomètre employé : cette valeur
est très voisine de celle de 34°,35 donnée par
M. Amagat.
VI
Le phénomène de la dissolution des solides dans
les liquides présente un intérêt surtout en ce qu'ii
est insuffisamment connu actuellement; avant de
pouvoir en faire une théorie complète, il faul
avoir des données numériques nombreuses el pré-
cises. Dans cet ordre d'idées nous signalerons les
recherches de M. Étard, qu'il est impossible de ré-
sumer, car les résullats oblenus consistent, en
somme, dansle tracé de courbes desolubilité; disons
seulement que M. Étard est arrivé à représenter
les faits plus simplement qu'on ne le faisait aupa-
ravant, en prenant pour coeflicient de solubililé le
poids du sel compris non dans 400 parties d'eau,
mais dans 10) parties de la solution saturée.
M. G. Charpy s'est également occupé des solu-
lions : pour caractériser la concentration, il prend
le nombre de molécules du sel contenues dans
100 molécules du mélange, et il cherche la relation
entre les densités et la concentration. Il est arrivé
à cel énoncé simple : La densité d'une solution sa-
line croit proportionnellement à la concentration,
si l’on admet que le poids moléculaire de l'eau à 0°
est environ de 3 X 18.
M. J. de Kowalski a cherché à vérifier la théorie
de la miscibilité des liquides de Van der Waals,
théorie d’après laquelle le mélange peut se faire à
une certaine pression, pourvu que celle-ci soit assez
grande. Pour éviter des difficullés que présentail
l'expérience, M. de Kowalski a employé les mé-
langes ternaires, et il est arrivé à penser que, pro-
bablement, il existe une température au-dessous
de laquelle un mélange complet par compression
est impossible.
On possède peu de renseignements précis surles
liquides troubles et les gaz nébuleux, c’est-à-dire
les liquides qui contiennent des particules solides
en suspension, émulsions, liquides écumeux, el
sur les gaz qui contiennent en suspension des par-
ticules solides ou liquides. M. Garcia de la Cruz à
étudié les propriétés mécaniques de semblables
mélanges, et il est arrivé à ce résullat simple, el
qui nous parail mériter d'êlre signalé spécialement,
que ces mélanges se comportent à ce point de vue
comme des liquides clairs ou des gaz également
clairs, dont la densilé serait la densité moyenne du
corps considéré, c'est-à-dire le quotient de la
somme des masses mélangées par le volume du
mélange.
VII
L'étude des varialions des propriétés magné-
tiques, a donné lieu à divers travaux parmi lesquels
nous signalerons les importantes recherches de
M. Ewing, déjà analysées dans la Æevue".
1 Rev. gén. des Sc., 1895, p. 385.
C.-M. GARIEL — REVUE
ANNUELLE DE PHYSIQUE 550
M. Curie a étudié le fer doux à ce point de vue
entre 20° et 1350° et a signalé que des variations
rapides se manifeslaient particulièrement vers
750, 860 et 1280°; cette remarque est intéressante,
_ parce que ces températures sont à peu près
. celles pour lesquelles on a été conduit à admettre
:
:
x
que ce mélal subit des modifications allotro-
.
piques.
M. Pictet a recherché l'influence du froid sur
-l’aimantation de l'acier, et il a trouvé que la force
portante augmente quand la température diminue:
pour un barreau aimanté, du poids de 490grammes
environ, dont, à l’aide d’une balance, il mesurait la
force portante à travers une lame de glace de 3 mil-
_Jimètres, il a trouvé que cette force, qui était de
57 grammes à 30°, atteignait 65 grammes à — 30°
et 76 à — 105°.
Les propriétés chimiques du fer et de l'acier
varient avec l’aimantation; pour ce dernier corps,
M. T. Andrews a reconnu que la corrosion par le
chlorure cuivreux était supérieure de 3 °/, pour
l’acier aimanté à sa valeur pour l'acier non aimanté.
Cette différence d’action, qui avait déjà été signa-
lée, conduisait à penser que, dans un même li-
-quide, entre le fer aimanté et le fer non aimanté, il
doit exister une certaine force électromotrice :
la question a été étudiée avec soin par M. Hur-
muzescu, qui a cherché à éviter les causes princi-
pales d'erreur en prenant pour électrodes de fins
fils de métal, pour avoir plus d’'homogénéité, el en
mesurant les forces électromotrices à l’aide d’un
“électromètre capillaire. Il a opéré sur le fer, le
>.
Q
+
nickel et le bismuth, qu’il plongeait dans des solu-
tions très faibles d'acide acétique ou d'acide
- oxalique.
L'un des fils était placé dans un champ magné-
tique dont la valeur a varié de 400 à 7.000 unités
CGS ; l’autre fil était en dehors du champ.
M. Hurmuzescu a trouvé d’abord que, pourle fer
- et le nickel, l'électrode aimantée est toujours posi-
tive par rapport à l’autre, tandis que c’est l'inverse
pour le bismuth. D'autre part, la force électromo-
trice croit avec l’intensité du champ magnétique,
variant pour le fer de 5 à 229 dix-millièmes de
- volt. Ce sont là des résultats intéressants.
MM. Cailletet et Colardeau ont étudié un effet
- particulier qui se produit dans l'électrolyse : la
- condensation des gaz sur les électrodes métalliques.
4
!
On sait que, dans l’électrolyse de l'eau acidulée,
- les jaz oxygène et hydrogène n'apparaissent pas
immédiatement sur la surface des électrodes en
platine : ils y existent cependant à l'élat de con-
- densation, puisque, si on réunit ces électrodes par
- un fil conducteur, celui-ci est traversé par un
.
courant d'une très courte durée d’ailleurs.
MM. Cailleltet et Colardeau ont pensé que les
effets seraient augmentés si l’on-substiluait de la
mousse de platine aux lames ordinairement em-
ployées et qu'ils seraient plus considérables encore
si l'on opérait sous pression ; ces prévisions ont élé
justifiées par des expériences dans lesquelles la
pression s'est élevée jusqu'à 600 atmosphères :
dans ces conditions l'appareil est devenu un
puissant accumulateur d'énergie électrique. La
force électromotrice, qui est environ de 1,8 volt,
décroit d'autant plus lentement que la pression
est plus considérable; cette chute de potentiel
n’est pas continue d’ailleurs : elle est rapide au
début jusqu'à ce que la force éleetromotriceatteigne
1 volt environ, puis reste constante pendant un
temps d'autant plus long que la pression est plus
forte, et décroit ensuite lentement jusqu'à 0°.
En calculant la capacité d'un accumulateur
ainsi formé, MM. Cailletet el Colardeau ont trouvé
que, en la rapportant à 1 kilogramme de mousse
de platine, elle est de 56 ampères-heure pour une
pression de 580 atmosphères. Le rendement
serait très élevé, car il atteindraitl 95 à 98 °/,, à la
condition de ne pas pousser la charge jusqu'à ses
dernières limites et en lui faisant succéder immé-
diatement la décharge. ;
Des effets analogues ont élé observés pour
l'iridium, le ruthénium, le palladium. Pour ce
dernier métal, les résultats sont supérieurs à ceux
que donne le plaline : la capacité de 1 kilogramme
de mousse de palladium est de 176 ampères-
heure à la pression de 600 atmosphères. Pour les
aulres métaux essayés et le charbon, l'action esl
du même genre, mais il se produit en même
temps une altération chimique qui trouble le
phénomène.
VIII
Les actions chimiques exercées par les courants
ont élé utilisées dans nombre de circonstances el
ont donné lieu à d'importantes applications indus-
trielles ; mais elles peuvent être nuisibles égale-
ment. Tel est le cas qui peut se produire, qui s’est
produit, lorsque, dans une ligne de tramways, le
retour se fait par la terre : des actions électro-
lytiques se manifestent et peuvent donner lieu à
une attaque de tous les circuits métalliques placés
dans le sol et pouvant servir de conducteurs à des
courants dérivés : les canalisations d'eau, de gaz,
les câbles à armature en plomb peuvent être
corrodés. Le fait a été signalé aux États-Unis el
récemment encore à Londres. Ces actions onl
donné lieu à diverses recherches parmi lesquelles
nous signalerons un important mémoire de
M. Farnham, qui a donné lieu à une intéressante
discussion devant la Société américaine des Ingé-
nieurs civils. D'autre part, le major Cardew a
560
C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE
vérifié directement que la perte à la Lerre, dans un
système de distribution de l'électricité par cou- |
rants alternatifs de haute tension, peut donner
iieu à travers la terre à un courant de direction
unique, de telle sorte que ce système de distribu-
lion ne met pas à l'abri des inconvénients que
nous signalions plus haut.
L'action chimique des courants a été ingénieu-
sement ulilisée par M. Janet pour l'étude des cou-
rants alternatifs. Sur un cylindre enregistreur on
enroule une feuille de papier imprégnée d'une
solution de ferrocyanure de potassium et d’azotate
d'ammoniaque : un stylet en fer frotte sur le
papier : le stylet et le cylindre sont mis en com-
municalion respectivement avec deux points entre
lesquels existe une différence de potentiel alterna-
live. Chaque fois que le courant passera, on obtien-
dra une trace bleue sur le papier, trace dont l’é-
paisseur variera avec l'intensité du courant, tandis
que la coloralion ne se produira pas quandle
courant sera interrompu. On aura donc, si le
cylindre tourne assez vite, une ligne discontinue |
dont les maxima, très nets, correspondront aux
maxima de la différence de potentiel. Comme
M. Janet l’a montré pour un certain nombre de
cas, cette méthode se prête très bien à l'étude des
courants alternatifs.
M. Janet a, d'ailleurs, perfectionné sa méthode en
étudiant la signification précise des traits obtenus :
en employant une série de stylets qui présentent
entre eux des différences de potentiels détermi-
nées, on obtient des tracés présentant la même
disposition générale, mais dont les traits ont des
longueurs variant d'un stylet à l'autre. La compa- |
raison de ces traits permet d'obtenir exactement
la courbe représentative de la loi du courant con-
sidérée. Nous ne pouvons insister sur ce fait, el
nous dirons seulement, comme on l’a fait remar-
quer, que c'est l’applicalion, dans un cas tout diffé-
rent, du principe sur lequel M. Marcel Deprez a
basé son indicateur de pression pour les machines
à vapeur.
Le problème dont M. Janet a donné une solution
présente une grande imporlance; aussi a-t-il sol-
licité l'attention des physiciens: nous ne nous
arrêlerons pas, faute d'espace, aux solutions
mécaniques indiquées par M. Flemming et par
M. Hicks, mais nous signalerons des procédés
basés sur l’action produite sur la lumière polari-
sée.
M. Pionchon emploie un saccharimètre à pé-
nombre ; entre l'analyseur el le polariseur, il place
un tube contenant, soit du sulfure de carbone, soit
mieux une solulion d'iodure de mercure et d'io-
dure de polassium, et entouré d’un solénoïde dans
lequel on fait passer le courant à étudier. Les
éclairements varient avec l'intensité du courant el
changent à chaque instant; mais, au moins pour
les courants industriels, ces varialions sont très
rapides et ne peuvent être perçues; on arrive à les
distinguer par la méthode stroboscopique, et, en
réglant la période de visibilité convenablement
par rapport à la période du courant, on peutsuivre
avec facilité les changements, qui paraissent se
produire lentement.
M. A. C. Crehore se base sur le même principe :
un tube contenant du sulfure de carbone et entouré
d'un solénoïde traversé par le courant, est placé
entre un analyseur et un polarisseur sur lequel
arrive un faisceau de lumière blanche. La lumière,
à sa sortie de l'analyseur, traverse un prisme: il
se produit un spectre dans lequel apparait une raie
obscure dont la position dépend de l'intensité du
champ magnétique : celle raie se déplace donc
périodiquement, ses déplacements suivant les va-
riations d'intensité du courant. Si donc on projelte
ce spectre sur une plaque photographique, qui se
déplace uniformément dans une direction perpen-
diculaire au spectre, on obtiendra une courbe cor-
respondant à l’ensemble des positions de la raie
noire et dont l'étude fera connaitre la loi de varia-
tion du courant.
Les courants hertziens ont donné lieu à des tra-
vaux dont beaucoup sont intéressants, mais qui
sont tellement nombreux qu'il est impossible de
les citer tous et qu'il est difficile de choisir. Nous
dirons seulement que, d'une manière générale, les
analogies, signalées dès le début, avec les phéno-
mènes lumineux se multiplient, que les interfé-
rences sont obtenues dans des conditions variées,
que les indications sur les longueurs d'onde se
précisent, que des effets ont été observés qui
prouvent l'existence de la double réfraction, que,
par l'emploi de réseaux en grils convenablement
disposés, on à pu mettre en évidence des faits qui
doivent être rapportés à la polarisation circulaire ;
que les mesures d'indice de réfraction se multi-
plient et donnent des résultats concordants, soit
entre eux, soit avec l'application de la loi de Max-
well, etc.
Nous regrettons de ne pouvoir insister et d'être
obligé de passer sous silence les noms des savants
qui ont obtenu d'intéressants résultats. Mais la
question est trop importante el mériterait une
étude d'ensemble ; outre que celte étude sera plus
utile, croyons-nous, dans quelque temps, alors que
cerlains points seront mieux précisés, il serail
fàächeux de l’écourter, et il nous parait préférable
de la réserver.
C.-M. Gariel,
Professeur de Physique
à la Faculté do Médecine de Paris,
Membre de l'Académie de Médecine.
à
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 561
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
: NOUVEAU SYSTÈME DE DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ : SYSTÈME MONOCYCLIQUE pu D' L, BELL
. Les courants immédiats produits par une machine
- dynamo sont des courants alternatifs, c'est-à-dire que
… les courants qui passent dans une section donnée de
… linduit sont, à chaque instant, différents en intensité
et en signe. Pour recueillir des courants continus, il
faut une disposition particulière. Il semble donc que
. Pémploi de l'électricité sous cette dernière forme ait dù
être postérieur à l'emploi des courants alternatifs.
Et cependant, pendant longtemps, ces derniers cou-
rants out été très peu en faveur. On en citait de rares
— applications. Quelles étaient les causes de cette exclu-
sion ? Elles étaient assez nombreuses. Les courants
alternatifs étaient relativement mal connus, ils jetaient
… les électriciens dans de cruels embarras en se met-
> tant, à chaque instant et comme à plaisir, en contra-
diction avec toutes les lois de la physique électrique.
Mal connus, ils étaient mal conduits et mal réglés.
Aussi peut-on citer d'anciennes stations à courants
alternatifs qui ont un rendement déplorable, moins de
50 °/,, dit le Dr Louis Bell dans un mémoire que nous
citerons tout à l'heure; en ces stations, le réglage-de
la tension est aussi absolument mauvais et tout à fait
DNS
Fig. 4. — Dislribulion monocyclique à deux fils. — Poids
de cuivre employé = 100.— Les fils sont ici représentés
schématiquement par les deux lignes parallèles horizon-
— iiles. Perpendiculairement à ces lignes se voient trois fils
secondaires alimentant chacun une lampe.
-intolérable. Cesexemplessontsurtoutnombreuxchezles
Américains, qui, plus audacieux que nous, se sont
lancés dans l'inconnu avec moins d’hésitation. En
—… outre, les courants alternatifs ne pouvaient être appli-
$ qués ni pour l'électrolyse, ni pour produire la force
motrice, etc, Ils semblaient cependant posséder —
par exemple, pour les fransports de force à grandes
Fig. 2. — Distribulion à trois fils. — Poids de cuivre
employé = 31,25.
« distances — certains avantagestellementimportants que
«les chercheurs et les inventeurs ne les ont point aban-
donnés. Et nous avons assisté à une sorte de renais-
sance des courants alternatifs d’abord lente et contes-
tée, aujourd’hui bruyante et absolument reconnue.
—…._ À mesure que notre expérience s’est fortifiée, nous
avons élé conduits à adopter des modes divers de-dis-
tribution : distribution par courants alternatifs simples
à 2 et 3 fils, distribution par courants polyphasés, etc.
Chacun de ces systèmes offre ses avantages et ses
inconvénients, qui diffèrent d’ailleurs selon l'usage que
Von fait de l'électricité produite, Il arrive souvent
- même que telle modification, qui estun avantage lors-
qu'il s’agit d'une distribution de lumière, est un ennui
dans une distribution de force motrice. Les stations
d'électricité ayant un grand intérêt, au point de vue
D à
de la bonne utilisation de leur matériel,-à distribuer
en même temps la lumière et la force, les recherches
continuent donc toujours dans le but de trouver un
système qui satisfasse également bien à cette double
condition. À
Le D: Louis Bell a lu dernièrement devant la Cleve-
land Convention un mémoire dans lequel il expose les
avantages d’un système de distribution qu'il appelle
système monocyclique. L'auteur commence par examiner
en quelques lignes les systèmes principalement ap-
pliqués jusqu’à ce jour. Suivons-le,
La figure 1 représente schématiquement la distri-
bution à deux fils par courants alternatifs simples. En
regard est inscrit un nombre proportionnel au poids
de cuivre employé, la puissance transmise restant la
mème ainsi que la perte en ligne. Admettons le
chiffre 100 pour ce premier système.
La distribution à rois fils par courants alternatifs
simples (fig. 2) ne demande qu’un poids de cuivre
égal à 31,25, en admettant que le fil neutre n'ait qu'une
Fig. 3. — Distribution biphasée à quatre fils. — Poids de
cuivre employé — 100. Entre les deux fils horizontaux mé-
dians est figurée la dynamo produisant le courant biphasé.
Les deux fils secondaires perpendiculaires alimentent cha-
cun une lampe.
section équivalente à la moitié de la section de chacun
des fils extrêmes. Cè système est done excessivement
économique, et par suite recommandable, au moins
pour la production de la lumière. Nous n'insistons pas
sur quelques détails de réglage. Malheureusement,
comme tous les systèmes à courants alternatifs
Fig. 4. — Distribution biphasée à trois fils. — Poids de cuivre
employé = 72,8.
simples, il se prête assez mal à la conduite des mo-
teurs. Sous ce dernier rapport, les courants polyphasés
sont préférables : on emploie les courants biphasés ou
triphasés avec canalisation à 3 ou 4 fils.
La figure 3 représente la distribution à # fils par
courants biphasés. Le poids de cuivre est égal à 100.
C'est beaucoup. En outre, si les deux circuits sont
employés à l'éclairage et si les deux charges ne sont
pas égales, les pertes sont différentes et le voltage
n’est plus constant aux bornes des lampes. Lorsqu'on
veut le régler, on est conduit à des solutions coù-
teuses et peu pratiques, les deux circuits recevant la
même excitation.
La canalisation à troisfils par courants biphasés (fig. #)
demande moins de cuivre — 72,8 — et semble, à priori,
| offrir certaines facilités de réglage. Mais des phéno-
mènes secondaires interviennent, dus au décalage de
phase d’un circuit par rapport au circuit voisin : par
exemple, à charge égale, la perte en ligne n’est pas la
méme sur l’un et l’autre circuit.
Le système triphasé, à trois circuitsdistincts, est théo-
riquement possible, mais il n'est pas appliqué. On
adopte généralement le dispositif représenté par la
ligure 5. Le poids de cuivre exigéest de 75. Les lampes se
branchent entre deux quelconques des fils. L'inégalité
Lis. 5. — Distribution lriphasée à trois fils. — Poids de fil
employé = 15.
de charge des circuits peut faire naître des différences
de voltage qu'il est malaisé de compenser.
Enfin, on peutemployer, pour chaque circuit de la ca-
nalisation triphasée, un systèmeanalogue au système à
trois fils de la figure 2. En confondant en un seul les
Lrois fils neutres, on a finalement le système triphasé
Fiu. 6. — Distribulion briphasée à quatre fils. — Poids de
cuivre employé = 29,2.
à quatre fils (fig. 6), qui permet de marcher à une Len-
sion plus élevée et donne lieu à une économie consi-
dérable de cuivre, puisque le poids de ce métal ne
dépasse pas 29 !/,, lorsque le fil neutre n’a qu'une sec-
tion égale à la moitié de la section des fils extrêmes.
Ce système a été appliqué avec succès à Saint-Hyacinthe
(Canada).
Fig. 7. — Dislribulion monocyclique dile à deux fils. —
Poids de cuivre = 100. — AB, enroulement principal. —
OC, enroulement auxiliaire. =
En résumé, la distribution par courants alternatifs
simples est d'une grande simplicité, mais se prête mal
à la conduite des moteurs. Les courants polyphasés,
au contraire, résolvent cette dernière question, mais
exigent des circuits plus compliqués et donnent lieu à
un réglage un peu difficile. Le système monocyclique
NN
Fig. S, — JDislribulion monocyclique dile à trois fils. —
Poids de cuivre = 31,
participe à la fois des deux précédents, et ila la pré-
lention de posséder tous leurs avantages sans offrir
aucun de leurs inconvénients, En principe, il consiste,
étant donné un réseau à courants alternatifs simples,
à créer à côté de lui d’autres circuits qui seront uni-
quement employés pour la conduite des moteurs, el
62 ACTUALITES SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
dont les forces électromotrices seront décalées d’une
quantité voulue par rapport à la force électromotrice
du circuit principal. Dans ce but, linduit de lalterna-
teur porte, outre l'enroulement principal, un enroule-
ment auxiliaire attaché par une de ses extrémités au
milieu du premier enroulement et produisant une
force électromotrice dont la valeur est déterminée à
l'avance par des considérations que nous énumérerons
tout à l'heure. Les forces électromotrices des deux
enroulements ont une différence de phase de 90°, La :
T
%
74
Vé
B,
Fix. 9, — Composition des forces élechromolrices principale
(0A,, OB;) et secondaire (OC). — Od;, Od,, résullantes.
figure 7 représente un schéma d’une distribution mono-
cyclique où le circuit de lumière est à deux fils, et,
pour cela, dite elle-même à deux fils.
Si nous représentons à un moment donné la diffé-
rence de potentiel entreles points O et A (lg. 7) par
E sin 4/, nous aurons au même moment :
l
Diff. pot. OC = e sin (- + =
Diff pot. OB = — E sin &{ ;
et, par suile,
Diff. pot. AC = — E sin af + e sin (a + S):
Diff, pot. BC = E sin a«{ + e sin (a + =
2
|
Fig, 10, — Distribulion monocyclique à deux fils avee lampes
et moteur triphasé. — En bas, à droite, dynamo fournis-
sant le courant triphasé. — A, B, C, bornes primaires;
A, B,, C1, bornes secondaires du transformateur, — En
bas, à gauche, lampes placées dans le circuit secondaire.
Nous pouvons écrire :
— E sin al +esin (2 + :) = FE, sin (ol +n,
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES | 563
E sin at +esin (a + 5) = E, sin (ai + n:),
=
ou :
— E sin af He cos af = E, cos à, sin af + E, sin 7, cos af,
> Esin at +e cos af = E, cos » sin &{ + E, sin n, cos o/,
ou bien encore:
(— Ê = E, cos »;
lue —E; sin, ;
E = E cos
e — E, sin mn.
54
er)
Fig. 11.— Forces électromotrices aux bornes primaires du lrans-
è ormateur dans la distribution monocyclique de la fig. 10.
Par conséquent, si nous donnons à priori »,, c'est-
à-dire la différence de phase entre la force électromo-
trice résultante AC et la composante OA, nous tirons
successivement les valeurs de e, E,, »,, E,, au moyen
des équations:
e=—Etg,
#
He bons
: cosn
à d e
à tone == ——Ug
$ E
5 E
roulement auxiliaire, obtenir une différence de phase
quelconque enire les divers circuits.
- Le procédé graphique nous aurait amené d’une ma-
mière plus rapide et
plus frappante, aux
mèmes résultats
“qui sont résumés
A
Le pouvons donc, par un choix convenable de l’en-
BA et BC de la figure 10 sont représentées par OA et OC
(fig. 11). Donc, aux bornes des secondaires, en admet-
tant que les différences de phases n’ont pas changé :
Force élect. C,B, de la fig. 10 est représentée par OC, (fig. 12)
Force élect. A,B, de la fig. 40 est représentée j ar OA, (fig. 12)
120% | 120?
: AE ; #7
ee 6 SES ; 30°
> oEe ru
PR si >.
A, C>
|
y"
Fig. 12. — Forces éleclromotrices aux bornes secondaires
du transformateur.
et la résultante C, B, + A, B, étant dirigée suivant Oy,
la force électromotrice B, C, l’est suivant Oy. Les angles
C, Oy, yOA,, A,OC, sont égaux à 120°; nous avons par
conséquent trois bornes C, A, B, (fig. 10), pouvant être
reliées aux trois bornes un moteur triphasé.
Des dimensions différentes de l’enroulement auxi-
liaire nous auraient permis d'obtenir deux forces élec-
tromotrices décalées de 90° et de commander par suile
des moteurs biphasés.
Les circuits peuvent évidemment êlre élablis de
beaucoup d’autres manières. La figure 13, par exemple,
montre une distribulion monocyclique à deux fils avec
réseau secondaire à trois fils. Ici les transformateurs
sont montés de facon à reproduire exactement la dis-
position des deux enroulements de l'alternateur, le
transformateur AB correspondant à l’enroulement prin-
cipal, le transformateur CD à l’enroulement auxiliaire.
Les moteurs, branchés sur de tels circuits, peuvent par-
faitement être des moteurs monophasés. Le fil auxi-
liaire sert simplement à provoquer le démarrage; après
quoi, il est séparé du moteur. Le système monocy-
clique est, en somme, l’extension, à tout un réseau, du
circuit auxiliaire
que l’on est obligé
de créer pour cha-
que moteur mono-
dans la figure 9. Les
angles sont comp-
lés à partir de l'axe
OX; le droites OA,,
OB,, OC,, représen-
tent les forces élec-
lromotrices maxi-
ma entre les points
Oet A,OetB,Oet
C (fig. 7) et-tour-
_nentautour du point
“O\(fig. 9). Les résul-
tantes (AO, OC) et
1BO, OC) (fig. 7) sont
données respective-
ment à l'instant{par
sur la même figure.
La relation suivante peut généralement être adoptée:
es forces électromotrices résultantes sont décalées de
plus et moins 60° par rapport à la force électromotrice
de l'enroulement auxiliaire. Dans ces conditions, il est
“acile d'obtenir des courants triphasés au moyen d’un
sroupement convenable des secondaires des transfor-
Mmateurs. Supposons que la distribution soit faite sui-
vant le schéma de la figure 10. Si, à un moment donné,
la force électromotrice de l’enroulement auxiliaire est
dirigée suivant Oy (fig. 11), les forces électromotrices
yen A
phasé, älimenté par
des courants alter-
natifs simples, en
décalant le courant
au moyen d’un ar-
tifice quelconque,
bobine à self-induc-
tion, condensateur,
etc. Remarquons
qu'il est possible et
même avantageux
de ne jamais sup-
primer complète-
ment le circuit au-
xiliaire, Il suffit de
disposer les enrou-
Fe proies Od,, 04, Fig. 13. — Dislribulion monocyclique à deux fils avec réseau secondaire à lements de telle
(ix.9). Les angles n, trois fils. — AB, transformateur correspondant à l’enroulement principal. SOrte que ce circuit
et n, sont indiqués — CD, transformateur correspondant à l’'enroulement auxiliaire. n’absorbe que très
peu de courant,
lorsque le moteur tourne à sa vitesse normale. De celte
facon, si, pour une raison quelconque, une surcharge
brusque est appliquée et que la vitesse diminue, le
troisième fil redevient actif et tend à rendre au moteur
sa marche normale.
Quant à la valeur propre du système du D' L. Bell.
nous ne pouvons donner d'opinion personnelle, n'ayant
aucun résultat d'exploitation sous les yeux.
A. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique.
ee: LAN PE 277 ANNE,
En un mot, la théorie de la fonction &(s) ne doit pas
être considérée comme isolée dans l'Analyse : un cer-
tain nombre de théorèmes démontrés sur cette fonc-
lion correspondent à des propriétés communes aux
564 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Cahen (E.). — Sur la fonction £(s) de Riemann
et sur des fonctions analogues (Thèse pour le doc-
torat de la Faculté des Sciences de Paris), — 1 vol, gr.
in-4° de 93 pages. Gauthier- Villars et fils, Paris, 1895.
On connait les propriétés remarquables de la fonc-
tion £ (s) introduite par Euler et appliquée depuis
Riemanx à l'étude de la distribution des nombres pre-
miers. M. Cahen se propose de généraliser ces pro-
priétés et de les étendre à d’autres séries de Ja
: à an
forme FA
> ju
En premier lieu, l'auteur étudie les conditions gé-
| S
nérales de convergence des séries de la forme NAT
où les} sont une suite quelconque de nombres posi-
tifs indéfiniment croissants, et constate l'existence
d’une droite de convergence, Cette constatation ne
laissait pas de présenter quelque difficulté, étant donné
que la série n'est pas en général absolument conver-
gente au delà de la droite en question.
Dans la seconde partie, M. Cahen revient à la fonc-
tion £ (s) pour reprendre les résultats connus et en
ajouter de nouveaux. Parmi ceux-ci, nous signalerons
celui qui est relatif à la valeur asymptotique de la
somme des logarithmes des nombres premiers infé-
rieurs à la limite +, et qu'Halphen avait déjà cherché
à établir. La démonstration ne peut être acceptée dès
à présent comme complète, car elle suppose acquis
le théorème sur la réalité des racines de la fonction.
€ (t) de Riemann, théorème qui n’a pu encore être
prouvé rigoureusement. Mais l’auteur, avec raison, n’a
pas vu là un motif suffisant pour passer sous silence
l'analyse qu'il avait obtenue.
C’est dans la troisième partie qu'est introduit tout un
ensemble de fonctions renfermant £ (s) comme cas par-
Le
te lle Re : NN
ticulier, Ce sont les séries de la forme 23% « pério-
=)
diques », c'est-à-dire où les 4, se reproduisent de p
en p.
Il est aisé de calculer le nombre des séries -pério-
diques indépendantes, en excluant celles qui ne sont
pas « premières», c’est-à-dire qui peuvent s'obtenir en
multipliant d’autres séries de la même forme par des
sommes d’un nombre fini de termes.
Parmi les séries ainsi trouvées, certaines possèdent
des relations fonctionnelles tout à fait analogues à
celle qui lie £ (s) et & (1—s). De ce nombre est la série
[n
y
id n°
Legendre.
Relativement à ces séries, il est possible de cons-
truire une théorie tout à fait semblable à celle de la
fonction £(s) en définissant une transcendante holo-
morphe qui correspond à la fonction & (t) de Riemann.
Il s'introduit également des fonctions qui jouent Je
S À 5 nr
rôle de la fonctiong{x)= 26 et par lesquelles,
comme pour Ÿ (x), on démontre des relations corres-
on
où p est premier, (5) étant le symbole de
u
I :
pondant au changement de x en -, fonctions qui se
T
rattachent d'ailleurs aux fonctions el au groupe modu-
laires,
séries périodiques. Tel est le sens général du travail
de M. Cahen et des résultats qu'il a présentés.
J. Hapamarp,
Chalon (P.-F.), Ingénieur des Arts et Manufaclures. —
Aide-Mémoire du Mineur. — { vol, in-1? de 270 p.
avec fig. (Prix relié : 6 fr.) Baudry et Cie, éditeurs,
15, rue des Saints-Pères, Paris, 1895.
En 270 pages de petit format, M. Chalon à condensé
un grand nombre de renseignements utiles sur: les
diverses espèces minérales, leurs formules d'achat et
leurs méthodes d'essai; le programme d’une explora-
tion, le sondage, l'abatage, le percement des galeries et
le boisage, le foncage des puits, la ventilation, l'éclai-
rage, l’asséchement, les transports, l'extraction, là
translation des ouvriers, les applications de l'air com-
primé et de l'électricité, les méthodes d'exploitation,
le levé de plans de mines, et la législation francaise
des mines. Aux 17 chapitres dont se compose cet ou-
vrage, sont annexées des tables renfermant les princi-
pales données dont peut avoir besoin un ingénieur de
mines pour la résolution des problèmes courants (lignes
trigonométriques, puissances etracines, surfaces, flèches
et cordes des arcs), y compris des tables de conversion
des mesures francaises en mesures anglaises, espa-
gnoles et russes, des tables de comparaison des di-
vers thermomètres, et des tables de transformation
des pentes par mètre en degrés du cercle, et inverse-
ment. Enfin, le volume se termine par un glossaire
français-anglais-espagnol.
Par le nombre de renseignements numériques, de ta-
bleaux, de formules et d'indications de prix et de di-
mensions usuelles, condensés dans un petit format, cel
ouvrage est appelé à rendre de grands services. Toute-
fois, on peut regretter qu'il soit, à certains points de
vue, incomplet, particulièrement en ce qui concerne
les mines de houille grisouteuses. L’exposé relatif à
l'aménagement de ces mines, dans les chapitres de la
ventilation et de l'exploitation, est loin de correspondre
à toutes les exigences de la sécurité; d'autre part, les
diverses lampes de sûreté ne sont guère considérées
qu’au point de vue de leur pouvoir éclairant, et il n’est
rien dit des explosifs de sûreté. À un autre point de
vue, les formules relatives aux càbles plats à section
décroissante en aloès, d’un usage si répandu en
France eten Belgique, trouveraient peut-être utile-
ment leur place dans cet Aide-mémoire, Enfin, en ce
qui concerne l'aérage, et sans parler des résultats des
derniers travaux de M. Murgue sur la résistance des
galeries, qui ont fourni des données numériques pré-
cieuses, il est vraiment injuste de ne pas mème faire
mention du ventilateur Rateau, alors qu'une place ho-
norable, parfaitement justifiée d’ailleurs, est faite aux
ventilateurs Ser et Mortier.
E. pe Btecy,
Ingénieur au Corps des Mines,
Professeur à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne.
Hirsch (A.) — Comptes rendus des séances de
la Commission permanente de l'Association
géodésique internationale, réunie à Innsbruck du 5
au 10 septembre 189%, rédigés en français et en alle=
mand, suivis des Rapports sur les Travaux géodé-
siques accomplis dans les différents pays pen-
dant la dernière année. — 1 vol. in-8° de 255 payes
avec Teartes et planches. G. Reimer, éditeur, Berlin, 189%.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 265
2° Sciences physiques.
Istrati (D°C.), Professeur de Chimie à l'Université de
Bucharest. — Cours élémentaire de Chimie, rédigé
J conformément à la nouvelle nomenclature proposée par
À le Congrès de Genève. Traduit d'après la deuxieme édi-
L tion roumaine par M. Æ. Adam, Professeur au
Lycée de Charleville, avec une préface de M. Ch.
— Friedel, Membre de l'Institut. —1 vol. de 560 pages,
É avec 25% fig. (Priæ :12 francs.) G. Carré, éditeur.
- 3, rue Racine, Paris, 1895.
— Ainsi que l'annonce son titre, le traité de M. Istrati
s'adresse aux commencants. Par un choix judicieux
. des corps décrits, par son exposition claire et métho-
… dique, qui est rendue plus attrayante encore grâce à
plus de 250 figures intercalées dans le texte, cet ou-
-. vrage est un des meilleurs qui ait paru dans ce genre,
en ces dernières années.
Rédigé d’abord pour les besoins de l’enseignement
en Roumanie, ce cours élémentaire aurait pu être
— écrit en francais par l’auteur, qui a fait ses études à
Paris et fut un des plus brillants élèves de M. Friedel.
- M. Istrati a préféré faire traduire son œuvre et confier
- la revision de la traduction aux soins de M. Adam,
agrégé de l’Université, qui l’a complétée et enrichie
dans plusieurs parties.
Il est superflu d'ajouter que la notation adoptée est
la notation atomique. Dans sa magistrale préface,
M. Friedel constate « que la théorie dite atomique.
est enfin entrée d’une manière courante dans l’ensëi-
gnement secondaire, comme dans l’enseignement su-
… périeur, en France; mais ce n’est pas sans avoir fait
préalablement la conquête de tous les autres pays,
sauf l'Espagne, où la lutte semble n'être pas encore
terminée ».
Le triomphe de la théorie atomique n’est pas aussi
complet que semble le croire M. Friedel. Nombreuses,
… en effet, sont encore les chaires de lycées et de col-
Jèges où l’ancienne théorie des équivalents seule est
—… d’un usage courant. Il en sera malheureusement ainsi,
—_ ant que l'enseignement sera subordonné aux exi-
—…__sences de nos Ecoles de Paris, toujours inspirées, il
estyrai, par des personnalités éminentes, mais per-
… sonnalités considérées comme les seuls arbitres dans
les questions de doctrines et dont l’obstination à ne
- trouver bonnes que leurs méthodes a eu les consé-
… quences les plus funestes et pour la science et pour
… l’industrie francaises.
Dans son Essai sur l'Histoire générale des Sciences
pendant la Révolution francaise (1803), Biot disait :
« Quelque sentiment que l'on conserve sur l’ancienne
« Université de Paris, il faut convenir qu'elle était en
«arrière de plusieurs siècles pour tout ce qui con-
« cerne les sciences et les arts. Péripatéticienne
« lorsque le monde savant avait renoncé, avec Des-
« cartes, à la philosophie d’Aristote, elle devint carté-
- « sienne quand on fut newtonien..……. ”
Sans doute, il serait excessif de faire un rapproche-
… ment quelconque entre l’ancienne Université et l'Uni-
versité actuelle, mais on ne saurait cependant s’empé-
cher de constater qu'il existe encore, dans certaines
… sciences, des traces de cette tendance d'esprit des
… siècles passés.
…—_ Le traité de M. Istrali a encore un autre mérite, On
y trouve, dans l'exposé de la Chimie organique, l’ap-
plication des principes de la nouvelle nomenclature,
» tels qu'ils ont été posés à Genève, en 1892, par une
d Commission internationale dont l’auteur faisait par-
Die.
A notre connaissance, c'est le premier traité didac-
tique élémentaire où l’on ait adopté cette nomencla-
« ture. La jeunesse désireuse de s'initier à cette mé-
thode rationnelle trouvera donc dans ce livre un guide
aussi sûr que clair et précis.
+
A. HALLER,
é Correspondant de l’Institut,
Directeur de l'Institut Chimique de Nancy.
Rey (Jean), Docteur en médecine. — The Increase in
Weight of Tin and Lead on calcination (1630). —
1 vol. in-8°, crown de 56 pages. (Prix : cartonné : 1 fr. 90.)
W. EF. Clay, éditeur, 18, Teviot-Place. Edimbourg, 1895.
Nous signalons avec plaisir au lecteur cette petite
plaquetie, faisant partie d’une collection des écrits
principaux des anciens chimistes, que l’éditeur édim-
bourgeois William F. Clay a entrepris de réunir.
L'œuvre de Jean Rey est de celles que la postérité aura
toujours profit à consulter.
Jacquet (Louis), Ingénieur des Artset Manufactures.
— Fabrication des Eaux-de-vie. — Un vol. petit
in 8° de 228 pages, de l'Encyclopédie .scientifique des
Aide-Mémoire, dirigée par M. Léauté, membre de l'Ins-
titut.(Priæ : broché 2 fr. 50, relié 3 fr.) Gauthier- Villars
et fils et Masson, éditeurs, Paris, 1895.
Depuis longtemps, tous les ouvrages qui traitaientdes
alcools ne relataient guère, d’une facon détaillée, que la
fabrication des spiritueux dans la grande industrie, c’est-
à-dire leur production, soit par fermentation et distilla-
tion des jus de plantes ou de pulpes sucrées : betteraves,
cannes à sucre, mais, sorgho, mélasses, soiten partant
des substances amylacées : pommes de terre, froment,
avoine, orge, riz, sarrasin, etc., qui doivent subir une
saccharification préalable. Les procédés semi-indus-
triels au moyen desquels on obtient les eaux-de-vie
fines et de bonne qualité étaient un peu délaissés par
les auteurs. Il faut savoir gré à M. Jacquet d’avoir ré-
paré cet oubli, et d’avoir exposé d'une facon très claire
les méthodes employées en France et principalement
dans l’Angoumois, pour l'obtention des produits qui
ont fait sous ce rapport, à notre pays, une réputation
universelle et méritée.
L'ouvrage que nous analysons traite uniquement de
l’eau-de-vie de vin, qui est Le type des bons alcools de
consommation. I! débute par quelques préliminaires
relatifs à lhistorique de la distillation, à l'origine de
l'alcool et à la classification des eaux-de-vie francaises,
et notamment des crus charentais ; un chapitre sur l’al-
coométrie indique l’emploi de l'alcoomèêtre de Gay-
Lussac et de l’hydromètre anglais de Sykes. L'auteur
éludie ensuite la composition du moût avant et après
fermentation, le choix des vins de chaudière et l'ana-
lyse sommaire de ces vins : dosage de l'alcool par Fa-
lambic ou lœnobaromètre Houdart, enfin examen des
fraudesaltérantla qualité ou la quantité de l'alcool du vin.
C'est alors que commence le sujet principal de l’ou-
vrage. Après quelques notions théoriques sur la distil-
lation et la rectification se trouvent l'examen des appa-
reils et procédés de distillation intermittente et con-
tinue : procédés charentais et au premier jet, alambics
charentais, Savalle, Deroy, Egrot, puis l’utilisation des
marcs, lies, vinasses, etc., en vue d'en retirer l’eau-de-
vie. Ce chapitre se termine par l'exposé de diverses
questions accessoires relalives au sujet traité : chauf-
fage, accidents de distillation, prix de revient,
Dans les pages suivantes, M. Jacquet s'occupe de la
composition, du vieillissement naturel ou artificiel des
eaux-de-vie et de leur bonification, du mouillage et du
remontage des spiritueux; un appendice final est con-
sacré au mesurage des spiritueux et des vins par le
pesage.
La marche des opérations relatives à la distillation
par les diverses méthodes est décrite soigneusement
et avec grands détails; un certain nombre de tableaux
et de figures complètent heureusement l'ouvrage ; nous
avons la conviction que ce livre atteindra le but que se
propose l’auteur dans sa préface et qu'il sera « utile à
tous ceux, fért nombreux aujourd'hui, qui, à un titre
quelconque, ont à s'occuper de la production des eaux-
de-vie ».
A. HÉGERT.
Berthier (A.). — Manuel de Photochromie inter-
férentielle. —- 4 vol. in-12 de 170 pages avec 25 fig.
(Prix : 2 fr. 50.) Gauthier-Villars et fils, Paris, 1895
ee Re
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
5606
8° Sciences naturelles.
Martel (E, À). — Les Abîmes. (Les eaux souter-
raines, les cavernes, les sources, la spéléolo-
gie). — 1 vol. in-4° de 580 pages avec 4 phototypies et
16 plans hors texte, 100 gravures d'après photographies
el 200 curtes plans et coupes (Prix : 25 fr.) Ch. Delu-
grave, éditeur, Puris 1895.
Il y a quelques années, la science des grotles élait
encore à l’état embryonnaire, Certainement, on con-
naissait quelques cavernes, et certaines d’entre elles
avaient été aménagées. Parfois même il s’était trouvé
un homme s’attachant à une grotte particulière, la dé-
couvrant et lPétudiant au prix de grands sacrifices ;
mais ce n'élaient là que destentatives isolées etsans au-
cun lien, qui ne pouvaient guère servir à autre chose
qu'à satisfaire la curiosité des voyageurs.
Pour que l’étude des grottes devint véritablement
ulile, il fallait en entreprendre l'exploration systéma-
tique. Il fallait prendre successivement chaque contrée,
en explorer toutes les cavités et descendre jusqu'au
fond de chacune d'elles, quelles que puissent être les
difficultés rencontrées. On reconnaïitrait sans doute
entre elles certains points communs, certaines res-
semblances qui permettraient de deviner leur mode de
formation, Maiscombien de cavernes faudrait-il explo-
rer avant d'arriver aux théories générales!
Tel est le programme devant lequel n'a pas reculé
M. Martel, programme immense, qu'il a exécuté seul
avec quelques amis, et dont il nous donne les résultats
dans son livre sur les Abimes.
Dans l’espace de quelques années, M. Martel à ex-
ploré jusqu’au fond 230 cavernes de tout genre et de
toute profondeur, grottes, avens, puits verlicaüx, rivières
souterraines, etc. Il est le premier qui ne se soit laissé
arrêter par rien, ni par les fatigues, ni parle danger, nipar
la longueur des explorations, ni par l’eau, ni par les cas-
cades, ni par la profondeur des puits. De chaque explo-
ration, il a rapporté un plan de la cavilé étudiée, et
de précieuse observations, dont l’ensemble lui a per-
mis de découvrir les théories générales de la forma-
tion des grottes et de l’origine des sources.
Avant lui, on se figurait que les montagnes recélaient
de vastes réservoirs, servant à alimenter les sources
pendant la saison sèche, Il n’en estrien cependant, et
les recherches de M. Martel ont démontré que l’eau
des sources est fournie par un réseau de canaux ca-
pillaires, amenant les eaux de suintement dans les
galeries plus spacieuses, qui les réunissent et forment
les sources extérieures.
Le nouveau livre de M. Martel renferme la descrip-
lion de ses explorations souterraines; il est suivi des
théories de cette science spéléologique qu'il a créée de
toutes pièces.
De nombreuses gravures illustrent le texte, qui est
accompagné des plans et coupes de toutes les grottes
visitées. Le lecteur est d’abord transporté à Vaucluse,
puis visite les grottes de l'Ardèche, du Gard et de
l'Hérault; il explore ensuite en détail les Causses,
la Terre promise des spéléologues, Après avoir ré-
clamé son tribut à la Provence, M. Martel nous con-
duit en Autriche, dans le Karst, puis en Grèce, où ses
exploration dans les Katavothres ont été continuées
avec succès par M. Sidéridès.
Cet ouvrage n’est pas une sèche nomenclature, ni
un guide du voyageur, pas plus qu'un journal d’ex-
ploration. C’est un véritable traité, dans lequel la
science est cachée sous des fleurs, Les recherches sou-
terraines y sont décrites avec leur difficultés et leurs
dangers si fréquents, Ceux qui veulent entreprendre
des travaux semblables y trouveront de précieux
conseils ; quant aux personnes étrangères à ces études,
elles y rencontreront la description d’un monde nou-
veau, et des épisodes d'exploration aussi intéressants
que les péripéties du roman le plus attachant,
J. VALLOT,
Directeur de l'Observatoire du Mont-Blanc.
Pabst (Camille), Ingénieur Agronome. — Electricité
agricole. —1 vol. in-8° de 380 p. (Price : 5 fr.) — Ber-
ger-Levraull et Cie, éditeurs, Paris, 5, rue des Beaux-
Arts,et Nancy, 1895.
On n’apprend pas, parait-il, aux élèves des Ecoles
d'Agriculture quelles sont les applications agricoles de
l'électricité, et l’auteur, en écrivant ce livre, a eu l’in-
tention de montrer qu'elles ‘mériteraient cependant
de faire l'objet d'un cours. Il à réuni un nombre con-
sidérable de documents surl'électricité atmosphérique,
les applications de l'électricité à l’économie rurale, à
l’électro-culture et l’électro-horticulture, Le lecteur
trouvera dans ce dernier chapitre un résumé des tra-
vaux de M, Berthelot sur la fixation de l'azote par les
végélaux sous l’influence de l’électricité atmosphé-
rique, de ceux de l’abbé Nollet et de l'abbé Bertholon,
au siècle dernier, sur l’utilisation de l'électricité at-
mosphérique et ceux tout récents de M. Grandeau et
d’autres auteurs, des recherches entreprises pour déter-
miner l’action de la lumière électrique sur la végéta-
ton par Hervé-Mangon, MM. Prillieux, Siemens, Dehé-
rain, etc., mais il regrettera l'absence totale de figures
et le trop petit nombre d'indications bibliographiques.
Le livre de M. Pabst n’a pas la prétention d'être un
exposé de ses recherches personnelles, mais plutôt un
recueil de faits, de résultats, d'observations empruntés
à un grand nombre d'auteurs, et quelques-uns de ces
faits, 1l faut avouer, n’ont pas un caractère très pra-
tique. L'auteur prouve qu'il y aurait beaucoup à
apprendre aux futurs agronomes et surtout qu'il ÿ à
encore beaucoup à trouver dans la voie des applica-
tions de l'électricité à l’agriculture. j
C. SAUVAGEAU.
Joergensen (Alfred), Directeur du Laboratoire pour
la Physiologie des Fermentations à Copenhague. — Les
microorganismes de la fermentation. Traduit par
M. Paul Freund, — 1 vol in-8° de 320 p. avec 56 fig.
(Priæ : 5 fr.) Société d'Edilions scientifiques, 4, rue
Antoin2-Dubois, Paris, 1895.
Le livre de M. Joergensen a acquis en Allemagne et
en Angleterre une grande et légitime notoriété, et la
traduction faile par M. Freund vient permeltre à cet
intéressant ouvrage de prendre en France une place
importante, On peut le considérer, en effet, comme un
vrai traité de bactériologie appliquée aux industries de
la fermentation et qui sera d'un grand secoursrau bras-
seur et au distillateur.
Après avoir décrit les procédés de stérilisation, les
méthodes et les milieux de culture, M. Joergensen
consacre un chapitre aux analyses bactériologiques de
l'air et de l’eau; pour cette dernière, il donne la pré-
férence à la méthode essentiellement pratique de
Hansen, qui permet de déterminer directement quels
sont les ferments de l’eau qui peuvent se développer
dans les moûts de brasserie ou de distillerie.
Les chapitres suivants comprennent la description,
accompagnée de dessins soignés, d'un certain nombre
de bactéries, des moisissures les plus communes, et
une étude très détaillée des ferments alcooliques,
Le volume se termine par l'exposé des résultats pra-
tiques obtenus par les recherches scientifiques, exposé
qui comprend les appareils de propagation des levures
pures.
Ajoutons que l'ouvrage de M, Joergensen comprend
uue bibliographie complète et consciencieuse, el que
la partie historique et critique ne le cède en rien à la
partie descriptive. Enfin, si l’auteur donne, comme il
convient, une large place aux recherches si suggestives
de Hansen, il rend pleine justice au génie de Pasteur,
le grand initiateur de la science des fermentations.
C'est donc là un livre très intéressant, et il faut
savoir gré à M. Freund de l'avoir mis à la portée du
lecteur francais.
$ PAPE:
Directeur de l'Ecole de Brasserie
à Nancy.
PPT CRT NT ET
ht ten ea lite: Li
;
;
4° Sciences médicales.
Hartmann (D° H.), Professeur agrégé de lu Faculté
- de Médecine de Paris, Chirurgien des Hôpitaux, et
_ Quénu(E.). — Chirurgie du Rectum. — Un vol.
- grand in-8° de 452 pages avec de nombreuses figures et
» planches en couleurs dans le texte. (Prit : 16 fr.)
- (r. Steinheil, éditeurs. Paris, 1895.
… MM. Hartmann et Quénu ont résumé dans cet-ouvrage,
dont parait aujourd'hui la première partie, l’ensemble
des recherches qu'ils poursuivent depuis plusieurs an-
nées sur le rectum normal et pathologique. S'ils ont
mis largement à contribution les travaux de leurs
devanciers, ils ont eu la rare originalité d’y apporter
tout une note, un document ou une idée personnels.
clinique leur a fourni un riche dossier d’observa-
tions inédites; leur pratique chirurgicale étendue leur
permis de faire une crilique raisonnée des procédés
Dr et de perfectionner leur technique ; le labo-
aloire leur à donné une foule d’apercus nouveaux en
iatomie et en bactériologie. C’est avec ces éléments
ils ont produit une des plus substantielles monogra-
phies qu’il nous ait été donné de lire depuis long-
temps.
L'ouvrage débute par un exposé anatomique très
complet de la région. MM. Hartmann et Quénu, au
rebours des classiques, ont étudié les rapports du
rectum d’arrière en avant, estimant nécessaire pour le
- chirurgien, de bien connaitre la voie par laquelle il
l’aborde aujourd’hui plus volontiers. Suit un court cha-
- pitre clinique relatif aux moyens d'exploration et de
… diagnostic, et les auteurs entrent dans leur sujet
- Les processus infectieux font l’objet des matières
contenues dans ce premier volume. A ce titre sont étu-
. diées les lésions dites inflammatoires, la blennor-
. rhagie, la tuberculose, la syphilis. (Nous eussions aimé
woir figurer ici le cancer, réservé pour le second vo-
“lume.) À côté, sont groupés les ulcérationis, les fistules
et les rétrécissements, qui ne sont que les consé-
quences des altérations précédentes. Enfin, dans le
même cadre, prennent encore place les hémorrhoïdes,
dont l’origine infectieuse paraît établie.
Nous passerons rapidement sur les rectites non spé-
iliques. La rectite chronique présente ceci de particu-
lier qu’elle amène une transformation de l’épithélium
Qui, de cylindrique, devient pavimenteux, stratifié.
Quant à la variété proliférante, elle ne guérit que par
Pablation des végétations.
. La blennorrhagie ano-rectale, rare, peut aboutir dans
certains cas à des ulcérations à peu près indolentes,
mais rebelles. Les auteurs en possèdent une belle ob-
servalion. Quant à la syphilis, elle peut se présenter
sous la forme de chancres ano-rectaux, d'accidents
secondaires ou tertiaires. Les ulcérations tertiaires sont,
comme les syphilomes, particulièrement rebelles au
traitement médical. L’anus iliaque ou l’extirpation per-
mettent, seuls, d'obtenir la guérison.
. Un long chapitre est consacré à la tuberculose du
rectum et de l'anus. Les ulcérations tuberculeuses, les
bcès péri-anaux et péri-rectaux, les fistules, sont suc-
cessivement étudiés avec soin, Nous renvoyons pour
oute cette partie de l'ouvrage à l’analyse que nous
avons publiée ici même (Rev. gén. des Se., 1894, n° 20,
age 767), de l'important travail de M. Hartmann sur
e sujet.
Les rétrécissements du rectum sont divisés en rétré-
cissements périrectaux, cicatriciels ou inflammatoires.
es premiers peuvent succéder à une inflammation
péri-utérine. Les seconds relèvent surtout du trauma-
Misme. Quant aux derniers, les auteurs se sont attachés
à préciser les lésions anatomiques et histologiques qui
les distinguent. Ils signalent, en particulier, l'extrême
areté de l’ulcération de la- muqueuse, au delà ou au
niveau du rétrécissement. De plus, un examen appro-
fondi d’un grand nombre de rétrécissements paraissant
liés à la syphilis ou à la tuberculose montre que, sou-
ent, loin d’être sous la dépendance d’une lésion lo-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 567 :
cale, ils sont le résultat d’une rectite sténosante dans
l'étiologie de laquelle la syphilis et la tuberculose ne
sont intervenues qu’en permettant aux processus infec-
tieux de pénétrer la muqueuse. Il en est de même du
rétrécissement dysentérique dont on à de beaucoup
exagéré l'importance.
Le traitement de choix des rétrécissements inflam-
matoires est l’extirpation par la voie sacrée, lorqu’elle
est possible, Mais cette méthode même n’est pas tou-
jours suivie de succès. La récidive survient fréquem-
ment à des intervalles plus ou moins éloignés.
L’anatomie et la physiologie pathologiques des hé-
morrhoïdes ont été également l’objet d'investigations
attentives. L’altération fondamentale des veines, des
veinules et des capillaires, débute par l’endothélium
pour s'étendre à toute l’épaisseur de la paroi. C’est une
véritable phlébite variqueuse dont l’aboutissant est
latrophie des parois vasculaires et la dilatation consé-
cutive. Quant au phénomène de la fluxion, il est dù
également à un processus infectieux : un malade opéré
à cette période était porteur, au fond de ses bourrelets
hémorrhoïdaires, de caillots dans lesquels l'examen
bactériologique décela la présence du Staphylococcus
albus et du-Bacterium Coli. Pour le traitement, les au-
teurs accordent leurs préférences au procédé de Whi-
tehead, tel qu'il a été modifié par M. Quénu.
Le livre se termine par l'examen de diverses formes
d’ulcérations de l’anus et du rectum parmi lesquelles
la fissure tient la première place. MM. Hartmann et
Quénu ont traité par l’excision un certain nombre de
fissures : ils ont constaté que les filets nerveux sous-
jacents à l’uleération étaient altérés, mais n’en ont
jamais trouvé à nu. à la surface de la fissure elle-même.
La guérison est obtenue par la dilatation qui met fin à
la contracture du sphincter.
Tels sont les points les plus saillants de cetle pre-
mière partie de l'ouvrage. On s’apercoit, par cette
simple énumération, de l'intérêt exceptionnel qu’elle
présente et dont la lecture seule permet de se rendre
compte. La deuxième partie, qui doit paraitre avant
longtemps, comprendra les néoplasmes, les vices de
conformation, les traumatismes, les corps étrangers,
et, pour terminer, cette résultante possible d’altéra-
tions très diverses : le prolapsus du rectum. Sou-
haitons au second volume le succès et la perfection du
premier,
D' Gabriel MAURANGE,
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en cou-
leurs. 528° et 529° livraisons. (Prix de chaque livrai-
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes,
Paris, 1895.
Les 5282 et 529° livraisons renferment des articles
sur les lexucomaïnes, par le D° P. Langlois ; sur la lévu-
lose, ses différentes modifications, leurs propriétés et
leur synthèse due à M. E. Fischer, par M C. Matignon;
sur la levure, par M. L. Knab; sur les roches appelées
leucitites et lherzolithes, par M. Ch. Vélain; sur le
levier, par M. L. Knab; une monographie du Lias, due
à M. E. Haug, avec la description de ses caractères
généraux, de ses divisions, des faciès qu'il présente
dans les différentes régions où il se trouve et des prin-
cipaux fossiles qu'il renferme ; une étude botanique
sur les lianes, par le D'L. Harn; des articles sur la
lettre de change et les dispositions législatives qui en
régissent emploi, par M. L. Didierjean; sur la liberlé
de conscience et de culte, par M. E.-H. Vollet; sur le
libre-échange, par M. A.-M. Berthelot; enfin les bio-
graphies du grand astronome et mathématicien fran-
çais Le Verrier et de F. de Lesseps, par M. L. Lagnet, et
celle du célèbre auteur allemand G.-E. von Lessing, par
M. A. Bossert.
568
CRT IE 24 Le
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 20 Mai 1895
M. le Président annonce à l’Académie la perte qu’elle
vient de faire dans la personne de M Ludwig corres-
pondant de la Section de Médecine.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. le Secrétaire perpé-
tuel signale un ouvrage de M. A.-G. Greenhill, ayant
pour titre : Les fonctions elliptiques et leurs applica-
tions, traduit de l’anglais par M. Griess. — M. H. Faye
expose les principaux résultats des mesures de la gra-
vité de la pesanteur, effectuées par M. G.-R. Putnam
en vingt-six stations de l'Amérique du Nord. Les ano-
malies obtenues disparaissent en grande partie quand
on effectue les corrections fondées sur la théorie de
M. Faye, mais M. Putnam prétend dégager cette cor-
rection de toutes les hypothèses sur la constitution
physique du globe sur lesquelles elle s'appuie. M. Faye
insiste, au contraire, sur l'utilité de ces hypothèses au
point de vue de la Géologie et de la Géodésie.
2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ch. Meerens adresse un
travail sur les vrais rapports numériques des sons mu-
sicaux, — M. Moëssard discute les conditions aux-
quelles doivent satisfaire les images stéréoscopiques
d'un même sujet pour donner au spectateur l'illusion
d'un objet unique en relief dans l’espace, et les ap-
plique au cas des projections stéréoscopiques. —
M. H. Deslandres à fait l’élude comparative des
spectres du gaz de la clévéite et de l'atmosphère so-
jaire ; il a reconnu que la clévéite émet, outre la raie
D,, plusieurs autres raies fortes de la chromosphère,
et, en particulier, la raie 447,18, qui est permanerte,
si bien que le nombre des raies permanentes du soleil,
non reconnues sur la terre, se réduit à deux. D’autres
raies fortes de la clévéite n’ont, dans l’atmosphère
solaire, ni la même intensité relative, ni la même fré-
quence que la raie D,; aussi on est conduit à penser
que le gaz est un mélange ou un composé. — M. Raoul
Varet donne le tableau des chaleurs dégagées dans
les métamorphoses réciproques des sels de mercure
dans leurs états isomériques. — M. V. Thomas à
étudié Paction du peroxyde d’azote sur les sels halo-
gènes d’antimoine; il a pu obtenir les composés
Sb'ONAZ?CI" et SbiO!5Azi, dont les formules typiques
seraient :
= 12
(SbO) |
Az O2) [0°
(SbO)'
(03
2 (SbO CI?) }
|
— MM. Berthelot et Rivals ont effectué de nouvelles
recherches sur les relations thermochimiques entre
les aldéhydes, les alcools et les acides; ils ont opéré
sur les séries salicylique, camphénique et pyromu-
cique. Le changement d'un aldéhyde proprement dit
en alcool, parfixation de H?, dégage en moyenne 15 cal.
environ dans la série grasse, et cela, aussi bien
pour les alcools polyatomiques que pour les mono-
atomiques; dans la série aromatique, le nombre s'élève
jusqu’à 30 cal. Le changement d’un aldéhyde en acide
par fixation de O dégage de 60 à 68 cal, — M. Rivals
a déterminé les chaleurs de formation du chlorure de
benzoyle et du chlorure de toluyle. — MM. A. Chatin
el Müntz ont reconnu l'existence du phosphore en
proportion notable dans la chair des huîtres, et parti-
culièrement dans celle de l'huitre portugaise qui de-
vient ainsi un aliment ferrophosphoré, au plus haut
point reconstituant. — M. Lecoq de Boisbaudran ex-
pose une nouvelle classification desélémentschimiques,
constiluée par Jui depuis longtemps, et qui permet de
prévoir l'existence de deux nouveaux corps, l'hélium
et largon, avec des poids atomiques voisins de ceux
qui sont connus, — MM. Friedel et Moissan con-
firment les résultats prévus par M. Lecoq de Boisbau-
dran, lequel avait attribué les nombres 20 et 3,9 comme
poids atomiques des éléments nouveaux. — M. Nor-
mann Lockyer donne les résultats de létude, par
l'analyse spectrale, des gaz dégagés parcertains miné-
raux. — MM. Haller et Minguin ont étendu l'étude
de l’action déshydrogénante des alcoolates de sodium
à certains corps à fonction cétonique, et, en particulier,
à Ja désoxybenzoïine, la benzophénone, l’anthraqui-
none, etc. — MM. A. Grandval et H. Lajoux ont
étudié, au point de vue chimique, les différentes es-
pèces de senecon et découvert dans le Senecio vulgaris
deux alcaloïdes nouveaux, la sénécionine et la séné-
cine,squi sont doués de propriétés chimiques très dif-
férentes. La senécionine a pour formule C'SH264706, —
M. Ch. Rabaut a fait agir le permanganate de po-
tasse et l’acide azotique étendu sur la benzène sulfoor-
thotoluidine ; ce corps présente une grande résistance
à l'oxydation, ainsi qu'une stabilité remarquable en
présence des acides étendus ef à chaud, malgré son
caractère d’amide, — M. Thezard donne l'analyse d’un
os de momie trouvé dans une tombe avoisinant la
pyramide à degrés de Sakkarah, — MM. Griffiths et
Massey décrivent uné nouvelle leucomaïne, extraite
des urines dans l’Angina pectoris, dont la formule est
C'OH9AZO!, — M. G. Liévin signale la propriété qu'of-
frirait le pétrole brut de prévenir les incrustations
dans les chaudières à vapeur, — M. Barbey adresse
une note relative à l'histoire chimique de la cuscute et
de ses principes immédiats. — M. Ch.-V. Zenger si-
gnale la concordance des catastrophes de Titel en Banat
et de Mendoza (République Argentine) avecune période
d'activité des taches solaires. C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Léon Germe présente
une série d'études sur l’activité de la diastole des
ventricules, sur son mécanisme et ses applications
physiologiques et pathologiques, démontrées par des
expériences sur le cœur cadavérique et par des abser-
-vations faites sur l’homme au moyen de la plessimétrie.
M. Guébhard fournit de nouvelles données critiques
sur les partitions anomales des fougères et maintient
l'influence de la piqûre d’un parasite pour produire
les divisions anomales, — M. Bleicher indique quel-
ques perfectionnements apportés à la préparation et à
l'étude de plaques minces de roches sédimentaires cal-
caires.
J. MARTIN.
Séance du 27 Mai 1895.
M. Frankland est élu Associé étranger en rempla-
cement de M. Van Beneden.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. de Jonquières s'esl
demandé si, dans la formule a —en — En où à, b, c
sont des quantités non transcendantes plus grandes
que zéro, # un nombre entier positif et «a = pq, il es
possible d'exprimer e et b par des fonctions alsébriques
de p et q, telles que l'identité littérale s’établisse fina-
lement entre les deux membres, Pour n>2 ces fonc-
tions binômes ou polynômes n'existent pas; les formes.
monôûmes font seule exception, mais à la condition que
les indéterminées soient réduites à deux dans la for-
mule, la troisième étant nécessairement alors l'unité,
Cette forme devient elle-même incompatible si les trois
indéterminées 4, b, e doivent être des nombres entiers,
comme l'exige l'énoncé de Fermat, — M, Belliard
soumet au jugement de l'Académie un mémoire sur
4
|
.
> l'encastrement des arcs paraboliques et circulaires et
. de son influence sur la résistance de ces arcs.
._ 2° ScrENCES PHYSIQUES. — M. H. Deslandres a appli-
. quéle spectroscope à l'étude de la rotation de Saturne
È et de ses änneaux. Les résultats obtenus sont d'accord
avec la théorie; ils fournissent une seconde vérification
de la loi du déplacement double subi par la lumière
des planètes. — M. de Montessus a éludié la relation
entre le relief et la sismicité ; il conclut la double loi
suivante : Dans un groupe de régions sismiques adja-
- centes, les plus instables sont celles qui présentent
. les plus fortes différences de relief, c’est-à-dire les
plus fortes pentes générales. Les régions instables
accompagnent les grandes lignes de corrugation de
l'écorce terrestre, émergées ou immergées. Ces lois
- sont complétées par les remarques suivantes: 1° Les
— pays de montagnes sont généralement plus instables
“que les pays de plaines; 2 le flanc court et raide
… d'une chaîne est le plus instable ; 3° le flanc court et
“instable l’est surtout en ses parties les plus raides ;
-, les côtes des mers rapidement profondes, surtout
- sielles bordent une chaine importante, sont instables,
tandis que sont stables celles des mers à pente douce,
surtout si elles continuent un pays plat ou peu acci-
deuté. — M. Ch. V. Zenger transmet de nouveaux
documents sur les perturbations atmosphériques et
séismiques du mois de mai dernier et sur leurs rela-
tions avec des phénomènes solaires. — M. Goguet
adresse une note sur un appareil de photométrie. —
M. E. Maumené adresse un mémoire sur les sulfures
d'arsenic. — M. P. Schutzenberger a cherché à
isoler les nombreux métaux du groupe de la cérite
eu suivant une méthode qui est une extension du
procédé Debray. L’oxyde de lanthane peut être partagé
au moins en deux terres, dont l’une aurait comme
poids atomique du métal correspondant un nombre
. voisin de 138, et l’autre un nombre voisin de 135.
Le poids atomique du didyme est compris entre
143 et 143,5, — M. Aimé Girard S’est demandé
si, du fait de l'accumulation du cuivre dans le sol
par suite de l'emploi des bouillies cuivriques des-
tinées à combattre les maladies parasitaires de la
“vigne, de la pomme de terre, etc., on ne devait pas
#raindre de voir d’une part les récoltes diminuées,
lune autre les produits récoltés pénétrés par le cuivre
dans une proportion nuisible à la santé de l’homme et
-des animaux. Les expériences de l’auteur et celles
d'expérimentateurs antérieurs établissent nettement
que le cuivre ne peut avoir aucune mauvaise influence.
— MM. Paul Sabatier et J. B. Senderens ontétudié
la réduction de l’oxyde azotique par le fer ou le zinc
humides et reconnu, à côté de la formation de l’oxyde
_azoteux, une production importante d’azote provenant
d’une réduction plus avancée de l’oxyde azotique, —
- M. Vigouroux a repris l'étude de l’action de l’alumi-
nium sur la silice pulvérisée ou fondue et obtenu un
silicium cristallisé en lamelles. parfois très minces,
douées d'un bel éclat métallique et possédant les
«propriétés chimiques du silicium amorphe. Il y a
donc deux variétés de silicium, l’une amorphe el
VPautre cristallisée. — M. A. Lodin signale quel-
ques propriétés des réactions du sulfure de plomb :
1° le sulfure entre en fusion seulement à 935, mais sa
tension de vapeur est considérable à des températures
bien inférieures ; 2 Cette dernière propriété suffit à
“expliquer les phénomènes de volatilisation attribués
par M. Haunay au composé hypothétique PbS?0? ainsi
que le développement actif des réactions de PS sur
PDO et PbSO' à des températures inférieures à 935»:
° A ces lempératures, les formules admises depuis
longtemps pour expliquer les réactions de la métal-
lursie du plomb au réverbère se vérifient exactement.
— M. A. Béhal, à propos d’un travail récent de M. K.
Tiemann sur les dérivés campholéniques, compare les
résullals qu'il a obtenus antérieurement avec ceux de
ce savant ; il insiste sur les points communs et les dif-
-férences qui portent surtout sur le point de vue
0
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
269
théorique et sur les formules de constitulion propo-
sées, — M. Ferdinand Roques a repris l'étude de la
cinchonine et a pu l'obtenir cristallisée ainsi qu'un
certain nombre de ses combinaisons : le chlorozincate,
le chlorocadmiate, le chlorométhylate, l’iodo, le
bromo-éthylate de cinchonine. — M. L. Simon a étudié
les transformations diverses du phénylglyoxylate d’a-
niline comparativement à celles du pyruvate d’aniline.
1° Sous l’action de l'alcool méthylique, à froid, le
phénylglyoxylate d’aniline se transforme intégrale-
ment en acide anilphénylglyoxylique. 2° L’acide anil-
phénylglyoxylique est transformé intégralement par
l’eau bouillante en phénylglyoxylate d’aniline. Ces
faits ne se reproduisent pas avec les sels d'ammo-
niaque et les toluidines. — M. Adolphe Renard a
étudié le mode de préparation et les propriétés du
corps explosif, l'ozobenzène, formé par l'action de
l'ozone sur le benzène, Le corps ne se forme qu'avec
la benzine pure ; il détone au contact de l'acide sulfu-
rique concentré, de l’AzH, de la potasse concentrée:
sa composition correspond à la formule C6H6O6, ce qui
fait de l’ozobenzène un produit d'addition du benzène
dans lequel les 6 atomicités supplémentaires du noyau
benzénique sont saturées par 6 alomes d'oxygène
reliés les uns aux autres, deux à deux par une ato-
micité. — M. Gaston Rouvier à reconnu que, tandis
que les amidons de blé et de riz, fournis par la même
famille végétale, se comportent en présence de l’iode
de la même manière, l’amidon de pomme de terre,
fourni par une famille très éloignée se comporte d’une
manière différente. — M. Oechsner de Coninck a
étudié l'élimination de la magnésie chez les rachiti-
ques et reconnu que cette élimination était beaucoup
plus faible qu’à l’état normal. C. MariGNoN.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Gréhant montre que
l’on peut injecter jusqu'à 49#72 d'alcool absolu dans le
sang veineux d’unchien, pourvu que l'injection soit
faite lentement. De plus, la proportion de ce corps dans
le sang cinq minutes après l'injection et pendant plus
de S heures devient absolument constante. — M. Vail-
lard montre le parti que l’on peut lirer de l'emploi du
sérum des animaux immunisés contre le tétanos, et
recommande l’usage de cette méthode prophylactique
après toutes les opérations qui tendent à ouvrir les
portes au tétanos, castration, amputation de la queue,
opérations sur le pied chez les’animaux domestiques.
J, MARTIN.
= ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 4 Juin 1895.
M. E. Nicaiïse fait une communication sur un pro-
cédé d’anesthésie de la vaginale, au moyen de la
cocaine, dans le traitement de l’hydrocèle par l’injec-
tion irritante, — Au sujet de la précédente communi-
calion de M. Vallin sur les intoxications alimentaires,
M. Nocard fait remarquer qu'il n’y a pas lieu d’allonger
encore la liste des maladies qui, au terme de la loi
de 1881, doivent empêcher la viande d'être comestible,
Il émet le vœu suivant, qui est adopté à l’unanimité
par l’Académie : « Toute viande destinée: à l’alimenta-
tion publique ne peut être mise en vente et colportée
que pourvue d’une estampille prouvant qu'elle a été
reconnue saine par un inspecteur compétent ; l'inspec-
tion doit être faite partout, dans les villages comme
dans les villes; on peut l’organiser aisément et à peu
de frais, sur des bases analogues à celles qui sont
adoptées en Belgique ». — M. le D' E. Kirmisson lit
une observation de double pied plat valsus douloureux
avec opération d Ogston sur le pied gauche; lé résultat
orthopédique et fonctionnel est très salisfaisant, —
M. le D" A. Darier donne lecture d’un mémoire sur la
possibilité de voir son propre cristallin et l'utilité de
la phakoscopie pour le diagnostic des fines opacités
cristallines et pour l’étude du développement de la
cataracte.-— M, Noë lit un travail sur la palhogénie
du phosphorisme,
570 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
Séance du 11 Juin 1895.
M. Dieulafoy fait une communication sur l’angine
diphtérique à forme herpétique et formule les conclu-
sions suivantes : 1° L’angine diphtérique, essentielle-
ment polymorphe, peut revêtir les allures trompeuses
de l’angine herpétique; 2° il est impossible, clinique-
ment, d'affirmer qu'une angine dite herpétique est ou
n’est pas de nature diphtérique; 3° l'examen bactério-
logique seul peut nous permettre d'affirmer la nature
de l’angine. Cet examen bactériologique doit toujours
ètre fait: il est notre guide le plus précieux; c’est
d’après l'examen bactériologique qu’on peut aflirmer
le diagnostic, porter le pronostic et instituer le traite-
ment. — M. A. Robin fait une communication sur le
traitement du diabète par la médication alternante. Le
traitement est divisé en trois étapes: Le médicament
essentiel de la première étape est l’antipyrine, qui
diminue la désassimilation générale; une contre-indi-
cation est la présence d’albuminurie ; comme adjuvant,
l'huile de foie de morue. Les médicaments de la
seconde étape sont: le sulfate de quinine, les arseni-
caux, la codéine, les alcalins; comme adjuvants,
l'huile de foie de morue et l’eau minérale bicarbonatée.
Enfin, les agents de la troisième étape sont les opiacés,
la valériane, le bromure de potassium, La première
élape dure 5 ou 6 jours, la seconde 15, la troisième
autant, S'il y a encore du sucre après celle-ci, on re-
commence la série. M. A. Robin a déjà obtenu des
résultats très satisfaisants par cetraitement.— M.Gaube
lit un mémoire sur la théorie minérale de l’évolution
et de la nutrition animale. — MM. Despagnet et Va-
lois communiquent un travail sur la stérilisation et la
désinfection par la vapeur d’eau surchauffée.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 1e7 Juin 1895.
M. Richet a recherché le pouvoir toxique des injec-
lions intra-veineuses faites avec le suc des tumeurs
épithéliales. Les tumeurs non ulcérées n’ont qu'un
effet bénin; les tumeurs ulcérées sont extrèmement
toxiques. — MM. Gilbert et Fournier communiquent
7 cas de cirrhose hypertrophique du foie avec ictère
chez les enfants. — M. Pachon a pratiqué l’extirpation
totale de l'estomac chez un chat; l'animal digérait très
bien, mais refusait de manger. Le siège de la sensation
d'appétit parait donc bien résider dans l’estomoc. —
M. Ceschner de Coninck adresse une note sur l’élimi:
nation de la magnésie par l'urine. Elle est considérable
chez les enfants rachitiques. — M. Soulié envoie une
observation d’uretère double chez un fœtus humain.
Séance du 8 Juin 1895.
MM. Arloing et Laulanié ont étudié l'influence de
l'injection des toxines diphtériques sur la température
du corps, les combustions respiratoires et la thermo-
“enèse. Ils formulent les conclusions suivantes : L’in-
toxication diphtérique détermine successivement de la
fièvre et des troubles hypothermiques; l’hyperthermie
n’est point la mesure ni l'expression des combustions
respiratoires et de la thermogenèse; elle coincide
pendant un certain temps avec une diminution des
combustions respiratoires. L’hypothermie est secon-
daire et résulte de la dépression vitale imprimée à
l'organisme ; elle coïncide toujours avec l’abaissement
de l'intensité des combustions respiratoires. — M.d’Ar-
sonval fait remarquer qu'il a déjà montré que le ther-
momètlre ne saurait rendre compte à lui seul des varia-
tions de la thermogenèse.— M. Boix a constaté l’action
hypothermisante des toxines du bacterium coli. On
pourrait conclure de ce fait que les ictères graves
avec hypothermie sont des colibacilloses à détermina-
lion hépatique, — M. Yersin envoie une note sur la
fièvre bilieuse hématurique,— MM, Déjerine et Sottas
décrivent un nouveau cas de dégénérescence rétrograde
dans les cordons antérieurs et latéraux de la moelle,
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 3 Mai 1895.
A l'occasion du procès-verbal, M. Foussereau rec-
tifie un point particulier de sa dernière communica-
tion, Les résultats du calcul relatifs à la première
focale d'une lentille infiniment mince doivent être mo-
difiés. Le rayon de courbure au point situé sur l'axe à
1
Er et non pas L D'ailleurs tous les au-
tres résultats et la portée de ses considérations subsis-
tent sans aucun changement. — M. Ponsot éludie
divers cas d’équilibres osmotiques, dans le but de com-
parer une formule, qu’il a donnée antérieurement pour
exprimer la pression osmotique, avec une formule plus
récente, proposée par M. Leduc dans sa communica-
tion relative à une nouvelle méthode pour déterminer
le point de congélation d'une dissolution, Ces formules
ont pour but d'établir des relations entre l’abaissement
du point de congélation, la diminution relative de Ja
tension de vapeur et la concentration. La formule
employée par M. Ponsot est générale ; elle s'applique à
tous les dissolvants et à toutes les températures. Elle
dérive de la formule de MM. Gouy et Chaperon, que
ces physiciens ont établie en supposant seulement que,
lorsqu'un tube est fermé à sa partie inférieure par une
paroi semi-perméable, s’il y a équilibre osmotique à la
partie inférieure, il y a aussi équilibre de distillation
au sommet, c’est-à-dire que la lension de vapeur émise
par la dissolution est la même que celle qui règne à la
même hauteur dans la vapeur émise par l’eau pure. Il
résulte de cette hypothèse que la hauteur osmotique
(distance du niveau de la solution à l’eau pure), est
indépendante de la forme du vase et de la profondeur à
laquelle il est immergé. Elle ne dépend que de la con-
centration ou de la tension de vapeur de la dissolution
au sommet de l'osmomètre, Quant à la pression osmo-
tique, elle varie avec la profondeur à laquelle esl
immergée la paroi semi-perméable. La formule de
Van t'Hoff: 7 V —=iR Tne saurait être considérée comme
applicable dans tous les cas. On démontre, en effet,
pour valeur
que, pour quelques solutions, la pression osmolique est
proportionnelle à la température absolue; mais c'est
dans le cas où la pression exercée sur l'eau n’est ques
celle de la vapeur saturante et non une pression quel-
conque. Aussi M. Ponsot n'a-t-il appliqué la formule de
Van t’Hoff que dans ce cas particulier. L’auteur montre
ensuite quelles sont les nouvelles hypothèses qui doi-
vent être faites pour passer de l’équilibre osmotique
de MM. Gouy et Chaperon à celui de M. Leduc. Il montre
que, pour ce dernier, on ne se trouve plus dans les
conditions où la formule de Van L’Hoff est légitimement
applicable. II faut remarquer toutefois que M. Leduc ne
l'applique qu’à la limite où la pression osmotique est
infiniment petite. M. Ponsotest couduit à la considéra-
tion d’un équilibre particulier auquel il avait été déjà
amené l’an dernier lorsqu'il cherchait une expression
de la hauteur osmotique d’une solution à son point de
congélation!, Mais cet équilibre ne peut en donner
qu’une valeur limite. Cependant la discussion des causes
de l’équilibre mit l'auteur sur la voie du cyele iso-
therme qui lui permit de trouver la formule générule,
applicable à tous les corps. Mais tandis que, pour l’eau,
ce cycle isotherme est représenté par un équilibre où le
corps lui-même se comprime, il ne peut en être de
même pour les autres corps parce qu'on ne peut sup:
poser le corps solide comprimant le liquide et étant en
équilibre de fusion avec lui. M. Ponsot étend ces con-
sidérations aux solutions. A ce propos, il précise la déli-
nition du point théorique de congélation de la dissolu-
tion. C'est, par exemple, la tempéralure à laquelle la
ulace et la dissolution sont en équilibre de fusion sous
la tension de vapeur de la dissolution, laquelle est la
mème que celle de la glace à la même température,
1 C. R., nov. 1894.
hinsral shit
DAS érudit
POS PO UV PP PERS TE NT D
- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 5
1!
=
- C’est donc un point triple. Le point de congélation
expérimental en est très voisin, et l'abaissement théo-
rique du point de congélation est sensiblement égal à
J'abaissement expérimental. Puis M. Ponsot considère
un nouveléquilibre : celui d'une dissolution séparée de
la vapeur d’eau par une paroi semi-perméable etil
montre que le tube de l’osmomètre peut être supposé
fout entier semi-perméable ; alors, à chaque niveau, la
pression osmotique est représentée par la différence
entre le poids de la dissolution et la différence de ten-
sion de la vapeur à ce niveau et au sommet. C’est donc
“encore là un exemple qui montre que la pression
- osmotique dépend non seulement de la concentration,
de la température, mais encore de l’état physique du
-dissolvant, liquide ou en vapeur, de sa densité aux deux
- états ou de sa pression. La relation de Van &’Hoff, appli-
-cable seulement pour certaines dissolutions dans le
as où la pression exercée sur l'eau est celle de sa
fapeur, n’est pas applicable à ce cas. Il est donc inexact
‘de donner à la pression osmotique une cause analogue
celle de la pressian des gaz. Autrement dit la pres-
‘sion osmotique n’est pas la pression exercée par le
corps dissous sur les parois du vase qui renferme la
“ dissolution. —M. Chauveau poursuit depuis plusieurs
_ années déjà une série de recherches sur l'électricité
atmospliérique au sommet de la tour Eiffel. Il expose
aujourd'hui les procédés d'observation qu'il a em-
ployés et en quoi ils diffèrent des procédés ordinaire-
ment en usage au niveau du sol. Il indique en même
temps le moyen d'éliminer des causes d'erreur nota-
bles qui subsistent dans les méthodes ordinaires.
L'inscription du potentiel pris en un point donné par
- l'appareil ordinaire à écoulement se fait généralement
- au moyen d'un enregistreur photographique muni
- d'une horloge. Ce procédé est très bon, mais encom-
brant et cher, M. Chauveau a d’abord perfectionné
- l'appareil à écoulement. Le potentiel qu'on mesure
_ étant celui du point où le jet se sépare en gouttelettes,
… ilest bon, pour que ce point soit fixe, de produire
. l'écoulement avec un niveau sensiblement constant.
C'est ce qui a été réalisé. D’autre part, l'électromètre
ascart présente, pour l2s observations continues,
inconvénient que son zéro se déplace; il faut très
équemment renouveler l’acide sulfurique. Après une
rie d'essais, M. Chauveau a réussi à rendre le zéro
fixe en faisant plonger le flotteur suspendu à l’aiguille
dans un vase contenant de la glycérine, et dans lequel
- plonge aussi le fil relié au corps dont on veut mesurer
le potentiel. La glycérine conduit suffisamment pour
cet usage. Ce vase est placé au milieu du vase ordi-
- naire à acide sulfurique. De cette facon, au lieu d’être
obligé de changer l’acide tous les deux ou trois jours,
on peut le laisser plusieurs mois. Puis, pour un service
continu, la pile à eau destinée à charger les secteurs,
se polarise notablement. Comme pile constante à un
- seul liquide, la pile Gouy étant trop chère, il s'est très
bien trouvé de la pile Damien à sulfate de mercure.
els sont les perfectionnements qu'il convient d’ap-
porter à la méthode relative au sol. Au sommet de la
tour, le seul endroit dont disposait M. Chauveau était à
la base d’un des grands arceaux. Cette situation entre
le paratonnerre du sommet et ceux de la grande plate-
forme supérieure semblait peu favorable à de pareilles
recherches, et au début l’auteur n’espérait pas observer
de grandes variations. Puis il éprouvait des craintes
sur la possibilité de réaliser un bon isolement. A sa
grande surprise, l'isolementse produit très facilement,
La paraffine, pourvu qu’elle reste propre, le verre, le
même acide sulfurique pendant toute une saison, iso-
-lent très bien. Les vibrations continuelles de la tour
‘empêchant emploi d'un enregistreur à horloge, il a
adopté l’enregistreur ordinaire Richard, à condition de
» tourner la face sensible du papier vers le dedans afin
d'éviter les taches produites par les duigts. Les poten-
tiels obtenus sur la tour dépassent de beaucoup les
- valeurs relatives au sol. Au niveau du sol, à deux mè-
tres d'un mur, le potentiel varie en moyenne entre
|
150 volts en été et 500 en hiver. En temps orageux, le
potentiel ne dépasse pas 800 volts. Sur la tour, à f”50
de Ja carcasse, ce sont des milliers de volts qu’on a à
mesurer, Mais M. Chauveau a observé, et le fait avait
déjà été constaté par Hopkinson, puis Ayrton et Perry,
que l’électromètre a quadrants présente une déviation
limite, atteinte pour 3.000 volts environ. L'existence de
cette limite est une conséquence des formules de
M. Gouy. Comme l'appareil ne peut pas être parfaite-
ment symétrique, elle est due à l'existence du couple
directeur électrique, M. Chauvean a tourné la diffi-
culté en réduisant le potentiel à une fraction déter-
SECTE à :
minée, = par exemple, au moyen d'un condensateur
en cascade. La disposition la meilleure à donner à ce
condensateur est celle d’une pile de Volta, Ljauteur,
par des expériences comparatives, a vérifié que les
courbes obtenues par réduction sont bien identiques
aux courbes directes. Il a vérifié aussi que l'isolement
des cascades reste parfait pour des potentiels aussi
élevés. — M. Cazes présente un nouveau stéréoscope
à grand champ et à réglage. Cet instrument a été
étudié dans un but scientifique, celui de pouvoir tracer
par la stéréoscopie les courbes de niveau, conformé-
ment à la méthode topographique du colonel Laussedat.
Les stéréoscopes ordinaires donnent des courbes de
niveau symétriques. Elles ne sont pas redressées.
M. Cazes les ramène dans le même sens grâce à une
réflexion sur un miroir plan. Puis l’appareil permet
de réaliser la condition indispensable que la distance
des yeux aux images virtuelles soit égale à la distance
focale des objectifs. Le relief obtenu avec cet appareil
est très parfait. Edgard Haupié.
SOCIÈTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 10 Mai 1895.
M. Tanret expose le résultat de ses recherches sur
les modifications moléculaires du glucose, Il y en a
trois, bien déterminées par leurs pouvoirs rotatoires
la modification « pour la quelle ar — -- 1060, la mo-
dification $ pour laquelle a = + 52,5 et enfin y
avec än — + 22,5, La modification « est le glucose
ordinaire, dont le pouvoir rotatoire, pris rapidement,
est an — + 106. En maintenant à 9$ du glucose
amorphe, ou en précipitant une solution aqueuse de
glucose à froid par de l'alcool absolu refroidi à
0°, on obtient le produit 8 bien cristallisé de pouvoir
än = + 529,5. À 110° le glucose amorphe cristallise et
donne un nouveau produit, qui, convenablement pu-
rifié, est une nouvelle modification y pour laquelle
an = + 22, Ce dérivé y en solution dans l’eau se
transforme en dérivé B, exactement comme le fait le
dérivé «. D'autre part, la solution aqueuse du dérivé 8,
en cristallisant à froid, redonne le dérivé «. Ces trois
modifications peuvent donc être transformées les unes
dans les autres. — M. Maumené fait quelques obser-
vations relatives à l’application de sa théorie générale.
— M. Paul Sabatier a adressé à la société une note
sur les chlorures métalliques hydratés. E. CHarox.
SOCIETE ROYALE DE LONDRES
1° SCIENCES PHYSIQUES
G. Macdonald et A. M. Kellas. — L’Argon se
trouve-t-il dans les substances animales ou végé-
tales. — Les deux auteurs ont entrepris les expé-
riences qui suivent sur les conseils du P* Ramsay.
Voici la méthode qu'ils utilisaient : Quelques grammes
de substance étaient broyés en poudre fine, puis des-
séchés à 110° jusqu’à poids constant. On en evtrayait
l'azote d’après la méthode de Dumas, en supposant
que les combinaisons de l’argon étaient décomposées
et que l’argon s’échappait avec l'azote. Le gaz obtenu
et recueilli dans un gazomètre sur une solution de po-
tasse caustique bouillie, passait ensuite et repassail
plusieurs fois sur du magnésium chauffé au rouge qui
ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES
absorbait l'azote, Le résidu était transvasé dans un pe-
tit tube mélangé avec de loxygèneet soumis à l’action de
l'étincelle électrique pour enlever les dernières traces
d'azote. On absorbait l'oxygène en excès au moyen du
pyrogallate de potasse. L'expérience fut faite avec des
pois, comme type de végétal, et avec des souris,
comme type d'animal. Dans les deux cas, après l’absor-
ption de l'oxygène par ie pyrogallate de potasse, il ne
resta qu'un résidu absolument insignifiant, composé
surtout des impuretés renfermées dans l'oxygène
additionné au gaz. On conclut donc que les animaux
et les végétaux ne renferment pas d’argon appréciable,
à moins que les combinaisons de l’argon ne soient pas
décomposées par la méthode de Dumas.
20 SCIENCES NATURELLES
Charles Devereux Marshall. FR. CS. —
Sur les modifications du mouvement et de la sen-
sation déterminées par l’hémisection de la moelle
épinière chez le chat. — Le but de ces recherches à
été de déterminer plus exactement l'origine et la na-
ture des convulsions épileptiformes et les voies que
suivent dans la moelle l’influx moteur et l'influx sen-
sitif. La méthode employée à été la suivante : L'hé-
misection de la moelle a élé faite dans la région
dorsale inférieure du côté droit, les animaux ayant
été anesthésiés avec de l’éther, et de rigoureuses pré-
cautions antiseptiques observées. Des animaux ont été
conservés vivants pendant des périodes de temps va-
riables après l'opération, et l'action produite par cette
opération sur les mouvements volontaires, la sensibi-
lilé et les mouvements réflexes, a été soigneusement
observée. Après la mort, les moelles épinières ont été
recueillies et examinées après durcissement el colo-
ration par la méthode de Marchi. La lésion et les
tractus dégénérés ont été éludiés histologiquement.
Voici les résultats des seize expériences faites.
Mouvements. — Après l'hémisection de la moelle, il
ÿ à une paralysie immédiate du membre inférieur du
même côté. Cette paralysie persiste pendant un cer-
tain temps ; il y a alors une restauralion graduelle du
mouvement qui est parfois si complète qu'on à quel-
que peine à savoir quel était le membre paralysé.
Dans d’autres cas la faiblesse persiste d’une façon
plus ou moins durable dans le membre de telle sorte
que l'animal boîte ; il semble de plus ne point appré-
cier exactement la position qu'occupe sa patte. —
Les réflexes sont en général considérablement exagérés
dans ce membre et, parfois, pendant une fort longue
période. Dans un grand nombre de cas ils s'affaiblis-
sent avec le temps; il arrive quelquefois qu'ils soient
plus faibles que du côté sain. — Sensibilité, — Elle est
toujours troublée du côté de la lésion; les sensations
douloureuses, telles que celles produites par une
piqûre d’épingle, où par l'application sur la patte d’un
fil de fer légèrement chauffé sont senties de chaque
côlé, et cela était fort net chez les singes dont on s’est
servi pour des expériences de contrôle. Mais il semble
que ces sensations douloureuses soient plus rapide-
ment senties du côté sain que du côlé paralysé, el
que l'animal ne puisse pas les localiser avec autant de
précision du côté de la lésion que de l’autre. Les sensa
tions tactiles et les sensations thermiques (seusalions
de froid) ne sont percues que du côté sain. — Exramen
histologique. — Dégénérescences descendantes. — Ces dé-
générescences sont presque entièrement limitées au
côté de Ja lésion ; elles occupent le faisceau pyrami-
dal direct et le faisceau pyramidal croisé, On retrouve
quelques fibres dégénérées éparses dans les fais-
ceaux antéro-latéraux des deux côtés, dans le cas
surtout où une petite partie de l’autre moitié de la
moelle à élé accidentellement lésée. — Degénéres-
cences ascendantes. — Elles ne sont point entièrement
limitées au côté de la lésion. Les faisceaux qui con
tiennent le plus de fibres dégénérées sont le cordon
de Goll, le faisceau cérébelleux direct et le faisceau
antéro-latéral. On trouve d'ordinaire des libres dégé-
nérées dans le cordon de Goll et le faisceau antéro-
latéral de l’autre côté.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 2 Mai 1895.
MM. W.-P. Wynneet Henry-E.-Armstrong F.R.S.
ontrepris leurs recherches sur les dérivés trisubstitués
du naphtalène; ils ont pu préparer le dernier terme de
la série, le trichloronaphtalène 1: 2:14", corps jusqu'ici
inconnu. Ils l’ont obtenu en partant des deux dichloro-
naphtols décrits par Erdmann et Schwechten ; la pré-
paration de ces deux corps a été effectuée au moyen de
l'acide dichlorophénylisocrotonique. Le dichloro «naph-
tol 14:2:1", distillé avec du pentachlorure de phosphore
donne un produit formé par un mélange contenant prin-
cipalement du trichloronaphtalène et un peu de tétra-
chloronaphtalène, que l’on sépare par cristallisation
dans l'alcool méthylique. En partant du dichioro &-naph-
tol2:3:1", on a obtenu, par le même procédé, le trichlo-
ronaphtalène 2:3 :1", — Les auteurs étudientles diffé-
rentes propriétés ainsi que plusieurs dérivés du trichlo-
ronaphtalène dérivé du chlorure de nitrochloronaphta-
lène sulfonique décrit par Clève. Ils décrivent le tri-
chloronaphtalène dérivé du chlorure d’a-nitronaphta-
lène 2:2 disulfonique, corps obtenu en partant du
chlorure de l'acide chlorodisulfonique correspondant
eten le distillant sur du pentachlorure de phosphore.
Ils publient leurs recherches relatives à Ja constitution
de l’acide a-naphtylamine 2:72 disulfonique de Freund
Germann, auquel ils attribuent la formule :
SOSH SO'H
N/
Az?
Ils n'ont pu préparer le trichloronaphtalène fusible
à 79°,5 décrit par Alène; ils pensent que le corps -
obtenu par cet auteur était impur; ils ont préparé, à
l'état pur, un trichloronaphtalène fusible à 80°,5 qu'ils
pensent être identique à celui de Alène, — M. E.-P.
Perman à étudié les solubilités des gaz en solution
dans l’eau sous des pressions variées, Les expériences
faites sur des solutions de chlore, de brome, d'acide
carbonique et d'hydrogène sulfuré, montrent que ces
gaz suivent la loi de Henry. Il n'en est pas de même
des solutions d'ammoniaque, d'acide chlorhydrique et
- d'acide sulfureux qui s'écartent beaucoup de cette loi.
Ces anomalies proviennent, suivant l’auteur, de ce que
ces corps forment avec l’eau de nouvelles combinai-
sons. Dans une deuxième communicalion, l’auteur éla-
blit la formation d'hydrates et de composés doubles
dans les solutions aqueuses des gaz, En dissolvant dans
50 centilitres d’eau 4,43 d’ammoniaque, 11,23 de sul-
fate de sodium hydraté (Na?SOi-H 10H20), la pression
fournie par Ja solution gazeuse ne varie pas ; mais, si
l'on met dans la même solution du sulfate anhydre,
la pression augmente considérablement, et celte aug-
mentation est proportionnelle à la quantité d’eau
absorbée pour former l'hydrate Na? SOi+10H29.Le chlo-
rure d'argent, au contraire, mis dans une solution
d'ammoniaque, abaisse la pression de cette solution et
forme vraisemblablement le composé Ag CL3AzH%.
— MM. Stanley Kipping et O.-F. Russell décrivent
le p-heptyltoluène C6HCOCSHiMe et ses différents
composés. — M. Robert-E. Barnett, en sublimant
le pentachlorure de phosphore commercial sur de
la mousse de platine dans un courant d'oxygène, a
oblenu une substance insoluble dans l'ean régale.
L'analyse lui assigne pour formule PIP°07, C’est une
poudre amorphe, insoluble dans l'eau et les alcalis,
décomposable par la fusionavec les carnonates alcalins.
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER
N° 13
15 JUILLET 1895
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE
Après s'être consacrés pendant plus d’un demi-
siècle à l'étude presque exclusive et au perfection-
“nement des machines à grande puissance, les in-
“cénieurs semblent aujourd'hui très préoceupés
“
d'obtenir des moteurs de quelques chevaux à peine
juisoient pratiques et économiquement utilisables.
révolution, si elle se réalise, sera plus grande
Wil ne semble au premier abord. Notre siècle a
s'élever d'immenses usines où s’engoufirent
chaque malin des centaines d'ouvriers des deux
sexes ; l'expérience a très clairement démontré
qu'une telle agglomération et une telle promiscuité
ont été funestes à leur santé et à leurs mœurs. Nous
pourrions ajouter aussi funestes sinon à leur intel-
-ligence, au moins à leur bon sens, et nous n’en
“voulons pour preuve qu'un certain nombre des
grèves qui ont éclaté au cours de ces dernières
années. Les moteurs à faible puissance rendraient
la vie aux petits ateliers et même aux ateliers d’ap-
“partement, où l’ouvrier, vivant au milieu de sa fa-
mille, se sentirait meilleur époux, meilleur père et
meilleur citoyen. Sans doute, un bon nombre d’in-
dustries, par leur nature, se refusent à cette dis-
persion. Mais nécessité fait loi; peut-être plus
tard d’autres remèdes viendront-ils? Aujourd’hui,
-le mal n’est vaincu qu'en partie, soit; mais n’est-
ce pas déjà un immense progrès ?
» Il est une autre grande classe de travailleurs
auxquels les petits moteurs pourraient rendre d’é-
4 clatants services. Ce sont les agriculteurs, classe
. peu favorisée jusqu'ici par les progrès de l’indus-
- trie. C’est qu’en effet, les machines agricoles ne
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
4
demandent, en général, qu'une très faible force.
Les moteurs qu'il était possible d'employer, —
locomobiles ou moteurs fixes — étaient coûteux et
encombrants comparativement à leur puissance ;
ils exigeaient, marchant à la vapeur, un chauf-
feur-conducteur spécial, produisaient de la famée et
des étincelles, et avaient un rendement détestable.
Bref, on ne les adoptait que dans les grandes ins-
tallations où la rapidité du travail est une condi-
tion de première importance. Partout ailleurs on
avait recours au travail animal
propre travail de l’homme.
En fait, cette situation ne s’est pas encore sen-
siblement modifiée. Maïs l'instruction et la science
ayant aujourd'hui pénétré davantage dans les cam-
pagnes, il s’est trouvé des hommes qui ont fait de
leur métier de cultivateur une étude complète, qui
ont choisi et adopté leurs méthodes de travail sur
des bases certaines, sur la théorie, l'expérience et
ou même au
le raisonnement et non plus sur une antique et
inintelligente routine. C'est à leur influence que
nous devons l’activité qui règne aujourd’hui dans
la science agricole et qui se manifeste par des
“expositions, des concours, des constructions d’é-
coles, etc. Le concours international qui s’est
tenu l’an dernier à Meaux s’est montré particu-
lièrement intéressant. Il réunissait les moteurs
utilisant le pétrole lampant d’une densité de 800 à
850, ininflammable à la température ordinaire ; ces
moteurs, de faible puissance, ont tous été e
; ssayés
avec le même pétrole, à vide, à 2
, à 4 chevaux en-
viron et à la puissance maximum. On comprend fa-
13
D74
A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE
cilement l'utilité et la sagesse de ces règles : la pre-
mière a pour but d'éliminer les moteurs consom-
mant les pétroles légers, — gazoline, essence de
pétrole — qui, dans une ferme, offriraient de trop
grands dangers d'incendie. Les dernières ont per-
mis de comparer équitablement les divers moteurs
concurrents et à une puissance quelconque. C'était
là un point important; une comparaison faite à
une seule puissance, à la puissance maximum,
par exemple, n’eût donné que des résultats er-
ronés, les moteurs
devant ètre très
souvent appelés à
travailler à demi-
charge ou à quart
de charge seule-
ment.
Les essais ont
été faits, avec un
soin parfait et sui-
vant une méthode
profondémentétu-
diée,sous la direc-:
tion de M. Ringel-
mann, professeur
A
\(THEHORNSBY-AKROYD' PATENT
communication est fermée avec le cylindre; le
piston comprime le mélange qu'il vient d’aspirer.
3° Course : Course d'arrière en avant. — Le
mélange comprimé est enflammé, il se produit une
explosion qui pousse le piston en avant.
4° Course : Course d'avant en arrière. — Une
soupape s'ouvre qui laisse s'échapper les produits
de la combustion.
Les tiroirs plans ont élé supprimés dans les mo-
teurs à pétrole, comme étant d'un entretien trop
délicat. La distri-
bution s'effectue
au moyen de sou-
papes maintenues
par des ressorts et
mues par des ca-
mes qui sont com-
mandées par un
arbre, dit de dis-
tribulion , tour -
nant deux fois
moins vite que
l'arbre de couche,
puisqu'ellesne doi-
vent fonctionner
à l'École Natio-
que tous les deux
nale d'Agriculture
tours du volant.
deGrignon,aurap-
port de qui nous a-
vons emprunté les
détails et figures
qui vont suivre !.
Les différents
moteurs soumis au concours élaient au nombre de
huit :
1° Moteur mi-fixe Hornsby-Akroyd,
20 — Niel,
3° Locomobile Grob,
4° — Merlinet Gi,
50 — Niel,
6° Moteur mi-fixe de Winterthur,
de — Grob,
8° — Griffin et Cie.
Tous ces moteurs sont à simple effet et du cycle
dit à quatre temps, c'est-à-dire que le diagramme
complet est fourni par une période de quatre
courses du piston pouvant se décomposer ainsi :
le Course : Course d’arrière en avant, — Le
piston, tendant à faire le vide derrière lui, aspire
un mélange convenable d'air et de vapeur de pé-
trole.
9e Course : Course d'avant en arrière. — Toute
1 Bulletin du Syndicat agricole de l'arrondissement de
Meaux (15 juin 4894). — Bulletin de la Société d'encourage-
ment pour l’industrie nalionale, tome X, 4° série, n° 110.
Fig, 1. — Moteur Hornsby. — L'arbre de distribuüon est la tige horizontale
qui court d’un bout à l’autre de la figure et passe un peu au-dessous du
moyeu du volant. À gauche du volant et au-dessus du cylindre est placé le
graisseur, actionné par une petite corde qu’on voit à sa droite.et qui prend
son mouvement sur l'arbre de distribution. A gauche du cylindre se trouve
I le vaporisateur; entre ces deux organes et au-dessus de l’extrémité de
l'arbre de distribution, on apercoit le régulateur à boules.
. la méthode d’inflammation du
Les principaux
points par les-
quels les moteurs
que nous avons à
éludier diffèrent
entre eux sont
l’arrivée du pé -
trole et de l'air , 4
mélange explosif,
la méthode de refroidissement des parois du cy-
lindre, le mode de régulation et la mise en route.
1. — Moteur Hornsby (figure 1). — Les cames de
l'arbre de distribution commandent les soupapes
d'admission et d'échappement au moÿen de leviers.
Le levier de la soupape d'admission de l'air con-
duit en même temps une pelite pompe chargée de
prélever, au moment voulu, le pétrole nécessaire
dans un réservoir contenu dans le bâti et de le
refouler dans le vaporiseur par l'intermédiaire du
pulvérisateur. Le piston de cette pompe peut n'être …
entrainé que pendant un certaine partie de la
course de levier, ce qui permet de régler la quan-
tité de combustible fournie au moteur. L'allumage
se fait spontanément par suite de la chaleur dé-
gagée par la compression et surtout de la tempé-
rature à laquelle se trouvent portées les parois du
vaporiseur, température due aux explosions suc-
cessives qui s’y produisent. Aussi, au démarrage,
A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE 515
- est-on obligé de chauffer ce vaporiseur au moyen
bd’ une lampe à pétrole spéciale, placée au-dessous
. . de lui. En même temps on tourne un volant pour
mettre en jeu les différents organes du moteur. Le
cylindre est muni, en vue d'assurer son refroidis-
. sement, d’une enveloppe à circulation d’eau froide.
. L'eau provient, comme dans la plupart des moteurs
fixes, d'un réservoir voisin, pénètre à la partie
inférieure du cylindre et s'échappe à la partie
réglable à volonté et commandée par une came de
l'arbre de distribution. L’allumage se fait au moyen
d'un petit tube en porcelaine maintenu au rouge
et mis, aux moments voulus, en RU
avec le mélange explosif. La vaporisation du pé-
trole se fait dans un petit cylindre à ailettes inté-
rieures, qui est également maintenu chaud, La
partie la plus originale de ce moteur est le régula-
teur, formé d’une lame d’acier qui, selon qu’elle a
Niel.
à la gauche duquel sont clavetées les cames servant à la manœuvre des divers organes.
2,7— Moteur
supérieure pour retourner au réservoir. Ce courant
- est produit par la différence de densité entre l’eau
chaude qui entoure le cylindre et l’eau plus froide
- du réservoir. Le régulateur est un régulateur à
boules qui, lorsque la vitesse devient trop grande,
ouvre une soupape latérale permettant au pétrole
de s'échapper avant de pénétrer dans le vaporisa-
. Leur et de retourner au réservoir par ticulier qui
se trouve dans le bâti.
- Les pièces comprises dans le mécanisme sont
. peu délicates; le moteur est robuste.
:
À
:
2.— Moteur Niel (fig. 2).— Dans le moteur Niel, le
pétrole, placé au-dessus du cylindre, s'écoule par
son propre poids lors de l'ouverture d’une soupape
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
— À la partie inférieure du cylindre on
apercoit l'arbre de distribution,
ou qu'elle n’a pas le temps de se redresser pendant
un tour de l’arbre, embecquette ou laisse passer la
came manæuvrant la soupape d'écoulement du pé-
trole. Ce moteur est simple et occupe peu de place.
3. — Locomobile Grob (fig. 3). — Elle comprend un
moteur vertical type pilon, placé vers l'arrière d’un
chariot en fer. Elle porte en outre un réservoir à
eau (à droite, dans la figure) et un réservoir à
pétrole (à gauche, dans la figure). Le gazéificateur
est une sorte de tube en V à axe horizontal dont
l'extrémité inférieure est maintenue au rouge par
une lampe placée au-dessous. L'air arrive dans le
cylindre par suite de l'aspiration produite par le
piston. Le pétrole y est poussé au moyen d’une
13*
A. GAY — LES
916
MOTEURS A PÉTROLE DE
FAIBLE PUISSANCE
petite pompe à air qui établit, dans le réservoir,
une pression d'environ 0 250. Un clapet règle son
introduction. Le régulateur est à force centrifuge.
mais la masse se meut dans un plan vertical. Il
agit, lorsque la vitesse devient trop grande, en
déclenchant la tige de commande du clapet, de
sorte que le pétrole ne peut plus pénétrer dans le
des différentes pièces
cylindre, Le mouvement
est
qué non plus
par des ca-
provo cs)
mes,mais au
moyen d'u-
ne combi -
naison d'ex-
centriques ,
de biellesel
de manivel-
Celte
disposilion,
les .
un peu COM-
pliquée, é-
vite le-bruil
produit par
cames .
la mi-
les
Pour
se en train.
on établit la
pression né-
cessaire
dans le ré-
servoir d'a-
4. — Locomobile Merlin et Cie (Gg. 4). — Le moteur
vertical, du type pilon, est placé au-dessus de
l'essieu d’arrière ; en avant se trouve le réservoir à
eau, sorte de caisse en forme de parallélipipède
droit. Le réservoir à pétrole se trouve sous le
moteur et le liquide monte au cylindre, comme
dans l'exemple précédent, sous l'effort d’une pres-
sion obtenue au moyen d’une petite pompe à air.
La ,disposi -
lion la plus
intéressante
de celte lo-
comobile
est l'action
donnée au
régulaleur
sur la pom-
pe à eau,
sorle que
celle-ci ces-
se de fonc-
lionnerlors-
que les ex-
plosions ne
se produi -
sent pas el
que
vile
de
Fe
Il TT ai CN I] CNE:
l’on é-
un
re-
froidisse-
mentexagé-
ré des parois
du cylindre.
limenta- Celle loco -
lion, le pé- mobile offre
role arrive une très
àlalampe el grande sta-
dès que Île r bilité pen-
rare na À < a PQ —
BOX ifica » 3. — Locomobile Grob. — En allant de la gauche à la droite on voit sur le chariot le dant le tra
teur est suf- voir à pétrole, le moteur, la cheminée, qui communique avec le cylindre par l'inter- vail.
a 1 médiaire d’un pot d'échappement: invisible sur la figure et logé entre les longerons du
fis : nt l PI
sammen chariot. Enfin à droite se trouve le réservoir à eau. Entre celui-ci et le moteur on apercoit
chaud, on la courroie de la petite pompe centrifuge assurant la circulation de l'eau. L'axe de cette STE
+ é pompe est vertical. Deux galets visibles près de l'ouverture pratiquée à la partie inférieure ;
fait tourne du réservoir donnent à la courroie la direction nécessaire comobile
l'arbre mo- Miel. — Le
teur au moyen d'une manivelle à rochet. Le refroi-
dissement des parois du cylindre est obtenu par une
l’on détermine au moyen
d'une petite axe vertical,
placée à la partie inférieure du réservoir. La masse
circulalion d’eau, que
pompe centrifuge à
d'eau emportée par la locomobile étant assez
faible (80 litres), de l'enveloppe du
cylindre est répartie par un tourniquet hydrau-
: puis elle
celle qui sort
lique sur des claies où elle se refroidit
retourne au réservoir
Le moteur peut être enfermé dans une enve-
mis ainsi à l'abri -des pous-
loppe en tôle el
sieres.
moteur est analogue au moteur du même nom
que nous avons vuplus haut, sauf que l'arbre de
distribution est parallèle à l'arbre moteur au lieu
de lui être perpendiculaire, que le régulateur est
à boules et à force centrifuge et que le mode de
refroidissement est basé sur le même principe que
celui de la locomobile Grob.
6. — Moteur de Winterthur.—1est du type vertical
pilon el est complètement enfermé dans le bâti,
de sorte qu'à l'extérieur on n'aperçoit que le
régulateur. Sous le rapport
formation du mélange
volant et le disque du
de l'allumage et de la
A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE
1
©
1
explosif, il est analogue au moteur Niel. Il est
robuste et capable de fournir un travail salisfai-
sant dans un endroil rempli de poussières.
1. — Moteur Grob (fig. à). — Ce moteur est ana-
logue au moteur porté par la locomobile du même
système. Il a un peu plus de hauteur, le piston s'ar-
ticulant à la bielle par l'intermédiaire d’une tige.
La tige était supprimée dans la locomobile. D’autre
part, la pom-
peà air adis-
paru, le cy-
lindre et la
lampe rece -
vant le pétrole
de deux réser-
voirs diffé -
rents placés
au-dessus de
la machine.
8.— Moteur
Griffin et C'°
(fig. 6). — Ce
moteur pré-
sente quel -
ques détails
intéressants.
Les gaz d’é-
chappement
sortent à une
… température
maussi élevée
- que possible
(en pratique,
50 à 70°) et
servent à
* chauffer une
enveloppe cy-
lindrique
dans laquelle
est injecté le
pétrole. IL s’y vaporise et forme avec l'air qu'il y
trouve le mélange explosif aspiré ensuite dans
- le cylindre. Pendant cette vaporisation, il se
- produit une distillation, par suite de laquelle
- une parlie des huiles lourdes se dépose. Elles
- sortent par un purgeur et servent au graissage
* de la machine, sauf cependant à celui du eylin-
- dre qui est effectué automatiquement par la por-
- tion entrainée avec le mélange explosif. L’air
- nécessaire est fourni au moteur et comprimé à la
- pression de O0 k,820 par une pelite pompe com-
mandée par l'arbre de distribution.
Le régulateur agit en bloquant la soupape d’ad-
- mission el-la soupape d'échappement, de sorte
n
4
P
Fig. 4. — Locomobile Merlin. — Le moteur vertical est à droite de la figure; sur
l'avant du chariot se trouve le réservoir à eau.
que, jusqu'au rétablissement de la vitesse conve-
nable, le moteur comprime et laisse se dilater
alternativement les gaz de la chambre d'explo-
sion.
Tels sont les principaux points qui distinguent
les différents moteurs soumis au concours. Ilest
des détails que nous avons passés sous silence, ne
voulant metlre en vue que ceux dont l'originalité
est bien mar-
_ quée: la mise
en roule, par
exemple, que
nous n'avons
pas signalée
pour quel -
ques-uns
d’entre eux,
se fait évidem-
ment loujours
à la main.
Il
Les études
et essais ont
porlé sur le
prix derevient
de la journée
de travail (a-
morlissement
de la machine,
entrelien
frais de mé-
canicien, con-
sommation
d'huile , de
graisse et de
chiffons), sur
la construc -
tion et Le fonc-
tionnement
(possibilité de
marche aux différentes puissances, régularité de
vitesse, facilité d'allumage, temps d'allumage), et
enfin sur le rendement thermique qui était évalué
en comparant le pétrole consommé par heure
(représentant un certain nombre de calories, déter-
miné par l'étude préalable du pouvoir calorifique
du pétrole) avec le travail fourni, mesuré au frein
et transformé en calories. Le frein employé devait
salisfaire aux conditions suivantes :
1° Pouvoir être appliqué sur le volant de chacune
des machines, quels qu'en soient le diamètre, la
largeur et la vitesse.
2 Être automatique. Les essais devant, en effet,
durer plusieurs heures chacun, il convenait de
518 A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE
d'éviter toute source de réclamations à ce sujet ;
| 3° Agir sous l’action d’un poids et non d'un res-
sort, afin d'éviter les difficultés de lecture qu'au-
raient pu présenter les oscillalions d’une aiguille.
Fig, 7. — Principe du frein de M. Ringelmann. — O, centre
de rotation; R, volant de la machine; P, poids; 4, a!, a",
positions diverses occupées par le crochet d'attache du
poids P.
Voici (fig. 7) quel à été le frein adopté par M.Rin-
gelmann. Il est formé d’un ruban de fer feuillard
Fis, 5. — Moleur Grob. — On voit très peu de chose des et maintenu par un poids P suspendu à un cro-
organes de ce moteur. Une enveloppe métallique de forme se : 7 4
LONCOnQe cache les articulations qui relient le volant | Chet #. Sile travail moteur augmente, le frein tend
au cylindre situé à la partie supérieure. à être entrainé dans le-sens du mouvement et le
ne pas faire faire à la main le réglage du frein. | crochet passe, par exemple, de « env’. Au contraire,
La solution adoptée avait, d’ailleurs, l'avantage ! il passerait de & à 4” si le travail moteur diminuait.
À
murs, / 7 Has |
Flg. 6. — Moteur Griffin. — Dans fe socle de la machine se trouve logée l’enveloppe cylindrique à l'intérieur dem
laquelle se forme le mélange explosif. On apercoit à la droite de la figure la conduite qui relie cette enveloppe au
cylindre. De l’autre côté du moteur sont placés l'arbre de distribution et les différents organes de commande, invisibles
par conséquent en grande partie sur notre figure.
A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE 519
Le problème est d'utiliser ces déplacements pour ployé. On emploie trois réservoirs À, B et I. Le
opérer le réglage. Dans ce but, le frein est formé ! réservoir B est muni d'un trop-plein 4 et d’un
22
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(74
Fig. S. — Montage du frein de M. Ringelmann sur un moleur à pétrole. — À et B, rubans de fer feuillard composant le
…._ frein; V, vis de réglage du frein; E, entretoise réunissant les deux parties du frein; SS’, secteur servant au réglage
- automatique; & et b, cordes; n, petite poulie auxiliaire; p, poids auxiliaire; », petit tendeur à treuil servant de point
- d'attache pour la corde a; Q, poids du frein; C, crochet d’attache du poids Q; #, petit tube amenant l’eau de savon néces-
“saire au graissage. Le moteur a été représenté par une silhouette couverte de hachures, excepté le volant qui a été
- laissé en blanc.
eux parties, À et B (fig. 8), réunies d'un côté | robinet R par oùs’écoule l’eau de savon. Cette eau
une vis V, qu’on règle, une fois pour loules,
tu commencement de chaque expérience, et, d’un
autre côté, par une entretoise E, solidaire d'un sec-
eur SS'. Ce secteur est maintenu par deux cordes
maS et S'bnp. La corde m«aS est fixée en Set
en #, qui esi un point fixe où elle s’enroule autour
d'un pelit tendeur à treuil destiné à faciliter le
réglage primitif. La corde S'bnp est fixée en S’,
passe sur une poulie » et est tendue par un poidsp.
On règle la position moyenne du secteur, de ma-
nière que ? puisse venir dans le prolongement
de a. Si, au cours de l'essai, le frein est entrainé,
point O s’abaisse légèrement (fig. 9), le secteur
roule sur la corde ab et le point O' vient en O',,
allongeant le frein d'une quantité y, Si, au con-
traire, un desserrement avait eu lieu, l’action in-
verse se sèrait produite.
k : : . . | Fig. 9. — Principe du secteur effectuant le réglage automa-
Afin de n'avoir point, pendant le cours d'un essai lique du frein. —SS!, secteur de réglage; OO!, extrémités
de l’entretoise reliant le secteur au frein; 0',,seconde posi-
#1 toucher a la vis V (fig. 8); il élait nécessaire tion du point O'; y, quantité dont le frein s’est allongé
l'avoir toujours un graissage uniforme. [Il était après le déplacement du point O'. La partie recouverte de
sf s ; Op hachures représente une portion du volant; la flèche, son
effectué au moyen d'eau de savon s’écoulant par DS ECO.
e tube 4 (fig. 8), et l’on avait arrangé les choses
de manière à obtenir une charge d’eau constante. | tombe d’un réservoir supérieur À par un robinet r
La figure 10 fait bien comprendre le disposilif em- | et traverse un filtre f. Le robinet > aun débit supé-
580
A. GAY — LES MOTEURS A PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE
rieur à R, de sorte que la charge sur celui-ci reste
toujours constante et égale à 4. L'eau, qui se
déverse par le trop-plein #, est conduite par un
tube » dans le réservoir inférieur 1, d'où, au
moyen d'une pompe P, on la ramène en A. Un
petit niveau x permet à chaque instant de se
Fig. 10. — Appareil pour la lubrification aulomatique du
frein. — À, B, I, réservoirs à eau de savon; d, trop-plein
du réservoir B; R, robinet par lequel s'écoule l'eau de
savon allant au frein; {, tube conduisant au frein; ?, ro-
binet par lequel j’eau de savon s'écoule du réservoir A;
f, filtre ; m, tube conduisant l’eau de savon du réservoir B
au réservoir ]J; P, pompe à main servant à refouler le
liquide du réservoir 1 dans le réservoir A; »#, petit tube
de niveau.
rendre compte de Ja quantité d’eau qui reste dans
ce dernier réservoir. «Pensant, dit M. Ringelmann.
< que ce frein pourra rendre des services dans les
« ateliers de construction, je le laisse dans le
« domaine public, ne voulant par cette Note que
« prendre date et en faire connaitre le principe.»
Tous les moteurs, nous l'avons dit, ont été
essayés avec le même pétrole etil a été fourni aux
concurrents, sans limitation d'aucune sorte, les
quantités qu'ils ont demandées.Ce pétrole avait élé
préalablement minutieusement étudié: au point
de vue de la densilé du point d'éclair (flashkiny-
point), du point d’'inflammalion (burning-point) et de
la distillation fractionnée. par M. A. Riche, membre
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Puissance au frein
Fig. 11. — Courbes de rendement thermique des moteurs.
de l'Académie de Médecine,directeur du Laboratoire
des Expertises au Ministère du Commerce et de l’In-
dustrie, — au point de vue de la détermination de
son pouvoir calorifique, par M. P. Mahler, ingé-
nieur civil des Mines, Enfin, M. J. Crochetelle,
répéliteur de Chimie à l'École Nationale d’Agricul-
Lure de Grignon, ancien élève de l'École munici-
pale de Physique et de Chimie de la Ville de Paris,
en avait fait l'analyse el avait déterminé la quan-
tilé d'air nécessaire à sa combustion complète.
Ajoutons encore que les concurrents ont eu Loul
le temps qui leur a élé nécessaire pour régler leurs
moteurs. C’est seulement sur leur propre invila-
tion que les essais proprement dits commencaient.
an E
A. GAY — LES MOTEURS À PÉTROLE DE FAIBLE PUISSANCE
Certains réglages onl même duré plusieurs jours.
Les chiffres donnant le résultant des essais ont
été fournis à M. Ringelmann par la moyenne de
6, 10, quelquefois 15 observations, faites de 10
en 10 minutes.
Ces chiffres permettent d'établir un certain
- nombre de courbes correspondant aux diverses
propriétés que l’on veut étudier. La figure 11
reproduit les courbes de rendement thermique
d'où l’on déduit, pour un travail exact de 4 che-
D vaux :
Grob (mi-fixe) Rendement 17.1 %
Merlin 16
Niel (mi-fixe) 15.3
! Griffin 1be4
; Winterthur 14.1
; Grob (locomobile) 12.8
Hornsby Er à
Niel-(locomobile) 1.6
Si l'on cherche à se rendre compte de la répar-
lition de la chaleur fournie et qu'on fasse le cal-
cul pour 4 chevaux, on trouve les proportions
données par la figure 12. Les figures 13 et 44
2 LES" 700
|
| |
|
ee
È È |
Æ S ë
” & =
8 |> Ni Fe Ÿ & e | L75
KL & S a Se ES
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5 à
D
Lo
S
0
EX
— Réparlilion de la chaleur fournie au moteur
pour un travail exact de 4 chevaux.
bFig. 12:
|
“nous donnent respectivement la courbe de con-
-sommalion horaire du pétrole et la comparai-
son des consommations journalières. Pour établir
-ces derniers chiffres, il a été admis, d’après des
observalions antérieures, qu'un moteur de 4 che-
- vaux travaille en 10 heures :
{ heure à vide
2 — à 2 chevaux
6 — à4 —
LME —
IIL
Ce qui caractérise les essais de M. Ringelmann,
c'est non seulement le soin serupuleux avec
lequel il les a faits, mais c'est aussi l’enseigne-
ment qu'il a cherché à en retirer. Tel moteur
avail un mauvais rendement thermique, tel autre
un rendement meilleur. La comparaison des détails
consomme
T
D
&
S à S
à à à
Ÿ Ê &| 2
Su : SI
IE x | 3 x|S
a |è = a|<
ES S|8 RS
sé SUP Se
Oo L Lo
SIER Sd EN
NI Du Le) w |
Puissance au frein
Fig. 13. — Courbes donnant les quantités consommées par
chaque moteur en une heure et aux différentes forces.
de construction et de fonctionnement faisait con-
naitre les causes du défaut chez le premier, de la
qualité chez le second, de sorte que public et cons-
tructeurs, tout le monde a pu trouver un réel pro-
fit dans les résultats du concours. Ce n’est pas là
un mince mérite. Écoutons, par exemple, les obser-
582
G. CHARPY — LES ACTIONS CHIMIQUES DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR
vations suggérées par l'examen des courbes de
rendement thermique :
4
304.
20#|
#
10°
S TT
à RS
È & à
S S & £
è à è
| 1 = È o
© & e à o
o = È S = c S
R © È
Ê © è 7 ES 5 3
Q a ES & & = =
ÈS LC] = © LS = È
0
Fig. 14, — Comparaison des consommations journalières de
pétrole pour chaque moteur.
1
Grob mi-five. — La quantité d'air était suffi-
sante aux faibles charges, mais diminuait en
approchant du maximum.
Merlin. — Refroidissement exagéré vers le maxi-
mum.
Niel mi-fixe. — Refroidissement régulier; quan-
tité d’air convenable.
Griffin. — Trop de pétrole et pas assez d'air vers
le maximum.
Winterthur. — Quantité d'air insuffisante, refroi-
dissement irrégulier.
Hornsby.— Quantité d'air trop forte; refroidis-
sementexagéré.
Rappelons que, dans ce moteur, la température
du vaporiseur est entretenue par la chaleur déga-
gée dans les explosions successives de sorte que,
lorsque le nombre decelles-ciestinsuffisant, comme
aux faibles charges, le mélange air et pétrole ne
s'enflamme plus et le moteur s'arrête fréquem-
ment.
Grob locomobile. — Refroidissement exagéré :
admission d'air irrégulière et insuflisante aux fai-
bles charges.
Niel locomobile. Refroidissement
quantité d'air insuffisante.
exagéré,
« Nous regrettons, dit quelque part M. Rin-
gelmann, de ne pouvoir indiquer dans ce Rap-
port toute une série de recherches entreprises sur
les moteurs concurrents el résullant de nos essais
comparalifs; ce sont des considérations générales,
d'ordre scientifique, sur les moteurs à pétrole,
qui sont pour ainsi dire étrangères au classe-
ment !.»
A. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique.
COMPARAISON DES
ACTIONS CHIMIQUES
DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR
MÉTHODES DE
Les actions chimiques produites sous l'influence
de la lumière sont relativement nombreuses et
quelques-unes présentent une grande importance.
Telles sont : l'oxydalion des substances organiques
par certains sels métalliques, notamment les sels
d'argent, les sels chromiques, les sels ferriques:
l’action du chlore et des halogènes sur l'hydrogène
el les composés hydrogénés ; l’action de la chloro-
phylle sur l'acide carbonique ; ete.
Toutes ces actions sont bien connues qualitali-
vement, mais elles ont donné lieu à très peu d’élu-
des quantilalives ; ce sont, d'ailleurs, pour la plu-
M. G. LEMOINE
part, des réactions exothermiques irréversibles ;
elles portent sur des systèmes primilivement hors
d'équilibre, maintenus dans leur état actuel par
des résistances passives, et la lumière agit seule-
ment en détruisant ces résistances, en amenant
les corps du système à un élal tel qu'ils puissent
réagir entre eux. Dans toutes les réactions qui se
produisent sous l'influence de la lumière, cet agent
n'intervient que pour produire un travail prélimi-
! Les clichés des figures insérées dans cet article ont été
obligeamment prètées à la Revue par la Sociélé d'Encourage-
ment pour l'Industrie nalionale.
“
G. CHARPY — LES ACTIONS CHIMIQUES DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR
PIERRE TRUST PO
dit te en NP 50700 RDA
D83
naire, el fournit, par suite, une quantité d'énergie
qui n’a aucune relation avec l'énergie mise en jeu
par la réaction produite. Mais cela ne veut pas dire
que l'énergie fournie par la lumière ne présente
- pas de relation avec l'effet produit à chaque instant,
c’est-à-dire avec la marche de la réaction. Lorsque
- les dégagements de chaleur, produits par une
. réaction, seront suffisamment faibles pour être
1 Béeutralisés par le refroidissement dù au contact
des corps extérieurs au système, la réaclion, quoi-
que exothermique, ne s$ raécélérera pas d’elle-
… même, ne deviendra pas explosive et prendra une
marche parfaitement régulière dans des conditions
… déterminées. Dans ce cas, il y aura une relation
“entre l'énergie fournie au système et la quantité
_de substance modifiée.
: Les conditions nécessaires pour que l’on puisse
. étudier l'énergie fournie par une source, au moyen
de la marche d’une réaction exothermique, ont été
indiquées nettement par M. Georges Lemoine !. Au
point de vue de l'étude de l’action chimique de la
lumière, ce résultat a une importance capitale,
puisque l’on ne connait pas de réaction non exo-
thermique se produisant sous l'influence de cet
agent.
La réaction du chlorure ferrique sur l'acide
oxalique, qui répond à la formule :
D Fe?CI5 + C201H2 = 2FeCl? + 2HCI + 2C0?
… remplit toutes les conditions nécessaires à une
étude de ce genre; à froid, dans l'obscurité, elle se
“produit avec une vitesse praliquement nulle (d’a-
près M. Lemoine, au bout d'un siècle, à 15°, le
“quart seulement des substances mélangées aurait
réagi). Sous l'influence de la lumière, la réaction
commence immédiatement, suivant une marche
régulière et cesse instantanément quand on sup-
prime l’éclairement. La quantilé de substance dé-
“composée par unité de temps, la vitesse de la
«réaction sera, dans ces conditions, une fonction de
l'intensité lumineuse ; on peut admettre, comme
«…. première approximalion, qu'il y a proportionna-
lité entre ces deux grandeurs.
…—. La réaction peut aussi se produire dans l’obscu-
» se prêle donc à une comparaison entre la chaleur
… et la lumière au point de vue de l’action chimique.
“Cette étude, dont la réalisation présentait de
grandes difficultés, a été effectuée dans ces der-
nières années par M. Georges Lemoine, qui en a
“fait l'objet de plusieurs publications dans les
1 G. Lemoixe. — Mesure de l'intensité lumineuse par l'ac-
ion chimique produite ; expériences avec les mélanges d’acide
moxalique et de chlorure ferrique. Comptes Rendus de l'Aca-
démie des Sciences. 25 février 1895.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
112488
Comptes Rendus de l'Académie des Sciences et les
Annales de Olimie et de Physique.
Le samedi 18 mai, M. Lemoine a résumé ses
recherches dans uneconférence faite devant la So-
ciélé Chimique de Paris. Nous essaierons de donner
une idée des principaux résultats fournis par ce
remarquable travail.
I. — ETUDE DE LA RÉACTION PRODUITE
DANS L'OBSCURITÉ
Considérons un mélange d’acide oxalique et de
chlorure ferrique en proportions équivalentes. Ce
mélange, maintenu dans l'obscurité à une tempé-
ralure constante supérieure à 50°, donne lieu à une
réaction régulière dont on peut suivre la marche,
soit en observant le volume d’anhydride carboni-
que dégagé, soit en prélevant de temps en temps
une petite quantité de liquide dans laquelle on
dose, au moyen de permanganate de potasse, le
chlorure ferreux formé.
M. Lemoine a trouvé que la marche de la réac-
tion pouvait toujours être représentée très SE
proximativement par la formule :
dy K : ) 6 2 s.
— = KN —»1 r
dl P y) [=
ou ee
DES à , Vs
log (: Do \ 2
dans laquelle p représente la quantité. totale de ?
mélange employée, y la portion de ce mélange qui
a réagi au bout du temps 4, K une constante numé-
rique qui dépend uniquement des conditions de
l'expérience, mais garde la même valeur pour des
conditions déterminées et que l’on fixera au moyen
d'une des observations faites dans chaque cas !.
Pour faire voir quelle concordance il y a entre
les résultats de l'observation et ceux fournis par
cette formule, nous reproduisons (Tableau [) l’un
des nombreux tableaux établis par M. Lemoine ;
il est relatif à une expérience faite à 100° sur 40°° du
mélange des solutions normales (1 molécule par
litre) :
TARLEAU I
NES VOLUME DE CO? | vorume pe CO?
TS OBSERVE CALCULÉ
— es
30° 40 ce. 31
1 heure 13 71
1 heure 30° 103 102
2 heures 132 131
3 heures. 183 donnée
1 Cette formule, qui exprime que la quantité de substance
décomposée par unité de temps est proportionnelle à la
masse active, a été donnée par M. Berthelot dans ses re-
cherches sur l'éthérification.
132
584
G. CHARPY — LES ACTIONS CHIMIQUES DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR
Le dernier chiffre observé a été employé pour
calculer la constante K.
L'ensemble des expériences effectuées permet
d'établir des formules qui expriment la variation
de K en fonction de la température # et de la di-
lution.
La formule qui donne la variation de K en fonc-
tion de la température / est la suivante :
121 — 4,
lon RERO mer
273 +4
Voici quelques valeurs de K relatives à diffé-
rentes tempéralures :
49° 0.000025
71e 0.0006!
850 0.0071
9140 0.0165
940 0.0270
9905 0.0667
108° 0.20
1150 0.50
12305 1.05
Pour tenir compte de la dilution, on emploie la
formule :
K = 0,968 1,533 log (A + 0,03)
dans laquelle A représente la dilution, par rapport
aux liquides normaux, c'est-à-dire que A — 10
pour les liquides 4 normaux (+ de molécule par
litre.
Ces formules s'appliquent très sensiblement dans
tous les cas, c'est-à-dire que la formule relative à
la température conserve la même forme, quelle que
soil la concentration, et que la formule relative à
la dilution n’est pas considérablement modifiée
par la température.
On voit donc que la marche de la réaction, par-
faitement régulière, est complètement délerminée
au moyen d'une seule constante, constante qui peut
d’ailleurs être calculée au moyen de deux formules
simples quand on connait les conditions de l’expé-
rience.
On voit aussi qu'au-dessous de 50°, la réaction
dans l’obscurité est pratiquement nulle: cette Llem-
péralure n’élant presque jamais dépassée dans un
liquide exposé au soleil, tout l'effet observé dans
ce cas sera donc attribuable à la lumière.
II. — ETUDE DE LA RÉACTION PRODUITE
SOUS L'INFLUENCE DE LA LUMIÈRE
L'étude de la réaction produite sous l'influence
de la lumière est rendue très délicate par les
phénomènes d'absorption, qui font que l'inten-
sité lumineuse aux différents points du liquide
varie avec la forme du vase et la coloration du li-
quide. Si la loi simple, trouvée pour la chaleur,
subsiste, ce n’est évidemment que pour une masse
de liquide d'épaisseur assez faible pour qu'on
puisse la considérer comme soumise à une même
intensité lumineuse en ses différents points. La
vérification de celte loi constitue donc un problème
qui peut se poser de la façon suivante : Comparer
avec l’expérience les résultats calculés pour la dé-
composition produite au bout d’un temps déter-
miné dans un vase de forme connue el pour une
dilution donnée, si l’on admefquela loi élémentaire
de décomposition est représentée par la formule :
dy : :
RE PU)
K dépendant de la dilution et de l'intensité lumi-
neuse, qui est elle-même fonction de l’épaisseur de |
liquide traversée, de la forme du vase el du temps,
puisque la coloration se modifie à mesure que la
réaction s'avance. Ce simple énoncé montre quelle
est la complexité de la question et quelle énorme
suite de déterminations il faudra faire pour l'élu-
cider complètement. Nous ne pouvons indiquer
ici que quelques-uns des points les plus impor-
tants.
On concoit d’abord qu'il suflit de considérer
une tranche mince rectangulaire de liquide, la
section d'un vase quelconque pouvant toujours
être divisée en éléments rectangulaires.
L'intensité de la lumière solaire peut être
regardée comme constante pendant la durée d’une
même expérience, dans des conditions conve-
nables, el la variation d'une expérience à l’autre
sera éliminée si l’on a soin d'opérer toujours com-
parativement sur un mélange-type placé dans des
condilions invariables.
L'étude de l'absorption est effectuée en partant
de ce fait d'observation que la transparence de
l’eau et de l'acide oxalique peut être regardée
comme complète et que, par suite, l'absorption du
mélange d'acide oxalique et de chlorure ferrique
est la même que celle d’une solution de chlorure
ferrique contenant la même quantité de fer. On
peut alors étudier la décomposition opérée, dans
des cuves déterminées pour un même mélange, en
interposant des épaisseurs variables de chlorure
ferrique plus ou moins dilué et éclairant, soit par
de la lumière blanche, soit par de Ja lumière trans-
mise à travers divers milieux colorés.
L'ensemble des résultats obtenus ainsi peut se
‘résumer de la facon suivante :
Si l'on prend comme unité l'intensité de la
lumière incidente, et si l’on désigne par #, #',n",
elc….., la proportion des différentes radiations qui
la composent, l'intensité, après une couche de
liquide d'épaisseur à, sera :
: } a #7 À
ina HN + NE +...
Praliquement, on pourra se contenter d’une
G. CHARPY — LES ACTIONS CHIMIQUES DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR
8
©
©e
formule à 4 termes, ce qui revient à considérer la
lumière blanche comme formée de quatre groupes
de radiations pour chacun desquels il n’y aurait
qu'une loi d'absorption; par exemple, pour le
mélange de liquides normaux, la formule de trans-
mission correspondant à la lumière émise par un
ciel pur, dans la belle saison, sera :
1 SUR He À
à — 0,01 (0,986) +-20,07 (0,40) +0,13 (0,10) — 0,79 (10—40)
Cette formule donne l'intensité lumineuse et,
- par suite, la décomposition produile dans une
tranche infiniment mince; pour avoir l’ensemble
de la décomposition dans une tranche d'épaisseur
1, il faudra intégrer entre 0 et /. La décomposi-
lion produite dans cette tranche sera représentée
par la formule :
2
1, SÉArEE )
| a + ri] RS
1 { al : ,
> n [l dH+n
MURS JE
Cette formule permet de calculer la décomposi-
tion relative pour des cuves de différentes épais-
seurs. Le tableau IT ci-joint donne pour quelques
cas les valeurs calculées et les valeurs observées.
On à pris comme unité la décomposilion pro-
duite dans une cuve de 4 millimètres d’épais-
seur :
TaBLeau IT
>|tempsnébuleux
5| brume générale
très beau temps
… Cecise rapporte au début de la réaction, c'est-à-
dire à un temps assez court pour que la réaction
ne modifie pas sensiblement la couleur de la solu-
- lion. Connaissant l'absorption relative aux diffé-
rentes dilutions, on peut déterminer d'une façon
complète la marche progressive de la réaction
pour un temps quelconque. La formule à laquelle
conduit le calcul est :
Par exemple, pour la décomposition dans un
tube circulaire de 14 millimètres de diamètre, con-
tenant des liquides normaux, M. Lemoine donne
la formule :
Ké — 21.457 1.159 © — log (2)
et le tableau IIT ci-contre contient les résultats
fournis par cette formule et par l'expérience pour
les temps nécessaires au dégagement de diffé-
rents volumes de gaz.
TARLEAU III
VOLUME DU GAZ DÉGAGÉ | TEMPS OBSERVÉ | TEMPS CALCUL
ns | ns
26.5 {7m
61 32 -8
96 52 52.9
119 67
158 96
donnée
93.2
M. Lemoine a cherché, en outre, à comparer
l'influence de la dilution dans le cas de la lumière
et dans le cas de la chaleur; il a trouvé une varia-
tion de même ordre et même des coefficients très
voisins les uns des autres.
La concordance entre les résultats de l’observa-
tion et ceux du calcul montre donc que la même loi
élémentaire représente la marche de la réaction,
que celle-ci se produise dans l'obscurité ou à la
lumière. L'influence de la lumière consiste done à
augmenter la vitesse de la réaction à une tempéra-
ture déterminée.
Au point de vue général, la conclusion qui se
dégage de ces patientes recherches est que la
marche d'une réaction, produite dans des condi-
tions très variées et sous l'influence de causes
diverses, peut se calculer au moyen de formules
simples ne comportant qu'un petit nombre de
coefficients indéterminés. C’est là un résullat im-
portant, si l’on considère que le but le plus immé-
diat de la Chimie consiste à rassembler des lois, des
règles, des formules permettant de prévoir quali-
tativement et quantilativement les modifications
que subira un système donné placé dans des condi-
tions déterminées. La plupart des savants qui
poursuivent ce problème font porter leurs efforts
sur l'étude des réactions réversibles et des équi-
libres chimiques. Les belles recherches de M. Le-
moine montrent que le calcul peut également
suivre dans ses détails la marche des réactions
irréversibles.
Georges Charpy,
Docteur ès sciences.
86
L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE
LA PHAGOCYTOSE NORMALE
De nos jours, les termes de « phagocyle » ec de
« phagocytose » font presque partie du langage cou-
rant ; ils sont compris, non seulement des spécia-
listes, mais encore de toutes les personnes qui
s'intéressent aux choses de la biologie et de la mé-
decine. La première de ces expressions (tirée du
grec) veut dire cellule mangeante. C’est bien le nom
qui convient: les phagocytles sont, en effet, chargés
de dévorer et de détruire, par cela même, les élé-
ments dont l'organisme doit se débarrasser. Ils ne
se forment point spontanément,et ne sont pas
permanents; ils proviennent de plusieurs des tis-
sus qui existent déjà dans l'économie, résultent
d'une transformation des cellules de ces derniers,
et se montrent seulement lorsque leur fonction est
nécessaire ; leur rôle rempli, ils meurent et dispa-
raissent. La phagocytose est l’ensemble des phé-
nomènes qui conduisent à la production des pha-
gocytes, à leur multiplication, et à leur emploi.
La mieux connue de ces utilisations est la résis-
tance aux microbes. Les micro-organismes patho-
gènes, capables de déterminer des troublesgraves
par leur pénétration dans le corps, sont entravés
dans leur pullulation par les phagocytes ; ceux-ci
prennent naissance dans les Lissus où les microbes
sont parvenus, les entourent, et les détruisent, si
possible. Cette lutte intime est l’un des procédés
par lesquels l’économie s'oppose à l’envahisse-
ment des germes infectieux. Une telle fonction, si
importante sous le rapport pathologique, explique
pour quelle raison la phagocytose est prise, d'ha-
bitude, comme un phénomène de l’ordre médical.
Son nom éveille implicitement, dans l'esprit, les
idées de l'infection microbienne el du conflit cel-
lulaire qu'elle soulève. Souvent même, elle n'est
considérée qu'à ce litre unique, comme si ce rôle
élait le seul qui lui incombâat.
Cependant, tel n'est pas le cas. La phagocytose
n’est point, d'une manière stricte, un fait patho-
logique, lié à la résistance aux microbes. Elle re-
présente, dans la réalité, une fonction habituelle et
constante; elle est utilisée dans certains cas, par
exemple dans celui d'un afflux de micro-orga-
nismes, pour lutter contre eux et les détruire;
mais sa portée est plus générale. Elle est destinée
à assurer l'élimination des éléments devenus inu-
üles, dont la nature empêche la sortie directe et
immédiale par les émonctoires habituels. Grâce à
elle, ces éléments sont réduits en menues parcelles,
morcelés, puis dissous; les parties nutritives sont
conservées, et les autres rejetées.
Étant donné cet emploi, l'adulte utilise peu,
dans l'état normal, une telle fonction, et ne s'en
sert guère que pour amener la destruction des
cellules mortes dans la profondeur des lissus. Ces
dernières commencent par se fragmenter; puis
elles sont entourées par les cellules conjonc-
tives voisines, ou par des globules lymphatiques ;
ceux-ci atlaquent les parcelles ainsi engendrées,
les dissolvent, conservent pour eux ce qui est ali-
menlaire, et expulsent le reste dans le plasma
circulatoire. Un phénomène de ce caractère est
relativement d'une faible portée, sauf chez les ani-
maux inférieurs, où son action, plus intense, est
d'une efficacité réelle dans la désassimilation. Il
s'adresse seulement, chez l'adulte, à des cellules
isolées, ou à des groupes cellulaires d'un faible vo-
lume. Il n'en est pas de même pour l'embryon. Ce
dernier possède, assez fréquemment, des appareils
qui lui appartiennent en propre, et qui doivent
disparaitre au moment où il arrive à l’élal par-
fait. Devenus inutiles, ils s'atrophient et cessent.
«
4
d'exister. Cette résorption est effectuée, d'ordi- -
naire, au moyen de la phagocytose. C’est ainsi que
se manifeste la haute valeur de cette dernière, car
elle s'exerce constamment sur ces appendices
embryonnaires, et s'accomplit aux dépens d'or-
ganes volumineux d'habitude, dont les fonctions
se trouvent bien déterminées.
Ï
Les annexes embryonnaires sont des plus va-
riés, suivant les animaux. Leur présence a pour
résullat de donner au corps une forme bien diffé-
rente de celle qu’il aura lors de l’état adulle. Ainsi,
les embryons d’un grand nombre de Vertébrés
portent, appendue à leur face ventrale, une vésicule
remplie d’une substance nutrilive. Les têtards des
Grenouilles et ceux des Crapauds sont munis de
queues, alors que les adultes en sont privés. Les
larves des Oursins possèdent des tentacules allon-
gés, semblables à des balanciers destinés à soute-
nir les petits êtres dans l’eau de la mer. Ces
quelquesexemples, choisis parmilesplusfréquents,
suffisent pour dénoter la variélé de ces appendices
el l'importance de leur rôle. Les uns servent à
la nutrition: ils sont chargés d'alimenter l’éco-
nomie, grâce aux matériaux qu'ils contiennent;
lesautres sont destinés à permettre les déplace-
ments des individus ; enfin, les derniers ont un
emploi mixte, à la fois de locomotion et de sou-
tien. En cette occurrence, les formes, ainsi que les
fonctions, sont des plus diverses. Mais tous ces
organes offrent deux caractères communs: d'une ,
PET PR Le TE 7
L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE D87
part, leur taille est assez grande, et leur aspect
assez particulier pour donner à l'embryon une
_ allure souvent très dissemblable de celle qu'il aura
par la suite; de l’autre, ils atténuent leurs dimen-
sions et s’atrophient, à mesure que l'individu
» passe à l’étal adulte. Inuliles alors, soil que le but
. réalisé par eux cesse d’être nécessaire, soit qu'ils
_se trouvent remplacés par d’autres appareils
. mieux utilisables, ils interrompent leur accrois-
sement, diminuent: et disparaissent en définitive.
È AN
ox N
Mrculese
| F7 N
1
0
1
‘
1
Dans beaucoup de cas, cette destruction s'accom-
plit par la phagocytose.
Les premiers exemples d’un tel phénomène ont
… été étudiés sur les larves des Oursins. Ils furent
observés par E. Metschnikof'; cet auteur s’est servi
d'elles en les étendant et les complétant, pour éta-
blir son principe de la résistance aux microbes
“ par le moyen de la phagocytose. — Ces larves,
-nommées des Plufeus, se trouvent fort différentes
des adultes; au lieu d'être sphériques ou ovalaires,
et couvertes de piquants, leur corps, revêtu de cils
vibratiles, offre l'aspect d'un cône, dont la base
rd porte plusieurs paires de longues expansions cylin-
€ driques, dites les bras (fig. 1). Ces annexes servent de
Fÿ
Par
soulien dans l'eau, où nagent ces pelits êtres ; la plu-
part sont rigides, et doivent cette qualité à ce qu'ils
possèdent, dans leur intérieur, de longs bätonnets
calcaires. Ainsi pourvus, ces petits organismes se-
laissent entrainer par les courants marins et pour-
suivent, à mesure, le cours de leur développement,
Au moment où doit arriver la métamorphose
finale, quiles convertiten adultes (fig. 2), leurs bras
se raccourcissent progressivement, et s'atrophient.
Les baguetles calcaires, inertes à cause de leur
Fig. 1. — Larve d'oursin (Pluteus), avant sa mélamorphose. — Ce petit être, fort grossi, se soutient dans la mer à l’aide
de ses grands bras qui contiennent un squelette formé de longs spicules calcaires et treillissés.
nature minérale, ne peuvent s'opposer à cette di-
minution, car elles sont rongées par les cellules
environnantes, vrais phagocytes qui les dévorent
et les font disparaitre. Les bras sont ainsi élimi-
nés, avec divers autres organes spéciaux à l’em-
bry;on; et la phagocytose joue, dans ce fait, le rôle
primordial.
Metschnikoff, poussant plus loin ses recherches.
voulut se rendre compte si des faits semblables,
qui se ramènent, en somme, à une destruction sur
place de parcelles solides situées dans la profon-
deur des tissus, ne se retrouvent pas chez d’autres
animaux. Il fit pénétrer des substances inertes,
réduites en une poudre fine, soit dans l'appareil
588
circulatoire de certains Mollusques, soit dans le
mésoderme des larves de plusieurs Vers plats. Le
résultat fut identique; les cellules, groupées dans
le voisinage immédiat des particules pulvérulentes,
se mirent à les entourer et à les ronger. De là vint,
dans son esprit, l'idée de remplacer les poussières
fines par des microbes: et il commença ses pre-
mières expériencessurlaphagocylose pathologique.
D'autres observateurs ont persévéré dans la voie
indiquée par Metschnikoff. La notion d'une pha-
gocytose constante, normale, s’est ainsi affirmée
peu à peu. Les éléments devenus inutiles, soil
qu'ils n'aient plus
aucune fonction à
remplir, soit qu'ils se
trouvent arrivés au
terme de leur exis-
tence particulière ,
sont détruits par plu-
sieurs cellules
qui Les entourent, et
qui agissent en qua-
lité de phagocytes.
Elles absorbent les
substances nutritives
que ces éléments con-
tiennent encore, et
permettent aux au-
tres d’être éliminés,
en les rendant solu-
bles dans les liquides
de l'organisme. Ce
phénomène n'a pas
seulement pour fin
une destruction, mais
encore une utilisa-
tion de tout ce qui
peut servir d’aliment;
ils’accompagne d'une
sorte d'assimilation intime, élémentaire, qui s’ef-
fectue dans la profondeur des tissus.
En ce qui concerne plus spécialement les em-
bryons, l'exemple des larves d'Oursins est déjà
caractéristique. D'autres faits du même ordre
ajoutent en cela de nouvelles preuves. — La plu-
part des Insectes subissent, avant d'arriver à l’état
parfait, des métamorphoses souvent compliquées.
Leurs larves, privées d'ailes, s’accommodent de
milieux où elles ne peuvent plus se maintenir dès
qu'elles se convertissent en adultes; le mode de
nutrition, et certaines des fonctions de relation,
diffèrent parfois à l'excès entre ces deux moments
de l'existence d’un même individu. Ainsi, les che-
des
Poele __ hi
Fig. 2.
nilles des papillons se nourrissent de végétaux, et
possèdent, à ceteffet, des pièces masticatrices des-
tinées à broyer les aliments; tandis que les adultes,
697
— Achèvement de la métamorphose finale d'une larve (Plu-
teus). — La figure montre une larve au moment de sa métamor-
phose finale, qui la convertit en adulte; le corps devient globuleux,
produit ses premiers piquants, et perd ses bras, qui s’atrophient,
leurs spicules calcaires étant détruits par phagocytose.
su |
L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE
munis d'une longue trompe, se bornent à aspirer
le nectar des fleurs. Le dernier changement em-
bryonnaire est donc considérable, puisqu'il a pour
but de remplacer un organe par un autre conformé
d'une manière très dissemblable, et d'entrainer la
production de plusieurs appareils dontlesembryons
sont privés. Beaucoup d'Insectes ne procèdent pas
à ce phénomène en modifiant simplement les sys-
tèmes déjà présents, et leur donnant une nouvelle
structure. La métamorphose est plus radicale. Les
appareils préexistants, tube digestif, muscles,
centres nerveux, se détruisent; ils se dissocient en
leurs cellules consti-
tutives, qui se désa-
7 grègent, et devien-
nent libres dans l'in-
térieur du corps. Par-
mices éléments, ceux
qui sont trop spécia-
lisés dans leurs fonc-
tions pour se prêter
à une multiplication,
comme les fibres
musculaires par
£ exemple, disparais-
= sent: les autres aug-
mentent rapide -
> ment en nombre ,
Contours tout en utilisant Îles
Tr matériaux nutritifs
Paëeus fournis parles débris
des précédents, se
permettre cetaccrois-
sement numérique,
et s'agencent en de
nouveaux organes, é-
difiés sur le plan par-
ticulier à l'adulte. La
destruction des systèmes inutiles s’accomplit par
la phagocylose (fig. 3 et 4); et les phagocytes sont
précisément les cellules capables de se multiplier.
Tout en proliférant, ces dernières enveloppent les
éléments voués à la disparition, les rongent, et
s’assimilent leur substance: puis elles se différen-
cient, et s'établissent dans leur disposition défini-
tive.
Un tel changement d'un lissu par un autre mieux
adapté, et précédé par la destruction phagocylaire
du premier, se trouve chez les Vertébrés supé-
rieurs. Lesembryons de ces êtres ont un squelette,
dont les parties principales sont cartilagineuses ;
le tissu de ces dernières doit disparaitre au cours
du développement, pour être remplacé par de la
substance osseuse. Cette modification s’accom-
pagne d'une élimination de la gangue cartilagi-
segmentent pour
- ments des Lissus à
fonctions spéciali -
sées ,
L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE
89
neuse ; et les éléments chargés de ce rôle, pris
parmi les cellules mèmes du cartilage primordial,
se comportent comme de vrais phagocytes.
Dans tous ces cas, l'appareil détruit se trouve
remplacé par un autre; mais il en est où, cette
substitution n’intervenant pas, la disparition s’ac-
complit sans retour. Ce fait se présente, par
exemple, chez les tètards des grenouilles el des cra-
pauds; leur queue
s'atrophie au mo-
ment de ia méta-
morphose dernière,
et d'une façon dé-
finitive. Telles en-
core les larves de
beaucoup d'Asci -
dies; elles possè -
dent également une
queue, dont elles se
servent pour nager,
et la perdent lors-
qu'elles passent à
létatadulte.Lapha-
gocytose joue le
principal rôle dans
ces phénomènes .
Les globules de la
lymphe, avec cer-
taines des cellules
conjonctives , s’at-
laquent aux élé -
comme les
muscles , agissent
vis-à-vis d'eux à la
manière de phago-
cvtes, et entraïnent
leur destruction
complète.
La phagocytose
des embryons n’a
pas toujours, com-
me but unique, l’é-
limination d’orga-
nes devenus inuliles; elle sert parfois à permettre
l'absorption des substances alimentaires contenues
dans l’œuf, et conservées dans l’économie du petit
être. Chez un assez grand nombre d'animaux divers,
appartenant à tous les groupes, l'œuf renferme une
quantité considérable de granulations vitellines,
destinées à nourrir l'embryon durant son dévelap-
pement, et absorbées sur place à cet effet; l’en-
semble de ces granules constitue la vésicule vilelline,
nommée la vésicule ombilicale en ce qui regarde plus
spécialement les Vertébrés, appendue au corps, et
vantes.
Fig. 3. — Larves d’Insecles Orthoptères el Diptères. — Ces dessins mon-
trent, en silhouettes noires, plusieurs types de larves d’Insectes, dont
les tissus sont appelés à se détruire par phagocytose, pour se régé-
nérer par la suite, — En haut (n° 530) se trouve une larve d'Ephémère;
à côté (n° 531) une larve de Moustique; encore plus à droite (n° 532)
une larve de grosse Mouche; tout en bas, et à gauche (n
larve de Puce; à côté, sur la droite (n° 533) la larve d’une Cécidomye,
insecte voisin des Moustiques. — Les phénomènes de la destruction
des tissus et de leur régénération sont indiqués par les figures sui-
diminuant de volume à mesure que progresse
l’évolution embryonnaire. Cette restriction cons-
tante, allant jusqu'à la disparition complète, est
une conséquence de l’absorption des granules dont
elle se compose; et il m'a été donné de voir en
plusieurs cas, notamment au sujet des Arthropodes
(Crustacés et Insectes), qu'elle s’accomplit en ma-
jeure part au moyen de la phagocytose. Les couches
cellulaires, situées
au contact de celte
matière nutritive,se
comportent comme
des amas de pha-
gocytes, et détrui-
sentles granules de
proche en proche:
elles s’alimentent à
leurs dépens, et font
passer aux autres
régions de l’écono-
mie les produits
ainsi obtenus, afin
d'en faire profiter la
totalité du corps de
l'embryon.
Un tel emploi de
la phagocytose ne
s'écarte pas du rôle
habituel . Celui-ci
est double : d’un
côté, il consiste en
une destruction
d'appareils ; de l’au-
L tre en une absorp-
tion de ce qui peul
servir comme ali-
ments dans ces or-
ganes attaqués. Les
vésicules vitellines
étant seulement
composées de subs-
tances nutrilives ,
cette dernière uti-
lisation prend la
prédominance. Ail-
leurs, mais plus rarement, la première est la
plus importante. Le fait existe, à en juger d’a-
près les remarquables études entreprises par
Mathias Duval, dans la placentation de certains
Mammifères (fig. 5). La région embryonnaire, qui
doit édifier le placenta, commence par s'attacher
à la paroi de l’utérus maternel ; mais les échanges,
qui s'établissent par osmose entre les parties
ainsi mises en contact, n'étant pas suflisants pour
alimenter le fœtus, la zone extérieure du placenta
s'avance dans l’épaisseur de la paroi utérine pour
° 534) une
299
arriver au niveau des vaisseaux sanguins, les enve-
lopper, et rendre plus aisée la diffusion nutrilive.
Celte zone, pour pénétrer ainsi, est obligée de
détruire les tissus qui la séparent des vaisseaux
utérins ; au lieu
de consister en
cellules distinc-
tes, elle se com-
pose d’éléments
fusionnés, unis
en un plasmode,
et fonctionne
comme un pha-
gocyle gigantes-
que. Nommée
par Mathias Du-
val, à cause de
sa structure, la
couche plasmodiale
du placenta, elle
ronge et détruit
de proche en pro-
che les assises
épithéliales et
conjonclives de
l'utérus, jusqu’à
ce qu'elle par-
vienne dans la
région vaseulai-
re: elle entoure
alors les canaux
sanguins, Se
substitue à leur
propre paroi, el
puise directe -
ment dans le
sang maternel,
sans aucun 0bs-
tacle interposé,
les matériaux u-
tiles à la nutri-
lion embryon -
naire. Dans cette
phagocytose,
qu'il serait pres-
que permis d’ap-
peler de péné-
tration, la des-
est le
principal but à
accomplir
truction
la
couche plasmodiale fait disparaitre tout ce qui
l'empêche de parvenir à l’assise vasculaire de
l'utérus.
Ces données, d'ordres divers, conduisent à une
même conclusion : la phagocytose est un phéno-
L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE
JS62
=
07
Disque.
IR AGYTHAUX
Pere arreter
— ! = ;
CYA clogersne es disques
;
L cloderrrie t0UYe2Z
L
Fig. 4. — Hystolyse et disques imaginaux des pupes d'Insectes. — Ces figures ex-
prunent, d'une manière diagrammatique, et d’après des coupes transversales
pratiquées dans le corps, les phénomènes de la destruction des tissus des larves
d'Insectes, dont une partie s’accomplit au moyen de la phagocytose, et de leur
récénération. — Jn suivant la série des cinq premiers dessins, partant du haut
et de la figure de gauche pour terminer en bas, on voit les organes se mor-
celer, se réduire en fragments, dont plusieurs sont résorbés par la phagocy-
tose, puis se régénérer à l’aide d'appareils spéciaux, nommés des disques ima-
ginaux., — La’ dernière figure (n° 565) montre un de ces disques très grossi, afin
de dénoter sa structure, et de représenter les cellules de son mésoderme, qui
agissent, dans ces phénomènes, en qualité de phagocytes.
rent, suivant le cas, les origines
at Lu 4
mène des plus fréquents dans le développement
embryonnaire des animaux, toutes les fois où un
organe doit être éliminé, quelle que soit sa nature.
L'appareil ne disparail pas par ses propres forces,
par une sorle de
dégénérescence
atrophique ac -
complie par ses
propres moyens,
et où il serait
seul intéressé .
Un tel fait existe
en réalilé, mais
il est subordonné
à la phagocytose,
sous le rapport
de l'importance
des résullals .
L'organe voué à
la destruction
perd ses capaci-
tés vitales et ses
propriétés fonc-
lionnelles: il de-
vienlinerteetin-
différent ; sa pré-
sence dans l’é-
conomie déler -
mine une réac-
lion, qui se tra-
duit par la pha-
gocytose. Les é-
lémentis conser-
vés, pourvus de
leur vitalité en-
envoient
vers lui quel-
ques-uns d’entre
eux, chargés d’a-
mener sa dispa-
rition, en ulili-
sant ce qu’il peul
con!enir de ma-
tériaux nutritifs.
Uuère ,
IT
Les notions
précédentes per-
metlent de con-
cevoir jusqu'à
quel point diffè-
des phagocytes.
Parmi ces derniers, les uns dérivent de feuillets
embryonnaires à peine façconnés, et les autres,
de tissus déjà bien formés; d’un côlé, ils nais-
sent d'une gangue conjonctive ou d'un plasma
hp 2
L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE 591
%
:
à
À
circulant; de l’autre, ils découlent d'assises épi- | gions où leur rôle est utile, aux dépens des élé-
+ Lhéliales. Aucune provenance fixe, déterminée et |! ments préexistants qui avoisinent l’objet à élimi-
de À
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4
ze deu Dolacerle
Z
Fig. 5. — Développement du placenta chez le Lapin. — Ces trois figures, établies d'après les recherches faites par Mathias
Duval, sont consacrées aux premiers phénomènes du développement du placenta chez le Lapin. — Le numéro 998
| montre une section de l'utérus d’une Lapine contenant un ovule. Le numéro 999 représente une partie de cet ovule,
‘ déjà transformé en un jeune embryon et grossie; cette partie s'accole à la paroi utérine et s’enfonce dans sa substance, en
la détruisant à mesure, pour arriver au niveau des vaisseaux utérins, et les envelopper afin d’y puiser les matériaux nutri-
d tifs qui sont nécessaires Au développement du petit; la zone de pénétration, assimilable à un phagocyte gigantesque, est
* teintée en noir. Le numéro 1000 exprime, à un grossissement plus fort encore, afin de mieux préciser les phénomènes, la
bande limitée par une circonférence dans la figure du milieu.
constante chez lous les animaux, n'existe pour | ner. La seule condition commune, dans celle
eux; ils sont engendrés sur place, dans les ré- | genèse, est que les éléments ne soient pas trop dif-
a 6 mr
92
férenciés en vue d'une fonction particulière ; aussi,
les seules matrices des phagocytes sont-elles des
couches épithéliales, ou plus fréquemment encore
des tissus conjonctifs.
Malgré cette grande diversité d’origine, les pha-
gocytes se ressemblent tous : ils ne se distinguent
guère que par la taille; l'identité fonctionnelle
entraine, à leur égard, une similitude d'aspect. Au
lieu d’avoir des contours arrêtés el permanents,
ils changent sans
cesse de forme. Ils 36
émettent des pro-
longementsennom-
bre variable, qu'ils
allongent ou rac-
courcissent cons -
tamment , durant
leur vie entière, et Pro:
dont ils se servent, de la
soit pour se dépla- CARRE
cer, soit pour en-
tourer les particu-
les qu'ils veulent
ronger. Ces expan-
sions sont, de tous
points,comparables
aux pseudopodes
des animaux unicel-
lulaires les plus
Fig. 6. — Evolulion des protospores el des deulospores des Sporozoaires
L. ROULE — LA PHAGOCYTOSE NORMALE
détruire est trop volumineux pour une cellule pha-
gocylaire réduite à ses propres moyens, plusieurs
s'associent et se confondent en une seule masse,
assez grosse pour envelopper le corps auquel elle
s'attaque. Ce fait a été signalé dans la phagocytose
pathologique ; il existe, mieux marqué encore,
dans la phagocytose embryonnaire. La couche
plasmodiale du placenta des Mammifères est, en
réalité, un amas énorme de cellules unies, qui
pénètre dans la pa-
52 roi de l’utérus ma-
ternel pour arriver
aux vaisseaux san-
guins ; elle agit, en
celle occurrence ,
comme un seul pha-
gocyle colossal. Les
œufs de divers Crus-
tacés, ceux des Clo-
portes par exemple,
possèdent des cica-
tricules, masses su-
perficielles d'un
protoplasme actif,
dont les bords,
composés par la
soudure d’une
grande quantité
de cellules non
40 41
L Brudopidies :
simples, à ceux des
AmϾbiens, par ex-
emple; cette res-
semblance est telle
que l’on dit sou-
vent des phagocytes
qu'ils sont munis de
pseudopodes , ou
encore qu'ils ont un
aspect amæboïde
amphigéniques. — Ces figures expriment l’évolution vitale d'un animal
unicellulaire, parasite, appartenant à l’ordre des Coccidies, et nommé
l'Eimeria falciformis. Cet être se loge dans une des cellules du corps
de son hôte, et détruit au préalable son protoplasma, dont il se nour-
rit, pour prendre sa place ; en cette qualité, il agit comme un phagocyte,
et sa manière de faire constitue une sorte de phagocytose des plus
élémentaires. — La figure portant le n° 36 représente l'animal
contracté et modifié en une protospore, qui se subdivise pour en-
cendrer des descendants, nommés des deutospores. La figure voisine,
n° 37, montre une deutospore rendue libre. Les quatre dessins
du bas offrent, en allant de gauche à droite, la série des changements
subis par la deutospore pour devenir un individu capable de se dépla-
cer à l’aide de ses pseudopodes, et pour se convertir en un phagocyte.
Les phagocytes, dans tons les cas, ressemblent, par leurs caractères
essentiels, à l'individu qui termine à droite la rangée inférieure des
dessins, et qui peut servir de type. — (Ces figures, comme les précé-
encore distinctes ,
s'étalent à la sur-
face ovulaire , el
l'enveloppent peu
à peu dune ma-
nière complète. Ce-
pendant, ces phé-
nomènes sont Îles
moins fréquents ;
d'ordinaire, le pha-
fig. 6. Une pareille
communauté est,
sans doute, une conséquence de l'extrême simpli-
cité avec laquelle se manifestent, dans les deux
cas, les fonctions de la locomotion et celles de la
nutrition ; le phagocyte, bien qu'appartenant à un
animal élevé en organisation, retourne, à cause de
son rôle et de la façon dont il l’effectue, à la
structure des êtres les plus inférieurs.
D'habitude, chaque phagocyte est une seule cel-
lule capable de se multiplier et de donner nais-
sance à des descendants, qui se séparent les uns
des autres, en devenant des phagocytes à leur tour.
Tant que durent les circonstances favorables, cette
prolifération manifester, et le
nombre de ces éléments augmente sans cesse,
Pourtant, dans certains cas, lorsque l'objet à
continue à se
dentes sont empruntées à mon traité d'Embryologie comparée.)
gocyte est une cel-
lule simple.
TI
Toutes ces constalalions, de natures diverses,
conduisent à une même loi. La phagocytose n'est
pas seulement l'un des moyens par lesquels l’or-
ganisme résiste à l'invasion des microbes : elle
vaut davantage. Son importance est à la fois plus
grande et plus continue. Elle répond à une fonc-
tion normale de l'économie, et à l’une des formes
suivant lesquelles se manifeste l'élimination. Les
malières liquides et gazeuses sont excrélées par
diffusion, et rejetées dans les milieux environnants:
il ne peut en être ainsi pour les corps solides, aux-
quels ne s'applique aucune osmose directe. Le but
est alteint d’une façon délournée : par la phago-
cytose. Des cellules vivantes, produites par les tis-
sus voisins, s’atlaquent à ces corps, et les détrui-
sent sur SR elles les rongent peu à peu, et
déterminent leur dissolution de proche en proche.
Ces cellules mangeantes, ces phagocytes, conser-
vent les substances nutritives qu’elles absorbent,
s’en servent pour s’accroitre et se multiplier, les
font revenir ainsi dans le circuit vital; elles rejet-
tent les autres dans les plasmas circulants, d’où
elles parviennent au dehors par la diffusion. La
phagocytose est donc l’un des procédés d’élimina-
tion des composés solides, et, sans doute, le plus
important : àcetitre, elle doitêtre considérée comme
faisant partie des fonctions d’excrétion, et comme
- ayant dans l'organisme un rôle constant.
- _ L'emploi de la phagocytose est d’une haute va-
leur chez les embryons d’un assez grand nombre
d'animaux, où elle est utilisée pour effectuer, au
moment des dernières métamorphoses, la dispari-
tion des organes qui ne doivent point persister
chez l'adulte. Il existe également, durant toute la
vie, dans l’économie achevée, mais ne s'adresse
É
LÉ
es jai dant
Co
SUR L’EXPANSION FRANÇAISE EN AFRIQUE 293
plus à des appareils entiers. Les phagocytes s’at-
taquent aux éléments morts après avoir accompli
le cycle de leur vitalilé, ou à ceux produits à la
suite d'une prolifération anormale, ou encore à
des composés d’excrétion qui s’amassent dans cer-
tains tissus ; ils les détruisent dans la mesure du
possible. En cela est l'emploi courant, normal et
essentiel, de la phagocytose. Les microbes, intro-
duits dans l’économie, jouent le rôle d'éléments
étrangers, solides, et déterminent contre eux une
réaction phagocytaire. Mais cette dernière n'est
point un phénomène nouvean, adéquat à cette seule
invasion microbienne; elle répond à l'utilisation,
dans un but de résistance organique, d’une fonc-
Lion habituelle et continue dans le temps. Ce nou-
vel emploi prend, il est vrai, des allures particu-
lières, suivant les qualités des objets misen cause;
mais c’est là un fait d'adaptation, quinedoit point
masquer le caractère primordial, relatif à la cons-
lance.
Louis Roule,
Professeur à la Faculté des Sciences de Toulouse,
QUESTIONS D'AFRIQUE
— L'expansion
coloniale de la France, tant en
Afrique qu'en Asie, a suscité nombre de criliques.
Les uns l’ont dénoncée comme attentatoire aux
intérêts vitaux du pays, parce que la reprise del’Al-
sace-Lorraine devait être le but exclusif de notre
politique extérieure. D'autres, guidés par des
. mobiles d’un tout autre ordre, l'ont combattue
comme pouvant être, à un moment donné, la cause
de graves difficultés économiques en ce sens que
les produits coloniaux pourraientconcurrencertrop
- fortement les produits métropolitains. D'autres,
- enfin, s’y sont opposés en déclarant, de plano, que
la France n’était pas une puissance colonisatrice.
- Toutes ces critiques ont été facilement réfutées.
Aux premières il a été répondu qu’un pays comme
la France, qui veut continuer à jouer un grand rôle
dans le monde, ne peut se désintéresser des problè-
mes qui occupent, à juste litre, les grandes puis-
sances européennes, et qu'il doit, de même que
- les autres nations, amies ou ennemies, prendre sa
- part dans le partage du monde qu’effectuent depuis
… 20 ans les peuples les plus forts. Est-ce un moyen
… d'avancer l'heure des «réparations nécessaires »
. que de s’isoler du concert des peuplesetde repous-
… ser à priori toute politique permettant d'opposer
à certains coalitions des groupementspondérateurs
di LL: A
SUR L’'EXPANSION FRANÇAISE EN AFRIQUE
où l’on peut jouer un rôle digne de son rang et de
sa puissance ?
Aux secondes, on a opposé la possibilité de sous-
traire la France aux obligations où elle se trouve
d'acheter des matières dans tel ou tel pays. On a
montré les avantages qu'elle aurait à se procurer
du coton, du café, du thé dans ses colonies. La
production coloniale ne suffirait peut-être pas à
satisfaire à tous les besoins de la consommation
métropolitaine, mais elle permettrait, en tous cas,
lors des négociations commerciales, de mieux
défendre les intérêts du commerce d’exporlation
parce qu’on ne serait pas tributaire économique-
ment des pays avec lesquels on trailerait.
Enfin, à la troisième objection, on a répliqué
en montrant la permanence de l'œuvre accomplie
par les Français au Canada et à la Louisiane. On a
signalé les constatalions rassurantes des voya-
geurs élrangers qui-ont parcouru l'Afrique sep-
tentrionale et qui ont admiré les résultats obtenus
en moins d'un demi-siècle par les colons d'Algérie,
en moins de quinze ans par les colons de Tunisie.
Et là, les problèmes de colonisation étaient ardus.
Il ne s'agissait pas, comme en Australie, en Nou-
velle-Zélande, en Afrique australe, de substituer
une population européenne immigrée à une popu-
SUR L’EXPANSION FRANÇAISE EN AFRIQUE
lalion indigène refoulée ou supprimée. Il fallait
trouver le moyen de faire vivre côte à eôle les
éléments européens et les éléments africains, la
civilisalion chrélienne et la civilisalion musulmane.
Nous ne nous dissimulons pas que des fautesont
été commises, que notre politique coloniale ait là,
comme ailleurs en Afrique, manqué de méthode.
Quelques dogmatiques censeurs le disent volon-
liers : ils auraient voulu que la science présidät à
notre expansion dans le monde. La méthode
scientifique, il la faut observer dans toutes les
manifeslalions de l’activité humaine : elle est la
seule base d’un progrès cerlain. Mais le tout est
de savoir si, en matière coloniale, les circon-
stances voulaient qu'on s’en servit.
Théoriquement, la prise de possession d'un ler-
riltoire aurait dû être précédée d'une élude com-
plète du pays au point de vue de sa valeur écono-
mique et de son importance politique. Avant de
soumeltre au Président de la République la ralifi-
cation d’un traité comportant l'entrée d'un État
africain dans la sphère des intérêts poliliques de
la France, il aurait fallu dresser le bilan présent
et futur de celte nouvelle acquisition ; connaitre
ses ressources naturelles comme sous-sol, flore,
faune, populalion:; apprécier les charges militaires
et poliliques assumées par la puissance protec-
trice ; bref, se livrer à l'examen approfondi que ne:
manque pas de faire l'amateur judicieux quiachète
un objet d'art ou l’éleveur prudent qui marchande
une belle tête de bétail.
Celle théorie est parfaite. Si on l'avait suivie dès
la période qui a précédé l'occupation militaire de
Tombouctou, il est de toute évidence que l'on se
fût gardé contre les déceptions éprouvées mainte-
nant el aussi contre les catastrophes qu'un peu de
perspicacilé aurait pu prévenir! Il ne faudrait pas
pourtant qu'on fit de son inobservalion la caracté-
ristique de la politique coloniale francaise. Est-ce
que l'Angleterre, elle, dont on vante toujours en
France la sagesse et la méthode politiques, n’a pas
fait preuve des mêmes errements en ce qui con-
cerne son expansion dans l'Afrique australe? Elle
a commencé par engager une lutte armée contre
les Boers du Transwaal ; puis, elle s'est décidée à
traiter, malgré les échecs retentissants qu'elle à
éprouvés, et à évacuer les conquêtes qu'elle avait
commencé à faire. Eût-elle agi ainsi si elle avait
connu la valeur minière du Transwaal et, au lieu
d'arrêler son corps expédilionnaire en marche
vers les contingents Boers, n'eût-elle pas renforcé
ses effectifs pour conquérir #4nu mililari ces riches
placers qui déterminent aujourd'hui une fièvre d’or
plus intensive que celles qu'ont provoquées les
mines de l'Australie et de la Californie ?
Ainsi, dans un cas, la méthode scientifique eût
conseillé l’abstention, et dans l’autre eût justifié
l'action. Voilà des faits que les théoriciens de l’ex-
pansion coloniale scientifique peuvent donner
à l'appui de leur thèse. Mais, qu'on nous permelte
de dire que ce ne sont que des arguments de
thèse, car l'examen des conditions dans lesquelles
s'est commencé et se poursuit le partage de l’A-
frique montre que les circonstances ont imposé à
toutes les nations la prise de possession politique
d'un pays avant la reconnaissance économique.
C'est à une vérilable course au clocher que se
sont livrées les puissances européennes dans leurs
conquêtes africaines, el cette course ne leur a pas
permis de faire application d’une méthode d'ex-
pansion coloniale. Elles ont agi comme elles ont
pu et non comme elles ont voulu. Cette constata-
lion molivera évidemment les plus extrêmes ré-
serves des criliques historiques, géographiques et
aulres : mais quoi ?
La reconnaissance scientifique d’un pays in-
connu d'Afrique exige un effort considérable.
Il faut dresser la carte de la région, fixer la
posilion exacte des systèmes hydrographiques et
orographiques. Il faut joindre à cette première
carte un relevé sommaire de la carte géologique.
Pendant ce temps, les naturalistes examinent les
ressources naturelles du pays et les techniciens
en apprécient l’utilisation. C'est à une œuvre de
cette nature que s'est adonné le célèbre Institut
d'Égypte. C'est un travail analogue que l’on pro-
jette pour Madagascar. Mais ne voit-on pas que
ces deux Instituts auront eu pour auxiliaires pré-
cieux, indispensables dirons-nous, les troupes des
corps expédilionnaires qui assuraient le calme
sans lequel ne pourraient travailler des savants!
Est-il possible de venir dans un pays inconnu, se
livrer à des travaux de ce genre, sans l’assentiment
des maitres naturels du pays? Et cet assentiment,
comment l'obtenir, sinon par des négociations
où la politique joue naturellement un grand rôle?
Le nègre est défiant de sa nalure. Il a peur du
blane, qu'il sail être plus fort, plus puissant que
lui, disposant de moyens quasi surnaturels pour
sanctionner ses volontés. C’est à force de pré-
cautions oratoires, de cadeaux qu'on obtient son
concours. Il vend quelques vivres, facilite des pas-
sages, et là il fait assez souvent preuve de bonne
volonté; mais, quand il s’agit de fixer des routes,
de déterminer des ilinéraires, que de mécomptes
pour les explorateurs et combien la lecture de
leurs journaux de marche est édifiante à cet égard!
Les chefs de village redoutent la prise de posses-
sion de leur pays et s’alarment souvent pour la
moindre chose.
Qu'on nous permette une anecdote à ce sujet.
Le docteur Maclaud, un des compagnons de
route a capitaine Binger dans son second voyage
à Kong, nous racontait que les indigènes d’un pays
de la vallée de la Comoé faillirent faire un mauvais
parti à la mission. Ils s’inquiélaient des allées et
venues des Européens, le soir, après le campe-
ment. Sans nul doute, les feuillels de papier aban-
donnés dans les bois ne pouvaient être que des fé-
tiches laissés par eux pour faciliter la conquête de
leurs villages !
- Voit-on, dans ces conditions, l'effet que produi-
rait une grande mission ne braquant sur
les constellations célestes les luneltes méridiennes
el les théodolites ! Ces instruments scientifiques de-
viendraient, dans l'imagination des noirs, de ter-
ribles pièces d'artillerie, et une hostilité en règle
devrait être la seule réponse convenant à de pa-
reilles manifestations!
Qui nous dit encore, que, profitant de l'émoi
ressenti chez les Rio ènes, un voyageur étranger,
se promenant sans appar ail avec quelques por-
teurs, et les mains pleines 4 présenis, ne viendra
pas tirer parli de cette situation et conclure cun
traité politique avec les chefs, pendant que, ‘en
France, les autorités les plus etes seraient
sollicitées de venir donner leur avis sur la «valeur
économique » de la colonie projetée !
Il faut en prendre son parti : la conquête poli-
tique a dû précéder l'investigalion scientifique.
Ainsi ont fait les Égypliens dans le Soudan, les
Ilaliens en Abyssinie, les Allemands dans l'Est
africain, au Damaraland, au Cameroun et au Togo-
land, les Anglais dans le Sud africain. Si l’Angle-
- Lerre a eu moins de mécomples que d’autres puis-
-sances, € ’est qu'elle a su profiter de l'expérience
acquise par autrui. Dans le Bas-Niger, elle a repris
les établissements d’une Compagnie française dont
elle redoutait la concurrence, ce qui lui a permis
de prendre position dans les régions inférieures
du bassin du Niger, celles que les explorateurs du
commencement et du milieu du xix° siècle avaient
reconnues être les plus riches de l'Afrique centrale.
Elle à repoussé la France vers le Sahara, de
+ même qu'après s'être assuré la plus grande partie
“ de la région des Grands Lacs, elle a donné à l'Ita-
» lie les soliltudes du pays des tree ?
| Tarde venientibus ossa. Pour éviter d'avoir, dans
le partage africain, la part des convives altardés,
la France a dû mulliplier ses entreprises colo-
niales. Les gouvernements ont agi suivant leur
tempérament politique, suivant leurs conviclions,
- au sujet du rôle que la France coloniale peut rem-
- plir dansle monde.
; Oh certes! ce n'est pas l'esprit de suite qui a
brillé. Les hommes qui se sont succédé à la tête de
- l'administration des colonies étaient loin derepré-
+ sentier les mêmes opinions. MM. Dislère, Grodet,
LEbbll ns moi péé. di
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SUR L'EXPANSION FRANÇAISE EN Une bd de
295
comme directeurs des colonies ; MM. Félix Faure,
De la Porle, Elienne, Jamais, Delcassé, Maioce
Lebon, comme sous- sebrétairend? Etal; MY. Boulan-
ger, Delcassé et Chaulemps, comme ministres, ne
représentent pas, à proprement parler, la même
aclion coloniale. L'activité des uns est contre-
balancée par l'extrême prudence des autres.
Quelquefois c’est la plus décevante des irrésolutions
qui domine toute une administration. Des retards
préjudiciables à nos intérêts politiques sont cons-
tatés dans la marche des affaires adminis(rativ es,
relards que nos concurrents savent mettre à profit!
Dans un gouvernement d'essence parlementaire,
l’action personnelle d'un ministre, responsable
devant les Chambres, doit être et est Aurelien
prépondérante dans nb donnée à tout un
. département ministériel. Que devient alors, dans
ces conditions, la politique suivie dans telle ou
telle Ne) grand exemple nous ont donné
les Anglais dans leur pénétration dans le bassin
du Haut-Nil! Le ministère libéral de Lord Rose-
bery, tout en montrant moins d'activité coloniale
que le ministère Salisbury, n'a rien abandonné
des visées anglaises sur l'Ouganda, l'Ouniyoro et
l'Equatoria. Lord Salisbury, revenant au pouvoir,
trouve lesaffaires d’ Afrique Fate une telle situation
qu'il peut reprendre de suite l'exécution de son
programme personnel.
Voilà des sujets de médilalion pour ceux qui pro-
fessent aujourd'hui les nuuveaux dogmes de l’ex-
pansion scientifique. Voilà des enseignements
dignes d'être enseignés, car, outre qu'ils sont con-
formes aux faits matériels, ils permettent de
mieux apprécier l'œuvre de ceux qui, au lende-
main de nos malheurs, n'ont pas douté de la puis-
sance de rayonnement de la France.
Il convient, ces points élablis, de s’efforcer de
procéder maintenant, partout où cela est possible,
dans les territoires placés définitivement sous
notre influence, à une série d'enquêtes scientifiques
permettant de Frame un inventaire fidèle de notre
domaine d'outre-mer. Si la méthode n’a pu prési-
der à nos acquisitions coloniales, il importe, par
contre, d'y avoir recours pour ce utilisation. Il
faut se häter de classer nos colonies ou certaines
parties de nos colonies d’après l'opportunité de
leur mise en valeur.
Des missions confiées à des savants de tout
ordre doivent donc être successivement dirigées
sur nos divers établissements de la côle d'Afrique,
pour que l'Administration des Colonies puisse
concevoir un programme raisonné de colonisation.
C'est à celte seule condition qu'on évitera des er-
reurs d'appréciation fort préjudiciables aux inté-
rèls de la métropole et des colonies elles-mêmes.
XX x
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[er]
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
SUR L'EXTENSION
Après avoir conquis, par d'importantes applications,
droit de cité dans la grande industrie, l'Electro-Chimie
voit aujourd'hui s'ouvrir devant elle le plus brillant
avenir. Elle est en train de pénétrer dans nombre de
fabrications où, jusqu’à ces dernières années, les res-
sources ordinaires de la Chimie étaient seules interve-
nues. Cette transformation mérite toute l'attention du
savant et de l'ingénieur. En attendant la série des ar-
ticles plus développés que la Revue compte consacrer
à l’Electro-Chimie industrielle, il ne sera pas sans
intérêt de signaler les principales nouveautés qui la
concernent, et de jeter un rapide coup d'œil sur les
voies où elle se trouve actuellement engagée
Î. — ELECTRO-MÉTALLURGIE,
De toutes les branches de l’Electro-Chimie, l’électro-
métallurgie est de beaucoup la plus connue. Elle infé-
resse aujourd'hui plusieurs industries d’extraction.
Aluminium, — IL est inutile de rappeler ici dans
quelle large mesure la substitution des méthodes élec-
trolytiques (méthode de Minet, etc...) aux anciens pro-
cédés purement chimiques (procédé Deville, etc.) dans
le traitement du minerai, à fait baisser le prix de
l'aluminium.
Aussi le perfectionnement du système électrolytique
fixe-t-il, à l'heure actuelle, les efforts des industriels.
Parmi les plus heureuses tentatives récemment faites
dans ce sens, il convient de citer celles de M. Héroult.
Des renseignements très complets viennent de nous
être donnés à ce sujet. Nous y relevons ce résultat :
Les 4.000 chevaux-vapeurs que donnent les chutes du
Rhin en Suisse ont permis de fabriquer, grâce au pro-
cédé Héroult, trois tonnes d'aluminium par jour.
Ce métal vient, d'autre part, d’être l’objet d’un ap-
plication particulièrement intéressante de l’Electro-
Chimie, M. J. Darling, de Philadelphie, a recouvert
électrolyliquement d'aluminium 10.000 mètres carrés
du fer destiné à la tour des nouveaux Public Buildings
de cette ville, Les colonnes, etc., sont d’abord récou-
vertes de cuivre par la méthode ordinaire; puis, au
moyen d’un bain dont la composition reste secrète,
recouvertes d’une couche d'aluminium de 0,0015.
Cette dernière opération dure 72 heures avec une
densité de courant de 10 ampères par 0,10 carrés de
l’anode, et de 70 ampères par même unité de surface à
recouvrir, La force électromotrice employée était de
8 volts pour chaque bain,
Antimoine el arsenie. — Siemens et Halske traitent
les sulfures naturels de ces métaux par une solution
d'un sulfure alcalin qui les dissout en donnant des
sulfures doubles. La solution est ensuite électrolysée ;
l'arsenic ou l’antimoine se déposent en laissant en
dissolution un sulfhydrate alcalin. La réaction est la
suivante :
Sb2S3, 3Na?S -L 3H20 — Sb? + 6Na SH + 30.
L'anode est séparée de la cathode par un diaphragme,
le pôle positil (destiné à recevoir l’oxygène) est en
charbon ou en platine. (Brevet allemand, n° 67.974.)
3, Chrome, Mançganèse, Tungstène. — Les oxydes de
manganèse, tungstène el chrome ont été réduits dans
le four électrique par M. Moissan, Un courant de
300 ampères sous 60 volts, traversant pendant 6 mi-
nutes un mélange d'oxyde de manganèse et de car-
DE L'ÉLECTRO-CHIMIE INDUSTRIELLE .
— L'ÉCLAIRAGE A L’ACÉTYLÈNE
bone, donna 100 à 120 grammes de manganèse renfer-
mant 6 à 14 °/, de carbone. Le même courant, passant
pendant 10 minutes à travers un mélange d’ oxyde de
chrome et de charbon, donna 100 à 110 grammes de
chrome contenant de 8,6 à 11,9 °/, de carbone. Cette
fonte chromée, mélangée avec de l’oxyde de chrome et
chauffée dans Îe four, “donna du chrome pur.
L’acide tungstique ‘donna de la même manière un
carbure de tungstène à 17 à 19 °/, de carbone, qui
permit de préparer le tungstène Dur,
D'autre part, le chrome “métallique peut être obtenu
en grandes quantités par le procédé électrolytique de
Placet et Bonnet. A une solution diluée d’un sel de
chrome, on ajoute des sulfates ou chlorures alcalins
ou alcalino- terreux, avec quelques substances organi-
ques telles que la gomme arabique ou la dextrine, ces
substances étrangères représentant quatre fois le poids
du sel de chrome. La solution est chauffée, et on em-
ploie une cathode beaucoup plus petite que l’anode
pour obtenir une grande densité de courantsur la sur-
face où se dépose le chrome sans recourir à une puis-
sance considérable. 30 à 40 volts sont nécessaires pour
la décomposition. Pour obtenir les alliages de chrome,
on ajoute à la solution le sel du métal à mélanger au
chrome en poids égal à celui du sel de chrome. Avec
un bas voltage, le métal étranger se dépose seul (le
fer par exe mple) et, avec des voltages plus élevés, on
obtient des quantités de chrome de plus en plus
grandes, si bien qu’on peut obtenir un alliage en pro-
portions variables. On peut encore déposer le métal à
allier en premier lieu au moyen d’un bas voltage, puis
la quantité voulue de chrome au moyen d’un voltage
plus élevé, et fondre la plaque ainsi obtenue pour
avoir l’alliage désiré,
4, Cuivre, — L’aïlinage électrolytique du cuivre est.
maintenant employé sur une immense échelle. Une
usine à Baltimore et une autre à Butte (Montana) pro-
duisent chacune cinquante tonnes par jour, etl’'époque
est prochaine où la totalité du cuivre manufacturé
sera épurée par l’électrolyse du sulfate de cuivre. Un
perfectionnement récent consiste à séparer le sulfate
de fer de la solution en la chauffant et y faisant passer
un courant d'air qui précipite le fer à l’état de sulfate
ferrique basique,
». Or, — L'or, extrait du minerai par une solution
de cyanure de potassium, est déposé de cette solution
au moyen d’une cathode de plomb et d'une anode de
fer, les anodes de carbone se désagrégeant trop rapide-
ment. Les plaques de fer donnent du bleu de Prusse
et peuvent durer longtemps ; les anodes sont placées
verticalement et sont enveloppées d’un canevas pour
recueillir le bleu de Prusse et l'extraire du liquide. Les
plaques de plomb sont placées entre deux plaques de
fer avec 37 millimètres d'intervalle entre les élec-
trodes.
Les plaques de plomb sont retirées tous les mois et
fondues avec l'or qu’elles supportent (2 à 12 °/, d'or),
puis traitées par coupellation.
6. Magnésium. — La méthode de préparation du ma-
gnésium au moyen du sodium a été complètement rem-
placée par une méthode électrolytique qui consiste à
fondre le chlorure double de magnésium et de potas-
i Sium en présence de gaz réducteurs introduits par le
couvercle du creuset pour éviter l’inflammation du
PTS
magnésium. On a récemment introduit dans le com-
merce un alliage appelé Magnésium-Zinc qui peut rem-
placer le magnésium pur. Il contient 62°/, de magné-
sium, 26 °/,de zinc et12°/, de fer. Cet alliage, très fragile,
peut aisément se pulvériser et répond, aussi bien que
le magnésium, aux besoins de la pyrotechnie et de la
photographie, bien qu'il soit d'un prix de revient beau-
coup moins élevé. La méthode de fabrication consiste
. à électrolyser le chlorure double de magnésium et de
- potassium fondu dans un creuset qui contient au fond
- une couche de zinc fondu servant de cathode. On intro-
- duit dans le bain, après obtention de l’alliage, un peu
- de chlorure de fer, que l’alliage réduit en donnant la
- proportion de fer convenable,
7. Sodium. — Le sodium métallique s’obtient mainte-
nant par l’électrolyse, en particulier par le procédé de
Castner. Un bain de soude caustique fondue est main-
tenue à la température de 313° C. dans des récipients
…._ spéciaux où passe un courant de 1.000 ampères sous
“ Là 5 volts. La température n'étant pas de plus de
30 degrés supérieure au point de fusion de la soude, la
résistance électrique est faible. L'opération se fait très
régulièrement et le sodium fondu vient surnager.
Ce dernier point est particulièrement avantageux,
parce qu'il évite la distillation du sodium.
Ls sl" de
8. Soude caustique. — On électrolyse une solution
concentrée de sel marin, et l’on obtient de la soude
caustique et du chlore, ce dernier étant utilisé pour la
préparation du chiorure de chaux. Le voltage néces-
saire est de 2 volts 1/2. Les difficultés pratiques con-
sistent à trouver une anode qui résiste à l’action com-
binée du chlore et de l'oxygène naissant, et à cons-
truire un diaphragme poreux qui conserve la soude
caustique autour de la cathode et l’empêche de se
recombiner au chlore.
Différents procédés ont été proposés pour résoudre
ces difficultés. Greenwood et Casiner émploient des
charbons agglomérés de fabrication spéciale. Hôüpfner
préconise des électrodes de ferrosilicium. Hargreave
emploie comme diaphragme une toile métallique très
fine en cuivre, sur laquelle on a tassé des fils d’a-
miante.
On a proposé de transformer immédiatement la
soude caustique en bicarbonate ou en savon, suivant
- l'usage qu'on en veut tirer.
9. Zinc. — Cassel et Kjellin, de Stockholm, proposent
le procédé suivant pour extraire le zinc des minerais
sulfurés. La blende est grillée jusqu'à transformation
aussi complète que possible en sulfate et reprise par
l’eau, Le récipient destiné à l’électrolyse renferme un
vase poreux où une anode de fer est placée dans une
solution de sulfate de fer, tandis que la solution de sul-
“ jate de zinc entoure la cathode. Lorsque le courant
“ passe, le zinc est déposé, tandis qu'une quantité cor-
respondante de fer se dissout. La force électromotrice
… nécessaire estégale à la différence entre la force électro-
- motrice de décomposition du sulfate de zinc et celle du
- sulfate de fer, c’est-à-dire d'environ 1/3 de volt. On
évite ainsi la décomposition de l’eau de la solution.
Heinzerling propose de griller les minerais de zinc à
l’état d'oxyde, et de dissoudre l’oxyde dans une solu-
tion concentrée de chlorure de magnésium à tempéra-
ture élevée, et sous une pression de 2 à 3 atmosphères,
L’électrolyse sépare le zinc et laisse le chlorure de
- magnésium, qui peut reservir.
… Un autre procédé employé en Ecosse (Usine Watson,
: Lardlaut et C°, Glasgow) consiste à électrolyser une
né sé
solution chaude d’oxyde de zinc dans la potasse caus-
tique.
10. Céruse. — Stevens électrolyse une solution à 15 °/,
d'acide nitrique avec des électrodes de plomb en fai-
… sant passer un courant continu d’anhydride carbo-
nique.
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 597
. 11. Chlorate de potasse. — En électrolysant une solu-
tion chaude de chlorure de potassium et en facilitant
le mélange de la potasse caustiqueet du chlore produits,
on obtient du chlorate de potasse.
12. Acide chromique. — Placet et Bonnet, de Paris, pro-
duisent l'acide chromique en électrolysant le chromate
neutre ou le bichromate de potassium en solution, au
moyen de l’électrode charbon, L’alcali, qui se réunit
autour de la cathode, est remplacé de temps en temps
par de l’eau pure. L’acide chromique formé cristal-
ise,
13. Phosphore. — Un mélange de phosphate acide
de calcium et de charbon, est chauffé au blanc dans
un four électrique, et le phosphore distille.
II. — ELECTROLYSE DES MATIÈRES ORGANIQUES.
À côté de ces applications métallurgiques, d'autres,
moins connues, sont entrées dans la pratique pour la
fabrication de certaines substances organiques et pour
le blanchiment.
1. Chloroforme.—- La méthode électrique est si écono-
mique et si expéditive qu'elle se substitue rapidement
aux autres. Une cornue de tôle émaillée, munie d'un
double fond et chauffée par de la vapeur, contient
2 lames de plomb formant électrodes. Elle est remplie
d'une solution à 20 °/, de sel marin portée à l’ébulli-
tion, Un courant d’acétone passe d’une manière con-
tinue dans lasolution électrolysée. Le chlore, produit
par l’électrolyse du sel marin, réagit sur l’acétone en
donnant du chloroforme, qui dislille, Le produit ainsi
obtenu ne renferme aucun autre composé chloré. Cent
parties en poids d’acétone donnent 190 parties de
chloroforme, alors que le rendement théorique serait
de 206. C’est là un résultat très remarquable au point
de vue non seulement du rendement, mais aussi de la
pureté. Tous les chirurgiens savent, en effet, combien
il est difficile d’obtenir à un état suffisant de pureté le
chloroforme du commerce vendu par le pharmacien.
2. Couleurs d'aniline. — L'emploi du courant élec-
trique, pour produire des réductions ou des oxydations
dans la manipulation des colorants organiques, s’est
généralisé de telle facon qu'il est impossible d’en énu-
mérer toutes les applications. En général, l’électroly-
seur est divisé en deux parties par une cloison poreuse,
et la substance à traiter est placée au contact de
l’anode, si l’on veut produire une oxydation, et de la
cathode pour une réduction,
IIT, — ELECTROLYSE DES COLORANTS MINÉRAUX,
1. Jaune de cadmium. — On l’obtient facilement en
électrolysant une solution de sel marin avec des élec-
trodes de cadmium, en même temps qu’on fait passer
dans la solution un courant d'hydrogène sulfuré. Le
chlore produit décompose l'hydrogène sulfuré, et le
soufre donne du sulfure de cadmium, dont la teinte
varie avec les conditions de l’électrolyse.
2. Vermillon. — Un réservoir en bois d’un mètre de
hauteur et de deux mètres de diamètre est muni, près
du fond, d’une tablette sur laquelle sont placés des
récipients contenant du mercure. Ce métal est réuni
au pôle positif d’une dynamo; le pôle négatif de la ma-
chine est relié à une plaque de cuivre reposant sur le
fond du réservoir. Celui-ci est rempli d’une solution
aqueuse de 8 °/, de nitrate d’ammoniaque et autant de
nitrate de sodium. Un tube perforé amène de l’hydro-
gène sulfuré dans la liqueur, qu'un agitateur main-
tient en mouvement. De temps en temps on retire le
vermillon précipité.
3. Vert de Scheele (arsénite de cuivre). — Une solution
à 8°/, de sulfate de sodium est électrolysée avec des
électrodes de cuivre; le bain est chauffé par un serpen-
598
tin à vapeur, et un petit sac contenant de l'anhydride
arsénieux est suspendu dans le liquide. Le courant en
passant forme du sulfate de cuivre aux dépens ,des
plaques et de la soude caustique qui dissout l'acide
arsénieux en donnant de l’arsénite de soude. Ce der-
nier sel réagit sur le sulfate de cuivre pour précipiter
le vert de Scheele en régénérant le sulfate de sodium.
Il suffit de remplacer les plaques de cuivre et l’anhy-
dride arsénieux.
4%. Vert mélis (arséniate de cuivre). — 11 suffit de rem-
placer dans la préparation précédente l’anhydride
arsénieux par l'acide arsénique. Celui-ci étant soluble,
on ajoute lentement une solution d'acide arsénique
dans le bain au voisinage de l’électrode négative (ca-
thode).
5. Rouge juponais. — Gelte couleur est un oxyde de
plomb coloré par de l’éosine. On obtient en électroly-
sant une solution à 40 °/, d’acétate de sodium avec des
plaques de plomb et ajoutant continuellement une
solution d’éosine : ce produit se sépare par décantation.
6, Vert Berlin. — Gæbel précipite une solution de ferro-
cyanure de potassium au moyen d’un sel ferreux; met
le précipité en suspension dans l’eau, et l’électrolyse.
La solution est acidifiée avec 5 °/, d’un acide et placée
dans le compartiment de l’anode. Sous une action
prolongée, la couleur bleue disparait et donne le pro-
duit désiré.
IV. — OPÉRATIONS DIVERSES.
1. Blanchiment. — Le procédé Hermite consiste à
décomposer une solution de chlorure de. magnésium
par l’électrolyse. On obtient de l’hypochlorite de ma-
unésium, que l'on peut faire agir, dans l’électrolyse
même sur la substance à blanchir ou conserver, Les
fibres animales ne se prêtent pas à ce mode de blan-
chiment; il réussit, au contraire, pour le coton, le lin,
le jute, la päte à papier. Le blanchiment électroly-
tique coûte environ moitié moins que l’ancienne mé-
thode au chlorure de chaux.
Le docteur Goppelsræder montre que quelques ma-
tières colorantes sont détruiles par le courant, d’au-
tres changent, et d’autres sont produites au moyen de
substances non colorées. Il propose dès lors d'employer
des électrodes d’une forme convenable appliquées sur
le tissu et produisant des dessins,
2, Tannage. — On a reconnu que l’action de Pélec-
tricité facilite l'absorption du tannin par les peaux.
Une usine installée à Orbe, en Suisse, à pu, en une
semaine, préparer complètement trois cents peaux.
3. Traitement électrolytique des jus sucrés. — Un jus
impur étant soumis à l’électrolyse, les matières orga-
niques colorantes sont détruites par oxydation, et beau-
coup de sels inorganiques peuvent ètre extraits au
moyen d’électrodes convenables. Un sirop chauffé à 70
ou 759 C., soumis à un courant de 50 à 60 ampères sous
4 volts entre des électrodes de zinc où d'aluminium,
ayant une surface totale de 12 ou 1% mètres carrés, le
récipient ayant environ 11/2, le pôle négatif s’est
recouvert d’un enduit gommeux d'albumine presque
pure, Ce dépôt augmentant la résistance électrique,
on l'évite en inversant le sens du courant toutes les
deux ou trois minutes; après une dizaine de minutes
de traitement, le sirop est extrait et traité comme à
l'ordinaire,
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
L'avantase de ce traitement réside dans la diminu-
tion du lait de chaux et dans la suppression complète
du noir animal,
Les électrodes sont attaquées en donnant des sels
qui précipitent les impuretés du sucre, et l’alumine
entraine les matières qui restent en suspension.
Mentionnons enfin que l’électrolyse des eaux livrées
à la consommation détruit les germes, comme l'ont
montré les expériences faites sur les cultures de la
diphtérie et de la tuberculose,
Dans un récent article paru ici même,! nous avons
fait connaître à nos lecteurs les principes d'une nou-
velle industrie qui est en train de se créer : la fabrica-
lion en grand du carbure de calcium pour la produe-
tion de l’acétylène. Nous avons fait voir Les avantages
de ce dernier sur le gaz d'éclairage ordinaire : son
énorme pouvoir éclairant, son prix de revient moindre
(à pouvoir éclairant égal), sa facilité de production à
partir du carbure de calcium, la faculté qu'on a de le
liquéfier à une pression relativement peu élevée, fa-
culté qui permet de le conserver en assez grande quan-
tité dans de petits récipients el qui assure un transport
facile.
Toutefois, ces considérations n’ont pas élé sans sus-
citer de nombreuses critiques, et plusieurs personnes
vont jusqu'à dire que la crainte de voir un jour le gaz
d'éclairage remplacé par l’acétylène n’est aucunement
fondée.
On objecte ? que-le carbure de calcium pur ne pourra
pas être livré à moins de 150 francs les 1.000 kilogs,
qui produisent, dans de bonnes conditions, 300 mètres
cubes d’acétylène. Or, le prix de la carcel-heure
obtenue par cet éclairage est égal à celui de la même
unité de lumière produite par le bec Auer avec le gaz
de houille à 30 centimes le mètre cube. Et l’on fait
observer que ce sont là des conditions exceptionnelles
de prix et de rendement, car, actuellement, en Alle-
magne, le carbure de calcium est vendu de 550 à
600 francs les 100 kilogs et il ne fournit guère que
120 à 180 mètres cubes d'acélylène par tonne, En
outre, les lampes à eau et carbure de calcium présen-
teront des inconvénients de poids et de volume, et
les lampes à acétylène liquéfié ne seront guère d’un
usage courant, le maniement de récipients contenant
un gaz à la pression d’une quarantaine d’atmosphères
présentant de réelles difficultés.
Nul doute que plusieurs de ces critiques soient assez
sérieuses et qu'il faille, pour se prononcer en parfaite
connaissance de cause, attendre les résultats pra-
tiques d'essais faits sur une grande échelle. Nous
croyons cependant que, lorsque l’industrie naissante
se sera développée, on parviendra, par un choix
approprié des matières premières et par des perfec-
lionnements répétés dans la conduite des opérations,
à produire un carbure de plus en plus pur et à des
prix de moins en moins élevés, et que l’acétylène, par
ses précieuses propriétés, sera de plus en plus appelé
à être utilisé dans l'avenir.
Edouard UrBaix,
Chimiste industriel.
1 KE. UrBain. Une Révolution dans l'Eclairage au gaz :
utilisation industrielle et commerciale du carbure de calcium
pour la production de l'acétylène (Revue générale des
Sciences du 30 mai 1895, tome VI, pages 446 à 458).
2 Science et Commerce (Revue pratique de l'Electricilé,
n° du 6 juillet 1895, p. 260).
Schlesinger (Prof. Dr L.), Privat-docent an der Uni-
versitüt zu Berlin. — Handbuch der Theorie der
linearen Differentialgleichungen. Tome 1. — 1 vol.
gr. in-8° de 488 pages (Prix : 20 fr.) B. G.Teubner, édi-
teur. Leipzig, 1895.
—_._ M. Schlesinger s’est proposé de réunir, en un traité
… de deux volumes, la théorie des équations différen-
- Lielles linéaires, sous sa forme actuelle, telle qu’elle
. résulte particulièrement des belles recherches de
… MM. Fuchs, Frobénius, Picard, Poincaré et Lie, en la
- rattachant aux travaux plus anciens de Lagrange, de
- Laplace, de Cauchy et de Riemann.
Le tome premier, qui vient de paraitre, est entière-
mentconsacré aux méthodesd’intégration des équations
différentielles linéaires à coefficients algébriques.
Depuis le célèbre mémoire de M. Fuchs, il ne s’agit
plus de ramener simplement l'équation proposée à des
quadratures, mais la théorie des équations différen-
tielles consiste plutôt à déduire, directement de
l'équation, la facon dont son intégrale se comporte
dans le plan. C’est également le problème poursuivi
dans ce volume. L'auteur ne s’est cependant pas
attaché à un exposé purement systématique, afin de
pouvoir suivre le développement essentiellement his-
torique. Les questions difficiles, non encore résolues,
n'ont pas été omises; elles se trouvent, au contraire,
… signalées à l'attention des analystes.
Quant aux renseignements bibliographiques, si im-
portants dans un pareil ouvrage, ils ont été placés.
dans la table des matières, en regard de chaque cha-
pitre, comme l’a fait Lacroix dans son Traité de Calcul
ifférentiel et intégral.
La théorie des équations différentielles linéaires a
pris, depuis une trentaine d'années, un développement
si considérable, grâce aux progrès de l'Analyse, qu'un
traité tel que celui de M. Schlesinger, est appelé à
rendre de grands services. C’est un guide précieux pour
tous ceux qui veulent comprendre et poursuivre les
découvertes de cette branche des Mathématiques.
H. Feur.
| L 1° Sciences mathématiques.
Debaïins (A.), Ingénieur des Arts et Manufactures,
P: de Génie Rural à l'Ecole Nationule d'Agriculture «du
Grand-Jouan. — Instructions pratiques sur l’uti-
lité et l'emploi des machines agricoles sur le
terrain. — Tome I : Labours. Tome 11: Semailles.
Tome IIT : Récoltes. — 3 vol. de ?00 pages avec une
centaine de fiqures chacun. (Prix : cartonnés, 12 francs).
Société d'éditions scientifiques, Paris, 1893-95.
ner i à Li dns:
né és Éd:
La raréfaction de la main-d'œuvre à la campagne,
lélévation naturelle de son prix; l'avantage d'exécuter
rapidement les travaux; les procédés de culture per-
fectionnés que seul permet l’usage de certaines ma-
chines, des semoirs par exemple ; la nécessité absolue
d’abaisser le prix de revient des récoltes ; enfin, Je dé-
sir légitime de l’homme de diminuer sa peine, de
4 n'exercer que l'effort minimum : voilà les principaux
- faits quiont généralisé l'emploi des machines agricoles.
L'industrie et le commerce se sont vite engagés dans
la voie nouvelle qui leur était offerte, 7
La statistique de 1881, dressée par les soins de
* M. Tisserand, directeur de l'Agriculture, enregistre les
« progrès réalisés dans l'emploi des machines agricoles
… depuis 1852. Nous en extrayons quelques chiffres ca-
- ractéristiques. Le nombre des houes à cheval em-
ployées dans la culture est passé de 25.846 à 195.410;
be de “ont Cu matter tit)
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
599
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
celui des machines à battre de 100.733 à 211.045; celui
des faucheuses de 9.442 à 19,147.
Et depuis 1882 les chiffres ont certainement aug-
menté dans de fortes proportions.
Parmi toutes ces machines, combiensont nombreuses
les variétés du même type ! |
Et combien de types différents de charrues, de se-
moirs, de moissonneuses-lieuses!
Comment le cultivateur s’y reconnaitra-t-il ?
Comment fixera-t-il son choix sur les instruments
qui répondent le mieux à ses besoins ?
Certes, bien souvent, le nom même du constructeur
est une garantie. Mais il n’en est pas moins désirable
que le cultivateur soit toujours capable d'apprécier et
la machine qu'il achète, et le travail qu'elle fournit,
M. Debains s'efforce de lui en procurer les moyens,
d’une manière simple, sans faire appel à des connais-
sances spéciales généralement ignorées. En outre,
M. Debains lui donne des renseignements précieux en
ce qui concerne la conduite des machines sur le ter-
rain : l'appropriation des divers instruments aux dif-
férentes conditions culturales, leur réglage, leur con-
servation et leur entretien. Le réglage des machines,
condition sine qua non de leur bon fonctionnement, est
trop souvent négligé. On saura gré à l’auteur de s'être
particulièrement étendu sur celte partie de son pro-
gramme.
Dans un pareil ouvrage, il ne peut être question
d'historique, partie intéressante dans un traité général,
mais inutile, et même incommode dans un traité des-
tiné à des praticiens. L'auteur prend le matériel agri-
cole sur le vif, tel qu'il est aujourd'hui, après la révo-
lutïon qui l’a transformé. Il met le lecteur au courant
des inventions les plus récentes et des procédés de
construction les plus perfectionnés. La nature même de
son livre lui a permis d'abandonner les planches expli-
calives, toujours compliquées, qui majorent le prix des
traités de machinerie agricole. Il les a remplacées par
de simples schémas.
Ceux-ci reproduisent avec clarté les organes actifs
des machines et suffisent parfaitement à l'intelligence
du texte.
Malgré le point de vue spécial auquel l’auteur s’est
placé, son livre ne contient pas moins de très intéres-
santes études personnelles; plusieurs chapitres trou-
veraient place dans des traités plus considérables;
citons, en particulier, les travaux de M. Debains sur le
prix de revient des labours; les descriptions des appa-
reils qu'il a imaginés pour les labourages à vapeur et
à treuil ; enfin, documents précieux, le prix de revient
par hectare des travaux effectués par les machines.
L'ouvrage comprendra 4 parties formant 4 volumes :
4° Instruments destinés à la préparation mécanique du sol
(charrues, herses, rouleaux); 2° Distributeurs d'engrais,
semoirs, houes à cheval; 3° Outillage propre à la récolte
des fourrages et des céréales (faucheuses, faneuses, etc.) ;
4° Appareils destinés à la récolte des racines et des tuber-
cules. Les trois premiers volumes ont paru. Le tome III
comprend les descriptions des faneuses, des faucheuses,
des moissonneuses et des moissonneusses-lieuses, ces
machines ingénieuses qui coupent, gerbent et lient les
récoltes. M. Debains à traité d'une manière remar-
quable cette partie de son ouvrage, la plus difficile
sans doute en raison de la multiplicité des organes
des machines, des problèmes ardus posés à chaque
instant, et que les constructeurs n'ont résolus qu'à
force d’ingéniosité. G. WERy,
Directeur des Etudes
à l'Institut National Agronomique.
600
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
2° Sciences physiques.
Thompson (Silvanus P.), Directeur du Collège tech-
nique de Finsbury à Londres. — L'Electro-Aimant
et l'Electro-Mécanique (Traduit de l'anglais par
Æ. Boistel) . — 1 vol. in-8° de la Bibliothèque élec-
trotechnique. 575 p. et 221 fig. avec un portrait de l'au-
teur. —(Priæ : 10 fr.) J. Frütsch, libraire-éditeur, 30, rue
du Dragon, Paris, 1895,
C'est dans les pays de langue anglaise que le magné-
tisme à été le plus étudié dans ces dernières années,
et les auteurs anglais sont à la source immédiate des
renseignements sur les principaux progrès de cette
science, Nul n’était mieux à même de les rassembler
que l’auteur, auquel on doit de remarquables travaux
sur la question, et surtout un grand nombre d’études
de détail sur le cireuit magnétique.
L'ouvrage que nous présentons à nos lecteurs, dans
l'excellente traduction qu'en a donnée M. Boistel,
n'est nullement didactique; le plan en est difficile à
saisir, et l'exposé de la théorie y est un peu indécis,
Mais, en revanche, il est admirablement documenté,
écrit d'une facon simple et claire, et rempli de rensei-
gnements pratiques. La description y va droit au but,
et les données numériques relatives aux appareils sont
reproduites sous leur forme immédiatement utilisable,
Le peu que nous venons de dire suffit pour montrer
que cet ouvrage est, avant tout, destiné aux praticiens,
auxquels sa lecture sera éminemment profitable. L’or-
donnance, qui laisse peut-être un peu à désirer, ne les
sènera nullement, puisque la table des matières et
l'index très complet leur indiqueront l’endroit précis
où ils auront à chercher le document dont ils ont
besoin.
Une courte introduction historique contient la des-
cription des électro-aimants les plus remarquables,
soit par la date de leur construction, soit par leurs di-
mensions extraordinaires, Puis vient une étude som-
maire, relative à la forme des électro-aimants et aux
matériaux employés dans leur construction, On revien-
dra plus en détail sur ces deux points au cours de
l'ouvrage; au chapitre suivant, déjà, on étudie les pro-
priétés du fer au point de vue magnétique. Les méthodes
d'essai sont décriles avec un détail suffisant pour être
nettement comprises, et les résultats des recherches
modernes y sont rapidement consignés.
C’est seulement au chapitre IV qu'apparait définiti-
vement la notion du circuit magnétique, à laquelle se
rallie le reste de l'ouvrage; puis, à partir du cha-
pitre VI, on entre dans la pratique immédiate, c'est-à-
dire dans la construction des appareils. Ce sont d’a-
bord des règles pratiques pour le bobinage et les
études de construction d’électro-aimants spéciaux,
comme ceux à action rapide destinés aux appareils
vibrateurs ou aux relais; puis viennent les bobines à
plongeurs, ensuite quelques mécanismes complets et
la description des curieuses expériences que l’on peut
faire à l’aide d'un électro-aimant excité par un cou-
rant allernatif. Les moteurs électro-magnétiques sont
traités dans un court chapitre, ainsi que diverses ma-
chines-outils dans lesquelles l’électro-aimant joue Île
rôle principal. L'auteur donne ensuite les moyens d’'é-
viler les étincelles, puis indique l'emploi de l'électro-
aimant en chirurgie. Ce chapitre, inattendu dans un
ouvrage qui ne s'égarera que peu sur la table des mé-
decins, contient d’intéressants détails historiques sur
l'emploi de l'aimant à l'extraction de parcelles de fer
plantées dans la cornée où même intérieures au globe
de l'œil. En général, on se sert d’un électro-aimant
spécialement adapté à ce but, pour attirer peu à peu
le fragment de métal magnétique à un endroit con-
venable, au-dessous de la sclérotique, que l’on incise
alors pour le retirer. Mais il arrive aussi que l’on
puisse l'attirer à l'extérieur par la seule action de
l’aimant,
L'auteur cile, entre autres, le cas d'un mineur dont
l'œil gauche fut perforé, du côté interne, par un éclat
de fer, qui voyagea à travers l'humeur vitrée, et vint
se loger dans la rétine. On put, en pratiquant un léger
élargissement de la plaie, introduire dans l'œil lui-
mème le pôle de l’extracteur, qui ramena, au second
sondage, le corps étranger, cause du mal,
Il n'est que juste, après avoir résumé {rop sommai-
rementle contenu de cet ouvrage, de dire la perfection
rare avec laquelle le traducteur l’a adapté. M. Boistel
s’est fait, en quelque sorte, une spécialité de ce genre
de travaux, dans lequel il excelle.
Un mot maintenant à l'éditeur pour n'oublier per-
sonne. M. Fritsch en est, croyons-nous, à ses débuts
dans ce genre d'ouvrages, et il a conquis d'emblée une
place honorable par une exécution typographique soi-
snée. Il nous permeltra cependant une critique de
détail : l’économie faite sur les marges était d'autant
moins indiquée que l'ouvrage dont nous parlons est de
ceux que l’on annote volontiers; et puis, il aurait mieux
valu, quitte à augmenter de deux sous le prix du vo-
lume, éviter de mettre une annonce au verso de la der-
nière page de texte. Cela n’est qu'un détail, mais qui à
son importance. Que l'éditeur considère cette critique
comme un simple conseil, etilne nous en voudra pas,
nous en sommes persuadé. Ch.-Ed, GUILLAUME.
La Baume-Pluvinel (\. de), — La Théorie des
Procédés photographiques. — 1 vol. pelit in-8° de
230 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mé-
moire, publiée sous la direction de M. H. Léauté, de
l'Institut. (Priæ : broché, 2° fr. 50; cartonné 3 fr.)
Gauthiers-Villars et fils et G. Masson, éditeurs. Paris,
1895.
Les traités de Photographie publiés jusqu'à ce jour
envisagent seulement, dans la grande majorité des
cas, le côté pratique des procédés qu'ils enseignent :
les considérations théoriques qui s’y rattachent sont
fort rarement abordées et presque toujours suceinc-
tement et incomplètement exposées; de sorte que là
connaissance de la théorie de ces procédés exigeait
jusqu'ici des recherches bibliographiques considé-
rables. <
L'ouvrage que M. de la Baume-Pluvinel vient de pu-
blier dans la Bibliothèque scientitique des aide-mé-
moire comble très heureusement cette lacune, en
réunissant les principales idées théoriques qui se rap-
portent aux procédés photographiques.
Pendant de longues années, les premières méthodes
qui ont utilisé la lumière pour produire des images
ont été appliquées par des praticiens qui se sont fort
peu souciés d'en rechercher et d'en approfondir le
mécanisme ; on peut dire que l’empirisme a régné en
maitre et que la théorie de ces méthodes a été presque
complètement négligée. Ces conditions ont certaine-
ment retardé, dans de très larges limites, l’évolution
de la photographie, ;
Aujourd’hui encore bien peu des personnes qui
emploient à chaque instant la Photographie connais-
sent les lois et les hypothèses sur lesquelles elle
s'appuie.
En attirant l'attention des expérimentateurs sur le
côté théorique des procédés photographiques, en
réunissant les renseignements qui ont été publiés Jus-
qu'ici dans cet ordre d'idées, M. de la Baume-Pluvinel
a rendu un réel service à la Photographie.
Dans le chapitre 1 de son ouvrage, l’auteur s'occupe
d'abord de l’action des radiations sur les corps en gé-
néral ; il énonce et développe à ce sujet, avec la plus
complète clarté, les grands principes scientifiques de
la théorie mécanique de la chaleur et de la thermo-
chimie.
Les chapitres suivants sont consacrés aux divers
procédés aux sels d'argent ; les théories de la forma-
tion de Pimage latente, du développement de lortho-
chromatisme, s'y trouvent particulièrement traitées
avec soin.
Le principe interférentielle de
de la méthode
M. Lippmann y est également exposé, accompagné de
considérations fort intéressantes.
Enfn, la théorie des divers procédés de photocopie
termine l'ouvrage. Il y a lieu de regretter que cette
dernière parlie soit moins complète que les précé-
dentes : les sels métalliques autres que les sels d’ar-
gent, si l’on en excepte les sels de chrome, n'ont
guère fourni, il est vrai, jusqu'ici d'applications pra-
- iques, et c’est sans doute celte considération qui à
- engagé l’auteur à abréger cette partie de son ouvrage.
1 Cette observation, d'importance fort minime, n’en-
e
à
&
nt diner ad
Lu déve,
- Jève ni le grand mérite, ni l'originalité d’une œuvre
dont la lecture s'impose à toules les personnes qui
s'occupent sérieusement de Photographie,
Auguste et Louis LuMèRE.
Cross (C.-F), et Bevan (E.-J.) — Cellulose, an
Outline of the Chemistry of the structural Ele-
. ments of Plants. — 1 vol. in-12 de 312 pages avec
14 microphotographies. (Prix : cartonné, 15 fr.) Long-
mans and C°, éditeurs, 39, Paternoster Row, Lon-
dres. 1895.
On a dit quelquefois que la cellulose, malgré le rôle
capital qu'elle joue dans l'économie de la Nature, pos-
sède peu d’attraits pour le chimiste; que ses combi-
naisons, ses produits de décomposilion sont, en général,
dépourvus de ces caractères accentués qui font la joie
des chercheurs. Et pourtant, la liste bibliographique,
qui se trouve à la fin du livre que nous analysons.
contient les noms de plus de 140 auteurs, dont {es
travaux sont répandus dans la littérature chimique.
Peu à peu, en effet, les matériaux se sont accumulés,
et MM. Cross et Bevan, qui ont largement contribué,
par leurs propres travaux, à nos connaissances sur la
cellulose, ont senti que le moment élait venu de discuter
et de coordonner tous les faits acquis qui la concernent,
D'autre part, tandis que, dans d’autres domaines de la
. Chimie, le champ d’études a été éclairé par des théo-
ries d’une utilité et d’une fécondité inestimables,
… comme la formule de la benzine de Kékulé pour la
— série aromatique, et la théorie du carbone asymétrique
; Lebel et van t’Hoff avec ses conséquences stéréo-
chimiques pour les carbohydrates, — la chimie de la
cellulose à marché jusqu'ici à l’aventure, sans guide
et sans flambeau.
Ciasser tous les documents épars sur la cellulose,
- instituer un système rationnel d’expérimentation et en
déduire les conséquences théoriques tendant à l’éta-
blissement de la formule constitutionnelle, indiquer
- enfin les voies à suivre pour effectuer la résolution.
définitive du problème, tel est le but de la présente
monographie.
La classification des méthodes y est conforme aux
… idées les plus récentes; celle des différentes celluloses
«— se recommande d'elle-même. D'une part la cellulose
- pure et simple, avec le coton blanchi pour type, d’autre
À part les celluloses composées, les ligno-celluloses
— ayant pour {ype le jute et comprenant les bois, les
pecto-celluloses représentées par le lin, les adipo-
celluloses représentées parle liège, — forment le sujet
des deux premières sections du livre.
| Présenté sous celte forme méthodique, le sujet,
- qu'on s'attendait à trouver aride, devient, au contraire,
… plein d'intérêt. On est frappé tout d’abord du carac-
tère robuste de cette molécule cellulosique si difficile
à attaquer et si différente en cela de celle de l’amidon,
qui se laisse, pour ainsi dire, démolir, pierre par pierre,
sous l'influence de l’hydrolyse, C’est après avoir cons-
laté cette différence fondamentale, que les auteurs ont
adopté la tactique opposée et se sont rejetés sur les
réactions synthétiques, Ils ont étudié successivement
- les acétates, les benzoates et finalement les xanthates
ou thiocarbonates, et ont ainsi obtenu des données et
établi des analogies d'une importance capitale.
Le fait dominant qu'ils ont découvert consiste dans
» la réaction du sulfure de carbone sur l’alcali-cellulose.
Se fondant, d'une part, sur cette considération que la
o
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
601
cellulose peut être envisagée comme un alcool, d'autre
part, sur celte observation de Mercer que cette même
cellulose est susceptible de former avec la soude caus-
lique une combinaison — peu stable, il est vrai, — les
deux chimistes eurent l’idée de soumettre la cellulose
mercérisée où alcali-cellulose à l’action du sulfure de
carbone, en vue d'arriver au xanthate correspondant.
Ils furent ainsi amenés à constater que la cellulose,
traitée par moilié de son poids d’une solulion, con-
venablement concentrée, de soude caustique, puis
additionnée de 40 °/, de sulfure de carbone, donne un
corps päteux d’un intérêt tout particulier. Ce corps est,
selon eux, le sel sodique de l'acide cellulose-xanthique
ou thiocarbonique. Très soluble dans l’eau, il forme
avec elle un liquide d'une viscosité extraordinaire. La
solution jouit de cette propriété intéressante que, si
elle.est abandonnée à elle-même, le thiocarbonate de
soude se décompose lentement : le sulfure de carbone,
précédemment engagé en combinaison, est peu à peu
mis en liberlé, en même lemps que de la cellulose in-
soluble se dépose. Celle-ci constitue alors une gelée ré-
sistante ; exposée à l'air, elle se dessèche en se con-
tractant et finit par ressembler à de la corne. Versée
sue-une surface unie, la solution ne tarde pas à mani:
fester son aptitude à former des pellicules continues,
bien homogènes, transparentes et remarquablement
résistantes. Cetle précieuse propriété a tout de suite
suggéré à MM. Cross et Bevan la possibilité de nom-
breuses applications aux arts industriels : collage du
papier (en pâle ou en feuille), appcèt et imperméabili-
sation des étoffes, préparation de pellicules de toutes
sortes, fines ou grossières, de toute épaisseur et de
toute couleur pour l'emballage, la reliure, les tentures
décoratives, la confection de sacs et d’étuis, de plaques
photographiques rigides et légères, etc., ete. La Revue
compte revenir, en temps opportun, sur les détails
techniques de ces industries naissantes. MM. Cross el
Bevan ont eu l’amabililé de nous en montrer les pre-
miers produits, il y a environ un an, dans leur labora-
toire à Londres, et nous avons été frappé de la souplesse
de leur procédé, susceptible de s'adapter à beaucoup
d'usages. En raison de la facilité avec laquelle il peut
être appliqué et du peu de frais qu'il exige, ce procédé
nous parait destiné à rendre de {rès prochains services
à quantité de fabrications,
La deuxième partie de l’ouvrage traite des ligno-cel-
luloses et, en particulier, du jute. Les réactions spé-
ciales et les caractères chimiques de ces substances y
sont exposés en détail. Signalons ce résultat principal
que les celluloses lignifiées ne sont pas, comme on l’a
cru si longtemps, des rélanges de cellulose et de
lignine, mais des composés définis avec le groupe kéto-
hexène, une sorte d’éther composé. On lira aussi avec
intérêt la discussion des différentes méthodes analy-
tiques, surtout de celles qui déterminent les groupes
fournissant le furfurol (furfuroses et furfurosanes), le
méthoxyl, etc. :
Dans la troisième partie du livre sont décritesles mé-
thodes pratiques : examen et identification des fibres,
analyse et dosage des éléments constitutifs. C’est tout un
recueil de renseignements précieux à l’usage du savant
et de l'industriel, et qui se trouvent réunis ici pour la
première fois. Morpholôgie de la cellulose, recherche
des matières fibreuses brutes, analyse des textiles
et du papier, extraction et séparation des fibres, pro-
cédés de filature, de blanchiment, de teinture, tous ces
sujets sont traités avec le souci constant d’élucider les
questions théoriques et surtout la question fondamen-
lale de la constitulion de la molécule cellulosique.
Citons sur ce point les conclusions des auteurs :
« Comparant la cellulose à l’amidon, nous trouvons qu'elle
résiste à l'hydrolyse et à l'acétylation, maïs qu'elle se prête
à la réaction si caractéristique des thiocarbonates. Ce sont
là des differences, d'une part, de fonction et de réactivité des
groupes OH, et de l'autre, de l’enchainement des groupes
uni-moléculaires C$H*010. Il s’agit de savoir si ces diffé-
rences sont suflisantes pour imprimer au groupe cellulose
602
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
fe CMP UN ie Cd tes — +"
le cachet d'un type constitutif spécial. Nous croyons que oui.
Partant du groupe uni-moléculaire C6H 100$ et l'envisageant,
ainsi que nous en avons le droit d’après les faits acquis,
comme C6H60O (OH)#, nous n'avons guère de choix, et nos
conclusions peuvent s'exprimer en termes généraux de la
facon suivante :
«1. — Les atomes C des groupes C6H1005 sont liés l’un à
l’autre de manière à former une chaine fermée,
« 2. — L’enchainement des groupes eux-mêmes s'effectue,
non entre les O, mais entre les C.
« La synthèse des groupes CSH1005 entre eux doit se pro-
duire par l’union du CO d'un groupe avec le CH? d’un autre,
donnant la forme alternative CH — C (OH). »
Si obscures étaient restées jusqu'à présent les ques-
tions de cette sorte que, malgré les importantes
recherches consignées dans l'ouvrage de MM. Cross et
Bevan, il serait sans doute imprudent de considérer
toutes leurs conclusions comme absolument adéquates
à la réalité des phénomènes. Ceux-ci semblent être
extrèmement complexes et demander encore bien des
études. Quoi qu'il en soit, d’ailleurs, des vues, en partie
hypothétiques, auxquelles les auteurs ont été conduits,
on ne saurait méconnaitre le haut intérêt de leur
œuvre : ils ont apporté au sujet de nouveaux éléments
de discussion et les résultats pratiques qu'ils ont acquis
semblent témoigner aussi, du moins en une certaine
mesure, de la conformité de leur théorie avec les faits.
Disons enfin que le livre est orné de 1% planches
admirablement exécutées d’après des microphotogra-
phies de M. I. Christie, et représentant des coupes des
libres typiques décrites dans le cours de l'ouvrage.
L. O.
3° Sciences naturelles.
Gérardin (Léon), Professeur aux Ecoles Twrgot et
Monge, el Guède (Henri). — Botanique. Anatomie
et Physiologie végétales. — 1 vol. in-5° de 4S0 p.
avec 335 fig. (Prix : 6 fr.), J.-B. Baillière et fils, édi-
teurs. Paris, 1895.
Cet ouvrage répond, pour la Botanique, au pro-
gramme du Certificat d’études physiques, chimiques et
nalurelles, qui vient de remplacer le baccalauréat ès
sciences restreint. C’est done un livre élémentaire,
écrit, selon la bonne méthode pédagogique, avec le
souci d'exposer la science à des jeunes gens qui la
connaissent peu, assez documenté néanmoins pour
initier aux études de botanique élevée les candidats à
la licence ; ils y trouveront un bon résumé du savoir
actuel sur l'anatomie et la physiologie des plantes.
Les descriptions sont claires et illustrées de figures
bien choisies, empruntées aux bonnes sources, souvent
à de récents mémoires. Il faut louer les auteurs d’avoir
su mettre dans leur livre beaucoup de faits intéres-
sants, sans pourtant l'encombrer, ce qui devient de plus
en plus l’écueil du genre.
-Jammes (Léon), Préparateur à la Faculté des Sciences
de Toulouse, — Recherches sur l’organisation et
le développement des Nématodes. — Thèse pour le
Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris. —1 vol.
gr. in-8° de 200 p. avec 12 fig. et 11 planches hors texte.
Imp. P. Schmidt, 25, rue du Dragon, Paris.
M. Jammes vient de publier le résultat des « Recher-
ches sur l’organisation et le développement des Néma-
todes » qu'il a exécutées au Laboratoire de Zoologie de
la Faculté des Sciences de Toulouse, sur neuf espèces
de ces vers, libres ou parasites, etsur l’embryogénie de
deux d’entre eux,
L'auteur schématise d'abord en quelques pages d’une
grande clarté l'organisation des Nématodes telle
qu'on la concoit actuellement, ce qui permet ensuite
d'intercaler dans ce cadre, en jugeant de leur impor-
tance, les nombreux faits nouveaux qu'il a constatés.
M. Jammes à divisé en deux parties son remarquable
travail, La première est l'exposé affirmatif des résultats
de ses recherches; la seconde est, en quelque sorte,
-plein au début, se creuse bientôt de la lumière intesti-
l'appui démonstratif de la première, qui s'adresse aux
naturalistes désireux de contrôler par le menu tous
les points de l'ouvrage; elle est exposée sous forme
d'explication très détaillée des planches,
Un des faits les plus intéressants qui résulte de ce
mémoire est la solution de la question si controversée
de la réalité du système nerveux des Nématodes en
tant qu'organe délimité, M. Jammes semble avoir dé-
finitivement établi que le système nerveux est unique-
ment représenté par une couche ectodermique diffuse
composée d'éléments neuro-épithéliaux.
La cuticule qui recouvre la peau est formée de 1 à 4
couches dont les dispositions sont variables d’une es-
pèce à une autre et pour un même individu, selon les
conditions diverses de son habital. L'appareil excré-
teur flottant dans la cavité générale chez les Néma-
todes libres, est inclus, chez les parasites, dans l’ecto-
derme, où il peut se ramifier, sans avoir de rapports
avec les autres feuillets,
La structure si peu claire de l'élément musculaire
des Nématodes est élucidée d’une manière définitive ;
c'est un des résultats les plus importants du travail de
M. Jammes. Chaque élément se compose d’une partie
musculaire, contractile, nettement striée, et d’une por-
tion non contractile, tournée vers l’intérieur-du corps.
pourvue d’une membrane, et contenant le noyau; si la
partie musculaire est aplatie, celte portion non con-
tractile est formée d’une substance homogène peu éle-
vée qui devient lacuneuse et plus haute à mesure
qu’elle recouvre des cellules plus renflées du côlé de
la cavité générale, Ces éléments musculaires sont in-
nervés par des fibrilles venues des éléments nerveux
de l’ectoderme; ils sont en outre reliés à l'intestin par
des tractus très délicats traversant la cavité générale,
Les tubes sexuels acquièrent des proportions va-
riables selon que les vers appartiennent à des espèces
plus ou moins grandes. Une sorte de sillon externe, se
traduisant intérieurement par un bourrelet saillant, se
remarque le long de l'intestin.
L'étude de l’embryogénie a conduit M. Jammes à des
conclusions entièrement nouvelles et d’un grand inté-
rêl.
L'œuf quise segmente à l'abri d’une coque de con-
sistance variable selon la nature des milieux, donne
naissance à une morula régulière qui se transforme en
une planula à deux couches dont l’interne est compacte
et donne en se divisant deux couches (endoderme et
mésoderme définitifs) par un clivage circulaire déter-
minant la cavité générale. L'endoderme, cylindrique et
nale, Aucune phase gasthrula n’a été constatée.
L’ectoderme, primitivement épithélium continu, se
transforme en divers éléments : nerveux, fibrilles et
granulations. La cuticule débute par une plaquette
exsudée par chaque cellule ; leur réunion secondaire
pi has dique
détermine la cuticule, Le mésoderme produit les élé- w
ments musculaires qui rapidement augmentent en di-
mension, mais non en quantité; il produit encore les À
filaments du mésenchyme qui s'étirent à mesure de la
croissance de l’animal.
Enfin l’auteur expose divers points nouveaux de rap-
prochement entre les Plathelminthes et les Némathel-
minthes qui semblent si éloignés les uns des autres.
Ce n’est pas un des chapitres les moins intéressants de
cette thèse, dont il n'a été possible en ces quelques
lignes que de donner un trop rapide aperçu.
Un mot encore sur les dessins à la plume dont
M. Jammes, depuis longtemps passé maitre en ce genre
d'illustrations, à complété son mémoire; les uns
constituent onze planches, les autres sont intercalés
dans le texte, et tous, exécutés par la même méthode,
sont d'une lecture frappante et d’une grande perfec-.
tion, On était d’ailleurs en droit de la demander à
M. Jammes qui a déjà, comme l’on sait, exécuté récem-
ment toutes les belles figures du Traité d'Embryologie
de M. Roule,
2m
DELA
Fit Se
L. Jouin.
4° Sciences médicales.
Brocq (L.), Médecin des Hôpilaux de Paris, et Jac-
- quet (L.), Ancien interne de l'Hôpital Saint-Louis. —
_ Précis élémentaire de Dermatologie. Tome III :
Dermatoses microbiennes. Néoplasies. — 1 vol.
petit in-8° de 232 pages de l'Encyclopédie scientifique
des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H.
Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné,
. 3 francs.) Gauthier- Villars et fils et G. Masson, édi-
_ teurs, Paris, 1895.
- Le présent volume, deuxième partie du Précis de
«Dermatologie en cours de publication, traite particu-
ièrement des dermatoses microbiennes et des néopla-
sies. Les diverses formes de la tuberculose cutanée
sont exposées avec leurs caractères essentiels. Elles
ont distinguées en deux groupes : 1°les lésions tu-
berculeuses cutanées résullant de l'inoculation di-
#ecte du bacille, tels les tubercules anatomiques, la
tuberculose verruqueuse de Riehl et Paltauf, les lupus;
20 les tuberculoses secondaires à une infection géné-
rale de l’économie et se manifestant par les ulcéra-
tions tuberculeuses de la peau et les gommes scrofulo-
… tuberculeuses. Le lupus érythémateux est classé parmi
les affections tuberculeuses, comme l’admet sans res-
triclion M. E. Besnier. Après la tuberculose, vient [a
lèpre, dont M. Jacquet a fait une intéressante élude
sommaire; puis le rhinosclérome, la morve, la pustule
maligne et Fædème charbonneux, Les folliculites et
périfolliculites sont décrites avec leurs multiples va-
riétés, De courts chapitres sont consacrés aux affec-
- tions des pays chauds : bouton d'Orient, ulcère anna-
_ mile, pian. : k
M. Jacquet a réuni sous la rubrique psorospermoses
. les diverses affections qui sont actuellement rapportées
aux coccidies. Sans entrer dans les discussions étiolo-
- siques, il admet comme établie la nature psorosper-
“mique de l'affection de Darier et de la maladie de
“Paget, comme probable ou même douteuse celle du
“molluscum contagiosum et des épithéliomas cutanés. Le
osis fongoide, l’actinomycose, le pied de Madura
a perlèche terminent le volume.
et ouvrage tire sa valeur de la compétence incon-
leStée de ses auteurs dans les affections cutanées. Ils
ont manifesté une tendance marquée à la simplifica-
lion des descriptions el des notions pathogéniques,
omme le commandait d'ailleurs le but purement pra-
que de ce précis.
D' A. LÉTIENNE.
Morax (D° V.), Ancien Interne des Hopitaux de Paris.
» — Recherches bactériologiques sur l'étiologie
des conjonctivites aiguës et sur l’asepsie dansla
chirurgie oculaire. — Un vol. grand in-8 de
112 pages, avec une planche en couleurs. (Prix :5 fr.).
. Soc. d’édit. scientif. Paris, 1895.
Des recherches de M. Morax, il résulte que l'examen
“microscopique de la sécrélion conjonctivale permet,
“dans tous les cas, de poser un diagnostic étiologique
ertain. Le bacille observé par Wecks en Amérique,
“Koch et Kartulis en Egypte, isolé, cultivé et inoculé
par Morax en France, est l’agent pathogène de la con-
jonctivite aiguë contagieuse. Le gonocoque démontre
la nature blennorrhagique de l’inflammation conjonce-
“hivale et se trouve aussi dans le type leucorrhéique. Il
une autre à streptocoques, dite lacrymale, parce
qu'elle est toujours liée à l'existence d'une phlegmasie
de même nature des voies lacrymales.
Partant de ces données, l’auteur voudrait que la bac-
ériologie füt la base de la classification des conjoncti-
ätes aiguës. L’inconvénient de cette méthode, d’ail-
leurs logique, est évident : dans l’état actuel de nos
Connaissances, nombre de conjonctivites aiguës n’en-
trent pas dans les quatre classes décrites par M. Morax.Il
udrait donc créer une 5° classe: conjonctivites à bac-
existe encore une variété bénigne à pneumocoques et
BIBLIOGRAPHIE —
ANALYSES ET INDEX 603
tériologie inconnue, dans laquelle se rencontreraient
les types les plus disparates, et notamment ceux pré-
sentant les mêmes symptômes que ceux des classes
précédentes, |
IL en résulterait une certaine confusion dans l’his-
toire clinique de cette affection. Mais, si nous pensons
qu'il serait prématuré d'adopter pour le moment cette
classification, nous devons reconnaître qu’elle a été le
point de départ des intéressantes recherches que nous
présente l’auteur dans sa thèse. M. Morax à réussi à
isoler le bacille de la conjonctivite des armées, ca-
tarrhale, épidémique, qu'il propose d'appeler simple-
ment infectieuse. I] l’a cultivé, en a fixé la morphologie
et en a déterminé les propriétés pathogènes par des
expériences d’inoculation poursuivies jusque sur lui-
même.
La seconde partie de l'ouvrage est moins importante :
elle démontre pour la chirurgie oculaire ce qui était
déjà admis en chirurgie générale, à savoir que l’usage
des antiseptiques est inutile sinon nuisible ; que la so-
lution physiologique stérilisée répond à tous les desi-
derala, et que les seules conditions de succès résident
dans l'emploi d'instruments et d'objets de pansements
parfaitement aseptiques.
D' Gabriel MauRANGE.
Dupuy (Edmond), P' à lu Faculté de Médecine et de
Pharmacie de Toulouse, — Cours de Pharmacie.
Tome II. C Pharmacie chimique. 1° Fuscicule. Mé -
dicarents chimiques appartenant à la chimie minérale.
— 1 vol. in-8° de 610 p. avec 29 fig. (Prix : 10 fr.) —
L. Batlaille et Cie, éditeurs, 23, Place de l'Ecole de Méde-
cine, Paris, 1895.
C’est un livre pour les étudiants, fort bien disposé
au point de vue de la clarté de l'exposition, et de la
facilité pour la recherche d’un renseignement. Chaque
médicament forme un petit chapitre, avec un certain
nombre de paragraphes signalés par une rubrique
bien apparente.
Il est regreltable que l’une de ces rubriques ,
Action physiologique, ne recouvre souvent que des
données trop vagues, empruntées à des auteurs trop
anciens. Mais c'est déjà une excellente tendance que
d’avoir introduit ces notions dans un traité de phar-
macie,
Non seulement, ce volume sera fort apprécié des
élèves pour préparer leurs examens, mais il sera fort
commode aussi comme aide-mémoire pour les prati-
ciens et les hommes de laboratoire.
Toutes les formules sont données à la fois en équi-
valents et en atomes,
L. Lapicoue.
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-S° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en cou-
leurs. 530° et 531° livraisons, (Prix de chaque livrai-
son, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, vue de Rennes.
Les 5308 et 531€ livraisons renferment la monographie
des Lichens par M. H. Fournier; la monographie du
genre Liévre, par le D' E. Trouessart: une étude sur la
théorie des limites en mathématiques par M. H. Lau-
rent; une monographie complète du lin, au point de vue de
la culture, des récoltes et du commerce par M. A, Lar-
baletrier; au point de vue de l'industrie, de ses mani-
pulations et des métiers qui servent à le tisser, par
M. Riegel ; des articles sur les villes de Lille, de Limo-
ges, leur histoire, les principaux monuments qu’elles
renferment, par M. A. Leroux; une étude sur les Li-
gures, par M. L. Will; un article sur le lied et son
évolution äans la musique par M. A. Ernst; l’histoire
de la Sainte-Ligue par M. P. de Vaissière; la biogra-
phie de Lincoln, le célèbre président des Etats-Unis,
par A. M. Berthelot.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 4 Juin 1895.
M. le Secrétaire perpétuel annonce à l’Académie la
erte qu'elle vient de faire dans la personne de
M. Neumann, correspondant de la Section de Géomé-
trie. — M. Bertrand rappelle en quelques mots les tra-
vaux de ce savant physicien el mathématicien, profes-
seur à l'Université de Kôünigsberg.
10 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — MM. Rambaud et Sy
adressent leurs observalions de la planète BX (Char-
lois). faites à l’'équatorial coudé de l'Observatoire
d'Alger. — M. A. Pellet énonce quelques propriétés
relatives aux centres instantanés de rolalion des déve-
loppées d’une figure plane dans son plan. — M. R.
Levavasseur adresse une nole sur une calégorie
de groupes de substitulions associés aux groupes dont
l’ordre égale le degré. — M. F. de Salvert énonce
deux ‘formules connexes concernant les fonctions
complètes de troisième espèce, relatives à des modules
complémentaires, — M.A. Lucas soumet au jugement
de l'Académie un mémoire sur les forces centrifuge el
centripète et sur une nouvelle valeur de la gravité g.
20 SGENcES PHYSIQUES. — M. Lecoq de Boisbaudran
donne une nouvelle méthode pour déterminer le
volume des sels dans leurs dissolutions aqueuses; on
opère la dissolution dans un dilatomètre, appareil
plein de liquide et muni d'une tige graduée sur laquelle
on lit les valeurs absolues des changements. L'erreur
est beaucoup moindre que par la méthode du flacon à
densité. — M. Daubrée signale la présence de M. le
Dr Otto Nordenskiold, neveu de l'explorateur, et met
au courant de l’intéressant vovage qui se prépare en
Suède pour l'exploration de la Terre-de-Feu.— M.Faye
lit un rapport sur le projet d'expédition en ballon aux
régions polaires de M. J.-A. Andrée. Il discute cha -
cune des données du problème et conclut à la possi-
bilité de le résoudre, tout en faisant remarquer que le
retour présente de bien grandes difficultés. = M. A.
Haller expose quelques généralités sur l'influence
acidiliante des radicaux dits négatifs et propose une
classification particulière pour les acides non car-
boxylés. Il indique la préparation des combinaisons :
CAz H?AzAzH.C5H®
SSD
R.CH = COH.C — COR
H? Az.AzH C5H°
en traitant, en solution éthérée, une molécule d’éther
acyleyanacétique par deux molécules de phénylhy-
drazine : il décrit successivement les composés formés
à partir de l'acétocyanacétate de méthyle, d'éthyle, du
propionyleyanacétate d'éthyle, du butyryl et de Piso-
butyryleyanacétate d'éthyle. — M. Bonnal soumet au
jugement de l'Académie un pèse-vin dosantsimultané-
ment l'alcool et l'extrait dans les vins. — M. Clève
annonce que M. Langlet a déterminé la densité de
l’hélium : 2.02 pour H =1. — MM. Paul Sabatier el
J.-B. Senderens ont réduit l’oxyde azoleux gazeux
maintenu sur le mercure en présence du fer humide,
ou sa dissolution aqueuse mise au contact de divers
métaux, magnésium, zinc, cadmiun, fer, L’oxyde gazeux
est réduit avec dégagement simultané d'hydrogène ;
l’oxyde dissous est transformé aussi en azote, mais il
y a formation d'un peu d’ammoniaque. Le gaz, au con-
lacet des métaux humectés d’eau, se comporte de la
mème facon. — M. de Forcrand a préparé de l'acéty-
Lure de sodium à partir de l’acétylène et du sodium et
déterminé sa chaleur de formation. L'acétylène a une
acidité plus faible que les alcools même tertiaires;
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
- phosphorés, mais que ce n’est pas non plus le phos-
F P ; I
LD 2 2
mais la différence thermique correspondant à ces .
alcools est petite et à peine supérieure à celle qui
sépare ces alcools des alcools primaires et bien infé-
rieure à celle qu'on observe entre les alcools primaires
et les phénols. — M. Paul Rivals conclut de l'étude
thermique du chlorure de phtalyle qu'il n’est pas un
chlorure d'acide bibasique, mais un isomère dissymé- .
trique du chlorure de phtalyle symétrique ; l’étude du
phtalide conduit aux mêmes conclusions. — M. 9.
Guinchant a éludié la conductibilité de quelques
élthers cétoniques; ceux qui présentent une conducti-
lilité notable sont ceux dans lesquels on devrait
admeitre, d’après M. Brubhl et d'après M. Perkin,
l'existence du mème groupement = C—OH à double
liaison qu’on trouve dans les acides carboxylés, les
phénols, l'acide cyanique normal, le carbostyrile, ete.
Les sels de soude présentent une conduchbilité nor-
male obéissant à la loi de M. Ostwald. — M. E.
Burcker a entrepris une série de recherches en vue
de contrôler le degré d’exactitude que comporte, lors
du dosage des acides volatils dans les vins, la méthode
de distillation à l’aide de la vapeur d’eau et de recher-
cher quelle était la part qui pouvait revenir, dans
l'acidité du produit distillé, aux différents acides fixes
ainsi qu'aux sels d'acides qui existent naturellement
dans le vin ou qui peuvent s'y rencontrer à la suite.
d'altéralions ou de falsifications. 1° La méthode donne
des résultats suffisamment exacts et comparables à
ceux que l'on obtient par le procédé beaucoup plus
long de l'évaporation dans le vide ; ?° La limite maxima
d'acidité volatile pour les vins de France sains ne dé-
passe pas O gr. 7 par litre, exprimée en SO*H?; celte
limite pour les vins d'Algérie et de Tunisie doit être
portée à 1 gr. 6. — M. C. Chabrié résume quelques
recherches sur les phénomènes chimiques de lossifi-
cation qui le portent à attribuer une influence de pre-
mier ordre aux globules du sang et à lateneur en urée
de ce liquide; ces faits font comprendre pourquoi, dans
les maladies par ralentissement de la nutrition, le
squelelte est si souvent menacé; ils démontrent en
outre que ce n'est pas le phosphore des phosphates
qui se dépose sans l'aide des composés organiques
phore organique qui se tixe en nature sur les Llissus.
C'est le phosphore organique qui précipite le phos-
phore minéral. C. MATIGNON.
3 SCIENCES NATURELLES. — M. Zeiller a étudié la flore
des dépôts houillers d'Asie Mineure et indique la pré-
sence du genre Phyllotheca. C’est une flore westpha-
lienne représentée par des Calamites, des Lépidoden- W
drons et des Sigillaires cannelées: Grâce à l’élude de
nouveaux échantillons, l'auteur range ces dépôts à la
limite entre l’étage inférieur et l’étage moyen du West-
phalien, c’est-à-dire tout à fait au sommet de la zone
du Nevropteris Schlehani. — MM. Gastine et Degrully
ont fait l'étude chimique détaillée des centres de feuilles
de vignes chlorosées et non chlorosées; ils concluent de
cette analyse que, dans le mode de traitement par le &
sulfate de fer en solutions concentrées, le fer ne peut
jouer aucun rôle, de sorte que c'est l'acide sulfurique
qui produirait les bons effets du traitement, Des trai-
lements comparatifs faits avec le sulfate de fer et
l'acide paraissent en effet donner jusqu'ici les mêmes
résultats. — MM. Charrin et Ostrowsky montrent
l'oidium albicans comme agent pathogène général. Son
inoculation révèle au point de vue de la pathogénie,
de la physiologie pathologique des désordres mor-m
bides, toute une série de processus propres à ce cham-"
pignon. J. Martix. 5
Séance du 10 Juin 1895.
1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M, le Secrétaire perpé-
… fuel signale, parmi les pièces imprimées de la corres-
1 pondance, la Carte du ciel de la France (Paris) le
pi juillet, par M. 9. Vinot. — M. J. Guillaume com-
muniqueles observations du Soleil faites à l'observatoire
A de Lyon (équatorial Brunner), pendant le premier tri-
mestre de 1895. Le nombre de groupes de taches a
beaucoup diminué en même temps que l'étendue su-
perficielle totale a augmenté; les groupes de facules
continuent à diminuer eu nombre et en étendue. —
M. J. Janssen annonce que la grande coupole de l'Ob-
servatoire d'Astronomie physique de Meudon est prêle à
- fonctionner ; il rappelle les travaux accomplis à l'Ob-
* servaloire depuis sa fondation en 1876: la créalionde la
photographie solaire, de la photographie des comètes
et de la photométrie photographique, l'étude des at-
mosphères planétaires de Mars, Vénus el Jupiter. —
[. J. Boussinesq élablit que toute houle de mer
simple, à mouvements évanouissan(s aux grandes pro-
fondeurs, a la forme nécessairement pendulaire quant
à l'expression des déplacements de chaque particule
en fonction du temps et se trouve ainsi régie, sans au-
- cyn doute, par les lois de Gersiner. — M. E. Cosserat,
reprenant la proposition établie par M. Maurice Fou-
ché, à savoir que la recherche des courbes alsébriques
à torsion constante revient à la détermination de deux
fonctions algébriques v et f(u) d’une variable « véri-
fiant la relation:
Av
——— = fi Fe
u — v): /
fait remarquer que ce résultat trouve sa véritable ori-
gine dans celte proposition que la détermination des
surfaces minima algébriques inscrites dans une sphère
revient à la recherche des courbes algébriques à tor-
sion constante. On en déduit cette conséquence qu'il y
- aactuellement une infinité de surfaces minima algé-
briques inscrites dans une sphère. — M. P. Pépin
énonce un grand nombre de nouveaux théorèmes d’a-
ithmétique. — M. Jules Andrade reprend le problème
de Poinsot fournissant une preuve expérimentale de la
fotation de la terre à l’aide d'un système explosif; il
corrige certaines inexactitudes et montre que le mode
d'explosion à une influence que l'on peut d’ailleurs
diriger et qui permet d'indiquer un lype d'expérience
propre à déterminer non seulement la colatitude, mais
encore la direction du méridien. — M, A. Laussedat
rend compte des levers photographiques exécutés en
89% par les ingénieurs canadiens et le Service du
« Coast and geodesic Survey » des Etats-Unis pour la
“délimitation de l’Alaska et de la Colombie britannique.
L'auteur démontre que la photographie peutrendre des
“services non seulement dans les conditions exception-
mnelles de ces opérations, effectuées au milieu de mon-
tagnes élevées couvertes de glaciers, mais encore dans
“les conditions les plus ordinaires de ces levers géodé-
siques.
—…. © SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Deslandres a fait
d'étude spectrale des charbons du four électrique; les
morceaux les plus éloignés de l’are montrent les raies
“des impuretés ordinaires du charbon qui sont les mé-
“aux alcalins et alcalino-terreux avec le cuivre, le fer
le silicium; mais, lorsqu'on se rapproche de l'arc, les
raies d’impuretés diminuent peu à peu et finalement
disparaissent. Les parties les plus pures des deux pôles
Sont les champignons qui sé forment au pôle négatif,
EE M. E. Bouty communique un cerfain nombre d'ex-
périences relatives aux flammes tranquilles, mais prêtes
à ronfler sous diverses influences: les effets curieux
obtenus peuvent s'expliquer en admeltant les deux
Propositions suivantes : 1° Sur la périphérie de la ré-
sion troublée, le mélange de gaz et d'air se fait d’une
Manière irrégulière et des portions très petites du
mélange peuvent échapper à la combustion immé-
ate ; 2° la production d’un son facilite l'explosion
ACADÉMIES ET SUCIÈTÉS SAVANTES
605
d'un mélange, si la période du son est suffisamment
voisine de celle du bruit explosif. — M. P. Villard a
préparé de l’acétylène tout à fait pur par le procédé de
M. Moissan et étudie ses propriélés physiques, sa
tension de vapeur en fonction de la température, à
l’état solide et à l’état liquide, son hydrate dont la
formule est C*H?. 6H20 et la chaleur de formation de
cet hydrate. — M. Louis Henry donne un procédé de
formation synthétique des alcools nitrés, lequel con-
siste à faire agir molécule à molécule le nitro-méthane
sur les adéhydes en présence du carbonate de potasse
ou de la potasse caustique. Le chlorure d’acétyle donne
l’acétate correspondant à l’alcoo! nitré et le pentachlo-
rure de phosphore, le chlorure dérivé. Cette réaction
d'addition devient de plus en plus difficile à obtenir
quand on s'élève dans la série, — MM. Ph. Barbier
et L. Bouveault ont poursuivi leurs recherches sur
la condensation des aldéhydes et des acétones non
saturées avec les aldéhydes propionique, isobutylique
et isovalérique, acétones qui peuvent être condensées
elles-mêmes avec l’amido-guanidine suivant un procédé
indiqué par Baeyer. L’acétone ordinaire seule se con-
dense facilement avec les aldéhydes: d'autre part,quand
le poids moléculaire des aldéhydes augmente, l'aptitude
à la condensation avec l’acétone diminue, et la réac-
tion principale devient la condensalion de l’aldéhyde
ellemême, — MM. Cazeneuve et Haddon ont éludié
les causes de la coloration et de la coagulation du lait
par la chaleur, Ils résument les résullats de leurs ex-
périences dans les conclusions suivantes : {°Le jaunis-
sement du lait est dû à l'oxydation de la lactose en
présence des sels alcalins du lait. 2° La lactose, dans
celté oxydation, donne des acides et, entre autres, de l’a-
cide formique facile à constater, dont la présence suffit
à expliquer la coagulation du lait comme il arrive avec
n'importe quel acide. 3° La caséine coagulée n’est pas
altérée dans ces conditions mais simplement teinte
en jaune par les corps bruns formés aux dépens de la
lactose. — MM. Ph. A. GuyeelCh.Jordan ont préparé
un grand nombre d’éthers des acides 4 - oxybutyriques
actifs dans Je but de faire l’élude de leurs pouvoirs
rotaloires. La formule simplifiée du produit d'asymé-
trie estinsuffisante, dans la plupart des cas, pour rendre
compte des valeurs trouvées. La règle de la superpo-
sition des effets optiques se lrouve vériliée dans le cas
de trois carbones asymétriques. — M. Battandier ap-
porte quelques contributions à l'histoire des alealoïdes
des Fumariacées et des Papavéracées. — M. Th. Schlæ-
sing fils s’est demandé si la germination entraine
une perte sensible de l’azote des semences à l’état ga-
zeux; ses expériences, fondées sur la mesure et l’ana-
lyse exactes des atmosphères enfermées dans les
récipients où se développent les êtres étudiés, établis-
sent neltement que la germination des graines de blé
et de lupin n’a pas entrainé une perte appréciable
d'azote à l'état gazeux. — M. Effront a constalé que
l'infusion de grains crus favorisait la saccharification,
de même que l’asparagine, les sels d'aluminium et de
vanadium, etc. Cette action est manifestée par le pou-
voir saccharifiant tandis que le pouvoir liquéfiant est
peu ou pas influencé. L’exaltation du pouvoir saccha-
nfiant atteint son maximum äu moment où 25°},
de la quantité soluble de l'amidon mis en contact
sont transformés en maltose ; au delà de ce degré de
saccharification les substances étrangères exercent
une action beaucoup moindre, et, en présence d'une
proportion d’amylase, apte à provoquer une saccha-
rification profonde (60 à 70 de maltose), leur action de-
vient nulle. — M. Ch. V. Zenger signale la simullanéité
des phénomènes météorologiques qui se sont produits
en Bohème, et du tremblementde terre de Laibach et de
Florence, — M. Albert Trubert adresse unenoteayant
pour titre : Détermination des proportions de carbo-
nate de chaux et de carbonate de magnésie dans les
terres riches et marnes magnésiennes, cendres, dé-
pôts, etc, — MM. Joué et Crouzel adressent une note
sur la décoloration des vins blancs provenantde cépages
606
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
rouges, — M. Maumené adresse une note intitulée :
Sur l’action de l’eau et du sucre. C. MATIGNON,
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Marchal montre qu’une
cécidomya nouvelle, Cecidomya avenæ, attaque l’avoine
comme la cécidomye destructive attaque le blé, Le seigle
et l'orge. Néanmoins, le fléau se trouve enrayé par ee fait
que les larves de la cécidomye sont parasilés par les
larves de Platygasters et de Chalcidiens.— M. J.Chatin
étudie la cellule épidermique des Insectes, son proto-
plasma et son noyau, surtout celles affectées aux inser-
tions musculaires. Là le noyau s’allonge, se contourne,
faisant croire à une division directe, — M, de Launay
montre la relation des sources thermales de Néris el
d'Evaux avec les dislocations anciennes du Plateau
central. — M. Welsch indique la succession des
faunes du Lias supérieur et du Bajocien inférieur dans
le détroit du Poitou. Le Toarcien à marnes gris bleu,
alternant avec des calcaires marneux en bancs, montre
six zones, le Bajocien quatre, toutes nettement carac-
téristiques. — MM. S. Duplay et Savoire ont fait
des recherches sur les modifications de la nutrition
chez les cancéreux. L’azoturie est normale dès qu'on
assure l'alimentation avec le régime lacté. — MM. Phi-
salix et Bertrand étudient l'emploi et le mode d’ac-
tion du chlorure de chaux contre la morsure des ser-
peuts. Ce sel n’a qu'une action locale. IL détruit le
venrn et mortifie les tissus et met ainsi obstacle à l’ab-
sorption du toxique. J. MarniN,
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 18 Juin 1895.
M. le Président annonce à l’Académie le décès de
M. Verneuil, membre de la Section de Chirurgie, —
M. Nicaïise donne lecture du discours qu'il a prononcé
sur sa tombe. La séance est ensuite levée en signe de
deuil. Ë
Séance du 25 Juin 1895.
M. Regnard est élu membre de l'Académie (Section
de Physique et Chimie médicales), — M. Cadet de
Gassicourt insiste sur la nécessité de l'examen bac-
tériologique dans le diagnostic des angines diphté-
riques où à forme herpétique et il émet le vœu que des
laboratoires d'examen bactériologique soient créés
dans le plus bref délai, — M. Ch. Périer présente deux
malades qui ont subi, sans trachéotomie préalable ni
consécutive, l'opération de la laryngotomie pour lu-
meurs du larynx. — M. J. Rochard, à propos de Ja
question de la prophylaxie de l’alcoolisme, estime
qu'on ne doit pas seulement s'occuper du préjudice
causé à la santé publique par l’impureté des alcools,
mais qu'on doit aussi diminuer la consommation de ce
produit, et cela par deux mesures : 4° en rétablissant
l'autorisation préalable pour l’ouverture des cabarets ;
2° en élevant les droits sur l'alcool et en réprimant la
fraude avec sévérité. — M. Bordas lit un mémoire sur
le pouvoir antiseptique du permanganate de chaux,
SOCIETE DE BIOLOGIE
Séance du 15 Juin 1895.
M. Tarchanow, après avoir décapité un canard et
établi la respiration artificielle, a constaté des mouve-
ments automatiques spontanés des ailes et du corps,
mouvements qui ont duré plusieurs heures. — M. Char-
rin à constaté la présence du Proteus vulgaris dans un
cas de pleurésie chez une femme enceinte; la femme
mourut et son enfant est resté chétif. Il semble donc
que linfection exerce une action sur le produit de la
conception, — M, Abelous élablit, par de nouvelles
expériences, le pouvoir antitoxique des capsules sur-
rénales, — MM. Déjerine et Sottas ont étudié la
répartition des fibres endogènes du cordon postérieur
de la moelle et la constitution du cordon de Goll. —
M. Tarchanow a déterminé les effets de la chlorofor-
misation sur les grenouilles. — M. Starch montre que
les matières albuminoïdes ne peuvent transformer
l’'amidon en sucre que si elles sont le véhicule de mi-
crobes ou de ferments solubles, :
Séance dut 22 Juin 1895.
M. Boïinet (de Marseille) a constaté que les orga-
nismes cancéreux offrent une moins grande résistance -
que les organismes sains aux injections intraveineuses
de suc cancéreux provenant de tumeurs ulcérées. —
MM. Hanot el Lévi ont observé pour la première fois
la présence d’un tubercule dans la membrane interne
de l'aorte, — M. Marinesco présente une malade
alteinte d'acromégalie avec hémianopsie bitemporale
et diabète sucré. — M. Nepveu (de Marseille) signale
la présence de l’indol et de l’indican dans le tissu des
tumeurs cancéreuses. — M. Laborde (de Bordeaux)
envoie une note relative à l’action d’une moisissure
nouvelle sur le maltose.
SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE
Séance du 17 Mai 1895.
M. Daniel Berthelot fait connaitre une nouvelle
méthode pour la mesure des températures. C’est une
méthode optique, fondée sur les propriétés des gaz, et
qui offre de précieux avantages. Elle permet de prendre
la température d’un milieu par le simple examen d’un
rayon lumineux qui l’a traversé. Elle est indépendante
de la nature de l'enveloppe thermométrique, ainsi que
de sa forme et de ses dimensions. Elle est applicable
à toutes les températures, mais offre un intérêt par- «
ticulier pour le cas des hautes températures. Parmi les
méthodes actuelles applicables à ce cas, une seule est
directe, c'est celle du thermomètre à gaz; les autres,
fondées sur les propriétés des solides, sont d'un emploi
plus facile, mais ce sont des méthodes indirectes fon-
dées sur des formules empiriques et qu’on étend par
extrapolation. Telles sont la méthode du couple ther-
moélectrique, les méthodes photométrique et calori-
métrique. Cette extrapolation n'est pas toujours légi-
time, car, au delà de 1000°, les diverses méthodes pré-
sentent entre elles des divergences considérables,
L'auteur a eu recours aux propriétés des gaz. Les gaz
offrent l'avantage d’obéir à des lois simples; puis,
comme une élévation de température les rapproche des
gaz parfaits, ils vérifient de mieux en mieux ces lois
aux températures élevées. L'étude des indices de réfrac-
tion montre que la réfraction n — 1 d’un gaz varie exac-
tement comme la densité. Cette loi est vraie également
pour les gaz facilement liquéfiables et pour les autres,
“etelle se vérifie aussi bien lorsqu'on modifie la densité
par un changement de pression (Mascart, Chappuis et
Rivière) que par un changement de température (Chap-
puis et Rivière, Benoit). Donc, à une densité donnée
correspond toujours un même indice de réfraction, la
température et la pression pouvant être différentes.
C'est là le principe de la méthode nouvelle de M. Ber-
thelot. Par une méthode interférentielle, on sépare un
faisceau lumineux en deux parties qui traversent deux
tubes remplis d’un même gaz, primitivement à la même
température. On porte l’un des tubes à la température
à mesurer : il en résulte un déplacement des franges.
On les ramène à leur position primitive, soit en dimi-
nuant la pression dans le tube froid ou en l’augmen-
tant dans le tube chaud. De là deux formes pour ce
thermomètre interférentiel, le thermomètre à pression
constante où à densité constante. La principale diffi-
culté dans la réalisation de cet appareil consiste à
séparer suffisamment les deux faisceaux pour leur
permettre de traverser des milieux portés à des tem-
pératures très différentes. La méthode de M. Michelson
a l'inconvénient d'exiger des surfaces optiques très
parfaites et de nécessiter un réglage compliqué.
M. Berthelot a préféré un dispositif un peu différent,
résultant de l'emploi combiné des miroirs de Jamin et
des parallélipipèdes de Fresnel. M. Mascart n'avait em-
ployé les parallélipipèdes que dans le cas d’une lu-
at mnittocttnsent lotte À. 3
rayons tombe sur l’un des parallélipipèdes, est réfléchi
. deux fois totalement, et sort parallèlement à sa direc-
» tion primitive. L'autre parallélipipède rétablit la dis-
. tance primitive des deux rayons, un peu en avant du
second miroir de Jamin. On peut disposer ainsi d’un
* écartement de 92 millimètres entre deux rayons; sur
lun est placé un tube relié à une machine pneu-
matique ; sur l’autre, le tube, chauffé en son centre par
- un manchon où circulent différentes vapeurs, et re-
froidi à ses deux extrémités, L'influence des deux
régions à température variable s'élimine par compen-
sation au moyen de deux expériences successives sur
deux tubes qui ne diffèrent que par la longueur de la
région centrale. M. Berthelot a déjà éprouvé sa mé-
thode par trois séries d’expériences destinées à me-
surer les températures d’ébullition de trois liquides
sous des pressions variables, Pour l'alcool et l’eau,
c’est-à-dire vers 78°,2 et 100°, les écarts avec les tempé-
ratures calculées sont inférieurs à 5 de degré. Pour l’a-
niline, c’est-à-dire au voisinage de 1849, les écarts sont
de = à = de degré. M. Berthelot se propose d'appli-
quer cette méthode nouvelle à l'évaluation des hautes
températures et à l'étude de la vitesse du refroidisse-
ment dans les gaz. — M. Cornu signale à ce propos
la difficulté d'obtenir, dans le cas des grandes diffé-
rences de marche, des franges stables. À cause de
l'imperfection des supports, elles se déplacent avec le
temps parfois de plusieurs franges, et la réduction à
la position initiale est assez incertaine, Pour éliminer
cette cause d'erreur, M. Cornu a eu recours à un pro-
- cédé qu'il a publié seulement dans le Bulletin de la
Sociélé Philomatique. Il consiste à fairé passer dans
l'un des tubes un faisceau et la moitié de l’autre. On
obtient ainsi un zéro variable; il suffit d'opérer les
mesures à partir de ce zéro. — M. Berthelot, qui opère
dans les caves du laboratoire de M. Bouty à la Sor-
bonne, a à sa disposition des piliers de maçonnerie
massive très stables, et il n’observe aucun déplace-
ment sensible, si ce n’est celui qui est dù à une lente
variation thermique des supports. — M. Pellat a be-
soin, pour ses recherches actuelles, de pouvoir mesurer
le pouvoir inducteur spécifique des solides et des li-
quides. Il fait connaître le nouvel appareil qu’il a com-
biné dans ce but. C’est essentiellement un électro-
mètre absolu de lord Kelvin. Les deux plateaux mo-
biles, égaux et parallèles, sont solidaires, et-leur en-
- semble est suspendu à un fléau de balance, À l'autre
- extrémité du fléau est un plateau muni d’un amortis-
- seur à air du système de M, P. Curie. Les deux an-
neaux de garde sont également réunis par un cylindre
|
|
métallique, et l’ensemble forme une boîte, percée seu-
lement des ouvertures nécessaires, En regard des pla-
teaux mobiles sont deux plateaux attirants qui com-
muniquent aussi entre eux, mais l’un de ces plateaux
» étant fixe, l’autre est porté par une vis micrométrique
._ avec limbe gradué, Toutes les autres pièces sont reliées
à la cage de l'instrument et sont au même potentiel
que la cage. Les plateaux attirants seuls sont portés à
un autre potentiel. La position du système des deux
plateaux mobiles est déterminée par l'observation au
microscope d’un réticule porté par la tige qui relie ces
deux plateaux Le microscope porte lui-même un réti-
cule, et l’appareil est réglé de telle sorte que les croi-
sées de fils des deux réticules coïncident quand le pla-
teau mobile supérieur est rigoureusement dans le
. plan de son anneau de garde. La balance est sensible
au su de milligramme, et pour parfaire la tare, on agit
sur un petit treuil sur lequel s’enroule une des extré-
mités d'un petit ressort en fil d'argent très fin dont
l’autre extrémité est attachée à l’un des bras du fléau.
On installe la lame diélectrique par trois petites cales
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
——
607
| de verre bien travaillées, sur la face supérieure de
l'anneau de garde, et on règle la tare de manière que
les réticules coïncident quand, d'abord, tout est au
même potentiel. Puis on établit une différence de
potentiel, et on soulève par la vis micrométrique le
plateau attirant supérieur jusqu’à obtenir légalité d’at-
traction des deux plateaux mobiles. On répète la même
opération après avoir retiré la lame diélectrique. Si e
est l'épaisseur de la lame, et a la quantité dont il a
fallu rapprocher le plateau inférieur, la constante dié-
lectrique est donnée par =: L'appareil est sen-
sible à un déplacement de 1 ou 2 microns, Dans ce
mode opératoire, la balance est instable : mais, grâce à
l’amortisseur, on arrive au zéro sans oscillations et dans
un temps très court. Comme dans cette méthode, les
deux forces antagonistes sont toutes deux des forces
électriques, il n’est pas nécessaire de chercher à main-
tenir constante la différence de potentiel, car les deux
forces antagonistes varient alors dans le même rap-
port, La position d'équilibre se maintient, quelles que
soient les variations du potentiel. L'appareil convient
aussi au cas des liquides. On immerge alors toute la
partie inférieure dans le liquide. La constante diélec-
"2
trique est donnée par = d et d’ étant les distances
du plateau attirant supérieur à l'anneau de garde,
d’abord quand l’appareil est tout entier dans l’air, puis
quand la partie inférieure est immergée. La capillarité
et la viscosité du liquide ne diminuent pas la sensi-
bilité. On observe sur l’ensemble des plateaux d’abord
un déplacement très brusque, dù à ce que les mé-
nisques jouent le rôle de ressorts, puis un déplace-
ment très lent dù à la viscosité, Cet appareil permet
d'étudier le pouvoir diélectrique en fonction du temps,
M. Pellat a constaté qu’il est aussi fonction de l’inten-
sité du champ.
Edgard Havpié,
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
M. Bernard Dyer a expérimenté la méthode de
Kjeldahl pour la détermination de l'azote dans un
grand nombre de composés. Il a remarqué qu’elle était
insuffisante dans beaucoup de cas et il propose de se
servir de plusieurs modifications suivant les corps à
analyser. Il recommande la modification de Jodlbauer
lorsqu'il y à présence de nitrates ou de composés
nitrés. Cette modification consiste à introduire, dans
l’acide sulfurique servant à l’oxydation, une petite
quantité de phénol ou d'acide salicylique. L’azote
forme avec ces composés des dérivés nitrés facilement
décomposables. Lorsqu'il y a présence de nitrate, on
se sert avec avantage de la méthode Kjeldahl-Gunning ;
on ajoutera toutefois une goutte de mercure. — M, T.
K. Rose a remarqué que, bien qu'on ne trouve
aucune ligne de séparation définie dans la solidifica-
tion des alliages d’or, d'argent et de cuivre, on pouvait
arriver à une sorte de séparation de ces métaux en
rendant l’alliage cristallin et cassant par l’addition de
petites quantités de bismuth et de plomb (0,2 à 0,4°/,).
Les variations de composition observées dans les diffé-
rentes parties d’un alliage ainsi composé lui ont mon-
tré qu'il se trouvait dans le bismuth ou le plomb un
alliage d’or et d’argent restant liquide bien après que
le reste du métal s’est solidifié, — MM. Purdie et J.
Wallace Walker ont préparé l'acide lactique actif et
étudié le pouvoir rotatoire de ses sels métalliques en
solution. Les sels étudiés sont ceux de lithium, so-
dium, potassium, argent, calcium, strontium, baryum,
magnésium, cadmium et zinc-ammonium, Tous ces
sels en solution aqueuse jouissent d’un pouvoir rota-
toire de sens opposé à celui de l'acide dont ils dérivent.
Leur activité optique augmente avec la dilution, sauf
dans le cas du sel d'argent.
608
NOTICE NÉCROLOGIQUE
NOTICE NÉCROLOGIQUE
A. VERNEUIL
Le professeur Verneuil, que nous avons conduit le
1% juin à sa dernière demeure, laisse dans la science
française un vide qui ne sera pas comblé de sitôt. Ce
wétait pas seulement un grand chirurgien, c'était un
homme de progrès, de labeur opiniâtre, un savant, dans
la plus haute acception du mot, et parfois même un
précurseur. | É ns:
Né à Paris le 23 novembre 1823, élève interne à vingt
ans, il avait franchi, par la voie du concours, tous les
échelons de la hiérarchie universitaire ; il était arrivé,
jeune encore, au professorat et à l’Académie de Méde-
cine. Plus tard, l’Institut lui a ouvert ses portes, sans
qu'il ait eu besoin d'en solliciter les suflrages, et la
croix de commandeur lui a été donnée sans qu'il la de-
mandàt. :
Son ambition était alors complètement satisfaite, et
beaucoup d'hommes de science, lorsqu'ils n’ont plus :
rien à demander à la vie, se reposent sur leurs succès
et renoncent aux rudes labeurs à l'aide desquels ils les
ont obtenus : Verneuil à fait tout le contraire. Jamais
son activité enthousiaste, sa soif de découvertes, n’ont
été plus ardentes qu’à la fin de sa carrière.
Son œuvre estconsidérable, Pendant les cinquante an-
néesqu'il a passéessur la brèche, la Chirurgie à traversé
la plus brillante période que son histoire ait enregis-
trée, et, parmi les questions que cette merveilleuse
évolution a soulevées, il n’en. est pas une qui ne porte
l'empreinte du puissant esprit de Verneuil, La simple
énumération de ses travaux dépasserait les bornes
d'une notice comme celle-ci, aussi me bornerai-je à
rappeler leur côté Le plus original. LAN
Dans la dernière phase de sa vie scientifique, il s'é-
tait fait un domaine à part dans le champ des connais-
sances médicales. Son esprit généralisateur lui avait
permis de saisir leurs caractères communs, et il avait
rèvé de ramener l’art deguérir à son unité primitive, par
l'alliance plus étroite de la Médecine et de la Chirurgie.
Dans ce but, il s'était adonné à l'étude des graods
problèmes d'étiologie générale ; il avait abordé la ques-
tion des diathèses, en l’envisageant plus spécialement
au point de vue des indications et des _contre-indica-
tions opératoires. L'Académie de Médecine se souvient
encore de ses communications sur le parasitisme 1nicro-
bique latent, sur la gravité des traumatismes et des opé-
rations chez les alcooliques, les diabétiques, les paludo-
diabétiques, les phosphaturiques et les cardiaques ; de ses
discours sur l’ictère trauwmatique, les épistaxis liées aux
maladies du foie, Vorigine équine du tétanos, elc., etc. ;
mais, à la fin de sa vie, il s'était consacré d’une ma-
nière exclusive à deux sujets qui l’ont obsédé jusqu'à
sa dernière heure: la tuberculose et le cancer, ces deux
opprobres de la Médecine et de la Chirurgie. On n'a pas
oublié que c'est par son initiative que la ligue contre Ja
tuberculose s’est fondée, et qu'un congrès s'est réuni
pour étudier cette question, ! ES
Ces vues originales, ces conceptions ingénieuses, mais
parfois un peu hâtives, n’ont pas toutes obtenu I assen-
timent général; mais elles portaient l'empreinte d’un
esprit synthétique et passionné pour le progrès.
L'ardeur communicative avec laquelle il éxposait
ses idées à la tribune charmait ses auditeurs, même
quand ils n'étaient pas convaincus. C'était un admi-
rable orateur. Lettré, amoureux de la forme et ne dé-
daignant pas l’art démodé du bien dire, il se plaisait à
développer ses idées dans un style irréprochable.
Ardent, parfois passionné dans la discussion, il s'y
montrait toujours d’une sincérité et d’une courtoisie
parfaites.
L’élévation du caractère et la noblesse des sentiments
étaient chez Verneuil à la hauteur de l'intelligence La
bienveillance et la bonté formaient le fond de cette
nature droite et généreuse. Nul n’a été plus constant
dans ses affections. Sa tendresse pour ceux qu'il aimait
allait jusqu'à lui dissimuler leurs défauts. Ses amis
n'avaient pas une imperfection à ses yeux; ses élèves
n'avaient jamais une défaillance ; aussi défendait-il les
uns et les autres avec une ardeur qui puisait sa source
dans sa sincérité même. Ses deux qualités dominantes
étaient l'amour passionné de la science et le désinté-
ressement. Jamais il n’a sacrifié son enseignement ni
ses travaux de cabinet, jamais il n’a délaissé ni l'hôpital,
ni les sociétés savantes pour l'exercice plus lucratif de
la clientèle. En s’élevant dans la hiérarchie scientifique
et universitaire, il est resté fidèle à ses habitudes et à
la simplicité de ses goûts; son luxe a toujours consisté
dans les bienfaits qu'il répandait autour de lui. Ses
élèves et ses malades en ont eu maintes fois la
preuve. Son désintéressement égalait sa générosité,
et s’il s'est montré parfois sévère à l'égard de ceux
qui ne professaient pas le même culle pour la dignité
professionnelle, il en avait le droit parce qu’il préchait
d'exemple. À
Verneuil était arrivé, comme nous l'avons dit, à la
plus haute situation chirurgicale; il avait été le maître
incontesté de toute une génération; il avait obtenu
toutes les distinctions qu’un homme de notre profession
puisse convoiter et il avait encore devant lui quelques
années pour jouir en paix des avantages qu'il avait si
loyalement conquis; mais, fidèle aux engagements
qu'il avait pris avec lui-même, il n’a pas voulu profiter
des dernières faveurs de la fortune, Il a pris sa retraite
en 1892, avant d’être atteint par la limite d'âge, aimant
mieux, comme il le disait, descendre de sa chaire que
d’en tomber. G
Cet acte d’abnégation et de désintéressement, dont
bien peu de professeurs ont donné l'exemple, le grandis-
sait encore dans l'esprit de ses élèves et de ses amis,
mais il le condamnaità une inaction dont il n'avait pas
suffisamment calculé le poids. Get homme, qui n’avait
vécu que par l’activité et le travail, n’a pu supporter le
repos qu'il avait si longtemps désiré et il s’est éteint le
12 juin dernier, dans sa pelite villa de Maisons-Laffite,
près de la compagne qui avait assisté à toutes ses luttes,
qui avait partagé ses bons et ses mauvais jours, au milieu
de la verdure et des fleurs qu’il aimait passionnément,.
Verneuil était le dernier survivant d'une triade jadis
célèbre et qui a laissé dans la science des traces pro-
fondes de son passage. Follin et Broca sont descendus
prématurément dans la tombe, mais Verneuil est mort
plein de jours, son œuvre accomplie, et laissant parmi
nous le souvenir d’un grand talent uni à un noble ca-
ractère.
D: Jules Rocxarp,
de l'Académie de Médecine.
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER
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subi ne: à -
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6° ANNÉE
N° 14
30 JUILLET 1895
: REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
IDÉES NOUVELLES SUR LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS.
D'APRÈS LES DERNIERS TRAVAUX DE M. OTTO WIENER
Quelques mois avant la séance où M. Lippmann
présentait à l’Académie des Sciences sa première
- photographie du spectre, M. Olto Wiener publiait
son mémoire sur les ondes lumineuses stationnaires
et la direction de la vibration dans la lumière polarisée.
Au début de son mémoire, M. Wiener cilait, en
insistant sur son importance, le livre déjà ancien
de Zenker sur la photographie des couleurs.
Edmond Becquerel, Seebeck, Poitevin, avaient
obtenu, par divers procédés, des épreuves colo-
rées : Zenker, le premier, eutl’idée de les attribuer
- à la production d'ondes stalionnaires; mais son
explication, que n’appuyait aucune expérience nou-
elle, était loin d’être à l'abri de toute critique, et
Schultz-Sellack lui adressa des objections que per-
sonne n'avait levées.
Depuis la brillante découverte de M. Lippmann,
qui, le premier, obtint des épreuves colorées sus-
expérimentalement que ses épreuves étaient bien
» dues à la formation d’ondes stationnaires, M. Otto
» Wiener, convaincu que toutes les expériences
* anciennes de photochromie ne devaientpas rentrer
dans le même ordre de faits que les expériences
de Lippmann, a repris l’examen critique de ces
expériences ; et, continuant de méditer les travaux
de Zenker, il vient d'établir cette importante con-
clusion, qu'il y a, jusqu'ici, deux espèces de pho-
tographies des couleurs: celle où les couleurs de
l’épreuve sont des couleurs d’interférence, des cou-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
ceptibles d'être conservées el fixées, et qui montra
leurs d'apparence, et celle où les couleurs de l'é-
preuve sont descouleurs d'absorption, des couleurs
réelles propres au corps qui a subi l’action de la
lumière colorée.
Il vient de publier les résultats de ses recherches
dans un mémoire, paru dans le dernier cahier des
Annules de Wiedemann, et qui a pour titre : « Pho-
tographie des couleurs par couleurs propres aux
corps, et mécanisme de l’adaplation à la couleur
dans la Nature ! ».
Comme dans tout ce qu'a déjà publié M. Wiener,
ses expériences ont un caractère de simplicité con-
vaincante, et ses déductions sont un modèle de
logique. À la description de ses expériences, il
ajoute ici des considérations hypothétiques qui,
sans doute, donneront lieu à des discussions entre
physiciens, chimistes et physiologistes, mais qui
ouvrent tout un monde d'idées, et provoqueront à
coup sûr de nouvelles découvertes.
Nous nous proposons de montrer brièvement ce
qu'il ya de vraiment nouveau dans ce travail capital.
I
M. Wiener a photographié le spectre en em-
ployant un spectroscope de Steinheil, dont l’ocu-
laire est remplacé par une petite chambre photogra-
phique. La fente du collimateur a une largeur qui
a varié de 1 millimètre à 0"®, 5. La largeur du
1 Wied. Ann., t. 55, p. 225, juin 1895,
14
610
B. BRUNHES — IDÉES NOUVELLES SUR LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS
spectre, de la raie À à la raie H, est de 19 millimè-
tres, sur une hauteur limitée ordinairement à
15 à 18 millimètres. La source de lumière employée
est une lampe à arc.
L'expérience de Seebeck consiste à exposer du
chlorure d’argent en poudre à la lumière: on prend
du chlorure d'argent pur, préparé dans l’obscurilé
par précipitation, puis séchage; on le met entre
deux lames de verre dont on colle les bords à la
cire. On expose le tout à la lumière blanche, jus-
qu'à ce que la poudre ait pris une coloration vio-
lette pas trop foncée; elle est alors prête à servir.
Pour répéter l'expérience de Becquerel, on prend
une lame de cuivre ou de laiton argenté, ou mème
une plaque d'argent; on la plonge dans une solu-
tion d’acide chlorhydrique étendu, et on la prend
comme électrode positive ; on fait passer durant
quelques secondes un courant de 2 à 4 ampères,
pour une surface de 30 centimètres carrés. On sèche
ensuite la plaque avec du papier buvard et on la
frotte avec une peau très douce.
L'expérience de Poitevin a été faite en baignant
du papier non collé, deux minutes dans une solu-
tion de sel marin à 10 %, puis une minute dans
une solution de nitrale d'argent à 8 7. La feuille,
après un lavage rapide, est soumise, dans une so-
lution de chlorure de zinc à à %, à la lumière dif-
fuse du jour, jusqu'à ce qu'elle soit devenue foncée,
mais pas trop cependant ; puis on la baigne dans
un mélange d’une partie d'une solution concentrée
de bichromate de potasse pour deux parties d’une
solution concentrée de sulfate de cuivre, on la
presse entre des doubles de papier-filtre.Ilestbon,
une fois le papier un peu sec, de l'humecter avant
l'exposition à la lumière. Naturellement, aucun de
ces procédés ne comporte de développement ; les
couleurs apparaissent par la simple exposition à
la lumière colorée. On n’est pas non plus arrivé à
fixer, ce qui pour la dernière expérience est pos-
sible à un faible degré.
Sans nous arrêter à l'étude chimique de l'action
de la lumière sur le chlorure d'argent, telle que
l'ont faite Guntz et Carey Lea, mortrons comment
M. Otto Wiener a réussi à prouver que les épreu-
ves de Becquerel sont dues à des ondes stalion-
naires. celles de Seebeck et de Poitevin à des colo-
rations propres à la couche sensible.
On connait l'expérience de M. Lippmann, qui
consiste à mouiller d'alcool une photographie du
spectre ; les couleurs se déplacent, et, à mesure
que l'alcool sèche, elles reviennent progressive
ment à leurs places : c'est la preuve irréfutable
que l’on esten présence de couleurs d’interférences,
de couleurs de lames minces. Il suffit, d'ailleurs, de
regarder le spectre sous une incidence très oblique
tions sur le cliché : toutefois, ce déplacement,
celle variation de couleurs, est assez faible, car
l'indice de la couche sensible du milieu réfringent
interposé entre les lamelles réfléchissantes, est
assez élevé, et l’on n'a jamais de rayons émergents
qui, dans l'intérieur même du milieu, aient pu
ètre très obliques. L'inconvénient serait encore
plus grave avec des couches sensibles comme
celles dont on a décrit ici la préparation, et qui
atteignent des indices pouvant aller jusqu'à 3 et 4.
Aussi M. Wiener a-t-il imaginé un artifice permet-
tant de déceler une varialion de coloration par
variation de l’incidence,qui soit appréciable même
pour une couche qui aurait un indice égal à 5.
L’artifice consiste à couvrir la moitié de l'épreuve
avec un prisme rectangle isocèle en verre très ré-
fringent: on pose la face hypoténuse sur l'épreuve,
l'arête coupant à angle droit la direction des
lignes d'égale couleur. L’œil del'observateur(fig. 1)
N
NT TRE
His
est dans le prolongement de la face latérale 1,
de sorte que pour le jaune, par exemple, il aperçoit
deux demi-lignes, l’une à travers le prisme de
verre, l’autre vue directement, qui, s'il s'agis-
sait d'un spectre peint simplement sur une feuille
de papier ou sur une lame de verre, seraient exac-
tement dans le prolongement l'une de l’aulre.
S'agit-il, au contraire, d'une frange recliligne de
lames minces, qui soil jaune, qui apparaisse jaune
à l'œil nu, sous cette incidence la moitié couverte
par le prisme de verre n'apparaitra plus jaune. -
La longueur d'onde est changée dans un rapport
qui dépend des indices du prisme et de la couche
sensible et qui est d'autant plus différent de 4 que
l'indice du verre est plus grand et celui dela couche
sensible plus petit. L'indice du verre du prisme
est 1,75 pour la raie D. Remarquons qu'il suffit
que ce rapport soit égal à 0,90 pour que le jaune
du sodium fasse place au rouge voisin de la raie C
du spectre.Ce rapport, fût-il mème 0,98, qu'on ver-
rait encore nellement une différence de couleur
entre les deux moiliés de la ligne coupée par le
prisme : celte valeur 0,98 est celle qu'on obtiendrait
encore avec un indice de la couche sensible égal à 5.
Pour recueillir les rayons obliques quisubiraient
la réflexion totale au sorlir de la couche sensible,
s’il y avait une mince couche d'air entre l'épreuve
pour apercevoir un léger déplacement des colora- [ et le prisme, on y introduit une goutte de benzine.
d éémée u mu sosie dt d
Dans l’expérience de Seebeck, on a eu soin, avant
l'exposition à la lumière, de noyer dans de la ben-
zine la poudre de chlorure d'argentinterposée entre
les deux glaces de verre. Avec les épreuves sur
papier de Poitevin, il faut prendre quelques pré-
cautions pour que tout le papier ne soit pas im-
bibé de benzine. On plie la feuille. en relevant
à 45° l'une des moitiés et l'appuyant contre un
prisme auxiliaire Il (fig. 2) ; l'autre moitié reste
horizontale et on ypose le prisme réfringent I: au
moment de l'expérience on verse la benzine entre le
prismeletla partiehorizontale de l'épreuve fig. 2).
Si l’on pose le prisme sur une épreuve de Bec-
querel, on voit immédiatement une discontinuité
entre les deux moitiés du spectre séparées par
l’arête : le jaune sous le prisme devient vert, un
trait rectiligne tracé dans le jaune apparait, sous le
prisme, dans le vert : un autre, tiré à la limite du
vert et du bleu, est, sous le prisme, en plein dans
le bleu. =
Au contraire, avec les épreuves obtenues au
même spectroscope et dans la même chambre pho-
tographique, par les procédés de Seebeck et de
Poitevin, si on fait l'expérience du prisme en pre-
nant les précautions indiquées, on n'« jamais pu 0b-
server lemoindre déplacement des couleurs dans le spectre
par linterposition du prisme.
Done dans les épreuves de Becquerel, on a des
couleurs de lames minces ; dans celles de Seebeck
et de Poitevin, on a obtenu, au contraire, une pein-
lure véritable.
Une autre expérience conduit exactement à la
même conclusion : on a pu réussir, en employant
de la gélatine, à isoler une couche sensible de Bec-
querel et à l'enlever de la plaque d’argent qui la
supporte; la couche transparente ainsi détachée
présente des colorations frès différentes par transpa-
rence de celles qu'elle présente par réflexion. On a le même
effet qu'avec les spectres colorés de Lippmann.
Est-ce à dire qu'on ait exactement par transpa-
rence et par réflexion des leintes complémen-
taires? Non, car, en réalité, si le phénomène des
ondes stalionnaires est ce qui domine dans les
épreuves de Becquerel, il se complique toujours,
dans une certaine mesure, de production de cou-
leurs propres à la couche colorée. Il en est sans
doute ainsi dans les expériencesde M. Lippmann,
et l'on expliquerait de la sorte les particularités
qu'y à signalées M, Meslin.
B. BRUNHES — JDÉES NOUVELLES SUR LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS
611
Les épreuves de Poitevin, au contraire, donnent, en
lumière transmise, exactement les mêmes colorations et
aux mêmes places qu'en lumière réfléchie.
IL
Il y a donc des couches sensibles susceptibles de
se peindre en prenant la couleur de la lumière qui
les a frappées. Ce sont ces couches que M. Wiener
appelle Frbenempfangliche, et qu'on pourraitappeler
chromosensibles, si l’on n'avait scrupule à introduire
dans la terminologie scientifique un mot mal bâti
de plus.
Quel est le mécanisme de cette action de la
lumière colorée? x
M. Carey Lea a montré que le chlorure d'argent
exposé à la lumière est susceptible de donner des
combinaisons colorées présentant toute la gamme
des couleurs spectrales, et cela sans qu'il soit tou-
Jours nécessaire d’avoir fait agir la couleur corres-
pondante. Ces combinaisons colorées paraissent
être de véritables teintures où l'agent actif serait
un sous-chlorure d'argent capable de prendre des
couleurs très variées, et de teindre ainsi une
couche de collodion ou de gélatine, que le chlorure
ordinaire servirait à mordancer.
Comment se fait-il que la couleur développée par
l'action de la lumière colorée soit précisément la
même que celle de cette lumière ? C'est là ce qui
était tout à fait inconnu, et c’est là que M. Wiener
apporte une explication bien intéressante : sur ces
couches sensibles si ondoyantes, la lumière qui
exercera le moinsune action modifiante ou destruc-
tive sera celle qui sera le moins absorbée, le plus
complètement renvoyée par réflexion ou diffusion.
Si l’on fait tomber de la lumière rouge suruneplage
colorée en vert, la couche absorbe le rouge, et elle
est modifiée par l’action de cette lumière : sa com-
position ou sa couleur change. Si elle est rouge,
au contraire, elle renvoie sans l’absorberla lumière
rouge, et, par suite, n’est pas modifiée par elle. La
seule couleur stable, celle qui pourra seule durer
dans une pareille couche exposée à des rayons
rouges, ce sera le rouge.
Et voici une expérience à l’appui de cette expli-
calion :
On fait tourner la couche sensible où se forme le
spectre, de 90° dans son plan, et sur le spectre
déjà peint on fait ainsi tomber un spectre dont les
raies sont à angle droit avec celles du précédent.
L'expérience a été faite avec des couches sensibles
de Seebeck et de Poitevin. Sous le rouge du
second éclairement, il ne se conserve que le rouge
du premier spectre; les autres colorations sont
détruiles jusqu'à ce qu’on arrive au commence-
ment de l’ultra-violet; à partir de là la coloration
rouge envahit tout. De même pour les autres
612
B. BRUNHES — JDÉES NOUVELLES SUR LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS
couleurs, notamment pour le bleu, qui fait dispa-
raitre toutes les colorations du premier spectre,
sauf dans la région du bleu et du violet. Pour le
jaune, qui, ailleurs, vient moins bien que le rouge
et le bleu, le phénomène est moins net.
Lacoutheckromosensible idéale serait, pour M.Wie-
ner, une substance noire absorbante, composée de
diverses substances absorbantes, chacune absor-
bant toutes les couleurs sauf une couleur donnée,
et impressionnée par les couleurs qu'elle absorbe:
il en faudrait au moins trois, correspondant à trois
couleurs simples, suffisamment différentes pour
pouvoir, par leur combinaison, redonner du blanc.
La lumière blanche détruirait les diverses subs-
tances élémentaires, et la couche deviendrait
blanche; dans l'obscurité, elle resterait noire. Si on
éclaire avec une seule des trois couleurs fonda-
mentales, la lumière est absorbée parle corps noir,
el les diverses substances colorées apparaissent :
celles dont la couleur ne coïncide pas avec la couleur
de la lumière qui éclaire absorbent cette lumière.
et sont, par hypothèse, décomposées par cette lu-
mière qu’elles absorbent. Seule, la substance colo -
rée répondant à la couleurincidente, n'absorbe pas
la lumière et reste inaltérée. C’est la seule qui per-
sisle, pour une durée d’exposilion suffisante; elle
estseulementlavée d’une certaine quantité de blanc.
Pour une couleur composée, telle que le vert, en
supposant quelejauneetle bleusont, pourlacouche
employée, deux couleurs fondamentales, on a la
même explication. Les substances les moins alla-
quées sont celles qui réfléchissent le mieux le vert,
c'est-à-dire celle qui est jaune et celle qui est
bleue. Elles donnent un mélange de couleur verte.
Remarquons, en passant, qu'on aurait ainsi, su-
perposées et mélangées en une couche unique, les
trois couches sensibles du procédé Ducos de Hauron
et Cros.
Cette constitution idéale de la couche chromo-
sensible est-elle bien la constitution dont se rap-
prochent, plus ou moins exactement, les couches
sensibles des épreuves de Seebeck et de Poitevin?
L'expérience des spectres croisés fournit, à l'appui
de cette manière de voir, un argument intéressant :
mais il est clair qu'il ne faudrait pas encore être
là-dessus trop aflirmatif, en raison de l'insuffisance
évidente de notre savoir actuel en la matière,
insuffisance qui commande une extrême prudence.
Il n'en reste pas moins l'indication d’une voie
nouvelle où l’on peut chercher la solution du pro-
blème de la photographie des couleurs : il reste-
rail seulement, une fois obtenues des couches
chromosensibles parfaites, à pouvoir fixer les
épreuves oblenues. Ce serait l'affaire des chi-
mistes et des personnes qui s'occupent de la tech-
nique photographique.
sion
III
L'idée d’une sorte d'adaptation de la eouche
chromosensible qui arrive à prendre la couleur de
la lumière qui la détruit le moins, fait penser na-
turellementaux phénomènes d'adaptation que nous
présente la Biologie. Aussi M. Otto Wiener con-
sacre-t-il une partie de son élude aux phéno-
mèênes d'adaplation à la couleur que nous offre le
règne animal, Darwin, Weismann, plus récemment
Poulton et divers autres naluralistes ont appelé
l'attention sur les changements de couleur que
présentent certains animaux dont la peau arrive à
prendre la couleur du milieu où ils vivent, Darwin
raltachait ces changements de couleur à la sélec-
lion naturelle, qui fait persister les animaux les
plus aptes à échapper; or, les animaux dont la
couleur ne tranche pas sur le milieu où ils vivent
sont plus difficiles à prendre.
Certains de ces animaux, Batraciens ou Pois-
sons, ont la propriélé de changer de couleur avec
le milieu; mais cette propriété est liée à leur vue :
s'ils perdent les yeux par hasard, ou qu’on les
leur enlève pour faire une expérience, ils perdent
du même coup la facullé de s'adapter à la couleur.
Mais il en est d’autres, des chenilles, deschrysa-
lides, pour lesquels le changement de couleur ne
saurait être attribué à cette cause. Les chrysalides
du Zanaïs Chrysippus, qui dans la nature sont
vertes, peuventdevenirblanches, rouges, orangées,
noires ou bleues, quand on les met dans des en-
‘ceintes tendues de papier coloré. Etil semble bien
qu'on à affaire à une substance chromosensible
contenue dans l'épiderme ; Poulton a pu faire sur
certains de ces animaux une expérience de succes-
de couleurs analogue à l'expérience des
spectres croisés.
Darwin et Barber avaient fait sur la chenille du
Papilio nireus une expérience consistant à la placer
entre un morceau de bois et une pierre colorés diffé-
remment,eltavaient trouvé que les deux faces de la
chenille prenaient une coloration différente ; mais
sur ce point on nest pas définitivement fixé, et
Poulton a trouvé, au contraire, qu'en pareil cas la
peau de la chenille prendune coloration uniforme,
qui est une couleur mixte, dont la teinte dépend
du rapport des deux surfaces diversement colorées.
Faut-il penser que l'action dela lumière sur une cel-
lule de la peau détermine un influx nerveux, ana-
logue à un courant électrique, et qui va produire
la méme décomposition dans toutes les cellules de
la peau ? Il y aurait alors un transport de l’action
lumineuse à distance, comparable à celui qu'a pour
objet le problème de la vision ou de la photogra-
phie à distance par l'électricité.
On voit combien de questions sont soulevées par
mu éédrerts dust: témAalé. asamtttés
A. WITZ — LES DERNIERS PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR
613
aa
ces nouvelles expériences. M. Wiener estime que la
_paroleest aux biologistes, de même quelalächedes
chimistes d'une partetdestechniciensetdesarlistes
de l’autre, est, désormais de préparer des couches
chromosensibles bien orthochromatiqueset donnant
des images susceplibles d'être fixées. — Le rôle du
… physicien était de mettre hors de doute la possi-
bilité d'une reproduction des couleurs par des cou-
leurs objectives réellement peintes sur le cliché.
En remplisant ce rôle, M. Otto Wiener ajoute une
découverte importante à celle quia déjà illustré
son nom.
Bernard Brunhes,
; Chargé de Cours
à la Faculté des Sciences de Dijon.
LES DERNIERS PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR
M. le professeur Thurston fixait l’an der-
ier avec autorité le record de consommation des
machines à vapeur : le cheval-heure indiqué avait
_ été obtenu par 5*, 159 de vapeur saturée sèche à
- 6 atmosphères, soit par 3.379 calories, en estimant
à 655°%1,062 la chaleur totale de la vapeur à cette
pression ; le rendement thermique, — rapport des
calories utilisées aux calories dépensées, — s'élait
élevé à 0,188. Ce résultat remarquable avait été
- fourni par une machine A//is à lriple expansion,
installée à Milwaukee et appliquée à une élé-
vation d'eau. M. Dwelshauvers-Dery, qui a ana-
- lysé dans celte Revue le mémoire de notre illustre
; confrère américain!, ne nous a pas fait connaitre
les dimensions de cette machine, ni sa puis-
sance, qui doit èlre estimée, d’après le volume
d'eau élevé en 24 heures, à plus de 700 chevaux:
mais il a déclaré, et nul n'était mieux que lui en
siluation de le faire, que les moteurs de Milwaukee
réalisaient toutes les condilions théoriques et pra-
tiques recherchées aujourd'hui: vapeur sèche,
pression élevée, longue détente, faible pression au
condenseur, répartition égale du travail entre les
cylindres, receivers bien conçus, enveloppes ef-
ficaces et complètes de vapeur autour des cylin-
dres, conduites et lumières de grande section, es-
paces morts exceplionnellement réduits, distri-
bution à déclic et fermeture rapide. En un mot,
ces machines élaient la dernière expression des
idées dominantes à ce jour : le succès obtenu
pouvait être considéré à bon droit comme une con-
sécralion des principes qui avaient présidé à la
construclion de ces moteurs, car cetle consomma-
lion de 5*,159 n'avait pas encore été atteinte jus-
que-là.
I
. Combien de temps les machines Allis devaient-
elles détenir ce record si brillamment établi? Bien
peu de jours, attendu que, dans le courantde cette
même année 1894, MM. Schneider, de Grahl,
1 Revue générale des Sciences pures el appliquées, n° du
5 juillet 1894.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
1
|
Schôttler, Lewicki, Schotte et enfin M. Schrüter de
Munich publiaient dans diverses Revues alle-
mandes ! des procès-verbaux d'expériences, dont
les résullats dépassaient ceux qu'avait relevés le
professeur d’Ithaca. En effet, il sufüt de jeter les
yeux sur le tableau ci-dessous pour reconnaitre
que l'Allemagne possède en ce moment la machine
à vapeur la plus économique :
——————_—_—_——————_——pa à
CONSOMMATION
PUISSANCE : PRESSION |DE VAPEU
Su EXPÉRIMEN- [TRAVAIL] . DE VAPEUR) PAR
HUE TATEUR INDIQUÉ | peur _—
ch. h. | ch. h.
indiqué |effectit
en
3 chev..|Schneïder. ..| 4 ex. 92[7,90atm.| 9 k.47| 14,7
20 chx...|Schotte..….... 8,2
id. Schôüttler.... 8,8
40 chx...|de Grahl....| 41,47 8,9% 7,39 7,71
id. Lewicki:..-" 14)
60 chx... |Schrôter..…... 76,37 | 11,90 4,55 5,5
La chaleur totale de la vapeur d’eau à 44%, 9
étant égale à 663%!,42, un calcul bien simple dé-
montre que 4*,550 de cette vapeur équivalent ther-
miquement à 4,600 de vapeur à 6 atmosphères,
pression à laquelle M. Thursion à rapporté la
consommation des machines Allis ; or, 4*,600 au lieu
de 5*,159, 3.052 calories au lieu de 3.379, — cela
correspond à une réduction de consommation de
0%,559 sur 5*,159, de 327 calories sur 3.379, soit
de 9,7 pour cent. Le rendement de Milwaukee était
de 18,8 pour cent; le moteur allemand rend plus
de 20, 8 pour cent; et pourtant, la première ma-
chine avait une puissance de 700 chevaux environ,
alors que la seconde ne développe que 60 chevaux ;
l'avance oblenue est donc d'autant plus marquée
el elle caractérise un progrès considérable,
Le fait est par suite dûment constaté: ce n’est
plus Allis qui détient le record des machines à
vapeur. L'heureux champion de ce concours, qui
intéresse si vivement savants el industriels, est
1 Signalons entre autres la Zeilschrift des Verbandes der
Dampfhkessel Uberwachung, Janv. 94, et la Zeitschrift des
Vereines deulscher Ingentieure, Tome XXXIX, 1894,
14*
dr
614
A. WITZ — LES DERNIERS PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR
M. W, Schmidi, ingénieur civil de Wilhemshôhe,
aujourd'hui constructeur à Aschersleben (Prusse).
Son idée a pris corps en ces dernières années, el
il existe déjà un cerlain nombre de machines, qui
fonclionnent depuis trois ans sans démentir les
résullats des expériences dontnous avons donné ci-
dessus le tableau comparatif. On trouve donc réel-
lement des petites machines de à 4 chevaux, don-
nant le cheval-heure effectif par deux kilos envi-
von de charbon; or, on évaluail généralement
cette dépense au triple. Quant aux machines
Schmidt de 60 chevaux, elles consomment
700 grammes, el ce résullat était absolument in-
connu, non seulement pour des machines d’aussi
faible puissance, mais encore pour les grands
moteurs de l'espèce de ceux de Milwaukee.
C'est par la surchauffe de la vapeur qu'est obte-
nue cette marche si économique : le moyen n'est
cerles pas nouveau, mais il faut bien reconnaitre
qu'il est appliqué ici d'une façon nouvelle, puis-
qu'il conduit à une utilisation. du calorique plus
parfaite que par le passé. A cet égard, la machine
Schmidt mérile toute l'attention des théoriciens el
des esprits plus positifs, épris du fait acquis.
Il
Le principe de la surchauffe est posé depuis
longtemps !: elle doit ètre avantageuse, parce
qu’elle permet d'augmenter la chute de tempéra-
ture de la chaudière au condenseur (du foyer au
réfrigérant), d'où résulle une amélioration du ren-
dement théorique, en vertu du principe de Carnot.
Mais la surchauffe est sans doute plus eflicace
encore, parce qu'elle supprime la condensation de
la vapeur à l'admission et qu'elle réduit, par suite,
au minimum les pertes par les parois el surtout
la perte au condenseur.
Il est vrai que la pratique n'a pas toujours con-
firmé ces prévisions théoriques, el tous les ingé-
nieurs on£ retenu l’aveu si franc de Hirn racontant
l'insuceès qu'il eut d’abord :
« L'avantage de la surchauffe me semblait devoir
être général, dit-il. Un industriel des environs » (du
Logelbach) « m'offrait d'essayer la vapeur surchauffée :
sa machine était à deux cylindres et sans enveloppe
de vapeur, L'échec le plus complet m’attendait cepen-
dant au bout de cette expérience : le résullat écono-
mique fut non-seulement nul, mais négatif. Bien loin
de gauner ce que j'attendais, la machine consommait
3 ou # pour cent de plus ?, »
Hirn pril néanmoins un brevet, le 12 novem-
3 D'après M. Rallard, l'inventeur des surchauffeurs serait
un mécanicien alsacien, nommé Becker, dont le brevet re-
monte au 20 novembre 1827.
2 Erposilion analytique et expérimentale de la Théorie mé-
canique de la Chaleur, par G. A. Hirn, tome I], page 84,
3e édition, Paris, 1876
bre 1855, pour un surchauffeur, qu'il appela un
hyper-thermo-générateur : il est intéressant de re-
lever les dispositions générales de cet appareil,
qui a été plus ou moins heureusement copié el
modifié depuis lors. Entre la chaudière et le cy-
lindre moteur était interposée une série de tuyaux
logés dans les carneaux, dans lesquels la vapeur
se séchait et se surchauffait. La fumée élait dé-
viée par des valves, de manière qu'on püt ré-
gler et modérer à volonté la température de la
vapeur. Ces tuyaux étaient en fonte, et l’on es-
complait l’inallérabilité de ce métal. Avec une sur-
chauffe à 210°,on constatail une économie de 20 %
et l'on atteignit 47 % pour 245°. Ces chiffres
n’ont pas de sens bien précis, allendu qu'une
économie de 47 % dans la consommalion d'une
machine détestable peut ne pas conduire à une
consommation fort réduite ; loutefois ils témoi-..
gnent de l’eflicacité de la surchauffe.
Personne ne nie d’ailleurs, parmi les mécani-
ciens, qu'il yaitintérèt à surchauffer la vapeur avant
son admission au cylindre, el l'on a accueilli der-
nièrement avee faveur les appareils Uhler,Schwœ-
rer, Gehre, et autres, qui ont permis de réaliser
plus aisément celte opéralion si délicate. Dans un |
important mémoire présenté à l'Association alsa- «
cienne par M. Walther-Meunier !, cet ingénieur .
distingué a démontré par des chiffres indiscu-
-Lables qu’on diminue même de 20 à 30 % la con-
sommation de vapeur des machines Woolf ou
Compound, en les alimentant de vapeur à 235° ;
ainsi, une machine Compound à condensation, du
système Frikart, alimentée par des chaudières de
Nœyer et un surchauffeur Uhler, faisant 555 che- 1
vaux indiqués, a consommé 6 kil. 15 avec sur-.
chauffe, alors qu'elle dépensait 8 kil. 50 sans,
PA
surchauffe. Le rapport constate qu'en. employant ;
des garnitures métalliques aux presse-étoupes el
de l'huile de bonne qualité pour le graissage des 4
cylindres, il n’y à aucun inconvénient pratique à
élever la température de la vapeur à 235°. Mais
c'était un maximum que l’on n’osail guère dépasser.
On se bornait; en somme, au degré de surchauffe …
nécessaire pour avoir de la vapeur sèche au cy-
lindre à la fin de l'admission; Hirn n'avait pas
cherché autre chose, et l’on suivait fidèlement les u
tradilions de l’illustre maître. 9
On ne pouvait assurément choisir de meilleur
guide ; mais on avail abouti à un système mixte, qui
n'élait pas rationnel. On conservait les enveloppes
de vapeur, dont l'utilité est pourtant bien discu- |
table du moment que les condensalions intérieures M
sont supprimées, el qui seront une superfélalion |
1
L
1 Bulletin de la Sociélé industrielle de Mulhouse, oc
tobre 1891, page 590. ñ
3
A
mm ——2————a——-—
| coûteuse dans: des machines à détente multiple
(Woolf, Compound ou Triplex), quand elles seront
| alimentées de vapeur réellement surchauffée. Mais,
pour réaliser celte condition, ce n'était pas une
surchauffe à 235° qu'il fallait: il était néces-
E de monter à 360° et de ne pas perdre la sur-
chauffe dans les tuyaux qui relient les chaudières
au cylindre. Enfin, il importail de construire des
machines pouvant tolérer une température d’ad-
mission aussi élevée.
nl
_ el était le problème. M. Schmidt l’a résolu. Il
créé une chaudière nouvelle et une machine
ouvelle ; les deux contribuent également au
succès remarquable qu'il a obtenu.
_ Sa chaudière, qui peutêtre verticale ou horizon-
_ tale, est faite pour être installée au pied de la che-
_minée, de manière à supprimer tous les carneaux
inutiles ; lesurchauffeur doit être considéré comme
une partie intégrante de lachaudière. C’est unser-
pentin, formé d’un épais tube de fer étiré, composé
. de deux parties: l'une destinée à sécher la vapeur, la
- seconde opérant la surchauffe ; la première, qui est
exposée au contact de gaz très chauds, et qui
_pourrail se brûler, est traversée par un courant de
1m 00
d
OUUOD == —+
TES |
W \AXYA ME
serpentlin dans une chaudière verticale.
A. WITZ — LES DERNIERS PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR 615
vapeur chargée d'eau vésiculaire: la seconde est |
is. 1. — Fiqure schématique représentant la disposition du
isposée de manière à opérer un chauffage métho-
ique de la vapeur qui la parcourt, et, à cet effet, le
courant de vapeur marche en sens inverse des gaz
chauds. Il résulte de ces dispositions que la partie
dangereuse du serpentin est sauvegardée par la
vaporisalion des gouttes d’eau entrainées; la se-
conde partie est, au contraire, installée en vue dela
meilleure récupération du calorique, etelle permet
de surchauffer la vapeur à 360° en portant à la che-
minée des gaz à 300° et même à 250.
Voici dès lors comment est constitué le serpen-
lin : prenons le cas d’une chaudière verticale,
(fig. 1). Les deux serpentins sont placés au-dessus
de cettechaudière ; lepremier (Vorüberhitzer) n'est
formé que de deux rangées de tuyaux ; il recoit la va-
peur humide de la chaudière, et la remise en dans
le large cylindre AB, où elle achève dese dessécher
mécaniquement. Le second{Hauptüberhitzer), com-
prenant au moins dix rangées, est alimenté de
vapeur par le haut, en C, et il la conduit, de haut
en bas, vers l'orifice 4, par lequel elle va à Ja
chaudière.
MM. Schneider et de Grahl ont relevé les tempé-
ratures suivantes dans les diverses parties de Ia
chaudière de 35 chevaux soumise à leur examen:
BresHOon dé A VAPEUR.eser eee t bear eineiste 9,02 atm
Température de la vapeur dans la chaudière, 1780,9
Température de la vapeur à l’entrée du sur-
CETTE PME RS ETS PRNCE AES 2170
Température de la vapeur à la sortie du sur-
chauffeur te ÉCOLE 3640
Température des gaz à la base de la cheminée. 333
Un essai de M. Schrôter sur une chaudière plus
puissante nous fournit des données plus délaillées
et par suile plus suggestives encore:
Pressontdelt Vapeur 2-22 2 ere 11x,90
Température de la vapeur dans la chaudière. 1890,9
— dans le premier serpentin.:.... 3110
— àla sortie du sécheur mécanique 274
— à la sortie du surchauffeur..... 3570
— à l'entrée de la machine........ 3%40
Température des gaz à la fin du {er serpentin 7u0°
— dans Ja cheminée. 3.42 -770 1819
Dans cette chaudière, un réchauffeur lubulaire,
placé au-dessus du surchauffeur, contribue à l’uti-
lisation complète du calorique ; on remarquera la
tempéralure relativement basse des gaz à leur en-
trée dans la cheminée. F
Les dimensions des diverses parties de ce géné-
rateur sont les suivantes :
Surfacotde la ipriles 2e UAR CEE EEE 0,70 m. q,
Surface de chauffe baignée d’eau........... 7,00
— du premier surchauffeur..,....... 6,00
— du second surchauffeur........... 32 50
— duréchaufteur: "5... 42,00
Cette chaudière a produit 7,929 de vapeur à
11*,9 de pression, surchauffée à 357°, par kilo-
gramme de charbon, d'un pouvoir de7,154 calories,
renfermant 2,87 °/, de cendres.
C’est un excellent résultat, étant donnée la qua-
616
A. WITZ — LES DERNIERS PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR
lité du charbon, qui était médiocre et laissait
beaucoup de cendres et de scories.
IV
M. Schrôler a relevé la température de la va-
peur à l'entrée de la machine :elle était encore
égale à 344°, supérieure de 454° à la température
de saluration. Une machine à vapeur constituée
d’après le type ordinaire n'eût pu supporter sans
inconvénient celte température considérable: aussi
M. Schmidt a-t-il créé un type nouveau.
Il n'a pas eu à faire un grand effort d'invention,
car les moteurs à gaz convenaient parfaitement aux
conditions nouvelles, etil n’ÿ avait qu'à s'inspirer
de ce qui avait été fait avec Lant de succès dans cette
voie. M. Schmidt a donc adapté le moteur à gaz à
la fonction spéciale imposée par la surchauffe : il
a conservé la marche à simple effet, le piston long,
creux et largement ouvert, énergiquement ventilé,
muni de segments sur l'avant, dans la partie la
moins chaude du cylindre, où le graissage est pos-
sible ; la bielle est directement articulée sur le pis-
ton. Pour les petits moteurs, l'admission se fait à
travers une soupape, ainsi que l’échappement. La
première est automobile etd'un modèle particulier
et fort bien étudié. Des ressorts tendent à la main-
lenir toujours soulevée de son siège, de telle sorte
que la vapeur puisse agir surle piston dèsle début
de la course mobile. Tant que la vitesse du piston
reste faible, la vapeur afflue assez librement au
cylindre pour qu'il y ait équilibre de pression sur
les deux faces de la soupape; mais, la vitesse du
piston croissant, il se produit bientôt une dépres-
sion dansle cylindre, et, dès que cette différence de
tension égale celle des ressorts, ceux-ci laissent
retomber la soupape, qui restera appliquée sur
son siège pendant Loute la période de détente et
dans la phase de décharge consécutive, jusqu’à ce
que, la soupape d’échappementse fermant, la com-
pressioncommence el force de nouveau la soupape
d'admission à s'ouvrir. Le régulateur intervient
en limitant plus ou moins la levée de la soupape :
l'admission s’allonge quand cette levée augmente.
L'échappementse fait d’abord à travers un ori-
fice percé dans la paroi du cylindre, vers son ex-
trémilé avant; la vapeur s'échappe aussitôt que
cet oriliceest démasqué par le piston. Une soupape
à ressorts, analogue à celle d'admission, se soulâve
alors à la suite de la dépression produite par cette
évacuation, et elle reste ouverte jusqu'à ce que la
marche rétrograde du ‘piston détermine dans le
cylindre une compression suffisante pour vaineére
la résistance des ressorts. Il est à remarquer que
celle distribution entièrement automalique per-
met de tourner dans le sens que l’on veut, ce qui
est-avañtageux pour les pelits moteurs,
|
|
|
- Fig. 2, — Schéma de la machine Schmidt à triple effet de
Les machines plus importantes de 20 et 40 che-
vaux ont pour organes distributeurs deux tiroirs
à piston : l’un d'admission, l’autre de décharge; le
premier est rafraichi par la vapeur d’échappe-
ment, qui estobligée de le traverser avant d’arriver
à l'air. — Ces moteurs sont à décharge libre, sans
coudensalion.
Pour une puissance de 60 chevaux, M.. Schmidt
recourt à la condensation et il l'applique à une
détente multiple : le type auquel ses études l'ont
conduit est d'une remarquable ingéniosité. Deux
ANNNNNNNINNRTERNRINNO RRQ
(es)
60 chevaux.
cylindres verticaux À et B (fig. 2) sont superposés
en tandem: l’un d’eux est à simple effet, l’autre est
à double effet. Un piston à triple action reçoit la
poussée de la vapeur, sur 4b d'abord, puis sur cd el
enfin sur la surface annulaire e f. Lors de la pre-
mière course descendante, la vapeur, admise par la
soupape automobile S, travaille sur la face supé-
rieure ab et elle y subit une première détente; elle
passe ensuite à la partie inférieure du grand €y-"
lindre B et fait remonter le piston. Un tiroir con- ;
duit enfin la vapeur sur la face efannulaire; elle s'y
détend une troisième fois, en même temps que lan
partie inférieure du grand cylindre est mise en
communication avec le condenseur ; le piston des-
cend par conséquent. Il est à remarquer que la dé-.
tente dansle petit cylindre refroidit assez la vapeur :
pour qu'on puisse, dès lors, opérer la distribution …
par tiroirs à la façon ordinaire,
Lada
C’est cette machine à triple effet qui a donné le
superbe rendement signalé ci-dessus, c’est le meil-
_ leur qui ait été réalisé à ce jour : mais il est pro-
baäblé que les machines Schmidt de 100 et de
150 chevaux, qui viennent d’être mises en marche,
. dépasseront encore ces résultats. Nous attendons
impatiemment de connaitre les chiffres relevés
dans les derniers essais qui ont été faits.
% \
Les documents que nous possédons suffisent
pour nous permettre d'apprécier l'œuvre du mé-
canicien allemand: elle mérite assurément d'ar-
rêter l'attention des praticiens et des savants. Les
premiers se disputent déjà la faveur d’une licence
de construction ; les seconds éludieront avec inté-
rêl ce moteur constitué comme un moteur à gaz,
donnant un diagramme analogue (fig. 3), fonc-
ir
ic. 3. — Diagramme d'entropie de la machine Schmidt.
- 4 .
“ionnant entre des limites de température très
“écartées, délendant la vapeur sans qu'il se pro-
duise de condensations et sans exiger de dispen-
dieuses enveloppes; quel beau champ d’études
ouvre pour les chercheurs et quelles précieuses
indications fournira l'application du diagramme
d’entropie de Belpaire!
- Un événement d'une portée considérable va
arquer une nouvelle étape dans l’évolution de la
hysique contemporaine : il s’agit de la liquéfac-
on complète de l'hydrogène et de la détermina-
ion précise des conditions de cette liquéfaction.
ette détermination, ardemment attendue en
ison de son haut intérêt pour la philosophie
- naturelle, vient d’être l’objet de fructueuses in-
yes ist
“E. MATHIAS — LA LIQUÉFACTION DE L'HYDROGÈNE
dd 2, dut ie DE nl On Aar d'OS LUS AL V'T Te +
L A L Fe , = -
617
Mais il faudra quelque temps pour poursuivre
ces curieuses études.
Pour l'instant, contentons-nous de relever le fait
qui se dégage des premières expériences, à savoir
la faible consommation de charbon. Voilà donc
une machine à vapeur de 60 chevaux qui ne con-
somme plus que 695 grammes de charbon à
7.000 calories environ par cheval-heure effectif
et 574 grammes par cheval-heure indiqué.
Ces chiffres pourront encore être abaissés pour
les machines puissantes; mais, dès maintenant, le
rendement total est déjà supérieur à 13 pour cent
(du travail effectif sur l’arbre, au travail équiva-
lant aux calories du combustible), et il n'y avait eu
jusqu'ici que des moteurs à gaz, alimentés au gaz
pauvre, qui eussent pu donner de tels résultats,
Le moteur Schmidt est la revanche de la machine
à vapeur sur son heureux concurrent. Il revendi-
quera cerlainement pour lui l'avantage d'employer
n'importe quel charbon, gras ou maigre, gaille-
teux ou menu: la vapeur surchauffée pourrait
donc retarder quelque peu le triomphe définitif
des gaz pauvres et des gaz mixtes. L'incandescence
appliquée au bec Auer a barré de même, pendant
dix ans, le chemin à l'électricité. C'est un nouvel
épisode de la lutte engagée entre les machines à feu.
Quoi qu’il en soit du dénouement, l’industrie se
| voit dotée de moteurs dont le concours devient de
jour en jour moins coûteux, en même lemps qu'il
est plus régulier et plus sûr. Au point de vue so-
cial, l'importance de ce progrès est aussi grande
qu'au point de vue économique el scienlifique,
car les producteurs trouveront ainsi le moyen de
réduire leurs prix de revient sans toucher aux
salaires de leurs ouvriers.
Aimé Witz,
Docteur ès sciences,
Professeur à la Faculté libre des Sciences, à Lille.
LA LIQUÉFACTION DE L'HYDROGÈNE
DÉTERMINATION DE LA TEMPÉRATURE CRITIQUE ET DE LA TEMPÉRATURE
D'ÉBULLITION NORMALE DE L'HYDROGÈNE
vestigalions théoriques et expérimentales, dues à
MM. L. Natanson et K. Olszewski, professeurs à
l’Universilé de Cracovie. Leurs deux mémoires,
tout récemment présentés à l'Académie des
Sciences de Cracovie, écrits en polonais et encore
inédits, vont nous servir de guides pour donner
aux lecteurs de cette Revue la primeur de leur
découverte.
618
E. MATHIAS — LA LIQUÉFACTION DE L'HYDROGÈNE
I
L'origine des recherches que nous avons à dé-
crire est le problème de la liquéfaction des gaz
dits autrefois permanents, problème résolu depuis
que M. L. Caillelet a montré, par l'emploi de la
détente, la possibilité de la liquéfaction de ces
corps. À partir d’une pression initiale suffisante,
tous les gaz parfaitement secs donnent par dé-
tente un brouillard, signe évident de leur liquéfac-
tion. Pour l'hydrogène ce brouillard est partieu-
lièrement sublil et difficile à apercevoir, et il a
fallu un éclairage spécial pour le mettre en évi-
dence la première fois MM. Wroblewski et
Olszewski, ensemble ou séparément, ont com-
plété l’œuvre de M, Cailletel en obtenant les an-
ciens gaz permanents sous forme de liquides sta-
tiques, c’est-à-dire terminés, dans un tube étroit,
par un ménisque. Seul l'hydrogène avait jusqu’à
présent fait exceplion. Même refroidi dans l’oxy-
gène bouillant sous la pression de 15"" de mer-
cure (— 210°C.),ilrestait incoercible, quelle que fût
la pression, preuve que sa température critique
était inférieure à — 210°. Sous l'influence de la dé-
tente, ilse liquéfiait en gouttelettes ruisselant sur
les bords du tube-laboratoire, mais s'évaporant
avant d’être rassemblées en un tout limité par un
ménisque. Il restait donc à connaitre les condi-
lions précises de la liquéfaction de l'hydrogène,
c'est-à-dire la température et la pression critiques
de ce gaz. C'est ce double problème que M. Olszewski
a résolu par la voie expérimentale en généralisant
la méthode de la détente imaginée par M. L. Cail-
letet.
Les derniers travaux de MM. L. Natanson et
K. Olszewski reposent sur la détermination ex-
périmentale préalable de la pression critique de
l'hydrogène, que M. Olszewski admet être égale à
20% environ. Si l’on délend, en effet, de l'hydro-
gène porté à — 211°,au moyen de l'oxygène bouil-
lant dans le vide, l’ébullilion de l'hydrogène se
produit invariablement sous la pression de 20%,
que la pression iniliale soit 80, 100, 120 ou 440%tm,
Pour une pression iniliale inférieure à 80%, l’ébul-
lilion se produisait à une température inférieure à
la température crilique, et la pression sous la-
quelle se produisait l’ébullition descendait à 18, 16,
14% lorsque la pression initiale élait seulement
70, 60 ou 50m,
S'il en est bien ainsi, l'hydrogène, partant d’une
température initiale 4, — — 214° et d'une pres-
sion iniliale p, — 80%, arrive par détente adiaba-
lique à la température critique inconnue l, sous
la pression critique p, = 20%»,
Si, la température absolue étant — 273, l'on
pose T, — 273 + f,, T, — 273 + 4, etsi l’on ap-
pelle le rapport des deux chaleurs spécifiques de
l'hydrogène, qui est égal à 1,40 environ, on trouve
aisément par la (hermodynamique la relation :
Pi
(x) - (2)
h = Ti — 213 = — 23400,
fe
D'où :
Ce raisonnement, dû à M. L. Natanson, donne.
donc pour la tempéralure critique de l'hydrogène :
lb =—2310C.
IL est possible de retrouver ce même nombre
par une tout autre voie, en se servant, comme M.L. .
Natanson l’a fait, de la loi des états correspondants ",
due à M. Van der Waals.
L’équalion des gaz parfaits : pv — RT peul se
mettre sous la forme :
M étant le poids moléculaire du gaz et G une
nouvelle constante indépendante de la nature du
corps ; T est la température absolue. Si l'on ex-.
prime, avec Van der Waals, p, v et T en fonction
des constantes criliques # , w , Te, l'existence
d'une isotherme réduite commune à tous les corps
exigera la relation : Î
À
(1)
A
À étant une nouvelle constante identique pour
tous les corps. M. L. Nalanson a vérifié la cons-
tance de A d’une façon très satisfaisante sursix corps.
dont les éléments critiques sont connus avec quel-
que précision. La valeur moyenne de À élant con-
nue ainsi que M et. , la relation (1) donne T, , pour-
vu que l’on connaisse v, . À cet effet, on remarque
que l'équation p{v-b) — RT qui,d’après M. Amagat,
représente très bien la compressibilité de l'hydro-
gène dans de larges limites, est un cas particulier
de l'équation de Van der Waals, et qu'on a par
suile:v, — 3 b. Or,les expériences de M.Amagalsur
l'hydrogène ont élé calculées par M. Withowski, qui w
a fait connaître la valeur exacte de 4. On-en tire », ,
puis Te.
qui concorde exactement avec le calcul précé-
dent, el prouve une fois de plus la haute valeur de
la loi des états correspondants.
Te = AMpetve,
Il
Ce qui précède est purement spéculatif; M. K,
Olsze wski y a ajouté la décisive sanction de l’ex-
périence. Soit à mesurer la température critique M
1 Consulter à cet effet l'article de M. Ph. A. Guye, Jievne
générale des Sciences, t. 1, p. 365.
TR
E. MATHIAS — LA LIQUÉFACTION DE L'HYDROGÈNE
et la température d'ébullition de l'hydrogène sous
Fig: 2.
ure de la
figure 4, on voit une bou-
teille en acier, éprouvée à
220atm, Dans cette bouteille
pénètre, à la partie supé-
rieure gauche, un tube qui
amène, après détente, de
l'hydrogène gazeux prove-
nant d’une bouteille de fer
de 3 litres, où la pression
initiale du gaz était de
- AZüatm, Ce tube traverse un
- bouchon destiné à fermer
un flacon de verre à triple
parvi, non représenté ici,
qui entoure la bouteille en
… acier et qui est plein d'oxy-
… gène bouillant dans le vide.
À l'intérieur de la bouteille
en acier se trouve un sup-
- port en mica ou en ébonite
sur lequel est enroulé le fil
de platine thermométrique.
Celui-ci communique par
une de ses extrémités avec
un tube métallique traver-
sant le bouchon mentionné
ci-dessus et communiquant
avec la borne horizontale,
qui est reliée par un fil
métallique à une des bornes
d’un pont de Wheatstone,
non figurée ici, L'autre
borne communique par un
fil avec la borne verticale
supérieure de la figure, de
laquelle part un fil de cuivre
bien isolé, traversant l’inté-
rieur du tube métallique, et
se reliant à l’autre extré-
mité du fil de platine ther-
mométrique. On a ainsi un
circuit fermé, où la résis-
tance principale est celle du
fil enroulé sur le support,
résistance qui est mesurée
par le pont de Wheatstone.
La figure 2 donne une vue
perspective détaillée du sup-
port et de l’enroulement du
fil thermométrique.
la pression atmosphéri-
que. Pour cela il fallait
deux choses : d’abord
produire l’ébullition de
lhydrogènesousla pres-
sion critique ou la pres-
sion atmosphérique,
puis mesurer exacle-
ment et rapidement la
température de cesébul-
litions fugilives.
L'’ébullition étant pro-
duite par la détente
lente du gaz fortement
comprimé et refroidi à
— 911° par l'oxygène
bouillant dans le vide,
on réglait la détente de
façon que l’ébullition se
produisit sous la pres-
sion finale de 20** ou
de 1°, laquelle se main-
tenait constante quel-
ques instants, pendant
lesquels il fallaitprendre
la température de l'hy-
drogène bouillant. Ilne
saurait être question,
pour ces températures
si basses, du thermo-
mètre à {hydrogène ga-
zeux, auquel la loi de
Mariotte n’est plus ap-
plicable, ni des couples
thermo-électriques, peu
sensibles à ces tempé-
ratures el dont la sou-
dure n’est pas assez fine
pourprendreinstantané-
ment la température du
gaz environnant, Une
seule méthode parail
propre à la mesure de
ces températures si bas-
ses : c'est la méthode
des résistances électri-
ques, proposée et expé-
rimentée par MM. Cail-
letet et Colardeau, per-
fectionnée dans ces der-
niers temps par M. Wi-
thowski. Sous sa der-
nière forme, la méthode
consiste à plonger dans
- le mélange dont on cherche la température un fil
619
de plaine très fin dont les spires sont soigneuse-
ment enroulées sur un support isolant, et à mesu-
rer la résistance avec un pont de Wheatstone. La
loi de variation de cette résistance avec la tempé-
rature, étant connue par des expériences prélimi-
naires, donnera pour une résistance donnée la va-
leur de li température. La difficulté est iei que les
températures à mesurer étant les plus basses de
toutes, il faut absolument exérapoler la loi de varia-
lion de sa résistance électrique, ce qui peut laisser
un doute très sérieux. Ce doute est-levé en grande
partie si l’on considère : 1° que la loi de variation
est très sensiblement linéaire pour les spirales
de platine employées ; 2° que les températures ex-
trapolées sont assez peu distantes de la plus
basse (—208°,5) des températures connues, em-
ployées pour la graduation des spirales ; 3° qu'en
extrapolant on a pris comine coefficient de varia-
tion de la résistance pour 1° celui qui se rapporte
à la température de — 208°, 5.
Le disposilif expérimental employé par M. Ols-
zewski permet de retrouver à 1° près les tempé-
ratures d’ébullilion de l'oxygène sous des pres-
sions données, températures connues par ses tra-
vaux antérieurs et évaluées au moyen du ther-
momètre à hydrogène. M. Olszewski a trouvé
ainsi :
Température critique de l'hydrogène, — 234,5
Température d’ébullition normale 2439,5
La température critique trouvée expérimentale=
ment concorde très suffisamment avec les nombres
théoriques de M. L. Natanson. Par contre, il y à
un désaccord notable en ce qui concerne le point
d’ébullilion normal.
Les figures 1 et 2 représentent en projection
verticale et en perspective l'appareil thermomé-
trique de M. Olszewski, dont le fonctionnement
est suffisamment indiqué par la légende,
Peut-être l’intérèt que présentent les détails de
la produclion des très basses températures au
moyen des gaz liquéfiés augmentera-t-il si j'a-
joute que cette question est à l'ordre du jour,
que M. Raoul Pictet a installé à Berlin et ins-
talle en ce moment à Paris un laboratoire où
l'on pourra manipuler à volonté des kiiogram-
mes d’air liquide, et que, dans les autres pays,
le P' Dewar en Angleterre, et Le D' Kamerlingh
Onnes! à Leyde, ont réalisé dans le même ordre
d'idées des installations qui laissent peu de chose
à désirer.
E. Mathias,
Professeur de Physique
à la Faculté des Sciences de Toulouse.
1 Voir : Revue générale des Sciences, le n° 2 de cette
année, p. 86. ;
620
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
Trois études composent cette revue annuelle,
Chacune d'elles représente une des formes diver-
ses sous lesquelles se manifestent actuellement
les progrès de la Géographie.
Certains géographes tentent de réunir en une
synthèse tous les faits connus relatifs à une con-
trée, à un soulèvement montagneux, à un grand
fleuve. A cette catégorie de travaux appartient le
livre récent de M. Elisée Reclus sur le Æleure des
Amazones, objet de notre premier chapitre.
D'autres s'efforcent de suivre, à travers les siè-
cles, les conceptions humaines sur l’ensemble de
la Terre ou sur l'une de ses parties. Cel ordre de
recherches est représenté ici par l'étude de l'ou-
vrage de M, Rainaud sur le Continent austral.
Enfin les explorateurs se donnent pour mission
de découvrir des fails nouveaux. Et l’exposé des
résultats scientifiques de plusieurs voyages ré-
cents, accomplis dans l’Afrique orientale allemande,
offre un exemple de cette forme particulière de
l'activité géographique.
[, — LE FLEUVE DES AMAZONES.
On a la satisfaction de retrouver dans le nou-
veau volume de M. Reclus les qualités qui ont à
juste litre établi sa réputation ‘. Son érudition est
toujours aussi vaste. S'il n'avait pas laissé de côté
l'ancien, mais précieux voyage de Pæœppig *, on
pourrait affirmer qu'il a la connaissance de lous
les documents de valeur relatifs à son sujet.
Ses descriplions ont toujours conservé le même
éclat. Peut-être dans ses paysages de l’Amazonie
a-{-il même élé mieux inspiré encore que d'habi-
tude. Il a eu l'avantage de visiter personnellement
une partie des contrées qu'il dépeint; eLil état de
longue date familiarisé avec son sujet, puisque,
parmi ses premiers travaux géographiques, figure
une étude sur l'Amazone *.
Toutefois, il faut bien ajouter que ce volume n’esl
pas exempt d’un défaut, à notre sens, d’ailleurs,
commun à l’œuvre entière, M. Reclus décrit avec
bonheur les phénomènes naturels, il ne cherche
pas assez à les expliquer. Il enchante souvent
l'imagination du lecteur, il satisfait plus rarement
son raisonnement. Trailant des Amazones, il en
caractérise avec justesse, par exemple, chacun
1 L'Amazonie el la Plata. Tome XIX de la Nouvelle géo-
graphie universelle, Hachette et Cie, éditeurs,
? Reise in Chile, Peru, und auf dem Amazonen Slrome.
Leipzig, 2 vol. in-40 1813-35.
# Le Bassin des Amazones el les Indiens.
Mondes, n° du 45 juin 1862.
Revue des Deux
des affluents, il dépeint le choc des eaux fluviales
el marines dans l'estuaire, en termes si bien
choisis qu'on croil voir se développer les volules
de ce mascaret gigantesque. Mais, dès qu'on se
reprend, dès qu'on échappe au rythme des phrases
et qu'on se demande: «Par quel concours de
circonstances naturelles ce fleuve se forme-t-il?
Pourquoi roule-t-il une masse d'eau aussi colos-
sale des Andes à l'Atlantique? », on s'étonne de
chercher vainement la réponse dans ces mêmes
pages qui, quelques instants avant, provoquaient
l'admiration.
Les géographes ne doivent cependant pas se
proposer uniquement de décrire la Terre. Il y
aurait certainement du ridicule de leur part à
affecter trop d’austérité, à se complaire dans
l'abstraction, à éviler de parti pris la couleur et
les termes qui ont la vertu de projeter les choses
devant les yeux. Mais ils se diminueraient en
restant simplement des paysagistes littéraires.
Leur mission est plus haute, puisqu'ils se pro-
posent d'étudier les rapports des phénomènes gé0o-
logiques et orographiques, hydrographiques et cli-
matologiques, de la vie végétale et de la vie ani-
male entre eux, et surtout de rechercher leur
action sur l'existence économique, sociale el
historique de l'humanité.
Les faits rassemblés par M. Reclus dans son ou-
vrage permettent cependant d'exposer l'élal ac-
tuel des connaissances sur le fleuve des Ama-
zones, sur les causes de sa formation et sur son
régime.
Si l’on estime l'importance des fleuves à la lon-
gueur de leur cours, l'Amazone ne peut pas être
regardé comme le plus considérable du globe. Le
Nil vient en première ligne avec un développement
de 5.940 kilomètres, etle Missouri-Mississipi (5.582)
en seconde. À l'Amazone appartient seulement la
troisième place. Entre le Lauri-Cocha, petit lac
andin, d’où il sort sous le nom de Maranon, et son
embouchure, sa longueur est de 5.400 kilomètres.
Si, au contraire, la masse d’eau qu’un fleuve
apporte à l'Océan détermine son rang dans l'hydro-
graphie générale, il n’en est aucun qui puisse
prévaloir sur l’'Amazone.
Pour exprimer d'un mot ses proportions colossa-
les, les Brésiliens l'ont surnommé le Fleuve-mer. Le
fleuve des Amazones est bien, en effet, un bras de
mer au milieu du continent.Il en a les propertions.
Sa largeur atteint déjà cinq kilomètres, au con-
fluent de la Madeira, et seize en face de Sanlarem.
Dans l'estuaire, cinquante kilomètres séparent ses
Bb ot-mpand e
n
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 621
ee”
deux rives (fig. 1). Le Pas de Calais est étroit en
comparaison, puisque du cap Gris-Nez à Douvres
_ la distance est de trente-quaire kilomètres.
Comme la mer, le fleuve a ses tempêtes péril-
_leuses, qui obligent les navires à s’abriler dans les
eriques. Comme elle, il transforme le continent. En
| certains points, il l’érode et le diminue; en d’autres,
_ il l’accroit par ses apvorts. A l’époque de la baisse
_ des eaux, l’Amazone dégrade ses rives. De véri-
_ tables îles descendent au fil du courant. Un autre
grand fleuve tropical, le Nil, présente un spectacle
. analogue. Il charrie des amas d'herbes qui parfois
_s'agglomèrent et forment le zdd, cetie barrière
végélale qui en 1870 arrêla pendant des mois
Samuel Baker, en 1880 bloqua Gessi-Pacha, un
10
aclion est continue. Contrairement au phénomène
qu'on observe dans l'océan Indien, où les pluies
transportées par la mousson, qui souffle tantôl
vers le nord-est et tantôt vers le sud-ouest, se par-
tagent entre l'Asie méridionale et l’Afrique orien-
tale, la totalité des nuées originaires de l'Atlan-
tique se condense sur l'Amérique du Sud.
La disposition du relief du bassin de l'Ama-
zone (fig. 1) contribue aussi à en accroître l’'humi-
dité. Les Andes se dressent à son extrémité occi-
dentale. Grâce à son altitude, à sa forme concave,
à sa disposition en gradins, cette barrière monla-
gneuse arrête les vapeurs apportées par les alizés.
Rien ne passe, et la côte du Pérou est parmi les
contrées les plus sèches du globe. Une partie des
VÉ É NÉ Z ÜÉL. À Y Bove GUYANE X
\
Se it à 1
ER À HOLLANDS GUYANE"
\
Axe 1,58.
Ly
erbacees )
Hanaas
Fleuvê fille Bet}
ASS
RK
Fig. 1. — Carte du bassin de l'Amazone.
autre Européen au service du Khédive, etfinalement
lui coùla la vie.
Mais, sur l'Amazone, toutes choses s'amplifient.
Le fleuve n’entraine pas seulement des herbes flot-
tantes : il arrache des pans de rivage. De longs ra-
deaux de troncs entrelacés, auxquels s'accroche
toute une flore d'espèces herbeuses, passent au fil
de l’eau. Des oiseaux perchent sur les arbres, des
serpents sont suspendus aux branches. C’est un
jardin zoologique qui voyage.
Puis une ile ou un promontoire fait obstacle : le
radeau est arrêté ; les lianes s’entrelacent el atta-
chent l'ile flottante au rivage. L’Amazone, travail-
leur perpéluel, a démoli là-haut. Ici il reconstruit.
Plusieurs causes contribuent à la formation de
- ce fleuve géant:
D'abord, son bassin est entièrement situé dans la
zone des pluies tropicales. Les vents alizés y arri-
vent, chargés de la vapeur d’eau qu'ils ont balayée
sur l'Atlantique. Or ils soufflent toute l’année. Leur
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
nuages se condense sous forme de neige, et, par la
fonte, retourne à l’Amazone. Le reste est rejeté
dans la plaine, réfléchi par les Andes, qui font
l'office d’un écran colossal,
Les précipitations sont donc partout abon-
dantes. Elles atteignent annuellement, sauf en
quelques districts peu étendus, la hauteur de 1",30
au minimum. Une large bande terriloriale qui s’é-
tend au pied des Andes et épouse leur concayité,
reçoit 2 mètres d’eau; et même, à Iquitos, on cons-
tate 2,62.
Ces chiffres ne présentent cependant rien d’ex-
cessif. On peut même les considérer comme modé-
rés. D'autres contrées tropicales sont bien plus
arrosées. Le pluviomètre du Jardin Botanique de
Buitenzorg (Java) recueille une quantité d'eau an-
nuelle de 4%,50 ; et il existe un point sur le globe,
Tcharrapoungi (Inde Anglaise), où il en iombe
normalement plus de 12 mètres!.
1 Supan, Grundzuege der Physischen Erdkunde, p. 95.
Ta
22 H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
[=]
Si l’Amazone constitue un phénomène hydrogra- | piques, le Soleil passe au zénith. Quand la pluie |
phique unique, c'est donc moins à cause des quan- | tombe dans la partie du bassin appartenant à
tilés d’eau qui tombent sur son bassin qu’à cause | l’hémisphère boréal, elle cesse dans la partie aus- |
de l'étendue même de ce bassin. Aucun fleuve au | trale, etréciproquement. L’Amazone bénéficie, par
monde ne draine une pareille superficie. Le bassin | l'intermédiaire de ses affluents de gauche, des 4
du Yan-tse-Kiang est de 3.240.000 kilomètres car- | précipitations de l'hémisphère boréal, et de celles
rés, celui du Mississipi de 3.300.000, celui du Nil | del’hémisphère austral parses affluents de droite.
de 3.340.000. La surface de celui de l’'Amazone s’é- I n'ya qu'un grand fleuve tropical, le Congo, !
tend sur 6.500.000 kilomètres carrés. dont la disposition générale soit analogue. Grèce …
Certains cours d’eau, tels que le Gange, | au travail colossal des explorateurs européens, et
l'Iraouaddi, le Barito de Bornéo ont un tel débit, | en particulier des Français et des Belges, depuis
qu’en proporlion de leur aire de drainage ils sont | quinze ans le réseau hydrographique du Congo.
supérieurs à s'éclaircit de
l' Amazone. | DEEE : Jour en jour.
Mais celui-ci ? Et l’on sait.
est seul à bé- : SC | maintenant.
néficier de la | K/ 742 y GS. LL que l'Ouellé-
masse d'eau À Z ZT LL F7. Oubangui et
entière qui, laSanga.,afflu-
ailleurs, se ré- ents venantdu
partit entre nord , jouent .
plusieurs fleu- un rôle ana-
ves. C’est logue à celui.
pourquoi il du Yapura el
est, d'une ma- du Rio Negro,
nière absolue, et que le Lo-.
le plus consi- mami, le San- 1
dérable du kuru, le Kas-
globe. saï et le Kou-
Sagrandeur ango qui vien: j
résulte encore nent du sud,
de la disposi- correspon-.
tion extrême- dent au Pu =
ment réguliè- CPerron rus, à la Ma-
re de ses af- L7Z deira elau Ta-*
fluents. La Zone des affluents amazoniens en amont des chutes. pajoz.
comparaison Fig. 2. — Dépression amazonienne el zone exlérieure des cularactes \, On com Ti
classique L mence done à |
d’après laquelle on assimile un fleuve et ses | saisir nettement les causes de la formation de.
affluents à un tronc d'arbre orné de ses bran- | l'Amazone. 4
ches, s'applique admirablement à l’Amazone,. Certaines particularités de son régime sont éga- .
Tributaires de gauche : Iça, Yapura, Rio Negro, | lement bien connues. Comme tous les fleuves tro-
Trombetas; tributaires de droite : Purus, Madeira, | picaux, l'Amazone croit et décroil d'une manière
Tapajoz, Xingu, viennent symétriquement se con- | régulière. Mais, tandis que les autres éprouvent
fondre dans le fleuve principal (fig. 2). Le Pô et la | seulement une crue annuelle, l'Amazone en subit
Moldau, l’affluent bohémien de l’Elbe, sont peut- | deux. Sa participation aux pluies de l'hémisphère M
être les seuls cours d'eau qui présentent une ra- | austral d’abord et de l'hémisphère boréal ensuite, M
mure hydrographique aussi parfaite. explique celte anomalie.
Or, dans un pays tropical, une pareille dispo- Le fleuve grossit du début de mars au mois de
sition à un intérêt exceptionnel. Les pluies n’y | juillet. Il reçoit alors le tribut de ses affluents de
tombent pas, comme on le sait, uniformément | droite. Puis, d'août à oclobre, il diminue. Mais, à M)
pendant toule l'année. Mais leur chute en un lieu | cette époque, les affluents de gauche ont, à leur
coïncide avec les époques où, dans ses mouve- | lour, alteint leur point maximum. Grâce à leur M
ments apparents de déplacement entre les Tropi- | apport, le fleuve se gonfle derechef. Celle nouvelle
1 Ce cliché, extrait du grand ouvrage de M. Reclus, a été crue dure de novembre à janvier. Pendant le moisde
obligeamment prèté à la Revue par MM. Hachette et Cie. février se manifeste une seconde époque de baisse.
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
Le niveau de l'Amazone ne s'élève pas également
sous l'influence de ces deux crues. Celle de mars-
juillet est plus forte que celle de novembre-jan-
vier. Le cours proprementdit de l'Amazone est, en
-efret, situé au sud de la ligne équatoriale. En outre,
ses affluents de droite sont bien plus développés
que ceux de gauche. Les affluents supérieurs de la
Madeira plongent dans la zone australe jusqu’au
18°, alors que le point le plus SH drainé
par le Rio
Branco est si-
lué par 5° de
latitude N:Les
pluies de la
zone australe
exercent donc
sur le niveau
de l’Amazone
une action
plus sensible
_ que celles de
_ la zone bo-
réale.
_ La crue ne
Ja£o da Curie DT
pes se SION
623
en un endroit absolument sec, il se réveilla tout à
coup dans l’eau. En quelques heures, la rivière
avait silencieusement débordé et s'était répandue
dans les bois.
La baisse est aussi soudaine. D’après le même
voyageur, un petit vapeur amarré à un tronc
d'arbre, un soir, fut retrouvé le malin la proue
soulevée et l’arrière baïignant dans l’eau, tant la
rivière avait rapidement décru pendant la nuit.
L'hydrogra-
phie amazo -
nienne est ca-
ractérisée 6-
galement par
la facilité avec
laquelle se
creusent , à
côté du dit
principal, les
canaux secon-
daires . Une
fois dégagé
des Andes ,
l’Amazone tra-
verse des ter-
rainséminem-
ment meu -
ans toutes NÉE bles, dans les-
es parties du a quels les flots
fleuve. À Tef- D se fraient ai-
fé, la différen- ee sément pas -
ce entre les a sage. De plus;
niveaux ex - MCE la pente du
trèmes est or- HS RATE F- RE bassin est très
dinairement Ge. PL AO peu accen -
é = E
de 12 mètres.
a. See tuée. Lesflots,
Elle atteint
au lieu de se
guêre 9 mètres.
Lors des basses eaux, des iles innombrables se
ouvrent de végélation. Les plantes se hätent de
se développer. Puis Ja crue se produit, les canaux
du fleuve se remplissent de flots jaunes. Herbes et
leurs disparaissent sous les eaux. Quelques points
plus élevés émergent seuls à la surface, et servent
de refuge à des animaux de toute espèce.
Dans certains affluents, les crues sont très ra-
pides. Crevaux raconte que, s'étant endormi, pen-
ant la nuit du 18 mai 1879, sur les bords de l’Ica,
1 Ce cliché, extrait du grand ouvrage de M. Reclus, a été
obligeamment prèté à la Revue par MM, Hachette et Cie,
parfois 16 mè- SL :: Bart LR précipiter vers
tres et excep- Sn — son ED la mer, sem-
tionnellement + 3°] blent s’attar-
47. À Iquitos, “0 | der. Des com-
cette différen- Ouest de Greenwich 64°45: 54: 304 munications
ce ne dépasse Fig, 3. — Canaux de l'Amuzone. Teffé e! le confluent du Yapura 1. singulières el
‘ anormales s’é-
tablissent donc entre le fleuve et ses affluents,
et entre les affluents eux-mêmes. En aval de
San Antonio, un canal, l’Auaty Parana, se dé-
tache de l'Amazone et se jelle dans le Yapura,
avant que celui-ci ne se soit confondu dans l’A-
mazone. C'est donc le fleuve qui est tributaire de
son affluent.
La plaine de l'Amazone, sillonnée de canaux
infiniment ramifiés, est un vrai dédale hydrogra-
phique ; si les deux mols ne s’excluaient récipro-
quement, on pourrait la définir : un continent
aqualique (fig. 3).
L'absence de delta forme encore un trait
curieux de la géographie de l’Amazone.
On pensait naguère qu’un della consiste dans le
partage d’un fleuve aboutissant à la mer entre
deux ou plusieurs branches. On admet mainte-
nant qu’un fleuve possède un della quand il cons-
truit, par agglomération de ses alluvions, de nou-
velles parcelles de continent !. L'Ebre, par exemple,
ne se jette dans la Médilerranée que par une seule
bouche, et cependant il a un della, puisqu'il a
formé cette péninsule qui se détache d’une manière
caractéristique de la côte de Catalogne. Or, l'ile
de Marajo, devant laquelle se divise l’Amazone,
n'est ni formée ni agrandie par les apports actuels
du fleuve. Il n'a donc pas de delta, et c'est par un
esluaire grandiose qu'il se jette dans l’Océan.
Cependant, plusieurs des conditions nécessaires
à la formation des dellas ne manquent pas à l’A-
mazone. La masse de parcelles solides qu’il con-
tient en suspension, est colossale. D'autre part, il
a une telle force d'expansion qu’il pénètre au mi-
lieu des eaux de l'Océan et forme cette « mer
douce » qui, déjà en l'an 1500, avait tant sur-
pris Pinzon et ses compagnons.
L'Amazone semblerait donc apte à construire
au large une digue solide et à combler par ses
apports l’espace compris entre elle et la terre
ferme. Mais il est nécessaire, pour que les alluvions
se déposent, que les eaux soient calmes. Or,ducap
San Roque au Yucatan, la côte d'Amérique est
balayée par le courant sud équatorial. Il possède
une grande force. Il ronge la côte, et certainement
il a diminué la longueur de l’Amazone. Naguèëre
les deux bras du fleuve se rejoignaient en aval de
l'ile de Marajo, el la rivière du Tocantins, au lieu
de se jeter directement à la mer, se déversail dans
l'Amazone.
Le courant empêche donc le dépôt des alluvions.
Il les entraine, pour les déposer peut-être fort loin
dans le Nord. M. Reclus émet l'hypothèse ingé-
nieuse que les flèches de sable qui bordent la côte
des États de Floride et des Carolines, pourraient
bien être consliluées par ces alluvions, que là se-
rait le vérilable della des Amazones.
Le réseau navigable de l’Amazone et de ses
affluents est un des plus développés qui existent
au monde. Il ne joue cependant qu'un rôle infime
dans les relations commerciales du globe. Quelle
différence sous ce rapport entre ce fleuve géant
et ces ruisseaux qu'on nomme la Seine et la Ta-
mise! C'est que l’Amazonie est parmi les pays les
moins peuplés de la Terre. Un voyageur qui des-
cend le fleuve à l'impression d’une solitude infinie.
Les indigènes, peu nombreux, sont répandus sur
1 G. R. Crenxer, Die Dellus, Cahicr supplémentaire, n° 56,
des Pelermanns Geographische Miltheilungen. Gotha, 18178.
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
un immense territoire, el partant très clairsemés.
L'émigration européenne ne s’est pas portée vers
celle région. Seule Manaos avec ses 50.000 habi-
tants est une véritable ville ; mais les autres pré-
tendues « villes » sont des bourgs : Santarem a
2,000 habitants, et Teffé 1.800.
L'homme semble accablé par l'intensité de la
vie végétale. Il faudrait des légions de pionniers …
pour défricher l’'Amazonie. 5
Dans d’autres régions du globe, les générations
successives ont, par leur travail incessant, rendu la
terre non seulementhabitable,mais encoreagréable
à habiter. Ici, un pareil travail d'aménagement du
sol n’est même pas commenté.
Cependant, si jamais l'accroissement de l'huma-
nité oblige à mettre en valeur de nouveaux terri-
toires, l'Amazone jouera un rôle. Il facilitera la.
pénétration dans le Far-West de l'Amérique méri-
dionale. L'homme a toujours trouvé dans certaines
forces naturelles un secours contre d'autres forces
naturelles. Une semblable union se reverra sous
une forme nouvelle. Le fleuve sera l'allié de
l’homme contre la forêt. :
IT. — LE CONTINENT AUSTRAL.
C'élail une idée répandue chez les hommes les
plus distingués de l'Anliquilé grecque et romaine,
qu’à la partie de la Terre connue el habitée, à
l'ÆEcumène, en correspondait une autre, l'Antichtone,
siluée au delà de l'Océan.
Au Moyen Age, l'hypothèse de celle Lerre aus-
trale continua à préoccuper les esprits. Du xvom
au xvin® siècle, elle suscita parmi les savants »
maints débats et controverses. Elle disparut seu-"
lement lorsque Cook eut prouvé, par la plus écla-
tante des démonstrations expérimentales, qu'elle”
‘ n'élail pas fondée.
Pendant que les géographes diseulaient,les navi-"
gateurs s’élaneaient dans les mers à la recherche
de ce continent. Ils ne le découvrirent nalurelle-
ment pas, puisqu'il existait seulement dans leur
imagination. Mais leurs tentalives eureut pour ré-
sullat d'accroître considérablement les connais-
sances sur la partie du globe située au sud de
l'Equaleur.
L'idée de «Terre Australe » a donc suscité d'une
part des éludes théoriques, et de l'autre des croi"
sières marilimes. Suivre à travers les siècles l'évo-
lulion de celte idée et les progrès des découvertes,
rechercher en même temps les influences réci-
proques des théories sur les voyages, voilà préci-
RS PO
nt ur dns ff
ES
sément ce que s'est proposé M. Armand Rainaud
dans son ouvrage intitulé :
Hypothèses el Découvertes ?.
Le Continent Australk
à
1 Un vol. in-8°., Armand Colin et Cie,éditeurs. Paris, 1894.
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 625
; Son livre est solidement documenté. Il témoigne
de recherches fort étendues. Peut-être même serait-
on tenté de reprocher à M.Raïnaud un défaut de
sobriété. Le désir de ne sacrifier aucun détail, de
raconter par le menu les grands voyages de la fin
du xy° siècle et du commencement du xvr°, lui fait
parfois perdre de vue son idée principale. Tout
compte fait, cet ouvrage forme une très bonne con-
tribution à l’histoire des idées géographiques.
… L'existence de la terre australe fut admise par
beaucoup de penseurs de l'Antiquité. L’imagina-
tion la faisait surgir des profondeurs de la mer
Erythrée (océan Indien), de même qu'elle laissait
entrevoir au delà des colonnes d’Hercule, très loin
dans l'Atlantique, un continent que Platon nom-
mait l’Atlantide, Théopompe la Méropide, et Plu-
tarque le Continent Cronien.
Pour les Pythagoriciens, l'hypothèse résultait
de leur conception de l'harmonie de l'Univers. Si
le globe terrestre forme un tout bien ordonné, il
* est vraisemblable que l'hémisphère austral repro-
duit les dispositions de l'hémisphère boréal, avec
ses terres et les peuples qui l'habitent. L’argument
le plus souvent invoqué était fondé sur les besoins
de l'équilibre : un groupe de terres-australes pa-
‘ raissait nécessaire pour contrebalancer celui des
terres boréales et maintenir l'équilibre du globe.
Ptolémée essaya de fixer la situation de cette
terre inconnue. Elle enferme, dit-il, au sud la mer
Erythrée et relie la côte orientale d'Afrique à l’ex-
“trémité méridionale du pays des Sines.
F Mais les conceptions ne sorlaient pas de l’a priori
t les voyageurs furent impuissants à les confirmer
ou à les infirmer. Il est permis de douter de tous
S prétendus périples autour de l'Afrique. Eu-
loxe de Cyzique parait s'être avancé plus loin
qu'aucun des Anciens vers le sud, le long de la côte
ccidentale (n° siècle av. J.-C.) ; or, il ne dépassa
faisemblablement pas l'entrée du golfe de Guinée.
Dans l'océan Indien, il y eut des explorations plus
lointaines. Des navigateurs grecs réussirent vrai-
emblablement, entre les années 70 et 90 après
J:-C., à franchir l’Equateur. Mais aucune certitude
e pouvait résulter des données extrêmement va-
gues rapportées par les voyageurs.
La question du continent austral se posa donc
absolument intacte devant les hommes du Moyen
Age. Elle sollicila l'attention des Orientaux comme
celle des Occidentaux. Mais ils furent aussi inca-
pables les uns que les autres de la résoudre.
- Du v° au x° siècle toute science disparait en
Occident. Une seule autorité domine : celle de la
Bible. La Géographie participe à la décadence
générale. Tout l’art des cartographes se borne à
composer des rowelles, esquisses grossières sur
lesquelles les continents partagés en segments
sont entourés par une circonférence : l'Océan.
Les questions intellectuelles n'étaient cepen-
dant pas universellement négligées. Selon la belle
expression de Renan, il semble, quand le flam-
beau de l'esprit humain va s’éteindre entre les
mains d’un peuple, qu'un autre se trouve là pour
le relever et le rallumer. Les écoles d'Italie et de
Gaule deviennent désertes et silencieuses ; mais
un brillant mouvement intellectuel se produit
dans certaines villes d'Orient, telles que Harran
et Bagdad. Aristote, Euclide, Galien, Ptolémée
sont traduits du grec en arabe. Les musulmans,
dépositaires du trésor de la science antique, eurent
le mérite de ne pas le dilapider. Mais ils ne l’ac-
crurent pas. Ils adoplèrent sans critique les idées
des Anciens. En matière de Géographie, Plolémée
fut l'autorité incontestée. Ses vues personnelles
sur le continent austral furent acceptées comme
les autres.
Quant aux marins, ils ne se risquèrent pas dans
les parages éloignés de l'océan Indien ou de
l’océan Atlantique. Ils étaient paralysés par les
légendes effrayanies qui représentaient la zone
torride comme inhabitable et les Océans comme
couverts de ténèbres.
La contribution des géographes et des naviga-
teurs arabes à la connaissance des terres australes
fut donc nulle.
Au moment où, à leur tour, les peuples musul-
mans commencaient à subir une décadence dont ils
ne se sont jamais relevés, les Occidentaux renais-
saient à la vie intellectuelle. Les ouvrages les plus
importants de la science arabe sont traduits en la-
Lin. « Dès les premières années du treizième siècle,
l’Aristole arabe fait dans l’Université de Paris son
entrée triomphante. » La question de la terre aus-
trale s’imposa à l'attention des érudits. Les œuvres
d'Albert le Grand, de Roger Bacon, de Vincent de
Beauvais témoignent des discussions qu'elle suscita.
Cependant, aucun fait récent ne renouvelait
le débat. L’Antiquité continuait à le défrayer. C'é-
taient toujours lès mêmes arguments, que se lan-
caient partisans el détracteurs de ia terre australe,
et qui rebondissaient d’un camp dans l’autre. Au
début du xv° siècle, l'hypothèse de l’Antichtone se
posait donc dans les mêmes termes qu'à l'époque
des Alexandrins.
Les idées relatives au continent austral subirent
profondément le contre-coup des grands événe-
ments maritimes du xv° siècle: voyages de Barthé-
lemy Diaz, de Vasco de Gama, de Christophe
Colomb. Le voile, qui bornait la vue des Européens,
se déchirait. Quantité de préjugés disparurent. On
cessa de croire la zone torride inhabitahle, et les
Océans impossibles à franchir.
Et puis un si grand nombre de terres inconnues
626
avait été révélé en quelques années, que de nou-
velles découvertes paraissaient vraisemblables. Au
scepticisme exagéré d'autrefois succédait désor-
mais une confiance illimitée. La comparaison entre
les obstacles rencontrés par Colomb, en 1492, et
les facilités qui entourèrent le départ de Magel-
lan, en 1519, permet de mesurer le progrès ac-
compli par les idées.
L'opinion publique était donc favorablement
disposée à l'hypothèse dela terre australe, quand
plusieurs découvertes mal interprétées vinrent à
point pour fortifier les convictions. En traversant
le détroit qui porte son nom (1520), Magellan lais-
sait au sud la Terre de Feu. En 1526, le Portugais
. TT teats
Mora ee
ARE DEL ZVR
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
——_—_—_—_—__—_—_—_—_—_—_— ——p a —_—…————
rins étaient préoccupés uniquement de chercher
de nouvelles voies vers les îles des Épices. Ils
croyaient avoir aperçu ses promontoires avancés,
mais c'était beaucoup moins volontairement que
par le hasard des navigations. -
Au contraire, les premières années du xvn‘siècle
marquent dans l'histoire du Continent Austral le
début d'une ère nouvelle. Désormais, on s’efforcera
de l’atteindre méthodiquement. La découverte de
cette terre sollicile d'autant plus les aventuriers
intrépides, qu'ils sont convaincus « priori qu'elle”
renferme de grandes richesses. L'un d’eux la décrit
ainsi en substance : « L'argent, les perles, la nacre
n'y sont pas rares. On y trouve même de l'or, Le
ET
RE
ee Lo
MARE Le :
INDIA —
Terre Asvinolu
anpe ee
_Crreut Aitone feu
Fig. 4. — Les Terres australes, d'après les mappemondes Mercatoriennes. 1.
Georges de Meneses découvrait la côte septentrio-
nale de la Nouvelle-Guinée. Enfin, à une époque
difficile à préciser, mais certainement antérieure
à 1555, des marins français ou portugais recon-
nurent la côte orientale de la terre appelée main-
tenant Australie el nommée, au xvi° siècle, Grande
Jave. Or, toutes ces découvertes restaient vagues.
Ici un cap avait élé aperçu, ailleurs on avait longé
quelques milles de côtes. L’incertitude même des
données rapportées par les navigaleurs, autori-
sait toutes les audaces des cartographes. Ils réu-
nissaient par des lignes imaginaires les côtes
entrevues. Et c’est ainsi que, sur la mappemonde
de Mercalor de 1569, s'étend de l'Ouest à l'Est et
sans interruption une terra australis (fig. À).
Jusqu'alors le continent Austral n'avait pas
été l'objet d’explorations systématiques. Les ma-
1 Ce cliché, extrait du livre de M. Rainaud, nous. a “été
obligeamment prêté par l’auteur.
"TERRAIN SNA
climat y est très sain. On y voit beaucoup de:
vieillards. » ;
Ces peintures enchanteresses de pays inconnus
n’ont rien de surprenant. flles apparaissent à
toutes les époques où l’expansion européenne a
été vigoureuse. Nos yeux y sont accoutumés, Que
de fois on s’est plu, depuis quinze ans, à vanter,
avec force détails, les ressources de contrées afri=
caines encore à peine explorées !
De tous ces conquistadores, aucun ne déploya
plus d'énergie, pour atteindre le Continent Austral,M
que le Portugais Fernandez de Queiros. Son exis-
tence parait ne pas avoir eu d'autre objet. Il ya
peut-être quelque emphase dans le litre de « héros
de la Terre Australe » que lui décerne M. Raïnaud ;
mais jamais, assurément, idée géographique ne
rencontra de défenseur plus convaincu. Un premier
voyage dans la mer du Sud, en 1595, l'avait tiré
de pair. En 1603, il obtint du roi d'Espagne un
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 627
nouveau commandement. Son exploration fut con-
duite avec méthode. 11 décrivit une ligne brisée
dans l'Océan Pacifique entre l'Équateur et le
» 30° latitude S. et découvrit l'ile du Saint-Esprit
groupe des Nouvelles-Hébrides) qu'il supposa un
- fragment du continent rêvé. Il rentre en Europe;
mais, jaloux d'achever sa découverte, il solli-
cite sans relâche l'armement d'une nouvelle ex-
pédition. Il accable les membres du Conseil d'Etat
- d'Espagne de projets et de mémoires. Enfin, las
d'être toujours rebuté, ilse préparait à partir à ses
frais, quand il mourut (1614).
Au moment où l’ardeur des marins s'éteint en
Portugal et en Castille, elle s'allume dans les Pays-
Bas. Les Hollandais ont élé attirés en Extrème-
Orient par l'ambition d’arracher au roi d'Espagne
_ la possession des iles de la Sonde.
- La question du continent Austral s’est imposée
par surcroît à leur attention. Parmi les nombreux
voyages qu'ils accomplirent dans l'Océan Pacifique,
les plus importants furent celui de Le Maire et
Schouten et celui de Tasman. ,
… Le négociant d'Amsterdam Jacques Le Maire et
Je navigateur Guillaume Schouten s’associèrent
f et armèrent en 1615 deux bâtiments, avec l’inten-
— Lion de «trouver un autre passage que le détroit
- de Magellan pour entrer en la mer du Sud et dé-
couvrir nouvelles terres et iles vers le Sud ». La
“découverte la plus mémorable de cette campagne
fut celle du çp qui termine l'Amérique, et qui
ful nommé Æorn, en souvenir de la ville où Schou-
- ten élait né.
… L'objet principal de la mission dont Tasman
avait été investi par le gouverneur des Indes néer-
…_ landaises, Van Diemen, était de longer la côte
du Continent Austral. Au sud de la Grande Jave,
il découvrit la terre à laquelle fut attribué son
“ nom : la Tasmanie. Il reconnut ensuite la côte occi-
+ dentale de la Nouvelle-Zélande, qu’il avait appelée
Terre des États en l'honneur de « Leurs Hautes Puis-
sances les États des Provinces-Unies ».
Ces voyages, comme beaucoup d’autres, étaient
aussi défavorables que possible à l'hypothèse du
Continent Austral. Chacun d'eux lui portait un
… nouveau coup. En vain les vigies scrutaient alten-
« tivement l'horizon. Elles n'apercevaient jamais le
“rivage de la terre promise. Au sud de l'Amérique,
comme au sud de cette Grande Juve, désormais
nommée pour deux siècles Vouvelle-Hollande, la
… mer était libre et ouverte.
— On ne se résignait cependant pas à renoncer à
“| hypothèse tradilionnelle. La vieille forteresse
lait cimentée de convictions si solides que, ballue
cn brèche, ébranlée de tous côtéset même déman-
… Lelée en plus d’un point, elle restait quand même
… debout. Voici comment s'exprime le Hollandais
Varenius, une des autorités géographiques du
xv!r° siècle, dans sa Geographia generalis in qua affec-
tiones generales telluris erplicantur (Amsterdam, 1664):
« Cette terre (australe) se rapproche de l'Ancien
Monde dans les régions qui avoisinent la Nouvelle-
Guinée, et de l'Amérique ou Nouveau Monde dans
les régions qui limitent le détroit de Magellan. »
Un siècle après, les hommes les plus distingués
restent encore obslinément attachés à l’idée de
l'existence d’un Continent Austral. Dans son exposé
de la Théorie de la Terre, qui forme .le tome pre-
mier de son Histoire Nalurelle (1749), Buffon laisse
entendre qu'à son avis, on rencontrera dans les
espaces inexplorés des mers australes un conli-
nent aussi étendu que l'Ancien Monde.
Buache affirme dans un mémoire lu le 12 no-
vembre 1757 devant l’Académie des Sciences,qu'une
ligne de côtes continue relie la Nouvelle-Guinée à
la Terre de Feu.
Enfin, l'hydrographe anglais Dalrymple, en 4770,
s’avançait jusqu'à donner la superficie des Terres
Australes, qu'il déclare égales «à toutes les régions
civilisées de l’Asie depuis la Turquie jusqu'à la
Chine». On était d’autant plus enclin à persister
dans des idées erronées qu'un argument nouveau
et d'apparence scientifique venait au secours des
anciens : Les marins rencontraient beaucoup de
glacesflottantes. Or, c'était une opinion absolument
répandue que l’eau demerne gèle pas loin des côtes.
Il existait done certainement un continent d'où
ces glaces se détachaient.
Cependant, au moment même où l'on s’ingéniait
à les édifier, le capitaine Cook vint ruiner ces fra-
giles échafaudages d'arguments. Il fallut se rendre
à l'évidence. Dans son premier voyage (1768-71),
Cook démontra, en faisant la circumnavigation
de la Terre des États ou Nouvelle-Zélande, qu'elle
ne pouvait pas être la partie orientale du Continent
Austral.
Mais ce fut surtout son second voyage (1772-75,
qui anéantit définitivement l'hypothèse consacrée
et fit triompher la vérité sur des erreurs courantes
depuis des siècles. Cook poussa une série de pointes
dans les mers antarctiques. Il s’avança ainsi dans
l'Atlantique jusqu’à 59° 13', dans la mer des Indes
jusqu’à 67° 15', dans le Pacifique jusqu'à 71° 10"
« sans rencontrer nulle part les promontoires
avancés du Continent Austral ». Il élait autorisé à
écrire en revenant : « J'ai fait le tour de l’hémis-
phère austral dans une haute latitude, et je l'ai
traversé de manière à prouver, sans réplique, qu'il
n’y a pas de continent, à moins qu'il ne soit près
du pôle et hors de la portée des navigateurs. »
Ainsi était fermé le débat,
Ce ne fut pas la seule conséquence des voyages
de Cook. Ils en eurent une autre bien inattendue:
628
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
ils favorisèrent indirectement l'exploration de l'A-
frique. Nous sommes un peu surpris que M. Rai-
naud n'ait pas développé cette idée.
L'Association Africaine, ou plus exactement 7e
Association for promotinqg the Discovery of the interior
Parts of Africa, fut fondée à Londres en 1788, c’est-
à-dire neuf ans après la mort de Cook. À sa tête
figuraient quelques-uns des membres les plus en
vue de l'aristocratie. Naguère comme aujourd’hui,
les Anglais aimaient à placer les sociétés scienti-
fiques sous la protection de nobles patrons. Mais
en réalité l'homme qui lui donna la vie et, pendant
plus de trente ans, veilla sur elle avec une sollici-
tude paternelle, fut Sir John Banks. Or, c'élait ce
même Sir John Banks qui avail accompagné Cook
en qualité de naturaliste pendant le voyage de
1768-71. L’éminent géographe viennois Supan à
naguère signalé cette coïncidence, mais il importe
d'y insister. C’est le même homme qui a contribué
à anéantir l'hypothèse du Continent Austral et
à créer l'Exploralion africaine. Les termes par
lesquels s'ouvre le premier volume des Proceedings
de l’Association, donnent une preuve encore plus
convaincante du rapport existant entre les deux
événements géographiques. L'intérêt de la citation
excusera sa longueur: « De toutes les recherches
qui ont le pouvoir de solliciter notre attention, il
n'yen a peul-êlre pas qui excite autant la curiosité
du jeune homme ou du vieillard, que le savant et
lignorant désirent autant approfondir, que la
nature el l’histoire des parties de la Terre encore
actuellement inconnues. Feu le capitaine Cook a si
heureusement répondu à ce vœu que, sur mer, à
l'exception des régions polaires, ilne reste plus rien
à découvrir; mais sur les continents un tiers des
régions habitées reste encore à explorer. Car une
grande partie de l'Asie, une plus grande de l'Amé-
rique etyresque toute l'Afrique est encore non visitée
et inconnue. » Et plus loin: «La carte de l’intérieur
(de l'Afrique) est une grande tache blanche sur
laquelle le géographe, s'appuyant sur l'autorité
de Léon l’Africain et de l'écrivain nubien Edrisi,
inscrit d'une main hésitante quelques noms de
fleuves inexplorés et de peuples incertains. »
La curiosité humaine est insatiable. Elle exige
sans cesse des alimentsnouveaux.Aumoment même
où le problème du Continent Austral est résolu, les
questions africaines se posent.
HI. — L'AFRIQUE ORIENTALE ALLEMANDE
Voici juste dix ans que les Allemands se sont
établis dans l'Afrique orientale. C'est le 27 fé-
vrier 4885 que Guillaume I‘ plaçait sous son pro-
lectorat les territoires que le jeune D' Karl Peters
venait d'acquérir dans l'Ousagara, au cours d’une
éexpédilion aussi rapide qu'audacieuse. Ce domaine-
primitif s'est bientôt élargi dans des proportions
considérables. Les Allemands ont réussi à sous-
traire le hinterland de Zanzibar aux Anglais, qui
déjà en escomplaient la possession. Ils se sont
taillés entre l'océan Indien etle lac Tanganika, les
lacs Victoria et Nyassa, un beau morceau de terre
africaine, dont la superficie est égale environ au
double de celle de l'Empire.
L'établissement de cette colonie a eu d’impor-
tantes conséquences sur le progrès des connais-
sances géographiques de celte région. Au lieu de se
disperser, comme naguère, sur l’ensemble du con-
nent, beaucoup d’explorateurs allemands ont
concentré sur elle leurs efforts. Ils ont ainsi
obéi à une tendance générale. L'Afrique a élé
partagée entre les nalions européennes. Sa carte
politique reflète celle de l'Europe occidentale et
centrale. Elle la déforme, de même que certains mi-
roirs altèrent les proportions des objets qu'ils re-
produisent: elle en réfléchit pourtant l’image. L'A-
frique devient de moins en moins un champ inter-
national d'activité. Chacun travaille chez soi et
pour soi. La plupart des explorations françaises se
sont groupées dans le sud de l'Algérie, dans le
Soudan, dans le Congo et à Madagascar. De même,
aucune lâche n’a paru plus urgente aux Allemands
que la reconnaissance de leurs domaines particu-
liers : Togo, Cameroun, Sud-Ouestafricain, Afrique
orientale.
Parmi les explorateurs de cette dernière colonie,
Fischer, Hans Meyer, Stuhlmann, von Schele, sont
les plus célèbres.
Un long voyage a été accompli en 1891-1893
par Oscar Baumann, qui s'élail déjà signalé par
{rois expéditions en Afrique, el notamment par
une reconnaissance détaillée de l’'Ousambara !. Il
a atteint le lac Tanganika en traversant des ré-
9
gions pour la plupart inconnues ?. En rappro-
chant ses observalions de celles de ses prédéces-
seurs, il est possible de tenter l’esquisse de la
géographie physique de l'Afrique orientale alle-
mande.
La côte est bordée par une succession de mon-
tagnes. Leur direction générale élant nord-est
sud-ouest, et celle de la côte parallèle au méri-
dien, la bande de terrain plat qui les sépare de
la côte, va en s’élargissant du nord vers le sud.
Elle est de 30 kilomètres à hauteur de l'Ousam-
bara, de 100 à hauteur de l'Ousagara et de 500
en face du lac Nyassa. L'allilude des montagnes
se maintient généralement aulour de 2.000 mè-
tres. Elle fléchit dans le Ngourou, où elle descend
1 Usamnbara und seine Nachbargebiele. Un volume in-8e,
Berlin, Reimer, 1891.
2 Durch Massailand zur Nilquelle. Un volume in-8°, Ber-
lin, Reimer, 1894.
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
629
_ à 4200 mètres; mais, sur les bords du Nyassa,
elle se relève et atteint peut-être 3.000 mètres.
- Ces montagnes jouent un rôle très important
. dans l’hydrographie de l'Afrique orientale : elles
_ arrêtent une grande partie de la vapeur d’eau pro-
venant de l'océan Indien. Le régime des pluies sur
la côte est encore mal expliqué. Il y a deux saisons
30
Le long de leurs bords et sur Le flane oriental des
montagnes se développe une végétation luxuriante.
Baumann décril dans les termes suivants un coin de
forêt de l'Ousambara : « Pendant des heures, on
circule au milieu des troncs gigantesques, dont les
couronnes de feuillage s'épanouissent à une grande
hauteur. Autour d’eux serpentent de nombreuses
35
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pluvieuses, une grande et une petite; mais elles ne
coïncident pas, comme onpourraits’yattendre,avec
l’époque où souffle la mousson du nord-est. Quoi
qu'il en soit, ces montagnes font certainement l’of-
fice de Rene C'est sur leur flanc que
prennent naissance le Ouami, le Roufidji, le Ro-
. vouma, et, si le Pangani provient du Kilimand-
jaro, beaucoup de ses affluents se forment dans les
monts de l'Ousambara. Le lit de ces fleuves con-
. tient de l'eau toutel’année, mais ils sont embarras-
és de rapides, partant peu utiles à la navigation.
|
:
F Fig. 5. — Carte de l'Afrique orientale allemande.
|
lianes ; sur eux, croissent des plantes parasites aux
feuilles brillantes. Des herbes et des broussailles
couvrent le sol comme d’un feutre épais, et, dans
les éclaircies, elles sont presque infranchissables.
La végétation est particulièrement enchanleresse
au bord des ruisseaux. Des fougères arborescentes
se développent sur les rives, et de fantaisistes
lianes aériennes les couvrent en forme de voûte f. »
Dans la plaine s'étendent des savanes. Le sol
1 Usambara und seine Nachbargebiele, p. 166-7
630
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
est couvert d'herbes hautes d'un mètre, d'où sur- | vane, quelque chose d’insolite. Les porteurs dépo-
gissent des arbres isolés ou des bouquets d'arbres.
Le paysage donne l'impression d’un immense parc.
En certains points apparaissent aussi des steppes
où les rivières coulent par inlermittence, où
croissent palmiers doum et acacias épineux.
Au delà des montagnes commence le plateau
qui s’étend sur la plus grande partie de l'Afrique.
Jusqu'au Victoria et au Tanganika, sa structure
géologique est simple. Aux schistes cristallins du
pays des Massaï font suite les granits de l'Ounya-
mouési,auxquelssuceèdent de nouveau des schistes
cristallins dans la région dite « entre lacs ». Son
altitude oscille entre 1.000 et 1.500 mètres aud-essus
du niveau de la mer. Sa surface est généralement
plane; cependant il s’est produit des affaissements,
et des rides se sont dessinées. La plus importante
de ces fissures est celle connue sous le nom de
« grande faille de l’Afrique orientale ». Elle est ja-
lonnée par les lacs Manyara et Natron, puis, au
delà des limites de la colonie allemande, par les
lacs Rodolphe et Stéphanie et par la dépression de
l’Afar, à l'est du plateau abyssin. Elle se poursuit
ensuite par le golfe d’Akaba jusqu’à la mer Morte,
et forme une des importantes lignes de dislocation
de l'écorce terrestre. Le rebord oriental de ce fossé
n'apparait plus nettement. Le mont Geleï, le mont
Oufiomi en demeurent les seuls vestiges. Au con-
traire l’arêle occidentale n’a pas été effacée. Un
trait vigoureux et partout visible la dessine,
Comme il arrive fréquemment, des manifestations
volcaniques se sont produites le long de cette
ligne de dislocation. Et sur le bord de la lèvre
occidentale de la faille émergent les cônes du Do-
ryongaï el du Gouroui.
Aux côlés de cette grande fissure s’en sont formées
deux autres de dimensions moindres : 4° à l’est
la faille du Kilimandjaro, que suit la vallée supé-
rieure du Pangani et sur le bord de laquelle s'élève
le massif d’où on l’a nommée; 2° à l’ouest la faille
Wembéré, en partie occupée par le lac Eiassi. Les
contours de cette faille Wembéré sont très accusés.
Au nord, son rebord estextrêémement abrupt. Bau-
mann resla stupéfail le jour où il découvrit cette
échancrure du plateau. La simplicité de son récit
témoigne de l'intensité de son impression :
« Le 23 mars (1892), au matin, nous nous
avancions sur le plateau froid et brumeux de Nei-
robi, toujours à travers ces belles prairies dont le
sol gras est profondément sillonné par des sen-
tiers à bétail. À notre gauche s’élevaient.des émi-
nences gazonnées. Le pays élait beau et riche, mais
les collines herbeuses se succédant sans fin lui
donnaient un aspect monotone. En tous cas, rien
ne faisail prévoir un changement.
« Tout à coup, je remarquai, à la tête de la cara-
saient leurs charges et, de leurs gestes, ils mon-
traient le sud.Je me dirigeai rapidement vers eux et
ne pus relenir un eri d'étonnement lorsque je fus
arrivé sur la colline. À nos pieds s'élendait une
extraordinaire fissure avec des parois abruptes el
rocheuses, une faille au sens géologique, où l’on
voyait littéralement qu'un morceau du plateau
avait glissé de 1000 mètres. Sur le plafond de cette
faille s’'étendait un lac bleu (l'Eiassi), entouré de
rives de sable et se confondant au sud avec l'ho-
rizon !. »
Ce plateau est médiocrement arrosé. Il y pleut
tous les ans, mais en petile quantité. Seules les par-
lies les plus élevées du bord occidental de la grande
faille reçoivent beaucoup d’eau. Il ne faut pas en-
core songer à évaluer ces précipitalions en chiffres.
Dans l’ordre des découvertes géographiques, ce
sont toujours les observations météorologiques qui
sont faites les dernières. On sait déjà, cependant,
qu'il n'y a pas deux saisons pluvieuses, comme
sur la côte, mais une seule.
Comme tous ceux des régions tropicales, les
fleuves du plateau varient beaucoup de volume
selon les saisons. Mais les différences qui se mani-
festentdanslesautres, à l’époque sècheelàl'époque
humide, sont encore bien plus fortement accusées
dans ceux-ci. Pendant la saison sèche, l’eau ne
continue à courir que dans le chenal de quelques-
uns d’entre eux, tels que le Mlagarasi, qui aboutit
au Tanganika, le Roubana, le Mara, qui se jettent
dans le lac Victoria, et dans les petits torrents qui
alimentent le lac Manyara. Sans doute, ils s'ap-
pauvrissent, mais ils restent, au sens propre du
mot, des cours d'eau. Les autres se transforment,
pour la plupart, en un chapelet de lacs, où se réfu-
gient hippopotames, crocodiles et poissons. Dans
les terrains d’alluvion, qui forment d'étroites
bandes au sud du Victoria, ou s'étalent au sud de
l'Eiassi, il y en a même qui se dessèchent complè-
tement. Le lit du fleuve témoigne seul de son exis-
tence. Il faut creuser le sol pour trouver de l'eau.
li existe au Sahara de semblables fleuves souler-
rains. Au pied de l'Atlas, « l'oued el Arab, l’oued
Abiod, l'oued Djedi, renferment toute l'année, sous
terre, un filet d'eau excellente, qui alimente une
partie des oasis du Zab ? ».
Dans certaines régions tropicales de l'Afrique,
il y a donc des rivières analogues aux ouadi saha-
riennes. Ce n'est pas là une des observations les
moins curieuses faites par les explorateurs.
Pendant la saison humide, l'aspect du pays
change complètement le Mlagarasi, le Mara
gonflent el inondent leurs rives. Le Mara à été
1 Durch Massailand zur Nilquelle, p. 34.
2 A SoniRMER, Le Sahara, p. 172.
vu à deux différentes époques de l’année, en jan-
vier (1886) par Fischer, en mai (1892) par Bau-
mann. Dans le premier cas il contenait « un peu
d'eau couleur d'argile dans un lit profond et large ».
Dans le second, «il inondait ses rives et était diffi-
cile à passer ». Les marais, tronçons de fleuves
. séparés les uns des autres et comme égrenés pen-
dant la saison sèche, s'unissent et se transforment
_ en véritables cours d’eau. De l’eau coule dans les
_ gouttières habituellement desséchées.
Les lacs qu'alimentent quelques-unes de ces
rivières, subissent des fluctuations analogues. Lors
de la sécheresse, l’Eiassi et le Manyara baissent
_ coùsidérablement. Réciproquement l’Eiassi inonde
de grandes surfaces à l’époque: des pluies.
La composition des roches formantle plateau a
vraisemblablement une influence marquée sur ce
régime. Ce n’est pas la règle dans les régions tro-
picales : l'hydrographie y est souvent indépendante
de la géologie. Les plantes vivantes, les détritus
de végétaux accumulés, forment une véritable cou-
verture. Sous celle masse spongieuse qui arrête
l’eau, il importe peu que les roches soient ou non
perméables, Mais le plateau Massai-Ounyamouési
est, sinon complètement dénudé, au moins couvert
d'une végétation assez maigre. Sur les parties
élevées s'étendent de grasses prairies, et même,
par places, des lambeaux de forêts tropicales.
Mais, généralement, c’est une végélation de steppe
qui domine, caractérisée par des acacias à l’est el
des Cæsalpiniacées à l’ouest. Ici donc, la nature
minéralogique du sol n’est pas indifférente.
Or le plateau Massaï-Ounyamouési est composé
surtout de roches imperméables. L'eau tombe,
coule vers les dépressions, s'accumule dans les
cuvettes. Une très petite quantité s’infillre dans
le sous-sol. Les sources sont de faible débit.
Les voyageurs souffrent de leur absence : « Pen-
dant la sécheresse, l’Ounyamouési n’est guère
plus facile à traverser que la steppe Massaï. Les
sources donnent de l’eau mauvaise et en petite
quantité. Dans les solitudes qui s'étendent entre les
villages, il faut souvent, au campement, se passer
d'eau !, » Rien ne vient donc atténuer pendant la
saison sèche les terribles effets de l’évaporation.
Ainsis’expliquentles écarts de niveau que subissent
rivières et lacs aux différentes époques de l’année.
La partie de l'Afrique orientale allemande située
entre la rive occidentale du lac Victoria d’une part,
l'extrémité nord du Tanganika, et le lac Kivou
d'autre part, est de beaucoup la moins bien connue.
Les renseignements recueillis sur l’orographie et
le climat de cette contrée sont peu nombreux et
contradictoires. On sait cependant qu'elle est tra-
versée par une grande rivière, la Kagéra, qui doit
1 Baumanx, Durch Massailand, etc., p. 143.
H, DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
631
retenir l'attention, à cause de certaines particu-
larités de son régime et de son rôle dans l’hydro-
graphie générale de l'Afrique.
Le caractère singulier des affluents de la Kagéra,
c'est de former un type hydrographique intermé-
diaire entre l’eau courante et le lac, d'être, d'un
mot qu'il faut créer, des rivières-marais. Chaque
vallée se compose d’une succession de gradins.
Chaque bief est occupé par un marais couvert de
papyrus et séparé du précédent et du suivant par
une ou plusieurs marches. L'eau suinte lentement
au travers du réseau végétal, arrive au rapide, le
franchit avec fracas, puis continue à s’écouler len-
tement dans le marais inférieur.
Celte forme hydrographique parait d’ailleurs
commune à tout le plateau « d’entre lacs ». Le capi-
taine Lugard— cet officier anglais sans scrupules
qui, le 30 janvier 1892, mitrailla nos malheureux
missionnaires de l’Ouganda — a aussi décrit ces
rivières-marais vaseuses, couvertes de papyrus, et
qui s’élalent paresseusement!.
La Kagéra offre encore un autre intérêt. Elle
représente le Nil sous sa forme primitive. Le Nil
blanc résulte de la conjonction de trois groupes
de cours d’eau : le premier formé par les rivières
qui se jettent dans le lac Victoria, le second de
celles qui aboutissent au lac Albert et dont la
Semliki est de beaucoup la principale, le troisième
de celles qui se réunissent dans Le Bahr el Ghasal.
Or, la source d'aucun de ces cours d’eau n’est
aussi éloignée du Delta que celle de la Kagéra. La
source du Nil se confond donc avec la sienne.
Le 19 septembre 1892, Baumann a vu le confluent
de deux pelits ruisseaux dont la réunion forme la
Kagéra. La montagne de près de 3.000 mètres de
hauteur où ils prennent naissance, porte le nom
de Misosi ya Mouesi, ce qui signifie Monts de la
Lune. Le Nil viendrait donc bien des monts de la
Lune. Il serait piquant que les explorations mo-
dernes aient ainsi parfaitement confirmé une des
hypothèses des anciens géographes.
Il ne faudrait cependant pas exagérer l’impor-
tance de celte découverte. Elle n’est pas compa-
rable à celle de Speke. Baumann n’a pas donné
la solution d'un grand problème géographique,
comme le fil Speke en 1860. Néanmoins, il est inté-
ressant de connaitre le pointinitial de cet immense
fleuve qui se développe sur une longueur de 35 de-
grés et sous les formes les plus variées: rivière
marécageuse d’abord, puis fleuve torrentiel dans
une parlie de l'ancienne province équatoriale,
fleuve de plaine ensuite, et, enfin, pendant sa tra-
versée du désert, grandiose oued saharienne dans
laquelle se mirent les bouquets de palmiers.
PE DER De D RSR ER Se
1 Cap. Lucar», The rise of our Eusl African Empire, t. U,
p- 118.
632
H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE
IV. — TRAVAUX DIVERS.
Dans son ouvrage intitulé les Pyrénées", M.Trutat a
mis habilement à profit les travaux des géologues.
L’Apereu de la structure géologique des Pyrénées, de
MM. de Margerie et Schrader, lui a notamment
rendu grand service. Mais il a, en outre, tenu à faire
œuvre de géographe. Il y a réussi, comme le prou-
vent ses chapitres sur les phénomènes de l'atmos-
phère, la flore, la faune et l’homme.
La connaissance des pays d'Europe, ZLéender-
kunde von Europa, cette encyclopédie à laquelle
collaborent, sous la direction d'A. Kirchhoff, les
géographes les plus distingués de l'Allemagne et
de l'Autriche, vient de s'enrichir d’un nouveau
volume ?. Il est divisé en deux parties de Ion-
gueur très inégale. Dans la première (60 pages),
M. P. Lehmann traite de la Æowmanie, étude con-
cise, mais nerveuse. La seconde, beaucoup plus
développée, a pour sujet les Péninsules méridionales
de l'Europe. Elle est signée de M. Théobald Fischer
et bien telle qu'on devait l’attendre d'un homme à
qui le monde méditerranéen est si familier. Cette
collection contenait déjà d'excellentes études,
celle de Fr. Hahn sur la France, les Iles Britan-
niques et la Scandinavie, par exemple. Le nouveau
volume est digne des précédents.
L'exploralion de beaucoup la plus importante,
accomplie l'année dernière en Afrique, est celle du
comte von Gætlzen et du D' von Preltwitz. Ces
deux voyageurs ont traversé l'Afrique de l'est à
l'ouest, de Pangani à l'embouchure du Congo. Ils
ont découvert entre les lacs Albert-Edouard et
Tanganika : un volcan en activité, le Kirunga, etun
nouveau grand lac, le Kivou. En outre, l'itinéraire
de MM. von Gœtzen et von Prettwitz coupe la con-
trée, longue de 700 kilomètres, qui s’étend de
l’Aroubhimi à la Loukouga, et que jamais Euro-
péen n'avait traversée avant eux. On n'a encore
sur celte exploralion que des renseignements très
brefs, mais ils suffisent à prouver son intérêt; et
il y aura cerlainement lieu d’y revenir.
M. Marcel Monnier a publié le récit du voyage
accompli par la Commission française de délimi-
tation dans l'arrière-pays de la Côte d'Ivoire : c'est
une contribution à la connaissance des
pays du golfe de Guinée *.
M. Paulitschke, déjà connu avantageusement
par ses travaux sur le Soudan, a fait parailre une
élude ethnographique sur les peuples de la Corne
de l'Afrique, Danakil, Galla, Somali {.
bonne
1 Paris, J.-B. Bailière, 1893.
2 Lænderkunde von Europa, herausgegeben unter fach-
mænnischer Milwirkung, von Alfred Kircanorr. 2er Band,
5er Hællte. Vienne, Prague, Leipzig, 1893.
3 Mission Binger, France Noire (Côte d'Ivoire et Soudan).
Paris, Plon, 1894.
1 Elhinographie Nord-Ost Afrikas. Berlin, 1893.
M. Wauters a essayé de faire la synthèse des
faits connus, relatifs à l’orographie du Congo. Sa
brochure « Ze Relief du bassin du Congoet la genèse
du fleuve » ! constitue une tentative intéressante.
Ses vues sur les rapports entre le fleuve et les
quatre lacs du bassin supérieur, — dont deux,
Tanganika et Moero, existent encore, et deux.
Djuo et Kinialla, se sont desséchés, — sont origi-
nales.
Parmi les ouvrages relatifs à l'Asie, nous cite-
rons les suivants : une bonne monographie de
M. C. Imbault- Huart sur r //e Formose ?; une étude
de M. Naumann sur l'Orographie du Japon ? ; V Irri-
gation en Asie centrale de M. Henri Moser; la publi-
cation des Pésulluts scientifiques du voyage accompli
par le comte Szechenyi dans l'Asie orientale de
1877 à 1880 ‘.
M. A. Baslian a terminé l'étude ethnographique
qu'il avait commencée depuis plusieurs années sur
les Zles de l'Archipel Malais *.
En donnant comme esquisse son intéressant lra-
vail sur la géographie physique et économique
de l'État de Californie, M. Hilgard a fait preuve
d’une modestie exagérée. L'ouvrage © tient plus
que ne promet le titre.
Un collaborateur de la-Aevue, M. Jean Brunhes,
a exposé, dans une étude très solidement docu-
mentée, les eflorts tentés aux États-Unis pour
mettre en valeur la région dite aride, qui s'étend à
l’ouest, depuis la zone des prairies jusqu'à la bor-
dure littorale du Pacifique *.
M. Ratzel a publié une nouvelle édition du
second volume de son grand ouvrage sur Îles
États-Unis $. Les races, l'expansion et l'accrois-
sement de la population, les questions écono-
miques, le gouvernement, l’église et l'école, la
vicintellectuelle, lasociélé : telles sont les divisions
de ce volume. Avant de devenir l’ardent et fécond
professeur de l'Université de Leipzig qu'il est
maintenant, M. Ratzel a, dans sa jeunesse, lon-
guement séjourné aux États-Unis. Nul n’est plus
qualifié que lui pour en suivre les rapides et cons-
tantes transformations.
Henri Dehérain.
1 Articles parus dans le Mouvement géographique, puis
réunis en brochure. Bruxelles, 1894.
2 Paris, in-4°, Leroux, 1893.
3 Naumanx, Neue Beilräge zur Geologie und Geographie
Japans. Petermanns Mrrreis. Ezgz. N° 108. 1893.
4 Die wissenschaftlichen Ergebnisse der Reise des Grafen
Bela Szechenyi in Osl Asien. Vienne, 1893.
» Indonesien oder die Inseln des Malayischen Archipels.
Berlin, 1894.
5 Skizze der physikalischen und industriellen Geographie
Californiens. Verhandlungen Gesell. Erdkunde. Berlin, 1893.
Nos 2 et 3.
7 Les urrigalions dans la « Région aride » des Elats-Unis.
Ann. Géographie. IV, pp. 12-29.
8 Die Vereiniglen Slaalen von Amerika. 2er Band. Poli
tische und Wirtschaftliche Geographie. Munich, 1893.
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Fig. 4. — Æyayment de lx bande pelliculaire positive qui passe dans le Cinémalographe.
Article de M. Gay sur le Cinématographe de MM. A. et L. Lumière (page 633).
REVUE GENÉRALE DES SCIENGES PURES ET APPLIQUÉES, numéro du 30 juillet 18935 (page 633).
EE ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
à
ACTUALITES
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LE CINÉMATOGRAPHE DE MM, AUGUSTE ET LOUIS LUMIÈRE
Le problème qu'ont résolu MM. A. et L. Lumière par
l'invention de leur Cinématographe est celui-ci :
prendre d'une scène animée un nombre très grand de
photographies à des mtervalles excessivement rappro-
chés ; tirer de ces négatifs autant de positifs, enfin pro-
jeter ceux-ci sur un écran, en faisant que les images
se succèdent exactement à la même place et selon des
intervalles de temps égaux à ceux qui ont séparé les
poses. La durée de pose de chaque cliché est de
1 à
7 de seconde. On prend une photographie de celte
sorte à chaque = de seconde, Le
épreuves obtenues est de 900 par minute.
Il s’agit, les positifs étant tirés, de les projeter dans
les conditions que nous venons de dire. Ce problème
renferme de nombreuses difficultés qui ont pendant
longtemps déjoué les efforts des chercheurs : le Ciné-
matographe, qui les a toutes vaincues, est merveilleux
de précision et de simplicité.
Aussitôt que la photographie eut fait assez de pro-
urès pour devenir instantanée, les savants songèrent à
l’employer dans le but de fixer des scènes fugitives
qu'ils pourraientensuite étudier longuementet méditer ;
c'est ainsi qu'en 1874, M. Janssen se servit de son
revolver photographique pour l'observation du passage
de Vénus sur le Soleil; M. Muybridge, de San Fran-
cisco obtint, vers la même époque, des séries de photo-
graphies d’un objet en mouvement, prises au moyen de
- 40 chambres noires munies d’objectifs dont les obtu-
rateurs étaient déclenchés électriquement à des inter-
valles convenables. Depuis cette époque, M. Marey a
constamment utilisé la chronophotographie pour
étudier la locomotion animale, le vol des oiseaux et
divers phénomènes physiologiques. On sait qu'il a
imaginé dans ce but un grand nombre de dispositifs
fort ingénieux qui ont fait de cette branche de la pho-
nombre des
- tographie un très précieux auxiliaire des sciences.
Parmi les travaux les plus importants dirigés dans le
même sens, nous devons citer ceux de MM. Anschutz,
général Sébert, Démény, Londe, etc. Tous ces auteurs
se sont généralement attachés à produire des épreuves
successives, en nombre relativement restreint, for-
mant une décomposition, une analyse du mouvement
et destinées à ètre étudiées séparément ou comparées
les unes aux autres. On considérait, et avec raison,
comme un problème dont la solution était encore loin-
taine,la reconstitution, la synthèse de ce même mouve-
. ment, Les tentatives faites danscesens par quelques-uns
des expérimentateurs cités plus häut consistaient seu-
lement dans la recomposition de 25 à 30 épreuves.
Tout récemment, on a vu arriver d'Amérique des
appareils qu'Edison à appelés Kinéloscopes et qui
montrent à des spectateurs isolés de longues séries d’é-
preuves se succédant à des intervalles très courts, réa-
lisant ainsi cette synthèse. On voit de petites scènes
animées fort curieuses et durant une demi-minute
environ. Mais la bande pelliculaire sur laquelle ces
scènes sont prises, étant animée d’un mouvement con-
tinu, chaque épreuve, pour donner une impression
nette, ne doit être vue que pendant un temps très
cour! : il est d'environ un sept-millième de seconde.
Dans ces conditions, l'éclairement est extrêmement
faible ; un objectif très lumineux est nécessaire, les
Scènes n’ont que peu de profondeur et se déroulent
devant un fond noir; il faut au moins trente épreuves
par seconde pour donner sur la rétine une impression
continue.
Le cinématographe n’a pas ces inconvénients : il
permet d’abaisser le nombre des épreuves à quinze par
seconde, de montrer à toute une assemblée, en les proje-
tant sur un écran, des scènes animées durant près
d’une minute; la profondeur sous laqueile on peut
saisir des objets mobiles n'est plus limitée et l’on
arrive à représenter le mouvement des rues, des places
publiques, d'une facon absolument saisissante de
vérité.
MM. Lumière, avec une bonne grâce dont nous les re-
mercions sincèrement, nous ont mis leur appareil entre
les mains et nous ont donné toutes les explications que
nous avons demandées.
Supposons obtenue — et nous verrons tout à l'heure
par quels procédés — la bande pelliculaire positive
(fig. 1, Planche ci-jointe) sur laquelle les images se
présentent sous l’aspect d'une pholographie ordinaire,
les tons clairs étant représentés par des Lons clairs, et
les tons sombres par des tons sombres. Celle bande a 15
mètres de long ou plus, et 3 c. m. de large environ.
Des deux côtés sont percés des trous équidistants cor-
respondant à chaque image. Les aiverses épreuves —
obtenues à des intervalles de un quinzième de seconde
— sont rigoureusement semblables, c’esi-à-dire que, si
l'on superpose deux images quelconques, les parties
représentant des objets immobiles viennent coïncider
exactement, et que les parties représentant des objets
mobiles ont des positions dont la différence représente
le mouvement accompli entre les moments où ont
été tirées les deux épreuves. Celle bande P, enroulée
sur elle-même (fig. 2 et fig. 3), et enfermée dans
une boîte B placée au-dessus du cinémalographe,
est soutenue par une petite tige mélallique 8 (lis. 2).
Elle sort par une ouverture y, descend verticalement,
contourne une gorge G, remonte, passe au-dessus
d’une tige < et va s’enrouler autour d'une {roisième
tige T. Le mouvement de la bande est obtenu au
moyen d'une manivelle M qui, par l'intermédiaire
d’un système de multiplication, commande un arbre w,
(représenté par une simple ligne horizontale dans la
figure 2 et vu en bout dans les figures 3 et #). Sur cet
arbre sont fixés : un système de renvois qui fit tourner
la tige T (fig. 2), un excentrique triangulaire G (lig. 2,
3et 4), un tambour V (fig. 2et 3), un double disque D,
d(fig..2et 3). | s
Les détails du mouvement de l’excentrique C qui
conduit un cadre L (fig. 3, 4, 5; sont donnés par
la figure 5. Si cet excentrique comprend deux por-
tions wu,, vu, de circonférence de cerele raccordées
par des courbes convenables, pendant le temps qu'il
passera de la position 4 à la position ?, le cadre L
restera immobile, puisque la distance du point w. aux
deux côtés horizontaux est invariable; à partir de la
position ?, lecadre descend,ainsiquele montrelalizure3.
Puis, pendantletempsquelarc de cercle y, pv, metlra à
glisser le loug du côté horizontal inferieur, L restera
de nouveau immobile pour remonter ensuite. D'autre
part, en choisissant convenablement les courbes de
raccord pu, etu, um, on comprend que l’on puisse
faire en sorie que le mouvement du cadre salislasse à
des conditions déterminées d'avance, par exemple que
la vitesse, en partant de zéro, augmeute très progressi-
vemeni pour s'éteindre ensuite de même. Le cadre L
porte deux dents & et x (fig. 2 et fig. 3, dans la fig. 2,
la dent « est seule visible) qui sont susceptibles d’un
mouvement de va-et-vient suivant une direclion per-
pendiculaire au plan de ce cadre qui leur est commu-
634%
niqué par deux rampes RR portées par le tambour V.
Cela dit, nous allons pouvoir suivre ce qui se passe
pendant une révolution de l'arbre w (fig. 2, 3, 4 et 5).
Le cadre L arrive à sa position inférieure et devient
immobile ; les dents « et 4 sont enfoncées dans deux
trous de la pellicule situés sur la même ligne horizon-
tale ; mais la rampe R commence à les ramener vers le
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Fig. 2. — Coupe longitudinale du cinémalographe.
P, pellicule se déroulant. — B, petite boite placée au-dessus
du cinématographe. — 6, tige de fer soutenant la bande P.
— y, ouverture de sortie de la pellicule. — G, gorge guide
de 1 pellicule. — €, tige guide la pellicule. —°T, tige sur
laquelle vient s'enrouler la pellicule. — M, manivelle mo-
ttice. — w, arbre de rotation. — C, excentrique triangu-
laire. — V, tambour, — D, double disque, — E, O, ouver-
tures servant au passage des rayons lumineux. — +, dent
du radre mobile, — 5, ouverture servant au passage de la
pellicule avant son enroulement. — B', boîte dans laquelle
la pellicule vient s'enrouler, — R, R, rampes portées par
le tambour V. — H, ouverture servant au passage de la
pellicule négative lors du tirage de la positive. — L'appa-
reil repose sur un trépied quelconque.
tambour V de sorte qu'ils sont complètement dégagés
au moment où le cadre L commence son mouvement
vers le haut, Ce mouvement est tel que le cadre se
déplace exactement de la quantité qui sépare deux
trous, 3 el 4 par exemple, de la figure {, de sorte qu'au
moment où 11 s’arrêle dans sa position supérieure, les
dents sont rigoureusement en regard des deux trous im-
médiatement placés au-dessus de ceux qu’elles viennent
de quitter. Pendant la nouvelle période d’immobilité,
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
la seconde rampe R pousse les dents dans ces trqus,
de sorte qu’à la descente elles entraînent la pellicule. Le à
tambour P cède à la tension et se déroule; le tambour
P' (fig. 2), sollicité par la rotation de la tige T, s'en-®
«
Fig. 3. — Coupe transversale et verticale (oplique).
P, pellicule se déroulant ; B, petite boite placée au-dessus du
Cinématographe; {, trou latéral de la pellicule; M, mani-
velle motrice ; w, arbre de rotation: €, excentrique trian-
gulaire; V, tambour. — D, 4, doubles disques. — E, ou-
verture servant au passage des rayons lumineux. — I,
cadre mobile conduit par l'excentrique. — #, @/, dents por-
tées par le cadre mobile (position inférieure) ; — &1, & dents
(position supérieure). — A, chemin parcouru par l’une des
dents. — R, R, rampes portées par le tambour V. — L'ap-
pareil repose sur un trépied quelconque. S
roule, et, lorsqu'à l’immobilité suivante du cadre L les
dents & et « quitteront encorela pellicule, une épreuve
aura succédé à l'épreuve précédente devant l'ouver-
ture E (fig. 2 et 3),sitvée sur le trajet des rayons qui
les projeltent sur l'écran, Tous ces mouvements. si
longs à expliquer, s’accomplissent dans l'exemple que
nous avons pris au début de cet article en un quin-
zième de seconde. Un nouveau tour de l'arbre w amè-
nera une nouvelle épreuve, et ainsi de suile, à raison
de 900 épreuves par minute. On se représente facile-
ment Ja précision qu'il a fallu mettre dans la cons-
truclion de l’appareil pour que, dans tous ces mouve-
-ments, la bande pelliculaire pourtant si délicate et qui
doit pouvoir servir un grand nombre de fois, reste ab-
_solument intacte. Dans ce but, la vitesse de départ et
la vitesse d'arrêt des dents, solidaires du cadre L, sont
aussi progressives que possible ; le mouvement en ar-
rière ou en avant de ces mêmes dents ne commence
qu'après l’arrèt absolu de la pellicule afin de ne pas en
détériorer les trous; enfin celle-ci, avant de s enrouler
Sur elle-même en P’, passe par la tige supérieure e (fig. 2).
Fig. 4. — Détails de l'excentrique el du cadre.
d w, arbre de rotation. — C, excentrique. — L, cadre.
Voici la raison de cette disposition : lorsque la pelli-
-cule s'arrête, la tige T qui continue à tourner tend à
— l'entrainer et produit un effortde traction qui est d’au-
fant moins violent — la pratique l’a démontré — qu'il
S’exerce suivant une tangente plus rapprochée de l'ho-
rizontale. On s’est arrangé de manière que la tangente
‘Au tambour P’ issue de < et donnant à peu près la di-
rection suivie par la pellicule soit horizontale à la fin
‘de l’enroulement, c’est-à-dire lorsque la masse, succes-
“sivement arrêtée et mise en mouvement, est la plus
#rande, Pendant l’immobilité de la pellicule, une pe-
tite plaque placée
près de Eet moin- fa |
tenue par un léger |
Celle-ci reste donc immobile pendant les 2/3 du
temps; elle emploie le dernier tiers à descendre. Que
les rayons lumineux arrivent sur l'écran pendant les
périodes d’immobilité, c’est parfait; mais s’ils-y arri-
vaient aussi pendant les périodes de mouvement, à
l’image fixe se mêleraient des impressions dues à la
descente de cette même image; il en résulterait des
trainées lumineuses correspondant aux parties clai-
res. IL faut, par conséquent, que les rayons lumineux
soient masqués pendant le dernier tiers du temps. C'est
le rôle du double disque D, d, (fig. 2 et 3) fixé Ini aussi
sur l'arbre, ainsi que nous l'avons dit. Il se compose
de deux segments de cercle 4 w b, c w e (fig. 6) super-
posés et pouvant glisser l’un sur l’autre de manière à
présenter un vide & w e variable à volonté. Tout le
temps que les parties pleines du disque passeront
devant l'ouverture E (fig. 2 et 3), les rayons projetants
seront interceptés et n'arriveront pas à l'écran, On
fait l’angle a c b e (fig. 6) égal à 1209 et on s’arrange de
manière que ce disque commence à passer devant l'ou-
verture E au moment précis où la pellicule prend son
mouvement de descente. De la sorte ne sont projetées
sur l'écran que des épreuves immobiles se succédant,
œ
(
[2
er segment isolé
d
e
LT}
2e segment isolé
segments réunis
Fig. 6. — Détails du double segment D, d.
par exemple, au nombre de 900 par minute. A cause
de la persistence des impressions lumineuses sur la
rétine, l'œil n’apercoit pas du tout les noirs qui
séparent chaque projection, êt, d'autre part, la lumière
passant pendant les deux tiers du temps total, on n’a
pas besoin d'un éelairement particulièrement fort, La
résultante des impressions successives sur l’œil est une
image saisissante de réalité où les différences entre les
épreuves, différences dues au mouvement des person-
nages ou des objets pendant la pose, se traduisent par
a l'illusion complète
d'unmouvement de
la part des person-
2
CEST - a |
% red | Lee | ] >
ressort(cetteplaque | x ee | | AC {t M \s | Deper ras objets
-etceressortnesont L TS Peel Val : | | A 2 je (ne pi RS me
cs est dE ee HP PRE (E | expliquer comment
he a) Fo DATE EE on obtientl’épreuve
» pêche de céder à la ques FOR pe opt
faible traction due 2. Res De ET négative et com-
; ’ t de T Position 1 Position 2, S ment Ha er HG a
4 posent 2 Fis. 3. — Posilions diverses de l’excentrique pendant son mouvement de positive. Pour la
n ue rotalion. — Le sens de rotation est indiqué par la flèche. — C, excentrique; première opéra -
angle uwu,(Üg.5) Rp AE CARRE tion, on enroule
la courbe y, u, corresponde parconséquent à une rota-
tion de 120, nous pouvons, en commençant comme fout
“à l'heure au moment oùlecadre L arrive à sa position
inférieure, distinguer les périodés suivantes dans un
. tour de l'arbre w : k
{ro Période. — Rotation de 60°. — Le cadre L est
“immobile ainsi que la pellicule, les dents abandonnent
. celle-ci.
…. 9e Période. — Rotation de 120°. — Le cadre L se
“meut de bas en haut, la pellicule est immobile.
3e Période. — Rotation de 60°. — Le cadre L est
immobile ainsi que la pellicule; les dents saisissent
celle-ci. 3
&e Période, — Rotation de 120. — Le cadre L se
meut de haut en bas entraînant la pellicule.
sur latige 6 (fig. 2)
une pellicule sensible, et une chambre noire rem-
place devant l'ouverture E la lanterne fournissant
les rayons lumineux de l'expérience précédente. Les
mouvements des organes sont les mêmes que ceux que
nous venons de déerire. On prend par suite 900 photo-
graphies instantanées successives d’une même scène.
La seule différence est qu'on diminue l’espace vide
laissé par le double disque D d (fig. 2, 3, 6). IL est inu-
tile, en effet, il serait même nuisible que l'ouverture E
(fig. 2 et 3) restàt démasquée pendant un temps supé-
rieur à celui qui est nécessaire à l’obtention de l'épreuve.
La boîte B' (lig. 2), dans laquelle s’enroule la pellicule,
est soigneusement close,
Pour former une épreuve posilive, on place sur le
cinématograpke une boîte B (fig. 7) pouvant contenir
636
deux rouleaux P et P’. P est l'épreuve négative; P"une
pellicule sensible qui va s’enrouler en P° comme dans
les premières expériences, tandis qu’au contraire P,
pouvant saus inconvénient être exposé à l’air, s'échappe
à l'extérieur par une ouverture D. Le mouvement simul-
— Disposition adoplée pour le tirage des posilifs.
JC À
P!', bande positive. — P, bande négative. — B, boîte conte-
nant la bande positive et la bande négative avant le dérou-
lement. — E, ouverture devant laquelle passent les diffé-
rentes parties de la bande sensible et où elles sont sou-
mises à l'action des rayons lumineux. — O, ouverture
pratiquée dans la boîte contenant le cinématographe. —
G, gorge servant de guide à la bande positive. — P', bande
positive après son enroulement. — D, ouverture par la-
quelle sort la bande négative.
tané des deux pellicules superposées s'obtient absolu-
ment de la même facon que nous obtenions tout à
l'heure celui d’une seule. La lanterne est ici suppri-
mée comme dans le cas précédent et l'ouverture E est
éclairée par des rayons directs.
Tel est dans ses détails l'appareil de MM. Lumière.
On voit parfaitement quel auxiliaire précieux il sera
dans l'étude des mouvements. Non seulement nous pos-
sédons le moyen de saisir ceux ci pendant leurs
diverses périodes; mais nous sommes en mesure de les
recomposer en faisant varier à volonté leur vitesse,
l'arbre moteur étant entraîné à la main. Ils seront
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
lents, très lents, si nous le désirons, de manière
qu'aucun détail ne nous échappe; puis, dans les repro- .
ductions suivantes ils s’accéléreront de plus en plus,
si nous le désirons, jusqu'à la vitesse normale. Nous
aurons alors la reproduction absolument parfaite des
mouvements réels, Et si quelque lecteur était tenté de.
croire que nous exagérons en parlant de perfection,
nous en appellerions au jugement de la nombreuse
assemblée qui, le 11 juillet dernier, à la Revue générale
des Sciences, a si chaleuresement applaudi l’un des in.
venteurs, alors qu'il montrait son appareil etles résul:
tats qu'il en obtient. pi
Ces résultats, les voici : Le cinématographe étant
éclairé à la lumière électrique au moyen d’une lan-
terne Molteni, ses images étaient projetées sur un écran :
éloigné de 5 mètres. Cet écran était constitué par une”
toile fine et transparente, tendue dans l’embrasure
d'une porte séparant deux salons. Dans l’un les spec-
tateurs voyaient les images par réflexion; dans l’autre
ces mêmes images apparaissaient avec la même netteté,
mais par transparence. L’obseurité ayant été faite dans
les deux pièces, voici quelques-unes des scènes qui se.
sont successivement déroulées sous les yeux de l’as-
sistance : |
Ce fut d’abord une séance de voltige exécutée par
des cuirassiers avec toute la maestria des soldats
de cette arme; puis une brimade dans une ca-
serne, l'incendie d’une maison où l'on vit succes-.
sivement les flammes gagner l'édifice, la fumée
obscurcir le ciel, les pompiers arriver, asperger le
bâtiment embrasé et parvenir enfin à éteindre le feu.
Des forgerons, qui semblaient en chair et en os, se
livrèrent ensuite à l'exercice de leur métier; on voyait
le fer rougir au feu, s’allonger à mesure qu’ils le bat-
taient, produire, quand ils le plongeaient dans l’eau, …
un nuage de vapeur qui.s’élevait lentement dans Pair
et qu'un coup de vent vint chasser tout d’un coup.
C'était, suivant le mot de Fonteelle, la nature même
prise sur le fait.
Une vue de Lyon, la place des Cordeliers, ne suscita
pas moins l’admiration : piétons allant et venant, pas-
sant dans la rue, entrant dans les boutiques, tramways,
liacres, élégantes victorias ou grosses voitures faisant
le service des maisons de commerce, circulant en tous
sens, Ainsi transportés à Lyon, nous y vimes de la
même facon les ouvriers et ouvrières de MM. Lumière
sortant de leurs ateliers à midi, les filleltes se garant
des voitures et des bicyclistes, courant isolées ou par
groupes, toutes joyeuses de se senlir, pour un temps,
rendues au gai bavardage et à la liberté.
Une petite fille, représentée en grandeur naturelle,
obtint un succès particulier, Elle dinait en plein air à.
côté de ses parents, qui la faisaient manger. Rien de
plus curieux que ces petites mines de l'enfant heu-
reuse, savourant avec toutes les grâces de son âge les.
friandises que son père lui offrait et rabattant de ses
petites mains sa bavette soulevée par le vent. Le même
bébé réjouit encore l'assistance en essayant, mais vai-
nement, d'attraper à l’aide d’une cuiller des poissons
contenus dans un bocal de verre, Mais à quoi bon
prolonger ces descriptions? Ceux qui n'ont pas eu la
bonne fortune d'assister à ce spectacle, dont la Revue
générale des Sciences a offert la primeur à ses collabo-
rateurs et amis, se représenteront diflicilement qu'on
puisse atteindre à une telle perfection et donner à ce
point la sensation saisissante du mouvement réel et
de la vie,
A. GAY,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique
1° Sciences mathématiques.
orel (Emile), Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé-
rieure. — Sur quelques points de la Théorie des
Fonctions. Thèse pour le Doctorat de la Faculté des
» Sciences de Paris. —1 vol. in-8° de 47 pages. Gauthier-
- Villars et fils, imprimeurs-libraires, Paris, 1895.
Quoique la thèse soit courte, M. Borel (et c’est son
#rand mérile) remue beaucoup d'idées, soulève beau-
oup de questions, dont il résout quelques-unes, mais
lont la plupart ne se laisseront probablement pas ré-
soudre de sitôt. Le but est de montrer que dans l'étude
es fonctions transcendantes uniformes il y a place,
non seulement pour le procédé classique (développe-
ment taylorien et « continuation » des séries), mais
_ encore pour d'autres méthodes capables de devenir fé-
condes., Sont introduites des fonctions de la variable
complexe z :
n—SO
Ie > An
(5) = ——— —
La (z — an)"
n=1
mn = entier positif, limité.
La série représentera, par définition, la même fonc-
‘tion pour toutes les valeurs de z où la convergence
subsistera.
Non seulement la définition n’est pas une tautologie
(car une même expression analytique peut représenter
des fonctions différentes, suivant les régions du plan
- où voyage la variable complexe), mais même elle donne
-malière à une certaine polémique. Le fait est que le
- plan est découpé en deux zones par une ligne L «.sin-
sulière essentielle » qu'on ne peut franchir en « con-
hHinuant» les séries tayloriennes. Or, M. Poincaré a
construit deux fonclions « continuables » dont la
somme se confond de part et d'autre de L, avec deux
fonctions différentes, admettant L pour ligne singulière
essentielle, mais d’ailleurs choisies arbitrairement à
lavance. Prolonger une fonction au delà d’une ligne
ingulière essentielle, semble ainsi une locution vide
de sens. Afin de lever l'objection, M. Borel signale
quelle obscurité entraine pour la notion d’uniformité
la présence d’une ligne L. La simple addition modifie
Vuniformité : car on obtient quelquefois une fonction
uniforme en ajoutant à une fonclion uniforme une
autre qui ne l’est pas.
… Quoi qu'il en soit, voici quelques propriétés de + (z):
Deux points du plan peuvent être réunis par une in-
finité non dénombrable de courbes C telles que, sur
chacune, + (z) et K. des premières dérivées sont conti-
nues. Quelquefois Kest infini. On peut aussi intégrer
2 (z) le long de C. Moyennant certaines conditions, ç ne
peut s’évanouir dans une région du plan sans évanouir
- sur fout le plan.
Telle est la matière du premier chapitre, Dans le se-
- cond on développe en série, pour z réel,
f (2) = ZE (Anz+ Bncosnz + Cnsin n2)
n .
toute fonction qui admet des dérivées de tout ordre,
Chemin faisant, sont signalées plusieurs proposilions
à apparence parado\ale : f (z) peut avoir, pour z — 0,
loutes ses dérivées égales à des nombres arbitraires
choisis à l'avance; la fonction représentée par une
-somme de séries de Taylor peut n’avoir aucun rapport
-axec la somme des fonctions représentées par chaque
- Série respectivement.
Ë
*
|
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BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
637
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
Dans la conclusion, M. Borel indique l'intérêt qu'il y
aurait à introduire, en Physique mathématique, pour
formuler des lois expérimentales, des fonctions telles
que + (z), ou plus généralement des fonctions définies
autrement que par le développement taylorien. La
nature qui, suivant le mot de Fresnel, ignore les diffi-
cultés d'analyse, se préoccupe encore moins de l’ap-
plicabilité de la série taylorienne. Cette applicabilité
ne peut se déduire ni de l'expérience, ni même de
l’existence admise des dérivées de tout ordre.
Dans la théorie des fonctions transcendantes, dès
que l’on veut approfondir les choses, il ne reste presque
rien qui ne soit difficile et cbscur; la défiance est de
rigueur, même vis-à-vis de certainés évidences, Espé-
rons donc que l'esprit subtil et délié dont M. Borel
fait preuve dans sa thèse, l’aidera encore, dans des pu-
blications ultérieures, à jeter un peu de lumière sur
celte matière souverainement délicate.
Léon AUTONNE.
2° Sciences physiques.
Curie (P). — Propriétés magnétiques des corps
à diverses températures. — (Thèse pour le Doctorat
de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol in-8° de
120 pages avec 15 fig. Gauthier-Villurs et fils, éditeurs.
d5, quai des Grands-Augustins. Paris 1895.
La thèse présentée à la Faculté des Sciences de Paris
par M. P. Curie est bien le beau mémoire que l’on pou-
vait attendre de la part de ce physicien si distingué, de
l’auteur de tant d'ingénieuses recherches et d'élégants
travaux. Le sujet abordé est l’un des plus intéressants
de la Physique, l’un des plus travaillés, mais aussi
lun des plus difficiles, sans doute, si l’on juge la diffi-
culté à l’inutilité de bien des efforts : l’etude des pro-
priélés magnétiques des corps, tant de fois abordée
par l'expérience ou par la théorie, n'a pas encore
fourni sur tous les points des résultats définitifs, et
bien des obscurités subsistent. Au point de vue ma-
gnétique, on peut ranger les corps en {rois groupes :
1° les corps diamagnétiques, ce sont la plupart des
corps simples et composés; 2° les corps faiblement ma-
gnétiques parmi lesquels se trouvent par exemple
l'oxygène, le platine, les sels de fer ; 3° les corps ferro-
magnétiques, c’est-à-dire le fer, le nickel, le cobalt,
la magnélite, l'acier, la fonte et divers alliages. Mais
quelle est la valeur de celte classification? La sépara-
tion est-elle absolue entre les groupes, les phénomènes
sont-ils différents dans leur essence même, ou bien au
contraire n'a-t-on affaire qu’à un seul et même phéno-
mène se manifestant de plusieurs facons? Le problème
posé par Faraday n’a pas encore recu de solution dé-
cisive; pour tâcher de le résoudre, M. Curie a pensé
qu'il conviendrait d'étudier les propriétés magnéliques
de divers corps dans des conditions aussi différentes
que possible de température, de pression, d'intensité
de champ magnétique ; il a réussi pour certains corps
à faire varier la température depuis la température
ambiante jusqu'à 4370,
La méthode employée pour mesurer l'intensité d’ai-
mantation spécifique !, c’est-à-dire le moment magné-
1 Le coefficient d'aimantation ainsi défini, rapporté à la
masse, semble bien le cocfficient spécifique du corps, celui
qui donnera le mieux l'idée de sa propriété magnétique;
M. Curie a été tout naturellement amené à le considérer uni-
quement. [1 nous semble toutefois qu’à d'autres égards, le
coefficient er volume a aussi grand intéret; c'est lui d’ail-
leurs que la théorie envisage le plus souvent, c'est lui qui per-
mettra de calculer immédiatement la perméabilité du milieu
638
tique divisé par la masse ne diffère pas en principe de
celles qu'ont utilisées Becquerel et Faraday ; mais, jus-
que dans les détails les plus menus, les dispositifs
accessoires d’une expérience, vont apparaître la rare
habileté et la grande ingéniosité de l’auteur; on ne
saurait malheureusement indiquer ici toutes. ces
adresses et ces élégances, il faut se contenter de don-
ner un apercu général des procédés de mesure. Pour
les corps diamagnétiques ou faiblement magnétiques,
la force diamagnétisante provenant de l’aimantation
du corps est insignifiante et l’on calcule aisément la
valeur du coefficient d’aimantation d’un corps de pe-
tit volume placé en un point d’un champ magnétique
qui n’est pas uniforme en fonction de la force agissant
sur ce corps, de la valeur du champ au point consi-
déré, et de sa dérivée dans la direction de la force. Au
point de vue expérimental, il faudra donc déterminer
cette force, qui est très petite, dans des conditions par-
ticulièrement difficiles, puisqu'il faudra pouvoir main-
tenir le corps à des températures extrêmement éle-
vées; on à recours, pour mesurer les actions magné-
tiques, à la torsion d’un fil soigneusement étudié au
préalable; le corps est placé en petits fragments dans
une ampoule portée par une charpente en cuivre
accrochée au fil de torsion, et qui soutiendra du côté
opposé, d'abord une palette servant d’amortisseur,
puis une aiguille portant à son extrémité un micro-
mètre que l’on observera à l’aide d’un microscope; les
déplacements de l'ampoule se déduiront facilement de
ceux du micromètre ; l’ampoule sera placée dans un
petit four en ‘porcelaine que l’on chauffera à l’aide
d’un courant électrique ; ce mode de chauflage est
le seul praticable eu égard à la situation de cette
ampoule, qui va être placée entre les branches d’un
électro-aimant et soutenue par l'équipage mobile d’une
balance de torsion. Pour procéder à une détermination,
il faudra connaître la température, le champ, sa dé-
rivée et la valeur de la force agissante; la température
est mesurée à l’aide d’un couple Le Chatelier soigneu-
sement gradué, la force par le moyen de la torsion ;le
champ et sa dérivée seront étudiés au préalable; il est
malheureusement impossible de faire directement la
mesure au moment de l’expérience ; on devra définir
l'intensité du champ par le courant circulant dans les
bobines de l'électro-aimant, en s’astreignant, bien en-
tendu, à faire varier constamment le courant dans le fil
suivant un cycle toujours le même. Lorsqu'une série
de mesures aura été effectuée, il faudra encore recom-
mencer les mêmes expériences avec l’ampoule vide,
pour corriger les résultats obtenus de l'influence du
magnélisme de l'air ambiant, en profitant de l'étude
faite pour l'oxygène à différentes températures.
Malgré tous les soins, toutes les précautions prises
par l’auteur, les déterminations résultant d’un si grand
nombre de mesures extrêmement délicates comportent,
à son avis, une incertitude de 3 ou #°/, pour les va-
leurs absolues de 1 à 2 °/, dans la comparaison des
coefficients d’aimantation de deux corps différents;
on pourra piulôt considérer tous les nombres donnés
comme rapportés à l’eau pour laquelle on aurait
adopté 0,79 X 10 —6 comme valeur du coefficient
d’aimantation spécifique : aussi bien le but poursuivi
élait beaucoup plus une investigation générale sur la
manière d'être d’un très grand nombre de corps au
point de vue magnétique qu'une détermination très
précise du coefficient d’aimantation pour certains d’en-
tre eux seulement.
Les résultats obtenus par M. Curie sont dignes des
peines qu'il a dû dépenser pour les obtenir, et ce n’est
pas en vain qu'il sera parvenu à surmonter tant de dif-
ficultés, Des nombreuses mesures qu’il a effectuées et
définie comme à l’ordinaire. I] faudrait pour le connaitre
multiplier les nombres donnés par la densité du corps à cha-
que température; la dilatation étant très petite pour les so-
lides et les liquides, les conclusions resteraient, sans doute,
généralement les mêmes,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
‘priétés du fer jusqu’à la température de 770°, du nickel
des nombreux nombres qui sont consignés en détail
dans son mémoire, nous chercherons seulement à dé-
gager le conséquences les plus générales et les plus
importantes. Pour les corps diamagnétiques le coefti-
cient d’aimantation spécifique est indépendant de l’in-
tensité du champ, et généralement aussi de la tempé=
rature; le plus souvent aussi un changement d’élat,
physique ou chimique, n’a qu'une influence insisni-
fiante sur les propriétés diamagnétiques. Ces conclu-
sions n’ont cépendant rien d'absolu, car la fusion rend
pags le bismuth le coefficient jusqu’à 25 fois plus fai:
le, et, pour le même corps, le coefficient diminue ra-
pidement quand la température augmente. Les corps
faiblement magnétiques ontaussi un coefficient d’aiman-
tation invariable, quel que soit le champ; mais la loi de
variation à une allure hyperbolique, et, pour l'oxygène,
le palladium et les sels magnétiques, comme l'avaient
déjà remarqué divers auteurs, Île coefficient varie sen-.
siblement en raison inverse de la tempéralure absolue.
La différence d’action de la température est donc assez
tranchée pour les deux classes de corps, et M. Curie
considère ce résultat comme favorable aux théories
qui attribuent le magnétisme et le diamagnétisme à des.
causes de natures différentes, La conclusion ne s’im-
pose pas toutefois comme une certitude, la distinction
ne nous semble pas absolue, puisque, pour bien des
corps magnétiques, la variation avec la température
n’est pas semblable à celle que subit le palladium ou
l'oxygène, et que, d'autre part, pour les diamagnétiques,
le coefficient d’aimantation est souvent lellement petit
que ses variations ne sauraient être déterminées d'une
facon précise; aussi pensons-nous que les personnes à
qui sont chères les idées d'unité et de simplicité dans
les causes peuvent encore conserver au moins l’espé-
rance de ne pas voir s'établir une séparation définitive,
irrémédiable entre ces deux phénomènes : magnétisme.
et diamagnétisme.
Pour les corps ferro-magnétiques, M. Curie est ar-
rivé à des résultats nouveaux et plus intéressants en-
core, Le calcul des expériences relatives à ce cas est
plus complexe: ici intensité d’aimantation dépend de :
la forme du corps placé dans le champ magnétique, et
change d’ailleurs avec la valeur du champ et la facon
même dont il varie ; en se placant dans des conditions.
bien déterminées, en effectuant diverses corrections, .
M. Curie a pu obtenir des mesures ayant une signili-
cation tout à fait précise et ajouter ainsi un imporlant
complément au travail classique de M. Hopkinson.
Tandis que cet éminent physicien avait ulilisé des:
champs variant de 2 à 46 unités, et étudié les pro-
jusqu’à 340°, M. Curie a pu se servir de champs variant
de 25 à 1.350 unités et suivre les propriétés du fer.
jusqu’à 1.3700. Les transformations par où passe le fer
quand on le chauffe ont, comme on sait, une grande
importance théorique et pratique; lesrésullats obtenus
par M. Curie viennent apporter une précieuse contri-
bution à l'étude de ces transformations, objet dans ces
denières années de nombreuses et belles recherches :
en plus du premier point de transformation magné-
tique de 745°, les expériences indiquent entre 8609 el
890° une baisse très rapide et anormale des propriétés
magnétiques, à 1.288° un accroissement brusque du
coefficient d’aimantation. Au point de vue des pro-
priétés générales, l’auteur arrive à un résultat des plus
remarquables : il établit que les propriétés des corps
ferro-magnétiques et celles des corps faiblement ma-
gnétiques sont intimement liées les unes aux autres;
un corps ferro-magnétique se transforme prosressive-
ment quand on le chaufe, et prend les propriétés d’un
corps faiblement magnétique. Pour la magnétite, qui
ne présente pas d'anomalies, le fait est des plus nets, le
coefficient d'aimantation finit même par varier sensi-
blement en raison inverse de la température absolue,
c’est-à-dire suivant la même loi de variation que pour
un corps faiblement magnétique. Convenablement in-
terprétées, les expériences sur la fonte, sur le nickel et
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
639
* mème sur le fer tendent à prouver la généralité de la
conclusion.
. Le mémoire se termine par un curieux rapproche-
ment; M. Curie fait remarquer l’analogie qui existe
- entre la fonction qui lie l'intensité d’aimantation, la
… valeur duchamp et la température, etla fonction qui lie
la densité d’un fluide, la pression et la température;
cette analogie très étroite est mise en évidence en
comparant aux courbes obtenues celles qu'a tracées
- M. Amagal pour les fluides. L’analogie n’est pas à coup
. sûr une identité, et l'auteur signale lui-même quelques
différences appréciables; mais le point de vue est tout
à fait suggestif, inspire immédiatement l'idée de cer-
. taines expériences. La lecture de ce beau travail finit
ainsi comme elle avait commencé : elle provoque une
réelle admiration pour l’ingéniosité de l’auteur,
: Lucien Poincaré,
3° Sciences naturelles.
Bordas (H.). — Appareil glandulaire des Hymé-
noptères. (Glandes salivaires, Tube digestif, Tubes
de Malphigi et Glandes venimeuses). Thèse pour le Doc-
torat de la Faculté des Sciences de Paris. — Un vol.
in-8° de 360 pages, avec 11 planches hors texte. G. Mas-
son, éditeur. Paris, 1895.
La thèse de M. Bordas est divisée en quatre cha-
pitres dans lesquels il étudie successivement les
glandes salivaires, le tube digestif, les tubes de Mal-
pighi et les glandes venimeuses des Hyménoptères.
Le premier chapitre est le plus important et tient,
à lui seul, plus de la moitié du travail. Les glandes
salivaires des Hyménoptères n'avaient, jusqu'à main-
tenant, fait l’objet que d’un nombre très restreint de
travaux et, sauf chez les Apinés, étudiés par Schie-
menz, elles étaient fort mal connues. M. Bordas a cons-
taté chez les Hyménoptères l'existence de dix systèmes
différents de glandes salivaires, situées les unes dans
- le thorax, les autres dans la tête ou ses appendices. On
_ trouve en eflet : j
Des glandes {horaciques, très volumineuses, très cons-
à tantes, qui sécrètent un liquide faiblement alcalin;
des glandes postcérébrales, à sécrétion légèrement alca-
line, également très constantes; des glandes latéropha-
Myngiennes, qui n'existent que dans quelques groupes ;
. des glandes supracérébrales, toujours très développées
… et dont la sécrétion, abondante, est légèrement acide ;
des glandes mandibulaires sécrétant un liquide à odeur
très forte; des glandes mandibulaires internes qui n’exis-
tent que dans quelques familles; des glandes sublin-
- quales dont la sécrétion arrive dans une excavation pré-
… buccale, où s'accumulent les débris recueillis par la
languette, etoù ces débris subissent l’action de la salive
… avant de pénétrer dans le pharynx; des glandes lin-
guales dont la sécrétion, épaisse et gluante, sert à
| agglutiner les substances alimentaires; des glandes
paraglossales qui se trouvent chez les Vespidés; des
glandes mazxillaires qui n'existent que dans quelques
groupes.
Les trois premiers systèmes comprennent des glandes
en grappes, dont les canaux efférents offrent inté-
rieurement un fil chilineux spiralé; les autres sont
formés d’acini monocellulaires. Tous ces systèmes ne
_ se trouvent jamais réunis chez le même type.
, On peut rattacher ces diverses glandes aux six
» zoonites ou segments, dont l’ensemble constitue la tête
- des Insectes. M. Bordas établit la correspondance des
E glandes et des zoonites de la manière suivante :
Glandes thoraciques et postcérébrales correspondant
au segment oculaire ; glandes supracérébrales corres-
. pondant au segment des antennes; glandes sublin-
: DNS correspondant au segment labial ; glandes man-
dibulaires externes et internes correspondant au seg-
| ment des mandibules ; glandes maxillaires correspon-
dant au segment de la mâchoire supérieure; glandes
linguales correspondant au segment de la màchoire
inférieure,
Ces dispositions compliquées contrastent avec celles
observées chez les larves où les glandes salivaires
sont simplement constituées par deux longs tubes spi-
ralés.
Le deuxième chapitre du travail: de M. Bordas est
consacré à l’étude du tube digestif, Chez la larve cet
organe consiste en un tube à parois plissées, qui se
termine en cæcum à quelques millimètres de la partie
postérieure du corps. A ce stade, le rectum est une
simple invagination portant à son extrémité quatre
longs tubes de Malpighi.
Les différentes parties du tube digestif de l'adulte
restent assez constantes dans tout le groupe. Une des
plus caractéristiques est l’appareil masticateur qui fait
suite au jabot et qui est composé de quatre puissantes
mächoires garnies de piquants ou de dents.
Dans le troisième chapitre, M. Bordas étudie les
tubes de Malpighi. Ces glandes sont de simples évagi-
nations de l'intestin terminal, Pendant la nymphose,
les tubes larvaires disparaissent et font place à ceux
de adulte, qui sont beaucoup plus nombreux. M. Bor-
das étudie la structure de ces tubes, et il analyse leur
contenu, qui estformé d'acide urique, d’urates desoude,
de chaux et d’ammoniaque, et d’oxalate de chaux.
Le quatrième chapitre traite des glandes venimeuses.
On sait que l'appareil venimeux des Hyménoptères a
surtout été étudié chez l’Abeille, où l’on a reconnu la
présence d’une glande acide et d'une glande alcaline;
mais cet appareil a été fort peu étudié dans les autres
genres, et la présence d’une glande alcaline a été niée
par Carlet chez les Hyménoptères à aiguillon lisse.
D'après M. Bordas, l'appareil venimeux de tous Îles
Hyménoptères comprend deux et quelquefois trois
glandes : la glande acide, la glande basique ou de Du-
four et la glande accessoire. La première débouche
dans un réservoir qui manque à la seconde; elles dif-
fèrent aussi l’une de l’autre par leur structure histolo-
gique, la glande acide offrant un épithélium stratifié
et la glande basique un épithélium à une seule couche
de cellules. La glande accessoire, constituée par un
petit massif granuleux, n’existe que dans quelques
familles (Crabroninés, Philanthinés).
Les recherches de M. Bordas ont porté sur près de
200 espèces d’Hyménoptères appartenant à une cin-
quantaine de genres pris dans les principales familles
de Térébrants et de Porte-aiguillons. Les conclusions
qu'il en tire peuvent donc être appliquées à l'ordre
tout entier. Son travail complète les notions, très
sommaires en somme, que nous possédions sur les dif-
férents appareils glandulaires des Hyménoptères; en
particulier l'étude qu'il a faite des glandes salivaires
est très intéressante, De la lecture de son mémoire,
on conserve l'impression qu'il a été écrit par un natu-
raliste très consciencieux, sachant observer, possédant
une grande habileté manuelle et une connaissance ap-
profondie dela technique histologique. M. Bordas a su
ürer bon parti d’un sujet qui, au premier abord, pou-
vait paraître quelque peu restreint et assez aride, et il
y a trouvé matière à une thèse intéressante et riche
en faits nouveaux. Que cet exemple soit un ensei-
gnement pour les jeunes gens en quête de sujets de
thèse de doctorat ès sciences; dans un groupe comm?
celui des Insectes, qui a déjà fait l’objet de tant de
travaux el où l’organisation parait parfois si uniforme,
il y a encore bien des observalions à revoir et bien des
faits à découvrir, N’est-il pas étrange, en effet, de cons-
tater que c'est en 1894 seulement qu'un zoologiste,
Kowalevsky, découvre, chez un Insecte aussi commun
que la Locuste, une disposition aussi extraordinaire
que la pénétration d’un tube de Malpighi dans le cœur?
L'étude anatomique des Insectes a été, bien à tort, un
peu délaissée dans ces dernières années. M. Bordas a
été bien inspiré en dirigeant ses recherches dans ce
sens. Son travail trouvera sa place à côté des bonnes
thèses de doctorat ès sciences ; il fait honneur à son
auteur et au laboratoire dans lequel il a été fait.
R. KŒuLER,
4° Sciences médicales.
Mesnil (F.\, Préparateur à l'Institut Pasteur, Agrégé
des Sciences naturelles, — Sur le mode de résistance
des Vertébrés inférieurs aux invasions miCro-
biennes artificielles (Thèse pour le Doctorat de la
Faculté des Sciences de Paris). —1 vol. in-8° de 64 pages
avec une planche en couleur. Imprimerie Charaire, 68,
rue Houdan, à Sceaux, 1895.
Le travail de M, Mesnil apporte une confirmation
importante à la théorie phagocytaire de M.Metchnikoff.
Plusieurs savants, tout en admettant l'ingestion et la
digestion des microbes par les phagocytes, faits abso-
Jument incontestables, ont prétendu que ces phéno-
mènes jouaient un rôle peu ou pas important dans le
mécanisme de l'immuunité, en soutenant que les mi-
crobes englobés étaient préalablement morts, el que
les phagocytes remplissaient seulement la fonction de
nécrophages ; ces auteurs attribuaient le rôle principal
dans l'immuuilé à des substances bactéricides exis-
tant dans les humeurs, substances auxquelles ils ont
fini par accorder cependant une origine leucocylaire
quand ils n’ont plus pu nier l'imporlance de ces élé-
ments histoloziques dans la résistance de l'organisme
aux invasions microbiennes. Devant l'impossibilité
évidente de persister dans cette voie de la théorie bac-
téricide des humeurs, les adversaires de M. Metchnikoff
ont imaginé une nouvelle théorie de l'atténualion de la
virulence des bactéries sous l'influence directe des
humeurs, M. Mesnil s'est appliqué à démontrer que,
chez les animaux dont il s’est occupé, les microbes du
charbon et de la septicémi: des souris sont englobés
par les phagocytes à l'état vivant et virulent, et sont
détruits par ces phagocytes, qui jouent ainsi un rôle
effectif dans le mécanisme de l’immunité. L'auteur
s’est adressé pour son étude aux Vertébrés à tempé-
rature variable, qui présentent, à cet égard, plusieurs
avantages : d’abord, les phénomènes sont plus lents et
plus faciles à analyser que chez les Mammifères ; en-
suite, les phénomènes de réaction à linvasion micro-
bienne peuvent varier avec la température de lexpé:
rience ; enfin, les espèces cellulaires qui peuvent jouer
un rôle microbicide sont plus simples.
C’est ainsi que chez la Perche, par exemple, qui n’a
dans le sang que deux espèces de leucocytes, une seule
espèce de ces leucocytes se trouve dans lexsudat du
point d’inoculation, et c’est naturellement cette espèce
qui est douée de propriétés phagocytaires. La Perche
ne contient pas de leucocytes à granulations, et celà est
important, car MM. Kanthack et Hardy ont essayé de
prouver que : chez la Grenouille, les microbes ne sont
englobés par les leucocytes ordinaires qu'après avoir
été tués par une sécrétion spéciale provenant des leu-
cocyles à granulations ou éosinophiles. De l'absence
de ces éléments chez la Perche et chez d’autres Téléos-
téens, de leur rareté chez les autres Poissons, M. Mesnil
conelut qu'on ne saurait leur attribuer un rôle dans la
destruction des bactéries.
Il démontre, d’ailleurs, que la lymph2 des Poissons
ne présente ni propriétés bactéricides, ni propriétés
atténuantes ; il fait cette démonstration in vibro el in
vivo, certains auteurs ayant tiré du seul examen à
vitro des conclusions erronées. Les bactéridies char-
bonneuses, introduites dans le corps d’un poisson,
sont donc ingérées à l’étal vivant et virulent par les
leucocytes, dans lesquels on constate leur destruction,
et c'est bien, grâce au processus phagocytaire, au sens où
entend M. Metchnikoff, que les Poissons sont réfractaires
au charbon. Chez la Grenouille, M. Mesnil établit la
même chose pour le charbon ; pour la septicémie des
souris, il démontre que M. Lubarsh a admis à tort une
action chimiotactique et une action phagocytaire
presque nulles, et que, en réalité, la Grenouille se com-
porte, vis-à-vis de celle maladie, absolument de la
même manière que vis-à-vis du charbon.
Au point de vue de l'action de la chaleur, l'auteur
reconnaît, après M, Lubarsh, qu'à 35°, les Grenouilles
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
a —
! meurent de la même facon, qu’elles soient ou non ino-
culées avec du charbon; les Rana esculenta ne meurent
pas ; les Rana temporaria meurent au bout d’un temps
variant de douze heures à quatre jours, à moins qu'on
les acclimate peu à peu à cette température. Pour cette
dernière espèce, lorsque la mort survient au bout de
deux ou trois jours, les phagocytes perdent leur pro-
priélé phagocytaire au moment de l’agonie avant que
tous les microbes aient été détruits, et alors les mi-
crobes encore vivants se développent abondamment
dans le sang et les organes, car la lymphe des Gre-
nouilles n’a pas plus de propriétés bactéricides ou
alténuantes à 35° qu'à la température ordinaire. Ce
serait une erreur de croire que l'animal a succombé
au charbon dans cés conditions, parce qu’on trouve à
son intérieur une culture de charbon généralisée.
M. Mesnil montre encore, chez la Grenouille, qu’il y a
ingestion très rapide des microbes inoculés directe-
ment dans le sang; le paénomène se produit cepen-
dant moins vite que chezles Mammifères; au contraire,
l'ingestion est beaucoup plus tardive quand l’inocu-
lation est faite dans le sac dorsal. M. Gabritchewsky à
montré, d'ailleurs, que les propriétés chimiotactiques
des Jleucocytes de la Grenouille sont bien moins puis-
santes que celles des globules blancs du lapin.
Les cellules endothéliales du foie jouent un rôle très
considerable dans la destruction des microbes, tandis
que la rate n’a, à peu près, aucune action; or les leu-
cocytes éosinophiles se rencontrent en bien plus
grande quantité dans la rate que dans le foie, ce qui
tend à prouver leur peu d'importance à ce point de
vue. L'auteur établit cependant que ces leucocytes,
chez la Grenouille et le Lézard, sont doués de chimio-
taxie positive (moindre que celle des leucocytes ordi-
naires) et peuvent englober et digérer des microbes
(au moins en partie). Il n’admet pas le rôle bactéricide
par sécrétion extracellulaire que leur attribuent
MM. Kanthack et Hardy. Pour ce qui est de la prove-
nance des granulations qu’on observe dans ces leuco-
cytes, M. Mesnil admet absolument leur origine extra-
cellulaire ; il à vu, avec la plus grande netteté, la
transformation de microbes ingérés en granulations
éosinophiles chez les Lacerta viridis, M. Metchnikoff
avait déjà vu des vibrions devenir éosinophiles après
ingestion par les phagocytes de cobayes vaccinés contre
le choléra, L'auteur pense que les granulations éosi-
nophiles sont des matières de réserve.
Félix Le Danrec,
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-S° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en cou-
leurs. 532° livraisons. (Prix de chaque livraison, 1 fr.)
H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes.
La 532 livraison renferme une étude sur Ja lin-
quistique par M. Julien Vinson; la description du lion
par M. le D'Trouessart; un article sur les fleurs du lis
dans l'art héraldique par M. Gourdon de Genouillac;
une monographie de la ville de Lisbonne avec le plan
et les vues des principaux monuments, due à M. A.
M. Berthelot; des articles sur le lithium, par M. C. Ma-
tignon et sur la lithographie, par M. B. Gausseron.
Beauregard (H.), Assistant au Muséum. — Nos bè-
tes. Animaux utiles et nuisibles. — Ouvrage pa-
raissant en livraisons les 5 et 20 de chaque mois. Chaque
livraison, contenant 8 pages de texte et une planche en
couleurs, est vendue 90 centimes. A. Colin, éditeur,
5, rue de Mézières, Paris, 1895.
Les dernières livraisons parues renferment la des-
cription de la chouette, du hibou, de la pie-grièche, du
traquet, de la bergeronnette, du rouge gorge, du gobe-
mouche, de l'hirondelle, du flamant, etc., du lézard, de
l'orvet, de la couleuvre, de la grenouille, du crapaud et
de la salumandre. |
€
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
GA
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
n Séance du 17 Juin 1895.
M. le Président annonce à l’Académie la perte qu'elle
vient de faire dans la personne de M. Verneuil, mem-
bre de la Section de Médecine et de Chirurgie.— L’Aca-
- démie présente, au Ministre de l'instruction publique.
en première ligne, M. Bouvier: eu seconde ligne,
M. Brongniart, pour la chaire d’Entomologie vacante
au Muséum d'Histoire naturelle. — M. Newcomb est
élu Associé étranger, en remplacement de M. vou Helm-
… holtz. — M. Backlund est nommé Correspondant dans
la Section d’Astronomie, en remplacement de M. R.
Wolf. — M. Kowalewsky est nommé Correspondant
dans la Section d’Analomie et de Zoologie, en rempla-
cement de M. Cotteau.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Boussinesq fait
une communicalion sur la forme nécessairement pen-
dulaire des déplacements dans la houle de mer, même
quand on ne néglige plus les termes non linéaires des
équalions du mouvement. Les lois de Gerstner sont
donc celles de toute houle cylindrique simple où s'ob-
serve l’évanouissement asymptotique du mouvement
aux grandes profondeurs, du moins quand les déplace-
ments ont d'assez faibles amplitudes. — M. F. Roguel
soumet au jugement de l'Académie un mémoire inti-
tulé : Sur quelques relations numériques.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Janssen, par de nou-
velles observations faites dans le Sahara algérien, a
vérifié que la loi, suivant laquelle le pouvoir absorbant
- de l’oxygène pour la lumière s'exerce à l’égard des
— bandes non résolubles de son spectre, est bien celle
qu'il avait déjà indiquée, c'est-à-dire que le pouvoir
—… absorbant du gaz oxygène, relativement à ces bandes,
est proporlionnel à l'épaisseur de la masse gazeuse
multipliée par le carré de la densité. — M. Deslandres
2
%
2
È
À
al
=
»
LS.
à découvert une troisième radiation permanente de
Patmosphère solaire (À — 706,55) dans le spectre du
— Laz de laclévéite, —M. C. Lagrange a fait, pendant les
T4 trois dernières années, à l'Observatoire de Bruxelles,
. des observations comparées de déclinomètres à mo-
ments magnétiques différents. Les différences de décli-
- naison qui se présententontun caractère systématique;
on retrouve, modifiées en amplitude, les mêmes ondu-
—… lations; mais, ce qui est remarquable, ces ondulations
sont amplifiées par la diminution (dans certaines li-
— mites) du magnétisme des appareils. — M. Berthelot,
“ en poursuivant ses recherches sur l’argon, à élé con-
duit à reconnaitre la combinaison directe, en présence
du mercure et sous l'influence d’effluve ou d’étincelles
… électriques, de l'azote libre avec les éléments du sul-
h fure de carbone. On à probablement :
2CS2 + 2Az + Hg — (CS? Az)? He
— M. Berthelot a également, dans les mêmes conditions,
constaté la combinaison de l’argon avec le sulfure de
— carbone. Le produit obtenu, soumis à l'action de la
chaleur, s’est décomposé en ses éléments. Cette expé-
rience capitale démontre que l’argon peut entrer dans
une combinaison et en être régénéré avec ses pro-
…. priétés initiales. — M. H. Moissan est parvenu à pré-
— parer le molybéène pur. Il chauffe dans un four Perrot
du molybdate d'ammonium pur, réduit en poudre, qui
se transforme alors en oxyde Mo0?; cet oxyde, addi-
tionné de charbon de sucre en poudre, et soumis pen-
…_ dant 6 minutes à l’action calorifique de l’are vollaïque,
—… donne le molybdène pur. Si l'opération dure plus long-
temps, il se produit une fonte de molybdène, très dure
et cassante ; s’il y a un excès de charbon, il se forme
_ À ee
Du ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
JE DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
un carbure de molybdène Mo?C. Le molybdène, à l’état
pur, a une densité de 9,01; il est aussi malléable que
le fer; il brûle dans l'oxygène pur; il est attaqué par le
chlorate et le nitrate de potassium en fusion. — M. A.
Haller a étudié l’action de l’isocyanate de phénile sur
les acides campholique, carboxyleampholique et phta-
liques. Le premier se comporte comme les acides mo.
nocarboxylés; avec le second on obtient une dianilide-
L'acide isophtalique fournit aussi une dianilide; l’acide
téréphtalique ne réagit pas. —M. Recoura a démontré
l'existence de deux variétés d'hydrate chromique diffé-
rant entre elles par leur capacité de saturation par les
acides ; l’une, l’hydrate chromique normal, peut fixer
six molécules d'acide chlorhydrique; l’autre, l'hydrate
chromique précipité des dissolutions vertes, n’en fixe
que quatre; or; le fait de dissoudre lhydrate chro-
mique dans une lessive alcaline a pour elfet de dimi-
nuer sa capacité de saturation par les acides, et cela
d'autant plus que la dissolution a été plus prolongée.
— M. Tassilly a préparé de nouvelles combinaisons
halogénées basiques des métaux alcalino-terreux : un
oxybromure de strontium, SrBr?,Sr0,9H20; un oxyio-
dure de strontium, 2Srl2,5Sr0,30H20 ; un oxybromure
de baryum, BaBr? Ba0,5H°0 ; un oxyiodure de baryum,
BaJ?,Ba0,94,0.— MM. A. Joly et E. Leidié ont pré-
paré l’azotite double de potassium et d'iridium et l'ont
décomposé par la chaleur; la réaction peut s'exprimer
par la formule :
3{Ir2(Az02?)l2Kt] — (Ir0)505(OK?)
+ SAZO?K Æ SAZOSK + 19A70 —Æ A7,
A une fempérature un peu élevée, on oblient le sel
121r0?,K°?0, — M. L. A. Hallopeau, eu versant goutte
à goutte de l’'ammoniaque en excès dans une solution
froide et concentrée de paratungstate de soude :
12TuO%, 5Na20 + 28H20,
a obtenu un abondant précipité cristallisé de tungstate
. ammoniaco-sodique :
16 Tu 0®, 3Na° 0, 3(AzHi2 0 L2H20;
les eaux-mères laissent, par concentration, déposer un
second précipité de paratungstate ammoniaco-sodique :
12 Tu 03, 4Na° O, (AzH1)2 0 L25120.
MY. Ph. A. Guye et À. P. do Amaral ont étudié le
pouvoir rotatoire de quelques dérivés amyliques à
l’état liquide et à l’état de vapeur. A l’état liquide, le
pouvoir rotatoire diminue en général avec l'élévation
de température. Les corps non polymérisés à l'état
liquide ont des pouvoirs rotatoires un peu plus faibles
à l’élat gazeux qu’à l’état liquide, à l'exception de Pal-
déhyde valérique. Les corps à molécules polymérisées
ont à peu près le même pouvoir sous les deux états. —
M. J. W. Pickering confirme les expériences de
M. Grimaux relatives à la synthèse de trois colloïdes, à
leur propriété de coaguler le sang et à leur digestibi-
lité. — M, Ch. V. Zenger signale de nouveau la coiïnci-
dence des perturbations magnétiques avec de forts mou-
vements sismiques. C. MATIGNON.
3° SGIENCES NATURELLES. — M. Crotte adresse une note
relative à l'emploi de l’aldéhyde formique pour la
guérison de la phtisie, — M, de Launay signale un
nouveau gisement de cipolin dans les terrains archéens
du Plateau central. — MM. Kilian et Penck, dans une
étude sur les dépôts glaciaires et fluvio-glaciaires du
bassin de la Durance, montrent qu'une série de trois
glaciations est intervenue dans ce bassin. — M. Haug
montre la coexistence, dans le bassin de la Durance, de
deux systèmes de plis conjugués d'âge différent. —
M. Nolan étudie le Jurassique et le Crétacé des îles
Baléares. — MM. Revil et Douxami fournissent des
documents sur le Miocène de la vallée de Novalaise. —
M. Dastre, dans ses recherches sur le sucre et le glyco-
uène de la lymphe, montre que celle-ci contient une
quantité appréciable de glycogène, que ce dernier est
détruit par la lymphe, en moins de 24 heures, par un
ferment (lymphodiastase) et que le glycogène paraît
entièrement fixé sur les éléments figurés et absent du
plasma liquide, —M .Lecercle montre les modifications
de la chaleurrayonnée par la peau sous l'influence des
courants continus, — M. Charles Henry démontre, à
l'aide d'un nouveau pupillomètre, l'action directe de la
lumière sur l'iris. — M. Delbet fait la démonstration
complète de la nature infectieuse du lymphadénome à
l’aide de la reproduction expérimentale par l'inocula-
tion de cultures pures d’un bacille particulier. —
M. Gibier a pratiqué la sérothérapie dans le cancer, —
M. Venukoff envoie la description de l'ile de Kildine et
de ses particularités hydrologiques. J. MARTIN.
Séance du 24 Juin 1895.
M. Fuchs est nommé Correspondant dans la Section
de Géométrie en remplacement de M. Weierstrass. —
M. Nansen est nommé Correspondant dans la Section
de Géographie et Navigation, en remplacement de
M. Nordenskiüld. — M. Laveran est nommé Gorres-
pondant dans la Section de Médecine et de Chirurgie, en
remplacement de M. Hannover.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Martinet adresse
les énoncés et la démonstration de plusieurs théorèmes
relatifs à la théorie des nombres. — M. J. Boussinesq
présente un travail dont le but est de déterminer,
pour le cas particulièrement intéressant d’une houle
de haute mer, les variations de la demi-hauteur H des
vagues avec leur distance à la région où elles naissent
par l’effet, soit de coups de vent, soit d’impulsions pé-
riodiques quelconques, et en outre de montrer comment
l'agitation confuse, due à un mélange de houles de di-
verses longueurs produites en un même lieu, se simpli-
fie dans les régions assez éloisnées de ce lieu, par le
fait de la longévité ou grande persistance de la plus
longue des houles données, comparativement aux
autres, et de l'extinelion relativement très rapide de
toutes celles-ci. — M. Ludwig Schlesinger commu
nique une note sur l'intégration des équations
linéaires à l'aide des intégrales définies.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Maneuvrier a rèpris
la délerminalion du rapport des deux chaleurs spéci-
fiques de l'air par la méthode de Clément et Desormes,
modifiée de facon à maintenir la constance de la tem-
pérature et de la pression ambiantes el à réaliser exac-
tement l’adiabatisme de la transformation. Les calculs
sont faits pour des gaz réels et non pour des gaz par-
faits, L'auteur donne la descriplion de l'appareil utilisé
dans le cas des trois gaz : air, acide carbonique et
hydrogène. — MM. J. Violle et Vautier ont fait de
nouvelles expériences sur la propagation du son dans
un tuyau cylindrique de 3 mètres de diamètre et de
3 kilomètres de longueur, Le son conserve ses qualités
acoustiques à de grandes distances, c’est-à-dire sa por-
tée. Les harmoniques s’éteignent avant le son fonda-
mental êt se séparent nettement de ce son; il en re-
sulte que le son acquiert, après un cerlain parcours, un
caractère musical spécial. — M. Adolphe Borel à élu-
dié la réfraction et la dispersion des radiations ultra-
violetles dans quelques substances cristallisées mono-
réfringentes : le sel zemme, le chlorate desoude, Palun
sulfurique d’alumine et de potasse. — M. Faurie à
défini autrefois l'écrouissage par la différenceF—R don-
née par l’équalion :
L + al
où Rest Ja force par mm ?de la section primitive par la-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
quelle commencent les déformations permanentes, F
la force par mm? de la section actuelle qui produit sur
la longueur L du barreau de preuve l'allongement per-
manent {, et enfin K et « deux constantes dépendant.
de la nature et de l’état du métal. L'auteur est arrivé
depuis à la conclusion importante, que K était propor-
tionnel à «, ce qui fournit la formule nouvelle : !
F_R= y CHERS
er
[2
M. Ch. Fremont a fait l'étude expérimentale du poin-
connage; ses conclusions sont les suivantes : {° l'effort
maximum dans le poinconnage est indépendant du jeu
dans les conditions habituelles de la pratique indus
trielles ; 2° le jeu est fonction de l'épaisseur du métal à.
poinçonner et non pas du diamètre du poincon; 3° ce
jeu est aussi fonction de l'allongement du métal, mais
en moindre proportion; 4° ce jeu doit être environ 1/5
de l'épaisseur du métal à poinconner. — M. Berthelot
a étudié d’une facon plus approfondie les conditions de
la combinaison de l’argon avec la benzine sous l'in-
fluence de l’effluve électrique et celle de la fluores-
cence spéciale qui l'accompagne. La combinaison s'ac-
complit avec le concours du mercure qui y intervient
sous forme de composé volatil. La fluorescence actuelle
n’est pas la même que celle de l'aurore boréale, cepen-
dant son développement et le rapprochement des raies
qui précèdent établissent une relation probable entre
le météore et l'existence de l’argon dans l'atmosphère.
Il se produit dans la réaction un équilibre complexe
entre les composants. — MM. Berthelot et Rivals ont
déterminé la chaleur de combustion des lactones ou
olides campholéniques de M. Béhal. Ces lactones ont
des chaleurs de formation notablement plus fortes que
celles des acides isomères. — M. Berthelot a mesuré
les chaleurs de dissolution et de neutralisation des
acides campholéniques. — M. Henri Moissan établit
que, sous l’action de l'arc électrique, la silice est réduite
par le charbon et fournit du silicium, et si la tempéra-
rature n’est pas trop élevée, une partie du silicium
peut échapper à l’action du carbone el se retrouver
sous forme de globules ou de cristaux fondus. La
vapeur de silicium refroidie au moment de sa produc-
tion peut se condenser. On à ainsi un nouveau procédé
de préparation du silicium. — M. C. Friedel fait quel-
ques réserves sur les conclusions de MM. Barbier et
Bouvexult relatives aux produits de condensation de
l'aldéhyde valérique sous l’action de la soude étendue
soit aqueuse, soit alcoolique. — MM. Villard et Jarry
ont déterminé le point de fusion et les propriétés op-
tiques de l'acide carbonique solide. La vapeur émise
par la neige carbonique possède, à —79°, une force
élastique égale à la pression atmosphérique. Contrai-
rement à ce qui à été affirmé, l'éther mélangé à la
neige carbonique n’en abaisse pas la température.
Sous un vide de 5 mm. de mercure, le thermomètre,
plongé dans la neize, descend jusqu'à —125°, ce qui
permet de liquéfier l'oxygène. — M. A. Colson persiste
à penser que non seulement la formule de Guye, don-
nant le pouvoir rotatoire, n’est pas fondée, mais que le
sens de ce pouvoir ne sera pas indiqué d’une façon
satisfaisante par une formule basée uniquement sur
des hypothèses chimiques. — MM. G. Bouchardat et
Tardy ont étudié les dérivés d'un térébenthène droit,
l'eacalyptène, contenu dans l'essence d’Eucalyptus glo-
bulus. Les auteurs concluent qu'il sera peut-être pos-
sible d'établir que les carbures extraits de divers téré-
benthènes naturels ne sont que des mélanges de deux
térébenthènes actifs, droit et gauche, se rencontrant
souvent en proportion variable, — MM. Ph. Barbier et
L. Bouveault donnent la préparation de deux acétones
obtenues dans la condensation d’aldéhydes à une liai-
son éthylénique avec la diméthyleétone; les acétones
formées avec l’acétone et la méthylacroléine d’une.
part, la isopropyl-6-isobulylacroléine d'autre part,
- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 643
sé transforment par voie de déshydratation en deux
ydrocarbures aromatiques, le pseudocumène et méta-
sopropyleymène. — M. G. Perrier a pu obtenir trois
üombinaisons différentes formées par le chlorure
d'aluminium avec chaque nitrile appartenant, soit à la
série grasse, soit à la série aromatique. La composi-
tion du produit obtenu dépend dans chaque cas des
conditions de l'expérience. Les expériences sont moins
nettes avec le cyanogène qu'avec les autres nitriles.
— M. V. Martinaud a étudié l’action de l’air sur le
oùt de raisin à l’abri de toute fermentation; il for-
mule ainsi ses conclusions : 1° De fous les éléments du
moùût, le plus oxydable est la matière colorante rouge
oluble. 2 Dans les raisins du type du Petit-Bouschet,
ilexiste une matière colorante oxydable par l'air, etune
ui l’est moins ou pas du tout et qui n'empêche pas l’ac-
“tionde l'air de se poursuivre sur les autres éléments du
—… moût. 3° Le bouquet du vin est non seulement dù aux bou-
quets qui existent tout formés dans le raisin, à ceux
léveloppés pendant la fermentation, mais aussi, pour
quelques variétés, à l’oxydation des éléments contenus
- dans le moût. 4° La coloration des vins blancs et leur
- goût de madère sont dus à une oxydation du moût et
ne proviennent pas de la fermentation. 5° Il est pos-
sible de préparer des vins blancs avec des raisins noirs
en extrayant la totalité du liquide qu'ils peuvent.
donner et soumettant celui-ci aux opérations suivantes
avant de faire fermenter : refroidissement et arrêter
les fermentalions, aération pour précipiter la matière
colorante et enfin filtration du liquide pour empêcher
. une recoloration pendant la fermentation. — M. Bai-
- Jand établit que le blé se conserve longtemps avec ses
qualités sans éprouver de modificationssensibles dans
sa composition chimique; la farine au contraire se
modifie rapidement. Il y aurait intérêt à augmenter
considérablement les approvisionnements de blé desti-
. nés auxarmées deterre et de meret à diminuer d'autant
… lesréserves en farines. — M, Kilian communique les
… observations sismiques faites à Grenoble le 14 avril 1895,
“ainsi que les expériences entreprises pour s'assurer de
a valeur de ces observations. — M. Fouqué ajoute
quelques remarques sur les observations de M. Kilian.
— MM. André Delebecque et Alexandre Le Royer
font déterminé la quantité de gaz dissous au fond du lac
“de Genève. La quantité de gaz dissous dans l’eau du
ac est indépendante de la pression de cette eau; elle
“tend à être légèrement plus grande dans les profon-
deurs qu’à la surface à cause de l’abaissement de tem-
mpérature. — M. A. Poincaré conclut de l'examen des
übservations météorologiques faites en 1883 que le
déplacement des points de rupture de la ceinture des
- calmes, dans la distribution des pressions entre les
méridiens de la zone de 10° à 30° de latitude, est sous
… la dépendance de la révolution diurne et de la révolu-
tion syuodique de la lune. Les effets de passage au
… périgée et à l'apogée varient beaucoup avec la situation
“et la marche de la trace de la lune. C. MATIGNON.
—._ 1° SCIENCES NATURELLES. — M. Vayssière meten relief
le dimorphisme sexuel des Nautiles par l’examen d’un
certain nombre de coquilles ; on constate que l’ouver-
“ture est large, arrondie chez les mâles etcomprimée chez
—… les femelles; le dernier tour de la coquille est plus
— renflé chez les mâles, — M. Charles Henry étudie les
variations de l'éclat apparent avec la distance et la loi
- deces variations en fonctionde l'intensité lumineuse. —
-M. Calmette, dans une note au sujet du traitement des
-morsures de serpents venimeux par le chlorure de
chaux et par le sérum antivenimeux, réfute un certain
nombre d'opinions prêtées à l’auteur par MM. Phisa-
—….lix et Bertrand. Il fournit quelques données montrant
«l'utilité pratique du chlorure de chaux pour détruire
- le venin, J. MaRHIN.
Séance du 1% Juillet 1895.
M. le Président annonce à l’Académie la perte qu'elle
“ient de faire dans la personne de M. Huxley, corres-
pondant pour la Section d’Anatomie et de Zoologie. —
MM. Schwarz, Muller et Engelmann, sont élus Cor-
respondants dans les Sections de Géométrie, Botanique
et Médecine, en remplacement de MM. Neumann,
Pringsheim et Carl Ludwig.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Emile Picard, qui
a démontré antérieurement qu'une équation linéaire
aux dérivées partielles du second ordre, et à deux va-
riables indépendantes, dont les coeflicients sont des
fonctions analytiques des deux variables réelles x et y,
a toutes ses intégrales analytiques dans une région du
plan (x, y) où les caractéristiques sont imaginaires,
généralise cette proposition en considérant une équa-
tion aux dérivées partielles d'ordre quelconque, le
nombre des variables étant toujours égal à deux, —
M. J. Boussinesq, continuant l’étude de la formation
de la houle de mer, donne les lois d'extinction d'une
houle simple en haute mer. Le coefficient d'extinction
(avec la distance) d’une houle simple est inversement
proportionnel à la cinquième puissance de sa demi-
#9 x . 5
ériode ou à là puissance + de la longueur de ses va-
= :
gues. — M. Cosserat énonce la propriété suivante :
Les surfaces pour lesquelles le problème de la re-
cherche des courbes tracées sur une surface, et dont la
sphère osculatrice est tangente en chaque point à la
surface, admet une intégrale entière homogène du
premier degré, sont celles pour lesquelles toutes les
lignes de courbure sont des cercles géodésiques; la
cyclide de Dupin et les surfaces, telles que le tore, dans
lesquelles elle peut dégénérer, sont les surfaces pour
lesquelles ilexiste une infinité de pareilles intégrales. —
M. Etienne Delassus démontre plusieurs propositions
concernant les équations linéaires aux dérivées par-
tielles, et en déduit les théorèmes suivants 1° Toute
singularité d'une équation F — 0, distincte de ses sin-
gularités fixes et située dans une région où F a ses
caractéristiques réelles, est de première catégorie.
2° Dans une région où toutes les caractéristiques sont
imaginaires, les singularités mobiles des intégrales
analytiques ont lieu le long de lignes quelconques, et
sont forcément de seconde catégorie. — M. Alf. Guld-
berg fait quelques remarques concernant les fonetions
qui possèdent la même propriété que le mulliplicateur
d'Euler, utilisé pour l'intégration des équations diffé-
rentielles ordinaires, et qui permettent de transformer
l'équation différentielle donnée en une équation aux
différentielles totales complètement intégrable. —
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Schrader donne la des-
cription d’un nouvel instrument (tachéographe) servant
au tracé et au levé direct du terrain, sans aucune
construction, par le seul fait de la transformalion mé-
canique de chaque visée en ses deux coordonnées,
horizontale et verticale. Les résultats obtenus indi-
quent un degré de précision supérieur à celui qu'on
demande généralement à ce genre d'appareils; l'erreur
d'estime varie entre a etre de la distance. — M. Fréd,
4000
Hesselgren soumet un mémoire sur une gamme mu-
sicale à sons fixes basée sur la vraie gamme natu-
relle, — MM. Lœwy et Puiseux font une longue
communication sur les photographies de la lune prises
à l'aide du grand équatorial et amplifiées par M. Wei-
nek ; ils insistent beaucoup sur les procédés à suivre
pour tirer des clichés photographiques des conclusions
à l'abri de toute critique. Un seul cliché, pris le
14 mars, donne 67 cratères nouveaux non douteux. —
MM. J. Violle et Th. Vauthier énoncent quelques-uns
des résultats obtenus dans leur étude sur la propaga-
tion du son dans un tuyau cylindrique de 3 mètres de
diamètre. Les sons fondamentaux présentent des dif-
férences considérables quant à la longueur du trajet
au bout duquel ils cessent d’être perceptibles à l'oreille.
La portée des sons fournis par les instruments usuels
diminue notablement des notes graves aux notes éle-
vées. Dans tous les cas, l’altération du timbre précède
l'extinction du son. A partir d’un certain trajet, un
train d'onde perd son caractère musical; la destruction
est d'autant plus rapide que le son est plus aigu el
a.
>
Æ
=
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
plus intense. — M. Gouy établit que les forces appa-
rentes qui s’exercent entre des conducteurs de charges
données, dans un diélectrique liquide, résultent : 1° de
leurs attractions et répulsions mutuelles, qui sont les
mêmes que dans le vide; 2° de la pression hydrosta-
tique, produite par la force qui attire la diélectrique
dans le sens où l'intensité du champ s’accroit le plus
vite, Cette pression hydrostatique parait jouer un rôle
essentiel dans certains phénomènes tels que la con-
traction électrique des gaz, ou la tension maximum
des vapeurs dans le champ électrique. — M. Bordier
donne une nouvelle méthode de mesure des capacités
électriques basée sur la sensibilité de la peau. —
M. Louis Bruner a comparé directement les soluhilités
de l’hyposulfite de soude solide et surfondu dans l’al-
cool plus ou moins étendu, et reconnu que la solubilité
du sel surfondu est régulièrement plus grande que la
solubilité du corps solide, comme la théorie le prévoit,
Le même auteur a déterminé la chaleur spécifique
des sels surfondus; la courbe des chaleurs spéci-
liques présente, au voisinage du point de fusion, un
maximum très sensible. — M, Ad. Carnot expose un
nouveau procédé de dosage de petites quantités d’ar-
senic. La méthode consiste à précipiter l’arsenic à
l’état de sulfure, puis à transformer celui-ci par l'am-
moniaque, le nitrate d'argent et l’eau oxygénée en
acide arsénique, qui est lui-même dosé ensuite sous
forme d’arséniate de bismuth, composé bien insoluble
dans l’acide azotique étendu et dont le poids est près
de cinq fois égal à celui de l'élément à doser. Les écarts
sont inférieurs à 0mg.05. —M. Dehérain a étudié les
quantités d’air et d'eau contenues dans les molles de
terre, dans le but de reconnaitre les causes auxquelles
il faut attribuer la nitrification excessive des terres
bien pulvérisées, Pour une même terre, la somme de
l’eau et de lair reste constante, mais celte somme
varie d’une terre à l’autre. Pour que la nitrification
s'établisse, l’air et l’eau sont nécessaires ; il faut que la
terre soit humide et aérée, et comme les deux élé-
ments air et eau varient en sens inverse, il n’y à pour
la terre en mottes qu'un temps très court pendant le-
quel l’air et l'eau se trouvent en proportions favorables.
— M. A. Haller a reconnu que le benzylidène-camphre,
le benzylcamphre, comme le camphre lui-même, ne se
prèlent pas à la substitution de groupements nitrés
dans le noyau benzénique. L'action de l’acide azotique
et du permanganate de potasse sur ces composés leur
fait subir une rupture au point d'attache du radical
aromatique, et les deux noyaux se comportent alors
dans le milieu oxydant comme s'ils étaient libres, —
M. L.-A. Hallopeau donne le moyen d'obtenir com-
modément des solutions d'acide paratungstique nrésen-
tant toutes les réactions connues des paratungslates et
setransformant en acide métatungstique sous l'influence
de l’ébullition, de la même facon que les paralungstates
se transforment en métatungstates. La simple concen-
tration de lacide le dédouble en acide tungstique et
eau, -- M. Henri Lasne donne un nouveau procédé
de dosage de l’alumine dans les phosphates, à la fois
commode et précis. Il repose sur la propriété que pos-
sède la soude de dissoudre l’alumine en présence d’un
excès d'acide phosphorique ; toutes les bases qui l’ac-
compagnent habituellement : chaux, magnésie, fer,
manganèse, sont, dans ces conditions, entièrement
précipitées soit à l’état de phosphates, soit à l'état de
sesquioxydes. L'acide phosphorique doit être employé
en excès. — M. de Forcrand a préparé l’amidure de
sodium dans le but d’en faire l’étude thermique, Il
signale quelques propriétés nouvelles de ce corps :
Az H5 + Na sol. = Hgaz + Az H?Na sol. + 20084.
On arrive aussi à la relation :
AzH° sol, + H gaz = AzHi sol, — 16eut
qui permet de ne pas désespérer de trouver des con-
ditions favorables pour réaliser la réaction, — M. J.
Cavalier a préparé les éthers phosphoriques de lal-
toxique de la digitale et des digitalines, — M. Gréhant
cool allylique par l'action directe de l’anhydride phos-
phorique sur lalcool dilué dans Péther. L’éther dia-
cide PO'C#HSH? donne deux séries de sels, des sels
neutres POÏC3#H5M? et des sels acides PO*C*H5HM dont
l’auteur donne la description et les propriétés. —
M.:J. Guinchant donne la préparation et la conduc-
tibilité de nouveaux éthers cyanométhiniques. La con-
ductibilité va en décroissant à mesure que le poids
moléculaire s'élève, — M, Michel Lévy a vérifié que
la loi de Tschermak relative aux plagioclases ne s’ap-
plique pas rigoureusement au point de vue optique :
légal éclairement total ne se produit pas rigoureuse-
ment quand on examine des plagioclases présentant
de grandes variations de composition ; néanmoins les
anomalies, importantes au point de vue théorique,
confirment que la loi s'applique avec une approxima-
tion suffisante aux propriétés optiques des feldspaths
intermédiaires, l’auteur donne un nouveau procédé
d'orientation et de diagnostic des feldspaths en plaque
mince, C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES,— M,Ad. Chatin fait connaitre
de nouvelles espèces de truffes (Terfas) du Maroc et de
la Sardaigne, — M. Chauveau fait la comparaison de
l'échauffement qu'éprouvent les museles dans les cas
de travail positif et de travail négatif. De nombreuses
expériences, il ressort que le travail négalif (mouve-
ment de descente) produit un moindre échauffement
que le travail positif (mouvement de montée).
J, MARTIN.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du ? Juillet 1895.
M. Ferrand est élu membre titulaire dans la IV° sec-
tion (Thérapeutique et Histoire nalurelle médicale). —
M. Dieulafoy communique cinq nouvelles observations
d’angines diphtériques à forme herpétique; il insiste
sur la nécessité de la création de laboratoires d'examen
bactériologique et émet le vœu que les études bactério-
logiques prennent à l'avenir une place plus importante
dans les Facultés de Médecine et Ecoles de Pharmacie.
— M.C. A. François-Franck expose le résultat de
ses recherches expérimentales et critiques sur l’action
cardiaque de la digitale et des digitalines, Il montre
d’abord l’évolution des effets produits sur le cœur par
la digitale aux doses physiologiques et aux doses
toxiques jusqu'à la mort du cœur, Il recherche ensuite
le mécanisme de ces effets et trouve que la digitale agit
en même temps sur l'élément musculaire et sur les
éléments nerveux. Enfin, l’auteur compare Pactivité
lit un mémoire sur les injections à doses fortes d'alcool
éthylique et de glycose dans le sang veineux, — M. le
D' Soulier rapporte un cas d’exostoses ostéogéniques
ou de croissance, considéré à tort comme un cas de
myosile progressive ossifiante.
Séance du 9 Juillet 1895.
M. Reclus est élu membre titulaire dans la V* Sec-
tion (Médecine opératoire). — M. Hervieux lit le Rap-
portde l’Académie au Ministre de l’Instruetion publique
sur la vaccination en France; il demande fa gratuité
complète des vaccinations et l'augmentation du nombre
des inspecteurs — M. Panas fait un rapport sur un
travail du D' F, Lagrange (de Bordeaux) relatif à
l’électrolyse dans le traitement des rétrécissements des
voies lacrymales. — M. Panas fait un rapport sur un
travail du D' Darier relatif à un procédé d’autopha-
koscopie applicable à l’étude du développement de la
cataracte, — La discussion sur la prophylaxie de Pal-
coolisme continue, M. Motet montre le développement
de plus en plus considérable de la criminalité d’origine
alcoolique, Il pense que, dans la lutte contre l’alcoo-
lisme, on doit non seulement chercher à réprimer le
mal, mais aussi à le prévenir en s'adressant aux enfants
et en leur montrant les conséquences funestes de ce
vice.— M, Daremberg pose les conclusions suivantes:
CP
CE QE AE no RAT ASS PAG AR
»
4
Le ‘ravages de l'alcool ayant deux origines : 1° l'alcool,
2 les impuretés de l'alcool, il importe donc : dé faire
“diminuer la consommation de l’alcool; de fixer un
maximum d’impuretés (pour les alcools, vins, eaax-de-
vie, liqueurs), au-dessus duquel la consommation sera
interdite. PNR
Roc SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE
{ Séance du 29 Juin 1895.
MM.Bar et Rénon ont constaté la présence du
acille de Koch dans le sang de la veine ombilicale de
tus humains issus de mères tuberculeuses. —
M. Meyer, après avoir inoculé à des lapins plusieurs
xirus, surtout celui du bacille pyocyanique, leur a in-
“jecté des sérums de provenances diverses ; les uns, pro-
enant d'animaux immunisés contre d’autres microbes,
etardent la marche de l'infection; les autres, recueillis
éz des malades et provenant soit d’épanchements,
it de la circulation d’urémiques, rendent l'affection
plus prompte et plus grave. — M. Raïchline a observé
près la contracture, la réapparition des réflexes ten-
-dineux chez un tabétique hémiplégique. — M. Gaube
à étudié la minéralisation du lait, — M. Boiret a ob-
servé que l’ablation des capsules vraies et accessoires
chez un rat d’égout lui permet cependant de résister
à un surmenage considérable. — MM. Langlois et
Athanasiu communiquentleurs recherches sur l’action
physiologique des sels de cadmium. — M. d’Arsonval
a constaté que l’ozone n’avait pas les proprietés micro-
- bicides qui lui ont été attribuées. -
Séance du 6 Juillet 1895.
MM. Déjerine et Mirallié décrivent des altérations
… de Ja lecture mentale chez les aphasiques moteurs cor-
ticaux. — MM. Thomas et Roux communiquent éga-
lement leurs recherches sur les troubles latents de la
- lecture mentale chez les aphasiques moteurs corlicaux,
— — MM. Charrin et Ostrowsky ont étudié un bacille
“qui produit le brunissement de la vigne et qui est, en
mème temps, pathogène pour le règne animal. —
M. Boinet (de Marseille) a essayé le traitement de la
berculose humaine par le sérum dechèvres inoculées
© la tuberculine. Les résultats sont bons dans la
berculose lente apyrétique; nuls dans la tuberculose
à la troisième période ; l'injection aggrave la maladie
dans le cas de tuberculose aiguë. — M. Gley a fait
“quelques expériences pour provoquer le sommeil chez
les grenouilles. — MM. Tissot et Contejean font une
communication sur la persistance, après l'isolement
de la moelle, des modifications apportés dans le fonc-
“tionnement de cet organe par un traumatisme expéri-
mental de l'écorce cérébrale, — M. Mislawsky expose
-ses recherches sur les modifications histologiques des
…_ “landes salivaires pendant la salivation.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 7 Juin 1895.
M. Arnoux présente les nouveaux voltmètres et am-
—péremètres qu'il a étudiés avec la collaboration de
“M. Chauvin. Il expose les qualités par lesquelles ces
nouveaux modèles se distinguent des appareils ana-
…logues. L'équipage est formé d’un cadre placé dans un
“champ magnélique. Ge dispositif est préférable à celui
d'une palette de fer doux, mobile entre les mächoires
“d'un aimant. Il donne plus de sensibilité et l’élalonne-
ment est plus durable. Le.champ est produit par
un aimant d'un seul morceau, et sans pièces polaires
apportées. Cette forme d’aimant élimine les réactions
mutuelles qui s’exercent entre les divers éléments des
“aimants feuilletés et est la meilleure pour obtenir un
champ magnétique bien permanent et intense, Le cadre
mobile est formé d’une bobine dont les deux extrémités
aboutissent à deux bagues de cuivre qui servent à
donner de la solidité au système et à amortir les
“oscillations, grâce aux courants de Foucault. On obtient
ainsi un mouvement de l’aiguille sensiblement apério-
dique, On ferme le circuit magnétique en intercalant
(1
Le
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
645
à l'intérieur de la bobine une bille d'acier. Le couran
est amené par deux ressorts spiraux bañdés en sens
contraire, afin d'assurer au repos la fixité de l'aiguille
au zéro. Ces appareils sont disposés pour se prêter à
toutes les exigences industrielles. Îls permettent de
mesurer des différences de potentiel et des intensités
qui peuvent varier de 1 à 3000. À cause de leur sensi-
bilité, on ne peut les faire traverser par un courant su-
périeur à 0,005 ampère ; aussi intercale-t-on des résis-
fances étalonnées, et constituées par du fil à faible
coefficient de température. Ainsi le cadre d’un voltmètre
ayant une résistance de 75 ohms, on doit, pour mesurer
une différence de potentiel maxima de 150 volts, inter-
caler en série une résistance de 29.925 ohms, On peut
très nettement subdiviser l'angle d'écart en 150 divi-
sions pour obtenir une échelle en volts. Les différentes
résistances correspondant aux différentes sensibilités
sont logées dans la boîte même du voltmètre qui, ce-
pendant, ne dépasse pas 15°® sur 5m, Les ampèremètres
ont un cadre mobile d'une résistance dix fois plus
faible. Ils doivent être shuntés, mais les shunts peuvent
être très courts et très portatifs. Tous les shunts portent
l'indication de leur résistance propre en microhms et
de l'intensité maxima pour laquelle ils sont construits.
Leur étalonnage, effectué à l’aide d’un pont double de
Thomson que M. Arnoux présente aussi à la Société,
permet de les rendre interchangeables, c’est-à-dire
qu’on peut effectuer des mesures exactes en reliant un
shunt quelconque à un ampèremètre quelconque du
système Arnoux. Pour cela la résistance du circuit de
chaque ampèremètre est réglée pour que l'aiguille
donne la déviation maxima de son échelle pour
une différence de potentiel invariable de 0,04 volt,
et on règle la résistance de chaque shunt, de facon
qu'elle soit égale au quotient de 0,04 volt par le cou-
rant maximum poinconné sur la plaque du shunt. Il
est entendu que l’emploi des shunts, dont la capacité
maxima poinconnée sur la plaque est un multiple ou
un sous-mulhple simple du chiffre maximum de la
craduation de J’ampèremètre, est cependant préfé-
rable aux autres, car on s’évite par là tout calcul.
En terminant, M. Arnoux signale les inconvénients de
l'emploi d'éléments Daniell pour effectuer les gradua-
tions. Ils ne restent constants qu’à la condition de ne
pas être choqués. Il est bien préférable de leur substi-
tuer simplement de grands éléments Leclanché, à
> : AE A 1
condition de leur faire débiter très peu,
d’ampère.
Ces éléments restent constant à plus de ne — M. Pel-
lat est de l’avis de M. Arnoux sur l'élément Daniell:
A son avis, un instrument excellent, c’est l'accumula-
teur. Il a une force électromotrice remarquablement
constante, surtout dans le cas de faibles débits. —
M. Moëssard étudie le moyen d'obtenir des projections
stéréoscopiques. Lorsqu'on projette à la fois les deux
images sur un écran, il faut, pour obtenir la sensation
du relief, que chaque œil n’apercoive que l’épreuve
prise du point de vue correspondant et que les deux
impressions fournies par les deux yeux parviennent à
se confondre. Divers procédés ont été déjà signalés,
notammentautrefois par d’Almeida, mais ils présentent
des inconvénients divers. L'auteur à mis en œuvre un
procédé fondé sur l’emploi des prismes. On projette les
deux images l’une au-dessus de l’autre, et on les re-
garde avec un instrument appelé par l'auteur la stéréo-
jumelle. Ce sontdeux prismes de petit angle et d’un verre
peu dispersif pour ne pas détruire l’achromatisme. Ils
sont tournés en sens contraire, le premier abaisse l’une
des images, Le second remonte l’autre et les deux images
peuvent ainsi arriver à se superposer. Des diaphragmes
convenablement placés cachent à chaque œillesimages
parasites. La déviation à obtenir au moyen des prismes
dépend de la distance du spectateur. Pour cela les
deux prismes sont mobiles et commandés par un mou-
vement unique. L’auteur distribue un certain nombre
d'appareils afin de permettre d'apprécier sur des sujefs
variés les résultats obtenus. Edgard HAwdié,
’
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 2% Mai 1895.
M. Tanret a recherché avec différents sucres s’ils ne
présentaient pas des phénomènes comparables à ceux
qu'il a signalés pour le glucose. Avec le sucre de lait,
il a obtenu cristallisées les modifications 8 (an = + 55°)
et y {an = “+ 34°), différentes des modifications anté-
rieurement signalées. Le galactose, l'arabinose, l'iso-
dulcite, le xylose, le maltose ne lui ont encore donné
que la modification $, provenant de la transformation
dans l’eau du produit primitif &. Il en conclut que le.
phénomène de Ja multirotation des sucres est mainte-
nant bien expliqué. Si le pouvoir rotatoire du glucose
ou du galactose en solution aqueuse tombe par exemple
detus— 210604, —12%0%59%05 ou denap—. 1 1490
à 4 = + 82,5, c’est qu'il s'est formé dans la solution
de nouveaux dérivés, qu'on peut obtenir cristallisés
en suivant la méthode qu'il a indiquée antérieurement.
— M. Tiemann ayant publié sur la série campholénique
des faits en contradiction avec ceux qu'avait communi-
qués M. Béhal, celui-ci répond à M. Tiemann. Il a ob-
tenu, lui aussi, le composé auquel M. Tiemann a donné
le nom d’isoamidocamphre et qu'il obtient dans l’action
de lacide sulfurique sur le nitrileactif. Ce corps, à fonc-
tion amine primaire, donne l’amide inactive par l’action
des acides. M. Béhal l’a obtenu par l’action des acides
chlorhydrique et iodhydrique sur l’amide active.
D'après M. Tiemann l'acide chlorhydrique est sans
action sur la camphoroxime, c'est cependant à l’aide
de cet acide que M. Béhal prépare le nitrile inactif. IL
a de plus reconnu que l’acide campholénique inactif
distille facilement sans décomposition notable ; mais, si
l’on opère en présence d’une trace de sodium, il donne
immédiatement du campholène, D'après M. Tiemann,
l’action du sodium dans ce cas serait nulle, et la dé-
composition serait due à la lactone campholénique
existant dans l'acide employé. La lactone décrite anté-
rieurement par M. Béhal serait un produit impur ren-
fermant de la campholénamide, Ce dernier fait obser-
ver que M. Tiemann a confondu les deux lactones
inactives et actives. M. Béhal communique ensuite les
résultats qu'il à obtenus dans l'oxydation par l'acide
azotique de l'acide campholénique inactif. Il a pu iso-
ler les composés suivants : l’acide hydroxycamphoro-
nique fondant à 167°-168°, déjà obtenu par MM. Ka-
chler et Spitzer, et un acide fondant à 85° de formule
CHi60$, se décomposant avec perte d'eau en un
acide bouillant à 275° et fondant à 39°.— En collabora-
tion avec M. Blaise, M. Béhal a étudié l'action de
l'hypoazotide sur l'acide campholénique inactif. Il y a
d'abord fixation et formation d'un corps bleu intense.
En présence d’un excès d’hypoazotide, il se dégage de
l'acide carbonique du bioxyde d'azote, et l’on obtient
un corps neutre répondant sensiblement à la formule
de l'acide nitrocampholénique fondant à 173°, composé
déjà connu. — M. Maumené a étudié les sulfures d’ar-
sénium et présente quelques-uns de ces corps qu'il a
préparés. L’existence de ces divers termes est une nou-
velle preuve à l'appui de sa théorie générale, — M. Jay
présente au nom de M. Dupasquier, un nouveau pro-
cédé de séparation analytique du baryum, du strontium
et du calcium. On fait agir sur un mélange de sels de
ces métaux une solution renfermant à la fois du sul-
fate d'ammonium et un tartrate alcalin. Le baryum et
le strontium donnent des sulfates insolubles, tandis
que le calcium, transformé en tartrate, peut, après la-
vase des sulfates, être facilement séparé à l'aide d'acide
chlorhydrique étendu, — M. Jay, après avoir fait res-
sortir l'importance du dosage des acides volatils et des
acides fixes des vins, donne un procédé qui lui a réussi
pour atteindre ce but. On distille 20 centilitres de vin
en présence de vapeur d’eau, puis on titre le liquide
distillé (acides volalils) et le résidu de la distillation
(acides fixes). — M. Berlemont présenie un nouveau
tube à distillation fractionnée consistant tout simple-
ment en un serpentin de verre assez large. Cet appa-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
- puis, en suivant l’ancien procédé de Berzélius, il a re-
reil, moins volumineux et moins fragile que les tubes à
boule, se nettoie facilement et permet de pousser, sans
enveloppe, une distillation fractionnée jusqu'à 300°. —
M. Raoul Varet a reconnu la constance pour un même
groupe de sels de la chaleur de formation des combi,
naisons du cyanure de mercure avec les sels, chlo-
rures, bromures, iodures des métaux alcalins et alca-,
lino-terreux, On pourra donc, pour ces composés, cal-
culer la chaleur de formation à partir des éléments en.
appliquant la loi des modules. — M. Prud' homme, en
traitant le paranitrotétraméthyldiamidotriphénylmé-
thane par la poudre de zinc en solution chlorhydrique
a obtenu une matière colorante teignant en violet la
soie, la laine et le coton mordancé au tanin. D’après
Gattermann, Bamberger et Wohl le nitrobenzène, ré-
duit dans certaines conditions, donne de la phénylhy-
droxylamine, qui est immédiatement transformée par:
les acides minéraux en paraamidophénol. M. Prud’=,
homme se trouverait en présence d'une réaction du
mème ordre: il aurait eu d’abord l'hydroxylamine cor-
respondante au dérivé nitré qu'il étudiait; mais loxy-
gène du groupement AzH?.0H, trouvant la position para,
occupée et ne pouvant donner un paraamidophénol,
donne un hydroxyle avec l'hydrogène du méthane. La
leucobase devient base colorable et matière colorante
en solution acide. — M, Burcker à adressé une note.
sur le dosage des acides volatils dans les vins. 3
Séance du 5 Juin 1895,
M. Halphen passe en revue les divers procédés d’a-m
nalyse des corps gras et discute notamment l’applica-
tion de la méthode de Hübl à l’analyse des graisses
animales. — M. Dupont a trouvé dans l’huile de coton
une substance sulfurée existant en proportion notable
et entraînée très lentement par la vapeur d’eau. —
MM. Cambier et Brochet reconnaissent qu'antérieu-
rement à leurs communications sur la question,
M. Losckann avait publié la formule de constitution.
qu'ils ont donnée à l'hexaméthylènetétramine,
Séance du 1% Juin 1895. - à
M. Lauth développe les différents essais qu'il à ten-
tés, sans beaucoup de succès, pour arriver à obtenir,
sur laine et sur soie, des noirs d’aniline résistants,
IL espère que ces renseignements pourront être utiles
aux chimistes travaillant dans cette voie. — M. Friedel
a repris l'étude de lapophyllite. En suivant un pro-
cédé analytique dù à M. Carnot, il avait cru pouvoir
conclure à l’absence de fluor dans ce minéral; de-
connu la présence du fluor dans les échantillons
analysés, — M. A. Combes décrit un appareil, permet-
tant de mesurer sous des pressions réduites variables
les points d’ébullition des différents dissolvants. —
M. Engel revient sur la question de l’allotropie de
l'arsenic. Le corps brun se formant dans la réduction
des composés arsénicaux et considéré encore dans les
ouvrages classique comme de l’hydrure solide d’arse-
nic est bien, ainsi que l'avait reconnu dejà M. Engel,
une modification allotropique de l’arsenic. Ce serait la M
modification correspondant au phosphore blanc. Geu- «
ther avait contredit certaines parties des recherches de
M. Engel. Il avait notamment donné à ce produit la
densité 3,7 au lieu de 4,7 trouvé par l’auteur de cette
communication. La question a été reprise tout récem-
ment, el on a reconnu le bien-fondé des observations.
de M. Engel. E. Caron.
SOCIÉTÉ PHILOMATIQUE DE PARIS
Séance du 22 Juin 1895.
M. Franchet. présente des diagnoses de nombreux
Careæ de l'Asie orientale et de la Chine occidentale, Il
insiste sur l'intérêt que présente la flore de ces ré- |
gions où la flore des Alpes européennes trouve sa
plus complète expansion. — M. Bioche expose un pa-
radoxe de géométrie élémentaire, Cu. Biocne.
SOCIETE ROYALE DE LONDRES
; SCIENCES PHYSIQUES
Minchin, — Mesure électrique de la lumière des
! étoiles. Observations faites à l'Observatoire de Dara-
-mona House, Westmeath, en avril 1895. — La méthode
consiste à mesurer la quantité de lumière qui arrive des
étoiles à la Terre, par la déterminalion de la force élec-
“tromotrice produite par cette lumière dans certaines
piles photoélectriques, dont le carré de la force élec-
tromotrice est proportionnel à l'énergie de la lumière in-
lumière incidente est formée par une mince couche
de sélénium déposée sur une lame d’aluminium, et
“immergée dans un vase de verre rempli d'énanthol, On
prend un tube de verre AB (fig. 1), dont le diamètre est
Fig. 4.
de 1 millimètre, ou plus petit; on prend un morceau
| court, AL, de fild’aluminium, qui remplit à peu près le
tube, et à son extrémité L, on attache un fil de platine
LP, dont le bout sort en B, du tube de verre. On chauffe
au bec Bunsen pour fondre le verre autour de l’alumi-
nium afin que le contact soit parfait et le fond du tube
étanche ; malheureusement on n’a pu réaliser parfaite-
_ ment jusqu'ici cette condition, dont la réalisation don-
| nerait une pile photoélectrique constante. Jusqu'ici, à
R cause de ce défaut d'étanchéité, on n’a pu conservercons-
tants ces éléments plus de quatre semaines. On prend
| alors le tube AB, en tenant l'extrémité A en haut ; on
_le met entre deux plaques presque verticales d’asbeste,
la pointe A dépassant un peu les coins des plaques; au
-milieu du fil d'aluminium en A, on met un très pelit
morceau de sélénium (environ de la grosseur d’une
mioute petite tête d’épingle); on chauffe l’asbeste au
moyen d’une lampe à esprit-de-vin ou d’un bec Bunsen
qu’à ce que le sélénium fonde sur l'extrémité À. On
it avoir soin d'écarter la flamme du sélénium même,
our que ce soit lachaleur du fil d'aluminium qui fonde
e sélénium. Alors la surface noire prend une couleur
uniforme brun gris, puis on continue de chauffer avec
grand soin jusqu'à ce que le sélénium en fondant donne
un liquide noir. On cesse alors de chauffer et l’on souffle
sur la surface du sélénium ; la surface est alors àson état
le plus sensible. On laisse refroidir le tube à l'abri de
la lumière, puis on le
placera dans un flacon
d’énanthol, La pile à
énantnol est un petit
tube de verre (fig. 2),
de 3 centimètres de lon-
gueuret1 centimètre de
diamètre , avec deux
petites glaces de verre
fixées aux côtés oppo-
sés: l’une a une fenêtre
de quartz QQ, cimentée
avec de l'acide acéti-
que et de la gélatine,
ou bien de la glu et de
la glycérine ; l’autre est
fermée par un bouchon
CC où passe le pelit
tube AB. La pile est fer-
mée à un bout par un
bouchon de verre S, età
; l’autre on a scellé un fil
de platine P’. Les deux pôles de la pile sont P et P'. La
lumière d’une étoiletombera sur la fenêtre de quartz et
au centre de la surface sensible À, qui est placée au foyer
lun télescope ou mieux un peu en arrière du foyer de
acon que la lumière couvre entièrement la surface du
[=
ACADÉMIES ÊT SOCIÉTÉS SAVANTES
sélénium. Le siège de la force électromotrice étant la
surface de contact du liquide et du sélénium, le sélé-
nium se charge positivement et le liquide négativement,
P estrelié à l’in des pôles d’un électromètre et P’ à
l'autre, et sil y à une portion du sélénium qui ne soit
pas exposée à la lumière, cette portioninerteagira sim-
plement comme un conducteur transportant une partie
de la charge positive au mauvais pôle de l’électromètre
et diminuera ainsi l'effet observé. La pile, soumiseaux
diverses radiations du spectre, s’est montrée sensible à
tous les rayons, de l'extrémité du rouge, jusqu’au delà
du violet, la f. é.-m. maximum se produisant dans le
jaune, mais la grandeurde la f. é.-m. ne varie pas beau-
coup jusqu'à ce qu'on atteigne le violet, À cet égard la
pile à sélénoaluminium diffère de toutes lesautres piles
photoélectriques, car lasensibilité de la plupart d’entre
elles estréduite au bleu. On peut signaler toutefoisle fait
que la pile, obtenue en immergeant des lames d'argent
dans unesolution d’éosine, donne des forces électromotri-
ces de signes opposés pour les rayons rouges etlesrayons
bleus. L'énergie incidente sur la pile photoélectrique
est proportionnelle au carré de la force électromo-
trice. Si une bougie tenue à une certaine distance de la
pile donne une différence de potentiel E entre les pôles
P et P', deux bougiestenues l’une à côté de l’autre don-
nent une différence de potentiel E \ 2. Si on connait les
parallaxes p et p' de deux étoiles on aura donc pour le
rapport ÿ de leurs éclats intrinsèques :
Ep NA
D se)
On a employé un électromètre à quadrants d'alu-
minium. En faisant l'expérience avec diverses étoiles,
on a obtenu :
Régulus
ATOUT ESA ee ne eee nine e SU ER te ae
En tenant compte des dernières déterminations des
parallaxes des étoiles, on trouve qu'Arcturus envoie
dans le même temps 75 3/4 fois autant d'énergie
que Régulus. D’autres observations ont été faites sur
diverses étoiles et planètes. Les résultats concordent
bien avec ceux qui sont déduits de la considération de
l’ordre de grandeur des étoiles.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
La Société a récemment recu les communications
suivantes :
MM. Augustus E. Dixon et R. E. Doran ont
obtenu la succynyldithiocarbimide en chauffant du
thiocyanate de plomb avec du chlorure de succinyle et
du benzène sec : 5
C?H#(COCI)? + Pb (SC Az)? = PbCI2 + C2H4 (CO AzCS)?
Ils ont pu préparer toute une série de dérivés de ce
corps en faisant réagir sur lui les différentes bases aro-
matiques. Par exemple, ils ont obtenu par réaction de
la phénylhydrazine, la succinyldiphényldisemithiocar-
bazide C?H(CO.AzH.CS.AzH.AzHCG6H5)”. En partant du
chlorure de phtalyle, ils ont semblablement obtenu
avec le thiocyanate de plomb, la phtalyldithiocarbi-
mice. MM. Raphaël Meldola F. R.S.et E R. An-
drews, en faisant réagir l'acide nitreux sur la dibro-
maniline CSH$BrBrAzH? 1 : 2:4, ont obtenu un produit
fondant à 234— 2359. L'analyse a montré que c'était
un composé diazoamidé et lui donne pour formule:
Br Br
CADRE CAGE)
; Br Br
ou bien :
Br Br
Az?.Az HR
Br Br
648
MM. Harry Ingle et Harold H. Mann, par l'action de
l'iode sur un mélange de benzylphénylhydrazone et
d'éthylate de sodium en suspension dans léther, ont
obtenu deux corps séparables par l’éther ou l'acétate
d'éthyle. Le corps insoluble est identique à la dibenzyl-
diphénylhydrotétrazone décrite par Minunni et Pech-
mann; il a pour formule :
CSH®.Az.Az — CH.CSH°
C5 Hal 45 — CH:C5H5
La partie soluble dans l’éther semble être un stéréoiso-
mère de la benzylosazoneet commeil est moins stable,
les auteurs l’ont appelé le benzylsynosazone. Ils lui
donnent pour formule :
C6HS.C +
Il
Az. Az HC6H5 CSHS.H Az.Az
MM. J. Walker et E. Aston publient une nouvelle mé-
thode pour déterminer la force comparative des diffe-
rentes bases organiques. — M. Augustus E. Dixon
décrit toute une série de dérivés de substitution de
l’urée et de la thiourée. — MM. W. R. E. Hodgkinson
et N. E. Bellairs ont étudié l’action de quelques mé-
taux sur les sels ammoniacaux. Ils se sont servis des
nitrates et sulfates d'ammonium. Le cuivre métallique
réagit immédiatement sur ces sels en fusion et mel
en liberté du gaz ammoniac et un peu d'hydrogène.
Lorsqu'on maintient la température à 160° environ, le
résidu est un mélange de nitrate et sulfate de cuivre
avec un excès des sels ammoniacaux. Le nickel et le
cobalt réagissent de même, mais il se sublime en plus
du sulfite et la quantité d'hydrogène est moindre. L'ar-
gent est dissous facilement par ces deux sels; la quan-
lité d'ammoniaque déplacée est à peu près équivalente
à la quantité d'argent dissous comme sulfate où ni-
trate. Le palladium est presque aussi actif que l’ar-
gent; mais il se forme un sel double de palladium et
ammonium. On voit donc que, dans presque tous les
cas, le groupe ammonium est déplacée par le métal.
ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM
Séance du 25 Mai 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. J.-C. Kapteyn :
Sur la distribution des vitesses cosmiques. L'auteur attri-
bue l’insigniliance des résultats obtenus jusqu'à pré-
sent par rapport à la constitution de l'univers à la
défectuosité des hypothèses, en partie invraisemblables,
en partie sensiblement fausses, dont on s’est servi, Il
cherche à démontrer qu’au contraire, un petit-nombre
d’hypothèses admissibles peut déduire des observations
une première approximation : {° de la loi de distribu-
tion des vitesses linéaires absolues ; 2 de la loi de va-
riation de l'accumulation des étoiles avec la distance
au soleil ; 3° de la loi de la distribution des étoiles de
différente clarté absolue. Jusqu'ici l’auteur s’est oc-
cupé principalement de la première loi. Il la fait dé-
pendre des trois hypothèses suivantes :4) Dans le mou-
vement des étoiles 1l n’y a pas de préférence pour une
direction déterminée. b) La loi de la distribution des
vitesses est indépendante de la distance à notre sys-
tème solaire. c) La fonction de la probabilité d’une
vitesse linéaire de grandeur donnée n'admet qu'un
seul maximum, De la première hypothèse on ne saura
se défaire qu'autant qu'on dispose de méthodes
pour déterminer exactement des parallaxes annuelles
inférieures à 0”,01; elle nous oblige à exclure les sys-
tèmes à mouvement propre commun, comme les
Hyades et les Pléiades, La seconde hypothèse obtien-
drait une grande vraisemblance, si l’on eût démontré
que la vitesse linéaire moyenne ne varie pas avec la
distance au soleil, Au contraire, M. Ristenpart prétend
avoir trouvé que cette vitesse moyenne augmente avec
Ja distance; cependant on prouve sans peine que la
méthode de M. Ristenpart ne saurait mener qu'à des
C.CSH°
om
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
——————
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
a OU CS EE CNT ARR
2 000
résultats illusoires, Une démonstration directe de l’exac-
titude de cette hypothèse pour certaines limites de la
distance s'obtient par la comparaison des vitesses
linéaires moyennes des étoiles de Bradley du second
type avec celles des autres types spectraux. Contraire
au résultat de M. Ristenpart, celte comparaison a fait
trouver une différence extrêmement petite entre les
vilesses moyennes des étoiles à des distances très con-
sidérables, Ensuite, l’auteur fait voir que l'hypothèse €
est nécessaire pour l’approximation de la fonction de
probabilité f (s) de la vitesse linéaire s. — M. P. H,
Schoute présente un mémoire de M. M. van Overeem
dr, intitulé : Sur les points remarquables des polygones
inseriptibles. Sont nommés rapporteurs MM. J. de Vries
et P, H. Schoute.
20 Sciences PHYSIQUES. — M. J. D. van der Waals
s’occupe des caractères distinctifs par rapport à la
forme de la courbe de plissement dans le cas d’un mé-
lange de deux matières. Dans le cas d’un mélange de
deux matières, dont la température et la pression ont
été déterminées de manière que les deux phases co-
existantes se correspondent en composition et en den-
sité, on donne le nom de courbe de plissement à la
ligne qui fait connaitre la relation entre ces valeurs de
r et p pour des degrés variables de composition. Ce
nom fait allusion à la circonstance qu’un mélange se
trouve dans la condition indiquée, si par son volume et
par sa composition, il occupe la place du point de plis-
sement sur la surface 4. Quoique à présent il n’est pas
encore possible de déduire l'équation de cette courbe, la
théorie en donne l’équation différentielle dans la forme :
dp D?V 'AMDPE
HSE
dar pr
qui permet d'en trouver les particularités les plus
saillantes. Dans la présente communication l’auteur
s'occupe de deux points particuliers de la courbe, Dans
le premier, la courbe touche la ligne des poins de ten-
sion maximum; dans le second, la tangente est paral-
lèle à l’un des axes, — M. J. D. van der Waals pré-
sente un mémoire de M. W. H. Julius : Sur un dispo
sitif pour protéger les instruments de mesure contre les
tremblements du sol. Les galvanomètres sensibles ou
d’autres appareils dont les systèmes mobiles, extrême
ment légers et suspendus d’une manière délicate, se
trouvent souvent dans un état de branlement contin
par suite des vibrations du sol, peuvent être protégés
presque complètement contre celles-ci quand on le
dispose de la manière suivante, L’instrument est fixé à
un support suspendu par trois fils d'acier égaux et
parallèles de 2 à 3 mètres de longueur. Ces fils des-
cendent de trois points A, B, CG (d’une poutre ou d’une
console), situés aux trois sommets d'un triangle équi-
latéral horizontal et aboutissent aux points A, B', C!
sur des pièces métalliques saillantes du support. On a
soin de faire coincider le centre de l’inertie du système
suspendu (savoir de l’ensemble du support et de l'ins-
trument) avec le centre du triangle A’,B',C'. Pour y par-
venir on place l'instrument de telle sorte que son centre
de gravité se trouve dans l’axe de l'appareil total et l’on
ajuste en sens vertical à l’aide d'une masse mobile à
crémaillère le long de cet axe. Afin d’amortir les mou-=
vements oscillatoires de longue durée, il y a autour de
l'appareil trois petits vases remplis d'huile où plongent
des systèmes de deux plaques croisées que l’on fixe au
support par des tiges recourbées, Après avoir démon-
tré que les forces perturbatrices, auxquelles linstru-
ment ainsi disposé est assujetti, sont très petites et
que les mouvements nuisibles qui en résultent seront
négligeables, lauteur finit par lexposé du résultat
assez satisfaisant de quelques expériences faites avec
un radiomicromètre (selon M, C. Vernon Boys) à cir-
cuit léger et très mobile qu'il installe d’abord sur un
pilier fondé sur le sol et qu’ensuite il suspend suivant
les conditions décrites, P. H. Scxours.
Le Directeur-Gérant : LouIS OLIVIER,
N° 15 15 AOUT 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
L'ÉTUDE SCIENTIFIQUE DE MADAGASCAR
Au lendemain de la conquête, qu’aurons- | légèrement acceptés par le publie. C’est, —
nous à faire à Madagascar? comme on va le voir, — selon la bonne mé-
… C'est à la Science, non à la Bureaucratie, | thode scientifique, d’après des faits d'observa-
qu'il appartient de l'indiquer, — et tel est | tion positive, que sont appréciées, dans les
Mobjet des articles qui vont suivre. pages qui vont suivre, les ressources natu-
relles de l'ile. La juste estimation de ces res-
Ces articles exigeaient de multiples compé- | sources doit être à la base de l'œuvre écono-
D: les uns sont l'œuvre d'Explorateurs, mique et sociale que la France à désormais
d'Agriculteurs, d'Ingénieurs, d'Administra- | mission d'accomplir à Madagascar.
Heurs et de Médecins ayant longtemps résidé à Tousles articles de fonds du présent numéro
Madagascar; les autres sont dus à des Savants | sont, pour cette raison, consacrés à l’étude
jui ont appliqué toutes les ressources de nos | scientifique de la question malgache et aux
laboratoires à l'étude des produits rapportés | enseignements qui en découlent pour notre
par les Voyageurs. | politique coloniale.
Is nous font connaître le monde malgache,
les différentes races humaines qui habitent la Il nous à paru indispensable de documenter
grande île, leurs mœurs, leur degré de civii- | ces articles de cartes spéciales et de nom-
tion et leurs besoins. Ils nous renseignent, | breuses photographies. 93 simili-gravures,
dune façon précise, sur le climat du pays, | jointes au texte de nos collaborateurs, ont été
Bétat du sol et les conditions diverses, — sani- | faites d’après des clichés ou épreuves prove-
ires ou autres, — qui permettent ou em- | nant de collections privées et de l'Exposition
pêchent de l’exploiter. de Madagascar au Jardin des Plantes. Nous
Hant d'opinions fantaisistes ont été émises | devons, à ce sujet, des remerciments particu-
: les richesses de Madagascar qu'il importait | liers à MM. Grandidier, Alluaut, de Faymo-
breviser, à ce sujet, des jugements aussi in- | reau et à la Direction du Muséum.
onsidérément portés par les chroniqueurs que (Note DE LA Direcrtox.)
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 15
650
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
LE MONDE MALGACHE
GÉOGRAPHIE ET ASPECT GÉNÉRAL DE MADAGASCAR — LE SOL, LA FLORE ET LES FORËTS —
LES RACES MALGACHES ET LEUR CIVILISATION
Pendant que nos soldats «montent à Tananarive »
el pendant que nous suivons pas à pas leur marche
en avant, il importe que les Français, soucieux de
l'avenir de leur pays, puissent connaître Madagas-
car au point de vue scientifique et économique.
Il faut que les savants, les explorateurs, les agri-
culteurs et les commerçants qui ont étudié celte
grande ile, viennent éclairer le public sur les res-
sources naturelles de ce pays, sur ce qui a été fait,
el sur ce qui reste à faire. Il faut que ces hommes
préparent et organisent la conquête économique de ce
pays, tandis que notre armée en achève la con-
quête militaire.
C'est alors seulement que les sacrifices de sang
et d'argent consentis par le Gouvernement français
ne resteront pas infructueux, el que celte colonie
pourra apporter à la métropole un supplément de
force politique et de vigueur économique.
Mais, pour atteindre ce but, il ne faut pas s'ap-
puyer exclusivement sur le concours du Gouverne-
ment; il faut faire appel aux hommes de bonne
volonté, exciter leur initiative, les renseigner sur
ce que vaut exactement Madagascar et ce qu'ils
peuvent y tenter.
C'est ce qu'a bien compris la Direction du
Muséum d'Histoire naturelle en organisant une Ex-
position ethnographique, zoologique, botanique et
géologique de Madagascar, el en complétant cette
Exposition par une série de conférences faites par
des savants tels que MM. Milne-Edwards, Hamy,
Stanislas Meunier et Bureau.
Nous applaudissons sans réserve à cette mani-
festation de notre grand établissement scientifique
qui, au lieu de conserver pour quelques privilégiés
les richesses dont il dispose, fait profiter de ses
précieuses collections tous ceux qui s'intéressent à
notre expansion coloniale, et leur donne ainsi des
renseignements pratiques et sûrs.
A cette heureuse initiative du Muséum, le public
, d’ailleurs, répondu avec un louable empresse-
ment, et la preuve, c'est que l'Exposition, pendant
les mois de juin et juillet, a eu environ 40.000 visi-
teurs. Ajoutons que plus de 1.200 auditeurs assis-
taient à chaque conférence el nous aurons montré
qu'il existe chez le public un désir ardent de
s'instruire el de sc renseigner.
Il est juste de dire que cette Exposition estremar-
quable à un double point de vue : et par la va-
leur des pièces, dessins, photographies et docu-
d
ments divers qu'elle renferme, et par la facon dont
ces documents s’y trouvent classés et commentés.
Elle est riche, parce qu'elle a été faite avec les
collections rapportées depuis 30 ans par les explo-
rateurs français MM. Grandidier, Humblot, Catat,
Maistre, Foucart, Douliot, Alluaud, Gautier,
Grevé, etc. Plusieurs innovations des plus ingé-
nieuses y ont été introduites. Les photographies,
par exemple, ont été disposées par régions, et ac-
compagnées de notices explicatives et de cartes
géographiques, sur lesquelles est teintée la région
à laquelle ces photographies se rapportent. Près
de chaque groupe d'animaux, une carte géogra
phique indique la répartition de chaque espèce, et
une notice manuscrite donne des renseignements
sommaires, mais précis, sur les mœurs et l'utilité
des principaux types.
Grâce à cette nouvelle disposition, qui permet
au visiteur d'observer, de s'intéresser à tous les
objets, l'Administration du Muséum, tout en con
servant à l'Exposition son caractère essentiell
ment scientifique, l'a rendue accessible au grand
public. Il serait injuste de ne pas dire que le Di-
recteur du Muséum, M. Milne-Edwards, a été mer-«
veilleusement secondé par la précieuse et active
collaboration de M. A. Grandidier, qui, depuis de
nombreuses années, se consacre, comme on sait
à l’étude de Madagascar. À côté des apports faits
à l'Exposition par les autres explorateurs, les:
siens tiennent incontestablement le premier rang.
Nous allons essayer d'indiquer ici, d’après ces
voyageurs el ces savants, l'état actuel de nos con-
naissances sur l’ensemble de Madagascar, la cons=
litution géographique et géologique de l'ile, sam
flore et sesrichesses forestières, les races humaines
qui la peuplent et leur état de civilisation. —- Nous®
passerons complètement sous silence toutes les
questions qui demandaient à être traitées chacune
par un spécialiste, et que les articles qui suivron
cette rapide étude ont pour but d'exposer. Nous
n'avons pas non plus à parler de l'histoire des
explorations à Madagascar, ce sujet étant traité
plus loin par M. le Professeur Milne-Edwards.
[. — ENSEMBLE DE L'iLE, GÉOGRAPHIE ET GÉOLOGIEM
L'ile de Madagascar (fig. 1), qui s'étend entre
les 12° et 26° degrés de latitude sud, est située à
peu de distance de la côte orientale d'Afrique:
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
654
. C'est une des plus étendues du globe : sa superficie,
. évaluée approximativement à 600.000 kilomètres
carrés, équivaut à celle de la France et de la Bel-
_gique réunies (fig. 2). Sa longueur du nord au sud
est d'environ 1.600 kilomètres, tandis que sa plus
$ 1. — Région orientale.
La région orientale comprend: tout le versant
est de la grande chaîne de montagnes qui s'étend
le long de la côte, depuis le pays de Diego-Suarez
jusqu'à Fort-Dauphin, sur une largeur
r
s Le ses
à Comore 15 Glorieuses
JS
R
LT
;
- [15 comoRès
,
| MoilyS: ‘Anjopan
À A eS AE
STONE DS.
ve
Maskora "A
#8 PlBarrom
{
moyenne de 100 kilomètres.
Cetterégion , très montagneuse lors-
qu'on s’écarte des bords de la mer, est
principalement formée d’argile rouge, au
milieu de laquelle apparaissent des roches
primitives (gneiss, micaschistes) et des cou-
lées de basalte. Les pluies y sont très abon-
Fig. 2. — Superficie comparée de la France
el de Madagascar.
dantes, pour ainsi dire continues, et, en
certains endroits, il ne tombe pas moins
de 3 mètres d’eau par an. Aussi les pentes
des montagnes, malgré leur mince couche
d’humus, ont-elles une végétation her-
bacée assez vigoureuse, et les hauts du
| versant sont-ils bordés par une large
bande de forêts.
D
€ Fig. 1. — Carte générale de Madagascar.
“grande largeur n’atteint pas 600 kilomètres. Elle
est séparée de l'Afrique par le canal de Mozam-
“bique, large de 400 kilomètres; elle est baignée à
l'est par l'océan Indien, où se trouve, à 600 kilo-
“ mètres, notre possession française de la Réunion.
— L'ile peut être divisée en trois régions bien dis-
tinctes par leur aspect physique, leur constitution
“séologique, leur faune et leur flore, Ce sont : la
région orientale, la région occidentale et la région
D (fig. 3).
Les vallées sont marécageuses et de-
manderaient à être drainées à grands
frais si l’on voulait les utiliser pour la culture.
Le décor de tout ce versant oriental, avec ses
forêts puissantes, ses nombreux cours d'eau et ses
torrents (fig. 4), est des plus pittoresques et fait
avec raison l'admiration des voyageurs.
Ce qui manque surtout au sol de cette région,
comme à celui du massif central, ce sont, d'après
les renseignements que nous tenons de M. Gran-
didier, les calcaires et les marnes, sans lesquels la
fertilité n’est pas durable. C’est un point dont les
652
futurs pianteurs feront bien de tenir compte, s'ils
ne veulent éprouver de trop grandes déceptions.
Les fleuves du versant oriental sont, à cause de
la déclivilé brusque du sol, des torrents. On peut
citer : le Manompa ; le Maningoro, qui forme le lac
Alaotra long de 30 kilomètres et qui fut jadis,
E. CAUSTIER — LE
MONDE MALGACHE
entre elles et créer une navigalion intérieure qui
suppléerait aux obstacles de la barre et permettrait
le cabotage. Vers Mahanoro (fig. 5), dans la région
moyenne, la lagune est très poissonneuse, et la
pêche est organisée par les habitants, qui éta-.
blissent de grands barrages à l'aide de bran-
ches entrelacées, a-
d'après E. Reclus,une &
merintérieure longue |
de plus de 300 kilo-
mètres, le Mangoro,
qui est le plus consi-
dérable et qui, large
WGdeComore
15 COMORES
Moely®: Anjouan
84 Pamansi
Mayotte & Zacudr
et peu profond, coule PR: sont excessivement
norords cou 7 o .
entre les deux bandes l'Radama VE LÀ intonpons | Malsaines, et c'est là
forestières en une Brèrane Be que la fièvre fait ses
belle vallée où les A aintataba | Plus grands ravages
villages entourés de
jardins se perdent Ma
dans les feuillages. | ci LES
Après avoir traversé | CS nr EN
cette plaine, une lon- | À
gue etpuissante chai- |
Marotondr AY È
EX
ne de montagnes ap- HAT
parait comme uu mur
gigantesque : c’est le | ere?
rebord du massif cen- pes
tral.
La côte est plate et
peu découpée ;ellene
présente que la ma-
gnifique baie de Die-
go - Suarez (fig. 1,
page 718), celles
d'Antongil et de Fé-
nerifa. Une barre,
droite et régulière,
règne sur toute la
côte et rend les dé-
barquements diffi -
ciles et dangereux.
Les gros navires
Masoru
mouillent au large NT
De DE
>
. SAN >
Zrütrarnandraà RE o
et le débarquement Pt,
s'opère dans des piro-
EE
CS Marie
15 Glorieuses
vec des nasses dans.
les ouvertures (fig. 6).
Ces plaines basses
el marécageuses qui
avoisinent la mer,
CdAmbre
5° PA
ViZiam rs 2 Bsde Dig oSuarez
I.NossiBe NE
TN à 2 9
in à e Polerrerr
X Ds
3)
À (fig. 7).
Au nord de la côte
& orientale se trouve
NEA notre colonie de Die-
go-Suarez , avec sa
baie magnifique et sa
capitale Antsirane ;
sa situation particu-
lière l’a fait appeler
justement la Citadelle
de l'océan Indien. À
une faible distance se
trouve la montagne
d’'Ambre,surlesflanes
de laquelle se sont
établis des colons
français, originaire
du Jura; leur habita-
tion est entourée de
jardins dans lesquels
ils font de la culture
maraichère (fig. 8).
Les principales vil-
les du littoral sont :
Vohemar, Fenerifa ,
Tamatave, Mahano-
ro et Fort-Dauphin.
Tamatave, qui à une
é CEst
& er
“i
ESC Masaola
a
Ambodfototra
F 2
Tamatave
ÉaErEc
Carorrtn,
a 44
Andovoranto
9 déeparasy
De AMahanoro
gues à balancier d’une
finesse extrême
(fig. 10, page 658). Tamatave est le seul port où
l’embarquement puisse se faire aisément (fig. 4,
page 722); encore est-il exposé aux cyclones pen-
dant deux mois de l’année.
Sur le bord de la mer se trouvent d'immenses
lagunes, peu larges et peu profondes, retenant une
eau saumätre, stagnante et liède, où poussent des
nénufars et des roseaux. De loin en loin, une
communication avec la mer. On pourrait, avec
quelques travaux, faire communiquer ces lagunes
Fig. 3. — Carte des Lrois grandes régions géographiques de Madagascar.
population de 20.000
habitants, est le port
le plus important de Madagascar (fig. 9 et 11).
Les Malgaches et surlout les Indiens Malabars y.
font un commerce actif. De Tamatave partent des
caravanes pour Tananarive : plus de 900 porteurs
ou borizana marchent entre les deux villes, trans-
portant voyageurs et marchandises.
$ 2. — Région occidentale.
Cette région est relativement plate, avec, çà et
là, des collines et de petites chaines de monta=-
-U9110) Sodarara sop adj o7 uotq steu ‘g[0st se9 un sed uou
L
‘18H 9109
faquasaadox 191
I 2p soon
ud ju91407 9T — :.
1D9S$DbDPDIN 2P )PjUa110 JUPSU0Q NP JU9LLO]
7 on RÉ ES
RS SE DS ne = ne es CT =.
g. 5. — Mahanoro, ville de pécheurs sur la lagune de la côte orientale, dans la région moyenne de Madagascar.
ST 2P SAlQIAU Sa) SUDp UosS10d 27 aupuaud Anod stayund a sabn..1ng — *9 *StY
Die
. 1. — Plaine marécageuse d'Anamarika (Baie de
nombreuses petites les formant une s
go-Suarez). — > ine est le type des régions à
découpures s, à fond ar ux, où leau ne
» 3
n système de
nialals pt stilentiel.
‘Sa88DQ SuorbauTsap sapnindur 52
quarbn au a$ n0 Wnn4101DUNS np Ssn0ssap-nn ‘a7u1qn70s ap sapin fan SUO17PU09 S9p Sup ‘a1qup D aubnjuopy
DJ ANS 9PN]1)D,P Saljaut D00'T © s2PSuD1] suooo 9P JUAUASSYQ0IT — 8
514
BU
‘2ADJDUINL — "6"
“sauobipur Sa) An 39/1qQM4 ‘27910 2771910 NP] 9 24
658
. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
gnes. Elle est plus élevée dans le sud que dans
l’ouest. Son climat très sec, — car il n’y tombe
pas plus de 30 à 40 centimètres d’eau par an, —
ne permet la culture que sur les bords des fleuves.
Celte vaste zone est caraclérisée par des plantes”
qui ne craignent pas la sécheresse : Baobabs, Ta-
mariniers, Arbres de Cythère, Lataniers épineux et ra-
bougris, Zuphorbiacées arborescentes, Didierea, ete.
Absolument aride et désolée dans le sud et le }
sud-ouest, cette région s'améliore vers le nord.
Dans le Ménabé, par exemple, sont de vastes pà- |
turages où les Sakalaves élèvent les plus beaux"
bœufs de Madagascar.
Presque tout l’ouest, d’après les récents travaux"
de M. Gautier, qui a exposé une carte géologique
OR
ss
1
Fig. 10. — Pirogue à balancier.
‘dontnous reproduisonsune esquisse (fig. 12, p.660),
appartient aux roches sédimentaires (grès, argiles et
calcaires). On trouve aussi, en divers points, des,
basaltes, ce qui prouve que les éruptions basalti="
ques ne sont pas spéciales à la côte est, comme on
le croyait. Des fossiles jurassiques, crétacés et ter-
liaires, recueillis par divers explorateurs ont per-
mis d'établir l'âge de ces différents terrains.
Ces dépôts sédimentaires, qui ne sont jamais
plissés, ont été coupés par des failles; d’où il ré-
sulte que dans l’ouest malgache les horizons sont
rectilignes, les accidents de terrain sont de vrais
plateaux, et les vallées, des gorges, des couloirs
étroits à parois verticales.
Cette région, qui est l'habitat des tribus indé-
pendantes, est, par suite, la partie la plus mal con-
nue de l'ile. Dans le sud, cette plaine sakalave est
recouverte d’argiles colorées et sillonnées de fail-
les par lesquelles s'écoulent des sources bitumi-
neuses et des sources de poix.
660
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
Au sud, trois grands plateaux séparés par les
rivières Saint-Vincent et Saint-Augustin. Le plus
septentrional a été exploré par M. Grandidier et
présence de sel gemme dans les montagnes de
l'Isalo; puis, enfin, les rivières Saint-Vincent e
Saint-Augustin. Re
par Douliot; il est
bordé à l’est par la ST de Comore
chaine del Isalo, dont |;:Ÿ’comores
le versantorientalest | may: ‘Anjouan
un des plus pittores-
ques par ses gorges
et ses cañons qui le
coupent et laissent
des parois hautes de
409 mètres.
L'ouest malgache,
dans son ensemble,
estparcouru par deux
vents de direction et
Pamanst
!
/
"
Pilemar.s
G CS'AnAr ETS
d'influence contrai - Marotondro=) |
ES (Q
res : par l'extrémité ER
Jalombof—# $\
nord du canal de Mo- MS LS
zambiqueentrentdes 22
moussons chargées | Zen Re?
de pluie; par l’extré- si L j
is arren DE S
mité sud, des vents ram dE j
qui, ayant passé par-
dessus les mers an-
tarcliques, sont frais
et asséchants. Aussi,
à mesure qu'on S'a-
vance vers le sud,
les pluies sont-elles
moins abondantes :
au nord, six mois de
sl
Liitmanendrafo$f jL
C ©= HA
Ltrrpastland 1
CSL |
Vincent
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pluie; à Majunga , |...
trois mois; plus au | xraré
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sud, les plantes gras- |: Ke
ses apparaissent, el,
à l'extrême sud, des
années entières se
passent sans pluie,
et les embouchures
©, Oman
CS Marie
1 Hanakæranx
5 Fort Dauphin
15 Glorieuses
Cd'Armbre s
Re È gedeDiégoSuare, | YOMPU par des rapi-
RES vane des et ne sont, par
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I.Nossi-Be
tn è
conséquent,pasnavi-
cependant, naviga-M
ble pendant 150 kilo
mètres (sur 800), est
utilisé en ce moments
par nos chaland
pour assurer le ra=
vitaillement de nos
SA PS CE
134
EL Masaola
€.
Ce, Honpes dont le cen-
pisteMarie | tre d'opération esb
Étméotforore | établi à Suberbies
Fe ville.
EYoule Fornte
En résumé, il n°y à
pénétration fluviale
Les côtes du nord
ouest, avec leurs fa
laises crayeuses €
leurs nombreuses.
baies, offrent de
beaux ports à l'abri
des cyclones de l'o=.
céan Indien : tel le
port de Majunga, oi
nos troupes ont opé-
ré leur débarque
ment.
Les côtes basses et
sablonneuses du Mé-
nabé n'offrent aucun
bon port, l'embou
chure des fleuves 6=
Masomeloka
Yéruvelona
SN Hangatsiaotras
despetitsfleuvessont
souvent à sec.
Les fleuves soniplus
développés que dans
l'est ; on peut citer le
Majamba. Le Betsi-
boka et l'Ikopa(fig.3,
p- 120), passant à Ta-
nanarive, se
Terrain éroptif récent (basslte,
trachyte).
sie:
Terrain cristallin,
Terrain jurassique,
rejoi-
gnent près de Suber-
bieville pour se jeter dans la baie de Majunga.
C’est la route suivie en ce moment en sens inverse
par notre expédition militaire.
Plus au sud, on trouve le Fiherana, qui aurait à
sa source un certain degré de salure, attestant la
.— Carte géologique de
Madagascar, d'après
tant obstruée de bar-
res formidables. |
Sur la côte dus
sud-ouest, l'absence:
d’embouchure favo=
rise le développe
ment des coraux, qui.
empätent et accrois=M}
sent continuellement
la côte. 4 |
Le Saint-Augustin débouche par un grand es
tuaire qu'entretiennent les vagues de l'océan An
larctique, tandis que, dans tout le reste de la côte
occidentale, les fleuves se terminent en dellas ve=
couverts de Palétuviers.
Terrnin inconnu, probablement sédi-
mentaire,
Terrain tertiaire.
Terrain crétncé.
M. E. Gaulier.
‘au17709 n] 9p ANA ‘DAJOYDIOYUF ——; 4 "DU
EL + 2 : : ; “
et T'ullear. Au su se Re l'ile de Mossi- Bi avec
Helleville (fig. 2, p. 7119) pour chef-lieu; c'est un
poste important comme entrepôt de marchandises,
ét qui comprend environ 10.000 habitants.
S 3, — Région centrale.
C'est un vaste chaos de montagnes, qu'on a
comparé, non sans raison, à une mer agitée, qui
aurait été subitement figée. Cette région monta-
gneuse est surtout formée de roches cristallines pri-
milives (gneiss et micaschistes), au milieu desquelles
apparaissent des affleurements de bosalles et plus
rarement de calcaires cristallins.
Ce massif est isolé dans l’île comme un xid d'aigle,
suivant l'expression pilloresque des Hovas. Son
altitude moyenne est de 1.500 mètres; un grand
massif, l'Ankaratra, qui domine tout le pays au
sud-ouest de Tananarive, a 2.600 mètres d'altitude.
C'est une région absolument dénudée. Aussi les
Hovas qui l'habitent portent-ils, en malgache, le
nom d’Ambanylanitra, c’est-à-dire « sous le ciel »,
ce qui signifie, d'après une étymologie sakalave
contestable du reste, « ceux qui n’ont d'autre abri
que la voûte du ciel, pour qui l’ombre des arbres
n'existe pas ». On ne trouve d'arbres, en effet,
que dans les vallées étroites, le long de petites ri-
vières qui leur fournissent l'humidité nécessaire.
La sécheresse dure d'avril en octobre.
Dans le fond des vallées se trouvent des rizières
fertiles (fig. 12, page 732); sur les coteaux des
troupeaux de bœufs, elun peu partout des maisons
en terre et en briques. Le sol est une argile rouge,
dure, parsemée de blocs de granit.
Le massif central se lermine presque partout à
l’ouest par un abrupt de 7 à 900 mètres; c’est le
Bongolava ; mais, sur les deux routes allant de Ma--
junga à Tananarive; celle du Betsiboka et de l'Ikopa,
la montée se fait progressivement, sans ressaut
brusque (fig. 2, page 716). C’est par ce chemin que
notre armée arrivera à Tananarive, Le climat, qui
y est tempéré, permet aux Européens de s'y accli-
mater parfaitement et d'y travailler manuellement,
Cette région comprend comme villes impor-
tantes : Tananarive, Ambohimanga et Fianarant-
SOa.
T'ananarive, situé à 300 kilomètres de Tamatave
et à 450 kilomètres de Majunga, et dont la popula-
tion dépasse 100.000 habitants, s'élage sur un
massif isolé dans une vaste plaine (fig. 14). Sur le
point culminant (1.420 m.) est bâti Le palais de la
Reine (fig. 43, page 689). Les principaux édifices
apparaissent au milieu des bouquets de manguiers
et de lilas de Chine; mais, si l'aspect extérieur
est riant, l'intérieur de la ville est désenchanteur;
les rues sont de véritables fondrières (fig. 15);
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
la ville Eu . de Hors “bu est là que, ous
par nos soldats, ils nent dit-on, se réfugier.
est une région essentiellement agricole.
$ #. — Passé géographique et passé géologique
de l'île
Si l’on ajoute au remarquable travail de M. Gran-
didier sur l’histoire de nos connaissances géogra=
phiques les données acquises par les récents
explorateurs, on aura un ensemble à peu près
complet. M. Grandidier a exposé au Muséum uné
série curieuse d'anciennes cartes (du xrr° sièele à
1865), parmi lesquelles on remarque la premiè
carte donnant une idée exacte de la position et de
la configuration générale de cette île, et qui re:
monte à 4517 ; à côté se trouvent de belles cartes
modernes, dressées par M. Grandidier et par les
R. P. Roblet et Colin.
L'histoire géologique de Madagascar est inté-
ressante : elle montre, en effet, d'une manière très
nette, les relations géologiques de cette île avec le
continent indien. D'après Oldham, la similitude
des flores fossiles du trias du Sud africain et de
l'Inde, prouve l'existence d’un continent indo
africain, qui devait occuper une large partie du
Pacifique actuel. D'autre part, on sait, d’après
Neumayr — et les récentes éludes géologiques ap-
puient l'hypothèse du savant autrichien, — que les
dépôts jurassiques de l'Afrique orientale et de
côte occidentale de Madagascar semblent bié
s'être formés dans une grande mer intérieure, uné
Méditerranée Ethiopique, qui aurait été séparée di
Pacifique par une presqu'île indo-malgache. Enfin
d'après Oldham et de récentes observations de
M. Boule, le crélacé supérieur de Madagascar, pa
son faciès biologique, se rapproche de celui dem
l'Inde, et montre qu'une connexion terrestre a dû
exister, pendant cette époque géologique, entre
le continent africain , Madagascar et l'Indous:
tan. À
En somme, par son passé géologique, Mada:
gascar doit être rattachée à la région indienne:
L'étude de la faune, de la flore et aussi des races
humaines, conduira aux mêmes conclusions.
IT. — FLORE ET FORÈTS.
La flore de Madagascar offre un caractère ori=
ginal, qui a été bien mis en évidence parles beaux
He de M. Grandidier et de Baillon : parmi les
500 plantes connues et classées, les unes rap=
as les végélaux d'Afrique, d'autres ceux de
l'Amérique du Sud ou de l'Australie; mais c'est
u
MST 2P 2NQ ‘AMUDUDUN]T — ‘Y{ SU
fe mes
el
. 15, — Rue à Tananarive.
:E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
665
surtout des plantes asiatiques qu'elles se rap-
prochent le plus.
La végétation de Madagascar varie beaucoup
suivant les régions. On peut, à ce point de vue,
comme nous l'avons fait pour la géologie, diviser
l'ile en trois régions :
1° La région orientale, avec une végétation fores-
tière puissante et variée ; |
2° La région occidentale qui, exposée aux vents
desséchants de l'Afrique, est aride el brous-
sailleuse ; |
3° La région centrale, qui est privée d’arbres et
qui est un pays essentiellement agricole.
que les Betsimisarakas utilisent pour faire des
sortes de cruches à eau; pour cela, ils percent avec
une sagaie les cloisons du bambou, sauf la dernière,
qui sert de fond à ce vase cylindrique, dont la
longueur peut aller jusqu’à 4 mètres (fig. 17).
Sur les collines, on trouve le fameux « Arbre des
voyageurs » ou « Ravinala » (Urania speciosa). Cet
arbre, très voisin des bananiers, a le tronc lisse,
élevé et surmonté d'un magnifique éventail de
larges feuilles vertes, au nombre d'une vingtaine,
et longues de 2 mètres environ, sur 50 centi-
mètres de largeur; ces feuilles ont de longs pétioles
qui, comme les rayons d'une roue gigantesque,
+
Fig. 16. — Arbre des Voyageurs.
$1.— La Flore.
1° Région orientale. — La flore varie suivant qu'on
l'étudie sur les côtes, dansles plaines marécageuses
ou sur les collines.
Le long des /aqunes existe une végétation spéciale,
formée de nombreux Vakoa (Pandanus), solidement
—ancrés par leurs racines fourchues, et dont les
feuilles, repliées en cornet, font d'excellentes cuil-
“lers; des Brekmia spinosa, dont les fruits ont une
pulpe très estimée des indigènes; de nombreux
“palmiers et autres arbres recouverts de magnifiques
orchidées parasites, Dansles lagunes, aux environs
de Mahanoro, croit le copalier (Æymæna verrucosa),
bel arbre dela famille des Légumineuses, qui sécrète
la gomme. On trouve, enfin, denombreux bambous,
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
s’encastrent les uns dans les autres. De profil, cet
arbre se réduit à une simple ligne; de face, il se
déploie en un colossal éventail fig. 16). Il doit son
nom à ce que l’eau atmosphérique, rassemblée dans
les replis du pétiole, sert, paraïit-il, à rafraichir le
voyageur altéré ; cette explication n’est guère ad-
missible, car cet arbre ne pousse que dans le voi-
sinage des cours d’eau, et jamais dans les régions
arides. Il sert, comme le Raphia, dans la cons-
truction des cases; sa feuille fraiche sert de plal
aux indigènes, et, avec ses jeunes feuilles,
une soupe très indigesle.
Get arbre est caractéristique de loute la région
orientale; on ne le trouve jamais, cependant, au-
dessus de 600% d'altitude.
Le Raphia (Raphia Madaguscariensis, Saqus Ruphia
15*
on fait
bn à ed à om sat GES SSSR Sd
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Fig. 17, — Femmes Belsimisaralias allant chercher de l'eau dans des tiges de bambou, qui leur servent de vases.
*1DISDODPNIY 2p pAiou UOrbau ny ap (1191p1pUDAN DIUOSUNPF) Q0QO0PT — ‘8 "SIA
Fig, 19. — Baobab (Adansonia Z&) répardu dans le nord de la région cecidentale.
nn
Fig. 20.— Baobab (Adansonia Madagascariensis) surtout répandu dans le sud de la région occidentale de Madagascar.
670
est un palmier au port gracieux, qu'on rencontre
partout à Madagascar, sauf sur le Massif central.
Son tronc, couvert d’aspérilés, qui marquent l'at-
tache des anciennes feuilles, porte à son sommet
un bouquet de belles feuilles atteignant parfois de
5 à 6 mètres de longueur, et composées d’un grand
nombre de folioles insérées à angle droit sur la
nervure médiane. On utilise toutes ces parties : les
nervures donnent de solides perches pour la cons-
truction des cases (fig. 11, p. 731) et la fabrication
des filanjanas, chaises à porteurs (fig. 7, p. 725 et
fig. 9, page 726) ; le bourgeon terminal, comme le
chou palmiste, est un comestible très goûté ; enfin,
la fibre du Raphia est un textile souple et résis-
tant, qui sert aux indigènes pour fabriquer des
vêtements grossiers, des cabanes; ces fibres brutes,
mises en paquets, sont expédiées en Europe, où
elles sont utilisées par les viticulteurs et les jardi-
niers, qui les préfèrent aux jones.
Vers 400" d'altitude les Raphias et les Ravinalas
disparaissent : on entre alors dans la première
zone foreslière, qui sera décrite plus loin.
Sur le versant oriental, les lianes à caoutchouc
(Vahea gommifera Madayascariensis) sont très com-
munes dans les forêts.
2% Région occidentale. — Cette région, qu’on pour-
rait appeler la région de la brousse, occupe les trois
quarts de l'ile. La végétation est loin d’atteindre la
puissanceetla splendeur dela forêtorientale. Elle est
recouverte d'herbes sèches, dures, qui, au mois de
mars, peuvent avoir 250 de haut. Il faut. faire
exception pour les beaux päturages du Ménabé.
Vers le sud apparaissent les plantes grasses et
épineuses, dont le suc remplace l’eau dans l'ali-
mentation indigène.
Le Satrana (Æyphœna Madagascariensis), qui est le
Latanier de Madagascar, caractérise l’ouest saka-
lave, comme le Ravinala caractérise l’est.
Le gigantesque Baobab donne aussi à cette ré-
gion un cachet bien spécial. Il est représenté à
Madagascar par plusieurs espèces qui peuvent être
distinguées par leurs fruits, et dont les principales
son :
Adansonia digitata, très grand arbre à fruits
bl > 5
allongés et gros ;
Adansonia Madagascariensis, à fruits arrondis
(fig. 20);
Adansonia Grandidieri, dont les fruits ont une
forme ovale (fig. 18) ;
Adansonia Za (Gg. 19).
Le Didierea, que Baïllon classe dans les Sapin-
dacées, est un arbre de 4 mètres de haut, à l’aspect
« cactiforme » et simulant un gigantesque Lyco-
pode ; il forme de véritables champs dans les
plaines. arides du sud-ouest : ses graines con-
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
ACT
tiennent un alcaloïde voisin de la caféine, el,
comme celte dernière, il provoque la mort par té-…
tanisme. Le T'anghenia venenifera (Apocynées), qui …
fournit une amande contenant un poison qui, à la.
dose de quelques milligrammes, tue l'homme par
arrêt du cœur; aussi a-Lil servi à fabriquer le «
poison d’épreuve malgache : le /{anguin. |
Enfin larégion dusud,trèsaride, n'offre plus que »
quelques «Arbres de Cythère »,entre lesquelsappa- «
raissent des nids de Termites qui peuvent avoir M
jusqu’à 60 centimètres de hauteur.
3° Région centrale. — Celle région, qui représente
le cinquième de l'ile, est dénudée. Quelques arbres
se rencontrent seulement dans les gorges étroites.
Les habitants de cette région, Hovas et Betsileos,
ont détruit de grands bois, soit pour mieux aperce-
voir l'ennemi, soit pour faire paitre leurs immenses
troupeaux de bœufs. Enfin, dans les vallées, se trou-
vent d'immenses et fertiles rizières.
$?., — Les Forêts.
Les forêts sont une des principales richesses dem
Madagascar ; elles forment, autour del’île, une large
ceinture longue d'environ 4.000 kilomètres (fig. 21).
1° Région orientale. — Dans cette région, la bande
forestière a une largeur de 40 à 70 kilomètres, pou
vant même aller jusqu’à 100 kilomètres (baie d’An-«
tongil). Cette bande, qui est proche de la mer au
nord etausud, s’en éloigne dansla parliemoyenne,
et, sur plusieurs centaines de lieues, elle suit une
ligne de hauteurs variant entre 500 et 1.000 mètres.
Les arbres, toujours très beaux quand ils trou=
vent unterrain volcanique, sontsouventrachitiques
etrecouvertsdelichens lorsqu'ils croissent en pleine
argile. Les essences les plus communes sont: le Pa=
lissandre, l'Ébène, le Manguier, le Bois de rose, le
Bambou, l'Arbre à caoutchouc, etc. à
Les Pan trop serrés nr n en hauteur, et,
sous les voûtes sombres de leur feuillage, s'atta=s
chent des lianes puissantes, poussentdes Fougères
arborescentes et des Palmiers nains, Les arbres
gigantesques, les ruisseaux, les cascades, un si=
lence mystérieux font de cette région une mer=
veilleuse forêt (fig. 22). De temps en temps, appa
rait une clairière où les indigènes fixent leurs
cases el créent un village. ,
Séparée de cette bande de forêts par la vallée d
Mangoro, une deuxième zone forestière, parallèle |
à la première, apparail avec une végétation diffé=
rente; elle n’a que quelques kilomètres d'épaisseur
Le climat y est plus tempéré, et souvent le brouil=n
lard forme dans les vallons des trainées qui ral
pellentnos paysages d'automne.
Pour cultiver le riz, l'indigène incendie souvent
la forêt : c'est une ne qu'il faudra supprinell :
> 2e Région occidentale. — La forêt est broussailleuse ;
_ce n’est plus la splendide végétation de l’est. Et il
_ faut aller jusqu'aux Comores, à Mayotte, pour re-
trouver la belle végétation, les fougères arbores-
“centes (fig. 23), si
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
671
7 millions, est composée d'un grand nombre de
tribus, dont une moitié estincomplètement connue.
Le Malgache, généralement caractérisé par sa
petite taille et par sa coloration foncée, doit être
considéré comme un
_ communes lelong de
la côte orientale. La
hé
Comore
Be 15 COMORES
verdure se concentre Moëly@ Yanjeuan
le long des fleuves Pranse
8 ? Mayotte À Panee
et c’est surtout sur
le versant occidental
des chaines côtières
que se développent
les forêts.
Vers le sud, on
tréuve deux bandes
forestières : l’une sur
la côte, et l’autre sur
versant occidental
’Isalo. Une dispo-
sition analogue se
retrouve plus au
_ nord et montre qu'à
Madagascar, c’est
Îles *
ñ À B.
toujours le même HET
principe qui règle la
… distribution des fo- | Fraererar
rêts: les versants ac-
cessibles aux vents
t aux influences
rilimes, seuls, sont
isés.
Entre les deux z0-
es de forêts, s'étend
ne savane parsemée
de Lataniers et d’Ar-
bres de Cythère.
Au sud, se trouve
une Euphorbiacée à
caoutchouc, qui a
pris récemment une
mporlance considé-
mélange de nègre et
de jaune. Notre émi-
nent anthropolo -
giste, le Professeur
Hamy, fait remar-
quer que la géologie,
aussi bien que la
faune et la flore, ont
montré que Mada-
gascar avait été re-
liée, à certaines épo-
ques géologiques ,
avec l’archipel Ma-
lais, ce qui le porte à
émeltre l'hypothèse
que l'origine du Mal-
gache doit être re-
cherchée dans la race
indonésienne, qui vient
de l'Hymalaya orien-
15 Glorieuses
ES ÆYouleFornte
K <
amatave
D +)
roy
indoncranto
€ etomeanry. tal.
Sr Plusieurs argu —
ments ethniques ap-
puient celte manière
de voir :. la Zanque
malgache se rappro-
che de la langue ma-
laise; comme les Ma-
lais, les Malgaches
portent des véterents
faits d’écorces bat-
tues ou de fibres
tissées du Raphia ;
comme les Indoné-
siens des Célèbes, ils
ont la pirogue à bu-
luncier; comme tous
CS! Marie
D Oo. les Orientaux, ils ai-
Do er Forêts, ment passionnément
la musique, et leur
En résumé, les fo- Fig. 21. — Distribution des forêts à Madagascar. instrument préféré
êts, surlout si le
oltage est organisé pour amener les arbres à la
le, seront une importante source de richesses,
Il. — POPULATION — ÉTAT DE LA CIVILISATION —
k INDUSTRIE.
$ 1. — Origine de la population malgache.
. Lapopulationde Madagascar, estimée parM.Gran-
idier à 5 millions d'habitants, et, par M, Catat, à
est la valiha, sorte
de guitare à clavier de bambou, identique aux
instruments du Laos des îles de la Sonde fig. 24 ;
leur fatouaye, ainsi que l’a montré M. Grandi-
dier, se fait par piqûres, comme celui des In-
donésiens et non par coupures, comme chez
les peuples africains; le salut est identique : à
Madagascar, comme en Polynésie, on se frotte
le nez pour s’embrasser, et la salutation du pied
porté sur la nuque s'observe dans les deux pays.
aspect
d'une forél
du versant 07
ie
ntal
,
dans la région
moyenne di
l'ile.
|
|
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE 673
Enfin, on retrouve chez certains Malgaches les En résumé, aussi bien par sa langue, par ses
mêmes rifes funéraires que chez les Indiens : les | mœurs et ses usages, que par sa faune, sa flore et
morts sont placés dans des troncs d'arbres creusés | son passé géologique, Madagascar se rattache à
et recouverts d'une sorte de toit (fig. 25); les cada- | l'Indonésie et non pas à l'Afrique, comme le voi-
res, habillés d'étoffes, sont tournés vers l'est, car | sinage de cette terre pourrait le faire croire,
Fig. 23. — Lianes et Fougères arborescentes à Combani.
oü 7
cest dans cette direction qu'ils doivent apercevoir
les ombres des ancêtres; l'exposition du mort y est Re eee
très longue, et c'est seulement après que les par- Les tribus qui peuplent cette ile peuvent étre
lies molles se sont détachées et qu’on s’est livré à | groupées en deux catégories :
des pratiques répugnantes en grattant le squelette, l° Les Aoras, nos ennemis d'aujourd'hui, et les
"qu'on procède à l’inhumation de ce squelette. peuples qui leur sont soumis ;
doter te drahannct ns ré thés à,
Fig. 24. — Fiancés Belsimisarakas. — Le jeune homme joue de la valiha, sorte de harpe cylindrique très harmonieuse,
£
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
675
2° Les Sukalaves et les peuples indépendants.
Hovas et peuples soumis aux Hovas. — Ils oc-
cupent à peine la moitié de l’île, comme le montre
bien la figure 26. Les Betsileos, les Betsimisarakas,
les Antakares, les Antsianakas, les Bezanozanos et
les Antaimoros sont les principaux peuples domi-
nés par les Hovas.
Hovas. — Au nombre d'environ 1 million, ils
habitent le centre de l’île, l’Zmerina ; leur véritable
nom est Anlimerina. M. Grandidier a publié ici
Les lypes Andriana et Hova se conservent avec
une certaine pureté, car les usages ne permettent
pas de chercher sa femme en dehors de son clan.
Mais, depuis le commencement de ce siècle, les
Hovas ont élabli leur autorité sur les autres castes,
et, dans la pralique, leur nom s'applique à tous les
habitants de l’Imerina.
lis ont le type malais: cheveux noirs et lisses,
teint jaunâtre, yeux en amande, tête ronde et face
large. Les jeunes filles portent les cheveux 1om-
bant sur le dos, et les femmes tressent leurs che-
Fig. 25. — Cimetière Betsimisaraka à Mainlenandry (Côle Est.
même ! une remarquable étude sur les Hovas et
nous ne pouvons qu'y renvoyer le lecteur. Disons
“cependant que les Hovas ne représentent que l’une
des trois castes qui composent la population de
lmerina el qui sont: 1° les Andrianas ou nobles,
d’origine malaise ; 2 les AÆovas ou bourgeois
(fig. 27), qui viennent de la race indonésienne et
qui occupaient le Massif central avant la venue des
Malais; 3° les Andevos ou esclaves, qui descendent
des prisonniers de guerre ou d'individus volés
dans les razzias, et chez lesquels se trouvent
mélangés le sang du Jaune avec celui du Noir et
parfois même avec celui du Blanc (fig. 28).
| Revue générale des Sciences, numéro du 30 janvier 1895.
veux avec un soin des plus minutieux et que ne
renieraient pas nos plus élégantes Parisiennes
(fig. 29, page 678).
Le Hova se jette avec avidité sur tout ce qui a
une origine européenne. Aussi a-t-il abandonné
son costume national pour adopter notre costume,
sous lequel il est souvent grotesque : c’est ainsi
que l’on voit des gouverneurs hovas revêtus tan-
tôt d’un uniforme de lycéen, tantôt d’un costume
de général de division, ou bien encore d’un habit
de suisse d'église, Ils s’habituent à s’asseoir sur
des chaises et à manger avec une fourchette.
Des siècles de tyrannie, et aussi une exploitation
éhontée de la part de leur gouvernement, les ont
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Fig. 26. — Distribution. à Madagascar, des races hovas et des peuples sownis aux Hovus.
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ess) Hovas ———— Betsileos XN ] Betsimisarakas CSS] Bézanozanos
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/ ptsianakes | akara Ju yQaT ntaimoros ï à
L | œpncs os Fig. 27. — Famille Hova (Bourgeois).
Eselaves porleurs d'eau dans l'Imerina
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“DULMAULL,] SUDP' 42//109 98 ap satarumu ses
678
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
rendus hypocrites et fourbes. C’est qu'ils ont cher-
ché à sauvegarder leur existence par tous les
les
avoir
forment
ils guère
de justice et d'humanité qui
moyens ;
notions
ne peuvent donc
la base de notre société. Voilà leurs défauts.
Mais ils ont aussi des qualités. Ils aiment les
enfants et respectent les vieillards; ils sont bons -
patriotes, el, lorsqu'ils partent en voyage, ils
emportent souvent un peu de terre prise dans »
leur case natale. Ils sont aussi très disciplinés :
ils ont toute une hiérarchie d'honneurs, au som-
met de laquelle est le premier ministre, univer-
sellement craint. Leur gouvernement est mauvais, -
mais il est redouté. C’est à ce gouvernement inca- «
pable et détesté que nous faisons la guerre, et il.
importe de ne pas le confondre avec le peuple hova :
qui, si nous le voulons, pourra devenir notre auxi-
liaire.
Chez eux, les fonctionnaires, comme le dit M. E. |
Gautier, ont le monopole du vol: on vole ses infé-
rieurs et on est volé par ses supérieurs, qui sont L
volés par le premier ministre. De sorle que ce.
sont les Hovas qui travaillent, et c’est le PR
!
LÉ
ÿ
JS
:
L
k
sp
ministre qui est payé.
Ils sont laborieux et persévérants dans leurs
entreprises ; leurs maisons sont spacieuses, elles
ont des fenêtres le plus souvent non vitrées, et sont
construites en briques crues ; ce n'est Fibe la.
vague case malgache des she régions de l'ile. 1
Les produits de leur industrie, exposés au
Muséum, nous montrent chez eux de réelles”
qualités. Ils forgent le fer avec habileté, et fa-
briquent des haches que ne désavoueraient pas
nos meilleurs laillandiers. La forge malgache rap-
pelle celle qu'on trouve en Malaisie : un feu de
charbon de bois est activé par un soufllet que
forment deux troncs d'arbres creusés, placés ve
ticalement, et dans lesquels se meuvent deux pis
tons en bois garnis de rondelles d'étoftes; de ce
deux troncs partent deux conduits en bois se réu
nissant bientôl en un tube uniqué, qui amène l@«
courant d'air sur le feu; c'est souvent une grosses
pierre qui sert d’enclume (fig. 31). È
Les femmes tissent des étoffes avec de la soie
indigène ou avec du coton, et elles en font leur
vêtement national, le Dites qui va depuis less
épaules jusqu'aux genoux. Elles fabriquent aussi
des dentelles, mais dont les modèles sont pe
variés.
Tous ces produits sont échangés, chaque semain@é
à jour fixe, sur des marchés (zomn4) où arrivent de
longues Be de piétons chargés de marchan dises
diverses. :
La fameuse cérémonie du Bain de la Reine est
la grande fête nationale des Hovas: c’est le fau=
droana, qu’on célèbre le 22 novembre. Au milieu
des courtisans assemblés, la Reine apparaît, vêtue
du lamba national, puis elle prend son bain (der=
un rideau), et la cérémonie se termine pan
assistants avec l’eau dans
rière
l'aspersion de tous les
jours pour célébrer
cette fête qui marque
de premier jour de
lan malgache (fig. 30).
est la trêve des bou-
rascar, des cadeaux
de bœufs remplacent
nos traditionnels sacs
bonbons. Plus de
1.000 bœufs sont im-
Malgaches, com-
> dit le P. Abinal,
ont lieu
lors, sont originales
t rappellent plutôt
es manœuvres d’en-
semble de nos bal-
* : :
in les lois sont très rigoureuses à leur égard.
| aquelle la Reine a plongé sa royale personne. Des
réjouissances publiques ont lieu perdant plusieurs |!
L hers, car, à Mada-’
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
de l'année malgache.
Fig. 30. — Féte de la Reine à Tananarive au premier jour
Fig. 31. — Forge Hova à Tananarive.
uSsi le Hova se grise-t-il chez lui: la loi sur | la race
wresse publique a créé l'ivrognerie à domicile.
indonésienne.
En résumé, c'est grâce à leur activité et à leur
intelligence relalive, que les Hovas ont établi leur
autorité sur les peu-
ples que nous avons
cités plus haut et que
nous allons rapide-
ment étudier.
Betsileos. — Au nom-
bre de 1.200.000, les
Betsileos habitent le
sud du Massif central.
Chez eux, l’infiltration
noire est plus grande:
ils sont de plus grande
tailleet ont les cheveux
bouclés. Ils ont un
goût prononcé pour
l’agriculture; aussi
ont-ils creusé de nom-
breux canaux qui leur
ont permis de transfor-
mer en rizières la moi-
tié du pays.
Betsimisarakas. — Au
ets modernes que des pas de couples isolés. | nombre d'environ 800.000, ils habitent la côte
Malgré la fête, on ne rencontre pas d’ivrognes, | orientale depuis la baie d'Antongil jusqu'à Maha-
noro. Pour M. Catat, c’est le type le plus pur de
Ils sont très sociables,
aiment beaucoup la musique et la danse. Ils mon-
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
681
trent du goût pour la navigation et un certain
nombre s’adonnent à la pêche (fig. 32 et 33). Ils
sont très doux, mais très paresseux.
Antakares (fig. 34 et 35). — Ils occupent l’extré-
milé nord de l'ile et confinent à nos possessions
de Diégo-Suarez. Ils vivent de la pêche et de l’éle-
vage des bœufs. Ces peuples, d’origine musulmane, :
goro, entre les deux zones forestières. Placés sur
le trajet de Tamatave à Tananarive, ils fournissent
la plupart des porteurs; leur force et leur agilité
sont, du reste, remarquables.
Antaimoros. — Is habitent le sud dela côte orien-
tale,-et sont encore appelés les Auvergnats de Mada-
gascar, à cause de leurs qualités laborieuses. Chaque
Fig. 33. — Burque de Pécheurs Belsimisarakus.
“ont toujours donné des preuves de sympathie à la
France, mais les Hovas se sont élablis en maitres
“chez eux. Sur la côte ouest, vit le roi Tsialana, notre
allié, qui, pendant la guerre de 1885, nous a fourni
“900 volontaires.
Antsianakus. — Au nombre de 250.000, ils occeu-
mpent la région forestière et marécageuse située
autour du lac Alaotra.
Bezanozunos. —1s vivent dans la région forestière
à l'est de l’Imerina, et aussi dans la vallée du Man-
| REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
année un grand nombre d'entre eux quittent leur
pays pour aller louer leurs services dans d’autres
parties de l'ile. Ce seront d'excellents ouvriers
pour les cultivateurs et les industriels qui s’instal-
leront à Madagascar.
L'armée Hova (fig. 36 et 38). — Les Hovas ont
établi, chez euxet chez tous les peuples qui leur
sont soumis, le service militaire obligatoire pour
tous les hommes libres de plus de 18 ans, et la
15°"*
Fig, 34, — l'emunes Antankares (Nord du Madayascar
d de Madugascar F
Pa
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Fig. 37, — Répartition, à Mada
, des Sakalaves et des peuples indépendants des Hovas.
Saknlaves Bares : Antanaln
TT] { TA a
L' EE | SUR VA Maty À aniandros
E. CAUSTIER -- LE MONDE MALGACHE
685
“durée de ce service est de 5 ans. L'armée peut se
composer d'environ 30.000 hommes, qui doivent
s'habiller, se nourrir et se loger à leurs frais! La
- série des grades est complète depuis le simple sol-
dat, qui est 1°" honneur, jusqu’au Maréchal, qui est
“12: honneur; il parait même que, pour salisfaire
“certaines ambitions, il a fallu créer quatre grades
» supérieurs à celui de Maréchal.
“ L'armée Hoya possédait il y a quelques années
20.000 fusils se chargeant par la culasse et 10.000
fusils à pierre ; mais, depuis 4892, un Anglais, le
occupent la plus grande partie de l'ile et peuvent
être rangés en deux groupes : ceux qui sont en
partie soumis aux Hovas, comme les Sakalaves, les
Antanossy, les Tanalas et les Bares ; et ceux qui
sont complètement indépendants, comme les An-
tandroy et les Mahafaly.
Sakalaves. — Au siècle dernier, ils étaient le
peuple le plus puissant de l’île; mais leurs dissen-
sions divisèrent leur autorité, et aujourd'hui, ils
subissent en partie la domination des Hovas. Ils
s'étendent depuis le nord de l'ile jusqu’à la baie
Fig. 38. — Garde du corps de la Reine Ranavalona III.
k colonel Shervington, a complété cetarmement, qui
Maujourd'hui comprend, avec des fusils plus per-
Hectionnés, environ 300 bouches à feu, dont des mi-
trailleuses, des canons-revolvers, des hotchkiss et
“des pièces de campagne.
En somme, nous pouvons dire que l’armée Hova,
mal organisée, peu belliqueuse, sera un faible
obstacle pour notre armée. La grosse difficulté, c'est
Lapprovisionnement de nos troupes dans cette ré-
Igion de l’ouest, qui està peu près dépourvue de res-
Sources, et l’on peut dire que c'est l'administration
Militaire qui est chargée de remporter la victoire.
Sakalaves et peuples, indépendants (fig. 37) . — Ils
de Saint-Augustin, occupant ainsi presque toute
la région occidentale, mais surtout le voisinage
des côtes et des grands cours d’eau navigables. Les
villages sakalaves s’éloignent rarement à plus
d'une soixantaine de kilomètres de la côte.
Les esclaves introduits par les Arabes ont fait
prédominer l’élément nègre : aussi ont-ils les che-
veux crépus et les lèvres épaisses.
Les principales tribus sakalaves sont, du nord au
sud : le Bouéni, l'Ambongo, leMénabé etle Fihere-
nana. Les Sakalaves du Bouéni, de l’Ambongo et
du Ménabé font de l'élevage; ceux des côtes sa-
blonneuses du Ménabé se consacrent à la pêche
et au cabotage dans de grandes pirogues.
686 E.
CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
On a dit qu'ils étaient les alliés de la France ;
cela est vrai pour le nord-ouest, où ils nous témoi-
gnent leur sympathie dans l'espoir d’une protec-
lion contre les Hovas. Maïs, en réalité, ilserait peu
prudent de s'appuyer sur ces peuplades, qui ont
des instincts no-
mades et un a- SRE
mour extraordi-
naire du pillage.
M. Gaulier cile
un Mé-
nabé qui, chaque
roi dü
année, se mel à
la tête de bandes
armées pour al-
lerranconner ses
voisins; il ra-
masse ainsi de
quoi vivre pen-
dant la belle sai-
son, else repose
pendant la sai-
son pluvieuse.
Le peuple ne
se conduit pas
autrement et a
des habitudes in-
vétlérées de bri-
gandage. Les fa-
meux brigands
malgaches , les
Fahavalos , sont
des Sakalaves.
Ce sont eux qui
rendent inhabi-
tables ces vastes
étendues qu'on
peut prendre,sur
les cartes, pour
des déserts, mais
où en réalité il y
a de l’eau et de
la verdureaulant
qu'ailleurs.
Chez les Saka-
laves et dans la
plupart des tri-
bus indépendan-
tes du sud, dit M. Gautier, qui a bien étudié toutes
ces régions, on vole et on tue comme on respire,
c’est unefonction naturelle. En résumé, l’ouest et
le sud de un vérilable
repaire de brigands où le pillage est à la fois géné-
ral et mutuel
Madagascar constituent
Antanossy (fig. 40). — Ce sont les Malgaches des
environs de Fort-Dauphin, au sud-est de l'ile. Un
Fig. 39. — Jeune fille Tanala (frontière Betsileo).
cerlain nombre, plutôt que de subir la domination
des Hovas, ont émigré sur les rives du fleuve Saint-
Augustin ; mais, depuis quelques années, apprenant k
que Fort-Dauphin est devenu le centre d’une ex-
ploitalion importante de caoutchoue, ils y re-
viennent.
Leurs (rails
sont délicats, et
leurs cheveux
fins el bouclés se
distinguent des
cheveux. plats
des Hovaset dela
lignasse crépue
des Sakalaves.
C'est surtout
chez eux que les
éléments sémi -
liques se sont
mélangés à la
race indonésien-\
ne, el c'est pro-
bablement à ce
mélange qu’il
faut attribuer
leur supériorité,
intellectuelle, -
T'analas (Mig.39). L
Ils habitent"
A ——
l'est du pays Bet- ù
sileo, au milieude »
.
la grande forêt.
C'est une ra
bien constitu
et aux forme
harmonieuses ,.
mais elle est fort
peu nombreuse:
Baras (fig. 4
et 42). C'est
un peuple guer-
rier qui habite le
sud du
central, e
les Hovas n'ont
encore pu sou-
mettre complè=
tement. Chez eux"
le sang africain prédomine. Leurs cheveux crépus;
roulés en boule, sont surmontés d’une sorte de toi=
ture formée par un mélange de terre blanche et den
bouse de vache, et le tout est orné d'un plumet. Chez
eux, comme chez les Sakalaves, l'anarchie a créé
le brigandage; aussi produisent-ils des brigands. |
aussi émérites que les Sakalaves. 1
Enfin, les tribus indépendantes des HMahafaly el :
E. CAUSTIER — LE
MONDE MALGACHE 687
des Anfandroy occupent la région stérile de la
pointe sud, entre le cap Sainte-Marie et la baie
Saint-Augustin. Ce sont des tribus à demi barbares
et fort pauvres. Les Antandroy cependant élèvent
- des moutons.
Le. _… AS
Fig. 40. — Jeune fille Antanossy.
Pour terminer, nous devons ajouter que notre
possession de la Réunion et aussi l'ile Maurice, qui
est française de langue et de cœur, envoient de
nombreux colons à Madagascar. Ces deux iles
surpeuplées forment évidemment une pépinière de
colons qui pourront civiliser Madagascar sous la
protection de notre patrie, et faire valoir les
richesses naturelles de cette grande ile.
$ 3. — Les Missions et les Ecoles.
Il n’est peut-être pas de peuple qui soit aussi
rebelle à toute idée religieuse que les Malgaches.
Leur conception du merveilleux s'arrête aux « es-
prits » et aux sorciers. Aussi bien le Malgache,
malgré les efforts des missionnaires, est reslé pro-
fondément sceptique.
L'influence musulmane ét l'influence chrélienne
ont essayé toutes deux leur action.
L'influence musulmane s'est exercée surtout
chez les Sakalaves. En Afrique, où le musulman
estun puissant civilisateur, le rayonnement du Sou-
dan s'étend peu à peu vers le centre-du continent.
A Madagascar, l'échec a été complet: et tous les
Sakalaves, depuis les rois jusqu'aux esclaves, ont
conservé leurs fétiches et leurs sorciers.’1l n'y a
pas d’écoles arabes ; les Sakalaves ne savent ni lire
ni écrire et ne se doulent pas de l'existence du
Fig. 41. — Brigand de race Bara.
Coran. On retrouve cependant, chez ces peuples,
certaines coutumes musulmanes, par exemple
l'horreur de la viande de porc et la pratique de la
circoncision.
En somme, actuellement, l'influence musulmane
est nulle.
En revanche, les missionnaires chrétiens on!
trouvé chez les Hovas un terrain particulièrement
favorable. Ils obtinrent du premier ministre une
loi défendant les pratiques du fétichisme et
imposant à tout sujet de la Reine l'adoption de
la religion chrétienne. Les missionnaires anglais
firent adopter à la Reine, en 1869, une sorte de
protestantisme faconné à son usage et dont elle
fut le chef. Dès lors la religion de la Reine devait
être la meilleure pour tous les Hovas.
Les missionnaires de Madagascar peuvent êlre
rangés en trois groupes : les Anglais et les Norvé-
giens, qui sont protestants, el les Français qui sont
catholiques. Ils ont couvert le pays des Hovas de
leurs établissements, qui, depuis trente ans, ont fait
688
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
faire aux idées européennes des progrès énormes.
Quelle a été l'influence respective de chacun de ces
groupes? C’est une question d’une grosse impor-
tance politique, et qui, peut-être, a élé un peu exa-
gérée dans ces derniers temps. Nous allons essayer
de la résoudre et de la ramener à sa juste valeur.
1° Etablissements Anglais. — Les missions proles-
lantes anglaises sont les plus anciennes de l'ile.
Aujourd'hui elles comptent 68 missionnaires, envi-
ron 6.000 auxiliaires indigènes, 92.000 élèves dans |
leurs écoles,310.000
2° Etablissements Norvégiens. — Les missions an-
glaises ne sont pas les seules missions protestantes
à Madagascar; il faut ajouter les missionnaires ”
norvégiens de Norway Mission Society, qui sont Lu-
thériens et dont les sentiments sont moins hostiles
à la France que ceux des « méthodistes ». Ils sont
aunombre de 44, qui évangélisent chezles Betsileos, |
les Sakalaves etles Bares. Ils ont 1.120 pasteurs in-
digènes, environ 37.000 élèves et 50.000 adhérents.
3° Etablissements Français. — La Mission Catholique
est représentée par
adhérents, 1.176 é-
coles et plus de
1.300 temples; elles
ont25diocèses, dont
15 dans l’Imerina,
7 chez les Betsileos
et 3 dans les autres
provinces; elles pos-
sèdent 3 imprime-
ries, 2 hôpitaux et
une léproserie; el-
les disposent d'un
budget annuel d'en-
viron 4 million. Par
desrétribulionssco-
laires etpar des qué-
tes, elles augmen-
tent leurs ressour-
ces, ce qui leur per-
met chaque année
de créer de nou-
veaux élablisse —
ments qui attestent
leur puissance.
Les missionnaires
anglais appartien-
nent à trois sectes :
Quakers, Anglicans et
Indépendants.
Les Qualers, représentant la société Friend's fo-
reing Missionary Association, ont une influencepeu
considérable,
Les Anylicans, représentant la Society for the pro-
pagation of the Gospel, ont été les pionniers de l'in-
fluence anglaise à Madagascar et ont toujours usé
de procédés corrects à l'égard de nos missionnai-
res. Aujourd'hui, du reste, ils ont laissé la direc-
tion du culte nouveau, qui a la Reine pour chef,
à leurs coreligionnaires, les Zndépendants. Aussi
leur influence a-l-elle considérablement diminué.
Les Zadépendaunts de la London Missionary Society,
oules J/é/hodistes, comme nous disons, ont montré à
nos missionnaires une hostilité invariable et hai-
neuse.Leurinfluenceestcertainementconsidérable.
Fig. 42. — Guerriers Sukalaves. Prince Bara et l’un de ses soldats.
des Jésuites arrivés
dans l'ile vers 1830.
Elle se compose de
114 Français, G4L
instituteurs indigè-
nes, 17.000 élèves
répartis dans 600
écoles primaires ,
9 écoles normales,
I collège;ellecomp- «
te 130.000 adhé -
rents. Il est inté-
ressant de voirquels
sont les résultats
obtenus par ces mis-
sionnaires avec leur
budget annuel de
200.000 francs, dont
20.000 francs sont
fournis par le Gou-
vernement français.
Ils ontédifié à Ta
nanarive une belle
cathédrale en pierre
dure (fig. 43); ils
ont établi à Ambo-
hipo, près de Tana-
narive, un collège,
qui est en même
temps une ferme-école où l’on essaie d’acclimater
les produits européens. Dernièrement encore
M. Paul Camboué, procureur de cette mission, M
adressail à la Sociélé nationale d'Acclimatation des
notes fort intéressantes sur la culture du blé, de
la vigne, de la pomme de terre, etc.
Enfin, ils ont élevé sur la colline d’Ambohipo
un Observatoire astronomique et météorologique «
(fig. 46), que le R. P. Collin dirige en parfait savant. \
Cet observatoire, bien installé, est pourvu de la.
plupart des instruments scientifiques perfectionnés …
par la technique moderne de nos constructeurs :.
baromèlres, aclinomètres, actinographes, anémo-.
mètres, etc. !
En résumé, sur 8.000 maitres d’école indigènes, =
n
20UDUDUD n 9077709 D] IS SUOUNA ap olt9)]0{ 19 ou 21] n 2p SD) 3
11P91909 — ‘£y "51H
690
E. CAUSTIER — LE
0] à dy l'E ads hé |
MONDE MALGACHE
nos missionnaires français n'en ont que 640; el
sur les 150.000 élèves, 17.000 seulement appar-
liennent à nos écoles.
L'influence anglaise semble donc être considé-
rable en même temps que funeste à nos intérêts.
N'y aurait-il pas là un danger menaçant pour
l'avenir de notre future colonie ?
Je ne le crois pas ; car les Malgaches vont, selon
leur intérêt, à l’église ou au temple. Dans une même
famille, comme le fait remarquer M. E. Gautier,un
fils va chez les Anglais, un autre chez les Norvé-
Fig. 44.
,
Fig. 4% el 45. — Fillelle Hova, pensionnaire des Ecoles européennes de Tananarive.
giens, un troisième chez les Français. Le Hova se
contente de prendre dans l’enseignement reiigieux
un peu d'instruction pratique; les controverses
dogmatiques l’inquiètent fort peu: c'est un utili-
laire avant tout.
Le jour prochain où le pays nous appartiendra,
il suflira d'établir que les écoles françaises, seules,
donneront accès aux fonctions publiques, pour
que le lendemain nos écoles soient débordées. Les
Anglais, cetle fois, auraient travaillé pour nous!
$ 4. — Industrie des Produits animaux.
D’autres collaborateurs de cette Revue diront
plus loin les exploitations qui pourront être ten-
tées à Madagascar; indiquons seulement ici
quelles industries pourront y
utiliser les produits animaux, si riches en ce pays
Parmi ces derniers nous devons ciler en pre
mière ligne la viande des bœufs, si abondants à
même à l’élal sauvage en troupeaux nombreux
L'élevage du bœuf se fait surtout en pays saka=
lave : pendant la journée les bœufs errent dans 1
gènes ; aussi ce sont eux qui fournissent aux iles
voisines de Madagascar leur provision en viande
fraiche. L'élevage de ces animaux pourra prend
une plus grande importance el faire une concurs
rence sérieuse aux produits des colonies austra=
liennes et des États de la Plata, beaucoup plus élois
gnés de l'Europe. |
Un bœuf gras, pesant environ 300 kilogrammes,
se vend de 30 à 40 francs; si l’on lient compte des
prix de la viande sera de 8 à 10 centimes |
kilogramme. C'est ce qui avait décidé une société |
« la Graineterie française », à établir près de
|
|
Diégo-Suarez une usine (fig. A7) pouvant traiter
|
|
"UAPUDUN], D anlbogorvajaut ja anbuvouo1sD auo7nauasqo — ‘95 ‘ST
692
E. CAUSTIER — LE MONDE MALGACHE
250 bœufs par jour el capable d’approvisionner en
excellente viande de conserve toute notre armée.
Pour de nombreuses raisons, indépendantes du
pays, celle usine a cessé de fonctionner; mais il
est probable qu'après l'expédition elle sera remise
en activité, el cela dans l'intérêt même de la colo-
nie française. Il est bon d'indiquer les raisons qui
semblent avoir empêché la réussite de cette entre-
prise : munie du matériel le plus complet, même
d’une tannerie électrique, son installation avait
coûté 8 millions ; de plus, un des directeurs ayant
fait, au début de la saison sèche, un achat trop con-
sidérable de bœufs, environ 6.500, l'herbe man-
qua à ces bêtes qui perdirent de leur embonpoint,
et firent baisser le rendement et la qualité des pro-
duits. En même temps, l’on se montrait très rigou-
Fig. 47. — Un des élablissements de la Graineterie française pour la fabrication de conserves de bœuf, à Antogobula\
(17 nai 1893),
reux au Ministère de la Guerre, et les conserves
étaient refusées.
C'est, du reste, à celte époque qu’un député
français déclarait, à la tribune de la Chambre, que
les conserves de bœuf bouilli étaient faites avec de
la corne de bœuf, comme l'indiquait l'étiquette
des boites « Corned beef » !!! Enfin un dernier coup
fut porté à cette industrie par l'application des
droits de douane : bien que Diégo-Suarez soit une
colonie française, l'administration imposa les con-
serves à leur entrée en France, à raison de
20 francs les 100 kilogrammes, sous le prétexte un.
peu sublil que la colonie ne produisait pas assez
de bœufs pour alimenter la fabrication, et que par
suite on tuait des animaux provenant de pays de
protectorat. Celte question des droits à l’entrée en
France a été soumise au Conseil d'Etat, et le
résultat de la campagne actuelle en amènera sans
doute la prompte solution et facilitera ainsi la
reprise des travaux.
C'est, nous dit M. Frot, ancien directeur de cet
élablissement, une affaire industrielle de premier
ordre, tant pour ses collaborateurs que pour la
colonie où elle est implantée. î
Pour terminer ce qui a rapport aux produits …
animaux, j'ajouterai que l’industrie de la soie 4
devra subir une transformation complète par la.
culture judicieuse du mürier, par l'élevage rai-
sonné du Bombyx et par le choix des repro- A
ducteurs. ?
Enfin, on pourrait essayer d'introduire à Mada- «
gascar des oiseaux de la Nouvelle-Guinée, tels que
les Oiseaux de Paradis, les Gouras et les Pigeons
Nicobar. L'absence de grands Carnassiers, de Si-
nges el de Reptiles, qui sont très friands d'oiseaux .
et de leurs œufs, faciliterait cette acclimatation. «
L'industrie plumassière serait ainsi assurée d’une
ressource qui pourrait lui manquer bientôt, en rai-
son du massacre continu qui se pratique en Nou
velle-Guinée.
IV. — ConcLusIoxs. |
En somme, Madagascar n’est ni l'Eden que quels
ques-uns se sont plu à nous dépeindre, ni le « ci
melière des Européens », dont ont parlé des critiques
lement. :
Enregistrons aussi cet enseignement de l'obser=
vation scientifique que nous devrons, pour y étas
blir notre influence, nous appuyer sur les peuples|
d'origine malaise et non sur les nègres. C'est alors,|
que nous pourrons faire à Madagascar, avec les |
Hovas, ce que nos voisins les Hollandais ont fait,
avec les Malais, dans les Indes néerlandaises. |
E. Caustier.
Agrégé de l'Université, .
Professeur au Lycée de Versailles.
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
MESSIEURS,
… Cette série de conférences que nous nous pro-
posons de faire sur l'Histoire naturelle de Mada-
8 asear, comme complément de l'Exposilion organi-
sée dans les Galeries de Zoologie, pourra, je l’es-
père, fournir d’uliles renseignements à ceux que
préoccupel’avenir de cette grandeîle, vers laquelle,
en ce moment, nos pensées se reportent sans cesse.
Et pendant que nos soldats combattent au loin
pour assurer, dans un Lemps prochain, la sécurité
de nos compatriotes au milieu d’un pays pacifié,
faut que, de notre côté, agissant dans une bien
odeste sphère, nous facilitions, aux hommes
e bonne volonté, l'exploitation des ressources
qui demain seront à leur disposition ; il faut que
nous leur apprenions ce qu'est cette mystérieuse
terre, que nous leur donnions des indications pré-
_cises sur ses races humaines, ses animaux, ses
lantes, ses richesses minérales, car l'étude de
Sloire naturelle d’une contrée doit toujours
serviront aujourd'hui, par un juste retour, à éclai-
er ceux qui voudront suivre les exemples laissés
Nous aurons ainsi rempli notre tache : la mission
u Muséum a été nettement indiquée lorsque — il
parler, voulurent grouper dans le nouvel éta-
blissement toutes. les études relatives à l’His-
e plus élevé et de plus abstrait, mais aussi dans
eurs diverses applications; ils voulurent que les
D Cette conférence a été faite le dimanche 30 juin dans le
land amphithéâtre du Muséum d'histoire naturelle. Elle a
suivie de trois autres lecons :
Le jeudi 4 juillet. — Les races humaines, par M. E. Hany.
Le dimanche 7 juillet. — Le sol et ses richesses minérales,
“par M. SranISLAS MEUNIER.
«Le jeudi 11 juillet. — Les plantes, par M. E. Bureau.
- Fondé en 1635.
8 Le Muséum d'Histoire naturelle fondé en 1193.
LES ANIMAUX DE MADAGASCAR À
CONFÉRENCE FAITE AU MUSÉUM :
et des déconvenues regrettables. Nous reslerons
donc dans le rôle: qui nous a été tracé, en cher-
chant à représenter sous des couleurs exactes un
PaÿS que nous avons un véritable intérêt à con-
naître, puisqu'il va devenir bientôt un champ où
s’exercera cette énergie coloniale qui nous animait
jadis et qui, restée quelque temps comme assoupie,
semble, de nos jours, se réveiller.
N'est-il pas désirable, en effet, que des hommes
instruits, d'une probité sévère, d'un caractère digne
de représenter cette France dont l'esprit chevale-
resque et loyal n’est jamais contesté, se décident
à peupler nos colonies et nos pays de protectorat
el à y faire fructifier leurs capitaux, — fortune per-
sonnelle ou fonds confiés à leur honneur, — ne de-
mandant au Gouvernement que justice et liberté et
comptant pour réussir sur leur propre initiative?
I
Madagascar est située dans l'océan Indien, près
de la côte orientale d'Afrique, et souvent on l’ap-
pelle la Grande île africaine; mais ce nom ne lui
convient pas, et nous aurons l’occasion de dire pour
quelles raisons. Elle est séparée du continent par
le détroit de Mozambique qui, dans sa partie la
plus resserrée, mesure encore 400 kilomètres de
largeur. Sa superficie est supérieure à celle de
la France entière et elle s'étend du 11° 57! au
25° 34" de latitude sud. Sa longueur est d'environ
1.600 kilomètres.
Elle fut cCécouverte, au commencement du
xvI° siècle, par un navigateur portugais et nommée
l'ile de Saint-Laurent. Les opérations des Portu-
gais se bornèrent à la traite des esclaves et à
quelques essais de propagande religieuse, aux-
quels ils renoncèrent bientôt. En 1642, la France
y prit pied et le cardinal de Richelieu concéda Ma-
dagascar et les iles adjacentes à la Société d'Orient
« pour y ériger colonies et commerce el en prendre posses-
€ sion au nom de Sa Majesté très chrétienne ».
M. de Pronis, agent de la Société, occupa alors
l’ile Sainte-Marie, la baie d'Antongil, et, quelques
années plus tard, il construisait Fort-Dauphin. En
1658, le sire de Flacourt — l’un des directeurs
de la Compagnie — publiait une Æistoire de la
grande Ile de Madagascar, dans laquelle se trouvent
des détails très exacts non seulement sur l'état po-
litique et économique du pays, mais aussi sur les
animaux et les plantes. Chacune des espèces esi
décrite d’une manière reconnaissable, el l'auteur
694
A. MILNE-ED WARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
se montre d’une sincérilé d'autant plus méritoire,
qu'à cette époque il était difficile de contrôler les
récils des voyageurs et qu'ils justifiaient souvent
le dicton : « À beau mentir qui vient de loir. » Nous
devons payer à Flacourt un tribut de reconnais-
sance, et il est juste que son image paraisse à
l’occasion de cette conférence. ( Projection.)
l'lacourt n'élait pas naturaliste, et il ne pouvait
élablir de comparaison entre les productions de
Madagascar et celles des contrées voisines: l'at-
lention n’a élé atlirée que beaucoup plus lard sur
les caractères tout à fait spéciaux des êtres vivant
dans cette ile et sur les différences qui les séparent
de ceux de l'Afrique, cependant si proche.
C'est en 4770 qu'un homme, dont le nom doit
ètre prononcé avec respect par tous ceux qui ho-
norent les serviteurs dévoués deleur pays — Phili-
bert Commerson, — après avoir visilé l'Amérique,
les îles de l'Océanie et celles de l'Inde, débarquait
à l'ile de France pour y réparer ses forces ébran-
lées par trois années de navigalion. Mais sa répu-
lation l'avait précédé, el Poivre, alors intendant de
celte colonie, insista pour le garder afin qu'il püt
éludier les productions de Madagascar.
Il faut entendre le cri que jetté Commerson en
arrivant sur celle terre : il eutcomme la révélation
d'un monde nouveau et en ressentit une vive im-
pression. « Quel admirable pays que Madagascar,
« écrit-il à un de ses amis ; il mériterait à lui seul
« non pas un observateur ambulant, mais des
« Académies entières. C’est à Madagascar qu'est
« la vérilable terre de promission pour les natu-
« ralistes; c’est là que la Nature semble s'être reti-
«rée comme dans un sanctuaire sparticulier pour
y travailler sur d’autres modèles que ceux aux-
« quels elle s’est asservie ailleurs : les formes les
plus insolites s’y rencontrent à chaque pas. »
Aussi se consacra-t-il tout entier à son œuvre
d'exploration ; les notes et les dessins s’accumu-
laient dans ses carlons, mais il ne put achever la
tâche qu'il s'était proposée et, le 143 mai 1773, il
mourail à peine âgé de 46 ans.
{
Depuis celle époque, combien de Français ont
parcouru les mêmes régions, confirmant ce qui
avait élé exprimé, avec tant d'éloquence, par Com-
merson el joignant de nouvelles découvertes aux
siennes !Nous citerons: Sonneratqui, revenant d'un
voyage en Chine et aux iles de l'Inde, s'arrêta,
en 1774, à Madagascar, où un court séjour lui suffit
pour réunir d'importantes collections et rapporter
en France des animaux inconnus, dont la plupart
existent encore dans les Galeries du Muséum ;
Sganzin,en 1840, puis Bernier et Goudot qui, à leur
tour, éludièrent la faune. Mais, la prise de posses-
sion scientifique de l'ile, nous la devons à M. Alfred
Grandidier qui, de 1865 à 1870, l'a parcourue
- L'ensemble de cette partie de l'ile est très pittoresque et
en diverses directions, choisissant les ilinéraires
ignorés, apprenant la langue et rassemblant des
documents de toutes sortes qui, non seulement font
la richesse denotre Musée, mais ont aussi fourni les
éléments d’une œuvre magistrale intitulée : Æis-
toire physique, politique et naturelle de Madagascar,
dont 30 volumes ou fascicules ont déjà paru,et à
laquelle nous ferons de fréquents emprunts.
La profonde connaissance du pays qu'avail
M. Grandidier a été largement mise à contribution
lorsqu'il s'est agi, il y a quelques mois, de déter-
miner la marche de notre Corps expédilionnaire, el
les renseignements qu’il a pu donner ont été pré-
cieux.
Madagascar se présente sous des aspects fort
divers suivant les parties que l’on étudie. Le cli-
mat, la nature du sol tracent des frontières respec-
tées par les animaux, elil est facile de reconnaitre
trois provinces zoologiques différentes, correspon-
dant à la région orientale !, à la région centrale ?
el à la région occidentale et méridionale ?,
! La région orientale comprend tout le versant Est de la.
grande chaine qui s'étend, le long de la côte, depuis Vohe-
mar jusqu’à Fort-Dauphin, sur une largeur moyenne d’une «
centaine de kilomètres.
Cette région, très montagneuse dès qu’on s'écarte du bord
de la mer, est principalement formée d’argile rouge, au mi- …
lieu de laquelle apparaissent des roches primitives (gneiss, «
micaschiste) et des coulées de basalte. Les pluies y sont très
abondantes; en certains endroits, il ne tombe pas moins de
3 mètres d’eau par an. Aussi, malgré le sol argileux, très
pauvre en alcali et que recouvre une mince couche d'humus,
les pentes des montagnes ont-elles une végétation herbacée |
assez vigoureuse, et les sommets du versant sont-ils bordés,
par une large ceinture de forêts où les arbres, parfois très.
beaux lorsqu'ils rencontrent un terrain volcanique ou basal
tique, sont le plus souvent rachitiques ou couverts de mousses
et de lichens quand ils croissent en pleine argile.
Les vallées sont marécageuses et devront être drainées.
fait l'admiration des voyageurs.
2? La région centrale est un vrai chaos de montagnes, qu'on
à comparé, non sans raison, à une mer agitée qui aurait été
soudainement figée. De nombreux cours d’eau l’arrosent, et
elle est formée d'une puissante masse d’argile, au milieu de
laquelle apparaissent des afleurements de gneiss, de mica-
schiste, de granit, de basalte, et plus rarement de calcaire
crétacé. Les arbres et même les arbustes y sont extrème-
ment rares; on n’en voit guère que dans certaines vallées
étroites, le long des petites rivières qui leur fournissent l'hu-
midité nécessaire. La sécheresse, qui dure d'avril à octobre,
empéche, en effet, le développement de toute végétation arbo-
rescente dans ces argiles dures et compactes, et presque
ne en ge qu
ee 2
partout dépourvues d’alçali. La chute des pluies, qui a licu
principalement de novembre en avril, varie de 1 mètre à
1m,34.
3 La région occidentale et méridionale est relativement plate,
présentant seulement çà et là quelques collines et de petites
chaines de montagnes. Elle est plus élevée dans le sud que
dans l'ouest, et formée, excepté dans le sud-est, par des
urès et des calcaires secondaires; elle est traversée par
quelques grands fleuves venant du massif central et par dé
petites rivières qui ont peu d'eau ou sont mème desséchées
sec ; il n’y tombe pas plus de 30 à 40 centimètres d'eau par
an (de décembre à mars), aussi la culture ne semble guère
r!
pendant la plus grande partie de l’année. Le climat y est très ll
æ Partout, d'ailleurs, la faune a ses caractères
ropres ; elle n’emprunte, pour ainsi dire, rien à
JAfrique ; Madagascar n’est pas un morceau déla-
“hé de ce continent, elle est elle-même.
En Afrique abondent les singes, les grands
fauves, les anlilopes, les girafes, les dromadaires,
les zèbres, les éléphants, les rhinocéros. Dans les
plaines se trouvent des autruches, des grues, des
marabouts, des secrétaires ; les serpents venimeux
ny sont pas rares.
A Madagascar, le décor change ; il est moins
arié, moins grandiose, les animaux sont de plus
élite taille, leurs types sont moins divers; mais
ner une idée.
Il
Ilny à pas un seul singe; ils sont remplacés par
des Jakis ou Maques, qui vivent dans les bois,
Fig. 1. — Mains de l'Indris brevicaudalus.
mpent aux arbres avec une agilité surprenante
else nourrissent surtout de feuilles et de fruits. Je
Nous parlerai d'abord du plus grand, celui que l’on
pourrait appeler l’anthropomorphe de ce groupe, à
ause de sa marche dressée et de ses proportions ;
S jambes sont hautes, terminées par des mains
rmes (fig. 1), ses bras petits, sa queue courte :
t le Bubakoute des Malgaches, l’Zndris des natu-
listes (fig. 2). Sonnerat l'a découvert et en a rap-
porté un exemplaire que nous conservons au Mu-
Sêum avec un soin pieux, quoiqu'il soit bien laid et
bien râpé, car ila servi aux premières descriptions.
Matäctérisée par des plantes qui ne craignent pas la séche-
2sse : Baobabs, Tamariniers, Sakoas ou arbres de Cythère,
mälaniers épineux, Euphorbiacées aroorescentes (Tamata et
Laro), Songo Didicrea.
Absolument aride et désolée dans le sud et dans le sud-
muest, cette région s'améliore dans le nord. Au Ménabé, il
ade vastes pâturages où les Sakalaves élèvent les plus beaux
dxufs de Madagascar.
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
695
Les Indris habitent seulement les grandes forêts de
la côte est!, où ils vivent en bandes de quatre ou cinq
individus, et l’on remarque chez eux une grande
tendresse pour leurs petits. Ils ontun cri à la fois
violent et lamentable, dû à un sac laryngien spé-
cial, Certaines peuplades croient que ce sont des
Fig. 2, — Babakoute (Indris brevicaudatus).
hommes réfugiés jadis dans les bois, d’autres leur
témoignent une grande reconnaissance et ont fail
vœu de les toujours respecter, car il est de tradi-
tion chez elles que, par suite de l'éveil donné par
les cris stridents de ces animaux, une surprise
ennemie avait été évilée.
Les Propithèques se distinguent des Indris par
1 Depuis la baie d’Antongil, au nord, jusqu’à la rivière
Masova, au sud, c'est-à-dire sur la moitié environ de cette
partie de la côte.
696 A.
leur longue queue; ils ont les mêmes mœurs, le
même genre de vie que ceux-ci, auprès desquels
plusieurs espèces habitent les forêts de la côte
orientale. Ce sont le Propithèque à diadème !, le
Propithèque d'Edwards et le Propithèque soyeux,
dont les formes sont identiques,
mais dont le pelage diffère. Il est
tantôt jaune et gris, tantôt noir,
tantôt d’un blanc pur. D'autres
habitent la région occidentale ;
ce sont le Propithèque de Ver-
reaux ?, celui de Decken? (fig. 3),
celui de Coquerel* et le Propi-
thèque couronné *. Chacune de
ces variétés vit à part et en petits
groupes de sept ou huit. Les
jeunes sont cramponnés aux
flancs de la mère et y restent at-
lachés malgré des bonds de 9 ou
10 mètres. A lerre, on les voit
souvent sauter à pieds joints; en-
fin, pour achever leur portrait,
ils ne peuvent supporter la capti-
vilé, ils sont doux, tristes, et rien
n'est plus curieux, paraît-il, que
leur facon d’entr'ouvrir les bras, au lever du soleil,
comme dans un acte d’adoralion (fig. #)
Au xvu° siècle, Flacourt avait déjà signalé le
Propithèque de Verreaux. « Il y a une espèce de
Guenuche blanche, dit-il, qui a un chaperon tanné
et se tient le plus souvent sur ses pieds de der-
Fig.
Fig. 5.
— Propilhecus Verreauxii.
rière, on l'appelle Sue. » Cet animal était, pour-
Le Propithèque à diadème habite les mêmes forêts que
l’Indris. Le Propithèque d'Edwards se trouve au sud de la
rivière Masova et le Propithèque soyeux a été rencontré au
nord-est, près de Sambava.
Habite le sud-ouest depuis
rivière Tsidsoubou.
ÿ Se trouveentre s Mananbolo et Mananzagaray.
i À été découvert au nord de la rivière Be tsikoka.
» Cette espèce n’a été signalée que danse le pays de Boeni,
entre les rivières Betsiboka et Mananzagaray.
Fort-Dauphin jusqu'à la
les rivières
MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
4. — Propilkecus coronalus.
lant, resté inconnu jusqu’en 1866, lorsque, près du
cap Sainte-Marie, M. Grandidier en rencontr
quelques-uns dans une immense plaine couverte.
d'Euphorbiacées, de petits arbustes épineux et de
quelques bouquets de bois (fig. 5); mais, au moment
où, afin de la conserver, il enle
vait la peau du premier qu'il avait
tué, les sauvages qui l’entou-
raient s’y opposèrent et, pour les
apaiser, il dut enterrer la chair
du Propithèque et planter dés
nopals sur la tombe.
Pendant la nuit, au clair de
lune, on voit souvent, dans les
forêts de l'Est, courir sur les
branches de petits animaux qui
semblent une réduction du Pro
pithèque; ce sont les Avis ou
Makis à bourre, découverts aussi
par Sonnerat. Ils n’ont pas l’agi-
lité des précédents et sont lents
dans leurs mouvements.
Tous ces animaux sont rares,
tandis que les Makis véritables
ou Lémurs proprementdits,abon-
| dent dans les forêts ; on les voit partout et il n’es
pas un voyageur à Madagascar qui ne les ait
observés. Leur museau fin et allongé, leur attitude
horizontale, leurs doigts libres et non palmés à la
base, leurs dents plus nombreuses les rattachent à
un genre différent de ceux que nous venons d’élu-
ils aiment les œufs, les petits oiseaux, les reptilesi
les PR OAS ils vivent en Hemies a nombres
fig. 6). dns le ec est pie, parfois tacheté de
roux. La variété rouge de ce Maki a été longtemps
regardée, par les naturalistes, comme une espèce
distincte et décrite sous le nom de Lemur ruber
mais nous avons aujourd'hui toutes les transition
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
697
‘qui rattachent l’une à l’autre ces deux colora-
_ tions différentes.
Le Mongous est plus petit et généralement d’un
run fauve; sa lête est souvent couverte d’une
calotte noire (L. nigrifrons), ou blanche (Z. albi-
rons), ou rousse (Z. rufifrons), ou grise (ZL. cine-
reus). Les poils, simulant des favoris, sont quelque-
ois roux (Z. ollaris;, et l’on peut dire qu’il n'existe
pas deux individus de cette espèceexactementsem-
lables, ce qui explique les contradictions appa-
ntes des descriptions faites par les naturalistes.
Quelques-uns de ces Makis sont intéressants en
aison des différences de couleur qui permettent
e reconnaitre le mäle de la femelle; le Macaco
ile est toujours entièrement noir, la femelle est
rousse, teintée de gris, et sa tête est entourée d’un
Fig. 7. — Maki à ventre roux.
lier également gris. Aussi a-t-on cru à l’exis-
lence de deux espèces.
-Un autre, appelé le Lémur très noir |L. niger-
Winus), ne mérite pas toujours ce nom, car la
“emelle est rousse; il se distingue du précédent
ar l'absence de poils formant pinceaux sur les
reilles, el par ses yeux, qui sont d'un vertbleuàtre,
au lieu d'être brun clair comme d'ordinaire chez
pelage dans les deux sexes, mais moins tranchés. Le
Maki couronné, ainsi nommé pour le diadème que
+ son front, est de tous le plus petit; enfin le
Æmur-Chat (fig. 8) a, en effet, la couleur grise, les
oreilles droites, la queue annelée du chat. C’estun
fort joli animal qui habite les collines broussail-
leuses et souvent dénudées du sud et du sud-ouest.
“—. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
Si les Indris et les Propithèques meurent rapi-
dement en captivilé, les Makis, au contraire, peu-
vent vivre longiemps à côté de l'homme, à condi-
lion d’y trouver une température convenable. Ils
s’apprivoisent facilement et deviennent plus cares-
sants qu'un chien, ne quittant pas, à moins d'y être
forcés, l'épaule de leur maître, accourant à son
appel et lui prodiguant des marques d'amitié. J’ai
connu, pendant de longues années, chez M. Henry
Berthoud, un Mongous parfaitement apprivoisé et
d’un commerce fort agréable: son extrême agilité
lui permettait d'atteindre les plus hautes cor-
niches pour s’y blottir, et ses mouvements étaient
si bien mesurés, qu'à moins de surprise ou d’effroi,
il sautait sur tous les meubles sans rien briser
autour de lui. Parfois les Makis se reproduisent
dans ces conditions et c’estun spectacle charmant
que de voir le petit. tantôt attaché au travers de
la poitrine de sa mère, tantôt fixé aux poils de son
dos et ne la quittant jamais, malgré ses courses
légères.
Fig. 8. — Le Lemur-Chatl (Lemur calta).
Chez eux, ils vivent en troupes, cantonnés dans
certains domaines, et, si un intrus s'égare dans une
parlie qui lui est interdite, tous ses congénères
l’attaquent. À Madagascar, M. Humblot, notre rési-
dent aux iles Comores, avait mis à profit l'achar-
nement avec lequel les Makis d'un bois chassent
les Makis du bois voisin; il attachait l'un de ceux-
ci à une branche et il était sûr de voir bientôt les
propriétaires légitimes du lieu accourir et se pré-
cipiter sur le nouveau venu, sans se préoccuper
du chasseur, qui pouvait alors, à l’aide d’un lacet,
en prendre autant qu'il le voulait.
Les Hapalémurs, les Lépilémurs et les Chiro-
gales sont des Makis nocturnes dont l’organistion
présente des caractères sensibles de dégradation.
Non seulement leur taille est moindre, mais ils
ont quatre mamelles au lieu de deux et leur intel-
ligence est peu développée. Les Hapalémurs ha-
ES
698
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR -
bitent les fourrés de bambous el se nourrissent de
pousses tendres; les Chirogales font la chasse des
insectes et des jeunes oiseaux; l’une de ces
espèces est plus petite qu’un rat. Ils construisent
leurs nids dans les arbres et souvent au milieu des
feuilles de Ravenales. Pendant la saison sèche, ils
ne trouvent guère de nourriture et risqueraient
fort de mourir de faim, s’ils n’élaient sujets à une
sorte d’engourdissement comparable au sommeil
hibernal des Marmottes et des Loirs; ils vivent
alors aux dépens d'une provision de graisse qui
s'est accumulée dans leur queue, transformant cet
appendice en une sorte d’énorme saucisson qui
diminue peu à peu et n’a plus que ses dimensions
ordinaires, quand celte période de torpeur est
passée. C’est la bosse graisseuse du chameau trans-
portée dans la région caudale et servant au même
usage.
Le plus bizarre de tous les Lémurs, c’est l'Aye-
aye ; l’exemplaire rapporté en 1781 par Sonnerat
resta jusqu'à 1840 unique dans son genre, et il fut
l'objet de controverses sans fin de la part des na-
turalistes. Ses fortes incisives el sa queue, couverte
de longs poils, le faisaient considérer par les uns
commme un Écureuil, tandis que d'autres, — Cu-
vier, Geoffroy, — le raltachaient aux Makis. Cette
dernière opinion aélé confirmée par les recherches
récentes faites sur cette espèce à ses différents
âges; grâce aux soins de M. Humblot, nous pos-
sédons enfin bon nombre de Aye-ayeseltnous avons
pu étudier le développement, ainsi que la succes-
sion des dents de cetanimal, qu'on doit regarder
comme un Maki dont l’organisation se serait adap-
tée à des besoins particuliers.
L'Aye-aye est nocturne, elil se nourrit des larves
de certains insectes qui creusent les troncs pourris
des arbres des forêts de l’est. A l’aide de ses dents
antérieures, grandes et pointues, il entame le bois
et.met au jour les galeries de ces larves, qu'il en
extrait au moyen de son troisième doigt. Celui-ci,
très grêle et fin comme un stylet, ne sert plus à
préhension, mais reste toujours relevé; l'Aye-aye
l'introduit dans les trous et ramène, à l’aide de la
griffe terminale, les Insectes mous, dont il fait ses
délices.
M. Humblot rapporta vivants plusieurs de ces
curieux animaux, qu'on a pu conserver pendant
quelques mois, et la manière dont ce voyageur est
arrivé à les nourrir mérite d’être racontée.
M. Humblot, jusqu'alors, avait vu mourir en peu
de jours tous les Aye-ayes qu’il capturait, faute de
pouvoir leur donner des aliments appropriés : car
il était bien difficile de trouver les larves, dont ils
sont si friands. Après des essais infructueux,
M. Humblot eut l'idée de goûter à ces larves et
ayant remarqué que leur saveur rappelle celle de
41
la crème, il vida leurs peaux et les remplit de lait …
conservé, puis il les placa à côté de l'Aye-aye qui, =
trompé d’abord par leur aspect, puis par leur …
goût, n’hésilta pas à les dévorer et consentit bien- È
tôt à faire usage de lait concentré, sans qu'il fût
nécessaire de le déguiser. Il devenait alors aisé de M
nourrir l'animal ; mais, pourle ramener en France, M
une autre difficulté surgissait, celle de se procurer.
une cage assez solide pour résister aux dents ter-
ribles qui avaient vite fait un trou aux planches
les plus épaisses; il fallut blinder celles-ci, et c’est
dans ces conditions que trois Aye-ayes firent leur
entrée au Muséum, où ils devinrent l’objet d’une
élude suivie, mais d'autant plus difficile qu'ils
attendaient, pour sortir de leur cage, que l’obscu-
rilé füt presque complète. 4
Les Malgaches ont d’eux une terreur supersli-
tieuse ; ils les croient animés par des esprits malfai-
santset ne se prêtent pas volontiers à leur capture.
Tous ces animaux, depuis les Indris jusqu'aux
Aye-ayes, forment un même groupe naturel. Si
les Makis de Madagascar ont jamais eu cons-.
cience que les zoologistes les apparentaient à la.
famille des Singes, ils ont dù en être fort peinés
elpenser, certainement, que ces prétendus TR
ignoraient le premier mot de la question. Ils au.
raient pu leur faire observer que les rapprocher.
des Singes, parce qu'ils ont des mains aux quatres,
pattes, c'est-à-dire parce qu'ils sont quadrumanes, …
c’est se laisser guider par un caractère dont la.
valeur zoologique est faible, — car on le retrouve
dans des familles très différentes, el il existe chez
les Primates, aussi bien que chez les Marsupiaux/
qui sont les derniers des Mammifères, — tandis que
leur mode de développement, la disposition dem
leur tube digestif, leur dentition, leur cerveau
indiquent pour eux une tout autre filiation. |
En effet, si je ne craignais d’exagérer ma pensée
je dirais que ce sont des Pachydermes grimpeursl
etqu'ils se rattachent, parune longuesuite de géné=M
rations, à certains animaux du commencement de
l'époque tertiaire, appelés Adapis et qui broutaient”
FRéEEe des prairies.
PE nt
Singes, leur noblesse remonte plus haut etils ne
seraient pas embarrassés pour justifier d'un bo)
nombre de quartiers de plus. En outre, s'ils sont
moins intelligents, ils ont, au point de vue morals
une grande supériorité. Les Singes, par leur caraë@
tère irascible, fantasque et incohérent, semble
des délraques vicieux ; les Makis, au contraires
vivant à l’écart dans les forêls, montrent une dou
ceur et, si je puis dire, une égalité d'humeur par=)
faite, et l’on comprend que les Malgaches vénèrent |
et protègent le tranquille Babakoute, le pacifique
Simpoune et le calme Sifac.
1
STE Les
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
I]
Je ne vous parlerai qu'en passant des Chauves-
Souris, dont une espèce alteint la taille considé-
rable des Rousseltes de l'Inde (Pteropus Ediwardsii
Fig, 9. — (iulidie élégante.
el vit des fruits sauvages des grands arbres. Les
autres diffèrent peu des Chauves-Souris d'Afrique.
Les carnassiers sont plus remarquables, quoi-
Fig. 10. — Fossane de Daubenton.
Qu'il n'y ait à Madagascar ni lions, ni tigres, ni
Panthères, ni hyènes, ni loups, ni renards. On peut
699
parcourir en toute sécurité d’'épaisses forêts au mi-
lieu d'animaux inoffensifs, el le Foussa, le plus puis-
sant des Carnivores malgaches, n’attaque jamais
Fig. 11. — Euplère de Goudot.
l'homme. Les naturalistes lui ont donné le nom
peu euphonique de Cryptoproclu fero, en raison des
glandes cachées à la base de sa queue et de ses
Fig. 12. — Lricule épineux.
habitudes sanguinaires ; maïs il n’est féroce que
pour les cabris el les poules. Si l’on cherche à
démèéler sa généalogie, on reconnait que cel ani-
700
mal, si bas sur pattes et à forme de fouine ou de
belette, est apparenté de très près aux chats; c'est,
en effet, un chat plantigrade, ce qui semble une
antithèse.
Les autres bêtes de proie ressemblent un peu
13.— Hemicenleles de Madagascur.
Fig.
aux Mangoustes, mais elles constiluent cependant
des genres spéciaux à Madagascar : ce sont les
Galidies (fig. 9) et les Galidielis; la Fossane ((renetla
Jossu) (lig. 10) se rapproche des Genetles ; enfin un
. 14. — Bœufs
(Photographie
Zébus dans leurs prairies
de M. Catat).
Chat et une vraie Genetle paraissent avoir été
importés d'Afrique el s'être développés dans le
pays. L'Zuplère, de pelile laille, se fait remarquer
par sa queue touflue et par ses dents si faibles |
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
qu'il ne pourrait se nourrir de mammifères ou
d'oiseaux etse contente de vers; c’est le Fanalouck
des Malgaches (fig. 41). k
Beaucoup de petits Insectivores, dont l’aspect
rappelle celui des Hérissons, se trouvent à Mada-.
gascar; leur dentition indique des différences im- M
porlantes avec les espèces du continent el ils for- }
ment une famille particulière; ce sont les Tanrecs,
les Ericules (fig. 12, les Hemicentetes (fig. 13), à
Fig. 15. — Bœufs Zébus parqués dans les enclos (Photogra-
phie dé M. Catat).
poils transformés en piquants, puis d’autres à four-
rure ordinaire, mais semblables aux précédents .
par leur organisation.
Il en est qui vivent sous terre comme les
Taupes : les Oryzocyles ; il y en à qui courent
à la surface du sol : les Géogales etles Microgales.
Toutes ces formes sont propres à la faune mal
gache.
Les gros Herbivores autochtones font défaut dan
Fig, 16. — Bœufs Zébus foulant le sol d'une rizière (Photos ;
graphie de M. Catat).
l'ile : car les bœufs, qui paissent fort nombreux
dans a r che päturages du Ménabé (lig.14), appar=
tiennent au même lype que les Zébus, ou bœufs à
bosse de l’{nde, et c'est probablementavec l homme
qu'ils sont venus dans cette région. Ils constit
la principale richesse des habitants et sont lobe
jet d’un commerce important (fig. 15 ; on les ex=
Ê
Ne
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR 101
5)
- porte à l'ile Maurice et à la Réunion par troupes
- considérables, et leurs cornes servent à fabriquer
des cuillers et divers autres ustensiles. On emploie
aussi ces animaux à fouler le sol marécageux où le
… riz doit être planté (fig. 16) et, depuis quelques
… années, on les utilise comme monture. Je puis vous
- montrer un de ces Zébus qu'un Hova a enfourché
- (fig. 17). Pour leur donner une certaine ressem-
Fig, 17. — Bœuf Zébu de selle (d’après M. Catat).
- blance avec le cheval, leurs propriétaires pratiquent
- sur eux de cruelles amputations ; ils coupent les
… cornes et enlèvent une partie de la bosse et du fa-
non, ce qui, souvent, amène la mort du pauvre
animal.
Dans les forêts humides, on trouve un San-
Fig. 18. — Potamochærus Edwards.
in tr
“lier assez semblable à celui de l'Afrique, mais
“appartenant à une espèce différente, le Chæropo-
lame à poils durs et jaunes (fig. 18).
- Ce sont là les seuls herbivores.
_ Ona cru longtemps qu'il n'existait aucun Ron-
geur à Madagascar, et effectivement ces animaux
y sont d’une extrême rareté. Cependant, M. Gran-
didier avait découvert, sur la côte ouest, un gros
Muride qui vit dans des galeries souterraines,
l’Hypogeomys, et, depuis cette époque, on en a
signalé d’autres espèces : les Nesomys, les Bra-
chytarsomys, les Eliuromys. Maïs, si l'on compare
cette pénurie de formes à la richesse des types de
Rongeurs en Afrique et en Asie, on en est très
frappé.
IV
Les Oiseaux, grâce à leurs ailes, peuvent sou-
vent franchir des espaces considérables, et leur
présence sur tel ou Lel point du globe n'indique
pas qu'ils y aient pris naissance ; ils peuvent être
arrivés de très loin. Les oiseaux à ailes faibles et
incapables de voler longlemps fournissent, au con-
Fig. 19. — Brachypleracins squamigera.
traire, des renseignements très précieux et leur
étude doit être poursuivie avee soin.
Nous remarquons que Madagascar possède
35 genres et 120 espèces qui lui sont propres; Je
vous signalerai les Perroquets noirsou Vazus, une
sorte de chouette (l'Æeliodilus\, les Couas aux
longues pattes formant, dans la famille des Cou-
cous, un groupe bien défini et représenté par un
grand nombre d'espèces, les unes organisées
pour percher, les autres pour marcher; les Zepto-
somes et les Brachypteracias (Mig. 19) qui rattachent
les Rolliers aux Guêpiers; les Æalculies à bec très
arqué (fig. 20): les Méodrépanis (fig. A); les Eu-
ryceros et beaucoup d'autres Passereaux; les Fw-
ninqus, ou pigeons de couleur sombre, qui semblent
confinés dans la région madécasse; les Zophotibis,
bien différents des Ibis véritables (lig. 22); les
Anastomes ou Bec-ouvert; les Hésites rapprochés
par leur forme de certains Passereaux, mais qui
102
cependant prennent place dans le groupe des
Ràles (fig. 23).
Quelques espèces rappellent celles de l'Extrème-
Orient, et les ressemblances générales sont plus
marquées avec la faune indienne qu'avec la faune
africaine. Ces oiseaux sont surtout nombreux sur
le littoral où la végétation est abondante, tandis
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
a
ces : l’une ! se trouve dans tous les lacs et dans les
grandes rivières: l'autre est confinée dans la ré"
gion centrale ?. Ils atteignent une taille considé-
rable et on en voit qui dépassent 6 mètres de long. M
Fig, 20. — Falculia palliala.
qu'ils deviennent rares au centre de l'ile, où l’on
ne trouve guère que des espèces de haut vol, car
ces montagnes arides ne sauraient donner asile à
beaucoup d'animaux.
=
Fig. 21.
Neo epants COrUSCAns.
Si nous passons maintenant aux Reptiles, nous
voyons que le seul qui soit redoutable à Madagas-
car, c'est le Crocodile, dont on compte deux espè-
Les Malgaches les craignent beaucoup, car les
accidents sont fréquents, el souvent les femmes
qui puisent de l’eau à la rivière, ou les hommes
qui s'engagent dans un gué, sont enlevés par ces
terribles reptiles. Après avoir saisi leur victime,
e
Fig. 23. — Mesiles variegalu.
ils l’entrainent sous l’eau et la déposent dans}
1 Crocodilus Madagascariensis. [
2? Crocodilus robustus. |
|
(l
. soit suffisamment faisandée, pour revenir la dé-
vorer quand ils jugent qu’elle doit être à point.
… Grâce à ce goût particulier, il n'est pas rare que
(4 des hommes aient pu être retirés vivants du
… garde-manger des Crocodiles.
MD Les Lézards, les
“ Geckos sont en
… grandnombre, mais
les Caméléons sur-
tout altirent l’atten-
tion. Ces reptiles, si
bizarres d’aspect et
d'allures, sont plus
répandus et plus va-
riés à Madagascar
que parlout ail-
leurs; près des trois
… quarts des espèces
_ connues se trouvent
… localisées sur celle
… Lerre, et ce sont cer-
- tainement les plus
- grandes et les plus
‘%
uclque anfractuosité, attendant que la chair en
(à
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
703
—
Les Serpents sont inoffensifs; le plus grand,
dont la longueur atteint parfois 3 mètres, appar-
lient à la famille des Couleuvres et se nourrit
principalement de Tanrecs épineux.
Les Tortues terrestres ou de marais, très recher-
chées pour l'alimentation, y sont communes, mais
de proportions mé-
diocres.
Dans les rivières
el dans les lacs pul-
lulent les Poissons,
principalement
ceux de la famille
des Chromides; on
y voit même de su-
perbes Écrevisses
lig.26),supérieures
aux nôlres comme
taille, dont deux es-
pèces sont spéciales
à Madagascar el
plus rapprochées
de celles de l'Aus-
… belles: on en voit
- mesurant presque
… ! mètre (fig. 24), et quicontrastent avec des Camé-
à léons très petits, de vrais pygmées. Quelques-uns
semblent avoir un masque de carnaval : leur tête
se prolonge en une sorte de nez énorme et bifide
(lig. 25); d'autres ont le front surmonté d’un
imier élevé. Il est difficile de les apercevoir au
Fig. 25, —
‘
"À Caméléon à nez bifide.
«milieu des feuilles, dont ils revétent les diverses
“leintes ; leur queue, enroulée autour des branches,
est comme une liane, et leurs mouvements sont si
“lents qu’ils ne décèlent pas leur présence. Leurs
yeux seuls roulent en dehors des orbites, obser-
ant les évolutions des insectes ailés, qu'ils saisis-
sent el ramênent dans leur bouche d’un coup de
langue, dardé avec la rapidité d'une flèche.
|
|
|
tralie que de celles
du continent.
Dans les maréca-
ges, dans les prairies humides, sur le sol détrempé
des forêts, rampent d'énormes Mollusques plus ou
moins semblables au Colimacon : ce sont des Aga-
Fig. 24, — Caméléon d'Oustalet.
Fig. 26. — Ecrevisses de Madagascar.
thines. Sur les herbes, on trouve l'Hélice verte,
dont les indigènes apprécient la saveur délicate.
Flacourt nous avait appris déjà que des Che-
nilles malgaches se tissent un cocon dont on peul
retirer la. soie pour en fabriquer des étoffes de
VILrATit
du fond,
au
is, du n
Wuséi
oiseau La
œros œuls
que
1
l’on voi
l
- prix. Les naturalisles ont étudié ces insectes !, et
- nous connaissons aujourd'hui les procédés em-
_ ployés pour les élever. Nous savons que certaines
espèces vivent-en société sur les acacias, construi-
“ sant des nids où les cocons sont serrés les uns
contre les autres, el forment des masses qui ont
parfois près d'un mètre de long; la soie ne peut
- pas se dévider, elle est simplement cardée et filée
_à la quenouille. Ces chrysalides sont un aliment
recherché, comme d'ailleurs celles des Guêpes,
de gros Hannetons d’un blanc de neige, et des
grands Cerambyx. On les mange crues ou cuites
dans l'huile, et leur goût agréable rappelle celui
de la cervelle de mouton.
Un Bombyx atleint des dimensions extraordi-
Fig. 28. — Aclias comeles.
naires ; ses ailes mesurent 20 centimètres d’enver-
gure et portent, en arrière, une queue longue et
étroite : c'est l'Avlius cometes (fig. 28), dont la pos-
session est désirée par tous les collectionneurs.
Des moustiques au dard aigu rendent la tra-
versée des forêts très pénible, et leur piqûre de-
ient une vérilable souffrance. Mais je suis forcé
d'abréger, et je n’insisterai pas sur la variété des
Abeilles, des Termites ou des Araignées de Ma-
dagascar. Leur étude, pourtant, révèle des faits cu-
rieux, et elle confirme les résultats que nous avait
onnés celle des Vertébrés, c’est-à-dire que la plu-
art des types trouvés à Madagascar lui appartien-
nent, el que, siquelques-uns viventaussien Afrique,
un nombre plus important d'espèces est commun
avec la région indienne.
V
4 Re
| — La faune actuelle de Madagascar offre, comme
“ous le voyez, un intérêt considérable au zoologiste ;
* ;
— | Bombyx Radama. — Bomby» Diego (Coquerel).
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
105
mais la faune ancienne réserve des découvertes
inattendues, et les faits qui ont été signalés dans
ces dernières années semblent ouvrir de nouveaux
horizons; ils permettront peut-être d'établir ce qu’é-
tait autrefois Madagascar et de saisir les relations
qui la rattachaient à d’autres terres dont elle a,
depuis, été séparée.
Dans des terrains d’une origine récente, au mi-
lieu de marécages ou d’alluvions superficielles,
datant d’une époque peu reculée, on a trouvé de
nombreux ossements, à l’aide desquels on peut
reconstituer les animaux dont ils proviennent, élu-
dier leur caractère et reconnaitre que, non seule-
ment ceux-ci ont complètement disparu, mais
encore qu'ils appartiennent à des formes dont il
n'existe plus de représentants.
Fig. 29. — Æpyornis ingans !.
Le premier indice recueilli sur ces animaux date
de 1851 ; le capitaine d’un navire marchand avait
apporté en France des œufs énormes et quelques
ossements qui furent décrits par [. Geoffroy Saint-
Hilaire et attribués à un oiseau gigantesque : l'Æ-
pyornis maximus. Les œufs (fig. 27), d’une capacité de
8 litres et demi, étaient six fois plus gros que
ceux de la grande autruche, et les os indiquaient
un animal ayant des pattes énormes; malheureu-
sement, aucun n’étail complet; aussi les natura-
listes furent-ils divisés d'opinion sur la place que
l’Æpyornis devait occuper dans les classifications,
et, tandis que les uns le rapprochaient des Brévi-
pennes, qui sont des oiseaux privés de la faculté
de voler, d’autres, à l'exemple d’un zoologiste ita-
lien, Bianconi, le considéraient comme un vautour
colossal et en faisaient l'oiseau Roc de Marco Polo.
Les contestalions auraient pu durer longtemps
encore si, en 1867, M. Grandidier, en pratiquant
des fouilles sur la côte ouest, à Ambolisatra,
1 D’après un dessin publié dans le journal « 4 Nature ».
30 ‘je à l'Exposition «
A. MILNE-EDWARDS — LES ANIMAUX DE MADAGASCAR
107
- n'avait trouvé de nouveaux ossements parfaitement
… conservés et provenant d'une patte entière. Dès
. Jors, il n'y avait plus de doute possible : l’Æpyornis
était un oiseau terrestre, incapable de voler, et il
. devait se nourrir de substances végétales et non
… de viande. Deux espèces plus petites de ce genre,
… l'Æpyornis modestus ei l Æpyornis medius avaient été
_ retirées du même gisement.
- Cette découverte, suivie de beaucoup d'autres,
- nous à fait connaitre le squelette entier des Æpyor-
è nis (fig. 29). M. G. Muller en a recueilli de nombreux
débris à Antsirabé, et, s’il n'avait pas péri si misé-
rablement, assassiné par les Fahavalos,ilaurait con-
- tinué des explorations qui nous ont déjà fourni de
- précieux documents, car ses collections n’ont pas été
. perdues et elles sont parvenues entre nos mains.
Sur la côte ouest, M. Samat et M. Grevé, notre
malheureux compatriote pris comme otage par les
- Hovas et fusillé au mois de février dernier, recher-
5 chaient des ossements du même genre, et bientôt
- les matériaux d’études abondaient au Muséum ;
nous pouvions constater qu'à une époque relative-
ment récente et où l’homme occupait déjà l'ile,
Madagascar était habitée par une grande variété
d'oiseaux de taille colossale dont les pattes mas-
. sives rappellent, par leur puissance, les jambes des
éléphants et des gros pachydermes, dont les ailes
élaient atrophiées, dont la tête était petite et le bec
faible; la taille des uns dépassait 3 mètres de hau-
“teur, d’autres leur cédaient à peine $ous ce rap-
port, mais ils étaient plus grêles, d’autres encore
avaient seulement les dimensions de l’Autruche ou
même du Casoar. On en compte au moins douze, se
rattachant à deux types : celui des Æpyornis et
celui des Mullerornis, ainsi nommé en souvenir de
G. Muller.
On ne doit pas les considérer comme des Au-
truches , mais ils ressemblent beaucoup aux
Casoars de l’archipel Indien, et ils ont d’étroites
aflinités avec les Dinornis, grands oiseaux de la
- Nouvelle-Zélande.
A côté d’eux, vivaient des mammifères différents
de ceux qui Point aujourd'hui Madagascar.
M. Grandidier y a trouvé de nombreux restes d’un
petit Hippopotame (fig. 30), notablement plus
“grêle que celui d'Afrique, et on a exhumé, de gise-
ments analogues, des ossements se rapportant à
de grands Makis, dont quelques-uns ne devaient
pas grimper aux arbres, mais rester à terre
comme les Adapis des temps tertiaires. M. Filhol
les à étudiés et il a décrit plusieurs genres et plu-
… sieurs espèces remarquables.
\
3
t
%
?
D'immenses tortues terrestres, dont la carapace
atteint 1 mètre et demi de longueur, vivaient dans
les mêmes conditions et indiquent des animaux
d’une taille et d’un poids supérieurs à tout ce que
la nature actuelle peut fournir. Des Crocodiles,
dépassant 8 mètres, y ont été également rencon-
trés.
Tous ces animaux ont disparu, sans laisser de
traces dans les légendes populaires, et cependant
leur extinction est peu ancienne, car il est facile
de voir, sur beaucoup d’ossements d'Hippopotames
ou d’'Æpyornis, des entailles très nettes faites de
main d'homme. Ils vivaient ensemble sur le bord
des marécages ou des étangs et la présence des
Hippopotames,des Crocodiles, à côté des Æpyornis,
indique quelles étaient alors les mœurs de ces
oiseaux,et d’ailleurs le nombre des ossements,
provenant de très jeunes individus, montre qu'ils
demeuraient dans cette localité et qu’ils n’y ont
pas été enfouis, lors d'un passage.
L'existence de tant d'animaux aussi puissants
semblerait prouver qu'à cette époque Madagascar
avait une élendue plus considérable que de nos
jours: car il y a une proportion indéniable entre
la taille des êtres vivants et celle des terres qu'ils
habitent, et on est en droit de supposer que, par
suite d’un affaissement, une partie du sol à
disparu sous les eaux de l’Océan. Nous savons que
ce n’est pas du côté de l'Afrique qu'il faut chercher
les relations, mais plutôt du côté de l'Inde et de
l'Australie, et j'ai fait remarquer, à plusieurs
reprises, les similitudes fauniques qui existent à
cet égard. Les analogies des Æpyornis avec les
Casoars et les Dinornis donnent plus de proba-
bilité encore à cette manière de voir.
Des questions scientifiques d’une grande impor-
tance se trouvent donc ainsi posées ; elles ne seronl
résolues que par une étude minutieuse de l’His-
toire naturelle de Madagascar ; mais cette étude,
nous pourrons certainement la faire.
Lorsque l'expédition militaire aura porté tous
ses fruits, ce sera alors à nous de continuer son
œuvre en levant les voiles qui cachent encore ce
coin du globe. Espérons que bientôt, sur les che-
mins tracés par notre coùrageuse armée, une mis-
sion scientifique se mellra à l'œuvre et que viendra
ce moment, —que j'appelle de tous mes vœux, —où
nous aurons achevé la conquête de cette grande ile
appelée il y a déjà deux siècles : Z« France Orien-
tale.
A. Milne-Edwards,
de l’Académie des Sciences,
Directeur du Muséum d'Histoire Naturelle.
… d'tf : ANRT TR VE ER 4
108 A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES A MADAGASCAR
LES GRANDES EXPLOITATIONS AGRICOLES
A MADAGASCAR
CANNE A SUCRE. — COTONNIER.- —VANILLIER. — PIGNON D'INDE. — CAFÉIER, — CACAOYER, — TABAC. —
ALOËS ET AGAVÉ. — RIZ ET AUTRES CULTURES
Malgré. les conditions fâcheuses que créent à
l'écoulement des produits agricoles l'absence ou le
très mauvais état des routes, certaines cullures
sont depuis longtemps pratiquées à Madagasear et
y ont déjà acquis une assez grande extension.
Nous indiquerons à grands traits le régime de ces
cullures, et nous insisterons notamment sur la
possibilité, non douteuse, de créer ou de déve-
lopper à Madagascar la grande exploitation agri-
cole telle qu'elle existe, dans des conditions iden-
tiques de sol et de climat, à Mayotte. Cette ile,
voisine de Madagascar, mais où l'influence fran-
caise a pu s'exercer plus librement, est aujour-
d'hui couverte de plantations très rémunératrices,
où nous devons chercher le modèle de ce qu'il y a
à faire sur le sol, demain français, de Madagascar.
ÏI. — CULTURE DE LA CANNE A SUCRE.
La cullure de la canne à sucre, encore insuffi-
samment représentée à Madagascar, est la plus
importante et la plus ancienne des cultures de
l'ile Mayotte {colonie francaise), dont les terres et
les conditions atmosphériques sont celles mêmes
de sa grande voisine.
C'est à la Réunion et à Maurice qu'ont été em-
pruntés les procédés de culture de la canne àäsucre
et les usines à sucre de Mayotte ontété copiées sur
celles de ces deux colonies.
Une variété infinie de cannes a élé introduite à
Mayotte, où elles ont eu le sort qu'elles avaient eu
à la Réunion; la monoculture a, en effet, pour
résultat d'amener promptement la dégénérescence
des espèces dont le remplacement s'impose rapi-
dement; c’est ainsi que les premières variétés de
cannes vigoureuses el riches en sucre, — comme
les cannes blanches, les cannes rouges, — ont élé
remplacées par des variétés plus rustiques, mais
moins riches, telles que les cannes dites : ruba-
nées, Guingham et bambou. Aujourd'hui les va-
riétés dites Lousier el Port-Makay, qui sont les
seules cullivées à Maurice, viennent de faire leur
apparilion à Mayotte pour v remplacer les cannes
rubanées.
La reproduction de cannes à l’aide des graines,
longtemps jugées slériles, vient de réussir à Mau-
Gréles, première
année, les cannes venues de graines grossissent
rice. presque filiformes la
beaucoup lorsque, la seconde année, elles sont re-
produites par le bouturage; elles deviennent alors
comparables aux cannes ordinaires la troisième
année. Les variétés ainsi obtenues seraient même
infiniment plus robustes que les anciennes espèces
toujours reproduites par bouturage et résisteraient
mieux aux sécheresses si redoutables sous les tro-
piques; de plus, elles fourniraient un jus plus
riche que les variétés actuellement cultivées. L'on
espère, à Maurice, régénérer complètement la cul-
ture à l’aide de ces cannes.
Voici, très sommairement, comment se cultive
actuellement la canne à sucre :
Mises en terre d'octobre à février, les boulures
de cannes (en général les sommités) donnent
naissance à des souches, dont les cannes peuvent
ètre récoltées dix-huit mois après; après cette
première récolte, les souches donnent naissance à
des rejetons qui peuvent être récollés douze mois
après ; de nouveaux rejelons sont encore produits
les années suivantes, et il n’est point rare, dans
un sol ferlile et vierge de cultures de cannes, de
voir sept à huit récoltes faites ainsi avantageuse-
ment, sans grands frais, — les facons à donne
élant réduites à deux ou trois labours, chaque
année. Ces labours, la charrue vigneronne, rem=
plaçant la houe à main, permet de les donner à
un prix très réduit.
Seule, la plantation faite la première année en-
Lraine d'assez grands frais.
Le bœuf à bosse de Madagascar fig. 1), doux et
intelligent, se dresse très vile, admirablement, à
ces travaux, et parfois dès le premier jour. Ce fait
avait beaucoup frappé un ingénieur de Grignon,
l'un de mes directeurs, qui déclarait ce bœuf supé-
rieur au bœuf de France, tant il le trouvait fort,
docile, obéissant à la voix de son conducteur!
Après plusieurs années de monoculture, le sol
s’épuise rapidement, et à! faut recourir aux enyraisn
de ferme el aur engrais chimiques; puis, malgré tous
les procédés de culture les mieux compris, 14
production s’amoindrit, et le sol refuse de pro)
duire. C’est ainsi qu'à Maurice tout le littoral de
l'ile, si merveilleusement fertile autrefois, a été,
arides par celle monocullure incessante, intensive
S'éloignant de plus en plus du littoral, la culture
A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES À MADAGASCAR
109
de la canne à sucre a gagné les parties haules de
île, primitivement couvertes de forêts; cantonnée
là, cette culture ne s’y soutient qu’à grands frais, à
l'aide d'engrais coûteux, dangereux parce qu'ils
préparent, dans un avenir prochain, la ruine de
ce sol nouvellement livré à la culture.
_ C'est aussi ce qui arrive, en ce moment, à
Mayotte, chez ceux qui, ayant des Lerres de vallées
des plus merveilleuses, y ont cultivé exclusivement
la canne à sucre depuis quarante années.
Tout autre a été le sort des propriétaires qui,
ayant des terres peut-être moins fertiles, mais plus
étendues, ont pu donner un long repos, sous bois
vu sous assolements, à leurs terres, en les assujet-
tissant à des rotations régulières.
_ C'est ce que l’expé-
rience commandera de
faire à Madagascar, si
lon y tente en grand
la culture de la canne.
Il faudra, avec une su-
perficie déterminée ,
ne mettre en culture
_ qu'une partie du sol,
à prévoyant que les as-
- solements devront re-
- présenter, au moins,
… les trois quarts de la
superficie destinée à la
anne à sucre.
Il n’y a pas lieu de
S’effrayer de ces gran-
des propriétés, de ces
lutifundia que nécessi-
tera la culture de la
canne : Ce sera une né-
essité inéluctable, mais ce sera aussi la garantie
de la réussite de pareilles entreprises.
Les conditions du marché sucrier en Europe
sont telles, aujourd’hui, que les sucres de bonne
qualité sont seuls certains d'y trouver un débouché
légulier, assuré; ces sucres ne peuvent être pro-
d uits que par des usines perfectionnées, du type
bourbonnien, par exemple, l'heure n'étant pas
encore venue de la diffusion directe de la canne.
Les usines comprennent deux forts moulins
broyeurs, dont le second fait la repression de la
£anne. Ces deux moulins permettent d'extraire
Ds
…. Les jus (vesous) extraits sont déféqués dans des
| appareils chauffés à la vapeur, dits défécateurs.
Puis décantés, filtrés et renvoyés, soit dans des
appareils à feu nu, dits batteries Grimard, soit
dans des appareils à triple effet, pour y être con-
_Centrés à 25° Beaumé, et, enfin, ie travail se ter-
Fig. 1.— Bœufs à bosse de Madagascar au travail.
nine dans les appareils à cuire dans le vide. De ce
dernier appareil, la masse cuite est envoyée dans
de grands réservoirs, et en dernier lieu, les turbines
centrifuges font la séparation des sucres et des
sirops. Il ne reste plus, après cet essorage, qu'à
sécher les sucres avant leur mise en sac !.
48-60 heures suflisent pour retirer, de la canne
prise au champ, le sucre de premier jet et le livrer
à la consommation.
Quels sont les rendements en canne et en sucre
à l’hectare? Dans les terres vierges, sans aucune
fumure, le rendement peut être évaluée à :
60 à 70.000 kg. de cannes en première coupe;
50.000 kg. » coupe des 1crs rejetons:
30 à 40.000 » » 2e, 3e, 4 rejetons.
Ce qui, à raison d’un
rendement moyen de
9 % ,en sucres de tous
jets, donne 6.300 à
».400 kilos de sucre à
lhectare, pour la pre-
mière année, 4.500 ki-
los pour la seconde,
etc.
Tous ces résultats
approximalifs, mais
très voisins de la réa-
lité, seront suscepli-
bles de légères dimi-
nutions ou d'augmen-
tations, suivant le sol,
les procédés de cul-
ture, et, aussi, suivant
la perfection des
moyens d'extraction
employés dans l'usine.
Doit-on s’effrayer, outre mesure, de l'avilisse-
ment du prix des sucres en Europe?
Je ne le crois pas. Jusqu'à ces dernières années
le sucre s'était vendu à des prix tels qu'une infi-
nité d'usines coloniales, produisant 100.000 kilos
de sucre, de qualité inférieure, pouvaient vivre el
donner des revenus; mais, de même que les usines
européennes produisant moins d'un million de ki-
logrammes de sucre sont fatalement condamnées,
de même ces petites usines coloniales devront dis-
paraitre, faisant place aux usines centrales, qui,
seules, peuvent produire économiquement les
beaux sucres de cannes, et, dans cette lutte entre
la canne et la betterave, il n’est point dit que la
canne ne triomphera point de sa rivale.
Aussi, malgré l'intensité de la crise sucrière ac-
tuelle, l’on peut assurer que la création de grandes
usines à sucre doit réussir à Madagascar. Le choix
1 Voyez à ce sujet les articles de MM. Lindet et Urbain
dans la Revue générale des Sciences du 15 mars 1895.
110 A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES A MADAGASCAR
de terrains convenables dans les belles vallées de
la grande ile africaine, une culture intelligente,
l'établissement d'usines perfectionnées, puissantes,
économiquement établies, permettront de produire
le sucre à un prix rémunérateur.
Les vivres nécessaires aux travailleurs, les bœufs
nécessaires aux transports s’y trouveront à un prix
avantageux ; enfin, les travailleurs, comme les Andi-
mours, par exemple, qui vont offrir au loin leurs
bras à un prix extraordinaire de bon marché,
constitueront pour ces entreprises des conditions
très avantageuses.
Je n’hésite donc pas à conclure qu'une grande
exploitation sucrière à Madagascar, bien conçue,
bien dirigée, donnerait les plus brillants résultats,
malgré la concurrence du sucre de betterave.
Près de ces usines, qui devront mettre en culture
de grandes surfaces de lerre, et, par suite, ne
pourrontètre créées que pardes sociélés puissantes,
il conviendrait de voir s'établir des planteurs qui,
avec une faible mise de fonds, créeraient des plan-
tations et porteraient leurs cannes à l’usine cen-
trale. L'avenir même de ces grandes usines serail
de se désintéresser peu à peu de la culture pour
rester uniquement des fabriques de sucre, réalisant
ainsi l'idéal de cette industrie, qui doit tendre à
séparer la fabrication de la culture.
Les mélasses, résidus de la fabrication sucrière,
sont presque sans valeur; l'achat des appareils
distillaloires, leur montage, les constructions à
élever sont de peu d'importance : c’est pourquoi
l'établissement de grandes fabriques de sucre a
pour conséquence nécessaire l'installation de dis-
lilleries pour produire des rhums et des tafias.
Cent mille kilogrammes de sucre donnent comme
résidu des mélasses pouvant produire 8 à 10.000
litres de rhums. Une usine à sucre, comme celle
dont nous conseillons la création, faisant 4 à 5 mil-
lions de kilogrammes de sucre, permettrait done
de produire de % à 500.000 litres de rhums.
Les rhums de Mayotte et de Nossi-Bé ont eu, de
tout temps, une vérilable renommée dans les pa-
rages de la mer des Indes, et, sans aucun doute,
les rhums fabriqués à Madagascar jouiront du
même renom.
A l'heure actuelle, les esprits sont, à juste litre,
préoccupés du danger de cerlains alcools; il est
done utile de rappeler que les rhums de cannes
sont exempts d’alcools supérieurs et d’éthers, qui
rendent si dangereux l'usage de cerlains alcools
d'industrie; ce fait a été signalé depuis longtemps
par le savant Professeur Le Dentu. On peut, par
suite, espérer que, ce fait peu connu se vulgari-
sant, les rhums et lafias produits par la canne à
sucre remplaceront, dans une large mesure, les
alcools d'industrie si pernicieux pour la santé.
“le placement. La première et la seconde année, ils
IT. — CULTURE DU COTONNIER.
Le cotonnier existe presque partout, à Mada-
gascar et aux Comores, à l’état sauvage. On [8
rencontre à la porte de beaucoup de villages, dans
ce pays, sous forme d’arbuste vivant plusieurs an- M
nées; mais la fibre de ce cotonnier est courte et
grosse el ne convient guère qu'à la fabrication des M
lambas, et surtout à celle des oreillers et des ma-
telas indigènes.
Le climat semblant favorable à celte culture, j'en
tentai l'essai de 1886 à 1888. La première difficulté
fut de trouver des renseignements sérieux sur le.
mode de plantation du cotonnier et sur les soins
à lui donner. Aucun ouvrage sérieux n'existait
écrit ên langue française, et je dus recourir aux
ouvrages publiés en Amérique; c’est aussi d’Amé-
rique que je fis venir, par l'entremise de MM. Vil-
morin, les graines de coton des variétés Sea Zslund
et Géorgie lonque-soie. |
Semées au mois de novembre, au commence- M
ment de la saison pluvieuse, ces graines produi-
sirent des colonniers très vigoureux donnant leurs
fruits, exactement, cinq mois après. De plus, ces
cotonniers, laillés après la récolle, ont pu vivre
trois années, donnant,-pendant ce temps, des ré-
coltes annuelles assez sérieuses.
Après trois années d'essais, l'expérience était
acquise, et je pus, dans une notice manuscrile,
fournir tous les renseignements sur le mode des
semis, les soins à donner aux plantations, et sur la
cueillelte des fruits, point délicat. 4
Envoyés en Europe, ces catons n'arrivèrent pas
en quantilé suflisante pour que des essais sérieux
pussent être fails avec eux seuls ; et les courtiers
chargés de leur vente en trouvèrent diflicilemen
furent vendus 1 fr. 20 le kilogramme; la 3° année,
ils obtinrent le prix de 1 fr. 80 le kilogramme.
Ce dernier prix élait presque rémunérateur;M
mais, ayant alors tenté beaucoup d’autres cultures, «
et rebuté par les prix obtenus les deux années pré-«
cédentes, je cessai ces essais au moment même où
ces produits commençaient à être appréciés el où
les prix de vente allaient rendre possible la culture
en grand. F
Au même moment, ces cotons, dont de nom-
breux spécimens avaient été envoyés à l'Exposilionm
permanente des Colonies à Paris, élaient exposésé
par elle au Havre et à Paris. Deus de l'Exposi="
tion du Havre, en septembre 1887, reconnaissant
la bonne ae de ces produits, leur décernait"
une médaille de bronze, et, au Concours généralk
agricole de Paris, en 1888, le jury donnait une mé=
daille d’argent à ces cotons, dont la variélé Seam
Island était reconnue particulièrement belle.
A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES A MADAGASCAR
711
Les essais faits à Mayolle, la beauté des produits
obtenus, les quantités récoltées à l'hectare (250 ki-
los de coton et 750 kilos de graines), sont des
encouragements sérieux pour répandre celle cul-
ture à Madagascar.
Les essais montrent que le sol et le climat de
Madagascar conviennent admirablement au coton-
nier, el que le coton peut y acquérir des qualités
comparables à celles des produits américains, et
je n'hésite pas à conclure que le colonnier pourra
faire l’objet d’une grande culture rémunératrice à
Madagascar.
SO ee ee à
Fig 2.
III. — CuLTURE DU VANILLIER.
Importée de la Réunion, la culture de la vanille
à pris, en ces dernières années, une certaine im-
“portance à Mayolle.
Les premiers essais de culture, faits trop scrupu-
leusement conformes aux pratiques en usage à la
Réunion, n’avaient point été très heureux ; aujour-
d'hui, l'expérience a modifié ces procédés, el la
culture de la vanille doit être placée au premier
rang des cultures secondaires à tenter dans ces
régions.
Une température plus chaude, plus humide, une
Yégélation plus active semblent même eréer à
Mayotte des conditions très favorables au vanillier :
de plus, les vanilles de ce pays sont, en ce mo-
ment, classées au premier rang, immédiatement
après celles du Mexique, avant celles de la Réu-
nion.
Alors que partout ailleurs la fleur de la vanille
ne fructifie qu'après une fécondation artificielle,
— au Mexique, son pays d'origine, le vanillier
produit naturellement son fruit. C’est, probable-
ment, à ce fait qu'il faut attribuer la grande supé-
riorité des produits du Mexique sur tous les au-
tres; il est aussi probable que le terrain et le
climat donnent aux vanilles leurs parfums spé-
— Vanilles enroulées sur pignon d'Inde.
ciaux, de même qu'ils donnent aux vins leurs
bouquets si variés.
L'espèce cultivée dans tout l’océan Indien est la
Vanilla planifolia, originaire du Mexique.
Comme on le sait, le vanillier est une orchidée;
c’est une plante parasite qui vit en s'enroulant sur
les arbres ou tuteurs mis à su portée, et qui ne se
reproduit, en culture, que par le bouturage.
La bouture, grosse comme l’annulaire et longue
d'un mètre environ, est couchée sur le sol et en-
terrée à cinq centimètres de profondeur sur une
longueur de vingt centimètres; le reste de la lon-
gueur de la bouture est dressé verticalement contre
le tuteur, sur lequel elle est fixée par un lien. Le
tuteur par excellence, dans ces régions, est le petil
712 A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES A MADAGASCAR
pignon d'Inde (Jatropha cureus, — Euphorbiacées)
qui, Lrès vigoureux, sert à la fois d’abriet de tuteurau
vanillier. De chaque côté des feuilles du vanillier
naissent des griffes qui servent uniquement à fixer
la plante sur son tuteur. La plante est nourrie par
les racines qui naissent sur les nœuds de la partie de
la bouture enterrée ; ces racines sont superficielles
et s'enfoncent à peine dans le sol, c’est pourquoi une
épaisse couche de paille ou de détritus végétaux
doit recouvrir le sol pour les protéger. Le vanillier
Fig. 3. — Plant de 5.000 vanilliers à l'hectare. — Les va
ne redoule point le soleil, bien au contraire, tan-
dis que ses racines ont besoin d'être très protégées
contre les sécheresses et l'ardeur du soleil. Des
racines adventives naissent parfois sur le vanillier
et descendent jusqu'à terre pour s'y implanter:
mais ces racines advenlives n'apparaissent que
lorsque les racines principales périclitent ou sont
insuflisantes pour nourrir la plante: elles m'ont
loujours paru indiquer la souffrance du vanillier.
Dix-huit mois après sa plantation, le vanillier
fleurit pour la première fois, mais il serail impru-
la fructifi-
calion prémalurée pourrait amener la mort du
dent de féconder ces premières fleurs :
mois que l'on doit commencer à pratiquer la fécon-
dation des fleurs, et, encore, doit-on la faire avec
ménagement, proportionnant le nombre de fleurs
fécondées à la force du vanillier.
Une disposition spéciale séparant les élamines
des anthères, jamais, à Mayolle, la fécondation n'a
lieu naturellement : chaque fleur est fécondée à la
main. C'est une opéralion délicate qu'il est inutile
de décrire ici : un homme jeune, de préférence un
nilles enracinées en terre sont enroulées sur pignon d’Inde.
enfant, féconde 2.000 fleurs dans sa malinée:
l'après-midi la fécondation est mauvaise ; 800 fleurs
fécondées donnent environ, chez moi, 3.500 gram-
mes de vanille verte, quicorrespondent à 1.000 gram2
mes de vanille préparée ; il est utile d'ajouter
qu'un grand nombre de fleurs, quoique fécondées;
ne fructifient pas. .‘
Commencée duns le cours de juillet, la féconda=
lion est terminée à la fin d'octobre.
Deux mois après la fécondation, la gousse den
vanille acquiert à peu près loute sa longueur, ebm
cependant, elle reste encore quatre à cinq mois,
sur le vanillier avant d'arriver à malurité parfaites
ë
4 4
jeune plant; ce n'est donc qu'au bout de trente w
3 +
A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES CULTURES
A MADAGASCAR 713
La cueillette des fruits commence au mois
- d'avril de l’année suivante el s'achève dans le
_ cours de juin; puis vient la préparation de la va-
- nille, qui demande environ quatre mois; aussi les
“expéditions de vanille ne peuvent-elles avoir lieu
- avant fin d'octobre. Quatorze mois en moyenne se
4 sont donc écoulés depuis l’époque de la féconda-
- lion jusqu'au moment où la préparation est termi-
née. IL est impossible de décrire ici les détails
d'une préparation aussi minulieuse; pour dire tout
ce qui est relatif à la culture, à la fécondation, à
a préparation de la vanille, il faudrait ones
la longueur de celte nolice sommaire.
- Rien n’est attachant comme cette culture déli-
te, rien n'est rémunéraleur comme elle, quand
les choses sont faites avec soin et dictées par l’ex-
“périence. Un heclare de vanilliers comprenant
nviron 5.000 plants donne 100 à 150 kilogrammes
vanille préparée, qui, au cours de 30 à 40 francs
logramme, représentent un produit énorme à
hectare : de 3.000 à 6.000 franes. Mais celte cul-
| Lure minutieuse demande beaucoup.de soins, beau-
coup de bras; il faut aussi observer que le pre-
| miers LE n'ont été obtenus que dans le cours
| de la 4° année el que le vanillier meurt après
“avoir donné trois à cinq récoltes au maximum.
Le monde entier n'a produit, en 189%, que
170.000 kilos de vanille, et, sur cette quantité, la
éunion seule a Fr environ 70.000 kilos (la
récolte s'est élevée parfois à 85.000 et à 90.000 ki-
los à la Réunion). La production de laRéunion règle
lonc le cours des prix de la vanille, qui demeurent
bordonnés à l’abondance de ses récoltes, Une
Surproduction amènerait promptement une baisse
Mirrémédiable des prix, que l’on a vus, parfois, déjà
aux environs de 10 francs le kilo.
- La culture de la vanille, si minutieuse, si déli-
endre # ans avant de récoller; pratiquée en grand,
le ne semble pas devoir donner d’heureux résul-
IV. — CULTURE pu PIGNON D'INDE,
Le pignon d'Inde (/vtropa cureus), employé comme
Luteur du vanillier, devient un véritable arbre:
nais, quand il supporte les vanilliers, il fleurit et
ctifie à peine.
«D'une venue admirable sous le climat de Mada-
güscar, le pelit pignon pourrait assurément être
üllivé en vue de sa graine. Marseille et Bor-
Heaux reçoivent, actuellement, de grandes quan-
bilés de ces graines sous le nom de pwlgaires ou
Mrgaires (de purgure probablement, les graines
le pignon étant fortement purgalives, émétiques),
1895.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES,
provenant da Sénégal et des régions voisines: ces
graines sont employées par les savonneries.
La culture de cette Euphorbiacée donnerait cer-
tainement des résultats avantageux, étant donnée
la vigueur étonnante de cette plante dans ces ré-
gions et son rapide développement.
V. — CULTURE Du CAFÉIER.
L'Hemileia vastatrir, qui a détruit les caféiers de
Ceylan, de la Réunion et de Nossi-Bé, a fait dispa-
raître les espèces anciennes produisant les excel-
lents cafés qui avaient fait la renommée de la Réu-
nion. Dans ces dernières années, l'on a tenté, à la
Réunion, la reconstitution des caféières à l’aide
d'une espèce nouvelle très vigoureuse, le caféier Zi-
beria, originaire d'Afrique; le caféier Libéria se dé-
veloppe merveilleusement, quoique sa feuille soil
envahie par l’Æemileiu, et il y a là quelque chose
d’analogue à la vigne américaine supportant le
phylloxéra el vivant avec ce parasite. Le caféier
Libéria ceroil rapidement el devient presque un
arbre; aussi faut-il arrèler son développement en
pinçant les sommilés ; au bout de deux ans, il
commence à fleurir, puis, à partir de ce moment,
il fleuri deux fois par an, en juillet et en dé-
cembre. Les premières récoltes sont, toutefois,
sans importance, el ce n'est guère qu'au bout de
quatre ans qu'elles deviennent sérieuses.
À la Réunion, le Libéria a remplacé presque
toutes les anciennes espèces : il resle à savoir si le
fruil de ce nouveau caféier aura la saveur de l'an
cien café Bourbon, el s'il sera apprécié comme
l'était l’ancienne espèce, variété du Moka, qui
avait fait la fortune el le renom du café Bourbon.
Les installations pour la décortication de la féve
sont très simples, les frais d'entretien des planta-
tions et la récolle des fruits sont peu coûteux;
mais, trois à quatre années s'écoulant entre la
plantation el la première récolle, celte culture ne
pourra être lenlée que par des personnes dispo:
sant de quelques capilaux.
La loi douanière du 11 janvier 1892 a créé des
avantages sérieux aux cafés provenant des colo-
nies françaises en les exonérant de la moitié du droit
de douane ; c’est, par suile, un avantage de Ofr. 78
par kilogramme accordé aux cafés francais. SiMada-
gascar devient colonie française, elle jouira, de plein
droit, de cette faveur: mais, si celte grande ile est
simplementsoumise au protectorat, elle sera privée
de cet avantage, et, chaque année, un décret devra,
comme pour la Tunisie, fixer la quantité de produits
admis à jouir de ce régime de faveur.
La même observation doit ètre faite pour les
sucres, cacaos, vanilles, qui seront traités comme
produits étrangers, si Madagascar devient pays de
protectorat, aulieu d’être déclarée colonie française.
LH
714
A. DE FAYMOREAU D'ARQUISTADE — LES GRANDES
CULTURES A MADAGASCAR
VI. CULTURE DU CACAOYER.
Le cacaoyer, originaire d'Amérique, est peu cul-
livé dans les régions de l'océan Indien. Sa culture
est fort restreinte à la Réunion, et c'est à peine si
elle commence aux iles Comores et à Madagascar.
La véritable raison de ce fait est la croissance
lente du cacaoyer. Le cacaover se développe très
lentement et reste chétif jusque vers la septième
année: à peine, à ce moment, atleint-il la taille de
deux mètres, ayant demandé jusque-là des soins
minulieux. Vers la septième année le cacaoyer
commence à fleurir et peut se passer des soins in-
cessants qu’il a demandés dans son jeune âge. Les
fleurs et les fruits couvrent l'arbre pendant huit
mois de l’année, naissant sur le tronc et les grosses
blanches. L'arbre atteint 7 à 8 mètres de hauteur à
Madagascar vers la vingl-cinquième année et peut
y vivre jusqu'à 40 ans. Une fois en rapport, le ca-
caoyer donne régulièrement de beaux revenus; la
cueillette et la préparation du cacao n'’offrent au-
cune difficulté et n’occasionnent pas de grands
frais. Altendre sept à huit ans avant de récolter
est donc le grand ennui de celte culture, qui ne
peut être conseillée qu'à des colons pouvant dé-
penser pendant cette longue période de temps
sans compter faire aucune recette. Mais, au bout
de ce temps, les résultats sont tels qu'on ne sau-
rail trop conseiller à toute personne faisant d'au-
tres cultures de planter, chaque année, une par-
celle de ses Lerres en Cacaoyvers.
TABAC.
VII. — CULTURE DU
En 1885 el 1886, j'ai fait des essais de culture de
Labac, choisissant les espèces de La Havane et de.
Sumatra les plus en renom. Les quantités de tabac
récollées à l'hectare, la longueur et la finesse des
feuilles étaient très remarquables; mais ces tabacs
avaient deux grands défauts : ils brülaient mal et
contenaient de trop fortes proportions de nicotine.
Une fumure riche en sels de polasse aurait pu
donner à ces tabacs les qualités nécessaires pour
les faire mieux brûler, et une préparation mieux
comprise aurait pu ramener la nicotine à une pro-
portion convenable. C'est ce que je n'ai pu tenter,
n'avant pas élé encouragé, dans mes essais, par
l'Administration des Tabacs de France, à laquelle
j'avais envoyé ces produits. Si l'Administration
voulail bien encourager des essais de cultures de
labacs à Madagascar, il est probable qu'elle pour-
rail trouver là les produits qu'elle est forcée d'a-
cheter, chez nos voisins, et ce se-
rait un beau résultat de nous affranchir ainsi d’un
tribut de 80.000.000 de francs versés, chaque année,
à l'étranger.
à grands frais,
à l'extraction des fibres.
VIII. — CULTURE DE L'ALOËS ET DE L'AGAVÉ:
L'aloës el surtout l’agavé ont élé cultivés, ces
dernières années, à la Réunion et à Maurice, en vue
d'en extraire la fibre. Au bout de 6 à 8 ans, Pagavé
feurit et meurt, mais les bulbilles sans nombre
qu'elle a produites, lancées au loin par la plante,
poussent, envahissantles environs, élouffant herbes
el plantes. La culture de l'agavé est donc facile el
se fail sans frais appréciables; mais la baisse du
prix de vente de la fibre et le faible rendement des.
feuilles en fibres rendent aujourd'hui cette cul-
ture peu rémunératrice. Les usines élablies à la
Réunion et à Maurice pour extraire la fibre d’a-
gavé sont peu prospères. C’esl pour ces raisons
qu'après avoir planté une quantité considérable
d’agavé, je n’ai pas cru devoir, la malurité venue,
monter l'usine, peu coûteuse cependant, nécessaire
La feuille de l’agavé contient de à à 7°, de son
poids de fibre. Les machines actuelles, très impar
faites, n'extraient que 2 !/;°/,de cette fibre. Qu'une
machine mieux comprise en extraie 4 °/, el, du
coup, celle industrie deviendra prospère; ce pro
blème ne semble pas impossible à résoudre.
IX. Riz ET AUTRES CULTURES.
Les cultures que j'ai tenté de décrire sont celles
de plantes tropicales. Possibles et rémunératrices.
dans la partie nord et sur les côtés est et ouest de
Madagascar, plusieurs seraient impraticables su
les plateaux très élevés du centre et dans le sud de
l'ile. Mais ces régions moins chaudes pourraien
ètre employées à d'autres cultures : le blé et k
vigne y réussiraient à merveille, ce que l'expés
rience à, d'ailleurs, établi à Tananarive et à Fina
ran{soa.
Si je n'ai rien dit du riz, si répandu au sul
comme au nord de l'ile, © ét que la prospérité di
cette culture à Madagascar est telle qu'il n’y à pas
lieu de plaider sa cause. Le riz de Madagascal
alimente, en effet, en partie la Réunion, Maurice
Les EE Zanzibar el une e longue él sais del
de vue A AP ui M, Foueart. ji
A. de Faymoreau d'Arquistade.
T5
È Madagascar renferme de nombreux filons auri-
fères. La distribution de ces gisements est en
rapport évident avec la structure géologique gé-
_nérale de l'ile. Pour cette raison, nous indiquerons
out d'abord les principaux caractères de celte
structure. |
à Ï. — DiSPOSITION GÉNÉRALE DES SÉDIMENTS.
#
Les roches primitives, granite, gneiss, mica-
schistes, constituent la base même de l'ile de Ma-
dagascar. Elles forment la grande chaine de mon-
| lagnes qui se dirige du sud au nord, divisant l'ile
en deux versants bien distinéts : l'un, le versant
est, à pente très raide; l'autre: le versant ouest, à
pente relativement douce.
AMBODIRAKA
——"\ SUBERBIEVILLE
ALLUVIONS ANCIENNES BESEVA
LES GISEMENTS AURIFÈRES DE MADAGASCAR
Il. — VEiNULES. PÉbPITES ET PAILLETTES D'OR.
Les gisements métlallifères abondent à Madagas-
car : le fer, le cuivre, le plomb, le zinc, l’antimoine
sont signalés dans un grand nombre de localités :
quant à l'or, il se rencontre à peu près dans toules
les formations. Il existe dans les filons de quartz
et de diorite à l’état de veinules, de mouches, de
particules invisibles, et dans les alluvions à l’état
de pépites et de paillettes de toutes dimensions.
Les filons sont très nombreux et constituent une
véritable zone aurifère qui commence à Suberbie-
ville (fig. 1), à la séparation des terrains de dépôt el
du terrain primitif. Dans le terrain cristallin, cette
zone est constituée par une bande de 50 kilomètres
ALL. ANCIENNES
MOROVOAY AMBANIHO
MAJUNGA
TERRAINS MODERNES M
PRIMITIFS TES BASALTE =
JURASSIQUE BASALTE Casse ms qe JURASSIQ| Eï LE
FUAVE VOLCANIOUE S—
a ASSISES JURASSIQUES
3 Fig. 4. — Coupe géologique de Majunga à Suberbieville.
Autour de ces roches sont venus se déposer les
Lerrains stratifiés, et l’on trouve des représentants
-de toutes les époques géologiques.
Le terrain silurien, quoique sans fossile, a élé
reconnu dans le sud de l'ile: on y a signalé aussi
la présence du terrain houiller. Celui-ci a été éga-
ement découvert dans le nord, aux environs de
Nossi-Bé, mais on n'ya pas constaté -de houille
exploitable.
Le trias, le lias, le jurassique sont mieux connus.
‘On considère les gypses d'Amparihihe comme
triasiques; nous avons découvert le long du Me-
vanana, aux environs d'Ambalasaracomby, des li-
nites que l’on rattache au lias.
Enfin, on rencontre des aflleurements de terrain
jurassique à Setsabori, à Belalitra.
Le terrain crélacé est remarquable par ses fos-
iles caractéristiques, et couvre de vastes étendues.
. Le terrain tertiaire se trouve un peu partoul,
notamment sur la côte est et à Fort-Dauphin.
Mais, de tous les terrains, c'est le quaternaire qui
pris le plus grand développement, au moins dans
a partie médiane du versant ouest de l'ile.
- Enfin, on a reconnu l'existence d'anciens volcans
et de nombreux dykes de basalles. Ce sont ces
roches éruptives, qui, jointes auxroches primitives,
“ont donné à l'orographie de l'ile un caractère
| Spécial.
a Fr sa
de largeur, que des explorateurs ont suivie sur
une longueur de plus de 100 kilomètres parallè-
lement à la ligne de faite de l'ile. Cette bande se
prolonge sûrement vers le sud, car les dernières
prospections de nos agents à la limite-sud de nos
concessions (Zmaelsamena) ont accusé des teneurs
aussi bonnes que dans le centre. Cette bande est
sillonnée de filons de quartz de direction géné-
rale 45 est-ouest.
Des essais, fails sur des quartz en place, ont
donné des teneurs supérieures à une once par tonne.
L'or se trouve aussi quelquefois dans le granite,
comme nous l'avons constaté à Setsakifenjy, dans
le micaschiste à Amposiny, dans le gneiss, comme
l'ont montré les cailloux roulés dans le Nandrozia,
enfin dans des bandes de gneiss pourri, ayant
plusieurs kilomètres de longueur ; mais ces ren-
contres ont toujours été faites au voisinage im-
médiat des placers de quartz.
L'or est toujours accompagné de pyrite de fer.
Quand les conditions de formation des métaux onl
été telles que l'or ne se dégageait pas de la pyrile
au moment de la formation du cristal pyriteux,
l'or estresté inclus dans le cristal, et, après la des-
truction de celui-ci par l'oxydation, l'or s'est
dégagé à l'état de poudre {or fin. Lorsque, au
contraire, les conditions ont été telles que l'or a pu
se dégager au moment de la formation de lapyrite,
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L. SUBERBIE — LES GISEMENTS
—
AURIFÈRES DE MADAGASCAR 71
Ê il à crislallisé en gros éléments |or gros. pépites.
* Tous les filons n’ont pas élé travaillés. Deux
s seulement ont été mis en exploitation.
L'un, de faible épaisseur, a donné de belles
. Leneurs, et son exploitation n'a été interrompue
- que par des circonstances absolument étrangères
au travail. L'autre, plus épais, d’une puissance de
4 mètres et d'une bonne teneur moyenne, est
connu par ses aflleurements sur une longueur de
8 à 10 kilomètres, el rien que dans la partie en
montagne, située au-dessus du niveau de la vallée
du Nandrozia, on peut v préparer des élages sur
plus de 100 mèlres de hauteur.
La destruction parles érosions descrètes defilons
el des terrains primitifs aurifères a donné nais-
sance à de nombreux dépôls alluvionnaires à di-
verses époques géologiques, dépôts qui se conli-
nuent encore de nos jours.
… La coupe figurative ci-jointe (fig. 1, page 715
montre la disposition de ces alluvions ainsi que
- la géologie générale de Suberbieville à Majunga.
. D'autre part, la figure 2 indique le relevé général
des couches, avec cotes, de Majunga à Tananarive.
. Quant aux coupes véritables prises sur le terrain,
. on en rencontre rarement. En voici cependant une
- qui a été prise aux environs de Mevalanana :
; 1° A la base, gneiss et micaschistes formant les
- substructures ;
2° Une couche de schistes chloriteux de 1 mèlre:
3° Une couche de galets de 0 m. 50:
%° Une couche de 6 à 8 mètres d'arène blanche
provenant de la décomposilion d'un granite à mica
blanc: les parties de feldspath sont décomposées:
- »° Au sommet, une couche d'argile rouge sablon-
neuse, avec godets de quar!z roulés, renfermant de
l'or.
Ainsi que le montre notre figure 4. on distingue
deux sorles d'alluvions : les alluvions anciennes et
les aliuvions modernes, auxquelles il faut encore
joindre les alluvions acluelles ou lits de rivières
desséchés ou non.
- Les aliuvions anciennes sont très variées, elles
se présentent souvent en masses considérables
ayant de 20 à 30 mètres de puissance et couvrant
de vasles élendues. Les recherches faites sur ces
masses ont donné desrendements de plus de { gr.
d’or par mèlre cube.
Il en est de même desalluvions modernes : celles-
i sont formées, comme les précédentes, de la des-
“les débris des alluvions anciennes. Lérequ elles
reposent directement sur la roche primitive auri-
Îère, granite, gneiss, micaschiste, diorile, la par-
“lie dE de l’alluvion, celle qui est immédia-
_ Lement en contact avec la roche primitive, est de
“ruction de toutes les autres formalions, y compris |
Élieaucoup la plus riche.
La roche primilive aurifère, lors de l'érosion, à
subi un vérilable lavage : les parties argileuses,
faciles à délayer et légères, ont été enlrainées au
loin par la violence du courant: les parties lourdes,
et notamment l'or, sont restées à la place eù elles
avaient été formées, et l'alluvion les a recouvertes.
Quant aux alluvions actuelles ou lits de rivières,
ce sont des banes de sable d’une épaisseur relati-
vement faible, 3 à 4 mètres, et présentant des
échantillons de toules les roches de la contrée. Les
remaniements de chaque crue, entrainant plus fa-
cilement les parties légères que les parties lourdes,
produisent un enrichissement partiel de la masse,
surtout sur la partie amont des ilols que forme la
rivière. — En plus de l'or, on trouve, dans ies allu-
vions, des pierres précieuses telles que la topaze,
l'émeraude, le rubis, le saphir: mais ces pierres
sont généralement sans valeur.
III. —— EXPLOITATION MINIÈRE.
Depuis fort longtemps on connaissait l'existence
de l'or à Madagascar ; mais les exploralions \
étaient non seulement difficiles, mais dangereuses,
par suite des peines édiclées à ce sujet par le gou-
vernementHova. Cependant, dès 1874, nous avions
déjà pu, dans nos divers voyages dans l’est, le
centreet la partie ouest de l'ile, nous rendre compte
de l'importance des gisements el nous faire une
idée approximative de leur leneur moyenne; mais
ce n'est qu'en 1886 que nous avons pu décider le
gouvernement à trailer avee nous el ànous donner
la concession que nous possédons aujourd'hui,
C'est à cette époque queles recherches méthodiques
ont commencé.
En présence des résullats favorables que nous
donnaient nos nombreuses prospeclions, nous
n'avons pas hésilé à nous imposer de lourds sacri-
fices pour doter ces immenses gisements des appa-
reils d'exploitation les plus perfeclionnés, les fai-
sant venir d'Europe et d'Amérique.
Pour créer le grand mouvement industriel que
nous entrevoyions très clairement dès le premier
jour, il nous a fallu faire des chemins, organiser
toute une batellerie, construire une usine de trai-
tement des minerais, dériver lesrivières, uliliser
les nombreuses chules d'eau du pays, bälir des
maisons pour logerle personnel européen, créer
des villages pour les indigènes, etc.
Celte courte énumération donnera une idée de
l'imporlance du capilal déjà immobilisé dans cette
entreprise, ainsi que de la somme d'énergie et de
ténacité qu'il a fallu montrer au milieu de difti-
cultés de tous genres et de populations trop sou-
vent hostiles. Léon Suberbie,
Directeur
de la Compagnie coloniale des Mines d'Oi
de Suberbieville et de l'Onest de Madagascar,
118 Cr.
FOUCART — L'ÉTAT DU
COMMERCE A MADAGASCAR
L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR
ET L'AVENIR ÉCONOMIQUE DE L'ILE
Les articles qui précèdent ont fait connaitre la
géographie, la faune, la flore, les cultures, les
mines, les populations et l’état de civilisation de
Madagascar. Pour compléter le tableau du pays, il
reste à en montrer la valeur économique et aussi
à exposer les raisons qui permettent d'espérer que
celte valeur, restée en partie latente jusqu'à pré-
sent, s’accroitra beaucoup si l’œuvre de la coloni-
sation est conduile d’une manière convenable. Ce
sera, en dehors de toute considération politique,
la meilleure justification des importants sacrifices
que notre nalion s'impose pour s'assurer la pos-
session définitive de la grande ile africaine.
Nous examinerons donc successivement les res-
sources qu'on peut tirer de Madagascar et les dé-
bouchés qu'y doil trouver notre commerce. Mais
auparavant, il est nécessaire de dire quelques
este Paleéluvier
nouillent Les grands navires.
espèce
mots de ce qu'on pourrait appeler l'outillage éco-
nomique du pays, particulièrement en ce qui con-
cerne la facilité des échanges, la commodité, la
rapidité el la sürelé des communications tant
avec l'extérieur que dans l'intérieur de l'ile. La
question des transports, surtout de ceux entre les
côtes et le centre, a d'autant plus d'importance à
Madagascar que rien n'y a encore été fait pour la
résoudre, C'est une des premières dont le Gouver-
nement aura à s'occuper quand sera vaincue la ré-
sistance que nous opposent les Hovas. Il entrail
dans la politique de nos ennemis de laisser subsis-
ter Lous les obstacles qui pouvaient arrêter la
marche d'une armée envahissante, et ce sont ces
obstacles qui, en entlravant les communications,
ont retardé pendant de longues années le déve-
loppement commercial et industriel de Madagascar.
au premier plan, près des
L'arbre, photographié
très répandue dans Pile
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR
719
1. — COMMUNICATIONS EXTÉRIEURES ET INTÉRIEURES.
s $ 1. — Relations avec l'extérieur.
…. Service des transports maritimes. — Les côtes de
… Madagascar sont peu découpées et ne présentent
… qu'un petit nombre d'abris; ce sont, en général,
… des rades foraines dont aucun travail humain
n'a amélioré les conditions naturelles, souvent
… défectueuses au point de vue de la tenue et de
la protection contre le vent et la houle. Excepté à
Diego-Suarez et, depuis peu, à Majunga, les navires
- ne trouvent dans les ports malgaches ni facilités
1
pour le débarquement, ni moyens de réparer des
m…_avaries, ni possibilité de s’approvisionner de
— charbon. Aucun phare ne guide le marin pendant
… |a nuit, aucun signal n’aide l'atterrissage pendant
…. le jour. Dans ces conditions, ne s’arrêtent à Mada-
_gascar que les navires qui ont à y prendre ou à
y déposer des marchandises. À moins d’un cas de
—…. force majeure, les autres n’y relâchent pas.
“ Les seuls points du littoral fréquentés par des
_ navires au long cours sont : au nord, Diego-Suarez
… fig. 1), à l'est, Vohimarina, Tamatave, Vatomandry,
Mahanoro, Mananjary, au sud Fort-Dauphin, à
l’ouest Nossi-Vé, Morondava, Majunga el Nossi-
Bé (fig. 2). Les autres ports ne sont visités que par
des caboteurs, par des bateaux allant à Maurice
ou à la Réunion et par des boutres arabes venant
des Comores ou de Zanzibar.
De ces ports, le plus important jusqu’à présent
a été Tamatave (fig. 4, page 722) où s'arrêtent
annuellement une quarantaine de vapeurs, 20 à
30 voiliers et environ 150 côtiers, représentant en
tout à peu près 75.000 tonneaux. Ces navires sont
francais, anglais, allemands et américains du Nord.
Le port de Majunga prendra probablement, après
la guerre, une place qu'il n'avait pas jusqu'ici; en
dehors d’un vapeur français qui faisait un service
régulier avec Nossi-Bé et la côte occidentale, il ne
recevait habituellement que des boutres et des
goélettes.
Des communications maritimes régulières re-
lient Madagascar à l'Europe, à l'Afrique et aux iles
voisines, Maurice et la Réunion. Elles sont assurées
par les vapeurs des Messageries maritimes, de la
Compagnie havraise péninsulaire et de l'Union and
Castle lines Company.
o Fig, 2, — Rade d'Helleville à Nossi-Bé. — [Vue prise de l'Agence des Messageries Marilimes
|
6
À
°
4
:
x
L
M à
2 hi
— Barques pour le transport des voyageurs et des paquels sur la rivière llkopa.
F . FOUCART — L'ÉTAT
DU COMMERCE A MADAGASCAR 121
nn. paquebots des Uessageries maritimes (carte
Fa 651) partent de Marseille le 12 de chaque mois
el, après avoir louché à Port-Saïd, Suez, Obock,
Aden, Zanzibar, Mayotte et Nossi-Bé, font escale
à Diego-Suarez, à Sainte-Marie de Médagasuar el
à Tamalave; le trajet jusqu'à ce dernier point du-
rait 26 jours. Le bateau allait ensuite à Maurice
et à la Réunion.
. On peutaussi aller à Madagascar parune voie indi-
ecle en empruntant jusqu'à Mahé le paquebot d'Aus-
brulie partant de Marseille le 1° de chaque mois; de
fahé un vapeur annexe conduit à la Réunion, où
Von prend au retour le paquebot de la ligne directe.
Actuellement cesilinéraires sont un peu modi-
iés ; les paquebols des /essageries maritimes vont
irectement à Majunga, tandis qu'avant la guerre
ranco-hova, ce port n'élait relié que par un pelil
apeur parlaut de Nossi-Bé, s’arrêlant d'abord à
Morolsanga et allant ensuite à Maintirano, Moron-
Ava, cap Saint-Vincent et Nossi-Vé, desservant
nsi les ports principaux de la eôle occidentale de
Madagascar. #
; Le prix du voyage de Marseille à Tamatave est
- de 1:450 fr. en première, de 915 fr. en seconde el
de 450 fr. en troisième. Pour les marchandises, le
fret pär mêtre cube ou par 1.000 kilogrammes
varie de 48 à G0 fr. suivant les calégories de mar-
.chandises, Les pelils colis sont transportés d’après
44
un larif spécial, qui est proportionnellement plus
- La Compagnie havraise péninsulaire à également
un service direct pour Madagascar; les navires,
deaux-Pauliac et à Marseille. Les escales sont
suite les mêmes que celles des bateaux des
Messageries, sauf celles de Mayotte et de Nossi-Bé,
qui nexislent pas. Acluellement la Compagnie
Wawraise péninsulaire dessert directement Majunga,
arrive fréquemment que ce lemps n'est pas suf-
sant pour débarquer toutes les marchandises
qu'ils doivent déposer dans le port; ils ne les remel-
nt au destinataire qu'au relour. De là des retards
| rès préjudiciables, qui font que les commerçants
| Bréfèrent souvent l’autre ligne.
— Par les voiliers, le prix de fret d'Europe à Ma-
dägascar varie entre 30 et 35 fr. par tonneau pour
les chargements en plein. Les vapeurs aflrétés en
4 vue de l'expédition ont fait le transport du maté-
|
riel de guerre à un prix sensiblement plus haut.
Les bateaux de l'Union and Custle lines, qui par-
tent de Southampton pour Madère et le Cap. vont
toules les quatre semaines à Madagascar; le porl
desservi est Tamalave ou Vatomandry; depuis
deux ans, certains navires anglais font même
escale à Fort-Dauphin.
Câble de Majunya à Mozambique. — C'est seule-
ment depuis quelques mois que l'ile de Mada-
gascar est reliée au réseau (élégraphique uni-
versel par un câble qui va de Majunga à Mozam-
bique, où il se rattache aux lignes de l'Zustern and
South African (®?. Ge càble pour lequel une dépense
de trois millions avait élé prévue dans les crédits
demandés aux Chambres en vue de l'expédition.
fonctionne depuis le commencement d'avril.
$ 2. — Communications intérieures.
A l’intérieur de Madagascar, les communicalions
par les voies terresires et par les voies fluviales
sont très difficiles.
Voies fluviales. — En général, les fleuves ne sont
pas navigables ou ne le sont que dans une partie
limitée de leur cours. Ceux du versant oriental.
notamment, sont fréquemment inlerrompus par
des cascades et par des chutes: la rapidité de leur
pente el l'irrégularilé de leur profondeur empêé-
chent qu’ils puissent rendre de grands services:
d’ailleurs, sauf le Mangoro el le Mananara, ils
prennent leur source à peu de distance de la mer.
se jelant dans
plus long et
Les fleuves de l'ouest Ex. :
le canal de Mozambique, ont un cours
débilent un plus fort volume d'eau. Le Betsiboka
el le Tsiribihina, nolamment, une fois descendus
du Massif central, où ils prennent naissance, cou-
lent dans la plaine sakalave sans ètre coupés par
trop d’obslacles. Ils sont alors navigables pour
des embarcalions ayant un faible Lirant d'eau.
Le Belsiboka, qui a son embouchure près d’une
grande ville (Majunga) et dans une grande rade,
conslilue la plus importante voie de pénétlralion ;
pendant une partie de l’année, le plan d’eau au-
dessus des seuils rocheux, est assez haut pour que
des chaloupes à vapeur puissent faire un service
régulier entre Majunga et Mevalanana, à environ
140 kilomètres de la côle: pendant les mois de la
le fleuve cesse d'être navigable à
fig 3
saison sèche,
Marowoay.
Le plan de la campagne actuelle comportait une
large ulilisalion du Belsiboka, qui permel de faire
par eau le tiers environ du trajet entre Majunga el
Tananarive ; par suite de retards dans le {ransport
et dans le montage du matériel qui devail être em-
ployé. nos troupes ont élé forcées de s'en passer el
“d1n)DtUDI 2p 1Dn() 19 Sy204 —
FOUCART — L'ÉTAT
122 CG.
DU COMMERCE
A MADAGASCAR
d'effectuer dans les régions côlières, qui sont les
plus chaudes el les moins saines, une marche
longue et
fatigante.
Sur le Massif central, cerlains cours d'eau peuvent
servir aux transports; c'est ainsi que les matériaux
de construction
parviennent à Tananarive par
la rivière l'Ikopa.
Sur la côle orientale, il existe, à une petite dis=
lance de la mer, une ligne presque continue de la
gunes, qui s'élend sur plus de 300 kilomètres dem
me ee Ces au sont navigables et ne sonb
dec ouper; on nn ainsi es de Fe aval j
et le surcroit de dépense qu'occasionnent actuelle:
ment le débarquement des marchandises et leur
lions qui les contenaient, jusqu’au point où les pi
rogues peuvent êlre remises à flot.
Communications par terre. — Par suite de la na
Lure et du relief du sol de la plus grande partie
de Madagascar, les communications par terre sont
pénibles: Aucun travail n'a été fait jusqu'à présent
pour rendre plus commodes la traversée des forêts,
l'ascension des montagnes, le passage des marais
et des rivières. Il n'existe ni routes, ni ponts. Dés
simples pistes, capricieusement tracées, nullement
entretenues, résultant uniquement d'un parcours.
répélé sur les mêmes points, relient les village |
et donnent accès à l'intérieur du pays. Elles son
encombrées d'obstaclés, ravinées par les pluies
toutes les dénivellations du terrains
Durant lhivernage, elles deviennent vérila Ie
ment impraticables, particulièrement dans less
régions accidentées de la forêt, où les montées”
et les descentes se succèdent sans interruption.
un tronc d'arbre
est quelquerois jeté d'une rive à l'autre, si la diss
et suivent
A la rencontre des 2ours d'eau,
n'en existe-L-il pas à Madagascar. Quant aux anis
maux, jusqu à présent ils n’ont élé employés qu
d'une manière exceplionnelle pour le transport
des marchandises el des voyageurs, lequel se fai
Loujours à dos d'homme.
Les marchandises sont presque forcément dis
lribuées en un grand rombre de paquets. En géné
ral, un homme est nécessaire pour 40 à 50 kilos
grammes, el le fardeau doit, autant que possibles
élre divisé en deux parties, qu'on allache au“
norme TA
. Quand le colis
estindivisible,on réunit la charge de deux hommes.
extrémilés d'un long el gros bambou,
placé sur l'épaule du porteur fig. à
el on suspend le fout au milieu d’un bälon porté à
lourd, 1e
transport devient diflicile el même impralicables
chaque bout. Lorsque l'objel est très
Les porteurs ainsi chargés ne peuvent faire que
des étapes variant entre 15 el 20 kilomètres par
jour. Ils s'appuient, en marchant, sur une sagait
DUDYDpPUF D DD 2p Sa4qA 9) SANOJU0Y — ‘QG ‘TM
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IS. 8 o0pjjpia un SUDp 2)j5y jupsin{ sjonbod ap
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.
Le
126
G. FOUCART — L'ÉTAT DU
COMMERCE À MADAGASCAR
dont l'extrémité opposée à la pointe est garnie d’un
fer aplati servant à tailler des gradins dans l'argile
glissante des mon-
lées.
Les poids indiqués
précédemment se
rapportent aux mar-
chandises propre -
ment dites. Quand un
transport rapide est
nécessaire,parexem-
ple quand
de bagages accom-
pagnant des voya -
geurs, les porteurs
ne doivent pas être
chargés de plus de
20 à 25 kilogrammes ;
dans ces conditions.
ils peuvent, sur les
sentiers frayés, par-
courir 50 kilomètres
par jour.
Pourlesvoyageurs.
le véhicule adopté
est le #lanjana, formé
de deux brancards de
trois mètres de lon-
gueur soutenant vers
le milieu un siège en
il s’agit
loile fig. 7 et 9). Quatre hommes, deux à l'avant,
deux à l'arrière, soutiennent l'appareil sur les
Fig.
épaules. Dans les grands trajets. on emmène six à
huitporteurs qui se relaient, même en courant, sans
Fig. S. — Passeur Belsimisaraka opérant la traversée, d'une rive à l'autre.
dans les rivières peu profondes de la côte Est.
à eux.
9. — Passage, en filanjana, du pont conduisant à Mandrossa, dans l'Imérinu.
que le voyageur éprouve de trop fortes secousses:
Les porteurs de filanjana ont besoin de beaucoup
de prévenances pour les voyageurs qui se confient
Prix des transports par terre. — Pour donner ut
aperçu des prix des transports, je prendrai comme.
de vigueur el so
toujours des hommes
jeunes; on n’en voil
que rarement ayanl
plus de 23 ou 24 ans.
Plus tard ils se font
porteurs de marchan:
dises et exercent ce
métier jusqu'à l’âge
de 50 ou 55 ans.
Les Malgaches qui
font les transports se
nomment borizany @l
formentune corpora
lion assurant, au
moyende cotisations;
certains avantages à
ses membres, Par
leur entente, ils arri-
vent à maintenir le
prix des transports à
un taux relativement
élevé: maisilest juste
de dire qu'ils pren-
nent toujours soin
des marchandises qui
leur sont remises el
qu'ils sont remplis
ns Se LT GR Cat D GS SE ÉD A7 La al in
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR 127
exemple la route de Tamalave à Tananarive, qui
est la plus fréquentée de l'ile. Les porteurs se
“paient à forfait 17 fr. 50 à la montée et 12 fr. 30 à
la descente, soil, en moyenne, 45 francs pour un
- parcours d'environ 300 kilomètres: en admet-
‘ tant une charge de 40 kilogrammes par homme, le
prix de transport de la tonne est de 375 ee
ou 1 fr. 25 la tonne kilométrique. En réalité, le prix
-est plus élevé à cause des emballages qui repré-
entent un poids mort notable.
- En faisant le même calcul pour la route de Ma-
junga à Tananarive, qui a 440 kilomètres, et pour
laquelle les porteurs exigent rarement moins de
25 francs, on arrive àenviron 1 fr. 50 pour la tonne
kilométrique. La différence vient de ce que cette
roule est moins sûre que l’autre, et de ce que les
porteursn'aiment pasà lasuivre à cause des cailloux
“quartzeux qui, dans certaines parties du trajet, ren-
dent la marche pénible et même dangereuse.
Un voyageur qui se rend de Tamatave à Tanana-
—ive est forcé d'emmener huit hommespour le filan-
-jana et quatre au moins pour les bagages, les pro:
. visions, le couchage et la batterie de cuisine. Avec
les frais accessoires, la dépense est d'au moins
x 250 francs.
_ En ce qui concerne spécialement les marchandi-
ses, ces prix élevés, qui s'accroissent encore pour les
outes peu fréquentées, ont mis jusqu'à présent le
commerce dans des conditions défavorables.Seuls,
es produits ayant une grande valeur et un faible
poids peuvent arriver à la côte pour être exportés,
sans être grevés de frais rendant tout bénéfice im-
possible. Dans l’état actuel des choses il ne faut pas
songer, par exemple, à exporter le riz, bien qu'il
soit à bas prix et très abondant dans l’Imérina.
Les mêmes raisonsempêchent d'envoyer dans le
entre del’ile certaines marchandises qui y seraient
très appréciées. La verrerie, les ustensiles de mé-
nage en porcelaine et en faïence auraient certaine-
entun grand débitchezles Hovas, sil’onpouvaitles
vendre à un prix serapprochantde leur valeurréelle
e fabrication; actuellement les frais de transport
ésultant du poids et de la fragilité de ces produits
majorent trop fortement le prix de vente.
La difficulté des MÉDIANE explique aussi le bon
marché de la vie à Tananarive pour celui qui se
ontente de ce que le pays fournit. L'Imérina est
une région de grande production, dont toutes les
denrées doivent être consommées sur place. La
nourriture d'un indigène ne lui coûte pas deux sous
par jour ; mais l’Européen qui mange du pain, qui
oit du vin, dépense au moins dix fois plus.
Mouvement des marchandises entre les côtes et l'in-
_ lérieur. — Tout en étant forcément limité, le mou-
_vement des marchandises entre les côtes et l’inté-
rieur est assez actif. Certains produits, tels que le
caoutchouc, les cuirs, le raphia à l'exportation, les
étoffes, les liquides, le sel el beaucoup de menus
articles peuvent supporter des frais de transport
élevés. Les premiers n'ont pas d'usages dans le
pays ou n'y trouveraient que des débouchés insuf-
fisants ; les seconds sont devenus des objets de pre-
mière nécessité pour la plupart des populations de
l'intérieur : c’est ainsi que, chez les Hovas et dans
plusieurs autres tribus, les cotonnades importées
ont complètement remplacé les tissus‘indigènes.
Les évaluations qu'on a faites de l'importance du
trafic entre Tamatave, port principal de Madagas-
car, et Tananarive, centre considérable de produc-
tion et de consommation, sont assez variables. En
me basant sur le nombre des porteurs qui arrivent
journellement aux points extrêmes de la roule, je
l'ai fixé à environ 6.000 kilogrammes par jour à la
descente et à la montée, au tolal, environ
4.300 tonnes par an. Pour avoir le tonnage global
des transports entre les côtes et l Imérina, il fau-
drait y ajouter le trafic qui se fait avec Vatomandry
et Mahanoro sur la côte orientale. Quant à la route
de Majunga, ce qui y passait jusqu'ici était insigni-
fiant. Il n'y avait de mouvement commercial appré-
ciable qu'entre Majunga et Mevatanana.
soit.
Eventualité d'une voie ferrée. — Même si l'on
double le chiffre indiqué, le tonnage esl bien
faible pour alimenter un chemin de fer reliant
la côte à la capitale; il est faible surlout si l’on
considère que l'établissement d'une voie ferrée
rencontrerait des difficultés techniques coûteuses
à surmonter ; quels que soient le tracé et le sys-
tème adoptés, le mouvement des lerres et les ou-
vrages d'art entraineraient d'énormes dépenses. Il
est vrai que l'existence d’une voie rapide, commode
et plus économique, développerait certainement
le trafic actuel ; mais il semble difficile qu'avant un
temps assez long, un chemin de fer puisse être
exploité sans une garantie d'intérêt du capital en-
gagé dans la construction. C’est ce que visent pro-
bablement ceux qui ont présenté des projels, et
c'est ce qu'il faudra accorder à celui qui en exécu-
tera un, si, pour des motifs politiques et militaires,
plutôt encore que commerciaux, on se décide à
établir immédiatement un chemin de fer. Dans ce
cas, il se ferait probablement sur le versant occi-
dental; le trajet serait plus long que par la côte
est, mais les difficultés seraient moindres.
La conséquence d'une telle décision serait, à
brève échéance, la ruine de Tamatave, que sup-
planterait Majunga. On peut donc s'attendre à des
luttes ardentes quand la question sera soulevée.
Routes à construire. — Qu'on fasse ou non ce che-
128 FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR
min de fer, il faudra construire des routes ; elles | accessoires, s'imposent également.
sont indispensables et elles peuvent suffire pour | est un pays où, au point de vue des travaux
tenir le pays au point de vue militaire et pour en
lirer parti commercialement.
Ces routes pourront êlre élablies économique-
ment au moyen de la corvée, forme d’impôl à la-
quelle les Malgaches sont habitués et dont le
général Metzinger s’est peut-être trop pressé d'an-
noncer la suppression dans la proclamation qu'il
leur a adressée en arrivant à Madagascar. En évi-
tant, bien entendu, les abus que les Hovas ont faits
dans ces dernières années de cette institution, en
donnant même aux travailleurs une légère done
nité, on aura la main-d'œuvre suflisante pour
transformer rapidement les sentiers en routes per-
mettant la cireulalion des voitures ou, au moins,
dans certains cas, des mulets et des bœufs por-
leurs.
Sans parler des premiers de ces animaux, qui, de
méme que les ânes et les chevaux, vivent bien à
Madagascar, quoiqu'on ait dit le contraire au dé-
but de l'expédition, les bœufs pourront, quand ils
auront été dressés, rendre.de grands services pour
les transports. [ls sont nombreux dans le pays el
appartiennent à une race robuste et rustique.
Même sans l'éducation spéciale, qui est indispen-
sable, ils ont été d’une sérieuse utilité à la colonne
qui est descendue de Tananarive à Majunga en
novembre dernier.
Pour le tracé des routes, il suffira le plus souvent
de partir, en y faisant les modifications et les amé-
liorations nécessaires, des sentiers actuels, qui cor-
respondent à des courants commerciaux établis
depuis longtemps. Parmi les plus importants, on
peut citer les chemins qui relient Tananarive à
Tamalave, par Moramanga et Andovoranto {avec
une bifurcation vers Vatomandry, à partir d'Irihi-
tra) ; à Mahanoro, par Beparasy et Anosibe; à Am-
batondrazaka et au lac Alaotra, par Mandanivatzy ;
à Majunga, par Mevatanana ; à Fianarantsoa, par
Ambositra ; à Ankavandra, à Betafo et à Thosy. La
Fianarantsoa à Mananjary, par Alaka-
misy et Tsiatosika, est aussi assez fréquentée, ainsi
que des pistes côtières restant à peu de distance de
la mer; ces dernières, parcourant des terrains plals
sont relativement assez praticables et sont faciles
route de
à meltre en bon état.
Autres travaux publics à effectuer, — Ues lravaux,
dont il faudra entreprendre l'exécution à bref
délai, Pour
ne parler que des principaux el de ceux qui on!
sont loin d'être les seuls nécessaires.
une influence directe sur le développement du
commerce, Ja construction de ponts, l'installa-
lion de bacs, l'amélioration de certaines voies
fluviales, la création des ports, avec tous leurs
_il installe un télégraphe. Quand nos troupes oo
Madagascar
publies, tout est à faire.
Ce vaste programme reçoit déjà en ce moment
un commencement de réalisation. Comme trace
visible et persistante de son passage, le corps ex-
péditionnaire qui se dirige sur Tananarive laissera
une routeet des ponts; un wharf a été élabli à
Majunga et, en quelques mois, la ville a été trans-
formée. C’estun bon exemple pour l’avenir ; quand
ceux qui combattent seront remplacés par ceux
qui administrent, ceux-ci n'auront qu'à suivre cel
exemple et ils ne devront jamais perdre de vue
qu'à notre époque un pays ne peut se développer
au point de vue économique que s’il possède un
oulillage lui permettant d'entrer en lulte avec ses
concurrents dans de bonnes conditions.
$ 3, — Postes et télégraphes à l'intérieur de l'ile.
L'organisation du service postal et l’établisse-
ment d'une ligne télégraphique allant jusqu’à la
capitale sont à peu près les seules choses qu'on
puisse meltre à l'actif du protectoral qui à fonc-, ,
lionné à Madagascar de 1885 à 189%.
La ligne télégraphique, Lerminée en 1887, suit à
peu près, entre Tamatave et Tananarive, la route
habituelle, dont elle évite seulement quelques dé-.
tours. En dehors des bureaux extrêmes, Lenus par
des employés francais, il existe, avec des employés
indigènes, un bureau intermédiaire à Tanimandry,
ville voisine d'Andovoranto, ainsi que des poses
de coupure à Moramanga et à Beforona.
Le tarif était de 0 fr. 25 par mot,et la Laxe mini
mum perçue pour une dépêche, de 2 fr. 50.
A mesure que le corps expédilionnaire avance,
F
à Tananarive, la ligne reliée à celle du versant,
oriental, — qui actuellement est coupée, — éta=
blira, dans le prolongement du càble allant à.
Mozambique, une communication continue de
l'ouest à l’est de Pile.
Le service postal, placé sous l'autorité du Rési-
dent général, qui l'avait établi, était fait par des
agents de l'Administration française, par le pers,
sonnel des résidences, par les représentants du,
Comptoir National dE rompte par des fonctionnaires \
hovas et enfin par des particuliers. |
Tamatave, Tananarive, Majunga, Nossi-Vé et.
Fianarantsoa possédaient des bureaux de plein
exercice ; des bureaux auxiliaires et des entrepôls
existaient dans un nombre de localités, n
principalement sur les côtes. .
Étant données les ressources dont on disposait"
el les conditions particulières du pays, le service
était bien fait et répondait à tous les besoins. Les
courriers parlaientrégulièrementel, en général, ar-
Cr de
cerlain
G. FOUCART — L’ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR
129
| rivaient dans les délais prévus. Ils élaient dirigés
par des Zsimandou, messagers du gouvernement
.- hova qui réquisilionnaient des hommes dans les
villages pour porter les paquets.
Sur la ligne de Tamatave à Tananarive, il yavait,
dans chaque sens, un courrier par semaine et un
courrier supplémentaire correspondant avec le
| passage du paquebol-poste. De même, sur la ligne
- de Tamatave à Mananjary, qui desservait la côte.
Un courrier par semaine établit les commu-
nications entre Fianarantsoa et Mananjary :
Un courrier par mois entre Tananarive et Fia-
. naran{soa, entre Tamatave et Fénoarivo; :
Un courrier par mois entre Tananarive et Ma-
junga, entre Vohimarina et Diego-Suarez.
Après l'expédition, il n'y aura qu'à réorganiser
le service sur les mêmes bases et à l’étendre à
mesure que les besoins le nécessiteront.
IT. — IMPORTANCE DES PRODUITS INDIGÈNES.
L'ile de Madagascar produit ou peut produire
-tout ce qui est nécessaire aux besoins de ses habi-
tants el fail des importations susceptibles de
prendre une grande extension. C'est done un pays
… appelé à devenir riche.
ÿ - Toutefois, il ne faut pas, ainsi qu'on l’a fait trop
“souvent, exagérer cette richesse future. Le sol est
“loin d'avoir la fertilité merveilleuse dont parlent
nou d'enthousiasles qui ne l'ont jamais vu
et qui le représentent comme n'attendant qu'un
“coup de bêche pour laisser jaillir des trésors. Les
ressources minérales qu’il renferme exigent, pour
être mises au jour, beaucoup de travail, aussi bien
que sa culture et l’élevage des animaux qu'il peut
nourrir. Dans les régions où règne déjà une cer-
laine aisance, l'indigène se donne de la peine, et le
colon qui ira à Madagascar doit s'attendre égale-
ment à en prendre. Il y trouvera seulement, ainsi
qu'on le verra par l'exposé des productions du
pays, un vaste champ ouvert à son activité.
$ {. — Produits mineraux.
Le sol renferme un grand nombre de gites
métallifères qui, non seulement ne sont pas
xploités, mais encore ne sont pas bien connus. Le
ouvernementHova, loin d'en favoriser la recherche
et l'étude, a, à plusieurs reprises, édicté des peines
Sévères contre ceux qui l’entreprendraient.
L'or est abondant, particulièrement dans l’Anka-
ratra, dans l’ouest à Mevatanana, dans le voisi-
age du lac Itasy et dans le Betsileo. Il est exploité
Soit en cachette par les indigènes pourleur propre
compte, soit par le gouvernement Hova, soit par
des Européens qui ont recu de lui des concessions
moyennant la promesse d'une partie des produits.
Êe REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
La question des mines d'or étant trailée dans
un article spécial, je ne m'y appesantirai pas. Je
remarquerai seulement qu’une heureuse influence
sera exercée sur la colonisation par l'existence de
ces mines, qui attireront des capitaux à Madagas-
car et qui permettront, avec la part des bénéfices
légitimement réservée à l'administration locale,
. d'exécuter d'uliles travaux publics sans qu'il en
coûte rien à la métropole.
Dans le sud de l’Imérina existent des gisements
de galène argentifère; on a également signalé l’ar-
gent dans la région du lac Alaotra.
Le cuivre se trouve au sud d’Ambositra à Amba-
tofangahena et dans l’ouest à peu de distance de
Mojanga.
Quant au fer, les minerais qui le contiennent se
rencontrent partout; les plus riches sont dans
l’Imérina, le Betsileo et le Menabé. Les indigènes
connaissent depuis longtemps l’art d'extraire et de
travailler le métal : ils emploient des procédés se
rapprochant de la méthode catalane et façonnent
le fer en masses et en barres, que les forgerons’
transforment ensuite en outils pour les différents
métiers et en ustensiles agricoles.
Les combustibles minéraux existent à Anbavatoby
dansla baie d’Ampassindava, mais en couches d’une
trop faible puissance pour être utilement exploi-
tables. La nature du terrain dans la plus grande
partie de Madagascar ne permet pas d'espérer
qu'on y puisse trouver de la houille. La force
motrice indispensable pour les diverses industries
qui s’établirontdansle pays devra donc être fournie
par des machines à vapeur alimentées au bois ou
par les nombreuses chutes d’eau des régions mon-
tagneuses.
Dans le voyage qu'il terminé récemment,
M. Gautier a vu, près d'Ankavandra, des sources de
bitume qui lui donnent lieu de croire que le pétrole
existe à Madagascar.
Bien qu'en dehors du Massif central et de quel-
ques autres points les habitations se fassent ordi-
nairement en bois, les matériaux de construction
ne manquent pas dans le sol.
Le granit et le gneiss sont les roches les plus
communes. On exploite les carrières par un pro-
cédé indigène, qui consiste à étendre surla pierre
une couche de bouse de vache séchée, qu'on fait
brüler lentement pendant un temps plus ou moins
long ;on oblient ainsi des morceaux d'une grande
régularité d'épaisseur et dont les dimensions ne
sont limitées que par les difficultés du transport ;
dans les tombeaux hovas on voit souvent des dalles
pesant plusieurs milliers de kilogrammes, et les
pierres dressées qu’on rencontre dans beaucoup de
parties du pays n’ont pas un poids moindre.
Par suite du travail qu'exige la taille, le granit
L5*kxxx+
730
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR
est assez coûteux, même dans les régions où il est
le plus abondant; aussi en limile-t-on, autant que
possible, l'emploi dansles constructions ordinaires;
à Tananarive on ne fait en pierre que les soubas-
sements, les seuils, les appuis de fenêtre et les
colonnes soutenant les balcons extérieurs.
Les calcaires se lrouvent en masses plus ou
moins considérables au milieu du terrain primitif,
notamment à l’est de la capitale, à Andranolanitra,
à l'ouest d’Ambositra et dans le sud à Helakelaka
près de Fort-Dauphin. Ils abondent dans le ter-
rain secondaire, qui constitue le sol de toute la
Les constructions en pisé se font par assises de
0,50 à 0®,70 de hauteur ; comme elles n’oppose-
raient pas une suffisante résistance aux pluies,
elles sont recouvertes extérieurement d’un enduit
dans lequel il entre de la bouse de vache,
Les briques crues, qui reviennent à environ 2 fr. 50
le mille, sont moulées à la main, séchées au soleil,
et façonnées généralement sur le lieu d'emploi.
Les briques euiles sont plus résistantes, mais beau-
si oméiiné cime tt
coup plus chères, La fabrication, limitée actuelle- «
ment au centre de l'ile, pourrait se faire partout où
existe la malière première.
Fig. 10, — Village de Bücherons, à la lisière de la grande forêt de l'Est.
partie occidentale de l'ile, et ils sont exploités en
quelques points. À Majunga, beaucoup de maisons
sont en pierre.
Il existe aussi des grès, des schistes ardoisiers,
des diorites et des syénites, des travertins, qui
seraient utilisables. Les basaltes émergent dans
beaucoup d’endroits et forment des massifs énor-
mes à la limite de l’Imérina et du Betsileo, ainsi
qu'au sud chez les Antandroy.
La chaux, qu’on fabrique dans le centre, est de
mauvaise qualité el se vend à un prix élevé; elle
vient surtout d'Antsirahé,
L'argile, qui, dans une grande partie de l’île,
forme la couche superficielle du sol, est employée
dans l’Imérina pour faire des constructions en pisé
terre comprimée) el des briques.
Les tuiles que font les Hovas sont poreuses, irré-"
gulières de forme et lourdes. Aussi préfère-t-on
généralement les feuilles de kerana pour la couver-
ture des maisons.
Les poteries fabriquées dans l’Imérina et dans
les autres provinces sont aussi de qualité médio-
cre ; elles sont perméables aux liquides et résistent”
mal au feu. Les essais tentés depuis quelques
années par les Européens montrent que ces dé-
fauts tiennent à l'emploi de procédés vicieux el
non à la matière première.
$ 2. — Produits végétaux.
Au point de vue de l'avenir du pays, les produc-
Lions végétales sont celles qui ont le plus d’impors
tance. L'exploitation des ressources naturelles
l
i
|
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR
731
que renferment les forêts et le développement de
l’agriculture doivent être, surtout au début, les
principaux objectifs des colons.
Les forêts, dont la répartition a été indiquée ci-
dessus (page 671) par M. Caustier, renferment une
grande variété d’essences dont il est inutile de
citer les noms. Je dirai seulement qu’on y trouve
de l'ébène, du palissandre, du teck et beaucoup
de bois précieux pour la marine, la charpente, la
menuiserie, l’ébénisterie; plusieurs de ces bois, à
rieusement mises en valeur et qui fournissent des
produits pour l'exportation.
En dehors de ce commerce avec l'extérieur, qui
prendra certainement plus tard un grand dévelop-
pement, il y aurait aussi intérêt à exploiter les
forêts du côté du centre en vue de l’approvisionne-
ment de la capitale. Actuellement, iln’y arrive que
des bois débités d’une manière absolument défec-
tueuse et provenant de la forêt d’Ankeramadinika,
qui est la plus proche. Les bücherons (fig. 10) ne se
Fig. 11. — Case malgache aux environs de Diego-Suarez.
cause de leurs vives couleurs, sont déjà employés,
en Europe, dans la construction des wagons et
voitures de luxe.
La difficulté des transports a rendu presque im-
possible, jusqu'à présent, l'exploitation des forêts.
Dans ces dernières années, un grand nombre de
concessions ont élé accordées par le gouverne-
ment Hova à des étrangers; la plupart ont dû les
abandonner ou ne font quelques travaux que pour
conserver des tilres à l'indemnité qu'ils espèrent
qu’on leur versera quand ils seront dépossédés. Il
ny a guère que les forêts voisines de la mer,
comme celles de la baie d’Antongil, qui soient sé-
servent pas de la scie de long; avec leurs instru-
ments primitifs, ils ne tirent d’un tronc d'arbre
qu'une solive ou une planche, dont ils diminuent
autant que possible la section pour n'avoir pas un
poids trop lourd à porter.
Les anciennes cases étant en char-
pente, les ouvriers de l’Imérina ont conservé cer-
taines traditions, et on en trouve lravaillant con-
venablement le bois.
Certains arbres de grandes dimensions, pa:
exemple la ravinala sur le versant oriental, le
sakoa et le satrana dans l’ouest, poussent en de-
hors des forêts, et sont employés par les indigènes
hovas
132 G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR
BE LT CA I RO Te
5
a à la construction des cases (fig.
5 11). Cest aussi avec ces maté-
| riaux que les colons, installés
loin des centres, devront éle-
ver leurs habitations, qu'ils.
pourront rendre suffisamment
confortäbles en introduisant
quelques modifications dans
l'architecture malgache.
Le caoutchouc est, dès à pré-
sent, un des plus importants
articles d'exportation de Ma-
dagascar. Il provient soit de
plantes sarmenteuses et de.
lianes qui croissent dans les
zones foreslières, soit d’un.
liguier, soit d’une euphorbia-
cée très répandue dans les.
forêts épineuses du sud.
Pour la récolte, on incise les
arbustes et on coupe les lianes.
Le latex recueilli dans un vase
est coagulé par le jus de ci-
S
=
à
e
2
=:
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&
=
2
=
PA
&
à
En
PA
_
œ
>
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<
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"
V2
Le]
? tron, par le se] marin et quel-
Es quefois par l'acide sulfurique.
Es Le caoutchouc de Madagas-
Eu car, el qu'il est préparé ac-
ci tuellement par les indigènes,
F8 contient de l'humidité et des
85 impurelés souvent ajoutées
avecintention. C’estce quiem-
pêche le produit d’atteindre
un prix élevé sur les marchés
européens.
A Tamatave, le caoutchouc.
du nord vaut 4 fr. 50 à 5 francs
le kilogramme , tandis qu'à
Fort-Dauphin, le caoutchouc
du sud, qui estde moins bonne
qualité , se vend seulement
2 fr. 50. Depuis que ce dernier.
a été découvert, l'exportation
lolale doit alleindre 4 à 5 mil-
lions.
Dans les régions où le caout-
choucestproduitparuneliane,
il faudrait arriver à empêcher
les indigènes de la détruire,
comme ils le font souvent, en
coupant les racines, où ils trou-
vent une certaine quantité d
suc; dans celles où il provient
d'un arbre, il faudrait appren=
dre aux Malgaches d'autre
méthodes de préparation; on
emploierait peut-être avec sue
Ed
Le
=
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œ
=
Le]
‘104 05 ‘orqdersojoqd
o91n0qu9
op
QUO EL ‘eanpioa op sjonbno(
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR
133
- cès le procédé du fumage, qui donne de si bons
résullats au Para.
La gomme copal est produite par des arbres le
plus souvent réunis en groupes dans le voisinage
de la mer. La gomme, qui suinte‘par des incisions
pratiquées dans le tronc ou qui s’accumule entre
_ les racines, est recueillie par les indigènes, triée et
nettoyée par eux, puis vendue aux commercants
européens. Tamalave en exporte annuellement
_ pour une quarantaine de mille francs. Autrefois le
copal était plus abondant, mais beaucoup d'arbres
_ ontété détruits par le feu. Dans l’ouest, il y a,
- parait-il, des copaliers encore inexploités.
_ Le rofia vient aussi d'un arbre qu’on trouve en
_ dehors des forêts. Les grandes feuiiles penninerves
de ce palmier, divisées en étroites lanières et dé-
barrassées de la partie qui constitue les parois
externes, fournit une fibre qu’on exporte en Europe,
où elle est employée par les jardiniers et les viti-
culteurs pour lier les plantes.
Le rofia se vend sur la côte environ 40 francs les
100 kilogrammes; à cause de son grand volume,
»il arrive en Angleterre et en France grevé de frais
de transport considérables.
- Dans le pays, le rofia est employé pour la fabri-
cation d’étoffes, nommées rabanes, servant à faire
- des vêtements et des sacs ; ces sacs sont exportés
à Maurice et à la Réunion. Certaines rabanes
- lissées dans l’Imérina et ornées de raies de diverses
- couleur sont employées en France dans l’ameu-
. blement.
- Leyiz, base de la nourriture des Malgaches, est
-
cultivé dans la plus grande partie du pays, mais
nulle part aussi bien que chez les Hovas. Dans les
vallées où s’est accumulée de la terre végétale, ils
ont établi des rizières (fig. 12) qui sont aménagées
de manière à mettre les plantes dans les conditions
d'humidité et de sécheresse dont elles ont succes-
sivement besoin pourfournir d'abondantesrécoltes.
Le riz est conservé en paille dans des greniers ou
dans des silos et il est décortiqué par le pilage
dans un mortier au moment de l'emploi (fig. 43).
Dans les autres régions, le riz est planté sur les
coteaux; quand le sol est épuisé, les Malgaches
cherchent un nouveau terrain, qu'ils préparent
Fig. 13. — Femmes Belsiléos d'Ambalomainty pilant du riz (Sud de Madagascar).
trop souvent en incendiant des parties de la forêt.
Il existe deux espèces principales de riz : le blanc
et le rouge. À Tananarive, le premier, qui est le
plus cher, vaut, décortiqué, environ 0 fr. 40 le
kilogramme. Sur la côte, les prix sont sensiblement
plus élevés.
Le blé ne peut pousser que dans le Massif central,
à une altitude de 1.200 à 1.500 mètres. Des essais
sérieux donnent lieu de croire que cette culture
pourra prendre du développement quand l’oceu-
pation française amènera la présence à Tana-
narive d’une plus importante population euro-
péenne qui, seule, consommera du pain.
Au moment où les hostilités ont commencé, un
moulin pour la préparation de la farine était en
construction aux environs de Tananarive; il devait
être actionné par les eaux de l’Ikopa.
Le mais réussit dans plusieurs régions, mais il
n’a jamais été cultivé qu’en petite quantité.
d'inondation (dans l’Imérina
Fig. 14. — Repiquage pratique par des femmes dans une grande rizière }
è Le manioc, dont la racine tuberculeuse entre dans
l'alimentation indigère, vient presque partout.
… Cultivé en grand, il donnerait la matière première
… pour la préparation du tapioca.
“ La plupart de nos légumes ont été acclimatés
- dans le Massif central, où ils trouvent une tempé-
- rature suffisamment basse. Les arbres fruitiers
…— d'Europe réussissent moins bien; néanmoins le
figuier et le pêcher sont assez répandus; la vigne
- exige de grands soins et ne tarde pas à dégénérer.
Les fruits indigènes et tropicaux sont nombreux :
- à l'intérieur on trouve des ananas, des oranges,
- des citrons, des bananes, des mangues, des bi-
. basses. Le pamplemoussier, le jacquier, l’arbre à
- pain, l’avocatier ne prospèrent que dans certaines
parties du littoral.
Quelques fruits de Madagascar pourraient cer-
lainement recevoir des applications industrielles
ou servir à la fabrication de conserves, qu'on
_exporterail.
La canne à sucre, dont nous n’avons pas à parler,
- après M. de Faymoreau, est très répandue et
pousse presque spontanément. Elle sert à la pré-
paration d’une boisson indigène nommée befsa-
betsa, d’un sucre grossier et d’une liqueur alcoo-
lique.
Le café est cultivé depuis longtemps. Les plan-
- lations faites sur la côte orientale ont d'abord
donné d'excellents résultats, puis ont dépéri ; elles
ont été achevées par un champignon parasite qui
attaque les caféiers. On reconnait maintenant que,
sur le littoral, la température est trop chaude, le
- climat trop humide pour eux; ils rencontrent de
- meilleures conditions à une certaine altitude. Les
petites plantations indigènes qui sont dans le voi-
sinage de certains villages sur la route de Tama-
lave à Tananarive donnent avec continuité de
- bonnes récoltes, qu'il faut attribuer aussi aux
- soins dont elles sont l’objet et à la fumure qu'on
leur fournit.
- Comme le montre l'exemple d’une grande plan-
Bu: 350.000 pieds, établie depuis quelques
« années à Ivato, à environ 1.400 mètres au-dessus
$ du niveau de la mer, Le café réussit même dans le
…. Massif central; toutefois, à cette allitude, les ar-
bustes prennent moins de développement et four-
- nissent moins de fèves.
— Actuellement, on plante surtout à Madagascar
… le café Liberia, qui est l'espèce résistant le mieux
aux parasites. Le rendement moyen est de plus
- d’un demi-kilogramme par pied.
De la vanille et du cacao, nous n'avons rien à
ajouter aux détails si intéressants donnés ci-dessus
{pages 711-713) par M. de Faymoreau.
L’arbuste à fé a été planté par les Anglais dans
le Massif central et à environ 900 mètres d’alti-
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR
135
tude dans la vallée du Mangoro. Le produit est de
médiocre qualité.
Parmi les plantes textiles, on peut citer le
chanvre el le cotonnier. Les fibres du premier servent
aux indigènes à tisser des étoffes grossières. Le
cotonnier était autrefois assez répandu; mais,
depuis qu’on importe des toiles à bon marché, les
indigènes ont abandonné la culture et le tissage
du coton: ils ne font plus que des lamba rayés,
employés comme vêlements dans certaines céré-
monies; encore se servent-ils fréquemment pour
cet usage de coton efliloché provenant de vieux
tissus d'importation.
Etablir de grandes plantations de coton et des
usines pour la filature et le tissage rapporterail
certainement des bénéfices considérables, puis-
qu’on trouverait sur place un débouché assuré.
L'entreprise exigerait des capitaux importants, de
sérieuses connaissances techniques et du temps.
Beaucoup de plantes telles que le rocou, le
chanvre de munille, V'aloès, le 2020r0, servent à divers
usages dans le pays ou sont exportées comme ma-
tières premières. Le erin végétal, où -piassava esl
aussi l’objet d'importantes affaires.
Malgré le peu de soins que les indigènes lui
donnent, le fabuc réussit partout; il n’est pas pré-
paré pour être fumé, sauf par les Hovas, qui fa-
briquent des cigares.
Comme plantes tinctoriales, Madagascar a plu-
sieurs variétés d'indigotiers, et l’orseille, qui est
surtout abondante dans le sud-ouest; cette der-
nière ne donne plus lieu maintenant qu’à de faibles
exportations.
$ 3. — Produits animaux.
Les bœufs sont nombreux à Madagascar, parli-
culièrement à l’intérieur dans l'Imérina, le Betsi-
leo, sur la côte orientale aux environs de Vohi-
marina et de Mananjary, dans le sud, près de
Fort-Dauphin, et surtout dans le Menabé, qui est
la région la plus riche en gros bélail.
Les bœufs de Madagascar sont des zébus ou
bœufs à bosse (V. p. 700). Dans le centre et dans
l'est, ils ne dépassent pas le poids de 300 kilo-
grammes, mais dans l'ouest, ils sont plus gros.
La race est rustique : les animaux se passent de
soins et restent toujours dehors, même pendant la
saison des pluies.
Les reproducteurs de races européennes, qui on!
été introduits, s'acclimatent aisément pourvu qu'ils
soient bien soignés; par le croisement ils donnent
de bons produits.
Les bœufs de Madagascar sont exportés en
grand nombre à Maurice et à la Réunion. Dans les
ports d'embarquement, ils se vendent 40 à 45 francs
et dans l'intérieur 25 à 30 francs, seulement. Ceux
ig. 15. — Femme Hova lissant un lamba de soie (dans l'Imé
rina
).
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR 13
qui dépassent ce prix sont des animaux de choix | 200.000 le nombre des peaux qui sortent annuel-
engraissés pour la consommation locale. lement par Tamatave et par Majunga. Elles sont, du
Mentionnons ici, pour être complet, l'usine de | centre, portées à dos d'homme (fig. 16) jusqu'aux
conserves de viande de bœuf, établie en 1889 à | ports d'embarquement. Rendues à bord, elles
Fig. 16. — Porteur de peaux de bœufs allant de Tananarive à Tamalave.
Diego-Suarez et dont M. Caustier a ci-dessus !; valent environ 50 francs les 100 kilogrammes.
(page 692) entretenu le lecteur. | Les cornes se vendent 15 francs les 100 pièces,
Les peaux des bœufs tués pour la consommation | et sont exportées par Tamatave et Mananjary.
intérieure sont exportées après avoir été prépa- Les moutons de Madagascar appartiennent à la
rées au sel, séchées et pliées. On évalue à ! race sééatopyge à grosse queue. Ils n’ont pas de
738
laine et fournissent une viande sèche, coriace et
désagréable. Le versant oriental, à cause de l'hu-
midité de son climat, ne convient pas aux mou-
ons; ces animaux sont surtout nombreux dans le
centre, où ils se vendent 2 fr. 50. La peau, seule,
a une certaine valeur.
Des essais pour l'introduction de moutons
étrangers ont été faits à diverses époques et ont
donné d'assez bons résultats. 11 faudrait les re-
prendre pour arriver, comme nous le faisons ac-
tuellement en Tunisie, à remplacer par une autre
race la race indigène, qui est absolument défec-
tueuse.
Les chèvres se trouvent surtout dans l'Imérina,
le Betsileo et les provinces de l’ouest. La chair
entre dans l’alimentation indigène, et la peau est
exportée en Angleterre, où elle est employée dans
‘la cordonnerie.
Les pores sont nombreux partout où les Hovas
sont établis. Ailleurs la viande de ces animaux est
considérée comme impure.
Quelques porcs vivants sont exportés par Tama-
lave dans les îles voisines.
Toutes les vo/ailles d'Europe sont acclimatées à
Madagascar. Les indigènes en élèvent dans tous
les villages.
Les vers à soie originaires de l'ile fournissent
une soie résistante, mais cheveteuse, rugueuse,
manquant de finesse et de brillant. Les espèces
étrangères s’acclimatent aisément et peuvent
donner des produits salisfaisants.
Les abeilles de la zone forestière donnent une
cire de qualité équivalente à celle du Sénégal;
elle vaut de 2 francs à 2 fr. 50 dans les ports de
la côte orientale.
$ #. — Sortie des produits indigènes.
On voit par ce qui précède que Madagascar peut
fournir des matières premières à beaucoup d’in-
dustries et alimenter un grand commerce d'ex-
portation. L'importance qu'a eue jusqu'à présent
ce commerce est difficile à évaluer. Des statistiques
n'existent que pour les six ports de Tamatave,
Mananjary, Valomandry, Vohimarina, Fénoarivo
et Majunga, où les opérations de la douane hova
élaient surveillées par des agents du Comptoir Na-
Lional d'Escompte. En 1890, le Lotal a été d'environ
4 millions, mais ce chiffre ne représente certaine-
ment qu'une faible partie des exportations de
Madagascar. Même dans les ports où les douanes
élaient contrôlées, les fraudes étaient nombreuses;
dans les autres, elles étaient la règle et là, d'ail-
leurs, il n'était dressé aucun relevé par les Hovas.
Les droits à la sortie variaient suivant la nature
des marchandises. Les bœufs payaient 15 francs
par tête ; les pores, 2 fr. 50; les moutons et les
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR
chèvres, 1 fr. 50; les cuirs salés, 25 francs pa
100 pièces; les rabanes, 3 francs; les nattes,
4 fr. 50; la cire, 10 francs par 100 livres; Len
caoutchouc, 12 francs ; le café, 8 francs; la gomme
copal, 6 francs; le tabac, 2 fr. 50. Les marchan-
dises non larifées acquittaient un droit de 10 °/,,
ad valorem.
A Tamatave, le caoutchouc représentait 43 °},
de la valeur lotale des exportations, les cuirs, 24,
la cire, 10, les bœufs vivants, 7, et le rofia, 6. Cette
proportion variait sensiblement dans les différents
ports : le rofia, à Valomandry, les cuirs, à Ma-
junga, dépassaient la moitié de la valeur des mar
chandises sortantes.
A Tamatave, le tiers seulement des exportalions
se faisait sous pavillon français. À Majunga, notre
marine chargeait la presque totalité des marchan-
dises, mais elle n’emportail presque rien de Vohi-
marina, de Mananjaryÿ et de Vatomandry.
III. — NATURE ET VALEUR DES PRODUITS
IMPORTÉS.
Les marchandises importées à Madagascar sont
destinées, les unes aux Européens établis dans le
pays, les autres aux indigènes.
Les premières ont un débit forcément très limité:
et susceptible seulement de s’accroitre avec les
nombre des colons; un courant d'émigration no-
table se portera certainement vers notre possession
après la campagne; mais, pendant longtemps el
peut-être toujours, la population européenne res
tera peu considérable. Pour les articles qu'elles
seule consomme, les importations ne progresse=
ront que lentement.
Les objets ou les produits à l'usage des indi
gènes, peuvent, aucontraire, assez rapidement trou-
ver de plus grands débouchés : les capitaux qui
seront employés à Madagascar procureront aux
habitants une certaine aisance, la modification de
l'état politique leur assurera, mieux que par le
passé, la libre disposition de ce qu'ils gagnent, et
le contact des Européens, devenus plus nombreux
leur inspirera d’autres goûts, leur donnera plus
de besoins. En outre, des populations qui, jusqu’à
présent, sont restées étrangères à tout mouvemen
commercial, y participeront peu à peu, à mesure
qu’on entrera en relalion avec elles.
Si la quantité des marchandises importées aug=
mente, leur qualité restera longtemps la même
ce seront toujours des marchandises communes
de travail qui leur donneraient plus de ressources
pécuniaires, les articles qui leur sont envoyés
doivent pouvoir se vendre à bas prix ; les indis.
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G. FOUCART — L'ÉTAT DU
COMMERCE À MADAGASCAR
gènes ne font aucune dépense de luxe et, le plus
souvent, c'est le bon marché seul qui les guide
dans leurs achats.
$ 1, — Alimentation.
Le sel consommé à Madagascar est, pour la ma-
jeure partie, d’origine étrangère. Expédié de Mar-
seille et de Hambourg, il arrive dans tous les ports,
notamment à Tamatave, à Vatomandry et à Manan-
jary, et est distribué en diverses parties du pays par
des marchands ambulants vendant de la nourriture
fig. 17). Sur la côte ouest, on en recoit peu ; les Saka-
lava se contentent, malgré ses impuretés, de celui
qu'ils préparent ; en dehors de la région, ce sel
indigène, qui contient beaucoup de matières ter-
reuses, n'entre pas dans l'alimentation et ne sert
qu'à la conservation des peaux.
Des salines, dont commence seulement l’exploi-
tation, longtemps relardée par des contestations
entre des concessionnaires voisins, se trouvent
sur le territoire de Diego-Suarez et approvision-
neront dans l'avenir une partie au moins du mar-
ché malgache. Bien que l'établissement de salines
sur d’autres points du littoral puisse y contribuer
dans une cerlaine mesure, l’abaissement du pri
du sel à l’intérieur de l'ile et, comme conséquence
la vente de plus grandes quantités de ce produit
de première nécessité viendront surtout de l’amé
lioration des moyens de transport.
Les conserves alimentaires et la farine sont unique
ment consommées par les Européens. La dernière
qui vient d'Amérique ou d'Australie, ne trouve un
certain écoulement qu'à Tamatave et à Tananarive
Pendant quelques années, l'arrivée de nouveaux
colons et la présence d’une garnison dans la capi
tale feront augmenter les importations; mais elles
diminueront ensuite, parce que la culture du blé su
les hauts plateaux du centre prendra de l'extension
Le vin se trouve dans les mêmes conditions rela
tivement aux consommateurs ; mais l'importation
ne pourra que s’accroitre, car il est peu probable
qu'on arrive à en faire dans le pays. Celui qui
est bu actuellement vient de la Provence et du
Bordelais; il se vend environ 150 fr. la barrique à
Tamatave et, de là, est transporté à l'intérieur
dans des dames-jeannes d’une contenance de 18»
litres. Les vins fins arrivent en bouteilles. ;
La bière, de provenance française ou anglaise
Fig. 18.— Café de Paris à Antsirane (gouvernement de Diego-Suarez). }
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142
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR
n'a de débit que dans les ports. À Tananarive, elle
est trop chère! Rien, du reste, n'’empêcherait
d'installer une brasserie dans cette ville.
Le rhum est originaire de Maurice, Il arrive en
füts de 220 litres, qui se vendent 80 fr. dans les
ports de débarquement. A l’est comme à l’ouest,
les habitants de la eôle en consomment de grandes
quantités; ceux du centre, beaucoup moins.
Quoique les populations qui ne font pas usage
de rhum d'importation aient diverses liqueurs
alcooliques qu’elles préparent avec la canne à
sucre ou les fruits du tamarin, je dois dire que,
d’après ce que j'ai vu, l’ivrognerie est un vice
Fig. 20.
moins répandu à Madagascar qu'on ne le dit géné-
ralement. Il y a un intérêl à ne pas l’amener à se
développer, intérêt supérieur, qui prime l'intérêt
commercial qu'on trouverait à encourager, outre
fabricalion sur place du rhum. Au
moyen de droits élevés frappant les alcools, à l’en-
trée, de droits plus modérés appliqués à ceux dis-
lillés dans le pays, on pourrait favoriser l’indus-
trie locale, tout en maintenant sa production dans
les limites convenables,
L’absinthe, le vermouth, l’amer Picon,
s'importent en grandes quantités et trouvent des
acheleurs parmi les indigènes comme parmi les
Européens (fig. 18, page 740),
mesure, la
etc.,
At
$ 2,
— Vêtement,
Les éloffes de coton de fabrication étrangère,
— Boutique malgache à Tamalave.
qui sont maintenant d'un usage presque général à
Madagascar font l'objet d’un commerce considéss
rable. 1
Les cotonnades écrues sont celles qu’on vend le
plus ;
yards.
30. Dans le port de débarquement, les premières!
valent en moyenne 400 fr. les 1.000 yards,
secondes 300 fr.
La plus grande partie de ces toiles vient d'Amé»
rique et est fabriquée à Boston; il en arrive aussi
de Manchester, mais l'Angleterre écoule surtout
Madagascar des colonnades blanches, avec ou sans
apprèt, qui ont aussi un grand débit, bien qu'elles
soient de qualité assez médiocre.
Les cotonnades imprimées sont en pièces t
2% yards el ont 28 pouces anglais de largeur, S
vant les régions dans lesquelles elles doivent étre
vendues, leurs dessins diffèrent. Les Betsimisas
rakas aiment les éloffes à grands carreaux blancs et
rouges ou blancs et bleus ; les Sakalaves font leurs
vètements avec des pièces de mouchoirs ou avec
des colonnades blanches ornées de raies rouges!
sur les bords; les Hovas achètent beaucoup de
tissus à petits dessins roses. Presque partout les
indiennes dites Patna en petites pièces de 6 yards,|
dont chaque ballot renferme un assorliment varié
comme dispositions, trouvent à s'écouler aisémenl.\
Pour quelques tribus, on importe aussi des colon-
a
‘
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE A MADAGASCAR
nades bleues unies. Ces lissus se vendent et dans
es boutiques des grandes cités commerçantes
(fig. 20), ef, avec diverses denrées, sur les marchés
“en plein air des petites villes (fig. 19, page 741).
. C’est Leur bas prix qui assure une vente facile à
ous ces tissus. Ceux que nous fabriquons sont in-
“contestablement de qualité supérieure, mais ils
sont trop chers.
— Pour les cotonnades unies, la lutte paraît impos-
* mais elle pourrait être sérieusement entre-
rise pour les indiennes imprimées. Dans le choix
“que l'acheteur en fait intervient une question de
goût ; il peut se décider à payer un peu plus cher
si on lui présente des étoffes dont l'aspect répond
aux exigences de son esthétique. En général les
Malgaches aiment les grands dessins se détachant
n couleurs vives et même un peu criardes sur un
nd blanc; en dehors de quelques types tradition-
els, ils recherchent la nouveauté et la variété des
ispositions ; cette tendance est surtout nettement
ceusée chez les Hovas.
A Majunga, on importe de Bombay et de Man-
chester des mousselines à fleurs.
… L'Imérina, en raison de son climat relativement
Mroid, est la seule région où l’on doive envoyer des
lainages. Les flanelles unies et à grands carreaux, les
draps légers noirs ou de fantaisie se vendent D
Les vêtements confectionnés trouventdes acheteurs
parmi les Hovas qui s’habillent à l’européenne,
“ Les!soieries pour robes n’ont qu’un débit très
restreint. Les femmes, en effet, onl conservé
beaucoup plus fidèlement que les hommes les
modes nalionales; mais, avec l’ancien costume,
elles portent souvent des chaussures européennes
“à bon marché, quoique d’une apparence élégante.
Au contraire, il n’est pas rare de voir un Hova
Dre d'une ee et marchant pieds nus.
La bijouterie en imitalion est peu estimée à Ta-
anarive ; les montres à bon marché commencent
‘à s’y vendre, mais uniquement là. Les Hovas sont
seuls assez Ho pour apprécier la valeur du
Hemps et avoir besoin de le mesurer.
— Les verroteriessontemployéesseulement dansles
“échanges avec quelques populations du sud qui ne
Se servent pas comme monnaie de la pièce de cinq
Wrancs coupée en menus morceaux, dont on fail
usage dans la plus grande partie du pays. Ces ver-
loteries, qui viennent d'Allemagne et qui sont en-
lwoyées à Fianarantsoa et à Fort-Dauphin, sont
! sujettes à de fréquentes variations de mode : une
| perle estimée à un moment par une peuplade n’a
\Souvent plus chez elle aucune valeur quelques
$ 3, — Habitation.
Pour les habitations, les seuls articles à impor-
ler et seulement chez les Hovas, sont le verre à
745
vitres, le papier de tenlure et ta quincaillerie. Tou-
tefois les cadenas grossiers se vendent à peu près
partout.
La faïence, la porcelaine et la verrerie auront
certainement un grand débit quand les transports
seront plus économiques; les ustensiles de mé-
nage qu'on importera alors remplaceront avanta-
geusement les poteries indigènes, qui sont toutes
de mauvaise qualité.
On expédie à Madagascar une certaine quantité
de feuilles de fer-blanc qui.servent aux indigènes
à façonner des objets d’une grande variété; les
Hovas utilisent aussi, comme matière première, le
métal des boîtes dans lesquelles arrivent le pétrole
et les conserves.
Sur la côte, la tôle est employée par les colons
pour couvrir les habitations et les magasins; elle
vient généralement d'Angleterre.
Les marmites en fonte sont l’objet d’un com-
merce important; elles sont en usage presque par-
tout.
Les clous, qui sont nécessaires pour la construc-
tion des boutres sur la côte ouest, s’importent par
Majunga et viennent de Bombay.
Les outils sont peu demandés par les indigènes:
quand ils connaîtront mieux nos méliers, ils en
auront besoin.
Les fusils et la poudre se vendent surtout aux
Sakalaves.
Le seul instrument de musique à importer esl
l'accordéon, dont beaucoup de Malgaches savent
jouer convenablement. Sur la côte orientale, le
modèle préféré est de forme rectangulaire ; dans
l’Imérina, il est hexagonal; le premier est de fa-
brication allemande, le second de fabrication
anglaise.
La papeterie est d’origine anglaise; la mercerie,
la bimbeloterie et la parfumerie sont presque ex-
clusivement françaises.
$ 4. — Droits d'entrée.
D'après les relevés des douanes, les importations
par les six ports indiqués précédemment, n'au-
raient été, en 1890, que de six millions environ.
En raison des nombreuses fraudes qui se produi-
sent à l'entrée comme à la sorlie, ce chiffre devrait
être fortement majoré. Pour avoir la valeur totale
des marchandises entrant à Madagascàr, il fau-
drait y ajouter les importations qui se font par les
ports où les douanes ne sont pas contrôlées el aussi
par ceux où les Hovas n'ont pas de postes.
A l'entrée, les marchandises élrangères sont
uniformément soumises à un droit de 10 °/, «d
valorem, qui, dans quelques ports hovas, peul se
payer en nature. Dans les territoires indépendants,
les chefs locaux, pour permettre de débarquer les
1
Ta
ES
marchandises, de les transporter dans l’intérieur
ou de les vendre, exigent des cadeaux variables,
qui peuvent être considérés comme léquivalent
des droits de douane. On donne de l'argent, et plus
souvent, du rhum, de la poudre ou des étoffes.
A Tamalave, les lissus représentent 66 °/, du
Lotal des importations, les liquides 13, les pro-
duits alimentaires, 3, les vêtements confectionnés,
3, la mercerie et la parfumerie 2, les métaux bruls
et ouvrés, 2. Cetle proportion varie quelque peu
suivant les ports. Ainsi, à Mananjary, le sel forme
le dixième du total. Mais partout les cotonnades
et les liquides sont des articles occupant les pre-
miers rangs sur la liste.
À Tamatave, les importations sous pavillon
français et sous pavillon américain ont une valeur
sensiblement équivalente et représentent 72 °/, du
total, La part des bâtiments anglais est de 21°},
La proportion change suivant les ports. Il en
existe plusieurs que ne fréquente ins notre
marine marchande,
IV. — CONCLUSION.
Les statistiques des douanes sont si erronées et
si incomplètes qu'on ne peut faire que des hypo-
thèses assez vagues sur la valeur totale du com-
merce de Madagascar. D’après l’ensemble des ren-
seignements, je ne crois pas que, dans ces der-
nières années, les transactions avec l'extérieur
aient atteint 25 millions. Le cinquième seulement
de ce trafic se ferait avec la France, un autre cin-
quième avec l'Amérique, près de la moitié avec
l'Angleterre et les possessions anglaises.
Ces estimations peuvent n'avoir pas une exacti-
tude absolue ; mais ce qui est certain, c’est que
l'ensemble du commerce de Madagascar n’alteint
pas encore un chiffre élevé et que, dans ce chiffre,
la France entre pour une trop petite part. Les
efforts du Gouvernement et des particuliers doivent
tendre à modifier cet état de choses. La làche,
rendue plus facile qu'autrefois par la situalion pré-
pondérante que nous occuperons à Madagascar
après l'expédition, n'en reste pas moins assez
ardue,
On ne peut attendre un sérieux accroissement
des affaires que de changements économiques
profonds résultant de l'intervention d’autres que
les indigènes pour mettre en valeur, mieux que
par le passé, les ressources variées du pays qu'ils
habitent et qu'ils laissent inexploité. Dans l'avenir
le commerce se développera parallèlement à la
et tout ce qui favorisera celle-ci aura
pour effet de donner plus d'importance aux échan-
ges avec l'exléricur : une organisation polilique
colonisation,
G. FOUCART — L'ÉTAT DU COMMERCE À MADAGASCAR
assez solidement et assez nettement établie pour
enlever toute crainte d’un nouveau conflit avec les
populations de l'ile ; une administration aussi
simple et aussi économique que possible; le rét
blissement de la sécurité compromise, dans ces
dernières années, par l'extension du brigandage#
la réforme de certaines inslitulions locales, dont le
maintien empêcherait les Malgaches de devenir
pour nous d'uliles auxiliaires; la possibilité d'ac-
quérir la propriété du sol, soil par voie d'achat,
soit par voie de concession ; la faculté pour les
pelits capitaux de s'employer à Madagascar sans
se mettre au service de puissantes sociétés qui
accapareraient le pays; l'exécution de grands tra
vaux d'utilité générale imposée aux bénéficiaires
de l'exploitation d'une partie du domaine publie;
la création de voies de communications commodes
et rapides; l'assimilation des produits de Madagas
car, à leur entrée en France, à ceux des colonies
et la réduction, à un taux aussi modéré que le per.
mettront les traités conclus avec les autres nalions,
des droiis à payer par les marchandises françaises
importées à Madagascar, — voilà ce que réclament
également ceux qui veulent aller s'établir dans la
grande ile africaine et ceux qui veulent y étendré
notre commerce.
Mais ces derniers, pour ne parler que d'eux, ne
doivent pas compter uniquement sur le concours
que leur donneront les pouvoirs publics. Il faut
qu'ils aient de l'énergie, de l'iniliative et qu'ils
abandonnent les vieilles routines. Que les com
merçants, au lieu de se cantonner dans certaines
villes où ils sent trop nombreux et où ils se
ruinent en se faisant concurrence, pénètrent dans
des régions moins exploitées et se mettent en co
lact avec des populations, comme celles du sud
qui sont restées jusqu'ici en dehors du mouvemen
des affaires ; que les industriels, au lieu de croire
qu'il n’exisie pas de produits supérieurs à ceux
qu'ils sont habitués à fabriquer, et de vouloir les
imposer, s’inspirent des goûts de la clientèle mal
gache et imitent les étrangers qui sont arrivés à 4
satisfaire pour les prir qu'elle peut payer. C'est
ces conditions seulement qu'ils pourront obteni
pour la France une part plus grande dans le coms
merce de Madagascareltque,—lorsque cecommercé
aura pris une importance en rapport avec la supers
ficie du pays, le nombre de ses habitants et le
richesses qu'il renferme, —tous les bénéfices résuls
lant de l'augmentation n'iront pas à l'étranger.
Georges Foucart,
Ingénieur des Arts et Manufactures,
Secrétaire adjoint de la Société d'Encouragement
pour le Commerce français d'Exportation,
Ancien chargé de Mission à Madagascar:
Hi ÊTE : ARE ; q" #
D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 745
. Cette étude a pour but de fournir quelques indi-
cations sur la pathologie de la région traversée
dans le trajet de Majunga à Tananarive. Elle porte
Spécialement sur la province du Boéni, région qui
m'est la mieux connue, et qui, d’ailleurs, par suite
de son climat torride et de sa sévère morbidité,
omprend la portion vraiment insalubre du trajet
. Des trois grandes classes d'affections qui frap-
bent les armées en campagne : affections pulustres,
dysentériques et typhiques, le premier groupe
seul est un facteur important de la morbidité dans
“le Boëni. L'endémie palustre y est sévère, mais la
-dysenterie assez peu fréquente chez l'indigène et
- généralement bénigne et rare chez l'Européen. Les
affections typhiques (typhoïdes,typho-malariennes)
y sont exceptionnelles.
Dans l’Zmérina, Tendémie palustre ‘est bien
oins intense ; mais les affections dysentériques y
sont assez fréquentes, du moins chez l'indigène, et
la fièvre typhoïde y est observée même sous forme
épidémique, sans que cette constatation nosogra-
phique doive faire perdre de vue la supériorité
“incontestable et reconnue de la salubrité de l'Imé-
rina considérée en général.
I. — OBSERVATIONS DE MORBIDITÉ.
Mortalité. — Mon relevé de mortalité porte sur
107 Fi ayant séjourné ex moyenne dans la
“région Je an6 5 mois et Fjaur chacun, soit 1 an 55,
, 2 EN EN Sen de
mortalité de Tran 6.62 % ©:
Les causes de ces décès se répartissent ainsi :
Affections palustres aiguës ou chroniques... 6
Hépatite : péritonite consécutive. ............ !
Pleuro-pneumonie aiguë (non palustre)...... 1
Tuberculose pulmonaire 2 EST TOO EE 1
1 Le Dr Lacaze, auteur de cet article, vient d'exercer pen-
dant trois ans à Madagascar, principalement dans ia région
pù évoluent actuellement nos troupes, et fait à l'heure pré-
Sente, en qualité de médecin militaire, partie du Corps expé-
itionnaire. C'est à ses études, encore inédites, sur la patho-
wie de Madagascar que se rapporte le présent résumé.
2 Sur Il décédés, 4 avaient séjourné plus ou moins long-
tëmps dans diverses autres colonies (Panama, Guyane, la
union, Algérie); 5 présentaient des antécédents ou tares
Mpathologiques (alcoolisme, insuflisance mitrale, tuberculose
] ulmonaire, accidents palustres antérieurs à l’arrivée, dysen-
ie antérieure).
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
PATHOLOGIE DE MADAGASCAR
CONDITIONS SANITAIRES DE MAJUNGA À TANANARIVE
HYGIÈNE DU SOLDAT ET ACCLIMATEMENT DU COLON
Morbidité. — Pour les indications suivantes, j'ai
eu deux éléments d'appréciation, à la fois admi-
nistratifs et médicaux : le rapatriement el l'indisponi-
bilité au travail.
Pour les 107 Européens cités à propos de la mor-
talité, 10 ont quitté la colonie pour raison de santé
justifiée, soit pour cent et par an (1 an 55 de sé-
10 100
NE IPN NE
07 X155.
jour en moyenne chacun),
rapatriements.
Sur ces 10 rapatriés, 8 présentaient un degré
plus ou moins marqué d'unémie puludo-tropicule.
Mais celle-ci n'a été la cause exclusive ou princi-
pale du rapatriement que dans 4 cas. Dans les six
autres cas, la cause à été :
EysfiterchrOnIqUe ere
Hicére de yambes =. 27.657.
1 ervation !
1
Tuberculose pulmonaire....... 2
I
1
©
Er
D
Hydarthrose chronique.........
Accidents secondaires graves...
M'étant servi, pour apprécier la morbidité, de
mes cahiers d’exemption et des contrôles de la
Direction, je la compte, non en rapportant le
nombre de cas au nombre d'individus qui les ont
fournis, mais en divisant le nombre de journées
de maladie par le nombre d'hommes formant la
pépulation observée.
Mon relevé, qui s'étend sur ? années, de juin 4892
à juin 1894, porte sur les Européens résidant habi-
tuellement à Suberbieville, ou ayant fait un séjour
continu d'au moins un mois à Suberbieville.
J'ai eu aussi en observation 50 individus ayant
fourni une résidence totale de 511 mois el repré-
sentant donc _ — 21,2
pendant deux ans.
Le nombre de journées de maladie notée a été
1037
An: : NE : - OX X
de 1037, soit par Lomme el par an = Ki — 24,4
sujets en séjour continu
Journées de malwitie.
Les jours de maladie de ce relevé ne compren-
nent que les jours ouvrables, dimanche excepté:
si l’on complète cette lacune parle calcul, on trouve
MENT
14 XX T — 928,1
6
qui correspondraient à
4 journées de maladie par homme et par cr.
100 ȣ 28.4
=—— — 1,1indisponi-
bilités journalières pour cent.
1 Un seul des rapatriés mort à bref délai de l’aflection pour
laquelle il était rentré en France. Les autres sont encore
vivants actuellement ou ont été longtemps suivis.
15144 xxx%
746
D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR
Relativement à l’âge, les sujets figurant à ce re-
levé comprennent :
{xthormmes de. 2... 20 à 30 ans
28 D MR LE UE 30 à 40
7] SE A ET 40 à 50
I PE EE ND au-dessus de 50 ans
Quant à la profession, il s'agit, en grande partie,
d'employés sédentaires, ou n’ayant qu’un travail
de direction ou de surveillance (comptables, ingé-
nieurs, chefs de travaux, surveillants), exception
faile pour les ouvriers d'art [ajusteurs, charpen-
tiers), dont la proportion variable n’est guère que
du quart de l'effectif observé.
Les affections chroniques externes ou inlernes
figurent dans la morbidité pour environ 20 °/. Il
convient de noter que le rapatriement porte sur-
tout sur cette classe d’affections, dont l'apport est
ainsi diminué.
Parmi les affections non chroniques, les aflec-
tions externes légères figurent pour environ 8 °/,:
les affections internes légères autres que les affec-
lions palustres, pour environ 12°/,; le reste, soit
60 °/,, appartient aux formes diverses de l’impalu-
disme aigu et en très grande partie à la forme
intermittente.
Znmunité. — La période de l’immunité de l'im-
migrant à l'égard des affections palustres, — la
grande et la seule endémie du Boéni, — est très
courte. Je mai rien observé ici qui me rappelâl la
description des fièvres dites d'acclimatement. La
première manifestalion pathologique présentée
par l’immigré est lrès généralement la fièvre in-
termittente franche. Je n’ai pas vu d'Européens
séjourner ici un an sans en être alleints, très excep-
lionnellement l'être après six mois, et la grande
majorité, la presque totalité plutôt, sont impalu-
dés, je veux dire font leur premier accès dans les
trois premiers mois de séjour. Ils ne tardent pas,
dès les premiers accès d’intermittente, à présenter
un degré variable, mais toujours appréciable, d’ané-
mie paludo-tropicale, et à prendre l’Atbilus coloniul.
Du troisième au sixième mois, la lransformation
est déjà marquée dans la majorilé des cas. À ne
tenir compte que des changements physiologiques
diminution de l'appétit et de l'aptitude au travail
physique et intellectuel, fatigue plus rapide, déco-
loration du teint, diminution de l’embonpoint,
irrilabilité nerveuse plus grande), c’est du sixième
au douzième mois que l'Européen prend définiti-
vement le nouvel état qu’il conservera, sauf varia-
lions accidentelles, s’il s'astreint à une vie modé-
y
rée, à une hygiène convenable.
Cela s’applique à l’Européen dans les conditions
déjà énumérées où je l’ai observé et à l’Européen
émigrant pour la première fois et exempt de toute
lare pathologique, et j'ai pu noter l'influence
fächeuse d'emblée du séjour dans la région che
les cardiaques et les tuberculeux, même au débu
de leur affection. Il en est de même pour les sujets.
impaludés antérieurement, lesquels sont loin de
bénéficier d’une prétendue accoutumance.
Et indépendamment de l'infériorité où le régime
mililaire seul met les troupes comparativement à
l'Européen sédentaire et isolé, il faut tenir compte
aussi de la composition particulière des troupes
coloniales, dont une partie plus ou moins forte de
l'effectif a déjà subi les atteintes palustres,
Cette question de l’acclimatement perd de son
importance à mesure qu'on s'élève dans le haul
pays. Et il est d'observation courante, dans la co-
lonie européenne de Tananarive, que l’acclimate-
ment s’y fait d'emblée avec des modifications phy
siologiques peu marquées.
IL. — AFFECTIONS PALUDÉENNES.
Le paludisme, ai-je dit, est la grande endémie du
pays. D'après les chiffres que j'ai déjà cités, la fré-
quence des cas.v ressorlissant serait appréciable
ainsi :
.s ; 6.62 X 6 Pre
MOTLUTUE RENE ESA TT — 3.61 Ÿ par an
6.02X 11
RaApalrieMeEnt. 1.0. ie ni
28.4 X 60 ; ' :
MON DIQITE EEE nn —17journéesde
maladie par honme.
etparan,soil4,66°/, d'indisponibilités journalières.
Influences éhioloyiques, recrudescences saisonnières. —
Parmi les #nfluences lopoyraphiques, je me borne à,
signaler : l'existence de nombreux marais, soit per-
manents, soit temporaires (saison des pluies), dans
les vallées de la région (vallées principales de
l'Ikopa el du Betsiboka, vallée du Firingalava, du
Mamokomila, du Ménavava, cours inférieur du
Nandrona et du Kamoro, plaine ét vallée du Maro-
voay), le mélange des eaux douces et des eaux
salées à l'embouchure des affluents etsur les berges
basses (saison des pluies), dars le cours inférieurs
du Betsiboka, jusqu'au-dessus de Marovoay.
Parmi les évfluences météorologiques, indépendam-
ment de la température, il reste à apprécier l'in
fluence de la svison des pluies et des vents dominants,
les recrudescences saison-m
principalement sur
nières. |
L'endémie palustre se fait sentir sévèrement
toute l’année : les recrudescences météorologiques
périodiques existent, mais n'ont pas l'amplitude
qu’elles présentent d'ordinaire en pays tropical. A
D'une facon générale, on peut dire que la saison
des pluies duns son ensemble, d'octobre à avril
D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR
741
s'accompagne d’une recrudescence de l’endémie
pé udéenne. Elle n’est pas trop forte, et si j'étais
obligé de traduire en chiffres l'impression géné-
e que m'ont laissée trois hivernages, j'hésiterais
eur altribuer : des cas, en plus des cas de la sai-
n sèche. Quant à la rémission dans la recrudes-
nce hivernale, signalée dans la période de plein
ivernage, elle est encore moins marquée.
Je tiens d’indigènes très intelligents, vieux rési-
lents du pays, la remarque que l'établissement
vents du sud et du sud-est (mai) augmente
cas de fièvre. Le fait m'a paru exact et peut
irnir, à l’occasion, une indication pour l’installa-
n des logements temporaires à affecter aux
upes.
Quant aux influences éliologiques individuelles,
iterai simplement la fatigue exagérée, surtout
e provenant de l'exercice musculaire en plein
eil, l'exposition prolongée, soit à la chaleur du
oleil, soit à la chaleur obscure dans des logements
nal conditionnés, le refroidissement (pluie), cou-
änt d'air (nuit à la belle étoile), les excès de tout
genre (travail, alcool, débauche). Ces causes,
aales d’ailleurs, n’offrent rien de particulier dans
a région, sinon la constance de leur action.
Il est inulile d'ajouter que toutes les affections
peu graves, surtout les affections douloureuses,
ar suite de l’insomnie et de la fatigue qu’elles
provoquent, s’accompagnent d'accès palustres.
IL est de tradition constante dans le pays que
endémie palustre diminue d'intensité à mesure
e l'on s'élève vers Tananarive, et le fait est
act, tant pour l'Européen que pour l'indigène.
‘Cependant, dans une Note insérée dans l’4n-
aire de Madagaseur (1894), le docteur Villette
isnale les indigènes du Vonizongo comme forte-
ent impaludés, et les résidents anciens de Suber-
ieville m'ont souvent parlé d’un détachement de
DO soldats venus d'Ankazolé (centre et chef-lieu
Vonizongo) à Mévatanana, il y a quelques
nnées, et dont beaucoup présentaient des signes
Bpaludisme chronique (rate hypertrophiée, ané-
iie palustre).
J'ai eu occasion de traverser la région inerimi-
(région d’Ankazolé). Le pays est nu, de très
pauvre végélalion, et son altitude plus élevée, sa
émpérature moins haule, sembleraient devoir lui
issurer, à l’égard des affections palustres, un avan-
&e sensible sur le bas pays. Mais, faule d'obser-
alions médicales, je ne puis qu'accepter et relater
Kception faite sur ce point.
À
ormes de l’inloxication paludéenne dans la région.
De toutes les formes de l'intoxication palu-
éenne aiguë, les fèvres solilaires sont les plus fré-
[Muentes, et, parmi les Jièvres bilieuses et gastriques,
forment, pour ainsi dire, la totalité des cas, avec
prédominance marquée en faveur des fièvres
simples.
Le type de fièvre simple le plus fréquent est l’i-
termittente quotidienne, puis la remittente, et enfin la
fièvre intermittente à {ype lierce (rare).
Les accès, surtout chez les anciens résidents, se
bornent souvent à l'élévalion de température avec
courbature ou lassitude générale, sans frisson ini-
tial et sans sueurs abondantes.
Les fièvres yastro-bilieuses sont surtout caractéri-
sées par l’état saburral des premières voies, des vo-
missements bilieux plus ou moins abondants, el une
teinte ictérique peu marquée. De durée plus longue
que l’accès simple, elles laissent pour un certain
temps une alonie digestive marquée aux malades,
même après retour de la température à la nor-
male.
Dans la région, je ne les ai vues que rarement
accompagnées de l'ictère franc (ictère bronzé, jau-
nisse) (six cas européens en trois ans), et, dans ces
cas, la durée de la maladie et de la convalescence
m'a paru être en rapport avec l'intensité de l'ictère.
— Pas de décès.
Quant aux fièvres solitaires graves, à forme
typhoïde ou adynamique, je les ai observées seule-
ment chez l’indigène de race hova; j'ai vu une dou-
zaine de cas en trois ans, sous la forme assez nette
de remittente typhoïde ou adynamique. Ces formes
typho-adynamiques, rares il est vrai, m'ont paru
graves et ont fourni : des décès; je n’en ai pas ob-
servé chez l’'Europten.
Quant aux fièvres comitées, j'ai observé une
fois chez un Européen, une fois chez un eréole et
quinze fois environ chez l'indigène de race hova,
la fièvre comilée ou accès pernicieux, à forme céré-
brale, soit comateuse, soit délirante, la forme coma-
leuse paraissant un peu moins fréquente ; deux fois
chez l’indigène, j'ai observé les comilées alqules sous
forme d'avcès syncopal. Ges 20 cas, traités par l'injec-
tion hypodermique (solulion à l'acide lartrique,
chlorhydro-sulfate en solutionsimple), m'ont donné
> décès.
Dans ie cas du créole, l'accès pernicieux coïnci-
dait avec l’insolation; je ne saurais dire, vu la dif-
culté d’avoir un renseignement précis, si cette
coïncidence était fréquente dans les cas indigènes.
Je n'ai observé ni les accès pernicieux à forme
cholérique, ni l'accès pernicieux à forme dysenté-
rique.
J'ai noté cinq cas de fièvre bilieuse hémoglobi-
nurique (alternance des urines claires et rouges,
coagulation massive d’albuminurie rougeàälre par
la chaleur et l'acide azotique); un cas chez un
Européen antérieurement alteint de cette fièvre
au Sénégal ; lrois cas chez des créoles venus de là
148
D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR
Réunion; un cas chez un indigène de race hova.
Chez l’un des créoles, l'accès hémoglobinurique
présentait le type tierce. Traitement : quinine,
ipéca, infusion de café vert. — Pas de décès.
Enfin, j'ai observé chez l’indigène un seul cas
mortel de bilieuse hémorrhagique.
L'intoxicalion paludéenne chronique se traduit
surtout par l'anémie palustre el l'Ayperméyalie splé-
nique.
L'anémie palustre, souvent en rapport immédiat
avec l'accès qui la provoque ou l’aggrave, est, à un
degré plus ou moins marqué, constante chez l'im-
paludé. Elle m'a paru, dans la région et chez l'Eu-
ropéen, se modifier assez facilement sous l'in-
fluence des préparations ferrugineuses solubles, du
quinquina el de la quinine répétée à faibles doses.
L'Aypermégalie splénique, avee sensibilité plus ou
moins marquée, est assez fréquente chez l'indi-
gène. Le fait tient, sans doute, au petitnombre des
Européens, anciens résidents de la colonie; mais
je ne l'ai notée, du moins sous forme accen-
luée, que rarement chez l'Européen, dans une pro-
portion certainement moindre que _ de l'effectif
observé.
Les cas aigus de fièvres bilieuses s’accompagnent
d'une augmentation du volume du foie, avec sensibi-
lité douloureuse; mais je n'ai pas noté chez l'Euro-
péen l'hypertrophie chronique de cause palustre.
Elle n’est pas rare chez l’indigène.
Quant aux récidives de fièvre, elles sont surtout
sous la dépendance de l'état général. J'ai noté aussi
l'influence des affections concomitantes, celle de la
tuberculose pulmonaire en particulier.
Quant aux /ièvres larvées, j'ai observé assez fré-
quemment, chez l’indigène, la névralgie des
branches sus et sous-orbilaires, la névralgie intercos-
lale; j'ai noté aussi deux fois, chez l'indigène, la
coïncidence de l’urticuire avec la fièvre intermit-
tente simple.
Je n'ai que trois cas de névralgies palustres
chez l'Européen (faciale 1, intercostale 2).
J'ai assez fréquemment noté, chez l'indigène
chroniquement impaludé, les palpilations el l'hyper-
trophie du cœur. Chez l'Européen, je n’ai observé que
des palpitations sans hypertrophie appréciabie.
J'ai aussi observé chez l'Européen les souffles
anémiques cardiaques ou carotidiens, et les épistaxis,
el ceci avec un degré d'anémie palustre relative-
ment peu marqué, eb bien avant la période de
cachexie palustre. Le fait est encore plus fréquent
chez l'indigène.
Mes observations de cuchexie paludéenne chronique
chez l'Européen sont rares, le rapatriement étant
de règle avant celte période. J'en observé
cependant trois cas, dont un terminé par la mort
(pneumonie cachectique).
ai
Quant aux cas de cacherie paludéenne chronique
chez l'indigène, depuis la forme confirmée jusqu'aux
formes les plus graves, ils sont fréquents dans Ja
région el portent exclusivement sur l'indigène de
race hova, sur les soldats surtout. Ils présentent
leur symptomatologie habiluelle : anémie profonde:
épistaxis, suffusions séreuses, hypermégalie splé:
nique, accès irréguliers, à forme fruste, fréquents
Elle est très souvent aggravée du fait de la syphilis
fréquente dans la population indigène, et se ‘com:
plique fréquemment aussi de /uberculose pulmonaires
qui m'a paru l’aboulissant commun de ces cas,
J'ai observé chez l'indigène quelques cas de
cacherie aiguë avec hydropisie ou gangrènes locales
Dans deux cas, je l'ai observée chez l'Européen!
‘hydropisies sans gangrène); je n'en ai jamais vu
un seul Cas pur.
Mais, si la cacherie aiguë proprement dite est rar
mon impression est que l’anémie palustre et la
cachexie palustre sont susceptibles dans la région
chez l'Européen, et surtout chez l'Européen anté
rieurement surmené el en état de misère physiolos
gique, sont susceplibles, dis-je, d'aggravations à
marche rapide, et que, dans ce cas, le rapatriement
hätif doit être de règle.
Parmi les énflammaltions palustres, j'ai noté pat
ordre de fréquence chez l'indigène : la congestion
pulmonaire et la broncho-pneumonie palust
l’hépalite palustre, la péritonite localisée (foie
rate), la pneumonie palustre aiguë. La néphrite
forme brighlique, avec œdème généralisé et albw
minurie, n'est pas très rare, mais la part de l’élé
ment palustre est difficile à déterminer.
Chez l'Européen j'ai constaté seulementquelque
cas de congestion pulmonaire ou de broncho-pnet
monie (foyers mobiles de räles fins avec soufliel
coïncidant avec des accès de fièvre simple el diss
paraissant avec eux, et un seul cas de péritonite
localisée (splénique, douleurs à forme névralgiqué
frottement pleural perceptible au toucher et
l’auscultation).
EL d'une facon générale, tant chez l’indigèn®
que chez l'Européen, les érflammations pulmonaires:
d'apparence palustre, doivent être l’objet d’ur
diagnostic différentiel attentif avec les inflam
tions pulmonaires spécifiques.
Thérapeutique de la malaria dans la région. — EI
n'offre rien de spécial, je me bornerai aux rema
ques suivantes en ce qui concerne la thérapel
tique préventive ou prophylaxie des groupes, sur
tout des groupes militaires :
Tenir compte, dans la mesure du possible
dans les limites que comporte son intensité, #
la recrudescence saisonnière de la saison
G-
D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR
149
É k
| pluies; tenir compte, en ce qui concerne les mou-
P:
Dents, de ne de la fatigue physique, de
Ë exposition prolongée au soleil et du refroidisse-
| » Autant que possible, écarter les sujets antérieu-
ement impaludés ou du moins ayant subi des
atteintes marquées :
- Dans le même ordre d'idées, écarter tout sujet
spect de tuberculose pulmonaire, même latente,
d'affection cardiaque, même muette ;
En ce qui concerne l'hubitation, préférer les
hauteurs ; c’est d’ailleurs la pratique indigène soit
pour les sédentaires, soit pour les troupes en
vents dominants, surtout dans la saison des vents
5: et S.-E. ; éviter le couchage sur le so! nu.
Si l’on admet généralement qu'en pays paludéen,
il y a avantage à ne commencer les marches et les
ravaux qu'un certäin temps après le lever du
Soleil, dans la région du Boéni cet avantage serait
conitre-balancé du fait de l'exposition plus longue
rait être appliquée dans la région de l'Imérina.
| On admet, d'expérience générale, que l'usage des
aux courantes de la région, ne demande pas de
précautions particulières ; quant à la prophylaxie
dividuelle, indépendamment des règles qui dé-
oulent de la prophylaxie générale, elle se résume
ns l’écart de tout excès, la précaution de ne pas
rtir le matin à jeun (café légérement alcoolisé,
ec, de préférence, un peu de nourriture solide,
pain ou biscuit) et enfin dans l’usage habituel du
tin de quinquina et de la guinine préventive.
* Mon observation personnelle m'a permis d’en
onstater les bons effets, Au début de ma pratique,
lje la conscillais à la dose quotidienne de 0,20 à
0,25 centigrammes. Je serais porté à admettre
aintenant que cette dose, une fois tous les deux
jours, est suffisante,
Dans les formes simples le sulfate de quinine,
nné à dose de 1 gramme pendant 3 à 4 jours,
is à dose journalière de 50 centigrammes, agit
ec efficacité.
Sauf embarras gastrique ou surcharge bilieuse
arquée, la médication évacuante ne parait pas
ndispensable.
Chez les anciens fébricitants, il est souvent
cessaire de porter la dose de quinine à 1 gr. 25
où 1 gr. 50 ; dans ce cas il vaut mieux la frac-
onner en deux prises. Je n’ai jamais dépassé la
ose de 1 gr. 50, préférant recourir à l'injection
hypodermique, pour laquelle le sel guinique le plus
ie
a
pproprié.(facilité, certitude d'action) m'a Di
ètre le chlorhydro- sulfate de quinquina, que j'ai
ee:
à une température élevée. Cette précaution pour-.
Dans le traitement lonique del’anémie palustre,
j'ai suivi les règles habituelles et n'ai à signaler
que les détails suivants : Les préparations solubles
de fer m'ont paru franchement efficaces, je me
suis surtout servi de tartrate de potasse et de fer.
L'extrait mou de quinquina en pilules est une
préparation facile, bien tolérée et m'a élé très
utile. Enfin, j'ai retiré de bons effets de l’adminis-
tration continue de sulfate de quinine à faible
dose.
ITT. — AFFECTIONS DYSENTÉRIQUES.
Sous ce titre, je donne les indications suivantes
sur la dysenterie proprement dite et les diverses
diarrhées, c'est-à-dire les affections entériques en
général.
A l'inverse de l’endémie palustre, qui va s’affai-
blissant à mesure que l'on monte de la côte vers
le haut pays, les affections intestinales augmen-
tent de fréquence, mais sans jamais atteindre,
même en Imérina, l'importance pathologique des
affections palustres, et cette remarque ne doit pas
faire perdre de vue la supériorité hautement
reconnue de la salubrité du haut pays.
D'une façon générale et même en ce qui concerne
l’indigène, la dysenterie dans la région du Boéni
est relativement rare, grave par exception seule-
ment, le plus souvent bénigne.
Quant à la dysenterie chez l'Européen, jedirai,
pour fixer les idées, qu'en trois ans de pratique
aux Mines d'or, je n’en ai observé que quatre cas.
Dans ces quatre cas, ils’agissait d'Européens ayant
tous subi antérieurement des attaques dysen-
tériques dans une autre colonie (Algérie 1, la
Réunion 2, Tunisie 1.) et ces quatre cas furent tous
bénins. Je n'ai pas encore vu un blanc, arrivé
indemne de dysenterie à Suberbieville, en être
atteint sur place.
Et cette particularité m’a conduit souvent à me
demander si les cas observés chez l’indigène ap-
partenaient à la dysenterie proprement dite ou ne
ressortissaient pas plutôt aux diverses formes de
diarrhées dysentériques palustres.
IV. — AFFECTIONS TYPHIQUES.
La fièvre typhoïde, même sous forme épidé-
mique, existe à Tananarive et dans la région voi-
sine de l’Imérina.
Dans la région et chez l'Européen, je n’ai eu
qu'une seule fois l'occasion de poser le diagnostic
de fièvre typhoïde, et je l’ai maintenu, quoique le
cas soit isolé, à cause de la netteté des symptômes
observés, d'autant plus nets qu'il n’y eut pas de
complications palustres. Guérison.
La difficulté de l'observation journalière chez
l'indigène, de l'observation de la température en
D: LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR
séries régulières, l'impossibilité des autopsies,
ne me permeltent pas d'établir la distinction des
castyphiques ou des caspaludéens à forme typhoïde
dans les rares observations que j'ai faites.
Cependant, j'ai huit cas indigènes de fièvres re-
mittentes, rebelles au sulfate de quinine, accom-
pagnées d’adynamie marquée et de symptômes
plus ou moins nets : gargouillement dans la fosse
iliaque, bronchite concomitante, subdelirium,
langue et gencive fuligineuses, etc. Durée de 1 à
4 semaines, 2 décès.
Ces observations sont évidemment insuffisantes
pourpermetltre d'affirmer l'existence, dansie Boéni,
des affections typhiques ou typho-malariennes ;
mais, jointes à la notion certaine de l’existence de
ces affections dans le hautpays, ellesme paraissent
devoir attirer l’attention.
V. — AUTRES AFFECTIONS DES PAYS CHAUDS.
Ce serait entrer dans une distinction purement
théorique que de vouloir considérer ici l’anémie
tropicale, indépendamment de ce que j'ai déjà dit
de l’anémie palustre dans la région du Boéni.
En effet, s’il faut faire la part de la température
élevée du climatdans une certaine mesure,on peut
dire que l’anémie ne progresse etne prend la forme
grave, amenant l’invalidité du sujet, qu'autant
qu'elle est provoquée et aggravée par des at-
leintes répétées de fièvre palustre, dont l'influence
pathogénique est de beaucoup prépondérante.
J'ai déjà eu occasion de dire que je n’avais pas
observé dans la région les fièvres dites climatériques,
soit en lant que fièvres saisonnières, soit en tant
que fièvres d'acclimatement.
Le beri-beri, surlout sous la forme hydropique,
existe à Nossi-Bé; il a été noté aussi sur la grande
terre (Segard): quoique l’ayant recherché cheztous.
les malades présentant des hydropisies ou des pa-
ralysies, je n’en ai pas observé de cas indigènes
dans la région, aussi est-ce sous toutes réserves
que j'ai cru pouvoir diagnostiquer dans deux cas,
chez l'Européen, le beri-beri aigu à forme sèche.
Quant aux manifestations dites Zlymphateriques
(corre), j'en ai observé quelques cas chez des
créoles de la Réunion habitant la région (acténo-
lymphocèle inguinale 1, éléphantiasis du scro-
tum 1, éléphantiasis de jambe au début 1).
J'ai observé chez l'indigène quelques acténo-lym-
phocèles el quelques cas d'éléphantiasis de jambe
peu développés, et où la part d’influences autres
(ulcères) était à faire. Quant à l'Européen, je n’ai
aucun cas de ces affeclions à noter chez lui.
La lèpre, assez fréquente dans la population in-
digène de l'Imérina, est rare dans le Boéni, où je
n’ai observé que deux cas de lèpre tuberculose chez
deux Sakalaves ; chez les indigènes de race hova,
j'ai noté un peu plus souvent uneaffection spéciale
d'ordinaire localisée à la main et au pied, dont la
peau, après une période de desquamation variable
prend par plaques l'aspect de la peau du blanc.
Cette affection a été considérée comme une variété
de pre décolorante.
Il est presque inutile que j'ajoute n'avoir observé
aucun cas de contagion lépreuse chez l’Européen
Quant à l'efhyma où bouton malgache, observé
chez l'Européen par Jaillet sur la côte Est, je dois
dire que, dans la région du Boéni, l'ecthyma el
sa forme plus grave, le rupia, sont communs che
l'indigène de sang hova plus ou moins mêlé. Je
l'ai constamment vu, pour ne pas dire toujours:
coïncider avec la syphilis, et le seul casquej'aiob
servé chez l’Européen élait dans les mêmes con
ditions spécifiques. :
Quant à l'ulcère malgache, Vulcère des membres
inférieurs, surtout l’ulcère périmalléolaire, du 4/3
inférieur de la jambe ou du pied, est assez fré=
quent dans la population indigène; mais l'in
fluence des causes prédisposantes mauvais élat gé
néral, syphilis, anémie -palustre, misère physio:
logique) ou occasionnelles (régions découvertes
traumalismes répétés, malpropreté, lésions lé:
gères banales négligées au début) m'a paru suffi
sante pour qu’il soit inutile d'attribuer à l’ulcèrt
malgache aucun caractère spécial de malignil
climatérique ou régionale. J’en ai beaucoup ob
servé el traité chez les ouvriers indigènes de
mines d'or. Ramené aux conditions d’une plai
simple par la cautérisation, quand cela est né:
cessaire, et pansé régulièrement, l’ulcère ma
gache, même étendu, guérit bien. Il est beaucoul
plus rare chez le créole que chez l’indigène et plu
encore chez l'Européen que chez le créole.
La gale est fréquente dans les basses classes d
la populalion indigène, et présente fréquemmen
la forme eczémateuse où purulente. Les cas rares ob
servés chezl' Européen étaientdes cas de gale simple
Une variété d'ecthyma très contagieuse à élé obser
vée par le D' Jaillet sur la côte Est. J'ai vu signalé
d’une façon générale, dans les pays chauds, la fr
quence de diverses variétés d’Aerpès contagieuses. à
n’ai pas d'observations régionales de cas analogues?
sauf en ce qui concerne l’herpès labial febrile, que]
n'ai pas trouvé ici chez l'Européen différer autre
ment de l’herpès labial d'Europe.
Quant aux Æntozoaires, le ténia existe, parait
dans la région de l” Porte J'en ai vu un seul cas
chez un Européen, qui rendit ici des cucurbitin
pour la première fois; il n'avait que trois mois di
résidence, et il est impossible de dire s’il s'agl
d'un cas régional ou d’un cas importé.
Je n’ai noté chez l'indigène (enfants) que l’asca
ride lombricoïde et l'oxyure vermiculaire.
D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR 151
Maisje crois devoir faire mention importante d'un
cas de kyste hydatique du foie (mort par affection
intercurrente. à l'hôpital de Nossi-Bé, autopsie). Il
s'agissait d’un cas régional, le sujet habitant le
- Boéni depuis son enfance (indigène). Les premiers
- symptômes perceplibles (voussure hépatique, dé-
“ mangeaisons) remontaient à quinze mois environ
- au moment du décès (avril 1894).
- Le #lanos a été signalé à Nossi-Bé, à la Réunion
- et sur la grande terre. Le D' Jaillet en a observé 8
- à 10 casà Tamalave, dans le courant de 1893.
4 Je n’ai que quatre observations de cowp de cha-
- leur chez l'Européen, trois fois par insolation
- directe, une fois par chaleur obscure : ce furent
quatre cas à forme syncopale, peu grave; le coup
- de chaleur est donc peu fréquent, rare même chez
l'Européen, malgré l'élévation de la température et
l’état habituel de la lumière. Mais il s’agit ici d'Eu-
ropéens marchant ou travaillant isolément, dans
une tenue dégagée, habitant aussi isolément, et le
coup de chaleur est sans doute à prévoir plus fré-
quent chez le soldat, marchant en formation plus
oumoins dense, soumis à la gène d’une tenue moins
libre, de l'équipement et du poids des armes, et ha-
bitant en commun. Il faut tenir compte, en outre,
. dans cette comparaison, de l’accoutumance réelle,
dont bénéficie, à cet égard, l'Européen acclimaté,
acclimatation qui manque aux nouveau-venus.
Quant aux formes locales de l'insolation, &y-
thème léger des parties découvertes, mains, avant-bras,
cou, elles sont assez fréquentes et n'offrent, d’ail-
leurs, aucune gravité.
à
:
.
VI. — AFFECTIONS INTERNES
NON SPÉCIALES AUX PAYS CHAUDS.
Je. ne donne d'indications que pour celles de ces
affeclions offrant quelque intérêt pour mon sujet.
Maladies infectieuses communes à l'homme et aur
animaux. — La rage canine existe à Madagascar; elle
est connue dans la région, et des indigènes m'ont
cité un cas de rage humaine (femme mordue par
un chien enragé, morte avec des symptômes
délirants et convulsifs, trois semaines après la
morsure ??). Malgré la faible durée de l’incubation,
lecas n'est pas invraisemblable ; mais il est néces-
saire de faire quelques réserves, il peut être aussi
interprété comme un cas de tétanos.
La « tuberculose » est assez fréquente chez les
Hovas, sous formes de tuberculose ganglionnaire,
osseuse et pulmonaire. Les affections dites « sero-
fuleuses » revêtent chez l’indigène une forme et
une gravité particulière du fait de leur association
presque constante avec la syphilis. La {uberculose
pulmonaire, dans sa première et deuxième périodes
(ulcérations caverneuses, cachexie tubereuleuse),
l
m'a paru être à marche rapide, et j'ai presque
constamment vu la tuberculose des indigènes com-
pliquée et aggravée par des accès palustres.
Quant à l'Européen et au créole tuberculeux (six cas),
je résumerai mon impression ainsi : Le elimat leur
est défavorable, la tuberculose latente se révèle, la
tuberculose confirmée s'aggrave. Cette remarque
peut fournir une indication pour l'examen el la sé-
lection à opérersurles troupes destinées à agir dans
la région.
Affections infectieuses de l'homme. — Parmi celles-ci,
Je placeraïi en tête les « fièvres éruptives ».
La vwriole est endémique dans la région. Et si elle
n'exerce pas de plus nombreux ravages, c'est que
les indigènes poussent etabandonnent danslacam-
pagne sans ménagement nihésitation tout individu
atteint, aussitôt le mal reconnu. Aussi n'est-ce
qu'accidentellement qu’on peut l’observer.
Je n'ai vu que des cas de variole diserète ou co-
hérente à forme commune (1 cas compliqué de pa-
raplégie variolique, guérison complète), mais les
indigènes m'ont fail une description exacte de la
variole hémorrhagique, qu'ils paraissent connaitre.
Antérieurement à mon arrivée, il y a eu un décès
par variole dans le personnel créole des mines d'or
(vaccination). J'ai observé, chez deuxautres créoles
vaccinés, 1 cas de variole discrète (guérison) et un
cas de varioloïde (guérison).
Je n’en ai pas vu, ni recueilli de cas européen.
Parmi les autres fièvres éruptives, la rougeole
est assez fréquente à Tananarive. Elle est très rare
dans le Boéni, où je n'ai pas encore observé de
seurlatine.
Une épidémie de grippe a sévi l’année der-
nière sur toute l'ile. Elle a frappé toute la région
de Tananarive à Majunga. Il m'a été donné de
l'observer sur {out ce parcours. Elle m'a paru
sévir plus fortement à Tananarive et dans le haut
pays que dans le bas pays (du 15 juillet au 15 sep-
tembre 1893). Elle a été très générale. J'ai observé
chez l’indigène quelques rares cas à forme ner-
veuse, la forme thoracique dominant presque
exclusivement.
C'est celle que j’ai observée chez les Européens,
je n'ai pas eu de cas grave. Dans un seul cas, chez
un créole tuberculeux, à la deuxième période, la
grippe a déterminé une broncho-pneumonie grave,
rapidement mortelle.
Je n’ai pas observé, dans une pratique de trois
ans, un seul cas d’érysipèle chirurgical ou médical.
Maladies du tube digestif. — Y'ai observé chez
l'Européen la s{omatite catarrhale et la stomatite
aptheuse (rares).
En outre, le #auguet s’observe chez l'enfant
152
D' LACAZE — PATHOLOGIE DE MADAGASCAR
indigène, et j'ai quelques observations chez l’indi-
gène el le créole de stomatite ulcéro-membraneuse.
Je ne fais, par cette dernière désignation, que tra-
duire l'aspect symptomatique de ces cas sans en
affirmer la spécificité.
L'angine calarrhale aiguë simple s'observe chez
l'Européen, mais bien plus rarement qu'en pays
tempéré chez l’indigène ; j'ai noté, en outre, l'en-
qine (amygdalite) phleymoneuse.
L'angine diplhérique est assez fréquente à Tana-
narive. Je n'en ai pas observé dans la région, ni
non plus aucune autre manifestation dipthérique.
Il serait dificile et peut-être oiseux de vouloir
distinguer l'embarras gastrique, simple ou fébrile, des
embarras gastriques qui précèdent, accompagnent
et suivent les accès de fièvre intermittente. Toutes
ces formes, dans la région, sont justifiables du
même traitement (médication évacuante, et admi-
nistration du sulfate de quinine).
J'en dirai autant de la dyspepsie chronique (ano-
rexie avec dégoût marqué pour la viande, ren-
vois, ballonnements indolent ou douloureux de
l'estomac, diarrhée lientérique ou non), qui parait
toujours être liée étroitement à l’ancienne tropico-
paludéenne, ou provoquée par des alteintes ré-
pétées coup sur coup de fièvre palustre. Le trai-
tement tonique (quinquina ferrugineux, amers), le
changement de régime alimentaire et au besoin
de résidence, par leurs bons effets habituels, con-
firment, je crois, celte appréciation.
Maladies de l'appareil respiratoire. — Les indigènes
sont assez sujets, en toute saison, mais surtout
au commencement de la saison sèche, au coryzt
aiquë, qu'on observe aussi chez l'Européen, mais
moins accentué et moins fréquent que dans les
pays tempérés.
Ces remarques s'appliquent aussi à la bronchile
aiquè simple, assez fréquente chez l’indigène pen-
dant la saison des pluies et pendant la période qui
est pour lui le froid de la saison sèche. La /aryn-
gite aiguë simple, plus rare, s’observe aussi. J'ai
observé, l’année dernière, chez les enfants de la
région, une douzaine de cas épidémiques de coque-
luche, et j'ai noté chez l'indigène trois cas d'asthme
essentiel.
Assez fréquemment on note chez l’Européen, au
cours des fièvres palustres, des foyers de congestion
pulmonaire el même de broncho-pneumonie. Mais,
sauf un cas de pleuro-pneumonie aiguë, je n'ai
observé les inflammations pulmonaires ou pleu-
rétiques franches des climats tempérés. J'ai déjà
signalé chez l’'Européen un cas de décès par
broncho-pneumonie à la période terminale de la
cachexie palustre.
J'ai à peine quelques observations de pleurésie
à épanchement chez l’indigène, et seulement deux .
cas de pneumonie aiguë lobaire {signes stéthosco-
piques classiques, crachats rouillés).
Maladies de l'appareil circulatoire. — On observe,
et non très rarement, chez l'indigène de race
hova, l’aortile chronique avec dilatation de la crosse
plus ou moins marquée, où anévrisme constitué.
On observe aussi chez les Hovas venant de l'Imé-
rina, où le rhumatisme articulaire aigu est assez
fréquent, l'insuffisance mitrale. Je ne dirai rien.
de ces cas, sinon que ces malades, et les mitreux
plus que les aortiques, paraissent mal supporter
le séjour du pays. Je ne parle, bien entendu, en
ce moment, que des cas encore à la période de
compensation.
J'ai fait la même remarque chez deux Européens
ainsi atleints, el qui ont été particulièrement
éprouvés par le climat, quoique leur lésion fût en-
core complètement compensée.”
L'hypertrophie cardiaque simple el les palpitations
accompagnées ou non d'hypertrophie s'observent
aussi chez l’indigène. J'ai seulement observé des
palpitations chez l'Européen. J'ai déjà signalé ces
faits à propos des affections palustres.
Maladies du rein. — La néphrite aiguë et les di-
verses formes du mal de Bright s’observent chez
l'indigène. J'en ai observé chez le personnel
(1 créole, 1 Européen) 2 cas importés : il est à
noter que, malgré la température du climat, ils
ont offert les complications pleuro-pulmonaires
communes dans les pays lempérés (bronchite,
pleurésie séreuse, épanchement faible, bronchite,
ædème et congestion des poumons).
Maladies de l'appareil locomoteur. — Le rhuma- :
tisme articulaire aigu, assez fréquent, parait-il,
chez l’indigène à Tananarive, est rare chez l’indi-
gène né ou depuis longtemps sédentaire dans les
bas pays, el ne se présente que sous forme
atténuée.
Les divers cas de douleurs musculaires ou arti-
culaires auxquelles on accorde facilement la dési-
gnation de « rhumatismales » dans les consul-
tations un peu hälées, se présentent assez fré-
quemment chez l'Européen dans la région.
Mais je n'ai réellement rencontré, chez l'Euro-
péen, que deux cas où la multiplicité, la morbi-
dité et la marche de déterminations articulaires
m'aient rappelé, sous une forme très atténuée
quant à l'intensité de la douleur et des phéno-
mènes généraux, la polyarthrite-rhumatismale
aiguë des climats tempérés.
Dans l’un des cas je notai, en outre, malgré des
phénomènes fébriles et douloureux peu accusés,
TT RL RES A EN RE TT AU haie“ 6
: dE. à 7% j
L. OLIVIER — CONCLUSION PRATIQUE
1
©
ce
me-aggravation subite de l’anémie préexistante. | très fréquentes chez l'indigène de la région. Je
Ces deux malades avaient, antérieurement à | dois spécifier qu'en ce qui concerne la syphilis,
leur arrivée, souffert du rhumatisme aigu (anté- | elle est surtout fréquente chez l'indigène de race
cédents nets). s hova plus ou moins pure. Le Sakalave et le Makoa
3 2 jouissent, mais non jusqu’à exemption complète,
Maladies vénériennes. — Je donne ces indications | de l’immunité ordinaire des races noires.
en prévision des cas où des troupes seraient sta- Indépendamment de la liberté des mœurs, cette
lionnées dans des conditions telles que la facilité | fréquence reconnail aussi pour cause l’indiffé-
de leurs rapports avec l’indigène peut créer un | rence individuelle relative pour ces affections, la
anger de contagion vénérienne. Aussi parlerai-je | promiscuité, les habitudes de la vie commune
xclusivement des affections vénériennes chez | indigène {communauté des objets mobiliers et
'indigène. même des vêtements).
Les trois classes d'affections vénériennes, — D' Lacaze,
ë ee Médecin du Corps expéditionnaire
blennorrhagiques, echancrelleuses, syphilitiques, — sont AM TT CT QUE
CONCLUSION PRATIQUE
LA POLITIQUE FRANCAISE A MADAGASCAR
- Les études qu'on vient de lire ! comportent une | l'attention du Parlement et du Pouvoir exécutif.
- conclusion pratique : plusieurs enseignements s'en | Nous ne saurions mieux faire que de publier à ce
- dégagent pour notre politique coloniale. sujet les conseils du savant le plus autorisé en la
« Allons-nous, au lendemain de la conquête, trans- | matière, notre éminent collaborateur M. A. Gran-
“porter à Madagascar, comme à un nouveau Port- | didier, qui a consacré sa vie à l'étude et à la des-
Breton, cette multitude de colons indigents qui se | cription de la grande ile.
laissent si facilement prendre au mirage d'un pa- M. Grandidier fait remarquer tout d'abord qu'il
radis lointain et que la misère seule détermine à | convient de ne point confondre le peuple Hova et
s'expatrier? Allons-nous peupler l'ile de fonc- | son gouvernement. Ce dernier a indignement violé
tionnaires français, de neveux de députés, de sé- | le traité de 1885. C'est à lui seul que nous faisons
nateurs et de ministres, réserve et pépinière élec- | la guerre. Quant au peuple, notre devoir est de le
lorale que les Sakalaves auraient le plus grand | diriger dans la voie du progrès moral et social :
tort de nous envier? Allons-nous imposer nos | nousne voulons pas l’asservir.
institutions européennes à des peuplades pliées,
depuis une longue suite de générations, à « ILn'est pas douteux », dit l’éminent savant, «que les
un tout autre état de civilisation? Allons-nous, Hova ont un fonds de qualités sérieuses rue possè-
sou-prétexte de colonisation, grever es nances | D Ps Mag md de que cl qu era con
de la France pour restaurer celles des Ménabé el | Guence naturelle et heureuse de notre protectorat,
des Mérina? amènera forcément une prompte et profonde transfor-
La connaissance que nous commençons à avoir mation dans leur état moral et dans leur caractère,
"des races malgaches, une saine appréciation des au pars grand bénéfice et an plus grand contentement
d'eux-mêmes et de notre pays.
D diverses de leur pays, nous préserve- « Suivant l'heureuse expression de l’un de nos voya-
-ront, espérons-le, d'une telle folie. geurs africains les plus méritants et les plus éner-
Tout récemment, lorsque notre gouvernement | giques, M. Mizon, la colonisation est une association
s'est trouvé entrainé à une expédition militaire où, en échange du sol et du travail que fournit l'indi-
Æ - scène, l’homme civilisé apporte son intelligence, sa
JOY H vantsui 0 Ë SRE r
D nomme de Noysgenrs el “E nt science et ses capitaux. Or, notre association avec les
ayant vécu à Madagascar s’est constitué * en Vue | Merina (Hova) sera certainement prospère ; car, intelli-
. d'appeler sur ces questions d'importance capitale | gents et désireux de s'élever à notre niveau, ils en
comprendront vite tous les avantages dès que le ré-
po: Voyez aussi l’article de M. A. Grandidier sur les Hova, gime XARAUE SE les/a Fiçonnés à DESERT, de
“ublié dans la Revue générale des Sciences du 30 janvier mensonge et à l’avarice, aura, par notre initiative, fait
1895. place à un gouvernement meilleur, qui garantira
2 Comité de Madagascar, ayant son siège au ne8 de la rue | effectivement la propriété individuelle, qui rétribuera
de Tournon à Paris. les fonctions publiques et réprimera les concussions,
EL
4
°”
=
7154 L.
OLIVIER — CONCLUSION PRATIQUE
qui, tout en respectant les mœurs et les coutumes,
abolira toute corvée autre que celle nécessaire pour
l'exécution des routes et des travaux publics, notam-
ment la corvée militaire, que remplacera avantageuse-
ment le recrutement volontaire.
« Cette nouvelle organisation politique, qui sera cer-
tainement très appréciée des Mérina (Hova), stimulera
leur activité el donnera un grand essor à leur industrie
et à leur commerce. Grâce à l’étendue considérable
de la région aurifère, qui mesure plus de 100 lieues de
long sur 50 lieues de large, et que de nombreuses
sociétés viendront exploiter, nous avons confiance que
ce pays, aujourd'hui pauvre, s’enrichira, et que sa
richesse facilitera et hâtera l’œuvre de civilisation qui
a été si bien commencée par les missionnaires et que
nous pourrons mener à bonne fin sans avoir à faire
appel aux finances de la France. Les mines d’or sont
comme le coffre-fort d’où l’on tirera l'argent nécessaire
à l'exécution des routes et des chemins de fer, sans
lesquels la mise en valeur de cette ile serait impos-
sible, à
« On pourra alors tenter utilement à Madagascar
des entreprises agricoles. Dans la région orientale et
dans la région centrale, où le climat est le plus favo-
rable à une végétation puissante et où la population
est le plus dense, le sol manque, en beaucoup d’en-
droits, de certains éléments utiles à la plupart des
cultures, notamment de calcaire, et il est indispensable
que de bonnes voies de communication permettent
lé apport à bon marché des amendements indispensables
au succès des plantations et à l'écoulement de leurs
produits, Les routes, qu’on pourra faire vite et bien.
grâce à la richesse aurifère des provinces centrales de
Madagascar, sans qu’il en coûte rien à la métropole,
permeltront de mettre promptement en exploitation
rémunératrice des terres qui sont actuellement infer-
tiles, mais qu'on transformera facilement par un trai-
tement approprié.
« Il n’est pas toutefois inutile d'insister sur ce que
ce n’est point avec des vagabonds et des mendiants
qu'on peut coloniser; espérons que le gouvernement
n'encouragera pas, au moins au début, l'exode de ces
familles misérables, plus riches d'illusions que d’ar-
gent et de science, qui ne pourraient que végéter ou
même périr de maladie et de besoins. Avant que l'ère
de la colonisation individuelle ou familiale ne s’ouvre,
il faut que ceux qui, avec raison, voudront utiliser les
ressources minières ou agricoles de Madagascar, pos-
sèdent les capitaux nécessaires et soient outillés ma-
térielMement et scientifiquement pour faire les études
préparatoires nécessaires à toute entreprise coloniale
en pays neuf et pour attendre patiemment le moment
où Ja semence confiée à cette terre encore inconnue
produira la moisson prévue. »
On ne saurait trop insister sur la sagesse d’un
tel conseil, Le Comité de Madagascar, adoptant plei-
_bliques, le chemin de Madagascar, si la possibilité
nement les vues de M. Grandidier, amis en tête de
son Bulletin celte importante déclaration : è 1
à
« Le Comité pense qu'il y aurait danger à appeler
immédiatement des immigrants sans ressources. e
A de très rares exceptions près, ces immigrants ne
peuvent lutter contre la main-d'œuvre indigène, tom-
bent dans la misère, sont une charge pour la colonie
et, par leurs récriminations, jettent sur elle le dis-
crédit. Il convient, au contraire, d'encourager les.
colons qui sont en situation d'attendre quelques : années
les résultats de leurs efforts, Si leurs entreprises réus-
sissent, comme il y a lieu de s’y attendre, ils attireront
naturellement à eux leurs compatriotes, avec toutes
garanties de bien-être et de succès, »
Ainsi se produira, sans préjudice pour nos na-
tionaux, sans atteinte à nos finances, la mise en
valeur des richesses du sol malgache. Si, comme.
le veut M. Grandidier et, avec lui, le Comité de Ma-
dagascar, À demeure bien entendu que l'ile devra
trouver en elle-même les conditions de son déve-
loppement économique, « vivre de ses seules
ressources el suffire à Lous les besoins de son ad-
ministration ! », nul doute qu'elle ne devienne,
dans un avenir prochain, une colonie très pros-
père.
Si ces idées prévalaient, si le public avait cellen
confiance que tel ne cessera d’être le principe de
notre politique à Madagascar, il est probable que
de grandes Compagnies, traitant avec l'État, se
formeraient à l'effet d'exploiter les richesses fores-
tières de l'ile, d'y faire de la culture, de l'élevage
et du commerce. Ces Sociétés rendraïent à l'ile ce
service inestimable d'y pratiquer des routes, d°
établir des voies ferrées, d’y améliorer la naviga=
tion fluviale, d’assainir des régions maréca-
geuses; et, en rémunération de ces travaux
d'intérêt public exéculés à leurs frais, elles
deviendraient proprièlaires où tout au moins conces=
sionnaires de territoires déterminés à l’origine du
contrat. Les capitaux français prendront volontiers
et très utilement pour eux et pour les affaires pu=
matérielle d’y fructifier leur est ainsi valablement
assurée,
Louis Olivier.
! Bulletin du Comilé de Madagascar,
Le
.
n° 1, page
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BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 755
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Vallier (E.), Chef d'escadron d'Artillerie, Correspondant
de l'Institut. — Balistique des nouvelles poudres.
— | vol. petit in 8° de 180 pages avec fiqures, de l'En-
cyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, publiée sous
la direction de M. H. Léauté, membre de l’Institut.
(Prix : broché, 2 fr. 50 ; cartonné, 3 francs.) Gauthier-
Villars et fils et G. Masson, éditeurs. Paris, 1895.
La fabrication des armes de guerre et des bouches à
feu de gros calibre a pris de nos jours. et notamment
en France, un développement considérable; elle cons-
lüitue une branche importante de l’industrie métallur-
gique et exerce sur ses progrès une influence bienfai-
sante dont les arts les plus pacifiques sont les premiers
à profiter.
Aussi les notions qui président à l'étude des condi-
tions d'établissement des bouches à feu ne sont-elles
plus l’apanage exclusifdes ingénieurs d'Etat, et voyons-
nous les publications industrielles discuter la puissance
et le rendement d’une bouche à feu comme les élé-
ments d’un moteur thermique quelconque.
M. le commandant Vallier s’est proposé de réunir,
sous une forme concise, les données théoriques et
expérimentales indispensables pour de pareilles re-
cherches, et il a indiqué, par le titre de sonouvrage, le
point de vue général auquel il s’est placé qui est
l’étude de l’adaptation aux bouches à feu des explosifs
balistiques à grande puissance, introduits depuis une
dizaine d'années dans les armements européens.
Les éléments qui interviennent dans le fonctionne-
ment d’une bouche à feu sont de deux sortes; les uns
définissent l’arme : ce sont le calibre, le volume de la
chambre à poudre, la longueur d'âme, le poids du pro-
jectile; les autres définissent l’explosif qui sera
utilisé dans cette arme : ce sont, le poids de la charge.
la force de l’explosif, la durée et la loi de sa combus-
tion. Toutes ces variables interviennent simultanément
dans la valeur de la vitesse initiale communiquée au
projectile et dans la valeur de la pression développée
dans la bouche à feu.
De la vitesse initiale dépend la puissance de la
pièce, de la pression maximum dépend la sécurité de
son fonctionnement. Toutes les études de balistique
intérieure ont pour but de calculer la valeur de ces
deux éléments lorsqu'on connaît le tracé du canon et
du projectile et la nature de l’explosif, L'auteur, après
avoir résumé dans les premiers chapitres, les principes
de thermodynamique et de thermochimie qui régissent
le fonctionnement complexe de ces machines ther-
miques, établit par une théorie nouvelle les relations
fondamentales qui lient la vitesse initiale et la pression
maximum aux éléments du tir.
Toutefois l’incertitude où nous sommes encore rela-
tivement au mode de fonctionnement de certains
explosifs ne permet pas d'introduire, dans les formules,
les caractéristiques de ce fonctionnement comme des
données de la question, et c'est sous forme de cons-
tantes déterminées pour chaque explosif particulier
par des tirs préalables, dans des armes d’ailleurs quel-
conques, que les éléments force, durée et loi de com-
bustion sont introduits dans les formules.
Il existe donc encore une lacune importante dans
ces théories; mais, sous leur forme actuelle, elles sont
appelées à rendre d'importants services parce qu’elles
permettent de tirer, d'expériences restreintes, des
données qui conduisent à la prévision des effets dans
les armes les plus diverses.
L'ouvrage de M. Vallier se recommande donc d’une
facon toute particulière à l'attention des artilleurs el
des ingénieurs spécialistes. P. VIEILLE,
Ingénieur en Chef des Poudres et Salpêtres.
Répétiteur à l'Ecole Polytechnique.
Bigourdan (G.), Astronome à l'Observatoire de Paris.
— Sur la mesure micrométrique des petites
distances angulaires célestes et sur un moyen
de perfectionner ce genre de mesures. — 1 bro-
chure grand in-8° de 32 pages. Gauthier-Villars et Jils,
éditeurs. Paris, 1895.
M. Bigourdan, qui a fait une étude approfondie des
erreurs qui se produisent dans les mesures d'étoiles
doubles, propose, dans son nouvel ouvrage, une mé-
thode qui donnera des résultats d’une plus grande pré-
cision que celle qui a généralement été employée jus-
qu’à présent. Pour déterminer la distance des compo-
santes d'un système stellaire, on place chacune d'elles
sous un des fils du micromètre et, dit M. Bigourdan,
si l'étoile est faible, elle est cachée complètement par
le fil: si elle est brillante, sa lumière mord le til de
chaque côté, et peut même le faire disparaître complè-
tement. Comme les difficultés de mesure s’atténuent
quand le diamètre des fils devient plus faible, l’auteur
propose de les supprimer complètement et de les rem-
placer par des pointes très fines, constituant dans le
plan du micromètre un véritable compas à verges.
M. Bigourdan donne le moyen d'obtenir des pointes
convenables et de les fixer dans le micromètre; il s’est
servi de pointes en verre dont la construction est très
simple, leur diamètre à l'extrémité n'est que de 6 mil-
lièmes de millimètre, c’est-à-dire inférieur à l’épais-
seur des fils ordinairement employés dans les mesures
d’étoiles doubles. L'auteur, qui a expérimenté son pro-
cédé pendant plus d’un an, cite de nombreux exemples
qui montrent tout l'avantage de l’emploi des pointes
pour la mesure des distances des composantes des
étoiles binaires, au moins lorsqu'il s’agit de couples
serrés; quand la distance angulaire des étoiles dépasse
3" ou 4", la nouvelle méthode, qui consiste à déplacer
les pointes, l’une par rapport à l’autre, au moyen de la
vis micrométrique, jusqu'à ce que les étoiles semblent
se trouver sur leur prolongement, n’est, en général,
as plus avantageuse que l’ancienne.
M. Bigourdan a également recherché le meilleur pro-
cédé pour la mesure des petits diamètres, tels que ceux
des satellites de Jupiter. L'auteur, après avoir discuté
les diverses méthodes employées (fils simples, fils
doubles, micromètres à double image, etc.), donne les
résultats que lui à donnés l’usage des pointes pour les
mesures des quatre gros satellites de Jupiter, dans di-
verses conditions d’éclairement; la faiblesse des écarts
de chaque valeur individuelle avec la moyenne montre
que la méthode de mesure préconisée par M. Bigour-
dan est susceptible de donner des résultats d'une
grande précision.
Enfin, quelques essais, faits en vue de mesurer les
petits détails qui se présentent à la surface des pla-
nètes, ont montré que la précision est plus grande el
l'observation plus aisée lorsque l’on fait usage de
pointes. On pourrait peut-être se servir avantageuse-
ment de cette méthode pour déterminer la largeur des
divers anneaux de Saturne et les dimensions des dé-
tails que l’on apercoit à leur surface.
Il ne nous semble pas douteux que les résultats ob-
tenus par l’auteur ne décident les astronomes à se ser-
vir de ce nouveau procédé pour toutes les mesures de
petites distances angulaires célestes.
P, STROOBANT,
"PAS ON
156 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
2° Sciences physiques.
Hinrichs (Gust.-D.), Professeur de Chimie à l'Ecole de
Pharmacie de Saint-Louis (Etats-Unis). — The Ele-
ments of Atom-Mechanices; 1% vol. : The true
atomic Weights of the chemical Elements and
the Unity of Matter. — 1 vol. in-8° de 260 p. avec
planches et diagrammes. (Prix : 45 francs.) C.-G. Hin-
richs, éditeur, à Saint-Louis, et B. Westermann, à New-
York, H. Le Soudier, 174, boulevard Saint-Germain,
Paris, 1895.
Depuis environ deux ans, M. Hinrichs a publié, dans
les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, de
nombreuses notes relatives, pour la plupart, à la déter-
mination des poids atomiques; le volume qu’il vient
de faire paraître est en grande partie le développement
de ces notes.
M. Hinrichs se propose de démontrer que l’hypo-
thèse de Prout n’est nullement contredite par les
déterminations de poids atomiques, c'est-à-dire que
ces poids atomiques sont tous des multiples exacts
de la moitié de celui de l'hydrogène. C’est la concep-
tion qui avait été proposée par Dumas et que l’on a
généralement regardée comme une simple approxima-
tion après les recherches de Stas. M. Hinrichs ne con-
teste pas l'exactitude des analyses de Stas, mais il pro-
teste contre le peu de cas que l’on fait des résultats
d'autres expérimentateurs habiles tels que Dumas,
Marignac, etc. Pour lui, les analyses de ces divers
savants ont la même valeur, et il considère que les
écarts qu'elles présentent proviennent de ce qu’elles
ont été faites dans des conditions différentes, notam-
ment avec des poids très différents de matière; le
poids atomique trouvé varierait donc d’une facon régu-
lière avec la quantité de substance employée à la
détermination. Cette remarque qui n'avait jamais été
faite est certainement logique; il est naturel d'admettre
que, dans un dosage, les conditions de solubilité, de
volatilité, interviennent plus ou moins suivant que l’on
opère sur des masses plus ou moins grandes. M. Hin-
richs représente graphiquement cetle variation du
poids atomique trouvé en fonction du poids de subs-
tance employé, et trouve que les points correspondant
aux diverses expériences se placent sur une courbe de
forme parabolique. Cette courbe donne, par extrapola-
tion graphique, le poids atomique correspondant à une
opération idéale, portant sur une quantité de matière
nulle; c’est ce que M. Hinrichs appelle le poids ato-
mique vrai déterminé par la méthode limite. Or, les
poids atomiques vrais, ainsi déterminés d’après les
résultats des principaux analystes, se trouvent être
des multiples exacts de la moitié du poids atomique
de l'hydrogène.
Les idées de M. Hinrichs soulèvent bien quelques
objections, mais elles nous semblent mériter une dis-
cussion approfondie ; la remarque relative à l'influence
des quantités de substance employée dans les analyses
peut avoir une grande importance pour la chimie de
precision,
Voici, comme exemple, un tableau résumant les re-
cherches de Stas sur la synthèse du nitrate d'argent.
La colonne I contient le poids d'argent employé, et la
Fa Il la valeur du poids atomique trouvé pour
‘azote :
Le livre de M, Hinrichs contient en outre une étude
historique et critique des différentes recherches rela-
lives aux poids atomiques; étude dans laquelle l'au-
teur exprime ses opinions avec beaucoup d'énergie et
de franchise, Ses grandes admirations sont pour Berzé-
lius et Dumas, quoiqu'il accuse celui-ci d’avoir « plié
le genou devant Baal » en usant du « consommé Pe-
louze ». (Cela signifie faire un dosage au moyen d'une
liqueur titrée d'argent.) Il regarde Stas comme un
manipulateur très habile qui a mal interprété ses
résultats et s'est fait, vis-à-vis des chimistes peu ver-
sés dans les mathématiques, une réputation de ma-
thématicien en appliquant la méthode des moindres
carrés à sept ou huit nombres déterminés dans des
condilions différentes; mais M. Hinrichs est surtout
plein de mépris pour l'école allemande, pour ces chi-
mistes qui sont devenus si exclusivement « chloru-
rants » (chlorinating), qu'ils semblent avoir perdu la
faculté de raisonner,
Quoique ces formes de discussion soient peu en
usage dans le monde scientifique, ou peut-être à cause
de cela, le livre est intéressant; il contient pas mal de
digressions, mais il renferme une idée, Cela vaut bien
la fameuse pièce dans laquelle il y avait un beau vers.
G. CHARPY,
Fayollat (J.). — Recherches sur quelques dérivés
tartriques de structure dissymétrique. (Thèse pour
le Doctorat de la Faculté des Sciences de Genève.) —
1 brochure in-8° de 60 pages. Imprimerie Dubois, Ge-
nève, 1895.
On se rappelle le travail de M. Freundler sur les
éthers tartriques substitués, dont la Revue a donné ré-
cemmentun résumé succinct : l’auteur s’y était attaché
surtout à l'étude des dérivés symétriques dont le dia-
cétyltartrate d’éthyle offre l'exemple le plus simple.
M. Fayollat a voulu compléter ce travail en y joignant
les données relatives aux éthers monosubstitués ou
bisubstitués dissymétriques de la forme :
CO?R — CH (OA) — CH (OH) — COR
et
CO2R — CH (OA) — CH (OB) — CO?R,
si l’on désigne par A et B deux radicaux acides diffé-
rents, ainsi qu'à quelques sels, alcalins ou alcalino-
terreux, de l'acide éthyltartrique.
La préparation de ces corps est en général difficile,
et, dans beaucoup de cas, leur purification est impos-
sible. Il en résulte que les données polarimétriques
relatives aux dérivés en question ne peuvent qu'être
approximatives, et M. Fayollat insiste plus sur la partie
pratique de son travail que sur les conclusions théo-
riques qui en découlent, Les pouvoirs rotatoires des
éthers tartriques monosubstitués sont intermédiaires
entre ceux des mêmes éthers purs et bisubstitués, tout
en se rapprochant davantage des premiers ; il en est de
même pour les pouvoirs rotatoires des éthers tar-
triques bisubstitués à deux radicaux différents, qui
sont toujours compris entre les pouvoirs rolatoires des
dérivés bisubstitués symétriques correspondant aux
deux radicaux mis en œuvre,
L. MAQUENNE.
Gascard (Albert). — Contribution à l'étude des
gommes laques des Indes et de Madagascar. —
Un vol. in-8° de 125 p. avec 1 planche. Société d’édi-
tions scientifiques, 4, rue Saint-Antoine, Paris, 1895.
La chimie des gommes laques était peu avancée jus-
qu'à ces dernières années; elle est demeurée station-
naire de 1830 à 1886, époque où M. Gascard l’a reprise.
Le faitle plus important qui ressorte du présent tra-
vail, c’est la présence, dans la gomme laque, d'un prin-
cipe cristallisé, ayant les propriétés physiques des.
cires, mais formé d’un acide azoté susceptible d’être
éthérifié par l'alcool myricique; il démontre que l'in-
secte intervient activement dans la production de la
cire; le rôle de la cire est de protéger les stigmates de
l'insecte contre l’envahissement de la résine et d'assu-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 757
. rer l'accès de l'air aux organes respiratoires; l'alcool
myricique estidentique à lui-même quelle que soit son
origine, la cire d’abeilles est donc la même que la cire
de gomme laque.
_ M. Gascard étudie aussi une nouvelle gomme laque
originaire de Madagascar. Signalée en 1661, par Fla-
court, sous le nom de Lilin Bitsie, cette substance est
- restée inconnue depuis. Comme la gomme laque des
Indes, elle renferme une cire azotée relativement abon-
. dante, dont l’étude n’a pu être poussée aussi loin qu’on
pourrait le désirer, à cause de la rareté du produit,
- Les échantillons étudiés ont pour support les rameaux
. d’une Lauracée,
… Le professeur Targioni-Tozzetti, de Florence, rapporte
_ Ja Coccidée qui produit la laque de Madagascar à un
- nouveau genre Gascardia, voisin des Curteria, de la tribu
des Lecanidées.
F. Janix,
Professeur agrégé à l'Ecole supérieure
de Pharmacie de Montpellier.
- Haller (A.), Correspondant de l'Académie des Sciences,
Directeur de l'Institut chimique de Nancy. — L’Indus-
trie chimique. — 1 vol.in-8° de 350 puges avec figures
de l'Encyclopédie de Chimie industrielle. (Prix, car-
tonné : 6 francs.) J.-B. Baüllère et fils, éditeurs.
Paris, 1895. - x
M. Haller a reproduit dans ce livre son Rapport sur
Pndustrie chimique à l'Exposition de Chicago, dont notre
éminent coilaborateur M. H. Moissan a rendu compte
ici-même!; l'auteur y a ajouté d'importants docu-
ments acquis depuis l'apparition de ce Rapport et rela-
» tifs aux récents progrès des industries chimiques, prin-
. cipalement à l'étranger.
Cet ouvrage est actuellement le plus complet qui
existe sur la matière. Il rappelle, dans chaque chapitre,
les faits d’ordre scientifique les plus récemment acquis
qui servent de base à l'industrie décrite. Et, d'autre
part, les dispositions typographiques adoptées permet-
tent de consulter la partie technique du manuel avec
la même facilité qu’un dictionnaire.
- Si nous ne nous étendons pas davantage sur ce livre,
c’est que le Rapport qui en constitue la partie fonda-
mentale a été analysé dans la Revue et est actuelle-
ment dans les mains de tous les fabricants de produits
chimiques.
E. 0:
3° Sciences naturelles.
Faurot (L.), Docteur en Médecine. —Etudes sur l'ana-
tomie, l’histologie et le développement des Ac-
tinies.(l'hèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences
de Paris.) — Un volume in-8° de 220 pages, avec 29 fi-
gures et 42 planches hors texte. Archives de Zoologie ex-
périmentale, 3° série, vol, IIL. np. À. Hennuyer, T, rue
Darcet, Paris, 1895.
L'auteur s’est proposé de faire des recherches com-
paratives sur l’anatomie et le développement des Ac-
tinies fixées (Teulia, Sagartiadées et Zoanthides) et des
Actinies pivotantes, c’est-à-dire celles qui ne sont pas
fixées au sol par une base aplatie (Édwarsies, Cé-
rianthe). Il étudie successivement une douzaine de
enres d’Actinies, surtout des pivotantes, pour chacun
esquelsil indiqueavec minutie les caractères extérieurs
de forme et de couleurs, le nombre et la disposition
relative des tentacules et des cloisons, considérés chez
l'adulte et les jeunes individus, Ces monographies sont
précédées d’un chapitre plus général sur l'anatomie,
’histologie et le développement des espèces étudiées.
Je me bornerai à signaler les résultats nouveaux ou
. d’un intérêt général; au point de vue histologique,
Faurot s'occupe surtout de la structure du mésoderme ;
il est formé de membranes superposées, composées
elles-mêmes de fines fibrilles; bien qu'il n’y ait rien là
qui puisse être comparé à du muscle, Faurof ne peut
1 Voyez la Revue du 15 novembre 1894, page 829.
croire que ce mésoderme soit inerte, et admet que c'est
grâce à sa contractilité que les Actinies peuvent mo-
difier leur forme et se déplacer. A la base des cellules
ectodermiques du Cérianthe, il observe de petits sphé-
rules brun foncé qui seraient destinés à se transformer
en némalocystes, sans qu'aucune cellule épithéliale ne
les accompagne dans leur transformation. Les aconties,
longs filaments attachés aux cloisons des Sagartiadées,
et capables d’être rejetés au dehors par la bouche ou
des pores spéciaux, ont surtout pour but d'augmenter
la surface digestive des cloisons et ne sont pas utilisés
uniquement comme arme défensive.
Au point de vue anatomique, les cloisons sont dé-
crites quant à leur nombre.et à leur. développement
avec beaucoup de détails. Chez les jeunes individus,
il y a d’abord 8 cloisons (stade 8), puis # autres
(stade 12), qui présentent ce caractère commun d’ap-
paraitre par couples, c’est-à-dire une à droite et une à
gauche de l’animal, symétriquement par rapport au
plan médian, Ensuite, il se forme un nombre variable
d’autres cloisons, mais apparaissant toujours par
paires, c'est-à-dire deux à côté l'une de l’autre, sauf
probablement chez le Cérianthe. On avait cru jusqu'à
présent que le stade 8 du développement des Actinies
se conservait sans modification chez l'Edwarsia adulte;
ce n'est pas tout à fait exact; il y a bien, en effet,
8 grandes cloisons munies d'organes génitaux, mais
elles sont accompagnées par de très petites cloisons
stériles, 8 ou même 12, remarquablement rudimen-
taires chez l’'Edwarsia Adenensis.
Les Cérianthes présentent des caractères tellement
spéciaux qu'il convient de les isoler des autres Actinies
poar en former un groupe spécial : existence de deux
couronnes de tentacules, l’une buccale, l'autre margi-
nale: disposition spéciale des cloisons, arrangées par
groupes de 4 de taille différente et alternant régulière-
ment, les? plus grandes possédant des organes génitaux,
les 2 plus petites restant stériles; enfin les cloisons ne
présentent pas les muscles longitudinaux saïllants des
autres Actinies. Il est probable que l’Actinie nageante,
appelée Arachnactis brachiolata, west qu'un jeune Cé-
rianthe.
A signaler aussi quelques observations biologiques
intéressantes : les Actinies pivotantes sont capables de
ramper lentement sur le sol par des mouvements de
reptation, la bouche restant en arrière; quelques-unes,
comme Peachia, Halcampa et Ilyanthus, peuvent même
s’enfoncer verticalement dans le sable ou la vase.
Toutes ces Actinies et les Cérianthes sécrètent soit du
mucus, soit une gaine plus ou moins épaisse, qui pro-
tège leur colonne. -
On sait que quelques Actinies vivent fixées à de-
meure sur Les coquilles habitées par certains Pagures ;
c’estun simple commensalisme pour la Sagartiu parasi-
tica et les Pagures, une véritable symbiose pour
Adamisia palliata et le Pagurus Prideauxi. Faurot a
observé dans les deux cas qu’un Pagure, lorsqu'il a été
séparé de ses Actinies, quitte son gite pour une autre
coquille pourvue de ces animaux; il sait même arra-
cher les Actinies fixées qu'il rencontre par hasard, en
les malaxant entre ses pinces et ses pattes marcheuses ;
lorsque l’Actinie est détachée, le Pagure l’enserre entre
ses pattes et sa coquille, jusqu’à ce que le disque pé-
dieux se soit fixé sur sa demeure. Tandis que la Sagartia
peut vivre isolée, l'Adamsia ne peut subsister qu’associée
à son Pagure; lorsqu'on l’en sépare, elle meurt infail-
liblement dans le courant du deuxième ou du troisième
mois qui suit; on sait, d’ailleurs, qu’elle est déformée-
d’une manière toute spécigle, de facon à épouser com-
plètement le contour de-la coquille habitée par son
symbiote. L. CuÉNor.
De Laplanche (M. C.), de la Société Mycologique de
France. — Dictionnaire iconographique des Cham-
pignons supérieurs d'Europe, Algérie et Tunisie.
— 1 vol. in-12 de 540 pages. Paul Klinsieck, éditeur.
52, rue des Ecoles. Paris. 1895.
4° Sciences médicales.
Élatau (D: Edward). — Atlas du cerveau hu-
main et du trajet des fibres nerveuses, à l'usage
des Médecins et Etudiants en Médecine, avec une Préface |
le P' Mendel,
29
— A vol, gr. in-4 avec
francs.) Paris, Georges Carré ;
de M.
10 planches. (Prix :
Berlin, S. Karger. 1894,
Cet Atlas comprend sept planches de photographies
de la surface et des coupés du cerveau humain, frais,
non modifié par les liquides conservateurs, dont les
détails et les dimensions représentent par conséquent
le plus fidèlement la nature. Nous nous associons aux
éloges que le Pr Mendel, dans le laboratoire duquel
ces planches ont été faites, accorde en la Préface au
travail de E. Flatau. On possédait déjà, en France
comme en Allemagne, d'aussi magnifiques Atlas du
cerveau humain. Le grand mérite de l’œuvre de Kla-
tau, c’est qu’il s’y trouve un fort bon chapitre sur le
trajet des fibres nerveuses dans le névraxe tout entier.
L'anatomie macroscopique n’a guère fait de progrès
depuis longtemps ; au contraire, l'anatomie comparée,
la physiologie expérimentale, ef, par-dessus tout, la -
découverte des méthodes de coloration des éléments
du système nerveux, de Golgi et d'Ebrlich, ont renou-
velé, on le sait, toutes nos connaissances sur la struc-
ture et sur les connexions de ces éléments, les neu-
rones. Le Tableau schématique qui rend sensible le
trajet des fibres nerveuses, des voies sensilives, Senso-
rielles et motrices, du système nerveux central, sera
d'un grand secours pour ceux qui abordent cette
vaste mer, la théorie des neurones, où tant d’iles el
d'archipels merveilleux surgissent chaque jour de
l'inconnu, L'étudiant, qui ne connait l'anatomie line
que par les manuels classiques, où l'histologie du sys-
ième nerveux est encore traitée à la manière de la
paléontologie, se convaincra, en ouvrant ce livre, que
la science est vraiment conquérante, qu'elle a décou-
vert un monde nouveau de formes et de rapports, d'où
est sortie une interprétation nouvelle des phénomènes
les plus élevés de la vie, et que, pour la première fois,
l'étude scientifique de la structure et des fonctions du
cerveau et de la moelle épinière est devenue possible.
Ce chapitre préliminaire, assez étendu, sur les voies
nerveuses du névraxe, en général très exact et très
informé, comme il convient, renferme en outre
quelques vues ingénieuses et fines semées au cours de
l'exposition. C’est ainsi, par exemple, que l’auteur si-
unale, dans les cellules des noyaux grêle et cunéiforme,
l'analogue des cellules des cordons de la moelle épi-
uière : les unes et les autres, en effet, recoivent des
excitatious que, de la périphérie, leur transmettent
les fibres des faisceaux postérieurs, en d’autres termes,
la voie sensilive de premier ordre. Tout ce qui à trait à
la constitution du faisceau sensitif, au ruban de Reil
cortical médian, est fort bien concu et suflisamment
exact. La description des voies nerveuses de chacun
des nerfs cräniens est devenue presque lumineuse à
force de rigueur et 4# méthode. Le cervelet n'est pas
moins bien étudié que le cerveau et la moelle, tou-
jours quant au trajet des fibres nerveuses, Que lau-
leur me permette pourtant d'appeler son attention sur
le paragraphe consacré au trajet des fibres des nerfs
acoustiques. Quoiqu'il connaisse fort bien les (ravaux
de Flechsig, de Held et de Sala sur ce sujet (pourquoi
n'avoir point même nommé Forel ?), iln'a point réussi,
dans son texte surtout, à éclairer cette obscure pro-
vince de Ja science, comme il a fait les territoires du
nerf optique et du nerf olfactif. Jules Soury.
Klartelius (T. J.), Professeur à l'Institut central de
Gymnastique de Stockholm. — Traitement des mala-
dies par la Gymnastique suédoise. — Traduction
française par M. Æ. Fick et le D' €. Vuillemin.
— 1 vol. in 8° de 360 pages avec 100 fig. (Priæ : 6 fr.)
Société d'Editions scientifiques, 4, rue Antoine-Dubois.
Paris, 1895.
BIBLIOGRAPHIE —
|
ANALYSES ET INDEX
Moussous (A.), Professeur agrégé à la Facullé de
Médecine de Bordeaux. — Maladies congénitales du
cœur. — 1 vol. petit in-8° de 240 pages, de l’'Encyclo-
pédie scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par M. H.
Léauté, de l'Institut (Prix :broché, 2 fr. 50; cartonné,
3 fr.) Gauthier-Villars et fils et G. Masson, éditeurs.
Paris, 1895.
Il est souvent malaisé de préciser le point de départ
et la cause réelle d’une affection cardiaque. Ces der- :
nières années, on s’est préoccupé à juste raison des
malformations congénitales du cœur. Certaines d’entre
elles se manifestent par des signes spéciaux ; d’autres,
par des symptômes exactement semblables à ceux que
produisent les cardiopathies acquises. Aussi la diffé-
renciation, le diagnostic rétrospectif de la cause sont-ils
souvent difliciles à établir, M. Moussous a eu le mérite
dans le présent volume de retenir l'attention sur les
maladies congénitales du cœur, qui forment actuelle-
ment une des parties les plus intéressantes de la pa-
thologie cardiaque.
Au début, M. Moussous expose les notions d'embryo-
logie cardio-vasculaire nécessaires pour la compré-
hension des affections congénitales du cœur, L’anato-
mie des lésions prend une grande part de l’ouvrage,
Citons aussi le chapitre destiné aux théories patho-
géniques dont les principales sont la théorie de l'endo-
cardite fætale et celle des arrêts de développement.
M. Moussous tend à admettre que l’endocardite est
secondaire à la malformation, que celle-ci même « est
un appel à l’endocardite ». L'auteur passe ensuite à
l’'étiologie et à l'étude symptomatique et clinique des
diverses malformations cardiaques.
Dr A. LÉTIENNE.
Lortet, Doyen de la Faculté de Médecine de Lyon, et
Vialleton, Professeur agrégé à la Faculté de Méde-
cine de Lyon. — Etude sur le Bilharzia hæmato-
bia et la Bilharziose. — { vol. in-8° de 120 pages
avec S fig. et 8 planches hors texte, extrait des An-
nales de l’Université de Lyon. (Prix : 10 francs.)
G. Masson, éditeur. Paris, 1895.
La maladie due à la présence, dans la veine porte et
ses branches, des intéressants Trématodes appelés Bil-
harzia, du nom de celui qui les a découverts en Egypte,
a déjà été étudiée par plusieurs savants.
Le livre de M. Leuckar : « Die Parasiten des Mens-
chen » en contient une excellente description due aux
travaux de M. Loos à Alexandrie.
.MM. Lortet et Vialleton reprennent et confirment
les résultats des savants antérieurs; leur ouvrage cons-
titue une excellente monographie accompagnée de très
belles planches.
Les auteurs ont vainement essayé, par de nombreuses
expériences, de se rendre compte du, mode d’infec-
tion et des migrations du parasite; celte intéressante
question reste donc encore pendante.
5° Sciences diverses.
Beauregard (Henri), Assistant dé lu Chaire d'Ana-
tomie compurée au Muséum. — Nos Bêtes. Animaux
utiles et nuisibles. — Ouvrage paraissant en livrai-
sons les 5 et 20 de chaque inois. Chaque livraison conte-
nant 8 pages de texte et une planche en couleurs, est
vendue séparément 90 centimes. A. Colin, éditeur.
5, rue de Mézières, Paris, 1895. ;
Dans la 9e livraison, qui vient de paraitre, commence
l'étude des Insectes, el en particulier des insectes utiles
à l'agriculture. Ce sont ceux dont le régime est car-
nassier : ils détruisent, en effet, beaucoup d’espèces ,
nuisibles, À ce groupe appartiennent un grand nombre
de Coléoptères : le staphylin, le dytique, £enre aqua=
tique ainsi que le gyrin ou lourniquet, les carabes, la
cicindèle, les bombardiers, les lampyres où vers luisants
et les coccinelles ou bêtes à bon Dieu. Parmi les Ortho-
ptères, la mante religieuse estlobjet d’une note spéciale.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
159
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
À Séance du 8 Juillet 1895.
- M. Cohn est nommé Correspondant dans la Section
de Botanique, en remplacement de feu M. de Saporta.
4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Paul Painlevé dé-
montre, dans le cas des liaisons simples assujettissant les
solides, que lorsqu'on applique les lois ordinaires du
frottement de glissement à l'étude du mouvement d’un
système quelconque, on arrive à un résultat singulier :
dès que le frottement devient un peu considérable, pour
certaines conditions initiales les équations du mouve-
ent définissent plusieurs mouvements possibles, au
lieu qu’elles sont incompatibles pour les autres condi-
tionsinitiales. Des singularités analogues se présentent
quand on introduit, avec le frottement de glissement,
le frottement de roulement et de pivotement. Les lois
empiriques du frottement sontdonc logiquement inad-
“missibles (même pour des vitesses et des pressions
ordinaires), dès que le frottement devient assez
notable. Il y aurait intérêtà en reprendre l'étude au
point de vue expérimental, — M. J, Boussinesq ex-
- plique la façon dont se régularise au loin, en s’y rédui:
- sant à une houle simple, toute agitation confuse, mais
3 périodique des flots. La houle fondamentale jouit, com-
-parée à ses harmoniques, d’une longévité qui lui assure
sur elles une survivance presque infinie, Les calculs
supposent seulement que les vagues sont assez peu
aiguës à leur sommet ou d’une hauteur assez faible
“comparativement à leur longueur. — M. Sarran lit
“un rapport sur un mémoire de Félix Lucas intitulé :
…Ltude théorique sur l'élasticité des métaux. La théorie
“indique qu'une lame étirée, ramenée au repos avec
allongement permanent, conserve non seulement’ sa
densité, mais aussi son coefficient d'élasticité primi-
ifs ; l'expérience vérifie cette conclusion, En outre, de
ès grandes, déformations n’altèrent pas sensiblement
a densité et l’élasticité des métaux.
-29 SCIENCES PHYSIQUES, — MM. Lœwy et Puiseux in-
Sistentsur la valeur des clichés de la Lune amplifiés pour
embrasser d’un coup d’œil des régions étendues et
constater un certain nombre de faits difficiles à recon-
maitre sur les épreuves originales. Lesaccidents super-
liciels de la Lune comparés à ceux de la Terre pré-
entent une moins grande variété de types : la forme
circulaire y estconstamment prédominante, tandis qu'à
côté d'elles paraissent, en nombre relativement faible,
de traits rectilignes, vallées, sillons ou traînées. En
reconstituant l’histoire de notre satellite, MM. Læwy et
Puiseux parviennent à donner une explication de cet
état de choses particulier à la Lune. — M. Alexis de
bisme moyen à la surface du globe se réduit à une
formule simple : c’est celle que donnerait un aimant
Situé au ceutre de la Terre dont l'axe coinciderait avec
laxe de rotation du globe et dont la valeur H, serait
…ésale à 0,328 dynes. Les valeurs observées s'accordent
alors parfaitement avec les valeurs calculées. —
: LecoqdeBoisbaudran établit que lescorps, comme
le chlorhydrate d'ammoniaque, qui éprouvent une
ilatation quand on les dissout dans l’eau à la tempé-
…rature ordinaire, ne doivent pas être considérés comme
“présentantune anomalie, mais doivent simplement être
rangés à l'extrémité supérieure d'une série continue
dont l'extrémité inférieure serait occupée par les sels
“donnant les plus grandes contractions. Les change-
“ments de volume accompagnant les dissolutions dépen-
“lraient surtout : 1° de la dilatation qui résulterait de
là fusion du sel sans décomposition et à la tempéra-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ture de l'expérience; 2° de la contraction provenant
de la combinaison du sel avec le dissolvant, combinai-
son de plus en plus avancée à mesure qu’on dilue da-
vantage ou qu’on abaisse la température, — M. Pallas
adresse un travail intitulé : Surpression dans les mines
de houille. — M. P. Villard expose un ensemble d’ex-
périences sur les effets de mirage et les différences
de densité qu’on observe dans les tubes de Natterer.
L'auteur conclut que tous les phénomènes observés
s'expliquent facilement par les différences de tempéra-
ture qui se manifestent au moment du passage de
l’état liquide à l’état gazeux, sans recourir aux nom-
breuses hypothèses faites à ce sujet. — M. R. Swynge-
dauw déduit d'expériences faites sur les potentiels ex-
plosifs statique et dynamique la conclusion suivante :
Si les potentiels explosifs de deux excilateurs différents
sont égaux dans la charge statique, ils restent égaux
dans la charge dynamique. Ce résultat indépendant de
la différence de forme des excitateurs rend probable le
principe généralement admis que le potentiel explosif
dynamique d’un excitateur est égal à son potentiel ex-
plosif statique. L'auteur a reconnu que la lumière ultra-
violette abaisse les potentiels explosifs dynamiques dans
des proportions beaucoup plus grandes que les po-
tentiels explosifs statiques. — M. E. Grimaux a
étudié l’action du chlorure du zinc sur la résorcine
seule; il se forme environ 1 °/, d’ombelliférone ou
methoxycoumarine C?H60% qui présente une fluores-
cence bleue dans les solutions aqueuses froides et
surtout dans les solutions alcalines, et un autre com-
posé C#H 1805 qui résulte de l'union de quatre molé-
cules de résorcine avec élimination de trois molécules
d’eau, mais ne paraît pas rendre naissance par perte
d’eau aux dépens des groupes OH de la résorcine.
.— MM. À. Haller et A. Guyot ont étudié la diphenyl:
anthrone C#H$0, l’un des produits de la réaction du
dichlorure d’orthophtalyle sur le benzène. La consti-
tution de ce corps une fois établie, on doit attribuer au
tétrachlorure de phtalyle, fondant à 889, le schéma sui-
vant qui en fait une molécule dissymétrique :
el
\coci
et qu'entin le dichlorure de phtalyle renferme du tétra-
chlorure. — M. À. Duboin envoie deux mémoires por-
lant pour titres : « Sur quelques méthodes de repro-
duction des fluorures doubles et des silicates doubles
formés par la potasse avec les bases », et : « Analyse
de la leucite et dela néphéline purement potassique. »
— M. A. de Gramont a reconnu que l’étincelle con-
densée, jaillissant à la surface d'un composé salin
quelconque, le dissocie en donnant un spectre de
lignes ordinairement très vives où chaque corps, mé-
tal ou métalloïde, est représenté par les raies carac-
téristiques de son spectre individuel; les raies de Pair
sont alors très affaiblies en présence des éléments vola-
tilisés. Sans condensateur et avec la bobine seule, au
contraire, on a dans le cas des sels, des spectres com-
plexes caractéristiques de l’espèce chimique et dus
vraisemblablement à la molécule non dissociée. Ils
varient alors d’une combinaison à l’autre. — M. Arc-
towski s’est efforcé de poursuivre les déterminations
de solubilité dans le sulfure de carbone jusqu'à des
températures très basses en opérant sur des matières
organiques. La solubilité n’est pas nulle au point de
congélation du dissolvant; en outre les lignes de solu-
bilité des différents corps ne tendent pas vers un
même point qui aurait pu correspondre à un abaisse-
760
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ment du point de congélation. Le point de fusion du
dissolvant n’est pas un point essentiel de la courbe de
solubilité, car celle-ci doit se poursuivre bien au delàfde
ce point, — M. A. Besson a constaté que l'oxygène
sec et pur agissant en présence du soleil sur C°Cli
donne les mêmes produits que l'oxygène ozonisé, c’est-
à dire le chlorurede trichloracétyle CCICOCI et comme
produit accessoire COCP. Le trichlorure, le tribromure
et les iodures de phosphore, absorbent aussi peu à peu
l'oxygène en présence de la lumière solaire. —
M. V. Thomas a étudié l’action de l’oxyde nitrique sur
quelques chlorures métalliques. Le chlorure ferreux
donne un corps rouge 5Fe?Cl'.Az0 et un corps jaune
brun Fe?Cl*.A70 ; les chlorures de bismuth et d'anti-
moine fournissent des composés jaunes BiCIAz0 et
Al2CI6Az0. — M. A. Brochet a examiné l’action des
halogènes surl’alcool méthylique pur. Le chlore donne
naissance à l’oxyde de méthyle dichloré symétrique,
à de l’oxyde de carbone et de l'acide carbonique; l’ac-
tion du brome est négligeable ; l’iode transforme rapi-
dement de grandes quantités d'alcool méthylique en
oxyde de méthyle. — M.Georges Darzens expose une
nouvelle théorie des perceptions lumineuses en ac-
.cord avec les récents progrès de l'optique et dela phy-
siologie, Un rayon lumineux, après avoir traversé les
différentes couches de la rétine, atteint normalement
la couche pigmentaire de cette membrane; là il se ré-
fléchit et vient interférer avec le rayon incident. Il doit
yavoir en avant de la couche pigmentaire un système
à à : »
d'ondes stationnaires dislantes de = comme dans les
expériences de Wiener et Lippmann. Les faits ne
contredisent pas cette théorie. C. MATIGNON.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. Chauveau interprète
les résultats fournis par la comparaison de l’énergie
mise en œuvre par les muscles dans les cas de travail
positif et detravail négatif correspondant. On est forcé
d'admettre que le travail négatif réclame l’emploi de
moins d'énergie que le travail positif, parce que l'effort
musculaire qu'exige celui-ci est plus considérable. —
M. Kowalewsky signale une nouvelle glande lympha-
tique chez le scorpion d'Europe. Elle forme deux
troncs symétriques situés entre la glande lymphatique
de Blanchard et les conduits des glandes génitales.
Cette nouvelle glande a despropriétés phagocytaires et
avait été prise par Muller en 1828 pour une glande
salivaire, — M. d'Hubert signale la présence et le rôle
de l’amidon dans le sac embryonnaire des Cactées et
des Mésembryanthémées, L’amidon joue un rôle capital
de nutrition etconserve au sac embryonnaire l'état
qui caractérise le sac mür et apte à être fécondé. —
M. L. Bertrand poursuit ses recherches sur Ha tecto-
nique de la partienord-ouest du département des Alpes-
Maritimes. — MM. L. Roule et J. Regnault décrivent
un maxillaire inférieur humain trouvé dans une grotte
des Pyrénées. — M. Thézard adresse une note relative
à la fertilisation du sol dans les promenades et plan-
tations de Paris, — M. Diard adresse une note relative
à la conservation des viandes. J. MARTIN.
Séance du 15 Juillet 1895.
Sir William Flower est élu Correspondant pour la
Section d'Anatomie et Zoologie en remplacement de
M. van Beneden, — M. Sabatier est élu Correspon-
dant pour la Section d’Anatomie et Zoologie en rempla-
cement de M. Dana, — M. Ramsay est élu Correspon-
dant en remplacement de M. Frankland pour la Section
de Chimie. — M. Darboux dépose sur le bureau le
discours prononcé par M. J. Bosscha à la célébration
du deux centième anniversaire de la mort d'Huygens.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P.-E. Touche déduit
de l’équation d’une trajectoire fluide celle de la courbe
orthogonale aux trajectoires, dans le cas d’un fluide
symétrique autour d’un axe, et n'ayant pas de rotation
autour de cet axe, à supposer que le mouvement soit
permanent, la densité constante, et que l’on néglige
les forces extérieures, — M. Fr. Lesska adresse une
note écrite en langue allemande sur diverses questions.
de calcul intégral. 4
2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. d’Arsonval a effectué
des recherches sur la décharge électrique de la tor-"
pille, La contraction musculaire et la décharge de For-.
sane électrique s’éclairent l’un par l’autre et semblent
reconnaitre la même cause. La décharge de lPorgane ,
électrique n’est que l’exagération de l’oscillation élec-.
trique constatée dans le muscle lors de sa contraction.
La décharge n’est pas continue ; elle se compose de.
six à dix décharges successives qui s’additionnent au.
a . 5 : | . à
début en se suivant à environ x de seconde. [’inten-
sité atteintson maximum, en général, après la troisième
décharge partielle et va ensuite en diminuant graduel- »
|
lement jusqu’à zéro. Le courant va loujours dans le.
mème sens, de facon que le dos de l'animal est tou-.
Jours positif, et le ventre toujours négatif. — M. Marey,
à propos de la note précédente, fait remarquer qu'il.
est possible d'espérer que là production d'énergie
mécanique et celle d'énergie électrique s’éclaireront .
l'une par l’autre, car il semble y avoir identité de phase
dans les deux phénomènes. — M. Duez donne une
démonstration simple des formules qui élablissent
l'anologie entre les moteurs à courant continu et les
moteurs à courants polyphasés. L'expression du
couple moteur est égale à W— N,I,® dans les deux
cas, tandis qu'on peut écrire par les moteurs à courants
polyphasés : Nw,® —LR, + N,w,b. Tout se passe donc
comme si l’on avait affaire à un moteur à courant con-
tüinu, dont la différence de potentiel aux bornes serait |
N,w,P!, Cette dernière forme est absolument analogue
à celle employée par les courants continus. — MM. Li-
veing et Dewar ont recherché si les bandes diffuses
d'absorption se développent aussi bien quand la den-
sité de l'oxygène est produite par labaissement de
température sous la pression atmosphérique, que quand
le gaz est comprimé à des températures plus élevées.
L’intensité des bandes est beaucoup plus développée
par 0,4% d'oxygène liquide que par une épaisseur
cinq fois plus grande d'air liquide; la loi de Jamsen
parait s'appliquer encore dans le cas de l'oxygène li-
quide, — M. H. Rigollot a étudié l’action des rayons
infra-rouges sur le sulfure d'argent et recherché si la
sensibilité du sulfure aux radialions était une action :
thermoélectrique ou tenait à toute autre cause, Deux
lames d'argent sulfuré plongeant dans une solution
saline forment un actinomètre électrochimique quand
on éclaire par les radiations infra-rouges l’une des
. lames; la lame éclairée est toujours négative par rap-
port à l’autre, quelle que soit la solution employée.
Ces phénomènes paraissent manifestement distinets
des phénomènes thermoélectriques. — M. Adolphe
Carnot donne la description d’un gisement de phos-
phates d’alumine et de potasse trouvé en Algérie, el
l'analyse des produits qu'on y rencontre. L'étude
chimique de ces produits, leurs dispositions relatives,
permettent d'établir une assez grande analogie entre
le gisement oranais et celui découvert par MM. Armand
et Gaston Gautier, el paraissent de nature à apporter
une confirmation à la théorie de M, Gautier. Il suftit
d'admettre l'existence d'infiltration d'eaux qui au-
raient amené les produits de la décomposition des
matières organiques et de la dissolution des matières
minérales de la surface pour expliquer tous les faits
évidence la laccase, l’action oxydante qu'elle exerce
sur le laccol, l’hydroquinone, le pyrogallol et la colo-
ration bleue qu’elle donne à la résine de gayac. L’au-
teur à pu reconnaitre, soit en isolant la laccase, soit
par les réactions colorées, que cette diatase est si
répandue qu'elle existe vraisemblablement chez tous
les végétaux; toutefois, ce sont, en général, les organes
en voie de développement rapide qui sont les seuls
riches en laccase, — MM. Barbier et Bouveault ont
soumis à un examen chimique très complet une quan-
tité importante d'essence de sinalose; ils y ontreconnu
|
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observés. — M. G. Bertrand à utilisé, pour mettre .
90 pour 100 de licaréol, 2 pour 100 de licarhodol, de
. petites quantités de terpènes diatomique et tétrato-
. mique, et des traces de méthylhepténone. Une faible
“ partie du licaréol existe dans le mélange à l’état
d'éther acétique, une trace à l’état d’éther d’acides su-
* périeurs, C. MATIGNON.
39 SCIENCES NATURELLES. — M. P. Teissier a constaté,
- chez un homme atteint de fièvres intermittentes à la
suite d’un séjour à la Guyane, la présence de nombreux
émbryons de vers trématodes dans le sang et celle d'an-
guillules stercorales dans les matières fécales. Il est
. probable que la fièvre a été déterminée par la présence
de ces embryons dans le sang. — M. J. Chatin a ob-
-servé dans la sclérotique du Gecko une forme nette de
passage entre le tissu cartilagineux et le tissu osseux.
— MM. L. Boutan et E. Racovitza ont pratiqué à
Banyuls-sur-Mer des pêches pélagiques à différentes
profondeurs. Ils établissent l’existence de deux formes
de Plankton : un Plankton côtier et un Plankton de
haute mer. — A ce propos, M. de Lacaze-Duthiers
rappelle les observations déjà faites au Laboratoire de
Banyuls-sur-Mer et les importants résultats qui y ont
_été obtenus. — MM. G. Poirault et M. Raciborski ont
trouvé que la karyokinèse des Urédinés est typique-
ment celle des plantes supérieures. J, MARTIN,
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 16 Juillet 1895.
M. Azam (de Bordeaux) est élu Associé national. —
MM. Bergeron et Laborde apportent de nouvelles
contributions à la question de la prophylaxie de l’alcoo-
lisme. -— M. Ch. Abadie cite un cas de désorganisa-
tion du corps vitré, ayant produit la cécité pendant
dix-huit mois; on pratiqua une ponction du corps vitré
avec électrolyse et la vision fut rétablie. — M. le D'
Mourier (de Tours) lit un mémoire sur quatre cas
- d’actinomycose.
Séance du 23 Juillet 1595.
L'Académie procède à l'élection de deux Correspon-
dants étrangers dans la première division (médecine).
MM. Perroncito (de Turin) et Adamkiewiez (de
Vienne) sont élus. — M. Worms, dans ses études cli-
niques sur le diabète, est arrivé aux conclusions sui-
vantes : 1° Le diabète à évolution lente est très com-
mun. Il existe 10 % de diabétiques de cette -catégorie
dans le milieu social intellectuel, 2° Les formes graves
et organiques sont rares chez les adultes qui se soignent
à temps. 3° Le traitement réussit mieux chez les diabé-
tiques qui ne sont pas inquiets sur leur état; toute
préoccupation aggrave leur situation. — MM. Lalesque
et Rivière ont trouvé que des mesures de nettoyage
et de désinfection bien comprises (désinfection des
tissus à l’éluve et lavage des meubles et parois à l’eau
bouillante et à la solution de sublimé), pratiquées dans
des locaux occupés par des phtisiques pulmonaires,
sont parfaitement efficaces et suffisent à prévenir la
contagion de la tuberculose par inhalation des pous-
sières. — M. Magnan, par une magistrale étude des
asiles d’alcooliques à l'Etranger, montre la nécessité de
créer en France des établissements similaires spéciaux,
seuls capables d’amender et de guérir les victimes de
Palcoo!l. — M. Laborde termine son étude sur l’action
dangereuse qu'exercentles impuretés contenues dans les
alcools livrés à la consommation.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 13 Juillet 1895.
M. Charrin a établi l’action différente des toxines
sur l'organisme suivant la voie de pénétration. L’intro-
duction directe dans la circulation a une action beau-
coup plus toxique que l'introduction par la voiediges-
tive. — M. Trouillet expose ses recherches sur la
grippe el le micro-crganisme de cette affertion, —
M. Luys décrit un faisceau de fibres cérébrales des-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
COUV TT
om mb don sit Ladies
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 761
cendantes, allant se perdre dans les corps olivaires.—
MM. Bourquelot et Gley ont trouvé que la transfor-
mation du tréhalose en glucose a lieu dans la partie
moyenne de l'intestin gréle, mais seulement quand
l'animal est en pleine digestion. — M. Debierre envoie
une note sur l'innervation des muscles de la face. —
M. Guinard a mesuré la pression artérielle chez les
animaux morphinisés.
Séance du 20 Juillet 1895.
M. Luys donne quelques renseignements sur la mé-
thode du clivage et du moulage appliquée à l’étude du
système nerveux. — M. Rénon a essayé d’immuniser
les animaux contre l'affection tuberculeuse due à lAs-
pergillus fumigatus par l'injection de toxines, sérums et
spores plus ou moins modifiées; mais les résultats ont
été presque tous néygalifs. — M. Contejean commu-
nique ses recherches sur les phénomènes qui se pro-
duisent dans un muscle privé, par section, de ses nerfs
sensitifs. — MM. Lévi et Hanot ont appliqué la mé-
thode de Golgi-Cajal à l’étude du foie de l'homme. —
MM. Bourquelot et Bertrand ont constalé, dans beau-
coupdechampisnons, la présence d’un ferment oxydant
qui produirait le changement de couleur qu’on observe
quand on les coupe. — M. Guinard envoie une note
sur les modifications de la vitesse du courant sanguin
chez les animaux morphinisés. — M. Féré commu-
nique ses recherches sur la dissociation du mouvement
des doigts.
SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE
Séance du %1 Juin 1895.
Les cristaux dichroïques, tels que la tourmaline, ab-
sorbent inégalement les deux rayons, ordinaire et
extraordinaire, quise propagent avec des vitesses difié-
rentes. Dans les corps doués du pouvoir rotatoire, on
considère de même, depuis Fresnel, deux rayons cir-
culaires, droit et gauche, doués de vitesses différentes.
M. Cotton s’est demandé s'il n’y aurait pas de corps
colorés actifs absorbant inégalement ces deux rayons
circulaires. Il a effectivement trouvé, parmi les tartrates
doubles sur lesquels on ne possédait encore aucun
nombre, des dissolutions possédant cette propriété. Tel
est le tartrate double de cuivre et de potassium, qui
absorbe le jaune du spectre. On produit un champ di-
visé en deux régions polarisées circulairement en sens
contraire, eton interpose la dissolution, En lumière
monochromatique, on voit une différence d'intensité
entre les deux plages; en lumière blanche, une diffé-
rence de coloration. Cette différence est bien due à une
absorption, car, en interposant unelame demi-onde, qui
intervertit le sens de la polarisation circulaire, les in-
tensitéset les colorations s’intervertissent aussi. Si on
découvrait une substance possédant cette propriété à
un haut degré, elle pourrait servir à former un polari-
seur circulaire ne laissant passer que l’une des deux
vibrations. L'inégalité d'absorption des deux rayons à
été mesurée en faisant traverser le liquide par de la
lumière polarisée rectilignement. Les deux rayons, iné-
galement absorbés, donnent lieu à deux vibrations cir-
culaires avec des inteusités inégales qui, par leur in-
terférence donnent une vipration elliptique. Il suffit
alors d’avoir à sa disposition un procédé assez sensible
pour mettre en évidence desellipses très allongées. L’au-
teur peut déceler des ellipses dont le rapport desaxes
west que de 10‘. L'auteur a recoursauxfranges de Fizeau
et Foucault, mais il ne pouvaitemployerici le procédé de
M. Macé de Lépinay. On obtient plus de sensibilité en
prenant une lame de quartz divisée en deux parties
dont les axes sont à angle droit. Les deux parties de la
frange se déplacent alors en sens contraire. On peut
alors élargir la fente du spectroscope. Il y a avantage,
au point de vue de la sensibilité du déplacement, à
prendre des lames très minces de facon à n'avoir dans
le champ qu'une ou deux franges. Cette méthode per-
met encore, en se servant d'un quart d'onde, de mesurer
Ebilhiit
762
le pouvoir rotatoire. On mesure donc à la fois l’ellipti-
cité, c’est-à-dire l'inégalité d'absorption, et le pouvoir
rotatoire. Enfin, M. Cotton a constaté un fait général
pour tous les corps inégalement absorbants. Tous pré-
sentent une dispersion rotatoire anomale. En terminant
l'auteur projette des photographies de franges de Fizeau
et Foucault coupées en deux et très nettes. — M. Cornu
insiste sur le grand intérêt de ces expériences. Lui-
même a déjà montré, il y a quelques années, la réalité
de la décomposition de Fresnel en deux vibrations cir-
culaires, Les expériences deM. Cotton le montrent d’une
facon plus évidente encore, et fournissent une démons-
tration décisive. — M. B. Brunhes a poursuivi ses re-
cherches sur la réflexion interne dans les cristaux en
les étendant au cas des corps doués du pouvoir rota-
toire. IL rappelle un de ses résultats antérieurs, Etant
donné un premier rayon incident qui donne par ré-
flexion deux rayons réfléchis, on sait qu'il existe un
second rayon incident, appelé le conjugué du premier,
qui donne les deux mêmes rayons réfléchis. Dans le
cas de la réflexion partielle, il ne s’introduit pas de
différence de phase éntre les deux rayons réfléchis.
Mais, dans le cas de la réflexion totale ou métallique, il
yaune différence de phase variable. Entre les deux
rayons incidents, la différence de phase est la même
qu'entre les deux rayons réfléchis. M, Brunhes a étudié
ce phénomène dans le cas des corps doués à la fois de
la double réfraction et du pouvoir rotatoire. Il a d’abord
apporté un perfectionnement à son prisme à liquide en
donnant un léger mouvement à la lame cristalline à
l'intérieur de laquelle se produit la réflexion. Il peut
ainsi amener la section principale exactement dans le
plan d’incidence. Il compare la réflexion sur l'alcool,
qui est partielle, et la réflexion sur l'air, qui est totale,
et par suite donne lieu à une différence de phase, Les
deux conjugués, dans le casd’un milieu biréfringent et
actif, ne seront plus deux rayons rectilignes polarisés
sensiblement à angle droit : ce seront deux elliptiques
transmettant des vibrationsconjuguées. Dans le cas des
rayons propagés suivant l'axe du quartz, ce seront deux
circulaires, l’un droit, l’autre gauche. Dans les deux
cas de lPalcoolet de l’air, c’est-à-dire même dans le cas
de la réflexion totale, la différence de phase ne varie
pas quand on passe d’un rayon incident au rayon con-
jugué. M. Brunhes en a obtenu une vérification plus
précise dans le cas du quartz au moyen du spectre can-
nelé. Ce spectre était fourni par un faisceau incident
dirigé suivant l'axe, Les deux incidents conjugués sont
alors les deux rayons circulaires droit et gauche. Les
bandes ne se déplacent pas dans le spectre quand on
passe du circulaire droit au circulaire gauche. , Pour
plus de précision, l’auteur opérait avec une seule
bande dans toute l'étendue duspectre. M, Brunhes avait
déjà démontré cette propriété générale dans le cas des
cristaux biréfringents en se servant de la formule de
Mac-Cullagh sous la forme que lui a donnée M, Potier.
On peut encore la démontrer approximativement dans
le cas général en s'appuyant sur ce que la réflexion
totale ne polarise pas la lumière, — M. Bouty présente
à la Société quelques expériences nouvelles relatives
aux curieuses propriétés des flammes sensibles. Ces
flammes se produisent toujours quand le gaz a une
pression de 6 à 7°" d’eau et s'échappe par une ouver-
ture circulaire de 4 à 2%. On sait que ces flammes,
longues de 40 à 50%, ont la propriété de s’agiter, de
se former en panache à la partie supérieure sous l’in-
fluence d’un bruit aigu, un sifflement, un bruit declefs,
produit même à une grande distance. On peut remar-
quer que, dans cette nouvelle forme, le débit ne change
pas, etla partie inférieure sur une hauteur de 5°" reste
parfaitement tranquille. M. Bouty signale des moyens
variés de provoquer le panache. On peut augmenter la
pression, disposer un ajutage, insuffler de petites quan-
tités d’air dans la base de la flamme, comme dansla lampe
d'émailleur. Inversementune flamme sensible excitée par
un procédé quelconque peut servir de lampe d’émailleur.
Isuffitpar exemple de siffler, La flamme estpeu sensible
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
“des tubes à ampoules qui donnent une flamme en pa-
aux sons graves, La forme et les dimensions du tube
abducteur sont sans importance. Puis la flamme ré-
pond aussi bien à un son quand on en supprime la,
partie supérieure par une loile métallique. Quel que soit
le mode d'excitation, on peut constater au miroir tour-
nant que la partie supérieure est discontinue, On peut,
par un tube, aller puiser du gaz dans la région centrale
de la flamme, et allumer ainsi à distance une autre”
petite flamme. Lorsque la prise a lieu à la partie infé-
rieure, la petite flamme reste tranquille, mais il n’en
est plus de même à mesure qu'on élève la prise. Après
cet examen des principales propriétés d'une flamme
sensible, M. Bouty s’est demandé si elle ne constitue
pas un résonateur. Elle ne peut être assimilée à un ré-
sonateur déterminé, car un résonateur nerépond que
pour certains sons particuliers et non pour les sons
voisins, La comparaison avec les flammes alimentées
par un tuyau à anche confirme cette opinion. Deux
flammes, de dimensions très différentes, montées sur le
mème tuyau, répondent également bien. M. Bouty a pu
réaliser d’autres flammes qui constituent réellement
des résonateurs. Elles sont données par des tubes à am-
poules ou des tubes recourbés un certain nombre de fois.
On percoit plus nettement le son rendu par la flamme en
y introduisant une toile métallique. La base de la flamme
vers le milieu de l’espaceobseur présente un ventre de
vibration, mais près de l’orifice on ne rencontre rien. Cer-
tains tubes rendent plusieurs harmoniques; on semble
reconnaitre dans la flamme plusieurs concamérations,
mais les phénomènes sontcompliqués. Il y a, en par-
ticulier, la température qui augmente la vitesse du son.
Certains jets de gaznon allumés chantent d’eux-mèmes.
Comme interprélation, au moins provisoire, M. Bouty
admet que c’est la combustion qui joue un rôle prédo- .
minant. Dans une grande flamme, il peut y avoir des
parcelles de mélange inflammable qui échappent d’abord
à la combustion, et nes’enflamment que plus haut, Puis
un mélange explosif, qui présente un retard à l’inflam-
mation, ne s’enflamme-t-ilpas plus facilement si on lui
donne le son correspondant àson bruitexplosif? Avec ces
deux hypothèses, toutesles circonstances observées peu-
vents’expliquer. Le faitquelesflammessonttoujours sen-
sibles au-dessus d’une note déterminée s'explique par
l'observation suivante : des volumes décroissants d’un
même mélange détonant font explosion en rendant
un bruit de plus en plus aigu. Dans une flamme, il doit
y avoir constamment des détonations prêtes de tautes
les dimensions, et une flamme doit probablement
rendre le son avec lequel on l’excite, et en outre beau-.
coup d’autres sont plus élevés. Cette explication ingé-.
nieuse soulève cependant quelques objections. Il y a
nache pourdes sons très aigus particuliers. Cette expé-
rience est importante : il doit y avoir la superposition
de deux phénomènes. D’autres causes agissent sans.
doute; cependant l'hypothèse d’une ceinture de petits
détonateurs doit jouer un rôle prépondérant.— Les re-.
cherches de M. Moissan sur la préparation de Pacéty-.
lène par le carbure de calcium ayant ramené l'attention.
sur ce gaz, M. Violle.a fait des mesures photomé-
triques sur la flamme de l’acétylène. Elle parait sus:
ceptible de fournir un étalon photométrique pratique,
Avec un brûleur convenable on obtientune flamme très,
blanche, d’une grande fixité, et présentant üne région.
étendue d’un éclat uniforme, en tout comparable à
l’étalon absolu et très propre aux mesures usuelles.
: Edgard Haunié. |
SOCIÉTÉ PHILOMATHIQUE DE PARIS
Séance du 13 Juillet 1895. ;
M. Bioche : Représentation sur le plan de la surface
du troisièmeordre à # points doubles, d'après une défi-
nition géométrique de la surface. — M. Bouvier fait une
communication sur les Lithodinés des genres Derma=
turie et Hapalogaster et montrent que chacun de ces,
genres correspond à un mode d'adaptation différent. …
GONE
NAT te
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
àr i
SNL SCIENCES NATURELLES
» R. Fraser, M. D. F.R. S.; Professeur de Ma-
tière médicale à Université d Edimbourg, et Joseph
Millie, M. D. F. R. E., Chargé d'un cours de Phar-
mia ologie expérimentale à l'Université & Edimbourg.
L'Acokanthera Schimperi, histoire naturelle, cs
mie et pharmacologie — Les auteurs ont réussi à
ablir que le poison de flèche dont se servent les Wa-
Nyika et autres tribus de l'Afrique orientale provient
du bois de l’Acokanthera Schimperi. Ce poison de
flèche contient un glucoside cristallisé actif qui est
identique au principe actif que les auteurs ont direc-
nent extrait du bois de l’Acokanthera Schimperi. 1
stallise dans l’eau en forme de tablettes quadrangu-
ires, incolores et transparentes, et dans l'alcool en
iguilles minces et incolores qui se groupent d’ordi-
naire en touffes et en rosettes. A la température de
43 à 15° C., il est soluble dans la proportion de 0,33 °/o
dans l’eau distillée, et de 2,4 °/, dans l'alcool dilué.
Aux températures plus eee il se dissout en beau-
oup plus larges proportions dans l’eau et dans l'alcool.
É est entièrement insoluble dans l’éther éthylique et
“dans le chloroforme. Une solution saturée dans l’eau
Hroide est insipide et de réaction neutre, L’acide sul-
furique fort produit une coloration rouge, et ensuite
une coloration verte. Le point de fusion est à environ
300 C. Traité par l’acide sulfurique dilué, il donne la
réaction d'un glucoside. Des combustions concordantes
faites pour les auteurs par le D' Dobbin, du Laboratoire
de l'Université, montrent que, séché à 1000 C., il con-
tient C. 58,46 GER H, 7,71°4; ce qui correspond à la
- formule C# HS O1. Les auteurs résument les re-
cherches faites sur des glucosides provenant d’autres
espèces d’Acokanthera en 1882 par MM. Rochebraune et
Arnaud, en 1888 par M. Arnaud, en 1893 par Lewin et
“par Merek. Le principe désigné sous le nom de Oua-
…_paine et isolé par Arnaud présente des caractères très
semblables à celui du glucoside cristallisé préparé par
es auteurs. Les auteurs proposent de substituer au
nom de Ouabaïne celui d’Acokantherine ; ils résument
les plus importantes observations générales faites par
les divers physiologistes qui ont étudié l’action phar-
macologique de ces poisons de flèche dont l’origine
botanique n'était point alors déterminée. Les travaux
d’Arnottet Haines en 1853, Ringer (1880), Rochebraune
et Arnaud (1881), Laborde (1887). Langlois et Varigny,
ley et Rondeau, Gley (1888), Seiler (1891), Pasch=
_kis (1892) et Lewin sont passés en revue. Le groupe
des poisons de flèche qui doit son activité à des ex-
traits de plantes du genre Acokanthera possède une
action identique à celle du Strophantus, mais quelques-
uns des auteurs cités signalent une action plus intense
sur les centres cardio- respiratoires du bulbe et d’autres
une action plus intense exercée directement surlecœur,
L'étude pharmacologique minutieuse de l’acokanthé-
ine n'a pas permis d'établir de différence importante
entre son action et celle de la strophantine. De petites
doses soigneusement réglées déterminent un grand ra-
lentissement du cœur, même lorsque le pneumo-gas-
ique est coupé ou quand l'animal est atropinisé : 1er
es mouvements diastoliques et systoliques du cœur
“peuvent subir un grand accroissement sans que la
pression sanguine moyenne subisse aucun changement.
Toute élévation de pression qui suit l'administration
de ces doses faibles s'accompagne d’un si grand ralen-
lissement et d’une telle augmentation d'intensité des
pulsations, que l’on ne peut” guère songer à une cons-
friction des vaisseaux. Aussi l'élévation de la pression
sanguine doit-elle être attribuée à l'accroissement de
Vamplitude et de l'énergie des mouvements du cœur et à
Ja plus grande quantité de sang chassée dans les ar-
tères, Les hautes doses produisent une élévation de la
pression sanguine qui est due probablement à une
action exercée sur les centres vaso-moteurs ou les
anglions périphériques et non sur les museles des
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
vaissaux, L'action prédominante de l'acokanthérine
s'exerce sur les muscles striés, et en raison de cette
action, et peut-être d’une action sur les ganglions
propres du cœur, cette substance a surtout un effet
énergique sur le cœur, tandis que l'influence qu’elle
exerce sur les centres cardio- -respiratoires du bulbe
est relativement faible.
Fr. WW. Mott et C. S. Sherrington, F.R.S. —
Expériences sur l'influence des nerfs sensitifs sur
le mouvement et la nutrition des membres. — Dans
une série d'expériences faites sur les singes et en par-
ticulier sur le Macacus Rhesus, les auteurs ont étudié
l’action de la section de toutes les-racines sensitives
qui innervent un membre sur les mouvements et la
nutrition de ce membre. Les expériences ont porté sur
le membre supérieur et les membres inférieurs, mais
les résultats ont été plus nets dans ce second cas. —
I. Effets sur le mouvement. — Par toute la série des
racines sensitives qui appartiennent à un membre, les
auteurs entendent, pour la région brachiale, là série des
racines qui vont de la quatrième cervicale à la qua-
trième thoracique inclusivement ; pour la région lom-
baire, celles qui vont de la seconde à la dixième post-
thoracique. Dès que la section a été effectuée, et aussi
longtemps que dans la vie de l'animal, les mouvements
de la main et du pied sont abolis, ceux du coude et du
genou, de l’épaule et de la hanche sont beaucoup
moins troublés. Le membre antérieur est à demi
fléchi au coude, le membre postérieur fléchit à la
hanche et au genou. L'animal ne peut se servir du
membre dont la sensibilité est abolie, ni pour courir,
ni pour grimper, ni pour saisir sa nourriture. Quand
les animaux survivent plusieurs mois, il peut se pro-
duire des rétractions fibro-musculaires qui s'opposent
à l'extension du membre. Cette impotence motrice qui
croit régulièrement de la racine du membre à son ex-
trémité libre, ressemble beaucoup aux troubles de la
motilité que détermine l’ablation du territoire cortical
qui préside aux mouvements du membre; mais chezle
singe, la paralysie est dans le premier cas plus com-
plète encore. Les auteurs ont pu constater cependant
que des mouvements rapides et assez forts, de la main
même et du pied, peuvent être accomplis par l’animal
avec le membre dont la sensibilité est abolie, si on peut
l’amener à «lutter», à se débattre. Cependant, même
en ce cas, les mouvements de flexion des doigts sont
rares. Les mouvements d'ensemble du membre (Mitbewe-
gungen) sont donc beaucoup moins lésés que les mou-
vements indépendants et plus délicatement ajustés, qui
mettent en usage les masses musculaires plus petites
et plus individualisées de la main et du pied. L’inter-
prétation donnée par les auteurs de ces phénomènes,
c’est que les volitions qui se rapportent aux mouve-
ments du membre ont été rendues impossibles à l’ani-
mal par la perte localisée de toutes les formes de sen-
sibilité. La section de toutes les racines sensitives qui
innervent un membre ne diminue pas et semble au
contraire accroître légèrement l’excitabilité du terri-
toire cortical correspondant. Cette excitabilité a été
éprouvée à la fois par les excitations électriques et par
les injections intra-veineuses d’absinthe destinées à
produire l’épilepsie. Ces observations montrent la pro-
fonde différence qui existe entre la production des
mouvements les plus délicats des membres sous l’ac-
tion dans un cas de l’influx volontaire et dans l’autre
de l’excitation expérimentale de l’écorce. Les expé-
riences des auteurs semblent établir que non seule-
ment l'écorce, mais tout le tractus sensitif depuis
la périphérie jusqu'à l'écorce cérébrale est en acti-
vité lors du mouvement volontaire. — Effet de la
section d'une seule racine sensitive. — Lorsqu'on sec-
tionne une seule des racines sensitives qui inner-
vent un membre, les mouvements ne semblent en
être en aucune manière froublés. Ce fait tient sans
doute au chevauchement des aires d’innervation cuta-
née les unes sur les autres, mais même lorsque la sec-
164
À
tion d'une racine, celle par exemple des septième, hui-
tième ou neuvième post-thoraciques, ou de la septième
et huitième cervicales, ou de la première et deuxième
thoraciques, détermine l'apparition de zones d’anesthé-
sie complète, les troubles moteurs du membre demeu-
rent comparativement faibles. Si cependant les racines
sectionnées sont celles qui innervent l'extrémité du
membre, c’est-à-dire la main ou le pied, les troubles du
mouvement sont presque aussi grands que lorsque
toutes les racines sont sectionnées, En revanche, si
ces racines demeurent seules intactes, les mouvements
s’accomplissent presque comme si elles avaient toutes
conservé leur intégrité. On peut se demander quelle
part incombe au sens musculaire dans les résultats
observés, Les fibres nerveuses afférentes provenant des
muscles passent, dans tous les cas où on les a étudiées,
par les racines sensilives qui correspondent aux racines
motrices innervant le muscle. Il est done possible, pour
le pied et la main, de sectionner les racines sensitives
qui innervent les muscles en laissant relativement
intactes les fibres sensitives qui viennent de la peau,
des articulations, ete. — I. Effets sur la nutrition. —
Aucun trouble trophique de la peau ne résulte de la
seclion des racines sensilives; les muscles subissent
un certain degré d’atrophie, mais ne changent pas de
couleur etcontinuent à répondre aisément à l'excitation
des nerfs moteurs. Après la mort. les contractions mus-
culaires produites par l'excitation des nerfs moteurs
persistent plus longtemps én certain cas que du côté
sain ; la rigidité cadavérique met aussi plus de temps
à apparaître.
E. Frankland, F., R.S. — Sur les conditions
qui agissent sur la vie des Bactéries dans les
eaux de la Tamise. — Des observations, systéma-
tiquement poursuivies depuis mai 14892, ont permis
à M. Frankland d'établir que le nombre des microbes,
dans les eaux de la Tamise, dépend du débit du fleuve
en un temps donné ou, en d’autres termes, de la quan-
tité de pluie, et très secondairement, si même elle
en dépend du tout, des variälions de la température
et de l’insolation.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 6 Juin 1895.
MM. J. H, Gladstone F. R. S. et Walter Hib-
bert ont repris l'étude de Ja réfraction molécu-
laire des sels et des acides en solution aqueuse. Voici
leurs conclusions : lorsqu'un sel ou un acide sont dis-
sous dans l’eau, la loi dela permanence de l'énergie
de réfraction spécifique doit être considérée comme
exacte; mais, dans beaucoup de cas, plusieurs causes
apportent quelques dérogations à cette loi, Ces écarts
se présentent surtout au moment où le composé solide
ou liquide commence à se dissoudre. Dans beaucoup
de cas, il se produit un changement dans le pourvoir de
réfraction, changement qui s’accentue jusqu'à un cer-
tain point, à mesure qu’on augmente le degré de dilu-
tion. Les causes de ces changements, dansle pouvoir de
réfraction, ne sont pas encore connues ; toutefois il est
probable que, sous l'influence de l’eau, il se produit
“raduellement une modification dans l’arrangement
des atomes ou molécules qui constituent le sel ou
l'acide. IL doit de plus y avoir une relation entre la
grandeur de l'énergie spécifique de réfraction des sels
eux-mêmes, — M. S. U. Pickering F.R. S. publie les
travaux comparatifs qu'il a faits sur les propriétés phy-
siques de l'acide acétique et de ses dérivés chlorés et
bromés. Ses recherches portent principalement sur le
point d'ébullition de ces corps en solution dans l’eau
et sur leur chaleur de fusion et de solidification. —
M.F.D. Chattaway a obtenule 88 dinaphtyle en faisant
réagir le sodium sur le 8 chloronaphtalène en solution
dans du xylène bouillant en présence d'une petite
quantité d’acétate d’éthyle, On peut préparer également
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ce corps par l’action de la poudre de zinc sur le sul
fate de B diazonaphtaline en solution dans l'alcool,
En dissolvant ce corps dans l'acide acétique glacial
puisl’oxydant au moyen del’acide chromique, l’auteur à
pu préparer deux quinones.La première de cesquinones
est la 6 naphtylnaphtoquinone; elle peut être repré:-
sentée par la formule suivante : é
do du
La deuxième quinone, qui s'obtient par l’action pro»
longée de l'acide chromique sur le 6 8 dinaphtyle, est
la 8 6 di-x-naphtoquinone ; elle a pour formule :
O0 0 0 l
(00 0 ee
Ne OH HO
(0) 0 0 (e] re
M.Georges Young, en évaporant à siccité des solu=
tions alcooliques de benzaldéhyde et de phénylsemicar-
bazide, a pu préparer le diphényloxytriazol, qui se pro=
duit suivant l'équation : |
CTH°Az#0 + CTH6O + O0 = C'AH11A73SO + 2H20
Le rendement est considérablement augmenté par
l'addition d’un agent oxydant tel que le chlorure fer:
rique. Le produit est faiblement basique, mais possède
aussi des propriétés acides. {1 a pour formule :
CGH5.A7—AzH
| >C0
C6H.C—= A7
Onen afaitle sel d'argent C!*Hf! A73 OAg + H, O etle
chlorhydrate C!*H11 Az? OHCI--2H°0. Réduit, ce corps
donne le diphényltriazol :
C5H°— A7—Az
Ncx
CGH5— C—A7/
qui est un corps faiblement basique. — M. N.F. Deer
publie une note sur la chaleur latente de fusion des.
différents éléments, — MM. A. G. Perkin et Pate onf
étudié l’action de différents acides minéraux sur quel
ques matières colorantes naturelles. Ces produits don:
nent généralement des composés d’addition de couleur
orangée. Par exemple la quercitine donne avec H?S0‘le
corps: C5H'0 OTH=SO" ; avec H Br : CS HOT HBr; avec
HI : CS HO OT HT; la rhamnazine donne C!TH!# 07 H?S04#
mais les acides bromhydrique, chlorhydrique, iodhy:
drique ne fournissent pas avec elle de produits d’'addi=
tion. 11 en est de même pour la rhamnétine, la lutéo
lide, ec. — M. Herzfelder a remarqué que, si l’on
chauffe à 270° l’x nitronaphtalène avec 25 2/,de soufre
il se produit üne vive réaction avec dégagement d'acide
sulfureux et il se dépose une masse blanche solide
L'auteur en a isolé une substance qui à pour formule
C'OH6S et pour poids moléculaire 158. Elle ne possède
pas les popriétés d'un mercaplan ; trailée par le
brome, elle donne de l’ux dibromonaphatalène. Sa
formule probable peut être représentée par :
CHAIC $
no \°/1Ncn
HC\ /cx | 70H
CHEN C
C’est donc un + thionaphatalène.
ErRatTum: Dans notre dernier numéro, une erreut
s’est glissée dans la légende de la figure 3 de l’article
de M. Witz (page 617); dans cette légende, le mot
Pentropie est à supprimer, :
Le Directeur-Géran! : Louis OLIVIER
N° 16 30 AOÛT 1895
REVUE GÉNÉRALE
+?
DES SCIENCES
æ PÜRES" ET: APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
12
AVIS
Un prochain tirage à part des articles de la REVUE sur Madagascar
5
Tel a été le succès du dernier numéro de la Ce volume constituera une véritable œuvre d'art,
“Revue, consacré à l'état actuel de nos connais- | aussi remarquable par l'éclat de son illustration
“sances sur Madagascar, qu'il nous & été impos- | que par la haute valeur des études qui y seront
msible de satisfaire à toutes les demandes du | réunies. Il sera muni d'une Table des gravures et
public. d'un Répertoire analytique assez détaillé pour
WE A ce sujet nous avons reçu de France et | rendre facile et rapide la recherche de tous Les
d Algérie, d'Angleterre et d'Écosse, de Belgique, | Sujets traités dans ses différents chapitres.
de Hollande, d'Allemagne, d'Italie, etc, une Cet Ouvrage aura pour titre :
“multitude de lettres auxquelles nous regrettons de
“ne pouvoir répondre autrement que par le pré-
Me CE QU'IL FAUT CONNAITRE
….sent AVIS.
-
L DE
—… Force nous est de réimprimer à part l'ensemble
“de nos articles sur Madagascar ; nous en faisons MADAGASCAR
3 9
“un second tirage sous la forme d'un livre indé-
“Pendant, édité par la maison Ollendorf, imprimé , re
“pendant, édité par la maison endorÿ, imprimé Dans quelques jours il sera, par les soins de la
sur beau papier de bibliophile, pourvu d'une pagi- | maison Ollendorff (28 bis, rue de Richelieu,
“nation spéciale et d'une couverture de luxe. Paris), mis en vente au prix de 3 fr. 5Q chez
Pre
—… Les cartes et photogravures iointes au texte | tous les libraires de la France et de F Etranger.
“de nos collaborateurs seront, dans cet Ouvrage,
ntirées sur glacis de façon à obtenir des clichés la (NOTE DE L'ADMINISTRATION.)
transcription de tous leurs menus détails.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. 16
166
LE PROGRÈS DES
STABILITÉ
Le litre de cet article est celui d’un livre paru à
New-York, où l’auteur, M. O. Chanute, définit lui-
mème dans une courte préface le but qu'il s’est
proposé en publiant, depuis le mois d'octobre 1891,
cette série de 27 articles dans 7he American En-
yineer, sur les progrès des machines volantes, à
l'exclusion des ballons. L'objet de l’auteur en pré-
parant ces articles était triple :
1° Reconnaitre si, dans l’état actuel de notre
science et de notre industrie mécanique, surtout
quant aux moteurs légers, les hommes peuvent
raisonnablement espérer voler dans l'air. Oui.
2° Eviter aux inventeurs el expérimentaleurs l'inutile
dépense d'efforts qu'entrainel'essaide dispositifs déjirecon-
nus défectueux, et, autant que possible, indiquer les causes
d'insuecès. Réunir et disculer toutes les relations
d'expériences dont on a pu avoir connaissance.
3° Décrire avec quelque détail les appareils ré-
cemment essayés « qui rendent les tentatives de
vol moins chimériques qu’il y a quelques années ».
Exposer assez clairement les principes appliqués
et les résultats obtenus pour permettre au cher-
cheur de disting guer entre un projet mort-né et un
autre Re DE digne d'être pris en considéra-
ion, et même — après essais préliminaires —
d’être expérimenté en grand.
Il faut lire l'ouvrage même pour sentir à quel
point il était devenu nécessaire, quelle somme
énorme d'efforts a déjà été dépensée en pure perte
à la répétition de tentatives déjà vingt fois con-
damnées. Jamais peut-être on n’a vu tant d’ardeur,
le passion et d’audace déployées à contre-sens;
Jamais les inventeurs n'ont imaginé de plus ingé-
nieux mécanismes, et n'ont eu si peu de souci des
vraies condilions dynamiques du problème; jamais
practique n'a tant dédaigné {éorique, el n’a payé son
dédain de tant de catastrophes. Ge n’est que depuis
bien peu d'années que les travaux de laboraloire,
conduits avec une méthode vraiment scientifique,
ont fait connaitre d’une manière à peu près défini-
Hive la loi d'action de l'air sur une surface plane
qui glisse d’un mouvement rapide presque paral-
lélementà son plan. Cest cette loi qu'appliquent
tous ceux qui font toile, fer el
bambou, ou, suivant leurs ressources, des jouets
el de simples projets sur le papier.
des machines en
le fait fondamental élabli par toutes les expé-
viences depuis une vingtaine d'années est le sui-
M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES
MACHINES VOLANTES
- vilesse V?:
POP ES RO ET PORTE EEE
vant: une lame plane de grande envergure et de
faible largeur, un ruban transversal, comme di
le commandant Renard, qui se meul dans l'air
sous une incidence presque rasante, presque pa=
rallèlement à son plan, éprouve une résistance
normale à son plan sensiblement proportionnell
au carré de la vitesse, el vu sinus de l'angle com
pris entre la direction de lu vilesse et le plan mobile #
au lieu du sinus carré admis sur la foi d’un sem-
blant de raisonnement, etqui ne s'applique qu'aux
surfaces allongées dans la direction de la vilesse !.
Cette loi, déjà donnée par Bossut et Duchemin,
}
des plans minces de grande envergure, X compris les
plus récentes, celles de Langley. La meilleure dis-
cussion de ses conséquences est celle du comman-
dant Renard. 4”
Si l’appareil de soutien élail infiniment mince,
si la plate-forme et l'appareil moteur, ainsi queles
accessoires nécessaires pour assurer l# stabilité,
ne subissaient aucune résistance de la part de l'air,
si, enfin, il élait possible de marcher avec sécurité
sous des incidences très rasantes, on pourrail,
comme l’énonce Langley avec un oplimisme exces-
sif, diminuer indéfiniment le rapport de la puis-
sance de la machine au poids total supporté,
en employant des incidences de plus en plus ra=
santes. Le poids constant supporté P est pro-
portionnel au produit de l'angle d'incidence très
pelil œ, par la surface S et par le carré de l&
pour un même appareil, la vitesse
varie donc en raison inverse de la racine carrée
de l'angle d'incidence. La résistance au
vement est égale au poids supporté, mulliplié
par l'angle a; “nie le travail à dé ‘penser par se
conde pour maintenir celle vilesse est égal
produit de la résistance par la vitesse; d'où
résulte que la puissance de la machine est propor-
P2?
tionnelle à Tv: c'est-à-dire diminue indéfiniment |
à mesure que l'incidence devient plus rasante els.
la vitesse plus grande. Malgré sa forme excessive
ce résultal estassez exact en gros pour justifier cel.
aphorisme d’un intérêt capital dans la question ï !
Dans la navigation aérienne par aéroplanes, les vi=«
lesses économiques sont les très grandes vitesses. EL 4
C'est le contraire pour les ballons. De là résulte
l’intérèt que prennentàlanavigalion par aéroplanes…
1 Ct Renan», Soc. française de Physique, 1889.
M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES
167
Nr.
tant d’inventeurs, même en dehors de la élientèle
_ ordinaire des ministères militaires, patrictes,
_ puffistes, ou hommes d'argent prêts à vendre au
plus offrant les moyens de destruction aussi éner-
giques que variés.
Le vrai rôle des «éroplanes, c’est le service postal.
© Avant cinquante ans, peut-être plus tôt, le service
| des nn rondasces transocéaniques et trans-
“ sahariennes sera fait par des aéroplanes à grande
vitesse ; la durée du transport sera réduite au cin-
quième, peut-être au dixième du temps actuelle-
ment nécessaire, grâce à la vitesse et au trajet rec-
tiligne.
- C'est à dessein que j'ai donné à l'énoncé de la
propriété spéciale aux aéroplanes une forme vague,
t non pas la forme précise rééditée récemment
par M. Langley, et qui serait : « Les plus grandes
« vitesses sont les plus économiques. » Sous peine
e déceptions graves, il faut examiner de plus près
“ce que deviendra cette propriété dans les applica-
“tions. La machine motrice, les voyageurs, les mar-
. chandises, seront logés dans une nacelle, nécessai-
. rement assez grande; l’aéroplane de grande surface
_exigera une charpente, des agrès. Il y aura donc
- une résistance horizontale à ajouter à celle qui pro-
“vient de l’inclinaison de l’aéroplane ; Le travail cor-
respondant croit comme le cube de la vitesse. Une
. machine volante une fois construite, je suppose
-qu'on l'essaie sous différentes inclinaisons du
_ planeur; sous chaque inclinaison du planeur, il y a
“une vitesse pour laquelle la route est horizontale.
. Le travail correspondant diminue d’abord quand
4 devient de plus en plus faible, et la
Nitesse de plus en plus grande; puis le travail
_ passe par un minimum pour une certaine vitesse.
“et devient ensuite de plus en plus grand pour les
“vilesses croissantes.
Pour une machine volante de poids fire, il y & une
“vitesse de transport horizontal plus économique que toutes
les autres.
- el est le théorème du commandant Renard !,
“déjà un peu moins favorable que le premier, el
qu'il faut restreindre encore. Est-ce en effet le
poids total de la machine volante qu'on se don-
_nera dans un projet? Non, mais le poids à trars-
porter, voyageurs et marchandises, et, par la nature
“ème des choses, ce poids sera toujours une très
petite fraction du poids total, le dixième ou le
vingtième peut-être ? Connaissant le mode de cons-
_ truction le plus léger par mètre carré pour le pla-
neur du type adopté, et par cheval-vapeur pour
là machine motrice, on cherchera à transporter,
avec une vitesse fixée à l'avance, un certain poids
. de marchandises et de voyageurs. Dans le problème
L lievue de l’Aéronaulique, 1889, Masson.
réel le poids total n’est donc pas fixe comme dans
le problème du commandant Renard. Sous cette
forme, en admettant un poids voisin de 2 kilo-
grammes par mèêtre carré, et de 4 à 10 kilogrammes
par cheval-vapeur, on Féconniat facilement que le
minimun du commandant Renard n'existe plus.
J'énoncerai done uniquement la proposition sui-
vante plus restreinte :
Dans la navigation maritime, ow dans la navigation
aérienne par aérostats dirigeables, le prix de transport
d'un poids utile donné entre deux stations est proportion
nel au carré de lu vitesse. Dans la navigation aérienne
par aéroplanes, ce prix croît moins vite que le carré de lu
vilesse; la différence est d'autant plus grande que le poids
uhle est plus grand par rapport au poids total.
L'avantage des aéroplanes reste ainsi bien mar-
qué, pourvu qu'ils ne soient pas trop grands, c'est-
à-dire pourvu que la solidité du planeur n’exige pas
une trop lourde charpente.
Il faut donc de toute nécessité construire un pla-
neur léger et solide, et une machine motrice légère,
puissante et peu encombrante; l'imagination des
inventeurs peut se donner carrière dans cette
double recherche, et les résultats acquis dans ce
sens sont forl encourageants; mais ce n'est pas
tout : il faut que la machine volante puisse prendre
son vol, s’avancer sans accidents, en _équilibre
stable, malgré les rafales verticales, latérales ou
frontales, et enfin atterrir.
Comment, et jusqu'à quel point a-t-on réalisé
jusqu'à présent l'équilibre des aéroplanes libres,
ou retenus par des cordes ? C'est cela seul que je
veux examiner, avec l’aide de M. Chanute. Com-
mencons par je PORT relenus par des cor-
dages.
Il
Les premières études méthodiques sur les cerfs-
volants paraissent dues, d’après M. Wenham, à
George Pocock, de Bristol, qui cherchait, il y a plus
de cinquante ans, à en faire des observatoires aé-
riens pour les officiers. La première personne qui
osa se risquer dans l'espèce de fauteuil suspendu
à un de ces énormes cerfs-volants fut une dame.
Plusieurs cordes maintenaient et orientaient le
cerf-volant, déjà lancé ; le fauteuil fut attaché à la
corde centrale, la dame y prit place, fut enlevée à
une centaine de mêtres de hauteur et redescendit
charmée. Peu de temps après, le fils de M. Pocock
réussit à prendre pied au sommet d’une falaise
abrupte de 70 mètres de hauteur, au moyen d'un
cerf-volant de 10 mètres de haut, et à en redes-
cendre en se laissant glisser le long de la corde.
Les cordages directeurs étaient manœuvrés de
terre; ils auraient aussi bien pu l'être par le voya-
geur lui-même.
M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES
M. Wenham a aussi indiqué à M. Chanute le bre-
vet de E. J. Cordner, prêtre catholique irlandais,
et ses essais. Un cerf-volant hexagonal, en toile,
sans queue, est lancé le premier; quandil est bien
dans le vent, on attache à la corde un second cerf-
volant de même forme, mais plus grand, dont le
lancement n'offre plus aucune difficulté; on fait
de même avec un troisième plus grand encore, el
ainsi de suite jusqu'à ce que la force portante
soit devenue suffisante. Plusieurs personnes furent
ainsi transportées une à une d’un roc isolé jusqu'à
la côte, par-dessus les vagues. Dans l'intention de
l'inventeur, l'appareil devait servir au sauvelage
des navires portés à la côle parun vent violent,
auquel cas le cerf-volant, lancé du navire, permet-
trait à un premier matelolt de se transporter au-
dessus de la côte, de s’y laisser descendre, et d'y
amarrer les cordages nécessaires pour établir la
navette du navire naufragé à la côte. Il ne semble
pas que cel appareil ni d’autres analogues propo-
sés à diverses reprises aient été essayés par mau-
vais temps; c’est la stabilité qu'il faudrait assurer
malgré les coups de vent.
En juillet 1880, notre compatriote M. Biol a dé-
crit un cerf-volant sans queue un peu. compliqué,
à la vérité. mais dont la stabilité s’est montrée
tout à fait remarquable en toute circonstance. Le
cerf-volant est elliptique (40°" de grand axe, 20°"
de petit axe, environ); il porte au haut du grand
axe, à droite et à gauche, deux trones de cône, la
grande ouverture face au vent (dispositif japo-
nais), eten bas du grand axe une hélice à deux
ailes, qui tourne rapidement sous l'action du vent.
Les deux cônes assurent la stabilité latérale. L'hé-
lice était absolument nécessaire pour la stabi-
lité longitudinale, et jouait le même rôle que la
queue ordinaire des cerfs-volants, soit par une
action gyroscopique, doit par la traction longitu-
dinale énergique qu’elle exerçait surle cerf-volant,
ce qui est bien certainement le rôle de la queue
ordinairement attachée à ceux-ci. Sous l’action
d’un vent de 30 kilomètres à l’heure, le cerf-vo-
lant enleva 1.500 mètres de corde, se maintenant
deux heures en l'air. Des vents plus forts permirent
de dérouler 2.000 et même 2.500 mètres de corde,
donnant le spectacle curieux d’une ascension en
ligne brisée, par suite de la présence de plusieurs
couches superposées de vents différents. Des es-
sais de vol plané entrepris en grand en 1887 n’ont
pas été déerits.
La stabilité a été obtenue plus simplement par
divers expérimentateurs soit en repliant la partie
arrière du cerf volant un peu vers le haut (Bar-
nett), soit ajoutant à l'arrière et en dessous une
quille longitudinale perpendiculaire à la surface
(Boynton), soit n calquant le cerf-volant Malais
- gueur. Les troislattes formentainsiun triangle équi-.
(Bazin, Eddy). Dans ce cerf-volant, la tige trans-
versale est allachée à angle droit sur la tige lon-
gitudinale, au cinquième de sa longueur environ à
partir de Pextrémilé supérieure; la tige transver-
sale est généralement la |
plus longue. Le tout est
recouvert de papier en
forme de quadrilatère
symétrique. M. Bazin
fléchit la tige transver-
sale en arc, la concavité
en arrière. M. Eddy flé-
chil aussi la lige longi-
tudinale dans le même
sens ; la surface exposée
au vent est alors convexe. Depuis longtemps les
Chinois ont adopté des formes de ce genre plus
larges que hautes, mais généralement concaves-
convexes, en forme de selle (fig. 1). L'ouvrage de.
M. Chanute ne donne pas d'indications sur le,
mode d'attache de la corde de retenue.
On se rappelle les essais, d'ailleurs infructueux
el pour cause, effectués au Texas en 1891 pour la
production artificielle de la pluie. Des cartouches
de dynamite devaient, par leur explosion à grande
hauteur, décider la vapeur d'eau à se condenser
en nuages d'abord el ensuite à se précipiler en
bienfaisantes averses sur le sol desséché. Ce sont
des cerfs-volants hexagonaux sans queue, étudiés
par M. Myers, qui ont enlevé ces cartouches dans
l'atmosphère. Deux lattes de sapin de 1" 80, den
6 millimètres sur 6 au sommet, el6 sur 12 à la base
sont croisées à 60 centimètres du sommet environ
et maintenues par une petite cheville et quelques
tours de ficelle. À 13 centimètres du croisement est
placée une troisième latte de 1"45 seulement de lon
Fig. 1. — Cerf-volant chinois.
latéral, de13 centimètres de côté, environ au milieu
de la surface, et la rigidité est bien mieux assurées
que si les trois lattes se croisaient au même point:
Pour limiter l'hexagone, une ficelle court du boul,
d'une latte à la suivante. Les cordes d'attache sont
fixées à la latte transversale à 30 centimètres de
chaque bout; aux longues lattes, à 15 centimètres
du bout supérieur el à 75 centimètres du bouts
inférieur. Enfin, pour réunir ces cordes ensemble
et les lier à la corde unique du cerf-volant, on
place celui-ci à lerre, un pied sur le croisillon,.
et prenant tous les cordes en main, bien tendues,
on les noue de facon que la verticale du nœud
tombe à mi-chemin entre le sommet des longues
barres et la barre transverse. La carcasse, recou-\
verte de calicol rouge bien collé et tendu, est lé-=
gère et rigide en haut, un peu plus lourde et élas="
tique en bas. Le centre de figure et le centre de,
gravité sont au-dessous dupointd'altache (Chanule …
mhn
= Cv
M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES
169
s. 187). La description est presque complète : ilne
. manque que la distance du nœud au cerf-volant,
probablement 1 mètre à 1" 50 d’après le mode opé-
ratoire indiqué.
Des règles empiriques. pas toujours précises,
voilà tout ce qu'a pu réunir M. Chanute, à grand’-
peine, sur le cerf-volant; mais pas trace d'une
Lhéorie de l'équilibre stable. Sil'on songe que le
cerf-volant est retenu, et qu'il reçoit le vent sous
n angle toujours considérable, 30° à 60°, tandis
que l’aéroplane est libre, et doit manœuvrer sous
des incidences aussi rasantes que possible, pour
l'économie de puissance motrice, on ne peut guère
s'étonner que lant d'appareils volants aient fini
ar se retourner tète-bêche au moindre coup de
-périmentateurs aient
échoué dans leurs
entatives pour re-
produire des appa-
- reils dont le succès
élait infaillible entre
- les mains de léurin-
- venteur. Il reste dans
“les meilleures des-
- criplions une partie
mal délerminée, un
- (àtonnement dans le-
quel les uns réussis-
sent presque à coup
publié le résultat de ses recherches dans un vo-
lume, Le vol des oiseaux, fondement de l'art du vol
(1889), et dans des communications annuelles au
Journal de V' Aéronautique (Zeitschrift für Luftschif-
fahrt). Le livre se termine par trente aphorismes
dont voici les principaux:
En air calme, l’homme ne peut voler par ses seules
forces. Dans les conditions les plus favorables, il fau-
drait encore qu'il pût produire 1 cheval et demi.
L'homme pourra s'élever dans l'air et planer avec un
vent de 40 kilomètres à l'heure. :
L'appareil doit être une reproduction agrandie des
ailes des oiseaux les plus grands et les plus haut-pla-
neurs.
On peut faire porter 10 à 12 kilogrammes par mètre
carré.
On peut construire en bois de saule et toile un appa-
reil solide de 10 mètres
carrés pesant environ
15 kilogrammes.
Un homme muni de
cet appareil aurait un
poids total de 90 kilo-
grammes, soil 9 kilos
par mètre carré, à peu
près la proportion des
grands oiseaux.
La section transver-
sale des ailes doit être
courbée, la concavitée
vers le bas.
La flèche de fluxion
doit être un douzième
de la largeur (d'avant
en arrière) pour corres-
sûr où les autres 6-
chouent. Tel estlecas
de l'oiseau artificiel imaginé par M. Lancaster après
cinq années de séjour dans les solitudes de la Floride
$S W, consacrées à l'observation des grands oiseaux
planeurs. « J'ai fait, dit-il, des centaines de ces oi-
_seaux avec loutes sorles de succès: tantôt Lous les
modèles présentés au vent s’élevaient sans difficulté
et parcouraient en remontant le vent plusieurs
“centaines de mètres jusqu’à 300) avant de perdre
équilibre et de tomber à terre ; tantôt l'essor était
impossible. » Il s'agit d'un oiseau artificiel pré-
sentant au ventunesurface de carton fixe de 15 dé-
“cimètres carrés environ (60° sur 25°") représen-
- lant les ailes étendues et immobiles de l'oiseau
| véritable. A 45°® en arrière est une queue verticale
(en long ou en large?) et à 45°" en dessous, à
l'avant, un poids de près d’un kilogramme.
a IT
—. Ilfaut arriver aux expériences mémorables de
— M.Lilienthal pour trouver enfin desessais conduits
— avec une méthode sûre, et vraiment scientifique.
… M. Lilienthal, dont vingt-cinq années d'efforts ont
- été récemment couronnés d'un plein succès, a
Fig. 2. — Sommet duquel M. Lilienthal s’élançait avec son appareil.
pondre à celle des oi-
seaux.
La courbure doit être
parabolique, la plus prononcée à l'avant, la plus aplatie
à l'arrière.
D'ailleurs l'expérience indiquera le meilleur rapport
entre l’envergure et la largeur des ailes, ainsi que la
meilleure courbure.
Préceptes relatifs aux ailes batantes.
Ainsi préparé par ses éludes antérieures, M. Li-
“lienthal a fait une série importante d'expériences
en 4891! (fig. 2). Outre la courbure d'avant en ar-
rière, les ailes ont une forme sinueuse de droite à
gauche.Unesortedequille verticale dans le plan de
symétrie, et une queue à peu près horizontale, mais
relevée en arrière, assurent la stabilité. De rema-
niements en remaniements, la surface des ailes
fut peu à peuréduite de 10 mètres carrés à 8 mètres
carrés. L'appareil complet pesait alors 18 kilo-
grammes.
Au cours de ses exercices préparatoires, d’abord
dans son jardin, puis sur des coïlines gazonnées
des environs de Berlin, M. Lilienthal, en cou-
rant contre le vent sur une longueur de 8 mètres,
1 Voyez à ce sujet, dans la Revue du 30 déc. 1893, p. 802,
l'article de M. Runge sur les expériences de M. Lilienthal.
770 M. BRILLOUIN — LE
PROGRES DES MACHINES VOLANTES
réussit à se laisser porter, et à franchir d’un bond
20 à 25 mètres. L'appareil cessail d’être maniable
lorsque la vitesse du vent dépassait 20 kilomètres
à l'heure. « Souvent, même avec cette surface
« réduile, des rafales soudaines m’enlevaient, et,
« si je n'avais pu me délacher instantanément de
« mon appareil, je me serais rompu le cou, aulieu
« d'attraper de simples entorses, ce qui arrivail
« au bout de peu de semaines. »
L'année suivante(1892), muni d'ailes de 16 mètres
carrés de surface, M. Lilienthal réussit, en prenant
un élan à la course face à un vent de 28 à 30 kilo-
mètres à l'heure, à acquérir une vitesse relative
suflisante pour s'élever, planer horizontalement, et
atterrir légèrement. En 1893, les essais furent re.
pris du haut d'une tour de 10 mètres, située au
semmet d'une colline en pente vers l’ouest.
Quand le vent frappe latéralement. tout lap-
pareil s'incline, le centre de pression se déplace
du côté exposé au vent, qui se relève; pour ra-
mener l’horizonlalité, l'aéronaute doit porter son
poids de ce même côlé, au vent !; cela rendrait
peu sûr l'emploi d'ailes de trop grande enver-
gure, et a conduit à adopter 7 mètres comme li-
mile maximum. De même, si le vent prend en
dessous, le centre de pression recule, et il faut pou-
voir compenser cel effet par la flexion du torse et
la projection des jambes en avant ou en arrière
(fig. 3), ce qui limite la largeur acceptable à 2",50.
Les ailes, arrondies aux bouts, ont alors environ
14 mètres carrés, et pèsent 20 kilogrammes, ce qui,
avec l'aéronaule, porte le poids total à 100 kilo-
grammes environ.
Les préceptes fondamentaux sont les suivants :
Pour éviter tout accident par rafales, s'exercer
aux manœuvres qui conservent l’équilibre en com-
mençant avec des ailes de faible surface, et n'aug-
‘ L'habitude d'étendre les bras et les jambes du côté où on
se sent pencher, pour se garer du choc contre la terre, est
tout à fait funeste ici, et précipite le renversement: il faut, pa-
rait-il, une forte attention pour
tinclif.
éviter ce mouvément ins-
menter la surface qu’autant qu'on est devenu par-
failement maitre de l'équilibre avec les ailes les
plus petites. C’est une habitude à acquérir com
celle de l'équilibre sur un bicycle.
On peut décrire une courbe à droite ou
gauche en portant le poids du corps d’un côté o
de l’autre, mais il faut toujours atterrir face à
vent. On doit porter les jambes en avant, et a
moment mème où les pieds vont toucher le sol, re
jeter promplement le corps en arrière, ce qui re-
lève le front des ailes, présente toute leur surface
inférieure au vent el arrête le mouvement en avant;
on prend terre aussi doucement que si l’on avait.
sauté, sans ailes, du haut d'une chaise.
La figure 3 montre en d ele vol en air calme,
sous une pente de 9 à 10°; en 4 f avec un vent de
4 à 5 mèlres par seconde (15 à 18 kilomètres à
l'heure), la pente n’est plus que de 6 à 8°; enfin.
avec un vent de 7à 8 mèlres par seconde (25 à.
30 kilomètres à l'heure) qui exige une certaine
lutte contre le vent, M. Lilienthal s’est à plusieurs
reprises trouvé soutenu immobile dans l'air pen-
dant plusieurs secondes, et quelquefois subitemen
enlevé de plusieurs mètres par une rafale (4.
M. Lilienthal annonce avoir construit un moteu
à vapeur de deux chevaux, pesant 20 kilogrammes
tout compris ; il se propose de l’adapter à son appa-
reil volant pour en faire mouvoir les ailes. Comme
il est tenace el patient, on ne peut guère douter
qu’il réussisse en peu d'années à faire une machine
volante, à ailes baltantes, capable de porter le poids
d'un homme, el suffisamment stable.
On remarquera, d’abord, que la stabilité de l’ap-
pareil est suflisante pour donner le temps à l’aéro-
naute de rétablir l'équilibre par des mouvements
simples; mais rien ne prouve que la stabilité sub-
sisterait si la masse suspendueélaitinerte!. Enfin, .
M. Lilienthal attribue une importance capitale à la
courbure des ailes d’avant en arrière : « Dans les
1 Ce doute ne semble que trop justifié par l'accident ré-
cent dont M. Lilienthal a été victime, au cours de ses essais
de cet été.
M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES 111
« petits modèles, de moins d’un mètre carré, une
« flèche de 1/12 de la largeur fournissait les meil-
… « leursrésultats; avec les ailes de 14 mètres carrés,
« de nombreux essais ont montré qu'il faut réduire
-« la flèche à 1/18 ou 1/20 de la largeur... »
. Qu'est-ce que les « meilleurs résultats » ? C’est ce
que je ne trouve pasclairementexposé dans le livre
de M.Chanute, ni à propos des expériences de M.Li-
lienthal, ni àproposdecelles de M. Hargrave (p.230),
“ni à propos des brevets de M. Philipps (p. 165-170),
“qui tous concluent à la supériorité des surfaces con-
| caves sur les surfaces planes.
— M. Lilienthal, dans son livre, l'expose claire-
en Angleterre, et qui a déjà élé soumise à d'impor-
tants essais partiels. Après des expériences sur la
résistance de l'air et sur les meilleures formes
d'hélices propulsives, M. Maxim a construit un pla-
neur de 500 mètres carrés de surface totale, d’une
longueur de 44 mètres. Comme le montre la gra-
vure ci-jointe, le planeur supporte tout un échafau-
dage avec chaudière à vapeur, moteur, etc.; la
machine pèsera de 2.500 à 3.000 kilogrammes. Les
expériences sur la résistance de l'air ayant montré
x et 1 : «
qu'une incidence de ü est pratique, une force pro-
pulsive des hélices de 180 à 220 kilogrammes serait
Se = AS
71 à œ D HAN:
PRE £ 7 ae DA n ù { |! (DS I
Wen TR" 4 CALE PEUT CRE TT D OP —
_ Cr OZ, NU Zars NTe RS lue TL
ES NE q ut =
Fig. 4. — Vue générale de l'aéroplane de M. Maxim.
ment. Ses expériences montrent un changement
considérable dans l’allure de la résistance de l’air
-en fonction de l'incidence (comptée à partir dela
corde qui joint le bord antérieur au bord posté-
rieur). Cette résistance conserve sa plus grande
valeur sur plus de 60° de part et d’autre de l'inci-
- dence normale et tombe très rapidement, sans être
encore nulle, lorsque le vent est parallèle à la corde.
En outre, elle change beaucoup d'orientation par
rapport à cette corde, et, sous les faibles incidences,
. le rapport de la composante horizontale à la com-
posante sustentatrice verticale est inférieur à la
tangente de l'incidence, et par là même très favo-
rable,
IV
Je ne veux pas terminer sans dire quelques mots
de l'énorme machine construite par Hiram Maxim,
suffisante; la machine étudiée produit jusqu’à
150 kilogrammes; et pourtant il semble que
M. Maxim ait éprouvé quelques déceptions de ce
côté; il faut en effet tenir compte de la résistance
horizontale, très difficile à évaluer, due à tout
l'échafaudage qui donne de la rigidité au planeur,
ainsi qu’à la plate-forme et à la machinerie.
Le progrès capital réalisé, c’est la construction
d’un moteur puissant et léger, sur lequel M. Maxim
fournissait dans une lettre adressée à M. Chanute,
le 6 octobre 1892, des indications assez détaillées
(p. 21-243). Disons seulement que le poids total
de la machine (chaudière, pompes, générateurs et
condensateurs, y compris toute l’eau qui y cireule
atteint à peine 4 kilogrammes par cheval-vapeur,
pour une machine de 300 chevaux.
Toute la machine est montée sur des roues ct
peut courir sur une voie ferrée rectiligne d’un kilo-
112 M. BRILLOUIN — LE PROGRÈS DES MACHINES VOLANTES
mètre, dont la première moitié estcomplétée pardes
rails parallèles aux premiers, placés au-dessus des
roues, pour les empêcher de se soulever. Des dyna-
momètres placés aux quatre coins delaplate-forme
font connaître la force soulevante. Dans un pre-
mier essai, à la vitesse de 46,% kilomètres à l'heure
(obtenue par les machines agissant sur les hélices
aériennes), l'essieu de devant fut soulagé de 1.040 ki-
logrammes, celui d’arrière de 860. Dans une se-
conde course à 50 kilomètres à l'heure (après
quelques modifications) on obtint 1.130 kilo-
grammes à l'avant, et 4.260 à l'arrière. Le centre
de gravité, qui était trop à l'arrière dans le premier
essai, avait été trop avancé dans le second. Dans
un troisième essai, la machine entière fut soulevée.
Il me parait inutile d'entreprendre une descrip-
Lion détaillée d’un appareil d'essai, à chaque instant
remanié; mais je Liens à bien convaincre le lecteur
de l'esprit méthodique, audacieux certes, mais
nullement aventureux, qui guide M. Maxim.
Pour poursuivre utilement ses expériences,
M. Maxim estimait que cent mille livres sterling
élaient nécessaires, el voici comment il traçait en
juin 4892, dans le Century Magasine, le progranime
de ses essais :
1° Etude de la machine à vapeur et des hélices.
sur rails à toutes les vitesses entre 35 et 180 kilo -
mètres à l'heure. Poussée des hélices. Fonction-
nement du condensenr et température de l’eau qui
en sort, à toutes les allures.
2° Cela fait, mise en place de la soie sur le pla-
neur, et essais d'équilibre, d’abord à petite vitesse,
et déplacement de la chaudière et du moteur sur
la plate-forme, jusqu'à ce que la force soulevante
soil la même à l’essieu d'avant qu’à l’essieu d’ar-
rière. Nouveaux essais à des vilesses de plus en
plus grandes.
3° Gouvernails, pour la marche recliligne el
horizontale, (A l’aéroplane on fixera deux longs
« bras vers l'arrière; à ces bras on articulera un
« gouvernail, très grand et très léger, garni de
soie, commandé de la plate-forme par des cordes,
« une course d'essai montrera alors si le change-
ment d'inclinaison du gouvernail change la ré-
tenus dans le livre de M. Chanule sur une questio
contribué à préparer la solution, nous éclipserons-
«partition des charges entre l’essieu d'avant et
« l’essieu d’arrière ; si le gouvernail d’'arrière ne:
«suffit pas, on en mettra un deuxième à l'avant»
« On s'arrêtera quand on pourra faire varier l&
« charge sur chaque essieu de 15 °/,.
Dispositif analogue à droite et à gauche pour
empêcher le renversement par excès de roulis.
Pour tourner à droite ou à gauche, on accélérera
une des hélices, et on ralentira l’autre ;
4 Enfin on cherchera à effectuer un vol libre.
Pas de plan d'essais sur la manière d’atterrir.
Tout cela est extrêmement sérieux et M. Maxin
réussira plus ou moins vite selon qu'il saura profile
des enseignements de M. Lilienthal; mais la forme
même de son aéroplane {1893) est défectueuse, et
doit être changée du tout au tout; il n'obliendra
qu'unestabilité précaire avec un planeuralourdi par
les longs bras destinés à supporter les gouvernails.
Je n'ai fait que résumer les renseignements con-
très particulière; j'espère en avoir assez dit pour”
engager tous les curieux d’aéronavigation à le lire.
et relire. C'est d'ailleurs un véritable plaisir pour
un Français ; aucune nation n’a tant fait pour trans-M
farmer la chimère en réalité; toutes les formes de
la passion aéronautiqüe se sont incarnées dans
quelques-uns de nos compatriotes, depuis la folle
témérité des Besnier (1678), de Bacqueville (1742),
et la fine el patiente observation des d'Esterno, des
Mouillard, des Weyher, jusqu'à la savante analyse.
expérimentale de M. Marey et à l’ingénieuse syn-
thèse des d'Amécourt (1863), Mouillard (1865),
Trouvé (1870), Pinaud (1871), Jobert (1871), Hureau
de Villeneuve (1872), Tatin (1876), Dandrieux (1879),
Pichancourt (1889), sans compter ceux que j’aidéjà
cités dans le cours de cet article. Après avoir tant
nous discrètement au moment d'en recueillir l'hon
neur? Laisserons-nous à d’autres, faule d’un su-
prême effort, la gloire et, peut-être, le bénéfice
du succès définitif? |
Marcel Brillouin.
Maitre de Conférences de Physique
à l'École Normale Supérieure.
- Un ingénieur américain, M. E. T. Adams, ancien
lève de l’Institut Sibley, dirigé à Ithaque (New-
York) par l'illustre professeur Thurston, vient de
publier, dans un récent numéro du Cussier's Maya-
ne, une nolice d’une haute portée sur la tempéra-
“ture des parois métalliques des cylindres à vapeur,
“notice sur laquelle nous croyons devoir appeler
l'attention des nombreuses personnes qui s’occu-
pent de la physique et de l’économie des machines
“à vapeur. Il ne s’agit plus ici de considérations
“ihéoriques, plus ou moins bien étayées sur des
“hypothèses; il s'agit de faits réels, révélés par des
expériences failes avec toutes les garanties d'exac-
Litude dans le laboratoire de l'École de Sibley. 1]
- s'agit d’un diagramme de la température du métal
au point en observation, tracé automatiquement
- comme celui de la pression de la vapeur. M. Don-
kin, l'auteur des plus grands progrès dans cette
“voie, avait bien observé les températures »107ennes
à différentes profondeurs dans l'épaisseur du métal,
“mais il n'en avait pas donné les variations à chaque
“instant d'un tour représentées par un diagramme
“automatiquement tracé.
d
É [
M. Adams ouvre une nouvelle ère aux investiga-
“lions des chercheurs. Maiheureusement il est fort
“sobre de détails sur les moyens qu'il a employés
our alteindre un but visé sans succès par ses
“devanciers. Voici tout ce qu'il nous en apprend :
—. Un couple thermo-électrique était placé dans
épaisseur du métal, à un quart de millimètre de
la surface interne de la paroi, el de manière à ne
pas obstruer le passage de la chaleur en ce point,
soit que le flux fût dirigé de l’intérieur vers l'exté-
rieur ou en sens inverse. La température de la sou-
“dure froide du couple était maintenue constante
et prise pour zéro. L'intensité du courant élec-
lrique élail ainsi proportionnelle à la température
de la soudure chaude, et produisait des déviations
galvanométriques également proportionnelles à la
température du même point. Un rayon de lumière
était projeté sur le miroir du galvanomètre, d’où il
était réfléchi sur une plaque sensible. Par l'inter-
médiaire d'une liaison cinématique convenable
avec le réducteur de course de l'indicateur de
pression, la plaque sensible se mouvail dans un
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1893.
2 tv Éd IT ME ANT “er L'ARES
: * Cr .
V. DWELSHAUVERS-DERY — PROGRÈS DE LA MACHINE À VAPEUR 113
Re INSCRIPTIONS DES VARIATIONS
DE LA TEMPÉRATURE DES PAROIS MÉTALLIQUES
DES CYLINDRES A VAPEUR
plan perpendiculaire au plan engendré par le
rayon lumineux réfléchi du galvanomètre. Ainsi.
ce rayon tracait sur la plaque un diagramme dont
les abscisses représentent les déplacements du pis-
ton et dont les ordonnées représentent les varia-
tions de la température du métal, au point consi-
déré.
Il parait que de telles expériences se poursuivent
au Laboratoire d'Ithaque ; mais il est à espérer que
les détails de l'installation seront bientôt livrés à
la publicité de manière à intéresser tous les labo-
raloires au même sujet el à provoquer une accu-
mulation de faits qui trancheront définitivement la
question de la température des parois, et, par suite,
celle de son influence sur l'économie de la machine.
En attendant, il est utile de reproduire ici les révé-
lations que M. Adams a bien voulu nous faire.
Il donne d'abord un diagramme (fig. 2), reproduil
CN un
Fig. 4. — Diagramme des pressions de la vapeur. À, com-
mencement de l’admission: D, commencement de la dé-
tente ; E, commencement de l’émission: C, commencement
de la compression.
d'après l'épreuve originale négative, des variations
de la tempéralure relevée en un point situé dans
le mélal, à un quart de millimètre de la surface
interne du couvercle du cylindre. Chaque point du
métal a son diagramme propre el caractéristique
de sa position. M. Adams estime que l’aire de ce
diagramme est à peu près proportionnelle à la perte
de chaleur due à la condensation de la vapeur sur
la porlion de paroi dont ce point peut être pris
comme centre. D'après les allures de ces dia-
grammes, on peut classer en deux grandes caté-
gories les différents points de la paroi où se pro-
duisent des échanges de calories entre la vapeur el
le métal : d'abord, les surfaces balayées par le
piston, qui présentent deux cycles de tempéra-
tures par tour de la machine; ensuite les autres
surfaces, qui n'ont qu'un cycle par tour. Le dia-
16*
V.. DWELSHAUVERS-DERY
Æ]
1
re
PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR
gramme de température de la figure 2 est relevé
en un point appartenant à la seconde catégorie.
Comme ces points sont exposés le plus longtemps
à la chute maxima de température, ils ont évi-
demment le maximum d'influence sur les échanges
de chaleur et, par suite, sur les condensations dans
le cylindre.
(ll
En regard du diagramme des Llempératures de
ce point du métal, M. Adams mel un diagramme
des pressions, qu’il considère comme représentant
suffisamment le diagramme des températures de
la vapeur; c’est celui-même de la figure 1. Les
deux diagrammes sont les reproductions, à la
même échelle, des deux courbes relevées simulla-
nément sur la machine expérimentale, une machine
Fig, 2. — Diagramme des lempéralures d'un point de la
uroi mélallique. À, commencement de l'admission ;
), commencement de la détente; E, commencement de
l'émission ; C, commencement de la compression.
à un seul cylindre, à condensalion, à excentrique
fixe. La pression de la vapeur était de 50 livres
par pouce carré, soit 3 kg. à par cent. carré; le
nombre de révolutions, 40 par minute.
Le diagramme de température de la figure 2
montre qu’au commencement de l'admission A le
mélal va s'échauflant presque jusqu’au commence-
ment de la détente D: que, pendant la détente et
une partie de l'émission anticipée, la température du
mélal va baissant graduellement ; puis que, vers la
fin de la course directe E, il y a une chute brusque.
Au commencement de la course rétrograde, la
température s'élève d'abord visiblement, puis s’a-
baisse plus lentement, jusqu'au commencement de
la compression G, où l'augmentation est de plus en
plus prononcée Jusqu'à la fin de celle course. Le
phénomène du relèvement de la courbe dans le
premier quart de la course rétrograde s'explique
par les considérations suivantes : Quand la lumière
d'émission est largement ouverte, l’eau saturée
qui lapissail la paroi métallique s'évapore rapi=
dement el passe au condenseur, De là un abais-
sement brusque de la température du métal qui
touchait à cetle eau, abaissement qui se propage
dans les autres couches, mais pas très profondément
à cause de la brièvelé de la durée du phénomène
el de la lenteur de la transmission à lravers le
métal, Mais ce refroidissement des couches métal:
liques internes produit un vigoureux appel
chaleur des couches externes; et c’est le flux
couche interne est de beaucoup supérieure à celle
de la vapeur en contact, phénomène nalurel parce
que, à ce moment, il n'y a plus du lout d’eau sa=
turée en contact avec le métal; la (transmission su=
perficielle a lieu par contact d'un métal avec un gaz,
procédé lent; tandis que la transmission, quand
elle se fait entre un métal et un liquide à l’état d
saturalion, s'opère avec une rapidité incalculable
ou tout au moins jusqu'ici incalculée. La chute
brusque du diagramme à la fin de la course directe
prouve qu'à ce moment le mélal était recouvert
d'une importante couche de rosée d’eau à la tempé-M
rature de saturation et qui s'est vaporisée presque
instantanément.
Ces diagrammes confirment les idées que Hirn
a émises el que je n'ai cessé de défendre. Ils
montrent l'importance qu'il faut attacher à bien
protéger le cylindre contre les refroidissements;
à en entretenir la haute température par le moyen
d’enveloppes complèles à vapeur ; à diminuer,
aulant que possible, les conduits que doit suivre
la vapeur et les surfaces métalliques que touche la
vapeur dans ces conduits : enfin à enduire celles de
ces surfaces qui ne sont pas exposées au frottement
du piston d'une substance quelconque, huile ow
vernis, qui arrête la transmission de la chaleur eb
augmente la résistance de la couche superticiell
du métal, méthode préconisée par le Professeur
Thurston. ;
La notice de M. Adams ne nous révèle que le
début des applications d'une méthode nouvelle
d'investigation ; mais ce simple début promet de
tels progrès que nous avons cru devoir le signaler
de suite aux lecteurs de la Revue.
V. Dwelshauvers-Dery,
Professeur de Mécanique appliquée
à l'Université de Liège.
À
el
2
à
|
|
|
|
|
Ls Les recherches hislologiques sur les tumeurs
| cancéreuses. néoplasmes cancériformes, carcino-
mes et épithéliomas, etc., ont amené un grand
nombre de savants à considérer ces productions
“ pathologiques comme le résultat de l'invasion de
l'organisme par des parasites spéciaux, qu’ils se
sont généralement accordés à rapporter au grand
‘sroupe des Sporozoaires. Nous n’avons pas l’in-
tention de discuter, dans cet article, le fondement
d'une théorie qui donne lieu à tant de contro-
“verses: nous voulons seulement donner aussi suc-
4
Ês
cinctement que possible une idée exacte des êtres
«bien connus dont on rapproche les parasites ou pseu-
- doparasites des cancers !,
:
1. — Cour D'oIL SUR L'ÉVOLUTION DES CYTOZOAIRES.
Les Sporozoaires que l'on peut réunir dans
- le groupe des (yfozouires, parce qu'ils passent à
l'intérieur d’une cellule au moins une partie de leur
existence, sont aujourd’hui définitivement connus
pour la plupart. Une étude générale de ces Cyto-
zoaires (Grégarines, Coccidies, Gymnosporidies,
Hémosporidies) fail reconnaitre une très remar-
- quable uniformité dans leur cycle évolutif; c’est,
“somme toute, ce cycle évolutif caractéristique qui
. en fait un groupe bien défini. Au point de vue de
» Ja constitution. il n'y a certes aucun rapport entre
- une (régarine polycystidée adulte et une Æemamæba
de la fièvre paludéenne; la dernière est de tout
- point comparable à un Æhizopode ; la première, très
1° Les lecteurs de la Revue n'ont pas oublié un article écrit
…_ sous ce titre : « Carcinomes et Coccidies », en 1892 (ne 18),
par M. Metschnikoff. La publication, dans ce journal, d'un
+ iravail signé d’un tel nom semblerait devoir rendre inutile
iout nouvel exposé de la question, si la question elle-même
n'avait subi depuis lors des modifications profondes ; les tra-
… vaux se sont multipliés sur les êtres si intéressants et si peu
connus du public qui constituent le groupe des Sporozoaires, et
l’on peut considérer aujourd'hui comme définitivement élucidés
miles points de leur histoire qui semblaient encore très obs-
curs en 1890. C'est ainsi que Léger, continuant les travaux
de Schneider, a prouvé qu'il n'y a pas d'exception au cycle
évolutif établi par cet auteur pour les Grégarines et que la
pseudofilaire de Van -Beneden doitdisparaitre de la science ;
Labbé, établissant définitivement que le Polymilus des
Gymnosporidies est dû à un simple accident de préparation,
a montré que le cycle évolutif de ces parasites est absolu-
ment parallèle à celui des Coccidies vraies. Le regretté Thé-
Johan a suivi la genèse des spores de Myxosporidies et à
rapproché de ces êtres les Microsporidies, etc., etc.
Les Myxosporidies forment un groupe très fermé, défini
par des caractères anatomiques tout à fait constants, et l’on
n'a jamais songé à leur comparer les parasites ou pseudo-
parasites des cancers: les Sarcosporidies sont encore bien
—_peu connues et ce ne serait guère avancer la question que
de comparer à des ëtres aussi mal définis des éléments dont
on veut prouver l'individualité. Ilen est de même des Amœæbo-
sporidies de Schneider, auxquelles Pfeiffer a proposé de rat-
tacher les parasites de diverses maladies,
F. LE DANTEC — LES COCCIDIES 115
LES COCCIDIES
compliquée en organisation, est au contraire ce
que Ed. Perrier appelle un Périzoaire, ayant une
forme déterminée et une membrane limitante
externe. Il est donc difficile de voir réellement un
groupe 20ologique dans les Cytozouires. Les groupes
zoologiques doivent réunir des êtres qui ont entre
eux une certaine parenté phylogénique et le groupe
des Cytozoaires semble composé d'êtres d'origines
très diverses qui seraient arrivés, par un phéno-
mène de convergence, à parcourir à peu près le
même cycle évolutif,
Quoi qu'il en soit de la parenté de ses divers
membres, le groupe des Cytozoaires est très bien
défini. On sait très bien de quoi l’on parle quand on
compare à un Cytozoaire déterminé un parasite
trouvé dans une tumeur maligne ; malheureusement
il est bien difficile, sinon tout à fait impossible, de
suivre optiquement l'évolution d’un parasite, —
authentique ou supposé tel, — rencontré dans une
tumeur cancéreuse, puisque les conditions normales
de son existence ne sont plus réalisées dès que
l’ablation a eu lieu. Alors, comment faire entrer un
être dont on ne peut suivre le cycle évolutif, dans
un groupe défini par son cycle évolutif? On doit se
contenter, jusqu’à ce jour, de comparer à Lel ou tel
cytozoaire considéré à tel ou tel stade de son évo-
lution les diverses figures anormales que l’on ob-
serve dans les préparations histologiques des tu-
meurs.
On peul considérer d’une manière générale que
le lerme de l'évolution d'un cytozoaire est la
formation de corps reproducteurs, dans les-
quels passe toute la substance du parasite {ou au
moins la partie la plus importante de cette subs-
tance, le reste étant falalement destiné à se
détruire pelit à petit. De deux choses l’une : ou
bien ces corps reproducteurs pourront se déve-
lopper à l'intérieur même de l’hôte qui a hébergé
leur père, et alors la reproduction aura pour effel
une généralisation de l'infection parasitaire dans
l'hôte lui-même : c’est le développement erdogène;
ou bien ils ne pourront se développer que dans un
nouvel hôte, après avoir passé un temps plus ou
moins long dans le milieu extérieur; dans ce der-
nier cas, il faudra que les corps reproducteurs
soient doués d’une résistance considérable pour
pouvoir conserver l'espèce malgré les causes de
destruction auxquelles ils sont exposés : c'est le
développement exogène.
Dans les deux cas, les premières phases de l’évo-
lution sont identiques, sauf quelques différences de
détail, jusqu'au stade de la formalion des. corps
116 F. LE DANTEC — LES COCCIDIES
NAS ET ER ER Re
reproducteurs; on a admis longtemps sans le
moindre doute, et l’on admet encore en général
qu'une espèce déterminée de Cytozoaires parcourt
toujours le même cycle évolutif endogène ou
exogène, et que ce cycle est caractéristique de l’es-
pèce; une théorie récente, que nous étudierons
tout à l'heure, considère au contraire comme fré-
quente, ou mêmecomme générale, l'existence, pour
chaque espèce, des deux cycles endogène el
exogène, dont l'un assurerait la multiplication des
parasites dans un même hôte, l’autre la conserva-
lion de l'espèce et la transmission d'hôte à hôte.
Étudions chacun de ces cycles séparémeni, comme
s’il était certain qu'une espèce déterminée ne peut
parcourir qu’un seul d'entre eux.
IL. — ÉVOLUTION EXOGÈNE.
Tout cylozoaire est, au début de son existence,
un pelit corps appelé sporozoile, composé d’une pe-
tite masse protoplasmique, de forme déterminée,
avec un noyau réduit, le plus souvent, à une petite
masse de chromatine, appelée à tort nucléole. Le
sporozoïte, d'abord libre dans une cavilé orga-
nique de l’hôle, pénètre dans une cellule hospi-
lalière et se loge dans son protoplasma; il s’y dé-
veloppe peu à peu, et. pendant sa croissance, son
noyau se modifie ; une aire claire apparait autour
de la masse chromatique initiale, qui se trouve
bientôt ainsi au centre d’une masse sphérique non
colorable par les couleurs d’aniline. Cette masse de
substance achromalique préexistait dans quelques
cas chez le sporozoïte: elle s’entoure, le plus sou-
vent, d’une membrane (membrane ele aire) qui
la sépare du protoplasma ambiant: le noyau adulte
done une struclure vésieulaire caractéristique ,
toute sa masse chromalique étant rassemblée au
centre de la vésicule où elle affecte des formes va-
riables.
A ce moment il peut se présenter deux cas :
Ou bienle cylozoaire pousse vers l'extérieur de la
cellule hospitalière un bourgeon qui, traversant la
paroi de celte cellule, proémine librement dans une
cavité organique de l'hôte et finit par acquérir un
volume bien plus considérable que celui de la
partie restée intra-cellulaire : c’est le cas d’une
Grégarine polyeystidée ! (fig. 1). Le noyau s'avance
pelit à pelit vers l'extrémité distale de ce bourgeon
où il se trouve enfermé définitivement par l’appa-
rition d'une cloison transversale (Dicystidées, Léger)
1 Nous mettons à part les Grégarines Monocyslidées vraies ;
les sporozoïtes de ces êtres passent di-
rectement du tube digestif dans le cœlome des hôtes, sans
s'arrêter dans une cellule ; ils n’auraient donc pas de phase
primitive intra-cellulaire et se développeraient directement
dans le cœlome; ce n’est qu’une hypothèse vraisemblable.
Dans tous les cas, au bout d’un certain temps, les mono-
cystidées s’enkystent comme les autres Cytozoaires.
Léger admet que
segments dont le plus ancien est fiché dans la cel=
lule nutritive et dépourvu de novau, dont l'autre,
quand il n'y en a que deux, ou le plus éloigné des
deux autres, quand il y en a trois, contient le noya
Fig. 1. — Développement d'une Grégurine polycyslidée (d'a=
près Schneider). — 1. Sporozoïte libre. — 2, 3. Déve-
loppement intracellulaire. Bourgeonnement. —
6. Céphalin complet.
— 4, à.
du eytozoaire. La partie extra-cellulaire se détache
de la partie intra-cellulaire et tombe dans la cavité
organique (le tube digestif fowjours pour les Gréga-,
rines polycystidées) el y mène une existence libre"
plus ou moins longue {nous n'insistons pas sur ce.
cas des Grégarines qui sont exclusivement para-
sites des Invertébrés). Au bout d'un temps plus ou
moins long, cette Grégarine libre s'entoure, seule
ou en compagnie d’une autre Grégarine (pseudo=
conjugaison), d’une paroi résistante généralement
sphérique; c’est alors ce qu'on appelle un kyste.
Ou bien, le Cytozoaire intra-cellulaire, ayant”
épuisé la cellule nourricière, s’arrondit à son inté-,
rieur et s'y enkyste directement : c'est le cas des, |
Coccidies. |
Dans les deux cas nous arrivons à un kyÿsle en-
touré d'une paroi résistante: ce kyste estlibre dans
une cavité organique chez les Grégarines: il est
intra-cellulaire chez les Coccidies; tous les phé-
nomènes ultérieurs sont comparables dans les
deux cas.
Pour simplifier la description, supposons que la
Grégarine se soit enkystée seule (s’il y avait deux
Grégarines dans le kyste, chacune d'elles se com
porterait isolément comme la masse lotale, quand
il n'y a qu'une Grégarine enkystée). Alors, qu'ils,
s'agisse d'une Grégarine ou d’une Coccidie, nous [1
nee aux ro suivants, bien certains
dans tous les cas, complètement connus.
Le noyau perd sa DeMPrANES et l'aire claire ail ,
entourait son wwcléole ?) devient indistincle. Ré-
duil ainsi à une masse ie il émigre vers la
périphérie de la masse protoplasmique, laquelle
s'est détachée par contraction de la paroi du kyste. Œ
Puis il se divise (par karyokinèse?) en deux, ‘+
äu périphérie de la masse protoplasmique (fig. 2).
…— Ce travail de division nucléaire achevé, une
A
sphère de protoplasma se condense autour de cha-
z 3 4 5
ge œ E?) “)
g. 2. — Formation des Sporoblastes dans un kyste de
«: LL — 1. Enkystement de la Coccidie à l'intérieur
d’une cellule. — 2. Le noyau commence à se diviser à la
périphérie du corps protoplasmique contracté dans le kyste.
—3,4 Formation des Sporoblastes (on a représenté seule-
ment ce qui se passe dans un plan diamétral). — 5. Spo-
- roblastes formés; x, reliquat de segmentation.
-roblaste; il y a donc autant de sporoblastes qu'il
s'est produit de noyaux.
- Toute la masse protoplasmique du kyste peut
être employée à la constitution des sporoblastes,
- ou bien il peut en resler une partie inemployée,
qu'on appelle le reliquat de segmentation.
“ Voilà donc les sporoblastes libres dans le kyste:
- chacun d'eux est d'abord une sphère de proto-
plasma muni d'un noyau, puis prend une forme
déterminée pour chaque espèce et s’entoure d'une
paroi résistante : il devient ainsi une spore.
Dans la spore vont se passer des phénomènes
identiques à ceux qui se sont passés dans Le kyste;
-son contenu proloplasmique, muni d'un noyau, va
donner, en fin de compte, un nombre déterminé de
etites masses nucléées, qui seront les sporozoites,
et, le plus souvent, une partie inemployée et dé-
pourvue de, noyau, qui est appelée le reliquat de
différenciation ‘. Quand la spore contient ces divers
éléments, on dit quelle est #ure.
Le Le des spores formées dans un kyste est
‘lrès considérable et indéterminé chez les Gréga-
rines el les Coccidies polysporees ; il est réduit chez
les Coccidies oligosporées à quatre (tétrasporées) ou
à deux (disporées).
Nous avons suivi la sporulation à à l’intérieur du.
- kyste, sans nous préoccuper de l'endroit où se
… lrouvait ce kyste ; dans certains cas, la sporulalion
. n’alieu qu'après que le kyste a quitté l'organisme
£
è
de l'hôte; pour les Grégarines polycystidées, par
exemple, on ne trouve de kystes presque mürs que
— dans le rectum, de kystes mûrs que dans les fèces:
+ kyste de la Coccidie du foie de lapin est rejeté
FF
1 Une Grégarine, celle de l'intestin du homard, fait excep-
lion à cette règle genérale de la constitution des spores; ses
spores sont sphériques et aues; elles comprennent un reli-
muquat de différenciation central, entouré d’une couche con-
“tinue de sporozoïtes juxtaposés sans membrane pour en pro-
… téger l'ensemble.
F. LE DANTEC — LES COCCIDIES
EE. puis plusieurs noyaux, qui se répartissent | avec les fèces, alors que les sporoblastes sont à
peine formés à son intérieur; la maturation n’a
lieu qu'à l'extérieur. Dans d’autres cas, le kyste
mürit dans l'hôte, quelquefois même à l'intérieur
de la cellule où il s’est formé. Cela a lieu particu-
lièrement chez les Coccidium des Poissons. On cons-
tate alors, en relation avec cette durée plus longue
du séjour intra-cellulaire, une diminution de plus
en plus grande de l'épaisseur de la paroi du kyste,
qui devient presque insignifiante chez quelques
espèces. Dans ce cas, ce n'est plus le kysle qui
protège l'élément reproducteur contre les causes
extérieures de destruclion, c’estla spore elle-même
qui est la forme de résistance. Dans tous les cas,
le kyste est rejeté à l'extérieur, ou bien il attend,
sans modification, que la destruction du corps de
son hôte le mette en liberté.
La spore ne s'ouvre, pour mettre les sporozoïtes
en liberté, que lorsqu'elle est introduite dans une
cavité organique (l'intestin le plus souvent, pro-
bablement) d'un hôte de même espèce que celui
où a évolué le parent d’où elle provient. Le spo-
rozoïle, mis en liberté, se meul la pointe en avant
il a généralement la forme d'un fer de faux, d'où
le nom de corpuscule falciforme, qu'on lui donnait
autrefois), ec pénètre dans une cellule hospila-
lière. Le cycle évolutif est fermé.
On voit que, dans lous les cas précédemment
décrits, même quand le kyste mürit à l’intérieur
de la cellule hôte, mème quand la sporulation est
intérieure, le cycle évolutif est exogène, c'est-à-dire
que du sporozoiïle d'une génération au sporozoïte
libre de la génération suivante il y a forcément
une période pendant laquelle le parasite est dns
le inilieu extérieur. Quand l'évolution se poursuit
selon ce mode normal, une spore ingérée par un
hôte ne peut infester, au maximum, qu'un nombre
de cellules de l'hôte égal au nombre de sporo-
zoïtes qu'elle contient.-Ce nombre est aussi le
nombre maximum des kystes pouvant provenir
d'une seule spore. Dans des cas d'infection aiguë,
Labbé a décrit pour les Coccidies des Oiseaux (et
cela a probablement lieu pour d’autres Coccidies
un mode de proliféralion endogène par bipartition
intra-cellulaire de la jeune Coccidie avant l'enkys-
tement; chaque sporozoïile pourrait donc alors
donner naissance à plusieurs Coccidies, dont cha-
cune donnerait un kyste. Ce mode de multiplica-
üon à l’intérieur de l'hôte, nous amène au eycle
évolutif endogène.
Avant de l’aborder, rappelons les principaux
traits de l'évolution exogène des Cytozoaires.
{° Phase d’accroissement intra-cellulaire du spo-
rozoïite.
2e L’accroissement intra-cellulaire se poursuit chez
les Coccidies ; il se continue par une phase libre dans
118
le tube digestif chez les Grégarines polycystidées !,
3° L'être s'enkyste.
° Le noyau se porte à la périphérie de la masse
protoplasmique légèrement rétractée dans le kyste, et
se divise en autant de parties qu’il y aura de spores,
5° Le contenu du kyste se divise en sporoblastes
uninucléés, avec ou sans reliquat de segmentation
dépourvu du noyau.
6° Chaque sporoblaste devient une spore en s'en-
tourant d'une paroi de forme déterminée.
T Le contenu de la spore donne un nombre dé-
terminé de sporozoïtes uninucléés, avec un reliquat de
différenciation en général.
III, — ÉVOLUTION ENDOGÈNE.
Les premiers stades de l'évolution endogène
sont identiques à ceux de l’évolution exogène; le
sporozoïle grandit à l’intérieur d’une cellule hospi-
talière, son noyau prend la structure vésiculaire
s'ilne l'avait déjà au début. Il devient adulte dans
la cellule où il a grandi, et, à partir de ce moment,
nous trouvons encore deux cas dans la suite de son
évolution.
Ou bien lecylozoaire adulle présente la structure
d'une Grégarine monocystidée ; il peut alors sortir
de la cellule où il a grandi (cette cellule est, dans
le cas actuel, un globule sanguin ou un élément his -
tologique d'organe hématopoïétique et se mouvoir
librement dans le sérum. C'est alors une Æémospo-
ridie où Hémoyrégarine; elle peut se souder à une
congénère rencontrée dans sa course et former
avec elle, par fusion complète, un nouvel être ne
différant des premiers que par une laille un peu
plus considérable. Un tel être ou un être simple
ne résultant pas de la conjugaison de deux hémo-
grégarines pénétlrera ensuite dans un nouveau glo-
bule sanguin et s’y enkystera en s’arrondissant el
s'entourant d’une membrane.
Ou bien le cytozoaire adulte à une structure
plus simple et ne quitte pas la cellule où il à
grandi, Dans ce dernier cas il peut se produire
plusieurs phénomènes diflérents suivant les es-
pèces :
1° Le cytozoaire s'arrondit dans la cellule hôte.
a. Ils'y enkyste en s’entourant d'une paroi plus
ou moins résistante |Zmeria\; la cellule hôte est
alors, en général, une cellule épithéliale limitant
une cavité organique tube digestif, tubes de Mal-
pighi des Insectes, ele.) ; on constatedansles diver-
l Le passage est établi entre les Grégarines polycystidées et
les Coecidies par les formes cœlomiques des premières. Dans
certaines conditions, le jeune cytozoaire, parasite d’une cellule
épithéliale du tube digestif de Phôte, se déplace vers le cœæ-
au lieu de bour-
et poursuit son évolu-
lome en refoulant les tuniques digestives
geonner vers la lumitre de l'intestin),
tion dans ces tuniques où il s’enkyste; c’est le kyste mür qui
tombe dans la cavité générale. L'évolution des G. monocys-
tidées serait une exagération de ce processus ; le sporozoïte
traverserait les tuniques intestinales sans s'y arrèter et évo-
lucrait dans le cœlome.
F. LE DANTEC — LES COCCIDIES
ses espèces du genre Zimeria, depuis £. fulciformis,
de l'intestin de la souris, jusqu'à Z. nepæ, de la
nèpe cendrée, une diminution progressive de la
paroi du kyste : ce qui nous amène au cas sui=
vanl.
6. Il ne s’entoure pas d'une paroi, mais reste à.
l'état de corps sphérique nu. La cellule hôte est le:
plus souvent un globule rouge de sang (Æ/emamæba
de la fièvre paludéenne|.
2° Le cytozoaire s'allonge, son noyau se divise,
et chacun des deux nouveaux noyaux gagne une.
extrémité du corps protoplasmique qui prend, petit.
à petit, la forme d'une hallère, composé qu'il est
de deux sphères nues et nucléées, unies par une
partie allongée dépourvue de noyau; la partie
allongée se détruira petit à petit (reliqual de seg-
mentalion :; chacune des deux sphères nucléées se
comportera comme la sphère nue d'une Æemamabu.
C'estle cas des Æalleridium du sang des Oiseaux.
Dans tous les cas que nous venons d'énumérer,
que nous ayons affaire à une //émogrégurine, une
Eimeria, une Hemamaba où un Æalteridiun, nous
voici arrivés à un état où le parasite se compose.
soit d'une, soit de deux sphères protoplasmiques
uninucléées, entourées ou non d’une paroi kys-
tique. ;
Chacune de ces sphères protoplasmiques pré-
sentera désormais les mêmes phénomènes.
Le noyau se portera à la surface de la sphère
(après avoir perdu sa paroi el son apparence vési-
culaire) ets’ y divisera en un nombre généralement
très grand de parties, qui se répandront, soit sur
toute la surface de la sphère, soit sur une moitié
seulement de celte surface (quelques Zimeria .
Puis, autour de chacun de ces noyaux supertfi-
ciels, le protoplasma se condensera en petites
masses,comme nous avons vu que cela se produi-
sait dans le cas de l’évolulion exogène pour la
formation des sporoblastes. Seulement, ici, ce ne
sont pas des sporoblastes qui se consliluent, ce
sont des sporozviles où corpuscules falciformes,
c'est-à-dire de jeunes Cytozoaires.
Dans certains cas, chez les Zimeria à kyste solide,
-parexemple, ilest possible quele kyste soit rejeté à
l'extérieur avec les fèces el puisse ainsi trans-
mettre le parasite à un nouvel hôte ; mais, le plus
souvent, même pour ces espèces à kyste solide,
toujours pour les espèces dépourvues de kystes,
les sporozoïles sont mis en liberté directement
dans l'hôte où a vécu leur parent, par destruction
de la cellule hospitalière (et du kyste s’il y en avait
un). Ces sporozoïles mis en liberté, soit dans le tube
digestif, soit dans le sang, soit ailleurs, pénètrent
dans une nouvelle cellule et y recommencent le
cycle évolutif que nous venons de parcourir. L'in-.
fection se généralise dans un même hôle.
F. LE DANTEC
— LES COCCIDIES
IV.
— ESSAIS DE CLASSIFICATION.
Schneider considère le kyste d'une Æimeria
comme une spore et admet que toute la masse du
parasile se transforme, par conséquent, en une spore
| unique : d'où le groupe, créé par lui, des Coccidies
monosporées. Il faudrait alors considérer comme
une spore nue l'ensemble d'une Æemamwba divi-
De en sporozoites et reliqual de différenciation.
| deux spores nues l'ensemble d'un Æalteri-
din à la fin de son évolution.
… La classification des Cytozoaires est donc, d’a-
| près Schneïder {si l'on y ajoute les D el
les Gymnosporidies| :
&2
| 0e" x : À
1° Espèces à forme adulte libre :
FE z. Espèces polysporées : Grégarines polycystidées
ES “et monocystidées.
mu 4. Espèces monosporées :
… grégarines,.
à
Hémosporidies ou Hémo-
—… 2° Espèces sans forme adulte libre :
«. Espèces donnant un nombre indéterminé de
spores : Coccidies polysporées.
8. Espèces donnant un nombre déterminé de spores :
. Coccidies oligosporées. =
a. Quatre spores : Tétrasporées.
b. Deux SERRES 1. Spores à paroi résistante: Dispo-
rées vraies. 2. Spores nues : Gymnosporidies disporées.
D Y. Espèces donnant une seule spore :
a. Spore entourée d’une paroi: Monosporées vraies
- (Eimeria).
…—._ L. Spore nue : Gymnosporidies monosporées.
Labbé s'est élevé contre cette classification et
on ‘admet pas les Monosporées, prétendant que l'on
ne saurait assimiler à une spore le kyste d’une
… Eimeria. On peut, si l'on veut, classer tous les Cyto-
…oaires en les divisant d'abord en deux grands
. groupes à cycle évolutif endogène et exogène :
| Évolution exogène. Le bourgeonnement du corps
“ protoplasmique produit des sporoblastes qui devien-
« iront des spores résistantes.
a. Une forme adulte libre : Grégarines.
… b. Pas de forme adulte libre; tout le développement
… est intra-cellulaire.
…—_ Un nombre indéfini de spores : Coccidies polyspo-
— rées vraies.
4, Un nombre défini de spores (2 ou 4): Coccidies oli-
sosporées vraies.
: 2, Évolution endogène, Le bourgeonnement du corps
protoplasmique produit des SpUrozoites 5
Une forme adulte libre : Hémogrégarines.
b. Pas de forme adulte libre.
x. Une paroi au kyste (anciennes monosporées
yraies) : Limeria.
&. Pas de paroi : Gymnosporidies.
V. — DiMORPIHISME ÉVOLUTIF.
Une théorie récente due au D’ Pfeiffer établit
un parallélisme complet entre l'évolution exogène
et l’évolution endogène. Chaque espèce de Cocci-
dies (et même de Sporozoaires, serait susceptible
d’un développement endogène. chargé de répandre
l'infection dans un même hôte, et d’un développe-
ment exogène, chargé de conserver l'espèce et de
répandre l'infection d'hôte à hôte, On se demande.
en effet, comment peut ne pas disparaître l'espèce
des Coccidies à évolution endogène, lesquelles
n’ont pas de forme de résistance capable de s’op-
poser à la destruction, une fois que leur hôte n'existe
plus. Le sporozoïte n’est pas une ‘orme de résis-
tance et ne peut se développer que dans une cel-
lule d'hôte déterminé. Au contraire, la spore ré-
siste parfaitement à la dessication et, à toules les
causes qui détruiraient les sporozoïtes; elle ne
s'ouvre et ne met ses sporozoïles en liberté que
dans un milieu approprié à leur évolution ulté-
rieure, quand elle a elle-même été introduite dans
l'hôte nécessaire.
De là la théorie du D' Pfeiffer, qui, il faut bien le
dire, s’est réclamée d’abord d'observations recon-
nues depuis erronées. et ne s'appuie encore que sur
des hypothèses.
Mingazzini a décrit deux modes d'évolution du
Klossia octopiana, Coccidie polysporée parasite du
Poulpe. Mais il est possible qu'il se soit trompé et
ait confondu, avec un cycle évolulif erdogène de
Klossia, le cycle normal d'une Æimeria parasite du
même hôte !.
Pfeiffer a décrit un bourgeonnement direct de
nombreux sporozoïtes à la surface du,corps proto-
plasmique d'un kyste de Coccülium |Coccidie tétra-
sporée ; mais Schneider a montré que ce que le sa-
vant allemand a pris pour des noyaux de sporo-
zoïtes, ce sont simplement des granulations chro-
matoïdes superficielles, coexistant avec le noyau cen-
tral non modifié. Ici l'erreur est done manifeste.
Pour les autres cas de parallélisme, aucune obser-
vation directe n'existe; on a seulement constaté la
présence simultanée, dans ce même hôte, d'une
Coccidie à spores véritables et d'une Zimeria, el
l’on a supposé que ce pouvaient être deux formes
évolutives différentes d’une même espèce parasi-
taire ; mais ce n’est qu'une hypothèse.
Voilà, rapidement résumée, l'histoire aujour-
d’hui connue des Cytozoaires; on voit qu'il y a de
grandes similitudes dans le cycle évolutif des
diverses espèces exogènes et endogènes, que
l'évolution du noyau, par exemple, est très carac-
téristique. Il est probable que, si l'on arrive à
identifier à des Coccidies des parasites ou pseudo-
parasites du cancer, ce sera dans lesGymosporidies
qu’on devra les placer; mais il faudra, pour en
avoir le droit, connaître leur eycle évolutif qui, seul,
serait caractéristique, et cela paraît fort difficile.
1 Labbé considère comme des spores avortées les sporo-
zoïtes du développement endowène attribué aux K lossiaæ par
Mingazzini.
180
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
VI. — Hapirar. ROLE PATHOGÈNE.
Les Grégarines habitent les Invertébrés et n’in-
téressent done pas particulièrement ceux qui veu-
lent étudier les néoplasmes cancéreux. Toutes les
Hémosporidies el Gymnosporidies aujourd'hui con-
nues, ainsi que toutes les Coccidies tétrasporées, ha-
bitent les Vertébrés.
On connait le rôle pathogène des Æemamaæbu de
la fièvre paludéenne. L’Æ. Laverani var. quartana
évolue en soixante-douze heures, et les accès de
fièvre correspondant aux époques de sporulation
se reproduisent de lrois en trois jours fièvre
quarte); l’/7. L. lertiana évolue en quarante-huit
heures (fièvre tierce). Il est probable que ces êtres
n'agissent pas seulement sur l'organisme de
l'homme par la destruction des globules rouges où
ils habitent, mais qu'ils produisent une substance
toxique donnant lieu à des accidents généraux.
Au contraire, d'autres Gymnosporidies semblent
n'avoir qu'une action mécanique de destruclion du
globule. On connait le rôle palhogène des Cocci-
dies des lapins etdes poules, Coccidies qui ont pu,
dans certains cas, causer des accidents mortels aux
hommes observation classique de Gübler). Nous
n'insistons pas sur ces questions très connues.
Une observation de Thélohan peut intéresser
ceux qui éludient les affections cancéreuses. Cel:
auteur à décrit, en effet, chez les Poissons, des tis-
sus d'apparence tout à fait anormale qui conte-
naient des Cocidies lélrasporées ; 1 y a vu d’abord des
néoplasies dues à une action spéciale sur le poisson
de ces Cytozoaires parasiles ; mais il s'est rendu
compte -ensuile que ces tissus anormaux pouvaient,
exister chez des Poissons dépourvus de Coccidies,
et que les mêmes Coccidies pouvaient se trouver
dans des tissus non modifiés des Poissons. Il en a
conclu que ces lissus anormaux préexistaient à.
l’'envahissement parasilaire et constituaient sim-
plement un milieu favorable au développement
des Coccidies. F. Le Dantec, |
Maitre de Conférences de Zoologie
à la Faculté des Sciences de Lyon,
REVUE ANNUELLE
1. — (ÉNÉRALITÉS
Si les découvertes d’une importance capitale se
produisent dans un pays quelconque, les lecteurs
de cette ARevue en sont aussitôt informés par un
exposé émananl le plus souvent de l’auteur même.
Cette situation est agréable pour le lecteur, mais
diflicile pour ceux qui, dans chaque science, sont
chargés de résumer ici les progrès accomplis.
En ce moment la Chimie organique découvre
des milliers de substances, quelquefois ‘utiles, en
épuisant toutes les ressources de Lhéories déjà an-
ciennes. Son symbolisme d'apparence algébrique
reste le même. Les idées qui en feront plus que
l’anatomie ou la topographie limitée des molécules,
se font attendre ; elles viendront, sans doute, de la
Chimie physique et de la Chimie biologique,les deux
réservoirs nalurels et inépuisables de notre science.
La Chimie physique, de conslilution récente.
n’a pas fail, en ces derniers Lemps, de progrès
comparables à ceux des années précédentes; elle
discuteses propres bases. En présence d'innombra-
bles constantes, elle cherche à en pénétrer le sens:
les faits y sont, en effet, complexes comme l’ensem-
ble des mouvements d'une foule. Sur ce Lerrain, les
meilleurs esprits commencent par donner une
équation représentalive simple; leurs successeurs,
aussi compétents, passent des années à compli-
quer l'équalion primilive de lermes nouveaux.
DE CHIMIE PURE
C'est ainsi que la formule de Van der Waals est
une créalion primesaulière de l'esprit abstrait,
bientôt transformée par les réalités expérimen-
lales d'Amagat, qui ont plus fait pour la théorie.
des gaz que des années de calculs. Les brillantes
hypothèses relatives aux #0ns, aux solutions, aux.
indices de réfraction, à la stéréochimie, ont élé
formulées el exposées ici même : mais on ne sail
combien de temps il faudra attendre le jugement
impartial du temps.
La Chimie physique et la Chimie organique ae-
tuelles ne reposent pas en tout point sur le terrain
ferme des vérités démontrées; il y a toujours à la
base une hypothèse, au moins, sur laquelle les
esprils aventureux en échafaudent d’autres jus-
qu’à perdre pied. L'usage de ces hypothèses est
on ne peut plus ulile, même dans l’enseignement,
si on les renouvelle souvent el les manie avec l’es-
prit du doute cartésien le pluslarge. En accordant
trop de valeur dogmatique à ces idées destinées
à passer, on risquerail de retarder les jeunes, qui
éludient maintenant pour créer plus tard une
doctrine scientifique qu'il ne nous sera, proba-
blement, pas donné de connaitre. C'est, peut-être,
en appréciant d'une facon quelque peu analogue
l'état des choses qu'un brillant retour s’est fail
en faveur de la Chimie minérale, et que MM. Ram-
say en Angleterre el Moissan en France ont mon-
tré tour ce qu'il y a là de faits tangibles, plus
aptes à faire approcher la science de l'inconnu
=
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
dr pe 0e ce AL teste À , / on
181
qu'elle cherche qu'un demi-siècle de conjectures.
Signalons aussi une autre tendance qui procède
‘du mème sentiment et concerne les laboratoires.
Pendant longlemps nous n'avions pas en notre
pays un nombre suflisant de laboratoires; on peut
dire aujourd'hui qu'il y en a trop par rapport au
nombre des travailleurs qui les fréquentent. Trop
“peu de jeunes bacheliers aisés y viennent prendre
“le goût de la Nature et orienter une vie humaine
“valant la peine d'être vécue. Un trop grand nom-
bre d'étudiants, dans toutes les nations d'ailleurs,
traversent les laboratoires en courant seulement
après un diplôme qui leur permette de reproduire
une autre éclosion de diplômés.
. La plupart des laboratoires d'Europe, créés, il y
trente ans, surtout en vue de faire des expé-
riences de cours, ne sont plus en état de rivaliser
“comme moyens avec l'industrie moderne. Il fau-
“drait pouvoir changer l'outillage d'un laboratoire
“comme on change un armement vieilli : c'est ce
“que commencent à faire quelques laboratoires
- étrangers, recevant de la canalisation électrique
; de la ville un câble qui anime de nombreuses ma-
- chines, permet la fusion des métaux ou l'éleetro-
lyse des sels les plus réfractaires.
- Devant les résultats de la pratique, les savants
- ne comptent plus faire en laboratoire du fer, du
… cuivre, de l'aluminium, du chrome, ete.
“quement purs », comme on le disait un peu pompeu-
“sement autrefois. L'aflinage en grand peut seul
approcher du résultat, bien que rien ne soit chi-
- miquement pur pour un bon analyste.Il est à sou-
- haiter que quelques laboratoires de nos grands
…centres soient dotés des puissants moyens que la
“science moderne exige: sans eux, on ne peul
“mieux faire qu'autrefois, il n'y a pas de grand
| “progrès. On revient donc à l’idée de laboratoires
“ayant leur réputalion spéciale, comme cela était au
| siècle dernier. Ne voit-on pas M. Ramsay envoyer
“l'argon à Paris pour passer à l'effluve au labora-
toire de M. Berthelot, et faire liquéfier ses corps
“simples à Cracovie chez M. Olszewsky? Cette
“année-ci le lilane n'a pu être isolé à Paris que
dans un de nos plus puissants secteurs électriques
où M. Moissan avait installé son four de réduc-
“lion. Deux chimistes français, M. Manhès pour le
“cuivre et M. Minet pour l'aluminium, ont puissam-
“ment changé la métallurgie de ces éléments en
. dehors des laboratoires de recherches insuffisam-
ment oulillés. L'attention des savants ne saurait
“trop se porter sur l'appui que la science et l’indus-
aie ont intérêt à se prêler mutuellement.
#- U.
« chimi-
— CuiMIE GÉNÉRALE ET MINÉRALE
En Chimie générale, il n'y a pas. cette année, de
découvertes, ni même d'observalions d’un (très
Ha a TA à
grand intérêt. Tout le personnel disponible de
celte science est occupé à faire des mesures en fa-
veur ou en défaveur des théories avancées. Quel-
ques faits bien surprenants se manifestent pour-
tant. Hannay et Hogarth, les premiers, puis
Ramsay ont montré que des solides dissous dans
des liquides très volalils les suivent sous la
forme de molécules gazeuses au delà du point eri-
tique. C'est ainsi qu'un sel ne fondant qu'au rouge,
640°, l'iodure de potassium, un véritable solide,
dissous dans l'alcool, passe à l’état de vapeur au
point critique de ce dernier, à 240°, Aucun résidu
salin ne reste dans le tube, alors que, s'il était
seul, l'iodure métallique ne pourrait se volatiliser
qu'à un millier de degrés plus haut, au rouge
blane. M. R. Pictet vient de faire des expériences
semblables avec un corps coloré. l’alizarine, fu-
sible à 290° el qui, à 240°, passe brusquement à
l'étal gazeux en suivant la vapeur d'alcool.
On s’oceupe beaucoup à l'étranger d’un nouveau
pyromèêtre de précision, fondé sur l'accroissement
de résistance du platine en fonction de la tempé-
rature. MM. Heycock et Neville ont étalonné une
série de fils de platine pur montrant la faible in-
fluence du métal. Les mesures se font par la mé-
thode du pont de Wheaslone et des résistances,
qui ne laisse rien à désirer. Avec l'appareil cons-
titué. ils ont dû résoudre le point le plus impor-
lant : savoir si l'accroissement de résistance est
proportionnel à la température. Pour cela, ils ont
comparé les résultats donnés par leurs fils avec
ceux obtenus dans la méthode du thermomètre à
gaz par Troost et Hautefeuille, puis V. Meyer,
ainsi qu'avec les méthodes calorimétriques de
Violle et celle des couples thermoélectriques de
Becquerel et H. Le Chätelier. Tous ces essais leur
ont montré la parfaite régularité de l'accroisse-
ment des résistances, et MM. Heycock et Neville
ont pu donner, gräce à cela, des points de fusion
vers 1.000° qui comportent toute la précision des
mesures électriques et ne s'écartent pas de 1° de
la vérité. En raison de la sensibilité des mesures,
bien des points ont pu être reclifiés, notamment
l'antimoine fusible de 450° à 440°, d’après les au-
torités de Cornelly et de Pictet, et qui notoirement
ne pouvait être liquéfié qu'au four Perrot. Cet an-
limoine fond à 6299.
Voici la liste des points de fusion relevés par
les auteurs :
Se— Au — 1061.7
Tn-= Cu —= 1080.5
My — K2S0t — 1066
Sb = Na2SOt — 883
Nr = Na2CO — 850
Ag —
Tous les grands succès de l’année apparliennent
182
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
à la chimie inorganique. Lord Rayleigh et M. Ram-
say ont découvert l'argon — A: bientôt après,
M. Ramsay isolait l'hélium — He, corps simple ca-
raclérisé par une raie jaune, D,, visible dans le spec-
tre du Soleil (Hélios), mais qu'on n'avait vue dans
la lumière émise par aucune matière du globe ter-
restre; c'était le mystérieux corps simple du So-
leil. Mais l'analyse spectrale stellaire, puis celle
des météorites nous apprennent que les corps
simples sont en quelque sorte diffusés dans l’uni-
vers; l'hélium ne pouvait être exclu de notre
terre. MM. Ramsay. Collie et Travers montrent,
dans un travail récent, qu'il existe nombre de mi-
néraux chargés d'azote, d'hydrogène, d'argon et
d'hélium, à peu près comme le bioxyde de manga-
nèse est chargé d'oxygène.
Les pierres hélifères sont des minerais d’ura-
nium, comme la pechblende, la brôggerite, la clé-
véile ou d'autres minéraux complexes, ceux des
terres rares, où la Nature semble avoir accumulé
tous les déchets inséparables et précieux de sa
chimie. C’est ainsi que l’orangite ou silicate de
thorium hydralé, la samarskile et surtout la mo-
nazite (phosphate de Ce, La, Yt, Th, Er, Nd, Pr...)
nous apparaissent comme des minerais d’hélium.
L'air atmosphérique ne contient que de l’argon
sans hélium. Enfin, le D' Palmieri avait déjà vu,
en étudiant les gaz sortant de la lave du Vésuve,
une raie À — 587.5. Les déjections des profon-
deurs du globe, aussi bien que la surface du So-
leil, contiennent donc de l'hélium.
L'hélium, l’argon et peut-être un troisième
corps qu'on prévoit nous révèlent une famille
d'éléments encore totalement inconnus en Chimie.
Seule, la classification par familles indépendantes
de Dumas est assez large pour faire place à ces
nouveaux venus. La classification de Mendeleef,
si féconde pendant vingt ans par les travaux
qu'elle a suggérés, se prête difficilement à l'ad-
mission des deux gaz qu'on vient de découvrir.
L'enthousiasme provoqué par des succès mérités a
fait oublier que ce système classait le chrome
à côté du soufre, le manganèse près du chlore.
Le tellure désobeit déjà au principe fondamental
de la table : la distribution par ordre croissant de
poids atomique, qui tire son origine du livre de
B. de Chancourtois. Et maintenant il faut absolu-
ment le vouloir pour trouver dans les colonnes du
tableau périodique une place raisonnée et analo-
gique à l'hélium He — 4,26 et à l'argon A—39,9 !,
gaz
plus éloigné du chlore 35,5 que du cal-
cium 39,9, qui est un métal solide.
Il est bien démontré maintenant que l'argon el
1 La densité de l’argon est 20 par rapport à l'hydrogène ;
mais, sa molécule ayant été démontrée simple, le poids ato-
nique est double et s'éloigne de celui du fluor.
l'hélium sont des corps simples; ils ont servi de
fluide thermométrique ; on connait leur loi de dila-
tation et ils satisfont à l'équalion des gaz, PV —RT
entre — 88° et + 250°, On à déterminé sur eux le
C Le
rapport — des chaleurs spécifiques par une mesure
7
de vitesse du son. et, si l’on admet avec Clausius
que l'énergie totale E d'un gaz est liée à lé
nergie - affectée seulement à la translation de ses
C— 6
: rue
molécules par la relation ES D
n A
, On arrive à
celte conclusion que e — E.
Il n’y a donc dans les gaz de la nouvelle famille,
selon les idées actuelles, qu'une énergie de trans-
lation, sorte d'énergie balistique pourvoyant à
l’agitation des molécules et ne leur laissant que
peu ou point d'activité chimique disponible. En
fait, l'hélium et l'argon ne se combinent sponta-
nément à rien. L'argon, malgré son poids ato-
mique élevé (39,9), ne se maintient liquide qu'à
187° au-dessous de zéro, plus bas encore que
l'oxygène (16). C’est un liquide incolore, ayant
une densité de 4,5 et se solidifiant à — 189.
En présence des propriélés nettement établies
de ces corps et des difficultés de classification
dont il vient d'être question, il convient de si-
gnaler dans les Comptes Rendus de l'Académie un
important mémoire du savant le plus autorisé
dans ces questions. M. Lecoq de Boisbaudran, par
des considérations de classification et de spectro-
métrie, a fixé le poids atomique du gallium qu'il
découvrait bientôt après. Son système lui a permis
précédemment de calculer d'avance le poids ato-
mique du germanium, et aujourd'hui il signale
par cette même voie le poids atomique 3.89 pour
l'hélium. M. de Boisbaudran admet l'existence de fa-
milles naturelles, avant toutes l'hydrogène pour
origine, composées de cinq corps dont un prépon-
dérant formant un point nodal. A litre d'exemple,
il réunit les familles qu'il a étudiées jusqu'à
présent le plus spécialement dans l'ordre sui-
vant :
ñ Br. Ph qi
Ba CS + l Mo SbasSn In
Sr Rb © Br Se As Ge Ga
Série Ca K à Cl S.Ph Si Al nodale
Me Na y FI (e] Az C Bo
GT 8
À œ
H H HIS H H H H
Les lettres grecques représentent les corps à
découvrir, parmi eux $ vient d'être trouvé : c’est
l'hélium, premier terme de la famille : hélium,
argon.…
En dehors du point de vue théorique, il devient
expérimentalement certain que le plomb doit être
mis dans les classifications à la suite de létain et
î
|
|
|
1
1
3
À
lé glucinium dans le groupe des bases alcalines
ebnon de l’alumine. Ce dernier point a élé confirmé
par M. À. Combes, qui a pris la densité de vapeur
d'un dérivé bien défini, l’acétylacétonate de gluci-
nium Gl(C*H70?}. Un autre pointse pourrait peut-
être trancher par cette voie, celui de l’atomicité
es terres rares. telles que la Scandine, l'Yltria…
pour lesquelles on admetsans preuves assez solides
e type de formule X?0*,
Parmi les conquêtes de l’année scientitique se
rouvent la préparalion du lilane et du molybdène
en lingots de métal affiné. Le titane était jusqu'à
ce jour une de ces « poudres grises » de compo-
sion vague que, depuis Berzelius, on décorait du
om de métaux, sans doute pour ne pas paraitre
ignorer des éléments dont les composés nous
élaient bien connus. Mais aucune puissance de
laboratoire ne permettait d'obtenir ces corps sim-
ples avant que M. Moissan n’eûl inslitué la réduc-
Lion de tous les oxydes réfractaires au moyen de
son four électrique relié à des machines donnant
un courant de 800 ampères sous 60 volts, soil
48.000 watts longtemps soutenus. Dans ces cendi-
lions l’acide titanique Ti0? et l'acide molybdique
MoO*, d’abord réduit à l'élat de MoO:, ont laissé cou-
ler des kilogrammes de métaux purs. Avec une ma-
chinerie moyenne, le charbon ne réduit l'acide tita-
“nique qu'à l’état d’oxyde bleu inférieur; une plus
grande énergie conduit à de l’azoture de Litane el
il faut atteindre les températures extrêmes où
lazoture titanique se dissocie pour avoir du métal
coulant. Le molybdène, moins difficile à oblenir,
moins susceptible à l’azote de l'air, a donné un
mélal doux qui se lime et se polit; il forme des
carbures susceptibles de trempe par cémentation
ou fusion sur le charbon.
On sait que les substances capables de préci-
+ piter le sodium de l’un de ses sels quelconques
sont d’une excessive rareté. Le pyroantimoniate
acide de potassium de Frémy est le seul réactif du
sodium couramment connu. De nouveaux travaux
n été faits par M. Fenton (Chem. Society, 1895)
- sur l'acide dioxytartrique de Gruber, dont la for-
mule parait être CO?H—!{C(OH}?|PCO*H. Selon l’au-
“leur, cet acide, en présence de soiutions salines,
perciniterait quantitativement le sel
CHAN a°085, 2 H°0.
te
IIT. — CHIMIE ORGANIQUE
…—._ La Chimie organique proprement dite tend,
entre des mains habiles, à renoncer au rôle aride
Diet sans but d’une algèbre dont le degré de com-
… plication sur le papier n'apporte pas une lumière
- correspondante dans la nature des fails. Un jour,
bel. & mÉE 4
3
4
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
183
sans doute, celle parlie de la science ne sera que
la préparation, obligée et relativement simple,
de la Chimie biologique. Dans cet ordre d'idées
M. E. Fischer (Ber. t. 27) revient sur une hypo-
thèse qu'il avait émise précédemment et selon
laquelle les seuls groupes chimiques des cellules
vivantes qui puissent faire fermenter un sucre
donné, doivent avoir la même configuration ou
disposition des fonctions que lui. Les travaux, uni-
versellement connus. de M. Fischer ont créé la
chimie théorique des sucres et montré, par une
suite de synthèses, la relation existant dans ces
corps entre les propriétés optiques et la dispo-
sition plus ou moins symétrique des groupes sa-
turants. Afin d'éclaireir ces faits connus, je rap-
pellerai les formules du glucose vulgaire ou dex-
troglucose (d.-glucose) :
ERA DES
CÉTON) LOS CE CE C
OH OH H OH
— COH
et du iévoglucose (l.-glucose), aldéhyde qui lui est
exactement comparable :
OHMOHMHEANUH
GEO) ICE CECI 0e CO
H H OH H
Le lévulose ordinaire :
H+ H 0H
CHRONO COCO:
OH OH H
si fréquemment mélangé au glucose dans la na-
ture, apparlient à une fonclion chimiquement
distincte : celle des acétones. Mais, pour les deux
premiers sucres ou leurs éthers méthyliques
(méthylglucosides), comportant eux-mêmes une
isomérie pour chaque sucre, il suflira de la simple
différence dans la disposition des (OH) pour que
certaines sécrétions cellulaires puissent ou ne
puissent pas les faire fermenter. Les principes
aclifs de ces sécrétions paraissent ainsi porter en
eux des dispositions semblables à celles des
molécules qu'ils attaquent ou des dispositifs al-
ternes.Il peut donc y avoir stabilité ou mise en mou-
vement des principes de cellules vivantes selon
l’accord ou le désaccord simplement stéréo-chimi-
que avec une molécule étrangère. On voit poindre
là une base d'étude expérimentale sur les poisons.
Les toxines et les antitoxines, ces redoutables
agents de maladie ou de guérison, ne sont encore
à nos yeux que des albumines, corps bien analo-
gues aux produits protoplasmiques vivants ou de
déchet. On peut les concevoir inoffensifs; mais,
sous de très faibles influences, des corps chimiques,
aujourd'hui bien connus dans leur formule déve-
loppée, changent leur disposition dans l’espace,
deviennent vénéneux ou cessent de l'être. A la
clarté encore faible de ces notions, on se prend à
187
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
ne ed Si,
penser que l’atténuation des virus, l'immunilé el
la sérumthérapie sont des phénomènes de stéréo-
chimie d'une extrème délicatesse.
Du dexlroglucose dérivent la-méthyl-d.-gluco-
side et le $-méthyl-d.-glucoside. M. E. Fischer, qui
a obtenu ces corps, a observé en fait que l’émul-
sine, suc cellulaire non figuré, fait fermenter le
dérivé £ : c'est un poison pour lui. Le dérivé 4 n’est
pas entamé ; iln'y a que l’invertase, suc de la levure
de bière, qui le détruise, alors qu'il est sans effet
sur £. Ilen va de même pour de nombreux com-
posés cilés dans le mémoire de l’auteur. L'heure
vient d'étudier avec de puissants moyens les poi-
sons microbiens: car on ne sait rien sur la nature
chimique développée de l’émulsine, de l'invertase
et des Loxines.
L'usage institué par les fondateurs de la Chimie
organique en malière de formules de constitution
était de réunir tous les faits connus, de les dis-
cuter el de construire une formule schématique
les représentant fous. Un fait établi contrairement
à la formule déployée entraine sa déchéance.
L'application stricte de ce système exige beaucoup
de travail ulile el fail souvent changer les for-
mules, images passagères. En ce moment, le cam-
phre reste loujours un sujet de discussion.
MM. Haller à Naney, Béhal à Paris el Tiemann à
Berlin étudient la question d’une manière appro-
fondie, qui conduira sans doute à une formule assez
durable. Mais, à côté de ces travaux de grand mé-
rile, on manie beaucoup trop de formules, ne re-
présentant qu'un petit nombre de faits et qualifiées
couramment de eraisemblables. M. Curtius, dont on
connait les remarquables travaux sur l'acide azot-
hydrique et les dérivés polyazotés, découvre un
corps C'H'Az'0!, et celle expression recoit bientôt
la formule probable :
COR DS C0
AzH—AzH—C0O
d'après un trop pelit nombre de réactions con-
nues. Alors que la constitution de la benzine CSHS
est Loujours un problème en discussion, on ne sail
que penser de ces cycles où noyaux oclogones, in-
troduits peu à peu dans l’usage sans démonstra-
lion rigoureuse. Celle question des cycles polygo-
naux a cependant beaucoup occupé l'opinion, et
une théorie de Baeyer sur leur tension de flexion
interne ne semblait pas accorder de stabilité aux
polygones d'un grand nombre de mailles. C'est sans
ennui que je vois disparaitre peu à peu celle
théorie, mais avec l'espérance qu'on diseutera au
fond cetle importante question des cycles, très
abandonnée, el pratiquée seulement de confiance.
Que penser encore d'une formule telle que :
CH?=C0=0—CH2—CH2=0 C0 CH
| |
CH C0 = 0=CH2 CH 0 CO CH2
donnée par M. D. Vorländer ! el fondée sur un faiLe
de synthèse succinoéthylénique? IL est peut-être
| juste d'abandonner la notion des eyeles trop li-
milés, mais encore faudrait-il élucider cette ques-
lion.
Avant qu'on ne connûül les matières colorantes …
artificielles de la houille, et dès lPAntiquité, la
teinture faisait usage des extraits de végélaux co-
lorants, Lels que ceux de gentiane, de gaude, de
graine de Perse, des Rhamnées, des Quercinées,
puis ensuile des bois de campêche et du Brésil.
L'emploi de ces matières n'a jamais cessé, malgré
le succès des produits artificiels dérivés surtout
du triphnéylméthane. Mais l’impureté des extraits
el la complexité des formules faisait dédaigner
l'étude de ces principes naturels. D'ailleurs, la
Chimie des couleurs ne possédait même pas de
type synthétique auquel on püt les rattacher. De-
puis quelque temps, un nouveau groupe colorant
a pris de l’importance dans ces questions. C’est la
xanthone ou diphéno--pyrone, sorte d’anthraqui-
none incomplète :
CO 0
PES ANR
| | | | | | ua/ © Vos
| soit CuHi }0,
NE al d. GAYS cod
Co Co
Anthraquinone Xanthone Xanthone
En disséquant davantage ces molécules, on y
reconnait les groupes :
Co (e)
f)
\/
Co co
Quinone Pvrone
On sail que l’anthraquinone est la substance
mère de la garance rouge; de mème on commence
à voir aujourd'hui que la daliscine, la gentisine
gentiane), la chrysine, le fustet, el probablement
le brésil et le campèche sont des molécules plus
ou moins complexes nées de la xanthone. Après
la reconstitution synthétique de la garance, puis
de l’indigo, on a renoncé pendant des années à
tout effort sur les aulres couleurs de la teinture
ancienne, le chimiste ne discernant là aucun des
radicaux auxquels il était accoulumé. Récemment
Monatshefte, 1895) S. v. Kostanecki et Tambor
un
ont repris ces éludes
la couleur jaune de
voie de condensalion
l_{nnalen, 1. 280, 1894,
el refait de pleine synthèse
la gentiane en unissant par
l'acide hydroquinone carbo-
Sr. RES
rat taire.
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
185
nique (OH,OH;CO*H,) avec la phloroglucine, tri-
aux. Il se fait ainsi une lrioxyxanthone dont le
monométhyléther :
O
ù : 4 XD OH
CH50 N \/
CO OH
ést la couleur cherchée. La datiscéline, selon
Schunck et Marchlewsky, appartient au mème
type. Enfin, dans l'important laboratoire de re-
cherches dû entièrement à l'initiative privée des
“ailleurs anglais — Clothworkers Research Lubo-
rutory — À. G. Perkin, accumulant les matériaux
purs nécessaires, a rectifié les anciennes analyses
des colorants naturels et établira, cela n’est plus
douteux, la constitution de ces matières. On ne
saurait trop faire attention en France à ce mouve-
“ment qui pousse cerlaines associations de travail-
“leurs à se créer des laboratoires qui assureront la
suprématie à leur aptitude professionnelle. Par
uneautre voie, dans notre pays, l'accès de labo-
ratoires de recherches est ouvert à tous. L'École
municipale de Physique et de Chimie notamment
| possède un service à cet usage. et il est à souhaiter
- que le monde des inventeurs et des chercheurs en
prenne de plus en plus le chemin.
Les lerpènes, analogues à l'essence de lérében-
thine, ont tous une même formule très simple
C!H!6. Cependant il est incontestable, d'après
leurs propriétés, qu'ils sont on ne peut plus nom-
- breux: selon les végétaux d’où ils dérivent, ces
propriétés changent. La Chimie plane ne peut
- ccrire d'après ses règles qu'un nombre très insuf-
lisant de formules pour les représenter. Mais, en
surchargeant chacune de ces formules des isomé-
ries stéréo-chimiques qu'elle comporte, on aura
bien probablement autant de représentations ra-
tionnellement élablies que de faits naturels connus.
Un tel travail pour les terpènes serait comparable
- à celui déjàréalisé par M. E. Fischer pour les sucres.
- C’est à cette tâche que selivre depuis quelque temps
M. A. von Baeyer dansses notes intitulées : « Orien-
lation dans la série des terpènes ». et publiées
dans les Berichte. Ce travail considérable est fondé
sur la détermination des posilions vis el /rans des
groupes substitués dans les molécules terpéniques :
il ne pourra être exposé que lorsque ces recher-
ches, de nature et d'interprétation fort délicates,
auront donné un résultat en quelque sorte statis-
_ tique. L’exactitude de la théorie sera alors confir-
mée par le nombre de ses coïncidences avec les faits.
phénoi symétrique très fréquent dans les végé- |
Les nouvelles fonclions qu'on a trouvées en
chimie organique sont tellement nombreuses
qu'il y a moins de curiosité à s'en occuper. Tous
les groupes constants qu'on retrouve par une dis-
location moléculaire partielle dans une série de
corps se nomment fonctions et sont mis entre
parenthèses ou reconnus par un œil exercé dans
les formules. Une chose plus intéressante est
d'obtenir ces fonctions par des réactions simples
et inattendues. MM. R. Nietzky et Braunsweig !.
en faisant agir la potasse sur un corps depuis
longtemps bien connu. l’orthonitrophénylhydra-
zine
AzH—AzH? (1
# VA
CO:
Naz0? (2
ont observé une réaction très intense : il s'est fait
le sel d’un corps de nature acide, qu'ils nomment
un wzimidol :
Az
es K
CSH re AZ;
type d'une nouvelle série de matières s’unissant
aux métaux. Il est curieux de remarquer que OH
fixé sur un seul azote est fortement basique dans
les ammoniums, et qu'il est acide dans ces fortes
agglomérations d'azote, comme H est acide dans
l'acide azothydrique Az#H de Curlius.
Souvent, dans toutes les branches de la Chimne,
on est amené à considérer combien sont grandes
les analogies de l'iode et de l’azole. On connait
déjà les iodoso-dérivés de V. Meyer, comparables
aux nitrosés. Dans l’un deux :
‘l'iode joue même exactement le rôle de l'un des
azoles de l'azimidol ci-dessus et fait partie d’un
cycle pentagonal. M. W. Ranm |Berichte, &. XXVII,
p. 3232) a voulu que l'iode fit partie d'un noyau
hexagonal., comme cela est fréquent dans la Chimie
aromatique, et il y est arrivé en construisant la
substance :
HV
DICO
Ce genre de Chimie est une véritable architecture :
c'est l’art de bâtir avec des matériaux quelconques
des édifices de divers styles.
A. Étard,
Répétiteur de Chimie
à l'Ecole Polytechnique,
1 Berichle 1, XXVIL, p. 3381.
786
———-
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
TORPILLEUR EN ALUMINIUM — ACTION DES COURANTS ALTERNATIFS A HAUTE TENSION SUR L'HOMME
L'aluminium est lent à s'affirmer comme métal pra-
tique et industriel, Les applications sérieuses en sont
encore excessivement rares. Il est vrai qu’il a donné
lieu tour à tour aux plus grandes espérances et aux
plus grandes déceptions. Et aujourd’hui, non seule-
ment nous ne savons pas le produire à bon marché;
mais toute question de prix de revient mise à part, les
spécialistes en sont encore à chercher pour chaque
application quel est le meilleur alliage, Car on sait
que l'aluminium ne peut guère s’employer pur. I faut,
pour une application donnée, le mélanger ou le com-
biner avec d’autres mélaux.
L'emploi de lPaluminium dans la construction des
navires, notamment, a donné lieu pendant ces derniers
temps à des discussions passablement obscures. Les
uns ont prétendu, preuves en main, que lPaluminium
ne pouvait être employé au contact de l’eau de mer.
Les autres, au contraire, assuraient qu'il pouvait l’être
etils possédaient, paraït-il, des preuves non moins
certaines que les premiers, Le cas évidemment est
embarrassantet mérite un examen approfondi, À priori,
il n’en résulle qu'une chose : c’est que très probable-
ment l'aluminium est attaqué par l’eau de mer dans
des circonstances encore mal définies et mal connues
de nous. En attendant que cette question soit scientifi-
quement éclaircie, nous pouvons noter que de petits
bâtiments en aluminium ont déjà été mis à l’eau et leurs
constructeurs affirment qu'ils tiendront parfaitement.
Le gouvernement francais possède même un bateau
torpilleur de seconde classe dont la coque est faite de
ce métal, Ce navire a dernièrement été l’objet d’une
communication de M. A.-F, Yarrow à l'Institution of
Naval Architects, communication intéressante en ce
sens qu'elle donne lhistorique de la construction et
des essais qu'elle a provoqués. Nous lui avons em-
prunté les documents qui vont suivre.
C’est il y a environ deux ans que le gouvernement
français résolut d'introduire dans sa marine des torpil-
leurs de seconde classe destinés à former une partie de
l'armement des grands cuirassés ; il fit appel aux cons-
lructeurs pour un premier essai de ce genre.
La légèreté, dans ce cas, est évidemment un point de
première importance: d’abord, elle diminue le déplace-
ment d’eau et augmente Ja vitesse ; ensuite, elle donne
plus de facilité pour hisser le bateau à bord du navire
qui doit le porter et pour l’en descendre; enfin, elle aug-
mente la stabilité de celui-ci, D'ailleurs les conditions
imposées par le Gouvernement francais élaient, paraît-il,
assez sévères sous le rapport de la vitesse et du poids.
Les constructeurs pensèrent qu'il y avait là une occasion
d'essayer les qualités de l'aluminium et firent dans ce
sens des offres qui furent acceptées. Ils donnèrent aux
plaques de métal une épaisseur de moitié plus grande
que dans les cas habituels, et, la densité de l'aluminium
élant un tiers de celle de lacier, le poids total devait
ètre ainsi diminué de 50 °/,. Mais l'emploi de l’alumi-
nium pur fut impossible, ainsi qu'on en peut juger par
les chiffres du tableau I.
Les deux séries d'expériences ont été faites en sui-
vant deux directions rectangulaires : lune parallèle à
Ja direction du laminage, l'autre perpendiculaire. Les
chiffres qu’elles ont donnés ne sont pas assez élevés
pour faire accepter l'aluminium. Il a done fallu cher-
cher à le rendre plus résistant en l'alliant à d’autres
métaux, sans toutefois lui faire perdre sa grande qua-
lité de légèreté qui le rendait si précieux dans notre
cas, Après différents essais, les constructeurs se sont
arrètés à un alliage contenant seulement 6 2/, de cuivre,
c'est-à-dire une très faible proportion de métal lourd,
Tableau I
liésullals des erpériences de résislance à la lraction
failes sur des plaques d'aluminium pur.
CHARGE CHARGE
CORRESPONDANT DE
ALLONGEMENT
RAPPORT
XLR
DES DEUX
\ LA LIMITE RUPTURE | 1 Le
D'ÉLASTICIT en kil. | SARGES | mesuré %
(en kil. par #2) | par %*) 4] sur 0m,25 il
6.946! 12.035 Per 0,0G# 25.5
1.030! 11.868 5982 Om,062 24.8
MOYENNES: 6.988] 11.951 58.45 0,063 25.4
9. 1152 0,034 13.2
9.22 11.986 17 0®,0133 5.3
MOYENNES : 9.172] 12.396 14.1 0m,0236 9:29
Le tableau IT donne les résultats des essais de traction
qui ont été faits sur des plaques de cet alliage.
Tableau II
Résullats des expériences de résistance à la traction
faites sur des plaques daliminium à 6 ©), de cuivre.
CHARGE CHARGE RAPPORT ALLONGEMENT
CORRESPONDANT DE ;
DES DEUX
RUPTURE LARG
Xe CHARGES
en kil. 5
par %°) (7
A LA LIMITE
D'ÉLASTICITÉ
(en kil. par %?)
mesuré %
sur 0m,25 (J
23.719 S8.3
26,185 89.8
0,009 3.6
02,0095 3.8
MOYENNES:22.232| 24.952 89.05 Om,00925 pal
Om,0075
0®,0075 3
MOYENNES: 23.609! 26.321 89.8 0®,0075 3
Après un recuit :
6.148! 19.002 32.4 07,052 20.9
La dernière ligne du tableau montre de quelle grande
quantité varient les propriétés du métal selon la ma
nière dont on le traite, Recuit, il atteint sous une très.
faible charge sa limite d’élasticité et donne un allonge-
ment considérable; complètement dur, ou trempé si l'on
veut, sa résistance augmente énormément, mais il de-
vient tout à fait cassant, L'alliage finalement choisi à
été un alliage demi-doux donnant 25 à 26 kg. par mmè
et un allongement très faible, On peut très facilement
le marteler à froid et le plier sous -un angle aigu sans
qu'il présente aucun signe de craquement,.
(
|
|
É
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
Mais la question de résistance n’élait pas la seule en
- jeu; il y avait aussi celle de l’attaque du métal par
à
l’eau de mer, Nous avons dit quelles contradictions
existent sur ce sujet parmi les spécialistes. M. Yarrow
est de ceux qui croient à la neutralité de l’eau de mer
vis-à-vis de l'aluminium, pourvu cependant qu’elle ne
soit provoquée par aucune action galvanique due au
contact entre l'aluminium et un autre métal, le cuivre
- par exemple. Des plaques sont restées 12 mois en
expérience sans présenter de traces sérieuses d’altéra-
tion. Et ces plaques n'étaient pas peintes; les parties
extérieures des navires, au contraire, ne sont point lais-
sées à nu. M. Yarrow cite à l’appui de son affirmation
sur l’action galvanique l'exemple du Vendenesse, petit
yacht à voile en aluminium construit à Paris il ya
près de deux ans. Il s’est très bien conservé. sauf en
quelques endroits, où des piècesen cuivre avaient été
mises en contact direct avec l'aluminium. En ce point
… l'attaque à eu lieu. Une action du même genre était
;
J
s
observée quand le yacht se trouvait amarré près d’un
autre bateau dont le fond présentait quelque partie
euivrée, Le contact entre les deux métaux était obtenu
par l'intermédiaire des chaines qui se mélaient au
même point d’altache.
”
ns à is: ne él ind
Par suite de cette observation, toutes les parties de
la coque qui devaient être soumises à l’action de l'eau
salée, ont été réunies par des rivels en aluminium. Par-
tout ailleurs, on a employé des rivets en fer doux.
Les alcalis sont aussi des ennemis de l'aluminium. En
conséquence, il faut éviter de l’employer aux endroits
où il pourrait être attaqué par eux. D'un autre cité.
les températures élevées le détruisent rapidement par
oxydation. À basse température, l'oxydation, au con-
taire, n’est que toute superficielle, et la première
couche d'oxyde protège les parlies intérieures.
Dans la machinerie on a employé, chaque fois que
cela a été possible, le bronze d'aluminium et le bronze
au manganèse. Les machines elles-mêmes ne présen-
tent rien de très original; elles sont à triple expansion
et peuvent développer 275 à 300 chevaux.
Les conditions du marché étaient que le bateau aurait
18 mètres de longueur, 280 de largeur et ne pèserait
pas plus de 11 tonnes, machines comprises, Avec une
charge de 3 tonnes il devait, pendant un essai de deux
heures, fournir une vitesse d'au moins 18 nœuds 3/#.
La réception eut lieu le 20 septembre dernier: la vi-
Lesse moyenne obtenue fut de 20 nœuds 558; le bateau
pèse 10 tonnes. La machinerie complète, comprenant
l’eau contenue dans la chaudière et le condenseur,
atteint à peine le poids de 18 kg. par cheval indiqué.
L'emploi de plus en plus fréquent des courants al-
ternatifs, l'usage qui en est fait par la justice améri-
caine, les objections soulevées par M. AE les
discussions qu'elles ont provoquées, les curieuses expé-
riences entreprises sur les courants à très grandes fré-
quences par le savant que nous venons de citer, tout a
contribué, en ces dernières années, à diriger l’atten-
tion des chercheurs vers les effets produits par le cou-
rant alternatif sur le corps et sur le cerveau de l'homme.
Lorsqu'un ouvrier, accidentellement intercalé dans
un circuit à haute tension — et le cas se présente mal-
heureusement trop souvent — a le bonheur d’être rap-
pelé à la vie, il devient immédiatement l’objet de
nombreuses questions. On l’interroge minutieusement
sur les moindres détails des sensations qu'il à pu
éprouver. Contrairement à ce qu'on pourrait pen-
ser, le cerveau ne se trouve pas absolument para-
lysé ! ; il reste aux victimes, malgré la perte totale
apparente des sens, au moins une notion du temps
qui s'écoule, et on les voit souvent apprécier celui
, 4 Bien entendu, nous ne prétendons pas rouvrir ici un débat
à propôs de l’électrocution Nous parlons seulement des per-
- sonnes chez qui le passage du courant à haute tension amène
une mort apparente, sans nous inquiéter de savoir s’il peut
quelquefois amener une mort complète et immédiate,
pendant lequel elles ont été en contact avec le circuit.
D'ailleurs, cette appréciation est toujours erronée et,
chose curieuse, erreur est de même sens chez tous les
individus : le tempsannoncéestinvariablement plus long
que le temps réel. Cette curieusé observation vient
d'acquérir une nouvelle importance à la suite d’une
expérience involontaire faite sur lui-même par M. Lud-
wig Gutman, membre de The American Instilute of
Electrical Engineers. Soit que la tension à laquelle il
a été soumis ait été moins forte que dans les précé-
dents accidents, soit pour une tout autre cause, M.Lud-
wig Gutman a pu étudier avec plus de détails les sen-
sations qu'il a éprouvées et nous apporter mieux qu'une
fausse évalualion d’un temps.
Cest dans Electric Power qu'il nous raconte son acci-
dent, « Ayant, dit-il, terminé quelques expériences sur
un nouveau type de transformateur, je sortis de la salle
où j'étais pour aller ouvrir le commutateur comman-
dant le circuit primaire, et revins, ne pensant pas que
quelqu'un pût derrière moi le refermer immédiatement;
aussi, sans prendre aucune précaution, je séparai l'une
des bornes du fil qui y aboutissait; mais le courant avait
été rendu à l'appareil, de sorte que, par ce mouvement,
je m'intercalai dans le circuit à haute tension. Pendant
un instant, je fus complètement étourdi ; puis, je revins
à la conscience de mon existence, mais je me sentais
incapable de respirer, d'appeler au secours, de me
mouvoir même. Tous mes muscles étaient contractés.
Le bruit d’un atelier voisin me semblait très faible ;
j'entendais à peine les coups d’un marteau qui d’ordi-
naire faisait cependant un si grand vacarme, Je ne
songeais pas le moins du monde au danger dans lequel
j'étais. Mes bras étaient secoués comme par l'effet de
la vigoureuse et joyeuse poignée de mains que m'aurait
donnée quelque géant : c'étaient les impulsions suc-
cessives du courant qui me semblaient se succéder
lentement, Je sentais parfaitement chaque secousse
naitre à l'endroit de la main et remonter le long du
bras. Un temps passablement long s’écoulait jusqu’à la
secousse suivante. » Enfin. les fils ayant profondément
brûlé la peau, les contacts devinrent plus mauvais, les
mains de M. Gutman s’ouvrirentet il se trouva libre. Il
ne lui restait de son accident qu'une grande faiblesse
dans tous les membres et la sensation d’une chaleur brà-
lante. Il s'était trouvé, d’ailleurs, dans des circonstances
particulièrement favorables et soumis à une tension
relativement faible, puisqu'il était, par rapport aux
bornes de l'alternateur, donnant environ 1150 volts,
en série avec la bobine primaire du transformateur.
Dans de tels accidents, une petite partie du cerveau
conserve donc, au détriment de tout le reste, sa vie
complète, mais avec d'importantes modilications —
nous sommes lentés de dire avec d'importants per-
feclionnements — ; elle recoit le pouvoir de difléren-
cier des sensations qui se succèdent avec une vitesse
beaucoup plus grande que la vitesse au delà de la-
quelle dordinaire eiles se confondent. Dans le cas
que nous signalons aujourd'hui, il y avait 16,000 alter-
nances par minute, c'est-à-dire que le cerveau du pa-
uent élait capable de séparer nettement des coups
entre lesquels il n'y avait qu'un 266° de seconde. De
là vient l’explicalion de l'erreur commune à tous les
foudroyés : ils jugent de la longueur du temps par la
manière dont ils ont pu apprécier les sensations qu’ils
ont éprouvées. D'ailleurs, M. Ludwig Gutman déclare
qu'il n’était pas en son pouvoir d'appliquer son atten-
tion à compter les secousses successives qu'il recevait
bien que les distinguant parfaitement.
Le phénomène est curieux et inattendu : nous le
livrons aux méditations des physiologistes et des psy-
chologues, s'ils pensent qu’il est capable de les intéres-
ser. Nous le rapprocherons toutefois de cette autre
observation que nous nous contenterons d'énoncer : les
songes qui nous paraissent durer plusieurs heures du-
rent à peine quelques secondes.
A. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique
788
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Véronèse (Giuseppe), Professeur à l'Université de
Padoue. — Grundzüge der Geometrie von mehre-
ren Dimensionen. (Principes fondamentaux de la Géo-
imétrle à plusieurs dimensions), übersetzt von
Schepp. — 1 vol. gr. in 8°, de XLVIJI-T10 pages
25 fr.). B. G. Teubner, éditeur, Leipzig, 1895.
C'est dans les applications de lAlgèbre à la Géoiné-
trie que l’on doit chercher l'origine de la Géométrie à
n dimensions. Au point de vue analytique, ces applica-
tions étaient limitées à la Théorie des fonctions de une,
deux, ou trois variables (ou à la Théorie des formes bi-
naires, ternaires ou quaternaires). Mais l'esprit de gé-
nérälisation, si puissant chez nos savants modernes,
engagea les géomètres à s'affranchir des liens que le
monde physique semble imposer à l'esprit humain, el
ils envisagèrent l’espace à n dimensions.
D'autre part, le postulat d'Euclide à donné lieu, pen-
dant ce siècle, à une série de {ravaux sur la conception
de l’espace; nous citerons, entre autres, les célèbres
mémoires de Lobatschewsky, de Bolyai et Riemann,
qui renferment les principes fondamentaux de celte
partie de la science désignée aujourd'hui sous Le nom
de Géométrie non euclidienne.
La notion d'un espace à x dimensions est, par son
origine el par son but, essentiellement analytique. Elle
apparait déjà dans les travaux de Cauchy, et, encore de
nos otre Valle ne joue en aralyse que le rôle d'un
simple langage répondant à un besoin de généralisa-
tion. C'est à Plücker que revient le mérite d’avoir donné
à cette notion une forme géométrique, grâce à sa re-
marque qu'à notre espace on peut attribuer un nombre
quelconque de dimensions, suivant l'élément généra-
teur que l’on considère, M. Cayley traca une autre voie,
très féconde également, dans laquelle on examine la
théorie au point de vue projectif; ses idées furent re-
prises beaucoup plus tard par M. Clifford dans son
étude générale sur les courbes dans l’espace à n di-
mensions, Mais cette branche nouvelle de la science
géométrique n'est définitivement établie que depuis
les travaux remarquables de M. Véronèse qui est par-
venu à la constituer en un véritable corps de doctrine.
C'est la traduction allemande de ce trailé qui fail
l'objet de ce compte rendu. L'auteur nous présente la
Géométrie à plusieurs dimensions dans un exposé pu-
rement synthétique, analogue à celui de la Géométrie
euclidienne, Il tient à confimer de cette facon la côn-
ception essentiellement géométrique de l’espace à n
dimensions. Un grand nombre de propositions, leur
groupement et leurs développements sont dus à M, Vé-
ronèse.
Après avoir consacré, comme latroduclion, deux cents
pages aux principes fondamentaux des formes mathé-
matiques abstraites, le géomètre italien commence par
établir les éléments de la Géométrie ordinaire, sans
avoir recours au Cinquième axiome d'Archinède, qui re-
pose uniquement sur des considérations pratiques. La
première partie est entièrement destinée à l'étude de
la droite, du plan el de l’espace à trois dimensions
dans l’espace général. On y trouve, comme cas parti-
culiers, les systèmes de Lobatschewsky et de Rie-
ann.
La seconde partie traite de l'espace à quatre el à n
dimensions considéré dans l'espace général. L'auteur
montre comment un espace S\ peut être engendré à l’aide
d'in espace Sn1 et d'un point choisi en dehors de ce der-
nier ; puis il passe à l'étude des principales propriétés
de l’espace euclidien à » dimensions,
(Prix :
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
Adolf
L'Appendice contient plusieurs notes avec de nom-
breuses indications bibliographiques, el, en particu-
lier, un intéressant exposé vrilique des mémoires les
plus importants sur les principes de la Géométrie.
Ces quelques lignes ne peuvent donner qu’un aperçu
très imparfait des richesses géométriques contenues
dans cet imposant travail. L'ouvrage de M. Véronèse
sera non seulement lu avec beaucoup d'intérêt par les
géomètres, maisil mérite encore d’être signalé aux phi-
losophes, bien que, dans cel exposé “systématique,
l'auteur ait, à priori, écarté toute considération d’un.
caractère essentiellement philosophique.
H, Feur.
2° Sciences physiques.
Bedell (F.) et Crehore (A. C.), Professeurs à l'Univer-
silé de Cornell(Etats-Unis). — Etude analytique et
graphique des Courants alternatifs. — Traduit äe
la deuxième édition anglaise par J. Berthon. — 1 vol.
in-8. de 26% pages avec figures (Prix : 10 francs.)
G. Carré, éditeur. Paris, 1895.
L'usage de plus-en plus répandu dans l'industrie des
courants alternatifs pour les transmissions de l'énergie
oblige actuellement l'Ingénieur électricien à appro-
fondir la théorie analytique de la propagation de ces
courants. Les problèmes qui se présentent sont souvent
difficiles et, lorsque les circuits, sur lesquels les cou-
rants périodiques ont à se propager, présentent une
certaine complication de groupement, pour peu que
des phénomènes d'induction, de self- induction, de ca-
pacité interviennent, la recherche de la solution par
le calcul seul devient très laborieuse et parfois même
inextricable. Heureusement des procédés ingénieux
ont été imaginés, permettant de substituer aux calculs
l'usage de constructions graphiques. L'étude du pro-
blème se fait alors simplement, en quelque sorte méca-
niquement, et bien des conséquences intéressantes qui
eussent échappé au calculateur, apparaissent très
nettement sur le papier, à mesure que se développent
les constructions géométriques.
Le traité de MM. Bedell et Crehore expose avec grands
détails, peut-être un peu Jonguement, la théorie ma-
thématique des courants périodiques. L'emploi des
méthodes graphiques, particulièrement développé. est
expliqué très clairement, chacun des problèmes les
plus usuels étant présenté séparément.
Ce livre comble une lacune. On à beaucoup écrit
sur les courants alternatifs, en France et à l'Etranger,
on à mème beaucoup controversé; mais lés différentes
études publiées l'ont été dans ‘des périodiques, en
articles séparés très spécialisés, et le praticien qu'inté-
ressait la solution d'un problème bien défini dévait
compulser des documents disséminés et aborder lui-
même un travail de eritique fort difficile. Le traité
traduit par M. Berthon évitera désormais celte perte
de temps, en mettant à la disposition des électriciens
un choix raisonné de méthodes sûres et d'un usage
pratique. F, DE NERVILLE,
Goguel (M.-H.), Maitre de Conférences à la Faculté des
Sciences de Bordeaux. — Contribution à l'étude des
arséniates et des antimoniates cristallisés pré-
parés par voie humide. Thèse pour le Doctorat de la”
Faculté des Sciences de Paris, — 1 vol. in-8° de 80 p.
Dnpr.G. Gouncuilhou, 11, rue Guiraude, Bordeaux, 1895.
M. Goguel s'est proposé de compléter l'étude cristal-
lographique des arséniates qui avait déjà fait l'objel
de divers travaux de MM, Dufet, Colordano, Lefèvre. ete.,
Dre
en vue de fournir les données nécessaires pour caracté-
—riser ces corps au moyen du microscope polarisant et
ppléer ainsi à l'analyse chimique. Ce procédé d’ana-
yse micrographique, fortement préconisé par M. Beh-
rens, ne sera vraiment pratique que lorsqu'on aura
effectué, pour les différents corps, .une série complète
de recherches du gènre de celles qui font l’objet du
mémoire de M. Goguel. Ce travail comprend deux
parties : 1° la synthèse des différents arséniates que
M. Goguel a réalisée, soit par des méthodes déjà indi-
“quées, soit par des méthodes nouvelles, notamment
Vaction de l'acide arsénique sur un oxyde, un azotate
où un acétate; ces méthodes ont permis d'obtenir tous
les arséniates connus et une quinzaine d’arséniates
mon encore préparés à l’état cristallisé; 2° l'analyse de
ces corps, la détermination de leurs propriétés physi-
ques et cristallographiques., M. Goguel a essayé d’é-
tendre ce travail aux antimoniates qu'il eût été inté-
ressant de comparer aux arséniates, mais n'a pu en
préparer que trois : les antimoniates de cobalt, de
nickel et de magnésium, qu'il a également étudiés au
point de vue cristallographique.
L'étude de M. Goguel renferme un grand nombre de
faits précis et bien observés, et constitue une excellente
monographie des arséniates cristallisés.
G. CHARPY.
Landauer (J.), Membre de l'Académie Impériale alle-
. mande des Naturalistes. — Analyse au Chalumeau.
. Edition francaise publiée par J.A. Montpellier. — 1 vol.
in-8 écu de 300 pages avec figures, (Prix : 5 fr.) G.
Carré, éditeur, Paris, 1895.
Le chalumeau, par ses propriétés de donner facile-
ent, avec une simple bougie, de hautestempératures
et des atmosphères oxydante ou réductrice, peut per-
mettre, dans certains cas, d'obtenir des résultats
“immédiats sur la nature des substances minérales à
analyser; mais souvent il ne sert qu'à faciliter des
“opérations ultérieures de voie humide. Il est d’autres
circonstances où, grâce à des disposilifs spéciaux, les
“essais peuvent être exécutés sans chalumeau tout en
étant très analogues à ceux qu'on obtient avec cel
instrument. Il est donc assez difficile de fixer les
limites précises où s'arrête l'analyse au chalumeau.
- M. Landauer les a dépassées, sans doute, dans son
livre, en particulier en décrivant les méthodes
-pyrognostiques de Bunsen; mais on ne peut que l'en
féliciter. IL faut signaler également le résumé sous
forme de tableaux, dont la lecture est beaucoup plus
rapide au laboratoire que celle d’un texte: 1° des
réactions spéciales à chaque corps, et 2° de la marche
systématique d'une analyse complète qui est exposée
par deux méthodes différentes.
On pourrait souhaiter de trouver. à la fin du volume,
quelques indications sur les applications du chalumeau
à l'analyse quantitative; mais il faut dire que les pro-
.cédés étudiés dans ce but par Plattner et d’autres
savants se sont peu répandus. Par suite leur étude
n'est pas absolument nécessaire dans un traité pra-
tique comme celui que M. Landauer a voulu — et su
— faire. En le traduisant M. Montpellier a donc rendu
service aux chimistes francais.
Paul JAxNETTAZ.
é : Répétiteur à l'Ecole Centrale.
3° Sciences naturelles.
- Radaïs (Maxime), Agrégé à l'Ecole de Pharmacie de
Paris. — Contribution à l'étude de l'Anatomie
comparée du fruit des Conifères (Thèse pour le
—. Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). Ann.
… Se. nat. Bot. t. XIX, 1895.
… On a beaucoup écrit sur les Conifères. Sans compter
les travaux sur l'appareil végétatif, on peut considérer
… comme très étendue la bibliographie qui concerne leur
appareil reproducteur. Encore faut-il ajouter que c’est
- sur la fleur femelle que se concentre lattention des
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
189
| chercheurs, préoccupés surtout par l'interprétation
morphologique des différentes pièces qui la consti-
tuent ou l’accompagnent. Là s’arrète l'effort, sans que
l'accord complet intervienne d’ailleurs, et le peu qu'on
nous apprend du fruit et de son développement n’en
comprend guère que la morphologie externe, utilisée,
comme on sait, par les classificateurs. -
Si l’on excepte quelques rapides indications, fournies
par les anatomistes qui ont étudié la fleur femelle, le
processus interne de maturation des enveloppes a été
laissé dans l'ombre. Il était permis de penser que les
caractères histologiques de ces enveloppes pourraient
à leur tour fournir d'importants éléments de classifi-
cation. D'autre part, les collections paléontologiques
renferment de nombreux fruits fossiles qu'on peut,
mais avec doute, rapporter aux Gymnospermes. La
connaissance exacte de la structure de nos Conifères
serait d’un précieux secours pour comparer cette flore
ancienne à la flore actuelle.
C’est à ce double point de vue que M. Radais a étu-
dié la morphologie interne du fruit des représentants
actuels de ce groupe. Toutefois, son mémoire comprend
seulement une partie des Pinoïdées (Eichler). Il con-
sacre tout d'abord un important chapitre aux travaux
de ses devanciers : c’est en même lemps qu'une revue
carpologique, un résumé complet des travaux publiés
sur la fleur femelle des Conifères. Il était en effet im-
possible de séparer.: dans les descriptions données et
les interprétations proposées, ce qui se rapporte à la
fleur de ce qui appartient au fruit, car dans ce groupe
les premiers phénomènes de différenciation des or-
ganes qui doivent concourir à protéger les graines se
manifestent longtemps avant la fécondation, Cette
sorte d'introduction, qui comprend 32 pages, est faite
avec un grand soin, et est un excellent tableau de
l’état actuel de cette difficile question si souvent dé-
battue et controversée ; elle sera longtemps consultée
par tous ceux qu'intéresse la morphologie florale.
M. Radais décrit ensuite rapidement les procédés
d’enrobage et de dissection qui lui ont permis d’étu-
dier les organes souvent très résistants qui protègent
les graines pendant leur maturation. On comprend
que des difficultés de cet ordre aient jusqu'ici arrêté des
recherches que les paléontologistes réclament depuis
longtemps déjà. Ces procédés, aussi simples qu'ingé-
nieux, ne nécessitent pas la déshydratation préalable
des objets à étudier et pourront s'appliquer à tous les
cas analogues, Nous renvoyons à ce sujet le lecteur au
mémoire original.
L'ordre suivi dans l'étude histologique est celui du
Genera plantarum de Bentham et Hooker. Pour chaque
genre une espèce surtout est décrite avec détails,
d’abord à un stade jeune, vers l'époque de la féconda-
tion, puis à l’état adulte, à la maturité des graines, et
cela pour les différents pièces du cône. Un cer-
tain nombre de caractères histologiques, précis et
faciles à mettre en évidence, tels que la distribu-
tion des canaux sécréteurs, le degré de coalescence
des appendices, et le mode d'insertion vasculaire des
graines, délimitent les Abiétinées par rapport aux
groupes voisins. D’autres caractères, de moindre va-
leur systématique, séparent les genres entre eux.
Enfin, ies phénomènes physiologiques d'occlusion et
de déhiscence du cône recoivent une explication
satisfaisante de l’examen de certaines régions du tissu
de soutien qui sont l’objet d’une différenciation toute
spéciale. Cette anatomie du cône confirme la délimi-
tation des genres telle que Bentham et Hooker l'ont
établie à une exception près, se rapportant d’ailleurs à
une plante qui a déjà soulevé des discussions, le Kete-
leeria Fortunei qui est un Abies pour ces auteurs et un
genre indépendant pour M. Carrière (caractères des
écailles) et pour M. Van Tieghem (caractères anato-
miques); désormais il faudra en faire un genre à part.
Incidemment, l’auteur signale et figure un appareil
conducteur différencié dans le tégument séminal de
® quelques Abiétinées (Abies, Cedrus). Cette constatation
790
est importante, Jusqu'ici en effet, on a toujours consi-
déré les graines des Conifères (sauf les Taxoïdées)
comme dépourvues de faisceaux conducteurs, Ceci met-
tra les paléontologistes en garde contre une assimila-
tion trop hätive d’une graine fossile de Conifère à une
graine de Taxoïdée,
Une étude analogue du cône des Taxoïdées et des
Araucariées (B. et H.) amène l’auteur à disloquer cette
dernière tribu pour en extraire les deux genres Cun-
ninghamia et Sciadopitys ; le premier se relierait aux
Taxodiées par une parenté intime avec les Athrotaæis ;
le second formerait à lui seul une tribu avec des carac-
tères intermédiaires aux Abiétinées et aux Taxoïdées.
Quant aux Araucariées, elles restent représentées par
les seuls genres Araucaria et Agatiis.
Ces modifications, que l'étude de la morphologie
interne du cône apportent au classement adopté par
Bentham et Hooker, confirment au contraire, à très peu
près, l’ordre proposé par Eichler dans les Pflanzenfa-
milien d'Engler et Prantl.
Ce mémoire, accompagné de 15 planches gravées,
représentant 194 figures anatomiques, seratrès apprécié
non seulement des botanistes, mais aussi des pa-
léontologistes qui y trouveront de précieux éléments
de comparaison ; il fait honneur à l’auteur et au labo-
ratoire dans lequel ces recherches ont été entreprises,
mais nous regretterions que l’auteur s’en tint là et
qu'il n'étendit pas son étude au groupe entier des
Conifères.
C. SAUVAGEAU.
4° Sciences médicales.
Flechsig (D' Paul), P'à la Faculté de Médecine de l'U-
niversilé de Leipzig. —Gehirn und Seele. Discours «le
Rectorat. — 1 vol, in-4°, Leipzig. Alex. Edelmann, 1895.
Ce discours présente les grandes lignes d’une théorie
nouvelle de l’anatomie et de laphysiologie du cerveau,
théorie qui s’élabore à cette heure dans le Laboratoire
de la Clinique psychiatrique de Leipzig, mais dont il
est déjà possible de comprendre la nature et l’impor-
tance, si toutefois l'étude ultérieure des faits anato-
miques et des observations pathologiques sur lesquels
elle s'appuie confirme et établit la vérité des idées de
Flechsig.
Des considérations historiques qui ouvrent ce tra-
vail, nous ne voulons retenir qu’une sorte de réhabili-
tation, tout à fait légitime, de la doctrine de Gall.
Certes la doctrine moderne des localisations cérébrales
n'arien de commun avec la phrénologie ; mais, avant
d’être physiologiste, Gall était anatomiste, et, lors-
qu'on sait quel était l'état des études d'anatomie
cérébrale à l’époque où parut ce précurseur, alors que
Sæmmering lui-même, sous l'influence des idées de
Descartes, localisait le siège de l’âme dans le liquide
des cavités ventriculaires du cerveau, on ne saurait
trop admirer que Gall ait considéré les circonvolntions
cérébrales comme le substratum de l’activité psychique
et insisté sur l’hétérogénéité fonctionnelle de ces cir-
convolutions.
L'œuvre de KFlourens, malgré tout le génie de cet
expérimentateur; demeure, en somme, une réaction
malheureuse, La méthode et les résultats ont été
trouvés incomplets et erronés. A la doctrine de l’ho-
mogénéité fonctionnelle du cerveau dans toute sa
masse, a succédé celle de l’hétérogénéité de ses parties.
Bouillaud, Dax, Broca, même avant la grande décou-
verte de Fritsch et Hitzig, origine de la doctrine mo-
derne des fonctions du cerveau, avaient scientifique-
ment établi cette diversité de fonctions du cerveau et
déterminé quelques centres distincts sur l'écorce céré-
brale.
La substance grise de cette écorce est-elle la condi-
tion unique de la conscience, « ce phénomène d’ac-
compagnement » ? M. Flechsig ne croit pas définitive
la réponse affirmative qu'on fait d'ordinaire à cette
question. Les sensations d’origine externe et les repré:
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
sens externes ont projeté leurs faisceaux sur lécorce
sentations du monde extérieur et de notrépropre corps
appartiennent seules exclusivement aux hémisphères
cérébraux, Mais la conscience des sensations internes
organiques, telles que la faim, la soif, le besoin d'oxy*
gène et les états de bien-être où de mal-être qui les
accompagnent, existent certainement sans le cerveau
Les expériences célèbres de Goltz sur les chiens décé
rébrés nous ont précisément appris quelles fonctions
peuvent encore exercer les parties inférieures de l’en=
céphale quand les hémisphères ont été enlevés. Um
mammifère sans cerveau, quoique ne possédant plus
ni mémoire, ni pensée, ni organes internes dessens qui
lui permettent de trouver les objets du monde exté®
rieur nécessaires à ses besoins, ou même d'avoir
aucune représentation consciente de son propre corps,
laisse pourtant paraître des symptômes d’une vie
« psychique », Il réagit aux impressions externes
(pression, lumière, bruit) et aux sensations internes
(sens musculaire, faim, soif, etc.), par des expressions:
variées (agitation, fureur, morsure, hurlement, apai
sement, repos, sommeil), tout à fait appropriées aux
états affecüfs correspondants chez l'animal dont le
cerveau est normal. Ces expériences ont donc montré:
que les tendances et les impulsions d’un organisme à
persévérer dans lêtre, à satisfaire les besoins essen=
tiels de la vie, à réagir par des mouvements de défense
contre toutes les causes nuisibles du milieu, peuvent
se manifester sans vie psychique de représentation. An
coup sûr, on pénètre ainsi plus avant dans les méca-
nismes cachés de la vie des animaux. |
1lenest d’ailleurs de même pour l’homme. Fiechsig,s
dont on connait les beaux travaux sur ce sujet, rap=
pelle que le nouveau-né, surtout s'il est venu avant
terme, alors que les fibres nerveuses de son cerveau
sont encore presque complètement privées de myéline,
ressemble d’abord à un animal sans cerveau, Pourtant,
dès la première inspiration, il tend de tout son être à
la satisfaction des besoins dont dépend son existence.
Ces besoins satisfaits, l'espèce de conscience organique
du nouveau-né s'évanouit, pour reparaître sous l'in-
fluence de nouveaux stimuli externes ou internes, —
de tous points comme chez le fameux chien décérébré
de Goltz. Ces tendances et impulsions organiques per-
sistent d’ailleurs très Join dans la vie, et les organes
des sens, presque exclusivement « à leur solde »,
semblent épier toutes les occasions de les satisfaire
La vie du plus grand nombre a-t-elle d'autre but que
cet assouvissement des premiers besoins de toute vie
animale ?
Lorsque, de l’olfaction à l'audition, les organes des
cérébrale, désormais pourvue d'organes internes de la
sensibilité générale et spéciale, d’autres voies ner
veuses, de direction inverse, c’est-à-dire centrifuge
commencent à se former, qui vont de l'écorce au tha=
lamus opticus, au pont de Varole, à la moelle épinière.
Les centres corticaux des organes des sens internes,
où le milieu interne et externe de l’homme arrive à la
conscience, s’arment en quelque sorte de prolonge-
ments capables de transmettre les impulsions volon-
laires aux appareils moteurs, aux museles des organes.
périphériques des sens et à ceux des organes préhen-
siles, La masse des conducteurs issus des territoires.
corlicaux des organes internes de la sensibilité tactile
et musculaire est si considérable, qu’elle ne laisse pas:
de donner au cerveau humain sa forme générale, en
particulier l'élévation des régions frontales, C’est de
ces territoires de l'écorce, aflectés à la sensibilité gé=
nérale et spéciale, que le corps, déjà représenté dans
les régions inférieures de l'encéphale, se réfléchit une
seconde fois dans toutes ses parties, comme objet,
grâce aux sens externes, comme sujet se sentant immé-
diatement, grâce aux sensations internes des muscles,
et des viscères : c’est de là que partent tous les mous
vements « volontaires » en rapport avec les tendances
organiques et les besoins de Pêtre, tels que respira-.
tion, mastication, déglutition, préhension, etc.
- Un tiers au plus de l'écorce du cerveau humain est
en rapport direct avec les conditions de la conscience
“des impressions des sens internes et externes et avec
celles des excitations centrales des mécanismes moteurs.
Voilà quelles sont les régions du cerveau qui agissent
quand nous sentons et réagissons.
— Quelles sont, maintenant, les parties de cet organequi
“participent à l'élaboration de la pensée, c’est-à-dire
des processus psychiques de représentation? Ces ter-
ritoires comprennent environ les deux tiers du cerveau
humain. Non seulement ces régions de l'écorce céré-
brale ont des fonctions distinctes de celles des centres
“dits de sensibilité (Sinnescentren) : ils sont déjà recon-
naissables à leur structure histologique. Tandis que
les premiers, qui n’occupent, je le répète, qu'un tiers
de l'écorce, ont une structure dont la constitution rap-
pelle, comme celledes sphères visuelles, avecsescouches
de grains, le caractère histologique des organes des
sens externes, rétine, etc., auxquels correspondent les
différents territoires sensoriels de l'écorce cérébrale,
es centres intellectuels, les organes de la pensée
“(Denkorgane), présentent le type histologique à cinq
“couches, quoique ceux-ci occupent sur la surface du
cerveau les régions les plus différentes.
Les quatre centres psychiques ou intellectuels, or-
0h de la pensée, sont, suivant Flechsig, le lobe pré-
frontal, une grande partie du lobe temporal et du lobe
… pariétal, enfin l'insula de Reil. Ces territoires corti-
caux n'auraient rien à faire avec les impressions ve-
-nues du milieu externe, ou du monde, et du milieu
- interne, ou du corps, non plus qu'avec les impulsions
motrices.
- Outre celte particularité histologique, ces quatre
- centres se distinguent anatomiquement des cinq autres
centres de sensibilité par le retard de leur maturité :
ils sont encore privés de myéline que les autres centres
ont déjà, depuis longtemps, atteint leur développe-
ment. Ce n’est qu'après ce développement, quand les
centres de sensibilité ont leur structure physiologique,
“que, peu à peu, s'éveille l’activité des centres intellec-
tuels : on constate alors que, des différents centres
corticaux de sensibilité générale et spéciale, d'innom-
- brables fibres nerveuses pénètrent dans les centres
intellectuels et s'y terminent par des arborisations
libres. Les centres intellectuels sont des appareils qui
synthétisent en unités supérieures les activités des
… divers organes des sens internes et externes de l'écorce
… cérébrale. Ce sont des « centres d’association », des
- territoires où s’associentles perceptions des sens, vue,
- ouie, toucher, etc.
L'observation clinique vérifie, selon Flechsig, l’exac-
. Litude de cette hypothèse anatomique. L'objet propre
- de la psychiatrie, ce sont les maladies des centres
| d'association, On les trouve altérés, ces centres, dans
- les maladies mentales que nous connaissons le mieux,
la démence paralytique, le ramollissement céré-
bral, etc. Ces centres sont le substratum organique
de ce qu’on appelle expérience humaine, savoir, con-
… naissance, langage, sentiments esthétiques, mo-
ni etc. Car le sentiment moral est, comme le senti-
;
ment de la douleur, une fonslion de l’écorce cérébrale.
Dans l'avenir, la transformation de la psychologie, qui
a d’ailleurs commencé, dépendra surtout de l'analyse
scientifique des quatre centres psychiques, des
« organes psychiques » proprement dits. IL apparaîtra
“alors au psychologue que, « de même que la surface
e de la Terre se compose de mers et de continents, l'é-
“corce cérébrale est constituée au moins par neuf
territoires bien distincts anatomiquement ». L° « or-
Prane de l'esprit », c’est-à-dire l'écorce grise du cer-
“veau, possède une « constitution collégiale » : ses
conseillers siègent dans deux sénats. Seulement les
“membres de ces sénats ne sont plus, comme dans l’an-
mi phrénologie, intitulés : amour, courage, fer-
;
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
191
meté, prudence, etc. Des noms qu'ils portent, les uns
sont déjà connus ; ce sont ceux des organes internes
des sens : vision, olfaction, audition, etc. Les autres,
dont la signification sera en rapport avec la fonction
spéciale à dénommer, désigneront les quatre centres
d'association, Déjà Flechsig estime que ces derniers
sont loin d’être homogènes. La pathologie cérébrale
enseigne, en effet, que la propriété de synthétiser en
idées générales les impressions variées de la sensibi-
lité et d'avoir une connaissance des rapports naturels
des choses, dépend d’autres centres que celle d’ex-
primer ces idées et ces rapports au moyen du langage,
puisque celui-ci peut être altéré sans que notre con-
ception des choses le soit, et, inversement, qu'avec un
langage en apparence correct le cerveau. peut délirer
ou tomber dans la démence,
Dans les fonctions très complexes de l'intelligence,
les quatre centres agiraient de concert : les innom-
brables faisceaux de fibres qui relient ces centres entre
eux assurent cette synergie fonctionnelle. Ge qu’on
doit appeler l'unité des fonctions du cerveau, le méca-
nisme qui assure et sauvegarde ce consensus, ce sont
toujours, en effet, les millions de conducteurs isolés,
«mesurant ensemble des milliers de kilomètres », qui
constituent l'énorme masse médullaire du cerveau
humain. Ces fibres assurent les connexions : 1° des
centres de sensibilité entre eux; 2 des centres de sen-
sibilité avec les centres intellectuels; 3° des centres
intellectuels entre eux.
La destruction des centres intellectuels entrainant
toujours la perte de la mémoire dans une étendue plus
ou moins grande, point de doute que les éléments
normaux de ces centres ne soient le substratum même
de nos souvenirs. De quelque nature que soient les
traces ou résidus de la mémoire, ils sont bien d'es-
sence matérielle, puisque, sous l'influence d’agents
chimiques, de poisons tels que l'alcool, ils s’évanouis-
sent temporairement ou pour toujours si les cellules
et les fibres nerveuses des quatre centres psychiques
ont perdu, avec leur structure, leurs fonctions, Qu'il
s'agisse de. l’éveil de sensations élémentaires, faim,
soif, ou des plus grandioses constructions idéales du
poète ou du savant, ce sont toujours de purs processus
mécaniques qui entrent en activité. Comme les impul-
sions et les tendancesles plus obscures de l’organisme
retentissent sur l'écorce cérébrale par l'intermédiaire
du faisceau sensitif et s'irradient directement des
organesinternes des sens (Sinnescentren) sur les centres
intellectuels (geistige Centren), la lutte des sens et de la
raison, des instincts aveugles et des idées morales, a
pour théâtre le cerveau de l'homme. Mais, lorsque les
centres supérieurs sont paralysés par un poison ou
détruits par la maladie, il n'y a plus de conflit pos-
sible : les passions peuvent se déchaïner, la violence
et la colère peuvent sévir ; on ne saurait plus parferde
moralité. L'abus prolongé des boissons alcooliques,
avec son cortège de lésioris profondes et généralisées
des centres psychiques, fait déjà d’un nombre
immense de créatures humaines des êtres « décéré-
brés ».
Quant à l'accord des fonctions les plus élevées du
cerveau humain, telles que la raison et la logique,
avec l’ordre de l'univers, il repose presque tout entier,
en dernière analyse, sur la constance et l’uniformité
des phénomènes naturels, dont le retour périodique
modèle en quelque sorte le cerveau humain et lui
imprime, par le fait de l'addition des mêmes impres-
sions indéfiniment répétées, la marque de son unité.
Ainsi se forment, dans l'esprit, des associations dont
la solidité augmente encore avec les ans, au point,
ajouterai-je, d’avoir fait croire à quelques philoso-
phes qu'ils n'avaient qu’à descendre dans leur cons-
cience pour y retrouverles lois primordiales de la lé-
gislation de l'Univers, Jules Soury.
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 22 Juillet 1895.
M. Retzius est nommé Correspondant pour la Sec-
lion d’Anatomie et Zoologie, en remplacement de
M. Carl Vogt.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Emile Picard fail
hommage à l'Académie du deuxième fascicule du
tome II] de son traité d'Analyse. -—M. V. Ducla adresse
une note sur une méthode rapide pour trouver toutes
les racines commensurables d'une équation de degré
quelconque,
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F.-M. Raoult a entrepris
des recherches sur les causes des phénomènes osmo-
tiques; il signale quelques faits intéressants qui se
produisent quand les deux liquides soumis à l’osmose
sont l’éther et l'alcool: 1° L’osmose, entre deux liquides
déterminés, peut non seulement varier beaucoup en
énergie, mais encore changer de sens avec la nature
du diaphragme. 2° Le mouvement osmotique des corps
à travers le diaphragme peut être absolument indé-
pendant de leur poids moléculaire et de leur qualité
de corps dissous ou de dissolvants. — M. R. Swynge-
dauw a repris les expériences de Jaumann sur les
potentiels explosifs statique et dynamique, en leur
donnant une forme susceptible d'interprétation simple
et facile: il a reconnu que l'abaissement des poten-
tiels explosifs par la lumière ultra-violette est beau-
coup plus considérable pour les potentiels dyna-
niques que pour les potentiels statiques. L'auteur con-
clut, contrairement à la loi de Jaumann, que le poten-
tiel explosif d’un excitateur placé à l’abri des radiations
ultra-violettes n'est pas diminué d’une facon appré-
ciable pour des variations très petites et très rapides
du potentiel. — M. Gaston Séguy a observé un phé-
nomène de phosphorescence dans des tubes contenant
de lazole rarélié, après le passage de la décharge
électrique. La lueur a son éclat maximum aussitôt
après le passage du courant et disparait graduellement
au bout de 18 à 20 secondes. — M. C. Limb a utilisé
sa méthode de mesure des forces électromotrices en
valeur absolue pour déterminer la valeur des étalons
Clark, Gouy et Daniell. La valeur trouvée par l'élément
ps 1 Er
Clark ne diffère pas de de la valeur trouvée par
lord Rayleigh, en partant d'une méthode absolument
différente de celle de l’auteur. — M. Gouy précise les
conditions à remplir pour observer les phénomènes dus
à laclion de la pesanteur au voisinage immédiat de
l'état crilique. — M. Dehérain présente un ouvrage
intitulé : « Les engrais, les ferments de la terre », —
M. l'abbé Maze communique quelques renseignements
concernant le premier thermomètre à alcool utilisé à
Paris : il a pu retrouver comment Boulliau s'était pro-
curé ce thermomètre, fabriqué à Florence, — MM. Aimé
Girard el L. Lindet donnent les principaux résultats
d'un long travail entrepris pour déterminer la compo-
sition des raisins des principaux cépages de France.
Le nombre de cépages à raisins colorés et à raisins
blancs, soumis à l'étude, est de vingt-cinq; ils ont été
pris dans chacune des grandes régions viticoles et
choisis parmi les cépages les plus répandus. Pour
chacun d'eux, on a déterminé d’abord les proportions
relatives de rafles et de grains; puis, en disséquant
ceux-ci, on à séparé la pulpe, la peau et les pépins.
Chacune des parties constituantes a été ensuite sou-
mise à une analyse chimique complète. 1° Les rafles
et les pépins contiennent une matière résineuse dont
la saveur, âpre au début, devient douceâtre avec le
ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
temps; elle doit jouer un rôle dans la transformatio
que le goût du vin subit avec l’âge. 2° Dans la pulpe
l'acide tartrique libre ne figure qu'en petite quantité;
l'acide malique y domine, au contraire, 3° Les peaux
renferment une matière odorante caractéristique pou
chaque cépage. 4° Les pépins contiennent jusqu'à 1 °/
de leur poids d'acides volatils appartenant à la série
grasse, 5° La proportion des rafles ef des grains varie»
du simple au double, suivant les cépages. 6° Les diffé
rents cépages portent des grains dont le poids moyen
varie dans des limites très grandes : O0 gr. 78 pour 1e
Pinot noir et 3 gr. 69 pour l'Aramon. 7 La teneur en
bitartrate de potasse de la pulpe donne une caracté
ristique assez nette aux cépages principaux de chaque
région. $° À part les cépages de l'Yonne, beaucoup
plus riches, les peaux des raisins colorés donnent une
proportion de tanin à peu près constante. — M. A. Hal-
ler à étudié l’action de lisocyanate de phényle sur
les acides cyanacétique, méthylsalicylique, anisique,
phénylglycolique, benzoylbenzoïque; les deux pre-
miers conduisent à l’anilide correspondante, sans qu'il
paraisse se former les anhydrides; l'acide anisique four-
nit l'anhydride anisique quand on arrèle la réaction ;
l'acide 0-benzoylbenzoïque se comporte comme une
lactone alcool et comme un acide cétone. —- M. Ch.
Dufour envoie un mémoire sur les réfractions anor-
males à la surface de l’eau qu'il a pu observer sou-«
vent sur le lac Léman ; quand leau est plus froide
que l'air, la trajectoire du rayon lumineux tourne sa
concavité contre l’eau, et l’on voit alors des objets qui, .
dans la règle, sont cachés par la rondeur de la terre.
Il y à de ce fait une erreur grave quand on prend en
mer la hauteur du soleil au-dessus de l'horizon. —
M. A. Mourlot applique la haute température de l'arc
électrique à la reproduction des sulfures cristallisés;
il prépare un sulfure de manganèse identique au sul
fure naturel, l’alabandine. Ce sulfure cristallise en
cubes ou en octaèdres dérivés; le fluor ne l'attaque
qu'au rouge ; il s’enflamme dans l’oxygène au-dessus
du rouge. Le charbon est sans action sur lui sous l’in-
fluence d'un courant de 1000 ampères et de 50 volts. —
M. V. Thomas a examiné, au point de vue de la dis-
sociation, les trois composés solides qu'il a pu obtenir
par l’action directe du bioxyde d’azote sur le chlorure
ferreux ; à la température ordinaire, aucun d'eux n'a
une tension de dissociation sensible, L'auteur a étudié
aussi l’action de l’eau, des alcalis, de l'azotate d'argent
sur les composés; tous les faits observés semblent
indiquer une différence très netle entre les composés
obtenus par M. Gay à l'état de dissolution et les corps
préparés par voie sèche. — M. C. Hugot a préparé des
combinaisons du phosphore avec les mélaux alcalins…
en étudiant l'action du phosphore sur le sodammo-
nium et le potassammonium dissous dans un excès
d’ammoniaque liquélié. Les deux phosphures obtenus
P5K et P3Na sont décomposés par l'air humide avec
dégagement de phosphure d'hydrogène; ils restent
comme résidu quand on décompose par la chaleur
les P5K, 3AZH5 et P3Na. 3AZH formés tou! d'abord. —
MM. Massol et Guillot ont délerminé les chaleurs
spécifiques des acide formique et acétique surfondus.
1° Les chaleurs spécifiques à l'état solide sont de beau
coup supérieures aux chaleurs spécifiques à l'état
liquide, 2° La chaleur spécifique à l'état liquide diminue
avec la température, 3° A l'état de surfusion, la cha=
leur spécilique augmente légèrement, mais reste dans
l'ordre des chaleurs spécifiques à l'état liquide. Les
auteurs exposent les modifications à apporter au ther-
mocalorimètre de Regnault en vue de la détermination
s chaleurs spécifiques d’un grand nombre de liquides
urfondus. — M. Louis Henry a continué l’étude de
action des paraffines nitrées sur les aldéhydes ali-
hatiques; l’auteur expose, dans cette note, les pro-
riétés des produits formés avec le méthanol agis-
ant successivement sur le nitrométhane. le nitro-
éthane et le nitropropane à la température ordinaire
en présence d'une trace de carbonate de potasse.
Ce sont des corps solides non volatils : la glycérine
nitro- ‘He FREE (Az0? Ar Ces Var le
et enfin l'alcool isobutylique mononitré tertiaire :
(CH)
(AzO* ?C
Ke H:0H
Sous lPaclion du carbonate bipotassique ou des alcalis,
le méthanol et les aldéhydes voisines s'ajoutent aisé-
ment avec d'autres corps, où un hydrogène fixé au
arbone possède le caractère basique. — M. A. Béhal
a étudié les produits d'oxydation de Pacide campholé-
nique inactif : outre les composés intermédiaires, une
itrosocampholénolactone et un acide campholénique,
on oblient comme produits de l'oxydation complète
n acide tribasique C’H1206, identique à l'acide
- hydroxycamphoronique; deux acides bibasiques, l’un
répondant à la formule C7 H®20', l’autre à la for”
_mule CSHP0*; enfin un acide monobasique, l'acide
“isobuiyrique., — M. E. Fleurent présente les conclu-
“sions Les plus intéressantes de son étude de l’action de
lPhydrate de baryte, en vase clos : 4° sur le gluten, la
caséine ef la fibrine végétales. la légumine et l'albu-
mine végétales; 2 sur Tes acides aspartique et gluta-
mique. Les matières protéiques végétales se séparent
“cn deux groupes distincts : celles pour lesquelles le
rapport de la quautité d'azote dosé à l'azote calculé
est plus grand, et celles pour lesquelles ce rapport est
plus petit que l'unité. Dans le gluten, la caséine et la
fibrine végétales, il existe un groupement g glutaminé ;
dans la légumine et l’albumine végétales. un groupe-
ment asparagène. Ce sont ces groupements qui pro-
por dans les deux cas la rupture du rapport
Az dosé
» Az calculé
. matières albuminoïdes végétales. C. MAriëox.
39 SGIENCES NATURELLES. — MM. Binet et Courtier ont
étudié l'influence de la respiration sur le tracé volu-
- métrique des membres à l’aide des plethysmographes
de MM. Hallion et Comte. — M. Lecercle à observé les
modifications de la chaleur rayonnée produites par la
faradisation, non pas avec un tétanos généralisé, mais
concentrant l’action du courant faradique sur une
= 1, trouvé par M. Schutzenberger pour les
surface cutanée richement innervée. — MM. Teissier
et Guinard montrent, à l’aide de nombreuses expé-
riences, J’aggravation des effets de certaines toxines
microbiennes par leur passage dans le foie; ce fait
peut s'expliquer par deux hypothèses : ou ‘bien au
contact de la (oxine, qui lui arrive en masse, le foie
est fonctionnellement altéré et perd le pouvoir qu'il a
de détryre les poisons; ou bien, la toxine arrivant
D nent dans un organe qui, phy siologiquement,
représente un foyer actif d'élaboration, provoque-
t-elle mieux ou plus vite l'élaboration des poisons qui
causent l’auto-intoxicätion. — MM. Künstler et Gru-
vel fournissent de nouveaux éléments à l’étude histo-
logique des glandes unicellulaires chez les Hippérines.
— M. Michel-Lévy présente une note sur l’évolution
des magmas de certains granits à amphibole.
J. MARTIN.
Séance du 29 Juillet 1895,
- M. Berg est élu Correspondant pour la Section d’A-
hatomie et de Zoologie en remplacement de M, Huxley.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
19 SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. Darboux présente
le troisième fascicule du tome IL et le premier fas-
cule du tome IV d2 ses « Lecons sur la théorie géné-
rale des surfaces et les applications, géométriques du
calcul infinitésimal. » — M. Levavasseur signale un
certain nombre de types de groupes de substitutions
dont l'ordre égale le degré. — MM. G. Castelnuovo
et F. Enriques énoncent quelques théorèmes relatifs
aux surfaces algébriques admettant un groupe continu
de transformations birationnelles en elles-mêmes.
1° La surface contient un faisceau de courbes de
genre un, toutes ayant le même module, et n’a pas de
points simples fixes, ou bien elle contient un faisceau
de courbes de genre zéro, et (d'après M. Nôther) elle
peut être transformée en une «urface réglée ou en
une surface ayant un faisceau de coniques, 2° Ces sur-
faces peuvent être transformées en une surface réglée
ou en une surface avec un faisceau de coniques quand
le groupe dépend de plusieurs paramètres et est une
seule fois transilif. 3° Lorsque le groupe dépend de
deux paramètres et est deux fois transitif, ou bien les
transformations sont deux à deux éc hangeables, et la
surface appartient à la classe des surfaces hy perellip-
tiques, ou, le contraire arrivant, lasurface est ration-
nelle. — M. Léonardo Torrès expose une théorie
générale des machines algébriques et déduit de cette
théorie la conception de certains mécanismes nou-
veaux. L” ET présente en même temps un modèle
calculant à !/,,, près les racines réelles des équations:
29 + A +B 0
a + Ant + B 0.
M. D.-A. Casalonga adresse une note intitulée : Des
causes de la marée directe, de l'antimarée, et du
retard de leur passage au méridien lunaire.
20 SciENCES PHYSIQUES. — M. de Tillo fait hommage
d’un volume intitulé : Beobachtungen der russischen
Polarstalion an der Lenamündung. — M. J. Janssen,
à la suite des observations de M. Campbell concluant
à la non-présence de la vapeur d’eau dans l’atmos-
phère de Mars et des discussions qui ont suivi, rappelle,
en les développant, les expériences qui l'ont amené,
le premier, à annoncer l'existence de cette vapeur
d’eau ; il insiste, en outre, sur les conditions les plus
propres à assurer le succès de ces recherches qui sont
d’uneextrème difficulté. — M. Maurain a étudié les mo-
difications d'un diapason placé dans le champ magné-
tique. Quand le diapason à son axe perpendiculaire
au champ et son plan de vibration parallèle, le nom-
bre des vibrations diminue à mesure que le champ
augmente ; si l’axe et le plan de vibrations sont tous
deux perpendiculaires au champ, c'est le contraire qui
se produit : le nombre de vibrations augmente avec le
champ ; enfin, lorsque l'axe est parallèle au champ,
le nombre des vibrations augmente. Les vibrations
s’amortissent d'autant plus rapidement que le champ
est plus intense. — M. Piltschikoff adresse. plu-
sieurs photographies d’éclairs faites à Odessa; ces
éclairs se rangent en trois catégories : les éclair- bande,
éclair-tube et éclair-trompe; les deux premiers lypes
se rencontrent dans tous les orages, le troisième parail
très rare, Les machines électrostatiques n’ont pu re-
produire des clichés semblables. L’éclair en bande
parait avoir une corrélation intéressante avec les dra
peries des aurores boréales. — M. Morisot signale un
nouvel élément de pile d'intensité sensiblement cons-
tante et de force non plus grande que celle
des couples usuels, 2 volts 5. Le pôle positif est une
lame de charbon de cornue plongée dans un volume
d'acide sulfurique mêlé à trois volumes d’eau saturés
de bichromate : un diaphragme en terre poreuse im-
mergé dans le liquide dépolarisant contient une dis-
solution étendue de soude caustique; enfin la lame de
zinc amalgamé, pôle négatif, plonge dans un second
diaphragme intérieur au premier contenantunesolution
concentrée de soude caustique. — M. Maurice Fran-
çois a étudié l’action de l’aniline sur l’iodure mercu-
reux; il y a mise en liberté de mercure et formation
du composé Hgl?(C6(H$AzH??. La décomposition de
l'iodure mercureux par l’aniline est limitée; lorsque
l'état d'équilibre est atteint, le liquide contient tou-
jours pour la température de l’ébullition de l'aniline
(1829), 26gr. 35 d'iodure mercurique pour 100 grammes
du mélange. Si l’on prend des proportions convenables
d'iodure et d’aniline, il y a simplement dissolution et
non décomposition, la dissolution donne par re-
froidissement l’iodure cristallisé. — MM. Béhal et
Blaise ont examiné l'action de l’hypoazotide sur
l’acide campholénique ; il se forme deux modifications
isomériques d’un composé de formule C!H15Az05,
auxquelles les auteurs donnent les noms de céruléo-
nitrosocampholénolide et leuconitrosocampholénolide,
L'étude des propriétés de ces nouvelles substances
conduit à admettre les formules suivantes tautomères
pour la nitrocampholénolide :
R R
|
O=Az—0—C. OZA7—C\
d S ie
NY /R DA
do-cæ_ cf do-cn2 cf
M. L. Kohn a étudié les produits de condensation de
l'aldéhyde isovalérique sous l'influence de la potasse
alcoolique; ses résultats concordent avec ceux de
M. Friedel. — MM. Jay et Dupasquier donnent la
description d’une méthode de dosage de l'acide bori-
que fondée sur le procédé à l'alcool méthylique. Des
essais effectués pour contrôle établissent la sûreté
de la méthode, L’acide fluorhydrique seul apporte une
légère augmentation d'acide borique, mais en pratique
cette cause d'erreur est négligeable. Les vins de Bour-
sogne, de Bordeaux, contiennent de 0 gr. 0105 à
0 gr. 022 par litre d'acide borique, les cidres de
0 gr. 011 à O0 gr. 017, — M. Oechsner de Coninck à
étudié l'élimination de la chaux et de la magnésie
chez les rachitiques: l'élimination de la chaux aug-
mente quand celle de la magnésie diminue ce qui
amène à conclure au remplacement partiel de la
chaux par la magnésie dans le système osseux des en-
fants rachitiques. — M. Boudouard à fait l'étude des
sables monazités de la Caroline; les premiers résultats
obtenus établissent l'existence de terres didymiques
ayant des poids moléculaires plus faibles que celles
extraites de la cérite. Plus le poids moléculaire est
faible, plus le nitrate résiste à la décomposition pyro-
génée. La même différence de stabilité existe pour les
sulfates :ceux qui correspondent aux poids atomiques
les plus petits se décomposent avec une extrème difli-
cullé et seulement au rouge presque blanc.
C. MAarTIGNON.
3% SCIENCES NATURELLES. MM. Langlois el Mau-
range montrent l'utilité des injections d’oxyspartéine
avant lanesthésie chloroformique, car, en injectant
une heure avant l’anesthésie 4 à 5 centigrammes de
spartéine où 3 à # centigrammes d’oxyspartéine el
{ centigramme de morphine, on obtient toujours une
narcose rapide, facile à maintenir avec un peu de chlo-
roforme et un cœur régulier, énergique même, quand
la respiration devient superficielle. — M. Charrin
montre l'influence des toxines sur la descendance de
l'homme, — M, Jammes, dans ses recherches sur la
structure de l’ectoderme et du système nerveux des
Plathelminthes parasites (Trématodes et Cestodes), éta-
blit que l’ectoderme présente dans sa structure de
zrandes ressemblances avec les Némathelminthes, Il y
à des cellules épithéliales, des cellules nerveuses, des
librilles et des granulations, — M. Pizon fournit de
nouveiles contributions à l’'embryogénie des Ascidies
simples, en étudiant l’origine de la cavité péribran-
chiale, les relations de la vésicule sensorielle avec les
parties avoisinantes et l'existence d'un épicarde ana-
Joue à celui des Ascidies composées. — M, Boule
PFTA, A 62 nr SP ne FRE
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
vulgaris. — MM. Cadiot et Gilbert publient l’observa-
annonce la découverte de débris gigantesques d'élé”
phants fossiles faite par M. Le Blanc, dans la balla
tière de Tilloux (Charente).
J, MARTIN.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 30 Juillet 1895.
MM. Hoppe-Seyler (de Strasbourg) et Dragendorf
(de Dorpat) sont nommés correspondants étrangers
dans Ja IV: Division (Physique et Chimie médicales,
Pharmacie). — M. Lucas-Championaière recommande
l'emploi du gaïacol pour l’anesthésie locale (analgésie),«
en remplacement de la cocaine. — M. Landouzy fait.
une communication sur la nécessité de reviser la
nosographie des angines et d'assurer leur diagnostic
par le contrôle bactérioscopique ; il donne les résul-"
tats d’une enquête bactérioscopique portant sur
860 cas d’angines et ayant donné 42,32% de diphtérie
et 57,68% de non-diphtérie. —- L'Académie adopte à
l'unanimité le vœu suivant : 1° que des laboratoires
d'examen bactériologique dirigés par des savants spé-
ciaux soient ouverts dans le plus bref délai, et que
tous les médecins en soient avisés par la plus large
publicité; 2° que les Facultés de Médecine, les Ecoles
de plein exercice et les Ecoles secoudaires de Méde-
cine et de Pharmacie soient pourvues de laboratoires
bactériologiques, destinés à faire dès maintenant les
examens, et à instruire les médecins et les pharma-
ciens dans les recherches spéciales. — M. Daremberg
cherche à montrer par des expériences physiologiques
que les eaux-de-vie de vin, même de grande marque,
sont plus toxiques que les eaux-de-vie communes. —
M. Gréhant lit un travail sur l’analyse de l'air de la
gare souterraine du Luxembourg, — M. Kirmisson.
relate un cas d’épispadias, chez une petite fille de dix-
huit mois, qu'il a opéré et guéri,
SOCIETE DE BIOLOGIE
Séance du 27 Juillet 1895
M. Trouessart est élu membre de la Société. —
M. A. Broca à traité des lésions tuberculeuses cuta- «
nées par le sérum de chiens à tuberculose locale, et à
obtenu de bons résultats dans les cas de lésions peu
profondes. — MM. Roger et Josué montrent que l’æ-
dème n’est pas directement en rapport avec les lésions
veineuses, Il se produit un œdème persistant par in-
jection dans l'oreille des produits solubies du Proteus
tion d’un cheval atteint de morve pulmonaire avee
cirrhose du foie, — MM. Babes et Kalindero commu
niquent leurs recherches sur la distribution des ba-
cilles de la lèpre dans les tissus. On les trouve surtout
nombreux dans les nerfs, ce qui explique les symp-
tômes nerveux de la maladie. — M. Rénon a étudié
l'influence de l'affection aspergillaire sur la gestation ;
le passage du bacille de la mère au fœtus dépend du .
degré plus ou moins prononcé de l'infection. —
MM. Courtade et Guyon ont étudié l’innervation du
muscle vésical et la puissance des sphineters interne
et externe de la vessie. — MM. Phisalix el Bertrand
ont trouvé que limmunité du hérisson contre le venin
de vipère provenait d'une substance spéciale contenue »
dans son sang; en effet, le sérum sanguin du hérisson,
injecté à un cobaye, le rend réfractaire à l’inoculation
du venin de la vipère. — M. Pillet a trouvé que le
formol, injecté à fortes doses, s'élimine par l'intestin
et le rein en produisant des lésions congestives. —
MM. Courmont et Doyon décrivent les lésions hépa-
tiques engendrées chez le chien par la toxine diphté-
rique, — M, Déjerine rapporte une observation de
compression de la queue de cheval de la moelle épi=
nière causée par une tumeur du sacrum, d’origine
sarcomateuse.
(La Société entre en vacances jusqu'au milieu d'Oc-
tobre.)
SOCIÉTÉ FRANGAISE DE PHYSIQUE
4 Séance du 5 Juillet 1895.
M. Pierre Weiss a étudié l'allure particulière de
mantation dans la magnétite cristallisée, Il a décou-
ert que, dans ce corps, Fe“O#, appartenant au sys-
e cubique, l’aimantation n’est cependant pas iden-
ique dans toutes les directions. Les cristaux sont des
dodécaèdres ou des octaèdres et ne dépassent pas 2°,
| a d'abord taillé, dans un octaèdre du Tyrol, deux
prismes, l’un suivant un axe binaire, l’autre suivant
une direction perpendiculaire, et a cherché la courbe
d'aimantation en fonction de l'intensité du champ. La
mesure du champ présentait quelque difficulté, car le
Champ est modilié par la présence de la magnétite
elle-même, La méthode ordinaire, qui consiste à
prendre un tore, un ellipsoide ou un cylindre indé-
fini n’est pas directement applicable, Il s’est fondé sur
ce que le champ magnétisant est continu quand on tra-
verse la surface du corps; on peut donc le mesurer au
voisinage de l’aimant au moyen d’une petite bobine et
lun galvanomètre balistique. Une seconde bobine en-
tourantl’aimantservira à mesurer l'intensité d’aimanta-
tion. IL plaçait bout à bout trois barreaux de magnétite
prolongés aux deux extrémités par deux tiges de fer,
de facon à n'avoir, dans le barreau central, qu'une
riation lente du champ. On trouve ainsi que la courbe
d'aimantation n’est pas identique suivant l'axe qua-
ternaire et suivant l'axe binaire. La courbe relative
au second cas est l’amplification de la première dans
le rapport de 5 à #. M. Weiss à vérifié par plusieurs
méthodes ce résultat imprévu. Toujours il a trouvé des
différences de même ordre. Une expérience qui, sans
oute, n'offre pas un haut degré de précision, mais a
“l'avantage d’être très directe, consiste à tailler des
“disques de magnétite, à les entourer d’une bobine de
“il, et à les faire tourner d’angles connus entre les
pôles d'un aimant. On mesure ainsi les différences
d’aimantation suivant les différentes directions. Les
ourbes obtenues accusent des différences très grandes
entre les différentes directions. On trouve un maxi-
num d'aimantation suivant les axes ternaires. Au con-
raire, un disque taillé suivant une face de l'octaèdre
“donne une courbe qui est rigoureusement un cercle
pour toutes les orientations, En résumé, la surface
“l'aimantation à saturation dans les différentes direc-
“tions présente la forme d'un cube dont on aurait ar-
rondi les arètes et creusé les faces, M. Weiss présente
mi la Société une expérience curieuse qui met nette-
ent en évidence les inégalités d'aimantation.On fixe un
petit disque de magnétite sur un disque de verre et on
e place entre les branches d’un aimant. Les directions
uivant lesquelles s'oriente spontanément le disque
donnent les maxima d’aimantation. Un disque paral-
lèle aux faces de l’octaèdre ne présente aucune direc-
Lion privilégiée. Pour obtenir la direction de l’aiman-
lation par rapport au champ, on détermine les courbes
qui donnent les composantes suivant la direction du
“champ, et perpendiculairement. Leur aspect est celui
d'un folium à branches multiples et de différentes
randeurs. On trouve que l’aimantation est oblique par
rapport au champ quand la direction de celui-ci ne
coïncide pas avec l’un des axes. Ce résultat apparait
très visiblement sur les spectres de limaille dont
. Weiss projette des photographies. Les lignes de
force sont déformées quand la magnétite est placée
“dans une disposition dissymétrique. En résumé, l’iden-
uité des phénomènes optiques dans toutes les direc-
Hiuns ne se retrouve plus pour les propriétés magné-
ques. Et il semble qu'il y ait des réserves à faire sur
es théories qui supposent que, dans les corps, avant
aimantation, les éléments magnétiques existent, mais
ne sont pas alignés. La théorie d'Ewing ne semble pas
Suflisante, — M. Massieu demande à M. Weiss s’il n’a
amais constaté de faces hémiédriques. M. Mallard en
à obtenu sur la boracite, qui, elle aussi, est cubique,
“ais ne se comporte pas en lumière polarisée comme
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
en cristal cubique, du moins à la température ordi-
naire. Lorsqu'on chauffe, les anomalies disparaissent.
Il serait peut-être intéressant de rechercher comment
les phénomènes si curieux éludiés par M. Weiss se
modifient avec la température. — Rien n’a révélé à
M. Weiss une hémiédrie dans la magnétite. D'ailleurs,
elle appartient aux spinelles, et, dans cette famille, on
ne connait pas de phénomènes pseudocubiques.
D'autre part, la magnélite n’est pas seulement à très
peu près cubique; elle l’est bien réellement. Ses oc-
taèdres offrent non pas seulement la symétrie qua-
dratique, mais bien la symétrie cubique. — M. P. Vil-
lard et M.R.Jarry ont éludiéet précisé les propriétés
de la neige carbonique. Ils ont eu soin d’abord de tou-
jours distiller le gaz; cette opération se .fait sans dif-
ficulté et n’exige pas plus de 20 minutes. En refroi-
dissant convenablement le récipient, ils obtiennent un
rendement en neige de 35 °/,. Ils ont d’abord repris
le point de fusion de cette neige, fixé par Faraday à
— 57, Ils se sont servis d’un thermomètre à toluène,
et ont opéré par refroidissement et par réchauffement.
Le réservoir à acide carbonique fondant était protégé
contre le rayonnement par une enveloppe de papier
d'étain. Il était lui-même placé dans un tube argenté
intérieurement, et le tout dans une enceinte vide
d’air. La température a été de — 570,1 et la pression
correspondante 5at® 1, Les résultats sont les : mêmes
soit pour la neige ordinaire, soit pour des cristaux de
dimensions notables. Ce sont des cristaux cubiques :
au contact de l'air ils ne se couvrent pas de givre à
cause de la gaine d'acide carbonique gazeux. A l’état
solide, la densité est plus grande qu'à l’état liquide.
La température de la neige carbonique en vase ouvert
est de — 79°, nombre très voisin de celui de Regnault.
Cette température est évidemment le point d'ébullition
sous la pression atmosphérique. En effet. la pression
maxima observée pour la vapeur est bien la pression
atmosphérique. La température — 60°, proposée 1l ya
quelques années, est donc inadmissible. À cette tem-
pérature, la pression maxima est de 4 atmosphères.
La neige sèche étant incommode à manier, on l’em-
ploie, depuis Thilorier, mélangée à l'éther. Il faut
avoir soin de refroidir l’éther. On croit communé-
ment que la température est beaucoup plus basse
qu'avee la neige seule, Il n’en est rien. Le thermo-
mètre reste stationnaire quand on verse de l’éther
sur la neige solide. Regnault n’attribue à l’éther qu'une
action de contact. Effectivement, il n’a qu’un rôle dis-
solvant inappréciable, et ne forme pas de mélange
réfrigérant. Lorsque la dissolution est saturée de
neige, l’abaissement atteint à peine 1°. L'expérience de
la solidification d'un tube de Natterer dans un mélange
de neige et d'éther, réussit tout aussi bien avec la
neige seule. Avec le toluène, les phénomènes sont les
mêmes qu'avec l’éther; mais ils sont tout différents
avec le chlorure de méthyle, On oblient un véritable
mélange réfrigérant, car la température est plus basse
que celle du plus froid des deux corps employés. IL y
a dissolution, et, à la saturation, le thermomètre
marque — 85°. En dépassant la saturation, la tempé-
rature remonte, Par le passage d’un courant d’air, on
peut abaisser ce mélange réfrigérant à — 90°. MM. Vil-
lard et Jarry ont ensuite cherché à atteindre des tem-
pératures beaucoup plus basses en ayant recours au
vide. Par ce moyen, M. Pictet avait déjà atteint — 1189.
On atteint facilement — 125° sous la cloche de la ma-
chine pneumatique, et on peut maintenir cette tempé-
rature pendant plusieurs heures. On à donc là un
point de départ suffisant pour arriver à — 200° avec les
moyens ordinaires d’un laboratoire et réaliser ainsi
l'expérience de la liquéfaction de oxygène. — M. Guil-
laume précise la valeur des indications du thermo-
mètre à toluène, En utilisant des travaux encore inédits
de M. P. Chappuis, on peut admettre comme très
exactes les indications de ce thermomètre jusqu’à — 88;
à — 1250, elles sont encore certainement vraies à 5°
,
près. Puis M. Guillaume signale des résultats nouveaux
» d TT sh HORS - à ee Se -
196
obtenus par M. Olszewski. Par sa méthode, publiée il
y à quelques années, pour la détermination du point
critique de l'hydrogène, il a obtenu — 23#,5 en faisant
détendre jusqu'à 20 atmosphères, et — 245° en pous-
sant la détente jusqu'à 4 atmosphère. On pourra donc
encore obtenir des températures plus basses, —
M. Bouty signale un travail contenu dans le numéro
de Juin du Journal de Physique, et d’après lequel on est
parvenu à 30° du zéro absolu. Edgard Haunié.
SOCIÈTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 28 Juin 180%,
L'action de l'hypoazotide sur le trichlorure d’anti-
moine en solution sulfocarbonique ou chloroformique
a donné à M. Thomas un composé auquel ses analyses
permettent d'attribuer la formule suivante : 2Sb0?,
2SbOCI?, Az205, La même réaction, essayée avec le tri-
bromure etle triiodure d’antimoine, donne un composé
répondant à la formule : (Sb20%2a7:05:. MM. Béhal
et Blaise ont étudié la réaction de l'hypoazotide sur
l’acide campholénique inactif, Une molécule d’hy-
poazotide se fixe sur lacide, et, si on traite le pro-
duit obtenu par le bicarbonate de soude, on obtient
un corps solide, bleu, fusible à 133° et de formule
C10 H1ï Az 0%, Si l'hypoazotide continue de réagir, on
observe-un abondant dégagement gazeux. Le produit
final de la réaction est solide, fusible à 175°, de com-
position CIC H15 Az Of; il a déjà été obtenu par MM. Ka-
chler, Spitzer, Swarts et Zürrer, qui le dénommèrent
acide nitrocampholénique. Ce corps ne possède pas de
fonction acide. MM. Béhal et Blaise ont en effet observé
qu'il n’agit pas sur le tournesol en solution alcoolique ;
il ne décompose pas les bicarbonates alcalins. Ce n’est
pas non plus un dérivé nitré: car, à l'ébullition avec les
bicarbonates, on peut en éliminer tout l'azote à l’état
d'azotite. On obtient comme produit de la réaction une
lactone fusible à 30°, CH! 0?, Par les alcalis cette lac-
tone donne un produit cristallisé, fondant à 126°-127,
décomposant les bicarbonates, de formule G10 H'6 03.
C’est l’oxyacide correspondant. Ce composé posséderait
une fonction alcoolique sur une liaison éthylénique et
se transformerait en donnant l'acide cétonique isomé-
rique. Pour MM. Béhal et Blaise, l'azote de l'acide
nitrocampholénique existerait dans la molécule sous
forme d’éther nitreux. L'ensemble des réactions précé-
dentes pourrait s'expliquer par les trois formules sui-
vantes :
R R R
ul | |
O=A7—0—C C (GC!
ZON 4 Ÿ
O CH—-R O C—R - CH—R'
LEGS fes: |
CO—CH? CO—CH? CO?H—CH?
Acide nitrocampholénique Lactone Oxyacide
Si l'acide nitrocampholénique réduit par l’étain et
l'acide acétique a donné à MM. Kachler et Spitzer de
l'acide amidocampholénique, ce fait s'explique, d’a-
près MM. Béhal et Blaise, en admettant la formation
d'hydroxylamine aux dépens du groupe éther nitreux.
Cette hydroxylamine donne une oxime avec l'acide
célonique et, par réduction, une amine qui n’est autre
chose que l'acide amidocampholénique.—M.Guerbet a
étudié les dérivés de l'acide isocampholique isolé par
lui des eaux-mères de la préparation de l'acide cam-
pholique. 11 décrit divers sels métalliques et divers
éthers de ce composé. IL à anssi préparé le chlorure
d'acide et l'amide correspondant, — L'oxydation de
l’acide campholénique inactif a donné à M. Béhal de
l'acide nitrocampholénique et de l'acide hydroxycam-
pholénique comme l'ont trouvé MM. Kachler et Spitzer.
On obtient surtout dans cette réaction un acide biba-
sique correspondant à un acide triméthylsuccinique
fondant à 82°, donnant un anbydride fondant à 39°. On
n’a pas réussi à identifier ce composé avec les acides
A
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
- ment du latex de l'arbre à laque, mais encore des
en CTH20# connus, M. Béhal se propose d'en établir ls
formule de constitution, Il se forme en même temps
dans cette oxydation un peu d'acide butyrique. |
Séance du 3. Juillet 1895.
M. Dupont a étudié l'application des divers procé
dés d'analyse des saindoux à des produits américains
de provenances diverses. Les constantes sur lesquelles
on se base pour affirmer la pureté d’un produit fran
cais sont sans valeur dans le cas des saindoux améri
cains. Ces derniers proviennent, en effet, des diverses
parties de Panimal et non exclusivement de la panne
et ils donnent des chiffres variables d’après leur prove
nance. — M. Ferdinand Jean analyse les saindoux en
déterminant successivement les caractères physiques
et chimiques de la graisse brute et des acides gras
séparés par le procédé Lear. On peut ainsi très facile=«
ment reconnaitre l'addition d'huiles végétales, même
si la falsification se complique d’addition de graisses
animales concrètes, — M. G. Bertrand présente à
nom de M. Grandjean un nouveau filtre dans lequel !
paroi filtrante est constituée par un disque de cellu
lose pure que l'eau traverse sous pression, Ce disqué
est préparé en défibrant du papier de coton et en com-
primant à la presse la pulpe obtenue. Dans les plus.
mauvaises conditions, ce disque arrête les bactéries
pendant deux ou trois jours. Au bout de ce temps, on
change le disque, de valeur très minime, sans avoir à
faire de nettoyage, opération très délicate et toujours
nécessaire avec les filtres actuels,
Séance du 12 Juillet 1895.
L’acide pyruvique réagissant sur les bases aroma-
tiques primaires à donné à M. Simon l'acide anilpyru:
vique et ses homologues. On obtient en outre, des pro=
duits plus complexes. Avec l'acide pnénylglyoxylique
on obtient des sels proprement dits; cependant, par
l’action des divers alcools, du benzène, du chloroformen
à chaud on obtient l'acide anilphénylglyoxylique par
migration du phénylglyoxylate d'aniline. Cette réaction M
n'est pas générale pour les bases aromatiques, car, si la
paratoluidine et la 6 naphtylamine agissent comme
laniline, avec l'orthotoluidine et la métaxylidine on
n'observe pas de migration et l'x naphtylamine ne
parait donner ni sel ni produit de migration acide.
— M. Cavalier a préparé divers dérivés phospho-ally
liques ; il donne la préparation des divers sels de l’az
cide mono-allylphosphorique. PO‘-C#H5-H?, —M. G:
Bertrand à reconnu que l’on peut extraire la diastase
oxydante ou-laccase, qu'il a fait connaître, non seule-
plantes les plus diverses, Une solution alcoolique de.
résine de gaiac constitue un réactif très sensible de ce:
produit, car au contact même d'une trace de laccase,
on obtient une solution blanche bleuissant rapidement
par oxydation de la résine sous l'influence continue
de l'air etde la laccase, M. Bertrand à aussi reconnu que
ce produit est moins sensible à l’action de la chaleur
que la plupart des diastases connues, de plus un
chauffage modéré augmente son activité. —M,Grimaux
a essayé d'obtenir l’éther oxyde de la résorcine
(HO) CéHi-0-CSH (OH), en traitant ce diphénoi par
le chiorure de zinc. Cette réaction lui a donné unes
oxycoumarine identique à l’ombelliferone, un composé
C#H1805 dans lequel les molécules sont soudées par
les carbones, et une résine non étudiée. Cette conden=
sation curieuse à lieu à température relalivemenb
basse (160°).— M. Prud'homme se réserve d'appliquer au
paranitrodiamidotriphénylméthane, au paranitro-ami-
dodiphénylhydrol et à leurs dérivés-alcoylés la réae=
tion qu'il a signalée pour le paranitrotétraméthyldia=
midotriphénylméthane. — MM. Lescœur et Lemaire
ont remis une note sur le dosage volumétrique de
sels de zinc, et M, Perrot une note sur la dissociation,
des solutions aqueuses de chlorure de zinc.
E. CHARON.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER
A LT)
15 SEPTEMBRE 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENC
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
LE RÉCENT CONGRÈS
DES SOCIÉTÉS D'INSTRUCTION POPULAIRE
à ; 31 AOUT-1e" SEPTEMBRE
La Société havraise d'Enseignement par l Aspect a pris
- une heureuse inilialive en provoquant la constitu-
lion d'un Congrès libre des Sociétés Instruction et
d'Education populaires. Ge congrès vient de tenir sa
première réunion au Havre sous la présidence
- d'honneur de M. R. Poincaré, ministre de l’Ins-
- iruction publique, et avec le concours de
MM. Gréard, Liard, Rabier, Buisson et Zévort. Un
grand nombre d'éducateurs, d'instituteurs et de
- professeurs de cours d'adultes, venus de tous les
points de France, notamment de Normandie, de
la région parisienne (surtout de Seine-et-Marne)
et.de nos départements de l'Est, ont pris part aux
travaux de l'Association.
Ces travaux se sont trouvés grandement facilités
par le soin qu'avaient pris les organisateurs du
congrès de demander aux adhérents des mémoires
sur les principaux sujets qui intéressent l’ensei-
gnement populaire. Classés sous quatre chefs
- (Cours d'adultes, Conférences populaires, Ensei-
- gnement par l'aspect, Patronages scolaires), ces
+ mémoires ont fait l'objet de quatre Rapports des-
linés à les résumer.et à synthétiser les vœux que
les différents auteurs s’accordaient à exprimer.
. Ces Rapports ont élé ensuite soumis au Congrès ;
s ils y ont suscité d’ardentes discussions. On con-
. coit qu'en une première réunion l'assemblée n’ait
— pu se metlre d'accord sur tous les points, et il
- conviendra de laisser mürir, avant de les
juger d’une facon définilive, certaines des idées
émises avec plus ou moins de circonspection au
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
e
cours des débats. De nouvelles assises seront né-
cessaires pour reprendre utilement l'examen des
diverses proposilions mises aux voix parle Bureau. :
Aussi est-ce moins sur des vœux, formulés peut-
être d’une façon un peu hâtive, que sur les ques-
lions soumises à la discussion qu'il importe au-
jourd'hui d'attirer l’attention. — Voici parmi les
questions agitées, les principales :
4. — La loi du 28 mars 1882 sur l'obligation scolaire
doit-elle être complétée par certaines dispositions rela-
tives à la fréquentation obligatoire des cours d'adultes?
2. — Doit-on demander à l'Etat l’organisation d’un
examen des recrues militaires fait au point de vue de
leur instruction primaire, et assurant aux soldats les
plus instruits, aux diplômés de l'Enseignement popu-
laire, certaines prérogatives?
3. — Y a-t-il lieu d’obliger les Conseils municipaux
à laisser les instituteurs ouvrir, dans les écoles, et en
dehors des classes réglementaires, des cours d'adultes”?
4. — Doit-on désirer que plusieurs des délégués des
Sociétés d'enseignement populaire, reconnues d'utilité
publique, fassent partie de droit du Conseil supérieur
de l'Instruction publique?
6. — La création d’un Certificat de capacité électorale,
délivré aux adultes après un examen, serait-elle de
nature à servir la fréquentation des cours du soir?
7.— Qu'une circulaire de M. le Ministre de l’Instruction
publique invite MM. les Inspecteurs d'Académie à faire
organiser par les instituteurs, dans toutes les com-
munes, des conférences publiques à raison d’une par
quinzaine ou par semaine, invite les maires à prêter
dans ce but les salles de mairie aux instituteurs.
9. — Qu'il soit imprimé par l’Imprimerie Nationale
une encyclopédie populaire, destinée à fournir aux
instituteurs la substance de leurs conférences,
10. — Qu'on fasse des conférences commerciales et
industrielles.
11, — Que les illettrés ne soient pas inscrits sur les
listes électorales.
17
de ce qu'elle élait autrefois et notamment beau-
198 . L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE
ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION
EN FRANCE
[. — SITUATION DE LA VITICULTURE
La viliculture française a subi, du fait du phyl-
loxera, une effroyable erise. La perte complète
d’un vignoble, le plus important du monde, el sa
reconstilulion sur un pied, sinon égal, lendant du
moins à le devenir à brève échéance, lels sont les
deux faits dominants de l'histoire de la viticulture
en France pendant la dernière moilié du siècle.
Actuellement de nouvelles souches couvrent le
sol, c'est vrai, mais tout est changé, Aux méthodes:
de eulture très simples d'autrefois ont succédé des
procédés beaucoup plus complexes.
La nécessité impérieuse d'annihiler l'effet dis-
traclif du phylloxera impose en effet : soit l'adop-
Lion de plants qui ne meurent pas de ses attaques,
tels les plants américains; soit l'établissement de
vignes francaises dans des sols réfractaires par
nature au développement de l'insecle, tels les sa-
bles ; soil encore, dans les terrains qui s’y prêtent,
l'adoption de pratiques luant périodiquement le
parasite, lelle Ja submersion hivernale, D'une
facon très générale, la première de ces méthodes
a servi à la reconstitution du vignoble français,
mais nombreuses sont les difficultés contre les-
quelles se sont heurtés les viliculteurs. La substi-
Lution de la vigne américaine à la vigne francaise,
préconisée par nombre de savants, en tête des-
quels il faut nommer Planchon, ne fut pas aussi
simple qu'elle le semble. Tous les cépages améri-
cains ne présentent pas une égale résistance au
phylloxera; cerlains même ne résistent pas plus
que la vigne française, el l'engouement qui äccom-
pagne invariablement loule nouveauté en France
devait amener bien des insuecès, bien des déboires,
après lesquels beaucoup de viticulteurs se lrou-
vaient sans force et souvent, hélas! sans argent
pour tenter une nouvelle reconstilulion sur des
bases plus solides.
Les vignes américaines, essayées tout d'abord
comme producteurs directs, n’ont fourni que des
différents, tellement
comme qualité el comme quantilé, à nos bons vins
semblait une
vins tellement inférieurs,
de France, que recourir à elles
ulopie. Le greflage de bois français sur souches
américaines nous à rendu nos vins, jeunes encore,
il est vrai, mais possédant toutes les qualités des
vins jeunes d'autrefois.
La culture de la vigne est redevenue possible en
France, mais elle est aussi radicalement différente
coup plus coûteuse.
Plus robuste au point de vue du phylloxera, la
vigne américaine se montre plus diflicile que la
vigne française en ce qui concerne le sol. Certains
cépages, et ce sont malheureusement des meil-
leurs comme résistance, vivent mal ou ne vivent
pas du tout dans des sols où la vigne francaise
élait autrefois très prospère. Il y a là une difliculté
d'adaptation du cépage au sol qui a causé bien des
mécomples. Aujourd'hui une connaissance plus
complète des cépages américains et des conditions
de leur vitalité, la découverte de l’action très spé-
ciale des sels de fer qui atténuent ce défaut d'a-
daptalion, mettent la viticulture à l'abri de nou-
veaux mécomptes. J
La silualion du vigneron est cependant lrès
dure. Les frais annuels de culture de l'unité de
surface sont singulièrement augmentés, qu'il s'a-
gisse d'ailleurs de ceps américains, producteurs
directs ou greffés, de vignes francaises en sables,
ou soumises à la submersion hivernale, ou même
d'anciennes souches défendues contre le phyl-
loxéra à grand renfort de sulfure de carbone.
Des maladies cryptogamiques, inconnues aulre-
fois ou n’exercant qu'une action très limitée, sont
venues s’adjoindre à l’oïdium; toutes nécessitent
un traitement spécial, partant, des frais de main-
d'œuvre, de remèdes, d'appareils pour les appli
quer, bref, un ensemble de charges qui élèvent en
moyenne à mille franes les frais actuels de la cul
ture d'un hectare de vigne, dans les régions qui
fournissent les vins de grande consommalion,
c'est-à-dire les vins payés à très bas prix au pro-
ducteur. ;
Les rendements ne sont pas d’ailleurs, dans la
grande majorité des cas, assez élevés pour com-
penser le bas prix des vins. On à beaucoup de Len-.
dance dans le nord de la France à attribuer des.
rendements fantastiques aux vignobles méridio-
naux. Dans le département de l'Hérault, il atteint
à peine en moyenne 40 hectolitres; il y a loin, on
-le voit, de ce chiffre aux 200, 250 et même 300 que
nombre de personnes, peu au courant de la viti=
culture méridionale, lui accordent très généreuse=,
ment.
La culture de la vigne est possible en France
dans loute la partie du territoire comprise au sud.
d'une ligne parlant de Saint-Nazaire, passant par
Paris et allant rejoindre la frontière belge aux en-.
ons de Givet; mais, tandis que celte culture
occupe guère que des coteaux à partir de la
vallée du Rhône, elle se fait en plaine dans toute
a région méridionale, notamment sur le littoral
éditerranéen. La viticulture n'est vraiment la
ulture dominante que dans cette dernière région
le Bordelais. Les départements des Pyrénées-
ientales, de l'Aude, de l'Hérault et du Gard four-
199
mum de rendement ; les cépages de qualité entrent
pour une proportion bien plus forte dans les nou-
velles plantalions que dans les anciennes, compo-
sées surtout de cépages à grand rendement; enfin,
certains cépages américains n'ont pas pour le
greffon qu'ils portent une affinité parfaite, et la
conséquence de ce défaut d’affinité se traduit par
| une moindre fécondité,
crise phylloxéri-
que a produit le
plus de ruines.
C'est aussi celle qui s’est relevée le plus prompte-
ment et le plus largement. Un simple coup d’œil
Sur les diagrammes ci-joints (fig. 1) montre à la
Lois l’étendue du désastre et l’activité prodigieuse
des viticulteurs. J
On remarquera dans ces diagrammes une diffé-
rence très notable entre la production moyenne
d'autrefois et celle d’aujourd'hui, par unité de
surface plantée. Cette disproportion tient à lrois
tauses : le vignoble, jeune encore pour une no-
able partie, n’est pas encore arrivé à son maxi-
| REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
|
|
Fig. 4. — Diagramme montrant, pendant Les 25 dernières années, d’une part la
L=] 4 ?
* production du vin, d'autre part la surface plantée en vignes française el amé-
ricaine, dans le déparlement de l'Hérault.
à eux L'étude que
euls, plus du [1 : T l nous allons faire
iers de ja pro- 15.000.000 | — del’étatactuelde
duction Lotale, TT la vinificalion
Celte portion du s’appliquera sur-
vignoblefrançais 3 (out aux pays
st, de ce fait, la ÈS [0.000.800 qui fournissent
première intéres- 8 les vins de gran-
sée à toutes les $ de consomma-
questions de vi- À | tion, les vins du
nification; aussi 5.000 000 A | Midi, si peu con-
est-ce là que se - [j, nus malgré leur
trouvent nom - ER TAN] En | | abondance !,.
breuses les ins- | F | | Es s |! 1} Cest là seule-
tallations vinico- 2970 | F1 ment, en effet,
les perfection - que celte élude
nées. | peut présenter
-Le départe - Et de l'intérèt. Les
ment de l’Hé- . pays à vins fins
rault,dontla pro- vinifient depuis
duction a atteint tel A A A des siècles sui-
_ autrefois E3B) up p Le [ [TJ | | | vant des règles
15.000.000 d'hec- 1001900 el |__|} | immuables, fort
tolitres, qui pro- È - T æ| | À ne bonnesd’ailleurs
duit actuelle - EE Ed FLN T1. pour traiter des
ment environ la Ÿ Pal ET ITS | | | | masses relative-
moitié de ce chif- ee | | EE L SRE Le ment peu consi-
fre, tient, sans | - Ft LE à ES A | = - dérables de r'ai-
contredit, le pre- F TT] Ï oh pale Ed Lao fs] - sins. Le prix de
mier rang parmi | Miele [Es SE Bi 2 1 ER | fabrication d’un
les départements 200 000 ] si) Bal 2! L | A LS LEA certes hectolitre de vin
vilicoles. C’est la | : 3i | Les Eur || peutètre plus ou
portion du sol ES El Î is . + + + moins élevé de
français où la A Obertn. Gr. Pa j 7 quelques centi-
mes, cela n’in-
fÎlue pas beau-
coup sur le re-
venu lotal. Il en est de mème dans les pays qui,
tout en ne faisant que des vins communs, en fonl
assez peu pour qu'ils se consomment sur place:
Dans la région méridionale, c’est autre chose.
Les frais culturaux sont considérables, les rende-
1 Le consommateur croit volontiers que les vins du Midi
sont épais, chargés en couleur ct en alcool, imbuvables en
nature. Rien n’est moins vrai; ils sont, au contraire, fruités,
légers, très agréables au palais et constituent d'excellent vin
de table sans mélange aucun. Il serait très désirable de rec-
tifier cette opinion erronée, bonne pour les gros vins d'Es-
pagne, non pour les nôtres.
800
ments beaucoup moindres, je l’ai dit, que ne le
croient les personnes peu versées dans ces ques-
lions spéciales. L'industrie de l'alcool ne permet
plus d'espérer un bénéfice de la distillation des
vins, il faut donc faire des vins de bonne tenue et
à bon marché. Pour en arriver là, on rogne de tous
côtés pour réduire au strict minimum le prix de
revient de la fabrication, et c'est dans ces écono-
mies forcées qu'il faut voir la raison de la trans-
formation de l'outillage et de la substitution de la
mécanique à la main de l’homme dans les grandes
caves actuelles. — J’examinerai, dans cette étude, la
vinificalion en blanc et en rouge, je décrirai l’ou-
üillage actuel des celliers et j'en montrerai l'appli-
cation dans quelques grandes exploitations créées
récemment dans la région méditerranéenne, la ré-
gion des vins de grande consommation.
II.
Le phénomène dominant de la vinification ou
{ransformation dû raisin en vin est la fermentation,
caractérisée par la disparilion du sucre et l'appa-
rition de l'alcool. Étudier en détail la fermentation
vinique serait sortir du cadre de cet article. Je me
borne à rappeler que la fermentation vinique est
l'œuvre d'un organisme vivant, Saccharomyces ellip-
soïdeus, qui se rencontre naturellement surle raisin
à maturité.
Comme tout être vivant, celui qui nous occupe
travaille mal où bien suivant les conditions dans
lesquelles il se trouve placé.
Ces condilions optima,
d'hui des viticulteurs, sont :
1° Une aération abondante de la vendange avant
le départ de la fermentalion pour favoriser la pro-
lifération du ferment. Elle s’oblient plus ou moins
parfaitement pendant le foulage.
2 Une tempéralure comprise entre 25 -elt 30°,
pour les vins rouges au moins. On emploie, pour
réaliser celle condition, différents moyens.
3° Un milieu d’un litre acide convenable, qu’on
véalise le plus souvent dans le Midi par des ven-
danges hätives.
° Une aération ménagée de la masse pour ré-
veiller une fermentation paresseuse, et qu'on ob-
lient par un soulirage du moût au bas de la cuve,
faisant traverser l'air au jet avant de le ramener à
la partie supérieure du récipient.
J'ajouterai, enfin, qu'une propreté scrupuleuse
est la règle dans tous les celliers des propriétaires”
soucieux de
— FERMENTATION VINIQUE
bien connues aujour-
faire des vins de bonne tenue.
La généralisation de ces soins de propreté est
peut-être le plus puissant facteur de
tion des vins,
la conserva-
bien plus sûre aujourd'hui, quoi
qu'on puisse en penser, qu’elle ne l'était autre-
fois,
dont le résultat est une augmentalion très consi-
PAPA TS DETTES ete ET
74 FH ru
L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE
Les procédés de transformation du raisin en vin. L
varient à l'infini dansles détails, suivant qu'il s agit. 1
de telle ou telle région, quoique dans les grandes
lignes ils restent loujours les mêmes. Ils varient
encore suivant le type de vin à produire, et, en ce
qui concerne les vins de liqueur, beaucoup sont
du domaine de la cuisine ou de la confiserie plutôt.
que de la vinificalion, qui comporte toujours la
fermentation. Nous ne nous occuperons que de
ceux qui se rapportent aux vins courants, et l’on.
peut, en envisageant seulement ce côté de la’
question, diviser la vinifieation en deux sortes
principales : la vinificalion ex blanc el en rouge.
Quel que soit le produit visé, il est des opéra-
tions, — telles que le foulage ou broyage des raisins
et le pressurage, — qui sont communes à toutes
les vinificalions.
$
1. — Vinification en blanc.
Elle s'opère en partant, soit de raisins blancs,
soil, moins communément, de raisins rouges à
ne incolore.
Dans les deux casles raisins sont d’abord brovés,
égouttés, puis soumis à un pressurage immédiat,
après lequel le moûtl oblenu est entonné et Ds
donné à la fermentation spontanée. Je reviendrai»
plus loin sur les conditions qu'on cherche à réaliser
pour obtenir de bonnes fermentalions.
Les conditions de la récolle du raisin varient
avec les pays: quelquefois, comme dansla région
de Sauterne ou du Rhin, on dépasse volontaire-.
ment la maturité De laissant les fruits sur
souche jusqu'à ce qu’ils soient envahis par une.
moisissure spéciale, Botrylis cinerea où pourriture
noble. Je n’ai pas à examiner ici l’action de cette
moisissure : je me borne à indiquer le procédé,
dérable de la richesse du moût en sucre.
Dans les régions à vins fins, celles que je viens
de citer entre autres, la fermentation s'opère
dans des fûts de faible capacité, le plus souvent
dans des barriques ordinaires; celle fermentation,
souvent très lente, est suivie de nombreux souli-
rages qui débarrassent le liquide de toutes les
impuretés en suspension, et fournissent enfin le
vin brillant qui séduit l'œil avant le palais.
Dans les autres régions, la région méditer-
ranéenne notamment, la fermentalion s'opère
dans des récipients de grande capacité. Les moûts.
y sont quelquefois envoyés sans antre manipula-
tion; mais le plus souventils n’y arrivent qu'après
un débourbage, c'est à-dire une séparalion des
grosses impurelés, qui s’oblient de la facon sui-
vante : On retarde le départ de la fermentation de
18 ou 20 heures par l'emploi ménagé de l'acide
sulfureux provenant de la combustion du soufre à
‘air. Le moût chargé d'acide sulfureux en faible
quantité (3 à 5 centigrammes par litre) est aban-
donné pendant quelques heures, au bout desquelles
un soutirage le sépare de sa grosse lie; c’est ainsi
-débourbé qu'on l'envoie dans les récipients de fer-
mentation. Dans le Midi ce sont des foudres de
“contenance variable, mais très fréquemment de
200 à 300 hectolitres de capacité. La fermentation
établit immédiatement après l’entonnage, si
lacide sulfureux n’a pas été trop abondamment
employé. Le débourbage des moûts est une opéra-
ion très recommandable à tous- égards; le vin
btenu présente plus de finesse, son dépouillement
est aussi plus rapide. — S'il s’agit de vinifier en
blanc des raisins rouges, la chose est un peu plus
complexe. Il est bien entendu qu'il ne faut pas
songer à vinifier de la sorte des cépages à jus
coloré, tels que le Teinturier ou les divershybrides
-Bouschet; mais, même avec des raisins rouges à
‘jus incolore, ondoit prendre de grandes précau-
Lions pour ne pas dissoudre de matière cclorante.
Il ya, pour arriver à ce résultat, deux conditions
. indispensables : il faut une très grande rapidité
- de manipulation pour éviter tout commencement
- de fermentation pendant les opérations de foulage
el de pressurage, et il faut encore éviter de désor-
…saniser les pellicules des raisins par un foulage
trop complet.
En réalisantces deux condilions, on fera toujours
‘du vin très blanc; mais il y a aussi la contre-partie :
e rendement sera faible. Il est préférable, à mon
avis, d'oblenir moins et plus beau en blanc, quitte
“à faire cuver avec d’autres raisins rouges les
$ moûls non épuisés pour blanc.
Le débourbage des mots de raisins rouges
vinifiés en blanc présente une double importance.
Quelles que que soient les précautions prises, les
moûls entrainent toujours quelques fragments de
pellicules, souvent très petits, suffisants cepen-
“dant pour donner une teinte rose à la masse, la
“'ermentation une fois terminée: le débourbage
assure donc ici non seulement la finesse, mais
encore la non-coloration par la séparation de ces
fragments de pellicules. J'ai établi son action très
réelle dans ce sens par quelques expériences !.
J'ajouterai que si, malgré toutes les précautions
rises, le vin possède une très légère teinte rose à
“peine appréciable, on parvient à l'en priver par la
pratique courante usitée pour les vins blancs : le
“outirage dans un récipient #éché, c'est-à-dire plein
d'un mélange de gaz sulfureux et d'air. Il existe
bien d’autres moyens capables même de décolorer
“entièrement des vins rouges faibles, mais ils sont
du ressort du tripotage et je n’en veux pas parler.
Î
À
! Revue internationale de Vilicullure el d'OŒnologie, 1894.
L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFIGATION EN FRANCE
ADN
Dr
801
S 2. — Vinification en rouge.
La fabrication des vins rouges diffère essentielle-
ment de celle des vins blancs, en ce que, pour cette
dernière, on s’altache à séparer les organes solides
du fruit avant tout départ de fermentation, tandis
pour la première, c’est en présence de tout ou
partie de ces organes solides que le phénomène
s'accomplit.
Comme pour la vinification en blanc, la pre-
mière opération que subit le raisin vinifié en
rouse, c’esl le foulage. Quelques viticulteurs s’af-
franchissent de celle manipulation, surtout lors-
qu'il s’agit de raisins à pellicule très mince; mais,
s'il n’ya pas foulage à proprement parler, en réalité
une partie très nolable des grains sont écrasés :
cela suffit à déterminer le départ de la fermenta-
tion, et l’élévalion de température qui en est la
conséquence faitéclaterles grains restés indemnes,
Cette manière d'opérer, bien que plus simple, est
cependant peu suivie. Les résultats obtenus ne
paraissent pas valoir ceux qui suivent un bon
foulage et j'ai remarqué personnellement que les
vins de presse qui proviennent de (elles vendanges
contiennent loujours du sucre.
Après le foulage, la vendange est soit entonnée
telle quelle, soit soumise à l'égrappage. On trouvera
plus loin la description des appareils d'égrappage :
je me borne à dire ici que ce procédé n'est adopté
que par un petit nombre de viticulteurs dans les
pays producteurs de vin de grande consommation.
La fermentalion a lieu soit dans des cuves
ouvertes en pierre ou bois, soit dans des récipients
faiblement ouverts, cuves ou foudres.
La capacité des récipients et leurnature varient
beaucoup suivant les pays. Tandis que les viticul-
teurs producteurs de vins fins font cuver dans des
récipients de faible dimension, ceux des pays
méridionaux utilisent fréquemment des cuves en
maconnerie cimentée ou à revêtement de verre, ou
des foudres de très grande capacité, allant jusqu'à
600 hectolitres.
Au moment de l’entonnage, la masse est homo-
gène; mais, dès que la fermentation commence
des bulles d'acide carbonique se logent dans les
cavités des pellicules, diminuent ainsi très nota-
blement la densité, de sorte que tout lemarc ne
tarde pas à remonter et flotte véritablement sur
la nappe liquide. Le marc ainsi aggloméré forme
le chapeau. 1 faut absolument éviter le contact de
ce chapeau avec l’air pur ou mélangé d’acide car-
bonique, contact qui amènerait à la surface le dé-
veloppement de nombreuses moisissures et orga-
nismes, au nombre desquels il faut placer le #7yco-
derma aceti. I est donc nécessaire soit de réduire
suffisamment l'ouverture des récipients pour que le
802
L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE
gaz carbonique, qui ne peut dès lors être balayé au
fur et à mesure de sa production, surmonte seul le
chapeau, soit d'empêcher le marc de remonter au
moyen de claies, de filets ou de tout autre artifice.
Ces dernières fermentalions, dites à chapeau sub-
mergé, sont recommandables à tous égards; les
principes solubles contenus dans le marc passent
plus facilement dans le vin, lui donnent plus de
vigueur sans lui imprimer de défauts, si les cuvai-
sons ne sontpas trop prolongées. La durée de la
cuvaison varie de 3 à 10 jours dans la majorité
des cas. Les vins dits de macération cuvent beau-
coup plus longtemps, mais leur äpreté toute part-
culière s'oppose à leur ulilisalion immédiate,
Quand on juge la cuvaison suffisante, on soulire
le vin dit degoutle, elles mares soumis au pressurage
fournissentles vins dits de presse. À la sortie du pres-
soir les marcs sont ordinairement ulilisés pour
alcool, soit en les distillant directement, — ils
fournissent alors l’eau-de-vie de mure, très estimée
dans plusieurs régions, — soit, ce qui vaut mieux,
en leur faisant subir un lavage méthodique qui
fournit une piguette, d'où la distillalion retire un
alcool franc de goût. Le résidu, enfin, constitue
soil un engrais, soit un produil d'alimentation très
bien accepté par divers animaux, notamment le
mouton.
III. — OUTILLAGE DES CELLIERS
L'oulillage des celliers n’est pas très complexe;
il se compose :
1° D’appareils broyeurs du raisin : fouloirs:
2° D’appareils de séparation ou d'extraction :
égrappoirs, pressoirs ;
3° De récipients de fermentation el de conserve;
4° De pompes et conduites de circulation.
$ 1. — Fouloirs
Un bon appareil broyeur du raisin doit réaliser
deux conditions : ne laisser intact aucun grain de
raisin, et n'allérer ni les rafles ni les pépins;
l’écrasement de ces éléments permettrait la disso-
lution dans le vin de principes de nalure à en at-
ténuer la qualité.
Le fouloir à pieds d'homme, une grande auge en
bois dans laquelle on piétine le raisin, très ana-
logue à un vasie pélrin, était autrefois presque
universellement adopté. Il l'est encore aujourd'hui
dans quelques petites exploitations. Le foulage à
pieds d'homme est excellent, il permet une abon-
dante aération de la vendange, et c’est une condi-
tion très favorable à un bon départ de la fermenta-
lion. Les rafles et les pépins sont inaltérés; mais si
on veut broyer tous les grains, il esl très long et,
par suile, peu économique. Celle méthode pré-
sente. en outre, un caraelère un peu répugnant,
._ fait satisfaisante.
puisqu'il s'agit de la fabrication d'une boisson:
aussi tend-il, malgré ses qualités, à disparaitren
des caves modernes, où l'antique pétrin de nos
pères ne se verra bientôt plus.
L'appareil broyeur le plus généralement adopté
est le fouloir à cylindres. Il se compose essentiel-"
lement de deux cylindres à axes horizontaux et
parallèles, tournant en sens inverse l’un de l’autre
el porlant des cannelures à leur surface.
Le plus courant comporte deux cylindres : l’un
cannelé parallèlement à l'axe, l’autre dont les
cannelures sont hélicoïdales. L'écartement des
cylindres est réglé avec soin. Trop faible, le fou-
loir fournit peu de travail et prend beaucoup de
force; avec un écartement exagéré, le loulage est
insuflisant.
Les cylindres sont animés d’une vitesse de rola- *
tion différente, dans le rapport de 1 à 3, le cylindre
à cannelures hélicoïdales tournant le plus vite. Ils
sont mus soit par la main de l'homme, soit méca- .
niquement, el fournissent d’ailleurs un travail
d'autant plus parfait que leur alimentation est »
plus régulière. Les fouloirs à cylindres mus à …
bras d'homme sont presque toujours mobiles el
se placent sur l’ouverture mème du récipient à
remplir. Dans ces conditions, l’aération de la ven- «
dange est imparfaite, le contact de la vendange -
foulée avec l’air ambiant étant à peu près nul.
Un gros inconvénient des fouloirs à cylindres ré-
side en ce fait que l’introduction accidentelle d'un
corps äur, une pince, par exemple, dans la ven-
dange peut amener la rupture de l’un des deux
cyiindres. On a cherché par divers dispositifs à
atténuer ce grave défaut, mais on ne peut pas dire
que l'on ait tourné la difficulté d’une façon toul à
La manœuvre d'un fouloir à cylindres est pé-
nible, les hommes qui l’actionnent doivent être
fréquemment relevés; mais c’est là un inconvé-
nient inhérent à la nalure du travail à faire. Un
fouloir aclionné par quatre hommes se remplaçant
ne peut guère fournir plus de 3.000 kil. de ven-
dange foulée à l'heure. Le rendement en jus, qui,
pour un cépage donné, est fonction de la perfec-
tion du foulage, est assez faible avec le fouloir
simple à deux cylindres.
Ce n’est là un défaut que s’il s’agit de vinifica-
tion, surtout de vinificalion en blanc de raisins
rouges. Si la vendange passe successivement à …
travers deux fouloirs simples, ou mieux dans un |
fouloir à quatre cylindres superposés deux à deux.
le rendement en jus s'améliore notablement,
Les appareils broyeurs à eylindres sont, en y
somme, de bons instruments qui resteront long- »
temps encore les plus pratiques pour la petite et li
moyenne propriété.
Ahdbvatirintln 8 Rd ithes 4e
sic dette
LC she) fine sé EE - M 2e CA LL 24
L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 803
ginal en ce qu'il est fondé sur un principe non
ppliqué en viniticalion jusqu'ici, est l’appareil
4 porn turbine aëro-foulante par son inventeur,
| Bien qu'à TE agé de trois ans, ce fouloir a déjà
ri reçu de son inventeur quelques none de
détail. Je donne ici (fig. 2 et 3 le croquis des derniers
modèles de cet appareil, et je veux tout de suite em-
prunter au rapporieur de la Section des Appareils
au Congrès international vilicole de Montpellier, la
description à la fois très simple et très claire qu'il
donne de la turbine aéro-foulante.
- Fig. 2. — Schéma de la turbine aéro-foulante. — À, Cylindre
fixe; B, Disque horizontal, faisant 250 tours à la minute
environ, portant des saillies qui projettent le raisin
contre À; C, Croisillon soutenant l’axe de B
Voici en quels termes le décrit Le Rapport:
« Contentons-nous de rappeler que l’écrasage du
« grain, l’égrappage et la libération du moût sont ob-
“ tenus en projetant le raisin par la force centrifuge
« contre les parois cylindriques fixes de la turbine. De
« cette façon et avec une vitesse de rotation convena-
« blement déterminée, on est sûr de la désorganisa-
« lion de tous les grains, et on est, chose très impor-
« tante, certain que soit les grappes, soit les pépins,
« sont restés absolument intacts, puisqu'il faudrait,
« pour entamer les tissus qui les constituent, une vi-
« tesse incomparablement plus considérable.
« C’est le point original et important de l'invention
« de cet appareil, cette sélection parfaite entre la ma-
« Lière qu'il faut broyer et celle dont le broyage est
non seulement inutile, mais nuisible. »
J'ajouterai à ces avantages si nettement exposés
celui qui résulte d’une aération parfaite de la ven-
dange. Le moût sortant de la turbine est une véri-
lable émulsion d'air.
Je n'ai pas personnellement déterminé cette
quantité d'air ainsi émulsionné, mais il résulte de
notes publiées par l'inventeur qu'elle alteindrait
> °/, en volume.
Ce sont là, évidemment, des conditions tout
particulièrement favorables pour préparer un bon
départ de la fermentation.
L'ensemble des qualités de cet appareil de foulage
vraiment original justifie le succès non encore
démenti qui l’a accueilli dès son apparilion.
La turbine aéro-foulante est mue mécanique-
ment pour les grands modèles, à l’aide d’un ma-
nège ou à bras d'homme pour les modèles réduits.
Le travail qu’elle peut fournir est considérable.
Dans les premières expériences effectuées, la tur-
bine a broyé journellement plus de 250 tonnes de
raisins. Elle avait un diamètre de 1 m. 40. Le
disque horizontal tournait à 250 tours par minute,
et cette vitesse n'a jamais eu besoin d'être dé-
passée. On se rend aisément compte d'ailleurs
qu'avec celle marche la vitesse tangentielle est
largement suffisante pour assurer la désorganisa-
lion parfaite de tous les grains.
$ 2. — Égrappoirs
Ce sont des appareils essentiellement composés
d’un axe hérissé de tiges disposées autour de lui
en hélice, qui tourne dans un cylindre horizontal
formé dans sa moilié inférieure d'une tôle perforée
de trous assez grands pour laisser passer les grains
broyés, mais non les rafles. Du fouloir la vendange
passe dans l’égrappair; la disposition en hélice
des tiges opère le transport des rafles, qui sont re-
jetées, tandis que le jus et les pulpes sont con-
duits par une gouttière dans les cuves de fermen-
tation.
L'utilisation des appareils d'égrappage est très
restreinte. La valeur de cette méthode de vinifica-
tion n’est pas, en effet, bien netlement établie:
beaucoup pensent, et je suis du nombre, que, si
l’égrappage imprime au vin cerlaines qualités, il
ne laisse pas d’avoir quelques défauts. Au reste,
cette méthode ne présente pas la même utilité
avec tous les cépages, el je pense personnellement
que les vins de la région méridionale n’en tirent
aucune amélioration sensible.
L'égrappoir est très généralement annexé à un
fouloir, qui porte alors le nom de fouloir-égrappoir.
M. Paul a réalisé avec sa turbine un fouloir-
égrappoir dont je donne un croquis (fig. 3), et qui
présente cette particularité d’être successivement,
à l’aide d'une manœuvre (rès simple, fouloir seule-
ment, fouloir-extracteur de moût ou fouloir-égrap-
poir.
Au-dessous de la turbine esl disposé un cylindre
dont l'axe, hérissé de tiges en hélice, constitue un
transporteur. La moitié inférieure de ce cylindre
est mobile et peut être enlevée à la façon d’un ti-
roir. Pour le foulage simp'e, ce tiroir est en tôle
pleine: pour l'extraction du moût, il est en tôle
perforée de trous assez petits pour que les pépins
même n’y passent pas; enfin, pour l'égrappage, il
est en tôle perforée de trous d’un diamètre assez
fort pour laisser passer pulpe, pépins et pellicules,
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L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE
805
_ J'ajouterai qu’il s'agit là d’un appareil qui ab-
. sorbe assez de force et qui ne me semble pas pou-
. voir être actionné à bras d'hommes.
$ 3. — Pressoirs discontinus
_ Quand la fermentation est terminée, on procède
… au soulirage du vin, c’est-à-dire qu'on sépare des
parties solides du fruit tout le vin qui s’en peut
écouler spontanément. On obtient ainsi le vin dit
“de goutte. Le marc, qui forme une partie plus ou
moins considérable de la masse totale suivant le
cépage employé, retient après l'égouttage environ
90 °/, de son po‘ds. Le pressurage a pour effet de
- forcer l'écoulement d’une bonne partie de ce vin.
Le pressoir est donc un instrument d’une très
. grande importance:
À l'origine, des planches el quelques grosses
i pierres constituaient les pressoirs; mais on n'oble-
… nait ainsi qu'une pression par trop insuflisante.
- C'est sous forme de pressoir que la Mécanique
- s'est introduite déjà depuis des siècles dans les
. celliers, el le type ancien, avec quelques modifiea-
tions de détail, est encore de nos jours le plus
usité. ,
Le pressoir actuel se compose essentiellement
d’une vis verticale fixée sur un plan horizontal,
mai, et le long de laquelle se meut un écrou qui
constitue l'appareil de serrage. Le marc à presser
est étendu sous une épaisseur variable sur la maie
. autour de ia vis; parfois il est soutenu latéralement
par une claie à claire-voie; on le surmonte d’un
couvercle, chapeau, et d’un certain nombre de pièces
de bois, madriers ou poutres, /« charge, qui transmet
à la masse la pression oblenue par le serrage de
l’écrou.
Le serrage s’oblient au moyen de leviers de
différentes formes; les uns sont actionnés tou-
jours dans le même sens; les autres, et ce sont les
plus usités, sont allernativement actionnés dans
un sens et dans l’autre, mais agissent toujours
. dans le même sens sur l’écrou, grâce à un rochet
qui renverse le mouvement. La maie est en bois,
en métal (fer), ou en ciment. Celles en bois se-
raient excellentes, si l’étanchéité était facile à
obtenir; celles en fer sont très bonnes, mais il faut
garantir le métal par un enduit protecteur quel-
conque pour éviter de mauvais goûts: celles en
ciment bien établies sur béton sont parfaites et
pour ainsi dire inusables.
La charge d’un pressoir doit toujours présenter
une certaine élasticité.
La charge constitue, en effet, une sorte d’aceu-
mulateur de pression. Si l’on pressait du mare de
raisin surmonté d’une charge non élastique, une
fois arrivé à la limite de serrage que comporte
l'appareil, il faudrait continuer sans interruption
à l’actionner pour obtenir un bon rendement. Avec
une charge élastique, l'appareil peut être aban-
donné à lui-même, la pression se continue, resti-
tuée par l’élasticité de la charge, et le temps pen-
dant lequel l'appareil peut être ainsi abandonné
est proportionnel à la déformation subie par la
charge sous l'influence de la pression, Les pres-
soirs à charge en bois sont supérieurs sous ce
rapport à ceux dont la charge est en fer.
L'adjonction, entre un chapeau non élastique et
l'écrou, de ressorts d'une grande énergie, idée qui
appartient à M. l'ingénieur Crassous', constitue un
perfectionnement remarquable des pressoirs (fig. 4
et 5).
Le chapeau et l’écrou remontent d’un même
mouvement et redescendent de même; c’est là déjà
une simplification très notable de la manœuvre;
mais où l'avantage devient plus appréciable en-
core, c’est dans le jeu des ressorts. Ces ressorts
sont du type de ceux usités dans les tampons des
locomotives de chemins de fer; leur résistance à
l’affaissement est nominalement de 20.000 kil. et
leur course de 14 à 15 centimètres. Ils affectent
une forme que donne très bien la figure 4. Ils
s’affaissent sous la pression el continuent à faire
descendre le chapeau de toute la hauteur qu'ils
avaient primitivement quand on abandonne le
serrage Cette course, comme je l'ai dit, est voi-
sine de 1% à 15 centimètres, et cela représente un
temps assez long pour que les ouvriers du cellier
‘puissent vaquer utilement à d’autres besognes.
En effet, tandis qu'un pressoir ordinaire à charge
en fer ou bois nécessite un supplément de serrage,
un quart d'heure au minimum après qu'il a été
abandonné, — le pressoir à ressorts accumulateurs
de pression continue à travailler de lui-même pen-
dant quatre à six heures suivantle degré duserrage.
Le nombre des ressorts est variable avec la sur-
face des pressoirs, et cette surface est elle-même
fort différente suivant la pression qu’on se propose
d'obtenir. En général, on retaille une charge de
marc sur ses bords et sur une largeur de 30 ou
40 centimètres suivant les cas. Le marc ainsi re-
taillé est rejelé sur le gàteau restant, et on reprend
le serrage. La pression en valeur absolue reste la
même; mais, comme elle est alors distribuée sur
une surface bien plus faible, la pression par unité
de surface est beaucoup plus considérable,
On s’est beaucoup trop préoccupé, d’après l'o-
pinion de nombre de spécialistes, d'obtenir des
pressions énergiques. Le rendement en jus d'une
quantité donnée de mare est, en effet, fonetion de
deux facteurs : de la pression et du temps pendant
lequel celte pression s'exerce. Or, le second de ces
! Cette idée a été mise en pratique par M. Paul, qui cons-
truit couramment ces pressoirs.
806
facteurs ne peut en aucun cas être remplacé par le
premier. Il vaut mieux laisser plus longtemps du
marc sous le pressoir en le soumettant à une pres-
sion modérée que de le soumettre pendant un temps
plus court à une pression beaucoup plus éner-
gique.
Le type usité (pressoir à ressorts accumulateurs
de pression) dans la cave de M. Eug. Thomas, au
château de Poussan-le-Haut près de Béziers, com-
porte une maie de trois mètres de diamètre (fig. 5).
On y dispose couramment le mare d’un foudre de
120 hectolilres ,
mais il n’a pas
EL, ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE
avec cette quan-
lité sa charge
tains celliers, des pressoirs mobiles sur deux
rails dans l'allée centrale, pouvant, par suite, se.
placer successivement devant toutes les cuves à
décharger ; il résulte de cette disposition un
état de malpropreté général très difficile, sinon
impossible à éviter, el c’est là un inconvénient
capital. De. plus, la mobilité entraine avec elle
une légèrelé relative qui rend ces instruments
moins solides, plus sujets à quelque accident
toujours difficile à réparer en temps de ven-
dange.
$ 4. — Pressoirs
continus
Le pressurage
complète. On y
pourrait mettre
facilement Île
mare de 600 hec-
tolitres d'un mé-
lange de Cari-
gnan et Aramon
qui constitue la
majorité des vins
rouges de ce ,do-
maine, Le marc
est complète -
ment enfermé
dans des claies
qui facilitent l’é-
coulement du vin:
claies inférieure,
latérale et supé-
rieure. Le temps
de pressée est de
dix-huit heures.
La cuverie très
importante dont
on trouvera une
photographie
plus loin (fig. 10), possède deux pressoirs de ce
Lype qui suffisent aux besoins d’une exploitation de
plus de 10.000 hectolitres de vin.
Une pressée de dix-huit heures est très suffisante
pour qu’il n'y ail pas lieu de retailler le marc dans
le but de diminuer la surface el, par conséquent,
d'augmenter la pression. L'asséchement est aussi
bon que lorsqu'on se livre à cette dernière ma-
nœuvre et il y a une réelle économie de main-
d'œuvre à ne pas le faire.
J'ajouterai, pour en finir avec cette descrip-
lion rapide des pressoirs d'aujourd'hui, qu’ils sont
ordinairement fixes dans les caves de quelque
importance. La mobilité éviterait bien le trans-
port du marc de la cuve au pressoir, mais ce
n’est pas là un gros avantage. J'ai vu, dans cer-
(
= "11
Al
Fig, 4, — Grand pressoir à charge montante avec ressorls accumulaleurs de
pression. (Modèle de M, Crassous.)
ordinaire, tel que
je viens de le dé-
crire, donne de
fort bons résul-
tats. L'asséche-
ment du marc est
loin d'être com-"
plet, puisque, tel
qu'il sort du pres-
soir, il contient.
encore environ.
60°/,deson poids
de liquide. Est-ce
bien désirable
d'aller plus loin?
C'est ce que je
ne pense pas,
mais ce que pen-
sent les partisans
despressoirs con-
linus : car ils
inscrivent au
nombre des:
avantages de ces
instruments , un
meilleur asséchement des mares. -
En somme, les pressoirs continus ont été ima-
ginés dans le but :
1° De réduire la main-d'œuvre ;
2° De réduire l'outillage par la suppression des
pressoirs ordinaires, qui doivent être, pour une
quantité égale de vendange à traiter, plus nom-
breux, plus coûteux el surtout plus encombrants
que les pressoirs continus;
3° De réduire le temps de pressée:
%° D'augmenter le rendement en vin de presse
Presque tous les pressoirs continus connus
actuellement, bien que de formes extérieures très
diverses, travaillent de la même manière.
Ils se composent d'un ou plusieurs jeux de
cylindres faisant office de fouloirs s'ils travaillent
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g. 5. — Coupes horizontale el verticale d'un pressoir à ressorts accumulaleurs de pression. — A la partie supérieure
on voit, en coupe verticale, le couvercle portant les ressorts accumulateurs, tendus entre ce couvercle et le chapeau. — La
artie inférieure de la figure est la projection horizontale des ressorts sur le couvercle.
D
—
#
*
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
808
L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE
de la vendange fraiche, {ravaillant comme com- |
presseurs légers s’il s'agit de vendange fermentée.
En quittant le cylindre, la vendange ou plutôt les
parties solides de la vendange sont prises par une
vis sans fin, qui les accumule dans un conduit
d’une section de plus en plus faible se terminant
par une ouverture calculée assez pelite pour qu'un
bouchon de marc formé à l'orifice ne puisse sortir |
que sous une pression intérieure très énergique.
La vis transporte incessamment de nouvelles quan-
tités de mare contre ce bouchon, qui joue le rôle
de paroi fixe tant que la pression derrière lui n’est
pas suffisante pour le chasser. Une nouvelle quan-
lité de marc prend alors sa place, joue le même
rôle el cela dure indéfiniment tant que l'appareil
est alimenté. Les conduits peuvent être soit des
tubes coniques formés de lames d’acier et dont on
peut faire varier la conicité par le déplacement des
colliers en fer qui les entourent, soit, comme dans
le pressoir du type Debouno, un tube à section rec-
tangulaire fermé à son extrémité par un cylindre
obstructeur. Ce cylindre, dont l’axe est horizontal
et perpendiculaire à la direction suivie par le marc,
se soulève sous la poussée de celui-ci en lui oppo-
sant une résistance qu'on peut faire varier à vo-
lonté en chargeant plus ou moins de poids addi-
tionnels un ou deux leviers reliés à son axe.
L'emploi des pressoirs continus est particulic-
rement séduisant dans la vinificalion en blanc : car
il s’agit ici, comme je l'ai rappelé ci-dessus, d'ob-
tenir en peu de temps une séparation aussi com-
plète que possible des parties liquides et solides
du fruit. Il y a malheureusement, dans le travail
qu'ils fournissent, un défaut qui n’est pas négli-
geable. À pression égale supportée par le mare, le
vin d’un pressoir continu est moins fin que celui
d'un pressoir fixe.
Quel que soit le mode d’action du pressoir con-
linu,dans le trajet que le marc opère @e l'entrée à
la sortie, il frotte énergiquement contre les sur-
faces de l'appareil. Il résulte de ces frottements
une désorganisalion souvent très accentuée des
ralles surtout, souvent des pellicules et des pépins,
et les sucs végétaux renfermés dans les cellules
de ces organes passent partiellement dans le vin.
Nous avons vu, en parlant des fouloirs, qu'il était
important de laisser intacts ces éléments du raisin;
il est bien évident que celte importance persiste
dans les pressoirs; les pressoirs continus actuelle-
ment connus n’évilent pas cet inconvénient.
S'il s’agit de vinification en blanc de raisins
rouges, ce défaut apparait d’une facon évidente.
Je ne connais pas de pressoirs continus capables de
donner avec des raisins rouges une quantité de
moût blanc égale à celle qu’on peut obtenir du
foulage suivi d’un pressurage ordinaire, À propor-
vient se réunir par divers caniveaux ou par des
tion égale de moût obtenu, celui qui vient du pres-.
soir continu est plus rose que l'autre. Ce phéno-"
mène est tout à fait inattendu : car, d’une façon,
générale, il est admis que le facteur le plus impor-"
lant de la non-coloration des moûts réside dans law
rapidité du traitement des raisins. C’est un fac-.
teur, il est vrai, mais ce n’est pas le seul. On ad- |
met, en général, que la matière colorante du raisin
n'est soluble que dans l'alcool, et que si on évite |
toute fermentation, il n'y aura pas de coloration."
Ce n'est pas tout à fait exact. La matière colorante »
enfermée dans ses cellules ne traverse pas les pa-*
rois tant qu'elles ne baignent que dans du moût,
c'est vrai; mais si l'on vient à mettre au contact.
du moût incolore des cellules déchirées, pleines
de matière colorante, celle-ci se dissout notable-
ment. En somme, comme l’a montré M. Duclaux, «
on ne peut pas dire que la matière colorante du ;
raisin soil insoluble dans le moût, mais seulement »
que ce liquide est impuissant à la dissoudre à tra- |
vers une enveloppe cellulaire. Ce sont là des in-"
convénients dont les constructeurs triompheront »
| dans l'avenir, j'en suis certain: les pressoirs con- »
| 1]
tinus deviendront alors des appareils qui s’impose- »
ront par leurs avantages, désormais incontestables.
$ 5. — Récipients, pompes et conduites |
Je ne m'altarderai pas à décrire cette partie de
l'outillage des celliers. Les récipients, cuves en »
maçonnerie ou en bois et foudres, sont de dimen-
sions très variables,
Les celliers de quelque importance ont généra-
lement une canalisation (tubes de cuivre étamés
intérieurement) desservant tous les foudres etfixée ,
à demeure. Il en est de même des pompes, qui sont
fixes et puisent le liquide dans un conquet où il
conduites mobiles parlant du bas des récipients. M
Le matériel est, d’ailleurs, presque toujours com- «
plété par quelques peliles pompes mobiles mues
à bras d'homme.
IV. — DESCRIPTION DE DIVERS CELLIERS
$ 1. — Cellier de la Compagnie des Salins du Midi
La Compagnie des Salins du Midi possède deux
domaines viticoles d'une très grande importance.
Ils sont constitués l'un et l’autre par des vignes
francaises cullivées en sable et situés, l'un sur la
bande de lerre qui sépare la mer de l'étang de
Thau entre les Onglous et Cette, l’autre aux envi-
rons d’Aigues-Mortes. C'est le cellier du premier
de ces domaines que je vais décrire comme lype.
d'installation vinicole affectée à la production du
vin blanc.
S L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 809
se meuvent les élévateurs à godets (fig. 6 et 8).
Le vagonnet est donc en premier lieu pesé ; son
poids est enregistré automaliquement, et ce n’est
des raisins blancs des cépages Picpoul et Terret-
Bourret, avec dominance de Picpoul.
La cueillette dure environ trois semaines. Les
1 Chambre des
? Machines
r
Fig. 6. — Plan du Cellier de Villeroy (Compagnie des Salins du Midi). —1, Bascule ; 2, Fosses des élévateurs à godets:
3, Fouloirs; 4, Chambre d'égouttage; 5, Pressoirs; 6, Système de rails pour la charge et la décharge des pressoirs:;
1, Ascenseur; 8, Cuves en sidéro-ciment pour traitoment des marcs; 9, Rails pour la charge des cuves ; 10, Rails
pour la décharge des cuves.
coupeurs el coupeuses, très nombreux, emplissent | qu'après cette opération que le raisin est enfin
des raisins cueillis les vagonnets amenés près du | versé dans la fosse des élévateurs (C, fig. 8).
champ d’action. On forme ainsi des trains de raisins Parlesélévateurs (D. fig.8)leraisin arrive à la hau-
“a. —
Fig. 7. — Cellier de Villeroy. Vue des fouloirs et des ouverlures supérieures des chambres d’égoullage.
Se composant d'une dizaine de vagonnets, qu'une | teur d'un troisième élage environ et tombe à ce ni-
Seule bête amène au cellier. Les trains sont aiguil- | veau dans laturbine aéro-foulante E qui opère le fou-
IéS sur une voie spéciale passant sur une bascule, | lage. Au sortir de la turbine, la vendange est con-
puis au bord de la fosse cimentée dans laquelle | duite au moyen de couloirs dans une quelconque des
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810 L. ROOS — VINIFICATION EN FRANCE
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chambres d’égouttage (G, fig. 8), dont on voit les ou-
vertures béantessur la photographie ci-jointe (6118
Les parois de ces chambres sont faites de tôles.
perforées de trous assez fins pour retenir même }
les pépins. Les moûts se séparent en subissant uns
véritable filtrage à travers le mare; ils tomben
sous les chambres (en H), se réunissent par diver ,
caniveaux dans un conquet unique (K), etsont alors
repris par des pompes (L) qui les montent soit aux
appareils de mutage (M), soit dans les foudres {R)M
Les mutoises (N) qui servent à charger le moùû
d'une petite quantilé d’acide sulfureux pour re.
tarder la fermentation et permettre le débourbage*
sont des appareils très simples. Elles sont essen
tiellement consliluées par des surfaces inclinées”
les unes sur les autres, disposées en chivanes dans*
l'intérieur d'un prisme reclangulaire en bois, chi-«
canes sur lesquelles le moût tombe en cascade,
tandis qu’un courant d'air chargé de gaz sulfureux"
parcourt l'appareil de bas en haut.
Au sortir des mutoises, les moûts sont mis env
foudres (R) pour 18 ou 24 heures, après lesquelles”
un soutirage les débarrasse de leurs grosses lies.
I n'y a plus maintenant qu'à les envoyer dans less
foudres(R),où ils resteront sans autre manipulations.
jusqu’à ce que la fermentation soit Lerminée.
Revenons maintenant aux mares restés dans les
chambres d'égouttage. |
En face de ces chambres (5, fig. 6,et P, fig. 8),4
sont disposés en ligne six pressoirs. Il s’agit, dans"
le cas particulier, de pressoirs hydrauliques pou-"
vant donner à volonté 3 à 6 kil. de pression par.
centimètre carré. Les maies de ces pressoirs, mo-"
biles sur rails Decauville, viennent tour à tour
se charger aux chambres d’égouttage par des ou-
vertures ménagées à cet effet, retournent à leur
place, et la pression est donnée.
Les moûts de presse sont conduits à un conquet,
(K, fig. 8) par une canalisation spéciale (Q) et sont
l'objet d’un traitement analogue à celui qu'on a.
fait subir aux moûts de premier jet. |
Les gàleaux de marcs ne sont cependant pas
complètement épuisés. Le marc retient encore en-«
viron 60 % de son poids de liquide, qu'il importe
de ne pas perdre.
A cet effet, les charges des pressoirs sont re-
montées et les maices dirigées, au moyen de rails et
de plaques tournantes, sur un ascenseur qui élève
le Lout au niveau des ouvertures d’une série de
cuves en sidéro-ciment, construites spécialement
pour le traitement de marcs pour alcool. Les gà-
teaux sont divisés, jetés dans l’une de ces cuves et
arrôsés d'eau; la fermentation s'établit bientôt
dans la masse, et le produit du lavage des marcs,!
lavage qui s'opère méthodiquement en faisant
passer les eaux d’une cuve dans l’autre, est un
L. ROOS — ETAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE 811
| liquide contenant 4 à 5 ‘/, d'alcool, en volume, | à M. Eug. Thomas, bien connu par divers travaux
qu'on en retire par distillation. en œnologie, est constitué en majeure partie par
| Les marcs épuisés, déchargés des cuves, sont | de la vigne américaine greffée, et quelques vignes
|, ex
A
HS a
he SE nd 2 à
A
Fig. 9. — Cellier de Villeroy. Chambre des Machines.
enfin entassés pour servir ultérieurement d'engrais. | francaises que le sulfure de carbone dispule en-
È Tout l'outillage que je viens de décrire est actionné | core au phylloxéra, mais qui sont destinées à être
«par des machines locomobiles (fig. 9), qui servent | remplacées à brève échéance par des souches
s en d’autres lemps à américaines.
“ divers travaux agri- On fait à Poussan-
coles. Cette installa- le-Haut du vin blanc
lion suffit au traite- et du vin rouge,avec
- ment journalier de prédominance de ce
l'énorme quantité de dernier.
600,000 kil. de raisin La cuverie, dont je
- par jour. Elle estcom- donne une photogra-
plétée par une cave phie intérieure (fig.
. de conserve compre- 10),est en partie creu-
nant trois grandes sée dans le roc d'un
travées de plus de coteau. La façade au
100 mètres de lon- sommet du coteau
gueur, le long des- s'élève à peine de
quelles sont disposés quelques mèêtres au-
sur deux rangs des dessus du niveau du
foudres qui, pour la sol, tandis qu’à l’op-
. grande majorité,sont posé elle atteint la
d’égale contenance hauteur d'un bon
. (environ 300 hect.)et deuxième étage. La
dans lesquels peu- Fig. 10. — Cellier de Poussan-le-Haut. Vue prise dans la cuverie. cave de conserve,
vent être enfermés construite de même,
plus de 40.000 hectolitres de vin. lui est parallèle ; elle comporte deux étages de fou-
dres : le premier établi sur le sol même, le second
sur un plancher métallique.
Le domaine de Poussan-le-Haut, situé à quel- La vendange arrive au cellier en comportes
ques kilomètres au sud de Béziers, et appartenant | chargées sur des charretles, et au sommet du
+:
PS
1
+:
7
a
$ 2. — Cellier du château de Poussan-le-Haut.
812
coteau, sur lequel ouvrent de larges baies. En face
de l’une d'elles se trouve le fouloir (fig. 41).
La cuverie rectangulaire comprend deux rangées
distantes de 8 à 10 mètres de foudres, dont la con-
tenance moyenne est 450 hectolitres.
Un plancher, supporté par des colonnes métal-
liques, est établi au-dessus de tous les foudres et
sous le fouloir. Il porte une voie Decauville, qui
suit son bord intérieur el qui, comme lui, affecte
une forme elliptique.
Au-dessous du plancher et contre la paroi à la-
quelle est adossé le fouloir, on voit tout un sys-
tème de conduites alimentées par deux pompes à
L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE
tourillons lui permettant de basculer facilement.
L'ouverture du foudre, de 30 centimètres de côté,
est garnie d’un entonnoir en bois à seclion pyra-
midale, assez vaste pour assurer l’'entonnage sans
perte. On fait basculer le wagonnet dans cet en-
tonnoir, puis il continue sa route jusqu'à ce qu'il.
revienne se placer sous la turbine après avoir.
effectué tout le tour de la cuverie,
Ce système est très simple ; trois hommes sufli-
sent dans la cuverie pour vider les wagonnets que
la turbine remplit incessamment, et le travail est
si rapide qu’en cinq minutes une charrette chargée
de 14 ou 15 comportes contenant chacune environ
Fig. 11. — Cellier de Poussan-le-Haut. Vue du fouloir, prise du plancher surmontant les foudres.
\u-dessous du fouloir, visible vers le centre de cette photographie, se voient les wagonnets qui passent successivement au-
dessous de lui. On voit au coin à droite l'écrou d’un des denx pressoirs; le second occupe une position symétrique.
vapeur, qui puisent les vins dans des conquets en
maçonnerie à revélement de verre occupant le
fond de la cuverie. Dans les deux angles sont ins-
tallés les pressoirs à charge montante el ressorls
accumulateurs de pression. La figure 11 montre à
droite l’écrou d'un de’ ces pressoirs, la figure 10
laisse voir le bord inférieur des maies.
Cela posé, voici maintenant comment on procède
à lentonnage de la vendange. Les charrettes arri-
vent au sommet du coteau au niveau du fouloir.
Les comportes, prises par deux hommes, sont ver-
sées une à une dans la turbine en mouvement, qui
emplit de vendange foulée des wagonnets dispo-
sés au-dessous, Dès qu'un wagonnet est plein, il
est sans interruption remplacé par un autre, tandis
que le premier, poussé par un seul homme jusqu’en
face du foudre à remplir, va y vider son contenu.
L'opération est très simple.
Le réservoir du wagonnet est monté sur deux
1
80 kilos de raisin, est vidée et prêle à repartir
pour la vigne.
Quand la fermentation est terminée, à Poussan-
le-Haut, après quatre ou cinq jours on procède au
décuvage. Des clapets inférieurs du foudre le vin
est conduit aux conquets, d'où les pompes l’en-
voient dans les foudres, où il restera sans autre
manipulation jusqu'au premier soulirage qui le
séparera de sa lie !,
Quand le foudre cesse de couler, la porte, assez
large pour donner passage à un homme, est
ouverte et on procède à la décharge du mare, qui a
lieu dans des wagonnets allant sur une voie mo-
bile du foudre au pressoir. Tout le marc d’un
même foudre est porté sur un seul pressoir qui
n’a même pas ainsi sa charge complète. La pres-
sion est commencée aussitôt le foudre vidé el se
! Ce premier soutirage a lieu, suivant le temps, 15 jours à
un mois après le décuvage.
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L. ROOS — ÉTAT ACTUEL DE LA VINIFICATION EN FRANCE
continue sans interruption, tant par la manœuvre
du levier de serrage que par le jeu des ressorts,
pendant 18 heures. Le lendemain, le pressoir dé-
chargé peut déjà être utilisé pour un nouveau dé-
cuvage. S'il s'agit de faire des vins blancs, l’opé-
ration à partir de la turbine est également très
simple. Dans ce cas les wagonnets sont supprimés,
el la vendange foulée conduite directement sur
les pressoirs par un couloir spécial. Le pressoir est
alors une chambre d'égoultage et fonctionne
comme telle pendant toute la durée du charge-
ment. Celui-ci terminé, on donne le serrage, qui
assèche le mare, tandis que les moûls de presse
suivent le même chemin que ceux de goutte, c'est-
à-dire se rendent aux conquets, d'où les pompes
les envoient en foudres.
Le dispositif que je viens de décrire fonctionne
depuis deux ans. Il avait été établi provisoirement
d'une facon un peu fruste, comme le montre bien
la charpente grossière surmontée par le fouloir.
Les résultats qu’il a donnés sont tels que l’instal-
lation définitive est maintenant décidée. Rien de
fondamental ne sera changé; le système recevra
seulement quelques modifications de détail qui
augmenteront ses avantages, tout en lui imprimant
un peu plus d'élégance. Ajoutons qu'à Poussan-
le-Haut les marcs sont utilisés pour alcool d'abord;
puis, les résidus de ce traitement sont ensilés
pour servir d'alimentation aux moutons d'une ber-
gerie annexée au domaine.
$S 3. — Cellier du domaine de Jouarre.
Le domaine de Jouarre, situé dans le départe-
ment de l'Aude et appartenant à M.L. Roudier, est
constitué par un important vignoble en plaine,
dans lequel on fait du vin blanc et du vin rouge.
Ce n'est pas le cellier actuel que je vais décrire,
mais bien celui qui va lui succéder, Ce sera done,
il est vrai, une description avant la leltre, mais la
conception parliculièrement originale de cette
installation vinicole me parait mériter cet honneur.
Le cellier, alimenté par des charrettes amenant
le produit de la cueillette, est contenu dans un bâli-
ment octogonal de 20 mètres de rayon (fig. 12et13).
Tout le pourtour du bâtiment est occupé par les
cuves de fermentation en maconnerie recouverte
d'un enduit de ciment silicaté à la surface, et pré-
sentant une seclion trapézoïdale. Les ouvertures
supérieures de ces cuves forment le premier étage,
tandis qu'elles sont, par la partie inférieure, en com-
munication avec un caniveau qui centralise les vins
dans un conquet où puisent des pompes à vapeur.
Au centre de l’octogone se trouve une chambre
d’égouttage, octogonale aussi, entourée de 4 pres-
soirs de grand modèle et surmontée d’une plate-.
forme qui constitue le second étage et sert de sup-
port à la charpente des fouloirs, lesquels forment le
troisième élage. Les fouloirs, au nombre de deux.
sont alimentés par deux élévateurs à godets dis-
posés parallèlement et puisant dans des fosses
cimentées qui reçoivent le raisin.
Cela posé, voyons la méthode du travail. Les
comportes déchargées à l'entrée du cellier sur une
sorle d’estrade, {éâtre, sont vidées de là dans des
wagonnets qui conduisent la vendange à une bas-
cule d’abord, qui en enregistre le poids, aux fosses
des élévateurs ensuite. Un système d’aiguillage
permet le mouvement de va-et-vient des wagon-
nets en évitant les rencontres.
Les élévateurs montent le raisin des fosses aux
fouloirs, où la vendange est broyée. S'il s’agit de
faire du vin rouge simplement, la vendange foulée
est dirigée de la turbine dans les cuves du pour-
tour par un système de couloirs mobiles. Si on
veu faire de la vendange égrappée, on met en
marche l’égrappoir, visible au-dessous des fouloirs,
en le munissant d’une tôle perforée d'assez grands
trous. e ;
S'il s’agit, au contraire, de faire des vins blancs,
la tôle de l'égrappoir est remplacée par une autre
perforée de trous de petit diamètre, et l'appareil
fonctionne alors comme extracteur de moût, le
liquide étant conduit par couloirs dans les cuves
de fermentalion ou dans des mutoises, tandis que
les marcs, par un autre couloir presque vertical,
gagnent la ehambre d'égoutlage en attendant le
moment d'être soumis au pressurage. Quatre
portes de charge s'ouvrent de Ja chambre d’é-
gouttage sur les pressoirs. Tout un système de
conduites, au niveau du sol par caniveaux, el
aériennes par lubes en cuivre, complètent cet ou-
lillage, qui comprend, en outre, dans les dépen-
dances du cellier, une distillerie alimentée par
le produit du lavage des mares obtenu dans deux
batteries de cuves ad hoc installées des deux côtés
du bàtiment.
Le cellier de Jouarre sera établi pour vinifier en
deux semaines la récolle d’un domaine dont la
produelion atteindra 30.000 hectolitres. Les dis-
positions en paraissent assez ingénieuses pour
qu'il soit permis de dire que ce résultat sera
obtenu sans coup férir.
L. Roos.
Directeur de la Station œnologique de l'Hérault.
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816
L. VIVET — LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » À PARIS
LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS »
A PARIS EN JUIN 1895
L'Institution des Naval Architecls a coutume de
tenir deux sessions chaque année : la première, à
Londres, un peu avant Pâques; l’autre, en été,
dans l’un des principaux ports du Royaume-Uni.
Par une heureuse innovation, elle avait choisi cette
année Paris comme lieu de cette seconde réunion.
La cordialité de l’accueil que ses membres ont
trouvé auprès de leurs collègues français de l’Asso-
ciation Technique Maritime et de l'Association des Tn-
génieurs rivils, les égards et les honneurs dont ils
ont été l’objet de la part des autorités et des corps
constitués, de la Chambre de Commerce, du Conseil
municipal, de l'Université, du Ministère de la Ma-
rine, qui ont rivalisé d’empressement pour fêter
leurs hôtes, ont pu convaincre les ingénieurs an-
glais de la haute estime en laquelle le talent et la
science sont toujours tenus chez nous.
Le Président de l'Institution, Lord Brassey, a
su d’ailleurs le reconnaitre avec une rare urbanité,
en donnant à la visite des Naval Architerts le ca-
ractère d’un hommage rendu à la France, et en
consacrant son discours d'ouverture, prononcé
dans notre langue, à la glorification de la science
et de l’industrie françaises, à l'historique des pro-
grès qu'elles ont réalisés dans les constructions
navales. Il a mis en relief, avec une impartialité
absolue et une parfaite bonne grâce, l'esprit
d'initiative du pays qui a construit le premier na-
vire de guerre à vapeur et le premier cuirassé,
fabriqué les premières plaques de blindage en
acier comme aussi les plus épaisses, employé pour
la première fois l'acier doux dans la construction
des coques, créé et perfectionné les chaudières
aquatubulaires, que l’Amirauté anglaise, après des
années d’hésitation, vient aujourd’hui acheter en
France.
M. de Bussy, membre de l’Institut, inspecteur
général du Génie Maritime en retraite, a répondu
en anglais à Lord Brassey, au nom de l'Associa-
lion Technique Maritime, dont il est le Président.
Il a rappelé à son tour ce que l’art des construc-
lions navales doit aux ingénieurs anglais et, en
particulier, à l’Institution des Naval Architects,
dont les travaux depuis trente-cinq ans ont été si
féconds en progrès de toutes sortes. En termi-
nant, il a exprimé le vœu que l'Association Tech-
nique Murilime, prenant modèle sur la grande So-
ciété britannique, pütrendre à l'Architecture navale
autant de services que son ainée.
La lecture et la discussion des mémoires ont
occupé lrois matinées. Nous rendrons compte un
peu plus loin de ces diverses communications.
Mais auparavant, nous voudrions dire quelques
mots de l'impression générale ressentie par les
audileurs français qui assistaient aux séances.
En Angleterre, les ingénieurs de la Marine de
l'État jouissent d’une latitude inconnue aux
nôtres pour publier leurs travaux. Il en résulte un
contraste frappant entre les mémoires si riche-
ment documentés qui sont lus dans les Sociélés
maritimes anglaises, et ces notes, d’ailleurs rares,
où les ingénieurs français hasardent timidement
sur un théorème de géométrie des réflexions soi-
gneusement contrôlées par l’autorité supérieure.
De même pour la discussion : d'un côté, incertaine
el stérile; de l’autre, aisée et fructueuse.
C'est qu'en effet une longue pratique de la li-
berté de la parole a appris aux Anglais à ne pas
redouter la divulgation de tels détails techniques
auxquels on attache en France une si grande im-
porlance. On peut croire cependant, d’après leur
exemple, que la propagalion des idées nouvelles,
en matière de construclion navale comme en
beaucoup d’autres choses, n'offre pas ce péril
dont nous sommes hantés, el qu’elle présente, au
contraire, certains avantages, dont nous ne savons
pas profiter.
Tandis qu'ici règne cet esprit de méfiance qui
fait voir la patrie en danger dans la moindre ba-
gatelle livrée à la publicité, là-bas circule un
large souffle de liberté qui dissémine partout la
semence du progrès.
Rien de plus topique à cet égard que la série
des mémoires où, depuis 1889, Sir William White,
Directeur des Constructions Navales, a soumis à
l'appréciation des Naval Architects les idées géné-
rales du programme des nouveaux cuirassés,
leurs plans dans les grandes lignes, les résultats
obtenus, les défauts constatés, les remèdes pro-
posés. Il ne semble point que la défense nationale
en ait été compromise. Quel enseignement pour
nous!
Malheureusement, en France, les entraves offi-
cielles paralyseraient les meilleures volontés, lors
même qu’une « sweeping legislation » ne viendrail
pas reculer encore le jour où, en dehors du cercle
privilégié des compélences non galonnées, on pourra
discuter les qualités d’un bâliment de guerre,
sans tomber sous le coup d’une loi de salut pu-
blic.
mt tent at ed ra rh te À RS née) ét D Éd dd St ER
I. — Rourrs.
De l'amplitude du roulis sur houle non synchrone,
… par M. E. BERTIN, Directeur de l'École d’Applica-
… tion du Génie Maritime. — M. Bertin avait espéré
_ présenter une étude des mouvements de roulis
- et de tangage analysés par la photographie ins-
tantanée à l'aide de l'appareil de M. Marey.
Par suite de circonstances défavorables dues à
l'état de la mer, il n’a pu obtenir qu'un nombre
- insuffisant de clichés qu'il se contente de montrer
à litre de curiosité.
11 donne ensuite lecture d’une courte note, com-
plément de celle qu'il avait présentée l’année der-
nière, et où il expose une méthode graphique
. pour calculer les amplitudes successives du roulis,
et, en particulier, l'amplitude maxima de chaque
série, ou roulis d’apogée, pour un navire placé
sur une houle non synchrone. Il démontre que les
quilles latérales doivent avoir une influence sur
l'extinction du roulis relativement bien plus
forte dans les grands navires que dans les pe-
tits, expliquant ainsi les résultats de l'expérience
récemment faite en Angleterre sur les grands cui-
rassés type « Royal Sovereign », résultats qui
avaient causé un certain étonnement.
Sir WW. White fait l'éloge de la méthode suivie
par M. Bertin, qui tient compte d’un élément trop
négligé jusqu'ici dans l'étude du roulis : la résis-
lance de l’eau au mouvement. Il croit qu'il y a
encore beaucoup à faire pour réduire l’amplitude
du roulis, et dit que l’accord entre les conclusions
de M. Bertin et les expériences de l'Amirauté an-
glaise permet de bien augurer de recherches
ultérieures entreprises ainsi parallèlement par
l'investigalion mathématique et lobservation des
phénomènes.
M. Martel se félicite de voir les heureux résul-
tats de la liberté que laisse le Gouvernement an-
glais pour rendre compte des expériences entre-
prises par l’Amirauté. On sait depuis longtemps,
dans la marine marchande, que les quilles latérales
réduisent beaucoup le roulis; mais personne n’au-
rait pu croire que, sur des cuirassés de premier
_ rang, munis de quilles aussi peu importantes que
celles dont a été doté le type Royal Sovereign, la
réduction d'amplitude püt être aussi considérable.
Il faut féliciter Sir W. While d’avoir prouvé
l'existence de ce fait, comme aussi M. Bertin de
l'avoir expliqué.
II. — DouBLAGe DES NAVIREs.
Sur le doublage en cuivre des navires en acier, par
Sir Wicciam We, Directeur général des Cons-
tructions navales. — Sir William White, après
avoir rappelé à quel ordre d'idées obéissaient les
L. VIVET — LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » A PARIS
817
premiers promoteurs du doublage en cuivre des
coques en fer ou en acier, décrit tour à tour les
divers procédés qu'ils employèrent. Le but était
d'empêcher que l’action galvanique ne s'établit
par l'intermédiaire de l’eau de mer entre le cuivre
et le bordé en fer, au détriment de celui-ci.
On avait alors recours à une double épaisseur
de bois; le revêtement intérieur était fixé sur le
bordé, tantôt, comme sur l'Znconstunt, par des pri-
sonniers fixés dans les couvre-joints et dans des
bandes de tôle rivées à mi-hauteur des virures,
tantôt par des boulons traversant le bordé et munis
d’écrous, comme sur le Volugeet l’Active ; le revête-
ment extérieur était vissé à bouts perdus sur le
premier.
Cependant, l'expérience ne confirma pas sur tous
les points les craintes du début. Lorsque l’auteur
fut chargé, en 1887, de faire une enquête sur les
résultats obtenus depuis vingt ans, afin d'arrêter
la marche à suivre pour les nouveaux projets, il
constala que le double revêtement en bois n'avait
jamais réussi à assurer l’étanchéité, et que néan-
moins le bordé en fer ou en acier n'avait jamais
souffert d’une façon sensible de la communication
qu’établissait, entre lui et le doublage en cuivre,
l’eau de mer infiltrée entre les différentes surfaces.
En revanche les boulons d'attache du premier plan
de bois, qui étaient en fer, s’élaient usés rapide-
ment et avaient souvent dû être changés. L'absence
de corrosion du bordé était due à ce que l’eau
infiltrée restait prisonnière, et, ne se renouvelant
pas, perdait rapidement son action corrosive.
Ces remarques amenèrent Sir W. White à pro-
poser l'emploi d’un seul revêtement de bois tenu
sur le bordé au moyen de boulons en bronze de la
Marine. Il pensa qu'une épaisseur de teck de 8 à
10 centimètres permettrait un bon calfatage, et
que, même si l'eau pénétrait sous le bois, elle ne
serait pasplus nuisible pour le bordé qu’avec l’an-
cien système, qu'en tout cas elle ne rongerait plus
les boulons. Ce procédé a donné les meilleurs ré-
sultats sur plus de trente navires de la Marine
britannique, qui ont été doublés ainsi, entre autres
les cuirassés d’escadre Centurion, Barfleur et les
croiseurs à grande vitesse Lels que le Crescent.
Seize autres navires,actuellement en construction,
vont également recevoir le doublage à simple revê-
tement de bois. Le succès est assez complet pour
que l’on puisse étendre le nouveau système aux
plus petits bâtiments construits jusqu'ici d’après le
système composite.
Sir William est d'avis que le doublage en bois
doit être considéré comme contribuant à la solidité
générale de la coque, et autorise par suite une cer-
taine réduction sur l'épaisseur des tôles du bordé.
Le bois constitue, en outre, une protection très
818
efficace de la coque contre.les chocs violents et les
ragages résultant, par exemple, d’un échouement.
Après avoir passé en revue les tentatives faites
pour substituer à l'acier un métal inattaquable à
l'eau de mer, l’auteur termine en affirmant la né-
cessité du doublage en cuivre pour tous les na-
vires de guerre destinés à tenir la mer longtemps
sans passer au bassin. Au bout de cinq ou six mois
une carène exige un accroissement de puissance
de 20 à 25 °/, pour maintenir sa vitesse; au bout
d'un an, 40 à 50°/,. L’accroissement du prix de
revient des navires doublés ne saurait être mis en
balance avec les avantages à retirer du seul pro-
cédé qui leur permette de conserver longtemps
leur valeur militaire.
Dans la discussion qui a suivi la lecture de ce
mémoire, Sr Nathaniel Barnaby, prédécesseur de
Sir W. While, a rendu hommage à la tentative
hardie de ce dernier, qui lui avait d’abord causé
une cerlaine appréhension.
M. Yartell dit que, dans la marine marchande,
la construction composite a élé abandonnée à cause
de son prix excessif. Il confirme, par l'exemple du
Sant- George, les bons résultats dus au système
White, qui a été appliqué à ce vapeur.
L'amiral Aytsaouleff, Directeur de l'Arsenal de
Sébastopol, donne des indications sur les résultats
obtenus en Russie par l'emploi du doublage.
L'amiral #izyerall proclame la nécessité de dou-
bler tous les navires en cuivre, quelle que puisse
être la dépense qui en résulte.
III. — SrapiciTé.
Sur la délermination expérimentale de lu position du
centre de gravité par rapport au mélacentre, par
M. ARCHIBALD DENNY. — M. Archibald Denny donne
la description d’un petit appareil destiné à fournir
rapidement aux capilaines la hauteur du méta-
centre au-dessus du centre de gravité de leurs
navires. [consiste en un niveau à bulle d’air, muni
d’une vis micrométrique qui permet de lire les
angles d'inclinaison avec beaucoup plus de com-
modité et de précision que le pendule ordinaire-
ment employé dans l'expérience de stabilité. Une
règle, pivotant sur une planchetle qui porte les
gr'duations nécessaires, effectue graphiquement
le calcul de la hauteur cherchée, dont elle donne
la valeur par une simple lecture.
En raison de la simplicité de son emploi, cet
instrument peut êlre mis entre les mains de tous
les capitaines, qui pourront vérifier en quelques
inslants, avant chaque départ, l’état de stabilité de
leur bateau et en modifier le chargement selon les
besoins.
Bien que cette note de M. Denny ne renferme
rien d'absolument nouveau au point de vue tech-
L. VIVET — LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » A PARIS
nique, el n'ait donné lieu à aucune discussion, ses
conséquences pratiques peuvent être, croyons-
nous, d’une extrême importance, et méritaient de
mieux fixer l'attention. Bon nombre de navires, el
surtout de grands voiliers, se perdent, en effet,
chaque année par défaut de stabilité. Parmi les
raisons mulliples auxquelles est dû cet élat de
choses, l'ignorance de la position exacte du centre
de gravité est sans doute la principale. Simplifier,
à l'usage des commandants, le maniement un peu
délicat des calculs de stabilité, leur fournir au
moins un procédé rapide et clair d’en déterminer
l'élément le plus essentiel, c'est faire plus pour la
sécurité de la vie humaine que de limiter, comme
le fait une bizarre législation anglaise, le tirant
d'eau des bäliments. Aussi doit-on savoir gré à
MM. Denny frères de l'iniliative qu’ils ont prise de-
puis plusieurs années, en dressant, pour chacun des
navires sortis de leurs chantiers de Dumbarton, un
devis de tous les éléments qu'il importe au capi-
taine de connaitre. L'instrument décrit par M. Ar-
chibald Denny et qui sera désormais remis à
chaque capitaine avec des instructions détaillées,
s'ajoute heureusement à l’ensemble de ces dispo-
sitions si sages arrêlées par MM. Denny frères,
dispositions que lous les chantiers de construction
devraient aujourd’hui se faire un devoir d'adopter.
Pour les compléter, il resterait encore à trouver
un moyen également simple de calculer l'angle de
chavirement d'un navire, car cet angle peut être
très faible, même avec une forte stabilité initiale.
li ne serait sans doute pas bien difficile d'y parve-
nir si les constructeurs voulaient bien fournir,
avec les plans de chaque bätirnent qui sort de leurs
chantiers, ses courbes pantocarènes de stabilité.
Connaissant ces courbes d’une part, d'autre part
la position du centre de gravité fournie par l'ins-
trument de M. Denny, un graphique très simple
permettrait au capitaine de connaître l'angle de
chavirement.
IV. — Ecnerze pe SoriniTé.
Sur l'utilité de la construction de l'échelle complète de
solidité des navires, par M. Daymarp, Ingénieur en
Chef de la Compagnie Générale Transatlantique. —
M. Daymard appelle l'attention sur l’importance
d'un élément de la coque que les constructeurs ne
prennent pas toujours la peine de calculer, à sa-
voir, son volume extérieur lotal. Il développe trois
raisons pour lesquelles il serait utile d'établir
l'échelle complète de solidité :
1° Au point de vue de la stabilité, il importe d'é-
tudier les forces de redressement dans toutes les
posilions; or le volume total et son centre jouent
un rôle des plus utiles dans le tracé des courbes
pantocarènes qui servent à celte élude, et dontl’au-
tuthéoéd.. LÉ Dé D RSS SR Sd nd nn
de
K
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Û
À
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d
,
L. VIVET — LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » A PARIS
teur a établi le principe dans son célèbre mémoire
de 1884.
2° La mesure des tonnages légaux actuels con-
duit à des anomalies invraisemblables. L'auteur
_proposerait de prendre pour le tonnage légal le
volume extérieur total. Du moins ce volume servi-
rait de base pour tarifer les droits actuellement
perçus sur le tonnage brut et correspondant à l’idée
d’encombrement. Quant à ceux qui sont acquittés
sur le tonnage net, comme répondant à l’impor-
tance des opérations commerciales, ils seraient
réglés sur le tonnage ou lepoids des marchandises.
3° Pour la ligne de charge, l'échelle de solidité
donnerait plus simpiemeat et plus exactement que
les tables de franc-bord dressées par le Board of
Trade, le tirant d’eau correspondant à une réserve
de flottabilité donnée.
M. Hartell a soulevé une objection sur le second
point, sans apporter d’ailleurs, à l'appui de son dire,
d'autre argument que les difficultés rencontrées
par les Commissions qui, en Angleterre, ont tenté
d'établir une base rationnelle pour le tonnagelégal.
Sur le troisième point également, il s’en réfère
aux travaux du Comité de la Ligne de Charge. Pour
qui à pu apprécier la valeur de ces travaux, l’argu-
mentation de M. Murtell paraitra absolument in-
suffisante.
Après lui, M. Archibald Denny exprime l'avis qu’il
yaurait lieu de modilier dans les règles du franc-
bord bien autre chose que le calcul de la réserve
de flottabilité signalé par M. Daymard ; il ajoute
que, pour les grands navires, en particulier, les
tables du Board of Trade donnent des tirants d’eau
inacceptables.
V. — CLASSIFICATION DES NAVIRES.
Sur les vapeurs à faibles échantillons, par M. B. Mar-
TELL, Ingénieur en Chef du Lloyd. — Le but de
M. Martell, en présentant ce mémoire, élait de
répondre à un vœu formulé à la session précédente
par M. Rickard. Ce dernier avait exprimé l'espoir”
que les sociétés de classification s’occuperaienlt
quelque jour de la construction des navires de
rivière à échantillons très légers. Estimant, par
l'effet d’une susceptibilité qui a paru un peu exa-
gérée, que la Société qu'il représente était atteinte
par cette critique indirecte, M. Martell affirme que
le Lloyd est prêt à classer tous les navires de ce
genre, que leurs échantillons soient ou non con-
formes au règlement ordinaire, pourvu qu'ils aient
été jugés par le Comité du Lloyd propres au ser-
vice auquel ils sont destinés. Une description som-
maire de quelques bateaux classés au Lloyd dans
ces conditions termine ce plaidoyer pro domo, sans
d’ailleurs infirmer ce fait que le règlement du
Lloyd ne donne aucune règle spéciale de construc-
819
tion, ni aucun tableau d'échantillons pour les na-
vires en question.
Le D' Ælyar remercie l’auteur des renseignements _
qu’il a fournis et des plans qu'il a mis à la disposi-
tion de l’Institution. Il pense, toutefois, que, dans
les navires de construction légère, on devrait mul-
tiplier les cloisons étanches aussi bien en vue de
la solidité que de la sécurité.
M. Arch. Denny regrette la divulgation de plans
qui sont le fruit de nombreux travaux et d’une
expérience chèrement conquise par plusieurs cons-
tructeurs. Il relève de grandes différences d’échan-
tillons entre des navires analogues, semblablement
classés par le Lloyd.
M. Yarrow, le célèbre constructeur de torpilleurs,
laissant de côté toutes ces questions personnelles,
donne une intéressante description du système
qu'il a employé pour permettre de monter à flot
un bateau démontable en plusieurs tranches, cons-
truit par lui pour le compte du Gouvernement
français. Chaque tranche, terminée par une cloison
transversale, constitue un flotteur séparé. Les
cloisons sont percées d'avance des trous nécessai-
res pour le boulonnage. Pour empêcher l’envahis-
sement de l’eau par ceux de ces trous qui sont
situés au-dessous de la flottaison, la varangue voi-
sine de la cloison est légèrement surélevée. L'eau
ne peut donc occuper que l'intervalle d'une maille
à chaque extrémité de la tranche, et, comme le
tirant d’eau est naturellement très faible, on peut
aisément passer la main sous l'eau pour assujettir
les écrous des boulons. Grâce à ce procédé, le
montage est extrêmement rapide. Pour deux ba-
teaux construits récemment, le marché prévoyait
une durée de 2% heures. Le montage ful achevé en
71 heures seulement.
VI. — CHAUDIÈRES.
Sur l'accouplement de chaudières de différents types.
par M. P. Sicaupy, Ingénieur en Chef des Forges et
Chantiers de la Méditerranée. — Dans ce mémoire,
l’auteur rend compte d’une expérience récemment
faite au Havre sur un remorqueur, où l'on a fail
fonctionner simultanément deux chaudières de
types différents : l’une du type ordinaire à retour
de flamme, l’autre,aquatubulaire, du système Nor-
mand. La condition imposée d'une rapide mise en
pression avait conduit à l'adoption de cette der-
nière. La machine était placée entre les deux chau-
dières, disposition peu favorable, en elle-même, à
un bon fonctionnement.
Aucune précaution particulière ne fut prise pour
les tuyaux de vapeur et d'alimentation; un seul
tuyau élablissait la communication. Les essais ont
été des plus satisfaisants. Ce résultat doit encou-
rager ceux qui ont encore des préventions contre
820
les chaudières aquatubulaires, et les inviter à en
essayer au moins l'emploi concurremment avec les
chaudières d’ancien type.
M. Thornycroft félicite l’auteur de sa communica-
tion. L'avenir est aux chaudières aquatubulaires:
mais il faut qu'on s'y accoutume, et la combinai-
son des deux types constituera la meilleure des
transitions.
M. Yarrow parle dans le même sens, et ajoute
qu'une disposition analogue à celle décrite par
M. Sigaudy vient d’être adoptée sur certains croi-
seurs hollandais. La puissance de 2.000 chevaux,
. dont ils ont besoin en service courant, est fournie
par des chaudières ordinaires; mais ils doivent
développer 9.000 chevaux dans la marche à ou-
trance, et l’on a eu recours à huit chaudières à
tubes d’eau, de 1.000 chevaux chacune, pour faire.
face à la différence. — Sir W. White dit que la
combinaison des deux types de chaudières a fait
l'objet d’études approfondies de la part de l’Ami-
rauté, à propos du Powerful et du Terrible. On
s’est finalement arrêté à l'emploi exclusif de chau-
dières Belleville, jugées préférables pour ces deux
grands croiseurs. Mais le principe de la combi-
naison parait très rationnel sur bien des navires
de guerre. Sir W. White lui-même a recommandé
naguère l'emploi simullané de chaudières à retour
de flamme et de chaudières type locomotive, sur
certains navires de la marine britannique.
Sur les chaudières aquatubuluires, par M. J. A. Nor-
MAND. — De mème que la plupart des communica-
tions du célèbre constructeur, ce mémoire se dis-
lingue par une abondance d'idées et une concision
de style qui enrendentl'analyse difficile. Nousnous
bornerons à indiquer quelques-uns des points les
plus saillants.
L'intensité de la chauffe dans les chaudières
aquatubulaires est limitée par la formation de
poches de vapeur et par les efforts provenant de la
dilatation des tubes. L'auteur recommande quatre
précautions fondamentales contre la formation des
poches de vapeur :
1° La direction des tubes, surtout dans leur par-
Lie inférieure, doit se rapprocher autant que pos-
sible de la verticale.
2° La circulation doit être très active.
3° Le rapport de la longueur des tubes à leur dia-
mètre ne doit pas être trop grand.
4° La section des tubes de retour de l’eau doit
étre très grande.
À l'appui de chacune de ces recommandations,
M. Normand apporte un ensemble de considéra-
lions théoriques et de résultats d'expérience. La
répartition des pressions dans un milieu hétéro-
gène aussi complexe que l’eau et la vapeur dans
L. VIVET — LE CONGRÈS DES « NAVAL ARCHITECTS » À PARIS
une chaudière multitubulaire constitue un pro-
blème que les physiciens n’ont pas encore élucidé ;
aussi les idées de M. Normand sur ce sujet offrent-
elles un grand intérêt.
Quant aux efforts dus à la dilatation des tubes,
on peut les atténuer soit au moyen de dispositifs
spéciaux, comme sur les chaudières Belleville et
Collet-Niclausse, soil en donnant aux tubes eux-
mêmes une longueur el une courbure suffisantes.
Une circulation active facilite la transmission de
la chaleur, grâce au renouvellement des points de
contact de la surface de chauffe avec l’eau, mau-
vaise conductrice de la chaleur. De là l'utilité des
réchauffeurs de l’eau d'alimentation.
En ce qui concerne la combustion, M. Normand
est d'avis qu'il faut éviter tout refroidissement pro-
gressif des gaz et ne pasredouter la dissociation de
l’acide carbonique et de la vapeur, pourvu que l’on
assure assez largement l’arrivée de l'air pour per-
meltre la recombinaison des éléments dissociés. Il
préconise donc l’emploi de boîtes à feu spacieuses,
où les gaz chauds se mélangent bien et séjournent
aussi longtemps que possible avant d'entrer dans
le faisceau des tubes.
Enfin, la section de passage des gaz doit être ré-
duite, et leur parcours augmenté dans la mesure
compalible avec le Lirage dont on dispose. L'auteur
montre ensuile comment il a appliqué ces prin-
cipes sur la chaudière qui porte son nom, et qui,
adoptée sur les plus récents torpilleurs, a donné
sur le 185 les remarquables résultats suivanls :
PLOSSIONT NA EEE CRTC CE EK 0
Surface der crille. "#70... 3226
Surface de chaufle............ 171220
Puissance par m? de grille........ 462ch
Consommation par m? de grille... 326K
À la vitesse de 14 nœuds, la consommalion par
cheval-heure n'a pas dépassé 450 grammes.
M. Normand reconnait, en terminant, que de
bons résultats ont été obtenus sur des tÿpes de
chaudières basés sur des principes entièrement
différents : tubes presque horizontaux, boîtes à
feu réduites, grande section de passage et faible
parcours des gaz. Mais il pense que l'application
des principes généraux posés plus haut pourrait
seulé permettre de répondre aux exigences erois-
santes de jour en jour. Et, en fait, il ne voit aucune
difficulté à pousser beaucoup plus loin l'intensité
de la combustion dans les chaudières de son sys-
tème, à tel point que ce ne sont plus les tubes,
mais les barreaux de grille et les briques qui, pour
lui, limitent aujourd'hui cette intensité.
La lecture de ce mémoire aurait sans doute pro-
voqué une discussion des plus intéressantes, si
le temps n'avait malheureusement fait défaut.
M. Thornycroft a pu seul prendre la parole. Tout
Ve Se ts LUE mer ES 2 ea À Lis
en rendant hommage au succès incomparable des
- chaudières Normand, il a formulé quelques réser-
“3 xes, d’ailleurs plutôt humoristiques, sur la théorie
- de la circulation développée par l’auteur. Il est, en
“effet, malaisé de comprendre en quoi cette théo-
-rie peut être infirmée par l'assertion, au moins
paradoxale, de M. Thornycroft, que la gravité est la
seule force en jeu dans le phénomène de la circu-
lation de l’eau. M. Thornycroft persiste, en outre, à
|
penser que les tubes doivent déboucher au-dessus
du niveau de l’eau dans le réservoir supérieur, et
non pas au-dessous, comme le veut M. Normand.
”
- Sur la chaudière aguatubulaire Niclausse, par
. M. Marx Rogwsox. — Après avoir donné une des-
. cription détaillée de cette chaudière, l'auteur rend
. compte des expériences instituées par lui-même,
aux ateliers Willans et Robinson, sur une chau-
dière de ce type et de fabrication francaise, dans
le but de vérifier:
4° L'étanchéité des joints coniques dans toutes
les conditions de température et de pression; .
2° L'absence de dépôts nuisibles dans les tubes;
3° Le pouvoir évaporaloire, dont le rendement
était douteux, vu que les gaz ne passant qu'une
seule fois entre les tubes doivent s'échapper en-
core très chauds :
4° La sécheresse de la vapeur.
Des essais prolongés et répétés ont donné sur
tous ces points les résultats les plus satisfaisants.
VII. — PRIX DE REVIENT DES NAVIRES,
Le prix de revient des navires de querre, par le Pro-
fesseur Francis ELGaRr, ancien Directeur des Arse-
naux de S. M. Britannique. — Des modifications
introduites, il y a quelques années, dans le sys-
tème de comptabilité des Arsenaux anglais ont
permis tout récemment d'établir pour la première
fois une comparaison des prix de revient des difté-
rents types de navires de guerre, construits soit
à l'État, soit à l’industrie. Le D' Elgar indique
les principes de cette comptabilité nouvelle créée
par l’Amirauté, après enquête faite dans la plu-
part des grands chantiers privés, et mise en usage
à partir de 4887. Il donne ensuite les chiffres qui
se rapportent aux navires construits d’après le
Naval Defence Act de 1889. Il en ressort que les
cuirassés de premier rang construits par les arse-
aux coûtent beaucoup moins cher que ceux
construits par les chantiers privés. Cependant la
différence en faveur des arsenaux semble devoir
diminuer, à en juger par les évaluations compa-
rées des nouvelles constructions en cours d’exé-
cution, le Magnificent et le Majestic, d'une part, le
Jupiter et le Murs, de l'autre.
Pour toutes les autres classes de navires, c’est,
L. VIVET — LE CONGRÈS DES «
a. Class. pd À
NAVAL ARCHITECTS » A PARIS 821
au contraire, l'industrie qui produit à meilleur
marché. Cela tient sans nul doute à ce que les
conditions d'existence et de fonctionnement d’un
arsenal de l’État et d'un chantier privé sont entiè-
rement différentes. Celui-ci a été créé spéciale-
ment en vue du travail de construction et de répa-
ration. Toutes les charges y sont proportionnées à
ce travail. Au contraire, un arsenal est un énorme
établissement qui doit répondre à une foule d’exi-
gences accessoires, entre autres et surtout à la
possibilité de faire face subitement; en temps de
guerre, à n'importe quels travaux de réparation,
d'armement, d'approvisionnement pour un nombre
considérable de navires de guerre. Ces condilions
entraînent des frais généraux, dont une portion,
qu'il est d’ailleurs très difficile de déterminer,
incombe aux constructions neuves.
Le Capitaine /aques, de la marine des États-Unis,
fait remarquer que le prix du cuirassement, qui va
en augmentant en Angleterre,décroit en Amérique.
— Sir Nathaniel Barnaby fait observer que certaines
modifications apportées après coup à Lel ou tel
élément d'un navire peuvent occasionner des frais
considérables dont on devrait tenir un compte
spécial, sous peine de fausser les véritables prix.
Il cite comme exemple le changement des canons
se chargeant par la bouche en canons se chargeant
par la culasse, changement qui a été fait beau-
coup trop tard dans la marine anglaise et a en-
trainé des remaniements de coques, et, par suite,
des frais énormes.— M. Serton rappelle les services
rendus par le D° Elgar, à qui sont dues les utiles
réformes dont son mémoire a pu faire apprécier
les résultats. Il fait remarquer que la lutte entre
les arsenaux etles chantiers est beaucoup plus dure
pour les derniers qu’on ne le croit d'ordinaire.
M. Bienaymeé, Inspecteur général du Génie Mari-
time, dit que les différences signalées par le
D: Elgar n'existent pas en France au même degré.
{l en avait été frappé, en parcourant les évalua-
tions budgétaires anglaises pour 1893-94, mais
n'avait pu en découvrir la raison. Le mémoire de
M. Elgar la fait ressortir. C’est qu'en France l'or-
ganisalion des chantiers privés se rapproche beau-
coup plus de celle des arsenaux qu’en Angleterre.
Il reconnait, du reste, que les conditions du travail
sont beaucoup moins favorables en France, aussi
bien à l'État qu'à l’industrie.
M. Murtell s'élève contre les insinuations de la
presse tendant à faire croire que la réduction des
frais à laquelle sont parvenus les arsenaux, serait
due à un abaissement de la qualité de la main-
d'œuvre. Il a constaté par lui-même à Chatham que
l'exécution du travaii ne laissait absolument rien à
désirer. Léon Vivet,
Ingénieur civil des Constructions navales.
822
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LA MESURE DES PETITS ALLONGEMENTS
Il est utile, lorsque l’on fait des essais de traction
sur un métal, de ne pas se borner à mesurer, par
exemple, sous quelle charge par millimètre carré il
se rompt. La mesure de son coefficient d’élasticité, de
la charge correspondant à la limite d’élasticité et des
allongements produits lorsque cette charge est dé-
passée, offre aussi un grand intérêt. On emploie dans
ce but des instruments qui donnent l'allongement cor-
respondant à une charge quelconque. Si, au moyen
des nombres ainsi lus, on trace une courbe en prenant
pour abscisses les charges, et pour ordonnées les allon-
sements, on obtient une figure semblable à la figure 1.
Supposons d’abord que lon ait appliqué des charges
P, P, P, P, p, Croissant sans interruption, on trouve une
courbe à, &, 4, «, #, qui, se confondant d’abord avec
une droite, s'élève ensuite au-dessus de cette droite
prolongée, Si, au contraire, on applique les charges en
revenant à zéro après chacune d’elles, on a une courbe
brisée correspondant au tableau suivant (tableau D :
DANS LES ESSAIS DE RÉSISTANCE DES MÉTAUX
vrages anglais désignent le coefficient d’élasticité sous
formule que la nôtre. Mais ces deux formules identiques
se traduisent par des nombres différents, parce que nous
comptons les charges en kilogrammes par millimètre
carré et que nos voisins les comptent en tonnes par
pouce carré.
Les instruments appelés extensomètres où encore
élasticimètres, destinés à la mesure des allongements
dans les essais de métaux, doivent satisfaire à plu-
sieurs conditions importantes, D'abord, ils doivent
être très sensibles, parce que les quantités à évaluer
sont excessivement faibles. Ensuite, il est nécessaire
que leurs mesures soient faites sur la fibre centrale de
la barre étudiée ou puissent s’yrapporter, et non point
effet, les efforts appliqués sur une pièce de métal ou
d'autre matière ne sont jamais tellement symétriques
que les déformations soient les mêmes pour toutes les
Tableau I
Le coefficient d'élasticité, ordinairement désigné
par la lettre E, se déduit des mesures faites pour
des charges inférieures ou, au plus, égales à p,, par
exemple pour p,. Il a pour valeur :
on Pi
OR
Fa uS
Onvoitque cet-
le valeur reste
constante tant
que le rapport
Pi reste Jui-
æ
mème cons -
tant, c’est-à-
dire fant que
l’on ne dépasse
pas la charge
P,, qui est celle
qui correspond ‘*
à la limite d’é-
lasticité. En de-
cade CefeNVa Een
leur, etlorsque
la charge appli-
quée disparait,
les allonge -
ments produits 6
fibres ; elles sont, au contraire, assez différentes ef,
pour faire un raisonnement juste, on est obligé de
considérer leur moyenne. Dans ce but, un certain
nombre d'instruments permettent de faire des mesures
pour deux fi-
bres diamétra-
lement 0ppo -
sées, tandis que
d’autres sont
disposés de tel-
le facon que la
lecture , faite
une seule fois,
indique immé-
diatement la
moyenne des
deux mesures
précédentes.
Celui qui a été
présenté der -
nièrement à Ja
Royal Society
par le P* J.-A.
£wing rentre
dans cette der-
nière classe .
Il offre quel -
ques détails
nouveaux elin-
P:
s’'annulent ri-
goureusement, fig. 4.
ainsi que Je — PiPoPsPaPs. Charges. — iaoasuixsY
montre notre différentes charges et en diverses circonstances
tableau; au de-
là, la barre conserve toujours un allongement werma-
nent qui croit de plus en plus avec la charge. Les ou-
1 Z, longueur initiale de la barre; S section de cette barre.
Pa
Ps
— Courbe des allongements d'une barre métallique en fonction des charges.
Ps Ps téressants el
semble capa-
ble, en même
temps, d’une
grande sensi-
bilité et d'une grande exactitude, En voici le principe :
Deux pièces Bet C (fig. 2) sont fixées sur la barre A,
soumise aux essais, chacune par une paire de vis de
pression (sur notre figure, on ne voit que deux vis de
:0:05820,8;. Allongements produits sous
sur une fibre quelconque de la surface extérieure. En
le nom de module de Young, et l'expriment par la même M
hot n chts HU ÉÉle) dÉS SEE to cé
fit bte... $ tasses
Li
Gibier te te à
dt sin de bal mms |
_ Un microscope
pi sé AMIE
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 823
—=
Il
= |
nr
Fix, 2.— Principe de l'appareil du Prof. Ewing. — À, Barre
soumise aux essais. — O, O’, vis de pression. — B, pièce
portant la vis O', un microscope M, un bras B', une vis
micrométrique V et un arrondi P; — C, pièce portant la
vis O, un logement pour l'arrondi P et un petit fil tendu Fig. 4. — Appareil servant à mellre en place l'élasticimètre.
sur la face plane A vis-à-vis du microscope M.
pression O et O'; les
: deux autres sont pla-
cées derrière la barre
A). A la pièce B est
attaché un bras B,
qui porte à son ex-
trémité inférieure un
arrondi P, qu’on peut f
abaisser ou élever à
volonté , et d'une
quantité évaluée ri-
“oureusement au
moyen d’une vis V à
tête graduée. L’ar-
rondi Ps’engage dans
une fente où un trou
correspondant (nous
verrons tout à l'heure
quelle est celle de ces
deux solutions qui est
la meilleure) creusé
dans la pièce C. Celle-
- ci se termine de l’au-
tre côté par une face
plane Q, présentant
une petite cavité, en
travers de laquelle
est tendu horizonta-
lement un petit fil
très fin. Lorsque la
barre À s’allonge, la
pièce G pivote autour
du point P, et le fil
tendu en Q se déplace
d’une quantité qui est
à l'allongement de A
comme la longueur
PQ est à longueur PO.
M,
porté par la pièce B,
permet de mesurer
très exactement la va-
Fig. 3. — Délails de l’élasticimètre. — A, Barre à
essayer; B, C, pièces portant les vis de pression
telles que O; Q, face plane portant le fil visé par le
microscope; B',B', montants verticaux; P, extrémité
arrondie; D, D', contre-poids; E, axe autour duquel
tourne le bras portant le microscope; F, vis ser-
vant à la mise au point du microscope.
— H, bras formant le corps de l’appareil; G,G, vis de
pression; les pièces B et C sont celles qui étaient marquées
des mêmes lettres dans la figure précédente.
leur du déplacement .Il arrive souvent
que, outre l'effort de traction ou de com-
pression, la barre A subit un léger effort
de torsion sur elle-même. La pièce B
tend alors à se déplacer dans un plan
perpendiculaire au plan de la figure, en-
traïnant avec elle B et l’arrondi P. Ce-
lui-ci doit, par suite, avoir pour loge-
ment non un simple trou, mais une
fente transversale creusée dans la pièce
G. Mais cette solution a un grave incon-
vénient : le moindre défaut de parallé-
lisme entre cette fente et les axes des
paires de vis O et 0’ amène des frotte-
ments et des efforts parasites qui gé-
nent le fonctionnement de l'appareil.
Aussi le P' Ewing a-t-il préféré adopter
un trou pour loge-
ment de P et mettre
à la rencontre de B
et B' une articula-
tion permettant à
ces deux pièces de
prendre un petil
mouvement de ro-
tation l’une autour de l’autre.
Les divisions de l’échelle micromé-
trique du micrescope M correspondent
au déplacement de —… de pouce
(0®/»,00508) du fil placé en Q. Les di-
xièmes de division étant facilement
1
apréciables, on peut donc lire le ==
de pouce ou = de millimètre, La vis
V sert, au début de l'expérience, à
mettre l’image du-fil dans une position
convenable du champ, ou encore à l'y
ramener lorsqu'elle en est sortie au
824
cours des essais, La graduation de la tète de la vis per-
met d'évaluer le déplacement imprimé à la pièce C.
La figure 3 représente l'instrument complet appliqué
sur une éprouvette À, La pièce B' de la figure 3 est ici
représentée par deux montants verticaux B' B', situés
de part et d'autre de la barre à éprouver. Le bras hori-
zontal supérieur reliant les deux montants porte un
logement destiné à recevoir un axe faisant corps avec
la pièce B et donnant à ces deux parties de lappareil
le jeu dont nous avons parlé, rendu nécessaire par les
légers mouvements de torsion de A. Une vis F sert à
mettre au point le microscope au moyen de la rotation
du bras qui le supporte autour de l'axe E. Un contre-
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
(% de pouce). L'échelle du micromètre porte 140 di-
visions, ce qui permet d'évaluer des allongements cor-
respondant à 1400 unités, Les essais préliminaires dem
calibrage ont montré qu'il ne fallait pas employer
les dix dernières divisions à chaque extrémité de lé
chelle, pour qu’il y ait une proportionnalité rigoureu-"
sement exacte entre les déplacements de l'image eb
ceux de l’objet, ‘4
Enfin, nous signalerons une disposition particulière M
de l'appareil, représentée dans la figure 5. Elle permet:
de le fixer sur des barres placées dans n'importe quelle
position, inclinée, par exemple, comme celle de la
figure, Le principe reste le même, mais
toutes les parties de l'appareil sont d’un
même côté de la barre. L'image du filtendu
en Q est ramenée dans le microscope par
une série de prismes à réflexion totale con-
tenus dans une boîte N. Une visJ sert, pour.
poids D permet d'obtenir l'équilibre de l'appareil, la
barre A étant dans une position verticale ; au moyen d’un
second contrepoids D’, on finit l’opération. qui n’a été
que grossièrement achevée avec D. L’équilibre est bon
si, lorsqu'on abaisse iégèrement à la main la partie
gauche de la pièce C, l’arrondi P n’a plus aucune ten-
dance à se mouvoir. Dans ces conditions la pièce C
reste appliquée contre P par l'effet d’un léger excès
de poids donné à sa partie droite. Les pointes des vis
portées par les pièces B et C se trouvent à une dis-
lance verticale de 203 millim. 2 (8 pouces), Afin de
les ajuster rapidement, elles se séparent du reste de
l'appareil et s'engagent dans des mächoires portées
par un bras H (fig. 4), qui leur donne en même temps
la distance et le parallélisme nécessaires On les fixe
alors à Ben serrant deux vis GG, Le tout est porté
sur la barre en expérience, contre laquelle on appuie
les vis des pièces B et C; on desserre GG et on enlève
le bras H.
é é : 508 TS :
Le pas de la vis V (fig. 2) est de Gi de millimètre
les transports, à fixer l'arrondi P dans son
logement On le rend libre au moment des M
expériences, et l'appareil fonctionne comme
précédemment, Les lettres communes aux.
figures 3 et 5 représentent les parties cor-,
respondantes des deux instruments, :
Nous donnons ci-dessous les résultats
d’un des nombreux essais cités par Île
Pr Ewing. La barre expérimentée était faite d’un acier
fondu spécial, employé par certains constructeurs an-
glais pour les armatures de dynamos. Elle était ronde
et avait 19 miliim, 126 de diamètre,
Tableau 11
CHARGES
SUCCESSIVES
EN TONNES
(1 tonne angl.
= 1015 kil.)
LECTURES
SUR L'ÉCHELLE
ë PAR
MICRO - MRGRSE
MÉTRIQUE
ALLON-
GEMENTS
PERMANENTS
DIFFÉRENCES
200 —
237 31
273 36
310 31
341 37
384 37
423 39
204 —
424 —
168 à 470 44 à 46
528 à 540 58 à 70
249 —
545 à 550 —
670 —
715 après une
demi-minute
158 après 2!
(585 après 9
RAR Etocy de 447 ——
LR None 198 —
> 1200 (hors
de l’échelle)
Ces différents nombres donneraient une courbe de
la forme de celle qui est reproduite dans la figure 1.
Ils montrent que la limite d’élasticité est atteinte sous
une charge d'environ ? tonnes 1/2.
A. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechuique.
|
|
|
4
ph HET NAT TUO LLC ON
ST 3
1° Sciences mathématiques.
Bardey (D' Ernest). — Zur Formation quadratis-
- cher Gleichungen. Zweile Auflage. — 1 val, in-8° de
400 p. (Prix 3 fr. 75.) B. G. Teubner, Leipzig, 1895.
Cet ouvrage contient des méthodes très fécondes non
seulement pour la formation des équations du second
“degré, mais encore pour leur transformation. Il ren-
ferme en particulier un exposé très complet des
“équations que l’on peut faire dériver des équations
homogènes et symétriques du #° degré.
. Comment ces équations prennent-elles naissance ?
Quelles sont les relations qui existent entre elles? Y
a-t-il plusieurs méthodes de formation ? Une forme gé-
nérale étant donnée, comment la spécialiser pour qre
“les racines aieut une forme donnée? Telles sont les
principales questions traitées par l’auteur des Alge-
braische Gleichunyen (équations algébriques). H. Feur,
Richard (Gustave , Ingénieur civil des Mines. — Les
Moteurs à Gaz et à Pétrole, en 1898 et 1894.— 1 n
volume mn-8° de 318 pages, nvec 486 figures (Prix 10fr.).
— Ve Ch. Dunod et P. Vicq, éditeurs, Paris, :895
Les ouvrages de M, Gustave Richard occupent une
place considerable et distinguée dans la littérature
scientifique des moteurs à gaz : voici le quatrième vo-
lume qu'il fait paraître depuis 1884 et le nombre des
- moteurs quil a décrits dépasse trois cents. Il en estsans
. doute plus d’un parmi ceux-ei qui n’a guère été et ne
- serajamais connu que par la description que M. Richard
je daigné en faire; mais cette nomenclaturesi riche et si
compièle constitue une source précieuse de documents,
- qui est consultée par tous ceux qui rêvent de devenir à
leur tour inventeurs de moteurs à gaz. Je ne crois pas
qu’un seul moteur patenté en Angleterre ait échappé à
l'attention de l’auteur; il n’est aucun autre ouvrage
auquel on puisse rendre ce témoignage ; les données
principales des spécifications sont reproduites avec
soin, et, si elles ne sont pas toujours parfaitement in-
telligibles, le lecteur a, du moins, toute facilité pour
- obtenir des renseisnements plus détaillés, attendu que
à
tous les brevets portent leur numéro officiel d'inscrip-
tion.
Le volume que nous nous proposons d'analyser est le
troisième supplément au premier ouvrage, paru en 1884,
sous le titre de « les Moteurs à gaz »; M. Richard publie
» ainsi tous les trois ou quatre ans un appendice à son
- livre, dans le but de tenir ses lecteurs au courant des
4
nb. Rs ne. Di
progrès de l’industrie des moteurs à gaz et à pétrole.
Le présent ouvrage se compose de quatre chapitres :
Chapitre I : Description de quelques moteurs nou-
veaux (pages 9 à 30).
Chapitre II : Détails de construction (30 à 99).
Chapitre III : Les moteurs à pétrole (99 à 187).
Chapitre IV : Applications des moteurs à gaz et à
pétrole (187 à 275).
Le second et le troisième chapitre sont les plus in-
téressants : les mécaniciens de profession puiseront
notamment d’utiles indications dans les descriptions
. des appareils de distribution, d'allumage, de régulari-
sation, de mise en train, ete, Dans le chapitre consacré
aux moteurs à pétrole, nous avons relu avec plaisir le
» compte rendu des concours de Meaux et de Cambridge.
- Les multiples applications relatées dans le dernier cha-
pitre témoignent des services que rendent à l’industrie
ces ingénieuses machines, dont nous nous efforcons,
depuis si longtemps, de faire ressortir les mérites.
C’est dans sa préface que M Richard expose ses idées :
jen que nous soyons en désaccord avec lui sur quel-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
825
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
ques points de détail, nous sommes heureux de consta-
ter néanmoins que nos divergences d’opinion sont en
voie de s’atténuer, Le succès indéniable de tous ceux
qui ont copié Otto dans son cycle, sans se préoccuper
des stralifications plus ou moins réelles des gaz dans
le cylindre, a nui à la théorie des tranches; on se con-
tente aujourd’hui de préconiser l'allumage au voisinage
le plus immédiat du canal d’admission, ce qui est lo-
gique, M. Richard parait un peu moins hostile que
par le passé aux fortes compressions et aux grandes
vitesses que nous avons recommandées à la suite
de nos éfudes sur les actions de paroi et sur les
explosions de gaz tonnants, en 1878 et 1883, Il semble
mieux disposé en faveur des puissants moleurs mono-
cylindriques dont le Simplex de la maison Malter (et
non Mather) de Rouen détient présentement le record.Il
reste sceptique comme nous devant les caleuls de
M Diesel, dont le moteur ne devait consommer que
100 grammes de charbon par cheval-heure indiqué;
certes, tous les ingénieurs souhaitaient de grand cœur
le succès de l'inventeur allemand, car il constituerait
un immense progrès; mais l'expérience montre, une
fois de plus, qu’il ne faut pas s’abandonner à de trop
décevantes illusions L’auteur fait des réserves sur la
dernière disposition des moteurs Crossley adoptée
par les cél-bres constructeurs anglais, sur l'initiative
de M. Atkinson, dans le but d’expulser du cylindre
les gaz brûlés de l'explosion : « Nous ne pensons pas
qu'il y ait, dit-il, du moins au point de vue de l'écono-
mie, grand intérêt à cette expulsion »; cetle opinion
est discutable, mais on ne tardera pas à être fixé sur
ce point par l'expérience, car plusieurs de ces moleurs
sont montés en France et leur consommation sera
prochainement connue. Le résultat intéresse vivement
la théorie des moteurs à gaz.
Cette brève analyse permet de juger de l'actualité du
dernier ouvrage de M. Richard: nous sommes heureux
d’avoir eu l’occasion de Iui rendre hommage et d'en
faire ressortir la valeur. Aimé Wairz.
2° Sciences physiques.
Sorel (E.), Prof sseur suppléant au Conservatoire des
Arts et Métiers. — La Distillation.— 1{ vol. petit in-8°
de 250 pages uvec 20 fig.de l'Encyclopédie scientifique des
Aide-Mémotüre publiée sous la direction de M. H. Lévuté,
de l'Institut. (Prix: broché 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.)
Gauthier-Villarset fils et G. Masson, Paris, 1895
Cet ouvrage sur la distillation forme un ensemble
complet avec celui que M. Sorel a déjà publié sur la
rectification de l'alcool dans la même collection, En
effet, si la distillation y est traitée d’une facon générale,
du moins les exemples y sont pris dans l’industrie si
importante de l'alcool, Les constantes physiques de ce
corps sont réunies dans une série de tableaux au com-
mencement du volume: puis vient l'étude des alam-
bics ordinaires ef des appareils à effets multiples. Dans
la troisième partie l’auteur examine le problème de Ja
distillation d'un mélange deplusieursliquides, d'abord
pour le cas simple où les corps en présence sont inso-
lubles Pun dans l’autre, puis ensuite pour les cas com-
plexes où il y a solubilité réciproque. la question de
la distillation continue est traitée avec des dévelop-
pements en rapport avec son intérêt pratique. Enfin
l'étude des moyens de préparer l'alcool brut pour la
reclification termine cel ouvrage, qui sera également
apprécié par les hommes de science et les industriels,
auprès desquels l’auteur jouit de la même autorité.
j PauL JANNETTAZ.
520
Arnold (J.-0.), F. C. S., Professor of Metallwrgy at
the Sheffield Technical School. — Steel Works Ana-
lysis. — 1 vol. in-12 de 350 p. avec 22 fig. (Prix : relié,
10 s., 6 d., ou 13 fr. 10.) Whiltaker and C°, 2, White
Heart Street, Paternoster Square, London E. C., 1895.
M. Arnold, professeur à l'Ecole Technique de Shef-
lield, a rassemblé dans cet ouvrage les méthodes
d'analyse des différents produits que le chimiste doit
examiner dans la fabrication du fer et de l'acier; on y
trouve l’indication de procédés d’analyse des fers et
aciers courants, des aciers spéciaux, des fontes riches
en éléments autres que le fer, si employées aujour-
d'hui, des matériaux réfractaires, des minerais, des
laitiers, etc. : d’autres chapitres indiquent comment il
laut procéder pour déterminer certaines constantes
physiques telles que la densité de l'acier, Le pouvoir
calorique des combustibles, etc. Le savant professeur
de Sheffield, bien connu par ses travaux sur la métal-
lurgie, a fait là une œuvre vraiment originale et non
une simple compilation. Beaucoup des procédés indi-
qués lui sont dus, et tous ont été soumis par lui à une
épreuve expérimentale. La description de chaque ana-
lyse comprend : 1° l'indication des réactifs et liqueurs
litrées nécessaires, de leur mode de préparation et des
essais auxquels ils doivent être soumis; 2 l’exposé
détaillé des opérations successives et des précautions
à prendre; 3° la théorie du procédé et une discussion
sur la précision du résultat; 4° les chiffres fournis par
une application de la méthode à un produit industriel.
G. CHarpy.
Beaudet (L.), Pellet (H.) el Saïllard (Ch.),
Ingénieurs chimistes de sucrerie, — Traité de la Fa-
brication du Sucre de betteraves et de cannes.
— 2 vol. de 1277 pages et 429 fig. J. Fritsch, éditeur,
Paris, 1895.
Nous ne saurions trop féliciter MM. Beaudet, Pellet
et Saillard de leur puissant effort. Jusqu'à ce jour, les
traités spéciaux sur l’industrie sucrière, très nombreux
à la vérité, ont presque fous ce caractère commun de
n’envisager que le côté pratique de la question. Les
auteurs du nouveau traité de la fabrication du sucre
ont, indépendamment des appareils et des méthodes
d'analyse, laissé une large part à la théorie.
Les auteurs ont commencé par traiter des sucres en
général. Le premier chapitre est un exposé de leurs
fonctions chimiques ; les quelques mots consacrés à la
théorie du carbone asymétrique donneront aux chi-
mistes de sucrerie un moyen de se guider, lorsque
l'analyse polarimétrique deur fournira des chiffres
anormaux.
Cependant, à côté de si bonnes choses, il est regret-
table de trouver la malheureuse formale saccharogé-
nique de M. H, Leplay, si discutable au point de vue
scientifique.
La théorie du phénomène de la diffusion n’est pas
très complète, ni très au courant des derniers travaux
touchant la question. Pour avoir voulu faire un
traité complet de l’industrie sucrière, il n'était peut-
être pas nécessaire -d’accumuler des hypothèses plus
ou moins justifiées, pouvant laisser une mauvaise im-
pression aux lecteurs au courant de la question et
dérouter les débutants,
Les différentes théories de la double carbonatation,
des appareils de filtration mécanique, d'évaporation
de cuite sont bien présentées, et la description des
appareils est très complète.
Dans cet ouvrage très bien conçu nous ne croyons
pas qu'aucun procédé et appareil nouveau ait été
passé sous silence, mais nous aurions aimé connaître
sur chacun d'eux l'avis d'auteurs aussi compétents.
Le chapitre traitant de la partie analytique et, fai-
sant suite, l'étude de la sélection des betteraves sont à
louer sans réserve, Cette question si capitale est mise
au point, tous les renseignements désirables sont don-
nés, et nous ne pouvons que rendre hommage à la lar-
seur de vues de M. H, Pellet. :
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
jour, À
: des Gastéropodes appartiennent à deux types qu'on ob
Les chapitres consacrés à la fabrication du sucre de
cannes et du rhum sont remarquables par la facon
dont l'équilibre est maintenu entre le côté théorique
et le côté pratique. à
Eufin nous ne pouvons que regretter que, dans lé
chapitre précédent, l'étude de la sucrerie coloniale, les
auteurs n'aient pas cru devoir traiter plus longuement
la partie économique de cette industrie si à l'ordre du
Edouard URBAIN,
Chimiste de sucrerie.
3° Sciences naturelles.
Nabias (B, de). — Recherches histologiques et
organologiques sur les centres nerveux des Gas-
téropodes. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des
Sciences de Paris.) — Un vol. in-8° de 195 pages, avee
5 pl. doubles, Bordeaux, Imprimerie Durand, 1895.
Le travail de M. de Nabias ne s'étend point, comme
on pourrait le croire d’après le titre, au groupe tout
entier des Mollusques gastéropodes ; il se limite aux
seuls Pulmonés terrestres, et encore ne comprend-il,
dans ce sous-ordre, que quelques genres des plus
communs : les Helix, les Arion, les Limax et les Zorites,
Etant données la difficulté et l'étendue des recherches
auxquelles s’est livré l’auteur, on ne saurait lui faire un
grief d’avoir restreint son sujet à un petit nombre dem
formes ; mais il semble qu’en circonserivant le champ
de ses études, M. de Nabias ait en mème temps tracé
la même limite au champ de ses comparaisons, enle-
vant, par là même à son travail un caractère de géné-
ralité qu'il aurait pu facilement avoir, et négligeante
certaines questions importantes, que lui aurait certaine
ment suggérées un souci plus constant des connais:
sances actuellement acquises sur les autres groupes de
Gastéropodes. Je me hâte d'ajouter que celte critique
n'a trait qu'à la partie anatomique de son travail, la
plus courte et certainement la moins importante; la
partie histologique, au contraire, est à tous égards fort
soignée; les lacunes y sont très peu nombreuses, ets
tous les travaux importants sur la structure interne du
système nerveux y sont soumis à une analyse minu-
tieuse d’où se dégagent des essais de généralisation
fort intéressants, Les opinions émises dans ces travaux
élant nombreuses et souvent contradictoires, je me.
bornerai à rappeler ici, sans discussion aucune, les
résultats histologiques très précis auxquels est arrivé
l’auteur.
Les cellules nerveuses des centres ganglionnaires
serve également chez les Vertébrés et chez les Arthro-ù
podes; dans le premier de ces types, qui est celui dem
Deiters, le cylindre-axe conserve son individualité et sem
continue avec une fibre centrifuge ; dans le second, qui
est celui de Golgi, le prolongement cellulaire se divise
rapidement en ramifications arboriformes complexes.
Les cellules de Deiters sont de beaucoup les plus ré-.
pandues dans le système nerveux; elles se distinguentm
par la couche épaisse de protoplasma qui envelOppem
leur noyau; les cellules de Golgi ne se trouvent au con
traire que dans le protocérébron et dans les ganglions
affectés à la sensibilité spéciale (cellules de l'otocyste,
ganglions tentaculaires, etc.); elles sont de petite
taille et revêtues d’une couche protoplasmique extrê-"
mement mince, 4
Les prolongements cellulaires sont des émanations
directes, non du noyau (contr, à Haller), mais du pro-
toplasma; ils sont composés de fibrilles pleines qui
ne sont point, comme le pensent Nansen et Saint-Rémy
des tubes névrogliques pleins d’hyaloplasme. Le pros
longement principal, ou cylindre-axe, est toujours dés
pourvu de gaine de myéline; à mesure qu'il s'éloigne
de la cellule, il se ramifie en émettant des fibrilles;
{antôt cette division ne s'effectue qu’à l'extrémité du
prolongement, tantôt beaucoup plus près de la cellule;
quelquefois même la division s'effectue au niveau de
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
827
Ma cellule elle-même, qui devient alors bipolaire. Ces
cellules bipolaires sont rares dans le type de Deiters,
“fréquentes dans le type de Golgi; à l'exemple de Vial-
es, l'auteur les considère comme des cellules diffé-
nciées qui dérivent de cellules unipolaires. Les cel-
Mules mullipolaires font complètement défaut. Quelle
“que soit l'importance du prolongement cellulaire et de
Ses ramifications, la structure reste toujours la mème,
et la cellule se comporte comme une unité morpholo-
gique parfaitement caractérisée, que l'auteur, avec
Waldeyer, désigne sous le nom de neurone ; l'indépen-
dance des neurones est telle que leur prolongement et
leursramifications restent toujours distincts sans jamais
ontracter d'anastomose. La substance ponctuée gan-
#lionnaire, formée par ces ramifications, n’est donc
point un réseau, mais une trame de fibrilles simplement
juxtaposées. Au moyen d’un grand nombre de coupes
parfaitement orientées et étudiées avec soin, M. de
-Nabias montre, contrairement à un très grand nombre
d'auteurs, queles nerfs ne prennent nullement naissance
“dans la substance ponctuée, mais se détachent directe-
nent des cellules ganglionnaires. Pour les fibres centri-
juges, cette origine directe est masquée par une anse
plus ou moins longue que forment les fibres à leur ori-
gine; mais il suffit d'orienter la coupe dans le plan de
“ces anses pour suivre ies fibrilles nerveuses jusqu'à la
cellule qui leur donne naissance. Quant aux fibres
-centripètes, elles ont leur origine dans des cellules
ganglionnaires périphériques (cellules de la rétine, de
lotocyste); elles viennent former des arborescences
dans la substance ponctuée du cerveau, mais ellés
n’ont aucune connexion directe avec les cellules de ce
» ganglion nerveux ; il en est de même, du reste, chez les
* Vertébrés. Ces faits ont évidemment une très grande
-importance, et l'auteur s’en sert pour déclarer inexact
« le réflexe classique dans lequel on admet qu’une
fibre centripète aboutit à une cellule sensitive, qui
* entre à son tour en relation avec une cellule motrice
- pourvue d’un cylindre-axe centrifuge. La cellule sensi-
«live, dit-il, doit être supprimée dans cette situation;
* elle est à l’origine de la fibre centripète, à la périphérie,
par conséquent, et non à sa terminaison. Le réflexe,
- dans ces conditions, n’en est que plus parfait, parce
- que toute excitation portée par les fibres centripètes
- pourrase transmettre en même temps, par le fait
- même des bifurcations, à un plus grand nombre d’élé-
ments. Cette transmission ne pourra avoir lieu par con-
tinuité, puisque nous reconnaissions l'indépendance
des cellules nerveuses, mais par contact. »
Si, comme on est en droit de l’espérer, les recherches
histologiques de M. de Nabias sont confirmées par des
observations nouvelles, elles auront fait faire, à coup
sûr, un grand pas à la science. Je pense toutefois,
qu'il y aura lieu d'étudier encore de très près la subs-
. tance ponctuée afin d'y découvrir, si c'est possible, les
- anastomoses nerveuses qu'ont décrites {ant d'auteurs;
il y aura lieu, surtout, d'étudier encore les cellules
. du type de Golgi, dont l’auteur n’a pu « préciser d’une
. facon absolue le mode de terminaison ».
Il sera bon également d'étendre à un très grand nom-
. bre de types les recherches de topographie cérébrale que
Viallanes a poussées si loin chez les Arthropodes et que
. M. de Nabias, le premier pour ainsi dire, a effectuées chez
les Gastéropodes Ces recherches sont trop techniques
pour pouvoir être résumées ici, mais elles l'ont conduit
déjà à quelques résultats intéressants. Elle lui ont
permis de montrer, notamment, que les variations de
structure cérébrale -sont limitées au protocérébron,
que le développement de ce dernier est en rapport avec
le degré d’évolution des Gastéropodes, enfin que les
centres cérébroïdes sont parfaitement symétriques,
. qu'ils émettent toujours le même nombre de nerfs, et
qu'un certain nombre de cellules, sinon toutes, y occu-
pent -une position déterminée et parfaitement cons-
_ lante.
Tous ces faits n’ont pas la même importance et
quelques-uns mêmes (symétrie externe des ganglions
cérébroïdes, nerfs en nombre constant) étaient pres-
sentis ou connus avant les recherches de M. de Nabias.
Mais certains d’entre eux, surtout ceux relatifs à la symé-
trie cellulaire, sont entièrement nouveaux et ne man-
queront pas d'attirer l'attention de tous les biologistes ;
il y a évidemment localisation chez ces êtres, mais
cette localisation s'étend peut-être à une cellule seule et
non à une région cérébrale tout entière, Toutefois il ne
faudrait pas seleurrer sur l'importance de ces études de
topographie cérébrale, et compter beaucoup sur elles
pour établir « sur des bases solides les affinités réelles
et peut-être la généalogie des principaux groupes » ; ce
sont-des résultats auxquels peuvent conduire, beaucoup
plus directement, l'anatomie et même la morphologie
pure et simple des Gastéropodes : quand M. de Nabias,
grâce à la topographie cérébrale, arrive à considérer les
Pulmonés sans coquille (Arion, Limax), comme moins
primitifs que ceux qui en ont une (Helix), il arrive
purement et simplement à un résullat qu'avaient de-
puis longtemps énoncé les anatomistes et même cer-
tains conchyliologistes,
A côlé des généralisations précédentes, qui parais-
saient sérieusement établies, il en est d'autres qui sont
moins fondées parce qu’elles reposent sur des éléments
de comparaison beaucoup trop restreints. Pourquoi
M. de Nabias semble-til croire « que la cellule nerveuse
diminue progressivement de volume à mesure qu’on
s'élève dans l’échelle zoologique ? Cela n’est certaine-
ment pas vrai pour les Gastéropodes, car on sait que les
Prosobranches inférieurs, qui ont servi de point de départ
aux Pulmonés par l'intermédiaire des Opisthobranches,
ont des cellules nerveuses infiniment plus petites que
celles des animaux de ces deux derniers groupes.
Il me reste à signaler quelques lacunes que la topo-
graphie cérébrale aurait très heureusement comblées,
si Pauteur avait porté plus d’attention sur les études
anatomiques déjà faites dans les autres groupes de Gas-
téropodes. M, de Nabias nie l’existence de la commis-
sure subcérébrale que M. Amaudrut a trouvée chez un
grand nombre de Pulmonés, et qui existe à l’état dis-
tinct chez la plupart des Opisthobranches ; on peut lui
faire un grief de n'avoir pas cherché ce qu'était devenue
cette commissure qui, vraisemblablement, n’a pas dis-
paru. M. de Nabias considère également les ganglions
commissuraux comme dépourvus de tous nerfs; mais
il n'aurait pas été aussi affirmatif s’il avait su que ces
ganglions émettent des nerfs importants chez tous les
Prosobranches, chez beaucoup d’Opisthobranches et
chez un certain nombre de Pulmonés aquatiques ;
enfin son travail ne fait aucune mention du nerf mé-
dian qui part du milieu de la commissure pédieuse
postérieure chez tous les Gastéropodes où cetie commis-
sure est bien distincte; il aurait été intéressant de
chercher quel déplacement peut subir ce nerf, dont le
champ de distribution parait toujours bien déter-
miné., Je touche ici à la lacune la plus importante du
travail de M. de Nabias, qui a complètement négligé
l'étude des nerfs issus des ganglions pédieux -et vis-
céraux. Je sais bien que cette étude aurait singuliè-
rement augmenté l'étendue de son travail; mais
pourquoi l’auteur n’a-t-il pas dit, dans sa préface el
dans son titre, qu'il limitait ses recherches aux seuls
ganglions cérébroïdes ?
Je ne veux pas insister sur ces critiques, qui tendent
surtout à montrer combien sont multiples et impor-
tantes les questions qu'a traitées M. de Nabias. Son
travail n’est point une thèse banale, et je suis persuadé
qu’elle comptera parmi les meilleures publiées à notre
époque. Quand l’auteur aura comblé les lacunes qué
j'ai signalées plus haut, quand il aura étendu ses
recherches à des formes plus nombreuses et plus va-
riées, les critiques précédentes n'auront plus de
raison d’être, et M. de Nabias aura donné à la science
un ensemble de documents absolument neufs qui lui
feront occuper une des meilleures places parmi les bio-
logistes actuels, E. L. Bouvier,
Professeur au Muséum,
528
4° Sciences médicales.
Van Renterghem (A.-W.)et Van Eeden (F.). —
Psycho-thérapie C mpte rendu des résultats obtenus
dans tu clinique de Psychothérapie suggestive d’Ams-
terdam (1889-1893). — 1 vol. in-8° de 301 p. (Prix:
1 fr. 50), Société d'Erditions scientifiques. Paris, 1895.
Ce livre se divise en trois parties : 1° une Introduc-
tion consacrée à la discussion de la légitimité et de
l’efticacilé des méthodes psycho-thérapiques; 29 la sta-
listique des cas traités à la clinique psycho-thérapique
d'Amsterdam, du 1° juillet 1859 au 3 juin 893, suivie
d'un résumé général de la statistique ües cas traités
du 5 mai 1887 au 30 juin 1893; 3° un choix de 110 ob-
servations cliniques. MM. Van Renterghem et Van
Eeden font, dans leur pratique, une large place à la
suggestion à l’état de veille à côté de la suggestion
hypuotique : il faut aussi, d’après eux, attacher la plus
haute importance au milieu où est placé le malade,
au genre de vie qu'on lui fait ad, pler, au régime
qu'on lui prescrit. Leur thérapeutique n’est donc pas
seulement une thérapeutique sugseslive, c'est une
thérapeutique où l’on met à profit toutes les in-
{luences qui peuvent agir directement ou indirecte-
ment sur l'esprit du malade. Ils n'ont pas, au
reste, la prétention de substituer la psycho-thérapie à
toute autre médication : c’est un trailement qui a,
comme tous les autres traitements, ses indications et
ses contre-indicalions ; mais leur expérience de sept
années leur permet, disent-ils, d'affirmer que, pour
toutes les névroses et la plupart des psycho- -névrosés,
c'est l’un des plus efficaces, et, à coup sûr, le plus
inoffensif. Ne rendrait-il d'autre service que de sup-
primer l'abus des médicaments et de faire perdre aux
malades habitude de combattre tour à tour les dou-
leurs dont ils souffrent avec toutes les armes que
renferme lParsenal thérapeutique, qu'il contribuerait
encore, dans une très large mesure, à hâter leur réta-
blissement, Mais l efficacité des sugseslions, dans un
grand nombre de cas, est dès maintenant chose éta-
blie; la possibilité de faire disparaître par suggestion
certains accidents hystériques, Lels que les paralysies,
n'est plus mise en doute par personne : la seule ques-
tion qui reste ouverte, c'eside savoir quelle est étendue
de ce pouvoir de la suggestion; de déterminer, par
exemple, si les affections organiques du système ner-
veux peuvents’amender sous l'influence de sugzestions
appropriées. Le médecin devra done recourir, toutes
les fois que cela sera possible, à la psycho-thérapie :
c'est, en effet, un traitement toujours inoffe 1sif et sou-
vent eflicace, et Le premier devoir du médecin, c’est de
chercher à guérir son malade. La science pure et la
pratique médicale sout choses fort différentes, et le
médecin devrait ne point hésiter à employer la sug-
gestion dans Île traitement des maladies nerveuses,
quand bien mème son mode d'action sur l'organisme
lui paraitrait inintelligible ; mais il n'en est pas ainsi :
nous w’avons à opposer aux faits que nous apportent
ceux qui ont pratiqué eux-mêmes la psycho-therapie
que des arguments d'ordre mé taphysique ; si nous ne
coimprenons pas comment peut s'exercer l'action de
l'âme sur le corps, c'est que nous sommes emprisonnés
dans une conception schématique de la nature que la
nécessilé de concevoir mécaniquement les relations
des phénomènes nous a obligés d'admettre, mais nous
avons cependant des seuls phénomènes psychiques une
conscience directe; les phénomènes matériels, nous
ue Îles connaissons que par inférence, Le moi est
seul immédiatement présent à lui-même et il se
saisit lui-même comme actif, IL nous faut bien l’ad-
mettre, que cela s'accorde ou non avec la théorie
scientifique que nous avons construite. Rien alors de
plus aisé à accepter que l’action médicatrice de | âme.
Remarquons, au reste, que, dans la longue chaîne de
phénomenes qui unit, dans le réflexe, la sensation au
mouvement, prennent place des facteurs purement
psychiques. Pourquoi les jugerions-nous arbitraire-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
ment comme étant les seuls qui soient dépourvus d’ef-
ficacité? D'ailleurs, les agents thérapeutiques, phy-
siques et chimiques n'agissent pas directement, eux.
non plus, sur le phénomène qu'il s’agit de modifier :.
ils n'agissent « jamais que par l’intervention de l’ac-
tion propre du plasma »; cette puissance médicatrice
de l'organisme que les ‘médicaments stimulent, c’est
elle aussi que met en jeu la suggestion. Il faut bien
admettre l'existence, dans tout organisme, d’une force
particulière qui le répare, l’entretient, le défend contre
les dangers du dehors; si on considérait, en effet, le
corps comme une machine, et si on ne faisait une place
à l'énergie vitale, les effets de l'exercice et de l’en-
durcissement deviendraient inintelligibles. C’est pour
avoir laissé s’obscurcir et tomber presque en désué-
tude cette notion de la vitalité, que l’on en est venu,
en médecine nerveuse, à cette thérapeutique palliative
qui n'a d'autre but « que de procurer au patient, dans
le plus court délai, un état de b'en-être el un sem-
blant de santé », Tel est le résumé des idées présen-
tées par MM. Van Renterghem et Van Eeden dans leur
Introduction. Bien des objections se présentent d’elles-
mêmes à l'esprit. Rien n'est moins clair que cette idée
d'énergie vitale où ressuscite le vieux principe vital
d’autrelois, et de ce qu'une pensée ne saurait être
confondue avec un phénomène physico-chimique, il
ne s'ensuit pas que ce ne soient point les deux aspects
corrélatifs d'un même événement, Ces longues chaines
de phenomènes psychiques qui unissent souvent une
sensation périphérique à un mouvement, sont, il ne
faut pas l'oublier, des enchaïnements de phénomènes
cérébraux : du dehors, ce ne sont que des modifications
physico-chimiques de la substance nerveuse, du de-
dans, des faits de conscience, Ces deux aspects d’un
mème événement sont indissolublement unis; nous
ne pouvons les séparer que par abstraction, Tout cela
importe peu du reste à la thérapeutique sugsestive.
Ce sont des questions d’une haute généralité qui ne
pouvaient être traitées, dans une Introduction de cette
espèce, ni avec assez de précision, ni avec assez d’am-
pleur Il ne faut pas chercher dans cette statistique
clinique autre chose que ce qu'on y peul trouver, non
point des analyses, ni même le récit d'expériences
méthodiquement conduites, mais seulement des résul-
tats bruts, Tels quels, ils semblent assez encoura-
geant : sur 1089 cas traités par eux, MM. Van Ren-
terghem et Van Eeden ont oblenu 320 guérisons et
276 « améliorations notables ». Il faut noter que,
dans tous les cas où il s'agissait d’affections orga-
niques. l'échec a élé complet, que les meilleurs succès
ont été obtenus avec des hystériques et des neuras-
théniques, et que, si les deux auteurs peuvent apporter
de très beaux résultats en ce qui concerne le traite-
ment des diverses phobies des dégénérés, il importe
de ne pas oublier qu'elles disparaissent souvent spon-
tanément pour faire place à d'autres. Or, c’est là ce
qui se produit fort habituellement chez les malades
qu'ils ont traités. On ne peut que malaisément alors
parler de guérison, Les résultats du traitement psy-
chique des diverses névralgies, des ties, de lPasthme
nerveux, de l'alcoolisme, ont été bons; il a été d’une
frappante efficacité pour guérir les enfants de l’incon-
tinence d'urine diurne et nocturne. En ce qui concerne
les maladies mentales, leur expérience personnelle a
amené MM. Van Renterghem et Van Eeden à se ranger
à l’avis de Forel et de Bernheim : ce traitement est le
plus souvent sans effet, Dans quelques-uns des cas où
ils ont réussi, il semble qu'on ait affaire à une guérison
spontanée ; ailleurs, il s’agit peut-être de folie inter-
mittente, Le véritable intérêt de cet ouvrage est dans
les observations cliniques qui le terminent et dont
quelques-unes constituent une utile contribution à
l'étude de la neurasthénie, que les auteurs confondent
sans cesse, du reste, dans leurs descriptions, avec la
dégénérescence meutale, — Le livre est criblé de fautes
d'impression et de fautes de francais, mais cependant
écrit très clairement, MaRILLIER.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 829
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Seance du 5 Août 1895,
M. le Secrétaire perpétuel annonce la perte que la
science vient de faire dans la personne de M. G. Basso,
-membre de l’Académie des Sciences de Turin.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Maurice Lévy pu-
blie une note importante sur la construction des
‘grands barrages. Ce travail débute par des considé-
rations praliques où l’auteur propose un moyen pour
‘empêcher l’eau de rester sous pression à l'intérieur
des barrages; il consiste essentiellement à ménager
en amont du massif du barrage des espaces vides de
deux mètres de largeur séparés par nne distance égale:
toute fissure se traduirait alors par une pénétration
à d'eau. Eu outre, il conviendrait que la pression à l'ex
“ {rémité amont d’un joint soit superieure à la pression
de l’eau du réservoir en ce point. Les assises de ma-
“connerie devraient être élevées suivant les lignes 1s0-
“ slatiques de Lamé, qui possèdent la proprielé de sup-
porter les pressions les plus grandes. L'auteur examine
ensuite le problème au point de vue théorique; il
- calcule la résistance et donne la valeur du glissement
suivant une section horizontale, le poids minimum
- de maconnerie, les compressions au droit du parement
d'aval et au droit du parement d’amont, les forces
élastiques sur les éléments horizontaux et verticaux ;
… il examine ensuite le problème en supposant que le
parement amont n'est pas vertical,
2% ScikNCES PHYSIQUES. — M. Cornu à entrepris une
— étude expérimentale des vibrations transversales des
cordes; les premiers résultats obtenus se résument
ainsi : Les vibrations transversales d'une corde, excitée
d'une manière quelconque, sont toujours accompa-
… snées de vibrations tournantes, l’élasticité de torsion
| de la corde entrant en jeu au même titre que la com-
7
posante transversale de la tension. Chacun des points
‘d'une corde pincée se meut suivant la résultante des
trois déplacements : 1° rotation autour de l’axe de la
corde ; 2 translation parallèle à un plan de symétrie
* perpendiculaire ; 3° translation parallèle au plan de sy-
» métrie de la corde. Les cordes mises en vibration par
+ unchocéprouvent un mouvement aussi complexe; celles
| qui sont frappées par un archet ont un mouvement
- vibratoire plus simple et sont susceptibles, si les vi-
» brations tournantes deviennent importantes, de donner
+ naissance à des sons de hauteur moindre que la hau-
- teur habituelle, appelés par l’auteur sons anormaux.
… La seconde partie de ce travail contient en détail la
- méthode d'étude suivie; elle consiste essentiellement
à fixer à la corde un petit miroir de légèreté extrême
et à enregistrer les mouvements du rayon réfléchi en-
voyé par un point lumineux fixe. Le phénomène est
- d’ailleurs étudié en fonction du temps à laide de
» l'artifice suivant : Le rayon lumiueux traverse des
… trous percés régulièrement sur la circonférence d’un
disque; les interruptions de la courbe, tracée alors en
pointillé, se font à intervalles de temps égaux définis
… par la vitesse du disque. — M. F.-A. Forel, président
- de la Commission internationale des Glaciers, résume
l'ensemble des connaissances acquises sur leurs varia-
- tions et précise le problème soumis aux naluralistes
… du monde entier : Y a-t-il simultanéité ou y a-t-il al-
- térnance ou n'y a t-il pas concordance dans les varia-
+ lions glaciaires : 1° dans les divers glaciers d’un
même continent; 2 dans les divers glaciers d’un
même hémisphère au uord ou au sud de l’équateur ;
“ 3° dans les divers glaciers du globe? — M. L. Des-
croix adresse une série de tableaux numériques por-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L’ETRANGER
tant pour titre : Etudes sur le climat de Paris, 2° série.
— M. C. Maltézos établit, en s'appuyant sur les ex-
périences de Bliss et les siennes, que le mouvement
brownien est un phénomène capillaire, — M, A. Witz
a mesuré la quantité d'énergie nécessaire pour illu-
miner des tubes de Geissler dans le but de se rendre
compte de la valeur de l'éclairage par luminescence.
.La luminescence produite par les courants de haute
tension dépense une énergie considérable; celle que
donnent les courants d’une machine de Holtz est plus
coûteuse encore; mais elle a l’avantage de donner une
chaleur rayonnée très faible, correspondant seulement
au cinquième de l'énergie totale, c’est-à-dire plus
faible que dans lout autre foyer. — M. V. Ducla
adresse un mémoire relatif à des expériences diverses
sur l'électricité. — M. le Secrétaire perpétuel signale
un ouvrage de M. F -A. Forel intitulé : Le Léman,
monographie séismologique. GC. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Poirault et Raci-
borsky éludient les noyaux des Urédinées. Ils mon-
trent, par l’étude du développement, comment les deux
noyaux que l’on trouve dans les téleutospores du
Puccinia asarina arrivent à se fusionnner. Voici la
principale différence entre la division conjuguée des
noyaux des Urédinées et la caryokynèse ordinaire :
l'anaphase, des segments chromatiques, qui restent
isolés cans le premier cas, s'unissent, dans le second,
pour former un noyau unique. — MM. Guérin et
Macé, d'après les analyses qu'ils ont faites sur lanti-
Loxine diphtérique, montrent que la substance active
paraît être de la même nature que les ferments solu-
bles qu'on réunit actuellement sous le nom de dias-
tases, — M. Gourfein a extrait des capsules surrénales
une substance toxique qui produit chez la grenouille
une série de symplômes amenant la mort dans un
délai très bref, en agissant probablement sur le sys-
tème nerveux central. — M. J. Chéron produit de
lhyperglobulie instantanée par stimulation péri-
phérique. J, MARTIN.
Séance du 12 Août 1895.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Téguor adresse un
théorème propre à séparer les racines des équations
numériques de tous les degrés. — M. Coggia envoie
les observations de planètes faites à l'Observatoire de
Marseille (équatorial de Om.26) pendant le mois de
Juillet. — M. Paul Painlevé indique les résultats aux-
quels il est parvenu dans l’étude des surfaces algé-
briques qui admettent un groupe continu ie transfor-
mations birationnelles. Toutes les surfaces ren'rant
dans la catégorie étudiée sont les suivantes : 1° La sur-
face est uniformément unieursale. 2° La surface cor-
respond birationnellement au cylindre G(E, n) — 0,
la courbe G étant de genre p = 1. 3° La surface cor-
respond birationnellement à la multiplicité ë, n, u,U, dé-
finie par les équations :
GE nm} = 0; U= V{i—4?)(1 — Au).
%° Les coordonnées s'expriment en fonction abélienne
(à trois ou quatre périodes) de deux paramètres x
et v. Les résultats, qui s’étendent à un nombre quel-
conque de variables, épuisent la recherche des groupes
birationnels.
20 SciENCES PHYSIQUES. — M. le Secrétaire perpétuel
signale les deux cartes du ciel de Mars pour Paris et
pour Saint-Petersbourg, à 9 heures du soir, dressées
par M. J. Vinot. — M. Limonet, dit Lefrançais, en-
voie un mémoire relatif à une réforme à introduire
830
dans les signaux destinés à éviter les abordages en
mer, — M, Ch. Frémont réussit à produire l’éclaire-
ment d’un objet opaque observé au microscope par
l'intérieur du tube même du microscope et à travers
l'objectif, de sorte que la méthode s'applique aux plus
forts grossissements. — M, Marey fait remarquer l'im-
portance de ce dispositif pour les rechercher chrono-
photographiques où l’on était obligé jusqu'ici de photo-
graphier les objets non éclairés sur un fond éclairé, et
par suite, sur une pellicule mobile; au contraire, les
photographies successives d’un objet éclairé sur
champ obscur peuvent être réunies sur une même
plaque immobile. — M.H. Le Châtelier discute la va-
leur des points de fusion de l’or et de l'argent admis
aujourd'hui et leur application à la graduation des py-
romètres électriques. Il conclut que le point de fusion
de l'or, 10459, déterminé par M. J. Violle, est certaine-
ment un peu bas, mais que l'erreur ne dépasse pas
20° ; que, néanmoins, aucune des expériences failes jus-
qu'ici ne présente une précision suffisante pour justi-
fier l'adoption d’une température de fusion différente
de 10459. — M. E. Kern adresse une note relative à
un arc-en-ciel blanc observé Le lundi5 août, à 10 heures
du soir, à Ver-sur-Mer (Calvados). — M. Ch. Astrea
étudié l’action du potassium sur la quinone et l’hydro-
quincne en solution éthérée ou benzénique; il a pu
obtenir ainsi les composés [C6H*KO(OH)|C#H 100,
C6H#(KO)(OK)CSH4O(OK)et CH (OK)(OH),CéH'(OH 2. Tous
ces corps sont très instables en présence de l’air et de
l'humidité ; ils font explosion au contact d’une goutte
d'acide, C. MATIGNON.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 6 Août 1895.
MM. A. Chipault, J. Braquehaye et Laborde com-
muniquent leurs recherches sur le mécanisme des
fractures indirectes de la base du crâne; il se rap-
proche de celui des fractures irradiées vulgaires, —
M. Pinard expose l’histoire d’un cas de grossesse
extra-utérine, diagnostiquée au sixième mois el opérée
à une époque rapprochée du terme. L'opération fut
suivie de l'extraction d'un garcon vivant; les suites
furent heureuses pour la mère et l’enfant. L'auteur
donne quelques indications sur la marche à suivre dans
les cas de grossesse extra-utérine, — MM. Debove et
Soupault ont étudié les fonctions de l’estomac chezun
malade atteint de cancer du pylore et gastro-entéroto-
misé. L’estomac était le siège d’une stase alimentaire.
L'acide chlorhydrique faisait défaut ; la bile et le suc
pancréalique refluaient dans l’estomac, mais ce reflux
était sans inconvénient, — M. le Dr Guermonprez
de Lille) lit un travail intitulé: Hystérectomie abdo-
minale totale substituée à l'opération de Porro. —
M. R. Blache lit un travail sur la protection de l’en-
fance dans le département de la Seine.
Séance du 13 Août 1895.
M. V. Babes fait une communication sur la vaccina=
tion par des toxines latentes contrebalancées par des
antitoxines sanguines. — M. Babes signale la présence
du botriocephalus latus en Roumanie : il y produit des
anémies graves et mortelles avec tous les signes de
l’'anémie pernicieuse. — M. Lancereaux montre que
l'abus du vin, surtout du vin plus ou moins falsifié dé-
bité à Paris, produit plusieurs affections graves, no-
tamment la cirrhose hépatique, le tremblement, le
delirium tremens, la prédisposition à la tuberculose,
I y aurait donc lieu d'exercer une surveillance atten-
tive sur le vin livré à la consommation et les falsifica-
tions qui peuvent le rendre nuisible. — M, Ferrand
communique une étude physiologique sur la musique.
Séance du 20 Août 1895,
M. le Président annonce la mort de M. Hoppe-Seyler
récemment nommé correspondant étranger, — M. le
Dr Ledé lit un travail sur les habitations des nourrices
ACADÉMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES
et les rapports des conditions d'hygiène de ces habi-
tations avec la mortalité des enfants confiés à ces.
nourrices. — M, le D' Fontan lit un travail sur le
traitement des abcès du foie,
SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE
Séance du 19 Juillet 1895.
M. C. Limb expose son travail sur la mesure directe
des forcesélectromotricesenunitésélectromagnétiques.
La méthode ordinaire pour obtenir des forces électro-
motrices en valeur absolue consiste à mesurer en va-
leur absolue les résistances et les intensités et à ap-
pliquer ensuite la loi de Ohm. Pour obtenir la mesure
directe d’une force électromotrice, M. Limb la compare
à la force électromotrice d’induction produite par la
rotation d'un faisceau magnétique à l’intérieur d’uxe
longue bobine à une couche, On connaît, en effet,
l'expression de cette force électromotrice sinusoïdale
en fonction de la valeur H du champ magnétique créé
par l'unité de courant, du moment magnétique M de
l'aimant et de la vitesse angulaire de rotation. D'autre .
part, on sait que H=#xn, n étant le nombre de spires
par unité de longueur, M. Limb indique le procédé #
ingénieux qui lui a permis de mesurer n au moyen
d'un barreau témoin, fileté sur le tour, en même temps -
que la bobine. Puis il a apporté la correction des bouts. .
et a tenu compte de l’excentrage de l’aimant par rap- :
port à l’axe de la bobine. La carcasse de la bobine est
À . pa 3 cas ntr LE
en ébonite et recouverte de fil de +. M a été déterminé.
par la méthode de Gauss, qui consiste à mesurer MII
ef Le nombre de tours par seconde se mesure en
inscrivant sur un cylindre les étincelles d’une bobine
de Ruhmkorff dont le primaire est fermé à chaque »
tour de l’aimant. La bobine et l’aimant constituent.
un élément dont la force électromotrice varie propor-
tionnellement à la vitesse. On pourrait donc songer à
opposer &irectement la force électromotrice maximum
induite à la force électromotrice à évaluer. M. Limb à
préléré comparer, au moyen du potentiomètre de »
Clark modifié, chacune des deux forces électromotrices
à une autre. Les deux bobines de ce potentiomètre …
sont en ferronickel, et on peut profiter de la seconde
région pour produire un rhéostat d’ajustement.
L’électromètre destiné à constater l'équilibre est celui
de M. Lippmann. Le modèle employé est sensible
ÊI 1 r LG L «
rt) de volt, et présente une tubulure permettant
- de le vider, afin que le tube soit toujours mouillé sous
la partie utile. M. Limb a apporté plusieurs perfec-
tionnements à la méthode de Gauss pour la mesure du
moment magnétique. Pour MH, au lieu de faire osciller
dans le champ terrestre, il a préféré équilibrer le
couple par la torsion d'un fil d'argent. Le coefficient
de torsion de ce fil a fait l’objet d’une importante
étude particulière, On suspend au fil une masse de
moment d'inertie connu par rapport au fil et on en
mesure ensuite la durée d'oscillation. Une difficulté.
se présente : le coefficient cherché prend des valeurs \
différentes suivant la nature et les dimensions de la,
masse cylindrique suspendue, Cela tient au défaut
inévitable de centrage de la tige de suspension, Mais
l’auteur à pris soin d'adopter pour les cylindres des
dimensions relatives, telles que l'inclinaison de l'axe
de révolution sur celui d’oscillation soit sans influence,
La mesure de = a été effectuée en prenant trois dis:
tances. Le magnétomètre est formé de deux petils.
aimants en U dont les pôles de même nom sont en.
regard, et dont l’ensemble fonctionne comme un
aimant rectiligne., L'amortisseur est un cylindre en,
cuivre électrolytique. La détermination du méridien.
magnétique a élé effectuée en prenant une seconde
bobine tournée avec le même soin que l’autre, On la,
dispose sensiblement dans Je plan du méridien, et on
ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES
931
ève le réglage par tàätonnements successifs jusqu'à
“que, en lancant un courant, on n'obtienne plus
Aucune déviation. Les expériences de M. £imb ont
Morté sur l'étalon Latimer-Clark, le Gouy et le Daniell,
modèle Fleming. Tous ces étalons out élé mesurés
fans la glace fondante, Le Gouy et le Clark apparais-
nt comme bien supérieurs au Daniell. Le Gouy est
s robuste. Lorsqu'il a élé malmené, il suffit de le
sser reposer; le lendemain, il est revenu à son
nombre primitif. Le Clark est d'une remarquable
“éoustance. Les variations ne sont que de l’ordre
a M. Limb adopte définitivement les valeurs
vantes : pour le Clark, 1 volt 4535; pour le Gouy,
volt 3928 ; pour le Daniell avec un cuivre récemment
ré, 1 volt 0943. Dans ces trois nombres, la qua-
ème décimale doit être considérée comme douleuse,
Le Daniell est à rejeter pour des mesures absolues,
Mais cependant, en le faisant lravailler sur une résis-
nee. il offre une grande constance. — M. A. Broca
Vréalisé de curieuses expériences sur l’étincelle élec-
ique. Il les reproduit devant la Société et en déve-
“loppe la portée. On sait que, si un circuit est suscep-
ible de donner des étincelles, la longueur de l’étincellle
est plus grande quand le circuit est relié au sol que
lorsqu'il est isolé. Ce phénomène est connu sous le
“nom d'étincelle latérale. Il est singulier de voir Le po-
lentiel augmenter dans ces conditions. M. Broca en a
recherché la cause. Il excite unipolairement de longs
ubes à vide, analogues à ceux de Tesla, et compare,
Ce qui se passe lorsque l’étincelle jaillit entre les
bornes de la bobine, ou lorsqu'elle n’a pas lieu. Les
tubes sont plus brillants dans le premier cas, par
uite le potentiel maximum devient plus élevé quand
'étincelle jaillit. L'étude électrométrique montre,
“l'autre part, que le carré du potentiel moyen est infé-
Tieur à celui du train d'onde qui existerait S'il n'y avait
as d’étincelle. De là résulte que, quand létincelle
aillit, il doit se produire dans le circuit des oscilla-
lions de période plus courte que celles du circuit
énérateur, et d’ailleurs très rapidement amorties. La
motion de période d'un cireuit n'est donc pas aussi
simple qu'on pourrait le croire. L'état vibratoire d’un
circuit ne semble pas unique. Il peut s'y propager des
ondes plus rapides. L'auteur a cherché ensuile com-
Ment ces ondes peuvent se produire. Il opère avec
une bobine cloisonnée de Foucault, et met Ie tube en
‘communication unipolaire successivement avec les
“Iranches successives du circuit secondaire de cette
“hobine. Quand il n'y à pas d’étincelle. l'illuminalion
“lu tube diminue de la première à la dernière borne.
“Lorsqu'il y a étincelle, c’est au contraire la borne la
plus éloignée qui donne le plus de lumière. Lorsque
… l'étincelle jaillit, c'est donc bien, à partir de cette
étincelle mème que se propagent les oscillations, et
elles vont en s’amortissant. Si l’étincelle n'est plus
disruptive, elle ne peut plus être le siège de cette
illumination rapide ; aussi, quand on produit un véri-
table are stable, le tube en communication unipolaire
cesse d'être lumineux. Lorsqu'on interpose dans larc
un diélectrique, un carton, l’étincelle redevient dis-
ruptive, et le tube prend un éelat très considérable
“ chaque fois que le carton est percé. En variant les
excitateurs, et prenant des excitateurs à pétrole et à
“divers liquides, on obtient toujours des phénomènes
du même genre. L'auteur a ensuite recherché si les
oscillations actuelles offrent quelques-uns des carac-
P lères des oscillations de haute fréquence. Comme
pour les tubes de Tesla, en touchant à la main le tube
en son milieu, on voit qu'une partie notable de la
lumière se propage jusqu'au fond du tube, et que, si on
supprime les étincelles, la main diminue beaucoup
plus l'illumination. Si on monte un dispositif analogue
à celui de Hertz, en attachant des fils aux deux côtés
de l'étincelle, ces fils se couvrent d'aigrettes lumi-
“neuses sur une longueur considérable. Cette illumi-
nation n'a plus lieu quand les étincelles ne jaillissent
pas. Ces aigrettes présentent une série de nœuds et
de ventres espacés de 5 à 6°%, Puis on peut arriver à
les dévier. On a donc dans ces fils des oscillations de
haute fréquence, mais le toucher suffit pour montrer
qu'on n'a pas que celles-là. Au contraire, on obtient
des oscillations rapides bien épurées en placant un fil
entre deux étincelles, à l'exemple de Lodge, qui place
une sphère entre les deux pôles d'une bobine. Ce fil
se couvre complètement d'aigrettes. On peut le tou-
cher impunément, On peut alors prendre dans l’autre
main un tube de Tesla : on le voit s’illuminer. De
toutes ces expériences résulte que l'étincelle est le
siège d’oscillations rapides. L’éther doit jouer un rôle
prépondérant. En effet, contrairement aux idées recues,
le vide absolu peut être traversé par l'électricité.
M. Broca est parvenu à produire dans un tube de
Hittorf des rayons cathodiques, puis à faire jaillir une
véritable étincelle entre les deux électrodes. M. Broca
émet alors L hypothèse que lors du passage d’une étin-
celle, l’éther, écarté brusquement de sa position
d'équilibre, y revient par des oscillations rapides et
ce sont elles qui se-propagent le long des fils.
Le A entre en vacances jusqu'au mois d’oc-
opre,
Edgard HaAvnté.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
La Société a recu récemment les communicalions
suivantes :
MM. Horace T. Brown F.R.S. et G. Harris Mor-
ris ont repris les travaux de C, J. Lintner sur liso-
maltose. D’après leurs recherches, l’isomallose dccrite
par Lintner n'est pas un corps parfaitement défin! :
car on peut, par des moyens spéciaux (distillation
fractionnée ou séparation par les ferments) arriver à
en isoler un mélange de substances diverses à pouvoir
rotaloire dextrogyre, Ces substances appartiennent à
la classe des corps amylacés.De plus, l’isomaltososazone
dé Lintner ne semble pas être un corps chimiquement
pur, mais bien une substance formée par l'action de la
phénylhydrazine sur les différents composés constituant
son isomaltose. — MM. Arthur R. Linge et Julian
L. Baker ont étudié l’action de la diastase sur l’ami-
don et cherché à établir la constitution chimique de
l'isomaltose de Lintner. Pour eux l'isomaltose de
Lintner est simplement formée d'un mélange de mal-
tose et de dextrine C2H10010, II n’y a pas formation de
glucose dans les produits résultant de laction de la
diastase sur l’amidon lorsque la diastase est retirée du
malt légèrement desséché. Celte mème diastase est
également sans action sur la maltose. En partant d'une
diastase provenant d'un malt séché au four à 70°, les
auteurs ont pu préparer un corps qui à pour compo-
silion CISHMO!(AZHPh?), qu'ils regardent comme un
dérivé de l'hexatriose. — MM. James Walker el
F. J. Hambly ont pu régénérer du cyanate d’ammo-
nium en partant de l’urée obtenue elle-même en par-
{ant du cyanate. Cette transformalion suit les lois
relatives aux réactions bimoléculaires. Ceci s'explique
par le fait que le cyanate d'ammonium est complète-
ment dissocié en ions ammonium ef en ions cyaniques.
__M. J.H. Fenton s’est également occupé de la trans-
formation du cyanate d’ammonium en urée. Il a déjà
démontré que l’urée, traitée à froid par l'hypochlorite
de soude en présence de soude caustique liquide, ne
cède plus que la moitié de son azote; l’autre moilié de
l'azote reste sous forme de cyanate qui ne fournit plus
d'azote avec l’hypochlorite ou l'hypobromite. Ceci per-
met à l’auteur d'établir une formule d’après laquelle
on peut, connaissant le volume d’azote fourni par Vac-
tion de l’hypobromite sur un mélange de cyanate et
d'urée, caleuler la quantité exacte de cyanate translor-
mée en urée.
—————_—]————— ——"…— ———]—"——]—
CORRES
PONDANCE
CORRESPONDANCE
SUR UN PARALLÈLE ÉTABLI ENTRE
Nous avons déjà appelé attention des lecteurs de
la Revue sur la nécessité de bien définir l'unité par
laquelle on exprime généralement Ja consomma-
tion des machines à vapeur, c'est-à-dire le kiloyramme
de vapeur par cheval-heure. Ce n’est pas de l'eau que
consomme la machine, ce sont des calories. I faudrait
donc, une fois pour toutes, dire combien de calories
où entend représenter par un kilogramme de vapeur ;
ou mieux, il faudrait exprimer la consommation en
calories par cheval-heure, Mais cette dernière manière
s’écarterait trop des habitudes, et nous en revenons à
notre proposition de prendre pour unité une consom-
mation de 655,062 calories et de l'appeler kilogramimne
de vapeur, parceque ce nombre représente la cha-
leur totale du kilogramme de vapeur saturée à 6 at-
mosphères de pression,
Lu nécessité de définir complètement l'unité de con-
sommation saute aux yeux lorsqu'il s’agit d’une ma-
chine fonctionnant à très haute pression et surtout à
vapeur surchauffée, L'exemple puisé dans ce que l’on
dit de la marche économique de la machine Schmidt
à cet égard est: frappant. M. Schræter, l’un des plus
savants et des plus habiles expérimentateurs de ce
jour, trouve qu'un moteur Schmidt de 60 chevaux a
consommé effectivement 4 kg. 55 de vapeur par cheval-
heure ; et certes on n'élait Jamais descendu à ce chiffre
loin de là. La machine Allis, de Millwaukee,qui passait
pour détenir le record de consommation, dépense
5 kg, 459 de vapeur; elle paraît donc singulièrement
distancée, Or ce qui parait n’est pas; on le voit elaire-
ment lorsque, au lieu d'exprimer la consommation en
kilogrammes de vapeur, on Pexprime en calories,
Eu effet, pour la machine Allis. les 5 kg, 159 de va-
peur représente nt chacun 655 cal. 062 la consomma-
tion est donc de :
5,199 x 659,062 — 3319
calories par cheval-heure. Mais la vapeur, dont la ma-
te Schmidt a consommé # kg. 55 par cheval-heure,
était à la pression de 11 kg. 9 par en bite carré el
surchauflée de la température de saturation 185°,7 cor-
respondante, jusqu à la température de 357%, La cha-
leur totale du kilogramme de cette vapeur se compose
donc de deux parties : lune, la chaleur du RIRE
de vapeur saturée ou 663, 42 cal.; ; et l'aufre, la-chaleur
de surchauffe 0,485 (357 — 18: 7) — — 83 cal. 08.
(Nous admettons,avec la plupart des auteurs,le chiffre
0,485 pour représenter la chaleur spcuique moyenne
à pression constante de la vapeur.) La chaleur totale
du kg. de vapeur surchauffée est donc de :
663,42 83,08 — T4Gcal,5 ;
et la consommation de la machine Schmidt est de
4,05 x 146,5 — 3397
calories par cheval-heure, soit de 48 calories où d'un
demi pour cent plus élevée que celle de la machine
Allis.
Certes la différence est petite ; elle tombe dans les
limites des erreurs d'expérience et des données numé
riques, el il n’y a aucune supériorité marquée ni pour
l'une ni pour l'autre; mais ces machines diffèrent beau-
coup. Celle d'Alis ne présente aucune nouveauté sail-
lante, rien qui n'ait été depuis longtemps mis à lé-
preuve ; elle est simplement bien concue, bien
proportionnée, bien exécutée : elle présente tous les
EE ROnEoNte possibles dans ses détails. Celle de
Schmidt, au contraire, sort de l'ordinaire ; elle est
Paris. — Imprimerie F, Levé, rue Cassette, 17
LES MACHINES
Mais le rendement du cycle
ALLIS ET SCHMIDT.
sujelle à des aléas sur lesquels l'expérience seule ren
seignera sûrement; lehaut degré de surchauffe, malgré
les | précautions si ingénieuses qui ont été prises, peut
devenir une source d'inconvénients non encore prévus
Notre appréciation, le lecteur le verra, diffère d
celle de M. A. Witz (pages 613 et suiv.). Mais nous
sommes d'accord sur les conclusions que ce savant &
développées à la fin de son mémoire, lorsqu'il attribue
l’économie de la machine Schmidt aux mêmes causes
générales que © elle des machines à gaz. Voici quelques
chiffres à l’appui :
La machine Allis fonctionne à une pression de95,5
kilog. par mètre carré. La LPRRAE centigrade de
saturation correspondante est de 176°.9 et la tempé
rature absolue, 1760,9 + 2720,9 — 449 8. La tempéra=
ture de l’eau froide de Conlcosion est supposée de
15° C ou 287°,9 abs, Le rendement du cycle de Carno
serait donc de :
449,8 — 287.9 0.360
= uit
449,8 ;
Or, le rendement thermique tolal, c'est-à-dire le rap=
port de la chaleur qui a fourni un cheval-heure, soit
270.000 RARE |
rioset ,Soit3.379 cal
est égal à :
cal, à la chaleur totale dépensée
el 0.000 — 0,188.
2515 3379 0
Il en résulte que le degré de perfection du cycle réel,
comparé à celui de la machine parfaite de Carnot, est
exprimé par le rapport :
0,188
——— = 0.522.
0,360
Pour la machine Schmidt, le rendement thermique
total est à fort peu près le mème :
270.000
= QABT,
425 x 3.397
de Carnot serait tout dif=
férent, Prenant encore 15° pour la température de
l'eau de condensation, la chute de température est de
3970 — 159 — 3420, EL la température absolue la plus
élevée : 357° + 2:3° — 630°, Le rendement du cycle
parfait serait dont: de :
312
A0:
630 *S
Le degré de perfection du cycle réel se chiffre done
par :
0,187
—— = 0,344,
0,543
au lieu de 0,522, C’est donc à la haute température
d'admission que l’économie du moteur Schmidt est
due, tandis que c’est à la perfection du cycle, et à l
haute pression, qu'est due celle de la machine Allis
Ira-t-on plus haut dans la première ? Reste-til encore
beaucoup à perfectionner dans la seconde? Il y a tout
lieu, de croire que l'on est à peu près arrivé au terme
de part et d'autre. $
V. Dwecsnauvers-Deny,
Professeur de Mécanique appiqt
à l'Université de Liège.
Le Directeur-Gérant : Louis Ouvren
DES
QU OC RE
Kw:
SERV
N° 18
30 SEPTEMBRE 1895
REVUE GÉNÉRALE
SCIENCE
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
lu
… Ce n'est pas aux lecteurs de la Revue générale des
“Sriences qu'il est nécessaire de démontrer l’impor-
tance toujours croissante de la bibliographie, sans
4 il n’est pas possible de faire un travail
“Scientifique sérieux. On ne se contente plus main-
“ienant de citations de seconde main : on veut, el
on sans raison, l'indication des mémoires origi-
On sait égalemént combien ces recherches sont
longues, combien souvent il est difficile de retrou-
er un livre, un article dont on connait l'existence;
les difficultés se multiplient lorsque l’on veut faire
la bibliographie complète d'un sujet déterminé,
étant donné que ce sujet a été traité, toujours
peut-on dire, par des savants de nationalités di-
verses el souvent à des époques très différentes.
Aussi serait-il d'une utilité incontestable et gé-
nérale qu il pût être créé une Bibliographie univer-
selle et internationale. Les services qu'elle rendrait
seraient énormes et justifieraient les dépenses qui
pourraient être failes pour la réaliser, dépenses
qui seraient certainement considérables.
Mais, indépendamment de la difficulté de ré-
_soudre cette question de la dépense, on peut se
. demander si un pareil travail est pratiquement
réalisable, si, par suite du nombre énorme de
«livres, de mémoires, d'articles qui ont été publiés
jusqu'à présent et qui se publient journellement, on
nerencontrerait pas de difficultés de classement et
«A installation quirendraient le travail irréalisable.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
£
%
| d'établir, entre toutes les
LES TRAVAUX
DE LA CONFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE DE BRUXELLES
Ce sont ces dernières questions qui ont été trai-
lées spécialement à la Conférence Bibliographique
Internationale réunie à Bruxelles au commence-
ment de septembre 1895 et dont la conclusion
générale a élé que ce vaste projet était pratique-
ment possible.
La question qui, comme on le verra, peut, dès à
présent, intéresser directement {ous les savants,
nous parait assez importante pour que nous
croyions devoir donner un résumé des points qui
ont été traités dans cette Conférence.
I
La question capitale consiste évidemment dans
la classification à adopter : l’ordre alphabétique,
utile dans certains cas, ne saurait être adopté dès
qu'il s’agit de matériaux très nombreux et se rap-
portant à des sujets de nature très variée. Il im-
porte absolument d'avoir un classement métho-
dique.
Le principe en est aisé à concevoir : il s'agit
connaissances dans le
cas actuel, une première division en un certain
nombre de parties, en embranchements, dirons-
nous par analogie avec les termes employés en
Zoologie, chacune de ces parties étant caractérisée
par un signe spécial; de même on établira des
divisions dans chaque embranchement et l’on for-
mera des classes dont chacune sera représentée par
un signe déterminé; puis, dans de nouvelies subdi-
18
831
C.-M. GARIEL — TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE
PRURT LR
BIBLIOGRAPHIQUE DE BRUXELLES
visions, dans des ordres, seront réparties les ma-
tières de chaque classe et, de même, un signe sera
affecté à chaque ordre; el ainsi de suite, s'il est
nécessaire. On comprend alors qu'un sujet déter-
miné rentrera dans une certaine subdivision qui
sera caractérisée par un pelit nombre de signes.
Dans une classification vraiment rationnelle, qui
serait basée sur les relations vérilables qui existent
entre les divers sujets, ces divisions et subdivisions
n'auraient rien d'arbitraire et s'imposeraient abso-
lument. Une semblable classification peut-elle
exister maintenant, pourra-t-elle exister Jamais ?
Il est possible d'en douter, car elle exigerait la
connaissance absolue des relations qui existent
entre les diverses sciences, entre les parties des
diverses sciences. Ce qui est certain, c'est que pour
la première division, pour la classification des
sciences, pour ce que nous avons appelé les em-
branchements, des systèmes divers ont été pro-
posés, systèmes intéressants el ingénieux, mais
dont aucun n’a été adopté d’une manière générale,
M. Melvil Dewey qui, certainement, à vu ces
difficultés, qui, d'autre part, s'est rendu compte
de l'embarras que présenterait l'emploi de signes
divers affectés à chaque classe de subdivisions, a
eu l’idée, que l'on à qualifiée de géniale, d’appli-
quer purement el simplement le système de la
numération décimale, Il à divisé l’ensemble des
connaissances humaines en 10 embranchéements,
numérotés de 0 à 9; chaque embranchement a été
divisé de même en 10 classes, également numé-
rotés de 0 à 9 el ainsi de suite. De telle sorte
qu'une subdivision quelconque est représentée
par un nombre comprenant plus ou moins de
chiffres, suivant qu'il s'agit d'ure subdivision plus
ou moins limitée.
Voici, par exemple, comment il a établi la pre-
mière division, avec les chiffres correspondants :
0. Ouvrages généraux.
1. Philosophie.
2, Religion.
3. Sociologie.
4. Philologie.
5. Sciences,
6. Sciences appliquées.
1. Beaux-Arts.
8. Littérature.
9. Histoire.
Considérons les sciences, caractérisées par le
chiffre 5; elles ont été subdivisées ainsi qu'il
suil :
. Sciences en général.
Mathématiques,
. Astronomie,
. Physique.
. Chimie.
5. Géologie.
50.
67.
DS.
5
99!
Paléontologie.
Biologie. LR.
Botanique. il
Zoologie.
Prenons maintenant une science spéciale, Je
Physique, par exemple : elle est subdivisée de 1
manière suivan(e :
531. Mécanique.
532. Liquide. Hydrostatique.
033. Gaz. Pneumatique.
534. Son. Acoustique.
Lumière, Optique.
Chaleur.
537. Électricité,
538, Magnétisme.
539. Physique moléculaire.
5939:
D30.
Et ainsi de suite ; on comprend que chacune de
ces divisions pourra elle-même se subdiviser en
10 branches, dont chacune sera caractérisée par
un nombre de 4 chiffres. |
On voitque, à la condition, bien entendu, d'avon
une table de référence, on pourra toujours, étan
donné un nombre quelconque, savoir à quel ordre
de questions il se rapporte. Inversement, pour
trouver le nombre qui correspond à un ‘sujet dé-
terminé, il faut avoir un dictionnaire de référence
dans lequel, en face du mot caractérisant le sujet,
on trouve le nombre correspondant.
Il y a quelque chose de fächeux dans celle néces-«
sité absolue de devoir recourir à cette table de ré-
férence et à ce dictionnaire. L'idéal serait que la
méthode de classification fût telle qu'il y eût une
relalion obligée entre le sujet et le nombre cor-
respondant, de telle sorte que la connaissance de
l'un conduisit nécessairement à la connaissance de
l’autre. Ce serait le propre d'une classification na-
turelle; nous avons dit qu'elle semble impossiblem
actuellement, il faut donc accepter une celassifica-
tion artificielle avec ses inconvénients.
La méthode décimale s'applique immédiatement
lorsqu'on peut diviser une classe quelconque en
10 subdivisions; mais il n’en est pas loujours:
ainsi, Comment opère-t-on dans ce cas?
Il n'y a aucune difliculté si le nombre de divi-
sions est inférieur à 10: on les numérote dans
l'ordre adopté et il reste seulement des chiffres
non employés, ce qui est sans inconvénient.
Mais il n’en est pas de même quand le nombre
des subdivisions est supérieur à 10. Prenons, par,
exemple, l’histoire de l'Europe qui correspond au
nombre 9%.
Le nombre 940 sera affecté à l'histoire de l'Eu-
rope en général (le signe 0 correspond toujours
aux généralités); on affectera les chiffres de 1 à 8
qui doivent suivre les caractéristiques 94aux prin-
cipaux pays el groupes de pays comme suit : 1
RE Che el” + Le RE NT ct
ue .
941. Écosse, Irlande.
942. Angleterre, Pays de Galle,
943. Allemagne. Autriche.
944- France.
945. Italie.
946. Espagne. Portugal,
947. Russie.
948. Norvège. Suède, Danemark.
l’on classera, sous un même numéro 949, tous
les autres pays qui seront distingués les uns des
dutres par un 4° chiffre; on aurait par exemple :
9491.
9492.
9493.
Zélande,
Hollande,
Belgique, etc.
On voit que ce procédé peut s'appliquer à lous
“les cas et qu'il permet une classification qu'on
peut étendre à la volonté, puisque rien ne limite
nombre des chiffres que l’on emploie.
L'expérience d’ailleurs a prononcé : la méthode
» s'est étendue progressivement.
leurs s’en rendre comple, au moins pour un sujet
“restreint. MM. Lafontaine et Ollet ont, en effet,
““raphie dessciences sociologiques, etnousavons pu
“constater combien les recherches y étaient faciles.
Nous ajouterons que nous avons donné le prin-
cipe de la méthode de la classification décimale,
ans vouloir entrer dans certains détails d’applica-
Lion qui nous auraient entrainé trop loin, mais qui
Sont cependant importants. C'est ainsi que, par
“exemple, on peut retrouver, sur un sujel déter-
“miné, tout ce qui se rapporte à celle question dans
un pays donné. On conçoit que c’est là un avantage
qui n'est pas à négliger.
II
…—_ La méthode de M. Melvil Dewey est ingénieuse,
On le voit, et on comprend par l'exposé que nous en
avons fait qu'elle puisse êlre utilisée pratiquement.
“Ajoutons qu'elle présente le grand avantage que
es symboles employés sont connus de tous et uti-
isés dans tous les pays; elle a donc un caractère
international qui présente une grande importance
fau point de vue du but que l’on se propose d’al-
leindre.
« Mais il faut reconnailre qu'elle n’est pas à l'abri
-de toute critique.
La première, celle qui avait frappé le plus vive-
“ment cerlains des membres de la Conférence, por-
ait non sur le principe, mais sur la manière dont
il avait été appliqué. On trouvait que les subdivi-
“sions avaient été mal choisies, qu'elles semblaient
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
Les membres de la Conférence ont pu d'ail-
faites, sur certains points au moins, par des per-
sonnes connaissant mal les sciences correspon-
dantes et qui avaient élabli des PE par trop
arbitraires.
D'autre part, l'impossibilité d'obtente toujours
dix subdivisions établit un manque d’homogénéilé
dans la représentation numérique. 11 y a quelque
chose d'un peu chaquant à ce que l’histoire d’un
pays d'Europe soit représenté tantôt par un
nombre de trois chiffres, tantôt par un nombre de
quatre chiffres : 944 s’il s’agit de Ja France, 9493
s’il s’agit de la Belgique.
Il serait plus salisfaisant pour l'esprit que des
sujets de même ordre fussent représentés par des
symboles de même forme.
Aussi, certains membres de la Conférence étaient
arrivés avec la pensée de demander l’adoption du
principe de ia classification décimale, en insistant
sur la nécessité d'abandonner les subdivisions éta-
blies et de les remplacer par d’autres, choisies
d’une manière plus rationnelle, et dont l’indica-
lion serait demandée à des Commissions choisies
de manière à présenter une compétence spéciale
et absolue dans chaque ordre de connaissances.
Mais, si ces idées furent indiquées, elles ne
furent pas défendues, et, à l'unanimité, la Confé-
rence vola l’adoption de la classification décimale
avec les divisions actuellement existantes.
La raison qui décida ce vote unanime est que,
seule, cette classificalion permet d'espérer qu’on
arrivera sur ce point à une entente internationale
unanime.
IL faut dire, en effet, que, si cette classification
est encore peu connue en Europe, elle est déjà
appliquée depuis dix-sept ans en Amérique, dans
un grand nombre de bibliothèques; qu'il existe
une table de référence comprenant environ
10.000 têtes de chapitres et un dictionnaire com-
prenant 22.000 mots.
D'autre part, une bibliographie des sciences so-
ciologiques a élé établie en Belgique et ne com-
prend pas moins de 400.000 articles.
Il est impossible de ne pas tenir compte de ces
faits. On ne peut espérer que si, en Europe, où il
n'existe rien de fait dans cet ordre d'idées (sauf
en Belgique, comme nous venons de le dire), on
propose de changer quelque chose à la classifica-
tion Dewey, on soit suivi par les Ainéricains qui
auraient à refaire sur de nouvelles bases le travail
considérable qu'ils ont déjà accompli. Si l’on veut
arriver à une entente internationale, il faut, de
toute nécessité, accepter ce qui existe déjà, étant
donné que, si elle n'est pas sans défaut, la mé-
thode de classification décimale de M. Melvil
Dewey est d’une application pratique, comme le
montre son emploi depuis dix-sept ans.
1"
836 C.-M. GARIEL —
TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE DE BRUXELLES
Ds “hi Hs +, 1 AA Ye MR A
2
C'est en se plaçant à ce point de vue que la
Conférence bibliographique a voté les deux propo-
silions suivantes :
T. La Conférence considère la classification décimule
comme donnant des résultats pleinement satisfaisants au
point de vue pratique et international.
IT. La Conférence constate les applications conside-
rables déja fuites de la classification Dewey el recom-
mande son adoption intégrale, en vue de favoriser à bref
délai une entente internahionale.
Il convient d'ajouter, el cette indication a con-
tribué à faire émettre le vote des conclusions pré-
cédentes, que, indépendamment des bibliothèques
où la classification décimale est déjà appliquée, on
sait que la Société zoologique de France a décidé
d'adopter ce système pour une bibliographie spé-
ciale qu'elle se propose de faire; que la bibliogra-
phie géologique dont s'occupe M. Mourlon sera
également classée suivant la méthode de M. De-
wey. Ce ne sont là, il est vrai, que- des projets,
mais il y avait évidemment lieu d'en lenir grand
compte.
Le Congrès de Bibliographie des Sciences ma-
thématiques de 1889 a adopté, pour la Bibliogra-
phie actuellement en cours de publication, une
classification méthodique: cette classification nous
parait sur cerlains points meilleure que celle de
M. Dewey; elle nous semble plus rationnelle. On
ne pouvait cependant songer à la mettre en com-
paraison avec celle dernière; outre qu'elle est
spéciale et que son extension à l’ensemble des
connaissances humaines ne parait pas pouvoir se
faire aisément, elle emploie comme symbole, non
seulement des chiffres, mais encore des lettres ro-
maines et grecques, et c'est là un inconvénient
réel au point de vue de l’internationalité.
Il est à craindre que les mathématiciens ne re-
noncent point au système qu'ils ont adopté: c'est
fâächeux; mais, en somme, il suffira d'établir un
tableau de concordance entre les symboles des
mathématiciens et ceux correspondant à la
classe 51 de la classification de M. Dewey.
Il
Le principe adopté, la conférence s'est occupée
du mode de réalisation pratique du Répertoire de
Bibliographie universelle, et voici les conclusions
générales de la discussion.
Le soin de faire ce Répertoire el de le maintenir
au courant serait confié à un Office internalional
de Bibliographie qui serait subventionné par toutes
les nations civilisées. L'organisation de cet Office
ne peut êlre que le résultat d'une entente diploma-
tique, et la Conférence a émis le vœu que le gou-
vernement belge s'adressäl aux autres gouverne-
ments pour oblenir la réunion d’une Conférence
internationale, qui étudierait les condilions dans
lesquelles ce nouvel organe serait créé. Il existe
des exemples d’une entente analogue dans d’autres:
as, et on peut espérer, vu l'intérêt capital ques
présenterail la publication d’un Répertoire biblioæ
graphique universel que, dans un délai plus ous
moins long, il pourra intervenir une solution fa
vorable. :
L'Office international de Bibliographie aurait à
faire le recolement de tous les ouvrages parus jus-A
qu'à ce jour; il utiliserait, dans ce but, tous les cu
talogues, toutes les oo nans bee ou
spéciales, qui sont des documents permettant ae)
faire la bibliographie complète, et il les classerails
d’après le système Dewey. Il y aurait là un travail L
de longue haleine, cela est certain; mais il est
évident qu'il est LL de le mener à bonne fin.
Il va sans dire qué, dans laréalisalion matérielle,
on abandonnera entièrement la publication de ca-
talogues en volumes; il est inutile d'insister sur
les inconvénients de ce système, qui ne permet pas
les intercalations el qui, dès ls rend les re-
cherches longues et difliciles, pour ne pas dires
impossibles, dès que le nombre des volumes est un
peu considérable, et il le sera nécessairement,
fût-ce que par les publicalions qu'il conviendra
faire chaque année. Le Répertoire serait formé a
des fiches dont chacune correspondrail à un ou-
vrage où à un article et qui seraient rangées
d'après leur ordre numérique de la classifica-
tion décimale. Ces fiches, dont les dimensions
et la disposition seraientdéterminées d’une manière
uniforme, seraient imprimées de manière à pou-
voir être ee soit en lotalilé, soil pour une
partie se rapportant à une ou Ron branches:
il y aurait là un avantage très réel pour les biblio-
thèques générales ou spéciales, mais nous ne
pouvons insister sur ces détails.
L'Office international de Bibliographie aurait,
d'autre part, à enregistrer de la même façon, Pen
entendu, tous les ouvrages, et mème tous 1e ar-
Licles de revue, au fur et à mesure de leur publi-
“uion. À cet effet, il recevrait Lous les ouvrages.
parus, soit qu'ils soient fournis par le dépôl légal,
dans les pays où celui-ci existe, soil qu'ils soient
acquis à prix d'argent ou de toute autre façon;
mais il faudra absolument, el ce ne sera pas la
difficulté la plus facile à résoudre, croyons-nous,
que toutes les publications, sans os par-
viennent à l'Office international.
Telest le plan général : la Conférence n'a pu
aller plus loin dans celle voie. L'œuvre est consi-
dérable, elle exigera de grandes ressources et ne
pourra être réalisée que par une entente des gou-
vernements,
,
C.-M. GARIEL — TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE DE BRUXELLES 837
Mais, en attendant cette réalisation, bien des
questions peuvent être étudiées, discutées, qui
- trouveront leur application lors de la création de
} l'Office international de Bibliographie. Dans le
- but de permettre celte étude, la conférence a
… décidé la fondation d’un Znslitut inlernational de
… Bibliographie, dont peuvent faire partie toutes
les personnes qui s'occupent de bibliographie
“ ou de bibliothéconomie, et qui se réunira, tous
… les ans, en congrès. La Conférence a pensé,
— d'ailleurs, que cet Institut, composé de personnes
Spéciales, compétentes, serail tout indiqué pour
“établir les règles générales de fonctionnement de
_ l'Office international, et pour indiquer les modifi-
cations qui seraient rendues nécessaires. Ces deux
… organes, dont l’un est libre, et dont l’autre serait
inter-gouvernemental, seront, en réalité, absolu-
- ment indépendants l'un de l’autre. Mais, naturelle-
- ment, l'Office, organe de réalisation matérielle,
aura tout intérêt à utiliser les indications fournies
par l’Instilut.
IV
IL importe de faciliter, dès à présent, le travail
futur de l'Office international, c'est-à-dire de lui
préparer la besogne, si l’on veut nous passer celle
expression. Aussi est-il à désirer que, sans tarder,
toutes les bibliographies qui seront publiées, tous
les catalogues qui seront édilés adoptent la classi-
ficalion décimale.
Il n’y a pas de diflicullé réelle, à proprement
parler, car, au besoin, si l’on ne veut changer l’ordre
- dans lequel figurent les ouvrages, il suffit de mettre
en face de l'indication de chacun d’eux le nombre
correspondant de la classification décimale, ce qui
est facile par l'emploi du dictionnaire spécial dont
nous avons parlé : il y a là seulement une légère
perte de temps pour la recherche de ce nombre. Il
est vrai que le dictionnaire, actuellement, existe
seulement en anglais; mais, par les soins de l'Ins-
titut international de Bibliographie, des éditions
en français, en allemand et en italien paraïitront
successivement.
Il serait même intéressant que le nombre de la
classification figuràt sur le Lilre de ouvrage même.
Il y a là une habitude qu'il parait facile d’adopter,
mais il serait bon quil y eût quelque uniformité
dans la manière dont ce symbole numérique serait
présenté, sur sa place, ele. Il semble que cette
queslion pourrait être mise à l’ordre du jour du
prochain Congrès de l’Institut international de
Bibliographie.
Comme nous l'avons dit, le Répertoire universel
de Bibliographie devra contenir aussi l'indication
de tous les articles de revue : il convient donc de
prendre dès à présent pour ceux-ci la même règle
que pour les ouvrages : il faut que, dans les tables
ou les sommaires des journaux ou des revues, l’in-
dicalion de chaque article comprenne le symbole
correspondant de la classification déeimaie; mieux
encore, il faut que ce symbole figure dans le titre
même de chaque article. Il n’y a à cela aucune dif-
ficulté : le Bullelin de la Société mathématique de
France et les Comptes Rendus de l'Association
française pour l'Avancement des Sciences insèrent,
pour chaque article, le symbole de la classification
adoptée par les mathématiciens et, sans doute, dès
celte année la dernière publication donnera, pour
chaque article, le symbole de la classification
Dewey !. Nous croyons savoir également que, dans
les fiches de la Bibliographie scientifique qu’il a fondée
et qu'il dirige, M. le D' Marcel Baudouin donnera
également celte indication.
Nous espérons que ces exemples seront suivis et
que la plupart des journaux scientifiques, recon-
naissant l'importance de cette disposition, consen-
üront à l’adopter, malgré la petite complication
qu’elle entraine.
ÿ
Abordant le côté absolument pratique, nous ne
voyons aucune difficulté à ce que l'auteur d’un
livre indique le symbole numérique correspondant
au sujet qu'il a traité : il pourra toujours avoir la
possibilité de se renseigner pendant qu'il écrira le
manuscrit ou pendant qu'il s’occupera de l’impres-
sion.
Mais il n’en sera pas toujours ainsi dans le cas
d'articles de journaux ou de revues. Ces articles,
dont souvent l’actualilé est un élément essentiel,
sont fréquemment écrits au courant de la plume et
l’auteur peut n'avoir ni le temps ni même la possi-
bilité de faire les recherches nécessaires pour
déterminer le symbole numérique correspondant
au sujet qu’il traite. Dans ce cas, ce sera le secré-
taire de la rédaction qui aura à faire celte déter-
mination, si le symbole est placé en regard du titre
de l’article; ce sera la personne chargée de la con-
fection de la table, si les symboles numériques
figurent seulement dans celle-ci.
Dans ces conditions, des erreurs sont à craindre.
car souvent la personne qui aura à déterminer le
symbole n'aura aucune compétence relativement
au sujet traité; lors même qu’elle sera compétente,
il arrivera fréquemment qu'elle n’aura pas le temps
de lire l’article ou le mémoire et qu’elle devra se
décider d’après le titre seul. Que d’erreurs n’en
résultera-t-il pas! car nombre de titres sont mal
1 Cette disposition serait certainement adoptée si l'impres-
sion n’était déjà commencée; on peut espérer cependant
qu'elle pourra figurer, sinon en face de chaque article, au
moins à la table des matières.
838 C.-M. GARIEL — TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE DE BRUXELLES
choisis, sont trop longs, ne mettent pas nettement
en évidence le sujet traité effectivement.
Ce qu'il faudrait, c’est que l’auteur ait constitué
le titre de son article ou de son mémoire de
manière que les points essentiels ressorlissent
immédiatement; dès lors, la détermination du
symbole se ferait sans erreur possible, en recou-
rant au dictionnaire de référence dont nous avons
signalé l'existence et l'emploi.
Au congrès tenu à Bordeaux par l'Association
française pour l’Avancement des Sciences, celte
question avait élé traitée, après qu'une commis-
sion spéciale eût fait un. Rapport qui servit de
base à la discussion. Le but à atteindre n’était pas
de préparer le travail du Répertoire de Bibliogra-
phie universelle, la question avait été jugée trop
vaste pour un congrès national et n'avait pas élé
posée. Mais le procédé recommandé au congrès de:
Bordeaux donne précisément une solution à la
diflicullé que nous indiquions tout à l'heure.
Nous n’insisterons pas sur la première proposi-
tion adoptée à Bordeaux, quoiqu'elle corresponde
à une réforme nécessaire. Dans cette proposition,
le congrès de Bordeaux recommandait de simpli-
lier les titres, en supprimant les mots vagues et
généraux, et de les préciser en indiquant le plus
brièvement possible le sujet traité. Ce sont là des
remarques générales dont l'utilité est incontes-
table.
C’est surtout la seconde proposition qui doit
nous intéresser ici : le congrès de Bordeaux
demandait que, à l'avenir, dans tous les titres
d'articles ou de mémoires, le mot important, celui
qui représente le sujet essentiel, soit indiqué par
un signe spécial dans le texle imprimé. Après
discussion, il a été reconnu que le procédé le plus
simple consisie à souliguer par un trait ce mot
essentiel; c'est une petite complication au point
de vue de l'impression, mais ce n’est pas une diffi-
culté. Il va sans dire que c’est l’auteur lui-même
qui,sur son manuscrit, indique le mot quidoitêtre
souligné ; nul mieux que lui ne peut savoir à quel
point de vue il s’est placé dans son travail el quel
est le mot qui caractérise le mieux ce point de
vue.
Dans ces conditions, la détermination du sym-
bole numérique devient presque mécanique; elle
n'exige aucune connaissance spéciale, elle se fait
simplement par une recherche dans le diction-
naire de référence. à
Comme il est possible que le travail corresponde
à plusieurs idées, il va sans dire que plusieurs
mots peuver être soulignés, ce qui montre immé-
dialement que plusieurs symboles doivent être
appliqués à ce travail.
Le Congrès de Bordeaux est même alle plus loin ;
il à admis que, parmi plusieurs mots signalés, il
pouvait s’en trouver qui n'avaient pas la même
importance. Aussi a-l-il recommandé la disposi- …
tion suivante : À
Dans le titre imprimé d’un travail le mot {ou les
mots) qui caractérise le point essentiel doit être
souligné dans toute sa longueur; s'il y a un mot
ou des mots) caractérisant un point important,
mais moins essentiel que le précédent, il doit être
souligné dans la moitié de sa longueur; enfin si
même il est un mot (ou des mols) caractérisant un
point moins important encore, mais qui mérite
cependant d'être signalé, il sera indiqué par un
point placé au-dessous.
Comme nous l'avons dit, ces disposilions, recom-
mandées aux savants par le Congrès de Bordeaux,
sont de nature à facililer la confection du Réper- |
toire bibliographique universel en ce qui concerne
les publications périodiques. Aussi la Conférence |
Bibliographique de Bruxelles a-t-elle formulé le …
vœu suivant : |
La Conférence émet le vuu que les propositions «dop-
tées pur le Congrès de l'Association française pour F'A-
vancement des Seiences, réuni à Bordeaux en août 1895,
relativement aux indications à fournir par les auteurs
pour les titres des travaux'scientifiques, soient adoptées
d'une manière générale.
Nous avons dû laisser de côté un certain nombre
de questions de détails : on peut voir cependant
que la Conférence Bibliographique de Bruxelles a …
posé les bases d’une œuvre dont l'importance est
absolument capitale el a indiqué les principes qui
devaient la régir. Cette œuvre sera-t-elle réalisée?
et quand? c'est ce que nul ne peut prévoir; celle
réalisation dépend d’une entente internationale,
non des savants el des écrivains, ce qui ne serait
peut-être pas facile, mais des gouvernements, ce
qui est moins facile encore et ce qui sera long très
probablement. Mais il fault espérer que celle en-
tente se fera.
En tous cas, il importe à (ous ceux qui écrivent
de faciliter le travail qui incombera à l'Office de
Bibliographie lorsqu'il sera créé, el pour cela il
suffit d'adopter et d'appliquer les dispositions qui
sont recommandées par la Conférence Bibliogra-
phique de Bruxelles. C’est dans le but principa-
lement d'obtenir une adhésion effective à ces pro-
posilions que nous avons cru devoir résumer les
travaux de cette Conférence.
Il serait injuste de ne pas signaler les noms des
personnes qui ont provoqué en Europe le mouve-
ment d'opinion qui s'est traduit par la réunion
de la Conférence Bibliographique de Bruxelles : les
noms de MM. Lafontaine et Otlet, de Bruxelles, qui,
forts de leur expérience acquise en constituant le
otfitét d- Ce L' a Vù can EL
E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE 839
«
Répertoire bibliographique de Sociologie, ont dé-
fendu devant la Conférence les idées qui ont pré-
valu, el celui de M. le chevalier Descamps, de
nn qui a présidé les débats avec compétence,
tact et fermelé.
Ajoutons que le bureau de l’Institut international
de MM. Descamps, Lafontaine et Otlet, à qui il con-
viendra de s'adresser pour toutes les questions
relatives soit à l'Institut même, soit au Congrès qui
se tiendra à Bruxelles en 1896 !.
\ C. M. Gariel,
de l’Académie de Médecine,
Professeur de Physique
à la Faculté de Médecine de Paris.
ÉTAT ACTUEL
ñ
|
4
1
; Slalistique qui vient d'être fondé est composé
to dit à nd
tnutte 2 d
La fabrication de l'acide sulfurique, dont la pro-
duction industrielle remonte à peine à la fin du
_ siècle dernier, n’avait à ses débuts qu'un intérêt
médiocre. Elle répondait seulement aux besoins
des indienneurs anglais ou normands. :
Aussi est-ce en Angleterre d’abord, puis à Rouen
que cette fabricalion prit, au début de notre siècle,
. un caractère semi-industriel. Mais, si les premiers
appareils montés sur le continent furent établis
par les fils des producteurs anglais, c'est à des
. industriels et à des savants français que nous
devons les premières améliorations réalisées,
et c'est à des savants allemands et français que
nous sommes redevables des derniers perfection-
nements et des théories exactes qui ont permis
de réaliser, dans le cours de ces dernières années,
de remarquables améliorations.
L'acide sulfurique est produit d’une façon cou-
rante par l'oxydation du soufre. Ce n’est pas le lieu
ici de rappeler comment on obtenait cette oxyda-
tion complète, il y a quelque cinquante ans, en
parlant du soufre natif. C’est à peine, en effet, si
le soufre des terrains volcaniques ou des solfatares
est utilisé aujourd'hui pour ce travail.
Les gaz provenant de la régénération des mares
de soude sont quelquefois ulilisés, soit qu'on
emploie le procédé Schaffner et Helbig, comme
dans quelques usines du Midi, où l’on trouve moyen
d'utiliser ainsi et les marcs de soude etles dernières
_éaux-mères des marais salants, soit qu'on recoure,
comme chez MM. Chance à Oldbury, à la réaction
de l'acide carbonique sur le monosulfure de calcium
pour obtenir de l'hydrogène sulfuré, que l’on brûle
1 A la fabrication de l'acide sulfurique se trouve aujour-
d'hui réunie, dans beaucoup d'usines, la fabrication des
Superphosphates. Cette industrie, si importante pour le
développement de notre agriculture, sera, dans la Revue,
l’objet d'une monographie spéciale. (N, de la Dir.)
DE L’INDUSTRIE DE L’ACIDE SULFURIQUE
EN FRANCE
dans les fours Claus afin de le transformer en
acide sulfureux.
Mais la production d’acide sulfureux ayant celte
origine est très limitée. Dans l’état actuel de l’in-
dustrie chimique, en présence des progrès cons-
tants du procédé dit de la soude par l'ammoniaque, el
des craintes que ne cesse de causer l'emploi de
l’électro-chimie, peu de grands industriels ont osé
se lancer dans la voie de lPutilisation du soufre
résiduaire.
La plus grande partie de l'acide sulfurique obtenu
dans les pays industriels est tirée des sulfures
métalliques. C’est à des Français, les frères Perret,
de Lyon, et à leur beau-frère, M. Olivier, d'Avignon,
que nous sommes redevables de ce grand progrès.
Mais toute médaille a un revers : nous avons pu,
il est vrai, longtemps vivre en France aux dépens
des admirables gisements de la vallée du Rhône.
Ces gisements ont fait la fortune des importantes
sociélés qui en étaient propriétaires et qui, par le
fait même, monopolisaient en quelque sorte }a
fabricalion de l'acide sulfurique et des divers pro-
duits alcalins et décoloranis qu'avaient montré à
fabriquer nos compatriotes Le Blanc et Bertholet.
Il y a quelque vingt ans, la situation industrielle
s'est modifiée : aux pyriles recueillies sur notre
territoire, on est venu opposer les pyriles étran-
sères, surtout celles d'Espagne et de Portugal, les
unes cuivreuses, les autres purement ferrugineuses,
et, lorsque la fabrication des superphosphales eut
pris en France, tardivement il est vrai, l'essor
1 La question paraît devoir marcher plus rapidement qu’il
n’était possible de l’espérer : pendant la composition de cet
article, il a paru dans le Monilewr, (belge) du 17 septembre
un arrêté royal qui prend acte des vœux de la Conférence
Internationale de Bibliographie et qui institue, à Bruxelles,
un Office international de Bibliographie, sur le mode de
fonctionnement duquel nous ne sommes pas encore renseigné
complètement,
840
auquel elle avait droit, les fabricants d'engrais de
quelque importance ne lardèrent pas à se dégager
du tribut qu'ils payaient aux fabricants d’acide
sulfurique, de consommateurs d’acide sulfurique
devinrent producteurs et s'adressèrent les uns
aux mines françaises, les autres aux mines de
pyrites étrangères. La concurrence fit baisser
rapidement le prix de l'acide sulfurique commer-
cial, et de là naquirent nombre d'études et de per-
feclionnements que nous passerons plus loin en
revue.
Mais, sur ce changement économique, dû à la
vulgarisation d'une industrie éminemment utile,est
venu se greffer un perfectionnement métallurgique
qui peut causer, dans notre France, des perlurba-
tions considérables.
Nous ne possédons sur notre lerritoire que la
pyrite de fer; comme il a été dil plus haut, nous
avons importé des pyriles cuivreuses permettant de
diminuer, par la mise en valeur du cuivre, les frais
de production de l'acide sulfurique.
Pendant longlemps, les gisements si importants
de blende {sulfure de zinc) qui existent en Bel-
gique et en Westphalie élaient les uns négligés,
les autres uniquement exploités au point de vue
mélallurgique : dans ce dernier cas, on grillait
tant bien que mal le minerai, on employait l'acide
sulfureux suffisamment concentré à la fabrication
de l’acide sulfurique, puis on achevait l'oxydation
dans des fours à moufle spéciaux, où le restant du
soufre élait brûlé, mais donnait des gaz lrop
pauvres pour pouvoir être ulilisés. Ces gaz étaient
donc lächés dans l'atmosphère.
L'épuisement des mines de calamine (hydrosili-
cale de zinc) de Belgique d’une part, et, d'autre
part, l’invention de fours de grillage plus parfaits
causent actuellement, chez nos voisins et dans le
nord de la France, une révolulion industrielle
imporlante : à l'heure présente, presque toutes
les blendes sont grillées en tête d'appareils à
acide sulfurique, puis traitées par le mélallurgiste,
si bien que déjà l'acide sulfurique belge, — pour
lequel le prix du soufre est presque nul, landis que
le soufre forme environ les 5/9 du prix de fabrica-
tion de l'acide sulfurique français, — commence
à arriver jusqu'à Paris et inonde naturellement le
nord de la France.
Nous pouvons donc prévoir que, dans un avenir
assez rapproché, nous cesserons d'assister à ce
paradoxe industriel consistant à faire venir aux
portes de Paris des pyrites de la vallée du Rhône,
d'Espagne ou de Portugal d’une part, des phos-
phates de l'Auxois ou de la vallée de la Somme
d'autre part, pour réexpédier dans l'Est ou dans
le Nord les superphosphates fabriqués dans notre
banlieue.
E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE L'ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE
Cette question préoccupe naturellement déjà
les industriels prévoyants, et les a amenés à per-
feclionner leurs appareils et la marche de leurs
usines, de facon à économiser à la fois sur les dé-
penses de matières premières et sur les frais de
premier établissemen£.
Passons donc en revue les organes actuels d'une
fabrique d'acide sulfurique et voyons comment les
progrès de la Chimie industrielle ont permis d'y
réaliser un surcroil de production avec une dimi-
nulion des pertes longtemps réputées inévitables.
[. — FABRICATION DE L'ACIDE ÉTENDU.
Le minerai est grillé dans des cuves ou des fours :
à élages, soil simples, soit à moufle, suivant les
difficultés qu'il oppose à sa lransformation en
oxyde. Les minerais de fer ou de cuivre en frag-
ments cohérents sont encore souvent griliés dans
les fours à cuve peu profonde, dits fours anglais:
les minerais complexes du Harz le sont dans des
fours à cuve profonde du type Kiln; mais, le plus
souvent, les pyrites dont on veut assurer un gril-
lage parfait, ou qui se délitent au feu, ou qui sont
nalurellement en poussière, sont travaillées à la
main dans les fours à dalle. De ces fours nous di-
rons peu de chose : car leur descriplion se trouve
maintenant dans {ous les livres; nous nous con-
tenterons de relaler que, par l’observalion atlten-
live des phénomènes calorifiques, on est arrivé à
régler l’'écartement des dalles de facon à obtenir,
dans le bas, une oxydalion plus parfaite et une
destruclion plus complète du sulfate de fer, et à
réaliser, dans le haut, une combustion active
sans atteindre la température de fusion du mono-
sulfure de fer. Des cloisons en briques creuses,
élablies entre les compartiments d'une même bal-
Lerie de fours, ont permis de refroidir les élages
supérieurs, tout en donnant de l'air très chaud
sur les étages du bas.
Aux fours simples à étages, parfaitement con-
venables pour le grillage de pyrites ferrugineuses
ou cuivreuses, on a substitué des fours à élages
plus compliqués, à doubles dalles chauffées comme
un moufle pour le traitement des blendes. Tantôt
les moufles existent à chaque élage, tantôt on se
contente de les établir à la base du four pour dé-
truire le sulfale de zinc.
Tous ces fours sont à travail manuel. Toutefois,
les Américains paraissent avoir résolu la question
du travail mécanique, et Frash semble avoir par-
faitement réussi dans celle voie en modifiant l’an-
cien four Mac Dougal par lapplicalion d’une
circulation d’eau dans l'arbre et les bras.
Le four Frash, complété par des brûleurs à
pétrole, permet, d’après M. Lunge, de griller les
minerais réfractaires.
Le PO.
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PRES D Bye eg 8 Dis,
| À la suite des fours viennent des chambres à
k oussière ; ; puis nous lrouvons la tour dénitrante
pt concentrante de Glover, dont l'usage ne s’est
répandu sur le continent que depuis 1871. De nom-
reuses discussions ont eu lieu à celle époque
devenue plus intensive. Au début, elle Sp un
rûle considérable comme appareil de concentra-
son rôle primitif d'appareil dénitrant. Pour cela,
on a une tendance à augmenter ses dimensions
lransversales, eL nous connaissons, aux portes de
… Paris, des tours de Glover ayant én plan 3 mètres
“sur 7, et alimenlées par des doses formidables
d'acide sulfurique niltreux concentré à 60° Baumé.
Ces tours énormes correspondent à des capacités
Tes faibles de chambres : 4.500 mètres
_ environ.
Comme l’auteur du présent article l’a one
on ne doit pas exagérer la hauteur de la tour de
Glover en mème temps qu'on en augmente {a sec-
lion. Une hauteur lolale de 8 mètres, correspon-
dant à une hauteur ulile de 5",50, est largement
suffisan!le.
La tour de Glover recevant des acides de plus en
plus concentrés, les chambres sont de moins en
moins alimentées de vapeur d’eau en têle, ce quia
donné un résullat pratique favorable, conformé-
ment aux nouvelles théories.
On a élé amené à supprimer les injections mas-
sives de vapeur d’eau en Lête de la première cham-
bre el à refroidir l'atmosphère intérieure sur-
chauffée par la production intensive d’acide sulfu-
rique, en fournissant l’eau nécessaire non plus sons
pre de vapeur, mais à l’élal liquide.
. Les tentatives dans ce sens sont déjà anciennes,
| mais elles élaient infructueuses, parce qu'on re-
_ courait à un procédé mixte consistant à pulvériser
. l'eau par un jet de vapeur, si bien qu’à moins d’em-
. ployer de l’eau très pure, on voyait bientôt la buse
se boucher, elles appareilsétaient constamment dé-
rangés. On recourt maintenant à la pulvérisation
. d’eau filtrée sous sa propre pression, soit en injec-
. Lant directement l’eau par un tube élroit en platine
sous une charge de 3 à 4 kilogrammes et la forçant
àse diviser par son choc sur un pelit disque de pla-
line, soit en l'obligeant à prendre, sous la même
charge, un mouvement gyratoire violent dans un
posé concentriquement une pièce portant en sail-
lie une hélice conique à pas très court. Le premier
dispositif est adopté par MM. Schnorff à Uetikon
(Suisse) ; le second a été proposé pàr M. Benker. On
ne peut pasjuger de l'efficacité de ce procédé, comme
l'a cru M. Lunge, en étudiant l’abaissement detem-
péralure de la chambre, mais en voyant s’il facilite
les réactions. De ce côlé le succès parait complet
dans les appareils àmarcheintensive; nous devons,
en effet, abandonner les antiques règles praliques
fixant la température maxima à adopter dans les
chambres pour leur bonne marche, depuis que les
travaux del'auteur de cet article ont établi que l’oxy-
dation de l’acide sulfureux est une fonction des dif-
férences de température à l'intérieur et à la paroi,
et non de la température absolue d’un point de la
section {ransversale de la chambre !,
Pour réaliser les conditions favorables à une
oxydation rapide de l'acide sulfureux, c'est-à-dire
la possibilité de la production desulfate de nitrosyle
à l'intérieur des chambres {au moins en tète del’ap-
pareil) et d’hydratalion de ce sulfate de nitrosyle
se détruisant sous l’action de l'acide sulfureux, on
a dû s'astreindre à créer un roulement nitreux de
plus en plus considérable d’un bout à l’autre des
chambres de plomb. Mais le fabricant, sans cesse
lalonné par l'obligation de faire des économies, a
réalisé ceroulement non pas en augmentant la con-
sommalion d'acide nitrique ou de nitrate de soude
cette consommation tend au contraire à diminuer
notablement), mais en activant de plus en plus la
circulation des acides entre les appareils de Gay-
Lussac, chargés de récupérer les produits nitreux,
et l'appareil de Glover, chargé de les restituer.
Aussi, le volume des appareils de Gay-Lussac,
ou, pour parler plus rigoureusement, la surface utile
de ces appareils a-t-elle crû en même temps que
l’on faisait augmenter le rôle de la tour de Glover.
Les petites tourelles garnies de coke des anciens
appareils ont disparu et sont remplacées par des
appareils gigantesques. Au coke capable, comme
l'a montré M. Lunge, de réduire une partie de l’a-
cide nilreux, on a d'abord substitué la brique de
silice ou de grès vitrifié; puis, sont venues les co-
lonnes à plateaux de Lunge-Rohrmann, d’une part,
les cylindres cannelés de M. Devorex, d’autre part.
Dans le type Lunge-Rohrmann, les gaz sont forcés
de traverser des cloisons horizontales de grès per-
forées, tandis que le liquide absorbant (acide à
60°-62° Baumé) circule en sens contraire en léchant
les parois des tubes ménagés à travers les plaques.
Il est toutefois à craindre qu’on crée ainsi des ré-
sistances considérables au passage du gaz. Dans le
1 Voyez à ce sujet la Revue générale des Sciences du
petit tube conique à axe horizontal, où l’on a dis- ! 15 juin 1893.
842
système Devorex, perfectionnement de certaines
douches employées à l'importante usine d'Aussig,
on fait circuler les gaz à travers des empilages de
cylindres verticaux en grès vernissé, dont lasurface
cannelée ralentit la chute de l’acide concentré ser-
vant de dissolvant, et facilite ainsi l'absorption.
D'autre part, les expériences presque simulla-
nées de MM. Lunge et Sorel, faites sur des appa-
reils dont la production par mètre cube était très
différente, ont élabli l'existence d’espaces morts
dans ces appareils, et montré, par suite, qu'on
devait modifier les dispositions empiriques adop-
tées, si l’on voulait oblenir d'un cube donné le
maximum de production. La théorie de M. Sorel ‘
rend compte de cet accident et montre que l'arrêt
de fabrication est dû à une température exagérée
en queue de chaque compartiment de l'appareil :
si l’on fait intervenir une cause de refroidissement,
comme la séparation de deux compartiments par
un couloir ou la circulation des gaz par un tuyau,
de suite on voit l’oxydalion de l'acide sulfureux
reprendre une nouvelle intensité. On doit donc,
d’après l’auteur, revenir au système de nombreux
compartiments, autrefois adopté, mais adopté pour
des raisons qui n'existent plus aujourd'hui. En Eu-
rope, il y a peu de systèmes de chambres où l’on
ait tenu comple de ce point. Il paraît qu'il en est
autrement en Amérique. M. Lunge cite même ?,
dans la relation de sa visite à l'Exposition de Chi-
cago, un syslème de douze pelites chambres,
longues de 820, dans lesquelles on travaille très
bien, avec un cube très petit et une consommation
très faible de nitrate, ce qui corrobore notre théorie.
Mais cetle disposition ne nous parail pas absolu-
ment recommandable, au moins en ce qui concerne
les chambres de tête. Si, en effel, on ne (ravaille
pas avec les fours mécaniques continus dont il est
question plus haut, la composition des gaz fournis
par les fours à pyrites subit forcément des varia-
tions périodiques, et, comme l'apport des produits
nitreux et de ia vapeur d’eau est, au contraire,
constant, il y a lieu de craindre une attaque du
plomb des premiers tambours, par suite de La for-
mation périodique d'acide nitrique. Nous croyons
donc essentiel de conserver en Lête un tambour de
grande dimension où, par suile de la vilesse de
diffusion des gaz, l'atmosphère puisse conserver
une composition suffisamment constante.
Il parait de beaucoup préférable de sectionner
les chambres aux points où les observations con-
cordantes de MM. Lunge et Sorel ont montré un
arrêt de fabrication, et d’intercaler entreles parties
restantes les tours que l’auteur de cet article a in-
l Revue générale des Sciences du 15 juin 1893.
2 Zeilschrift für angewandte Cheinie, 4cT mars 1894.
E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE
diquées dans son ZYaité de fabrication de l'acide sul
Jurique en 1887. :
Pour fixer les idées, au lieu de l’ancien type d
chambres où le premier compartiment avait tes
3/7 du cube total, et le second un peu plus des
2/7, on devrait réduire le cube du premier com-
partiment aux 2/3 environ, et celui du deuxième
compartiment aux 3/% des volumes indiqués cei-
dessus, el substituer aux parties supprimées des
tourelles.
Au sujet de l'utilité de ces tourelles, il n'y a plus
de contestation: il n’en est pas de même au sujet
de leur emploi. M. Lunge préconise l'emploi de
tours à plateaux perforés du système Lunge-Rohr-
mann, uniquement arrosées avec de l'acide à 509=
52°, Dans ces tours, qui nous paraissent n'agir sur-
tout que comme réfrigérants, et jouent déjà par ce
fait un rôle très ulile, — il ne doit pas pouvoir, à
cause de la faible concentration de l'acide employé,
se produire celte accumulation de produits nitreux
préconisée par M. Sorel; il est fort probable qu’elles
seraient fort économiquement remplacées par des.
luyaux de communication développés et refroidis.
M. Benker à repris l'idée de l’auteur : il arrose
ses tours avec de l'acide plus concentré et chargé
de produits nitreux. Il recommande même de gar-
nir intérieurement la paroi des lourelles de maté-
riaux mauvais conducteurs de la chaleur, pour
éviter tout rayonnement. Le refroidissement est
donc uniquement oblenu en haut par l'apport
d'acide ; en bas on injecte de la vapeur d’eau, eton
règle celte injection et l'apport d'acide de façon
que l'acide recueilli au bas de chaque tourelle soit
encore légèrement nilreux.
Que se passe-t-il dans ces conditions? En bas,
sous l’action de la vapéur d’eau, l'acide est presque
enlièrement dénitré : il a donc cédé à l'atmosphère
de l'acide nitreux, qui active énergiquement l’action …
de l'acide sulfureux, mais se réduit à l’état de.
bioxyde d'azote : en haut les gaz, en partie dessé-
chés par la formalion d'acide sulfurique hydraté,
rencontrent un acide froid et suffisamment concen-
tré pour permettre la formation de sulfate de ni-
trosyle, qui s'y dissout et y forme une solution
slable dans les conditions de marche, dont la
teneur en produils nitreux est d'autant pius grande
que l'atmosphère est plus riche et le dissolvant
plus froid; ce liquide, descendant, à son tour,
dans les zones chaudes et humides, s’y dénitre
en metllant en liberté, non seulement les pro-
duils nitreux introduits par le fabricant en haut
de la tourelle, mais ceux qu'il avait fixés, el ainsi.
se crée vers le milieu une zone éminemment oxy=
dante, et on reproduit identiquement les réactions
chimiques qui se passent avec une intensilé si re- |
marquable dans la tour de Glover.
Ainsi appliquées, les tourelles intermédiaires
mt permis de remédier à un inconvénient notable
e la marche intensive. Cette marche, en effet,
LL: l’a montré l'auteur, “rs on veut l ee
«du bioxyde d'azote, à marcher dans cette première
chambre à une concentration plus grande, de facon
à contrebalancer l'influence d’une température for-
ément plus élevée. Ces deux conditions réunies
font que l'acide Liré en tête de la première chambre
st assez fortement nitreux; il n’en résulte qu'une
légère perte pour le fabricant, mais, si celui-ci con-
“centre son acide à 66°, il risque d'attaquer ses ap-
pareils de platine, à moins de recourir à l'emploi
de doses considérables de sulfate d'ammoniaque ;
enfin, la moindre erreur des surveillants expose à
une attaque rapide des plombs en tête de l’ap-
| pareil.
En employant les Lourelles, on obvie à cel incon-
vénient : on n'introduit dans la tour de Glover
qu'une parlie de l'acide nitreux récupéré dans
l'appareil de Gay-Lussac, de façon que le tambour
de têle, relativement pelit, ait une marche légère-
- ment sulfureuse, et on introduit le restant des
produits nitreux dans les tourelles qui suivent le
premier tambour,
… Les industriels qui emploient ce procédé décla-
- rent qu'ils atteignent une production plus grande
par mètre cube, tout en ayant une marche plus
Ë régulière et consommant moins de nitrates.
;
Mais loute médaille à son revers: dans les ap-
* pareils intensifs il faut, avons-nous vu, augmenter
- le stock des produits nitreux en roulement: or,
- dans le tambour de queue, ces produits, ne ren-
contrant que des traces d'acide sulfureux et un
excès notable d'oxygène, tendent forcément à
piormer de l'acide nitrique qui attaque le plomb,
sion ne veille pas,avec un soin extrême, à mainte-
. nir partout une densité d'acide convenable à la
- production d’acide nitrososulfurique. De plus, les
- gaz sortant de ce tambour pour arriver à l'appareil
- de Gay-Lussac sont chargés d'acide hypoazotique,
. corps peusoluble dans l'acide sulfurique concentré ;
on laisse donc échapper dans l'atmosphère des
produits nitreux non récupérés, dont l'existence
est accusée par un panache rouge à la sortie des
appareils de tirage. On est donc exposé à uneusure
du matériel et obligé de subir une perte de pro-
duits nitreux.
Ces inconvénients paraissent supprimés dans
. une imporlante usine ue Saint-Denis, gràce à une
modification apportée au procédé déjà ancien de
MM, Lasne et Benker, par ce dernier ingénieur.
Dans ce procédé on injectait dans le bas de la co-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
lonne de Gay-Lussac un peu d’acide sulfureux
pour réduire l'acide hypoazotique en acide azo-
teux soluble dans l'acide sulfurique à 60°. Mais le
mélange était imparfait et le résultat précaire.
Actuellement, M. Benker utilise un petit injec-
teur, d'unremplacement (rès facile, à l'introduction
d'acide sulfureux dans le tambour de queue. Cet
injecteur est alimenté par un jet constant de va-
peur, et on règle, au moyen d’un registre, la quan-
tité d’acide sulfureux appelée, de façon à amener
aux environs de 55° l'acide des témoins intérieurs
du tambour de queue. Dans ces conditions, les
produits nitreux se dissolvent à l’élat d'acide
nitroso-sulfurique, soil dans l’acide du tambour de
queue, soit dans l’acide qui ruisselle dans la co-
lonne de Gay-Lussac, et les gaz sont complètement
décolorés à la sortie de celle-ci.
L’acide du Gay-Lussac est réparti, comme nous
l'avons vu, sur le Gloverel les premières tourelles,
l'acide du tambour de queue sur la seconde série
de tourelles.
Pour que les réactions se passent avec toute la
régularité que demande une marche intensive, il
faut que l’on introduise constamment des quan-
tilés normales des réaclifs nécessaires; le fabri-
cant dispose à volonté de la distribulion de la
vapeur d’eau et des produits nilreux : avec des
fours bien construits et bien surveillés, il est sûr
de fournir la quantité voulue d'acide sulfureux
avec une régularité suffisante; mais, s’il compte
sur le tirage naturel de l'appareil pour fournir la
quantité voulue d'oxygène, il peut, par certains
tempe, tout au moins, éprouver de graves mé-
comptes : il faut, en effet, fournir aux chambres
une quantité d'air telle que l’oxygène constitue au
moins les quatre centièmes du volume sortant ;
mais, si l’on exagère cette quantité, l'allure des
fours se modifie, et les gaz n’ont plus un temps
convenable de séjour dans les chambres pour l’ac-
complissement intégral des réactions.
Aussi commence-t-on, en France, mais surtout à
l'étranger, à substituer au tirage naturel l'emploi
de ventilateurs mécaniques dont la caisse est
plombée intérieurement et dont les palettes sont
fortement goudronnées. Tantôt ces ventilateurs
sont intercalés entre la tour de Glover et la pre-
mière chambre (ce qui paraît être la meilleure
position), tantôt on les place à la sortie du con-
denseur de Gay-Lussac.
On voit que la théorie, laborieusement établie,
de cette importante fabricalion a permis de réaliser
de nombreux progrès depuis quelques années. Ces
progrès ont amené un abaissement nolable du prix
de revient et exercé une heureuse influence sur
nombre d'industries de première nécessité. Mais
18**
844
nous devons nous en féliciter également au point
de vue de l'hygiène : car, aucun gaz délétère ne
s'échappant des appareils modernes, la fabrication
de l'acide sulfurique ne cause plus aucune gêne
pour le voisinage immédiat, Il est à espérer que
ces appareils se répandront dans toutes les usines.
Il ne restera dès lors plus qu'à souhaiter que l’appli-
cation de fours mécaniques supprime le travail
manuel, très pénible, des fours à pyrites.
En dehors du procédé classique plus où moins
modifié que nous venons de décrire, il y a peu de
dispositifs à citer.
Les derniers ont eu pour but, comme celui de
Brulfer (br. fr. 220.402), de K. Walter et E. Boeing
(br. all. 71.908), de multiplier les surfaces de con-
tact, comme dans l'appareil Hemptine. Il semble
que les auleurs successifs de ces brevets se sont
figuré que l'acide sulfurique ne se forme qu'autant
qu'on amène les molécules gazeuses mécanique-
ment en contact, par une sorte de brassage. Cetle
opinion doit être rejetée depuis les analyses mi-
nutieuses de Lunge et de Mactear, qui montrent
que, dans chaque section transversale d'une
chambre,la composition de l'atmosphère est pour
ainsi dire identique, el depuis la théorie de Lunge
et de Sorel qui prouve que la production de l'acide
sulfurique est due à des différences de tempéra-
ture dans chaque section transversale et que les
chocs mécaniques ne peuvent avoir pour résultat
que de réunir sur une paroi solide l'acide déjà
formé antérieurement, mais non d'aider à sa for-
mation. “
Dans un autre ordre d'idées, nous citerons les
procédés Barbier et de Staub (brev. fr.
n%217.844 et 226.798) qui rappellent, avec quelques
améliorations, le procédé bien connu de Péligot,
depuis longtemps tombé dans loubli.
Les deux inventeurs suppriment les chambres
de plomb, et les remplacent par des tourelles où
se trouvent des cuveltes d’évaporation spéciales
ou d’autres obstacles. Ces tourelles sont parcourues
de haut en bas par le mélange d’air et d'acide sul-
fureux, ainsi que par un mélange d’eau et d'acide
nitrique. Enfin, le courant gazeux traverse une
colonne de Gay-Lussac alimentée par de l'acide à
60°, produit par la concentration des acides des
tourelles sur le canal des fours.
de
Il est fort probable qu'on obtient dans les tou-
relles une réduction de l'acide nitrique et nitreux
el une formation d'acide nitroso-sulfurique qui se
dissout dans l'acide sulfurique formé, ou s’y dé-
:ompose si l’hydralalion est suffisante et la tem-
péralure assez élevée, et que le passage des gaz
dans les luyaux de communicalion détermine la
produclion d'acide sulfurique étendu, et le refroi-
dissement nécessaire à la reprise de la fabrication
E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE L’ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE
= . &
dans la lourelle suivante : toutefois, comme nous
ne possédons encore sur celle question que des ï
renseignements assez vagues, les uns publiés par
M. Barbier lui-même, les autres communiqués par
M. Boissieu à la Société Chimique de Paris, nous.
croyons qu'il faut considérer la question comme
réservée. ILest à penser que la conduite de tels.
appareils est très délicate; cependant, ce procédé
peut rendre des services dans certains pays étran-
gers, où l’on ne peut faire qu'une production très
restreinte, et où le prix de vente de l'acide sulfu-
rique est si élevé que l’on n’a réellement pas à
tenir compte de perles de fabrication, qui pour-
raient êlre ruineuses en Europe,
II. — CONCENTRATION DE L'ACIDE.
Ainsi que l'indique la théorie, il est impossible
d'obtenir directement dansles chambres de plomb
de l'acide concentré : suivant l'allure donnée aux
chambres, c’est-à-dire suivant la production par
mètre cube que l’on obtient, on peut avoir de
l'acide sulfurique titrant de 52° à 56° Baumé. Cet
acide est parfaitement suflisant pour certaines
applications, comme pour la fabrication des super-
phosphates, où le degré Baumé est le plus souvent »
fixé entre 50° et 53°. Mais la fabrication de l’acide
chlorhydrique et de l'acide nitrique ordinaires”
demandent déjà de l'acide sulfurique à 60° B, que
l'on peut, ilest vrai, oblenir par l'emploi de la
tour de Glover. D'autres industries exigent depuis
longtemps ce que l’on appelle l'acide à 66°B.,
titrant ordinairement 93-94 °/, d'acide mono-
hydraté. Le développement de la fabrication des
matières colorantes a amené progressivement la
clientèle des producteurs d'acide sulfurique à
réclamer des acides de plus en plus concentrés,
-Litrant jusqu’à 98 °/, d'acide monohydraté, puis
des acides chargés d'anhydride, et enfin un com-
posé crislallisé litrant jusqu'à 99,5 °/, d’acide
anhydre.
De ce dernier nous parlerons peu : car, depuis
quelques années, sa fabricalion n’a guère présenté
de modifications, sauf qu'on paraît renoncer à la
René. détente dt. Hé Gt ph. Sd So
dissocialion de l'acide sulfurique, pour revenir à la.
production directe d'acide sulfureux pur el à sa.
combinaison avec l'oxygène atmosphérique, en.
présence d’un noir de platine plus actif, obtenu par.
la réduction du chlorure platinique par la formal-
déhyde en solution alcaline.
Enfin, à côté de la production d'acide concentré,
aux dépens de l'acide des chambres, nous avons
actuellement à régénérer de grandes quantités.
d’acide concentré, provenant des acides plus ou
moins souillés qui ont servi à la production de la
nitrobenzine et des composés similaires, à la puri-
ficalion des pétroles, ele.
# en rappelant les appareils de concentration dont la
description se trouve dans tous les traités clas-
“ siques.
Jusqu'à 60°B, on continue généralement à faire
… la concentration définitive dans des vases de verre,
… de porcelaine ou de platine.
— Lesappareils en verre, relativement peu coûteux,
- se trouvent encore dans nombre d'usines anglaises
—…. et américaines, ainsi qu à la fabrique de Mülheim.
“On à, d’ailleurs, généralement supprimé les incon-
-vénients inhérents au remplissage et à la vidange
— alternatifs de ces appareils, en les disposant en
une balterie de concentration continue et, dans
- quelques usines, on évile tout coup de feu par
- l'emploi de brüleurs aux gaz pauvres.
— Les appareils de platine ont longtemps tenu le
premier rang, et, lant qu'on ne produisait que de
l’acide à 93 % &Ge monohydrate, la perte de métal
- précieux élait relativement faible, pourvu qu’on
prit la précaulion de détruire les produits nitreux
avant concentration. :
Mais cette perte cesse d'être négligeable dès que
l'on cherche à obtenir des acides très concentrés
et, d'après M. Scheurer-Keslner, elle atteint
7 grammes de plaline par tonne d'acide sulfurique
à 98 % produite, ce qui est très considérable,
élant donnée la baisse de prix des acides concen-
. Lrés et l'augmentation de valeur du métal.
… Ona bien songé à utiliser une ancienne obser-
vation de H. Sainte-Claire Deville et à recourir à
“l'emploi du platine iridié, beaucoup moins atta-
quable ; mais cet alliage est aigre et cassant, et les
essais ont été abandonnés.
Dans un autre ordre d'idées, les Anglais avaient
M eu recours au platine doré; maisle résultat n'avait
pas été salisfaisant : en effet, l'or élait déposé gal-
vaniquement, et formait plutôt un réseau qu'une
- couche continue, si bien que le plaline sous-jacent
-s’atlaquail peut-être même plus vite, par suite d'une
“action galvanique, et que la couche d’or se déta-
. chait.
La maison Herœæeus, de Berlin, a tourné la difi-
culté en coulant directement de l’or fondu sur des
barres de platine chauffées à la température de
Mfusion de l'or, puis laminant les barres de facon
que l'or eût 1/10 de millimètre d'épaisseur. On a
reconnu rapidement que toutes les pièces de l’ap-
|: pareil devaient êlre ainsi protégées; mais, pour les
parties qui ne sont pas en contact avec le bain
d'acide, on peut réduire l'épaisseur de la couche
d’or à 1/40 de millimètre. Dans ces conditions,
Heræeus affirme que la consommation d'or est de
Vingt à quarante fois plus faible que celle du pla-
line pendant la concentration à 98 % : ce chiftre
doit être assez exact, car les appareils de ce genre
c
D
:
E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L’ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE
Nous ne faliguerons pas l’altention du lecteur
845
se répandent assez rapidement en Allemagne el
aux États-Unis.
Tous les praticiens ont remarqué que la solubi-
lité du sulfate de fer dans l'acide sulfurique décroit
très rapidement dès que l'acide titre plus de 90 »,
de monohydrate. Il résulte même de là une cause
notable d'usure des alambics de plaline.
Celte observalion à été mise à profit des deux
côlés de l'Atlantique pour achever dans des vases
en fonte la concentration de l'acide sulfurique. 1]
faut toutefois que la fonte ne soit nulle part en
contact avec les vapeurs condensées ou petites eaux
qui, étant d'un degré plus faible, peuvent corroder
le métal.
A Thann, M. Scheurer-Kestner a tourné la diffi-
culté en protégeant les parties non immergées de
la cuvette par un rebord intérieur en platine qui
plonge dans le bain acide, et conservant un cou-
vercle en platine.
Dans quelques usines des États-Unis, on a adopté
une solution encore plus radicale. Tout l’alambie
est en fonte, mais on empêche lx condensation des
vapeurs, soit en faisant lécher le couvercle par les
gaz de la combustion, soit en le recouvrant d’une
couche isolante d'amiante. Quelques appareils sont
construits de façon à assurer une circulation mé-
thodique et continue de l'acide, ce qui diminue ou
plutôt localise l'attaque du métal.
Ainsi que nous l'avons vu, la fonte ne peut être
employée qu'au contact d'acide déjà lrès concen-
tré : aussi l’opéralion est-elle scindée en trois.
On commence par concentrer l’acide, comme d’ha-
bitude, dans des cuvetles en plomb, jusqu’à ce
qu'il marque de 60° à 62° B : ces cuvettes, suivant
l'usage auquel on destine l'acide, sont chauffées
par le dessous ou par la surface : de là, l'acide
passe dans un ou deux alambics en platine où il
arrive à 64°-65° B, et il est conduit enfin dans les
chaudières de fonte. à
Ces chaudières durent généralement plusieurs
mois; mais leur surface se recouvre peu à peu, sur-
tout vers l'entrée, de croûtes très dures de sulfate
ferrique qui gènent la transmission de la chaleur.
et pourraient amener la rupture du métal, si onne
les enlevait de temps en temps.
On obtient ainsi un acide très pur : car il ne con-
tient guère que 10 grammes de fer dans 100 kilo-
grammes d'acide à 97-98 °/. D'autre part la con-
sommation de combustible est très faible, puisque
M. Lunge à vu un appareil composé d’une chaudière
en fonte et de deux chaudières en platine produi-
sant 10.000 kilos par jour d’acide à 66° B, qui ne
consommait que 7 k. à d'huile minérale
100 kilos d'acide.
Ce dispositif se prête bien à la concentration
| d'acides souillésde fer et, paraît-il, d'acides conte-
pour
846 E. SOREL — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'ACIDE SULFURIQUE EN FRANCE
nant des produits nitreux; mais la fonte s'attaque
généralement quand on veut y trailer les acides
goudronneux provenant de lapurification des huiles
minérales.
L'appareil Négrier à cuvettes hémisphériques en
porcelaine spéciale, disposées en cascades, se prête,
au contraire, à ce travail aussi bien qu'à la con-
centration de l'acide ordinaire. On a reproché au
début à ce type d'appareils une rupture trop fré-
quente des cuvetles inférieures ; mais on a remé-
dié à cel inconvénient en remplaçant le foyer uni-
que primilif par trois pelils foyers que l’on charge
toutes les heures avec un poids connu de combus-
üible. L'appareil Négrier est d’un bon usage quand
on a soin de faire la garnilure de sa chambre de
vapeurs en lames de laves. Il permet même detrai-
ter les acides provenant des fabriques de nitro-
benzine et de récupérer une grande partie de ce
produit; mais, sous sa forme actuelle, il devient
très encombrant dès qu'on a en vue une produclion
considérable.
À côté de ces appareils basés sur la distillation
de l'acide sulfurique soit à sa température d’ébul-
lilion, soit à une lempéralure voisine(ce qui limite
beaucouple choix des matériaux formant l’alambic),
il convient de citer les appareils où l’on utilise sim-
plement la tension de vapeur, et où l’on fait l’éva-
poralion et Ja concentralion à température plus
basse.
De Hemptine et Kessler avaient essayé autrelois
la concentration Gans le vide: l'idée était trèsjuste,
mais avait dû êlre abandonnée par suite de nom-
breuses difficultés praliques.
Gossage avait tenté de concentrer l'acide dans
une véritable tour de Glover, chauffée par les gaz
d'un four à soufre : il arriva malheureusement au
momentoù les fours à soufre disparaissaient devant
les fours à pyriles, el la quantité de poussières
ferrugineuses entrainées par les gaz de ces derniers
fours fit abandonner les recherches dans ce sens.
Toutefois, dans les usines où l’on brûle de l’hydro-
gène sulfuré, on paraîl revenir à l'étude de ce pro-
cédé de concentration. C’est le but des expériences
de M. Falding, Il intercale, entre les brûleurs et la
tour habituelle de Glover, une seconde tour de
même construction, mais plus petite, qui est par-
courue de haub en bas par l'acide dénitré el con-
centré à 60°, de bas en haut par les gaz des brûleurs.
L'emploi de la chaleur du four ayant été provi-
soirement abandonné, on chercha à faire la con-
centralion à £empéralure relativement basse et ê
dans des tours formées de matériaux réfractaires "
de peu de valeur : chose étonnante, il n’y eut pas
d’essais faits avec une tour de Glover. Nobel tenta
de faire circuler l’acide sur des plaleaux de porce-
laine disposés en cascade dans une tourelle tra-
versée par des gaz chauds : sans doute, lessurfaces
de contact étaient insuffisantes et les passages de
gaz trop grands : l'appareil fut abandonné.
Le principe était cependant juste, comme en
témoigne le succès confirmé des appareils de
MM. Faure et Kessler. Les gaz chauds, produits
dans un énorme gazogène, n'y peuvent prendre
une vilesse ascensionnelle suffisante pour entrainer
les cendres : ils pénètrent à une température voi-
sine de 300° degrés dans l'appareil de concentra-
lion ; là, ils sont forcés de passer en lame mince à
la surface de l'acide, léchauffent à 160° et le
déshydratent en se chargeant du mélange de va-
peur d’eau et d'acide sulfurique correspondant à
cette tempéralure; puis ils s'élèvent dans une
sorte de colonne de distillation continue, analogue
aux colonnes dislillatoires pour l'alcool, mais qui.
en diffère en ce que les gaz ne barbotent pas
dans les liquides des divers compartiments; ils ne
font que lécher ces liquides en lames minces. Ren-
contrant de compartiment en compartiment un
acide de plus en plus froid et étendu, ils laissent
condenser les vapeurs sulfuriques et ne conservent
que de la vapeur d’eau et des traces d'acide sulfu-
rique entrainées mécaniquement (on sait, en effet,
qu'on peut faire bouillir de l'acide sulfurique
à 50° sans qu'il distille d'acide sulfurique). L’acide
entrainé est relenu par frottement sur des parti-
cules de ponce, et retourne à l'appareil, tandis
que les gaz chauds s’échappent saturés de vapeur
d'eau.
Ce dispositif permet de supprimer les anciennes.
chaudières de plomb et les vases de platine et se
prêle bien à la concentration à 66° de l'acide
ordinaire, ainsi qu'à celle des résidus de fabrica-
tion de la nitro-benzine et de la nitro-glycérine.
Il parait d'ailleurs économique au point de vue”
de la consommalion de combustible.
E. Sorel,
Ancien Ingénieur des Manufactures de l'État,
Ancien Directeur aux Usines do Saint-Gobain,
Professeur suppléant ;
au Conservatoire des Arts et Métiers.
J'adopterai, comme l'an dernier, la division en
chapitres affectés chacun à l’un des grands sys-
Lièmes organiques : système squelettique ou de
soutien; système nerveux; système de nutri-
tion, etc. Chacun de ces chapitres sera subdivisé
lui-même, si cela est nécessaire, en plusieurs ali-
néas, afin de séparer les Vertébrés des autres em-
branchements. J'avais songé un instant à grouper
également les travaux dont j'ai à parler, suivant
qu'ils sont plus spécialement d'ordre embryolo-
; gique, histologique ou d'anatomie descriptive ;
- mais, en vérité, l'Embryologie et l'Histologie sont
- des branches de l’Anatomie qu’on ne saurait sépa-
» rer l’une de l’autre, non plus que distraire de la
- description des organes adultes, et, le plus souvent,
- un mémoire d’embryologie renferme des données
histologiques ou d'anatomie topographique d’un
réel intérêt, tant ces sciences tendent à se réunir
parce qu'elles se complètent. Aussi, ai-je rejeté
finalement l’idée d’une division dans ce sens, pour
- m'en tenir à celle que je viens d'indiquer. Je n’ai
pas besoin de dire que je n’ai pas la prétention de
- donner même un tableau succinct des nombreuses
- recherches qui ont été entreprises, et dont les ré-
- sultats ont été publiés. Je me suis surtout attaché
mA
+ à résumer les questions qui semblent à l'ordre du
- jour, et dont j'avais eu déjà à m'occuper l'an der-
nier, et à choisir, parmi les autres, celles qui m'ont
- paru avoir une portée plus grande ou contenir une
- solution définilive.
the: à
Ë I. — SYSTÈME SQUELETTIQUE
Nous avons peu de choses à noter à propos du
_ squelette.
Vertébrès. — Chez les Vertébrés un travail de
- Gaupp !, qui continue ses recherches sur la mor-
- phologie du crâne par une étude du squelette
- hyo-branchial des Anoures et de ses transforma-
. tions. On sait, en effet, que, chez les larves des gre-
- nouilles, l'appareil hyo-branchial offre une compli-
- cation particulière en relation avec l'existence de
branchies, tandis qu'à l’état adulte la grenouille
n’a plus de branchies, mais des poumons; partant
- un système hyoïdien bien différent. L'auteur a suivi
avecsoin les métamorphoses del’appareil hyo-bran-
- chial. Il voit dans les processus latéraux de la large
plaque de cartilage calcifié qui représente le corps
de l'hvoïde chez l'adulte, des formations secon-
* daires,apparaissan{ lardivement etnon pas, comme
1E. GaupP. —1I.Beilräge zur Morphologie des Schädels. —
11. Das Hyo Branchial-Slelets der Anuren und seine Um-
… wandlung. — Morphol. Arbeit. Schwalbe 3 Bd. 3 Hft.
D: H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
347
REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE
on l’admet, les restes des arcs branchiaux larvaires
presque totalement disparus. Ces restes ne seraient
représentés que par les processus thyroïdiens et
postéro-médians de la plaque hyoïdienne en
question.
Un autre mémoire, sur des régions du squelette
voisines de la précédente, est celui de Pollard ! qui
reprend le problème de l’homologation du suspen-
sorium chez les Poissons et les Amphibicens. Par-
tant de cette observalion que Huxley en 1858
(Croonian Lectures) homologuait l'appareil suspen-
seur (suspensorium) de la mâchoire inférieure des
Poissons à l’are de la mâchoire supérieure du têtard,
tandis qu’en 1876 (Proced. Zoo!. Soc.) le même ana-
tomiste arrivait, en comparant le crâne du Cera-
todus (poisson dipnéen) avec celui des autres Ver-
tébrés, à séparer les Amphibiens et les Dipnéens,
sous le nom «d’autostylie », des poissons Téléostéens
et Élasmobranches (squales et raies), considérés
comme « kyostylic », conclusion qui est en oppo-
sition avec ses premières vues, Pollard s’est pro-
posé de rechercher laquelle de ces deux opinions
est la plus probable, d'établir si le suspensorium
des Téléostéens est homologue de celui des Élas-
mobranches, et enfin, de voir si ces deux der-
niers groupes peuvent être réunis sous la ru-
brique « Ayostylie ». Sans entrer dans les détails,
ce qui nous entrainerait trop loin, rappelons que le
suspensorium des Téléostéens est constitué par
une chaine d'os (hyomandibulaire, symplectique et
os carré), dont l’une des extrémités est articulée
avec le crâne et l’autre avec la mandibule. Chez
les Élasmobranches, tout cel appareil est forl ré-
duit, et chez quelques-uns (Wotidanus Heptanchus),
la mandibule cartilagineuse s'attache directement
à la pièce cartilagineuse unique qui porte les dents
et qu'on désigne sous le nom de palato-carré. Dans
ce cas, fait observer Pollard, il faut rechercher la
région homologue de l'hyomandibulaire des Téléos-
téens dans la portion articulaire du palato-carré,
c’est-à-dire dans la partie proximale du cràne.
Mais, chez les raies, il y a un degré de complica-
tion : il existe une pièce distincte qui unit la man-
dibule au crâne et on l’homologue ordinairement
à l'hyomandibulaire des Téléostéens. Pollard pense
que cette homologation n'est pas justifiée, et que
le soi-disant hyomandibulaire des Élasmobranches
est en réalité le stylhyal.
L'homologie entre le soi-disant hyomandibulaire
des Élasmobranches et celui des Téléostéens ne
1 Dr H. B. PorrarD. — The suspension of the Jaws in
Fishes. — Anal. Anz.t. X, 1894, n° 4, p.17.
548
D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
saurait être admise, ajoule-{-il, car, d’une part,
l'articulation au cräne des pièces considérées à
tort comme homologues ne se fail pas au même
point; d'autre part, leurs rapports avec les muscles
et les nerfs sont out différents. Dans ce cas le grou-
pement proposé par Huxley ne saurait être admis.
Chez les Élasmobranches, le suspensorium est cons-
titué par le stylhyal : Pollard en fail le groupe
« hyostylie ». Chez les Téléostéens et l'esturgeon,
d'une part, chez les Amphibiens, le Ceratodus et
la Chimère, d'autre part, le saspensoriumest cons-
titué par l'hyomandibulaire : l’auteur les groupe
sous les noms respectifs de « mélaautostylice» et
« autostyliea ».
Invertébrés. — T'ai eu l’occasion, l'année dernière,
de dire deux motsdes recherches de Schimkéwitsch
sur l'erdosternite des Arachnides. C'est une pièce
solide qui forme, pour la plus grande part, le sque-
lette interne chez un grand nombre d’Arachnides.
Or, parmi celles-ci, il existe un groupe, celui des
Galéodes, qui, par certains caractèresanatomiques,
semble établir une transition entre les Insectes et
les Arachnides. En particulier, les Galéodes n’ont
point d'endosternite, mais des apodèmes qu'on a
pensé pouvoir homologuer avec la pièce squelet-
lique des autres Arachnides. Schimkéwitsch !
s'élève contre cette tentative d'homologation,
malgré les ressemblances qui peuvent exister
entre ces deux formations et qu'il reconnait d’ail-
leurs. Mais il fait observer que les apodèmes des
Galéodes sont d’origine ectodermique tandis que,
dans son mémoire de l'an passé, il a démontré
que l’endosternite des Arachnides est formé, chez
les très jeunes individus qu'il a examinés, d'élé-
ments mésodermiques. Ce seul fait suffirait à faire
rejeter l'homologie entre les deux formations.
IT. — SYSTÈME NERVEUX. ORGANES DES SENS.
Vertébrés. — Le nombre des recherches ayant
trait au système nerveux est considérable; pour
une bonne part ce sont des applicalions des mé-
thodes récentes de Golgi, de Ramon y Cajal, etc.,
que j'ai exposées assez longuement dans une pré-
cédente Revue. En particulier, il en est ainsi d'un
mémoire de Elliot Smith ? surles connexions entre
le bulbe olfactif et l'hippocampe, ainsi que des
recherches de P. Jacques * sur les nerfs du cœur
chez la grenouille et les Mammifères.
Les études sur le développement du système
nerveux des Mammifères sont par contre assez
1 Sur la signification de l’endosternite des Arachnides.
Zool. Anzeig., 189%, p. 125.
2 The connection between the Oltactory Bulb and the
Iippocampus. Anal. Anz., 1894, n9 15.
3 P, Jacques, Journ. de l'Anat. el de la Physiol., 1894,
n° 6.
rares; toulefois nous trouvons un travail de
À. Prenant sur le développement des corps oli-
vaires !, Parmi les organes encore énigmatiques, il
y a lieu de ranger les formations olivaires (olive
principale, olive interne ou noyau pyramidal el
olive externe) du bulbe rachidien. M. Prenant
s'est proposé d'en étudier le développement, el il a
poursuivi celle étude chez le porc, le mouton et le
lapin. Au total, l'olive externe serait une formation
secondaire, probablementissue de l'olive princi-
pale. Cette dernière, de son côté, apparait après
le noyau pyramidal (olive interne) et indépendam-
ment de lui. Enfin, et ce fait a une importance
qu'on appréciera aisément, la constitution histo-
logique de l’olive principale est toute différente de
celle du noyau pyramidal. Ce dernier est formé
d'éléments qui le font ressembler à un amas ter-
minal sensitif, tandis que les éléments constitutifs
de l'olive principale ont tous les caractères des
cellules des noyaux moteurs. À l’Analomie, dit
l’auteur en terminant, de rendre complètement
compte de ces ressemblances et de ces différences
histologiques que l'étude des stades embryonnaires
nous montre d'une manière frappante. Il est cer-
tain en effet qu'il y a là üne indication intéressante
el une voie nouvelle ouverte aux recherches.
Parmi les travaux sur l’encéphale des Saurop-
sides je relève : un mémoire de Brandis sur le
cerveau des Oiseaux ?; une contribution à l'étude
du lobe olfactif des Reptiles, par Læœwenthal5, et
de Rabl-Rückhard, des recherches sur le cerveau
du Python molure “, danslesquelles l’auteur décrit,
à la partie ventrale du cerveau moyen, un double
entrecroisement fibreux.
Au sujet des Poissons, en dehors d'une bien
longue polémique entre R. Burckhardt et
Studnicka Ÿ à propos du cerveau antérieur, nous …
relevons une étude du système nerveux des Téléos-
téens par van Gehuchten f, dans laquelle l’auteur
étudie la structure des lobes antérieurs, l'origine
des fibres du pédoncule cérébral, les éléments
constitutifs des lobes optiques, l’origine et la ter-
minaison des principaux nerfs cràniens, elc.
Enfin, des recherches anatomiques sur le sys-
tème grand sympathique de l'Esturgeon, par
R. Chevrel”. L'Esturgeon est un sujet d'études par-
ticulièrement bien choisi, car, par son organisation
Note préliminaire sur le développement des corps olivaires
du Bulbe rachidien des Mammifères. C.R, kebd. de la Soc. de
Biologie. 1894, p. 393.
2 Brannis, Arch. für mikrosk. Anat., 189%.
8 LœwenraaL, Journ. de l'Anat.et de le Physiol., t. XXX,
n° 3.
4 Razr Rücrnarp, Silzgsber. Ges. Nal. Fr. Berlin, 1894,
n° 2.
5 Anal. Anzeig., t. X.
6 Van Genucnren, La Cellule, 1. X, fase. 2.
7 R. Cnevrer, Arch. de Zool. expériment. 189%, p. 401.
st nat de. ne
D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
849
générale, il tient précisément le milieu entre les
Élasmobranches et les Téléostéens. M. Chevrel était
d'autant mieux placé pour tirer d'intéressantes
conclusions de ces recherches, qu'il a déjà étudié
spécialement le grand sympathique chez les Élas-
mobranches et chez les Téléostéens. De ses études,
ilressort que le grand sympathique de l'Esturgeon
érive de celui des Élasmobranches, dont il con-
erve même le facies général; mais il offre un dé-
eloppement plus considérable et une disposition
plus parfaite. « S'il ne rappelle pas encore le grand
sympathique des Téléostéens, il montre une ten-
ance évidente à l’imiter. C'est un système de
transition, ayant peu de caractères propres, n'ayant
déjà plus tous ceux du sympathique des Élas-
mobranches et ne présentant qu'un petit nombre
de ceux qui caractérisent celui des Téléostéens. »
… Dans un chapitre intitulé : « Essai sur la phy-
logénie du système nerveux grand sympathique
“des Poissons », nous relevons surtout un exposé
- très suggestif des transitions qu'on observe dans
l’organisation de ce système, depuis l’'Ammocète
Ésau aux Téléostéens.
…— Chez l'Ammocète, le caractère fondamental du
grand sympathique est : 1° d'être entièrement et
“uniquement abdominal; 2 d’avoir ses ganglions
latéraux isolés les uns des autres.
Chez les Téléostéens qui occupent l’extrémité
opposée de l’échelle, le grand sympathique pos-
“ède une partie céphalique parfaitement consti-
uée, comportant un nombre variable de gan-
glions, suivant les groupes que l’on examine; de
plus, le cordon latéral, parfaitement constitué,
s'étend depuis la Him du trijumeau du crâne,
jusqu ’à la partie postérieure du canal caudal.
. Chez l'Esturgeon, il y a une ébauche céphalique
L aussi un système caudal rappelant les Poissons
nu“ = ui:
« On remarquera, ajoute l’auteur, que le cordon
ympathique, chez les Poissons, se développe en
deux sens opposés. Le point mort correspond à
eu près au ganglion qui donne naissance au nerf
- splanchnique. A partir de ce point, le cordon croît
a “d'abord d'avant en arrière, puis d’arrière en avant;
sa partie postérieure, au moins celle qui est See
“dans la cavité abdominale, se forme beaucoup plus
-rapidement que sa parlie antérieure. Il est pro-
_bable que cette progression se maintient; mais jus-
qu'à ce jour les termes de passage D défaut, et
l'on assiste tout à coup, chez les Téléostéens, au
développement intégral et parfait des deux extrés
mités terminales du cordon. »
Au cours de ses études sur la morphologie des
fosses nasales, P. Garnault! a été conduit à des
1 P. GarnauLr, Contribution à l’étude de la morphologie
recherches embryologiques fort intéressantes sur
un organe assez énigmatique, l'organe de Jacob-
son. Nous résumerons rapidement ce travail qui
nous paraît jeter une vive lumière sur une ques-
tion passablement obscure. On sait que l'organe de
Jacobson est constitué par deux cavités nasales
accessoires qui communiquent directement ou in-
directement avec la cavité buccale.
Ces organes, découverts par Jacobson chez les
Mammifères, consistent, de chaque vôlé el à la
base de la cloison du nez, en un lube prolégé par
une capsule cartilagineuse (cartilage de Huschke).
Ce tube, aveugle en arrière, débouche en avant
dans la cavité buccale, par un conduit creusé dans
l'os incisif (conduits incisifs.. Jacobson n’avait pas
trouvé ces organes chez l'homme; mais Ruysch,
puis Sæmmering et Küllikeren constatèrent l'exis-
tence, et ce dernier, en particulier, démontra qu'ils
existent très souvent chez l'embryon humain el
qu'ils y reçoivent, comme l'organe de Jacobson
des autres Mammifères, des filets de l’olfactif.
Cependant, Gegenbaur repoussa l'homologie, ad-
mise par Külliker, entre ces formations de l’em-
bryon humain et l'organe de Jacobson des Mam-
mifères, sous prétexte qu'elles y ont perdu leurs
relations avec les carlilages de Huschke, et que ces
relations sont fondamentales. Pour Gegenbaur, les
soi-disant organes de Jacobson de l’homme doivent
être homologués à la glande seplale qu'il a décou-
verte chez certains Prosimiens (S/enops). L'opinion
de Gegenbaur semble avoir été acceptée, car Wie-
dersheim, dans son Yanuel d'Anatomie comparée
4890), dit que, « chez l’homme les organes de
Jacobson semblent ne plus même apparailre pen-
dant la période fœtale; ce que jadis on prenait
pour eux, est le rudiment d'une glande nasale de
la cloison semblable à celle qui existe, par exemple,
chez les Prosimiens (Gegenbaur). L'existence du
cartilage vomérien de Huselke, ajoute Wieder-
sheim, prouve, d’ailleurs, que les ancêtres de
l'homme ont dû posséder jadis un organe de
Jabobson ».
Je rapporte celte citation, bien qu'un peu
longue, parce qu’on y trouve, à mon sens, une nou-
velle preuve du peu de confiance qu'il faut avoir
dans ces déduclions à priori, où nous engageons
nos ancêtres sans les avoir connus, alors que nous
n'avons qu'à éludier nos contemporains pour trou-
ver la solution du problème posé.
D'une part, en effet, M. Garnault, par ses
recherches embryologiques , montre que les
organes de Jacobson, comme l'a avancé Külliker,
existent chez les embryons humains de deux ou
des fosses nasales. L’organe de Jabobson. C. R. hebdom. de
la Soc. de Biologie. Mai, 1895.
850
trois mois, et qu’à cet âge « leur structure est ab-
solument identique à celle que présente, chez les
Mammifères pris à une époque comparable de leur
développement, l'organe de Jacobson le mieux dé-
veloppé ; il reçoit des filets nerveux de l’olfactif….,
il reçoit également, par sa partie postérieure, un
filet du naso-palalin de Scarpa. Tous ces filets dis-
paraissent par la suite ».
D’autre part, Garnault estime que la connexion
entre l'organe de Jacobson et les cartilages de
Husthke n’est pas essentielle, ces cartilages étant
des organes de soutien qui ne deviennent qu’acci-
dentellement organes de protection pour le tube
de Jacobson, si bien que, de l'existence de ces car-
lilages, il n’y a nullement lieu de conclure à l’exis-
tence des organes de Jacobson chez nos ancêtres,
non plus que de nier la présence de ces organes
chez l'homme actuel.
Mais il y a plus : l’auteur a pu suivre les pre-
mières phases du développement de l'organe de
Jacobson chez le rat, et il a vu qu'il se développe
par une fente relativement très large, tapissée d’un
épithélium semblable à celui qui revêt la région
olfactive des fosses nasales. « Le tube de Jacobson,
ajoute Garnault, ne se développe donc pas par une
invagination tubulaire à la facon des glandes. »
Bien qu'il dise quelque part, dans sa note, que peut-
être la glande septale des Prosimiens doit être
homologuée à l'organe de Jacobson, il me semble,
au contraire, que le mode de genèse du tube de
Jacobson exclut la possibilité de cette homologa-
tion, à moins qu'il soit démontré que la glande
septale des Prosimiens n'est pas une glande, ce qui
est encore bien possible. Ce qui est plus important,
en tous cas, c’est que le mode de formation de l’or-
gane de Jacobson chez l'embryon du rat semble
fournir un point d'appui sérieux pour homologuer
l'organe de Jacobson des Mammifères avec le cul-
de-sac nasal interne des Amphibiens anoures. Cette
manière de voir aurait le grand avantage de recon-
nailre une même origine aux diverses formations
décrites comme organes de Jacobson chez les Ver-
tébrés où on en rencontre ; mais que devient alors
l'hypothèse de Wiedersheim qui homologue la
cavité nasale accessoire des Amphibiens anoures
au sinus maxillaire des autres Vertébrés? Il semble
bien qu'elle ira rejoindre l'opinion de Gegenbaur
citée plus haut, parmi la déjà trop riche collection
d'hypothèses avancées sans bases solides.
Tnverlébrés. — Nous trouvons un mémoire impor-
ant de À. Binet! sur le système nerveux sous-in-
teslinal des Insecles.
1 Contribution à l’étude du système nerveux sous-intestinal
des Insectes, par A. BiNer. Journ. de l'Anal. el de la Physiol.
1894, n° 5.
D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
! rendent dans la colonne ventrale et lelobule ventral.
4
$
Les méthodes de Golgi et d'Ehrlich ont été, nous è
l'avons déjà dit, un élément de progrès considé-
rable dans nos connaissances sur le système ner-
veux des animaux; mais ces procédés ne peuvent
donner que des notions d'une nalure assez res-
treinte ; ils n'interviennent guère qu’au point de …
vue topographique et ne laissent découvrir, tant À
s’en faut, aucun détail de la structure histologique
intime des éléments nerveux. Par la méthode de
Golgi, ces éléments sont totalementremplis par les .
précipités, et ‘c’est précisément l’opacilé ainsi oh-
tenue et l’intense coloration uniforme de leurs «
diverses parties (corps cellulaire, dendriles, cy-
lindre-axe) qui favorisent les études d'anatomie
descriplive microscopique auxquelles tant de cher-
cheurs se sont livrés depuis qu'ils sont:en posses-
sion de cetle technique nouvelle. On en peut dire
autant, pour des raisons d’un autre ordre, de la
méthode d'Ehrlich.
Aussi pensons-nous qu'il n’est pasinutile d’insis- …
ter sur un travail qui attire l'attention sur une
technique plus récente et qui a donné, entre les
mains de son auteur, des résullats excellents pour
l'étude de la constitution intime de certains élé-
ments nerveux (il s’agit plus spécialement des cel-
lules nerveuses ganglionnaires des Crustacés et de
quelques Insectes). La méthode à laquelle nous
faisons allusion est celle de Viallanes (mordancage
au sulfate de cuivre etcoloration à l'hématloxyline),
modifiée par Binet, qui obtient une double colora-
lion au moyen de la safranine, dont on fait succé-
der l’action à celle de l'hématoxyline.
L'auteur a pu, dans ces conditions, obtenir des
colorations très tranchées, d’une part du proto-
plasma de la cellule, d'autre part du noyau et des
fibrilles qui forment le cylindre-axe. On peut suivre
alors aisément ces fibrilles jusqu'à l’intérieur du
protoplasma des cellules, et les voir, tantôt décrire.
une spire autour du noyau, tantôl s'irradier dès
leur pénétration dans les couches corlicales du
protoplasma; en un mot, on peut éludier dans
tous ses détails le trajet des fibrilles et leurs rela-
tions avec les diverses parties de la cellule ner-
veuse.
M. Binet ne s’est d'ailleurs pas contenté de celte
élude histologique pure; il à éludié encore, avec
beaucoup de soin, la structure des ganglions de la
chaine nerveuse abdominale des Insectes, montrant
que chaque ganglion comprend: d'une part, deux
colonnes ventrales et un lobule ventral inférieur:
d'autre part, un lobe dorsal formé, comme les
précédentes parties, d'une substance fibrillaire,
mais moins dense et plus grossière que chez celles-
ci. Le nerf abdominal correspondant possède trois
racines, dont une est dorsale el les deux autres se
Considéré dans son ensemble, le ganglion thora-
cique peut être ramené à un ganglion abdominal
auquel se surajoutent latéralement deux lobes cru-
TAUX.
+ M. Child’ a publié des recherches assez étendues
« sur les organes sensilifs antennaires des Insectes.
Chez la guêpe (vespa vulgaris), l'organe sensitif
siège dans le deuxième segment de l'antenne, à
l'exclusion de tout autre. Il en est de même, et
avec la même structure, chez beaucoup d’insectes
appartenant aux groupes les plus variés : Bombus,
Musca, Panorpa, Melolontha, Libellula, etc.
_ Chez les Hémiptères homoptères, l'appareil siège
- au même endroit, mais il est moins développé, les
- cellules ganglionnaires et les bâtonnets étant peu
nombreux.
Chez certains Diptères (Culicides et Chirono-
mides), l'organe sensitif se trouve dans un segment
sphérique situé à la base de l'antenne et plus volu-
| mineux chez le màle que chez la femelle. Cet
- organe est d'une structure très complexe, mais
. surtout chez la femelle il offre une ressemblance
évidente avec les organes sensitifs des insectes
ci-dessus désignés. Quant aux fonctions de ces
appareils, nous les connaïtrons lorsque l’auteur
- aura publié les résultats des recherches physiolo-
. giques qu'il se propose d'entreprendre.
III. — SYSTÈME VASCULAIRE
Parmi les travaux d'embryologie relatifs au sys-
tème vasculaire, nous devons donner quelques
détails sur les recherches de M. Duval ? relative-
ment aux relations qui existent chez les Mammi-
fères entre la mère et le fœtus, au point de vue
des échanges sanguins. Nous avons rendu compte
déjà, dans la Revue générale des Sciences (1893), des
. études de M. Duval sur le placenta des Rongeurs,
études qui lui ont permis de démontrer l’origine
ectodermique du placenta fætal et d'établir que cet
organe est, chez les Rongeurs, un ecfoplacenta, ca-
ractérisé par ce fait que les cellules épithéliales se
fusionnent bientôt en une masse protoplasmatique
continue, véritable plasmode ectoplacentaire qui en-
globe les vaisseaux capillaires maternels. Bientôt
les parois de ces vaisseaux se résorbent et le sang
maternel circule dans les lacunes creusées en plein
plasmode ectoplacentaire.
M. Duval a spécialement étudié, parmi les Car-
nassiers, le chien et le chat, et ñ s'est trouvé ainsi
en présence de deux types nouveaux, un peu dif-
férents l’un de l’autre, sinon au point de vue de
l'origine du placenta, au moins eu égard à la des-
1 Beiträge zur Kenntniss der antennalen Sinnesorgane
der Insecten, von C.-M. Cuir». Zool. Anzeig, 18%, p. 35.
? Le Placenta des Carnassiers, par M. Duvac. Journ. de
l'Analomie et de la Physiologie 1891.
D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
851
tinée des cellules épithéliales fœtales, ces deux
types établissant un passage du placenta des Ron-
geurs à celui des Ruminants el permettant d’ex-
pliquer ainsi d’une manière très salisfaisante la
composition si complexe de organe en question
chez ces derniers animaux.
Chez la chienne, la formation ectoplacentaire se
comporte d’abord comme chez les Rongeurs : elle
se transforme plus ou moins complètement en
plasmode que pénètrent les vaisseaux maternels ;
mais tandis que chez les Rongeurs la paroi de ces
vaisseaux est, comme nous le rappelions plus haut,
lotalement résorbée, elle persiste chez la chienne,
et la formation placentaire comprend ainsi un élé-
ment de plus que celui des Rongeurs, à savoir les
cellules endothéliales des vaisseaux maternels.
C'est ce que M. Duval appelle un angioplasmode,
terme heureux qui rappelle bien la composilion
fondamentale du placenta fœtal du chien.
Chez la chatte, les choses se passent à peu près
comme chez la chienne, sauf loulefois que les
cellules ectodermiques fϾtales ne se fusionnent
pas en plasmode ; elles conservent leur individua-
lité et le placenta comprend dès lors, en outre des
éléments énumérés ci-dessus chez la chienne, des
cellules épithéliales disposées par couches et re-
présentant un véritable type d’épithélium vascu-
laire.
Nous ne pouvons résister au désir de transerire
les conclusions générales de l'auteur : car elles
jettent un jour d’une grande clarté sur la structure
et la genèse des placentas si variés des Mammi-
fères plecentaires. « Ces dispositions du placenta
fœtal chez les Carnassiers,dit M. Duval,c'est-à-dire
la présence de formations ectodermiques conte-
nant des vaisseaux avec leurs parois endothéliales
et non de simples lacunes sanguines, comme chez
les Rongeurs, ces dispositions représentent une
forme de transition entre le placenta des Rongeurs
d’une part et d’autre part celui des Ruminants et
des Pachydermes.
«Chez les Rongeurs, entre le sang maternel et le
sang fœtal ne sont inlerposées que la paroi capil-
laire fœtale et les couches ectodermiques ; chez les
Carnassiers, les parties interposées entre ces deux
sangs sont, outre la paroi capillaire fœtale et l’ec-
toderme, la paroi endothéïiale vasculaire mater-
nelle ; qu'à ces parties s’ajoute encore l’épithélium
utérin conservé, el nous aurons le type structural
du placenta des Pachydermes et Ruminants. C'est
ce que nous montrerons par de prochaines études,
c'est du reste ce qui est bien connu de par toutes
les descriptions classiques ; seulement les auteurs
quise sont occupés du placenta, partant de celui
‘des Ruminanis, où la persistance de l'épithélium
utérin est évidente,ont hàtivement généralisé cette
Doté Si BUT SET Cr "77 gén ce CRAN AE NOUS RE nd TT
17!
Les,
852
disposition, et se sont efforcés de retrouver cet
épithélium ulérin chez les Carnassiers aussi bien
que chez les Rongeurs. »
On sait combien on est loin d’être d'accord au
sujet du mode de développement des vaisseaux;
cependant on admet d'une facon assez générale
qu'ils sont formés par des bourgeons endothéliaux
pleins, émanés de vaisseaux préformés; mais on
ne s'entend plus sur la façon dont se creuse la
lumière du vaisseau dans ce bourgeon. Suivant
Greene, les cellules axiales du bourgeon s’écartent,
et il se forme ainsi des vacuoles qui s'unissent
pour conslituer la lumière du conduit vasculaire;
d’après Arnold et H. Field, les cellules centrales du
bourgeon se transforment en globules sanguins ;
enfin, suivant Renaut, le bourgeon est un amas de
protoplasma avec noyaux endothéliaux. M. H. Mar-
tin ‘, pour apporter un nouvel élément à nos con-
naissances sur ce point, s’est proposé l'étude
spéciale du développement de l'artère coronaire
chez l'embryon de lapin. L'examen de séries bien
graduées d’âges divers lui a permis de suivre pas
à pas la formation de cette artère. C'est à partir
du douzième jour que l'auteur trouve les pre-
mières traces de l'organe, sous la forme d'un bour-
geon plein mesurant 1/20 de millimètre de long
sur 1/30 de millimètre d'épaisseur el formé de
trois rangées longitudinales de cellules répondant,
par leurs caractères, aux cellules endothéliales de
la région postérieure du bulbe aortique où s'attache
le bourgeon.
Le mode de développement par bourgeon pour
les vaisseaux parait donc bien être un fait acquis.
Reste à savoir comment se creuse ce bourgeon.
M. H. Martin admet qu'il se produit des vacuoles
intercellulaires dans la rangée axiale et que les deux
autres rangées deviennent l'endothélium du nou-
veau vaisseau. Les cellules axiales nelui paraissent
pas contribuer à former les hématies.
Parmi les nombreux (ravaux d'anatomie des-
criplive et comparée auxquels a lieu le
système vasculaire, signalons les recherches sur
la distribution artérielle dans les membres infé-
rieurs des Primates par M. Popowsky *: cette
étude dans laquelle l’auteur utilise, outre ses
propres recherches, celles d’un certain nombre
d'anatomistes et particulièrement du regretté
Rojecki, auteur d'un mémoire sur le même sujet
d'après les dissections qu’il avait failes dans notre
donné
1 Note sur le premier développement des artères coronaires
cardiaques chez l'embryon de lapin, par M. H. Marrix. C. R.
hebd. de la Soc. de Biologie, t. NT, 189%, p. 83.
? Das Arteriensystem der unteren Extremitäten bei den
Primaten, von Prof. P. Popowsky. Anal. Anz. 1. X, 1894,
nos 9, 3 et 4.
D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
laboratoire au Muséum, cette étude, disons-nous,
est à signaler pour son excellente bibliographie
etses descriptions détaillées qu'accompaguent de
bonnes figures explicatives.
Dans le Bulletin du Muséum (1895, p. 45), nous
trouvons une note de M. Boulart sur « des plexus
thoraciques veineux du Phoque commun ». On
pourrail croire que, chez ces animaux, dont l'ana-
tomie à été faile avec assez de détails, il ne reste
plus rien à glaner. Cependant M. Boulart a eu la
bonne fortune de reconnaitre et de préparer, chez
deux sujets d'âge différent, des plexus veineux
situés de chaque côté de la pointe du cœur el
reposant en partie sur le diaphragme, en partie
sur le péricarde.
Ces faits s'ajoutent à ceux qu’on connait déjà de
dispositions vasculaires spéciales (plexus, réser-
voirs, etc.) favorisant la stase du sang veineux
chez les Mammifères à vie aquatique.
Dans le même ordre d'idées, nous trouvons dans
le même recueil une note de M. Henri Gervais sur
la circulation périrénale de l'Æyperoodon rostratus
{Bulletin du Muséum, p. 146) et une note de M. Neu-
ville sur des sinus veineux intrahépatiques qu'il a
découverts chez le Castor du Rhône (#bid. p. 46.
Enfin, j'ai publié moi-même en collaboration
avec M. Boulart une note sur un plexus veineux
de l'œil de Balzænoplera musculus ‘. On sait qu'il
existe chez les Cétacés un riche réseau artériel
qui forme autour du nerf optique un manchon
presque continu, le séparant du musele choanoïde.
Nous avons trouvé chez B. musculus, en outre de
ce réseau arlériel, un plexus veineux très riche
séparé de ce dernier par le muscle choanoïde. Ce
plexus formé de veines scléroticales et de branches
musculaires s’ajoute aux nombreux plexus vascu-
laires déjà décrits chez les Cétacés.
J'ai eu, d'autre part, l’occasion, dans mes re-
cherches sur l'oreille ?, de décrire un plexus vei-
neux également très fourni, enveloppant l'artère
carotide inlerne dans son passage à lravers la
bulle auditive el s’irradiant dans les nombreux
sinus aériens que j'ai décrits au voisinage de
l'oreille moyenne des Cétodonteset des Mysticètes;
il paraît donc bien de plus en plus évident, comme
je le rappelais tout à l'heure, qu'il existe une rela-
tion entre la vie aquatique des Mammifères et le
développement de dispositions vasculaires spé-
ciales, principalement dans le parcours du sang
veineux.
Pour en finir avec le système vasculaire, je dira
quelques mots d’un excellent travail de M. CL. Re-
1 H. BraureGarp, et R. BouLarr. C. R. hebdomad. de la
Sociélé de Biologie, 1894, p. 715.
? H, Braurecarov. Journ. de l'Anal. el de la Physiol. 1893 et
1894.
D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
853
-gaud ! sur les vaisseaux lymphatiques des glandes
| mammaires. La reprise des recherches sur le sys-
h jème lymphatique, avec lesprocédés dela technique
histologique, s'impose : « Dans l’état actuel de la
science, en effet, dit M. Renaut?, le savant profes-
seur d'Histologie de la Faculté de Médecine de Lyon,
ui a inspiré l'étude dont nous parlons, il ne suffit
as, pour affirmer en un point quelconque du tissu
conjonctif la présence de trajets lymphaliques,
d'avoir développé un réseau par des injections co -
orées; il faut avoir montré, en outre, par une im-
régnation de nitrate d'argent, que ce réseau
répond bien à des canaux limités sur tout leur par-
cours par l'endothélium découpé en jeu de patience,
… qui, seul, caractérise les voies et espaces lympha-
{. tiques vrais, tandis qu'une injection colorée ne
“donne rien que la forme des espaces interorga-
Ein le long desquels elle s'est répandue. Or,
- parfois l'ensemble de ceux-ci, lorsqu'ils ont été
remplis par la matière à injection, simule, à s'y
…— méprendre,unréseaulymphalique quin’exisle pas.»
4 M. Regaud a eu mille fois raison de s'inspirer de ces
- sains principes d'anatomie dans ses recherches.
“ Qu'on injecte interstitiellement une masse au bleu
- de Prusse, comme le faisait Langhans, ou une s0-
- lution chloroformique d'asphalte, comme l’a pro-
posé Sorgius, ou du mercure à la façon des anato-
mistes d'antan, il est impossible de se rendre
compte de la valeur scientifique des résultats ob-
« lenus. Suivant la pression employée, suivant les
qualités de pénétration des matières à injection
usitées, on obtient des figures bien différentes; de
là des divergences nombreuses entre les observa-
- Leurs, de là l’ignorance réelle dans laquelle nous
. sommes encore aujourd'hui sur la distribution
* vraie des lymphatiques.
> La méthode très simple du professeur Renaut
nous parait répondre à tous les desiderata. On mé-
lange la solution argentique à un fixateur éner-
- gique, le liquide osmio-picrique, et on pratique
. avec ce mélange des injections interstitieiles. La
double action du sel d'argent et de l'acide osmique
donne des préparations d’une grande netteté.
Dans le cas particulier de la glande mammaire,
deux opinions sont actuellement en présence; les
uns (Waldeyer,Kolessnikow, Creighton, Sorgius)
admettent que l’origine des lymphatiques glandu-
laires est, dans les espaces périacineux, à l'énté-
rieur des lobules; les autres (Langhans, Coyne) nient
que les lymphaliqnes pénètrent dans les lobules et
admettent qu'ils n’ont avec les acini que des rap-
1 CL. Recau», Etude histologique sur les vaisseaux lympha-
tiques de la glande mammaire. Journ. Ge l'Anat.et de la Phy-
. siol., 4894, n° 6.
? J. Renaur, Traité d'Hislologie pratique, 2° fasc., 1893,
p. 898.
ports médiats. C’est avec ces derniers que se range
M. Regaud. Ses préparations démontrent, en effet,
que les espaces lymphatiques et les canaux qui
forment les deux élements du système lymphatique
de la glande mammaire sont absolument extra-lo-
bulaires.
IV. — SYSTÈME DE NUTRITION, — APPAREIL DIGESTIF.
Vertébrés. — D'un mémoire critique et historique
d’un grand intérêt, que vient de publier M. La-
guesse ! sur la structure et le développement du
pancréas, nous reliendrons surtout, pour en parler
ici, ce qui a trail à la genèse de cet organe, les
connaissances récemment acquises sur ce point,
et, pour une bonne part, grâce aux recherches de
l’auteur, permettant, dès maintenant, d'expliquer
d’une façon très satisfaisante les dispositions si
variées qui s'observent dans la série des Ver-
tébrés.
Jusqu'à ces dernières années, on pensait que le
pancréas provenait d’un seul bourgeon dorsal de
la région duodénale de l'intestin, tandis que le foie
provient d’un bourgeon ventral de la même région,
en un point à peu près exactement opposé au pre-
mier. « Aussi, dit M. Laguesse, s'expliquait-on fort
mal la présence, chez beaucoup d'animaux, de plu-
sieurs canaux excréteurs, débouchant en des
points différents, les uns isolés, les autres réunis à
ceux du foie. Chez l’homme même il était quelque
peu étonnant de voir, sur l'adulte, converger en
une même ampoule terminale (ampoule de Vater)
un canal pancréatique et un canal cholédoque, nés
sur l'embryon, l’un dorsalement, l'autre ventra-
lement, aux deux parois diamétralement opposées
de l'intestin. » Les recherches de nombreux obser-
vateurs ont établi que deux autres bourgeons pan-
créatiques ventraux se développent en outre du
bourgeon dorsal. C’est chez les Batraciens que le
fait fut aperçu d’abord (Goette), et, depuis lors, on
retrouva ces bourgeons ventraux chez tous les
Vertébrés; M. Laguesse, en particulier, les décrivit
chez la Truite ; en même tempsils furent découverts
chez les Reptiles, les Oiseaux et les Mammifères.
Ces deux bourgeons ventraux naissent sur le
conduit hépatique primilif (ventral, comme nous
l'avons dit), à son point d'’abouchement dans l’in-
testin. Au cours du développement, ce conduit
hépatique se porte à droite et entraîne ainsi avec
lui les deux pancréas ventraux, qui bientôt vont se
fusionner avec le dorsal, pour ne plus former qu'une
seule glande. Cette glande a, dès lors, deux ca-
naux excréteurs, un dorsal (canal de Santorini) qui
1 E. Lacuesse, Structure et développement du pancréas,
d’après les travaux récents. Journ. de l'Anat. et de la Physiol.,
n°s 5, 6, 1894,
854
provient de l’ébauche primitive pancréatique dor-
sale, et un ventral {canal de Wirsung), qui dérive
de la soudure des deux canaux issus des pancréas
primitifs ventraux. Celui-ci débouchera alors, soit
directement dans l'intestin, soit en commun avec
le canal cholédoque.
« La découverte des bourgeons ventraux, dit
M. Laguesse, nous permet de comprendre l’exis-
tence de conduits multiples, leurs anomalies, leurs
varialions spécifiques individuelles, les rapports
de ces conduits avec ceux du foie et des deux or-
ganes entre eux. Si, chez l'homme et chez beaucoup
d'animaux, le canal de Wirsung vient s'ouvrir en
commun avec le cholédoque dans l’ampoule de
Vater, c'est qu'il est né des parois mêmes de celui-
ci. S'il existe un canal de Santorini accessoire, in-
constantet décroissant généralement de sa réunion:
au principal jusque vers son embouchure (d'où le
nom de canal récurrent : Cl. Bernard), c’est que
ce canal représente la voie d’excrélion dorsale
primilive de tous les Vertébrés, voie dont l’atro-
phie commence partout à l'embouchure pour
remonter vers la glande. Enfin, on s'explique les
rapports presque constants, chez les Vertébrés, du
canal cholédoque avec le pancréas qui l’entoure
plus ou moins complètement et aussi les anasto-
moses mulliples et variées existant chez quelques
Batraciens et surtout chez les Reptiles (voyez,
Boulart: C. R. hebd. de lu Societé de Bioloyie, 1888,
p. 22%), non seulement entre les canaux excréteurs
des deux organes à leur terminaison, mais entre
leurs ramifications (canaux hépatiques, cystiques,
biliaires) et la vésicule. etc.»
C'est là un exemple excellent du rôle important
que joue l'Embryogénie dans la solution des pro-
blèmes d’Anatomie comparée que la Morphologie
est impuissante à élucider. Mais il y a plus; de ce
que les ébauches pancréaliques ventrales prennent
naissance sur le bourgeon hépatique, on peut
penser à& priori qu'il existe d’étroites relations
entre le pancréas et le foie, et c'est en effel ce que
vient démontrer l’observalion. Dans deux groupes
de Vertébrés, les Cyelostomes d’une part (von Kup-
fer) et les Sélaciens de l’autre (Laguesse) ! , il ar-
rive que les ébauches ventrales de l'intestin qui
représentent les formations pancréatiques ven-
trales susdites, donnent du foie et non du pancréas
par la suite du développement. Il semblerait done
que ces deux glandes annexes du tube digestif,
le foie el le pancréas, doivent être considérées
comme une différencialion secondaire d'une même
formation glandulaire primilive. « Nous rappel-
lerons, dit Laguesse, que beaucoup d’auteurs con-
1 Lacuesse, Développement du pancréas chezles Sélaciens.
Bibliographie anatomique, n° 3, 1894.
D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE .
sidèrent l'organe désigné sous le nom de foie chez
les Invertébrés, comme un hépato-pancrèas possé-
dant des fonclions mixtes. Ne peut-on supposer .
que,chez les ancêtres des Vertébrésactuels,existait
‘sans doute aussi un hépato-pancréas dont les dif-
férentes parties, par complication graduelle des
actes digestifs el autres (sécrétions internes), et
par division du travail de plus en plus complète,
se sont isolés fonctionnellement et morphologique-
ment l’un de l’autre. Le foie et le pancréas nous
apparaissent de plus en plus, au triple point de |
vue anatomique, physiologique et embryologique.
comme les deux parties d’un même tout. »
L’histologie comparée du tube digestif fail, de-
puis plusieurs années déjà, le sujel des études
suivies de À. H. Pilliet. Je relève du même auteur
une note sur la structure de l'estomac du Phoque
et de l’Olarie ! qui me parait intéressante à plus
d’un titre. De ces recherches il résulte que l’esto-
mac des Amphibies, estomac simple, formé d’une
poche unique, est un véritable estomac de Carnas-
sier, el les quelques particularités de structure
qu'il présente ne sauraient l’éloigner de ce type.
En tous cas, aucune de eelles-ci n’est de nature à
le rapprocher du type de l'estomac des Cétacés.
Cette conclusion très précise vient à l'appui de la
manière de voir de ceux qui, et je suis du nombre,
se refusent à suivre les zoologistes obslinés à rat-
tacher les Célacés aux Carnassiers par l'intermé-
diaire des Cétodontes (voire du Zeuglodon) d’une
part et des Amphibies de l’autre. Plus on étudie
l'anatomie des Cétacés, plus on se convaine que
c'est là une erreur. J'ai insisté ailleurs sur ce point
el j'ai donné les raisons qui me paraissent plaider
en faveur d'une relation génétique entre les Céta-
cés et les Equidés, si toutefois des relations de
celte sorte ont jamais existé entre les Cétacés el
les Mammifères terrestres.
Nous trouvons, en outre d'un mémoire de
Schwalbe ? sur les théories des dentilions, où cel
anatomisle donne un résumé des recherches de
Kükenthal, une note de ce dernier * dans laquelle
nous relevons une sorte de profession de foi qu'il
croit devoir exposer lui-même en réponse à un
travail de Leche *. Leche admet, chez les Mammi-
fères, quatre denlilions, dont une dentition
prélactée qui ne laisse que des traces chez les
de la Sociélé de Biolo-
1 A, H. Pine, C. R. hebdom.
gie, 1894, p. 745.
? ScnwaLge, Ueber Theorien der Dentition. Verhandl. der
Anal. Gesellsch. in Strasbourg, 1894.
#3 Zur Dentition Frage, von Willy KükENruaL. Analom.
Anzeig., 1895,n9 20, p. 653.
i Lecne, Zur Entwickelungsgesch. des Zanhsystems des
Saugethier. Bibliotheca Zoologicaherausgegeben von Leuc-
kart und Cheun. Heft 17, 1895. à
ammifères les plus inférieurs, tandis que la
deuxième dentition (dentition de lait des auleurs).
S'adaptant aux exigences nouvelles, prend un
grand ‘développement. La troisième dentition
(deuxième des auteurs ou dentition permanente,
de remplacement) serait une acquisition nouvelle,
qui n'aurait plus rien à voir avec les dentilions
des prédécesseurs des Mammifères, et, enfin, la
uatrième dentilion en serait encore àses premiers
développements.
_ Kükenthal protesie contre ces nouveautés et
s'élève en parliculier contre l'idée de Leche de
considérer la dentition de remplacement comme
une nouvelle acquisilion des Mammifères.
C'est à ce propos qu'il croit devoir rappeler que,
chez tous les Maminifères, on trouve seulement deux
- dentitions qui se succèdent et qui, toutes deux,
| sont un hérilage des Vertébrés prédécesseurs des
|
Mammifères. En réalité, les Mammifères sont
caractérisés par une réduction graduelle du nombre
des dentitions qui, assez élevé chez les ancêtres
polyphyodontes) de cette classe, se réduit graduel-
lement en même temps que les dentssespécialisent
dans les groupes les plus élevés en organisation.
Ces idées ne sont pas nouvelles évidemment ; il
n'était, toutefois, pas mauvais de les rappeler.
Nous n’y insislons pas aujourd'hui, comptant pro-
chainement entretenir plus longuement les lecteurs
. de la Rerue de cetle question de la succession des
dentitions chez les Mammifères, à propos de
recherches que nous devons publier incessam-
ment.
Inverlébrès. — Nous ne ferons que signaler, car
la Revue l'a longuement analysé, un travail plein
de faits de M. Bordas !, sur les glandes annexes de
l'appareil digestif des Hyménopières. Le grand
nombre d'espèces étudiées. {près de 200) donne à
ces recherches un intérêt spécial.
! Borpas, Appareil glandulaire des Hyménoptères (glandes
salivaires, tube digestif, tubes de Malpighi et glandes veni-
meuses), Thèse en Sorbonne, Paris, 1895, et Anatomie des
“landes salivaires des Hÿménoptères de la famille des Ich-
neumonides. Zool, Anzeig., 1894, p. 131.
D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 855
V. — APPAREIL RESPIRATOIRE.
D'un travail ‘important sur deux orang-outangs
adultes, publié par un certain nombre de natura-
listes du Muséum*, nous retenons quelques cha-
pitres d'anatomie. Une étude très consciencieuse a
permis à M. de Pousarguesde trouver, dansl’examen
des organes génitaux de ces deux individus mâles,
un certain nombre de caractères qui distinguent
ces organes de ceux de l’homme. En particulier,
les vésicules séminales, la prostate, les canaux
éjaculateurs offrent des différences assez mar-
quées.
MM. Deniker el Boulart ont étudié les sacs laryn-
giens etles excroissances adipeuses qui proéminent
si singulièrement de chaque côté de la face. Les
singes anthropoïdes sont les seuls à posséder des
sacs laryngiens développés aux dépens des ventri-
cules de Morgagni, c'est-à-dire au-dessus des cordes
vocales, comme c'est le cas ici pour l’orang-ou-
lang; chez Lous les autres singes qui possèdent
des sacs aériens en relation avec le larynx, c’est
au-dessous des cordes vocales qu'ils se développent
ou bien c’est une poche sous-épiglottique comme
chez les Pilhéciens.
Quant aux excroissances qui s’élalent de chaque
côté de la face, ce sont des formations adipeuses,
où les éléments cellulo-graisseux très abondants
sont contenus dans une trame fibreuse compacte.
Les rapports anatomiques de ces excroissances,
étudiés avec soin par MM. Deniker el Boulart.
leur permettent d'homologuer, pour une part au
moins, ces formations à la boule graisseuse de
Bichat qu'on retrouve, on le sait, même chez les
hommes les plus émaciés.
D' H. Beauregard,
Assistant au Muséum.
1 Nous placons ce travail sous la rubrique « Appareil res-
piratoire », parce qu'il s’agit surtout de sacs en relation avec
le larynx, mais nous ne voulons rien préjuger de leur rôle.
2 Observations sur deux Orang-outangs adultes morts à Paris,
par MM. Muixe-Epwarps, J. Deniker, R. BourarT, E. DE
PousarGues, F. Dezisce, in Nouvelles Archives du Muséum
d'Histotre Naturelle. Paris, 1895.
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LA CÉMENTATION DES LINGOTS DESTINÉS AUX PLAQUES DE BLINDAGE, — LES USINES A TRANSMISSIONS ÉLÉCTRIQUES
AUX ÉTATS-UNIS, — UN MOTEUR-ALTERNATEUR DESTINÉ AUX RECHERCHES DE LABORATOIRE A UNIVERSITY COLLEGE (LONDRES).
L'expérience à montré que les plaques de blindage
employées pour résister au chee des obus doivent,
pour bien salisfaire à leur destination, offrir celle par-
ticularité de n'être point chimiquement homogènes
dans loute leur épaisseur. La face qui recoit le projectile
doit être plus riche en carbone que les parties pro-
fondes, Il faut donc, après avoir fait subir à l’acier
de la plaque l’épuration métallurgique ordinaire, arri-
ver à dissoudre dans le fer de la face exposée au choc
et un peu au-dessous de celte face une petite quantité
de carbone, et empêcher ce carbone d’addition de pé-
nétrer {rop profondément dans la plaque. C’est cette
opération qui constitue la cémentation.
La pratique de la cémentation est relativement fort
ancienne; mais, jusqu'à présent, la carburation, en
laquelle elle consistait, était produite par l'effet du
contact du
arrière du lingot et à l’intérieur duquel peut être éta-
blie une circulalion d’eau, afin d'augmenter encore la
rapidité de ce refroidissement. Les deux garnissages
perpendiculaires servent de transition entre la paroi
mauvaise conductrice et la paroi bonne conductrice. …
Ils se composent donc de prismes en matières réfrac-
taires EF, dont Parète vient aboutir à la paroi métal-
lique. La forme contournée donnée à la lingotière tient …
compte des différences de refroidissement au centre el
sur les côtés du lingot, et permet d'obtenir un refroi-
dissement progressif par tranches parallèles à Ja paroi |
métallique. Il en résulte que la couche d'acier cémenté
est à peu près uniforme sur toute la surface dure du
lingot.
La préparation spéciale du pisé de matières carbu-
rantes, qui sont complètement débarrassées de leurs
gaz. elsa gran-
charbon avec =
le métal, ce-
lui-ci restant
solide et étant
porté seule -
mentà la tem-
pérature du
Jaune (11000).
NN
LS
EMPLACEMENT DU
de dureté,sont
telles qu’il est
possible de
couler l'acier
sans avoir à
craindre la
moindre effer-
vescence, Le
Dans ces con- ea métalnebouil-
ditions la pro- Are © \ LINGOT : \| F lonne pas el
fondeur de la E:# & Ë F reste aussi cal-
carburation KiN C NN me que sil
est fonction NN \ était coulé
du temps.
:’est ainsi
que, pour ar-
river, dans le
dns une sim-
ple lingotière
à parois mé-
talliques.
procédé Har-
vey, à cémen-
ter d’un cen-
timètre à un centimètre et demi une plaque d'acier
doux de 20 centimètres d'épaisseur, 15 à 20 heures
sont nécessaires.
Or, voici un procédé tout nouveau, qui réalise, à ce
point de vue, un progrès évident. Il est dù à un mé-
tallurgiste bien connu, M. Emile Demenge, qui vient
de l'appliquer, aux usines de Pamiers, à la cémenta-
tion des plaques de blindage,
Le principe de la méthode est de carburer directe-
ment l’une des faces du lingot lors de la coulée (à 1400c)
en garnissant de matières carburantes l'une des parois
verticales de la lingotière, et d'empêcher cette carbu-
ration de se propager trop profondément à l'intérieur
du lingot, en refroidissant énergiquement la paroi
verticale de la lingotière opposée à la paroi carburante,
afin qu'à son contact l’acier devienne très vite pâteux
et ne puisse absorber le carbone qui commence à se
dissoudre.
La lingotière dans laquelle l'acier extra-doux estcoulé,
a donc l’une de ses parois AB (fig. 1) garnie d’un pisé
de matières carburantes et, de ce côté, l'épaisseur de
la couche mauvaise conductrice de la chaieur, située
en arrière des matières carburantes, peut varier sui-
vant l'énergie que l’on veut donner à la cémentation :
on peut même y ménager des carneaux qui seraient
parcourus par des gaz chauds. La paroi opposée, CD,
est, au contraire, constituée en matière bonne conduc-
trice : c’est un bloc en fonte d’une certaine épaisseur,
agissant par sa conductibilité pour refroidir la partie
Fig. 1. — Coupe horizontale de la lingotière.
Tous les cé-
ments ulilisa-
bles ont été 6-
tudiés, depuis le charbon de cornue jusqu’au noir ani-
mal, et, en faisant varier le mélange des différentes
matières carburantes dans le pisé qui constitue la paroi,
on peut obtenir des variafions correspondantes dans la
cémentalion. Par exemple, la cémentation obtenue avec
le coke est à peu près moitié moindre que Ja cémenta-
Lion avec le charbon de bois. Des matières inertes,
telles que Ja chaux ou l'argile, peuvent également
entrer dans la composition du pisé pour retarder le
commencement de la cémentalion, ces malières étant
mélangées au charbon à la surface seulement du pisé
et devant disparaître en donnant des scories fusibles.
Le lingot peut être coulé avec la masselotte néces-
saire. On évite donc toute trace de relassement dans
la partie utilisable.
La surface cémentée du lingot obtenu est un peu
rugueuse, mais, au forgeage, dès la première chaude.
toute irrégularilé disparaît.
Le forgeage de ce métal hétérogène se fait dans de
très bonnesconditions,etsans autres précautions qu'une
température relativement modérée. La presse doit être
prélérée au pilon, La plaque, terminée au laminoir, ne
se déchire pas.
Enfin, la trempe de ce métal, qui, malgré son hété-
rogénéilé, présente des tranches de duretés progres-
sives, ne provoque pas de lapures.
Des lingots de 500 kilos à 3.000 kilos ont été coulés
dans des lingotières établies d’après le principe décrit
plus haut, mais dont la paroi refroidissante n’était
£
Fa
DE constituée que par une masse métallique sans circula-
| tion d’eau: cetle paroi n’agissait, par conséquent, que
par sa conductibilité propre,
— Un lingot de 3.000 kilos de 400 millimètres d’épais-
k . seur, réduit par le forgeage et le laminage en une
pique de 109 millimètres d'épaisseur, renfermait les
FA quantités de carbone suivantes (prises faites sur la
- plaque même) :
Ë
1 TENEUR EN CARBONE
De0à 5%, à partir de la surface dure
5 û
UGS
SDOSQCCSCr
Cr: (t'a .
= 19 C2 in M Où © NO CE
a La courbe ABCD (fig. 2) donne la représentation de
- ces différentes teneurs rapportées aux épaisseurs à
É:
>
175 À
Tinieur
Te T T T F = +,
» Fig. 2. — Teneur en carbone en fonction de l'épaisseur.
EQ
partir de la surface dure. Le point C, origine de la
chute du carbone du côté de la surface douce, peut
ètre rapproché du centre de la plaque, si l’on aug-
mente la rapidité de refroidissement par une circu-
lation d’eau froide.
L'économie de ce procédé, comparé au procédé
Harvey, est évidente. Au lieu d'exiger un long séjour
dans un four à très haute température, ce qui est très
préjudiciable à la bonne qualité du métal, la cémen-
tation se fait de suite à la coulée et peut être aussi
prononcée que l’on veut. Quant à la partie arrière de
la plaque, elle est aussi douce que possible, puisqu'elle
se compose de l'acier extra-doux originaire, dans
lequel on ne laisse pas au carbone le temps de se dif-
fuser. On doit done pouvoir employer du métal ordi-
naire sans nickel ni chrome,
D'autre part, le procédé Harvey ne permet pas de
proportionner l'épaisseur de la couche d'acier de
cémentation à l'épaisseur de la plaque, et c’est pour
cela que les résultats obtenus sur les plaques Harvey
de gros calibre ne sont pas aussi satisfaisants que sur
les plaques d'épaisseur moyenne, Avec le procédé
Demenge,on concoitque le même inconvénient puisse
ètre évité, car la cémentation sera toujours plus pro-
noncée sur un lingot de grosse masse,
L'emploi des transmissions électriques se répand
de plus en plus tous les jours, quoique un peu trop
lentement peut-être au gré des électriciens, D'ailleurs,
beaucoup d’industriels et d'ingénieurs en sont en-
core à douter des avantages du système. Le fait est
étonnant, mais exact. Sans se livrer au calcul très
| ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
__ ———————————— ——= = — — EE
+
simple qui montrerait dans chaque cas particulier quel
est le système qui donnerait le meilleur rendement,
ils préfèrent se dire qu’à priori il est absurde, au lieu
d’accoupler directement la machine motrice à la ma-
chine-outil, d’intercaler entre elles une dynamo géné-
ratrice et une réceptrice. Il en résulte qu'on peut voir
encore, même dans de nouvelles usines, cet enchevé-
trement d’une multitude d’arbres de transmission et
de courroies si laid, si encombrant, si dangereux et
souvent si coûteux. Lorsqu'il s'agit de la transforma-
tion d'anciennes usines, la prudence est encore plus
grande, et elle se comprend mieux; ear ik faut tenir
compte de la dépense de transformation qui peut, dans
ce cas (mais il n’en est pas toujours ainsi), compenser
les avantages que lon relirerait d’un meilleur rende-
ment des transmissions électriques.
Cette prudence n’est cependant pas générale, et nous
enregistrons de temps en temps avec plaisir l'exemple
d'un industriel que le progrès n’a pas effrayé. La jeune
et téméraire Amérique nous en offre évidemment
beaucoup plus que la vieille et défiante Europe. La
construction des usines hydrauliques du Niagara était
à peine commencée que déjà, dans les pays environ-
nants, s’élevaient une multitude d’autres usines où
n’entrera pas un gramme de charbon et qui utiliseront
uniquement le courant produit par les premières. Mais,
en dehors de celles-là, qui sont d’un genre tout à
fait particulier, puisque l'énergie qu’elles emploient
leur est directement fournie sous forme de courants
électriques, nous en trouvons un grand nombre d’au-
tres qui ont adjoint à leurs chaudières et à leurs ma-
chines à vapeur ües dynamos et des moteurs électri-
ques. The Engineering and Mining Journal cite deux
établissements destinés au déchargement et à l’'emma-
gasinement du charbon amené dans les grands ports.
Ces établissements sont de véritables usines. L'un
d'eux, situé à San Francisco, comprend plusieurs
grues destinées au déchargement proprement dit et un
réseau de petites voies sur lesquelles circulent des wa-
gonnets tirés par des locomotives électriques et distri-
buant le charbon dans les divers dépôts. Tout cela
fonctionne depuis plus de six mois de la manière la
plus satisfaisante. Trois chaudières multitubulaires
fournissent la vapeur à deux machines Mac Ewen
tandem-compoud, de la force de 135 chevaux, tournant
à 135 tours par minute et conduisant, au moyen de
courroies, deux dynamos hypercompoundées de
90 kwts, 250 volts, du type multipolaire de la General
Electric Company. Ces machines sont soumises à un
régime assez pénible, puisqu'il arrive souvent que leur
charge varie en une ou deux secondes de quelques
chevaux à 100, ou de 130 à zéro. Un autre exemple, cité
par l’American Machinist, est peut-être encore plus
digne d’être retenu. Il s’agit de The Baldwin Locomotive
Works, de Philadelphie. Ces usines, déjà anciennes,
possédaient autrefois les transmissions ordinaires
qu’elles viennent de remplacer entièrement par des
transmissions électriques. L'auteur qui nous signal,
ce fait, charmé des avantages qui en sont résullés, le
signale en termes presque dithyrambiques, mais cepen-
dant peu suspects de partialité, car ils n'émanent
pas d'un électricien. Les ingénieurs de The Baldwin
Locomotive Woris, ayant constamment à transporter
à trase rs leurs usines les lourdes pièces de locomotive
qu'ils tournent, montent, ajustent, ete., eurent l’idée.
pour économiser la main-d'œuvre, d'installer des ponts
roulants. Mais ils étaient gènés par Jes courroies qui
s’'entrecroisaient dans tous les sens. Ils résolurent de
les supprimer, et furent ainsi conduits à l'adoption des
transmissions électriques. Cette transformation fit tout
d’abord tomber de 500 chevaux à 250 la force motrice
totale nécessaire. Ensuite, les ateliers y gagnèrent beau-
coup en propreté et en clarté. Le travail s'en ressentit :
il se fit plus facilement et plus vite, C’est ce dont ne
tardèrent pas à s'apercevoir les ouvriers qui, tous, tra-
vaillent au x pièces. Nous pouvons ajouter aussi que les
risques d'accidents ont été grandement diminuées.
558
ACTUALITES SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
La commande des machines par un courant élec-
trique offre aussi cet avantage qu’on peut les placer
à l'endroit de l'atelier où il semble le plus facile de
les faire fonctionner. On les flanque d'un petit moteur.
[Il suffit dès lors d’un mince cäble pour amener le
courant et pour les mettre en route. Un rhéostat de
réglage rend l’ouvrier maître de la vitesse de son outil.
Le travail fini, une petite clef à tourner, et tout reste
immobile.
Les travaux de laboraloire nécessitent souvent l'u-
sage de courants alternatifs dé fréquences diverses.
Le moyen le plus simple et le moins coùteux pour se
les procurer est l'emploi d’un alternateur capable de
marcher à différentes vitesses. Et ilest bon, il est même
chaque côté de l’armature, ceux de même nom en re-
gard. Quand ces alternateurs marchent à la vitesse de
1250 tours, ils donnent une force électromotrice de
100 volts. Des rhéostats, intercalés d’une part dans le
circuit d’excilation de l'alternateur, d'autre part dans
le circuit d’armature du moteur à courant continu,
permettent de régler la force électromotrice produite
ainsi que la vitesse, c'est-à-dire le nombre de périodes
du courant.
Les deux groupes de machines ont leurs arbres situés
dans le prolongement l’un de l'autre et disposés de
manière à pouvoir êlre facilement accouplés ou sé-
parés. L'accouplement, en particulier, peut donner lieu
à plusieurs combinaisons : selon que l’on avance une
armature d'une quantilé plus ou moins grande par
Fig. 3. — Vue du molewr-allernateur installé au Laboraloire des recherches électriques à Universily-College (Londres). —
Au premier plan, on apercoit les deux groupes de machines dynamos destinées à produire le courant éléctrique: au second
plan se trouve le moteur à vapeur avec ses deux grands volants et les courroies servant à transmettre le mouvement aux
axes des machines dynamos.
nécessaire que la fréquence et par suite la vitesse
puissent varier d'aussi petites quantités que l'on vou-
dra. Un moteur à courant continu répond, à ce pointde
vue, aux plus grandes exigences. C’est ainsi qu'on en a
jugé à University College de Londres. Notre figure 3, em-
pruntée à The Electrical Review, représente l'installation
faite au laboratoire des recherches électriques, Celle ins-
tallation est double, c'est-à-dire qu’elle comprend deux
sroupes de machines semblables nettement visibles au
premier plan de notre figure. Elles ont élé exécutées
d’après les calculs et dessins de MM. Fleming et Kapp.
Les moteurs à courant continu marchent sous une
tension de 100 volts, et sont d’une force de 5 chevaux.
L’armalure peut donc supporter de 35 à 40 ampères.
Elle est du type à anneau, formée de 216 tours de fils
et raltachée à un commutateur à 72 lames. Les noyaux
des électro-aimants sont en acier fondu et ont 45 cen-
timètres de diamètre,
Les armatures des alternateurs ont une âme en fer
el sont composées de 8 bobines ayant chacune 16 tours
de fils. Les pôles, au nombre de huit, sont placés de
rapport à l'autre, on décale les courants produits d’un
angle variable à volonté. Si l’on a convenablement
choisi le nombre et la place des boulons d'assemblage,
il est possible, par exemple, d'obtenir soit des cou-
rants en concordance de phase, soit des courants bi-
phasés ordinaires, décalés de 90»,
Depuis leur installation à University College, ces
machines ont étécomplétées par quelques petits oppa-
reils accessoires. L'un d'eux sert à inscrire la forme du
courant alternatif, Un autre est un indicateur hydrau-
lique de la vitesse, Il est formé par une pelite pompe
centriluge qui est accouplée à l'arbre des dynamnos et
qui refoule de l’eau colorée dans deux tubes dont l’un
se trouve près des machines et l’autre dans la salle
des es-ais électriques. La hauteur à laquelle l’eau se
maintient dans ces tubes est fonclion du nombre de
tours effectués par minute el sert à le mesurer. L'ins-
trument est, paraît il, d’une grande sensibilité et ca-
pable d'accuser une variation de moins de un pour cent
dans la vitesse de rotalion. A, Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique.
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tn cts tata dat née RSR DS SE Se CU on Éd SG Sd OS SD) ie no dd nt à à nat: 1 hate
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 859
1° Sciences mathématiques.
D (Hermann), — Gesammelte mathema-
tische und physikalische Werke, herausqegeben
von Fr. Engel, 1° volume, 1° parlie : Die. Aus-
» dehnurgslehre von 1844 und die geometrische
“ Analyse. — 1 vol. gr. ir-8° de 435 pages avec 35 fig.
” et un portrait de Grassmann. (Prix : 15 fr.) B. G.
Teubner. Leipzig, 1895.
Les travaux de Grassmann sont restés pendant
longtemps méconnus des mathématiciens. Ce n’est
qu'à la fin de sa vie que le savant géomètre et philo-
« logue a eule bonheur de voir ses idéesreprises et déve-
Ë loppées par quelques auteurs. Ilest vraique ses premiers
mémoires ne sont guère d'une lecture facile ; cela doit
. Être atiribué au grand nombre de notions nouvelles
- que l’on y rencoutre, et au formalisme si abstrait qui
| enveloppe leur exposé. Grassmann avait devancé ses
> contemporains. Cependant beaucoup de ses résultats
+ nous sont aujourd'hui très familiers; ils ont élé re-
trouvés sur une voie différente par d’autres géomètres.
Le peu d'importance qu'on altacha d’abord aux re-
cherches de Grassmann fut suivi d’une réaction, bien
méritée, qui arracha de l’oubli cet éminent professeur
- du Collège de Stettin. Ce mouvement vient de recevoir
une heureuse impulsion, grâce à l'initiative de la So-
ciété scientifique royale de Saxe, qui entreprend la pu-
. blication des Œuvres mathématiques et physiques de
Grassmann, Lalâche a été confiée à M. Engel, qui
» s’est assuré la collaboration de plusieurs savants, et,
+ à en juger d’après le volume dont nous avons à rendre
- compte, cette publication est dirigée avec beaucoup de
soin. Ce n’est pas une simple reproduction des tra-
i
:
vaux de Grassmann ; chaque mémoire est accompagné
de notes explicatives et critiques, qui ont pour but de
faciliter leur étude.
- Le tome premier a été divisé en deux parties, dont
- la première ‘seule vient de paraitre. Elle contient:
. 1° [a théorie publiée en 1844 sousle nom de Ausdeh-
- nungslehre ; 2° l'Analyse géométrique (1846). La seconde
partie sera consacrée au volume publié en 1862, dans
. lequel Grassmann expose ses idées sur une base nou-
* velle plus facilement abordable aux mathématiciens.
La théorie de Grassmann (Ausdehnungslehre) peut
ètre désignée sous le nom de Science extensive. L'au-
- teur la considère comme une branche nouvelle des
- mathématiques. Il s’est proposé de constituer une
+ théorie des fondements abstraits de la science des
| grandeurs, sans avoir recours à la Géométrie, qui
n’est qu'une application de son système à l’espace. Ses
. propositions ne doivent pas être considérées comme
. une simple traduction des faits géométriques dans un
langage abstrait; elles ont une importance tout à fait
générale. On se trouve ainsi conduit à un procédé de
Ë calcul, qui, appliqué à la Géométrie, devient très
‘fécond. C’est une méthode à la fois synthétique et
analytique; elle permet la résolution immédiate d'une
foule de problèmes qui se présentent non seulement
en Géométrie, mais encore dans toutes les branches
dépendant de la science de l'étendue. L'auteur con-
sacre en particulier plusieurs paragraphes à l’examen
- des principes de la Statique. Signalons aussi ses
- applications à la Cristallographie.
- L'Analyse géométrique remporta en:846.leprix dela
Société Jablonowski qui avait proposé le problème sui-
- vant: Reconstiluer et développer .e calcul geometrique de
* Leibnitz, ou établir un calcul ana ogue. Dans ce travail
- Grassmann prend comme point de départ les caracté-
ristiques de Leibnitz, en s'appuyant sur les principes
Lué 166
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
qu’il venait d'exposer dans son traité de 18#4, Ce mé-
moire doit même être envisagé comme la suite de cet
ouvrage; il contient la théorie de la multiplication
intérieure avec ses applications à la Géométrie et à la
Mécanique.
En France, les idées de Grassmann sont encore très
peu connues. Elles ont toutefois trouvé un défenseur
en la personne de M. Carvallo, qui a su les présenter
sous une forme remarquablement simple, dans une
série de notes insérées dans les Nouvelles Annales (voir
en particulier l’année 1892). La lecture de ces notes
pourra servir de préparation à tous ceux qui voudront
s'initier aux belles méthodes que l’on doit au savant
professeur de Stetlin. H. Fer.
Minel (P.), Ingénieur des Construelions navales. —
Régularisation des moteurs des Machines élec-
triques. — 1 vol. petit in-8°°de l'Encyclopédie scienti-
fique des Aide-Mémoire, publiée sous ludirection de
M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché,-2 fr. 50;
cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars et fils et G. Masson,
Paris, 1895,
Conserver aux bornes des lampes électriques une
différence de potentiel constante, quelle que soit la
charge, telle est la condition essentielle de tout bon
éclairage: des dynamos bien compoundées maintien-
nent cette constante, à la condition que leur vitesse
ne change pas elle-même; mais on ne rencontre pas
toujours des moteurs capables d’assurer à ces dynamos
une allure régulière et indépendante de leur charge.
La régularisation de cesmoteurs est donc restée la plus
grosse difficulté de la question. M. P. Minel a réussi à
donner une solution pratique et sûre du problème, et
les essais exécutés, à bord du Neptune et du Borda, ont
témoigné de la perfection de sa méthode. Les principes
sur lesquels elle repose sont exposés avec une grande
clarté dans ce petit volume de la collection Léauté.
Le savant ingénieur ne considère dans son étude
que les machines à vapeur munies de régulateurs à
force centrifuge avec ressort antagoniste, agissant
non pas sur la détente, mais sur la pression de va-
peur : c’est la disposition adoptée généralement dans
la marine. Mais la solution du problème serait étendue
aisément aux autres modes de régulation.
Après avoir décrit le fonctionnement des régulateurs,
l'auteur énonce des considérations générales sur ces
appareils, sur leur isochronisme et leur stabilité ; il fait
ressortir l'influence décisive de la forme des valves sur
la marche d’une machine dans ses divers états de
régime. La sensibilité des régulateurs est ensuite étu-
diée avec soin. Toutes ces questions sont élucidées à
l’aide de courbes très suggestives, qui représentent
aux yeux les divers phénomènes et parlent plus claire-
ment à l'esprit qu'une analyse compliquée.
La seconde partie du livre est consacrée au fonction-
nement, la troisième à l'installation des régulateurs :
l'ouvrage se termine par l'établissement d'un avant-
projet qui résume pour ainsi dire tout le travail.
Le livre de M. Minel, bien qu'il n’envisage qu’un cas
particulier de la régulation des moteurs, présente un
vif intérêt et il a une grande portée scientifique.
M. Léauté en a écrit la préface : c'est un titre de plus
à l'attention des lecteurs. A. Wirz.
Schülke (D' A.). — Vierstellige Logarithmen-Ta-
feln, nebst mathematischen, physikalischen und
astronomischen Tabellen, für den Schulgebrauch.
— 1 vol. in-8 de 20 pages. (Prie :0 fr.75.) B.-G. Teubner.
Leipzig, 1895.
à CAMES
860
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
2° Sciences physiques.
Camichel (Charles). — Étude expérimentale sur
l'absorption de la lumière par les cristaux. {Thèse
pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.)
— Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1895.
L'absorption de la lumière par un milieu anisotrope
cristallisé est un phénomène des plus intéressants;
l'étude des conditions dans lesquelles il se produit
peutfournir de précieuses indications sur les propriétés
de la lumière et sur la constilution des cristaux: aussi
le pléochroïsme (c’est le nom par lequel on désigne le
phénomène) a-t-il été l’objet de nombreux travaux,
tant expérimentaux que théoriques; mais on n’est pas
encore fixé sur toules les particularités de cette absorp-
tion, et les connaissances expérimentales, définilive-
ment acquises, restent insuffisantes pour permettre
un choix incontesté entre les diverses théories propo-
sées. On a démontré que l'absorption, comme toutes
les propriétés physiques, satisfait aux conditions de
symétrie cristalline, qu’elle ne dépend que de la
direction de la vibration, mais peut-elle se calculer en
admettant, par exemple, la loi de l’ellipsoide d’ab-
sorption de Mallard? Sur ce point si important et d’au-
tres encore, les expérimentateurs ne sont pas en par-
fait accord; le travail très consciencieux de M. Cami-
chel élucide quelques points intéressants de la
question.
Pour faire de bonnes mesures d'absorption de la
lumière, il faut avoir à sa disposition, comme appareil
fondamental, un bon spectrophotomètre d'une sensibi-
lité sultisante et permeltant d'opérer dans une région
peu étendue du cristal, de facon à éviter la fâcheuse
influence des défauts d’homogénéité, M. Camichel a
obtenu de très bons résultats en modifiant habilement
l'excellent spectrophotomètre de M. Gouy; il a pu
ainsi arriver à des conclusions précises. Tout d’abord,
il peut répondre à cette question primordiale : les
équations de la lumière sont-elles {oujours linéaires
dans les milieux absorbants? Pour tous les cristaux
étudiés, tourmaline, épidote, ferrocyanure de potassium,
andalousite, la réponse est neltement affirmative.
L'auteur montre ensuile qu'une seule exponentielle
suffit pour représenter l’absorption d’une vibralion
oblique par rapport aux axes d'élasticilé optique, et
que, si la théorie de l’ellipsoïde représente bien les
phénomènes dans les cristaux symétriques, elle ne
convient plus pour les cristaux dissymétriques, ou
tout au moins il faudrait admettre que les axes de
l'ellipsoide d'absorption ne coïncident pas avec ceux
d’élasticité optique. Toutefois, celte obliquité des axes,
qui est un fait général dans les cristaux naturels ou à
coloration propre, n'existe plus dans les cristaux dis-
symétriques colorés artificiellement (sel de De Sénar-
monl)
On doit louer M. Camichel d’avoir soigneusement
indiqué et discuté la précision de ses expériences; elle
surpasse, sans doute, celle qu'avait atteinte les pré-
cédents expérimentateurs, mais il se pourrait qu’elle
n'ait pu encore être portée assez loin pour trancher
cerlaines questions. Ainsi, d'après M. Carvallo, la loi
d'absorption de Mallard ne se vérifierait que dans
une première approximation, et même la superposi-
tion du pouvoir rotatoire à l'absorption rendrait obli-
ques entre eux lesaxes principaux d’absorption. En
attendant que de nouvelles méthodes photométriques
permettent de pousser plus loin les recherches de ce
genre, le travail de M, Camichel demeurera parmi
ceux que devra consulter tout expérimentateur ou
tout Ihéoricien qui voudra étudier cette intéressante
question de l’absorption de la lumière par les cristaux.
Lucien Poincaré.
Guerronnan (A.). — Dictionnaire synonymique
français, allemand, anglais, italien et latin des
mots techniques et scientifiques employés en
photographie. — 1 vol. gr. in-8° dè 180 pages. (Prix :
5 fr.) Gauthier- Villars et fils. Paris, 1895.
Barral (EL), Agrégé à la Faculté de Médecine de Lyon.
— Recherches sur quelques dérivés surchlorés .
du phénol et du benzène (Thèse pour le Doctorat de
la Facullé des Sciences de Paris). — 14 vol. in-8° de
130 pages. Imprimerie Legendre, 14, rue Bellecordière,
Lyon, 1895.
M. Barral étudie spécialement dans sa thèse les pro-
duits singuliers que lon oblient en chlorant à fond le
phénol ordinaire : l'un d'eux, vulgairement appelé
hexachlorophénol, à cause de sa formule brute CéCISO,
était jusqu'ici considéré comme un hypochlorite de
perchlorophényle CI-0-C5CF, bien qu'aucune de ses
propriétés chimiques ne soit d'accord avec cette hypo-
thèse.
M. Barral, après avoir donné un mode de prépara-
tion pratique de ce corps, montre qu'il se transforme
avec la plus grande facilité en chloranile, sous l’action
de l'acide azotique, de l'acide sulfurique, ou même de
l'eau pure à 160°. Ce premier fait montre qu’il existe
une relation étroite entre la quinone et l'hexachloro-
phénol.,
Avec les anhydrides d'acides organiques ou leurs
chlorures, cette fois en présence du chlorure d’alumi-
nium, l'hexachlorophénol donne les éthers du phénol
perchloré ,CiCISOH; sur les alcools il agit comme
oxydant et donne, suivant les cas, un aldéhyde ou un
acide.
Avec le perchlorure de phosphore, enfin, il se change
en parabichlorure de benzène hexachloré G5C, ainsi
que le chloranile lui-même. Ce nouveau chlorure re-
vienf d’ailleurs à l’état de chloranile sous l’action de
l'acide azolique ou de l'acide sulfurique.
Il résulte de là que c'est au chloranile qu'il faul
rapporter la formule de structure de l’hexachlorophénol
et du parabichlorure de benzène hexachloré, et comme
ce dernier prend naissance dans les condilions mêmes
où les acélones se transforment en hydrocarbures bi-
chlorés, il est naturel de considérer le chloranile
comme une diacétone 1.4.
Cette conclusion s'étend naturellement jusqu’à la
quinone elle-même, et ce n’est pas la moins impor-
tante du mémoire de M. Barral, car elle permet de
décider entre les deux formules de Fittig et de Graebe,
qui en faisaient soit la cycloheradiène-dione 1.4, soit le
dioxy 1.4 phène. '
En conséquence, le chloranile et les corps étudiés
par l’auteur doivent s’écrire ;
Co co CCE
nu Je eo sn 1e
a PR is
ciC\ CCI CIC\ 7CC1 CIC\ 7 CCi
Co CCI? CCR
Tébrachloro- Hexachloro- Oclochloro-
hexadiène-dione 1.4 hexadiène {.4one hexadiene 1.4
En poursuivant jusqu’à refus l’action du chlore sur
le phénol, en présence du chlorure d’antimoine,
M. Barral a oblenu trois dérivés isomériques sur-
chlorés, répondant à la formule brute CtCISO et dont
les propriétés ressemblent sur certains points beau-
coup à celles de l'hexachlorophénol; ce sont sans
doute encore des composés acétoniques; l’auteur les
désigne sous le nom de trichlorures de pentachlorocyclo-
hexudiénone.
Tout cela est fort intéressant, mais en vérilé pour-
quoi faire intervenir une nouvelle nomenclature dans
la dénomination de ces corps, sisimple avec les seules
conventions de Genève? J'avoue que, pour ma part, il
west impossible de concevoir un chlorure de chlorocy-
clohexadiène, surtout quand il s’agit de l’octochloro-
phénol CéCISO, qui est en réalité une octochlorocyclohexe-
none n'ayant plus la double liaison caractéristique du
cycloheæadiène.
C’est d’ailleurs la seule critique que je puisse faire
au mémoire de M, Barral : le travail est bon et les con-
clusions excellentes. L. MAQUENNE.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
APPEL SNL PE 27,
S61
agnin (Ant), Professeur à la Facullé des Sciences de
Besançon. — Les lacs du Jura. N° 1 : Généralités
sur la limnologie jurassienne. { vol. in-8° de 96
… pages avec 17 fig. et 1 carte hors teute, N° 2 : Végé-
tation des lacs du Jura Suisse. 1 vol. in-8° de
2% pages avec à fig. et 2 planches. H. Georg, à Lyon,
… ct J.-B. Baillière, à Paris, 1895.
M. le D' Magnin, professeur à la Faculté des Sciences
“de Besancon, vient de publier deux nouvelles brochures
“sur les lacs du Jura, — La première (Généralités sur la
mnologie jurassienne) est une monographie où l’au-
eur nous donne tous les renseignements géographiques,
éologiques, physiques, chimiques et botaniques qu'il
pu recueillir sur les lacs de sa région favorite, Elle
n'est pas, d’ailleurs, seulement, une compilation des
plus instructives; elle comprend aussi de nombreuses
recherches faites par M. Magnin, à qui l’on doit l’explo-
bration topographique de 66 petits lacs du Jura, et
d'exploration botanique d'un nombre beaucoup plus
grand encore. Les savants, voire mème les amateurs et
les touristes, trouveront de précieuses indications dans
“cet ouvrage de M. Magnin.
- La deuxième brochure (végétation des lacs du Jura
Suisse) s'adresse plutôt aux botanistes de profession.
auteur s'occupe de la distribution de Ja végétation
dans les lacs du Jura Suisse (lacs de Joux, lac Brenet,
Jac Ter, lac des Tallières et lac de Chailleron; ce der-
nier sur la frontière Franco-Suisse). Il montre com-
- ment celte végétation varie, soit dans les diverses ré-
gions d’un même lac, soil encore d’une année à l’autre.
“ Le travail de M. Magnin est une contribution impor-
«tante et très intéressante à la limnologie francaise,
Ru A. DELEBECQUE.
“Queva (Ch.), Docteur ès sciences. — Recherches sur
l’Anatomie de l'appareil végétatif des Taccacées
et des Dioscorées. — 1 vol. in-8° de 460) pages avec
18 planches contenant 702 fig. Imp. L. Danel, Lille, 1895.
Les Taccacées et les Dioscorées représentent, dans
l’ordre des Liliflores, deux petits groupes particuliè-
rement intéressants. Les Taccacées ont un port si par-
ticulier que des botanistes sagaces, comme R. Brown
et Endlicher, les ont considérées jadis comme formant
des types intermédiaires aux Monocotylédones et aux
‘Dicotylédones. On n'hésite plus à les placer à côté des
maryllidées ; elles s’en distinguent pourtant, indé-
pendamment du port, par des caractères importants;
les Taccacées présentent, en effet, une disposition par-
ticulière du filet staminal, disposilion qui, s’exagérant
chez plusieurs d’entre elles, produit au-dessus de l’an-
thère un appendice en capuchon. On ne trouve rien
“de pareil chez aucune autre Liliüflore. En outre des
préfeuilles constituant la spathe, chaque fleur possède
une pelite bractée chez toutes les Taccacées. Les dix
‘espèces qui constituent cette petite famille homogène
manifestent, d’ailleurs, l'ancienneté de la famille par
leur distribution géographique ; car presque loutes les
D régions tropicales ont leur petite part d’es-
pèces propres. Leur appareil végétatif s'éloigne peu,
“quant à l'aspect, du type que nous avons coutume de
voir chez les Liliacées et les Amaryllidées.
d Les Dioscoracées sont moins éloignées des types
“ordinaires, au point de vue de la symétrie florale ; elles
“occupent un rang intermédiaire entre les Liliacées et
les Amaryllidées ; mais elles se rapprochent aussi des
… Taccacées par les Stenomeris aux fleurs hermaphro-
…. dites, aux ovules nombreux ; elles représentent aussi
un terme ancien dans le monde, s’il faut en croire la
répartition géographique et les documents paléonto-
“: logiques. Leur port est, du reste, remarquable à beau-
coup d'ésards; elles sont grimpantes; les longs entre-
nœuds de leurs tiges aériennes portent des feuilles
… pétiolées à nervation réticulée, qui rappellent celles
“des Smilax, mais elles en diffèrent beaucoup par la
4 structure,
;
Les grandes difficultés des problèmes que propose
l'anatomie comparée de ces plantes ont tenté M. Queva;
on doit lui savoir gré de les avoir affrontées. Ajoutons
tout de suite qu'il s’est montré à la hauteur d’une
tâche aussi difficile. IL se défend, tout d'abord, d’entre-
prendre un travail d’analomie systémalique; il en-
tend seulement déterminer le lype d'organisation des
deux familles en mellant en évidence ce qui semble
appartenir à la forme originelle et ce qui indique des
adaptations ultérieures.
M. Queva a soin de commencer ses études par celle
du développement de la jeune plantule lors de la
germination, chaque fois qu'il le peut. Ses observa-
tions anatomiques sont suivies avec rigueur; COMmpo-
sition histologique des faisceaux aux différents stades ;
parcours, extinction et réparalion des faisceaux ; déve-
loppement des organes, sollicitent également son atten-
tion. 11 s'attache surtout à connaître, par la voie du
développement, la nature du tubereule dans le cas où
il s'en forme. Celui du Tacca pinnaltifidu a la valeur
d’une tige invaginée. Il n’en existe pas de cette sorte
chez les Dioscorées, où la nature morpholosique du
tubercule est souvent malaisée à déterminer. Ceux du
Tamus communis et du Dioscorea sinuata sont unique-
ment conslitués par des productions secondaires ; ce
ne sont ni tiges ni racines; ils sont dus à une hyper-
trophie localisée dans la région dorsale de l’axe hypo-
cotylé et des deux premiers entre-nœuds de la tige
principale; c’est au même type qu'il faut rattacher, ce
semble, le gros tubercule épigé du Testudinaria, dont
l’auteur n’a pu suivre le développement,
Les tubercules de l'Helmia presentent des caractères
qu'on ne trouve que dans les liges, mais ils en diffèrent
par leur point végétalif et par l'absence de feuilles,
Les Dioscorea repanda, Kita et Butatas représentent
un troisième type; ils ont un point végélalif de racine
et des faisceaux comme ceux des tiges ; ils ne rentrent
dans aucune des catégories établies pour les organes
des plantes vasculaires.
Au contraire, le tubercule du Dioscorea quinqueloba
est un rhizome couvert d’écailles très réduites.
M. Queva insiste avec raison sur l'intérêt que pré-
sente, au point de vue de la morphologie générale,
l'apparition de nouveaux organes ne répondant pas aux
définitions classiques, et cela dans une famille où l’on
est unanime à trouver l’une des expressions les plus
élevées du type Monocotylédone. Que les phénomènes
physiologiques soient soumis d’une manière immuable
aux lois physico-chimiques, que ces lois physico-
chimiques s'appliquent même rigoureusement aux
phénomènes fondamentaux de la morphologie, per-
sonne ne songe à le contester; mais les organismes
vivants subissent à tout instant de leur évolution, et
chaque organe subit sans cesse l'influence multiple
des milieux ; ilsn’échappent pas davantage à l'influence
constante et indéniable de l’hérédité; celte double
intervention fait subir de singuliers écarts aux pré-
tendues lois morphologiques. Tout esprit attentif qui
étudie la nature dans la nature a élé frappé de ces
écarts: des travaux tout récents nous les révèlent
jusque dans la structure intime du noyau; l'exemple
sur lequel M. Queva appelle notre attention est remar-
quable. :
Quant aux conclusions de l’auteur relativement aux
affinités des Taccacées et des Dioscorées, elles ne
changentrienauxrapports admis entre les deux familles.
Ce point est, du reste, de peu d'importance ici. Nous
nous trouvons en présence d'un travail qui révèle de
la part de son auteur des qualités exceplionnelles ; il
serait difficile d'appuyer des conclusions posilives sut
une plus grande masse d'observations et de supposer
une étude plus savamment documentée. Cette thèse (car
il s’agit d’une thèse soutenue devant la Facullé des
Sciences de Lille) est un témoignage des bienfaits
qu’on peut attendre de la décentralisation universi-
taire,
Ch. FLanaAuLT.
862
Peytoureau (S.-A.), Docteur en médecine, Prépara-
teur à la Faculté des Sciences de Bordeaux. — Contri-
bution à l'étude de la Morphologie de l’armure
génitale des Insectes. Thèse pour le Doctorat ès
sciences de la Faculté des Scienres de Paris. —M vol.
in-8° de 250 pages, avec 43 fig. et22 planches hors texte.
Imp. Durand, 20, rue Condillac, Bordeaux. 4895.
L’armure génitale des Insectes comprend des pièces
très dissemblables dont les homoïogies ont toujours
été fort discutées, La plupart des auteurs se sont, en
effet, contentés d'étudier les formes adultes sans tenir
compte des données embryogéniques; c’est ce qu'a fait
en particulier Lacaze-Duthiers, dont l'ouvrage, quoique
très ancien, est encore ordinairement suivi en France,
Ce naturaliste a laissé de côté l'embryologie ; il ne
s’est occupé que des pièces chitineuses et il a négligé
les parties molles et les membranes; il a été ainsi con-
duit à admettre, sans preuves suffisantes, que l’armure
génitale femelle des insectes était constituée par le
neuvième anneau el ses appendices transformés. Cette
conception de Lacaze-Duthiers a été longtemps admise,
et elle est encore reproduite dans les ouvrages fran-
cais; quelques auteurs, notamment Packard, ont for-
mulé une autre opinion et ont cherché à démontrer que
les pièces génitales élaient des appendices de plusieurs
anneaux. Nous ne possédons pas d'observations suffi-
santes pour qu'il soit possible de choisir, en connais-
sance de cause, entre ces deux opinions, car, malgré le
uombre des auteurs qui se sont occupés de ce sujet, il
y en a fort peu qui aient cherché à synthétiser leurs
résultats (qui, d’ailleurs, sont contradictoires le plus
souvent). Il y avait donc lieu de reprendre la question
en comparant les armures génitales dans les deux sexes
et dans les différents groupes d’Insectes. aux différents
stades du développement. C'est ce que s’est proposé de
faire M. Peytoureau, qui publie aujourd'hui ses ob-
servations sur les Orthoptères, les Lépidoptères et Les
Coléoptères.
Les Orthoptères présentent, dans les deux sexes, à
l'état adulte comme à l’état embryonnaire, onze seg-
ments abdominaux dont le dernier diffère des autres,
L’armure génilale femelle est entièrement formée aux
dépens des huitième et neuvième sternites et de mem-
branes intersegmentaires; elle est formée de trois
paires d’appendices principaux et de pièces accessoires.
Chez le mâle, l'appareil copulateur souvre après le
neuvième anneau. Chez les Lepidoptères, l'abdomen a
dix anneaux dans les deux sexes, et c’est toujours au
delà du neuvième sternite que débouche le canal
génital. Chez les Coléoptères, il y a deux types dis-
tincts, Pun à neuf anneaux (Dytique), et l'autre à huit
(Hydrophile). La position de l'oviducte est variable, du
septième au huitième espace intersegmentaire, tandis
que le pénis se trouve toujours sur le dernier anneau.
Pendant le développement embryonnaire, Pabdomen
se segmente en onze anneaux; cette division est défi-
nitive d'emblée, et le onzième anneau n’est nullement
formé par le dédoublement tardif du dixième, comme
quelques auteurs l'ont cru. Ce chiffre de onze n’est
jamais dépassé; il est conservé dans les Insectes pa-
léozoïques et chez les types inférieurs; dans les ordres
plus spécialisés, il peut descendre à dix, à neuf et même
à huit, mais jamais au delà, Plus les segments postérieurs
sont métamorphosés, plus la famille s'élève dans la
classe des Hexapodes et s'éloigne du type ancestral.
Sauf le onzième anneau qui n'existe que dans les types
inférieurs, il est très rare qu'un anneau disparaisse en
entier.
L'ouverture génitale femelle présente un siège varia-
ble, mais toujours dansune membrane intersegmentaire
après le septième ou Le huitième anneau ; l'orifice mâle
occupe une position absolument fixe, dans tous les
groupes, au bord postérieur du neuvième sternite. L’ar-
mure femelle est constituée d'après un type constant
dans toute la classe; elle est formée par des bourgeons
hypodermiques, sortes de disques imaginaux à déve-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
- du plus haut intérêt scientifique. Le D' Paul Kemmile
loppement tardif, qui apparaissent au début de la vie
nymphale sur les huitième et neuvième anneaux; la
paire postérieure se dédouble ordinairement dans 1
suite. Outre ces parties apophysaires, il y a encore des
pièces accessoires en nombre variable, L'appareil ca
pulateur est un pénis formé par la terminaison chitis
nisée du canal éjaculateur ; il est entouré le plus souvent
de pièces accessoires, qui, chez les Orthoptères, se dé
veloppent sur le bord postérieur du neuvième sternite
comme les apophyses femelles et il en est probable
ment de même chez les Lépidoptères et les Hémiptères®
Il résulte des recherches de M. Peytoureau que 1
conception de Lacaze-Duthiers, d’après laquelle l’ar:
mure génilale des Insectes aurait la valeur d’un zoonite
complet, est erronée et qu'elle doit être désormais
rejetée. Mais l’auteur n'est pas aussi affirmatif que
Packard sur la valeur des apophyses qui dounent nais
sance à ces armures, el il n'ose pas les homologuer,
d’une manière absolue, à des appendices : « Ce sont"
dit-il, des formations secondaires se développant
comme des membres, tout en n’en étant pas. » À
Les conclusions de M. Peyloureau s'appuient sur
l'observation d'un grand nombre d’Insectes à l’état adultes
et à l’état embryonnaire, Sontravail, très documenté, esb
accompagné de nombreux dessins qui faciliteront la lee-
ture, parlois un peu aride, de la partie descriptive, Le
sujetqu'ila abordé, et dont l’étude exige une grande hab
leté manuelle, n’était pas facile à traiter; il aura eu le
mérite de jeter le jour dans une question très obscure,
M. Peytoureau nous fait -espérer de nouvelles re
cherches sur les ordres d’Insectes qui ne sont pas traités
dans son travail, el on ne peut que l’encourager à per-
sister dans une voie où il a débuté d'une manière si
heureuse, Il importe que des études approfondies nous:
fixent exactement sur la structure de l’armure génitales
dans tous les ordres d'Insectes. Il y à là un vaste champ
à exploiter, où M. Pevtoureau trouvera certainement
malière à observations intéressantes. : ]
D' R. KœuLEr.
4° Sciences médicales.
Pr D: €. Wernicke, Director der Klinik. — Arbei-
ten aus der psychiatrischen Klinik in Breslau,
Heft IL. —1 vol. in-8° de 130 pages avec 4% fig. hors texte
et 21 planches. (Prix : 12 fr, 50.) G. Thieme, éditeur,
31, Seeburgstrasse, Leipzig, 1895. S
Ce deuxième fascicule des Traviuæ de la Clinique
psychiatrique de Breslau, publiés sous les auspices de
M. le professeur G. Wernicke, renferme quatre mémoires
ouvre ce recueil par un travail Sur les attaques convul=
sives avec contractions rhythmiques synchrones au pouls
dans la paralysie progressive, phénomène resté jusqu'ici
presque inapercu., À propos de Deux cas de lésion cor-
ticale, GC. Wernicke publie une importante Contribution
à la localisation des représentations. Le D' Heinrich Sachs"
étudie le Cerveau du malade de Fœrster, frappé de cécité
corticale. Le D' E, Hahn a fait une Etude anatomopa-
thologique du cas de cécité psychique publié par Lissauer.,
Les deux cas de lésion corticale publiés par G, Wer-.
nicke ont un intérêt assez général pour piquer la curio-
silé de tous ceux qui étudient en naturalistes les
fonctions du cerveau. L'épicrise qui suit ses observa="
tions à une très grande portée psychologique; nous
en reproduisons ici les principaux termes. É
Il s’agit, dans ces deux cas, de lésions corticales net-
tement délimitées, siégeant également à gauche, dans
le tiers moyen des deux circonvolutions centrales et.
surtout de la PA. Dans les deux cas, la cause de lan
lésion destructive était de nature traumatique (violence
extérieure, hémorragie interne avec destruction locale
de substance cérébrale). La localisation élant la même,
le symptôme elinique principal ne pouvait différer : 11
consistait en une paralysie du tact de la main droite
avec altération, relativement légère, de la sensibilité
générale et de la motilité, et troubles du langage, rap:
pelant ceux de la paralysie générale, évidemment dus
rh
rconvolution de Broca, et qu'on doit rapporter à un
ouble d’innervation motrice transcorticale.
= Ces deux cas, en somme, ne présentent guère de dif-
érences essentielles, et le symptôme principal, la
paralysie du tact, était si semblable, qu'il dépendait
manifestement de la destruction d'un mème point de
Pécorce. Le phénomène de déficit, mis en évidence par
observation clinique, consistait donc dans la perte des
Teprésentalions tactiles de la main droite. « Que des es-
èces déterminées de représentations se perdent par
1 destruction de certains points déterminés du cer-
“eau, on ne l'avait sûrement établi jusqu'ici par l'ob-
Servalion cliuique que pour deux territoires de l’écorce,
a circonvolution de Broca pour les représentalions
motrices du langage, et la T, gauche pour les images
tonales des mots. Il faut y joindre maintenant ce terri-
toire de l’écorce cérébrale qui a été trouvé lésé dans
nos deux cas et qui appartient au liers moyen des cir-
“convolutions centrales, en particulier de la PA. »
» En réalité, les deux malades n'avaient pas entière-
‘nt perdu les représentations tactiles des choses,
uisqu'ils étaient capables de reconnaitre, avec la main
buauche, ce geure de propriétés des corps. Mais cela
prouve seulement, selon Wernicke, que les représen-
Miations tactiles sont doublement représentées dans le
“cerveau, suivant qu'elles ont été acquises par la main
“droite ou par la main gauche. La représentation tactile
“des objets, ou lPélément tactile qui entre dans leurs
“représentations, peut donc être absolument perdu.
| quand la lésion destructive affecte à la fois Les deux ré-
| sions corticales identiques dont nous parlons sur les
bdeux hémisphères. On peut encore dire que, dans ce
cas, les représentations des choses ne peuvent être évo-
bquées par le tact. Par représentations tactiles, il faut
donc entendre désormais, avec Wernicke, les images
ommémoratives des sensations tactiles d'objets con-
crets, revenant constamment, pour les mêmes objets,
ans les mêmes conditions. On a le droit de rapporter
la perte de ces images tout cas de paralysie tactile,
’est-à-dire d’abolition de la faculté de reconnaitre
es objets par le tact, toutes les fois que des troubles
de la sensibilité générale pouvant expliquer ce symp-
ôme ou manquent complètement, ou sont trop mini-
mes pour en rendre raison.
On rencontre, quoique rarement, des troubles de
“sensibilité capables de déterminer une paralysie tactile
(Tastlähmung). La cause de cette rareté, c’est que, seuls,
“les troubles les plus graves de la sensibilité peuvent
“produire cet effet, troubles qui équivalent à peu près
à la solution complète de continuité des voies ner-
“veuses de la sensibilité. La sensation cutanée, grâce
à laquelle nous nous orientons sur notre propre corps,
la sensation articulaire, qui nous renseigne sur la posi-
tion de nos doigts, participent évidemment à la recon-
naissance des impressions tactiles : les troubles des
remières doivent retentir sur celles-ci. L'anesthésie,
vec perte totale de la sensation de contact et de la
faculté de localisation dans l’espace, s’observe très
souvent consécutivement aux lésions des troncs ner-
‘eux périphériques. Si la sensation de position est
ieux conservée, le tact ne sera que peu alléré : la:
lupart des objets, et surtout ceux de grande dimen-
ion, seront reconnus par ce sens, les yeux étant fer-
és. La perte complète de la sensibilité doit naturel-
“lement abolir aussi le tact; car la communication de
“l'organe du tact avec l'écorce, lieu des représentations,
“est alors tout à fait interrompue. Ajoutez que, le fais-
“ceau sensilif s’irradiant dans l'écorce cérébrale, la des-
“iruction de l'écorce qui abolit le tact interrompt en
“même temps certaines voies de la sensibilité.
… Ure première question est celle-ci: Où localiser
“dans l'écorce le substratum anatomique des représen-
“lations tactiles? Là où elles ont été acquises, là où
pour chaque objet concret les mêmes sensations se
“ont répétées, toujours dans le même ordre et avec la
“mème suite, toutes les fois que le processus tactile a
e
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
863
la lésion en foyer située en arrière et au-dessus de la |! eu lieu. Les groupes de sensalions percues ainsi, fonc-
tionnellement associées au moyen de faisceaux d’asso-
ciation, ont pour substratum anatomique les cellules
nerveuses de l’écorce représentant ces sensations. Les
représentations tactiles de la main doivent donc être
localisées, sous forme de pareils groupements cellu-
laires reliés entre eux par des fibres nerveuses, dans
la région de l'écorce affectée de lésion destructive chez
les deux malades de Wernicke.
L'éminent clinicien remarque ici que, tous les mou-
vements isolés ou combinés de la main droite et des
doigts étant revenus, on ne peut dire que les représen-
talions motrices aient subi chez ces malades quelque
grave dommage. L'usage défectueux qu'ils faisaient de
leur main droite, les yeux fermés, dépendait bien plus
de la perte de leurs représentations tactiles, Le moyen,
en effet, de bien manipuler les objets qu'on ne recon-
naît pas, les yeux clos, par le tact? Une grande partie
de la maladresse de ces malades à boutonner leur habit,
peut être, à la vérité, attribuée à la perte des images
motrices correspondantes; ce qui est sûr, c'est que
Pocclusion des yeux intervenait ici, car le même mou-
vement était bien exécuté avec les yeux ouverts, et il
ne pouvait être question de représentations tactiles.
La représentation tactile, plus différenciée, a dù dis-
paraître avant la représentation motrice, Munk a éta-
bli, en effet, et l'observation patholosique le confirme,
que les fonctions les plus complexes de l’écorce sont
perdues les premières.
Chez l'un de ces malades, les sensations de douleur
et de température ne présentaient aucune altéralion,
mais la sensation de contact, au moins pour les con-
tacts légers de la main et de l’avant-bras, élait abolie,
quoique conservée sur le bras. Quelques jours plus
tard, les contacts légers étaient percus partout, mais
ne pouvaient être localisés sur la main et sur les
doigts, La sensibilité cutanée est donc affectée aussi,
comme la motilité, dans des lésions circonscrites de
l'écorce.
Enfin, fait très intéressant, chez ces deux malades,
les mouvements de l'écriture sont redevenus normaux.
L'un d’eux pouvait même écrire les yeux fermés. Ce
retour de la faculté d'écrire a coïncidé simplement
avec celui des mouvements des doigts et de la main.
Il en résulte, dit Wernicke, que « des représentations
motrices graphiques » font partie les représentations
de toutes les espèces de mouvements spécialisés, qu'ils
se perdent et réapparaissentavee ceux-ci. « L'existence
d’un centre spécial. localisé, des mouvements de l’écri-
ture, analogue au centre des mouvements d’articula-
tion localisé dans la circonvolution de Broca, admise
par Charcot el par ses élèves, est donc absolument
invraisemblable. » Jules Soury.
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en cou-
leurs. 533° et 33£° livraisons. (Prix de chaque livraison,
1 fr.) H, Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes.
Nous signalerons particulièrement dans les 533e et
534 livraisons une monographie très complète de la
Locomotive, due à M, E. Desdouits. L'auteur passe suc-
cessivement en revue : l'historique de la découverte,
le principe du fonctionnement des locomotives (adhé-
rence), la description générale (chaudières et acces-
soires, machine motrice, coulisse pour changement de
marche, chàssis), la puissance et leffort moteur, la
vitesse et le rendement économique. Il indique en
outre une classification des machines, décrit les prin-
cipaux types actuellement en usage et les perfection-
nements qu'on y à apportés récemment, et donne
quelques renseignements sur le service des locomo-
lives. Dans les mèmes livraisons on remarquera une
étude physiologique de la locomotion, par M. P. Langlois.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES
19 Août 1895.
1° SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M, Paul Serret ap-
pelle, par analogie, équilatère toute courbe d'ordre n
0 = Hu = no + Bn-s (r, y
dont les asymptotes forment un faisceau régulier :
Po — 0, et, à défaut d’un terme mieux approprié, il
convient d'appeler centre d’une telle courbe le point
de concours O0 de ses asymptotes. IL étudie les pro-
priétés de ces courbes par la théorie des foyers,
comme représentation des tangentes isotropes issues
de ces points, et en vertu de la notion antérieure du
groupe conjugué de » droites, appliquée spécialement
aux plus simples de ces groupes ou aux faisceaux ré-
guliers d'ordre n, — M. Faurie continue l'étude des
déformations permanentes et de la rupture des corps
solides, Il déduit d’abord, des formules établies par lui
antérieurement, les valeurs des allongements aux mo-
ments des ma\ima de la charge et montre que ces
allongements sont égaux aux allongements observés.
Le même auteur considère deux nouvelles charges
voisines de la charge de rupture, désignées sous les
dénominations de maximum d'énergie potentielle
élastique et de maximum d'énergie cinétique de trac-
tion, charges spéciales que l'expérience met bien en
évidence.
29 SGtENCES PHYSIQUES, — M. Ch.-V. Zenger donne la
description des nombreux orages et tremblements de
terre ayant eu lieu en Autriche pendant le mois
de juin. L'auteur résume ainsi l'ensemble des obser-
valions : 1° L'activité solaire a été très grande; 2 les
perturbations magnétiques très amples et très fré-
quentes ; 3° les tremblements de terre, les orages
cycloniques, de violence extraordinaire, ont concordé
avec l'apparition de bolides nombreux et brillants et
avec le passage de nombreuses étoiles filantes. —
M. Ch. Fiesse adresse, de Washington, un mémoire
relatif à un nouveau carburateur, applicable à divers
moteurs et ulilisable pour la navigation aérienne, —
M. G.-T. Lhuiïllier à repris l'étude de la conductibi-
lité des mélanges de limailles métalliques et de dié-
lectriques. 1° Le diélectrique ne devient pas conduc-
teur, même sous une épaisseur inférieure à 1 #, et les
gaines liquides considérées jusqu'ici ne jouent qu'un
rôle mécanique. 2° Dans le cas des diélectriques orga-
niques, la conductibilité est établie concurremment
par des particules métalliques entrainées et par des
particules de carbone provenant de la décomposition
du diélectrique; dans le cas du soufre, elle l'est par
les premières seules. — M, Raoul Varet expose l'é-
tude thermique des combinaisons du cyanure de mer-
cure avec les chlorures et discute la constitution des
chlorocyanures. L'auteur utilise l’action de l'acide
picrique et des picrates sur les cyanures métalliques
pour distinguer si, dans ces combinaisons, le cyano-
sène resie uni au mercure ou se combine à l’autre
métal; les résultats obtenus par cette méthode con-
cordent complètement avec ceux fournis par l’étude
thermique. — M. Delaurier rappelle les progrès qu'il
a réalisés, par l'emploi du bichromate de soude, dans
la construction des piles. — M. Th. Schlæsing a fait
une étude chimique des allumettes à pâte explosive.
Le chlorate de potasse, parmi les comburants, et le
phosphore rouge, parmi les combustibles, tiennent
le premier rang; leur mélange est un explosif dange-
reux quand il est sec, alors même qu'il est tempéré
par la présence d'un colloïde et d'une forte proportion
DE PARIS
Seance du
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
-imdication de plus pour déceler le vin de raisins secs,
de matières inertes; néanmoins, ce sont tous deux
des éléments nécessaires à la constitution d'une pâte,
Les corps à combustion fusante, soufre, hyposulfite de
plomb, sulfures d’antimoine, atténuent la rapidité
de Ja combustion. L'étude des fumées à montré
qu'elles contenaient de grandes quantités de phos-
phore, d'antimoine et de plomb, ce qui impose la né-
cessité d'éviter les inflammations accidentelles pen-
dant leur fabrication. La substitution des pâtes
explosives aux pâtes à phosphore blanc est donc un
problème encore fort complexe et nullement résolu.
M. Paul Lemoult à entrepris l'étude thermo-
chimique de lacide cyanurique ; il donne la chaleurs
de combustion de cet acide, les chaleurs de dissolu-
tion de l'acide anhydre et hydraté, puis la chaleur des
neutralisation pour les acides dissous. Comme l'acide.
phosphorique, l'acide cyanurique est un acide mixte
où les trois molécules de base, successivement unies
à l'acide, le sont à des titres différents. — M,J.Guin-
chaut a étudié la chaleur de combustion de quelques
éthers 8-cétoniques, jouant le rôle d'acides, afin de se
rendre compte si, comme cela a lieu pour les acides
carboxylés, la chaleur de combustion est toujours in-
férieure à celle des isomères neutres. Les résultats
montrent que la formation de ces dérivés acides a lieu
avec un excès de dépense d’énergie, fait qui pourrait
s'expliquer par la transformation du groupe acé-
tyle CH3.C0 en groupe CH?— COH. — M, A. Bouf-
fard, dans le but de remédier à l'obstacle apporté à
la vinificalion des pays chauds par les hautes tempé-.
ratures de fermentation, a déterminé directement là
quantité de chaleur dégagée dans la fermentation
alcoolique. La détermination directe montre que la
chaleur est comprise entre 24 et 32041 par 180 grammes
de sucre, nombre éloigné de 71°!, quantité admise: il
en résulte que des appareils d’une puissance réfrigé-
rante modérée pourront suffire pour améliorer la vini-.
fication des pays chauds. MM. G. Nivière et
A. Hubert ont repris l'étude de la gomme des vins;
ils indiquent son mode d'extraction et ses principales \
propriélés; son dosage dans les vins donnerait une
Cette gomme est différente de la gomme arabique;
elle parait résulter de la condensation de à molécules
de galactose soudées ensemble avec élimination d’eau.
GC. MATIGNON. 1
3° SCIENCES NATURELLES. — M, Vaudin étudie la mi-
gration du phosphate de chaux dans les plantes, Ce
sel est maintenu en dissolution par le sucre à laide:
des malates. Au fur et à mesure de la transformation M
du sucre en amidon, les phosphates se déposent et les
malates se détruisent en même temps ou persistent à
l’état de succinates, — M, Sappin-Trouffy fournit une
note sur l'origine du noyau dans la formation des
spores et dans l'acte de la fécondation chez les Urédi-,
nées; les résultats de l’auteur diffèrent de ceux de
MM, Poirault et Raciborsky. Les cellules du mycélium
ont un ou deux noyaux par cellule : les cellules hymé-
niales, qui donnent naissance aux téleulospores, ren-
ferment normalement deux noyaux frères.
J. MARTIN.
Séance du 26 Août 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Le Cadet
adresse ses observations de la comète Swift (20 août 1895),
faites à l'équatorial coudé (0,32) de l'Observatoire de
Lyon. — M. Borrelly envoie ses observations de la
Phao, faites à l'Observatoire de Marseille
planète
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
-(équatorial de 0®,26 d'ouverture). — M, Paul Serret
. continue l’étude des propriétés des faisceaux réguliers
et des équilatères d'ordre », 1° Le lieu du centre des
équilatères du faisceau :
+ 0 = Hh 5 À1Hn= H'h
(4
LS
* est un cercle pour n quelconque, comme pour n = 2.
20 Si les équilatères H,,H', qui déterminent un fais-
- ceau ont leurs asymptotes parallèles, le cercle, lieu du
“ centre, se réduit à une ligne droite; en même temps,
is des courbes du faisceau s’abaisse au degré n —1,
- qui n'est plus un équilatère proprement dit, hors le
cas OÙ n — 3. :
1 20 SGIENCES PHYSIQUES. — M. G. Nodel adresse une
… note relative à un appareil électrique destiné à pré-
- venir les accidents sur les lignes de chemins de fer.
= M. Ch.-V. Zenger décrit son appareil électrodyna-
- mique modifié, qui permet de démontrer facilement
… les lois suivantes : 1° Que le mouvement planétaire
- suit les lois électrodynamiques de Gauss; 2° que l'axe
- de l’orbite planétaire est fixe, tant que la force de
. l'électroaimant est constante, et d'une certaine gran-
deur, qui dépend de la force magnétique de l’électro-
aimant et de la grandeur de la sphère ; 3° que la prin-
cipale action du troisième pôle perturbant le mouve-
- ment orbiculaire elliptique est le changement de
position du grand axe de l'orbite. — M.Ch.-V. Zen-
ger, pour supprimer les sons amphoriques produits
dans l’espace rempli’d’air du stéthoscope, a construit
un appareil en bois plein, qui a la forme d’un ellip-
soïde de révolution coupé par deux plans perpendicu-
laires au grand axe passant par les foyers. — M. Paul
Lemoult donne la chaleur de dissolution et de forma-
tion des cyanurates de sodium et de potassium. L’au-
- teur a pu préparer les trois cyanurates de soude et
deux seulement des sels de potasse. L'eau est sans
action sur leurs solutions. — MM. Rietsch et Her-
- selin ont étudié comparativement la fermentation
apiculée et la fermentation elliptique et l'influence de
… l'aération dans cette dernière fermentation à haute
… température. 1° Pour les liquides fermentés ayant
- plus de 4, l'alcool formé par les levüres apiculées
coûte plus de sucre que celui dû aux levûres ellip-
- tiques. 2 L'aération est favorable par l’oxydation
qu'elle détermine, indépendamment de l’abaissement
de température qu'elle procure en même temps dans
la pratique. 3° Le refroidissement au-dessous de 30° a
des effets bien plus prononcés que l’aération, —
M. Balland communique les résultats de quelques
observations sur les ustensiles en aluminium. 1° Le
poids des ustensiles n'a pas l’uniformité qu'il devrait
avoir; les écarts tiennent au décapage à la soude,
20 Dans les conditions ordinaires de la vie du soldat,
les ustensiles offrent une résistance suffisante à l’ac-
tion des mets et des liquides. 3° L’eau ordinaire at-
laque lentement l'aluminium partout où le métal
retient des métaux étrangers. 4° Dans l’eau salée, les
mèmes effets se reproduisent, mais à un degré. plus
prononcé.
C. MariGNoN.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ad. Chatin présente
une note sur les truffes de Chypre, de Smyrue et de
La Calle. D’après les récoltes de M. Gennadius, il résulte
bien que la truffe existe sûrement en Grèce, dans la
Thessalie, à l’ile de Chypre ; c’est la Terfezia Claveryi
qu'on retrouve partout, même en Algérie. — M. Devi-
Vaise adresse une note relative à l'utilité de l’emploi
de Vaileron ou bourgeon anticipé de la vigne. —
MM. F. Gley et Pachon montrent le rôle du foie
dans l’action anticoagulante de la peptone, Liant sur
le chien les vaisssaux lymphatiques qui sortent du
loie, on injecte dans une veine une solution de peptone,
Dans cette condition, l'effet de la peptone est annihilé :
le sang reste coagulable. C’est donc dans le foie que se
forme la substance anticoagulante.
J. MARTIN.
865
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 27 Août 1895,
M. G. Colin (d’Alfort) revient sur la question de la
toxicité de l’alcool. Il montre que les expériences faites
jusqu'ici ont été très défectueuses et ne peuvent con-
duire au but qu'on se proposait ; il indique ce qui de-
vrait être tenté pour y arriver. — M, Javal insiste sur
la nécessité d'introduire dans l’enseignement l'écriture
droite, comme plus favorable au développement de la
vue normale,
Séance du 3 Septembre 1895.
M. Moncorvo fait une communication sur la valeur
hypnotique du trional chez les enfants, Son action lui
a paru la plus prompte et la plus sûre et c’est le corps
qui a été le mieux toléré. Cemédicament possède d'ail-
leurs une action sédative sur le cerveau dont on pourra
profiter pour combattre des phénomènes d’excitation
nerveuse ou psychique.
Séance du 10 Septembre 1895.
M. le D'Huguet envoie une note sur un cas de mas-
tite traumatique observé par lui chez l’homme.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Dernières communications.
M. Béhal, à côté des produits qu'il a fait connaitre
antérieurement, a obtenu un acide bibasique en Cf,
Cet acide fond à 143°-14%°, et donne, par distillation,
un anhydride fondant vers 22°; il correspond à l'acide
dimétaylsuccinique dissymétrique, ainsi que M. Bébal
s’en est assuré, en préparant ce dernier à l’aide du
bromo-isobutyrate d’éthyle et du malonate d'éthyle.
M. Béhal expose ensuite les résultats des recherches
qu’il a poursuivies en collaboration avec M. Blaise
sur les produits de l’action de l’hypoazotide sur l'acide
campholénique inactif. Le dérivé bleu, déjà signalé
antérieurement, ou dérivé céruléo-campholénique, dis-
sous dans l’alcool ou l’éther, donne un composé blanc,
insoluble. Fondu, ce dérivé blanc redonne le corps
bleu. Ces deux produits, le blanc étant un polymère
du bleu, sont des nitrosocampholénolactones, La
potasse alcoolique les réduit et donne un dérivé azoïque
ou azoxique que l’amalgame du sodium transforme en
une hydrazine, Avec l’étain et l’acide acétique, on ob-
tient une amine identique à celle fournie par le nitrite
de campholénolactone. — M. Burcker a obtenu un
composé de formule CH20? par l’action de l'anhy-
dride camphorique sur le benzène en présence du
chlorure d'aluminium. Ce corps se forme avec élimi-
nation d'oxyde de carbone. C’est un acide faible; sa
formule de constitution et ses propriétés le rapprochent
de l’acide campholénique. Ses sels sont, en effet, décom-
posés par l'acide carbonique, et il donne, avec les
alcools méthylique et éthylique, des éthers cristallisés,
très difficilement saponifiables par les alcalis, —
MM. Villiers et Fayolle communiquent un procédé
extrêmement sensible pour la recherche de l'acide
borique. On chasse ce composé des cendres des pro-
duits analysés en les distillant avec un excès d'alcool
méthylique en présence d’acide sulfurique, On en-
flamme la solution méthylique obtenue et on obtient,
en présence de traces d'acide borique, une magnifique
coloration verte. Cette méthode, appliquée à l’analyse
de vins francais et de vins algériens, ne donne pas la
réaction de l'acide borique; en raison de son extrème
sensibilité, on peut conclure que, lorsque ces vins ren-
ferment ce composé, il résulte d’une addition de subs-
tances étrangères. — M. Maumené discute les réac-
tions de la lampe sans flamme, dite lampe de Tollens,
destinée à la préparation de l’aldéhyde méthylique ; il
discute également le travail de M. Schutzenberger re-
latif au poids atomique du cérium. — M. Engel analyse
une note de M. Massol sur les points de fusion des
acides de la série grasse. Ces points de fusion peuvent
à
,
866
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
se ranger en deux séries, suivant que le nombre des
atomes de carbone est pair ou impair. Les courbes
représentant ces deux séries, après une incurvation
préliminaire, deviennent sensiblement parallèles, —
M. Hébert a trouvé un gallate ou un fannate de fer
dans la sève de la liane à eau du Congo francais. De
la sève du bananier, de même origine, lui à donné
une matière colorante déjà signalée par Boussingault,
et une certaine quautité d'acide oléique à l’état de sel
alcalin. Dans la sève de la vigne, il a reconnu l’exis-
tence du glucose et d’un tanin particulier, — M, Charon
a reconnu que l’aldéhyde crotonique préparé, soit par
la méthode de Lieben, soit par celle de MM. Newbury
et Orndorff, est un produit unique et non un mélange
des deux stéréo-isomères. En oxydant, en effet, cette
aldéhyde par l’oxyde d’argent au-dessous de 50°, on
obtient un produit unique, l'acide crotonique solide,
et cela, avec un rendement atteignant 90 /,. Des pro-
duits de l'oxydation spontanée à l'air, on ne peut éga-
lement extraire qu'un seul produit acide, l'acide ero-
tonique solide. Hydrogénée par le couple zinc-cuivre
en solution acétique, cette aldéhyde donue environ
10, d’aldéhyde butylique normale, 25 °/, d'alcool cro-
tonylique et 50 à 60 °/, d’un glycol non saturé en C$..
CH3—CH=CH—CHOH—CHOH—CH=CH—CHS.
Il a été déposé à cette séance deux notes de M. Thomas-
Mamert sur la non-existence de la sléréo-isomérie
dans les dérivés aminobutènedioïques et sur les ami-
nobutèneamidoates d’éthyle; une note de M, Granger
sur l’action des combinaisons halogénées du phos-
phore sur le cuivre ; une note de M. Fouzes-Diacon
sur une nouvelle préparation du glycérose ; une note
de M. Delacre sur la tryphényléthanone et la triphé-
nyléthanolone, Er. Cnarox,.
SOCIÈTÉ ROYALE DE LONDRES
SCIENCES PHYSIQUES
L. Mond,F. KR. S., WW. Ramsay, EF. R. S'et
«3. Shields : Sur l'occlusion de l'hydrogène et de
l'oxygène par la mousse de platine. — Voici les
résultals des expériences des auteurs : 1° La mousse
de platine, séchée à 1009, retient en général 0,5 0/,
d'eau; celle-ci est seulement chassée en chauffant à
environ 400° dans le vide. La densité de la mousse de
platine séchée à 1009 est de 19,4 et, en tenant compte
de l’eau qu’elle retient à cette température, de 21,5,
2° La mousse de platine contient environ 100 fois son
volume d'oxygène ; celui-ci ne commence à se dégager
en grande quantité qu’en chauffant dans le vide à 300;
à 4000, il est en majeure partie chassé, mais ce n’est
qu'au rouge qu'il est complètement expulsé. 3° En dé-
terminant la quantité d'hydrogène occlus par la
mousse de platine, il faut soigneusement distinguer
entre l'hydrogène destiné à former de l’eau par sa
combinaison avec l’oxygène toujours occlus dans le
platine et l'hydrogène réellement absorbé par le pla-
tine per se. Le platine absorbe environ 310 fois son
voluine d'hydrogène, mais 200 sont destinés à former
de l’eau et il n’y en à que 110 réellement occlus. Une
partie se dégage déjà à la température ordinaire dans
le vide; la plus grande quantité s'échappe entre 250°-
300°, mais la chaleur rouge est nécessaire pour une
expulsion complète. La quantité d'hydrogène absorbé
est fortement influencée ‘par les plus légères impu-
retés. 4° Les auteurs ne croient pas qu'il y ait de rai-
sons suflisantes pour admettre l'existence de composés
chimiques P1%0H3 et P(#0H?, indiqués par Berliner et
Berthelot. De plus, l'opinion des auteurs est que les
chaleurs de combinaison de l'hydrogène et du platine,
déterminées par Berthelot et Favre, n’ont aucune va-
leur, el que la chaleur que ces savants ont mesurée
est due pour la plus grande partie, si ce n’est entière-
ment, à la formation d’eau par combinaison de l'hy-
drogène avec l'oxygène occlus dans le platine,
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
La Sociélé a récemment recu les communications
suivantes :
M. S.-P. Thompson :
passée inapercue. Ampère fit, en 1822, une expérience
qui, s’il l'avait soigneusement poursuivie, l’eût conduit
à la découverte de lPinduction dix ans avant la pupli-
cation des résultats de Faraday. En cherchant à dé-
couvrir la présence d’un courant électrique dans un.
conducteur situé au voisinage d’un autre conducteur
parcouru par un courant électrique, Ampère fit l'ex-
périence suivante : Une bobine, formée d’une bande de
cuivre isolé, était fixée avec son plan vertical, etun an-.
neau de cuivre était suspendu par un fil de métal très
fin, de facon à être concentrique à la bobine et à être
dans le même plan. Un barreau aimanté élait disposé
de telle sorte que « si un courant électrique eùt été
induit dans l’anneau suspendu, il y aurait eu une dévia-
tion de cet anneau ». On n’en observe aucune. En 1822,
Ampère répéla l'expérience avec de De la Rive, en
employant, au lieu du barreau aimanté, un puissant
aimant en fer à cheval. II décrit l'expérience dans les
« Le circuit fermé étant soumis à l'in-
termes suivants :
iluence du courant de la bobine, mais sans connexion
avec elle, était attiré et repoussé alternativement par
l'aimant, et l'expérience conduirait ainsi à ne pas douter
si l’on n'avait pas soupconné la présence d'une petite
quantité de fer dansle cuivre dont l'anneau état formé, »
Après la publication des résultats de Faraday en 1831, »
Ampère décrivait de nouveau son expérience de 1822:
« Au moment où l’on reliait la pile aux bornes du con-
ducteur, l'anneau était attiré ou repoussé par lPaimant,
suivant le pôle qu’on présentait à l'anneau.» — M. G.
Rhodes : Théorie du moteur synchrone. L'auteur part
de l'équation de l'énergie :
p + eR = cE cost
où pest le travail moteur, R la résistance de larma-
ture, c le courant dans l’armature, E la f. é., m. appli-
quée aux bornes, et 4 la différence de phase entre e
et E. Il déduit de ses calculs la démonstration théo-
rique du fait observé par M. Silvanus Thompson, qu'un
moteur synchrone, qui recoit un excès d’excitation,
agit comme un condensateur, et lend à faire prendre
de l'avance au courant par rapport à la f. 6. m. du géné-
rateur. M, S. Thompson déclare qu'il faut retenir de
cette analyse les deux résultats suivants : d'abord, que
le courant maximum à puissance nulle est le mème
que si le circuit était sans induction; ensuile, que le
courant maximum à puissance nulle est le double du
courant correspondant à un travail extérieur maxi-
num, — M. Bryan : Surune interprétalion graphique
simple de la relation fondamentale de la dynamique.
— M, Herroun : Sur un voltamètre à iode. A l’excep-
tion du mercure à l’état mercureux, aucun corps n'a
un plus grand équivalent électrochimique que liode;
et, en outre, en titrant une liqueur par l’hyposultite
de soude, il est possible de déterminer la quantité
d’iode mise en liberté avec une plus grande exactitude
qu'on n’en peut avoir en pesant un dépôt de cuivre
ou d'argent. La solution voltamétrique employée est
une solution d'iodure de zine à 10 ou 15 °/,. L'anode
est un plateau de platine situé au fond du vase, la ca-
thode consiste en un barreau de zine amalgamé. On
emploie une solution d'hyposultite telle qu'un centi-
mèlre cube corresponde à la quantité d’iode mise en
liberté par le passage de 5 coulombs. La solution
contient 128r,8375 d'hyposulfite de soude pur cristallisé
par litre. En comparant avec un voltamètre à argent,
on à obtenu d’une part Oamp,264, d'autre part Oamp,266
pour le même courant. M. Silvanus Thompson re-
marque qu'on a des nombres encore plus concordants
en prenant pour le poids atomique de l’argent la va-
leur 107,7 au lieu du nombre approché 108. — M. Sharp:
Nouvelle méthode d'analyse harmonique.
Une expérience d'Ampère.
de la production des courants électriques par induction "
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
867
»
_ SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
La Société a recu récemment les communications
. suivantes :
… M. Alfred C. Chapman décrit quelques-uns
. des dérivés de lJ’humulène et s'étend spécialement
- sur le chlorhydrate de l’humulène-nitrol-pipéride
… (G!SH2AZOAZCH'OHCI), sur l’humulène-nitrol-benzy-
… Jamine (CSH2AzO0OAZHCH2C6HS), sur le nitrosate d’hu-
mulène CI#H2?4A720* et le nitrosite CISH214720%, —
- M. Edna Walter publie une note sur les thiodérivés
de l'acide sulfanilique., —M. William Ramsay F.R.S.
J. Norman Collie et Morris Travers font une
deuxième communication sur l’hélium qu'ils ont re-
trouvé dans plusieurs minéraux contenant de l’ura-
-nium. Ils ont déterminé la densité de ce corps sur des
- échantillons provenant l’un de la clévéite, l’autre de la
broggérite chauffée seule, le troisième de la broggérite
- chauffée dans l'hydrogène et le sulfate de potasse, On
a observé dans toutes ces expériences que l'hydrogène
- n'est pas entré en combinaison avec l’hélium. Ge corps
à pour poids atomique 4,4; sa solubilité dans l'eau
- est de 0,007 à 18° : c’est donc le gaz le moins soluble
- dans ce liquide. — M. H. Fenton, en partant de l'acide
> C'H06.2H20 déjà décrit par lui, a trouvé que, sous
… l'influence de diverses circonstances, il se transformait
- en aldéhyde glycolique et acide carbonique suivant
l'équation : -
CiH105 — C2Hi0? + 2C02.
i £
11 s’est assuré de la présence de cette aldéhyde-en
l’'oxydant. Il a obtenu ainsi l'acide glycolique ; de plus,
- avec un excès d’acétate et phénylhydrazine, il a pré-
- paré la phénylosazone du glyoxal :
CH—AZ2HC5H°
| E
CH—AZHC5H®
Cette décomposition pourrait servir à préparer facile-
. ment cette alhéhyde. — M. M. James Walker et
J. R. Appleyard publient leurs travaux sur la stéréo-
chimie des éthers-sels de l'acide éthanetétracarboxy-
… lique. — MM. Philipps Bedson et Saville Shaw signa-
… lent la présence de l’argon dans les gaz extraits du sel
- marin provenant des environs de Middlesborough. —
…— M. K. Rose a étudié la dissociation du chlorure d’or
… dont il a mesuré la tension de dissociation à diffé-
« rentes températures jusqu'à 3329, L'action chimique
limite est représentée par l'équation :
ACTA IC
… Les pressions totales observées lorsqu'on chauffe en
vase clos un mélange de AuCI$ et AuCI sont beaucoup
plus élevées que les tensions de dissociation. Cela est
— dù à la pression de la vapeur de AuCI, qui augmente
À considérablement entre 200et 390°, Les pressions maxi-
… mum sont de beaucoup diminuées si l’on a laprécaution
… de séchersoigneusementles substances à expérimenter.
… Le même auteur a déterminé quelques propriétés
… physiques des chlorures d’or. Le point de fusion du
… trichlorure est de 288° pour une pression de chlore
- égale à deux atmosphères; sa densité est de 4,3, tandis
que celle du monochlorure est de 7,4, Ces détermina-
tions tendent à prouver que le volume atomique du
… chlore, dans ses combinaisons avec l’or, est de 4 X 5,1
au lieu de 3 X 5,1, comme l’a dit Schrôder pour quel-
ques autres composés. — M. J, Tudor Cundall, étu-
… diant la dissociation du peroxyde d'azote liquide, a dé-
terminé l'influence du dissolvant. Ses expériences ont
porté sur 14 liquides indifférents. La température joue
un rôle considérable dans la dissociation, L'auteur a
également remarqué que la constitution du dissolvant
a une influence sur la dissociation ; il'a trouvé, en par-
ticulier, que le chlorure d’éthylène est moins actif
dans ce cas que le chlorure d’éthylidène, — M, Fran-
cis R. Japp F.-R.-S. et Druce Lander ont obtenu,
en chauffant un mélange de benzile et d’acétoacétate
d’éthyle avec l’alcoolate de sodium, un produit de con-
densation qui se forme d’après l’équation :
2CHH1002-LCFH100%—C31H2805-H20.
C’est l'anhydrodibenzylacétoacétate d’éthyle, fondant à
210-211°; on n'a pu arriver à en isoler l'acide cor-
respondant; on en a fait les dérivés éthylés, isobutylés,
ete, Oxydé avec l'acide chromique, le produit de con-
densation fournit l’acide monobasique C2? H16 O* qui,
chauffé à 200°, donne comme produit de décomposi-
tion, le corps C2H16 0? ; on peut assigner à ces deux
composés les formules suivantes : :
CéH*CO CéH5CO
| |
C5H5—C—CO0H et C5H5—CH
| |
C5H5—CO C5H5—CO
Acide phényldibenzoyl- Phényldibenzoyl-
acétique. méthane.
MM. H.-R. Hirst et J.-B. Cohen : La formamide réa-
git avec les amines aromatiques primaires en présence
de l'acide acétique glacial en donnant des dérivés for-
myliques. La réaction a lieu suivant l'équation :
R'AzH?-ÆHCOAZH?+CH3CO?H=R'AzH. COH+CH*CO?ZAzHi
Les amines aromatiques secondaires ne réagissent qu'à
chaud ; les amines tertiaires ne réagissent pas même à
l’ébullition. Les mêmes auteurs ont publié leurs tra-
vaux sur une modification de la méthode de Zincke.
— MM. W.-H. Archdeacon el J.-B. Cohen ont pré-
paré l’acide cyanurique en chauffant l'urée avec du
chlorure de carbone, en solution dans 20 2/, de toluène,
dans un tube scellé porté à 190° et 2309, La réaction
probable est la suivante :
3CO(AzH??+L3COC= 2(COAZH)5 + 6 HCI,
M. C.-M. Luxmoore publie ses recherches sur les
oximes de la benzaldéhyde et leurs principaux dérivés
qu'il étudie au point de vue stéréochimique. — M. Ed-
ward H. Rennie a retiré de la Lomatia ilicifolia et de
la Lomatia longifolia, une matière colorante qu'il croit
ètre formée par l'hydroxylapachol. — MM. P. Wynne
et A. Greeves décrivent six dichlorotoluènes et leurs
acides sulfoniques. — MM. W. P. Wynne etJ. Bruce
publient leurs recherches sur les acides disulfoniques
du toluène et sur l'ortho et parachlorotoluène, —
MM. Wyndham R. Dunstan F.-R.-S. et Francis
H. Carr ontétudié les alcaloïdes dérivant de laconit;
ils s'étendent surtout dans cette communication sur la
pseudo-aconitine dont ils cherchent à établir la consti-
tution. Ce corps est le plus toxique de ceux qui se
trouvent dans l’aconilum ferox ; sa formule est :
C36 H49 AzO?? :
saponifiée, elle donne la pseudaconine et l'acide véra-
trique ; chauffée au-dessus de 104-1059, eile se transforme
en pyropseudo-aconitine. La pseudo-aconitine est donc
un corps analogue à l’aconitine ; la seule différence qui
les distingue, c’est que le groupe benzoyle qui se trouve
dans l’aconitine est remplacé par le groupe vératryle
dans la pseudo-aconitine.
ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM
La Société a recu récemment les communications
suivantes :
1° Sciences paysiques. — M. H. Kamerlingh Onnes
présente un mémoire de M. W. Einthoven intitulé :
Sur un disposiuif servant à isoler un objet quelconque
des tremblements d’alentour. Le dispositif consiste
essentiellement en une grande plaque de fer qui, sur-
568
nageant sur le mercure, supporte les instruments à
isoler. Pour faire juger du degré d'isolement, l’auteur
fait usage d’un godet rempli de mercure. Lorsque le
godet est placé sur une table fixe, la surface du mer-
cure se ride; sitôt qu'on le place sur la plaque flot-
tante, la surface redevient lisse. La plaque porte un
électromètre capillaire et un microscope. Les mou-
vements du ménisque de mercure dans le tube capil-
laire sont photographiés, et, quoique l'image projetée
soit huit cents fois plus grande que le ménisque lui-
mème,on n'observe aucune trace de tremblement dans
les courbes obtenues. A l’aide d’une série d’expé-
riences, l'auteur croit avoir trouvé les conditions sous
lesquelles tout objet flottant est isolé autant que pos-
sible des tremblements d’alentour. — Ensuite M. Ka-
merling Onnes présente un mémoire de M. J. P, Kue-
nen intitulé : Influence de la pesanteur sur les
phénomènes critiques des substances simples et des
mélanges, Pour les substances simples, l'influence de
la pesanteur se manifeste en ce que, dans un tube ver-
tical, entre deux volumes voisins situés de part et
d'autre du volume critique, le ménisque disparaît et
reparaît à une certaine distance des bouts du tube;
quand on fait changer la température. Mais ce phéno-
mène se montre toujours précisément à la mème tem-
pérature : la température critique, Pour une substance
pure, la pesanteur ne peut donc pas changer la valeur
qu'on trouve pour la température critique par la mé-
thode du ménisque. Cette méthode se trouve donc
entièrement justifiée. Employée avec soin, elle donne
en mème temps une valeur très rapprochée pour le
volume critique. Dans Je cas d’un mélange, au con-
traire, la pesanteur modifie les phénomènes critiques
de la manière suivante, Entre deux températures voi-
sines de part et d'autre de la température du point de
plissement (voir les mémoires précédents de l'auteur,
Rev. gén. des Se., t. IV, p. 719, 750; €. V, p. 855, 595, 771,
1007), les phénomènes critiques des mélanges, par
exemple la condensation rétrograde de première et de
seconde espèce, ne se manifestent pas complètement,
parce que, sous la compression, le ménisque disparait
avant qu'une des deux phases ait entièrement disparu.
Au point du tube où le ménisque disparait, la compo-
sition et la densité du mélange sont celles qui appar-
tiennent au point de plissement de la température
choisie. De cette manière la pesanteur peut, dans cer-
tains cas, troubler les phénomènes critiques des mé-
lauges. Cependant ces phénomènes des mélanges, sous
l'influence de la pesanteur, se déduisent tout de même
entièrement de la théorie de M. Van der Waals.
20 SCIENCES NATURELLES. — M. Th. H. Behrens : Sur
le dichroïsme artificiel. Le dichroïsme artificiel res-
semble à celui des expériences de Sénarmont. Les
expériences de l’auteur portent sur des fibres de lin,
de chanvre, de paille, de coton. de laine et de bois,
sous l'influence de diverses malières colorantes. A
l'exception des vases de bois, la courbe la plus foncée
des fibres correspond à des vibrations dans la direction
longitudinale des fibres. En général, le dichroiïsme
comporte une polarisation considérable; la soie et la
laine font exception à celte règle. D'après l’auteur, le
phénomène est d’un caractère plus compliqué que les
expériences de Sénarmont ne le feraient présumer ; la
combinaison de l'absorption et de la double réfraction
ordinaires ne suffit pas à l'expliquer. — M. Th. W. En-
gelmann : Sur la conduction réciproque et irréci-
proque d'excitations des fibres musculaires dans la
théorie du mouvement du cœur. Dans les circons-
tances normales, l'excitation, cause de la contraction,
se propage aussi facilement du ventricule à l’oreillette
que de l'oreillette au ventricule ; seulement quelques
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
jours contre la difficulté suñante :
ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES
moments avant la mort, et sous l'influence de poisons, «
on remarque des différences considérables entre les”
vitesses de conduction dans les deux sens. Jusqu'ici
l'on n’a pu donner l'explication de cette différence, con-
statée plusieurs fois. En supposant, avec M. Gaskell, que
la propagation de l’excitation du cœur est une consé-
quence de conduction musculaire, on s'est heurté tou-.
c'est que cette
conduction musculaire comme celle des nerfs n’a.
pas de préférence pour l’une des deux directions. A
présent, l’auteur croit pouvoir lever cette difficulté en
supposant que l'irritabilité et le procédé d'irritation
dans les diverses parties des muscles conducteurs ne
sont pas les mêmes. En effet, les fibres des oreillettes .
diffèrent tant morphologiquement que physiologique- .
ment des fibres des ventricules, et toutes deux elles dif-
fèrent des fibres épaisses entre oreillette et ventricule.
Quand toutes les parties conductrices de la trajectoire
sont formées de la même manière, le procès physiolo-
tique, qui se propage comme excitation dans les par-
ties qui s'influencent l’une l’autre, ne saurait différer
ni en qualité ni en quantité d’un lieu à l’autre et cette
excitation doit se répandre avec la mème facilité dans
les deux directions. Mais à la séparation de l'oreillette et .
du ventricule, où trois espèces différentes d'éléments
musculaires sont en contact l’une avec l’autre, les con-
ditions sont différentes. Ce cas est comparable à celui
de l’extrémité d’une fibre musculaire ou nerveuse, à
celui du contact des arbres extrèmes d’une branche
cellulifugale de nerf avec les dendrites ou le corps d’un
ganglion. Dans les derniers cas, la conduction irréci-
proque prévaut. Dans le cas du cœur, elle ne se déve- «
loppe que sous l'influence de certaines matières qui
augmentent les différences d’abord insensibles. La plus
longue durée des battements «spontanés » et de l’irrita-
bilité de l'oreillette, comparée avec celle du ventri-
cule, en donne une preuve. Parce que les muscles des
ventricules gauche et droit ne possèdent pas les mêmes
propriétés, surtout ou au moins quelques moments
avant la mort, ordinairement la conduction réciproque
se change alors en conduction irréciproque. Ceci ex:
plique les cas rares du battement indépendant du ven-
tricule gauche ou droit. L'hypothèse de l’auteur fait.
présumer qu'on serait à même de changer la conduc-
tion réciproque des fibres musculaires à rides trans- «
verses en une conduction irréciproque en mettant les
différentes parties de la fibre sous des circonstances
physiologiques différentes. Des expériences sur le
_muscle sartorius curarisé ont tout à fait affirmé cette
présomption comme le prouvent les myogrammes ori-
ginaux montré par l’auteur, Il se propose d'étendre ces
expériences à des nerfs. Probablement son principe
donnera l’explication de quelques phénomènes, inex-
pliqués jusqu'ici, par exemple, de l’absence apparente
d'irritabilité électrique directe en présence de conduec-
tibilité de Pexcitation physiologique normale qu'on a
observée dans des liges nerveuses régénérées et dans les
nerfs entourés localement par une atmosphère de CO,.
Probablement, dans ces cas, l'irrilation produite par
l'excilation électrique ne se propage pas à cause de
son caractère irréciproque; peut-être cela mènera-t-il à
trouver une autre excitation artificielle qui conserve
la faculté de se propager sous les circonstances défa-
vorables indiquées. — Ensuite M. Engelmann présente
un mémoire de M. H.J. Hamburger : Ein Apparut,
welcher gestattet die Gezetzse von Filtration und Üsmose
stroemender Flüssigkeiten bei homogenen Membranen zu
studiren (Un appareil qui permet d'étudier les lois de
filtration et d’osmose de fluides coulants à travers des
membranes homogènes), Sont nommés rapporteurs
MM. Engelmann et T. Place. P, ScHouTE.
Le’ Directeur-Gérant : Louis OLIVIER
|
À
2
FA
N° 19 15 OCTOBRE 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
or
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
L. PASTEUR
PUBLICATION DE SES ŒUVRES COMPLÈTES
La dernière livraison de cette Revue sortait de la presse quand lu mort de Pasteur fut
annoncée.
Après tant d'hommages rendus de tous les points du monde à la mémoire du grand
homme, la Revue, s'associant au deuil de la Science, de la Patrie et de l'Humanité, ne
peut que répéter le cri de l'universelle douleur.
Elle fait appel à tous ses amis, à tous ses lecteurs, à l'effet d'élever à la mémoire
du sublime génie que la Science vient de perdre, deux monuments dignes de sa gloire :
Il faut que la statue de Pasteur, placée, non seulement à l'Institut qui porte son nom,
mais en plein Paris, au milieu des foules occupées de leurs affaires on de leurs plaisirs,
leur rappelle la vie laborieuse du grand savant passionné de science et d'humanité ;
Il faut que la publication de ses Œuvres, synthèse complète de ses écrits dispersés,
permette à tous ceux que touche le progrès de l'esprit humain, de se nourrir de là pensée
du Maître, d'apprendre, dans la familiarité de ce puissant et bienfaisant génie, à pratiquer
la science et à servir l'humanité.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895, 19
870
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
PREMIÈRE PARTIE : FORGEAGE ET LAMINAGE
On désigne généralement sous le nom de forge
tout atelier où l'on faconne soil à bras d'homme,
soit au marteau à main, soil à l’aide d'engins mé-
caniques, lels que marteaux, pilons, laminoirs,
presses el à l’aide du feu, toutes les pièces de fer
et d'acier employées dans les diverses industries.
Toutefois, l’on réserve plus spécialement le nom de
Jforgeuge à l'action statique qui agit sur le métal
soit pour en chasser les scories interposées entre
les molécules, soit pour rapprocher les unes des
autres ces molécules, soit même pour souder entre
elles les diverses parties hétérogènes qui peuvent
composer la masse métallique. Les faces en con-
tact avec le marteau et l’enclume ne subissent
guère que des pressions normales. Dans les con-
ditions ordinaires, c’est dans la zone intermédiaire
que se produit l'effet d'étirage et de diminution
de section par le refoulement ou l'écoulement la-
téral des molécules du métal.
Dans le /aminage, au contraire, l’action est dyna-
mique. La masse métallique est bien soumise à
une pression dans son passage entre les cylindres
ou à travers les cannelures; mais, en même temps
que les zones centrales sont refoulées, les couches
extérieures sont soumises à un effort tangentiel
et poussées en avant par le frottement et le mou-
vement de rotation «les laminoirs.
I. — HISTORIQUE.
Le’ travail du fer et de l'acier par forgeage,
c’est-à-dire à l’aide du marteau et de l’enclume,
remonte à la plus haute antiquité. Il n’en est pas
de même du laminage. L'invention du laminoir
est attribuée à Bruckner, qui, en 1553, l’appliqua,
pour la première fois, à la Monnaie de Paris. Son
procédé fut très lent à se propager : l'Angleterre
n'eut qu’en 1663 son premier laminoir ; il fut éta-
bli à Shew près de Richemond, Le moteur des
cylindres fut d’abord une simple manivelle, puis le
cheval, puis une chute d’eau et enfin la vapeur, qui
transforma complètement la puissance de ces en-
gins et permit d'en développer la variété.
Jusqu'en 1840, les seuls marteaux mécaniques
employés élaient des pièces métalliques soulevées
par un moteur indépendant à une certaine hauteur,
toujours la même, quel que soit le travail à effec-
tuer, et relombant par leur propre poids sur la
pièce à forger. Tels étaient le martinet ou marteau
à bascule, le marteau à soulèvement ou à l'alle-
mande et le marteau frontal anglais exclusivement
fonte, depuis le fer le plus doux, c’est-à-dire con-
à
employé jusque vers 1840. Le marteau à vapeu
de Bourdon fut alors une invention capitale
qui modifia complètement l’industrie du forgeage
en lui permettant d'aborder la fabrication de pièces.
de grandes dimensions. La puissance de ces mar-
teaux, depuis cette époque, s’éleva graduellement,
età ce sujet il est intéressant de rapprocher le pre
mier marteau de Bourdon construit au Creusot,qui
élait de 2.500 kilos avec 2 mètres de levée, de celui
qui existe actuellement aux mêmes usines, qui
pèse 100 tonnes et a 5 mètres de levée, el aussi de
celui des frères Marrel à Rive-de-Gier, qui pèsem
100 tonnes et a 5"200 de levée.
La presse hydraulique, bien connue pour ses
innombrables emplois dans les arts industriels, a
été appliquée en 1861 par M. Harwell. Mais ce n’est
que dans ces dernières'années que son action a été
mise en parallèle avec celle du pilon et que l’on à
été amené à lui donner des puissances énormes.
Ces quelques préliminaires posés, nous allons
décrire l'état actuel de cetteindustrie qui asuivi et
même entrainé d'une façon constante les progrès
incessants des chemins de fer et de l’armement..
Il est nécessaire, avant tout, d'établir nette
ment la distinction entre le fer et l'acier, consi-
dérés au point de vue de la forge :
Depuis les procédés d'affinage modernes, on
peut obtenir à l’état fondu un terme quelconque. |
de la série continue qui existe entre le fer et la
tenant moins de 0,10 °/, de carbone jusqu'aux
aciers extrêmement durs (1,50 à 2°/,). Quel que «
soil done son degré de carburation, tout métal «
coulé à l'état de lingot subira au forgeage, de la part
des outils auxquels il sera soumis, une aclion »
mécanique identique, Les conditions de Llempéra-
ture seules varieront, le métal {rès doux pouvant
èlre beaucoup plus chauffé que le métal dur.
Au contraire, s’il s'agit de métaux, fer ou acier,
obtenus par ce brassage dans la flamme qu'on
nomme le puddlage au four !, le travail de forge
consiste : d’abord à expulser les scories, puis à
1 Rappelons, à ce sujet, que, dans le four à puddler, la fonte,
maintenue, au-dessus d’une couche d’oxyde de fer, à l’état
de fusion par une flamme qui lèche sa surface, est, au moyen
de ringards, brassée dans cette flamme. Dans cette opération
l'oxyde de fer brûle une partie du carbone répandu dans
Ja masse du métal impur. En même temps que s'opèrent
ainsi la réduction du fer oxydé et l'expulsion d'une partie du
carbone sous forme d’oxyde de carbone, il y a action réci-
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E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
871
souder entre elles les différentes parties de fer
ou d’acier, de façon à en former un bloc absolu-
ment comparable à un lingot de métal fondu.
C'est ce travail de forge que nous étudierons
en premier lieu. :
JI. — TRAVAIL DES MÉTAUX SORTANT DU FOUR A PUDDLER.
Le (ravail mécanique, soit par forgeage, soit par
Jaminage, fait partie intrinsèque de la fabrication
proprement dite du métal puddlé au four. C'est la
dernière étape des opérations de puddlage, soit du
fer, soit de l'acier. On expulse, en les cénglant,
les silicates que contiennent les loupes retirées
des fours ; on obtient ainsi un petit parallélipipède
assez impur, que l’on transforme en barre plate
au laminoir. Cette barre n’est pas encore suffisam-
ment purgée de ses scories, ainsi qu'on peut le cons-
later aux criques qui règnent le long de ses bords.
Le du fer brut : on la découpe alors en troncons,
qu'on réunit dans un même paquet, lequel est
porté au blanc soudant, puis passé de nouveau au
laminoir. Le produit oblenu est le fer marchand. -
Pour le cinglage, on emploie exclusivement
aujourd'hui le marteau-pilon, qui consomme, il est
vrai, beaucoup de vapeur, mais qui permet de faire
varier lacompression suivantles besoins.Les pilons
cingleurs ont, en général, une force de 1.500 à
2.000 kilos; pour les loupes du four Bouvard on em-
ploie, par extraordinaire, des pilons de 10 tonnes.
.Ces pilons sont le plus souvent à simple effet.
& Le laminoir (fig.1, PL. I) employé pour exprimer
du métal puddlé ses scories, est, en général, en
duo, c'est-à-dire qu'il comprend seulement une paire
de cylindres. Les formes des cannelures de ces cy-
Jindres sont très simples, leurs dimensions vont en
diminuant; les déyrossisseuses sont généralement
ovales dans le but d’une compression plusuniforme,
Jes Jinisseuses-carrées, puis rectangulaires plus ou
Donne rapport d'une section àla suivante
est de : la longueur des cylindres est de 4",20 à
D,50.
- On à cherché, en ces derniers temps, à s’affran-
chir de quelques-unes des nombreuses opérations
que nous avons décrites plus haut pour obtenir
le fer marchand laminé en profilés spéciaux, feuil-
lards, et fils dits machine, ete. Indiquons comment
procèdent les Forges de Champigneulles : Les fontes
employées au puddlage sont de bonne qualité
blanche, chaude ou truitée-blanche. Les additions
de fondants ou de ferros sont faites non plus seu-
————————————————————————_——_—
proque du carbure et des silicates basiques de fer compris
dans la masse en fusion. C'est en cela que consiste le pud-
dlage au four. Ce puddlage purifie, comme on voit, le métal,
mais laisse néanmoins, cà et là, dans la masse, des concrétions
Silicatées, des scories, que les opérations mécaniques ont
ensuite mission d'expulser. (Nele de la Direction.)
lement en vue d'améliorer la qualité, mais aussi en
vue de simplifier beaucoup le laminage. L'essentiel
est de terminer le puddlage très chaud et de ne pas
laisser aux scories lé temps de se figer dans les opé-
rations de cinglage et de laminage. La loupe est cin-
glée commeprécédemment, mais est de suite trans-
formée, d’une seule chaude et sur un seul train, en
laminés de toute nature, sans passer par l’ébau-
chage au train brut, ni par le paquetage des ébau-
ches. Le prix des laminés quelconques est ainsi
ramené à celui du fer brut. Dans certains cas, il
est nécessaire de faire passer quelques minutes le
lopin cinglé dans un four à souder avant de l’en-
voyer au laminoir, mais il n’en est pas moins évi-
dent que les frais de la transformation du métal
en ébauchés à découper, à paqueter et à réchauffer,
sont par ce procédé complètement évités.
Nous ne nous arrèêterons pas plus longtemps sur
les procédés de forgeage ou de laminage qui se
rapportent à la fabrication des fers et aciers pud-
dlés. Les aciers puddlés ont à peu près disparu pour
laisser place à l'acier produit sous forme de lingots.
Quant au fer, iltend de plus en plus à être remplacé
par l'acier extra-doux, obtenu également à l’état
fondu. Néanmoins, ilest encore employé sous forme
de tiges de pilon, de profilés divers, de fils et même
de plaques de cuirassement ; mais son finissage
soit au pilon, soit au laminoir ne diffère en rien de
l'élaboration de l'acier, que nous allons passer en
revue en suivant l'ordre chronologique et en
commençant par le forgeage.
IIT, — FORGEAGE DE L'ACIER EN LINGOTS
Le forgeage de l'acier à des températures con-
venables a pour résultat remarquable de modifier
sa structure et d'augmenter considérablement sa
ténacité. Depuis les belles études de M. Osmond
sur l'analyse micrographique des aciers, on peut se
rendre compte des qualités du métal d’après l’as-
pect de sa cassure : on sait comment sa structure
varie avec les teneurs en carbone, comment elle
se transforme sous l'influence de la température
ou de la vitesse de refroidissement (fig. 2 et 3). On
a donc à la fois un guide et un contrôle au traite-
ment physique,et les limites entre lesquelles telle
nature de métal doit être traitée sont désormais
bien définies. Nous n’entrerons pas dans le détail
de ces travaux si remarquables, ce qui nous entrai-
nerait beaucoup trop loin. Indiquons seulement
que la structure de l'acier coulé comprend des
grains de fer à peu près pur, reliés par un ç ciment »
de carbure de fer. Ces granulations s’agglomèrent
pour constituer des aiguilles prismatiques limitées
par une série de lignes brillantes. La structure du
même métal forgé présente un aspect général sem-
blable, mais où les dimensions absolues du réseau
872 E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
sont naturellement réduites. Le forgeage done, | dement encastrée, et le résultat obtenu au moyen
S'il est elfectué dans les conditions normales, | d'un pilon balistique, dans lequel le pilon comme:
c’est-à-dire à des températures appropriées au
degré de dureté, pétrit le métal et augmente sa
densité, en achevant mécaniquementla distribution
du ciment commencée par le chauffage.
Procédés de Forgeage en France. — Deux procédés
sont utilisés pour ce travail: de pétrissage et tous
deux ont leur raison d'être. D'un côté, c'est le for-
geage par choc oblenu au moyen du marteau-pilon
(fig. 6 à 12); de l’autre, c’estle forgeage par la pres-
sion lente et progressive, que. fournit la presse hy-
draulique (fig. 4et5).Ilestassezdificile, étantdonné
l’enclume sont suspendus à la facon des pendules:
L'essai eut lieu sur de pelits cylindres de cuivres
coupés sur une même tige de 12"%,5 de diamètre
à 46%%,9 de longueur. On sait que l'énergie totale
dépensée est déterminée par le produit P H(P poids
Deux sériesu
d’ éprouvettes identiques furent soumises à l'ac-m
tion l’une d’un pilon, l’autre du second, de façon! e
PAU gra indé
déformation fut nécessairement obtenue avec l'en
du marteau, H hauteur de chute).
à recevoir des chocs égaux. Une
clume encastrée, En évaluant la proportoin d’éner-
gie transmise en plus à l'enelume du pilon balis-
Fig. 2.
Ë
Fig. 2 et 3. — Mélallophologrammes oblenus par M.
(fig. 3). La figure 2 (coupe faite dans le sens du forge:
voir la réduction et la fragmentation de cette dispo
l'agrandissement de 100 diamètres.
geage. La maille du premier est très large, cel
) montre un réseau à mailles moyennes.
sition, résultant du-recuit à 10150.
Fig.
: acier forgé (fig.: 2), acier recuit
le du second très réduite. S'il s'agit d'acier doux, les parois de la maïlle,m
{ans les deux cas, sont du fer à peu près pur, et le contenu du carbure de fer.
un pilon déterminé, d'établir quelle serala puissance
d'une presse équivalente ; le mode d'action des deux
outils est trop dissemblable pour arriver à une
équivalence rigoureusement exacte. Le mieux est
de se baser sur des résultats acquis par l'expé-
rience, qui permet de calculer la pression maxima
dont on à besoin dans chaque cas. Ainsi, si l’on se
donne la surface de métal sur laquelle on veut
presser, il faut compter qu'une pression de 500
à 800 par centimètre carré suivant la température,
est nécessaire au forgeage. Une presse de 4.000 Lon-
nes équivaut comme puissance de production à un
pilon de 120; mais il n’y a pas de rapport exact à
établir puisque, dans cette proportion, n'intervien-
nent ni la hauteur de chute ni le poids de la chabotte
fondation supportant lapièce frappée) dans le pilon.
Le docteur F. Fick à comparé l'effet produit par
un pilon ordinaire, frappant sur une enclume soli-
tique, on trouva qu'elle s'élevait à 30 °/,. Pour une
dépense d'énergie donnée, la puissance du choc
dépend de la résistance qu'offre la pièce frappée ;
plus cette résistance est-faible, plus le travail
absorbé par l'enclume est considérable. Le poids
à adopter pour les chabolles doit être de 7 à
10 fois celui du marteau suivant la grosseur du
pilon. L’enclume reçoit au moins 20 ?/, de la force
produite et le reste se perd en vibrations.
Dans la presse, au contraire, les fondations sont
insignifiantes, et l'effort du piston du pol de
presse est transmis intégralement au lingot. Il en
résulte que les lingots peuvent être travaillés plus
froids, par conséquent plus longtemps, et que le
métal subit moins de chaudes ! qu’au pilon où, dans
ces conditions, l’on aurait à craindre la rupture
1 La chaude esi la double opération qui consiste dans Le
chauffage du lingot et le forgeage consécutif.
"
Osmond el reproduits ici en simili. — Ces deux microphotographies
montrent la différence de structure interne qui distingue l'acier à deux stades du travail :
4
La figure 3 (métal recuit) fait M
\
Ces photogrammes ont été faits à
— On obse Êre des différences non moins tranchées entre l'acier avant et après le for-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (Numéro du 15 Octobre 18
2
Reugeser Ms repelse
4. — Presse Davy (Puissance : 4.000 /onnes) de.
visible sur cette figure, un sommier situé au-dessot
supérieur, visible . par 4 colonne
à travers lequel on voit le fond de 1
(visibies dans l’espace vide et variable) viennent pousser la /raverse, grosse pièce que l'on voit au-dessus
et contre-maitres photographiés ici. Derrière leur tête se voit l’enclume ou panne qui effectue le forgeage. — L:
est guidé d'une part, aux 4 coins, par des colliers qui embrassent les colonnes, d'autre part par une colonne ver-
ticale et médiane qui s’engage dans une gaine du sommier supérieur. Le relevage de la traverse se fait hydrauliquement,
ace à ylindres invisibles ici et attachés latéralement au sommier supérieur. Au-dessus de la presse « ns Je fond
are on voit un pont électrique de 150 tonnes.
iéries de Saint-Chamond. — La presse comprend, outre la partie
du plancher. Ce sommier intérieur est fi et relié au sommi
(Le sommier supérieur commence au-dessus de l’espace vide, variable,
sommier supérieur porte deux cylindres hydrauliques dont les ]
ns CNT
CNRS
« + hu D <> LA ie D ve k x < F :
PRE ON MN CA RCE FRE tan: SEL NE nd Sheet Ti es Lu
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ENÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (Nuinéro du 15 Octobre 1895)
==
M
is h a
Ju (7 Ja ES |
> & fort du]syslème Breuer, Schumacher et Cie, de Kalk,
construile par MM.
à simple
Fic. — US?'ESS
à Ferrière-la-Grande (Nord). — Cette presse se Compose essentiellement de deux parties : le compresseur,
de la figure, et la presse nent dite. Le compresseur est constitué par le cylindre
et au-dessus par un « ] ique en acier forgé, relié au cylindre à vapeur au moyen de quatre €
forgé. La distribution de la vapeu yÿ fait à l’aide d'un tiroir cylindrique équilibre, La vapeur,
ontenu dans le conte inférieur, le fait monter, et la tise de ce piston, qui
iu dans | ylindre hydraulique install ur la paesie proprement dite. Celle-ci, comme les
IX Soin reliés ide ment p ir quatre Colonnes en acier forgé. Le cylindre hydr: iulique,
é ul porté par le sommier supérieur Le piston hy ntche du pot de
rmédiaire d'une traverse HObE que l'on relève à l'aide de deux petits cylindres à vapeur
s du sommier supérieur, Aussitôt que la pression est terminée, le
le Ja pesanteur et ja vapeur passe sur l’autre face du piston pour réchauffer le cylindre.
Ut
g. Delaltre
situé à &
à vapeur vertical qui est à la base,
olonnes en acier
intré te sous le piston
forme elle-même piston hydr: iulique, ‘
autres presses,
ou pol de presse, es
presse agit suc le marteau forgeur par
eltet placés au-
pist nn à vapeur redescend automatiquement sous
F E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
813
RE —— ———————————————————————…—"—"—…—"—…"—"—"—"…"…"…"…"…"…"—"—"—"…"…"…"—"—"—"—"—"—"—"—"——
des Liges, l’'enfoncement de la chabotte et beau-
goup d’autres inconvénients.
Au point de vue dela construction, les pilons pré-
sentent sur les presses l'avantage de la simplicité et,
par conséquent, de grandes facilités d'entretien.
Mais, d’un autre côté, les frais d'installation des
presses sont bien moindres, et, d’ailleurs, Lous les
. sols conviennent à ces installations. Il est à re-
Do à ce sujet, que les usines anglaises n'ont
…pas monté de pilons monstres, comme on en ren-
. contre dans quelques usines du continent, mais
pre toutes emploient des presses.
Au point de vue du forgeage, les résultats oble-
- nus sont loin d’être identiques : la presse orge à
cœur, c'est-à-dire agit profondément, landis que
l'action du pilon se fait plutôt sentir à la surface.
Sur un lingot un peu gros, le forgeage de la partie
centrale peut donc être défectueux, ou bien,
pour éviter ce défaut, il faut proportionner la
puissance du pilon à ie du Hngoi, ce qui n'est
. pas toujours possible.
La presse, d'autre part, a l'inconvénient de ne
pas décaper d'elle-même le mélal, comme le fait
le pilon : il faut nettoyer constamment la surface
à forger, ce qui exige des relards et plus de main-
d'œuvre.
Il résulle de ce qui précède que les deux outils
doivent être employés concurremment : la presse
pour ébaucher, le pilon pour finir. Grâce à la rapi-
. dité de travail qui caractérise la presse, celle-ci
- permeltera de chauffer moins souvent le lingot et,
….par conséquent, de ne pas nuire à la qualilé du
- mélal, à la condition toutefois que l’on opère par
. petites passes et que l’on évite les déformations
trop grandes, qui amènent les criques et les
veines sombres. Puis la pièce sera terminée, pa-
rée, comme disent les forgerons, à l’aide du pilon,
dont on peut apprécier le travail d'autant plus
» facilement que le marteau se relève très vite et que
la surface du métal est immédiatement décapée.
En ce qui concerne les travaux de matricage, la
presse et le pilon sont également employés. Quant
… à l'emboulissage, il se fait à la presse avec une fa-
cililé remarquable.
2 + Ce ÉR UE
Presses. — Différents systèmes de presses
hydrauliques sont aujourd'hui en usage ; le cadre de
cet arlicle ne nous permetlant pas d’en faire la des-
criplion détaillée, ni d’en montrer les principales
différences, nous nous bornerons à indiquer ce
qui les caractérise particulièrement :
Dans une étude très complèle présentée à la
Société de l'Industrie Minérale, M. Dufour a classé
les presses en quatre catégories :
4° Presse à course continue avec accumulateur ;
2° Presse à course continue sans accumulateur ;
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 4895.
3° Presse à course partielle variable;
4° Presse à course partielle invariable.
Le type de la 1" catégorie est la presse Tannett
Walker. Les pompes refoulant l'eau non seule-
ment pendant la période de pression, mais aussi
pendant les arrêts jusqu'à remplissage de l’accu-
mulateur, leurs dimensions peuvent être moindres,
à vitesse et à puissance égales, que s'il n’y avait
pas d’accumulateur. Mais ce système offre un gros
inconvénient : c'est de ne pouvoir qu'imparfaite-
ment proporlionner le travail fourni à la résis-
tance du lingot à forger.
La 2° classe est représentée par la presse Davy
(fig. 4, PI. IT). Il n'ya pas d'accumulateur. La machine
à vapeur qui commande les pompes n'a pas de
volant. Il en résulte des variations de vitesse consi-
dérables, qui sont très fatigantes pour les organes.
Néanmoins, cette presse est bien éludiée, elle est
très complètement guidée et peut forger absolu-
ment en porte-à-faux, gràce au mode d'attaque de
la traverse mobile par des contacts sphériques,
qui conservent aux pistons leur vertlicalité. Cette
presse est l’une des plus employées.
La presse Breuer-Schumacher reñtre dans la 3° caté-
gorie (fig. 5, PI. IN). Les pompes dans cette presse
sont remplacées par Le compresseur: c'est un cylin-
dre à vapeur vertical, et la tige de son piston forme
piston hydraulique dans un corps de pompe placé
au-dessus. Si l'on admet la vapeur sous le piston,
l’eau est refoulée dans le pot de presse. On peut
donc produire dans le lingot une empreinte pro-
portionnelle à la course ou piston à vapeur, qui est
variable. Le relevage de la presse se fait à la vapeur,
tandis que, dans les deux types précédents, il était
hydraulique et à basse pression. Ce système a l’a-
vantage d’être simple et robuste et d'exiger fort
peu de frais d'entretien. Il se développe de plus en
plus, notamment dans le Nord de la France.
La dernière catégorie est relative à la presse
de Galloway, dont un seul type existe aux Ateliers
Bessemer.
Pilons. — Jetons maintenant un coup d'œil sur
les pilons. Disons d’abord que les marteaux-pilons
sont à simple effet ou à double effet, suivant que la
vapeur sert seulement à relever le marteau, ou
qu’elle ajoute encore son action et vient augmenter
l'énergie du choc, et que les marteaux d'une cer-
laine puissance sont généralement à simple effet.
Le marteau pilon du Creusot (fig. 12, PI. VI), dont
tout le monde a pu admirer le modèle en bois à l'Ex-
position de 1878, aétéaugmenté depuis et porté de 80!
à 100" avec une hauteur de chute de 5 mètres.
C'est à ce pilon que sont forgés actuellement les
gros lingols d’acier de 50! et DIRE, qui fournis-
19°
814 E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
sent les plaques de tourelles et de ceinture de nos
cuirassés, ainsi que les grands canons de la Marine.
La chabolle, qui pèse 720 tonnes et qui, sous les
coups de pilon reçus depuis cetle époque, était
descendue d’envi-
ron 0®,60, a élé
réparée l'an der-
nier. On y a rap-
porté une pièce de
la même épaisseur
en acier martelé,
pièce qui lient par-
faitement. Depuis
quelques années ,
le Creusot a con-
curemment intro-
duit dans le for-
geage l'emploi des
presses à forger,
lesquelles peu-
vent, en un certain
nombre de cas, se
substiluer aux
marteaux-pilons .
En dehors de ses
presses à gabarier
dont l’une a une
puissance de6.000
tonnes et l'autre
de 41.200 tonnes,
le Creusot possède
unepresse Tannell
de 2.000 tonnes el
doit installer pro-
chainement une
nouvelle presse
Whitworth de
3.000 tonnes.
Les usines Mar-
rel, de Æive-4de-
(rier et des £laings,
comportent, elles
aussi, un oulillage
en pilons des plus
remarquables .
Nous donnerons
quelques détails
sur le marteau
pilon de 100',dont le modèle au L figurait à l'Expo-
sition universelle de 1889 (fig. 6, 7 et 8). La cha-
botte est composée de 4 assises, les trois infé-
rfvéce de vapeur
PTIT AT ANT Te
Fig. 6. — Diagramme de l'élévalion du grand pilon de 100 {onnes des
Usines Marrel frères, montrant l'admission de vapeur pour la com-
mande du pilon.
A rh
rieures pesant chacune 90 tonnes et la dernière,
selle du dessus, qui recoit immédiatement le
tas ou l'élampe, pèse 125 lonnes et est d'une seule
pièce. L'ensemble, y compris les frettes, alteint
le poids de 760 tonnes. Cette chabotte est placée
sur un massif en bois de chêne, reposant sur une
maçonnerie qui forme un tout compact avec le ro-
cher subjacent. La hauteur lotale de celte chabotte
est de 4",700. Le
diamètre du cy-
lindre à vapeur
est de 2 mètres,
celui de la tige de
310 millimètres ;
la course maxi-
ma du piston, de «
5190. La distri- 4
bution de la va-
peur s'opère par
un liroir cylindri-
que et la pression
de celle-ci doit
être d'au moins
3*,900. Nous don-
uerons une idée
de l’imposant as-
pect de cel outil
en ajoutant que la
hauteur de la con-
struclion, au-des-
sus du sol, est de
48,800.
C’est aux usines
de Suint-Chaumond
que nous consla-
tons l’oulillage le
plus homogène et
le mieux entendu .
au point de vue du
forgeage. A côté
d'un marteau-pi -
lon de 100 tonnes
(fig. 9, 10 et 11)
se trouve une pres-
se Davy de 4.000!
Aux usines de
Saint-Jacques , à
Montluçon, la pré-
férence est toul
entière donnée au
forgeage àla pres-
se. C'est là que fut installée la première presse de
4.000 tonnes fonctionnant en France, et le système
adopté est celui de Tannett Walker el C°.
Procédés de Forgeaye à l'Etranger. — Les Anglais
donnent la préférence à la presse: l'usine Cannuell,
de Sheffield, forge avec une presse Davy de 4000".
ET APPLIQUÉES (Numéro du 15 Octobre 1695)
a
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=
5
a
a
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a)
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a
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PA]
a
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Vue extérieure du grand pilon montrant en même temps les grues de manœuvre,
Diagramme donnant la vue extérieure du grand pilon de 100 tonnes.
Fig. 1. — Marteau-pilon des Usines Marvel frères aux Etaings, près de Rive-de-Gier,
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (Numero du 15 Octobre 1895
Fier. 8. — Vue extérieure du grand Marleau-Pilon de 100 lonnes à l'atelier de grosse forge de l'Usine des Elaings, de
MM. Marrel freres (de Rive-de-Gi Cette figure représente une sCance de forgeage. Un lingot de 50 tonnes, qui doit
donner un corps de canon de #2 centimètres de calibre, subit une sixième chaude destinée à l’étampage. On peut voir le
manchon qui sert à l’amarrage du linsot, le ringard chargé de rondelles contre poids percées de trous où les hommes intro-
duisent successivement leurs leviers, le vreur suspendu au pont roulant, qui transmet son mouvement de rotation à la chaine
formant jarrelière et par conséquent au nanchon sur lequel cette dernière est enroulée. Au premier plan, à droite, sont
f ur rie de pant jui peuy les étampes employées pour la chaude actuelle. Sur la gauche, on aper-
empla(
s chaudières verticales des fours à réchaufier
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
875
Les usines Brown, Firth, de Sheffield, Lotwian Bell,
de Middlesbrow, etc., emploient exclusivement la
pression hydraulique pour le forgeage des grosses
pièces. La plupart des usines anglaises font usage
_ de presses horizontales jointes aux presses verli-
_ cales. Le lingot est successivement soumis à l’ac-
_ tion de ces deux outils et, en quelques minutes,
se trouve complètement dégrossi sur ses quatre
_ faces, sans qu'il y ait eu nécessité de le faire
tourner sur champ, c'est-à-dire de 90°, ce qui
n'est pas toujours une manœuvre commode, dès
- qu’il s’agit de pièces un peu lourdes.
M. Pierre Arbel sur l'Exposition de Chicago les
renseignemens suivant(s :
Les usines de Befhléem dans le canton de Nor-
thampton (Etats-Unis) ont à leur disposition un
pilon de 125 tonnes et une presse à forger de
1.4000 tonnes. En ce qui concerne le pilon, le poids
total de la chabotte est de 2.150 tonnes, le dia-
mètre du cylindre de 1",930 avec une course de
> mètres, el la pression de la vapeur d'environ
8 kilos. La tige du piston en acier forgé, de 0®,43
de diamètre, est creuse sur loute sa longueur, qui
est de 12%,200. La hauteur totale du pilon au-
… Fig. 9, — Marteau-pilon de 80 tonnes des Usines de Suint-Chamond, vu de face. — À, pilon de 80 tonnes; B, grue; C, che-
valement d'appui des grues; F, plateforme du pilonier; G, levier de prise de vapeur; H, lingot en martelage,
Il y a de nombreuses presses installées dans les
usines de la Ruwkr en Allemagne, et là, comme en
France, elles sont employées en même temps que
les pilons. Les premières presses employées er
Allemagne y ont élé importées d'Angleterre; les
grands constructeurs de la région en fabriquent
aujourd'hui des lypes très appréciés. Nous cite-
rons la presse de 6000! à 2 compresseurs alter-
nalifs du type Breuer Shumacher et C!° qui fonc-
tionne aux usines Krupp, à Zssen. Une presse de
1,500! du même système forge aux usines de Couil-
(5 EE
Sur les plus puissants engins de forgeage qui
existent dans les grandes usines du monde, nous
emprunterons à la très intéressante brochure de
dessus du sol est de 27",430 et sa plus grande
largeur de 11",500. Cet outil fonctionne depuis
1891 et sert au forgeage des blindages, des canons,
des arbres coudés ou forgés sur mandrin. Il a forgé
le gros arbre de la roue Ferris, la grande attrac-
tion de l'Exposition de Chicago, arbre qui n'avait
pas moins de 0,813 de diamètre et 13,325 de lon-
gueur. La presse de 14.000!, destinée spécialement à
la fabrication des blindages, vient d'être terminée :
elle est du système de Withword modifié par
M. John Fritz. Elle se compose de deux cylindres
hydrauliques de 1,270 de diamètre, indépendants
l'un de l’autre, à rotules, de sorte que le forgeage
conique peut se faire facilement sans” l'emploi
d’étampes spéciales. La pression de l’eau est de
S7ü E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
500 kilos par cenlimètre carré : celle-ci est fournie | On voit que, dans presque tousles pays, les deux
par 4 pompes de 16.000 chevaux de puissance ; les | engins de forgeage sont employés; mais il est
Fig. 10. — Marleau-pilon de 0 lonnes des Usines de Saint-Chamond, vu de côté. — À, Pilon de 80 tonnes; D, D, Fours à gaz.
cylindres à vapeur des machines motrices ont | cerlain que la force hydraulique permettra plus
2",286 de diamètre; la course de piston est de | facilement d'atteindre ces pressions formidables
UE I VO
entier Brut der
+ D =
Fig. 11. — Marteau-pilon de 80 tonnes des Usines de Saint-Chamond, vu par-dessus. — B, B, Grues ; C, Chevalement d'appui
des grues; D, D, Fours à gaz.
1 mètre et le nombre de tours de 80 par minute. | que rendent de plus en plus nécessaires les exi-
Les cylindres des pompes ont 0,280 de diamètre | gences de l'armement et les résullantes de cette
el une course de piston de 1",43, lutte toujours ouverte entre le canon el la cuirasse.
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E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 87
IV. — OPÉRATIONS ANNEXES DU FORGEAGE.
Après avoir passé en revue les outils prinei-
paux de forgeage, il nous parait utile de com-
pléter la description dumatérielemployé, en disant
quelques mots au sujet des fours qui servent à
réchauffer le métal avant de le soumettre à l'ac-
tion mécanique des pilons ou presses, ainsi que
des appareils destinés à faciliter la manutention
des pièces à forger, lesquelles sont parfois d'un
poids considérable, done peu maniables.
Fours à réchauffer. — Un sait qu'un lingot, une
fois coulé, se refroidit el sesolidifie beaucoup plus
vite à l'extérieur qu’à l’intérieur : il en résulte une
contraction dela partieinférieure dulingot, contrac-
tion qui détermine dans le haut une sorte de cavité
appelée l'entonnoir de retassement. Il en résulte éga-
lement une tension moléculaire centrale qui serait
préjudiciable à la bonne tenue au feu du métal si
celui-ci était brusquement porté à haute tempéra-
ture et si les parties internes n'avaient pas le
temps de recevoir assez de chaleur pour se
dilater et suivre les mouvements de la surface.
On voit donc la nécessité d'un chauffage très
soigné et, pour éviter les déchirements internes
qui se produisent avec un bruit de cloche, —ce que
les forgerons expriment en disant que les lingots
sonnent, —l'obligation de ne jamaisintroduire une
pièce froide dans un four chaud. Les fours à ré-
chauffer (P1. VI ont des formes et des dimensions qui
varient nécessairement avec celles des lingots ou
des pièces à forger. Ce sont des fours à réverbère
plus ou moins surbaissés, suivant la température
plus ou moins élevée à laquelle on veut porter
les pièces. Ils sont chauffés soit directement à
la houille, soit au gaz avec gazogènes et régénéra-
teurs Siemens (D, fig. 10et 11). Les fours à gaz per-
mettent l'emploi de combustibles de mauvaise qua-
lité, mais exigent une continuité absolue dans les
travaux de forge, attendu que l'allumage de-
mande beaucoup de temps. Aussi, malgré les
avanlages de ces derniers, préfère-t-on les fours à
grille ordinaire : leurs flammes perdues sont alors
utilisées pour chauffer les chaudières qui donnent
la vapeur aux marteaux et aux machines.
Le lingot à forger est, en général, muni d’une
queue d'amarrage, sorte d’appendice ménagé à
l’une de ses extrémités, que lon saisit soit avec
un #anchon, si la pièce ne doit subir aucun choc
pendant le travail, soil avec une paire de griffes
reliées à la queue par des freltes placées à chaud
et serrées au moyen de coins, si la pièce est des-
linée au pilon. Un long ringard est emmanché
dans l’axe soit du manchon, soit des gritles et
supporte à son autre extrémité une série de ron-
delles, contrepoids qui font équilibre au lingot. On
comprend, dès lors, qu’en suspendant lout ce sys-
tème en son centre de gravité au crochet d'une
grue où d’un pont roulant, on puisse l'amener du
four au pilon ou à la presse et inversement. De
plus, en plaçant un certain nombre d'hommes à
l'extrémité du ringard, ceux-ci peuvent, après
un coup de pilon, faire abattage, c'est-à-dire sou-
lever la pièce pour la déplacer légèrement en
arrière et soumettre au forgeage les parties voi-
sines qui n'ont pas encore subi l'action de l'outil.
Dans bien des cas etsurtout lorsqu'ils’agit de gros
lingots pour blindages, la fosse de coulée (PI. VIT ne
permet pas d'y ménager une queue d'amarrage ;
on doit done employer, pour les entrer et sortir, de
longues (enailles à une ou deux branches, parfai-
tement équilibrées dans le haut, que l’on passe
sous les lingots. On forge ceux-ci en les soute-
nant de part el d'autre du pilon ou de la presse à
l’aide de jarretières suspendues au pont roulqnt,
ou au moyen de tabliers releveurs munis de repous-
soirs comme ceux que l'on a installés à la presse
de 4.000 tonnes de Saint-Jacques. On a beaucoup
simplifié les condilions d'entrée et de sortie des
fours en rendant mobiles certaines parties de
ces fours, ce qui permet aux appareils de levage
de manœuvrer au-dessus même des pièces qui y
sont placées. Il existe des fours à sole mobile et des
fours à voûte mobile. Dans les premiers la sole est
constituée par la plate-forme d'un chariot s’intro-
duisant dans des rainures encastrées dans les pié-
droits : un treuil, hydraulique ou à vapeur, situé à
l'arrière, met enmouvement lechariot, —les joints
entre les parties fixe et mobile étant soigneusement
bouchés par du sable argileux. Dans les fours à
voûte mobile, au contraire, la sole est fixe, mais la
calotte supérieure du four peut être déplacée sur
un chemin de roulement supérieur,au moyen d'un
pont roulant ou plus simplement d’un treuil fixe.
Appareils de levage. — Ces appareils sont le plus
souvent des grues dans les ateliers à pilons et des
ponts roulants s'il s'agit de desservir les presses.
Nous citerons les grues à col de cygne des Usines
Marrel (Voir PI. V), les 4 grues qui desservent le
pilon de 100! du Creusot Voir PI. VI), dont 3ont une
puissance de 100 tonnes et l’autre de 160 tonnes, el
les grues à double pivot deSaint-Chamond (fig. 11).
Les premières ont un seul pivot et sont maintenues
à la hauteur du sol; elles portent un moleur à
vapeur qui fait tourner l’arbre commandant la
rotation de la grue, le treuil de levage, le
chariot se déplaçant le long du col ainsi que le
vireur qui retourne la pièce sur elle-même. L'une
des deux grues à col de cygne, qui desservent le
pilon de 100 tonnes des Usines Marrel, peut être
878
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
considérée commele plus puissant appareil existant
dans ce genre. Elle a une puissance de 180 tonnes
avec une porlée maxima de 10" et une hauleur au-
dessus du sol de 9%,700. Les grues à double pivot
ne travaillent pas à l’élasticité comme ces der-
nières. On doit donc interposer un certain nombre
de rondelles Belleville entre le moufle et la chaine,
qui porte la pièce à forger. Toutes ces grues mar-
chent en général à la vapeur, les grues hydrauliques
étant plutôt réservées pour les ateliers de fonderie.
Parmi les mentionnons celui
des aciéries de Terni, qui pivote autour du pilon,
l’une des extrémités restant fixe, l’autre reposant
sur un chevalet mobile sur une voie circulaire.
Cette disposilion participe à la fois des avantages
des grues et des ponts roulants proprement dits,
c’est à-dire mobiles sur rails parallèles, et pou-
vant parcourir foule l'étendue de l'atelier.
Les ponts roulants sont maintenant très répan-
dus et rendent de grands services en permettant
de mulliplier les fours et de les disposer hors de la
portée des grues placées immédiatement autour de
l'outil. Ils peuvent effectuer quatre mouvements :
levage dans le sens de la hauteur; direction dans
le sens de la largeur; translation dans le sens de
la longueur; enfin, virage, c’est-à-dire mouvement
de rotalion permeltant de présenter successive-
ment chacune des faces du lingot sous le marteau.
La force motrice se transmet aux ponts roulants
de bien des manières : certains ponts sont abso-
lument indépendants de l’extérieur, possèdend leur
chaudière, leur machine, et sont comparables à
une locomobile quelconque; la présence de ces
mécanismes est un gros inconvénient dans un ate-
lier : elle y amène bruit el fumées et nécessite, en
raison du poids supplémentaire qu’ils ajoutent à
celui du pont, des poutres de roulement beaucoup
plus considérables. Un autre procédé, encore très
employé, consiste à placer la machine motrice en
dehors de l'atelier; la transmission se fait, soit
par cäble sans fin (ce qui n’est guère économique,
en raison de l'usure des càbles), soit par arbre
carré, comme en Angleterre, système préférable,
mais qui ne peut convenir qu'à des translations
relativement peu étendues. L'électricité a rendu,
ici comme en beaucoup de cas, de signalés ser-
vices. Aujourd'hui, dans toutes les grandes forges,
les ponts sont électriques ; le Creusot (PI. VIT) n’a
pas hésité à modifier la plupart de ses ponts rou-
lants qui marchaïient à la vapeur et à les transfor-
mer en ponts électriques ; aux usines de Saint-Cha-
mond, la presse à forger de 4.000 tonnes est des-
servie par deux ponts électriques de 120 tonnes de
puissance (PI. VIII), établis à 11 mètres au-dessus
du sol. L'emploi du courant électrique permet un
ponts roulants
mouvement de translation aussi développé que l’on
veut; la manœuvre est remarquablement simple,
el la vitesse des différents mouvements peut êlre
considérable; en outre, le pont roulant est mis en
marche aux moments seulement où l’on en a
besoin ; le bruit continu d’une transmission méca-.
nique n’est donc plus là pour étouffer les comman- -
dements du marteleur, ce qui présente un gros
intérêt au point de vue des accidents. Nous sorti-
rions de notre programme en nous étendant plus «
longtemps sur cetle question; mais il élait néces-
saire de ne pas passer soussilence celte application
de la science électrique, qui concourt aux perfec- «
tionnements de l’industrie du forgeage comme à
ceux de la plupart des grandes industries.
V. — LAMINAGE DE L'ACIER.
Ainsi que nous l'avons indiqué au début de cette
étude, le travail du laminoir est double : à côté de
la pression stalique, qui résulte de l’espace libre
laissé entre les cylindres ou les cannelures des
cylindres, et qui refoule les couches centrales du
métal, le mouvement de rotation des cylindres
produit un effort tangentiel qui entraine les couches
superficielles. Il est facile de prévoir que l’on peut
faire varier ces deux éléments, pression et vilesse
des cylindres, suivant les produits que l’on veut
obtenir. Dans le laminage ordinaire, on s'arrange
pour que la vitesse de refoulement des couches cen-
trales soit lamême que la vitesse d'entrainementdes
couches extérieures. Mais, si l’on augmente considé-
rablement celle-ci par rapport à la première, un
creux tend àse former à l’intérieur dulingotpendant
son passage au laminoir ; c’est le principe du pro-
cédé Mannesmann pour fabriquer des tubes sans
soudure. De même, on peut faire varier la vitesse
de l’un des cylindres par rapport à l’autre dans les
cas où l’on a à traiter des lingots hétérogènes (acier
dur d'un côlé, acier doux de l’autre).
Au point de vue de la pression, le lingot d’acier
ne doit pas être traité comme le paquet de fer. Le
premier est un bloc homogène, capable de. mieux
résister à la compression et à l’étirage qu'un pa-
quet de barres puddlées, présentant de nombreux
vides dans l'intervalle des mises que le laminage
est destiné à souder entreelles. L’aciersoudé pourra
et devra donc être moins fortement comprimé que
le fer soudé et la décroissance des cannelures sera
plus faible dans le premier cas que dans le second.
Cages de laminoir.— La cage (PI. 1) est l’ensemble
formé par deux cylindres animés chacun, autour
:
d'un axe horizontal, d’un mouvement de rotation -
inverse l’un de l'autre et tournant entre deux
supports verticaux sur lesquels ils reposent par
leurs tourillons ; un {rain de laminoir comprend
du 15 Oclo
es aui dessert la fosse de coulée des gros lingols aux aciéries is de MM. Schneider el Cie, au Creusot.
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E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
879
“une ou plusieurs cages. La génératrice des
_ cylindres peut être une ligne droite
c'est le
cas du laminoir à plats, à tôles, à blindages. Elle
peut être formée par une ligne brisée présen-
tant des rentrants (cannelures) ou des saillants
(cordons); c’est le cas du laminoir à blooms,
billettes, profilés divers, rails, traverses, pontrelles,
fils, ete. Dans certains cas le cylindre supérieur
peut prendre une certaine obliquité par rapport au
cylindre inférieur horizontal, les axes de cylindres
restant dans le même plan; un tel laminoir per-
met la fabrication de plaques trapézoïdales ou pen-
lagonales, comme les plaques de ceinture de nos
_cuirassés. Quelquefois les axes des cylindres sont
verlicaux au lieu d'être horizontaux, comme dans
certains laminoirs à bandages où dans les laminoirs
universels. Enfin, les axes des cylindres sont quel-
quefois placés dans des plans différents, ce qui
produit l’étirage du lingot en tube, ainsi que nous
l’expliquerons plus loin à propos du laminoir
Mannessmann, ï
Parmi les cannelures, on distingue les canne-
lures ogives, plales, polygonales, profilées, soudantes,
élargisseuses, finisseuses, dont les noms suffisent à
expliquer le but.
On comprend qu'avec deux cylindres le passage
de la tôle ou de la barre ne peut se faire que dans
un sens.et que, par conséquent, le rendement d'un
tel oulil doit être faible. Deux moyens permettent
d'éviter cet inconvénient et d'opérer le laminage
dans les deux sens: le premier consiste en l’em-
ploi d'un #ri, c’est-à-dire trois cylindres super-
posés au lieu de deux; les cannelures sont ainsi
formées par le cylindre du milieu avec chacun des
cylindres extérieurs, et la barre est laminée à
chaque passage. Mais cette disposition entraine
une complication dans l'outillage et particuliè-
rement des releveurs à bras ou mécaniques (sui-
vant le poids des lingots) placés d'un côté des
cylindres et desservant le passage supérieur. La
machine motrice est alors ordinairement à un
cylindre, attelée directement à l'axe médian du
laminoir. On peut aussi changer Le sens de la rota-
tion des cylindres, changement de marche qui se
fait soit directement par embrayage, soit par la
machine motrice elle-même. Dans le premier cas,
le moteur tournant toujours dans le même sens,
la somme des masses à mettre en mouvement ou
à arrêter est beaucoup moindre ; mais, au moment
où l'on fait l'embrayage, il se produit un choc
considérable. Si, au contraire, onrenverse la vapeur
dans la machine motrice, qui dévient alors rever-
sible, ilfaut supprimer le volant, parce que la mise
en mouvement d'une pareille masse serait trop
lente, et attaquer les cylindres de laminoirs soit
directement, soit par l'intermédiaire d'engrenages
robustes. La machine motrice doit donc être très
puissante et comporter de gros cylindres afin de
compenser l'absence du volant.
Au train de blindages des usines Saint-Jacques
(Soeiété des Forges de Châtillon et Commentry)
(PL. X) le changement de marche se fait par em-
brayage : l'appareil de changement, interposé entre
le moteur et la cage des pignons qui transmettent le
mouvement aux deux cylindres, se compose de
deux cages, l’une à deux, l’autre à trois pignons,
qui entrent alternativement en jeu lorsque les
cylindres tournent dans un sens ou dans l’autre.
Les griffes d'embrayage sont commandées par la
tige de piston d’un cylindre hydraulique spécial,
qu'actionne une simple pédale placée à portée de
l’ouvrier.
Les machines réversibles sont aujourd'hui {rès
répandues; elles ont des puissances de 1.500 à 5.000
chevaux. Nous citerons : celles des aciéries d’Æssen,
qui sont à deux cylindres conjugués ayant chacun
1%,30 de diamètre, 1,75 de course, marchant à120
tours, alors quele laminoir ne marche qu’à 48 tours
au plus (plaques minces); celle du Creusot (PL. IX),
qui est également à 2 cylindres conjugués et qui a
une puissance de 3.000 chevaux ; le diamètre des
cylindres à vapeur est de 1%,20, la course des pis-
tons de 1,50; les machines Compound des Acié-
ries de Jœuf et d'Hayange; enfin, les machines
Audemar Kraft, à détente variable avec distribu-
tion, employées aux usines Cockeril, à Seraing
(Belgique), à #Saint-Chamond, à Valenciennes, etc.
Quand leur vitesse de rotation ne doit pas dé-
passer 100 tours par minute, les cylindres sont
mis en mouvement directement par la machine
motrice ; au delà de cette vitesse, il faut employer
des engrenages comme intermédiaires. Enfin, lors-
qu'il s’agit de vitesses considérables (plusieurs
centaines de tours par minute), — comme pour les
trains-machine qui servent à la fabrication d’un pro-
duit appelé #achine, sorte de gros fil d'acier ou
de fer, de 2"/" à 4"/° environ de diamètre,
employé dans les tréfileries comme matière pre-
mière, — les engrenages sont remplacés par des
courroies ou par des càbles.
Trains de Blindage. — En passant en revue les dif-
férents laminoirs, nous insisterons seulement sur
leurs caractères saillants. En première ligne,
comme puissance, viennent les trains qui servent
au laminage des plaques de blindage. Nous en
citerons quelques-uns en faisant remarquer que
certains sont dits wniversels parce que ce sont des
laminoirs dans lesquels il existe non seulement
deux cylindres horizontaux dont on fait varier
l’écartement, mais en même temps deux cylindres
verlicaux que l'on rapproche ou qu'on éloigne à
880
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
volonté de façon à exercer une pression latérale
sur les cans. De tels trains peuvent done laminer
des plaques, des Lôles ou des plats de toute épais-
seur et de toute largeur, sans que l’on soit forcé de
changer les cylindres. Le train à blindages ,des
usines de Swint-Jarques à Montluçon (PI. X), dont
on à pu admirer, à l'Exposition de 1889, la cage à
pignonsspéciale, présente le grand avantage de pou-
voir laminer même en inelinant le cylindre supé-
rieur. La longueur de table des cylindres horizon-
taux est de 4 mètres et leur diamètre de 1 mètre.
Chacun d'eux est en acier forgé et pèse environ
30 tonnes. La longueur de table des galets verticaux
estde 1*,300 etleur diamètre.fde 0",500. Ces dimen-
sions permettent de laminer sans difficulté des pa-
quets de? mètres de hauteur. Un repoussoir hydrau-
lique à l’avant et à l'arrière du train, commandé
par un cylindre souterrain, remet les pièces en
prise sous le laminoir à chaque changement de
marche.
Le train à blindages des Æ#ings (PL XI) vient
d'être transformé : il comporte maintenant des
cylindres horizontaux de3",300 de longueur de table
et de 1,050 de diamètre, des cylindres verticaux
de 1,130 de longueur et de 0",500 de diamètre.
Au (Creusot, les cylindres verticaux ont élé
supprimés; des rouleaux entraineurs amènent le
lingot aux cylindres horizontaux et, lorsqu'on veut
le tourner de 90°, un petit élévateur qui forme pla-
que tournante le soulève de 40°" au-dessus des
rouleaux et le dépose dans sa nouvelle position; à
l'avant du train un culbuteur hydraulique peut re-
tourner rapidement la plaque, ce qui est très com-
mode pour le chauffage. Le laminoir à blindages
du Creusot (PI. IX) se compose de 2 cylindres hori-
zontaux de 9%,950 de diamètre et de 3 mètres delon-
gueur de table. Ces deux cylindres peuvent être
écartés de 0%,750, On peut y laminer des plaques
de 35 à 40 tonnes. On peut adjoindre aux cylindres
horizontaux 4 cylindres verticaux (2 AV et 2 AR). Le
ripage, le transport et le retournement des
paquets se font mécaniquement. La disposition
des cylindres permet aussi de laminer des plaques
à section trapézoïdale, 2 ponts roulants, l’un de20
et l’autre de 60 tonnes, de 19" de portée, desser-
vant ces deux trains el les fours qui les alimen-
tent. Ce train est plutôt un train à grosses tôles
qu'un train à blindages.
Aux Aciéries de Swint-Étienne, le train employé
pour les plaques minces est analogue. Les
cylindres en fonte truilée grise ont 2",700 de
ongueur et 999 "/" de diamètre. Le
supérieur peut se lever de 600 m/m
cylindre
Aux usines Cammell, à Sheffield, le (rain à blin-
dages est robuste, très simple et même un peu
primitif: les cylindres ont 900% de diamètre ; les
abords sont de part et d'autre légèrement inclinés
el quelques rouleaux suivent les mouvements de la
plaque durant le laminage:; pour sortir les plaques
des fours placés parallèlement aux cylindres, la
manœuvre est rudimentaire: on se sert du train
comme d’un treuil; on enroule une chaine autour
du cylindre supérieur du train et, en faisant mar-
cher la machine, on tire la plaque sur un chariot;
celui-ci, entrainé brusquement par un attelage de
4 à 5 chevaux, jette la plaque entre les cylindres .
Trains à tôle. — Ces trains rentrentdans le même
genre que les précédents, avec cette différence que
les organes sont moins robustes et plus simplifiés.
Nous parlerons, seulement à titre d'exemple, des
installations de la tôlerie aux usines de Barrow
(Angleterre), parce qu’elles comportent une série
d'accessoires des mieux compris pour réduire la
main-d'œuvre etdiminuer la fatigue de l’ouvrier. Le
train comprend un ébaucheur et un finisseur con-
duits par deux machines Compounds à 4 cylindres.
L'ébaucheur a 2 cylindres de 70) ”/" de diamètre
sur 2 ou 3 mètres de longueur, le finisseur 2 cylin-
dres de 850 "/" de diamètre sur 3 mètres de lon-
gueur. Un appareil hydraulique sort les slabs
(brames forgées) des fours à réchauffer et les dé-
pose devant les cylindres ébaucheurs sur un tablier
mobile qui, en s'inelinant, permet à la pièce de
s'engager. Devant les cylindres sont disposées deux
séries parallèles de petits rouleaux; chacune d'elles
peut recevoir des mouvements directs ou inverses
l'une de l’autre. Lorsque tous les rouleaux mar-
chent dans le même sens, ils font avancer ou recu-
ler la brame ; si ceux de l’une des séries changent
de sens ,les autres tournant toujours de même,
l'ébauche, qui est placée au-dessus de Lous les rou-
leaux,recoitun mouvement de rotation. Lorsqu'elle
a parcouru 90°, on rend uniforme le sens de la
marche des rouleaux et la pièce s'engage dans les
cylindres en suivant une direction perpendicu-
laire à la précédente, sans que l’on ail eu recours
à aucun levier. Dès que la brame est dégrossie, un
transbordeur hydraulique, pouvantse déplacer dans
une fosse au-dessous des rouleaux, la pousse sur
les rouleaux du laminoir finisseur à l’aide de four-
chelles mobiles verticales dépassant le niveau du
sol. On est surtout frappé, dans cet alelier, de
l'absence presque complète d'ouvriers : c'est le
même machiniste qui mel en marche les différents
appareils hydrauliques servant aux mouvements
des brames et des cylindres. À sa sortie du finis-
seur, la Lôle est tirée le long d'un chemin aérien
par un cabeslan hydraulique et amenée en un
point du chantier, où elle est mesurée et tracée
pour le cisaillage. À l'usine PBorsigwerk (Haute-
Silésie!, il existe un train pour grosses tôles dont
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (Numéro du 15 Octobre 1895)
Fig. 15. — Vue d'un train réversible avec sa machine, aux usines de MM.
monté en duo. L’écartement des cylindres peut être réglé à volonté au moyen de la crémaillère, visible à la partie supérieure et mue par un ouvrier. Les rouleaux, situés à droite de la
figure au niveau du sol, et animés également d'un mouvement de rotation réversible, donnent aux pièces les mouvements de va-et-vient nécessaires pour les faire passer entre les deux
cylindres du laminoir,
schneider el Cio, au Creusot. — Les parties g
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E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’'ACIER 881
les cylindres ont 800 */" de diamètre et une lon-
gueur de table de 3,500, permettant de laminer
des tôles ayant jusqu’à 3,200 de diamètre.
Le trio Lauth, inventé primitivement pour le
laminage des tôles minces, a été appliqué par le
Creusot à la fabrication des tôles fortes. Dans
ce système, le cylindre médian est équilibré, et un
mouvement hydraulique le fait monter ou des-
cendre pour l’appuyer contre les cylindres supé-
rieur ou inférieur. Des tabliers releveurs, placés
devant et derrière, se meuvent verticalement en
restant horizontaux : leur mouvement est com-
biné avec celui du cylindre médian, ce dernier
ayant un diamètre plus faible que celui des autres;
ainsi, chez Krupp, à ÆZssen, les cylindres supé-
rieur et inférieur ont 600 millimètres de dia-
mètre; le cylindre médian a 380 millimètres de
diamètre pour une longueur d’action de 1865 mil-
timètres. L'inconvénient de celte disposition est
l'usure beaucoup plus rapide du cylindre du mi-
lieu soumis à un travail deux fois plus grand.
Aussi, aux Forges de Pompey, a-t-on donné le
même diamètre aux trois cylindres.
Trains pour fers plats. — Pour les fers plats de 300
à 600 m.m. de largeur, on emploie presque partout
les laminoirs universels: aux Aciéries d’Essen, les cy-
lindres horizontaux ont 600 millimètres de diamè-
tre, les verticaux environ les 2/3 du diamètre des
horizontaux. Aux Aciéries de Longwy, les cylindres
horizontaux ont 700 millimètres de diamètre et
2 mètres de longueur, les cylindres verticaux 550
de diamètre et 670 millimètres de longueur. Les
rouleaux entraïneurs sont mus par une machine
réversible spéciale. Les barres, à la sortie, passent
sur la plaque à dresser, dont les taquets sont
commandés par une vis sans fin; de cette plaque,
elles sont amenées par une tireuse sur la grille,
puis transportées parallèlement par des chaines
sans fin. Le mouvement de serrage des taquets,
le tirage et la translation sur la grille sont pro-
duits par une machine réversible horizontale,
semblable à celle du mouvement des rouleaux. Les
taquets ainsi commandés ne marchent pas par la
vapeur assez vite, et le serrage hydraulique, comme
il se fait au Creusot, est de beancoup préférable.
Trains Blooming pour barres et rails. — Ces trains
font le dégrossissage des lingots destinés à la fa-
brication des rails, billettes ou autres barres pro-
filées, travail qui, autrefois, s'exécutait au pilon.
Grâce à ces engins, en général très puissants, on
peut employer des lingots d'un poids relative-
ment élevé pour obtenir des produits de faible
section. Les bloomings sont constitués, en Amé-
rique, par des #ris avec releveurs automatiques
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
et, en Europe, par des duos réversibles. La forme
des cannelures est un peu évasée dans le sens de
la hauteur, afin que le lingot ne puisse se coin-
cer. Des rouleaux entraïnent les lingots: on peut
même donner quartier au lingot quand on se
sert de trios avec tabliers releveurs, en amenant
sous le tablier, dans une position convenable, un
chariot muni de petites plaques verticales en fer
qui passent entre les rouleaux du tablier: Si l’on
abaisse ce dernier, le lingot, si lourd qu'il soit,
porte sur les plaques et se tourne automatique-
ment de 90°. — À la suite d’un train blooming est
toujours installée une cisaille découpant à chaud
le bloom, qui a 7 à 8 mètres de longueur, et le
sectionnant en 5 ou 6 lopins de poids déterminé,
Pour un train à gros rails, le duo réversible est
plus indiqué que le trio, en raison de la plus grande
longueur des barres : il doit, en outre, marcher
avec une grande vitesse, si l’on veut éviter un ré
chauffage. Le matériel employé pour la fabrication
des rails à Barrow mérite d'être cité comme un
modèle du genre. Le train àrails comprend un ébau-
cheur (cogging) de 0,900, entrainé par une machine
réversible à deux cylindres (D —1.000 L — 1.500),
un dégrossisseur (roughing) de 0.700 mis en mar-
che par une machine réversible à deux cylindres
(D— 1.200 L—1.370) à action. directe, enfin un
finisseur (finishing) de 0.660 avec une machine de
même type (D—1.270L— 1.370). Ces trois ma-
chines développent une force totale de15.000 che-
vaux environ. Elles permettent, en travail cou-
rant, d'avoir loujours trois barres en prise. Le
lingot (350°>< 1,300), amené du Bessemer au four
à réchauffer, en est tiré mécaniquement et envoyé
au cogging, puis directement aux autres laminoirs
par des rouleaux rapides. La pièce étant mécani-
quement guidée depuis la dernière passe dans un
cylindre jusqu'à la première passe dans le suivant,
le travail manuel se trouve réduit au minimum. Au
train finisseur, deux longs chéneaux inclinés, en
tôle, établis à l'avant et à l'arrière des cylindres
et allant jusqu'au-dessus des fours à réchauffer,
permettent à la barre de se développer, sans pour
cela gènerle train ébaucheur et les scies à décou-
per.Ces chéneaux, comme ceux des aciéries d’Es-
ton et des aciéries du Nord et de l'Est, sont mu-
nis de rouleaux de manière à laisser remonter les
-barres qui viennent de passer au finisseur et à les
laisser redescendre par leur propre poids dans
une nouvelle cannelure au moyen d'aiguillages
commandés hydrauliquement. Cel artifice ingé-
nieux permet de fabriquer des barres qui at-
teignent la longueur de 40 mètres. Le rail, coupé
à longueur, est déposé sur le banc de refroidisse-
ment et roulé à l’atelier de finissage où il est ébouté,
fraisé, foré et contrôlé. La production des rails,
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882
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
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dans celte usine, est de 4.000 tonnes par semaine.
Tran Machine. — Tous les laminoirs précédents
rentrent dans le genre que l'on désigne sous
le nom de « gros mills »; ce sont £eux où la section
des barres laminées dépasse 5 à 600"%2, Il existe,
en outre, les moyens mills (qui laminent de 600
à 2002) et les petits mills en dessous de 200%.
Une des variétés les plus intéressantes des pelits
mills est le #rain machine, dont nous avons déjà
donné la définition. Le produit est cette petite
verge ronde, vendue en bottes circulaires et ser-
vant de point de départ à la fabrication du fil el
de tous ses dérivés, tels que pointes, vis, fil télé-
graphique, cordes de piano... Ce genre de lami-
nage s'est beaucoup développé en Amérique, en
Westphalie, etmême en France. Le systèmeanglais,
qui mettait sur la même ligne dégrossisseurs et
finisseurs et admettait par conséquent une vitesse
uniforme, done trop réduite pour la fin du travail,
a élé complètement abandonné. L'idée de com-
muniquer aux cages des vitesses progressives à été
heureusement appliquée par les usines allemandes,
et M. Mussy, ingénieur en chef des Mines, à intro-
duit avec succès ces perfectionnements aux Acié-
ries de Longwy. Dans cette usine, le train se com-
pose d'un premier dégrossisseur à une cage, d'un
second dégrossisseur à deux cages et d’un finis-
seur à neuf cages, tous conduits par la même ma-
chine horizontale compound de 650 chevaux, à con-
densation indépendante. Le premier dégrossis-
seur, dont le diamètre primitif est 385, est com-
mandé directement par la machine etfait 120 tours.
L'arbre du second dégrossisseur reçoit par lin-
termédiaire de 9 câbles en chanvre de 50 milli-
mètres de diamètre, une vitesse de 275 tours;
enfin. le finisseur est conduit avec une vitesse de
518 tours, au moyen de 7 càbles de 45 m. m.
Un bobinoir, commandé par une petite machine
pilon et muni de 2 bobines, marche à 300 tours.
Trains pour chaines sans soudure. — Nous ne nous
arréterons pas à Loules les installations de laminoirs
pour profilés quelconques, fers àT, fers à U, fersà I,
poutrelles, cornières, feuillards ; nous dirons seule-
ment quelques mots du laminoir pour chaînes sans
soudure, système Aury, perfectionné récemment
par M. Klasse, aux Laminoirs Germania de Neu-
wied, On lamine une barre à section cruciforme;
celle-ci ensuile dans deux paires de
cylindres à rainures creusées de vides exactement
rapportés. Le produit est une chaine presque
finie, dans laquelle les maillons ne sont plus
réunis que par une mince Loile, que l’on enlève au
moyen d’une poinçonneuse; on achève la sépara-
tion à la presse à forger après réchauflfage. La
passe
seule difficulté consiste dansleréglage descylindres.
Laminoirs à bandages. — Ges laminoirs sont ca-
ractérisés par ce fait que la cannelure est unique,
emboilante et se modifie, pendant le laminage
même, par le rapprochement d'un galet formant
l'extrémité de l’un des cylindres et venant s'ap-
puyer sur la ‘face intérieure du bandage jusqu à ce
que ce dernier soil du diamètre voulu. Il y à une
grande différence entre ce genre de laminage el
les précédents: on n'a plus la facilité de pou-
voir retrancher l'excès de malière après le pas-
sage aux cylindres afin d'arriver à un poids dé-
terminé. Puisque la pièce est sans soudure, il faut
nécessairement que le poids de la rondelle qu'on
veut soumettre au laminage soit calculé très exac-
tement à l’avance.
Un /rain à bandages comprend un ébaucheur et un
finisseur construits de la même manière et con-
duits par la mème machine à vapeur. Le mouve-
ment est transmis aux deux cylindres par des
roues dentées, à chevrons, auxquelles on donne une
grande longueur pour que le rapprochement se
fasse, les dents restant en prise. En France, on
peut disposer les cylindres de deux façons diffé-
rentes; mais ils sont, en général, placés horizonta-
lement, et le bandage se fabrique alors verticale-
ment. En Amérique, en Allemagne el en Autriche,
les axes des cylindres sont, au comtraire, verli-
caux, de sorte que le bandage se lamine hori-
zontalement au niveau du sol.Ajoutons que
plusieurs usines françaises, telles que Firminy,
Pamiers, ont adopté des laminoirs dans les-
quels l’ébaucheur est horizontal et le finisseur
vertical. Pour terminer celle rapide nomenclature,
nous mentionnerons le train à bandages de
M. James Munton (États-Unis) dans lequel le
cylindre vertical extérieur est muni, à sa partie
supérieure, d’un plateau taillé en biseaux, qui
sert à affranchir le haut du lingot, pendant le la-
minage même.
Laminoir pour tubes d'acier sans soudure. — Ge nou-
veau genre de laminoir, employé par M. Maness-
mann comprend deux cylindres horizontaux À, B,
enlaillés de rainures en spirales, dont les axes ne
sont pas dans le même plan et font entre eux un
angle 2x; la vitesse de rotation des cylindres est
considérable (250 à 300 tours par minute). Le lin-
got est introduit de façon que son axe fasse un an-
gle x avec les axes de chacun des 2 cylindres A et
B; si V désigne la vitesse de rotation de ces cylin-
dres à leur circonférence, le lingot doit prendre un
mouvement de rotation égal à V cos & et un dépla-
cement longitudinal V sinz. On s'oppose à ce dé
placement longitudinal du lingot, ainsi qu'à la
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E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
883
marche de la partie centrale, à l’aide d’un man-
drin fixé suivant l’axe, et les couches superficielles,
immédiatement en contact avec les rainures
hélicoïdales, sont entraïinées avec la vitesse V sin x.
La machine motrice, de la force de 12.000 che-
vaux, est munie d’un lourd volant avec jante en
fils d'acier enroulés sur des bras constitués par
des tôles courbées et rivées aux deux plateaux. À
l'usine de Landorre (pays de Galles) la jante pèse
10 tonnes et marche à 240 tours avec une vitesse
tangentielle de 75 mètres par seconde, ce qui cor-
respond à une puissance vive dépassant 20 mil-
lions de kilogrammètres. Un train Mannessmann
comporte généralement un préparateur desliné à
transformer les lingots en tubes ébauchés, ainsi
que nous venons de le voir; et un finisseur avec
disques rotalifs, construit d’une façon analogue,
a pour but d'élargir les tubes ébauchés et de les
amener aux dimensions demandées.
VI. — OPÉRATIONS ANNEXES DU LAMINAGE.
Afin de compléter l'étude du matériel de lami-
nage, il nous reste à indiquer les fours employés
au réchauffage des lingots, ainsi que les engins
servant à la manutention des lingots et des cylin-
dres ; comme les fours décrits au sujet du for-
geage, ceux-ci sont presque tous à grille ordinaire,
sous la condition d'être suivis de chaudières soit
verticales, soit horizontales, qui utilisent les flum-
mes perdues au réchauffage. Pour réchauffer les
lingots pour blooms, rails, etc., on installe généra-
lement des fours continus, système Bicheroux ; les
lingots froids, chargés du côté de la sortie des gaz,
doivent sortir chauds du côté du foyer, prêts pour
le laminage : aussi de nombreuses portes, ména-
gées sur les côlés, permettent le retournement de
ceux-ci, qui, au fur et à mesure de leur réchauffage,
descendent la sole, dont la pente est de 1/4envi-
ron pour faciliter le travail. Sans nous arrêter aux
nombreux systèmes de fours chauftés au gaz na-
turel ou au pétrole, nous dirons que, dans les
usines qui fabriquent elles-mêmes leur métal, la
tendance générale est de réchauffer les lingots en
les posant sur leur plus petite face dans des fosses
disposées au milieu d'un massif en maçonnerie
réfractaire et de recouvrir chacun de ces puits
(puits Gjers) par un couvercle qui empêche le
contact de l’air. Les briques sont bientôtamenées
par la chaleur de l'acier à une haute température,
de telle manière qu'une demi-heure après leur
exposilion dans ces puits, les lingots deviennent
également chauds dans toutes leurs parties, En
sortant des puits, ils sont dans un état très pro-
pice au bon laminage, puisqu'ils sont toujours au
moins aussi chauds au centre qu'à l'extérieur.
Pour la manœuvre des lingots, la disposition des
fosses Pits et, en général, des fours placés au-des-
sous du sol, permet d'employer l'engin de levage
le plus simple : une pince manœuvrée hydrauli-
quement et portée par une grue ordinaire suflit
amplement. Au contraire, pour charger les fours à
sole horizontale, les appareils usités sont bien plus
compliqués : dans bien des cas, c’est un pont rou-
lant qui porte la pince; d’autres fois, ce sont des
chariots à vapeur avec pompes pour effectuer la
manœuvre hydraulique de la tenaille. Dans cer-
. taines usines américaines, le chariot porte, outre
la pompe, deux dynamos directrices qui prennent
leur courant sur une conduite principale ; un seul
homme suffit à son service. Les chemins de fer
aériens sont d’un grand usage pour le transport
des tôles, des bandages, etc.; nous signalerons
à ce sujet la disposition adoptée à Homestead pour
déplacer les tôles : de distance en distance, en
quinconce, sont placées des barres de fer verti-
cales, espacées de 0",40 à 0%,50 et hautes de 0,80
à 1 mètre. Chaque barre est coiffée d’une roulette,
et toutes ces roulettes, situées dans le même plan
horizontal, peuvent prendre des orientations quel-
conques, de façon que la tôle glisse très aisément,
manœuvrée par les hommes qui la poussent.
VII. — TREMPESs ET RECUITS.
L'étude des appareils et procédés de la forge ne
serait pas complète, si nous ne signalions les opé-
rations indispensables qui précèdent ou suivent
le travail mécanique auquel est soumis le mélal,
tout en regreltant de ne pouvoir ici qu'effleurer
la question.
Nous avons dit, au début, que le forgeage avait
pour résultat d'augmenter la densité du métal en
distribuant mécaniquement le carbure de fer,
c’est-à-dire le ciment, entre chaque amas de glo-
bules, qui, au retrait, lors du refroidissement après
coulée, l'avait obligé à s'échapper et à se placer
très irrégulièrement dans la masse. Il est évident
que cette condition n'est atteinte que si le forgeage
se fait à une température inférieure à celle de la
fusion de ce carbure, qui, sans cela, pourrait s’é-
couler sous le choc du marteau. De même, cette
opération effectuée au-dessous de la température
à laquelle Le carbure de fer commence à se disso-
cier, ne produirait que l’écrouissage du métal, c’est-
à-dire une désagrégation du ciment et, en même
temps, une transformation moléculaire du fer, ana-
logue à celle dont nous allons parler au sujet de
la trempe et caractérisée par une absorption de
chaleur, une élévation de la limite d’élasticité et
une diminution de malléabilité et de densité.
Depuis les belles recherches de Tchernoff, Kars-
ten, Caron, Akermann et Osmond, on sait que le
carbone, qui fait partie intrinsèque des aciers et
884
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
des fontes, peut exister sous trois formes dis-
tineles : 4° Le carbone réellement combiné au
fer, qui domine dans l'acier en lingots ou dans
l'acier forgé recuit, dont il constitue le ciment, et
appelé pour cette raison carbone derecuit; 2° le car-
bone simplement dissous dans le fer, qui domine
dans les régions périphériques des aciers ou des
fontes trempés, c'est-à-dire brusquement refroidis,
et désigné sous le nom de carbone de trempe: 3° le
carbone qui reste lorsque le fer en a dissous au-
tant qu'il pouvait le faire; c'est le graphite des
fontes ou carbone libre.
On sait, en outre, que le fer peut exister sous plu-
sieurs états moléculaires différents, que l'on dé-
nomme æ&, &, y. Le fer « domine dans l'acier recuit,
les fers £ ou dans l'acier écroui ou trempé. Si done
on refroidit brusquement le métal avant le point a,
température où le carbure de fer se dissout et où le
fer & se transforme en fer , ce métal ne prend pas
la trempe, et ses propriétés physiques ne sont au-
cunement modifiées. Si on l'amène à une tempéra-
ture comprise entre « et b, température de fusion
du ciment, et qu'on le refroidisse brusquement
par la trempe, on empêche le carbone de se re-
combiner et le fer £ de repasser à l'état 4, on mo-
difie toutes les propriétés du métal, qui est alors
réellement trempé et qui devient excessivement
dur et très cassant. Si, au contraire, on laisse le
métal, amené entre & et b, se refroidir lentement,
le carbone se recombine;avec le fer, et le fer 6 rede-
vient x. Celte dernière opéralion, qui constitue Le
recuit, pourrait paraitre inutile; elle a cependant
une grande imporlance dans les forges. Nous
avons vu que les effets de l’écrouissage peuvent
être comparés à ceux de la trempe, et que, d'autre
part, le travail que l’on fait subir soit par forgeage,
soit par laminage, se termine le plus souvent à des
températures relativement basses et inférieures à
a. Le réchauffage, suivi de refroidissement lent,
est donc nécessaire pour rétablir l'équilibre, per-
mettre la diffusion du carbone et restiluer le ci-
ment dans les régions qui en sont devenues dé-
pourvues (Voir les figures 2 et 3 qui montrent la
différence de structure d’un acier forgé avant et
après recuil). 1] est également employé pour atté-
nuer les effets de la trempe : c'est alors le revenu;
mais, dans ce cas, il faul bien se garder de réchauf-
fer le métal à une température égale ou supérieure
à celle où a eu lieu la trempe.
M. Osmond a fait de nombreux essais pour dé-
terminer la valeur de « dans les différentes qualités
de métal, depuis le fer contenant 0,08 de C jusqu'à
la fonte blanche de Suède à 4,10 de C. Il a constaté
qu'en général, et surtout dans les aciers doux, la
valeur dean’est pas simple, el les multiples points
critiques qu'il a appelés 4,, w,, 4,, correspondent,
soit à la transformation du carbone de recuit en
carbone de trempe, soit à la transformation du fer
et aux mélanges, en diverses proportions, de fer z,
de fer £ et de fer +. Voici, rapidement résumées,
les principales valeurs de ces points critiques, en
soulignant les plus visibles :
Nombre
de points
critiques
Carbone Points critiques
Fer électrolytique 0.08 a, =660 a—=1204;—=855 ..3
Acier extra-doux 0.16 a, =660 a—130a;—820 ..3
Acier doux 029,4, — 680 720072
Acier mi-dur 0.57 a, =660 «> = 22
Acier dur 1.25 a — Gi — cu |
Fonte blanche 4.10 a == UN: —699
Le point #, correspond au changement d'état du
carbone (recalescence); les points 4, et 4, indi-
quent la transformation bien graduelle de fer «
en fer Ê, et de fer £ en fer ; au-dessus de a, tout
le fer est à l'état y, et, entre a, et à, il est à
l’état 6.
On voit, d'après les chiffres qui précèdent, que
la présence du carbone de trempe maintient le fer
aux états $ et y, à une température d'autant plus
basse que la teneur en carbone est plus élevée. D'a-
près M.Osmond, ce serait la persistance du fer £ ou
qui donnerait à l'acier trempé ses propriétés carac-
téristiques ; il faudrait donc pratiquer l'opération
de trempe à une tempéralure supérieure à 730°, par
exemple, pour l'acier dur. Ajoutons que les chiffres
que nous avons donnés ont été obtenus par la mé-
thode de refroidissement. Ils ne sont pas tout à
fait semblables si on les recherche par la méthode
inverse de réchauffage.
M. Charpy a fait tout récemment de nouvelles
expériences à ce sujet en employant un four élec-
rique comme appareil de chauffage et en trem-
pant des aciers à diverses teneurs, soit à l’huile,
soit à l’eau. Il a trouvé que la varialion des pro-
priétés mécaniques du métal se produit toujours
d'une façon presque complèle dans un intervalle
très étroit autour de 700°. Suivant lui, ce serail
done surtout le point 4, qu’il faudrait considérer
au point de vue de la trempe, et l’on ne gagnerait
pas grand'chose en chauffant au delà de 750°;
mais ici intervient la grosseur des pièces à tremper,
qui est un facteur important à observer.
Quoi qu'il en soit, tous ces travaux ont jeté la
lumière surles phénomènes, autrefois si complexes,
de /rempe, de recuit et de revenu, que l'on ne met-
lait en œuvre qu'à tout hasard dans l’industrie
du fer et de l'acier. Aujourd’hui les trois opéra-
tions, recuit avant trempe, trempe, recuit après
trempe ou revenu, sont employées presque générale-
menl:le recuit après forgeage, dans le but de régu-
1 Jariser les effets du forgeage en achevant la transfor-
PS
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
885
mation des gros grains du mélal en grains fins; la
trempe, pour modifier plus ou moins les pro-
priélés mécaniques du métal, par une vitesse plus
ou moins grande de refroidissement, en changeant
complètement le grain, qui devient encore beau-
coup plus fin; enfin, le recuit après trempe ou
revenu pour supprimer les tensions intérieures
déterminées par le refroidissement brutal, tempé-
rer l'effet de la trempe et même le détruire, sui-
vant que la température à laquelle se fait cetle
dernière opération est inférieure ou égale à celle
de la trempe.
Les fours à recuire ne sont jamais chauffés par
des générateurs Siemens; ils ont toujours plusieurs
foyers à grille qui permettent de régler le chauf-
+
ER LEURS Pers 900.
eradure
+
V2
Lem
+
Dès que la pièce prend des couleurs lumineuses, on
peut faire usage des appareils optiques tels que la
lunette de MM. Mesuré et Nonel, basée sur les phé-
nomènes de polarisalion rotatoire, ou le spectro-
cope d’après les principes indiqués, en 1862, par
M. Edmond Becquerel. Enfin, l'appareil le plus
exact, employé actuellement dans les grandes
forges, est le pyromètre thermo-électrique de
M. H. Le Chatelier, qui permet d'atteindre une ap-
proximation de 5 à 10° dans l'évaluation des tem-
pératures. >
Ajoutons toutefois que l’on se contente le plus
souvent d'estimer les températures à l'œil, d'après
la nuance des radiations émises. Voici l'échelle de
ces températures :
0 chauflage ï refroidissement
temps E
Fig. 18. — Diagramme montrant la marche de la lempéralure pendant l'opération du recuit.
fage et de l'obtenir régulier, quelles que soient les ROUES RAsSOn SAS En AMP AC OT he ee
CE ÉREPAC SEE À ‘hs ROUTE UT ESS ODIDEE EEE Ce TER ti K 6000
variations d'épaisseur des pièces. Sue capacité est ROUBPISUIDbER ERP ER RP PR EEE T00°
très grande; les autels sont surélevés; enfin, la | Rouge sombre dépassé... ................... 50°
disposition symétrique des foyers et des carneaux Rouge cerise naiSsant.................. JE se
A . £ oufe c2rise = p “
; ; mr g cd ienansano tea op ceci sue 20
permet une équivalence absolue de tempéralure | Rouge cerise mi-clair....:........ AT ur! 930e
dans toutes les parties de leur enceinte. ROUPPECETISeICLA RE DEC 1.000
Au début, on conduit le chauffage très lente- ue OTANGE............................ re
ment jusqu'à ce que l'on ait dépassé la tempéra- | Banc... 1300
ture de 400°, qui correspond à celle de fragilité de | Blanc suant............................ 1 .400°
Blanciébloutssant PAPER EE Re 1.500°
l'acier; on aclive ensuite progressivement jusqu’au
point maximum (en général 900°); puis, on provoque
ordinairement une chute rapide de température
jusqu'à 700° (Cie P.-L-M.) en ouvrant les portes du
four; et l'on termine par un refroidissement lent,
soit en laissant la pièce dans le four, soiten l’enfouis-
sant sous une couche épaisse de fraisil. La figure 18
montre les différentes phases del'opération.
Nous ne pouvons décrire ici tous les procédés
qui sont mis à la disposition des ingénieurs pour
déterminer exactement les diverses températures
de chauffage. Au-dessous de 500°, on emploie
habituellement des alliages fusibles composés de
plomb, d’étain, de zinc, dont on connait exacte-
ment les points de fusion. Le bois de peuplier sec,
frotté fortement sur la pièce, indique approxima-
tivement les tempéralures de 300°, 380° et 450°,
selon qu'il devient fumant, étincelant ou flambant.
Les fours pour la trempe sont horizontaux ou
verticaux : pour certaines pièces telles que les ca-
nons et les gros blindages, les seconds sont pré-
férés et sont chauffés soit par les produits gazeux
de la combustion de la houille, soit par le gaz
d'éclairage.
Nous avons déjà fait remarquer qu'en outre des
considérations théoriques, il y a lieu de tenir
compte des dimensions des pièces à tremper. Le
refroidissement ne se transmet pas immédiate-
ment dans toute la masse du métal; les molécules
extérieures sont amenées à un état d'immobililé,
empéchées qu'elles sont de se rapprocher par les
“parlies centrales non encore refroidies; celles-ci,
venant ensuite à se contracter, produisent des ten-
sions sur les molécules extérieures. S'il s’agit
d'acier dur, ces tensions peuvent déterminer des
ruptures apparentes ou internes, qu’on appelle
880
CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE
lapures. Pour les éviter, un procédé consiste à
arrêter le refroidissement rapide lorsque la tempé-
rature est arrivée en # el à laisser ensuile le refroi-
dissement s'achever plus lentement. Il se produit
alors une sorte de recuit lent, allant de l’intérieur
vers l'extérieur, qui tend à rétablir l'équilibre. Un
autre moyen réside dans l'emploi de plusieurs bains
d> températures et de conductibilités différentes;
suivant le degré de durelé du métal et la grosseur
des pièces à tremper, on fait usage, soit de l’eau,
soit de l'huile, soit du plomb fondu à 400°. L'eau
employée peut elle-même être refroidie en-dessous
de 0° ou chauflée jusqu’à 100° ; la couche de vapeur
isolante qui se produit autour de la pièce et se
condense plus ou moins rapidement, d'après la
température de l’eau, fait varier la durée du refroi-
dissement et il résulte de nombreux essais que la
trempe dans l’eau chauffée à 70° est analogue à la
trempe à l'huile. Quant à la trempe au plomb, elle
évite toute production de vapeur et produit un
refroidissement moins rapide, dont la température
ne peut descendre au-dessous d’un certain niveau :
le plomb reprend lentement à la masse une cer-
taine quantité de chaleur et donne à toutes les
molécules le temps de se remettre en équilibre.
C’est une trempe plus limitée que les précédentes
el par suite moins énergique. Au contraire, la mo-
bilité du liquide trempant, son agitation méca-
nique, ou son arrivée sous pression en jets nom-
breux à la surface de la pièce, sont autant de
moyens pour activer la vitesse du refroidissement
el par conséquent obtenir le maximum d'effet que
l'on recherche dans la trempe. Ainsi, la trempe
des plaques de blindage harveysées se fait par
aspersion de jets d’eau glacée, et, lorsque la tem-
pérature s’est abaissée au rouge sombre, l’opéra-
lion s'achève par une immersion dans un bain
d'huile jusqu'à complet refroidissement.
Dans un prochain arlicle, nous lerminerons ce
travail par l'étude des Produits de Forge et des
conditions économiques de cette industrie.
Émile Demenge,
à Ingénieur civil,
Ancien Élève de l'Ecole Polytechnique.
LA CONVENTION DU MÈTRE
La Conférence générale des Poids et Mesures,
ouverte par M. Hanolaux, ministre des Affaires
étrangères, el présidée par M. Marey, vient de
clore ses délibérations, qui ont trouvé un écho
sympathique dans la presse quotidienne. On a
parlé, à ce propos, des travaux récents du Bureau
international, dont la Conférence a pris connais-
sance, et des recherches futures dont elle a sanc-
tionné le plan. Si l’on a moins insisté sur les ori-
gines de l’entente internationale d'où est sorti
l'établissement du Pavillon de Breteuil, c'est
qu'elles sont déjà lointaines et n’offrent plus l’in-
térêt d'actualité auquel les jorunaux s’attachent
avant toul. Elles n’en sont pas moins intéressantes,
comme fail eL comme enseignement, nous allions
dire comme morale. L'importance croissante du
Bureau international des Poids el montre
que ses promoteurs avaient vu juste, et qu'en
dehors des bureaux nationaux, un établissement
indépendant avait sa place marquée pour coor-
Mesures
donner des résultats, centraliser des efforts épars,
unifier, plus complètement qu'on n’eût pu le faire
sans cela, des mesures d'où dérivent toutes les
autres.
I
Aujourd'hui, nous sommes trop imprégnés de la
connaissance du système métrique pour en admirer
encore la surperbe ordonnance. Tout son agence-
m nt nous parait une chose nécessaire, el nous ne
comprenons pas qu'il puisse exisler des systèmes
praliques dans lesquels les subdivisions ne soient
pas décimales, et où les unités de surface, de capa-
cité, de volume et de masse ne soient pas reliées
entre elles par des rapports simples. Pour nous
rendre un compte exact de ce que nous devons aux
Monge, aux Laplace, aux Borda, aux Condorcet,
aux Lavoisier, qui édifièrent de toutes pièces le
nouveau système, il faut chercher à pénétrer les
mystères des systèmes brilannique ourusse, si com-
pliqués que, ainsi que l’affirmail un rapport récent
d'une Commission de la Chambre des Communes,
il faut une année entière d'étude pour les posséder
à fond.
On comprend dès lors l'immense importance
que l’on attache, surtout dans les pays qui sont
venus tardivement à ce système, à en asseoir les
bases sur un terrain solide. La grandiose devise
inscrile au fronton de l'édifice : À tous les lemps, à
tous les peuples, est à elle seule un programme, dont
chaque jour poursuit l'accomplissement. L'unifica-
tion réelle du système, sa permanence, sa diffusion
élaient subordonnées à une permanence parfaile
el àäune extrème précision dans la déterminalion
des copies destinées à devenir les étalons natio-
naux du sysième.
C'est déjà sur ces conditions que l’on insisla au
sein de la Commission géodésique internationale,
lorsque, vers l’année 1867, on se proposa de cons-
à
:
F
d
Éd A et
truire un mètre international, avant même que la
création d’un bureau fût sérieusement discutée.
Pour l'Association géodésique, la question géné-
rale des poids et mesures était reléguée au second
plan. Le travail important devait consister dans
l'étude des règles destinées à la mesure des bases
d’où l’on part pour la géodésie et la topographie.
La triangulation des pays contigus avait montré,
dans la comparaison des côtés communs situés le
long des frontières, qu’il devait exister des difré-
rences systématiques entre les bases de départ;
malgré les erreurs nombreuses auxquelles les trian-
gulations sont soumises, il paraissait difficile, en
effet, d'admettre qu'elles fussent suffisantes pour
expliquer la totalité des différences trouvées. Il con-
venait donc de comparer au même élalonles règles
servant aux géodésiens, et, tout d'abord, de créer
cet étalon qui serait leur propriété commune. Nous
verrons combien les travaux récents ont donné
raison au plan de travail qui fut discuté il y a bien
près de trente ans.
Sans aucun doute, les savants qui, dans les der-
nières années du siècle passé, s'occupèrent de la
construction des étalons métriques, firent un tra-
vail admirable pour l'époque, et qui put être cité
longtemps comme un modèle non dépassé. Mais,
dass un siècle où la science a pris le plus prodi-
gieux développement que l’on ait jamais vu, il
était naturel qu'une œuvre intimement liée aux
sciences d'observation vieillit à son tour. En 1834,
l'incendie du Parlement avait détruit les étalons
anglais, et une Commission, dont Airy fut le rappor-
leur, fut chargée de les rétablir. Le travail dura
près de vingt ans, et aboutit à une reconstitution
du yard et de la livre avec de nombreux perfection-
nements dans leur construction. Bessel, d’un autre
côté, dont les travaux métrologiques avaient sur-
tout la géodésie pour but, Kupffer, qui rétablit les
étalons russes et les compara à tous les étalons
étrangers, le capitaine Clarke dans son laboratoire
de Southampton, avaient mieux précisé les condi-
tions que doit remplir un étalon, et perfectionné
les procédés de leur comparaison. La Commission
anglaise, surtout, en affirmant la supériorité des éta-
lons à traits sur les étalons à bouts, et en adoptant
franchement les fibres neutres et les règles robustes,
avait fail faire à la question un pas décisif. Aussi,
lorsque l'Association géodesique d’une part, l'Aca-
démie de Saint-Pétersbourg d’aulre part, cette der-
nière sollicitant la collaboration de l’Académie des
Sciences de Paris, se proposèrent de construire un
Mètre européen copié sur celui des Archives de France,
trouvèrent-elles des documents en abondance pour
poser les premières bases de ce nouveau travail !.
1 Voici les termes de la décision prise par la Conférence
géodésique internationale en octobre 1861 :
CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE
887
La construction du mètre européen donna lieu
à d’homériques discussions, provenant d'un simple
malentendu. Chevreul partit en guerre pour le
mètre des Archives. Si on veut le changer, disait-il,
c'est qu'on le trouve mauvais; pourquoi, dès lors,
se propose-l-on de construire un étalon qui en
diffère aussi peu que possible ? La confusion pro-
venait de-ce qu'on n'avait peut-être pas insisté suf-
fisammentsur les deux caractéristiques de l’étalon :
sa forme et sa longueur. La Commission géodé-
sique se proposait de conserver la longueur tout
en changeant la forme.
C'est le 8 août 1870 que la Commission interna-
tionale, convoquée par le Gouvernement français,
se réunit pour la première fois au Conservatoire des
Arts et Métiers. Dès la première séance, elle adopta
la résolution suivante :
« La Commission internationale du mètre, dans
l'intérèt même de sa mission, croit devoir renvoyer
toute décision définilive à une époque ultérieure
plus favorable.
«En attendant, eile profite de sa réunion actuelle
pour diseuler, à titre d’études préliminaires, les
principes d’après lesquels le nouveau prototype du
mètre devra être construit. »
Les séances eurent lieu journellement jusqu’au
13 août.
On voit que, dans les premières discussions, il
n’était question que du mètre. C'est seulement
lorsque la Commission fut de nouveau appeléeà
siéger, en septembre 1872, que le programme des
travaux fut étendu au kilogramme et aux questions
de métrologie générale.
Jusqu'à cette époque, la question dela création
d'un Bureau international n'avait pas élé sérieu-
sement agitée. Elle prit corps au cours des réu-
nions de 1872, et se précisa dans les années sui-
vantes.
Toutefois, dans toute cette première période de
travaux préliminaires, la Section française de la
Commission eut une part prépondérante dans les
recherches. Par ses mémorables travaux sur les
métaux de la mine de platine, Henri Sainte-Ciaire
Deville avait été amené à produire des alliages ré-
pondant aux exigences les plus dures qu'on püt
Arr. 7. Afin de définir l'unité commune de mesure pour
tous les pays de l’Europe, et pour tous les temps aussi exac-
tement et aussi invariablement que possible, la Conférence
recommande la construction d’un nouveau ètre prololype
européen. La longueur de ce mêtre européen devrait différer
aussi peu que possible de celle du mètre des Archives de
Paris, etil doit, en tous cas, lui être comparé avec la plus
grande exactitude. Dans la construction du nouvel étalon
prototype, il faut avoir surtout en vue la facilité et l’exacti-
tude des comparaisons nécessaires.
Arr. 8. La construction du nouveau mètre prototype,
que la confection et la comparaison de ses copies destinées
aux différents pays, devrait être confiée à un Comité inter-
national, dans lequel les Etats intéressés seraient représentès.
ainsi
888
imposer à un métal destiné à la confection d’étalons
de premier ordre. H. Tresca avait éludié la répar-
tilion la plus favorable de la matière dans une barre
répondant à des conditions données de rigidité ;
M. Fizeau, grâce à l'admirable méthode qu'il avait
imaginée dix ans auparavant, avait pu suivre pas
à pas les travaux de Sainte-Claire Deville et mon-
trer qu'en plus des propriétés mécaniques et de
l'inaltérabilité chimique, le platine iridié proposé
par l'illustre chimisie possède une dilatation
relativement faible, condition importante, puisque
les erreurs commises sur la mesure de la tempéra-
ture des barres sont d'autant moins sensibles.
Il
La Convention du Mètre fut signée à Paris le
20 mai 1875. Par celte convention, les hautes par-
ties contractantes s'engagent à fonder et à entre-
tenir, à frais communs, un Bureau international
des Poids et Mesures, scientifique et permanent,
dont le siège est à Paris (Art. 4°) !.
Il est stipulé, de plus, dansla convention, que le
Bureau fonctionnera sous la surveillance d’un
Comité international?, placé lui-même sous l’autorité
d'une Conférence générale des Poids et Mesures, formée
de tous les délégués des États contractants, et pré-
sidée par le Président en exercice de l'Académie
des Sciences de Paris.
La convention devenait exécutoire à partir du
1% janvier 1876.
A cetle époque déjà, le programme des travaux
du Bureau international était fixé par un règlement
annexé à la convention, el par une série de déci-
sions de la Commission internationale, Parmi
les décisions de la Commission, les plus impor-
lantes et les plus précises sont celles qui con-
! La Convention fut conclue entre les États suivants:
Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique, Confédération
Argentine, Danemark, Espagne, États-Unis d'Amérique,
France, Italie, Pérou, Portugal, Russie, Suède et Norvège,
Suisse, Turquie, Vénézuéla. Le Royaume-Uni de Grande-
Bretagne et d'Irlande, le Japon, le Mexique, la Roumanie, la
Serbie y ont adhéré à diverses époques, tandis que la Turquie
s’en est retirée.
Le budget du Bureau international a étè de 100.000 francs
par an jusqu’en 1889. A cette date, il a été réduit à 75.000.
Les Etats ÿ contribuent au prorata du chiffre de leur population
multipliée par les coeflicients 1, 2 ou 3, suivant le régime de
icur législation relativement au système métrique. Le coefli-
cient le plus élevé est attribué aux États qui possèdent le
système métrique obligatoire; les deux autres se rapportent
au système facultatif ou à l'absence de législation relative au
système métrique.
? Les membres du Comité international despoids et mesures
sont actuellement : MM. Færster (directeur de l'observatoire
de Berlin), président; Hirsch (directeur de l'observatoire de
Neuchätel), secrétaire; Arndtsen (Christiania): De Arril-
lage (Madrid); J. Bertrand (Paris): de Bodola zudapest) ;
Chaney Londres); Ferraris (Turin) : Gould Cambridge, Mass) ;
Hepitès (Bucparest); von Lang (Vienne) : de Macedo (ministre
plénipotentiaire du Portugal, à Madrid); Mendeleef (Saint-
Pêtersbourg); Thalen (Upsal).
CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE
étalons .
cernent la définition des nouveaux
La première se rapporte au mètre, « qui doit
être copié sur le mètre des Archives dans l'état où
il setrouve »; el, de mème, l’article 22 est ainsi
conçu : « Le kilogramme international sera déduit
du kilogramme des Archives dans son élat actuel. »
Nous n'avons point à entrer dans l'exposé des
motifs de cette double décision, qui a été générale-
ment approuvée par l'opinion. Quelques théori-
ciens seulement eussent préféré que l’on déduisit
des mesures modernes un nouveau mètre el un
nouveau kilogramme conformes à la définition à
laquelle les fondateurs du système s’élaient effor-
cés de satisfaire. Cette manière de voir fut sage-
ment écartée en raison du trouble qui en serait
résulté dans l'application du système métrique, el
des retouches incessantles auxquelles il n'aurait pas
manqué d'être exposé à tout nouveau progrès de la
métrologie. Hàtons-nous d'ajouter qu'il a fallu
près de vingt ans de travaux pour déterminerune
nouvelle valeur plus correcte du méridien dans les
divers pays de l'Europe, et qu'aujourd'hui encore,
si l'on est fixé sur le sens de l'erreur commise
dans la construction du kilogramme, on connait
bien mal sa grandeur. Ainsi, pour obtenir un
accord un peu plus parfait entre les définitions
théoriques et les valeurs pratiques des étalons mé-
triques, on eût retardé de près d’un quart de
sièele l'adoption du système.
Nous avons déjà indiqué les difficultés aux-
quelles donna lieu le passage du mètre des 47-
chives au nouveau ètre international. Nous allons
entrer dans le cœur de la question.
Le mètre des Archives de France se compose
d'une barre plate en platine pur aggloméré en
martelant de la mousse chauffée au rouge blanc;
ses extrémités sont légèrement arrondies, el c'est
la distance du milieu de ses faces qui définit le
mètre à la température de 0°.
Mais déjà à l'époque où l’on disceuta pour la pre-
mière fois l'extension du système métrique, on
s’étail arrêté à l'opinion, qui n’a pas été démentie
depuis lors, que la distance des extrémités d’une
règle ne peut pas être déterminée à beaucoup près
avec une exactitude comparable à celle que l’on
obtient dans la mesure de la distance des deux
traits fins tracés sur un métal poli. Les recherches
de la Commission anglaise avaientmontré, de plus,
comme nous l'avons dit, les avantages de posséder
des barres robustes, tracées sur le plan des fibres
neutres (fig. 1). Ce plan, qui contient le centre de
gravité de la section droite de la barre, possède en
effet, une longueur indépendante du mode de sup-
port de la règle. Dans les étalons anglais, ce plan
était atteint à l'aide de deux puits arrivant au mi-
lieu de la section. Dans la construction des règles
té là ds ts te de . à
PS POS
métriques, on voulut être plus radical. On mit le
plan des fibres neutres entièrement à découvert,
de façon à ce que l’on pût obtenir, sur une
même ligne droite, touteslessubdivisions du mètre.
_ Pour les métaux peu coûteux, la section en H est
1
Fig. 1. — 1 et 2. Règles supportées par le milieu el par les
bouts; dans les deux cas, la ligne des fibres neutres L L
conserve la même longueur.
3. Coupe longiludinale d’un yard étalon. Les traits sont
tracés sur le plan des fibres neutres, au fond des puits P P.
4 et 5. Règles en x el en x; sections transversales adop-
tées par le Bureau international. Ces sections mettent à
découvert le plan des fibres neutres.
tout indiquée par sa symétrie el la facililé avec
laquelle on l’oblient par rabotage ou fraisage. Mais
- le platine iridié coûle près de 3.000 francs le kilo-
gramme, elil convenait de l’économiser autant
que possible, quitte à augmenter un peu les frais
de confection des étalons : c'est pour cela que l’on
s'arrêta à la forme en X, indiquée par Tresca. Mal-
gré la forte densité du métal, une règle de un
mètre suivant ce profil, inscrit au carré de 20 mil-
limètres, ne pèse guère plus de trois kilogrammes,
el coûte environ dix mille francs.
Nous insisterons moins sur la confection des ki-
logrammes, qui sont de petils cylindres dont la
hauteur est égale au diamètre, et dont les angles
sont arrondis. La grande dureté du métal est une
condition essentielle de leur conservation.
II
Les premiers travaux scientifiques du Bureau
international datent de 1878.
Les quelques appareils installés dès cette époque
CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÊTRE
A PRE DR A eg NSP PL. PRET LE à à
7 Dé LE LIT ASS : ; Ps
889
dans les salles du Pavillon de Breteuil, généreuse-
ment mis par la France à la disposition du Comité,
servirent à vérifier d'une manière plus complète
les qualités métrologiques du plaline iridié à
10 °/, proposé par Deville.
Cet alliage soulint victorieusement toutes les
épreuves, et aujourd’hui même, après dix-sept
années de travaux de tout genre, effectués en tous
pays, on ne lui a reconnu aucun défaut.
Puis on s’atilacha à mettre le Bureau en posses-
sion de ses étalons. Une commission mixle, com-
posée de membres du Comité internalional et de la
Seclion française !, fut chargée de ce travail.
Nous ne nous arréterons pas à la reproduction
du kilogramme, au sujet duquel on ne rencontra
au cune difficulté sérieuse. Un rodage fait avec le
plus grand soin amena progressivement, el après
de nombreuses retouches, un cylindre de la forme
prévue, à la masse exacte du kilogramme des Ar-
chives ; la limile de divergence des deux étalons
fut trouvée inférieure à un centième de milli-
gramme.
Pour le mètre, la chose élait plus difficile Un
étalon à traits arrive du premier coup à sa valeur
définitive, que l'on ne peut plus modifier qu'en
effaçant les trails et en recommençant tout le tra-
vail, et l'on eût couru à un échec à peu près cer-
lain, si l’on s'élait proposé d'amener d'emblée l'é-
talon du mètre à la valeur exacte de celui des
Archives. On se contenta donc d’un étalon pro-
visoire, du resle très approché, puisque les com-
paraisons lui assignèrent une valeur de 6 mi-
crons seulement supérieure au mètre.
Les comparaisons entre le nouvel étalon et le
le mètre des Archives étaient rendues particulière-
ment difficiles par leur mode de construclion es-
sentiellement différent. Les deux élalons étant
placés parallèlement l'un à l’autre dans l’auge d'un
comparateur (nous donnerons plus loin la des-
criplion de cet instrument), on munit le mètre des
Archives de pelites armatures de platine, termi-
nées par des pointesextrèmement fines, placées en
regard de ses extrémités. Un miroir disposé au-
dessous éclairait le champ et laissait voir dans le
microscope la pointe et son image formée dans
le bout de la règle. On bissectait l'intervalle de ces
deux images et l’on considérait le milieu de leur
distance comme étant la véritable extrémité de la
règle.
Il en est ainsi, en effet, si l'expérience est par-
faitement réglée. Mais ce réglage même demande
des soins minutieux, comme l'ont démontré MM. Fi-
1 La Commission mixte était composée de MM. Broch,
Foerster et Stas, membres du Comité international, et de
MM. Dumas, H. Tresca et Cornu (rapporteur). Les comparai-
sons des règles ont été faites en majeure partie par MM. Be-
noit et G. Tresca.
890
CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE
zeau et Cornu, qui ont indiqué en même temps les
meilleurs procédés pour y parvenir.
A partir de cette époque, les attributions de la
Section française et du Bureau international furent
nettement délimitées. Tandis quela première avait
pour mission de veiller à la confection des étalons,
pour laquelle le Gouvernement français avait fait
une importante avance de fonds, le Bureau n’eut
plus qu'à s'occuper que de leur vérification.
diverses manipulations qu'ilsubit au Bureau inter-
national. Examiné avec grand soin, au point de vue :
de la qualité des surfaces polies, des traits et de
sa longueur, il est accepté s’il satisfait aux condi-
tions imposées par la Commission internationale.
Hätons-nous de dire que le travail d'achèvement
des élalons a été fait par M. Gustave Tresca, avec
un si grand soin qu’un seul mètre dut être retracé.
L'étude du mètre va maintenant comporter di-
|
ji)
=
De
one
Fig. 2. — Comparateur à dilalalion. — Les deux microscopes, fixés à des piliers de pierre, indépendants du bätiment,
servent à comparer les règles placées dans deux auges remplies d’eau, dont la température peut étre modifiée à
volonté.
Les barres destinées à devenir des mètres pro-
tolypes, extraites d'un lingot fondu au Conserva-
Loire des Arts et Métiers, ou fournies par la maison
Johnson Matthey de Londres, étaient amenées au
profil exael par un tirage au banc, puis polies et
tracées. Cette dernière opération s’effecluail en co-
piant, aussi bien que possible, un élalon vérifié au
Bureau internationol. Chaque règle porte six traits
seulement, trois à chaque extrémité. Le trait cen-
tral de chaque groupe marque l’un des termes du
mètre, tandis que les deux autres, qui en sont à
une distance de 0"%,5, fournissent ensemble des
étalons du millimètre.
Suivons maintenant un élalon du mètre dans les
verses opérations que nous allons indiquer briève-
ment.
La première consisle dans la mesure de sa dila-
lalion, que l'on effectue à l’aide d'un comparateur
ad hoc représenté dans notre figure 2. La règle à
éludier estplacée sur deux rouleaux dans une auge
remplie d'eau et munie de quatre thermomètres.
L'eau ayant été amenée à la température conve-
nable, que l'on maintient à peu près constante à
l’aide d’un thermo-régulateur, esl d'abord vigou-
reusementagitée par le moyen de deux pelites tur-
bines aclionnées par des moteurs électriques. Une
autre règle, placée dans une seconde auge, servira
de terme de comparaison. Dans des expériences
….sures, une longueur constante.
L'appareil est complété par deux microscopes
munis de micromètres destinés à pointer les traits
des règles. Ils sont pourvus de fils d'araignée paral-
lèles et très rapprochés, que l’on amène, dans un
pointé, à égale distance du trait dont on veut fixer
la position, et qui est ainsi compris entre deux
plages lumineuses étroiles, dont l'observateur ap-
-précie l'égalité. Le tour de la vis du micromètre
correspond sensiblement au dixième de milli-
mètre, el la division du tambour indique à très peu
près le micron. Cette valeur est, du reste, déter-
minée de temps à autre, en mesurant l’image d'un
millimètre tracé sur une règle, et donton connait
la longueur exacte.
Une mesure à wne température consiste alors en
six pointés de l’une des règies, alternant avec cinq
pointés de l’autre, et des mesures correspondantes
de la température.
On en déduit une équation de la forme :
Règle A, à T,°, moins règle B à T°, — x.
Le second terme du premier membre est sensi-
blement constant, etle devient absolument par une
réduction, toujours très peu importante, à la même
température pour toutes les séries.
Lorsqu'on possède un nombre suffisant d'équa-
tions de cette forme, on peut procéder au calcul
d'une formule qui indiquera l'accroissement de lon-
gueur de la règle À pour toutes les températures
comprises entre les limites des expériences.
Le nombre d'équations que l’on établit ainsi va-
rie suivant la précision que l’on veut obtenir.
Pour le mètre international, on a fait 80 observa-
lions complèles, ayant fourni un nombre égal
d'équations.
Les dilatations des règles sont soumises à une
autre vérification. Nous avons déjà fait allusion au
procédé extrêmement ingénieux imaginé par
M. Fizeau pour la mesure de petits allongements
(fig. 3). L'avantage de cette méthode est de s’appli-
quer à de faibles longueurs, grâce à l'extrême sen-
sibilité de la mesure interférentielle qu'elle met
en œuvre, et qui est devenue aujourd'hui d'un
usage très général.
Les règles livrées au Bureau international sont
primilivement trop longues de quelques cenli-
mètres. On en détache, à chaque extrémité, un
tronçon d’une quinzaine de millimètres de lon-
gueur, sur l’un desquels on répète les mesures
faites sur la règle entière; ces mesures fournissent
un précieux contrôle de l'homogénéité du métal.
La deuxième opération est la mesure de l’équa-
tion d'une règle, c’est-à-dire de sa valeur par rap-
port au prototype international. Cette opération ne
diffère de la précédente que parce qu'elle est faite
à la température ambiante, les deux règles étant
Fig. 3. — Appareil Fizeau (modifié par M. Benoit) pour la
mesure de la dilatation de pelits échantillons de matière.
— Le trépied muni d’une plate-forme, que l’on voit au centre
de l’instrument, sert à recevoir le corps à étudier (ici un
cube). Les franges d’interférence que l'on établit entre sa
face supérieure et le plan de verre porté par les vis du
trépied, servent de mesure aux allongements différentiels
de ces vis et de l’échantillon. I, A, ampoules d’un ther-
mo-régulateur; P, V, piliers et vis de calage; B, C, enve-
loppes en cuivre épais; E, enveloppe en verre; D, prisme
à réflexion totale, permettant d'observer dans une direc-
tion horizontale; &, b, c fenètres; €, € thermomètres.
placées côle à côte dans la mème auge remplie
d'eau.
Les premières opérations de cette nature étaient
indéterminées. Il fallait, du même coup, fixer la
valeur du prototype international, et celle de tous
les autres étalons par rapport à lui. Voici comment
on procéda :
Le nombre des élalons de premier ordre à dé-
terminer s'élevait à 30. On disposa leurs numéros
conformément au tableau suivant, en laissant de
côté le mètre provisoire internalional n° 2, désigné
par le symbole I,. On compara alors entre elles
toutes les règles d'une même ligne el d’une mème
592
colonne, puis tous les étalons furent délerminés
en fonction de I.
Chaque comparaison comprenait elle-même
quatre mesures complètes de deux règles placées
dans quatre positions différentes l’une par rap-
port à l’autre, de manière à éliminer les petites
erreurs systématiques de position.
Le calcul de cet ensemble de comparaisons
montra que plusieurs des règles tracées par
M. Tresca s’approchaient à moins d’un micron de
la valeur que l’on s'était efforcé de réaliser. Au-
cune d'elles ne s’en écartait de 3 microns et l’une
d'elles, le n°6, concordait à moins de 0y.,1 avec cette
valeur. Ce mètre fut dès lors choisi comme proto-
type international, placé à côté de I, hors du
diagramme, et remplacé dans le lableau par une
autre règle. Tous les étalons furent comparés au
prototype international, el la nouvelle règle subit
le sort commun, la comparaison avec celles de la
première ligne et de la dernière colonne.
Nos lecteurs nous pardonneront-ils cette longue
énumération? Elle élait en quelque sorte néces-
saire pour bien montrer sur quelles bases solides
a élé fondée l'unificalion des mesures métriques,
et pour faire ressortir la parfaite uniformité qui en
résulle pour Lout le système dans les pays qui ont
pris ces élalons comme point de départ.
Un travail lout semblable a été fait pour les
kilogrammes. Pour ces derniers, la mesure de la
dilatation est superflue, Landis que la détermina-
tion préliminaire la plus importante est celle du
volume, permetlant de calculer la poussée de l'air.
La pesée est peut-être la plus délicate des opé-
rations de la Physique, gràce à la merveilleuse
sensibilité de la balance. Le moindre défaut
d'équilibre de la température, le déplacement de
corps d'une cerlaine masse dans le voisinage, sans
parler des poussières microscopiques qui s'at-
lachent aux poids, troublent les résultats et doivent
êlre évilés. C'est pourquoi les pesées sont entou-
rées des plus minutieuses précautions. La salle
dans laquelle elles sont effectuées est maintenue
à une Lempéralure très constante et aussi uniforme
CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE
|
que possible. L'observateur ne s'approche des |
balances que dans l'intervalle des opérations pour
les préparer, el, chaque fois que la cage de la"
balance a élé ouverte, l'instrument est abandonné
à lui-même, pour ne servir qu'après plusieurs
heures. $
Bien entendu, la lecture des élongations se fait
à l'aide d'une lunette et d'une échelle réfléchie
dans un petil miroir porté par le fléau. De plus, la |
pesée étant double, les poids sont d'abord placés
sur les plateaux, et comparés; puis, immédiate- |
ment après, un mécanisme de transposition les 4
échange sur les plateaux et la pesée est recom- «
mencée dans celte nouvelle position des poids.
Cerlaines opérations de contrôle sont faites à
l’aide d’une balance enfermée dans une cage de -
cuivre épais donton peut relirer l'air, tout en con-
servant la possibilité de transposer les poids, et |
mème d'ajouter sur l'un ou l’autre des plateaux de »
petits poids additionnels pour établir l'équilibre
ou déterminer la sensibilité de l'instrument. -
Ilne nous reste qu'un mot à dire sur la précision
atteinte dans les diverses opérations dont nous
venons de parler. Une discussion rigoureuse de
tous les ravaux divers qui conduisent au résullat
final montre que l’on oblient, dans la détermina-
tion de l'équation d’une règle par rapportau mètre
internalional, une exactitude qui est de l’ordre de …
deux divièmes de micron pour toutes les tempéra- :
tures auxquelles les règles peuvent être exposées |
dans les opérations usuelles. Pour les kilo-
grammes, la précision est d’une fraction de cen-
tème ‘de milligramme, soit d’un cent-millionième
en valeur relative.
IV
Les opérations fondamentales dont nous venons
de parler ne sont pas les seules dont s'occupe le
Bureau international. Nous avons déjà dit, dans
un arlicle publié il y a quelques années dans la
Revue |, quel en avait été le rôle dans le perfection-
nement de la thermométrie moderne. Nous ajou-
Lerons, pour n'yplus revenir, que, depuis cetle
époque, les recherches ont élé poussées dans deux
directions opposées. D'une part, le thermomètre à
mercure à élé comparé au thermomètre à gaz
jusqu’à 200°, de manière à étendre les limites de
l'unification de l'échelle thermométrique normale;
d'autre part, le Bureau s'est occupé, à la demande
de la Commission météorologique internationale,
de la mesure pratique des températures infé-
rieures à la congélalion du mercure. Après avoir
essayé un cerlain nombre de liquides, on s'est
|
modernes de la Thermo-
II, pages 74 à 80
1 C. EL. Guiczaume, les Idées
métrie, Revue générale des Sciences, t.
n° du 16 février 1893).
a ne ht à dé de ns
CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE
893
arrêté, pour la construction des thermomètres des-
tinés à ces mesures, au toluène, dont les propriétés
sont : une grande fluidilé, un point d'ébullition
élevé (111° environ) et un point de congélation
extrèmement bas. Dans l’état de pureté absolue,
il est suffisamment fluide à—125°. C’est le coup de
- grâce du thermomètre à alcool, que beaucoup de
. constructeurs ont déjà abandonné.
En partant du mètre, les mesures peuvent être
_ élendues de part el d’autre de celte longueur
fondamentale.
Une échelle divisée n’est jamais parfaitement
correcte. Dans une règle d'un mètre il se trouve
_ peu de millimètres auxquels les mesures n'as-
signent une erreur plus ou moins grande.
Ce sont ces erreurs que l’on détermine, par une
opération semblable en principe dans lous les do-
. maines des mesures, et que l’on nomme calibrage
ou élalonnage. Comparant entre eux les décimètres
d’une règle, on détermine les erreurs de chacun
d'eux; puis on passe par le même procédé du déci-
mètre au centimètre et du centimètre au milli-
LE
dans la géodésie européenne. Il a suffi, pour cela.
de comparer leurs quatre mètres successifs à un
étalon du mètre. Leur dilatation a été mesurée par
le procédé même qui avait été employé pour les
étalons en platine iridié, à cela près que les di-
mensions très considérables de l'appareil né-
cessitaient des moyens d'action plus puissants:
C'est ainsi qu'ont été mesurées les constantes
des règles géodésiques de France, d'Espagne,
d'Allemagne, d'Italie, de Suède, de Norvège et de
la Confédération Argentine, et les doubles-toises
d'Autriche et de Russie, en mème temps que celles
qui avaient servi à Borda dans les mesures célèbres
qu'il entreprit il y a juste un siècle.
Les doubles-toises étaient des étalons à bouts:
on les mesura en leur ajoutant de petites pièces de
contact (A et B, fig. 4) portant des traits, et qui les
amenaient à quatre mètres. Les abouts A et B étant
ensuite appliqués l’un contre l’autre, on détermi-
nait la distance des traits qui avaient servi dans la
première opération. Cette mesure se fait avec une
précision sensiblement moindre que lacomparaison
B| |
Fig. 4. — Diagramme de la comparaison d’une double-loise avec une règle de 4 mèlres.
mètre. Par une série d'opérations longues et fasti-
diceuses, on arrive ainsi, de proche en proche, à
connaître les valeurs exactes de toute une série de
longueurs tracées sur une règle, et donnantla pos-
sibilité de tout mesurer, depuis le millimètre jus-
qu'au mètre.
C'est sur cet élalonnage que reposentla délermi-
nation des unilés étrangères par rapport aux lon-
gueurs métriques, la mesure de la valeur millimé-
trique des vis qui servent dans toutesles comparai-
sons, en un mot toutes les déterminalions qui ne
se rapportent pas au mètre entier.
En dehors de quelques rares opérations de labo-
ratoire, la connaissance des multiples du mètre
trouve son application la plusimportante à la géodé-
sie. Dans les mesures de bases qui comportent la dé-
termination d’une longueur deplusieurs kilomètres,
il y a tout avantage à diminuer autant que possible
le nombre des reprises; c'est pour cela que, dans
l’ancienne géodésie, on se servait de règles de deux
toises, et, aujourd'hui, de barres de quatre
mètres.
En alignant cinq microscopes sur de solides
piliers monolithes, et en complétant l'appareil par
une auge volumineuse de plus de quatre mètres
de longueur, on est parvenu à déterminer avec
précision la longueur des diverses règles employées
de deux règles à traits; mais il ne faut pas oublier
que l’on a affaire ici à des étalons anciers ayant
servi à des mesures dont la précision est beaucoup
dépassée aujourd’hui. L’exactitude de leur mesure
est au moins égale à celle de leur emploi, et c’est
tout ce qu'on peut raisonnablement demander.
Parmi ces règles ainsi mesurées, il en est deux
qui méritent une mention spéciale ; cesont la Toise
du Pérou, ancien étalon des mesures françaises, et
la Toise de Bessel, comparée autrefois au mètre, et
qui était devenue le point de départ de la géodésie
de l'Est de l'Europe. La nouvelle valeur de cet
étalon, déterminée par M. Benoit, une fois con-
nue, le premier soin des géodésiens fut de recal-
culer les triangulations qui en dépendraient; et
le résultat fut de faire disparaitre complètementles
divergences jusqu'alors inexpliquées entre les di-
vers réseaux européens. Ainsi se trouvait fermé le
cycle des mesures, par une concordance presque
1
inespérée de
500000”
V
Ce n’est point le lieu d’entrer dans des détails
plus circonstanciés sur la technique des mesures
dont nous venons de parler ; nous avons passé sous
silence plus d’une question importante, nous pro-
posant seulement de donner une idée générale du
894
CH.-ED. GUILLAUME — LA CONVENTION DU MÈTRE
genre des travaux confiés au Bureau international,
dont l’histoire administrative et scientifique com
prend aujourd'hui quarante-cinq volumes !.
Nous n'avons rien dit du magnifique travail par
lequel M.Michelson est parvenu àratlacher le mètre
à la longueur d'onde des radiations du cadmium, et
dont il a lui-même rendu compte dans cette Revue.
Nous n'avons pas parlé non plus dela station impor-
tante qu'y a faile le colonel Defforges pour la
mesure de l'accélération de la pesanteur en un
point qui deviendra un rendez-vous pour la com-
paraison des pendules.
Il faudrait parler aussi des recherches de
M. Benoit sur la dilatation des corps et la détermi-
nalion de l'indice de réfraction de l'air et de sa
variation avec la température, faite à l’aide de
l'appareil Fizeau ; des expériences de M. P.Chappuis
sur les constantes de l'équation caractéristique des
gaz ; d'une détermination, faite par M. Thiesen, de
la variation de l'intensité de la pesanteur avec la
hauteur, détermination dont l'utilité est rendue
évidente par le fait que la balance est susceptible
de donner des indicalions différentes si l’on place
successivement deux kilogrammes l’un sur l’autre
et l'un à côté de l’autre.
Nous passons sous silence également les travaux
en cours sur la masse du décimètre cube d’eau, la
détermination directe, par une méthode nouvelle,
imaginée par M. Benoit, d’étalons du centimètre
et du millimètre, fondée en partie sur les procédés
mis en œuvre au Bureau par M. Michelson.
Nous voudrions surlout,en terminant cet article,
insister sur quelques faits propres à faire ressorlir
l'importance attribuée en tous pays à l'œuvre d’uni-
ficalion dont les premières bases furent jetées
en 1867, el dont la Conférence générale de 1889 à
marqué la première étape.
Cette Conférence générale des Poids et Mesures
eut pour mission principale de sanctionner le mètre
international, reconnu depuis cette époque comme
seul élalon fondamental du système métrique. Puis
les étalons furent tirés au sort entre les États de
la Convention, et furent emportés, les uns immé-
diatement, d’autres dans le courant de l’année sui-
vante dans leurs pays respectifs. L'histoire de la
plupart de ces transports a élé écrite, afin que l’on
1 Travaux el mémoires du Bureau internalional des poids
el mesures, t. 1 à XI (à l’exception du t. IX, en cours d'im-
pression). Procès-verbaux des séances du Comilé inlernalional,
1875 à 1K94. Rapports aux gouvernements des
Etals signalaires de la Convention du mètre; seize rapports,
1876 à 1892. Les deux premières collections sont seules en
vente (Paris, Gauthier-Villars, éditeur).
Les travaux préparatoires sont consisnés dans une douzaine
de volumes de procès-verbaux de la Section francaise et de la
Commission internationale du mètre.
sessions de
eût un document certain dusoinavec lequelle trans-n
fert avaitété effectué, et de la conservation des éla-
lons. Toutefois aucun pays ne fit, à ces précieux
représentants du système métrique, un accueilcom- "
parable à celui qu'ils reçurent aux États-Unis. A.
leur arrivée les caisses qui les contenaient, el que »
les délégués n'avaient pas perdues de vue pen-
danttoutle voyage, furent déposées au White-house, »
où elles furent ouvertes en présence du président
Harrison, qui signa le procès-verbal d'arrivée,
contre-signé par toutes les notabilités scientifiques
de Washington. Puis, pour fêter dignement ces
premiers prototypes authentiques du système mé- »
trique arrivés dans la grande république, on dansa
en leur honneur, en témoignage de sympathie
pour les mesures qui deviendront prochainement
légales dans l'Union.
Les législateurs ont aussi fait une large place
aux représentants matériels du système métrique.
Dans la plupart des pays qui reçurent leurs étalons
en 1889, les unités métriques sont aujourd'hui
légalement définies par ces étalons.
Le texte des lois relatives au système des poids
et mesures a, dans un certain nombre d’Élals, la
forme suivante :
« L'unité de longueur est le mètre représenté
par la distance, à 0°, des traits du prototype en
platine iridié déposé au Bureau international
des Poids et Mesures. Cetle unité sera léga-
lement représentée, dans ce pays, par la copie
SSD dont la longueur à 0° est reconnue égale à
1 mètre...» Une rédaction semblable est appli-
quée au kilogramme.
Si nous insistons sur cette question, tout admi-
nistrative, de la légalisation des étalons, c'est
qu’elle a une grande importance au point de vue
de l'unité et de la cohérence parfaite du système
métrique dans tous les États qui l’ont adopté.
Le passage du Mètre des Archives au prototype
international devait être consigné dans un texte de
loi; non point qu'il en résulte aucune disconti-
nuité, aucune fissure dans le système; il n'est pas
d'expérience, basée sur le Mètre des Archives,
dont la précision soit comparable à celle avec
laquelle s'est effectué le passage de celui-ci au
mètre provisoire et au prototype international, et,
désormais, le système entier sera défini avec une
sécurité plus grande, en même temps que, par le
lien que l'on à élabli entre les étalons et certaines
constantes naturelles, il sera plus immuable.
Ch.-Ed. Guillaume,
Docteur ès sciences,
Physicien au Bureau International
des Poids et Mesures.
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
895
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
La mise en service de la première locomotive élec-
- trique de la Baltimore and Ohio Railroad Company vient
de ramener l'attention sur la solution adoptée pour la
traversée des tunnels de Baltimore. Ce n’est pas la
question d'économie qui, dans ce cas, a guidé les
- Américains, car les locomotives électriques ne seront pas
Î employées au service d’une ligne complète : elles seront
uniquement utilisées sur un troncon de # kil. 500 en-
viron. En decà et au delà ce sont des locomotives ordi-
. naires qui couduiront les trains. Il y a donc eu à créer
tout un matériel supplémentaire et fort coûteux à
construire.
La voie traverse
la ville de Baltimore
sur une longueur
de 4.500 mètres en-
viron, dont 2.300
sont en tunnel et
2,200 sont à ciel ou-
vert. Il s'agissait
d'éviter le dégage-
ment de la vapeur
et de la fumée tani
sous les voütes du
tunnel que dans les
rues dela ville. C’est
LES LOCOMOTIVES ÉLECTRIQUES DE LA BALTIMORE AND Ouio RaiLzroap Company.
croyons utile de signaler particulièrement l'essai de
Baltimore.
Nous avons donné,au commencementde cette année !
la description des locomotives qui y sont employées,
et qui étaient alors en construction. Nous ajouterons
aujourd'hui quelques détails complémentaires sur la
station génératrice et sur la transmission du courant
aux moteurs ?,
La slation génératrice est un bâtiment à un seul
étage divisé en deux parties. Dans la première se trou-
vent 42 chaudières tubulaires de 250 chevaux cons-
truites par the Abendroth and Root Manufacturing Com-
pany. Dans la se-
conde ont été pla-
cées toutes les ma-
chines. Elles sont
partagées en deux
groupes : l’un réser-
vé à la production
du courant néces-
saire aux locomoti-
ves; l’autre, à l’é-
clairage du tunnel.
Celui-ci comprend,
pour les lampes à
arc, 8 générateurs
l'électricité qui a
paru offrir la meil-
leure solution du
problème. On ré-
solut d'en tenter
l'essai. Cette ques-
tion intéresse tout | L T
particulièrement
les Parisiens. Ils
ont une ligne sou-
terraine qui vient
jusqu’au Luxem -
bourg, uneautre qui
est encore en cons- z
truction et qui finira aux Invalides. On a parlé d’en tra-
cer une troisième tout le long du boulevard Saint-Ger-
main. Enfin, l'Exposition de 1900 va très certainement
faire naître une foule de projets d'organisation des
moyens de transport. La Compagnie de l'Ouest, jusqu’au
Champ de Mars, n’a pris aucune précaution spéciale et
répand à travers Paris d’abondants flots de fumée. Con-
tinuera-t-elle jusqu'aux Invalides et plus loin encore, si
elle est amenée à prolonger son réseau? La Compagnie
d'Orléans, ayant entre la gare de Sceaux et celle du
Luxembourg une voie entièrement souterraine, a dû
supprimer aussi complètement que possible la vapeur
et la fumée. Elle emploie des condenseurs sur ses lo-
comotives et chauffe celles-ci au coke. Des hottes
spéciales ont été placées à chaque station pour évacuer
la fumée, inévitable pendant les chargements. D'autre
part, pour ne paslaisser séjourner les produits gazeux
résultant de la combustion, elle a installé un puissant
ventilateur au Luxembourg et elle a construit sur le
boulevard un très grand nombre de prises d’air. Ce
sont là des mesures très ennuyeuses, parfois très coû-
teuses et qui, somme toute, ne résolvent pas d’une
manière absolument parfaite le problème qui avait été
posé. Et puis, ce genre de solution, possible sur une
courte ligne comme celle du Luxembourg, le serait-il
encore sur une longue ligne traversant tout Paris ? On
nous permettra d’en douter. C’est pourquoi nous
Fig. 1.
teurs.
— Mode de suspension des conducteurs à l'intérieur du tunnel. —
M, voûte du tunnel; U, x, tiges soutenant une traverse V; T, £, tiges
soutenant deux étriers C et c; «, b, premier conducteur; À, B, second
conducteur; J, j, premier groupe d’isolateurs; I, ë, second groupe d'isola-
Thomson Houston
de 50 lampes, mus
au moyen de cour-
roies par deux ma-
chines compound
Armington et Sims
de 250 chevaux ;
deux machines sem-
blables conduisent
deux alternateurs
capables séparé -
ment de produire
l'énergie totale né-
cessaire aux 1.000
lampes à incandescence de 32 bougies (candles), qui
sont réparties le long de la ligne.
A p
A B
N
ZI,
Fig. 2. — Appareil de prise du courant de la locomotive
électrique. — N, navette glissant le long'du conducteur.
— ad, de, be, cf, bras articulés en a, b, c, d,e, f.—T, toit
de la locomotive.
1 Revue Générale des Sciences, n° du 15 février 1895.
2 Ces détails sont empruntés à The Electrical World,
vol. XX VI, n° 2.
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2
Les machines destinées à la production de la force
motrice sontdesdynamos multipolaires de500kilowatts,
accouplées directement à des machines horizontales
tandem-compound tournant à 110 tours à la minute.
- Le courant n’est pas produit au voltage ordinairement
hauteurs différen -
tes suivant les en-
: droits:ilestà 5m.10
admis pour les réseaux de tramways; les dynamos
donnent 600 volts à vide et 700 à pleine charge. Elles
sont en ce moment au nombre de 4; des fondations
sont prêles pour en recevoir une cinquième aussitôt
que le besoin s’en fera sentir.
- La partie la plus originale du nouveau réseau est
formée par le conducteur aérien sur lequel les locomo-
-tives prennent le
-courant qui leur est
nécessaire. Les in-
génieurs ont été a-
menés à placer ce
conducteur à des
-du sol dans le tun-
mel et à 6 m. 60 à
l'extérieur. Tantôt
aussi il se trouve
exactement dans
l'axe de la voie;
tantôt au contraire
il est rejeté sur le
côté. Dans ces con-
dilions, on n’a pu
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
897
est portée par un losange articulé en abedef, de sorte
qu’elle est susceplible de mouvements de bas en haut
ou de haut en bas et de mouvements de gauche à droite
ou de droite à gauche. Elle est ainsi capable de suivre
le conducteur dans ses posilions différentes par rap-
port à la voie sans pouvoir aucunement l’abandonner.
Le retour du courant a lieu par les rails. Des feeders
y sont rattachés de distance en distance. D’autres sont
également rattachés au conducteur aérien. Ils sont
placés au milieu de l'intervalle C c (fig. 1) et supportés
par des traverses spéciales, x
Les figures 3 et 4! montrent la locomotive de côté
et de face et per-
mettent de se ren-
dre compte de la
manière dont elle
est rehée au con-
ducteur,
Une seule loco-
motive est en ce
mement terminée;
deux autres sont
encore en construc-
tion. La mise en
service de la pre-
mière à eu lieu au
commencement de
LE]
«
\ juillet. Elle fut a-
} menée, par une lo-
} comotive à vapeur,
» jusqu’auprès du
-uliliser le système
tunnel de Camdem
ordinaire de trolley.
Street. Là, à un si-
Le conducteur em-
£nal donné, les cir-
ployé est formé de
cuits des moteurs
deux barres de cui-
yre ayant une sec-
don en Z(AetB de
la fig. 1, par exem-
ple). Ces barres sont
‘posées par tron -
cons de 9 mètres,
‘dont le mode de
suspension est va-
riable. Notre figure
4 représente celui
qui à été adopté à
l'intérieur du {un-
vel. Deux tiges U et
furent fermés, un
léger bruit se fit en-
tendre dans le con-
ducteur et la lour-
de machine se mit
en marche sans ef-
fort apparent, trai-
nant à la remorque
la locomotive à va-
peur ?.
Les ingénieurs
français ne peuvent
se désintéresser de
ces expériences. Ils
LNTLS
doivent les suivre
u, profondément
scellées dans la voù-
avec attention et
4e, soutiennent une
traverse métallique
Y dont elles sont
séparées par des
isolateurs J et 7.
Sur cette traverse V sont fixées, par l'intermédiaire
d’un second groupe d'’isolateurs 1,4, deux autres tiges
Tett munies d'étriers C et € qui supportent les con-
ducteurs AB, d’une part et ub d’autre part. Ces sup-
ports sont placés tous les 4 mètres et au-dessus de
l’entrevoie, intervalle qui sépare la voie montante
de la voie descendante. À chacune de celles-ci est
affecté un des conducteurs. Dans les partiés de la
ligne qui sont à ciel ouvert, des pylones portent des
barres transversales auxquelles sont fixées des chaînes
ayant des portées de 45 mètres et composées d’une
suile de tiges de fer ; à ces chaînes ont été suspendus
les conducteurs, Les figures 3 et #4 montrent enfin un
troisième système qui offre, avec les deux premiers, ce
caractère commun que les barres conductrices sont
isolées au moyen de deux groupes successifs d’isola-
‘teurs : ce sont, dans la figure {, avons-nous dit, en
premier lieu J j et en second lieu I à.
La prise de courant se fait au moyen d'une sorte de
navette N (fig. 2) glissant dans la rainure formée par
les deux barres composant le conducteur. Cette navette
Fig. #4.
— La locomotive électrique vue de l'avant. — Mode de liaison entre
la locomotive et le conducteur situé en haut et à gauche.
utiliser les ensei-
gnements qu'elles
donneront. La pra-
tique révélera pro-
bablement des dé-
fauts, indiquera quels sont les détails à changer ou à
perfectionner. Déjà quelques incidents ont été signalés.
Par les temps humides le contact entre le conducteur et
la navette se fait mal et celle-ci est portée au rouge par
les étincelles qui se produisent 3. Ce sont là des points
faibles qui ne sont pas pour nous surprendre. Ne les ren-
controns-nous pas dans tous les premiers essais? Les
améliorations viendront peu à peu, etilnous appartient,
à nous qu'intéressent les problèmes soulevés par les
ingénieurs américains, d'étudier soigneusement leurs
travaux afin d’être en mesure d’en profiter et de pou-
voir marcher un pas plus certain lorsque nous croi-
rons utile ou nécessaire d'entrer dans les voies nou-
velles qui viennent de nous être indiquées,
A. Gay.
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique,
1 Ces figures sont empruntées à Engineering, vol. LX,
n° 1542.
? The Electrical World.
3 The Electrician, n° du 2 aout,
898
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Resal (H.), Membre de l'Institut, Inspecteur général des
Mines. — Traité de Mécanique générale. 2° Edi-
tion. Tome 1: Cinématique. Théorèmes généraux
de la Mécanique. De l’Equilibre et du Mouve-
ment des corps solides. — 1 vol. in-8° de 304 pages
avec #7 figures. (Prix: 6 fr. 50.) — Tome II : Frotte-
ment. Equilibre intérieur. Elasticité. Hydrosta-
tique. Hydrodynamique. Hydraulique. — 1 vol.
in-8° de 166 pages avec #1 fiqures. (Prix: 3 francs.)
Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1895.
Les modifications apportées aux programmes de
l’enseignement à l'Ecole Polytechnique ont amené mon
savant maitre à remanier son cours de Mécanique.
C’est le fruit de ce travail qu'offre la nouvelle édilion.
Le tome I contient Ja mécanique rationnelle, ciné-
matique, statique et dynamique. Les vecteurs y sont
heureusement appliqués, comme dans la première édi-
tion; mais nous regrettons que l'auteur m’ait pas
adopté tout le calcul géométrique de Grassmann,
comme l’a fait avec avantage M. Castellano, professeur
à l'Académie Militaire de Turin (Lezioni di Mecanica
razionale, 1894). La théorie des chocs qui termine le
volume est présentée avec une grande généralité, envi-
sageant deux corps libres, de formes quelconques et
imparfaitement élastiques. Les cas- particuliers sont
déduits des formules générales. C’est la méthode de
l'auteur d'entrer tout droit dans le sujet, avec toute la
généralité possible, par une synthèse rapide. Sédui-
sante el instructive pour les esprits mürs,elle présente
des difficultés aux élèves.
Considérons, par exemple, l'équation générale de la
Mécanique (théorème des travaux virtuels). C’est la clef
de l'ouvrage : tout, en dynamique, comme en statique,
est déduit de ce théorème par de simples particulari-
sations de la formule générale. J'ai entendu des per-
sonnes compétentes affirmer que le théorème en ques-
tion n'est pas démontré par M. Résal. Cherchons la
cause d’une opinion si radicale. — Envisageant les
machines, où des corps solides réagissent les uns sur
les autres, on est conduit, dit l’auteur, à considérer un
système matériel dont certaines molécules sont assu-
jetties à rester sur des surfaces fixes... Pour les dépla-
cements compatibles avec les liaisons, le travail de la
réaction est nul. — Certes, c’est peu pour affirmer que
le travail virtuel total sera nul dans toutes les machines.
La presse hydraalique, la poulie avec sa corde ne sont
même pas envisagées. D'autre part, considérons une
bille au repos. La réaction du sol sur elle est dirigée
vers le haut. Soulevons par la pensée cette bille : c’est
un déplacement compatible avec la liaison, Le travail
de la réaction est positif; il n’est pas nul. Enfin le pas-
sage de la statique à la dynamique est trop rapide :
dans la réciproque du théorème, on admet que le
déplacement réel est compatible avec les liaisons.
C'est exact parce que les liaisons sont supposées fixes
en stalique; cela devient faux en dynamique,où les
liaisons peuvent être variables avec le temps. Il impor-
terait d'appeler l’attention sur ce fait un peu para-
doxal, puis de montrer que le théorème n'en est pas
moins applicable à la dynamique.
Ces lacunes sont regrettables, mais il est excessif
de nier la démonstration, Je ne crains même pas de
déclarer que je la préfère encore, avec ses défauts, aux
poulies de Lagrange et aux tiges d'Ampère. Correctes,
mais trop habiles, les démonstrations de ces géo-
mètres voilent derrière un échafaudage d’artitices
cette loi naturelle qui n'a pas échappé à M. Résal :
Lorsque la résistance élastique des corps n’est pas vaincue,
elle ne peut jamais fournir un travail négatif. Cette loi
est équivalente au théorème des travaux virtuels com-
pris dans toute sa généralité. Elle est aisée à établir en
partant de l'hypothèse moléculaire, avec le princive de
l’action et de la réaction, Mieux vaudrait encore l’ad-
mettre comme postulat que la remplacer par des habi-
letés de géomètre,
Le frottement, l’élasticité, l'équilibre et le mouve-
ment des fluides formentla matière du tome If, malière
plus digne que la Mécanique rationnelle de l’esprit
pénétrant de mon éminent maitre. Je signalerai les
équations de léquilibre intérieur. L'exposition est
simple et correcte, mais rapide et sobre, au point que
chaque mot, dans les titres mêmes, doit être bien pesé
par le lecteur. E. CARVALLO.
Albeilig (M.), Ingénieur de la Marine, et Roche (C.),
Ancien ingénieur de la Marine. — Traité des Ma-
chines à vapeur. Tome I. — 1 vol. in-8° de 600 pages
avec 408 fig. de l'Encyclopédie industrielle de M. C.
Lechalas. (Prix : 20 fr.) Gauthier-Villars et fils, édi-
leurs. Paris, 1895.
Le plan général de cet important ouvrage a élé tracé
conformément au programme du Cours de Machines
-professé à l'Ecole Centrale, Bien qu'il soit rédigé à un
point de vue surtout pratique, la partie théorique n’a
pas été négligée. Partout où elle est nécessaire ou
utile, la théorie a recu les développements les plus
complets, comme par exemple dans le chapitre 1 où
sont exposés les principes de la Thermodynamique et
l'application de ces principes aux gaz et aux vapeurs;
comme aussi dans la théorie des coulisses et méca-
nisme de distribution (chap. vu); ou bien encore,
comme au chapitre vur, dans la théorie de la conden-
sation et le calcul des pompes, des turbines, des injec-
teurs, elc.….
Mais il faut savoir gré aux auteurs de n’avoir pas
cédé à la tentation de multiplier à tout propos les
formules, et d’avoir traité aussi simplement les choses
simples, que savamment les questions plus ardues.
Nous signalerons comme particulièrement étudiée et
ingénieuse la théorie pendulaire des indicateurs
(chap. 1v). Les lois du mouvement oscillatoire, aux-
quelles les auteurs parviennent par le calcul, les con-
duisent à formuler d’une manière simple les meilleures
conditions de fonctionnement d’un indicateur. L'étude
du diagramme totalisé est également fouillée avec
soin (chap. nt).
Avec le chapitre v, on aborde le calcul des organes
de la machine à vapeur, les dispositions pratiques
qu'ils comportent, les essais auxquels certains d'entre
eux doivent être soumis. Une description sobre et
claire, des figures nombreuses et variées distinguent
ce chapitre.
Le chapitre vi est consacré au problème délicat de
la régulation et des diverses épures de distribution et
de détente; signalons un paragraphe des plus utiles
sur la manière de procéder au relevé des éléments de
la distribution sur la machine et sur l'étude deserreurs
que l’on peut commettre dans cette opéralion.
Les mécanismes de distribution et de changement
de marche sont décrits dans le chapitre vir.
Enfin, dans le chapitre vit, l'étude des condenseurs
à injection et des condenseurs à surface, la théorie de
l'alimentation et la description très complète des
injecteurs et des diverses pompes terminent ce pre-
mier volume, que nous croyons appelé à rendre de
grands services. L'AVIVET.
s 2: usa 4
nie ot AE AN
2° Sciences physiques.
Houllevigue (L.), Maitre de Conférences à la Faculté
… des Sciences de Lyon. — Del'influence de l’aimanta-
tion sur les phénomènes thermo-électriques.
(Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de
. Paris.) — Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1895.
_ J'aimantation modifie la plupart des propriétés
… physiques des corps et particulièrement les propriétés
… électriques. M. Houllevigue a entrepris sur l’une des
plus remarquables de ses actions une étude très soi-
née et fort adroitement conduite. Il a limité son tra-
vail à l'influence du magnétisme sur les phénomènes
thermo-électriques; c’est une question dont plusieurs
physiciens s'étaient déjà occupés, et, pour ne citer que
le plus illustre, lord Kelvin a consacré à ce sujet une
«bonne partie de l'un de ses mémoires, le plus juste-
ment célèbre; mais, derrière le grand savant, il res-
tait encore à glaner, et M. Houllevigue a su recueillir
encore presque une moisson,
L'auteur étudie d’abord l'influence de l’aimantation
sur Ja force électromotrice des piles thermo-électri-
ques où l’un des métaux est du fer ou de l’acier; le
dispositif de l’expérience est analogue à celui qu'avait
déjà adopté M. Chassagny dans un bon travail sur ce
sujet; mais ici les champs que l’on pourra atteindre
seront beaucoup plus intenses. Le principe de la mé-
thode consiste à comparer les forces électromotrices
de deux piles semblables, dont l’une est placée dans
un champ connu, tandis que l’autre n’est pas soumise
. à l’aimantation; la mesure de la force électromotrice
se fait par comparaison avec une dérivation prise sur
“un élément Gouy, la mesure des champs avec l’appa-
reil de M. Leduc. Peut-être pourrait-on regretter que
la complicalion déjà grande des expériences n'ait pas
permis à l’auteur d'effectuer la mesure des champs au
moment où il procédait aux mesures électriques ; il
est un peu fàcheux aussi que les échantillons employés
“n'aient pas été complètement étudiés au point de vue
magnétique ; il eùt été intéressant de déterminer leurs
coefficients d'aimantation, nécessaires d’ailleurs pour
connaître la véritable valeur du champ au moment des
expériences.
Les résultats généraux obtenus sont bien nets:
la posilion du fer et de l’acier dans la série thermo-
électrique est modifiée par l’aimantation. On peut
déduire de là, par raisonnement, les variations qu'é-
prouve. avec le champ, l'effet Peltier au contact du
fer ou de l'acier avec un autre métal non magnétique;
- pour le fer doux, ces résultats prévus par la théorie
- sont corroborés par une étude expérimentale, M. Houl-
levigue a pu étudier l’effet Peltier en le produisant au
contact d’une des faces d’une pile thermo-électrique
très sensible, et en équilibrant son action par un
» échauffement produit sur l’autre face à l’aide d'un
- courant variable à volonté, et traversant une résistance
… constante. Une autre conséquence, très intéressante,
b découverte par l’auteur, est l’existence d'une variété
- d'effet Thomson qui se produit, sans variations de
températures, entre deux parties inésalement aiman-
tées d’un même corps magnétique; celte conséquence
» du calcul est directement vérifiée pour le fer doux.
… Enfin, l’auteur montre que cette nouvelle forme d’effet
- intervient dans certaines expériences de sir W,. Thom-
… son,et que l'interprétation de ces expériences, qu’avail
- donnée l’illustre savant, n'est pas complètement
… exacle. :
—_ N'oublions pas de signaler, au début de la thèse,
« un excellent historique, et aussi, et ce n’est pas un
des moindres mérites de ce bon travail, un chapitre où
sont établis, avec une simplicité, une rigueur et un
ordre parfaits, les relations entre les diverses quan-
tités qui seront envisagées dans le cours des recher-
. ches; Les définitions sont données avec une rare pré-
- cision, et tout le mémoire est clairement et nettement
_ rédigé.
.
Lucien Poincaré.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 899
Serres (Louis), Professeur de Chimie à l'Ecole Jean-
Baptiste Sa, — Traité de Chimie, avec la notation
atomique, à l'usage de l'Enseignement primaire supérieur.
Métalloïdes. Métaux. Chimie organique. — { vol.
in-8° de 520 pages avec nombreuses figures dons le texte.
(Prix : 10 fr.) Baudry et Cie, éditeurs, Paris, 1895.
L'adoption de la notation atomique dans l’enseigne-
nement universitaire a provoqué la publication d’un
grand nombre d'ouvrages élémentaires de Chimie écrits
dans le système atomique.Quelques-uns de cesouvrages
ne sont que la traduction d'éditions précédemment
notées en équivalents, d’autres sont réellement des
œuvres nouvelles, Le traité de M. Serres appartient
à cette dernière catégorie, et il y gagne de l’homogénéité.
Ce volume contient les matières qui forment le pro-
gramme de la classe de Mathématiques élémentaires ;
l'étude des métalloïdes et des métaux forme les deux
premières parlies. La {roisième partie, consacrée à la
chimie organique, est sensiblement plus développée
que dans la plupart des ouvrages analogues. L'auteur
a cherché à la rédiger conformémentauxidées modernes;
il emploie les formules de constitution sans en abuser
et indique même les principes de nomenclature tout
récemment adoptés au Congrès de Genève.
G. Crarpy.
Marie (T.), Professeur agrégé a la Faculté de Médecine et
de Pharmacie de Toulouse. — Recherches sur les
acides cérotique et mélissique. (Thèse dela Faculté
des Sciences de Paris.) — 1 vol, in-8° de 106 pages. Gau-
thier-Villurs et fils, éditeurs, Paris, 1895.
Les acides gras à poids moléculaire élevé sont encore
mal connus; leur préparation à l’état pur est, en effet,
difficile, et l'intérêt qui s'attache à leur connaissance
plus approfondie assez médiocre. M. Marie étudie dans
ce travail les acides de la cire d’abeilles; en soumettant
cette substance, d’abord à l’action de l’alcool, puis à
celle de la chaux potassée, qui décompose la myricine,
il obtient un mélange d'acide cérotique et d’acide mé-
lissique, qu'il arrive enfin à séparer par l'alcool méthy-
lique, dans lequel l’acide mélissique est presque inso-
luble.
L’acide cérotique pur fond à 77° 5, température non
corrigée, Pourquoi cette lacune, d'autant plus grave ici
que le point de fusion de l'acide cérotique est la plus
intéressante de toutes ses propriétés ? Il est vraiment
regrettable de voir encore de nos jours négliger à ce
point la précisiondes mesures, et l’on se demande pour-
quoi, devant uu pareil résultat, M. Marie s’est donné la
peine de vérifier son thermomètre avec autant de soir.
L'acide cérotique s’éthérifie par les méthodes ordi-
naires ; il donne un chlorure, un amide et un nitrile,
enfin, par l'acide iodhydrique, un hydrocarbure qui
paraît répondre à la formule C# H°?; il en résulte que
cet acide doit s’écrire C?5 H50 0° et non C?7 Hÿi O?. Cette
nouvelle formule concorde d’ailleurs exactement avec
les analyses.
Le brome donne des dérivés bromés, transformables
en acides oxy, amino et nitrilocérotiques ; ce dernier
se transforme naturellement, par saponilication, en un
acide G?* H'8 (CO? H)? de la série malonique.
L'acide mélissique fond à 90° (non corrigé); ses pro-
priétés chimiques sont en tout semblables à celles de
ses homologues inférieurs et son analyse confirme la
formule adoptée C30 H® O?,
Par oxydation, ces deux corps fournissent les mêmes
produits que les acides des graisses, c’est-à-dire un mé-
lange complexe d'acides inférieurs, à chaîne normale,
monobasiques ou bibasiques.
L. MAQUENNE.
Serrant (Emile), Ingéniewr-Chimiste. — Applica-
tions de la Chimie à l'Art militaire moderne. —
1 vol. in-12 de 132 pages avec planches hors texte. E.
Bernard et Cie, édilewrs, 53 ter, quai des Grands-Au-
gustins. Paris, 1895.
900
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
”i
1
8° Sciences naturelles.
Bernard (Félix), Assistant au Muséum d'Histoire na-
turelle, docteur ès sciences, agrégé des sciences natu-
relles. — Eléments de Paléontologie. Seconde par-
tie, pages 529 à 1168, avec 231 figures dans le texte.
— J.-B. Baillière et fils, éditeurs.Paris. 1895.
Cette seconde partie termine dignement les Elé-
ments de Paléontologie de M. Félix Bernard, qui sont
déjà entre les mains de tous les étudiants en sciences
naturelles. Elle contient la fin des Invertébrés (La-
mellibranches et Céphalopodes), les Vertébrés et un
aperçu succinct de la Paléontologie végétale, Le cha-
pitre relatif aux Lamellibranches est un des meilleurs
de tout l'ouvrage, et l'on sent que l’auteur y a apporté
une compétence toule particulière ; on y trouvera une
classification nouvelle, basée à la fois sur l'anatomie
des parties molles et sur la morphologie de la char-
nière. M. Rémy Pecrier à prêté sa collaboration à
M. Bernard pour le chapitre des Mammifères, qu'il a
rédigé presque en entier. Emile Hauc.
Binet (Alfred), Directeur-adjoint du Laboratoire de Psy-
chologie physiologique des Hautes-Etudes à la Sorbonne.
— Contribution à l'étude du Système nerveux
sous-intestinal des Insectes. Thèse pour le Doc-
torat de la Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol.
in-8° de 132 pages avec fig. et planches en couleurs.
F. Alcan, éditeur. Paris, 189%.
Les travaux de Dietl, Flügel, Berger, Bellonei, etsur-
tout les belles recherches de Viallanes, nous ont fait
connaitre Ja structure des ganglions cérébroïdes des
Insectes ; celle de la chaine sous-intestinale nous était
à peu près inconnue : le mémoire de M. Binet vient
heureusement combler cette lacune et enrichir nos
connaissances sur l’histologie des centres nerveux
chez les Arthropodes, de faits nouveaux très intéres-
sants.
M. Binet a examiné un certain nombre de types
appartenant à l'ordre des Coléoptères (Dytisceus, Melo-
lontha, Rhizotrogus, Lucanus, Geotrupes, Carabus, Blaps,
Timarcha), à l’ordre des Orthoptères (Gryllus, Gryllo-
talpa, Blatta), un Muscide (Mesembrina meridiana) et un
Homoptère (Cicada Orni) ; il a en outre étudié compara-
tivement, au point de vue histologique, quelques Crus-
tacés (Astacus, Homarus, Palinurnius, Oscus, ete.) Les
méthodes techniques qu'il a employées dans ses re-
cherches sont celles qui avaient donné à Viallanes
les meilleurs résultats, c’est-à-dire les coupes en séries
des ganglions, préalablement convenablement durcis,
soit par les liquides de Flemming ou d'Hermann, soit
par le sublimé. En colorant le tissu nerveux, à l’état
frais, par le bleu de méthylène, suivant ia méthode
d'Ehrlich, il a pu établir les relations qui existent entre
les différentes cellules, ce que ne permet pas générale-
ment l'étude des coupes.
Après avoir rappelé brièvement les travaux de ses
prédécesseurs sur la constilution du système nerveux
des Arthropodes, M. Binet consacre la première partie
de son mémoire à l'étude de la structure des éléments
histologiques, cellulesetfibres nerveuses. À ce point de
vue, les ganglions des Crustacés sont beaucoup plus
favorables que ceux des Insectes, dans lesquels les ra-
mifications des trachées gènent beaucoup l’observa-
tion et peuvent occasionner de nombreuses erreurs
d'interprétation.
Grâce à une technique particulière, en colorant suc-
cessivement les coupes d'abord par lhématoxyline,
après mordancage par le sulfate de cuivre, puis par la
safranine, M, Binet est arrivé, chez les Crustacés, à
obtenir une coloration du protoplasma de la cellule
nerveuse différente de celle du cylindre-axe qui part
de cette cellule. Cette double coloralion lui a permis de
suivre le trajet des fibrilles nerveuses du cylindre-
axe dans le protoplasma et de constater qu'elles
n'entrent pas en relation avec le noyau, comme l'ont
admis plusieurs auleurs, Dans certaines cellules,
à
ces fibrilles restent réunies en faisceau et décrivent
une spire autour du noyau avant de se séparer(cylindre
axe intercellulaire); dans d’autres cellules nerveuses”
les fibrilles s’écartent régulièrement les unes des
autres, dès leur pénétration dans la cellule, et dé
crivent des lignes spirales dans les couches les plus
superlicielles, corticales, du protoplasma; les régions
du protoplasma qui sont les plus voisines du noyau
sont pauvres en fibres nerveuses et se colorent autre-
ment que les régions périphériques.
La majorité des cellules nerveuses des Insectes sont
piriformes, unipolaires, et émettent un prolongement"
d’un calibre régulier, d’où partent latéralement des
branches fines qui se ramifient; parfois le prolonge-#
ment primitif se divise en deux prolongements secon-
daires, placés symétriquement. Le prolongement pri-
mitif des cellules de grande dimension, qui peut être
suivi dans un certain nombre de cas, se continue dans
les nerfs périphériques ou dans les connectifs.
Les ganglions de la chaine sous-intestinale sont
construits d’après le même plan que les cérébroïdes :
différence à noter avec le système nerveux des Verté-
brés, chez lesquels les fibres et les cellules nerveuses
ne présentent pas la même répartilion anatomique «
dans la moelle épinière et dans le cerveau.
Les éléments cellulaires occupent la périphérie du
ganglion, où-ils forment, suivant les points, ure ou
plusieurs couches; la région centrale du ganglion est
occupée par la substance ponctuée des auteurs, ou subs-
tance fibrillaire, qui paraît être constituée par un
réseau inextricable de fines fibrilles, mais dont la struc-
ture n’a malheureusement pas été étudiée par M. Binet. »
L'auteur s’est contenté, en effet, de faire l'anatomie "
microscopique de la substance ponctuée, c’est-à-dire
de rechercher la manière dont cette substance est
répartie en lobes eten lobules dans l’intérieur d'un”
ganglion, de suivre les nerfs qui pénètrent dans ce
ganglion, de décrire le nombre, la direction et la ter-
minaison de leurs racines, et enfin de déterminer le
trajet intra-ganglionnaire des connectifs, qui vont d’un
ganglion à l’autre.
_ Chaque ganglion de la chaine sous-intestinale pré-
sente, à peu de chose près, la même disposition inté-
rieure, On peut y distinguer deux colonnes ventrales
et un lobule ventral inférieur, formés d'une substance
fibrillaire très dense et très fine, et un lobe dorsal
formé d’une substance fibrillaire plus clairsemée et
plus grossière, traversé par trois groupes de connectifs
dorsaux. Le nerf abdominal a trois racines, dont une
est dorsale et les deux autres se rendent dans la co-
lonne ventrale et le lobule ventral inférieur.
Un ganglion thoracique n’est pas autre chose, consi-
déré dans son ensemble, qu'un ganglion abdominal
auquel se surajoutent latéralement deux lobes cruraux, "
Le nerf crural se compose de deux genres de fibres :
des fibres très fines, noircissant sous l'influence de
l'acide osmique et ne se colorant pas par le carmin
après fixation par le sublimé, et des fibres plus
épaisses, se colorant par le carmin : les premières de
ces fibres se rendent dans la partie ventrale du gan-
glion, et les secondes dans la partie dorsale,
Le nerf alaire a deux racines principales : une dor-
sale, qui contourne la face dorsale du ganglion et s'y
perd, et une ventrale, qui aboutit à la colonne ventrale,
Chez lesespèces aptésiques, c’est-à-dire qui ont perdu
la faculté de voler (Blaps mortisaga, Timarcha tene-
bricosa, Carabus auratus), dont les élytres sont immo-
biles et les ailes membraneuses atrophiées, il se pro-
duit une réduction : la racine ventrale du nerf alaire
du second ganglion thoracique persiste seule; on peut
en conclure que c’est là une racine sensitive. Le nerf
alaire correspondant à l'aile atrophiée est représenté
par un nerf grêle à deux racines, l’une ventrale, l'autre
dorsale supérieure’; ce nerf devient alors un nerf pariétal
du type des nerfs abdominaux; de même, dans l’état
larvaire, le nerf alaire est représenté par un nerf du |
type abdominal, F:|
- Chez les Diptères qui possèdent un balancier, le nerf
-{rès volumineux qui part de cet organe traverse la
masse des ganglions thoraciques et se rend dans les
“Sanglions de latête; M. Binet le considère pour cetle
“raison comme un nerf de sensibilité spéciale,
… Dans le premier ganglion abdominal de la Cigale, il
existe un lobe vocal qui paraït être uniquement moteur.
… Le ganglion sous-æsophagien résulte de la coales-
cence de trois ganglions, qui, de même que pour les
-cérébroïdes, sont soudés et fusionnés aussi bien chez la
larve que chez l'adulte. Les trois ganglions sont : le
“vanglion mandibulaire, le ganglion maxillaire et le
. ganglion labial.
“ Si l’on compare les ganglions abdominaux des
“Insectes à ceux des Crustacés, de l’Ecrevisse par
“exemple, on retrouve, dans ces derniers, les mêmes
“dispositions générales. La principale différence parait
“consister dans la présence, chez l'Ecrevisse, de tubes
“nerveux géants qui parcourent les ganglions et les
“connectifs, en traversant la région supérieure du lobe
“dorsal ; ces tubes géants, qui sont à rapprocher de
» formations analogues chez les Vers, n’ont point d’équi-
«valent chez les Insectes.
…. Après avoir étudié l'anatomie des ganglions des
“Insectes, M. Binet a entrepris sur ces animaux quelques
“expériences physiologiques relatives au mouvement de
“manège et aux troubles de sensibilité et de mouve-
“ment qui succèdent à une lésion des ganglions thora-
_ciques.
… Le mouvement de manège peut être provoqué arti=
ficiellement chez les Insectes par lésion des ganglions
et, en particulier, par une lésion des ganglions céré-
broiïdes. Une lésion unilatérale du cérébroïde droit,
par exemple, fait décrire à l'animal des cercles en sens
“inverse des aiguilles d'une montre ; l’Insecte se dirige
constamment vers la gauche; il fuit pour ainsi dire
sa lésion. Cette rotation persiste longtemps, pendant
des mois, jusqu’à la mort de l’animal,
On peut faire apparaître le mouvement de manèg
“chez un Insecte, sans faire subir de lésions à son sys-
{ème nerveux, en placant un poids sur l’un des côtés
du corps ; la marche de manège se produit alors lou-
» jours vers le côté où la charge a été placée. La rota-
“tion est le résultat de l'amplitude plus grande du pas
avec les pattes du côté du corps opposé au sens de la
- rotation, M. Binet attribue cette amplitude plus grande
à une irrilalion qui retentit sur les pattes du côté
opéré La cause primitive du mouvement de manège
consiste donc, d’après lui, dans une excitation inégale
des deux côtés du corps, excitation qui réveille, par
association fonctionnelle, le mécanisme moteur du
. fournoiement volontaire.
Par une série d’autres expériences physiologiques,
M. Binet a confirmé les données déjà anciennes de
Dugès, Yersin, Newport et Faivre, à savoir que chaque
ganglion de la chaîne sous-intestinale réunit à la fois
les fonctions motrice et sensitive, et que, dans chacun
- d’eux, le lobe ventral est sensible, tandis que le lobe
dorsal est moteur.
_ Cette courte analyse du mémoire de M. Binet, dans
laquelle nous n’avons pu que signaler les faits Les plus
saillants, suffira à montrer que l’auteur, auquel nous
devons déjà de nombreux et importants travaux de
psychologie, est en même temps un habile anatomiste
et un physiologiste expérimenté. Ces brillantes qualités
nous font regretter que M. Binet n’ait pas complété ses
recherches en étudiant le développement du système
sous-intestinal et ses transformations pendant le pas-
sage de l’état larvaire à l’état adulte; il aurait certai-
nement enrichi la science de données précises à cet
égard. F, HENNEGUY.
Meunier (Victor). — Sélection et perfectionne-
ment animal. — 1 vol. de l'Encyclopédie scientifique
des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H.
Léauté. (Prix : cartonné, 3 fr.; broché, 2 fr. 50.) G. Mas-
son et Gauthier-Villurs. Paris, 1895,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
901
4° Sciences médicales.
Wiiquel (P.), Chef du Service micrographique à l'Obser-
vatot'e de Montsouris. — De la Désinfection des
poussières sèches des appartements au moyen
de substances gazeuses et volatiles. — 1 vol. in-8°
de 192 pages. (Prix : 4 fr.) G. Carré, éditeur, 3, rue
Racine, Paris, 1895.
La désinfection d’un appartement est toujours une
opéralion délicate, Si, dans les grandes villes, il est
possible d'organiser un service de désinfection présen-
tant des garanties suffisantes, dans les petites villes et
surtout dans les campagnes il est matériellement im-
possible d'obtenir de tels résultats.
Et encore les hygiénistes sont-ils loin d'admettre
que les procédés adoptés actuellement par nos agents
sanitaires officiels réalisent l'idéal du progrès. Les
pulvérisations de sublimé corrosif par les appareils du
type Geneste el Herscher, sont loin d’assurer une
aseplisation complète, el l’on comprend que, seules, des
vapeurs ayant à la fois et un pouvoir microbicide suf-
fisant et une force de pénétration considérable, peu-
vent remplacer la chaleur humide.
M. Miquel s'est attaché à l'étude pratique des diffé-
renls gaz ou vapeurs proposés.
Le champ d'étude était vaste, car il ne se passe pas
de jour où des industriels n'annoncent la découverte
d’un nouveau désinfeclant réunissant tous les deside-
rata réclamés. M. Miquel fait justice à bon droit de la
plupart de ces spécialités, qui ont l'inconvénient de
coûter très cher, de masquer sous un nom d'em-
prunt des substances toxiques et de donner enfin une
illusion de sécurité.
Nous ne pouvons analyser ce long mémoire; mais il
nous suffira de mentionner quelques points particu-
liers qui montreront l'intérêt de cet ouvrage essen-
tiellement pratique.
Abandonnant l'étude de l'action des antiseptiques
sur les microbes cultivés en bouillon ou en plaques
humides, l’auteur s’est surtout attaché à l'étude de la
désinfection des poussières sèches. C'est sous cette
forme principalement que les microbes pathogènes sont
dangereux.
L’acide sulfureux, si vanté jadis, n'a pu résister aux
épreuves expérimentales. Bien mieux, les acides sul-
fureux, phénique,+thymique, qui constituaient jadis
les agents les plus en vogue, doivent céder leur place
à des agents que l’on aurait crus moins actifs : telles les
essences de camphre, de romarin, de lavande. Des
linges trempés dans ces essences peuvent être em-
ployés avec succès pour désinfecter un appartement.
Voilà le bouquet de lavande de nos pères presque
réhabilité, et des prescriptions qui nous semblaient si
étranges contre la peste trouvent presque leur justifi-
cation dans les travaux minutieux de M. Miquel.
Le chlore, le brome, l’iode, trouvent grâce devant
le distingué bactériologiste; mais il ajoute qu'ils ne
peuvent être employés que dans des endroits dépouillés
de tout objet susceptible de se détériorer. En réalité,
ils sont à peu près impralicables.
De toutes les substances employées, l'aldéhyde for-
mique parait donner les meilleurs résultats. Il à été
assez parlé déjà, dans celte Revue, des travaux de
M. Miquel et de ses élèves et de ceux M. de Trillat pour
que nous ne croyions pas devoir revenir sur cette
partie du présent ouvrage.
L’aldéhyde formique réunit, en effet, toutes les con-
dilions demandées à un désinfectant pratique : effica-
cité, maniement facile et non dangereux, modicité
du prix de revient. Dr P,. LanGLois.
Viau (G.), Professeur à l'Ecole Dentaire de Paris. —
Formulaire pratique pour les maladies de la bou-
che et des dents. suivi du Manuel opératoire de
l’anesthésie par la cocaïne en chirurgie dentaire.
__ 1 vol, in-1$8 de 512 pages. (Prix : 5 fr.) Societé d’E-
ditions scientifiques. Paris, 1895.
102
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
a —_—_— EE ZE
Péan (D'), Membre de l’Académie de Medecine, Chirur-
gien des Hôpitaux. — Leçons de Clinique chirurgi-
cale, professées à lPHôpital Saint-Louis pendant les
années 1889 et 1890, — 1 fort vol. in-8° de 1.550 pages
avec 19 figures (Prix : 25 francs.) Félix Alcan, éditeur.
Paris, 1895.
Ce volume, le neuvième de la série, est divisé, comme
les précédents, en trois parties, La première comprend
dix lecons consacrées aux rétrécissements non cancé-
reux du pharynx, aux tumeurs vasculaires du méat
urinaire chez la femme, aux kystes de là région thyro-
hyoidienne, aux tumeurs multiples des mâchoires, au
traitement chirurgical qu'il convient d'appliquer aux
tumeurs des maxillaires étendues aux parties molles
de la face, aux affections dentaires dans quelques ma-
ladies des mâchoires (ostéite, nécrose phosphorée,
cancer), enfin au pincement appliqué à la cure des
anévrysmes des gros vaisseaux. Signalons, parmi les
plus intéressantes de ces lecons, celle qui a trait à un
Cas, Croyons-nous, unique dans la science, d'oblitéra-
tion complète de l’isthme du gosier de nature syphili-
tique. L'auteur décrit cette affection sous le nom
d'anhylose glosso-palatine el propose, pour y remédier, un
procédé opératoire qui présente pour principaux avan-
tages d’être applicable à toutes les adhérences vicieuses
du voile du palais, quelle que soit leur origine, de pro-
curer un résultat immédiat sans exposer le malade à
l'asphyxie où nécessiter la trachéolomie préalable,
entin de rendre à ce même voile du palais sa forme el
sa mobilité normales, condition indispensable pour que
le timbre de la voix ne soit pas altéré. La malade qui
fait l'objet de cette lecon a été opérée et guérie par cette
méthode,
Dans la seconde partie de l'ouvrage se trouvent résu-
mées les observations de tous les malades indistincte-
ment qui ont passé dans le service de M, Péan en 1889
et 1990, Cette statistique intégrale, qui occupe à elle
seule 1.02% pages du volume, comprend 2.124 cas, dont
1.013 ont été l’objet d'un traitement opératoire. La
mortalité brute à été de 2,17°/,; mais sur cette pro-
portion 7 décès seulement semblent avoir été la consé-
quence de l'acte opératoire, ce qui abaisse la léthalité
absolue à 0,69 ‘4. Si cet exposé complet de la pratique
hospitalière d'un chirurgien tel que M. Péan a de l’in-
térêt en raison de la personnalité de l’auteur, on peut
regretter l'extension donnée à la relation de cas qui
constituent la monnaie courante d’un service de chi-
rurgie et au traitement desquels aucune amélioration
n'a été apportée, aucun procédé nouveau n’a été ap-
pliqué.
De beaucoup plus attachante est la lecture des
tableaux qui constituent la troisième partie ou-appen-
dice. L'auteur y a réuni les opérations de sastrotomie,
(y compris les hystérectomies et les hyslérotomies)
pratiquées pour des tumeurs de l'ovaire, du ligament
large et de l'utérus, du mésentère, du péritoine et des
principaux viscères abdominaux. Au nombre de 583,
elles élèvent le chiffre de ces sortes d'opérations faites
par M. Péan depuis 14864 au 12° janvier 1892, à près
de 2.100. On peut ainsi se rendre compte des perfec-
tionnements apportés par l’auteur à la technique de
ces interventions. Le choix de la voie vaginale pour le
traitement opératoire d’un certain nombre d'affections
de l'utérus ou des annexes, la méthode du morcelle-
ment systématisée et généralisée, marquent les prinei-
pales étapes des progrès réalisés par le chirurgien de
Saint-Louis. Les lableaux placés à la fin de son livre
contiennent la meilleure et la plus éloquente démons-
tration de l’excellence des procédés qu'il a ou créés ou
puissamment contribué à vulsariser.
Dr Gabriel MaAurANGE.
Demelin (Dr), Chef de Clinique d’Accouchement à la
Faculté de Médecine de Paris. — La mort apparente
du nouveau-né. — 1 vol. in 18 de 115 pages. (Prix,
cartonné : 3 fr.) Société d'Editions scientifiques, 4, rue
Anloine-Dubois. Paris, 1895.
5° Sciences diverses.
Lombroso (Cesare), — Grafologia.—1 vol. in-12 de
2%5 p. avec T0 fac-simile. M. Hæpli, Milan, 1895.
Quoique ce petit manuel, d’ailleurs élégant et léger, .
paraisse surtout destiné aux gens du monde et aux
amateurs d’aultographes, on peut s'étonner que
lillustre anthropologiste italien qui l’a signé n'y ait
imprimé nulle part la marque si forte et si originale.
de son esprit. Pas une page marquée au coin de Cesare
Lombroso. Alors que les bons juges estiment que la.
graphologie, c'est-à-dire l'étude des rapports des
formes de l'écriture individuelle avec les différents
états mentaux, congénitaux ou acquis, avec le carac-
tère propre et individuel, la structure et les fonctions
du cerveau de chaque homme, tout en pouvant devenir
une science, manque encore de principes et de mé-
thode, si bien qu'il n'existe pas plus de psychologie
que de physiologie scientifique de l’écriture, Lombroso
aborde ce difficile sujet sans le moindre embarras et
prend pour bon argent sonnant et trébuchant les théo-
dti dan ar rh En lé état
ries graphologiques de Michon et de Crépieux-Jamin,
Le livre est divisé en deux parties. La première «
traite de l'écriture chez les individus normaux; Ja 1
seconde, chez les anormaux, les malades, les aliénés, 4
les hommes de génie, les criminels et les hypnotisés.
A peine pourrait-on citer les premières lignes qui »
ouvrent ce livre, et qui m'ont rappelé quelques consi-
dérations sur le même sujet d’un auteur que cite d’ail-
leurs Lombroso, W.Preyer (Handschrift und Charakter).
Un grand nombre de mouvements inconscients de nos
muscles et de nos viscères, mesurés et enregistrés au
moyen des appareils de Mosso et de Marey, nous ren-
seignent, en même temps que sur les différents états
émotifs,sur les conditions mêmes de l'intelligence. Le
vague de ces expressions ne saurait faire comprendre
que le papier est un appareil enregistreur, très sen-
sible, de tout un ordre de manifestations inconscientes
de l'individu, comme l'a très bien dit M, Héricourt, que «
ne cite pas Lombroso. Les graphismes sont au scrip-
teur ce que le sphygmogramme est à l’état du pouls,ce «
que le cardiogramme est à l'état du cœur : la gran-
deur, la vitesse, le rythme et jusqu'aux moindres os- M
cillations de la circulation se trouvent ainsi fixés par
une écrilure autographique, de tous points compa-
rable à celle du cerveau, quoique infiniment plus
simple et moins compliquée. Voilà bien, ce semble,
les vrais termes du problème de la graphologie.
En attendant, il y avait une étude de la plus haute
portée à résumer, tout au moins : celle des centres
pont dé
uÉ A rt de st ts.
“psychiques de lexpression graphique des idées et des
(
Ë
|
4
*
sentiments. «Il y a, dit Lombroso, des faits qui nous
« forcent d'admettre un centre cérébral spécial de |
« l'écriture, » Lombroso prend évidemment parti pour
Exner, Charcot, Marie, Pitres, Souques, etc., contre
Wernicke, Déjerine, P. Sérieux, Berckan, etc. C'est :
son droit. Mais il ne dit mot des observations cliniques
et des arguments d'ordre physiologique pour ou contre
une localisation des images motrices graphiques du
langase. A côté des agraphies sensorielles, que tout
le monde admet, Lombroso paraît tenir pour l’exis-
tence d’un centre graphique moteur indépendant,
Quelle preuve nouvelle en apporte-t-il? Aucune. Il a
écrit le nom de Marcé qui, dès 1856, avait établi
l'indépendance respective de la parole et de lécri-
ture. Mais combien le chapitre consacré à l'écriture «
chez les aliénés paraît faible et superficiel à côté du
travail de Marcé (186%) sur le même sujet!
Des caractères de l'écriture communs aux hommes
de génie, aux fous, aux épileptiques et aux criminels,
mieux vaut ne rien dire. Parmi les génies, Lombroso
cite Léo Lespès, A. Houssaye, Léon XIIL et Sarah Bern-
hardt (p.176). Certaines analogies de l'écriture per-
mettent à l’auteur de rapprocher Gyp, Charles Richet
et Guizot, et tous les trois de Timothée Trim! Le cha-
pitre le plus curieux de ce manuel est à coup sûr celui
l
des fac-simile des écritures decriminels. Jules Soury.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
903
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
1 Séance du 2? Septembre 1895.
- {° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Paul Staeckel s’est
proposé de déterminer toutes les substitutions d'une
certaine forme qui transforment chaque couple de
surfaces applicables l'une à l’autre dans un couple de
a même nature, et il a reconnu que toutes les subs-
titutions forment un groupe continu de transformations
vec vingt-huit paramètres, semblable au groupe de
rayons réciproques d'une variété de six dimensions.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ch. V. Zenger adresse
une nouvelle note relative à la possibilité de prévoir
… de grandes perturbations atmosphériques ou sismiques,
i endant le passage des essaims périodiques d'étoiles
flantes, quand on observe en même temps une grande
activité à la surlace solaire. Le même auteur donne
la description de son éclipsoscope, appareil pour voir
-la chromosphère et les protubérances solaires. —
M. Pech de Cadel adresse une note relative à l’em-
- ploi des explosifs comme moyen de propulsion dans
« la navigation aérienne. — M. Janssen donne des noy-
… velles des travaux entrepris par la Société de l’Obser-
- vatoire du Mont-Blanc. M. Bigourdan a déterminé
« l'intensité de la pesanteur en plusieurs points et
! M. de Thierry a fait quelques études au sommet sur
l'ozone et la microbiologie. — M. Ch. Bouchard a
= constaté la présence de l’argon et de l'hélium dans
- cerlaines eaux minérales connuessous le nom d’uzouues ;
= les gaz diffèrent suivant la provenance et contiennent
soit seulement l'hélium, soit les deux gaz argon et
hélium, peut-être avec d'autres éléments. — MM. Troost
et Ouvrard reconnaissent la présence de l'hélium et
de l'argon mélangés à l'azote en employant des tubes
- de Plücker à fils de magnésium et une bobine de
…_Ruhmkorf munie d’un interrupteur Marcel Deprez;
on les fait agir directement sur l8 mélange : l'azote est
« d'abord éliminé, les raies de l'hélium et de l'argon
- äpparaissent et finalement ces deux gaz se combinent
- aussi au magnésium sous l'influence de l’effluve. Le
platine s> comporte de la même facon. — M. Raoul
» Varet a poursuivi ses recherches thermiques sur les
… sels doubles que forme le cyanure de mercure avec
- les bromures alcalins, alcalino-terreux etles bromures
. de zinc et de cadmium. Il déduit de cette étude
« la constilution des bromocyanures, constitution
- qui se trouve en parfait accord avec celle que font
- prévoir certaines réactions chimiques, en particulier
la formation des isopurpurates, — M. H. Pélabon a
étudié la dissociation de l'acide sélénhydrique en tenant
compte de l'absorption de ce gaz par le sélénium
chauffé; pour chaque température, il a déterminé la
valeur du rapport e de la pression partielle de l'hydro-
» os an . , ” A .
. gène pur à la pression partielle de l'acide sélénhydrique
dans le mélange obtenu. Ces valeurs sont bien repré-
sentées par une équation de la forme :
M :
L : = +NIET+S,
équation déduite de l'étude thermodynamique de la
dissociation. On déduit de là l'existence d’un maximum
correspondant à la température de 575°, maximum
donné par l'expérience, et, enoutre, la valeur de la cha-
- leur de formalion de l'acide sélénhydrique; les valeurs
« calculée et trouvée antérieurement par Fabre con-
cordent parfaitement. — M. Paul Lemoult a étudié
… l'action de l’acide carbonique, de l’eau et des alcalis
Er de
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
sur l'acide cyanurique et ses sels de sodium et de
potassium dissous. Les résultats donnés par l'expé-
rience sont en parfait accord avec les prévisions ther-
miques déduites de l'étude préliminaire de l'acide
cyanurique. C. Marion.
Séance du 9 Septembre 1895.
M. le Président annonce à l'Académie la perte qu’elle
vient de faire dans la personne de M.Lovéen, de Slock-
holm, correspondant pour la Section d’Anatomie et de
Zoologie, décédé le 3 Septembre dernier.
4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Tacchini adresse
le résultat des observations solaires faites à l’Obser-
vatoire du Collège Romain pendant le premier se-
mestre 1895. Le phénomène des taches solaires reste
stationnaire et s'approche lentement du véritable
minimum. Il semble aussi que les protubérances
passent par le même minimum. L'auteur n'a pas
observé d’éruptions métalliques. — M. Deslandres à
étudié expérimentalement les efforts développés par
les différences de température entre les deux semelles
d’une poutre à travées solidaires. Il ressort de ces
expériences que les différences de température donnent
lieu à des efforts supplémentaires de compression
et d'extension atteisnant fréquemment, pendant la
saison chaude, le chiffre de 2k. par millimètre, Dans
les pays chauds, l'effet peut être encore plus énergique
et met les poutres à travées solidaires dans un état
d’infériorité notable par rapport aux poutres à travées
indépendantes, — M. Maurice Lévy insiste sur le tra-
vail de M. Deslandres et fait voir qu'en substituant au
calcul abrégé de l'auteur une étude plus approfondie
du sujet, les résultats numériques obtenus ne sont pas
exagérés, mais seront en général dépassés. La fin de
la note présente un complément de la théorie classique
des poutres droites tenant compte des fiuts précé-
dents. — M. Mendeleef énonce un théorème permet-
tant de représenter simplement l'aire d'une surface
comprise entre un arc de parabole et deux ordonnées
pour celle d’un trapèze commode à consiruire.
20 Scrgxces puysiques. — M. de Nicolaiew adresse
une note portant pour titre : Sur latentative pour mani-
fester les courants du déplacement électrique et sur
l'induction magnétique du fer à l’état alternatif. —
M. Montessus de Ballore. en se fondant sur les nom-
breusesobseryations de tremblements de terre effectuées
au Japon en 600 stations distinctes, détermine la limite
supérieure de l'aire moyenne ébranlée par une secousse
séismique ; il la trouve égale à environ 1.200 kilo-
mètres carrés, équivalente à un cercle d'ébranlement
de 19km. 54 de rayon ou à deux fois et demie la surface
du département de la Seine. — MM. C. Matignon et
Deligny ont étudié la chaleur de combustion des
dérivés nitrés avec liaison au carbone ; ils concluent
des résultats obtenus : 1° Les isomères de position,
comme on l’a toujours trouvé jusqu'ici, ont la même
chaleur de combustion aux erreurs d'expérience près;
2% Le travail de la substitution nitrée avec liaison au
carbone est très sensiblement constant etindépendant
de la fonction ou des fonctions du corps où l’on effectue
la substitution, — M. L. Maquenne a étudié la for-
mation et la propagation de l’onde explosive dans les
gaz endothermiques seuls en opérant sur le protoxyde
d'azote et l’acétylène. Le protoxyde d’azote fait explo-
sion sous l'influence d’une trace de détonateur et
l'onde explosive se propage régulièrement L'acétylène,
au contraire, n'éprouve une décomposition que sous
l'influence d’un poids élevé de fulminate et, dans des
tubes de 3 centimètres de diamètre, l'onde explosive
904
ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ne se propage pas. Il y aura lieu de tenir compte de
ces faits dans les applications industrielles de lPacéty-
lène. C. MATIGNON.
3 SCIENCES NATURELLES. — M. P. Fauvel signale l'in-
fluence de l'hiver 1894-95 sur la faune marine, En dehors
des effets directs du froid, qui a fait périr sur place
un grand nombre d'animaux marins de tous les
groupes, lant au voisinage de la surface qu’en pro-
fondeur où Paction du froid semblerait ne pas devoir
se fairesentir, des constatations d’un haut intérètont été
faites sur les variations de la faune surtout à St-Vaast-
la-Hougue. C’est ainsi que l'effet du froid a été de faire
apparaitre à la côte un certain nombre d'espèces qui
vivent soit plus profondément, soit dans les régions bien
plus septentrionales. C'estainsi que, tout près du Labo-
ratoire maritime, on pouvait recueillir l'Amphioæus lan-
ceolatus, l'Ampharele Grubei, Amphicteis Gunneri, Phyl-
lodoce teres, elec. — M. Sauzier décrit une gigantesque
tortue terrestre, d'après un spécimen vivant des îles
Egmont. Cette espèce serait Testudo Daurdinii ; Sa hau-
teur est de 0 m. 76 et l'animal mesure 4 mètres de cir-
conférence à la base. Son poids est de 240kilogrammes,
— M. Depéret fourniiles résultats des fouilles paléon-
tologiques dans le Miocène supérieur de la colline de
Montredon, près Bize(Aude).A côté du Dinotherium très
abondant, on a trouvé l'Hipparion gracile, le Simocyon
diaphorus, parmi les Carnassiers qui n’avaient pasencore
été découverts en France, enfin diverses pièces d'un
Ursidé dans lequel l'auteur est porté à voir un type In-
termédiaire entre les Hyænuwretos du Miocène etles ours
pliocènes. J. MARTIN.
Séance du 16 Septembre 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATHIQUES. — M. Paul Serret
énonce un certain nombre de théorèmes concernant
les équilatères. — M. le Secrétaire perpétuel présente
le tome VI des Œuvres de Christian Huygens, publiées
par la Sociélé de Harlem, et annonce en mème temps
la mort de M.Bierens de Hahn, qui avait pris une part
importante à la rédaction de ces mémoires.
90 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. H. et A. Malbot ont effec-
tué des recherches sur Les phosphates d'Algérie; ils ont
reconnu à Bougie l'existence d’une roche phosphatée pré-
sentant la composition d'un superphosphate, et l'étude
analytique de ces minéraux les a conduits aux conclu-
sions suivantes : 4° La présence de matières organiques
peut produire une erreur en moins, quand on dose
l'acide phosphorique par précipitation directe à l'état
de phosphate ammoniaco-magnésien, en liqueur ci-
trique, et cette erreur n’estpas toujours atténuée quand
on évapore préalablement le phosphate avec de Pacide
azotique, au bain de sable, 2° La mème erreur ne se
produit pas quand on dose l’acide phosphorique par
précipitation préalable à l’état de phosphomolybdate
d'ammoniaque. 3° L'accord entre les deux méthodes
devient absolu quand on détruit la matière organique
par calcination au rouge. — Ch. V. Zenger adresse
une note signalant les perturbations atmosphériques
qui se sont produites les 10 et 11 Septembre en certains
points de l’Europe centrale, conformément à ses pré-
visions. GC. MATIGNON.
30 SCIENCES NATURELLESs, — M. Alex. N. Vitzou, en
poursuivant ses recherches sur la physiologie des lobes
occipilaux, a pu découvrir la présence de cellules et de
fibres nerveuses dans la substance de néoformation,
chez le singe, après Pablation complète des lobes occi-
pilaux depuis deux ans et deux mois, On sait que
l'ablation totale des lobes occipitaux amène, chez le
singe et le chien, une perte complète de la vue. En
répélant cette expérience sur un singe, l’auteur à
remarqué que l'animal commencait, vers le quatrième
mois, à apercevoir les personnes et les objets, Au bout
de deux ans et deux mois, le singe devenait capable
d'éviter les obstacles. En répélant lopération, après
avoir dénudé le crâne et enlevé avec précaution la
couche fibreuse conjonclive qui fermail les anciens
orifices de trépanation, l’auteur à pu voir l’espace
occupé auparavant par les lobes occipilaux, rempli »
complètement par une masse de substance nouvelle-
ment formée dans laquelle on à pu constater la pré-
sence de cellules nerveuses pyramidales et de fibres
nerveuses. Ce fait démontre donc la possibilité de la
régénération du tissu nerveux dans le cerveau, et, par
là, l'amélioration, quoique très imparfaite, du sens de
la vue. J. MaRTIN.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 17 Septembre 1895.
M. Ferrand termine ses essais physiologiques sur la
musique et conclut qu’elle est capable d'agir sur le
lieu des sensations motrices et auditives et sur le lieu
des images qui correspondentà ces sensations, capable,
par conséquent, de susciter les idées sensibles et les »
sentiments qui s'y raltachent. — M, le D'Corlieu lit
un mémoire sur les anciens bâtiments de la Faculté de
Médecine de Paris.
SOCIETE ROYALE DE LONDRES
SCIENCES NATURELLES
NVilliam HR. Jack M. D. — Sur l'analyse des
mouvements volontaires à l’aide de certains ins-
truments nouveaux. — Le but de ces recherches était
de déterminer la plus grande rapidité que pouvaient
atteindre les mouvements volontaires et dans quelle
mesure cette rapidité peut être affectée par l’âge et
l'éducation; elles ont été limitées à l’étude des mou-
vements des doigts qui ont été analysés au moyen
de l'appareil enregistreur imaginé par le professeur
Mac Kendrick, — Les mouvements étudiés ont été
les suivants : {° La contraction simple d'un seul
doigt; 2 la contraction simple des doigls se con-
tractant simultanément; 3° les mouvements de l'écri-
ture, Les expériences ont porté sur 25 personnes, dont
deux constiluaient des cas pathologiques. Les sujets
normaux comprenaient : 5 personnes qui avaient recu
une éducation manuelle spéciale (musiciens), 9 qui
avaient recuune éducation manuelle moyenne (gens
cultivés), et 9 une éducation manuelle intérieure (ou-
vriers habitués seulement à de gros ouvrages). Les
vitesses données ne représentent pas les vitesses réelles
des mouvements, mais les conditions expérimentales
étant les mêmes pour tous les sujels, ces vitesses.
peuvent être utilement comparées entreelles. Les résul-
tats obtenus ont été les suivants — : Mouvements com-
binés des doigts (aucun tracé n'a été pris sur les musi-
ciens). 1° Chez les gens d’une éducation manuelle in-
férieure, la vitesse est égale pour les deux mains, 2°
Chezles gens d'une éducalion manuelle moyenne, la
vitesse est plus grande pour la main droite; l'auteur,
dont les deux mains ont élé également exercées, à la
même vitesse avec les deux mains. 3° La vitesse est
plus grande pour la main droite chez les gens d’éduca-
tion manuelle moyenne que chez ceux d'éducation
manuelle inférieure, # La vitesse de la main gauche
est la même pour les gens des deux catégories, — Con-
traction isolée d'un seul doigt : 4° La vitesse des deux
premiers doigts est à peu près égale et supérieure à
celle des troisième et quatrième doigts qui ont, eux
aussi, une vitesse presque égale, 2 La vitesse de
chaque doigt est pratiquement identique aux deux
mains. 3° La vitesse des mouvements des doigts n’est
pas modifiée d’une facon appréciable par l'éducation.
4° La vitesse des mouvements de flexion est,en moyenne,
un peu plus grande que celle des mouvements d’exten-
sion, mais, dans 2 cas sur les 8 qui ont été examinés,
ces deux vitesses étaient identiques. 5° La vilesse des
mouvements isolés des doigts est plus grande que celle
de leurs mouvements combinés. — Mouvements de l'écri-
ture : 1° La vitesse moyenne est pratiquement la mème
chez les musiciens et chez les gens qui ont reçu une
éducation manuelle moyenne, 2° Lavitesse des ouvriers
est beaucoup moindre que celle des gens des deux autres
dde:
LE .
+ classes. 3° La vitesse est toujours très inférieure à celle
… des mouvements combinés des doigts. 4° Les parties
- courbes des lettres et des figures sont tracées plus len-
“ tement que les parties rectilignes et la rapidité avec
… laquelle une courbe est tracée varie, à peu près, comme
£ le rayon de courbure. L'influence de l’éducation est
S donc maxima sur les mouvements de l'écriture, mini-
… ma sur les mouvements isolés des doigts. La rapidité
- des mouvements diminue et la différence entre les
diverses classes de sujets s’accroit à mesure qu'il s’agit
4 de mouvements plus complexes. — Influence de l’'äge.
“ 4° La rapidité des mouvements de l'écriture diminue à
“ mesure que l’on s'approche de la vieillesse. 2° Elle est
maxima de 20 à 29 ans et décroît avec chaque décade
“ à partir de ce moment. 3° Ce ralentissement est plus
marqué chez les hommes qui n'ont pas d'éducation de
. Ja main. L'influence de l’âge est beaucoup moins mar-
quée sur les deux autres classes de mouvements. Les
_ résultats fournis par les deux cas pathologiques
(H. #1 ans, sclérose latérale; H. 50 ans, tremblement
. des mains consécutif à une syphilis), ont été tout à fait
semblables. Dans d’autres recherches, M. W. R. Jack a
appliqué à l'étude des phénomènes de fatigue un nou-
vel instrument qu'il a imaginé. Il consiste en une
longue barre d’acier, fixée solidement dans un tenon
de fer et portant à son extrémité, attachée par uncram-
pon, une plaque de verre fumé de 6 pouces carrés. Elle
est mise en mouvement par un électro-aimant, par le-
quel passe le courant d’une batterie d'accumulateurs,
-et fait par seconde 54 vibrations doubles. On adapte
un ergographe de Mosso à l'instrument, dont la partie
enregistrante peut lentement glisser sur des rails de
dessous le levier enregistreur, qui inscrit les mouve-
. ments du doigt chargé. Une série de contractions et de
relàächements, partagés par les oscillations de la barre
:
.
1 ie er
_èn de seconde, est ainsi enregistrée sur chaque
plaque. Quatre sujets normaux et deux sujets patholo-
giques ont été étudiés ; des séries de tracés ont été
. pes avec des poids de 1/2kilog., 1 kg., et 2 kg.
les montrent que la fatigue diminue à la fois l’inten-
sité et la rapidité des contractions. Cette diminution
est graduelle et uniforme avec de petits poids ; avec
des poids plus considérables, elle se produit plus vite
et ne suit pas une progression régulière.
H. Charlton Bastiau F. R.S., Professeur de Cli-
nique médicale à University College (Londres). — Note sur
les relations des impressions sensitiveset des cen-
tres sensitifs avec les mouvements volontaires. —
Dansune communication récente à la Société Royale
sur l'influence des nerfs sensitifs sur le mouvement et
la nutrition des membres, MM. Mott et Sherrington ont
misen lumière des résultats de la plus haute impor-
tance. Ils ont montré que la section de toute la série des
- racines Sensitives qui innervent un membre détermine
immédiatement une paralysie motrice durable dans le
membre ainsi anesthésié, L'interprétation de ces résul-
tats semble à première vue très difficile. Les auteurs du
mémoire, après avoir rapporté les vues que M. Bastian a
émisesrelativement à l'importance fondamentale des im-
pressions sensitives pour la production des mouvements
volontaires, proposent l'explication suivante : « Nous
pensons que ces expériences ont une portéeplus grande
encore que ses arguments pour établir l'influence des
sensations sur les mouvements volontaires, car elles in-
diquent que, non seulement l'écorce, maistous les trac-
setus nsitifs, depuis la périphérie jusqu’à la corticalité
cérébrale, sont en activité pendant les mouvements vo-
-Jontaires. M. Bastian ne peut accepter cette interpréta-
tion, qui est encontradiction avec des faits d'ores et déjà
nettement établis. Les recherches cliniques ont prouvé
que, dans les cas d’hémianesthésie dus aux lésions ou
aux troubles fonctionnels de la partie postérieure de la
capsule interne, non seulementil n'ya pasparalysie des
membres ainsi privés de toute sensibilité, mais encore
il n’y a qu’une faible diminution de l'aptitude à accom-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
905
plir les yeux ouverts les mouvements les plus délicats.
Ce qu'il faut donc expliquer, c’est : comment la section
des racines sensitives détermine une paralysie que ne
détermine, à aucun degré, la sectionintra-encéphalique
des conducteurs sensitifs. Depuis plusieurs années,
M. Bastian a soutenu, enopposition aveclesthéories gé-
néralement acceptées, qu'il n’y avait aucune preuve
de l’existence de centres moteurs dans l'écorce céré-
brale ;tandis que, d’autre part, ilyavaitdes raisonsnom-
breuses de supposer que les régions de l'écorce, que lon
supposeêtre motrices, constituent en réalité des centres
sensitifs du type kinesthétique. IL a tenté de montrer
que les impressions sensitives et l’activité des centres
sensitifs ont précisément le rôle attribué aux préfendus
centres moteurs corticaux, et que c’est une erreur fon-
damentale de supposer qu'il existe des centres moteurs
corticaux pour l’accomplissement des mouvements vo-
lontaires, à part des centres des mouyements réflexes.
En d’autres termes, M. Bastian a soutenu qu'il n’y a de
véritables centres moteurs que dans la protubérance, le
bulbe etla moelle, et que ces centres peuvent être mis
en activité par les excitations qui viennent, soit de
l'écorce (mouvements volontaires), soit des appareils
sensitifs périphériques (mouvements réflexes). C’est de
la première catégorie de mouvements qu'il y a seule-
ment à s’occuper ici. L'auteur a étéle premier, en 1869,
à affirmer, en opposition avec les idées physiologiques
alors en cours, l'existence decentres sensitifs distincts
dans l'écorce cérébrale. Il a montré comment cette hypo-
thèse suffisait àexpliquer les diverses formes detroubles
dela parole, etil a été suivi dans cette voie par Broadbent,.
Si l’on se place à ce point de vue, les mouvements d’o-
rigine corticale peuvent se diviser en deux catégories :
1° les mouvements du langage, qui sont dus, comme on
sait, à l’action combinée des centres auditifs et kines-
thétiques ; 2 les mouvements des membres et les autres
mouvements du corps, qui sont dus à l’action combinée
des centres visuels et kinesthétiques. Les centres kines-
thétiques semblent ne pas avoir d'action indépendante,
mais réagir simplement à l'excitation qui leur vientdes
centres auditifs ou visuels. — Mouvements de la parole.
Lesimages qui constituent le mot semblent être princi-
palement des images auditives, et, si les mots ont été
prononcés, des excitations partant des centres auditifs
doivent passer par des fibres d'association aux parties
des centres kinesthétiques qui leur sont directement
reliées, et constituent ce que l’auteur a appelé centres
glosso-kinesthétiques, centres situés dans la partie
postérieure de la troisième circonvolution frontale et
à son voisinage, Si l’on admet, comme les faits ana-
tomo-cliniques semblent l’établir, que la portion des cen-
tres auditifs, destinés à l'enregistrement des images ver-
bales, est située à la partie postérieure de la circonvo-
lution temporale supérieure, les fibres d'association
en question devraient passer, pour atteindre le centre
glosso-kinesthétique au-dessous de l’insula de Reil.
De cette région, les excitations combinées iraient
atteindre, à travers la capsule interne, les véritables
centres moteurs du langage, situés dans le bulbe. On
a prouvé que des mouvements de la parole peuvent
être paralysés par des lésions portant sur un point
quelconque de cet ensemble de fibres et de cellules.
Des lésions de l’un ou l’autre des deux centres sensitifs
détermine l’aphasie tout aussi certainement que les
lésions du centre bulbaire. Si la lésion porte sur le
centre auditif verbal, elle produira la cécité verbale
aussi bien que la perte de la parole; si elle porte sur
le centre glosso-kinesthétique, elle produira seulement
la perte de la parole. En opposition à la doctrine de la
stricte localisation de l’aphasie, qui en fait un symp-
tôme lié toujours et uniquement à une lésion de la
troisième crconvolution frontale, l’auteur a depuis
longtemps soutenu que des troubles exactement sem
blables pouvaient résulter de la destruction des fibres
commissurales en un point quelconque de leur trajet,
ce qui fournit une explication des nombreux cas rap-
portés par Meynert et d’autres auteurs où l’aphasie a
906
eu pour cause une lésion de l’insula de Reil. On sait,
d'autre part, aepuislongtemps, que les lésions des fibres
internonciales peuvent déterminer une paralysie des
mouvements de la parole identique à celle causée par
les lésions des centres moteurs bulbaires. Pour la lec-
ture à haute voix, une autre série de centres entre en
jeu. Les impressions visuelles provenant de la page
imprimée, exercent leur action sur le centre visuel et
sont transmises de là, par les fibres commissurales, à
la partie du centre auditif où elles aboutissent, et de
là, l'excitation transformée passe au centre glosso-
kinesthétique, puis au bulbe. La conséquence, c’est
que, lorsqu'une lésion porte sur les fibres visuo-audi-
tives, le sujet est incapable de lire à haute voix, de
nommer les objets ou même de simples lettres, bien
qu'il puisse répéter immédiatement les mots ou les
lettres qu'on prononce devant lui. Rien ne saurait
mieux montrer qu'il faut localiser dans des centres
sensitifs les excitations qui donnent naissance aux
mouvements volontaires. — Mouvements des membres.
Le sens visuel, dans le cas des mouvements des
membres, joue le même rôle que le sens auditif pour
les mouvements du langage. C'est dans une large me-.
sure, grâce au sens visuel, que nous apprenons de nou-
veaux mouvements ; les sensations visuelles sont, du
reste, assistées dans cette tâche par les sensations kines-
thétiques quileur sontassociées. Lorsque, dans la suite,
nous voulons répéter un mouvement, ce désir s’accom-
pagne d’une conception du mouvement, c’est-à-dire
d’une réviviscence, dans la mémoiresubconsciente, des
impressions visuelles et kinesthétiques qui sont liées
à cemouvement. Les mouvements des membres comme
les autres peuvent être paralvsés soit par des lésions
organiques, soit par des troubles fonctionnels. —
A. Lésions organiques. Si les centres kinesthétiques en
relation avec le membre sont détruits, la paralysie du
membre en résulte en même temps que la perte du
sens musculaire et de toutes les impressions kinesthé-
tiques. Jusqu'à présent, il n’y a pas d'exemples, chez
l'homme, de paralysie des mouvements des membres
consécutifs à une lésion du centre visuel ou des com-
missures qui existent entre lui et les centres kinesthé-
tiques, comparables à la paralysie des mouvements
de la parole consécutive aux lésions du centre audi-
tif ou des fibres commissurales audito-kinesthétiques,
sauf cependant en un cas, celui des mouvements de
l'écriture. Mais ilest certain que la destruction du
centre visuel verbal gauche rend incapable le sujet
d'écrire un mot ou même une simple lettre. Des expé-
riences sur des animaux tendent à montrer que la sec-
tion des fibres visuo-kinesthétiques détermine la même
paralysie des membres que la destruction des centres
kinesthétiques eux-mêmes. M. Marique a constaté, et
ses résultats ont été confirmés par MM, Ener et Paneth,
que l'isolement des centres kinesthétiques, par la sec-
tion des fibres qui les unissent aux autres centres sen-
sitifs de l’écorce détermine une paralysie identique à
celle que cause l’extirpationde ces soi-disant centres
moteurs, Marique a, de plus, constaté que les mêmes
contractions musculaires étaient produites par l’exci-
tation électrique des centres kinesthétiques après
qu'ils avaient été ainsi isolés, ce qui montre qu'ils
avaient conservé leur excitabilité et leur connexion
avec les faisceaux pyramidaux. — B. Troubles fonction-
nels. Les troubles fonctionnels déterminant la pa-
ralysie des membres peuvent siéger soit dans Île
cerveau, soit dans la moelle : a. Troubles fonctionnels
cérébraux. À cette catégorie appartiennent les cas de
paralysie hystérique, où des troubles temporaires dans
la nutrition des centres kinesthétiques déterminent
l'apparition de troubles moteurs temporaires et
curables (monoplégies, hémiplégies ou paraplégies),
toujours associés à une perte correspondante du sens
musculaire et à des troubles plus ou moins marqués
de la sensibilité générale. Ces formes de paralysie
fonctionnelle sont souvent combinées avec une hémi-
anesthésie complète, simple ou double, due probable-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ment à des troubles de nutrition de la région sensitive
de la capsule interne. Dans certains cas, les malades
peuvent accomplir des mouvements aussi longtemps
qu'ils ont les yeux ouverts; mais ils deviennent inca-
pables des mouvements les plus simples dès qu'ils
ont les yeux fermés. Ces’ faits peuvent s’expli-
quer par l'existence de troubles de nutrition moins
marqués des centres kinesthétiques, Ces centres
pourraient fonctionner sous l'influence de l’excita-
tion plus forte qui leur viendrait des centres visuels
lorsque leurs yeux sont ouverts, tandis qu'ils ne pour-
raient être mis en action par des excitations plus
faibles que leur transmettent les centres visuels
lorsque leurs yeux sont fermés. — b. Troubles fonction-
nels médullaires. C’est dans cette catégorie qu’à l’opi-
nion deM. Bastian, viennent se ranger les formes de
paralysie qu'ont déterminées MM. Mott et Sherrington
par la section de toutesles racines sensitives des nerfs
qui se rendent à un membre. On connaît depuis long-
temps des formes de paralysie due à des lésions por-
tant sur les grandes cellules de la corne antérieure,
résultant, par exemple, de la poliomyélite, L'auteur a
cherché à établir qu'ilexiste des cas de paralysie fonc-
tionnelle de types médullaires, qui sont dus à des
troubles fonctionnels des mêmes régions de la moelle,
qu'il faut distinguer nettement des troubles d’origine
cérébrale, désignés d'ordinaire sous le nom de troubles
hystériques. Les expériences de MM. MottetSherrington
semblent fournir la preuve expérimentale de l’exis-
tence de l’une de ces formes de paralysie fonctionnelle
d’origine spinale, Au lieu d’une activité fonctionnelle
diminuée des centres kinesthétiques cérébraux, nous
avons affaire ici à une activité fonctionnelle diminuée des
centres moteurs de la moelle, de telle sorte qu'ils ne
sont plus capables de répondre aux excitations qui
viennent de l'écorce. Tous Îles détails fournis par
MM. Mottet Sherrington concordent avec l'hypothèse
que l’animal n’est point devenu incapable de vouloir,
mais que les centres moteurs sont, en raison du défaut
d’excitation provenant de la périphérie, devenus inca-
pables de réagir aux excitations d’origine corticale.
Le fait que la paralysie n'apparaît que lorsque toutes
les racines sensitives sont coupées et qu’elle va crois-
sant de la racine à l’extrémité du membre, le fait aussi
que les mouvements les plus indépendants et les plus
délicatement adaptés qu'emploient les masses mus-
culaires plus petites et plus individualisées du pied et
de la main, sont ceux qui sont les plus complètement
entravés, bien qu’ils puissent sembler confirmer lin-
térprétation de MM. Mott et Sherrington, à savoir que
c'est la volition même qui est ici lésée, s’expliquenttout
aussi bien dans l’hypothèse de l’auteur: on le com-
prendra si on a présent à l'esprit le chevauchement
des champs d’innervation des racines sensitives et le
fait que les excitations très délicates qui vont à de très
petits muscles doivent être, de toutes, les plus impuis-
santes à mettre en activité les centres médullaires pa-
resseux., MM. Mott et Sherrington ont constaté que,
lorsque l’animal pouvait être amené à « lutter », les
mouvements reparaissaient, par exemple lorsqu'il se
débat parce qu'on le tient maladroitement. Le fait peut
s'expliquer dans l'hypothèse émise ci-dessus. Les
muscles, incapables de réagir aux excitations volition-
nelles ordinaires, peuvent répondre à ces excitations
lorsqu'un appoint émotionnel les rend plus intenses.
L’excitation électrique des centres kinesthétiques dé-
termine aisément des mouvements du membre dont
toute l’innervation sensitive a été ainsi supprimée.
Mais c’est que cette excitation électrique doit être dif-
férente de celle qui se transmet normalement de
l’écorce aux centres moteurs de la moelle pendant un
acte volontaire. Ces faits et les interprétations qu’en
donne l’auteur montrent qu’on est arrivé à une po-
sition bien différente de celle où l’on était placéil
y a vingt ans, alors que l’on considérait les centres
corticaux des mouvements volontaires comme de
véritables centres moteurs.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
La Société vient de recevoir les communications
suivantes :
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — Rapport sur le mémoire
- de M. M. van Overeem, Jr. : Sur les points remarqua-
bles des polygones inscriplibles. Ce mémoire forme un
- nouveau supplément à la géométrie moderne du
. triangle étudiée dès 1873. Tandis que MM. Fucker,
_Neuberg et Casey ont étendu la géométrie dutriangle,
et surtout les propriétés du cercle de Brocard, aux
É polygones harmoniques, que l’on obtient en appliquant
… sur les polygones réguliers la transformation par
— rayons vecteurs réciproques, l’auteur étend à des poly-
1 gones inscriptibles les propriétés qui se rapportent à
La droite d'Euler et au cercle des neuf points. —
À M. J.-A.-C. Oudemans offre le tome IV de sa Triangu-
…_ lation de Java (examen minutieux des instruments,
} étude judicieuse des fautes de division, détermination
L.-d
FM" |
de la longitude de Batavia par rapport à Greenwich,
FT 445,5).
2% SciENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals con-
tinue son étude des caractères distinctifs par rapport à la
- forme de la courbe de plissement dans le cas d’un mé-
… ange de deux matières (Rev, gén.des Sc. VI, p.648). D'a-
è bord, il donne une déduction nouvelle de l’équation
différentielle de la courbe. Ensuite, il trace le chemin
qu’on aura à suivre pour parvenir à la connaissance de
… p, V, = à l’état critique, en fonction de x, æ et 1 — x
indiquant le rapport des deux matières constituantes.
— M. H. Kamerling Onnes présente une note de
- M. J.. Verschaffelt (Gand) sur l'ascension des gaz
liquéfiés dans un tube capillaire. Les expériences ont
été entreprises dans le but de soumettre à une nou-
- velle vérification la théorie de la capillarité, donnée
» par M. van der Waals. Les gaz employés sont l’anhy-
dride carbonique et le protoxyde d’azote; ces gaz, qu'on
trouve dans le commerce, ont été purifiés d’après un
- procédé déjà décrit de M. Kuenen. La méthode d’ob-
- servation est essentiellement la même que celle em-
ployée par M. de Vries, dans ses recherches sur la ten-
- sion superficielle de l’éther. Les observations ont été
- faites au voisinage de la température ordinaire et à
la température d’ébullition du chlorure de méthyle (en-
viron-24°). L'énergie superficielle a été calculée au
moyen de la formule & = 9 (çv — pa) r; la hauteur
d'ascension vraie est déduite de la hauteur observée
en y apportant deux corrections relatives aux ménis-
ques; les densités # et pa ont été empruntées aux tra-
vaux de MM. Cailletet et Mathias.
‘3
;
Anhydride carbonique Protoxyde d'azote
t— "200,9 oc — 1,00 ergs GEL o— 1,14 ergs
15932 ,82 140,4 2,50
8°,9 2,90 —249,0 992
D'après M. van der Waals, les valeurs de & doivent
vérifier la formule 5 — A (1 — m}", m étant la tempé-
rature réduite, À et B des constantes indépendantes
de Ja nature des liquides; au voisinage de la tempéra-
ture critique, B doit être égal à = Or, les résultats
précédents sont parfaitement représentés par une pa-
reille formule si l’on pose :
, Pour CO? ; Pour Az?0 :
log A — 1,934 log À — 1,945
Bai B —1,333
Les valeurs des constantes sont sensiblement les
mêmes que pour d’autres liquides; les valeurs de B
sont même plus rapprochées de la valeur théorique.
2
M;
;
L'énergie superficielle moléculaire est ox = 6
2
(gv)s
sa dérivée par rapport à { doit avoir même valeur pour
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
907
tous les liquides non associés. Pour CO?, on trouve
2,22, et pour Az?0 2,20, deux nombres très rapprochés
de la valeur moyenne 2,27 trouvée par MM. Ramsay
et Shields. — M. A.-P.-N. Franchimont présente les
résultats de l’examen de M. C. Lobry de Bruyn sur
la préparation et les propriétés de l’hydrazine libre.
L’hydrazine libre AZ2H*, dont les sels et l'hydrate
Az-H60O ont été découverts par M. Curtius, était in-
connue jusqu'ici. L'auteur a préparé cette base : 1° en
décomposant le sel Az2H*HCI dissous dans l'alcool
méthylique absolu, au moyen de méthylate de sodium;
2° en chauffant l’hydrate avec de l’oxyde de baryum à
une température de 1009 (voir Recueil, t. XIII, p. 433;
t. XIV, p. 88). L’hydrazine libre est un Hquide un peu
épais, présentant [a même odeur que l’hydrate. Elle
peut être portée à l’ébullition sans subir une décom-
position. Son point d’ébullition est de 413°,5 à 761 mil-
limètres, et de 56° à 71 millimètres, Refroidie dans
un mélange de glace et de sel, elle se solidifie; son
point de fusion est environ <- 2°,3, Le poids spécifique
(d a) est de 1,0075, par conséquent à peu près égal
à celui de l’hydrate (qui bout à 119). Exposée à l'air,
la base fume fortement et s’oxyde facilement en faisant
naître de l'azote. Elle brèle à l'air. L’hydrazine est de
beaucoup plus stable que l’hydroxylamine, et, con-
trairement à cette base, non explosive.Les particularités
ultérieures de cette recherche qui se continue seront
publiées bientôt dans le Recueil des travaux chimiques
des Pays-Bas. — M. J.-M. van Bemmelen fait une
seconde communication se rapportant à ses recherches
détaillées sur la forme de la courbe isotherme (p, €)
de l'hydrogel de l'acide silicique à 15° (p = pression
de la vapeur d’eau, « — teneur en eau de l’hydrogel),
savoir la courbe de déshydratation, de rehydratation
et de redéshydratation. Sur cette courbe, il a trouvé
un point singulier, où le gel homogène se trouble et
devient opaque, pour redevenir translucide après, et
où la courbe prend sur une certaine étendue un
cours presque horizontal. Il fait voir comment la po-
sitio de ce point remarquable de la courbe varie avec
les modifications que l’hydrogel a subies, dépendantes
de l’état initial (à son tour variable avec la méthode de
préparation du gel}, de l’âge du gel et de la marche
plus ou moins accélérée de déshydratation. Encore, la
position de ce point détermine le cours du reste de la
courbe d’hydratation jusqu'à la pression zéro, et de
même le cours des deux autres courbes de rehydrata-
tion et de redéshydratation. Enfin, l’auteur démontre
quelles parties de la courbe sont réversibles et quelles
parties ne le sont pas. Sur les dernières, il a remarqué
un phénomène d’hystérèse, fait probablement nou- :
veau en chimie, — M. E. Mulder présente deux mé-
moires : 4° sur des compositions dérivées de l’acide
tartrique, et sur l’acide pyro-tartrique para; 2° sur
l'influence perturbatrice de l'acide sulfureux de la
flamme du gaz d'éclairage sur la détermination quali-
tative et quantitative de quelques matières et sur une
méthode à y porter remède.
30 SCIENCES NATURELLES, — Rapport sur le mémoire
de M. H.-J. Hamburger sur un appareil qui permet
d'étudier les lois de filtration et d’osmose de fluides
constants à travers des membranes homogènes. L'au-
teur se sert de membranes artificielles de gaze métal-
lique plongée. dans une solution de gélatine ou de col-
lodion. — M. K. Martin fait une communication sur
le terrain tertiaire de Java. Il indique où l’on trouve
les dépôts quaternaires, le pliocène, le miocène plus
récent, et en conclut qu'en général, les couches nou-
velles se sont formées à l’extérieur des couches exis-
tantes, ce qui exige que, depuis le temps du pliocène plus
récent, un déplacement négatif de la plage ait mis à
sec les dépôts miocène, pliocène et quaternaire. D’a-
près les fossiles de Njaliendoung, trouvés à une hau-
teur de 910 mètres au-dessus de la mer, ce déplace-
ment doit avoir été très considérable. Ensuite, M. Mar-
tin communique que MM. Wing Easton et J. Bosscha
908
lui ont envoyé des fossiles intéressants] de Bornéo
occidental, qui prouvent que ces terrains sont des
couches mésozoïques, — M. M.-W. Beyerinck s'occupe
de la biologie de Cynips calicis, sa métamorphose (gé-
nération alternante) et ses galles. — M. B.-J. Stokvis
présente la thèse du D' Langemeyer : Sur l'influence
de la nutrition avec du sucre sur le travail musculaire.
A l’aide de l’ergographe de M. A. Mosso, l’auteur trouve
le résultat négatif des chiffres suivants en travail
ergographique,
CHRONIQUE
L'UNIFICATION DES MÉTHODES D’ANALYSE DANS LES TRANSACTIONS DE LA SUCRERIE
Les chimistes de sucrerie se préoccupent plus que
jamais du dommage que cause, aux transactions de leur
industrie, l'absence d’unification des méthodes des-
tinées à déterminer la richesse saccharine des sucres.
Et, tout récemment, l'Association de ces savants a fait
place aux réclamations de ses membres en publiant, à .
ce sujet, les résultats tout à fait discordants de
méthodes diverses !, La question est trop importante
pour que nous la passions ici sous silence.
Avant d’être vendus aux raffineurs, les sucres sont,
de la part de la Régie, l’objet d’une analyse qui fixe la
richesse saccharine de chaque lot(100 sacs de 100 kgs.)
et détermine ainsi l'impôt à payer, D’autre part, les
raffineurs font faire l’analyse des mêmes sucres par
des chimistes agréés du commerce,'et c’est celte ana-
lyse qui sert de |base au prix d’achat. |
La méfiance à l'égard de la Régie semble à priori
singulière, Elle s'explique cependant par ce fait que
les chimistes du commerce indiquent toujours un
rendement en raffiné sensiblement inférieur au rende-
ment donné par la Régie. Peut-être l’écart est-il dû à la
différence des méthodes d'analyse,
Méthode de la Régie. — La méthode adoptée par la
Régie a été instituée par deux chimistes d’une compé-
tence indiscutable et indiscutée, MM. Riche et Bardy:
On pèse 32 gr. 40 de sucre, on dissout dans 200 centi-
mètres cubes d'eau. Sur 100 centimètres cubes on dose le
sucre °/,; puis, sur les 100 centimètres cubes, préalablement
filtrés, on dose les cendres parincinération de 10 centimètres-
cubes de liqueur. Les 10 centimètres cubes représentant un
certain poids de la prise d'échantillon, on en déduit aisément,
après l’incinération, le pourcentage des cendres du sucre ana-
lysé. Pour obtenir le rendement en raffiné, on multiplie ces
cendres par le coefficient 4, et l'on retranche le produit du
sucre °/,.
Méthode du Commerce. — Cette méthode offre ceci de
commun avec la précédente que le pourcentage du
sucre, au début de l'opération, s’y détermine de la
même manière, Mais la suite du procédé est différente :
On pèse 5 grammes de sucre, qu'on incinère ; on en déduit
les cendres °/, que l’on multiplie par le coefficient #4; la dif-
érence entre le produit ainsi obtenu et le taux du sucre °/,
donne le rendement en rafliné,
Comme on le voit, la méthode de la Régie indique
seulement les cendres solubles, les seules intéres-
santes, puisque le sucre, devant être raffiné, est d'abord
refondu, puis filtré. — Au contraire, la méthode du
Commerce donne les cendres totales,
Les raffineursont évidemment tout avantage à recou-
rir à ce mode d'évaluation. Aussi, malgré les réclama-
tions de M, le sénateur Macherez, se sont-ils énergique-
ment opposés à l’unification des méthodes d’analyse,
1 Bulletin de l'Association des Chimistes de Sucrerie, n° de
juillet 1895.
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11.
CHRONIQUE
Le matin (sans sucre)........ 13,200 (moy.de 17 expériments) ;
L’ap.-midi (avec 100 gr.sucre) 12,642( » » »
Le matin (sans sucre)....... 13,322( » 11 » Y4
L’ap.-midi (avec200 gr.sucre) 12,483 ( » » » )
Travail ergographique depuis 9 h. 30 jusqu'à 5 h. 30 : .
Jours sans sucre : main droite 168,640 ; main gauche 185,388
» avec 250 gr. » 147,486 » 154,628
M. Th.-W. Engelmann présente le mémoire Die Physio-
logie des Geruchs (la Physiologie de l’odorat), de M. H.
Zwaardemaker. P.-H. SCHOUTE. :
Il résulte de cet état de choses que l'impôt dont est
grevé le sucre vendu par le fabricant porte sur une
quantité de matière supérieure à celle que paie le
raffineur.
L'’anomalie est flagrante, d'autant plus préjudiciable
au fabricant que la différence entre la quantité impo-
sée et la quantité sur laquelle se fait le paiement, est
parfois très considérable. Il arrive, par exemple, qu’un
sucre se trouve titré à 88° pour l'impôt, alors que le
raffineur ne paie ce même sucre que suivant le titre
de 85°, On nous communique à ce sujet quelques
chiffres (tableau 1) déterminés sur les mêmes produits |
par la Régie ct par le Commerce :
TABLEAU I. — ANALYSES
Régie Commerce
SUCRES ROUX (3° jet)
1
SUÉTE RE Te ane ae FO
Cendres
Rendement en raffiné
95,04
1.465
89°280
92.95
2.46
Voici encore (tableau Il) quelques rendements :
TaBLeAU II. — RENDEMENTS
Régie | Commerce
Rendement........ race Vs : 89.63 88.70
ET - Data ato ANS CD OS = 90.12 88.10
Dent re RAT Ne nero Re È 88.15 S5
A CCE A 89.20 85.67
Ces chiffres se passent de tout commentaire !, Et
une conséquence s'impose : il faut réglementer l’ana-
lyse des sucres, instituer l'unification de cette opé-
ration.
Nous voudrions appeler sur l'urgence de cette réforme
l'attention des hommes de science qui siègent à la
Chambre et au Sénat: c’est à eux surtout qu'il appar-
tient de la proclamer. Is le feraient d'autant plus utile-
ment pour le bien public que, jusqu’à présent, la puis-
sante voix des raffineurs semble avoir couvert, au
Parlement, les justes doléances de la sucrerie française”
et de ses chimistes. Louis OLIVIER.
1 A la vérité, les différences sont plus grandes sur les :
sucres roux que sur les blancs, mais il faut pourtant bien que
le sucrier écoule son « cinquième restant », seule partie de.
la fabrication qui, de par les conditions de la loi de 1884,
laisse quelque bénéfice.
Le Directeur-Gérant : LouIS OLIVIER
-6° ANNÉE
N°20
30 OCTOBRE 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS
OLIVIER
L’'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
PREMIÈRE PARTIE
Science, ordered knowledge.
H. Wap.
Antérieurement aux travaux du physicien alle-
- mand Clausius, il n’élait question, dans les
recherches relatives à la chaleur, que de tempéra-
ture et de quantité de chaleur. Clausius a défini
une troisième espèce de grandeur physique, l’en-
tropie ‘, dont il est fait aujourd’hui un certain
usage, surtout à l'étranger, dans des théories chi-
miques importantes. L'entropie exprime une
_ notion essenlielle sans laquelle il n’est point pos-
sible de marquer les traits communs aux phéno-
mènes de la chaleur et à ceux du mouvement,
sans laquelle, par conséquent, il est aussi impos-
sible de préciser que de faire bien comprendre les
principes de la science de l’énergie.
La considération de l’entropie n'est pas seule-
ment indispensable, au point de vue théorique,
pour combler, dans le domaine des idées générales,
une lacune aussi importante que celle qui résul-
terait de l'absence d’idée de force ou de travail en
Mécanique. Elle est aussi nécessaire au point de vue
pratique : au professeur, elle permet d'apporter
l'ordre, la rigueur et en même temps la simplicité
dans l’exposé des principes de la Thermodyna-
mique et dans la démonstration de ses théo-
rèmes; au savant, physicien ou chimiste, elle pro-
cure un outil d’un maniement plus facile que les
formules usuelles, elle facilite l'application des
© 4 C'est aussi la fonction thermodynamique de Rankine,
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
MÉTHODE , LOIS FONDAMENTALES
principes de Carnot, dont l’entropie n'est, au
fond, que l'expression condensée ; bien plus, elle
lui impose l'obligation de tenir compte de ces prin-
cipes, s’il pouvait être tenté de s’y soustraire.
Cependant, ni dans les recherches de labora-
toire, ni dans l’enseignement, la notion de l’en-
tropie n’occupe la place qu’elle devrait avoir.
Subordonnée, dans les exposés didactiques, au
principe de l’équivalence entre la chaleur et le
travail, principe qui a trait pourtant à un ordre de
choses très différent, reléguée dans les fins de
chapitre, elle n’est, en général, considérée que
comme une fonction exclusivement mathéma-
tique, une intégrale conventionnelle, dépourvue de
toute signification physique, mais qui, par le plus
grand des hasards, apporte une simplification dans
l'écriture des formules dont la Thermodynamique
se trouve si abondamment pourvue. Aussi bien
le physicien et surtout le chimiste attribuent-ils à
l'entropie juste autant de valeur objective qu'à la
quatrième dimension de l’espace. Quant aux lois
explicites de ses variations dans les différentes
catégories de phénomènes, elles sont à peine tou-
chées, ou même considérées comme douteuses,
alors que, masquées sous la forme du principe de
Carnot, elles sont accueillies et appliquées sans
hésitation. Enfia la fonction même de l’entropie,
comme devant servir à caractériser le pur
changement thermique, est généralement passée
sous silence.
20
910
I. — CONSIDÉRATIONS DE MÉTHODE.
L'étude sommaire que nous présentons je,
dontle germe se trouve dans notre étude antérieure
sur l'œuvre de Sadi Carnot !, a déjà élé esquissée
dans une note subséquente ?; elle est une tentative
pour suppléer, dans une certaine mesure, à l'in-
suffisance des explications courantes sur les prin-
cipes de la chaleur. Nous chercherons à donner de
l'entropie une définition simple, mais rigou-
reuse, surtout une définition qui fasse bien sai-
sir son caraclère de grandeur physique, de gran-
deur concrète, et qui permette de justifier le rôle
essentiel qu’elle joue dans les phénomènes de tous
ordres : mécaniques, physiques, électriques, chi-
miques, etc.
Nous nous astreindrons, pour atteindre ce but,
aux règles suivantes :
Premièrement, suivre la filiation naturelle des
idées et le développement logique de la connais-
sance en se gardant principalement d'appuyer les
lois de la science pure de la chaleur sur les
théories plus complexes de la Thermodynamique,
science des relations entre la chaleur etle mouve-
ment.
Secondement, appliquer strictement la méthode
positive, quiinterdit tout recours, dans l'explication
ou l'interprétation des phénomènes, à des entités
métaphysiques aussi bien qu'à des hypothèses sur
la constitution de la matière el la nature intime de
la chaleur.
Troisièmement, éviter de réduire, par contre, la
science de la chaleur à un aride enchainement d'é-
quations,etproscrire autant que possible les formu-
les mathématiques. Non seulement inutiles dans
les exposés de principes, celles-ci sont même
nuisibles en ce qu'elles contribuent à développer
une sorte de paresse, sinon d'impuissance intellec-
tuelle, vis-à-vis de tout ce qui n’est pas une combi-
naison de lettres, de chiffres et de symboles, c’est-
à-dire vis-à-vis du réel.
La méthode qui nous inspirera sera cependant
la méthode mathématique, parce qu’elle sera dé-
ductive, analogue à celle que l’on suit dans la
Géométrie, dans la Mécanique, à celle qui ouvre
au chercheur scientifique des voies nouvelles ?, et
qui, dans l’enseignement, seule permet de conden-
ser les faits et de décharger la mémoire des
élèves.
Un mot sur cette méthode, qu’on est tenté par-
fois de rejeter quand il est question des sciences
physiques, parce qu'on ne la juge applicable
1 Voyez la Revue du 15 juillet 1892, t. III, p. 465 à 472.
2 Comples rendus de l’Académie des Sciences (26 fé-
vrier 1894).
3 Les fondateurs de la science de la chaleur, Black et
Sadi Carnot ont procédé par déduction,
G. MOURET — L’ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
EEE —————_ _——_— —_—’—’_'— ——_— _—_—_—_— << —
phénomènes du monde extérieur, et que ce que
qu'aux seules vérités mathématiques, soi-disant
ürées de la raison pure. Elle consiste à prendre
pour point de départ les inductions les plus éten-
dues, les axiomes généralissimes de Bacon, qu'on.
appelle axiomes en Géométrie, principes en Méca-
nique, et lois fondamentales dans les sciences plus
complexes et d'origine plus récente. Toute science
achevée, et c’est le cas de la science de la chaleur,
du moins de cette partie dela science qu'on peut
appeler statique thermique, ne comporte plus, en
effet, de lois empiriques, provisoires ou approxi-
matives, lois régissant des cas spéciaux et n'ayant
pas d'autre portée, elle ne comporte que des lois
fondamentales qui sont celles régissant les cas les plus
simples et desquelles cependant on peut tirer par le”
raisonnement, en les combinant les unes aux
autres, conformément aux principes de la logi-.
que, les règles applicables aux cas les plus com-
plexes. Ce sont des lois générales, si l’on veut, non.
parce qu'elles s’appliqueraient à un phénomène.
quelconque, — elles ne s’y appliquent pas isolé-
ment considérées, — mais parce qu'elles sont d’un
emploi obligatoire pour traiter un phénomène
quelconque, c’est-à-dire démontrer un théorème :
général. Lois générales quant à leur utilité, elles
sont particulières quant à leurs objets.
Hätons-nous d'ajouter, pour ne pas être taxé de
métaphysique, que les lois fondamentales n’ont,
pas, plus que les lois empiriques, un caractère de
nécessité rationnelle; comme celles-ci, elles sont
tirées des faits. Ce ne sont pas dés principes évi-
dents par eux-mêmes, car l'évidence ne peut être
dite que des raisonnements; ce ne sont pas
davantage des intuitions que nous sortons de.
notre propre fonds, puisque ce sont des lois des
nous appelons le monde extérieur, c’est tout ce qui.
ne vient pas de nous, échappe à notre pouvoir et.
limite notre activité. Ce sont donc des lois expé-
rimentales. Souvent, il est vrai, ce ne sont que des
lois théoriques, s'appliquant, comme les prin-
cipes de Newton, à des cas trop simples pour se
trouver réalisées dans la Nature ou être réali-
sables, mais même ces lois théoriques doivent
comporter une vérification par l'accord des con-
séquences qu'on en lire avec l'observation des
faits.
Ce sont, d'ailleurs, dans ces cas théoriques,
comme dans les autres, des lois el non de pures
hypothèses qui concordent avec les faits. Ces lois
ont une valeur positive; ce sont des lois imposées
par les faits, des lois nécessaires en ce sens que
non seulement les conséquences lirées deces lois
s'accordent avec ce que nous apprend l’observa-
lion ou l'expérience, mais encore que les consé-
quences logiquement tirées de la négation de ces lois sont
G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
911
7 opposé des faits. Une loi nécessaire au point de
vue positif n’est autre qu’une loi dont la négative,
‘sans être inconcevable, puisqu'elle résulte d'une
déduction logique, est incompatible avec les faits.
Cette impossibilité de la négative est le critérium
qui permet de séparer la loi de l’hypothèse.
=. D'autre part, on comprend qu'il existe une infi-
nité d'énoncés généraux qui contiennent l'en-
sembledes faits et dont la négation estincompatible
avec ces faits. Tous ces énoncés, possibles comme
lois, comportent une partie commune, et c’est
“celle-ci qu'il faut extraire et présenter comme
La loi véritable, si l’on ne veut dépasser les faits.
Les faits, rien que les faits. C'est pourquoi l’on
“3 dire, avec le Professeur Mach, que les lois
fondamentales ne sont ou ne dent être que
“le mode le plus simple, le plus abrégé, le plus
r économique, d'exprimer les faits dans les li-
-mites de précision que comportent nos observa-
“tions et nos expériences. Les lois de la Nature sont
- simples surtout parce que nous choisissons, parmi
- tous les modes possibles de les exprimer, le mode
le plus simple.
Les lois fondamentales sont ou doivent être
uniquement établies par induction; la méthode
- déductive n’exclut donc pas la méthode inductive;
elle lui succède. La déduction suppose une induc-
Lion préalable. Toute science, comme l’a si bien
montré le grand philosophe que nous venons de
citer, passe par deux phases: l’une où l’on remonte
par induction des faits particuliers sans cesse
accumulés aux lois fondamentales que la philoso-
| phie de la science en dégage ; l autre où l’on redes-
-cend déductivement des lois fondamentales aux
théorèmes généraux qui englobent les faits particu-
liers observés antérieurement el des faits particu-
liers non encore observés. La science revient alors à
- son point de départ, mais en l’élargissant d'une ma-
nière illimitée. En ce qui concerne lascience de la
chaleur, grâce aux travaux de Sadi Carnot, Robert
Mayer, Joule, William Thompson, Clausius,
Helmholtz, Gibbs, Berthelot, eic., il faut consi-
dérer la période d'induction comme terminée. Les
lois fondamentales sont atteintes et vérifiées ; on
peut même admettre qu'elles ont subi l’œuvre du:
temps et que leur exactitude se trouve être désor-
mais à l'abri de toute discussion. Sans doute, il
reste encore à en donner, ce que nous essaierons
de faire, des énoncés à la fois simples et précis,
n'empiélant pas les uns surles autres; mais ne
- peut-on pas en dire autant des principes de la Mé-
canique?
Dans cet essai, nous ne nous préoccuperons
| donc point d'établir la validité des lois fondamen-
- tales de la chaleur. Nous admettrons ces lois,
. comme en Mécanique on admet les principes de
Galilée et de Newton. À la marche historique
généralement suivie, mélange confus d’induction
et de déduction, nous substituerons une marche
rationnelle du simple au composé. Elle seule con-
vient à notre but, qui est de donner au lecteur
scientifique au courant des fails principaux, mais
peu versé dans les mathématiques, une idée
d'ensemble, correcte et précise du phénomène
thermique, et de faciliter à l'étudiant l'entente,
entre autres, des beaux ouvrages de MM. Ber-
trand, Lippmann et Poincaré sur la Chaleur et la
Thermodynamique.
II. — LES LOIS FONDAMENTALES.
Les lois fondamentales dela chaleur, considérée
au point de vue statique, en dehors des conditions
de sa propagation, ne sont qu'au nombre de quatre,
abstraction faite de la loi de continuité qui régit
tous les phénomènes physiques sans exception.
Les deux premières lois, parfois énoncées vague-
ment et alors admises comme évidentes par elles-
mêmes, sont plus généralement passées sous
silence. Elles ont trait, l’une à l'égalité de tem-
pérature ou équilibre thermique, l’autre au phé-
nomène de conduction de la chaleur qui s'opère
entre des corps à des températures différentes.
Ces lois sont les suivantes :
Le LOr FONDAMENTALE. — Deux corps, respectivement
en équilibre de température avec un troisième, sont en
équilibre entre eux.
2 LOL FONDAMENTALE. — Quand la chaleur passe,
par conduction, d'un corps à un autre, par l'intermédiaire
d'un troisième corps qui revient à son état initial en sui-
vant le même cycle qu'à l'aller ?, l'état final de l'un des
deux corps ne dépend que de l ‘état final de l'autre corps,
et est le même que si la chaleur avait passé directement
d'un corps à l'autre.
On tirerait de ces lois la justification de la
concordance des mesures faites avec des thermo-
mètres différents, en ce qui concerne la tempéra-
ture, — avec des calorimètres différents, en ce qui
concerne la quantilé de chaleur. Nous considére-
rons ces deux points comme acquis, el nous Sup-
poserons que la température et la quantité de
chaleur répondent à des notions connues el
rigoureusement définies.
Les deux autres lois sont d'origine moins an-
cienne; elles sont contenues implicitement dans
les principes établis par Carnot. Elles n'ont pas
encore conquis leur autonomie parce qu'elles se
trouvent enchevêtrées dans les principes de la
Thermodynamique, mais il est facile de les en dé-
ES PS PP
1 Ces corps étant astreints à suivre des cycles déterminés.
? Dans la loi de conservation du calorique due à Black, on
omettait cette condition essentielle du retour par le mème
chemin.
912
G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
gager, et si ce travail n’a pas encore été fait, c'est
que l'attention des auteurs s’est portée plus sur le
développement de la science que sur la critique de
ses principes. Ces deux lois régissent les échanges de
chaleur qui s'opèrent entre des sources de chaleur à des
températures fives et déterminées, à l'aide de machines
thermiques en rapport uniquement avec des systèmes ré-
versibles.
Voilà trois notions fondamentales, réversibililé,
sources de chaleur et machines thermiques, bien con-
nues, et sur lesquelles cependant il ne sera pas
inutile de donner quelques explications avant d'é-
noncer les lois qui y ont rapport.
$ 1. — Réversibilité.
La notion de changements réversibles est due à
Sadi Carnot. Est réversible toule transformation
d'un corps, toute opération sur un système, qui
peut se faire indifféremment dans les deux sens,
de l’état inilial à l’état final, et de l’état final à
l'état initial, le corps ou le système repassant erac-
lement au retour par les mêmes états intermédiaires
définis par la pression, le volume, la tempéra-
ture, etc.) qu'à l'aller. Un exemple simple de réver-
sibilité est la chute d'un corps : si ce corps ren-
contre un obstacle parfaitement élastique, il re-
bondil jusqu'au point d’où il était tombé, et il
possède, dans son mouvement ascensionnel, en un
point quelconque, la même vitesse en valeur abso-
lue que celle qu'il avait, au même point, dans sa
chute.
Est àrréversible toute transformation d’un corps,
toute opération sur un système qui ne peul s'ac-
complir que dans un sens déterminé, de sorte que,
pour revenir à son élat inilial, le corps ou le sys-
tème ait à suivre nécessairement un cycle différent
de celui qu'il avait suivi de l’état initial à l'état
final. Parmi les transformalions irréversibles, on
peut citer les déformations des systèmes matériels
qui comportent des frottements, des corps vis-
queux, les combinaisons chimiques, les courants
électriques dans un conducteur, etc. Le phéno-
mène de la conduction offre un exemple frappant
d'irréversibilité, car la chaleur ne peut remonter
directement d'un corps froid à un corps chaud.
Ajoutons, pour prévenir toute confusion, qu’une
opération irréversible peut être entièrement com-
posée de transformations réversibles des corps
sur lesquels on opère ; c’est précisément le cas
d’un phénomène de conduction entre des sources
de chaleur, car les pertes et gains de chaleur de ces
sources, isolément considérées, sont des transfor-
malions réversibles, bien que le phénomène de
conduction, c'est-à-dire la corrélation entre ces
pertes et gains, soil irréversible !.
1 Ce serait peut-être un abus de langage de conclure de là
Parmi les transformations réversibles d'un
corps detempérature el pression uniformes, on dis-
tingue les transformations adiabatiques, qui sont
celles du corps enfermé dans une enceinte imper-
méable à la chaleur et lentement comprimé ou
détendu !, et les transformations 2sofhermes, qui
sont celles du corps, maintenu toujours en équi-
libre de température avec un milieu à température »
que des varialions »
constante, et ne subissant
lentes de pression et de volume.
Toutes les autres transformations réversibles,
quelles qu'elles soient, peuvent, grâce à la loi de
continuité, être considérées comme la limite d’une
succession de transformations infiniment petites,
alternativement isothermes et adiabatiques, de
sorte qu'il doit suflire de connaitre les lois qui
régissent les transformations fondamentales, et
leurs relations mutuelles, pour en déduire, par la
méthode infinitésimale, les théorèmes généraux
applicables à une transformation réversible quel-
conque.
Une propriété essentielle des changements iso-
thermes consiste en ce que, suivant le sens de ces
transformations isothermes, le corps absorbe ou
cède de la chaleur au milieu.
Une propriété essentielle des transformations
adiabatiques est, par contre, qu'il n'y a pas d'é
change de chaleur entre le corps et le milieu,
mais ce n'est pas la seule; elle ne peut suflire à
définir la véritable transformation adiabatique; il
faut y ajouter la condition de réversibilité. La
compression brusque, le choc ne donnent pas lieu
à des transformations adiabatiques au sens pré-
cis et restreint du mot, parce que ce sont des
phénomènes irréversibles. Au reste, il en est de
même des transformations isothermes; la cons-
tance dela température ne suffit pas pour définir
une transformation isotherme, au sens où nous
emploierons ce mot; il faut aussi y ajouter la con-
dition de réversibilité.
Lorsqu'on représente l’élat d'un corps, gra-
phiquement, c’est-à-dire par un point dont les
qu'il y a deux sortes de réversibilité des transformations
d’un système, la réversibilité complète, et la réversibilité par
rapport au système lui-même (Poincaré, Thermodynamique,
p. 209). Dans le second cas, la réversibilité est limitée à la
transformation du système; dans le premier cas, elle s'étend
aux moyens employés pour opérer la transformation, c'est-à-
dire qu’elle caractérise la transformation du système total qui
comprend, outre le système considéré, les sources de chaleur.
Au lieu de parler d’une transformation réversible complète
d’un système, il serait plus correct dedire une transformation
opérée par voie réversible (et par conséquent réversible elle-
même). C’est le langage que nous emploierons ici.
1 Tous les corps, même comprimés lentement, ne sont pas
susceptibles de transformations réversibles adiabatiques.
Les corps visqueux, ceux dont l'élasticité est imparfaite, et
dont une partie des déformations est permanente, elc., subis-
sent même, dans ces conditions, des transformations irréver-
sibles.
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Re:
CIS
G. MOURET — L’ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
913
coordonnées sont proportionnelles, par exemple,
au volume spécifique et à la pression du corps, les
transformalions réversibles qui viennent d'être
définies sont représentées par des lignes distincles,
dites adiabatiques et isothermes. Quand nous dirons,
pour abréger le langage, qu’un corps suit une
isotherme A B,une adia-
batique A A', nous vou-
drons dire que ce corps
subit une transforma-
tion réversible à tempé-
rature constante de l'é-
tat A à l’étatB,une trans-
formation adiabatique
de l’état À à l’état A'.
Nous venons d’expli-
quer qu'une transforma-
tion réversible quelcon-
que À B', qui n'est ni isotherme ni adiabatique,
peut être considérée comme la limite d’une série
de transformations infiniment petites, alternative-
ment adiabatiques et isothermes; ajoutons que la
chaleur dégagée ou absorbée dans cette transfor-
mation est la limite de la somme des chaleurs déga-
gées ou absorbées dans les transformations iso-
thermes élémentaires.
S 2. — Sources de chaleur.
Une source de chaleur est constituée par tout
corps de température, pression et tension élec-
trique uniformes, de constitution chimique inva-
riable, ou à l’état d'équilibre chimique. On sup-
pose ce corps complètement isolé du milieu
ambiant, ou en équilibre mécanique et électrique
avec ce milieu. En un mot, c'est un corps à l’état
complet d'équilibre intérieur et extérieur, mais,
de plus, susceptible seulement de changements
réversibles. On admet, d’ailleurs, que cet état
d'uniformité et d'équilibre subsiste à tout instant
des opérations, ce qui revient à supposer celles-ci
infiniment lentes, ou les conductibilités thermi-
ques, chimiques, etc., infiniment grandes. On
attribue aux sources de chaleur une pression, une
température et une tension électrique constantes,
el, par conséquent, en général, une masse infinie.
Les sources de chaleur jouent, dans la science
de la chaleur, le rôle que jouent les forces cons-
tantes dans la Mécanique. Ce sont des corps qui
ne peuvent subir que des modifications d'ordre
purement thermique, ou dont les autres modifica-
tions, si elles en subissent, sont exactement com-
pensées sous la même forme à l’extérieur. Ce sont
donc des réservoirs inépuisables d'énergie d'une
seule espèce, à tension fixe; ce sont des corps dont
les changements présentent, au point de vue de la
chaleur, le maximum de simplicité.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895.
L'air ambiant, la glace d’un calorimètre, sont
des sources de chaleur. Le gaz enfermé dans le
double cylindre de l'expérience de Hirn n'est pas
une source de chaleur.
$ 3. — Machines thermiques.
Les machines thermiques sont des corps qui ne
sont pas assujetlis, comme les sources, à la con-
dition d’être dans un élat d'équilibre, quoiqu'ils
puissent s'y trouver; ce sont des corps qui peu-
vent subir toute espèce de transformation, réver-
sible ou irréversible. Trois conditions seulement
les définissent, et ne caractérisent que leur fonc-
tionnement. La première est que ces corps n'é-
changent de chaleur qu'avec les sources ; la
seconde est qu'ils soient revenus exactement à
leur élat initial quand l'opération accomplie sur
les sources de chaleur est terminée. La troisième
est qu'ils ne se trouvent extérieurement en rap-
port qu'avec des systèmes mécaniques ou autres
ne comprenant que des changements réversibles.
De la sorte, les changements survenus et définitifs
se trouvent localisés, et dans les sources et dans le
milieu ou ces systèmes extérieurs. Les premiers de
ces changements, en raison des conditions imposées
aux sources de chaleur, se réduisent, abstraction
faite des changements compensés directement,
à des pertes et des gains de chaleur. Les seconds
consistent en travaux accomplis grâce aux varia-
tions de volume sous pressions variées, ou en
toute autre espèce d'énergie potentielle dépensée
ou créée.
Nous n’aurons pas ici à nous préoccuper de ces
changements extérieurs. Ceux-ci font l’objet de la
Thermodynamique, ou de l'Énergétique, et les lois
de la chaleur ne peuvent concerner que les rela-
tions mutuelles des changements calorifiques sur-
venus dans les sources.
De tels corps, revenant à leur état initial après
avoir emprunté ou cédé de la chaleur auxsources,
ont élé appelés machines thermiques, parce qu'ils
sont susceptibles d'accomplir du travail en utilisant
directement la force motrice de ia chaleur. Mais le
seul fait que ces corps servent à opérer des échanges
de chaleur entreles sources, sans subir eux-mêmes
de changements permanents, suffit à justifier
l'emploi du mot #achine, indépendamment de ce
qui peut se passer à l'extérieur, et quand bien
même la chaleur ne développerait aucune force
motrice.
La machine à vapeur ordinaire peut servir à
donner une idée de ce que sont les machines ther-
miques ; le corps qui, dans la machine à vapeur,
joue très sensiblement le rôle d’une machine ther-
mique, est l’eau passant par la chaudière et les
cylindres, et que le conducteur ou l'atmosphère
20°
914
G. MOURET — L’'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
ramène à son élat inilial. Les sources sont, d’une
part, les composés gazeux à haute température
contenus dans le foyer et les tubes, et provenant
de la combustion du charbon; d’autre part, l'air,
le condenseur et les organes de la machine qui
concourent au refroidissement de la vapeur et de
l'eau condensée.
Parmi les machines thermiques, il convient de
signaler les machines réversibles, c'est-à-dire celles
à l’état complet d'équilibre intérieur et extérieur
et qui, comme lessources, ne sont susceptibles que
de transformations réversibles. Les opérations
failes avec ces machines ne sont cependant pas
nécessairement réversibles ; ellessont irréversibles
s’il existe des écarts finis de température entre la
machine et toute source à laquelle elle emprunte
ou cède de la chaleur.
Les machines thermiques réversibles sont des
machines toutes théoriques, comme le sont d’ail-
leurs les types de machines étudiés dans la Méca-
nique rationnelle, Leur fonctionnement réversible
est aussi tout théorique. Mais quoique, en Méca-
nique, el par suite des habitudes acquises, la ré-
versibilité du fonctionnement d’une machine soit
une chose admise sans hésitation, il n’en est pas
de même dans le cas des machines thermiques, et
ilest peut-être utile de rappeler ici les explica-
tions usuelles sur ce point. Nous y trouverons
d'ailleurs l'occasion d’énoncer les deux dernières
des lois fondamentales de la chaleur.
Soit le cas le plus simple de deux sources, el
d'une machine qui n'absorbe ou ne dégage de
chaleur qu’à température constante.
La machine est d'abord mise, à l’état À, en con-
tact avec la source chaude à une température T,
supérieure à celle de la machine. Puis on opère la
détente de ia machine de manière à maintenir la
température constante au fur et à mesure que la
machine absorbe, par conduction, la chaleur
empruntée à la source. La machine suit done l'iso-
therme AB (fig. 2), et emprunte finalement une
quantité de chaleur égale à g. On l’isole ensuite de
la source, par voie adia-
batique, et l'on conti-
nue la détente, de ma-
nière (ligne BB’) à a-
baisser la température,
sans toutefois que celle-
ci devienne égale à la
température de lasour-
B° ce froide. On amène a-
Fig. 2. lors la machine en con-
lact avec celte source,
puis l’on exerce une compression graduelle
en maintenant la (empérature constante au fur
el à mesure que la machine cède de la chaleur
à la source froide. On arrête l'opération à un
moment convenablement choisi, de manière à
pouvoir faire revenir la machine à l’état À, en
l'isolant de la source froide et continuant la com-
pression par voie adiabatique.
Ainsi, après avoir, dans son contact avec la
source froide, suivi l’isotherme B'A', la machine suit
l'adiabatique A'A, et a, en définitive, accompli le
cycle ferméréversible À BB'A'. En suivant ce cycle,
qui la ramène à son état initial, la machine a
emprunté à la source chaude une chaleur 9, et cédé
à la source froide une chaleur g'.
Voilà un exemple simple d'opération irréver- .
sible, accompli sur un système de sources par
une machine thermique réversible. Or, quelle que
soit la nature de la machine, l'expérience prouve
qu'on ne peut la ramener à son état initial qu'à la
condition de céder de la chaleur à la source froide
si l’on a emprunté de la chaleur à la source
chaude.
Pour concevoir l'opération toute théorique d’é-
change réversible de chaleur entre des sources, ül
faut examiner ce qui se passe quand on n’établit,
entre la machine et les sources, que de très faibles
écarts de lempérature. Ayant accompli la première
opération ABB'À', il est-possible d'accomplir une
opération presque semblable, mais de sens opposé,
en abaissant par voie adiabalique la température
de la machine jusqu’à ce qu’elle soit légèrement
inférieure à celle de la source froide ; puis, après
que la machine a emprunté à la source la cha-
leur g',, égale à g' ou peu différente de 7', on relève
sa tempéralure jusqu’à ce qu’elle soit légèrement
supérieure à celle de la source chaude, et alors la
machine revient à son état initial en cédant à cette.
source une certaine quantité de chaleur g,, peu dif-
férente de g. Si l’on rend les écarts de température
de plus en plus petits, et sil’onfait tendre les quan-
tités g', g',, elc. vers une limite commune (', les
quantités 4, g',, etc. auront une limite Q, en vertu
de la loi de continuité des phénomènes physiques.
Ces quantités, malhématiquement définies, Q etQ,
peuvent donc être considérées comme la limite
commune des résultats dus à des opérations de
sens inverse, el l’on peut abréger le langage et les
raisonnements, en les considérant elles-mêmes
comme le résullat d'un échange réversible de cha-
leur, opération fictive ! accomplie à l'aide d’une
machine thermique fonctionnant aux températures
mêmes des sources. Le cycle suivi dans ces con-
ditions et formé de deux isothermes et de deux
adiabatiques est dit cycle de Carnot, et l'on remar-
quera que, comme conséquence de ce qui a lieu
dans le cas du cycle suivi par voie irréversible, les
1 C'est, en Mécanique, ce qu'on appellerait une opération
virtuelle,
G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
915
. quantités de chaleur empruntées aux deux sources
_ sont de signe contraire.
Ainsi donc, deux sources à des températures dif-
_férentes sont nécessaires au fonctionnement réver-
sible d'une machine thermique, et, si l’une des
| sources absorbe de la chaleur, il faut que l’autre
en perde. C'est là le premier des principes posés
J par Carnot, et c’est ce principe qui, étendu à un
. nombre quelconque de sources, et à une combi-
| naison quelconque d'opérations réversibles sur ces
. sources, devient, pour nous, la troisième des lois
fondamentales de la chaleur, que l’on peut énoncer
. sous une forme générale comme il suit :
TROISIÈME LOI FONDAMENTALE. — Dans toute opéra-
. tion réversible, accomplie sur des sources de chaleur à
- L'aide de machines thermiques, on ne peut enlever (ou
- céder) de la chaleur à une source sans réder (ou enle-
ver) de la chaleur à une autre source.
Il faut donc, ou bien que toutes les sources soient
. à la fois revenues à leur état initial, ce que l'on
. peut réaliser, ou bien qu’au moins deux des sour-
. ces aient subi des changements et que ces change-
ments soient de sens contraire. En particulier,
toutes les sources ne peuvent, à la fois, avoir gagné
. ou perdu de la chaleur. De même, dans un sys-
tème matériel en équilibre, un travail positif ne
peut être virtuellement accompli en un point qu’au
. prix d'un travail négatif en un autre point.
C'est pourquoi, dans un cycle Carnot, qu'il soit
accompli, d’ailleurs, par voie réversible ou irré-
versible, il y a nécessairement perte et gain de
chaleur. Ce principe, admis d'ordinaire sans ré-
flexion, n'est pas, cependant, plus évident que ne
l'est, en Mécanique, le principe de l'égalité de
l'action et de la réaction. Il ne s'impose que parce
que l’on ne peut le nier sans se mettre en contra-
. diction avec les faits observés. Géométriquement,
il se traduit par cette propriété des lignes adiaba-
tiques de ne jamais se couper.
On peut aussi lui donner, en se plaçant à un
autre point de vue, un énoncé qui conduit tout
naturellement à la quatrième et dernière des lois
fondamentales de la chaleur. En effet, enlever de
la chaleur à une source par une machine ther-
mique, sans en rendre à une autre, c'est détruire
de la chaleur, et la loi sur la réversibilité montre
que, par voie réversible, on ne peut pas plus dé-
truire intégralement la chaleur empruntée à une
source qu'on ne peut céder de la chaleur à une
source sans en avoir emprunté, au moins une par-
tie, à une autre source. Il y a là une autre double
impossibilité.
Dans le cas des phénomènes irréversibles, il
n'en est pas de même. Si la première de ces im-
possibilités subsiste, la seconde n’a plus lieu. Il est
possible de créer de la chaleur de toutes pièces,
.
4
b
d
;
par exemple au moyen du choc, du frotlement,
d’une compression brusque, de la combustion, etc.
Mais, de plus, et c'esl là ce qui caractérise les
phénomènes irréversibles, du moins ceux que nous
avons observés jusqu'à ce jour, non seulement cela
est possible, mais cela est même inévitable, étant
bien entendu que les corps soumis au choc, au frot-
tement, etc., reviennent à leur état initial. Dans
ce cas, la source unique avec laquelle les corps
considérés échangent de la chaleur ne peut reve-
nir à son état initial : finalement elle nepeut avoir
perdu de chaleur; de toute nécessité elle en a gagné.
Dans les conditions en question, on peut donc
dire que l'irréversibilité se manifeste toujours par
un dégagement de chaleur.
Sans doute, si l’on opère sur plusieurs sources,
quelques-unesd’entre elles, parmi celles quinesont.
pas revenuesàleur état initial, peuvent avoir perdu
de la chaleur. Mais il faut qu'au moins les autres
aient gagné de la chaleur. D’ailleurs, si toutes ne
peuvent, à la fois, avoir perdu de la chaleur, toutes
peuventen avoir gagné, ce qui ne saurait avoir lieu
dans les opérations réversibles.
On estdoncconduit, en fin de compte, à énoncer
la loi suivante qui englobe ces différents cas :
QUATRIÈME LOI FONDAMENTALE. — Dans toute opéra-
tion irréversible, accomplie sur des sources de chaleur à
l'aide de machines thermiques, l'une des sources, au
moins, & gagné de la chaleur \.
Cette loi, admise implicitement par Sadi Carnot
pour le cas des phénomènes de conduction, éten-
due dans les formules de Clausius à tous les cas
1. Je dois cette forme d’énoncé, très voisine, d’ailleurs, de
la forme du principe du travail maximum de M. Berthelot, à
M. le commandant du génie Ariès. M. Ariès enferme les
deux dernières lois fondamentales de la chaleur dans un
énoncé commun, en disant que, dans une opération quelcon-
que, réversible ou irréversible, toutes les sources ne peuvent,
à la fois, avoir perdu de la chaleur. On déduit facilement de
cet énoncé la loi sur la réversibilité, et la théorie se trouve
simplifiée dans une certaine mesure. Je préfère cependant
séparer les deux lois, parce qu’elles n’ont pas le même carac-
tère. L'une, la loi sur la réversibilité, est spéciale à la cha-
leur; elle ne saurait être subordonnée à la loi sur l'irréversi-
bilité, qui a une tout autre portée. Celle-ci devrait, en toute
rigueur, être considérée plutôt comme une définition des
phénomènes dits irréversibles que comme une loi.
C'est que la définition usuelle des phénomènes irréver-
sibles est purement négative. Rien ne prouve que les
phénomènes, considérés comme irréversibles, ne puissent,
un jour, être reconnus réversibles. Alors lirréversibilité ne
saurait plus fournir de caractère distinctif aux phénomènes.
J'aurais pu me placer dans cet ordre d’idées qu'impose
presque la théorie de l'énergie et présenter la théorie de la
chaleur sous sa forme la plus générale en distinguant trois
classes de phénomènes : ceux qui satisfont à la condition
exprimée par la troisième loi fondamentale, ceux qui
s'accomplissent avec dégagement de chaleur et ceux, non
encere observés, qui s'accomplissent avec absorption de
chaleur. Si je n’ai pas suivi cette voie plus large, c’est que
je n'ai pas voulu, en dépassant les faits, m’écarter des vues
habituelles et prêter au reproche d'introduire, dans la
physique, l'esprit de la géométrie non euclidienne.
916
d'irréversibilité, énoncée explicitement, quoique
sous une forme imparfaite, par M. Berthelot, pour
le cas de l'irréversibilité due aux actions chimi-
ques, cette loi est absolument générale et vraie de
tous les genres de phénomènes non réversibles. Elle
est surtout connue par ses corollaires de Thermo-
dynamique: maximum de rendement des machines
thermiques, théorème de Clausius sur la fonction
, ete. Son exactitude n'est donc pas douteuse,
rdQ
É
mais il était indispensable, pour le but que nous
poursuivons, de la dégager de Loute considération
sur le travail ou la force motrice de la chaleur.
S 4. — Conclusion sur les lois fondamentales.
En résumé. toute la science de la chaleur repose
sur les quatre lois suivantes, savoir :
1° Loi sur l'équilibre, qui remonte aux temps les
plus anciens de la science moderne ;
2 Loi sur la conduction, qui a pour bases les spé-
culations et les expériences de Black;
3 Loi sur la réversibilité, due à Sadi Carnot;
4 Loi sur l'irréversibilité, à laquelle il faut surtout
rattacher les noms de Clausius et de W. Thom-
son.
Aucune de ces lois ne peut être démontrée, c'est-
à-dire ramenée à une loi plus simple: ce sont des
lois fondamentales. Mais, tandis que les deux pre-
mières, qui ont rapport à des corps quelconques,
se trouvent directement vérifiées par le fait de la
possibilité des mesures thermométriques el calo-
rimétriques, les deux autres, qui ont uniquement
pour objets les «sources de chaleur », ne sont pas,
dans beaucoup de cas, directement vérifiables, en
raison des difficultés pratiques d'expérimentalion.
En réalité, elles n’ont jamais été directement véri-
fiées, et la preuve, d’ailleurs parfaitement sufli-
sante, de leur exactitude réside dans l'exactitude
de leurs corollaires propres, c’est-à-dire de ceux
qui sont logiquement incompatibles avec la néga-
tion de ces lois.
Les deux lois sur la réversibilité et l'irréversibi-
lité conduisent immédiatement à un premier
corollaire concernant les propriétés du cycle de
Carnot. Si, dans l'opération réversible, Q est la
quantité de chaleur empruntée à la source chaude
à la température T, et Q'Ila quantité de chaleur
cédée à la source froide à la température T', le
Q : : m à
rapport pr ne dépend que des températures T et T',
mais nullement de la nature du corps qui sert de
machine thermique: car, s’il en était autrement, el
si, avec une seconde machine thermique consti-
tuée par un corps différent, on pouvait, en em-
pruntant à la source chaude la chaleur Q, trans-
mettre à la source froide une chaleur Q", différente
4
G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
de Q!', il serait possible, en se servant successi-
vement des deux machines thermiques travaillant
en sens opposé, d'enlever ou de céder à la source
froide la chaleur Q, — Q',, sans rien céder ou en-
lever à la source chaude, ce qui serait contraire à
la première loi. De plus, le rapport constant &
que Sadi Carnot supposait à tort égal à l'unité, est
supérieur à l'unité: car, après avoir emprunté la
chaleur Q’ à la source froide et avoir cédé à la
source chaude la chaleur Q, on peut ramener cette
dernière source à son élat initial en laissant la
chaleur Q reçue par cette source s'écouler direc-
tement sur la source froide qui, en définitive, se
trouve avoir gagné la chaleur Q — Q', et il faut que
cette quantité soit positive, d’après la deuxième loi.
La loi sur la réversibilité comporte aussi un
second corollaire sur lequel, ainsi qu’on le verra,
repose la possibilité de définir l’entropie. On sait
que, si un phénomène de conduction s’accomplit
entre une source $ et une source plus froide S',
et que, si la source S' est ramenée à son état ini-
tial à l’aide d’un second phénomène de conduc-
tion accompli entre cette source S'et une source
S"' encore plus froide, le changement subi par
celte source S” sera le même que si la conduction
s'était directement opérée entre la source S et la
source S’. Or ce principe des trois sources, qui esl
l'un des corollaires de la seconde loi fondamentale
de la chaleur, et qui conduit à la notion précise de
la quantité de chaleur, est aussi vrai des opérations
réversibles. En effet, après qu’une première opéra-
lion réversible a élé accomplie sur les sources $ el
S’', l’une S perdant la chaleur Q, l'autre S' gagnant
la chaleur Q', et qu’une seconde opération réver-
sible a été accomplie sur les sources S'etS”, opé-
ration par laquelle la source S' revient à son étal
initial, et la source S” gagne une quantité de cha-
leur Q”, on peut, par une troisième opéralion ré-
versible, ramener la source S”à son état initial, et
il faut alors, d’après la loi sur la réversibililé, que
la source $ revienne aussi à son état initial, c’est-
à-dire regagne la chaleur Q qu'elle avait perdue
dans la première des opérations. Ainsi donc la cha-
leur Q” gagnée par la source S” à la suite des deux
premières opérations est la même que si l’on avail
directement emprunté la chaleur Q à la sourceS,
sans passer par l'intermédiaire de la source S".
L'état final de la source S" ne dépend, d'une ma-
nière générale que de l’état final de la source, et
nullement des intermédiaires. Voilà pour le der-
nier des corollaires que nous avions en vue.
Ayant élabli, sans invoquer aucun principe
étranger à la science de la chaleur, les propriétés
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du cycle de Carnot, à savoir que le rapport ni
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ÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLiQuéEs (Numéro du 30 Oclobre 1895).
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Fr.
1. — Lresse Davy à gabarier (Puissance : 3,500 Lonnes) des Acierres de Sainlt-Chamond. — Cette presse donne à
chaud et sous pression (gabariage) la forme que doivent avoir les plaques de blindage. Deux étampes (formes) sont
employées à cet effet. Comme le-montire cette photographie, l'une repose sur la chabotle (table) de la presse, l’autre est
attachée à la traverse horizontale sur laquelle presse le piston. L’étampe supérieure fait fléchir la plaque d'acier et lui
Dans le cas!présent, les étampes figurées ici servent à gabarier les plaques
fait épouser la forme de l’étampe inférieure.
de peütes tourelles, tourelles servant à lozer des canons de 1# centimètres.) Suivant la forme à donner au blindage, les
étampes varient. Il n'y a cependant qu’un petit nombre d’étampes, de sorle que dans bien des cas on modifie la forme du
blindage en intercalant entre lui et l’étampe de larges las, sortes de tables rectangulaires sur lesquelles on fixe dans les
rections convenables une ou] lusieurs palettc s.
ne dépend que des températures et est supérieur à
J'unité, nous avons (erminé avec la partie tech-
nique de notre travail, avec les questions de fait;
nous pouvons aborder maintenant son objet prin-
CS _ cipal: la définition et les lois de l’entropie. Ce n’est
plus qu'aflaire de raisonnement,
& E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER CL
Dans un prochain article, où nous étudierons
l'application de ces lois, nous nous attacherons
spécialement à la définition physique et à la
mesure de l’entropie.
G. Mouret,
Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées.
ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER ‘
Nous avons, jusqu'ici, décrit le matériel et les
procédés généraux en usage dans les forges
actuelles; nous avons étudié à part, dans des
chapitres différents, ce qui se rapporte au Aor-
geage, au laminage et aux procédés subséquents.
. Maintenant que nous connaissons les principaux
éléments des opérations de la forge, nous passe-
rons en revue chacun des produits en usage soil
dans les constructions navales, soit dans l’artillerie,
soit dans les chemins de fer, soil dans les indus-
tries diverses, en indiquant brièvement la marche
que l’on suit actuellement pour les fabriquer.
— Nous éludierons ensuite les conditions géogra-
phiques et économiques de l'industrie du forgeage
et du laminage.
+
«
I. — PRODUITS DE FORGE.
Les produits de forge comprennent: blindages,
tôles, arbres, canons, obus, rails, bandages, es-
sieux et centres à rais.
$ 1. — Blindages.
Autrefois tous les blindages étaient en fer et
étaient obtenus par laminage de paquets: leur
épaisseur ne dépassait pas alors 0",25. Le dévelop-
pement qu'a pris la fabrication de l’acier coulé
Siemens ainsi quela puissance, toujours croissante,
des engins de transformation, ont permis l'emploi
de l'acier à tous ses degrés de durelé. Toutefois
les plaques en fer laminé sont encore employées
pour les calottes des coupoles terrestres, dans les-
quelles les trous d’embrasures sont obtenus le plus
souvent par un simple emboutissage.
Les plaques de pont, d’une épaisseur de 30 à
100%/"*, sont exposées au tir plongeant et doivent
pouvoir s'emboutir sans déchirure. Elles sont, par
conséquent, en acier de nuance extra-douce à
0,10 °/, de carbone. Les lingots qui leur‘ donnent
naissance sont laminés au jaune orange avec un
1 Voyez, pour la première partie : Revue générale des
Sciences, tome VI, pages 870 à 886 (n° du 15 octobre 1895).
DEUXIÈME PARTIE : PRODUITS DE FORGE. — CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES
ET ÉCONOMIQUES DE LA PRODUCTION
corroyage de 7 à 8, c'est-à-dire que le rapport
entre la section moyenne du lingot coulé et celle
de la plaque laminée est de 7 à 8. Les plaques
sont recuites avant trempe à 900°, {rempées deux
fois à l’eau à 1000°, gabariées à 800° et recuiles
définitivement à 600°.
Le gabariage est l'opération de presse qui a pour
but de donner aux plaques, plus généralement
aux pièces d'acier, la forme définitive qu’elles
doivent offrir. Les presses employées à cet effet
diffèrent peu de celles que nous avons décrites à
propos du forgeage !. La planche I ci-contre
représente l’un de ces puissants engins : la presse
Davy, aux Aciéries de Saint-Chamond. Sa traverse
horizontale, sur laquelle presse lepiston, porte à
sa partie inférieure une élampe destinée à faire
fléchir la plaque à gabarier, et à lui faire épouser
sa forme. Au-dessous de la plaque à gabarier se
trouve une autre éfampe, reposant sur la chabotte
de la presse. Ce sont ces deux élampes et leurs
pièces annexes qui donnent à la plaque sa forme
définitive. Cette opéralion est exécutée à 800°.
L'obligation du recuil après gabariage est une
grosse difficulté : car, si l’on dépasse une certaine
température nécessaire pour supprimer les ten-
sions du métal, la plaque se déforme et doit être
gabariée à nouveau.
Les plaques de tourelles et de ceinture qui doi-
vent résister aux coups directs et ne pas se laisser
traverser, tout en conservant assez de malléabi-
lité à l'arrière pour qu'il ne se produise pas de
fentes, ont une épaisseur bien plus considérable
que les précédentes et qui atteint 500 "/*. Elles
étaient fabriquées jusqu'ici surtout en métal Com-
pound soit d’après le procédé de Wilson, qui cou-
lait l'acier liquide sur un sommier en fer porté au
rouge, soit d'après le système Ellis, dans lequel la
couverte en acier était formée de deux parties,
l’une en acier très dur, l'autre constiluée par de
DRE D IUT ET TR US, 7 NE PUR EN RNREN Er
1 Voyez Revue générale des Sciences, t. VI, p. 8173
(numéro du 15 octobre 1895).
918
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FEK ET DE L’ACIER
l'acier liquide qui servait à souder les deux plaques.
Dans l’un et dans l’autre cas, l’ensemble, une fois
soudé, d'avant et d’arrière, fer et acier très dur,
formait une sorte de lingot qui était recuit à 1000°,
puis, soit laminé, soit de préférence forgé à 1000”;
la plaque était gabariée à 1000° et recuite à 700.
Seul parmi toules les usines françaises, le Creusot
oblenait des résultats analogues à ceux des plaques
Compound avec des plaques en acier homogène,
mais de qualité spéciale. En présence des progrès
incessants auxquels on est arrivé dans le domaine
de l'artillerie, il fallut augmenter dans les plaques
la résistance à la pénétration, et l’on y parvient
maintenant, lantôl en cémentant l’une des faces
des plaques en acier homogène (d’après le procédé
Harvey), tantôt en forgeant des lingots d'acier
cémentés eux-mêmes pendant la coulée, d'après
un procédé récemment décrilici-même !. Quelle que
soit la méthode suivie pour obtenir une plaque cé-
mentée,celle-ci doit être recuite avanttrempe à 950°,
gabariée, trempée à l’eau vers 800 à 900", soit par
immersion, soit par aspersion, et enfin recuile à
600 ou 700°, réchauffage dont on profite pour les
retouches, Le corroyage exigé par la Marine pour
ces plaques épaisses est d'au moins 4.
Ajoutons maintenant que les plaques sont pres-
que toujours trempées verticalement, par asper-
sion. Les plaques minces sontchauffées horizontale-
ment, puis saisies par deux trous praliqués sur un
des bords dans la rognure lalérale: les plaques
épaisses sont chauftées verticalement dans un four
à sole mobile et enlevées avec un palonnier à
4 branches. Dans une bâche verticale, on a la faci-
lité de renouveler constamment l'eau à la surface
du métal et de pouvoir augmenter la quantité de
liquide au centre des plaques, puisque les bords
se refroidissent beaucoup plus vite.
En France, la fabrication des blindages se répar-
tit entre cinq grandes usines : le Creusot, Saint-
Chamond, Rive-de-Gier, Montluçon el Saint-
Étienne. Cette dernière usine ne peut d'ailleurs
livrer, avec son outillage, que des plaques minces.
$ 2. — Tôles.
Les tôles de fer sont encore couramment em-
ployées dans la construction des chaudières; car,
si les Lûles d'acier coûtent moins cher à égalité de
résistance, leur préparation demande beaucoup
plus de précautions. Néanmoins la Marine a adopté
exclusivement l'acier, aussi bien pour la construc-
tion des coques que pour celle des chaudières. Il
s’agit alors de chaudières de grands diamètres ou
à très hautes pressions, et les tôles de fer seraient
1 Voyez à ce sjet l’article de M. Gay dans la Revue du
30 septembre dernier.
tellement épaisses que le travail de rivetage lais-
serait à désirer. La plupart des grandes forges
francaises fabriquent des tôles en fer ou en acier,
mais on doit ciler en première ligne les Aciéries
de Saint-Étienne, dont l'installation de tôlerie passe
à juste raison pour un modèle.
Un corroyage suffisant est une condilion essen-
tielle pour que les tôles en acier aient les qualités
voulues ; il faut que le lingot à laminer ne soil pas
trop plat. On comprend dès lors toute l'importance
pour une usine d’avoir à sa disposition des lami-
noirs où les cylindres aient une grande levée
(600 /*), Mais on est conduit, dans ce cas, à re-
noncer aux releveurs et à adopter le mouvement
réversible. Le plus souvent l'insuffisance de levée
oblige à dégrossir le métal et à marteler des bra-
mes qui sont ensuite laminées. Le travail à chaud
des tôles en acier ne doit jamais se terminer au-
dessous du rouge, car la température de 350 à 400°
donne au métal un état rouverain qui l'expose à
la rupture sous le moindre effort. Après dressage
au maillet de bois et planage,; les tôles sont cisail-
lées, puis soigneusement recuites.
La fabrication de tôles durcies en acier chromé,
destinées à servir d'écrans contre le tir au fnsil,
se développe de plus en plus dans la Loire et dans
le Centre. Enfin les tôles en acier doux, étamées,
tendent à remplacer le fer-blanc en fer, el bien des
usines françaises complètent l'opération de l’éla-
mage en décorant, par impression de couleurs, ces
tôles, dont on fait un si grand usage pour les
conserves.
$ 3. — Arbres.
L'acier s’est également substitué au fer dans la
construction des arbres droits et soudés ainsi que
dans celle des autres pièces de machines, telles
que bielles, manivelles, chapes, pièces de gouver-
nail, tiges de piston, etc. Les tiges de pilon elles-
mêmes, soumises à des chocs successifs, se font en
acier forgé. Toutes ces pièces qui travaillent soit
à la compression, soit à la compression et à la tor-
sion, s'emploient souvent à l'état creux après for-
geage, ce qui a le grand avantage de les débar-
rasser des parties centrales qui peuvent ne pas être
d'une homogénéité aussi parfaite que le pourtour.
Les lingots servant à la fabrication des gros
arbres de marine ont quelquefois des poids très
considérables : 50 à 60 tonnes. Ils sont ébauchés
à la presse, sur les pannes droites, en octoyones de
600 à 300 %/", puis é{ampés à la presse ou au pilon
et, pendant ce travail, absolument nettoyés des
oxydes par aspersion d'eau. L'arbre, une fois
obtenu, subit un bon recuil et parfois même une
trempe, soit à l’eau, soit à l'huile, suivie d’un
recuil.
La fabrication des arbres coudés demande cer-
dci dite
LY ds
RÉ tds dde étant i 1:
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
tains tours de main dans le détail desquels il nous
est impossible d’entrer. Nous dirons seulement
que, lorsqu'il s’agit d'obtenir plusieurs coudes, qui
ne sont pas dès lors dans le même plan, on peut le
_ faire par #aillage, c’est-à-dire par torsion de la
pièce, ou directement, en se ménageant suffisam-
ment de matière autour de l’axe pour pouvoir dé-
couper les différents coudes.
Les forgerons de la Loire ont acquis dans ces
travaux une juste réputation, et l’on peut dire que
c’est cette main-d'œuvre habile qui retient encore
dans la région une industrie qui, pour tant de
raisons économiques, tend à se déplacer et à se
porter du côté du nord et de l’est de la France.
$ 4, — Canons.
Depuis 1873, époque à laquelle l’artillerie fran-
çaise a adopté l'acier pour la fabrication de ses
bouches à feu, toutes les grandes aciéries fran-
caises fournissent à l'État les éléments de canons,
tels que tubes et frettes, qui sont usinés ensuite à
Bourges et à Ruelle. Nous citerons, parmi ces
usines, le Creusot, Saint-Chamond, Marrel, Saint-
Étienne, Firminy, Saint-Jacques, Unieux et Pa-
miers. Le métal à canons doit avoir, à la rupture
et au choc, une résistance assez considérable pour
supporter l’action des gaz de la poudre ; un allon-
gement suffisamment grand pour indiquer la
fatigue de la pièce: une limite d’élasticité assez
élevée pour ne pas nuire à la justesse de l'arme.
Les éléments de canons, tels que tubes, corps,
viroles, etc., se font en acier mi-doux fondu, forgé
et trempé, du moins dans les cas ordinaires ; car,
depuis l'emploi des nouveaux projecliles à explo-
sifs, il y alieu de rechercher maintenant des aciers
de qualité toute spéciale. Le poids du métal à uti-
liser par lingot ne dépasse pas 60 °/, et le cor-
royage est de 4. La section horizontale des lingots
affecte une forme polygonale à côtés légèrement
concaves, ce qui permet auretrait de l’acier de s’ef-
fectuer sans provoquer, surles angles, des amorces
de fissures. Du reste, avant le forgeage, on a soin
d'enlever par burinage les criques extérieures qui
peuvent exister. Le forgeage comprend l’ébauchage
et l’étampage. Les pièces sont recuites avant
trempe, tournées extérieurement, forées, trempées
à l'huile ou à l’eau à 70° et recuites après trempe.
Des rondelles sont détachées à l’avant et à l'arrière
après les différentes opérations et fournissent des
barreaux au contrôle.
L’artillerie de terre, pour ses canons de 240 mil-
limètres, 270 millimètres et320 millimètres, et l’ar-
tillerie de marine, pour tous ses canons, emploient
des frettes en acier fondu, forgé et trempé de qualité
analogue à celle des tubes. Le lingot, forgé à huit
faces, est tranché à chaud en tronçons égaux: cha-
919
cun d'eux, destiné à une frette cylindrique, est
percé à froid d’un trou central, puis mandriné à
chaud, bigorné et laminé au laminoir à bandages.
S'il s’agit de fabriquer une frette à tourillons, on
prépare, dans le lingot ébauché, l'un des touril-
lons ; on sépare la frette du lingot: on ébauche le
second tourillon et on pratique à froid, dans le
centre du bloc, une saignée d’une certaine longueur
dans laquelle on passe une série de mandrins d’a-
bord allongés, puis ronds, qui amènent la frette à
la forme voulue. Les autres opérations se pour-
suivent comme pour les tubes.
Les frettes en acier puddlé sont encore em-
ployées par l'artillerie de terre pour les pièces de
petit calibre. Les paquets, chauffés au blanc sou-
dant, sont transformés en barres de section tra-
pézoïdale dont les deux bases sont dans le rapport
des rayons extérieur et intérieur de l’enroulage
qu’on veut obtenir. L’enroulementse fait immédia-
tement sur un mandrin tronconique, placé à la
suite du laminoir. Les diverses spires sont ensuite
soudées au pilon dans une matrice; enfin les blocs
obtenus sont laminés ou forgés suivant que la frette
estcylindrique ou à tourillons. Les frettes sont
recuites au rouge cerise clair et trempées dans de
l'eau à 70°.
$ 5. — Obus.
Pour pénétrer dans les blindages en acier et les
traverser, les projectiles en fonte trempée ne suf-
fisent plus. Il faut avoir à sa disposition des obus
en acier très dur, forgés et trempés.
L'usine Holtzer, d'Unieux, entreprit, la première,
la fabrication des obus en acier chromé. Elle fut
bientôt suivie par Firminy, Saint-Chamond, Saint-
Étienne, Marrel et Montluçon. Depuis quelques
années, d’autres usines de moindre importance,
telles que Claudinon et Pamiers, ont également
recu des commandes de la Guerre et de la Marine,
et tous ces établissements rivalisent de soin et de
patience afin d'arriver à produire des projectiles à
peu près parfaits. Les lingots, coulés soit en acier
au creuset, soit en acier Siemens, sont livrés chauds
à la forge. Leur ébauchage se fait en deux ou trois
chaudes, à des températures progressives à partir
de 800° ; puis on étire, à l'arrière du lingot, une
queue d’amarrage, ou, préférablement,on ypratique
un trou carré dans lequel on introduira unetige en
acier remplissant le même but.
L'étampage s'opère en matrices fermées affec-
tant en creux la demi-forme du projectile avec des
dégagements à la pointe et au culot pour le métal
en excès. Ce travail s’effectue en une ou quatre
chaudes d’après le calibre. Lorsque les projectiles
sont arrivés à la dimension demandée, on les porte
dans un four chaud à la température de 900°, que
l’on maintient pendant 6 heures.
920
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
Ce recuit, qui détruit les tensions créées par le
forgeage, est suivi d'un refroidissement lent. Les
obus sont ensuite tournés, forés et subissent deux
trempes : 4° une trempe totale, soit dans le plomb
fondu, soit dans l'huile; 2 une trempe partielle de
l'ogive à l'eau. Voici comment s'effectue cette der-
nière opération : après la première trempe, les
projectiles sont retirés du bain au rouge sombre et
refroidis dans le fraisil ; l’ogive est polie et recou-
verte d’un chapeau afin de ménager le chauffage
de la pointe ;: on les place dans un four disposé
pour ne chauffer que l’ogive, un jet de vapeur, placé
à l'intérieur, permettant de régler la hauteur à
chauffer, Quand la température du rouge cerise
franc est atleinte, on dispose les obus verticale-
ment sur un jet de vapeur et on les coiffe d'un ap-
pareil distributeur d’eau qui refroidit l’ogive en
commençant par la partie la plus épaisse. Dans
quelques usines, les opérations se terminent par
un recuit de la partie cylindrique arrière ou même
par une trempe partielle au plomb de cette portion
de l’obus.
$S 6, — Raïls.
Les rails, qui constituent, au point de vue du ton-
nage, l’article le plus important du matériel des
chemins de fer, sont maintenant fabriqués en
acier; le fer n'a pu soutenir la concurrence et a été
complètement abandonné depuis 1885. Cette subs-
ütution était d'autant mieux indiquée que l’on est
très exigeant sur les conditions de résistance
d'un bon rail, aujourd'huique l’on marche à grande
vitesse et que l'on fait usage des freins instantanés.
Doit-on employer de l'acier doux ou de l'acier
dur? Les avis sont très partagés. Il est évident
que la douceur du métal est une garantie contre
les ruptures, mais en même temps une cause d’u-
sure très rapide. Il est possible d'arriver à réunir à
peu près tous les avantages avec certains aciers
siliceux ; mais, comme pour les plaques de blin-
dage, la vérité est encore dans l'emploi de lingots
très doux, cémentés progressivement à parlir d'une
de leurs faces etlaminés de telle sorte que la surface
extérieure du champignon corresponde à la partie
extra-dure et le patin à la partie extra-douce.
On cherche à abaisser, par tous les moyens pos-
sibles, le prix de revient dans une fabrication dont
les centres de production se sont tellement multi-
pliés en même temps que les besoins diminuaient:
aussi a-t-on augmenté les diamètres des cylindres,
et les a-L-on disposés de façon à pouvoir laminer
des barres de 20 à 30 mètres de longueur qui don-
nent rapidement 2 à 3 rails avec un très faible
déchet.
Nous avons parlé précédemment de l’outillage
employé pour celte fabrication. La plupart des
usines françaises sont montées pour faire des rails :
mais, actuellement, cette spécialité s’est concen-
trée sur quelques-unes seulement, grosses pro-
ductrices d'acier, parmi lesquelles il faut citer :
Denain, Isbergues, Jœuf, Mont-Saint-Martin, le
Boucau.
Le petit matériel d'attache, qui comprend les
éclisses, boulons, tirefonds, etc., se fabrique dans
les mêmes usines, généralement en acier doux.
Enfin, les traverses métalliques en acier doux,
dont la raison d’être, malgré leurs qualités, est
surtout la création d’un débouché pour la produc-
tion croissante du métal et l'utilisation des
cylindres sans travail, ne sont cependant pas assez
répandues en France pour que nous nous y arré-
tions. Nous dirons seulement que c’est à l’occasion
de cette fabrication que l’on a fait application de
la méthode de laminage à profil variable, c’est-à-
dire à calibre périodique, qui produit des traverses
présentant une certaine inclinaison des surfaces
d'appui et un renforcement du tablier en ces en-
droits.
$ 7. — Bandages.
Comme pour les rails, l'acier fondu s’est complè-
tement substitué au fer et même à l'acier puddlé
dans la fabrication des bandages. Ces pièces doi-
vent présenter à la fois une dureté à l'épreuve du
frottement sur le rail, et une ductilité permettant
l’embattage des roues et assurant, pendant le rou-
lement, toute sécurité au voyageur.
Néanmoins les compagnies de chemin de fer ne
sont pas absolument d'accord surle degré de dureté
auquel il convient de commanderle métal. La Com-
pagnie P. L. M. prend de préférence des bandages
assez doux; l'Orléans, le Midi et l'Ouest, des ban-
dages plutôt durs. Certaines d’entre elles font
même des essais pour l'emploi de bandages en
acier chromé. D'autres préfèrent des bandages en
acier Siemens basique ayant recu deux trempes
successives à l’eau, et, de fait, ce procédé est très
économique el donne des résullats analogues.
Toutes les grandes usines de la Loire et du
Centre, auxquelles on peut ajouter le Boucau et
Pamiers, fabriquent des bandages. Toutefois cette
fabrication, comme celle des pièces de forge, tend
à se déplacer et à s'établir sur les points où le
mélal à l’état brut est d’un revient plus avantageux.
Déjà actuellement plusieurs des usines qui trailent
les minerais phosphoreux par le procédé Thomas
el se servent des nombreux riblons résidus pour
alimenter leursfours basiques, sont devenues four-
nisseurs des Compagnies de chemins de fer du Nord
et de l'Est, et leurs laminoirs font une sérieuse
concurrence à ceux de la Loire, dont quelques-uns
ne travaillent plus qu'à de rares intervalles.
Les lingots ont, en général, la forme de poires
rondes ou polygonales, avec ou sans masselottes,
nm sit tn dote hontdttmstecteon à at de né dE LS ES nr
tait ns
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
924
suivant qu'ils doivent donner des bandages de
machines ou de wagons. Ils sont martelés à un
pilon de 8 à 10 tonnes, d'abord légèrement sur les
côtés pour supprimer les arêtes, puis dans le sens
vertical, de facon à être réduils à peu près à moilié
de leur hauteur. Les galettes obtenues sont poin-
gonnées au centre et transformées.en rondelles. Un
bigornage, c'est-à-dire un forgeage des côtés sur
mandrin, agrandit le vide des rondelles tout en
ébauchant déjà une certaine inclinaison sur la sur-
face extérieure. Enfin les rondelles, planées et
nettoyées par burinage des pailles ou autres dé-
fauts, sont laminées ainsi que nous l'avons décrit.
Quelques usines, comme Saint-Jacques ou le
Creusot, dont la nouvelle installation fonctionne,
fabriquent en deux chaudes: la première pour le
martelage et le bigornage, la seconde, pour le
laminage. D’autres, comme Saint-Étienne, ne
bigornent qu'après burinage, ce qui les oblige à
une chaude de plus.
Après laminage, les bandages sont ovales et
légèrement coniques ; on les passe au #4@drin
hydraulique qui les arrondit au diamètre voulu.
Enfin, on les soumet généralement soit à un recuit
plus ou moins élevé, soit à une trempe à l’eau ou
à l'huile, suivie d’un recuit, soit à deux trempes à
l’eau consécutives.
Un perfectionnement qui nous parait devoir sim-
plifier beaucoup cette fabricalion, est l'application
du procédé James Munton. Au lieu d’être plein, le
lingot, qui peut contenir un ou plusieurs bandages,
comporte ur trou central ; il est traité directement
au laminoir spécial, qui découpe à la fois les ban-
dages, les met au diamètre et enlève la masselotte.
La caractéristique de ce procédé est donc la sup-
pression du forgeage et du bigornage. La seule
difficulté consiste dans l'oblention d'un lingot
circulaire homogène, sans tensions localisées el
sans amorces de criques. C’est dans ce but que,
pour céder au relrait du métal, le moule comprend
un noyau légèrement compressible et que la cou-
lée se fait en jet circulaire, afin d'éviter des inéga-
lités de température dans les différents éléments
de la circonférence. Avant Munton, on avait fait en
France bien des essais dans ce sens ; nous pensons
que, s'ils n'ont pas abouli, cela lient aux imper-
fections de la coulée. Le lingot en forme de cou-
ronne est appelé à remplacer la poire habituelle
des bandages; il dispense d'opérations coûteuses
et permet l'application d’un procédé quelconque de
cémentation sur la partie extérieure qui correspond
à la surface de roulement.
$ 8. — Essieux.
Les compagnies dechemin de fer ont mis une cer-
pas bien longtemps que la Compagnie P.L.M. s’est
décidée pour le métal homogène fondu. Cette der-
nière a même cru devoir exiger, au début, jusqu'à
15 de corroyage, afin de s’entourer de toutes les
conditions de sécurité désirables, mais elle a vite
reconnu que la précaution était illusoire. Aujour-
d'hui, tous les essieux se font en acier, plutôt mi-
dur que doux, et les essais énergiques de ployages
et de redressements auxquels ils sont soumis ainsi
que les bandages, sont une sûre garantie de leurs
qualilés et de leur bon usage. La plupart des
grandes forges fabriquent des essieux de wagons
et de machines. En général, les lingotls pour essieux
de wagons ont une section carrée à angles abattus
et pèsent 260 à 300 kgs. Ils sont martelés à un petit
pilon en blocs octogones de 160 millimètres de dia-
mètre, puis on procède à l'estampage du corps
et des fusées en deux ou trois chaudes. Pour les
essieux de machine on étire ordinairement à un
pilon de 20 à 25 tonnes de gros lingots qui four-
nissent plusieurs pièces, celles-ci sont étampées
en trois chaudes. Le recuit se fait toujours au
rouge cerise.
$ 9. — Centres à rais en fer.
Nous ne ferons que signaler ce produit de forge
d'un si grand usage dans les chemins de fer et qui
fait Honneur à notre industrie française, puisque
ce sont quelques établissements de la Loire, et
particulièrement les usines Arbel de Couzon, quien
ont entrepris et perfeclionné la fabrication. Les
diverses pièces en fer: le moyeu, les bras et
la jante, sont soudées en matrice dans une ou
deux opérations, et la roue, qui ne forme plus
qu’une pièce unique de forge, est ensuite livrée
pour l’ébarbage à des machines-outils spécia-
les.
Tous les produits que nous venons de signaler,
forment le principal appoint de la production de
nos grandes forges. Pour compléter cette énumé-
ration, il faudrait encore citer la fabrication de la
machine ou verge d’acier el des tréfilés qui en sont
les dérivés (la plupart des grandes aciéries faisant
du métal basique), la fabrication des chaines
(Nord, Loire, Midi), des càbles (usine de Tronçais
Firminy), celle des tubes obtenus soit par recou-
vrement (usine Mignon-Rouart à Montluçon, usines
d'Hautmont), soit par emboutissage (usines Brunon
à Rive-de-Gier), soit enfin par laminage spécial
(procédé Mannesmann). Le cadre de cet article ne
nous permet pas d'aborder tous ces sujets, et nous
terminerons cette étude par quelques considéra-
lions statistiques et économiques sur l’ensemble
de l’industrie du forgeage et du laminage en
laine lenteur à adopter desessieuxenacier,etiln'ya |! France.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
20**
II. —— CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES ET ÉCONOMIQUES
DU FORGEAGE ET DU LAMINAGE.
Les forges francaises dont le tableau I (page 923)
donne l'énumération et résume la distribution,
se répartissent dans un pelit nombre de régions
bien distinctes, que l’on peut grouper de la façon
suivante :
1° Larégion du Nord(fig.2)correspond aux bassins
is
SNS
NS
NS NS
de ee =
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
laminés tels que rails, traverses, poutrelles, larges
plats, tôles slriées, cornières, blooms, billettes,
ressorts, tubes soudés par recouvrement, chaines,
fils, emboutis pour obus. Les Aciéries du Nord et
de l'Est à Valenciennes, la Providence, Maubeuge,
Vézin-Aulnoye, reçoivent les fontes de leurs hauts
fourneaux de Meurthe-et-Moselle ; les Forges de
Denainetd’Anzin traitent sur place des minerais de
Meurthe-et-Moselle, de Bilbao, de Motka, et les
a
— Distribution des forges françaises dans le bassin de la Seine et celui de l'Escaut\. — Les régions où se
trouve le minerai sont coloriées en rouge ; les régions à houille sont représentées en bleu.
houillers du Nord et du Pas-de-Calais et comprend
les Aciéries de Valenciennes et de Denain, les
Forges, moins importantes, de la Providence à Haut-
mont, de Vézin-Aulnoye,de Maubeuge, de Louvroil,
de Crespin, de Saint-Amand-les-Eaux, de Ferrière-
la-Grande, dans le département du Nord; les Acié-
ries d'Isbergues, dans le Pas-de-Calais; les Forges
de Saint-Roch-lez-Amiens, dans la Somme. Toules
ces usines fabriquent spécialement des produits
1 Ces cartes, ainsi que celles des figures 3 à 9, ont été faites
d'après un canevas muet qui nous a été obligeamment prété
par la maison Delagrave. Nous sommes heureux de l'en
remercier ici, (Note de la Direction.)
Aciéries d'Isbergues exclusivement des minerais
de Bilbao. Quelques-unes de ces usines ont éga-
lement des laminoirs à bandages et de petits
pilons pouvant forger des pièces peu impor-
tantes. Mais, au point de vue du forgeage, il
n'existe encore aucun élablissemement spécial,
el nous devons signaler l’apparilion prochaine
des Forges de Douai, actuellement en construc-
tion, qui, avec leurs nombreux pilons et leur ou-
tillage remarquable, vont importer une industrie
pour ainsi dire nouvelle dans celte région si pri-
vilégiée sous le rapport des combustibles et du
métal.
Tableau I
LISTE DES FORGES FRANCAISES PAR RÉGIONS
I. — Grou
Forges de la Providence à Hautmont (Nord).
Forges et aciéries du Nord et de l'Est à Valenciennes.
Hauts Fourneaux, forges et fonderies de Maubeuge.
Forges et aciéries de Denain et Anzin, à Anzin.
Forges de Douai. ’
Société d'Escaut-et-Meuse à Valenciennes.
Laminoirs de l’Espérance à Louvroil (Nord).
Laminoirs de Vezin-Aulnoye à Maubeuge.
Société de fabrication des tubes de fer et acier à Louvroil.
Société Gustave Dumont et Cis à Louvroil.
Etablissements métallurgiques de Ferrière la Grande.
; II. — Groupe
Usine de Laval-Dieu près de Monthermé (Ardennes) (Ferry
Curicque et Cie).
Forges de Flize (Ardennes).
Usines de Messempré ct Carignan (Boutiny) (Ardennes).
Forges et ateliers de la Cacheite à Nouzan (Ardennes).
Forges et clouteries des Ardennes à Mohan.
+46++-
pe du Nord
Fabrique de fer de Maubeuve. '
Forges et laminoirs de Saint-Amand-les-Eaux (Dorénieux).
Forges de Crespin près de Blanc-Misseron (Ferry Curicque
er Cie).
Forges-et ateliers de Taza-Villain à Anzin.
Laminoirs à tubes d'Hautmont.
Boulonneries Sirot-Mallez à Thiant près Denain.
Aciéries d’Isbergues (Pas-de-Calais | Aciéries de France].
Laminoirs de Biache-Saint-Waast par Vitry (Pas-de-Ca-
lais). |
Forges et laminoirs de Saint-Roch à Amiens (Somme).
des Ardennes
Forges de Sedan. ;
Usines de Givet (Société des métaux. Fabrication des tubes
en acier sans soudure).
Société des boulonneries de Bogny-Braux (Ardennes).
Forges et laminoirs de Stenay (Meuse
IT. — Groupe de l'Est
Aciéries de Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle) [Acié-
ries de Longwy].
Société métallurgique de Gorey près Longwy.
Aciéries de Micheville près Villerupt (Meurthe -et-Moselle)
(Ferry Curicque et Cie).
Aciéries de Jœuf près Bricy. .
Forges et aciéries de Pompey (Meurthe-et- Moselle)
(Fould).
Forges de Morvillars (Belfort).
Forges d’Audincourt (Doubs) {Saglio].
Forges de Fraisans (Jura).
Forges et toleries de Chenecières (Côte-d'Or).
Forges Sirodot à Bezs (Côte-d'Or).
V. — Group
Forges de Fourchambault (Nièvre) [Commentry-Four-
chambault].
Forges de Bigny à Chäteauneuf (Cher).
Forges de Tronçais (Allier) [Chätillon-Commentry].
VI. — Group
Aciéries de la Marine ct des Chemins de Fer à Saint-Cha-
mond (Loire).
Usine des frères Marrel à Rive-de-Gier (Loire).
Forges Brunon à Rive-de-Gier.
Forges de Couzon (Arbel) près Rive-de-Gier.
Forges Deflassieux à Rive-de-Gier.
Forges Lacombe à Rive-de-Gier.
Acièries d'Assaillÿ (Loire) [Aciéries de la Marine!
je
Laminoirs de Champigneulles près Nancy (Société métal-
lurgique de Champigneulies et Neuves-Maisons),
Forges de Commercy (Meuse).
Forges de Rachecourt et de Marnaval (Haute-Marne) [For-
ges de Champagne].
Forges d'Eurville, à Eurville (Haute-Marne).
Forges de Rimaucourt {Haute-Marne).
Forges de Closmortier à Saint-Dizier.
IV. — Groupe de Franche-Comté et de Bourgogne
Forges, tréfileries et pointeries de Sainte-Colombe, Am-
pilly, Mussy et Charmesson (Côte-d'Or) [Châtillon-Com-
.. mentry|]. ?
Usines du Creusot [Schneider] (Saône-et-Loire).
Forges de Geugnon (Saône-et-Loire).
e du Centre
Usines de Saint-Jacques à Montlucon (Allier) [Châtillon-
Commentry].
Forges de Commentry (Allier) [Chätillon-Commentry].
Usines Rouart à Montlucon.
e de la Loire
Forges de Lorette (Loire). :
Forges et aciéries de Saint-Etienne au Marais, près Saint-
Etienne.
Forges et aciéries de la Chaléassière, près Saint-Etienne.
Forges d'Onzion, près Saint-Chamond.
Forges et aciéries Claudinon et Cie au Chambon (Loire).
Aciéries de Firminy (Loire).
Aciéries d'Unieux (Loire).
VII. — Groupe du Midi
Forges d'Allevard (Isère).
Usines de Decazeville (Aveyron) [Commentry-Fourcham-
bault].
Usines d’Aubin (Aveyron [Aciéries de France].
Usines du Saut du Tarn à Saint-Juiry (Tarn).
Forges de la Capelette à Marseille [Marrel frères!.
Fonderies et forges d’Alais à Bessèges (Gard),
Usines de Tamaris (Gard) [Cie d’Alais],
Forges de Ria, près Prades (Pyrénées-Orientales).
Usines de Pamiers (Ariège).
Forges de Lacombe et du Ressec, près Tarascon (Ariège).
Forges et tréfileries de Toulouse.
Forges de l’Adour au Boucau '(Basses-Pyrénées) [Aciéries
de la Marine|.
Forges et ateliers de Labouneyre (Landes).
Forges et fonderies d'Uza à Uza (Landes).
Forges de Beaulac par Bazas (Gironde).
VIII. — Groupe de l'Ouest
Forges de Sireuil (Charente).
Forges et aciéries de Trignac, près Saint-Nazaire (Loire-
Inférieure).
Laminoirs de Couëron (Loire-Inférieure).
IX. — Groupe Parisien
Forges de Persan (Seine-et-Oise).
Société des forges de Montataire (Oise).
Forges et aciéries de Basse-Indre à Basse-Indre
Inférieure).
Aciéries d'Hennebont (Morbihan).
Forges de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord).
Loire-
Laminoirs de Grenelle [Aciéries de France].
Forges Coutant à Ivry-Port (Seine).
924
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
2 Le groupe des Ardennes (fig. 3, en partie) se
trouve à peu près placé à égale distance entre la
houille du Nord et le minerai oolithique de l’Estet
se compose de nombreux pelits laminoirs qui fa-
briquent surtout des produits en fer. Toutefois, la
proximité des aciéries de l’Est et du Nord permet
facilement l'approvisionnement en lingots d'acier,
et plusieurs de ces laminoirs ont été acquis ou
loués£par{de grandes usines de l'Est. Nous citerons
RE
couche épaisse de minerais hydroxydés, oolithi-
ques, siliceux oucalcaires, correspondant à l'étage
toarcien, s'étend de Nancy à Longwy et, au delà,
dans le Luxembourg. Ce minerai, malgré les faci-
lités de son exploitation et son prix de revient très
bas, n'était employé autrefois qu’à la fabrication de
fers de secord choix en raison de sa faible teneur
en fer et du phosphate de chaux qu'il renferme.
Le procédé Thomas, permettant d'affiner en bons
ÉASSINS DU/RHNAS
ee ETDELAM USE Le
Fig. 3. — Distribulion des forges françaises dans le bassin du Rhin et celui de la Meuse. — Les régions où se
trouve le minerai sont coloriées en rouge; les régions à houille sont représentées en bleu.
les usines de Laval-Dieu, de Mouzon, de Vireux-
Molhain, qui fournissent des verges à clous, fers
fendus et machine, des tôles d'acier, des tôles lus-
trées, des feuillards, des fers marchandset profilés,
des tôles de fer, des poutrelles. Lesusines de Stenay,
siluées dans la Meuse, peuvent être rattachées à ce
groupe. Ces dernières préparent elles-mêmes une
partie de leur acier de consommation avec de pe-
ils convertisseurs Robert.
3° Larégion de Meurthe et-Moselle(fig.3, en partie)
occupe actuellement le premier rang en France pour
la production de la fonte et de l'acier en lingots. Une
aciers les fontes les plus phosphoreuses, transforma
complètement le pays. De nombreux hauts four-
neaux à grande capacité s'élevèrent,etles usines de
Mont-Saint-Martin et de Jœuf installèrent des con-
verlisseurs en même temps que des laminoirs
puissants pour l'ébauchage et la transformation de
leurs lingots. Pour ces usines, le combustible
arrive de Belgique, d'Allemagne ou du nord de la
France. Le brevet Thomas vient de tomber dans le
domaine public, et de nouvelles aciéries vont se
joindre aux deux premières el fabriquer l’acier en
lingots et en ébauches non seulement pour leur
usage personnel, mais encore el surtout afin de
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER 9925
l'exporter dans les régions de France moins pri-
vilégiées où se trouvent des forges importantes
en plein fonctionnement. Déjà le minerai, la fonte
ou l'acier sortent en grande quantité du départe-
ment et nous avons cité plusieurs forges du Nord
qui possèdent des hauts fourneaux en Meurthe-et-
Moselle et d’autres qui traitent sur place les mi-
nerais phosphoreux qui leur en viennent. À part
quelques pilons de faible importance, qui se trou-
vent à Pompey et à Mont-Saint-Martlin, les usines
de Meurthe-et-Moselle sont surtout pourvues de
gros laminoirs et fabriquent des tôles de fer et
d’acier, des blooms, des billeltes pour les lami-
noirs plus faibles, des rails, des larges plats, des
poutrelles, des profilés, du fil machine. Pompey
livre également des crochets de traction et ten-
deurs d’attelage, Dieulouard des outils d’agricul-
ture et de taillanderie, Champigneulles des fers de
moulures et de vitrages. Nous rappellerons, en pas-
sant, que ce sont les usines de Pompey qui ont
fabriqué les fers de la tour Eiffel.
4° La région de la Haute-Marne (Voir fig. 2) ren-
ferme-également une couche de minerai oolithique,
qui se trouve à la partie supérieure des argiles os-
tréennes de l'étage néocomien et qui, avec le mine-
rai hydroxydé de Lorraine,forme l’aliment principal
de ses hauts fourneaux. Les laminoirs à citer sont
ceux des Forges de Champagne (Marnaval, Rache-
court), d'Eurville, de Closmortier el de Rimaucourt
qui fabriquent des tréfilés, feuillards, fers à ai-
lette, tubes en fer. Plusieurs de ces usines trans-
forment des lingots d'acier que leur envoient les
aciéries de l'Est ou qu'elles produisent au Marlin.
5° Le groupe de Franche- Comté comprend un
certain nombre de forges qui, depuis fort long-
temps, trailaientdans des fours spéciaux les mine-
rais de fer en grains du système éocène et sont
devenues des laminoirs importants dont la proxi-
mité du bassin de Ronchamps (Haute-Saône) faci-
lite le développement. Les Forges d’Audincourt
(Doubs) et de Fraisans (Jura), pour ne mentionner
que les plus importantes, forgent des chaines et
des roues en feret laminent des tôles, profilés, fers
marchands, feuillards, fers Zorès, traverses. Toutes
ces usines achètent dans l'Est, pour les transformer,
de nombreux lingots d'acier Thomas.
6° La région de Saône-et-Loire correspond aux
bassins houillers de Montceau-les-Mines et du
Creusot, et constitue un centre de forgeage et de
laminage des plus importants. C’est là que sont
installées les magnifiques usines de M. Schneider,
qui font l'admiration des étrangers, etcomprennent
dans leur ensemble {ous les éléments de la fabri-
cation du fer et de l’acier, depuis les hauts four-
neaux jusqu'aux ateliers de construction les plus
perfectionnés, en passant par tous les genres de
forgeage et de laminage. Nous avons eu l’occa-
sion de dire quelques mots de l'outillage vraiment
remarquable de cette grande forge. Là aussi les
minerais de l'Est fournissent leur contingent et
sont trailés à la cornue basique. Mais, pour les
produits destinés à la guerre, à la marine et aux
chemins de fer, les fontes employées proviennent
des minerais purs d'Espagne el d’Allevard (Isère).
T° Le groupe du Centre (fig. 4, en partie) est carac-
térisé surtout parles Forges de la Compagnie Châtil-
lon-Commentry, à Montlucon et à Commentry (Al-
lier), et celles de la Compagnie Commentry-Four-
chambault à Fourchambault et JImphy (Nièvre. Les
premières sont situées sur les bassins houillers de
Saint-Eloi, Bézenet, Doyet; les secondes, sur celui
de Decize. Les minerais d’alluvion du Berry sont
encore utilisés dans le pays. Mais la plupart des
fontes employées aux Siemens pour les fabrications
spéciales, telles que blindages, canons, obus, ban-
dages, essieux, tôles, elc., proviennent des mine-
rais purs d'Espagne ou des Pyrénées, traités aux
hauts fourneaux de Saint-Nazaire ou de Tarascon-
sur-Ariège. Déjà, pour les produits marchands,
l'Allier est tributaire de l'Est et y achète des lin-
gols d’acier basique.
8° Le groupe de la Loire (fig. #, en partie), le vé-
ritable centre de l’industrie du forgeage, compte
un grand nombre d'usines dont les noms sont si
connus que nous croyons inutile d’insister sur cha-
eune d'elles. Ce sont les forges de Saint-Chamond,
de Rive-de-Gier, d’Assailly, des Etaings (Marrel),
de Saint-Etienne (usine Barrouin), d’Unieux (Holt-
zer), de Firminy, du Chambon-Feugerolles, qui,
toutes, rivalisent pour les fabrications de la Guerre,
de la Marine et des Chemins de fer ; et, dans un
genre plus spécial : les Forges Arbel, Desflassieux
(roues), Lacombe (essieux coudés), Brunon (tubes
emboutis). Nous avons déjà signalé les caractères
principaux de cette région industrielle, considérée
au point de vue mélallurgique. Placées au centre
d'un bassin houiller qui, jusqu'en 1870, avait
gardé une suprématie marquée, les usines de la
Loire se sont successivement développées et ont
entrepris tous les genres de fabrication avec un
personnel d'élite; mais, comme elles se servaient
surtout de minerais riches d’Espagne, d'Algérie
ou de Sardaigne, qui sont transformés en fontes
d'affinage, soit sur place, comme à Firminy, soit
plutôt dans des hauts fourneaux situés sur la
Méditerranée ou l'Atlantique, et que, d'autre part,
les exigences de leurs ouvriers augmentaient,
926
E. DEMENGE — ETAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
*
le prix de revient du lingot d’acier est devenu si
élevé qu'il ne leur est plus possible de lutter, sauf
pour les produits supérieurs. Quant au métal or-
dinaire, les usines trouvent aujourd'hui grand
avantage à faire venir de l'Est les fontes et les lin-
gots. Aussi, tandis que la production des bassins
houillers du Nord et surtout du Pas-de-Calais
grandit rapidement, celle du bassin de la Loire
est-elle tombée au troisième rang ; alors que le
age Ve
LRU y
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NN
encore ceux analogues d'Allemagne et de Luxem-
bourg, de nouvelles aciéries à grande produetion
s'y créent et vont inonder de leurs produits bruts
les autres régions telles que la Loire, où se trouvent
des usines bien outillées pour la transformation
par forgeage ou par laminage.
9° Nous faisons entrer, pour abréger, dans le
groupe du Midi plusieurs usines situées dans des
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Fig. 4. — Distribution des forges francaises dans le bassin de la Loire. — Les régions où se trouve le
minerai sont coloriées en rouge; les régions à houille sont représentées en bleu.
prix moyen de la houille sur les lieux d’extrac- | régions très différentes et qui ont une situation
tion n'est en France que d'environ 11 fr. 50 et en
particulier dans le Nord et le Pas-de-Calais de
10 fr. 36, ce prix, fortement influencé dans la
Loire par l'accroissement graduel des salaires,
s'élève à plus de 14 francs la tonne. Il est certain
que cet abaissement de production de la houille
continuera, el que la situation qui en résulle
pour l'industrie dont elle est une des bases, ne
fera que s'accentuer dans l'avenir. Maintenant
que notre plus grand centre métallurgique est
situé près de la frontière de l'Est et qu'il ab-
sorbe non seulement ses propres minerais, mais
économique bien spécialisée. Dans le bassin de
Decazeville (fig. 5), les usines d'Aubin (Aveyron)
appartiennent, comme Isbergues, à la Société des
Aciéries de France : elles traitent les minerais du
pays, du Périgord et de l'Ariège et font surtout
des produits laminés. Il en est de même de celles
de Decazeville, qui sont devenues la propriété de
la Compagnie Commentry-Fourchambault. — Les
Forges de Pamiers, installées à proximité de leurs
hauts fourneaux de Tarascon-sur-Ariège, mais à
une distance assez grande des points d'extraction
de la houille (Carmaux), continuent la fabrication
»
"
E. DEMENGE — ETAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
927
de choix qui a valu au fer de l’Ariège une si grande
renommée ; la grande pureté de leurs minerais de
_Puymorens et de Rancier, jointe à sa haute teneur
en manganèse, leur permet d’aborder des fabri-
cations spéciales comme celles des canons, obus,
bandages, essieux, qui étaient jadis le monopole
des grandes usines de la Loire et du Centre. Les
Usines du Boucau, ou Forges de l’Adour, furent
créées en 1882, par les Aciéries de la Marine et des
affinent des fontes très pures, provenant de leurs
minerais carbonalés spathiques. Leurs aciers à
ressorts, bien connus, joignent une très haute
limite d’élasticité à un corps et à un nerf tout à
fait remarquables.
Enfin nous mentionnerons, pour mémoire, les
Forges de Tamaris (Gard) (fig. 6), à proximité des
bassins de Bessèges et des minerais d’Alais, et
celles du Saut-du-Tarn, dans le bassin de Carmaux.
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Oligiste pulvérulent
Fig. 5. — Distribution des forges françaises dans le bassin de la Garonne. — Les régions où se trouve le
minerai sont coloriées en rouge ; les régions à houille sont représentées en bleu.
Chemins de fer en un point du littoral où les mine-
rais si renommés d'Espagne et des Pyrénées et les
combustibles anglais leur parviennent dans des
conditions des plus faciles. Les installations de
laminoirs, étant récentes, ont été établies sur un
plan bien étudié d’après les derniers perfection-
nements. Rails, grands profilés, fers marchands
et machines, bandages, tels sont les produits qui
sortent de ces grandes usines et peuvent lutter
avantageusement sur le marché étranger. Les
Forges d'Allevard (fig. 6), dans l'Isère, lesquelles
comptent parmi les plus anciennes de France,
Quant aux Usines de Saint-Montant que la
Compagnie Châtillon et Commentry avait établies
en 1873, à Beaucaire, pour la fabrication des rails
et des tôles, elles sont complètement arrêtées
depuis quelques années et leur matériel a été
transporté dans l'Allier.
10° Le groupe des Usines de l'Ouest, qui, commeles
Forges del’Adour, sont situées surle bord de l’Atlan-
tique (Voir figure 4), reçoivent par mer la plupart
de leurs matières premières. Les forges de Saint-
Nazaire fabriquent surtout des produits laminés
928 E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
tels que rails, poutrelles, tôles; celles d'Hennebont
(Morbihan), des tôles, fers-blancs et emboutissages.
11° Le groupe parisien (fig. 2) comprend les
quelques forges qui sont venues s'installer près du
centre de consommation.
IIT. — RENSEIGNEMENTS STATISTIQUES.
L'industrie de la forge s'adresse d’abord à la
houille qui sert au puddlage, au réchauffage et
fournit la vapeur, puis, comme matières pre-
mières, au fer puddlé ou à l'acier en lingots, ces
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Fig. 6. — Distribution des forges françaises dans le bassin du Rhône. — Les régions ‘où se trouve le
minerai sont coloriées en rouge; les régions à houille sont représentées en bleu.
Parmi ces forges, il convient de nommer en
première ligne celles de Montataire (Oise), qui af-
finent leurs fontes de Frouard et d’Outreau et lami-
nent des profilés, tôles embouties, ondulées, galva-
nisées; ies Laminoirs de Grenelle (Aciéries de
France), les Forges d'Ivry-sur-Seine, de Pantin, etc.,
qui alimentent aux environs de Paris, notamment
à Saint-Denis, dans la Seine et aussi dans l'Oise,
d'importantes usines de construction mécanique.
derniers provenant de la fonte d’affinage, qui est
elle-même fonction de la houille et du minerai.
Nous allons éludier, d'après l'Album des Travaux
Publics pour 1893, l’état statistique correspondant
à chacune de ces matières, — houille, minerai,
fonte d'aflinage, — qui entrent dans les prix de
revient de la forge, et nous en lirerons des in-
dications utiles pour l'industrie qui nous oc-
cupe.
;
|
_S 1. — Houille.
Nous avons vu que la plupart des grandes forges
basis ne dial done 14. ie, ne SE RS 7
sont installées sur des bassins houillers ; il n’est
Tableau II
Région Production Prix moyen
< (mille tonnes) francs
Nord et Pas-de-Calais... 13.586 10 36
LONGER Re os 3 506 14 36
LRU SSSR SR ER EE 2.005 12 48
Bourgogne et Nivernais... 1.979 41 91
Tarn-et Aveyron......... 1.419 Per
BOUTDORN ASS AS de 1.106 42 75
LITRES RE 325 12 67
D'ERSRSRRRRSS 25.172 11 54
. fait exception que pour certaines usines, comme
celles de l'Est ou de l'Ariège, qui ont préféré se rap-
procher des minerais, et également pour celles du
littoral, qui peuvent profiler de tous les avantages
des transports marilimes. À
Chacun sait l'essor extraordinaire pris depuis
quelques années par les houillères du Nord et du
Pas-de-Calais ; les productions du Gard,de la Bour-
gogne et du Nivernais, du Tarn et de l’Aveyron,
progressent d’une façon uniforme, tandis que celles
des bassins de la Loire et du Bourbonnais décli-
nent ou demeurent stationnaires. Les quelques
chiffres du tableau IT indiquent les quantités de
houille ou anthracile extraites dans les princi-
pales régions où se trouvent des forges, ainsi que
les prix moyens sur place.
On voit que les départements du Nord et du
Pas-de-Calais sont les seuls où le prix du charbon
soit au-dessous de la moyenne.
La consommation totale en France s’est élevée
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
929
Ce sont surtout les régions de l'Ouest, siluées
sur l'Atlantique et la Manche, qui sont tributaires
de l'Angleterre. Quant aux départements de Meur-
the-et-Moselle, des Ardennes et de la Meuse, ils
ne consomment pas plus de 25 ?°/, de houilles fran-
çaises et recoivent le complément de Belgique et
d'Allemagne.
Tableau III
Houille importée de : tonnes
BOIRE ren isa ML. IC RE889:000
AR RIC TELLE Rene 4.434.000
AITÉTDAONEL NL mener cor 2.037.000
ADD SPAS ne tnt 41.000
11.401.00
$ 2. — Minerais.
Depuis les nouveaux procédés de déphosphora-
lion qui permettent l'emploi des minerais hy-
droxydés oolithiques de Lorraine, du Luxembourg
et d'Allemagne, l'extraction des minerais de fer
en Algérie a beaucoup diminué, et les minerais
riches d'Espagne ont élé importés dans des pro-
portions beaucoup moindres. Le tableau IV montre
ia répartition en France de la production des mi-
nerais.
On peut remarquer combien est bas le prix
moyen de la tonne en Meurthe-et-Moselle ainsi
que l'importance de la production.
Les minerais importés représentent environ la
moitié de la production française, soit 1.600.000
tonnes et comprennent spécialement :
1.089.000
Minerais allemands et luxembourgeois...
260,000
Minerais d'Espagne... 1...
les premiers, minerais à bon marché, venant s'a-
Tableau IV
Minerai hydroxydé oolithique (Ex.: Meurthe-et Moselle). ......
Hématite brune (Ex.: Ariège, Pyrénées-Orientales)...............
Autres minerais hydroxydés (Ex.: Cher, Lot-et-Garonne, Gard)...
Hématite rouge (Ex.: Calvados), fer oligiste (Ardèche) . .....
Fer carbonaté spathique (Ex. : Isère).............
Production Prix moyen Proportion
(tonnes) francs
3.094.000 PANEN 88
17.000 9 70 2
166.000 6 99 o]
134.000 6 99 4
EC LS FI MODS CC 46.000 9-52 !
3.517.000 3 J2 100
à 39.379.000 tonnes et l'industrie du forgeage et
du laminage a brûlé pour sa part 2.139.000 tonnes.
Ces chiffres montrent que nous avons dû importer
dans notre pays plus de 11.000.000 tonnes, car nos
exportations sont insignifiantes. Ces importations
se répartissent comme l'indique le tableau III.
Dans ce tableau, le charbon importé sous forme
de coke y a été exprimé en houille.
jouter à ceux de la Lorraine, les seconds alimen-
tant les usines de la Loire et du Centre après
avoir été réduits dans les hauts fourneaux du lit-
toral.
Les minerais exportés ne s'élèvent qu'à 300.000
environ. Ce sont surtout des minerais algériens
qui se dirigent vers l'Angleterre el les Pays-
Bas.
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— = se .... 40 à 70.000 »
— — nee ianre : . 70 à 100.000 »
Département du Nord produisant................ 200.000 »
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de Meurthe-et-Moselle produisant. 900.000 »
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Fig. 7 — Carle montrant la production des fontes d’affinage el leur répartilion dans les différents]
départements français. ‘
Production et prix moyen des rails en France depuis 1860.
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depuis 1860.
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Fig. 8. — Production el prix m
932
$ 3, — Fontes d’affinage.
La fabrication de la fonte au charbon a presque
complètement disparu. En outre, le nombre
des hauls-fourneaux au coke a diminué de moitié
depuis une trentaine d'années el lous ces pelits
fourneaux, établis autrefois dans le voisinage
des houillères de façon à n'avoir à payer que
le transporl des minerais, ont élé éteints pour
faire place à un petit nombre de grandes ins-
lallations marchant à haute puissance productive
résultant à la fois des dimensions des appareils.de
l'emploi de Fair chaud et de la composition des
lits de fusion, et situées dans des conditions essen-
tiellement différentes : soit dans l’est de la France
où l’on peut amener à bon marché les charbons
belges ou allemands sur les gisements immenses
de minerais phosphoreux, soit sur le bord dela
mer où les minerais et combustibles étrangers
parviennent à bas prix et où l’on trouve toute
facilité pour l'exportation. Depuis cette période de
transformalion, la production tolale de la fonte
d'afinage en France s'est fortement accrue ; elle
est aujourd'hui de 1.522.100 tonnes. et le départe-
ment de Meurthe-et-Moselle atleint presque pour
sa part les 6/10 de cette production, soit près de
900.000 tonnes.
Nous donnons sur la carte de la figure 7 un aperçu
de la répartition de cette production entre les
2% départements français qui renferment des hauts
fourneaux, On peutvoir qu'après Meurthe-et-Moselle
viennent le Nord avec 206.000 tonnes, puis Saône-
et-Loire, le Pas-de-Calais, les Landes, le Gard et
la Loire-Inférieure avec une production de 90 à
46.000 tonnes. Le prix moyen des fontes d’affinage
s'est abaissé en 1893 à environ 57 francs la tonne.
$S 4. — Fers.
La fabrication des fers s’est arrêtée dans son
essor normal au moment de la découverte de Bes-
semer. À dater de cette époque, l'acier est venu
faire concurrence au fer, d’abord pour les rails,
puis pour les tôles de construction, plaques de
blindage, produits marchands, bandages, es-
sieux, etc. Nous reproduisons (tig. 8, page 931) le
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU
TRAVAIL DU FER ET DE L’ACIER
que, dès 1863, les rails en acier obtenus par les pro-
cédés Bessemer et Siemens-Marlin font leur appa-
rilion; ils remplacent totalement les rails en fer à
parlir de 1886. Quant à la production des fers "
marchands el des tôles de fer, elle a diminué de
1/3 depuis 10 ans. Le lableau V donne le poids
et la valeur de ces produits.
La carte de la figure 9 montre que cette industrie
n'est intensive que dans un très pelit nembre de
départements. C'est dans le Nord que la fabrication
est la plus importante (300.000 tonnes); viennent
ensuile la Saône-et-Loire (86.000), les Ardennes
(81.000), la Haute-Marne (64.000), et la Meurthe-et-
Moselle (50.000). Le nombre des forges en activité
est de 152.
$ 5. — Aciers.
Les 96/100 des aciers ouvrés sont obtenus par
le laminage ou le martelage de lingots Thomas,
Bessemer et Siemens-Marlin. Le tonnage de ces
lingols, produits en France en 1893, se répartit
comme le montre le tableau VI.
Tableau VI
tonnes
Bessemerte ANNOMES RER 493.011
MAR ÉERL 9e 20 Te 296.841
789.832
La carte de la figure 10 donne les indications
nécessaires sur la provenance de ces lingots. Les
aciéries qui ont coopéré à cette production sont au
nombre de quarante, et les plus importantes sont
celles de Jœufet de Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-
Moselle), de Denain (Nord), du Creusot, d'Isbergues
(Pas-de-Calais), etc. Du reste, la plupart d’entre
élles transforment elles-mêmes les lingots en
acier ouvré.
Les 4/100 restant des aciers ouvrés proviennent
de 25.200 tonnes d’acier divers, tels que les aciers
puddlés, cémentés, fondus au creuset, ou obtenus
par réchauffages de vieilles matières.
Les aciers ouvrés, produits en 1893, ont été
classés, dans le Rapport de l'industrie minérale, de
la facon suivante (lableau VIT :
Tableau V Tableau VII
| Prix moyen | Poids Prix moyen
Poids de vente | — —
= — tonnes francs
[ee ; tonnes francs ENCRES HAS a ne mes 207,300 142
| Fers marchands et spéciaux. 690.000 165 Aciersmarchands et spéciaux, 323.000 307
| RÔLES AS Eee DR NEO 111.000 226 LTOleSS RAR M Eee 133.700 285
| sus. OUU
diagramme indiquant la production et le prix
moyen des rails en France depuis 1860. On verra
| 664,000
On voit que le tonnage des tôles en acier dé-
passe maintenant celui des tôles de fer. Quant à la
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D x = eee 30.000 »
co 50 à 65.000 »
(Allier, Loire)
S1 à 86.000 »
és 300,000 »
Fig. 9. — Carte montrant la production totale des fers (tôles, fers marchands et spéciaux, rails) et sa répar-
lilion en France.
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— de Meurthe-et-Moselle produisant ...... 250.000 »
Fig. 10, — Carte montrant la production des lingots (Bessemer, Siemens-Martin el Thomas) dans les divers
déparlements français.
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Fig. 41. — Carte montrant la production des aciers ouvrés (rails, aciers marchands, tôles), dans les divers
départements français.
936
production des rails en acier, elle a diminué de
plus de 100,000 tonnes en 1886, et de 100.000
autres dans les trois années suivantes, en raison
de l'achèvement des grands travaux de chemins
de fer et de la plus grande durée des rails. Tou-
tefois cette décroissance n'a pas occasionné de ra-
lentissement apparent dans le travail des aciéries,
parce qu'elle à été compensée par une augmenta-
tion simultanée de la production des tôles et des
aciers marchands et spéciaux.
Nous indiquons sur la carte de la figure 141 le clas-
sement des départements pour la fabrication des
aciers ouvrés. Il estinltéressant de rapprocher cetie
carte de la précédente et d’en tirer certaines conclu-
sions au point de vue des importations des lingots
d'acier des départements producteurs dans les
autres départements qui n'ont que des usines de
transformalion ou qui trouventleur intérêtäne plus
produire le métal. Parmi les départements pro-
ducteurs qui exportent, il faut citer, en première
ligne, celui de Meurthe-et-Moselle (Mont-Saint-
Martin, Jœuf), dont la production de lingots a été
de 250.000 tonnes, alors que celle des aciers ou-
vrés n’a élé que de 80.000 tonnes. La plupart des
régions avoisinantes, et même celles de la Loire
et du Bourbonnais, trouvent avantage à lui acheter
des lingots en métal Thomas. Saône-et-Loire (Creu
sol) exporte des lingots Siemens; l'Ariège et
le Morbihan, également ; la Loire-Inférieure (Saint-
Nazaire), des lingots Bessemer et Siemens.
Les principaux départements qui dépendent des
grosses aciéries dont nous venons de parler sont
les suivants : l'Oise achète 18.000 tonnes delingots
Bessemer et Thomas, et 2.000 de lingots Siemens ;
la Haute-Marne, 18.000 {onnes de lingots Thomas ;
le Doubs, 16.000 tonnes de lingots Bessemer et
Thomas; les Ardennes, 20.000 tonnes de lingots
Thomas. Depuis 1892, les départements de la Loire
et de l’Allier recoivent chacun 2.000 tonnes envi-
ron de lingots Thomas, pour les transformer en
aciers marchands,
La production totale des fers et des aciers est
résumée dans le tableau VIII, qui indique égale-
Tableau VIII
Combustible
consommé
Nombre
Produits Poids d'ouvriers
Fers marchands,
rails, tôles...
Aciers ouvrés de
toutes sortes.,
.200 25,700 1.088.000
4.000 24,100 1.051.000
2.200 49.800 2.139.000
ment en tonnes la consommation en combustibles,
etle nombre d'ouvriers des forges francaises pour
l'année 1893.
E. DEMENGE — ÉTAT ACTUEL DU TRAVAIL DU FER ET DE L'ACIER
une reprise depuis 1889; celles des aciers, au con-
Nous terminons ces questions de statistique, en
disant quelques mots des importations et exporta-
tions des fers et aciers qui, d'ailleurs, sont peu
importantes. Depuis 4883, ainsi que l'indiquent les
diagrammes 2) et (3) (fig. 12), les importations des
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Fig. 12. — Importation et Exportation des Fers et Aciers
ouvrés en France depuis 1883.
fersetdesaciersont diminué.Celles des fers accusent
traire, ne se relèvent pas. Les exportations, après
être passées par un maximum en 1889 pour les
fers, et en 1887 pour les aciers, vont constamment
en décroissant. Cependant on signale un petit revi-
rement pour 1894. Les principaux produits impor- É
tés de l'étranger sont : des fers au bois élirés en
barres, des fers el aciers machine, des tôles d'acier,
des fers-blancs (Angleterre), des essieux et ban-
dages de roues bruts de forge, des fils d'acier pour
cordes d'instruments.
Quant aux matières exportées, ce sont principa-
lement des fers au coke étirés en barres, des cor-
nières et des fers à T, des feuillards en fer et en
aciers, des fils de fer ou d'acier, et surtout des rails $
en acier. Un certain nombre d'entre elles ont été ê
importées à l’état de fontes ou matières brutesen…
admission temporaire el réexportées après main-
d'œuvre.
ben ES lt ne
Emile Denon el
Ancien Elève de l'Ecole Polytechnique,
Ingénieur civil des Ponts et Chaussées.
D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
937
REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
Ï. — SÉROTHÉRAPIE ET TOXICOTHÉRAPIE.
Pendant l'année qui vient de s'écouler, la séro-
thérapie a conslitué une des grandes préoccupa-
tions du monde médico-chirurgical. Il ne faut pas
oublier cependant que le principe sur lequel re-
pose cette méthode remonte à plusieurs années déjà.
Dès novembre 1888, MM. Ch. Richet et Héricourt
communiquaient à l’Académie des Sciences des
recherches établissant en principe l'importance
des traitements hémothérapiqurs; constatant que le
chien était réfractaire à l’inoculalion d’un staphy-
locoque très toxique pour le lapin, ils pensèrent
que l’on pouvait rendre le lapin réfractaire en lui
inoculant du sang de chien. Leurs expériences
élablirent que le sang des chiens inoculés préala-
blement, puis guéris, conférait une innocuité plus
complèle que le sang des chiens intacts.
Convaincus que le sang des animaux réfractaires
conférait l'immunité, Richet et Héricourt résolu-
rent d'appliquer ce principe à la tuberculose. En
1889, ils montraient que la transfusion péritonéale
du sang de chien ralentit, dans une certaine me-
sure chez le lapin, l’évolution tuberculeuse. Les
applications à l’homme, failes les années sui-
vantes, ne donnèrent que peu de résultats.
. Entre temps, MM. Bouchard et Charrin mon-
traient, au cours de recherches sur le bacille pyo-
cyanique, que le sérum était à peu près aussi aclif
que le sang, que, par suite, on pouvait, aux pro-
cédés hémato-thérapiques, substituer les procédés
sérothérapiques plus simples.
En 1890 deux Japonais, Ogata et Jasuhara, indi-
quaient que le sérum d'un animal réfractaire, le
chien dans l'espèce, pouvait guérir un animal in-
feclé, la souris inoculée avec du charbon dans
leurs expériences.
Bon nombre de points de la sérothérapie étaient
dès lors acquis expérimentalement. La méthode
n’élait toutefois pas entrée dans la pratique. Elle
y entra avec l'important mémoire de Behring et
Kitasalo qui, par une série d'expériences bien con-
duites, forcèrent la conviction.'Tls constatèrent que
le sérum d’un animal vacciné contre cerlaines in-
feclions, le tétanos et la diphtérie, présentait la
propriété remarquable de neutraliser l'effet de la
toxine correspondant à ces infections, lorsqu'on
injectait à un animal neuf, successivement ou si-
multanément, le sérum et la toxine. Pour les
infections où le rôle de la toxine est considérable,
ils démontrèrent que le sérum d’un animal,
accoutumé par des injections successives et pro-
gressives de toxine, neutralise la toxine comme le
ferait un alcali d’un acide. Tel est, si ce n’est l’in-
terprétation exacle des réactions produites, du
moins la traduction grossière du phénomène.
Behring pensa qu’au fur et à mesure que l’ani-
mal s’accoutumait à la toxine, il se formait dans
Forganisme une antitoxine, qui était capable de la
neutraliser. Il montra qu'on pouvait, par des in-
jections successives, augmenter progressivement
la quantité des antitoxines du sang, que ces anti-
toxines étaient surtout contenues dans la partie
liquide de ce sang, que les globules n’en conte-
naient pas, que, par suite, il était tout indiqué
d'employer en thérapeutique le sérum. La séro-
thérapie était définitivement établie.
En réalité, les phénomènes ne sont pas aussi
simples que l'avait supposé Behring. Nous ne vou-
lons toutefois pas discuter ces questions dans une
revue de chirurgie, el nous nous contenterons d'in-
diquer ici les résultats que donnent ces méthodes
dans les diverses affections. A côté de la sérothé-
rapie du tétanos et des infections streptococciennes
qui, comme celle de la diphtérie, reposent sur des
bases précises, sur la connaissance du microbe en
cause, sur ses réactions biologiques et expérimen-
tales, nous parleronsdes tentatives sérothérapiques
faites contre les diverses tumeurs. Ici, pas de
données expérimentales positives, pas de rensei-
gnements sur le parasite. L'étude clinique est la
seule donnée actuelle; on comprend donc les hési-
tations que l’on peut encore avoir à conclure. Nous
dirons où en sont actuellement les observations sur
ce point. Enfin nous terminerons par un exposé de
la toxicothérapie des tumeurs malignes, méthode
fondée sur des principes absolument différents.
Tétanos. — Nous avons eu déjà l’occasion de par-
ler de la sérothérapie du f#tanos'. Les résultats
qu'on en a obtenus n’ont pasété bien brillants. Aussi
Roux et Vaillard, en présence des difficullés ren-
contrées à guérir cette redoutable infeclion, ont-ils
conseillé de chercher à la prévenir. On doit, disent-
ils, injecter préventivement de l'antiloxine toutes
les fois qu'on se trouve en présence d’une plaie
susceptible de donner le tétanos, lors de plaie
souillée de terre par exemple. De petites doses
suffisent, en effet, pour prévenir le tétanos, alors
que de grandes peuvent ne pas le guérir. Certains
chirurgiens ont, depuis quelques années, suivi cette
pratique et n’ont pas observé de tétanos ; mais on
sait combien celte maladie est rare aujourd'hui
dans nos services hospitaliers. Aussi ne peut-on
affirmer que les injections, qu'ils ont faites, ont
1 Revue générale des Sciences, 1893, p. 670.
938
D: H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
4 4
prévenu des tétanos qui, sans elles, se seraient déve-
loppés. Ces injections préventives devront être
faites d'une manière systématique lors de tétanos
épidémique, en temps de guerre, par exemple, en
particulier lorsqu'on opère dans des contrées où le
télanos existe d’une manière endémique. Alors
seulement, si elles donnent ce qu'on est en droit
d’en attendre, on pourra affirmer leur absolue efti-
cacité !,
Infections à streptocoques. — Bien que la fièvre
puerpérale et l'érysipèle traumatique aient à peu
près disparu de nos services hospitaliers, on à en-
core quelquefois l'occasion de les y observer sur
des accouchées du dehors ou sur des blessés pansés
sans soin antérieurement. Aussi est-il intéressant
pour le chirurgien de connaitre les avantages qu'il
peut tirer des injections de sérum antistreplococ-
cique préconisées presque à la mème époque par
MM. Marmorek et Roger. Il semble à peu près dé-
montré actuellement que le sérum antistreptococ-
cique, provenant d'animaux immunisés au moyen
de cultures soit actives, soit stérilisées, ne présente
aucun inconvénient et qu'il donne des résultats
d'autant meilleurs qu'on intervient plus tôt.
Tuberculose. — Dans quelques cas d'ulcérations
tuberculeuses cutanées, des injeclions de sérum de
chiens rendus tuberculeux par Charrin et Poltevin
ont, entre les mains d’Auguste Broca, donné des
résultats appréciables. Associées, au besoin, à l'in-
tervention chirurgicale, ces injections, faites au-
dessous de la lésion tuberculeuse locale, consti-
tueraient un modificateur efficace de certaines
ulcérations cutanées. On ne peut encore se pro-
noncer à l'égard de ces injections, d'une manière
définitive, la durée d’observalion n'étant pas en-
core suffisante dans une affection d'évolution aussi
lente que la tuberculose.
Cancer. — Deux méthodes de trailement non
opératoire ont été préconisées dans ces derniers
temps contre le cancer. Depuis longtemps, on sait
que le développement d'un érysipèle chez un ma-
lade porteur d’une tumeur peut avoir pour résullal
d'amener la nécrose, l’atrophie, voire même la
guérison radicale de la tumeur, ce qui lui a valu
le qualificatif d'érysipèle curateur. Se fondant sur
ces données de la clinique, Fehleisen, après la
découverte du streptocoque, eut recours à l'in-
1 L'expédition de Madagascar serait actuellement un ter-
rain d'études excellent pour cette question, le tétanos y étant,
de notion courante, d'une grande fréquence, et y ayant été
observé non seulement à la suite de blessures, mais même
après de simples injections de morphine. Nous espérons que
le corps expéditionnaire s'est largement pourvu à l'Institut
Pasteur de sérum antitétanique ct qu’au cours de lacampagne
on n'aura pas eu à enregistrer de mort par télanos.
jection de cultures de ce microbe pour la cure de”
tumeurs malignes: sa méthode fut rapidement
abandonnée. 7
Il était difficile d'obtenir et d'entretenir des cul-”
tures de streptocoques virulentes. De plus, la mé-
thode n'était pas sans dangers. Un malade inoculé…
par Janike succomba des suites de l’inoculation.
Aussi, lorsque l’étude des produits de sécrétion
des microbes eut révélé que ces produits, injectés
aux animaux, pouvaient reproduire le tableau «
symptomalique de l'infection par les microbes
eux-mêmes, on songea à rechercher si les toxines.
du streptocoque n’'exerceraient pas sur les tumeurs »
malignes la même action que l’érysipèle. Lassar à
(de Berlin), bientôt suivi par Spronck en Hollande
et par Coley en Amérique, eut recours à ces injec-
tions de toxines. Il est aujourd’hui établi que les
toxines sireptococciques, injeclées en n'importe
quel point du corps chez un malade porteur d'une
tumeur maligne, provoquent habituellement dans
la tumeur une dégénérescence rapide qui peut
aller jusqu’à la nécrose, et qui semble même pou-
voir, à la longue et dans quelques rares cas, ame-
ner la guérison.
En avril de cette année deux expérimentateurs
allemands, Emmerich el Scholl, annoncèrent
qu'ils avaient guéri des cancers récidivés et des
sarcomes par du sérum de mouton inoculé au
moyen de cultures d'érysipélocoques. Leur com-
munication n’a malheureusement pas lardé à re-
cevoir des faits un éclatant démenti. Bruns (de
Tubingue) dit avoir constaté des accidents à la suite
de ces injections (fièvre, dyspnée, cyanose, affai-
blissement du cœur, vomissements) et n'avoir
obtenu aucun résullat thérapeutique. Il en a été
de même dans le service de Thiersch. Enfin le pro-
fesseur Angerer (de Munich) porta à cette méthode
un coup encore plus violent en annonçant que les
résullats oblenus n’élaient pas conformes à ceux
publiés par Emmerich el Scholl, que, bien plus,
une des malades, publiée par eux comme guérie,
était en réalité morte de sa récidive cancéreuse.
En juin, notre ami, M. Répin, publiait de son
côté, les résullats qu’il avait obtenus à Paris. In-
jectant sousla peau un bouillon de culture streplo-
coccienne, stérilisé soit par la filtration sur bougie
de porcelaine, soit par chauffage, il vit la toxine,
injectée à distance, produire sur la tumeur une
action élective et amener dans un cas de sarcome
une nécrobiose partielle du néoplasme, qui cepen-
dant repullula. Dans aucun cas il n’obtint de gué-
rison véritable. Tandis que Coley admettait que la
toxine agissait en détruisant le parasite (hypothé-
tique) des tumeurs malignes, Répin croit qu'il s’a-
git d'une véritable intoxication élective des tissus
néoplasiques. Les injections de toxines agissent
D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
939
utant plus facilement que la tumeur est plus
“olumineuse, plus exubérante, jouissant d’une vi-
alité cellulaire plus affaiblie, offrant, par suite, une
rise plus facile au poison. Les résultats seraient,
ivant lui, plus évidents, si l’on pouvait obtenir
ne intoxication brusque et continue, analogue à
“celle de l'érysipèle, au lieu de l'intoxicalion inter-
nittente des injections qui ne tardent pas du reste
à perdre toute action, l'immunisation suivant rapi-
dement leur emploi. à
- Dans un autre ordre d'idées, MM. Richet et Héri-
court, supposant que le suc des tumeurs malignes
uc de sarcome. Avec le sérum de l'animal ainsi
raité, ils ont fait des injections à deux malades
atteints l’un de tumeur de l'estomac, l’autre de
Sarcome lhoracique récidivé et, dans les deux cas,
“ont obtenu de réelles améliorations. Si l'avenir
découvertes les plus importantes de notre époque.
“La gravité du cancer, l'impuissance dans laquelle
“nous sommes souvent en présence de cette terrible
affection, font que nous souhaitons vivement de
… voir de nouvelles observations affirmer la réalilé
… de ce traitement. Malheureusement rien encore ne
nous permet de voir là un fait établi. Peut-être le
cancer de l'estomac n'était-il qu'une gastrite avec
… périgastrite ? Peut-être le sarcome coslal n'élait-il
_ qu'une tuberculose à forme néoplasique ?
En 1890, Billroth à Vienne, nous-même et Pilliet
à Paris, appelions l’altention sur certains cancers
de l'intestin qui n'étaient en réalité que des formes
- spéciales de tuberculose ; plus récemment le pro-
… fesseur Cornil, trouvant des bacilles dans un ostéo-
- sarcome à myéloplaxes, a pu en affirmer la nature
- luberculeuse ; quoique peu connues, ces formes de
- tuberculose simulant des néoplasmes n’en existent
pas moins et doivent nous mettre en garde contre
des faits jusqu'ici isolés.
Les recherches de MM. Richet et Héricourt ont
- été presqu'immédialement reprises par Boinet, qui
injecta soit dans les veines, soit dans le tissu cel-
lulaire sous-cutané de 4 ânes et de 10 chiens des
tumeurs cancéreuses non ulcérées, et inocula aux
malades le sérum d'animaux injectés avec la même
variété anatomo-pathologique de cancer. Il a ainsi
obtenu une diminution des douleurs et des hémor-
ragies, en même temps qu'une amélioration de
l’état général. Jamais il n'a obtenu de guérison
complète. En somme, pas de résultat définitif.
Aussi devons-nous jusqu'ici être réservé à l’é-
gard de ces traitements sérothérapiques, qui ne
reposent pas sur des bases aussi bien établies que
ceux de la diphtérie, du télanos ou de l'infection
streptococcienne. Nous devons l'être d'autant plus
que Ferré aurait vu la congestion périphérique d'un
ulcère cancéreux diminuer et ses bords s’affaisser
à la suite d'injection de sérum d'âne non immunisé.
Nous resterons dans la même réserve à l'égard
du trailement sérothérapique deslymphadénomes,
pratiqué par M. Delbet. Toutes ces tentatives de
sérothérapie contre les diverses formes de cancer
(carcinomes, sarcomes, lymphadénomes) deman-
dent confirmalion, d'autant que la nature micro-
bienne de ces diverses affections n’est pas encore
élablie, que, pour quelques-unes même, elle res-
terait problématique. Le plus sûr est encore de
faire un diagnostic précoce et une ablalion large
du néoplasme. Celle-ci peut donner des résultals
définitifs excellents, comme le prouve la statistique
récente de Halsted, qui, enlevant largement les
mamelles cancéreuses avec la peau, la portion
thoracique du grand pectoral et le contenu de
l’aisselle depuis son sommet, obtient 13 pour 400
de guérisons définitives.
II. — CRANE Er Racnis.
Trépanation du crâne. — Les observations de tré-
panation pour tumeurs cérébrales, pour fractures,
se multiplient chaque jour. La question est aujour-
d’hui tranchée, et le chirurgien n'hésite plus à in-
tervenir. Ce qui est, au contraire, beaucoup plus
discuté et beaucoup plus discutable, c’est l'utilité
de la trépanation dans les aliénations mentales. A
cet égard nous devons mentionner un mémoire
très documenté de M. R. Sémelaigne qui a réuni la
plupart des observations étrangères. La lecture
des faits nous monlre que nous n’en sommes
encore actuellement qu'à la période empirique el
expérimentale. L'avenir seul nous dira si la trépa-
nation mérite d'acquérir droit de cité dans la thé-
rapeutique de l'aiiénaltion.
Appareil auditif. — W y a deux ans, nous avons
eu l’occasion de parler ici même du curage de la
caisse, préconisé par Stacke ".
Depuis cette époque, la chirurgie de la caisse et
de l’apophyse mastoïde a fait l’objet de nom-
breux travaux, parmi lesquels nous signalerons
particulièrement ceux d'Aug. Broca et de Lubet-
Barbon. La lrépanation limitée à l’apophyse suffit
pour les suppurations mastoïdiennes consécutives
aux otiles aiguës, la caisse guérissant ensuile
d'elle-même. Mais il n’en est plus ainsi, quelle que
soit l’acuité de la lésion apophysaire, lorsqu'à
l'origine du mal est une suppuration chronique de
la caisse. En pareil cas, on ne tarit la suppuration
que si l’on assèche sa source, et cette source est
dans la caisse. De là l'indication d’agir sur celle-ci
en même temps que sur l’apophyse.
Tantôt on constate une lésion mastoïdienne ma-
! Revue des Sciences, 1893, p. 670.
940
D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
nifeste, abcès ou fistule, et, après avoir évidé
l'apophyse, on pousse la brèche jusque dans la
caisse; tantôt, après avoir abordé directement la
caisse atteinte de suppuralion chronique par l’opé-
ration de Slacke, on trouve dans l’aditus, dans
l'antre, dans les cellules de la pointe, des lésions
cliniquement lalentes que l’on poursuit de proche
en proche, et finalement on évide l'apophyse.
Dans les deux cas, le résultat final est le même :
une vaste cavilé rélro-auriculaire qui conduit
librement jusqu'au fond de la caisse. Ainsi con-
duite, l'intervention donne des résultats excellents.
Ablation du ganglion de Gasser. — Certaines né-
vralgies faciales, par leur intensité et par la résis-
tance qu'elles opposent aux divers modes de trai-
tement, aulorisent des interventions sanglantes.
Lorsque la névrotomie périphérique échoue, on
se trouve amené à faire la résection intra-cranienne
du nerf, à exlirper le ganglion de Gasser. Un récent
mémoire de Beck permet de se faire une idée de
la valeur de cette intervention.
La voie temporale semble la meilleure; le danger
est la déchirure de la méningée moyenne au mo-
ment où J'on soulève le fragment osseux. 41 opé-
ralions ont donné 35 guérisons et 6 morts.
Chirurgie du rachis. — La chirurgie du rachis ne
semble pas faire grand progrès. Portée à Lyon
devant le dernier Congrès de Chirurgie,cette ques-
tion reste encore pleine d'inconnues. A l'heure
actuelle, ce n’est, comme l’a dit le rapporteur,
M. Kirmisson, qu'une chirurgie d'exception. Quel-
ques faits, apportés dans la discussion par Gross,
Vincent, Michaux, etc., élablissent cependant
quelques points.
Il est indiqué de débrider les plaies par armes à
feu pour en faire l'antisepsie, les simplifier, les
débarrasser des corps étrangers, projectiles et
esquilles, en assurer l'hémoslase. Si l’on arrive sur
un fragment d'os enfoncé vers la moelle, il est
possible de le relever ou de l’extraire, comme l'a
fait avec succès Tillenbaum dans un cas.
Lors de lésion médullaire consécutive à un mul
da Pott, il faut aborder le canal rachidien par une
incision latérale. Ce point, bien mis en relief par
Vincent, il y a quelques années, est acceplé aujour-
d'hui par les divers opérateurs. La voie latérale est
la meilleure voie d'accès vers les parties anté-
rieure et latérale des corps vertébraux.
A propos des wbcès rétro-pharynyiens, nous men-
tionnerons le plaidoyer de J.-J. Reverdin en faveur
de l'opération de Burckhardt. Celui-ci incise le
long du bord interne du sterno-mastoïdien, au ni-
veau du larynx; passant entre la carotide interne
et le larynx, il arrive très facilement dans l’espace
rétro-pharyngé. Ce procédé serait d’une exécution.
beaucoup plus aisée qu'on ne le suppose au pre=
mier abord. |
La ponction lombaire du rachis a été préconisée
par Quincke comme ayant une réelle valeur théra-
peutique. Il semble qu'il n'en soit rien. Sa valeur
diagnostique même est contestée. Certes, dans lan
méningite tuberculeuse, le liquide peut étre clair )
et contenir des bacilles; dans la méningite sup-
purée il peut être trouble, purulent, et contenir
des microbes pyogènes. Mais il n'y a rien d’absolu,M
el, dans deux cas, où, par la ponction, il avait
reliré un liquide clair, Stademan a trouvé à l'au-«
topsie une méningite suppurée. |
IT. — Cou.
(roitre. — Malgré l'obscurité qui règne encore
sur la physiologie normale du corps thyroïde, les
travaux publiés sur sa pathologie deviennent de
jour en jour plus nombreux. Nous ne parlerons-
pas ici de l'exfirpation du yoitre. La question est
aujourd'hui tranchée, et l'important travail de
Kocher relatant 1.000 opérations pratiquées par
lui, avec une mortalité de 1 pour 400, n'a fait ;
qu'apporter une slalistique de plus à la question
aujourd'hui bien tranchée de l’exlirpalion du
goitre. L'exothyropezie que nous avons décrite l’an
dernier, lors de son apparition !, ne semble pas
devoir se subslituer à la méthode plus radicale de
l’ablation. L’imperfection des résultats, la longueur "
du traitement, font que les chirurgiens lui préfè-
rent en général l’extirpation; c'est toutefois une |
ressource ulile dans certains cas déterminés. Pour
notre part, nous y avons eu recours dans un Cas.
de goitre suffocant où l’extirpation aurait été im- !
possible, et où, pour parer à des accidents d'as-
-phyxie immédiate, l'exothyropexie nous a paru
loire que la trachéolomie palliative jusqu'alors
pratiquée. Dès que le corps thyroïde goitreux a été
amené à l'extérieur, les accidents ont cessé. C'est
donc une méthode que nous croyons devoir re-
commander en pareille circonstance.
Les traitements anciens du goitre par les injec-
tions sont aujourd'hui abandonnés par le plus
grand nombre des chirurgiens. Dangereux dans
certains cas, ils ne semblaient guère avoir d'action
que dans la variété de goitre dite goitre paren-
chymateux, sorte d'hypertrophie générale du corps
thyroïde; or il vient d’être démontré que ces
goitres parenchymateux peuvent guérir par un
trailement purement médical. Des expériences sur
les animaux, failes sous la direction de Kocher,
ont montré que l'alimentation thyroidienne prolongée
délerminait une atrophie du corps thyroïde, et
$
;
un moyen plus simple, plus rapide et moins aléa-
1 Revue générale des Sciences, 1894, p. 688.
ns emma t es ent ins éécuoneen bete à nt tt ÉTÉ le Lt à
Le
ÿ qu'elle pouvait même arriver à supprimer ses
- fonctions. Il était donc indiqué de recourir, dans
. le cas de goitre, à l'alimentation thyroïdienne;
- c'est ce qu'ont fait Kocher (de Berne) et Bruns (de
Tubingue). Ce dernier donne, au début, 10 grammes
. de glande fraiche pendant fuit jours pour les
adultes, 5 grammes pour les enfants; puis il se
contente de l’ingestion de tablettes d’extrait thy-
roïdien préparées suivant la méthode de White. Sur
60 malades ainsi traités il a obtenu 14 guérisons,
20 disparitions presque complètes, 9 améliora-
tions ; 17 fois seulement le traitementest resté sans
résultat. Ces faits se passent de commentaires.
Les résultats, nuls dans les formes colloïdes,
kystiques, fibreuses, seraient bons dans les goi-
tres diffus, d'autant meilleurs que le goitre serait
plus récent et l'individu plus jeune. Les récidives
pourraient se produire après cessation de l’alimen-
tation thyroïdienne.
Se fondant sur les grandes analogies qui existent
entre la glande thyroïde et le thymus, Mickuliez a
remplacé l’ingestion de corps thyroïde par l’admi-
nistration de thymus de mouton finement haché et
étendu sur du pain, à la dose de 15 à 25 grammes,
trois fois par semaine. Les résultats ont été bons
{une disparition complète, neuf diminutions, un in-
succès).
Les interventions chirurgicales, jusqu'à ces der-
niers temps frès rarement praliquées dans la #u-
laie de Basedow où goitre exophthalmique, sont de-
venues plus fréquentes. Trendelenburg, Rydigier,
Mikuliez, ont eu recours à la ligature des artères
thyroïdiennes. Le plus grand nombre des chirur-
gienssesontattaqués directementaucorpsthyroïde.
Krünlein et Kocher, en Suisse, Championnière,
Gérard, Marchant, Tuffier, en France, se sont atta-
qués au lobe le plus hypertrophié et ont fait des
thyroïdectomies partielles, qui ont élé suivies de
succès. Ces opérations, pratiquées à l’état isolé et
d'une manière empirique, il y a une quinzaine
d'années, deviennent, en quelque sorte, rationnelles
aujourd'hui, la maladie de Basedow élant pour
beaucoup d’observateurs le résultat d’une hyper-
sécrétion thyroïdienne.
Tubage dans le croup. — Jusqu'à Pan dernier, le
tubage du larynx dans le croup, pratiqué pour la
première fois à Paris, en 1858, par Bouchut, n'a
guère été employé dans notre pays, malgré les
nombreux travaux publiés en Amérique à la suite
des communications d'O'Dwyer. Si quelques mé-
decins l’employaient, tel le D' Jacques (de Mar-
seille), ils restaient isolés, et la trachéotomie ré-
gnait en maitresse. Chose intéressante à noter,
c’est, non pas un médecin, mais un bactériologiste,
partant un savant non imbu des idées régnantes,
D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
941
qui, frappé des résultats obtenus par le tubage, l’a
préconisé et l'a fait triompher dans notre pays.
Depuis que, dans sa communication de sep-
tembre 1894, au Congrès de Buda-Pesth, sur la sé-
rothérapie de la diphtérie, Roux a exprimé l'espoir
de voir l’intubation du larynx remplacer la tra-
chéotomie, on s’est mis dans les hôpitaux à recou-
rir largement au tubage. Actuellement la question
est encore à l'étude; mais tout fait prévoir que,
sous peu, la trachéotomie sera délaissée, au grand
bénéfice des enfants.
IV. — ABDOMEN.
Estomac. — Dans ces dernières années, de nom-
breux procédés ont été préconisés pour arriver à
empêcher d’une manière complète la déperdition
du suc gastrique et du contenu stomacal après la
gastrostomie.
Hahn fait, pour découvrir l'estomac, une pre-
mière incision au-dessous du rebord costal ; puis,
par une deuxième incision, au niveau de la partie
interne du huitième espace intercoslal, en un point
que n’atleint jamais la plèvre, il passe la main,
saisit l’estomac et l’attire. Les cartilages costaux
agissent sur la bouche stomacale, pratiquée à ce
niveau, comme la pince-robinet de la pipette de
Mobr, et empêchent l'élargissement de la fistule.
Von Hacker cherche à fermer la fistule en l’enser-
rant dans une boutonnière musculaire; son inci-
sion verlicale passe à 2 ou 3 centimètres à gauche
de la ligne médiane. Il attire l'estomac à travers
une boutonnière du muscle droit antérieur.
D’autres ont cherché simplement à constituer un
canal assez long. Frank fait une première incision
le long du rebord costal, et, parallèlement à lui,
attire dans cette incision un cône stomacal qu’il y
fixe ; à 3 centimètres au-dessus il fait une deuxième
incision d'un centimètre et demi, y passe une
pince el attire à son niveau le cône stomacal,
constituant ainsi un trajet sous-cutané. Com-
binant le procédé de Hahn à celui de Frank, Gec-
cherelli incise la peau au niveau du septième es-
pace intercostal, puis pénètre dans l'abdomen par
le huitième. L'estomac, attiré dans ce trajet coudé,
se réfléchit sur la septième côte. On aainsi,comme
dans le procédé de Hahn, la possibilité d'attirer
une partie d'estomac voisine du cardia et une pince
costale; on a un trajet assez long comme dans le
procédé de Frank; enfin ce trajet, coudé sur la côte,
est ainsi pourvu d’une sorte de valvule.
Le procédé de Witzel cherche à réunir des avan-
ages identiques par d’autres moyens. Witzel in-
cise la peau obliquement lelong du rebord costal;
il divise longitudinalement le muscle droit, puis
transversalement le transverse. Les trois incisions
de la peau, du grand droit et du transverse se
942
D: H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
croisent en étoile, ce qui assure la compression du
trajet. Pour donner à celui-ci une certaine lon-
gueur, Witzel constitue, au-dessus de l'orifice sto-
macal, un canal par l’adossement de deux plis sto-
macaux réunis, au-dessus d’un drain, par des
points passés suivant la méthode de Lambert.
Peu importe pour nous le choix du procédé.
Pour ne pas voir s'écouler à l’extérieur les liquides
stomacaux, il faut un canal muqueux d’une cer-
taine longueur et un orifice petit, point bien pré-
cisé par le professeur Terrier, restant petit, résul-
lat auquel on n'arrive qu'en supprimant, comme
nous l'avons dit il y a déjà cinq ans, les obtura-
teurs, qui n'aboutissent qu'à dilater la fistule.
Parmi les questions de chirurgie stomacale qui
ont été particulièrement étudiées depuis notre
dernière revue, nous devons mentionner le #raile-
ment chirurgical de l'ulcère de l'estomac. La résection
de l’ulcère n'a élé pratiquée que dans un très petit
nombre de cas. L'opération est souvent difficile ou
mème impossible, à cause du siège de l’ulcère, de
son étendue trop considérable, de la faiblesse ex-
trème du malade en cause. La divulsion digitale
de Loretaet l'opération pyloroplastique de Heineke-
Mikulicz ne trouvent guère leur indication. Il
semble que, dans la majeure partie des cas, ce
soit à la gastro-entérostomie qu'on doive avoir re-
cours. On remédie ainsi à la dilatation de l'estomac,
au spasme réflexe du pylore, et l’on facilite la
guérison de l’ulcère, qu'on met ainsi au repos.
L'indicalion opératoire, en dehors des cas rebelles
aux traitements médicaux, se trouve quelquefois
fournie par une complication des gastrorrhagies,
une perforation de l'estomac. Dans ce dernier cas,
il ne faut pas s’attarder à chercher une occlusion
parfaile de l’ulcère ; il faut nettoyer la cavité ab-
dominale, limiter autant que possible un fover
juxta-stomacal et le drainer largement. Un malade
que nous avons ainsi opéré #n extremis, el qui a
guéri, montre le bien-fondé des pratiques simples
et rapides en pareil cas.
Foie. — La question des affections des voies bi-
liaires continue à faire l’objet des travaux des chi-
rurgiens. Cette année, c'est le canalcholédoque qui
a particulièrement alliré l'attention : son anatomie
a élé étudiée par M. Quénu, qui a bien précisé les
rapports de ses deux portions, sus-duodénale et
rétro-duodénale. Sa pathologie a fait l’objet d’une
série de travaux résumés et bien classés dans la
thèse fort intéressante d’un élève du Professeur
Terrier, M. le D' Jourdan
Dans son travail, M. Jourdan montre l'impor-
tance qu'il y a à établir des distinctions entre les
divers cas de cholédochotomie, La cholédochoto-
mie primitive, associée ou non à une intervention
sur la vésicule, est beaucoup plus grave que la
cholédochotomie secondaire à une fistule biliaire
complète. Le fait s'explique facilement, la réten-
tion biliaire et les accidents infectieux, qui exis-.
tent dans le premier cas, cessant à la suite de l’éta-
blissement d'une fistule. De là l'indication d'utiliser
la cholécystostomiecomme opération préliminaire,
ce qui, malheureusement, peut être souvent impos-
sible par suite de la rétraction @e la vésicule et de
l’imperméabilité du canal cystique.
V. — RECTUM.
Rétrécissements, — On sait combien la nature des
rétrécissements du rectum est encore discutée. La
difficulté que l’on a dans la détermination des anté-
cédents pathologiques des malades explique faci-
lement cette indécision en l'absence d'examens
anatomo-pathologiques de ces lésions. Jusqu'ici on
ne possédait guère que quelques examens isolés,
disséminés çà et là. Les ablations plus fréquentes
du rectum, la possibilité d'avoir ainsi des pièces
fraiches ont, dans ces derniérs temps, rendu cette ,
élude plus facile. Plusieurs mémoires que nous.
avons publiés avec M. Toupet, un travail important
de M. Sourdille, ont, par la comparaison d’une
série d’une vingtaine de pièces, permis de tracer.
l'histoire anatomique de cette lésion.
Les rétrécissements du rectum présentent lrois
types pathologiques : Type inflammatoire diffus,
type syphilitique à nodules gommeux, type tuber-
culeux où l’on retrouve des follicules caractéristi-
ques. Ces lésions, en quelque sorte spécifiques,
occupent le tissu sous-muqueux; dans les trois
cas le revêtement de la région subit des modifica-
lions identiques disparilion de l'épithélium
cylindrique normal de la région, glissement, sur la :
région dépouillée, de l’épithélium pavimenteuxstra-
tifié venu de l'anus, quelquefois formation de
pseudo-papilles, si bien qu’onassiste, dans les rétré-
cissements du rectum, à la genèse d’une véritable
pachydermie rectale.
Fistules recto-vaginates. — Le traitement des fis-
tules recto-vaginales larges et haul-situées était
resté difficile, etles tentatives opératoires n'étaient
malheureusement pas suivies de succès dans un
grand nombre de cas. Aussi devons-nous signaler
l’ingénieux procédé qu'a imaginé M. Segond, et
qui nous parait destiné à remplacer tous les autres.
Après dédoublement de la cloison reclo-vaginale,
toute la partie sous-jacente à la fistule est extirpée,
et le bout supérieur abaissé est sulturé à la peau.
La communication rectale se trouvant par le fait
supprimée, l'ocelusion de la perforation vagi-
nale avivée est assurée par quelques points de
suture.
D: H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
943
Dilatation de l'anus. — Par une série d'expé-
-riences sur des chiens, M. Quénu a montré que la
dilatation de l'anus ne s’accompagnait d'aucune
lésion anatomique appréciable du muscle, d’au-
cune altération physiologique de l’appareil neuro-
musculaire. Ces constatations l’ont amené à
conelure que la diminution momentanée de toni-
cité sphinctérienne ne pouvait être rapportée qu'à
une cause centrale. Quand on pratique la dilata-
tion forcée del'anus, on agit à distancesur la moelle,
nous dit-il. On paralyse le centre ano-spinal par
l'intermédiaire des nerfs sensitifs ; à l’aide d’une
excitation violente de ces nerfs, on provoque, en un
mot, un phénomène d'inhibition.
VI. — APPAREIL URINAIRE.
Hypertrophie prostatique. — L'an dernier nous
avons mentionné les tentatives faites par White, de
Philadelphie, et par Ramm, de Christiania, pour
guérir l’'hypertrophie prostatique par la castration
double. Les opérations se sont depuis lors multi-
pliées, et, dans un travail récent, Launois et Piquois
ont pu en réunir 53 cas. Ces 53 cas ont donné
8 morts, soit une mortalité de 15 0/0 environ.
C'est dire que la castration double chez le vieillard
n'est pas absolument innocente. Dans plusieurs cas
la mort a suivi une crise de manie aiguë. -
Jusqu'ici ces tentatives opératoires n'ont guère
été pratiquées en France. On leur oppose divers
arguments. Les uns sont d’ordrescientifique; l'hy-
pertrophie de la prostate n’est pas une lésion loca-
lisée; c’est, comme l'ont montré le Professeur
Guyon et ses élèves, une partie d'un processus
dégénératif qui intéresse tout l'appareil urinaire
des vieillards. En mème temps que la cirrhose
hypertrophique de la prostate, on trouve une sclé-
rose généralisée à tout l'appareil urinaire, à la ves-
sie, aux urelères et aux reins ; d’autres arguments
sont d'ordre sentimental et découlent de ce fait
que l’homme éprouve la plus grande répugnance à
se laisser priver des attributs palpables de son
sexe. On sait que, chez certains malades, on a dû
insérer dans le scrotum des testicules postiches en
celluloïde, en verre, en gutta-percha, en aluminium.
Aussi comprend-on que cerlains chirurgiens
aient cherché à obtenir des effets identiques à ceux
-de la castration double en conservant au malade
ce que l’on pourrait appeler des Lesticules moraux.
Harrison, Francis Haynes, Mears, ont fait la section
des canaux déférents pour obtenir l’atrophie des
testicules. Le professeur Guyon a de même eu re-
cours à la résection étendue des canaux déférents,
faisant ce qu’il appelle une castration physiolo-
gique par opposition à la castration anatomique.
Dans le même ordre d'idées, Mac Munn a pra-
tiqué la ligature de l'artère spermatique, Richmond
lebistournage, Isnardi la ligature des deux cordons.
Mac Cully a déterminé l’atrophie du testicule en
y injectant de la cocaïne pendant. deux mois.
Les résultats, oblenus jusqu'ici par ces divers
procédés, ne nous permetlent pas de poser de
conclusion. Il semble, d'après les observations
publiées, que les résultats fonctionnels ont été
le plus souvent satisfaisants. Mais il faut bien
savoir que bon nombre de prostatiques arri-
vent souvent, au bout d’un temps variable, à se
passer de la sonde, et à uriner spontanément sans
castration et sans ligature des artères iliaques.
Aussi attendrons-nous encore avant de suivre les
chirurgiens étrangers dans la voie où ils se sont
peut-être un peu témérairement engagés.
De lu sonde à demeure. — À une époque où bon
nombre de chirurgiens, en province surtout, sont
prêts à prendre le bistouri au moindre incident,
il est bon de connaître ce qu'on peut obtenir de
petits moyens, tels que la pose d’une sonde qu'on
laisse à demeure. L'utilité de la sonde à demeure
après la taille, la lithotrilie, l'uréthrotomie interne,
l'uréthrotomie externe,lesfaussesroutesuréthrales,
n’est pas à démontrer. Le bénéfice qu'en peut re-
tirer le malade prostatique est, au contraire, ac-
tuellement discuté. Sans vouloir rejeter l’opéra-
tion de la cystostomie que nous avons conseillée,
il y aura bientôt dix ans, avec notre maitre, le
P' Guyon, dans le traitement des cystites doulou-
reuses, que nous acceptons avec Poncet dans
certains cas d'hypertrophie prostalique, nous pen-
sons que l’on en a notablement exagéré les in-
dications. Souvent le malade retire un bien plus
grand bénéfice du simple emploi raisonné de la
sonde. Dans un récent mémoire, MM. Guyon et
Michon en ont montré les avantages chez les
prostatiques infectés. Alors qu’en pareil cas l’em-
ploi de la sonde à demeure à Paris ne donne
qu'une mortalité de 23 °/,, dans les mêmes condi-
tions la cystostomie donne à Lyon 35 ‘/, de morts.
Chez quelques malades la sonde, outre son rôle de
drain vésical, en a encore un autre : celui de
modeler en quelque sorte le canal, de faciliter le
passage des instruments dans un urèthre devenu
plus ou moins diflicile.
La sonde peut cependant être cause d'accidents
variés. Mais ces accidents sont, dit M. Guyon, le plus
souvent le fait du chirurgien. La sonde est doulou-
reuse parce qu'elle fonctionne mal, parce qu’elle
est trop enfoncée ou qu’elle est obturée ; elle déter-
mine des abcès dans la racine du pénis, parce qu’on
a laissé la verge pendre, se couder, créant ainsi une
compression continue de l’urèthre contre la sonde,
au niveau de la coudure. Elle cause l'infection de
l’urèthre et de la vessie, parce qu'on n'a pas usé
9%%
D: H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
de précautions antiseptiques, parce qu'on n’a pas
fait les lavages qui chassent les germes patho-
gènes. En résumé, on a le droit de dire que, si la
sonde à demeure peut avoir des inconvénients, il
est non seulement possible, mais même facile d'y
obvier ou d’y remédier. Grâce à ces diverses pré-
cautions, sur lesquelles vient, très justement,
d'insister le P'° Guyon, on peut non seulement
éviter au malade une opération inutile, mais même
le guérir plus sûrement et à moins de frais.
Émasculation totale. — Dans une communication
au dernier Congrès de Chirurgie, M. Chalot (de
Toulouse) semble adopter les conclusions récem-
ment posées par Morisani, qui, en présence d’un
cancer du pénis, enlève la verge et les bourses,
alors même que le cancer n’a pas encore envahi
toute la longueur de la verge. Les testicules se-
raient un encombrement inutile et leur suppres-
sion ne pourrait avoir aucune influence sur l’orga-
nisme général, puisque le cancer ne s'observe que
chez des gens âgés et que le type masculin est
devenu fixe. Nous sommes étonnés que ces chi-
rurgiens n'aient jamais été à même d’observer les
effets de la castration double chez l'adulte, et
nous croyons qu'il est préférable de conserver les
testicules toutes les fois que leurs enveloppes sont
saines. Rien n’est plus simple que d'enlever la
verge en entier avec les racines des corps caver-
neux et le bulbe, après fente médiane des bourses.
En pareil cas, nous avons terminé l'opération en
rapprochant les testicules séparés, et en fixant le
bout vésical de l’urèthre à la limite postérieure de
notre incision, faisant ainsi une uréthrostomie pé-
rinéale. Le résultat a été excellent, et notre malade
enchanté d’avoir conservé les attributs de sa vi-
rililé.
Uretère. — La chirurgie de l’uretère a fait l’objet
de nombreux travaux. Sans nous arrêter à décrire
les diverses opérations pratiquées sur ce conduit,
nous nous contenterons de parier du traitement
des fistules de la partie terminale de l’uretère, plus
fréquentes depuis que la vulgarisation de l’hysté-
rectomie vaginale a conduit le chirurgien à blesser
ce conduit au cours de l’ablation de l'utérus. Les
procédés autoplastiques ne réussissent en général
pas, ce qui tient à ce que l’uretère est oblitéré au-
dessous de la fistule. La néphrectomie est certes
un mode de guérison, mais elle supprime un
organe sain, L'uretéro-colostomie, conseillée par
Bardenheuer, Novarro, Reed et Chaput, expose
d’une part à l'infection du rein, d'autre part à
l'irrilation de l'intestin par l’arrivée continue de
l'urine. L'idéal était de conduire de nouveau les
urines de l'uretère dans la vessie. C’est ce qu'ont
fait avec succès en France M. Bazy, en Italie No-
varro. Tous deux, par des procédés un peu diffé-
rents, ont greffé le bout supérieur de l’uretère dans
la vessie, faisant ce que Bazy à appelé une ure-
téro-cyslo-néostomie, opération qui a élé bientôt
reprise par d’autres chirurgiens.
Cystites. — La pathogénie des eyslites s'est en-
richie de faits jusqu'ici peu connus. A côté des
cysliles ascendantes, par ascension d’un agent
pathogène à travers les voies urinairesinférieures,
et des cystites par propagation directe à travers,
les parois vésicales, ona décrit des cystiles descen-
duntes, survenues, en particulier, au coursdes épi-
démies de grippe. M. Mathieu a, de plus, montré
que l'emploi du bicarbonate de soude à doses éle-
vées peut être le point de départ de poussées
légères de cystite du col.
VIT. — GYNÉCOLOGIE.
Endométrites. — La question de la puthogénie des
endométrites est actuellement à l'étude. Une grande
discussion a eu lieu sur ce point, en juin dernier,
au Congrès de la Société allemande de Gynéco-
logie. Les opinions les plus diverses s’y sont fait
jour. Pour le rapporteur, Winckel, il faut diviser
les endométrites en :
1° Simples, non bactériennes, résultant de troubles
de la circulation, d'intoxications, d'infections gé-
nérales, endométrites déciduales, endométriles |
exfoliatives ;
2% Purulentes, bactériennes, déterminées par le
gonocoque.le bacille tuberculeux,lesstreptocoques,
les staphylocoques, les colibacilles, les sapro-
phytes, etc.
. Nous ne croyons pas que l'avenir sanclionne la
classification établie par le gynécologiste allemand.
Une autre question, celle du {raitement des endo-
métriles, a été aussi abordée en France et en Alle-
magne. La tendance qui se dégage des diverses
communications faites, c'est que, pendant ces der-
nières années, on à abusé du curettage, el qu’on
lui a demandé plus qu’il ne pouvait donner.
Fibromes utérins. — Les procédés d'ablation des
fibromes utérins continuent à se succéder, ce qui
prouve qu’on ne possède pas encore le procédé dé-
finilif. Un point toutefois semble s'établir, c'est
que l’hystérectomie abdominale totale est une
bonne opération. Chaque année on voit de nou-
veaux chirurgiens s’en déclarer partisans. Aussi
peut-on, dès maintenant, se demandersil'ablation
totale de l'utérus fibromaleux n’est pas la mé-
thode de l'avenir.
D' Henri Hartmann,
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine,
Chirurgien des Hôpitaux,
L
3
: La Commission internationale du mètre à élabli dé-
LR en 1889 une règle de platine portant à ses
extrémités deux traits dont l'intervalle représente le
mètre étalon. Les beaux appareils installés au Bureau
Fr Poids et Mesures permettent d'établir des copies
» et des subdivisions de cet étalon, et de réaliser, avec
- une très grande précision, l'unification des mesures
. portant sur des règles à trait.
L'industrie se servant surtout, pour ses mesures de
précision, de règles à bout, c'est-à-dire de règles dont
la longueur est définie par l'intervalle entre les sur-
faces terminales, ces mesures ont dù être rapportées
au mètre à trait. Le Bureau des Poids et Mesures em-
. ploie, dans ce but, la méthode de Fizeau, qui consiste
à viser, au moyen du microscope du comparateur, le
milieu de l'intervalle compris entre une pointe fine et
son image dans la surface terminale de la règle. Cette
méthode, d’une application délicate, n’est pas suscep-
tibie d’être introduite dans les ateliers de précision où
l'on fait plus communément usage d'appareils à con-
lact mécanique, tels que le pied à coulisse, le compas
palmer, etc. Le service de l'artillerie, à la suite de lon-
gues recherches, a pu établir, pour les règles à bout,
un comparateur donnant une précision inférieure à
celle des comparateurs à visée, mais largement suffi-
sante dans la pratique. Cet appareil a été établi par
l'atelier de précision de la Section technique de l’Artil-
lerie, dirigé par M. le chef d’escadron Hartmann et
M. le capitaine Mengio. Il a déjà conduit à beaucoup
de remarques intéressantes, et son étude n’est pas
épuisée. M. Cornu, en le présentant à l’Académie des
Sciences, l’a apprécié de la facon suivante :
« Les mesures obtenues avec ces appareils, éfudiés
et construits pour les besoins de l'artillerie, ont con-
duit à des conclusions qui dépassent de beaucoup,
comme portée, le but spécial auquel ces appareils
sont destinés.
« Parmi les résultats dont la métrologie tire un profit
immédiat, on doit citer celui-ci : la comparaison des
règles à bout s’effectue au millième de millimètre,
lorsque les deux règles comparées sont faites du même
métal et offrent à peu près la même forme; dans ces
conditions, la différence des longueurs mesurées est
sensiblement indépendante de la pression exercée par
les pièces de contact (appelées palpeurs dans les com-
parateurs de ce genre); mais, lorsque les règles sont
constituées par des métaux différents, la mesure diffé-
rentielle dépend, dans une proportion considérable, de
la pression des palpeurs.
« Cette difficulté, signalée depuis longtemps et évi-
dente « priori, était restée, comme tant d’objections
valables en théorie, sans base sérieuse pour définir la
limite pratique des erreurs à craindre : le mode d’ob-
servation, si simple et si rapide, fourni par le compara-
teur automatique de M. le commandant Hartmann, a
permis d'étudier méthodiquement cette cause d’erreur
et d'en apprécier la gravité.
« Ce résultat, qui donne une infériorité notable à
toutes les mesures absolues faites avec des règles à
bouts, justifie l'exclusion de ce genre de règles pour
les mesures de haute précision, dans tous les cas où la
longueur à mesurer n’est pas déterminée par les sur-
faces extrêmes d’un corps solide.
«Il explique certaines divergences singulières recon-
nues dans Îles anciennes comparaisons de règles étran-
gères (construites en différents métaux)avec les étalons
métriques francais en platine, divergences qu’on attri-
Maé di à. | mt
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
945
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LE COMPARATEUR AUTOMATIQUE ENREGISTREUR DE M. LE COMMANDANT HARTMANN.
buait volontiers aux observateurs, dont l’habileté et la
conscience étaient pourtant à l’abri de tout soupcon.
On voit clairement aujourd’hui que ces anomalies sont
la conséquence inévitable de la matière des règles sur
lesquelles l’opération a été effectuée. » |
Indépendamment de ces conclusions si intéressantes
au point de vue scientifique, l'appareil de M. le com-
mandant Hartmann fournit une solution pratique de
l'unification des mesures pour l'industrie avec une
précision qu'il était impossible d'atteindre par les
moyens actuels, et dont on a besoin néanmoins dans
plusieurs genres de construction. C’est là un résultat
des plus importants; aussi croyons-nous devoir donner
une description sommaire de cet ingénieux dispositif.
Le comparateur automatique enregistreur (lig. 1,
page 946) comprend quatre organes principaux :
4° L'appareil de mesure;
2: L'appareil enregistreur;
3° L'appareil moteur;
4° L’appareil d’alternance,
1° Appareil de mesure.
Un banc en fonte porte deux poupées, l’une fixe P,,
l’autre mobile P,, terminées toutes deux par des pis-
tons /, !, entre lesquels se placent les règles à com-
parer #.
Sur la poupée fixe P, se trouve un manchon-écrou H
qui recoit une vis filetée à gauche, du pas de 1°" en-
viron. Cette vis est constamment sollicitée dans le sens
du vissage par un poids # de 70 grammes agissant à la
circonférence d’un plateau R calé sur son extrémité.
La vis appuie sur la tranche intérieure du piston /, par
l'intermédiaire duquel elle transmet la pression du
poids de mesure sur la règle comprise entre les deux
poupées.
La poupée mobile P,, qui renferme également une
vis et un piston, peut être déplacée à l’aide d’un vo-
lant S monté sur une vis du pas de 5x, logée dans l’in-
térieur du banc, et la distance des tranches des pistons
des deux poupées est indiquée à un moment quel-
conque par une division tracée sur un mètre souple
qui se déroule devant un index.
20 Appareil enregistreur.
Le plateau R, calé sur l’extrémité de la vis de mesure,
est muni de dix aiguilles « terminées à volonté par
des crayons ou des plumes qui se déplacent de 27"
pour une avance de la vis de 0®#,001. Ces plumes
peuvent marquer sur une feuille de papier placée sur
un tambour T mû par un mouvement d'horlogerie.
Quand le plateau R est arrêté, une tige courbe à vient
appuyer sur le cylindre enregistreur l'aiguille qui se
trouve en regard du tambour qui y, marque un point.
Les aiguilles sont numérotées de 0 à 9; les déplace-
ments du plateau sont comptés entre l'aiguille zéro
d’une part et le trait zéro de la feuille de lenregistreur
d'autre part, qui sont en coïncidence quand la vis est
vissée à fond.
Dans ces conditions, si, avec une règle interposée
entre les pistons des deux poupées l'aiguille 6 vient
en regard de la division 34 du tambour, le nombre de
divisions compris entre la pointe de l’aiguille-origine
et le zéro de la graduation, est 600 + 3%.
3° Appareil moteur.
Une petite dynamo, de 10 kilogrammètres environ,
946
actionne automatiquement les divers organes du com-
parateur, .
Au moyen de divers renvois de mouvement, indi-
qués sur la figure, on obtient le résultat suivant : la
règle à étudier étant placée entre les pistons L, £, et la
machine mise en marche, la vis prend un mouvement
uniforme, sous la tension du poids +, jusqu’à ce que
les deux pistons appuient sur les extrêmités de la
règle ; à ce moment le plateau s'arrête et la tige courbe à
vient appuyer l'aiguille sur le tambour, où elle marque
un point; puis la vis se met en mouvement en sens
inverse, les pistons cessant d'appuyer sur les extré-
Fig. 4. — Vue d'ensemble du comparaleur automatique enregistreur. — P;,
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
par le moteur électrique et, à tour de rôle, déposent
sur les pistons des poupées et reprennent les règles
qu'ils supportent.
Les deux règles à comparer étant placées sur l'appa-
reil et la machine mise en marche, on obtiendra sur
le tambour deux tracés pointillés, dont l’écartement
correspond à la différence de longueur des deux règles,
L'allure des tracés permet de constater que l’on est
dans des condilions satisfaisantes, notamment que la
température est restée sensiblement constante, toute
variation se traduisant par un déplacement du point
figuratif. Quand les températures des règles sont bien
poupée fixe; P;, poupée
mobile; R, plateau porte-aiguilles ; 4, aigailles: T, tambour enregistreur; x, poids de mesure; 7, », règles
à comparer; S, volant de la poupée mobile; /;, L, pistons entre lesquels se placent les règles à comparer ;
i, tige courbe appuyant sur les aiguilles.
mités de la règle, et quand la vis a été écartée d’une
certaine distance, son mouvement change de sens el
recommence sous l'influënce du poids x, comme au
début de l’opération.
L'appareil fournira donc automatiquement une série
de mesures dont chacune sera inscrite par un point
marqué sur le tambour.
4° Appareil d’alternance.
Cet appareil est disposé de facon à présenter alter-
nativement, entre les extrémités du piston, l’une et
l’autre des deux règles à comparer. Pour cela, deux
bras articulés parallèles à l'axe du banc sont actionnés
égales, les deux courbes qui correspondent à chacune
d'elles restent équidistantes, tandis que si l’une est à
un moment donné plus chaude ou plus froide que le
milieu ambiant, il se produit une modification mo-
mentanée de l'intervalle des courbes.
En résumé, le comparateur automatique permet
d'obtenir la comparaison des mesures à bouts à = de
millimètre près. Il effectue cette mesure automatique-
ment, en enregistrant toutes les mesures, et élimine
ainsi les erreurs accidentelles, ainsi que l'influence de
l'observateur, ce qui en fait un appareil véritablement
pratique.
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Docteur ès sciences.
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Croneau
;
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Delemer (Jules). — Sur le mouvement varié de
l'eau dans les tubes capillaires cylindriques
évasés à leur entrée, et sur l'établissement du
régime uniforme dans ces tubes. (Thèse pour le
Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol.
in-8° de 8 pages. Gauthier- Villars et fils, Paris, 1895.
La part des Mathématiques pures dans la thèse de
M. Delemer n'est pas très considérable. Nous serons
donc assez bref sur un travail qui appartient plutôt à
l’hydraulique de laboratoire ou, si l’on veut, à la Phy-
sique, et ne rentre qu'incomplètement dans notre com-
pétence. — On connaît les recherches de M. Boussinesq
sur l’écoulement de l’eau dans les tubes fins, à régime
permanent ou varié, à sections simples diverses, M. De-
lemer, évidemment élève de M. Boussinesq, applique
ces méthodes générales aux phénomènes du régime
graduellement varié qui se produisent à l'entrée des
tubes.
Les méthodes d'intégration que nous rencontrons
dans la thèse n’ont rien de bien nouveau et particulier
à M. Delemer ; les hypothèses simplificatives sont d’ori-
gine expérimentale; les calculs sont surtout numé-
riques.
Une dernière partie est consacrée à la discussion
approfondie des expériences faites en 1842 par le
Dr Poiseuille sur l’écoulement de l’eau dans les tubes
fins.
En un mot, le travail est de nature à intéresser plus
les physiciens que les mathématiciens.
Léon AUTONNE,
(A.), Ingénieur des Constructions navales,
Professeur à l'Ecole du Génie maritime. — Construc-
tion pratique des navires de guerre. Tome I:
Plans et devis. Matériaux. Assemblages. Différents types
de navires. Charpente. Revêtement de la coque et des
. ponts. Tome II : Compartimentage. Cuirassement. Pavois
et garde-corps. Ouvertures praliquées dans la coque, les
ponts, les cloisons. Pièces rapportées sur la coque. Ven-
tilation. Service d’eau. Gouvernails. Corrosion et salis-
sure. Poids et résistance des coques. 2vol. gr. in-8° de
810 pages avee 76% figures et 1 atlas de 2 planches.
(Prix : 33 fr. Gauthier-Villurs et fils, éditeurs. Pa-
ris, 1895.
Si l’on fait abstraction des publications spéciales,
telles que le Mémorial du Génie Maritime ou le Bulletin
de l'Association Technique Maritime, qui ne sont pas
entre les mains de tout le monde, on doit reconnaître
que la littérature relative à l'architecture navale n’est
pas très abondante. Elle n’est surtout pas en rap-
port avec le développement considérable qu'a pris l'art
de la construction dans ces dernières années. Le traité
de M. l'Ingénieur de la Marine Hauser remonte à 1884,
et tant d'idées nouvelles se sont fait jour depuis cette
époque, tant de tentatives ont été faites avec des succès
divers dans toutes les directions, que la nécessité se
faisait vivement sentir de coordonner les faits accumu-
lés et de mettre au point les progrès accomplis.
C’est ce que vient de faire M. Croneau, dont l'impor-
tant ouvrage, concu dans un esprit un peu différent de
celui de ses devanciers, offre une description très
complète et détaillée de toutes les principales solu-
tions auxquelles ont douné lieu les types si divers des
navires modernes,
Bien que ce traité vise spécialement les bâtiments de
guerre, les premiers chapitres renferment des consi-
dérations générales dont tous les constructeurs de
navires pourront faire leur profit. Nous citerons en
particulier ceux qui concernent les matériaux de cons-
truction et le rivetage.
L'auteur entre ensuite dans l'étude de la charpente
et du bordé extérieur. Il passe en revue, pour chacune
des pièces de la coque, les systèmes adoptés par les
différentes marines sur les divers types de navires :
cuirassés, croiseurs, avisos, torpilleurs, paquebots.
Bien que cette méthode d’exposition présente l’incon-
vénient d'entraîner quelques longueurs, elle permet
de bien saisir la valeur relative des procédés employés,
qu'il importe de connaître, Ce n’est, en effet, que par
des séries de comparaisons faites à plusieurs points de
vue, que J’on peut se faire une idée nette du mérite
d’un système, dans une structure aussi complète que
celle d’un navire de guerre.
Le tome I se termine par l’étude du bordé en tôle et
du blindage des ponts.
Le tome II est consacré au compartimentage, au cui-
rassement et aux parties accessoires de la coque, On
lira avec intérêt le chapitre traitant la question si
débattue du cuirassement. 11 n’est peut-être pas de
point sur lequel se soient produites plus de diver-
gences d'opinion et d'exécution. Mais quoique les con-
ceptions qui ont donné naissance à des systèmes très
variés ne soient pas dépourvues de valeur, celles qui
ont prévalu dans la marine francaise paraissent sou-
tenir avantageusement la comparaison, Un appendice
à ce chapitre renferme les calculs relatifs au blindage
des ponts obliques. Il est suivi de la description des
plaques de cuirasse et de leur mode d’attache.
L'étude des ouvertures pratiquées dans la coque,
dans les ponts et dans les cloisons a recu un dévelop-
pement considérable. l’auteur décrit longuement les
tubes de sortie des arbres porte-hélices, les tubes de
jaumière et les diverses prises d’eau, les dalots, sa-
bords, hublots, écubiers, les panneaux des ponts, les
portes et vannes des cloisons étanches, les passages
étanches des arbres, chaînes, cäbles électriques, etc.
Puis, après un chapitre sur les quilles de roulis, les
supports d'arbres et autres pièces rapportées sur la
coque, vient une description des plus détaillées des
services si complexes de la ventilation et des pompes,
et des appareils à gouverner,
Le tome II se termine par une revue des moyens
employés pour combattre la corrosion et la salissure
des carènes et par une étude générale des efforts aux-
quels les coques sont soumises.
Peut-être trouvera-t-on que le plan de cet ouvrage
laisse un peu à désirer, que certaines parties ont été
trop sacrifiées à d’autres de moindre importance.
Néanmoins l'abondance des détails donnés sur chaque
question, le choix judicieux des exemples, le soin
avec lequel tous les points ont été mis à jour font du
livre de M. Croneau un guide aussi intéressant que
précieux à consulter. L. Vive.
Holzmüller (G.), Director der Gewerbeschule zu Hagen
i. W. — Methodisches Lehrbuch der Elementar-
Mathematick. — Œrster Theil. Zweite Auflage. —
1 vol. in-8° de 230 pages avec 142 fig. (Prix cartonné :
3 francs.) B. G. Teubner, édilewr, Leipzig, 1895.
Nous signalons à nos lecteurs la seconde édition de
cetouvrage, qui a obtenu un grand succès en Allemagne
dans l’enseignement des Ecoles professionnelles et
réales, auxquelles il est surtout destiné. Il contient les
principes fondamentaux de la Géométrie, de l’Arith-
métique, de la Trigonométrie et de la Stéréométrie,
accompagnés de nombreuses applications pratiques.
918
2° Sciences physiques.
Brunhes (Bernard), Chargé de Cours à la Faculté des
Sciences de Dijon. — Cours élémentaire d’Electri-
cité. (Lois expérimentales el principes générauæ. Intro-
duction à l'Electro-technique). Lecons professées à l’Ins-
titut industriel du Nord de la France. — 1 vol, in-8° de
265 pages avec 137 figures. (Prix : 5 fr.) Gauthier-
Villars et fils. Paris, 1895.
Au sortir de l'Ecole Normale, tout en remplissant
les fonctions de préparateur à la Sorbonne et s’occu-
pant activement de l'étude de la réflexion cristalline,
M. B. Brunhes avait fait en 1892-93, aux officiers de
marine détachés à l'Observatoire de Montsouris des
conférences d'électricité. Nommé maitre de confé-
rences à la Faculté des Sciences de Lille, et accessoi-
rement chargé d'enseigner les éléments d'électricité
aux élèves de la Section du Génie civil à l’Institut in-
dustriel du Nord de Ja France, M. Brunhes n’a eu que
peu de modifications à apporter à ses premières lecons
pour les approprier à son nouvel auditoire. Aux uns
et aux autres, M. Brunhes à pensé qu'il fallait apporter
des notions expérimentales, surtout au début du livre,
surtout dans les définitions, et qu’il ne suflisait pas
pour cela de résumer quelque bon ouvrage francais ou
étranger sans changer l’ordre des chapitres; on peut
ainsi supprimer les paragraphes théoriques, mais on
se condamne à les remplacer par des notions vagues
et qui laissent le lecteur ou l’auditeur dans l’incerti-
tude sur la vraie nature des principes exposés, On ne
saurait, en conservant le plan d’un ouvrage d'ensei-
nement supérieur, faire un vrai livre élémentaire,
C’est Le plan qu'il faut d’abord mûrir, et c'est l’origina-
lité du plan qui fait l'originalité du livre de M, Brunhes,
le détail étant nécessairement bon.
Tout le monde sait à peu près comment est cons-
truite une pile électrique, quels effets se produisent
dans un fil métallique continu qui joint le charbon au
zinc, dans une solution métallique où plongent les
extrémités de ce fil coupé. Ces effets donnent la défi-
nition expérimentale du mot « courant électrique »;
les lois de Faraday précisées fournissent immédiate-
ment la définition de l'intensité de ce courant en am-
pères. La loi de Joule fournit la notion de résistance,
et permet la mesure de celle-ci en ohms; les applica-
tions numériques sont possibles dès les premières
pages. Les expériences de Pouillet, enfin, conduisent à
la notion de force électromotrice; on donne de suite
la description des voltmètres électrostatiques.
Ces trois notions fondamentales dans la pratique
électrique sont introduites, dès le début, avec toute la
précision nécessaire, sans passer par la voie détournée
des définitions électrostatiques, en faisant appel à des
notions déjà familières à tous. La suite du chapitre
premier est occupée par le développement de ces no-
tions.
Le Magnétisme forme le chapitre II. Après quelques
notions sur les forces newtoniennes, l’auteur arrive
rapidement aux propriétés des corps aimantés, à la
définition de l'intensité d’aimantation, avec exemples
détaillés, empruntés comme de juste à Ewing, puisque,
en baptisant du nom d’hystérésis le vieux phénomène
de l’aimantation résiduelle, et en faisant méthodique-
ment des cycles, comme Wiedeman — pour ne pas
remonter au delà — Ewing est devenu le père du ma-
gnétisme pour les industriels.
OErstedt, Biot, Savart, Laplace et Ampère ont con-
servé leurs droits sur l’électromagnétisme; ici, on doit
au génie d'Ampère cette rare bonne fortune que
l’ordre historique est aussi l’ordre logique; dn peut
simplifier, on ne saurait changer le mode d’exposition
des principes. La simplification, due essentiellement à
Maxwell, résulte de l'emploi systématique de la notion
du travail électromagnétique et à l'acceptation, sans
discussion déplacée dans un tel ouvrage, de l'identité
des champs magnétique et électromagnétique. Après
les électro-aimants, après la notion du prix du champ
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
magnétique, nous arrivons à l'induction magnétique
et au circuit magnétique.
M. Brunhes insiste autant qu'il est nécessaire sur la
conservation du flux d’induction, et sur l’utile emploi
de cette propriété pour le calcul rapide des électro-ai-
mants, toujours avec exemples numériques à l’appui.
C'est seulement à la fin du chapitre IV, Mesures
électriques, que se trouvent, à propos des condensa-
teurs, les notions très réduites d'Electrostatique qui
sont indispensables.
Le chapitre V traite de l’Induction, de la combi-
naison des courants périodiques, des pertes par hysté-
rèse, Dans le chapitre VI, Unités électriques, il ne
reste qu'à coordonner ce que l’on a appris peu à peu à
propos de chacun des phénomènes; peu de pages y
suffisent.
Nous voici aux deux tiers du livre; toutes les idées
fondamentales sont acquises: le lecteur arrive bien
préparé aux Principes d'Electrotechnique, chapitre VI,
qui débute par quelques très bonnes pages sur le rôle
industriel de l'Electricité. A signaler aussi les notions
sur la production du champ dans les dynamos, les ca-
ractéristiques d’'Hopkinson, et les propriétés générales
des moteurs à courant continu (sections 1I-VI), Le
chapitre se termine par une étude rapide des alterna-
teurs et des moteurs à courants périodiques ou poly-
phasés, et quelques mots sur l’éclairage électrique.
Enfin, dans un court appendice M. Brunhes donne
un apercu des conséquences du principe de Carnot,
appliqué aux piles électriques.
On peut voir, d'après cette rapide analyse, que ce
livre est bien fait pour les lecteurs auxquels il est
destiné. Il est nourri d'exemples numériques choisis
et complets, et, comme tel, il pourra être plus utile-
ment étudié que maint recueil de problèmes d’é-
lectricité. De telles publications, dont plusieurs jeunes
professeurs de nos facultés de province ont donné
l'exemple depuis quelques années, montrent bien
qu'une forte culture mathématique ne détruit pas né-
cessairement le sens de la logique expérimentale, et
que ce sont ceux qui connaissent le mieux le fond des
choses qui sont les plus capables d'adapter le plan
d'exposition à l'auditoire, et d'enseigner la même
science le mardi à l'Institut industriel tout autrement
et dans un tout autre esprit qu'ils n’ont fait le lundi à
la Faculté,
Bien que M. Brunhes, devenu chargé de cours à
Dijon, ne soit plus leur professeur, je ne doute pas
que les élèves de l’Institut industriel de Lille ne soient
fidèles à son enseignement et ne fassent à son livre le
succès qu'il mérite. Marcel BriLLOUIN.
Limb (Ciaudius), J'réparateur de Physique à la Faculté
des Sciences de Paris. — Essai sur la préparation
du Baryum métallique. — Thèse pour le Doctorat
de la Faculté des Sciences de Paris. — Gauthier- Villars
et fils, éditeurs. Paris, 1895.
A son important mémoire « Sur la mesure directe
des forces électromotrices en unités absolues électro-
magnétiques »!, qui constitue sa principale thèse,
M. Limb a joint un second travail d’électrochimie con-
tenant déjà des résultats fort intéressants et laissant
espérer plus encore pour l'avenir. L'auteur indique un
dispositif qui pourra, selon toute vraisemblance, servir
à préparer couramment le baryum métallique par
électrolyse du fluorure double de baryum et de so-
dium; il montre la production du baryum par électro-
lyse de l'hydrate de baryte en fusion, indique la pro-
duction d’un baryum pyrophorique se combinant
spontanément à l'azote de l'air, donne un mode de
préparation d’un alliage de zine et de baryum, et fait
nettement ressortir la propriété qu'ontles sels haloïdes
de baryum de se combiner avec leur propre métal.
Lucien Porxcar£.
1 La Revue donnera prochainement l'analyse détaillée da
cet important Mémoire,
2
È 8° Sciences naturelles.
“ Girard (Jules), Secrétaire-adjoint de la Société de
… Géographie. — La Géographie littorale. — 1 vol.
gr. in8° de 231 p. avec 81 fig. ou cartes. (Prix : 6 fr.)
…— Société d'éditions scientifiques, 4, rue Ant.-Dubois.
Paris, 1895.
Dans cet ouvrage, M. Jules Girard a tenté de faire la
- synthèse des observations relatives aux phénomènes
dont les rivages sont le théâtre : érosion, dépôt d’allu-
- vions, mouvements lents des côtes. Il commence par
étudier les mouvements des eaux de la mer : ras de
- marée, courants superficiels, propagation de la marée
- le long des côtes, courants de marée. Le second cha-
- pitre est consacré à l’érosion littorale. L'auteur donne
- des exemples de l'influence destructive exercée par
- les vagues et les courants d'une part, et de l’autre par
. les vents dominants; ilétudie ensuite les phénomènes
. d'érosion sur les falaises de la Manche et sur les côtes
- des Pays-Bas. Il traite dans les deux chapitres suivants
des formations littorales : bancs de sable, cordons
littoraux, flèches, dunes, îlots et récifs coralligènes.
Des considérations sur les deltas et sur les estuaires
des grands fleuves forment le sujet des chapitres Vet
NI. Enfin l'étude des variations du mouvement du sol
sur les côtes termine l'ouvrage. IL est illustré de
figures souvent heureusement choisies, Mais il ne con-
tient ni index, ni bibliographie générale.
Les personnes qu'intéresse la géographie physique
des côtes appartiennent à des professions très diverses.
C’est un domaine commun d’études pour les marinset
les géologues, les océanographes et les ingénieurs
hydrographes. Leurs observations sont dispersées dans
des documents très nombreux. En cherchant à les
rassembler, M. Girard s’obligeait à un labeur considé-
rable, Il a rendu vraiment service en présentant les
faits réunis sous une forme systématique.
Toutefois, nous nous permettrons quelques légères
critiques. D'une facon générale, les références ne sont
pas données avec assez de soin. Les ouvrages en langue
allemande, défigurés par des barbarismes, sont souvent
méconnaissables. Nous avons contracté maintenant de
telles habitudes de précision, qu'en cette malière le
laisser-aller n’est plus permis.
On s'étonne de lire (p. 29) la phrase suivante
« Adam de Brême rapporte qu'au xvu* siècle on y
faisait des récoltes » (dans l’île d'Héligoland), puisque
Adam de Brême, auteur d’un Traité sur la Géographie
du Danemark, a vécu au xi° siècle et non au xvire,
Malgré de petites négligences, l'ouvrage de M. Girard
estutile et, en bien des points, intéressant, Et puis on
publie en France si peu de travaux de Géographie gé-
nérale que les essais däns le genre du sien sont dignes
d'encouragement,
Henri JJEHÉRAIN.
De Villars (E.), Surveillant à l'Ecole Nationale Supé-
rieure des Mines. — Statistique générale des ri-
chesses minérales et métallurgiques de la France
et des principaux Etats de l'Europe. — 1 vol.
in-4° de 250 p. (Prix : relié, 15 fr.) Vue Ch. Dunod et
P. Vicq, éditeurs. Paris, 1895. 6
M. de Villars a entrepris la tâche ingrate de rassem-
bler et de classer méthodiquement une foule de ren-
seignements sur les principales mines et usines mélal-
lurgiques d'Europe. Il a ainsi produit un travail qui
sera fort utile à beaucoup de personnes par le nombre
d'indications qu'il contient tant au point de vue tech-
nique qu’au point de vue économique.
Cet ouvrage donne pour chaque mine l'indication
des minerais, la superficie, la production, le nombre
d'ouvriers employés, la situation financière; pour les
usines mélallurgiques, les produits usuels, les princi-
paux appareils de fabrication et de travail, le nombre
d'ouvriers, etc.
Un grand nombre de tableaux comparatifs complè-
tent cette utile compilation G. C.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 949
Caullery (Maurice), Agrégé-préparateur à l'Ecole
Normale Supérieure. — Contribution à l'étude des
Ascidies composées. (Thèse pour le Doctorat de ln
Faculté des Sciences de Paris.) — Un vol. in-8° de
158 pages, avec T planches hors texte. (Bulletin Seienti-
fique de la France et de la Belgique, tome XXVII.) Im-
prüimerie L. Danel, Lille, 1895.
M. Caullery s’est proposé l'étude de quelques points
négligés de la biologie et de la morphologie des Asci-
dies composées ; dans une première partie, il examine
le phénomène de 1 hivernage et un certain nombre de
cas d'histolyse; dans une seconde partie, il compare
la régénération et le bourgeonnement chez les diverses
Synascidies, ce qui le conduit à des conclusions inté-
ressantes au point de vue général sur la spécificité des
feuillets embryonnaires.
Pendant l'hiver, l'aspect général des colonies change
souvent beaucoup; parfois la génération estivale dispa-
raîit complètement (Cücinalium) ; le bourgeonnement
est moins intense et le développement des organes
génitaux s'arrête. Mais les modifications que l'on re-
marque à cette saison ne sont pas bien profondes en
somme, et sont dues vraisemblablement à la vieillesse
des individus après la reproduction sexuée; ceux-ci
meurent et tombent en histolyse dès le mois de sep-
tembre; l'hiver survient alors, qui retarde la croissance
des bourgeons de remplacement, d'où l'aspect si partli-
culier des colonies.
Les Ascidies présentent de nombreux exemp'es
d’histolyse, organes génitaux après la saison de ponte,
vieux individus de la colonie au début de lhiver-
nage, etc. ; M. Caullery a examiné #n détail le pro-
cessus histologique de ce phénomène dans l’un et
l’autre cas, En règle générale, il semble que l’histo-
lyse commence par une dissociation des éléments
anatomiques; ces éléments, mis en liberté, dégénèrent
en se réunissant secondairement par paquets, leurs
noyaux subissant le processus régressif de la chroma-
tolyse; enfin la phagocytose survient par l'immigration
de nombreuses cellules mésenchymateuses, qui en-
tourent et font disparaitre les éléments préalablement
histolysés.
Le travail de M. Caullery apporte surtout une con-
tribution de valeur à une question très controversée,
celle du bourgeonnement : on sait qu'un bourgeon
d’Ascidie est constitué à l'origine par une vésicule
creuse, dont la paroi externe est constituée par l’ecto-
derme du parent, la paroi interne par un autre épithé-
lium, et la région moyenne par du mésenchyme inler-
calé. Les divers modes de bourgeonnement peuvent se
grouper en trois catégories : 1° les bourgeons appa-
raissent sur la paroi extérieure de la cavité péribran-
chiale (Botrylles); 2° ils se forment sur des stolons
(Claveline); 3° chaque bourgeon se constitue par deux
ébauches distinctes, au-dessous de la branchie (Diplo-
somiens). Non seulement ces bourgeons, dont l'état
ultime est identique, se forment dans des régions dif-
férentes, mais ces régions elles-mêmes sont constituées
par des feuillets différents : chez les Botrylles, par
exemple, l’épithélium interne du bourgeon est le revè-
tement de la cavité péribranchiale, et par conséquent
de valeur ectodermique (ce point a élé mis en doute
par Pizon, mais Caullery confirme les données anté-
rieures); chez les autres Synascidies, cet épithélium
interne provient de l'organe appelé épicarde, qui n’est
qu'une partie de l’endoderme de la larve séparé de la
cavité branchiale, Or, dans les deux cas, cetépithélium
interne, de valeur ectodermique chez les Botrylles,
endodermique chez les autres, donne naissance à des
organes homologues : tube digestif, cavité péribran-
chiale, etc.
De plus, il ressort également de ces faits qu’un même
organe, considéré chez l'oozoiïte né du développement
de la larve, et chez le bourgeon, peut avoir une ori-
gine toute différente : ainsi, chez les oozoïtes, la cavité
péribranchiale est toujours formée par une invagina-
4».
950
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
tion de l’ectoderme : chez les bourgsons (sauf Bo-
trylles), elle est formée par des diverticules endoder-
miques. Le ganglion nerveux, le pavillon vibratile et
la glande hypoganglionnaire des oozoïtes sont un
complexe dérivant d'une unique ébauche ectoder-
mique : chez les bourgeons (sauf Botrylles), ce com-
plexe est d’origine endodermique comme la cavité
péribranchiale.
Il en résulte que la notion des feuillets embryon-
naires, si utileet si vraie en embryologie, ne peut être
appliquée à la blastogénèse; n'importe quel feuillet
peut donner naissance à n'importe quel organe. La
blastogénèse est un phénomène essentiellement secon-
daire, épigénétique, dû à l'existence d'un tissu proli-
féraleur ayant réacquis la plasticité embryonnaire, et
devant, quelle que soit son origine, régénérer des or-
ganes identiques à ceux du parent, Chez les Aplidiens
et Didemniens, le tissu proliférateur est l’épicarde,
dont le plan de symétrie est celui de lindividu pro-
géniteur, et il intervient aussi bien dans la régéné-
ration d’un Circinalun coupé qu2 dans le bourgeon-
nement proprement dit,ce qui montre lesliens étroits
qui existent entre les deux processus ; chez les Bo-
trylles, la zone de prolifération est le pourtour de la
cavité péribranchiale, et les bourgeons n’ont aucune
relation avec le plan de symétrie de l'individu progé-
niteur. L. Cuéxor.
4° Sciences médicales.
Garnier (D' L.), Professeur à la Faculté de Méde-
cine de Nancy. —Chimie médicale.Corps minéraux,
Corps organiques. (Manuel de l'Etudiant en médecine.)
— 1vol. petit in-8° de 500 pages. Rueff et Cie, éditeurs,
106, boulevard Saint-Germain, Paris, 1895.
Voici un petit livre qui, sous un faible volume, con-
tient, fort bien présenté, un résumé général de l'étude
des principaux corps de la Chimie minérale et de la
Chimie organique considérés au point du vue médical.
L'ouvrage se divise naturellement en deux grandes
parties : substances minérales et organiques. La pre-
mière partie, après un exposé succinct des bases de la
théorie atomique, aborde la description des métalloides
et métaux et de leurs principaux composés, et, comme
applications, donne l’examen des eaux et de l'air.
Après un chapitre de généralilés, la Chimie organi-
que indique les propriétés des substances de la série
grasse et de la série aromatique et étudie à part, d’une
facon assez détaillée, les alcaloïdes végétaux etles ma-
tières albuminoïdes qui présentent en médecine un
grand intérêt,
Comme le fait remarquer l’auteur dans sa préface, cet
ouvrage pourra rendre d'autant plus de services aux
étudiants auxquels il est destiné que lenseignement
préparatoire des sciences, qu'ils devront suivre d’après
les nouveaux programmes, permettra d'étendre dans
les Facultés de Médecine les études de Chimie biologi-
que; ces dernières études exigeront la connaissance
d'éléments spéciaux que l’on trouvera exposés dans le
livre de M. Garnier.
Tout en louantcomme il le mérite l'ouvrage quenous
présentons, nous devons dire qu'il renferme quelques
inexacliludes: pourquoi notamment avoir fait figurer
l'arabinose dans les sucres en C6 quand il est établi
depuis longtemps qu’elle est en C5? Cette légère cri-
tique sera d’ailleurs facile à éviter dans une prochaine
édition qui, en raison de la valeur de l'ouvrage, ne se
feracerltainement pas attendre. A. Hégerr.
ay (D' H.). — La Syphilis des centres nerveux.
1 vol, petit in-8° de 204 payes de l'Encyclopédie scien-
tifique des Aide-Mémoire, publite sous la direction de
M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr, 50 ;
cartonné, 3 francs.) Gauthier- Villars et G. Masson, édi-
Leurs, Puris, 1895.
Les études personnelles antérieures de l’auteur, les
recherches approfondies auxquelles il s’est livré sur
l'anatomie pathologique du système nerveux donnent
au livre de M. Lamy sur la syphilis des centres nerveux
un intérêt particulier, Il a exposé dans ce volume l’é-
tat actuel de nos connaissances sur les manifestations
précoces ou lointaines de la syphilis cerébro-spinale.
Un historique rapide montre les progrès successifs
de la science : la notion de la syphilis nerveuse pres-
sentie par les Anciens, démontrée par l’histologie pa-
thologique ; les artérites cérébrales prouvées, enfin et
plus recemment, la syphilis médullaire. M. Lamy dé-
crit ensuite les caractères des lésions syphilitiques
nerveuses, l’infiltration embryonnaire autour des capil-
laires sanguins, l’évolution sclérogène des lésions ou
leur fonte granulo-graisseuse, la possibilité d'aboutir
à une cicatrisation ou à la formation d’un foyer ca-
séeux enkysté et, dans l’un cet l’autre cas, à une lésion
fike, non progressive, s’alliant avec la guérison. Après
ces considérations générales qui dominent tout len-
semble de la question, M. Lamy étudie la syphilis céré-
brale, puis, en une partie distincte, lasyphillis médul-
laire ; il examine les diverses lésions anatomiques
qu'elles provoquent, lésions des enveloppes, des vais-
seaux, de la substance nerveuse, des nerfs qui en
partent; il décrit avec méthode les symptômes si va-
riés qui les accompagnent, les groupe en formes cli-
niques et en établit le diagnostic. Un chapitre termi-
nal traite des moyens thérapeutiques à employer pour
combattre ces manifestations nerveuses de la syphilis;
les détails du traitement spécifique y sont exposés
avec les moyens généraux et adjuvants.
Ge livre où l'anatomie pathologique et la clinique
sont menées dans un parallélisme constant et se
prêtent l'appui le plus logique, trouvera auprès du
public médical l'accueil favorable dù à son mérite.
D' A. LÉTIENNE.
Reclus (Paul), Professeur agrègé de la Faculté de Mé-
decine de Paris, Chirurgien de l'Hôpital de la Pitié. —
La cocaïne en chirurgie. — 1 vol. petit in-8° de
192 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mé-
more, publiée sous la direction de M. H. Léauté, de
Pinstitut. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.)
Gauthier- Villars et G. Masson, éditeurs, Paris, 1895.
M. P. Reclus a repris dans ce petit volume l'apologie
de l’analgésie locale par la cocaïne. Il a tena à préci-
ser, encore une fois, son manuel opératoire et les in-
dications de sa méthode. Il a plaidé avec son talent
prestigieux la cause de la cocaïne, dont lapplication
reste, bien malgré lui, limitée aux interventions dites de
petite chirurgie, et aux opérations ophthalmologiques.
Et cependant,si d’aucuns peuvent encore être gagnés à
la thèse de M. Reclus, ils le seront assurément par cet
Aide-Mémoire, reflet d'une conviction sincère et écrit
dans une forme aussi élégante que châtiée.
D' Gabriel MAURANGE.
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres el aes Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans ie texte et planches en cou-
leurs. 535° livraison. (Priæ de chaque livraison, 1 fr.)
H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes.
La 535° livraison contient d’intéressantes monogra-
phies des départements de la Loire, de la Haute-Loire et
de la Loire-Inférieure, par M. A. M. Berthelot.
Beauregard (H.), Assistant au Muséum. — Nos
Bêtes, Animaux utiles et nuisibles. — Ouvrage
paraissant en livraisons les 5 et 20 de chaque mois.
Chaque livraison contenant 8 pages de texte el une
planche en couleurs, est vendue 90 centimes. A. Colin,
éditeur, 5, rue de Mézières, Paris, 1895.
La livraison 13 renferme, sous la dénomination d’a-
nimaux producteurs, ta description de l'abeille (miel)
et celle du bombyx du mürier (ver à soie).
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 951
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 23 Septembre 1895.
M. le Secrétaire perpétuel signale, parmi les pièces
imprimées de la correspondance, une brochure inti-
_tulée: Les limites actuelles de notre science, discours pro-
noncé par le Marquis de Salisbury,traduit par M. W.
de Fonvielle.
1° SciENCES PHYSIQUES. — M. Henri Moissan présente
un échantillon de carbone noir rencontré dans les ter-
rains diamantifères qui se trouvent entre la rivière « Rio
de Rancardor » et Le ruisseau « das Bicas» dans la pro-
. vince de Bahia, au Brésil. Cet échantillon, qui pèse
630 grammes, est le plus gros échantillon de carbone
trouvé jusqu'ici. — MM. A. B. Griffiths et C. Platt
ont déterminé la composition chimique du pigment
violet de la Méduse; les résultats de l’analyse corres-
pondant à la formule C2H17Az07, Les solutions ne
donnent pas de bandes caractéristiques d'absorption,
C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. Lépine montre
lexistence de la glycosurie phlorizique chez les chiens
ayant subi la section de la moelle; ainsi, ayant coupé la
moelle à différentes hauteurs, l’auteur injecte aux
animaux une solution alcaline de phlorizine. Quatre
heures après, la glycosurie se produit ; elle ne diffère
pas de celle observée chez les chiens sainsaprès l’ad-
ministration de la phlorizine. J. MARTIN.
Séance du 30 Septembre 1895.
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture d’une
lettre de M. J.-B. Pasteur, qui annonce la mort de son
père Louis Pasteur, décédé à Villeneuve-l’Etang
(Garches), le 28 septembre 1895. — M. A. Cornu, pré-
sident, se fait l'interprète des sentiments de l’Acadé-
mie et lève la séance en signe de deuil. — M. le Se-
crétaire perpétuel donne lecture des télégrammes
- adressés à l’occasion de la mort de Pasteur.
1° ScrENCES PHYSIQUES. — M. le Secrétaire perpétuel
signale parmi les pièces imprimées de la correspon-
dance une « Etude sur la théorie mécanique de la cha-
leur » par M. Ch. Brun. — M. d'Abbadie transmet
certaines informations d’aprèslesquelles le Fr'amaurait
été apercu par des Esquimaux sous 65°45° de latitude,
Le Fram est le navire où s’est embarqué, il y a deux
ans, M. Nansen pour atteindre le pôle Nord. — M. G.
van der Mensbrugghe, ense fondant sur l’évaporation
spontanée des liquides, établit que toutes les théories
capillaires de Laplace de Gauss, de Poisson, de Neu-
mann, de Mathieu, de Van der Wals, etc., sont en dé-
saccord complet avec l'expérience ; il insiste sur l’im-
prudence des auteurs de ces théories qui ont négligé
de tenir compte dans leurs calculs des propriétés phy-
siques les plus élémentaires des liquides.— M. Camille
Faure signale un nouvel engrais azolé, le cyanate de
calcium, susceptible de remplacer avantageusement le
nitrate de soude. On soumet à l'arc électrique un
mélange de calcaire et de charbon en présence d’azote,
on termine par une oxydation avec le secours de Pair.
—M. P. Jourdain adresse quelques réflexions à propos
du discours de lord Salisbury sur les limites actuelles
de notre science. —M. Emile Blanchard faitquelques
remarques au sujet du même discours. Il insiste sur
l'impossibilité, dans l'état actuel de la science, de
concevoir une explication sur l’origine des êtres, et sur
la possibilité de pouvoir espérer distinguer entre le
transformisme et la fixité des espèces. Jusqu'ici aucune
expérience ne permet de conclure au transformisme.
— M. T. Klobb, par l’action de la potasse sur le phé-
nacylcyanacétate d’éthyle, isole l'acide correspondant,
lequel se décompose en présence d’un grand excès de
potasse en acide phénacylacétique et ammoniaque. —
M. A. Behal étudie la constitution des acides produits
dans l'oxydation de l'acide campholénique inactif. L’a-
cide CSHi00i est l’acide diméthylsuccinique dissymé-
trique (diméthyl — 2,2 — butanedioïque); l'acide
C'H!°0' est l’un des deux acides diméthylglutariques ;
des expériences sont en cours pour fixer quelest celui
de ces deux acides. — M. A. Poincaré communique un
ensemble d'observations relatives à des effets des ré-
volutions synodique et anomalistique de la lune sur la
distribution des pressions dans la saison de printemps.
— MM. G. Hermiteet Besançon donnent des détails
sur une double ascension nocturne, exécutée le 4 sep-
tembre. L'existence des deux courants aériens super-
posés et de sens inverse ont permis aux aérostats de
marcher volontairement dans des directions opposées
et de revenir au point de départ. G. MATIGNON.
20 SCIENCES NATURELLES. — M. R. Lépine fournit les
résultats qu'il a observés sur la glycosurie consécutive
à l’ablation du pancréas spécialement dans les trente
premières heures à partir de l'opération. Sur quatre-
vingts expériences, laglycosurie débute, chez la moitié
des chiens opéréset soumis à l'inanition absoïue, dans
les cinq premières et, chez les trois quarts, avant la
neuvième heure. Dans la grande majorité des cas, la
glycosurie acquiert rapidement une grande intensité.
Enfin, le rapport du sucre à l’azote de l'urine a été
étudié. Si on représente par { la quantité d'azote par
litre, on trouve, au moment du maximum de la glyco-
surie, entre 5, 7 el3, { (moyenne 3,8) de sucre par
litre chez les chiens antérieurement bien nourris, et
entre 4, 3 et 1, 5 (moyenne 3,2) de sucre chez les chiens
antérieurement mal nourris. À partir du moment où
décroit la glycosurie, le chiffre du rapport du sucre à
l'azote diminue dans tous les cas où il était supérieur
à 2,8, c’est-à-dire chez presque tous les animaux.
J. MARTIN.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 24 Septembre 1895.
M. Henrot, s’inquiétant des ravages causés par le
paludisme parmi les troupes françaises envoyées à
Madagascar, pensant, d'autre part, que la principale
cause de lamaladie est la pénétration des hématozoaires
par les voies respiratoires, propose l'adoption, par les
troupes, d’un masque respirateur en toile métallique,
doublé de coton qui arrête les éléments figurés du
paludisme. Une discussion générale s'engage, à ce
sujet, sur la prophylaxie du paludisme. On objecte à
M. Henrot la gène causée par son masque, qui souvent
le fera abandonner par les soldats. En outre, il est fort
probable que le paludisme se répand non moins par
l’eau que par l'air, Dans ce cas, le masque n’est d’au-
cun secours.
Séance du 1°" Octobre 1895.
M. le Dr Mignot envoie une note sur l’état sanitaire
à la campagne pendant les grandes chaleurs de l'été
de 1893. — Le Présidentannonce à l’Académie le décès
de M. L. Pasteur, associé libre. La séance est levée
en signe de deuil.
Séance du 8 Octobre 1895.
Le président annonce à l'Académie la perte qu’elle
vient de faire en la personne de M. le baron Lar-
rey, associé libre. La séance est levée en signe de
deuil.
14
32 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
J. Norman Lockyer,F. R.S.: Sur lenouveau
gaz extrait de l’uraninite.— Le 28 mars, le professeur
Ramsay eut la bonté de m'envoyer un tube rempli d'un
uaz qu'il avait extrait de l’uraninite (cléveile); ce gaz
présentait une raie dans le jaune qui se trouve être
identique à la ligne D, que j'avais découverte en 1868.
Le Dr Franklandet,quelquetempsaprès,moi-même,nous
émimes l'opinion que celte raie pouvait être une raie
de l'hydrogène, invisible dans les expériences de labo-
ratoire ; mais l'étude du soleil prouvera par la suite que
cette idée n'était pas soutenable, bien que le gaz qui
donne naissance à la raie fût certainement associé
à l'hydrogène. Par la suite on à observé des raies de
la chromosphère qui varient avec la raie jaune et le
gaz hypothétique qui leur donne naissance à recu
provisoirement le nom d'hélium, pour le distinguer de
l'hydrogène. Il était donc d'un grand intérèt pour moi
d'établir si le nouveau gaz était véritablement celui
qui cause le phénomène solaire en question; et je
m'empressai d'adresser mes plus vifs remerciements au
professeur Ramsay pour l'envoi du tube qui devait
me permettre de me faire une opinion sur ce sujet.
Malheureusement, on s’en était servi avant de me
l'adresser, et le verre était tellement noirci que la
lumière était invisible dans un spectroscope de dis-
persion suffisante pour trancher la question. Le29 mars
donc, le professeur Ramsay étant à létranger, je
résolus, pour ne point perdre de temps, de chercher
si le gaz qui avait été obtenu par des procédés chimi-
ques, se produisait en chauffant dans le vide, suivant
la méthode indiquée par moi à la Société en 1889, et
M. L. Fletcher eut la bonté de me donner quelques
parcelles d’uraninite (brogzérite) pour me permettre
de faire l'expérience. Je la fis te 30 mars et elle réussit;
le gaz qui donnait la ligne jaune se produisit associé
à une notable proportion d'hydrogène. ai obtenu
depuis des photographies de spectres du gaz obtenu,
tant avec des tubes à vide, soumis à l’action de la
trompe de Sprengel, qu'à la pression atmosphérique sur
le mercure. Aujourd'hui je me bornerai à présenter
deux de ces photographies. L'une d'elles contient une
série de spectres fins pendant que la pompe fonction-
nait, Les deux spectres inférieurs révèlent l'introduc-
tion de l'air par une fuite due à un éclat du tube capil-
laire au voisinage d’une des armatures de platine ; on
y voit sur la même plate le spectre de bandes et le
spectre de raies de l'air, Ceci prouve qu'il n'y’avait
pas d'air dans le tube quand on à pris le quatrième
spectre, Cette photographie n’a pas encore été étudiée
complètement, mais un examen préliminaire à prouvé
que la plupart des raies sont dues au spectre de l'hydro-
gène, mais qu'elles n’en font pas toutes partie. Parmi
Jes raies auxquelles on ne peut attribuer cette origine,
il y a deux voisines respectivement de À 4471 et de
4302, qui ont été observées dans la choromosphère ;
44714 est aussi importante que D? elle-même au point
de vue théorique, pour l'étude de la physique solaire.
Pendant qu’on photographiait le spectre n° 4, on fai-
sait des observations dans un autre spectroscope dirigé
Jatéralement. Je donne, d’après mon carnet de labora-
toire, les observations que j'ai faites pendant que je
faisais la photographie n° 4, pour montrer que la
liyne jaune a été visible pendant toute la durée de la
pose.
JEUDI 4 AVRIL 1895, PLAQUE F, POSE #.
10 minules de pose
4.42 Commencement de la pose
4.43 La raie jaune prend un éclat considérable.
,.44 Subitement aussi brillante que celle de l'hydrogène.
4.45 Raie jaune double.
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
4.46 La comparaison avec D donne pour la raie jaune la
position de D3.
4.41 Pompe beaucoup moins pleine, J. c. c. de gaz
recueillis. Raie jaune beaucoup plus brillante.
4.48 On met un interrupteur. Raie encore visible, maïs
très faible. Les raies de l'hydrogène prennent de
l'éclat et quelques raies doubles apparaissent dans
le vert.
448,5 On enlève l'interrupteur et la bouteille de Leyde.
On ne voit plus que la raie jaune, qui est aussi.
brillante que C. Une raie dans le vert est la seule
_ autre visible.
On remet la boutcille. Raie jaune brillante, les
autres raies plus réfrangibles, également brillantes.
.52 Trés brillante. Sommet du tube presque rempli de
gaz.
4.50
S
Voici les raies qui apparaissent à la fois dans les
photographies du tube capillaire et dans celles du
gaz recueilli sur le mercure. Les raies notées d’un
astérisque sont voisines des raies observées dans la
chromosphère par M. Young et moi-même et photo-
graphiées pendant l'éclipse de 1893 :
LONGUEUR D'ONDE
(ROWLAND)
DIVISION DU
MICROMÈTRE
.493
Pot Uyi
.981
:23%
.316
.146
.140
.S84
.933
.139
.176
.262
.290
G OO Où 0x 0 Ur + O9 C0 NO 19 IS
En ce qui concerne les observations dans le spectre
visible, je n'ai pas trouvé que le gaz de l’uraninite pro-
duisit les raies de l'argon, telles que les a données
M. Crookes; pas plus qu’à l'exception de la raie jaune,
je n’ai obtenu des raies spéciales qu'il a notées dans
le gaz. (Quatre d’entre elles, sur dix, me semblent
pouvoir être dues à l'hydrogène.) Mais j'obtiens réelle-
ment des lignes presque en coïncidence avec les lignes
de la chromosphère que j'ai découvertes en 1868. Le
6 novembre de cette année, j'ai soupçonné l'existence
d'une raie plus réfrangible que C, et assez voisine
-d’elle pour qu'elles semblassent former un couple
quand elles apparaissent loutes les deux avec éclat,
comme D dans un spectroscope du pouvoir dispersif
moyen. Plus tard, j'ai découvert une autre ligne à
6678,3 (R.) qui se montre variable en même temps
que D. Il y a une ligne en cet endroit, avec la disper-
sion employée dans le spectre du nouveau ga. Cette
ligne a été également vue par Thulin, comme l’a indi-
qué le professeur Clève dans une communication à
l'Académie des Sciences de Paris (C. R. 16 avril, p. 835);
mais je n'ai pas observé les autres raies qu'il a don-
nées (sauf peut-être celle de 5016). Bien que je n’aie pu
actuellement faire des comparaisons définitives avec
les raies de la chromosphère, les mêmes fournies jus-
qu'ici donnent certainement un grand poids à la con-
clusion que le nouveau gaz donne réellement quelques-
unes d’entre elles, et les photographies font penser
que les raies de l'hydrosène constituent les autres. Je
puis indiquer sous réserves que j'ai déjà obtenu la
preuve que la méthode indiquée par moi peut finale-
ment nous fournir d'autres gaz nouveaux dont les raies
sont également associées à celle de la chromosphère.
MM. Fowler, Baxandell, Shockleton et Buttler m'ont
aidé dans diverses parties de ces recherches.
Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER
in Premiere P. Lerés rte CPS EN ee
ge ANNÉE
N° 21
15 NOVEMBRE 1895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
LA DÉROUTE DE L’ATOMISME CONTEMPORAIN
De tout temps on s’est plaint d’être si peu d’ac-
cord sur les questions fondamentales qui intéres-
sent le plus l'humanité. C’est de nos jours seule-
ment que ces plaintes se sont tues : en fait, chose
rare à toute autre époque, il règne aujourd’hui, à
part quelques divergences encore, un accord
presque complet en ce qui concerne la conception
du monde extérieur. Notre siècle est le siècle du
naturalisme. Interrogez le premier venu, pénétré
des idées naturalistes, depuis le mathémalicien
jusqu'au médecin praticien; demandez-lui son
avis sur la constitution intime du Monde. La
réponse sera invariablement la même : « Toutes
choses sont formées d’atomes en mouvement; ces
atomes et les forces qui agissent entre eux sont les
dernières réalités dont se composent les phéno-
mènes particuliers. » Partout on répèle, en ma-
nière d’axiome, que seule la Mécanique des
atomes peut donner la clef du monde physique.
Matière et mouvement, tels sont les deux concepts
auxquels on ramène en dernière analyse les phé-
nomènes naturels les plus complexes. A celte théo-
rie, on peut donner le nom de #altérialisme physique \.
Je veux exprimer ici ma conviction que cette
manière de voir, malgré tout son crédit, est insou-
tenable; que cette théorie mécanique n'a pas
1 Remarquons que ce « matérialisme physique » ne doit
pas être confondu avec le matérialisme philosophique. Il
s'agit exclusivement ici de phénomènes d'ordre physique,
de la conception atomique de la matière; toute considération
psychologique ou métaphysique se trouve hors de cause,
ainsi que l’auteur lui-même prend soin de l'indiquer plus
loin, (Note de la Direclion.)
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
atteint son but, car elle se trouve en contradiction
avec des vérités tout à fait hors de doute et univer-
sellement acceptées. La conclusion s'impose : il faut
l'abandonner et la remplacer, autant que faire se
peut, par une autre meilleure. On se demandera
naturellement : En existe-t-ilune meilleure ?A cette
question, je crois pouvoir répondre par l'affirma-
live. Ma lâche se divisera donc en deux parties,
suivant la règle : démolir d’abord, reconstruire
ensuile. Iei encore, la première lâche est plus aisée
que la seconde. La théorie mécanique est insufti-
sante, il est facile de le démontrer : la nouvelle
théorie, à laquelle je donnerai le nom de théorie
énergétique, est-elle suffisante? Il est plus difficile
de le prouver. Cependant, disons-le tout de suite,
cette dernière a trouvé déjà l’occasion de se véri-
fier dans le domaine des sciences expérimentales,
le plus favorable à un examen impartial. Sans éta-
biir l'entière exaclilude de la nouvelle conception,
celte épreuve suffit, au moins, pour lui conquérir
droit de cité.
Il ne me parait pas superflu d'insister sur un
point : c'est que, dans ma pensée, il s'agit unique-
ment ici d'une queslion de science positive. Je
déclare expressément faire abstraction complète
de toutes les conclusions qu'on pourra tirer de ce
chef, concernant les questions morales ou reli-
gieuses. Non pas que je méconnaisse la valeur de
pareilles conclusions : mais le résultat auquel je
veux parvenir est indépendant de telles considéra-
tions et repose exclusivement sur le terrain des
sciences exactes.
21
954
I
Tous les phénomènes du monde réel, en dépit
de leur infinie variété, ne sont que des cas parti-
culiers et bien définis de toutes les possibilités que
nous pouvons concevoir. Distinguer, parmi les cas
possibles, les cas réels, telle est la signification des
lois naturelles. Toutes se ramênent à la même
forme : trouver un #variant, c'est-à-dire une gran-
deur qui demeure invariable quand toutes les
autres varient entre les limites possibles, limites
assignées par la loi même. L'histoire de la science
nous montre le développement des grandes idées
scientifiques toujours lié à la découverte et à la
mise en œuvre de tels invariants: ce sont les
pierres milliaires de la voie qu'ont parcourue les
connaissances humaines.
La musse est un de ces invariants d'une signifi-
cation générale. La masse nous donne les cons-
tantes des lois astronomiques; mais nous la trou-
vons aussi constante dans les transformations
chimiques les plus profondes que nous puissions
faire subir aux corps du monde extérieur. Par
conséquent, celle notion nous apparait comme
très propre à devenir le pivot des lois naturelles.
A la vérité, elle s’est trouvée trop pauvre par elle-
même, pour servir à la représentation de Lous les
phénomènes, et il a fallu élargir la conception pre-
mière : on a donc confondu avec cette notion pure-
ment mécanique toute la série des propriélés qui,
d'après l'expérience, sont proportionnelles à la
masse. Ainsi prit naissance l’idée de matière, sous
laquelle on comprend en bloc tout ce qui, pour nos
sens, est lié indissolublement à la masse, comme
le poids, le volume, les propriétés chimiques; la
loi physique, conservation de la masse, à ainsi
dégénéré en un axiome mélaphysique: la conser-
valion de la matière.
Cette extension, il est important de le remar-
quer, a introduit une foule d'éléments hypothéli-
ques dans une conceplion qui, primitivement, ne
renfermail pas trace d'hypothèse. En particulier,
sous l'empire de celle théorie, on admit, conirai-
rement à toute évidence, que la matière, subissant
une réaction chimique, ne disparait pas pour faire
place à une autre, douée de propriétés différentes.
Bien plus, cette façon de voir contraignait à
admettre que, dans l'oxyde de fer, par exemple, le
fer et l'oxygène existent encore, quoique loutes
leurs propriétés organoleptiques aient disparu : ils
ont seulement acquis des propriétés nouvelles. I]
nous est aujourd'hui difficile de sentir l’étrangeté,
l'absurdité même d'une pareille conception, telle-
ment nous y sommes accoutumés. Réfléchissons un
peu cependant: tout ce que nous pouvons Connaitre
d'une substance définie, ce sont ses propriétés;
W. OSTWALD — LA DÉROUTE DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN
n'est-ce donc pas un non-sens, ou peu s’en faut, de
prétendre qu'une substance définie existe encore,
sans plus posséder aucune de ses propriétés? En
fait, cette hypothèse de pure forme n’a qu’un bul:
mettre d'accord les faits généraux de la Chimie, en
particulier les lois de Ja Stœchiométrie, avec la
notion, toul à fait arbitraire, d’une matière inalté-
rable en soi.
Mais, en dépit de cette conception élargie de la
malière, en dépit des hypothèses accessoires qui
s'y grefflent forcément, il est impossible de résu-.
mer sous celle idée l’ensemble des.phénomènes,
même en se bornant à la nature inorganisée. On se
figure, en effet, la malière comme quelque chose
d'inerle, d'invariable en soi, landis que l'Univers
va sans cesse se modifiant. 11 faut donc compléter
cette idée par une autre qui exprime celle conli-
nuelle évolution, et est complètement indépen-
dante de la première. Cette idée est celle de la
force, due à Galilée, le créateur de la Physique
scientifique. Dans les phénomènes variables de la
chute, libre ou non, Galilée découvrit un énvariant de
la plus haute importance : la pesanteur, force cons-
tante, dont les effets, sans cesse se répélant el s’a-
joutant, suffisent à expliquer tous ces phénomènes.
Cette conceptionavailune énorme portée,etNewton
le fit bien voir quand il conquit à la science tout
l'Univers étoilé par celte idée que la même force
agil entre les corps célestes, mais varie stivant une
Jonction de la distance. Ce succès fil naître la convic-
tion qu'à l'exemple des phénomènes astrono-
miques, tous les phénomènes physiques s'expli-
queraient par ce moyen. La confiance dans la
fécondité de la théorie newtonienne s’accrul en-
core beaucoup au début de notre siècle. À cette
époque, une pléiade d’astronomes éminents, fran-
çais pour la plupart, démontrèrent que la loi de la
gravilalion universelle explique les mouvements
des corps célestes, non pas seulement dans leurs
grands traits, mais que, si l'on y regarde de plus
près, elle rend aussi compte, avec la même sûreté
et la même précision, des perturbations ou petits
écarts par lesquels les mouvements réels s'éloignent
des formes canoniques. Soumettre les atomes aux
lois du mouvement démontrées pour les corps cé-
lestes, telle fut l'idée-mère de la théorie mécanique
de l'Univers. Vérifiées dans le monde inorganique,
ces lois devaient être étendues logiquement à la
nature vivante. Cetle conception a recu sa forme
classique dans l’idée de la «formule universelle» due
à Laplace. De ceite formule pouvait se déduire,
conformément aux lois mécaniques et par une
analyse rigoureuse, tout phénomène passé ou futur.
Sans doute cette Läche exigerait un esprit bien su-
périeur à l'esprit humain, mais qui néanmoins n'en
différerait pas essentiellement.
ss. mt tie tit
Le de. Le
p
W. OSTWALD — LA DÉROUTE
D'ordinaire, on ne prend pas garde à quel point
cette manière de voir, si répandue, est tout hypo-
thétique, toute métaphysique. Nous sommes ac-
coutumés à la considérer comme le dernier mot de
l'exactitude. Il faudrait, au contraire, rappeler avec
. insistance qu'une conséquence immédiate de cette
théorie n’a jamais pu être vérifiée, même dans un
- cas particulier, par exemple, cette conséquence que
:
les phénomènes de la chaleur, du rayonnement,
de l'électricité, du magnétisme, de la chimie, sont,
_ en réalité, de nalure mécanique, malgré les appa-
rences. Or, pareille vérificalion ne s'est jamais
faite. Chaque fois qu'on a cherché une représenta-
tion mécanique de ces phénomènes, chaque fois,
sans exception, on est venu se heurter à une con-
tradiction inévitable entre les faits constatés par
l'expérience et les faits prévus par la théorie. Cette
contradiction peutrester cachée plus ou moins long-
temps; mais, Lôt ou tard, elle éclate au grand jour,
et de la théorie il ne reste que les morceaux; on
peut prédire sûrement le même sort à tous ces
symboles ou analogies, qu’on décore aujourd'hui
du nom de théories mécaniques.
L'histoire de l'Optique nous fournit un exemple
remarquable à l'appui de ce que je viens de dire.
Tant que l’'Optique se bornaïit aux phénomènes de
réflexion et de réfraction, la théorie de l'émission
due à Newton élail suflisante. La théorie des on-
dulations, autre conception mécanique imaginée
par Huyghens et Euler, pouvait rivaliser avec elle,
non la détrôner. Mais la découverte des interfé-
rences et de la polarisation mit hors de pair la
théorie des ondulations, dont les principes per-
mettaient de calculer, au moins en gros, les nou-
veaux phénomènes.
Pourtant, les jours de la théorie des ondulations
étaient aussi comptés; à notre époque celte théo-
rie a été enterrée sans bruit, pour faire place à la
théorie électro-magnétique. Faisons l’autopsie de
son cadavre: la cause de la mort nous apparaitra
évidente; elle a péri par ses parties mécaniques.
L'éther hypothétique, auquel était confiée la tâche
de vibrer, devait s'en acquitter sous des conditions
bien difficiles à remplir. Les phénomènes de pola-
risation exigent que les vibrations soient lransver-
sales, autrement dit, que l’éther soit un solide. Or,
il résulle des calculs de lord Kelvin qu’un solide,
constitué comme doit l'être l'éther, ne serait pas
stable et ne peut, par conséquent, avoir d’exis-
tence réelle. Pour épargner pareil sort à la thé6o-
rie électromagnétique, actuellement adoptée, l'im-
mortel Hertz, auquel elle doit tant, renonce expres-
sément à y voir autre chose qu’un système de six
équations différentielles. Cette conclusion parle plus
puissamment que je ne pourrais le faire contre tous
les essais de théorie mécanique tentés auparavant,
DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN
Il
Jusqu'à présent, je n'ai formulé que des conclu-
sions négatives. Cependant, on peut lirer quelque
profit de ce qui précède, et le profit ne paraitra
pas mince pour lever un obstacle qui a causé à
beaucoup de graves soucis. Je veux parler des
déclarations fameuses concernant l'avenir de
notre connaissance de la Nature, que Du Bois-
Reymond, le célèbre physiologiste de l’Université
de Berlin, a faites d'abord au Congrès des Natura-
listes à Leipzig, ensuite dans quelques mémoires
plus étendus, et dont le point saillant est cet « Zyno-
rabimus » tant commenté. Dans la longue polé-
mique suscitée par cette parole, la victoire est
reslée, me semble-t-il, à Du Bois-Reymond, car
tous ses adversaires s’appuyaient sur le principe
même dont il avait déduit son iynorabimus, et ses
conclusions valaient ce que vaut ce principe lui-
même. Ce principe, qu'à ce moment personne ne
songeait à mettre en discussion, c'est la conception
mécanique de l'Univers; c’est la supposition que le
dernier stade auquel peut parvenir notre explica-
tion du monde, est de le ramener à un système de
points matériels en mouvement, Si ce principe dis-
parait, et il doit disparaitre, comme nous l’avons
vu, l'ignorabimus tombe et la route se rouvre à la
science. Je ne pense pas que cette conclusion étonne
qui que ce soit : si j'en juge par moi-même,
aucun physicien ou naturaliste n’a cru fermement
à l’iynorabimus, sans en reconnaitre peut-être le
point faible, que je viens de signaler.
Ce que j'ai exposé au sujet d'un cas particulier
a une portée beaucoup plus grande. Rejeter Ja cons-
truction mécanique de l'Univers, c’est porter
atteinte au principe même de la conception maté-
rialiste générale, au sens scientifique du mot. C'est
une entreprise vaine, qui a pileusement échoué
devant toute expérience sérieuse, de vouloir
rendre compte par la Mécanique de tous les phéno-
mènes physiques connus; cette entreprise peut bien
moins réussir si elle s'attaque aux phénomènes
incomparablement plus compliqués de la vie orga-
nique. La tentative n’a même pas la valeur d'une
hypothèse auxiliaire : c'estune erreur pure etsimple.
L'erreur saute aux yeux dans le fait suivant :
Dans toutes les équations mécaniques, le signe de
la variable représentant le temps peut changer;
en d’autres termes, les phénomènes de la Méca-
nique rationnelle peuvent suivre le cours du temps
ou le remonter. Dans le monde de la Mécanique
rationnelle, il n’y a ni passé ni avenir, au même
sens que dans le nôtre : l'arbre peut redevenir reje-
ton et graine; le papillon, chenille; le vieillard,
enfant. Pourquoi ces faits ne se produisent-ils pas
dans la réalité ? La théorie mécanique ne l'explique
de]
©7
[er]
W. OSTWALD — LA DÉROUTE DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN
pas; et, en verlu même des propriétés des équa-
tions, elle ne peut l'expliquer. Le fait que, dans la
Nature réelle, les phénomènes ne sont pas réver-
sibles, condamne ainsi sans appel le malérialisme
physique.
Alors, dira-t-on, s'il faut renoncer aux atomes,
à la Mécanique, quelle image de la réalité nous
restera-t-il? Mais on n'a besoin d'aucune image,
d’aucun symbole. Ce n’est pas notre affaire de voir
le monde plus ou moins déformé dans un miroir
courbe; il faut le voir directement, autant que le
permettent nos forces intellectuelles. Établir les
rapports entre des réalités, c'est-à-dire des gran-
deurs tangibles, mesurables, de telle sorte que, les
unes étant données, les autres s'en déduisent,
voilà la tâche de la science : et la science ne l’a
pas remplie quand elle se paie d’une image plus
ou moins hypothétique.
III
Sans doute, la voie est longue et pénible, mais
elle est la seule sûre. D'ailleurs nous pouvons la
suivre, sans faire appel à notre abnégation per-
sonnelle, sans nous soulenir par l'espoir qu’elle
conduira au but nos arrière -neveux. C'est à nous-
mêmes qu'échoit le bonheur, et notre siècle mou-
rant fait au siècle naissant le legs scientifique le
plus fécond en espérances : il lui lègue la (héorie
énergétique.
Remarquons-le bien : il ne s'agit pas ici d'une
chose absolument inédite, car, depuis un demi-
siècle, nous la possédons, sans nous en apercevoir.
C'estle cas, ou jamais, de dire : mystère évident,
chaque jour nous pouvions le lire et nous ne le
comprenions pas.
Quand, il y a cinquante ans, Robert Mayer dé-
couvrit l'équivalence des différentes forces natu-
relles, ou, comme nous disons dans notre langage
actuel, des différentes formes de l'énergie, ül fit
dans celte direction un pas décisif. Mais, — loi
constante de la pensée humaine, — jamais on n'ac-
ceple une nouvelle découverte, claire el nette, telle
qu'elle se présente. Celui qui la reçoit, qui n’a pas
intimement vécu le progrès, mais le prend à l'ex-
térieur, s'efforce, avant Lout, de relier tant bien que
mal la nouveauté à ce qui existait dans son espril.
L'idée nouvelle est ainsi défigurée, et sinon même
doublement faussée, du moins dépouillée de sa
meilleure force. L'inventeur lui-même n'échappe
pas à celte loi. La puissante intelligence de Co-
pernic a su {ransposer les rapports du Soleil et de
la Terre, mais non s'affranchir, pour les autres pla-
nètes, de la théorie régnante des épicyeles. Même
histoire pour Mayer. Comme presque toujours, la
génération suivante a dû dégager, pièce à pièce,
de tous les accessoires inutiles la pensée première,
pour qu'elle püt apparaître dans son imposante
simplicité.
L'idée de Mayer élait étrangement simple, trop.
simple pour être accueillie immédiatement. Bien
plus, les trois savants qui ont le plus fait pour la
défense de la loi de l'équivalence, Helmhollz, Clau-
sius, William Thomson, lui ont donné la même
interprélalion : ils ont cru que toutes les formes
de l'énergie élaient, au fond, une seule et même
chose : à savoir, l'énergie mécanique. De cette
manière on réalisait ce qui semblait le plus pres-
sant : rattacher la nouvelle idée à la théorie méca-
nique alors régnante, mais l’idée perdait son prin-
cipal caractère.
Il a fallu un demi-siècle pour faire la lumière et
montrer que, par celte hypothèse accessoire, loin
d'ajouter à la loi, on renonçait à son caractère le
plus précieux : la liberté laissée à toute hypothèse.
Mais, dira-t-on, comment, avec celte idée si
abstraite de l'énergie, se faire une conception de
l'Univers, qui puisse rivaliser de clarté et de net-
teté avec la conception mécanique? La réponse
est facile : Comment connaissons-nous le monde
extérieur, sinon par nos sensations? Toutes nos
sensations ont un caractère commun et un seul :
elles correspondent à une différence d'énergie
entre les organes des sens et le milieu qui les
entoure. Bans un Univers, dont la température
serait uniformément égale à la température de
notre cGrps, il nous serait impossible d’avoir
aucune idée de la chaleur, pas plus que nous ne
ressentons la pression atmosphérique constante,
sous laquelle nous vivons : nous n’en acquérons la
connaissance qu'après avoir éprouvé l'effet de
milieux où règne une pression différente.
- Tout le monde est prêt à admettre cette explica-
tion, mais on ne veul pas renoncer à la matière,
parce que l'énergie a besoin d'un véhicule. Et
pourquoi donc? Si le monde extérieur ne se révèle
à nous que par des rapports d'énergie, pour quel
motif vouloir y loger quelque chose que nous n'a-
vons jamais pu percevoir? Pourtant, objectera-l-on,
l'énergie n’est qu'une idée, une abstraction, tandis
que la malière est la réalité. C'est justement tout
le contraire. La matière est une invention, assez
imparfaile d’ailleurs, que nous nous sommes
forgée, pour représenter ce qu'il y a de perma-
nent dans loules les vicissitudes. La réalité effec-
tive, c’est-à-dire celle qui fait effet sur nous, c'est
l'énergie, comme nous le verrons en cherchant
dans quel rapport se trouvent ces deux concepls.
Mais, avant d'aller plus loin, récapilulons en
deux mots l’évolution que nous venons d'indiquer:
L'idée de la matière est une extension de l’idée de
la masse. À celle conception insuffisante, Galilée
dut joindre celle de la force, pour expliquer l'évo-
_lution incessante de l'Univers. Mais la force ne
possédait pas l'invariance et, après la découverte
de ces invariants partiels force vive et travail, Mayer
découvrit l'invariant le plus général, l'évergie, qui
gouverne toules les forces physiques. Toujours,
dans toute leur histoire, la matière et l'énergie
restent côte à côte, et tout ce qu’on savait de leurs
relations, c'est que, la plupart du temps, elles vont
de concert, la matière étant le véhicule, le réser-
voir de l'énergie.
IV
Cependant l'énergie et la malière sont-elles
deux choses réellement différentes, comme l'âme
et le corps, ou n'est-ce pas plulôt que ce que nous
. savons el disons de la matière soit déjà compris
: dans l’idée d'énergie? À mon sens, la réponse n’est
pas douteuse. Que trouvons-nous, en effet, dans
- l'idée de matière ? En premier lieu, la musse, c'est-
à-dire ia capacité pour l'énergie cinétique; ensuite,
l'émpénétrabilité où énergie de volume, le poids où énergie
de position sous la forme particulière qui se présente
dans la gravitation universelle, enfin les propriétés
chimiques ou énergie chimique. Partout, il n’est ques-
tion que d'énergie, et, si nous séparons ces diffé-
rentes formes d'énergies de la matière, celle-ci
s'évanouit : elle n'a plus même l'espace qu'elle
occupait, car cet espace ne nous est connu que
par la dépense d'énergie nécessaire pour le pénétrer,
La matière n’est autre chose qu'un groupe de dif-
férentes énergies, rangées ensemble dans l’espace,
et tout ce que nous voulons en dire, nous le disons
de ces énergies seulement.
La question que je veux éclaircir ici est si
importante qu'on me permettra de chercher encore,
par une autre voie, à la serrer de plus près et de
prendre l'exemple le plus frappant que je puisse
. trouver. Vous recevez un coup de bâton. Que res-
sentez-vous, le bàlon ou son énergie? Le bâton est
assurément la chose du monde la plus inoffensive,
tant que personne ne le brandit. Nous pouvons
tout aussi bien nous heurter à un bâton immobile:
mais, dans tous les cas, ce que nous ressentons.
je l'ai dit déjà, ce sont les différences d'énergie
entre l'extérieur et nos organes : que le bâlon
s’abatte sur nous ou nous sur le bäton, peu importe.
Au contraire, si nous possédons une vitesse égale à
celle du bâton et dans la même direction, le baton
n'existe plus pour notre toucher, car il ne peut
avoir avec nous ni contact, ni échange d'énergie.
Cet exposé montre, je l'espère, que la notion
d'énergie peut servir à expliquer tout ce qu’on
expliquait autrefois.par les notions de matière et
de force et même davantage : il suffit de reporter
à l’une les propriétés et les lois qu'on attribuait
aux autres. Cela offre le grand avantage de sup-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
W. OSTWALD — LA DÉROUTE DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN
primer les objections que j'ai signalées au début.
Nous faisons une seule hypothèse sur la dépen-
dance mutuelle des différentes formes de l'énergie :
c’est qu'elles obéissent à la loi de la conservation.
Nous avons ensuite toule liberté d'étudier objec-
tivement les propriétés particulières de chacune
d'elles : en classant ralionnellement ces propriétés,
nous créerons un système des formes de l'énergie,
qui aura une portée scientifique bien plus grande
que le système où elles sont toutes confondues,
sous prétexte qu'elles sont, au fond, identiques
entre elles. Voyons, par exemple, ce qu'on fait
aujourd'hui dans la théorie cinétique des gaz, qui
jouit encore d’un certain crédit. D'après cette
théorie, la force élastique des gaz provient du choc
de ses molécules en mouvement. Seulement, la force
élastique est une grandeur qui n’est pas dirigée
dans l’espace : car le gaz presse également dans
toutes les directions ; un choc,au contraire, provient
d'un corps en mouvement, et ce mouvement a une
certaine direction. Il est doncimpossible de ramener
immédiatement l’une de ces grandeurs à l’autre.
La théorie cinétique esquive la difficulté en admet-
tant que les chocs se produisent uniformément
dans toutes les directions, ce qui revient, en
somme, à enlever arbitrairement au choc la pro-
priété d’être dirigé. Dans ce cas, on parvient, par
ce! artifice, à identifier deux formes différentes
de l'énergie: mais cetle identificalion n'est pas
toujours possible.
Par exemple, le potentiel et la masse électriques,
c'est-à-dire les deux facteurs de l'énergie élec-
_trique, sont des grandeurs que j'appellerai polaires ;
elles ne sont pas de simples quantités numériques :
elles ont, de plus, un signe tel que deux quantités
égales, mais de signe contraire, ont une somme
nulle. La Mécanique ne connaît pas de grandeur
polaire : aussi il est impossible de trouver une
hypothèse mécanique qui explique en entier les
phénomènes électriques : pour ce faire, il faudrait
au moins avoir une grandeur mécanique douée de
polarité, ce qui n’est peut-être pas impossible et
mériterait en lout cas d’être approfondi.
Si, réellement, les lois naturelles pouvaient se
ramener aux lois des diverses formes de l'énergie,
nous y trouverions de grands avantages. D'abord
la science de la Nature serait affranchie de toute
hypothèse. Ensuite, point ne serait besoin désor-
mais de nous inquiéler de forces, dont nous ne
pouvons démontrer l'existence, agissant entre des
atomes que nous ne pouvons voir, mais des quan-
tités d'énergie mises en jeu dans le phénomène
étudié. Celles-là, nousles pouvons mesurer, et tout
ce qu'il nous est nécessaire de savoir est sus-
ceptible de s'exprimer sous cette forme.
Qui donc méconnaitrait l'énorme avantage de
210
958
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
celte méthode, parmi ceux dont la conscience
scientifique s'est soulevée devant cet amalgame
incessant de faits et d'hypothèses, que la Physique
et la Chimie actuelles nous présentent comme une
science rationnelle? C'est en suivant le chemin de
l'Énergétique que nous répondrons au véritable
sens de l'appel de Kirchhoff si souvent mal inter-
prélé : «A la prétendue explication de la Nature,
substituer la descriplion des faits. »
L'absence d’hypothèse donne à l'Énergétique
une unité de méthode inconnue, il faut bien le dire,
jusqu’à présent : unité non moins précieuse pour
l’enseignement et l'intelligence de la Science,
qu'elle ne l’est au point de vue philosophique.
Pour n’en donner qu'un exemple, toutes les équa-
tions qui lient l’un à l’autre deux ou plusieurs phé-
nomènes d'espèces différentes, sont forcément des
équations entre des quantités d'énergie ; il ne sau-
rait y en avoir d’autres, car, en dehors du Llemps et
de l’espace, l'énergie est la seule grandeur quisoit
commune à tous les ordres de phénomènes.
Je ne puis ici entrer dans le détail et énumérer
toutes les relations, les unes connues déjà, les au-
tres nouvelles, qui s’écriront immédiatement, sans
exiger de calculs compliqués. Je ne puis davan-
tage exposer sous quelles nouvelles faces se sont
montrés, à la lumière de l'Énergétique générale,
les théorèmes de la Thermodynamique, partie la
plus étendue de l'Énergétique.
Cependant, je ne saurais omeltre une dernière
question : L'énergie, si utile, si nécessaire à l'in-
telligence de la Nature, suffit-elle entièrement à la
tâche? Je réponds: Non. Quels que soient les
avantages de la théorie énergétique sur la théorie
mécanique, il reste quelques points qui échappent
aux principes actuellement connus et qui semblent
indiquer l'existence de principes plus élevés. L'É-
nergélique n’en subsistera pas moins, à côlé de
ces nouveaux principes; mais elle cessera d’être
ce qu'elle doit être encore pour nous, c'est-à-dire
le cadre le plus vaste dans lequel nous faisons ren-
trer les phénomènes naturels : elle deviendra un
cas particulier de relalions plus générales, rela-
tions dont il nous est à peine possible actuellement .
de pressentir la forme.
Je ne pense pas avoir ravalé, par ce que je viens .
de dire, le progrès dont j'avais parlé d’abord, mais
l'avoir plutôt rehaussé. Car il nous répugne d'assi-
gner une borne aux progrès de la Science. Au
milieu du combat pour un nouveau domaine, il ne
faut pas perdre de vue les vastes plaines qui s’é-
tendent derrière le sol convoité et qu'il faudra
occuper aussi plus tard. Cela pouvait passer jadis,
quand la poussière etla fumée du combat empri-
sonnaient le regard dans les limites étroites du
champ de bataille. Aujourd'hui cela n’est plus
permis : nous tirons avec la poudre sans fumée —
ou du moins nous aurions à le faire — et,en même
temps que la possibililé, nous avons le devoir
de ne pas relomber dans les fautes du temps
passé !.
W. Ostwald,
Professeur de Chimie physique
à l'Université de Leipzig.
ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE
DE L’ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
EN FRANCE
Quoique très dissemblables en ce qui concerne
les procédés agricoles qu'elles comportent, la cul-
ture de Orge et celle du Houblon sont cependant
intimement liées au point de vue industriel, car
personne n'ignore qu'elles fournissent les deux ma-
üères premières indispensables à la fabrication de
la bière. À ce point de vue, le seul que nous envisa-
gerons ici, leur importance ne saurait être mécon-
nue, car la consommalion et la production de cette
boisson en France
En effet, on sait que non seulement la
bière sert de boisson courante aux populations de
sont en voie d’accroissement
notable.
nos départements du Nord, mais qu'elle devient,
depuis quelques années, d'un usage assez général
dans le reste de la France; or, non seulement la
fabrication française a plus que doublé depuis
1830; mais, en oulre, tandis que nous exportions
encore de la bière en 1860, nous en avons importé
depuis, et le chiffre des importations s'est accentué
d'année en année.
Ilne nous appartient pas de rechercher iei les
diverses causes de ce changement, d’ailleurs très
diversement appréciées par les économistes ; mais
il n'est pas hasardé de dire que la crise subie par la
viticulture française depuis une trentaine d'années
n’est pas restée étrangère à cet élal de choses:
l'augmentation de la production et de laconsomma-
! Cet article, écrit en allemand par l’auteur, a été traduit
en français par M. Lamotte, agrégé de l'Université, attaché
au laboratoire de M. le Professeur Bouty à la Sorbonne.
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
959
lion du cidre en serait une preuve suflisante, à dé-
- faut d'autre. Quoi qu'il en soil, il n’en est pas moins
_vraiqu'il ya, dans ce fait économique, unesitualion
- dont l’agricullure de nos régions du nord peut tirer
pari : l'orge et surtout le houblon, qu'on a juste-
ment dénommé « la vigne du nord », sont, en effet,
des cullures éminemment septentrionales, suscep-
- Libles de hauts rendements lorsqu'elles sont con-
duites d'une manière raisonnée el scientifique,
partant capables, dans la grande majorité des cas,
de prendre la place d’autres cultures naguère flo-
rissantes et qui aujourd’hui, par suite de mulliples
circonstances d'ordre économique et agricole, ne
sont plus en état de donner des produits suffisam-
ment rémunéraleurs. D'ailleurs, à l'heure actuelle,
la France a recours à l'étranger pour obtenir les
houblons et les orges nécessaires à la brasserie et
que notre agriculture ne peut fournir nien quantité
suffisante ni souvent de qualité voulue. — Il est,
croyons-nous, possible et même facile de remédier
_à cet état de choses, et c’est là ce que nous vou-
drions surtout élablir en cet article. -
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L
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I. — ORGE DE BRASSERIE.
La culture de l'orge de brasserie n’a pas, en
France, toute l'importance qu'elle mérite; notre
production est insuffisante : nos brasseurs vont
acheter tous les ans une nolable partie de cette
céréale en Algérie et en Russie, tandis que, par
une culture intelligente, nous pourrions, non seu-
lement suffire à notre éonsommation, mais encore
devenir exportateurs. Les agriculteurs français
seraient assurés de trouver un débouché certain
non seulement à quelques heures de nos côtes, en
Angleterre, mais encore aux États-Unis, où la
production est également insuffisante; les belles
qualités d'orge y étant appréciées et recherchées,
un prix rémunérateur serait assuré à la vente.
Pendant près d’un mois, les orges françaises, plus
précoces et plus vite sèches, peuvent profiler des
prix plus élevés accordés aux produits de la nou-
velle récolte, qui font prime. Gette considération
a d'autant plus d'importance que notre climat
elnotre sol sont très favorables à cette culture,
que cette céréale végète lrès rapidement, qu'elle
esl d'une grande ruslicité et que ses exigences
sont moindres que celles de l’avoine et du blé,
lesquels occupent-une surface bien plus considé-
rable.
Un point cependant mérite d'être plus sérieuse-
ment approfondi: c'est la qualilé des produits. En
effet, si les belles orges de brasserie sont d’une vente
en général facile, par contre les orges de qualité
inférieure sont le plus souvent à bas prix et ïl
exisle toujours une différence de 1 à 2 francs, si ce
n’est plus, aux 100 kilos, en faveur des premières.
Ce sont donc de belles et bonnes orges appropriées
à leur destination spéciale qu'il faut chercher à
produire. Or, cela n'a rien de bien difficile, et,
comme le dit M. H. L. de Vilmorin, les quelques
dépenses qu'entraine une culture bien soignée et
bien faite, sont mieux payées par une récolte
d'orge de choix que celle d’une culture insuffisante
par une récolte de qualité ordinaire.
I. — QUALITÉS DES ORGES DE MALTERIE.
Examinons tout d’abord les qualités d’une belle
orge dite de brasserie.
Dans la pratique, les malteurs ne s'attachent
guère, en général, qu'aux caractèresexlérieurs, qui,
il faut le reconnaitre, ont une réelle valeur, quoique
l'analyse chimique, plusrarement employée, puisse
donner ici de non moins précieuses indications.
La grosseur du grain, son poids et sa couleur
viennent en première ligne. Le grain doit être bien
renflé, plutôt court, plein, à écorce fine; celle-ci ne
doit pas dépasser 10 °/, du poids total du grain. Le
poids, qui varie entre 62 et 71 kilogrammes par
hectolitre et, exceptionnellement, entre 72 et 74 ki-
logrammes, est pris en très sérieuse considéra-
lion : on admet qu'une bonne orge de brasserie ne
doit pas peser moins de 67 kilogrammes; en effet,
plus l’orge est lourde, plus elle est riche en subs-
tances utiles; mais il ne faudrait pas croire, cepen-
dant, que la richesse en matière amylacée soit en
raison directe du poids, comme le prétendent
beaucoup de malteurs ; les expériences de Schulze,
de L. Marx et nos propres analyses ont manifeste-
ment prouvé le contraire.
La couleur doit être aussi claire que possible,
d’un jaune-paille ; ce point a une telle importance
qu'assez souvent des commerçants peu scerupuleux
soufrent les orges afin de cacher la teinte jaune-
foncé ou brune qui résulte de l’action des pluies
lors de la récolte effectuée dans de mauvaises con-
ditions.
En cassant un grain, l’amande peut être fari-
neuse, demi-farineuse ou vitreuse; les orges dont
la cassure est tendre et farineuse, sont les plus
recherchées par la plupart des brasseries.
IL va sans dire que le grain sera propre, exempt
de graines élrangères, sec et glissant facilement
dans la main quand on le serre; ici encore, la
fraude intervient parfois; car il n’est pas rare
qu'on enduise les grains d'huile pour donner à
ceux qui sont humides le coulunt caractéristique
d'une bonne siccité. Celle tromperie, comme la
précédente, est d'ailleurs facile à reconnaitre.
Mais, ce qu'on ne peut conslaler de visu, c'est la
faculté germinalive, l'énergie de la germination et
la composition chimique, points quelestransactions
960
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
courantes ne peuvent mettre en évidence sur les
marchés et qui nécessitent le concours des labora-
toires de chimie ;nous n'y insisterons pas davantage.
Ces diverses qualités d’une bonne orge de mal-
terie peuvent être obtenues dans la pratique cul-
turale : 4° par le choix des variétés ; 2° par le mode
de culture, qui ont une égale importance et se com-
plètent l’un l’autre.
Il. — ESPÈCES ET VARIÉTÉS D'ORGES DE BRASSERIE.
Les espèces du genre Aordeum sont très nom-
breuses ; mais, contrairement à ce qui a lieu pour
le froment, il y a plus de variétés de printemps que
d'hiver. Toutefois, cette différence, il ne faut pas
l'oublier, est essentiellement relative : car, dans le
Midi et en Algérie, par exemple, nos orges de
printemps se sèment à l'automne.
Toutes les variétés d'orges ne sont pas aptes à
donner du grain propre à la fabrication de la bière.
A ce point de vue, les orges à grain vé{w, c’est-à-
dire dont les glumelles sont adhérentes au grain,
sont seules recherchées. Parmi celles-ci, les unes
sont à deux rangs, ou distiques (Æordeum distichum),
les autres à six rangs (Æordeum tetrastichum).
Parmi les variétés les plus estimées, que le cadre
de cet article ne nous permet pas de décrire,
nous nous contenterons de citer : l’Orge Chevalier,
surtout appréciée en Angleterre ; l'Æscourgeon ou
Sucrion, préférée dans le nord de la France ; l'Orge
Tnpériale, que M. Heine, — qui, en Allemagne, s'est
surtoutoccupé de l’amélioralion desorges, —signale
comme une des meilleures; les orges de Moravie,
notamment la Zannapedigree et Orge Scholeys Warp:;
l'Orge de Bohème, plus connue sous le nom d’Orge
du Danube, VYOrge à deux rangs Richardson, V'Orge
Hallels pedigree, ete.; enfin l'Orge de Laponie et celle
d'Algérie, qui paraissent être des variétés de l’Æs-
courgeon de printemps.
Les orges de printemps sont toujours moins pro-
ductives que celles d'hiver, dans le nord de la
France et en Belgique,ces dernières sont préférées !;
mais, en Allemagne, et surtout en Bavière, on cul-
live davantage les variétés de printemps.
Mentionnons à ce sujet un caractère distinctif
signalé par le Professeur Damseaux, mais sans y
ajouter une confiante absolue : c'est qu'on peul
dégager du sillon médian des orges d'hiver, en
agissant par relèvement sur la pointe du grain,
une pelite arêle qui y est couchée el porte un
léger plumet, tandis que l’arête est glabre dans les
orges de printemps.
1 Cependant, dans nos départements septentrionaux, les
variétés de printemps mürissent fort bien, car leur végétation
est très rapide. On les cultive d’ailleurs davantage depuis
AMIC*
quelques années.
La nature de la variélé influe très sensiblement.
sur l'aspect du grain el sur sa composition, ainsi
que le montrent les analyses que résume le ta
bleau 1, dues à Boussingault, Munts, Girard et
Garola :
Tableau I. — Composition suivant la Variété.
ORGE
———— —
ESCOURGEON | D’ALGÉRIE [DE SAUMUR
ERNEST 00 80 3.0 13.50 11.46
Matières azotèes..... 3.4 8.98 9.06
— GRASSE PE 2.8 1.16 2.414
-- amylacées 63.7 49.92 60.40
= non az 8 18.54 10.35
Cellalose:..:..... 2-6 4.85 4.16
Cendres:-."7# 4.5 445 1.53
Acide phosphorique. » » 1.04
POfASSR RECETTE » » 0.69
CDAUXS PAT 4 » » 0.17
À ces analyses nous joignons (tableau II) les
analyses, effectuées par nous, de sepl variétés
cultivées sur la même terre et dans les mêmes
conditions par M. D. Dickson, directeur de l'École
d'Agriculture du Pas-de-Calais :
Tableau 1I. — Qualités suivant la Variété.
CO MPOSITION CHIMIQUE
POIDS
DE L'HEC-
malières
A amidon
azotees do
TOLITRE
Orge à2rangs Richardson 62 k. 115.08] 12.75 | 67.10
Orge Chevalier francaise. 7% 14.05| 13.12 | 68.30
O. Hanna pedigree Mo-
TAVIC Eee eee 74 14.30| 12.50 | 68.40
O. carrée de printemps. 73 14.00! 14.06 | 68.20
O. à 6 rangs de printemps 68 13.04/ 14.10 | 68.40
O. à 2 rangs Hallet’s pe-
directe: met 10 13.20] 12.60 | 66.50
O. Scholeys Warp Che-
VAlICL PAR eee 69
Le choix de la variété
a, comme on le voit,
une imporlance capitale, et à ce point de vue on
donnera la préférence, à qualité égale, aux variétés
précoces qui permettent au producteur d'arriver
bon premier sur le marché.
III. — EXIGENCES CULTURALES DES ORGES DE BRASSERIE.
La plupart des variélés citées plus haut, connues
aujourd'hui et à juste litre sous le nom de variétés
perfectionnées, demandent, pour donner les résul-
tats qu’on est en droit d'allendre, une culture ra-
tionnelle, notamment un sol approprié, bien tra-
vaillé et convenablement ferlilisé.
L'orge n'a pas de préférence bien marquée en ce
qui concerne la nature agrologique du sol; cepen-
dant, c’est dans les terres argilo-calcaires ou ar
gilo-marneuses, surtout celles désignées dans les
“Flandres sous le nom de ferres à orge, que celte cé-
-réale réussit le mieux ; c'est la présence du carbo-
» nale de chaux qui semble avoir une action prépon-
_ dérante dans cette culture, et nous avons été à
même, il y a quelques années, de constater une
différence de 29 à 38 hectolilres dans le rendement
d'un hectare, dont une moitié de la couche arable
- dosait à l’élat initial 3 ‘/, de calcaire, tandis que
autre avait été amenée à une teneur de 9,8 °/, par
l'apport d'écumes de défécation provenant de su-
creries. D'ailleurs la Champagne, dontles terressont
- éminemment calcaires, fournit à Paris une partie
très notable de ses orges de brasserie.
Ce qui, ensuite, importe le plus, c’est la prépara-
» tion du terrain : aucune céréale ne réclame, autant
que l'orge, une terre ameublie et bien nettoyée,
l'orge se défendant mal contre les mauvaisesherbes.
Nous ne pouvons donner aucune indication sur le
- nombre et la nature des façons aratoires à appli-
* quer à l'orge : elles sont subordonnées à la nature
- de la récolte qui aura précédé cette céréale dans
- l’assolement adopté.
| La question des engrais mérile de nous arrèler
plus longtemps. A ce sujet, on aura déjà une bonne
indication en considérant qu'une récolte moyenne,
c’est-à-dire 25 hectolitres par hectare !, enlève au
sol, d'après MM. Muntz et Girard, les quantités
d'éléments utiles que dénombre le tableau I :
Tableau III. — Éléments pris au sol (en kilog.).
GRAIN | PAILLE | TOTAL
= ———
LANTERNE 24.1 13.4 38.1
Acide phosphorique.......... MuUlcy: EE) 17.0
HE Sr RO one (RTS 26.0 33.8
RS ner cu rt awtas ete 0.8 9 10.0
MARÉES TE En ee dede 2.9 3.4 6,0
Ce tableau montre, tout d’abord, que, dans une
culture véritablement rationnelle et scientifique,
l'analyse chimique du sol doit précéder toute autre
opération culturale.
Cependant, en Angleterre, où cette culture est,
en général, très bien comprise, Lawes et Gilbert,
ont été amenés à reconnaitre, tout au moins en ce
qui concerne l'Orge Chevalier, que ses besoins sont
presque identiques à ceux du froment.
Il résulte, en outre, des expériences de cessavants
et de beaucoup d'autres qui sont venues les confir-
mer, que la quantité de grain est surtout influen-
cée par la somme totale d'azote, tandis que sa
qualité el surtout son poids dépendent plutôt des
sels minéraux, parliculièrement de la proportion
1 Correspondant à 1625 kilogrammes de grain, et 2800 ki-
logrammes de paille.
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
964
d'acide phosphorique. C’est ainsi que 250 à 275 ki-
los de superphosphate de chaux à l’hectare ont été
suffisants pour assurer l’efficacité de l’azote fourni
par 190 à 250 kilos de sulfate d’ammoniaque ou
par 220 à 280 kilos de nitrate de soude.
Il y a divergence entre les expérimentateurs
et les praticiens sur la question de savoir sous
quelle forme l’azote doit être fourni au sol; tou-
tefois, d'après les expériences nombreuses des sa-
vants anglais, le nitrate de soude est plus efficace
que le sulfate d’ammoniaque, surtout dans les
années de sécheresse.
D'autre part, s’il est vrai que l'azote organique a
donné de très hauts rendements à Rothamsted, no-
tamment, sous forme de tourteaux, expériences
dans lesquelles la qualité de l'orge n’a pas été prise
en considération, il n’en est pas moins vrai que
M. Grüber, de la Société d'Agriculture de Stras-
bourg, exclut, pour la culture de l'orge de brasserie,
toute fumure azotée directe de fumier de ferme, de
matières fécales ou de purin. Des expériences de cet
agronome poursuivies pendant douze années à
la Société d'Agriculture de Strasbourg, il ressort
que, lorsqu'on applique directement les engrais
sur l'orge, il faut recourir aux engrais chimiques
si l'on veut éviter le développement des parties
herbacées au détriment du grain. Ces essais ont fait
voir deux récoltes d’Orge Chevalier se succéder
sans exiger d'autre apport que la restitution de
phosphates et de sels potassiques la seconde
année.
Le fumier de moulon surtout, et à fort.ori le par-
cage, sont tout à fait contraires à l'orge cultivée en
vue de la malterie.
D'un autre côlé, d’après les essais de M. Garola
en Eure-et-Loir, la fumure direcle n’est pas à
recommander, même en ce qui concerne la quan-
tité. S'il faut en croire ce professeur, dans les expé-
riences anglaises ce sont vraisemblablement les
résidus des fumures antérieures qui ont réagi sur
le rendement, tandis que dans les siennes, qui se
rapprochent beaucoup plus des conditions de la
pratique courante, le fumier n’a pas eu le temps
d'agir.
Dans d’autres expériences faites à l'Ecole d’Agri-
culture du Pas-de-Calais, qui ont donné un ren-
dement moyen de 38 quintaux de grain à l’hectare,
d'excellente qualité d’ailleurs, comme on s’en est
assuré, la fumure a été fournie par 20.000 kilo-
grammes d’écumes calcaires de sucrerie, 1.000 ki-
logrammes de phosphates de chaux naturels, le tout
enfoui avant l'hiver lors du premier labour, et
200 kilogrammes de nitrate de soude incorporés
par un coup d’extirpateur huit jours avant le semis.
La terre étant convenablement fumée et prépa-
rée, l'orge doit être semée le plus tôt possible,
962
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
lant pour les variétés d'automne que pour celles
de printemps; les semis lardifs ne sont nullement
à conseiller. Il va sans dire que les graines seront
disposées en lignes, à raison de 250 litres en
moyenne parhectare; ceslignes devront êlre orien-
tées, autant que possible, de l’est à l’ouest. — Les
autres pratiques culturales, sarclages, récoltes, etc.,
sont les mêmes pour l’orge de brasserie que pour
l'orge ordinaire; disons seulement que la coupe
doit être faite un peu prématurément en laissant
la dessiccation s’opérer en dizeaux ou en moyelles.
IV. — RENDEMENTS ET ÉTENDUE CULTIVÉE.
COMPARAISON AVEC L'ÉTRANGER.
D'après la dernière statistique décennale, le ren-
dement moyen de l'orge en France est de 18"25
par hectare. Toutefois, dans les départements de la
Seine, des Pyrénées-Orientales el surtout d’Eure-
et-Loir et Loir-et-Cher, les rendements moyens
sont voisins de 35 hectolitres.
En Belgique, le rendement moyen est de 30 hec-
tolitres. En Angleterre, M. Ronna l’évalue à 44hec-
tolitres dans les années ordinaires el 57hectolitres
pour une bonne année.
Le rapportdu grain à la paille varie entre 65:35
et — %5 : 75: dans les meilleures variétés de bras-
serie on a même conslalé un rapport — 50: 506,
notamment pour l'Orge Hallets pedigree.
Les rendements, ici comme d’ailleurs pour la
plupart des autres cultures, ne dépendent pas seu-
lement de la nature du sol et de la quantité des en-
grais; mais ils sont encore dans une notable me-
sure sous la dépendance de la variété cullivée. C'est
ainsi que, d'après M. Grandeau, les chiffres du ta-
bleau IV peuvent être regardés comme une bonne
moyenne :
Tableau IV. — Rendements suivant les qualités
cultivées.
GRAIN
EN HECTOL.
PAILLE
EN KGR.
POIDS DE
L'HECTOL.
2500 |62 à 7
2200 |62 à 7
1500 |50 à 6
Orge d'hiver
Orge à deux rangs.
Orge à quatre rangs...
Tableau V. — Rendements et Qualités.
RENDEMENT POIDS NOMBRE
A L'HECTARE DE GRAINS
VARIÉTÉS CC DE CONTENUS
DANS
kilos | hectol. |L’HEecroL.| 100 cr.
Orge à 2 rangs Ri-
chardson......... 28 2 k. 205
Orge Chevalier fran-
CASE Free 2300 | 44.59 14 1936
O. Hanna pedigrec
(Moravie)."" "0". 3600 | 48.64 14 1932
O. carrée de prin-
O. à 2 rangs Hallet's
EEE OANS 0 212 38.85 132
O. Scholeys
Chevaliern®.-""""27
cultivée pour la France dans ces dernières années :
hectares
En 1840 l'orge était cultivée en France sur 1.200.000
AB DL nr die ml er CET TE 1.000.000
SGD AS RME PTE EE 1.000.000
CE Re à aa 1.100.000
ASS ste ee SC rer ER ET 1.057.506
18805: Fran dec eee ER EE 955.616
BBB RE ne Se TOR CONCCET 946.700
RE en M De CAE e DA io 934.416
SAS Mrs ins Mn ele ee Le 893.700
ABSUL ER EE ee ee EL 871.521
RE RE ue CSC 10 oc 1.223,160
AB SR crée Te RCE LT 916.112
EE PR ne bd on A 0 874.636
PR D in lo a en 00 0) 890.314
Les départements qui cullivent le plus d'orge
sont ceux d'Ille-et-Vilaine, de la Manche, de la
Mayenne et de la Sarthe. Voici pour ces départe-
ments les étendues ensemencées en 1893 d’après
le Bulletin officiel du Ministère de l'Agriculture (la-
bleau VI) :
Tableau VI. — Production maximum
en quatre départements.
PRODUCTION
TOTALE
DÉPARTEMENTS SURFACE
a
hectares hectol,
10 Mayenne... 471.114 659.596
Do Sarihe ner 420.108
304Manche se. +. 501.732
40 Jlle-et-Vilaine............. 541.616
Dans les expériences faites à l'École d’Agrieul-
ture du Pas-de-Calais, en 1893, dans les mêmes
conditions de culture, les rendements ont été,
pour les sepl variélés essayées, ceux qu'indique le
tableau V.
La statistique agricole ne faisant pas de distinc-
tion entre les orges d'hiver el les orges de prin-
temps, ni entre les orges communes et celles de
brasserie, force nous est de les confondre toutes
dansles chiffres qui suivent, qui donnent Ja surface
Les départements qui en cultivent le moins sont
le Rhône (180 hectares — 3.000 hectolitres); le
Morbihan (105 hectares — 1.575 hectolitres) et la
Gironde (5 hectares — 51 hectolitres).
Enfin, dans deux départements, cette culture
fait complètement défaut : ce sont la Dordogne et
le Lot-et-Garonne (1893).
La production totale de l’orge en France varie
1 En 1895 l'orge a été cultivée sur 917.985 hectares. La
production totale a été de 11.496.880 quintaux métriques.
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 963
- annuellement entre 20.000.000 27.000.000 d'hec- | 2° Groupe de Bourgogne;
_ tolitres. 3° Groupe du Plateau central ;
Les départements qui contribuent à l'alimenta- 4° Groupe de la Touraine et de l'Anjou;
CAEN ENRAR . E
LONDRES
+ =
THE
ra b er
Litftpestt
VALPES ;+
are t CS AL +
D + HT + + ir Poe
AR Dpt ptits + HEPYALPES
l 5 VE Le
LU)
J1B* PYRENEES
MSERD) TT ET NN ROA NET
ÿ E EP Pre
Départements ne cultivant Départements cultivant
pas d'orge. de 2.000 à 5.000 hect.
Départements cultivant Départements cultivant
moins de 500 hect. - de 5.000 à 10.000 hect.
+T+T+ Départements cultivant
ELSE TH de 500 à 2.000 hect.
Départements cultivant plus de 20.000 hect.
Départements cultivant
de 10.000 à 20.000 hect,
Fig. 1. — Carte montrant la répartition de la cullure de l'Orge en France.
lion de nos brasseries, peuvent être répartis en >° Groupe du Nord.
cinq groupes principaux : Les deux premiers groupes, et surtout le pre-
1° Groupe de Champagne; mier, livrent d'excellentes orges industrielles, ne
964 A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
le cédant parfois en rien sous le rapport de la qua- | principalement, conduiraient à des résultats meil-
lité, suivant la remarque de M. J. Troude !, aux | leurs encore. L'installation de quelques champs
bonnes orges autrichiennes. Une sélection plus | d'expériences fournirait aussi d'excellentsrésultat
G'LESUTIE RIEME | T:
LONDRES
=;
3 SAVOIE+
=
7 ra de
l
l
13
F
CRE
++
+ +
+++
en
+++
ME D I TE) ROR AIN EE
rs oter le 22
Départements où le rendement
oscilleentre 15 et 20 hectolitres
par hectare.
Départements où le rendement Départements où le rendement
moyen est inférieur à 10 hec- oscille entre 20‘et2ë hectolitres
Départements ne cultivant
pas d'orge.
tolitres par hectare. par hectare.
Départements où le rendement
Er moyen oscille entre 10 et 15
hectolitres par hectare,
Départements où le rendement
est supérieur à 25 hectolitres
par hectare.
Fig. 2, — Carte montrant le rendement moyen de l'Orge par hectare en France.
parfaite des semences el un emploi bien entendu | elle est vivement désirée par la population de l'Est.
des engrais concentrés, des engrais phosphalés Les orges du Plateau central, du Puy-de-Dôme
, - S 7 i 5 =
1 JATRourr, La production de l'Orge. (L'Agricuiture nou |. ©! d'Auvergne sont souvent parfaites et très recher
velle, n° 234). chées par les malteurs du Centre.
5h pi ré 22 sr ENS SG Te Ce A CE pe RE SE CS RE ONE ni,
=
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 965
Quant aux produits de la Touraine et de l'Anjou,
6 Rue à Tableau VII. — Importations.
_ ils sont généralement de bonne qualité el la ma-
———— a ———————————
jeure partie es! consommée par la brasserie an-
D. 1887 4891 | 1892 1893
_ glaise. :
…_ Les deux cartes ci-jointes (fig. 1 et 2, pages 963 ;
Met 96) montrent, d'une part l'étendue consa- | [Riel on em) om en
crée à l'orge dans les départements français, ANS CL ETRES 128.002! 28.433] 16.032] 249.266
. d'autre part les rendements moyens à l'hectare | || Turquie: D RE al Me ee
(en 1893). Algérie... 385.562] 965.433] 785.707] 370.887
à HR AN x , Tunisie. .... » 235.156 104.392 96.900
Le pays d'Europe qui produit le plus d'orge est Autres pays.| 217.510 85.055 36.0/8| 206.934
Ja Russie, avec 6.434.875 hectares, soit une pro- Totaux .….….| 1.388.175] 1.368.271) 1.084.139) 2.464.845
_ duction totale de 103.285.000 hectolitres ; puis Valeur en fr.|51.400.967/23.823.042/18.315.568|38.946.872
vient l'Allemagne, avec 1.690.096 hectares, soit | |
- 24.207.260 hectolitres; l'Autriche consacre
1.123.980 hectares à cette culture, mais ne produit
. que 11.729.210 hectolitres, landis que la Hongrie
Pour la France, les importations et exportations.
sont résumées dans les tableaux VIT et VIII.
_ avec une étendue moindre, soit 4.112.730 hec- Tableau VIII. — Exportations
+ tares, donne 22.537.600 hectolitres; l'Angleterre
* cultive 928.000 hectares avec une production de 1887 1891 1892 1893
. 24.000.000 hectolitres ; le Danemark, qui consacre ÉTÉ UN | l'E PPT ARENA EME ET
= = F ; Le C 9 q.m. q- m. q- m. q. m.
297.897 hectares à l'orge, à produit 9.032.000 hec- | |'Angleterre.| 326.952) 513.540| 510.600! 106 337
tolitres. Enfin, les États-Unis d'Amérique cultivent Belgique....| 200.001! 385.763| 330-560] 10.281
Re : 9 s Ve Allemagne. . 41.673 144.223 174.829 2.442
cette céréale sur 1.302.000 hectares et produisent Suisse . 12,725 95.288 83 108 # 911
9% 622.100 hectolitres Autres pays. 12.190 99.026 67.361 6.049
Comparativement à leur superficie territoriale, Totaux...| 622.841| 1.227.840) 1.198.258] 131.050
É L Valeur en fr.|10.899.718|23.3 0.860122.161.773/2.512.426
les pays qui consacrent la plus grande étendue à :
la culture de cette céréale peuvent êlre classés
dans l’ordre suivant (fig. à) : Il est à remarquer qu’antérieurement à 1892 le
Z Z ÿ FA oi 6 7
c
à N -
- D im
L. NN A ù NÙ NN KW Fe]
Danemark Autriche- Allemagne Angleterre France Hollande Belgique Ltalie Russe États Crus
liongrie
Fis. 3. — Rapport de la surface cullivée en Orge à la superficie territoriale en chaque pays.
C'est l’Autriche-Hongrie qui fournit la plus forle | malt, c’est-à-dire l'orge germée, figurait dans les
proporlion d'orge de brasserie par rapport au | statistiques avec l'orge en grains; depuis il a élé
chiffre de la récolle totale : environ 14 à 45 °/,. | séparé. Les quantités importées ont été les sui-
C'est également ce pays qui donne les meilleures | vantes :
qualités. Les orges de Moravie, de Bohème, de Quantités q. m. Valeur en fr.
Slowackie, et surtout quelques provenances de la Mal | OR ur ras
. = E 3 JD ,.. 40 .+ o d ,+
Hongrie, employées particulièrement dans les D) EP
brasseries de Vienne, sont très estimées. | Orgeen | 1592... 38.548 1.156.440
j grains ! 1893... 14.617 438.510
V. — COMMERCE. — EXPORTATIONS. — Prix
Comme pour le grain, l'exportation du malt est
Comme on peut le voir par les carrés ci-dessus | beaucoup plus faible.
(fig. 3), ce ne sont pas les pays qui fabriquent Le plus Quant au prix de l'orge, il a subi de nombreuses
de bière qui cultivent le plus d'orge ; cela nous | fluctuations depuis un demi-siècle; le diagramme
montre de suite que celte céréale est l’objet d’un | de la figure 4 donne quelquesindications à ce sujet:
commerce très aclif. La France, l'Angleterre, l’Alle- | néanmoins,comme il s'applique aux orges en géné-
magne el surtout les États-Unis ne produisent pas | ral, on aura assez vraisemblablement le prix des
assez d'orge et en importent de grandes quantités | orges de brasserie en majorant de 1 fr. 25 à 2 fr.
tous les ans. par hectolitre.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895. PA lol
966
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
A litre de renseignementet pour finir, nous don-
nons (fig. 4 el lableau IX) le prix des orges au
20 décembre 1890 sur les différents marchés de la
France et des autres pays.
10.70
10.30
10.44
10.1 4
8.6o
2 (ni) LES ra Le 8/25
Années 1840 52 62 70 71 73 74 78 80 83 86 88 89 90 91 92 95 94 95
Fig. 4. — Prix moyen de l'Orge de 1840 à 1895.
Tableau IX. — Cours de l'orge au quintal mé-
trique le 20 décembre 1890 sur les principaux
marchés de France et de l’étranger.
PATIS eme nest
RONDES EN emE Une
Le Mans
ATLAS Eee =
Sedan...
Limoges...
Montargis ..
Dijon
Toulouse . ....
Cahors...
Nimes
Oran (Algérie)
Londres.......
ANVÉLS eme ee
Bruxelles.....
Namur
I. FRANCE :
IT. ETRANGER :
houblonnières d’une étendue de 2 ou 4 hectaresne
sont pas précisément rares en Bavière et en
Bohème, elles ne dépassent que rarement un hec-
tare en France: car non seulement cette culture
exige un nombreux personnel d'ouvriers très ex-
périmentés, mais elle demande encore une mise
de fonds très élevée; l'évaluation de cette dépense,
contrairement à ce qui à lieu pour les autres cul-
tures, peut êlre assez facilement déterminée, le
houblon oceupant le même emplacement pendant
de nombreuses années et étant de ce faithors asso-
lement.
Î[. — PRODUCTION DU HOUBLON. STATISTIQUE
Gomme pour l'orge, notre production en houblon
est insuffisante pour les besoins Loujours croissants
de la brasserie, et tous les ans nous avons recours
à l'étranger.
C'est ainsi qu'en 1889 nous avons importé
3.145.047 kilogrammes de houblon, venant surtout
de Belgique et d’Allemagne, soit une valeur de
6.919.105 francs. 5
Quoique dans ces dernières années les impor-
talions aient quelque peu diminué en quantité,
par contre, la valeur en argent des produits
importés s’est accrue dans une certaine mesure,
car en 1892 nous avons demandé à l'Étranger
2.904.414 kilogrammes valant 9.294.125 francs, el
en 1893, 2.321.538 kilogrammes, représentant une
valeur de 7.428.195 francs. D'un autre côté,
nos exportalions, qui n'ont jamais élé lrès consi-
dérables, vont tous les ans en diminuant, comme
le montrent les chiffres du tableau X :
Tableau X. — Exportation des houblons français.
QUANTITÉS VALEURS
.681.574 fr.
-964.911
-393.302
002.651
.338.4#72
1.000.937 k.
949.967
1.154.237
928.019
866.101
19 19 CE 19 =
I. — HOUBLON
La culture du houblon (Æuwmulus lupulus) dif-
fère essentiellement de celle de l'orge. Cependant
elle n’esl guère moins ancienne : car, s'il est vrai
que Pline considère l'orge comme la plus ancienne
des céréales, l'histoire constate, par contre, que
la culture du houblon était déjà pratiquée dans
les Flandres au temps des Carlovingiens.
En raison du nombreux personnel qu’exige celte
culture, elle est particulièrement pratiquée par
les pelits cullivateurs aisés et elle ne s'étend que
sur des surfaces assez limitées. En effet, si les
Comme on le voit, nos importalions dépassent
de beaucoup nos exporlalions, et, suivant la juste
remarque de M.F. Convert, on ne peut guère se
dissimuler qu’elles ne pèsent sur les cours. Les
droits de douane qui frappent les houblons exo-
tiques ont été longlemps de 54 francs par 400 kilos,
Nos traités de commerce les avaient réduits à
12 fr. 50; ils ont été fixés par notre nouveau tarif
à 30 francs (tarif minimum). Par rapport au prix des
houblons importés, qui sont presque toujours chez
nous des houblons de choix de provenance alle-
mande, c'est une laxe qui ne dépasse pas 10°/,:
par rapport au prix des bières, dans la fabrication
»
14]
d
y"
“
*
|
|
|
.
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON 967
desquelles il entre de 350 à 500 grammes de hou-
_blon par hectolitre, la surcharge qui en résulte
est de 0 fr. 45 au maximum, de 0 fr. 08 seulement
par rapport au dernier tarif conventionnel. Ces
droits ne sont pas ceux que réclamait le Syndicat
de Bourgogne, qui était dans son rôle en insistant
pour obtenir 60 francs, mais ils n’en ont pas été
moins bien vus par les cultivateurs.
Le champ des amélioralions ouvert au perfec-
tionnement des méthodes culturales à adopter pour
le houblon est vaste. C’est en pressant les progrès
qu’on rendra confiance aux planteurs maintenant
hésitants, et qu'on maintiendra dans notre pays,
comme le dit M. Convert, une cullure qui conserve
devant elle de larges débouchés.
La cullure qui nous occupe est, comme nous
l'avons indiqué, limitée à d’assez faibles surfaces en
France; de plus, elle est localisée dans des districts
qui s y adonnent plus spécialement. En effet, on
ne la rencontre à l'heure actuelle que dans qua-
torze départements, dans lesquels elle occupait
en ces dernières années les surfaces respectives
qu'énumère le tableau XI:
46.000 hectares à cette culture; puis vient l'Angle-
terre avec 24.000 hectares ‘. Le houblon occupe :
en Autriche-Hongrie 14.000 hectares; en Belgique
4.200; aux Élats-Unis 20.000.
Les houblonnières françaises peuvent être
classées en trois groupes ou régions, surtout carac-
térisés par le mode de culture et la qualité des
produits. Ce sont : la région du Word, celle de la
Bourgoyne et celle de la Lorraine (fig. 5).
La région du Nord comprend deux centres prin-
cipaux : l’un aux environs de Busigny, et l’autre
en Flandre, surtout près de Bailleul et d'Haze-
brouck. Les houblons qu’elle produit sont, d'une
manière générale, de moins bonne qualité que
ceux de la Lorraine.
Dans cette dernière région, les houblonnières
se trouvent surtout dans les contrées avoisinant
Rambervillers, Gerbevillers, Lunéville, Toul et
Dieulouard. Les houblons de Bourgogne sont les
plus appréciés de tous les produits français; ils
sont bien supérieurs à ceux d'Alsace et de Belgique,
tout en restant inférieurs à ceux de Bavière et de
| Bohème. Les plantations se répartissent surtout
Tableau XI. — Superficies cultivées en houblon
DÉPARTEMENTS
1891
hectares
97
6
1012
Indre-et-Loire
RE Ta male ie cie
Meurthe-et-Moselle
Nord
SUPERFICIE CULTIVÉE EN : PRODUCTION TOTALE EN :
1893 1891
hecta
.
Mais on peut constater que, si la surface totale
consacrée au houblon depuis 1889 a diminué,
en revanche la somme des valeurs créées a presque
triplé, ce qui prouve en faveur de la qualité des
produits français.
Avant 1870 la surface plantée, accusée par les
statistiques, élait plus considérable; cette diminu-
lion reconnait surtout pour cause la perte de
l'Alsace et de la Lorraine, qui cultivaient et cul-
livent encore beaucoup de houblon.
Quoi quil en soit, l'Allemagne, l'Angleterre, la
Belgique, l'Autriche-Hongrie et les États-Unis
d'Amérique sont des producteurs autrement impor-
tants que la France. L'Allemagne consacre
aux environs de Selongey, de Seurre, de Saint-
Seine et d'Is-sur-Tille.
Comme on peut le voir, les houblons, d'un pays
à l’autre, sont de qualité fort différente, ce qui
! Dans ce pays, la culture du houblon, naguère encore si
prospère, subit, depuis quelques années, les effets d'une
crise qui s’est traduite par une notable diminution des plan-
tations. Cette diminution toutefois n’a pas été générale :
elle a surtout affecté les comtés de Sussex et de Kent. Cet
état de choses semble surtout produit par la dépréciation des
cours, qui, de 212 francs les 100 kilogrammes, en 1870, sont
descendus à 165 francs en 1890; cette dépréciation s’est
aggravée sous l'influence des importations de l'étranger,
surtout de la Belgique et de l'Allemagne, qui ont remplacé,
en grande partie, les produits indigènes dans la consomma=
tion intérieure.
968
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
tient non-seulement aux conditions climatériques,
mais encore au mode de culture, aux variétés adop-
iées, et surtout à la nature.du sol.
IL. — PROPRIÉTÉS ET CARACTÈRES D'UN BON HOUBLON.
La qualité des houblons est non moins impor-
tante en brasserie que celle des orges ; aussi devons-
nous tout d'abord énoncer les caractères distinctifs
des produits de bonne qualité, les seuls que le plan-
teur doive aujourd'hui s'attacher à produire.
La graine, qui se trouve au bas des folioles des
cônes, doit faire défaut ou à peu près; s’il en était
antrement, le houblon, comme le fait remarquer
M. L. Marx, serait de qualité inférieure, et son
arome ne saurait être fin. Enfin, la résine est aussi
un élément très important: le bon houblon doit en
renfermer de 12 à 18 °/,; plus il en contient, meil-
leur il est.
Voici, d'après Rautert, la composition centési-
male d’un bon houblon provenant d’Ellingen :
Indépendamment de la siccité, qui estla première Hunletessen tele PPPPEREEP EEE REP ERREE 0.50
qualité d’un bon houblon marchand, qualité qui Nane: séssreseree nent 10
dépend, avant Lout, du mode derécolteel de séchage Gornme. 00e AVI AUS € LP MNT
et qui ne doit pas laisser subsister dans les cônes nee ÉRHACENES he ae a
; x L Cellulose et substances insolubles.…. 48.3:
Ë 9 0 ? n 1 ts
plus de 8 à 12°/, d'eau, les caractères d un bon SRE co luble ee DAT MR SRE 0 23
houblon sont : lafraicheur (les houblons de l’année ain LR ee RP EC EE 14,50
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Fig. 5. — Carte des districts houblonniers d'Europe.
étant toujours préférés), la finesse des bractées,
la viscosité, les cônes bien fermés, une coloration
jaune verdätre, mais non verte, brune ou rouge,
enfin une odeur aromatique bien prononcée,
Il ne faudrait pas croire que la valeur d’un
houblon dépenae uniquement, comme on l'a dit
souvent, de la proportion de Zupuline qu'il ren-
ferme, celle-ci oscillant entre 8 et 16 °/,; mais,
ce qui importe aussi, c'est la Leneur en tanin, qui
varie entre 2 et 6°/,; plus la quantité de ce der-
nier principe sera Éots meilleur sera le hou-
blon !.
1 Il convient de remarquer que le tanin du houblon n’est
pas identique avec celui de la noix de galle, il se rapproche
plutôt de celui du bois jaune (acide marin-tannique). Son
rôle principal dans la fabrication de la bière consiste à faci-
liter la clarification des moûüts en précipitant les matières
albuminoïdes. Le tanin est surtout réparti dans les bractées,
tandis que la lupuline, l’huile essentielle qu’elle renferme et
la résine, se trouvent dans les granulations. C’est d'ailleurs
à l’huile essentielle que, suivant Rautert, il faut attribuer
Avec le temps, el s’il est conservé dans de mau-
vaises conditions, le houblon perd son arome el
change d'aspect; il devient, en général, plus
sombre et se couvre de taches : au bout d'un an.
il a déjà perdu de sa valeur, et, au bout de six
ans, suivant le D' L. Gautier, il est devenu com-
plètement inodore et brun.
III. — VARIÉTÉS CULTURALES : SOL ET ENGRAIS.
Nous ne donnerons pas les caractères botaniques
et végélatifs du houblon, qui sont bien connus:
qu'il nous suflise de rappeler que c'est une plante
divique, grimpante, sinistrorse, vivace par ses
racines, qui sont {très abondantes et profondément
enfoncées dans le sol ; elles émettent de nombreux
rejetons dès le premier printemps. La végélalion
du houblon est très vigoureuse et peu de plantes
presque tous les effets pour la production desquels le hou-
blon est employé dans la préparation de la bière.
ont dit. ut
- croissent avec autant de rapidité. C’est ainsi que,
- d’après Früwith, lorsque le temps est chaud, en
. une heure l’extrémité d’un plant de houblon croit
de l'étendue d’un cercle ayant 10 à 15 centimètres
_ de rayon.
Les variélés culturales sont assez nombreuses,
_ mais encore insuffisamment étudiées. On peut
- néanmoins les ranger en deux groupes nettement
caractérisés tant au point de vue agricole qu’au
point de vue industriel : les houblons hâtifs d’une
part, et les tardifs de l’autre. Parmi les uns et les
autres on en trouve ayant la Lige verte, d’autres
Payant rougeàtre ; mais ce qui les différencie sur-
tout, c’est que les variétés hàlives ou précoces
mürissent leurs cônes environ quinze jours plus
_ tôt que les autres; par contre, et sauf quelques
exceplions, cet avanlage est compensé par la qua-
lité un peu moindre des produits.
Il serait trop long d’énumérer les variétés agri-
coles de cette plante; nous ne citerons donc que
les principales, dont le nom même rensergne
le plus souvent sur les caractères saillants; c’esl
ainsi qu'il faut mentionner : le %oublon à tige
blanche de Poperinghe, variété hâtive: le Aoublon
carneau, à tige verte, moins hâtive, mais plus
productive; le Aätif de Spalt et le tardif de Spalt
(Bavière); le grape's et le godling's, variétés fixes
obtenues depuis peu en Angleterre. Un grand
nombre d’autres variétés nouvelles, également bien
fixées, obtenues en Bohème, ont été essayées dans
ces dernières années dans les cultures françaises,
}
notamment par M. Guichard à Dracy près de Cha-
lon-sur-Saône, par M. Binq en Bourgogne, et, plus
récemment, par MM. Comon et Cassiez-Duflos à
Busigny (Nord). Ces essais culturaux, portant sur-
tout sur des variétés précoces et à grands rende-
ments, ont donné, en général, des résultats très
encourageants; bon nombre sont, d’ailleurs, encore
actuellement à l'étude.
Le houblon occupant le même sol pendant long-
temps, de dix à vingt ans, et son système radicu-
laire étant très développé, il lui faut une terre non
seulement fertile, mais encore profondément
défoncée.
Quoique cette plante vienne à peu près dans
tous les terrains, pourvu qu'ils réunissent les
conditions ci-dessus et quelle que soit d’ailleurs
leur dominante minéralogique,elleestgénéralement
exclue des terres fortes et humides; dans les sols
très sablonneux etsecs, le houblonest, en général, de
bonne qualité, mais c’est dans lesterres d’alluvion
fertiles, surtout dans les vallées, que le houblon
donne les meilleurs résultats, comme quantité et
qualité. La nature du sous-sol a également une
grande importance en raison même du développe-
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
969
ainsi quelessous-solsimperméables de toute espèce,
ceux d'argile, de tourbe ou de gravier sont absolu-
ment contraires au houblon.
D’après ce qui a été observé en Angleterre, le
houblon se plait fort bien sur certaines couches
géologiques du terrain crétacé inférieur, très riche
en débris animaux et en phosphates fossiles. M. L,
Gossin a eu occasion de constater que, dans le
département de la Meuse, le houblon sauvage se
développe à un point extraordinaire sur ces ter-
rains, et qu'il produit, quoique non cultivé, des
cônes très larges et très riches en lupuline.
Avant l'hiver, la terre destinée au houblon doit
être défoncée à une profondeur qui varie entre 40
et 80 centimètres, parfois même un mètre lorsque
la chose est possible. En Bourgogne, on va assez
souvent à 80 centimètres, et bon nombre de plan-
teurs de cette région considèrent que la durée de
la houblonnière est en raison directe de la profon-
deur du terrain, ce qui, toutefois, n’est vrai que si
la fumure est proportionnée à la profondeur et
appropriée aux besoins de la plante.
Dans la région du Nord, où les labours profonds
ne sont pas toujours possibles, en raison de la
nalure du sous-sol, on ne défonce que rarement
au-dessous de 40 centimètres. A Careney et à
Saint-Nazaire en Artois, dans le Pas-de-Calais, bon
nombre de houblonnières sont établies sur des
sols remués à 30 centimètres de profondeur seule-
ment, et, cependant, leur durée dépasse commu-
nément une quinzaine d'années. En Lorraine,
surtout dans les terres triasiques, la profondeur des
labours de défoncement varie entre 35 et 40 cen-
timètres.
Dans tous les cas, la terre destinée à l’établisse-
ment d’une houblonnière doit recevoir une fumure
abondante, et celle-ci variera avec la nature du sol
et celle des récoltes précédentes, qui sont, en géné-
ral, des plantes sarclées ou des défrichements.
Toutefois, on ne doit pas perdre de vue que le hou-
blon est une plante épuisante: car une récolle
moyenne enlève par hectare à peu près la quan-
tité suivante (tableau XII) d'éléments utiles, que la
, plante devra trouver dans la terre dès son établis-
sement :
Tableau XII. — Éléments pris au sol.
AC.
AZOTE | PHOSPHO-|POTASSE | CHAUX
RIQUE
es | | ns |
1400 kil. de cônes...... 45 k. 15.5 32 15
La plante entière coupée
TAZ-IOPLE . 2... 8e 93 k. 28.0 63 69
Ce qui convient particulièrement à cette plante,
ment considérable du système radiculaire : c’est ‘ c’est la vieille force ou vieille graisse provenant de
970
l'accumulation antérieure de fortes fumures orga-
niques. À défaut de celles-ci, on a recours à
diverses matières fertilisantes. La plus employée
est le fumier de ferme; mais, à ce point de vue, celui
des bêtes bovines est préférable à tout autre, à
condition qu'il ne soit pas trop frais. Des doses
de 35.000, 40.000 et même 45.000 kilos de fumier
par hectare sont fréquemment appliquées, et,
quand celle quantité ne peut êlre réalisée, on
complète la fumure par des composts ou terreaux
provenant de la décomposition lente de débris
organiques divers. Dans les Flandres, on met
souvent des lourteaux, surtout ceux de colza,
à des doses très variables, mais qui ne sont jamais
moindres que 1.200 kilos par hectare. Les déchets
de laine ou de cuir, associés à de la chaux en
A. LARBALETRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
cation du malt réussissent également très bien.
Quelques planteurs, comme le fait observer M
M. A. Damseaux, enfouissent chaque année au *
printemps 1.000 à 1.500 kilos de superphosphate
de chaux et 400 à 500 kilos de chlorure de potas-
sium ; ce dernier engrais serait toutefois plus avan-
tageusement remplacé par 250 à 300 kilos de sul-
fate de potasse. Le nitrate de soude, employé à
forte dose, nuit manifestement à la qualité du hou-
blon, comme l'a démontré E. Pott; mais de faibles
quantités de ce sel, n'excédant pas 150 à 200 kilos,
ou, ce qui est encore bien préférable, du sulfate
d’ammoniaque à raison de 300 à 400 kilos, répandu
en juin, à l'approche de la floraison, sont des plus
utiles dans les houblonnières qui réclament un
supplément de fumure d’une action rapide.
Nord
2 = o : o) o o o o
RE Be 4 0.0 0 © Ce] e) co
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Disposition en carre
Disposttion er qu AnLONCE
Fig. 6. — Disposilion schématique des plants de houblon,
pelile quantilé, sont également très favorables en
raison de leur lente décomposition.
Cette fumure abondante, nécessitée par l’établis-
sement d'une houblonnière, est très onéreuse pour la
première année, qui ne donne, d’ailleurs, qu'un pro-
duit nul ou insignifiant ; les avances nécessitées ne
sont pas inférieures à 1.000 francs par hectare, tant
pour les engrais que pour les travaux de plantation
et de défoncement, qui sont souvent très coûteux.
À cette dépense initiale s'ajoutent, d’ailleurs, les
dépenses annuelles qui, indépendamment des
soins demain-d'œuvre loujours élevés, comprennent
encore des fumures additionnelles, ce qui exigeun
capital d'exploitation élevé; aussi, peu de cultures
sont-elles aussi coûteuses.
Les fumures d'entretien, dans le nord de la France
et en Belgique, consistent en l'apport de fumier de
ferme ou d'engrais flamand, ou encore de purin
dans lequel on a délayé des tourteaux oléagineux ;
les touraillons de brasserie provenant de la fabri-
Ilest toujours bon de tenir en réserve des en-
grais actifs, de préférence de nalure chimique,
pour soutenir les pieds languissants et les amener
à une maturité parfaile.
C'est d'ailleurs avec raison que quelques planteurs
recommandent de ne pas appliquer ces engrais
directement sur la plante, mais de les placer au-
tour des plants, sans les toucher.
IV. — ÉTABLISSEMENT D'UNE HOUBLONNIÈRE, —
PLANTATION, — SOINS D'ENTRETIEN.
Le houblon ne se propage pas de graine; on
plante les houblonnières au moyen de boutures
ou fragments de tiges qu'on détache des pieds
femellesau printemps lors de la taille. Ces pousses, :
qui sont de véritables boutures herbacées, sont de
la grosseur du doigt et mesurent 10 à 15 centi-
mètres de longueur; elles doivent porter quatre
ou cinq yeux bien sains.
La plantation alieu au printemps, ou plutôt à la
be. is.
on: ei dbste ét à it tits à Aaron des RU SE à de ds
À. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
fin de l'hiver, car le houblon entre en végétation
_ de très bonne heure.
On dispose les plantes, soit en carrés, soit en
quinconces (fig. 6); cette dernière disposition est
la plus fréquente et la plus avantageuse : car elle
offre un accès plus facile à l’air et à la lumière.
Autant que possible, les lignes sont orientées
dans la direction nord-sud; les deux parties de la
figure 6 montrent ces deux dispositions.
Les pieds de houblon sont espacés en tous sens
de 4 m. 60 à 1 m. 80 et même 2 mètres suivant les
habitudes locales. La mise en place se faitau plan-
toir et l'emplacement est désigné d'avance au
moyen de pelils piquets.
Suivant l'espacement adopté, on a de 4.500 à
2.500 pieds par heclare. En Bohème on compte
généralement 4.000 pieds, en Angleterre 3.200; en
Lorraine, les plants sont, en général, très serrés,
ce qui présente de graves inconvénients. En effet,
comme le dit Eralh, « celui qui s'imagine que plus
il y a de pieds, plus on récoltera de houblon, se
trompe très gravement. C’est plutôt un espacement
convenable qui permet le libre accès de l’air et de
lalumière. Un piedisolé donne jusqu'à 500 grammes
de cônes. On peut en obtenir autant dans les hou-
blonnières où les pieds sont espacés à 1 m. 74. Si
la plantalion est sensiblement plus serrée, on ne
peut compter par pied que sur un produit moitié
moindre, et les maladies sont plus fréquentes. »
Les jeunes tiges se montrent dix à quinze jours
après la plantation, qui se fait le plus souvent en
triangle, un seul plant étant insuffisant pour les cas
de non-réussile.
Si, après la mise en place, la terre est tropsèche,
on arrose soit avec del’eau pure, soit avec de l’eau
purinée, en opérant de préférence le soir.
Comme la terre reste nue pendant la première
année, les intervalles entre les pieds sont souvent
utilisés pour la culture de pommes de terre ou de
choux pommés. Cependant, il serait préférable de
renoncer à celle manière de faire : car cesrécolles
ne peuvent être obtenues qu'aux dépens du déve-
loppement ultérieur du houblon.
Les travaux d'entretien à partir de ce moment
sont très nombreux, etaucune plante, à l'exception
de la vigne, n’en nécessite autant. Nous nous con-
tenlerons de les résumer : tout d’abord les binages
el sarclages qui sont donnés en nombre indéter-
miné, aussi souvent que le besoin s’en fait sentir ;
on a eusoin de placer dans le voisinage des souches
des gauleltes provisoires servant de tuteurs autour
desquels la plante s’enroule. Vers le mois d’oclobre
on enlève ces tuteurs, on coupe les tiges à quelques
centimètres au-dessus ducolletet on butte les pieds
pour les préserver de l’action des grands froids.
A partir de la seconde année, on pratique tous
971
les ans au premier printems l’opération appelée
châtrage, taille ou habillage, qui consiste à enlever les
parties mortes, à supprimerles jetsinutiles. On ne
laisse sur chaque pied que deux ou trois pousses,
les plus vigoureuses. C’est à ce moment qu'on donne
la fumure annuelle dont nous avons parlé.
L'habillage est suivi du placement des tuteurs
définitifs. Ceux-ci consistent en perches, diles
perches à houblon, en chène ou en châtaignier, dont
la longueur varie entre 8 et 12 mètres; elles doivent
être préalablement goudronnées ou sulfalées pour
en prolonger la durée. Tandis qu’en France, et sauf
de très rares exceptions, l'emploi des perches en
bois est partout dominant, en Allemagne et dans
quelques districts de Belgique on préfère les fils
de fer, qui sontbeaucoup pluséconomiques. D'après
Schlipf !, les houblonss’enroulent mieux autourde
ceux-ciet il n’y a pas lieu de lesratlacher aussisou-
vent; les fils de fer forment, en outre, un ensemble
qui offre une plus grande résistance au vent; Pair
y circule mieux que dans les plantations soutenues
avec des perches, et les cônes sont de meilleure
qualité.
Après le perchage, lorsque les pousses mesurent
de 50 à 60 centimètres de longueur, c’est-à-dire
vers le mois de mai, on procède à l’accolage, qui
ne doit pas être relardé si l’on veut éviter l’enche-
vêtrement des tiges. On pratique l'accolage avec
des brins de paille mouillés.
On garnit uniformément les luteurs de 2
à 4 pousses d’égale vigueur ; toutes les autres sont
supprimées. En juin on fait quelquefois un buttage
pour maintenir plus de fraîcheur au pied.
A la fin de juillet, lorsque la plante a 5 ou6 mètres
de longueur, on supprime les pampres inférieurs :
c’est la rognure, qui, cependant, n’est pas pratiquée
partout. Pendantsa végétation le houblon peutêtre
attaqué, surtout lorsque la culture est mal soignée,
par plusieurs maladies cryptogamiques el insectes,
qui diminuent souvent les rendements dans une
notable mesure. Signalons seulement la moisissure
(Sphærotheca Castagnei), le noir (Fumayo salicina) la
rouille (Puccini humilis), puis l’araignée du hou-
blon (Zetranychus telarius) dont la présence occa-
sionne l'accident appelé brûlure, le puceron (Aphis
humilis) qui produit la miellée ou mouchetit, l’hé-
piale du houblon (Æepiulus humilis), lépidoptère
dont la larve est très nuisible, etc. Enfin, le houblon
est très sensible aux influences atmosphériques :
la sécheresse surtout contrarie sa végétation; mais
l'humidité excessive lui est également très funeste,
surtout en ce qui concerne la qualité; enfin les
vents violents sont tout à fait défavorables à cetle
culture.
1 Scazter, Populæres Handbuch der Landwirtschaft. Ber-
lin, 4885.
972 A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
l HO Dee . ve pédoncules et des feuilles, qui déprécient toujours
V. — RÉCOLTE. — RENDAMENTS: — PRÉPARATION le produit.
DES CONES. — FRAIS DE CULTURE.
Les houblonnières ne sont en plein rapport qu'à
la troisième ou quatrième année, et le produit se
maintient dix, quinze et même vingt ans, si la cul-
ture est bien conduile ; Loutefois, à partir de ce mo-
ment le rendement faiblit et le défrichement s’im-
pose.
La récolte du houblon estune opération très im-
portante, qui nécessite beaucoup de monde et
beaucoup de soins.
L'époque de la maturité des cônes varie, non-
seulement avec les années, mais encore avec les
variétés et la nature du sol. Dans le Nord, les hou-
blons précoces se récoltent de Ja fin d’août au
10 septembre, et les lardifs du 10 au 20 ou 25 du
même mois.
Ilest, d’ailleurs, très important de saisir l'époque
convenable pour procéder à la cueillette. En effet,
si l’on récolte trop tôt, les cônes sont peu odorants,
maigres, trop aqueux, et le séchage est diflicile.
Opérée trop tard, la récolte donne des produits
brunètres, les cônes sont entr'ouverts et laissent
perdre la lupuline.
C'est donc un moyen terme qu'il faut saisir : lors-
que les cônes sont de couleur jaune doré, que leurs
écailles sont encore fermées, en pointe el vis-
queuses, les Liges el les feuilles de la base sont
jaunes.
Il faut faire la récolte par une belle journée et
lorsque la rosée a disparu ; il est surtout essentiel,
pour avoir un produit homogène, de mener la ré-
colle rapidement; à cet effet, on disposera de
beaucoup de bras, d'autant plus que l’on ne cueille
généralement que pendant les heures les plus
chaudes de la journée. |
Le premier lravail de la récolte est le déperchage,
qui consiste à enlever les perches et à les déposer
soit directement sur le sol, soit sur un chevalet.
Mais quelques heures avant de procéder à celle
opéralion, on à eu soin de couper les tiges du hou-
blon à environ un mètre du sol. Le déperchage se
fait au moyen d’un levier ou de tenailles-pinces.
Une fois Ja perche et le plant de houblon qui
l’enroule posés sur le chevalet ou même sur les
genoux du cueilleur assis à Lerre ou sur un esca-
beau, d’autres ouvriers ou ouvrières enlèvent les
cônes, en coupant de manière à ne laisser qu'un
pédoncule d'environ un centimètre. Cet enlève-
ment se fail, soit avec l’ongle, soil à l’aide de ci-
seaux. En Bavière, nous avons vu employer à cet
effel une pelile coiffe en fer-blanc à bord acéré
qu'on placesur le pouceet qui faitl'office de l’ongle.
Il faut avoir soin de ne pas froisser les cônes et les
écailles; on évitera aussi de leur laisser de longs
Un ouvrier peut cueillir par jour de 4 à 5 kilos .
de cônes. Au fur et à mesure que ies cônes sont
détachés, on les met dans des paniers, sans les
tasser. Le panier une fois rempli, son contenu est
déversé dans une grande corbeille ou sur une
civière et porté au séchoir ; les rameaux sont don-
nés aux vaches, qui en sont très friandes; avec cette
nourriture elles produisent, paraît-il, un lait excel-
lent.
Les perches nues sont relevées el disposées en
faisceaux solides; un peu plus tard elles sont ren-
trées à la ferme.
Quelquefois, en Belgique surtout, dans les pe-
tites houblonnières, dès que les perches sont enle-
vées de terre, on dégage les lLiges, on en forme des
bottes non serrées, que l'on rentre; à la ferme on a
soin de délier aussitôt, afin d'éviter tout échaufte-
ment; l'épluchage a alors lieu dans la ferme, sous
abri. È
A Saaz, localilé renommée pour ses houblons,
la cueillette est l’objet de soins tout particuliers.
Chez M. le D' A. Ricard elle est conduite de la
manière suivante : chaqüe famille a sa ligne de
houblon, coupe le pied de la plante, et le houblon-
nier arrache la perche avec son levier; là se borne
le travail du houblonnier. Le cueilleur doit ensuite
tirer la perche, la dépouiller de la plante et couper
celle-ci en rameaux de 50 centimètres de longueur,
afin de faciliter la cueillette.
Trois houblonniers sufisent de celle manière à
arracher les perches pour cent cueilleurs. Deux
houblonniers mettent les rameaux en ordre ; deux
hommes aident aux sécheurs dans les greniers.
Ainsi une équipe de huit hommes est nécessaire
au travail de cent cueilleurs.
Les cônes récollés sontencore verts, très aqueux ;
abandonnés à eux-mêmes ils s'alléreraient rapi-
dement; il faut donc les soumeltre à la dessicca-
tion pour les rendre marchands. Ce séchage peut se
faire, soit à l'air libre, soit au moyen de séchoirs
spéciaux ou tourailles.
En France, où le houblon est le plus souvent
cultivé sur de pelites surfaces, la dessiccation na-
turelle est la plus généralement appliquée.
Elle s'opère dans des greniers bien aérés où le
soleil ne pénètre pas; car son action, en activant
le desséchement des cônes, leur enlèverait la cou-
leur et une partie de l'arome. C’est donc à l'ombre
qu'on dispose les produits, en couches minces, sur
le plancher bien sec ou sur des châssis disposés en.
étages les uns au-dessus des autres. Les couches
ne doivent pas avoir plus de six ou huit centi-
mètres d'épaisseur pour éviter la fermentation et
la moisissure qui en résulterait. Lorsque le temps
est sec, on ouvre toutes les ouvertures du grenier
pour produire un courant d'air; mais on les
liendra fermées par les temps pluvieux et pendant
la nuit, à cause de la fraicheur.
_ _ Dans de bonnes conditions de température, les
-cônes sont suffisamment secs au bout de deux ou
trois jours pour pouvoir êlre mis en couches plus
épaisses, d'environ 30 centimètres ; trois semaines
après, on peut alteindre 50 ou 60 centimètres;
enfin on donne un mètre d'épaisseur; mais il faut
avoir soin de remuer chaaue jour les tas avec de
petites gaules ou un ràteau de bois pour éviter
l'échauffement.
Dans les circonstances ordinaires, ce séchage
dure environ deux mois. :
Lorsque la dessiccation est complète, ce qu'on
reconnait à la crépilation des écailles quand on
froisse les cônes dans la main, le las est recouvert
de toiles propres, pour éviter le dépôt de pous-
sières et la volatilisalion de l’arome.
Toutes ces opéralions sont conduites avec pré-
caution, et surtout sans secousses, pour éviter que
. la lupuline ne se perde.
Quand le houblon a été récolté dans de bonnes
conditions, 3 kilos de cônes frais donnent environ
un kilo de cônes secs. On compte qu'il faut une
surface d'environ un mètre carré pour sécher un ki-
logramme de cônes frais. En Angleterre et en Bel-
gique, on pralique assez souvent le soufrage du
houblon pendant le séchage. L'action du soufre
tue les germes de moisissures, jaunit les cônes et
leur donne du brillant. Or, on s’est demandé si le
. houblon soufré destiné à la fabrication de la bière
peut être nuisible à la santé. La question ayantété
posée il y a quelques années aux chimistes experts
pour la brasserie de Vienne et de Prague, ils ont
déclaré qu'au point de vue sanitaire l'emploi du
houblon soufré, surtout quand son usage ne suit
pas immédiatement le soufrage, n’est nullement
nuisible.
Arrivons maintenant aux rendements du hou-
blon. Ceux-ci sont très variables et influencés
par une foule de circonstances, notamment par les
circonstances météorologiques et par le nombre
de pieds cullivés par hectare.
En général, on ne peut guère compler sur
plus d’une bonne récolle tous les deux ou trois
ans. D'après M. G. Heuzé, dans les bonnes et
moyennes années, chaque perche donne de 50 à
300 grammes de cônes bien secs; il faut des années
exceptionnelles, ou cultiver le houblon sur des
terres d’une grande fécondité pour espérer obte-
nir par perche 400 ou 450 grammes de cônes mar-
chands. Un hectare qui contient 3.500 perches,
c'est-à-dire dont les pieds sont espacés à 1 m. 70,
doit donc produire, quand la récolte est bonne,
A. LARBALÉTRIER — CULTURE DE L'ORGE DE BRASSERIE ET DU HOUBLON
973
de 900 à 1.000 ou 1.200 kilogrammes de houblon.
En Belgique les rendements sont plus élevés et
atteignent 1.400 à 1.500 kilos dans les mêmes con-
ditions, soit de 400 à 500 grammes par perche.
Lesfrais qu'entraine la culture du houblon sont
quelque peu variables; nous donnons ici deux
comptes de culture recueillis par M. Convert et
qui s'appliquent, l’un à la région du Nord, l’aulre
à la Bourgogne.
1° Compte délaillé des dépenses qu'entraine la cul-
ture d'un hectare de houblon, contenant 3.500 pieds ! :
LENCO ENIE EEE Er PCR et 200 fr.
MPOPIONCIR RP Are 30
Remplacement des perches (10 % par an). 390
Engrais : { voiture de fumier à { cheval
par 70 ou 80 pieds par av, à 8 fr. la voi-
ture, ou 2 voitures tous les 2 ans...... 250
Cultures de printemps et d’été, taille, plan-
tation des perches, liage des pousses à
raison de 10 fr. les 100 pieds.......... 350
Cueillette, touraillage, charbon, soupe;
entretien des tourailles, à raison de
18 RES MAUTIpIeUs FE Lee nee 630
Culture d'automne, soins des perches à
raison de 2 fr. les 100 perches......... 70
Frais d'emballage, àraison de fr. les50 kg. 25
IRAN See ae eo une 2,005 fr.
ou 2.000 fr. en nombre rond,
20 Compte des dépenses d'un hectare de houblon en
Bourgogne (Côte-d'Or) ?.
Loyer de la terre à 3.000 fr. intérêts et
IMPOSER rame enr dec 150 fr.
3000 perches à 1 fr. 10; intérêts et amor-
TISS OT R DRM sde MR celtes e ne 165
Séchoirs et matériel de séchage, pour
1 hect. : 2000 fr.; intérêts et amortisse-
MENT eee sl ue ec 100
Main-d'œuvre et frais divers; défoncage à
à la main, 1000 fr. par hectare à répartir
sur 20 années; intérêts et amortisse-
MED EMEA eee do Gaeie ee oies 100
HaCOnS de MAREC(ATE EE CREER ere 450
Cueillette et séchage : 1200 kil. à 0 fr. 35
ONE pe aecces 420
1/10 des perches à remplacer par an..... 330
20 m. c. de fumier, sur place... ......... 140
TOUR ER EE AE eh 1.850 fr.
Voilà pour les frais; voyons maintenant les pro-
duits. Si les rendements sont variables d’une an-
née à l’autre, ainsi que nous l’avons vu plus haut,
les prix auxquels on vend le houblon ne le sont
pas moins, ce qui rend celte culture très aléa-
toire. On sait que le houblon se vend aux 50 kilos.
Le prix en a varié depuis 1881 de 40 à 350 francs ;
mais ce prix de 350 francs, applicable à l’année
1882, est tout à fait exceptionnel, et depuis lors le
chiffre de 200 francs n’a pas été dépassé; on peut
donc admettre comme prix moyen de vente 90 fr.
les 50 kilos ou 180 francs les 100 kilos pour les
1 À Busigny, selon M. Cassiez-Dufos.
2 D’après le Syndicat des Houblons de Bourgogne.
houblons d'excellente qualilé, ce qui porte le
produit annuel à 4.800 francs par hectare, en sup-
posant un rendement de 1.000 kilos par hectare.
Comme on le voit, la cullure du houblon doit
arriver à de grands rendements, 1.200 à 1.500 kilos
à l'hectare, pour être profitable, surtout lors-
qu'elle est faite sur de grandes surfaces. Il est
vrai que, dans la pratique, celle culture étant faite
sur de petites étendues et par des cultivateurs qui
paient beaucoup de leur personne, employant sur-
tout les ouvriers de la ferme ou leur famille pour
les travaux de culture et de cueillette, produisant
eux-mêmes le fumier, qui, de ce fait, n'a pas
besoin d’être acheté, la culture du houblon peut
être plus rémunératrice qu'il n’a élé dit plus haut,
Mais il ne faut pas oublier que le prix de vente
D' M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE
des houblons varie aussi suivantla qualité de ce
produil; nous n’en donnons comme preuve que les.
courssuivants prissurles mercuriales de novembre.
1892.
Les 50 kilogr.
AIOST RTE RE RER 90 à 100 fr.
BOuUr£O MEET EEE O0 MG 0
Boperimehe = ever 90 à 100
Wurtemberg.. 145 à 135
Dpalt.:. ete cri Er 160 à 150
Nuremberg 145 à 160
Dans de pareilles conditions, la culture du hou-
blon est plus généreuse el paie assez largement
le producteur de ses peines.
A. Larbalétrier,
Professeur à l'Ecole d'Agriculture
du Pas-de-Calais,
LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE
D'APRÈS UN LIVRE RÉCENT : ;
« Nous vivons dans un temps où il est bon de
vivre quand on s'intéresse aux choses de la Méde-
cine. » C'est par ces mots que M. le Professeur
Bouchard inaugurait ses lecons sur les auto-intoxi-
cations en 1887, et l’on peut dire que personnne,
par ses travaux, n'a mieux que lui justifié cette af-
firmation. Il suffit de parcourirle Trailé de Pathologie
générale qui vient de paraitre pour juger de la part
importante prise par M. Bouchard non seule-
ment dans les progrès récents de la Médecine,
mais encore dans la rénovalion de cette science.
On répète volontiers qu'il n'y a rien de nouveau
sous le soleil, et cette maxime profondément
banale est devenue le bréviaire des esprits cha-
grins ou paresseux qui, sous prélexte que tout
a été dit, se refusent à s'aventurer dans les sen-
liers récemment ouverts. M. Bouchard se heurta,
dès le début de ses recherches, à cet état d’àme
moins rétrograde que slalionnaire. L'ironie el
les sarcasmes même qui accueillirent ses pre-
mières publications sur la nature parasilaire
de la tuberculose le laissèrent indifférent. Plu-
sieurs années avant la découverte du bacille de
Koch, il établissait l’origine infectieuse de cette
maladie et il en tirait toutes les conséquences avec
une telle logique déductive que, si, depuis lors, on
a un peu ajouté à ses travaux, on n’en peut rien
retrancher. Le traitement pathogénique par la
créosote est mème resté, en attendant la médi-
calion spécifique, plus efficace. En présence de
ses premiers adeptes, — et parmi ceux-ci, on ne
1 Trailé de Pathologie générale, publié par Ch. Boucnaror.
Tome 1, — G. Masson, Paris, 1895.
saurail passer sous silence le nom de M. Landouzy,
qui fut un de ses plus ardents disciples, —
M. Bouchard reportait tout le mérite de sa doc-
trine à deux hommes qu'il admirait : Villemin et
Pasteur.
Aujourd'huila victoireest définitivement acquise,
puisque tout le monde est enrôlé sous la même
bannière, et il serait injuste de ne pas rappeler les
luttes du début, oubliées surtout par ceux qui fu-
rent les plus véhéments contradicteurs.
L’apparilion du 7Yrailé de Pathologie générale
marque une étape importante dans l’histoire de la
Médecine. Nous voudrions prendre occasion de la
publicalion de cel ouvrage pour indiquer, suivant
le plan même du livre, quelques points intéres-
sants de la pathologie contemporaine.
I
A l’exceplion de la préface, M. Bouchard n’a
écril personnellement aucun des chapitres du nou-
veau volume publié sous sa direction. A côlé de
quelques professeurs qu'il s'est adjoints, comme
M. Mathias Duval et M. d'Arsonval, la plupart de
ses collaborateurs sont ses élèves. L'absence d'u-
nité qu'on pourrail reprocher à leur ouvrage, véri-
table mosaïque d'écrivains différents, se trouve
alténuée par la forte empreinte personnelle du
maitre. Cependant cette influence est suflisamment
discrèle pour permettre à chaque auteur de faire
valoir, suivant son mode de réaction personnel, sa
part d’originalité.
C'est qu'en effet la plupart de ces auteurs ne
sont guidés par aucun ouvrage précédent, la patho-
re générale, telle qu'elle est envisagée aujour-
_ d'hui, différant totalement de l'enseignement qui a
porté ce nom jusqu'ici. Broussais, au commence-
"ment du siècle, s’engageail, avec la fougue d’un
combattant ce dans une voie qui devait
aboutir à l’anéantissement des doctrines du passé,
dans lesquelles la métaphysique occupait le pre-
mier rang. Mais le « physiologisme », édifié sur
une base qu'ébranlait la méthode expérimentale,
ne lardait pas à s’effondrer. C’est avec Andral que
celle méthode commença à se faire jour; toutefois,
la pathologie générale de ce fin clinicien gravita
surtout autour de l'observation etde l'anatomie pa-
thologique. Les doctrines de Chauffard ramenèrent
la pathologie à une période mystique, etles vérités
traditionnelles devinrent momentanément des
dogmes!. Avec M. Bouchard s'élève une École
- nouvelle : la pathologie générale se dépouille
_ définitivement de son caractère sacerdotal pour
- devenir la synthèse des faits expérimentaux. Dès
lors, essentiellement mobile et mouvante, elle suit
| les étapes du progrès, toujours en évolution, et se
faconnant suivant les faits démontrés par des expé-
riences incessamment renouvelées. Ainsi transfor-
mée, elle n’est plus, comme autrefois, le point de
départ des doctrines : elle devient l'aboutissant des
faits.
Ce n’est pas à dire que l'hypothèse soit bannie
de la pathologie générale; elle est, au contraire,
indispensable pour coordonner les observations qui
ne comporlententreelles d'autre lien que ceux que
l'esprit yapporle; mais sa valeurn'’est appréciée que
suivant son degré de vraisemblance et, ce qui est
bien la caractéristique de notre époque, c’est l’im-
portance momentanée etrelative qu’on lui attribue.
Hier encore les maladies infectieuses étaient domi-
nées par la lutle pour l'existence entre les cellules
de l'organisme envahi et les germes vivants. Au-
jourd’hui déjà la doctrine humorale reprend faveur
et la maladie, comme la guérison, relèvent des
réactions chimiques.
Ce n’est passeulement sur le terrain des maladies
infectieuses que M. le Professeur Bouchard a édifié
la pathologie actuelle; dans ses recherches sur les
maladies par perversion de la nutrition et par auto-
intoxicalions, il a orienté l'étude des causes pa-
thologiques vers la chimie biologique et l'histochi-
mie, sciences dont on n'apercçoit pour l'instant que
les premières lueurs, mais qui sont sûrement des-
|
1
|
|
|
! Remarquons, toutefois, que, mème du vivant de Chauf-
fard, l'influence de ses doctrines ne s’exerca pas sur tous les
esprits; fortement atteintes par le courant scientifique créé
par Magendie, les doctrines de Chauffard ont été définitive-
ment détruites et bannies de la science par notre illustre
philosophe expérimental Claude Bernard.
(Note de la Direction.)
D° M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE 975
tinées à porter la plus vive lumière dans l'étude
de la pathogénie.
Il
Présenter en quelques pages la pathogénie géné-
rale del’embryonetlatératogénie, c’est là certes une
tâche fort ardue. Ce sujet, difficile à comprendre, à
cause de l’obscurité profonde qui règne encore sur
cette science, est devenu, sous la plume de M. le
Professeur Duval, d’une clarté et d'une précision
surprenantes. Ce n'est pas trop dire que d'affirmer
qu'il fallait tout le talent d'exposition de M. Duva!
pour rendrela tératogénie d'une lecture attrayante.
Mais ce n’est pas seulement par la simplicité
dans la forme que se distingue ce travail; c'est
également par l'exposé critique des faits ainsi que
par l’apport des recherches personnelles.
Le tératogénie est présentée sous un jour nou-
veau : dès l’abord, M. Duval, se plaçantsur le terrain
de la pathogénie, s'efforce de démontrer comment,
chez l'embryon, les causes morbides, frappant des
organes non pas en fonctions, maisen voie de forma-
tion, déterminent des troubles de développement,
des malformations et des anomalies d’organisa-
tion. Il s'élève contre les théories qui supposent
des organes déjà constitués normalement et dont
la maladie vient altérer les formes et la constitu-
tion histologique; pour lui, ce développement
anormal détermine la maladie même, puisque
l'embryon ne traduit sa vie et ses fonctions que
par des actes de développement. Les monstruo-
sités sont d'autant plus considérables que leurs
causes agissent à une époque plus primitive et sur
des phénomènes plus essentiels. Après avoir dé-
montré pourquoi les expériences de Geoffroy-
Saint-Hilaire n’eurent pas de résultat, M. Duval
insiste sur l'importance des faits révélés par les
recherches de M. Dareste. On sait que ce savant a
produit des monstres, en soumettant l'œuf de la
poule à des températures un peu supérieures ou
un peu inférieures au degré fixe indispensable au
développement normal, ou bien en troublant la
respiration de l'embryon, en obturant les pores de
la coquille sur une étendue variable à l'aide du
vernissage. Enfin, il a fait incuber des œufs dans
des conditions anormales de position et de mouve-
ment {agitation et vibrations transmises). D'autres
recherches, qu'on doit à M. Féré, portent princi-
palement sur les effets de l'intoxication, les œufs
ayant été soumis à l'influence de l'éther, de la
morphine, de l’absinthe, de certaines toxines.
Les résultats observés autorisent quelques rap-
prochements avec les faits révélés par la clinique.
M. Duval nous montre l'influence de la lumière
sur certaines régions de l'œuf. Quant à l’action des
traumatismes, elle est surtout intéressante par ce
fait que Fol a pu réaliser une monsiruosité déter-
976
D' M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE
minée d'avance. — L'espace nous fait défaut pour
suivre M. Duval dans son exposé substantiel de la
pathogénie générale de l’embyron, et d'ailleurs
l'analyse ferait disparaitre la clarté et la netteté
élégante qui sont la caractéristique de l’enseigne-
ment du professeur d'histologie de la Faculté de
Médecine de Paris. Rappelons cependant qu'après
une discussion serrée des faits, M. Duval adopte la
conclusion formulée par Paul Bert : « En fait de
monstres, il n'y à point de genres ni d'espèces, il
n'yaque des individus ».
TI
M. Roger, dont le titre modeste de secrétaire de
la rédaction implique une somme de travail consi-
dérable, a rédigé plus de la moitié de l'ouvrage.
Ses premiers chapitres sont consacrés à des sujets
philosophiques et littéraires afférents à l’art mé-
dical. En les parcourant, on est bientôt séduit par
son style où la finesse de l'expression est le reflet
de l'esprit critique.
Après les définitions d'usage sur la vie, la force
vilale, la malière vivante, M. Roger arrive aux
conceptions de M. Bouchard, qui considère la ma-
ladie comme « l’ensemble des actes fonctionnels
et secondairement des lésions anatomiques qui se
produisent dans l’économie, subissant à la fois les
causes morbifiques et réagissant contre elle ». La
diathèse doit être définie « un trouble permanent
des mutations nutritives qui prépare, provoque,
etentretient des maladies différentes comme forme
symplomalique, comme siège anatomique, comme
processus pathogénique »; elle dépend du tempé-
rament, qui est la caractéristique dynamique de
l'organisme, résultant de tout ce qui concerne les
variations individuelles des activités nutrilives.
M. Roger s'élend avec raison sur la pathologie
expérimentale, devenue le complément indis-
pensable de la clinique, puisque les progrès de la
bactériologie ont fourni le moyen de faire naître à
volonté chezles animaux un grand nombre d’infec-
lions. Mais il met l’expérimentateur en garde contre
la tendance qu'il peut avoir d'appliquer à l’homme
les résultats obtenus chez les animaux, el, lors-
qu'il s’agit d'un médicament nouveau, il con-
seille au médecin de l'essayer d’abord sur lui-
même avant de le prescrire à des contemporains.
Les causes de la mutabilité des types cliniques
sont une des parties les plus intéressantes du tra-
vail de M. Roger. Il démontre comment la civilisa-
lion intervient pour modifier la pathologie, et le
rôle important du commerce par la navigation
pour transporter el acclimater les agents patho-
gènes des différents pays. À ces transaclions cor-
respondent des échanges de matières toxiques et
virulentes. D'autre-part la grande activité intellec-
tuelle, et surtout les préoccupations qui lui sont
afférentes, jouent un rôle important dans le déve-
loppement des névropathies et de la dégénéres-.
cence.
L'étude des intoxications est traitée avec am=.
pleur, et M. Roger y révèle son talent d’expéri-
mentateur et ses qualités d'exposition. Il se meut
à l'aise dans une science à laquelle il a consacré.
de nombreuses années de travail, et où ses tra-
vaux personnels ont apporté un fort contingent de
fails nouveaux.
Il s'efforce, dès le début, de préciser par une
définilion le sens du terme #xoxicalion. La com-
plexité d'un phénomène biologique, qui englobe
tant de faits dissemblables, rend presque impos-
sible l'expression concise d’un énoncé exact. D'a-
près lui, une substance est loxique quand elle est
capable de troubler la vie des éléments anato-
miques en modifiant, directement ou indirectement,
le milieu qui les contient. Celte définition est certes
très large, mais elle n'implique pas suffisamment
la nocivité qui s'attache au poison. Il est vrai que
la toxicité dépend souvent moins de la nature de
la substance que du pouvoir d'élimination de l’or-
ganisme, d'où résulte qu'un même élément devient
Lour à tour, sans changer de composition, bienfai-
sant ou nuisible.
Le corps des animaux est un véritable labora-
toire de poisons; envisagée sous ce jour, la vie
consiste à fabriquer des toxines et à les éliminer.
La source de ces dernières est multiple : la vie
cellulaire déverse dans l'organisme les sécrétions
et les déchets résultant de la désassimilation.
D'autre part, les différentes phases par lesquelles
passent les aliments pour être assimilés, les
amènent à des états constitutifs transitoires, dont
l'utilisation dans ces états est nuisible; une grande
part dans ces élaborations revient aux microbes,
habitant normalement le tube digestif. Leurs as-
socialions, leur virulence, exaltée le plus souvent
par l’arrivée de nouveaux venus ou simplement par
des modifications fonctionnelles passagères dans
leur habitat naturel, deviennent une source infinie
de variantes dans la gamme de l'intoxication. Il
faut ajouter les matières toxiques introduites dans
l'organisme, les seuls poisons connus autrefois.
M. Roger décrit avec soin les poisons alimen-
laires, habituels et accidentels. 11 étudie successi-
vement le rôle de l’eau, du vin, de l'alcool, des
végélaux avariés, de la viande des animaux
malades ou surmenés. Il insiste à juste titre sur
la toxicité de la chair de poisson. C'est là un fait
que nous avons vérifié nous-même dans des
recherches inédites. Étudiant la toxicité urinaire,
par injection de l'urine dans le système veineux
du lapin, suivant la méthode de M. Bouchard, nous
vd dd à
avons constaté que, de tous les aliments, le poisson
est celui qui rend l'urine toxique au plus haut
degré. Il nous a paru vraisemblable qu'il s’agit de
plomaïnes, et nous pensons que le poisson, absorbé
- immédiatement après sa mort, ne donnerait pas
on coefficient urotoxique aussi élevé que celui que
|
:
nous avons trouvé. :
C’est qu'en effet les poisons putrides apportent
un contingent important à la pathologie : les uns
sont absorbés, déjà formés dans la chair des ani-
maux qui servent à notre alimentation; mais le
plus grand nombre est élaboré dans l'organisme
- même et résulle de notre chimie intérieure, dans
Ruelle les fermentations revendiquent une large
_ part.
. Sous le titre de poisons journaliers non alimen-
- taires, M. Roger passe en revue l’action nuisible de
l'air confiné, de l'acide carbonique qui se dégage
des appareils de chauffage à combustion lente, de
la respiration des malades, puis celles qui relèvent
d'habitudes individuelles comme l'usage de tabac,
Dune, opium, cocaïne, éther, et les inloxi-
calions professionnelles produites par le plomb, le
cuivre, le phosphore, le mercure, l'arsenie, pour
ne parler que des plus fréquentes.
Les auto-intorications à l'état normal constituent un
chapitre où se trouvenl,exposées avec beaucoup de
méthode et de clarté, les leçons de M. Bouchard
publiées en 1887. Partant de cette loi, élablie par
Claude Bernard, que toute manifestation vitale est
nécessairement liée à une destruction organique,
M. Roger nous fait parcourir les conséquences
. multiples de ce phénomène d'ordre général : pro-
duction des leucomaïnes, poisons urinaires, Loxi-
cité des sécrétions, etc. Dans celte étude de l’ana-
lyse chimique appliquée à la pathologie, l’auteur
nous présente le bilan des connaissances actuelles ;
ce bilan est peu fourni et une grande obscurité
- règne encore sur ce lerrain. Cependant les clartés
que la Chimie projette déjà sur la pathologie nous
font entrevoir que c’est dans cette direction que
l’étude des maladies doit désormais s'engager.
nn. à so éd:
IV
Ea lisant l’article de M. le Professeur d’Arson val
sur l'énergie électrique et la matière vivante, on trouve
exposés des faits si intéressants et des vues si
personnelles, que l’on regrette que celte partie ne
soit pas plus développée.
Après avoir élabli que la matière est le support
de l'énergie, mais qu'elle en reste dislincte,
M. d’Arsonval montre qu'à l'énergie mécanique
thermique il faut ajouter l'énergie électrique, qui
renferme toutes les formes anciennement connues
de l'énergie. De plus, toutes les formes de l'énergie
peuvent se transformer en électricilé. Il considère
D' M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE
977
l'être vivant comme un transformateur d'énergie
ayant un Aodus faciendi qui lui est propre. L'élec-
lricité possède le pouvoir de meltre en jeu toules
les propriétés vilales de la matière organique.
Elle peut traverser le corps sous forme de courant
permanent où de courant variable. Variable, le
courant détermine une excilation violente des nerfs
et des muscles; s'il est permanent et modéré, lout
reste au repos; s'il est fort, l’action électrolytique
se produit. L’ampèremètre permet de doser son
intensité. L'élal permanent à basse tension s'obtient
par la vollaïsation produite par la pile: les
hautes tensions constituent la franklinisation et
sont produites par la machine slalique. Après
avoir formulé la loi suivant laquelle l'intensité de
la réaclion motrice ou sensilive est proportionnelle
à la varialion du potentiel au point excité,
M. d'Arsonval introduit celte notion nouvelle en
Médecine : qu'une excitation électrique donne des
résultats toujours les mêmes quand sa forme est
la même, que cetle excilalion provienne d'une
source électrique quelconque, machine stlalique,
pile, bobine d'induclion, etc. Ainsi disparait celte
idée erronée que les effets physiologiques diffèrent
suivant la source employée.
L’excilation produile par deux courants iden-
liques, mais de sens inverse, se succédant sans
interruption à travers les tissus, ne délermine au-
cune destruction organique par électrolyse. C’est
ainsi que M. d'Arsonval a été amené à introduire
en Électrothérapie l'usage des courants alternatifs
sinusoïdaux pour l'élat variable, courants dont les
propriélés sont fort précieuses, puisque, à basse
fréquence et à bas potentiel, leur passage à travers
l'organisme n'est pas senli, tandis qu'il augmente
considérablement les échanges nutritifs; d’aulre
part, à fréquence et à potentiel moyens, ilfaitcon-
tracter violemment lous les muscles tant à fibres
lisses qu'à fibres striées, et cela sans douleur.
En augmentant le potentiel, on a des courants
qui semblent donner la mort; mais celle-ci n'est
qu'apparente, élant due à une simple inhibition de
la respiration. Et, en effet, les Américains ont pu
ramener à la vie plusieurs de leurs criminels élec-
trocutés. Enfin, à fréquence et à potentiel très
élevés, les courants alternatifs sinusoïdaux donnent
naissance à des phénomènes bien inattendus et qui
paraissent devoir être mis à profit par la (héra-
peutique. Ces faits, qui ont été complètement
exposés dans cette Aevue !, n'ont pas encore donné
des résullats applicables à la clinique: mais ils
nous permettent d'entrevoir la portée qu'ils
peuvent peut-être un jour acquérir dans le traite-
1 Voyez à ce sujet. L. Ozrvier : Les propriétés physiques
et physiologiques des courants électriques alternatils, dans
la Revue du 15 mai 1894, t. V, pages 313 à 321.
978
D: M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE
ment des maladies infectieuses, puisque MM. d’Ar-
sonval et Charrin, ayant injecté dans les tissus
d’un animal vivant des bacilles pyocianiques, ont
obtenu une atténuation sur place.
V
M. Marfan, abordant « la fatique el le surmenage »,
nous amène sur un terrain d’aclualilé. Sile terme
de surmenage n'est pas nouveau, on lui a certes
donné une extension qu'il n'avait pas eue jus-
qu’alors. Les médecins d'abord, puis les psycho-
logues, qui constituent la catégorie des roman-
ciers, ont jeté dans le public cette idée que la vie
moderne, par les efforts constants qu’elle nécessite,
joints aux excilalions répétées des agréments de
l'existence, amène les faibles au surmenage et
peut créer de loutes pièces la prédisposition qui
s'accuse dans la descendance.
CI. Bernard a fixé le premier anneau de cette
chaine pathologique en démontrant que toute ma-
nifestalion vilale est liée à une destruction de
malière vivante. L'accumulalion des déchets
amène la fatigue; si les conditions qui réalisent
celle-ci sont poussées à un degré plus élevé, le
surmenage passager apparait; que la cause per-
siste, et l’élat de surmenage se trouve consli-
tué. Suivant l'organe soumis au travail, le sur-
menage prédominera sur tel ou tel appareil;
mais son influence se diffuse dans tout l’orga-
nisme, car il s’agit d’un poisonqui,pours'éliminer,
emprunte la voie du milieu intérieur.
Peter, dans sa lutte entêlée contre les doctrines
pastoriennes, avait invoqué un fait d'observation
que les recherches expérimentales ont confirmé :
c'est qu’à côté de la fièvre typhoïde, maladie spéci-
fique, il existe toute une gamme d’états typhoïdes
résultant de l’auto-typhisation, dans la pathogénie
desquels le surmenage reverdique la première
place !. Cependant le problème n’est pas encore
complètement élucidé : car, si la fatigue et le sur-
menage font naître dans l'organisme des poisons
cellulaires, il con vient de ne pas négliger l'apport
des toxines bactériennes résultant de la virulence
que peuvent acquérir, grâce à cette dystrophie, les
habitants qui constituent la flore microbienne in-
testinale à l’état physiologique. Ce sont là des faits
que le D' Marfan n’a pas peu contribué à répandre:
car, depuis plusieurs années, dans des publications
diverses,il est revenu sur ce sujet. Les expériences
sur lesquelles ilappuie ses démonstralions sont em-
! C'était là, contre les doctrines pastoriennes, un pitoyable
argument. Pasteur n'avaitil pas établi — notamment par la
célèbre expérience du refroidissement des poules — que la
maladie microbienne est fonction de ces deux variables indé-
pendantes : l’état du micro be et l’état de l'organisme? C’est à
Pasteur que l'on doit la notion scientifique de l’état de T'ÉCEp=
livilé, (Note de la Direction.)
prunlées aux lecons de M. Bouchard sur les auto-
intoxications, qui, parsesrecherchessurles poisons
de l'organisme et sur latoxicité urinaire en rapport:
avec le surmenage, a le premier posé nettement la.
question.
Dans les quelques pages que M. Marfan consacre
aux causes et aux effets du surmenage mental, M
se trouvent habilement amalgamés une foule de
faits d'apparence disparale, mais dont la réunion .
apporte quelque lumière à un sujet resté jusqu'ici
plein d’obscurité.
NI
Aborder l'étude de la prédisposition et de l’im-
munité, c’est là un terrain ardu, hérissé de diffi-
cultés, d’incerlitudes, d'obseurités même.Les quel-
ques pathologistes qui se sont aventurés dans celte
voie ont été arrêtés par les objections qui surgis:
sent de toutes parts. M. Bourcy s’est tenu habile-
ment à l’abri des critiques dans ce périlleux sujet.
Il a exposé avec clarté el méthode les faits apportés
par la tradition, qu'il a reliée d’une façon fort inté-
ressante aux recherches contemporaines. Cepen-
dant M. Bourcy ne s’esl pas contenté d'enregistrer
le bilan actuel de nos connaissances : on rencontre
dans chacun de ses chapitres des discussions très
judicieuses et, à défaut de conclusions, une mise
au point parfaite des questions ainsi soulevées.
Dans l’étude de la prédisposition M. Bourcy
passe en revue l'influence de l'âge, du sexe, de la
race, de la constitution, du tempérament, des pro-
fessions, du climat et des maladies antérieures. Le
rôle de la prédisposilion est si imporlant pendant
la période de croissance, que la pathologie infan-
tile présente des maladies et des modalités mor-
bides uniquement altribuables à la nature du ter-
rain en voie d’accroissement.
L'athrepsie, le rachilisme, les ostéomyélites, la
chorée, la chlorose, elc., sontdes affections liées à
l’évolution. L'influence du sexe n’est pas moins
intéressante à constater : la menstruation, la gros-
sesse, la laclalion, la ménopause, créent des con-
ditions physiques et morales en rapport avec les
fonctions. La prédisposition dépendant des races
était connue dès la plus haute antiquité. La race
nègre présente une pathologie spéciale dépendant
de causes multiples : la race, le milieu, le climat,
s'associent pour réaliser des conditions morbides
particulières. Dans la race blanche les Anglo-
Saxons ont des aplitudes spéciales pour la goutte
et surtout pour la scarlaline, particulièrement
grave pour les Anglais, même lorsque cette
maladie est contractée à l'étranger. En France,
dans les provinces qui ont élé longtemps soumises
à la dominalion anglaise et où la race anglo-
saxonne à marqué son empreinte, la scarlaline est
hésité Sont SRE 4
shéesistst
plus fréquente que dans les autres régions. En ce
“qui concerne la race juive, M. Bouchard considère
que les prédispositions spéciales qu'on lui a attri-
_ buées, relèvent moins de la race que de l’exis-
ge _Lence de citadins que les Juifs mènent depuis des
“siècles et que les mariages entre eux transmettent
et concentrent. Cependant M. Zambacco cite un
exemple qui révèle un véritable attribut de race.
L Constantinople, les Juifs d’origine sémilique sont
fréquemment atteints par la lèpre, tandis que les
“Juifs karaïtes restent toujours indemnes; or
M. Lagneau a établi que ceux-ci n’ont adopté le
judaïsme que vers le milieu du virr° siècle.
Siles documents de valeur sur la prédisposition
sont rares, il n’en est pas de même de l’émmunile,
C'est là une question déjà traitée par plusieurs
“savants dans la Revue générale des Sciences. M. Bou-
chard en a fait un exposé magistral au Congrès de
“Médecine de Berlin et, depuis lors, la sérothérapie
est devenue une méthode d’une valeur désormais
‘incontestable.
VII 3
Le rôle de l’Aérédité dans la pathologie générale
est un sujet vaste, prètant aux considéralions phi-
-losophiques et pour lequel les siècles passés ont
- apporté une ample moisson de documents. C'était
une tâche difficile que de discerner, parmi tant
- de matériaux, ceux qui présentent un intérêt
. réel. Grâce à M. Legendre, celte question est de-
- venue claire, précise et d’une lecture des plus
agréables. Le style élégant etlaforme très littéraire,
qui font considérer M. Legendre comme un des
- plus brillants écrivains médicaux de notre époque,
. ne contribuent pas peu à faire valoir cette partie
. de l'ouvrage.
Suivant cet auteur, l'hérédité est la transmission à
l'être procréé des caractères, attributs et propriétés
des généraleurs. Le secret de l'hérédité réside
dans la généalogie ininterrompue des différentes
parties de la cellule. Parmi celles-ci M. Bouchard
considère qu'au protoplasma est dévolu un rôle
capital : car, sila matière qui le constitue se renou-
velle, par contre sa composition chimique est
stable et héréditaire ; or c’est d'elle que relève le
type nutrilif.
Cet héritage ancestral d'un nouvel être se
modifie par les différentes influences de milieux :
alimentation, climat, mode d’existence, elc.,et par
les intoxications, Charrin ayant délerminé l’infan-
tilisme expérimental à l’aide de produits solubles
pyocyaniques. L'action de l'alcool dans le cas
du virus syphililique constitue une expérience
réalisée journellement par la clinique. Dans la
goutte et les affections dites arthritiques, le rôle
du ralentissement de la nutrition transmis par
les ascendants est aujourd'hui un fait démontré.
° M. SPRINGER — LES PROGRÈS DE LA PATHOLOGIE GÉNÉRALE 9719
Recherchant le rôle de l'hérédité dans les dys-
trophies élémentaires, M. Legendre envisage son
action dans la chlorose, l’hémophilie, le purpura,
l’artério-sclérose, le rachitisme, ele. L’hérédité du
cancer est discutée à l'aide d'arguments ingénieux ;
après avoir cité des exemples qui démontrent l’al-
ternance entre les grossesses gémellaires et le can-
cer, il signale la considération suivante : le can-
céreux peut engendrer des enfants qui portent déjà
leurcancer, tandis que les enfants des tuberculeux
naissent avec la prédisposition à contracter la lu-
berculose.
Pour établir l'hérédité dans les maladies du sys-
tème nerveux, l’auteur a puisé dans l'abondante
bibliographie réunie dans la thèse d’agrégation
de M. Dejerine. Le côté philosophique et social
est bien mis en relief dans les pages consacrées
à l'hérédilé de la tendance au vol, des pas-
sions, du jeu, de l'avarice, du libertinage, du
suicide, etc. Indiquant les stigmates physiques et
psychiques de la dégénérescence, M. Legendre
nousconduitrapidementàtraversses étapes, depuis
l'idiot complet jusqu à l'imbécile, au débile et au
dégénéré supérieur, dont certains écrivains moder-
nes nous ont montré la présence prédominante
dans les classes sociales qui s’intitulent dirigeantes.
Si la dégénérescence est fàcheuse pour l'individu,
elle est, par contre, bienfaisante pour l'espèce. Car
les dégénérés sont frappésavec prédilection par les
agents pathogènes, quiempêchentainsi l'extension
indéfinie de nouveaux types pathologiques. Les
descendants des individus trop tarés sontinféconds
ou meurent jeunes. La loi d’'hérédité morbide est
donc défensive au point de vue social. Mais le
médecin, n'étant pas appelé à envisager des faits
d’une si haute portée, est, au contraire, convié à
lutter contre les effets désastreux de l’hérédité sur
l'individu. M. Legendre montre, par un exemple
probant, que leclinicien peut agir activement contre
les tares héréditaires au point d'annuler leurs
funestes effets. En profond moraliste, il considère
l'hérédité comme la solidarité entreles généralions
successives: « Elle pourrait être, dit-il, le plus puis-
sant facteur du progrès humain, si chacun était
convaincu que les actes de sa vie doivent retentir
sur sa descendance. » Cette notion n'est certespoint
d'acquisition récente, et, pour le prouver, M. Le-
gendre à fort spirituellement choisi comme épi-
graphe ce passage de l'Écriture, emprunté à un
prophète qui s’est acquis une certaine réputation
par ses prédictions lamentables :
Les pères ont mangé des raisins verts,
Et les dents des enfants en ont été agacées.
D' Maurice Springer,
Chef de laboratoire
à la Clinique médicale de la Charité.
980
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LE RETOUR DU COURANT DANS LES LIGNES DE TRAMWAYS ÉLECTRIQUES ET LA SOUDURE DES RAILS —
EXEMPLES DE TRANSPORT D'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE À GRANDE DISTANCE .
Un grand nombre de systèmes de tramways élec-
triques ont déjà été mis en exploitation : systèmes à
accumulateurs, à conducteur souterrain, à conducteur
aérien. Ge sont ces derniers que nous prendrons cons-
tamment comme exemple, bien que ce que nous allons
dire puisse, en général, s'appliquer aux tramways à
conducteur souterrain. Les tramways à conducteur
aérien sont d’ailleurs de beaucoup les plus répandus.
Un fil est suspendu en l’air au-dessus et tout du long
de la voie. C’est lui qui amène le courant. Celui-ci, par
l'intermédiaire du trolley, petite poulie qui est portée
par la voiture et qui roule au contact du fil, se rend
dans les moteurs des essieux et les actionne. Il s’agit
maintenant de lui permettre de getourner à la dynamo.
On a parfois adopté dans ce but un second trolley et
un second fil parallèle au premier, à Cincinnati (Etats-
Unis), par exemple. Cette solution, parfaite au point
de vue électrique, a le grave inconvénient de doubler
le réseau de fils aériens, Aussi l’usage ne s’en est-il
pas répandu, En général, on se sert tout simplement,
comme circuit de retour, des roues de la voiture et
des rails. Mais celle question n’est pas aussi simple
que ne le croyaient, au premier abord, les ingénieurs
électriciens. Les rails sont formés de petits bouts de
quelques mètres, 8 ou 10 par exemple, réunis par des
éclisses et des boulons, Ces points de jonction offrent
une grande résistance au passage de l'électricité, On
avait bien compté sur la terre pour aider le courant à
aller d'un troncon de rail au suivant. Mais la terre,
en dépit de l’excellente réputation qu'on lui fait à ce
sujet, est très mauvaise conductrice. Pour diminuer la
résistance du joint, on a placé un fil de cuivre, dont
les extrémités étaient serrées par les têtes des boulons
des éclisses. C’est le système employé par les Compa-
snies américaines de Chemins de fer. Il suffit parfai-
tement pour l'envoi de leurs signaux électriques, qui
utilisent que de faibles courants. Mais il est insuffi-
sant pour les forts courants que nécessitent les
tramways. Et l'on s’en apercut bientôt. Les conduites
d’eau et de gaz, ainsi que les câbles téléphoniques sous
plomb passant aux environs des voies, présentèrent,
au bout de très peu de mois, un nombre de fuites ou
de défauts tout à fait anormal, Et, quand on les eut
mis äu jour, on conslata qu'en beaucoup d’endroits
ils élaient complètement rongés, comme par l’action
d’un acide. Evidemment, c'était l'électricité qui était
la coupable. Le courant, trouvant trop de résistance à
chaque joint, se répandait à travers le sol, trouvait les
tuyaux métalliques qui lui offraieut une voie facile, et
les suivait aussi longtemps que possible pour re-
tourner ensuite à la dynamo, Par électrolyse, il met-
tait en liberté, au voisinage des tuyaux, les acides
de certains sels contenus dans le sol. Les Compa-
gnies du Gaz, des Eaux et des Téléphones firent
entendre des réclamations vives et fondées. Il fallut
chercher à faire disparaître le mal. On s’efforca tout
d’abord de trouver des combinaisons capables de dimi-
nuer l'attaque des tuyaux métalliques. Mais ce ne pou-
vait être là qu'une demi-mesure. Le véritable remède
était de former avec les rails un circuit continu aussi
peu résistant que possible. On a augmenté, dans ce
but le diamètre et le nombre des fils de cuivre con-
nectant les troncons de rail, et on a cherché à obtenir
une surface de contactaussi grande que possible entre
ceux-ci et le cuivre, tout en conservant une facilité de
pose suffisante, Nous ne nous étendrons pas aujour-
d'hui sur les systèmes qui dérivent de ces idées, etils.
sont nombreux ; nous aborderons immédiatement lé-
tude d’une méthode toute différente et beaucoup plus .
radicale, Les jonclions des troncons de rail étaient les »
points défectueux et d’où venait tout le mal, Un excel-.
lent parti était de les supprimer en les soudant. Il y.
eut toutefois une grande hésitation avant que les ingé- …
nieurs s’y résolussent. Dans la méthode ordinaire de
pose des rails, on sait que, entre un troncon et le sui- .
vant, on laisse un petit vide qui permet au métal de .
se dilater librement pendant les chaleurs. Si le vide
n'est pas suftisant, les deux extrémités peuvent venir
au contact, et, la chaleuraugmentant encore, le rail est.
exposé à se soulever et à se tordre. Que se passerait-il,
si un rail était continu dans toute sa longueur ? Admet-.
tons un rail de {10 kilomètres de long, une augmen-.
tation de température de 10° et un coeflicient de dila-
tation linéaire de 0,000011, ce qui est à peu près exact.
D'après ces conditions, l'allongement, d'après la for-
mule bien connue !, sera en mètres :
dl = 10.000 X 0,000011 X 10 = 1,10.
Il était impossible, on le comprend, de songer à
laisser prendre au rail uñ tel allongement. Ses bou-
lons d'attache et les nombreuses courbes qu’en général
il fait, ne le permettraient pas. La dilatalion ne pou-
vaut se produire, le métal développerait, contre tous
les obstacles qui l'empêcheraient, une résistance con-
sidérable, mais dont on n’avait et dont on ne pouvait.
avoir qu'une idée approximative. Et si ces obstacles
n’élaient pas suffisants, ne se produirait-il pas un jour …
de grande chaleur les plus graves accidents? les rails
se soulèveraient et se briseraient, les pavés, tout du
long de la voie, seraient enlevés et projetés, les voi-
tures en circulation seraient renversées. Tout cela
n'était pas certain, mais était parfaitement possible.
Devant une telle perspective, on avait le droit d'hési-
ter; et chacun, désireux de connaitre le’ résultat de
l'expérience, comptait sur son voisin pour l’exécuter,
Ce sont les ingénieurs américains, avec leur audace
ordinaire, qui se sont les premiers résolus à tenter
l'aventure. Un certain nombre de Compagnies com-
Fig. 1. — Schémamontrant la disposilion adoptée dans
les premières soudures électriques. — R, R, coupe ho-
rizontale de deux extrémités de rail; E, E, éclisses
particulières adoptées pour la soudure; p, petite
plaque d'acier entrée à force entre les deux rails ;
S,S, $, S, Soudure.
mencèrent d'abord par juxtaposerles troncons du rail,
sans autre souci de l'allongement produit par la cha:
leur que de construire la voie aussi solidement que
possible, Il ne parut résulter de cette pratique aucun
inconvénient, La Johnson Company de Johnstown (Pen-
RARE CRUEL D D QE RER TE RER
‘ di. allongement; «, coef. de dilatation; {/, températures
>
'
deux fois, chaque
_ bout de rail étant
_sylvanie) alla plus loin et entreprit de souder les
ails. Elle fit une première expérience pratique sur un
ù troncon de ligne de la West End Street Railway Com-
-pany de Boston, Massachusetts !. Voici comment elle
“opérait (fig. 1): les éclisses étaient enlevées et les
extrémités des rails RR soigneusement nettoyées au
moyen d’une petite
meule en émeri por- +
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
981
Si un bout de rail, par exemple, avait basculé sous
l'action du poids de la voiture, l'une des extrémités
se serait relevée, et le joint, outre que par son défaut
d'horizontalité il aurait rendu la voie mauvaise, se
serait trouvé exposé à des efforts (trop considérables
qui l’auraient brisé en peu de temps.
Dans une voiture
possédant en même
tée au bout d'un ar-
breflexible. Un coin T
d'acier p était en-
tré à force entre les
deux troncons de
rail, et, de chaque
temps les appareils
moteurs des voitu-
res ordinaires, é-
taient contenus les
appareils nécessai-
res à la soudure. La
côté, étaient alors
placées des éclisses
EE d’une forme par-
_ticulière, La sou-
dure se faisait en
_ séparément soudé
électriquement aux
éclisses. Celles-ci,
pendant l'opéra -
tion, étaient main-
tenues en place et
serrées par les mà-
choires d'un fort
étau servant en mèê-
me temps à amener
un courant de fai-
ble voltage mais de
très forte intensité,
qui portait en quel-
ques minutes au rouge
ques en contact où lui
relativement grande. La
F, fil de trolley; T, trolley:
rupteurs; G, ampèremètre ;
le retour du courant extérieur.
blanc les surfaces métalli-
était offerte une résistance
pression exercée suflit alors
pour former la soudure, Le premier essai ne fut pas
très heureux. Un grand nombre de joints se brisè-
rent bientôt, non pas à l'endroit même du joint, mais
à quelques centimètres à côté. Les ingénieurs de la
Johnson Company ne se découragèrent pas. Ils ne vou-
lurent voir,
comme cause
de leur insuc-
cès, qu’un
mauvais pro-
cédé de tra-
vail et se mi-
rent à cher-
cher des per-
fectionne -
ments à leur
méthode, Un
second essai
fut fait sur le
Baden and
Suint - Louis
Railway de
Saint - Fouis,
Mississipi.
Lavoie, qui
présente de
nombreuses
courbes, fut
complète -
mentposécet
les rails soigneusement mis en place avant de com-
mencer les soudures. C’est, qu’en effet, si on les avait
faites au fur et à mesure de la construction de la
voie, Les rails auraient été insuffisamment assujettis,
la voiture contenant les appareils de soudure les aurait
dérangés, et le joint aurait eu une position défectueuse.
Coupe du rail à l'endroit du joint.
Fig. 3. — Délails des disposilions employées pour la soudure électrique des rails. —
RES EC 1 Se 2 QUIGE Se
R, R', extrémités des deux troncons de rail; Ty, To, Ta, T,, tasseaux d’acier qui for-
D MR A AS CRT | DNA É LS
meront après la soudure de jonction des deux bouts de rail; e, partie supérieure du
joint; un bourrelet s'y forme pendant la soudure, bourrelet que l’on fait ensuite dis-
paraître à coups de marteau-pilon.
1 P. Dawson. Electric traction (s'rie d'articles parus dans
Engineering).
Fig. 2. — Montage des GRpareils pour la soudure électrique du rail. —
À, interrupteur automatique ; I, l', inter-
M, moteur transformateur produisant le
courant alternatif; B, bobine de self-induction à noyau mobile servant
de rhtostat; S, transformateur ; D, circuit à gros fil de transformateur ;
r, rail à souder maintenu entre deux tasseaux {, l';R, rail servant pour
figure 2 donne le
schéma deleur mon-
tage. Le courant
continu, pris sur le
fil F,. passe, par
l'intermédiaire du
trolley T, d'un in-
terrupteur auloma-
tique À, d’un inter-
rupteur ordinaire I
el d’un ampèremè-
tre G, dans un trans-
formateur - moteur
M,et de là retourne
à la machine géné-
ratrice par le cir-
cuit des rails R. Le
moteur M fournit
un courant alterna-
tif à basse tension,
alimentantle circuit
à Gil fin d’un transformateur ordinaire S qui abaisse la
tension aux bornes du gros fil D à 2 ou 3 volts. Un inter-
rupteur l' permet de supprimer le courant, et une
bobine de selfinduction à noyau mobile, de le régler.
La voiture qui porte ces appareils pèse en tout 30 tonnes.
Elle est précédée par une autre qui porte des arbres
flexibles et de petites roues à l’émeri et prépare l'o-
pération en polissant les extrémités des rails sur une
largeur de 5
centimètres
de chaque cô-
té. Ensuite
vient la « voi-
ture-soudeu -
se ». Elle pas-
se tout en-
tière sur le
join pepe
soude de l’ar-
rière. Ce mo-
de d'opérer
lui permet de
conlinuer son
travail sans
avoir à pas-
ser sur un
joint nouvel-
lement fait
et encore
chaud . Les
extrémités
des rails à
souder sont
rapprochées autant qu'il est possible en enfoncant
un coin dans le joint suivant. La soudure se fait en
deux fois, au moyen de quatre petits tasseaux d'acier
T, T, TI, T, (fig. 3). T, et T,, serrés par les mâchoi-
res d'un étau, sont d'abord soudés; puis T, et T,.
Quelques tours de main sont nécessaires pour me-
ner à bien ces deux opérations successives, dont la
seconde , par l’échauffement qu'elle produit, pour-
rait nuire aux résultats de la première. Quand le
]
Rail vu de côté à l'endroit du joint.
982
joint est terminé, un marteau-pilon, porté par la voi-
ture, en bat la partie supérieure ce (fig. 3) afin d’aplatir
le bourrelet qui s’est formé. Pour préparer un jointet
l’exécuter, il faut de 12 à 15 minutes; la soudure pro-
prement dite n’en demandant qu'une ou deux. Son
prix de revient est de 15 à 18 francs. Le courant
continu, pris sur la ligne du trolley à la tension de
500 volts, estde 250 ampères. Il est transformé en cou-
rant alternatif, et la tension est ensuite abaissée à 2
ou 3 volts, ce qui correspond, avec les pertes, à une
intensité probable de 40.000 à 50.000 ampères,.
La soudure électrique a également été adoptée par
The Nassau Electric Railway Company de Brooklyn, New-
York. Le système employé est, à peu de choses près,
celui que nous venons de décrire. Iln’y à que quelques
différences de détails. Les appareils sont portés par
deux voitures; le moteur-générateur se trouve dans la
première, le transformateur dans la seconde. Les tas-
seaux, un peu plus larges que dans le cas précédent,
sont maintenus hydrauliquement au lieu de l'être par
un étau. Enfin, le rail, aux environs du joint, est recou-
vert d’une composition ignifuge, dans le but d’éviter
les déperditions de chaleur pendant l'opération.
A côté du procédé électrique de soudure des rails,
en à surgi un autre, employé par The Falk Manufactu-
ring Company, de Milwaukee, qui paraît être plus simple
el probablement moins coûteux. Le système consiste
à couler autour du joint un bloc de fonte, L'appareil-
lage se compose d’une petite fonderie roulante com.
prenant un cubilot, une chaudière, une machine à va-
peur et un ventilateur. Les extrémités à réunir sont
parfaitement nettoyées; puis, de chaque côté, on place
un moule en fonte, garni intérieurement d’une compo-
silion particulière et préalablement chauffé au rouge.
Le fond est formé d'une couche de sable, et les rem-
plissages latéraux sont faits au moyen d’argile. On
coule la fonte, on attend une dizaine de minutes que
le tout soit suffisamment refroidi, eton enlève le moule.
Une équipe de six à huit bommes, disposant d’un seul
cubilot peut faire plus de cent soudures par jour. Cha-
cune d'elles revient à environ 15 francs.
Quel est l’avenir réservé à ces diverses méthodes ? Il
est encore trop tôt pour se prononcer, 12 à 13 kilo-
mètres de rails ont été soudées à Saint-Louis, et 100
environ à Brooklyn, dans le courant de l’année der-
nière. Jusqu'ici toutes ces voies paraissent s'être bien
comportées. Mais elles n’ont pas encore subi l'épreuve
d’un assez long temps pour que l’on puisse escompter
le résultat qu’elles ont donné, si encourageant qu'il
soit, La soudure est, certes, une solution parfaite au
point de vue électrique. Les circonstances permettront-
elles qu’elle soit universellement acceptée? Un doute
semble subsister dans lesprit des ingénieurs. M. P.
Dawson, après son retour d'Amérique, où il avait soi-
sneusement étudié la traction électrique, disait, en
Octobre 1894, au Comité de l’Associalion des anciens
élèves de l'Institut Electro-technique Monteliore
« En renouvelant les pavés, il faut avoir soin de ne pas
découvrir une trop grande section à la fois, sinon les
rails s’élèveraient et iraient peut-être se projeter dans
le second élage des maisons. » Voilà certes une pers-
pective qui invite à la réflexion et à la prudence.
L'un des molifs qui pourraient faire rejeter une
transmission d'énergie à longue distance serait le ren-
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
dement dérisoire de l’installalion. Mais Ja perte en
ligne diminue, toutes choses égales d’ailleurs, au fur
et à mesure que la tension augmente, Par conséquent, …
pour une distance donnée, il ÿ à un certain voltage qui
permet de faire la transmission dans des conditions
économiques acceptables. Lors de l'établissement des .
premiers réseaux à haute tension, on ne dépassait pas
2 à 3.000 volts; puis quelques audacieux se sont aven-
turés jusqu'à # ou 5.000. Et, l'expérience ayant réussi,
on est allé jusqu’à 10.000. Nous citerons deux exemples
d'emploi de cette dernière tension.
Le premier nous est fourni par une communication
de M. G.-H. Winslow, au 12° Congrès de The. American
Institute of Electrical Engineers (Juin 1895). L'auteur à
dirigé, vers la fin de 1892, la construction d’une usine
hydraulique utilisant les chutes de la montagne San
Antonio. Cette usine alimente deux sous-stations si-
tuées l’une à Pomona, à une distance de 13 miles 3/4,
et l’autre à San Bernardino (Californie), à une distance
de 28 miles 3/4; 13 miles 3/# et 28 miles 3/4 valent
respectivement de 22 à 25 kilomètres, et de 46 à 52 ki-
lomètres selon le genre de miles dont il s’agit. Il n’exis-
tait tout d’abord qu’un seul alternateur de 120 kilo-
wats (160 chevaux). En Janvier 1894, on en a ajouté un
second !, Ces alternateurs produisent J2 courant sous
une tension de 1.100 volts environ, que des transfor-
mateurs élèvent ensuite à 10.000. La méthode employée
est originale et mérite d'être signalée. À chaque alter-
nateur est relié un groupe de 20 transformateurs. Les
primaires sont mis en quantité et reliés aux bornes de
la génératrice. Les secondaires, dont les bornes respec-
tives présentent une différence de potentiel de 560 volts,
sont au contraire réunis en série, Aux sous-stalions,
par une disposition analogue, on abaisse la tension à
1.000 volts. Une telle manière de procéder étail exces-
sivement prudente et aurait permis, par un autre
groupement des transformateurs, d'employer le long
de la ligne une tension moins forte, si la pratique
avait fait rejeter celle de 10.000 volts.
American Machinist? nous cite un second exemple
plus récent, mais aussi beaucoup plus important : celui
de Sacramento (Californie). L’usine génératrice est à
une distance de cette ville de 24 miles (38 à #4 kilo-
mètres). Les turbines sont au nombre de 4, accouplées
directement à des dynamos triphasées de 1.000 che-
vaux chacune, Des transformateurs élèvent le voltage
initial (dont la valeur ne nous est pas donnée) jusqu’à
10.000 volts, et c’est sous cette tension qu'est transmis
le courant au moyen de càbles aériens. La perte en
ligne est de 20 °/,, de sorte que la puissance utilisable
représente environ 3.2: 0 chevaux. C’est, parail-il, beau-
coup plus qu’il n’en faut. Aussi l'énergie électrique,
qui se vend certainement à très bas prix, est-elle em-
-ployée à tous les usages : éclairage, production de la
force motrice, chauffage des appartements et des
fourneaux de cuisine, etc. La mise en service de
l'installation a eu lieu le 15 Juillet dernier avec plein
succès. Nous souhaitons que le succès soit durable :
des exemples heureux de transmission à si longue dis-
tance et à si haut voltage ne peuvent qu'être favorables
au développement de lélectricité.
À. Gay,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique.
1 Western Electrician, n° du 17 Août 1895.
2 No du 95 Juillet.
1° Sciences mathématiques.
Poincaré (Henri), Membre de lInstitut, Professeur à
| la Facullé des Sciences de Paris. — Les Oseillations
i | ANALYSES ET INDEX
è
électriques. Lecons professées pendant le premier tri-
mestre 1892-1893, rédigées par Ch. Maurin, Agrégé de
l'Université, — 1 vol. in-8& de 350 p. avec fig. (Prix :
12fr.) G. Carré, 3, rue Racine, Paris, 1895,
La science des oscillations électriques, née d'hier, est
encore dans sa prime jeunesse : les contours s’en des-
sinent vaguement, et l’œuvre expérimentale dans ce
domaine est (rop peu avancée pour permettre que
chaque problème qui s’y rattache soit l’objet d’une
investigation mathématique rigoureuse.
Nous n'y trouvons point, comme dans les sujets
- exposés déjà par lillustre mathématicien, — les
théories de l'élasticité et de la propagation de la cha-
leur par exemple — un terrain solide, permettant
d’échafauder avec sécurité des calculs dont le résultat
sera l'expression exacte d'un phénomène. On défriche
encore, cherchant en gros la voie que, plus lard, on
rendra carrossable,
Aussi les mathématiques, accompagnant l'exposé des
expériences qu'elles expliquent et complètent, sont-
elles rarement ici d’une rigueur qui eût été superflue,
Souvent le problème est côtoyé par des moyens d’une
- extrêmes mplicité, el l’on reste émerveillé de la facilité
« avec laquelle on est conduit tout près de la solution,
aussi près du moins que l'expérience le permet, tandis
qu’en voulant s'approcher encore davantage, on cour-
rait à d'inextricables et inutiles difficultés.
L'ouvrage classique de Maxwell, d’où procèdent nos
notions modernes de la science électrique, laisse l’es-
prit un peu dans le vague. On y retrouve des vestiges
des anciennes théories amalgamées aux idées dont le
grand physicien de Cambridge fut le promoteur et
Japôtre. Hertz entreprit d’abord d'en unilier l'idée. Sans
s'attacher trop au texte, il admit que les théories de
- Maxwell étaient caractérisées par les équations aux-
quelles il arrive, et il chercha à les retrouver en par-
- tant d’un point de vue unique. C’est aussi de là que
part M. Poincaré, et, pour ceux qui ont été élevés dans
- la terminologie ancienne, il en résulte un instant
. d’embarras, L’électricite n'existe plus que comme
résultat d’un calcul; la chose simple, c’est la force élec-
trique qui permettrait d'épuiser le sujet sans que l’ex-
pression analytique représentant ce que les anciennes
théories nomment l'électricité y soit une seule fois posée.
Les hypothèses de la nouvelle théorie, qui sont dis-
cutées au début de l'ouvrage, sont d'abord : l’unité du
champ électrique et du champ magnétique, la conser-
vation de l'électricité et du magnétisme, la conserva-
tion de l'énergie, les lois de Joule et d'Ohm,
La première hypothèse consiste à admettre qu'un
champ magnétique produit par un courant possédera
toutes les propriétés d’un champ dû à un aimant, et de
même pour un champ électrique; les deux espèces de
champs sont alors entièrement définis par deux sys-
tèmes de vecteurs, auxquels il suffira d'imposer les
conditions prescrites par les autres lois.
Ces principes, exposés dans les premiers chapitres
du cours, sont rapportés à la notation de Hertz; mais,
pour la facilité de la comparaison, les équations de
Maxwell sont aussi indiquées. C’est alors seulement que
l’on aborde l'étude des oscillations électriques par
l'exposé de la théorie de Lord Kelvin, les expériences
de Feddersen et de M. Moutonet enfin celles de Hertz.
Dirons-nous comment l'importance de la découverte
de l’étincelle excitatrice est rendue pour ainsi dire tan-
COS PT A
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
983
BIBLIOGRAPHIE
sible? « Pour faire oscillerun pendule, il faut l’écarter de
sa position d'équilibre, et faire disparaître la cause qui
le maintenait écarté de celte position. Mais il faut que
celle cause disparaisse rapidement, en un temps petit
par rapport à la durée d’une oscillation. Si, par
exemple, ce temps était le quart de la durée d’une
oscillation complète, le pendule serait justement
revenu à sa position d'équilibre et n’oscillerait pas. »
C’est pour cette cause que l’étincelle, d’une durée
totale beaucoup moindre que celle d’une oscillalion,
provoque celte dernière, ce qu'aucun dispositif méca-
nique n’eùt permis de réaliser pour des oscillations
dont la longueur d'onde fût inférieure à des centaines
de kilomètres. Les premières expériences de Hertz per-
mettaient déjà d'affirmer que la durée de l’étincelle
excitatrice était inférieure à un milliardième de seconde.
Les recherches récentes de M. Lebedef, qui a abaissé la
longueur de l’onde électrique jusqu'à quelques milli-
mètres, nous montrent que celte étincelle peut ne
durer qu'un trillionième de seconde. Herlzétait loin, par
conséquent, d’avoir épuisé Paction du merveilleux ins-
trument qu'il avait découvert d'une facon toute fortuite.
La première objection qui se présente à l'esprit à
propos des expériences de Hertz, se rapporte à la
capacité et à l'induction propre de la bobine reliée au
primaire. M. Poincaré montre que celte cause pertur-
batrice n'intervient pas; puis il indique les petits écarts
que l’on trouvera en tenant compte de la capacité du
fil et de la répartition cinématique de l'électricité sur
les boules de l’excitateur. Toutes ces petites erreurs,
négligées par Hertz, ne modifient pas sensiblement les
résultats auxquels il est arrivé, comme on peut s’en
rendre compte, en calculant, avec toute la rigueur que
le problème comporte, ces corrections pour des dispo-
sitifs donnés, celui de M. Blondlot en particulier.
Le courant de déplacement autour du fil, qui se tra-
duit par la radiation de l'énergie dans l’espace, et dont
la théorie élémentaire ne tient aucun compte, pourrail
introduire des erreurs plus considérables, Le calcul,
comparé à l'expérience, montre que cette cause pertur-
batrice peut être à peu près négligée, si l’on s'en tient
à la durée de l'oscillation.
Mais les courants de déplacement consomment l’éner-
gie de l’oscillation, qui s'éteint rapidement. C’est,
comme on sait, la cause de la résonance multiple,
découverte par MM. Sarasin et de la Rive, et dont
M. Poincaré a donné la première théorie exacte etcom-
plète. L’amortissement, considérable dans le primaire,
très faible dans le résonateur, suffit pour expliquer
ce singulier renversement des rôles, le phénomène
visible dépendant avant tout du récepteur. Cette idée
de M. Poincaré a, du reste, été vérifiée par M. V.
Bjerknes et M. Pérot, par une étude de l’amortissement
dans les diverses parties de l'appareil, puis confirmée
par lesexpériences de M.Nils Strindberg, qui, en modi-
fiant convenablement l’excitateur et le résonateur, est
parvenu à changer le rapport des amortissements, de ma-
nière à obtenir une longueur d’onde apparente égale à
celle de l’un ou l’autre des organes. La première partie
du cours de M. Poincaré est consacré à l'étude de toutes
les questions relatives aux appareils; la méthode con-
siste à prendre l’un après l’autre les divers instruments
employés par les expérimentateurs et à en calculer les
effets. Le raisonnement s'appuie ainsi sur quelque chose
de tangible, et l’on est toujours à même de comparer le
résultat du calcul avec celui de l’expérience, Cette pre-
mière partie se termine par la relation des expériences
sur la vitesse de propagation des actions électrodyna-
miques, et par quelques applications de la théorie,
984
Au chapitre VIT, nous quittons la propagation dans
l'air pour aborder les mouvements dans les corps pos-
sédant un pouvoir inducteur spécifique différent. C’est
ici que l’on trouve pour la première fois la confirma-
tion éclatante de l'idée de Maxwell, relative au pouvoir
inducteur spécifique comparé au carré de l'indice de
réfraction. Les dernières expériences ont réservé bien
des surprises, en montrant que certains écarts trouvés
en se servant d'ondes optiques disparaissaient comme
par enchantement lorsqu'on avait recours aux ondula-
tions électriques. Toutefois, il reste une fissure à com-
bler en ce qui concerne quelques liquides dont l'indice
de réfraction optique et électrique est d’un ordre de
grandeur différent,
Ce sont de ces-mystères d'aujourd'hui, sur lesquels
l'avenir nous apportera sans doute quelques lumières.
Déjà, depuis que M. Poincaré a terminé son cours à la
Sorbonne, de nouvelles expériences ont éclairci plus
d'un point resté obscur. Il en est tenu compte dans un
chapitre additionnel éerit pendant l'impression de
l'ouvrage.
Le cours de M. Poincaré est, sans doute, trop près de
l’époque où les oscillations électriques vinrent si à
propos populariser l’œuvre de Maxwell, trop contempo-
rain au développement de cette branche de la science
électrique pour en être l'expression définitive. I] a bien
plutôt servi de guide aux recherches, en coordonnant
le travail déjà fait et en donnant la première vue d’en-
semble sur des faits encore épars et, pour la plupart,
insuffisamment discutés. C’est le livre d’une époque,
auquel il faudra toujours recourir lorsqu'on voudra se
rendre compte du développement de nos idées sur cette
question des oscillations électriques.
Ch.-Ed. GUILLAUME.
2° Sciences physiques.
Fuchs (Gotthold). — Anleitung zur Molecularge-
wichstsbestimmung nach der Beckmann'schen
Gefrier-und Siede-punktsmethode (Guide pour la
détermination du poids moléculaire par les méthodes
cryoscopiques et ébullioscopiques de Beckmann).—1 vol.
in-8° de 40 p.(Priæ : 1 fr. 50.) Engelnann. Leipzig, 1895.
Cette petite brochure de 40 pages contient la des-
cription détaillée du mode opératoire adopté au labo-
ratoire de M. Beckmann pour effectuer les mesures
cryoscopiques et ébulliscopiques. En principe, les ap-
pareils employés par ce savant, surtout pour la cryos-
copie, ne différent du dispositif de M. Raoult que par
des détails de construction qui simplifient l'opération.
De nombreux expérimentateurs ont modilié, chacun à
son point de vue spécial, l’appareil classique de
M. Raoult, sans que personne leur ait attribué pour
cela le mérite de la découverte de la cryoscopie. Si
l’auteur de ce petit opuscule-tenait à nous faire con-
naître les procédés employés plus spécialement au la-
boratoire de M. Beckmann, auquel on doit un très
grand nombre d'observations fort bien faites, il nous
semble qu'il eût été correct de laisser un peu moins
dans l'ombre les noms des deux savants auxquels la
science est redevable de ces ingénieuses méthodes :
M. Raoult pour la découverte de la cryoscopie, M. Van’t
Holf pour les développements mathématiques qu’elle
comporte. Ces réserves faites, nous nous empressons
de reconnaître que la brochure de M. Gotthold
Fuchs contient tous les détails qui intéressent le prati-
cien : description des appareils avec figures, méthodes
de calcul, choix des dissolvants, anomalies, enfin des
tables dans lesquelles on trouvera réunies les cons-
tantes des principaux dissolvants, au nombre de 28
pour la cryoscopie et de 34 pour l’ébulliscopie; ces
tables nous ont paru très complètes; nous n’y relevons
qu'une seule omission, facile à réparer dans une nou-
velle édition : l'oubli de la constante cryoscopique de
l'acide sulfurique hydraté, un excellent dissolvant
employé récemment avec succès par M. Lespiaud.
Ph.-A. GUYE.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
Garçon (Jules), Ingénieur-Chimiste, Licencié és sciences.
— La Pratique du Teinturier. Tome I : Les Mé-
thodes et les Essais de Teinture. Le Succès en
Teinture. Tome II : Le Matériel de Teinture.
2 vol. in-8° de 150 p. et 400 p. avec 245 fig. (Prix es.
3 fr. E0 et 10 fr.) Gauthier- Villars, Paris, 1894-95.
L'auteur de cet ouvrage, qui comprendra un troi-
sième volume, est fort au courant de tout ce qui con-
cerne non seulement la teinture, mais en général les
fibres textiles.Sous le titre de : Bibliographie de la Tech
nologie des fibres textiles : propriétés, blanchiment, tein-
ture et matières colorantes, impression et appréts, il a
publié, en 1893, un ouvrage couronné par la Société
Industrielle de Mulhouse, répertoire aussi complet que
possible de toutes les publications, périodiques ou
autres, traitant de ces divers sujets. M. J. Garçon ne
s’est pas contenté d’énumérer les titres des nombreux
ouvrages qu'il a dù cataloguer. Il a lu les principaux
d’entre eux : les deux volumes de la « Pratique du Tein-
turier » sont le fruit et le résumé de ce labeur.
Le premier volume, après quelques pages d’Intro-
duction historique, entre directement dans le sujet par
l'exposé des méthodes de teinlures, envisagées par
rapport à la nature de la matière colorante et à celle
de la fibre, Ces considérations générales mènent l’au-
teur à passer en revue les opérations qui précèdent la
teinture (dégraissage, blanchiment, mordancage, etc.), …
celles qui constituent la teinture proprement dite, et
enfin celles qui suivent Ja teinture (avivage, savon-
nage, vaporisage, apprêts, elc.).
Ün chapitre spécial est consacré à la solidité des
couleurs teintes. Les anciens travaux de Chevreul sur
la résistance que présentent les matières colorantes
nalurelles à la lumière {dans le vide, en présence
d’air sec ou humide, ou dans une atmosphère d'hydro-
gène), et sur laction de la chaleur et des agents
atmosphériques, y sont analysés.
Puis viennent les travaux récents de Hummel, qui à
parfaitement défini la solidité des couleurs, en la.
considérant comme fonction du rôle que doit remplir
à l’usage l’objet teint, et qui, le premier, à méthodi-
quement éludié la résistance des couleurs artificielles,
si nombreuses aujourd'hui, à divers agents (lumière,
frottement, foulonnage, chlorage, acides, etc.). La série
des expériences de M. Frusher sur la résistance des
couleurs fixées sur laine est également mentionnée.
L'auteur donne en appendice, à la fin du volume, un
résumé de la théorie de la teinture. Les dernières dis-
cussions, entre les partisans de la théorie chimique et
ceux de la théorie mécanique, y sont exposées, avec les
arguments expérimentaux produits de part et d'autre.
Les relations entre la couleur des corps et leur cons-
titution chimique, telles que M. 0. N. Wittles a éta-
blies le premier, sont aussi indiquées.
Cet intéressant volume se termine par des éléments
de chromatique, résumé des travaux de Chevreul, de
Rood, de Rosenstiehl, etc., sur « la science de la cou-
leur ». Toute cette partie théorique, fort attachante, ne
paraitra pas déplacée, bien que le livre s'adresse sur-
tout aux praticiens.
Le second volume est consacré tout entier à l'étude
du « Matériel de teinture ». Il renferme deux cent qua-
rante-cinq dessins ou croquis des machines et des dis-
positifs les plus importants. Il ne saurait être résumé
que par l'indication, empruntée à la table systéma- |
tique des matières, des sujets traités par l’auteur. En
voici l'énumération : Epuration des eaux dans les tein-
tureries. — Du chauffage et de la production de la vapeur.
— De la circulation des liquides. — De l'extraction des
bois de teinture. — Dégraissage, blanchiment, mordan-
çage. — Teinture des poils, rubans, bobines, cannettes,
chaines, écheveaur, tissus, — Du lavage, de l'essorage, du
séchage. — Opéralions diverses. :
Le volume à paraitre sera consacré aux «Recettes et
procédés spéciaux de teinture ». Nul doute qu'il ne
soit à la hauteur des précédents et ne complète digne-
ment la série. Maurice PRüuD'HOMME.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
985
= 8° Sciences naturelles.
othelier (A.). — Recherches anatomiques sur les
épines et les aiguillons des plantes. Influence
de l’état hygrométrique et de l'éclairement sur
les tiges et les feuilles des plantes à piquants.
- Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de
Paris. — Brochure in-S° de 147 pages avec 8 planches.
Lille, imprimerie Le Bigot frères, 1895.
Voici un sujet d'anatomie physiologique à l’ordre du
jour. On sait que beaucoup de plantes transforment
en épines leurs rameaux, leurs feuilles et parfois leurs
racines. Au moment où il est à la mode d'attribuer la
moindre particularité morphologique à une adaptation
plus ou moins hypothétique, une étude comme celle-
ci doit attirer l'attention. Pour se préparer à faire une
étude critique de la question, M. Lothelier s'est pro-
posé de déterminer par quels moyens les rameaux
trans'ormés en piquants acquièrent les caractères de
résistance qui les distinguent des rameaux normaux ef
. quels sont les lissus qui concourent à leur donner
leur rigidité particulière ; c’est évidemment par là qu'il |
- faui commencer. L'auteur examine successivement les
rameaux et les feuilles transformés en piquants, les
. aiguillons d’origine corticale ou épidermique dépour-
vus de faisceaux libéroligneux, et quelques organes de
- même nature dont l’origine est douteuse.
Lorsque des rameaux se transforment en épines
(Ajone, Colletia, Citrus triptera, Aubépine), la lignifiga-
tion porte surtout sur le cylindre central; les tissus
conducteur et assimilateur se réduisent; au contraire,
- les fibres du bois, lescellules de la moelle et des rayons
médullaires se sclérifient et forment un tissu de sou-
. tien très puissant.
Les feuilles passent fréquemment à l’étatde piquants,
- partiellement où en totalité (Cirsium, Berberis, elc.);
- elles présentent alors les mêmes transformations que
… les rameaux-épines ; fait remarquable, la symétrie bila-
É. térale y est souvent altérée et les stipules épineuses de |
- beaucoup d'Acacias ont une symélrie axile semblable
à celle du rameau. Voici encore un cas où les préten-
dues lois morphologiques sont en délaut,.
Les aiguillons du Càprier, des Rosiers, des Ronces,
de certains Groseilliers, les piquants des Cactus sont
produits par l’épiderme et les assises corticales ; elles
font hernie au dehors; les couches les plus externes
- de l'écorce sont sclériliées et donnent à.ces organes
leur rigidité. Suivant M. Lothelier, les piquants qui
- hérissent le fruit du Châtaignier, du Datwra stramo-
nium, du Ricin, elc., représenteraient des dents de
feuilles.
Nous souhaiterions que cette étude anatomique por-
tt sur un plus grand nombre de types appartenant aux |
régions les plus sèches; les plantes désertiques pré-
sentent, à cet égard, des variations si nombreuses que
cette première partie du travail de M. Lothelier ne
peut êlre considérée que comme une ébauche ; il s’est
lui aussi, plié aux exigences du milieu et n'a pu étudier
que les espèces susceptibles de croître sous des cli-
mats tempérés ; il n'importe! nous avons là un point
de départ utile.
Partant de la connaissance de la structure anato-
mique, l’auteur se demande quelles sont les causes qui
agissent dans la production de ces variations. Est-ce la
nature du sol, l'état hygrométrique de l’air ou la lu-
_ mière? Laissant de côté l’action du sol, il s’est proposé
de rechercher quelle est l'action de l'état hygromé-
trique et de l’éclairement sur les tiges et les feuilles
des plantes à piquants. Des expériences sur de pareils
sujets peuvent être difficilement des expériences de
laboratoire. Il est naturel que des plantes désertiques
se prêlent assez mal à une vie prolongée sous cloche ;
en outre, l'atmosphère brumeuse du bassin de Paris
est peu favorable à l'étude de l’action d’un éclairement
intense sur la vie végétale. Toutefois l'essai est louable
et encouragera sans doute ceux qui se trouvent dans
des conditions meilleures à reprendre cette étude avec |
:
plus de chances d'arriver à des résultats probants. En
attendant, les indications que fournit M. Lothelier ne
sont pas inutiles. IL est évident que, si des plantes aussi
peu désertiques que quelques-unes de celles dont il
est question dans ce mémoire, ont varié toujours dans
le même sens, ce résultat deviendra bien plus frappant
lorsqu'on expérimentera sur des espèces franchement
xérophiles et dans des conditions expérimentales con-
venables pour une étude de cette sorte.
Nous savons dès maintenant que les piquants d’ori-
gine foliaire ou caulinaire ont une tendance à reprendre
le type normal, dans air saturé d'humidité; lorsqu'ils
proviennent d'organes qui ne sont pas indispensables
à la vie de la plante, ils tendent à disparaître par voie
de régression. L'appareil tégumentaire, les tissus de
soutien, de protectionet d’assimilation sont moins dif-
férenciés dans une plante cullivée dans l’air humide
que dans la même plante cultivée dans l'air normal.
Les différences entre les plantes cultivées au soleil et à
la lumière diffuse se manifesteraient dans le même sens;la
plante est moins différenciée à ombre qu'au soleil; la
réduction porterait spécialement sur les organes ter-
minés en pointe. En somme, dans les conditions expé-
rimentales où s’est placé M. Lothelier, tout démontre
que les plantes ont été affaiblies. La diminution des
üssus sclérifiés, du tissu en palissade, la formation
tardive du liège, ne sont-elles pas la conséquence d'une
assimilation diminuée par l'abri opaque « ouvert sur la
face nord » destiné, dans la pensée de l’auteur, à pré-
server la plante de la lumière directe du soleil ?
C. FLAkAULT.
Van Gehuchten (A), Professeur d'Anatomic à
l'Université de Louvain. — De l'origine du Pathétique
et de la racine supérieure du Trijumeau. —
Bruxelles, F. Hayez, 1895.
Dans un article sur l’Origine du quatrième nerf céré-
bral et sur un point d'histophysiologie générale qui se rat-
tache à cette question !, l’illustre anatomiste de Pavie,
C. Golgi, dont le procédé de coloration noire a élé le
point de départ de la transformation de l’histologie du
système nerveux, signalait une espèce de cellules ner-
veuses centrales, g'obuleuses, à contours nets, de 60 à
80 y, différant complètement, disait-il, du type général
des cellules nerveuses centrales, car les prolongements
protoplasmiques faisaient complètement défaut. Avec
Deiters, Golgi rapprochait naturellement ces cellules
unipolaires de celles des ganglions cérébro-Spinaux en
général (ganglions intervertébraux, ganglion de
Gasser, elc.). Quant à la question de savoir si l’unique
prolongement de ces cellules, prolongement nerveux,
à revêtement myélinique, se comportait d'une manière
identique à celui des cellules de ces ganglions périphé-
riques, s’il présentait, par conséquent, la division en
deux rameaux à direction opposée, Golgi ne pouvait
encore se prononcer à ce sujet. Les prolongements
nerveux, uniques, de ces cellules unipolaires centrales,
appartenant surtout à la substance grise centrale des
éminences bigéminées, deviendraient les fibres radi-
culaires du nerf pathétique et sortiraient du tronc cé-
rébral après entre-croisement dans la valvule de Vieus-
sens.
Pour Kolliker, au contraire (Handbuch der Gewebe-
lehre des Menschen, 1893),ces cellules vésiculeuses sont
de véritables cellules multipolaires : en outre,elles repré-
sentent pour lui les cellules d’origine des fibres de la
racine supérieure du trijumeau, racine motrice, comme
en témoignent | « épaisseur de ces fibres » et « la
grosseur de leurs cellules d'origine ».
- Quelle importance spéciale Golgi attachait:l à sa
découverte? Les critiques très vives qu'il dirige cette
fois encore contre la théorie de Ramon y Cajal et de
van Gehuchten touchant la valeur fonctionnelle des
prolongements protoplasmiques, vontnous l’apprendre.
Îl croit avoir enfin trouvé, dans l’existernce de ces cel-
1 Archives ilaliennes de Biologie, XIX, 1893, p. 453 et suiv.
986
lules vésiculeuses dénuées de dendrites, un fait qui
doit ruiner la doctrine de la conductibilité nerveuse
cellulipète des prolongements protoplasmiques, appa-
reils de réception des courants nerveux, dans la nou-
velle école, alors qu'il continue à considérer ces pro-
longements comme en rapport avec les fonctions tro-
phiques dela cellule nerveuse. En effet, si, conformément
au principe de la polarisation dynamique des éléments
uerveux, la direction du courant, pour toutes les caté-
sories de cellules nerveuses, ne va plus du prolonge-
ment cylindraxile à la cellule, mais du prolongement
protoplasmique à la cellule, ce n’est rien de moins
qu'une « révolution », dit expressément Golgi, dans la
manière de considérer la signification des différentes
parties du neurone. Or, si les appareils de réception,
indispensables pour la théorie, font défaut ici, puisque
voici des cellules centrales sans prolongements proto-
plasmiques, comment s'accomplira, à travers les neu-
rones, le cycle des courants nerveux cellulipètes et cel-
lulifuges?
« Je ne peux me dispenser de faire observer,
écrit Golgi, que les cellules nerveuses spéciales dont
ne
pale caractéristique consiste dans l'absence des pro-
longements protoplasmiques, représentent, par rapport
à la théorie de la polarisation dynamique, un véritable
point d'interrogation. »
Le grand nom de Camille Golgi imposait aux histo-
logistes dissidents un examen approfondi du fait au-
quel le savant Italien attachait une si haute importance.
M. van Gehuchten, poursuivant ses recherches sur
l’organisation interne du système nerveux de la truite
au moyen de la méthode de Golgi, a obtenu, impré-
unées par le sel d'argent, dans un cerlain nombre de
préparations, des cellules d’origine et des fibres radi-
culaires du nerf pathétique, ainsi que les éléments
constitutifs de la racine supérieure el de la racine in-
férieure du nerf trijumeau. Les cellules nerveuses du
noyau d'origine du nerf pathétique sont bien des cel-
lules unipolaires, à prolongement nerveux unique.
Quant aux cellules globuleuses voisines de la
racine supérieure du trijumeau, racine motrice (Kôl-
liker), elles sont unipolaires ou bipolaires (chez la
truite). Des deux cellules de cette espèce représentées
dans des figures de van Gehuchten, l’une, unipolaire,
est pourvue d’un prolongement unique très épais, d’où
sortent, à une petite distance du corps cellulaire,
quelques courts prolongements protoplasmiques ascen-
dants ; Vautre, bipolaire, outre son prolongement des-
cendant cylindraxile, possède un prolongement ascen-
dant de natwre protoplasmique. Après avoir émis un
cerlain nombre de collatérales, les prolongements
cylindraxiles de ces deux cellules nerveuses pénètrent
dans la racine périphérique du nerf de la cinquième
paire.
Voici la conclusion du mémoire de van Gehuchten :
« Ces cellules sont pourvues de prolongements proto-
« plasmiques el d’un prolongement cylindraxile.
« L'existence de proiongements protoplasmiques à ces
« cellules vésiculaires mérite d'être relevée d’une fa-
« con spéciale, Elle enlève toute valeur à l'objection for-
« mulée par Golgi contre la théorie de la polarisation dyna-
«mique des éléments nerveux, D'ailleurs, l'existence, dans
«le système nerveux central, de cellules uniquement
« pourvues d’un prolongement cylindraxile, ne dimi-
«nuerail en rien la valeur de la doctrine que nous
« avons émise avec Ramon y Cajal, vu que l’appareil
« de réception d’un élément nerveux est constitué à la
« fois el par le corps cellulaire et par les prolonge-
«ments protoplasmiques ».
Jules Soury.
Magnin (l' A.), Professeur à la Faculté des Sciences de
Besançon, — Florule adventive des saules tétards
de la région lyonnaise, — 1 brochure in-8° de
48 pages avec 5 planches en phototypie, H. Georg, li-
braire-éditeur, Lyon, 1895.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
j'ai reproduit plus haut une figure et dont la prinei-
4° Sciences médicales.
Mesnet (D'E.). — Le Somnambulisme provoqué et.
la Fascination (Etude médico-légale). — 1 vol. in-S°
de xxiv-267 pages. (Prix : 5 francs.) Ruceff et Cie,«
éditeurs. Paris, 1894. ;
Tardieu, dans son étude médico-légale sur les
attentats aux-mœurs, posait la question suivante : Une
femme peut-elle être déflorée ou violée sans le savoir?
C’est à la résoudre que s'attache M. le D' Mesnet.
Tardieu admettait, cela va sans dire, qu’une femme en.
état de léthargie ou d'ivresse ou bien endormie d'un
sommeil toxique, sous l'influence de lopium, de
l’éther, du chloroforme, ete., pouvait subir à son insu
toutes les violences sexuelles: il admettait aussi qu'il.
en est de même pour les idioles et pour certaines
imbéciles, chez lesquelles du moins le souvenir de.
acte dont elles ont été victimes ne subsiste pas, si
elles en ont eu, au moment où il s’accomplissait, une
obscure conscience. Mais la question qui demeurait
pour lui ouverte, c'était de savoir si pendant le som-,
meil hypnotique la perte de la conscience pouvait être
assez complète pour qu'un viol fût pratiqué sur la per-
sonne endormie saus qu'elle en sût rien et si, pendant
un accès de somnambulisme naturel où provoqué, la
volonté normale pouvait être abolie à tel point que le
sujet fût hors d'état d’opposer la moindre résistance à
celui qui voulait lui faire violence; il était amené à se
demander enfin si, en ce cas, tout souvenir de ce qui
se serail passé disparaîtrait de la mémoire normale de
la victime. À ces questions, aucune réponse bien nette
ne pouvait alors être faite et, en France surtout, la
connaissance très incomplète que l’on avail encore de
tout ce qui touchait à l'hypnotisme commandait de se
tenir sur une très prudente réserve. M. Mesuet estime
que les choses ont changé et qu'il est maintenant
possible de démontrer que tout souvenir d’un viol,
accompli sur une femme hypnotisée, peut et “doit s'ef-
facer entièrement de son esprit dès qu'elle s’est
éveillée. Il apporte à l'appui de sa thèse des preuves
de diverse nature. Tout d’abord il insiste sur ce fait du
dédoublement ou de la scission de la mémoire, qui est
le résultat caractéristique et constant des pratiques
hypnoliques; il montre que cette double vie, ces deux
séries d’élats de conscience qui s’entre-croisent sans
cesse sans se mêler jamais,se retrouvent dans le som-
nambulisme naturel comme dans le somnambulisme
provoqué, et que cette abolilion à l’état normal (en
condition première) du souvenir de tout ce qui s’est
passé pendant le sommeil (condition seconde), cette
reviviscence, au contraire, des images et des événe-
ments qui ont occupé l’esprit en condition seconde à
chaque phase nouvelle du sommeil constituent l’essen-
liel des phénomènes hypnotiques. C’est sur cet état
particulier de la mémoire, bien plus que sur les anes-
thésies diverses ou Paptitude à recevoir des sugges-
tions, que doivent surtout porter les recherches lors-
qu'on veut, en médecine légale, établir que Pacte dont
un sujet à pu être la victime a dù être accompli pen-
dant qu'il était en un accès de somnambulisme.
M. Mesnetl signale enfin les différences qui séparent à
ce point de vue le malade atteint de somnambulisme
de l’hypnotisé. Chez le premier, il y a un rétrécisse-
ment spontané du champ de la conscience pendant
les accès et une double vie mentale, mais il reste en:
core en une certaine mesure en communication avec
le monde extérieur; l'hypnotisé, au contraire, quil
ait les yeux fermés ou soit en élat de fascination, ne
sait et ne percoit rien de ce qui l'entoure que par l’in-
termédiaire de son hypnotiseur; il n’a donc que les M
souvenirs qu'il plaît à celui qui l’a endormi, L’hypno-
tiseur peut, du reste, les abolir tous par suggestion et
faire que soit effacée et détruite en lui cette heure de
sa vie. Après avoir donné quelques exemples de ces
troubles de la mémoire et de la volonté, puisés dans
sa propre expérience clinique, M. Mesnet expose alors
en grand délail le cas d’un hystérique du nom de
hs diam … ia
had fiat tte à
tons
Didier qu'il avait eu longtemps dans son service et
- qui fut traduit en police correctionnelle sous l'incul-
- pation d’outrage à la morale publique; il présentait
de la manière la plus nette cette scission des souve-
C4 P
- nirs, caractéristique du somnambulisme, et, condamné
en première instance, il fut acquitté en appel sur un
rapport médico-légal de M. Motet. On admit que, s’il
avait commis les actes incriminés (ce qui était au
reste, d’après l’ensemble des faits de la cause, fort dou-
teux), il les avait commis pendant un accès de som-
nambulisme et qu'il ne pouvait en conséquence en
êlre à son état normal tenu pour responsable. Les
conclusions qu’on peut dégager de cette première
partie du travail de M. Mesnet sont les suivantes :
19 tout hypnotisable est sinon un malade, du moins
un prédisposé aux affections névropathiques, chez
lequel existe déjà un certain degré de déséquilibration
cérébrale iles opinions de M. Mesnet sur ce point se
rapprochent bien davantage de celles de l’école de la
Salpêtrière que de celles de l’école de Nancy et de la
plupart des neurologistes et psychologues anglais et
allemands); 2° le somnambulisme, naturel ou provo-
qué, est essentiellement caractérisé par une altération
de la mémoire; 3° cette altération de la mémoire est
de telle nature que tout souvenir des acles accomplis
pendant la condition seconde est aboli à l’état normal;
4° cette scission des souvenirs, constante à la suite du
sommeil hypnotique, permet de répondre affirmati-
vement à la question que s'était posée Tardieu. |
M. Mesnet, serrant alors de plus près encore le
sujet spécial qu'il s’est donné pour tâche de traiter
dans ce mémoire, rapporte un certain nombre de faits
qui tendent à établir que, pendant le sommeil hypno-
tique, les organes génitaux d’une femme peuvent se
trouver dans un état d’anesthésie tel qu’il permette
d’abuser d'elle sans qu’elle en ait conscience.
M. Mesnet à pu ainsi pratiquer l’examen au speculum
d’une malade atteinte de métrite du col sans qu’elle
ait senti l'introduction de l'instrument, et cela malgré
que cette malade eût la résolution bien arrêtée de ne
pas se laisser examiner. Au réveil, tout souvenir de ce
qui s'était passé avait disparu. Il en fut de même avec
deux autres jeunes femmes, qui semblèrent même
n'avoir aucune conscience de l’examen auxquelles
elles étaient soumises et qui se déshabillèrent et se
rhabillèrent automatiquement et sans que visiblement
leur intelligence réfléchie eût à intervenir. L’insensi-
bilité des organes sexuels peut devenir assez complète
sous l'influence des pratiques hypnotiques pour per-
mettre à une femme d’accoucher sans accuser de dou-
- leurs vives : M. Mesnet rapporte une observation d’a-
nalgésie hypnotique de ce type. Il cite également une
observation de eystocèle vaginale opérée à l'insu de la
malade pendant le sommeil provoqué. Dans les deux
cas, Ja scission des souvenirs a été observée. Ces faits
rendent donc très aisé à admettre qu'une jeune fille,
dont M.Mesnet raconte tout au long l’histoire clinique,
ait pu être violée, presque sans le savoir, durant une
crise de sommeil hypnotique et soit devenue enceinte
sans parvenir à se rendre compte comment elle avait
pu le devenir. Il y avait abolition complète du souvenir
de ce qui s'était passé, tandis qu'elle était endormie,
ét ce ne fut qu’en l'endormant de nouveau qu’on put
faire revivre en elle la mémoire de tout ce morceau
de sa vie, effacé de sa conscience: elle raconta alors
avec précision la violence dont elle avait été victime.
M. Mesnet cherche: à montrer ensuite que le sujet
hypnotisé ne peut pas ne pas obéir à son hypnotiseur;
il y a bien des velléités de résistances, certains actes
ne sont accomplis qu'à regret, à contre-cœur, après
une sorte de lutte de la volonté du sujet contre celle
de l’hypnotiseur; mais, en fin de compte, le sujet finit
toujours par céder, il ne peut pas ne pas céder, il ne
S’appartient pas à lui-même. M. Mesnet, d'accord en
cela avec M. Durand (de Gros), ne croit pas à la dis-
tinction des crimes de laboratoire et des crimes réels,
et il juge l’hypnotisé encore plus incapable de se
BIBLIOGRAPAIE — ANALYSES ET INDEX
987
refuser à subir un acte qu'à en accomplir un. « La
volonté de l’hypnotisé est plus apparente que réelle;
c’est une volonté fruste, qui peut résister au premier
assaut, mais qui est incapable de se maintenir en face
d’un expérimentateur qui sait vouloir et commander. »
M. Mesnet,après avoir ainsi prouvé ou tenté de prouver
le bien-fondé de la thèse dont la démonstration cons-
tituait l’objet principal de son livre, consacre un cha-
pitre à établir l'identité psycho-physiologique de la
fascination (somnambulisme les yeux ouverts) avec le
somnambulisme ordinaire. Il étudie le rapport spécial
qui unit le fasciné au fascinateur par l'intermédiaire
duquel seul il est en communication avec ce qui l’en-
toure; il ne voit, ne sent que les objets et les gens que
touche l'opérateur, il n'entend que la voix de ceux qui
sont en contact avec lui. De ces faits qu'il étudie som-
mairement, M. Mesnet ne tente au reste nulle expli-
cation. Le chapitre se termine par l'observation d’un
chef de gare qui se laissa écraser par une machine
dont les cuivres éclatants l'avaient fasciné.
Le livre se termine par un chapitre consacré plus
spécialement à l'étude médico-légale du sujet. Repre-
nant dans leur ensemble les faits analysés, les grou-
pant, M. Mesnet arrive à la conclusion qu’il faut ré-
pondre très nettement par l’affirmative à la question
posée par Tardieu : une femme peul être violée dans
le somnambulisme provoqué sans être en état d'op-
poser de résistance efficace, et elle ne gardera d'ordi-
naire nul souvenir de l'attentat dont elle aura été
victime. Le médecin, pour s'assurer de la véracité des
dires de la femme qui se dit la victime d’un viol,
accompli en ces conditions, devra spécialement exa-
miner l’état de sa mémoire dans les deux conditions
mentales différentes où elle se peut trouver, sans né-
gliger, bien entendu, d'étudier avec soin les anesthésies
diverses qu’elle peut présenter, sa suggestibilité, le
degré d'énergie de sa volonté, etc.
Le livre de M. Mesnet n'apporte rien de très nou-
veau et qui ne fût déjà en partie connu; mais il met
très clairement en lumière l’importance, au point de
vue médico-légal, de ces altérations de la mémoire où
l’auteur à cru avec raison devoir particulièrement
insister, et il renferme quelques observations dont la
précision et lampleur ne laissent rien à désirer.
M. Mesnet semble avoir raison lorsqu'il soutient que la
volonté de l'hypnotisé est abolie, et que l'hypnotisé est
comme un instrument docile aux mains de son hypno-
tiseur, Ce n’est pas une règle sans exception, et il
est bon nombre d’hypnotisés, hypnotisés incomplets,
qui n’obéissent que dans la mesure où ils y consen-
tent, mais il en est ainsi souvent, el il est certain,
contrairement à l’opinion de M. Gilles de la Tourette,
que des violences peuvent être exercées sur une
femme endormie, sans qu’elle soit capable de « vouloir »
même se défendre, et cela malgré l'horreur que l'acte
dont elle est victime lui inspire. M. Mesnet aura rendu
service en prêtant à une thèse exacte l’appui de son
nom, que font considérable sa longue expérience cli-
nique et ses belles recherches sur les troubles de la
mémoire et de la personnalité. $
L. MARILLIER.
5° Sciences diverses.
La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des
Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai-
sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses
figures intercalées dans le texte et planches en cou-
leurs. 535° livraison. (Prix de chaque livraison, 1 fr.)
H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes.
Nous trouvons dans la 536° livraison une intéressante
monographie du département du Loir-et-Cher par
M. A.-M. Berthelot, puis une importante description
topographique et historique de la ville de Londres, avec
un plan au 1/90.000° et de belles illustrations. Nous
signalerons également un article sur l’anatomie de la
région lombaire dù à M. Ch. Debierre.
988
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 7 Octobre 1895.
M. le Secrétaire perpétuel donne communication de
télégrammes de condoléances, adressés à l’occasion de
la mort de M. Pasteur.
{° SCIENCES MATHÉMATHIQUES. — M, Paul Staeckel.
à propos d’une classe de problèmes de dynamique,
dont les équations différentielles s'intègrent par des
quadratures d’après une note antérieure, donne la vé-
ritable généralisation qui permet d’uliliser tout pro-
grès dans l'intégration des équations de Hamilton,
pour trouver des {ypes nouveaux d'équations inté-
grables ou, en d’autres termes, pour former de nou-
veaux élémenis linéaires dont on peut déterminer les
lignes géodésiques.
29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Janssen donne le récit
d’une ascension au sommet du Mont-Blanc et résume
les travaux exécutés, pendant J’été de 1895, dans le
massif de cette montagne. L'observation du disque so-
laire, effectuée au sommet du mont, par une tempéra-
ture de 0°, avec un point de rosée abaissé à — 180,
montra le spectre absolument dépouillé de ses raies
d’origine aqueuse ; tout le #roupe D était absent ainsi
que celui de C; « était si pâle qu'on avait peine à déci-
der s’il était à sa place. — M.Chrétienadresse une note
relative à l'emploi de lentilles à liquides, pour les ins-
truments d'optique. — M. Resal communique un
extrait d'un mémoire adressé à M. le Ministre de la
Guerre par la Direction de l’Artillerie de Besancon sur
l'orage du 1** juillet 4895. Le mémoire semble établir
que la concentration de l'orage est due à un tourbillon
résultant de la rencontre de courants dans les deux
branches de la vallée du Doubs qui viennent se rac-
corder par une courbe d’un faible rayon, — M. Del-
valez établit que, lorsqu'on fait passer un courant dans
un liquide contenant une électrode parasite, les pro-
duits de l’électrolyse apparaissent sur celles-ci et y
forment des figures électrochimiques satisfaisant aux
lois suivantes : 1° la forme des lignes isochromatiques
dépend de la forme du conducteur parasite et de sa
position par rapport aux électrodes; 2° une lame de
cuivre ou de plomb présente les mêmes dépôts métal-
liques qu'une lame de laiton identique, mais la
deuxième moitié ne se colore pas; 3° la nature du dé-
pôt varie avec l'intensité du courant; 4 si lon fait va-
rier la longueur des lames parasites, on constate des
effets analogues à ceux produits par la varietion de
l'intensité du courant, — M. Georges Charpy a étu-
dié les propriélés mécaniques des alliages de cuivre et
de zinc : 4° pour les métaux bruts de coulée, la résis-
tance dépend, de la température de coulée et de la
vitesse de refroidissement; 2 l'échelle des tempéra-
tures de recuit peut être partagée en quatre zones
d'étendues variables pour les différents alliages. La
première zone, à partir des basses températures, com-
prend les températures pour lesquelles on n’a pas de
recuit sensible : c'est la zone de non recuit; dans la
deuxième, la grandeur de la modification des pro-
priétés mécaniques, produite par le recuit, varie d’une
facon continue avec la température ; la troisième zone
est caractérisée par un recuit constant; enfin, aux
températures très élevées voisines du point de fusion, on
produit souvent une détérioration du métal dont la ré-
sistance diminue en même temps que l'allongement.
— M. Henri Moissan à repris l'étude de quelques
météorites métalliques où holosidères, pour recher-
cher si toutes contenaient du carbone et sous quelle
forme elles renfermaient ce métalloïde. Dans quelques
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
météorites, il n'y à pas de carbone; dans d’autres, on.
rencontre soit du carbone amorphe, soit un mélange.
de cette variété et de graphite; enfin, dans une seule
météorite jusqu'ici, celle de Canon-Diablo, l’auteur a
trouvé réunies les trois variétés de carbone : diamant
noir el transparent, graphite et carbone amorphe. —
M. R. L. Devaux adresse une note relative àun moyen
d'annuler l'inflammabilité du grisou, par le mélange
avec l'acide carbonique. — M. P. Lebeau a préparé, à
la haute température du four électrique, le carbure de
glucinium pur et cristallisé. Les propriétés de ce car-
bure, et plus particulièrement l’action de l’eau, qui le
décompose à froid avec dégagement de méthane, le
rapprochent tellement du carbure d'aluminium C#Al,
que l’auteur à été amené à lui attribuer la formule
C3GIE, Dans ces conditions, la glucine devient un ses-
quioxyde G0#. — M. Raoul Varet a examiné les iodo-
cyanures au point de vue thermochimique; il déduit de
cette étude la constitution de ces sels doubles et la vé-
rifie par des méthodes purement chimiques fondées
sur la formation des isopurpurates et sur laction des
réactifs colorés. — Le même auteur a constaté que les
florures, les chlorures, les sulfates, les azotates, les
carbonates, les acétates, les picrates des métaux alca-
lins et alcalino-terreux ne font pas la double décom-
position avec le cyanure de mercure; avec les iodures
et les sulfures, il y a décomposition. — M. V. Mar-
tinand, après avoir montré que l’action de l'air
sur le moût de raisin provoque l'oxydation de la
matière colorante, la rend insoluble et développe des
parfums particuliers, établit que ces réactions sont
dues à l'existence d’un ferment soluble ou diastase,
analogue à la laccase de M. Bertrand. Ce ferment per-
met de réaliser promptement la décoloration du
moût, ladisparition du gout foxédes raisins américains
el le vieillissement anticipé des vins. — M. C. Faure
adresse une note relative à l'emploi du cyanale de cal-
cium en agricullure. C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. Lépine étudie l'hy-
perglycémie et la glycosurie comparées, consécutives
à l’ablation du pancréas. L'hyperglycémie n’atteint
souvent son maximum quevers la trentième heure. —
M. R. Kœhler, dans une note préliminaire, montre
qu'avec un matériel peu coûteux et peu compliqué, ila
pu effectuer des dragages profonds, à bord du Caudan,
dans le golfe de Gascogne pendant le mois d'août 1895,
et rapporter des collections et des documents considé-
rables, — M. Jourdain signale les effets de l'hiver de
1894-1895 sur la faune des côteset en particulier sur
le crustacé comestible Maia squinado qui, au prin-
temps, était d'une rareté extrême.
J. MARTIN.
Séance du 14 Octoùre 1895.
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture d’une lettre
annonçant que, à l’occasion du Centenaire de l'Institut,
une cérémonie religieuse, en mémoire des membres
décédés, sera célébrée le 23 octobre, dans l’église Saint-
Germain-des-Prés., — M. le Président annonce la perte
faite par Académie dans la personne de M, le baron
Larrey. — M. Emile Blanchard ajoute quelques mots
sur la carrière de ce chirurgien, — M. le Secrétaire
perpétuel donne communication de nouvelles dépêches
de condoléances, adressées à l'Académie à l’occasion
de la mort de M. Pasteur.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Aug. Fabre adresse
un mémoire intitulé : « Intégration de l'équation aux
dérivées partielles du premier ordre, à une fonction æ
et à n variables indépendantes, — M. J. Janssen pre:
4
|
«tt éd
ente, au nom du Bureau des Longitudes, le volume de
la Connaissance des temps pour 1898. Ce volume con-
ent, pour Maïs, une fable donnant les éléments qui
ermettent de calculer la position de ses satellites à
un moment donné. Les lables de Jupiter sont enrichies
de nouveaux diagrammes, indiquant l'entrée des sa-
tellites dans l'ombre de la planète; enfin l'éclat des
étoiles, supérieures à la première grandeur, se trouve
indiqué en prenant pour unité celui d’Aldebaran. —
M. Fizeau fait remarquer que les nombres des princi-
pales étoiles évaluées aujourd'hui concorde avec le
nombre indiqué par certains textes anciens relatifs à
Véclat des principales étoiles du temps du patriarche
Jacob et de Joseph. — M. le Secrétaire perpétuel
signale, parmi les pièces imprimées de la correspon-
dance, une brochure de M. $S. Kantor intitulée :
heorie der endlichen Gruppen von eindeutigen Trans-
formationen in der Ebene, — M. H. von Koch indique
‘succinctement quelques résultats relatifs aux équations
Gi Ja forme :-
Le 2 D
Pose
d?:
as + 2bxy
>=
dz d=
ray PTE +2 +-qy 7 +os— 0,
où + est une fonction de æ et de y assujettie à la
“seule condition d'être développable dans un domaine
donné, selon les puissancss positives et négatives de
æ et de y. En particulier, il est possible de trouver
une intégrale de cette équation de la forme :
1 eu (eu) « 8
æ 7 G a 2 Y
Lis)
#
À
a,f
où p et y sont deux constantes arbitraires liées par une
seule équation D (e,u) — 0 et la série étant conver-
gente dans le même domaine que &. — M. A. Thybaut
étudie les propriétés des surfaces dont les lignes de
- courbure forment un réseau à invariants ftangentiels
— égaux et établit plusieurs théorèmes les concernant.
| 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Jules Andrade donne
—…. la description d'un appareil qui lui permet de mettre
— en évidence et même d'amplifier la composante hori-
— zontale de la rotation de la Terre, Les expériences re-
… posent sur la chute d’un mélange d’eauet de glycérine,
mais une chute dissymétrique à l'égard de la verticale
autour de laquelle l'appareil doit tourner. — M. Aug.
Coret donne le détail d'expériences faites avec un ap-
pareil hydraulique dans le but de fournir une dé-
— monstration expérimentale du mouvement de rotation
de la Terre; il donne,en outre, la description de l’avant-
projet d’une fontaine monumentale qui, tout en partici-
pant au mouvement général autour de l’axe terrestre,
se fixerait par rapport à l’espace ettournerait sur elle-
mème en sens inverse du mouvemt de rotation de la
Terre. — M. Fizeau présente, au nom du P. Colin, une
photographie de l'Observatoire de Tananarive. —M. G.
Quesneville élablitqu'il y a une distinction fondamen-
tale entre les cristaux biréfringents qui acquièrent,
comme le spath d'Islande, la réfraction elliptique dans
un champ magnétique et le quartz dans le voisinage de
l'axe. La théorie d’Airy ne convient pas aux premiers
cristaux ; les conséquences auxquelles elle conduit sont
en désaccord avec les faits. — M. Th. Schlæsing fils
donue la description d'un dispositif permettant de sé-
parer facilement l’argon de l’azote et de l'oxygène avec
lesquels il est mélangé ; l'absorption se fait parle cuivre
et le magnésium. Ce dispositif évite d’opérer sur de
grandes quantités d’air, et permet d'isoler complète-
ment l’argon contenu dans 1 litre 5 d'air. D'une facon
générale, la disposilion présentée par l’auteur permet-
2 tra de doser avec précision l’argon contenu dans une
atmosphère donnée. — M. R. Engel a approfondi l’ac-
tion de l’acide chlorhydrique sur le cuivre ; il a observé
les faits suivants : 4° La décomposition n’a plus lieu
lorsque la solution acide a pour densité 1,083 et répond
sensiblement à la composition HCI + 10H20. 2° L’at-
on
DE
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
989
taque devient très lente, lorsque l'acide répond à une
concentration de beaucoup supérieure à celle repré-
sentée par HCI.10H°0. 3° Un courant d’acide gazeux sec,
dirigé dans l’eau en présence du cuivre et du chlorure
cuivreux, donne lieu à une réaction rapide malgré la
présence de ce dernier corps ; l’acide anhydre est donc
toujours décomposé par le cuivre. — M. Ch. Astre à
étudié l’action de la potasse et de l’éthylate de potas-
sium sur la bensoquinone; il a pu obtenir une benzo-
quinone monopotassique CFH?KO0?.H?0, mais non le dé-
rivé bipotassique, car ce corps, très instable, s’oxyde
rapidement. Ces faits sont en accord avec la fonction
dicétonique de la quinone. — MM. G. Patein et
E. Dufau ont examiné les combinaisons formées par
l’antipyrine avec les diphénols, la pyrocatéchine, la
résoreine et l’hydroquinone; les ortho et paradiphénols
se combinent avec deux molécules, le méta avec une
seule. La fixation se fait sur un des atomes d’azote par
l'intermédiaire de l’oxhydryle phénolique, qui perd
cette propriété à mesure que son hydrogène est rem-
placé par un métal ou un radical. Les propriétés phy-
siques des nouveaux composés sont décrites en détail.
— M. Nastukof a vérifié le pouvoir réducteur des le-
vures pures et cherché à voir si ce pouvoir était le
même chez différentes races. Deux procédés de réduc-
tion différents ont manifesté des pouvoirs réducteurs
variables d’une levure à l’autre. C. MATIGNON.
3° SGIENCES NATURELLES. — M. Edm. Jandrier adresse
une note sur la sève sucrée de l’Agave americana.
J. MARTIN.
Séance du 21 Octobre 1895,
M. le Secrétaire perpétuel annonce à l’Académie la
perte qu'elle vient de faire dans la personne de M. Hell-
riegel, correspondant pour la Section d'Economie
rurale, — M. Berthelot rappelle les recherches de ce
savant sur la fixation de l’azote par les légumineuses.
— M.le Ministre de la Guerre invite l’Académie à
lui désigner deux de ses membres pour faire partie du
Conseil de perfectionnement de l’École polytechnique
au titre de membre de l’Académie des Sciences. —
M. AI. de Tillo donne lecture des adresses de félicita-
tions, envoyées par diverses Sociétés russes à l’occa-
sion du Centenaire de l’Institut de France. — M. À. de
Baeyer, qui s'élait fait inscrire comme comptant
prendre part aux fêtes du centenaire de l'Institut,
exprime son vif regret d’en être empêché. :
1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Vallier présente
un volume qu'il vient de publier sous le titre de:
Balistique extérieure. — M. Faye fait hommage à
l'Académie de la troisième édition de son ouvrage
sur l’Origine du monde, théories cosmogoniques des
Anciens et des Modernes. — M. Tisserand fait hom-
mage du tome XXI des Annales de l'Observatoire de
Paris, Mémoires. — M. Ad. Perrin adresse une note
sur l'expression de l’accélération en mécanique. —
M. D. A. Casalonga adresse une analyse graphique
des mouvements de la Terre et de la Lune autour de
leurs centres de gravité. — M. Haton de la Goupil-
lière rappelle dans quelles conditions a été instituée la
Commission pour l'Etude des Méthodes d'essai des
Matériaux de construction en vue d'obtenir l'unification
de ces méthodes: il résume l’ensemble des questions
étudiées jusqu'ici et présente, au nom de M. le Ministre
des Travaux Publics, quatre volumes qui renferment
les travaux de cette Commission. — M. G. Leveau
établit que l'inégalité à période de quarante ans dans
la longitude de Mars, signalée par Le Verrier, présente
des anomalies remarquées par Newcomb; lesquelles ne
sont pas dues, comme le suppose celui-ci, à des inexac-
titudes dans le calcul de l’argument, mais bien à des
causes jusqu'ici inconnues. — M. Paul Adam établit le
théorème suivant sur la déformalion des surfaces en
désignant par & et 5, deux surfaces applicables l’une
sur l’autre, © le lieu du milieu de la corde joignant les
points correspondants de ces deux surfaces et *, le
lieu de l'extrémité du vecteur parallèle à cette corde
990
et égal à sa moitié. Si la surface Y est un cylindre, le
couple o, 5, estcomposé de deux surfaces réglées appli-
cables l’une sur l’autre avec parallélisme des généra-
trices correspondantes ; ces deux surfaces ont d’ailleurs
une orientation relative quelconque; la surface 3, est
une surface réglée à plan directeur; les lignes de stric-
tion se correspondent sur les trois surfaces 5, 64 et »,;
enfin, en désignant par 0 l'angle des génératrices cor-
respondantes de £ et des, et par & et II, les paramètres
de distribution de s et de Y, on a :
M. le Secrétaire signale les ouvrages suivants de
M. Cruls, de Rio-de-Janeiro: 1° Posicôes geographicas:
20 Les éléments climatologiques de Rio ; 35° Eclipses de
soleil et occultation. — M. Perrotin entretient l'Aca-
démie de l'Observatoire installé définitivement au
sommet du Mounier à 2.741 mètres d’altilude ; il indique
en même temps les observations de Vénus effectuées
avant le passage de la planète à sa conjonction infé-
rieure, desquelles il résulte que la planète n’a pas une
durée de rotation aussi rapide que celle de vingt-
quatre heures, Une station météorologique est adjointe
à la station astronomique.
1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Al. de Tillo fait hommage
d'un atlas des isanomales et des variations séculaires
du magnétisme terrestre, Les conclusions générales
sont les suivantes : 1° Les changements des éléments
s'effectuent de manière que, dans une moitié du globe,
les changements soient positifs, tandis que, dans l’autre
partie, ils sont négatifs; 2° il existe une grande res-
semblance entre le tracé des isanomales et celui des
lignes d'égale variation séculaire, — M. Norman Lo-
ckyer présente quelques photographies du spectre des
étoiles; le spectre de Bellatrix indique la présence de
l’hélium et, d’une facon générale, l'absorption due aux
atmosphères des étoiles, présentant peu de lignes, est
due à l'hydrogène et à l'hélium. — M, Jacolin adresse
un projet d’une disposition destinée à capter l’électri-
cité des nuages, — M. Ch. Dupuis adresse une note
relative à une expérience d’hydraulique. — M. Aug.
Coret présente un complément à sa communication
précédente sur un appareil hydraulique propre à mettre
en évidence le mouvement de rotation de la Terre, —
M. Eginitis déduit, de nombreuses observations
hygrométriques faites à l'Observatoire d'Athènes, outre
l'existence bien connue du maximum et du minimum
d'humidité du matin et du soir, un deuxième maximum
et un deuxième minimum ayant lieu le premier à
7 heures du soir en hiver et à 8 heures en été et le
deuxième, de 2 à #% heures après le premier. —
M. Martel a effectué de nouvelles observations dans le
gouffre de Padirac (Lot); il donne la description et le
plan de ce gouffre ainsi que le régime des eaux qui y
circulent. Malgré la grande sécheresse de cette année,
le niveau liquide n'a pas varié sensiblement, —
M. Scheurer-Kestner donne quelques mots d’histo-
rique sur l'usage des thermomètres métastatiques
imaginés par Walferdin et sur la correction à apporter
dans la lecture de ces thermomètres lorsqu'on veut dé-
terminerlatempérature à près de 5 de degré. — M. W.
Louguinine à continué ses études sur les chaleurs Ja-
tentes de vaporisation des acétones de la série grasse,
de loctane, du décane et deux éthers de l'acide
carbonique. La loi de Trouton, définie par la rela-
MS
tion T = C, s'applique très exactement aux corps
de mêm?> fonction. Au contraire, la valeur de la cons-
tante varie d’une manière notable (de 26,5 à 19,8)
pour les divers groupes de substance, — M, Henri
Moissan a étudié un graphite provenant d’une pegma-
tite de l'Amérique, arrivée à la surface du sol après
avoir été portée à une haute température, Ses proprié-
tés caractéristiques le rapprochent entièrement des
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
échantillons de graphite foisonnants obtenus dans les
métaux en fusion, Il a dû être produit dans ies mêmes
conditions et, au momentoù la pegmatite s’est formée,
il a été moulé par les cristaux de quartz et de feldspath
qui l’environnaient et a laissé sur ces derniers les im-
pressions qui se trouvaient à sa surface. — Le même
auteur a comparé ce graphite à différents échantillons
de graphites naturels, et il a reconnu que tous les gra-
phites peuvent être divisés en graphites foisonnants et
non foisonnants, Les premiers paraissent avoir été
produits sous l’action de bains en fusion, et, en parti-
culier, de bains métalliques et les seconds peuvent
être dus à l’action d’une température élevée sur une
variété quelconqne de carbone amorphe. — M, Ch.
Astre a étudié les produits ultimes de l'oxydation des :
dérivés obtenus en faisant agir la potasse en solution
alcoolique sur la benzoquinone. Les deux composés
obtenus ont pour formules C£K?206 et CéKHOS; l'étude
de leurs propriétés montre que la benzoquinone ne
renferme dans sa molécule que deux atomes d’'hydro-
gène remplacables par un métal. Les résultats mettent
en évidence la nature dicétonique de la benzoquinone. …
— M. Balland a étudié la composition des principales.
variétés de riz décortiqués que lon trouve sur les mar-
chés francais, Il conclut de ses recherches que le riz
est un aliment plus nutritif qu'on ne l’admet générale-
ment, et qu'il y aurait avantage pour lPalimentation
publique à restreindre l'usage des riz glacés et à favo-
riser la consommation des grains naturels simplement
dépouillés de leur enveloppe. Les analyses de riz ayant
une dizaine d'années prouvent qu’il se transporte faci-
lementet se conservebien; il pourrait avantageusement
accroître nos réserves de guerre, C. MATIGNON.
3° SCtENCES NATURELLES. — M. Gréhant a fait une
série d'expériences en vue de déterminer la toxicité de
l'acétylène préparé à l’aide de carbure de calcium.
L'auteur fait respirer à des chiens des mélanges titrés
d'acétylène, d'air et d'oxygène renfermant toujours 20,8
d'oxygène comme l'air atmosphérique. Les mélanges
successivement employés étaient à 20, à 40 et 79 0/0.
Ils deviennent toxiques à partir de 40 0/0 et l’acétylène
peut se retrouver dans le sang. En comparant la toxicité
de l'acétylène à celle du gaz de l'éclairage, les expé-
riences ont permis de montrer que ce dernier gaz est
beaucoup plus toxique que l’acétylène. — MM. Héri-
court et Ch.Richet ont étudié, avec l’aide de plusieurs
médecins, les effets de la sérothérapie dans Île traite-
ment du cancer, Les injections de sérum chez les ma-
Jades diminuent les douleurs ; les plaies se détergent
et la cicatrisation peut se pousser très loin ; les tumeurs
diminuent de volume et dans les cas même les moins
favorables, l’évolution de la maladie est retardée, Ce-
pendant, quoique l’état s'améliore, l'amélioration ne va
pas jusqu'à la guérison. — M. Félix Bernard décrit un
lamellibranche nouveau, Scioberetiaaustralis,commensal
d’un échinoderme, le Tripylus excavatus Phil., prove-
nant des collections recueillies par lPexpédition du
Cap Horn en 1882-1883. Grâce à l’état de bonne con-
servation, l’auteur a pu faire aussi l'anatomie de ce
mollusque dont la branchie est un des organes les plus
intéressants. — M. Noguès s'est occupé de l’âge des
terrains à lignites du Sud du Chili : le groupe d’Arauco,
équivalent chilien du groupe de Laramie et de Chico-
Tejon de l'Amérique du Nord,
J. MARTIN.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 15 Octobre 1895.
M. Hanriot présente le rapport de la Commission
du prix Alvarenga. — M. Henrot insiste sur le fait |
que la pénétration des germes du paludisme a lieu
surtout par les voies aériennes. Il propose l'adoption
de masques-respirateurs chargés d’ouate, d'amiante,
de charbon pulvérisé ou d’éponge humide, et il désire-
rait voir faire de nombreuses expériences à ce sujet.
— M, Daremberg continue ses expériences sur la me-
Lay À A
tt it. dE
Faut
be SA LS dd Sc din
sure de la toxicité comparée des diverses boissons
alcooliques par l'injection intra-veineuse chez le lapin;
il conclut que le vin semble être proportionnellement
plus toxique que l’eau-de-vie et que les sels de potasse
introduits normalement ou artificiellement dans le vin
peuvent être redoutables. — M. L. Prunier présente
une étude comparée des formes sous lesquelles le
soufre est employé en médecine. Le soufre ordinaire
ou cristallisé est moins actif que le soufre en fleur et
surtout que le soufre précipité et lavé. Cela tient à ce
que ces deux dernières variétés contiennent un com-
posé de nature différente, mais d'activité marquée: le
persulfure d'hydrogène; celui-ci disparaît peu à peu
en dégageant de l'hydrogène sulfuré. Les combinaisons
de soufre et diode paraissent devoir présenter le
soufre dans des conditions favorables aux applications
médicales. — On a récemment attribué aux tiques ou
ixodes, grands Acariens parasites, la propagation d’une
maladie très répandue chez les ruminants américains :
la fièvre du Texas ; on regarde également ces insectes
comme la cause d’une maladie grave de l’homme :
- l'ixodisme. M. P. Mégnin, qui à spécialement étu-
dié ces parasites, s'élève contre le rôle pathogénique
, . . D “
qu’on veut leur faire jouer, et montre, au contraire,
qu'ils sont des plus inoffensifs,
Séance du 22 Octobre 1895.
M. Nicaise donne lecture du discours qu'il à pro-
noncé, au nom de l’Académie, aux obsèques du baren
Larrey. — M. Hervieux lit le « Rapport général sur le
service de la vaccine en France en 1894.» — M. A. Ro-
bin litle rapport de la Commission du prix Perron.
— M. Laveran lit le rapport de la Comission du prix
Adrien Buisson. — M, Péan communique l’observa-
tion d’un cas de rhinosclérome ayant pris une énorme
extension. Il pratiqua l’ablation totale du nez, de la
cloison des fosses nasales, des cornets, des méats et
des sinus maxillaires et ethmoïdaux. On laissa la plaie
se cicatriser et on remplaca ensuite les parties enle-
xées par un appareil prothétique, dù à M. Michaels. —
M.E. Nocard fait une communication sur la sérothé-
rapie du tétanos. Il conclut que, siletraitementcuratif du
tétanos est encore à trouver, on pourrait, du moins,
grâce aux injections préventives de sérum antitoxique,
réduire, dans une large mesure, le nombre des vic-
times de cette terrible maladie. — M. le D' Audain
(d'Haïti) envoie l'observation d’un cas de hernie lom-
baire congénitale. — M. le D' Poncet signale deux
nouveaux cas d'actinomycose humaine. M. le
Dr Abadie lit un mémoire sur le traitement du glau-
come chronique simple.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 19 Octobre 1895.
M. Féré rapporte un fait qui témoigne en faveur de
l'influence des chocs moraux sur les intoxications:
chez un individu qui supportait de hautes doses de
belladone, la tolérance cessa complètement à la suite
d’une émotion vive pour faire place à une intoxication
aiguë. — M. Féré communique le résultat de ses re-
cherches sur la sensibilité de la pulpe des doigts en
rapport avec leur empreinte, — M. Rousseau montre
que les altérations pulmonaires qu’il avait signalées
chez des lapins thyroïdectomisés se retrouvent, en gé-
néral, chez la plupart deslapinsnormaux. — MM. Chau-
veau et Pillet font remarquer que les lésions de cir-
rhose tuberculeuse et vermineuse sont très fréquentes
chez les animaux fournis aux laboratoires. — M. Dastre
expose de nouveaux faits relatifs à la digestion de la
gélatine par les solutions salines. — M. Kaufmann a
pratiqué de nouveau l’extirpation du foie ou son élimi-
nalion par ligature et a constaté que la quantité de
sucre diminuait dans le sang; au contraire, quand on
enlève seulement l'intestin, elle ne se modifie pas, Ces
recherches confirment les idées antérieures de l’auteur
sur la fonction hyperglycémique du foie, — M. Grim-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
991
bert à constaté la présence du coli-bacille en assez
fortes proportions dans la bouche d'individus sains.
— M. Dareste montre la photographie d’une mons-
truosité rare chez les oiseaux; il s’agit de deux sujets
(embryons de poulets) unis par la cavité thoracique.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
SCIENCES PHYSIQUES
J Normand Lockyer, F.IR.S. — Sur le
nouveau gaz extrait de l'uraninite. (Seconde note à
la Société.) — « Depuis l'envoi de ma communication
sur le gaz extrait de l’uraninite (brôggerite) !, j'ai suivi
la méthode décrite dans plusieurs directions, en par-
ticulier pour déterminer si le spectre du gaz indique
une origine simple ou complexe. J'ai été conduit à faire
cette recherche spéciale par suite de la différence
entre la fréquence de l’apparition dans la chromo-
sphère solaire de D, et celle des autres raies indiquées
dans la première communication. Par exemple, si on
prend les raies D,, 4.471 et 4.302, les fréquences sont,
d’après M. Young, dans les rapports :
100 (maximum
100
3 D
D;
4471
4302
On aurait donc le droit de supposer que D, et 4.471
sont dues au même gaz. tandis qu'il est probable que
4.302 doit son origine à un gaz différent. Mais une
nouvelle expérience m'a donné un cas dans lequel D,
apparait brillante, tandis que #.474 est entièrement
absente, Je puis aussi ajouter qu’une raie aussi impor-
tante que 4.471, celle de 4026,5, avec la dispersion
employée, apparaît dans lespectre de la brôggerite, et
que ces deux raiessont larges et floues, comme les raies
de l'hydrogène et qu'elles semblent être renversées.
La raie 4.026,5 n’a pas été indiquée par M. Young,
bien que, comme il a été dit, la fréquence des
apparitions de 4.471 représente le maximum; en
outre, l'intensité de ces raies dans les spectres des
étoiles les plus chaudes n'est pas surpassée même
par celle des raies de l'hydrogène. Par suite, on ne
peut plus continuer à admettre qu’elles repré-
sentent le même gaz. De plus, j'ai photographié une
raie à 4.388, qui semble coiïncider avec une autre raie
importante pour les mêmes étoiles. Qu’elles proviennent
d'une même source ou de deux, nous avons, dans ces
trois raies vues avec D, dans le gaz extrait de la brog-
gerite, les raies les plus importantes du spectre des
étoiles du groupe III, qui est le seul où nous trouvions
D, renversée. Si ces résultats venaient à être confirmés,
l'importance du gaz ou des gaz qu'elles représentent,
à une certaine période de l’évolution des soleils
et des planètes, se déduira de la photographie de
Bellatrix. Autre est le cas d’une raie à À 667; elle est
associée à D, dans la brôggerite et la clévéite, mais la
raie jaune a été fournie par la monazite sans À 667. Il
est ainsi presque certain que ces deux raies repré-
sentent deux gaz. On ne pourra arriver à une certi-
tude que quand on aura obtenu une plus grande quan-
tité de gaz. D'autre part, la raie rouge à À 657,5, voi-
sine de C, citée dans ma précédente communication, a
été vue à la fois avec la gummite et avec la brôggerite;
mais dans un cas (gummite), on l’a vue sans D,, et dans
l'autre, avec D, ; dans un cas (broggerite), sans ? 614, et
dans l’autre, avec elle. Les conclusions précédentes sub-
sistent donc ici. La raie } 614, qui coïncide peut-être
avec une raie de la chromosphère, a été observée avec
la gummite et la broggerite. On l’a vue avec D, (dans
la brüggerite) et sans elle (dans la gummite). J'en ai dit
assez pour indiquer que ces constatations prélimi-
naires mènent à penser que le gaz extrait de la brog-
gerite par ma méthode a une origine complexe. Je
vais maintenant montrer que la même conclusion
subsiste pour les gaz extraits par les professeurs Ram-
———_—_—_—_————————————
1 Voir Rev. gén. des Sc. du 30 octobre 1895, page 952.
say et Clève de la clévéite. Les déterminations finales
des raies du gaz tiré de la clévéite par MM. Ramsay
et Clève n'ayant pas encore été publiées, je prends
celles qu'ont données M. Crookes et M. Clève, d'après
Thalèn. Ce sont les suivantes, sauf la raie jaune :
CROOKES THALÈEN
entree 6677
568,05 ee
566,41 O0
516,12 nb S
Fo arie . 5048
So ree 5016
500,81 pe
bic 1922
450,63 Loc
setrotle 4743.5
Le résultat le plus précis et le plus frappant obtenu
jusqu'ici est que, dans les spectres des minéraux qui
donnent la raie jaune que j'ai examinés jusqu'ici, je n'ai
pas encore vu une seule fois les raies indiquées par
MM. Crookes et Thalèn dans le bleu. Ceci prouve que
le gaz extrait de certains échantillons de celévéite par
des méthodes chimiques diffère beaucoup de celui
qu'on tire, par ma méthode, de certains échantillons
de brüggerile; le spectre du gaz extrait de la clévéite
étant, au point de vue des raies bleues, plus complexe
que celui du gaz de la broüggerite, le gaz lui-même ne
peut être plus simple. Les lignes bleues elles-mêmes,
au lieu d’apparaître en bloc, varient énormément dans
le soleil, les apparitions se produisant :
£929 (4924,3) — 30 fois
4713 (4712,5) —H2NMO0IS
Ce ne sont pas les seuls faits qu'on puisse alléguer en
faveur de l'idée que le gaz provenant de la cléveite est
aussi complexe que celui de la brüggerite; mais tandis
que, d’une part, l'idée de la nature simple des gaz ob-
tenus par les professeurs Ramsay et Clève et par moi-
mème doit être abandonnée, si l’on s'appuie sur les
raies spectrales, les observations que j'ai déjà faites
sur divers minéraux, indiquent que les gaz qui com-
posent les mélanges ne sont nullement les seuls que
nous puissions espérer obtenir. Cette partie des re-
cherches sera étudiée plus spécialement dans une
communication subséquente. Je puis remarquer, pour
conclure, que, dans cette étude préliminaire, on n’a
fait aucun essai pour séparer les gaz qui pourraient
être nouveaux des gaz connus qui se produisent en
même temps qu'eux; par suile les raies sont, dans
certains cas, très fines, et l'emploi des fortes disper-
sions est impossible. Les longueurs d'onde, surtout
dans le spectre visible, ne sont qu'approximativement
connues; mais l'opinion que nous avons réellement
affaire à des gaz qui jouent un rôle dans atmosphère
solaire est corroborée par le fait que, des soixante raies
qui jusqu'ici ont été observées comme nouvelles dans
les minéraux examinés, la moitié environ se trouve au
voisinage des longueurs d'onde assignées aux raies de
la chromosphère dans la table d'Young. Je sais qu'on a
récemment attribué au fer la plupart des raies de la
chromosphère (Scheiner); mais je crois que ce résultat
ne repose pas sur des comparaisons directes, et qu'il
est entièrementopposé aux conclusions qu'on doittirer
des travaux des observateurs italiens aussi bien que
des miens propres.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du ?8 Septembre 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M, le Vice-Président rend
hommage à la mémoire de feu le Prof. D. Bierens de
Haan, décédé dans les vacances d'été. — M. J. de
Vries s'occupe du théorème d’addition des intégrales
elliptiques. En suivant le chemin tracé par Abel, il
trouve les relations entre les limites supérieures de
quatre intégrales elliptiques de première espèce, à
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
“variation séculaire de la déclinaison du magnétisme
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
l’aide de la courbe variable y — ax? + bæ + ce. Pour
ec — 1, le théorème d'addition de trois intégrales se
présente. Pour la somme de trois intégrales de seconde
espèce, il trouve — Æ2x,x,+,, les limites supérieures
L,, 2, &, élant liées par les mêmes relations que celles
des intégrales de première espèce, Même la somme de
trois intégrales de la forme :
Fey
o] dx
RSR ——_—
se réduit à une expression simple. — M. G. van Die-
sen fixe l'attention sur une carte de la Hollande sep-
tentrionale en possession de l'Académie, de grande.
signification par rapport à la question du mouvement.
rétrograde de la côte, — M. P.-H. Schoute présente un
mémoire de M. J.-C. Kluyver, intitulé : « Sur une sur-
face minima à connexion double, » Sont nommés rap-
porteurs : MM. W. Kapteyn et Schoute,
29 SCIENCES PHYSIQUES, — M. H, Kamerlingh Onnes
communique les expériences de M, A. Lebret, faites
au laboratoire physique de Leide, « sur la variation
avec la température de l'effet de Hall et de la résistance.
électrique du bismuth. » Les températures extrêmes
étaient —740 et + 247. Dans l’un des spécimens, l’effet
de Hall avait un maximum à —20°, dans l’autre, le
maximum se serait montré probablement à une tempé-
rature plus basse, La résistance électrique d’unespirale
de bismuth fondue dans un tube de verre fut examinée
entre les mêmes limites de température. — Sur le désir
de MM. Cohn de Strasbourg et P. Zeeman de Leide,
M. Onnes présente un mémoire « sur la propagation
des ondes électriques dans l’eau », Le résultat de cé
travail se résume dans les deux théorèmes suivants, En
variant le nombre des vibrations de 27 à 97 millions à la
seconde, l'indice de réfraction reste le même; donc, il.
n'existe pas de dispersion, Pour des vibrations de moins
de 100 millionsàlaseconde,ilya égalité entre laconstante
diélectrique, mesurée par les méthodes statiques, et le
carré de l'indice de réfraction, Ensuite, M. Onnes com-
munique encore une « détermination de l'indice de ré-
fraction du platine incandescent », faite au laboratoire
de Leide, par M. P. Zeeman. Au moyen du compensa- »
teur de Babinet, on a constaté que la variation de l’in-
dice avec la température ne saurait être que très petite,
Enfin, M. Onnes présente un travail de W. van Bem-
melen sur « la représentation graphique générale de la
terrestre » et la thèse de M. A. Lebret : Mesures du
phénomène de Hall dans le bismuth. — Au nom de MM.
C.-A. Lobry de Bruyn et W. Alberda van Eken-
stein, M. A.-P.-N. Franchimont présente une note « sur.
la transformation réciproque du glucose, du fructose
et du mannose sous l'influence des alcalis», Dans cha-
cune des réactions, le fructose est le produit intermé-
diaire. Cependant, un vrai équilibre n'est jamais pro-
duit parce qu'en même temps il se forme un acide,
Toutes ces transformations se présentent comme des
transpositions intramoléculaires d'atomes. Le mannose
fut reconnu sous forme d’hydrazone et de méthyl man- «
noside, le glucose sous celui de méthyl glucoside et
d'acide saccharique. Le fructose fut séparé comme
fructosate de calcium. Les détails des recherches se
publieront sous peu dans le Recueil des travaux chi-
miques des Pays-Bas. — M. E. Mulder présente un tra-=M
vail de lui-même et un mémoire de M. J. Heringa,
30 SCIENCES NATURELLES, — M. H. Kamerlingh Onnes
présente un travail de M. V. Becker : les Recherches”
géologiques récentes dans le diluvium du Brabant septen-"
trional et du Limbowrg.-- M.B. Stokvis offre la seconde
partie du tome second de son Geneesmiddelleer (Manuel M
des médicaments). — M, P.-P.-C. Hœk présente son
Guide zoologique, communications diverses sur les Pays-
Bas etle Bulletin du 3° Congrès international de Zoologie
à Leide. P.-I. ScnourTe.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER
6° ANNÉE
4
$
?
N° 22 30 NOVEMBRE 1895
REVUE GÉNÉRALE
} DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES 7 \
CUS CR
LL D Le. À
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
LE PLACENTA DES CARNASSIERS
D'APRÈS M. LE PROFESSEUR MATHIAS-DUVAL
Bien que depuis longtemps l’Anatomie comparée
nous ait appris que tous les organes de l’homme
sont, sans exception, représentés à des degrés
divers dans un ou plusieurs autres animaux, les
anthropologistes et les médecins praliciens pen-
sent et agissent encore comme si l’homme cons-
liluait un être absolument isolé du reste de l’ani-
malité. Ainsi qu'aux siècles passés, les accoucheurs
continuent à voir dans le placenta de notre espèce
un organe à structure spéciale sans analogue chez
les autres Mammifères. Sans nier que ce placenta
offre des variations et des adaptations parlicu-
lières, on peut néanmoins affirmer qu’il se ramène
incontestablement à l’un des plans généraux
qu'on peut observer chez les Quadrapèdes.
La recherche de ses relations, éclairée par
l'Anatomie comparée, n'offre pas seulement un
intérêt philosophique : il importe même au prati-
cien de les connaitre. Toute recherche susceptible
d'éclairer le problème doit, à ce double titre, fixer
l'attention. Pour cette raison, il nous parait utile
d'indiquer aux lecteurs de la Revue les enseigne-
ments qui se dégagent d'un récent Mémoire de
M. Mathias-Duval sur le placenta des Carnivores !.
Nous avons déjà décrit iei même les recherches
de l’éminent professeur sur le placenta des Ron-
1 Journal de l'Analomie et de la Physiologie, années 1893-
1895. Avec 46 figures dans ke texte et un Atlas de 13 planches
en taille douce.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
geurs !. Des différences existent entre ces deux
groupes d'animaux; il sera intéressant de les
signaler, puis de chercher à nous représenter, par
la synthèse d'observations diverses, les types va-
riés de placentalion dans la classe des Mammi-
fères, et celui qui est commun à certains de ces
animaux et à l'homme.
Comme pour les Rongeurs, M. Mathias-Duval a
étudié la formation placentaire des Carnivores à
tous les stades, depuis sa première apparition jus-
qu'à son complet achèvement ?. Au sujet des pre-
miers développements de l'œuf (Chien et Chat), il
fait remarquer que, de même que chez les Ron-
geurs, toute la portion de l'ectoderme qui n'a pas
pris part à la formalion de l'embryon continue à
s’accroitre : elle donne lieu à la membrane séreuse
ou chorion, et une série de plis se développe et
contribue à former une double enveloppe : l’une
interne ou aruuos, l'autre externe ou chorion.
D'autre part, on voit se produire une évagi-
nalion de la partie postérieure de l'intestin sous
la forme d’une vésicule appelée allantoïide. L’al-
lantoïde, accompagnée des deux artères allantoï-
1 Voir cette Revue, 30 juillet 1892, n° 14, p. 503 et sui-
vantes.
2 Si ce mémoire sur les Carnivores a paru après celui des
Rongeurs, c’est qu’il à fallu plus de temps pour avoir la
collection des pièces sériées. Il cst en effet difficile de faire
reproduire les chiennes et les chattes conservées en captivité.
22
991
diennes (plus lard ombilicales), s'étend rapide-
ment et vient s'appliquer contre la face interne
du chorion, à laquelle elle apportera des vais-
seoaux.
IL nous faul insister sur les points suivants,
qui sont particuliers aux Carnivores, el rendent
comple de la forme spéciale de leur placenta.
Le chorion se
j
couvre de cour-
tes villosilés sur
toute la surface
de l'œuf, sauf
anx deux exlré-
milés, aux deux
pôles, qui res-
tent lisses. Les
villosités choria-
les manquent 6-
galement dans
la région qui
prend part à la
formalion
replis amnioli -
des
ques. La région
recouverlie de
courtes villosités
dessine ainsi une
zone ou ceinture
enveloppant lar-
gement l'équa -
teur de l'œuf.
Comme le pla-
cenla ne se for-
mera que
celte région vil-
dans
leuse, il aura lui-
méme la forme
zonaire, figurant
une bande au -
tour de l’équa-
teur de l'œuf.
L'allantoide , en
s'élendant
la
dans
cavilé cœlo-
mique, n'alleint
pas les deux pô-
les de l’œufelse
limile, où à peu près, à la zone villeuse du cho-
rion. Aussi le placenta ne se produira-t-il que sui-
vant celle zone.
La forme du placenta, caractéristique chez les
Carnivores, résulle ainsi de deux faits, à savoir :
1° ce fait que le chorion ne développe de villosilés
el ne contracte d'adhérence avec l'utérus que selon
une bande en ceinture qui laisse libres les deux
extrémilés de l'œuf; 2 ce fait que l'allantoïde
D' E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS
!
\ No
Fig. 1. — Seclion de l'ulérus, chez la chienne, au moment de la gestation. —
M, musculeuse; P, couche des glandes permanentes; 1, couche homogène;
S, couche spongieuse; C, couche compacte; D, couche des détritus; Ep. u.,
épithélium utérin; Ect. f., ectoderme fœtal; CC, couche des capillaires ; Vm,
vaisseaux maternels.
lui-même n'apporte de vaisseaux qu'à la région
adhérente du chorion. -
l. — DÉVELOPPEMENT DU PLAGENTA,
Muqueuse utérine. — Après avoir considéré les phé-
nomènes évolutifs qui ont lieu dans les membrane.
de l'œuf, voyons, sur la chienne, les modifications
que subissent les.
| jp Dee
ml éjà, à l’épo-
AE que,
: tes les couches
de l'utérus aug-
mentent d'épais-
surtout sa mu-
queuse qui pré-
sente une hyper-
trophie considé-
rable. Les glan-
existent déjà
chez la chienne
vierge , s'allon-
gent énormé-
ment (ylandes lon-
de nouveaux lu-
bes épithéliaux
se forment dans
leur intervalle :
ce sont les glan-
des courtes, dé-
signées sous le
nom de eryples.
Aussi con-
vient-il, dès le
début de la ges-
lation, de consi-
dérer {rois cou-
ches distinctes
dans la muqueu-
se ulérine, au ni-
veau de chaque
renflement uté-
rin (fig.1):1°une
couche profonde,
c'est-à-dire voisine de la musculeuse (M) renfer-
mant lJ'extrémilé ou fond des glandes perma-
nenles (P);2° une couche moyenne (M), d'aspect homo-
gène, formée essentiellement de tissu conjonelif
embryonnaire; 3° une couche superficielle ou couche
des cryptes {S), dans laquelle le tissu conjonctif em-
bryonnaire est parcouru de vaisseaux capillaires.
Celte dernière est recouverte elle-même par une
assise de cellules épithéliales de forme cubique.
seur; mais c'est
des ulérines, qui
ques); de plus,
man bte eu ts nt. nad) à “fn à nn A &
D' E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS
495
| Les modifications les plus remarquables qui
. vont survenir se produisent dans la couche des
… cryptes. Les glandes {longues et courtes) qu’elle
renferme se dilalent peu à peu et lui donnent un
aspect spongieux; d’où le nom de couche spon-
…yieuse (S). De plus, l’épithélium de ces glandes
… s’hypertrophie, de facon que leur embouchure est
- obstruée par un amas cellulaire (C et D).
En même lemps, l’épithélium de la surface uté-
- rine (Æp. w.) devient pâle, homogène; ce sont là
_les premières indications de l'atrophie de l'épi-
- thélium, atrophie qui va aboutir à sa résorption
et à sa disparition ultérieure, partout où il sera
en contact avec
le chorion fœ-
tal.
- Pendant que
- ces modifica -
lions ont lieu
- dans les glan-
. des et dans l'é-
. pithélium uté-
| rin, la portion
superficielle du
derme de la
_ muqueuse se
vascularise de
_ plus en plus,
_ grâce au déve-
loppement des
capillaires ;
ceux-ci devien-
nent si abon-
dants qu'ils
sont pressés les
uns contre les
autres et sépa-
rés seulement
par un peu de substance amorphe CC). C'est ainsi
que prend naissance la couche des capillaires (V'm),
au-dessus de laquelle l’épithélium utérin dégénère
et tend à disparaitre en se résorbant,
Telles sont les transformalions que l’on peut
constater dans la muqueuse utérine depuis le début
jusque vers Le 18° jour de la gestation, laquelle est
de 60 jours en moyenne.
Chorion fatal. — Du côté de l'œuf, Yectoderme du
chorion, formé d'une assise unique de cellules
cubiques (Zrt. f.), s'unit de plus en plus intime-
ment à la muqueuse utérine; par places, on voil
les cellules ectodermiques se diviser el se super-
poser sur deux rangs. Il se forme, par ce procédé,
de véritables végétations ectodermiques qui, en
s'allongeant, s'insinuent dans la muqueuse utérine.
Telles sont les premièresindications de la manière
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895.
Fig. 2. — Porlion de l’'ulérus de la chienne à la période de fixation de l'œuf. —
S, couche spongieuse ; Ü, couche compacte ; D, couche des détritus; CC, couche
des capillaires renfermant les vaisseaux maternels (PV); L, lobes; Ect. f.,
ectoderme fætal; VC, villosités choriales ; BB, bourgeons ectodermiques inter-
placentaires à leur début.
dont l’ectoderme se fixera sur la muqueuse en la
pénétrant par une série de prolongements cellu-
laires. Elles seront l'origine de l’ectoplacenta.
Sauf de légères variations, l’évolution de l'œuf
et de l'utérus est la même chez la chienne et chez
la chatte au début de la gestation, c’est-à-dire avant
que le chorion contracte des adhérences.
Il. — PÉRIODE DE FIXATION.
Muqueuse uférine. — Chez la chienne, à mesure
que l’épithélium disparait, les glandes courtes on
cryptes et le tissu conjonctif interglandulaire sont
le siège de transformations nombreuses (fig. 2).
Le fond ou par-
tie profonde
des cryptes s'é-
tend considé -
rablement el
les lumières
glandulaires se
dilatent, de fa-
con à accen-
tuer l'aspect
spongieux (S)
dont nous par-
lions plus haut.
Dans la partie
moyenne des
cryples, l’épi-
thélium glan -
dulaire se mul-
tiplie, sans di-
latalion du ca
nal. Bientôt on
voitdisparaitre
la lumière du
canal, qui est
rempli par un
épithélium à grosses cellules (couche compacte C).
Enfin, du côté libre de la muqueuse, vers les
embouchures des glandes, ces grosses cellules se
fusionnent el dégénèrent en une masse homo-
gène, qui oblitère la lumière (couche des détritus
glandulaires D, fig. 1 et 2).
Dans l'intervalle des cryptes, le tissu conjonctif
interglandulaire subit une vascularisation de plus
en plus prononcée. Les vaisseaux sanguins sont
accompagnés de tissu conjonctif jusqu'au niveau
de la couche spongieuse; mais, à mesure que les
capillaires se multiplient en montant dans les eloi-
sons inlerglandulaires, on voit le tissu conjonctif
diminuer etdisparaitre presque complètement (F»).
Au niveau de la couche des détrilus glandulaires,
les capillaires deviennent de plus en plus serrés el
adondant{s et forment une couche vasculaire super-
ficielle qui déborde l'embouchure oblitérée des
22**
996
D' E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS
eryptes (CC). C'est à la surface de cette couche des
capillaires que vient s'appliquer l'ectoderme fætal,
qui se substitue à l’épithélium utérin et constitue
un revêtement nouveau à la muqueuse.
La couche des capillaires (CC) est uniquement
composée de vaisseaux placés côte à côte; leur
ensemble représente une substance spongieuse,
dont les mailles correspondent à la lumière des
capillaires sectionnés; entre ces capillaires, il
n'y à aucun des éléments du Lissu conjonctif,
ni cellules, ni fibres. Dans la paroi de-ces eapil-
laires, formés de cellules endothéliales, commence
à apparaître une disposition qui, plus tard, s’ac-
centuera bien
davantage ,
savoir : l’aug-
mentation de
volume des no-
vaux cellulai-
res et leur sail-
lie dans la lu-
mière du vais-
seau.
à
90049
o
A
©
5°
0
Chorion fatal.
Du côté de
l'œuf, on assiste
à des change-
ments morpho-
logiques paral-
lèles aux pré-
cédents. À me-
|
chevêtrement de ces deux sortes de villosités.
Partout où l'ectoderme du chorion est en contact
avec la surface de lacouche des capillaires, il pousse
des bourgeons cellulaires (B; B), comme cela se
passe, par exemple, dans le développement des
glandes. Ces bourgeons ectodermiques s’allongent,
s'insinuent dans l'intervalle des parois vasculaires
et se moulent sur les dépressions dessinées entre
les capillaires les plus superficiels. Il en résulte
une sorte d’engrènement entre la couche des capil-
laires utérins et l’ectoderme fœtal, engrènement
qui produit la fixation solide et définitive de l'œuf
à la muqueuse ulérine. Le tissu qui se développe de
celte façon est
donc composé
d'éléments d’o-
rigine mater -
nelie (capillai-
res), et d’ori-
gine fœtale (ec-
toderme inler-
posé). Bientôt
les cellules ec-
todermiques se
fusionneront
en une masse
homogène par-
semée de no-
yaux , comme
chez les Ron-
geurs; c'est le
plasmode ecto -
sure que la dermique.
couche a- te ; < Chez la chatle
Æ % des se Fig. 3. — Formation de l'angio-plasmode chez la chienne. — C, couche spon- ?
pillaires ulé - gieuse; D, couche des détritus; B B, bourgeons ou saillies ectodermiques on observe des
. 3 . . interplacentaires : M "AISSEAUX g û G à t : PL anvio-plas a à 4
rins s’épaissit interplacentaires ; Vi, vaisseaux maternels des lobes {L); PI, angio-plasmode ; modifications
e VC, villosités choriales.
dens l’inter -
valle de l'embouchure des cryptes, l’ectoderme
du chorion fœtal est soulevé au même niveau par
ces saillies vasculaires; mais, en regard de l’em-
oouchure même des glandes, l’ectoderme reste
appliqué à la surface des détritus glandulaires. Il
en résulle une série de saillies ou lobes (L. L.) et
lercavations (NV. C.) qui alternent régulièrement à la
muqueuse.
Tant que le mode de développement de ces par-
lies restait ignoré, il était difficile, sinon impos-
sible d'établir la part qui revient aux saillies ou aux
excavalions dans l'édification placentaire. Il est
nécessaire cependant de dire immédiatement que les
saillies ou lobes (L) qu'on regardait comme restant
constitués uniquement par du tissu maternel, por-
taient le nom de villosilés maternelles, landis que les
excavations s’appelaient les illosités choriales (N.C).
Jusqu'à M. Mathias-Duval, on pensait que le
placenta résultait de la pénétration ou de l’en-
analogues : l'é-
pithélium des eryptes s'hyperlrophie, sans que
les couches ainsi formées arrivent à oblilérer
la lumière glandulaire. Plus tard cet épithélium
hypertrophié tombera également en détritus. Lei
comme chez la chienne, l'embouchure des glandes
disparait non seulement à cause de bouchons
épithéliaux , mais en raison de ce fait que le
tissu conjonctif immédiatement sous-jacent à
l'épithélium utérin prolifère,forme une couche qui
déborde les embouchures glandulaires et constitue
la limite superticielle continue de la muqueuse
ulérine. Autrement dit, la face libre de la mu-
queuse ulérine a un aspect lisse, de sorte que
l’ectoderme du chorion s'y élale en lame continue ;.
on ne voit plus, chez la chatle, ces prolongements
ou villosités creuses qui, chez la chienne, s’avan-
cent du côté de l'embouchure des glandes.
La muqueuse ulérine de la chatte présente une
autre différence : à mesure que l'épithélium utérin
|
:
|
|
:
[1
Î
4
;
|
L
:
_ et la chatte, la
couche superfi -
D: E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS
997
disparait, la couche superficielle de la muqueuse
est constituée, non point uniquement par un lacis
_ de capillaires maternels, mais par une trame de
tissu conjonctif jeune parcouru de nombreux ca-
_ pillaires. Chez la chatte, l’ectoderme fœtal vient
. donc reposer sur une couche maternelle formée
alternalivement de capillaires et de cellules con-
jonctives.
Enun mot, le tissu utérinsurlequelvient se greffer
_ le chorion forme,
chez la chienne
cielle de la mu-
queuse hypertro-
phiée; mais, chez
la chatte, les vais-
seaux maternels
sont soutenus par
une trame con-
jonctive, tandis
“que, chezla chien-
ne, il y a exubé-
rance des capil-
laires et dispari-
tion plusou moins
complète du tissu
conjonclif quileur
est interposé.
JIL — FORMATION
DE L'ANGIO-PLAS-
MODE PLACEN -
TAIRE.
L'ectoderme
qui tapisse les vil-
losilés creuses ne
Un processus analogue préside à la formation
de l'ectoplacenta des Rongeurs‘; mais l'évo-
lution ultime est différente chez les Carnivores.
Chez les Rongeurs, les capillaires maternels, en-
veloppés par ce plasmode, perdent leurs parois
endothéliales et se transforment ainsi en sinus
creusés dans la subslance plasmodiale (sinus ou
canaux et canalicules sangui-maternels); chez les
Carnivores (chienne), au contraire, les capillairesma-
ternelsconservent
leurs parois pro-
pres endothélia-
les.L'ectoplacenta
desRongeurs n'est
constitué que par
des éléments ana-
tomiques fœtaux,
avec du sang ma-
ternel; l’ectopla-
centa des Carnivo-
res est formé par
des éléments fœ-
taux etpar des élé-
ments maternels,
à savoir la paroi
endothéliale des
vaisseaux uté-
rins. Le plasmode
placentaire, outre
le sang maternel,
contient done ici
des parois vascu-
laires d’origine é-
galement mater -
nelle.
Cetteédification
ectoplacentaire
prend nulle part à
la formation du
plasmode. Au ni-
veau des lobes,
au contraire, les
bourgeons cellu-
laires, dont nous avons indiqué plus haut le début,
prolifèrent et s’insinuent de plus en plus pro-
fondément entre les capillaires utérins : c'est
ainsi que prennent naissance les swillies ectodermi-
ques interplacentaires (B, B, fig. 3); ces saillies pénè-
trent entre les capillaires superficiels et les entou-
rent plus ou moins complètement. Le tissu nou-
veau (Pl) qui se développe de cette facon résulte
donc d’une part de l’enchevêtrement des capillaires
d'origine maternelle, parcourus par le sang maternel,
el, de l’autre, des saillies eclodermiques fœtales.
Pour ce motif M. Mathias-Duval l'appelle wagio-
plasmode.
Fig. 4.
— Achèvement de l'angio-plasmode chez la chienne. — C, couche
compacte; Vm, vaisseaux maternels; PI, angio-plasmode ; Mf, mésoderme
fœtal avec les vaisseaux fœtaux (Vf); lm, lamelles mésentériformes.
s'étend rapide -
ment; c'est ainsi
qu'au vingt-qua-
trième jour letiers
de la couche des
capilaires est en-
vahi par les poussées plasmodiales de l’ecto-
derme, et les cloisons plasmodiales arrivent jus-
qu'au niveau de la couche des détritus glandu-
laires.
L’angio-plasmode de la chatte se développe
d’une façon analogue, si ce n'est au début; en
effet, chez la chatte, l'ectoderme pénètre dans la
muqueuse non pas sous forme de petites saillies
intercapillaires, mais par de grosses poussées
qui se ramifient largement, comme chez la la-
pine.
DR SES SR RE PE NE PE
1 Voyez la Revue du 30 juillet 1892, loc. cit.
998
D' E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS
IV.— ACHÈVEMENT ET REMANIEMENT
DE L'ANGIO-PLASMODE.
Comme chez les Rongeurs, l'achèvement de
l'angio-plasmode se fait grâce à la pénétration des
vaisseaux fœtaux (fig. 4). ‘
Du trentième au trente-deuxième jour, les vais-
seaux allantoïdiens (Vf), accompagnés de tissu con-
jonctifembryonnaire(1/f),aprèss’être étendussurla
face fœtale de l’ectoderme, c'est-à-dire de l'angio-
plasmode, émettent, de distance en distance, des
prolongements qui y pénètrent et les subdivisent
en une série de lamelles secondaires. Au trente-
cinquième jour, chaque lobule est ainsi pénétré
dans toute son intimité par des cloisons mésoder-
miques fœtales (1f) qui le décomposent en un
grand nombre de travées d’angio-plasmode anas-
tomosées les unes avec les autres. Cette formation
compliquée mérite le nom de complezus labyrinthique.
Au contact de l’angio-plasmode, le lissu con-
jonetif de l'utérus disparait peu à peu en se résor-
bant. Il y a là une substitution graduelle des for-
mations fœtales aux formations maternelles, les
premières augmentant d'épaisseur à mesure que
les secondes s'amincissent et se détruisent.
Pendant le remaniement de l’angio-plasmode,
toutes les couches des formations utérines situées
au-dessus de la couche spongieuse sont graduel-
lement résorbées; les culs-de-sacs glandulaires de
la couche spongieuse se transforment en d’im-
menses cavités, séparées par des cloisons minces
ou lamelles mésentériformes (/m), el, comme les
parois supérieures de ces cavités sont également.
résorbées, les formations fœtales arrivent à repo-
ser sur les extrémités libres des lamelles mésen-
tériformes et à n'adhérer qu'en ces points seu-
lement aux lissus maternels. Ce sont les- par-
ties profondes des lobules d'angio-plasmode qui
s’attachent en ces points, les arcades ectoder-
miques venant correspondre aux grandes cavités
de la couche spongieuse et en former le couvercle.
Pendant ce temps l’angio-plasmode a été remanié
par la pénétration du mésoderme el des vaisseaux
allantoïdiens, de telle sorte qu'il a été graduelle-
lement décomposé en lamelles labyrinthiques,
lesquelles sont formées d'un réseau de capillaires
maternels, sur les deux faces duquel est étalée
une couche de plasmode. Les capillaires fœtaux
rampent dans les interstices des lamelles labyrin-
thiques.
Les lamelles labyrinthiques sont largement
anastomosées les unes avec les autres; pour sim-
plifier on peut réduire tout le placenta en un com-
posé de lamelles dont chacune est formée par un
réseau capillaire étalé en un seul el unique plan,
réseau qui, sur ses deux faces et dans ses inter-
valles, est soutenu par du plasmode ectoplacen-
taire. Qu'on se figure, dit M.Mathias-Duval, un gril-
lage métallique à mailles étroites; que, sur les
deux faces de ce grillage, on étende une pâte quel-
conque, qui remplisse les intervalles du grillage
et en englobe complètement les travées, mais de
manière à en dessiner cependant la saillie à la
surface : on aura ainsi une lame qui schématisera
exactement la lamelle labyrinthique.
Chez la chatte, l'ectoplacenta pénètre en masse
dans la muqueuse ulérine, comme chez les Ron-
geurs; à mesure qu'il s'étend et s’accroil, l’angio-
plasmode se substitue peu à peu à la couche des
glandes utérines, dont les zones superficielles
tombent en détritus et sont résorbées. Mais,
chez la chatte, les capillaires maternels qui sont
englobés dans la formation ectoplacentaire conser-
vent, comme chez la chienne, leurs parois propres,
tandis que ceux des Rongeurs perdent leur paroi
endothéliale et passent à l’élat de lacune sangui-
maternelle, |
En quoi les dispositions ci-dessus décrites dif-
fèrent-elles des assertions des auteurs qui se sont
occupés du placenta des Carnivores ?
Les auteurs classiques admettent que le pla-
centa des Rongeurs et des Carnivores est formé
par la pénétration réciproque des saillies fœtules
du chorion (villosités creuses ci-dessus décrites)
et les saillies de la muqueuse utérine (illosités
maternelles). Ces dernières seraient unique-
ment constituées par l’hypertrophie de la mu-
queuse utérine el continueraient à rester revêtues
par son épithélium persistant.
Au contraire, si l'on suit, graduellement et sans
interruption, l’évolution des parties fœtales et ma-
ternelles, on voitque les soi-disant villosités mater-
nelles sont essentiellement d'origine fœtale; après
la disparition de l’épithélium utérin, l’ectoderme du
chorion fœtal s'applique sur le tissu utérin dénudé,
prolifère et pousse des prolongements (plasmode)
qui, se substiluant aux éléments conjonctifs mater-
nels, englobent les parois des vaisseaux maternels.
En un mot, le plasmode ectoplacentaire est tou
entier d’origine fœtale, sauf les parois des capil-
laires utérins : c'est là l'angio-plasmode.
Dans l'intervalle des saillies ou lobes plasmo-
diaux et en regard des glandes utérines, l’ecto-
derme du chorion fœlal constitue des cavités en
doigt de gant (villosités creuses), qui ne pénètrent
nullement dans les orifices des glandes et ne pren-
nent point part à la formation du placenta.
Plus lard cet angio-plasmode est remanié, grâce
à l’arrivée du mésoderme fœlal et des vaisseaux
allantoïdiens.
Done, si nous Lenons comple de ces deux faits,
— disparition de l'épithélium utérin, contact in-
“
À
;
:
:
;
due née is él ads dis à 24
PT IN 1
» dt
D' E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS
999
time des capillaires maternels avec l'ectoplacenta
fœtal, — nous pouvons dire : Il n'y a d’interposé
entre les capillaires fœætaux (en négligeant le tissu
conjonclif très rare qui les entoure) et les capil-
laires maternels qu’une seule formation : la couche
plasmodiale ectodermique; c'est-à-dire que, dans le
placenta fœtal, là où les vaisseaux maternels et
_fœlaux viennent s’intriquer, il n’y a, sauf la paroi
. des capillaires maternels, rien que des formations
d'origine fœtale. Ainsi, landis que le placenta
des Rongeurs ne contient absolument aucun élé-
ment de tissu d’origine maternelle, le sang mater-
nel circulant, sans parois propres, dans dés tubes
plasmodiaax ectoplacentaires; chezles Carnivores,
le placenta contient des parois vasculaires ma-
ternelles, parce que sa formation première est
due à un angio-plasmode et non à un plasmode
pur.
Ces dispositions essentielles ne sont pas chan-
gées quand, plus tard, l’angio-plasmode pénètre
dans la profondeur et que les arcades ectoder-
miques arrivent à faire saillie dans les grandes ca-
vités de la couche spongieuse.
V. — VARIÉTÉ DES RELATIONS ENTRE LES TISSUS MATER-
NELS ET LES TISSUS FOETAUX CHEZ LES MANMIFÈRES.
Les observations de M. Mathias-Duval nous don-
nent, enfin, des renseignements plus circonstanciés
sur les relations des tissus maternels et fœtaux.Jus -
qu’à lui, on s'était contenté des résultats fournis
par les examens en surface et par l'étude histolo-
gique de quelques rares stades, pour distinguer :
1° le placenta diffus (porc, cheval), chez lequel
des villosités simples et courtes s'enfoncent dans
des fossettes ou dépressions de la muqueuse hy-
pertrophiée; 2 le placenta cotylédoné du bœuf, du
mouton, ete., chez lesquels les villosités sont réu-
nies en groupes, formant des saillies ou cofylédons
qui sont reçus dans des cupules de la muqueuse
utérine; 3° le placenta zonaire des Carnivores et le
placenta discoïde des Rongeurs.
D'autre part, on avait constaté que dans les pla-
centas diffus et cotylédoné, il y a, lors de la partu-
rition, séparation des parties fætales et des parties
maternelles, tandis que, pour les placentas zonaire
el discoïde, des relations si intimes existent entre
les tissus maternels et le chorion qu'il en résulte
une déchirure amenant la chute d’une portion de
la muqueuse utérine. Il y a ainsi, dans ce dernier
cas, une véritable cuduque, c’est-à-dire qu’une par-
tie de la muqueuse utérine accompagne l’expul-
sion de l'œuf.
Or, les recherches de mon éminent maitre per-
mettent d'affirmer qu'il y a des différences essen-
lielles et plus profondes dans la constitution du pla-
centa chez les divers Mammifères. Actuellement,
M. Mathias-Duval a vérifié les données des auteurs
qui se sont occupés du placenta des Pachydermes
et des Ruminants. Bien que la publication de ces
recherches ne soit pas faite, il déclare, dans son
travail sur les Carnivores (p. 162), qu'elles sont
entièrement d'accord, sauf quelques détails histo-
logiques, avec les descriptions classiques.
Nous pouvons donc d'ores et déjà jeter un coup
d'œil d'ensemble sur la constitution variable du
placenta chez les divers types de Mammifères.
Celte revue nous montrera que le fait essentiel
réside, non pas dans la forme de l’organe, mais
dans les relations diverses qu'affectent les tissus
utérins et fœtaux, permettant des échanges plus
ou moins faciles entre le sang de la mère et celui
du fœtus.
Chez les Pachydermes (porc, cheval) etles Rumi-
nants (bœuf, mouton), il se forme des villosités
choriales, qui pénètrent dans les intervalles de
saillies analogues produites sur la muqueuse uté-
rine. La muqueuse utérine devient plus vascu-
laire au niveau de ces saillies, mais la surface de
ces dernières, ainsi que lesespaces intermédiaires,
restent, pendant toute la durée de la gestation,
recouverts par l’épithélium utérin. Le fait fonda-
mental a la mêmesignification, que cet épithélium
reste haut et cylindrique, comme chez les Rumi-
nants, ou bien qu'il s'aplatisse comme chez les
Pachydermes. Les échanges nutritifs se font donc
pour les groupes précédents à travers : 1° l’endo-
thélium des vaisseaux maternels; 2’ le tissu con-
jonctif de la saillie ou villosité utérine ; 3° l'épithé-
lium utérin; 4 l'ectoderme de la villosité fœtale ;
5° le tissu mésodermique et l'endothélium de la
villosité fœtale.
Chez les Carnivores etles Rongeurs, aucontraire,
l’épithélium utérin disparaît partout où l'ecto-
derme fœlal vient s'appliquer à la surface de l’u-
térus. Cet ectoderme fœtal prolifère et développe
une épaisse couche plasmodiale, qui reçoit el
enveloppe les capillaires émanés des couches ma-
ternelles sous-jacentes. La fixation de l'œuf se fait
ici au moyen des cellules ectodermiques du fœtus,
qui ont englobé les vaisseaux maternels. Plus
tard, les vaisseaux fœtaux pénètrent également
dans le plasmode.
Chez les Carnivores, les vaisseaux maternels
conservent pendant toute la gestation leur paroi
propre, de sorte que leur placenta où angio-plas-
mode résulte d’un enchevétrement de capillaires
maternels et de trainées ectodermiques fœtales.
Le sang maternel n'est donc séparé chez eux
que par : 4° la paroi endothéliale des capillaires
maternels; % les cellules ectodermiques du plas-
mode; 3° la paroi endothéliale des vaisseaux
fœtaux entourés d’un peu de tissu conjonctif.
1000
D: E. RETTERER — LE PLACENTA DES CARNASSIERS
Chez les Rongeurs enfin, les rapports deviennent
plus intimes et plus faciles encore, parce que la
paroi des vaisseaux maternels disparait elle-même,
partout où elle est circonscrite par les cellules
ectodermiques du plasmode, de sorte que le sang
maternel circule dans des tubes conslilués par le
tissu fœtal lui-même (sus ou lacunes sanqui-
maternelles).
On le voit, il s’agit ici, non point de conceptions
imaginaires et d'interprétations plus ou moins
arbitraires, mais de faits parfaitement positifs et
coordonnés d'après l’enchainement de leurs évo-
lutions successives.
VI. — ORIGINE DES ÉLÉMENTS DU PLACENTA HUMAIN.
A la fin de celle étude se pose la question de la
valeur des éléments qui constituent le placenta
humain. Quelle est l’origine, maternelle ou fœtale,
des couches cellulaires qui séparent le sang ma-
ternel du sang fœtal? Bien que de nombreuses
recherches aient été faites sur ce sujet, des opinions
aussi nombreuses que contradictoires ont encore
cours à l'heure actuelle; ces divergences sont dues
à des causes mulliples, notamment au mauvais état
des matériaux d'étude et à l'examen d’un nombre
tout à fait insuffisant de stades évolulifs.
Il est vrai que nous n’aurons des résultals vrai-
ment posilifs que le jour où un observateur, après
avoir réuni les phases principales du développe-
ment du placenta humain, consacrera le temps
nécessaire à l’élude de la série complète de pièces
depuis l’origine de l'organe jusqu'à sa constitution
définitive. Ici, comme pour tous les tissus el forma-
lions complexes, l'anatomie et l’histologie de l'un
quelconque des stades évolutifs sont impuissantes
à nous renseigner suflisamment. Pour définir la
nature d'un organe, il est absolument indispen-
sable d'appliquer la technique histologique à
l'étude de fous les stades de son évolution.
Quoi qu'il en soit, en tenant compte des faits
isolés publiés jusqu'à ce jour et des aflinités zoolo-
giques qui relient l’homme aux autres Mammifères,
on peut donner le schéma suivant de l’origine et
de la constitution probables du placenta humain :
Une fois que l’œuf est logé dans l’un des replis
de la muqueuse hypertrophiée, les villosités du
chorion fœlal s'appliquent à la surface de l'épi-
thélium utérin; à son contact, cet épithélium dégé-
nère el disparait. L'ectoderme qui tapisse les
villosilés développe de nombreuses
assises cellulaires, qui pénètrent dans le Lissu con-
choriales
jonclif utérin, et entourent les vaisseaux mater-
nels. Ceux-ci se dilatent en sinus sanguins dont
les cellules endothéliales sont conservées comme
chez les Carnivores ou disparaissent dans la suite,
par résorption, comme chez les Rongeurs.
En un mot, le placenta humain (sérotine) serait
essentiellement constitué par du tissu d'origine
fœtale, qui aurait végété au-devant des vaisseaux
maternels et les aurait englobés dans sa masse.
Ce qui, outre les faits déjà cités, plaide en faveur
de cette interprétation, c'est la facon dont se
détache le placenta. On sait que, dans le placenta
humain, la ligne de séparation passe par la couche
spongieuse. Chez les Rongeurs, toute la portion de
la sérotine qui a élé pénétrée par l’ectoplacenta
s’en va également.avec le placenta. Un récent tra-
vail de H. Strahl montre qu'il en est de même chez
la chienne !; de plus, ce travail nous fournit des
éclaircissements sur le mode de régénération de
l'épithélium utérin. Le placenta se sépare chez la
chienne d'avec la muqueuse utérine à peu près au
milieu de la couche spongieuse, de telle sorte que
la moitié profonde de cette couche est conservée,
tandis que la moitié superficielle se délache. Les
minces lamelles de tissü conjonctif (mésentéri-
formes) qui se lrouvent entre les dilatations de la
couche spongieuse sont seules mises à nu, c’est-à-
dire dépourvues de tissu épithélial, lors de la par-
turition. Il est vrai que la contraction de l'utérus
qui survient après le part réduit ces plaies à des
points imperceptibles en même temps qu'elle
détermine la formation de nombreux plis.
En un mot, la restauration de la muqueuse uté-
rine a lieu par ce fait que, sur toute la surface
dénudée, le fond des glandes utérines persiste.
Les portions dépourvues d'épithélium sont d'une
étendue si faible qu'il est fort diflicile de les
découvrir après la rétraction de l'utérus; dès lors,
la réparation de ces petites plaies peut se faire
avec une très grande facilité.
On voit combien ces études d'Embryologie el
d'Histologie comparées sont utiles pour apporter
quelque lumière à la question, si importante el
encore si obscure, de lévolution intra-utérine
dans l’espèce humaine.
D' Ed. Retterer,
Professeur agrégé d'Embryologie
à la Faculté de Médecine de Paris,
1 Der puerperale Ulerus der Hündin (Anat. Heften de
Merkel et Bonnet, 1895).
so lttitod à; (e" Les. À !
Lens D ds ie dede sûe #17.
G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
1001
L’ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS ‘
DEUXIÈME PARTIE :
MESURE DE LA RÉVERSIBILITÉ DES TRANSFORMATIONS ISOTHERMES
I. — L'Exrropte.
On mesure les quantités de chaleur avec le calo-
rimètre. Soit le calorimètre à glace; pour mesu-
rer, par exemple, la quantité de chaleur dégagée
par le refroidissement de l’eau, de la température
4 à la température {', on opère le refroidissement
dans le calorimètre, et le nombre de kilogrammes
de glace fondue est la mesure d’une certaine quan-
lité physique, qui, par définition, est la quantité de
chaleur. Le principe des trois sources prouve, d’ail-
leurs,que,quelquesoit le calorimètlre, quellequesoit
la nature du changement du corps calorimétrique,
le résultat comparalif des mesures reste toujoufs le
même, c'est-à-dire que le rapport des quantités de
chaleur dégagées par deux transformations données
différentes d'un même corps ou de deux corps dis-
tincts et mesuré respeclivement avec ces divers
calorimètres, est invariable.
La mesure des quantités de chaleur par le calori-
mètre s'applique à toute espèce de transformations,
isothermes ou non isothermes. Mais, s'ils'agitexclu-
sivement d'une transformation isotherme, on peul
concevoir la possibilité, tout en faisant usage d’un
_calorimètre, de changer radicalement le mode de
mesure. Au lieu de laisser la chaleur Q du corps qui
subit la transformation isotherme (par exemple la
condensation de la vapeur d’eau saturée) s’écouler
directement dans le corps calorimétrique, on peut,
théoriquement du moins, opérer la transmission
de la chaleur par l'intermédiaire d'une machine
de Carnot fonctionnant d'une manière réversible,
c’est-à-dire à la température de la vapeur d’eau,
puis à celle de la glace. La machine absorbera la
chaleur Q perdue par la vapeur d’eau, mais elle ne
rendra au calorimètre qu'une quantité de chaleur Q'
plus faible que la quantité Q, et par suite le poids
de la glace fondue sera moindre que dans l’opéra-
tion calorimétrique ordinaire.
L'interposition d’une machine Carnot modifie
donc le résultat des mesures, et la mesure réversible
ainsi effectuée, définit, par conséquent, une nou-
velle espèce de quantité physique, tout à fait dis-
tincte de la « quantité de chaleur ». En effet, non
seulement les nombres obtenus par voie réversible
sont différents des nombres obtenus par les me-
1 Voyez 1'e partie dans la Revue du 30 Octobre.
sures calorimétriques proprementdites ; mais, dans
le cas général, ils n’y sont point proportionnels.
IL suffit, pour le prouver, de montrer que deux
transformations isothermes, accomplies à des tem-
péralures différentes, et qui dégagent la même
quantité de chaleur, n’auront nécessairement pas
la même mesure par voie réversible. Soit, par
exemple, la condensation de la vapeur d’eau satu-
rée à 100° et la condensation de la vapeur d'éther
saturée à 35°5,etsupposons, pour simplifier, que les
poids de chaque substance soient inversement pro-
portionnels aux chaleurs latentes de vaporisation,
c’est-à-dire que les deux opérations de conden-
sation dégagent la même quantité de chaleur Q.
Prenant l’eau à l’état de vapeur et l’éther à l’état
liquide, nous pouvons donc vaporiser l’éther à
l’aide de la chaleur Q empruntée directement à
la condensation de la vapeur d’eau, opération qui
est irréversible. Puis nous ramenonsl’éther à l'état
liquide par voie réversible en cédant au calori-
mètre la chaleur Q', et l’eau à l’état de vapeur, éga-
lement par voie réversible, en empruntant au ca-
lorimètre la quantité de chaleur Q". Les quantités
Q' et Q", proportionnelles aux poids de glace
fondue, sont les mesures réversibles des deux trans-
formations considérées, et ces deux quantités sont
nécessairement inégales, car du système des trois
sources de chaleur, deux sources, l’eau et l’éther,
sont revenues à leur état initial, et il faut, puisque
l'opération totale est irréversible, que la troisième
source, qui est le calorimètre, ait gagné de la cha-
leur. Donc la quantité Q' est supérieure à la quan- -
tité Q, c'est-à-dire que la condensation de l’eau en-
traine, par voie réversible, la fusion d’un poids de
glace supérieur au poids de glace qui serait fondue
dans les mêmes conditions, à l'aide de la chaleur
empruntée à la condensation de l’éther ?.
La mesure réversible d’une transformation con-
duit à des résultats différents des mesures calori-
métriques ordinaires, mais pour conclure de là
que ce procédé de mesure définit une quantité,
il faut que, si l’on change l'appareil de mesure,
si, par exemple, l’on substitue le calorimètre
à mercure au calorimètre à glace, les résul-
tats des mesures réversibles ne soient modifiés
1 On peut répéter le même raisonnement sur deux masses
d’eau, à condition de les prendre à des températures et sous
des tensions de vapeur différentes.
1002
G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
que proportionnellement. La question est la
même que pour la quantité de chaleur, et elle se
lranche de la même manière, par l'application du
principe des trois sources. Soient, en effet, deux
transformations, par exemple la condensalion de
la. vapeur d’eau et la condensation de la vapeur
d'éther, les poids des substances élant alors tels
que les deux transformations ont la même mesure
réversible au calorimètre à glace, et par suite que
les chaleurs gagnées par le calorimètre dans les
deux opérations de mesure sont toutes les deux
égales à une même quantité Q. En condensant
donc l’eau, par voie réversible, dans le calorimètre
à glace, nous fournissons à ce calorimètre la
quantité de chaleur Q; nous pouvons ensuite
ramener le calorimètre à glace à son élal initial
par voie réversible en lui enlevant avec la machine
cette quantité Q et en cédant au calorimètre à
mercure une certaine quantité de chaleur Q".
D'après le principe des trois sources, le résullat
sera le même que si nous avions directement
opéré la condensation de la vapeur d’eau, par voie
réversible, dans le calorimètre à mercure. D’ail-
(
Q
lures de deux calorimètres. Si Q'"est la mesure
réversible de la condensation de la vapeur d’éther
leurs le rapport = ne dépend que des tempéra-
dans le calorimètre à mercure, le rapport -
dépend aussi que des mêmes températures. Les
deux rapports sont dune égaux, ce qui entraine
l'égalité des quantités Q' et Q”,‘et par suite l'éga-
lité des mesures faites au calorimètre à mercure.
Ainsi donc la mesure réversible des transforma-
tions isothermes ne dépend pas de l'appareil de me-
sure, mais définit une quantité physique nouvelle,
une quantité qui n’est pas la quantité de chaleur.
Il y a entre ces deux espèces de quantités
une différence absolument fondamentale. Quand
nous parlons des quantités de chaleur, c'est que
nous considérons comme équivalentes deux trans-
formalions qui, direclement opérées dans le calori-
mètre, fondent respectivement le même poids de
glace. Quand nous parlerons de la nouvelle quan-
lité, c’est que nous considérerons comme équiva-
lentes deux transformations qui détermineraient
respectivement la fusion d’un même poids de
glace par l'intermédiaire d'une machine de Carnot.
La différence entre les deux quantités a donc pour
fondement la différence entre le phénomène de la
conduction et celui de la lransmission réversible
de chaleur ; mais, si celle-ci entraine celle-là, si les
deux modes de mesure conduisent à des résul-
tats différents, si, par conséquent, il y a en cha-
leur une autre espèce de quantité que la quan-
lité de chaleur, c’est en raison de la loi Clausius,
ne
c'est parce qu'un même système thermique hors
d'équilibre, suivant qu'il se transforme par voie.
réversible ou par voie irréversible, ne passe pas
par les mêmes états, ne suit pas le même cycle, et
ne peut parvenir au même état final. Telle est.
aussi la raison profonde pour laquelle la Chaleur |
est une des formes de l'Energie.
Dans le cas des mesuresréversibles, comme dans
le cas des mesures calorimétriques ordinaires, il
faut faire choix d'une certaine unité. S'il s'agit des
mesures calorimétriques ordinaires, l’unité choisie,
c’est l'échauffement de 0° à 1° d’un kilog. d’eau: on
l'appelle la Calorie. Dans les mesures réversibles,
on pourrait conserver la mème unilé, qu'on appel-
lerait Cluusie pour rappeler le nom du grand physi-
cien qui a su le mieux mettre en évidence la nou-
velle quantité. Mais nous verrons plus loin qu'au
point de vue de la simplicité des formules, et pour
éviter l'emploi d'un coefficient, ilconvient de choisir
une unité de transformation différente de la trans-
formation qui sert à définir la calorie. Dans tous
les cas, le changement d'unité n’entraine que la
mulliplicalion des mesures par un facteur constant.
La nouvelle quantité jouit d’une propriété bien
remarquable, qui n'appartient pas à la quantité de
chaleur. Celle nouvelle quantité reste la même
pour deux transformations isothermes ab et «' 0",
d’un mème corps, accomplies à des températures
différentes { el {', quand ces transformations sont
comprisesentreles deux mêmesadiabatiques(fig.1).
En effet, nous pouvons
accomplir la transfor- S S
malion «b par voieré- ‘
versible, à l’aide d'une |
machine de Carnot qui
emprunte au calorimè- \e
tre la quantilé de cha- ,-
leur Q. Puis, après a- : \ {8
voir amené le corps à st 1e
l'état d' par une dé- KA
tenteadiabalique nous \e ë|
pouvons accomplir la À \
transformation d'a! à
l'aide de la même ma-
chine ou d'une autre,
en cédant au calorimè- :
tre la quantité de chaleur Q'. Enfin, par compres-
sion adiabatique nous ramenons le corps à son état
inilial. L'opération totale étant réversible, il faut
que le calorimètre revienne aussi à son élal inilial,
c'est-à-dire que les quantités Q et Q' soient égales.
Mais ces quantités sont la mesure déversible des
transformalions 4b et a! b'; donc les mesures ré-
versibles de ces transformations sont égales, ce
qu'il fallait démontrer.
On peut exprimer ce résultat en disant que la
Fig, 1:
1003
ee
i
À
;
|
|
|
« ne dépend pas de la température de la trans-
formation, mais seulement de l'adiabatique
initiale et finale. La nouvelle quantité peut ser-
vir à définir, en quelque sorte, l’espacement
de deux adiabatiques, indépendamment de toute
considéralion de température. C'est là un rôle
- que ne saurait jouer la quantité de chaleur, car
cetle quantilé ne reste pas la même pour toules
- les transformations isothermes limilées aux
. mêmes adiabatiques; elle est d'autant plus grande
que la température est plus élevée, toujours en
r
. verlu de la quatrième des lois fondamentales.
Il devient, par suite, possible de rapporter
toutes les adiabatiques d'un corps à une adiaba-
tique déterminée prise pour origine, comme on
. rapporte toutes les températures au zéro centi-
grade. Appelons ENTROPIE : {4 grandeur définie par la
mesure réversible des transformations isothermes qui ont
pour adiabatique initiale précisément celle adia-
batique arbitrairement choisie comme origine.
Convenons, en outre, de compter positivement les
mesures des transformations isothermes qui absor-
bent de la chaleur, négalivement ies mesures de
celles qui dégagent de la chaleur. À toute adiaba-
tique répondra alors une valeur déterminée de
l’'entropie, et une seule, valeur positive si l’adia-
balique est à droite (dans le cas le plus commun),
. négative si elle està gauche. Réciproquement, à
loute valeur déterminée de l’entropic, valeur posi-
live ou négative, répondra une adiabatique détermi-
née, et une seule, située à droite ou à gauche de
l'adiabatique origine. L’entropie est donc bien une
quantité capable de représenter, de désigner les
adiabatiques d’un corps, d'en définir la position
relative. È
Maintenant, observons ceci: si une valeur déter-
minée de l’entropie répond à une adiabatique
déterminée, elle répond par là même à tous les
élats représentés par les points de cette adiaba-
lique, comme la même température est commune
à tous les états représentés par les points d’une
même isotherme. Et comme deux adiabaliques
n'ont aucun point commun quand deux étais
distincts sont représentés par des points situés
sur des adiabatiques différentes, les valeurs de
l’entropie des deux étais ne sont pas les mêmes.
La grandeur « entropie » devient ainsi un élé-
ment numérique caractéristique de l’état d’un
corps, et il est permis de dire que, sous tel élat,
le corps possède telle entropie. Aussi, pour décrire
d'une manière vérilablement complète l’état d'un
corps, il ne suffit pas de faire connaïlre son élal
physique, chimique et électrique, et d'indiquer
son volume, sa pression et sa tempéralure; il faut
cet élément est aussi essentielle que l’est celle des
autres éléments, et notamment de la température:
car il n'y a pas plus de raison de se dispenser de
considérer les adiabatiques, qu’il ne peut yen
avoir de négliger les isothermes. Les unes et les
autres ont un égal titre à être appelées transfor-
malions fondamentales.
Puisque l’entropie est un élément numérique
caractéristique, cette grandeur peut servir de va-
riable indépendante. On sait, par exemple, que.
lorsqu'un corps n’est pas susceptible de change-
ment d’élat physique, chimique et électrique, deux
variables indépendantes suflisent à définir son
état. On choisit d'ordinaire le volume et la pres-
sion, mais on pourrait, on le voit, tout aussi bien
définir cet état par le volume et l’entropie. Étant
données les valeurs de ces deux quantités, les va-
leurs des autres — pression, température — se
trouvent nécessairement déterminées.
IT. — LE CHANGEMENT D'ENTROPIE
L'entropie élant une grandeur caractéristique de
l'état d’un corps, on se trouve autorisé à parler
d'une différence d’entropie entre deux états, même
quand il y a entre ces deux états un écart de tem-
pérature. La différence d’entropie ne se rapporte
plus à une différence entre les états initial et final
d’une transformation isotherme, ni même d’une
transformation réversible quelconque; c’est une
différence qui peut se constater dans une trans-
formation quelconque, réversible ou irréversible.
Lorsqu'un mobile s'éloigne, suivant une trajec-
toire courbe, de sa position iniliale, nous ne fai-
sons aucune difficulté de parler de la distance
entre les deux positions initiale et finale du
mobile, distance cependant qui ne peut être me-
surée que suivant une trajectoire rectiligne; ce
n’est pas le chemin effectivement suivi qui fail la
distance, c'est un certain chemin qui aurait pu
être suivi. Pareillement, ce n’est pas la transfor-
mation réellement accomplie qui mesure la varia-
tion d'entropie, c'est une transformation d'une
espèce particulière, par laquelle le corps aurait
également pu parvenir de l’état initial à l’état
final. On parle de la force d'un corps en mouve-
ment, en voulant signifier l'effort que le corps
exercerait s’il n’élait point en mouvement. Le lan-
gage ne se compose guère que d’abstraclions(c'est-
à-dire de simplifications) de ce genre.
Mesure du changement d'entropie. — Mais puis-
qu'un changement d'entropie peut avoir lieu
à la suile d'une transformation quelconque, et
puisque nous ne connaissons ici qu'un procédé
de mesure de ces changements, applicable seu-
encore indiquer son entropie. La connaissance de ! lement aux transformations isothermes, il est
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
22*
100%
G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
naturel de se demander comment il est possible
de mesurer un changement d’entropie dans les
autres cas, notamment dans le cas d’une transfor-
mation irréversible d'un état B à un état À (fig. 2).
Le procédé est
S simple en théorie.
s' Il consiste à faire
\M \ revenir le corps,
es par voie réversible,
; de l’état À à l’état
\ B, suivant un cycle
formé de deux adi-
NS NE . abatiques , BN et
T MA, et d’une iso-
| © NT" therme NM, à une
ENS __ - température arbi -
trairement choisie.
La mesure réver-
sible de cette dernière transformation est celle
de la différence d’entropie entre les adiabatiques
S et S', et, par suite, entre les deux états re-
présentés par les points A et B de ces adiabati-
ques.
Mais même il n’est point nécessaire de s'as-
treindre à faire suivre au corps un cycle aussi
déterminé que l’est le cycle BNMA; il suffit de lui
faire suivre un cycle réversible quelconque entre A
et B ; cela demande toutefois quelques mots d’expli-
cation.
Quand un corps passe successivement de l'état À
à l’état A', de l’état A à l’état A”, et ainsi de suile,
jusqu’à l’état B,et qu'on mesure, par le moyen qui
vient d’être indiqué, ses variations successives
d’entropie, on trouvera que la somme de ces va-
riations est égale à la variation totale d’entropie de
À à B, mesurée de la même manière. Par consé-
quent, cette somme est constante et ne dépend pas
des états intermédiaires A', A”, etc. C’est la consé-
quence de la loi sur la réversibilité. Nous ne répé-
terons pas le raisonnement, qui est toujours le
même.
Ce raisonnement prouverait aussi qu’il est pos-
sible de simplifier les opérations successives de
mesure, et qu’au lieu de mesurer séparément cha-
cune des transformations isothermes, en rever-
sant chaque fois de la chaleur au calorimètre, on
peut procéder en bloc et faire une opération uni-
que. Cette opération consiste à effectuer immédia-
tement la série des transformations isothermes en
amenant successivementla machine aux différentes
températures du corps. Ramenant ensuite la ma-
chine à la température du calorimètre, l’on com-
plétera le cycle, et le poids de glace fondue dans
cette dernière opération sera égal à la somme des
variations partielles d’entropie, ou à la variation
totale, ce qui revient au même,
Fig. 2.
Or, on peut considérer un cycle quelconque AB,
nous l’avons déjà dit, comme la limite d’une alter-
nance de transformalions isothermes et adiaba-
tiques infiniment petites, qui font passer le corps
successivement de l’état À à l’état A, à l’état A”, à
l'état A", etc. (fig. 3). La mesure réversible, directe-
A
AUS: ni
AN \ÈS EN
A y"
A M'
M
Fig. 3.
menteffectuée suivant le evele formé de ceséléments
d'isothermes et d'adiabatiques, ne cessera pas,
d'après ce qui vient d’être expliqué, de représenter
la variation totale d’entropie; mais, considérée à sa
limite, cette opération n’est pas autre chose que la
mesure même du cycle considéré, mesure réver-
sible, l'égalité de température setrouvant à chaque
instant maintenue entre le corps et la machine
thermique. Il suit de là que la mesure directe de la
variation d’entropie d’une transformation réver-
sible quelconque.est une opération {théoriquement
possible, et qui ne diffère pas essentiellement de
celle faite à l’occasion d'une transformalion iso-
therme. Elle se trouve toujours ramenée à la me-
sure d’un changement physique d’une espèce dé-
terminée, accompli à une température également
déterminée, c'est-à-dire à une simple mesure calo-
rimétrique.
Le théorème précédent équivaut, par consé-
quent, à la proposition que la variation d'en-
tropie mesurée le long d'un cycle réversible ne dépend
pas de la forme du cycle, mais seulement des états
extrêmes, ce que l’on exprime encore el sous une
forme mathémalique, en disant que la quantité
infiniment petite (considérée comme fonction de
deux variables indépendantes, volume et pression)
qui représente la variation d’entropie d’une lrans-
formation élémentaire A" A” est une différentielle
exacte.
Le fait à retenir, sous ces formes diverses de
langage, c’est que, si un corps passe par une trans-
formation quelconque de l'élat À à l’état B, toute
transformation réversible de l’état B à l’état A
permet de mesurer directement la différence des
entropies du corps sous ces deux élals.
Ce qu'est la chaleur. — Mais revenons au chan-
gement d'enlropie considéré en lui-même, indé-
RS de ns ont de à bn cité de joints, du à ne /
G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
1005
pendamment des procédés de mesure et cherchons
à en bien faire ressortir l'autonomie.
Dans le casle plus général, une variation de tem-
péralure accompagne la variation de l’entropie,
mais ce n'est là qu’une association accidentelle.
Le changement d'entropie peut avoir lieu sans
que la température varie; il se produit toujours
si la transformation à température constante est
réversible ; il peut se produire si elle est irréver-
sible : ce serait le cas des réactions chimiques qui
s’accompliraient sans dégagement ni absorption.
de chaleur.
Le changement d’entropie est donc absolument
distinct du changement de température, et cela,
d’ailleurs, ressort immédiatement de sa définition.
Il n’est pas moins distinct du changement qui con-
- siste en pertes ou gains et de chaleur. Par exemple,
l'entropie d’un corps est susceptible d'augmenter
sans que le corps emprunte de la chaleur, — c'est
le cas des phénomènes de choc, de détente ou de
compressions brusques, des réactions chimiques
proprement dites,etc., —ou même quoique le corps
perde de la chaleur ; et quand il y a à la fois aug-
mentation d’entropie etgain de chaleur, il n’y a pas
ordinairement de rapport numérique défini entre
les valeurs de ces deux variations.
Si le changement d’entropie a souvent lieu sans
que la température varie ou sans que le corps perde
ou gagne de chaleur, il peut aussi avoir lieu sans
que la température varie e{ sans que le corps perde
ou gagne de chaleur. Quand un gaz parfait se dé-
tend dans le vide, son entropie augmente !, et ce-
pendant sa température finalement n’a pas changé
et il n’a pu emprunter ni céder de la chaleur. S'il
étail matériellement possible d'amener un corps
au zéro absolu et de l'y maintenir, ce corps, qui
conserverait une températureinvariable, serait ce-
pendant encore susceptible de changement d'état ;
probablement sa pression et son volume varie-
raient, mais certainementson entropie subirait des
changements. Ce serait là le changement d'entropie
dans toute sa simplicité, dégagé de toute associa-
tion avec des changements plus apparents el ce-
pendant pas plus essentiels.
Il n'y a pas, en définitive, de connexion inva-
riable entre le changement d’entropie et les autres
changements dus à la chaleur; le changement
d'entropie est lui-même une nouvelle espèce de
changement thermique, un changement sui generis,
qui peut avoir lieu concurremment avec les autres
changements, mais qui peut aussi se manifester
isolément, même au zéro absolu. Il est, à vrai dire,
le changement fondamental, le véritable change-
1 En effet, pour luifairereprendre sa pression et son volume
initial en le comprimant lentement et sans changer sa tem-
pérature, il faut lui enlever de la chaleur.
ment thermique, celui sans lequel aucun dépla-
cement d'énergie n’est possible sous forme de
chaleur.
De même donc que le fait caractéristique, fon-
damental, constant, du changement mécanique, est
le changement de volume, le changement d’entro-
pie est le fait caractéristique du changement ther-
mique. Un phénomène complexe, un phénomène
qui n’est pas exclusivement d'ordre mécanique,
ne peut être considéré comme suflisamment ex-
pliqué ou décrit, si l'on n'a point fait connaitre
le sens et la valeur des changements d’entropie,
comme on fait connaitre la dilatalion ou la contrac-
tion, l’élevation ou l’abaissement de température,
la variation de pression, la perte ou le gain de la
chaleur, etc.
La considération de l’entropie n’a pas ainsi le
seul avantage de simplifier les raisonnements et
les formules ; elle a, avant tout, l'avantage de nous
faire pénétrer plus profondément dansle cœur des
phénomènes de la chaleur, de nous en faire mieux
comprendre la nature, et cela, sans avoir recours
à aucune hypothèse, par conséquent de nous révé-
ler la véritable « forme » de la chaleur, suivant
l'expression de Bacon.
Mais, même si l'on n’admeltail pas celte préten-
tion, si l’on pensait — je crois celte opinion fon-
dée — que la chaleur, étant une source de radia-
tions qui interfèrent, doit êlre ramenée à la
considération d'une succession de changements
périodiques d’un cerlain ordre {peut-être de chan-
gements électriques), d'une durée et d’une am-
plitude extrêmement faibles, l’entropie n'en
conserverait pas moins son ultililé essentielie, en
exprimant très certainement, soit une propriété
commune à tous ces changements, soil un lienentre
eux, soit l'une des conditions générales auxquelles
ils sont soumis. En tout cas, pour le moment, cette
notion nous permet de préciser notre idée des
phénomènes thermiques, tels que nous croyons
les observer, el d'apporter par là à nos raisonne-
ments la rigueur en même temps que la clarté,
à notre langage la précision en même temps
que la correction. Et le langage surtout en à be-
soin.
Il est usuel, par exemple, de parler de la cha-
leur d’un corps, de la quantité de chaleur qu'il
contient à un état donné, de l'augmentation ou de
la diminution de sa chaleur; et, quand la tempé-
rature varie, au lieu de se contenter de constater
simplement le fait, on l’interprèle en disant qu'il y
a dégagement ou absorption de chaleur, alors même
que le corps se trouve isolé thermiquement et
qu'il ne peut céder de chaleur à l'extérieur, pas
plus qu’il ne peut en emprunter.
Toutes ces expressions, dernières traces de la
1006
G. MOURET — L'ENTROPIE, SA
MESURE ET SES VARIATIONS
théorie du calorique, n’ont pas seulement le défaut
d'être vagues; elles sont incorrectes. Les quanti-
tés de chaleur perdues ou gagnées par un corps
dépendent, entre le même état initial el final, et
de la lempérature de la transformation et du
mode de transformation, c'est-à-dire qu'elles va-
rient avec le eyele suivi et le procédé employé
pour le suivre. Ces quantités ne peuvent done se
cumuler comme se cumulent les variations d’en-
tropie, et tl serait sans signification de dire que,
sous tel élat, un corps possède une quantité
de chaleur déterminée , même relativement
à un élal déterminé choisi pour point de dé-
part.
Relalivement à cet état, on peut cependant dire
qu'un corps, à un état quelconque, possède une
entropie déterminée. L’entropie, par le fait, répond
précisément à la notion vaguement entrevue quand
on parle de la chaleur d'un corps, à la notion
qu'il y a, dans un corps, quelque chose qui n’est
ani la température, ni l'énergie intérieure, et qui
varie cependant quand le corps perd où gagne
de la chaleur. Bien des théories inexactes ou
simplement nuageuses deviennent exactes et pré-
cises, si au mot vague « chaleur » on substitue le
mot bien défini «entropie ».
La théprie élablie par Sadi Carnot eût été par-
faite s'il eût parlé de conservation de l'entropie,
au lieu de conservalion du calorique; le principe
du travail maximum de M. Berthelot ne prêterail
à aucune critique si l’on remplaçait l'expression
« dégagement de chaleur » par l'expression « aug-
mentation d'entropie Lotale ».
Enfin, parmi les raisons qui contribuent à justi-
fier la nécessité de la notion de l’entropie, nous ne
devons pas négliger celles d'ordre général. Sans
la considération de l'enlropie, la Science de l'Éner-
gie n’est pas possible, du moins elle perd tout fon-
dement rationnel et elle se lrouve réduite, avec la
Thermodynamique, ou à des recherches mathéma-
tiques sur la mécanique insuflisante de systèmes
matériels hypothétiques,ou à un ensemble peucohé-
rent de principes vagues, de notions mal définies qui
prêlent trop aisément à des dissertations banales
et sans portée. Mais c'est là un sujet qui mérite-
rail un examen spécial !.
! Cet examen se trouve déjà fait, à un point de vué parti-
culier, dans une étude intéressante et approfondie que notre |
ati, M. H. Le Chatelier, a consacrée à la question de l'in-
toduction de la théorie de l’Energie dans l’enseignement
secondaire, et où ce savant chimiste a signalé la nécessité de
bien asseoir les fondements de Ja théorie. Nous reviendrons
peut-être un Jour sur ce sujet, pour exposer la doctrine qui
nous est propre, el que nous avons déjà fait pressentir dans
notre étude précitée sur l’œuvre de $S. Carnot (note de la
page 22 et conclusions) et appliquée à un cas Spécial, dans
un essai sur la démonstration du principe d'équivalence
cuire la chaleur et le travail,
III. —— RELATIVITÉ DE L'ENTROPIE.
Pour mesurer la différence d'entropie entre les”
élats À el B d’un corps, il faul faire passer le corps
de l’un des états à l’autre par voie réversible, ce
qui implique pour le corps une transformation
réversible.
La question, maintenant, est de savoir si, élant
donnés deux états quelconques d’un même corps,
d'une même portion de matière, il est toujours
possible de passer de l'un à l'autre par une trans-
lormalion réversible. Tant qu'il s'agit de gaz ou
d'autres corps parfaitement élastiques, il n'y a pas
de doute à avoir sur ce point. La difficulté n'existe
que lorsqu'il s’agit de corps susceptibles de chan-
gements de composition chimique ou de structure
moléculaire.
On peut d’abord observer, en ce qui à trail à ces
corps, qu'il n'existe aucun fait nous obligeant
à nier ou nous empêchant de concevoir la possibi-
lité de transformations réversibles. Les impossibi-
liltés d'ordre pratique que nous constatons acluel-
lement dans un grand nombre decas, peuvent donc
tenir simplementäaune imperfeclion denosmoyens,
à des lacunes dans nos connaissances: nous ne
sommes pas certains que ce soient des impossibili-
Lésabsolues. Mais il y a plus: car au furet à mesure
que la science progresse, nous trouvonsles moyens
d'effectuer par voie sensiblement réversible un
nombre de plus en plus grand de changements
que nous n'observions et ne pouvions réaliser jadis
que d’une manière irréversible. Presque tous
les ordres ou types de changements nous offrent
maintenant des exemples particuliers de transfor-
mations réversibles, el ces exemples sont si nom-
breux, si variés, que nous ne saurions plus avoir
de difficulté à généraliser les cas de réversibilité
dans une proportion illimitée. Sadi Carnot, le pre-
mier, a parlé explicitement de réversibililé, en
ne considérant que les changements de tempéra-
ture, les purs pertes el gains de chaleur. La réver-
sibilité des changements d'état physique, fusion,
volalilisation, et, en général, des phénomènes de
saturalion, est depuis longtemps connue. Mais c'est
Sainte-Claire Deville qui, en découvrant les faits de
dissociation et en établissant leur caractère de
réversibilité, à contribué, plus qu'aucun autre
savant, à faire concevoir la possibilité d'opérer un
changement quelconque sur une masse donnée de
matière d'une manière qui soit réversible, et sur-
tout qui satisfasse à la loi thermique sur la réversi-
bililé que nous avons exposée dans un des para-
graphes précédents. La réaction chimique pro-
prement dite, par exemple la combinaison de
l'oxygène et de l'hydrogène dans les condilions
ordinaires el leur transformation en eau, est un
|
:
1
LR
G. MOURET — L'ENTROPIE, SA MESURE ET SES VARIATIONS
1007
phénomène irréversible; cependant, on peut main-
tenant concevoir la possibilité de passer, par voie
réversible, de l'état initial à l’état final du système
des deux gaz oxygène et hydrogène, en propor-
tion convenable, au système eau.
Pour fixer les idées, supposons que deux réci-
pients différents contiennent : l’un 1 gramme
d'hydrogène, et l’autre 8 grammes d'oxygène; puis
réunissons ces deux gaz dans le même récipient,
_et introduisons la mousse de platine; il y aura
brusque combinaison et formation du corps com-
posé, l’eau. Quelle peut être la différence d'’en-
tropie entre cette eau et le corps hétérogène,
au point de vue chimique, formé de 1 gramme
d'hydrogène et de 8 grammes d'oxygène à la
même Lempérature et sous la même pression?
Cette différence se mesurera dans la succession
des opérations suivantes :
On portera séparément chacun des deux gaz à
la température très élevée à laquelle la vapeur
d'eau se trouverait intégralement dissociée. A
celte température, les deux gaz seront doné en
équilibre chimique; on laissera alors la diffusion
s'opérer ; puis, quand elle sera complète, on abais-
sera la température, de manière à rompre à chaque
instant l'équilibre, mais sans chute brusque. Les
deux gaz se combineront en proportion graduelle-
ment croissante, et, à une température suflisam-
ment basse, la combinaison pourra être considérée
comme complète, et le récipient ne contiendra plus
que de l’eau. On réchauffera finalement cette eau
jusqu'à une température égale à celle de l'eau qui
aurait été oblenue par combinaison directe sous
l'influence de la mousse de platine.
Toutes ces transformations sont réversibles, et si
l'on a eu soin de les accomplir dans le calorimètre,
mais par l'intermédiaire d’une machine de Carnot,
le poids de glace fondue mesurera, à un facteur
constant près, la différence d’entropie cherchée !.
Ou bien encore, on peut se dispenser d'une ma-
chine de Carnot, à la condition de mesurer à
chaque inslant la température des gaz ou de l’eau
et le poids de glace fondue. On verra plus loin que
ces données suffisent à calculer la variation d'en-
tropie.
N'insistons pas davantage sur le sujet; le peu
que nous en avons dit suflit pour faire com-
prendre la généralité de la notion de l’entropie et
la possibilité de mesurer ou calculer la différence
d’entropie entre deux états quelconques d'unmême
corps, ou de corps différents, mais ayant une
composition chimique brute identique. On peut
admettre, en effet, en ce qui concerne ce second
1, Nous négligeons ici la variation très faible d’entropie
due à la diffusion des deux gaz.
point, que deux masses égales d'une même subs-
lance, sous le même état, ont la même entropie.
Mais là s'arrètent nos connaissances sur l’entro-
pie. Quand il s'agit de deux corps ayant une com-
position chimique brute différente, notamment
quand il s’agit de deux corps simples tels que
l'hydrogène ou l'oxygène, nous n'avons plus aucun
moyen de définir une différence ou une égalité d’en-
tropie. Nous ne pouvons pas passer de l'un à
l’autre par voieréversible, nous n'y pourrons même
passer par aucune voie, lant que les chimistes
n'auront pas découvert la pierre philosophale, et
conslaté l'unité de substance. Qui nous dit d’ail-
leurs que laloide Lavoisier surla conservation de la
masse serait applicable à ce cas? Dans ce domaine
notre ignorance est complète, et les diverses hypo-
thèses qu'on peul imaginer sur les différences
d’entropie des corps simples pris à l’élat critique,
au zéro absolu, ou à tout autre état particulier, se-
raient sans intérêt scientifique. L’entropie, eomme
la Lension électrique, comme la quantité d’électri-
. cilé, comme l'énergie intérieure, n’a qu’une valeur
relative. On ne peut, à ce point de vue, assigner à
l'entropie une valeur absolue qu’à la condition de
la considérer comme une fonction contenant une
constante arbitraire, ou plutôt une constante in-
connue, ce qui est un pur artifice d'écriture.
Ilest à peine utile d'ajouter que si l’entropie
est une grandeur relative, iln'en est pas de même
des variations d'entropie. Celles-ci ont toujours
une valeur absolue, car nous pouvons comparer
les variations d'entropie de deux corps tout à fait
distincts. °
L'entropie n’a pas seulement une valeur relative
par l'impossibilité de mesurer la différence d'en-
tropie de deux substances différentes. La valeur
est encore relative en ce sens que, pour un Corps
déterminé, elle dépend de l'état arbitrairement
choisi pour repérer le zéro d'entropie.
C'est aussi le cas de la température thermo-
métrique, et, comme la température, l'entropie est
susceptible de valeurs dites, par extension, posi-
tives ou négalives suivant que l’adiabatique, ré-
pondant à l’état considéré, se trouve après ou avant
l'adiabatique qui répond au zéro. Il ne faudrait pas
cependant conclure de là que l'entropie soit une
quantité « complexe » et que, comme la force, la
vitesse, les vecteurs de la géométrie, etc., elle
soit susceptible de deux sens. Il n’y à quesa varia-
tion qui jouisse de cette propriété. L’entropie est
une quantité « simple », une quantité qui ne peut
ètre ni positive, ni négative, qui ne comporte ni le
signe —. ni le signe —, pris avec leur signification
strictement mathématique. Et c’est probablement
celte propriété commune à la température et à
l'entropie qui explique la loi sur l'irréversibilité.
1008
P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE
Au point de vue pratique, le choix, pour un corps
déterminé, de l'état qui repère le zéro d’entropie
est indifférent. Il suflirait de définir cet état par
une pression suflisamment forte, ou une tempéra-
ture suflisamment basse, de manière à éviter l’em-
ploi, dans les cas de la pratique, des valeurs néga-
tives de l’entropie. Mais il est intéressant, au point
de vue théorique, de se demander s’il ne serait pas
pas possible de prendre pour origine des mesures
le zéro absolu d’entropie, c’est-à-dire de rapporter
les mesures de l'entropie à l’adiabatique limite,
qui enveloppe toutes les isothermes. La question
revient à savoir si la différence d’entropie entre celte
adiabatique el une adiabalique quelconque est
infinie ou finie, ou, ce qui revient au même, si d'un
corps maintenu à température constante on peut
extraire ou non de la chaleur en quantité croissant
sans limite finie. Des données précises font défaut
Sur ce point, car on ignore les lois particulières qui
régissent les corps aux très basses températures;
à s'appuyer sur jes analogies, on serait conduit à
accueillir la seconde de ces suppositions et à
admettre, en conséquence, que si l’entropie peut
varier à l'infini dans le sens posilif, sa variation,
dans le sens négatif, est limitée. Rapportés à cette
valeur limite, les nombres qui mesurent l’entropie
seraient toujours finis et positifs; ils seraient,
relativement à un corps donné, la mesure absolue
de son entropie.
Nous n'avons voulu, dans cet arlicle, qu'indi-
quer le sens physiqne des idées qui se rapportent
à l’entropie. Il conviendrait, pour compléter cette
élude, de montrer comment se rattachent directe-
ment à ces notions les résultats fondamentaux
auxquels la Thermodynamique est, de son côté,
parvenue par une voie délournée. Nous le tenle-
rons sans coule ici quelque jour.
G. Mouret,
Iugénieur en Chef des Ponts et Chaussées,
REVUE ANNUELLE D’AGRONOMIE
Î. — LE TRAVAIL DU SOL ET LA NITRIFICATION
Le travail de la terre est aussi ancien que le
monde, et cependant ce n'est que lentement, pé-
niblementet tout à fait dans ces dernières années,
que nous arrivons à bien comprendre l'utilité des
.pratiques que les cultivaleurs se transmettent les
uns aux autres depuis l'antiquité la plus reculée.
Quand, à l'automne, les récoltes ont été enlevées,
que la terre est découverte, il faut sans tarder
préparer les cultures prochaines : on laboure ;
facile sur les terres légères, le travail de la char-
rue est impraticable sur les terres fortes, que les
chaleurs de l'été ontrecouvertes d’une couche dure,
compacte, impénétrable aux instruments, et il faut
attendre que laterre ait élé ramollie, assouplie
par quelques ondées ; il faut choisir, en outre,
un moment propice : si la terre est trop humide,
elle se lisse sous le versoir et forme de grosses
molles qui durcissent el deviennent difficiles à
briser, ce sont des terres difficiles « à prendre »,
suivant l'excellente expression des laboureurs.
Il est aisé de comprendre l'utilité de ces pre-
miers travaux. Les végétaux herbacés et notam-
ment nos plantes de grande culture sont de ter-
ribles consommateurs d'humidité; on calcule que,
lorsqu'ils ont élaboré un kilogramme de ma-
tière sèche, il a circulé au travers de leurs tissus
de 250 à 300 kilogrammes d’eau, que les feuilles
ont évaporée.
Quand un hectare porte une récolle moyenne de
2.000 kilos de grain de blé et de 4.000 kilos de
paille, il a dû fournir à cette récolte 1.509 mètres
cubes d’eau,qui, répartis sur la surface d'un hectare,
représentent150 millimètres de hauteur de pluie;les
précipitations aux environs de Paris sont d'environ
500 millimètres; il tombe done beaucoup plus d’eau
que n’en consomme la médiocre récolte dont nous
venons de parler, mais toute l’eau tombée est bien
loin d’être utilisée: les pluies d'été, arrivant sur
des terres échauffées par les radiations solaires,
s'évaporent rapidement, le sol n’est mouillé qu'à
une très faible profondeur, il faut des averses for-
midables pour que l’eau traverse le sol et arrive
jusqu'aux drains; il est rare de les voir couler pen-
dant l'été; il en est tout autrement pendant l'au-
tomne et l’hiver : c'est à ce moment que la terre
forme les réserves d'humidité nécessaires aux
plantes pour qu’elles puissent traverser sans pâtir
les périodes de sécheresse.
Or, les pluies d'automne qui tomberaient sur une
terre durcie par les chaleurs de l'été, non ouverte
par la charrue, glisseraient sans pénétrer ; si la
terre est ameublie, au contraire, elle -s’imprègne
d'humidité, l’eau descend des couches superfi-
cielles jusque dans les profondeurs, l’imbibilion
est complète, Ces réserves d'humidité ne sont pas
seulement précieuses en elles-mêmes:elles contri-
buent, en outre, à l’ameublissement du sol; pen-
dant les froids de l'hiver, l'eau gèle et la force
P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE
1009
… expansive de la glace pulvérise les mottes saturées
_ d'humidité.
. Ce premier travail d'ameublissement est cepen-
… dant tout à fait insuflisant ; les semoirs, dont l’em-
—… ploi est si avantageux, ne peuvent fonctionner que
— sur une surface bien aplanie; aussi met-on en
… jeu, après la charrue, les rouleaux qui écrasent les
mottes, les scarificateurs, les herses qui pulvé-
risent le sol.
Ce travail, que les cultivateurs habiles exécutent
avec le plus grand soin, les binages qui suivent la
. levée des graines, ont-ils seulement pour but de
permettre le fonctionnement des semoirs ou la
destruction des mauvaises herbes ? C'est là une
. question qui me préoccupe depuis plusieurs an-
nées et sur laquelle je veux insister.
_ Ala fin de 1892, j'ai exécuté une expérience
que je rappellerai brièvement. Des lots de 30 kilos
de terres restées sans engrais depuis plusieurs
années, ont été étalés dans le bâtiment de la sta-
tion de Grignon ; après six semaines on a pris des
échantillons et dosé les nitrates qui s'étaient
formés dans ces terres étalées ; on en a trouvé une
- quantité prodigieuse.
‘ Cette expérience a élé répétée au printemps der-
- nier, sur une terre provenant de la Guadeloupe et
sur une autre qui m'avait été envoyée quelques
années auparavant de Seine-et-Marne; ces terres
étalées sur deux ou trois centimètres d'épaisseur
sur les dalles du bâtiment de la station, ont été
maintenues en poudre et arrosées une fois ou deux
avec parcimonie.
L'expérience a commencé le 23 mars: de ce jour-
là au 11 avril, 100 grammes de terre de là Gua-
deloupe ont formé 0"! 9% d'azote nitrique, et
100 grammes de terre de Seine-et-Marne 1136 ; la
nitrification fit ensuite des progrès sensibles, mais
très irréguliers : landis que, du 18 avril au 2 mai,
la terre de la Guadeloupe donne 4"! 38 et celle de
Seine-et-Marne 6" 88, — du 2 au 15 mai la Guade-
loupe monte à 31! 25 et Seine-et-Marne à 15" 09 ;
pendant la fin de mai et le commencement de
juin, la Guadeloupe reste à peu près stationnaire
et Seine-et-Marne monte à18 milligrammes; enfin,
pendant la période du 13 au 27 juin, la Guade-
loupe donne 68%! 75 et Seine-et-Marne 311195,
Un premier point — et,à mon sens, très intéres-
sant — ressort de l'examen des nombres précé-
dents c’est que des terres qui n’ont reçu depuis plu-
sieurs années aucun engraisazoté,peuventproduire,
par leurs seules ressources, quand elles sont con-
venablement traitées, des quantités d'azote nitrique
infiniment supérieures à celles quisont nécessaires
aux récoltes les plus abondantes. En effet, le
17 juin la terre de la Guadeloupe donne 6811 75
d'azote nitrique pour 100 grammes ou 687 milli-
grammes par kilo, 687 grammes par tonne,et,si la
couche superficielle d’un hectare, à laquelle on
peut attribuer un poids de 1.000 tonnes, nitrifiait
comme la terre en expériences, on en obtiendrait
687 kilos d'azote nitrique, c'est-à-dire cinq ou six
fois plus que n’en exigent les plus fortes récoltes
de betteraves ou de blé.
La nitrification est moins active dans la terre de
Seine-et-Marne, mais elle donnecependant 311 3*
le 17 juin, c’est-à-dire qu’en calculant comme pour
la terre de la Guadeloupe, un hectare de terre
de 1.000 tonnes fournirait 312 kil. 5 d'azote ni-
trique.
À quelle cause attribuer cette nitrification exces-
sive ? La température dans le bâtiment a été peu
élevée, on a donné aux terres quelques coups de
ràteau pour les ameublir; mais le succès parait
dû seulement à ce que les terres, humides et bien
ameublies, sont restées exposées à l'air pendant
trois mois.
Visiblement, ces conditions ne sontpas réalisées
dans les terres en place, puisque, pour obtenir de
bonnes récoltes, nous sommes obligés derépandre
du nitrate de soude; cherchons donc à préciser les
différences que présentent les terres en place et
les Lerres étalées dans le bâtiment de la station.
Or, il suffit d'examiner quelques instants un
champ récemment hersé pour voir que, si bien
préparée qu’elle puisse être par nos instruments,
la terre n’y est pas en poudre, mais bien en mottes
de diverses grosseurs ; or, il n'était pas certain, à
priori, que, dans ces molles, l’airet l’eau fussenien
proportions favorables à la nitrification. Il fallait
s’en assurer. Pour déterminer la quantité d’air
contenue dans une motle de terre, on lui donne
avec un couteau une forme telle qu'elle puisse
pénétrer dans un flacon à large ouverture, qu'on
remplit ensuite de mercure ; si on a pesé la motte
avant son immersion et qu'on la pèse après, en
détachant les quelques gouttelettes de métal -qui
restent fixées sur les parois, on ne (rouve pas
qu’elle ait augmenté de poids : c’est donc que le
mercure n’a pas pénétré dans la motte pour en
chasser l'air qui y est contenu.
On adapte au flacon rempli de mercure un bon
bouchon en caoutchouc muni d’un tube à robinet
de verre, qu'on laisse ouvert; au moment où on
enfonce le bouchon, le mercure monte dans le
tube ; on ferme alors le robinet, on adapte l’extré-
mité du tube à une trompe à mercure, el on fait le
vide dans tout l'appareil au-dessus du robinet;
quand le vide est fait, on place une cloche à gaz
sur le bec de la trompe et on tourne le robinet ;
aussitôt, le gaz contenu dans la terre s'échappe,
on l’entraine et on le recueille.
Si, d'autre part, on détermine la quantité d’eau
1010
contenue dans la motte examinée en desséchant à
110°, on obtient un résultat très intéressant : les
deux quantités sont complémentaires; l'air et
l'eau se remplacent : une terre très humide n'est
pas aérée, une terre bien aérée est sèche.
Considérons une motle de terre soumise à une
bonne pluie qui l’imbibe sans la déliter: la nitrifi-
cation ne peut s’y établir, car elle est saturée
d’eau, elle n’est pas aérée; supposons qu'à la
pluie succède un temps sec: la motte perd de l’eau,
qui est remplacée par un même volume d’air,et les
proportions favorables à la nitrification sont réa-
lisées; mais elles ne persistent que pendant un
temps relativement court: car, si la pluie se fait
attendre, peu à peu la motte se dessèche; or, dans
une terre sèche, tout s'arrèle; si, au contraire,
la pluie arrive, l'humidité est suffisante ; mais
c’est l'air qui fait défaut, la nitrification ne peut
donc faire que peu de progrès dans une terre en
mottes.
Quand, au contraire, une terre esl réduite en
poudre, une des conditions favorables est réalisée :
toutes les molécules de terre sont baignées d'air,
et, s'il arrive des pluies opportunes, modérées, qui
ne roulent pas les molécules de terre les unes sur
les autres, ne les soudent pas, n’en forment pas
des masses compactes, si la terre humide reste
en poudre, la nitrification progresse comme elle
l’a fait dans les lerres étalées dans le bâtiment de
la stalion de Grignon.
Quand ces conditions favorables se trouvent
réunies, les récoltes sont abondantes, puisque de
tous les agents de fertilité les nitrates sont les
plus puissants; on conçoit donc quel avantage
trouve le cultivateur à travailler la terre, à briser
les mottes qui s’y forment, à la pulvériser; sans
doute, ce travail acharné n’est pas toujours récom-
pensé, la récolte est encore à la merci de pluies
opportunes ; mais toutes les opérations agricoles
sont aussi sous la dépendance étroite des condi-
tions atmosphériques..; il faut toujours mettre au
jeu sans être jamais sûr de gagner.
Les conditions fayorables à une aclive nitrifi-
calion sont réalisées dans la culture maraichère:
le nom l'indique, les maraichers ne s'établissent
que là où l’eau est assez abondante pour permettre
de copieux arrosages, et, comme les surfaces cul-
tivées sont de médiocre étendue, que sans cesse on
y prodigue les façons, qu'on n’abandonne larro-
soir que pour prendre la bêche, on transforme le
sol en une vérilable nitrière; aussi les récoltes se
succèdent-elles rapidement et la masse de matière
végélale produite est-elle énorme.
La puissance productrice d'une terre humide est
enraison de la perfection du travail à laquelle elle
est soumise,
P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE
Il. — EMPLOI DES PHOSPHATES
L'histoire de l'emploi agricole des phosphate:
est certainement une des plus curieuses qui se
puissent imaginer. — Au commencement du siê-
cle, Th. de Saussure signale la présence de l'acide
phosphoriqué dans les cendres des végétaux; il va
plus loin et écrit, dans ses Recherches chimiques sur.
la Végélation, en l'an X : « J'ai trouvé le phosphate
de chaux dans les cendres de toutes les plantes
que j’ai examinées, el il n’y a aucune raison de
supposer qu'elles puissent exister sans lui. » Cette.
opinion, singulièrement avancée, passe inaperçue;.
c'est par pur empirisme qu'à partir de 4820 envi-
ron, on emploie comme engrais le noir animal, ou.
les os; on ne se doute même pas de la raison de
l'efficacité deces os, ou de ce noir animal, et c’est.
seulement en 1843 qu'un grand seigneur anglais,
le duc de Bedford, démontre que c’est le phosphate
de chaux qui en est la partie active; Liebig, à cette
époque, imagine de trailer les os par l’acide sulfu-
rique, il augmente ainsi leur efficacité comme
engrais et crée cette industrie des superphos- :
phates, qui devait prendre de nos jours un si pro- …
digieux développement.
Pendant longtemps les seuls phosphates em-
ployés ont été les débris d’origine animale, les os;
la quantité en était singulièrement limitée, les
prix s’élevaient; l'inquiétude était grande : l’état
des esprits à cette époque se montre clairement
dans un Mémoire que publia Elie de Beaumont
dans le recueil de la Sociélé nationale d'Agricul-
ture; il est intéressant d'en citer quelques frag-
ments :
« Si l’on réfléchit à ce que pourrait devenir un
jour le besoin de phosphate de chaux, lorsque
l'épuisement général des terres serait plus sen-
sible et mieux apprécié, on comprendra que la
découverte de cette substance dans l'intérieur de
la terre serait non seulement un service rendu
aux vivants, mais encore l’accomplissement d’un
devoir pieux envers les cendres des morts. L
« Si l’on ajoule que, suivant toute apparence, le
phosphate de chaux renfermé dans les sépultures
n'est qu'une fraction peu considérable de la
quantité que le sol de la France en a perdu, on
verra que, pour pouvoir lui rendre la vigueur
végélative qu'il possédait au temps des Celles et.
des Gaulois, il faudrait que l'exploitation des
couches qui contiennent du phosphate de chaux
devint une branche importante de Pindustrie
minérale.
« Colbert avait dit que la France pourrait périr
faute de forêts, et tout le monde conçoit que sans
la houille sa prédiction serait en voie de s’accom-
plir. De son temps, on aurait moins facilement
faute de phosphore; c'est cependant ce qui finirait
par arriver, si l'on ne parvenait pas à trouver dans
la nature minérale des substances qui seraient en
quelque sorte pour l’agriculture ce que la houille
est pour l'industrie. »
L'appel d'Élie de Beaumont fut entendu ; l'année
1 même de la publication de son Mémoire (1856), un
industriel francais, de Molon, signala la présence
de bancs de nodules de phosphate de chaux dans
l'Argonne, dans le Pas-de-Calais à la limite du ter-
rain jurassique et du terrain crétacé.
Dès cette époque ces gisements à fleur de terre,
très faciles à exploiter, commencèrent à apporter
sur le marché de la poudre de nodules: chose cu-
- rieuse, au lieu d’applaudir à cette découverte, la
- presse agricole se montra défiante; on prétendit,
_avant lout essai, que ces phosphates fossiles n'é-
laient pas assimilables, qu'ils ne serviraient qu'à
frauder le noir animal et il fallut quelques efforts
. pour ramener l'opinion un moment égarée!.
| Au reste, les essais de ce nouvel engrais sur-les
- terres de défrichement de la Bretagne furent cou-
ronnés d’un tel succès que bientôt l'emploi de la
. poudre de nodules se généralisa et que les re-
cherches des gisements devinrent de plus en plus
actives ; sous celte forme, les phesphates sont très
répandus, on en {rouve non seulement en France,
en Angleterre, en Allemagne, mais aussi dissémi-
» nés en Russie, à la surface du sol, sur d'immen-
ses étendues. ;
Les recherches se multiplièrent ; il y a une tren-
laine d’années on découvrit des phosphates en
roche, dans le sud de notre pays, dans le Lot,
Tarn-et-Garonne, le Tarn, le Gard, l'Ardèche; ces
exploitations eurent un moment de prospérité.
Plus récemment on reconnut que des sables
* calcaires de la Somme, de l'Oise, du Pas-de-Calais,
longtemps employés aux usages les plus vulgaires,
renferment des quantités de phosphales suffi-
santes pour permettre une fructueuse exploi-
tation.
Et ce n'est pas seulement en France que les gise-
ments de phosphates se sont trouvés abondants :
au Canada d’abord, dans la Caroline du Sud en-
suite, on découvrit des bancs de phosphates qui, à
partir de 14889, apportèrent sur le marché, chaque
année, 500.000 tonnes; bientôt après furent recon-
nus les gisements de la Floride, qui paraissaient
devoir être les plus riches du globe ?, quand un
vétérinaire de l’armée, M. Philippe Thomas, véri-
1 An. Boiure, Sur la solubilité du phosphate de chaux
fossile dans l'acide carbonique. (Comptes rendus, A85T.) —
DenéRAIN, Sur la solubilité des phosphates de chaux fossiles
dans les acides du sol, C.R. 1851.
2 Voyez à ce sujet l'article de M. Wilson (de New-York)
sur les Phosphates de la Floride dans la Revue du 15 janv.94,
P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE
1oif
» compris comment un grand pays pourrait périr | fiant les idées émises par l'ingénieur des Mines
Tissot, signala d'importants gisements de phos-
phate de chaux en Tunisie (1885) !.
Celte découverte suscila en Algérie de nouvelles
recherches, qui conduisirent à constater la pré-
sence de phosphates exploitables sur d'énormes
étendues.
Les travaux de M. Philippe Thomas ont décelé,
en Tunisie et en Algérie, l'existence d'une richesse
jusque-là inconnue et qui dans peu d’années mé-
tamorphosera complètement notrè France afri-
caine.
Il est curieux de constater quel chemin à été
parcouru depuis la publication du Mémoire d'Élie
de Beaumont en 1856 : il y a quarante ans la pé-
nurie de phosphates est telle qu'on pense à faire
rentrer dans la circulation les phosphates conte-
nus dans les ossements des Parisiens qui tapissent
les longues galeries des Catacombes, à troubler le
repos des morts, àexploiterles cimetières, etaujour-
d'hui les découvertes de gisements de phosphatesse
sont tellement multipliées que les prix se sont effon-
drés et que nombre d'exploitations sont arrêtées
par impossibilité de produire, aux prix actuelle-
ment pratiqués sur le marché.
L'agriculture est donc largement approvisionnée ;
on lui offre non seulement de la poudre de nodules,
des scories de déphosphoralion finement moulues,
mais encore, et à des prix très bas, des superphos-
phales.
Que choisir? Pour le savoir, il convient de cher-
cher comment l'acide phosphorique est assimilé
par les plantes.
Le phosphate de chaux des os, des nodules, des
scories, est complètement insoluble dans l'eau;
celui des superphosphates, soluble après la fabri-
cation, redevient insoluble lorsqu'il est introduit
dans le sol, de teile facon qu'il faut concevoir
comment ces composés sont, malgré leur insolubi-
lité, saisis par les racines.
On a cru pendant longtemps que cette disso-
lution était due exclusivement à l’action des acides
du sol; dès 1846, Dumas, puis Lassaigne mon-
trèrent que le phosphate de chaux des os se dis-
sout dans l'acide carbonique; la solubilité y est
faible : elle augmente naturellement quand, au lieu
d'agir avec une dissolution étendue d'acide carbo-
nique, on emploie un liquide plus chargé.
L'action dissolvante de l'acide carbonique est,
en outre, d'autant plus énergique aue le phos-
phate mis en expérience est plus pauvre en car-
bonate de chaux; en effet, quand la dissolution d'a-
cide carbonique attaque un mélange de carbonate
se RE ee QT
1 Gisements de phosphate de chaux des hauts plateaux de
la Tunisie, par M. Prizippe Taomas. (Bulletin de la Société
Géologique de France, 3° série, tome XIX, p. 390.)
41012
el de phosphate de chaux, on trouve que la quan-
lité de chaux dissoute surpasse de beaucoup celle
qui correspondrait à l'acide phosphorique dosé
dans le liquide. C’est sur le calcaire que porte sur-
tout l’action dissolvante de l'acide carbonique.
Les phosphates des os, ceux des nodules sont
particulièrement efficaces dans les terres de lan-
des, dans les défrichements, et, tandis qu'on trouve
grand avantage à distribuer sur ces terres les phos-
phates fossiles simplement pulvérisés, on n’en
oblient souvent aucun avantage sur les terres de-
puis longlemps cullivées. Peut-être ces différences
d'action sont-elles dues, en partie au moins, à
l'absence du calcaire dans les lerres de défriche-
ment, ce qui permet à l'acide carbonique de porter
toute son action dissolvante sur le phosphate; on
trouverait un appui à celte manière de voir dans.
une vieille observation des cultivateurs bretons :
quand ils reconnaissent que leurs landes bénéfi-
cient de l'emploi des phosphates et de celui de la
chaux, ils ont grand soin de ne jamais distribuer
ensemble ces deux malières fertilisantes, et, au
moment où le noir animal était le seul engrais
phosphaté dont ils fissent usage, ils disaient : « La
chaux brûle le noir »; en d’autres termes, le noir
animal, les phosphates ne produisent pas d'effet
quand ils sont mélangés à la chaux. M. Paturel, di-
recteur de la Station Agronomique du Lezardeau,
qui a récemment étudié avec beaucoup de soin
l'influence qu'exercent sur les sols de Bretagne les
divers phosphates employés comme engrais, rap-
porte que les phosphates de la Somme riches en
calcaire sont beaucoup moins efficaces que les
phosphates des Ardennes ou du Pas-de-Calais, dont
la teneur en calcaire est très faible !.
Il semble toutefois que ce ne soil pas seulement
à l’action dissolvante de l'acide carbonique que
soit due l'efficacité des phosphates fossiles dans
les terres de défrichement; dans ces terres les dé-
bris organiques accumulés ne donnent pas seule-
ment naissance à de l'acide carbonique, mais aussi
à de l’acide acétique; j'ai reconnu la présence de
ce dernier acide dans une terre de bruyère du
Loiret, il y a bien des années, et M. Paturel à
relrouvé l'acide acétique dans le sol des landes de
Bretagne plus récemment.
Or, quand on fait agir sur de la poudre de no-
dules de l'acide acétique en présence d'acide car-
bonique, on dissout des quantités nolables d’acide
phosphorique, surtout quand cette poudre de
nodules est restée exposée à l'air pendant quelque
temps et que l'oxyde de fer qu’elle renferme s’est
suroxydé.
Dans les sols de défrichement les phosphates
1 Annales agronomiques, tome XX, 316.
P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE
naturels réussisent donc sans qu'il soit besoin de
leur faire subir aucune préparation avant de les em-
ployer; mais, ainsi qu'il vient d'être dit, il n’en est
plus de mème dans les lerres depuis longtemps
cultivées ; il faut souvent attendre plusieurs an-
nées pour voir ces phosphates exciter la végétation,
tandis qu'au contraire sur ces mêmes terres les
superphosphates, c’est-à-dire les phosphates mi-
néraux trailés par l'acide sulfurique, élèvent les
rendements.
Les phosphates minéraux renferment de l'acide
phosphorique uni à de la chaux, à de l’oxyde de
fer, de l’alumine ; on sait que l'acide phosphorique
présente des capacités de saturation variables : il
est uni tantôt à trois, tantôt à deux, lantôt à
une partie de base; l’acide sulfurique, employé à
la fabrication des superphosphates, enlève par-
tiellement ou complètement ces bases, et on peut
considérer un superphosphate comme un mélange
de phosphate soluble, d'acide phosphorique libre
et de sulfate de chaux ; quand ce mélange est in-
troduit dans le sol,l’acide phosphorique s’unit à la
chaux des calcaires, aux sesquioxydes des argiles
et ne larde pas à perdre toute solubilité dans
l’eau ; mais les phosphates insolubles ainsi formés
par précipitation sont bien différents des pierres :
dures,compactes, qui ont servi à la préparation du
superphosphate.
Quoi qu'il en soil, assez rapidement l'acide
phosphorique redevient insoluble, et il reste à con-
cevoir comment les racines peuvent s'en emparer.
Pendant longtemps on a cru que la dissolution
des phosphates gélalineux produits par la précipi-
lation de acide soluble des superphosphates
élait due à l'acide carbonique provenant de l'oxy-
dation des matières organiques du sol ; mais dans
ces derniers temps une autre opinion à élé émise,
el il convient de la discuter.
Tout le monde connait la jolie expérience de
J. Sachs, qui a été reproduite bien souvent : au
fond d’une de ces terrines peu profondes qu'em-
ploient les jardiniers pour les semis, on place une
plaque de marbre bien polie, on recouvre d'une
couche de sable, dans lequel on sème quelques
graines : haricot, blé, avoine, puis on arrose ; les
graines lèvent, les racines se développent, tra-
versent le sable humide el viennent bientôt buter
contre la plaque de marbre, elles y rampent, et si,
après quelques semaines, on mel fin à l'expérience,
on trouve la plaque de marbre sillonnée de minces
stries qui reproduisent fidèlement toutes les rami-
fications de la racine. Visiblement cetle racine a
sécrélé un acide qui a corrodé, dissous le marbre.
Quel est cet acide ? On a cru d'abord que c'était
tout simplement de l’acide carbonique, mais bien-
LÔL on a songé à un acide fixe, el un agronome
_ anglais, M. Bernard Dyer, a délerminé l'acidité du
sue de différentes racines, qu'il a évalué en acide
. citrique; l’auteur admet, sans l'avoir démontré,
que l'acide des racines est cel acide citrique com-
1 dans le règne végétal et qu'on trouve, en effet,
. dans quelques tubercules, et notamment dans ceux
de la pomme de terre.
—…_ Si nous admetlons avec M. Bernard Dyer que
% l'acide sécrété par les racines est de l'acide citri-
que,nous concevrons comment les phosphales gé-
- latineux, provenant de la précipitation de l'acide
phosphorique soluble des superphosphates, peut
être dissous par la racine, puis assimilé par la
_ plante.
Il faut bien reconnaitre cependant que cette
- manière de voir est encore purement hypothétique.
- En effet, il faudrait tout d'abord s’assurer que la
- racine sécrète bien cet acide citrique ; or, jusqu'à
- présent la démonstration n'a pas élé faite. Quel-
» ques essais que j'ai tentés l’an dernier pour isoler
. cet acide citrique de racines variées ont complè-
- tement échoué, et, sans nier que la racine ne puisse
dissoudre des phosphates, il reste douteux que
cette dissolution soit la cause habituelle de las-
É similation de l'acide phosphorique.
À Avant d'indiquer une autre manière de voir, j'ai
- besoin de rappeler quelques faits qui montrent
F
4
Ye
à
+
combien sont variées les réactions qui se produi-
sent dans le sol.
_ Il ya une vingtaine d'années, j'ai semé dans
- de grands pots à fleurs, renfermant de la terre de
jardin, des haricots d'Espagne; quand ils eurent
acquis une certaine hauteur, je les arrosai avec
des dissolutions de plus en plus concentrées de
sel marin, de chlorure de sodium ; naturellement
les haricots finirent par périr; on les sécha, on les
… réduisit en cendres, dont on fit l'analyse; elles ren-
… fermaient une énorme quantité de chlorure de
potassium, et pas de chlorure de sodium : les hari-
cots étaient morts d'une pléthore de chlorure de
potassium. Je ne retiens de cette expérience que
le point suivant: on a introduit dans le sol du
chlorure de sodium; celui-ci a réagi sur le carbo-
nate de polasse toujours contenu dans les terres
argileuses: il y a eu double décomposition, forma-
Lion de chlorure de potassium, qui seul a été assi-
milé par la plante. Celle expérience fournit un
exemple éclatant des métamorphoses que pré-
sentent dans le sokles matières introduites comme
engrais.
Or, l'acide phosphorique subit facilement de
semblables métamorphoses ; il y a déjà très long-
Lemps que le baron P, Thénard, examinant une
terre qui avait recu l’année précédente une forte
fumure de noir animal, fut très frappé de n'y
plus retrouver le phosphate de chaux que le noir
ru
FEAR
P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE
1013
y avait introduit,mais bien des phosphales de ses-
quioxyde de fer et d'alumine.
J'ai eu moi-même occasion d'observer le même
fait pour une terre de Sologne qui avait reçu du
noir animal: les acides minéraux permettaient
bien d’en extraire de l'acide phosphorique; mais
l’acide acétique, qui dissout les phosphates de
chaux et de magnésie sans attaquer les phosphates
de sesquioxyde, était sans action; le phosphate
de chaux du noir employé avait été transformé en
phosphate de fer ou d'alumine.
Cette transformation est facile à réaliser dans
le laboratoire. Qu'à l'imitation du baron P. Thé-
‘ nard, on place dans un appareil à eau de Seltz une
petite quantité de phosphate de chaux et une cin-
quantaine de grammes de terre argileuse ; puis,
qu'après quelques jours on recueille le liquide,
on n y trouvera plus d'acide phosphorique dissous.
Le phosphate de chaux esl cependant soluble dans
l’eau chargée d'acide carbonique : mais cette dis-
solution réagit sur les oxydes gélatineux du sol,
qui lui arrachent son acide phosphorique.
L'expérience réussit également en remplaçant la
terre par de l’alumine et de l’oxyde de fer en gelée.
A ces expériences de laboratoire j'ajouterai une
observation recueillie au champ d'expériences de
Grignon, il y a déjà quelques années. Quelques-
unes des parcelles de ce champ d'expériences, lais-
sées sans engrais depuis 1875, ne donnèrent plus,
à partir de 1887 et 1888, que des récoltes très
médiocres ; le dosage de l’acide phosphorique to-
tal avait accusé 1 gramme environ par kilogramme
de terre, et, comme habituellement les superphos-
phates n’exercent aucune action sur notre sol de
Grignon, on ne supposait pas que ce fût la pénurie
d'acide phosphorique qui déterminät la diminution
des récoltes; cependant, pours’assurer que l'acide
phosphorique se trouvait en quantilésuflisante, on
répandit en 1889, peut-être un peu tardivement,
sur du trèfle rose, la valeur de 200 kilogr. de su-.
perphosphate à l’hectare, sur la moitié d’une par-
celle, et sur la moitié d’une autre la valeur de
200 kilogr. de superphosphate et de 200 kilogr.
de chlorure de potassium. L'effet sur le trèfle ne
fut pas très marqué, mais il fut, au contraire, très
sensible sur le blé qui lui succéda en 1890, puis-
qu'on recueillit seulement la valeur de 8 quintaux
métriques de grain à l’hectare sur la parcelle qui
n'avait pas reçu d'acide phosphorique, 22 quin-
taux quand on employa seulement les superphos-
phates et 24 quintaux métriques quand on distri-
bua à la fois de l'acide phosphorique et de la
potasse.
Or, dix ans auparavant, on avait analysé le sol
des parcelles sur lesquelles les superphosphates
venaient de si bien réussir. À cette époque on avait
1014
trouvé par kilogr. 0 gr. 300 d'acide phosphorique
soluble dans l'acide acétique, par conséquent so-
luble également, mais à un moindre degré, dans
l'acide carbonique; si l’on admet que la terre d’un
hectare pèse jusqu'à une profondeur de 35 centi-
mètres 4.000 tonnes, on voit que l’hectare renfer-
mait à cette époque 1.200 kilogr. d'acide phospho-
rique qui certainement n’ont pas éléconsomméspar
les maigres récoltes obtenues sur ces parcelles res-
lées sans engrais; en cherchant de nouveau en 1890
l'acide phosphorique soluble dans l'acide acétique,
on n’en trouva plus. Visiblement cet acide s’étail
transformé ; il avait contracté avec les sesquioxydes
quelques-unes de ces combinaisons insolubles dans
les acides faibles qui ne sont plus assimilables.
Comment se fait-il que, cependant, lessuperphos-
phates aient exercé une action marquée, puisqu'ils.
forment aussi de ces combinaisons insolubles? Il
est à remarquer d’abord que la saturation de l’a-
cide phosphorique libre des superphosphates a
lieu au moins partiellement parles calcaires, et que
par suite il se forme du phosphate de chaux soluble
dans l'acide carbonique, et par conséquent assi-
milable; il est bien probable cependant que l'acide
phosphorique soluble des superphosphates s'unil
dans le sol à de l’oxyde de fer et à de l’alumine et
produit ainsi des phosphates insolubles dans les
acides faibles, mais ces phosphates sont attaqués
par d’autres réactions. Si, en effet, le phosphate de
chaux soluble et même les phosphates de potasse ou
d'ammoniaque peuvent être décomposés par les
sesquioxydes, la transformation inverse est égale-
ment possible ; si on place dans un flacon du phos-
phate de sesquioxyde de fer et du carbonate de
potasse, on trouve en dissolution de l'acide phos-
phorique ; de même, si on immerge dans de l’eau de
Seltz ce même phosphate de fer et du carbonate
de chaux, on trouve également de l'acide phospho-
rique en dissolution, et on conçoit que dans un
milieu aussi peu homogène que la lerre arable, des
réactions inverses puissent se produire suivant les
proportions des matières réagissantes.
Il est bien à remarquer, en outre, que, lorsqu'on
fait usage de fumier de ferme, on apporte non seu-
lement à chaque distribution de l’acide phospho-
rique, mais aussi du carbonate de potasse, qui
maintient à l’état soluble dans l’eau ou dans les
acides faibles l'acide phosphorique du sol. Or,
toutes ces réactions sont bien plus faciles quand
elles portent sur les phosphates récemment préci-
piltés des superphosphates que sur les pierres
dures qui constituent les phosphates minéraux
non traités. De là l’utilité de cette transformation
des phosphates minéraux ou même des os en
superphosphales.
Il est donc vraisemblable que les réactions qui
P.-P. DÉHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE
se produisent dans le sol ont une part importante
dans le maintien de l'acide phosphorique à l'état
assimilable: mais il faut reconnaitre que la plante.
elle-même intervient: quelques-unes sont capables
d'utiliser des phosphates que d'autres ne peuvent
s'assimiler; j'en citerai un exemple, encore em=
prunté au champ d'expériences de Grignon :
En 1891, de l’avoine dite des salines a été culti-
vée sur une parcelle divisée en deux parties : l'une
reeut du superphosphate de chaux à la dose de
200 kilogr. à l'hectare, landis que l’autre resta
sans addition. On a obtenu les résultats suivants
en grains, Caleulés à l'hectare :
30 q. m.
{ Superphosph. en 1891 pi
Ainsi, tandis que le blé qui ne reçoit pas de su-
perphosphate ne donne plus, sur les parcelles res-
tées toujours sans engrais, que 8 quintaux mé-.
triques de grain, etmonte à 22 par l’addition de su-
perphosphate, que larécolte devient presque triple,
l'avoine sans addition donne 28 quinlaux et ne pro-
gresse qu'à 30 quand on lui a ajouté des super-
phosphates; il est donc manifeste que, pour celle
plante, le sol des parcelles épuisées renferme de
l'acide phosphorique à l’état assimilable, tandis
qu'il n'en contientplus qu’une quantité insuflisante
pour le blé. On serait donc conduit à supposer que
les racines des divers végétaux exercent sur les
phosphates des actions dissolvantes variées.
J'ai insisté peut-être trop longtemps sur celle
question non encore élucidée; je m’excuserai sur
l'importance agricole qu’elle présente, et, en outre,
sur l'intérêt qu'il y aurait à la reprendre de nou-
veau pour démêler l'action des acides du sol et celle
des acides des racines sur la dissolution et l’assi-
milation des phosphates.
III. — LES EXIGENCES DE LA VIGNE.
Les ravages du phylloxera, ceux des maladies
cryptogamiques qui se sont abattues sur la vigne
on£ provoqué de nombreux travaux : on a combattu
le phylloxera,lemildiou, l'antrachnose,elc.,etc.,on
a, en outre, étudié les procédés de vinification par-
ticulièrement en Algérie et en Tunisie où elle pré-
sente de sérieuses difficultés; on a cherché, enfin,
comment devaient être employées dans nos dif-
férents vignobles les matières fertilisantes, et c’est
là le sujét dont je veux m'occuper aujourd'hui. Vi-
siblement, le point de départ de cette recherche re- …
pose sur la connaissance des exigences de la vigne,
c'est-à-dire des quantités d'azote, d'acide phospho-
rique, de potasse que consomme un hectare de
vigne dans les diverses régions de la France.
M. Muntz, dont le nom est bien connu des lecteurs
P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE
1015
À
,
4
L
de ce recueil, s'est livré depuis plusieurs années à
un travail considérable pour élucider cette impor-
- tante question ‘. M. Muntz, détermine, pour un cer-
lain nombre depieds, le poids dela vendange, celui
… des feuilles, celui des sarments, suivant le mode de
taille usité; il analyse séparément chacune de ces
parlies et,en rapportant à l'hectare,il peut calculer
ce que chacun de ces éléments consomme de ma-
üière fertilisante, puis, en faisant la somme, ce
qu'exige la récolte entière. En comparant les ré-
sultats obtenus dans les diverses régions, il arrive
à des conclusions curieuses : il constate que les
grandes récoltes obtenues dansle Midi de la France,
- qui s'élèvent à 190 hectol. à l'hectare pour les vignes
- soumises à la submersion, à 80 pour les vignes de
montagne, ne dossomiment, par hectolitre de vin
- produit, que de O0 k. 900 à O0 k. 512 d'azote, que
- Ok. 095 à O k. 187 d'acide phosphorique et que
- Ok. 296 à 0 k. 500 de potasse. Les vignes du Rous-
sillon donnent des chiffres analogues; mais il en
- est tout autrement des grands vins du Médoc : ils
> fournissent, en moyenne, 25 hectolitres à l'hectare ;
mais, pour produire un hectolitre, la vigne con-
. somme 1 k. 640 d’azote, O0 k. 560 d'acide phospho-
: rique et 2 k. 120 de potasse; les grands vins de
Bourgogne consomment un peu moins, tandis que
les vignes de la Champagne, qui ne produisent en
moyenne que 20 hectolitres à l'hectare, utilisent,
pour chaque hectolitre produit, % k. d'azote,
0 k. 4178 d'acide phosphorique et 2 k. 174 de po-
tasse. — Au premier abord, ces différences parais-
sent paradoxales ; la vigne semble exiger d'autant
plus qu'elle produit moins; pour comprendre ces
résultats singuliers établis par des analyses et des
pesées nombreuses, il faut savoir comment ces
divers éléments sont répartis entre les produits que
donne l'hectare de vigne; c’est là ce que M. Muntz
va nous enseigner. Il est à remarquer d’abord que
le vin, le seul produit exporté du domaine, ne
prend qu'une très faible fraction des quantités
totales que nous venons d'indiquer.
Voici, en effet, quelle est la composition d’un
litre de vin du Bordelais pris au vignoble de
Vergnes, dans le canton de Sainte-Foy-la-Grande :
ÉVANCÉC PERRET Ogr103. Cendres......-- 6,820,
renfermant :
EDR DSph.-5..., DA TAGRAUX EE 1: 2 20 0,133
| ETRCEERSSRPE A,3181) Mapnésie 20..." 0,095
Après avoir analysé séparément chacun des pro-
1 Comples rendus, tome CXX, p. 514;
miques, tome XVIII, p. 145; Bulletin du Ministère de l'Agri-
culture, XIVe année, p. 504, etc , etc. Cette revue était écrite
au moment où M. Muntz a fait paraitre un ouvrage d'un haut
intérét : Les Vignes, dans lequel il a réuni toutes ses obser-
vations; ce volume (Berger-Levrault) est trop important pour
étre analysé dans une note rapide. J'y reviendrai. P. P. D.
Annales agrono-
duits provenant de la récolte d'un hectare, M. Muntz
a pu dresser pour la récolte de 1891 le tableau I :
Tableau I. — Quantités de matières fertilisantes
absorbées par hectare de vigne.
A]
Cole E
2 a 2 a a ä
£ a Oo n =) ro
© = > < “ Zz
= CE È es |
< SE ë ë ,
chine <
Vin #4 hectol. 300...| 0.457| 0.639! 6.099! 0.679! 0.042
Marcs de pressoir,
DAS KE SECS 2. 0 #.314| 1.671| 2.669| 41.9%4| 0.292
Marcs de chapeau,
DA KE SCCSS ES Ja 0.432| 0.151! 0.305| 0.218! 0.038
Rañfles enlevé 2
670 sèches 0.2%4| 0.068| 0.351| 0.122] 0.029
Feuilles 1566 k. sèc.|32.268| 7.206/13.000! S0.670117.074
Sarments 11755 k.secs|10.524! 3.686/14.918! 20.006! 4.562
MOtAUxS ES |48.299/13.427/37.322/103.639/22.027
On voit que ce sont les feuilles qui renferment
la majeure partie des matières fertilisantes totales.
Or, ces feuilles tombent sur le sol et s'y décompo-
sent; par conséquent les matières qu'elles ren-
ferment ne sont pas exporlées du domaine; les
sarments sont habituellement brülés, leurs cendres
reviennent au tas de fumier, ainsi que les mares et
les rafles ; en sorle que les 44 hect.39 de vin seuls
exportés n'emportentavec eux qu'environ 1/2kilog.
d'azote, pas sensiblement plus d’acide phospho-
rique et 6 kilos de potasse. Ainsi, la vigne est une
des cultures qui épuisent le moins le sol; elle a pu
se maintenir pendant des siècles sur les terres les
plus pauvres et continuer à y donner des récoltes.
En s'appuyant sur ces résuilats, il semblerait
que les fortes fumures sont inutiles; et cependant
les vignerons champenois, notamment, donnent
à leur sol des quantités considérables de matières
fertilisantes, dans certains vignobles la dépense
d'engrais est notable; non seulement à la troi-
sième année de sa plantation la vigne reçoit des
quantités considérables de fumiers et des terrages,
mais, en outre, chaque année, des RAS de ren-
ment de 150 à 60 k. d'azote, de 150 à 47 k. d'acide
phosphorique et de 218 à 147 k. de polasse.
Ces quantités dépassent de beaucoup les exi-
gences de la vigne. « Mais ces principes ne s'accu-
mulent pas indéfiniment dans le sol. En effet, les
terres qui sont en exploitation depuis de longues
années et qui ont reçu les fumures dont nous ve-
nons de parler, ne sont pas, comme on pourrait le
croire, exceptionnellement enrichies. Il est vrai
qu’ellesrenferment beaucoup d’acide phosphorique,
cet élément restant acquis au sol; elles contien-
nent aussi beaucoup de potasse, quoique la terre
de la Champagne soit pauvre sous ce rapport.
Mais l'azote est en faible proportion : il nitrifie
1016
rapidement et se trouve enlevé par les eaux plu-
viales : celui qu’on donne en si grande abondance
est donc rapidement perdu. »
Ces fortes fumures n’ont pas cependant d’in-
fluence sensible sur l'abondance des récoltes, et on
obtient des rendements analogues de terres rece-
vant des fumures qui varient du simple au double.
« Cherchons la raison pour laquelle les vigne-
rons de la Champagne donnent des fumures si
fortes qu'elles peuvent paraitre exagérées en com-
paraison des besoins de la plante. De pareilles
pratiques culturales, qui ont la consécration du
temps, ont presque toujours leur raison d’être :
elles sont basées sur une longue observation des
faits et les sacrifices qu'elles imposent donnent
de fortes présomptions de leur utilité réelle. »
Ces fumures azotées paraissent, au premier
abord, d'autant plus exagérées que la plus grande
partie de l'azote absorbé par la vigne se retrouve
dans les feuilles qui restent sur le domaine; mais
c'est qu’en réalilé ce ne sont pas les vignes qui
absorbent les doses considérables d'azote ajoutées
chaque année, ce sont les eaux, qui lavent la terre
et s’infiltrent dans le sous-sol, qui les enlèvent,
Nous nous trouvons en présence d'une lutte
incessante du viticulteur contre cette cause inces-
sante de déperdition. Il apporte d’une facon con-
linue et en forte proportion des matières azotées,
parce que celles-ci sont entrainées graduellement
par les pluies à l’état de nitrates.
«S'il arrêtait cet apport de matériaux azolés,
nous verrions rapidement le sol s’appauvrir, puis-
que, déjà, malgré ces apports considérables, nous le
trouvons pauvre en azote. Ces terres dévorent, pour
ainsi dire, les engrais organiques, elles détruisent
l’azote ainsi que la matière humique qui l'accom-
pagne el qui est brûlée rapidement. Si l’on inter-
rompait trop longtemps les fumures, le sol ne
contiendrait plus qu'une partie insignifiante de ce
qui lui à élé donné, et la plante n'y trouverait plus
à sa suffisance de quoi nourrir lout le système
foliacé et, par suite, le végétal tout entier ne tar-
derait pas à péricliter. »
Les faits constalés par M. Muntz présentent le
plus haut intérêt; on en peut déduire que, lorsqu'on
veut calculer les quantités de matières fertili-
santes que consomme une récolle, il faut tenir
compte et des exigences de la plante elle-même,
et des pertes de nitrates dues au lavage du sol.
Ces pertes varient d’une terre à l’autre: une terre
bien travaillée, meuble, en poudre, humide, perd
infiniment plus qu'une lerre compacte ou qu'une
lerre sèche. Ces pertes varient sur la même lerre
d'une‘année à l’autre, suivant l'abondance des ré-
colles et la distribution des pluies. La quantité de
nilrate formée dans une terre esl tout à fait indé-
P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE
pendante de la récolle sur pied; si la récolte est
abondante, la plus grande partie des nitrates for-
més est retenue, les eaux de drainage sont pauvres;
si, au contraire, un élément fait défaut dans le sol;
si, par exemple, la fumure azotée est copieuse et
les phosphates rares, la récolte est misérable et
les eaux de drainage très chargées.
Les déperdilions varient, en oulre, d’une année à
l’autre ; si les pluies sont abondantes pendant l'été
elrares en hiver, la quantité d’eau qui traverse le
sol est minime et les proportions de nitrates en-
trainés très faibles : c'est ce que j'ai nettement
observé en 1894; il en avait été tout autrement
en 1893 : la sécheresse a sévi pendant toute la belle
saison, tandis que l’hiver a été humide; les quan-
Lités de nitrates enlevés ont été considérables.
Les études auxquelles je me suis livré sur ce su-
jet depuis plusieurs années m'ont conduit à ces
deux règles : 1° Les pertes d'azote nitrique par les
eaux de drainage sont en raison inverse de l’abon-
dance des récoltes. 2° Elles sont en raison directe
de l'abondance des pluies d'automne et d'hiver.
Ces notions peuvent servir de guide aux culli-
valeurs dans l'emploi des engrais azotés : en 1893,
nous avons eu sur les cases de végélalion de Gri-
gnon une mauvaise récolte de blé; celle de 4894,
au contraire, a été assez bonne ; on pourrait croire
que le sol est plus épuisé après la récolte de 1894
qu'après celle de 1893, il n’en est rien : si l’on ajoule …
à l’azole contenu dans la faible récolle de 1893.
celui que renfermaient les eaux de drainage, on.
trouve que la mauvaise récolle de 1893 à plus
épuisé le sol que la bonne récolte de 1894, eton
reconnait quelle erreur on commettlrail si l’on se
bornait, pour calculer les pertes du sol, à ne lLenir.
compte que des exigences des récoltes.
S'il est facile d'apprécier la richesse d'une terre
en acide phosphorique et en polasse, en retran-
chant des engrais distribués les prélèvements des
récolles, puisque pour ces matières bien retenues
par la terre arable il n’est pas de causes occultes .
de perte, — il n’en est plus de même pour les ma-
lières azotées, puisque, aux quantités prises parles
récolles, s'ajoutent les entrainements des nilrales
par les eaux de drainage, entrainements qui sont
essentiellement variables d'une terre à l’autre,
d'une saison à l’autre. Celle déperdition d'azote
par les eaux de drainage fait comprendre com-
ment les apports d'engrais azolés ne sont pas
réglés seulement par les exigences de la plante à
cuitiver, mais aussi par la nature du sol sur lequel.
celte culture est placée; et c'est ce que démontre M
avec une rare précision l’élude récente que vient
de faire M. Muntz du vignoble de la Champagne.
P. P. Dehérain,
Membre de l'Académie des Sciences,
ht à ace dé
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É :
|
É
;
:
1
Les lecteurs de la Revue générale des Sciences ont
été tenus au courant des divers travaux auxquels à
donné lieu la mémorable découverte de lord Rayleigh
et du Professeur Ramsay !. Pour compléter les rensei-
ynements donnés dans la Revue, à plusieurs reprises,
il nous à paru intéressant de reproduire les appareils
employés dans ces belles recher-
ches, appareils qui ont désormais
un caractère historique comme ceux
de Lavoisier, de Dumas et de Stas
- pour l'analyse de l'air et de l’eau.
La figure 1 représente le premier
appareil employé pour répéter l’ex-
périence de Cavendish sur la com-
position de l'air atmosphérique au
moyen des étincelles électriques.
Les essais effectués dans ce tube
eudiométrique ont montré que le
résidu signalé par Cavendish était
proportionnel à la quantité d'air em-
ployé et représentait par suite un
composant constant dé l'air atmos-
phérique.
La figure 2 représente le premier
appareil construit pour extraire l’ar-
son de l’air atmosphérique en ab-
sorbant l'azote par le magnésium
chauffé au rouge.
Le tube A est rempli de tournure
de magnésium légèrement tassée;
B contient de l’oxyde de cuivre, C
de la soude caustique, D de Panhy-
dride phosphorique. E est un me-
sureur gradué et F un gazomètre
contenant de l'azote atmosphéri-
que.
Les tubes étaient d’abord chauffés
et vidés au moyen de la pompe
Sprengel, Quand labsorption des
gaz se ralentissait, on recueillait
tous les gaz au moyen de la pompe
de Sprengelet on changeait le tube
Fig. 1.
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
1017
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
LA TECHNIQUE DE LA SÉPARATION DE L'ARGON ET L'ANALYSE DE L'AIR, APPAREILS DE LORD RAYLEIGH
ET DU PROFESSEUR WILLIAM RAMSAY,
me le tube E, qui est maintenu au rouge, contient à
la fois du cuivre poreux réduit et de l'oxyde de cuivre
en grains. F contient de la soude en grain et G du ma-
gnésium en tournure chauffé au rouge, H renferme
de l’anhydride phosphorique et I de la soude.
Les dix litres d'azote employés, ayant été réduits par
les absorptions effectuées dans cet
appareil à 1.500 cent. cubes, furent
traités, pour obtenir une absorption
plus complète, dans l'appareil re-
présenté par la figure 4, qui évite
le contact du gaz avec de grandes
masses d’eau.
La pompe de Sprengel et les appa-
reils C et G permettaient de faire
passer le gaz un grand nombre de
fois dans les tubes, qui contenaient,
D et B de la soude et de l’anhydride
phosphorique, E du cuivre métal-
lique et de l’oxyde de cuivre, F du
magnésium.
Cet appareil permit d'obtenir 200
cent. cubes d’un gaz dont la densité
par rapport à l'hydregène fut trou-
vée égale à 19,086. Le spectre de ce
gaz donnait encore les raies de la-
zote, plus un certain nombre de raies
n'appartenant à aucune substance
connue.
— Appareil employé pour ré-
La figure 5 représente l'appareil
employé pour la préparation en
grand de l’argon au moyen du ma-
snésium. La disposition est tout à
fait analogue à celle des appareils
précédents; mais, pour faciliter la
préparation, le mouvement du gaz,
à partir du réservoir B à travers les
tubes de purification et d'absorption
C, D, E, est produit automatique-
ment par un circulateur indiqué
sur la gauche de la figure. Le mer-
cure d’un petit réservoir b s'écoule
à magnésium. La première expé-
rience faite au moyen de cet appa-
reil fournit 50 cent. cubes d’argon
presque pur, sur lesquels on put
effectuer une mesure de densité.
On monta alors l'appareil repré-
senté par la figure 3 pour opérer
sur une plus grande échelle.
Aet B ont des gazomètres en yerre
de 10 litres de capacité. C est un
dispositif permettant d'introduire
dans A le gaz contenu dans un tube
péter l'expérience de Cavendish sur
la composition de l'air atmosphérique.
— A. éprouvette retournée sur une
solution de potasse caustique, et ren-
fermant à sa partie supérieure l'air à
analyser ; B, vase contenant une solu-
tion diluée de potasse caustique ; CC,
tubes de verre renfermant les fils de
platine conducteurs du courant élec-
trique; D D, extrémités des fils de
ptne entre lesquelles jaillit l’étin-
celle.
goutte à goutte en entrainant le gaz
qu'il abandonne dans ua réservoir
e: il passe de là dans un tube d d’où
il est aspiré par une trompe à eau
et ramené en b.
Cet appareil permet d’absorber
environ 30 litres d'azote par jour.
Dans une des expériences effectuées,
93 litres d'azote atmosphérique fu -
rent absorbés par 409 grammes de
magnésium, et produisirent 921
cent. cubes d’argon pur.
à essai, Le tube D est rempli à moitié de soude caus-
tique et à moitié d’anhydride phosphorique; de mê-
1 Voyez : Lorn J. W. RayLeiGn et M. Wicram Ramsay:
La préparation et les propriétés de l'Argon, nouveau cons-
tituant de l'atmosphère. Revue générale des Sciences du
15 février 1895; tome VI, pages 90 à 99.
M. Wiciam Crookes: Les spectres de l’Argon. Revue géné-
rale des Sciences du 15 février 1895, tome VI, pages 99 à 101.
M. K. Ocszewskr: La liquéfaction et la solidification de
VArgon. Revue cénérale des Sciences du 15 février 1895,
tome VI, pages 101 à 103. s
Discussion sur l’Argon à la Société Royale de Londres.
La combinaison de l'azote avec l'oxygène, sous l'in-
fluence des étincelles éiectriques, peut être employée
Revue générale des Sciences du 15 février 1895, tome VI,
pages 103 à 107.
M. Louis Ozrvier : Les discussions sur l'Argon. Opinions de
MM. Gladstone et Lecoq de Boisbaudran. Revue générale
des Sciences du 98 février 1895; tome VI, pages 199 et 200,
M. G. Carry : Les nouvelles découvertes du Prof. Wil-
liam Ramsay sur l'Argon et la découverte de l’Hélium. fe-
vue générale des Sciences du 15 avril 1895 , tome VI, pages 297
et 298.
Fig. 2. — Premier appareil construit pour extraire FArgon de l'air atmosphérique. — À, tube à combustion rempli
de tournure de magnésium; B, tube renfermant de l’oxyde de cuivre ; C, tube contenant de la chaux sodée ; D, tube
contenant de l'anhydride phosphorique ; E, volumètre gradué; F, gazomètre contenant de l'azote atmosphérique ;
G, dispositif permettant d'introduire dans E le gaz contenu dans un tube d'essai.
Fig. 3, — Appareil destiné à exlraire l'Argon de l'air en assez grande quantilé.— AÀ,B, gazomètres d'environ 10 litres
de capacité; C, dispositif permettant d'introduire dans A le gaz contenu dans un tube d'essai; D, tube contenant
de la chaux sodée (a) et de Panhydride phosphorique (b); E, tube contenant du cuivre poreux (4) et de l'oxyde de
cuivre granulé (b); K, tube à chaux sodée; G, tube renfermant de la tournure de magnésium; H, tube à anhy-
dride phosphorique; 1, tube à chaux sodée.
B
218 pompe & ÿ
de Sprengel ;
ta) (b)
Fig. 4. — Aulre appareil pour la production de l'Argon en grandes quantilés. — A, gazomètre; B, D, tubes con-
tenant de la chaux sodée (4) et de l'anhydride phosphorique (b); G G, réservoirs à gaz; E, tube contenant, en
partie du cuivre métallique, en partie de l’oxyde de cuivre; F, tube contenant de la tournure de magnésium ;
H, dispositif permettant d'introduire ou de retirer du gaz de l'appareil.
:
l
\ ACTUALITES SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 1019
placées à environ deux centimètres de la soude caus-
MES
de Springel HR à
dar Dans un appareil monté à l’Institution Royale de
Londres, le ballon avait une capacité de 20 litres. Un
Fe courant alternatif de 100 volts et environ 22 ampères
Fig, 5. — Appareil destiné à extraire de l'air de grandes quantités d’Argon. — Il offre une disposition analogue à
celle des appareils précédents. Un circulateur A facilite le mouvement des gaz.
à isoler l’argon si l’on opère avec des appareils élec- | passait dans un transformateur, qui permettait d’ob-
triques suffisamment puissants. La figure 6 représente | tenir surles pôles de platine une différence de potentie!
le dispositif employé ; le mélange gazeux arrive dans | d'environ 1.500 volts, Dans ces conditions on obtenait
un ballon, de grande capacité, à moitié rempli par une | l'absorption de sept litres par heure du mélange gazeux
—
=
; ED
Solution de soud, À
0/
Fig. 6. — Appareil desliné à extraire l'Argon de l'air par combinaison de l'azote avec l'oxygène. — A, ballon renfermant
à sa partie inférieure une solution de soude caustique et fermé par un bouchon B percé de 4 trous: C, tube pour l’entrée
des gaz; D, tube pour l'extraction de l’argon; E, F, tubes de verre renfermant les fils de platine conduisant le courant
électrique ; G, H, électrodes entre lesquelles jaillit l’étincelle; I, manchon où circule un £ourant d'eau destiné à refroidir
la partie supérieure du ballon A.
solution de soude caustique et refroidi à la partie supé- | contenant onze parties d’oxygène pourneuf parties d'air
rieure par un courant d’eau. atmosphérique,
L'étincelle produite par une bobine de Ruhmkorff ou G. CuarPy,
un transformateur éclate entre deux pointes de platine DPee ur es nets
1020
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Laisant (C.-A.)et Lemoine (E.), Directeurs de l'In-
termédiaire des Mathématiciens. — Traité d’Aritmé-
tique, suivi de Notes sur l'Ortografie simplifiée,
par P. MALVEzIN. — 1 vol. petit in-8° de 175 pages.
(Prix : 5 fr.) Gauthier- Villars et fils, Paris, 1895.
On ne saurait, en parcourant ce petit traité d’Arith-
métique que viennent de faire paraitre MM. Laisant el
Lemoine, leur reprocher de suivre des sentiers battus.
Et c’est là une remarque qu’on a bien rarement occa-
sion de faire à propos d'ouvrages d’un caractère aussi
élémentaire, Car, ce n’est point un livre savant qu'ont
entendu écrire nos auteurs, mais un traité très élémen-
taire pouvant être mis entre les mains de personnes
n'ayant aucune notion sur l’arithmétique.On n’y trouve
aucune théorie nouvelle, mais l'exposition des prin-
cipes faite d’une facon très simple, grâce à la précision
donnée à la notion de nombre restée jusqu’à ce jour
assez obscure dans les ouvrages didactiques.
MM. Laisant et Lemoine définissent le nombre sim-
plement comme une locution ou un signe destiné à
désigner une quantité et toutes celles qui lui sont
égales, de manière à les distinguer nettement de celles
qui sont plus grandes ou plus petites ; il suffit de par-
courir leur livre pour se convaincre que,par cette défi-
nition, les auteurs ont rendu plus facile la numération
des entiers, des fractions et même des quantités in-
commensurables, tout en se maintenant sur un terrain
accessible à tous les esprits,
Ce petit livre n’est pas, au surplus, moins original
par la forme que par le fond, les auteurs ayant adopté
l'orthographe simplifiée que préconise la Société «filo-
logique » francaise. Cette manière d'écrire va contre
nos habitudes ; aussi ne laisse-t-elle pas que d’un peu
nous surprendre au premier abord; mais il faut se
mettre en garde contre cette première impression, car
on ne tarde pas à reconnaître que cette nouvelle ortho-
graphe est infiniment plus logique que celle de l'usage,
ou plutôt qu’elle est logique, alors que l’autre ne l'est
pas. Ce n’est point là une qualité faite seulement pour
complaire à des esprits précis et rigoureux ; elle com-
porte, en outre, l’inappréciable avantage de soulager
le bagage dont on s’est plu, jusqu’à ce jour, à surchar-
ger le cerveau des enfants, en leur épargnant l’étude
de règles de pure convention venant compliquer
comme à plaisir des notions qui devraient logiquement
ètre réduites au maximum de simplicité. L’apôtre de
cette réforme de l'orthographe, M. Malvezin, a, dans un
appendice, résumé les motifs parfaitement fondés qui
justifient les principales simplifications réclamées dans
l'orthographe usuelle. M. D'OCAGxE,
Hatt(Ph.), Ingénieur hydrographe de la Marine. — Les
Marées.— 1 vol. petit in-8° de 225 pages, de l'Encyclo-
pédie scientifique des Aide-Mémoire, publiée sous la di-
rection de M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché,
2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars et fils et G.
Masson, éditeurs. Paris, 1895.
M. Hatt a publié de nombreux travaux sur les ma-
rées, et depuis longtemps déjà il dirige l'Annuaire qui
permet de les calculer à l'avance. La rédaction du
Manuel que nous annoncons ne pouvait donc être con-
fiée à un auteur plus compétent, Elle offrait d’ailleurs
de nombreuses difficultés : car le problème à exposer
est des plus ardus et il est loin d’être résolu dans toute
sa généralité,
L'observation superficielle des marées qui se pro-
duisent dans les mers d'Europe montre que ce phéno-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX DE Y 4
- théorème de Laplace, une relation entre les forces
mène est dù à l’action combinée de la Lune et du Soleil;
et c'est la cause à laquelle les anciens attribuaien
déjà le flux et le reflux. Aucune théorie n’était done
possible avant la découverte du principe de l’attraction:
universelle : aussi la première théorie analytique du.
phénomène est-elle due à Newton qui chercha la figure
momentanée d'équilibre prise par la masse des eaux
sous l'influence attractive d’un astre: ce serait celle
d’un ellipsoiïde dont le grand axe passerait constam-
ment par cet astre, et, par suile, ferait le tour de la
Terre en vingt-quatre heures environ.
Mais ce mouvement est trop rapide pour que le pro
blème puisse être ainsi considéré à un point de vue
purement statique : il faut avoir égard à la théorie du.
mouvement des liquides et c’est ce qu'a fait Laplace,
qui, en partant des principes de l’hydrodynamique,
pose les équations différentielles du mouvement dans
le cas le plus général. Ne pouvant intégrer ces équa-
tions, il étudie les oscillations d’une masse fluide recou-.
vrant un sphéroïde doué d’un mouvement de rotation;
même dans cette hypothèse spéciale, les équations du
mouvement n’ont pu être intégrées, et, malgré tous les
efforts des géomètres, la théorie pure n’a pas subi de.
modifications sensibles depuis Laplace. :
Il a donc fallu étudier des cas plus simples, dans
lesquels l'intégration est possible, L'ouvrage de M. Hatt
s’est trouvé ainsi divisé naturellement en trois parties :
I. — Théorie générale de Laplace: établissement des
équations générales du mouvement et étude du cas
particulier des oscillations de la mer sur un globe «
entièrement recouvert d’eau. Perfectionnements de.
MM. Thomson et de Darwin. i
IL. — Mouvement oscillatoire d'un liquide dans un canal"
horizontal de section rectangulaire. Ce cas, dans lequel.
l'intégration est possible, s'applique seulement à
l'étude des marées dans les rivières et dans les canaux.
IX, — Théorie générale de la marée. Cette dernières
partie pourrait être appelée la théorie des marées au“
point de vue pratique, car on y obtient empiriquement
la formule de la marée en établissant, au moyen d’un
|
|
|
|
|
|
astronomiques et le mouvement de la mer,
La formule de la marée s'obtient ainsi exprimée par
une série de termes périodiques dépendant des mul-
tiples successifs de l’angle horaire de lastre qui pro-
duit la marée ; autrement dit, la marée totale est ainsi
une somme d'ondes de périodes déterminées.
Dans la théorie faite par Laplace, à ce point de vue,
tous ces termes sont condensés en groupes ; Thomson,
au contraire, a considéré chaque terme isolément et a
déterminé par l'observation l'amplitude et la situation
de chacune de ces ondes : c’est ce qui constitue son
Analyse harmonique des marées. Et la troisièmé parties
de l'ouvrage de M. Hatt est consacrée à l’exposition des.
théories de Laplace et de Thomson, au point de vue
particulier que nous venons d'indiquer.
Les coefficients'des termes sensibles étant déterminés:
pour un lieu, il devient alors possible de calculer
pour ce lieu toutes les circonstances de la marée. Mais
cela exige des calculs fort longs, qui sont considéra-
blement abrégés par une ingénieuse machine imaginée
par sir W. Thomson et connue sous le nom de Tide
predicter. Malheureusement cette machine est fort coù-
teuse et n’a élé construite encore que pour l’India-
Office ; espérons que bientôt une machine analogue
pourra être acquise par le Dépôt de la Marine, obligé”
aujourd'hui à consacrer une assez forte somme an-.…
nuelle au calcul des données qu'il publie dans son
Annuaire des marées. G. BIGOURDAN.
2° Sciences physiques.
*erreau (F.), Maitre de Conférences à la Faculté des
Sciences de Nancy. — Etude expérimentale de la
Dispersion et de la Réfraction des Gaz. (Thèse
pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.)
— Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1895.
La connaissance de la dispersion permet de sou-
- mettre au contrôle de l'expérience les diverses théories
que l'on peut proposer pour expliquer la marche de
Ja lumière dans un milieu pondérable, et, comme les
az sont les milieux les plus simples, ceux dont les
propriétés mécaniques sont les mieux connues, il y a,
malgré les graves difficultés que doit présenter une
“semblable étude, un véritable intérêt à déterminer la
dispersion des gaz. D'autre part, la connaissance de la
réfraction de l’air permettrait de réduire au vide les
…déterminations de longueur d’onde effectuées dans
l'air ; M. Michelson, dans l’admirable travail que con-
naissent bien les lecteurs de la Revue !,a pu mesurer la
longueur d'onde de la lumière rouge du cadmium avec
une incroyable précision; la mesure de l'indice de
réfraction de l'air devrait être poussée jusqu'à la même
approximation, si l’on voulait utilement faire une
semblable réduction, Sur ce point, M. Perreau n’a pu
que donner une valeur qu'il estime ètre déterminée
“avec une précision du même ordre que celle des nom-
« bres précédemment trouvés; c’est un résultat qui n’est
- point inutile, puisqu'il fournit un élément de plus à
un calcul de moyennes; mais l'intérêt principal du
“travail est incontestablement l'étude habilement pour-
. suivie de la dispersion de l'air, de l'hydrogène, de
l’oxyde de carbone et de l'acide carbonique.
La méthode employée par l’auteur est la méthode
interférentielle déjà utilisée par Arago, Jamin,
« MM. Fizeau, Benoît, Mascart, et, comme M. Mascart l'avait
… déjà fait dans son grand travail classique sur la réfrac-
… tion des gaz, M. Perreau a recours à la production d’un
- spectre cannelé; mais, par une très simple modifica-
tion, le spectre cannelé existera, que le retard ait lieu
sur l’un ou sur l’autre des deux faisceaux interférents,
… ce qui permettra de compter les franges dans deux
… spectres qui ont le même aspect. Pour obtenir des
points de repère dans le spectre, on place devant la
« fente du collimateur du spectroscope deux fils de cad-
- mium entre lesquels on fait éclater une étincelle d’in-
duction.
Les gaz sur lesquels ont porté les mesures ont été
très soigneusement préparés, très consciencieusement
- analysés ; tous les calculs des expériences sont con-
duits avec méthode et rigueur ; le résultat obtenu, et
que constate l’auteur avec une certaine mélancolie,
est que la dispersion va en croissant dans l'ordre sui-
vant : air, acide carbonique, nydrogène, oxyde de
- carbone; il n'y a donc aucun lien entre cette constante
et la densité ou la réfraction, et celte conséquence
fait penser qu'une théorie de l'influence de la matière
pondérable sur les vibrations de l’éther doit être sin-
gulièrement difficile à édifier.
La thèse est clairement rédigée, mais M. Perreau
n’est pas de ceux qui abusént dans la rédaction des
titres alléchants et des sous-titres présomptueux, qui
multiplient les chapitres et les paragraphes, et dont
le travail a pour principal mérite une pompeuse table
de matières. Dans son mémoire, historique, expé-
riences, calculs, conclusions se suivent en ordre, par-
fait sans doute, mais-trop dissimulé; le lecteur aven-
tureux qui entreprendra la lecture intéressante de ce
travail ne devra compter sur aucun guide, sur aucun
poteau indicateur pour faciliter son exploration. Cette
très légère critique n’enlève rien au mérite de l’auteur.
M. Perreau a eu le courage de s’attaquer à une question
difficile, un peu délaissée aujourd’hui, et ses efforts
ne sont pas restés infructueux. Lucien Poincaré.
=
1 A. Mreuersox : Les Méthodes interférentielles en Métro-
logie. Rev. gén. des Sc. du 30 juin 1893, t. IV, p. 369 à 377,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1021
Etard (A), Répétiteur de Chimie à l'Ecole Polytechnique.
Les nouvelles Théories chimiques. — 1 vol. pelit
in-8° de 200 pages avec 56 figures de l'Encyclopédie scien-
tifique des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de
M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50 ; car-
tonné, 3 francs.) Gauthier- Villars et fils, et G. Masson,
éditeurs. Paris, 1895.
La Chimie théorique, qui, il y a quelques années à
peine, se résumait dans quelques considérations géné-
rales placées en tête des ouvrages de Chimie, a pris de-
puis peu un développement considérable et s’est cons-
tituée en une branche spéciale de la Science ; des ou-
vrages étendus, tels que ceux de Lothar Meyer, de
M. Ostwald et de M. Mendelejeff, lui ont ‘été consacrés,
dans lesquels se trouvent développés les principaux
résultats acquis, ainsi que les chapitres actuellement à
l'étude; des manuels relatifs à la technique des mé-
thodes les plus”’usuelles ont aussi été publiés; enfin,
un journal dirigé par MM. Ostwald et Van’tHoff, qui
parait depuis 1887, s’est fait l’organe de tous les tra-
vaux relatifs à la physico-chimie.
Le spécialiste dispose donc de tous les moyens né-
cessaires pour travailler utilement les diverses ques-
tions à l'ordre du jour dans ce riche domaine.
Il nous manquait cependant un ouvrage plus con-
densé, dans lequel le chimiste qui ne se voue pas d’une
facon spéciale à ce genre d’études püût s'initier aux
grauds principes de la physico-chimie sans être obligé
de suivre, dans tous les détails etdans tous les dévelop-
pements, les progrès de cette science. C’est cet ouvrage
que M. Etard vient d'écrire pour l'Encyclopédie scien-
tifique des Aide-Mémoire.
Après avoir défini les actions chimiques générales,
l'auteur aborde: l’étude de la théorie atomique et de la
théorie cinétique, les propriétés chimiques des molé-
cules dépendant des états physiques (densités de va-
peur, dissociation, théorie de Van der Waals, cristallisa-
tion, théorie des solutions, etc.); enfin les éléments de la
mécanique chimique, de la thermo-chimie, de la pho-
to-chimie et de l’électro-chimie.
On voit par ce court apercu que toutes les questions
importantes sont passées en revue. Ajoutons qu'elles
sont présentées sous une forme claire, rapide et con-
cise, que les grandes lignes se dégagent toujours net-
tement de l’ensemble du sujet, qu’enfin, lorsque la ma-
tière à traiter devient plus particulièrement abstraite,
l’auteur soutient l'attention du lecteur par des compa-
raisons aussi heureuses qu'originales, qui font de ce
petit livreune lecture facile ef attrayante. Nous ne dou-
tons point que cette impression ne soit partagée par
tous ceux qui se serviront de ce guide pour s'initier
aux questions actuelles en physico-chimie,
Ph.-A. GUYE.
Gramont (Arnaud de), Docteur ès sciences — Ana-
lyse spectrale directe des Minéraux. | Thèse pour
le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) —1 vol.
in-8° de 20% pages avec 3 planches hors texte. Baudry
et Cie, éditeurs, Paris, 1895.
Le spectroscope n’occupe pas encore, dans les labo-
ratoires de Chimie minérale, la place qu'il eût dû con-
quérir depuis longtemps. M. Arnaud de Gramont, qui
vient de montrer, dans la thèse que nous analysons,
tout le parti qu'on peut tirer du spectroscope pour
l'analyse qualitative directe des minéraux conducteurs
ou volatilisables dans l’étincelle d’induction, convena-
blement condensée, va contribuer probablement à gé-
néraliser l'emploi de ce précieux instrument,
Les minéraux se comportent, dans ces conditions,
comme des alliages métalliques, aux raies desquels
viennent s'ajouter les spectres de lignes des métal-
loïdes qu’ils renferment. Quoique le spectroscope or-
dinaire à un prisme permette de caractériser un grand
nombre de minéraux par cette méthode, l’auteur a
employé pour ses recherches le modèle de spectro-
scope à vision directe de M. Cornu, formé, comme on
sait, de deux prismes composés et armé d’un oculaire
1022 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
à fort grossissement. Avec cette dispersion, l’écarte-
ment des deux raies D du Sodium atteint une division
du micromètre, et l’on obtient des mesures suffisam-
ment exactes jusqu’à la région violette, Par la préci-
sion et l'abondance des détails, la thèse de M. Arnaud
de Gramont sera d’un grand secours à {ous ceux qui
apprécient l’économie de temps que le spectroscope
peut donner dans les recherches analytiques.
La partie la plus nouvelle de ce travail est celle re-
lative à la formation directe, dans l'air, des raies carac-
téristiques des métalloides,grâce à l’étincelle condensée,
L'auteur montre, en effet, que le Soufre, le Sélénium,
le Tellure, l’Arsenic, l'Antimoine, le Phosphore, le
Chlore, etc.., donnent, dans les conditions ci-dessus
mentionnées, des spectres de raies semblables à ceux
obtenus avant lui, à l'abri de l’air, soit dans les tubes
de Plücker, soit dans les tubes à gaines de Salet; cette
découverte permet donc de reconnaître d'emblée
l'ensemble des éléments qui forment l'espèce miné-
rale examinée, puis d'observer seulement les métaux
en supprimant l’emploi du condensateur. Je ne puis
donner ici la liste des nombreux minéraux passés en
revue par M. de Gramont dans la troisième partie de
cette thèse, car il a étudié près d’une centaine d'es-
pèces, principalement les sulfures, arséniures, sélé-
niures et tellurures; mais je signalerai, en terminant,
l'intérêt que présente sa méthode, pour la recherche
de faibles quantités d'éléments accessoires contenus
dans les minéraux tels que : l’Argent et le Zinc dans les
galènes, le Germanium dans l’argyrodite de Freiberg,
le Sélénium dans la chalcopyrite, Ie Thallium dans la
Phillipsite et la Dufrénoysite, le Cobalt dans l'Ulman-
nite, Or dans Ja Nagyazite, le Phosphore dans les
météorites, etc. Cette énumération suffit pour faire
apprécier tout l'intérêt qui s'attache à cet excellent
travail, qui a déjà recu la sanction de la pratique
aux mines du Transvaal et dans plusieurs usines mé-
tallurgiques de Westphalie. A. VERNEUIL,
Etaix (L.), Préparateur à la Faculté des Sciences de
Paris. — Contribution à l'étude de quelques Acides
bibasiques. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.)
— Un vol. in-8° de 66 pages. Gauthier- Villars et fils,
édileurs. Paris, 1895,
Le travail de M. Etaix fait suite à celui de M, Auger,
dont nous avons donné ici un extrait, il y a quelques
années (Revue générale des Sciences, t. I, p. 520). On se
rappelle que ce dernier auteur a étudié, au point de
vue de la dissymétrie possible de leurs chlorures, un
certain nombre d'acides bibasiques: sa conclusion était
que, vraisemblablement, les seuls acides capables de
fournir des chlorures dissymétriques sont ceux dont
les carboxyles sont en position 1.4; mais il est évident
que, dans un mémoire de thèse, M. Auger n'avait pu
passer en revue tous les acides bibasiques décrits ;
M. Etaix étend ses recherches à d’autres, notamment à
l'acide adipique, à l'acide subérique et à l'acide azé-
laïque, qui correspondent, comme on le sait, à
l'hexane, à l’octane et au nonane normaux.
L'auteur indique en passant quelques tours de main
facilitant la préparation de ces corps, puis il examine
leurs principaux dérivés, anhydrides, chlorures ,
amides, etc., dont la plupart élaient encore inconnus.
I nous est impossible de le suivre dans l’énumération
et la description de ces corps: les méthodes employées
n'ont d’ailleurs rien de spécial, et la marche du travail
est la même qu'avait déjà suivie son prédécesseur,
M. Auger.
La conclusion est que les chlorures des acides biba-
siques normaux en Cf, C8 et C? sont symétriques. Les
anhydrides correspondants sont tous assez instables,
et aucun d'eux ne fournit d’imide. |
[n'y à donc, en définitive, que les acides oxalique
et malonique qui ne donnent pas d’anhydrides, et les
acides étudiés par M. Auger paraissent bien être les
seuls dont les chlorures soient susceptibles de dissy-
métrie. L. MAQUENNE.
3° Sciences natufelles.
Æhiriet (A.), Professeur au Collège de Sedan. — Re
cherches géologiques sur le Lias de la bordu
sud-ouest du Massif ardennais. (Thèse pour
Doctorat ès sciences nalurelles de la Faculté des Sciene
de Paris.) — 1 vol. in-8° de 220 pages avce 30 figures
et 1 grande planche hors tete. Imprimerie Anciaux,
Charleville, 1895. : 210
De Hirson à Montmédy, en passant par Mézières et
Sedan, s'étend une bande continue d’affleurementslia
siques qui bordent le massif ancien de l’Ardenne, Tan
dis que le Lias des régions voisines du Luxembourg
et de la Lorraine avait fait l'objet d'études monogra
phiques, il n’en élait pas de même pour la bordure dé
l'Ardenne francaise, de sorte que M. Thiriet a comblé
une véritable lacune en étudiant en détail les dépôts
liasiques de cette bordure. <
Le point de départ de son travail a été l'étude de
coupes naturelles fournies par le démantèlement de la
place de Sedan, coupes qui lui ont permis d’observe
la succession de tous les niveaux du Sinémurien et de
marquer la position exacte de toute une série de fos
siles. Abstraction faite de la Souabe, où, grâce aux
efforts de Quenstedt, l'analyse des assises jurassiques
aété depuis longtemps poussée très loin, il n'existe pas
de région où les différents horizons du Lias inférieur.
aient été fixés avec la précision que M. Thiriet a mise M
à ses recherches, de telle sorte que le bord ardennais
servira désormais de terme de comparaison dans toutes.
les études sur le Lias. <
Le travail de M. Thiriet aurait gagné à êlre considé-
rablement écourté et allégé de nombreuses répétitions.
L’index bibliographique ne répond ni à une bibliogra=
phie complète de la région ni à une bibliographie.
du Lias; lauteur y fait figurer des titres de publica-
tions périodiques, sans d’ailleurs indiquer même les
volume consulté, tandis que, d'autre part, pour plu-
sieurs ouvrages, les références sont tout à fait insuffis.
santes. E. Hauc.
Gain (Edmond), Préparateur à la Sorbonne. — Recher-«
ches sur le rôle physiologique de l'Eau dans la.
Végétation. (Thèse de Doctorat ès sciences naturelles }—
1 broch. in-8° de 160 p. avec fig. et pl. Extrait des An-
nales des sciences naturelles, T° sér., Botan.,t. XX, avec
4 pl. G. Masson, éditeur, 220, boulevard Saint-Germain.
Paris, 1895. ;
On sait depuis longtemps que l’eau est nécessaire à «
la végétation ; mais il reste bien des problèmes à ré-
soudre sur son mode d'action, sur la quantité d’eau
nécessaire aux différentes périodes de la vie et suivant
les conditions extérieures; sur l’action exercée par un
excès d'humidité ou de sécheresse ; comment cette:
action s'exerce sur les différents organes de la
plante, etc. *
Des problèmes d'un intérêt tout différent se ratta-
chent à cette question. Dans quelle mesure, par
exemple, les espèces sont-elles réparties, dans leurs
stations spontanées, suivant les conditions les plus …
favorables à leur développément individuel? Les con- «
ditions les plus favorables au développement de l’indi-
vidu sont-elles en même temps les plus favorables au
développement de l'espèce ?
est l'influence de l’eau sur l'accroissement en poids,
sur la croissance, sur la propagation et l'avenir de
l'espèce, Les résultats auxquels il est arrivé sont tels
qu'on peut les prévoir par l’observation directe des …
faits de tous les jours; mais l’auteur les formule avec
la précision qui convient à des résultats expérimen- £
taux. Il n’a d’ailleurs mis en expérience que des végé-
taux phanérogames ; les Champignons et beaucoup
d’Alguës lui auraient, croyons-nous, fourni l’occasion .
d'être plus rigoureux dans ses conclusions. De
4. .
k. 4° Sciences médicales.
ï
armier (Louis), — Sur la Toxine charbonneuse.
» (Thèse pour le Doctorat ès sciences naturelles de la Fa-
_ culté des Sciences de Paris). — Brochure in-8° de 50
…— pages. Imp. Charaire, 68, rue Houdan, Sceaux, 1895.
_— On connaît maintenant les propriétés physiologiques
“es substances solubles élaborées par les microbes de
la diphtérie et du tétanos dans les milieux de culture;
cest grâce à cela que l’on concoit bien les symptômes
l’évolution des maladies produites par ces microbes,
On est moins avancé en ce qui concerne la bacté-
idie charbonneuse, et pourtant c’est la première
bactérie pathogène bien connue. Les travaux sont déjà
“nombreux, mais les résultats sont contradictoires. Le
“dernier travail en date et le plus important, celui de
M. Hankin et Wesbrook, parle d’une substance retirée
de certains milieux de culture, surtout toxique pour
“les animaux réfractaires au charbon; elle vaccine les
‘animaux sensibles immédiatement et à des doses très
“faibles. Ce dernier caractère la rapproche des anti-
toxines. Les résultats obtenus par M. Marmier ne s’ac-
“cordent pas avec ceux des deux savants anglais.
— M. Marmier a cherché d’abord un milieu de culture
assez bien défini où le microbe charbonneux élabore
“une substance toxique soluble. 11 emploie une disso-
…lution dans l’eau de sels minéraux et de vraie peptone
“ne précipitant ni à chaud ni à froid par le sulfate
d’ammoniaque. A 20°, la bactéridie pousse dans ce mj-
lieu; maisles cultures y sont toujours chétives. Au bout
… de trois semaines, le liquide filtré est toxique pour cer-
…tains animaux tels que le lapin; et la substance toxique
st tout entière contenue dans le précipité par le sul-
fate d’ammoniaque. C’est en pesant ce précipité que
M. Marmier se rend compte des doses qu’il inocule.
—._ À partir d'une certaine dose, le lapin meurt en pré-
sentant des phénomènes asphyxiques, comme dans
infection charbonneuse. Quelquefois la mort survient
au bout de deux jours, mais souvent aussi apres huit ou
“quinze jours. Il y a réaction du côté de la température,
surtout le deuxième jour, et principalement réaction
& côté du poids; les animaux peuvent perdre plus
d’un tiers de leur poids.
A des doses inférieures à la dose mortelle, il y a aussi
« baisse de poids, fièvre; mais l’animal se rétablit. Et
“alors il est apte à supporter une dose plus forte que la
première ; et ainsi de suite. M. Marmier arrive de celte
… facon à avoir des animaux vaccinés contre le charbon,
… résistant à des inoculations successives du microbe.
…_ Le lapin est donc un réactif sensible de la toxine
-charbonneuse. Il a permis à M. Marmier d'étudier les
… variations de toxicité de sa substance, quand on lui
. fait subir l’action de divers agents physiques et chi-
miques. Après l’action de la chaleur (110-1202) la toxi-
cité a diminué notablement, Le chlorure de chaux,
les hypochlorites alcalins, les chlorures d'or et de pla-
tine, la sotution de Gram altèrent fortement la toxine,
A ce point de vue, elle se rapproche d’autres toxines
mierobiennes, telles que les toxines diphtérique et téta-
nique. Elle est intermédiaire entre celles-ci (détruites
complètement par le chauffage) et d’autres, telles que
la tuberculine, que la chaïeur n’altère pas.
. Les autres animaux sensibles au charbon sont aussi
sensibles à la toxine : tels la souris, le rat blanc, le rat
d'égout, le cobaye, De très fortes doses tuent le pigeon,
et amènent une baisse de poids momentanée, mais très
forte, chez la poule. ”
Ileût été illusoire de chercher à caractériser chimi-
quement celte toxine charbonneuse. M. Marmier s’est
contenté de montrer que le précipité par le suliate
d’ammoniaque qu’il employait ne renfermait ni albu-
minoïde, ni alcaloïde, ni diastase,
Enfin, M. Marmier à reconnu que la toxine ne diffuse
dans le milieu de culture que quand la bactéridie se
- trouve dans des conditions de vie médiocres. Dans de
bonnes conditions, la toxine reste dans le corps des
microbes : M, Marmier en a retiré, en effet, par macé-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
1023
ration dans l’alcool faible, une substance ayant les
propriétés que nous venons d'énumérer.
Cette étude très complète montre qu’un microbe qui
produit une maladie scepticémique, élabore dans les
milieux de culture, une toxine spécifique,
Mais, avec cette toxine charbonneuse, on ne repro-
duit pas complètement le tableau de la maladie mi-
crobienne; l’intoxication est rarement aiguë. D’autres
facteurs entrent évidemment en jeu dans l’action du
microbe sur l'organisme. Il se peut aussi que la toxine
retirée des cultures ne soit pas identique à celle pro-
duite dans le corps de l'animal. F. Mesxir.
Laurent (D'E.). — Les Bisexués : Gynécomastes
et Hermaphrodites. — 1 vol. in-8° de 233 pages.
(Priz : 5 fr.) — G. Carré, Paris, 1895.
M. Laurent avait consacré sa thèse inaugurale (1888)
à l’étude des gynécomastes, sur lesquels les observa-
tions de Lacassagne, Lereboullet, Martin et Jagot et
le travail publié en 1880 par Olphan avaient déjà attiré
l'attention, Il avait fait paraitre antérieurement et il a
fait paraître depuis lors d’autres travaux sur le même
sujet et des sujets connexes : De la mammite doulou-
reuse hypertrophique chez l’homme (Gazette médicale
de Paris, 1883); De la mammite douloureuse des ado-
lescents et des adultes (Gazette médieale de Paris, 1889);
De l'hérédité des gynécomastes (Ann. d'hygiène pu-
blique et de médecine légale, 1890). Ce sont ces divers
mémoires qu'il a refondus et combinés avec sa thèse
pour en faire le présent livre.
M. Laurent définit la gynécomastie « une anomalie
qui consiste dans le développement exagéré et perma-
nent des mamelles chez l’homme, au moment de la
puberté, avec arrêt du développement des testicules ».
Cette définition, fort exacte, différencie nettement la gy-
nécomastie de certaines affections qui offrent avec elle
des ressemblances extérieures et que plusieurs auteurs
ont eu,en conséquence, une tendance à confondre avec
elle: la marnmite de la puberté, par exemple. La gynéco-
mastie vraie est,pour M.Laurent,—et son interprétation
semble s'imposer, —un stigmate de dégénérescence; elle
se rencontre surtout chez des sujets qui ont derrière
eux une hérédité névropathique. Ce développement
anomal des mamelles a pour cause, aux yeux de l’au-
teur, l’atrophie relative dontsontatteintsles testicules; :l
trouve une confirmation de cette opinion dans le fait que
l'on a pu observer une véritable hypertrophie des
mamelles à la suite de certaines orchites qui ont amené
l’atrophie complète des testicules. Les mamelles des
gynécomastes sont parfois constituées seulement par
du tissu adipeux, mais souvent aussi elles présentent
nettement la structure glandulaire : ce sont donc de
vraies mamelles et non des tumeurs fibreuses siégeant
au niveau des seins. Parfois même elles sécrètent du
lait, Les gynécomastes ont d'ordinaire des formes à
demi féminines, et, bien qu'ils conservent souvent
quelque aptitude génitale, ils semblent fréquemment
atteints d’un véritable enfantilisme. Leur élat mental
est celui de tous les dégénérés, mais il semble que ce
soienten général des dégénérés inférieurs, des débiles.
M. Laurent, dans une seconde partie, assez inutile-
ment grossie de chapitres accessoires, passe en revue les
divers types d’hermaphrodites.Ilétudierapidementleurs
aptitudes génitales et leur état mental et consacre
quelques pages aux dégénérés infantiles et aux invertis
sexuels. Le livre de M. Laurent sera commode à con-
sulter, parce qu’il renferme, réunies et condensées, un
certain nombre d'observations qu'il fallait aller cher-
cher en divers recueils; mais il faut avouer que ce qui
en fait l'intérêt, ce sont uniquement les chapitres qui
traitent de la gynécomastie et qu'il n’apprendra rien
de très neuf sur l’hermaphrodisme etles hermaphro-
dites aux naturalistes ni aux médecins. Les quelques
observations originales qu'il contient donnent cepen-
dant une valeur à cet ouvrage, dont il convient de louer
la bonne ordonnance et la clarté. L. MARILLIER.
102%
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES
Séance du
SCIENCES DE PARIS
28 Oc'obre 1895.
M. le Président invite, au nom de l’Académie, Les
Associés et les Correspondants nationaux et étrangers
à adresser leurs portraits photographiques au Secréta-
riat. — Lord Kelvin prononce un discours en réponse
à l’allocution du Président de l'Institut, à l'occasion du
Centenaire, — M. leSecrétaire perpétuel donne lecture
des adresses de félicitations recues à l’occasion du Cen-
tenaire de l’Institut de France; il donne également
communication d'une lettre de condoléance adressée à
l'Académie par la Faculté de Médecine de l’Université de
Coïmbre à l’occasion de la mort de M. Pasteur.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. le Secrétaire perpétuel
signale le dix-neuvième volume des « Acta mathema-
tica ». — M. Rossard adresse ses observations de la
comète (1895, août 20) et de la planète Wolf (1895, oc-
tobre 43) faites à l'observatoire de Toulouse (au grand
télescope et à l’équatorial de 0"25), — M, Perrotin
donne le résumé succinet et le résultat des opérations
exécutées dans le courant de l’année 1889 sous les aus-
pices du Bureau des Longitudes, par MM. Hatt, Drien-
court et Perrotin, en vue de la détermination télégra-
phique de la différence de longitude entre un point de
la Corse et l'Observatoire de Nice, Les résultats obtenus
trouvent une vérification précieuse en comparant les
opérations faites successivement à Nice et à l’Ile-
Rousse par un même observateur, avec celles effec-
tuées par M. Driencourt, en même temps, à Ajaccio.
Différence de longitude Ajaccio-Paris : 25"33s8. —
M. Brioschi s’est proposé de résoudre la question sui-
vante : Quelles sont les propriétés et les valeurs des
covariants et des invariants de f (x) dans le cas où un
nombre » de racines de l’équation f (x) = 0 sont égales.
Les deux théorèmes suivants répondent à la question :
Un covariant quelconque de f (x), covariant de l’ordre
m et du degré p, peut s'exprimer en fonction entière
et rationnelle de covariants et d’invariants de 9 (y),
fonction de l’ordre m + rp et du degré p. Un invariant
quelconque de f (x), invariant du degré p, peut s’ex-
primer en fonction entière et rationnelle de covariants
et d'invariants de + (y) de l’ordre rp et du degré p. —
M. le général A. de Tillo présente la carte hypsomé-
trique de la partie occidentale de la Russie d'Europe et
des régions limitrophes de l'Allemagne, de l'Autriche-
Hongrie et de la Roumanie.
2° SCIENCES PHYSIQUES, — M. Alfred Angot pense que
la double oscillation de l'humidité relative, à Athènes,
signalée par M. Eginitis, est un phénomène intéressant,
mais qui parait se rattacher directement à l'influence
des brises de mer. L’explication complète du phéno-
mène exigerait la jonction des courbes de la tempéra-
ture et de la direction du vent à celle de Ia variation
diurne de l'humidité. — M. Mettetal donne la descrip-
tion d’un phénomène électrique observé à Grenoble le
20 Octobre. — M, Félix Mignet adresse une note rela-
live à la désinfection des meubles et des vêtements par
l'emploi de la benzine pure. — M. Armand Gautier
présente le second volume de son Cours de Chimie.
Cette deuxième édition contient une description mé-
thodique de l’ensemble des corps organiques, de leurs
rapports et de leurs réactions, la stéréochimie, ete. —
M. Marqfoy établit la loi suivante : Les équivalents
actuels de la chimie sont les nombres premiers com-
pris dans la sérre naturelle des nombres entiers de 1 à
300.11 donne une théorie constitutive des corps fondée
sur l’unité de la matière et introduit dans la considé-
ration des volumes l'élément porosité, La chaleur spé-
joue un rôle nutritif pour les filaments longitudi-
cifique multipliée par la densité égale la porosité, —
M. Raoul Varet a complété la thermochimie du groupe.
des cyanures métalliques en étudiant les cyanures de
lithium, de magnésium, de cuivre. L'auteur conclut de.
cette étude des renversements d’affinité curieux des.
acides chlorhydrique, bromhydrique et iodhydrique,
vis-à-vis l'oxyde cuivreux, renversements d’affinité que
l'expérience vérifie en tous points. — M. Louis Henry,
à propos de la note récente de M. Lebeau sur le car-
bure de glucinium, fait remarquer que l’analogie entre.
les propriétés des carbures d'aluminium et de gluci-
nium n'entraine pas leur analogie de composition, Le.
glucinium bivalent à pour poids atomique un nombre
voisin de 9, comme le montrent la densité de vapeur du
chlorure de glucinium et la composition du dérivé.
glucinique de l’acétylacétone. — M. P. Lebeau donne
la composition de l’émeraude et expose la méthode ,
employée pour l'analyse ; l’auteur a découvert quelques
éléments qui n'avaient pas encore été signalés dans
lémeraude de Limoges, notamment le manganèse,
l'acide phosphorique, l'acide titanique et le fluor
libre, — M. Th. Schlæsing fils a déterminé la propor:
tion d'argon contenue dans l'atmosphère à diverses
hauteurs et dans des lieux différents; son taux ne.
change que d’une manière à peu près insensible à
l'analyse. 1400 volumes d’air contiennent 0.941 d’argon.
Les gaz extraits du sol sont un peu plus pauvres en
argon. L'auteur a vérifié incidemment que le cuivre,
l'oxyde de cuivre, l'acier, la porcelaine, l'amiante n’ab-
sorbent pas l'argon. — M. E. Burker, en faisant réagir
l'anhydride camphorique sur le benzène en présence
du chlorure d'aluminium, a isolé un nouvel acide céto-
nique de formule C'SH20?; sa constitution se déduit
nettement de celle qui a été assignée par M. Friedel à
l'acide camphorique et fournit une nouvelle preuve de
cette dernière. s
CSH°
|
COH
CO
CH?
CH—CSH7
CH?
cH?
L'auteur expose l'étude chimique de ce nouveau com-
posé. CG. MATIGNON.
3° ScrENGES NATURELLES: — M. Marion fait hommage
à l'Académie du quatrième volume des Annales du
Musée d'Histoire naturelle de Marseille : Travaux du Labo-
ratoire de Zoologie marine. — M. Ch. Janet : L'examen
de la structure intime des fibres musculaires des Four-
mis, des Guèpes et des Abeilles a donné à l’auteur des.
résultats qui concordent avec ceux obtenus par van
Gehuchten sur d’autres Insectes. L'examen porte sur
chacune des parties constitutives de la fibre : le sarco-
lemme, gonflé par une substance de remplissage, qui
naux et les filaments rayonnants qui y baignent, —.
MM. Weiss et Dutil étudient sur le cobaye le dévelop-
pement des lerminaisons nerveuses (fuseaux muscu-
laires et plaques motrices) dans les fibres striées, et le
mode suivant lequel les fibres nerveuses entrent en
contact avec les fibres musculaires en voie de forma-
tion, Is lirentcette conclusion que les faisceaux reuro= M
musculaires sont des organes terminaux particuliers.
Is ne prennent aucune part au développement des
fibres musculaires ni de leurs plaques motrices. Ils ne
représentent nullement, comme on l'a avancé, un stade.
du développement de ces éléments anatomiques ou
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1025
une production pathologique. Ils constituent, selon
toute vraisemblance, des terminaisons nerveuses de na-
ture sensitive, qu'il convient de rapprocher des terminai-
sons tendino-musculaires de Golgi., Leur mode de déve-
- loppement et celui des fibres nerveuses qui y abou-
tissent, leur structure intime, leur persistance dans
les muscles dont l’atrophie relève d’une lésion destruc-
tive et sytématique des cellules des cornes antérieures,
paraissent plaider en faveur de cette interprétation. —
M. Woronine étend ses recherches sur la valeur biolo-
sique de la leucocytose inflammatoire, aux animaux
invertébrés. L'auteur a examiné, au Laboratoire mari-
time de Saint-Vaast-la-Hougue, la réaction des vaisseaux
- ét la leucocytose localisée chez les Perophora, dans les
lacunes du pied des Mytilus edulis. Dans ces deux
- exemples, la brûlure par l'aiguille chauffée, le nitrate
d'argent, ne laissent observer aucune réaction de vais-
seaux. La réaction des vaisseaux n’a donc pas une va-
leur biologique générale. IL en est de même de la leu-
cocytose inflammatoire localisée. Ces deux phénomènes,
actifs chez les Vertébrés seulement, sont liés aux condi-
tions particulières que présente chez eux la circulation
du sang.— M. Imhof adresse un projet de travail sur la
structure de l’épiderme des doigls.
Séance du # Norembre 1895.
M. Brouardel est nommé membre de la Commission
du Concours des Arts insalubres en remplacement de
feu M. Larrey.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. de Laigue, de Rot-
terdam, transmet une copie de l’éloge de M. Morand
par Condorcet et une lettre autographe de Con-
dorcet du 11 février 1785, accompagnant l’envoi
de cette copie à M. Morand. — M. de Freycinet
présente un ouvrage intitulé « Essais sur la philosophie
des sciences » qui contient un apercu philosophique,
en langage ordinaire, sans formule, ni figures géomé-
triques, sur l'Analyse infinitésimale et la Mécanique
rationnelle. — M. Schulhof a calculé les éléments de
la comète Swift, 1895, IL Ils diffèrent de ceux de la
comète de Lexell, mais l’origine de ces deux comètes
parait commune. — M. Michel Petrovich envisage
l’équation différentielle binôme du premier ordre :
dy\® a
(& Re U)e
|
: ;
À
d
|
où R est rationnel en #, X, y, en supposant x et X liés
par une relation algébrique G (x, X) — 0, et établit
qu'il ne peut y avoir d’intégrales uniformes et trans-
cendantes en # que si le polynôme G en x et X est de
degré 1 en X; s’il n’en est pas ainsi, toute intégrale
uniforme en æ est rationnelle, mais il peut y avoir des
intégrales uniformes et transcendantes en æ et X et
même l'intégrale générale peut être de cette nature, —
M. Manuel Vazquez Prada expose une méthode nou-
elle toute différente de celle que l’on enseigne actuel-
> lement pour extraire une racine d'indice quelconque
d'un nombre entier. Cette méthode est d’une remar-
quable simplicité, tant au point de vue théorique que
dans l'application. Elle conduit tout droit au but, en
évitant les lâtonnements qui compliquent et alour-
dissent les procédés ordinaires. — M. Bertrand de
Fontviolant donne l’expression de la charge suppor-
tée par l'arbre d’une turbine hydraulique en marche
et énonce le théorème suivant relatif à l'effet dyna-
mique de l’eau sur les aubages. A un facteur constant
rh éh S s dé MODS de dé tit st tie ol d
= ù 00 Q
près, égal à la masse liquide © débitée par se-
conde, l’effet dynamique de l’eau sur une turbine
parallèle est représenté en grandeur, direction et
sens, par la résultante de la vitesse relative (ou abso-
lue) d'entrée et d'une vitesse égale et contraire à la
vitesse relative (ou absolue) de sortie.
29 SGIENGES PHYSIQUES. — M. Coret adresse un com-
plément à sa note: «Sur unappareil hydraulique propre
à mettre en évidence le mouvement de rotation de la
terre, » — M. Deslandres montre, en en faisant l’ap-
plication à l’étoile d’Altaïr, comment l'analyse spec-
trale d’une étoile peut faire connaître, d'une part, la
lumière spéciale de son atmosphère, d'autre part le
nombre, la période et la quantité de mouvement rela-
tive des astres secondaires qui gravitent autour d'elle.
L'étoile Altair est’au moins triple. — M. Eginitis
adresse une communication sur la marche de la pluie
à Athènes, La marche annuelle présente une très
grande irrégularité et varie d’une année à l’autre dans
le rapport de 1 à #.— M. Moissan a étudié l’action du
silicium sur les métaux à haute température, Cette
action donne suivant les cas trois résultats différents :
1° Le silicium solide peut, grâce à sa tension de va-
peur, s’unir au métal solide et donner,-par une action
analogue à la cémentation, un véritable siliciure, dont
le point de fusion est moins élevé que celui du métal.
2° Le silicium liquide peut s'unir au métal fondu au
four électrique. 3° Le silicium se dissout dans le
métal liquide, ne forme pas de combinaison avec lui
ou en produit une très instable et se dépose à l'étal
cristallin au moment de la solidification de ce métal.
L'auteur décrit les propriétés des siliciures de fer et
de chrome SiFe? et SiCr?. — M. Lebeau indique plu-
sieurs modes de traitement de l'émeraude pour arriver
rapidement à la glucine pure. 1° L'émeraude chauffée
au four électrique laisse comme résidu, après quelques
minutes de chauffe, une matière fondue constituée par
un silicate plus basique que l’'émeraude et directement
attaquable par les acides. 2° Un mélange d’émeraude
et de fluorure de calcium fondus est attaqué vivement
par l'acide sulfurique avec élimination de la silice
sous forme de fluorure de silicium. — M. F. Par-
mentier a reconnu que toutes les eaux à goût bitumi-
neux, existant aux environs de Clermont, contiennent
de l’ammoniaque et même quelquefois dans des pro-
portions notables (0 gr. 0454 par litre). D’autre part
un usage prolongé de ces eaux permet d'établir que
cette ammoniaque ne produit aucun effet fâcheux ;
au contraire, la substitution de ces eaux dans un quar-
tier a amélioré l'état sanitaire de ce quartier. —
M. Manceau établit que les méthodes de dosage du
tanin dans les vins, fondées sur l’action de la géla-
tine, du perchlorure de fer, de l’acétate de zinc, ne
donnent jamais de résultats concordants, et qu’en
outre les résultats obtenus dépendent de la dilution,
de la température, de la proportion d'alcool, des acides
et des sels, L'auteur propose une nouvelle méthode
très sensible, reposant sur l'emploi combinéide la corde
à boyaux et du permanganate de potasse; elle est d’ail-
leurs d’une exécution facile qui en rend la pratique
courante. La méthode peut s'appliquer au dosage des
tanins commerciaux. — M. André Brochet à fait
agir le chlore sur l'alcool propylique normal en opé-
rant commeaveclesalcools méthylique et isobutylique ;
il a pu isoler du produit de la réaction l’oxyde de pro-
pyle dichloré dissymétrique, laldéhyde chloropro-
pionique « et le propional dipropylique chloré. L'au-
teur énonce les propriétés physiques et chimiques de
ces composés. — M. Adolphe Renard, en faisant agir
l'ozone sec sur le toluène pur, a obtenu un composé
explosif, l’ozotoluène, analogue à l'ozobenzène. C’est
un corps blanc amorphe, de formule C'H$O6, qui en fait
l’'homologue de l’ozobenzène ; ilest moins stable que ce
dernier et fait explosion dans les mêmes conditions.
Le xylène ortho donne un ozoxylène analogue. —
M. Konovaloff a étudié l’action de l'acide nitrique sur
le menthone et obtenu le nitromenthone C!0H17(A70?)0,
liquide jaunâtre dont l’odeur rappelle celle du men-
thone; sa formule de constitution serait représentée
par le schéma suivant :
C3H7
|
CAz0?
CH? Co
CH? CH?
CHCHA*
1026
M. Omelianski s’est appliqué à isoler le microbe spé-
cifique de la fermentation cellulosique en employant
le procédé de culture élective imaginé par M. Wino-
sradsky. C'est un bacille extrêmement mince et ténu,
à articles droits ou légèrement sinueux, longs de
6 à 7 p, larges de 0 & 2 à 0 3 seulement. — MM. G.
Rivière et Bailhache ont repris l’étude de la fabrica-
tion de l'alcool à partir de l’Asphodèle rameux et du
Scille maritime ; en usant des procédés de défécation
qu'ils indiquent et en employant des levures cultivées
et pures, ils ont pu modifier complètement les produits
signalés autrefois et obtenir des alcools de bon goût.
Comme ces plantes croissent abondamment, à l’état
spontané, en Algérie et en Tunisie, les résultats précé-
dents paraissent motiver l’établissement d’une industrie
nouvelle dans nos deux colonies. — M. Raoul Bouil-
hac s’est proposé de rechercher les améliorations à
apporter aux terres de bruyère de la Dordogne pour
leur mise en culture. L'auteur résume ainsi l’en-
semble de ses recherches : 1° Une analyse de terre est
incomplète sans l’analyse du sous-sol, lequel intervient
dans la nutrition minérale de la plante. 2 Les engrais
de polasse sont inutiles sur un sol pauvre en potasse:
quand le sous-sol en contient suffisamment. 3° La pré-
sence des bactéries est insuffisante à assurer la crois-
sance d’une légumineuse dans une terre où la propor-
tion d’acide phosphorique est très faible. 4° L'acide
phosphorique favorise au plus haut point le dévelop-
pement et la puissance des bactéries fixatrices de
l'azote ; il permet de transformer les terres de bruyère
en prairies de valeur. C. MariIGNon.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Bordas fait l'anatomie
de l'appareil digestif des Orthoptères de la famille des
Forficulidæ. Cet appareil est d’une grande simplicité, et
l’auteur étudie successivement chacune de ses régions,
l'intestin antérieur, moyen et postérieur. — M. Sta-
nislas Meunier essaye l’application de la méthode ex:
périmentale à l’histoire orogénique de l'Europe. On
peut imiter alors les cassures, les soulèvements, des
structures imbriquées comprenant des chevauchements
du genre de ceux des Préalpes et du Chablais. —
MM.Charrin et Gley, en poursuivant des recherches
qui durent depuis plusieurs années, sont arrivés à re-
produire expérimentalement des difformités congéni-
tales, Les malformations ne sont pas les uniques con-
séquences des antécédents pathologiques, — M, Cor-
neau adresse une note relative au mode d’incubation
et d’éclosion des œufs de vipère, J, MARTIN.
Séance du 11 Novembre 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. le Secrétaire: perpé-
tuel signale l’Album de Statistique graphique de 1894,
publié par le Ministère des Travaux publics, — M. José
Ruiz-Castizo soumet un mémoire intitulé : Le plani-
mère cartésien à évaluation tangentielle. Nouvel intégra-
teur mécanique de précision. — M. Goursat examine
les systèmes d'équations linéaires auxquelles on est
conduit quand on veut calculer la valeur des dérivées
successives du point commun à deux courbes données
quelconques, par lesquelles doitpasser l'intégrale cher-
chée d'une équation aux dérivées partielles du second
ordre :
F (x,
Vs 21 Dig Tr, 8, =;
il signale quelques résultats curieux relatifs à la dis-
cussion des équations linéaires qui déterminent les
coefficients. — M. Léon Autonne considère une subs-
litution de Cremona :
et NC IP E)
où les &. son! des coordonnées homogènes et les 4 des
formes ternaires en æ. du même degré, et démontre ce
que deviennent les deux propositions suivantes quand
on ne fait aucune hypothèse spéciale sur les allures de
let de A au pointw. [w est un point fondamental,
c
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
c'est-à-dire un point fixe de la courbe générale p
€
du réseau :
Ze gi = 0]:
1° Lorsque «w est un point pure de l,, Sans autre par-
ticularité, s fait correspondre à w non un point unique,
mais une courbe fondamentale unicursale de degré p..
2° Lorsque w est un point oil sans autre particularité
pour une courbe algébrique A, le degré de la courbe …
image de A s’abaisse de wo unités, — M. G. Floquet,
en utilisant les décompositions symboliques, étudie
une expression générale des équations différentielles
linéaires homogènes d'ordre m, dont les intégrales
sont uniformes dans tout le plan des x, sans autre sin-
gularité essentielle que le point c.
2° SGIENCES PHYSIQUES. — M, Delauney adresse un
mémoire ayant pour titre : Comparaison des races fran-
çaise, anglaise et allemande à l'aide des tables de morta-
lité. — M. Delmas adresse une note relative au poids
de l'atmosphère. — M. Moret de Montjou envoie un
mémoire intitulé : De la formalion des réflecteurs et des
réfracteurs courbes à l'aide de miroirs plans et de surfaces
planes transparentes. — M. de Bernardières expose le
plan d'étude et d'observations entrepris sous la diree-
tion du Bureau des Longitudes pour la construction de
nouvelles cartes magnétiques. Six missions sont orga-
nisées ; elles doivent, dans l’espace de deux ans, faire un
ensemble d'observations simultanées sur une surface
considérable de la Terre. — M.. A. Poincaré donne le
tableau de la distribution des pressions pendant les
mois d'été 1883 et maintient les relations frappantes
qui existent entre ces pressions et la révolution syno-
dique de la Lune, — M. F. Osmond a étudié la consti-
tution des aciers extra-durs dont la teneur en carbone
dépasse 1,30 %. L'examen microscopique de la dureté,
l’action des réactifs chimiques montre que ces aciers
sont constitués au moins par deux corps distincts sé-
parés par le carbure défini CFeÿ. L'un des deux cons-
tituants est celui qui compose à peu près exclusivement
l'acier trempé à 1 °/, de carbone; pour avoir un mé-
lange égal des deux constituants, il est nécessaire de
refroidir le plus rapidement possible à partir de 1.000°,
Un tel mélange est peu magnétique. L’examen de
M. Osmond a porté en particulier sur un fragment
de plaque de blindage obtenu par M. Demenge d’après
de, plaq age R Ê 5 P
son procédé de carburation directe de lacier à la
coulée, décrit récemment dans la Revue. — M, Vigou-
roux à préparé les siliciuresde nickel et decobalt par le
même procédé qui a permis à M. Moissan d'obtenir les
siliciures de fer, de chrome et d’argent : ce sont des
corps d'aspect métallique qui résistent aux plus hautes
températures sans se décomposer. Les formules sont
SiNi et SiCo?, — M. Dufau a préparé dans le fourélec-
trique de M, Moissan le chromite neutre de chaux cris-
tallisé, Cr? 0%, Ca O, par l’union directe du sesquioxyde
de chrome et de la chaux ; c’est un composé bien eristal-
lin et stable aux plus hautes températures; sa densité
est de 4,8 à 180; il résiste à l’action des acides les plus
énergiques. — M. Lescœur a préparé des alcoolates
en faisant agir le sodium sur l'alcool et mesuré la ten-
sion des mélanges obtenus, La variation de cette tension
avec la composition du mélange parait indiquer lexis-
tence ducomposé C? H$Na0,2C2H60, — MM.Bourquelot
et Hérissey ont repris l'étude du ferment soluble sus-
ceptible de dédoubler certains glucosides que l’on ren-
contre dans la plupart des champignons ; ils ont reconnu
que c’est la même émulsine qui paraît exister chez tous
les cham pignons et qu'il n’y à aucun argument déli-
nitif permettant d'affirmer qu'elle diffère de l’'émulsine
des amandes. — M. J, Winter a étudié, par la cryose
copie, la concentration moléculaire d'un certain nombre
de liquides de l'organisme; il a constaté la propriété
suivante fort remarquable : Le sérum sanguin et leJait
sont équimoléculaires, et leur concentration moléculaire
est la même chez les diverses espèces animales
examinées. Ce fait, de la plus haute importance, nous
Vire
a —
montre tout l'organisme en équilibre osmotique et
la vie cellulaire sous la dépendance d’un même état
limite qui se reproduit constamment, La méthode
eryoscopique devient la méthode la plus sensible pour le
contrôle de la pureté du lait, — M. Grimbert a étudié
les fermentations provoquées par le pneumo-bacille de
Friedländer, lesréactions obtenues des transformations
reconnues par Frankland : il existe donc au moins
deux pneumo-bacilles de Friedländer, morphologique-
ment semblables, mais différant entre eux par leurs
actions fermentatives. — M. Bonnet a trouvé que les
oxydes de zinc, de cuivre, de cobalt et de fer nydratés
peuvent être fixés directement par les fibres végétales
et par suite utilisés pour le mordancage direct.
CG. MariGxoN.
3° SCIENCES NATURELLES, — M. Félix Gayon fait hom-
mage à l'Académie du tome/Il de la troisième édition
de ses Lecons cliniques sur les Maladies des voies uri-
naires. —M. Leroux adresse de Tenès (Algérie) une
note sur la défense dela vigne contre le Phylloxéra. —
MM. Nivière et Hubert soumettent au jugement de
l’Académie un mémoire ayant pour titre « Contribution à
l'étude des ferments ». — M. Termier a observé des lam-
beaux de terrains cristallins d'âge probablement ter-
tiaire, dans les Alpes brianconnaises; ce sont trois
lambeaux constituant l’un la montagne de l’Eychauda,
le deuxième la montagne de Sèvre-Chevalier.J. MARTIN.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 29 Octobre 1895.
M. Le Roy de Méricourt lit le rapport de la Com-
mission du prix Barbier. — M.Prunierlitle rapport de
la Commission du prix Nativelle. — M. Paul Berger
fait un rapport sur une communication du D' Kirmis-
son relative au traitement d’un double pied plat valgus
douloureux. M. Kirmisson a pratiqué l'opération
d’Ogston sur le pied gauche et a obtenu un résultat
orthopédique et fonctionnel satisfaisant. M. Berger,
tout en reconnaissant les heureux résultats immédiats
de l'intervention chirurgicale, ne les croit pas toujours
très durables. Il pense que le traitement orthopédique
du pied plat valgus est trop négligé en France. Peut-
être y aurait-il lieu d’insister davantage sur ce traite-
ment, et de ne recourir à une autre méthode que lors-
qu'il aurait donné des résultats absolument inefficaces.
— M. À. Mossé lit un travail intitulé :
recherches sur la greffe osseuse hétéroplastique. » —
M. Galezowski fait une communication sur les atro-
phies des papilles d’origine glaucomateuse et leur
traitement par les sclérotomies répétées. — M, Halt lit
un travail sur le traitement de l’ophtalmie purulente
par les grands lavages. — M. M. Bloch lit un mé-
moire sur un procédé d’hématothérapie dans la tuber-
culose non héréditaire.
Séance du 5 Novembre 1895.
L'Académie procède à l'élection de deux correspon-
dants étrangers dans la 4° Division (Pharmacie).
MM. Nencki (de Saint-Pétersbourg) et Ludwig (de
Vienne) sont élus. — M. le D' Jonnesco (de Bucha-
rest) lit une observalion d’abcès par congestion àtriple
poche (deux poches fessières, une poche pré-sacrée)
avec mal de Pott dorso-lombaire, Il pratiqua l'incision
et le raclage des poches fessières, puis la trépanation
du sacrum et le raclage de Ja poche pré-sacrée et ob-
tint la guérison du malade. — M. le Dr Viard lit une
contribution à l'étude de l’ostéomyélite et de sescauses.
— Le reste de la séance est consacré à la lecture des
rapports sur les prix décernés par l’Académie.
Séance du 12 Novembre 1895.
M. Laborde présente à l’Académie un nouveau
marteau percuteur du D E. Toulouse, desliné à pro-
duire le réflexe patellaire ou autre dans les maladies
nerveuses. — M. J.Rochard présente un rapport sur
un mémoire du D' Fontan relatif à la méthode du cu-
« Nouvelles |
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1027
rettage dans le traitement des grands abcès du foie. Ce
procédé, qui est un perfectionnement important de la
méthode de Little, a donné 86 °/,de succès, proportion
inconnue jusqu’à présent. — M. Blache lit un rapport
sur la cure d’air dans le {raitement de la tuberculose
à l'Hôpital d'Ormesson,
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 26 Octobre 1895.
MM. Charrin et Nobécourt citent un grand nombre
d'exemples montrant que, chez les rejetons issus de
mères malades, la croissance s’effectue beaucoup moins
vite que dans les cas normaux. — M. Féré a constaté
que certaines substances toxiques, employées à faible
dose, donnent aux couvées une suractivité réelle, —
M. Marinesco relate l'observation d’un diabétique pré-
sentant le syndrome de Weber (ptosis de la paupière
gauche et paralysie complète du moteur oculaire com-
mun avec hémiparésie gauche). — M. Rénon cite deux
cas de tuberculose aspergillaire chez des peigneurs de
cheveux. L’aspergillus provenait de la farine de seigle
dont ils se servent dans leur métier et dont la pous-
sière flotte constamment autour d’eux. — M. Mossé a
observé un cas d’acromégalie avec tumeur de la pitui-
laire et hypertrophie du corps thyroïde et du thymus.
— M. Claisse présente des pièces de dilatation bron-
chique expérimentale obtenues chez le lapin au moyen
d’un nouveau procédé. — M. Onimus décrit un procédé
pour démontrer la pénétration de la lumière dans les
tissus vivants. — M. Pillet communique le résultat de
ses recherches sur l’anatomie pathologique de la rate
mobile. — M. Chassevant a reconnu que la benzine
ne détruit pas les micro-organismes, mais les empêche
de se développer dans les milieux fermentescibles. —
M. Laguesse étudie le développement du pancréas
chez les Mammifères. — M. Arthus indique un nou-
veau procédé pour obtenir rapidement de beaux cris-
taux d’hémoglobine. — M. le D° Garnault cite un cas
d'hémorrhagie post-opératoire réflexe de la caisse du
tympan chez le pigeon.
Séance du 2 Novembre 1895.
M. Lapicque montre que le fer introduit dans lor-
ganisme par la voie veineuse ne s’élimine qu'en petite
quantité par les reins, et que la plus grande partie
s'élimine par l'intestin. — M. Pillet a constaté, dans
dans le foie et dans l'intestin, des zones d'activité
fonctionnelle différente se traduisant par des diffé-
rences de sécrétion des glandes. — M. Marchaux a
recherché l'existence d’un sérum anti-charbonneux : le
sérum de lapin a seulement des propriétés préventives ;
le sérum de mouton a également des propriétés cura-
tives, à condition qu'il ne soit pas employé trop tard.
— M. Pierre Bonnier présente quelques observations
sur le signe de Romberg, le sens musculaireet le sens
des attitudes d'équilibre.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 8 Novembre 1895.
M. Freundler a dédoublé, par les sels de strychnine,
l'acide dioxystéarique correspondant à l'acide oléique.
Le sel de l'acide gauche est beaucoup moins soluble
dans l'alcool que le sel de l'acide droit. Il a étudié
aussi le pouvoir rotatoire de ces acides en solution. Ce
pouvoir esttrès faible: [x], = -+ 2,1.M. Freundler a éga-
lement étendu aux chloracétyltartrates et aux dichlo-
racétyltartrates les études sur les variations du pou-
voir rotatoire qu'il avait commencées sur les éthers
tartriques. Il a pu constater que la présence du chlore
dans la molécule faisait naître de nombreuses anoma-
lies dans les variations de [a]... —M. Moureu a étudié
quelques dérivés de la série de l’eugénol. On donnait
jusqu'ici à ce corps la formule d’un allylgaïacol sans
preuves synthétiques à l'appui de cette manière de
1028
voir, Par l’action de l’iodure d’allyle sur le vératrol,
en présence de poudre de zinc, M. Moureu à réalisé la
synthèse de l’éther méthylique de l’eugénol :
,CH?—CH=CH? (1)
CHiZOCHS (3)
NOCHS (4)
Cette synthèse démontre bien la nature allylique et
non propénylique de la double liaison. — M, Urbain
a étudié les produits de condensation de laldéhyde
isobutylique. Il effectue cette condensation en trai-
tant cette aldéhyde par son poids d'une dissolution
alcoolique de soude à 5 %. Si l’on élimine l'alcool au
bain-marie et la soude par des lavages successifs, on
obtient les produits qu'aobtenus M. Fossek, en traitant
l'aldéhyde isobutylique par l'acétate de soude en tubes
scellés. L'auteur s'est proposé d'établir la constitution
de ces composés. Le corps répondant à la formule
CSH!:0 ne s'obtient qu’en très petite quantité. IL bout
à 440°, Son oxydation facile à l'air doit le faire consi-
dérer comme le triméthylpenténal :
CHS
CH?
\ ec —CH0
CH” |
CH
Le corps répondant à la formule C* H15 0? (diisobu-
tyraldéhyde de Fossek) bout à 1250-130°, sous 14 milli-
mètres: traité par le chlorure d'acétyle, il donne un
éther monoacétique bouillant à 230-235°, ce qui met
en évidence sa nature alcoolique, Ses propriétés réduc-
trices et son aptitude à se combiner aux bisulfites alca-
lins doivent le faire considérer comme une aldéhyde
ou une acétone, Ii estinaltérable à l'air et fournit par
oxydation de l'acide isobutyrique. Traité par le sodium
en solution éthérée, il donne le glycol obtenu par Fos-
sek en traitant l’aldéhyde isobutylique par des solu-
tions concentrées de potasse. Ge glycol ayant la cons-
titution suivante :
‘He CH
CE CH-cHOH-CHOH—CH£ ,
CH5/ NCH3
il résulte de cette dernière réaction et des précédentes
que la diisobutyraldéhyde de Fossek est la diméthyl-
hexanolone :
HE
CH \
CH
On obtient également danscette réaction un corps eris-
tallisé bouillant vers 180°, sous 1% millimètres. Ge
corps n'a pas encore été étudié. L'auteur à montré, de
plus, que l’on obtient des produits différents en modi-
fiant le traitement de la manière suivante : on traite
l’aldéhyde par la même dissolution sodique, mais on
élimine la soudepar un courant d'acide carbonique et
on chasse ensuite l'alcool, On obtient ainsi, outre les
produits décrits précédemment, un corps bouillant à 95°
sous 14 millimètres. Isomère de la diméthylhexanolone,
ce corps doit être considéré comme le triméthylpenta-
nolal :
CES
CH—CO—CHOH—CH ;
NC
CH
CH |
NCH—CHOH—C—CHO
CH5”
CH3
11 s’altère rapidement à l’air et est décomposé par la
moindre élévation de température en présence d’alca-
lis. Son éther acétique bout à 2100. Il donne par réduc-
tion le triméthylpentanediol : ne
CH: |
N CH—CHOH - C—CH? 0H
CH3/
CH
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
EE ———.". ———"—"— OU NS ;
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES F0
dont la diacétine bout à 410-115° sous 14 millimètres.
— M. Wyrouboff a décrit, il y a quelque temps, les.
tartrates neutres de rubidium, doués du pouvoir rota-.
toire à l’état solide et en solution. Il à constaté de plus
que les rotations sous ces deux états sont de sens in-
verse. Il fait ressortir les difficultés que l’on éprouve si
l’on veut faire cadrer ces faits avecles théories ac-
tuelles et la contradiction qu'il relève dans un travail.
de M. Traube. Ce dernier, après avoir formellement
déclaré que le sens de la rotation devait nécessairement
ètre Le même que celui de la solution, trouve mainte-
naut que cette particularité du tartrate de rubidium n’a
rien d'extraordinaire : le sens de la rotation changeant
très souvent pour un même corps avec le dissolvant,
avec la nature des substilutions et Pétat d'agrégation.
E. Cuanon.
ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE
Séance du 10 Octobre 1895. 7 L
Le président annonce le décès de MM. Louis Pas-
teur de Paris, membre d'honneur étranger ; Moriz
Willkomm de Prague, correspondant, et Sven Ludwig
Loven de Stockholm; il résume les travaux de ces sa-
vants, — M. Grobben de Vienne est élu membre ordi-
naire, M. Wirtinger d'Innsbrück est nommé corres-
pondant, et MM. Berthelot de Paris et Engelmann
d'Utrecht sont élus correspondants étrangers.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ernest Blaschke :
Etudes de cinématique. — M. C. Paschl : Sur le pro-
blème de la théorie de la chaleur.
20 SGiENCES PHYSIQUES. — M. Albert v. Obermayer : -
Action du vent sur les surfaces faiblement arrondies.
— M. Georg Gregor : Action de l’iodure d'éthyle sur
le B-résorcylate de potassium. En solution alcoolique,
il se forme l’acide monéthyl 6-résorcylique, qui paraît
dériver non de la forme bitertiaire de la résorcine,
mais de la forme secondaire-tertiaire, — MM. Guido
Goldschmiedt et Franz Schrawhofer : Hydrazone de …
la phlorone et ses produits de substitutions. Les au-
teurs étudient l'influence de Ja position et de la na-
ture des groupements substitués pour la formation des
hydrazones. Les dérivés chlorés, bromés, iodés, nitrés
donnent facilementdeshydrazones.—M.CarlBrunner:
Nouvelle base obtenue à partir de l’isobutylidenhy- …
drazine. Au lieu du diméthylindol, l’auteur obtint un
composé borique C!0H'1A7 dont il donne les propriétés.
— M. Robert Hirsch : Sur l'aldoxime papavérique.Ce
composé se présente sous deux modifications stéréo-
isomères fournissant des chlorhydrates bien distincts.
— M. Max Baczewski : Recherches chimiques sur la
semence de Nephelium lappaceum et sur les matières
grasses qui y sont contenues; l’auteur donne la com-
posilion quantitative et qualitative des produits chi-
miques isolés. — M, Carl Glücksmann : Formation
de la pinacoline de l’isobutyrate de calcium. La pina-
coline signalée par Barbaglia et Gucei ne se forme pas
dans la distillation du sel précédent, mais bien une
acétone isomérique avec elle. 4
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Steindachner: Les pois-
sons d’eau douce dans la presqu'ile des Balkans, —
M. Sibenrock : Le squelelte de l'Agamidæ. — M. Zic-
Kkal : Recherches morphologiques et biologiques sur
les lichens. — M. Franz Roula : Etudes géologiques
dans l’est des Balkans et conclusions de. l’ensemble
des recherches effectuées par l’auteur dans cette ré-
gion. —M. Czapek : Recherches sur la direction suivie .
par les diverses parties des plantes à organes plagio-
tropes.
Séance du 17 Octobre 1895.
1° SCIENCES NATURELLES. — M. Alfred Nalepa : Nou-
veaux microphthires de la bile (12 communication). —
M. v. Ebner : Anatomie de la corde dorsale de
l’'Amphioæus lanceolatus.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER
15 DÉCEMBRE 1893
REVUE GÉNÉRALE
JES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
SOUSCRIPTION INTERNATIONALE POUR ÉRIGER, À PARIS, UN MONUMENT
A L. PASTEUR — HOMMAGE A LA MÉMOIRE DE LOBATSCHEVSKY
La Revue exprimait récemment le vœu qu'une
statue de L. Pasteur fût érigée en plein Paris, « pour
rappeler aux foules occupées de leurs affaires
ou de leurs plaisirs la vie laborieuse du grand sa-
vant passionné de science et d'humanité ». Ce vœu
vient de recevoir uncommencement de réalisalion.
Le Présidentet les membres du Conseil del'Instilut
Pasteur ont réuni, mercredi dernier, un Comité
composé de savants, d'écrivains, d'artistes et de
quelques hommes poliliques. pour élever à Paris.
par voie de souscription tarternationale, un monu-
ment à la mémoire de Pasteur.
Le Conseil a jugéavec raison que la souscriplion
devait être internationale, afin de permettre à tous
les peuples d'exprimer leur reconnaissance à
l’homme dont les travaux ont rendu tant de ser-
vices à l'humanité.
La Revue tiendra ses lecteurs au courant des
mesures prises pour assurer le fonctionnement de la
souscription. Dès à présentles engagements de ver-
sements peuvent être adressés à l'Institut Pasteur.
En vue de perpétuer le souvenir du grand réno-
vateur de la Géométrie, Lobatschevsky, un Comité,
composé des plus éminents mathémaliciens du
monde entier, se forma en 1893 à Kazan et ouvril
à cel effet une souscription. Le Comité vient de
publier son rapport, duquel nous extrayons les
renseignements suivants :
La somme aujourd'hui disponible s'élève à
8.840 roubles (un peu plus de 35.000 francs). L'im-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895,
portance de celte somme a conduit le Comité à
adopter le double projet suivant : {1° fondation d'un
prix international pour les travaux géométriques
(spécialement ceux qui se rapportent à la Géomé-
trie non Euclidienne); 2 érection d'une statue à
Lobatschevsky.
Le prix, qui consiste en une somme de 500 roubles
(environ 2.000 francs), sera décerné tous les
trois ans au meilleur Mémoire ou Ouvrage sur la
Géométrie. Les mémoires devront être écrils en
russe, français, allemand, anglais, ilalien ou
latin, ét adressés à la Société Physico-Mathéma-
tique de Kazan, une année au moins avant la col-
lation du prix. Le premier prix sera décerné le
22 Octobre (3 Novembre) 1897,
La seconde partie de la souscription sera affec-
tée à l'érection de deux statues à Lobatschevsky,
l’une devant l'Universilé de Kazan, l’autre à l'inté-
rieur de la même Université. La première stalue.
avec son piédeslal, coûtera 3.000 roubles, dont
2.000 pris sur les fonds de la souscriplion et 1.000
fournis par le Conseil municipal de la ville de
Kazan. Les frais de la seconde stalue seront sup-
portés en partie par les Professeurs de l’Universilé
de Kazan.
Tousles Ouvrages et Mémoires se rapportant à
Lobatschevsky et à sa Géométrie, y compris le
œuvres imprimées et manuscrites du grand géo-
mètre lui-même, seront réunis en une collection
séparée, qui portera le nom de « Bibliotheca Lo-
batschevskiana ».
23
1030
A, CORNU — RÉPONSE A « LA DÉROUTE DE L’ATOMISME CONTEMPORAIN À
LE MONDE MÉCANIQUE ET LE MONDE ÉNERGÉTIQUE
de la Stéréochimie, que la Revue a également.
exposées, — ne sauraient aller sans provoquer …
d'ardentes controverses. Suscilant la sympathie .
Nous publions ci-après deux réponses à un ré-
cent arlicle de M. W. Ostwald!. Le titre de cet
article, tel que l’éminent savant l'avait libellé en
allemand, était : Die Überwindung des wissenschaft-
lichen Materialismus. Comme la traduction litté-
rale n'eût pas exprimé le sens de ces mots, nous
avons essayé d'en indiquer l’idée par celte rubrique:
« La Déroute del Alomisme contemporain ®.» M.Oslwald
combat, en effet, dans cet article la théorie classique
de la matière, et en soutient une autre qui, sous le
nom d'Énergétique, attire depuis quelques années
l’altention des physiciens et des chimistes. La Æevue
a eu soin de tenir ses lecteurs au courant des dis-
cussions soulevées à ce sujet, el plusieurs savants,
MM. G. Charpy, A. Étard, H. Le Chätelier, Ph.
A. Guye, etc., ont signalé ici même l'impor-
lance des doctrines du hardi novateur. Ces doc-
trines, — pas plus que les théories, tout contraires,
des uns, l’indignation des autres, la curiosité de
tous, elles s'imposent aujourd'hui à l'examen, et
il est naturel qu’en ces difficiles problèmes, aux-
quels personne ne peut se flatter d'apporter une
solution globale ec définilive, la critique s'exerce
sous toutes les formes, suivant les tendances
scientifiques et le tempérament de chacun. Cette
diversité d'appréciation apparait jusque chez des
esprits formés aux mêmes disciplines, et souligne
l'inlérét des réponses suivantes faites, à deux
points de vue un peu différents, par M. A. Cornu
et M. Brillouin aux récentes affirmations du célèbre
professeur de Leipzig.
(LA DIRECTION.)
QUELQUES MOTS DE RÉPONSE
A « LA DÉROUTE DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN »
En lisant dans la Revue, àla première place, sous la
signature d'un professeur d'Université allemande,
M. Ostwald, la Déroute del Atomisme contemporain, j'ai
éprouvé un sentiment pénible : ce sentiment sera
partagé, j'en suis sûr, par tous les lecteurs qui pen-
sent que l'œuvre scientifique léguée par les plus
grands génies dont la science s’honore est chose res-
pectable, et ne mérile à aucun titre le persiflage
arrogant dont ce prétentieux article estassaisonné.
Qu'un feuilletoniste irresponsable choisisse un
litre baroque et fasse le bel esprit sur des sujets
respectés, c'est affaire sans conséquence : mais,
qu'un homme de science, ayant charge d’âmes,
écrive dans une Revue sérieuse un article tapa-
geur, pour railler des notions claires et fécondes
au profit d'aspiralions vagues ou banales, c’est, à
mon avis, un acte regrettable el peu digne d'un
vérilable savant. Le public, confiant à juste titre
dans le jugement des collaborateurs de la Revue,
n'a, d'ordinaire, nile Lemps ni les moyens de con-
trôler les opinions qu'on lui présente ; il risquera
donc d'accueillir comme démontrées les affirma-
tions erronées ou les insinuations railleuses accu-
mulées par l'auteur pour prouver la prétendue
« déroule ». Après cette lecture, le public ne
gardera dans l'esprit que le doute et le ridicule
1 Voyez la Revue du 15 Novembre 1895.
? M. Ostwald, qui n’a pu corriger les épreuves de la traduc-
tion française,nous a écrit, après l'apparition de son article, qu’il
jetés sur la valeur des efforts dépensés depuis
trois siècles pour ramener l'explication des phé-
nomèênes nalurels aux lois de la Mécanique. Or,
c'est précisément le sentiment inverse qu'il fau-
drait inspirer au lecteur, un sentiment d’admira-
lion respectueuse pour les résultats obtenus depuis
Galilée, dans cette voie, par Descartes, Huygens,
Newton, Euler, Laplace, Fresnel, Gauss, von
Helmholtz. Bien loin d'être « une erreur pure et
simple », comme le prétend l’auteur de la
« Déroute », bien loin d’être stérile, la conception
cartésienne est, au contraire, en pleine floraison :
chaque jour voit disparaitre un des agents physi-
ques, une de ces entilés provisoires créées pour
résumer les faits : le Son, la Lumière, la Chaleur,
l'Électricité et le Magnétisme viennent se ranger
peu à peu dans le domaine soumis aux axiomes
de la Mécanique rationnelle : bien plus, dans
chaque branche de science en voie de formation,
c’est par la proportion des faits représentés par
les conceptions mécaniques qu'on mesure le
degré d'avancement et la marche du progrès. Que
signifie alors l'affirmation suivante (p. 955) :
«C'est une entreprise vaine, qui a piteusement échoué
devant toute expérience sérieuse, de vouloir rendre
comple, par la Mécanique, de tous les phénomènes
connus, »
Où donc M. le P' Ostwald a-t-il vu tant d'échecs
piteux? Est-ce dans la Mécanique céleste, dans la
eût préféré pour titre: «La Réforme de la Physique générale». À théorie du Son ou de la Lumière, dans la Thermo-
PE PTS PE NU OO RE DV IT ON SPP ET NI NUE CN I VRP TUE
Fe PE |
6
dynamique? Toutefois, la démonstration a dû lui
paraître insuffisante, car il s’est cru obligé de la
reprendre par des arguments mathématiques :
«Dans toutes les équations mécaniques, lesigne de la
4
1
Fa variable représentant le temps peut changer ; en
… d’autres termes, les phénomènes de la Mécanique ra-
tionnelle peuvent suivre le cours du temps où le re-
—. monter. Dans le monde de la Mécanique rationnelle,
n il n'y ani passé ni avenir, au même sens que dans le
nôtre : l’arbre peut redevenir rejeton et graine; le pa-
pillon, chenille; le vieillard, enfant. Pourquoi ces faits
ne se produisent-ils pas dans la réalité ? La théorie
mécanique ne l’explique pas; et, en vertu même des
_ propriétés des équations, elle ne peut l'expliquer. Le
fait que, dans la nature réelle, les phénomènes ne sont
- pas réversibles, condamne ainsi sans appel le matéria-
lisme physique. »
Une condamnation « sans appel » ! Quel langage
de polémiste aux abois! Mais ce qui touche au
grotesque, c’est la désinvolture avec laquelle l’au-
teur traite la théorie ondulatoire :
.… «Pourtant, les jours de la théorie des ondulations
étaient aussi comptés : à notre époque, cette théorie a
été enterrée sans bruit pour faire place à la théorie
électromagnétique. Faisons l’autopsie de son cadavre :
la cause de la mort nous apparaïtra évidente : elle a
péri par ses parties mécaniques... Pour épargner pa-
zeil sort à la théorie électromagnétique, actuellement
adoptée, l’immortel Hertz, auquel elle doit tant,
renonce expressément à y voir autre chose qu'un sys-
tème de six équations différentielles. »
Ce badinage est d’un goût exquis : la conclusion
se chante sur l’air de Marlborough :
La théorie des ondes est morte,
Est morte et enterrée;
J’lai vu porter en terre
Par quatre-z-équations.
Ainsi, d'après M. Ostwald, il ne reste rien de
l’œuvre de Fresnel, de cette admirable théorie des
ondes lumineuses dont l’influence a été si étendue
et si féconde depuis trois quarts de siècle :
voilà ce que retiendront certainement les lec-
teurs de la Revue. Ils se diront que cette théorie
devait être bien médiocre pour que la théorie
électromagnétique l'ait « enterrée sans bruit »;
ils se diront encore que la théorie électromagné-
tique git également au cercueil, puisque l’immortel
Hertz l’a réduite au squelette de six équations
différentielles; mais alors, — ce que n’a pas osé
avouer M. Ostwald, — l’immortalité de Hertz est
bien compromise, car son vrai titre de gloire est
d’avoir ramené, par une expérience célèbre, l'in-
duction électrique dans l’espace aux ondulalions à
vibrations transversales et d’avoir montré qu'elle
se propage par le même mécanisme et avec la
même vitesse que la lumière. Tout cela ne serait-il,
comme le veut l’auteur de la « Déroute », qu'un
fantôme évanoui dans les ombres de la mort? Heu-
reusement pour Hertz, pour Maxwell, qui a eu le
premier l'idée de cette belle synthèse électro-
optique, heureusement pour Fresnel et pour l’hon
A. CORNU — RÉPONSE A « LA DÉROUTE DE L'ATOMISME CONTEMPORAIN »
1031
neur de notre siècle, il n’en est rien. La théorie
ondulatoire moderne est bien. vivante, car elle
réside tout entière dans ces deux faits : propaga-
tion par ondes des ébranlements lumineux ouélec-
triques ; transversalilé du vecteur qui représente
dans les moindres détails les phénomènes si déli-
cats de l’Optique ainsi que l'induction dans l’espace.
Peut-on nier que celte représentation, qui em-
brasse des phénomènes si nombreux et si divers,
ne soit pas essentiellement mécanique? Et alors,
que pensera le lecteur en relisant la phrase :
« C’est une entreprise vaine qui a piteusement échoué
devant toute expérience sérieuse, de vouloir rendre
compte par la Mécanique de tous les phénomènes phy-
siques connus, »
Évidemment fous les phénomènes physiques ne
sont pas encore expliqués; mais la marche de la
science, depuis un siècle surtout, est assez rapide
pour qu'on soit en droit d'espérer des généra-
lisations de plus en plus étendues. Le grand
obstacle auquel on vient se heurter au fond de
toutes les théories est l'ignorance où nous sommes
de la structure intime des corps pondérables et du
milieu impondérable existant jusque dans le vide.
Dans quelle mesure la connaissance exacte de cette
constitution est-elle nécessaire pour expliquer
mécaniquement les phénomènes physiques? C'est
là le grand problème : pourquoi désespérer de le
résoudre et le déclarer absurde à priori? Comme les
géomètres, les physiciens y travaillent avec ardeur,
chacun avec ses moyens propres; bien des résul-
tats partiels sont déjà acquis et toujours dans le
sens d’une réduction aux lois ordinaires de la
Mécanique. Et, si l’on doit s'élonner d'une chose,
c'est de voir la Mécanique rationnelle, avec des
éléments si restreints et si simples, — points ma-
tériels et aclions réciproques, — arriver à rendre
un compte si fidèle de tant de phénomènes divers
et compliqués.
J'aurais bien d’autres critiques à adresser à l'ar-
ticle de M. Ostwald; je me suis borné au point
essentiel : ayant eu à traiter, quelques semaines
auparavant. des questions de même genre ! dans
un esprit diamétralement opposé, j'ai peut-être
été, plus qu'un autre, blessé par la lecture de la
« Déroute » : aussi n’ai-je pas pu m'empêcher de
protester de toutes mes forces contre la négation
railleuse des principes qui, depuis trois siècles, ont
donné tant de preuves de leur fécondité et dans
lesquels, naguère encore, Green, Cauchy, Gauss et
von Hemholtz puisaient leurs plus remarquables
inspiralions. A. Cornu,
Vice-Président de l’Académie des Sciences
1 Notices de Ann. du Bur. des Longit.(1896) swr Les forces à
distance et lesondulatiens, etles travaux de Fresnelen Optique.
1032
M. BRILLOUIN — POUR LA MATIÈRE
POUR LA
C'est un sujet d'étonnement perpétuel, que cette
inévitable oscillation de l'esprit humain entre des
opinions extrêmes, dont les dernières années nous
fournissent un nouvel exemple. — Après la ban-
queroule de la Science, la déroute de l’Atomisme !!
Titres à effet, qui exagèrent certainement, sinon
la pensée des auteurs, au moins la part de vérité
qu'elle contient. Il y a quelque quinze ans. alors
que les théories aujourd'hui en vogue, n'avaient
pas conquis la faveur publique, je crois avoir pré-
muni quelques généralions de jeunes gens, dans
la mesure de mon aclion comme professeur, contre
les excès de représentation matérielle auxquelles
on se livrait souvent, en électricité surtout; je
crois qu'il est temps maintenant de réclamer
un peu pour celle pauvre malière que nous ne
connaissons que par ses qualités, je le veux
bien, mais dont nous ne connaitrions guëre les
qualités si elle n'existait pas. Et, après tout,
que connaitrions-nous donc, si nous ne nous per-
meltions pas de conclure des qualités, et, en par-
ticulier, de celles qui se révèlent par des formes
variées de l’énergie, à une substance qui possède
ces qualités? Et n'est-il pas aussi utile pour la
clarté et la brièveté du langage, que pour la net-
telé des conceptions, d'accorder quelque crédit à
l'existence de cette matière?
Dans l’état actuel de la science chimique, il y a
encore des corps simples irréductibles les uns aux
autres; il y en a même beaucoup. C'est à cette
notion expérimentale que répond l'idée que, dans
l'oxyde de fer, l'oxygène et le fer existent côte à
côte. On peut bien glisser, el n'en point parler;
mais, dès qu'on en parle, dès qu’on se rappelle
que lous les procédés employés pour décomposer
l'oxyde de fer ne font pas retrouver autre chose
que de l'oxygène et du fer, je ne crois pas qu’on
puisse se soustraire à la conviction que l'oxygène
ét le fer y sont restés distincts. Il n'y a pas tant
d'années que celle idée est conquise, et que la
transmulation des métaux est devenue chimé-
rique. C'est une loi d'expérience que la conserva-
lion de la matiére, et elle est plus vaste que celle de
la conservation de lu masse. — Ce n’est pas seulement
la masse totale de l'oxyde de fer qui est égale à la
somme des masses de l'oxygène et du fer; c’est
individuellement la masse de l'oxygène qu’on en
peut extraire, ainsi que celle du fer, qui sont cha-
1 Voyez l’article de M. Ostwald dans la Revue du 15 no-
vembre dernier, t, VI, page 953 et suiv.
MATIÈRE
cune invariables. D'ailleurs, les propriétés de cha-
cune des matières consliluantes ne disparaissent
pas si complètement que M. Ostwald le déclare
aujourd'hui pour les besoins de la cause, Il suffit
d'ouvrir important traité de l'éminent professeur
de Leipzig, pour y trouver, réunies et décrites,
toute une série de propriétés physiques des com-
posés, que lui-même a baptisées additives, parce
que le nombre qui les mesure dans le composé
est la somme des nombres correspondants pour
les constituants. Ces propriétés se sont conservées
dans la combinaison. On à raison de parler de la
conservation de la #utière.
Nous en pouvons et devons parler au même
litre que de la conservation des facteurs premiers
d'un nombre entier. De même la monnaie, billon,
argent, or, introduite dans une tire-lire, se con-
serve non seulement au total, comme à la caisse
d'épargne, mais en détail.
La notion d'une matière inaltérable en soi, est
bien une conquête de l'expérience, et si récente
que nous n'avons pas encore le droit d’en faire fi
et de la noyer dans la notion incomplète de con-
servalion de la masse.
IT
N'est-ce pas aussi une bien rapide exécution que
celle de la théorie mécanique des ondulations : et,
pour quelques diflicultés qu'on y rencontre, faut-
il la sacrifier sans regret? Ce serait à croire que la
théorie électromagnétique de la lumière s'établit
sans difficultés ni hypothèses; ceux qui en con-
naissent autre chose que la fin, ne seront peut-être
pas de cet avis, et serappelleront peut-être combien
le commencement el les étapes d'intermédiaires
prêtent à la discussion. — Aux yeux de beaucoup
de gens, la gloire de Hertz ne serait pas immor-
telle, tant s’en faut, s’il n'avait à son aclif que
« d'avoir renoncé à voir dans la théorie électro-
« magnélique autre chose qu'un système de six
« équations différentielles ». Heureusement pour
lui, il avait fait autre chose auparavant, et fort
heureusement aussi Maxwell lui en avait fourni
l’occasion par une audacieuse interprétation d'é-
quations hypolhéliques.
Et puis, vraiment, le bon billet qu'a La Châtre!
Parce que nous parlons d'équations différen-
Lielles, la question de stabilité est-elle supprimée ?
ou résolue? Est-ce que l’idée de stabilité est
si exclusivement mécanique, qu'il suflira de dire :
« Nos équalions différentielles ne se rapportent
« plus à un phénomène mécanique ; il n’y a plus à
= oui as ace
a LR à
hé
:
M. BRILLOUIN — POUR LA MATIÈRE
1033
s'occuper de stabilité »? Est-ce une de ces idées
superflues, introduites par.la représentation mé-
canique, ou une idée fondamentale, liée aux phé-
nomènes eux-mêmes? N'est-ce pas, au contraire,
sur cette diflicile question de la stabilité en géné-
ral que portent les principaux efforts de tout un
groupe de physiciens, qui combattent d'ailleurs
souvent du même côté que fait M. Ostwald
aujourd'hui, et parmi lesquels je tiens à citer
M. Duhem à cause de sa connaissance appro-
fondie des sujets qu'il ne dédaigne pas de vulga-
riser, et de sa haute conception de la connaissance
scientifique ? É
III
J'aurais bien envie de partir encore en bataille
pour les théories cinétiques ; quand on fait l’« au-
topsie » de la théorie des ondulations et qu'on la
remplace par la théorie électromagnétique de la
lumière, comme plus cohérenteet mieux enchainée,
on ne saurait tenir rigueur à la théorie cinétique
des incontestables difficultés qu’elle soulève.
Bien au contraire, on doit admirer quel merveil-
leux parti Clausius a su tirer d’une notion unique,
— inévitable conséquence de la diffusion spon-
tanée des gaz malgré la pesanteur — celle du
mouvement propre des parties constituantes du
gaz. Je ne crois pas qu'aucune idée simple se soil
montrée si féconde, et ait permis, parson dévelop-
pement logique, de rattacher l'une à l’autre tant
de propriétés distinetes, depuis la loi de compres-
sibilité au repos, jusqu’à la loi du frottement
interne dans les mouvements lents, et, même, par
une représentation mécanique des phénomènes
thermiques, depuis la loi de dilatation jusqu'aux
lois de conductibilité.
EN:
Mais voilà la grande question : cette image,
cette représentation du monde, avons-nous le droit
de nous en occuper? « On n’a besoin d'aucune
« image, d'aucun symbole. Ce n’est pas notre
«affaire de voir le monde plus ou moins déformé
« dans un miroir courbe; il faut le voir directe-
« ment, autant que le permettent nos forces
« intellectuelles. » Directement, c’est bientôt dit.
Que voyons-nous donc directement? Que savons-
nous directement? Nos connaissances son! essen-
tiellement personnelles et subjectives. Tout au
plus, et par un singulier effort, pouvons-nous les
rendre impersonnelles, et faire éprouver à d’autres
la même impression que nous ressentons nous-
mêmes en présence des phénomènes. Quant à
parvenir à une connaissance objective du phéno-
mène lui-même, je n’en connais pas le moyen:
qu'on le veuille ou non, ce n’est donc pas le
phénomène lui-même que l’on connait, c'est une
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
représentation qu'on s’en fait. Le moindre défaut
de ces représentations du monde est donc, à mon
avis, d’être inévitables. D'ailleurs, chacun les
choisit à son gré, suivant sa nature d'esprit. Les
uns préfèrent une représentation purement intel-
lectuelle et verbale; poussée à son extrême degré
d’abstraction, c’est la représentation numérique,
algébrique, ou sous forme d’équations différen-
tielles. Mais c'est toujours une représentation,
c'est une sorte de table à double entrée, avec des
mots ou des signes d'un côté, et de l’autre des
recettes détaillées pour la production de phéno-
mènes définis, — définis quand le manuel opéra-
toire est complet.
Tout le monde ne se joue pas facilement dans
l’abstraction et, — sans contester que ce soit un
exercice utile par sa difficulté même, — on peut
bien choisir un autre tableau de correspondance
entre les phénomènes extérieurs el d’autres
phénomènes plus simples, qu'on connait mieux,
dont on saisit mieux l’enchainement. Il ne parait
guère contestable que, dès le début de la vie,
l'expérience quotidienne familiarise un très grand
nombre de personnes avec les phénomènes méca-
niques. Pour celles qui ont quelque habitude de
voir lesphénomènes mécaniques, de les enchainer
intuitivement, — comme d’autres font pour les
mots ou les équations différentielles, — je ré-
clame donc le droit d'employer les images méca-
niques, et de dresser le {tableau à double entrée,
— images mécaniques d’un côté, faits physiques
de l’autre, — sans être excommuniées ou traitées de
retardataires. Et quand il leur arriverait d’em-
ployer une représentation un peu plus déterminée
que le phénomène auquel elle se rapporte, je
laisserais à celui qui se sent sans péché analogue,
et qui n'a jamuis détourné les mots de leur accep-
tion propre, le soin de leur jeter la pierre.
Si lord Kelvin, von Helmholz, Clausius, à qui l’on
ne refusera certes pas la faculté d’abstraction, ont
toujours trouvé très utiles pour leur propre usage
les images mécaniques du monde, permettons à
d’autres de faire comme eux.
Reconnaissons pourtant, — et sur ce point je
m'associe entièrement à la campagne de l’éminent
professeur de Leipzig, — que trop souvent l'image
qu'on se fait du monde est exclusivement géomé-
trique, sans aucune idée dynamique. Il faut consi-
dérer, dans toute machine, un mécanisme et la
transformation d'énergie qu’il effectue; les deux
points de vue méritent une égale attention dans
l'étude de la Nature,
M
Que faut-il donc exiger, puisque nous ne pouvons
certainement pas connaître le monde tel qu’il est?
23*
1034
C'est que chacun choisisse une manière de raison-
ner sur le monde, qui soit juste autant que pos-
sible, c'est-à-dire qui donne une exacte correspon-
dance entre l’enchainement des faits et l’enchai-
nement des symboles — et surtout qui soit rapide,
intuitive et féconde; il est impossible qu'une seule
et unique méthode convienne à tons. Qui oserait
contester à Faraday le choix de sa représentation
A. ET L. LUMIERE — LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS
du monde, et qui donc saurait s'en servir après |
lui? £
Après le plaidoyer de M. Ostwald pour l'énergie,
deux mots résumeront cet article, écrit moins
pour le combattre que pour rétablir l'équilibre :
Pour la liberté et pour la matière.
Marcel Brillouin,
Maitre, de Conférences de Physique
à l'Ecole Normale Supérieure,
LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS
SES MÉTHODES ET SES RÉSULTATS
Bien que la Revue ait eu soin de décrire, & mesure
qu'ils se sont produits, tous les travaux relatifs à la pho-
lographie des couleurs, un grand nombre de nos lecteurs
nous ont exprimé le désir de trouver, en un article d'en-
semble, l'exposé précis de nos connaissances sur ce grand
sujet. C'est à ce désir que répondent, — avec de nouveaux
éléments de critique et leur haute autorité de praticiens et
de savants, — les éminents auteurs de la présente étude.
(LA DIRECTION.)
Le grand problème de l'obtention photogra-
phique des couleurs, dont la solution n’a fait au-
eun progrès pendant de longues années, a subi un
essor remarquable depuis la découverte mémorable
de M. Lippmann !.
Des chercheurs, enthousiasmés par l'idée vrai-
ment géniale de ce savant, se sont engagés avec
ardeur dans cette nouvelle voie, puis bientôt
d'autres ont repris les méthodes proposées anté-
rieurement; de sorte que la méthode Lippmann,
indépendamment de sa valeur propre, — qui est
incontestablement considérable, — a eu encore le
mérile de ramener l'attention d’un grand nombre
d'expérimentateurs sur la question fort délaissée
de la représentation photographique des objets
avec leurs couleurs.
Les publications sur ce sujet ont été nom-
breuses depuis quelque temps, soil en France, soil
à l’Étranger, et, suivant les auteurs de ces publica-
lions, nous avons vu émettre des opinions très
variées el souvent contradictoires surla valeur des
différentes méthodes conduisant au but cherché.
Depuis plusieurs années, nous avons successive-
ment étudié les diverses solutions proposées ; nous
avons apporté de nombreuses modificalions dans
1 Cette découverte a été exposée ici même par notre illustro
collaborateur. M. G. Lippmann, avec tous les détails qui s’y
rapportent. Voyez à ce sujet la Revue du 30 janvier 1892,
tome JII, pages 41 à 45. (Nole de la Direction.)
la mise en œuvre des procédés décrits jusqu'ici.
Nous croyons qu'il n'est pas superflu de signaler
les efforts que nous avons tentés et de montrer les
avantages el inconvénients qui nous ontparu exis-
ter dans chacune des méthodes employées.
Il est à remarquer que chaque fois qu'une solu-
tion du grand problème qui nous occupe est pro-
posée, chaque fois qu'un résultat est exhibé, les
appréciations diverses qui s’y rattachent dépassent
les limites de la vérité ; il y a une sorte d’engoue-
ment général, provenant, sans aucun doule, de
l'importance considérable de cette question.
Notre but principal, en écrivant cet article, est
non seulement d'enregistrer nos expériences, mais
surlout d'exposer les remarques auxquelles ces
expériences nous ont conduits, et les conclusions
que nous croyons pouvoir formuler relativement à
l’état actuel de la question et à l'avenir des diffé-
rentes méthodes, sans aucun parti pris pour les
unes ou pour les autres.
Nous ne nous arrêterons pas aux solutions pro-
posées par Becquerel, Niepce de Saint-Victor, Poi-
Levin de Saint-Florent, qui n’ont d'intérêt, pour le
moment, qu'au point de vue théorique et qui n’ont
fourni jusqu'ici que des résullals lrès incom-
plets. | |
[. — MÉTHODE DE LA DESTRUCTION DES COULEURS !.
Tout récemment, M. Vallot ? a indiqué un très
intéressant procédé basé sur la destruelion par la
lumière de certaines matières colorantes; ce pro-
cédé consiste à exposer à la lumière, sous un cliché
coloré, une feuille de papier enduite d’un mélange
de couleurs rouge, jaune et bleueaussi fugaces que
possible.
Nous avions fait dans celle voie, il y a plusieurs
1 À propos de cette méthode, voyez dans la Revue du
30 août 1895 l’article que M. Bernard Brunhes a consacré
aux /dées nouvelles sur la Pholographie des couleurs.
? Monileur de la Photographie, 1895, p. 139.
A. ET L. LUMIÈRE — LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS 1035
- années, une série d'expériences qui n’ont d'ailleurs
pas été publiées.
En employant comme matière colorante la cya-
-avons pu arriver à une sensibilité plus grande que
celle du mélange indiqué par M. Vallot (bleu vic-
loria, pourpre d’aniline, curcuma) ; mais aussi les
- épreuves, qu'il n’était pas possible de fixer, s’alté-
- raient beaucoup plus rapidement.
à On n’entrevoit pas acluellement dans les subs-
* lances que la Chimie met à notre disposition, la
possibilité d'utiliser une telle méthode.
- L'impression, en effet, est très lente; il est extrè-
1 mement difficile de trouver des couleurs élémen-
- taires convenables et douées de sensibilité concor-
_dante; de plus, les images ne peuvent être fixées ;
- nous avons bien réalisé un commencement de
fixage, avec certaines couleurs, en traitant l’image
colorée par des sels métalliques appropriés, qui
forment des combinaisons plus stables que les
+ matières colorantes elles mêmes. Le fixage est
- incomplet et a encore l'inconvénient de modifier
-les couleurs de l’image. — Nous avons vu de tels
inconvénients à ce procédé que nous n'avons pas
- poursuivi nos recherches dans ce sens.
ll Reis AS ORNE
L',28
À
A
4
d
Ces différentes méthodes étant éliminées, il en
-resle deux qui présentent incontestablement une
- valeur bien plus grande et qui sont bien près de
- constituer la solution pratique cherchée, sans
* cependant atteindre encore ce but d’une facon
complète; nous voulons parler :
1° De la méthode énterférentivlle de M. Lipp-
_ mann;
9 De la méthode directe, dont le principe a
- été indiqué par MM. Cros et Ducos du Hauron, et
dont les applications ont été étudiées surtout par
M. Léon Vidal.
- Nous nous proposons d'examiner l’état actuel de
la question dans ces deux cas.
> J]. — MÉTHODE INTERFÉRENTIELLE DE M. LiPPMANN.
Nous ne reviendrons ici ni sur le principe de la
méthode, ni sur les manipulations bien connues
qui ont été instituées; nous nous contenterons
d'examiner les avantages et les inconvénients de
cette solution.
Lorsque M. Lippmann a divulgué son admirable
découverte, ce fut de toutes parts un véritable
enthousiasme dans le monde photographique,
enthousiasme bien légitime; n’est-il pas, en effet,
merveilleux de déduire d'idées théoriques sur la
nature ondulatoire de la lumière un procédé d’en-
_registrement photographique des couleurs ?
Indépendamment de la reproduction des cou-
leurs, la géniale découverte de M. Lippmann cons-
nine, le rouge de quinoléine et le curcuma, nous”
titue incontestablement une éclatante et lumineuse
confirmation de la théorie des ondulations.
Aussi n’entendons-nous pas que les critiques
que nous pourrons formuler , uniquement au
point de vue de l’utilisation pratique de cette
méthode, puissent en rien diminuer la valeur
considérable d’une des plus grandes découvertes
de l’époque.
On sait que les images interférentielles sont
miroitantes, comme les anciens daguerréotypes :
chaque opération ne donne qu’une seule épreuve,
et, pour avoir d’aulres exemplaires, il faut recom-
mencer la série des opérations; on n'entrevoit pas
le moyen, pour l'instant du moins, de produire
des épreuves sur papier, faciles à voir, sans recou-
rir à la projection.
On sait aussi que les couleurs changent avec
l'incidence sous laquelle la photographie est exa-
minée. La méthode exige l'emploi de plaques pho-
tographiques sans grains appréciables; or, jusqu'ici
il n’a pas été possible d'obtenir des préparations
remplissant cette condition, tout en présentant une
grande sensibilité.
La sensibilité des plaques photographiques est
liée à l'état moléculaire sous lequel se présentent
les sels haloïdes d'argent, et l’on a remarqué que
toutes les fois que cette sensibilité est augmentée,
les dimensions des particules de sel d'argent aug-
mentent aussi.
En se plaçant dans les meilleures conditions
possibles d'éclairage, en utilisant des objectifs
fonctionnant à 41/3 et même 1/2,7, limite bien dif-
ficile à dépasser, il n’a pas été permis, malgré les
nombreuses tentatives faites jusqu'ici, d’abaisser
le temps d’exposilion au-dessous d'une minute.
Ces difficultés actuelles de la méthode interfé-
renliellenesont peut-être pas insurmontables; mais
il en est une plus grave contrelaquelle nousn’avons
cessé de nous heurter au cours des expériences
très multiples auxquelles nous nous sommes livrés:
nous voulons parler de la constance dans les résul-
tats et surtout dans l’orthochromatisme des prépa-
ralions,
Il faut remarquer que ce procédé ne constitue
une solution complète du problème de la photogra-
phie des couleurs qu’à la condition de supposer
que l’orthochromatisme delasubstance sensible em-
ployée est absolument complet. Or, nos recherches
spéciales dans cette voie! tendent à montrer que l'or-
{hochromalisme absolu ne peut guère être obtenu
avec les moyens dont nous disposons actuellement.
Mais, en admettant que cetteditliculté soit résolue,
— et, pratiquement, on peut jusqu’à un certain point
(etlorsqu'on profite de tous les moyens connus)
SE PRES LUS NP SRE ae UN
1 Congrès des Sociélés savantes, 189% et Moniteur de la
Photographie, 1895.
1036
négliger les erreurs provenant de cette cause, — il
manque encore la constance dans les résultats,
constance qui a toujours fait défaut, quels que
soient les soins que l’on apporte dans les manipu-
lations.
En opérant avec des poids de substances aussi
égaux que peuvent les donner les balances et les
instruments de mesure les plus perfectionnés, en
séparant les opérations successives par les mêmes
intervalles de temps, en se plaçant dans des con-
dilions aussi identiques que possible de tempéra-
ture, de degré hygrométrique, de milieu, ete..., on
ne peut produire les mêmes résullais avec cons-
tance. Ces variations paraissent tenir à deux causes
principales :
1°L’actionsurl'orthochromatisme que présentent
desinfluences diverses, même assez faibles, est très
notable, eLcet orthochromatisme doit être prati-
quement rigoureux pour fournir des: épreuves
exactes. Nousavons pu remarquer que les moindres
variations de température, de qualité et dequan-
lité des réactifs, d'intervalles entre les manipula-
tions, ete., agissent dans de larges limites:sur le
ou de l’actinisme.
2° Les couleurs dépendant d'une Den ane
extrêmement délicate, on comprend toute limpor-
tance des changements, même minimes, prove-
nant du développement, du fixage, du renforce-
ment, etc., et de toutes les causes qui peuvent
modifier l'épaisseur de la couche sensible, la
quantité d'argent réduit ou son pouvoir réfléchis-
sant.
La méthodeinterférentielleestdonc fortdélicate ;
certains éléments de variation, qui échappent,
compromettent à chaque instant les résultats ou
les moditient plus ou moins profondément.
Siles inconvénients qui viennent d’être cités
peuvent un Jour être supprimés ou alténués dans
une large mesure, la méthode Lippmann sera bien
la plus complète des méthodes indiquées jus-
qu'ici.
Elle à, en effet, un avantage sur toutes les autres :
elle offre un poiat de repère important: lorsque
les blancs de l’objet photographié sont dépourvus
de toute coloration sur la reproduction photochro-
mique, on peut être assuré que les couleurs y sont
toutes représentées avec exactitude.
IT. — MÉruopE INDIRECTE.
Dans la méthode indirecte, les procédés propo-
sés dérivent du principe énoncé il y a plus de 23
ans par Cros el Ducos du Hauron ; ils peuvent tous
êlre classés en deux catégories :
1° Ceux qui utilisent un seul négatif;
2° Ceux qui exigent trois négalifs.
A. ET L. LUMIÈRE — LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS
$ 1. — Méthode à un seul négatif.
Dans le cas d’un seul négatif (procédé Joly !) on
saitque, pour la production du cliché, on étendune :
émulsion panchromatlique sur une lame de verre.
préalablement recouverte d’un réseau composé de.
lignes transparentes, orangées, violettes-et vertes, .
ou bien rouges, jaunes et bleues. On effectue ainsi
le triage des couleurs sur une plaque unique. Gette .
méthode a de grands inconvénients. Indépendam-
ment des dificultés de manipulation, elle ne parait
pas pouvoir donner des colorations intenses; en.
effet, supposons que l’on veuille représenter une .
partie d’un objet coloré en rouge vif; seules les .
lignes rouges du réseau ne seront pas couvertes
par l'argent réduit de l'épreuve; or, ces lignes rou-.
ges n’occupent que le Liers de la surface; donc, sur
l'épreuve, la surface occupée par la partie consi-
dérée sera composée d’un tiers de rouge etde deux …
tiers de noir. Ce sera donc une représentalion .
faible et inexacte de la nature.
Le mode opératoire de M. Joly présente encore
un désavantage important sur la méthode à trois …
négatifs. Dans cette dernière onutilise des plaques Lt
dont lasensibilité aélé fortement augmentée, mais
seulement pour les rayons que les Écrane le ele
passer: c'est-à-dire que, pour le négatif du bleu, l
par exemple, on emploie, avec l'écran orangé, des. à
plaques très sensibles à l’orangé et aussi peu
insensibles que possible aux autres rayons colo-
rés. Avec celte précaution, on augmente l'effet de 4
l'écran et on assure une sélection à peu près par-
faite des couleurs; dans la méthode Joly, on est À
forcé de recourir à Le émulsions panchromaliques
et le triage des couleurs en souffre notablement, «
— Cette méthode ne parait donc pas, à priori, pou- 1
voir rivaliser avec les suivantes.
Li
$
On a fait à ces méthodes des objections bien
immérilées. On a dit notamment qu'il est impossi- À
ble, avec trois couleurs, d'oblenir une image
spectrale avec la pureté de couleurs que l'on”
devrait rencontrer dans une représenlalion rigou-n
reusement fidèle. Si cela est vrai au point de vue
théorique, on arrive cependant pratiquement à,
des effets très approchés. |
On a dit aussi que trois épreuves ne suffisaient
pas el qu'il convient AIQULSE une quatrième.
épreuve d’un lon neutre ; or, nous avons entre les"
mains des images fournies seulement par trois
monochromes et qui sont des reproductions frap-
pantes d’exactitude desobjels qu’ellesreprésentent.
Mais ces dernières sont actuellement difficiles à
1 Pholo. News. 1895,
4
2 D osrarotun il faut, pour avoir une grande exactitud e
et toute l'intensité désirable, partir de couleurs
… rouge, jaune et bleue extrêmement vives et pures,
- et, dans ces conditions, la moindre prédominance
+
à
Fe
D?
4
=.
£
ÿ
3
"À
6
de l’un des monochromes compromet le résultat.
- Il est beaucoup plus facile d’avoir des épreuves
- d'aspect agréable, mais inexacteset de faibles colo-
ons, en ajoutant une quatrième épreuve ou en
employant des couleurs ternes.
On peut considérer comme résolue la première
difficulté de la méthode indirecte:le triage des
couleurs est assuré si l’on fait usage d'écrans con -
venables et de plaques photographiques dont la
sensibilité, pour les radiations qui traversent
l'écran et pour ces radiations seulement, a été
exaltée au plus haut degré.
Mais malheureusement, si l'analyse des couleurs
est réalisée, leur synthèsen’est pas aussi avancée.
On manque de point de repère dans le tirage
des monochromes : tel est l'inconvénient actuel le
plus grave de ce procédé, qui est loin d’avoir l’élé-
gance de la méthode interférentielle, mais qui ne
mérite pas les critiques qu'on lui adresse.
Sa valeur pratique deviendrait sûrement prépon-
dérante si l’on découvrait le critérium qui a fait
défaut jusqu'ici.
C'est dans cette voie que nous avons beaucoup
travaillé depuis quelques mois. Nous avons même
trouvé une solution quirend complètement sûre la
synthèse des couleurs; empressons-nous d'ajouter
que cette solution est mauvaise, parce que les
images sont mal fixées et ne se conservent pas;
nous publierons cependant nos expériences sur ce
point pour montrer que le critérium dont nous
avons parlé n’est pas une utopie et que la réalisa-
tion du desideratum tant cherché n’est peut-être
pas aussi éloignée qu'on pourrait le croire.
$ 3. — Synthèse des couleurs.
Si l’on possédait des procédés photographiques
donnant, à l'impression par contact, des images
monochromes de couleurs convenables, de façon
que l'impression n’exige aucun développement et
que l’on puisse la suivre en quelque sorte pas à
pas, le problème serait résolu.
C'est dans cette direction quenousavonscherché;
nous avons pensé tout d’abord àutiliser les procé-
dés au diazosulfite de Feer, procédés dont nous
rappellerons sommairement le principe :
Les diazoïques et tétrazoïques forment avec les
sulfites alcalins des combinaisons instables que la
lumière dissocie rapidement ; la combinaison sul-
fitique masque l’action des azoïques surles phénols
et les amines. Si l’on mélange des diazosulfites ou
des tétrazosulfites avec des amines ou des phénols,
et que l’on expose ces mélanges à la lumière, les
A. ET L. LUMIÈRE — LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS
1037
combinaisons sulfiliques sont décomposées et les
azoïques mis en liberté réagissent sur les phénols
et les amines pour donner des matièrescolorantes.
Au fur et à mesure que la décomposition a lieu, la
couleur devient de plus en plus intense; on
peut suivre celte réaction et l'arrêter lorsqu'on
juge que l'épreuve est suffisamment venue.
Pour utiliser ce principe, nous avons rencontré
plusieurs difficultés. Le substratum auquel nous
nous sommes arrêtés est le collodion; or, si les
couches sensibles sont parfaitement sèches, l’im-
pression n'est pas visible, ou fort peu visible, et
s’accentne par immersion dans l'eau; dans ces
conditions, on perd le bénéfice cherché, qui con-
siste à suivre l'impression et à l’arrêter au mo-
ment opportun; nous avons eu l'idée, pour remé-
dier à ce défaut, d'additionner le collodion d’une
petite quantité de glycérine, grâce à laquelle le but
proposé a été complètement atteint.
D'autre part, toutes les tentatives pour obtenir
des monochromes d'une couleur bleue convenable
ont échoué ; nous avons essayé un très grand
nombre de diazo- et de trétrazo- associés à de nom-
breux phénols et de nombreuses amines, et lesessais
méthodiques, guidés par les,lois qui rattachent
la couleur à la constitution chimique, n’ont pas
abouti à des images d'une couleur franchement
bleue.
Nous avons dû recourir à un artifice pour avoir
le monochrome bleu qui était obtenu en premier
lieu. Cet artifice consiste à traiter une épreuve po-
sitive au gélatino-bromure d’argent, provenant du
cliché négatif du bleu, d'abord par le ferricyanure
de potassium, puis, après lavage, par le perchlo-
rure de fer acidulé. Après élimination du chlorure
d'argent formé, par un fixage dans l’hyposulfile,
lavage et séchage, le premier monochrome bleu
était recouvert de collodion au trétrazo-sulfite
capablede donner une image rouge, par impression
directe.
Les mélanges qui ont fourni les meilleursrouges
sont les suivants :
Tétrazotolylsulfite de soude et chlorhydrate de
8 naphtylamine éther.
Tétrazoanisidinesulfite de soude et chlorhydrate
de 6 naphtylamine-éther.
Après fixage, lavage prolongé, puis séchage, on
recommençait la même série d'opérations avec
un collodion au diazosulfite donnant des images
jaunes.
Les mélanges qui nous ont paru le mieux conve-
nir pour le jaune sont les suivants :
Diazo-orthotoluidine-sulfite de soude et métami-
dophénol (base).
Diazoorthotoluidine-sulfite de soude et résorcine.
Nous avons constaté que, lorsqu'on peut suivre
1038
E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE
l’action de la lumière sans être obligé de recourir
à aucune indication photométrique, à aucun déve-
loppateur, lorsqu'on part de clichés négatifs bien
triés, on arrive à coup sûr à reproduire les couleurs
avec une facilité etune vérité étonnantes.
Il est regrettable que les images ne soient pas
suffisamment fixées par les lavages les plus abon-
dants. Nous avons bien tenté, mais sans succès
jusqu'ici, de trouver d'autres fixateurs. De plus,
l’altération rapide des épreuves par disparition des
couleurs quimanquentdestabilité,enlève à cetteap-
plication des procédés de Feer tout intérêt pratique.
Celte application a cependant le mérite d'indi-
quer une voie dans laquelle on trouvera peut-être
une solution du problème de la reproduction des
couleurs par la photographie.
IV. — ConNcLUSIoN.
En résumé, on peut considérer que, au point de
vue pratique, deux méthodesexistent actuellement:
L'ÉTAT
DE L’INDUSTRIE DES PHOSPHATES ET SUPERPHOSPHATES
EN FRANCE
I. — HISTORIQUE.
Pour les hommes de notre généralion, le prin-
cipe de la restitution au sol des éléments fertilisants
enlevés par les récoltes parait une vérité évidente.
I ne faut cependant pas remonter loin pour re-
connaitre que la notion de la restitution est loute
récente, et il n'y a pas lieu de s’en étonner, car,
jusqu’au moment où l’analyse chimique fut devenue
assez parfaite pour permettre à l’agronome de
faire la statistique de ses cultures, on était réduit
à des conjectures sur les causes d’appauvrissement
du sol arable.
C'est à de Saussure qu’on doit la démonstration
de la nécessité de l'azote pour la croissance des
végélaux et des animaux, qui font des premiers
l L'exploitation des phosphates naturels sera exposée
ultérieurement dans la Revue. Le présent article vise uni-
quement les phosphates artificiels, résultant d’un traitement
chimique. La partie économique et sociale de cette indus-
trie, l'organisation, si intéressante, des services techniques
dont elle est l’objet dans les grands établissements, — fran-
cais et étrangers, — de produits chimiques, seront, pour
éviter des redites, décrites à la suite de la monographie de
la soude et du chlore, ces matières étant souvent fabriquées
dans les mêmes usines que l'acide sulfurique et les phos-
phates. (Note de la Direction.)
la méthode Lippmann, qui a déjà fourni des résul-
tats absolument complets, mais qui est d'une appli-
cation délicate et n’a pas permis, jusqu'ici, la mul-
tiplication des épreuves d’après une image type,et.
la méthode indirecte à l’aide de trois négatifs.
(Ducos du Hauron), qui, grâce aux perfectionne-
ments dans la sensibilisation chromatique des
couches sensibles, offre la possibilité d'obtenir des
représentalions suffisamment approchées, possède
l'avantage de permettre la multiplication des
copies, mais présente quelque infidélité dans les.
résultats qu’elle fournit. C
Tout en ayant confiance dans l'avenir, qu'il.
s'agisse de l’une ou de l’autre de ces méthodes,
nous croyons n'être pas laxés de pessimisme en
disant que,si l’on a déjà franchi la plus grande.
partie du chemin, le but n’est point encore atteint
d’une façon définitive,
Auguste Lumière et Louis Lumière,
Manufacturiers à Lyon.
ACTUEL
leur nourriture, et, pendant longtemps, on mesura
la valeur des matières fertilisantes par leur teneur …
en azote et par la rapidité avec laquelle elles .
livraient cet élément au sol sous forme assimilable,
On était, jusque vers 1840, absolument imbu de
ces idées exclusives, et, si l’on employait dans
l'agriculture les os plus où moins concassés, on
était convaincu que leur utilité se bornait à apporter
au sol les quelques centièmes de matières azotées
qu'ils contiennent.
Il ne fallut pas moins que les longues études, …
l'énergie et l'autorité de Liebig, pour faire accepter
la notion nouvelle de la nécessité du phosphore: :
c'est ce grand savant qui montra comment l’ap-
pauvrissement des régions répulées jadis, comme
les greniers de la république romaine, provenait.
de l'épuisement de leurs réserves en phosphore,
qui établit que l’ancien système de culture, basé
sur l'emploi exclusif du fumier, aboutissait fata-
lement à l'appauvrissement du sol et montra l’ab-
solue nécessilé de restituer les matières organiques
exportées annuellement avec les récoltes. Il n’y a
qu'à lire dans ses écrits les imprécalions qu'il
pousse contre les populations assez folles pour
laisser l’agriculture anglaise drainer leur réserve
dindate tré Eten pates dir do ds Pntinat à
E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE
1039
- d'os, pour comprendre quelle importance il altri-
buait aux phosphates.
Pendant longtemps on ne connut comme source
de phosphore que les débris animaux et les dé-
jections.
Il faut arriver à l’année 1845 pour voir entrer
en scène les phosphates accumulés dans les étages
- géologiques. Cet immense progrès, qui a donné un
admirable essor à l’agriculture moderne, est dû
au professeur anglais Henslow à la suite de la
découverte du gisement de coprolithes de Suffolk.
Mais, comme toujours, le praticien se défiait du
théoricien, et il fallut la publication des essais
agricoles pratiqués en 1848 par M. Paine, de Farn-
ham (Angleterre), pour vaincre la routine et décider
les agriculteurs à utiliser les immenses ressources
accumulées par la nature.
Toutefois, on reconnut rapidement qu'il ne suf-
fisait pas de broyer plus ou moins grossièrement
les phosphates naturels, commeles os des animaux
contemporains, pour les rendre rapidement uli-
lisables. En 1856, au Congrès d'Arras, il fut recom-
mandé d'amener les phosphates naturels au plus
grand état possible de division, afin de faciliter
leur diffusion et de les mettre plus facilement à
même de se laisser attaquer par l’acide carbonique
du sol et par les sécrétions acides des racines.
Bobierre, Malaguti conseillent de les mélanger
aux fumiers et aux litières pour hâter leur disso-
lution, grâce à l’action des acides humiques.
Mais, à cette époque, les gisements de phos-
phates réellement exploitables étaient peu nom-
breux et l'utilisation de ces richesses naturelles
paraissait réservée à quelques régions favorisées.
Élie de Beaumont appela, en 1856, l'attention
publique sur les services que les phosphates
naturels rendraient à l’agriculture, et bientôt on
vit s'ouvrir dans les Ardennes, à Grand-Pré, la
première exploitation continentale des phospates
minéraux.
Un infaligable chercheur, industriel malheureux,
M. de Molon, se fit le propagateur de la nouvelle
industrie et découvrit de nombreux gisements de
phosphates minéraux sur l’affleurement des grès
verts tout le long du bassin anglo-parisien.
Mais bientôt l'attention des agriculteurs fut dé-
tournée de l'emploi direct des phosphates natu-
rels par une découverte de Liebig. Ce savant avail
montré, en 1840, que la puissance fertilisante des
phosphates était remarquablement augmentée si
la désagrégation de la molécule était obtenue.
Il ne s'agissait plus d’une trituration mécanique
plus ou moins parfaite : c'était l’état chimique
même du corps qu'il fallait modifier, grâce à
Vintervention de l’acide sulfurique. L'industrie des
superphosphates était créée.
Le premier qui suivit les conseils de Liebig fut
l'agriculteur Fleming, à Barochan, qui traita pour
son propre compte les coprolithes.
Cette lecon pratique ne fut pas perdue, et,
dès 1843, un marchand de poudre d'os, Lawes,
commença à fabriquer le superphosphate sur une
grande échelle dans son usine de Depford, princi-
palement aux dépens des coprolithes. Ce fut pour
lui l'origine d’une immense fortune, dont il fit, du
reste, plus tard un noble usage en créant, avec le
docteur Gilbert, sur ses terres, un vaste ensemble de
recherches agricoles, enrichissant ainsi la science
agronomique de données précises obtenues avec
une patience et une intelligence admirables.
Bientôt la nouvelle industrie se répandit rapi-
dement en Angleterre et en Allemagne. La France
n’entra que plus tard dans ce grand mouvement.
II. — IMPORTANCE DE LA CONSOMMATION.
Pour donner une idée du rûle que jouent ac-
tuellement les composés phosphatés en agriculture,
mettons sous les yeux du lecteur la production des
phosphates en 1891, d’après un bulletin statis-
tique des États-Unis :
Caroline SU Lee: 600.000 tonnes
HPAN GERS LES Et ec « 450.000
HIOTeEEZ CES Ce Creer dd. 200.000
ETC TE RE TOO TRIAL EE CEE 200.000
NON ET OMIS ER DOS 0 CODE e Es 40.000
ADDleTEr LE. ec-ee-coe-srstenx 20.000
CAT EE PRE EEE ee 15.000
Norvèse-Rnssie, etC.. 4..." 100.000
1.625.000
Ces matières premières ont élé employées par
les divers pays dans les proportions suivantes :
états e U Tien De ee 500.000 tonnes
AMDIeler TEE enter eme eme 300.000
FrAnee annees Dire tte 350.000
ATEN RE Se ere ent pt 250.000
Belgique et Hollande............. 75.000
Italie, Espagne, Suède............ 150.000
1.625.000
On voit, d'après cela, que la fertilité du sol des
États-Unis n’est pas uniquement due, comme on
le répète souvent, à l'état relativement vierge de
leur sol, et que les anciens États de l'Est, tout au
moins, sont déjà obligés de restituer à la terre une
partie de leurs exportations.
Si l’on rapporte les quantités totales d'engrais
phosphatés à la superficie cultivée, on verra, par
le tableau de la pagesuivante, l'importance, au point
de vue des rendements, de l'emploi des engrais
dans chacune des nations signalées ci-dessus.
Comme on le voit, c’est l'Angleterre qui emploie
le plus d'engrais, puis vient la Belgique; notre
pays,malgré ses richesses naturelles merveilleuses,
n'arrive que bien après; or, la production moyenne
en hectolitres de blé à l’hectare s'établit comme il
suit :
1040
Anrléterre NME Creer Ph 28,0 hectolitres
Belogique:s-v ces. 2e Oe-st 21,0
Hola ae A Traleree à lat eve tea Pas ete 21,0
NOPVÉSE eee serrer eee 20,0
Allemagne. rianherrdtee Eee 17,0
DanemArCR EP PAL Lean 17,0
France ARR ESIMNRREES Ie 15,0
Autriche. 36 -2 ES dada 14,0
HSDAON EL ER ere et nee . 14,0
Canada 2 es tr ORNE SRE 12,0
AUSITAN PE ep ee A NET Tu Pie EAN lee 11,0
JD EU fon fe 4 es Me AE ET 10,5
Italiens ANR REC 10,5
INTER GES BA dObb ns Spor 10,5
Indes an plaises 520.0 10,0
Russie. SNRii Manidiidu Rincer 8.0
Ce tableau montre quels progrès nos compa-
triotes ont encore à réaliser pour atteindre la
production de pays dont le sol n’est pas plus
riche que le nôtre, mais qui savent pratiquer le
proverbe : « Aide-toi, le ciel t'aidera », au lieu de
réclamer constamment une sorte de manne gou-
vernementale.
IT. — ORIGINE ET PREMIERS TRAITEMENTS DES
DIVERSES SORTES DE PHOSPHATES.
Aux débuts de la fabrication des superphos-
phates, on s'adressa aux os dégélatinés ou non,
aux noirs épuisés de sucreries, aux guanos phos-
phatés, et aux phosphates naturels presque purs,
dont on connaissait déjà un certain nombre de
gisements. Mais bientôt ces ressources devinrent
insuffisantes pour parer aux besoins, toujours
croissants, de laconsommation, et il fallut chercher
de tous côtés des gisements de phosphates naturels
moins riches, mais encore traitables.
Certains étages du lias et du grès vert fournirent
longtemps presque exclusivement des phosphates
de richesse moyenne, titrant de 42 à 60 ‘/, de
phosphate tricalcique de chaux, mais générale-
ment le phosphate de chaux est accompagné de
doses déjà notables de fer et d’alumine, qui
créaient pour le producteur des difficultés dont il
sera question plus loin.
Des phosphates d'une origine toute différente,
provenant évidemment de la dissolution d’autres
couches et d'apports thermaux, suivant les cas,
furent trouvés et exploités dans le Quercy, dans
le Gard en France, dans la vallée de la Lahn en
Allemagne, dans le sud de la Russie, où ils pa-
raissent former des gisements presque inépui-
sables, mais que les conditions locales rendent
d’rn commerce difficile.
Pendant longtemps, on crut que l'acide phos-
phorique était le propre de certains étages géolo-
giques, el les recherches se cantonnèrent sur
ces élages. Il est cerlain que la découverte des
malériaux phosphatés y élait plus facile, puis-
qu'ils se présentaient sous la forme de blocs et
plus souvent sous la forme de rognons aisément
reconnaissables. L'exploitation resta donc, chez
E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE
nous surtout, limitée à ces élages : le lias et le
gaull: et, comme la loi française sur les mines
n'avait pas prévu cette exploitation, elle resta sou-
mise à la législation sur les carrières : d’où l’impos-
sibilité de créer des sociétés puissantes obtenant
la concession de vastes gisements. Il fallut traiter,
morceau de terre par morceau de terre, avec les
propriétaires du sol, subir leurs exigences sou-
vent exagérées, et, par suite, opérer hàtivement,
sans plan bien suivi, et se contenter d'extraire du
sol superficiel, aux moindres frais, les phosphates
facilement séparables, et sacrifier une partie des
richesses qu'une législation plus rationnelle eût
permis de retirer avec un certain profil.
Aussi de l'extraction des phosphates de ce genre,
avons-nous peu de choses à dire : suivant leurs
dimensions, on se contente d'un fanage désagré-
geant les sables argileux, suivi d’un criblage à sec
ou d’un lavage au trommel, plus ou moins perfec-
tionné. Une quantité notable de phosphate en
pelils grains ou en nodules facilement désagré-
geables était et est encore ainsi perdue.
A ce travail préliminaire succède parfois une
dessiccation tout aussi primitive, soil en Las mé-
langés de büches, comme en Floride, soit sur des
plaques chauffées inférieurement, comme dans
l’Auxois. Cette dessiccation a pour but, ou d’en-
richir les phosphates par élimination de l’eau, où
de rendre moins attaquable l’oxyde de fer qui les
accompagne : dans ce dernier cas, on alteint bien
le but commercial que l’on se propose; mais,comme
une partie notable de l’oxyde de fer est combiné à
l'acide phosphorique, on est amené forcément à
une perte d'acide phosphorique ayant une valeur
commerciale, car ou celui-ci reste insoluble à l'état
de phosphate de fer calciné, ou il se transforme
en pyro ou métaphosphate de fer, qui n’est pas dosé
par les méthodes ordinaires.
La découverte des phosphates en grains dans la
craie grise el la craie brune a amené des chan-
gements si considérables dans le mode d’exploi-
tation des phosphates naturels qu’il est nécessaire
d'en dire un mot ici.
Ces élages présentent des amas de matériaux
phosphatés contenus dans des poches coniques,
quelquefois terminées par des puits naturels
cylindriques, creusés dans la craie sénonienne et
formant des zones de teintes généralement diffé-
rentes, grossièrement parallèles aux génératrices
du cône renversé qui leur sert de gite. Les couches
supérieures sont généralement plus pàles et moins
riches : elles titrent de 40 à 45 °/,; au-dessous, les
nodules contiennent de 60 à 65 °/, de phosphate de
chaux.
La craie, qui forme les parois, est elle-même
riche en phosphales, et titre de 30 à 40 °/, de
d:
2 Le
%
ste Ad dré bot él ne de dd ni ait" Lui
nn di D nn
:
linclinaison même de la poche phosphatée.
E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES
EN FRANCE 1041
phosphate de chaux. Mais, sil’ons’écarte des parois
assez nettes de la Horn on voit le titre baisser
rapidement et on finil par ne trouver que de la
craie dont la richesse en phosphate varie, suivant
la distance, de 40 à 12 ou 15°/, et quelquefois
moins.
Dans ces poches on rencontre des concrétions de
la grosseur du poing, tantôt éparses dans la masse,
tantôt formant des lits bien distincts, qui suivent
Ces
concrétions semblent corrodées.
L'examen des gisements isolés de phosphates,
existant dans cel horizon géologique, a montré à
notre compatriote, M. Lasne, qu'ils se présentent
d'une facon uniforme à la rencontre de deux lignes
de fractures traversant la couche de craie phos-
phatée, et l'ont amené à conclure que ces gise-
ments riches, répartis au milieu d’une couche
phosphatée pauvre, proviennent d'une sorte de
sélection due à la dissolution du carbonate de
chaux qui englobail primitivement les nodules
phosphatés : la disposition des concrétions atta-
quées, celle des couches argileuses et des nodules
siliceux corrobore cette opinion.
Lanalure de l’agent dissolvant est, d’ailleurs, ma-
nifeste:car la craiesénonienne contient de nombreux
nodules de pyrite blanche qui, au contact de l’eau
aérée superficielle, a dù fournir, par son oxydation,
de l’acide sulfurique; celui-ci, attaquant la craie, a
donné lieu à la production d’eaux chargées d'acide
carbonique, qui, se rencontrantaux lignes de jonc-
lion de ces diaclases, ont rongé el dissous la roche
calcaire et laissé, comme témoins de l'attaque,
d’une part les cavités coniques que l’on trouve à
la jonction de ces diaclases, d'autre part les silex,
l'argile et les nodules de phosphates analogues
à l'apatite, qui restent comme résidu de l'attaque.
Tant que l’on se contente d'exploiter le contenu
de ces poches, l'opération est relativement très
simple et ne comporte, après extraction, qu'un
lavage soigné et un séchage.
Mais, si l'on se limitait à celte extraction som-
maire, on laisserait comme improductive une
énorme accumulation de richesses minérales : il
faut également songer à utiliser la craie phos-
phatée elle-même, au moins dans ses parties trai-
tables, et à en retirer, par un traitement approprié,
le phosphate de chaux à un état utilisable dans
l’agriculture, soit directement, soit après trans-
formation chimique. La nécessilé de ce traitement
s'impose, car les phosphales riches provenant
- d'opérations naturelles lentes et localisées s'é-
puisent : aussi voil-on se développer, sur les gise-
ments de la craie grise, l'emploi de laveries qui
promet à cette industrie une longue existence.
Les procédés d’enrichissement proposés ou bre-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895.
| être complèle et à peu près
velés sont, pour ainsi dire, innombrables; les pro-
cédés adoptés dans la pratique sont peu nombreux.
De 187% à 1894, il n'a pas été pris, en Belgique
seulement, moins de 250 brevets, dont la plupart
d’ailleurs sont frappés de déchéance.
Tantôt on a cherché à obtenir l'enrichissement
par voie mécanique, tantôt on s’est adressé aux
agents chimiques. Jusqu'ici, aucun procédé chimi-
que n’a conduit à des résultats rémunérateurs, et
la raison en est simple : il faudrait, en effet,
disposer de produits chimiques d’un prix très
bas, car la matière à obtenir n'a pas grande
valeur, el la moindre perte de l’agent employé
grève d'une facon fàacheuse le prix de production :
la régénération de l'agent chimique doit done
gratuite, ou être
payée par la valeur industrielle du résidu.Jusqu'ici
aucun procédé chimique ne remplit ces con-
ditions.
On s’est donc adressé à la voie mécanique: on
réduit la matière en poudre aussi homogène que
possible, et l’on cherche à copier les phénomènes
d'enrichissement mécanique employés en mélal-
lurgie pour la préparation des minerais. C’est
donc en prenant l'eau comme agent de classement
que l’on opère; mais, comme la différence entre la
densité du phosphate et celle de la roche calcaire
est relativement faible, il a fallu modifier les types
mélallurgiques ou créer des appareils nouveaux,
Nous ne pouvons pas, dans cet arlicle, nous livrer
à la descriplion de tous les appareils employés :
nous citerons seulement, pour le traitement des
fines : les enrichisseurs Solvay, Bouchez, les Lables
dormantes ou mobiles, l'appareil Castelnau, qui
forment sensiblement les types des diverses classes
d'appareils où l’on utilise les différences de densité
pour le classement et l'enrichissement des maté-
riaux contenus dans les craies phosphatées.
Ve
Quelle que soit leur origine, les phosphates
destinés à la production des superphosphates
doivent être secs et, de plus, amenés à un grand
état de division.
En effet, le seul agent industriel employé à la
fabrication des superphosphates est l'acide sulfu-
rique ; or celui-ci donne, avec la chaux des phos-
phates, un composé presque insoluble et cristalli-
sable, le sulfate de chaux, qui enrobe les fragments
imparfaitement attaqués et peutles mettre à l'abri
du réaclif s'ils sont trop volumineux.
On est donc astreint à recourir à la mouture des
matières premières. Suivant leur nalure et celle de
la gangue qui les accompagne, on emploiera les
meules horizontales ou verticales agissant par
cisaillement, comme en meunerie les meuletons
23**
— FABRICATION DES SUPERPHOSPHATES
1042
E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE
agissant par pression el Lorsion, les broyeurs à mar-, chaux resté inaitéré et l'amène à l’état d'un sel
eaux ou à force centrifuge, ete.
Celle opération sera suivie d’un blutage envoyant
au magasin les phosphates de finesse convenable,
et faisant retourner à l'atelier de broyage les frag-
ments insuflisamment divisés.
Le type d'appareils broveurs et le degré de finesse
doivent, somme toute, être déterminés d'après la
nature du phosphate à employer, et des différences
de rendement considérables peuvent résulter d’un
mauvais choix de ces appareils préparateurs.
Certains phosphates se cliveront facilement par
cisaillement, tandis que, soumis à la pression el
torsion, où à la division par chocs, ils donneront
des poudres formées d'éléments plus où moins
sphériques. Tout en passant par les trous d’un
même tamis, ayant la même finesse apparente, ils
ne se comporleront pas forcément de la même
facon au travail. En effet, dans le premier cas on
aura des plaquettes très minces, dans l’autre cas
des sphères grossières présentant la même section
méridienne : le rapport de la surface au volume
sera donc beaucoup plus grand dans le premier
cas que dans le second, et la vitesse d'attaque sera
plus grande : il en résullera une augmentation de
température de la masse, dont nous verrons plus
loin les effets, bons ou mauvais, suivant les cas.
D'autres phosphates seront poreux, incomplète-
ment transformés en apalite cristallisée : ils seront
facilement pénétrés par l'acide sulfurique et rapi-
dement attaqués avant d'être recouverts et impré-
gnés de sulfate de chaux ; la température s’élèvera
rapidement et fortement et pourra atteindre le
degré produisant le phénomène de rétrogradation.
Il convient donc de bien fixer, par des expi-
riences préliminaires, le degré de finesse à adopter
pour un phosphate délerminé et d'abandonner
l’'habilude, que nous avons vue dominer dans cer-
laines grandes Sociélés, d'imposer à priori une
finesse de mouture uniforme pour tous les phos-
phales mis en œuvre.
La fabrication des superphosphates présente
deux phases, souvent très distinctes :
Dans la première, l'acide sulfurique attaque une
partie du‘phosphate et porte son action ultérieure
sur le phosphate déjà attaqué, de façon à s'emparer
de toule sa chaux et à le transformer en acide
phosphorique. C'est ce que l’on constate fort aisé-
ment en reprenant la matière aussitôt après l'at-
laque par lalcool. On trouve que presque tout
l'acide sulfurique a disparu, et est remplacé par
de l'acide phosphorique, tandis que le résidu inso-
luble est constitué par un mélange de sulfate
el de phosphate de chaux.
Dans la seconde phase, l'acide phosphorique
attaque plus où moins lentement le phosphale de
moins basique.
Le but de la fabrication du superphosphate étant
la production de phosphate monocalcique soluble
dans l’eau, il faut donc théoriquement faire agir
deux molécules d'acide sulfurique sur une de phos-
phate tricaleique. Mais la question se complique
par l'existence de matières élrangères, et la dose
d'acide sulfurique à employer est toujours prali-
quement plus grande. On peut s’en faire une
idée très approchée en dosant non pas l'acide
phosphorique, mais ce corps el la quantité de
bases combinées à des acides monobasiques. La
pratique industrielle corrige ensuite rapidement
les essais de laboratoire.
L'acide sulfurique doit apporter avec lui la quan-
lité d'eau nécessaire à la cristallisation du sulfate
de chaux, à la constilution même du phosphate
monocalcique et à sa cristallisation ; enfin il faut
encore tenir compte dela quantité de vapeur qui va
se dégager sous l’action de la chaleur développée
pendant l'attaque. La concentration de l'acide sul-
furique n'est donc pas indifférente : si l'acide
employé est trop concentré, le phosphate monocal-
cique ne peut se produire, il reste un produit
päleux contenant de l'acide phosphorique libre et
du phosphate non atlaqué; si l'acide est trop
étendu, l'attaque pourra êlre complète, mais le
produit ne sera marchand qu'après un très long
séjour en magasin où un séchage artificiel.
Uneélévation de température trop forte produira
le même effel, grâce à l’évaporation de l’eau, que
l'emploi d'acide trop concentré. Elle pourra même
provoquer un accident plus grave, à savoir la trans-
formation d'une partie del’acide phosphorique libre
ou combiné en acide pyrophosphorique, dépourvu
de valeur vénale.
De nombreuses et longues discussions ont eu
lieu au sujet de la possibilité de la production de
l'acide pyrophosphorique ou des pyrophosphates
aux températures de 125° à 150°, atteintes pendant
la fabricalion. Il ne parait pas facile de mettre en
évidence la formation de pyrophosphate de chaux,
quoique cerlains résultals semblent la confirmer:
mais on peut conclure, par analogie, à cette for-
mation en voyant avec quelle facilité le phosphate
acide d’argent se transforme en pyrophosphale
même à 400°.
De ce qui précède, nous concluons que, théori-
quement, l'acide sulfurique doit litrer 53° Baumé
environ, c'est-à-dire que l'on doit employer l’acide
même des chambres de plomb ordinaires, mais
que, dans nombre de cas. pour refroidir le mélange,
on sera amené à n’employer que de l'acide à 51° el
même à o0° Baumé.
Il peut sembler extraordinaire que l'acide sulfu-
ONE NIV AN pasi
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E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE
1043
rique borne son action à la transformation d'une
partie du phosphate tribasique en acide phospho-
rique, si l’on se reporte aux tables donnant les cha-
leurs de combinaison de la chaux avec l'acide
phosphorique. En effet, la chaleur de combinaison
de l’acide phosphorique avec le troisième équiva-
lent de base est si faible, que l’acide carbonique
lui-même est capable de s'emparer de cet équiva-
lent, tandis que la chaleur de combinaison avec le
premier équivalent correspond sensiblement à celle
de la chaux avec les acides forts. Mais on compren-
dra cette anomalie apparente en se rappelant que
les phosphates naturels ne sont pas du phosphate
de chaux, mais un mélange de phosphate triba-
sique de chaux et d'apatite, le plus souvent même
de l'apatite. La première phase de la réaction porte
donc sur de l’apatite, corps relativement stable, et,
quand une partie de cette apatite est décomposée,
l'acide sulfurique a moins d'énergie à dépenser
pour réagir sur les produits de la destruction de
cette espèce minérale phosphates bicalcique ou mo-
nocalcique) que sur une nouvelle portion d’apatite.
Dans la seconde phase de laréaction,avons-nous
dit, l'acide phosphorique mis en liberté réagit sur
le phosphate non attaqué pour le transformer en
phosphate monocalcique cristallisé. Celte transfor-
mation n'est pas aussi simple que semble l’indi-
quer la formule traduisant la réaction finale. En
effet, le phosphate monocalcique en solution con-
centrée n’est pas stable : il se décompose partielle
ment suivant la température : en phosphate bical-
cique hydraté et acide phosphorique libre, jusqu'à
80°: en phosphate bicalcique anhydre et acide phos-
phorique au-dessus de 80°, — jusqu'à ce qu'un cer-
ain équilibre soit atteint, équilibre exigeant l'exis-
tence d’une quantité d'autant plus grande d'acide
phosphorique libre que la température est plus
élevée.
Si donc nous envisageons le cas très simple où
nous attaquons un phosphate de chaux pur par
l'acide sulfurique, et si nous rappelons que la pre-
mière phase de la réaclion est la mise en liberté
de tout l'acide phosphorique et dégage une quan-
lité de chaleur telle que la masse est porlée à une
température supérieure à 100°, nous devons oble-
nir, au début de la transformalion, une masse
pâleuse formée de sulfate de chaux, de phosphate
de chaux non attaqué, de phosphate bicalcique,
d'un peu de phosphate monocalcique, et d’une quan-
lilé d’aulant plus grande d’acide phosphorique
que la température initiale a été supérieure à 80°.
A mesure que la température s’'abaisse, l’équi-
libre se modifie, le phosphate bicalcique disparait
en fixant une quantilé équivalente d'acide phospho-
rique sous forme de phosphate monocalcique eris-
tallisé, et, si toutes les condilions favorables sont
réunies, on oblient une masse sèche uniquement
composée de sulfate de chaux et de phosphate mo-
nocalcique.
Si même on a employé une dose un peu trop forte
d’acide sulfurique pour assurer l'attaque totale, ce
qui se traduit par l'existence d’une petite quantité
d'acide phosphorique trihydraté non combiné, la
masse formée de sulfate de chaux et de phosphate
monocaleique cristallisés joue le rôle d’éponge,
absorbe l'excès d’acide phosphorique et reste suf-
fisamment sèche.
Mais, si l'acide sulfurique employé est trop dilué
ou la température trop basse, l’attaque du phos-
phate de chaux ou plutôt de l’apatite est lente,
l'acide phosphorique hygroscopique attire l’humi-
dilté de l'air, s'affaiblit encore, et l’on obtient,
comme résultat final, un magma poisseux conte-
nant, à côté d’acide phosphorique libre, du phos-
phate minéral non attaqué, qui ne se transformera
qu'au bout d’un teraps très long.
Ainsi, une température trop élevée, une tempéra-
ture trop basse, comme une dilution trop grande
de l'acide sulfurique ou une trop grande com-
pacité du phosphate détermineront une mauvaise
attaque.
Mais le cas que nous venons d'étudier est pure-
ment thécrique : tous les phosphates naturels con-
tiennent, à côté du phosphate de chaux et du fluo-
rure de calcium, d’autres malières attaquables par
les acides forts : silicales basiques, oxydes de fer,
alumine, purs ou combinés à une partie de l'acide
phosphorique, carbonate de chaux, sels de magné-
sie, etc.
On peut évidemment tenir compte des sels de
chaux et de magnésie attaquables dans le caleul
de la quantité d’acide sulfurique à employer, et la
présence de ces corps ne se traduit que par une
augmentation de frais et un abaissement de titre,
conditions qui peuvent toutefois rendre pratique-
ment impossible la fabrication du superphosphate
avec les phosphates calcaires pauvres.
Muis la présence du sesquioxyde de fer et de
l’alumine a présenté une difficulté autrement sé-
rieuse et même insurmontable, tant qu'on s'est
tenu à la définition primitive et rigoureuse du su-
perphosphate: c'est-à-dire tant qu'on n’a considéré
comme ayant une valeur vénale que l'acide phos-
phoriaue à l'état soluble dans l’eau.
En effet, le sesquioxyde de fer, libre ou plus
généralement combiné à l'acide phosphorique, est
altaqué, dèsle début de la réaction, par l'acide sul-
furique, et, — suivant son état de combinaison ou
d'hydratation, la compacité du minéral, la quantité
ou la force de l'acide, ainsi que la température
dégagée par la réaction, — peut être attaqué plus
ou moins rapidement etcomplètement, en donnant,
1044
soit un phosphate acide de fer,soit même de l'acide
phosphorique libre :
3FePhO{+3H2.SO0{=FePhO1{,2H#PhOi+Fe?3(S0i)
2FePhOi+3H? SOI—2HSPhOiH+Fe?3(S04).
Une partie de ce sulfale de sesquioxyde de fer
entre ensuile en réaction avec le phosphate acide
de chaux pour donner un corps gélalineux, inso-
luble dans l’eau, et d’abord hydraté, tandis que le
restant est sans action :
ae ja H°2(Ph0°) 7 Fe?3(S05) + :H°0
2(Fe PhO4, 2H20, 2H5 PRO + 3 Ca SO4
Ce phosphate acide se décompose lentement sous
l’action de lachaleur, comme sousl’action de l'excès
d'eau employé dans l'analyse, et donne, à côté
d'acide phosphorique libre, un phosphate de ses-
quioxyde de fer, qui se déshydrate peu à peu pour
céder son eau au sulfate de chaux, et devient inso-
luble :
FePhO4,2H20+CaSO0i=FePhO#+CaSOi,2H20.
Cette réaction du sulfate de sesquioxyde de fer
sur le phosphate acide de chaux est limitée par la
présence d'acide phosphorique libre, comme on
peut le voir par l'analyse de l'extrait aqueux d’un
superphosphate : on trouve ainsi que 2 °/, de
sesquioxyde de fer sont sans danger,et qu’on peut
même atteindre 4 °/, en employant un léger excès
d'acide. Mais on ne peut aller bien loin dans cette
voie sans s'exposer à obtenir un produit päteux et
peu vendable.
Quand donc on fut amené à ne plus traiter des
os ou des phosphates minéraux purs, on se heurta
à une grave difliculté commerciale : la perte de
la valeur vénale d’une partie de l'acide phospho-
rique.
Toutefois, ayant remarqué, comme l'a montré
M. Schlæsing, que, dans le sol, presque tout l'acide
phosphorique est insoïubilisé par le sesquioxyde
de fer et l’alumine, M. Petermann entreprit des
expériences de culture et en conclut que le phos-
phate de fer est un excellent aliment pour les
plantes. Les fabricants d'engrais s’empressèrent de
répandre cette notion, et l’on chercha un réactif
permettant de doser l'acide phosphorique réelle-
ment désagrégé, mais redevenu insoluble par le
fer. Grâce aux travaux de Neubauer et Frésénius,
puis de Joulie, on convint de prendre comme
réactif d'abord une solution neutre de citrate d’am-
moniaque, puis une solulion ammoniacale du
même sel, et de considérer comme ayant une valeur
marchande tout le phosphate soluble dans le citrate
d'ammoniaque ammoniacal. On fait cependant sou-
vent une différence de prix entre le phosphate
soluble dans l’eau, et le phosphate soluble dans le
citrate d'ammoniaque ammoniacal.
E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE
V. — RÉTROGRADATION
Mais les difficultés ne s'arrétèrent pas là dès que
les besoins croissants de la consommation obligè-
rent les fabricants à s'adresser à tous les gisements
de phosphates de richesse moyenne. Il fallut traiter
des phosphates de plus en plus ferrugineux et alu-
mineux. On reconnut bientôt que les minerais très
riches en fer, attaqués par l'acide phosphorique ou
transformés en sulfates, puis réagissant{ sur l’acide
phosphorique et le phosphate acide de chaux, don-
naient lieu, sous l’action de la température élevée
de la réaction, ou sous l’action du temps de séjour
dans les magasins, à la production de phosphates
basiques insolubles non seulement dans l’eau, mais
dans le réactif citrique. On donna à ce phénomène
fâcheux le nom de rétrogradaltion.
On combatlit bien en partie ce danger en atla-
quant les phosphates ferrugineux en couches
minces par de l'acide plus étendu et les laissant
sécher sur place, mais on n'avait ainsi qu'un pal-
lialif médiocre. Les produits obtenus restaient
boueux et perdaient quand même à la longue leur
richesse. On fut réduit à travailler ces phosphates
avec d’autres plus purs, pour les ramener aux con-
ditions où la rétrogradation devient faible.
La présence de l’alumine, que l’on observe en
quantités relativement considérables dans certains
phosphales naturels, n’entraine pasle danger de la
rétrogradalion ; tous les phosphates d’alumine sont,
en effet, solubles dans le citrate d'ammoniaque
ammoniacal, mais ils communiquent à la masse un
état gélatineux qui la rend peu propre à l'emploi
agricole.
Certains silicates lentement attaquables peuvent
également causer la rétrogradation.
La question de l'acidité des superphosphates au
point de vue de l'emploi agricole a soulevé nombre
de discussions : on entend encore souvent dire que
les superphosphales contenant un excès d'acide
conviennent surtout aux sols calcaires, les super-
phosphates sans excès d'acide ou rétrogradés el &
fortiori les phosphates précipités, dont il sera ques-
tion plus loin, aux sols acides dont ils compense-
raient l'acidité.
Cette opinion, logique en apparence, n’est pas
toujours exacte. Il se pourrait fort bien que, dans
cerlainssols tourbeux, lesacideshumiques fixassent
plus facilement l'acide phosphorique libre sous une
forme assimilable, ou que l'acide phosphorique des
phosphates acides pût circuler et se diffuser plus
parfaitement dans ces sols avant de se fixer. L’au-
teur de cet article a vu les propriélaires des prairies
de la Crau d'Arles refuser, après essais, les super-
phosphates bien secs et à peine acides, et rechercher
les superphosphales se metlant en pelotes sous la
E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE
1045
pression de la main, grâce à la présence d'un excès
d'acide libre. Cette préférence parait vérifiée par les
résultats obtenus dans certains districts tourbeux
de l'Allemagne du Nord.
Dans les régions calcaires du centre de la France
on rejette, au contraire, les superphosphates un peu
pâteux et l’on n'accepte que les produits bien pul-
vérulents, c’est-à-dire ceux qui ne contiennent pas
d'acide libre. On arrive même dans nombre de
régions calcaires à considérer comme équivalents
le phosphate monocalciqne et le phosphate bical-
cique précipité.
VI. — OBTENTION DE LA PULVÉRULENCE
ET DE LA SICCITÉ
L'emploi de plus en plus fréquent des instruments
mécaniques agricoles, et, en particulier, du semoir
mécanique en agriculture a déterminé les cultiva-
teurs à exiger des superphosphates pulvérulents et
secs. Or, comme beaucoup de phosphales naturels
ne peuvent donner directement des superphos- |
phales secs sans subir une rétrogradation notable,
ila fallu recourir à une dessiccation artificielle
suecédant à l'opération de l’attaque. L'emploi des
_ séchoirs, très rare autrefois, se généralise donc
aujourd'hui.
Le plus souvent, le superphosphate est étendu
en couches minces dans des wagonnels à élages
que l’on introduit dans une sorte de tunnel fermé
par des portes roulantes : de l'air chaud arrive à
travers le sol à l’une des extrémités, traverse les
étages des premiers wagonnels, puis circule
horizontalement, pour redescendre à l’autre extré-
mité à une cheminée qui l'amène dans des colonnes
de lavage.
Jusque vers 1883, on a fait circuler méthodique-
ment le superphosphate, c’est-à-dire qu'on faisait
entrer les wagonnets dans le tunnel par l'extré-
mité où sortaient les gaz, et on sortait les wagon-
nets chargés de superphosphate sec du côté de
l’arrivée de l'air chaud. Cette pratique élait très
vicieuse : car, d’une part, le superphosphate froid
condensait de la vapeur d’eau, qu'il fallait de nou-
veau éliminer; d'autre part, le superphosphate
presque sec était exposé à la température la plus
élevée et subissait une rétrogradation. On courait
même le risque d'en transformer une partie en
pyrophosphale. Pour se mettre à l'abri de cet
inconvénient, il fallait n’employer que de l’air peu
chaud, et, par suite, la différence de température
à ménager entre l'air entrant et l'air sortant était
faible, pour ne pas permettre une condensation
exagérée de vapeur d'eau. Le rendement des
séchoirs était donc médiocre, et la consommation
de charbon exagérée.
Actuellement, on fait circuler la matière et les
gaz dans le même sens,l’air peut entrer très chaud
sans danger, puisqu'il se refroidit instantanément
au contact du superphosphate froid et humide, et,
rencontrant toujours du superphosphate chaud, il
le dessèche lentement et sans condensation de
vapeur, si le débit d'air est convenablement cal-
culé : on arrive ainsi à une augmentation de ren-
dement des séchoirs et à une meilleure utilisation
de la chaleur; de plus, on observe souvent un léger
gain en acide phosphorique ayant une valeur vé-
nale, au lieu de constater, comme jadis, une
rétrogradation ou même une disparition d'acide
orthophosphorique.
Pour que le produit reste soluble dans le citrate
d’'ammoniaque, il faut qu'il ne soit pas déshy-
draté ; d'autre part, pour qu’il n’encrasse pas le
semoir, il ne doit pas contenir plus de 12°/, d'hu-
midité. On règle d'habitude le séchage de façon
que la masse ait uniformément 10°/, d'eau hy-
groscopique à la sortie du séchoir.
Du séchoir le phosphate passe aux appareils de
broyage, puis au magasin. On ne l’ensache qu'à
mesure des livraisons pour éviter que les sacs
soient percés avant d'arriver à destination.
VII. — FABRICATION DE L'ACIDE PHOSPHORIQUE
ET DU SUPERPHOSPHATE DOUBLE
Nous avons vu combien la présence du sesqui-
oxyde de fer ou de l’alumine dans les phosphates
bruts est préjudiciable au fabricant de superphos-
phate, en donnant au produit un état compact el
colloïdal, et en déterminant une forte rétrograda-
tion. Un certain nombre de phosphates naturels
sont, par ce fait, impropres à une fabricalion ré-
munératrice de superphosphate.
Mais si, au lieu d'attaquer le phosphate brut
par de l'acide sulfurique des chambres, on le sou-
met à l'action d'acide à 5 ou 10 °/,, on observe
que presque tout le phosphate de chaux cède son
acide, tandis qu'il ne passe en solution que des
traces de phosphates de fer et d’alumine.
Il suffit donc d'employer, à l'état étendu, une
quantité convenable et facile à déterminer d'acide
sulfurique pour extraire de ces phosphates bruts
l'acide phosphorique suffisamment pur pour être
utilisable.
On opérera de la façon suivante : le phosphate,
réduit en poudre aussi fine que possible, est dé-
layé lentement dans un malaxeur, qui contient
une quantité d'eau suffisante pour ramener à 15°
environ tout l'acide sulfurique qu'il faut em-
ployer.
La dose d'acide sulfurique, calculée d'avance, a
été mesurée dans un bac en plomb, et, une fois le
phosphate délayé, on laisse couler l'acide et on
fait fonctionner le malaxeur jusqu'à ce qu'un
1046
E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE
échantillon filtré et additionné d’une solution
acide de chlorure de baryum ne donne presque
plus de précipité. L’acide sulfurique libre s’est
donc fixé sur la chaux. Cette opération dure en-
viron 1/2 heure. Pendant la réaction, la tempéra-
Lure s’est élevée notablement, et a atteint envi-
ron 60°.
Le contenu du malaxeur est vidé, puis envoyé
par des pompes dans des fillres-presses qui re-
tiennent le sulfate de chaux, le sable, et les com-
binaisons insolubles de fer et d’alumine, tandis
qu'il coule une solution claire d'acide phospho-
rique, contenant de 10 à 11 °/, d'acide. On pro-
cède ensuite au lavage, el on envoie les petites
eaux à la concentration, tant qu’elles donnent
avec les eaux fortes un mélange à 8 °/,; le res-
tant sert à diluer l'acide sulfurique dans une
attaque ultérieure.
L'acide phosphorique étendu est ensuite con-
centré jusqu'à la température de 113° dans des
appareils analogues aux chaudières de plomb em-
ployées dans les fabriques d'acide sulfurique ;
toutefois, pour éviter les coups de feu provoqués
par les incrustalions, on emploie généralement
les bassines à chauffage par la surface libre.
On obtient ainsi un produit très sirupeux, qui
peut contenir jusqu'à 50 °/, d'acide phosphorique
anhydre.
Ce produit est trop étendu pour réagir sur les
phosphales très compacts; mais,si on l’emploie au
traitement de produits phosphatés facilement dé-
composables, on obtient la réaction :
Ca*2PhOS+ 4H$PhOi+3H20=3(CaH42Ph0O4,H20).
La matière s'attaque toutefois plus lentement
que dans la fabrication du superphosphate, et ne
sèche qu’à la longue, parce qu'elle ne contient
pas de sulfate de chaux pour fixer l'excès d’eau.
IT faut donc lui faire subir une dessiccation artifi-
cielle avant de l'envoyer à l'atelier de broyage.
On oblient ainsi ce qu'on appelle le superphos-
phate double litrant de 40 à 45 °/, d’anhydride
phosphorique soluble dans le citrate d'ammo-
niaque.
M. Barbe à proposé de brasser de l'acide phos-
phorique concentré, lilrant de 48 à 50 °/, d'anhy-
dride avec 20 à 23 parties de chaux éteinte.
Le magma s’échauffe beaucoup, dégage de la
vapeur, el fait prise presque immédiatement. On
obtiendrait ainsi un produit que l'inventeur a ap-
pelé phosphate triple, et litrant jusqu'à 48 et
50 ‘/, d'anhydride phosphorique. Mais le procédé
ne s’est pas répandu dans l’industrie.
in effet, des produits aussi riches n’ont pas d’ap-
plication directe dans l’agriculture, car la réparti-
tion uniforme sur un hectare de la dose utile
d'acide phosphorique devient d'autant plus dif-
ficile que le titre de l'engrais est plus élevé. Ils ne
peuvent donc servir qu'à la production d'engrais
enrichis artificiellement ; dès lors il y a peu d'in-
térêt à les fabriquer s'ils coûtent cher el sont
d'une préparation difficile. Or, c’est le cas du su-
perphosphate triple, qui ne peut se solidifier que
si l’on remplit toutes les conditions suivantes :
1° Pureté de l'acide concentré et de la chaux;
2° Intimilé absolue du mélange d'acide et de
chaux ;
3° Elévalion convenable de lempéralure.
VIII. — FABRICATION DU PHOSPHATE PRÉCGIPITÉ
L'industrie chimique met à notre disposilion
des dissolulions étendues d'acide phosphorique en
allaquant soit des phosphates minéraux par l'acide
sulfurique faible, soit des os frais par l'acide chlor-
hydrique en vue de la fabrication de la gélatine.
Au lieu de concentrer ces solutions pour les
faire réagir ensuite sur des phosphates facilement
altaquables, on peut les transformer directement
par addition de chaux en phosphate bicalcique de
chaux insoluble dans l'eau, mais soluble dans le
citrate d’ammoniaque ammoniacal.
Le succès de l'opération dépendra des soins
apportés, et de la connaissance des réactions qui
se passent entre les bases et l'acide phosphorique
en présence de l’eau.
Ajoute-l-on lentement soit du carbonate de
chaux finement divisé, soit un lait de chaux dans
une solution étendue d'acide phosphorique à la
température ordinaire, on tend à produire une
solution de phosphate monocalcique ; mais ce
corps est instable vis-à-vis de l'eau et se décom-
pose partiellement en acide phosphorique, phos-
phate bicalcique hydraté et phosphale monocal-
cique non décomposé.
Le lableau de la page suivante, emprunté aux
éludes de M.Joly, donneune idée du phénomène.Il
indique comment se décompose, en présence de
100 parties d’eau, un poids déterminé de phos-
phate monocalcique à la température de 15°.
Ainsi, dès le début de l'addition de chaux, nous
voyons apparaitre une proporlion d'autant plus
grande de phosphate bicalcique hydraté que la li-
queur est plus riche en acide phosphorique, et il
tend à se produire un état d'équilibre dans lequel
le rapport de l'acide phosphorique total à l'acide
combiné est égal à 1,5 : c'est-à-dire que, si nous
ajoutons une quantité de chaux théoriquement
capable de neutraliser tout l'acide phosphorique,
ce dernier se parlagera de la façon suivante :
1/4 sera transformé à 150 en phosphate bicalcique hydraté,
1/2 » » » phosp. monocalcique hydraté,
1/4 restera à l'état acide.
E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE
1047
Si nous élevons progressivement la température
2 JS AND
jusqu’à 78-80°, le rapport des poids £ , pour une
même valeur de P, ira constamment en croissant,
de sorte qu'il se déposera une quantité de phos-
phate bicaleique hydraté d'autant plus grande que
et les précautions sont sans valeur, est impossible
à obtenir pratiquement. On divise donc l'opération
en deux. Dans la première,on précipite environ
les 2/3 de l'acide phosphorique, et on hâte souvent
l'opération en portant la masse à 75-80° ; puis, le
dépôt de phosphate bicalcique obtenu, on traite le
Décomposition du Phosphate monocalcique en présence de l’eau.
1e
POIDS DU PHOSPHATE
MONOCALCIQUE
EMPLOYÉ
total combiné
4.02 0.81 2.16 2,05
6.41 1.21 3.34 3.07
9°3£ 1.67 4.75 4.93
15.36 2.59 7.61 6.57
28.01 %.40 13.49 (6
31.13 4.74 14.78 12.02
38.71 5-02 17.94 13,97
49.01 6.45 22.00 16.35
54.46 6.90 24.10 17.50
64.32 7.95 28.22 20.16
la température sera plus élevée, comme il ressort
du tableau suivant :
Valeurs de 5
P û° 159 s0°
LPS 0,01 0,02 0,07
DR eteietelsre ea 0,02 0,05 0,14
ra VTT 0,03 0,07 0,21
SE St 0,0% 0,09 0,28
S. 2 0,055 0,12 0,35
BA Eee 0,07 0,1# 0,42
Het ü,08 0,17 0,49
ShRre 0,09 0,19
ILES 0,10 0,21
DSL ü,11 0,2#
Mais, si la température dépasse 80°, le phosphate
bicalcique devient anhydre, et la fraction du sel
décomposé croit très rapidement.
La pratique présente, il est vrai, un phénomène
plus compliqué : lorsque nous ajoutons dans une
solution d'acide phosphorique un lait de chaux ou
de magnésie, il se produit d’abord un précipité
gélatineux de phosphate tricalcique, puis une
réaction s'établit entre le phosphate tricalcique et
l'acide phosphorique libre jusqu'à ce qu'on soit
arrivé à l’état d'équilibre défini ci-dessus.
Si l’on ajoute plus de base alcalino-terreuse, la
réaction se ralentit, en même temps qu’une partie
du phosphate monobasique se transforme en
phosphate bibasique; par suite de la saturation de
la quantité d'acide phosphorique libre, nécessaire
à l'équilibre, on pourrait arriver finalement à la
saturation complète et à la transformation absolue
de l'acide phosphorique initial en phosphate biba-
sique hydraté; mais ce résultat, facile à réaliser
par le chimiste dans son laboratoire, où le temps
PRODUITS RESTÉS EN DISSOLUTION
EE ——
ACIDE PHOSPHORIQUE
libre
GS DDLeSSe
#4
R
RAPPORT DE L’ACIDE
P
HORS HE SE PHOSPHORIQUE TOTAL
ONE OSE
D'ESOSSOSE A L’'ACIDE COMBINÉ
RS PRE Re SEE CE ENS AE DES ee ST
il 0.38 0.09 4.05
21 0.96 0.45 1.08
52 1.82 0.19 1.43
04 3.170 0.24 1.16
34 8.28 0.30 1.20
76 9.80 0.32 1.23
97 14.07 0.36 1.32
65 19.98 0.41 1.34
60 23.02 0.52 1.38
06 28.54 Û.## 1.40
liquide par un léger excès de chaux; on précipite
ainsi l'acide restant à l’état tribasique, et l’on a
un produit gélatineux qui sert à commencer la
saturation de l'acide phosphorique de l'opération
suivante.
Si l'on porte la température au-dessus de 80°,
nous avons vu qu'au début on obtient de l'acide
phosphorique et du phosphate bicalcique anhydre,
tant que la proportion de base ajoutée correspond
à la transformation de l’acide phosphorique total
en phosphate monocalcique; mais, si l'on pousse
plus loin l’addilion de base, le phénomène se com-
plique. Nous en aurons une idée simple en sou-
mettant à l’action de l’eau bouillante du phosphate
bicalcique hydraté.
L'auteur, en étudiant cette question avec M. Joly,
a constaté que le sel se dédouble d’abord en don-
nant de l’acide phosphorique libre et du phosphate
tricalcique, puis qu'il s'établit entre ces deux corps
une réaction d'autant plus lente que le mélange
est plus étendu dans l’eau, et que, si l'on met de
42 à 15 grammes de sel dans un litre d’eau, l'état
d’équilibre est obtenu par la création d’un nouveau
produit cristallisé, qui, abstraction faite de l’eau
de constitution, a pour formule:
3(Ca2H.2Ph?04) + Ca2Ph?04,
En même temps le liquide contient en dissolution
du phosphate monocalcique. Pour des richesses
plus grandes, on obtient un mélange de ce corps
avec le phosphate bicalcique anhydre, et leliquide
contient un mélange d'acide phosphorique libre et
de phosphate monocalcique ; pour des richesses
plus faibles, on obtient un mélange de ce corps
1048
E. SOREL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES EN FRANCE
avec le phosphate tricalcique dans une solution de
plus en plus étendue de phosphate monocalcique.
Or, la réaction finale est d'autant plus lente que
le liquide est plus étendu ; de plus, le nouveau sel
est presque insoluble dans le réactif citrique
alcalin; la précipitation à chaud, au-dessus de 80°,
doit donc être évitée avec soin par le fabricant
soucieux de la valeur commerciale de ses produits.
Cette réaction peu connue doit ètre également
prise en considération pendant la dessiccation du
phosphate précipité, car on ne peut prétendre à
laver industriellement d’une façon parfaite le pré-
cipité volumineux de phosphate bicalcique : or,
si nous chauffons du bicalcique hydraté, imprégné
de chlorure de calcium, au-dessus de 80°, nous
mettrons en liberté de l'acide phosphorique et
celui-ci réagira sur le chlorure de calcium pour
chasser l'acide chlorhydrique ; nous n'aurons plus,
après refroidissement, la quantité d'acide phos-
phorique libre nécessaire pour réagir sur le
phosphale plus ou moins basique formé sous
l’action de la chaleur, el le produit surchaufté
aura perdu sa valeur commerciale. On doit donc
opérer la dessiccation au-dessous de 70°.
IX. — ScorINS DE DÉPHOSPHORATION
Jusqu'en 1879, on considérail comme impropres
à la fabrication de l'acier les fontes phospho-
reuses : les minerais du Cleveland, du Luxem-
bourg et du bassin de la Moselle étaient donc sans
valeur à ce point de vue. Ce fut une révolution
industrielle quand MM. Thomas el Gilchrist, de
Batltersea (Surrey), imaginèrent le procédé de dé-
phosphoration basé sur l'emploi, dans le conver-
tisseur Bessemer, d'une addition de matières ba-
siques, craie ou dolomie.
Dans ce nouveau procédé on recourt à une
addition de chaux vive, qui atteint de 15 à 20 par-
lies pour 100 parties de fer brut contenant 3 °/,
de phosphore. L'air refoulé à travers la masse
fondue brûle d'abord le manganèse, le silicium.
puis le carbone, comme dans le procédé Bessemer,
et enfin le phosphore avec une telle rapidité que
la température s'élève de 700°, et que la chaux
forme, avec l'acide phosphorique résultant de la
combustion du phosphore, une scorie qui surnage
sur l'acier. A la fin du soufflage, quand paraissent
les fumées rouges du fer, on vide la scorie dans
des wagons. On obtient ainsi une tonne de scories
pour 4 à 5 tonnes d'acier. Si on laisse la matière
refroidir lentement, elle forme une masse friable,
sinon c’est un bloc très dur. Au reste, la masse est
d'autant plus friable que le rapport du sesquioxyde
de fer au protoxyde est plus grand : on doit avoir
Fe0%:Fe0=> 1:3 pour pouvoir pulvériser la
scorie.
Avec des minerais riches en phosphore ou con-
venablement mélangés, el en employant une dose
de chaux appropriée, on peut obtenir des scories
très riches : leur composition varie entre :
PRÉ OP. RE ere ce RE ne 12 à 20 %
CAO RE Te 30 50
SM Er ne CR ter ce do le CRUE US D 20
Fer OF eO AE. LE PAT OMR 41 30
MnO RE EE NE MR NE TU 3 2415
MAO A, CAS AMMISER ESNGES a
Pal ETLI DA M re SRE e A 02 0,6
VOA De Rte Ne MALE 15
Dansles cavités de la scorie, on trouve souventde
petites plaques cristallines minces et translucides,
grises, brunes ou bleues, auxquelles quelques
auteurs allribuent la composilion Ca‘Ph°0°, ana-
logue à celle de l'isoclase de Hilgenslock à 38,8 °,,
d'acide phosphorique, obtenue par la fusion d'un
mélange convenable d'acide phosphorique et de
chaux avec du spath-fluor comme fondant.
Ces scories ont élé longtemps accumulées près
des aciéries comme remblais :sans valeur : on
chercha à en retirer par divers procédés chimiques
l’acide phosphorique. Mais leur utilisation agricole
ne date réellement que des travaux de Reiss et
d'Arend (1886), qui élablirent que l'acide phos-
phorique devient soluble dans l'eau chargée
d'acide carbonique, en présence du silicale de
chaux. Jensch montra que l'acide phosphorique
des scories est assez soluble dans les acides citrique
etoxalique, ainsi que dans les solutions acides ou
alcalines de citrate d'ammoniaque. Toutefois, celte
solubililé diminue quand la dureté augmente, et
les expériences de cullure de Wagner ont établi
que des scories d'origine différente sont loin
d’avoir lamême action fertilisante. Aussi demande-
t-on souvent au moins une garantie de solubilité
dans l'acide citrique, en plus de la garantie de
finesse el de richesse en acide phosphorique total.
On peut produire des scories dont 75°/, de l'acide
phosphorique sont solubles dans le citrate.
Aux aciéries de Hærde, on arrive à obtenir des
scories titrant au moins 24 °/, d'acide phospho-
rique en n'introduisant d’abord dans le conver-
Lisseur qu'une quantité insuflisante de chaux ; cette
scorie riche éliminée, on y ajoule le restant de la
chaux, et la scorie pauvre oblenue repasse au
haut fourneau.
Depuis quelque temps, on substitue à la chaux
des craies phosphaltes pauvres, pour augmenter
la richesse des scories.
On a cherché, par imilalion, à rendre plus assi-
milables les craies phosphalées en les soumettant
à la tempéralure du blanc; on nommait les pro-
duits obtenus {Lermo-phosphales ; mais, comme il faut
porter la masse à une température de 1.900°, les
frais de fabrication sont trop élevés.
Les scories sont d’abord brisées au marteau
È
|
4
4
;
}
’
D: A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
pour en dégager les fragments d'acier qu’elles
contiennent, puis pulvérisées dans des broyeurs à
boulets en acier.
X.— CONCLUSION
Nous avons vu qu'au début, les phosphates
_ moulus étaient employés par l'agriculture, soit
_ directement, soit après mélange dans le fumier où
. ils devenaient plus rapidement assimilables.
L'invention des superphosphates, d'une énergie
plus grande, coïncidant avec les eflorts tentés
vers une culture intensive, avait fait abandonner
presque radicalement cet emploi. On élait per-
suadé que le phosphate soluble devait pouvoir se
diffuser jusqu'à un certain point et se répartir
assez uniformément dans le sol avant d’y repasser
à l’état insoluble. Les racines avaient donc, dans
l'opinion des agriculteurs, plus de chances pour
rencontrer à propos l'engrais introduit et l’utiliser
rapidement. Mais, lorsque l'épuisement des gise-
ments de phosphates riches et purs eùt forçé à |
recourir à l'emploi de phosphates plus ou moins
ferrugineux, les fabricants se heurtèrent à de
grandes difficullés par suile des phénomènes d’in-
solubilisation et de rétrogradation, et se hätèrent
de préconiser, surtout après les expériences de
Petermann sur l'assimilabilité du phosphate de
1049
fer, le réactif citro-ammoniacal qui permettait de
donner une valeur au superphosphate rétrogradé.
Vinrent ensuile les phosphates précipités, com-
plètement insolubles dans l’eau, mais solubles
dans le réaclif citro-ammoniacal, enfin les scories
de déphosphoration.
Il y avait dès lors lieu de regarder en arrière et
de se demander si une division mécanique suffi-
sante ne permettrait pas d'obtenir à peu de frais
le bénéfice assuré par la désagrégation chimique.
Il n'est pas encore possible de se prononcer d’une
facon absolue à ce sujet. Toutefois il est reconnu
déjà qu'avec certaines provenances et dans nombre
de sols, le phosphate minéral bien pulvérisé est
assimilable, quoique plus lentement que les phos-
phates traités chimiquement. Si l’on tient compte
de la différence de prix, il semble établi que, dans
nombre de cas, il est plus avantageux même
d'employer une dose massive de phosphale mi-
néral lentement assimilable, mais augmentant les
réserves du sol — et peut-être verrons-nous se vé-
rifier le proverbe naissant: Le phosphate naturel est
l'engrais du propriétaire, le superphosphate est l'engrais
du fermier. E. Sorel,
Ancien Ingénieur des Manufactures de l'État,
Ancien Directeur aux usines de St-Gobain,
Professeur suppléant
au Conservatoire des Arts et Métiers
REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
Dans ces Lemps où les hommes qui aiment les
sciences sont « heureux de vivre », les progrès que
permeltent de réaliser la technique, sans cesse re-
nouvelée, des investigations scientifiques et la
multiplication facile des expériences, les bou-
leversements apportés par l'édification de théo-
ries appuyées sur des preuves surabondantes
rendent l’étude de la médecine de plus en plus
intéressante.
La découverte de mondes vivants inexplorés, la
vérification de lois nouvelles, si elles augmentent
notre savoir, n'en font pas moins surgir des diffi-
cultés imprévues et rejettent au nombre des er-
reurs les vérités de jadis. Aujourd'hui, il est
impossible d’être encyclopédique, et l'on se perd
dans l'énorme univers que représente le coin
le plus infime de la plus restreinte de nos
sciences.
La médecine, en particulier, qui, plus que loute
autre, a besoin du concours de la plupart d'entre
elles, a tant agrandi son domaine qu'on ne peut
plus avoir la prétention de le parcourir tout entier.
Aussi choisirai-je, pour les signaler, quelques-uns
seulement des points qui, cette année, ont retenu
davantage l'attention des médecins.
I. — TUBERCULOSE.
Les notions acquises depuis quelques années sur
celte affection, et surtout sur son agent causal, le
bacille de Koch. ont été réunies dans un livre
magistral publié, au début de cette année, par M. le
Pr Straus!'. C'est cetouvrage,admirablementexposé
et documenté, qui établit l’état actuel de la science
sur tous les points de cette question capitale.
On sait avec quel intérêt on recherche actuelle-
ment le mécanisme de la transmission de la tuber-
culose. Les produits alimentaires, entre autres
la viande et le lait provenant de bêtes tubercu-
leuses, ont été, à juste titre, incriminés. Des expé-
riences curieuses avaient élé entreprises sur une
assez large échelle en Allemagne, où l’aulorisalion
fut donnée en certaine ville de délivrer à des fa-
milles pauvres des viandes suspectes et dont la
vente était d'ordinaire interdite. On n’y remarqua
point que l'absorption de ces viandes ait favorisé
l’éclosion de la tuberculose chez les gens qui les
1 La Tuberculose el son bacille ; Rueff, Paris, 1895.
1050
D: A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
avaient employées. Le rapport récent de la Com-
mission Royale anglaise chargée d'étudier cette
question d'alimentation, fournit des conclusions
importantes au point de vue hygiénique. Les ex-
périences qu'elle fit confirmèrent les notions
acquises en France depuis plusieurs années déjà
par Villemin, Chauveau, Arloing, etc., que l’in-
gestion de produits tuberculeux donne la tuber-
culose aux animaux, que l’ébullition du lait doit
être obtenue et maintenue quelques instants pour
en assurer ‘l'innocuilé, que la chair musculaire,
même provenant d'animaux tuberculeux, mais ne
contenant pas de foyers agglomérés, est probable-
ment inoffensive pour l’homme, à la condition for-
melle d’être suffisamment cuite. La Commission a,
en outre, insisté sur ce fait que la viande, lors du |
dépecage, pouvait être contaminée par les instru-
ments des bouchers qui viennent de sectionner
des foyers tuberculeux collectés dans les viscères.
Des tentatives thérapeutiques nombreuses sont
faites de toutes parts pour limiter ou empêcher
l'action du bacille de Koch sur l'organisme hu-
main : je ne puis ici parler que des plus récentes.
Depuis plusieurs années, MM. Richet et Héricourt
recherchent la guérison de la tuberculose par les
injections de sérum provenant d’animaux immu-
nisés ou réfractaires. En 1889 déjà, ils avaient
montré qu'on pouvait retarder l’évolution de la
tuberculose aviaire par ce moyen chez le lapin.
Celte année, d'expériences comparatives faites sur
des cobayes inoculés avec la tuberculose, après
injection de diverses humeurs provenant d’ani-
maux sains où tuberculisés, ils ont conclu à la
possibilité d’enrayer le développement de la ma-
ladie par l'injection du sérum microbien.
Des résultats comparables ont été obtenus par
MM. Redon et Chenot. Expérimentant avec le
sérum d'âänes et de mulets ayant subi des inocu-
lations tuberculeuses, ils ont vu que cette humeur
injectée à des cobayes ou lapins luberculisés avait
une action empêchante manifeste sur l’évolulion
de la maladie.
De même, le sérum d’une chèvre préalablement
trailée par la tuberculine avait, entre les mains de
M. Boinet, empêché le développement de la tubereu-
lose sur des cobayes inoculés après injection sous-
cutanée préalable de ce sérum. Des expériences
encouragèrent l’auteur à essayer sur l’homme
l'effet d’injections sous-cutanées de 2 centimètres
cubes à 4 centimètres cubes de sérum de chèvre.
Il eut des résultats suffisants dans les tuberculoses
à marche lente, chronique, nuls dans les formes
fébriles, creusantes, et à poussées intermittentes.
M. Broca a publié tout récemment de très inté-
ressan{s essais dans letraitement des tuberculoses
culanées au moyen du sérum de chiens inoculés
avec la tuberculose, non réfractaires à celle afec-
tion, mais lui présentant une certaine résistance.
Dans les formes cutanées, ce traitement eut des
suites favorables très dignes d’attention.
C'est encore sur l’emploi du sérum d'animaux
divers immuhisés par des subslances {oxiques
issues des cultures de tuberculose, mais non déli-
nies, que M. Marigliano a fondé la méthode de
traitement qui fit ces jours derniers tant de bruit
dans la presse quotidienne et sur laquelle ilse
propose d'éclairer le public médical au prochain
Congrès de Rome.
En résumé, en médecine humaine les expé-
riences sont encore trop peu nombreuses pour
amener à une conclusion valable. En outre, la
tuberculose guérit parfois, et souvent elle affecte
une marche si chronique et des rémissions si
longues qu'on ne peut savoir au juste quelle
part revient au traitement dans les améliorations
observées. Nous sommes donc encore loin de
posséder un agent curatif sérieux de la tuber-
culose, Si encourageants que paraissent certains
résultats, on en est encore à la période de täton-
nements. La voie suivie promet d'être féconde,
mais ce ne sont que des promesses.
La pratique des injections diverses révèle, che-
min faisant, des faits curieux comportant un ensei-
gnement utile : telle la constatation, qui fut faite
par M. Hutinel et signalée par d’autres auteurs
(Galliard, Variot, Sevestre), sur le pouvoir lher-
mogène des solutions salines injectées aux tuber-
culeux. Toute injection sous-cutanée de sérum ou
d’eau salée estsusceptible, dans certaines propor-
tions, de déterminer un appareil fébrile chez un
individu sain. Chez le tuberculeux, il suffit d’une
proportion beaucoup moindre pour provoquer
unefièvre plus intense. On trouve là un moyen
incertain, il est vrai, mais parfois utile pour
dépister une tuberculose latente.
Mentionnons encore les recherches poursuivies
par M. Fernet au moyen d'injections de naphtol
porté dans le tissu pulmonaire même, les résultats
obtenus par M. Rendu avec le naphtol camphré
dans la péritonite tuberculeuse, résultats toutefois
mitigés par les dangers d'accidents signalés par
M. Netter.
I. — Corrs TIYROÏDE
Malgré loutes les recherches faites jusqu'ici sur
le corps thyroïde, on est très peu fixé sur le rôle
physiologique de cette glande. On ne peut préciser
son action, et, quand on a besoin d’y faire allusion,
c'est toujours en termes vagues et mal définis.
M. Nothine (de Kiew) est arrivé à extraire de la
glande thyroïde des animaux un produit déter-
miné chimiquement, qu'il appelle la {yroprotéiteet
qui se trouve dans la substance colloïde contenue
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
1054
dans les alvéoles glandulaires. Cette thyroprotéide
est toxique dans tous les cas; mais, en privant
expérimentalement les animaux de tout ou partie
de la glande thyroïde, la toxicité de ce principe
est considérablement augmentée. M. Notkine
pense que ce fait tient à ce que le corps thyroïde
. normal secrète un ferment spécial qui modifie cette
thyroprotéide et en neutralise les effets. Quand la
glande, enlevée ou malade, ne peut plus sécréter
ce ferment destructeur, l'animal est intoxiqué avec
une plus grande intensité. Cet agent toxique joue
un rôle dans certaines affections où l'intégrité du
corps thyroïde est en cause; tels le goitre exophtal-
mique et le myxœdème.
Les rapports du corps thyroïde et de la maladie
de Basedow (goitre exophtalmique) ont élé sinon
élucidés, du moins mis au point par les travaux
du Congrès de Médecine mentale lenu à Bordeaux en
août dernier. Le très remarquable rapport de
M. Brissaud a bien établi les notions acquises jus-
* qu'ici sur cette question. Les faits nouveaux
apportés au Congrès laissent intactes ses conclu-
sions, qui aboutissent à une théorie éclectique sur
la pathogénie du goitre exophtalmique.Lamaladie
de Basedow est, en effet, un syndrome, un groupe
de symplômes alliés les uns aux autreset évoluant
selon un {ype assez nettement déterminé. À quoi
sont-ils dus? A une perturbalion nerveuse cen-
trale, bulbo-protubérantielle, suivant les uns; à
une intoxication produite par le fonctionnement
anormal de la glande thyroïde, suivant les autres.
La première théorie, admise autrefois presque
exclusivement, fut ébranlée après les travaux de
Gauthier, Môübius, Joffroy et Renaut : la théorie
thyroïdienne prit sa place et l’on pensa qu'une
sécrétion thyroïdienne excessive produisait la ma-
ladie de Basedow, et qu'insuflisante ou abolie,
elle déterminait le myxædème. Ce dernier point
_ seul est établi avec certitude. D'autres auteurs
_ combinent les deux théories. M. Marie croit, par
exemple, que la cause première de l'affection réside
dans le système nerveux et que ce trouble nerveux
amène secondairement la perturbation thyroï-
dienne : celle-ci se manifesterait, d’après M. Marie,
par un excès de fonction de la glande, par l'hyper-
thyroïdation. Cette théorie est admise par Briner.
Le rôle du corps thyroïde dans la maladie de
Basedow est rendu évident par les lésions cons-
tantes de cet organe. MM. Joffroy et Achard
avaient établi l'anatomie pathologique thyroï-
dienue de cette affection. M. Brissaud, dans des
recherches spéciales qu’il fit à ce sujet, reconnut
la constance des lésions et la fréquence d’un
même type d’alléralion, dont les caractères l'a-
vaient fait qualifier par Lélienne decirrhose hyper-
trophique thyroïdienne. M. Renaut (de Lyon),
poursuivant avec sa grande compétence le délail
de ces lésions par la technique des injections, put
constater que, dans les corps thyroïdes ainsi lésés,
les interstices lobulaires sont marqués par de
larges tractus conjonctifs, el que tout le système
des lymphatiques intralobulaires est annulé. En
outre, M. Renaut établit une différence entre deux
élats de la substance élaborée par l'épithélium
thyroïdien : l’un, la #yromuvoine, non colorable
par l’éosine, produit direct de la glande; l’autre,
la #hyrocolloine, modification de la précédente. Or,
c'est à la thyromucoïne résorbée parles veines au
centre du lobule que l’'éminent histologiste attri-
bue le rôle nocif dans la thyroïdation, c'est à elle
qu'il attribue l’'empoisonnement basedowien.
Cet empoisonnement a été, d’autre part, réalisé
expérimentalement au cours des belles recherches
de MM. Ballet et Enriquez. Ces auteurs sont arri-
vés, par l'injection de suc thyroïdien, à reproduire
sur des chiens une sorte de goitre expérimental et
quelques-uns des symptômes de la maladie de
Basedow. Dans un but thérapeutique, MM. Ballet
et Enriquez ont essayé les injections de sérum de
chiens éthyroïdés, c'est-à-dire contenant, à la
suite de la suppression de la glande thyroïde, un
poison que l’hypersécrétion thyroïdienne des Base-
dowiens passe pour devoir neutraliser. Ces essais,
dans neuf cas, ont été suivis de bons résultats.
Les lentatives thérapeutiques dirigées contre la
maladie de Basedow s'appuient presque toutes sur
l'emploi du corps thyroïde même. M. Jules Voisin
a cilé des observations intéressantes de malades
trailés par ingestion de corps thyroïde; MM. Taty
et Guérin par l'ingestion de thymus. MM. Bruns
‘de Tubingue), Kocher s'accordent à dire que l'in-
gestion thyroïdienne ne donne pas de résultals
dans les goitres kystiques ou colloïdes; mais
même dans le goitre endémique, pourvu qu'il n'ait
pas subi les dégénérations précilées, ils ont eu
des régressions assez marquées. M. Gaide, dans
une série d'expériences poursuivies en Savoie, à
pu déterminer, par l'ingestion thyroïdienne chez
des goitreux simples et même des crétins goi-
treux, une amélioration sensible.
Ce n’est pas seulement dans les affections thy-
roïdiennes que ce traitement a été institué. La thy-
roïdine a été employée dans des circonstances très
diverses, dans certaines maladies mentales, contre
l'obésité et surtout pour améliorer des dermatoses
rebelles. Wilson à traité un psoriasis généralisé,
chez une femme, par l'ingestion quotidienne de
3 grammes de thyroïdine pendant trois mois. Au
bout de ce temps, la peau élait redevenue normale.
Scatchard à employé avec succès les tablettes
d'extrait thyroïdien contre le pityriasis rosé. Les
essais d'Hallopeau, de Dubreuilh dans le psoriasis
1052
ont élé négatifs. Mossé, au contraire, a réussi
dans le psoriasis, et temporairement amélioré
divers autres malades. Thibierge eut des résultats
inconstants dans le psoriasis. Jouina appliqué cette
médication aux fibromes utérins.
Dans ces traitements le corps thyroïde employé
est celui du mouton ou du veau. Lans(de Berne)
vient de montrer que celui du porc est également
efficace. On peut ingérer le Lissu même, cru, ha-
ché, élendu sur du pain. On fait aussi des ta-
blettes d'extrait thyroïdien, de l'extrait glycériné.
Fletcher Ingalli recommandait dernièrement l’em-
ploi de la glande desséchée et administrée soit en
injection hypodermique, soitpar la voie stomacale.
Mikuliez a obtenu avec le thymus des améliora-
tions nolables dans la maladie de Basedow : il est
à signaler que l'ingestion du thymus frais de mou-
ton ne détermine ni l’amaigrissement ni l'affaiblis-
sement que provoque le plus souvent l’ingestion
du corps thyroïde.
C'est que la médicalion (hyroïdienne ne va pas
toujours sans inconvénients. M. Béclère en a
montré les dangers, la production de la mort
subite par syncope après un traitement mème
relativement court. L'apparition de la glycosurie,
à la suite d'ingestion de tablettes de thyroïdine,
ayant amené la guérison d'un myxædème, a élé
signalée par Ewald. Il est acquis que le sue thyroï-
dien en injections sous-cutanées de 0 gr. 50 à
1 gramme, ou le Lissu de la glande pris par la
voie stomacale, détermine un amaigrissement con-
sidérable. Ce faitest surtoutremarquable chez cer-
tains obèses (Charrin, Roger, Gley). Cet amaigris-
sement s'arrête dès que l’on suspend le traitement.
La médicalion thyroïdienne semble, dans un
grand nombre de cas, cesser ses effets dès qu'elle
n'est plus suivie. Aussi l'intérêt thérapeutique
reste-t-il, pour une grande part, au traitement
chirurgical dela maladie de Basedow. Il consiste
en l'extirpation partielle de la glande thyroïde, par-
lielle pour éviter la cachexie strumiprive consé-
cutive. L'exothyropexie, la fixation à l'extérieur du
corps thyroïde hypertrophié, préconisée par Poncet
etJaboulay, estencore à l'étude. La ligature des qua-
tre artères thyroïdiennes des deux côtés et en deux
séances éloignées est estimée par certains chirur-
giens, dont Kocher et Treudelenburg (de Bonn.
Citons encore les cas curieux où le goitre exoph-
lalmique s’est amendé ou à guéri après des opé-
rations pratiquées sur des organes sans connexions
apparentes avec le corps thyroïde : après la cau-
lérisation de la muqueuse nasale (Henk, Franckel),
l'extirpation des polypes du nez(Hopmann), l’exci-
sion d’un cornet (Musehold), après le traitement
d’une maladie intestinale (Federn), d'un rein
mobile, etc.
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
Dans le myxœdème la médication thyroïdienne
a donné des résultats importants, car ils sont
presque constants et rapides. Ils ont été l’occasion
de recherches intéressantes sur le sang.des myxæ-
démateux. Ainsi MM. Lebreton et Vaquez ont pu
examiner les modifications du sang chezun myxæ-
démateux en traitement. Ils ont constaté une
augmentation du nombre des globules rouges et
un retour de l'hématie à ses dimensions normales,
alors qu’elles étaient augmentées avant le traite-
ment. Les globules blancs sont également plus
nombreux. La leucocytose chez ces malades est
caractérisée par la présence de grandes cellules
mononucléaires, dont le noyau est pâle et fixe peu
la matière colorante. D'autre part, Masoin à
montré que le sang des myxædémaleux élail
moins chargé d’oxyhémoglobine que le sang nor-
mal. Après le traitement lhyroïdien, la quantité
d’oxyhémoglobine augmente, sans toutefois al-
eindre la teneur du sang normal. Des consta-
lations analogues ont été failes par Albertoni et :
Tizzoni après l'exlirpation du corps thyroïde :
l'oxyhémoglobine diminue dans le sang des ani-
maux éthyroïdés. Cet abaissement est évalué de
3°/, à 17 °/,. Ce fait n’est toutefois pas constant:
car Weber sur les chiensa constaté, après l’ablation
de la glande, un taux normal d’hémeglobine.
Les désordres qu'amène chez les animaux la
suppression du corps thyroïde sont bien connus.
Comme expériences récentes, celles de Lanz sur
le pouvoir procréateur des animaux éthyroïdés
sont à signaler. Les poules privées de corps
thyroïde deviennent stériles en peu de temps.
Au contraire, l’ingestion quotidienne de corps
thyroïde augmente la ponte, maisl'auteur n'indique
pas la fécondité des œufs ainsi produits. Les
lapines hyperthyroïdées donnent naissance à des
petits dont le développement ne tarde pas à péri-
cliter et qui finissent par présenter de la parésie
des membres postérieurs.
IT. — DraAbère.
Cette question suscile de constantes recherches.
Chaque année, elle s'enrichit de nouveaux faits.
Ceux-ci aboutissent, comme il arrive sur beaucoup
d’autres points, à des résullats d'apparence con-
tradictoire, mais qui sont d'une haute utilité et
altendent comme matériaux de classement leur
emploi dans l'œuvre définilive.
La caractéristique du diabète est la présence
permanente de la glycose dans l'urine. La glyco-
surie dérive directement d'une teneur trop grande
du sang en sucre. Celle hyperglycémie provient
elle-même d'une formation excessive de glycose
dans l’économie. Il est normal que le sang con-
tienne une certaine proportion de sucre. Celui-ci
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
1053
. est employé par la nutrition intime des tissus. Au
fur et à mesure qu'il est dépensé, il s’en reforme
de nouveau. L'équilibre, à l’état normal, se main-
tient entre ces deux actes. Tous les tissus consom-
- ment de la glycose, surtout quand ils sont en état
_ d’aclivilé. C’est le foie qui débite la ration propor-
. tionnelle de sucre qui leur est nécessaire.
Deux théories sont en présence pour expliquer
l'hyperglycémie. Suivant l’une, il y a trop de sucre |
dans le sang, parce qu'il s’en forme trop au
niveau du foie ; suivant l’autre, parce qu'il ne s'en
consomme pas assez au niveau des tissus.
Les expériences de Chauveau et Kauffmann
prouvent que l’hyperglycémie est toujours due à
un trouble de la fonction glycogénique détermi-
nant la formation du sucre en excès. On sait que
la fonction glycogénique re se compose pas seu-
lement du pouvoir qu’a le foie de transformer et
de fixer le sucre, mais aussi d’une action pancréa-
tique qui permet aux substances amylacées d’être
saccharifiées, et qui favorise leur fixation par le
parenchyme hépatique. Le pancréas a une double
sécrétion : l’une intestinale, qui facilite la saccha-
rification des matières amylacées et les prépare à
être fixées par le foie; l’autre, sécrélion interne,
modère le déversement du glycogène et en favo-
rise l'accumulation. Loin d’être opposées, ces deux
actions sont parallèles. Elles sont grossièrement
comparables à la double action d’un flotteur auto-
matique qui, en même temps qu'ilouvre la bouche
d'entrée de l’eau destinée à remplir un réservoir,
en ferme l’orifice de sortie.
Il faut encore, dans le diabète, tenir compte
d’un autre élément : le rôle du système nerveux
est très important dans la production des troubles
de la fonction glycogénique. La célèbre expérience
de Claude Bernard, déterminant par la piqüre du
plancher du quatrième ventricule cérébral l'hyper-
glycémie et la glycosurie, en est une preuve sans
réplique. Dans cet ordre d'idées, M. Kauffmann a
produit des expériences fort intéressantes. Il a
démontré que celte piqüre faite sur des chiens dont
le foie et le pancréas ont été préalablement éner-
vés, détermine des effets différents si l'expérience
porte sur des chiens dépancréatisés, ou sur des
chiens rendus glycosuriques. Sur les premiers, il
n'y a aucun effet; sur les seconds, il y a accrois-
sement de glycosurie. M. Kauffmann en conclut
qu'à la suite de la piqûre du quatrième ventricule,
le foie fonctionne plus activement et que le sang
lui apporte en excès des substances propres à être
transformées en sucre et dont la surproduction est
due à une histolyse exagérée.
M. Thiroloix, de son côté, a fait des expériences
différentes des précédentes, mais comportant des
résultats généraux semblables. Pratiquant la sec-
tion des nerfs du foie et des nerfs du pancréas, il
vit qu'elle ne suffisait pas à déterminer la glyco-
surie. Sur un animal ainsi préparé, celle-ci s'éta-
blit si l’on extirpe le pancréas. Cette glycosurie
est même plus grave que celle que produit l’abla-
tion simple du pancréas entier. Mais, conrme elle,
la greffe pancréatique la fait disparaiire.
Dans toutes ces recherches, l’action dominante
semble devoir être attribuée à la cellule pancréa-
tique elle-même. L'expérience de Minkowski, ré-
pélée par Hedon, Gley, Thiroloix, étc., esl reslée
irréfutable : l’extirpation totale du pancréas a pour
conséquence la glycosurie. Thiroloix, en atro-
phiant le pancréas par divers procédés, a obtenu
les mêmes effets; mais ceux-ci ne surviennent que
si l’atrophie est complète. S'il reste quelque peu
de la glande sécrétante, cette partie minime s'op-
pose à l'établissement de la glycosurie. C'est pro-
bablement ainsi qu’il faut expliquer l'absence de
glycosurie dans les faits signalés par Mouret et
autres. Mouret, après avoir injecté de l'huile dans le
canal de Wirsung et lié ce canal, a déterminé de la
sclérose pancréatique, des dégénérescences de l'épi-
thélium glandulaire, de la dilatation des vaisseaux
sans que ces lésions fussent suivies de diabète.
M. Lépine, continuant ses recherches sur le fer-
ment glycolytique, lrouva que la diastase saccha-
rifiante produite par le pancréas perd, par l’acidi-
fication au moyen de l'acide sulfurique dilué, son
pouvoir saccharifiant, et prend, au contraire, des
propriétés glycolytiques. En outre, pendant que
le pancréas, par une excitation périphérique du
vague, produit la diastase saccharifiante, le sang
de la veine pancréatique ne possède qu'un pouvoir
glycolytique insignifiant. Il y aurait donc une sorte
de balancement entre la sécrétion externe {sac-
charifiante) du pancréas et la sécrétion interne
(glycolytique). M. Lépine, par hydratation de la
diastase du maltde l’amylase, a obtenu un ferment
glycolytique et il l’a ingénieusement expérimenté
dans le traitement du diabète. Ses observations,
où sont notées les quantités d'urée et de sucre uri-
naire obtenues sous l'influence de ce ferment, sont
dignes d'attention.
M. Lépine a insisté sur la disproportion qui
existe, dans certains cas, entre l’hyperglycémie
et la glycosurie. De la teneur d’une urine en sucre
on ne peut nullement induire la surcharge du
sang en sucre. L'hyperglycémie semble seulement
être en raison inverse de la polyurie, ce qui est
logique. La mème loi peut, d’ailleurs, s'appliquer
à presque toutes les substances trouvées dans l’u-
rine (albumine, acide urique, etc.).
Etant donné le courant des idées acluelles, il
élait ralionnel d'essayer, dans letraitement du dia-
bête, l'ingestion de suc ou de tissu pancréatique.
1054
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
L'expérience a été faile par M.Grube de Neuenahr.
Il a employé de préférence l'extrait alcoolique de
pancréas de bœuf. Les résultats ont élé nuls sur la
glvcosurie même, mais ce traitement semble avoir
eu une influence favorable sur lestroubles dyspep-
tiques et la constipalion.
M. Aussel, ayant d'abord expérimenté sur des
chiens qui avaient subi l’extirpation du pancréas
el ayant vu que l'ingestion de pancréas de veau
faisait disparaitre la glvcosurie, soumit un diabé-
tique au même lraitement el réussit à maintenir
la disparilion du sucre el l'état normal des urines.
Signalons encore l'intéressantessai de M. Cassael
surla levure de bière employée comme médicament
antidiabétique. La dose quotidienne de 50 grammes
de levure de bière a amené une amélioration no-
table dans l’état de quelques malades déjà arrivés :
à la période cachectique ou atteints de tuberculose.
IV. — GOUTTE
Celte affection si commune est, en général, délais-
sée dans les recherches des pathologistes. La cause
en est à sa rareté relative dans les milieux hospi-
laliers.
Les (travaux récents faits sur ce sujet nous vien-
nent surtout de l'étranger. La déclaration de van
Noorden que l'allération des tissus, dansla goutte,
ne serait pas due à l’acide urique, mais à un fer-
ment spécial inconnu, est de nature à bouleverser
les idées régnantes sur la goutte. Nous ne pouvons
que la signaler, sans y insister, puisqu’aucune dé
monstralion précise n’a jusqu'ici été donnée du
bien-fondé de cette hypothèse. Il est à remarquer
toutefois qu'avant la découverte de l'acide urique
et l'établissement des théories chimiques qui domi-
nent la pathogénie de la goutte, les anciens assi-
milaient cette affection aux « fièvres » et que
Boerhaave la Lenail pour contagieuse.
F. Levison, dans un travail récent, reprend l’an-
cienne conception de la rétention urique. Pour lui,
la goutte tiendrait plutôt à une rélention de l'acide
urique dans le sang qu'à une hyperproduction de
cel acide. Il ne resterait dans l'organisme qu'à
cause de l’altération des reins. Les lésions rénales
sont constantes dans la goutte, les accidents ne
surviennent qu'après que le rein malade est devenu
imperméable à l'acide urique. Levison trouve un
appui dans cerlaius faits cliniques inconteslables :
il montre les intoxications, le salurnisme par
exemple, agissant sur le rein et finissant par déter-
miner la goutte; il dil que les urines des goutteux
renferment en général moins d'acide urique que
celles des individus sains, ce qui est vrai dans cer-
laines phases de la maladie. Mais ces interprétations
ne constituent pas des preuves irréfutables.
Plus importants et plus sûrs sont les résultats
obtenus par G. Klemperer. Ils confirment ce que
nous savons de l'excrétion de l'acide urique dans
la goutte : elle est lantôt augmentée, tantôt dimi-.
nuée; mais, landis que chez les individus sains on
ne constate dans le sang que des traces d’acideuri-
que, chez les goutteux l'excès d'acide urique est
constant dans le plasma sanguin.
Il ne faut pas croire toutefois que ce soit là un
signe réellement pathognomonique : car, dans
d'autres maladies, dans laleucémie, ce même excès
existe. De plus, il n'y a pas de rapport entre l'uri-
cémie et l'acide urique contenu dans l'urine: l’uri-
cémie ne coïncide même pas d'une façon absolue
avec les accès de goutte.
Les expériences fort instructives de G. Klem-
perer ont montré que, malgré la surcharge urique
du sang des goutteux, celui-ci n’est jamais à salu-
ralion, et qu'il peul encore dissoudre plus d'acide
urique qu'i n'en contient. Il y a donc autre chose
qu'un acte chimique simple. Klemperer croil
que le processus nécrosique estle premier en dale
et que l'acide urique est fixé par lui :ceserait donc
la confirmalion des vues d'Ebstein qui pense que
le dépôt d'acide urique est précédé d'une altéra-
lion musculaire du cartilage, altération surtout
appréciable par l'examen du tissu à la lumière
polarisée. Klemperer fail de même justice de la
suralcalinilé du sang.
Sang trop riche en acide urique, nécrose des
Lissus sont deux faits cerlains. Sont-ils sous la dé-
pendance immédiate l’un de l'autre ? On vient de
le voir, nous ne pouvons l'aflirmer. Sont-ils tous
deux causés par un processus dominant, encore
inconnu? La question soulevée par van Noorden
vient là se poser à l'esprit.
À part l'emploi du salicylate de strontium pré-
conisé par Wood à la dose de 0 gr. 60 à 1 gramme
dans la goutte chronique avec troubles digestifs,
aucune thérapeutique nouvelle n’a élé employée
avec salisfaction contre la goutte. On cherche tou-
jours à modifier le milieu sanguin et à déterminer
la solubilité des sels uriques circulant dans l'orga-
nisme, comme Nicolaïer el Bardet l'ont fait avec
l'urotropine. Mais celle méthode est illusoire; et,
si elle étailralionnelle autrefois, conforme aux con-
ceplions d'alors, elle perd de jour en jour sa raison
d'être.
V. — CANCER
La question de l'origine du cancer est loujours
pendante. On sail que, pourles uns, le cancer se-
rail parasilaire, dû à un agent figuré encore mal
déterminé; pour les autres, ilrésullerait d'une dévia-
tion dans l'évolution de certains tissus sous l’action
d'une cause ignorée, d’une prolifération désor-
donnée elatypique de certains éléments cellulaires.
Le système nerveux liendrait sous sa dépendance
D: A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
le processus morbide. Il est intéressant d’enregis-
trer les recherches qui ont été faites récemment
_ dans ces deux sens,
/
Jusqu'ici on a décrit dansle cancer des éléments
figurés, sur la valeur desquels l'accord est loin d’être
universel. On y a vu des figures coccidiennes, des
sporozoaires (Malassez, Albarran, Darier, Thoma,
Soudakewitch, Jurgens, Foa, etc.), des corpuscules
de Russell, des cellules de morphologie spéciale et
-de réactions colorées variables, des corps qui ne
:
seraient que des formes de dégénération cellulaire
(Cornil, Cazin). M. Fabre-Domergue a consacré
un lravail à l'explication de ces formes cellulaires
et à la réfutation de leur nature parasitaire. Bref,
les études de ces divers corps, tant micrographiques
! ) Srapniqt
qu'expérimentales, n'ont pu aboutir à une preuve
pleinement démonstralive du parasilisme du can-
cer. Toutefois, les expériences d’inoculabilité du
cancer fournissent des faits curieux. Les tentatives
d'inoculation du cancer d'un genre animal à un
aulre genre ont été infructueuses; les essais n’ont
élé positifs que sur des animaux de même race; de
chien à chien, de souris à souris. Quant à la greffe
vancéreuse chez l'homme, elle n’a été obtenue que
sur l'individu même quiétait porteur delanéoplasie.
Les tentatives thérapeutiques ont été multipliées.
Elles sont de deux ordres : les unes recherchent
la guérison du cancer par l'injection des toxines
microbiennes ; les autres par la sérothérapie.
La marche de certaines Llumeurs malignes ayant
semblé avoir été favorablement influencée par
l'apparition fortuite d’un érysipèle, on essaya de
_ réaliser artificiellement cette donnée. Friedreich
injecla des toxines provenant des cultures de di-
xerses bactéries et surtout du streptocoque. Les
résullals ont été nuls sur les carcinomes; sur les
sarcomes, une seule fois l'expérience a amené une
amélioration de l'état général du sujet, mais non
une régression vraie de la tumeur. Kocher, recou-
rant au même procédé, a vu la mort survenir après
une diminution passagère du néoplasme. Enfin,
Coley a imaginé un procédé qui consiste à injecter
des cultures sur bouillon du streptocoque érysipé-
laleux, chauffées à 100°, filtrées et addilionnées
d’autres toxines issues de cultures du Bucillus prodli-
yiosus. Les expériences ne sont pas concluantes : il
sembleraitseulementqueces méthodesseraientplus
aclives à l'égard des sarcomes que des carcinomes.
On a pensé augmenter les chances de succès et
diminuerles dangers des inoculatious en employant
non les produits issus des cullures, mais le sérum
d'animaux inoculés avec le streptocoque de l’éry-
sipèle. Ce sérum, entre les mains d'Emmerich et
Scholl, aurait donné des résultats remarquables
dans des récidives post-opératoires de cancer du
sein. Par contre, ce même sérum a élé non seule-
ment inefficace, mais encore toxique chez certains
malades à qui Bruns l'avait injecté. D'ailleurs, il peut
rester dans ce sérum, par suile d'erreurs de prépa-
ration faciles à commettre, des streptocoques viru-
lents: témoin ce cas de Freymuth, qui, se servant
du sérum d’Emmerich et Scholl, donna au malade
qu'il traitait pour un cancer de la langue un éry-
sipèle vrai, qui se transmit à la femme du patient.
MM. Richet et Héricourt emploient un autre
procédé. Ils s'adressent au sérum anticancéreux
vrai obtenu par l'injection de suc cancéreux aux
animaux. Leursexpériences, par lasurprise qu'elles
ont causée, méritent d’être relatées. Un ostéosar-
come de la jambe ayant été opéré, on injecta le
suc de la tumeur broyée à un âne et à deux chiens,
qui ne présentèrent aucune réaction et sur qui on
préleva ensuite une certaine quantité de sérum. Ce
sérum fut injecté à une malade de M. le Professeur
Terrier, qui portait une tumeur récidivée d’appa-
rence fibrosarcomaleuse, dont le développement
devenait menaçant. Après une dose totale de
120°° de sérum, la tumeur s’élait réduite des deux
liers, ne formant plus qu'une plaque d’induration :
concurremment l'élat général s'améliora.
Ce même traitement fut appliqué à un malade
de M. Reclus, portant une lumeur de la région
stomacale. L'amélioration fut telle qu'elle dépassa
tout espoir, si bien qu'on pensa avoir fait une
erreur de diagnostic.
Usant d’un procédé analogue, M. Boureau aurait
obtenu, dans sept cas, non des guérisons, mais des
améliorations notables dans l’état des malades.
Tous ces essais sont trop récents, trop rares
pour qu'on puisse en tirer une conclusion sérieuse.
Terminons par les intéressantes communications
de M. Delbet. Cet auteur proposé de substituer à la
sérothérapie qui n’emploie que le sérum seul, c'esl-
à-dire une humeur privée de certaines parties
essentielles du sang, l’hémothérapie, qui uliliserail
le sang complet. L'injection du sang brut ayant
des inconvénients Lirés de son défaut de conserva-
lion et de sa coagulation, M. Delbet y pare en s’op-
posant à celle dernière par la précipilalion des
sels de chaux au moyen de l’oxalale de soude. Le
sang conserve alors sa fluidité ; il n’est privé
ni de sa fibrine, ni d'une partie de ses malières
albuminoïdes, et l’on peut, malgré la présence des
oxalates, l’injecter sans danger. Le procédé per-
mettrait, en outre, d'employer, suivant les circons-
lances, soit le sang Lotal avec des globules rouges
cl blanes (hémothérapie), soit le sang débarrassé
par décantalion de ses éléments figurés (plasma-
thérapie).M. Delbetautilisé celte méthode pour trai-
ter un lymphadénome ganglionnaire généralisé
avec le sang d’un chien préalablement inoculé.
D' A. Létienne.
1056
L'air comprimé, comme agent de transmission de la
force motrice, a certes dans l’électricité une sérieuse
concurrente, Cependant il semble être loin de dispa-
raitre complètement, et son emploi est encore passa-
blement répan-
du, par exemple
dans Pexploita-
tion des tram-
ways, dans les
travaux de mi-
nes. Aussi lé-
tude des perfec-
tionnements à
apporter aux ap-
pareils qu'il u-
ülise est - elle
toujours ardem-
ment poursuivie
par quelques in-
génieurs. Nous
citerons aujour-
d'hui un nou-
veau type de
compresseur
d'air faquelle
principe d’après
lequel il est
construit rend
très intéressant,
Letravail pro-
duit quand Île
piston d’une ma-
chine à vapeur
se déplace d’une
quantité donnée
est plus grand
au commence -
ment qu'à la fin
de Ja course.
En effet, ce ira-
vail est repré-
senté par le pro-
duit P.S.d,—P
étant la pres-
sion de la va-
peur, S la sur-
face du piston,
d le déplace-
ment. Or, à par-
tir du moment
où commence la
détente , P dé-
croit continuel-
lement. Au con-
traire, lorsqu'on
comprime de
l'air, la pression
croit de plus en
plus pendant
une course du
piston, et le travail dépensé, correspondant à un certain
déplacement, progresse de la même facon. Il n’est donc
pas possible, quand les deux pistons sont directement
reliés l’un à l'autre, d’équilibrer à chaque instant le tra-
vail produit et le travail dépensé. La même particularité
se présente dans les machines à vapeur ordinaires; mais
alors la différence est plus faible que dans notre cas,
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
UN NOUVEAU TYPE DE COMPRESSEUR D'AIR
dE
(l CU ge LL sn in]
——_—_—_—
1
NL LH
LORS SERRES
——_—
l'Hperr |
Fig. 2. — Représentalion du mouvement combiné du piston à vapeur el du piston à
air.—Y, cylindre à vapeur; au-dessous, U, cylindre à air; 1, tige du piston à vapeur;
H, tige du piston à air; À, levier de manœuvre; D, E, points fixes: B, C, petites
üges reliant le levier À aux points fixes D, E; F, G, points où les tiges B, C,
s’articulent au levier A. — A droite de la fiture, le dessin en traits pleins repré-
sente une position extrème du piston; le dessin en traits tirés, la position con-
traire. — Les lignes verticales dans les deux cylindres séparent des déplace-
ments correspondants de leurs pistons, déplacements numérotés de 1 à 5.
! American Machinist. Vol. 18, n° 26,
puisque le travail dépensé est en général à peu près
constant pendant un tour de l'arbre. Il faut avoir
recours, dans les compresseurs d’air, à des arlilices
spéciaux : on emploie de très forts volants; on dispose
plusieurs séries
de pistons de
manière à équi-
librer, autant
que possible, la
somme des tra-
vaux, ete, Mal-
gré de telles pré-
caulions,la mar-
che de ces ma-
chines est tou-
jours assez irré-
sulière.
Dans le nou-
veau type cons-
truit par la New
York Air Brake
Company !
(fig.f), il n’y a
pas de ces com-
plications. On y
trouve seule -
ment un cylin-
dre à vapeur or-
dinaire , deux
cylindres à air
à simple effet et
deux pelits vo-
lants. L'équili-
bre de travail
est obtenu grà-
ce à un mode
ingénieux de
liaison entre les
tiges des diffé-
rents pistons .
Notre figure 2
en donne le dé-
tail. Iest la tige
du piston du
cylindre à va-
peur V ;H, celle
du piston du ey-
lindre à air U,
Si la première
conduisait la
seconde au
moyen d’un le-
vier oscillant
autour d’un
point fixe, la vi-
tesse du piston
à vapeur serail
dans un rapport
invariable avec
celle du piston
compresseur et nous n’aurions aucun équilibre entre le
travail de l’un et celui de l’autre. Soient S etsles sections
des deux pistons et à un moment donné V etv leurs vi-
tesses respectives; P, la pression de la vapeur, p celle de
l'air. Si nous écrivons que le travail produit est égal an
ETS en LE NO ENUT GRR RE Er A NS
:
ñ
“
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 1057
— trafail dépensé, nous obtenons :S.V.P=—svp. Supposons, | simple, peu coûteux, peu encombrant et dont la régu-
CA AA | larité de marche ne laisse pas à désirer.
Il nous reste à montrer comment varient les centres
de rotation successifs du levier A de la figure 2. Ce
r simplifier, S — 5; il reste : VP = vp, ou v E:
s à P, | levier peut être représenté schématiquement par le
. Par conséquent, pour que l'équilibre fût parfait, il fau- |! quadrilatère ABGF (fig. #), relié aux pointsfixes DetE
rait que le par deux barres
rigides FD et
GE, articulées
avec lui en Fet
G. Ces deux der-
niers points peu-
vent donc dé-
crire respecti -
vementune Cir-
conférence au-
tour de D et de
ipport des vi-
_tesses fût tou-
jours en raison
inverse du rap-
&.
port des pres-
… sions. C’est ce
_ que l’on a cher-
_ ché à réaliser
_ aussi approxi -
_ mativement que
NII III
772
4
CZ
72277)
Tai
Z
(27
772
ÿ
LIL
_ possible dans | B——— Ô ne |/ E. Les quantités
Vexemple qui ou féermuirf | D - À, dns" #Aee rw dont se dépla-
| nous occupe au- É EL RE Fam :/h7" cent les pistons
? jourd’hui. Pour
. cela, le levier A, “I
qui réunit les
deux tigesIetH
du compresseur
sont à chaque
instant propor-
tionnelles aux
2
RÉ
Ar
= SN AM
. (fix. 2), est relié A : F B projections -des
à deux points Fig. 3. — Coupe du compresseur. —C, cylindre à vapeur; À,B, cylindresäair;p,q, Yitesses des
fixes D et E au pistons des cylindres à air; w, 0, soupäpe d'entrée de l'air dans les cylindres; sommets A et B
moyen de deux s, L, soupapes d'entrée de l'air dans leréservoir; 4; b, leviers de manœuvre. sur une droite
etits bras mo- parallèle à leurs
iles, B et C, articulés avec lui en F et G. Nous montre- | tiges, et c’est la loi de variation du rapport de ces quan-
rons tout à l’heure que, par suite d’une telle dispo- | tités qu'il nous faudrait chercher. Le problème ainsi
sition, le rapport des vitesses des deux extrémités du | présenté est passablement long et ce serait sortir de
levier À varie constamment et suivant une loi que l’on | notre cadre que d’en exposer la solution complète. Nous
peut déterminer à l'avance. Divisons la course totale | essaierons seulement de prévoir les résultats qu’elle
du piston à vapeur en 5 parties égales marquées 1, 2, | donnerait. Dans une figure en mouvement, les différents
3, 4, 5 sur la figure 2; nous | points ont des vitesses proportionnelles à leur distance
avons, avec les dimensions | au centre instantané de rotation. Ilest doncutile d’obte-
des organes adoptées dans | nir le lieu de celui-ci, rapporté au plan du quadrilatère
notre cas, des courses corres- | ABGF (fig. 4). Soit (fig. 5) fg une position du côté
pondantes du piston compres- | FG de la figure 4. Le centre instantané de rotation se
seur qui sont inégales; on | trouve à la rencontre des normales menées par deux
les a marquées des mêmes | points quelconques aux courbes décrites par ces
nombres 1, 2, 3, 4, 5. On voit | points dans leur mouvement. Ce sont, pour f'et g, les
que plus la pression de la | prolongements des rayons fD et g E. Nous obtenons
vapeur est forte, plus le pis- | ainsi le point 0. Considérons la position ab pour
ton du second cylindre mar- | laquelle la droite est venue
che vite par rapport à celui | dans le prolongement du
du premier cylindre,et réci- | rayon b E. Le point 0 est
proquement. On n'arrive évi- | alors en f. Il viendrait de
A
demment pas à l'équilibre | même en d pour une position D
parfait, mais on s’en rappro- | de, telle que la droite pro- È A
che suffisamment pour ren- | longe le rayon D. Si, pour /
dre la marche de la machine | toutesles positions comprises ANT
assez régulière avec deux | entre a b et de, nous cher- ‘7 f--.
petits volants. chons aiusi le centre instan- °
= > ; La figure 3 montre la dis- | tané de rotation et que nous
Fig. #. — Représentation Losition du compresseur com- | le reportions sur la figure 4,
o
chématique des liaisons : RE 3
da “HSE de ln ire > plet. Les cylindres à air À et | nous obtiendrons une courbe
— Lelevier Adelafigure> B sont placés à la base, Ils | semblable à F O G. Lorsque
est représenté dans cette Sont tous deux à simple effet | le point O se déplace sur
figure par le quadrilatère et, dans leur ensemble, ils
ABGF. I1 est relié aux jouent le rôle d'un seul cy- | cette courbe, le rapport —
deux points fixes D et E Jindre à double effet. Mais 98
Mere dsbarres pes leurs pistons, grâce aux deux | dont est fonction le rapport RE
traits mixtes FOG donne leviers articulés a etb,ont des | des déplacements des pistons mobile FG de lu
le lieu des centresinstan- Mouvements absolument in- | du compresseur, varie d'une figure 4. — Les positions
tanés de rotation du qua- dépendants, Une enveloppe | manière continue entre des successives du côté FG
drilatère AFGB;,rapporté d’eau froide ies entoure com- | valeurs qu'il est facile de dé- sont représentés ici par
au plan dece quadrilatère. plètement, sauf aux endroits | terminer. En modifiant les ab, gf, cd.
où, dans les fonds, on a logé | dimensions du quadrilatère A
les soupapes s et { donnant passage à l’air lors de son | BGF, les longueurs FD et GE, la distance entre les cen-
entrée dans le réservoir. Les soupapes ” et 0, servant | tres Det E,etc., on peut obtenir la loi de variation dé-
à l'entrée de l'air extérieur dans le cylindre, ontété pla- | sirée ou tout au moins s’en rapprocher d’une manière
cées sur les pistons p et q. À la partie supérieure du | absolument satisfaisante.
compresseur, se trouve une petite machine à vapeur Le compresseur de la New-York Brake Air C° offre
ordinaire dont le cylindre est en C. La figure 1 donne | donc une intéressante application de la Géométrie
une vue de l’ensemble. On a en somme un appareil | pure à la Mécanique pratique, A. Gay.
1058
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques.
Cousin (Pierre), Ancien Elève de l'Ecole Normale
Supérieure, Professeur au Lycée de Caen. — Sur les
Fonctions de x variables complexes. (Thèse de
la Faculté des Sciences de Paris.) — Extrait des Acta
Mathemalica, Stockholm, Central-Tryckeriet, 1895.
Le développement d’une fonction y, de n variables
complexes æ, 41, ..., In —1, en série S, procédant sui-
vant les puissances entières et positives des x, sert sur-
tout à établir l’existence de y, considérée, par exemple,
comme intégrale d’un certain système d'équations dif-
férentielles. Mais étudier les propriétés de y sur Selle-
même, c’est en général très malaisé. Pourn — 1, la.
question est relativement avancée, grâce aux travaux
notamment de MM. Mittag-Leffler, Weierstrass, Poin-
caré... On sait construire S de facon à attribuer à y
certaines propriétés choisies à l'avance, à fixer par
exemple les zéros de y (valeurs de + où y est nulle);
on sait quelquefois reconnaitre que S est le quotient
de deuxautres séries... Pour n — 2 plusieurs résul-
tats importants ont été obtenus par M. Poincaré.
M. Cousin s'occupe de les étendre àäun nombre x quel-
conque.
Toute la thèse est la démonstration d’un théorème
unique; l’analyser est impossible. On n’a le choix
qu'entre une reproduclion presque complète, qui ne
saurait trouver place ici, et un résumé de quelques
lignes,dont je dois, à mon grand regret, me contenter.
Une fonction y peut avoir des « pôles » où elle est
infinie et des « singularités essentielles » où lesallures
de y sont plus compliquées. Tout cela est bien connu.
Rappelons aussi qu'une variable complexe # « est si-
tuée à l’intérieur d’un cercle ayant l’origine pour centre
et R pour rayon », lorsque le module de # est infé-
rieur à R.
Le théorème suivant est dù à M. Poincaré : « Si une
« fonction analytique de deux variables complexes n'ad-
« met, à distance finie, que des singularités non essen-
«tielles, elle est le quotient de deux fonctions entiè-
« res.» Il est généralisé par M, Cousin ainsi qu'il suit :
« Si une fonction de » variables complexes n’admet
« que des singularités non essentielles à l’intérieur de
«n cercles, ayant pour centres les n origines et dont
«chacun a un rayon fini ou infini, cette fonction est le
« quotient de deux Séries entières par rapport aux
« n variables, convergentes à l'intérieur des n cercles, »
Voilà, àcause des nombreuses applications possibles,
une importante contribution à la théorie des fonctions
et une excellente thèse. Léon AUToNxE.
Wirtinger (Wilhelm), Professeur à l'Université
d'Innsbruck, — Untersuchungen uber Thetafune-
tionen. — 1 vol. in-4° de VIII-125 pages. (Prix :
11 fr. 25.) B. G. Teubner, éditeur, Leipzig, 1895.
Le trait caractéristique de l'ouvrage est la représen-
talion des fonctions 6 par des séries infinies ; l’auteur
a renoncé à les étudier en les considérant comme un
cas particulier des fonctions périodiques générales de
degré 2 n.
L'ouvrage est divisé en deux parties. La première,
consacrée aux fonctions $ en général, contient, après
quelques remarques sur la notation employée et l’ex-
position des plus importants théorèmes sur les rela-
tions qui existent entre les fonctions 6, la théorie d’une
figure algébrique de p dimensions dans un espace à
2P— 1 dimensions, figure qui peut-être considérée
comme le cas le plus général des surfaces de Kummer.
Dans la seconde partie, l’auteur étudie les figures
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
algébriques les plus facilement abordables et suffisam-
ment générales dont les fonctions 6 de Riemann se dé-
composent en facteurs après une tranformation, el
l'équation qui comporte le plus grand nombre de
paramètres pour un de ces facteurs.
Après quelques chapitres sur l'annulation des fonc-
tions 6 et leur représentation algébrique, l’auteur ar-
rive à celte conclusion importante : Les fonctions 9 de
p variables considérées dans cet ouvrage sont, dans le
cas de # ou 5 variables, les plus générales possibles :
lorsque p > 5, elles dépendent de 3 p paramètres; elles
sont donc de trois paramètres plus générales que les
fonctions 6 de Riemann, qu’elles renferment comme
cas limite. 2 L. B.
2° Sciences physiques.
XWitz (Aimé), Docteur ès sciences, Ingénieur des Arts
et Manufactures, Professeur à la Faculté libre des
Sciences de Lille. — Cours élémentaire de Mani-
pulations de Physique.— 2° édition. — 1. vol. in-8°
de?18 pages avec 77 fig. (Prix : 5 fr.) Gautluer-Vil-
lars et fils, éditeurs. Paris, 1895.
Ce volume n’est point, comme son titre pourrait le
faire supposer, une réduction, à un point de vue plus
élémentaire, de l’excellent Cours de Manipulations édité
en 1883 et actuellement épuisé.
En publiant cette nouvelle édition, M. Witz a pensé,
avec raison, être utile à une certaine catégorie d'élèves
en groupant dans un volume séparé un certain nombre
de manipulations détachées de l’ensemble de l'Ouvrage
et choisies en vue du cadre de leurs études : c’est ce
volume qui vient de paraître sous le titre de Cours élé-
mentaire et qui est spécialement destiné aux candidats
à certaines écoles et au nouveau certificat des études
physiques et naturelles.
Mais, si les sujets des trente-sept manipulations
réparties en dix chapitres que contient ce livre ont été
choisies dans les parties relativement élémentaires de
la Physique, chacune d'elles y est traitée avec autant
de développements que dans l'ouvrage primitif. L'an-
cienne rédaction, conservée dans son ensemble, à
mème été complétée en différents points, notamment
par des applications heureusement choisies pour in-
téresser les élèves.
Chaque manipulation est précédée d’une introduction
théorique rappelant les formules qui devront être
appliquées et généralement suffisante, malgré sa con-
cision, pour permettre d'opérer sans recourir aux trai-
tés. La description des instruments et le manuel opé-
ratoire qui suivent, contiennent sans longueurs, mais
avec la netteté et la clarté qui caractérisent l’Ouvrage,
toutes les indications pratiques nécessaires pour
mener les opérations à bonne fin; c’est surtout dans
le choix et l'exposé de ces instructions que consiste la
valeur d’un traité de manipulations; sous ce rapport il
suffit d’un coup d'œil sur l'ouvrage de M. Witz pour y
reconnaitre la main d’un professeur expérimenté et
d’un habile praticien. 2
Ce premier volume est, pour ainsi dire, l'introduction
au second, qui contiendra les manipulations relatives
|
|
|
|
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|
|
|
|
aux parties plus élevées de la Physique; l’ensemble |
formera donc un cours complet de manipulations, qui
continuera à rendre, aux candidats à la licence et à
ceux qui veulent pousser plus loin l'étude de la Phy-
sique, les services qu'a déjà rendus l'édition de 1883;
nous ne pouvons que souhaiter à la nouvelle édition
le succès bien mérité de celle qui l’a précédée,
E. H. AMaGar.
D BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
Limb (Claudius), Préparateur de Physique à la Faculté
des Sciences de Paris. — Mesure directe des Forces
éléctromotrices en unités absolues électroma-
gnétiques, (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des
sciences de Paris.) Gauthier-Villars et fils, éditeurs.
Paris, 1895. ‘
La mesure absolue d’une force électromotrice se
ramène le plus souvent à la mesure d'une résistance et
. d’une intensité. M. Limb s’est proposé de comparer
directement la force électromotrice inconnue à une
force électromotrice d’induction dans un cas où celle-
ci est calculable,
Dans les expériences de l’auteur, cette force électro-
motrice est produite par la rofation d’un aimant à
l'intérieur d’une bobine longue ; la valeur maxima de
la force électromotrice sinusoïdale ainsi produite sera,
sauf de légères corrections, égale au produit par #7 du
nombre des spires par unité de longueur sur la bobine,
multiplié par le moment magnétique de l’aimant,
multiplié encore par la vitesse angulaire de rotation.
Pour connaître exactement le nombre de spires, on
mesure le pas de la vis du tour, et l’on multiplie le
nombre par la raison du train d’engrenages qui com-
mandait cette vis au moment du filetage de la bobine,
Le moment magnétique est déterminé par la méthode
classique de Gauss; quant à la vitesse de rotation, on
l’obtient en enregistrant simultanément sur le cylindre
de l'appareil de Marey les tours de l’aimant, et les oscil-
lations d’un pendule à seconde; on a pu, d’aillèurs,
maintenir cette vitesse remarquablement constante au
moyen d'un frein à ficelle en se guidant sur les indi-
cations d’un tachymètre, dont le très ingénieux prin-
cipe a été donné par M. Lippmann. La comparaison
de la force électromotrice induite et de celle des élé-
ments que l’on veut étalonner, se faisait à l'aide d’un
-potentiomètre spécial habilement disposé. Avec l’ap-
pareil utilisé, les forces électromotrices développées
par induction étaient de l’ordre d’un demi-volt; l'au-
teur indique qu'il serait facile, avec une bobine plus
considérable, d'obtenir une valeur quatre ou cinq fois
plus grande, et, par suite, une précision plus haute;
mais de la discussion des expériences il ressort incon-
testablement que les résultats sont déjà des plus sa-
tisfaisants, les valeurs trouvées pour les éléments
étudiés sont certainement exacts jusqu’au troisième
chiffre décimal, ainsi les forces électromotrices à 0°
sont1 volt#53 pour l’étalon Latimer Clark, 1 volt392 pour
l’étalon Gouy; le volt employé ici est, bien entendu,
le volt absolu, et non le volt légal. Ces nombres sont
presque identiquement ceux que divers expérimenta-
teurs avaient trouvés indirectement.
Le travail de M. Limb est, pourrait-on dire, parfait;
il est conduit avec une véritable autorité. Ge n'est
certes point l'essai encore hésitant d'un débutant, mais
bien l’œuvre assurée d’un expérimentateur consommé.
Quelques personnes, à qui, sans doute, manquerait
la persévérance nécessaire pour poursuivre sans dé-
faillance un travail d'aussi Jongue haleine, pourraient
être tentées de demander si l'intérêt, incontestable
d’ailleurs, qu’il y avait à obtenir une évaluation directe
des forces électromotrices confirmant les résultats
déjà obtenus indirectement, était cependant assez
puissant pour justifier un effort aussi considérable,et si
le résultat atteint récompense suffisamment les années
et le talent dépensés. A ces sceptiques, il serait aisé de
répondre que le résultat principal n’a pas été le seul
fruit du travail ; une foule de résultats, de détails ont
été obtenus par surcroît : M. Limb a prodigué à chaque
pas les idées Les plus heureuses. Citons, par exemple,
de très importants perfectionnements apportés à la
méthode de Gauss, une modification très avantageuse,
universellement adoptée aujourd’hui, de l’électromètre
Lippmann, la construction d’un potentiomètre com-
mode et précis, etc.; et, certes, ce ne sont point là
des résultats négligeables.
Lucien Poincaré.
3° Sciences naturelles.
Jacob de Cordemoy (Hubert). — Recherches
sur les Monocotylédones à accroissement secon-
daire. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des
Sciences de Paris.) — Un vol. in-8° de 108 pages, avec 3
planches. Imprimerie Le Bigot, Lille, 1895.
On sait que certaines plantes monocotylédones
offrent, par exception, dans quelques-uns de leurs or-
ganes, des tissus secondaires produits parun méristème
à activité temporaire ou permanente. Ces plantes n’ont
été l’objet d’aucun travail général. L’auteur de ce mé-
moire s’est proposé de comparer le plus grand nombre
de types possible, appartenant aux diverses familles qui
présentent ces dispositions. Elles se rencontrent chez
les Liliacées où elles sont fréquentes, chez les Ama-
ryllidées, les Iridées et les Dioscoréacées où elles
viennent d’être l’objet d’une étude très approfondie de
la part de M. C. Queva. Il ne paraït pas que M. Jacob de
Cordemoy ait eu l’occasion d'examiner aucune des Iri-
dées frutescentes où l’on a signalé des formations se-
condaires.
La plupart des plantes examinées par l’auteur n’ont
pas de formations secondaires dans leurs racines ; on
y remarque seulement un grand développement du
bois et du liber primaires, développés postérieurement
à la différenciation des faisceaux primitifs, aux dépens
de certaines cellules du tissu conjonctif central. Dans
plusieurs espèces de Dracæna seulement, des forma-
tions secondaires se produisent dans l’écorce; les fais-
ceaux secondaires, corticaux, sont mis en relation avec
les faisceaux primaires, grâce à une prolifération des
cellules du péricycle qui forment, à travers l’endo-
derme, des faisceaux d’union pourvus de trachéides.
On doit distinguer deux types de tiges chez les Mo-
nocotylédones à accroissement secondaire. Chez les
Dracæna, Cordyline et Aloe, le parenchyme secondaire
se lignifie, Ailleurs il reste mou, Le méristème qui
produit l’ensemble des tissus secondaires est d’origine
péricyclique. On connait le développement des fais-
ceaux secondaires corticaux des Dracæna et des Yueca ;
ils se composent de trachéides et de tissu libérien;
dans les rhizomes des Dioscoréacées, il n‘y aurait pas
de trachéides ; tous les faisceaux, primaires et secon-
daires, y seraient construits sur le même type; ce se-
raient des faisceaux libéro-ligneux normaux. Quand le
parenchyme se lignifie, il constitue un organe de sou-
tien pour la plante ; quand il reste mou, ses cellules se
remplissent de substances de réserve. Quant aux fais-
ceaux, partout où ils existent, ils remplissent les fonc-
tions ordinaires de faisceaux et forment, en outre, la
base d'insertion du système vasculaire des racines et
de celui des bourgeons. L'auteur considère l'apparition
des tissus secondaires chez les Monocotylédones comme
un perfectionnement qui rapproche ces plantes de cer-
taines familles Dicotylédones.
Il n’y a de formations secondaires ni dans l'axe flo-
rifère ni dans les feuilles.
En ce qui concerne les Dioscorées, on comparera
avec intérêt le travail que nous venons d'analyser à
celui que M. C. Queva a consacré à ce sujet (Voy. Re-
vue générale des Sciences, 1895, p. 861). C. FLAHAULT.
Michotte (Félicien), — Traité scientifique et in-
dustriel des plantes textiles. Supplément au
tome III : L'ortie. — 1 vol. in-8° de 80 pages avec fig.
(Prix 2 franes). Office technique. 21, rue Condorcet et
J. Michelet, 25, quai des Grands-Augustins, éditeurs.
Paris, 1895.
L'auteur, continuant ses études sur les textiles d’o-
rigine végétale, entreprend aujourd’hui la réhabilitation
de l’Ortie; il montre quel parti pourraient en tirer l’a-
griculture et lindustrie, Mais la routine est si puis-
sante et la mauvaise réputation de cette malheureuse
plante si bien établie que les louables efforts de l’auteur
ne réussiront sans doute pas à vaincre des préjugés si
fortement enracinés.
1060
Aubert (E.), Docteur ès sciences, Agrégé de l'Univer-
sité, Professeur au Lycée Charlemagne. — Histoire
naturelle des Etres vivants. Tome I : Anatomie
et Physiologie animales et végétales. 1 vol. in-8°
de 56% pages avec 579 fig. — Tome II. Fascicuie I :
Reproduction chez les animaux et compléments.
A vol, in-8° de 108 pages avec 69 fig. Fascicule IT :
Classifications zoologiques et botaniques. 1 vol.
in-8S° de 830 payes avec 946 fig. (Prix de l'ouvrage
relié: 16 fr.) André fils, éditeur, 6,rue Casimir-Dela-
vigne. Paris, 1894-96.
Si l’on fait abstraction des traités spéciaux écrits
pour les étudiants en médecine, il n'existe pas chez
nous d'ouvrages intermédiaires entre les livres néces-
sairement succincts destinés à l’enseignement secon-
daire et les grands ouvrages spéciaux sur l'anatomie,
la physiologie et la classification des êtres vivants.
L'Histoire naturelle des Étres vivants de M. Aubert vient
très heureusement combler cette lacune et sa publica-
tion correspond précisément à l’organisation d’un
nouvel enseignement créé il y a un an dans nos Facul-
tés des Sciences. On voit en effet qu'un décret du
31 juillet 1893 a institué un nouveau grade, le bacca-
lauréat des sciences physiques et naturelles, exigible
des futurs étudiants en médecine. La préparation à
cet examen qui pouvait fort bien être confiée à l’en-
seignement secondaire, au même titre d’ailleurs que
sa préparation aux grandes écoles, a été, par une
mesure spéciale, transportée dans les Facultés des
Sciences el nous devonsreconnaître que cette infusion
d'un sang nouveau a sauvé quelques-unes de ces Facul-
tés d’une mort qui paraissait imminente.
C’est spécialement au programme de ce nouvel en-
seignement que correspond l’Histoire naturelle des Ëtres
vivants de M. Aubert. Le premier tome, comprenant
l'anatomie et la physiologie desanimauxet desplantes,
convient aussi bien à l'enseignement des lycées qu’à
celui des nouveaux cours institués dans les Facultés,
L'auteur a su exposer très clairement les notions que
tout homme instruit doit possédersur les êtres vivants
De nombreuses figures schématiques, parfaitement
choïsies, viennent compléter le texte. M. Aubert,
nous l'en louons sans réserve, n’a pas voulu reproduire,
sous une forme nouvelle, comme on le fait trop sou-
vent, des vérités et des erreurs consacrées par un long
usage. Nous pourrions citer maintes questions qu'il a
su exposer clairement en s'inspirant des travaux les
plus récents ; ct on reconnaîtra sans peine que cette
partie de l’ouvrage consacre très nettement un progrès.
D'ailleurs l'auteur a profité de la publication du
premier fascicuie du tome Il, pour ajouter quelques
compléments sur certaines glandes (thymus, corps
thyroïde, etc.), sur les organes photogènes et pour
exposer en quelques pages les principaux résultats des
plus récents travaux sur la structure du système ner-
veux. En dehors de ces chapitres qui viennent complé-
ter le tomel, ce fascicule contient un résumé très
clair de la reproduction et du développement des ani-
maux.
Le dernier fascicule du tome II comprenant plus de
800 pages avec 945 figures est consacré tout entier à la
classification des animaux et des plantes. L'auteur a
condensé dans un cadre relativement restreint les ca-
ractères permettant d’embrasser dans son ensemble
la multitude si variée des êtres vivants. De nombreuses
figures, les unes d’après nature, les autres schéma-
tiques, représentent les caractères extérieurs ou l’orga-
uisation des principaux types. j
Enfin quelques notions de paléontologie jointes à
deux chapitres distincts sur la distribution géogra-
phique des animaux et des plantes donnent au lecteur
la possibilité de se représenter, au moins dans ses
grandes lignes, la répartition des êtres vivants dans le
temps et dans l’espace.
Tel qu'il est concu, l'ouvrage de M. Aubert nous pa-
rait non seulement appelé à rendre de réels services
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
dans l’enseignement secondaire et à servir de guide
aux jeunes étudiants qui se préparent à subir les
épreuves du baccalauréat des sciences physiques et
naturelles ; maisilnous semble aussi qu'un telouvrage
sera de la plus grande utilité aux personnes qui, s’in-
téressant aux sciences naturelles sans avoir le loisir
d’en faire une étude approfondie, désirent cependant,
soit acquérir une idée d'ensemble du monde organisé,
soit rechercher à l’occasion les caractères d’un groupe
déterminé. Enfin, dans les sciences naturelles comme
partout ailleurs, l’enseignement pour porter tous ses
fruits doit être progressif et nous pensons qu’une lec-
ture attentive du tome Il, consacré aux classifications,
sera pour les étudiants à la licence une excellente pré-
paration qui leur permettra d’embrasser les caractères
généraux d’un groupe avant d'aborder les détails.
Répondant à des besoins si divers, l’Histotr'e naturelle
des Êtres vivants ne peut manquer de rencontrer le suc-
cès que ses qualités lui assurent et que nous sommes
particulièrement heureux de lui souhaiter.
H. LEcONTE.
4° Sciences médicales.
Galippe (V.),Chef de Liboraloire à la Faculté de Méde-
cine de Paris, et Barré (G.), Docteur en Médecine,
Ingénieur-agronome. — Le Pain. Tome 1 : Puysio-
LOGIE. COMPOSITION. HYGIÈNE. Tome IT : TECHNOLOGIE,
PaINS DIVERS. ALTÉRATIONS. — 2 vol. pelits in-8 cle
224 et 216 p., de l'Encyclopédie scientifique des Aide-
Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté.
(Prix chacun ; broché, 2 fr. 50 ; cartonné,3 francs.) Gau-
thier- Villars et G. Masson, éditeurs. Paris, 1895.
Ces 2 nouveaux volumes de-l'Encyclopédie des Aide-
Mémoire sont bien faits pour conserver sa réelle valeur
à la publication que dirige M. Léauté, Ils mettent en.
lumière, avec documents de fous ordres à l'appui, ce
fait qui devrait n'avoir pas besoin d’être démontré, à
savoir que nous avons dans le pain dont nous usons
chaque jour un aliment de première importance, ca-
pable de réparer nos forces et de nous aider à résister
aux atteintes de la maladie; ils montrent, par contre,
comment, sous prétexte d'améliorer cet aliment essen-
tiel, nous lui avons fait perdre une grande partie de sa
valeur nutritive, nous privant ainsi d'une ressource ali-
mentaire précieuse. Nous ne voulons plus manger que
du pain blanc, du pain de fantaisie, tandis que nous
aurions tout avantage à manger du pain bis, le pain de
ménage de nos campagnes.
Les auteurs ont compris que, pour faire entrer cette
manière de voir dans l'esprit du public, il était néces-
saire d'apporter des preuves convaincantes. On peut
dire qu'ils n’ont rien négligé pour atteindre ce but
etils ont développé, avec une logique saisissante et
toute scientifique, un plan, d’ailleurs très simple, mais
tout à fait suggestif, et qu'on peut résumer en quelques
lignes :
L'acide phosphorique est un élément indispensable
à la vie. Nous avons bien reconnu pour les plantes,
puisque nous leur fournissons des engrais riches en
phosphates. Or la même nécessité existe pour les ani-
maux. MM. Galippe et Barré le prouvent surabondam-
ment dans un chapitre qui est certainement un des
plus intéressants de leur ouvrage. Dès lors n'est-il pas
tout simple de redemander aux plantes, aux céréales,
qui l'ont emmagasiné, le phosphate dont nous avons
besoin. C’est précisément ce que nous pouyons faire en
ayant soin de ne pas systématiquement éliminer ces
phosphates dans la préparation du pain. Mais il y a pain
et pain. Les analyses nous démontrent que les pains
de luxe bien blancs, d’un bel aspect, ne sont guère
qu'un mélange d’eau et d’amidon; en excluant énergi-
quement telles parties de l'enveloppe du grain de blé
qui pourraient enlever à la farine sa blancheur imma-
culée, nous excluons par cela même la presque totalité
des phosphates, tandis que ceux-ci se trouvent conser-
vés, au contraire, dans le pain bis d’où l'enveloppe du
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
1061
grain n’est pas rejetée. C'est ainsi que les farines pro- | spontanée des lapins, ceile des furets ; la Rinderseuche,
venant des moutures au moyen de cylindres, malgré
la faveur qui les accueille, ne valent pas les farines
obtenues des meules, car les premières sont réduites ou
à peu près à l’amidon du blé, tandis que les secondes
conservent plus de principesnutritifs. On trouvera dans
le deuxième volume des renseignements techniques
très intéressants sur la panitication, les dizerses varié-
tés de pains (pains de luxe, pains de munition, de
seigle, d'avoine, de maïs, etc.); on y verra que l'erreur
des pains de fantaisie ne date pas d’hier et qu'aux xu°
etre siècles il en existait plus de 20 variétés, depuis
les « pains de pape, de cour, de la bouche, de cheva-
lier, d’écuyer, de chanoine » etc. jusqu’au Doubleau,
au pain de Chailly, au pain bourgeois, au pain bisblanc,
bis, etc. etc.
Un-chapitre spécial est consacré aux altérations du
pain.
En fin de compte, les auteurs ont fait œuvre des plus
utiles, comme on pouvait l’attendre d'eux, et nous
nous associons pleinementaux dernières lignes de leurs
conclusions, quand ils écrivent : « Nous ne voudrions
pas qu'on nous accusât de faire, du pain bis et, d'une
facon plus générale, des aliments riches en phosphates,
une paracée universelle, capable de rendre à l'huma-
nité son énergie physique primitive ;mais nous pensons
que tout ce qui produit, tout ce qui dépense, tout ce
qui grandit, a besoin d'éléments minéralisateurs et
que le pain, préparé d’une facon rationnelle, est -une
source inépuisable d'éléments d’entretien etde restau-
ration. » Dr H. BEAUREGARD.
Nocard (Ed.), Professeur à l’ Ecole vétérinaire d'Alfort,
Membre de l'Académie de Médecine, et Leclainche
(E.), Professeur à l'Ecole vétérinaire de Toulouse, — Les
Maladies microbiennes des Animaux. — { vol. gr.
in-8° de 816 pages. (Prix: 16 fr.) G. Masson, Paris, 1895.
_ Ce livre n’est pas seulement destiné aux élèves des
Ecoles vétérinaires; tout homme de science, s’occupant
de pathologie générale, le lira avec fruit et y trouvera
plus d’un utile renseignement. Cet ouvrage est, en effet,
extrêmement documenté; l’historique de chaque ma-
ladie est traité avec un soin particulier ; on assiste pas
à pas aux progrès de la science, et on la voit se rap-
procher de plus en plus de la vérité, qu’elle est desti-
née à ne jamais atteindre. La lecture de cette partie de
l'ouvrage est particulièrement attachante, les détails
peu connus abondent, et l’on constate souvent avec
plaisir que les auteurs tirent d’un oubli immérité un
travailleur inconnu, dont la découverte méritait de
fixer l’attention, et dont les mémoires étaient parfois
laissés longtemps de côté par les sociétés qui les
avaient accueillis, Après l’historique vient l'étude bac-
tériologique et anatomopathologique de la maladie
étudiée, Cette partie a une valeur considérable, et heu-
reusement est fort développée : c’est la partie vraiment
scientifique de l'ouvrage, et la grande compétence des
auteurs nous inspire toute confiance dans les rensei-
gnements que lon peut y chercher. La distribution
géographique de la maladie étudiée, les espèces ani-
males qui peuvent en être affectées, la statistique,
l'étude clinique chez les différentes espèces, si cela est
nécessaire ; les différentes formes que peut revêtir la
maladie, les lésions, le diagnostic sur le vivant et sur
le cadavre; létiologie et la pathogénie; le traitement,
la vaccination quand elle est possible, la prophylaxie
et la législation, forment autant de chapitres divisant
l’article destiné à chaque maladie; tous sont traités
avec une érudition considérable, et nous offrent un
résumé exactet très complet de l’état actuel de chaque
question.
Les maladies qui figurent danscetimportant ouvrage
sont les suivantes : Les septicémies hémorrhagiques. Sous
ce titre sont décrits: les choléras et entérites des diffé-
rents oiseaux de basse-cour, ainsi que les maladies des
grouses, des palombes et des canaris ; la septicémie
maladie des Bovidés et des Ruminants sauvages, qui,
en 1872, a décimé les cerfs des parcs des princes de
Bavière; le « barbone » des buffles; la maladie du
mais-fourrage, la pleuro-pneumonie septique des veaux,
la pneumonie contagieuse du porc et la pneumonie-
entérite ou infectieuse. Les auteurs insistent sur la
grande analogie de ces différentes maladies, analogie
signalée pour la première fois par Hueppe, et qui
justifie leur groupement dans un même chapitre.
Viennent ensuite : le Rouget du pore, la fièvre charbon-
neuse, le charbon symptomatique, la péripneumonte, la
peste bovine, le coryza gangréneux des Bovidés, la fièvre
aphteuse, la vaccine (horse-pox, cow-pox), la clavelée,
la maladie des chiens, la gourme, la tuberculose, l'actino-
mycose, la botryomycose, le farcin du bœuf, la lymphagite
épizootique, la morve, la dourine, la rage, la pyélo-né-
phrile bacillaie des Bovidés et les mamimites des vaches
et des brebis,
Pour donner au lecteur une idée plus complète de
la manière dont ce livre a été concu, nous ferons une
courte analyse de l’étude d’une maladie, la vaccine par
exemple. L'historique renferme l'exposé des travaux
bien connus de Jenner, à qui l’on doit la substitution
de la vaccine inoffensive à la pratique dangereuse de
la variolisation ; puis les recherches de Loy, de Péte-
lard, de Samans et de Lafosse. Enfin Henri Bouley dé-
montre, en 4862, que le cheval est l'hôte naturel de la
maladie, qu'ildéerit dans toutes ses formeset à laquelle
il donne le nom du horse-pox. Déjà Jenner avait éla-
bli l’origine équine du cow-pox, et découvert les
pustules de horse-pox sur les jambes des chevaux, ma-
ladie à laquelle il avait donné le nom de « Sore-heels ».
Puis les recherches de Chauveau ‘nous montrent que
l'agent virulent revêt la nature corpusculaire ; ce savant
provoque chez le cheval des éruptions généralisées en
injectant le pus vaccinal dans les lymphatiques ou les
vaisseaux sanguins, ou enles faisant pénétrer dans
l'organisme par les voies naturelles de l'absorption.
Les auteurs insistent ensuite sur le peu de confiance
que l’on doit avoir dans les travaux des bactériologistes
qui croient avoir isolé les parasites causes de la mala-
die. Vientensuite une intéressante discussion de la
question d'identité des deux maladies : vaccine et va-
riole, question queles travaux déjà anciens de Chauveau
nous autorisent à trancher par la négative; les affir-
mations contradictoires (Eternod et Haccius, Hime, etc.)
étant basées probablement sur des expériences enta-
chées d'erreur. Exécutées dans des instituts vaccinaux,
ces expériences ne peuvent entrainer la conviction, car
les animaux en observation, maniés par le personnel in-
férieur de l'établissement, ont pu être accidentellement
contaminés par le vaccin. Vientensuite l'étude spéciale
du « horse-pox », son histoire spéciale ; la description
des symptômes de la maladie, des éruptions buccale
pituilaire, conjonctivale et cutanée; l'exposé des
lésions. Dans le chapitre réservé au diagnostic, sont
décrits les caractères qui empêchent, suivant les cas,
de confondre la maladie avec la morve aiguë, la dou-
rine, l'exanthème gourmeux, l'acné contagieux, le
farcin, les eaux-aux-jambes, etc. L'étiologie, le traite-
ment et la prophylaxie terminent cette étude. Le
cow-pox est l’objet d'un travail semblable. Enfin, le
chapitre de la vaccine se termine par l'exposé de son
étude expérimentale. Là sont résumées les recherches
relatives à la virulence des différents tissus pris surun
sujet malade, à la réceptivité des différents animaux,
au mode de pénétration du virus chezles sujets sains,
à la pathogénie, et nous voyons à chaque page le nom
de M. Chauveau, à qui est due la majorité de ces im-
portantes recherches. Nous trouvons ensuite l'étude de
l’immunisation et de la préparation du vaccin animal.
En résumé, ce livre, que l’on ne saurait trop louer,
comble une importante lacune dans la science, et il
serait à souhaiter que nous en eussions un autre, fait
avec le même soin, traitant des maladies microbiennes
de l’homme, Ch. CONTEJEAN,
1062
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 18 Novembre 1895.
Liste des candidats présentés en remplacement de
M. Verneuil: 1° M. Ollier, 2° M. Lannelongue, 3°
M. Just Lucas-Championnière.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES.— M. le Secrétaire perpé-
tuel signale un mémoire de M. Wilhelm Schur ayant
pour titre : « Die OErter der helleren Sterne der Præ-
sepe », extrait des Annales de l’Observatoire de Gôt-
tingue. — M. Sarrat soumet un mémoire ayant pour
titre: Démonstration du théorème de Fermat. Impossi-
bilité de l’équation at Æ br — € en nombres entiers.
— M,9J. Guillaume adresse les observations du Soleil,
faites à l'Observatoire de Lyon (équatorial Brunner),
pendant le deuxième trimestre de 1895. La somme des
taches continue à diminuer tandis que le groupe de
facules ne présente pas de variations sensibles, —
MM. L. Baclé et Ch. Frémont ont utilisé leur élasti-
cimètre, enregistrant le diagramme du travail dans le
poinconnage et le cisaillement des métaux, comme
méthode d'essai pour ces derniers corps. Ils ont déter-
miné, par des observations multiples, l'interprétation à
donner aux divers éléments caractéristiques des dia-
grammes de poinconnage et de cisaillement. L’ordon-
née maximum du diagramme de poinconnage fournit,
sur la résistance du métal, un renseignement aussi
précis que l'essai à la traction. Les autres éléments du
diagramme apportent aussi des indications sur la
malléabilité et permettent d’en apprécier la nature
aussi complètement que la traction, — M. Charles
Henry donne la description d’un dynanomètre de
puissance spécialement applicable aux études physio-
logiques; cet appareil fournit une courbe des puis-
sances instantanées caractéristique de chaque sujet et
de chaque masse musculaire.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Laborde adresse une
note sur les causes de la formation de la grêle. —
M. Lecoq de Boisbaudran signale une bande d’ab-
sorption observée dans certaines portions d'un frac-
tionnement de terbine et caractéristiqne d’un élément
nouveau. L'auteur désigne par Z3 l'élément caractérisé
par cette raie L— #87,7.— M.T. L. Phipson a établi,
par un certain nombre d’expériences, les résultats sui-
vants concernant l’origine de l'atmosphère : 1° Dans
les périodes géologiques les plus éloignées, l'azote for-
mait, comme aujourd’hui, la partie principale de lat-
mosphère de la Terre. 2 La présence de l'oxygène
libre dans cette atmosphère est entièrement due à la
végétation; les plantes primitives étaient le moyen
dont la nature s’est servie pour fournir ce gaz à l’air,
3° Les plantes de nos jours, comme étaient celles des
plus anciennes époques géologiques, sont essentielle-
ment anaérobies. 4° À mesure que la quantité d'oxy-
gène libre a graduellement augmentée dans la suite
des siècles, la cellule anaérobique a dû se modifier
pour devenir plus ou moins aérobique. 5° Les algues
unicellulaires les plus inférieures donnent encore au-
jourd’hui beaucoup plus d'oxygène que les plantes
supérieures. 6° Le système nerveux cérébro-spinal
s’est développé de plus en plus avec l’augmentation de
la quantité d'oxygène libre. — M. Ch. Moureu a réa-
lisé la synthèse du méthyleugénol et établi ainsi défi-
nitivement la formule de l’eugénol qui est un allyl-
gaiacol. Le procédé consiste à faire réagir l’iodure
d’allyle sur le vératrol en présence de la poudre de
zine, qui provoque l'élimination de l'acide iodhydrique;
celui-ci déméthyle partiellement le vératrol en donnant
de l’iodure de méthyle, du gaïacol et de la pyroca-
téchine.— M. E. Gérard a étudié les cholestérines des
végétaux inférieurs, tels que la levure de bière, le mu-
cor mucedo et le lichen pulmonaire; toutes ces choles-
térines appartiennent à un groupe bien spécial, au
groupe de l’ergostérine. Ces cholestérines se différen-
cient nettement de la cholestérine animale par l'ac-
tion de l’acide sulfurique concentré seul ou en pré-
sence du chlorure de carbone. — MM. G. Bertrand el
A. Mallèvre ont recherché la pectase dans le règne
végétal et l'ont rencontré dans tous les organes, les
racines, les tiges, les feuilles, les fleurs et les fruits;
elle est répandue universellement dans les plantes
vertes; mais elle est surtout abondante dans les
feuilles et c'est probablement de là qu’elle se répand
dans les autres organes. La richesse de certaines
feuilles permet dé réaliser la préparation de ce fer-
ment. — M.A. Lacroix a reconnu que le chromocre,
la glauconie, la céladonite, la chamosite, la bavalite,
l'aerinite et la magnésite, qui à l'œil nu ont une struc-
ture compacte ou terreuse, ne sont pas amorphes, mais
sont formés, en tout ou en partie, par une substance
cristalline à propriétés définies ef spéciales à chacun
d’entre eux. Ces substances possèdent toutes la struc-
ture des micas, caractérisée par un clivage facile,
lamelleux, qui en outre est plus ou moins perpendicu-
laire à une bissectrice aiguë négative, —M,.Fr. Walle-
rant à cherché à reconnaitre si les feldspaths sont
isomorphes au point de vue optique par la comparai-
son de leurs constantes optiques fixées récemment par
M. Fouqué. L'auteur n'a pu tirer de cette comparai-
son aucune conclusion certaine. —M. $S. Winograd-
sky a pu isoler l’agent microbien durouissage du lin ;
il a pu reconnaitre que :1° Le bacille peut faire fermen-
ter le glucose, le sucre de canne, le sucre de lait,
l’'amidon, mais à la condition que le liquide contienne
de la peptone; avec de l’ammoniaque comme source
unique d’azote le microbe est absolument dépourvu
d’actionsur ces substances, 2° Les matières pectiques,
pecline ou acide pectique, extraites du lin, des poires,
des carottes, etc., sont décomposées déjà, en présence
d'un sel ammoniacal comme seul aliment azoté, avec
une facilité extraordinaire. 3° La cellulose est absolu-
ment inattaquable par ce bacille, la gomme arabique
ne l’est pas non plus. C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ad. Chatin fournit les
caractères d’une nouvelle truffe de Téhéran. Elle forme
des tubercules de 15 à 60 grammes, à périderme lisse,
parfois fendillé, brun noir, se foncant encore après la
récolte, La chair en est blanchâtre, passant au bistre
par la dessiccation, assez molle, peu sapide. Les spo-
ranges sont ovoides, à très court pédicule, octospores,
à membrane souvent disparue à la maturité des spores,
Spores rondes, caractéristiques du genre Terfezin.
Cette nouvelle espèce se rapproche de T. Leonis, el
l’auteur lui donne le nom de Terfezia IHanotauxii, —
M. Pieri a étudié, comme suite à sesrecherches sur les
Tapidés, la résistance de ces mollusques aux varialions
de milieu, telles que la diminution et l'augmentation
de salure, Cette dernière est mieux supportée que la
première. L'auteur examine aussi l’action de diverses
substances toxiques (créosote, laudanum, nicotine, co-
caine, cyanure de mercure). — M. Marchal fournit les
résultats de ses étudessur la reproduction des Guêpes,
Un nid de Guêpes se compose de deux ordres de cellules,
les petiteset les grandes, Ces dernières constituent la
partie inférieure, les autres la partie supérieure, La
reine chez les Guèpes marque un stade moins perfec-
tionné dans les phénomènes relatifs à la reproduction
que chez l’Abeille, car, en présence des petites cel-
Jules, elle pond au hasard des œufs qui donneront des
mäles ou des ouvrières. En présence des grandes cel-
. Jules, elle fournit des œufs fécondés et femelles,
- Quant à la production d’ouvrières fécondes, elle est
liée au mode de nutrition de l'adulte, c’est-à-dire
lorsque lacolonie récoltantel’emporte de beaucoup sur
- la colonie larvaire. — M. Vuillemin signale une ma-
. ladie du prunellier contractée spoutanément par un
Erable. L’Uncinula Prunastri peut se développer en effet
surl’Acer campestre, mais n’en est pas un habitant nor-
mal. — M. Remy Saint-Loup, au coursde recherches
expérimentales relatives aux modifications de l’espèce,
à obtenu l'apparition, chez des cochons d'Inde, d’un
_ doigt supplémentaire aux paltes postérieures, transmis
actuellement jusqu’à la troisième génération, L'auteur
n'a pas encore déterminé, parmi les causes qui ont
. pu agir, celle qui est principale ou unique. — M. de
- Mojsisowics, en examinant des débris de Céphalopodes
fossiles provenant de la Nouvelle-Calédonie, a reconnu
un genre Arcestes d'ammonites du Juvavien, puis un
Phylloceras du même étage et un Orthocéras du Juva-
vien supérieur. Les couches à Céphalopodes de la
;. Nouvelle-Calédonie appartiennent donc au Trias. —
-
è
=
: MM. Phisalix et Bertrand étudient l’emploi du sang
de vipère et de couleuvre comme substance antiveni-
meuse. Ces reptiles sont immunisés pour leur propre
venin par une sorte d’auto-vaccination,
J. MARTIN.
Séance du 25 Novembre 1895,
M. Lannelongue est élu membre de la Section de
Médecine et de Chirurgie en remplocement de feu
M. Verneuil. — MM. Daubrée et Tisserand sont nom-
més membres de la Commission du prix Lecomte. —
M. P. Déherain fait hommage, au nom de M. E. C. Ber-
trand et au sien, d’une brochure intitulée : « Julien
Vesque, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences
et à l’Institut agronomique. »
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Rayet adresse
ses observations de petites planètes, faites au grand
équatorial de Bordeaux. — M, Esmiol donne ses ob-
_ servations de la nouvelle comète Perrine, 16 no-
vembre 1895, faites à l'observatoire de Marseille (équa-
torial d’Eichens de 0,26 d'ouverture). — M. Camille
Flammarion compare les observations des neiges
polaires de Mars faites à l’observatoire de Juvisy avec
- celles de Barnard à l'observatoire Lick (Californie). La
diminution des neiges est évidente dans les deux séries
d'observation ; en outre,ces diminutions sont du même
ordre de part et d'autre. — M. Maurice Fouché étudie
le déplacement d’un trièdre trirectangle autour de son
sommet quand la position dece trièdre dépend de deux
paramètres et établit des relations entre certains inva-
riants relatifs à l’ensemble des positions du trièdre.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Gouy a repris l'étude
expérimentale des propriétés capillaires de l'acide
sulfurique étendu et détermine,pointpar point, la dérivée
d°h
av= 1° Le maximum de la hauteur est d'autant plus
petit que la solution est plus concentrée, 2° La dérivée
seconde est toujours négative; par suite, la courbe re-
présentative de la hauteur ne présente ni point d'in-
ilexion, ni tendance vers une limite. 3° La valeur
absolue de la dérivée seconde n’est pas constante. 4°Les
variations de température produisent une petite varia-
tion de la hauteur. — M. Grimaux a préparé le quino-
phénéthol ou quinéthol, en faisant agir la glycérine
et l'acide sulfurique sur le phénate d'éthyle ou phéné-
thol ; il donne les propriétés de ce corps qui fournit un
dérivé nitré quand on le traite par un mélange d'acide
azotique et d'acide sulfurique. Le nitroquinéthol, ré-
duit par le chlorure stanneuxen solution chlorhydrique,
donne l’amidoquinéthol C!!H10(AzH?) Az0, — M.Mau-
rice François a étudié la décomposition de l'iodure
mercureux sous l'influence du phénol; cette décompo-
sition à l’ébullition est limitée par la quantité d'iodure
mercurique existant en solution. La décomposition
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1063
s’arréte toujours quand100parties deliquidecontiennent
26°,75 d’iodure mercurique. Le phénol chargé de plus
de 25°,75 d’iodure mercurrique dissout à l’ébullition un
peu d’iodure mercureux et lelaisse déposer par refroi-
dissement en cristaux microscopiques, mélés de beau-
coup d’iodure mercurique. — M. Vigouroux indique
la préparation et les propriétés du siliciure de manga-
nèse, Ce corps peut être préparé de trois facons difré-
rentes : 1° action directe du silicium sur le métal;
2° action du silicium sur l’oxyde; 3° action du carbone
sur un mélange de silice et d'oxyde. C’est un corps à
éclat métallique, dur et cassant, bien cristallisé, que le
chlore, le brome, l’iode et surtout le fluor attaquent
facilement. Les acides étendus le décomposent aussi,
tandis que la potasse en solution est sans action. Il
répond à la formule SiMn?. — M. Brociner rappelle
ses travaux antérieurs sur la toxicité de l’acétylène :
1° S'il existe une combinaison réelle de l’acétylène et
de l’hémoglobine, cette combinaison est très instable et
nullement comparable, sous ce rapport, à la combinai-
son que forme l’hémoglobine avec l’oxyde de carbone.
2° L’acétylène paraît n’exercer qu’une action toxique
très faible et quin’est pas plus marquée que celle des
carbures d'hydrogène ordinaires, tels que le formène, l’é-
thylène,le propylène. —M.Magnier dela Source expose
un certain nombre de réactions de l'acide tartrique el
des tartrates alcalins, réactions intéressantes au point
de vue de la chimie analytique.— MM. Bourquelot et
Bertrand établissent que la laccasse (ferment soluble
oxydant) existe non seulement dans les plantes vertes,
mais qu'on la trouve également, et dans des conditions
plus faciles à étudier, chez les plantes dépourvues de
chlorophylle. — M. Balland à étudié la répartition
des matières azotées et des matières minérales dans le
pain : contrairement à l'opinion admise de Rivot et
de Barral, la cuisson du pain se fait sans destruction
de matière, et l’on netrouve pas plusde matières azotées
et de matières salines dans la croûte de pain que dans
la mie lorsque les produits ont été ramenés au même
degré de déshydratation. Le pain ne renferme pas plus
de matières nutritives que la farine sèche employée à
le préparer; il en résulte que la détermination de l’eau
dans une farine permet d'évaluer mathématiquement
la quantité de pain, à un degré d’hydratation voulu,
qu’elle peut fournir et que la détermination simultanée
de l’eau dans le pain et dans la farine permet de s’as-
surer que le rendement en pain n’a pas été exagéré par
une addition illicite d’eau. —M. P. Richard indique
un procédé de dosage rapide de l'azote nitrique dans
les produits végétaux, qui repose sur la coloration que
prend la brucine au contact de l’acide azotique libre
ou dégagé d’un nitrate par l’action de l'acide sulfu-
rique concentré. Le procédé s'applique aussi aux subs-
tances renfermant des nitrites moyennant un dosage
préalable de l'azote nitreux et son oxydation par le
chlore avant l'essai à la brucine. C. Mamienon.
3° SCIENCES NATURELLES, — M. Caullery fournit une
interprétation morphologique de la larve double dans
les Ascidies composées du genre Diplosoma, Dans ce
groupe, l'œuf fournit deux individus dont l’un possède
seul les organes sensoriels etles parties du système
nerveux caractéristique du têtard des Ascidies; l’autre
estsemblable à l’un quelconque des individus formés
ultérieurement par les processus connus du bourgeon-
nement. Pour l’auteur, l’ensemble des deux individus
est la réunion d’un oozoïde et d’un blastozoïde, né du
premier suivant les lois du bourgeonnement, Le bour-
geonnement ordinairement plus tardif se serait pro-
duit ici dès la période embryonnaire, — M, Garnault
donne les résultatssatisfaisants des effets produits, chez
le lapin et chez le pigeon, par l'extraction de l’étrier
ou de la columelle etla lésion expérimentale du ves-
tibule membraneux. Les expériences autorisent à pra-
tiquer, chez l’homme, l'extraction de l'étrier soudé,
lorsque l’appareil percepteur est intact, en raison des
résultats considérables qu'on est en droit d'attendre de
cette opération. F, MARTIN.
106%
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 19 Novembre 1895.
M. Simon Duplay fait une communication sur le
traitement des fistules vésico-vaginales par la suture
intra-vésicale (cystorraphie interne). Il insiste sur le
manuel opératoire suivi dans ce cas, c'est-à-dire sur
le mode d’avivement et de suture. Le dédoublement de
la paroi vésico-vaginale, au pourtour de la fistule, les
deux rangs de suture, l’une profondeet extra-vésicale,
l’autre superficielle et intra-vésicale, paraissent devoir
être adoptés à l'avenir comme le seul procédé capable
d'assurer le succès de l'opération,
Séance du 26 Novembre 1895.
M. Pinard faitunecommunication sur les services ren-
dus par les « Refuges ou Asiles des femmes enceintes. »
Il a comparé un grand nombre de femmes, ayant tra-
vaillé pendant toute la durée de leur grossesse, avec
d’autres reposées et soignées dans les refuges ; chez
ces dernières la durée de la gestation a été plus longue
et le poids des enfants nés beaucoup plus élevé.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 9 Novembre 1895.
MM. Charrin et Gley présentent deux lapins atteints
de malformations curieuses; ils sont nés d’une lapine
saine et d’un mäle qui avait recu tous les cinq jours,
pendantun moisetdemi, des doses progressives detoxine
pyocyanique. Ce fait justifie l'opinion de ceux qui
pensent que les maladies des parents, en particulier la
syphilis dans l'espèce humaine, peuvent amener l’ap-
parition, chez les enfants, de malformations variées.
— M. Féré fait remarquer que ces malformations sont
tout à fait analogues aux amputations congénitales qui
sont dues à d’autres causes. — M. Giard estime que
l'infection a pu modifier la cellule génératrice mâle, ce
qui à amené un développement anormal de embryon.
C’est un nouveau fait qui vient à l'encontre de la théorie
de Weissmann., — M. Curtis (de Lille) envoie une note
relative à la découverte d’un nouveau parasite, trouvé
chez un homme, dans une tumeur qu'on croyait de
nature myxomateuse. — M. Giard fait remarquer que
ce parasite est analogue à celui qui produit les galles
dans le règne végétal, — MM. Langlois et Athanasiu
ont constaté que les sels de cadmium agissent sur le
sang en colorant fortement le sérum et en facilitant la
dialyse ; les sels de zinc n’ont pas cet effet. — MM. Ba-
binski et Zacharia@ès apportent une importante con-
tribution à l’étude de la pathogénie des névrites péri-
phériques des membres inférieurs, par la relation
détaillée de deux cas de paraplégie crurale par mal de
Pott dorsal.
SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 15 Novembre 1895.
Au début de la séance, M. Cailletet, président, rap-
pelle la mort récente de M. Mouton. M. Bouty résume
en quelques mots les travaux du défunt. M, Mouton a
travaillé d’abord au Laboratoire de Physique de l'Ecole
Normale, et quand la maladie l’a arrêté, il était Maître
de Conférences à la Facullé des Sciences de Paris et
sous-directeur du Laboratoire d'Enseignement de la
Physique, fondé par M. Desains. Dans son premier
travail, qui parut en 1876, il étudiait les oscillations
des courants induits à circuit ouvert; il avait imaginé
un appareil fort ingénieux qui lui permettait de mesu-
rer des différences de potentiel variables à des inter-
valles de l’ordre de ee de seconde ; il reconnut que
lamortissement des vibrations était faible, et que leur
période était constante à partir de la deuxième; les
périodes observées variaient entre 0 sec. 0001 et
0 sec, 00003. C'est le seul travail paru en France
sur la question avant les recherches qu'ont suscitées
les expériences de Hertz. M. Mouton s’est occupé en-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
suite de la chaleur rayonnante; il était certes à bonne
école chez Desains, mais il introduisit dans ces
recherches une précision qu’on ne connaissait pas en:
core ; il créa, pour étudier le spectre infra-rouge, une
méthode qui a été continuellement appliquée depuis
et qui lui permit de pousser jusqu’à la longueur d’onde
2,5 & pour le spectre solaire. Il étendit aux rayons
obscurs la vérification, faite par Jamin pour les rayons
lumineux, des lois de la réflexion métallique ; il eut
aussi l’occasion d'étudier la dispersion de double réfrac-
tion du quartz et ses travaux ont été utilisés depuis
à maintes reprises, en particulier par M. Macé de Lépi-
nay. Enfin M. Mouton a remarqué que, si l'on construi-
sait la courbe des intensités dans le spectre en pre-
nant pour abscisses, non pas les déviations dans un
spectroscope quelconque, mais les déviations que don-
nerait un réseau, déviations qui sont proportionnelles
à la longueur d'onde; si, en d’autres termes, on étu-
diait la répartition de l'énergie dans le spectre normal,
le maximum ne se trouverait plus dans l’infra-rouge,
mais au voisinage de la raie D. Cette prévision a été vé-
rifiée depuis par M, Langley, qui avait à son service
les admirables réseaux de M. Rowland. Ces différents
travaux ont été publiés pendant une période de quatre
ans; depuis quinze ans, la maladie avait brusquement
mis un terme à une carrière scientifique qui s’annon-
cait si brillante, — M, Poincaré résume en quelques mots
un mémoire adressé par M. Bandsept sur un brülewr-
auto-mélangeur-atomiseur. La chaleur de combustion du
gaz est très mal utilisée dans les appareils actuels; il
conviendrait de mettre en présence des proportions de
gaz et d'air répondant à la combinaison qui doit se
produire ; il faut aussi que le mélange soit très intime,
sans quoi diverses causes amènent une séparation.
L'auteur atteint ce but par deux méthodes : soit en fai-
sant passer les gaz par des chicanes nombreuses, soit
en les brassant par de petits moulins à aileltes. L'épi-
thète d’atomiseur indique la perfection du mélange
obtenu, On arrive, par ce procédé, à produire, avec le
gaz d'éclairage ordinaire, une flamme qui peut fondre
des tubes de cuivre ; on peut aussi porter à l’incandes-
cence des capuchons, tels que celui du bec Auer, avec
50°/, d'économie, — M. Violle expose les recherches
qu'il a exécutées avec M. Vautier sur la propagation
du son dans les tuyaux cylindriques. Les expériences
effectuées par les mêmes auteurs dès 1885, à Grenoble,
avaient laissé subsister quelques desiderata. D'une
part, la correction relative au diamètre du tuyau
n'avaitpuêtre introduite qu'en utilisant lesrésultats d’ex-
périences de Regnault qui n'avaient point été faites
dans ce but; d'autre part, on n'avait pas pu élu-
dier les sons musicaux, à cause de la longueur trop
grande des conduites utilisées et de leur peu de sono-
rité. La conduite utilisée appartient à l'égout construit
pour l’épandage des eaux de la ville de Paris dans la
plaine d'Achères ; les expériences ont été faites dans
un segment rectiligne de 3 kilomètres de longueur ; lo
section est circulaire, et son diamètre est de 3 mètres.
La note de ce tuyau est ré,. Le tuyau est très sonore el
par suite le son a une portée considérable ; c’est ainsi
que la chute d'une goutte d’eau, pendant le calme de
la nuit, s’entendrait très bien d’un bout à l’autre du
tuyau. Dans les expériences de Grenoble, le son d’une
grande flûte d'orgue de 16 pieds, qui donne uf,, ne pou-
vait être entendu au delà de 6 kilomètres; au delà, la
perturbation ne se propageait plus que sous forme d’une
poussée qui pouvait être même sensible sur la joue,
mais l'oreille n’était plus impressionnée. Toute action
observable cessait à une distance de 25 kilomètres,
avec 1 réilexion. À Achères, au contraire, la poussée
disparaît presque immédiatement comme à Pair libre,
et le son se fait encore entendre à 23 kilomètres, après
7 réflexions, dont chacune équivaut à un trajet égal à
la longueur du tuyau. Ces différences ont élé cause
que la plupart des préparatifs faits en vue des expé-
riences se sont trouvés êtreinutiles. Toutefois on à pu
procéder à de nombreuses inscriptions, mais le dé-
pouillement n'en élant pas coraplètement terminé,
- M. Violle n'indique que les résultats obtenus à l’aide de
l'oreille seule. On a employé des instruments à vent :
flûte de 16 pieds, donnant ut —,+ et d'autres flûtes
… donnant wf, et uf,, des instruments de musique mili-
. taire, l’hélicon et les sarussophones qui donnent des
- notes aussi graves, puis des flûtes d'orchestre jusqu’à
…_ la petite flûte donnant le ré? qui est la plus haute note
- utilisée dans les orchestres; on à ainsi une échelle
- s'étendant de 32 à 4.500 vibrations doubles par seconde.
- On s’est servi, en outre, du violoncelle, d’une cloche et
de gongs prêtés par M. Mascart. On a pu étudier la
_ portée des sons, le rôle du tuyau et la vitesse de pro-
pagation. 1° La portée d’un son va en diminuant quand
- Ja hauteur s'élève. Ainsi, pour uwf,, onobserve#retours,
ce qui correspond à 8 fois la longueur du tuyau, avec
… 2réflexions:pour uf,,3 retours, et5 réflexions ; pour uf,,
ï retours et 3 réflexions; pour wf,, 1 retour et 1 ré-
flexion, pour ut, et mi, de même; mais mi, n’est
déjà plus guère au retour qu'un bruit, dont on ne
saurait fixer la hauteur si onn'avait pas entendu le son
initial; le résultat dépend d'ailleurs de la netteté de
l'émission. Pour les sons plus élevés, on les produisait
à des distances graduellement croissantes et on a ainsi
déterminé les portées suivantes : fa,, 2.600 mêtlres; la?
2.600 mètres; ré? 1800 mètres; à 200 mètres plus loin
toule sensation auditive avait complètement disparu,
2 Dans les modifications qu'il produit, le tuyau joue
le rôle d’un analyseur qui réalise une décomposition.
Le son fondamental arrive d'abord, puis la série des
harmoniques, en commencant par les plus élevées;
l'harmonique 7 est presque toujours absente, soit que
nous manquions de sensibilité dans la perception de ce
son inusité, soit que les instruments de musique soient
construits de facon à ne pas le produire, La décompo-
sition commence à une certaine distance, 1.400 mètres
environ pour ut, et elle va s’accentuant, Le tableau ci-
joint indique les harmoniques que l'on entend au pre-
mier retour, lorsqu'un instrument a émis l’un des
sons indiqués dans la première colonne; on verra
que des sons peuvent être sensibles, comme harmoni-
ques, à des distances où ils auraient depuis longtemps
disparu comme sons simples; c'est ainsi que fa, revient
comme harmonique de fa, émise par la basse.
ul
VIOLONCELLE
DE GRAND ORGUE
BASSE EN
| SARRUSSOPIONE
| PISTON EN si bp
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1065
Le nombre des harmoniques dépend de la nature de
l'instrument; les sons voilés de la flûte d'orgue n’en
donnent pas, tandis que les sons bien timbrés (violon-
celle, basse en ut) en donnent un grand nombre; un
sarussophone de M. Couesnon donnait souvent le
dixième, l'hélicon, très souvent le neuvième et le
huitième. Ce nombre va en diminuant quand la hau-
teur du son s'élève ; c’est ainsi que la trompette et le
piston cessent d’en donner à partir du sol,, bien avant
d'avoir atteint la limite aiguë de leur échelle. Si l’on
enflamme, à l’origine de la conduite, un peu de cette
poudre fusante composée de zine et de chlorate de
potasse que les photographes appellent poudre-éclair,
il se produit un bruit fusant sourd, mais au retour le
bruit est devenu plus fort qu'un coup de pistolel ; ceci
indique que le front de l’onde s’est rapidement redres-
sé. La continuation de ce phénomène peut amener un
déferlement et le son devient un bruit, puis l'onde
cesse d’impressionner l'oreille, Celte destruction est,
comme on l’a vu, beaucoup plus rapide pour les sons
aigus que pour les sons graves; la différence ne tient
d’ailleurs pas à leur varialion d'intensité; les sons
émis par un bon musicien ont sensiblement la même
intensité physiologique. Ce résultat est d'accord avec
une expérience vulgaire : en parlant d'une voix grave
et basse, on se fait souvent mieux entendre à distance
qu’en criant. Il y aurait intérêt à employer, pour les
signaux acoustiques, des sons graves, au lieu des sons
aigus en usage ; dans les expériences, le son d’un sif-
flet n’a jamais été entendu au retour, pas plus que le son
d'une cloche de 50 kilog donnant le la,, tandis que le
bruit des gongs, beaucoup moins intense, restait sen-
sible au premier retour. 3° Lesdivers sons se propagent-
ils avec la même vitesse? On n’a rien pu conclure-de
l'étude de deux sons émissimultanément; on n’ajamais
remarqué non plus de rythme au retour, en exécutant
à l’origine des batteries rapides composées de la succes-
sion de deux sons; ces résullats sont d'accord avec
ceux de Biot. Mais le tuyau lui-même fournit un ana-
lyseur plus sensible; à part le son fondamental, que
son intensité particulière ramène d’abord, les sons les
plus élevés reviennent les premiers. La théorie indique
d’ailleurs que le coefficient d’extinction estproportion-
nel à ÿ», # étant le nombre de vibrations par seconde,
fl
et le retard proportionnel à —
vn
aigus doivent aller plus vite et s’éteindre plus tôt que
les sons graves. Les résultats relatifs à l'extinction et
à la vitessse de propagation se trouvent donc d'accord
avec la théorie. — M. Lamotte décrit les expériences
de M. Lebedew sur les ondes électriques. L'auteur s’est
préoccupé d’abaisser encore la limite des longueurs
d'onde obtenues jusqu'ici ; la production d’ondes très
courtes présente en particulier cet intérêt qu'on peut
réaliser des appareils analogues à ceux de l'optique,
ayant des dimensions telles que la diffraction ne masque
pas tous les phénomènes, ce qui était certainement le
cas avec les ondes de plusieurs mètres qu'avaitd’abord
obtenues Hertz. M. Lebedew a opéré avec un excitateur
du {ype de M. Righi : l'excitaleur est constitué par
deux fils de platine de 1"#3 de long sur 05
de diamètre soudés dans des tubes de verre, Ces fils
ne sont pas reliés métalliquement à la bobine, mais
recoivent leur charge par des étincelles, Le cireuit
comprend un condensateur et une résistance consti-
tuée par une colonne d’eau, qui suppriment les oscil-
lations étrangères. Les étincelles actives jaillissent
suivant la ligne focale d’un miroir parabolique de
20 millimètres d'ouverture de12 millimètres de hauteur.
L'observation de l’étincelle, déjà fort délicate dans les
expériences de M. Righi, ne peut être tentée ici.
M. Lebedew utilise, comme l’avait déjà fait M. Klemen-
cie, l'échauffement produit par l’absorption des radia-
tions, Le résonateur est constitué par deux fils recti-
lignes auxquels sont fixés deux anneaux, l'un de fer,
l’autre d’un alliage de nickel et de manganèse. Le dia-
.c’est-à-dire que lessons
1066
mètre des anneaux est de Owm3;: ils sont soudés et
font partie d’un couple thermo-électrique dont l’autre
soudure est maintenue à température constante, C’est
avec ces appareils que M. Lebedewrépète les expériences
de l’optique; tous les accessoires sont renfermés dans
une boîte qui n’a pas 15 cm. sur 20 cm. Le prisme,
qui pesait 600 kilos dans les expériences de Hertz,
est ramené au poids de 2 grammes. Le point le plus
intéressant de ces recherches est l'étude de la double
réfraction. On a taillé dans un cristal naturel, deux
prismes de soufre dont l’arête réfringente a 2 centi-
mètres de long, le côté environ 1 centimètre et l’angle
25°, Dans l’un, l’arête est parallèle à la direction du
maximum de pouvoirinducteur spécifique ; dans l’autre,
au minimum. Les indices observés sont respectivement
2,25 et 2,05. Les valeurs théoriques sont les racines
carrées des pouvoirs inducteurs spécifiques ; les expé-
riences de Boltzmann ont donné 2,18 et 1.95. M. Lede-
dew réalise aussi un nicol en taillant un parallélipi-
pède de soufre, le coupant en deux et interposant une
Die d’ébonite entre les deux parties, Il répète égale-
ment les expériences de polarisation chromalique et
circulaire, avec une lame de soufre quart d'onde, mais
on ne peut utiliser des épaisseurs plus fortes à cause
de Pabsorption. Dans ces expériences, les longueurs
d'onde couramment employées ne dépassent pas
6 millimètres; un des appareils permet de descendre
jusqu’à 3 millimètres,maisleseffets observés deviennent
extrêmement faibles, Ces longueurs d'onde sont seule-
ment cent fois plus grandes que celles que Langley a dé-
celées dans le spectre solaire à l’aide du bolomètre,
C. Ravrau.
SOCIÉTÉ PHILOMATHIQUE DE PARIS
Séance du 9 Novembre 1895.
M. L. Franchet : Sur le calcaire réniforme de Ville-
juif. — M. Bioche : Observationsreïatives aux glaciers
du Val de Bagnes — M. Fouret : Méthode nouvelle
pour l’extraction des racines.
Séance du 23 Novembre 1595.
M. Hua signale la découverte à Konakry par M. Dy-
bowski d’un Euadenia nouveau, qu'il décrit sous le nom
de E. major. — M. Henneguy présente un mémoire de
M. Thélohan sur les Myxosporidés.
Ch. Biocue.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Mémoires récemment présentés : M. Bowden : Sw
un effet électromagnétique. Un long tube de verre con-
tenant du mercure, et sur lequel on a implanté un petit
tube pour indiquer la pression hydrostatique, passe
entre les pôles d’un électro-aimant. Eu faisant passer
dans le mercure un courant de 30 ampères, et en dis-
posant le petit tube de facon qu'il indique successive-
ment la pression dans le sens des lignes de force du
champ, ou dansle sens perpendiculaire, on observe des
mouvements du niveau du mercure dans ce tube.
Quand il est perpendiculaire aux lignes de force du
champ, le mercure monte ou baisse suivant le sens du
courant. Mais, quand le petit tube est parallèle aux
lignes de force du champ, le mercure monte toujours,
quelle que soit la direction du courant. — M. S, P.
Thompson dit qu’il semble y avoir là trois effets inex-
pliqués : l’un proportionel au courant et au champ et
réversible; un autre, indépendant de Ja direction du
courant du champ; et un troisième, qui ne se produit
que quand le courant change d'intensité. Il pourrait y
avoir un quatrième effetqui n’a pasété signalé encore :
le mouvement du mercure, dans la première expérience
de M. Bowden, est;en sens opposé du mouvement d’un
radeau mobile sur un conducteur transportant le cou-
rant, Un accroissement apparent de pression pourrait
être dû à une diminution de la densité du mercure
“ ’
produite par
la chaleur dégagée par le courant, —
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
M. Rhodes : « La réaction de l’armature dans les ma-
chines à courants alternatifs à une phase, » M. Bla-
kesley discute les conclusions de l’auteur. — M. Shel-
ford Bidwell : « Les propriétés électriques du
sélénium. » L'auteur montre que : 1° La conductibilité
du sélénium cristallisé semble tenir surtout aux impu-
retés dues à la formation de séléniures métalliques. IL
se peut que lès séléniures aient une conductibilité
électrolytique, et que l'influence de la lumière, qui ac-
croit la conductibilité, tienne àla propriété de faciliter
la combinaison du séléniure avec les métaux qui
sent en contact avec lui. 2 Une pile à sélénium, à élec-
trodes de platine, et faite avec du sélénium auquel
on à ajouté 3 °/, de séléniure de cuivre, est bien supé-
rieure, au double point de vue de la conduretibilité et
de la sensibilité, à une pile à sélénium ordinaire. 3° Le
sélénium rouge, au contact du cuivre ou du laiton,
noircit rapidement à la lumière, à cause sans doute de
la formation d’un séléniure. 4° Le sélénium cristallisé
est poreuxet absorbe l'humidité de l'air ; cette humidité
est la cause de la polarisation du sélénium après le
passage du courant, 5° La présence de l'humidité n’est
pas essentielle pour la sensibilité, mais elle semble,
à un faible degré, lui être favorable. 6° Si l’on prend
du séléniure de cuivre pour cathode dans une pile hy-
dro-électrique, et une bande de platine plongeant dans
l’eau pour anode, du sélénium rouge, mélé à des par-
celles détachées du séléniure, se dépose dans l’eau.
T° Les courants photo-électriques, produits quand la
lumière tombe sur le sélénium, dépendent de La pré-
sence de l'humidité et ont sans aucun doute une ori-
gine voltaique. 8° Le sélénium parfaitement sec est au-
dessous du platine dans la série thermo-électrique,
— M. Minchin émet l'idée que la pile à sélénium
pourrait être appelée une résistance à sélénium. Une
grille ayant une de ses extrémités faite d'alumi-
nium et l’autre de cuivre peut former une véritable
pile, et engendrer une force électro-motrice quand
la lumière tombe sur elle; il voudrait savoir si
Pauteur a trouvé une pile, telle que la lumière, en y
tombant purementet simplement, engendre une f.6.m.
Lui-même ne croit pas qu’une action chimique soit
nécessairement provoquée par l’action de la lumière
sur lä pile. — M. Appleyard demande si l’auteur a
soumis les résistances de sélénium à l’action des oscil-
lations électriques.
Séance du 25 Oc!obre 1895.
M. Hunt: « Sur le développement des fonctions arbi-
traires, » — M. Lanchester: « Le curseur radical, nou-
velle addition à la règle à calcul. » Ce perfectionne-
ment permet de calculer avec les règles des exponen-
tielles à exposants fractionnaires,
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Communicalions recues pendant les vacances
MM. Raphaël Meldola F. R. S$S. et William
Streatfeild ont préparé le dibromonitronaphtalène
C0H5BrAzO?Br (1: 2:#4.) qu'ils ont converti en dibromo-
g-naphtylamine correspondante dont ils ont fait le dé-
rivé acétylé. Si lon diazole la dibromo-8-naphtyla-
mine en présence d'un excès d'acide minéral, et sil’on
lait bouillir la solution aqueuse du diazo, le groupe AzH?
n'est pas remplacé par r'hydroxyle, comme c'est le cas
dans la réaction de Griess, mais le brome estremplacé
et il se forme un diazoxyde suivant l'équation :
Br
CI0H Br
0
ji => COHIBre | + HBr
AZOiH NA?
Le diazoxyde a la constitution suivante :
Os A7 "Br = MSNM
La chlorobromo-8-naphtylamine C'CHÿCIAzH?Br a
été également obtenue ainsi que ses composés acétylés
et benzoylés. — M. J. Wallace Walker, en faisant
réagir les iodures alcooliques surle sel d'argent an-
hydre, a obtenu les éthers sels méthylique, éthylique
ef propylique de l'acidelactique actif. Les sels bromo-
propioniques correspondants aux éthers lactiques sont
préparés au moyen du pentabromure de phosphore,
Pour ces deux séries de sels, on remarque une difré-
. rence constante dans le pouvoir rotatoire; elle est de
5°,9 dans le premier, et de 14°,2 dans le second cas, pour
les deux membres de la série les plus voisins. Les
éthers chloropropioniques, préparés par l’action du
pentachlorure de phosphore sur l’acide lactique, pos-
sèdent un degré d'activité optique très élevé etles
valeurs trouvées sontplus fortes que celles données
- parLe Bel, Walden, Frankland et Henderson pour
r quelques-uns de ces corps. Les résultats obtenus ne
:
. concordent pas avec la loi de Guye. —M. Charles Mills,
étendant la réaction de Baeyer pour la préparation de
l’'azobenzène au moyen de l’action du nitrosobenzène
- sur une amine en solution acétique, a pu préparer les
corps suivants: m. acétylamidoazobenzène; dipara-
diphényldisazophénylène ; parabenzène azotoluène;
chlorure dep. benzène azotoluène sulfonique; p. ben-
zène az0 0, acétotoluide ; benzène 0. azo 0, acétotoluide;
m. amidobenzène, o. azotoluène. — MM. Bedford et
A. G. Perkin présententlerésultatde leurs recherches
sur quelques dérivés de la maclurine C'#H1006 et
s'étendent spécialement sur la benzène azomaclurine
à laquelle ils attribuent la formule suivante :
OH
CéHS(0H)2CO// \Az : Az.C6HS
oH\ /0H
Az : Az.C6H5
MM. A. G. Perkin et F, Cope ont trouvé que les
constituants de la matière colorante de l’Artocarpus
integrifolia étaient composés principalement d’une
substance ayant pour formule CiSH1007, identique à la
morine, et d’un autre corps, quia pour formule C!$H1206,
qu'ilsappellentcyanomaclurine. — MM. Purdie,F.R.S.
et H. W. Bolam continuent leurs recherches sur les
propriétés optiques des acides méthoxy et propoxysuc-
cinique. — MM. Purdie, F.R.S. et S. Williamson:
Sur les éthers-sels des acides méthoxy et éthoxysucci-
niques actifs, étudiés au point de vue du pouvoir ro-
tatoire, — M. E. Sonstadt a trouvé que, si l’on chauffe
du chlorure de platine sec avec du mercure, laréaction
est différente suivant les proportions de mercure em-
ployées et a lieu suivant les équations :
1) 2KCL. PIC +4Hy—2KCI-+-Pi+4HgCl
2) 2KCI1.PLCL+2Hy—2KC14-Pt+2HyCL.
Le chlorure d'argent sec n’est pas décomposé par le
mercure même à une température élevée ni lorsqu'il
est mélangé ou combiné avec un sel de platine. —
M. A. G. Perkin, par l’action de l’iodure de méthyle
sur l'acide 6-résorcylique, a obtenu un corps ayant pour
constitution:
CSH2Me(OMe).OH.COOMe.
IL est probable que le groupé hydroxyle dans l'acide
8 résorcylique qui résiste à la méthylation se trouve
être en position ortho parrapport au groupe carboxyle.
L'iodure d’éthyle donne, avec le même acide g résorcy-
lique, un corps insoluble dans les alcalis et contenant
seulement deux groupes éthoxy. Il a pour formule :
CSH® (OEt) (OH) COO Et.
L'action de l'iodure de méthyle sur la résacétophénone
donne comme principal produit :
C5H2(0Me) Me. (OH) COOCH®
insoluble dans les alcalis. L'insolubilité de ces corps
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1067
qui, très vraisemblablement contiennent un groupe
hydroxyle libre, est due sans doute à ce que l'oxygène
de ce dernier a prisles propriétés cétoniques; on pour-
rait donc donner à ces substances la constitution :
OCH3 OC2H5
7 LÉ. É
|
V0 K79
COOCHS3 COOC2H5
Le mêmeauteur a pu obtenir également la gallacé-
tophénone oxime :
É CSH2(OH)5C : AzOH.CH®
et la quinacétophénone oxime :
CSH3(OH)2C : AzOH.CHS
M. A. Glendinning a remarqué que le pouvoir réduc-
teur exercé par la maltose sur les solutions cuivriques
a une valeur différente suivant que l’on a employé,
pour la préparation de la liqueur de Fehling, de la po-
tasse ou de la soude. Suivant les conditions de l’ex-
périence le pouvoir réducteur de la maltose serait :
avec la soud?2 : K,.,, — 61, avec la potasse K,,, — 64.
— MM. Ruhemann et J. P.Orton ont étudie l’action
de l'ammoniaque, de l’aydrazineet de la phénylhy-
drazine sur la dibromomalonamide, L'ammorniaque
fournit la diaminomalonamide :
C (Az H2)? (CO Az H?)2
L’hydrazine et la phénylhydrazine fournissent l’hy-
drazone etla phénylhydrazone correspondantes de la
malonamide. L'acide nitrique donne un corps nitré;
par réduction on a l’acide aminomalonique. — M. Chi-
kashigé publie une note sur le perchlorate mercu-
rique :
Hg(C101)2 6H20,
et le perchlorate mercureux:
(HgC104)24H20 ;
le premier de ces sels présente à 400° le phénomène le
fusion et d’ébullition sans subir de décomposition; de
deuxième n’est pas décomposé, mais ne présente pas
les phénomènes de fusion ni d’ébullition. — M, C. M.
Luxmoore à préparé le dihydrobromure d’éthylène
hydroxylamine en chauffant le bromure d'éthylène
avec une solution méthylique d'hydroxylamine auquel
il attribue la formule :
PSS VE à fa
CH?.0—AzH?HBr
ce qui le porte à croire que la formule de l’hydroxy la-
mine correspond au groupement 0 — AzH*. Le même
auteur donne un compte rendu de ses recherches sur
l'isomérie présumée du nitroso-sulfate de potasse. —
MM. C. T. Heycock F. R. S. et F. H. Neville ont
étudié l'influence de différents gaz sur la température
de fusion de l’or et de l'argent. Les points de fusion
les plus élevés et les plus constants ont été ceux ob-
servés en présencede l'hydrogène et du gaz d'éclairage.
Ils relatent l’action exercée par la présence de l’oxy-
gène qui, dans les cas extrèmes, produit un abaissement
de 20°; mais cette action peut-être atténuée par l’action
de l’azote ou de l'hydrogène.
ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM
Séance du 26 Octobre 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries :« Sur
une classe de fonctions entières.» EndésignantparY,
la fonction de y dont les zéros sont données par la
1068
———
2k
formule 2 cos pr (RM;
An +
démontre que la suite des fonctions de Sturm de l’é-
quation Y, — 0 est formée par les fonctions
dé = A Re A):
.…. n), l’auteur
La fonction Y, satisfait à l'équation connue
Yn = Yn 2 Yn-s = (f).
Ensuite l’auteur fait voir que la fonction la plus géné-
rale qui vérifie cette équation, peut être représentée
par (ay + L) Qui — € Quss ici Q s’évanouit pour
: k 1,2 )
nn A7 M2 ET)
n +1 (% sa /
Cette solution générale comprend aussi les fonctions
2k+1 .
COS TG
2n + 1
y — 2COS
U, et V, dont les racines sont
2k +1
) hp
7 AL EX0 RS gcc LS
2n
teur trouve que, pour les fonctions Q,, U,, Vn la suile
des fonctions de Sturm se forme de la même manière
que pour Y,,. La note se termine par quelques re:
! 2 > m
lations entre des produits de cosinus de la forme cos ah
— Rapport de MM. W. Kapteyn et P. H. Schoute sur
le mémoire de M. J.-C. Kluyver, intitulé : « Sur une
surface minima à connexion double, » L'auteur s’oc-
cupe du problème dela surface minima par laquelle
on puisse joindre l’une à l’autre deux faces parallèles
d'un parallélépipède droit. Il trouve que la surface
n'est possible qu'autant que la distance des deux rec-
tangles à dimensions données ne surpasse pas une
certaine limite; si la distance des deux rectangles est
inférieure à celte limite, il y a deux solutions. Ensuite
il aborde la question : laquelle de ces deux solutions
forme le minimum analytique, à l’aide du raisonne-
ment géométrique dont se sont servis Moigno el
M. Lindelôf dans la distinction entre les deux caté-
noïdes du problème analogue des circonférences de
cercle. Enfin l’auteur étudie la surface trouvée et ses
dégénérations.
90 SCIENCES PHYSIQUES, — M. H. Kamerlingh Onnes
communique les mesures de M. P. Zeeman sur l’ab-
sorption des vibrations électriques dans les électro-
lytes, mesures suggérées par M. Cohn, de Strasbourg,
et exécutées au Laboratoire de Physique de Leyde,
L'excitateur employé était celui.de M. Blondlot. Sui-
vant le principe de Bjerknes, on fait parcourir aux
vibrations deux fils parallèles, d'une longueur de
60 mètres. Ces fils se prolongent dans un bassin qui
contient la solution diluée. L'énergie dans l'électrolyte,
mesurée d’après la méthode de M. Cohn, par de petites
bouteilles de Leyde qui peuvent glisser le long des
deux fils de l'appareil, est communiquée à un Polo-
mètre. Les résultats provisoires sont: 1° En parcou-
rant l’électrolyte, l'énergie des vibrations diminue
selon la loi logarithmique. 2°Pour des vibrations de
6,5 mètres de longueur d'onde, parcourent une solu-
tion de chlorure de soude d'une conductibilité
x — 3200, 10-10 en unilés mercurielles, l’énergie est
devenue la moilié de l'énergie initiale en passant
par une couche de 5,7 centimètres d'épaisseur, —
Ensuite M. Onnes présente une communication de
M. H. J. Oosting intitulée: « Recherches strobosco-
piques et photographie intermittente des vibrations
forcées de fils tendus de caoutchouc. » Elle fait suite à
une communication précédente (Rev. gén.des Se.tome VI,
p. 296), — M. H. A. Lorentz présente un mémoire de
M. A. Smits : «Description d'un micromanomètre, » Un
a ——_—_——— ——’ —"————— ———————…——“û“—û“—û“û—_.——û—û—_—û2—————
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17
( —=0, 4,2... 7 —H) Enfin, Lau:
CORRESPONDANCE
tube en forme de U est placé verticalement; à la par-
tie supérieure les deux parties du tube se terminenten
des vases plus larges, tandis qu'au milieu courbé Île
tube est étroit, Ainsi, si D et d représentent les sec-
tions, le déplacement des parties ouvertes est mesuré
à la partie courbée par un déplacement + fois plus
grand. Ce tube doit être rempli de deux liquides dont
l'un n’est presque pas soluble dans l’autre et qui
admettent une surface de séparation bien distincte. Le
choix de ces deuxliquides forme la difficulté du pro-
blème. Pour que le manomètre fût à même de fonc-
tüonner dans le vide, l’un des deux liquides employés
était Peau, si facile à isoler à l'aide d'une couche
d'huile ; l’autre des liquides, l’aniline, satisfait aux
trois conditions suivantes : {°ilne surpasse l'eau en
poids spécifique que d’une quantité minime, 2 il
forme avec l’eau un ménisque convexe distinct,
30 il ne cohère pas aux parois du tube, etc. A l’aide
de cet instrument dont la sensibilité surpasse #1,6 fois
celle du manomètre ordinaire à l’eau, on atteint sans
. . 1 TS
peine une exactitude de —= millimètre de mercure.
3° SCIENCES NATURELLES, — A l’aide d’un examen de
quarante espèces de fossiles tertiaires des iles Philip-
pines, recueillies par C. Semperet placées dansle Musée
géologique de Leyde, M. K. Martin prouve l'existence
de formations éocènes sur Lucon, Gébu et probable-
ment sur Mindanao, de formations néo-éocènes sur
Lucon et Cébu, des formations pliocènes sur Minda-
nao, etprobablement sur Luçon et Samar, de formations
quaternaires sur Lucon, Samar et Cébu. Ces couches
correspondent donc aux derniers sédiments de Java ;
même à la période néo-éocène, les îles Philippines et
lArchipel indien faisaient partie d’une région à
même faune marine — M,C. A. Penelhamig présente
un mémoire de M, W. Koster Gzu intitulé: «Le point
de rotation de l'œil. » Sont nommés rapporteurs :
MM. Th. Place et H, Kamerlingh Onnes.
P.-H. ScHouTE.
CORRESPONDANCE
. M. P. Marguerite-Delacharlonny, à l’occasion des
expériences de Hannay et Hogarth, citées dans la
Revue du 30 août dernier !, nous écrit que, dès 1886,
il avait observé que certains solides dissous dans les
liquides les suivent, lors de l’évaporation, sous laforme
de molécules gazeuses.
Dans une Note présentée à l'Académie des Sciences
le 6 décembre 18862, M. Marguerite-Delacharlonny
relate les expériences que voici :
Des dissolutions d'acide sulfurique, de soude, de
sulfate ferrique, de carbonate de potasse furent ex-
posées à une température de 65 à 70°; au bout
de quelques heures des papiers réactifs témoignaient
tous de la présence des corps dissous dans la vapeur
qui s'élevait de la dissolution. La même expérience,
répétée à la température ordinaire, donna des résul-
tats identiques,
Les expériences relatées dans l’article de la Revue
du 30 août dernier étaient relatives à l’évaporalion
au delà du point critique.
;
1 Voyez, dans le numéro du 30 août 1895, la Revue annuelle
de Chimie pure, page 781, deuxième colonne.
2 Comples rendus de l'Académie des Sciences, tome CUI,
page 1128.
Le Directeur-Gérant : LouIS OLIVIER
ER UN CR RE ER PE EE mt
N° 24 À
30 DÉCEMBRE 41895
REVUE GÉNÉRALE
DES SCIENCES
PURES ET APPLIQUÉES
DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER
LETTRE SUR L'ÉNERGÉTIQUE
Monsieur le Directeur,
C'est avec Le plus grand plaisir que j'ai lu, dans
le numéro du 15 décembre de votre Revue, l’article
de M. Brillouin. Rencontrer un adversaire aussi
fin, aussi courtois est toujours agréable. Mais
c’est, je l'avoue, un effet de contraste qui m'a fait
particulièrement remarquer et apprécier dans cet
écrit la bienveillance et l’urbanilé, l'esprit de jus-
tice, l'absence complète de parti pris, toutes qua-
lités qui honorent l'écrivain et sont les conditions
essentielles d’une discussion scientifique réelle-
ment fructueuse.
J'ai été particulièrement heureux de constater
que M. Brillouin n’a pas méconnu le sentiment
sérieux, la sincérité dans la recherche de la vérité,
qui m'a inspiré. Aussi vous prierai-je, Monsieur le
Directeur, de me laisser ciler en note un passage
de mon manuscrit que vous aviez cru pouvoir
supprimer, dans la conviction qu'il ne pouvait y
avoir méprise sur mes intentions !. Le lecteur se
1 Ce passage était le suivant :
« Mon entreprise, je le reconnais, va me mettre en contra-
diction avec des hommes qui ont beaucoup mérité de la
science et vers lesquels nous levons les yeux avec admira-
tion. Qu'ils n’aillent pas pourtant me taxer de présomption!
Est-ce présomption quand le matelot en vigie crie : « Bri-
sants en proue! » et détourne ainsi de sa route le grand
navire à bord duquel il n’est qu'un modeste serviteur? Non,
car son devoir est d'annoncer ce qu'il- voit. Au même titre,
je m’acquitte ici d'un devoir. Moi aussi, je crie : « Brisants en
proue! » mais personne n’est tenu de changer à ce simple cri
sa route scientifique : que chacun seulement se rende compte
si mes yeux ont vu une réalité ou un mirage trompeur. Ma
vocation, en me conduisant vers certaines branches de la
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
persuadera ainsi qu'en dépit d’un titre dont je ne
suis pas responsable, mon honorable contradic-
teur ne s’est pas trompé sur mes sentiments.
Cela dit, j'arrive au fait.
Il
Les éléments subsistent-ils dans les combinai-
sons chimiques? Sur ce terrain, M. Brillouin me
combat avec mes propres armes. L'existence des
propriétés additives est, dit-il, une preuve de la
persistance des éléments. Mais ne puis-je retourner
l’arme contre lui? En dehors de la masse, iln'y a
pas de propriétés additives, au sens strict du mot.
Toutes les autres propriélés qui portent ce nom
ne sont additives qu'approximativement. Dans
tout le vaste domaine de la Stœchiométrie, je n’en
connais, en fait, pas une seule qui soil indépen-
dante de la constitution chimique. Si l’on parle en
ce sens de la conservation de la matière, il faut
ajouter qu'il s’agit seulement d’une image gros-
sière, dont les traits s'écartent partout de la réalité
qu'elle veut représenter.
Il
En ce qui concerne la théorie de l’éther élas-
tique, je suis bien éloigné de nier les grands
services rendus à la science par les savants qui
science, m'a permis d’apercevoir divers phénomènes plus
clairement qu’ils n’apparaissaient à d'autres points de vue:
je croirais manquer si je renoncais, pour des raisons étran-
gères à la science, à dire ce que j'ai vu. »
24
1070
l'ont adoptée. Mais, entre les mains de Newton,
son auteur, la théorie de l'émission n’a-t-elle pas
donné des résultats, ne füt-ce que l'explication
des anneaux colorés, à laquelle un siècle et demi
n’ont pu rien ajouter? La considérons-nous d'aprés
cela comme exacte ou même comme utile? Toute
hypothèse qui représente certaines parties de la
Nature, même sous un côté restreint, peut con-
duire à des découvertes précisément de ce côté.
Avons-nous le droit d'en conclure qu'elle est dé-
montrée?
Mon éminent contradicteur juge que la question
de la stabilité de l’élher n’est pas résolue, par cela
seul qu'on se borne aux équations différentielles.
Sans doute; mais, pour moi, la question de savoir s’il
peut exister un éther stable me paraît tranchée, du
moment qu'on sait, en somme, se passer de l’éther.
La théorie optique de l'avenir ne connaîtra dans
l’espace que l'énergie, dont la densité sera une fonc-
tion périodique du temps et des coordonnées, et
celte fonction exprimera tout ce que nous savons
des propriélés physiques de la lumière. Comment,
en effet, ne pas reconnaitre que les difficultés de la
théorie élastique résident en ce que cette hypo-
thèse, à côté des éléments utiles, indispensables,
en introduit d’autres qui ont élé déterminés par la
nature non de la lumière, mais du véhicule sup-
posé des phénomènes lumineux. Tel est précisé-
ment le reproche qu'encourent toutes les théories
mécaniques : elles renferment trop ou trop peu de
paramètres, et, par suite, amènent des difficultés
qui tiennent, non pas au /#it, mais à son symbole!.
III
J'en dirai presque aulant de la théorie cinétique
des gaz. Je m’empresse de reconnaitre avec quelle
ingéniosité Maxwell et Clausius ont su rendre
l'image conforme à la réalité, au point de pouvoir
1 11 semble piquant de rapprocher de ce passage cette
remarque que notre illustre collaborateur M. H. Poincaré
exprimait, il y a plusieurs années, dans la préface d'un de
ses ouvrages :
« La théorie des ondulations repose sur une hypothèse
moléculaire; pour les uns, qui croient découvrir ainsi la
cause sous la loi, c’est un avantage; pour les autres, c'est
une raison de méfiance; mais cette méfiance me parait aussi
peu justifiée que l'illusion des premiers.
« Ces hypothéses ne jouent qu'un rôle secondaire. J’au-
rais pu les sacrifier; je ne lai pas fait parce que l’exposi-
tion y aurait perdu en clarté, mais cette raison seule m'en a
empéché.
«En effet, je n’emprunte aux hypothèses moléculaires que
deux choses : le principe de la conservation de l'énergie et la
forme linéaire des équations, qui est la loi générale des petits
mouvements, comme de toutes les petites variations.
« C’est ce qui explique pourquoi la plupart des conclusions
de Fresnel subsistent sans changement quand on adopte la
Voyez : H. Poincaré, Théorie mathématique de la Lumière,
tome I, Préface, G, Carré, Paris, 1889.
(Note DE LA DIRECTION.)
W. OSTWALD — LETTRE SUR L'ÉNERGÉTIQUE
établir à priori, avant toute expérience, les rela-
lions entre la diffusion, le frottement interne et la
conductibilité calorifique. Quel triomphe! Mais
aussi quelle stérilité après ce premier fruit! Que
contiennent depuis de longues années les travaux
sur ce sujet? Une extension de nos connaissances
sur les propriétés physiques des gaz? Non pas,
mais seulement l'examen des fondements théo-
riques de l'hypothèse. Vienne l'hypothèse à êlre
reconnue insuffisante, —— la chose est possible, de
l’aveu même de ses parlisans, — et tout ce travail
aura élé fait en pure perte.
Je crois utile de dire ici ce qui éveilla en premier
lieu ma défiance à l'égard de la théorie cinétique.
Elle n'a pas prévu les lois de Van t'Hoff relatives
aux solutions, lois dont on ne saurait exagérer
l'importance; plus encore, elle s’est trouvée dans
l'impuissance d'établir ces lois, même une fois
connues, à l’aide d'hypothèses tant soit peu plau-
sibles. Mais, quand on a voulu tirer de celte
impuissance un argument contre les propositions
de Van LHoff, quand on à voulu nier des faits,
parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec la théorie,
je devais me dire : Cette théorie est plus qu'inu-
ile : elle est nuisible. Et, qui pourrait dire com-
bien de fois nous avons laissé de côté des faits
importants, parce qu'ils ne cadraient pas avec
l'hypothèse que nous nous étions forgée sur une
question douteuse !
IV
Reste le grave problème de la subjectivité de
toutes nos connaissances. M. Brillouin pense que
nous ne pouvons nous passer de symboles : je suis
dans un certain sens de son avis. Mais nous avons
bien le droit,le devoir même de choisir les symboles
qui répondent le mieux possible à notre but. L'É-
nergélique, elle aussi, imagine des symboles; mais
seulement, à la différence de lascience antérieure,
elle apporte un soin scrupuleux à ce que ses sym-
boles ne contiennent rien de plus, rien de moins que les
J'aits à représenter.
J'ai insisté déjà sur ce que les théories méca-
niques usuelles ne satisfont pas à cette condition;
el j'ai des raisons de croire que, par essence même,
elles ne peuvent jamais y satisfaire. Il m'est mal-
heureusement impossible d'exposer ici ces raisons .
avec tout le développement nécessaire ; mais je
puis en indiquer la Lendance. Comme on le sait, on
*
s
Ë
|
;
|
|
distingue, depuis Hamilton, deux espèces de gran- &
deurs physiques :
tiellement différente, et l’on ne peut jamais repré- …
senter l'une par l’autre. Je suis persuadé qu'il
existe un plus grand nombre de grandeurs d'es-" :
les sealaires el les vecteurs. Ces \
deux espèces de grandeurs sont de nature essen-
Ps . . et
sence différente; et je me crois fondé à admettre
À
que les diverses formes de l'énergie sont caracté-
risées toutes par des grandeurs possédant une
telle individualité. Que cela soit confirmé, et le fait
que jusqu'à présent la Mécanique n’a pu donner
une image complète de la Nature, apparaîtra
- comme une #écessitée. Une telle notion serait aussi
. précieuse pour la science que l’a été, en son temps,
la notion de l’individualité des éléments chimiques,
et les modernes adeptes des théories mécaniques,
en prétendant ramener toutes les formes de l’éner-
gie à l’énergie mécanique, ne feraient pas œuvre
utile plus que les alchimistes cherchant à trans-
muter le plomb en or. Que, dans un pareil labeur,
on ait fait toutes sortes de trouvailles intéressantes
autant qu'inattendues, ce n’est qu’une ressem-
blance de plus avec l’activité, souvent féconde, de
ces chercheurs opiniâtres.
Mais, dira mon adversaire, il n’est pas démontré
que les choses se passent ainsi. Sans doute ; seule-
ment, du moment qu’elles peuvent se passer ainsi,
c'est une raison suffisante pour examiner si cette
méthode discutable est la seule qui puisse faire
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
SR ——"— —"—— — ——] —— ——"————…—”…"”"’_ ——— — —— —
1071
progresser la science. De fait, il en existe une autre
moins hypothétique : la méthode de l'Énergétique.
Pourquoi s'engager dans une voie incertaine, quand
il en est une plus sûre ?
En terminant ces remarques, j'éprouve, si je ne
m'abuse, le même sentiment qu'a éprouvé mon
honorable adversaire : notre divergence d'opinion
n'est déjà pas si grande. Pendant dix années j'ai
cherché sans succès à édifier une théorie méca-
nique des affinités chimiques, et je me suis con-
vaincu que c’est seulement dès qu'on a renoncé à
toute analogie mécanique qu'on peut trouver des
résultats de quelque utilité. Il est elair que mon
adversaire n’a pas passé par semblable épreuve : il
a conservé une certaine tendresse pour la Méca-
nique. En ce qui me concerne donc, je crois rem-
plir mon devoir scientifique en détournant mes
collaborateurs des chemins qui, s'ils ne les con-
duisent à l'erreur, les entraineraient sûrement à
de longs détours. W. Ostwald,
Professeur de Chimie physique
à l'Université de Leipzig.
LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
« Nos formules et nos théorèmes les plus remar-
quables sont bien moins utiles en eux-mêmes que
cette sorte de métaphysique qui les éclaire et les
domine. » Porsor.
Deux premières études ! sur la science de la
chaleur ont été consacrées à l'exposé de ses lois
et notions fondamentales, restées jusqu'ici dans
l'ombre. Dans cette troisième et dernière élude,
nous avons à rattacher à ces bases nouvelles les
résultats généraux que la Thermodynamique ne
permet d'atteindre qu'indirectement.
Ce sera l’occasion, en établissant la notion d’en-
tropie totale et formulant les lois de ses varia-
tions, d'éclaircir les formules, d’ailleurs bien con-
nues, qui traduisent ces résullats, et de meltre en
relief leur signification physique.
Ce sera aussi l’occasion d’esquisser le rôle que
joue l’entropie dans les phénomènes d'ordre phy-
sique, et de démontrer comment la considération
de cette quantité fournit le moyen de préciser, sur
un point essentiel, la doctrine de l’évolution. Le
lecteur saisira bien la portée du sujet s’il se re-
porte, au préalable, au livre des Premiers Principes,
d’'Herbert Spencer, ouvrage considérable dans le-
quel, réserve faite des hypothèses cinéliques de
l'illustre philosophe, la doctrine en question se
trouve exposée sous la forme la plus scientifique
1 Voyez Revue du 30 Octobre et du 30 Novembre 1895,
que comporte l’état actuel de nos connaissances
en Physique et en Biologie.
I. — ENTROPIE TOTALE
L'entropie n’a élé définie, dans les études sus-
mentionnées, que pour les corps homogènes, de
température et de pression uniformes. Cependant
nous avions cité un exemple où l’on peut mesurer
la variation d’entropie d’un corps formé de deux
gaz différents, oxygène et hydrogène. Rien ne nous
aurait empêché, d'ailleurs, de supposer ces deux
gaz primitivement à des températures et à des
pressions initiales différentes, à condition, avant
de les combiner, de les amener, par une opération
réversible, à avoir la même température et la même
pression.
On peut généraliser cette observation, et définir
la différence d’entropie de deux états À et B d’un
système hétérogène, composé de corps de nature
chimique différente, à des pressions, températures,
tensions électriques différentes, de la même ma-
nière qu'on définit la varialion d’entropie d'un
corps uniforme, c'est-à-dire par une mesure calo-
rimétrique effectuée par voie réversible, le système
passant par une transformation réversible de l’état
À à l’état B. La réversibilité doit être ici le carac-
tère, non seulement des opérations qui s’accom-
plissent entre le système et le calorimètre, mais en-
core de celles qui s’accomplissent exclusivement
1072
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
———————————————————————————————— TT
à l’intérieur du système. Par exemple, pour amener
les éléments du système à lamême pression, il faut,
à l’aide d’une force extérieure qui accomplit ou
dépense du travail, laisser les détentes et les com-
pressions s'opérer lentement (afin d'éviter une
transformalion de force vive en chaleur), et sans
que les éléments à des températures différentes
puissent échanger de la chaleur. Si des échanges
de chaleur ont ensuite lieu à l’intérieur du système,
il faut que ce soit à l’aide d'une machine de Carnot
fonctionnant réversiblement, comme c’est la con-
dition pour les échanges de chaleur entre les dif-
férentes parties du système el le calorimètre.
Grâce à ces conditions, la loi fondamentale sur
la-réversibilité est applicable, et, quelle que soit
l'opération réversible accomplie, la quantité de
chaleur cédée ou empruntée au calorimètre reste
toujours la même: elle ne dépend que des élals A
et B. Elle est, par définition, la mesure de la varia-
tion d’entropie du système.
Propriété additive de l'entropie. — H y a entre la
varialion d’entropie d’un système et la variation
d'entropie de ses éléments — au moins quand
ceux-ci sont chimiquement libres ! — une relation
simple qui achève de caractériser la nouvelle
grandeur.
À ce point de vue, il est indispensable de distin-
guer deux types fondamentaux de systèmes. En
premier lieu viennent les systèmes hétérogènes pro-
prement dits. Ce sont ceux dont les éléments ho-
mogènes (corps à un état thermique, physique,
électrique et chimique uniformes) occupent chacun
un lieu distinct de l’espace, et ne sont, par consé-
quent, ni diffusés les uns dans les autres, ni com-
binés les uns aux autres. Cilons comme exemple
le système vapeur et eau, le carbonate de chaux
dissocié, ete.
En second lieu viennent les systèmes homogènes,
dont toutes les parties sont exactement au même
état, et ne présentent entre elles aucune différence
à quelque point de vue que ce soil. Ces systèmes
sont chimiquement décomposables en éléments
homogènes de nature chimique distincte ou non,
éléments dont la masse lotale, à l’état libre, est,
d’après la loi de Lavoisier, égale à la masse même
du système. Ce sont donc des systèmes dont les
éléments occupent le mème lieu de l’espace, soit
par dissolution ou diffusion, soit par combinai-
son. Citons, comme exemple, tous les corps com-
posés, et aussi les vapeurs des corps simples po-
lyatomiques (hydrogène, phosphore, etc.).
Dans les systèmes hétérogènes, il faut encore
distinguer deux types de systèmes : les sys/èmes
1 C’est-à-dire ni dissous, ni combinés,
physiques, ou systèmes dont les éléments ont des
masses invariables, quoiqu'ils puissent eux-mêmes
subir des transformations chimiques, et les systèmes
chimiques, où systèmes dont les éléments ont des
masses variables, mais se transforment les uns
dans les autres.
Si les éléments des systèmes physiques ne peu-
vent échanger leur masse, ils peuvent échanger de
la chaleur, de l'électricité. Leur volume, leur pres-
sion, leur température, leur entropie, ete., peut
varier, soil par l'effet de leurs actions et réactions
mutuelles, soit par l'effet d'actions du dehors.
Quand, par suite des changements que provo-
quent les causes intérieures et extérieures, un
système physique passe d'un état À à un état B, il
est toujours possible de revenir par voie réversible
de l’état B à l’état À, tout en s'astreignant à opérer
sSéparément sur chaque élémentisolé et,en quelque
sorte, extrait du système, isolé lui-même et main-
tenu à un état invariable. Si l’on a, d’ailleurs, soin
d'accomplir les opérations successives à l’aide
d'une seule source de chaleur, ou de ramener
toutes les sources sauf une, qui est le calorimètre,
à leur état initial, par définition la quantité totale
de chaleur cédée ou empruntée au calorimètre
mesure, avons-nous dit, la variation d’entropie du
système; mais celle quantité de chaleur est la
somme des quantités de chaleur respectivement
empruntées ou cédées par les éléments du sys-
tème, et celles-ci mesurent les variations d’en-
tropie de ces éléments. La variation d’entropie du
système est donc égale à la somme algébrique des
variations d'entropie de ses éléments.
Or, le zéro d’entropie du système répond au cas
où tous les éléments sont eux-mêmes au zéro
absolu d’entropie ; sans quoi l’on pourrait encore
emprunter de la chaleur au système, fournir de la
chaleur au calorimètre, et, par suite, abaisser l’en-
tropie du système. Il faut conclure de là que si,
ce qui parait bien probable, il existe une limite
inférieure finie de l'entropie d’un corps, l’entropie
absolue d'un système physique est la somme des entro-
pies absolues de ses éléments. Telle est ia relation re-
marquable que nous avions en vue.
Appliquée à un corps homogène, considéré
comme un système hétérogène formé de parties
semblables, elle montre que l’entropie d'un corps de
masse variable, mais maintenu toujours au même état \,
varie proportionnellement à la masse du corps. Ce prin-
cipe constitue la dernière des généralisations dont
la notion d’entropie est susceptible. Il prouve que
l'entropie est, suivant une expression empruntée
au Professeur W. Ostwald, une qualité additive de
la matière, comme le sont la masse el l'énergie.
PR
1 Par exemple, l'eau dans sa vaporisation sous pression
constante.
El
à
1
pr,
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION 1073
È Ê
- Pour évaluer la variation d’entropie d’un corps
à dont la masse et l'élat changent à la fois, il suffit
- de considérer la succession de deux transforma-
1 tions; dans la première, le corps, conservant sa
… masse, change d'état; dans la seconde, son état
… ne change pas, mais sa masse est accrue ou dimi-
. nuée. Par conséquent, la variation totale de l’en-
— lropie de ce corps est exprimée par la formule :
va
£
: ÈS — mdS +S dm,
où ÔS est la variation totale d'entropie, d4S la va-
riation d'entropie de l’unité de masse, » la masse
- el dm la variation de la masse.
; Grâce à cette formule, il devient possible de
… iraiter le cas des systèmes hétérogènes chimiques,
- c'est-à-dire ceux dont les éléments peuvent se
- transformer totalement les uns dans les autres.
Prenons comme exemple le système eau et
vapeur à des températures et des pressions varia-
bles. Soit » la masse de l’eau, »#'la masse dela
vapeur, ét dm la masse infiniment pelite d’eau
vaporisée, On peut évidemment, qu'il s'agisse ou
non d'une transformation infiniment petite, consi-
dérer ce système comme un système physique
formé de lrois éléments de masse invariable : la
masse d'eau 7— dm, la masse de vapeur #', et la
masse dm qui passe de l’état liquide à l’état de
vapeur.
Le théorème précédent est donc applicable; la
varialion d'entropie àS du système est égale à la
somme des variations d'entropie de chacune des
trois masses, et l’on a :
ÈS = (in — dm) dS + m'dS + dm (S —S),
S étant l’entropie de l’eau, S’ l'entropie de la va-
peur, et 4S et dS'les variations de ces quantités
. résultant des variations de pression et de tempé-
ralure. Supprimant l'infiniment pelit du second
. ordre, la relation devient:
ÈS= mdiS + mdS + dm (S'— S);
ou encore :
ÈS = (m'dS! + S'dm) + (mdS — Sdm),
formule qui montre que le changement d’entropie
du système est encore égal, quoique les masses de
ses éléments varient, à la somme des variations
d’entropie de ses éléments.
Ainsi, dans tous les systèmes hétérogènes, phy-
siques ou chimiques, et, par suite, dans les sys-
tèmes mixtes, l’entropie conserve sa propriété
additive. Malgré les aclions et réaclions des élé-
ments du système, malgré les échanges de toute
nalure qui ont lieu entre eux, ÿ compris les
échanges de masse, leurs entropies ne cessent pas
de se cumuler, dans toutes les transformations du
système, pour fournir l’entropie totale. Il y a là
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895.
une sorte de conservation de l’entropie, parallèle
à la conservation de la masse.
Quand, de la considération des systèmes hété-
rogènes, on passe à celle des systèmes homo-
gènes, la question devient plus délicale. D'abord,
le seul fait d'amener des éléments homogènes à
occuper le même lieu de l’espace (dissolutions et
combinaisons chimiques) suffit souvent pour dé-
terminer une augmentation de l'entropie totale.
Maintenant, peut-on définir l’entropie propre d’un
élément engagé chimiquement avec d’autres? El, si
cela est possible, existe-t-il encore une relation
déterminée entre la variation d'entropie des élé-
ments et l'augmentation d’entropie du système?
Malgré son importance, nous ne chercherons pas à
résoudre ce double problème, extrêmement inté-
ressant; il se rattache directement à la question
des lois propres de la Chimie’, et, pour cette raison
même, n’apparlient pas exclusivement à la science
générale de la Chaleur.
IT. — LA TEMPÉRATURE ABSOLUE.
Dans le cas le plus général, c'est-à-dire le plus
complexe, de la transformation d'un corps homo-
gène, il n’y a pas de rapport déterminé entre la
mesure d’un changement d'entropie et la quan-
lité de chaleur absorbée ou dégagée dans ce chan-
gement. Mais il n'en est pas de même s'il s’agit
d'une transformation isotherme, et de la défini-
lion de la variation d’entropie il résulte immé-
diatement qu'il y a alors proportionnalité entre les
deux quantités, de sorte qu’on peut écrire la rela-
tion :
Q=K#(S —S),
où Q est la chaleur latente, S et S’ les valeurs de
l’entropie initiale et finale et # un coefficient nu-
mérique constant indépendant de la nature du
corps considéré, mais fonclion de la température
considérée et de celle du calorimètre.
À une autre température on aurait la relation :
Q'= #(S' —S).
Le rapport qui existe entre les coefficients # et
k' est, d’après ces relations, le même qu'entre les
chaleurs Q et Q”, qu'on peut considérer comme les
chaleurs mises en jeu, aux températures t et #!,
dans un mème cycle de Carnot. Carnot admettait
que ce rapportest égal à l'unité, de sorte que, pour
1 Je ne fais pas allusion ici aux lois de la Thermochimie,
qui sont tout simplement des applications à la Chimie des
principes de la Science de l'Energie. Je veux parler des lois
quantitatives spéciales aux réactions chimiques. Je profite de
l’occasion pour faire des réserves formelles sur le rôle exclu-
sif que M. le Professeur W. Ostwald attribue à l’Energétique
dans les Sciences physiques, et sur la place que le savant
professeur fait occuper au concept de l’Enervgie, relative-
ment au concept matière. (Cf. La Déroule de l'Alomisme,
dans la Revue du 15 novembre 1895.
24*
1074
lui, il n'y aurait pas eu lieu de distinguer la varia
tion d’entropie de la quantité de chaleur : c’eût été
une seule et même chose. Mais la donnée de Carnot
est inexacte ; précisément la loi sur l’irréversibi-
lité conduit à ce corollaire que, si la température #
est supérieure à la température /', la quantité Q est
plus grande que la quantité Q'. Ainsi donc, relati-
vement à une température donnée du calori-
mètre, le coefficient Æ varie avec la température
du corps qui subit la transformation isotherme, el
dans le même sens que cette Llempérature. Il est
d’ailleurs le même pour tous les corps pris à la
même température; il peut donc servir de mesure
absolue à la température, et on l'appelle fempéra-
ture absolue, en le représentant par ia lettre T.
C'est ce qu'exprime la formule bien connue :
Q=TASINS);, (1)
qui élablit une relation simple entre la chaleur la-
tente Q, ou chaleur mise en jeu par voie réversible
le long d'une isotherme, la température absolue T
de l’isotherme, et la variation d’entropie S —S.
En faisant, dans cette relation, S'—S égal à l’u-
nilé, et désignant par Q, la chaleur latente corres-
pondante, on a
Te QU (2)
c’est-à-dire que la température absolue est mesurée
par la chaleur absorbée dans une transformation iso-
lherme qui accroît l'entropie d'une unité.
Signification physique de la température absolue. —
Mais cet énoncé si précis ne constitue cependant
pas une définition suffisante de la nouvelle notion.
On n'en saisira bien la signification physique que
par les considérations suivantes, basées sur le
« déplacement » d'enlropie qui s'opère dans un
cycle de Carnot".
Le fait que, dans le cycle de Carnot, la quantilé Q
est supérieure à la quanlité Q’, peut s'exprimer en
disant que, par une transmission réversible de cha-
leur du corps froid au corps chaud, ou inversement,
il y a destruction ou création de chaleur.Peu importe
d'ailleurs d'où est tirée la chaleur créée, et ce que
devient la chaleur détruite; ce qui importe dans
le cas présent, c'est, d’une part, que celte trans-
mission est accompagnée de varialions égales el
opposées d'entropie, une partie de l’entropie se
déplaçant, en quelque sorte, d'un corps dans
l’autre; c'est, d'autre part, que le déplacement de
l'entropie n'est accompagné d'une création ou
d'une destruction de chaleur que si les deux corps
sont à des températures différentes. À tout écart
de température est donc nécessairement lié, dans
un déplacement donné d’entropie, une création
l Cf, Leçons de Ther modynamique de M Lippmann, p.78.
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
ou une destruction d'une quantité déterminée de
chaleur, quantité qui ne dépend pas de la ma-
chine thermique, mais seulement de la tempéra-
ture initiale et finale. Si l’une de ces températures
est modifiée, l’autre restant invariable, la quantité
de chaleur détruite ou créée est modifiée dans le
même sens que l'intervalle de température. Si l’in-
tervalle grandit, la quantité de chaleur augmente;
s’il devient plus faible, elle diminue.
Gràce à cetle connexion, qui repose sur la qua-
trième loi fondamentale, ilest possible de compa-
rer deux intervalles de température même quand
les températures initiales et les températures
finales ne sont pas les mêmes, et cela à l'aide des
quantités de chaleur ÿ et g' détruites ou créées
dansle déplacement réversible d’une quantité d'en-
tropie invariable. Si la quantité 7 est égale à la
quantité g', on dira que les intervalles sont égaux.
Si elle est trois fois plus grande, on dira que
l'intervalle correspondant est trois fois plus
grand que l'autre. D'une manière générale, un
intervalle de lempérature peut être considéré
comme une grandeur mesurable, c'est-à-dire
comme la somme d'un certain nombre d’intervalles
égaux à l’unilé. Si gest la chaleur détruite ou
créée répondant à l'intervalle pris pour unilé (par
exemple l'intervalle de 0° C. à 1° C), la mesure de
: q
tout intervalle sera le rapport —,
Mais la mesure d’une température ne saurait êlre
que la mesure de l'intervalle qui la sépare d’une
température fixe et déterminée, arbitrairement
choisie /, (par exemple 0° C, température de fusion
de la glace). Une température { aura donc pour
mesure le rapport:
Qo—Q,
r=®
qi
Qc et Q, étant les chaleurs latentes de dilatation
aux températures { et 4, pour un accroissement
d'entropie égal à une valeur quelconque ç. Elce rap-
port est parfaitement indépendant de la nature de
la substance (hermométrique aussi bien que la
valeur 5, qu'on peut supposer, en particulier, égale
à l'unité.
Maintenant, alin de simplifier la formule, au lieu
d'attribuer à la température {, la valeur 0, conve-
Un
tons une unité d’entropie, Lelle que lachaleur 7, dé-
truile ou créée, répondant à l'intervalle de &C à
1° G, soitégale à l'unité. Laformule se réduit alors à:
1— 1)
Y1
nons de lui attribuer la valeur ;en outre, adop-
c'est-à-dire à la formule (2), qui entraine la rela-
lion fondamentale (1). Celle-ci se trouve ainsi su-
bordonnée à une certaine relation entre les unilés
de variation d’entropie, de quantité de chaleur, et
#
2
à
. d'intervalle de température. Si les unités étaient
- quelconques, la relation fondamentale devrait
- contenir un coefficient numérique.
Conclusion pratique. — La marche que nous ve-
- nons de suivre pour arriver à définir la tempéra-
- ture absolue est assurément moins simple que
- celle qui consiste à définir celte grandeur, sans
… autres explications, par un rapport numérique.
Mais elle a cet avantage, d’abord de mieux mettre
en évidence la dépendance des unités (c'est-à-dire,
- selun l'expression à la mode, les « dimensions »
- de la température absolue), ensuite et surtout de
- faire ressortir l’origine profonde de la nouvelle
- grandeur et la raison de son utilité. Il ne suflirait
- pas, en effet, pour atteindre ce résultat, de dire
- que la température absolue est la grandeur me-
surée par la quantité de chaleur mise en jeu le
long de l'isotherme, dans un changement d'en-
tropie égal à 1. Il est essentiel d'expliquer que les
varialions de cette grandeur expriment propor-
lionnellement les quantités de chaleur détruites
ou créées dans la transmission réversible de cha-
leur, donc la quantité maxima d'énergie que peul
lransformer une machine thermique.
C’est, en effet, que la définition de la mesure
d'une grandeur ne saurait être arbitraire ; il n’y a
rien de conventionnel dans une science bien cons-
truite et tout est imposé par la nature des choses.
La définition de la mesure d'une grandeur doit
être en accord avec la définition de la grandeur
elle-mème ; elle doit dériver de la propriété fon-
damentale qui caractérise celle-ci. Or la tempéra-
ture, comme la force mécanique, la pression élas-
_Lique, la tension superficielle, la force électromo-
trice, elc., est une puissance de transformation, une
force, au sens général du mot. Il faut donc que ses
variations soient mesurées par le rendement en
travail, ou par la quantité de chaleur transformée,
ou, ce qui revient au même, par les varialions d°
la chaleur latente, à égalité de variation d’entropie.
Non seulement ce mode d’évalualion s'impose
théoriquement, mais, pratiquement, il est indis-
pensable ; car il dispense une fois pour toutes
d’avoir recours aux machines thermiques réver-
sibles : et il permet de ramener toutes les mesures
thermiques à de simples mesures calorimétriques.
En effet, une fois les températures absolues éva-
luées en fonction dés températures thermomé-
triques, par des expériencesfaites sur une machine
thermique réversible particulière Gun gaz, une va-
peur saturée, elc.), on peut se dispenser, dans l'é-
tude d'un phénomène quelconque, de procéder par
voieréversible !, Il suffit de mesurer à tout instantles
1 Sans pouvoir éviter, bien entendu, d'avoir recours aux
transformations réversibles des corps ou systèmes étudiés.
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
températures du système, ainsi que les quantités de
chaleur échangées avec le calorimètre; les varia-
tions d’entropie peuvent alors être calculées par la
formule (1).
III, — LE ZÉRO ABSOLU DE TEMPÉRATURE
La définition rationnelle de la température abso-
lue, telle que nous venons de la donner, est par-
faitement indépendante de la question de l’exis-
tence du zéro absolu de température : car, dans
nos explications, nous n'avons rien eu à supposer
à ce sujet. Il est cependant intéressant d'étudier
ce que deviennent, au zéro absolu, les nouvelles
quantités : entropie et température absolue. I règne,
en celte matière, quelque incertitude dans
les exposés courants, et l’on confond parfois le
moyen, que nous n'avons pas, de réaliser le zéro
absolu avec la possibilité d'existence de cet état
thermique.
Zéro absolu. — Tout d’abord, et réserve faite de
la question toute théorique des tempéralures
négatives !, il est évident qu'il existe une limite
inférieure de la température, soil qu'on évalue la
tempéralure par les moyens ordinaires, dilata-
tions ou pressions, soit qu'on la mesure par les
quantités de chaleur.
Dans le premier cas, celte limile répond à l’état
des corps sous leur minimum de volume (à pression
constante), ou à leur minimum de pression ou
maximum de tension (à volume constant). Dans
le second cas, elle répond à l’élal des corps pour
lequel la chaleur latente de dilatation, rapportée à
l'unité de varialion d’entropie, est un minimum.
Expliquons cette dernière définition. Si une ma-
chine réversible emprunte à une source chaude, à
une température fixe et déterminée T,, une quan-
tité de chaleur fixe et déterminée Q,, la chaleur Q
transmise à une source froide est inférieure à la
quantité Q, d’une quantité d'autant plus forte que
la température T de cette source froide est plus
basse.
Mais la quantité de chaleur cédée ne peut, d'après
la loi sur la réversibilité, devenir négative; elle à
donc une limite inférieure et la température abso-
lue de la source froide pour laquelle cette limile
serail alleinte est la valeur absolue inima de la
température. Si cette limite est zéro, el rien n'em-
pêche de concevoir la possibilité d'une limite nulle,
— tout au contraire la fait présumer —., la valeur
minima correspondante est ce qu’on doit ralionnel-
lement appeler le zéro absolu. Ainsi la définition
du zéro absolu est d'ètre la #mpérature d’une source
]
froide à l'aide de laquelle on pourrait détruire toute lu
1 S’il existait une série de températures négatives, l'exis
tence du zéro absolu en serait, d’ailleurs, une conséquence
nécessaire.
1076
chaleur empruntée à une source chaude (en Ja trans-
formant en travail ou autre énergie extérieure).
Nous pouvons maintenant juslifier la convention
que nous avions faite, au sujet de la température
absolue, en attribuant au repère de la nouvelle
échelle de température une valeur égale à Fe Cette
1
quantité mesure précisément l'intervalle compris
entre la température repère et le zéro absolu, de
sorte que la température absolue :
LE — 2er
qi
n'est autre que la mesure des températures rap-
portées au zéro absolu.
On peut donc dire que la température T est dou-
blement absolue, absolue parce qu’elle n’a aucune
relation avec un corps thermométrique particulier,
absolue aussi parce qu’elle est comptée à partir du
zéro absolu.
La quantité T n’est d’ailleurs point une quantité
théorique ; sans doute, en pratique, on ne peut la
mesurer directement, mais, comme nous l'avons
déjà dit, on peut Ja calculer à l’aide des lois spé-
ciales à certaines classes de corps, nolamment des
gaz parfaits.
Prenons comme exemple le calcul de la tem-
pérature absolue T, de la glace fondante, en adop-
Lant pour unité d'intervalle le degré centigrade,
c'est-à-dire l'intervalle de température de OC.
à 41°C.
Soient, pourune variation déterminée d’entropie,
Q,la chaleur latente au zéro centigrade, et Q, la
chaleur latente à 1°C. La température cherchée T,,
sera donnée par la formule :
Q
QG ‘
Appliquons celle formule à un gaz parfait, c’est-
à-dire à un corps dont l'énergie intérieure, qui ne
dépend que de la température, est proportionnelle
à sa mesure absolue, et dont le volume à tempé-
rature constante varie en raison inverse de la
pression. Puisque l'énergie de ce corps ne dépend
que de sa température, les quantités Q, et Q, doi-
vent être respectivement égales, par application du
principe de l’équivalence, aux travaux de détente
isotherme ; mais, d'après la loi de Boyle, ces travaux
sont proporlionnels aux pressions, de sorte que
l'on a finalement:
EE Po
« Pi — Po
n
(P1 et Po, pressions à volume constant).
Or, ce rapport est égalau coefficient de dilatation
du gaz, par rapport au volume à 0°C, coefficient
dont la valeur a été reconnue égale, par des expé-
riences directes, à 1/273, On a donc, en définitive :
Dr 219
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
Si nous avons reproduit ce petit caleul, c'est
pour bien montrer que le chiffre de 273, si sou-
vent invoqué, n'est point un chiffre théorique ou
hypothétique. Non seulement il ne suppose pas
l'existence réelle d'un zéro absolu de température,
mais encore il n'implique d'aucune manière que
les lois des gaz parfaits soient vraies à toutes les
températures, chose peu vraisemblable d'ailleurs,
etmême inconcevable s’il s'agit du zéro absolu. Il
suflil, pour que le chiffre de 273° soil positivement
justifié, qu'il existe un seul corps satisfaisant aux
lois de Joule et de Boyle, entre 0° et 41°C et dont le
coefficient de dilatation soit égal à 1/273. On doit
donc poser en principe, comme une conséquence
logique des lois de la chaleur et de la manière dont
se comportent cerlains corps entre 0°C. et1‘C., que,
si le zéro absolu existe, il est à 273° (en unités
centigrades, et en mesure absolue) plus bas que le
zéro centigrade.
Æntropie au zéro ahsolu. — Quand on applique la
relation fondamentale (1) à une transformation
infiniment pelile, on la met sous la forme :
dQ TA, (3)
où 4Q est la quantité infiniment petite de chaleur
absorbée !, el 4S la variation infiniment petite d'en-
tropie. Si G est la chaleur spécifique, on peut aussi
écrne
(4
où dS est la variation d’entropie répondant à une
variation de température dT à pression constante.
On a conclu de celte formule qu’en supposant C
constant aux basses températures, comme cette
quantilé Pest aux températures expérimentées,
pour une classe nombreuse de corps, la valeur de
l'entropie au zéro absolu serail infinie.
Quelle que soit la validité de la supposilion rela-
tive aux valeurs de C, la conclusion est erronée: car
la formule (4) cesse d'être exacte quand les valeurs
de T sont voisines du zéro. La substitution dans la
formule (3) de la quantité CdT à la quantité 4Q n’est |
plus alors permise, parce que la différence de ces
deux quantités devientun infiniment petit du même
ordre que les quantités elles-mêmes. D'ailleurs, la
définition mème de l’enltropie montre que cette
grandeur dépend de deux variables, et qu'au zéro
absolu elle doit varier avec la pression ou le volume
1 Cette formule suppose que la chaleur réellement absorbée
dQ et la chaleur latente 4L, entre les mêmes adiabatiques,
sont des infiniment petits du même ordre dont le rapport
est, à la limite, égal à l'unité.
C'est une condition dont il faut se préoccuper, quand on
cherche à appliquer la formule aux transformations opérées
au zéro absolu, ou à celles d'un solide ou d'un liquide parfait,
c'est-a-dire totalement dépourvu d’élasticité, opérées à une
température quelconque.
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
1077
. -spécifique du corps considéré. À supposer même
qu’au zéro absolu ces quantités soient complète-
ment déterminées, c’est-à-dire que les adiabatiques
aient toutes un même point commun avec l'iso-
therme zéro, tout ce que l’on pourrait dire, c’est
que l’entropie est indéterminée en tant que fonc-
tion du volume et de la pression, mais non qu'elle
est infinie. Il faudrait plutôt, par application de la
Joi de la réversibilité, considérer que le corps,
tout en conservant la même pression, le même vo-
lume et la température zéro, soit cependant sus-
ceplible d'un certain changement d'état qui serait
marqué par le changement d’entropie. Toutefois,
si les chaleurs spécifiques pouvaient rester cons-
tantes jusqu'au zéro absolu, il faudrait en conclure
que l’entropie n'a pas de limite inférieure. Nous
préférons croire que les chaleurs spécifiques, rap-
portées à l'unité absolue d'intervalle de tempéra-
ture, diminuent avec la température.
En résumé, il n'y a rien de particulier à dire sur
la valeur de l’entropie au zéro absolu. Celte valeur
peut être quelconque, nulle ou finie, et les lois de
sa variation ne sont, d’ailleurs, pas différentes des
lois de sa variation à température finie. Ce sont
ces lois que nous allons maintenant examiner, en
exposant les théorèmes généraux de la science de
la Chaleur, ou règles s'appliquant, non plus à un
cas simple, comme les lois sur la réversibilité et
l'irréversibilité, mais à un phénomène thermique
quelconque. Nous allons voir que, grâce à la no-
tion de l’entropie, le nombre de ces théorèmes se
réduit à deux, et que les théorèmes eux-mêmes
prennent une forme très simple, qui dispense de
toute formule différentielle dans les énoncés.
IV. — CoNSERVATION DE L'ENTROPIE
Le premier des théorèmes en question est un
corollaire immédiat de la loi sur la réversibilité et
de la définition de l’entropie totale d’un système.
Supposons qu'un système quelconque, isolé
thermiquement, c'est-à-dire enfermé dans une
enceinte imperméable à la chaleur, subisse une
transformation réversible, par laquelle il passe
d’un état À à un élat B. Metions ensuile le sys-
tème dans le calorimètre, et ramenons-le, encore
par une opéralionr réversible, à son élat initial A.
Dans l’ensemble réversible de ces deux opéralions,
le système a fonctionné comme machine ther-
mique, échangeant de la chaleur avec une source
unique qui est le calorimètre. En vertu donc de la
loi sur la réversibilité, le calorimètre, finalement,
n'a pu gagner ni perdre de chaleur, ce qui prouve
que, dans le retour à l’état initial, l'entropie du sys-
tème n’a pu varier; autrement dit, que la différence
d’entropie entre les états A et B est nulle. De là le
théorème suivant :
PREMIER THÉORÈME GÉNÉRAL. — Quand un système,
isolé thermiquement, subit une transformation réversible,
son entropie se conserve.
Une telle transformation, homologue dela trans-
formation adiabatique d’un corps homogène, s'ap-
pelle transformation isentropique.
Ilest, le plus souvent, impossible d'appliquer
directement le théorème à la transformation
réversible d’un système isolé quelconque; les élé-
ments numériques font défaut. Pour traiter le cas
général, on suppose le système ramené à son élat
initial par une autre transformation réversible,
c’est-à-dire qu'à la considération d'un cycle réver-
sible ouvert on substitue la considération d'un
cycle fermé; de cette manière, les seuls change-
ments définitivement accomplis le sont dans les
sources, et par conséquent sont directement me-
surables. D'ailleurs, peu importe la température
des sources, pourvu que les écarts de température
entre le système et les sources conservent le sens
convenable. Le cycle suivi par le corps ne dépend
que de ce senset des quantités de chaleuremprun-
tées ou cédées.
On peut supposer, en particulier, qu'il. n’y à
entre les sources et le corps que des différences
de température infiniment petites, et alors l’opé-
ration doil être considérée comme réversible, si le
cycle lui-même, ce que nous supposons, est réver-
sible. Mais le système total, composé du système
considéré et du système des sources, est un sys-
tème isolé thermiquement, dont l’entropie, d’après
le théorème fondamental qui vient d’être énoncé,
n'a pas varié.
On peut donc écrire la relation générale :
AN)
— = 0,
J3
où 4Q est la quantité de chaleur empruntée à une
source, et T la température commune de celte
source et du système ou de la portion du système
avec laquelle l'échange de chaleur a lieu.
Cette formule a été établie, pour la première
fois, par Clausius. Nous reviendrons, au paragraphe
suivant, surlesobservations que suggèrent laforme
du premier membre de la relation.
V. — AUGMENTATION DE L'ENTROPIE
On vient de voir que l’entropie se conserve dans
les phénomènes réversibles ; quelle est la loi de
sa variation dans les phénomènes irréversibles ?
La question a paru délicate au point que cer-
tains auteurs se sont abstenus de la traiter dans
toute sa généralité, et que d’autres ont émis des
doutes sur l'exactitude de la solution avancée par
Clausius. Les explications qui suivent seront peut-
être de nature à lever les difficultés de pure forme
1078
et à faire adopter une théorie qui n’est plus guère
contestée à l'Étranger, et qui, en France, a plus ou
moins indirectement inspiré une partie des travaux
de M. Berthelot et de son École.
Ces explications ont pour base la quatrième loi
fondamentale, telle que nous l'avons formulée
d’après M. Ariès, celte loi suivant laquelle, si une
opération irréversible est accomplie sur un système
de sources de chaleur, à l’aide de machines ther-
miques, l’une des sources, au moins, absorbe de
la chaleur.
L'expérience, avons-nous dit, estle véritable crite-
rium d’exaclitude des lois fondamentales, La loisur
l'irréversibililé n'échappe pas à cette règle; mais,
sans chercher ici à montrer comment elle se « pré-
juge » en qualité de corollaire d’une loi fondamentale
de l'Énergie, et comment, par conséquent, elle se
raltache à une mullitude de faits où la chaleur ne
joue aucun rôle, il n’est pas inutile de signaler les
rapports qu'elle présente avec les principes de la
Thermodynamique, et, revenant sur un point sim-
plement signalé dans la première partie de cette
étude, de montrer que douter de son exactitude,
ce serait douter du principe de Carnot sur la pro-
duction de force motrice par la chaleur.
On peut, en effet, après qu’une opération irré-
versible a été accomplie sur un système desources!,
ramener par voie réversible toutes les sources de
chaleur à leur état initial, sauf une seule toutefois,
qui, d’après la loi en question, à finalement ab-
sorbé de la chaleur. Or, si l’on considère l'énergie
des différentes parties du système, celle des ma-
chines ainsi que celle des sources, sauf une seule,
n'ont pas varié, puisqu'il y a eu retour à l’état ini-
tial. Seule, l'énergie des systèmes extérieurs en
relation avec les machines, systèmes qui sont sup-
posés n'avoir subi que des transformations réver-
sibles, a varié, en même temps que s’est accrue
la chaleur d’une source. On peut donc dire, par
application du principe de l’équivalence, qu'il y a
eu uniquement transformation en chaleur de tra-
vail ou d’autre énergie potentielle extérieure.
Mais si, au contraire, la source avait perdu de la
chaleur, il faudrait conclure qu’il y a eu transfor-
mation de la chaleur en travail. La loi sur l'irré-
versibilité revient donc à dire qu'on ne peut, à
l’aide d’une seule source de chaleur, transformer
de la chaleur en travail. C’est une des formes géné-
ralisées du principe de Carnot.
De la loi sur l'irréversibilité et du théorème
général sur la conservation de l’entropie, nous
allons maintenant tirer le second théorème géné-
ral applicable à un système quelconque, compor-
‘ Les températures de ces sources étant supérieures au zéro
absolu.
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
tant ou ne comportant pas de sources de chaleur, .
Ce théorème a trait au sens de la varialion d’en-
tropie dans une transformalion irréversible.
Soit un système quelconque À, isolé thermique-
ment. Supposons que ce système, hors d'équi-
libre intérieur, subissse une transformation irré-
versible qui l'amène de l’état À à l’état B. Il est
possible, théoriquement du moins, et quoique la
transformalion opérée soil irréversible dans les
conditions d'isolement admises, de ramener réver-
siblement le système È à son élat initial. Il suffit
pour cela de faire cesser l'isolement et de fournir
ou de soustraire de la chaleur aux éléments du
système, opérations qui elles-mêmes peuvent être
accomplies par voie réversible. Ces opérations
faites, on peut, de la même manière, ramener à leur
état initial toutes les sources de chaleur aux-
quelles on à eu recours, sauf une seule. En défini-
tive, trois opérations se sont succédé :
1° Transformation irréversible du système isolé
Z de l’état À à l’état B.
2° Retour réversible du système X à l’état initial
A, avec pertes el gains de chaleur par les sources;
3° Retour réversible des sources, sauf une seule,
à leur état initial.
Considérées dans leur ensemble, ces trois opé-
rations successives constituent une opéralion irré-
versible, et le principe fondamental sur l'irréver-
sibilité s'applique au système total qui comprend
les sources et le système considéré X. La source
unique à donc absorbé de la chaleur; par suite son
entropie a augmenté, et, puisque la variation d’en-
tropie d'un système est la somme des variations
d'entropie de ses éléments, l’entropie du système
total a augmenté. Mais les deux dernières opéra-
tions, élant réversibles, n’ont pu modilier l’entro-
pie du système total. Il faut donc que l’augmen-
lation d’entropie se soit produite lors de la pre-
mière opéralion, laquelle ne portait que sur le
système considéré £. De là, ce théorème général, «
dû à Clausius :
DEUXIÈME THÉORÈME GÉNÉRAL. — Si un système
quelconque ", isolë thermiquement, subit une lransfor- M
mation irréversible, son entropie auymente. |
Formule de Clausius. — Sous la forme qui précède,
le principe fondamental s’appliquerait directement
à tous les phénomènes irréversibles sans exception, -
mais d'habitude, et pour les raisons qui ont été”
exposées au paragraphe précédent, le problème est
ainsi posé: Étant donné un cycle fermé quelconque,
exprimer que ce cycle est irréversible. A
Dans la plupart des traités, on commence par
démontrer que si l'irréversibilité est uniquement …
due à des différences de température entre des.
1 Hétérogène ou homogène, physique ou chimique.
corps qui échangent de la chaleur, ona la relation: !
[+
T < 0, 1)
d Q étant la quantité de chaleur ‘ absorbée par le
corps à la température T, pendant une transfor-
mationinfiniment petite. Puis, on pose en principe,
avec ou sans réserves, que cette formule ne cesse
pas d'être vraie quand l’irréversibilité est due à
une cause quelconque. Mais, comme le fait obser-
ver M. J. Bertrand, il n’y a rien qui vienne à l'appui
de cette généralisation. Remarquons-le bien, l'ex-
pression :
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
dQ
T
ne représente pas la variation d’entropie du corps
qui, revenant à son état initial, conserve la même
entropie. Cette expression ne parail même pas
avoir de signification physique relative au corps
considéré, et il n’existe aucune raison d’analogie
ou autre qui puisse faire prévoir qu'elle repré-
sente une quantité négative.
il ne faudrait pas, cependant, conclure de là que
le problème posé ne comporte pas de solution
vraiment générale, ni même que, comme on l’a
dit, larelation (1) ne soit pas satisfaite pour certains
phénomènes.
La vérité est que, dans aucun cas, pas même
dans celui où l'irréversibilité résulte uniquement
d’un simple phénomène de conduction, on ne peut
démontrer la formule (1) sans avoir à invoquer une
loi préalable, que ce soit le principe de Carnot
généralisé, ou une loi propre de la chaleur. D'un
autre côté, onne peut trouver l’occasion d'appli-
quer l’une ou l’autre de ces lois qu'à condition de ne
pas s'attacher exclusivement, comme on est porté
à le faire, à la considération d’un cycle et d’une
formule mathématique, qu'à la condition de faire
intervenir dans les raisonnements, outre le sys-
tème dont le cycle figure la transformation irré-
versible, les sources de chaleur gràce auxquelles
la transformation peut être effectivement accom-
plie.
Quoique ces sources n'apparaissent pas dans les
diagrammes, elles n’en jouent pas moins un rôle
essentiel. En réalilé, les quantités dQ et T qui figu-
rent dans les formules doivent être rapportées à
ces sources et non pas au système, et, nous allons
le prouver, l'expression (2) représente, au signe
près, la variation d’entropie des sources, variation
qui, d'après notre Lhéorème général, doit être
positive, quelles que soient les causes d'irréversi-
bilité.
——,
1 La chaleur absorbée par le corps est comptée positive -
ment, et la chaleur dégagée est comptée négativement.
1079
D'une manière générale, ce n’est pas le cas d’un
cycle fermé qu’il faut tout d'abord considérer. La
méthode pour traiter une question quelconque
d'irréversibililé est identique à celle que nous
avons appliquée aux cas de réversibilité ; elle con-
siste à délimiter le système isolé qui subit une
transformation irréversible, et qui comprend non
seulement le corps ou le système dont on étudie
les lois de transformation, mais aussi les sources de
chaleur, ainsi que les autres corps qui, dansles con-
dilions où ils sont placés, subissent des transfor-
mations irréversibles. On examine ensuite ce qui
se passe quand ces corps et le corps ou le système
considéré sont ramenés à leur état initial par voie
réversible, et l’on écrit que la variation totale d’en-
tropie des sources est positive.
Peu importe que le cycle spécialement considéré
suit ou non fermé, la conclusion est toujours la
même. Toutefois, il convient de remarquer que,
dans le second cas, étudié en général, il serait
vain de chercher à élablir une formule qui ne com-
prendrait que des éléments numériques se rappor-
tant au corps lui-même, tels que la température
et la chaleur absorbée ou dégagée. On ne peut éva-
luer l'augmentation d’entropie du corps que par le
procédé même qui sert de base à la démonstra-
tion du théorème et qui dicte la méthode à suivre,
c’est-à-dire par le retour réversible à l’élat initial
du corps considéré. C'est l'augmentation d'entro-
pie des sources, dans cette dernière opération, qui
donne la mesure de l'augmentation d’entropie du
corps dans la première opération (s'il élait alors
isolé), et, par conséquent, la formule finale ne peut
comprendre que des éléments numériques se rap-
portant aux sources de chaleur. Au cas seulement
où le corps considéré possède des propriétés spé-
ciales (gaz parfaits, vapeurs saturées, systèmes
homogènes, etc.), il devient possible d'établir des
formules d’une application directe, Sans faire in-
tervenir explicitement les sources de chaleur.
Démonstration de la formule de Clausius. — Avant
d'appliquer la méthode au cas général, nous exa-
minerons d’abord le cas particulier d’un système
de température et pression uniformes, qui suit un
cycle fermé irréversible en empruntant ou cédant
de la chaleur à un nombre fini de sources, à des
températures qui peuvent ne pas être celles du
corps. C’est notamment le cas des phénomènes qui
s’accomplissent à l'air libre.
L'ensemble du système et des sources constitue
un système isolé thermiquement, qui subit une
transformation irréversible, tant en raison de l'ir-
réversibilité du cycle lui-même que des écarts de
tempéralure qui existent entre le système et les
sources. D’après le théorème général, l’entropie
totale du système complet a augmenté. Mais celle
1080
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
du système considéré n’a pas changé, puisque le
cycle est fermé; donc l'entropie des sources à
augmenté. Alors, si T, T', T”’, etc., sont les tempé-
ratures des sources, et Q, Q”, Q”, ete., les chaleurs
échangées avec le système, comptées posilivement
quand elles passent des sources dans le système,
et négativement dans le cas contraire, la relation
cherchée sera, par conséquent, la suivante :
Qu NON A0
Thptt:.<0 (3)
C'est le théorème dû à MM. Potieret Pellat.
Maintenant, vbservons que cette formule sub-
sisie encore si les sources sont à une température
infiniment voisine de celle que possède le système
au moment des échanges de chaleur, puisque le
cycle est supposé irréversible, et, dans ce cas, les
quantités T, T', T”, etc., peuvent alors êlre consi-
dérées comme se rapportant au système.
Mais, de même que pour les transformations ré-
versibles, nous pouvons admellre qu'un cycle ir-
réversible quelconque, comportant des varialions
continues de températures du système ou de ses
éléments, soit réalisé à l’aide d'un nombre très
grand de sources de chaleur qui cèdent ou em-
pruntent de la chaleur au système, à des tempéra-
tures infiniment peu différentes de celles du sys-
tème, c’est-à-dire à la limite, à l’aide d'un nombre
infini de sources aux températures du système, ou
encore à l'aide d’une source unique dont la tempé-
rature varie comme celle du système. Dans l'une
ou l’autre de ces deux hypothèses, nous nous trou-
verons ramené au cas qui vient d’être traité, et,
parsuite,àla formule (3). Les quantitésQ.Q"',Q";,elc.,
deviennent alors les quantités infiniment petites
dQ échangées avec les sources, et les quantités T,
1", T1”, ete., sont égales aux diverses températures
que prend le corps. On peut donc écrire la rela-
tion :
où les quantités dQ et T se rapportent au système
considéré, et celte relation, dont l'exactitude a été
contestée, se trouve ainsi effectivement démontrée
à litre de corollaire du théorème général sur l'ir-
réversibilité. La démonstration confirme, d'ailleurs,
ce que nous avions avancé, à savoir quil faut in-
terpréter la quantité constituant le premier nombre
de la relation comme représentant une variation
extérieure d'entropie.
Principe du travail maximum. — Nous avons dit
que, d'ordinaire, le théorème général concernant
les phénomènes irréversibles est énoncé à l'occa-
sion des cycles fermés. Cependant, M. Berthelot,
dans ses études de thermochimie, a considéré le
cas du cycle ouvert que suit un système chimique
hors d'équilibre et abandonné à lui-même, tout
en étant maintenu ou finalement ramené à sa tem-
pérature initiale. Le savant chimiste a énoncé
celte loi que, de toutes les réactions susceptibles |
de s'accomplir dans un pareil système, sans l'in-
tervention d'énergie étrangère, et compatibles .
avec les conditions du système, celle qui s'accom-
plira sera celle où il y a dégagement de chaleur, ce
dégagement de chaleur étant le plus grand possible.
Les considérations dans lesquelles nous sommes
entré permettent de prouver aisément que l'exac-.
titude d'un principe ainsi formulé ne s'impose pas. .
ILest vrai que toute réaction chimique, accomplie |
dans les conditions qui viennent d'être précisées,
est un phénomène irréversible et que, par consé-.
quent, une augmentation d'entropie doit y ré-.
pondre. Mais la variation d’entropie à consi- .
dérer n’est pas celle relative au système chimique,
c'est la somme algébrique des variations d’entropie
du système ef du calorimètre.
La première de ces variations peut être positive
ou négalive suivant la nalure de la réaction, et, si
elle est positive, elle peut avoir une valeur absolue
plus grande que la valeur absolue de la seconde.
On comprend donc que celle-ci puisse être négative, |
sans que le principe d'augmentation de l’entropie
se trouve infirmé, et de fait, il y a des réactions
chimiques accompagnées d'une absorption de cha-
leur, c’est-à-dire d'une diminution extérieure d’en-
tropie.
Pour que, dans tous les cas, on soit certain
qu'il y aura dégagement de chaleur, c’est-à-dire
augmentation d'entropie à l'extérieur, il faut que
le système chimique se trouve ramené à son état
inilial, ce qui exige, si la réaction étudiée est en-
dothermique, que de la chaleur soit reslituée au
calorimètre. Le théorème sur l'augmentation de
l’entropie nous permet, de plus, de prévoir que la
quantité de chaleur restituée sera supérieure à la
quantité de chaleur empruntée lors de la réaction.
En résumé, l'énoncé du principe. du travail.
maximum doit être rectifié. Ou il faut dire que :
toute réaction chimique accomplie sans l’interven- …
tion d'énergie étrangère, dans un système chi-
nique hors d'équilibre, se traduit par une augmen-
tation de l’entropie /ofale du système et des sources …
de chaleur; ou il faut dire que, cette réaction étant
terminée, si le système chimique est ramené par
voie même réversible à son élat inilial, il y a fina-
lement dégagement de chaleur.
Sous l’une ou l’autre de ces formes le principe.
ne souffre plus aucune exception.
Conclusion. — Nous lerminerons par une re-
marque destinée à prévenir toute illusion sur le
ER PR PT ET
Le mot travail est employé comme synonyme de chaleur
latente.
re
Fr
|
e
‘4
\
F
ESS
s
-
#
1
4
|
G. MOURET — LE FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION
1081
degré d'utilité à tirer du théorème concernant
l'augmentation de l’entropie. Dans aucun cas, l’ap-
_plication de ce théorème ne saurait conduire à des
relations numériquement définies. Toute son utilité
consiste en ce qu'il permet, moyennant certaines
données numériques établies au préalable par l’ex-
périence, de prévoir le sens de certains phéno-
mènes : le sens d'une variation de température, de
pression, de volume, le sens d’un déplacement élec-
trique, d'une réaction chimique, ete. !. [Il n'indique
. rien quant àla grandeur de ces variations, rien quant
à la possibilité et à l'importance de ceschangements.
Il faut, pour obtenir des évaluations définies, invo-
- quer, ouire leprincipe de conservalion de l'Éner-
gie, les lois propres de l'Élasticité, de l'Électri-
cité, du Magnétisme, de la Chimie, lois quel'Ener-
gétique la plus généraliséene saurait faire prévoir.
VI. — ROLE DE L'ENTROPIE DANS LA NATURE.
La masse, l'énergie se conservent; la force, la
quantlilé de chaleur, de mouvement? et bien
d'autres quantilés physiques ne se conservent pas.
L’entropie est du nombre, mais elle jouit d’une
propriété remarquable que celles-ci n’ont pas: de
même que la masse et l’énergie, elle est une qua-
lité « addilive » de la matière.
Il y a donc, dans le monde, une entropie totale.
Mais, d'après la loi de conservalion et d’augmen-
tation de l'entropie, l'entropie d’un système ne
peut diminuer qu'à condition que l'entropie d’un
autre système augmente au moins d'une égale
quantité, el, si un systèmeest isolé, son entropie ne
peut jamais diminuer : ou elle reste constante, ou
_ elle augmente. Donc, quand l’entropie du monde
varie, elle varie dans le sens d’une augmentation.
En fait, toutes les fois qu’un changement a lieu,
l'entropie totale du monde augmente toujours, caril
n'y a point de phénomènes strictement réversibles.
En effet, si partout, dans la Nature, il y a, entre les
corps, une absence d'équilibre, vérilable moteur uni-
versel, sans lequel ni la vie, ni les changements
inorganiques ne seraient possibles, partout aussi
il y a des froltements intérieurs, qui entravent
le rétablissement de l'équilibre. La réversibilité,
comme le mouvement uniforme, n’est qu'une con-
ceplion théorique; tous les phénomènes sont irré-
versibles, tous sont accompagnés d’une augmen-
lalion de l’entropie_ tolale. Clausius l’a déjà dit,
l'entropie du monde tend constamment vers un
maximum, et l'on peut ajouter, comme consé-
quence, que les énergies ulilisables ou forces
molrices s'usent incessamment, qu'elles se trans-
1 Voir l'étude que nous avons publiée en collaboration
avec M. H.Le Chatelier sur les Eguilibres chimiques, dansla
Revue des 2$ févricr ct 15 mars 1891.
? Il s'agit, bien entendu, des quantités de mouvement
prises en valeur absolse.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
forment en chaleur, et tendent vers zéro. Augmen-
tation de l’entropie, dissipation de l'énergie uti-
lisable, voilà les deux faces d'un grand fait,
découvert par le génie de William Thomson, fait
qui règle l’évolution des substances et des êtres.
Cette vue d'ensemble permet d'apporter quelque
précision dans nos conceptions hypothéliques sur
l'origine et la fin du monde. Si, comme le veulent
toutes les cosmogonies, l’état initial du monde a été
le chaos, c'est-à-dire une absence générale et uni-
verselle d'équilibre, disons aussi une absence com-
plète de chaleur, une entropie zéro, l’état final
sera, à en juger par ce que nous connaissons, le
rétablissement d’un équilibre général et universel,
marqué par la transformation des énergies poten-
tielles chimiques et autres, en chaleur uniformé-
ment distribuée. Le monde existera encore, mais
il sera sans mouvement et sans vie.
Mais pourquoi vouloir que l'évolution du monde
ne soit pas éternelle, pourquoi vouloir qu’elle ait
eu un commencement, qu'elle soit destinée à avoir
une fin, pourquoi vouloir que la vie el l’ordre ne
brillent que d'un éclair dans une éternelle immu-
tabilité des choses ? Ne devons-nous pas plutôt
admettre, avec Herbert Spencer, que l’état initial
qui préoccupe tant les mélaphysiques et les reli-
gions devait êlre l’état final d’une ancienne évolu-
tion, el que la fin de l'ère présente ne sera elle-
même que le début d’une ère nouvelle?
Pour donner à des spéculations objectives de ce
genre un haut degré d’ampleur, il faut concevoir
que, semblable au mobile qui, lancé dans l'air,
retombe, après avoir atteint le sommet de sa
trajectoire avec une vilesse nulle, le monde, par-
venu à son maximum d'entropie ou niveau ther-
mique le plus élevé que comporte son énergie
potentielle initiale, et transformé en un tout homo-
gène et sans mouvement, se trouvera dans un état
de complète instabilité. C’est alors que l'effort
persistant de tension qui limite l’activité univer-
selle jouera un rôle actif en venant défaire l’œuvre
accomplie par la vitesse initiale, et que commen-
cera une lente évolution en sens contraire, qui
ramènera l'univers, par une diminulion graduelle
de son entropie et une augmentation correspon-
dante des énergies utilisables, vers l'état de chaos
d'où il était sorti.
L'éternité serait donc l'infini d’une série d’oscil-
lations grandioses entre le chaos et l'équilibre,
entre le mouvement et la chaleur, l'infini d'un
rythme à longue période, scandé par les abaisse-
ments et les relèvements de la chaleur, par le flux
et le reflux de la marée thermique immense, dont
Pentropie mesure les insensibles progrès.
Georges Mouret,
Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées
24x+
1082
F. LE DANTEC — LES MYXOSPORIDIES
LES MYXOSPORIDIES
Depuis quelques années l'attention des patholo-
gistes s’est particulièrement portée sur les mala-
dies infectieuses où semblent intervenir des agents
animés différents des bactéries. Les cancers et
carcinomes paraissent offrir un lype de ces affec-
lions, et tout récemment nous avons décrit ici
même ! l’évolution des organismes |Cytozoaires)
que certains inclinent à considérer comme les
parasiles producteurs de ces néoplasmes.
Nous voudrions aujourd'hui signaler l'intérêt
que présentent, et pour la Pathologie et pour la
Zoologie pure, de récentes études sur un autre
groupe voisin de Sporozoaires : les Myxosporidies.
Dans le cycle évolulif des Sporozoaires Cylo-
zoaires, on constate toujours, à la fin du dévelop-
pement, une division du noyau en un nombre plus
ou moins grand de parties, dont chacune devient le
noyau d'une spore ou d’un sporozoïle suivant les
cas (archéspores de Labbé), Toute la substance
nucléaire se répartit done au moment de la sporu-
lation entre les corps reproducteurs; la sporulation
est le {erme de l’évolution d'un Cytozoaire.
Chez les Myxosporidies il n'en est pas de même :
au cours du développement de la masse sarcodique
primilivement munie d’un seul ou de deux noyaux,
ce où ces noyaux se divisent en plusieurs parties,
dont les unes entrent dans la constitution des
spores; les autres continuent à jouer leur rôle assi-
milateur el permettent l'accroissement de la masse
sarcodique elle-même; la sporulation se fait donc
pelit à petit, au cours du développement de l'être,
el sans arrêler ce développement.
Celle particularilé suffirait à séparer les Myxo-
sporidies des Cytozoaires; en outre, les premières
n'ont aucune phase intra-cellulaire el, de plus,
leurs spores bivalves offrent un caractère très
constant qui permet de réunir ces êtres dans un
groupe zoologique nalurel : la présence d’une ou
plusieurs capsules à filament.
J. Müller avait observé ces spores et les avait
C'est
Dujardin qui conslala que les Psorospermies ne
appelées « Psorospermies des Poissons ? ».
sont pas des organismes autonomes, mais bien les
spores ou corps reproducteurs d'êtres sarcodiques
que nous désignons aujourd'hui sous le nom de
Wyrosporidies (Bütschli). Ce nom a l'avantage de ne
1 F. Le Daxrec: Les Coccidies. Revue générale des
Sciences, tome VI, pages 715 à 180 (n° 16 de 1895).
? De dwpa. gale, parce que ces êtres produisent des pus-
tules cutanées ; « spermic », parce que l'auteur avait trouvé
aux spores qu'il avait observées l'apparence d’un sperma-
tozoïde,
pas indiquer l'habitat des êtres qui le portent; la
plupart des Myxosporidies connues habitent les
Poissons, mais il y en a qui habitent d’autres
Vertébrés et des Invertébrés. De plus, il y a d’au-
tres Sporozaires habitant les Poissons et qui sont.
de véritables Coccidies. Il faut done se baser sur
toute autre chose que l'habitat pour classer les
Sporozaires, elles Myxosporidies sont nettement
caractérisées par leurs spores bivalves munies
d'une ou plusieurs capsules à filament.
Les Myxosporidies ont été étudiées par beau-
coup d'auteurs, parmi lesquels il faut citer surtout
Bütschli et Balbiani. Un jeune savant, qui vient de
mourir, P. Thélohan, en a fait une étude très
approfondie; il a vérifié les faits déjà connus et a
mis en lumière beaucoup de points encore obscurs
de l’histoire de ces Sporozaires. MM. Balbiani ets
Henneguy viennent de publier * le mémoire ina-
chevé où il avait rassemblé tous les documents re-
lalifs aux Myxosporidies, et l'on peut considérer ces
mémoire comme l'exposé de l’élat actuel de nos
connaissances sur cet intéressant groupe de pa-
rasites.
1. — MORPHOLOGIE DE LA MASSE SARCODIQUE.
1. Formes libres. — On entend par formes libres
de Myxosporidies, les espèces qui vivent en liberté
duns les cavités organiques de l'hôte, par opposi-
lion avec celles qui vivent au sein des lissus. Sou=
vent, chez ces êtres, la masse sarcodique est véri-
lablement amiboïde ; il n'y a pas alors, à propre-m
ment parler, de forme du corps; des pseudopodes 1
naissent indifféremment de tous les points de la
surface, de sorte que la forme varie constamment.
Chez certaines espèces, cependant, il y a seule
ment une région où peuvent naitre les pseudopodes;
comme faisant partie du même genre, d’après las
constitution de leurs spores, des espèces de Myxow
sporidies dont l’une a une forme spécifique et dont
l'autre est amiboïde : c'est surlout chez les jeunes’
individus que les varialions de la forme du corp
sont considérables. Dr
9. Formes vivant au sein des tissus. — Ici, il peut sen
présenter deux cas: ou bien le corps protoplass
mique s'est élendu, infiltré entre les élément
2 Bull. sc. de la Fr. el de La Belg., 1895. T
F. LE DANTEC — LES MYXOSPORIDIES
-histologiques comme un mycelium de champignon,
et alors on peut à peine le distinguer; le parasite
ne se manifeste que par des spores éparses çà et là
dans les interstices des tissus ; c’est le cas de l’infil-
dration diffuse de Thélohan. Ou bien, il se présente,
É Lu contraire, sous une forme ramassée et donne
ieu aux actions que l’on appelle kystes: alors
a périphérie seule de ce corps protoplasmique
épais est en contact avec les tissus de l’hôte. La
forme des kystes est globuleuse, à peu près régu-
ü ièrement sphérique et, dans la noue des cas,
naaucun caraclère Reno cependant, Fo
“ques rares Myxosporidies des branchies présentent
“une forme qui suffit à faire reconnaitre l'espèce.
… 3. Structure du corps protoplasmique. — Bütschli a
signalé la différenciation qui existe entre la partie
Ja plus externe et la partie la plus centrale du corps
protoplasmique ; cette distinction s'observe avec
beaucoup de nellelé dans les formes libres ; elle est
le plus souvent à peu près nulle dans les formes
des tissus. À
La zone périphérique ou ecloplasma est dépourvue
de coloration, homogène, très finement granu-
‘leuse et donne naissance aux pseudopodes. Le pro-
Htoplasma central ou endoplasma, à granulations
beaucoup plus grosses, renferme les noyaux et des
matières de réserve ; il est le siège de la produe-
tion des spores. Les pseudopodes des formes libres
sont toujours incapables de déterminer l'ingestion
de matières solides. Chez les formes des tissus, on
distingue lous les intermédiaires entre certains
cas où la constitution de la couche périphérique
ne diffère en rien de celle des parties profondes et
d'autres où elle s’en montre, au contraire, aussi
distincte que celle de l’ectoplasma des formes
libres.
Thélohan a montré que l’ectoplasma est dé-
pourvu de noyaux. Bütschli avait cru le contraire,
mais Balbiani avait déjà protesté contre cette
‘assertion. Thélohan a également détruit l'erreur
de Pfeiffer, qui avait cru voir la paroi des kystes
revèlue de cellules épithélioïdes; il a montré que
c'esi une apparence due à la rupture des fibres
conjonclives ambiantes de l'hôte.
Chez les Myxosporidies des tissus, l’endoplasma
des kysles forme toujours trois zones : 4° une
zone périphérique d'’étendue variable, formée
uniquement de protoplasma sans noyaux nispores;
2° une zone renfermant des noyaux et dans laquelle
se différencient les masses isolées ou sporoblastes
qui donneront naissance aux spores; 3° une partie
centrale, composée presque uniquement de spores.
Noyaux. — Les noyaux sont, en général, fort
nombreux dans l'endoplasma ; mais il y a quelques
espèces de Myxosporidies chez lesquelles le corps
proloplasmique ne donne naissance qu'à deux
1083
spores, et ces espèces sont munies d’un
nombre de noyaux beaucoup plus restreint.
Chez les Myxosporidies polysporées, on constate,
dans l’endoplasma, la présence d’un grand nombre
de noyaux bien avant le début de la sporulation ;
ils sont disséminés sans ordre et très irrégulière-
ment. À ce moment-là, le corps protoplasmique
est bien réellement plurinucléaire; il ne semble
guère vraisemblable de penser que ces noyaux ne
jouent pas tous le même rôle fonctionnel dans le
corps protoplasmique ; mais, dès que la sporulation
commence, il n'en est plus de même; un grand
nombre d’entre eux sont renfermés dans des
portions spécialisées du protoplasma, que nous
étudierons tout à l’heure sous le nom de sporo-
blastes; seuls, ceux qui sont en dehors des sporo-
blastes peuvent être considérés comme étant les
véritables noyaux fonctionnels du corps proto-
plasmique, qui continue de vivre et de se mouvoir
pendant la période de sporulation comme aupa-
ravant.
Il n’a pas toujours été possible de dé-
montrer, chez les espèces disporées, l'existence
de novaux en dehors des sporoblastes dans le
protoplasma non sporogène; mais il est probable
qu'il y en a au moins un, puisque la marche
de la sporulation n'apporte aucun trouble appa-
rent dans les fonctions de la vie végétative de ce
corps protoplasmique.
Les noyaux de l’endoplasme des Myxosporidies
se divisent par karyokinèse.
5. Spores. — Les spores des Myxosporidies, consi-
dérées jusqu'à Dujardin comme l'organisme adulte
lui-même, ont des formes extrêmement caracté-
ristiques très commodes pour la classification;
mais, malgré la variété de leurs caractères mor-
phologiques, on peut cependant trouver des tran-
sitions qui permettent de rattacher les formes les
unes aux autres et de constater la grande homo-
généité de la classe des Myxosporidies. Voici, en
effet, des caractères généraux qui appartiennent à
tout le groupe :
Les spores présentent fowjours une enveloppe
formée de deux valves accolées ; cette enveloppe
n’est pas cellulosique ; on observe dans leur cavité :
4° Des capsules polaires très réfringentes, dont le
nombre varie de 1 à 4; elles sont fixées aux valves
au voisinage de la suture et chacune communique
avec l'extérieur par un petit canal; elles sont
piriformes avec une sorle de col plus ou moins
allongé. Leur cavité contient un filament enroulé
en spirale, de longueur variable, d'ordinaire fili-
forme, parfois beaucoup plus gros et de forme
conique ‘, filament qui peut se dérouler et faire
1 Chez le Sphæromyxa Balbianii, le filament, sorti de la
1084
saillie à l'extérieur de la spore. Ces capsules
occupent dans la spore différentes positions déter-
minées spécifiquement.
2° Une petite masse de protoplasma occupant
d'ordinaire la plus grande partie de la cavité de
l'enveloppe et contenant toujours deux noyaux.
6. Sporulation. — Le premier stade de la sporu-
lation consisle dans la différenciation, autour d'un
des noyaux de l’endoplasma, d’une petite sphère
de protoplasma à contour net qui semble limitée
par une mince enveloppe résultant de la conden-
sation de sa couche ‘périphérique; c’est ce que
Thélohan a appelé une sphère primitive.
Le noyau de la sphère primitive présente d’abord
les caractères d’un noyau au repos et possède gé-
néralement un gros granule chromatique central
figurant un nucléole. Bientôt on voit celui-ci dis-
paraitre, et la chromatine se dispose en filaments
dans l’intérieur du noyau, dont la membrane ne
tarde pas à se rompre; la division chromatique se
poursuit, et, bientôt, la sphère primitive possède
deux noyaux; ceux-ci continuant à se diviser,
elle en possède bientôt une dizaine.
Il se différencie alors dans la sphère primitive
deux petites masses secondaires ayant chacune trois
noyaux, appelées par Bütschli des sporoblustes ; ces
deux masses secondaires restent enfermées
dans l'enveloppe de la sphère primitive dont les
noyaux restés inemplovés entrent en dégénéres-
cence avec le reliquat du protoplasma, sans avoir
joué aucun rôle (reliquat de segmentation).
Chaque sporoblaste se divise en trois parties
contenant chacune un noyau et représentant de
véritables cellules. De ces trois cellules, deux
sont plus petites et donneront les capsules po-
laires; la troisième, plus grosse, constituera la
masse protoplasmique de la spore.
Or, nous l’avons vu, le protoplasma de la spore
adulte renferme toujours deux noyaux : le noyau
de la grande cellule du sporoblaste se divise, en
effet, de bonne heure, de si bonne heure, quelque-
fois, qu'il est impossible d'affirmer que le sporo-
blaste ne contenait pas guatre noyaux dès le début
de sa formation.
Les deux autres cellules, que l’on peut appeler
cellules capsulogènes, renferment chacune un
noyau ; auprès de ce noyau on voit se produire une
petite vacuole de forme sphérique qui apparait
capsule, a la forme d’un véritable cône relativement court:
il est creux, et sa cavité se continue avec celle de la capsule.
Cette forme et cette épaisseur du filament ont permis à
Thélohan de constater nettement, chez cette espèce, que les
parois du filament se continuent avec celles de la capsule et
que sa sorlie a lieu par dévaginalion, cette espèce d'appen-
dice seretournant en doigt de gant pour arriver à l'extérieur,
observation que sa trop grande minceur rend impossible sur
les spores des autres Myxosporidies.
F. LE DANTEC — LES MYXOSPORIDIES
comme un espace clair el se distingue du proto
plasma par l’absence de granulations. Sur un points
quelconque de la paroi de cette vacuole, il se forme
un petit bourgeon protoplasmique qui fait saillie
dans la vacuole en refoulant la substance claire qu
la remplit: Ce bourgeon, d’abord hémisphérique
s'allonge peu à peu, et, au bout de quelque temps
on a ainsi un petit corps piriforme entouré d’une
couche claire formée par le contenu de la vacuole
et relié par un pédicule au reste du protoplasma
dont il conserve absolument l'apparence.
Le pédicule s'étrangle progressivement, ethien:
tôl le petit corps piriforme devient libre; il a pris
les caractères d’une capsule polaire et s’est entouré
d'une membrane pendant qu'un filament se for
mait dans son intérieur.
Cette genèse d’une capsule polaire, décrite par
Thélohan, est identique à ce que Bedot a observé
dans le développement des cnidoblastes des Ve
lelles et des Physalies !.
Autour de la capsule polaire ainsi constituée, on
trouve les restes de la cellule qui lui a donné nais
sance el le noyau que celle-ci renfermait; cepen
dant, le reliquat de la cellule capsulogène ne per
siste pas toujours ; quelquefois, on n’en retrouve
plus de trace dans la spore adulte.
Pendant toute cette évolution des capsules, la
spore est arrondie ou oblongue ; ce n’est que plus
tard qu’elle prend sa configuration £ypique et son
enveloppe bivalve, contre laquelle les capsules
viennent se fixer à leur place spécifique définitive
Une fois complètement développées, les spores
restent encore pendant quelque temps réunies
danslamembrane dela sphère primitive; puis cell
ci finit par disparaitre el on trouve les spores libres
dans l'endoplasma (Myxosporidies libres) ou au
centre du kyste (Myxosporidies des tissus).
Toute l’observalion précédente de Thélohan se
rapporte à des espèces dont les spores contiennen
deux capsules ; on peut la considérer comme repré
sentant la marche Lypique de la sporulation che
les Myxosporidies. Nous y avons vu la sphèn
primitive donner naissance à deux spores, c’esl
un cas très fréquent; chez d'autres Myxospork
dies, la sphère primilive peut donner normalement
naissance à une seule spore; chez d’autres,
huit spores ou à un nombre plus considérable
inconslant.
La forme des spores est spécifiquement déte
minée; mais, chez les Myxosporidies des Lissus
particulièrement, il peut se présenter dans leu
constitution des anomalies portant sur la forme di
l'enveloppe, le nombre el la situation des capsules
1 Bepor. Recherches sur les cellules urtlicantes. Rec. Z00
Suisse, 1588.
©... M. Balbiani a constaté que, lorsqu'unemême
spèce de Myxosporidie se développe dans divers
>rganes d'un même poisson, les individus parasites
es organes plus profonds présentent, dans leurs
pores, une dégradation manifesle par rapport aux
ndividus parasites des organes plus superficiels.
IL.
. Thélohan a basé sur la morphologie des spores
a classification qui semble aujourd’hui la plus na-
turelle. Il a divisé les Myxosporidies en 4 familles,
ont on peut résumer la définition dans le tableau
suivant : ;
— (CLASSIFICATION.
pores piriformes, avec une seule capsule polaire or-
_dinairement non apparente sans le secours de réac-
» tifs; dans le protoplasma, à la grosse extrémité, une
vacuole claire non colorable en rouge brun par
l'iode. Glugéidées.
Spores à 1 ou 2 capsules, ayantdans leur protoplasma
F une vacuole à contenu colorable en rouge brun par
l’iode. Myxobolidées.
Spores n'ayant pas de vacuole dans le protoplasma :
æ 2 capsules polaires. Myxididées.
… G 4 capsules polaires. Chloromyxidées..
La famille des Glugéidées est devenue très inté-
ressante par la découverte récente, due à Thélohan,
de le nature myxosporidienne du parasite de la
pébrine des vers à soie. M. Balbianiavait déjà placé
ce parasite dans les Sporozoaires à côté des Myxo-
Sporidies ; il l'avait réuni à d'autres Sporozoaires,
la plupart parasites d’Arthropodes, sous le nom de
Microsporidies où Psorospermies des Arliculés. Thé-
lohan à découvert une capsule à filament dans les
spores des J/icrosporidies.
“ALT:
Les Myxosporidies ne se rencontrent pas seule-
ment dans les Poissons (saufles Myxobolidées) ; on
en trouve aussi chez des Amphibies, des Reptiles,
divers Arthropodes,un Bryozoaire; Lieberkühn en
a observé chez un Ver (Waïs Proboscidea) : il semble
qu'il n'y en a pas chez les Vertébrés à sang chaud.
Nous ne connaissons pas d'espèce de Myxospo-
ridies pouvant vivre indifféremment dans deux
hôtes qui appartiennent à deux groupes zoolo-
giques aussi différents que les Poissons et les Crus-
tacésparexemple,maisil yadesespèces qui peuvent
être parasites de plusieurs poissons très distincts ;
d'autres ne peuvent exister que dans une espèce
déterminée, et même, quelquefois, dans un seul or-
gane ou un seul tissu de cette espèce déterminée !.
—
LOn a trouvé des Myxosporidies dans tous les tissus,
sauf peut-être le nerveux; des recherches récentes ont mème
semblé prouver que ce dernier tissu pouvait être infecté
— HABITAT, SIÈGE, ROLE PATHOGÈNE.
F. LE DANTEC — LES MYXOSPORIDIES
}
,
Plusieurs Myxosporidies d'espèces différentes
peuvent cohabiter chez un même hôte, soit dans
des organes ou des tissus différents pour chaque
parasite, soit dans le même organe et le même
lissu.
Thélohan a étudié très longuement le rôle patho-
gène des Myxosporidies des tissus particulière
ment. Le plus souvent, il est probable que ces para-
sites nuisen{ surtout à leur hôte d'une manière
indirecte et purement mécanique; ils. favorisent
dans certains cas une infection microbienne secon-
daire très dangereuse (maladie des Barbeaux).
IV. — ÉVOLUTION DE L'INDIVIDU; INFECTION.
Les spores müres peuvent tomber dansle milieu
extérieur, soit naturellement, si le parasite habite
la vésicule biliaire ou urinaire, soit par rupture de
kystes superficiels, soit enfin par dissociation du
corps de l'hôte après sa mort.
Dans des conditions convenables, — et, d’après
Thélohan, ces conditions ne se trouveraient réa-
lisées que dans Le tube digestif d'un nouvel hôte
ayant avalé la spore, — celle-ci s’ouvre par déhis-
cence des valves, comme l’a observé Lieberkühn,
et laisse sortir son corps protoplasmique qui res-
semble à une amibe. Cette masse amiboïde péné-
trerait dans le corps de l'hôte, gagnerait un tissu,
un organe déterminé, el s'y développerait petit à
petit tout en divisant son noyau en noyaux de plus
en plus nombreux. M. Balbiani a suivi le déve-
loppement de ces masses amiboïdes dans les na-
geoires de la Tanche. Une. Myxosporidie complèle
proviendrait donc du corps protoplasmique d'une
spore de Myxosporidie. Nous avons vu comment
se fait la sporulation. Le eyele évolutif est fermé.
(Il est bien connu pour le Gluyea Bombyris de la
pébrine.) Nous ne savons pas si le parasite, une
fois installé dans un hôte, peut s’y multiplier et y
produire de nouveaux i#dividus de Myxosporidies.
! Il semble probable que cette multiplication est
possible.
Tel est, rapidement résumé, l’état de nos con-
naissances sur cette classe de Sporozaires, dans
laquelle les recherches de Thélohan surtout ont
apporté la lumière, mais où il reste encore beau-
coup à découvrir.
Félix Le Dantec,
Maitre de Conférences de Zoologie
à la Faculté des Sciences de Lyon.
(Polyneurilis parasiliea trouvé par L. Pfeiffer dans les nerfs
du Thymaillus vulgaris).
1086
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
Rien ne permet mieux de se rendre compte des
progrès réalisés par les sciences géologiques en
ces dernières années qu'une comparaison entre
deux éditions successives d’un manuel comme
celui de Dana, ou même d’un ouvrage de vulga-
risation, tel que l” « Erdgeschichte » de Neumayr.
La quatrième édition du célèbre Hanuel de (Gréo-
logie de James D. Dana !, publiée bien peu de
temps avant la mort du grand savant américain,
reflète surtout les progrès de la géologie aux Élats-
Unis. Beaucoup de chapitres du livre sont entié-
rement remaniés, notamment la description des
terrains, qui est basée en grande partie sur les
« Correlation Papers » que publie le U. $S. Geolo-
gical Survey.
L’ « Zrdgeschichte », l'histoire de la Terre, de
Melchior Neumayr — connue surtout en France par
les adaptalions que M. Priem en a publiées sous les
titres de « la Terre, la Mer et les Continents » et de
« la Terre avant l'apparition de l'Homme » — est
sans conteste le meilleur ouvrage de vulgarisalion
que nous possédions en géologie. La publication,
parue déjà en 1886, avait besoin d’une nouvelle
mise au point, en harmonie avec les plus récents
travaux. Nul mieux que M. Uhlig ?, un des élèves
les plus distingués du regretté géologue et paléon-
tologiste viennois, n’était qualifié pour mener à
bonne fin celte tâche. Parmi les chapitres qui ont
été l’objet des plus nombreux remanieioents, on
peut citer ceux qui ont trait au Dévonien, au Trias,
aux chaînes de montagnes. Les chapitres relatifs
au système jurassique et à la formation de la
Méditerranée, qui étaient ceux dans lesquels Neu-
mayr avait introduit le plus d'idées personnelles,
ont été conservés à peu près intacts dans la nou-
velle édition par un sentiment de piélé de l’élève
pour le maitre que l'on ne saurait Lrop louer.
I. — LES PHOSPHORITES DE LEIPZIG.
Toul ce qui à trait aux phosphates devient au-
Jourd'hui une actualité ; aussi ne lira-t-on pas sans
intérêt l'exposé d'une nouvelle théorie présentée
par un savant géologue allemand, M. Hermann
Credner #, dans le but d'expliquer l'origine des
! James D. DAna. Manual of Geology. 4 edit., 1087 p. 14895
? Melchior Neumayr, Erdgeschichte. 2te Auflage, neu-
bearbeitet von Prof, Dr Viktor Uhlig, 2 vol. in-80. Leïpzig et
Vienne. 1895. De nombreuses figures nouvelles ont été ajou-
tées à cette 2° édition.
3 Die Phosphoritknollen des Leipziger Mitleloligocäns.
Abh., d. math.-pnys. Classe d. k. Sächs. Gesellsch. d. Wiss.
t. XXII, no 1.
nodules de phosphorites qui se trouvent en abon
dance dans les sables de l'Oligocène moyen des
environs de Leipzig.
Les phosphorites de Leipzig se trouvent en
place, sous forme de nodules isolés, au milieu d’un
sable siliceux. Ces nodules sont constitués par
une agglomération de grains de quartz, cimentés
par du phosphate de chaux, auquel se trouven
mélangées des quantités assez considérables de
carbonate de chaux. Une grande partie des
nodules renferme au centre un creux correspon
dant à la disparition d'une coquille, qui n’a plus
laissé que son moule externe etson moule interne.
Ces moules proviennent, pour la plupart, de
Pectuneulus Plilippii et d’Aporrhais spèciosa. D'autres
nodules contiennent, au centre, des dents, des
écailles ou des os de poissons, ces derniers (rès
altérés. La forme des concrétions dépend essen-
tiellement de la forme des restes organiques
inclus. On peut conclure de ces faits que les con-
crétions se sont formées autour d’un noyau orga-
nique, et qu'elles se sont formées — comme
indiquent la disparition des coquilles et l’altéra-
tion des ossements — aux dépens de ce noyau.
IL est manifeste que leur mode de formation est
différent de celui des concrélions dans lesquelles
le test est intact, et qui sont dues à la précipila-
lion du phosphate de chaux contenu dans les
eaux marines à la suite de la dissolution, par ces
eaux, grâce à l’acide carbonique qu'elles renfer-
maient, du phosphate des ossements accumulés
_au fond de la mer !,
M. Credner admet que, dans le cas des phos-
phorites de Leipzig, le carbonate de chaux, qui se
trouve dans les concrétions, est emprunté au test
des mollusques, tandis que le phosphate provient
des parties squeleltiques des poissons. Pour
expliquer la dissolution et la précipitation de ces
deux éléments, il fait intervenir l'acide carbonique
et l’ammoniaque résultant de la décomposition de
la matière organique des poissons. Une faible
quantité du phosphate de chaux des ossements est
dissoute par l’eau chargée d'acide carbonique ; en
même temps, l'acide carbonique agissant sur l’am-
moniaque donne naissance à du carbonate d'am-
monium, qui, en présence du phosphate decalcium,
donne du phosphate d’ammonium et du carbonate
de calcium. Si l'acide carbonique est employé tout
entier à faire du carbonate d’ammonium, ce der-
V. l’article de M. ne LaPPARENT : Sur la formalion de la
craie phosphalée en Picardie. Revue générale des Sciences,
30 juin 1891.
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE!
1087
nier agit directement sur le phosphate des os et
la même réaction se produit.
La solution de phosphate d’ammonium, filtrant
à travers le sable, se trouve alors en contact avec
le carbonate de calcium du test des mollusques en
voie de dissolution, et il y a précipitation de
phosphate de calcium sous forme de concrétion.
D'autre part, le bicarbonate de calcium, filirant à
travers le sable, atteint le phosphate d'ammonium
en voie de formation autour des os, et, dans ce cas,
il y a précipitation du phosphale de calcium autour
des restes de poissons. Les réactions indiquées
expliquent donc le mode de formalion simultané
des deux catégories de concrétions. M. Credner à
pu vérifier expérimentalement sa théorie en trai-
lant par une solution de carbonate d'ammonium
des cartilages ou des os de poissons ou du phos-
phate de chaux obtenu par précipitation.
Au bout de quelques semaines le phosphate de
calcium était complèlement dissous et il s'était
déposé du carbonate de calcium sous forme de
cristaux microscopiques de calcite. La solution
contenail du phosphate d'ammonium, car, addi-
tionnée de bicarbonate de caicium, elle donnait un
précipité de phosphate de calcium. Or, on sait que
déjà Becquerel avait obtenu du phosphate de chaux
en faisant agir de l’acide carbonique et du phos-
phate d’ammoniaque sur du calcaire.
M. Credner termine son (ravail par un aperçu
sur les gisements de phosphates de l'Allemagne du
Nord. Des phosphorites se trouvent à divers ni-
veaux, depuis le Lias jusqu'à l'Oligocène; ils
occupent surtout deux zones, l’une suivant les
côtes de la Baltique, l’autre passant au nord du
Harz. Ces deux zones sont évidemment continues
en profondeur et ne sont actuellement séparées
que par la couverture de terrains quaternaires, qui
contient également des phosphorites à l'état re-
manié. Le gisement de Leipzig constitue, sans
doute, une zone indépendante des deux autres.
II. — LES CHEVAUCHEMENTS.
Nous désignons habituellement en France, à
défaut d'un terme plus heureux, sous le nom de
chevauchement (en anglais : {hrust où overthrust; en
allemand : Ueberschiebung), un mode de dislocation
très répandu dans les régions plissées. On dit, en
géologie, qu'il y a chevauchement lorsqu'une
couche ou une série de couches est refoulée sur des
couches plus récentes, de telle sorte que, le long
d'une surface de glissement, l’on observe une
superposition anormale, un recouvrement des
terrains plus récents par les terrains plus anciens.
Depuis les travaux grandioses de M. Heim sur le
double pli de Glaris, on s’est habitué à considérer
les chevauchements dont on connaissait depuis
longtemps des exemples dans la Lusace, dans les
Appalaches, dans le Jura suisse, commele résullat
de l’étirement du flanc inverse d’un plidéversé ou
couché, étirement suivi d’une rupture supprimant
entièrement le flanc inverse.
C'est en admettant cette interprétation des che-
vauchements qu’on a souvent désigné ces disloca-
tions sous les noms de pli-faille, de pli-faille inverse.
M. Rothplelz, qui, en plusieurs circonstances,
avait déjà employé toute sa dialectique à démon -
trer, pour le double pli de Glaris, la non-existençce
du flanc inverse étiré, et qui avait proposé de rem-
placer le terme de double pli par celui de double
chevauchement {« Glarner Uberschiebung »), a
consacré récemment tout un livre ! à combattre la
théorie des plis-failles. Ce livre, publié à un mo-
ment où les exemples de plis à flancs inverses
étirés se multiplient de jour en jour (Dent du Midi,
Chablais, environs de Christiania, etc.) est trop
visiblement rédigé dans un esprit de polémique;
on sent trop contre quiil a été écrit et la mauvaise
humeur de l’auteur y perce à chaque page. M. Roth-
plelz, dans un exposé plein d'érudition, passe suc-
cessivement en revue les principales régions dans
lesquelles on observe des chevauchements : Alpes
de Glaris, Sentis, Jura Suisse, Écosse, Saxe, mas-
sif rhénan et ardennais, Provence et Alpes fran-
çaises, Amérique du Nord. Cet exposé, quoique
souvent empreint de partialité, rendra de grands
services à toutes les personnes qui s'intéressent
aux problèmes de la tectonique.
En s’élevant contre l'emploi de l'expression de
pli-faille, M. Rothpletz fait une regrettable confu-
sion entre le pli-faille proprement dit et le pli à
flane inverse éliré. Il y a là, bien entendu, deux
termes d’une même série continue, allant du pli
normal à flancs d'épaisseur égale au grand che-
vauchement horizontal; mais personne n'a jamais
admis qu'un pli-faille supposàt nécessairement,
dans tous les cas, la préexistence réelle d'un pli à
flanc inverse éliré, avec laminage préalable du
flanc médian renversé. Si, dans bien des cas, le
pli-faille n'est que le cas-limite de l'étirement du
flanc inverse d'un pli couché, dans d’autres cas,
probablement les plus nombreux, la rupture du
pli a été brusque et le chevauchement le long de la
surface de rupture a pu atteindre des proportions
gigantesques, pour peu que les compressions
horizontales aient continué à se faire sentir. Le
chevauchement n’en est pas moins un pli-faille,
puisqu'il y a eu pli préexistant, dont souvent les
charnières primitives sont encore visibles. On
pourra donc sans crainte continuer à employer
1 A. Roruprerz. Geoleklonische Probleme. 1 vol. in-8°
175 p., 107 fig. et 40 pl. Stuggard, 1894.
1088
l'expression de pli-faille, qui est certainement celle
qui convient le mieux dans les régions comme,
par exemple, celle de Castellane (Basses-Alpes),
dont M. Zürcher! vient lout récemment de faire
connaitre la structure dans une étude des plus
remarquables, région dans laquelle la subordina-
tion des « lignes de discontinuité » aux plis est des
plus manifestes.
Ilest évident cependant qu'il ne faudrait pas
chercher à attribuer la même origine à tous les
chevauchements et qu'une fois de plus des causes
différentes pourront avoir des effets semblables,
voire même identiques. Aussi la classification des
chevauchements donnée par M. Bayley Willis ?
dans son mémoire sur « le Mécanisme de la struc-
ture appalachienne » mérile-t-elle d'attirer notre
attention. Voici les quatre catégories de chevau-
chements (#hrus!s) que distingue le géologue amé-
ricain :
1° Chevauchement par coupure (skeaur-thrust).
Les couches opposent par leur rigidité une résis-
tance telle au plissement qu'elles sont coupées par
un plan de faille oblique à la stratification, qui
devient une surface de glissement. Ex. : Nord-
Ouest des Highlands d'Écosse.
2 Chevauchement par rupture (break-thrust). La
compression latérale détermine d’abord la forma-
ion d’un pli anticlinal, mais bientôt la flexibilité
des couches, leur capacité de se plisser atteint
son maximum et ilse produit une rupture, suivie
d'un chevauchement sur la surface de rupture.
C'est le pli-faille, tel que nous l'avons défini plus
haut. Ex. : Appalaches.
3° Chevauchement par étirement (s#retch-thrust).
C'est le plissement poussé à ses dernières limites,
jusqu'à l'élirement du flanc renversé du pli. Ex. :
double pli de Glaris.
4° Chevauchement par érosion préalable (erosion-
thrust. L’érosion agissant sur la charnière d’un
anticlinal assez surbaissé, cet anticlinal peut être
chevauché par une couche rigide d'un synclinal
adjacent, sous l'effet d’une simple poussée au
vide.
Ce dernier type de chevauchement, donton a
signalé des exemples dansles Appalaches et qui cor-
respond à l'interprétation que M. Mühlberg a
donnée des chevauchements du Jura oriental, est
évidemment un cas particulier, qui ne doitse pré-
! Ph. Zürcuen, Nole sur la slructure de la région de Cas-
lellane. Bull. Serv. Carte géol. n° 48, 37 p., 6 pl. 1895.
? Bailey Wiuus, The Mechanics of Appalachian structure.
131%: ann. Report of the U. S. Geol. Survey, Part I, p.
211-281, pl. 46-96.
« Dans la littérature géologique, le terme de structure appa-
lachienne évoque l'idée de couches comprimées en plis longs
et étroits, généralement parallèles entre eux et quelquefois
renversés ou chevauchés.»
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
senter que dansles régions où le plissement s’est.
produit en plusieurs phases distinctes. Les troispre-
miers types, parcontre, sonttrois termes successifs
d'une même série et doivent présenter tous les in-
termédiaires. La production d’un chevauchement
suivant l’un ou l’autre des trois types dépendra.
essentiellement des conditions de rigidilé ou de
chargement des couches soumises à la compression
latérale. M. Bailey Willis a cherché à réaliser .
expérimentalement ces conditions et, par de nom-
breuses expériences très judicieusement disposées, …
il a pu reproduire des types de dislocation iden-
tiques à ceux que l’on rencontre dans les régions
de piissement intense. La place nous manque
malheureusement pour résumer le travail de |
M. Bailey Willis el nous n'insisterons pas davan-
age sur les considérations théoriques et sur les
lois de la « structure compétente » qui forment le
fond de ce travail. Nous estimons d’ailleurs que
des considérations théoriques de cette nature au
sujet de la structure géologique d’une région ne
sauraient sans inconvénient. précéder l'étude de
délail de cette région. Elles nous paraissent
presque dépourvues d'intérêt lant qu’elles ne
sont pas publiées sous forme de conclusions
d’une étude monographique.
IT. — Le masstr Du MÉNEZ-BÉLAIR, EN BRETAGNE.
Depuis que M. Charles Barreis a publié, sur la
carte géologique de la France au 4/1.000.000", les
premiers résullats de ses belles recherches sur la
Bretagne, on sait qu'à la notion d’une presqu'ile
armoricaine conslituée par deux grands plateaux
el par deux grands bassins indépendants, doit être
substituée celle d'une région comprenantune série
nombreuse de pelits synclinaux très étroits,
parallèles enire eux et indéfiniment allongés de
l'ouest à l'est. La carte de Bretagne prend ainsi
l'aspect de lacarte d’une région plissée du lype
dit « appalachien ». M. Barrois a pu établir que
les grands traits de l'orographie sont dus à un
ridement du sol, postérieur au Culm et antérieur
au terrain houiller supérieur, mouvement qui
refoula laléralement et en même lemps toutes les
strates, sur une largeur deplus de trois degrés de
latitude, de la Normandie à la Vendée, en leur
donnant une direction dominante uniforme!
0.20° N.-E. 20°S. Si ces grandes lignes sont désor-
mais bien établies, les détails de la structure du
massif breton sont encore en grande partie insuf-
fisamment connus; aussi la première étude sur la
tectonique d’une région déterminée de la Bretagne,
que M. Barrois a publiée cette année, offre-t-elle
——_————
1 Charles Barrotis, Le bassin de Ménez-Bélair (Côtes-du-
din did ‘hd dés D Rs
|
- Nord el Ille-et-Vilaine). Ann. de la Soc. géol. du Nord, t.
XXII, p. 181-350, pl. HI-X.
|
L
4
.
.
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
1089
_ tout l'attrait de lanouveauté. Cette étude magis-
trale est consacrée au bassin du Ménez-Bélair,
_ sorte de détroit rétréci, long de 100 kilom., faisant
2.
. communiquer le bassin carbonifère de Châteaulin
. avec celuide Laval, et remarquable à la fois par les
caprices de son contour et par sa faible largeur,
parfois réduite à 1 kilom. Il est constitué par une
série d'assises siluriennes, dévoniennes et carbo-
nifères, limitée de part et d'autre par les phyllades
de SL-LÔô, d'âge précambrien. Mais le bassin du
Bélair n'est pas un simple synclinal, sur les deux
bords duquel la même série de couches est répélée
en sens inverse : malgré la concordance apparente
el le parallélisme des diverses bandes d’affleure-
ment des terrains, on constate qu’il y a de nom-
breuses lacunes dans la série, en même temps que
des réapparitionsde certains termes, sous forme de
nouvelles rayures parallèles. On voit, de plus, que
le nombre et l'âge de ces diverses bandes ou
rayures varient suivant les divers méridiens consi-
dérés et que, par conséquent, la structure de ce
bassin n'est ni uniforme ni régulière, du N. aus.
ou de l'O. à l'E.
Par la comparaison des coupes transversales,
M. Barrois est arrivé à reconnaitre que toutes ces
coupes se déduisent rationnellement de la considé-
ration d’un synelinorium , déjeté au $S. dans la por-
tion occidentale, déjeté au N. dans la région orien-
tale et débité ensuite uniformément par des failles,
qui présentent toutes une inclinaison de 30 à 45°
vers le N. Les tranches ainsi découpéesparces failles
glissèrentles unes sur les autres de manière à déter-
miner un effondrement des tranches moyennes du
synclinorium, comprises entre les tranches super-
ficielles et les tranches les plus éloignées de
la surface. Ces tranches profondes et les superti-
cielles, abandonnées également en arrière, pen-
dant le mouvement d'affaissement, furent plus tard
balayées par les dénudations, qui ne respectèrent
que les tranches affaissées, faisant ainsi partout
disparailre les charnières des plis.
En réalité, le bassin de Bélair n’a jamais cor-
respondu à un pli synclinal simple; il dépend d'un
synclinorium composé de plusieurs ondes syneli-
nales parallèles, parmi lesquelles le pli de Gahard
et le pli de Liffré, qui se suivent sans interruption
d’un bout à l’autre du bassin. Tandis que le pli de
Gahard ne contient en aucun point de formatio ns
plus récentes que le Dévonien, le pli de Liffré
présente des couches carbonifères, qui reposent
toujours directement sur le Silurien, sans inter-
posilion de Dévonien. Ce fait très remarquable
montre d'une façon positive quelle énorme réduc-
1 Série de plis dont l'ensemble se comporte comme un
synclinal.
tion superficielle les-mouvements orogéniques ont
fait subir au synclinorium de Bélair, puisque sa
trace, réduite parfois à 4 kilomètre de largeur sur
nos cartes, correspondait à deux bassins de dépôts
parallèles et assez distincts pour que les mers
dévoniennes se soient limitées à l’un et les mers
carbonifères, à l’autre. :
Enfin, on peutconstater que la charnière syncli-
nale du bassin de Bélair ondule verticalement
dans le sens de sa longueur, présentant en trois
points des convexités, séparées par des concavités.
Par suite de ces dénivellations, on trouve, dans
les trois tronçons surélevés, à la surface actuelle
d’affleurement, des tranches plus voisines du fond
de synclinorium que dans les tronçons compris
entre eux. C’est pour celte raison que l’affleure=
ment devient si étroit dans ces parties et relative-
ment si large dans les régions intermédiaires ; ces
affleurements représentent, en effet, dans ces deux
cas, des sections horizontales, inégalement dis:
tantes de la charnière synclinale du bassin.
Les trois relèvements anticlinaux du bassin de
Bélair coïncident exactement avec le prolonge-
ment, à travers le bassin du Bélair, de lignes
anticlinales relevées indépendamment, au milieu
des schistes précambriens et des gneiss, des axes
anticlinaux de Fougères, de Dinan, de Saint-Malo.
Ainsi la région de Bélair fournit un exemple
curieux de croisement et de superposition de deux
systèmes de plis orogéniques. Elle permet, de plus,
de constater l'influence perturbatrice que ces deux
systèmes ont exercée l'un sur l’autre et, par suite,
de reconnaitre leur superposition dans le temps.
La torsion du synclinorium de Bélair, qui s'effectue
précisément au passage du pli anticlinal de Fou-
gères, établit nettement la postériorité du plisse-
ment de Fougères à celui de Bélair, puisque celui-
ci a été dérangé par Le passage du premier.
Ce fut pendant la seconde moitié des temps carbo-
nifères (après le Culm), sans qu'il soit encore pos-
sible d’en préciser les moments, que se sont pro-
duits tous les ridements du sol qui déterminèrent
les grands traits de l’orographie bretonne. Ces
mouvements doivent se rattacher à deux systèmes
de plis conjugués, à peu près contemporains : le
plus ancien dirigé N.-0. (axes de Gahard, de
Liffré), l'autre dirigé N.-E. (axes de Saint-Malo,
de Dinan, de Fougères, de Rennes). Les traces du
second étant mieux conservées au nord de la Bre-
tagne (région naturelle du Léon), M. Barrois l'a
désigné sous le nom de sysfème du Léon; celles
du premier, étant plus marquées sur les côtes
méridionales du pays (Cornouaille bretonne), ont
été réunies sous le nom de système de lu Cornouaille.
Il importe de constater que ces deux systèmes
de plis conjugués ne sont pas orthogonaux el
r
1090
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
qu'ils tendent à se rapprocher d’une direction
moyenne commune 0.-E., correspondant à l’allon-
gement de la presqu'ile armoricaine.
Les synclinaux du système de la Cornouaille
sont affectés, dans le bassin de Bélair, par de
nombreuses failles, qui se répartissent en failles
d’étirement, failles de lassement et failles de décro-
chement. Les premières sont en relation intime
avec la formalion des plis et correspondent à leurs
flancs inverses élirés. Il a déjà été question plus
haut des failles de tassement, longitudinales et
parallèles aux lignes directrices, de même que les
failles d’étirement. Quant aux failles de décru-
chement, elles sont transversales et présentent,
dans leur groupement en gerbes, une relation avec
la torsion d'ensemble du bassin.
Tous ces accidents, plis et failles, doivent être
considérés comme des manifestations différentes
d’une même cause fondamentale ; mais les plis et
les failles d’étirement sont antérieurs à la venue
du granite dans la région, tandis que les failles
de tassement et de décrochement sont posigra-
niliques.
Cette intrusion du granite à l'époque carbo-
nifère, postérieurement au ridement, est établie
par les observations suivantes : le granite coupe
transversalement les couches paléozoïques; les
schistes sont transformés en schistes micacés-ma-
clifères ; mais, landis qu'ils s'arrêtent brusquement
au contact du granite, les assises interstratifiées
de quartzite se poursuivent dans le massif grani-
tique, où elles constituent des crêtes quartzeuses
remarquables. Les failles de tassement et de
décrochement ont affecté en plusieurs points les
masses granitiques. Ces masses elliptiques sont
disposées en chapelels parallèles, alignés suivant
des directions coïncidant exactement, voire même
comme position, avec les axes anticlinaux du sys-
tème du Léon, coupant par conséquent oblique-
ment l'axe du synclinorium de Bélair.
Si les graniles ont effectué leur mise en place
suivant les anticlinaux, à la faveur des derniers
grands mouvements de plissement, l'ascension du
magma en fusion qui a produit les diabases de la
région, en filons innombrables, est en retation
avec un autre mouvement du sol, postérieur aux
ridements de la Cornouaille et du Léon : elle a été
déterminée par les effondrements des tranches
médianes des plis synclinaux, dont, les failles
d'affaissement ont fourni la preuve. Le magma
prolila pour son ascension des failles de décroche-
ment, ouverles antérieurement dans la région,
lors de la propagation du mouvement de torsion
subi par le bassin du Bélair.
On voit, en somme, que les accidents de plisse-
ment, de torsion et ceux qui déterminèrent les
failles, comme aussi la mise en place des roches
cristallines massives, sont le résultat d’un même
mouvement, d’un effort dont le sens a été constant
et dont l'expression extérieure a seule varié,
IV.— LA COLLINE DE TURIN
Les collines du Monferrat et, en particulier, la
colline de Turin, qui surgissent au milieu de la
plaine du Pô, ont attiré, dès le commencement du
siècle, l'attention des géologues. On a eu recours
aux hypothèses les plus diverses pour expliquer
l'isolement de ces collines au milieu d'une plaine
alluviale limitée au nord et à l’est par la concavilé
de l’arc alpin, au sud par l'Apennin ligure, et les
accumulations de conglomérats qui prennent une
part très considérable dans leur constilution.
. Aucune de ces hypothèses n’a paru satisfaisante à
M. Virgilio, qui a consacré un volume {rès remar-
quable ! à l’étude du mode de formation de la
colline de Turin.
Toutes les hypothèses tendant à expliquer la
genèse des conglomérats oligocènes et miocènes
de la colline de Turin devront, d'après l’auteur,
tenir compte des fails suivants, qui sont établis
d'une manière indubitable :
Les conglomérals se sont formés sous les eaux
de la mer pendant la période oligocène et une
partie de la période miocène; leurs banes
sont dépourvus de fossiles marins, qui, par contre,
se trouvent en abondance dans les couches mar-
neuses et sableuses intercalées. Les éléments des
conglomérats sont, en général, de vrais cailloux
roulés, de dimensions variables. Les blocs non
roulés, en partie à angles non arrondis, souvent de
grande taille, épars sur les flancs des collines, sont
des restes de bancs de conglomérats détruits par
l'érosion. Les cailloux proviennent, en majeure
partie, de roches alpines existant en place sur le
versant italien depuis les Alpes Maritimes jusqu'aux
Alpes Lépontiennes ; en moindre parlie, de roches
des Apennins et en partie tout à fait minime de
roches en place dans les collines mêmes. L'élé-
ment serpentineux est prédominant. La présence
de véritables cailloux glaciaires peut être niée.
Au point de vue tectonique, la colline de Turin
est un pli anticlinal dont le flanc nord est plus
incliné el moins développé que le flanc sud. Dans
les deux flancs l'inclinaison des diverses assises va
en augmentant de l'extérieur vers l’intérieur dans
la direction de l'axe.
Le climat qui régnait pendant toute la longue
1 ViraL1o : La collina di Torino in rapporlo alle Alpi,
all Appennino ed alla pianura del Po. 4 vol. in-8°, 159p.,
4 pl. Turin, 1895.— Id.: Argomenti in appoggio della nuova
ipotesi sulla origine della collina di Torino. Atti della
R. Accad. delle Scienze di Torino, vol. XXX, 19 mai 1895.
[7
ET
né.
PP EN EE OT
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
1091
période durant laquelle se formaient les conglo-
mérats était intertropical et d'au moins 11° plus
chaud que la température moyenne actuelle.
La nature des éléments roulés indique avec
évidence un transport lointain, mais les: hypo-
thèses impliquant un transport par d&es cours
d’eau ou par des glaces doivent être écartées. La
principale difficulté que rencontre l'interprétation
des conglomérats réside évidemment dans leur
grand éloignement de la côte et dans l’impossibi-
lité d'admettre l'existence d'une ile émergée sur
Femplacement actuel des collines du Monferrat,
antérieurement à l'époque tortonienne, en raison
de la continuité des couches contenant les élé-
ments roulés. M. Virgilio a eu recours à une inter-
prétation extrêmement ingénieuse : il considère
les galets comme formés sur le littoral même de
la mer oligocène et miocène, tant sous l'influence
des vagues que par suite d’apports lorrentiels
venant de la terre ferme. Un écoulement lent se
produisant sur le fond incliné de la mer aurait
ensuite amené les amas de cailloux, englobés dans
une vase mouvante, du littoral au centre du
bassin, c'est-à-dire du bord interne, oriental et
méridional de l'arc alpin et du bord externe
septentrional de l’Apennin ligure à leur emplace-
ment actuel, où les éléments de provenances
différentes se seraient plus ou moins mélangés.
Voici par quelles phases ! aurait passé successi-
vement la région occupée actuellement par la col-
line de Turin depuis la fin de l’époque éocène, c'est-
à-dire depuis le moment où, par suite des premiers
plissements alpins, le bassin du Pô se trouvait
circonserit à peu près dans ses limites actuelles :
A l'époque tongrienne se déposèrent, sur les
côtes, sur un fond constitué par des dépôts anté-
tertiaires et éocènes, des calcaires et des marnes
scaglieuses, puis des conglomérats à petits éléments
de provenance alpine (environs du lac Majeur) ou
apenninique. Peu à peu ces conglomérats lon-
griens, formés dans le voisinage des rivages par
les torrents venant des Alpes et des Apennins,
s’écoulèrent lentement sur le fond de la mer vers
le centre du bassin. Les dépôts aquilaniens, con-
tenant des conglomérais à plus gros éléments
que les comglomérats tongriens et formés dans des
conditionsanalogues, s’accumulèrentsur lelittoral,
exerçant une pression sur les dépôts sous-jacents,
facilitant ainsi la continuation du phénomène
d'écoulement sur un plan incliné vers le centre du
bassin.
Les dépôts langhiens continuèrent à exercer
cette même pression, qui détermina finalement la
1 Ces phases successives sont illustrées au moyen d’une
série de coupes publiées par l’auteur dans sa note supplémen-
taire.
rencontre et le mélange des éléments alpins et de
ceux qui provenaient du versant nord de l’A-
pennin.
Par suite de l'existence de deux poussées
agissant en sens inverse, cette rencontre donna
lieu à la formation, à l'époque helvétienne, d’un
premier bourrelet, occupant l'emplacement actuel
de Ja colline de Turin. En même temps se dépo-
saient sur les côtes, en alternances avec des
marnes grises et des mollasses, des conglomérats
à très gros éléments et à arêtes vives, dont le glis-
sement vers le centre du bassin était facilité par
la présence des marnes intercalées dans la série.
A l’époque tortonienne, la colline de Turin a dû
commencer à émerger du sein de la mer, car les
argiles tortoniennes font entièrement défaut sur son
versant nord-ouest. Le mouvement de plissement
atteignantson maximum danses Apennins, el sur-
tout dans les Alpes, à la fin de la période miocène
et l’'émersion dela colline de Turin s'accentuant de
plus en plus, la pente du fond de la mer, allant
des côtes vers le centre du bassin, devait nécessai-
rement devenir plus considérable, de telle sorte
que l'écoulement vers la colline de Turin des maté-
riaux déposés sur les rivages devait avoir lieu
encore plus facilement qu'aux époques précé-
dentes. Par suite de l’accentuation du plissement,
le bassin s'approfondissait graduellement, de telle
sorte que, au début du pliocène, des argiles de
mer profonde pouvaient se déposer sur tout le
pourtour de la colline.
A la fin de la période pl'iocène les couches ont
atteint leur position actuelle et la mer, qui occupait
l'emplacement actuel de la vallée du Pô, s’est
comblée progressivement par l'accumulation de
formations détritiques.
A l’époque quaternaire, sous l’action des agents
atmosphériques, la colline de Turin prend son
relief actuel. Les puissants dépôts de læss qui
recouvrent les formations tertiaires doivent être
attribués, selon l’auteur, au ruissellement super-
ficiel résultant de la fonte annuelle des neiges,
vers la fin de la période glaciaire.
Comme on a pu le voir, M. Virgilio est un fervent
adepte des théories de Reyer!, d’après lesquelles
les phénomènes de plissement seraient principale-
ment attribuables à un écoulement des masses
stratifiées sur un plan incliné, sous la simple
action de la pesanteur.
V. — LA SÉRIE SÉDIMENTAIRE DANS L'ASIE CENTRALE.
Les chaînes de montagnes qui s'élèvent au nord
del'Himalaya, dans le Turkestan et dans le Thibet,
1 V, l'articte de M. W. Kirrax sur les Essais de géologie
expérimentale de M. Heyer, dans la Revue générale des
Sciences du 15 juillet 1893.
1092
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
n’ont encore été visitées que par un nombre fort
limité d'explorateurs, et deux géologues seulement
ont exploré ces régions inhospitalières : Stoliezka,
il ya plus de vingt ans, et, plus récemment M. Bog-
danovitch. Ils ontrecueilli, dans le Kuen-Lun occi-
dental, dans le Pamir et dans les chaînes méridio-
nales du Tian-Chan, des fossiles qui ont été commu-
niqués à M. Suess!. L’illustre géologue viennois a
étudié ces séries paléontologiques avec la collabo-
ration de quelques spécialistes (MM. Frech, von
Mojsisovics, Teller et Uhlig), et, quelque rudimen-
taires que fussent ces matériaux, ils lui ont permis
de reconstituer dans ses grands traits l’histoire
straligraphique de l'Asie centrale.
M. Bogdanovitch a reconnu dans le Kuen-Lun
occidental deux grandes transgressions: la trans-
gression du Kuen-Lun, qui vient se placer au début
du Dévonien moyen, et la transgression thibétaine,
qui a eu lieu après le dépôt de l'étage moscovien à
Productus semireticulatus.
On peut se convaincre, d’après un savant exposé
dû à M. Frech et intercalé dans le mémoire de
M. Suess, que la transgression du Dévonien moyen
est un phénomène tout à fait général dans l'hémi-
sphère nord et qu’elle n’est que le prélude de la
transgression plus étendue encore du Dévonien
supérieur. Dansle Tian-Chan et dans le Kuen-Lun,
le Dévonien moyen est le terrain sédimentaire
le plus ancien dont on connaisse des fossiles ; il
fait suite immédiatement à une formation détri-
tique par laquelle débute la série transgressive qui
repose en discordance sur les schistes cristallins.
Plusieurs localités sont très fossilifères et ont
fourni de nombreux Polypiers et des Brachiopodes
déterminés par M. Frech, et qui tous sont très
voisins d'espèces de l’Europe centrale et souvent
mème identiques. Le Dévonien supérieur n’esl pas
connu encore dans l'Asie centrale.
Le Carbonifère' inférieur (Dinantien, Munier-
Chalmas et de Lapparent) est représenté dans le
Tian-Chan et dans le Kuen-Lun par des calcaires à
Chonetes comoides el Streptorhynchus crenistriu; le
Carbonifère moyen (Moscovien), par des calcaires à
Productus Fusulines. C'est au-
dessus de ce niveau que vient se placer la trans-
gression thibélaine de M. Bogdanovitch; les grès
rouges el les conglomérals carbonifères supé-
rieurs du Kuen-Lun reposent en discordance sur
le Carbonifère moyen. On sait que, dans l'Europe
occidentale, d'importants mouvements se font
semireliculalus et
également sentir à l’époque du Carbonifère moyen,
el que le Carbonifère supérieur est généralement
concordant avec le Permien. Dans l'Asie centrale,
1 E. Suess. Beilräge zur Slraligraphie Central-Asiens.
Denkschr. math.-naturw, Cl. d. k, Akad. Wiss. Vol. LXI. 38
p. 1 pl. 1894.
il paraît en être de même, mais la généralité du
faitne pourra êlre aflirmée que lorsque l’âge de
certaines couches transgressives, telles que les
calcaires à Brachiopodes du fleuve Gussass, dans
le Kuen-Lun occidental, sera délerminé avec cer-
titude.
Des marbres rouges signalés par Stoliezka au
nord du col de Karakorum contiennent des XPn0-
diseusetun (astrioceras,etsont considérés par M. von
Mojsisovics comme permiens.
Le Trias du Pamir oriental présente des carac-
tères essentiellement alpins; on y signale des
calcaires à Brachiopodes contenant des Æulorella
en partie identiques à des espèces du Trias su-
périeur des Alpes orientales, ainsi que des bancs
à Monotis salinaria, forme bien connue du Salzkam-
mergut.
La découverte, sur les rives du Karakash, d’Am-
monites calloviennes, déterminées par M. Ubhlig,
pourrait indiquer que la grande transgression
callovienne s’est également fait sentir dans l’Asie
centrale.
Enfin, sur les bords de la dépression du Tarym,
l’'Éocène est représenté par des grès contenant
des huitres, parmi lesquelles M. Suess a pu recon-
naitre la Gryphen Esterhazyi, espèce caractéristique
des couches à Nununuliles perforata de Hongrie.
On voit par cet aperçu que les mers primaires,
secondaires et tertiaires de l'Asie centrale conte-
naient des faunes présentant le plus souvent des
analogies frappantes avec les faunes synchroni-
ques des mers de l’Europe. Les principales discor-
dances dans la série sédentaire paraissent s’être
produites simultanément dans l'Europe occiden-
tale et dans l'Asie centrale. Enfin, l’on retrouve,
aussi bien dans les chaines plissées de l'Himalaya
et du Thibet que dans lesrégions de l'Europe affec-
tées par les plissements alpins, les traces d’une
mer parallèle à l’équateur, réunissan! ies deux
bords du Pacifique, en passant par les Antilles,
l'Europe méridionale, el traversant l'Asie en
écharpe. Cette mer, à laquelle M. Suess à donné
récemment le nom de 7helys, parait s'être mor-
celée à l’époque tertiaire, et la Méditerrante en
serait untronçon, tandis que l'Atlantique et l’o-
céan Indien se sont formés sur l'emplacement
de continents qui existaient pendant toute la
durée de l'ère secondaire.
Le moment précis de la séparation des eaux de
la Méditerranée de celles des mers plus orientales
ne peut encore être déterminé avec certitude, mais
on peut affirmer, grâce à la découverte de la
Gryphæa Esterhazyi sur les bords de la dépression
du Tarym, qu'à l’époque éocène la mer qui recou-
vrait la région alpine s’étendait vers l’est, au
moins jusqu'à ce point extrême. À cette époque,
L L#
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
1093
l'océan Indien élait certainement déjà ébauché,
par suite de l'effondrement de l’ancienne Indo-
Afrique.
VI. — LES DÉPÔTS GLACIAIRES DES ALPES
ET DES PYRÉNÉES.
A la suite du Congrès géologique international
de Zurich, eut lieu, du 17 au 23 septembre 1894,
sous la direction de MM. Penck, Brückner et Du
Pasquier, une « excursion glaciaire » destinée à
faire connaitre aux participants les régions des
Alpes méridionales et septentrionales qui sont les
plus propres à l’élude de la succession et de la
disposition des formations glaciaires.
Cette excursion, qui partit de Lugano pour
aboutir à Munich, en passant par Ivrée, Milan,
Riva, Innsbruck, fut couronnée d’un plein succès
et eut pour résultat de consacrer définitivement
cerlaines nolions exposées déjà dans plusieurs
ouvrages spéciaux, mais insuffisamment connues
de la majorité des géologues. EL
Mieux que l’excursion, dont le nombre des par-
ticipants fut forcément restreint, un Guide, publié
en vue de cette excursion par MM. Penck, Brück-
ner et du Pasquier !, contribuera à répandre ces
notions. Ce sont les principales données conte-
nues dans ce Guide que nous allons entreprendre
de résumer ici.
Les auteurs du Guide distinguent, au point de
vue de leur origine, parmi les dépôts glaciaires
alpins, deux catégories :
1° Les dépôls glaciaires proprement dits, générale-
ment non stratifiés et à éléments non calibrés,
caractérisés par la présence de cailloux polis et
striés, souvent aussi par celle de fragments de
roches venant de très loin et imparfaitement
roulés. Ce sont les produits du glacier lui-même,
ses anciennes moraines.
2 Les dépôts fluvio-glaciaires, formations gla-
ciaires remaniées par les eaux courantes, compo-
sées en conséquence d'éléments erraliques usés,
roulés, arrondis et déposés comme les galels d’un
cours d’eau en couches horizontales allernant
souvent avec des lits à structure inclinée (stratifi-
cation torrentielle).
Le glaciaire proprement dit présente une surface
irrégulière, onduleuse, composée d’une succession
de monticules et de vallons marécageux, plus ou
moins parallèles ou concentriques. C’est ce que
Desor appelait le paysage morainique. Ce paysage
morainique entoure une région intérieure en
cuvette, souvent occupée par un lac et nommée
1 Pexck, BrückNER et pu Pasquier. Le système glaciaire
des Alpes, quide publié à l'occasion du Congrès géologique
international. Bull. de la Soc. des Sc. nat. de Neuchâtel,
t. XXII, 1893-1894.
pour cette raison la dépression centrale. De ce grou-
pement de formes résulte quelque chose d'ana-
logue à un amphithéâtre, si bien que l’ensemble
de la dépression centrale et de sa circonvallation
de moraines a souvent été désigné sous le nom
d'amphithéâtre morainique.
A l'extérieur, à l’aval de l’amphithéâtre, s'appuie
le fluvio-glaciaire, formant, à une altitude bien
supérieure à celle du fond de la dépression cen-
trale, un vaste plan incliné descendant des
moraines. C’est un cône de déjection portant
encore des moraines : le cône de transition, qui
correspond à une zone de passage du glaciaire au
fluvio-glaciaire, zone caractérisée souvent par des
alternances de ces deux formations. En aval, ce
cône devient de plus en plus plat à mesure que sa
structure intérieure gagne en régularité de strati-
fication; c’est la région du fluvio-glaciaire pro-
prement dit, des alluvions glaciaires, formant de
vastes plaines ou des terrasses régulières.
Il est facile de se rendre compte de la genèse
de ce « complexe » : devant le front du glacier,
les torrents, surchargés de matériaux, alluvion-
naient, tandis que le glacier lui-même déposait,
sous forme de moraine terminale, tous les élé-
ments qui n'étaient pas entrainés par les eaux
courantes. Quant à l'espace occupé par le glacier,
aucune accumulation ne s’y produisait et le gla-
cier abandonnait après son retrait une surface
déprimée, la dépression centrale, entourée par
une circonvallation morainique et caractérisée
par le polissage des roches qui la constituent. On
concoit que la circonvyallalion ait souvent endigué
un lac.
Le bord alpin présente des exemples nombreux
de cette disposition, les plus célèbres sont décrits
dans le Guide et ont élé visités par les participants
à l’excursion. Nous mentionnerons surtout l’amphi-
théâtre morainique de l’ancien glacier de la Reuss,
où la petite ville de Mellingen occupe le fond de la
dépression centrale; celui du glacier de l’Inn,
dont le centre est occupé par la ville de Rosenheim;
puis, sur le versant méridional des Alpes, le
célèbre amphithéàtre d'Ivrée et celui du lac de
Garde, tous deux caractérisés par la hauteur
énorme qu'atteignent les moraines au-dessus du
niveau de la dépression centrale.
En amont des grandes moraines qui marquent
la principale phase d'arrêt du glacier s'observent,
de distance en distance, des séries de dépôts gla-
ciaires et fluvio-glaciaires tout à fait analogues à
celle que nous venons de décrire, mais de dimen-
sions beaucoup plus restreintes, et correspondant
chacune à une phase d'arrêt dans le retrait des
glaces. Ces complexes suceessifs s’imbriquent les
uns sur les autres et constituent la série des
fut à
1094
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉULOGIE
dépôts d'une seule et même glaciation, avec ses | correspondant à ces trois périodes distinctes onl
phases d'arrêt et de retrait; leur répétition ne sau-
rail, en aucun cas, être considérée comme un
indice de plusieurs glaciations successives, sépa-
rées les unes des autres par un profond hiatus
géologique.
Pour démontrer l'existence, dans une même
région, de plusieurs glaciations successives, il faut
avoir recours à d’autres caractères et notamment
au degré d’altération des dépôts.
On a pu constater que les formations glaciaires
de la période quaternaire étaient généralement
altérées jusqu'à une certaine profondeur, par suite
d’une décalcification superficielle sous laclion des
agents atmosphériques. D'une manière générale,
l'altération des grandes moraines terminales de la
glaciation alpine n'atteint qu'une épaisseur insi-
gnifiante ; il n'en est pas de même pour certains
dépôts que l’on rencontre au delà de la limite des
moraines terminales: ce sont des cailloulis alltérés
superficiellement jusqu à plusieurs mètres de pro-
fondeur, de telle façon que les éléments calcaires
en ont disparu et qu'une grande quantité de galets
crislallins sont entièrement décomposés, kaoli-
nisés, devenus friables jusqu'à pouvoir être coupés
au couteau. En raison de la prédominance des
éléments ferrugineux résultant dela décalcification,
ces produits d’altération ont reçu des géologues
lombards le nom de /erreto. Ges dépôts alltérés sont
d'anciennes moraines, qui ont perdu sous l’in-
fluence du temps leurs formes adoucies; ainsi
s'établit un contraste frappant entre ces moraines
extérieures et les moraines intérieures, plus jeunes,
qui ont conservé toute leur fraicheur. Sur plusieurs
points, on conslate que les moraines externes
allérées passent sous les moraines internes, ce qui
établit bien leur antériorilé. Dans d'autres cas,
plus fréquents, la période d’allération des mo-
raines externes fut suivie de puissants ravine-
ments qui déterminèrent le creusement des vallées,
dans la masse de ces moraines:; les moraines
internes furent déposées dans le fond de ces vallées,
par conséquent à un niveau inférieur à celui oc-
cupé par les moraines externes. Il n'y a donc plus
superpos'lion, mais emboitement des moraines el
de leurs alluvions respectives les unes dans les
autres.
Il importe de faire remarquer que l'on ne con-
state pas qu'une seule superposilion : il y en a
deux. Les moraines extérieures sont, en eftet,
divisées elles-mêmes en deux élages superposés
ou emboilés, séparés l’un de l’autre, aussi bien
qu'ils le sont des moraines internes, soit par des
couches d’allération subaérienne, soit par des
ravinements profonds. On a ainsi, dans les Alpes,
l'indice de trois glaciations successives. Les alluvions
élé désignées, les plus anciennes, sous le nom d'al-
luvions des plateaux (Deckenschotter), les moyennes
sous celui d'alluvions des hautes terrasses, les
plus récentes sous celui d’alluvions des basses
terrasses. On a constaté que, vers l’amont, chacun
de ces niveaux d’alluvions passait à des moraines
indépendantes les unes des autres. Le Nord de la
Suisse fournit des exemples nombreux de l’exis-
tence de trois lerrasses fluvio-glaciaires distinctes
et de leur emboitement, etil en est de même de la
région des lacs, dans la plaine lombardo-véni-
tienne; mais c'est. surtout dans la plaine de
Munich ‘ que l’on observe la superposition, quel-
quefois dans une même coupe, des cailloulis cor-
respondant aux trois glaciations. Ces trois cailloutis
sont séparés les uns des autres par des couches de
lehm d'altération ; le plus ancien est le plus con-
gloméré et se distingue par la rareté des éléments
crislallins ; chacun est superficiellement altéré :
la couche d’alléralion qui le sépare des dépôts
plus récents est la plus épaisse dans le «Decken-
schotter »; elle est la plus mince dans l’alluvion
fluvio-glaciaire la plus récente.
On connait depuis longtemps, dans les Alpes
françaises , grâce surtout aux observations
d'Alphonse Favre, de Charles Lory, de Charles
Martins, de MM. Falsan et Chantre et, plus récem-
ment, de M. David Martin, de puissantes masses de
dépôts glaciaires, Lémoins d'une ancienne et très
considérable extension des glaciers; mais personne
n'avait tenté de coordonner systématiquement les
différents termes de la série glaciaire ni d'y voir
les traces de plusieurs glacialions successives.
Cette lacune vient d'être comblée au moins pour
le bassin de la Durance, grâce aux remarquables
observations de MM. W. Kilian et A. Penck ?, qui
ont montré quela vallée de la Durance méritait
de devenir un type classique pour l’élude de la
succession des dépôts glaciaires.
Dans les environs de Sisteron, ces auteurs ont
distingué trois terrasses de graviers, dont la plus
ancienne correspond,par sa posilion el par ses
caractères d'altéralion, au Deckenschotter. Elles
sont généralement séparées par des affleurements
du substratum, elles sont plus ou moins conglo-
mérées et l’on trouve, dans les deux dernières, des
blocs remaniés de conglomérat, provenant des
terrasses préexistantes. Leur pente est plus grande
que celle de la vallée actuelle.
1 Sous Je titre « Die Gegend von München, » M. L. vox
Aumox vient de publier un bel ouvrage {in-89, 152 p.,
! carte, 6 pl. en phototypie, 12 fig.) sur les environs de Mu-
nich, dans lequel l'étude des reliefs glaciaires tient uno
place considérable.
2 Les dépôts glaciaires et fluvio-glaciaires du bassin de la
Durance, Comptes rendus Acad. Se., 11 juin 1895.
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3
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 1095
M É she dns eh à à 17 de
Lé ini dé
_ Le Deckenschotter occupe une position très
élevée au-dessus du thalweg actuel de la Durance
. et paraît antérieur au creusement de la vallée. La
4 haute terrasse domine de 80 à 100 mètres le lit de
la Durance; elle passe en amont à de véritables
moraines, qui n’ont pas conservé la fraicheur des
moraines internes; quant aux alluvions elles-
- mêmes, leur altération superficielle atteint 1 à
2 mètres. La basse terrasse s’abaisse jusqu’au
niveau des alluvions modernes, l’altération y est
très superficielle; elle s’adosse en amont à un
triple rempart de moraines frontales, qui forme
au Poët un véritable amphithéâtre morainique,
avec pente douce vers l'aval et versant abrupt
vers l’amont. En arrière, souvre la dépression
centrale, large et tapissée de glaciaire, sous
lequel les graviers de la basse terrasse se conli-
nuent, mais ne tardent pas à se terminer en bi-
seau, de sorte que, en amont de la Saulce, aucune
des trois terrasses n'est plus visible. Mais plus
haut, entre Montdauphin et Embrun, des. allu-
vions fortement cimentées prennent un grand
développement, occupant un niveau de 80 à
130 mètres plus élevé que le lit actuel de la Du-
rance. Elles sont superposées à des moraines de
front typiques et supportent elles-mêmes d'autres
dépôls glaciaires qui reposent sur leur surface
polie et coupée obliquement à la stratification. La
terrasse interglaciaire d'Embrun-Montdauphin
correspond à un retrait d'au moins 70 kilomètres
du glacier de la Durance et constilue une preuve
incontestable de la pluralité des glacialions dans
cette partie des Alpes françaises,
L'existence de deux terrasses alluviales avait
été reconnue, il y a longtemps déjà, dans les
Pyrénées, par Noulet et par Leymerie. Aux envi-
rons de Toulouse, ces terrasses sont siluées, l'une
à 12 mètres, l’autre à 28 mètres au-dessus du ni-
veau de la basse plaine. M. Boule ! S'est altaché à
les suivre en amont aussi loin que possible et les
a retrouvées dans la région qui touche aux mon-
lagnes l’une à 15 mètres, l’autre à 50 mètres en-
viron au-dessus du niveau de la Garonne. Il a pu
conslater que la terrasse inférieure se reliait en
amont, par l'intermédiaire d'un cône fluvio-gla-
ciaire, avec la belle moraine de Labroquère. La
terrasse supérieure présente des caractères d’alté-
ralion qui dénotent une bien plus grande anti-
quité : tout semble indiquer qu'elle correspond à
une phase d'extension glaciaire plus ancienne que
celle qui correspond à la terrasse inférieure; mais
les moraines qui représentenl celle extension sont
encore inconnues.
1 Marcellin BouLe, Le Plaleau de Lannemezan et les allu-
vions anciennes des hautes vallées de la Garonne et. de la
Nesle. Bull. Serv. Carte géol., n° 43, 23 p., 4 pl. 1895.
Il parait y avoir dans les Pyrénées, comme dans
les Alpes, des indices d’une glaciation encore plus
ancienne. La surface des plateaux de Lannemezan,
d’Orignac, etc., est recouverte d’un manteau épais
d’alluvions à très gros élements, dont la plupart
ont disparu par décomposition; seuls de nombreux
blocs de quartzile, souvent de grande dimension,
ont résisté et jonchent la surface du plateau. Ces
blocs, souvent à peine dégrossis et présentant, à
côté de faces arrondies, des arêtes vives, doivent
être considérés comme de véritables blocs erra-
tiques. Leur présence sur les plateaux de Lanne-
mezan ne peut s'expliquer que par un transport
glaciaire, car, pour arriver à leur gisement actuel,
ils ont dû franchir de longues distances, traverser
toute la partie calcaire des Pyrénées, sans perdre
leurs arêtes vives. La position des alluvions de
Lannemezan indique que la direction des vallées
anciennes des Pyrénées devait concorder à peu près
avec celle des grandes vallées actuelles.
Ainsi, M. Boule a été le premier à reconnaitre,
dans une région française, la trace de trois glacia-
tions successives; mais, tandis que, dans les Alpes,
on ne peut, la plupart du temps, fixer que l’âge
relatif des trois formations glaciaires, M. Boule,
plus heureux, a pu, dans les Pyrénées, grâce à des
découvertes paléontologiques, déterminer l'âge
absolu des trois formations.
L'âge de la terrasse inférieure, correspondant à
la dernière époque glaciaire dans les Pyrénées,
peut être établi avec certitude grâce à un certain
nombre de restes d'Ælephas primigenius. C'est l'é-
poque où régnait en Europe la faune du Mam-
mouth, avec le Rhinocéros à narines cloisonnées,
l'Ours des cavernes, etc. Cette époque est netle-
ment antérieure à ce que les préhisloriens appel-
lent l'âge du Renne, lequel est marqué par une
faune assez différente de celle du Mammouth et
par une civilisalion humaine toute spéciale. Une
visite à la célèbre station du Schweizersbild,
près de Schaffhouse, avait montré à M. Boule que,
dans le Nord de la Suisse, l'Homme de l’âge du
Renne ne s'était établi qu'après le retrait des der-
niers glaciers. Pour M. Steinmann, par contre, la
faune de l’âge du Renne doit être considérée
comme interglaciaire. Or, M. Boule et d'autres sa-
vants ont pu constater que, dans les Pyrénées, les
grottes qui abritèrent la faune du Renne, à l’é-
poque où le glacier de la Garonné édifiait les mo-
raines de Labroquère, élaient enfoncées sous une
épaisse couche de glaces et de névés. Ces grottes
n'ont élé habitées que postérieurement au retrait
des glaciers, et leur faune est si identique à celle
de l’âge du Renne en Suisse qu'il est impossible
de ne pas admettre le synchronisme des gisements
dans les deux pays.
1096
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
Les alluvions de la terrasse supérieure n’ont pas
encore fourni de fossiles, mais elles sont ravinées
par une argile jaune contenant des ossements de
la faune qui accompagne partout dansle Midi de la
France l'Ours des cavernes et sont, par consé-
quent, plus anciennes et appartiennent au Pléis-
tocène le plus inférieur.
Enfin, les alluvions du Lannemezan doivent être
considérées comme pliocènes, car elles reposent
sur des couches contenant une faune du Miocène
supérieur et sont antérieures au creusement des
vallées sur le flanc desquelles on a trouvé la faune
chaude du Quaternaire le plus ancien.
VIT. — LES PHÉNOMÈNES DE CONTACT
DE LA LHERZOLITUE.
Depuis le mémoire classique de M. Damour, la
composilion minéralogique de la lherzolithe {oli-
vine, bronzite, diopside chromifère vert et spinelle
noir) est bien connue ; mais on ne possédait encore
que des données assez vagues sur les conditions
de gisement, sur l’âge et sur les phénomènes de
contact de cette célèbre roche pyrénéenne. M. La-
croix vient de combler cette lacuneen publiant sur
la lherzolithe deux mémoires d’une importance
capitale !.
Les principaux gisements de Ja lherzolithe dans
les Pyrénées se trouvent dans l'Ariège et dans la
Haute-Garonne ; les conditions de gisement sont
remarquablement identiques partout où la roche
peut être observée : elle se rencontre exclusive-
ment dans les masses calcaires désignées par J.
de Charpentier sous le nom de calcaire primitif et
presque toujours sur leur lisière, non loin des gra-
nites ou schistes cristallins qui leur servent de
substratum. L'âge de ces calcaires dits primitifs a
élé établi par MM. de Lacvivier et Roussel; leur
composilion stratigraphique est la suivante dans
l’Ariège :
A. Brèche calcaire renfermant des fragments
des roches anciennes lui servant de substratum
et représentant probablement le Lias inférieur.
B. Calcaires gris ou noirs alternant avec des
caleschistes, des schistes argileux ou des schistes
gréseux et contenant des fossiles du Lias moyen.
C. Dolomies noirätres et calcaires blanes souvent
bréchiformes à divers niveaux, correspondant,
d'après M. Roussel, à tout le Jurassique moyen
el supérieur et au Néocomien.
La Iherzolithe pénètre en bosses intrusives,
dans les calcaires B qu’elle a métamorphosés.
: A. Lacroix. Étude minéralogique de la lherzolithe des Py-
rénées el de ses phénomènes de contact. Nouvelles archives
du Muséum, 3e sér., t. VI, p. 209-308, pl. V-X.— Id. Les phéno-
mènes de contact de la Lherzolithe et de quelques oplutes des
Pyrénées. Bull. Serv. Carte géol. t, VI, n° 42, 140 p., 3 pl.
mais elle a toujours laissé intacte la série C dont
les brèches contiennent des galets de la roche
éruptive. L'âge liasique ou tout au plus jurassique
moyen de la Iherzolithe se trouve donc ainsi
démontré avec certitude. Un certain nombre de
coupes montre de plus que la lherzolithe n’est pas
venue au jour. Les lherzolithes sont traversées
fréquemment par des filons de pyroxénolithes et
d'amphibololithes, c'est-à-dire de roches grani-
toïdes dépourvues à la fois de feldspath et d’oli-
vine. En un seul point M. Lacroix a pu voir la
lherzolithe traversée par des filons d’une roche
feldspathique qui a la composition de la diorite.
La lherzolithe ne présente aucune modification
endomorphe à son contact avec les roches sédi-
menlaires; ces dernières ont, au contraire, subi au
contact de la roche intrusive de profondes modi-
fications exomorphes. Les calcaires et les mar-
nes calcaires traversés par la lherzolithe sont
transformés en calcaires cristallins ou, le plus
souvent, en roches entièrement silicatées, telles
que cornéennes ou schisies micacés. Toutes ces
roches de contact contiennent les minéraux sui-
vants, associés d’ailleurs, suivant les gisements,
des manières les plus diverses : dipyre, feldspaths,
micas, amphiboles, pyroxènes, tourmaline, rutile,
ete. Dans les roches de contact immédiat le pig-
ment charbonneux qui les colorait avant leur
transformation a disparu; il n’enest plus demême
quand on étudie ces roches à quelques centaines
de mètres de la lherzolithe : la matière charbon-
neuse y est alors intacte ou transformée en gra-
phite. Toutes les fissures des roches mélamorphi-
ques, y comprisles calcaires, aussi bien au contact
de la lherzolithe que loin d’elie, sont tapissées
de nombreux erislaux de zéolithes, parmi lesquels
domine la chabasie.
Ces phénomènes de contact sont totalement
différents de ceux que l’on rencontre dans les cal-
caires traversés par des péridotites; au contact de
ces roches il se forme, dans les calcaires avoisi-
nan(s, du grenat, de l'idocrase, de l’épidote, miné-
raux qui font entièrement défaut dans les contacts
de lherzolithe, tandis que le dipyre, la tourmaline,
les micas, les feldspaths manquent le plus souvent
autour des pyroxéniles.
M. Lacroix a eu l'idée de comparer les phéno-
mènes de contact de la lherzolithe avec ceux que
l’on observe dans le voisinage des ophites pyré-
néennes. Il à pu constater que les minéraux for-
més dans les calcaires traversés par les deux
roches élaient en grande partie les mêmes. Le
dipyre, la lourmaline, les micas, l'albile, les
amphiboles, elc., se rencontrent dans lesdeux cas ;
dans les sédiments modifiés par la lherzolithe
ces minéraux sont souventaccompagnés d'orthose,
Ê
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
1097
de microcline, de feldspaths tricliniques basiques,
- de pyroxène; tandis que l’albite et la chlorite
(leuchtenbergite) sont plus communs au contact
. des ophites. L'intensité du métamorphisme est
moins grande au voisinage des ophites qu'à
proximité des lherzolithes; les transformations
dues aux ophites peuvent être comparées à celles
qui s'effectuent à quelque distance delalherzolithe,
plutôt qu'à celles que l’on observe au contact
immédiat de cette roche. La lherzolithe seule, en
effet, détermine la formation de roches entière-
ment silicatées dont la cristallinité rappelle celle
des schistes cristallins.
Les cornéennes formées aux dépens de calcaires
et de schistes argilo-calcaires par les granites,
les syéniles, les diorites, les diabases, les pérido-
tites (autres que les lherzolithes des Pyrénées), etc.,
présentent une telle analogie de composition mi-
néralogique dans les gisements les plus divers,
qu'aucune d'entre elles n’est vraiment caractéris-
tique de l’action métamorphique d’une roche
éruptive déterminée; le grenat, l'idocrase, la
wollastonite, l’épidote, en sont les éléments les
plus fréquents, souvent associés, du reste, avec
du pyroxène, de l’amphibole, du mica et des feld-
spaths. Les contacts de lherzolithe et d’ophite
des Pyrénées viennent rompre cette monotonie en
présentant des minéraux spéciaux et des types
pétrographiques particuliers.
Il importe enfin de remarquer que les calcaires
modifiés au contact de la lherzolithe, roche essen-
tiellement magnésienne et à peu près dépourvue
d'alcalis, se chargent surtout de minéraux riches
en alcalis (albite, orthose, microcline, dipyre,
micas), ainsi que d’autres éléments, tels que le
bore, le titane, qui n’existent pas davantage dans
la roche éruptive.
Ce fait montre d'une façon éclatante que Les
modifications métamorphiques ont été effectuées non par
la Uherzolithe elle-même, mais par les fumerolles ou
sources {hermales qui ont accompagné sa venue. L'ana-
logie des transformations effectuées par les ophites
et par les lherzolithes fait voir,en outre, que, dans
les Pyrénées, ces deux roches, de composition
différente, ont été accompagnées de fumerolles de
composition qualitativement, sinon quantitative-
ment, identiques.
VIII. — LES ROCHES FILONIENNES SODIQUES
DE CHRISTIANIA.
La Norwège méridionale est depuis longtemps
une terre classique aussi bien pour le minéralo-
giste que pour le pétrographe; des travaux célè-
bres ont élé consacrés par plusieurs auteurs —
pour ne citer qu'un exemple — aux syénites éléo-
lithiques, si riches en minéraux intéressants et
en «terres rares ». Les environs de Chrisliania, en
particulier, présentent une telle variété de ro-
ches éruptives diverses que M. Brügger a entre-
pris d'en publier une monographie détaillée, dont
le premier volume‘, consacré aux roches de la
série des grorudites et des tinguaïtes, a paru et
contient déjà un exposé des plus intéressants des
idées théoriques que l’étude des roches des envi-
rons de Christiania a suggérées au savant pétro-
graphe norvégien.
La thèse principale que M. Brüzger se propose
de soutenir dans sa monographie peut se résumer
ainsi : tous les types de roches qui affleurent dans
la région de Chrisliania, si multiples et si variés
qu'ils soient, sont reliés entre eux par leur genèse
et doivent être considérés comme les produits de
différenciation d'un même magma initial riche en
soude. Cette teneur en soude, qui va de pair avec
l'absence presque complète de la magnésie et de
la chaux, est due à l'abondance, dans les roches de
Chrisliania, de certains silicates sodiques tels que
l'ægirine, l’arfvedsonite, l'anorthose, et souvent
aussi l’éléolithe.
Les roches étudiées par M. Brügger dans le pre-
mier volume de sa monographie sous les noms de
grorudite, sülvsbergile et linquaite représentent les
termes acide, mixte et basique d'une série continue
de roches réunies par tous les termes de passage
et caractérisées minéralogiquement par la pré-
sence d’orthose et d’anorthose, souvent en associa-
tion microperthétique, et de l’ægirine, avec ou sans
‘quartz, avec ou sans néphéline. Les feldspalhs
calco-sodiques y font entièrement défaut. Par leur
composition, ces trois roches rentrent donc dans
les familles des granites, des syénites et des syé-
nites éléolithiques; elles constituent les corres-
pondants à deux temps de consolidation des gra-
nites sodiques (nordmarkiles) et des syénites
éléolithiques. Un pétrographe français aurait dé-
signé une grorudite sous le nom de microgranulite
à ægirine, une sülvsbergite sous celui d'ortho-
phyre à ægyrine, et il aurait assimilé une tin-
guaïte à une phonolithe.
C’est dans ces questions de dénominations que
s'affirme une fois de plus le profond dissentiment
qui existe en pétrographie entre l'École allemande,
à laquelle se rattache M. Brügger et dont le chef
est M. Rosenbusch, et l'École française, repré-
sentée par MM. Fouqué et Michel Lévy. Les deux
Écoles ne parlent évidemment pas le mème lan-
gage scientifique, etle malentendu qui les sépare
va en s’accentuant de jour en jour. Il n’y a pas
là seulement une question de nomenclature de
1 W. C. Brôccer, Die Éruplivgesleine des Kristianiage-
bieles, 1. Die Gesteine der Grorudit-Tinguail-Serie. { vol. gr.
in-89, 206 p., 3 pl. Kristiania, 1894.
1098
E. HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE
détail; de part et d'autre on ne s'entend pas sur
les principes qui doivent présider à la classifica-
cation des roches éruplives. Tandis que, pour
M. Michel Lévy, cette classification doit être basée
uniquement sur la structure et sur la composition
minéralogique des roches, M. Rosenbusch et son
École cherchent à faire intervenir l'élément géo-
logique, les conditions de gisement.
C’est ainsi que M. Rosenbusch divise les roches
éruptives en roches de profondeur, roches filo-
niennes el roches d’épanchement. L'établissement
d'une subdivision des roches filoniennes a surtout
été combatlu par de nombreux auteurs; aussi
M. Brügger, ayant retrouvé leur structure habi-
luelle dans les salbandes de roches de profondeur,
a-t-il substitué le nom de roches hypabyssiques à celui
de roches filoniennes,rangeant dans cette catégorie.
les roches qui, par leur structure, sont intermé-
diaires entre les véritables roches granitoïdes de
formation intratellurique et les roches volca-
niques proprement dites. Le caractère principal
de ces roches hypabyssales est leur structure holo-
cristalline (absence de matière vitreuse dans le
magma de deuxième consolidalion), qui corres-
pondrait à un refroidissement lent, que l’on peut
retrouver aussi bien sur les salbandes d’un magma
de profondeur que dans un dyke, ou encore dans
les parties centrales d'une coulée épaisse. De plus,
les roches hypabyssales présentent souvent dans
leur masse des traces de structure fluidale, caractère
qu’elles partagent avec les roches d'épanchement.
D'après M. Brügger, on doit envisager les roches
« hypabyssiques » comme un terme de passage
entre les roches « abyssiques » et les roches
« superficielles », quitte à ne pas leur attribuer
dans la classification une importance égale à celle
des deux autres catégories. Dans chaque famille
de roches basée sur la composition chimique
(famille des granites, famille des syénites, etc.)
on devra toutefois distinguer par des noms spé-
ciaux les roches appartenant aux trois catégories.
Mais il y a plus : M. Brügger admet encore parmi
les roches hypabyssales deux groupes différents -
de roches : 1° les roches aschistes, dans lesquelles
il y a eu simplement différenciation du magma de
profondeur, de manière à donner naissance à une -
roche de composition identique, mais de structure j
hypabyssale ; 2 les roches dinschistes, dues à une
évolution du magma inilial, qui a donné nais-
sance par sécrétion, par séparation, à une roche de
composition différente. Lorsqu'un magma de pro-
fondeur évolue de manière à former des dykes
diaschistes, il se produit le plus souvent parallèle-
ment des dykes de composition chimique diverse ;
M. Brügger donne le nom de roches complémentaires
à ces roches hypabyssales originaires d'un magma
commun. Pour M. Brügger, toutes ces roches,
proches parentes par leur genèse, devront être
réunies dans une même famille, mais devront être
distinguées par des noms spéciaux.
La série des grorudites, des sülvsbergites et des
tinguaïles est une série de roches diaschistes;
chacune de ces roches se différencie de la roche de
profondeur correspondante par une plus grande
richesse en oxydes de fer, par une moindre teneur
en alumine. Les roches complémentaires, telles
que la lindüite, différenciées du même magma
inilial, sont, par contre, plus riches en alumine et
moins riches en oxydes de fer.
On peut se demander si la différenciation des
roches de la série des grorudites et des tinguaïtes
s’est faite au niveau des laccolithes ou à une plus
grande profondeur. M. Brügger se prononce pour
la deuxième alternative: car, nulle part, les lacco-
lithes de granites sodiques ou de syéniles sodiques
neprésentent sur leurs bords le faciès hypabyssal
desgrorudites et des sülvsbergites.
: Le magma primaire aurait donc donné directe-
ment naissance au magma des laccolithes, d’une
part, aux magmas des dykes diaschistes et des
dykes complémentaires, de l’autre.
Emile Haug,
Chef des Travaux pratiques de Géologie
à la Faculté des Sciences de Paris.
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
1099
ACTUALITÉS
SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
UN NOUVEAU SYSTÈME DE TRAMWAY A CONDUCTEUR SOUTERRAIN — NOUVEAUX APPAREILS LE DÉBRAYAGE
ET FREINAGE AUTOMATIQUES
La question des tramways à conducteur souterrain
est en ce moment étudiée par beaucoup d’inventeurs,
et un bon nombre de systèmes ont déjà été proposés.
C'est qu’en effet, si le trolley aérien a pour lui l’avan-
tage du bon marché, il a aussi l'inconvénient d'offrir
un aspect fort peu artistique, dans les courbes et les
croisements tout au moins. Par suite, il y a actuelle-
ment une tendance à restreindre son emploi aux
villes secondaires où les questions d'esthétique sont
de faible importance, et aux faubourgs ou banlieues
des villes principales, qui veillent avec un soin jaloux
à la beauté de leurs rues. Même de l’autre côté de
l'Océan, en Amérique, il semble qu’une place soit sur
le point de se faire pour le conducteur souterrain, à
côté de la place très large qu'occupera toujours, par
la force même des choses, le conducteur aérien. Car
Tige au trolley portée
par le tramway
Niveau du _so/
= a À NI
Lt tnt ie de à din ln de
Fig. 1.— Coupe du caniveau contenant les conducteurs. —
C, conducteur principal; a b, petites tiges métalliques ; L, le-
vier: p, pivot; D, conducteur sectionné ; T, tige de trolley ;
t, trolley; B, brosse. :
les endroits d'où on veut bannir celui-ci, sont peu nom-
breux, et il conserve, somme toute, la part du lion.
Le fil qui amène le courant peut être nu sur toute sa
longueur et placé sous la voie dans une galerie laissant
un passage longitudinal pour le frotteur ou trolley
servant de liaison avec les moteurs de la voiture. Mais
les isolateurs sont alors constamment couverts d’hu-
midité et salis par les boues. ILest difficile de main-
tenir un bon isolement, et de fréquents nettoyages
sont nécessaires. Dans d’autres systèmes, le conduc-
teur est logé dans un conduit complètement fermé.
Par un moyen magnétique ou mécanique, il est relié,
au moment voulu, avec les moteurs. Enfin, le càâble
principal peut être tout à fait enterré, et suscep-
tible d’être mis en communication avec une série
de tronçons de conducteur, isolés les uns des autres,
placés à fleur de sol ou dans un endroit accessible,
Les contacts sont établis par la voiture elle-même
pendant son passage. Le mauvais isolement du conduc-
teur sectionné est ici de peu d'importance, puisqu'il
n’est jamais traversé par le courant que dans une
faible longueur.
C'est à ce dernier type que se rattache le système
dont nous voulons dire quelques mots aujourd’hui,
système dû à M. John La Burt et exploité par The
Burt Electric Railway Company de New-York 1. La
figure 4 en donne le détail, Le conducteur isolé C, est
de distance en distance, connecté à une petite tige
métallique a, terminée par une ouverture conique en
face de laquelle se trouve l’extrémité d’une seconde
tige b, portée par un levier L oscillant autour d’un
pivot p et soutenant l'un des bouts d’un troncon
du conducteur sectionné D. Les divers troncons de
celui-ci sont réunis par des cordes flexibles isolantes.
La hauteur du trolley { est réglée de telle facon qu’il
soulève D lors de son passage et, au moyen de L, éta-
blisse ainsi le contact entre « et b. Considérons (fig. 2,
position 1) le moment où le trolley vient d'arriver en b;
Position 1
Position 2
c l TTL ñn
€
À (4 B de D
Position 5
c {À mn n
€
de
A ab B DRE
Position 4
c l 7 n
A «a B
de
Fig. 2.— Fonclionnement du conducteur seclionné. — Pour
simplifier la figure, le conducteur C estsupposé placé au-
dessus du conducteur sectionné auquel il peut être relié par
les contacts / mn.— A, B, D, différentes parties du conduc-
teur sectionné.
les sections À et B sont alors reliées au conducteur.
Lorsque le trolley est en c, il soulève entièrement la
barre B, mettant A, B et D en communication avec C
(fig 2, position 2); quand il est en d, les extrémités «
et b s'abaissent et le contact cesse pour A (fig. 2, posi-
tion 3). Il cessera pour B lorsque le trolley sera par-
venu en f, extrémité de D (fig. 2, position 4). Le net-
toyage du caniveau qui contient le conducteur D (fig. 1)
se fait automatiquement au moyen d'une brosse B
portée par la tige T. L’axe de cette brosse est
disposé de telle facon que, par suite du frottement
contre les parois, elle prend un mouvement de rota-
tion sur elle-même. Afin que le courant ne soit pas in-
terrompu pendant le passage d’un tronçon au suivant,
le trolley est double et se compose de deux petites pou-
lies placées l’une en avant de l’autre.
Tel est le fonctionnement du système, théoriquement
assez simple, mais dont nous ne pouvons, faute de ren-
seignements, juger la valeur pratique,
1 The Electrical World, du 5 octobre 1895.
1100
cautions pourdéfen dre contre les accidents les ouvriers
qui, parce qu'ils se sont à la longue accoutumés au
danger, s’y exposent souvent avec la plus grande im-
prudence. Aussi les appareils de sûreté, quel que soit
appartiennent, présentent-ils tou-
intérêt, Ceux que nous décrivons
Les industriels ne sauraient prendre trop de pré- |
le genre auquel ils
jours le plus grand
aujourd’hui sont
dus à M. Franchet,
d'Elbeuf, Ils ont
une qualité dont on
se rend facilement
compte au premier
examen : c’est leur
grande simplicité.
En voici le principe:
Un cordon A (fi-
gure 1), dit cordon
de sirelé, passe au-
dessus de toutes les
poulies d'un arbre
de transmission T,
T. Ce cordon est
attaché (fig.2),d’une
part en un point fixe
a, d'autre part à l’u-
ne des extrémités À
d'un ressort B dont
l’autre extrémité b
est immobile, En
est également ac-
croché un levier
coudé et à déclic
C, pouvant pivo-
ter autour d'un axe
g. Cevlevier (Gen
maintientun second
E, dont le pivot est
en eet dont le bras
horizontal est solli-
cité de haut en bas
par un contrepoids
F. Son bras vertical
porte une ouverture
dans laquelle est
engagé un doigt d
guidant une règle D,
capable seulement
d’un mouvement la-
téral horizontal .
Tout ce qui précède
constitue l'appareil
de débrayage. Nous
verrons tout à l'heu-
re comment il fonc-
tionne.
L'appareil de frei-
nage est réalisé par
un levier L pouvant
tourner autour d’un
axefet portant d’un
côté un contre -
poids H, de l’autre
un sabot I, En temps ordinaire, une chaîne G, attachée
au bras horizontal de E, empêche le mouvement que H
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES
k B
LEA]
=
ans
Fig. 1. — Vue générale de
l'appareil Franchetl disposé au-dessus
série de poulies.
d'une
Fig. 2. — Appareil Franchel dans sa position normale.
A, cordon de sürelé ; ?
coudé; F, contrepoids; G, chaîne; H, contrepoids ;
J, poulie; K, arbre de transmission; &, b, points fixes; d, doigt conduisant
nl
B, ressort; C, levier à déclic; D, verrou; E, levier
I, sabot de frein;
le verrou D; e, f, g, pivots.
Fig. 3. — Appareil Franchet après son fonctionnement.
Les lettres ont la mème signification que dans la figure 2. — M est le corps
qui à déterminé le fonctionnement de l'appareil.
tend à imprimer à L.
Supposons qu'un corps quelconque M (fig. 3) vienne
appuyer sur le cordon de sùreté, le ressort B se détend,
le levier C tourne autour de get rend libre E (fig. 2)
qui cède (fig. 3) à l’action du contrepoids F et entraine
la règle D. Celle-ci, avons-nous dit, est assujettie de
manière à ne pouvoir prendre qu'un mouvement hori-
zontal de translation. Sur la figure 3, nous avons
indiqué en traits mixtes sa position primitive, en traits.
pleins sa position actuelle. Si donc cette règle 1 porte
une fourchette entre les dents de laquelle passe une
courroie, celle-ci seraentrainée latéralement et amenée, .
par exemple, à passer d’une poulie fixe sur une pou-
lie folle, ce qui arrêtera toute une ligne de transmis-
De
sion. La règle D
peut aussi conduire
dans son mouvye-
ment le manchon
d'un embrayage à
friction.
D'autre part, au
moment où le
contrepoids F s’est
abaissé, la chaîne G
s'est détendue et à
permis au conire- |
poids H de projeter.
le sabot I sur une
poulie J apparte-
nant à la transmis-
sion qui venait
d’être débrayée. On :
a ainsi produit un.
puissant effet de
freinage.
Le cordon de sü-
reté A, que nous
avons représenté
assez Court sur nos
figures, est en réa-
lité beaucoup plus
long. Il passe (fig. {)
au-dessus et aussi …
près que possible ‘
de toutesles poulies
fixées .sur l'arbre
detransmissionque
l'on veut protéger.
Supposons qu'un
corps quelconque,
parexemple la main
d'un ouvrier, se
trouve prise entre
une courroie etune
poulie. L'homme
est entrainé par la
poulie et vient bu-
ter contre le cor-
don A. Immédiate-
tement le déclic G
(fig. 2 et 3) fonc-
tionne et l'arbre
s'arrête.
D'autre part, il
peut arriver qu'un
ouvrier se trouve
pris dans un engre-
nage commandé par
l'arbre de transmis-
sion. Dans ce cas,
l'un de ses voisins peut lui venir tout de suite en aide;
il n’a, pour cela, qu'à agir, au moyen d'une perche,
sur le cordon A. Gräce à cette disposition, l’ouvrier
succès.
qui veut secourir son camarade n’a
au loin et souvent à l’extrémité de l'arbre pour en
arrêter la rotation. C’est sur place même qu'il agit;
la rapidité de son intervention est ici une chance de
pas à courir
A. GAY,
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique.
NT DOFUS A
DORE PORN A RES SU et EN NN PES À LT er
es ET < 2") AR £
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
1101
1° Sciences mathématiques.
Lelieuvre (M.), Professeur au Lycée et à l'École prépa-
_ saloire à l'Enseignement supérieur de Rouen. — Sur
_ les surfaces à génératrices rationnelles, (Thèse
de Doctorat présentée à la Facullé des Sciences de Paris.)
4 vol. in-8° de 107 pages. Gauthier- Villars et fils, im-
primeurs-libraires , 55, quai des Grands-Augustins,
Paris, 1895.
Supposons les trois coordonnées d’un point sur une
surface S exprimées à l’aide de deux paramètres fetu,
rationnellement en f{. Les courbes unicursales G,
u — Ce, sont alors les génératrices rationneiles de S. On
peut choisir { de facon qu'à un point de G corresponde
une valeur unique de t. Si cela est, M. Lelieuvre dit que,
sur la surface $, les lignes G sont divisées homographi-
quement par les lignes { — Ct°.
Sout considérées ensuite, les courbes E de S inté-
grales de l’équation H :
p=m
dt \r
ASE ms
> ï es) Re
p=0
où les = fonctions A, sont des polynômes en { à coeffi-
Le quelconques en u. Dans le type E rentrent les
ignes :
CHANT EPERMPMM RE Toe l
Trajectoires orthogonales .... | des G sur S
Asymptotiques...............
EUR IT AS ME eat de ete note /
( de la surface S
C’est ce qui explique l'intérêt du problème.
Une attention spéciale est méritée par les équations
H, du type de M. Fuchs, à poinis critiques fixes. Alors
A} doit être en t de degré égal ou inférieur à 2p. Si
cela est, l’auteur dit que H est « normale ». Sont étu-
diées à ce point de vue, les surfaces S réglées (G est
une droite) et cerclées (G est un cercle); on trouve ou
retrouve ainsi, par des considérations générales et
simples, beaucoup de résultats géométriques élégants.
Telle est la matière de la première partie de la thèse ;
la seconde est consacrée aux relations mutuelles entre
les courbes E et les courbes { — C!°. Une discussion
géométrique approfondie est développée pour le cas
où G est plane ou cubique gauche, les E étant les con-
juguées de G surS et divisant harmoniquement G. C'est
‘le sujet de la troisième partie. On cherche aussi à
reconnaitre, dans le cas indiqué, quand l’équation H,
relative aux asymplotiques, est normale, puis à inté-
grer H.
En résumé, très intéressante thèse, dont je regrette
vivement de ne pouvoir exposer plus en détail les im-
portantes théories géométriques.
; Léon AUTONNE.
Greenbhill (Alfred Georges), F. R. S. Professor of
Mathematics in the Artillery College of Woolwich. —
A Treatise on Hydrostatics. — 1 vol. p2tit in-8°
de 536 pages, avec fig. (Prix : 9 fr.). Macmillan and C”,
London and New-York, 1895.
Malgré son petit format et sans serrer outre mesure
le texte, ce traité est extraordinairement plein de ren-
seignements variés et précis. Chacune des plus récentes
applications de l’Hydrostatique aux problèmes pra-
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX :
tiques les plus variés est exposée à sa place naturelle,
accompagnée des renvois bibliographiques nécessaires.
A titre d’exemple.analysons les questions traitées dans
le chapitre X, Pression des liquides dans les vuses en mou-
vement, p. 423-461 : — Effet d’une mise en mouvement
brusque vertical ou horizontal. — Pression dans un
vase qui tourne autour d’un axe horizontal, roue hy-
draulique, — ou dans un bateau qui oscille; — dévia-
tions apparentes de la verticale, application à la charge
des navires à grains ou à pétrole ; — vase tournant au-
tour d’un axe vertical; — appareils à séparer le lait de
la crème. — Position d’un corps flottant sur le liquide
tournant. — Mesure de la vitesse de rotation au moyen
du changement de forme de la surface du mercure
tournant. — Surface libre de l'Océan.
Voici la table des matières :
I. Principes fondamentaux, — II. Pression hydrosta-
tique, — III. Principe d’Archimède, Balance hydrosta-
tique, Aréomètre. — IV. Equilibre et stabilité des corps
flottants et des navires. — V. Equilibre des corps flot-
tants de forme régulière et des corps en partie
appuyés. Oscillations des corps flottants. — VI. Equi-
libre des liquides dans les tubes courbes ; Thermomè-
tre; Baromètre; Siphon. — VII. Pneumatique, lois des
gaz. — NII. Machines pneumatiques. — IX. Tension
des vases. Capillarité. — X. Pression des liquides
dans les vases en mouvement. — XI. Hydraulique. —
XII. Equations générales de l’Equilibre. — XIII. Théo-
rie mécanique de la chaleur, Tables numériques.
Bien entendu, l’auteur a fait un large usage du cal-
cul différentiel élémentaire ; «il est plus facile de l'ap-
prendre que de suivre une démonstration où l’on tente
de s’en passer. » On a apporté un soin particulier aux
applications aux constructions navales, et les Transac-
tions de l'Institution des « Naval Architects » ontétélar-
gement mises à contribution pour les exemples. — Les
dessins ont été dressés exactement à l'échelle — « On
« n’a pas essayé de rivaliser avec les belles figures om-
« brées des traités francais, dans la crainte d’obseurcir
«les principes essentiels. » k
Comme pour tant d’autres ouvrages anglais, on ne
peut que conseiller la lecture de ce livre, ne lui con-
naissant aucun analogue en France.
MarceL BRILLOUIN.
Dudebout et Croneau, Ingénieurs de la Marine. —
Appareils accessoires des Chaudières à vapeur.
— 1 vol. petit in-8° de 176 pages avec 46 figures de
l'Encyclopédie scientifique des Aide-mémoire, publiée
sous la direction de M. H. Léauté, membre de l’Institut.
(Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 francs.) Gauthier -
Villars et fils et G. Masson, éditeurs, Paris, 1895.
Voilà un petit volume plein de choses, écrit avec un
ordre et une méthode digne d’éloges, dans lequel les
industriels trouveront de précieux renseignements et
des descriptions fort claires : nous ne saurions en dire
davantage pour leur en recommander la lecture. Quel-
ques-uns d’entre eux promèneront leur regard perpen-
diculairement aux lignes à travers cinq ou six pages de
formules relatives à la théorie des injecteurs, mais c’est
la seule excursion que les auteurs se soient permise en
dehors du domaine pratique. :
Un premier chapitre est consacré aux appareils des-
tinés à assurer le fonctionnement normal des chau-
dières; le second décrit les appareils de contrôle, le
troisième les appareils de sécurité.
Cette division est nette et très rationnelle, et elle
renferme tout le programme de ce livre, qui est très
complet, A. Wurz.
1102
2° Sciences physiques.
Gérard (Eric), Professeur à l'Université de Liège, Di-
recteur de l'Institut Electro-technique Montefioré. —
Mesures électriques. (Leçons professées à l'Institut
Montefiore)., — 1 vol. in-8° de 458 pages avec 198 fig.
(Priæ relié : 12 fr.) Gauthier- Villars et fils, Paris, 1896.
IL est peu d'hommes qui joignent au même degré
que M. Eric Gérard la connaissance profonde des
choses pratiques à la limpidité cristalline de l’exposi-
tion. La faveur avec laquelle le public accueille ses
ouvrages, empreints de ces éminentes qualités, est une
preuve de plus qu'ils viennent à leur heure, et
s'adaptent merveilleusement à un besoin du moment.
Les Mesures, qui viennent de paraître, forment une
suite digne des Leçons de l’éminent professeur. Très
moderne, documenté à fond, cet ouvrage contient,
en des phrases dont tous les mots portent, sans qu’au-
cun d’eux puisse être relranché, l'exposé des méthodes
employées pour la mesure de toulesles grandeurs élec-
triques, soit dans les laboratoires, soit dans l’industrie.
L'ouvrage est divisé en trois parties: dans la pre-
mière, on entre en matière par un exposé des prin-
cipes généraux qui doivent guider dans toute expé-
rience de laboratoire. Ce premier chapitre ne saurait
être trop lu et relu par ceux-là mêmes qui ont déjà
fait leurs preuves en la matière. En somme, le
calcul des erreurs possibles ou probables des mesures,
tout utile qu’il est dans certains cas, est bien illusoire
dans la plupart des recherches un peu compliquées.
Là, le bon sens, la connaissance intime des méthodes
sont le guide le plus sûr de l’expérimentateur. Mais le
bon sens lui-même peut, en quelque mesure, être dé-
veloppé par l’éducation, et c’est cette éducation du
coup d'œil de l’expérimentateur dont l’auteur pose les
principes dès le début. L'introduction est close par
deux chapitres consacrés aux mesures géométriques et
mécaniques et aux expériences photométriques.
Puis viennent, dans les trois parties composant le
reste de l’ouvrage, les chapitres dans lesquels sont
traitées les mesures électriques et les mesures magné-
tiques, enfin, un grand nombre d'applications à des
exemples pratiques. On à appris, dans les chapitres
précédents, à connaître les instruments et les mé-
thodes dans toute leur généralité: ici, on les combine
dans des problèmes spéciaux, plus ou moins com-
plexes, tels que la mesure de la résistance des terres,
l'isolement des canalisations, les constantes des lignes
télégraphiques, l'essai des réseaux électriques.
Signalerons-nous quelques imperfections notées au
passage? Dans le premier chapitre, une terminologie
des erreurs, tout aussi rationnelle, il est vrai, que la
terminologie officielle, s’en écarte sans une raison
suffisante, et sans que l’auteur le fasse observer. Dans
les mesures photométriques, où M. Eric Gérard s’est
inspiré des idées réformatrices de M. Blondel, il eût
convenu de pousser la chose à fond, en abandonnant
définitivement l’expression d'éclat intrinsèque, le quali-
ficatif étant parfaitement inutile, et ne faisant qu'em-
brouiller la notion bien nette de l'éclat. Puis une
erreur de fait, dans laquelle sont tombés, du reste, la
plupart de ceux qui ont fait de la photométrie photo-
graphique, savoir, que la lumination, produit de l’éclai-
rement par sa durée, est le facteur unique, ou à peu
près, de l’effet photochimique ou visuel. Enfin, l’indica-
tion d’une construction Siemens des boîtes de résis-
tance contient un défaut évident, qui a trompé plus
d’un physicien. Ces petites exceptions dans un ou-
vrage tel que les Mesures électriques sont de celles qui
confirment la règle; elles se fondraient dans l’en-
semble si l'ouvrage était médiocre et nous n'aurions
pas eu alors à les signaler. Ch.-Ed. GUILLAUME,
Estaunié (E.), Ingénieur des Télégraphes. — Les
Sources d'Energie électrique. — 1 wol. in-8 de
343 pages avec 144 fig. (Prix : cartonné, 6 fr.) Librairies-
Dnprimeries réunies. 7, rue Saint-Benott. Paris, 1896.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
L
Petit (Paul), Professeur à la Faculté des Sciences de
Nancy, Directeur de l'Ecole de Brasserie de Nancy. —
La Bière et l'Industrie de la Brasserie. — 1 vol.
in-18 de 420 pages, avec T4 fig. de l'Encyclopédie de
Chimie industrielle. (Prix, cartonné :5 francs.) J.-B,
Baillière et fils, éditeurs. Paris, 1895.
M. Petit, par la situation qu'il occupe, par les nom-
breuses relations qu'il a parmi les brasseurs, était
bien désigné pour écrire un tel ouvrage; aussi son
livre constitue-t-il un traité complet de la fabrica-
tion de la bière; les détails techniques abondent et
comportent toujours leur justification théorique; le
livre est bien fait, très soigné et, de plus, il a été écrit
dans un but très louable : celui de continuer l’œuvre
poursuivie depuis quelque temps à Douai par l'Ecole
des Industries agricoles et à Nancy par l'Ecole de
Brasserie, en permettant à notre pays de n'être plus
tributaire de l'Allemagne pour l’enseignement spécial
de la brasserie.
Les travaux de l’illustre Pasteur occupent tout nalu-
rellement la plus grande place dans l'étude de la fer-
mentation, de la conservation et des maladies de la
bière, De nombreuses figures, intercalées dans le
texte, permettent au lecteur de s’éclairer au sujet des
divers organismes étudiés et des différents appareils
employés.
Peut-être cependant, à ce dernier point de vue,
pourrait-on faire à l’auteur le léger reproche de ne
s'être pas assez étendu sur la description des divers
appareils; encore cette lacune s’explique-t-elle par le
fait que l'ouvrage de M. Petit est destiné principale-
mentaux brasseurs,qui ontla grande habitude des appa-
reils susceptibles de fonctionner dans les brasseries.
L'auteur, dont le volume comprend treize chapitres,
a adopté le plan suivant : î
Le premier chapitre, notions générales, renferme
les indications sur les principales substances que lon
rencontre dans l'orge, le malt et la bière, l'étude de
la saccharification et une revue des ferments normaux
et pathologiques de la bière.
Le chapitre n s'occupe des matières premières, orge,
mais, riz, glucose et sucre.
Le chapitre 11, maltage, étudie la germination et le
touraillage, en insistant sur les procédés de fabrication
des malts pour les divers genres de bières et sur le
mallage pneumatique.
Les deux chapitres suivants sont consacrés à l'exa-
men de l’eau, du houblon, de la poix et des autres
substances employées accessoirement dans la produc-
tion de la bière.
Puis viennent les méthodes de brassage relatives
aux fermentations haute et basse, la cuisson, le hou-
blonnage, le refroidissement et loxygénation des
moûts. L'auteur a insisté sur la comparaison entre les
oxygénateurs et les bacs, encore employés presque
universellement,
La fermentation fait l’objet du chapitre 1x; les di-
verses opérations qu'elle comporte sont indiquées
d’une facon très détaillée.
Les maladies de la bière, les remèdes qu'on peut y
apporter, les précautions à prendre pour les éviter
sont exposés; suit une étude sur le contrôle de la
fabrication, qui tend heureusement de plus en plus à
se répandre,
Enfin, l'ouvrage se termine par deux courts cha-
pitres, qui ont trait l’un à la consommation et à la
valeur alimentaire de la bière, l’autre à l'installation
générale d’une brasserie et à l’enseignement tech-
pique, A. HéBERT.
Pionchon (J.). Chargé du Cours d'Electricité indus-
trielle à la Faculté des Sciences de Grenoble. — Leçons
surles Notions fondamentales relatives à l'Etude
pratique des Courants alternatifs. (4° année du
Cours d'Electricité industrielle). — 1 vol in-8° aulogra-
phié de 315 pages avec 102 figures (Prix : 10 fr.)
A. Gratien, éditeur, 23, Grande-Rue, Grenoble, 1895.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
1103
3° Sciences naturelles.
Jacob de Cordemoy (E.), Docteur en Médecine, —
Flore de l'Ile de la Réunion. —- 1 vol. in-8° de
914 pages. (Prix : 20 fr.) Paul Klinchsieck, éditeur,
22, rue des Ecoles. Paris, 1895.
L'île de la Réunion, avec ses deux massifs monta-
gneux réunis par une série de plateaux, constitue une
terre éminemment pittoresque et présente, en outre, au
botaniste une flore des plus variées : car les conditions
de'la végélation se modifient rapidement à mesure que
des bords de la mer on s'élève aux altitudes de
2.500 mètres et même 3.000 mètres (Piton des neiges,
3.069 mètres). Et ces accidents géographiques localisés
sur un territoire peu étendu provoquent, pour certaines
. plantes, une aire de dispersion remarquablement res-
-treinte.
L'ouvrage que M. de Cordemoy consacre à cette
flore si intéressante et si variée ne sera pas seulement
pour les botanistes voyageurs le guide le plus sùr;
mais il constitue, en outre, un document précieux de
géographie botanique. Enfin l’auteur a réservé, avec
raison, une large place aux indications concernant les
propriétés économiques et industrielles des plantes. A
ces divers litres la «Flore de l’Ile de la Réunion » sera,
nous n’en doutons pas, favorablement accueillie et par
les botanistes et par toutes les personnes qui s’inté-
ressent aux productions végétales de nos colonies.
Henri LEcoure.
Trouessart (D'E. L.), Membre de la Société Ento-
mologique de France. — Les Parasites des habita-
tions humaines et des denrées alimentaires ou
commerciales. — 1 vol. petit in-8° de 168 pages et
53 figures, de l'Encyclopédie scientifique des Aide-mé-
more publiée sous la direction de M. H. Léauté, de
l'Institut (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 francs).
Gauthier- Villars et fils et G. Masson, Paris, 1895.
Comme l'indique l’auteur dans son Introduction, le
but de ce petit livre est de réunir en quelques pages,
dégagées de toute érudition inutile, les notions que
l’on possède sur les Insectes que l’on rencontre le plus
ordinairement dans nos maisons, et qui manifestent
leur présence, Soit par leur piqüre, soit par les dégâts
qu'ils commetlent sur les malières qui sont pour
l'homme d'un usage journalier. L'ouvrage est divisé en
deux parlies. La première comprend, après quelques
pages consacrées aux métamorphoses des Insectes, à
l'importance de la connaissance des larves, l'étude
méthodique des différents groupes qui ont des repré-
sentants parmi la faune des locaux habités par l'homme.
La seconde partie étudie les Insecticides, les parasites
et les moyens de les détruire. L'auteur préconise une
série de procédés qui, appliqués exactement à chaque
cas particulier, seront d’un grand secours dans la pra-
tique. Mais toujours le meilleur procédé de se pré-
server de l’action des parasites est encore de prévenir
leur arrivée possible, par les soins de propreté et
l'étanchéité absolue des vases destinés à contenir les
produits susceptibles de destruction.
J. MARTIN.
Encausse (G.), Docteur en médecine de la Faculté de
Paris. — L’Anatomie philosophique et ses divi-
sions, prérédées d'un Essai de Classification mé-
thodique des Sciences anatomiques. — 1 vol in-8°
de 164 p. Chamuel, éditeur, 20, rue de Trévise,
Paris, 1895.
M. Encausse s'est livré à un exercice qui pouvait
être de mode du temps des Philosophes de la Nature,
mais qui a beaucoup moins d'intérêt à notre époque,
où l’on a trop à faire, je le crains, pour discuter posé-
ment des questions de définitions, de subdivisions et
d'accolades.
L'auteur expose assez longuement les opinions de
quelques auteurs français sur la classification des
sciences anatomiques et propose une classification
nouvelle, Dans une seconde partie, il donne des ana-
lyses d’un certain nombre de travaux peu connus d’a-
natomie philosophique (paralléllisme des membres
inférieurs et supérieurs, membres ‘céphaliques, triple
dualité du corps humain, ete.), et termine par des cita-
tions d'Oken, de Spix et surtout d’un certain Malfatti,
qui donnent une bonne idée des effets de l'aliénation
mentale appliquée à l'anatomie,
L. Cuénor,
4° £ciences médicales.
Déjerine (J.), Professeur agrégé à la Faculté de Mé-
decine de Paris, Médecin de l'Hospice de Bicètre et
Déjerine-Klumpke (Mme), Docteur en médecine.
— Anatomie des Centres nerveux. Tome I : Mé-
«THODES GÉNÉRALES D'ÉTUDE. EMBRYOGÉNIE. HISTOGENÈSE
ET HISTOLOGIE. ANATOMIE DU CERVEAU. — À vol. grand
in-8° de 816 p. avec 401 figures dont 4ï en couleurs.
Rueff et Cie, éditeurs, Paris, 1895.
L'étude du cerveau humain comporte déjà une riche
bibliographie, et cependant c’est avec une vive satisfac-
tion que l'ouvrage de M. et M Déjerine a été accueilli
par tous ceux qui s'occupent de Pathologie nerveuse
ou de Psycho-physiologie. '
L'analyse d’un tel livre arrive bien tardivement, mais
elle aura, pour cette raison même, à défaut de l'avan-
tage de présenter un livre nouveau, n'ayant pas encore
subi les critiques des lecteurs compétents, celui de
constater un succès remarquable, non seulement en
France, mais également, nous serions presque tentés
de dire surtout, à l'Etranger.
Et disons-le de suite, si le grand honneur en revient
à l’auteur principal, à Déjerine qui a mis dans ce livre
la quintescence d’un labeur infatigable etininterrompu
de quinze ans de recherches cliniques et anatomo-patho-
logiques, on ne saurait oublier le rôle important joué
par ses collaborateurs et, en premier lieu, celui de
Mme Déjerine-Klumpke qui, associée depuis long-
temps aux recherches de son mari, a apporté, dans ce
travail fait en commun, une collaboration des plus
actives.
Si nous avons parlé de collaborateurs au pluriel,
c'es: que, dans ce livre, l’œuvre de l'artiste joue unrôle
essentiel et qu'il est souvent plus pénible et plus ardu,
pour un dessinateur de talent, de s’astreindre à re-
produire rigoureusement la nature que de laisser de
temps en temps son tempérament d'artiste corriger,
améliorer quelques trajets de fibres peu élégants, de
foncer certains points pour harmoniser le dessin. Or,
dans cet ouvrage, toutes les coupes sont reproduites
avec une exactitude scrupuleuse, une mise au point
mathématique, et, pour ne rien laisser à l'imagination,
presque toutes ont été dessinées après décalques faits
au moyen d’agrandissements faibles, les détails étant
repris sur des agrandissements plus forts.
Enfin, il nous paraît Juste de signaler ici l'initiative
intelhgente de l'éditeur, M. Rueff, qui a su entreprendre
cette publication si riche et si documentée en planches
originales.
Un tellivre ne se résume pas, nous dirons même qu'il
ne se lit pas, entendant par là qu’à l'exception des pre-
miers chapitres, cet ouvrage constitue, surtout et avant
tout, un véritable atlas du système nerveux cérébral,
mais un atlas documenté, développé, pourvu d'une série
de considérations indispensables. C’est aujourd’hui
le livre qu'il faut avoir quand, étant en présence
d’une pièce intéressante, dont l'examen présente des
difficultés d’interprétation, on veut s'appuyer sur un
guide éclairé, sur un contrôle sérieux.
Des ouvrages decette nature ne sauraient être jugés,
appréciés à la première lecture. Le livre de Déjerine
est en réalité un instrument de recherches: c’est seu-
lement après l'avoir manié qu’on peut tenter de porter
un jugement.
Le premier volume, le seul paru actuellement, com-
prend deux parties :
1104
Dans la première on trouve exposées toutes les tech-
niques utilisées pour l'étude du système nerveux. Nous
sommes loin de l’année 1824, quand Rolando faisait les
premières coupes minces dans les centres nerveux.
Les méthodes de durcissement, qui permirent à
Sulling de faire les coupes en séries, ont fait, dans ces
dernières années, de rapides progrès grâce-aux acqui-
sitions nouvelles que l’Histologie doit à la Chimie et à
l’ingéniosité des constructeurs.
Il en est de même des procédés de coloration et on
peut suivre les progrès successifs réalisés depuis l’em-
ploi du carmin par Gerlach jusqu'aux méthodes si élé-
ga ntes et si instructives de Golgi et de Ramon y Cajal.
Ces méthodes sont évidemmentconnues des histolo-
gistes, elles sont reproduites dans tous les ouvrages
spéciaux; mais, Ce qui donne un cachet d'originalité
spéciale au chapitre consacré à leur exposition, c’est
qu'on sent bien vite que l’auteur les a essayées, em-
ployées, que ses critiques ou ses approbations sont ap-
puyées par l'expérience, qu'il n'existe pas de partipris
en faveur de l’une d’elles, mais que,suivant le but cher-
ché, chacune peut donner des résultats heureux.
On trouve dans le volume des coupes du cerveau en-
tier, en grandeur naturelle, coupes qui, ainsi que nous le
signalions plus haut, ont étédécalquées sur des pièces
originales agrandies. La technique employée pour ob-
tenir de telles pièces, la description des microtomes
monstres, des microscopes à dispositif spécial, de l’ap-
pareil à projection utilisé pour obtenir les décalques,
intéresseront ceux qui voudront marcher dans cette
voie.
Dans les chapitres qui suivent, Déjerine expose nos
connaissances actuelles sur le développement du sys-
tème nerveux, sur l'histogenèse et l'histologie des élé-
ments nerveux.Cette mise au point était nécessaire avant
d'aborder l'étude complète des centreseux-mêmes. Il est
impossible, en effet, de comprendre l’anatomie des
centres nerveux et leur physiologiesans connaître l’his-
toire de leur développement. Un grand nombre des
planches sont ici empruntées au remarquable travail
de His, quelques-unes à l’atlas embryogénique de
Mathias Duval; mais un certain nombre de fisures sont
dessinées d’après nature, et, bien que Déjerine n’ait pas
pour les schémas une tendresse exagérée, préférant la
reproduction scrupuleuse de la nature, nous devons si-
gnaler ici les excellents schémas 52 à 63 dans lesquels
il montre la formation des noyaux cérébraux, mode
si important pour la conception, aujourd'hui encore
si vague, des fonctions de ces noyaux émis de la péri-
phérie vers l’intérieur.
Le chapitre consacré à l’histologie générale du sys-
tème nerveux de l’adulte est très intéressant, par-les
faits nouveaux qu'ilmet en relief, La conception ancienne
de Gerlach sur les anastomoses qui réunissent entre
elles tous les éléments nerveux est aujourd'hui renver-
sée. La brillante conception du. neurone appuyée sur
les travaux de Golgi, de Forel, de His, de Ramon y
Cajal, règne aujourd’hui en maitresse, La découverte
des collatérales du cylindre-axe est venu, sinon simpli-
fier, tout au moins éclairer d’un jour nouveau les idées
sur les différents modes de conduction dans les centres,
sur le rôle réciproque joué par les cellules entre elles.
La deuxième partie consacrée à l'anatomie du cerveau,
est la plus originale, Dans la première partie, ce sont
plutôt les qualités du professeur, la clarté de l’expo-
sition et la mise au point des questions nouvelles, que
nous avons eu à signaler; mais, dans la deuxième par-
tie de l'ouvrage, c'est surtout le travail personnel de
Déjerine qui apparaît,
L'étude des travaux étrangers sur la morphologie
cérébrale est rendue plus difficile encore par la déter-
mination différente que chaque auteur ou tout au moins
chaque Ecole donne aux circonvolutions cérébrales :
aussi est-on reconnaissant à Déjerine d'avoir traité lar-
sement celle question de la synonymie, On pourra,
grâce à ce travail, suivre avec moins de peine les travaux
élrangers dans le texte original,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
Le cerveau est examiné systématiquement par des
séries de coupes microscopiques, mais les auteurs ont
insisté sur la nécessité d'étudier comparativement des
séries faites suivant des directions différentes, C’est le
seul procédé permettant de se rendre compte de la
marche des faisceaux. Aussi ont-ils donné trois séries
différentes, les unes faites suivant le sens horizontal,
les secondes suivant le sens verlico-transversal, en-
fin les troisièmes sagittales. Il suffit de comparer les
coupes se rapportant aux corps opto-striés, à la région
de la capsule interne, pour constater les différences
d'aspect de ces régions et l'utilité d’une telle multipli-
cation des séries :
Sigalons, parmi les déductions nouvelles inspirées
de l'étude de ces coupes : la division de la capsule in-
terne en deux régions, l’une supérieure ou thalamique,
l’autre inférieure ou sous-thalamique, — et, dans cette
région sous-thalamique, la discussion sur l’origine du
faisceau de Turck, qui dérive, d’après Déjerine, non du
lobe occipital, mais du lobe temporal ; — enfin le déve-
loppement donné à l’étude de la région sous-optique
de Forel, permettant de savoir la marche des fibres
nerveuses qui, provenant de l'écorce ou des corps opto-
striés, traversent cette région pour gagner la calotte et
le bulbe.
Après avoir étudié, dans un chapitre spécial, la struc-
ture des circonvolutioes cérébrales, les auteurs abordent,
dans le dernier chapitre de ce volume l'exposition des
systèmes de radiation et d'association. C’est, après le
travail analytique si rigoureux des pages précédentes,
un ensemble synthétique des plus intéressants, puisque
la connaissance exacte des trajets des faisceaux d’asso-
ciation, des fibres commissurales pourrait nous donner
la clef de bien des symptômes observés à la suite des
lésions de l’encéphale, Mais combien d'erreurs ont été
professées déjà sur le trajet et sur le rôle de ces diffé-
rents faisceaux commissuraux ! Erreurs qui auraient
pu être éyitées peut-être, si l'analyse avait été pour-
suivie avec plus de rigueur. L'étude critique du fais-
ceau sensilif ou faisceau longitudinal inférieur est cu-
rieuse à cet égard, mais nous ne pouvons insister ici.
Nous terminerons cette analyse, incapable de donner
une idée suffisante de l’œuvre de M. et Mme Déjerine,
en exprimant le souhait qu'après avoir suivi avec eux
le trajet des fibres d'association et des fibres commis-
surales, nous puissions suivre bientôt, sous leur direc-
tion, les fibres de projection, dont l’étude doit commen-
cer le second volume.
Dr P. LaxGLois.
Lyon (Dr Gaston), Chef de Clinique médicale à la Fa-
culté de Médecine de Paris. — Traité élémentaire de
Clinique thérapeutique — 1 vol. in-8° de 96% pages
(Prix : 15 fr.). G. Masson, éditeur, 120, boulevard Saint-
Germain, Paris, 1895.
M. le D'G. Lyon a réuni dans cet ouvrage les divers
moyens thérapeutiques actuellement employés. Toutes
les maladies, quelque appareil ou quelque système
qu'elles affectent, sont passées en revue, et leur des-
cription est suivie de la méthode de traitement qui leur
est généralement appliquée.
Certaines questions, et, en particulier, les maladies
de l'estomac, ont été traitées par M. G. Lyon avec
une compétence spéciale. Les notions fournies par
l'examen chimique du suc gastrique, par le chimisme
stomacal sont exposées avec précision et détail. :
La thérapeutique générale des dyspepsies s'appuie
donc sur des données scientifiques d’une certaine
rigueur, : <
Ce livre, qu'on ne peut analyser ici aussi longuement
qu'il l’exigerait, puisqu'il embrasse toute la pathologie
interne, est exclusivement destiné au public médical.
Il a été composé avec soin, élaboré avec patience. Les
formules médicamenteuses en ont été choisies et sim-
plifiées. Les indications des divers modes de traitement
y sont données avec d’amples CÉÉRPR RENE d
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1105
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS fonction dans tout le domaine considéré. — M, Paul
Séance du 2 Décembre 1895.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — MM. G. Rayet et L. Pi-
cart adressent leurs observations de la comète Perrine
(16 novembre 1895) faites au grand équatorial de Bor-
deaux. La Comète se rapproche rapidement du Soleil
et de la Terre; elle doit devenir très belle. — M. Ros-
sard communique les observations de la comète Swift
(1895, 20 août) faites au grand télescope, et de la co-
mète Perrine (1895, 16 novembre) faites à l'équatorial
de 0°,25, à l'Observatoire de Toulouse. — M. Auric
compare la durée de l’année solaire avec celle des di-
vers calendriers; le calendrier perse donne la valeur la
plus approchée, mais il est possible d'obtenir une
approximalion plus grande qu'avec ce dernier calen-
drier, en admettant que toutes les années dont le mil-
lésime est divisible par 4 sont bissextiles sauf celles
dont le millésime est divisible par 128. L'approxima-
tion devient ainsi dix fois supérieure à celle du calen-
drier grégorien. — M. Emile Picard a indiqué autre-
fois une voie à suivre pour étendre aux équations diffé-
rentielles linéaires ia théorie de Galois relative aux
équations algébriques; il montre aujourd'hui qu’une
équation auxiliaire, jouant un rôle essentiel, est définie
dans son travail d’une facon trop particulière et qu'on
est conduit de la manière la plus satisfaisante à la
notion de groupe de transformation d’une équation
linéaire, groupe qui est entièrement l’analogue du
groupe de Galois pour une équation algébrique. —
M. H. Poincaré fait une remarque sur un mémoire de
M. Jaumann intitulé : « Longitudinales Licht »; il
montre que les conséquences de la théorie proposée
par l’auteur sont en contradiction avec les faits. —
M. G. Floquet considère une équation différentielle
linéaire, homogène, à coefficients elliptiques, demêmes
périodes 2 w et 2 w', et développe sur un exemplesimple
une méthode qui, dans certains cas, permet d'obtenir
aisément les conditions d’uniformité de l'intégrale
générale, puis son expression sous forme explicite, —
M. J. Beudon étend la méthode de Cauchy aux sys-
tèmes d'équations aux dérivées partielles d'ordre quel-
conque, en démontrant le théorème suivant : Etant
donné un système complètement intégrable, définissant
z en fonction de æ,... x, et tel que toutes ses équations
ont été amenées à être du même ordre p, si la diffé-
rence entre le nombre des dérivées d'ordre p de z et
le nombre de ces équations est inférieur au nombre
des variables, la méthode de Cauchy est applicable et
le système jouit des mêmes propriétés que les systèmes
d'équations aux dérivées partielles du premier ordre.
Dans le cas contraire, on devra employer la méthode
de M. Darboux pour compléter le nombre des équa-
tions. — M. Emile Borel, qui a indiqué autrefois pour
les fonctions d’une variable réelle, admettant dans un
intervalle donné des dérivées de tous les ordres, un
développement en série tel que les dérivées de Ja fonc-
tion s’obtiennent en dérivant la série terme à terme,
a étendu ce théorème à une fonction de deux variables
réelles, æ, y, admettant des dérivées partielles de tous
les ordres dans un rectangle, par exemple dansle carré
défini par les inégalités :
EEE + 7
— T < y EL TL T-
De plus, le développement est convergent ainsi que
toutes ses dérivées partielles (prises terme à terme) et
ces dérivées représentent par suite les dérivées de la
Adam démontre que la sphère et le cylindre sont les
seules. surfaces qui, dans deux translations rectilignes
distinctes, que l’on peut (d’après la théorie des sys-
tèmes triples orthosonaux) toujours supposer rectan-
gulaires, engendrent une famille de Lamé.
2° SCIENCES PHYSIQUES. — Ch. V. Zenger adresse une
note ayant pour titre : «Etudes de Physique moléculaire»,
où l’auteur dit avoir trouvé une relation simple entre
la densité et la chaleur spécifique des éléments chi-
miques, relation qui permet d'envisager sous un jour
nouveau les actions moléculaires qui ont présidé à la
formation des éléments eux-mêmes. — M. D. Hurmu-
zescu a effectué une nouvelle détermination du rap-
port ventre les unités électrostatiques et électromagné-
tiques, en utilisant la méthode de Maxwell, fondée sur
la mesure des forces électromotrices, et en modifiant
cette méthode de facon à la rendre aussi précise que
les autres procédés. La valeur de r est comprise entre
3,000 5.141010 et3,0020.1010, — M, Georges Lemoine a
étudié la décomposition provoquée par la lumière
dans les dissolutions de chlorure ferrique et d'acide
oxalique et utilise cette décomposition pour mesurer
l'intensité de la lumière. L'auteur conclut, au moins
comme première approximation, que la décomposition
chimique du mélange de chlorure ferrique et d’acide
oxalique est proportionnelle à l'intensité lumineuse.
La réaction n’éprouve pas sensiblement de relard au
début et cesse, ou à très peu près, avec la suppression
de la lumière. — M.Ch. Moureu areconnu la présence
de l’argon et de l’hélium dans la source naturelle de
Maizières (Côte-d'Or); de plus, le volume de ces deux
gaz est compris entre le 1/10 et le 1/5 du volume total.
— M. Henri Moissan areconnu la présence dusodium
dans l’aluminium préparé par électrolyse à la Praz
(France), à Neuhausen (Suisse) et à Pittsburg (Etats-
Unis); la teneur varie entre 0,1 et 0,3 %. Le sodium
rend l'aluminium beaucoup plus facilement attaquable,
car tout alliage non homogène est d’une conservation
difficile : il se forme des petits éléments de pile qui
facilitent les réactions chimiques. — MM. Troost et
Ouvrard se sont demandé si les gaz argon et hélium,
qui existent dans les eaux sulfureuses de Cauterets,
proviennent simplement de l'atmosphère. Dans ce but
ils ont examiné les gaz extraits de l’eau de Seine, et de
l’eau de mer; ceux-ci donnent des traces à peine sen-
sibles, et même souvent douteuses, du spectre de l’hé-
lium. L'hélium contenu dans certaines eaux minérales
provient probablement des roches contenues dans les
terrains (raversés par ces eaux minérales. — M. Bou-
chard ajoute que les propriétés médicinales de ces
eaux ne sont pas dues à l’argon et à l’hélium, mais
peut-être à des combinaisonsde ceséléments.—M.Louis
Campredon donne un procédé pour déterminer expé-
rimentalement le pouvoir agglutinant des houilles; il
consiste à mélanger la houille avec un corps inerte et
à soumettre le mélange à la carbonisation en vase clos.
La houille retient sous forme de culot solide d’autant
plus de matière inerte qu'elle est plus collante. Il
n'existe en outre aucune corrélation entre la compo-
sition d’une houille établie par l'analyse immédiate et
son pouvoir agglutinant. — M. J. Férée a préparé de
grandes quantités d’amalgame de chrome par l’élec-
trolyse d’une solution de chlorure chromique dans
l'acide chlorhydrique; cet amalgame répond à la for-
mule Hy3Cr; comprimé à une pression de 200 kilos par
centimètre carré, il abandonne du mercure et se trans-
forme dans l’amalgame HgCr. Ces amalgames, distillés
dans le vide au-dessous de 300°, donnent du chrome
1106
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
pyrophorique à froid, qui s’enflamme spontanément à
l'air en absorbant à la fois les deux éléments, azote et
oxygène, L'acide carbonique, l'oxyde de carbone,
l'acide sulfureux réagissent immédiatement sur ce
chrome et le portent à l'incandescence. — M. Albert
Colson, en distillant dans le vide le produit de la réac-
tion du chlorure d’acétyle sur le nitrile lactique, a ob-
tenu, outre l’éther acélique de ee nitrile, une masse
visqueuse qui bout à 170° sous une pression de 15mil-
limètres de mercure et donne des cristaux par refroi-
dissement. Ce composé nouveau est un amide com-
plexe répondant à la formule Az H (C2H30) [CO. CH (C?
H5 0?) CH?].— MM. Ph. A. Guye et Ch. Goudet donnent
de nouveaux exemples de la superposition des effets op-
tiques des carbones asymélriques. Le pouvoir rotatoire
d’un corps contenant plusieurs carbones asymétriques
est la somme des pouvoirs rotatoires correspondants à
chacun d'eux. — M. P. Termier a trouvé en Suisse des
échantillons de quartz présentant deux formes nouvelles :
le rhomboèdre ef et le scalénoëdre l,. — M. E. Mau-
menéadresse une note portant pourtitre : « Etude miné-
ralogique », — M. Garrigou-Lagrange, à propos des
effets des révolutions tropiques du Soleil et de la Lune
sur la pression barométrique, présente les conclusions
suivantes : « 1° L’atmosphère éprouve, entre le solstice
d'hiver et l’équinoxe du printemps, sur l'hémisphère
nord, des mouvements d’oscillation correspondant aux
révolutions tropiques du Soleil etde la Lune. Ces oscil-
lations se manifestent par des mouvements baromé-
triques. 2° L'action de la révolution tropique du Soleil
se manifeste par un abaissement continu et progressif
du gradient à partir du solstice d'hiver. L’abaisse-
ment est dû à la jonction des maxima continentaux.
3° La comparaison des années qui présentent le même
caractère montre que l'intensité de l’action [lunaire
est proportionelle à l'amplitude du mouvement de l’astre
en déclinaison. C. MATIGNON.
3° SCIENCES NATURELLES. — M, Ranvier, dans une note
sur la structure des ganglions mésentériques du pore,
dit qu'on trouve à la base du mésentère plus d’une
centaine de ganglions lymphatiques, reposant sur un
organe rubané, constitué par du tissu érectile ou ca-
verneux. Les ganglions ne sont composés que de folli-
cules sphériques, de !/, à !/, millimètre de diamètre,
disséminés dans toutes les parties du ganglion. Ilssont
entourés d’une pseudo-capsule sans être isolés toutefois
du tissu intermédiaire, Les follicules, comme d'’ordi-
naire, sont caractérisés par la présence du réseau ca-
pillaire. En somme, le ganglion tout entier est formé
de tissu conjonctif réticulé et la lymphe peut circuler
dans toutes les mailles de ce réseau. — M. L. Roule
a exploré la Corse au point de vue zoologique. Ily a
surtout étudié les poissons d’eau douce d’abord. L’au-
teur a rencontré des truites, des anguilles et le Blen-
nius Cagnota Val. Cette faune semble être un emprunt
direct à certaines formes marines, sans aucun appoint
fourni par le continent. Quant à la faune marine, les
golfes. d’Ajaccio et de Valinco sont remarquable-
ment riches en Poissons, Crustacés, Mollusques,
M. Caullery, dans une étude sur l'anatomie et la
position systématique des Ascidies composées du
genre Sigillina Sav., montre que ce genre diffère des
Polyclinidæ par la position du cœur et par celle des
organes génitaux. Ce genre diffère également des
Distomidæ, avec lesquels il n’a de commun que la
position du cœur et du testicule et la structure de la
tunique; lPauteur propose de réunir les Sigillina et
une ascidie récemment décrite sousle nom de Poly-
clinopsis dans une famille appelée Polyclinopsidæ. —
M. Maquenne, dans une note sur l'accumulation du
sucre dans les racines de betteraves, établit que l’os-
mose est l’un des facteurs essentiels de l'accumula-
tion des principes immédiats. Puisque l'égalité
n'existe pas entre la composition chimique des diffé-
rentes parties d’une même plante, il faut nécessaire-
ment que la diffusion soit contrebalancée par une
autre influence : c’est ordinairement la transformation
chimique que subissent les principes immédiats au.
cours même de leur migration qui produit cet effet. La
différence de concentration des sucs cellulaires de la
plante.s’explique par ce fait que les pressions osmo-
tiques sont en raison inverse des poids moléculaires
des corps dissous. Le poids moléculaire du saccharose
étant double de celui des glucoses, la concentration
du premier sera le double de celui du second, —.
M Boule étudie les glaciers pliocènes et quaternaires
de l'Auvergne. Les moraines des fonds des vallées du
Cantal sont reconnues comme telles par tous les géo-
logues ; l’auteur démontre que les brèches volcaniques
du sommet des collines et des surfaces des plateaux
sont également des moraines. — M. Fournier décrit
la géologie et la tectonique du Caucase central.
J. MARTIN.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 3 Décembre 1895,
L'Académie procède à l'élection d’un membre titu-
laire dans la troisième section (Pathologie chirurgicale),
en remplacement de M. Verneuil. M. Charles Monod
est déclaré élu. — M. Moncorvo communique ses
recherches sur l'influence du tanin dans le traite-
ment de la diarrhée dans l'enfance. Il a administré le
tanin sous forme de tannigène, combinaison définie
dediacétyl el de tanin, qui se dédouble lentement
sous l'influence des sécrétions alcalines de l'estomac.
Les doses administrées à des enfants de { moisà6ansont
varié de 25 centigrammes à 2 grammes par 24 heures,
Elles ont été très bien supportées etontdonné de bons
résultats là où le salicylate de bismuth et le benzo-naph-
tol avaient échoué. — M. Layetcommunique une série
d'expériences, faites avec- le concours de MM. les
D'S Le Dantecet Benech, pour vérifier l’unicité de
la variole et de la vaccine ; il conclut à la négative. —
M. le D' de Valcourt lit un mémoire sur les bains de
mer à Cannes pendant l'hiver. — M,le D'J. Bertillon
lit un mémoire sur la statistique des hernies.
Séance du 10 Décembre 1895.
Séance publique annuelle pour 1895. —M. Cadet
de Gassicourt lit le « Rapport général sur les prix
décernés par l’Académie en 1895 ». — M. Empis pro-
clame les noms des lauréats des prix. — M.J. Berge-
ron prononce l'éloge de M, Gubler.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 16 Novembre 1895.
MM. Thomas et Roux présentent deux communica-
tions : 4° De l'évocation spontanée des images audi-
tives verbales chez les aphasiques moteurs (aphasie
motrice de Broca); 2° Essai sur la psychologie des as-
sociations verbales et sur la rééducation de la parole
dans l’aphasie motrice. Ils ont constaté qu’en montrant
bien aux malades les mouvements d’articulation, on
arrivait assez rapidement à leur faire prononcer des
syllabes et même des mots. — M, Ch. Contejean a re-
cherché la cause pour laquelle les injections intra-
veineuses de peplone empèchent la coagulabilité du
sang. La peptone n’agit pas directement, mais bien par
un ferment qui se produit par l'irritation desnerfs du
foie, — M. Fournier présente des cultures de pneumo-
coques sur sang délibriné; elles sont plus abondantes
que dans tout autre milieu.
Séance du 23 Novembre 1895.
M. Gley démontre l'intervention du foie dans le phé-
nomène de l'incoagulabilité du sangaprèsdesinjections
intra-veineuses de peptone ; le foie sécrète probable-
ment une substance sous l'influence de la peptone. —
M. Phisalix pense qu'il existe à la fois, dans le sang
de la vipère, un principe toxique et un principe immu-.
nisant, le premier se détruisant sous l'influence de la
chaleur, —M. Rémy-Saint-Loup présente des cobayes …
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1107
ayant quatre doigts aux pattes de derrière, anomalie
. qui s’est étendue à plusieurs générations et qu'ilattri-
bue à un régime particulier qu'il fait suivre à ces ani-
. maux. — M. P. Bonnier a étudié les fonctions de la
vessie natatoire des poissons en relation avec celles
du labyrinthe. — M. Mangin communique ses re-
cherches sur un parasite de la fleur des Immortelles. —
M. Nicolas (de Lyon)envoie une note sur les propriétés
bactéricides du sérumantidiphtérique.—M. Iscovesco
rapporte un cas d’hypothermie dans la paralysie géné-
rale. — M. Beauregard a étudié un bloc d'ambre gris
de 25 centimètres cubes ; on sait que l’ambre gris est
un calcul intestinal du Cachalot. — M. Ch. Henry pré-
sente un nouveau dynamomètre.
Séance du 30 Novembre 1895.
M. Suchard est élu membre de la Société. —
M. Ranvier communique ses recherches sur la struc-
ture des ganglions lymphatiques. Le ganglion peut être
considéré comme une cavité pleine de lymphe, à l'excep-
tion des travées et du tissu conjonctif. — M. G. Mari-
nesco relate quelques cas de polynévrites avec lésions
associées des centres nerveux.— M. Déjerine rapporte
l'observation d’un malade atteint de sclérose primi-
tive des cordons latéraux de la moelle et ayant pré-
senté, pendant sa vie, de la paralysie spasmodique des
quatre membres avec signes classiques de la démarche
et exagération des réflexes. — MM, Haushalter et
* Guérin communiquent l’histoire d’un idiot de 6 ans,
ayant présenté de la cachexie, de l’ædème et de la
nucléo-albuminurie qui ont disparu sous l'influence du
traitement thyroïdien. — M. Arthaud envoie une note
sur l'influence héréditaire de la tuberculose,
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 22 Novembre 1895,
M. Béchamp a reconnu dans ses remarquables re-
cherches que le lait est spontanément altérable. On a
confondu jusqu'à ce jour sous le nom de matières or-
ganiques deux choses absolument distinctes. 1° Les
solutions de matières organiques dans un dissolvant
quelconque, mixte physico-chimique, n’ayant jamais
eu de vie ou n'ayant rien conservé de ses origines, si
lesproduits en présence découlaient d'organismes ayant
vécu; 2° les liquides physiologiques au s:ns réel du
mot, produits dérivant directement d’un organisme vi-
vant, tels que le sang, l’urine, le lait. La première es-
pèce de matière organique est inaltérable, si on la
conserve en présence d’un volume limité d'air ordi-
naire et de créosote. Au contraire, la secondeclasse de
substances dans les mêmes conditions, traitée de la
même manière, ne tarde pas à subir des transformations
diverses. Le lait par exemple est spontanément alté-
rable ; les germes venant du dehors ne jouent aucun
rôle dans les phénomènes d’aigrissement et de coagu-
lation. En se placant dans les conditions qui lui avaient
réussi avec les liquides de la première espèce, M. Bé-
champ n’est pas parvenu à arrêter les transformations
du lait. La coction prolongée, considérée à l'heure ac-
tuelle comme un procédé permettant de censerver au
lait ses propriétés et qualités, l’altère réellement; les
microzymas qui sont les éléments vivants du lait per-
dent dans ces conditions leur activité. M. Béchamp
expose ensuite ses idées sur les microzymas existant
dans tous les liquides et tissus de l'organisme, et surles
microzymes de l’air, de la terre (microzymas géologi-
ques) provenant des organismes détruits aux époques
géologiques. Ces granulations moléculaires séparées,
après la mort de l'individu, du substratum où elles se
sont formées, n’en restent pas moins capables d'entrer
en jeu lorsque les conditions de milieu deviendront fa-
vorables à leur évolution. — M. George F. Jaubert
communique l'historique très détaillé des safranines et
des indulines ; il démontre, par une nouvelle synthèse
de la safranine, que laformule de cette dernière doit être
symétrique et correspondre à la constitution suivante :
M. Jaubert a préparé aussi une série de safranines
dans lesquelles le radical phénylique relié à l’azote
azinique est remplacé par un radical méthylique, na-
phtylique, etc. M.Jaubert poursuit ses recherches.—Il a
été déposé à cette séance une note de M. Brizard sur
quelques sels d'argent du ruthénium nitrosé, une note
de M. Winter sur la température de congélation des
liquides de l'organisme ; application à l'analyse du
lait, et trois notes de M. Brochet sur l’action du chlore
dans la série propylique. E. Caron.
SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 8 Novembre 1895.
M. Everett : « Le champ magnétique d’une bobine
cylindrique ou d’un circuit plan. » C'est l'indication
d’une méthode pratique de calcul. — M. Griffiths et
Miss Dorothy Marshall : « La chaleur latente de va-
porisation de l’eau.» La perte de chaleur due à la vapo-
risation est compensée principalement par la chaleur
fournie par un courant électrique : cette énergie peut
être déterminée avec beaucoup de précision. On trouve :
L = 107,05 — 0,1581 O.
où Oest la température et où l’on emploie l'unité
thermique à 15°. — M. Ramsay et Miss Marshall :
« Sur une méthode de comparaison des chaleurs de
vaporisation desdifférents liquides à leurs points d’ébul-
lition. » Le liquide à étudier est enfermé dans une am-
poule de verre, et mis dans une enveloppe extérieure
remplie de la vapeur du même liquide. Un tube ouvert
est fixé au sommet de l’ampoule, de facon qu'il y ait
libre communicalion entre l’intérieur et l'enveloppe de
vapeur, et aucune perte de matière. A l'intérieur de
l’'ampoule est une spirale de fil de platine fin attachée
à des bornes de platine qui sont scellées dans le verre.
La température du liquide dans l’ampoule s’élève jus-
qu’au point d'ébullition grâce à l’enveloppe de vapeur;
alors, quand on lance un courant dans Île fil, l’intégra-
lité de la chaleur développée est dépensée à convertir
une portion du liquide en vapeur. Deux ampoules sem-
blables sontreliées en série, etlerapport deleurs pertes
de poids est en raison inverse des chaleurs de
vaporisation des liquides. Il y a à faire une correction
relative à l'inégalité de résistance des spires, et le rap-
port desdifférences de potentiel aux deux bouts des deux
spirales, quand le courant passe, est déterminé à cha-
que expérience parla méthode de Posgendorff. M.Ram-
say appelle spécialement l'attention sur les valeurs de
X
T° M étant le poids moléculaire, T la température ab-
solue, et L la chaleurlatente, On remarque de curieuses
différences dans le cas de l’eau, de l’alcool et de l'acide
acétique. — M. Carey Foster exprime son admiration
pour cette méthode, qui évite la nécessité de connaître
la chaleur spécifique du liquide et de la vapeur. Après
unediscussion à laquelle prennentpartMM.S.Thompson,
Rücker, Abney, Rodger, Appleyard, Griffiths et Rhodes,
M. Ramsay expose qu’une légère surchauffe de la va-
peur n’altère pas sensiblement les résultats, puisque,
au voisinage des températures auxquelies on opère, la
chaleur latente varie peuavec la température. Ilestime .
que d'expériences faites avec M. Young il résulte
qu’une enveloppe de vapeur est absolument imper-
* méable à la chaleur rayonnante venant de l’intérieur.
1108
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 7 Novembre 1895.
M. le Président donne lecture d’un télégramme
adressé à Mme Pasteur à l'occasion de la mort de son
illustre époux, membre étranger de la Société. Il com-
munique également le texte du télégramme adressé à
l'Institut de France à l'occasion de son centième anni-
versaire, — M. Arthur Smithells publie le détail de
ses expériences sur la température de la flamme de
l’acétylène et sur la théorie de son pouvoir [lumineux. —
MM. Frederick, D. Chattaway et Harry Ingle ont
recherché de nouvelles méthodes pour la préparation de
nouvelles séries d’hydrazines qui, théoriquement, doi-
vent fournir six séries de dérivés substitués. Pratique-
ment on n’en connaît que trois. Ils ont obtenu les hydra-
zines quaternaires en faisant réagir le sodium ou l’éthy-
late de sodium sur une amine secondaire jusqu’à rem-
placement de l'hydrogène par le sodium. Ils décrivent
la tétraphénylhydrazine (C6H5)2Az. Az(COH5)? et la té-
traparatolylhydrazine (CéH*CH3#)?Az.AZ(COHICH#). —
MM. G.-G. Henderson et David Prentice ont fait
réagir les oxydes d’arsenic et d’antimoine sur cer-
tains sels d'acides hydroxylés. Avec les citrates de po-
tassium, sodium et ammonium, loxyde d’antimoine
donne des composés de formule générale :
SbOM®(CH607)2 x H20
et l’oxyde d’arsenic donne des composés analogues.
Ils ont pu obtenir également des composés avec les
mucates, quoique beaucoup plus difficilement, Ce sont
les corps :
2SbOKC5HSOSKCSH?05.6H20
et
SbOKCS5HS0O8 .4H20
— MM. E. Divers, F. R.S. et T. Haga ont déterminé
indirectement par voie quantitative la formule du nitro-
sosulfate de sodium qu'ils ont trouvé être :
NaOAz : AzU.SOSNa
Dans une deuxième communication,ils passent en revue
une série de nitrososulfates dont ils fixent la composi-
tion, —-MM, G.-L. Thomas et Sidney Young F.-R.-S.
ont pu retirer l’hexane normal de l’éther de pétrole.
Ils donnent les constantes physiques du corps qu'ils
sont parvenus à isoler, et en décrivent les différentes
propriétés, — M. Augustus E. Dixon décrit une
sérié de thiocarbimides à radicaux acides et spéciale-
ment les thiocarbimides à radicaux acides valérique et
cinnamique. — M. A.-G. Perkin publie ses recherches
sur les substances constituant le rouge retiré du Poly-
gonum cuspidatum. Le corps principal est formé d’une
glusocide : C21H2010,— M. G.-S. Newth : Note sur l’ac-
tion de l’acide fluorhydrique sur le silicium. — M. G.-E.
Show a étudié les periodures de théobromine qu'il a
obtenus en saturant d'acide iodhydrique une solution
de théobromine., II leur attribue la composition sui-
vante : (QTH3#Az'O?HIP. — M. George Joung à pu
réaliser la synthèse de la diphényloxytriazoline en
faisant réagir la benzaldéhyde sur la phénylsémicar-
bazide déjà décrite par lui. Cette synthèse se produi-
rait suivant l'équation :
CTH?Az30C7H60OHO0—C'HIIA7Z8O
—MM.Wyndham,R.Dunstan F.R.S. et Francis H.
Carr : Note sur la piperovatine et description de la
dibenzaconine et de la tétracétylaconine. —M. A. Went-
worth Jones publie le tableau des changements de
volume moléculaire durant la formation de solutions
diluées dans des liquides organiques; il croit que ces
changements sont analogues aux variations observées
dans la loi de Boyle pour certains gaz.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE
Communications recues récemment :
SCIENCES NATURELLES. — M. V, Ebner : Structure de
la corde dorsale de l’Amphioxus lanceolatus. — M. AI-
fred Nalepa : Nouveaux microbes de la bile (12° Com-
munication). L'auteur décrit le Phytoptus macrotubercu-
latus, le Phytoptus Ruhsaameni et le Trimerus gemmicolu.
Séance du 24 Octobre 1895.
M. C. Weierstrass, de Berlin, est élu membre hono-
raire. — M, H. Seeliger, de Munich, est élu membre
correspondant.
SCIENCES PHYSIQUES. — M. Edouard Mazelle: Etudes
sur la marche diurne de la variation de température de
l'air. La variation diurne de la température, étudiée sur
un ensemble d'observations poursuivies pendant dix
ans, manifesteune double oscillation qui devient presque
une oscillation simple pendant l'hiver, En hiver, les
plus grandes variations coïncident avec le minimum de
température, En été, on constate deux maxima et deux
minima très nets.— M.J. Holetschek : Recherches sur
la grandeur et l'éclat des comètes, Première partie :
Les comètes jusqu’en 1760. — MM. Ederet Valenta ont
étudié le spectre de l’argon dans sa partie rouge. Le
gaz fourni par Lord Rayleigh était placé dans un tube
bien fermé à la pression de 1 à 3 mm. Les lignes les
plus caractéristiques correspondent aux longueurs
d'ondes suivantes : x — 462856; 4596,22; 4522,49;
4510,85 ; 4300,18; 4272,27; 4259,42: 4251,25. — M. Jo-
seph V. Geitler : Etude des oscillations dans l’excita-
teur de Hertz. —M.V.Lang: Etudes d’interférences des
ondes électriques. Ces études sont fondées sur le même
principe que les recherches acoustiques bien connues
de Quincke,
Séance du 7 Novembre 1895.
Sir Archibald Geikie de Londres est élu membre
correspondant étranger.
SCIENCES PHYSIQUES.—M. J. Herzig : Sur l’hématoxy-
line et la brassiline (3° communication). On peut éli-
miner quatre atomes d'hydrogène de ces composés ou
de leurs dérivés acétylés et alkylés, sans faire dispa-
raître la fonction due à la présence de l’oxygène. Ces
corps sont donc des dérivés tétrahydrés de combinai-
sons aromatiques. — MM. Eder et Valenta : Sur le
spectre du cuivre, de l’argentet de l’or, — M. Wilhelm
Sigmund : Action de l’ozone sur les plantes. — Obser-
vatoire de Vienne : Ensemble des observations météoro-
logiques et magnétiques faites pendant le mois de
juillet.
Séance du 14 Novembre 1895.
4° SCIENCES PHYSIQUES. — M, Puschl : Points d’ébulli-
tion et température critique. — M. Richard Go-
deffroy : Sur la constitution des hydrales de carbone.
— MM. Kostanecki et J. Tambor : Recherches synthé-
tiques dans la série de la gentisine. La gentisine est
obtenue par la méthylisation de la 1,3,7 trioxyxanthone
obtenue par condensation de l’acide hydroquinoncar-
bonique avec la phloroglucine; la formule de constitu-
tion est l’un des deux schémas suivants :
0
OCH:
OH
CO OH
ASS
0 OH
CH:0 \Y
CO OH
20 SCIENCES NATURELLES.— M. Richter adresse une com-
munication provisoire sur ses études géologiques de la
Norwège entreprises à l’instigation de l’Académie.
Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER
PU VE S PORN ET TER"
4
CONTENUES DANS LE TOME VI DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
(Du 15 JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1895)
I. — ARTICLES ORJIGINAUX
Actualités scientifiques et industrielles
La-soudure de l’Aluminium..........................
La mesure des petites résistances en électricité........
Les transmissions électriques. ...:.....:.............
Sonnerie électrique industrielle destinée aux endroits
HADUDR ER CURE uses -rer-pente reset
Nouvelle bouée de sauvetage.................-.......
Les locomotives électriques de Baltimore and Ohio Rail-
TON rates Monet TT once dun due
Troubles causés sur les lignes téléphoniques par une dis-
tribution à courants alternatifs...................
Communications téléphoniques entre les trains et les
SAHDBS dE CR EMINS AC ETS Crete
Le relèvement des câbles sous-marins................
Nouveau type de locomotive minière..................
Une nouvelle forme de trolley.............. .........
Le prolongement souterrain de la ligne de Sceaux...
Les décharges électriques à travers les gaz......... 2e
Jrefficacrtérdel’électrocution:......:-.......-.110..54.
L'emploi des courants triphasés à la station centrale
délectrictederChemnitz.- "7" ERR--0e...re
Les propriétés magnétiques du fer sont-elles influencées
par des renversements fréquents de polarité?......
Deux nouveaux explosifs de grande puissance....... -
Detroinsarair Genette= 22e ssearteieceee
ÉRISÉDASALETASWVEEL. 28 cel meieise mecs see cniseesietee
L’électricité employée comme moyen de chauffage. ....
Une sablière pour tramways. ...........:............
Les transports de force et les transformateurs de grande
HS SAN GORE EE eer-e-rreERenoesceie
Traitement électrolytique des sels d’aluminium........
Commutateur automatique....................
Nouveau système de distribution d'électricité;
mpnocychque AUDE I Bel te...
Sur l'extension de l'électrochimie industrielle..........
OCT AMP ANA CERTIÈNE. 2e eme seeeccie eue ciiaec ste
Le Cinématographe de MM. Auguste et Louis Lu-
FAR EE LR ER bat bd er ot CPS
DORPI EU DER AÎUMINIUN eee este mmese e) se cie/e.e
Action des courants alternatifs à haute tension sur
l’'homme....... Food toc a ropiron ne Ho EnE nee
La mesure des petits allongements dans les essais de
PÉRSRACETTESEMEAUX- 2. - eee en ne LL ue
La cémentation des lingots destinés aux plaques de
blindage UT DEN se dabias der n slots siatele ie aaiiquie elle
Les usines à transmissions électriques aux États-Unis.
Un moteur-alternateur destiné aux recherches de labo-
ratoire à University-College (Londres).............
Les locomotives de la Ballimore and Ohio Railroad
CHOUINEME RE Oo na d DE
Le comparateur automatique enregistreur de M. le com-
DATA ALIM den e ene SSe s'a eemes
Le retour du courant dans les lignes de tramways élec-
triques et la soudure des rails...,................
Exemples de transport d’énergie électrique à grande
AS TE 08 OO one ET RE RON nr
La technique de la séparation de l’Argon et l'analyse
de l'air. Appareils de lord Rayleigh et du profes-
SOLAIRE AMEAVEE SUR Eos even eme RM en ee
Un nouveau type de compresseur d’air................
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895.
Un nouveau système de tramway à conducteur souter-
L'IVTÉRS DODGE TOR RE MAEATE OR ES ee
Astronomie et Météorologie
CaspaRi (E.). — Les études récentes sur le Pendule...
TeissereNc DE Borr (L.). — La Météorologie au Con-
DDÉSES DANS Eee ie deb eee
TissERAND (F.). — Revue annuelle d’Astronomie......
Botanique et Agronomie
Coxverr (F.). — Le rôle de la Science dans l’évolution
d'éVAOTICULINT eZ ANS Le Die enr eur e
DEu£RaIN (P.-P.). — Revue annuelle d’Agronomie.....
Ducasr. — L'état actuel de la Vinification en Algérie
ATOME EE O0 CS R OUEST ST PE tre
FAYMOREAU D'ARQUISTADE (A. de). — Les grandes ex-
ploitations agricoles à Madagascar : Canne à sucre,
Cotonnier, .Vanillier, Pignon d’Inde, Caféier, Ca-
caoyer, Tabac, Aloës et Agavé, Riz et autres cul-
ÉTEND a /ote e rataiRin ee te ete nt ae Se Ne M PACS
LARÉALÉTRIER (A.). — Culture de l'orge de brasserie et
du houblon ent HTANCO EEE ere meer trees
Lezé (R.). — La laiterie moderne et l'industrie du lait
CONGO TTE ME Eee eee ds sue lete ie ete le
Lianier (O.). — La Botanique au Congrès de Caen...
Roos (L.). — Etat actuel de la Vinification en France.
Rousseaux (E.). — L’Agronomie au Congrès de Caen.
Chimie
CaxpLor (E.). — Industrie des chaux hydrauliques et
déstiments en TANGER tr ra ee ee
Cuarpy (G.).— Les recherches du Professeur W.Ram-
say sur’ ArpontetilHéliume se. ee eee en
— Les actions chimiques de la lumière et de la cha-
leur, méthode de M. G. Lemoine........,.,.......
Érarp (A.). — Revue annuelle de Chimie pure... .....
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134
19
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603
288
1113
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bia etila Bilharzose re ere Ier 158
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HUE 2e Aeu teen HVoeiE - dpi 1104
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ET RE NS C0 na EU PGO Cp EE re 189
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Fascination eee ere RAT de Te ie .. 986
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des appartements au moyen de substances gazeuses
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de la dyspepsie 432244 4,4 01 miens trie 0. 5 469
Sourrer (Henri). — Traité de Thérapeutique et de Phar-
macologie, suivi d’un Memento formulaire des mé-
dicaments nouveaux. ...... RNA MECS ER LEO UE 301
Viau (G.). — Formulaire pratique pour les maladies de
la bouche et des dents, suivi du Manuel opératoire
de l'anesthésie par la cocaïne en chirurgie den- i
tainer 1. mime RU Al ve del) 20390
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CH MR RS ET Sue 522, 640, 758 et, 950
Biner (A.). — Psychologie des. grands calculateurs et
joueurs d’échecs.....:.......... PISE : TT ba «1 289
Granre ExcycLopénte (La). — Inventaire raisonné des
Sciences, Lettres et Arts, 5050 et 506 livraisons...
50e et HS IVraisONnS ect cran arte ro 0: 00 “
— 5090, 3106 et 5112,LyraisOnS.;...2,.- 1.1. rime 134
= HlOoset pla DVraISONS.. a RE th ot 02110 - 190
— Dlke eti510 LVrAISONSE Re dE het 245
EN 6
tits ABLE ANAËVTIQUET DES ENS
= 516€ et 5110 livraisONS..... see semmmereccees 900!| Cure (P.).:— Propriétés magnétiques LAURE On 207
— 518e et 519 livraisons 32! Yerses TEMPÉrALUTES Lee UE EU o Fete 09
æ 520° et 521° livraisons 392! | Érarx (Li). Contribution à l'étude de vhs aptes
p—10222 et 5H230iYTa1S0NnS 2. - niet: 434 | ESNDIDASIQUES Er etee EPS ROC EE io 1022
Ft92%0 et 595 livrAisSOns-r cree ere ect ….. 469! |"FavoLrar (J:). : Recherches sur ae dérivés à
115260 et 5218 VT01SONS..----n-ree--=se-e--e..ere 522, | tartriques on structure dissymétrique.S=l£ ..... a NO
Op 5288 et DOM ILVTaISONS EEE ER -eRr----ePeee 567 | Goavuez (M.-H.): — Contribution ä l'étude des arséniates
HE HJ0 Mel DIE IVTASONS 2 E-e---cHR-----eree 603 et des ‘antimoniates cristallisés prépare par voie
FÉNOOLONIVTAISOIS ee ee een eee e-Eee 640 humide etc. RE Cu RE ci do QU HAT
tr 533e et 534c livraisons ........ ...:.. DB DH0 donc 863, |: Gramoxr (Arnaud de). — PR directe des
fe DDOINTAISON: 22» san cu eee eee rte 950 minéraut: see OURS CREER 1021
OS 0 INT ISO eee Ce eee 987 | Houzrevraue (L.).— De l'influence de l’aifnantation sur
KŒNIGLISCHE (GESELLSCHAFT DER Ne ISSENSCHAFTEN de les phénomènes thermoélectriques... {il ........ 7. 899
Güttingnepiszd 4h.nonse à AE Cou ndo 135 | LaveniR (P.). — Sur les variations des propriétés op-
Lousroso (Cesare). — S Rratee te ‘falien). can LP tiques dans les métanges de sels isombrphes..... 388$
- MaLvEzIN (P.). — Notes sur l’Ortografe simplifiée. :. 2 1020 | Limp (C.). — Essai sur la préparation der mé-
. Prévize (A. de). — Les Sociétés africaines. Leur ori- tallique : 94S
gine, leur évolution, leur/avenir.i....l........7. 352 — Mesure directe des Forces électromotricés en unités
ReBièRE (A.). — Les Femmes dans la Science... 7. 190 absolues électromagnétiques......... RD —.. 1059
Marie (T.). — Recherches sur les acides 'céfotique rot
Re MÉHESIAUE RER eee A DEN Te 899
PerREau (E.).-— Étude expérimentale della Dispersion
THÈSES POUR LE DOCTORAT PRÉSENTÉES A LA FACULTÉ. et de la Réfraction desipaz en eedeente 1021
ENCRES TE S - Pere
DES SCIENCES DE PARIS (1894 1895) ET ANALYSÉES 55 sciences maturelis E
DANS LA REVUE EN 1895
Bixer (A.). — Contribution à l’étude du système ner-
5 : , : veux sous-intestinal des Insectesik...4.........…. 900
1 SOS PENSE SET Borpas (H.). — Rp glandulaires des Hyménop-
BorEL (E.). — Sur quelques points de la théorie des téres.…... 9 LENTIPET |P JB ALL ABASE "0. 0. 639
FONCUONSE ME ete Te ae ane ee none à eme seat 637! | CauLzLeryx (M). — Contabutiont à l'étude des Ascidies
CAHEN (E.). — Sur la fonction £(s) de Riemann et sur COMPDSÉES EE Te eee ee rene et EAN AE 919
dus) fonGtions AnalONUES a eee eo-s eee 364 | Fauror (L.). — Étude sur l'anatomie, l’histologie et le
€arTan (E.). — Sur la structure des groupes de trans- développement des Actinies........... DR TO UD 757
formations finis/ebtontinus,f..2.25- et. stosm 431 | Gain (E.). — Recherches sur le rôle phy te de
Cousin (P.). — Sur les fonctions de nr variables com- lEanndans#lasVéeétations ner torche here 1022
DICxES Et uen ON nee co eee ete le ie 1058 | Jacor ne Corpemoy (4. ). — Récherches sur les Mono-
: DELEMER (J.). — Sur le mouvement varié de l’eau dans cotylédones à accroissement secondaire........... . 1059
les tubes capillaires cylindriques évasés à leur en- Jamues (L.). — Recherches sur l'organisation et le dé-
tirée et sur l'établissement du régime uniforme dans veloppement des Nématodes.......,........ DATE L 602
CES MUDESS enr ieerese nero CARE ; 947 | Lornerter (A.). — Recherches anatomiques sur les
Licour (E.).— Sur des fonctions d'un point analytique épines et les aiguillons des Plantes. Influence de
à multiplicateurs exponentiels ou à périodes ration- l’état hygrométrique et de l'éclairement sur les tiges
Dee Reese enr ae DAC LR 387 et les feuilles des Plantes à piquants.............. 985
Du D2u _ Du - Marmier (L.). — Sur la Toxine charbonneuse........ 1023
— Sur l'équation de la chaleur — Sr TT 387 | Mesnarp (E.). — Recherches sur la formation des
E. 4 Ge huiles grasses et des huiles essentielles dans les
ELIEUVRE (M). — Sur les surfaces à génératrices ra- CA EUR Tip Edo ce dau Aou S 00 Jon 10 DEEE 24%
L Sr tes 1 Mes l 2 “E OS R ET nn 1101! | Mwsniz (E.). — Sur le mode de résistance des Verté-
ES AQÈr LP PSE) HAUEEREMUEE (ES RSS dre brés inférieurs aux invasions microbiennes artifi-
néairés aux dérivées partiélles du second ordre à CITES = eee rer here Apececieieue tee TRI 5 640
on MR ea FR PE NEER 286 | Nunras (B. de). — Recherches histologiques el organo-
pers 10. b leptiques sur les centres nerveux des Gastéro-
tales dans la théorie des formes quadratiques et de ddes . 826
la multiplication complexe d’après Kronecker. 286 Re Le (SANS Contribution CN te ee EE
morphologie de l'armure génitale des Insectes..... 562
2° Sciences physiques (Physique et Chimie). Poimaucr (G.). — Recherches anatomiques sur les
Crypioramesivasculaires- 2216 ---- tCecMee-tre 520
Barraz (E.). — Recherches sur quelques dérivés sur- Rapais (M.). — Contribution à l'étude de l'anatomie
chlorés du phénol et du benzëne......7......,.... 860 comparée du fruit des Conifères....,....1......,. 789
CamicneL (Ch.). — Etude expérimentale sur l'absorption Tuirier (A.). — Recherches géologiques sur le Lias de
dénladumiérémmarles cristaut ce: rene 860 la bordure sud-ouest du Massif ardennais.......... 1022
UT. — ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
Académie des Sciences de Paris Séances des 28 janvier re ELA 191
— # février NEED DEN ea 192
Séances des 10 décembre ARE 100 T0 42 — 11 — Te CIO 193
— 17-24 = Re RC ee 43 — 18-25 — MP MAS CURE DUB à LD 216
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— 1 janvier IRON RS st sl — 11 — RE OR LM LT 292
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nn: 28-30 — ERA PAR ES 951
PUB. — +. 1-14. octobre RE ES 988
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VE Académie de Médecine z
Séances des 18-26 décembre ASE Eee 44
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— 5-12 février Re PE OS It 194
— 19-26 _— 7 ca 0 mel CHAT 248
— 5-12 mars A cn me 293
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— 18-25 — RAR RE ere 606
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— 16-23 — NE Dream are 761
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— 3-10 septembre Te re 865
— 11 — Se he Pelonenleu fans 904
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— {er-8 octobre DNS 951
— 15 — RER NES 990
— 22 — ER SL ea lee Sat 991
— 20 — NP R RENE TRE 1027
_ 5-42 novembre RP AN ESS UE 1027
— 19-26 — EE ee Ac Re 1064
_ 3-10 décembre A a Name SO AUS PRO 1106
Société de Biologie
Séances des 15-22 décembre ADS et uses er tee 44
— 29 — = ne sd sue Me Sels 82
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— 19-26 — = Re 137
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2TABLE/, ANALYTIQUE, DES/MATIÈRES
,| Séances des 18-25
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— 15-22 —
— 6 ‘juillet
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Société française de Physique
Séances des 1 décembre TT SRE ARE _ 144
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— 5 | juillet ne CD Fo LE)
— 19 _ LR RE 330
— 15 novembre Re DE CU 1064
Société Chimique de Paris
Séances des 5 décembre 1898. RIRE ION 46
— 14 — SE NET es tohle VIE 138
— A4 - janvier 1895... CRC 139
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— 6-8-22 février EME IUTRE PAM AN 357
— 6-8 mars CELEER ES Eu ON STAR EE ERES NA 395
— 22 — por RS QUE 435
— 26 avril ES RG re ele ANTO 412
— 4er mai TEA IUEREER TEL: D'OPETE EE AN 526
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— 5-14 juin EE ASE TT Tu 646
— 28 — SG ere ASS VOTE 196
— 3-12 juillet RER AT ER 196
Communieations 1 lee nosns antenne pare 865
Séances des 8 novembre RCE PRO SET 1027
— 22 — RENE RES 1107
Société Mathématique de France
Séances des 19. décembre 18Maoustrilunr si 46
— 23 janvier RENE Sonore rte 198
= 6 février EE ar te ait TE 195
_— 20 — inortobsno der 249 :
_— 6 mars nice e ie de ele lpe ele BI 294
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— 15 mai SR ATEN API ENT 526
Société Philomathique de Paris
Séances des 9-22 décembre Rnousdoneten rt 46
-- 42 janvier RERO en dede à 84
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LE 9-23 novembre Esp. NE. RRQ 1066
Société Royale de Londres
COMMUNCAHONSE em LE dass ece de -hhhenes LG
ER. TE ST SE CE PETER TE USE
1116 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES,
Commun allons serrer eee e eee Men ee e te 195 Séance du (
EC CO OO OO On de one 2491 |= Communications en. PE ET ER ER EN SR
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EE CRT CL RL em PC M 526 ; "es 7
= LT Si EP RÉ GENEEUR 0 2 OPITEU 571 Société Royale d'Edimbourg
RE Rte AL Rat à 647 PRES
Re 163 Séances des 21 novembre ASE RTC S6
FN ES Bi LEURS Ne 1e SIT PCs PAS 866 -— 3 décembre RS Pr 86
æ NS UND de Æ 1 gs IR ÆCPRARE V1)
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ROMENR Se Meet PT I CONSEILS ggy|: Communigations "ER ee 474
ARE AR EC LRO. À 3 Séance du 17 avril ABS. eme -e0 ee DS
Société d "si TE È c
CLP ERREUR Académie des Sciences de Vienne
SOTMUDILSANONSAANET AMI NUE NE MARINE ce ET Séances des 29 novembre 4894...... .......... 48
FE MU Aie Acte ae os DÉC ENS ENe" SE — 8: décembre Let LC ES 48
Séances des A1 janvier RÉF ES ad es dot 196 | Communications............:...... DT TRUE r 0 Mb 140
i 2: Car AN AN ERA 251 Séances des 18 janvier 1895... 197
— S février St Ten BA ie 251 ue 9 Le - à je 952
_— S-92 inars CEE TT n399 arS 7 évier ER Rene 239
CoMmMMICANONSES SLR de meer ee nee 866 LH 14-20 = a ? D 90
AS nuresessssesesseesreseeessesssene .. 1066 ae q Are RE ARR Ne 2 338
Séances des 25 octobre LOGE Enr ele Cire 1066 ee 14-21 LE otre ; 239
a SRE EEE ET 4 M0 = 10-17 octobre SEAR he 1028
COMMUNICATIONS EME EEE PER PE ET . 1108
Société de Chimie de Londres Séances des 24 octobre 10 RÉ 20e 1108
Si ARTE — 7-14 novembre Re Up RE 1108
COMMUNICATIONS eee ere ce eree mrreer ce 41
CR AE OU Rp CPR E EE EST CR 3 a Académie des Sciences d'Amsterdam
ER ANRT qe ACCRA RE em On 252 | Séances des 29 décembre SO ee 86
Séances des 21 février ANDRE CE re 20 — 26 janvier ASIE ER RU 197
— 1 mars D NE . 38 — 23 février RE RE . 295
— 21 — Te O0 A LC — 30 mars fasse cran 400
— 21 (QUO) nee e RO VTE — 18 avril PSE energies 474
— 27 — Ne ER OS PR A GPA — 25 mai AA TT CS 648
= 23 avril SR 2 PuS01 | MCOMMUNICALONSR RER EE ee A EE EE re 867
— 2 mai RS TB de 572 — De eee ee OR LEE L'ÉREEe 907
GOMIMUDICAIONS 22e PLU re M cer ep eee 607 | Séances des 28 septembre 18m: Mae 992
A eo one sen NEC Pot LA PAS Be Ro 647 — 26 octobre RO OS 1067
IV. — CHRONIQUES
Laurent (Achille), — L'empoisonnement des rivières — L'unification des méthodes d'analyse dans les tran-
CHÉANSIPANOME LEA EME ee pere 439 SACHONSIALIAASNCTETICe ee eee CE De RCE 908
Orivier (L.). — L'Argon et le système des éléments... 199
V. — CONGRES
Les travaux de l'Association francaise pour l’Avance- hinpton)2r mea ner PCR Dee 24%
ment des Sciences au Congrès de Caen............ 159 | Congrès des Sociétés d'instruction populaire.......:... 797
Congrès géologique international (session de Was- Le Congrès des Naval Archilects à Paris en juin 1895. 816
VI. — CORRESPONDANCE
Sur l'action physiologique des courants de grande fré- | Schmidt (lettre de M. Dwelshauvers-Dery)......... 832
quence {lettroide MS. Leduc)... 4... 81 | Sur les expériences de Hannay et Hogarth citées dans
Sur l'Enseignement chimique en France (lettre de M. Ch. | la Revue du 30 août 1895 (lettre de M. P. Margue-
1 ET RE TR rein AE dot 358 | rite-Delacharlonny)e--#-"#7-"""tr0 errant 106$
|
Sur un parallèle établi entre les machines Allis et
“0b-9008 745)
Lens iqu pente
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VI — NOTICES S NÉCROLOGIQUES
F3
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Hommage à la mémoire de MRachenly. Ahomiea tr 1029 :
Le monde mécanique et le monde énergétique. ....... 1030
TABLE ALPHABETIQUE DES AUTEURS nee Her
A: L., 110%.
Abadie (Ch.), 761.
Abadie (Dr), 991.
Abbadie (d’), 243, 291, 951.
Abelous, #4, #72, 606.
Abney (capitaine), 251.
Abraham, 393, 437.
Adam.(A.), 565.
Adam (P.), 989, 1105.
Adamkiewicz, 761.
Agassiz, 435.
Aignan, 393.
Alberda van Ekenstein (voir Ekens-
tein).
Albert Ier de Monaco, 81.
Alheilig (M.), 898.
Alvernhe (Dr), 392, 52:
Amagat (E.-H.), 291,
Amaral (A.-P. do), 64.
Ambassade impériale de Russie, 81.
Anderson, 251.
Andouard, 42, 193, 195.
. Andrade, 43, 353, 605, 989.
André (D.), 193,.249,,393,,396, 526.
Andreasch (R.), 197.
Andrée (J.-A.), 604.
Andrée (S.-M.), 470.
Andrews (E.-R.), 547.
Andrieu (P.), 39.
Angot (A.), 1024.
Apostoli, 354, 355
Appell ( Re 387, 519.
Appert,.(L,), 389.
Appleyard, "867, 1066.
Archdeacon, 861.
Arctowski, 159.
Argyll (duc d’), 474.
Arloing, 510.
Armstrong
Armstrong
Arnaudeau, 192, 523.
Arnold.(J.-0.), 826.
Arnoux, 83, D
Arsonval ca
Artaud, 293,
Arth, 139.
Arthaud, 1107.
Arthus, 1027.
Aston (E.) ), 648.
Astre (Ch.), 355, 4170830,
Athanasiu, 645, 1064.
Attems (Carl), 1#0.
Aubeau (Dr), 13#.
Aubert (E.), 1060.
Auché, 82.
Audain (Dr), 994.
Auger, 412.
Auric, 1105.
Ausché, #4.
Auscher, 525.
Ausset, 138,
; 390,,010, 645, 760.
989, 990.
1 Les noms)imprimés ‘en, caractères gras
sont ceux des auteurs des articles origmaux,
Les chiffres gras reportent à ces articles.
OITI4AHALA
LI AT
Autonne (L.), 37, 131, 186, 242,
131, 637, 947, 1026, 1058, 4101: )
Ayrton, 85, 251. #5)
Azam, 761.
Azoulay, 4454194. LES 1! 3o1fu6)
B )
Babes (V.), 81, 137:2248,:1945:830!
Babinski, 1064. 49
Bach, 44. \ {
Bachmann (P.), 242. -1169
Bachmetjew, 295.
Backer (Dr), 82
Backlund, 6%1.
Baclé (L.), 1062.
Baczewski, 1028.
Baeyer!(A. de), 989.
Baïlhache, 1026.
Baillaud, 354.
Baïllon, 185, 192 «3
Baker (J.-L.), 252, 831.
Bakhuis Roozeboom, 87, 400:
Bakhuysen (voir van de SandetBakhuy-
sen).
Balitrand,495.0- ”
Bailand, 291, 354,436, 643, 865,990,
1063.
Baly, 399.
Bandsept, 1064.
,
Barbey, 568.
Barbier, 760.
Barbier (L.), 605.
Barbier (P he ), 642.
Bardes, 241.
Bardey (Dr E.), 825.
Barnett (R.-E.), 572.
Barral (E.), 860.
Barré (G.), 1060.
Barré (L:), 490.
Barillé, 81.
Barthe, 139.
Basin: (A.),:433. ii
Basso, 829.
Bateson (W.), 77.
Battandier, 1925-6035,
Baubigny, 396.
Baudron (Dr I.), 79.
Baum (Dr H.), 133.
Baux, 353,
Bayle, 400.
Beadle, 295.
Beattie, 140.
Beaudet (L.), 826.
Beauregard (H.), 522, 640, 158, S43%
à 855, 950, 1061, 1107,
Béchamp, 139, 1107.
Becke, 295.
Becker, 992,
Bedell (F.), 788.
Bedford, 1061.
Bedson (Philipps), 867.
Béhal, 411, 472, 569, 646, 193:1194,1.196
865, 951.
Behrens (Th.-H.), 868.
Beilth (Donald), 140.
Bellairs, 648.
UT-.H) srsfod
ous rsilo
T4 ,(.A) sono
À=-N) sn04
+00 401 (snmoë
ANSE TS
) 1908
Td0l .,
Ort ,TE0t ,STA (4) s9iano4
.B6I ,.L) 064 |
Belliard, 568. £ER PSSPIOE |
Bemmelen EE 6,0 ,26b104
Bemmelen (W. van), 992: -H} esbroë
Benech, 1106. 319 ,IT? ,oibrod
Benischke, 48. bc Iorod
Bentleyil85,1358,106 681 ,1& [of
b13104
Berdal, 355.
Bérenger-Féraud, 19. LE? ,(0110)-45z0€
Berg, 193, OUT LT) sdszzot
Ber ger (P: 137, 355, 1027222 ,bisdomod
Bergeron. 161, 1106. - CùÜ sbrsdouoë
Bergonié, 248. dossdonofl
Bergson, 290. l busuobuoëd
Berlemont, 646. 08
Ffyoél
Berlioz, 354, 355. E 08 «sisauod
Bernard (Félix), 900, 990. sdli0o
Bernardières (de), 1026. er fu
Berrubé, 136.
Berry (R.), 140.
Berthault, 355, 468.
Berthelot (D.),17, 436, 606, 607: a
Berthelot (M.), 243,1136, 193,,246,- 2921)
353, 9354, 436, 524, 1568.61;
989, 1028.
Berthier (A.), 565.
Berthold Jeïteles, 440.
Berthon, 188$.
Bertillon (J.), 355, 1106.
Bertrand (D'), 394.
Bertrand (E.-C.), 1063. 11% 1p$14
Bertrand (G.), 42, 136, 139,:192,:3517,
606, 160, 761, 79%, 796, 1062, 1063.
Bertrand (J.), 43, 136, 246, 292, 604:
Bertrand (L.), 760. É
Bertrand®(L.-E.), 391. nicol{irit
Bertrand de Fontviolant, 4025. ©4142
Besancon, 42, 82, 951.
Besson (A.), 191, 760.
Beudon, 193, 470, 1105. :
Bevan (E.-J.), 295, 601. ë
Bevan (L.), 48.
Bevyerinck, 908.
Biarnès, 44.
Bierens de Hahn (D.), 904, 992.
Bictrix, 46, 249.
Bigot (A.), 469 ct 430, 251.
Bigourdan (G.), 523, 755, 1020.
Billy (E. de), 38, 564.
Binet (A.), 289, 193; 900.
Bioche (Ch.), 46, 84, 195, 249,
646, 762, 1066.
Birkeland, 524,
Blache (R.), 830, 1027
Blackman, 250.
Blaise, 646, 194, 796, S65.
Blanc, 81.
Blanchard (Em. hi 471, 523, 051,988
Blanchard (R.), 79, 189, 471.
Blaschke (E) dos
Bleicher, 355, 568.
Bloch (M.), 1021.
Blondel (A.), 193, 292.
3ôcher (M.), 348.
Bœkel, 19%.
Boinet, 606, 645.
Boissieu (de), #72.
Boistel (E.), 600.
Boix, 570.
294,526;
Bolam (H.-W.), 1061.
Boltzmann, 140, 197.
Bone (A.), 414.
Bone (W.-A.), 47, 8
Bonnal, 194, 604.
Bonnet, 1027.
Bonnier (G.), 192.
Bonnier (P.), 82, 248, 472, 1027, 1107.
Boot (J.), 199.
Bordage, 433. Ah
Bordas, 46, 355,606, 1026. !
Bordas (E.), 639: 7
Bordier, 471, 644.
Borel (A.), 642.
Borel (E.), 131,
Borrelly, 864.
Bosek (Otto), 439.
Bosscha (J.), 760.
Bouchard, 288, 903, 1105.
Bouchardat, 642.
Boucherot, 525.
Boudouard, 794.
Bouffard, 864.
Bougaïeff, 80, 247
Bouilhac, 1026.
Boule, 194, 1106.
Bourgès, 44.
Bourgoin (A.-E.), 38.
Bourlet (C.), 466.
Bourquelot, 761, 1026, 1063.
Boussinesq, 605, 641, 642, 643, 759.
Boutan, 191, 761.
Boutroux, 471.
Bouty (E.), 605, 762, 796, 1064.
Bouveault (L.), 605, 642, 760.
Bouvier, 291, 641, 762, 821.
Bowden, 1066.
Branly, 436, 410.
Braquehaye, 830.
Brauner, 439.
Brenkeleveen (van), 198.
Brenning (Dr), 471.
Bricard, 135.
QE
193, 354,/637, 1105.
Brillonin (M), 366 à 772, 948,
1037 à 1034, 1101.
Brioschi, 1024.
Brissaud, 288.
Brizard, 1107.
Broca (A.), 195, 356, 194, 831.
Brocard, 192.
Brochet, 80, 136, 139, 247, 292, 351, 646,
760, 1025, 1107.
Brociner, 1063.
Brocq (L.), 603.
Broilliard (Ch.), 133.
Brongniart, 46, 641.
Brouardel, 1025.
Brown (H.-T.), 295, 831.
Bruce, 867.
Brun (Ch.), 951.
Brun (H. de), 131.
Brunel (G.), 77.
Brunel (H.), #4.
Brunelle, 44.
Bruner (L.), 471, 644
Brunhes Bras 717, 353, 524, 609
à 643, 762, 948.
Brunner (Karl), 48, 252, 1028.
Bryan, 140, 197, 866.
Buchanan, 196.
Budlay (K.), 439.
Bukowski (Gejza v.), 48, 358.
Burcker, 604, 646, 865.
Bureau (Ed.), 135, 192, 193.
Burke, 46.
Burker, 1024.
Burrow (W.), 358.
EAUX
GA TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS
pe ge RE NS PE PE Et
€
LA. 403. IUOITA [qi
Cadet de Gassicourt, 44, 606, 1106.
Cadiot, 44, 794.
Cahen (E.), 564.
Cailletet, 294.
Callandreau (0O.), 353.
Calmette, 643.
Cambier, 136, 139, 247,
Camichel, 293, 860.
Campredon, 524, 1105.
Camus, 355, 394, 523.
Canälot (E.), 299 à 335.
Cannieu, 410.
Cantor (Moritz), 76.
Capon, 43.
Cappelle (H. van), 87.
Capstick, 249.
Carey Foster, 1107.
Cari- rene 521.
Carles, 81.
Carnot (A.), #3, 292, 353, 354, 641, 750.
Carpentier (J.), 135, 291.
Carr (F.-H.), 252, 867, 1108.
oi e (E.), 292, 431.
Carvallo (E.), 4 ee 135, 247, 29%
Casalonga (D.-A.), 793, 989.
Case, 251.
Caspari (E.), 387, 404 à 40%.
Castelnuovo, 793.
Caullery (M.), 949, 1063, 1106.
Cauro, 193. -
Causse, 438.
Caustier (E.), 293, 650 à 692.
Cavalier (J.), 644, 796.
Caventou, 44.
Cayeux, 193, 246, 524.
Cayley (A.), 192.
Cazeneuve (P.), 355, 605.
Cazes, 571.
Chabrié, 294, 396, 604.
Chalon le -F.), 564.
Chapel, 42, 354.
Chapman (A.-C.), 196, S61.
Chappuis (J.), 471.
Charcot, 288.
Charcot (J.-B.), 248.
Charlton Bastian (H.), 905.
Charon (E.), 46, 139, 357, 396, 438, 472,
226, 571, 646, 796, S66, 1028, 1107.
Charpentier (P.), 247, 304.
Charpy (G.), 38, 136, 29% et 298,
131, SS2 à 585, 156, 189, 826, 899,
946, 988, 1019.
Charrin (A.), 24 à 3%, 42, 82, 293,
355, 356, 525, 604, 606, 645, 161, 194,
1026, 1027, 1064.
Chassevant, 293, 1027.
Chatin (A.), 292, 524, 568, 644, 865, 1062.
Chatin (J.), 191, 433, 410, 525, 606, 761.
Chattavay, 764, 1108.
Chaussey, 293.
Chauveau, 293, 436, 571, 644, 760, 991.
Chauveaud, 137.
Chauvin, 645.
Chavanne, 241.
Chéron, 829.
Chikashigé, 1067.
Chipault, 830.
Chorley (J.-C.), 358.
Chrétien, 988.
Chrystal, 474.
Claisse, 1027.
Clève, 436, 604.
Clowes (Frank), 473.
Clozier, 82, 394.
292, 357, 646.
, 295, 898.
1119
Coculesco, 81.
Coggia, 829.
Cohen (3.-B.), 867.
Cohn, 252, 295, 359, 992.
Cein (J.-C.), 47
Cole, 4174.
Colin (G.), ru 355, 865.
Colin (L.),
Colin (le b. , ‘980.
Collie (Norman), 252, 413, 861.
Collin, 394.
Colombo, 137.
Colson (A.), 43, 135, 357, 523, 642,106.
Colson (R.), 80, 187.
Combalot, 194. E
Combes (A), 44, 138, 646.
Commenge (D'), 525.
Comte, 82.
Coniel (J.), 135.
Contejean (Ch.),
1061, 1106.
Convert (F.), 536 à 62.
Coote (A.-H.), 252.
Cope (F.), 1067.
Cordier (P.-L.-A.), 43.
Coret (A.), 989, 990, 1025.
Corlieu (Dr), 904.
Corneau, 1026.
Cornevin, 524.
Corniel, 43.
Cornil, 293, 471, 525.
Cornu (A.;, 81, 52,
1030 et 14031.
Cornu (M.), 191, 192.
Cosserat (E.), 605, 643.
Cotton (A.), 523, 524, 761.
Courmont, 194, 472, 79%.
Courtade, 194.
Courtier, 793.
Cousin (P.), 1058.
Craig (Th.), 354.
Crehore (A.-C.), 788
Crochetelle, 355.
Croft, 251.
Croneau (A.), 187,
1101.
Crookes (W.), 99 à 401, 527
Cross (C.-F.), 295, 601.
Crossley (A.-V.), 18.
Crotte, 641.
Crouzel, 605.
Cruls, 435, 990.
Crum Brown, #14.
Cuénot (L.), 78,
1103.
Curie (P.), 138, 637.
Curtis, 1064.
Czapek, 439, 1028.
Czermak (P.), 140.
44, 19%, 525, 645, 761,
607, 762, 829, 951,
A5A à 163, 947,
188, 433, 701, 950,
D
Daille, 137, 410.
Damato, 80.
Damour, 246.
Damour (Emilio), 389.
Dangeard, 136.
Darboux (G.), 76, 292, 793.
Daremberg, 644, 794, 990.
rs 991.
arier (Dr), 569, 644.
Darzens (R.), 160.
Dastre, 82, 248,
642, 991.
Daubrée, 81, 136, 523, 604, 1063.
Dautscher (Victor v.), 439.
Davidson (B.), 48.
203, 354, 356, 437, 472,
1120
Debains (A.), 599.
Debaussaux, 293.
Debierre, 761.
Debove, 394, 830.
Debray, 471.
Deer (N.-K.), 764.
Defforges (G.), 471.
Degrully, 604.
Dehéraïin (H.), 620 à 632, 949.
Dehérain (P.-P.), 35, 191, 393, 644,
192, 4008 à 4046, 1063.
Déjerine (Mr), 293, 353: 356, 394, 510,
606, 645, 794, 1103, 1107.
Déjerine (Mme), 356, 394, 1103.
Delacre, 137, 866.
Delage (Y.), 441 à 446.
Delahaye (V.), 435.
Delassus (E:), 643.
Delaunay (N.), 525.
Delauney, 1026.
Delaurier, 354, 864.
Delbet, 642.
Delden (A. van), 475.
Delebecque, 81, 435, 643, 861.
Delemer (J.), 947.
Delépine, 43, 136,
395.
Delezenne, 525.
Delhôtel, 357.
Deligny, 903.
Delley (R.-M.), 252,
Delmas, 1026.
Delorme (D'), 525,
Delvalez, 988.
Demarcay (E.), 519.
Demeczky, 81.
Demelin (D'), 902.
Demenge (E.),
936.
Denaiffe (Clément), 468.
Denaiffe (Henri), 468.
Denfer (J.), 242.
Denigès (G.), 81, 354, 435.
Deniker (J.), 133.
Denza, 43.
Depéret (Ch.), 136, 904.
Desaint, 195, 292.
Descroix (L.), 829.
Deslandres (H.), 80, 247, 393, 568, 569,
605, 641, 903. 109$.
Desoubry, 412.
Despagnet, 570.
Devaux (R.-L.), 988.
Devereux Marshall (Ch.)
chall).
Devivaise, 865.
Dewar, 140% et 403, 760.
Diard, 760.
Diener (Carl), 439.
Diesen (van), 198, 992
Dieulafoy, 437, 471, 525
Diners (E.), 252.
Ditte (A.), 135, 191, 193.
Divers, 528, 1108.
Dixon (A.-E.), 641, 648, 1108.
Dixon (H.-H.), 84.
Dobbie (J.-J.), 85.
Dojes (P.-H.), 198, 295.
Donciu (L.), 197.
Doran (R.-E.), 641.
Douvillé, 400.
Douxami, 525, 642
Doyen (D'), LE.
Doyon, ip sy
Drach (J.), 131, 4:
Dragendorf, 7
Drillon, 193.
139, 191, 291, 393,
870 à 886, 947 à
(voir Mars-
, 510, 644.
Drouin (R.), 139.
Druce Lander, 867.
Dryepondt (Dr G.), 522.
Dubois, 355. 5x)
Dubois (A.), 759.
Du Bois (H.), 349.
Dubois (Raph.), 248, 293, 352.
Duchartre (P.), 87.
Ducla, 192, 246, 291, 192, 829.
Dudebout, 1104.
Duez, 160.
Dufau (E.), 989, 1026.
Dufet, 246.
Dufour (Ch.), 792.
Dugast, 141 à 158.
Dujardin-Beaumetz, 248.
Dumoulin (E.), 39
Dupare, 435.
Dupasquier, 305, 646, 794.
Duplay (S.), 606, 1064.
Duponchel, 137, 491.
Dupont, 616, 796.
Dupuis (Ch.), 990.
Dupuy (Edm.), 603.
Durand (de Gros), 291.
Durand-Fardel (Dr Ray.), 469.
Durante, 44, 293, 471, 525.
Duret (D'), 355.
Dussau, 43.
Dutil, 1024.
Duval (Mathias), 82, 194, 248, 993.
Dvwelshauvers-Dery (F.-V.), 243.
Dwelshauvers-Dery (V.),, 923 et
274, 832.
Dyck (Walther), 80, 81.
Dyer (Bernard), 607.
E
Earl (A.), 287.
Easton, 86.
Eberhard (Dr), 431.
Ebner (von), 197, 1028, 1108.
Eder, 1108.
Edna Walther, 867.
Edser, 399.
Edwin M. Eagles, 140.
Eeden (F. van), 828.
Effront, 605.
Eginitis, 990, 1025.
Einthoven, S67.
Ekenstein (Alberda von), 992.
Elevy (Dr), 471.
SRE (Dr W.), 133.
Elliot,
Elster, .
Empis, #4, 1106.
Encausse, 1103.
Enestrom, 523.
Enge!, 46, 396, 438, 646.
Engei (Fr.), 859.
Engel (R.), 989.
Engelmann, 643, 868, 1028.
Enriques (F.), 793.
Esmarch, 525.
Esmiol, 1063.
Espine (d’), 524.
Estaunié, 1102,
Etaix (L:.), 1022.
Etard (A.), 193, 524,
1021.
Etienne, 351.
Eumorfopoulos, 196.
Everett, 1107.
Ewart, 474.
Ewing, 140.
780 à 785,
. et .sn4nst14
FE :i£0! ,19{bowox4
CHE 6 SO (19 x91bars A
Fabre (Aug.), 988, :c{ Jh.., {ol !
Fabre-Domergue, 52%): 1e
Fabry (Ch. M493:9: pce
Fairbaïn, 474: : ny} (rot
RE 194: 3 T0: Wal
Faure (Camille)! 93, 988. toD\-edou'
Faurie, 642, 864. Où (it) zou
Faurot (L.), 751.
Fauvel (D), 137.:»
Fauvel (P.), 904.
Fava:rd, 523. f 03,9 .0
Faye (H.), 193, 435, 989F01 Cl} wir
Faymoreau d'Arquistadé (Alirde),
208 à TEA! 201 (10) ilemossls9
Fayollat (J.), 156.226 buse noilén
Fayolle, 865. l ,301 {) sqqtieD
Fchr (H.), 31, 16, 599) (788, 8254 8590
Felder (Cajetan v.), 48. 16 1072)
Fenton (E.), 867. (CH) toit
Fenton (H.-J.-H.), 196,18311) nosrsn
Féré} #44, 82,948, 355,
991, 1027, 1064.
Férée (J.), 4405. #
Ferrand, 139, 644, 830, 904. J
Féry (Ch.), 393. o
Fick, 758.
Fiesse (Ch.), 864. }
Finger (J.), 48.
Fischer (Ern.), 53.
Fitzgerard (C.), 193.
Fizeau, 81,246, 989.
Flahault {Ch.), 44, 88,244,
1059.
Flammarion (C.), 247, 1063.
Flatau (D'° Edward), 758.
Flechsig (Dr P.), 190.
Fleischmann (L.), 439.
Fleissner, 197.
Fleurent, 793.
Fleury, 396.
Flinders Petrie, 528.
Floquet (Ch.), 431.
Floquet (G.), 4026, 1105.
Flower (Sir Will.), 760.
Folet, 293.
Fontan (D'), 830, 4027.
Fontan (J.), 391.
Forcrand (de), 80, 355, 393, 604, G4#
Forel, 829.
Forster (0. 252,0527.
Fe 2)2.
Foucart (G.), 18 à 744.
Fouché (E.), 353.
Fouché (M.), 1063.
Fouqué, 643,
Fouret, 46, 195, 1066.
Fournier, 1106.
Fournier (D°), 570.
Fournier (A.), 471.
Fourtier (H.), 243.
Foussereau, 135, 138, 356, 570.
Fouzes-Diacon, 866.
Foveau de Courmelles, 80, 248,
Franchet, 249, 646, 1066.
Franchimont, 198.
Francois (Maurice), 193, 1063.
Francois-Franck (C.-A.), 644
Frankland, 568.
Frankland (E.), 764.
Frankland (Percy), 414.
Fraser (Th.-R.), 763.
Frédérick, 1108.
Frémont, 42.
Frémont (Ch.), 642, 830, 1062.
258,561, 985,
* Krenkna, 197.
À
LL
Freundler, 1027. %
Freundler (Ch.), 467 à 169.
Freycinet (de), 1025.22 ou 2), 941084
_ Friedel, 294, 568SC «ou21smro(l-51d8 4
Friedel (Ch.), 359, 565$ 2642.40) vtr
… Fritsch (Anton), 140. Ti «mdrr
Fuchs (de Vienne), 197, 6420? ,%219 71
Fuchs (Gotth6ld), 1984,
Fuchs (Th.), 140.
fioso) ous
i086 ,£19
G Fe l [) 1
G. C., 468, 949. ve:
Gain (E.), 102220 ati ,£t !
(Gaillot, Sber-ivops£'h 0: :
Galezowski (Dr), 194, 1027+
Galien Mingaud, 523,,°
Galippe (V.), 194, 1060.
Galt{Alex.), 396.
Gannon, 84
Ganter (H.), 37
Garcon (J.), 984.
Gariel (C.-M.), 294, 550 à 560,833
à 839.
Garnault, 248, 437, 525, 1027, 1063.
Garnett (H.), 139.
Garnier (Christian), 294:
Garnier (J.), 191.
Garnier (Dr L.), 950.
Garrigou-Lagrange, 193, 1106.
Gascard (A.), 756.
Gastine (G.), 188.
Gaubè, 570, 645.
: Gaudier, 44, 194.
Gautier (Armand), 246, 102+.
Gay (A.), 36, 75, 130, 185, 241, 285,346,
386, 388, 430, 465,517, 363,578 à
5SS2, 598, 636, 187, 82+, 858, 897,
1056, 1104.
Gayon, 1027.
Geddes (P.), 433.
Gehuchten (A. van),
Geikie, 1108.
Geitler, 295, 1108.
Geldard, 528.
Genty (Paul), 46
Georgievics (G. v.), 48, 439.7
Gérard (E.), 292, 1062, 1102.
Gérardin (L.), 602.
Germe, 568.
Gestel, 197.
Giard (A.), 471, 1064.
Gibier, 642.
Gilbert, 44, 570, 794
Gilchrist, 414.
Gilson, 523.
Gin, 471.
Gintl (Heinrich), 140.
Girard (de Toulouse), 248.
Girard (Aimé), 246, 523, 569, 192.
Girard (Ch.), 355.
Girard (J.), 949.
Gladstone (J.-H.), 764.
Glendiuning (A.), 1061.
Gley, 44, 82, 137, 355, 394,
161, 865, 1026, 1064, 1106.
Glücksmann (Carl), 1028.
Godefiroy, 1108.
Goguel (M.-H.), 788.
Goguet, 569.
Goldschmiedt (Guido), 1028.
Gonessiat, 353.
Goodwin (W.), 85.
Gossart (E.), 160 à 164,
Goudet, 1106.
Gouré de Villemontée, 43.
350, 985.
223, 1615,
Gourfein, 829.
Goursat (E.), 195, 246, .2
396, 326, 1026.
Gouy (G.), 4 à 7, 411,
1063.
Gowland Hopkins, 41.
Gramont (A. de), 435, 759, 1021.
Grande Encyclopédie, 44; 19, 134, 190;
245, 290,2352,r 392. 434, 469, 522, 567,
603, 640, 863, 950, 987.
Grandidier (A.), 49 à 53, 301.
Grandjean, 196.
Grandval, 568.
Granger, 411, 866.
Grasset (E.), S0
Grasset (H.), #1.
Grassmann (Hermann), 859.
Greenhill (A.-G.), 518, 568, 1101.
Greeves (A.), 861.
Gregg W ilson, S6.
Gregor Fee ), 14028.
Gréhant (N.), 3:36, 569, 644, 194, QOÙ.
Griess (J.), 518.
- Grifliths, 524, 568, 1107.
Griffiths (A.-B.), 951.
Griffiths (E.-N.), 295.
Grimaux, 758, 196, 1063.
Grimbert, 991, 4027.
Grobben, 1028.
Gross (Dr), 248.
Gruvel, 44, 137, 193.
Gubler, 1106.
Guecia, 435, 470.
Guebhard, 292, 524, 568.
Guède (H.), 602.
Guénard, 525.
Guenez (E.), 38.
Guëniot, 131.
Guépin, 137.
Guerbet, 796.
Guérin, 248, 829, 1107.
Guermonprez, 830.
Guerronnan (A.), 860.
Guignard (L.), #4, 136, 192,
Guilbaud, 355.
Guillaume, 83, 138, 294, 195.
Guillaume (Ch.-Ed.), 243; 987, 349,
3274 à 380, 467, 525, 600, SS6 à
894, 984, 1102.
Guillaume (J.), 43, 192, 605, 1062,
Guillot, 792.
Guinard, 292, 394, 472, 761, 793.
Guinchant (J.),.604, 64%, 864.
Guldberg, 643.
Gulland, 4174.
Guntz, 139, 435.
Guppy, 140.
Guye (Ch.-Eug.), 388.
Guye (Ph.-A.), 137, 241; 288, 292,:349,
354, 410, 605, 641, 984, 1021, 1106.
Guyon, 794.
Guyot (A.), 193, 759.
Guyou, 192, 291.
195, 246.
H
H. D., 352.
Haberlandt, 197.
Hada (S.), 252.
Hadamard (J.), 42, 76, 564.
Haddon, 605.
Haga (T.), 528, 1108.
Haiser, 252.
Haller (A.), 187, 19%,
241, 565, 368, 604, 64,
192.
Hallion, 62.
201 à 204,
644, 157, 159,
Hallopeau, 394, 437, GH, 644.
Halphen, 646. ,
Halt, 1027.
Hambly, 831.
Hamburger (H.-J.), 199, 296, 868, 907.
Hanot, 138, 606, 761.
Hanriot, 137, 357, 990.
Harcourt (A. Vernon), 521:
Hardy, 193,
Harlé, 136.
Harris Morris (G:), 29, 339, 831.
Hartelius (T.-J.), 758.
Hartmann (H.), 19, 392,52:, 567, 93%
à 944, :
Haton de la Goupillière, 989.
Hatt (Ph.),,1020.
Haudié (Edgard), 46, 83, 138, 193, 394,
356, 395, 438, 526, 511,.607, 645, 162
796, 831.
Hauer (V.), 358.
Haug (Emile), 80, 641, 900, 1022, 1086
à 4098.
Haushalter, 1107.
Hautefeuille, 135, 191.
Hay (G.), 86.
Hayay-25P:} bp
Haycraîft (H.-C.), 85.
Hayem, 248.
Heberdey (Ph.), 197.
Hébert (A.), 191, 246, 395;
950, 1102.
Hcen (P. de), 243.
Held (A.), 187.
Hellriegel, 989.
Helm (G.), 349.
Helmholtz (de), 81.
Henderson (G.-G.), 440, 410$.
Henderson (James), #14.
Henneguy (EF.), 901, 1066.
Henriquez, 82.
Henrivaux (J.), 389.
Henrot, 951, 990.
Henry, 43.
Henry (A.), 243.
Henry (Ch.), 136, 192, 643, 1062, 1107.
Henry (L.), 436, 193, 436, 605, 192
1024.
Hepperger (von), 439,
Héricourt, 82, 4137, 394, 471, 990.
Heringa, 992.
Herissey, 1026.
Hermary, 412.
Hermite, 42, 136, 192, 951.
Herrgott, 136, 191.
Herroun, 866.
Herselin, 865.
Hervieux, #4,.525, 644, q91.
Herzen (A.), 494 à 506.
Herzfelder, 164.
Herzig, 48, 1108.
Hesselgren (E.), 643.
Hescock (C.-T.), 139, 1067.
Hibbert (Walther), 164.
Hilber, 48.
Hill (L.), 495.
Hilt, 44
Hinrichs (G.-D.), 156.
Hirsch (A.), ETS
Hirsch (R.), 1028.
Hirst (H.-R.), 867.
Hlawapch (Carl), 295.
Hodgkinson, 252, 648.
Hoek (P.-P.-C.), 992,
Holetschek, 1108.
Holland Crompton, 140, 295.
Holzmüller (Dr G.), 388, 947.
Hoppe-Seyler, 194, 830.
469, 565,866,
Howette, 435
Houllevigue (L.), 899.
Hoive (H.-M.), 38.
Howorth, 358.
Hua, 1066.
Hubert, 1027.
Hubert (A.), 864.
Hubert (d'), 760.
Hübner (E.), 48
Hubrecht, 296.
Hudelot, 137.
Huggh Ramage, 295.
Huguet (Dr), 865.
Hugo (L.), 43, 136, 291.
Hugot (C.), 792.
Hugounenq, 248.
Humbert (E.), 348.
Humbert (Georges), 195,
470.
Hummel (J.-J.), 439.
Hunt, 1066.
Hurmuzeseu, 42, 19%, 1105.
Huxley, 643
Huygens (Christian), 904.
246, 241, 396,
Imbert (Dr), 81.
Imhof, 1025.
Ince (Walter-H.), 139.
Ingle (Harry), 648, 1108.
Inspecteur de la navigation, 194.
Iscovesco, 1107,
Istrati, 565.
J
Jack (William-R.), 90%.
Jacob de Cordemoy (H.), 1059, 1103.
Jacolin, 990.
Jacquet (Louis), 565.
Jacquet (Lucien), 603.
Jacquiot-Constant, 193.
Jacquot, 472.
Jadin, 751.
Jammes, 602, 794.
Tandrier, 989.
Janet (Ch.), 80, 246, 411, 1024.
Janet (P.), 83, 133, 195, 294.
Jannettaz (Paul), 38, 789, 825.
Janssen (J.), 135, 292, 436, 605, 641,793,
903, 988.
Japp (Fr.-J.), 48, 196, 861.
Jarry, 642, 795.
Jaubert (G.-F.), 1107.
Jaumann, 197,
Javal, 865,
Jay, 395, 646, 194.
Jayle (F.), 4734 à 47%.
Jean (Ferdinand), 4142 à 425.
Jean (Jules), 412 à 425,
Joergensen (Alfred\, 566.
Joffre, 395, 526.
Joly (A.), 641.
Joly (J.), 84
Jolyet, 525.
Jonchère, 82.
Jonnesco (Dr), 1027.
Jonquières (de), 247, 292, 56$.
Jordan (Ch.), 292, 354, 605,
Josué, 82, 472, 794.
Joubin (L.), 602.
Joué, 605.
Joung (G.), 1108.
Jourdain (P.), 954.
Jourdan (El), 407 à 412.
Jousseaume, 46.
Jowett, 252.
Julius (W.-H.), 648.
Julliard, 355, 356.
Jungfleisch (E.), 80, 193.
Ki
Kaiser (Wilhelm), 197.
Kalindero, 194.
Kalt (Dr), 248.
Kamerlingh Onnes (H.-A.), 86.
Kantor (S ), 989.
Kapteyn (J.-C.), 648.
Kapteyn (W.), 86.
Kaufmann, 82, 136, 138,
394, 437, 991.
Kellas (A.-M.), 571.
Keisch, 248.
Kelvin (Lord), 396, 1024.
Kern (E.), 830.
Kilian, 80, 246, 641, 643.
Kirmisson, 569, 194, 1027.
Klemencic, 295,
Klobb, 951,
Kluyver, 992, 116.
Knoll, 295.
Knott, 474.
Koch (G.), 135.
Koch (H. von), 136, 989.
KϾhler (Dr R.), 188,
639, 62, 988.
Kéænigs (G.), 286, 470, 523, 526.
Kæppen (Lothar de), 470.
Kohn (L.);, 194.
Koninck (voir Oeschner de Koninck).
Konovaloff, 1095.
Korda (Désiré), 353.
Kostanecki, 1108.
Koster Gzu (W.), 1068.
KoubanoiT, 248.
Kowalewsky, 641, 760.
ER (TJ. de), 135, 138.
Kraft (F.), 186.
Kratshemer, 197.
Kuenen, 868.
Kunckel d'Herculais, 455, 523.
Künstler, 793.
274 à
L
L. B., 348, 1058.
L. O. (voir L. Olivier).
La Baume- Pluvinel (A. de), 600. .
Labbé, 43.
Labbé (A.), 246.
Laborde (J.-V.), 137, 194, 248, 355, 760,
830, 1027, 1062.
Laborde (de Bordeaux), 606.
Lacaze (Dr), 7245 à 353.
Lacaze-Duthiers (de), 760.
Lacour (E.), 387.
Lacroix (A.), 194, 246, 394,
Lafay, 43.
Lafon, 246, 471.
Lagneau, 355, 394.
Lagrange (C.), 641.
Lagrange (Dr F.), 471.
Laguesse, 1027.
Laigue (de), 1025.
Laisant (C.-A.)
294, 396, 467, 526, 1020.
Lajoux, 568.
Lalesque, 761.
Lallemand (Ch.), 186.
Laloy (Dr L.), 133.
Lamy (H.), 950.
Lancereaux, 293, 830.
1062.
de Lies, 14 re AE
191, 292, 293,
282,
46, 84, 459 ct 460,
TABLE ALPHABÉTIQUE /DESIAUTEURS
Lanchester, 1066..666 ,(.4-.L) enoz5bnsil
Landauer (J.), 18934 ,£1 (19) owrstgodl
Landerer (1.-3.), 1081 -(aoul 96) sn1qè
Landouzy, 794. eat 160 (A) oniqédl
Lang, 1108. 106 ,zy019
Langemeyer (Dr), ac8. (1) zu018I
Langlois, 190, 355, 47242525, G4b3 194
901, 106%, 1104. SG EL ol
Lannelongue, 11062, 4063: 1 9b yo a
Lannoy (Stéphane dé), 470:! xost out
Lapicque, 44/1137}/41384 203. on 529,1
603, 1027. of D BÉCAN!
Laplanche (M.-C. de), 2% 4.14) 54229
Lapwoïth (A)$ 4781 (A 2() sanoit54
Larbalétrier (A), 938 41924.
Larmor (J.), 41. C'.(17 20
Larrey (baron), 246, 951, 988.01
Lasne (Henri), 644. 1} rt
Lauder (A.), 85 :
Laugier, 44. noinas se SJ
Laulanié, 248, 570. ùT ,ù
Launay (L. de), 362 à #29,
6#1. ll
Laurent (A.), 440. COX ZE A
Laurent (E.), 41, 1023. 5x9}
Laurie, 47, 295. ui
Laussedat, 42.
Laussedat (A.), 604.
Lauth, 292, 616.
Lavenir (A.), 388.
Laveran, 44, 19%, 642, 994.
Lavergne (Gaston), 350.
Lavergne (Gérard), 8 à 23,
243.
Laye, 192.
Layet, 1106.
Leau, 241.
Lebeau, 988, 1024, 1025.
ebetlo 1065.
Le Bel, 472.
Lebret (A.), 198, 992.
Le Cadet (G.), 43, 864.
Lecercle, 642, 193.
Lechappe, 291.
Le Chatelier (A.), 81.
Le Chatelier (H.),
538, 830.
Leclainche (E.), 1061.
Lecomte (H.), 191, 246, 1060, 1103.
Lecoq de Boisbaudran, 246, 292, 410,
520, 568, 604, 759, 1062.
Lecornu, 396.
Le Dantec (Félix), 80, 191, 194, 640,
275 à 280, 1082 à 1085, 1106.
Ledé (Dr), 830.
Le Dentu, 355, 437, 524.
Leduc, 81, 394.
Leduc (A. \, 247.
Leduc (S.), 81.
Lefèvre, 293, 472.
Lefèvre (Léon), 29#.
Lefrancois (voir Limonet).
Léger, 193.
Léger (E.), 80
Léger (M.), 354.
Legrain, 131.
Legros (Ct V.), 468.
Leidié, 641.
Leleux, 471.
Lelicuvre, 131, 1101.
Leloir (H.), 355.
Lemaire, 796.
Lemaistre (Dr), 437.
Lemoine (E.), 1020.
Lemoine (G.), 247, 582,
Lemoine (J.), 1020.
Lemoult, 864, 865, 903.
606, |
186,
529 à
DEA 94
304, 24,
1105.
- Lenderens (J.-B.),
ABLE) ALPHABÉTIQUE DES | AUTEURS
1123
353..0001 ,101201{o1x
Lepierre (Ch.), ÆTLET (.L) 1susbn
Lépine (de Lyon), 1941 , ET 1919b084
Leroux, 39%, 1021. 8011 ours
Leroux (J.), 524. 210 (1) savons
Le’ Ro (H.9$ 2867
Le Roy, 191, 353. 4011 ,390t ,H0e
Le Roy de Méritourt,c44/13%, 47444027.
Le Royer (Alent}} G£h onelqte) we
LeScϟrs CS SE LUEUR
Lesseps (Ferdinand de), 42, .f!
Lesska (Fr.), T6& ,(:6 .9-.M
Létienne (Dr A.), 189; 245, < 603,
758, BI ADEALA 1OSS I: led
Letulle (Dr M.), 245. .(i É
Levat, 526..880 ,1£0 ,9} !
Levavasseur (R.), 435, 410, 604) 793.2
Leveau (G.), 989.
Le Verrier (U.),38, 197 à 183,
Lévi, 606, 761.
Lévy (LAF&BT Li
Lévy (Maurice), ei 903.
Lewes (V.-B.),
Lezé (R.), 539
Lhuillier, 864.
Lieben (Ad.), 295.
Liebermann, 252.
Liégeois, 194.
Liévin, 568. 4
Ligvoier (0.), 472 ct 133.
Limb (C.), 792, 830,948, 1059.
Limonet dit Lefranc Wiss 829. ?
Lindet (Louis), 46, 224 à 234, 216.
351, 192.
Linder, 246, 292.
Ling (Arthus L.), 252, 831.
Linossier (G.), 355.
Lion, 82, 137
Liouville (R.), 470.
Lippmann (de Vienne), 197:
Lippmann (G.), 82,83, 247, 524
Litleton (Mile F.-T.), 252.
Livache, 436.
Liveing, 760.
Lobatschevsky, 1029. vif
Lobry de Bruyn, 907, 992.
Lockyer (N.), 568, 952,990, 991.
Lodin (A.), 569.
Loewy (Maurice), #3, 81, 439;:643, 159.
Loir (D"), 434.
Lombroso (Cesare), 902.
Lorentz (H.-A.), 87.
Lortet, 758:
Lory, 193.
Lothelier (A.), 985.
Longuinine (W.), 990.
Lovén, 903.
Loven (Sven Ludwig), 1028:
Lowy (E.), 439.
Lucas (A.), 604.
Lucas (Félix), 759:
Tépine (R.), 934,988. 20 ,xuobosil
I
à 271:
F +0
Lucas-Championnière (J.), 248; 471,
194, 1062.
Ludwig, 568, 1027.
Lumière (Aug.), 410, 601, 4034 à
1035.
Lumière (L.), 410, 601, 1034 à
1058.
Luxmoore (C.-M.), 8617, 1067.
Luys, 525, 760.
Lyon (G.), 1104.
Mac-Callum (W.), 252.
Mac-Clelland, 251.
. | Macdonald (G.),
cé ,001 e2iolensdl
5711.
Mac-Donald (G.-W.), 4
| Macé, 829.
. Macé de Lépinay{(d.), 435.
| Mac-Gillavry, 87, 215.
Mac-Kendrich, 86.
Maclean (Magnus), 396.
Mac-Laurin, 252.
Magitot, 293, 355.
Magnan, 760.
Magnier dela Source, 1063.
Magnin (Ant.), 861, 986.
Mahler, 358.
Malassez, 82.
Malbot. (A.), 904.
Malbot (H.), 904.
Malgat (D'), 248
Malherbe (de), 2#1.
Mallèvre (A.), 42, 136, 139, 1062,
Maltézos (C.), 435, 829.
Malvezin (P.), 1020.
Mamert (Thomas), 138.
Manceau, 1025.
Maneuvrier (G.), 642.
Mangin, 525, 1107.
Mangin (L.), 524.
Mann (Harold-H.), 648.
Mannheim (A.), 46, 354.
Maquenne (L.),.38,
357,. 433, 468, , 150,
1022, 1106.
Marchal, 606, 1063.
Marchand (Dr), #71.
Marchaux, 1027.
Marchis, 294.
Maréchal (A.), 132.
Marey, 136, 160, 830.
Marfan (Dr), 189.
860,
53 à 56,
899, . 903,
Marguerite-Delacharlonny (P.), 1068.
Marie (T.), 899.
Marillier (L.), #1, 522,
Marinesco, 137, 194, >
1107.
Marion, 1024.
Marjolin, 293.
Markoff (André), 524.
Marmier (Louis), 1023.
Marmorek, 248, 356.
Marqfoy, 1024.
Marre (Eug.), 350.
Marsden Manson, 135.
Marshall (B.-C.), 527.
8
8,
Marshall (Oh. Devereux), 572.
196, 1407.
Marshall (Dorothy),
Martel, 990.
Martel (E.-A.), 566,
Martin (F.), 1065.
Martin (J.),
193, 194,
394, 435,
604, 606,
19%, 829,
2465 248, 292;
436, 410, 471,
642, 643, G44,
864, 865, 904, 951, 988,
28, 987, 1023.
356, 606, 1027,
43444, S0, 51,.436,11317,192
293,354, 35b;
524, 1568, 569,
160, 761,793,
989;
990, 1026, 1027, 1063, 1103, 1106.
Martin (K.), 907, 1068.
Martinaud (V.), 643, 988:
Martinet, 642.
Mascart, 410.
Masoin, 194, 355.
Massart (Jean), 214.
Masséé (Jean), 826.
Massey, 568.
Massieu, 795.
Massol, 792, 865.
Matheron, 81, 135.
Mathias (E.), 61% à 649.
Matignon (C.), 42, #4, 80, 81, 136, 137,
193, 246,.2£8, 291,
191, 192,
292, 354,
139,
355, 394, 435, 470, 471, 429 à 493,
523, 524, 568, 569, 604, 606, 641, 649,
760, 761, 193, 194, 829, $30, 864;
903, 904, 951, 988. 989, 990, 1024;
1026, 1027, 1062, 106-. 1106-5404
Mäaumené, 42, 44, 46, 435,439, TR
472, 569, 571, 606, 646, 865, 1106. ‘
Maurain, 793. f
Maurange (G.), 134, 289,,392,,567, 603;
194, 902, 950.
Maurin (Ch.), 983.
Mayencon, 292. I
Maze (abbé), 393, 7192. il
Mazelle (E.), 1108. At
Medley, 85, 251.
Meerens (Ch.), 568.
Mégnin (P.), 991.
Meldola (R;),197: 647,.1066.
Mendel (Prof.), 758.
Mendeleef, 903.
Mensbrugghe G. van der), ÿ5L,
Mer ( (Em.), 193
Méray (Ch.), 347.
Mertens (F1.), 295; ‘
Meslans, 135.
Meslin (G.), 192. #
Mesnard (Eug.), 244.
Mesnet (Dr E.), 986.
Mesnil (F.), 640, 1023.
Mettetal, 1024.
Meunier, 138.
Meunier (Stanislas), 492, 4026.
Meunier (Victor), 901.
Meyer, 355, 645.
Michaels (Dr), 137.
Michel-Lévy (A.), 193; 644, 793.
Michotte (F.), 14059.
Mignet (F.), 1024:
Mignot (Dr), 951.
Miles Walker, 85.
Millardet, 42, 44.
Millet (S.), 194.
Mills (Ch.), 1067.
Milne-Edwards
207%.
Minchin, 399, 647, 1066:
Minel (P.), 187, 859.
Minguin, 568:
Ministre de la Guctre, 989.
Ministre de l'nstruction publique, 81.
Ministre des Affaires étrangères, 135,
191.
Miquel (P.), 904.
Mirallié, 293, 356, 645
Mirinny, 435.
Mislawsky, 645.
Moëssard, 568, Es
Moissan (H.), 42, 43, 80; 81, 136, 494,
195, 472% à 499 154% 515, yet
568, 644, 642, 951 "188, 990, 1025, INTER
Mojsisowics (deŸ, 1063
Molteni, 438.
Moncoryo! 865, 1106.
Mond (L.), 866.
Monet (E.), 470.
Monod, 472.
Monod (C.), 137, 1106.
Monod (Ed.-G.), 467.
Montessus (de), 569.
Montessus de Bällore (dé),
Moody (Gérald-T.), 439,
Morat (de Lyon), 248.
Morax (V.), 392, 603.
Moreau (G.), 192, 353, 468.
Moreau (H.), #4.
Moreigne, 357. 01 #30 8
Moret de or 1026.
(A.),
292,902:
11
1Q
% TABLE ALPHABÉTIQUE DÉS AUTEURS !
Morisani, 355.
Morisot, 793.
Morris Travers, 861.
Mosnier (A.), 247.
Mosnv, 82.
Mossé (A.), 1027.
Motet, 82, 644
Mott (Fr.-W.), 763.
Mouchet (Dr), 82.
Mougeot, #4, 131.
Mounet, 291.
Mourcaux (Th.), 81.
Mouret, 248.
Mouret |G.), 909 à 947, 1004 à
1008, 1071 à 1081.
Moureu, 1027, 1062, 4105.
Mourier (Dr), 761.
Mourlot (A.), 792.
Moussous (A.), 758.
Mouton, 1064.
Moynier de Villepoix, 292.
Mulder, 907, 992.
Muller, 643.
Müller (P.-T.), 32 à 35.
Müller (Th.), 247
Mullin (A.), 388.
Munro, 474.
N
Naber, 399.
Nabias (B. de), 826.
Nalepa (Alf.), 252, 1028, 1108.
Nansen, 643.
Nastukoff, 989.
Natterer, 197.
Nencki, 1027.
Nepveu, 606.
Nerville (F. de), 788.
Neville (F.-H.), 139, 1067.
Newall (F.), 249.
Newcomb (S.), 42, 641.
Newth (G.-S.), 1108.
Neumann, 604.
Nicaise, 569, 606, 991.
Nichols (Edward), 432.
Nicolaïew (de), 903.
Nicolas (Dr Ad.), 189.
Nicolas, de Lyon, 1107.
Niewenglowski (B.), 431, 519.
Niewenglowski (G.-H.), 187.
Nivière, 864, 1027.
Nobécourt, 1021.
Nocard (Ed.), 19%, 434, 569, 991, 1061,
Nodel, 865.
Noé, 19%, 437, 569.
Noguës, 136, 990.
Nolan, 642.
Nordenskiold, 470.
Norman Collie (voir Collie).
Norman Lockyer (voir Lockÿer).
0
Oates (W.-H.), 85.
Obermayer (Albert v.), 1028.
Ocagne (M. d’), 195, 249, 295, 393, 396,
1020.
Œschner de Coninck,
393, 569, 570, 194,
Œttinger (Carl), 358
Olivier (E.), 355, 602.
Olivier (L.), ou L. O., 87, 134, 200,
235 à 238,358, 361,425 à 427,
253 et 254, 151, 908.
Ollier (L.), 289, 1062.
Olszewski (K.), 104 à 403, 796.
135,
246, 247,
Omelianski, 1026.
Onimus, 1027.
Oosting (H.-J.), 296, 1068.
Orme Masson, 41.
Orton, 1067.
Osaka (Y.), 252.
Osmond (F.), 1026.
Ostrousky, 604, 645.
Ostwald (W.), 988,
1069 à 4071.
Oudemans, 906.
Oustimovitch, 193.
Ouvrard, 903, 1105.
Overeem (M. van), 648, 907.
P
Pabst (Camille), 566.
Pachon, 44, 570, 865.
Pagnoul, 436.
Painlevé (Paul), 131, 195,
829.
Pallas, 759.
Panas, 248, 993, 644
Papavasiliu, 295.
Paquier, 524,
Parenty (H.), 80.
Päris (Amiral), 291.
Parmentier (F.), 1025.
Parona (Corrado), 188.
Paschl (C.), 1098.
Passy (Jacques), 291.
Pasteur (L.), 869, 954, 988, 1094,
1029.
Pate, 764.
Patein (G.), 989.
Paton (Noël), 140, 474.
Pattison Muir, 140.
Paulhan (Fr.), 520.
Péan, 137, 355, 525, 902, 991.
Pech de Cadel, 903.
Peddie (W.), 86, 140, 474, 528.
Pekelharing (C.-A.), 475.
Pélabon (H. ), 903.
Pellat, 83, 395, 435, 438, 607, 645
Pellet (A.), 604.
Pellet (H.), 826.
Pelsencer (P.), 434.
Penck, 641.
Pépin (P.), 605.
Perchot, 410.
Perez, 193. -
Périer (Ch.), 606.
Perkin (A.-G.), 252, 439
1108.
Perkin (W.-H.), 47,
474.
Perman (E.-P.), 572.
Perreau (F.), 1021.
Perrier (E.), 294.
Perrier (G.), 471, 643.
Perrin (A.), 80, 989.
Perrin (H.-W.), 295.
Perrin (R.), 42, 43, 80.
Perroncito, 761.
Perrot, 796.
Perrotin, 990,
Petit (H.), 354.
Petit (P.), 133, 5@6, 1102.
Pétrie (voir Flinders Petrie).
Pétrovitch, 435, 1025.
Peyrou (J.), 43.
Peytoureau (S.-A.), 862.
Phipson (T.-L.), 1062.
Phisalix, 436, 606, 19%, 1063, 4106.
Picard (Em.), 43, 247, 292, 295,
643, 792, 1105.
228, 164, 1067,
48, 85, 252, 358,
1024.
354,
N T1 24 LR" 7 + TF8 Mr ve
A PR AE DRE RS
953 à 958,
291, 333, 159,
1028,
id
119 ,51u0099$
Picart (L.), 1105.
Pickering (J.-W.), 641. Dis
Pickcring (S.-U.), 764. :25F
past (Raoul), 42, 43, 81, 36, 194, 1020
Dane 81, 1062.
Pigeon (L.), 355..
Pillet, 44, 794, 991, 1027.
Piltschikoff. "992
Pinard (A.), 82, 830, 1064.
Pionchon, 11, 410, 1102.
Pittard (Eugène), 416.
Pizon, 248, 794.
Planchon (L.), 288.
Platt, 951.
Plimpton, 358.
Pocher, 472.
Pohl (Julius), 140.
Poincaré (A.), 435, 643, 951, 1026. ‘
Poincaré, (H.), 135, 492, 216, 247,435,
983, 1105.
Poincaré (L.), 71,
899, 948, 1021, 4059.
Poirault (G.), 520, 761, 829.
Pollak (F.), 252.
Pomel, 42,
Pomeranz, 48.
Poncet (Dr), 137, 525, 991.
Ponsot (A.), 45, 46, 193, 247, 523, 570.
Pope (W.-J.), 85, 252, 358, 439.
Porter (A.-W.), 196.
Pousson, #70.
Pozzi (Dr), 137, 355.
Prada (Manuel Vasquez), 1025.
Prenant (A.), 123 à 428.
Prentice (D.), 1108.
Preston (Th.), 281.
Préville (A. de), 352.
Prillieux, 191, 192.
Prompt, 246.
Proust (A.), 44.
Prud'homme, 295, 438,
288, 353, 639, 860,
472, 646, 796,
984.
Prunet, 44, 192.
Prunier, 991, 1027.
Puiseux, 439, 643, 159.
Pum (G.), 252.
Purdie, 607, 1067.
Puschl, 1108.
Putnam (G.-R.), 568.
Q
Quénu, 524, 567.
Quesneville (G.), 989.
Queva (Ch.), 861.
Rabaut (Ch.), 568.
Raciborski (M.), 761, 829.
Racovitza, 44, 248, 761.
Radais (Maxime), 789.
Rafly, 249, 295, 396, 526.
Raichline, 645.
Raillet, 472.
Rambaud, 43, 604.
Ramsay (W.), 90 à 99, 192, 197,
354, 393, 524, 527, 760, 866, 867, 1107.
Ranvicr, 44, 81, 1106, 1107.
Raoult (F.-M.), 792.
Rasch (J.-W.), 193.
Rateau (A.), 348.
Ratz, 140.
Raveau (C.), 82, 1066.
Rayet (G.), 292, 1063, 1105.
Rayleigh (J. W.), 99 99, 192.
Rebière (A.), 190.
coura, 641.
clus a IE AN .. 64 qu! me
ddro À
SR : ë
enaut (de Lyon), 293.
| Renaut (B.), 137.
unie (Edward-H.), 867.
-Rénon, #4, 194, 355, 437, 525, 645,
19%, 1027.
Renou (E.), 291.
Renterghem (A.-W. van), 828.
Repelin, on
_Repin, 2
Resal (H, Se 16, 291, 898, 988.
Rettérer (E), 82, 993 à 1000.
Retzius, 192.
Revil, 136, 642.
Rey (Jean), 565.
Rey-Pailhade, 525.
Revt, 43, 246.
Rhodes, 866, 1066.
Richard (G.), 825.
Richard (J.), 135, 394.
Richard (P.), 1063.
Richelot, 293.
Richer (D' P.), 3335 à 343, 437.
Richet (Ch.), 44, 82, 137, 389, 394, 471
525, 510, 990.
Richter, 48, 1108.
_Richthofen (von), 80, 135.
Rietsch, 865.
Rigollot (H.), 760.
Riquier, S0.
Ritter, 435.
Rivals, 292, 354, 568, 604, 642.
Rive (de la), 523.
Rivière, 161, 1026.
Robin (A.), 570, 991.
Rochard (J.), 606, 608, 1027
Roche (C.), 898.
Roché (G.), 409 à 422, 291.
Rocques (X.), 246.
Roger, 248, 356, 525, 191.
Roguel (F.), 641.
Romanès (G.), 140.
Romburgh (P. von), 87, 296.
Romilly (F. de), 136, 292.
Roos (L.), 393 à S15.
Roques (Ferd.), ?69.
Roques (G.), 355.
Rosard, 291.
Rose (T.-K.), 607, 867.
Rosensthiel (A.), 191, 192, 193, 357, 393‘
438, 472.
Rossard, 354, 1024, 1105.
Rosthner (Ernst), 48.
Rouché, 292.
Roula (Franz), 1028.
Roule (L., 193, 586 à 593, 760,
1106.
Rousseau, 990.
Rousseaux (E.), 133 et 134.
Roussy, 356.
Rouvier (G.), 569.
Rouville (E. de), 420 et 174.
Roux, 645, 1106.
Rücker, 399.
Rudio (F.), 31.
.- Rué, ns
. Ruhemann, 1061.
Ruiz-Castizo (José), 1026.
©
+
[ec]
CU . el V'T$ 91"
TABLE, ALPHABÉTIQUE DES, AUTEURS !
Sabatier, 191, 760.
Sabatier (A.), 81.
Sabatier (P.), 353, 569, 571, 604.
Sachs (H.), 39.
Saillard (Ch.), 826
Saint-Loup (Remy), 1063, 1106.
Saint-Philippe (Dr), 431.
Salisbury (marquis de), 951.
Salomon (H.), 43.
Salomons (Sir David), 46.
Salvert (F. de), 524, 604.
Sanchez-Toledo, 4%
Sande Bakhuysen (van de), 197.
Sans (E.), 193.
Saporta (A. de), 39, 191.
Saporta (G. de), 191, 359.
Sappey, 248.
Sappin-Trouffy, 135, 864.
Sarrat, 136, 1062.
Sarrau, 159.
Sauvageau (C.), 350, 520, 566, 390.
Sauzier, 904.
Saville Shaw, 867.
Savoire, 606.
Sayn, 193.
Scheurer-Kestner, 990.
Schlesinger (Prof. Dr L.), 599, 642.
Schlæsing père, 246, 292, 864.
Schlæsing fils, 605, 989, 1024.
Schoute (P.-H.), 87, 199, 296, 400, 474
415,648, 868, 908, 992, 1068.
Schrader, 643.
Schrawhofer {Franz), 1028.
SchrϾder van der Kolk (J.-L.-C.), 87
Schubert, 247.
Schulhof, 1025.
Schulke (Dr A.), 859.
Schumann (V.), 252.
Schunck (Edward), 197.
Schur {W.), 1062.
Schuster (A.), 81, g
Schutzenberger, 355, 523, 269.
Schwarz, 643.
Scott (C.-A.), 348.
Sedgwick (Miss A.-P.), 473.
Seeliger (H.), 1108.
Séguier (J.-A. de), 286.
Seguy, 393, 192. /
Sellier, 525.
Senderens, 569, 604.
Sergent, 431, 472.
Serrant (Ern.), 899.
Serres (Louis), 899.
Serret (Paul), 864, 865, 904.
Seynes (de), 435.
Sharp, 866.
Shelford Bidwell, 1066.
Sherrington (C.-S.), 763.
Shields (J.), 866.
Show, 1108.
Siacci, 43.
Sibenrock, 1028.
Sidney Young, 46, 1108.
Sicrtsema (L.-H.), 198.
Sigalas, 470.
Sigaud (Dr C.), 469.
Sigmund (W.), 1108.
Silvestri (de), 194.
Simon, 395, 438, 569, 196.
Sipière, 192.
Skinner, 251.
Skraup, 140, 252.
Smith (John), 86.
Smithells (A.), 1108.
—
Smits (A.), 1068. l
Société Royale de Londres, 103 ! R
à 407%. =
Sonstadt (E.), 1067. l Ï
Sorel (E.), $25, 839 à 846, 1038
à 4049.
CUT
FF
Pr
Soret (A.), 187. %
Sorter (A.-W.), 5%6. #
Sottas, 510, 606. 2
Soulié, 412, 323, 510. .
Soulier (Henry), 351, 644.
Soupault, 830.
EUR
Souques, 525. LA
Soury (J.), 41, 62 à 2 351, 158, 191, 2
863, 902, 986. +
Springer (Dr M), 971 à 97% 7
Stæckel (P.), 43, 903, 988. 5
Stanley Kipping (F.), 85, 295, 358, 439, "
512. Ù
Starch, 606. 4
Steindachner, ua “| ;
Stern (A.-L.), 4 À
Stieljes, 80. à
Stodolkiewitz (A.-J.), 84, 353, 436,
Stokvis (B.), 992.
Stoney (Johnston), 399. È
Stouft, 42. à
Streatfeld (F.-W.), 197,
Stricht (Van der), 355.
Stroobant (P.), 755.
Sturany (Rudolf), 197.
Sturm (Rudolf), 37
Suberbie (L.), 745 à 217%.
Suchard, 1107.
Sudborough (J.-I.),
Sulliot, 159.
Sundt (Lorenzo), 135.
Suringar (W.-F.-R), 296.
Surmont, #4, 194.
Swyngedauw (R.),
Sy, 43, 604.
1066.
48, 85, 521, 528.
159, 192.
T
Tacchini (P.), 136, 393,
Tait, 86, 140, 474.
Tambor, 1108.
Tannenberg (Wladimir de), 354.
Tannery (:), 131.
Tannery (P.), 246.
Tanret, 191, 294, 354,
646.
Tarchanow, 606.
Tardy, 642.
Tarnier, 248.
Tassilly, 393, 641.
Tchebichef, #2.
Téguor, 829. ù
Teisserene de Bort (L.), 164 à
46%, 436.
Teissicer, #4, 193.
Teissier (de Lyon), 194.
Teissier (P.), 761.
Termier, 1027, 1106.
Testut (Léo), 394.
Thézard, 568, 760.
Thierry (de), 435.
Thiriet (A.), 1022.
Thiroloix, 356.
Thomas, 395, 645, 196, 1106.
Thomas (G.-L.), 1108.
Thomas (V.), 247, 357, 568, 160, 192.
Thomas-Mamert, 866.
Thompson (Silvanus-P.), 85, 600, s6b
1066.
Thoulet (J.), 248, 353.
Thybaut {A.), 988.
238, 524, 57,
1126
Tieghem (van), GA
Tilden (Will.-A.),
Tillaux, 44.
Tillie (J.), 763.
Tillo (Alexis de),
990, 102€,
Timiriazeff, 248.
Tissandier (G.), 523.
Tisserand (F.), 136, 380 à 384, 989,
1063.
Tissot, 293, 354, 356, 645.
Torrés (Léonardo), 393.
Touche (P.-E.), 760.
Touchimbert (F.-S. de), 136
Toulouse (E.), 1027.
Traguair, #74.
Traverso, 354.
Treik (Jos.), 252.
Tresse, 247.
Troost, 903, 1105.
Trouessart, 138, 79%, 1103.
Trouillet, 761.
Trubert (A.),.42, 605.
Tudor Cundall (J.); 867.
Tamlirz (O.), 358.
Turner (Six W.), 47
136, 759, 193, 089,
14.
U
Urbain (E., 204 à 223,146 à 450,
826, 1028.
v
Vaillant (L.), 248, 526.
Vaillard, 569.
Valcourt (Dr de), 1106.
Valenta, 1108.
Vallier (E.), 136, 155, 989.
Vallin, 44, 525.
Vallot (J.), 566.
Valois, 570.
Vaquez, 293.
Varet (Raoul), 353,
646, 864, 903, 988,
Vaschy, 43, 135, 192.
Väudin (L.), 435, 864.
Vautier, 642, 643, 1064.
Vayssière, 643.
Veley (H.), 140.
Venukoff (général), 191, 642
Verneuil, 395, 606, 608, 641. °
een 1022, ,
LL dRë CHEN hs8:l
Verschaffelt (J.), 907.
Vesque, 394.
lVedsioti(e)}1 13%. )
Vialleton, 158.
Viard Di) 102700 ai TA
Viau (G.), 901.
Vieille (P.), 755.
[AHIIA f
Vigouroux, 135,246; 292, 569, 1026,
1063.
Villard, 191, 605, 759, 795, 642
Villars (E. de), 949.
Ville (J.), 410.
Villiers (At), 43, 80, 81, 135, 136,
139101011498, 1291, 29480 395,
865.
Vincent (DrH.), 522.
Vinot (J.), 81, 605, 829.
Violle (J:),410, 642, 643, Te 106%.
Vislicenus (D.-W.-F.), 242
Vitzou (Ales.-N. |, 904.
Vivet (L.), 816 à S24, 898, 947.
Vivien, 136. :
Vogel (Dr), 400.
Vogt.(Carl), 475, 523.
Vries (J. de), 86,992, 1067.
Vuillemin, 293, 1063.
Vuillemin (D° C.), 758.
W
Waals (J.-D. van der), 198, 648, 907.
Wallace Walker (J.), ‘607, 648, 831, 867,
1067,
Wallerant, 293,523, 4062,
Wallon, 355.
Wardell Stles (D' Ch.), 471
Wassmuth (A.), 439.
Wedensky, 44
Wesscheider (R.), 252.
Weierstrass, 246, 353, 4
Weineck, 358.
Weisack, 292.
Weiss (G.), 195, 253 à 269, 1021
Weiss (Pierre), 393, 438, 195.
Welsch, 606.
Wenieck, 197.
Wentworth Jones, 1108.
Wernicke, 862. ï !
ERRATA
P, 46, au licu de Faurel, lire Fouret.
P:1685, = Thomson (S. P.), lire Taomrson (S. P.\. POST —
P:M431} _ J. Drack, lire J. DracH. P. 439, —
189 139, —— Wyndham R. Dunsion, lire WyÿNp#au Pe927 —
R. Duxsran. 1 159, -
P:4194 — Audouard, lire ANDOUARD. P. 864, —
PA98 — Alfred ©. Clapman, live ALrre C.
; DES AUTEURS
fDIAO 24 J0IT HAE RC SUV: ATON
Wertheimer (E.), 391.
RÉERA o1.
Nes r dar, ee
Wickersheiïm,
Wiener (Otto), 609.
Wilkomm (Moriz), 1028.
Williamson (S.), 1067.
Willotte, 81.
Winogradsky (S.),
Winter, 1026, 1107. À
Wirtinger (Wilhelm), 358, 1028, 1058.
Witz (A.), 243, 348, 432, G43 à 647%,
825, 829, 859, 1058, 1101.
Womack, 85.
Workler ner 474: ?
1062.
CR : — ,23MI44
Worms; 764105liqe 81 ,2591u002 251
Worohine, 4025: AJ 44 2017410842
Wright (Lewis T3; BY 16q —- "|
Wulker:(MllerC:},:252. —" at mo0 À
Wurtz, 1437, 522 osent
Wyndham R. Dunstans:1139;252, 867,
1108.
Wiyÿnne (W.2P.),-572; 867:041u02 ao A
Wyrouboft, 46, 138, 394, 395, 4028:10 2
6/99 1 —
x À
XXX.. 506 à 514, 593 à 595.
y
Yersin, 570.
Young (Gvorges), 164.
Yule (G.-V.), 196, 399.
VA
Zachariadès, 1064.
Zdenek Peske, 439.
Zeemann (P.), 198, 992, 1068.
Zeiller, 43, 492, 360, 604.
Zenger (Ch.-V.), 353, 411, 568, 569, 605,
641, 864, 865, 903, 904, 1105.
Zickel, 1028.
Zochios, 435.
Zorn (L.), 44.
Zwaardemaker (B.), 908.
Zwiers (H.-J.), 198, 295.
CHAPMAN.
Ebnor (V.), lire von Eëxer.
Harvis Morris, lire Harris Morris.
Anslrong (Dr), lire ArMSrROoNG (D").
Sarran, lire SARRAU.
Guinchaut, lire GuINCHANT.
CAUATUA 840 AUQTIASLHIJZ AJAZT
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AHAS (brsubs X) <e dd
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Pe ON ,2C01 ,88E (mlodiiW7} ro TA L,
RO EE GRO SEE DE EE LA) mi
tOtt ,8601 PER CA
AgimMes. — Les {Les eaux souterraines, lés cavernes,
les sources, la spéléolagie)cssic /7...,.........:... 566
ABSORPTION DE LA LUMIÈRE. — Étude expérimentale sur
1" par léficristAux2s.l) ii M..1....... otre OU
ACÉrYLÈNE. — Une révolution dans l'éclairage au gaz.
Utilisation commerciale ‘et industrielle du carbure
104 deéfcaltitm pour là production de l—........... 446
Sn lReciaiTape al LME: LA MER 598
- ACIDE SULFURIQUE:. — Triadbüsteie del — en France... 839
ACIDÉS) BIBASIQUES. — Contribution à l'étude de quel-
QUES... Se cort 022
ACIDES CÉROTIQUE ET MÉLISSIQUE. — Recherches Sur
LES do 00e RSS DRE PE RACE 899
ACIpEs -ORGANIQUES à-fonction complète (2° partie)...._ 38
AcIER. — La métallurgie AE PR RME S ne De 38
ACTINIES. — Étude sur VAnatomie, PERS et le
deyeloppementides 4 le. in 757
AGRICULTURE. — Le rôle de la science Hans lévolution
CAPES RER RER RER Ps AR TR PI dd 56
AGRONOMIE. — L’— au Congrès de Caen M RER RE 173
Revue anne lee M. se nées à ol e mure auoo eos 1008
AIGUILLONS DES PLANTES. — Recherches SRE
sur les épines et les —............ DS enenere 985
AIMANTATION. — De l'influence de } — sur les phéno-
mèdes thermo-électriques........ HaEcE hodoooa-ce 899
ALBUMINES. — La digestion iriptique des — et la sé-
crélion interne de la rate. ....:....... RE NE %. 494
ALGÈBRE SUPÉRIEURE. — Introduction à l’étude de la
Théorie des nombres et de l —......... See ete 131
ALLIAGES. — Les — métalliques...... GUESS an OU 529
ALLOTROPIE. — De l’ — des corps simples............ 77
ALUMINIUM. — La soudure de = ..:................ 36
ÉNALVSR AU CHA LME LUS 22 SR Papiers anus ee ee een US 189
ANALYSE INFINITÉSIMALE. — Lecons nouvelles sur l —
et ses applications géométriques.................
ANALYTISCHEN GEOMETRIE DES ÉBEXE.
GE Es OM ER SAT D RO PE Era
ANATOMIE. — Revue annuelle d' —.......
ANATOMIE PHILOSOPHIQUE. — L’ — et ses divisions LME 1103
ANESTHÉSIE. — Manuel opératoire de l — par la co-
CAM ENICMIPUEPTE Ten LAIRE. mer 901
ANIMAUX DE MapaGascar. — Les —,,................ 693
ANTIMONIATES. — Contribution à l’étude des arséniates
et des — cristallisés préparés par voie humide.... 788
APOCyNÉES. — Produits fournis à la matière médicale
par la famille des —..... De re MA ee route ie sequere 288
APPAREIL DIGESTIF. — Traité des troubles fonctionnels
mécaniques de |’ —, Evolution naturelle de la dys-
HARAS RES Eee ne cer clelelaiste PEER . 469
APPAREILS ACCESSOIRES des Chaudières à vapeur...... 1101
ARGENT. — L’avenir géologique de l’or et de l —. Con-
séquences économiques et sociales...,............ 362
ARGON — [’ —, nouvel élément de l’atmosphère...... 90
EE ER EM SSP RS OR LE 99
— La liquéfaction et la solidification de TE 101
ÉRPAISCHS SOS SUR A RER TEEN Eee SES 103
— L’ — et le système des éléments. 620 rie M LE)
— Les recherches du professeur W. Ramsay sur l —
BE MES ee cb nor ee ocre PRES .. 207.
4 Les chiffres gras renvoient aux articles originaux.
TABLE ALPHABÉTIQUE. DES MATIÈRES :
ET LES NOUVELLES }
LAS à O8E
{
— La Sas de la ne de l°= et l'Analyse:
GPS RESTE LA ES RES Faces ONU
Anrrutiques | — Traité d’ — suivi de Notes sur l’ Orto- j
tografe simplifiée........ HD OC AE 4 oJ..4#41020
ARMURE GÉNITALE. — Contribution à à l'étude de Ra Mor-
phologie de’ l’ — des Insectes.........111. 4.140 862
ARSÉNIATES. — Contribution à l'étude des— Pt des
antimoniates cristallisés préparés par “Voie ‘hu
mide.... Hp oies 0 CE ETES
ART MILITAIRE. — Applications de la Chimie à " —
IMOBPEUAEAR Een eee. c-=0E: 1-0: tin8839
ASCIDIES COMPOËÉES. — Contribution à létudé des —.:::949
ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L’AVANCEMENT DES SCIEN-
CES. — Lies travaux de l° — au Congrès de
Caenñmstiey 17. ne SE MANS ARE DS ae . 159
ASSOCIATION CÉbDÉSIQCE : INTERNATIONALE: = Comptes® ?
rendus des séances de la Commission permanente
de l —, réunie à Innsbruck du 5 au 10 Septem-
bre 1894, suivis des Rapports sur les travaux
géodèsiques accomplis dans les différents, pays
pendant 4 dernièrerannée 1." Rene 56%
ASTRONOMIE. — Revue annuelle d’ —.................. 380:
ASTRONOMISCHE CHRONOLOGIE. ......u...ssssce TELE AS
ASYMÉTRIE et férmentation à propos des travaux de
NÉS MSCRER Ne NL creme Eee ce 53
ATOMISME. — La déroute de | — contemporain....,... 953
— Quelques mots de réponse à la Déroule de Pl —
CONLETIDOTN REC ee ea 02e Ho De 1030
Arom-MEcnaxics. — The Elements of — 4er vol. : The ;
true atomic Weights of the chemical élements and
NO HI OLEMALTOT RER ren Ne tee oeee 156
Azore. — Les anomalies dans la liquéfaction de l'—.. 107
B
BacTÉRIOLOGIE. — Applications de la Micrographie et
de la — à la précision du Diagnostic chirurgical... 134
Précis de CHNIQUE. 2. pe ee 522
BaALISTIQUE des nouvelles poudres. 155
Baryum. — Essai sur la préparation du — métallique.. 948
BenzÈne. — Recherches sur quelques dérivés surchlo-
Tes AUMPhEnOME DATES ERP ER RE EE CE LEE 860
Bères. — Nos —. Animaux utiles et nuisibles. 522,
A D AE RENE ee PR ee A PRES . 640, 758, -950
Brcyeues. — Traité des — et bicyclettes, suivi d’une
application à la construction des vélodromes..; 466
Brcyczerres. — Traité des bicycles et —, suivi d’une
application à la construction des vélodromes...... 466
Bière. — La — et l’industrie de la Brasserie........4. 1102
Bicmarziose. — Étude sur le Bilharzia hæmotobia et
ESS EE oomonseé PR An An de Oro 758
BIOMRGANIQUE: a — 0 NS De 441
BisexuËs. — Les —; Gynécomastes et Hermaphrodites. 1023
BLack-Ror. — Le — et son traitement pratique....... 390
BorNAGe. — Rapport présenté à la Commission extra-
parlementaire du Cadastre sur l’état actuel du —
despropriétés en EranCe ere eee 186
BoraniQue. — La — au Congrès de Caen.............. 172
. Anatomie et phy siologie VépétalEs RENE CDe- CE 602
ren any. — Chapters in Modena RE 433
Boucue. — Formulaire ue pour les maladies ‘de
lar=etdesdents PA. Per re Ut . 901
CONTENUES DANS:T LES/ARTICLES ORIGINAUX, LA BIBLIOGRAPHIE, LES CHRONIQUES
bruwrseerr
1128
TABLE ALPHABÉTIQUE. DESMATIERES
Bouée. — Nouvelle — de sauvetage... . Éotaiie &r
BRASSERIE. — La bitre et l’industrie de la —.........
€
CABLES SOUS-MARINS. — Le relèvement des 2°,.......
CALCUL GÉOMÉTRIQUE. — Précis de — d’après les théo-
ries de Grassmann (en allemand).................
CALCUL INFINITÉSIMAL. — Applications géométriques
dur PR EEE
ciécheCS eee or nn MT MeE de
CARACTÈRES. — Les —. 6
CarBuRE DE CALCIUM. — Une rÉv volution dans l'éclai-
rage au gaz. Utilisation commerciale et industrieile
du — pour la production de l’Acétylène.….
— Sur la préparation industrielle du —...
Cer.LuLose, an Outline of the Chemistry of the structu-
ralmblementsOPePIants. ecrire F5 oo de
CÉMENTATION. — La — des lingots destinés aux pla-
QUES INTRO EEE RE RE SPA das :
CENTRES NERVEUX. — Anatomie des —, I. Méihudes
générales d'étude : Embryogénie, Histogenèse et
Histologie. Anatomie du cerveau..... tre
CERVEAU HUMAIN. — Atlas du — et du trajet des fibres
nerveuses à l'usage des médecins et étudiants en
MÉHECINB Eee sine cles ee me sise
CHaLeur. — La théorie de la — (en anglais). SSSR EE
— Les actions chimiques de la lumière et de la —.
MethoderdetM°G: Lemoine." eee. ce
CHaMpiGoOxs. — Dictionnaire iconographique des —
supérieurs d'Europe, Algérie et Tunisie...........
CHARPENTERIE MÉTALLIQUE. — Menuiserie en fer et ser-
PATES ES) LE PSE M ANNEE Re PRE SERRES
CHaux HYDRAULIQUES.— Industrie des — et des ciments
GTMETANCER SR ete ee dre e dela ne silo steel ;
CHIEX. — Anatomie descriptive et topographique
du
Came. — La — au Congrès de Caen.
— Cours élémentaire de —, rédigé conformément à la
nouvelle nomenclature proposée par le Congrès de
Genève ;
— Applications de la — à l’art militaire moderne....
— Traité de — avec la notation atomique. Métalloïdes,
Métaux, Chimie organique. ..... TER CHERE
CHmtE ANALYTrIQUE. — Les bases scientifiques de la —
(en allemand) ..... TRES Moser 2 Ebelécobes
CHIMIE MÉDICALE. — Corps minéraux.Corps organiques.
Chimie PURE. — Revue annuelle de —.......... sobre
CniRurGIE. — Revue annuelle de —........... ......
CHiRURGIE OCULAIRE. — Recherches bactériologiques sur
lPétiologie des CE RA aiguës et sur l’asepsie
dans la —........ ..
CHRONOMÈTRES. — Les — de : marine.
Cimexrs. — Industrie des chaux hydrauliques et des —
BNMETANCE Mn and see area TIC de Re
CINÉMATOGRAPHE, — Le — de MM. Auguste et Tout
ÉDTPET BE de SE More dll Este So So dE Sas
CLiNiqu E CHIRURGICALE, — Lec ons de — professées à
l'Hôpital Saint-Louis pendant les années 4889 et
1890. Da lere te stnt re MUR LES ete s Hess Le
CLINIQUE THÉRAPEUTIQUE. — Traité élé mentaire de —
CLINIQUES CHIRURGICALES de la Pitié.
CocaixE. — Manuel opératoire
en chirurgie dentaire..….....
—].a — en chirurgie
Coccipies. — Les —....
Cœur.
COMMERCE A GET =
économique de l'ile:....... Pan PRE 7 NOR tn ET es
COMMUNICATIONS TÉLÉPHONIQUES. entre Les trains et les
stations de chemins de fer
COMMUTATEUR ÉLECTRIQUE... .. e
COMPARATEUR AUTOMATIQUE ENREGIS
M. le commandant Hartmann..... PR,
CouPREssEUR D’AIR. — Un nouveau type de —...,..:
CoOxXFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE. — Les travaux de la —
19
1102
de Bruxelles, . :.
CoXGRÈS GÉOLOGIQUE
hinetan 2 tro:
CONJONCTIVITES
Pr
international. Sn de. Wasab
N° RU. TAAUITA/IDPIO
AIGUES. — Peche bacté
rurgic: oculairas.20{ainomehot 21010. shine. aue9 603
CONVENTION DU MÈTRE, —"La—<{.af). site ::11886
CoRPUSCULE, CENTRAL. —. Le — et. la division: teellacil —
aire. ne casse NN MP ESS ti0e PONET AE
CouLEURS REPRODUITES. — Lesi — en photographie::.11-3%
CourANTS ALTERNATIFS. — Troubles causés-sur les di:
gnes téléphoniques par une distributiôh à —....:0° 129
787
— Actions des — à haute tension sur l’homme...
— Étude analytique et graphique des 4=!4..41i4u.211 788
— Leçons sur les notions fondamentales relatives à
liétuderdes =" en 1102
COURANTS DE GRANDE FRÉQUENCE. — Sur l'action phy=1/1#111
SLR CUNIILUEL
siologique des —....... ral Jamal 25h naNEIeneT
CouRANTS TRIPHASÉS. — [L'emploi des — à li station:
centrale d’électricité de Chemnitz.........4.1rau, 250814
CRYPTOGAMES VASCULAIRES. — Recherches ranatomi=: 1110
ques sur les — lot. * 1190520
CULTURE FOURRAGÈRE. — Manuel de ee er 468,
D Au
DÉBRAYAGE. — Nouveaux appareils de — et freinage
AUTOMALIQUES RE EEE eee ee ou: 29 à (LL)
DÉCHARGES ÉLECTRIQUES. — Les — à travers les gaz... 283
DÉCORATION CÉRAMIQUE au feu de moufle............... 38
Dexrs. — Formulaire pratique pour les maladies de la #
Lee Poe HHosremoasone rer rene ire I
DÉRIVÉS TARTRIQUES. — RécHétches sur quelques —
de structure dissymétrique...... Se Me SE TUE - 156
DERMATOLOGIE. — Précis élémentaire de —. I. Derma
toses microbiennes. Néoplasies........... PE CO
Désixrecrion. — De la — des poussières sèches des
appartements au moyen de substances gazeuses et
VOTATHES en ee CES EEE = e D PRET 904
DIAGNOSTIC CHIRURGICAL. — Applications de la Micro-
graphie et de la Bactériologie à la précision
CO Eee Vers SAR En RE RE CA EE 134
DioscoRäEes. — Recherches sur l’anatomic de l'appareil
végétatif des Taccacées et des —.................. 861
DisrersION. — Étude expérimentale de la — et de la
Réfraction des gaz... ect rude lat
DisSrANCES ANGULAIRES CÉLESTES. — Sur les mesures
micrométriques des petites — et sur un moyen
de perfectionner ce genre des mesures............ 105
DiSTILLATION. — La —. mt ee He Mo rnT82)
DisTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ. — ‘Un nouveau système
de —;, système monocyclique du D' L, Bell........ 564
DESON CELLULAIRE. — Le corpuscule central et
Re — Traité des troubles fonctionnels mécani-
ques de l'appareil digestif. Évolution naturelle de
LEE Mo ee PEER PE Er drole hn409
E
Eaux-DE-Vie. — Fabrication des —......... PERS +250
ÉCLAIRAGE. — L'—' Paris. sur. A RARES 132
ÉCLAIRAGE AU Gaz. — Une FU RUDne dans v —. Utli-
sation commerciale et industrielle du carbure de
calcium pour la production de lAcétylène......... 446
ÉLecrrierré. — Les applications mécaniques de l —
dansiles Mines. eee et a TE AT Dès Th 8
— L’— appliquée à. la Marine..,..,........""2 AB
— L’' — employée comme moyen de chauffage... . 46%
— Cours élémentaire d'—...... MR ame 918
ÉLECTRICITÉ AGRICOLE... . » . » : : ner sb 1e E PO D
ÉLecrrierry. — A laboratory Manual oË Physics and
RO ME manne a TT Pt eee D)
TRO-AIMANT, — L’ — et l'Électro-mécanique....... 600
crRo-cyimtE. — Sur l'extension de ? — industrielle, 296
CTRO-MÉCANIQUE. — L’Électro-aimant et l —...... 600
ÉLecrroeurion. — L’ellicacité de l —.. ...... Er PL
ologiques 224
sur l’étiologie des — ét: sur/l'asepsie dans la chi 2120
mt E.
À Besevra-Marnenarix, -— Methodisekes Lehrbuch
: fLQIzROC 388 ct 947
D uenr DES RIVIÈRES — en Australie... 439
ÉTIQUE. — Lettre SES LE EAUOIE AU LUE 1069
» Énerem ÉLéommiQue. =: Électricité industrielle : Le-
“ çons sur les notions fondamentales relatives à l'é-
D DeBude et aa mesure. de. L—<;l 7 Mani JA ANT 71
_ — Exemples de transport d'— À grande distance... . 982
DS LPS sources di ent encens séismes sou 1102
_ ENSEIGNEMENT calMiQue. — [2 — à ‘l'étranger. Labo-
ratôires nouveaux) .2l0nQn bem A2 201
BE Sur.l';-—-en Francerntsil. MULHSU AR in, 20 35S
_ Exrropie. — 1 —;, sa mesure et ses variations :
#01 1l'e partie. Méthodes, Lois fondamentales. ...... 909
2e partie. Mesure de la reversibilité des transfor-
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- Épixes. — Recherches anatomiques sur les — et les
| :* aiguillons des plantes. [nfluence de l’état hygromé-
ë trique et dé l'éclairement sur les tiges et les feuilles
D 2ièdes plantes aepiquantssaeul 4 UML IonnNE Sen 985
._ ÉPREUVES PNOTOGRAPHIQUES. — Instructions pratiques
pour produire des — irréprochables.............. 388
20 DU DU, du
ÉQUATION DE LA CHALEUR. — Sur | — = 387
; RELMNUE x
EqQuarions DE LA Dyxamique. — Mémoire sur la trans-
MIO MANON dE nnnen eue for e doye 131
ÉQUATIONS ZINÉAIRES. — Sur les intégrales des — aux
dérivées partielles du second ordre à deux varia-
HIS TA ÉPeNdANTES re de Eu Rs 0 sec 7 PÉANES
ESSAIS DE RÉSISTANCE DES MÉTAUx. — La mesure des”
petits allongements dans les —............. AoVee 822
ÊTRES VIVANTS. — Histoire naturelle des —, I. Anato-
mie et Physiologie ammales et végétales. II. Re-
production chez les animaux et compléments. —
Classifications zoologiques et botaniques.......... 1060
EXPANSION FRANÇAISE. — L' — en Afrique........... 593
EXPLOITATIONS AGRICOLES A MapaGascar. — Les gran-
des —. Canne à sucre, Cotonnier, Vanillier, Pignon
d'Inde, Caféier, Cacaoyer, Tabac, Aloës et Agavé,
Rizeautres CIIUTES AE es eee eme ee LE 0B
Expcosirs. — Deux nouveaux — de grande puissance 128
F
FACTEUR THERMIQUE DE L'ÉVOLUTION. — Le —...,. 107L
Fascixarion. — Le Somnambulisme provoqué et
DE LS EPS EE tr 986
FEMMES. — Les — dans la Science................... 190
FERMENTATION. — Asymétrie et —, à propos des tra-
ADR PMEEM ARR SCR ET RE A EC rer 53
— Les microorganismes de la —.................... 566
Feuizze. — La Récapitulation et l'Innovation en Em-
k bryologie végétale. Ontogénie de la plantule. Orga-
3 nogénie de EE - 24%
FIBRES NERVEUSES. — Atlas du cerveau humain ct du
trajet des —, à l'usage des médecins et étudiants
nmédecine eee mea era ie mn sn 758
Hroserdeilile.de la RéUNION.. 672.0 MErntenie- er ce 1103
Foncrioxs. — Sur des — d’un point analytique à mul-
tiplicateurs exponentiels ou à périodes ration-
HE à ESA NS TO EH LL EN Se 387
— Sur quelques points de la théorie des —........... 637
— Sur les — de x variables complexes.............. 1058
Foncrioxs ELLIPTIQUES. — Abrégé de la théorie des —. 467
os Et lEUTS APPHCAIONS en e - = ee pda e 24 518
Foxcrion % (5). — Sur la — de Riemann et sur des
NON SENTIMENTS RESTO UE 964
HONTE Fabrication dela... ee ct ce 38
Forces ÉLECTROMOTRICES. — Mesure directe des — en
unités absolues électromagnétiques................ 1059
Fonceace. — État actuel du travail du fer et de l'a-
cier :
{re partie : — et laminage :
2% partic : Produits de forge. Conditions géogra-
phiques et économiques de la production.......... 917
FORMES QUADRATIQUES. — Sur deux formules fonda-
mentales dans la théorie des — et de la multiplica-
FABLE AUPHABÉTIQUE DES MATIÈRES
tion complexe d’après Kronecker.
FREIN À AIR. — Le — Genett........................ 428
FREINAGE. — Nouveaux appareils de CPE age et de —
automatiques...... D Or PE 1100
Frurr pes ConIFËREs. — Contribution à l'étude de
l'anatomie comparée du —............ SUEù NIVISQ
G
GasréroPones. — Recherches histologiques ct organo-
leptiques sur les centres nerveux des —.....,,..., 826
GÉMEN UN SEC RER NT AREA O ETS ON
GÉoGraPpuie. — Revue annuelle de —..
GÉOGRAPHIE LITTORALE. — La —....... ré
GéoLocie. — La — au Congrès de Caen.:
— Revue annuelle de —...... PR US PONS GIE SERES
GÉOMÉTRIE ANALYTIQUE. — Cours de — :
IMSECUONSICOMQUES Mae 2e a EC de nc L 131
IT. Construction des courbes planes et compléments
relalifs aux Coniques....-..". "4.1. o 519
GÉOMÉTRIE À PLUSIEURS DIMENSIONS. — Principes fon
damentaux de la — (en allemand).....:..,....... 185
GÉOMÉTRIE LINÉAIRE. — Traité synthétique des figures
du premier et du second degré dans la —, 1re par-
tie : Complexes linéaire et tétraédral. 2® partie :
Congruences du premier et du second ordre (en al-
TEA) RSR EE 37
GEOMETRISCHE ANALYSE. — Gesaimmelte mathematische
und physikalische Werke. 1er volume, 1'e partie :
Die Ausdehnungslehre von 1844 und die —........ 839
GescnicaTe DER MaTuEeMATIK. — Vorlesungen über —
BU MEN EE NC MM OO ANR EEE 76
GESELLSCHAFT DER WISSENSCHAFTEN. — Kæœnigliche —
deG CIRE rent eee enr Ce re reed
GISEMENTS AURIFÈRES DE MADAGascaR. — Les —..... 715
GITES MÉTALLIFÈRES. — Etude industrielle des —..... 468
GomMES LAQUEs. — Contribution à l'étude des — des
Indestettde Mañarascan ei PETER ere 756
GRANDE ENcycLopÉDiE — Inventaire raisonné des
Sciences, Lettres et Arts. 05e et 506c livraisons... #1
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50985100 AZI VPAISONS "2 ones 134
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— RPC IVLAISONS Sr ven eee CE CLP 522
— et 90 lIVEAISONS, es re De Se 567
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GRAPHOLOGIE (entitallen)- 22e. eee 902
GROUPES DE TRANSFORMATIONS. — Sur Ja structure des
A IS ICONS Te Le ea er mec eeD NE R 431
GYMNASTIQUE. — Traitement des maladies par la —
SUÉDOISE As tr ci de ECC icheus RP EEE Fo 75e
H
Hérivm. — Les recherches du professeur W. Ramsay
sur l'Argon ét sur L'—.-......................... 297
HELMINTHOLOGIE. — LL’ — falierme depuis ses premiers
temps jusqu'à 4890 (en italien).................... 188
Héparire. — Traité médico-chirurgical de l — sup-
purée des pays chauds. Grands ‘abcès du foie...... 391
Hourcox. — Culture de l’orge de brasserie et du — en
Rance LEE pr RE ER state DER ete ira 958
Hova. — Les — de Madagascar...:............... 49
Huizes. — Recherches sur la formation des — grasses
et des — essentielles dans les Végétaux. ........:. 244
HyprocarBures. — La synthèse industrielle des — em-
ploÿées à l'éclairage. .".27"2eN0n0RS Harecre di 5e 269
PILE à
1130: TABLE! ALPHABÉTIQUE! DES MATIÈRES T
HyproGène, — La liquéfaction de P=, Détermination
de la température critique et de La Se dé:
bullition normale de l’-22} Jia... 2. in HTAA 617
HYDROSTATIQUE. — Traité sur y =" (en anglaïs).0!.4 1404401
HyG@rèxe. — La Médecine : et 1 =: au-Congrès: der
aenue3e de CRE LEULFA LES) PE Lot 2h nel 1. en 174
COLONIALE. — Manuel d’ —:..41 44.8 189
OPTÈRES. — Appareil glandulaire des =—.:.1:.22. 639
HYSTÉREOTOMIE VAGINALE. — Do l' — appliquée au
traitement chirurgical des lésions bilatérales des
annexBs de Futérus ft. Her. CRE ANR, Er. MAO 19
I
INoREASE IN Weicnr or TiN. — The — and Lead on
©Calcination (1630). 565
INDUSTRIE CHIMIQUE. — 157
INFLUENCE DU MILIEU, — [° — sur les animaux....... 188
Inxsecres. — Contribution à l'étude du système nerveux
soûsintestindlides 241. than. MIE, pe, 0 + 900
INSTITUT CHIMIQUE. — L? — de Néncy re 32
Ixsrrrur pe Crime. — 1’ —de la Faculté des Sciences
delle! #04 5 RAR PALAU CAR AUETURE CES BEI IE Ps FO LOU . 477
INSTRUCTION POPULAIRE, — Congrès des Sociétés d” —, 797
ISOTHERMES. — Étude comparative des — observées pas
M. ne et des — calculées par la formule de
MAVan'der Was? Lie MONITEUR Ar 281 . "243
J
Joueurs D’ÉcHEecs. — Psychologie des grands calcula-
LEULEI NS NES ERA EE AEENRC 289
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Ligoraroires. — Description des nouveaux — de la
Faculté des Sciences de Lille. ......... AAA sé 499
— l’enseignement chimique à l'étranger. — Nous 201
Lacs pu JuRk — Les — :
No 1. Généralités sur la limnologie juras
ienne.... 861
No 2. Végétations des lacs du Jura suisse......... S61
LAIT coNcENTRÉ. — La laiterie moderne et l'industrie
Ho, Hooavuodobe ct béniaaosdebdades sente 539
LAMINAGE. — Etat actuel du travail du fer et de la-
cier :
ixéipar te For ere OR. UE. Len 870
2° partie : Produits de forge. Conditions géogra-
phiques et économiques de la production.......... 917
Leap.— The Increase in Weight of Tin and —onCalci-
En At Essence Sn Abbé EEE aan 565
Lras. — Recherches géologiques sur le — de la bor--
dure sud-ouest du Massif ardennais......:..... 1022
Line pE Sceaux. — Le prolongement souterrain de
Es o000b50 td a- dec 239
LINEAREN DIFFERENTIAL-GLEICHUNG
der Theorie der —, t. I 599
LoBArscHEvskY. — Hommage à la mémoire de —.... 1029
Loge occiprraz. — La substance blanche des hémi-
sphères du cerveau humain : I. Le —....... SEC 39
Locomorives ÉLECTRIQUES. — Les — de la Ballimore
and Ohio Railroad Company... DAC 129, 895
Locomorive MINIÈRE. — Nouveau type de —......... . 485
L'OGARITHMEN TarELN. — Vierstellige —, nebst mathe-
matischen, physikalischen und astronomischen Ta-
bellen für den Schulgebrauch,...,....,.... SOLE 859
Lumière. — Les actions chimiques de la — et de la
Chaleur, méthode de M. G. Lemoine.............. 582
LUMIÈRES ARTIFIELLES. — Les — en Photographie.... 243
M
MaëuiNEs AGRICOLEs. — Instructions pratiques sur l'uti-
lité et l'emploi des — sur le terrain. I. Labours.
II. Semailles. IT. Récoltes. 41) 099
Macuxes Azzcis et Scumipr. — Sur un parallèle établi
PAUPAIGS == PODOT ET OP UONLE. épais 832
MacniNE À vareur, — Les dernicrs progrès de la —,, 618
Macnines A vdpEuR 22 Pratt dés 11. 4750.29lninoastsgs
Maënixes raermiques. —. Los 2 (vapeur hair chat de
26t à gaz tonnants).....,.,...,,77. 804 57. 101109203480
MacminEs voLanres. — Le progrès des —. Stabilité., 766
MapaGascar. — Le monde Re Géographie et
Les Animaux de —, Animaux sauvages et anifiau 0
‘domestiques. se RE EN er a L
Macneriscne KReIsE, deren Théorie und Anwendunig. 19 349
MALADIES MICROBIENNES. — Les — des animaux... 7:
MaAxtPuLATIONS DE Puysiquet = Cours | élémentaire! * 10
CNE En nee RL t 1058
MARCHE DE L'Houme, — La morphologie physiologique
- delai rage eme 20e etais Me NO TE NT 33
MARÉES AIDES RTE MT CRE PONS EN à - 102 }
Massir ARDENNAIS. — Recherches géologiques sur 16”
Lias de la bordure sud-ouest du —............ 12
MarnéMarTIQUuES. — Les — au Congrès de Caen. ..... 159'
MATHEMATISCHEN CHEMIE. — Grundzüge der —. ....1 349
MATIÈRE ——-POUT IA cecile CU DE ER 1032
MECANIQUE GÉNÉRALE. — Traité de —. 1. Cinématique.
tique. Hydrodynamique. Hydraulique.............. 898
Mépecne. — La — et l'Hygiène au Congrès de Caen.. 174
ratée MN esee sn sn nie set Se NL UO ele 288
— (Revue annuelledebr ee pere Es 1049
MENUISERIE EN FER. — Charpenterie métallique, — et
S'ÉTEUTERLE, ee co at EU UE 0 Se Te AE)
MESURES ME LECRRIQUES RE Er ep 1102
MESURES PHYSIQUES. — Lecons pratiques sur les — (en
ANCTDIS) ER Eee eee 10 E 0 don 0 Chsmiotru bon 281
MérazzLurGie. — Cours de — professé à l'École des
Mines de Saint-Étienne. Métallurgie de la Fonte... 38
Revue annuelledel—--#4-sec2s-fircee rene ee LT
MéréoroLoaiE. — La — au Congrès de Caen se . 164
MicroGRAPHIE. — Applications de la — et de la Bacté-
Mixéraux. — Analyse spectrale directe des —....
Mineur. — Aide-Mémoire du —.....,........,..,..2.. 56%
Mozzusques. — Introduction à l'étude des —..,...... 43%
MoNpE ÉNERGÉTIQUE. — Le monde mécanique el
MonDE MALGACHE. — Le —. Géographie et aspect gé-
Monve mécanique. — Le — et le monde énergétique.. 1030
Mowocoryzipones. — Recherches sur les — à accrois-
Morr APPARENTE. — La — du nouveau-né
MoreurR-ALTERNATEUR. — Un— destiné aux recherches
MorEurs A GAZ ET A PÉTROLE. — Les — en 1893 et
IS0 Eee Ee PR Rte SONT O yU nettes de Na AIO
MoTEURS A PÉTROLE. — Les — de faible puissance. ... 573
MOTEURS DES MACHINES ÉLECTRIQUES. — Régularisation
CNRS AE SN REDor DE NE A ve Qt)
MOUVEMENT BROWNIEN. — Fes — et les mouvements
moléculaires .......... Re Se Te RCA 1
MOUVEMENT VARIÉ DE L'EAU, — Sur le — ‘dans les tubes
aspect général de —, Le sol, la flore et les forûts.
Les races malgaches ét'Iéut vilsationt 27H À.
Les grandes cultures À 2! Cañnés!
nier, vanillier, pignon d'Inde, cu
table aloës, agave, riz, blé, Viÿhe
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Les gisements aurifères de —:,...,... z :FPRY1528
L'état actuel du commerce à — et PAYER: Bcbho 1 ue
miqnedelIlE EEE RENE REP RSR
La’ pathologiede ="
La politique française à — .
Théorèmes généraux de la Mécanique. De léqui-
libre et du mouvement des Corps solides. IT. Frot-
tement. Equilibre intérieur. KÉlasticité. Hydrosta-
riologie à la précision du Diagnostic chirurgical... 134
RO TR D DORE Pr So TOR TIRE OCDE ere LIEN
néral de Madagascar. Le Sol, la Flore, les Forèts.
Les Races malgaches et leur civilisation.......... . 650
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de laboratoire à University College (Londres)...... 858
capillaires cylindriques évasés à leur entrée et sur
l'établissement du régime uniforme dans ces
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MouvEMENTS MOLÉCULAIRES. — Le mouvement brons
mien (ét 18 ramener craie C an ER PHP 1
Muaugr. — Étude sur le —......... RP RARE Su 4100
MULHrIPLICATION COMPLEXE, — Sur deux formules fon-
TABLE ALPHABÊTIQUE ! DES IMADIÈRES’ !
gcalamentales dans la théorib des fôrmes ;quadratiques 14, 1!
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MaitosPoRIDIES. — Les.—...........,.{alucraot.sns 61082
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Nouveau;x£. —: La mort apparente du —............ 902
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Évyres COMPLÈTES DE PASTEUR. — Publication
de 2- eme snite nee ennrmpeiaestes renom tif:
Or. — Les alcaloïdes de l —
Bi — L'avenir géologique de | — et de l'argent. Con-
séquences économiques et sociales................ 362
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OrGE DE Brasserie. — Culture de — et du houblon
Men, France. mere.» : CRE DR dar anse OU
ORIGIN OF SPECIES. — Materials for the study of Varia-
tion treated with especial regard to discontinuity in
re se Re RE SR ET mal SET ne |
OrriE. — Traité scientifique et industriel des Plantes
. - textiles, supplément au tome IL : L' —............ 1059
OrroGrare. — Notes sur l’ — simplifiée.............. 1020
OsCILLATIONS ÉLECTRIQUES. — Les —. Lecons profes-
sées pendant le premier trimestre 1892-1893 par
M. H. Poincaré, rédigées par Ch.Maurin.......... 983
OxxGèxe. — L’ — est-il un corps simple?............. 361
[A
Pa. — Le —. I. Physiologie, composition, hygiène.
II. Technologie, pains divers, altérations.......... 1060
ParéonroLocie. — Eléments de —, 2° partie.......... 900
Parasires. — Les — des habitations humaines et des
denrées alimentaires ou commerciales....,......., 1103
PASTEUR (L.). — Souscription internationale pour éri-
ger, à Paris, un monument à —..,..... een à os EE
Paraérique. — De l'origine du — et de la racine supé-
rieure du Trijumeau...... Mere: cepdee UT RD
PATHOLOGIE DE MADAGASCAR. — Conditions sanitaires
de Majunga à Tananarive. Hygiène du soldat et ac-
climatement du colon.. ete are 10
PATHOLOGIE GÉNÉRALE. — Les progrès de la —.....,,. 974
Pècues MarirIMes. — L'état actuel de l’industrie fran-
PARCS — + = se emerGrih nes So ete Use ns 109
Penpuce. — Les études récentes sur le —...... HR 401
PERFECTIONNEMENT ANIMAL. — Sélection et —......... 901
Pérrronire aIGuE. — Note sur la — généralisée asep-
tique. Quelques considérations sur la bactériologie
des suppurations péri-utérines.,........ rec -POU
PÉRITONITE TUBERCULEUSE. — La — chez les énfants., 189
PersPECrivE. — La — en Paosrapie
Puacocyrose. — La — normale..,.............
PHarMaciE. — Cours de —, t, Il, 6 Pharmacie chi-
mique. 1er fasc. Médicaments chimiques apparte-
nant à la Chimie minérale............... rer en OU
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influencées par des renversements fréquents de
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Breslau, HeftAl- re .te.2e ur as ne TT ce 102
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QUADRATISCHER GLEICHUNGEN. — Zur Formation —.... 825
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phie et aspect général de Madagascar. Le Sol, la
Flore, les Forèts. Les — et leur civilisation. ...... 650
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Recrum. — Chirurgie du —.....:. AE PME EPA SE TT
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RÉGÉNÉRATION DES 0S et Résections sous-périostées..,. 289
RÉSISTANCES EN ÉLECTRICITÉ. — La mesure des peti-
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REVUE ANNUELLE. — AgTONOMIC...................... 1008
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SÈLECTIoN et perfectionnement animal................. got:
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SOMNAMBULISME. — Le — provoqué et la Fascination... 986
SONNERIE ÉLECTRIQUE industrielle destinée aux endroits
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Soupax FRANÇAIS. — Question d'Afrique. — Le —.... 506
SOUDURE DES RAILS. — Le retour du courant dans les
lignes de tramways électriques et la —........... 980
SPECTRES ÉLECTRIQUES. — Les —..................... 519
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Sucre. — Remarques sur l'Industrie du............... 235
— Traité de la fabrication du — de betteraves et de
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SucRERIE. — État dela — en France
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— L'unification des méthodes d'analyse dans les tran-
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Suir. — Remarques sur l’Industrie du —.............. 425
Suirs. — L'’Industrie des — comestibles et industriels.. 412
SuPERPHOSPHATES. — L’Industrie des phosphates et —
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SUPPURATION. — PUS @L-——...................ecl La PE
SUPPURATIONS PÉRI-UTÉRINES. — Quelques considéra-
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Surraces. — Lecons sur la théorie générale des — et
les Applications géométriques du calcul infinitési-
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Sypgizis. — La — des centres nerveux............... 950
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— Contribution ‘à l'étude du — sous-intestinal des
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Taccackes. — Recherches sur l'anatomie de l'appareil
végélatif des — et des Dioscorées...,.............. 861
Tenrurier, — La pratique du —. I. Les méthodes et
les essais de teinture. Le succès en teinturê. IT. Le
matériel de teinture........ L Ms 22 TE k
Taéories chimiques. — Les ioyelles TN ee eme
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— et de l’Algébre supérieure. Conférences faites à
l'École normale rédigées et complétées par MM. E.
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TuéoRIE DU POTENTIEL. — Sur les développements en
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THÉRAPEUTIQUE. — Traité de — S de Pharmacologie
suivi d’un memento formulaire des médicaments
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THETAFUNCTIONEX. — Untcersuchungen über —.
Tissu MUSCULAIRE. — Le — dans la série animale...
Tæxras. — Lecons cliniques sur les — de l'homme... à
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ToxiNEes. — Les — ; Mécanisme de leur action.
ToxINE CHARBONNEUSE. — Sur la —.:.
TRAITEMENT DES BOIS. — Le — en France...
TRAITEMENT DES MALADIES par la Gymnastique suédoise.
TramMways. — Un nouveau système de — à conducteur
souterrain
TRANSFORMATEURS. — Les transports de force et les —
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TRANSMISSIONS ÉLECTRIQUES. — Les — 14
— Les usines à — aux Etats-Unis......... ; 557
TRANSPORTS DE FORCE. — Les — et les transformateurs
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I. Chimic physiologique. Toxicologie.
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TUBERCULOSES ANIMALES. — Les — ; leurs rapports avec
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des parois métalliques, des cylindres à vapeur..... 773
Vécéraïion. — Recherches sur le rôle physiologique
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VERTÉBRÉS. — Organes de nutrition et de reproduction
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— Sur le mode de résistance des — inférieurs aux in-
vasions microbiennes artificielles... Se 640
VERRERIE. -— La — depuis vingt ans......... 5 389
Vin. — Le — et les Vins de fruits......... ..........
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Vision. — La théorie chimique de la —........ Me 0
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